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Full text of "Histoire générale des voyages ou Nouvelle collection de toutes les relations de voyages par mer et par terre, qui ont été publiées jusqu'à présent dans les différentes langues de toutes les nations connues [microforme] : contenant ce qu'il y a de plus remarquable, de plus utile et de mieux averé dans les pays ou les voyageurs ont pénétré : touchant leur situation, leur étendue ... : avec les moeurs et les usages des habitans ... : enrichi de cartes géographiques nouvellement composées sur les observations les plus autentiques, de plans et de perspectives, de figures d'animaux, de végétaux, habits, antiquités, &c"

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Hiotographic 

Sdences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(71«)  872-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHIVI/ICIVIH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  institut  canadien  de  microreproductions  liistoriques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Instituts  has  attempted  to  obtain  the  beat 
original  copy  available  for  ffilming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantiy  change 
the  usuel  method  of  filming.  are  checiced  below. 


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Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


I      I    Covers  damaged/ 


Couverture  endommagée 

Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 


I      I   Cover  titi    missing/ 


Le  titre  de  couverture  manque 


r     I    Coloured  maps/ 


Cartes  géographiques  en  couleur 

Coloured  ink  (i.e.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 


I      I   Coloured  plates  and/or  illustrations/ 


Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 

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along  interior  margin/ 

La  re  Hure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  wlthin  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
havs  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pagee  oianches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 

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Commentaires  supplémentaires; 


L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 


I      I   Coloured  pages/ 


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This  item  is  filmed  at  the  réduction  ratio  checked  below/ 

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10X  14X  18X  22X 


Pages  de  couleur 

Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

Pages  restored  and/oi 

Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 

Pages  discoloured.  stained  or  foxei 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 


I      I    Pages  damaged/ 

I      I   Pages  restored  and/or  laminated/ 

|~T1    Pages  discoloured.  stained  or  foxed/ 


□    Pages  detached/ 
Pages  détachées 

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Comprend  du  matériel  supplémentaire 


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Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc..  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  imege  possible. 


26X 


30X 


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to  the  generosity  of  : 

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Archives  of  Canada 

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fiiming  contract  spécifications. 


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publiques  du  Canada 

Les  images  suivantes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
filmage. 


OrigJnal  copies  in  printed  paper  covers  are  filmed 
beginning  with  the  front  cover  and  ending  on 
the  lest  page  with  a  printed  or  lllustrated  impres- 
sion, or  the  back  cover  when  appropriate.  Ail 
other  original  copies  are  filmed  beginning  on  the 
first  page  with  a  printed  or  lllustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  lest  page  with  a  printed 
or  lllustrated  impression. 


6es 


Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 


The  lest  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symboi  — »>  (meaning  "CON- 
TINUED"),  or  the  symboi  y  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 


Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — »•  signifie  "A  SUIVRE",  le 
symbole  ▼  signifie  "FIN". 


re 


Maps.  plates,  charts,  etc.,  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom,  as  many  frames  as 
required.  The  following  diagrams  illustrate  the 
method: 


Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  è  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  è  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  è  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


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HISTOIRE 

GÉNÉRALE 

DES    VOYAGES, 

OU  ^ 

NOUVELLECOLLECTION 

DE  TOUTES  LES  RELJTIONS  DE  VOYAGES 
PAR    MER    ET    PAR    TERRE, 

^ui  ont  été  publiées  j  us  q.u'à  tr  é  s  e  n  t  dans  les  différente» 
^  Langues   de    toutes  les  Nations   connues: 

C   0  N  T  E  N  A   ^l  T  . 

.Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  ,  de  plus  utile  ^  àf  de  mieux  avéré ,  dam  les  Pays  oU  Us 

Voyageurs  ont  pénétré , 

Touchant  leur  Sîtuation  ,   leur  Etendue  ,  leurs  Limites ,  leurs  Divifions ,  leur 

Climat ,   leur  Terroir  ,   leurs  FrodutUox^a  ^   leurs  Lacs  ,  leurs  Rivières  , 

leurs  Montagnes  ,   leurs  Mines ,   leurs  Citez  CSc  leurs  principales 

Villes,  leurs  Ports ,  leurs  Rades,  leurs  Edifices,  ôcc. 

AVEC  LES  MOEURS  ET  LES  USAGES  DES  HABITANS, 

leur  Religion,  leur  Gouvernement,  leurs  Arts  et  leurs 

Sciences,  leur  Commerce  et  leurs  Manufactures; 

VQUR    FORMER    UN    SYSTEME    COMPLET   D'HISTOIRE    ET 

DE  GEOGRAPHIE  MODERNE,  ilUI  REPRESENTERA 

rÉTAT  ACTUEL  DE  TOUTES  LES  NATIONS: 
ENRICHIE   DE   CARTES   GEOGRAPHIQUES 

Nouvellement  compofées  fur  les  Obfervations  les  plus  autentiques  ; 

DE  PLANS,  ET, DE  PERSPECTIVES;  de  FIGURES  d'ANIMAUX, 
de    VEGETAUX,    HABITS,    ANTIQUITEZ,    &c. 

NOUVELLE     à  D  I  T  I  0  iV, 

Revue  fur  les  Originaux  des  Voyageurs ,  £?  où  Von  a  non-feulement  fait  des  Ad- 
ditions 6?  des  Correélions  très-confidérablesy 

Mais  même  ajouté  plufieurs  nouvelles  Cartes  &  Figures ,  qui  ont  été  gravées  par  &  fous  laDi- 
reftion  de  J.  vander  Schley,  Elève  diltingué  du  célèbre  Picart  le  Romain, 

TOME    ilUATORZIÈAIE. 

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A       L    A       H    J    r    E, 

Chez      PIERRE      DE      HONDT, 

M.    D  C  C.    L  F  I. 
Avec  Privilège  de  Sa  Majeflê  Impériale  ^  de  Nos  Seigneurs  les  Etats  it 


Hallmie  ^  de  ^eJî-FriJe, 


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AVERTISSEMENT 


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M^  L'ABBE   PREVOST. 

E  me  fuis  borné (a)^  fur -tout  pour  le  Japon,  à 

Ksempfer ,  qui  réunifiant  les  qualités  les  plus  diftin- 
guées  d'un  Voyageur,  nelailTe  à  délirer  qu'une  meil- 
|:  leure  forme  pour  la  perfedion  de  fon  Ouvrage  (b). 
Il-  fe  trouve  des  Relations  uniques,  que  cette 
raifon  oblige  quelquefois  de  confèrver,  làns  égard  pour  leur  fé- 
chereiTc  &  leur  ^jcfantsiur.     TcUoe  font  celles  qui  font  Touv^rture 


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(a)  Ceci  n'eft  que  la  fuite  dcl'Avertifle- 
ment  qui  fe  trouve  à  la  tôtc  de  nôtre  précé- 
dent Volume.    R.  d.  E. 

(  6  )  On  peut  voir ,  dans  la  Préface  de  M. 
Ifaudé,  Traduftcur  de  Kaempfer,  &  dans  le 
neuvième  Tome  de  la  nouvelle  Hifioire  du 
yapon,  combien  de  Relations,  d'Hifloires, 
d"Aftes,  de  Lettres,  &  d'autres  ëclaircifle- 
mens ,  on  a  publié  fur  cette  fameufe  Contrée. 
On  y  comité  peu  de  Voyageurs,  qui  méri- 
tent proprement  ce  nom ,  &  la  plupart  ont 
déjà  paru  dans  les  premiers  Tomes  de  cet  Ou- 
vrage. Ceux  qui  feroient  tentés  de  regret- 
ter qu'on  n'ait  pas  fait  entrer  ici  les  Ambafja- 
des  mémorahtes  de  la  Compagnie  HoUandbife 
aux  Empereurs  du  Japon ,  doivent  fçavoir 
qu'elles  fmt  abfolument  décriées.  Voici  le 
jugement  qu'en  porte  le  Tradufteur  de 
Kaîmpfcr:  „  Ces  fameufes  Ambalfades  furent 
„  d'abord  décrites  en  Flamand  par  Arnoldus 
„  Montanus  ,  &  publiées  à  Amlterdam  en 
„  1669,  in-fol.  Il  en  parut  une  Traduftion 
„  Angloife  de  Jean  Ogii/iy ,  en  1670,  &  une 
„  Françoifc  en  iô8o,  avec  quelques  change- 
„  mens  &  quelques, Additions;  mais  les  mê- 
„  mes  Planches  fervirent  pour  les  trois  Edi- 
„  tions  Cet  Ouvrage  ne  répond  ni  aux  dé- 
„  pcnfes  (ju'on  fit  pour  l'imprimer,  ni  aux 
„  promcfles  magnifiques  du  Titre,  ni  cniiu 


„  à  l'accueil  favorable  qu'on  lui  fit  dans  le 
„  Monde;  outre  qu'il  eft  plein  de  longues 
„  digreiTions,  fouvent  étrangères  au  fujet. 
„  Malgré  ce  qu'on  avance,  qu'il  eft  tiré  des 
„  Mémoires  &  des  Journaux  des  Ambaffa- 
„  deurs  mêmes,  je  crois  que  fi  l'on  en  re- 
„  tranchoit  ce  qui  eft  copié  des  Lettres  des 
„  Jéfuites,  &  d'autres  Auteurs,  le  refte  fc 
„  trouveroit  réduit  à  peu  de  feuilles.  D'ail- 
„  leurs,  la  meilleure  partie  des  Planches, 
„  qui  font  les  principaux  embclliflemens ,  & 
„  pour  ainfi  dire  l'ame  des  Ouvrages  de  cct- 
„  te  cfpèce ,  ne  peut  fervir  qu'à  jetter  dans 
„  l'erreur,  parce  qu'elles  repréfentent  les 
„  chofes,  non  comme  elles  font,  mais  com- 
„  me  le  Peintre  les  imaginoit.  Quant  à  la 
„  Defcription  même,  il  faut  avouer  que  le 
„  Public  a  quelque  obligation  à  l'Auteur,  d'a- 
„  voir  ramalfé  tout  ce  qui  avoit  été  dit  fur 
„  ce  fujet,  &  qui  étoit  difperfé  en  je  ne  fais 
„  combien  de  Livres".  Préface  du  Traduc- 
teur. Le  P.  de  Cbarhvoix  ajoute ,  à  cette  cri- 
tique, qu'il  n'y  a  nul  ordre  dans  l'Ouvrnge,. 
que  tout  y  eft  plein  de  redites  &  de  contra- 
diélions,  &  qu'on  y  défigure  prefque  tou- 
jours ce  qu'on  a  tiré  d'ailleurs;  en  un  mot,, 
qu'il  ne  peut  être  d'aucun  uf;ij;e,  que  l'Our 
quelques  points  de  Géographie.  Hijt.  du. 
japon ,  Tome  IX.  pag.  53, 


n      AVERTISSEMENT  de  Mr.  i/ABBr  PREVOST/^  ; 

tics  Voyages  par  le  Sud-Oueit.  Mais  j'ai  pris  foin  de  les  relever 
par  divcr/ès  Delcriptions,  qui  leur  lèrvent  d'intermèdes  (  f  ) ,  & 
par  TArticlc  du  Japon  ,  pour  lequel  je  me  promets  iiardiment 
tous  les  fufFrages.  La  fuite  des  mêmes  Voyages  doit  faire  efî)C- 
rcr  plus  d'agrément  3  li  j'annonce  qu'elle  contiendra  les  Relations 
•de  Drakc  <i  de  Xarborougb^  de  M.  Frejicr,  de  M.  Jnjhn,  <Scc. 
avec  leurs  Cartes,  &  tout  ce  qui  peut  lèrvir  à  l'illuftration  de  la 
route  aux  Indes  Orientales  par  le  Sud-Oucll:.       "■  ^       ^  "  ^ 

Ne  limlfons  pas  fins  féliciter  nos  Leflcurs,  des  éclairciflemcns 
que  M.  de  Lille  vient  de  leur  procurer  liir  les  pages  306  &  321 
de  la  Defcription  du  Japon ,  dans  une  belle  Carte ,  qui  contient 
les  nouvelles  découvertes  au  Nord  de  la  Mer  du  Sud.      -^     '  -^ 

Ajoutons,  pour  aller  au-devant  des  moindres  reproches, 
qu'en  nous  fervant  des  termes  de  Hiérarchie ,  de  Clergé ,  de  Pré- 
lats, de  Monaftéres,  &c.  dans  l'Article  qui  regarde  la  Reli- 
gion du  même  Pays,  nous  en  connoviTona  un©  «.ppUcation  plus 
faintc,  pour  la<iuclle  nôtre  rcfpedl:  eft  tel  qu'il  doit  être.  Mais 
c'cd  un  langage  reçu,  auquel  il  ne  feroit  pas  aifé  de  iuppléer, 
&  qui  eft  autorifé  par  l'exemple  de  nos  plus  religieux  Ecrivains, 


(c)  On  en  a  détaché  les  Dcicriptions  ôcs 
Iflcs  Mariancs ,  des  ifles  Philippines  (s.  do 
rille  de  Celcbes ,  ou  Macalllir ,  qui  reparoi- 


tront   dans    le  Volume    fuivant ,   avec  dc3 
augmentations  conlldérables.  K.  d.  K. 


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Miiis 
ppléer  , 
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avjc   dc3 
,  E. 


AVERTISSEMENT 


1  '  .»n  "•• 


DES 


EDITEURS  DE  HOLLANDE. 


AVER- 


ANT I N  ,  nous  avons  la  faîisfaâion  de  publier  un  nouveau  Volume  de 
1  /'Iliftoire  Gcncrale  des  Voyages,  que  le  feul  article  ^^  Pondi- 
chery  a  du  faire  attendre  avec  quelque  impatience.  On  s'étoit  en' 
gagé  à  le  rendre  infiniment  plus  ihtérejjant  qu'il  ne  pouvoit  l'être  dans 
l'Edition  de  Paris;  £5*  c'ejl  à  quoi  nous  avons  appoiié  tous  nos  foins. 
L'ilifloire  de  ce  célèbre  Etabli/Jernent  François,  que  M.  Prevoft  na- 
loit  polluée  quii  Vanuoe  1 74 1 .  fc  trouvc  Continuée  ici  jufqu'au  tnoment  oii  mus 
écrivons.  Ce  curieux  Supplément  offre  ime  Keiaïk.r.  finvie  des  derniers  Trou- 
bles de  rinde,  dont  on  n'a  que  des  idées  fort  confvfes  en  Europe,  ^  dévelope , 
avec  une  impartialité  fans  doute  plus  réelle  qu  apparente ,  les  motifs  dt intérêt  particu' 
lier ,  qui  ont  mis  les  armes  à  la  main  à  des  Sujets ,  dans  une  Partie  du  Monde ,  tan- 
dis  que  leurs  Souverains  étoient  en  Paix  dans  l'autre.  Le  fimple  récit  de  ce  qui  s'cfl 
paffé  dans  la  bruyante  affaire  de  Madras ,  pendant  la  Guerre  entre  la  France  ^  l'ÂU" 
gletcrre y  fcrvira  peut-être  également  à  caractérifcr  les  Auteurs  de  ces  nouveaux  dé- 
mêlés,  ^  à  jujlifier  nos  conjectures  fur  la  nature  de  leurs  eutrcprifes.  Qiioiquil  en 
fuit ,  nous prutcjlûus ,  que  nous  n'avons  eu  uniquement  que  la  vérité  en  vue,  ^  nos 
efflrts  pour  la  découvrir  répondent  de  la  pureté  de  nos  intentions.  Les  Mémoires 
tieM.  de  la  Moiirdonnais,  â?  /a  Relations  desMilVionnaires  Danois  de  Tran- 
qiicbar,  font  d'ailleurs  nos  Garants.  Quand  nous  n  canons  réuff  qu'à  faire  ronnoî- 
tre  les  principales  Parties  ^  les  Caufes  de  cette  Gueire,  que  d' autres  ont  *  ihj  d'é' 
claircir  ,  inais  avec  moins  de J]iccès ,  nous  croirions  avoir  mis  le  Lecteur ftjj.f.'nmcnt 
en  état  de  décider  la  quejiion  par  lui  ■  même. 

On  a  eu  l'attention  défaire  précéder  ^  fuivrc  cet  Article ,  de  deux  antres  Mor- 
ccaux ,  qui  en  augmentent  beaucoup  le  prix,  ^  qui  forment  enfemble  un  Ouvrage  uni- 
que en  fon  efpèce.  Ce  font  les  Delcriptions  de  l'Inde  Méridionale  ^  de  la 
Cote  de  Coroinandel;  La  première ,  qui  fe  borne  à  l'intérieur  des  Terres ,  cmbraf- 
fant  la  Géographie  àf  l'HiJtuire ,  ouvre  d'abord  le  Théâtre  de  la  Guerre ,  par  ime 
Carte  très-curieufc  ,  àf  prépare  l'efprit  à  la  liaifon  des  événemens  futurs  avec  ceux 
des  tems  paljés.  La  féconde ,  qu'on  étend  aux  Places  Maritimes  ,  fitnées  entre  le  Cap 
Comorin  ^  le  Gange ,  fert  à  repréfenter  l'état  actuel  des  Etabliffemcns  Européens , 
dont  les  uns  peu  connus  ^  comme  ceux  de  Tranquebar  £5*  ri'Ougli,  ^  d'autres  plus 

*  3  célèbres. 


vj  AVERTISSEMENT  Des  EDITEURS  de  HOLLANDE. 

célèbres,  tels  que  St.  Thomc  ^  Madras,  nom  ont  pni  demander  des  Cm  es  y  des 
Plans  ^  des  rues,  qui  ne  fauroient  manquer  de  plaire  au  Public,  6?  de  fat isf aire 
fa  curiufitè  à  divers  égards. 

\]  ti  quatrièmes  dernier  Supplément,  que  nous  ajoutons  à  r  Edition  de  Paris  fCfl  celui 
(/«Nouvelles  Obfcrvations  plus  p  rciculicrcs  llir  la  Culture  i^iiCdÏÏc  :,Obfcrva^ 
tions  qui  avoicnt  èchapé  h  M.  Prevojl ,  fcf  qui ,  faites  dans  une  réfidence  de  plufieurs 
années,  méritaient  d'être  recueillies  préférablemcnt  aux  Remarques  pafja'^ères  des  pre- 
miers Voyageurs.  On  y  apprend  encore  r  Eîablijfement  d'un  Comptoir  François  à 
Mocka,  S  de  quelle  façon  le  CaJJ'é  a  été  porté ,  de  l'/lrabie  hcureufe ,  dans  les  IJÏes 
de  France  ^  de  iiouroon,  dont  la  Defcription,  qui  rejloit  depuis  longtems  en  ar- 
rière  ,fc  trouve  ici  (ï autant  mieux  à  fa  place.  Le  fécond  Voyage  de  l  Arabie  heureu- 
fc  étnit  inféré  avant  les  deux  dernières  pages  du  premier  ;  maïs  il  a  paru  plus  convena- 
ble à  r  ordre  des  tems  de  le  faire  fuivrc. 

L  A  Defcription  du  Japon  a  reçu  aufft  des  améliorations  conftdérabks.  M.  Pre- 
vofl  avoit  partagé  /'Hiltoire  Naturelle  de  cette  Contrée ,  dans  deux  Volumes  diffé- 
rens,  qui  contenaient  fort  fouvent  les  mêmes  chofes ,  avec  plus  ou  moins  de  circonjtan- 
ces.  On  a  pris  la  peine  y  non  feulement  de  fondre  ces  deux  articles  en  un,  mais  en- 
core défaire  un  nouveau  triage  des  matières ,  ^  de  les  ranger  fous  divers  paragraphes 
avec  tout  Pordre  poffible.  La  plupart  des  nome  japonais  étaient  défigurés  dans  l'Edi» 
tion  de  Paris ,  fcf  la  nôtre  enrichit  cet  Article  important  Je  dix  ligures  choijîes. 

Les  A\:igmenv^'^\o'^^  de  ce  Volume  fe  montent  à  plus  de  vingt-deux  Feuilles» 
fans  compter  celles  qui  font  corps  avec  P  Ouvrage  de  M.  Prevojl ,  ^  qui  fervent  à 
féclairciry  ou  à  relever  des  erreurs  confidérables  (a).  On  a  continué  à  corriger ,  fur 
le  Texte  même ,  une  infinité  dt autres  fautes  moins  importantes.  Ce  Volume  con- 
tient en  tout  vingt  Cartes  6c  Figures ,  qui  ne  fe  trouvera  point  dans  t Edition  de 
Paris. 

On  a  été  obligé  de  détacher  ,  des  premiers  Voyages  parle  Sud-Oueft,  les 
Defcriptions  que  r  Avertijfement  de  M.  Prevofl  annonce,  6*  qui  font  celles  des  Ifïes 
Marianes ,  des  Iflcs  Philippines, G*  de  l'IJÎe  de  Macaflar,  ou  Celebes.  Ces  De- 
fcriptions, fur  tout  la  dernière,  qui  n'eft  qu'un  tiffu  des  calomnies  atroces  £5*  tnjufles 
de  P  Abbé  Garvïiii'ti  contre  la  Nation  Hollandoife ,  demandaient  S  être  revues  avec  foin, 
S  nous  les  promettons  pour  le  Volume  fiàvant ,  que  nous  comptons  de  publier  au  commen- 
cement de  l  année  prochaine.  .      . 

(a)  On  a  renfermé  les  Additions  du  Texte  entre  deux  crochets ,  &  celles  des  Notes  fonr 
iliiliiigiiécs  par  les  Lettres  R.  d.  E. 


Pt\ 


€$ 


O 


CATALOGUE 


DE. 

atisfaire 


,  cjl  celui 
'JbJ'erva>' 
pluficun 

(les  pre- 
auçuis  à 

les  IJles 
is  en  ar- 
e  heureu- 

convcna' 

M.  Prê- 
tes d'ijfé- 
îrconjtm- 
tnais  en- 
rc^raphes 
ns  fEdi' 
fies. 

Feuilles  ♦ 
fervent  à 
nger,fur 
luine  con- 
Edition  de 


lefl: ,  les 
des  IJles 
Ces  De- 

'  tnjujîes 

wecfuin, 

commen- 


»fotcs  font 


CATALOGUE. 

P.  DE  IIONDT,  Libraire  à  la  Haye,  a  imprinid  ; 


LOGU£ 


Novus  Thcfaurus  Jiiris  Civilis  &  C.inoni- 
ci ,  in  quo  juiidim  cxhibcntur  varia  & 
rarilîinia  optiinonim  Intcrpritum  ,  iinpii- 
niis  Hifpanortiin  &  Galloriim,  Opcra:  u- 
iruinquf  Jus  ex  huinanioribus  Littoris ,  ac 
vcttris  M\\  iVlonumentis  illiiflrantia;  ex 
Mulico  G.  Meermanni ,  JCti  ex  Syndici  Ro- 
tcrodaincnfis.  Vil  vol.  Hagx  Coin.  1 7  5 1 .  fol. 

-  -  -  -  Idem  Liber ,  Charta  inajori.  Vil  vol. 
folio. 

Elfay  fur  riliftoirc  Naturelle  des  Coralines , 
&  d'autres  l'roduftions  Marines  du  mânic 
genre ,  qu'on  trou  /e  fur  les  Côtes  de  la 
Grande  Bretagne  &  d'Irlande  :  auquel  on 
a  joint  une  Defcription  d'un  grand  Polype 
de  Mer  pris  près  du  Pôle  Arfticiuc  par  des 
Pêcheurs  de  Baleine  ,  pendant  l'Eté  de 
i7S3i  par  Jean  Ellis,  Membre  de  la  So- 
citicé  Royale.  Cet  Ouvrage,  traduit  de 
l'Anglois ,  ell  imprimé  en  grand  Quarto  & 
orné  de  quarante  Planches ,  très-bien  gra- 
vées. 1, 'Auteur,  connu  pnr  d'autres  ex- 
cellens  Ouvrages  qui  font  Ibrtis  de  fa  plu- 
me,  y  a  décidé ,  par  les  Obfervations  les 
plus  exaftes  &  les  plus  curieufes,  laQuef- 
tion  qui  partage  ceux  qui  s'appliquent  à 
l'Etude  de  l'iliftoire  Naturelle  da  Co- 
raux, des  Eponges,  &c.  On  y  voit  les  Fi- 
f;ures  des  diverfes  efpèces  d'Animaux  qui 
labitent  ces  différens  Corps.  A  la  fin  on 
y  a  ajouté  la  Defcription  du  meilleur  Mi- 
crofcope  dont  on  puilfe  faire  ufage  pour 
celte  forte  d'Obfervations.  Haye  1756.410. 

-  -  -  -  Le  môme  Livre  en  grand  Papier,  dont 
les  Eftampcs  font  très-proprement  enlumi- 
nées d'après  Nature. 

ElTay  fur  l'Hilloire  Naturelle  de  la  Mer  A- 
driatique  ,  traduit  de  l'Italien  de  Mr.  Do- 
nati,  Profefleur  à  Turin,  par  Mr.  Cajîil- 
/o)»,Profefreur  dans  l'Uni vcrfité  d'Utrecht, 
avec  Figures.  Sous  Preiïe ,  4to. 

Diptychon  Magni  Confùlis  ,  nunc  primum 
luce  publica  donatum,  Animadvcrfionibus- 
que  Chriftopliori  Saxii  ,  in  Univerfitate 
Trajeftino  -  Batava  Profeflbris ,  illullratum  ; 
cum  Fig.  fol.  Jub  PtkIo. 

La  Conduite  des  François  par  rapport  à  la 
Nouvelle-Ecosse;  depuis  le  premier  Eta- 
blilfement  de  cette  Colonie ,  jufqucs  à  nos 
jours  :  Ouvrage  où  l'on  expofe  la  foiblefle 
"des  Argumens  dont  ils  fe  fervent  pour  é- 
luder  la  force  du  Traité  d'UTRECiiT ,  & 
pour  juflifier  leurs  Procédés  illégitimes. 
8vo.  à  la  Haye  1753. 

Répoiue  à  la  Lettre  inférée  dans  la  Gazette 
d'Utrecht  du  8  Sept.  1755.»  avec  des  Re- 


marques fur  1.1  Difaifllon  fommairc  fur  lc<; 
Anciennes  Limites  de  VAcadie.  8vo.  à  la 
Haye  1756. 

Lettre  du  Duc  de  Newca.stlr  ,  écrite  par 
ordre  de  Sa  Majesté  ,  à  Mr.  Micbtll , 
Secrétaire  d'Ambalfade  de  S.  M.  Prus- 
sienne ,  en  Réponfe  à  l'Expolition  des 
Motifs  du  Roi  de  Prusse  ,  &  au  Mémoi- 
re &  autres  Papiers  remis  par  ledit  Sr.  Mi- 
cbell  au  Duc  de  Newcaflle ,  au  fujet  des  fai- 
fies  faites  en  Silesie.  8vo.  à  la  Haye  1755. 

Lettre  d'un  Anglois  à  fon  Ami  à  la  Haye , 
contenant  une  Relation  authentique  de  ce 

âui  sert  pafTé  entre  les  Cours  de  Londres 
;  de  Verfailles  ,    au  commencement  des 
Troubles  préfens.  à  la  Haye  1756.  8vo. 

Réplique  des  Commliraires  Am^lois ,  ou.  Mé- 
moire préfentéaux  Commiflaires  de  Sa  Ma. 
jellé  Très-Chrétienne ,  le  23  Janvier  1753., 
en  Réplique  à  leur  Mémoire  du  4  Ocl:. 
1751.  ,  concernant  la  Nouvelle  Ecofle  & 
l'Acidie;  avec  une  Carte  enluminée  de  la 
Nouvelle  Ecofle,  &  du  Cap  Breton,  de 
niciiiv;  .^«o  ^Us  Parties  adjacentes  de  la  Nou- 
velle Angleterre  &  dvi  c.unada.  à  lu  Haye 
1756.  8vo.  NB.  La  Carte  ic  vend  auflî 
féparément. 

Nouveau  Diftionaire  Hiftorique  &  Critique , 
pour  fervir  de  Supplément,  ou  de  Conti- 
nuation, au  Dictionaire  Hiftorique  &  Cri- 
tique de  Mr.  Pierre  Bayte,  par  Monfieur 
Jac(iues  George  de  Cbauffepii.  à  la  Haye 
1751.  à  1756.  4  vol.  fol. 

L'Hilloire  Naturelle  Gencrple  &  Particulière 
avec  la  Defcription  du  Cabinet  du  Roi , 
par  Mrs.  Buftbn  &  d'Aubenton  ,  3  vol. 
4to.  avec  des  Figures  gravées  parVANDER 
Schley.  Cet  Ouvrage  contient  entre  au- 
tres, l'Hiftoire  &  la  Théorie  de  la  Ter- 
re- La  Formation  des  Planettes-  La  Pro- 
duftion  des  Couches  ou  Lits  de  Terre- 
Les  Coquilles  &  les  autres  Productions  de 
Mer  qu'on  trouve  dans  l'intérieur  de  la 
Terre—  Les  inégalités  de  la  furface  de  la 
Terre—  Les  Fleuves ,  les  Mers ,  &  les 
Lacs—  Le  Flux  &  le  Rellux—  Les  inéga- 
lités du  fond  de  la  Mer  &  les  Courans— 
Les  Vents  réglés—  Les  Vents  irrégu- 
liers, les  Ouragans,  les  Trombes  &  quel- 
ques autres  Phénomènes,  caufés  par  l'A- 
gitation de  la  Mer  &  de  l'Air—  Les  Vol- 
cans &  les  Tremblemens  de  Terre—  Les 
Ifles  nouvelles,  les  Cavernes,  les  Fentes 
perpendiculaires—  L'Eftet  des  Pluyes ,  les 
Marécages,  les  Bois  fouterrains,  les  Eaux 
foutcrraines—  Les  Chan;jcuiens  des  Ter- 
res 


/ 


CATALOGUE.    > 


rc«  en  Mers,  &  Mers  en  Terres---  I.'IIil- 
toire  Naturelle  iks  Animiux  ^:  celle  de 
l'HoniiiK'.  />fJ  'J'umes  IV.  6i  \'.  Je  at 
.  Oii\r;if;c,  «jui  ("ont  fo\\>  l'riiVe,  eoiuiiii- 
droiit  dis  l'icCLs  (]iii  ne  le  trouvent  pas 
diiMs  l'iùlition  lie  l';iris  &  par«>!tioiii  in- 
co(r;ininient.  Quoiqu'on  les  exceute  avec 
toute  l;i  propretti  i-olFible,  on  pourra  pour- 
tant les  Kvoir  à  un  tiers  moins  «lue  l'EJi- 
tion  lie  Paris. 

-  •  •  -  Le  nièuie  Livre  en  grand  l'apier. 
Ililloirc  Naturelle  des  Oijeaux,    par  M.  E. 

jHhitit  :iv\c  les  Notes  de  Derbam,  ;\  lj 
Haye  1750.  3  vol.  in  4to. ,  l'ur  du  Papier 
Royal,  avec  plus  de  300.  Kllauipes. 

-  ■  •  -  le  inônie  Ouvrage ,  peint  en  Migna- 
ture,  avec  les  Couleurs  du  Plumage  de 
chaque  Oifeau,  tirties  d'après  Nature. 

Ililloirc  des  XVW.  Provinces  des  Pays  Bas , 
depuis  l'Abdication  de  l'Iùnpereur  Charles 
y>,  en  1555.,  jufqu'à  la  Paix  de  Bade, 
par  Mr.  van  Loon,  à  lu  Haye  1736.  5  vol. 
avec  plus  de  3000  Médailles. 

Hiftoire  de  Cbarlts  XI L  Roi  de  Suéde,  par 
Mr.  de  Nordberg.  Haye  1748.  4  vol.  4to. 
N]}.  Comme  on  a  dé-bitti  tant  de  Contre- 

•  ve'rités  fur  le  chapitre  de  ce  g»»"*^^  .V''.'"" 

•  ce ,  on  a  eu  foin  «le-  munir  cette  hduion 

i  de  plu»  «Je  200  Pièces  Originales,  qui  en 

f  détrulfant  ce  que  certains  Auteurs  mal  in- 

.,   formés    ont    eu    l'imprudence    d'avancer 

dans  leurs  Ecrits,  confirment  en  mème- 
tems  les  Faits  les  plus  importuns  de  cet- 
te Hllloire. 

-  -  -  -  le  même  Livre  en  grand  Papier. 

Les  Avantures  de  Don  Quichotte  ,  rcpréfen-^ 
tiies  en  l-igurcs,  par  Coypel  ,  F  kart  le 
Romain ,  &  autres  habiles  Maîtres  ,   avec 

.  les  Explications  des  XXXI.  Planches  de 
cette  magniliqnc  Collection ,  tirées  de  l'O- 
riginal Efpagnol  de  Miguel  de  Cervantes. 
à  la  Haye  1746.  in  410.  ;  ; 

-  •  -  -  le  même  Livre,  in  fol. 

Li  Bibliothèque  Univtrfellc,  Choilîe,   An- 


cienne &  Moderne,  par  le  célèbre  Mr. 
Le  Clerr.  «3  vol.  in  12". 
La    HiMitithei]u^'    Hrirarnique  ,    ou  Ililloirc 
des  Ouvrages  dis  Savan»  de   la   Cirande- 
IJretagne,    par   une  Société   de   Cns  di- 
Lettres   à  Londres,    à  lu  lliyc  1734.,   ti 
fuiv. ,  50  parties,  in  8vo. 
Remarques  HilU)ri«]ues,    Critioucs    &   Phi- 
lologiques  fur    le    Nouv.    'Icllani. ,    par 
Mr.  Heaujuire  le  Péie.  Haye  1742.  2  vol. 
in  4to. 
Difcours  Hifloriques,  Critiques,    Théologi- 
ques &   Moraux,   fur  les  Evénemcns  les 
plu^  mémorables  de  l'Ancien   &  du  Nou 
vcnuTetlament,  par  Mrs.  Saurin,  Roques 
&  Ikaufolue;  avec  les  belles  Kftampes  df 
Mrs.   Hoet,  Houbruken,   &  Picart.    à  l» 
Haye ,  6  val.  in  foiio ,  Jur  du  Fapier  Mé- 
dian, 
•  -  -  •  fnr  du  Papier  Royal. 
-  -  -  -  Jur  du  I^apter  iiu[nrroyal. 
.  -  •  -  Les  Volumes  réparés  de  cet  Ov\vf.\. 
ge,    fur  du  Papier  iini'érial,   Superroial , 
Roial  &.  Médian. 
Jof.  Km.  MiiiianîB  de  Bello  Ruflico  Valenti- 
no,  libri  trcs.  (tvc  .  Hilloria  de  Ingrclfu 
AuUrlacorinn  Focderatorumque  in  Ilepiuni 
ValeiUix:  ex  Bibliotheea  Gcorgii  Majanlii. 
Jlaf^a:  Comituw  1752.  8vo. 
L.  Svclani,   (^,  Filii  ,    de  tota  Grxculonnn 
hujus  iEuitis  Litteratura ,    Sermones  qua- 
tuor ;    accelFere    ad  eorum   Defenlionem 
Quintus  &  Sextus.  Haf>(e  Com.   1752.  8vo. 
Guill.  Ferrarii  de  Rébus  Geftis  Eugcnii ,  Prin- 
cipis  a  Sabaudiu,  Bello  Pannonico,   Libri 
111.  Hagct  Com.  1 749,  8vo. 
Joli.    Chriftcu).    Struchtmeyeri ,    Theologia 
Mythica,  rive,  de  Origine  Tartari  &  Ely- 
fii  libri  quinque:    quibus  oftenditur.   Fa- 
bulas Gcntiliunj  de  Diis,  eorundemqueRi. 
tus  Sacros,  unice  deduci  &  cxplicari  debc- 
re  ex  Religione  PrimiOrbis,  Myfleriirque 
SacroSanftis,  de  Dec  uno  &  trino ,  Chri- 
llo,  Spiritu  Sanfto,   &  Regno  Dei  intet 
homines.  Haga  Com.  1753.  8vo. 


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HISTOI- 


élibrc  Mr. 

ou  Ililloirc 
lu  Grniidc- 
le  («.lis  lli.' 
»  1734..   ^ 

les  &  Plii- 
:llam. ,  pur 
1742.  2  vol. 

,  Tliéoloni- 
tî'iicmcns  les 
&  du  Nou 
rin,  Roques 
K(l:unpcs  lie 
Picart.  à  /« 
l'apier  Me- 


cet  OttVTA- 

Supcrroial , 

lico  Valeiiti- 

dc  InRrcflii 

ic  In  RcRTiuiu 

rgii  Mujanlii. 

Grxculoniin 
rmoncs  qua- 
Dcfctilioncin 
.  1752.  8vo. 
lugenil ,  Prin- 
unico,   Libri 

,  Thcologia 
artari  &  Eiy- 
xndiuir ,  Fa- 
indcniquc  Ri« 
xplicari  dcbc- 
Myflcriifque 
,  trino,  Chri- 
no  Dci  intcx 
Bvo. 


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TONEEL     DE. s 

Voofiiaaine  PlHat.<i.  1^  Pao'od«>  of  Hfirlpl 


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CÉ'KjiAtOAT/K    NurTtAhS  du  ^.IPOJST.  \\   ÏR  O  D  W-KkOTIGHKBDKN  i7  JAPAK    ' 

HISTOIRE 

GÉNÉRALE 

DES   VOYAGES, 

Depuis  le  commencement  du  xv™^  Siècle. 
QUATORZIÈME  PARTIE. 

Suite   du    L  I  F  R  E     TROISIEME. 

Voyages    dans    la    Presq.u'isle    en 
DEÇA   DU    Gange. 


[Defcription  des  Royaumes  de  Tanjour^  de  Marava^  de  Maduré^ 
de  Alaiffbur,  de  Gingi  ^  de  Carnate. 

^  A  fameufe  Prefqu'Iflede  l'Inde  en  deçà  le  Gange,  fe  divifoit 
anciennement  en  trois  grands  Royaumes,  Chora  Mandalam^ 
Panii  Mandalam  &  Tonda  Mandalam.  Choren ,  Pandi  &  Ton- 
da,  font  les  noms  de  trois  Rois,  célèbres  dans  l'Hifloire 
Indienne,  &  dont  les  Succefleurs  ont  régné  longtems  fur  ces 
Parties.  Mandalam  fignifie  Royaume.  Les  limites  de  ces 
trois  Etats ,  qui  comprenoient  toute  cette  valle  étendue  de  Pays  entre  le 
Cap  Comorin  &  le  Gange ,  ne  font  point  fixées  par  les  Auteurs  :  Ainfi , 
fans  s'arrêter  à  une  divifion  peu  certaine,  nous  paflerons  à  la  Defcription 
particulière  des  i'ix  principaux  Royaumes  de  l'Inde  Méridionale ,  con- 
Ji/r.  Part.  A  nus 


Descrijtîow 
nu  l'Inde 

MÉRIDIONA- 
LE. 

Ancienne  di- 
vifion de  la 
Prcsqu'Ifle. 


Divifion  ac- 
tuelle. 


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■^-:m^^.''.'-^t 


TONEEL     DE«     OORLOCÎS     op     dk      KUST, 

Yooi-naniuf-  Fltiatf .  lik  Pa^(|^-o<lp  of  HriJriifè    Tviiipel . T  VprLMpInat  (    vnii   prii  Nnliab,  oF  IVtoovKr    C 

•  Niid'i  -  Iiiiis,  RtiUltiiyr.pii    voor  cte  Rp^ 


»lyjcc  JUcno-t»  v«n  Vaaryi 


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-EaUAn- 


'ja»ulSiiiC^^/^ 


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SkfUrfiit  ■' 


N,Olu  Kattr^fuvJ 


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Golfe 


T-YuxARir, 


tytùtr 

iiba»Fatnax  ,A/U/l 

l^labûram»  Mcbapui- 
tomc  j/bi-t- 

timaJUmiiAm 


nlu-liurjun 


'./Eêj^. 


piirnn 


B  E  N  G  AL  E'^Vs 


abelon.KobolAm 


pAliuun 


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f^^'i^ 


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f  xmÊAdft 


k^trujnjd  y 


Vîhra-vutJt~ 


..^A/', 


\fr*Màà,.iOf 


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.^jjèl^.»^»***'; 


»P«*W-^       /  i«!.? 


DiJDiciunu  ^*^V 
riiiii-k>ip»m?/!^/i('. 

David.. i^/ 
PumdùrKiuUlurocGudehu- .  (C'y/ 

l-lUniUrwKporti^Mjihmud , 
v■/f^:i^  (r#f  Porto  Nov<vi^E^ 

nbaïaiu,   Shrlmcron 
nbrum  .vZ'i'/v  fMaM 


Vi 


m-koW«y.^/ 


THEATRE  DE  LA  GrJERRE\ 

lier   la    Cote 

■'-1 

S  JJE 

COROMANDEL 


ri-pktntm 


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JlFulliruk 


AVeAMBtJBI  cwTSAD  eABAK  2)<Vl 
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ftrM      A. 


'nrit-waJur 


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JS/V-ÂM-M 


l-ifc»!  /r^/l^. 
j/tt/nvot 

iIbga-Patnam  .  i<?<{' 


r.  V^i3\tk\atiMMtK*//umfni 


vMém 

t\y\x  LeiiQ-te  vali  LonJai 


'Ut{f    ûrieriùt/f 


^fi/t/^/ys  . 


y^frf-  J'/'i/u-^   I/ii/if/i    . 
•  iStctft  /rifts ,   J^m/irm<'ns  ,  ou  OtAv 

Echelle  . 


£nvJirlv>2M  Mylat  vau  io  iii  rai  GvikA. . 


£ii^<ftlu  Mvleii  van  bçi^  iii  im  Gi-aflJ  , 


op    PK     KUST     VAN    C  H  OBiOMAND  EL(  . 

|ilant«    viiii  ceii  Nnbab,  of  Mo^^-oiïè    Gouverneur.  itVti-fclytjiUat*  Vati  eeii  HiUiRg'iU', ol'liiviiLicUanMfr  Yoi-ft 
•i-Iiiiis,  RiiftliiiyKFii   voor  Av  Rpvzi^>•p|•«  . 


Descriptio^t 
DE  l'Inde; 

MÉllIDIOMV 
LE. 

Royaume  de 
Tanjour. 


Ses  principa- 
le? Places. 


î         -.  ^v       DESCRIPTION     DE    LA 

nus  aujourd'hui  fous  les  noms  de  Tanjour ,  de  Marava ,  de  Maduré ,  de  ;' 
Maiffhur ,  de  Gingi  &  de  Carna^.  \\ 

I.  Le  Royaume  de  Tanjour,  ou  Tanjaor,  comprend  la  plus  grande  par-  ' 
tie  de  Chora  Mandalara  (a) ,  dont  il  porte  encore  le  nom  parmi  les  Mala- 
bares  ,*  Les  Portugais  l'ont  doniié  enfuite  à  toute  la  Côte  Orientale  de  la 
fresqu'Ille.  Ses  terres,  dit  le  PèreBouchet,  font  les  meilleures  de  toute 
l'Inde  Méridionale.  Le  Fleuve  Caveri  fe  parfage  en  plufîeurs  bras,  qui  ar- 
rofent  &  fertilifent  cette  Contrée.  Les  revenus  du  Prince  vont  jufqu'à. . 
doulse  millions.  Tanjour  (6),  Capitale  de  ce  petit  Etat ,  n'étoit  autrefois  \ 
qu'un  Temple  d'Idoles.  Cette  Fortereffe  a  une  double  enceinte  ;  mais  el- 
le n'eft  pas  trop  bien  bâtie.  Ses  foffés  font  peu  profonds,  &  il  efï  diffi- 
cile de  les  remplir  d'eau.  La  Forterefle  intérieure  fe  divife  en  deux  par- 
ties, dont  l'une,  efl:  au  Nord,  &  l'autre  au  Sud.  Dans  celle  du  Nord,  on 
voit  le  Palais  du  Roi,  qui  n'a  rien  de  magnifique'.  Il  n'y  a  que  ;,quelques 
tours  aflez  jodies.  Ou  a  bâti,  dans  la  partie  du  Sud,  le  Pagode  de  Peria 
Oitreyar.  Au  Nord  du  Temple  efl  un  vafte  Etang ,  bordé  de  pierres  de 
taille.  Les  Indiens  excellent  dans  la  conftruétion  de  ces  Ecangs  ,  &  l'on 
en  voit  plufieurs  qui  fe  feroient  admirer  en  Europe.  Les  environs  de 
Tanjour  ne  font  arrofés  que  par  un  petit  Ruifleau.  Plus  loin,  'on  trouve 
la  petite  Rivière  de  Kinnarou»  &  au-delà  le  Caveri,  qui  eft  l'un  des  grands 
bras  dit  Coloram  (c).  Telle  eft  l'idée  génér'aie  que  le  Père  Bouchet  nous 
donne  ^e  .fie  jRoy*ume.  ' 

Les  MiflTionnaires  Danois  de  Tranquebar,^  Ville  fituée  dans  l'Etat  dé 
Tanjour,  -fixent  fon  étendue  à  vingt  miles  d'Allemagne  de  longueur,  fur 
feize  de  large.  11  eft  borné  au  Midi,  en  partie  par  la  Mer,  &  en  partie 
par  le  Marava:  A  l'Occident,  il  confine  au  Royaume  deMaduré,  &  au 
Nord  Je  Fleuve  Colladham  ,  ou  Coloram ,  lui  ferc  de  limites.  Dans  cette 
petite  étendue  de  Pays ,  on  rencontre  un  fort  grand  nombre  de  Villes ,  de 
Bourgs  &  de  Villages;  Mais  nous  nous  contenterons  d'indiquer  les  princi- 
pales Places. 

Tanjour,  Capitale  du  Royaume  eft,fit^ée;au  Nord,  près  delà  Riviè- 
re 


(a)  On  écrit  Shora,  du  Sorai  II  femble 
■     qne  -Cboromandel  approche  le  plus  du  vérita- 
ble nom  ;  mais ,  par  un  abus  reçu,  Çoromandel 
eft  aujourd'hui  palTé  en  ufage. 

(h)  Latitude  onze  degrés  vingt-fcpt  minu- 

4es  ;■  mais  fiiivant  nôtre  Curte ,  ou  celle  de 

:/    M.  d'Aiiviile, 'feulement  dix  degrés  quarante- 

f    deux  minutes.    M.  Bellin    n'a  point  diftin- 

Sué  le. Royaume  de  Tanjour  &  fa  Capitale, 
ans  la  Carte  dont  nous  avons  fait  ufage: 
Cependant  l'emplacement  de  cette  Ville  y 
fcroit  à-peu-près  à  la  mêine  hauteur  que  M. 
d'Anville  lui  donne.  La  Carte  de  M.  de  la 
Croze ,  &  quelques  autres  Hollandoifes ,  s'ac- 
•  cordent  avec  la  détermination  du  P.  Bouchet 
&  fa  Carte.  Les  Miffionnaires  Danois  met- 
:  tent  Tanjour  à  onse  degrés  quarante  joinu- 


(f)  Ceci  ne  paroit  pas  conftater  tout-à- 
fait  la  fuppofition  de  M.  d'Anville  ;  Car  le 
Vmnarou ,  qui  eft  fans  doute  le  Finer,  doit 
pafler  au  Nord  de  Tanjour ,  puifque  le  Ca- 
veri eft  au-de'à;  &  dans  la  Carte  de  M.  d'An- 
ville ,  le  Viner  coule  au  Sud  de  cette  Vdle. 
Suivant  ce  ;Géographe,  le  bras  qui, rencontre 
la  Mer  à  Negapatnam,  détachant  plufîeurs 
rameaux ,  ,dans  la  partie  fuiiérieure  oc  fur  la 
droite  de  fon  cours,  il  faut  néçeflâirement 
que  ces  rameaux ,  ci-devant  inconnus  dans 
les  Cartes,  ayent  leur  débouehement  dans  la 
Mer,  en  deçà  même  du  Cap  de  Caila-mcdu; 
à  quoi  il  n'y  a  rien  à  dire;  Mais  il  prétend 
que  ce  brss  paffe  au  Midi  de  Tanjour ,  com- 
me dans  fa  Carte  de.  1737,  quoique  la  der- 
nière ,  d'accord  avec  toutes  les  autres ,  con» 
tredifti  ici  fes  propres  ËdaircvlTetuens. 


nde  par- 
les Mala- 
;ale  de  la 
de  toute 
,  qui  ar- 
it;  jufqu'à?. 
autrefois 
,  mais  el- 
I  efl:  diffi- 
deux  par- 
Nprd,  on 
î  ;quelques 
î  de  Peria 
pierres  de 
s ,  &  l'on 
ivirons  de 
on  trouve 
des  grands 
ichet  nous 

s  l'Etat  de 
gueur,  fur 
k.  en  partie 
uré,  &  au 
Dans  cette 
Villes,  de 
les  princi- 

le  la  Riviè- 
re 

iftater  toiit-à- 
wille  ;  Car  le 

Finer,  doit 
)uifque  le  Ca- 
edcM.d'An- 
e  cette  Ville, 
qui.  rencontre 
lant  plufîeurs 
;ure  oc  fur  la 
jéçeffatrejnent 
nconnùs  dans 
ement  dans  la 

Calla-mcdu; 
ais  il  prétend 
anjour,  com" 

oique  la  det' 

autres,  con- 
emens. 


4 


PRESQO'I^LË  en  t)EÇA  Dr  GANGE,  tiv.  III.         ^ 

te  ft^/i(fbaimrié  (d) ,  à  uile  lieue  du  Coloram ,  Ôt  à  trois  journées  de  JaCôte.  DBscatmftw 
La  Ville,  y  coîtipris  fes  Fauxbourgs,  a  plus  d'un  mile  d'AMeihagne  en  Ion-    iSér^biona- 
gueur.     Le  Palais  du  Roi,  qu'on  voit  à  l'Orient,  eft  un  quarré  parfait,         j^g^ 
fortifié  d'une  haute  muraille,  au  pied  de  laquelle  eft  un  foffé  rempli  de  cro- 
codiles.    Des  éléphans  enchaînés  gardent  la  bafle-cour,   &  en  defFendent 

l'entrée. 

Au  Sud-Oueft,  on  trouve  d*abord  une  petite  Forterefle,  nommée ^a/- 
lam,  à  trois  lieues  deTanjour;  Candara'Cottcy,  autre  Forterefle,  auflî  au  Sud- 
Oiicft,  à  deux  lieues  Malabares  de  cette  Capitale  (e).  Thucatupalli  en 
efl:  à  ûx  lieues  communes  du  côté  de  l'Occident ,  dans  le  Diftrift  où  les 
Minîonnaires  Jéfuites  ont  leur  principale  Eglife  (/).  Ammalpettey^  petite 
Ville  commerçante,  (g)  à  une  lieue.de  Tanjour,  près  du  Caveri ,  d'où 
tirant  à  l'Orient ,  on  rencontre  Rajaghiri  (A),  Ville  renommée  pour  fon 
excellent  bétel;  Swami-nmlei ,  autre  Ville  peu  éloignée  de  la  précédente, 
entre  le  Caveri  &  le  Coloram.  Cutnbagonam ,  grande  Ville ,  bien  bâtie ,  à 
deux  miles  d'Allemagne  de  Tanjour,  vers  l'Orient.  Près  de-là,  toujours  à 
l'Orient,  on  a  encore  Tirunâgaram,  Ville  fort  connue  par  fa  terre  rouge, 
dont  on  fe  fert  pour  les  Indiennes. 

Madewi-pai-nam  ,  Chef-lieu  d'une  Principauté  de  ce  nom,  étoit  autrefois 
une  grande  Ville.  Elle  eft  fituée  à  huit  lieues  communes  au  Sud-Eft  de  Tan- 
jour,  &  fortifiée  d'un  bon  Château,  aVec  quatre  Fauxbourgs.  Delà  tirant 
au  Sud,  on  ttouve Pattu-Coney^  qui  eft  une  Forterefle,  voifine de  A/aM»ar- 
Covil ,  qui  pafle  pour  une  des  principales  &  des  plus  fortes  Villes  du 
Pays(i).  La  Rivière  Po/jMr  coule  auprès  (*).  Plus  loin,  à  l'Orient,  on 
arrive  à  Tiruiuarbur^  Château  Royal ,  éloigné  de  cinq  miles  d'Allemagne  de 
Tranquebar  ;  C'efl  un  lieu  facré  pour  les  Malabares.  Tiruvudha-rnarudiîr , 
autre  Château  Royal ,  à  un  mile  &  demi  de  Cumbagonam ,  d'où  defcendant 
le  Caveri,  l'on  rencontre  Cuttalam,  ôc  fuivant  la  même  route  jufqu'à  une 
journée  de  Tranquebar ,  on  vient  k  Majaburajiij  ou  Maîrom  (/),  nom  qui 

1  -  figni- 


(rf)  Le  Wadhawaru  &  le  Vinnarou,   ou 
Viner,    qui  forment    deux   bras    dift'érens, 
^dans  la  Carte  de  M.  d'Anville,  pourroient 
bien  n'être  qu'une  même  Rivière. 

(f)  La  lieue  Malabare  fait  un  peu  plus 
d'un  tiers  d'heure.  Cette  Place  ne  paroît 
pas  dans  la  Carte. 

.  (/)  L'Auteur  de  nôtre  Carte  a  mis  Tiruca- 
tupaUi  comme  un  Village  à  l'Oueft  de  Tanjour; 
mais  nous  avons  lieu  de  croire  que  ce  doit  être 
le  même  que  Tireaiupalli,  au  Nord-Oueft  de 
cette  Capitale.  L'Eglife  des  Jéfuites  feroit 
celle  & Elnkuritfcbi ,  qui  a  été  oubliée  dans  la 
nouvelle  Carte  de  M.  d'Anville. 

(g)  L'Abrégé  des  Miffions  Danoifes  en 
fait  une  petite  Republique  ;  mais  dans  un  fens 
plus  étroit ,  c'eir  feulement  une  Ville  libre , 
ou  un  afile  pour  les  Malfaiteurs,  à-peu-près 
comme  les  Lieux  de  refuge  des  Ifraëlites. 
Son  nomiignilie  Hlle  de  la  PrinceJJe,  par- 


ccqu'elle  appartenoit  à  la  Princefle  Mère  du 
Roi  Sarbofi.  Le  Commerce  de  cette  Ville 
s'étend  fur  la  Côte  Occidentale. 

fi)  Ce  nom  fignifie  Mont-Royal. 

Ci)  Maunar-Covii .  ou  le  Temple  de  Man- 
nar,  eft  à  une  lieue  &  demie  à  l'Orient  de 
Tanjour.  Pnttu-Cottey,  à  la  même  diftancc 
au  Sud  de  Mannar-Covil ,  &  Matifwi-patnam , 
à  une  lieue  au  Sud-Oueft  de  cette  dernicrç 
Ville.  La  Carte  diffère  beaucoup  de  ces 
diftances  &  pofitions. 

(k)  Suivant  la  Carte  des  Miffionnaires 
Danois,  cette  Rivière,  qu'ils  font  palier  au 
Nord  de  Tanjour,  tombe  dans  la  Mer  au 
dellbus  de  Negapatnam. 

(/)  Dans  l'original  de  nôtre  Carte,  Ma- 
dewi-patnam  fe  trouve  ici  une  féconde  fois, 
pour  Majaburam.  C'eft  une  erreur  que  nous 
avons  corrigée. 


A   2 


Dbscrtptton 

DK  l'Indb 

MÉRIDIOMA* 

LK. 


Etat  de 
ce  Royaume. 


Succeflîon 

des  Rois  de 
Taiijour. 


4  ♦  DESCRIPTION    DE    LA  - 

fiçniiîe  ^lîe  des  Paons  ^  d'où  l'on  fe  rend  à  Carrupuraneicuât  &  Ttrucaâaûr^ 
Lieu  facré ,  qui  avec  Ttrueuratfcbert  confinent  à  l'Eubliflement  de  la  Com- 
pagnie Danoife  (m).  Au-delà  du  Caveri,  vers  le  Nord  Oucfl;,  PulHrucom' 
wmr,  à  une  journée  de  Tranquebar,  avec  Tiruvongâdu^  (n)  qui  n'en  efl; 
qu'à  une  lieue  Malabare ,  font:  deux  Places  réputées  des  plus  faintes  par  l'ap- 
parition  des  faufles  Divinités.  De  Pullirucomwôlur  tournant  au  Nord-Elt, 
on  vient  à  Sbiarhi,  ou  Chiaîiy  grande  Ville  où  l'on  compte  plus  de  foixante 
Pagodes.  Onreferve,  pour  un  Article  à  part,  les  autres  Places  qui  bordent 
la  Côte(o). 

Le  Royaume  de  Tanjour  peut  être  regardé  comme  le  centre  de  l'Idolâ- 
trie. Audi  eft-il  renommé ,  dans  toutes  les  Indes  Orientales ,  par  le  nom- 
bre prodigieux  de  Tes  Pagodes.  On  y  compte  plus  de  trois  cens  foixante- 
quatre  Villes  &  Bourgs  qui  fe  vantent  de  1  apparition  de  quelques  Dieux  ; 
oc  c'ed  fur  la  foi  de  ces  prétendues  apparitions  qu'on  leur  bâtit  tant  de  Tem- 
ples. Les  Rois  de  Tanjour  ont  (Ignalé  leur  zèle,  à  cet  égard  y  par  des  fom- 
mes  immenfes  :  mais  ils  y  ont  bien  trouvé  leur  compte  dans  la  fuite.  L'af- 
fluence  des  étrangers ,  augmente  conddérablement  les  revenus  des  Doua- 
nes, qui  font  fort  onéreufes  pour  les  Voyageurs  (p).  La  principale  for- 
ce du  Roi  de  Tanjour  confifte  dans  fes  trefors.  On  compte  qu'if  tire  an- 
nuellement de  fon  Pays  plus  de  trente  tonnes  d'or ,  &  que  fes  trefors  mon- 
tent au-delà  de  trois  cens  millions.  Il  a  dans  fon  Armée  cent  quarante-qua- 
tre éléphans  de  guerre,  &  plus  de  trois  cens  chevaux.  Ses  Troupes  ne  font 
pas  en  fort  grand  nombre;  mais  quand  il  a  befoin  de  les  augmenter ,  l'ar- 
gent lui  en  procure  promptement  les  moyens.  On  l'a  vu ,  en  1704. ,  devant 
Tranquebar,  avec  une  Armée  de  quarante  mille  hommes,  pour  en  faire  le 
Siège.  Ce  Prince ,  comme  tous  les  autres  de  la  Côte,  rend  hommage  au 
Grand  Mogol ,  &  lui  paye  annuellement  un  tribut  de  trois  cens  trente-troi» 
mille,  trois  cens  trente- trois  roupies. 

Autrefois  les  Souverains  de  Tanjour  ne  portoient  que  le  titre  de 
Naik ,  ou  Prince ,  jufqu'à  Ecojî-Maha-Raja ,  qui  prit  celui  de  Roi  dans  ces 
derniers  tems.  Après  l'extinélion  de  la  Famille  Royale  des  Shoren ,  le  Gou- 
vernement pafla  dans  la  Famille  des  Faleiers;  enfuite  dans  celle  des  Falva- 
dageriens,  &  enfin  le  Royaume  parvint,  en  1674. ,  aux  defcendansde  laMai- 
fon  des  Maratîes  (g),  dans  laperfonne  d'Ecofi-Maha-Raja,  quilaiflà  trois 

Prin- 


fo 


(m)  Tirucadafir  fe  voit  dans  la  Carte; 
mais  pas  Tirucuratfcjieri  Sa  fituation  efl  au 
Sud-Oued  de  Tranquebar. 

(n)  La  pofition  de  ces  deux  lieux  n'eft 
pas  jufte  dans  nôtre  Carte.  PuUiruk.  ou 
J'ullirucomwSlur ,  fuivant  les  Miflionnaires 
Danois,  efl  (Itué  entre SbiarbiSc  Majahuram, 
au  Nord  du  Caveri.  Tiruvongâdu ,  qui  pa- 
jtoît  entre  TiUeiali  &  Porreyar ,  devroit  être 
aufTi  au-delà  de  ce  Fleuve.  On  ne  les  trou- 
ve ni  l'un  ui  l'autre  dans  la  Carte  de  M. 
d'Anville. 

(0)  Tout  le  Pays  efl  gouverné  pat  des 
Onciers  Généraux,  fous  le  titre  de  Svbeija- 


dan ,  ou  Suweiaters ,  dont  quatre  font  diflin- 
gués  par  une  autorité  plus  étendue  que  le» 
autres. 

(p)  Un  Européen  paye  pour  fa  perfonne 
deux  Fanos  ;  pour  un  palanquin ,  dix  ;  pour  un 
cheval  cinq.  Un  Portugais  donne  un  demi 
fano;  un  Malabare  Chrétien  f^ize  Kas;  un 
Maure  autant  Les  Malabares  Gentils  font 
francs,  excepté  poux  leurs  marchandifes; 
Mais  les  Péagers  font  quelquefois  payer 
cette  taxe  au  triple  &  au  quadruple. 

(q)  Ces  deux  Familles  defcendent  d'un 
nommé  Maga-Raja.  qui  étoit  Premier  Mi. 
nillre  du  Pacha  de  fViJtaburam,  ou  Roi  db 

Vt 


1 


Irucaâaûr^ 
e  la  Corn- 
Pullirucom» 
n  n'en  elt 
:s  par  Tap- 
Nord-Elt, 
e  foixante 
^ui  bordent 

de  ridola- 
ar  le  nom- 
s  foixante- 
les  Dieux; 
ntdeTem- 
ar  des  fom- 
'uite.  L'af- 
des  Doua- 
icipale  for- 
a'il  tire  an- 
•efors  mon- 
larante-aua- 
pes  ne  font 
enter,  l'ar- 
34. ,  devant 
en  faire  le 
Dmmage  au 
trente-trois 

le  titre  de 
oi  dans  ces 
le  Gou- 
des  f^alva- 
de  laMaî- 
laifla  trois 
.      Prin- 
ce font  diftîn- 
endue  que  les. 

fa  perfonne 
,  dix;  pour  un 
snne  un  demi 
vtze  Kas;  un 

Gentils  font 
marchandifcs; 
iuefois   payer 
iple. 
fcendent  d'un 

Premier  Mi. 
■m,  o\L  B.oi  de 


?» 


■M 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.         5 

Princes.  Le  premier,  nommé  Sâjif  ou  Sagaji-Raja,  régna  jufau'en  171 1. 
Le  fécond,  Sarbofi^  ou  Saruboji-Raja ^  jufqu'en  1729,  &  le  troifiéme enfin , 
nommé  TuccoftRaja,  jufqu'au  17  de  Juillet  1735.  Ce  dernier  Prince,  im- 
médiatement après  la  mort  du  Prince  Sâfi ,  fon  frère  aîné ,  avoit  formé  des 
prétenfions  fur  le  Royaume;  mais  il  fut  obligé  pour  lors  de  fe  contenter  du 
Gouvernement  de  Madewi-patnam ,  où  il  régna  fous  le  titre  de  Petit  Prince^ 
jufqu'à  la  mort  de  fon  autre  frère.  Tuccofi-Raja  régna  donc  à  fon  tour  fur 
tout  le  Royaume,  &  déjà  de  fon  vivant,  les  deux  Princes  fesfils,  ^nna- 
Sçahibf  &  Baba-Sçahib^  fe  difputèrent  le  Trône.  Leurs  différends  ne  furent 
terminés  qu'en  1734,  parla  mort  de  l'aîné  de  ces  deux  Princes.  Ainfi  le 
cadet,  Baba-Sçahib,  régna  enfin  à  Tanjour,  fous  le  titre  à*  Ecofi-MahaRaja , 
qui  fignifie  le  Grand  Roi;  mais  il  mourut  au  bout  d'une  année,  le  ler.  d'Août 
1736.  Quelques  jours  avant  fa  mort,  il  avoit  figné  une  trêve  avec  le  Di- 
van du  Grand  Mogol,  qui  s'étoit  emparé  de  laForterefle  deTiruchinapally, 
&  qui  tenoit  la  Ville  de  Tanjour  bloquée  depuis  peu  de  jours  (r).  Une  des 
femmes  du  Roi ,  qu'il  avoit  laiflee  enceinte,  fe  iiattoit  de  mettre  au  monde 
un  Prince  ;  mais  il  fe  trouva  que  ce  n'étoit  qu'une  PrincefiTc.  Le  chagrin 
qu'elle  en  reifentit,  la  jetta  dans  un  defefpoir  dont  elle  mourut  bientôt  après. 
Une  autre  des  femmes  du  Roi  defFunt  monta  fur  le  Trône ,  qu'elle  n'occu- 
pa que  deux  ans.  ^  Les  troubles  qui  furvinrent  durant  fa  Régence ,  en  1738 , 
font  la  matière  d'une  curieufe  Relation ,  dans  les  grands  Aaes  des  Miflion- 
naires  Danois.  On  la  donne  d'autant  plus  volontiers,  que  la  Traduâion 
Françoife  de  l'Abrégé  de  M.  Niccamp,  ne  s' étend  ^ue  jufqu'à  la  fin  de  l'an- 
née 1736. 

Toute  la  Famille  Royale  &  le  Sayâdy  ou  Commandant  de  Tanjour,  voyoient 
avec  chagrin,  l'autorité  entre  les  mains  de  IVâpra^  Oncle  maternel  du  Roi 
defïunt,  &  de  Sittôji  fon  Confident,  qui,  fous  le  nom  de  la  Reine,  gou- 
vernoient  abfolument  l'Etat,  l'un  comme  Roi,  &  l'autre  comme  Premier 
Miniftre.  C'efl:  ce  qui  engagea  le  Commandant  à  faire  foûlever  contre  eux 
un  Prétendant,  qui  n'ayant  ni  aflez  de  forces  particulières,  ni  aucun  fe- 
cours  à  attendre  du  Nord  ,  fe  repofa  fur  lui  du  foin  de  toute  l'aiFaire. 
Gâdtickei,  Oncle  du  Prétendant ,  drefla  fon  Camp  au  -  delà  du  Coloram,  & 
toute  fa  Cavalerie  n'étoit  que  d'environ  trois  cens  hommes.  Sittôfi ,  qui  a- 
voit  pris  porte  auprès  de  Shiarbi^  en  comptoit  jufqu'à  trois  mille.  Il  n'au- 
roit  eu  qu'aies  faire  marcher  pour  mettre  Gâdtickei  en  déroute;  Mais  les 
Mécontens  de  fon  Armée,  dont  il  avoit  retenu  la  paye,  &  ceux  que  le  Com- 
mandant tenoit  à  les  gages ,  l'intimidèrent  fi  fort,  qu'il  fe  retira  a  Tanjour, 
où  Gâdtickei  le  fuivit  de  près.  Sittôfi,  qui  paflbit  d'ailleurs  pour  habile  Po- 
litique, fe  rendit  avec  Wàpra  &  leurs  Partifans,  au  Palais  Royal,  &  firent 

fer- 


Vifapour,  &  qui  eut  plufieurs  femmes.  La 
pr>.mière  fut  une  Princeflè  de  Cuncan ,  dont 
il  eût  un  fils,  nommé  Sivofi-Raja;  C'eft  le 
fameux  Sivagy ,  connu  par  tant  de  Relations 
précédentes.  Son  ûlsSaudoJ'cbi.  ou  Sumboffi- 
Aaja,  eût  auffi  un  fils,  nommé  Sawu-Raja^ 
qui  fut  comme  lui.  Roi  des  Marattes,  & 


Descbiption 
DB  l'Inde 

MéaiDioKA' 

LK. 


mourut  en  1 739.  Maga-Raja  eût  d'une  fécon- 
de femme,  Ecoji-Maba-Raja,  qui  vint  en  1674, 
au  fecours  du  Naïk  de  Tanjour,  qu'il  chafl*a 
enfuite  de  fes  Etats ,  &  fe  fit  Roi  à  fa  place. 
(r)  Voyez  ci-deflbus  l'Article  de  Pondi- 
chery. 


Grande  ré- 
volution dan» 
ce  Ropume. 


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fe 


4         .ÎM  .;:D  E  S  C  R  I  P  T  I  0  N    DELA 

DBscntPTtoN  fermer  les  portes  de  la  Fortcrefle,  afin  d'empêcher  la  Garnifon  &  Tes  Chefs 
DE  l'Jndb  j'en  fortir  pour  fe  procurer  fatisfaftion  au  lujet  de  leur  paye.  Le  Coin- 
l/iÉaoïouA'  jnandant  étoit  garde  de  même  dans  fon  Palais;  Mais  la  faim  agiflant  fur  les 
Soldats,  qui  avoient  été  privés  de  leur  liberté,  ne  put  que  faire  tourner  à  fon 
avantage,  une  précaution  violente,  qu'on  croyoit  propre  à  ruiner  fes  dcfleins. 
Ses  ennemis  eurent  recours  à  un  autre  artifice;  ils  lui  firent  connoitre,  qu'ils 
étoienc  réiblus  d'élire  pour  Roi ,  le  Prétendant ,  &  qu'or  le  prioit  d'alîifler  à  cet- 
te cérémonie.  Comme  il  fe  doutoit  bien  qu'on  leur  en  vouloÎL  à  tous  deux ,  il 
s'en  excufa,  fous  prétexte  d'une  indirpofiiionqui  ne  luipermettoitpas  de  quit- 
ter la  chambre.  Le  Confeil,  déconcerté  par  fon  refus,  fut  quelque-tems  en 
fufpens  fur  le  parti  qu'il  y  avoit  à  prendre  dans  ces  circonftances.  Le  Com- 
mandant en  profita,  pour  avertir  Gâdtickey  de  s'avrncer  vers  !a  Ville.  Ceux 
ui  s'étoient  fauves  à  fon  approche,  le  raillèrent  lorfqu'ils  virent  que  toutes 
es  forces,  fe  réduifoient  à  deux  ou  trois  censchevaux.  U éleva  des  trophées; 
mais  perfonne  ne  fe  foucioit  de  ces  vaines  apparences.  En  attendant  on 
renforça  la  garde  de  la  Forterefle,  &  les  Soldats  reçurent  une  partie  de  leur 
folde.  Gâdtickei  s'approchant  de  plus  en  plus ,  Sittôfi  &  fes  Complices  fu- 
rent d'avis ,  qu'il  falloit  faire  maflacrer  le  Commandant  dans  fa  maifon  ;  Mais 
on  le  trouva  bien  fur  fes  gardes.  Un  moment  après ,  Gâdtickei ,  à  qui  il 
avoit  laifle  une  porté  ouverte,  parClt  tout-à-coup  dans  la  Forterefle,  à  la 
tête  de  quelques  Troupes.  Sittôfi  &  fes  Partifans  furent  pris  &  chargés 
de  chaînes.  Le  lo  Juillet  1738,  le  Prétendant  fit  fon  entrée  dans  la  Capita- 
le. On  le  conduifit  d'abord  aux  principales  Pagodes,  fous  les  décharges 
continuelles  de  l'Artillerie.  Le  lendemain  il  répandit  quelques  facs  d'argent 
fur  la  tête  du  Commandant ,  pour  marque  de  fa  bienveillance  particulière  (j). 
Comme  on  apprit  le  17 ,  que  l'Armée  Mogole  de  Sqnder-Sçahib  ^  l'ami  fecret 
de  Sittôfi ,  fe  retiroit ,  &  étoit  en  pleine  marche ,  ce  dernier ,  avec  quatre 
de  fes  Complices ,  furent  mis  fur  un  chariot  &  traînés  dans  les  rues  autour 
de  la  Forterefle ,  Sittôfi  fans  nez ,  &  un  autre  fans  mains  ;  Enfin  ils  furent 
exécutés  j  fous  trois  portes  de  la  Ville ,  &  leurs  cadavres  pendus ,  à  chacun 
de  fes  quatre  côtés.  On  fçût  enfuite  que  Wâpra,  voyant  qu'on  alloit  le 
faifir ,  s'étoit  donné  la  mort  par  fes  .propres  mains ,  &  qu'on  lui  avoit  ce- 
pendant accordé  un  bûcher  honorable.  Le  21,  jour  de  l'inauguration  du 
nouveau  Roi,  ce  Prince  qu'on  nomraoit  auparavant /*flrfrtpM«-»S'f>75a-/2âya ,  reçut 
le  titre  de  Saixdfadi-Raja  ^  motMaratte,  qm'iispifit  Roi  incomparable.  Son 
âge  pouvoit  être  alors  de  dix  neuf  à  vingt  ans  \t).  On  verra  ,  fous  l'Arti- 
cle de  Pondichery ,  quel  fut  le  fort  de  ce  Prince. 

IL  Le  Marava^  dont  le  Père  Bouchet  ne  fait  point  de  defcription  par- 
ticulière, efl:  un  petit  Royaume ,  fitué  entre  ceux  de  Tanjour  &  de  Madu- 
ré ,  &  la  Côte  de  la  Pêcherie.    Ce  Pays  efl:  prefque  par-tout  couvert  de  bois 

& 

.•■•■■>'(•:;'•.;■■;->  r  j.'îîT  r-'i?;''"       r  r>  •  •»  r-i  «f;  ;r;  -  f  \ 

(s)  Canngâhi  fchegam,  comme  qui  diroit 

Onftion  d'or,  aura  quafi  delihntum  reddere. 

.  (t)  Ce  Prince  étoit  fils  du  Roi  Sarubofi, 
^ui  mourut  le  18  Novembre  1729.  Sa  Mè- 
re fut  obligée  de  fe  brûler  avec  le  corps 
de  fon  Epoux,  parccque  l'enfant  qu'elle  a- 
voit  mis  au  loonde  étoit  attribué  à  un  Bra- 


Royaume 

«le  Muiava. 


mine.  Après  la  mort  de  Tuccofi ,  frère  de 
fon  Père ,  on  cherciia  à  fe  défaire  de  lui  ; 
mais  un  Bramine  lui  procura  les  moyens  de 
fe  fauver  dans  les  terres  du  Roi  de  Maduré , 
où  il  trouva  de  la  protection,  auprès  d'un 
Gouverneur  de  Province.        .<. . 


)» 
» 


fea  Chefs 
Le  Com- 
me fur  les 
mer  à  fon 
i  dcfleins. 
tre,  qu'ils 
ifteràcet- 
13  deux,  il 
as  dequit- 
e-tems  en 

Le  Com- 
ille.  Ceux 
que  toutes 
trophées  ; 
sndaiit  on 
tie  de  leur 
nplices  fu- 
ifon  ;  Mais 
f  à  qui  il 
refle,  à  la 
Si.  chargés 
I  la  Capita- 
décharges 
es  d'argent 
iculiére(j). 
.'ami  fecret 
véc  quatre 
•ues  autour 
n  ils  furent 
à  chacun 
m  alioit  le 

avoit  ce- 
iiration  du 
Zaja , reçut 

able.     Son 

bus  l'Arti- 

ption  par- 
de  Madu- 
ert  de  bois 
& 

ofi,  frère  de 
faire  de  lui; 

moyens  de 
de  Maduré  ♦ 

auprès  d'un 


j» 


>  >» 


»» 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  IIL         y 

■&  de  broflailles.    Ramanadaburam  eft  le  nom  de  la  Ville  Capitale,  où  le  Descmptioîi 

Prince  fait  fa  réfidence  ordinaire.    En  1700,  le  Père  Martin  écrivoit,  que    jJJ^'iUj'JJj';. 

ce  Prince  avoit  fecoué,  depuis  peu,  le  joug  du  Mâduré,  dont  il  étoic  au-  ^.g. 

paravant  tributaire.    Ils  partagent  entr'eux  la  Côte  de  la  Pêcherie.     „  Le 

„  Marava,  dit  le  même  Milfionnaire ,  dans  une  autre  Lettre  de  l'année 

„  1709,  efl:  un  5r««J  Royaume ,  tributaire  de  celui  du  Maduré.    Le  Prin- 

„  ce  qui  le  gouverne  n'eft  pourtant  tributaire  que  de  nom  ;  car  il  a  des 

„  forces  capables  de  réfifter  à  celles  du  Maduré ,  fi  celui-ci  fe  mettoit  en 

„  devoir  d'exiger  fon  droit  par  la  voye  des  armes.     Il  règne  avec  un  pou- 

„  voirabfolu,  &  tient  fous  fa  domination  divers  autres  Princes,  qu'il  dé- 

„  pouille de  leurs  Etats  quand  il  lui  plaît".  n-.-rsM.  ^^.  . -    ,i:.'.  • 

Une  troifième  Lettre  du  Père  Martin,  defànhée  1713,  y  ajoute  enco- 
re quelques  circonftances  alTez  curicufes.  „  Prefque  toutes  les  Bourgades 
&  les  Terres  de  Marava ,  font  pofledées  par  les  plus  riches  du  Pays , 
moyennant  un  certain  nombre  de  Soldats ,  qu'ils  font  obligés  de  fournir  : 
au  Prince  toutes  les  fois  qu'il  les  demande.  Ces  Seigneurs  fe  révoquent 
au  gré  du  Prince:  Leui-s  Soldats  font  leurs  Parehs,  leurs  Amis ,  ou  leurs 
,,  Efclaves ,  qui  cultivent  les  terres  dépendantes'  de  la  Peuplade ,  &  qui 
prennent  les  armes  dès  qu'ils  font  commandés.  De  cette  manière  le 
Prince  de  Marava  peut  mettre  fur  pied ,  en  moins  de  huit  jours,  jiifqu'à 
trente  &  quarante  mille  hommes ,  &  par-Ik  il  fe  fait  redouter  des  Prin- 
ces fes  voifins:  Il  a  même  fecoud  lejoug  Jq  Roi  de  Maduré,  dont  il 
étoit  tributaire.  En  vain  les  Rois  de  Tanjour  &  de  Maduré  s'étoient-ils 
ligués  enfemble  pour  le  réduire;  le  fameux  Brame  A'iyara - payen  ,  grand 
Général  du  Maduré,  étant  entré  dans  le  Marava,  en  1702,  à  la  tête 
d'une  Armée  confidérable ,  y  fut  entièrement  défait  &  y  perdit  la  vie: 
le  Roi  de  Tanjour  ne  fut  pas  plus  heureux  en  1709;  profitant  de  ladé- 
folation  où  étoit  alors  le  Marava,  il  y  envoya  toutes  fes  forces;  mais 
fon  Armée  fut  repouflee  avec  vigueur ,  &  il  fe  vit  réduit  à  demander 
la  paix  ".  - 

Ce  fut  l'année  fuivante  que  mourut  le  Prince  de  Marava,  âgé  de  plus  de      Ses  révol». 
il  quatre-vingts  ans.     Ses  femmes ,  aii  nombre  de  quarante-fept ,  fe  brûlèrent  '^°"^* 
jjivec  le  corps  du  Prince.     Son  Succefleur  perlecuta  violemment  le  Père 
artin  ,  &  fit  détruire  fon  Eglife  de  Ponneli-Cottey  ^  grofle  Bourgade  toute 
compofée  de  Chrétiens.    11  avoit  un  frère,  nommé  Farouganada-Deveriy  qui 
accorda  au  Miflîonnaire  une  retraite  fur  fes  Terres.     Ce  Prince  faifoit  fa  ré-       ■    ■     • 
fidence  ordinaire  dans  la  Forterefle  6'Aradangbi  (v),  &  il  étoit  le  Maître      " 
d'une  bonne  partie  du  Marava.   Tout  le  Royaume  lui  appartenoit  de  droit, 
if  parcequ'il  étoit  l'aîné;  mais  il  en  avoit  cédé. la  Ibuveraineté  à  fon  cadet, 
j|  qu'il  reconnoiffoit  plus  capable  que  lui  pour  le  Gouvernement. 

Vingt  ans  après,  c'eft-à-dire  en  1729,  les  Millionnaires  Danois  nous 
apprennent,  que  le  Roi  de  Tanjour,  dans  un  temsde  famine,  qui  lui  four- 
nit l'occafion  d'ufer  de  ftratagème,  fit  prifonnier -BaZ'am<-6'/«gM ,  Prince  de 
Marava,  &  envoya  à  fa  place,  pour  Gouverneur  de  ce  Pays,  un  nommé 
..'._.;  y'-,:  .T. ■.■\,- j-*'- '.'.;;;■  ■;.;     •,';;•'  ^-t^.-»:^-:)  ;..'«.  .v       Catta- 

(îj)  Arandanpbi-Cottey  dans  la  Carte  de  M.     Prince  de  Marava  avoit  enlevée  au  Roi  de 
oc  Ja  Ctoze.    C'eA  wie  Place  que  ie  feu     Taujour. 


)> 


1  T 


DESCRIPTION    DE    LA 


'.I    îTtf 


DpJCRtrTION 

DE    I.'Indb 
M^RintONA- 


Titre  des 
Princes  de 
Marava. 

]/ledcRà- 
niofurini ;   fa- 
meux Piigode. 


Autres  Pla- 
ces de  ce  Pays. 


Royaume 
de  Mudiiré. 


Maduré 
ancienne  Ca- 
pitale. 


Catta-Deven^  qui  après  avoir  été  bâtifé  dans  TajeunelTe,  par  les  MiflTion- 
naires  Jéfuites,  étoit  rentré  dans  le  Paganifme.  Le  Roi  de  Tanjour, 
méconcencde  lui,  ayant  voulu  rétablir  Babanu - Singu ,  après  deux  ans  de 


de  foixante  mille  hommes,  pour  faire  la  guerre  au  Roi  de  Tanjour,  à  Toc- 
cafion  d'un  mariage  ;  mais  il  mourut  au  commencement  de  l'année  fuivan- 
te ,  fort  regretté  de  Tes  Sujets ,  dont  il  étoit  l'idole.  Sa  Mère  propofa 
pour  Succefleur ,  un  de  fes  Gendres ,  qui  fut  établi  Régent  à  fa  place. 

Les  Princes ,  ou  les  Gouverneurs  de  ce  Pays ,  portent  le  titre  de  Protec- 
teur héréditaire ,  &  Patron  des  faintes  Pagodes,  qui  font  à  Ramanacor^  ou 
Râmefuram ,  petite  llle ,  à  l'Occident  du  Pont  •  d'Adam ,  entre  le  Marava 
&  rifle  de  Ceyian.  Cette  Ifle,  Aiivant  le  Père  Bouchet,  a  huit  ou  neuf 
lieues  de  circuit.  Quoiqu'elle  (oit  très-fabloneufe ,  on  y  voie  pourtant  de 
beaux  arbres.  Il  n'y  a  que  quelques  Villages.  Le  Pagode  efl  vers  la  partie 
méridionale.  Il  eft  moins  beau,  &  plus  petit  que  plufieurs  autres  qui  font 
dans  les  Terres. 

Les  autres  Places  du  Pays  de  Marava,  font,  Oriur,  onOrejour,  grande 
Bourgade  fituée  fur  le  bord  de  la  Rivière  de  Pambarou ,  aux  confins  du 
Royaume  de  Tam'our.  Ce  Jieu  eft  fort  renommé  par  les  Jéfuites.  C'efl- 
là  que  le  Père  Jean  de  Btito  fut  martyriftS  en  KJ93,  fous  le  règne  du 
cmelRanganada-Deverty  apparemment  le  même  qui  mourut  en  1710.  On 
compte  encore,  dans  Je  Marava,  une  vingtaine  de  Places  de  quelque 
conlidération,  mais  dont  les  MiÂionnaires  Danois  ne  marquent  que  les 
noms  (x). 

III.  Le  Royaume  de  Maduré  ed  borné  à  l'Orient  par  les  Etats  du  Roi  de 
Tanjour  &le  Marava;  au  Midi  par  la  Mer;  à  l'Occident  par  les  Terres  des 
Princes  de  Malabar;  au  Nord  par  celles  deMaiflbur&  de  Gingi.  Ce  Royau- 
me eftaufli  grand  que  le  Portugal.  On  y  compte  foixante-dix  Palleacares, 
ou  Gouverneurs , qui  exercent  une  autorité  abfolue  dans  leurs  Diftrifts ,  &  qui 
ne  font  tenus  qu'a  payer  une  taxe  que  le  Roi  de  Maduré  leur  impofe.  Les 
revenus  de  ce  Prince  font  d'environ  huit  millions.  Il  peut  mettre  aifément 
fur  pied  vingt  mille  hommes  d'Infenterie  &  cinq  mille  de  Cavalerie.  Il  a 
près  de  cent  éléphans ,  qui  lui  font  d'un  grand  fecours  pour  la  guerre. 

Maduré,  Capitale  du  Royaume  (y),  eft  environnée  d'une  double 
muraille;  chaque  muraille  eft  fortifiée  à  l'antique,  de  plufieurs  tours  quar- 
rées  avec  des  parapets ,  &  garnie  d'un  bon  nombre  de  canons.  La  Forte- 
refTe ,  dont  la  forme  eft  quarrée ,  eft  entourée  d'un  fofTé  large  &  profond , 
avec  une  efcarpe  &  contrefcarpe  très-fortes.    L'efcarpe  eft  fans  chemin 


'((^..v^ 


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.\..-   i   U. 


i'J 


cou- 


(jc)  Mcaten-feru-cuâi,  Ville  fituée  au 
Nord-Oueft ,  à  trois  journées  de  Ramanada- 
buram.  De-là,  revenant  à  l'Orient,  on  trou- 
ve ,  Malla-côttey ,  Sborbd-waram ,  Ndtu-cdttey , 
Tanarâfu-nâdbu ,  Pagdni ,  Corhuccatei-padti , 
Cutfcbam-padti ,  Sarugani ,  Caruntancudi ,  Tra- 
mcjuram ,  Tondamangalam ,  Collenûr ,  Mavûr , 


jlnamameudi ,  VaUifei ,  Teripatmm ,  Sam- 
bei ,  Sundaravinia-patnam ,  &  quelques  autres. 
(_y)  Latitude  dix  de;îrés  vingt  minutes. 
Suivant  la  Carte  de  M.  d'Anville,  la  hauteur 
de  Maduré  n'eft  oue  de  neuf  degrés  cinquan- 
te-cinq minutes ,  &  M.  Bellin  la  fait  encore 
moindre  de  cinq  minutes. 


f. 


■y 


fuites 


a  Miflion- 
!  Tanjour, 
;ux  ans  de 
inc  dans  fa 

pas  moins 
une  Armée 
our ,  à  l'oc- 
nëe  fuivan- 
;re  propofa 
place. 

;  de  Protec- 
manacor,  ou 

le  Marava 
ait  ou  neuf 
pourcanc  de 
ers  la  partie 
res  qui  font 

jwr,  grande 
c  contins  du 
lites.  C'eft- 
le  règne  du 
1  1710.  On 
de  quelque 
uent  que  \Qi 

ts  du  Roi  de 
s  Terres  des 
Ce  Royau- 
Palleacares, 
iftri6ls,&qui 
impofe.  Les 
ttre  aifément 
ralerie.     Il  a 
guerre, 
l'une  double 
s  tours  quar- 
La  Forte- 
&  profond, 
fans  chemin 
cou- 

'eripatnam,  Sam- 
quelques  autres, 
vingt  minutes, 
iville,  la  hauteur 
f  degrés  cinquan- 
n  la  fait  encore 


■f 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.  9 

couvert  ;  &  au-iieii  de  glacis  on  voit  quatre  belles  rues  qui  répondent  aux  Description 
quatre  côtés  de  la  Fortercfle.     On  en  peut  faire  le  tour  en  moins  de  deux    jS^umioNv 
hturcs.     Les  maifons  qui  bordent  ces  rues ,  ont  de  grands  Jardins  du  c6té    -     li. 
de  la  Campagne,  qui  efl  belle  &  fertile. 

L'iNTfcRiEUR  de  la  ForterefTe  fe  divife  en  quatre  parties;  celles  qui 
font  à  l'Orient  &  au  Midi ,  contiennent  le  Palais  du  Roi.  C'ell  un  laby- 
rinte  de  rues ,  d'étangs ,  de  bois ,  de  falles ,  de  galeries ,  de  colonnade;,  Se 
de  maifons.  Quand  on  s'y  engage  un  peu  avant,  il  n'efl  pas  aile  d'en  re- 
trouver Tiflue.  Lorfque  les  Rois  de  Maduré  y  faifoient  leur  féjour,  on 
n'y  trouvoit  que  des  Femmes  &  des  Eunuques.  Les  falles  publiques,  où 
ces  Princes  donnoient  audience,  étoient  magnifiques.  A  l'entrée  le  voyolc 
une  grande  galerie,  foûtenue  par  dix  grofles  colomnes  de  marbre  noir ,  Sien 
travaillées.  On  paflfoit  de-là  dans  une  vafle  cour ,  où  il  y  avoit  quatre  corps 
de  logis ,  dont  chacun  étoit  didingué  par  un  dôme ,  qui  s'élevoit  du  milieu 
de  l'édifice  à  une  hauteur  aiTez  confidérable ,  &  paroiflbit  chargé  d'ouvra* 
gcs  de  fculpture.  Ces  quatre  dômes  étoient  réiinis  par  huit  gsHeries ,  dont 
les  angles  étoient  flanqués  de  tourelles.  On  aflure  que  le  defl^in  de  ce  Pa- 
lais  a  été  fourni  par  un  Européen,  &  l'on  y  voit  en  effet  plufieurs  orne- 
mens  de  nôtre  Architeélure. 

Dans  la  féconde  partie  de  la  ForterefTe,  efl  le  Temple  de  Chocanàdon, 
nom  de  l'Idole  qu'on  adore  dans  le  Maduré.  A  l'Orient  de  ce  Pagode  font 
plufieurs  beaux  portiques.  Au  Nord  d'un  de  ces  portiques  fe  voit  un  char 
magnifique ,  deltiné  à  porter  l'Idole  en  triomphe  le  jour  de  fa  fête.  Le 
Pagode  efl:  environné  d  une  triple  muraille,  &  entre  chaque  muraille  font 
plufieurs  belles  allées  d'arbres ,  très-unies  &  bien  fablécs.  A  l'entrée  des 
quatre  principales  portes  du  Pagode ,  on  trouve  quatre  grandes  tours ,  qui 
doivent  avoir  coûté  des  fommes  immenfes  (z).  Le  refte  de  l'efpace  inté- 
rieur de  la  Forterefle  efl  partagé  en  plufieurs  rues ,  où  fe  voyent  quelque* 
étangs ,  &  quelques  places  publiques. 

La  Rivière  qui  pafTe auprès  de  Maduré,  feroit  fort  belle,  fi  on  ne  la 
faifoit  couler  dans  de  grands  étangs  qui  la  tarifl'ent.  Elle  dégénère  en- 
fin en  ruiflTeau.  Audeflous  de  la  Ville,  on  a  conflruit  un  canal,  qui  va 
du  Nord  au  Sud ,  &  qui  fe  jette  dans  cinq  beaux  étangs  à  l'Ouefl:  de  Ma- 
duré. Ces  étangs  ont  d'autres  canaux  qui  conduifent  l'eau  dans  les  fofles 
quand  on  le  founaîte. 

A  l'Orient  de  la  Forterefle  on  voit  encore  trois  autres  chars  de  triom- 
phe ,  qui ,  chargés  de  leurs  ornemens ,  font  magnifiques.  Le  principal  efl  tiré 
par  plufieurs  milliers  de  bras.  Outre  que  la  machine  en  elle-même  efl: 
énorme ,  on  y  fait  monter  jufqu'à  quatre  cens  perfonnes ,  qui  ont  difFérens 
emplois.  De  groflfes  poutres  forment  cinq  étages,  dont  chacun  foûtient 
plufieurs  galeries.  Quand  cette  machine  efl:  couverte  de  toiles  pemtes,de 
pièces  de  foye  de  diverfes  couleurs,  de  banderoles ,  d'étendarts,  de  para- 
fols,  de  feftons  de  Ikurs  repréfentées  fous  différentes  figures ,  &  quand 

tout 

(2)  Texeîra  rapporte  qu'il  y  a,  au  Maduré,  des  tours  dorées:  Mais  les  Miflîonnaires  Jé- 
fuites  affurcnt  qu'ils  n'y  en  ont  jamais  vu  de  cette  efpèce. 

XIF.  Pan,  B 


19 


DESCRIPTION     DE    LA 


DrJCRiPTIOM 

DR  L'JNDK 

iMÉRIDIOMA- 

LS. 


Tirichinpa- 
li ,  nuiivcllc 
Capitale. 


tout  cet  attirail  fe  voie  de  nuit ,  à  la  clarté  de  mille  ilambcaux ,  on  ne  peue 
nier  que  le  fpeflacle  n'en  foie  agréable.  Le  char  efl  trainé  au  Ton  des 
tambours  &  de  quantité  d'autres  inftrumens.  On  met  ordinairement  trois 
jours  à  lui  faire  taire  le  tour  de  la  Forterefle. 

Du  côté  du  Nord,  au-dellus  de  cette  l'ortereflTe,  les  Jéfuites  avoicnt  au- 
trefois deux  Eglifes ,  qui  furent  renverfées,  lorfque  la  Ville  fut  prifcA  rui- 
née en  partie  par  le  Roi  de  Maiffour.  On  en  a  bâti  une  nouvelle ,  dans 
un  des  Fauxbourgs ,  auprès  de  la  Rivière  yaighei. 

Depuis  l'irruption  des  Maiifouricns ,  Maduré  a  beaucoup  perdu  de  Ton 
ancienne  fplendeur,  les  derniers  Rois  ayant  tranfporté  leur  Cour  à  Tirichira- 
p^i/i,  quoiqu'ils  fûlTent  obligés  de  fe  faire  facrcr  dans  l'ancienne  Capitale.  Cette 
Ville (rt)  efl: fort  peuplée,  &  d'une  grande  étendue.  On  y  compte  plus  de 
trois  cens  mille  Habitans.  C'efl:  la  meilleure  Place  qui  foit  dans  les  Terres,  en- 
tre le  CapComorin  &Golkonde.  De  nombreufes  Armées  l'ont  fou  vent  alTié* 
gée,  &  toujours  inutilement.  Auflî  pafle-t'elle  pour  imprenable  dans  l'opinion 
des  Indiens  (b).  Elle  a  une  double  enceinte  de  murailles,  fortifiées  cha- 
cune de  foixante  tours  quarrées ,  éloignées  les  unes  des  autres  d'environ 
cent  pas.  La  féconde  enceinte ,  qui  ell  plus  élevée  que  la  première ,  eft 
garnie  de  cent  trente  pièces  de  canon  d'un  aflez  gros  calibre.  Cette  encein- 
te fe  divife  encore  en  deux  Forterefles ,  celle  du  Nord  &  celle  du  Sud.  La 
muraille  intérieure  de  celle-ci  efl:  plus  bafle  que  l'autre.  On  y  voit  une  hau- 
te montagne,  qui  fert  à  découvrir  l'ennemi.  Au  milieu  de  cette  montagne 
efl:  l'Arfenal ,  &  au  bas  le  Palais  du  Prince.  Le  dedans  de  la  Forterefl'e  in- 
térieure offre  un  grand  amphithéâtre  quarré,  avec  fes  degrés  de  tous  côtés 
pour  monter  fur  les  remparts.  Le  dernier  degré  efl  à  hauteur  d'appui.  Ou- 
tre les  tours  qui  accompagnent  la  double  enceinte  de  muraille ,  il  y  en  a 
dix-huit  autres  plus  grandes,  où  l'on  tient  les  provifions  de  bouche  &  les 
munitions  de  guerre  qui  ne  peuvent  pas  entrer  dans  l'Arfenal.  On  renou- 
velle tous  les  ans  les  provifions  de  riz ,  &  celui  qu'on  tire  des  greniers  eft 
livré  aux  Soldats,  en  payement  d'une  partie  de  leur  folde.  La  Garnifon 
efl:  d'environ  fix  mille  hommes ,  &  quelquefois  davantage. 

Le  fofl*é  qui  environne  la  Forterefle  efl;  large  &  profond.  Il  efl:  plein 
d'eau ,  &  l'on  y  voit  quelques  crocodiles.  On  a  été  obligé  de  creufer  ce 
fofle  dans  le  roc ,  en  plufieurs  endroits ,  ce  qui  n'a  pu  fe  faire  fans  de  grandes 
dépenfes.  Tirichirapali  a  quatre  grandes  portes ,  dont  il  n'y  a  aujourd'hui 
que  celles  du  Septentrion  &  du  Midi  qui  foyent  ouvertes.  La  porte  d'O- 
rient ,  ou  de  Tanjour ,  a  été  longtems  murée.  Celle  d'Occident  n'efl:  libre 
qu'aux  femmes  du  Palais.  Toutes  les  nuits  on  fait  trois  rondes  dans  la  Place. 
La  première,  au  fon  des  tambours  &  des  trompettes,  lorfque  le  jour  baifle; 
la  féconde,  vers  neuf  heures,  avec  le  hautbois  &quelc|ues  autres  inflrumens; 
la  troiflème  fe  fait  en  filence  vers  minuit.  On  en  fait  quelquefois  une  qua- 
trième à  trois  heures  du  matin.  ,        La 


re, 


(o)  Latitude  onze  degrés  quarante  mi- 
nutes. M.  d'Anville  ne  lui  donne  que 
dix  degrés  cinquante  minutes.  M.  Eeflin 
«ft  d'aecoïd  avec  le  P.  Bouchet,  à  quelques 


minutes  près.    On  en  dit  autant  dcsMiflîon- 
naires  Danois. 

(h)  On  verra  ci-après  qu'elle  a  pourtant 
été  prife  plus  d'une  fois  dans  les  dernières 
guerres.   . 


4 

lu 

i 


n  ne  peut 
u  Ton  des 
ncnc  troU 

voient  au- 
rifc  &  rui- 
elle,  dans 

rdu  de  Ton 
a  Tirichira' 
iiale.  Cette 
ne  plus  de 
terres ,  en- 
Livent  alTié* 
18  l'opinion 
tifides  cha- 

1  d'environ 
emière,  eft 
etteencein* 
iuSud.  La 
lit  une  hau- 
e  montagne 
^rterefle  in- 

2  tous  côtés 
'appui.  Ou- 
; ,  il  y  en  a 
>uche  &  les 

On  renou- 
greniers  eft 
jà  Garnifon 

Il  efl:  plein 

creufer  ce 

;  de  grandes 

aujourd'hui 

porte  d'O- 

t  n'efl:  libre 

ins  la  Place. 

our  baifle; 

^nftrumens  ; 

lis  une  qua- 

La 

it  dcsMiflîon- 

[\\c  a  nourtant 
les  dcinièrca 


,:1 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        ii 

La  Rivière  de  Caveri  va  de  l'Oued  à  l'Eft  de  la  Foricrcfle.  Au-dciTus  de 
Tirîcliirapali  on  a  conftruit  un  canal  large  &  j>rofond,qui  porte  l'eau  autoiw 
de  Kl  Ville-  J)c  ce  grand  canal  fortent  plulieur»  autres  petits  canaux  qui 
Coininunii|iicnt  à  de  grands  étangs  qu'on  trouve  au  dedans  àc  au  dehors  de 
la  Ville.  On  y  voit  plulieurs  places  publiques  &  quelques  bazars  ou  mar- 
ches. l#es  plus  confiderables  font  aux  deux  principales  portes  Celui  du 
Nord  s'étend  jufques  fur  les  bords  du  Caveri.  Au-delà  de  cette  Rivière 
on  trouve  un  autre  bras  du  Fleuve  Coloram,  &  c'efl  au  milieu  de  ces  deux 
grandes  Rivières  qu'on  a  bâti  le  Pagode  de  Chirangatn ,  un  des  plus  be:;ux 
qui  fe  voyent  aux  Indes. 

L  E  Palais  de  Tirichirapali  n'eft  pas,  à  beaucoup  près,  fi  fuperbe  cjue  celui 
de  Maduré.  Il  confille  dans  un  amas  de  falles,  de  galeries  &  d'apparte- 
mens  intérieurs.  Le  Divan ,  qui  ell:  le  Tribunal  où  l'on  rend  la  Juftice ,  eft 
foûtcnu  par  de  beaux  piliers  fort  élevés ,  &  furmontés  d'une  belle  plate-for- 
me. Les  Jardins  ne  lont  point  à  comparer  à  ceux  de  l'Europe.  On  y  voit 
auatre  ou  cinq  petits  jets-d'eaux ,  &  à  l'entrée  d'un  de  ces  jardins  une  ,  rnn- 
e  falle  ouverte  de  tous  côtés ,  &  'entourée  de  folfés  aflez  profonds ,  qu  on 
remplilToit  d'eau  quand  la  Reine  y  venoit  prendre  le  frais.  Les  piliers  qui 
foûtiennent  cette  falle,  font  alors  couverts  de  brocards  d'or,  &  le  haut 
de  la  falle  eft  orné  de  fêlions  de  fleuri,  &  de  pièces  de  damas  de  différen- 
tes couleur».  On  compte  environ  quarante  lieues  de  Tirichirapali  à  Madu- 
ré, à  caufe  des  détours  qu'on  efl  oblige  de  prendre  pour  éviter  les  bois  , 
qui  font  infedés  de  Voleurs  j  mais  le  Voyageur  a  l'agrenent  de  marcher 
continuellement  dans  une  allée  de  beaux  arbres,  qui  règne  d'une  Ville 
à  l'autre. 

Aprks  les  deux  Capitales,  &  le  fameux  Pagode  de  Chirangam,  les  au- 
tres Places  de  l'intérieur  du  Maduré  font  peu  confiderables.  Nous  ne  laif- 
ferons  pas  d'indiquer  les  principales.  De  Maduré  tirant  au  Sud ,  on  entre 
dans  la  petite  Principauté  de  Tiruvudhnratfchiam ,  fur  les  frontières  du  Pays 
de  Marava.  Pavanajbam  &  Tirunelveli  ^  font  deux  ForterefTes  de  fa  dépen- 
dance, dans  chacune  defquelles  il  y  a  cependant  un  Paleagare.  Leur  éloigne- 
ment  l'une  de  l'autre  eft  d'environ  douze  lieues.  Près  de  la  dernière  cou- 
le auSud-Efl:,  le  Tambaravjeni ^gxznà.  Fleuve,  qui  a  prefque  par-tout  une  de- 
mie lieue  de  large.  Tutucurin ,  dont  la  defcription  appartient  à  la  Côte ,  e(l 
fitué  fur  une  de  fes  embouchures.  A  l'Ouefl:  de  Maauré  on  a  encore  Par- 
hani^  ou  Pateni^ôc  Tinducallu, qui  font  auffi  gouvernées  par  des  Paleagarcs. 
Turreyûr,  &  quelques  autres  Places  au  Nord  de  Tirichirapali,  dont  on  ne 
connoit  guères  que  les  noms ,  fe  font  affez  remarquer  dans  la  Carte  ;  Mais 
n'oublions  pas  Elakwitfchi  &  /^owr,  deux  Bourgs,  l'un  au  Nord-Efl  &  l'au- 
tre au  Sud  de  cette  Capitale  ,  qui  font  les  meilleures  Places  des  Millionnai- 
res Catholiques  Romains  répandus  dans  ce  Pays ,  où  ils  ont  encore  plufieurs 
petites  Eglifes. 

Toute  cette  Contrée ,  qui  renferme  le  Maduré  &  le  Marava ,  por- 
toit  autrefois ,  dans  une  très-grande  étendue,  le  nom  de  Pandi-Mandalam^ 
ou  Royaume  de  Pandi,  fameux  Roi ,  dont  les  Defcendans  ont  long- 
tems  occupé  le  Trône.  Suivant  les  Mémoires  des  Indiens ,  on  en  dcvroit 
compter  trois  cens  foixante  -  deux.    Ils  nomment  le  premier  Purûruweti ,  & 

B  2  le 


DrSCRTrTTON 

M^.KIIJIONA- 
Lt.. 


Autres  Pla- 
ces du  Madu- 
ré. 


Ilifloirc  Jts 
Rois  de  Ma- 
duré. 


12 


DESCRIPTION    DE    LA 


Description 
DR  l'Inde 

NÈti.IDlQNA' 
LE. 


le  dernier  ^arWi ,  ou  félon  d'siuttes  Sibulimâren  ^  qui  mourut  fans  enfans. 
Après  lui  régnèrent  quelques  Princes  de  la  race  des  Cri  aràfes^  ou  Rois  Mon- 
tagnards,  de  Makialam  ^  ou  Malabar,  fous  le  titre  de  Currunilamanner ^  qui 
fignifie  Seigneurs  appanagés.  Dans  la  fuite ,  l'Empereur  de  Nara-Singam ,  ou 
Narfingue,  ^mxègndiizlVifeindgaram^  ou  Bifnagar ,  ayant  divifé  fes  Etat* 
Méridionaux  entre  fes  principaux  Officiers ,  Muttuvirapanaiken  obtint  le  Ma- 
duré  pour  fon  partage.  Son  fils,  Tirumaleinaiken ,  eut  deux  fils  ;  Soccalinganai- 
ken  l'aîné,  s'empara  de  Tanjour  en  1674,  &  fit  mourir  le  Naik  de  ce  Ro- 
yaume. Muttarhagatirinaiken  fon  frère ,  le  mit  enfuite  en  prifon  ;  mais  au 
bout  de  dix-huit  mois,  il  remonta  fur  le  Trône,  &  Muttarhagatirinaiken 
fe  retira  auprès  d'Ecofi-Raja,  qui  fous  prétexte  de  rétablir  le  fils  du  dernier 
Naik  de  Tanjour,  a  voit  ufurpé  Çqs  Etats.  Soccalinganaiken  étant  mortquelque- 
tems  après,  fon  fils  Rengu-Kutfchna-muttu-virapanaiken,\aï  fucceda;  mais  il  ne 
vécut  que  treize  mois.  Sa  Mère,  la  fameufe  Mangammal,  s'établit  enfuite 
fur  le  Trône,  qu'elle  occupa  feize  ans.  Le  feu  Roi,  fon  fils,  avoit  laifle 
fa  femme  enceinte  d'un  fils,  qui  portoit  déjà  le  titre  de  Roi,  fous  la  tu- 
telle de  fon  Ayeule. 

C'est  de  cette  Princefle  que  parle  le  Père  Martin,  dans  faLctre  de  l'an- 
née 1700.  „  Elle  avoit,  dit-il,  confié  le  Gouvernement  de  l'Etat  au  Ta/a- 
„  vay,  ou  Prince  Régent,  qui  en  était  le  maître  abfolu,  «Se  qui  difpofok 
„  de  tout  à  fa  volonté ,  mais  avec  tant  de  fageffe  &  un  fi  parf  lit  definté- 
5,  relTement,  qu'on  le  regardoit  comme  le  plus  grand  Miniftre  qui  eut  ja- 
„  mais  gouverné  leMaduré." 

Quelques  années  après,  le  Talavay,  qui  étoit  en  guerre  avec  le 
Roi  de  Tanjour,  remporta  fur  les  Troupes  de  ce  Prince,  un;î  vi6loire 
célèbre ,  dont  le  Père  Martin  raconte  auffi  les  circonftances. 

„  Le  premier  s'étoit  campé  fur  la  rive  feptentrionale  du  Coloram,  pour 
„  mettre  le  Royaume  à  couvert  de  l'Armée  de  Tanjour,  qui  faifoit  de 
„  grands  ravages  dans  tout  le  Pays  ;  mais  quelque  effort  qu'il  fit ,  il  ne  pût 
„  arrêter  les  incurfîons  d'un  Ennemi,  dont  la  Cavalerie  étoit  beaucoup  plus 
„  nombreufe  que  la  fienne.  Il  crut  que  le  plus  fÛr  pour  lui  étoit  de  faire 
„  diverfion.  Sur  le  champ  il  forma  le  deflfein  de  repafler  le  Fleuve,  qui 
„  avoit  fort  baiffé ,  pour  porter  enfuite  la  confternation  jufques  dans  le 
„  Royaume  de  Tanjour.  Il  exécuta  ce  projet  Ci  fecrétement,  que  les  En- 
„  nemis  ne  s'apperçurent  de  fon  paflage ,  que  lorfqu'ils  virent  fes  Trou- 
„  pes  dépliées ,  fur  l'autre  bord  de  la  Rivière ,  &  prêtes  à  pénétrer  dans 
„  le  cœur  du  Royaume,  qui  étoit  fans  defFenfe.  Ce  pafTage  imprévu  les 
„  déconcerta.  Il  ne  leur  reftoit  d'autre  reflburce  que  de  pafler  auffi  laRi- 
„  vière,  pour  venir  au  fecours  de  leur  Pays  ;  mais  ayant  mal  choifi  le  gué, 
„  le  Talavay ,  qui  s'apperçut  de  leur  defordre ,  vint  fondre  fur  eux ,  &  n'eut 
„  pas  de  peine  à  les  rompre;  La  déroute  fut  générale ,  &  bien-tôt  la  plus 
grande  partie  du  Royaume  fe  trouva  remplie  de  Soldats  étrangers ,  qui 
y  commirent  de  grands  ravages. 

„  Le  Roi ,  outré  de  fe  voir  vaincu  par  un  Peuple  accoutumé  à  rece- 
voir fes  loix  ,  conçut  de  grands  foupçons  de  l'infidélité  ou  de  la  ncgli- 
j,  gence  de  fcn  Premier  Miniftre  Balogi ,  ou  comme  d'autres  l'appellent ,  Fa- 
M  gogi-Pandidw,    Les  Grands ,,  qui  le  haiifoient ,  &  qui  avoient  jure  fa 

»  per- 


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i  ;  mais  au 
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;  mais  il  ne 
blit  enfuite 
avoit  laifle 
fous  la  tu- 

tre  de  Van- 
:at  au  Tala- 
n  difpofoit 
iit  defmté- 
qul  eut  ja-^ 

fre  avec  le 
i;î   vi6loire 

oram,pour 
li  faifoit  de 
c,  il  ne  pût 
Ekucoup  plus 
oit  de  faire 
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que  les  En- 
;  fes  Trou- 
riétrer  dans 
raprévû  les 
•  aufli  laRi- 
toifilegué, 
fux,&  n'eut 
-tôt  la  plus 
ingers,  qui 

Imé  à  rece- 
lé la  ncgli- 
jellent, /(da- 
tent jure  fa 


»» 
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n 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        13 

perte,  appuyèrent  fortement  cefoupçon,  &  firent  retomber  fur  lui  le 
fuccès  maJheureux  de  cette  guerre.  Mais  Balogi,  fans  s'effrayer  des 
complots  qui  fe  tramoicnt  contre  lui,  envoya  aufli-tôt  fes  Secrétaires  chez 
les  principaux  Marchands  de  la  Ville  &  des  environs,  avec  ordre  à  cha- 
cun d'eux ,  de  lui  prêter  une  fomme  confidérable ,  fous  peine  de  confif- 
cation  de  tous  leurs  biens.  Enfin,  en  moins  de  quatre  jours,  il  amaÎTa 
près  de  cinq  cens  mille  écus ,  qu'il  fe  hâta  d'employer  à  gagner  la  Reine 
de  Tirichirapali ,  à  corrompre  la  plupart  de  ceux  qui  compofoient  fon 
Confeil ,  &  fur-tout  à  mettre  dans  fon  parti  le  Père  du  Talavay ,  dont 
l'avidité  étoit  infatiable.  Il  fit  fi  bien  qu'avant  les  huit  premiers  jours 
expirés ,  fans  que  le  Talavay  même  en  eût  connoiflance ,  la  paix  fut  con- 
clue à  Tirichirapali  avec  le  Roi  de  Tanjour,  qui  rendit  fes  bonnes 
grâces  auMiniflre,  &  lui  accorda  une  autorité  plus  étendue  que  jamais".  • 
Le  Roi  de  Maduré ,  petit  -  fils  de  Mangamir  al ,  étant  mort ,  après  un 
règne  de  vingt-huit  ans ,  fa  Mère ,  nommée  W'àngudtammal,  ou  Mimàtfch- 
animal j  monta  fur  le  Trône;  Mais  à  peine  avoit-elle  gouverné  quatre  ans, 
que  les  Mogols  fe  rendirent  maîtres  de  Tirichirapali,  le  26  d'Avril 
1736,  &  établirent  pour  Roi,  de  nom  feulement,  Cadturâfa  Tirumaleînai- 
keriy  petit-fils  de  Muttarhagatirinaiken ,  frère  cadet  de  Soccalinganaiken , 
dont  on  a  rapporté  l'avanture.  C'eft  ici  que  nous  bornons  cette  Hilloire , 
en  avertiflant  qu'elle  fera  continuée  dans  l'Article  de  Pondichery. 

IV.  Le  Royaume  de  MaiJJbur ,  ou  Mâ/hUr,  qui  s'étend  à  l'Ouefl  &  au 
Nord  du  Maduré  ,  doit  fon  nom ,  &  les  Princes  qui  y  régnent ,  à  un  Châ- 
teau, fitué  à  quelque  dillance  de  la  Capitale,  nommée  Chirengapatnam ,  Se 
renfermée  dans  une  Ifle  du  Caveri  (c).  La  Fortereffe  reflemble  aux  an- 
ciennes Villes  de  l'Europe ,  qui  étoient  fortifiées  par  des  tours.  Elle  a  un 
bon  fofle.  Le  Palais  du  Roi  n'a  rien  de  remarquable.  Les  Chrétiens  y 
ont  une  affez  jolie  Eglife. 

Cet  Etat  efl  de  tous  ceux  que  le  Mogol  n'a  pas  fubjugués ,  celui  qui  efl 
devenu  le  plus  confidërah  îe ,  par  les  conquêtes  que  fes  Princes  ont  faites  de 
plufieurs  Fortereffes ,  foit  dans  le  Royaume  de  Maduré ,  foit  dans  les  au- 
tres Etats  voifins.  On  lui  donne  près  de  quinze  millions  de  rente.  Il  a 
mis  fur  pied  des  Armées  de  trente  mille  hommes  d'Infanterie  &  de  dix 
mille  de  Cavalerie.  Le  Père  Cinnaîni ,  Jéfuite ,  Fondateur  de  la  MiflTion  é- 
tablie  dans  ce  Royaume,  affûre,  que  dès  l'année  1650,  les  Etats  de  Maif- 
four  s'étendoient  depuis  le  commencement  de  l'onzième  degré  de  Latitude 
feptentrionale  jufqu  au-delà  du  treizième.  Les  Terres  du  Samorin  &  des  au- 
tres Princes  du  Malabar,  le  bornent  du  côté  de  l'Occident. 

Ce  qui  a  rendu  les  Maiflburiens  Ci  redoutables  à  leurs  voifins ,  c'efl  la 
manière  cruelle  dont  ils  traitent  leurs  prifonniers  de  guerre.  Ils  leur  cou- 
pent à  tous  le  nez.  On  met  enfuite  ces  nez  coupés  dans  un  vafe  de  ter- 
re ,  on  les  fale ,  pour  les  garder  &  les  envoyer  à  la  Cour.  Les  Officiers 
&  les  Soldats  font  recompenfés  à  proportion  du  nombre  des  prifonniers 
qu'ils  ont  traités  avec  cette  barbarie.  Com- 

(r)  Sa  fituation ,  fuivant  le  P.  Bouchet ,  efl:  te  de  1737,  la  place  feulement  à  douze  de^ 
environ  les  treize  degrés  quinze  minutes  de  grés  quarante  minutes  ;  C'cfi  la  hauteur  que 
Latitude  du  Nord.  M.  d'AnviUe,  dans  fa  Car-     M.  Beilin  lui  donne  dans  la  lienne.. 

B3 


DE«CR»TtOIf 

niî  i.'Inde 

MÉRiniOHA- 
LB. 


Royaume 
deMailfour. 


u 


DESCRIPTION    DE    LA 


Descrtption 
D's  l'Inde 

MÉIUOIONA- 


Royaume 
de  Gingi. 

Defcription 
de  fa  Forte- 

relfe. 


Comme  le  Caveri,  qoi  prend  fa  fource  dans  les  montagnes  de  Gatte, 
traverfe  le  Maiflbur  pour  fe  rendre  fur  la  Côte  Orientale ,  les  Princes  de 
ce  Pays  ont  fouvent  eu  des  différends  à  cette  occalion ,  avec  les  Kois  de 
Maduré  &  de  Tanjour.  Le  Père  Martin  raconte  que  de  Ton  tems,  le  Roi 
de  Maiflbur  avoit  voulu  arrêter  le  cours  de  ce  Fleuve,  par  une  digue 
énorme  qu'il  avoit  fait  conftruire,  &  qui  occupoit  toute  la  largeur  du 
canal.  Son  deffein  étoit  de  détourner  les  eaux  par  cette  digue ,  afin  que 
fe  répandant  dans  les  canaux  qu'il  avoit  pratiqués,  elles  vinfl*ent  arrofer 
fes  Campagnes  ;  Mais  comme  il  ruinoit  en  même  -  tems  les  Royaumes  de 
Maduré  &  de  Tanjour ,  les  deux  Princes ,  attentifs  au  bien  de  leurs  E- 
tats,  fe  liguèrent  contre  l'ennemi  commun,  afin  de  le  contraindre,  par 
la  force  des  armes ,  à  rompre  une  digue  qui  leur  étoit  fi  préjudiciable.  Ils 
faifoient  déjà  de  grands  préparatifs ,  lorfque  le  Fleuve  vengea  par  lui-mê- 
me ,  comme  on  s'exprimoit  dans  le  Pays ,  l'affront  que  le  Roi  de  Maiffour 
faifoit  à  fes  eaux  facrées,  en  les  retenant  captives.  Tandis  que  les  pluyes 
furent  médiocres  fur  les  montagnes ,  la  digue  fubfifta ,  &  les  eaux  coulè- 
rent lentement  dans  les  canaux  préparés  ;  Mais  dès  que  ces  pluyes  tombè- 
rent en  abondance,  le  Fleuve  s'enfla  de  telle  forte,  qu'il  entr'ouvrit  la 
digue,  la  renverfa  &  l'entraîna  par  la  rapidité  de  fon  cours.  Ainfi  le 
Prince  de  Maiffour ,  après  bien  des  dépenfes  inutiles ,  fe  vit  fruftré  tout-à 
coup  des  richeffes  immenfçs  qu'il  s'étoit  promis  de  la  fertilité  extraordinaire 
de  les  terres.  .: .^-..v..' 

Tout  ce  qu'on  connoit  dans  le  Maiffour  efl:  dû  aux  Jéfuites,  qui  au 
rapport  des  Millionnaires  Danois  y  ont  établi  quelques  Eglifes,  &  tiennent 
à  ferme  le  Village  de  Pudâppâdi,  dont  les  Habitans  font  tous  Chrétiens. 

V.  A  l'Orient  de  Maiffour ,  &  au  Nord  des  Royaumes  de  Maduré  &  de 
Tanjour ,  on  trouve  la  Fortereflè  de  Gingi ,  Capitale  d'un  petit  Royaume 
de  ce  nom  (rf).  Ce  que  la  Fortereffe  a  de  particulier ,  ce  font  trois  mon- 
tagnes ,  qui  y  forment  une  efpèce  de  triangle.  On  a  bâti  un  Fort  fur  la 
cime  de  chaque  montagne,  d'où  l'on  peut  abîmer,  à  coups  de  canon,  ceux 
qui  fe  feroient  emparés  de  la  Ville.  Ces  trois  montagnes  s'uniffent  en- 
tr'eiles  par  des  murailles ,  &  par  des  tours  placées  d'efpace  en  efpace.  {Jn 
de  ces  Forts  a  communication  avec  un  bois  épais ,  qui  facilite  l'entrée  des 
fecours  dans  la  Place. 

La  Ville,  fituée  au  pied  de  la  Fortereffe,  du  côté  de  l'Orient,  ne  con- 
tient que  cinq  à  fix  cens  toifes  de  longueur ,  &  deux  cens  de  largeur ,  mais 
le  circuit  de  la  Fortereffe  vaut  environ  trois  mille  cinq  cens  toifes.  Son 
enceinte  eft  fort  irrégulière,  parcequ'elle  a  été  conduite  fur  le  fommet  de 
quatre  montagnes,  dont  on  a  fait  autant  de  Fortereffes  particulières  (e). 

La 


(d)  Latitude  douze  degrés  dix  minutes. 
M.  d'Anville  la  place  cinq  minutes  plus  au 
Nord,  &  M.  Bellin  cinq  minutes  plus  au 
Sud. 

(e)  Sur  la  quatrième  montagne  eft  un 
Pagode  magnifique,  qui  étant  environné 
d'une  double  enceinte  ,  peut  aufïï  paffer 
pour  une  efpèce  de  Fortereflè.    Il  y  a  encore 


un  Fort,  bâti  fur  un  grand  roc,  hors  de  !a 
Ville,  dont  il  defFend  le  paflage.  Le  feul 
qui  mène  aux  principales  Fortereffes  eft  une 
mont^,  pavée  d'ardoife,  ou  taillée  dans  le 
roc  en  quelques  endroits.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  admirable,  c'cft  que  l'eau  ne  manque 
pas  fur  ces  montagnes. 


e  Gatte, 
rinces  de 
I  Kois  de 
is,  le  Roi 
une  digue 
irgeur  du 
,  afin  que 
nt  arrofer 
raumes  de 
e  leurs  E- 
indre,  par 
ciable.   Ils 
)ar  lui-mê- 
e  Maiflbur 
;  les  pluyes 
laux  coulé- 
yes  tombè- 
:r'ouvrit  la 
1.     Ainfi  le 
uftré  tout-à 
:raordinaire 

tes,  qui  au 

&  tiennent 

irétiens. 

laduré  &  de 

Royaume 

c  trois  mon- 

Fort  fur  la 

;anon,  ceux 

miffent  eri- 

jace.    Un 

'entrée  des 

it,  ne  con- 

rgeur ,  mais 

oifes.     Son 

bmmet  de 

lières  (e). 

La 

)C,  hors  de  !a 
âge.  Le  feul 
ereffcs  eft  une 
taillée  dans  le 
quil  y  a  de 
lu  ne  manque 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III. 


15 


MÉllIDIONA- 
LE. 

Révolutions 
de  cet  Etat. 


La  principale,  <&  qu'on  peut  appeller  la  Citadelle ,  ell  à  l'angle  de  la  Place,  Dbjcrtption 
tournée  vers  ie  Nord-Oueft,  &  fe  nomme  Rasjegadu.     Outre  l'avantage  de    ^Jl^  ^}!^Zf, 
fafituation  fur  un  heuefcarpe,  elle  a  une  double  encemte,  dont  une  par- 
tie eft  prife  du  roc  même. 

Le  Palais  des  anciens  Rajas  efl  au  pied,  féparé  du  refte  de  la  Place  par 
un  retranchement.  Leur  Cour  étoit  fort  fomptueufe.  Ces  Rajas  recon- 
noiflbient  le  Roi  de  Bifnagar ,  ou  de  Narfingue ,  en  qualité  de  Souverain. 
Dans  la  fuite,  le  petit  Etat  de  Gingi  tomba  fous  la  puiflance  du  Roi  de 
Vifapour,  qui  s'étant  ligué  avec  celui  de  Golkonde,  vers  l'an  1650,  avoit 
dépouillé  le  Roi  de  Narfingue  de  ce  Pays.  En  1677,  le  fameux  Raja  Se- 
vagy  fe  rendit  maître  de  Gingi ,  que  ion  fils  conferva  quelques  années , 
comme  on  le  verra  dans  l'Article  fuivant.  Cependant  Aureng-Zeb,  après' 
la  conquête  des  Royaumes  de  Golkonde  &  de  Vifapour,  y  envoya  une 
Armée,  dont  les  efforts  furent  d'abord  inutiles.  L'Empereur  Mogol  ne  fe 
rebuta  point  ;  il  mit  à  la  tête  de  fon  Armée ,  un  Général  de  réputation , 
nommé  Julfakarkan.  Le  deflein  du  Général  étoit  de  prolonger  le  Siège, 
parcequ'il  trouvoit  fon  intérêt  dans  fa  durée.  Mais  Daourkan ,  un  de  fes 
Officiers  fubalternes,  prefFa  fi  vivement  l'attaque  de  fon  côté,  qu'il  empor- 
ta la  Place,  &  mit  par  cette  conquête  tout  le  Royaume  fous  la  puiflance 
d'Aureng-Zeb.  ^  "' 

On  ne  fera  point  un  Article  particulier  pour  le  Carnate.  Les  Relations 
du  Volume  précèdent  en  ont^  déjà  fait  connoître  les  principales  Places, 
&  le  Morceau  qui  va  fuivre,  y  ajoutera  encore  plufieurs  éciaircifleinens.] 


i   ......  -,j   -■.•    ■       .       ,         s       T        "•'-■''    ■'  ■        •       '■-  ■>     . 

...  ^  '     -     '       ,    ^  -  ■^  •  ■         .      _■--., 

'  .    Origine  de  V iLtablîJfement  des  François  à  ^ondichery»   ,^  •  .'    -J  ' 

C'EST  ici  l'occafion  qu'on  s'efl  promife,  à  la  fin  du  Voyage  de  Luil- 
lier  (a),  de  puifer  dans  une  meilleure  fource  des  idées  plus  juflies  de 
l'Ecablifleraent  François  de  Pondichery  (*). 

Remontons,  avec  l'Auteur  que  je  fais  profeflîîon  de  fuivre,  jufqu'à 
l'année  1674,  où  l'on  a  vu  ,  dans  une  Relation  précédente  (<r),  la  Ville 
de  Saint -Thomé  prife  en  peu  de  jours  par  les  armes  Françoifes,  fous 

le 


Etabliswt 

MENX  FbAN- 

çois  DE  Pon- 
dichery, 


1674. 


(a)  Au  Tome  précèdent.  Dans  l'Edition 
de  Paris ,  ce  Morceau  eft  à  la  fuite  du  Voya- 
ge de  Luil  lier;  mais  nous  l'en  avons  détaclié 
pour  les  raifons  connues.  R.  d.  E. 

(  /)  )  On  ne  fera  pas  difficulté  de  les  em- 
prunter du  troifième  Tome  de  l'Hiftoire  des 
Indes  Orientales  ,  par  M.  l'Abbé  Ciuyon. 
Cette  partie  de  fon  Ouvrage ,  ayant  été  com- 
pofée  fur  les  Mémoires  de  la  Compagnie  des 
Indes ,  avec  une  attention  d'autant  plus  mar- 
quée, que  les  deux  premiers  Tomes  en  font 
une  forte  d'introduftion ,  qui  ne  jaroît  rap- 
portée qu'à  cette  vue,  on  ne  fauroit  prendre 


un  guide  plus  fur  &  plus  exaft  ;  le  flylc  mê- 
me en  eft  affez  foûtenu,  pour  ne  pas  de- 
mander beaucoup  de  réformation.  L'Hiftoi- 
re des  Indes  Orientales ,  anciennes  ^f  moder- 
nes,  a  été  publiée  en  1744,  à  Paris,  chez 
De-Saivt  &  Saillant,  3  Vol.  Jn-12. 

(c)  Voyez  le  Journal  de  la  Haie  ,  au 
Tome  XI.  de  ce  Recueil.  Voyez  y  aulFi  ceux 
de  Renncfort ,  de  Girré  &  de  l'Eftra ,  &  ce- 
lui de  Dellon ,  ru  Tome  Xlll. ,  qui  contien- 
nent la  fuite  des  Etablillémcns  François  aux 
Induât 


M 


I6 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etablis'e- 

Mn.NTFRAN- 

Çi)l;:  DK  PoN- 

DICHEUV. 

1674. 


1^75. 


167^. 


le  commandement  de  l'Amiral  de  la  Haie  (d),  &  reprife  après  un  long  Siè- 
ge par  lesHollandois.  Ce  fut  dans  cette  conjonfture  que  iVIartin  reçut  ordre 
de  ie  rendre  à  Fondichery  (e),  où  la  Compagnie  des  Indes  avoit  déjà  un 
Comptoir  ,  pour  y  commander  les  François  fous  l'autorité  du  Roi  de  Vifa- 
pour.  Baron,  Dire6leur  de  Surate,  qui  avoit  accompagné  l'Amiral  delà 
Haie  dans  l'expédition  de  Ceylan,  &  pendant  les  deux  Sièges  de  Saint- Tho- 
mé(/),  prit  bien-tôt  la  même  route,  avec  quelques  Troupes  échappées  à 
la  guerre ,  pour  fe  procurer  une  parfaite  connoiflance  du  lieu  &  de  fes  a- 
vantages.  Il  y  lailla  foixante  hommes.  De-là  s'étant  rendu  à  Surate,  il 
écrivit  à  la  Compagnie ,  en  France ,  qu'au  défaut  de  Saint-Thomé ,  Fondi- 
chery pouvoit  être  préféré  à  beaucoup  d'autres  endroits  de  la  Côte,  & 
que  li  l'on  pouvoit  acquérir  la  propriété  de  la  Place ,  il  feroit  facile  d'y 
faire  un  Etabliffement  inébranlable. 

Martin  n'eut  pas  peu  de  peine  à  fe  foûtsnir  avec  fi  peu  de  forces. 
Cependant ,  pour  ne  pas  laifler  tout-à-fait  inutile  le  fond  que  la  Compa- 
gnie lui  avoit  confié,  il  en  donna  une  partie  à  intérêt  à  Chirkam-Loudy , 
Gouverneur  de  cette  Contrée  pour  le  Roi  de  Vifapour ,  fur  le  pied  d'un  & 
demi  pour  cent,  par  mois;  profit  qui  fervit  à  remplacer  fes  dépenfes  :  & 
n'en  étant  pas  moins  convaincu  des  avantages  de  fon  pofte ,  il  ne  cefloit 
pas  d'écrire  à  la  Compagnie,  qu'il  n'y  avoit  aucun  endroit  de  cette  Côte 
d'où  elle  pût  tirer  plus  facilement  &  à  meilleur  compte  les  guinées  &  les 
felempouris  (g). 

Au  commencement  de  l'année  1676 ^  Chirkam-Loudy ,  qui  étoit  entiè- 
rement dans  les  intérêts  de  la  France  ,  prévoyant  quelques  démêlés  qu'il  ne 
pouvoit  éviter,  avec  le  Gouverneur  de  Gingy  (A),  qui  efl:  la  Capitale  de 
la  Province,  à  une  journée  de Pondichery ,  &  ne  doutant  pas  que  le  Comp- 
toir François  ne  fût  expofé  aux  infultes  de  la  guerre,  envoya  trois  cens 
Soldats  à  Martin ,  pour  y  demeurer  fous  fes  ordres.  Comme  les  François 
occupoient  une  Maifon  fpacieufe ,  mais  fans  défenfe ,  ce  Général  leur  con- 
feilla  de  s'y  fortifier,  &  la  dépenfe  de  ces  premiers  ouvrages  ne  monta 
qu'à  fept  cens  écus.  --.-'-    ._:  .     ■ 


■.ih 


:  ,   .   Fii,    ^l'i.i  ,  ',.,4 1 

(i)  M.  l'Abbé  Guyon  fe  trompe  en  don- 
nant la  qualité  de  Directeur  de  la  Compa- 
gnie à  M.  de  la  Haie,  qui  étoit  un  Officier 
militaire,  mort  depuis  au  Siège  de  Thion- 
ville,  avec  le  grade  de  Lieutenant  Général 
des  Armées  du  Roi.  Il  ne  fe  trompe  pas 
moins ,  en  le  faifant  aller  à  Pondichery  après 
la  reddition  de  Saint-Thomé.  M.  de  la  Haie 
fut  renvoyé  en  France  par  les  HoUandois , 
fur  un  do  leurs  VailTeaux ,  fuivant  la  capitu- 
l:*:ion. 

Nota.  Dans  un  autre  endroit ,  l'Ai  bé 
Guyon  traite  M.  de  la  Haie  de  Viceroi:  & 
fi  le  reproche  qu'on  lui  fait  ici  étoit  fondé , 
ce  lëroit  la  faute  du  Mémoire  des  Archives 
de  l'.i  Compagnie,  dont  il  donne  la  Copie. 
Mais ,  ne 


peut- 11  pas  quil  y 


deux 


h  Haie,  &  que  le  Direifteur  fût  le  uiûme  qu 


•-■■■■•■     Mar- 

Dcllon  nomme  M.  desHayes^  R.  d.  E. 

(e)  Lorfque  les  François  y  arrivèrent, 
cette  Place  le  nommoit  Boudoutfcbery ,  &  c'é- 
toit  fort  peu  de  chofe.  Ce  fut  le  Direftcur 
Marcara  qui  y  établit  le  Comptoir,  en  1670, 
après  en  avoir  établi  un  à  Mafulipatan ,  en 
1669,  par  un  Traité  avec  le  Roi  de  Gol- 
konde. 

if)  C'cfl:  M.  Prcvofl  qui  fe  trompe,  & 
Dellon  nous  apprend  que  Baron  étoit  refté  à 
Surate,  d'où  il  ne  partit  que  le  8  de  Fé- 
vrier 1673,  pour  aller  au  fecours  de  M.  de 
la  Haie.  R.d.E. 

(ff)  Efpèces  d'étofFes.  Hijîoire  des  Indes, 
ubi  i'up.  pag.  215. 

(  i  )  Ce  Gouverneur  étoit  frère  de  Cavef- 
kam ,  dont  on  a  parlé  dans  l'Hiftoire  de  Do» 
Pedre  de  Caftro ,  au  Tome  précèdent. 


long  Slè- 
çut  ordre 
t  déjà  un 

de  Vifa- 
liral  de  la 
lint-Tho- 
happées  à 

de  Tes  a- 
Surate,  il 
é,  Pondi- 

Côte,  & 
facile  d'y 

de  forces, 
a  Compa- 
lam-Loudy, 
ied  d'un  & 
îpenfes:  & 
ne  ceflbit 
cette  Côte 
nées  &  les 

étoit  entié- 
ïlés  qu'il  ne 
Capitale  de 
e  le  Comp- 
trois  cens 
François 
leur  con- 
ne  monta 

Mar- 

d.  E. 

airivèrent , 
fcbery ,  &  Cè- 
le Direftcur 
)ir,  en  1670, 
UUpatan  ,  en 
loi  de   Gol- 

trompe,  & 
n  étoit  refté  à 

le  8  de  Fe- 
urs  de  M.  de 

)ire  des  Indes , 

ère  de  Cavef- 
ftoire  de  Don 
;dent. 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        17 

Martin  écrivoit  à  la  Compagnie,  au  mois  de  Janvier  1677,  qu'il  avoit 
affermé  l'Aidée  de  Fafqumambat ,  qui  n'efl:  éloignée  que  d'un  quart  de  lieue 
de  Pondichery,  qu'elle  fe  peuploit  de  jour  en  jour,  qu'elle  s'embellilToit, 
&  que  depuis  trois  mois ,  qu'il  avoit  entrepris  dy  former  un  nouveau  Vil- 
lage ,  il  y  avoit  déjà  quarante  maifons  d'achevées  ;  que  l'on  continuoit  de 
bàcir,  &  qu'en  moins  de  (ix  femaines,  il  en  pourroit  tirer,  chaque  mois, 
cent  cinquante  pièces  de  guinées,  qui  augmenteroient  à  proportion  que 
l'Aidée  fe  peupleroit;  &  que  pour  y  attirer  des  Ouvriers,  il  les  avoit 
exemptés ,  pour  une  année ,  de  toutes  fortes  de  droits. 

Au  mois  d'Oélobre  fuivant,  il  arriva  de  grands  changemens  dans  la 
Province  de  Gingy.  Chirkam-Loudy  fe  promettoit  de  terminer  la  guerre 
en  fe  rendant  maître  de  la  Capitale;  lorfqu'un  ennemi,  dont  il  fe  défioit 
peu ,  vint  traverfer  des  deffeins  qui  ne  pouvoient  tourner  qu'à  l'avantage 
de  la  Compagnie.  Sevagy ,  ce  fameux  Rebelle ,  dont  on  a  lu  tant  de  fois 
le  nom  dans  les  Relations  précédentes ,  s'étant  rendu  redoutable  au  Roi  de 
Golkonde ,  força  ce  Prince  de  lui  donner  une  fomme  confidérable ,  fit  al- 
liance avec  lui  pour  la  conquête  de  la  partie  du  Carnate  qui  appartenoit  au 
Roi  de  Vifapour ,  &  marcha  contre  la  Ville  de  Gingy.  Le  Gouverneur , 
qui  ne  fe  crut  poi:  t  en  état  de  réfifter  à  cette  nouvelle  attaque,  remit  la 
Place  &  les  Terres  de  fa  dépendance,  par  un  traité  qui  lui  afluroit  d'autres 
Terres  dans  le  Royaume  de  Golkonde.  Une  conquête  fi  prompte  excita 
Sevagi  à  faire  marcher  Tes  Troupes  contre  Velour  ^  célèbre  FortereflTe,  & 
l'ancien  féjour  des  Rois  de  Carnate.  Mais  la  valeur  du  Commandant  lui 
faifant  craindre  un  trop  long  Siège,  il  laifla  la  Place  blocquée  par  un 
Corps  de  Troupes;  &  le  reft:e  de  fon  Armée,  compofée  de  vingt  cinq 
à  trente  mille  hommes  d'infanterie  &  de  dix  ou  douze  mille  chevaux, 
s'avança  contre  Chirkam ,  qui  n'avoit  alors  que  trois  mille  chevaux  &» 
quelques  mille  hommes  de  pied.  Cet  Ami  des  François  fut  contraint 
de  fe  retirer  en  defordre.  Il  fe  renferma  dans  une  Place ,  nommée  Bonc- 
gupamant,  où  il  fut  bien-tôt  aflîégé.  Après  quelques  jours  dedéfenfe,  il 
fe  vit  forcé  de  remettre  au  Vainqueur  toutes  les  Places  qu'il  tenoit  pour 
le  Roi  de  Vifapour ,  &  de  payer  une  fomme  de  vingt  mille  pagodes. 
^Ses  fils  demeurèrent  en  otage,  pour  le  payement  de  cette  fomme;  tandis 
f  que  fe  retirant  dans  les  bois ,  à  quatre  ou  cinq  journées  de  Pondichery , 
il  dépêcha  des  Courriers  au  Roi  fon  Maître ,  pour  l'informer  de  l'état  de 
la  Province. 

Martin,  qui  comprit  aufTi-tôt  de  quoi  il  étoit  menacé  dans  Pondiche- 
ry, chercha  les  moyens  de  fe  mettre  à  couvert.  Quoique  Sevagi  eût 
toujours  marqué  de  l'affeftion  pour  les  François,  il  le  crut  obligé,  par 
la  prudence,  de  failir  l'occafion  d'un  Navire  Portugais,  qui  mouilla  dans 
la  Rade ,  pour  envoyer  à  Madras  les  effets  que  la  Compagnie  avoit  dans 
les  Indes.  Enfuite  n'efpérant  rien  de  la  fituation  de  Chirkam ,  ni  du  pe- 
tit nombre  de  François  qu'il  avoit  fous  fes  ordres,  il  prit  le  parti  d'en- 
voyer au  Vainqueur,  qui  venoit  déjà  vers  la  Ville,  un  Brame  attaché 
au  fervice  de  la  Compagnie,  pour  le  féliciter  de  fon  arrivée  dans  la 
Province,  &  du  progrès  de  fes  armes.  Cette  politique  eut  le  fuccès  qu'il 
s'en  étoit  promis.    Sevagy  fit  des  plaintes  de  la  Nation  Françbife,  &  lui 

X/F.  Part.    .  C  re- 


ETAfMSSF- 

mentFkan- 
çois  nE  Pon- 
dichery. 

1677. 


1(58  0. 


fS 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etablisse- 
ment Fran- 
çois UK  P0N> 

DICHBRT. 

1(58  o. 


Terres  cé- 
dées à  la  Co]n- 


1^86. 


On  com- 

mence à  for- 

tifier Pondi- 

chcry. 

1689. 

reprocha  particulièrement  de  s'être  déclarée  pour  Chirkam ,  contre  le 
Gouverneur  de  Gingy.  Mais  l'Envoyé  remplit  fa  commiflTion  avec  tant 
de  bonheur  &  d'habileté,  qu'il  obtint  un  Caoul^  c'eft-à-dire,  un  Aéie 
formel ,  par  lequel  Sevagy  accordoit  aux  François  la  liberté  de  demeu- 
rer dans  Pondichery ,  à  la  feule  condition  de  ne  prendre  aucun  parti  dans 
fes  guerres  (i).  Ut  ■  .  j  'r  . 

Cette  faveur  ne  coûta  aux  François  qu'un  préfent  de  cinq  cens  pago- 
des. Dans  le  cours  de  la  même  année,  Martin,  n'ayant  pCl  fe  faire  relli- 
tuer  les  femmes  qu'il  avoit  prêtées  à  Chirkam-Loudy ,  obtint  de  ce  Seigneur 
une  ceffion  autentique  du  revenu  des  Terres  de  Pondichery,  jufqu'à  la  con- 
currence du  payement.  Enfuite,  il  paroit  qu'au  milieu  des  guerres  voifi- 
nes ,  l'Etabliflement  François  fut  refpeélé  ;  quoiqu'il  n'eût  alors  que  trente- 
quatre  hommes  pour  fa  défenfe  {k).  En  1686,  le  calme  ayant  fiiccedé 
aux  troubles  du  Pays ,  Martin  fit  bâtir  deux  grands  Magafms  de  brique ,  & 
d'autres  Edifices  (/).  Deux  ans  après,  on  commença  plus  férieufement 
à  fe  fortifier,  par  un  mur  aJez  fort,  qui  fut  élevé  du  côté  de  l'Oueft  (m), 
&  qui  a  été  continué  ,  depuis ,  des  autres  côtés  de  la  Loge.  En  1689,  ie 
Direéleur  obtint  des  Officiers  de  Sotmnagy-Raja  (n),  fils  &  fuccefleur  de 
Sevagy ,  la  liberté  d'augmenter  les  Fortifications  de  quatre  tours ,  dont  il 
flanqua  les  courtines.  Ce  fut  vers  le  méme-tems,  quil  fut  informé  de  la 
prife  &  de  la  mort  de  Sommagy.  Ce  malheureux  Prince,  étant  tombé 
dans  une  embufcade  de  Troupes  du  Mogol ,  par  la  trahifon  d'un  de  fes 
Miniftres,  fut  conduit  devant  le  Vainqueur,  qui  lui  fit  crever  les  yeux  & 
couper  la  tête. 

Le  defordre  que  cet  événement  jetta  dans  la  Province,  fut  augmenté  par 
l'avis  qu'on  reçut  aux  Indes ,  d'une  déclaration  de  guerre  entre  la  France 
&  la  Hollande.  Les  Hollandois,  quoiqu'aflfez  foibles  fur  la  Côte ,  employè- 
rent 


i 

■ji" 


(0  M.  l'Abbé  Guyon  rapporte  ce  Gaoul: 
Avec  la  liberté  d'exercer  toutes  fortes  de  Com- 
merces ,  &  de  bâtir  des  Magafins  dans  toute 
l'étendue  du  Gouvernement  de  Gingy,  „  il 
„  accorde  à  la  Compagnie  l'exemption  de 
„  tous  les  droits ,  à  la  referve  d'un  &  demi 
„  peur  cent  fur  toutes  les  marchandifes  qu'el- 
„  le  fera  embareiuer  ou  débarquer;  lorfqu'cl- 
„  les  fe  vendront,  les  Marchands  payeront 
„  le  même  droit  pendant  l'epace  de  cinq  an- 
„  nées  ;  lefquelles  expiiées ,  on  payera  deux  & 
„  demi  pour  cent,  pour  toujours,  moyen- 
„  nant  quoi ,  la  Compagnie  eft  exempte  des 
„  autres  droits ,  comme  Paliagars ,  Toiiars , 
^  Pejeurs ,  &  généralement  de  tous.  Aucu- 
„  ne  Nation ,  comme  Anglois ,  Danois ,  Por- 
„  tugais  &  tous  autres,  ne  pourront  négo- 
„  cier  ni  débarquer  aucune  marchandife  à 
„  Pondichery,  fans  la  permimon  de  la  Com- 
„  pagnie.  Tous  les  Ouvriers  &  Serviteurs 
„  de  la  Compagnie  demeureront  libres  à 
„  Pondiclicry,  fans  qu'ils  foient  obligés  de 
,^  payer  aucun  des  droits  que  les  Habitans 


„  payent  au  Divan.  La  Compagnie  pourra 
„  prendre  à  fon  fervice  le  nombre  de-  Laf- 
„  cars  &  de  Serviteurs  qui  lui  fera  nécelTai- 
„  re.  Si  les  gens  de  la  Compagnie  ont  qucl- 
„  que  démêlé  avec  ceux  du  Dtvan ,  ou  mé- 
„  ritent  châtiment,  la  Compagnie  fera  jufti- 
„  ce  ,  fans  qu'aucun  Officier  du  Divan  e» 
„  puifTe  connoître,  &c.  Le  préfent  Caoul 
„  devant  valoir  pour  toujours.  Fait  ie  15 
„  Juillet  1680."  Ibid.  pag.  228  &  précé- 
dentes. 

(  *  )  Ce  nombre  s'y  trouvoit  au  commen- 
cement de  l'année  1679;  ainfi  il  pouvoitbien 
avoir  été  augmenté  depuis.  R.  d.  E. 

(  /  )  La  Loge  n'étoit  encore  couverte  que 
de  paille. 

(m  )  L'ordre  en  fut  donné  par  M.  de  Cebe- 
ret ,  un  des  Envoyés  de  France  à  Siam ,  d'où  il 
étoit  parti,  avant  la  Loubere,  pour  aller  -ri- 
fiter  les  Etubliffemcns  François.  Voyez  J^. 
fécond  "Voyage  de  Siam;  au  TomeXJI. 

(  n  )  Il  ed  nommé  aullî  SandoJ'cbi  Si  San^ 
bogi-Raja.  R.d  E.. 


f 


■^ 


contre  le 
avec  tant 
un  A6le 
é  demeu- 
jarti  dans 

ens  pago- 
'aire  reiti- 
s  Seigneur 
Li'à  la  con- 
rres  voifi- 
[ue  trente- 
it  fuccedé 
brique ,  & 
rieulement 
)ueft  (w), 
ti  1689,  Je 
•cefîeur  de 
rs,  donc  il 
)rmé  de  la 
ant  tombé 
'un  de  fes 
ss  yeux  & 

^menté  par 

la  France 

,  employé- 

renc 


agnie  pourra 

nbrc  de-  Laf- 

era  iiécelTai- 

rnie  ont  qucl- 

van,  ou  iné- 

lie  fera  jufti- 

u  Divan  en 

réfent  Caoul 

Fait  le  15 

&    précé- 


:i 


au  commen- 
pouvoit  bien 

E. 
couverte  que 

r  M.  de  Ccbe- 
Siani ,  d'où  il 

pour  aller  rî- 
s,     Voyoz  ïj, 

oineXJI. 

doj'chi  à,  Sam^ 


■■«- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        i^ 

rent  auffî-tôc  toutes  fortes  de  moyens  pour  enlever,  à  la  Compagnie  Fran- 
çoife  un  porte  qu'ils  croyoient  nuifible  à  leur  Commerce;  &  n'efpérant 
rien  de  la  ^rce,  ils  prirent  le  parti  de  s'addreffer  k^vyRnji,  Gouverneur 
général  de  la  Province,  auquel  ils  firent  offrir  une  Ibmme  confidérable , 
pour  la  fubfiftance  des  Troupes  de  Rame-Raja,  frère  &  fuccciTeur  de  Som- 
niagy  ('0  »  ^^*^^  ^^^  grands  préfens  pour  lui-même,  s'il  vouloit  leur  aban- 
donner  Pondichery.  Ces  tentatives  demeurèrent  fans  fuccès:  mais  elles 
excitèrent  les  François  à  fe  précautionner.  Ils  mirent  fix  pièces  de  canon 
fur  chacune  de  leurs  quatre  tours.  Ils  barricadèrent  les  avenues  de  leur  Lo- 
ge, &  tous  les  polies  furent  gardés  par  des  Soldats  du  Pays  (p). 

Pendant  toute  l'année  fuivante,  ils  fe  virent  fi  continuellement  me- 
nacés par  les  Anglois  &  les  Hollandois,  qu'en  1691 ,  Martin  prit  la  réfo- 
lution  de  faire  palier  toutes  les  bouches  inutiles  chez  les  Portugais  deSaint- 
Thomé ,  qui  leur  firent  un  accueil  fort  civil.  11  fit  des  provifions  de  vi- 
vres &  de  munitions.  Le  nombre  des  Soldats  du  Pays  fut  augmenté.  On 
éleva  une  Redoute ,  fur  le  terrain  où  les  Capucins  avoient  commencé  à  fe 
bâtir  un  Couvent;  &  l'on  fortifia  quelques  autres  endroits  ^  où  les  Enne- 
mis pouvoient  fe  loger.  Ces  mouvemens  continuèrent  jufqu'en  1693.  A- 
Jors  les  Hollandois  parurent  devant  la  Ville ,  avec  des  forces  capables  d'at- 
taquer la  plus  importante  Place  des  Indes.  Leur  Efcadre  étoit  compofée 
de  dix-neuf  Navires  ,  de  plufieurs  Bots  «Se  demi-Bots ,  de  doubles  Chalou- 
pes ,  &  de  divers  Bacitnena  du  Paya.  Us  mirent  à  terre  plus  de  quinze 
cens  hommes  de  Troupes  réglées;  un  grand  nombre-ae  Matelots;  desBou- 
ghis,  des  Macafilirs  &  des  Chingales,  qui.montoient  à  plus  de  deux  mille; 
quinze  ou  vingt  pièces  de  canon  de  fonte,  de  dix-huit  livres  de  balle, 
vingt-quatre  pièces  de  campagne ,  fix  mortiers ,  &  beaucoup  plus  de  muni- 
tions qu'ils  n'en  avoient  befoin  pour  leur  entreprife  ;  fans  compter  qu'ils  a- 
voient  déjà  gagné  le  Prince  du  Pays,  qui  leur  avoit  vendu  la  Ville  ,  avec 
toutes  fes  dépendances.  Cette  négociation  leur  avoit  coûté  plus  de  cin- 
quante mille  pagodes.  Les  François  furent  atta(|ués  vigoureufement.  Ils 
réfiftèrent  pendant  plufieurs  jours  :  maiy,  dans  l'impuiflance  de  tenir  plus 
long-tems  contre  des  forces  fi  nombreufes ,  ils  battirent  la  chamade  le  6  de 
Septembre,  &  les  articles  de  la  capitulation  furent  dreflcs  (q). 

Ainsi  le  Fort  de  Pondichery  changea  de  Maîtres  &  demeura  près  de 
fix  ans  entre  les  mains  des  Hollandois.  La  Compagnie  n'y  rentra  qu'au 
commencement  de  l'année  [1699] ,  en  exécution  du  Traité  de  Rifwick.  Elle 
trouva  les  Fortifications  confidérablement  augmentées.  Les  Hollandois  a- 
voient  achevé  l'enceinte  des  murs,  &  les  avoient  flanqués  de  fept  baflions. 
Ils  demandèrent  le  rembourfement  de  leurs  dépenfes ,  qui  furent  réglées  à 

feize 


Etarmssiî. 

MENT  IM'.AN- 

çois  ni;  Pon- 
dichery. 

1689. 


__I  <59I.__ 

Pondiclicr? 
paffe  au  pou- 
voir des  liol- 
lundois. 


(  0  )  Ce  Princs ,  nommé  autrement  Rani-Ra- 
ja ,  s'étoit  enfermé  dans  la  ForterefTe  do  Gin- 
gy ,  où  il  fat  afllégé,  en  1690,  par  les  Trou- 
pes Mogolcs  ,  qui  n'emportèrent  la  Place 
qu'au  bout  de  deux  ans ,  comme  on  l'a  vu  ci- 
dclTus.  R.  d.  E. 

(  /  )  Si  le  nombre  des  François  n'étoit  pas 
augmenté  depuis  les  dernières  années,  ce  que 


I  69 


1699. 


Los  Fran- 
çois y  rentrent 
par  ie  Traité 
de  Rifwick. 


l'Auteur  ne  fait  pas  remarquer,  ils  n'étoicnt 
pas  plus  de  trente-quatre. 

Nota.  Il  y  a  peu  d'apparence  que  ce  nom- 
bre fût  encore  le  même ,  après  l'efpace  d'on- 
ze années.  Voyez  ci-deffus  nôtre  Note  (k). 
R.  d.  E. 

(q)  M.  l'Abbé  Guyon  en  rapporte  les  ar- 
ticles, pag.  234.  ^  J'uiv. 

C  2 


$ê 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etaulissë- 
MENT  Fran- 
çois DE  PoN- 

mCHEllX'. 

1699. 

IN  s'y  forti- 
fient. 


I  7  10. 


J72  3- 

Defcription 
de  Pondiche- 
xy. 


I 


feize  mille  pagodes,  &  payées  fur  cette  eftimation.  Auflî-tôt  Martin, 
dont  la  conduite  fut  honorée  de  diverfes  récompenfes ,  reçut  ordre  de  ne 
rien  épargner  pour  mettre  la  Place  en  état  de  refifter  à  toutes  fortes  d'in- 
fultes.  Avec  quantité  de  munitions  de  guerre ,  on  lui  envoya ,  pour  gar- 
nifon ,  deux  cens  Soldats  François ,  auxquels  il  joignit  trois  cens  Topafes , 
u'il  avoit  amenés  du  Bengale.  On  lui  donna  des  Officiers ,  pour  comman- 
er  les  Troupes ,  &  deux  Ingénieurs ,  pour  achever  les  Fortifications.  Dés 
la  fin  de  1699,  il  marquoit  à  la  Compagnie  ,  qu'il  avoit  fait  bâtir,  dans  la 
Ville,  cent  nouvelles  Maifons  ,  pour  y  attirer  les  Peuples  du  Pays;  &  dix 
ans  après ,  on  y  comptoit  déjà  cinquante  à  fcixante  mille  Ilabitans.  De- 
puis 1685,  jufqu'en  1710,  elle  avoit  coûté  plus  de  huit  cens  mille  livres  à 
îa  Compagnie  des  Indes-  (r). 

La  langueur  où  l'on  vit  tomber  le  Commerce  retarda  le  projet  d'aggran- 
dir  &  de  fortifier  Pondichery.  Cependant  le  nombre  des  Habitans  &  des 
Maifons  croiflant  de  jour  en  jour ,  la  Compagnie  réfoluc  de  faire  environ- 
ner de  murs  la  Ville  entière.  Elle  fit  une  partie  des  fraix ,  &  les  Habitans 
contribuèrent  pour  le  refte.  Une  impofition  de  deux  fous  par  mois ,  fur 
chaque  tête,  faciUta  beaucoup  le  progrès  de  l'ouvrage,  qui  fut  commencé 
en  1723  (j),  &  pouffé  avec  beaucoup  de  confiance. 

L'attention  que  les  Gouverneurs  ont  toujours  eue  d'aflîgner  le  ter- 
rain aux  particuliers  qui  demandoienc  la  permiffion  de  bâtir,  a  formé, 
comme  infenfiblement ,  une  Ville  aufli  régulière  que  fi  le  plan  avoit  été 
tracé  tout-d'un-coup.  Le»  mes  en  paroilîent  tirées  au  cordeau.  La  prin- 
cipale ,  qui  va  du  Sud  au  Nord ,  a  mille  toifes  de  long  ,  c'eft-à-dire ,  une 
demie-lieue  Parifienne;  &  celle  qui  croife  le  milieu  de  la  Ville  efl:  de  fix 
cens  toifes.  Toutes  les  maifons  font  contigues.  La  plus  confidérable  eft 
celle  du  Gouverneur.  De  l'autre  côté,  c'eft-à-dire  au  Couchant ,  on  voit 
le  Jardin  de  la  Compagnie,  planté  de  fort  belles  allées  d'arbres,  qui  fer- 
vent de  promenade  publique ,  avec  un  grand  Edifice,  richement  meublé, 
où  le  Gouverneur  loge  les  Princes  étrangers  &  les  Ambafladeurs.  Les 
Jéfuites  ont,  dans  la  Ville,  un  beau  Collège,  dans  lequel  douze  ou  quin- 
ze de  leurs  Prêtres  montrent  à  lire  &  écrire,  &  donnent  des  leçons  de 
Mathématiques  ;  mais  ils  n'y  enfeignent  pas  la  langue  Latine.  La  Maifon 
des  Miffions  étrangères  n'a  que  deux  ou  trois  Prêtres,  &  le  Couvent  des 
Capucins  en  a  fept  ou  huit  (r). 

■•■■■..;":  "    :  -  .:■   '.:.  .  :•       ,;     .    ^      '    J         ;u         "  QUOI- 


(r)  Ibidem,  pag.  247.  Tout  le  détail  pré-  G. 

cèdent  efl:  tiré  des  Archives  de  la  Compagnie.  H. 

(s')  Voyez  les  réflexions   qui  finifTent  cet  I. 

Article.    Toutes  nos  Compagnies  de  Com-  K. 

merce  avolent  été  réunies  en  17 19.  L. 

(«)  Explication  des  Renvois  du  Plan  de  M. 

Pondichery.  N. 

A.  Le  Fort.  O. 

D.  Ouvrage  à  Corne.  P. 
C.  Ballion  de  St.  Laurent.  '  Q. 
D. de  St.  Louis.  R. 

E.  — — —  d'Anjou.  S. 
F»      ■   ■'.  d'Orléans.                   ,        .  ,  , 


Baftion  dé  la  P'^rte  de  Madras. 
-^— —  du  Nord-Oueft. 

de  St.  Tofeph. 

—  Porte  de  Valdaour. 

Baiiion   Valdaour. 

Sans  peur. 

Porte  Villenour. 
Baflion  Villenour. 

de  la  Reine. 

de  l'Hôpital.  ' 

. • —  Goudelour. 

Petite  Batterie.. 


i' 


^r\ 


i.L'E- 


k  Martin, 
rdre  de  ne 
fortes  d'in- 
pour  gar- 
s  Topafes, 
;r  comman- 
tions.  Dès 
ir,  dans  la 
lys;  &  dix 
tans.  De- 
ille  livres  à 

t  d'aggran- 
:ans  &.  des 
e  eiiviron- 
s  Habitans 
■  mois,  fur 
commencé 

;ner  le  ter- 
,  a  formé, 
i  avoit  été 
La  prin- 
L-dire,  une 

eft  de  fix 
dérable  efl 
it ,  on  voit 
5,  qui  fer- 
it  meublé, 
eurs.  Les 
se  ou  quin- 

leçons  de 
La  Maifon 
ouvent  des 

Quoi- 

:as. 


i.L'E. 


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Le 
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lalgr 
l'eau  , 
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[dans  ]( 
[de  pr< 
4' avec  I 
,f  te  fur 
.  un  pie 
j,  ment , 
'  I  6f  trot 
i  puits  e 
idrefle 
L'onfer 
3éborc 


^'fi 


1.  L'E{ 

2.  L'Ej 

3-  Jaid 

4-  Jard 

5-  Jard 
6.  L'H( 
7-  Anci 
8.  L'Hc 
9-  Maif 

fio.  L'Hc 

^11.  Ciim 

;i  12.  Cime 

i  13.  Gran 

»  14.  Prifo 


."'  .^'iS'.  fli/rA- 


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•den. 


PRESQU'ISLE  en  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III. 


21 


Pondichery 
commodes. 


^ maifons 

riclTes  Habitans  font  belles  &  commodes.  '  Les  Gentils  y  ont  deux  l'agodcs , 
que  les  Rois  du  Pays  leur  ont  fait  conferver ,  avec   la  liberté  du  cul- 
te pour  les  Bramines   (t>);    Ces    peuples    font  pauvres,    mais  occunés 
fans  ccflc  au  travail,  ils  font  toute  la  riclv.fll.'  de  la  Ville  &  du  Pays  (x). 
Leurs  maifons  n'ont  ordinairement  que  huit  toifes  de  long,  fur  fix  de  lar- 
ge, pour  quinzç  ou  vingt  perlbnnes  &  quelquefois  plus.     Elles  font  fi 
obfcures,  qu'on  a  peine  à  comprendre  qu  ils  ayent  allez  de  jour  pour  leur 
travail.     La  plupart  font  Tifllrunds,  Peintres  en  toile,  ou  Orfèvres.     Ils 
paflent  la  nuit  dans  leurs  cours  ou  fur  le  toît ,  prefque  nuds ,  &  couchés 
fur  une  fimple  natte  :  ce  qui  Lur  efl  commun,  à  la  vérité,  avec  le  relie 
des  Habitans;  car  Pondichery  itunt  au  douzième  degré  de  Latitude  fepten- 
-  trionale,  &  par  conféquent  dans  la  Zone  torride  ,  non-feulement  il  y  fait 
I  très-chaud,  mais  pendant  touto  l'année  il  n'y  pleut  que  fept  ou  huit  jours, 
vers  la  fui  d'UCtobre.     Cette  pliye,  qui  arrive  régulièrement,  efl  peut-être 
>un  des  phénomènes  les  plus  linguliers  de  la  Nature. 
i    Les  meilleurs  Ouvriers  Gentils  ne  gagnent  pas  plus  de  deux  fous  dans 
%ur  journée:  mais  ce  gain  leur  fuffit  pour  fubfifter,  avec  leurs  femmes  & 
îuTs  enfans.     Ils  ne  vivent  que  de  riz  cuit  à  l'eau ,  &  le  riz  efl  à  très-bon 
larché.     Des  gâteaux  fans  levain,  cuits  fous  la  cendre,  font  le  feul  pain 
lu'ils  mangent  ;  quoiqu'il  y  aît  à  Pondichery  d'auffi  bon  pain  qu'en  Europe, 
mialgrc  la  fécherefle  du  Pays,  le  riz.  gui  ne  croît  pour  ainfi  dire  que  dans 
JH'eau  ,  s  y  recueille  avec  une  prodigieule  abondance;  &  c'efl  à  l'induHrie 
msM  travail  continuel  des  Gentils,  qu'on  a  cette  obligation.    lU  creufent 
«dans  les  champs,  de  diflance  en  dirtance  ,  des  puits  de  dix  à  douze  pieds 
'|de  profondeur,  fur  le  bord  defquels  ils  mettent  une  efpèce  de  balcule, 
.   avec  un  poids  en  dehors.  &  un  grand  feau  en  dedans.     Un  Gentil  mon- 
te fur  le  milieu  de  la  bafcule,  qu'il  fait  aller,  en  appuyant  alternativement 
un  pied  de  chaque  côté  ,  &  chantant  fur  le  même  ton,  fuivant  ce  mouve- 
;,  ment,  en  Malabare,  qui  efl  la  langue  ordinaire  du  Pays,  Q'mb,  Ùdeux^ 
'  àf  trois  y  &.C. ,  pour  compter  combien  il  a  tiré  de  féaux.     AufTi-tôt  que  ce 
ll>uits  efl  tari ,  il  palTe  à  un  autre.    En  général,  cette  Nation  efl  d'une  a- 
jidrefle  étonnante  pour  la  diflribution  &  le  ménagement  de  l'eau.    Elle  en 
Iconferve  quelquefois  dans  des  étangs,  des  lacs  &  des  canaux,  après  le 
îébordement  des  grandes  Rivières,  telles  que  le  Colram,  qui  n'ell  pas  é- 

loigné 
15.  Ouvrages  neufs,  faits  en  1740  &  1741. 


^'Eglife  des  Capucins. 
.'Eglife  dos  Jéfuites. 
^aidins  de  la  Compagnie, 
ardins  des  Jéfuites, 
ardins  des  Capucins.  .'.    '  :  .'. 

.'Hôpital. 
f,    7.  Ancien  Jardin  de  la  Compagnie. 

18.  L'Hôpital  de  la  Compagnie. , 
9.  Maifon  du  Gouverneur.  ■; 

10.  L'Hôtel  de  la  Monnoye. 
v'ii.  Cimetière  des  Malabares. 
,1.12.  Cimetière  des  François.  ;,- .  r.-. 

;«  13.  Grand  Marché. 
%  14.  Prifou  des  Malabares.  .  »..^  .;,  w-_ 


16.  Ouvrages  de  1740. 

17.  Marché  de  St.  Laurent.  '"     "   ' 

18.  Batterie  dos  Toiles.  •  î.'  ' 

19.  Place  Dumas.  .    , 

20.  Les  Miffionnaires. 

21.  La  grande  Pagode. 

(v)  On  prononce  Brame  dans  le  Pays, 
(X  ;  Tout  ce  qui  efl:  dit  ici  des  Gentils  en 
général  ,  M.  Prcvoft  l'avoit  appliqué  en 
particulier  aux  Bramines,  Des  Prêtres  labo- 
rieux aux  Indes  l  i,^  rencontre  fcroit  ûngu- 
Uère.  R.  d.  E,  : 


MKNT  Fran- 
çois DF.  PoN- 
l^ICIIhRY. 

Lc>  Gentils 
font  In  richef- 
fL'dcla  \'iUu 
&  du  Pays. 


PhéiKHiiè- 
ne  remanitia- 
bic. 


Nntiii'cl  Ii- 
horieiix  des 
Gentils. 


•".  i.i  ■    ,  t 


7  tfif*' 


iljC'SîA 


■f'-.f 


9'». 


DESCRIPTION     DE     T.  A 


lÎTAnt.IlIRB- 

MF.NT  I'rAN- 

Çi'IS  OR  l'oN- 

OICdhuY. 

RniL'  de 

PoiuliduTy. 


lùit  du 

Ciouvcrncur. 


i735> 

Forces  de 
la  Ville. 

Honneurs 
&  Privilc.i^cs 
accordûs  aux 
François. 

Monnoyc 
que  M.  Du- 
mas fait 
frapper. 

1736.. 


loigric  de  Pondichcry.  Les  Mahomiitans  ,  auxquels  on  donne  ordinaire- 
ment le  nom  de  Maures  y  font  aulii  laincuns  que  les  Gentils  font  labo. 
rieiix  (y), 

l.A  Ville  de  Pondichcry  cH:  à  quarante  ou  cinquante  toifes  de  la  Mer, 
dont  Icllux,  fur  cette  Côte,  ne  s'eleve  jamais  plus  de  deux  pieds.  C'ell 
une  fimple  Rade,  où  les  Vailleaux  ne  peuvent  aborder.  On  employé 
des  Bateaux  pour  aller  recevoir  ou  porter  des  marciiandifes ,  à  la  diflan- 
ce  d'une  lieue  en  Mer;  extrême  incommodité,  pour  une  Ville  où  rien  ne 
manque  d'ailleurs  à  la  douceur  de  la  vie.  Les  alimens  y  font  à  très -vil 
prix,  (^n  y  fait  bonne  chère  en  grolll  viande,  en  gibier,  en  poiflbn. 
Si  l'on  n'y  trouve  point  les  fruits  d'Eté  qui  croillent  en  Europe,  le  Pays 
en  produit  d'autres  qui  nous  manquent,  «îs:  qui  font  meilleurs  que  les  nô- 
tres (z). 

Le  Crouverneur  général  de  la  Compagnie  a  douze  Gardes  à  cheval,  en 
habits  d'écarlate,  avec  un  parement  noir  &  un  bordé  d'or.  Leur  Capitai- 
ne elt  galonné  fur  les  tailles  &  les  coutures.  La  Garde  à  pied ,  coinpofée 
de  trois  cens  hommes,  qui  portent  le  nom  de  Pions ^  fert  à  diverfes  fonc- 
tions, fuivant  les  ordres  qu'elle  reçoit.  Mais,  lorfqu'il  ell  queftion  de  re- 
cevoir un  Roi,  un  Prince,  ou  quelque  Ambalfadeur  extraordinaire,  tout 
ce  cortège  accompagne  le  Gouverneur.  Dans  ces  occafions  folemnelles, 
où  les  Officiers  de  la  Compagnie  font  obligés  de  fe  conformer  &  de  répon- 
dre au  fafie  des  Orientaux ,  11  fe  fait  porter ,  par  fix  hommes ,  fur  un  Par 
lanquin  dont  les  carreaux  &  le  dais  lont  ornés  de  broderies  &  de  glands 
d'or.  En  un  mot ,  il  fe  préfente  avec  la  magnificence  qui  convient  à  fon 
rang  (a). 

Suivant  le  dernier  dénombrement ,  on  comptoit  dans  Pondichcry  cent 
vingt  mille  Habitans  ,  Chrétiens ,  Mahométans  ou  Gentils.  La  Ville  a 
plulieurs  grands  Magafins ,  fix  Portes ,  une  Citadelle ,  onze  Forts  ou  Bafl:ions , 
&  quatre  cens  cinq  pièces  de  canon ,  avec  des  mortiers  &  d'autres  pièces 
d'artillerie.  La  réputation  des  François ,  foûtenue  par  la  fage  conduite  de 
leurs  Gouverneurs,  entre  lefquels  l'Auteur  nomme,  avec  diftinélion,  M. 
Dumas ,  qui  fut  élevé  à  cette  dignité  en  1735,  leur  a  fait  obtenir ,  de  plu- 
fieurs  Princes  Indiens,  des  privilèges,  des  honneurs  &  des  préférences, 
qui  paroiflent  flateufes  pour  la  Nation.  La  première  faveur  de  cette  efpe- 
ce ,  eil  la  permifiTion  de  battre  monnoye  au  coin  de  l'Empereur  Mogol  ; 
que  les  Hollandois  n'ont  encore  pu  fe  procurer  par  toutes  leurs  oflfres.  Les 
Anglois  en  ont  jouï  pendant  quelques  années  ;  mais  diverfes  révolutions  les 
ont  déterminés  à  l'abandonner.  M.  Dumas  obtint  cette  grâce,  en  1736, 
par  des  Lettres  Patentes  de  Mahomet-Scha ,  Empereur  Mogol ,  addrefl'ées  à 
Jly-Daoujî-Kan,  Nabab  ou  Viceroi  de  la  Province  d'Arcatte  (b).  Elles 
•     '    •     •  '^  étoienc 


'y^  Ibid.  pag.  252  &  précédentes. 

*2l  Ibidem. 

'a)  Ibid.  pag.  253. 

1^  b  )  L'Auteur  rapporte  ces  Lettres ,  qui  fe 
nomment  Firman.  La  date  eft  le  {^icr.  du 
mois  Rabala  Sany  ,    l'an]    19  du  rcgnc  de 


Mahonict-Scha ,  c'eft-à-dire,  le  ier.de  la  Lu- 
ne d'Août  1736. 

Nota.  Il  ne  rapporte  que  les  Lettres  du 
Nabab ,  qui  fe  nomment  Paravana.  Le  mot 
de  Firman  cfl  pour  celles  de  l'Empereur 
Mogol.  R.  d.  E. 


le  quai 
par  le  ( 
Oue  toi 
U^ocs 
MJicièrt 

PDlifeni 
Mgode 
iffemer 
ft>us. 
fus ,  qu 
île  man 
(iix  livr 
douze  f 
ODurbés 
Éçmmes 
mèces 
Venife. 
Iiniidéi 
)it  de 
idiens 
ihandin 
'en  tir 
lofcov 
li  von 
ians  leu 
Il  coi 
Ifage 
pnt;  n 
liiéces  d 
freinte 

(01 


PRESQU'^SLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        23 


:  ordinaire- 
i  Ibnc  labo- 

de  la  Mer, 
ieds.     C'ed 
Jn  employé 
ù  la  diflan- 
où  rien  ne 
c  à  très -vil 
en  poiflbn. 
pe,  le  Pays 
que  les  nu- 
cheval,  en 
jeur  Capital- 
i,  compofee 
verfcs  fonc- 
leftion  de  rc- 
iinaire,  tout 
folemnelles , 
&  de  répon- 
,  fur  un  Par 
&  de  glands 
mvient  àfon 

idichery  cent 
La  Ville  a 
i  ou  Baftions , 
autres  pièces 
;  conduite  de 
inélion,  M. 
^nir ,  de  plu- 
préférences, 
e  cette  efpe- 
reur  Mogol; 
offres.   Les 
volutions  les 
,  en  1736, 
addreflees  à 
(è).    Elles 
étoienc 


le  ier.de  laLu- 

les  Lettres  du 
ravana.    Le  mot 
de  l'Empereur 


éfcnt 


:e 


étoient  accompagnées  d'un  éléphant  avec  fon"harnois;  ^ 
'  fait,  chez  les  Orientaux ,  qu'aux  Rois  &  aux  plus puilTans  Princes.  M.Du- 
mas', comprenant  les  avantages  (^u'il  en  pouvoit  tirer  pour  la  Compagnie, 
fit  frapper  tous  les  ans,  depuis  I  année  1737  jufqu'en  1741,  qui  fut  celle 
de  fon  retour  en  France  ,  pour  cinq  ài\\  millions  de  roupies.  Cette  mon- 
noyc  efl  une  pièce  d'argent,  qui  porte  l'empreinte  du  Mogol,  un  peu  plus 
large  que  nos  pièces  de  douze  fous ,  Ck  trois  fois  plus  épaille.  Une  roupie 
,\aut  quarante-huit  fous. 

Pour  comprendre  de  quelle  utilité  ce  nouveau  privilège  fut  à  la  Com- 
•  pagnie,  il  faut  favoir  que  le  Gouverneur  fe  conformant  au  titre  des  rou- 
pies du  Mogol,  mit  dans  celles  de  Pondichery  la  même  quantité  d'alliage, 
Ce  qu'il  établit  le  même  droit  de  fept  pour  cent.     Par  une  évaluation  faci- 
jk,  on  a  trouvé  que  dans  la  marque  de  ces  cinq  à  lix  millions,  valant  en 
Pfpjce  plus  de  douze  millions  délivres,  la  Compagnie  tiroit  un  avantage 
|le  quatre  cens  mille  livres  par  an.     Ce  produit  augmente  de  jour  en  jour, 
par  le  cours  étonnant  des  roupies  de  Pondichery ,  qui  font  mieux  reçues 
Mue  toutes  les  autres  monnoyes  de  l'Inde.     Non-feulement  elles  fe  font  des 
lillgocs  que  la  Compagnie  envoyé;  mais  toutes  les  Nations  y  portent  leurs 
Igitières,  fur  lefquelles  l'Hôtel  die  la  Monnoye  profite,  fuivant  la  auantité 
àl  l'alliage.     Il  n'y  aura  déformais  que  les  pagodes  &  les  fequins  (c)  qui 
pDiflent  le  difputer ,  dans  le  Commerce ,  à  la  monnoye  de  Pondichery.  La 
nigode  efl:  fancienne  monnoye  de»  Indes.    C'eft  une  pièce  d'or ,  qui  a  pré- 
Jllement  la  forme  d'un  petit  bouton  de  verte,  «Se  «jui  vaut  huit  livres  dix 
Aus.     Ledeflbus,  qui  eft  plat,  repréfente  une  Idole  du  Pays  j  &  le  def- 
J^s,  qui  efl  rond,  eft  marqué  de  petits  grains,  comme  certains  boutons 
ie  manche.    Le  fequin  efl  une  véritable  pièce  d'or  très-rafiné,  qui  vaut 
iix  livres  de  nôtre  monnoye.    Il  efl  un  peu  plus  large  qu'une  pièce  de 
douze  fous,  mais  moins  épais;  ce  qui  fait  que  tous  les  fequins  font  un  peu 
fourbes.    11  s'en  trouve  même  de  percés  ;  ce  qui  vient  de  fufage  que  les 
jfcmmes  Indiennes  ont  de  les  porter  an  cou ,  comme  des  médailles  :  ces 
pèces  font  extrêmement  communes  dans  le  Pays ,  &  ne  fe  frappent  qu'à 
Venife.     Elles  viennent  par  les  Vénitiens ,  qui  font  un  Commerce  très- 
^nfidérableà  BafTora,  dans  le  fond  du  Golfe  Perfique ,  à  Mocka,  au  Dé- 
)it  de  Babcl-Mandel ,  &  à  Gedda ,  qui  efl  le  Port  de  la  Mecque.     Les 
idiens  y  portent,  tous  les  ans,  une  bien  plus  grande  quantité  de  mar- 

{handifes  que  les  François,  les  Ilollandois,  les  Anglois  &  les  Portugal» 
'en  tirent.    Ils  les  vendent  aux  Pcrfans,  aux  Egyptiens,  aux  Turcs,  aux 
(lofcovites ,  aux  Polonois ,  aux  ^t  .dois ,  aux  Allemands  &  aux  Génois , 
tpi  vont  les  acheter  dans  quelqu'un  de  ces  trois  Ports,  pour  les  faire  pafTer, 
ans  leurs  Pays,  par  la  Méditerrarie^.  &  par  terre. 
^J    II  convient  à  cet  Article,  défaire  connoître  les  monnoyes  qui  font  en 
ifage  à  Pondichery.     Après  les  pagodes ,  l'Auteur  place  les  roupies  d'ar- 
tent;  monnoye  affez  grofTiére,  qui  n'ont  pas  tout- à-fait  la  largeur  de  nos 
Jièces  de  vingt-quatre  fous,  mais  qui  font  plus  épaiiTes  du  double.    L'em- 
j^reinte  efl  ordinairement  la  même ,  fur  toute  la  Côte  de  Coromandel.   Une 

face 
(c)  M.  l'Abbé  Guyon  écrit  Sebins;  ce  qui  paroit  contraire  à  l'ufaèe. 


Ftadi.isïr* 
MENT  Fran- 
çois DF.  Pow- 

UlCHEUT. 


Pi  oit  qui  m 
e(l  rc'vcmi  A 

des  IikLa. 


Tonne  de 
la  monnoye 
qui  fc  nomme 
pagode. 


ScquiiT;  qui 
p'ifTcnt  de  \'e- 
nife  aux  liidcs^ 


Autre;  mon- 
noyes de  Pon- 
didiery. 


24 


DESCRIPTION    DE    LA 


Et  AVILISSE- 
MENT Fran- 
çois n.;PoN- 
DICUEIiy.  • 


Ponis  6c 
Coiis  du  Ben- 

gïilc. 


Accroiiïc- 
nicns  de  l'Eta- 
bliirement  de 
Pondichery. 

1738. 


face  porte  ces  mots:  Lan.....  du  résine  pilori  eux  de  Mahomet;  &  l'autre  .♦ 

Cette  roupie  a  Cl é  frappée  à Celles  de  Pundichery  &  de  Madras  portent 

égaiijment  le  nom  d'Arcatte,  parceqne  la  penniiion  de  les  frapper  ell  ve- 
nue du  Nabab  de  cette  Province  :  mais  on  diftingue  celles  de  Pondichery 
par  un  croiflant  qui  eft  au -bas  de^ki  féconde  face,  &  celles  de  Madras 
par  une  étoile. 

Les  Fanons  font  de  petites  pièces  d'argent ,  dont  fept  &  demi  valent  une 
roupie,  &  vingt- quatre  une  pagode.  Par  conféquent,  le  fanon  vaut  un  peu 
moins  de  fix  fous. 

On  appelle  Cack  une  petite  monnoye  de  cuivre,  dont  foixante-quatre 
valent  un  fanon.     Ainfi  la  cache  vaut  un  peu  plus  d'un  denier. 

Ces  monnoyes,  quoiqu'en  ufage  dans  flnde  entière,  n'y  ont  pas  la  mê- 
me valeur  par-tout  ;  &  la  caufe  de  cette  différence  eft  que  les  unes  font  un 
peu  plus  ou  moins  fortes  ,  &  plus  ou  moins  parfaites  pour  le  titre. 

D  A  N  s  le  Bengale ,  on  compte  encore  par  Ponis ,  qui  ne  font  pas  des 
pièces,  mais  une  fomme  arbitraire;  comme  nous  diibns,  en  France,  une 
pillole.  Il  faut  trente-fix.  à  trente- fept  ponis,  pour  une  roupie  d'argent 
d'Arcatte.  Ainfi  le  ponis  van.t  environ  cinq  liards  de  nôtre  monnoye. 
Au-deflbus  font  les  petits  coquillages  dont  on  a  parlé  dans  les  Relations 
d'Afrique  &  dans  celle  des  Maldives,  qui  portent  le  nom  de  Coris ,  &  dont 
quatre-vingt  font  le  ponis.  'hn 

L'Etablissement  François  de  Pondichery  s'efl:  accru,  dans  quel- 
ques occafions  fi  glorieufes  pour  les  Officiers  de  la  Compagnie  des  Indes  & 
pour  toute  la  Nation ,  qu'elles  ne  doivent  pas  moins  intérefler  la  curiofitc 
que  la  defcription  même  des  lieux. 

En  1738,  Cidogy^  Roi  de  Tanjour,  laifla  la  Couronne ,  par  fa  mort,  à 
Sahagy-Maha-Rajou ,  fon  neveu,  jeune  Prince  de  vingt-fix  ou  vingt-fept 
ans.  Un  fils  naturel  du  feu  Roi ,  qui  avoit  eu  beaucoup  de  part  au  Gou- 
vernement pendant  la  vie  de  fon  père,  s'étant  fait  un  parti  confidérable  à 
la  Cour,  s'empara  du  Palais  &  des  Portes  de  Tanjour  (d).  Sahagy ,  forcé 
de  fuir  à  cheval ,  avec  quelques-uns  de  fes  amis,  pafla  le  CoJdram  (e),,& 
fe  retira  dans  Chalambron  (/) ,  grande  Pagode  fortifiée ,  qui  efl:  a  vingt 
lieues  au  Nord  de  la  Ville  de  Tanjour,  &  huit  lieues  au  Sud  de  Pondi- 
chery. Il  y  fut  joint  par  quelques  Troupes  :  mais  comme  il  manquoit 
d'armes  &  de  munitions ,  le  Gouverneur  Maure  lui  confeilla  de  fe  lier  avec 
les  François,  dont  il  leur  vanta  le  courage  &  la  générofité.     Ce  Prince, 


;vt;.i:    -■:,-.!.        :     .  :-    ,-.    ,    .a  ,-,vî;  ,  - 

(  d  )  Il  efl:  aflez  difficile  de  concilier  ce  ré- 
cit avec  celui  des  Miflîonnaires  Danois.  Cido- 
gy,  doit  être  Tuccofi,  qui  mourut  en  1735, 
iSc  Sahagy,  fora  le  même  que  le  Prétendant 
Sawafadi  ,  qui  étoit  en  effet  neveu  de  ce 
Prince.  (Voyez  ci-deffus ,  pag.  5  &  6.)  Mais  on 
ne  fait  point  mention  ici  de  fon  fils ,  Baba-Sça- 
înh,  ou  Ecofi-Maba-Raja,  qui  régna  enfuite 
l'efpace  d'une  année,  &  iprès  lui  fu  femme 
deux  années.  Le  fils  naturel  du  feu  Roi, 
(Tuccofi)  efl:  apparemment  Sittfifi,  nom  qui 
revient  à  celui  qu'on  donne  ici  à  fon  Père. 


'/  r 


ni 


qui 


La  fin  tragique  de  ce  Premier  Minidrc,  quoi- 
que rapportée  un  peu  différemment ,  le  con- 
firme. Ces  fuppofitions  admifes ,  le  relie  n'a 
plus  rien  qui  embarrafle.  R.  d.  F], 

(  ï  )  Grand  Fleuve  de  la  Qite  de  Coro- 
mandel ,  qui  fépare  les  Etats  de  Tanjour  de 
ceux  du  Grand  Mogo'. 

(/')  Cette  Pagode,  qui  eft  entourrée  de 
murs  fort  épais  &  fort  élevés,  appartient  aux 
Maures.  Ils  y  ont  uu  Gouvctneur  &  une 
G".inifon. 


;  &  l'autre  • 

idras  portent 
ipper  e<l  ve- 
;  Pondichcry 
;  de  Madras 

ni  valent  une 
i  vaut  un  peu 

ixante-quatre 

int  pas  la  mê- 
unes  font  un 
titre. 

font  pas  des 
France,  une 
npio  d'argent 
re  monno^e. 
les  Relations 
7ow,  &donc 

i,  dans  quel- 
edes  Indes  & 
;r  la  curiofité 

ir  fa  mort,  à 
ou  vingt-fept 
part  au  Gou- 
confidérable  à 
iahagy,  forcé 
Jdram  ('c),,& 
ji  efl  a  vingt 
ud  de  Pondi- 
il  manquoit 
e  fe  lier  avec 
Ce  Prince, 
;#  -.lii   qui 

r  Miniflrc.quoi- 
eminent ,  le  con- 
lifes ,  le  refte  n'a 

d.  E. 

Q^te  de  Coro- 
de  Tanjour  de 

efl  entourrée  de 
appartient  aux 
uvwineur  &  une 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       s< 

qui  avoit  befoin  de  fe  faire  des  amis  de  ce  caraftère ,  pour  l'aider  à  re- 
monter fur  le  Trône,  envoya,  au  Gouverneur  général  de  l'Inde  Françoife, 
quelques  perfonnes  de  confiance,  chargées  de  lui  demander  du  fecours  & 
de  lui  offrir,  en  reconnoiffance,  la  Ville  de  Karical^  le  Fort  de  Karcangery 
&  quelques  Villages  voifins,  avec  toutes  les  terres  de  leur  -dépendance. 

Il  y  avoit  long-tems  que  la  Compagnie  &  fes  Gouverneurs  aux  Indes , 
avoient  reconnu  l'utilité  d'un  Etablilfement  fur  les  terres  du  Roi  de  Tan- 
jour. Leurs  tentatives  avoient  été  traverfées  par  les  Hollandois  de  Nega- 
fatam  (^g).  Cette  Nation  avoit  même  eu  radrefle  d'engager  le  Roi  de 
Tanjour  à  chaffer  les  François  d'un  Etabliffement ,  nommé  Cancrypatuam  (h) , 
que  l'ancienne  Compagnie  avoit  formé  en  1688,  dans  les  Etats  de  ce  Prin- 
ce, fur  la  Côte  de  Coromandel.  Le  Gouverneur  de  Pondichery,  faififlant 
l'occafion ,  fit  un  Traité  avec  les  Envoyés  de  Sahagy ,  par  lequel  il  s'obli- 
gea de  lui  fournir  environ  deux  cens  mille  livres  de  nôtre  monnoye ,  en 
argent  &  en  munitions  de  guerre ,  avec  tous  les  autres  fecours  qui  dépen- 
doient  de  fon  autorité.  Le  Roi,  de  foncôté,  lui  envoya  l'Afte  formel 
de  la  ceflîon  qu'il  lui  avoit  fait  offrir  (i).  Deux  grands  Vaiffeaux  de  la 
ICompagnie ,  le  Bourbon ,  de  foixante  pièces  de  canon ,  &  le  Saint-Geran ,  de 
*' uarante-fix  pièces,  furent  équipés  auffi-tôt,  &  l'on  y  embarqua  des  Trou- 
les,  de  l'Artillerie,  &  toutes  fortes  de  Munitions  de  guerre,  autant  pour 
ecourir  le  Roi  que  pour  fe  mettre  en  pofleffion  de  Karical  :  mais  lorfque 
cet  armement  fut  achevé ,  Sahagy-Maha-Rajou  ayant  fait  entrer  dans  fe» 
I intérêts  les  principaux  Partifans  de  fon  Ennemi,  cet  ufurpateur  fut  ar- 
^Ifrêté  dans  fon  Palais,  &  Sahagy,  s'étant  rendu  à  Tanjour,  y  fut  recon- 
^§f  nu  fans  oppofition.  Le  fils  de  Cidogy,  qui  eut  le  malheur  de  tomber  en- 
l*  tre  fes  mains ,  fut  coupé  en  quatre  quartiers  ,  dont  chacun  fut  expofé  fur 
;^|iine  des  portes  de  la  Ville. 

*;  Cette  révolution  fut  fi  fubite,  que  les  François  mirent  à  la  voile  fans 
4  en  être  informés ,  &  mouillèrent  au  commencement  du  mois  d'Août  de- 
.  vant  KariceJ.  Auifi-tôt  que  les  H  »ilandois  de  Negapatam  les  eurent  apper- 
,^us,  &  qu'ils  furent  informés  de  leur  Traité  avec  le  Roi,  ils  fe  hâtèrent 
*  d'envoyer  leurs  Miniflres  à  Tanjour,  avec  des  préfens ,  pour  engager 
e  Prince  &  fon  Confeil  à  le  rompre.  Ils  y  joignirent  les  menaces.  Sa- 
agy ,  pour  qui  le  fecours  des  François  devenoit  inutile ,  non-feulement 
difi^éra  fous  de  vains  prétextes  de  faire  remettre  la  Fortereffe  &  la  Ville 
de  Karical  au  Commandant  des  Vaiffeaux ,  mais  donna  vraifemblablement 
^  des  ordres  fecrets  pour  s'oppofer  au  débarquement.  Un  de  fes  Généraux, 
'  qui  commandoit ,  dans  ce  Canton ,  un  Corps  de  trois  ou  quatre  mille  hom- 
mes, s'approcha  du  bord  de  la  Mer,  &  fit  déclarer  aux  Officiers  François 
3ue  s'ils  touchoient  au  rivage  il  ne  balanceroit  pas  à  les  faire  charger.  Les 
eux  Vaifleaux,  après  avoir  paffé  deux  mois  à  la  vue  de  Karical,  reçurent 
ordre  du  Gouverneur  de  retourner  à  Pondichery.  Il  leur  auroit  été  facile 
d'exécuter  leur  commiflion,  malgré  la  rçfiflance  des  Indiens  :  mais  n'ayant 

en 


Etabltssk* 

MENT  FrAN« 

çois  on  PoM- 

OICHRRT. 
1738- 


(g)  Fort  Hollandois,  &;  grande  Ville  In- 
dienne, à  quatre  lieues  au  Sud  de  Karical, 

XIK  Fan. 


(b)  Ceû  Caveripattum.  R. d.E. 

(  t  )  Cet  Âfte  eA  du  «ois  de  Juillet  ;738|t 


%^ 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etablisse- 
liiBKT  Fran- 
çois DE  PoN. 

DICIIEKY. 

17  39- 


en  vûfi  qu'un  Etabliflement  de  Commerce,  la  prudence  ne  leur  pfi;^mettoic 
pas  de  fe  rendre  odieux  par  des  violences  (k). 

Cependant  le  Roi,  fans  avoir  ouvertement  rompu  fon  Traité,  re- 
mettoit  à  l'exécuter  après  une  guerre  dans  laquelle  il  fe  trouvoit  engagé , 
contre  Sander-Saheb ,  Nabab  de  Trichenapaly.  Ce  Seigneur,  ami  particu- 
lier du  Gouverneur,  &  plein  d'eftime  pour  la  Nation,  a^ant  appris  par 
quelles  promefles  le  Roi  de  Tanjour  s'étoit  li«  aux  François  »  &  comment 
il  en  éludoit  l'exécution ,  écrivit  au  Gouverneur,  pour  lui  offrir  de  s'empa- 
rer de  Karical  &  de  Karcangery ,  &  de  remettre  ces  Places  entre  fes  mains. 
Ses  oflPres  furent  acceptées.  Ce  Général  Mogol ,  qui  s'étoit  déjà  fait  une 
grande  réputation  de  courage  &  d'honneur,  ne  tarda  point  à  les  remplir. 
Quatre  mille  chevaux,  commandés  par  Francifco  Pereiro^  Efpagnol  (/) 
&  l'un  de  fes  principaux  Officiers ,  qui  étoit  attaché  depuis  long-tems  aux 
François ,  diflîpèrent  les  Troupes  de  Tanjour  &  fe  faifirent  de  Karical  & 
de  Karcangery.  Pereiro  fe  rendit  lui-même  à  Pondichery ,  pour  annoncer 
cette  nouvelle  au  Gouverneur.  On  y  fit  équiper,  fur  le  champ,  un  pe- 
tit Bâtiment  de  cent  cinquante  tonneaux,  qui  fe  trouvoit  dans  la  Rade- 
JLes  François  fe  rendirent  en  vingt-quatre  heures  à  Karical ,  où  Pereiro , 
fuivant  l'ordre  du  Nabab ,  leur  ouvrit  les  Portes  de  la  Ville  &  celles  du 
Fort  de  Karcangery  (/«),  Quatre  jours  après,  on  y  envoya,  fur  un 
gros  Vaifleau ,  tout  ce  qui  étoit  nécelTaire  pour  la  fureté  de  ce  nouvel 
EtabliiTement. 

Le  Roi  de  Tanjour  s'aflligea  peu  de  cette  nouvelle.  11  n'éludoit  l'exé- 
cution du  Traité  qu'à  la  follicitation  des  Hollandois ,  dont  il  avoit  tiré  des 
femmes  confidérables  j  &  fa  feule  crainte  étant  que  les  François  ne  fûflent 
plus  difpofés  à  lui  payey  celle  dont  ils  étoient  convenus,  il  fe  hâta  d'é- 
crire au  Gouverneur  de  Pondichery ,  pour  lui  reprocher  d'avoir  emjrioyé 
le  fecours  des  Maures ,  fes  Ennemis ,  à  fe  rendre  maître  d'une  Place 
qu'il  lui  avoit  donnée ,  &  que  fon  intention  avoit  toujours  été  de  lui  re- 
mettre après  la  guerre.  En  même-tems ,  il  lui  envoyoit  la  ratification 
du  Traité  ile  Chalambron ,  avec  un  ordre  aux  Habitans  de  Karical  &  de 
fes  dépendances,  de  reconnoître  à  l'avenir  les  François  pour  leurs  Sou- 
verains (n). 

Mais  à  peine  eut-il  expédié  ce  nouvel  A6le  ,  que  fe&  deux  Oncles,  qui 
l'avoient  rétabli  fur  le  Trône ,  mécontens  de  fa  reconnoiflance  ou  de  Ion 
adminiflration ,  l'arrêtèrent  dauis  fon  Palais ,  &  mirent  la  Couronne  fur  la  tête 
de  Pradapjtngue t  un  de  fes  coufîns,  qui,  peu  de  jours  après,  fit  étouflfer 
ce  Prince  infortuné  dans  un  bain  de  lait  tiède  (  o  ). 


{k)  L'Auteur  fait  remarquer  la  différen- 
ce des  titres ,  auxquels  nous  devons  nos  pof- 
ièffîons  dans  les  Indes,  &  de  celui  auquel 
tous  les  autres  Peuples  de  l'Europe  doivent 
ce  qu'ils  y  polTèdent.  Les  autres  ont  em- 
ployé la  violence,  l'expulfion,  l'effufion  du 
îang ,  &  nous  devons  tout  à  des  concevions 
volontaires.    Ubifuprà,  pag.  ziz. 

O)  Oiî  vena  ù.  fortune  dans  une  Note, 
ci-deiTous. 


Le 

(  w  )  L'Afte  de  prife  de  poUèflion  eft  du 
14  Février  1739. 

(n)  Du  20  Avril  1739. 

(0;  Suivant  les  Mliîîonnaircs  Danois,  la 
ForterelTe  de  Tanjour  avoit  été  de  nouveau 
bloquée  par  les  deux  fils  de  Daouft-Aly-Kan  i 
Nabab  d'Arcatte.  Ils  étoient  venus  a  la  re- 
guiflti  n  du  Commandant  Sfaidu,  qui  avoie 
arrêté  le  Roi  Sawâfadi,  le  16  Juillet  de  cette 
année ,  &  établi  Partupujtnga  à  fa  place.  Ce 

nou- 


étoiles  ( 
i  quatre 
.|cinq  C 
■^ille  c 
'f  Le 
'  dans  u: 

Értile 
:é  de 
fcal,  a\ 
,  "annuel 
nôtre  n 

D'A 

&  de 

[fignalé 
coniîdc 


nouveau 
ans,  éto 
^Tuccofi, 
porté  l'o 
lus,  pag, 
lent  poin 


raité,  re- 
i  engagé, 
li  particu- 
ippris  par 
;  comment 
de  s* empa- 
res nuins. 
ï  fait  une 
s  remplir, 
agnoi  (/; 
r-tems  aux 
Karical  & 
ir  annoncer 
ip,  un  pe- 
is  la  Rade. 
)ù  Pereiro, 
Se  celles  du 


ya 


fur  un 


ce  nouvel 

udoit  l'exé- 
oit  tiré  des 
is  ne  fûflent 
fe  hâta  d'é- 
)ir  employé 
d'une  Place 
té  de  lui  re- 
ratification 
irical  &  de 
leurs  Sou- 
Oncles  ,  qui 


f 
fo 


ou  de  ion 
le  fur  la  tête 
fit  étouffer 

Le 

flêfllon  eft  du 


es  Danois,  la 

té  de  nouveau 

louft-Alv-Kan, 

venus  a  la  re- 

idu,  qui  avoit 

uillet  de  cette 

l  fa  place.  Ce 

nou- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        ir 

Le  nouveau  Roi  s'étant  réconcilié  avec  les  Maures  (p),  envoya  prefqu'auffi- 
tôt,  au  Gouverneur  de  Pondichery,  la  ratification  du  Traité  conclu  avec 
fon  Prédécefleur.  Il  accorda  même  aux  François  un  '  train  plus  étendu, 
pour  quelques  préfens ,  qu'ils  joignirent  à  la  fomme  qu'ils  avoient  pro- 
mife.  Ils  font  demeurés  paifibles  poflefleurs  de  Karical ,  où  ils  n  ont 
pas  négligé  de  fe  fortifier.  Pradapfingue  leur  rendit  vifite  dans  cette  Pla- 
ce, avec  toute  fa  Cour,  au  commencement  de  l'année  1741,  &  prit  cet- 
te occafion  pour  confirmer  tous  leurs  privilèges. 

L'Etablissement  de  Karical  eft  fitué  fur  la  Côte  de  Coromandel,  à 

quatre  lieues  au  Nord  de  Negapatan ,  à  deux  lieues  au  Sud  de  Tranque- 

bar,  Etabliflement  Danois,  &  vingt-cinq  lieues  au  Sud  de  Pondichery.    Il 

renferme  la  Ville  de  Karical ,  qui  ell  fort  ancienne,  &  qui  paroît  avoir  été 

I  très  confidérable.    Il  y  relie  encore  fix  cens  trente-huit  maifons  de  pierre 

pou  de  brique,  fans  parler  d'un  grand  nombre  qui  ne  font  que  de  terre  glai- 

%  fc ,  &  couvertes  de  paille.     On  y  compte  cinq  Mofquées ,  cinq  grandes 

Pagodes,  neuf  petites,  &  plus  de  cinq  mille  Habitans.     Cette  Ville  eft  fi- 

tuée  fur  un  des  bras  du  Colram  ,  qui  reçoit  des  Champanes  de  deux  à  trois 

•itens  tonneaux.    Les  Chaloupes  des  Vaiffeaux  de  cinquante  canons  n'y  en- 

ent  pas  moins  facilement. 

La  Forterefle  de  Karcangery  paroît  auffi  fort  ancienne.    Elle  eft  flanquée 
e  huit  grofles  tours ,  dans  le  goût  du  Pays ,  à  la  portée  du  canon  de  Ka- 
rical ,  &  fituée  à  un  demi-quart  de  lieue  du  rivage  de  la  Mer,     Les  François 
'#cn  ont  fait  fauter  une  partie ,  pour  s'établir  à  l'entrée  &  fur  le  bord  du  bras 
f  de  la  Rivière  qui  paffe  par  la  Ville. 

'I'iroumale-Rayen-Patnam  eft  un  Bourg  très-confidérable ,  de  la  dépen- 
\  dance  &  au  Sud  de  Karical ,  qui  en  eft  éloigné  d'une  lieue ,  à  douze  cens 
!  toifes  du  bord  de  la  Mer.  Il  eft  compofé  de  cinq  cens  Maifons  de  brique, 
Quatre  Mofquées,  quatre  grandes  Pagodes,  vingt-huit  petites,  &  vingt- 
Icinq  Chaudriers,  pour  le  logement  des  Voyageurs.  On  y  comptoit  deux 
^ille  cinq  cens  hommes,  à  la  prife  de  pcfTefTioii. 

i    Le  refte  du  Domaine  de  Karical  confifte  en  neuf  Bourgs  ou  Villages, 

dans  une  circonférence  de  cinq  ou  fîx  Keues.     Le  terrain  en  eft  excellent , 

iertile  en  riz,  en  cotton,  en  indigo  &  d'autres  grains.     On  y  fabrique  quan- 

lité  de  toiles  de  cotton  &  de  toiles  peintes.     Le  revenu  des  terres  de  Kari- 

fcal,  avec  les  Fermes  du  tabac  &da  bétel,  &  les  droits  d'entrée, montent 

fannuellement  à  dix  mille  pagodes  d'or,  qui  font  environ  cent  mille  livres  de 

^;  f  nôtre  monnoye  {q). 

D'  a  u  T  R  E  s  événemens  ont  contribué ,  avec  le  fecours  de  la  prudence 
''  &  de  la  fortune,  à  l'accroiffement  de  la  Colonie  Françoife.     Celui  qui  a 
t  fignalé  le  Gouvernement  du  Chevalier  Dumas ,  mérite  ici  d'autant  plus  de 
.^  confidcration ,  qu'il  peut  fervir  à  jetter  beaucoup  de  jour  fur  la  Géogra- 
phie 


â nouveau  Roi,  alors  â^^é  d'environ  dix-Iiuit 
'l|ans,  étoit  le  plus  jeune  des  quatre  fils  du  Roi 
;  j  Tuccofi ,  Oncle  de  Sawâftdi ,  dont  on  a  rap- 
I)ort(i  l'origine  &  la  fortune.    (Voyez  ci-dcf- 
ius ,  pog.  6.)  Les  Miffionnaires  Danois  ne  par- 
lent point  du  genre  de  mort  de  ce  Prince, 


qu'on  verra  au  contraire  reparoltre  dans  la 
fuite.    Sçaidu  fut  dépofé  en  1740.  R.  d.  E. 

(p)  Moyennant  une  fomme  confidérable, 
à  prendre  des  revenus  de  trois  Provinces. 
R.  d.  E. 

(y)  Uii,  pag.  274.  &  précédentes» 

D  2 


Etakussf.- 

MBNT  PraK- 

ÇOIS  DE  PON- 

UICHBUY. 

I74I. 


Dcfcription 
de  lEtablille- 
nicnt  François 
de  Karical. 

Ville  de 
Karical. 


Fort  de  Kilt' 
cangery. 


Domaine 
de  Kaiicak 


28 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etablisse* 
MENT  Fran- 
çois DB  PoN- 

dichery. 

Origine  d'u- 
ne guerre  dans 
la  Prefqu'Iflc 
de  l'Inde. 


Le  Nabab 
d'Arcntte  veut 
former  deux 
Royaumes 

tour  fcs  en- 
tns. 


Armée  qu'il 
lève  dans  cet- 
te vue. 

Ses  premières 
Conquêtes. 


phie  intérieure  de  cette  Contrée:  mais  il  m'oblige  de  remonter  à  l'année 
1736,  c'eÂ-à-dire,  à  la  fin  des  cruelles  guerres  que  Tbamas-Kouli-Kan  y  ou 
Nadir-Scha,  -Roi  de  Perfe,  porta  dans  l'Indouftaa  (r). 

Après  l'infortune  duMogol,  qui  avoit  été  fait  prifonnier  dans  fa  Ca- 
pitale, &  dont  les  immenfes  trefors  étoient  pafles  entre  les  mains  du  Vain- 
queur,  quelques  Nababs,  ou  Vicerois  de  la  Prefqu'Ifle  de  l'Inde,  jugèrent 
l'occalion  d'autant  plus  favorable  pour  s'ériger  eux-mêmes  en  Souverains, 
qu'il  n'y  avoit  aucune  apparence  que  le  Roi  de  Perfe ,  déjà  trop  éloigné  de 
fes  propres  Etats ,  &  fi  bien  récompenfé  de  fon  entreprife ,  penfât  à  les  ve- 
attaquer ,  dans  une  Région  qu'il  connoiflbit  aufli  peu  que  les  environs 


nir 


du  Cap  deComorin.  Daoufl  Aly-Kan,  Nabab  d'Arcatte,le  même  qui  avoit 
accordé  aux  François  la  permiflion  de  battre  monnoye  ,  fe  flatta  de  pou- 
voir former  deux  Royaumes  ;  l'un  pour  Sabder- Aly-Kan ,  fon  fils  aîné  ;  l'au- 
tre, pour  Sander-Saheb,  fon  gendre;  jeunes  gens,  qui  n'avoient  que  de 
l'ambition  ,  fans  aucun  talent  pour  foûtenir  un  fi  grand  projet.  Arcatte  eft 
une  grande  Ville,  à  trente  lieues  de  Pondichery  (j),  auNord-Ouefl(t); 
la  plus  mal  propre  qu'il  y  aît  au  Monde. 

Les  Mogols,  qui  avoient  étendu  leurs  Conquêtes  dans  cette  partie  de 
l'Inde,  fous  le  rè^ne  du  fameux  Aureng-Zeb,  avoient  laifl'é  fubfiflier  les 
Royaumes  de  ïanjour,  de  Trichenapaly,  deMaduré  («),  deMaiflbur& 
de  Marava.  Ces  Etats  étoient  gouvernés  par  des  Princes  Gentils ,  tribu- 
taires à  la  vérité  de  l'Empereur  Mogol,  mai»  fiero  &  lents  dans  leur  dépen- 
dance ,  qui  fe  difpenfoient  quelquefois  de  payer  le  tribut ,  ou  qui  atten- 
doient  que  l'Empereur  fît  marcher  £es  Armées  pour  les  y  contraindre.  La 
plupart  dévoient,  à  la  Cour  de  Dehly,  de  très-grofles  fommes,  qu'on  avoit 
bdifé  accumuler  par  la  molleiïe  de  Mahomet-Scha ,  plus  occupé  des  plaifirs 
de  fon  Serrail  que  de  l'adminillration ,  dont  il  fe  repofoit  fur  des  Minières 
auflGl  voluptueux  que  lui.  Daouft- Aly-Kan  faifit  cette  occafîon  pour  attaquer 
les  Princes  voifîns  de  fon  Gouvernement.  Il  aflembla  une  Armée  de  vingt- 
cinq  à  trente  mille  chevaux ,  avec  un  nombre  proportionné  d'infanterie, 
dont  il  donna  le  commandement  i  Sabder-Aly-Kan  &  à  Sander-Saheb. 
Leur  premier  exploit  fut  la  prife  de  Trichenapaly ,  grande  Ville  fort  peu- 
plée, a  trente-cinq  lieues  au  Sud-Oueft  de  Pondichery.  Cette  Capitale,  in- 
vefliepar  l'Armée  des  Maures,  le  6  Mars  1736,  fut  emportée  d'aÎTaut  le 
26  du  mois  fuivant  (a;).  Sabder-Aly-Kan  en  abandonna  le  Gouvernement 
à  Sander-Saheb,  fon  beau-frère,  qui  prit  aulfi-tôt  la  qualité  de  Nabab. 

Après  avoir  fournis  le  refle  de  cette  Contrée, ils  tournèrent  leurs  armes 


(f)  L'irruption  de Thamas-Kouli-Kan n'ar- 
riva qu'en  1739.  Voyez  l'hiftoire  de  ce  mé- 
morable événement ,  au  Tome  XIU.  R.  d.  E. 

(f)  L'Auteur  ne  la  met,  dans  une  autre 
page ,  qu'à  quinze  lieues  de  Pondichery , 
fag.  277. 

Nota.  Suivant  le  P,  Saignes  &  les  Miflîon- 
uaires  Danois,  la  didance  e(l  de  trois  jour- 
nées ,  comptées  à  cinq  lieues  dans  l'Indei: 
fi.  d.  £. 

CO  M.  Prevoft,  gui  copie  toutes  les  faw- 


_.     :;  >  -    ,■:-,_-.,■.     .. ,. ,       vers 

tes  de  fon  Original ,  avoit  mis  Arcatte  au  Sud- 
Oueft  de  Pondichery.  R.  d.  E. 

(w)  Trichenapaly  &.Maduré  ne  faifoienî 
qu'un  même  Royaume.  Voyez  les  Defcrip- 
tions.  R.  d.  E. 

(x)  Par  une  conféquence  dé  l'erreur  de 
datte  que  nous  avons  relevée  ,  M.  l'Abbé 
Gv.yon  a  dû  fe  tromper ,  en  repréfentant  ces 
événeir.cn"  comme  arrivés  après  l'irruptioa 
du  Chah  Nadir  dans  l'Indoultan..  fi..  d.£.. 


ver»  I< 

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(y)  M. 

inier  Siège 
ileftfeulem 

(z)  Ibh 
(a)  C'ei 
cette  Fa 
bmier  Ro 
nommoii 
«o/o,  Sond 
V29-  Voy< 


^i 


,  rannée 
Karit  ou 

ns  fa  Ca- 

iu  Vain- 

jugèrent 
uverains , 
loigné  de 
[àlesve- 

environs 
;  qui  avoit 
i  de  pou- 
liné ;  l'au- 
nt  que  de 
Arcatte  eil 

Oueft(Oi 

partie  de 
ibfifter  les 
Vlaiflbur  & 
;ils,  tribu- 
;eur  dépen- 
qui  atten- 
indre.    La 
ju'on  avoit 
des  plaifirs 
s  Miniftres 
»ur  attaquer 
e  de  vingt- 
infanterie  , 
ider-Saheb. 
e  fort  peu- 
apitale ,  in- 
d'aflaut  le 
ivernement 
Nabab, 
leurs  armes 
vers 

rcatte  au  Sui- 
vie faifoienï 
les  Defcrip- 


le 


l'erreur  de 
M.  TAbbé 
préfentant  ces 
rès  l'irruption 


1 


PRESQU'ISLE  en  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        29 

ver»  le  Royaume  de  Tanjour,  dont  ils  afliégèrent  la  Capitale.  Le  Roi 
Sahagy  (y)  s'y  étdit  renfermé,  avec'  toutes  les  Troupes  qu'il  avoit  pu 
raflembler.  Cette  Place  eft  ^i  bien  fortifiée,  qu'après  avoir  inutilement^ 
pouffé  leurs  attaques ,  pendant  près  de  fix  mois ,  ils  furent  obligés  de  chan-' 
ger  le  fiège  en  blocus.  Tandis  que  Sander-Saheb  demeura  pour  y  com- 
mander, Bara-Saheb,  un  de  fes  frères,  s'avançant  au  Sud,  avec  un  Déta- 
iChement  de  quinze  mille  chevaux ,  fe  rendit  maître  de  tout  le  Pays  de  Ma- 
irava,  duMaduré  &  des  environs  du  Cap  de  Comorin.  Enfuite,  remon- 
^tant  le  long  de  la  Côte  de  Malabar,  il  pouffa  fes  conquêtes  jufqu'à  la  Pro- 
vince de  Travancor.  Ce  fut  dans  ces  circonftances  que  Sander-Saheb  mit 
ks  François  en  poffeffion  de  la  Terre  de  Karical  (2). 

Tous  les  Princes  Gentils,  allarmés  d'une  inv^afion  fi  rapide,  imploré- 
int  le  fecours  du  Roi  des  Marattes.    Ils  lui  repréfentèrent  que  leur  Reli- 
gion n'étoit  pas  moins  menacée  que  leui's  Etats;  &  les  principaux  Mi- 
liftres  de  ce  Prince ,  dont  la  plupart  font  Bramines ,   lui  firent  un  de- 
[oir  indifpenfable  de  s'armer  pour  une  caufe  fi  preffante.    Il  fe  nomme 
ylaha-Raja  (a).     Ses  Etats  font  d'une  grande  étendue.     On  l'a  vu  fou- 
ille mettre  en  campagne  cent  cinquante  mille  chevaux  &  le  même  nom- 
de  gens  de  pied,  à  la  tête  defquels  il  ravageoit  les  Etats  du  Mogol, 
t  il  tiroit  d'immenfes  contributions.     Les  Marattes,  ks  Sujets,  font 
u  connus  de  nos  Géographes.    La  guerre  fait  leur  principale  occupation; 
habitent  au  Sud-Eft  des  montagnes  qui  font  derrière  Goa,  vers  la  Côte 
Malabar.    La  Capitale  de  leur  Pays  eft  une  Ville  très-confidérable,  qui 
nomme  Saîara  (b). 

[Ces  Marattes,  que  d'autres  nomment  Ganimes,  (c)  font  les  Sujets  des 
jpefcendans  du  fameux  Sevagy ,  qui  après  avoir  été  dépouillés  de  leurs  con- 
jjuêtes,  par  les  Mogols,  comme  on  la  vu,  ne  ceffoient  de  faire  des  in- 
<urfîons  dans  le  Pays,  pour  exiger  de  groffes  contributions  des  Habitansi 
Ce  fut  fous  le  prétexte  de  réprimer  ces  brigandages ,  que  Nizam-uI-Mulk, 
f|]i  tenoit  le  Gouvernement  du  Decan ,  contre  le  gré  de  la  Cour  Mogole ,. 
fexcufa  d'accepter  la  Charge  de  Vizir,  que  l'Empereur  Muhammed-Chah 
iii  avoit  offerte,  à  fon  avènement  au  Trône.  Cependant  la  nonchalance 
)  Vizir  Kamer-Eddin-Kan,  força  ce  Prince,  au  bout  de  quelques  années, 
I.  rappeller  à  fa  Cour  Nizam-ul-Mulk ,  comme  le  feul  homme  capable  de 
tablir  l'ordre.  Ce  Miniftre  n'eut  pas  plutôt  reçu  les  ordres  de  l'Empe* 
ur,  que  iaiffantle  Gouvernement  du  Decan  à  fon  fils,  Gazi-Eddin-Kan, 

,  il 


(  y  )  M.  l'Abbé  Guyon  a  confondu  le  pre- 
aier  Siège  de  Tanjour  avec  le  fécond ,  dont 
[eft  feulement  queftion  ici.   Voyez  ci-defllis, 
|^g.5.&26.  R.  d.  E. 
(2)  Ibid.  pag.  279. 

(a)  C'eft  le  titre  queprenoient  les  Princes 
i  cette  Famille.  Il  fignifie  grand  Roi.  Le 
brnier  Roi  des  Marattes,  dont'  il  s'agit  [ici, 
Tnommoit  Sawu,  ou  félon  d'autres  Saiott- 
aja,  Sonda-gy  &Sito-gyi  mais  il  mourut  ea 
*739-  Voyez  ci-deflus,  pag,  7.  R,d.E, 


ETABtTSSB- 

MENT  Fran- 
çois DE  PON- 
OICHERY. 

1738. 


Les  Prince» 
Gentils  appel- 
lent les  Ma- 
rattes à  leur 
fccours. 


(b)  Ibid.  pag.  280.  Oh  ignore  ia  pofî- 
tion  de  cette  Ville  ;  Tout  ce  que  M.  d'Anville 
en  a  pu  apprendre ,  des  Portugais ,  c'eft  que 
Satara  eft  dans  les  Gattes,  à  huit  journées 
de  Goa,  &  à-peu-près  en  même  diftance  à 
l'égard  de  Bombay;  en-forte  que  ces  trois  po- 
fitions  faflent  le  triangle.  R.  d.E. 

( c)  Suivant  M.  Otter  ce  font  deux  Peu- 
ples difFérens,  du  Decan.  Il  nomme  les  premiers 
Merebais;  mais  on  devroit  ce  femble  plutôt 
étrire  Moba-rMfn, 

I>3 


y 


3° 


DESCRIPTION     DE     LA 


r-i  ç. 


Etablisse- 
ment Fran- 
çorsDKPoN- 

DICHERY. 

17  39- 


Armée  du 
Roi  des  Ma- 
rattcs. 


il  fe  rendit  en  diligence  à  la  Capitale ,  &  fut  admis  à  l'audience  de  l'Empe. 
reur ,  qui  lui  conféra  la  dignité  de  f^diil  Mutlak  («/),  c'eft-à-dire  Lieutenant 
abfûlu,  qualité  qui  le  mettoit  au-deflus  du  Grand  Vizir:  Mais  les  defagré- 
*mens  auxquels  ce  nouveau  rang  l'expofa  bien-tôt,  de  la  part  de  fes  ennemis, 
dans  une  Cour  où  règnoient  le  defordre  &  l'indépendance,  lui  firent  pren- 
dre la  réfolution  de  retourner  au  Decan,  où  fa  préfence  étoit  néceliaire, 
difoit-il,  pour  contenir  les  Rajas ,  prêts  à  fe  révolter.  A  fon  arrivée,  il 
fongea  aux  moyens  de  fe  vanger  de  fes  ennemis ,  en  ouvrant  les  yeux  à 
Muliammed-Chah  fur  leur  conduite.  Dans  cette  vue ,  il  s'addreffa  à  Sabou- 
Raja ,  à  Badgira ,  &  à  d'autres  Chefs  des  Marattes  du  Decan ,  qu'il  excita 
à  la  révolte.  Ces  Peuples  portant  la  défolation  dans  diverfes  parties  de 
l'Empire,  menaçoient  de  faccager  la  Capitale,  en  1739,  lorfqu'ils  furent 
défaits  par  l'Armée  du  Vizir ,  qui  loin  de  profiter  de  fa  viétoire  fit  un 
lâche  accommodement  avec  les  Rebelles.  Comme  Muhammed-Chah  n'i- 
gnoroit  pas  que  Nizam-ul-Mulk  étoit  le  véritable  Auteur  des  defordres  que  les 
Marattes  çommettoient .  &  qu'il  n'étoit  pas  poffible  de  les  faire  cefler ,  qu'en 
rappellant  ce  Miniftre  à  la  Cour ,  il  prit  une  féconde  fois  le  parti  de  lui  faire 
écrire ,  dans  les  termes  les  plus  gracieux ,  &  l'invita  à  fe  rendre  auprès  de 
lui ,  avec  promeffe  d'une  entière  fureté  pour  fa  perfonne ,  &  de  toutes 
fortes  d'agrémens.  Nizam-ul-Mulk  partit  auflî-tôt  pour  Dehly  ;  mais  trou- 
vant les  chofes,  à  la  Cour,  dans  le  même  état  qu'il  les  avoit  laifFées,  les 
infukes  des  Courtifans  ,  qui  traverfoient  tous  fes  defleins ,  lui  infpirèrent 
celui  d'engager  Nadir-Chah ,  qui  afliégeoit  alors  Candahar,  à  entrer  dans 
l'Inde  (c).  Les  circonflances  de  cette  grande  révolution  ont  été  rappor- 
tées dans  le  Volume  précèdent,  &  l'Article  que  nous  ajoutons  ici,  ne  fert 
que  d'introduélion  aux  détails  qu'on  y  trouve  fur  l'état  de  la  Cour  du  Mo- 
gol ,  depuis  le  départ  du  Conquérant  Perfan ,  jufqu'à  i'invafion  dont  on  va 
faire  l'hiftoire  (/).] 

Les  foUicitations  du  Roi  deTanjour  &  des  Princes  du  même  culte, 
jointes  à  l'efpérance  de  piller  un  Pays  où  depuis  long-tems  toutes  les  Nations 
du  Monde  venoient  échanger  leur  or  &  leur  argent  pour  des  marchandi- 
fes ,  déteroainèrent  enfin  le  Roi  des  Marattes  à  faire  partir  une  Armée  de 
foixante  mille  chevaux  ,&  de  cent  cinquante  mille  hommes  d'infanterie  (g), 
dont  il  donna  le  commandement  à  fon  fils  aîné ,  Ragogi-Boufola-Sena-Sahcb- 
Sûula  (h).     Elle  fe  mit  en  marche  au  mois  d'Ôétobre  1739.    Daouft-AIy- 

Kan, 


(rf)  On  y  ajoute  le  titre  A'AJof-jâb,  dont 
les  Auteurs  oat  fait  Azefii ,  nom  fous  lequel 
Nizam-ul-Mulk  étoit  plus  connu  depuis. 

(e)  Voyage  de  M.  Otter,  Tom.  I.  pag. 
337-  ^  fuiv. 

(/)  Voyez  le  Tom.  XIII.  pag.  328.  &f/tii». 
La  lefture  de  ces  détails  eft  néceliaire  ici, 
pour  fe  former  ime  idée  fuivie  des  mouve- 
mens  des  Marattes ,  qui  après  avoir  pouffé 
leurs  courfes  jufques  fur  les  bords  du  Gange , 
ne  rentrèrent  dans  leur  Pays,  que  pour 
tourner  auflî-tôt  leurs  armes  contre  les  Mau- 
res ,  vers  les  Parties  méridionales ,  fur  l'invi- 


tation des  Princes  Gentils ,  qui  étoient  d'in- 
telligence avec  eux ,  pour  fecouer  le  Joug  des 
Mahometans. 

(^)  Le  P. Saignes  &  les  Miflîonnrires Da- 
nois dlfent  cinquante  mille  chevaux.  Ua 
Auteur  Anglois ,  quatre-vingt-dix  mille  ;  mais 
fans  faire  mention  d'infanterie,  dont  les  In- 
diens fe  fervent  peu,  &  qui  eft  prefqw 
comptée  pour  rien  dans  toute  i'Afie.  R.  d.  \i. 

(6)  Ceci  eft  contraire  à  la  Rcmarqtie  des 
Miffionnaires  Danois ,  qui  difent  que  Sawu- 
Raja  mourut  fans  enfans  la  mêuie  anniie. 
Suivant  M.  Otter,  le  Raja  Badgira  mouiui 

aiUlî 


Kan, 

noien 
quefti 
nérau: 
quêtej 
fur  foi 
pes,a 


fuflî  envir 
pas  du 
les  Aut 

rautre.  R. 
(0  C'é 


de  l'Empc- 

Lieutenant 
es  defagré- 
:s  ennemis, 
firent  pren- 

nécelfaire, 
i  arrivée,  il 
:  les  yeux  à 
efla  à  SaboU' 
qu'il  excita 
s  parties  de 
qu'ils  furent 
aoire  fit  un 
ed-Chah  n'i- 
>rclres  que  les 
ceffer ,  qu'en 
ti  de  lui  faire 
re  auprès  de 
&  de  toutes 
jr;  mais  trou* 
i  laifFées,  les 
ù  infpirèrent 
i  entrer  dans 
t  été  rappor- 
s  ici,  ne  fert 
Cour  du  Mo- 
m  dont  on  va 

même  culte, 
:es  les  Nations 
marchandi- 
me  Armée  de 
nfanterie(g), 
'a-Sena-Sahcb- 
Daouft-Aly- 
Kan, 

qui  étoient  cVin- 
couer  le  joug  des 

Miflîonnrires  Da- 
2  chevaux.  Un 
;t-dix  mille  ;  mais 
rie,  dont  les  1r.- 

qui  eft  preftiue 
te  l'Afie.  R.  d.  E. 
la  Rcmarqtie  des 

fent  que  Sawu- 
|a   raêuie    année. 

Badgira  mourut 
aiilli 


1 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        31 

Kan,  informé  de  fon  approche,  rappella  fon  fils  &  fon  gendre,  qui  tc- 
noient  encore  le  Roi  de  Tanjour  blocqué  dans  fa  Capitale  (i).  Il  ctoit 
queftion  de  mettre  leurs  propres  Etats  à  couvert.  Cependant  ces  deux  Gé- 
néraux ne  fe  déterminèrent  pas  tout-d'un-coup  à  s]éloigner  de  leurs  con- 
'  quêtes,  &  laiflerent  avancer  l'Ennemi,  qui  répandoit  le  ravage  &  la  terreur 
fur  fon  palîage.  Daouft  fe  hâta  de  raflembler  tout  ce  qui  lui  refloit  de  Trou- 
pes, avec  lefquelles  il  allafe  faifir  des  gorges  de  la  montagne  à^Canamay  ((■), 
f vingt-cinq  lieues  à  l'Oueft  d'Arcatte  i  défilés  très-difficiles,  &  qu'un  petit 
nombre  de  Troupes  peut  défendre  contr'une  nombreuse  Armée. 

Les  Marattes  y  arrivèrent  au  mois  de  Mai ,  1740.  Après  avoir  recon- 
nu qu'il  leur  étoit  impolfiblede  forcer  le  Nabab  d'Arcatte  dans  fon  pofte, 
Îb  campèrent  à  l'entrée  des  gorges ,  d'où  ils  firent  tenter  fecrétement  la 
^éiité  d'un  Prince  Gentil ,  qui  gardoit  un  autre  paflTage  avec  cinq  ou  lix 
faille  hommes,  &  que  Daouft  avoit  crû  digne  de  fa  confiance.  Ce  Prince 
fut  bien-tôt  corrompu  par  les  promefFos  &  par  l'argent  des  Marattes.  Les 
Bramines  levèrent  fes  difficultés ,  en  lui  repréfentant  que  le  fuccès  de  cette 
guerre  pouvoit  ruiner  le  Mahométifme ,  &  rétablir  la  Religion  de  leurs  pè- 
mi.     11  confentit  à  livrer  le  paflage.     Les  Marattes ,  continuant  d'amu- 


1^ 


le  Nabab  par  de  légères  attaques ,  y  firent  marcher  leurs  Troupes ,  & 
faifirent  le  19  de  Mai.    De-là,  ils  trouvèrent  fi   peu  d'obftacles 


au 


IfiTein  de  le  furprendre  par  derrière ,  qu'ils  s'approchèrent  à  deux  portées 
j|è  canon,  avant  qu'il  fe  défiât  de  fon  malheur.  Lorfqu'on  vint  l'infor- 
Ifter  qu'il  paroiflbit  du  côté  d'Arcatte  un  Corps  de  Cavalerie ,  qui  s'a- 

fançoit  vers  le  Camp,  il  s'imagina  que  c'étoient  les  Troupes  de  fon  gen- 
re qui  venoient  le  joindre.  Mais  il  entendit  auffi-tôt  de  furieufes  dé- 
charges de  moufqueterie,  &  la  préfence  du  danger  lui  fit  ouvrir  les  yeux 
|ur  la  trahilbn. 

'i  Daoust-Aly-kan,  fon  fécond  fils  (/),&  tous  fesOfficiers Généraux,  mon- 
,nt  auffi-tôt  fur  leurs  éléphans ,  fe  défendirent  avec  autant  d'habileté  que 
^  valeur.     Mais  ils  furent  accablés  d'tm  fi  grand  feu ,  &  d'une  fi  terrible 
Icharge  de  frondes ,  que  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  gens  autour  d'eux  périt 
leurs  pieds  ou  prit  la  fuite.     Le  Nabab  &  fon  fils ,  blefi'és  de  plufieurs 
ips ,  tombèrent  morts  de  leurs  éléphans ,  &  leur  chute  répandit  tant  de 
yeur  dans  l'Armée,  que  la  déroute 'devint  générale.    La  plupart  desOffi- 
irs  furent  tués ,  ou  foulés  aux  pies  par  les  éléphans ,  qui  enfonçoient  dans 
boue  jufqu'à  la  moitié  des  jambes.    Il  étoit  tombé  ,  la  nuit  précédente, 
e  grande  pluye ,  qui  avoit  détrempé  la  terre.    Plufieurs  guerriers ,  qui 
oient  de  ce  combat ,  afllirèrent  que  jamais  champ  de  bataille  n'avoit  pré- 
nté  un  plus  affreux  fpeélacle  de  chevaux ,  de  chameaux  &  d'éléphans , 
|>lefles  &  furieux ,  mêlés ,  renverfés  avec  les  Officiers  &  les  Soldats ,  jet- 
Utant  d'horribles  cris ,  faifant  de  vains  efforts  pour  fe  dégager  des  bourbiers 
:  '      :     v;    .r'\:       ••    ,  '"'  '  langlans 


iffi  environ  ce  tems;  mais  comme  il  ne  par- 
pas  du  décès  du  premier ,  on  eft  en  doute 
les  Auteurs  ne  prennent-  point  l'un  pour 

l'autre.  R.d.E. 

;  40  C'étoit  pQur  la  féconde  fois.  R.  d.  ^ 


(k)  Ce  font  les  gorges  qui  s'aprellent 
Camvotrj,  dans  le  pays.  La  bauillc  fe  donna 
prés  de  Cadapa- Nattam.  R.d.E. 

(  /  )  Le  Père  Saignes  le  dit  l'aîné  ;  mais  il 
y  A  apparence  qu'il  fe  trompe.  R.  d,  E. 


FTAnT.IJSE- 

liIlî.NT  l'"ltAN- 

ÇOIS  PK  PON- 

DICHEitY. 


Coir.nicnt 
elle  pafl'c  les 
Sori^cs  dt' 
Canamay. 


Le  Nabab 
d'Arcutte  eft 
furpris. 


II  eft  tué 
dans  une  fan- 
glantc  batail- 
le. 


0'' 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etablimï- 
MENT  Fran- 
çois DE  PON- 
PICHERy. 

1740. 

Mort  de  fon 
Oénéral. 


Pillage  du 
Camp. 


Azyle  que 
les  Peuples" 
cherchent  à 
Pondichery. 


Situation 
des  François. 


fanglans  oîi  ils  étoienc  enfoncés,  achevant  d'étouffer  ou  d'écrafer  les  Sol- 
dats  qui  n'avoient  pas  la  force  de  fe  retirer  (wi). 

Cityzor-Kan,  General  de  l'Armée  Mogole,  qui  avoit  rendu  d'im- 
portans  fervices  à  la  Compagnie,  fut  blelTé  de  cinq  coups  de  fufi!,  &  d'un 
coup  de  fronde,  qui  lui  creva  un  œil  &  le  renverfa  de  deflus  fon  éléphant. 
On  doit  faire  obferver  qu'une  décharge  de  frondes ,  par  le  bras  des  Marat- 
tes,  efl  auffi  redoutable  que  la  plus  violente  moufqueterie.  Les  Domelli- 
ques  de  Cityzor ,  l'ayant  vu  tomber ,  l'emportèrent  avant  la  fin  du  combat 
dans  un  bois  voifin ,  &  ne  penférent  qu'à  s'éloigner  de  l'Ennemi.  Après 
d'x  ou  douze  jours  de  marche,  ils  arrivèrent  à  Alamparvé,  (jui  fe  nomme 
auflî  Jorobandelf  à  fept  ou  huit  lieues  de  Pondichery.  Les  prmcipales  bief- 
fures  de  leur  Maître  étoientun  coup  de  fufil,  qui  lui  avoit  coupé  la  moitié 
de  la  langue  &  fracafTé  la  mâchoire  ;  un  autre ,  qui  pénétroit  dans  la  poi- 
trine, 5c  trois  coups  dans  le  dos,  avec  un  œil  crevë.  On  lui  envoya  le 
Chirurgien  Major  de  la  Compagnie,  qui  pafFa  près  de  lui  vingt-cinq  jours, 
fans  le  pouvoir  fauver. 

Liv  datte  de  cette  aifreufe  bataille  efl;  le  20  de  Mai  1740.  Les  Marâtres 
y  firent  un  grîuid  nombre  de  prifonniers ,  dont  les  principaux  furent  Taqua- 
Saheb,  Grand  Divan,  un  des  gendres  de  Daouft,  &  le  Nabab  Eras-Kan- 
Alirzoutouy  Commandant  général  de  la  Cavalerie.  Dans  le  pillage  du  Camp, 
ils  enlevèrent  la  caifle  militaire,  l'étendart  de  Mahomet,  &  celui  de  l'Em- 
pereur. Ils  emmenèrent  quarante  ëléphans ,  avec  un  grand  nombre  de 
chevaux.  Le  corps  de  Daouft- Aly-Kan  fut  trouvé  parmi  les  morts:  mais 
on  ne  put  reconnoitre  celui  de  fon  fils,  qui  avoit  été  fans  doute  écrafé, 
comme  un  grand  nombre  d'autres ,  fous  les  pieds  des  éléphans  (  n  ). 

Le  bruit  de  ce  grand  événement  jetta  dans  toute  la  prefou'Ifle  de  l'Inde 
une  épouvante  qui  ne  peut  être  repréfentée.  On  ne  put  fe  le  perfuader, 
dans  Pondichery,  qu'à  la  vue  d'une  prodigieufe  multitude  de  fugitifs ,  Mau- 
res &  Gentils,  qui  vinrent  demander  un  azvle  avec  des  cris  &  des  larmes, 
comme  dans  le  lieu  de  toute  la  Côte  où  ils  ie  fiattoient  de  trouver  plus  de 
recours  &  d'humanité.  Bien-tôt  le  nombre  en  devînt  (1  grand,  que  la  pru- 
dence obligea  de  fermer  les  portes  de  la  Ville.  Le  Gouverneur  y  étoit  jour 
&  nuit ,  pour  y  donner  fes  ordres.  Les  maifons  &  les  rues  fe  trouvèrent 
remplies  de  grains  &  de  bajgages.  Tous  les  Marchands  Indiens  de  la  Vil- 
le &  des  Lieux  voifins ,  qui  avoient  des  effets  confidérables  à  Arcatte  & 
dans  les  terres,  s'emprefloient  de  les  mettre  à  couvert  fous  la  prote^ion 
des  François.  Le  25  de  Mai ,  qui  étoit  le  cinquième  jour  après  la  batail- 
le, la  veuve  du  Nabab  Daouft- Aly-Kan ,  toutes  les  femmes  de  fa  famille 
&  leurs  enfans ,  fe  préfentèrent  à  la  porte  de  Valdaour ,  avec  des»~inftances 
pour  être  reçues  dans  la  Ville ,  où  elles  apportoient  tout  ce  qu'elles  avûient 
ramafféd'or,  d'argent,  de  {pierreries ,&  d'autres  richeffes  (0). 

Cette  pofition  étoit  délicate  pour  les  François.  Bs  avoient  à  craindre 
que  les  Marattes ,  informés  du  lieu  où  toute  la  famille  du  Nabab  s'étoit  re- 
tirée avec  tous  ^es  tréfors ,  ne  vinflent  attaquer  Pondichery.  D'un  autre 
côté,  ils  fe  feroient  perdus  d'honneur  dans  les  Indes,  s'ils  avoient  fermé 

...     ■  leurs 


■1 


ïii 


(m)  Pag.  2Ss  &  précédentes. 


(n)  /JW,  i>ag.  a88. 


(0)  Ibid.  pag.  2B9. 


ér  les  Sol- 

endu  d'im- 
fil,  &d'uii 
n  éléphant, 
des  Marat- 
2S  Domefli- 

du  combat 
:mi.  Après 
L  fe  nomme 
cipales  bief- 
ipé  la  moitié 

dans  la  poi- 
li  envoya  le 
t-cinq  jours, 

Les  Marattes 
furent  Taqm- 
ab  EraS'Kan- 
âge  du  Camp, 
elui  de  l'Em- 
d  nombre  de 
morts:  mais 
doute  écrafé , 
ms(n). 
^'IHe  de  l'Inde 
le  perfuader, 
fugitifs,  Mau- 
[&  des  larmes, 
buver  plus  de 
h,  quelapru- 
ury  étoitjout 
fe  trouvèrent 
Lcns  de  la  Vil- 
à  Arcatte  & 
.  la  proteélion 
iprès  la  batail- 
de  fa  famille 
,  des^inftances 
lu'elles  avôient 

o). 

ient  à  craindre 
ibab  s'étoitre- 
r.  D'un  autre 
avoient  fermé 
leurs 

Ibid.  pag.  229- 


(i-.  «»     ■  «. 


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De  Princes  Koeder  des  Nababs  van  Arcatte 


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ITE. 


PRESQiriSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        jj 

leurs  portes  à  cette  famille  fugitive,  qui  commandoit  depuis  lon^-temi 
dans  ^Province,  &  qui  n'avoit  jamais  cefTé  de  les  fâvoriler.  Afoûtons 
que  la  moindre  révolution  pouvant  changer  la  face  des  affaires,  &  faire 
reprendre  aux  NIarattes  le  chemin  de  leur  Pays,  Sabder- Aly-Kan ,  &  toute 
fa  race  feroient  devenus  ennemis  irréconciliables  de  ce^x  qui  kur  auroient 
tourné  le  dos  avec  la  fortune,  &  n'^auroient  penfé  qu'a  la  vengeance.  Le 
Gouverneur  aflembla  fon  Confeil.  Il  n'y  déguifa  pas  les  raifons  qui  ren- 
doient  la  générofité  dangereufe;  mais  il  fit  voir,  avec  la  même  force,  que 
l'humanité ,  l'honneur,  la  reconnoiflance,  &  tous  les  fentimens  qui  diftin- 
cuent  la  Nation  Françoife,  ne  permettoient  pas  de  rejetter  une  famille  fi, 
refpeftable,  &  tant  de  malheureux  qui  venoient  fe  jetter  entre  fes  bras. 
■;'avis  qu'il  propofa,  comme  le  fien,  fut  de  les  recevoir,  &  de  leur  accor- 
er  la  proteSion  de  la  Fronce.  Ce  parti  fut  généralement  approuvé  du 
lonfeil ,  &  confirmé  par  les  applaudiflemens  de  tout  ce  qu'il  y  avoit  de 
rançois  à  Pondichery  (f  )i       ^' -- 

On  fe  hâta  d'aller,  avec  beaucoup  de  pompe,  au-devant  de  la  veuve  du 

abab.    Toute  la  garnifon  fut  mile  fous  les  armes  &  borda  les  remparts. 

Gouvexoeur^  accompB(mé  de  fes  sardes  à  pied  &.  à  cheval,  &  porté 

.  un  fuperbe  MlanqirinyTe  rëfadit  «  la  porte  dé  Valdaour,  où  la  Frin- 

fie  attendoit  la  déclaration  [de  fon  fort.    Elle  étoit,  avec  fes  filles  ^ 

neveux,  fiur  vingt>deuxp2dahquint,fiiivis' d'un  Détachement  de  quin- 

cens  Cavaliers  (9),  de  quatre- vingt  éléphans,  de  trois  cens  chameaux» 

..plus  de  deux  cens  voitures ,  traînées  par  deé.  bcsaft,  dans  lefquelles  é-' 

oient  les  gens  de  leur  ihite  ;  enfin  de  deux  mille  bétel  de  «harge.    Après 

ui  avoir  fait  connoître  combieh  la  Nation  s'elltmoit  héureufe  de  pouvoir 

fervir,  on  la  faliia  par  une  dédiarge  du  canon  de  la  Citadelle.    Elle  fut 

.enée,  avec  les  mêmes  honneurs ,  aux  logemens  ^u'on  avoit  déjà  pr^urés 

our  elle  &.  pour  toute  fa  fuite.    Il  ne  n^ianqua  rien  à  la  civilité xiés  Fran- 

ois,  &  tous  les  Officiers  Mogols  en  témoignèrent  (rVme  extrême  fatl8«> 

Âion.    Jamais^  fuivapo^c  j'obfenration  de  T'A«d:c«tv4H<Natioa  F{|jUlfoi(^ 

s'étoic  ac^triv  plus  de  gloire  aux  Indes.    Les  apparences  fembloient  pro- 

ttre  bien  plus  de  fûrété,  à  la  veuve  du  Nabab,  dans  les  Ëtabliflemens 

iglois,  Hollandois,  Danois,  tels aue  Porto-No vo,  Tranquebar,  ouNe-;. 

patan,  qui  étoient  plus  proches  oc  plus  puîfTans  que  le  nôtre.    Mais» 

enir  d'elle-même  &  fans  aucune  convention  fe  jetter  fous  la  proteâion 

es  François,  c'étoit  déclarer  hautement  qu'elle  avoit  pour  eux  plus  d'efti- 

e  &  de  confiance  que  pour  toutes  les  autres  Nations  de  l'Europe. 

Cependant  Sabder- Aly-Kan ,  fils  aîné  du  malheureux  Daouft,  arriva 

rès  d'Arcatte,  deux  jours  après  la  bataille,  avec  un  Corps  de  fept  ou  huit 

ens  chevaux.    Mais,  à  la  première  nouvelle  de  ce  defordre,  il  fe  vit 

ibandonné  de  fes  Troupes ,  &  réduit  à  fe  fauver,  avec  quatre  de  fes  gens, 

ans  la  FortereflTe  de  Velour.    Sander-Sahéb ,  fon  beau-frère ,  qui  étoit  forti 

e  Trichenapaly  avec  quatre  cens  chevaux,  apprit  auffi  cette  funefte  nou« 

velle 

CpJ  Ibii.  pag.  289.  certes  de  fept  mille  hommes  de  CaTaleiitt 

(?)  Le  Père  Saignes  dit  qu'ils  étoient  ef-    R.d.E.  (r)  Pag.  apOé 


ETAtLint- 
MIMT  FkAII- 
ÇOII  DB  POK- 

DICHUY. 

1740. 

Us  reçoi- 
vent la  veuve 
&  la  famille 
du  Nabab 
d'Àrutte. 


Accueil 
au'ils  lui  font  f 
&  remarque 
fur  cet  évéAC' 
ment. 


■•«y 


Arcatteefl 
piUée  &  brû- 
lée. 


"'^'K' 


XIK  Pan, 


J^ 


ïï 


1* 


1"« 


DESCRIPTION    DE    LA 


Btab!.issi- 

MBNT  FrAN» 
{OIS  DB  PoN- 

UICHERY. 

1740. 


velle  en  chemin ,  &  trouva  tout  le  Pays  foulevë  contre  les  Maures.    Plu. 
fleurs  petits  Princes ,  qui  portent  le  titre  de  Pjliagares ,  fe  déclarèrent  pour 
les  Marattes ,"  jufqu'à  tenter  de  l'enlever  pour  le  livrer  entre  leurs  mains. 
Il  n'eut  pas  d'autre  reflburce  que  de  retourner  à  Trichenapaly  &  de  s'y  ren- 
fermer dans^  la  For^reflè.     Le  Général  des  Marattes  prit  fa  marche  vers 
Arcatte,  dont  il  fe  rendit  maître  fans  oppoHtion.    La  Ville  fut  abandon- 
née au  pillage  &  confumée  en  partie  par  le  feu  (s).    Divers  Détache- 
mens,  qui  furent  envoyés  pour  mettre  tout  le  Pays  à  contribution,  firent 
éprouver  de  toutes  parts  l'avarice  &  la  cruauté  du  Vainqueur.     C'eft  un 
•  ancien  ufage,  parmi  ces  Barbares,  que  la  moitié  du  butin  appartienne  à 
leurs  Chefs.     Ils  exercèrent  toutes  fortes  de  violences ,  non-feulement  con- 
tre les  Mahométans ,  mais  contre  les  Gentils  mêmes ,  qui  avoient  imploré 
leur  fecours,  &  qui  les  regardoient  comme  les  Proteéleurs  de  leur  Religion. 
Ils  portent  avec  eux  des  chaifes  de  fer,  fur  lefquelles  ils  attachent  nuds, 
avec  des  chaînes ,  ceux  dont  ils  veulent  découvrir  les  trefors  ;  &  mettant 
le  feu  delfous ,  ils  jes  brûlent  jufqu'à -ce  qu'ils  ayent  donné  tout  leur  bien. 
Oh  ne  s'imagineroit  point  combien  ils  firent  périr  d'Habitans  par  ce  cruei 
fupplice ,  ou  par  le  poignard ,  qui  les  vengeoit  de  ceux  qui  n'àvoient  rien 
à  leur  offrir.    Tous  les  lieux  qui  effuyèrent  leur  fureur  ont  été  prefqu'en- 
tièrement  détruits  ;  ce  qui  a  fait  un  tort  extrême  aux  Manufaélures  de 
toile ,  dans  un  Pays  où  la  plupart  des  Gentils  exercent  le  métier  de  TiiFe- 
rands  ,  dans  lequel  ils  excellent. 

'  [D'Arcatte  les  Marattes  allèrent  fe  préfenter  devant  Velour,  Ville 
confidérable ,  défendue  par  une  Citadelle  très  -  forte ,  bâtie  de  pierres  de 
taille  avec  une  double  enceinte.  Ses  baftions  font  dispofés  régulièrement , 
&  elle  ell  environnée  d'un  large  fofFé  plein  d'eau  &  de  crocodiles;  de-  forte 

Sue  fans  canon  elle  ell  imprenable.   Comme  les  Marattes  avoient  laifle  leur 
artillerie  au-delà  des  montagnes,  ils  ne  s'y  arrêtèrent  pas ,  mais  ils  mar- 
chèrent du  côté  de  Pobur,  petite  Ville  qui  eft  le  fejour  d'un  Nabab.    Ils 
Ju  prirent  &  la  pillèrent.     Ils  en  firent  autant  à  Gingama^  à  Tirounamalei y 
à  Cangibouram^  &  dans  tous  les  Bourgs  &  les  Villages  où  ils  s'iétendoient. 
Cependant  ils  ne  mirent  le  feu  qu'en  peu  d'endroits,  &  ils  ne  tuoient  d'Ha- 
bitans que  ceux  qui  leur  offroient  de  la  réfiftance ,  à  l'exception  de  quel- 
ques Chefs  de  Villages,  qui  expirèrent  fous  les  coups  de  fouet  qu'on  leur 
appliquoit,  pour  les  forcer  à  découvrir  où  étoient  cachés  les  trefors  ou  au- 
ti-es  effets.    Quelquefois  les  Marattes  n'àvoient  pas  la  patience  d'attendre 
que  les  femmes  tiraffent  leurs  anneaux  d'or;   ils  les  leur  arrachoient,  en 
leur  déchirant  le  nez  &  les  oreilles,  où  elles  ont  coutume  de  porter  ces 
ortiemens.    A  Tirounamalei,  ils  firent  d'un  feul  coup  un  butin  trés-confi- 
dérable.    Les  Indieris  croyant  que  les  Marattes  n'oferoient  approcher  du 
Temple   de  leur  Dieu  Routren ,  ou  Ishuren,  y  avoient  tpanlporté  toutes 
leurs  richeiles.    Mais  les  pieux  Ganimes  ne  fe  contentant  pas  d'emporter 
tout  ce  qui  s'y  trouva  d'effets,  enlevèrent  encore  les  Danfeufes  confa- 

crées 


{s)  Les  Marattes ,  qui  après  leur  viftoire, 
s'étoicnt  amufés  à  partager  les  dépouilles  des 
vaincus  j  arrivèrent  trop  tard  à  Arcatte,  pour 


y  faire  un  grand  butin.  La  gamifon  de  h 
Ville  ne  penfa  point  à  fe  défendre,  dans  la 
crainte  d'être  paÎTée  au  fil  de  l'épée.  R.  d.£> 


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lures.  Plu< 
Itèrent  pour 
leurs  mains. 
:  de  s'y  ren- 

narche  vers 
'Ut  abandon* 
rs  Détache- 
ution,  firent 
r.     C'eft  un 
ppartienne  à 
ufement  con- 
fient imploré 
eur  Religion, 
ïchent  nuds, 
;  &  mettant 
lUt  leur  bien, 
par  ce  cruel 
l'àvoient  rieti 
té  prefqu'en- 
nufaélures  de 
tier  de  TiflTe- 

Velour,  Ville 
le  pierres  de 
égulièrement, 
iles;  de -forte 
ient  laifle  leur 
mais  ils  mar- 
i  Nabab.  Ils 
Tirounatnaki, 
s'iétendoient. 
tuoient  d'Ha- 
)tion  de  quel- 
let  qu'on  leur 
trefors  ou  au- 
ice  d'attendre 
rachoient,  en 
de  porter  ces 
itin  très-confi* 
approcher  du 
ilporté  toutes 
as  d'emporter 
nfeufes  confa- 
crées 

,a  garnifon  de  Iî 
défendre,  dans  la 
del'épée.  R,  d.E. 


PRESQU'ISLE  EN  DEçA  DU  GANGE,  Liv.  III.        35 

crdes  à  la  Pagode.  On  peut  bien  juger  qu'ils  ne  refpcftèrent  pas  plus  les 
Eglifesdcs  Catholiques  Romains,  que  les  MilTionnaires* abandonnèrent  à 
leur  fureur ,  en  prenant  la  fuite. 

Le  Roi  de  MaiflTour  tâcha  vainement  de  défendre  fes^  frontières ,  avec 

une  puiflante  Armée.    Les  Marattes  la  défirent,  &  pénétrèrent  dans  les 

Etats  de  ce  Prince ,  où  ils  exercèrent  toutes  fortes  de  brigandages.     Les 

SHabitans  qui  étoient  dans  le  voifmage  des  bois  &  des  montagnes,  s'y 

'  réfugièrent ,   mais  les  Paliaçares  leur   firent   payer  chèrement  cet  afi- 

'  le ,  fous  prétexte  de  pourvoir  à  leur  défenfe  par  de  nouvelles  Troupes. 

Le  plus  grand  mal  que  firent  les  Marattes,  ce  fut  l'enlèvement  des  trou- 

)eaux  &  des  petits  enfans  des  deux  fexes,  qu'ils  tranfportèrcnt  dans  leur 

Tandis  qu'ils  répandoient  la  défolation  dans  la  Province  d'Arçatte  & 

lans  les  Lieux  voifins,  Sabder- Ah-Kan ,  renfermé  dans  fa  Fortefefle  de 

^elour,  leur  fit  faire  des  propofitions  d'accommodement.     Après  quel- 

jues  négociations,  le  Traité  fut  conclu  à  des  conditions  fort  humilian- 

^||es.    Sabder  devcit  fuccéder  à  fon  père  dans  la  dignité  de  Nabab  d'Ar- 

%itte  (^v)i  mais  il  s'obligeoit  à  payer,  aux  Vainqueurs,  cent  laques,  ou 

.  dbq  millions  de  roupies  ^  a*  )  ;  à  reAituer  toutes  les  Terres  de  Irichena- 

jgiàly  &  de  Tanjour;  à  joindre  fes  Troupes  aux  Marattes,  pour  en  chafTer 

lIBhnder-Saheb ,  qui  étoit  encore  en  poflefTion  de  la  Ville,  de* la  ForterelTe 

jlc  de  tout  l'Etat  de  Trichenapaly  ;  enfin  à  fervir  lui-même  d'indrument , 

)our  rétablir  tous  les  Princes  de  la  Côte  de  Coroma[idel  dans  les  Domaines 

juils  pofledoient  avant  la  guerre!    Quoique  le   Général  Maratte  n'eût 

tÏQïï  de  plus  favorable  à  defirer ,  une  autre  raifon  l'avoit  fait  confentir  à 

'  èe  Traité.    Le  Roi  de  Golkonde  commençoit  à  s'allarmer  des  ravages 

:i[ui- s'étoient  commis  dans  le  Carnate  (y).    Il  avoit  réfolu  d'en  arrêter 

Jes  progrès.    Nazerzingue,  Souba  de  Golkonde  &  fils  de  Nifam-El-Mouk^ 

Tremier  Miniftre  du  Mogol,  s'étoit  mis  en  marche  avec  une  Armée  de 

foixante  mille  chevaux  &  de  cent  cinquante  mille  hommes  d'infanterie.    En 

irrivant  fur  les  bords  du  Quicbena,  qui  n'eft  qu'à  douze  journées  d'Arçatte, 

'avoit  été  arrêté  par  le  débordement  de  ce  Fleuve:  mais  le  Général  Ma- 

tte,  informé  de  fon  approche,  &  du  deflein  qu'il  avoit  de  continuer  fa 

iarche  après  la  retraite  des  eaux ,  craignit  de  perdre  tous  fes  avantages  à 

Parrivée  d'un  Ennemi  fi  redoutable  ;  &  cette  réflexion  le  difpofa  plus  faci- 

;ment  à  conclure  avec  Sabder- Aly-Kan  (z). 

La  réfîftance  des  François  acheva  de  le  déterminer.    Avant  cette  incur- 

fion ,  un  Maure ,  diftingué  par  fon  rang ,  en  avoit  donné  avis  au  Gouver- 

leur  de  Pondichery ,  fon  ami  particulier.    On  ignore  comment  il  s'étoit 

pro- 

J       r 

(t)  Lettre  du  P.  Saignes,  ap.  Lettres édif.     doute  une  faute  d'impreflîon.  R.  d.  E. 

(y)  Il  n'y.  avoit  plus  de  Roi  à  Golkonde, 
Voyez  au  Tome  XIII.  la  dernière  révolution 
de  cet  Etat,  qui  étoit  gouverné  par  un  Souba^ 
ou  Lieutenant  Général  Mogol.  R.  d.  E. 

(s)  /6W.  pag.  295.  „  ,,;i,.. 


lec.  XXVI.  pag.  257. 

(vj  Le  Traité  fut  figné  à  Arcatte,  fur  la 

d'Août  1740. 

(x)  Un  laque  fait  cent  mille;  ainfi  ce  fe- 
'»oit  dix  millions  de  roupies.  M.  l'Abbé 
Cnyon  écrit  cent  millims,  mais  c'ell  fans 


ETABtîlSt- 

mentFuan-. 

Ç<)t!i  DE  POR- 

1740. 


Humiliant 
Traité  de  Sab- 
der-AIy-Kaa. 


Diverfioij 
du  Roi  de 
Golkonde. 


Prépîitatifs 
de  défenfe  à 
Pondichery. 


£2 


.y.  %j 


s<î 


.111 


DESCRIPTION    DELA 


l-îîl 


Etablis»- 
MENT  Fran- 
çois DE  PoN 

OICHERY. 

1740. 


1741- 

Demandes 
que  les  Ma- 
rattes  font 
aux  François. 


procuré  ces  lumières,  dans  un  fi  grand  ëloignement  (a).  Mais,  à  Iz 
nouvelle  du  premier  mouvement  des  Maractes,  le  Gouverneur  François 
avoit  pris  toutes  les  mefures  de  la  prudence  pour  fe  mettre  à  couvert. 
L'enceinte  de  la  Ville  n'étant  point  encore  acnevée  du  côté  de  la  Mer ,  il 
avoit  fait  élever  une  forte  muraille,  pour  fermer  l'intervalle  de  quarante  à 
cinquante  toifes  qui  font  entre  les  maifons  &  le  rivage.  Il  avoit  rétabli 
les  anciennes  fortifications  ;  il  en  avoit  conflruit  de  nouvelles.  La  Place 
avoit  été  fournie  de  vivres  &  de  munitions  de  guerre.  £nBn,  lorfque  les 
Marattes  étoient  entrés  dans  la  Province,  il  avoit  fait  prendre  les  armes, 
non-feulement  à  la  Garnifon,  mais  encore  à  tous  les  Habitans  de  la  Ville 
qui  étoient  en  état  de  les  porter.  Les  polies  &  les  fonctions  avoient  été 
diflribués  :  &  ces  préparatifs  n'avoient  pas  peu  contribué  à  lui  attirer  tous 
les  Habitans  des  Lieux  voiHns,  qui  l'avoient  regardé  comme  leur  Défenfeur 
après  la'  Bataille  de  Canamay. 

L* ÉVÉNEMENT  jufUfia  fes  précautions.  Après  avoir  pris  ppiTeilion 
d'Arcatte,  le  Vainqueur  menaça  d'attaquer  Pondichery  avec  toutes  fes  for- 
ces, il  Jes  François  ne  fe  hâtoient  de  l'appaifer  par  des  fommes  confidéra^ 
blés  (b).  Il  leur  déclara  fes  intentions  par  une  Lettre  du  20  Janvier  i74t, 
où.l'adrefFe  &  la  fierté  étoient  également  employées.  N'ayant  reçu,  dir 
foit-il,  aucune  réponfe  à  plufieurs  Lettres  qu'il  avoit  écrites  au  Gouver- 
neur, il  étoit  porté  à  le  croire  ingrat  &  du  nombre  de  fes  Ennemis;  ce 
qui  le  déterminoit  à  faire  marcher  fon  Armée  contre  la  Ville.  Les  Fran- 
çois dévoient  fe  fouvenir  qu'il  leS  avoit  anciennement  placés  dans  le  lieu 
où  ils  étoient,  &  qu'il  leur  avoit  donné  la  Ville  de  Pondichery.  Auffi  fe 
ilattoit-il  encore  que  le  Gouverneur,  ouvrant  les  yeux  à  la  jultice,  lui  sn- 
verroit  des  Députés,  pour  convenir  du  payement  d'une  fomme;  &  dans 
cette  efpérance  il  vouloit  bien  fufpendre  les  hoililités  pendant  quelques 
jours.  Suivant  l'ufage  des  Marattes  &  de  la  plupart  des  Gentils ,  qui  n'é- 
crivent jamais  qu'en  termes  obfcurs,  pour  ne  pas  donner  occafion  de  les 
prendre  par  leurs  paroles  (c),  il  ajoutoit  que  le  Porteur  de  fa  Lettre  avoit 
ordre  de  s'expliquer  plus  nettement.  En  effet ,  cet  Envoyé ,  qui  it  un 
homme  du  Pays ,  dont  le  Gouverneur  connoiflbit  la  perfidie ,  par  ■  Let- 
tres interceptées  qu'il  avoit  écrites  à  fon  père  »  demanda  au  nom  .es  Ma- 
rattes 


,.,  .-.^.. , 


(a)  On  a  vu  que  les  Gentils  de  Tanjour-, 
&  de  quelques  autres  Etats ,  avoient  follicité 
depuis  long-tems  les  Marattes  de  venir  s'em- 
parer de  leur  Pays ,  pour  les  délivrer  du  joug 
des  Maures.  Les  Bramines  fe  âattoient  que  les 
premiers  yrameneroient  leurs  Dieux.  R.  d.E. 

(ft)  Dans  le  même-tems  le  Général  des 
Marattes  envoya  au  Gouverneur  Anglois  de 
Madras,  une  Lettre ^  qui  lui  fut  apportée 
par  deux  Cavaliers,  pour  lui  annoncer  qu'il 
avoit  de  grandes  pretenfions  à'  la  charge  de 
la  Compagnie,  &  qu'en  attendant  qu'il  les 
fit  valoir ,  il  demandoit  aux  Anglois  trente 
mille  pagodes  à  compte  ,  pour  le  payement. 
de  ton  Axipie,   La  piéfence  de  deux  ûmple» 


Cavaliers  n'embarraffa  pas  le  Gouverneur 
Anglois ,  comme  auroit  pu  faire  un  Déta- 
chement tant  foit  peu  confidérable  ;  Car  la 
Ville  étoit  prefque  fans  défenfe  ;  ce  que  le» 
Marattes  ne  favoient  apparemment  pas.  D'aiU 
leurs  leur  plan  étoit  de  le  rendre  d'abord  maî- 
tres des 'Parties  méridionales,  &  de  revenir 
enfuite  au  Nord  le  long  de  la  Côte,  pour 
détruire  en  paflant  tous  les  Etabliffemens  des 
Européens  ;  mais  ils  furent  prévenus  dans 
l'exécution  de  cette  partie  de  leur  projet, 
par  la  diverfion  que  fit  le  fils  d'Afof-Jâh,  oii 
Nifam-ul-Mulk,  dans  leur  propre  Pay5> 
pendant  leur  abfence.  R»  d.  £>  . 

(c)  Ibidr  pag.  299»  f  . 


I»» 


M  Ctl 


^: 


Mais,  à  \z 
ir  François 
à  couvert. 
,e  la  Mer ,  il 
quarante  à 
ivoit  rétabli 
.    La  Place 
,  lorfque  les 
t:  les  armes, 
s  de  la  Ville 
avoient  été 
i  attirer  tous 
ur  Défenfeur 

ris  poflelTion 
outes  fes  for- 
ss  conOdéra^ 
Janvier  X741, 
ant  reçu,  dir 
au  Gouver- 
Ennemis;  ce 
;.    Les  Fran- 
:s  dans  le  lieu 
ry.    Auffi  fe 
itice,  lui  sn- 
ime;  &  dans 
lant  quelques 
tils,  quin'é- 
afion  de  les 
Lettre  avoit 
qui       it  un 
par  ■      Let- 
inom  .es  Ma- 
lattes 

le  Gouverneur 
i  faire  un  Déta- 
lidérable;  Car  la 
enfe;  ce  que  le» 
[iment  pas.  D'ailt 
ire  d'abord  maî- 
I,  &  de  revenir 
;  la  Côte ,  pour 
itabliffemens  des 

J)révenus   dans 
e  leur  projet, 
pd'Afof-Jâh.ou 
propre  Pay5> 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        37 

rattes  une  fomme  de  cinq  cens  mille  roupies;  &  de  plus,  le  payement  d'un 
tribut  annuel,  dont  le  Général  prétendoit,  fans  aucune  ap{)arence  de  veri- 
Lté  que  les  François  étoient  redevables  à  fa  Nation  depuis  cinquante  ans. 
'  Le  Gouverneur  crût  devoir  une  réponfe  civile  à  Cette  Lettre.  Mais  il 
4ie  parla  point  des  droits  chimériques,  que  les  Marattes  s'attribuoienfr  fur 
7ondichery  ,  ni  du  tribut  &  de  l'intérêt,  ni  des  cinq  cens  mille  roupies, 
lu'ils  demandoient  avant  toutes  fortes  de  traités,  &  qui  feroient  montées 
,  plus  de  quinze  millions  de  nôtre  monnoye  (  à).  Le  filence,  fur  des  pré- 
întions  fi  ridicules ,  lui  parut  plus  conforme  aux  maximes  des  Indiens.  Peu 
lé  jours  après,  le  Général  infifta  fur  fes  demandes  par  une  nouvelle  Let- 
,tte,  qui  paroît  mériter,  comme  la  féconde  réponfe  du  Gouverneur  Fran- 
g^is,  d'obtenir  place  dans  le  récit  de  cette  narration. 

f„  Au  Gouverneur  de  Pondichery,  vôtre  ami  Ragogy-Boufola-Sena-Sa- 
heb-Souba:  Ram  Ram  (e). 
.^  „  Je  fuis  en  bonne  fante.    Il  faut  me  mander  l'état  de  la  vôtre. 
m  J  u  s  Q.U  '  À  préfent  je  n'avois  pas  reçu  de  vos  nouvelles  ;  mais"  Gapa!  CaŒ 
^ir|&  Atmarampantoulou  viennent  d'arriver  ici,,  qui  m'en  ont  dit,  &j'en 

^i^jU  appris  d'eux.  „  ÎL 

On  croit  devoir  placer  ici  cette  réponfe, 

faire  honneur  aux  principes  de  la  Corti- 

lie&à  la  noble  fermeté  des  Officiers. 

Le ,  Gouverneur  Général  de  Pondichery 

Ragogy-Boufola,  Général  de  l'Armée  des 

.  ilarattes  ;  Salut  ; 

i,  J'ai  reçu  la  Lettre  que  vous  m'avez  fait 

y  honneur  de  m'écrire,  &  je  m'en  fuis  fait 

expliquer  le  contenu.    Vous  me  dites  que 

^ous  m'avez  écrit  plulîeurs  fois ,  &  que  je 

ne  vous  ai  fait  aucune  réponfe.    Je  fais 

fïop  ce  que  je  dois  à  un  Seigneur  tel  que 

^ous ,  pour  avoir  commis  cette  faute.    A- 

S'eut  la  Lettre  à  laquelle  je  réponds  au- 

urd'hui,  je  n'en  ai  reçu  aucune  autre  de 

itre  Seigneurie;  &  fî  elle  m'a  écrit,  il 

»t  que  ceux  à  qui  elle  a  remis  fes  Lettres 

^nt  jugé  à  propos  de  les  garder,  poux 

ndifpofer  contre  moi  &  contre  ma  Na- 

Bon ,  en  m'ôtant  le  pouvoir  de  lui  faire 

éponfe. 

Vôtre  Seigneurie  me  déclare  qu'elle 
Itoit  dans  l'intention  de  faire  marcher  fon 
^IfArinée  contre  nous.  Quel  fujet  avez-vous 
^3e  vous  plaindre  des  François?  En  quelle 
|yk>ccafîon  vous  oi}t-ils  oiFenfé?  Au  contrav- 
!^e,  ils  ont  confervé  jufqu'à  préfent  une  re- 
'^.connoiflance  parfaite  des  faveurs  qu'ils  ont 
.reçues  des  Princes  vos  ancêtres;  &  quoi- 
|que  vous  fuillez  très -éloigné  de  nous, 
lous  n'avons  pas  difcontinué  un  inftant 
J'exécuter  ce  que  nous  vous  avions  pro- 
tiis,  en  protégeant  les  gens  de  vôtre  Na- 
îon  qui  ont  ici  des  Temples ,  &  leur  Re- . 
igion ,  qu'ils  exercent  avec  liberté  &  tran- 
^■"quiUté.    Voue  Seigneurie  doit  aulfi  favoir 


Etablisse- 

MEIiT  FpaM- 

ÇOIS  DK  POK- 

OICflEllY. 

1741. 

Réponfe  dtt 
Gouverneur 
de  Pondichc- 


Nouvelles 
dL'inandcs  des 
Maiiittcs. 


„  que  nous  rendons  à  tout  le  monde  la  plus 
„  exafte  juftice;  qu'on  vit  dans  Pondichery 
,,,  à  l'abri  de  toute  opprefllon  ;-  ique  le  Roi  de 
i,  France,  nôtre.  Maître ,  dont  la  juftice  &  la 
>,  puiîîance  font  connues  de  toute  la  Terre, 
„  nous  puniroi»- ,  fl  nous  étions  capables  àa 
„  faire  la  moindre  chofe  contre  fe  gloire  & 
„  fes  intentions. 

„  Ainfî  quelle  raifon  vôtre  Seigneurie 
„  pourroit-efle  avoir  de  nous  faire  la  guer- 
„  re,  &  que  peut-elle  attendre  de  nous?  La 
„  France,  nôtre  Patrie,  ne  produit  ni  or  ni 
„  argent.  Celui  que  nous  apportons  dans  ce 
„  Pays,  pou  y  acheter  des  marchandifes , 
„  nous  vient  des  Pays  étrangers.  On  ne  tire 
„  du  noue  que  du  fer  fit  des  Soldats ,  que 
„  nous  employons  ccrtre  ceux  qui  nous  at- 
,,  taqucnt  mjuftement. 

„  Nous  fouhaitons  de  tout  nôtre  cœur  dé 
„  vivre  en  bonne  amitié  avec  vous;  JSt,  11 
„  nous  pouvons  vous  fervir  en  quelque  chot 
f,  fe ,  nous  le  ferons  avec  plaifir.  Vous  de- 
„  vez  donc  regarder  nôtre  Ville  comme  la 
„  votre.  Si  vôtre  Seigneurie  veut  m'addrefle^ 
,,  un  PaiTeport,  j'enverrai  une  peribnne  de 
„  confiance ,  \wm  vous  faluer  de  ma  part» 
„  Mais  je  vous  prie  de  me  difpenfer  de  me 
„  fervir  de  l'entremife  d'^pagi  -  Vittel ,  fife 
„  de  Vittel-Naeanadou ,  qui  ne  cherche  qu'à 
„  nous  trahir  &  à  tromper  vôtre  Seigneurie, 

„  Je  prie  le  Dieu  Tout  -  puilTant  de  vou» 
„  combler  de  fes  faveurs,  &  de' vous  donner 
„  la  viftoire  fur  tous  vos  Ennemis". 

(  e  )  Nom  du  Dieu  ïlama ,  deux  fôi's  répé- 
té.   Ces  trois  Lettres  foiit  tirées  des  Atchi» 
,vés  de  la  Coinpagpier  •  -, 


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1    vt    D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N    DE    L  A    --'^"l 
Il  y  a  préfentement  quarante  ans  que  nôtre  grand  Roi  vous  a  accor- 


DtCHERY. 

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nô. 
feule 


ETABUSfE-'  >»  ,        .  -      ,  .      ,  . 

mentFran-    ^^  dé  la  permiflion  de  vous  établir  à  Pondichery:  cependant,  quoique 
Ç*^ïs^^E  PoN-   ^^  j.yg  Armée  fe  foit  approchée  de  vous ,  nous  n'avons  pas  reçu  une  f 
Lettre  de  vôtre  part. 

„•  NÔTRE  grand  Roi,  perfuadé  que  vous  méritiez  fon  amitié,  que  les 
François  étoient  des  gens  de  parole,  &  qui  jamais  n'auroient  manqué  en- 
vers lui,  a  remis  en  vôtre  pouvoir  une  Place  confidérable.  Vous  êtes 
convenus  de  lui  payer  annuellement  un  tribut  que  vous  n'avez  jamais 
„  acquitté.  Enfin,  après  un  fi  long  tems,  l'Armée  des  Marattes  eft  ve- 
nue dans  ces  Cantons.  Les  Maures  étoient  enflés  d'orgueil  ;  nous  les 
avons  châtiés.  Nous  avons  tiré  de  l'argent  d'eux.  Vous  n'êtes  pas  à 
fçavoir  cette  nouvelle.  ' 

„  Nous  avons  ordre  de  Maha-Raja,  nôtre  Roi,  de  nous  emparer  des 
Forterefles  de  Tricheriapaly  &  de  Gingy,  &  d'y  mettre  garnifon.  Nous 
avons  ordre  àuffi  de  prendre  les  tributs  qui  nous  font  dûs  depuis  qua- 
rante ans  par  les  Villes  Européennes  du  bord  de  la  Mer.  Je  fuis  obli- 
gé d'obéir  à  ces  ordres.  Quand  nous  confidérons  vôtre  conduite  &  h 
manière  dont  le  Roi  vous  a  fait  la  faveur  de  vous  donner  un  Etabliffe- 
ment  dans.fes  Terres,  je  ne  puis m'empêcher  de  dire  que  vous  vous  êtes 
fait  tort  en  ne  lui  payant  pas  ce  tribut.  Nous  avions  des  égards  pour 
vous,  &  vous  avez  agi  contre ^nous.  Vouis  avez  donné  retraite  aux 
Mogois  dans  vôtre  Ville.  Avez-^us  bien  fait?  De  plus ,  Sander-Kan 
a  laiffé, fous  vôtre  prote£lioÀ,les  cafenas  deTrichenapàly&  deTanjoùr, 
des  pierreries,  des  eléphans,  des  chevaux,  &  d'autres  chofes  dont  il 
s'eft  emparé  dans  ces  Royaumes,  ainfi  que  fa  famille:  cela  eft-il  bien 
auffi?  Si  vous  voulez  que  nous  foyons  amie  ,  il  faut  que  vous  nous  re- 
mettiez ces  cafenas,  ces  pierreries,  ces  eléphans,  ces  chevaux,  la  fem- 
me &  le  fils  de  Sander-Kan.  J'enverrai  de  mes  Cavaliers  ,  &  vous  leur 
remettrez  tout.  Si  vops  différez  de  le  faire,  nous  ferons  obligés  d'al- 
ler nous-mêmes,  pour  vous  y  forcer;  de  même  qu'au  tribut  que  vous 
nous  devez  depuis  quarante  ans. 

„  Vous  favez  auffi  ce  qui  eft  arrivé  dans  ce  Pays,  à  la  Ville  de  BaJ- 

•)  yî«  (/)•  M°^  Armée  eft  fort  nombreufe.     Il  faut  de  l'argent  pour  fes 

„  dépenfes.    Si  vous  ne  vous  conformez  point  à  ce  que  je  vous  demande, 

„  je  faurai  tirer,  de  vous ,  dequoi  payer  la  folde  de  toute  l'Armée.    Nos 

Vaifleaux  arriveront  auffi  dans  peu  de  jours.    Il  faut  donc  que  nôtre 

aflFaire  foit  terminée  au  plutôt. 

„  J  E  compte  que  pour  vous  conformer  à  ma  Lettre ,  vous  m'enverrez 
la  feinme  &  le  fils  de  Sander-Kan ,  avec  fe»  eléphans ,  fes  chevaux ,  fes 
pierreries  &  fes  cafenas.    . 

„  Le  15  du  mois  de  Ranjam.  Je  n'ai  point  autre  chofe  à  vous  mander". 
Loin  d'être  effrayé  de  ces  menaces ,  le  Gouverneur  François  y  répondit 
en  ces  termes. 

„  A  Ragogy-Boufola  &c.  '"  ■"' "" 

„  Depuis  la  dernière  Lettre  que  i'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrii'e,j'enai 

■  -^  '  ■  ■  ■  .  \:rv  »  «^^s" 

(/)  Ceft  %a!m.  R.  d.  E.    "  •  -^    '" 


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Seconde  ré- 
ponfeduGou- 
T«roeur. 


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0U8  a  accof. 

quoique  nô- 

içu  une  feule 

itié ,  que  les 
t  manqué  en- 
Vous  êtes 
L*avez  jamais 
rattes  eft  ve- 
eil  ;  nous  les 
i  n'êtes  pas  à 

emparer  des 
rnifon.  Nous 
s  depuis  qua- 
Je  fuis  obli- 
cônduite  ôc  la 
un  Etabliffe- 
'ous  vous  êtes 
I  égards  pour 
i  retraite  aux 
,  Sander-Kan 
&  de  Tanjoiir, 
:hofes  dont  il 
;là  eft-il  bien 
vous  nousre- 
aux,  la  fem- 
&  vous  leui 
obligés  d'aï- 
but  que  vous 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III. 


39 


Ville  de  BaJ. 
;ent  pour  fes 
ous  demande, 
Armée.  Nos 
me  que  nôtre 

us  m'enverrez 
chevaux,  fes 

)us  mander". 
jis  y  répondit 


écrire,]  en  ai 
„  reju 


reçu  une  autre  d-î  vous.  Vos  Alcaras  m'ont  dit  qu'ils  avoient  employé 
"  vingt-deux  jours  en  chemin,  &  qu'avant  que  de  venir  ici,  ils  avoient 
"•  été  à  Tanrelour.  Pendant  que  v.ous  étiez  près  d'Arcatte ,  j'ai  envoyé 
*  deux  François  pour  vous  faluer  de  ma  part.  Mais  ils  ont  été  arrêtés 
!  &  dépouillés  en  chemin  ;  ce  qui  ne  leur  a  pas  permis  de  continuer 
leur  route.    Enfuite  la  nouvelle  à'eft  répandue  que  vous  étiez  retourné 

L  dans  vôtre  Pays.  ..      ,      a       „   •   ,      •    • 

I  „  Vous  me  dites  que  nous  devons  un  tribut  a  vôtre  Roi  depuis  qua- 
I  rante  ans.  Jamais  la  Nation  Françoife  n'a  été  aflujettie  à  aucun  tribut. 
S  II  m'en  couteroit  la  tête,  fi  le  Roi  de  France ,  mon  Maître,  étoit  infor- 
ii.mé  que  j'y  eufle  confenti.  Quand  les  Princes  du  Pays  ont  donné  aux 
François  un  terrain  fur,  les  fables  du  bord  de  la  Mer,  pour  y  bâtir  une 
Forterefle  &  une  Ville  ,  ils  n'ont  point  exigé  d'autres  conditions  que  de 
laifTer  fubfifter  les  Pagodes  &  la  Religion  des  Gentils.  Quoique  vos 
Armées  n'ayent  point  paru  de  ce  côté-ci,  nous  avons  toujours  obfervé 
de  bonne  foi  ces  conditions. 
VÔTRE  Seigneurie  eft  fans  doute  informée  de  ce  que  nous  venons 
ire  dans  ce»  Contrées  fi  éloignées  de  nôtre  Patrie.  Nos  VaiiTeaux , 
_)rès  huit  à  neuf  mois  de  navigation ,  y  apportent  tous  les  ans  de  Tar- 
ent ,  pour  acheter  des  toiles  de  cotton ,  dont  nous  avons  befoin  dans 
ôtre  Pays.  Ils  y  reftent  quelques  mois ,  &  s'en  retournent  lorfqu'ils  font 
hargés. .  Tout  l'or  &  l'argent ,  répandus  dans  ces  Royaumes ,  vien- 
nent des  François.  Il  n'en  croît  point  dans  l'Inde.  Sans  eux ,  vous 
n'auriez  pas  tiré  un  fou  de  toute  la  Contrée,  que  vous  avez  trouvée, 
au  contraire,  enrichie  par  nôtre  Commerce.  Sur  quel  fondement  vô- 
tre Seigneurie  peut-elle  donc  nous  demander  de  l'argent  ;  &  où  le  pren- 
drions-nous? Nos  VâifTeaux  n'en  apportent  que  ce  qu'il  en  faut  pour 
les  charger.  Nous  fommes  même  obligés  fouvent,  après  leur  départ^ 
d'en  emprunter  pour  nos  dépenfes. 

„  VÔTRE  Seigneurie  me  dit  que  vôtre  Roi  nous  a  donné  une  Place 
^iconfidérable.     Mais  elle  devroit  favoir  que  quand  nous  nous  fommes  éta- 
,y^blis  à  Pondichery ,  ce  n'étoit  qu'un  emplacement  de  fable  qui  ne  ren- 
"oit  aucun  revenu.    Si  d'un  Village  qu'il  étoit  alors,  nous  en  avons  fait 
ne  Ville,  c'eft  par  nos  pvnnes  &  nos  travaux;  c'eft  avec  les  fommes 
immenfes  que  nous  avons  dépenfées ,  pour  la  bâtir  &  la  fortifier ,  dans 
la  feule  vue  de  nous  défendre  contre  ceux  qui  viendroient  injuftem^'nt 
nous  attaquer. 

„  Vous  dites  que  vous  avez  ordre  de  vous  emparer  des  Fortereflec  de 
Trichenapaly  &  de  Gingy.  A  la  bonne  heure,  fi  cette  proximité  n'efl 
pas  pour  vous  une  occafion  de  devenir  nôtre  ennemi.  Tant  que  les 
Mogols  ont  été  maîtres  de  ces  Contrées ,  ils  ont  toujours  traité  les  Fran- 
çois avec  autant  d'amitië  que-  de  diftinftion ,  &  nous  n'avons  reçu  d'eux 
,  que  des  faveurs.  C'eft  en  vertu  de  cette  union  que  nous  avons  recueilli 
,  la  veuve  du  Nabab  Aly-Daouft-Kan ,  avec  toute  la  famille,  que  la  frayeur 
„  a  conduite  ici ,  après  la  bataille  où  la  fortune  a  fécondé  vôtre  valeur.. 
*  „  Devions -nous  lui  fermer  nos  portes,  &  les  laifler  expofés  aux  injures 
i  „  de  l'air  ?    Des  gens  d'honneur  ne  font  pas  capables  de  cette  lâcheté. 

•La 


kkENxFpAN-, 

ÇOIS  DE  POM- 

OICMERY. 

I74I. 


»" 


40 


DESCRIPTION    DE    LA 


m 


ETABLISSE' 

j^iENT  Fran- 
çois DE  PoN- 

DICIIERY. 

1741. 


Pondichery 
s'attend  à  être 
allîégtie. 


Trichenapa- 
lycft  empor- 
tée par  les 
Marattes. 


La  femme  de  Sander-Saheb,  fille  d'Aly-Daouft*Kan,  &  foeur  de  Sab. 
der-Aly-Kan ,  y  eft  auffi  venue  avec  fa  mère  &  fon  frère  ;  &  les  autres 
ont  repris  le  chemin  d'Arcatte.  Elle  vouloit  pafler  à  Trichenapaly  : 
mais  ayant  appris  que  vous  en  faifiez  le  iiège  avec  vôtre  Armée,  elle  eil 
demeurée  ici. 

„  VÔTRE  Seigneurie  m'écrit  de  remettre  aux  Cavaliers  que  vous  enver- 
rez, cette  Dame,  fon  fils,  &  les  richefTes  qu'ils  ont  apportées  dans  cette 
Ville.  Vous  qui  êtes  rempli  de  bravoure  &  de  sénérofité ,  que  penferiez- 
_  vous  de  moi ,  fi  j'étois  capable  de  cette  bafleÏÏe?  La  femme  de  Sander- 
„  Saheb,  efl:,  dans  Pondichery,*  fous  la  proteélion  du  Roi  mon  Maître; 
„  &  tout  ce  qu'il  y  a  de  François  aux  Indes  perdront  la  vie  avant  que  de 
„  vous  la  livrer.  Vous  me  dites  qu'elle  a  ici  les.trefors  de  Tanjour  &  de 
„  Trichenapaly:  je  ne  le  crois  pas,  &je  n'y  vois  aucune  apparence,  puif> 
„  que  j'ai  même  été  obligé  de  lui  fournir  de  l'argent  pour  vivre  &  pour 
payer  fes  domefliques. 

„  Enfin,  vous  me  menacez,  il  je  ne  me  conforme  pas  à  vos  demandes, 
d'envoyer  vôtre  Armée  contre  nous  &  d'y  venir  vous-même.  Je  me  pré- 
pare de  mon  mieux  à  vous  recevoir ,  &  à  mériter  vôtre  eftime ,  en  vous 
faifant  connoître  que  j'ai  l'honneur  de  commander  à  la  plus  brave  des  Na- 
tions de  la  Terre,  &  qui  fe  défend  avec  le  plus  d'intrépidité  contre  une 
injufte  attaque.  , 

„  Je  mets  au  reile  ma  confiance  dans  le  Dieu  Toat-puifTant,  devant  le< 
quel  les  plus  formidables  Armées  font  comme  de  la  paille  légère,  que  le 
vent  emporte  &  diflipe  de  tout  côté.  J'efpère  qu'il  favorifera  la  jufldce 
de  nôtre  caufe.  J'avois  déjà  entendu  parler  de  ce  qui  efl  arrivé  à  Baffin; 
mais  cette  Place  n'écoit  pas  défendue  par  des  François. 
„  S'il  y  a  quelque  chofe  en  quoi  je  puifTe  vous  fervir,  je  le  ferai  avec 
plaifir". 

Les  précautions  que  cette  Lettre  annonçoit  au  Général  des  Marattes, 
n'étoient  pas  une  faufTe  menace.  La  Ville  étoit  bien  fournie  de  munitions 
de  guerre  &  de  bouche ,  &  l'on  n'y  comptoit  pas  moins  de  quatre  à  cinq 
cens  pièces  d'artillerie.  Le  Gouverneur  avoit  fait  defceadre  tous  les  équi- 
pages des  VaifTeaux,  qui  fe  trouvoient  dans  la  Rade.  Il  avoit  armé  les 
Employés  de  la  Compagnie  &  tous  les  Habitans  François,  dont  il  avoit 
formé  un  Corps  d'Inianterie ,  qu'on  exerçoit  tous  les  jours  au  fervice  du 
canon  &  de  la  moufqueterie.  Enfin  il  avoit  choifi ,  parmi  les  Indiens ,  ceux 
qui  étoient  en  état  de  porter  les  armes  ;  ce  qui  lui  fit  environ  douze  cens 
Européens,  &  quatre  à  cinq  mille  Pions  (^),  Malabares  ou  Mahomëtaus. 
Quoique  dans  l'occafion  il  y  aît  peu  de  fond  à  faire  fur  ces  Troupes  Indien- 
nes ,  la  garde  qu'on  leur  faifoit  monter  fur  les  baflions  &  fur  les  courtines, 
foulageoit  beaucoup  la  Garnifon. 

On  demeura  ainfi  fous  les  armes  jufqu'au  mois  d'Avril  1741.  Le  Gé- 
néral des  Marattes  employa  ce  tems  à  ravager  ou  à  fubjuguer  tous  les  Pays 
voifins;  plus  occupé  néanmoins  à  faire  du  butin,  qu'à  prendre  des  Pla- 
ces pour  les  conferver.    Trichenapaly  fut  celle  qui  lui  oppofa  le  plus  de 

..i .,.  wi  réfîftance. 

(fi  )  Nom  qu'on  donne  à  l'Infanterie  Indienne,      '::!-';-  ... 


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mr  de  Sab* 
k  les  autres 
ichenapaly: 
lée,  elleeli 

vous  enver- 
I  dans  cette 
e  penferiez- 
deSander* 
on  Maître; 
vant  que  de 
anjour  &  de 
rence,  puif- 
ivre  &  pour 

>s  demandes. 
Je  me  pré- 
ne,  en  vous 
rave  des  Na- 
i  contre  une 

:,.  devant  le* 
fgère,  que  le 
era  lajuilice 
rivéàBaflîn; 

le  ferai  avec 

îs  Marattes, 
de  munitions 
uatre  à  cinq 
ous  les  équi- 
roit  armé  les 
dont  il  avoit 
u  fervice  du 
ndiens ,  ceux 
douze  cens 
Vlahomëtans. 
)upes  Indien- 
es  courtines, 

I.  Le  Gé- 
tous  les  Pays 
idre  des  Pla* 
a  le  plus  de 
rémtance. 


PRESQtnSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        fï 

téfiftance.    C'efl:  une  Ville  forte  pour  les  Indes.    Elle  eft  environnée  d'un 
•bon  mur,  qui  efl:  flanqué  d'un  grand  nombre  de  tours,  avec  une  faufle 
f  braye,  ou  double  enceinte,  &  un  large  folTé  plein  d'eau.    Les  Marattes, 
!  après  l'avoir  entièrement  invertie,  ouvrirent  la  tranchée  le^5  de  Décem* 
'  bre,  &  formèrent  quatre  attaques,  qu'ils  pouflbient  vigoureufement ,  en 
happant  les  murailles  fous  des  galeries  fort  bien  conftruites.    Sander-Saheb 
commençoit  à  s'y  trouver  extrêmement  preffé.     Bara-Saheb  Ton  frère,  qui 
Méfendoit  le  Maduré  avec  quelques  Troupes,  partit  à  la  tête  de  fept  ou 
ihuit  mille  chevaux,  pour  fe  jetter  dans  la  Ville  ;  &  ce  fecours  auroit  çû 
forcer  les  Barbares  de  lever  le  Siège.    Mais  ayant  appris  fa  marche,  ils 
envoyèrent  au-devant  de  lui  un  Corps  de  vingt  mille  Cavaliers  &  de  dix 
"lille  Pions,  qui  taillèrent  en  pièces  fa  petite  Armée  (h).    11  périt  lui- 
fême,  après  s'être  glorieufement  défendu.    Son  corps  fut  apporté  au  Gè- 
lerai des  Marattes ,  qui  parut  touché  de  la  perte  d  un  homme  extrême- 
lent  bien  fait ,  &  qui  s'étoit  fignalé  par  une  rare  valeur.     Il  l'envoya  cou- 
vert de  riches  étoflFes,  à  Sander-Saheb  fon  frère,  pour  lui  rendre  les  hon- 
îurs  de  la  fépulture.    Ce  trifte  éirénement  découragea  les  Affiégés.    Ils 
iinquoienc  depuis  loog-tems  d'argent ,  de  vivres  &  de  munitions.     San- 
4|ar-Saheb  réduit  à  l'extrémité,  prit  le  parti  de  fe  rendre;  &  le  Vainqueur, 
'  htent  de  fa  foumiflion ,  lui  laifla  la  vie  &  la  liberté ,  moyennant  une  forte 
içon(;);  mais  ayant  pris  pofFeflion  de  la  Place,  le  dernier  jour  d'A- 
jfil  1741  (*),  il  en  abandonna  le  pillage  à  fon  Armée  (l). 
■Pendant  le  Siège,  il  avoit  fait  marcher ,  du  côté  de  la  Mer ,  un  Dé- 
Ichement  de  quinze  ou  feize  mille  hommes,  qui  attaquèrent  Portonovo,  à 
spt  lieues  au  Sud  de  Pondichery  ;  &  qui  fe  rendirent  facilement  maîtres 
fune  Ville  qui  n'étoit  pas  fermée.    Ils  y  enlevèrent  tout  ce  qui  fe  trou- 
)it  de  marchandifes  dans  les  Magafîns  Hollandois ,  Anglois  &  François. 
îpendant ,  par  le  foin  qu'on  avoit  eu  de  faire  tranfporter ,  à  Pondichery,  la 
us  grande  partie  des  effets  de  la  Compagnie  de  France ,  elle  ne  perdit 
ie  trois  ou  quatre  mille  pagodes ,  en  toiles  bleues ,  qui  étoient  encore  en- 
B  les  mains  des  Tiflerands  &  des  Teinturiers.     De  Porto-novo ,  les  Ma- 
ttes  paflerent  kGoudelour^  Etabliffement  Anglois  à  quatre  lieues  au  Sud 
fPondichery,  qu'ils  pillèrent  malgré  le  canon  du  Fort  Saint-David  (;«). 
'  vinrent  camper  enfuite  près  A' Archiouac ,  à  une  lieue  .&  demie  de  Pondi- 
iery  ;  mais  n'ayant  ofé  s'approcher  de  la  Ville ,  ils  allèrent  fe  jetter  fur 
\nii,ymer  &  Sadras^  deux  EtabliiFemens  des  HpUandois,  dont  ils  pillèrent 
\s  Magafms  («). 


"Tilî  -  fît) 


"î  '  Enfin 


'(i)  Il  avoit  pris  à  fa'folde  quelques  Trou- 
es du  Marava,  Nation  perfide,  dont  il  fut 
liii,  &  pour  iinfi  dire  vendu  aux  Marattes. 
;tte  Bataille  fe  donna  le  i8Mars.R.d.E. 
(/)  Les  MilTîorinaires  Dnnois  difent,  qu'il 
|t  fait  prifonnicr,  sétant  rendu  lui -munie 
ns  le  Cnnip  des  AflÎL'geans  pour  compofer 
rec  eux.    Voyez  ci-detîbus.  R.  d.  E. 
sî'  (*)  Le  25  Mars,  fuivant  les  mêmes  Mif- 
f  ;!Jponnaires.  R.  d.E. 

%   (i)  Ubijuprà.  pag.  3x8  &  précédentes. 
-    JC//^  Fart, 


Etablisse» 
MENT  Frak* 

ÇOIS  DE  POK« 
DICHBRT. 

I74I. 


«t 


HO    , 


.■îr 


Us  ravagent 
les  Colonies 
Européennes, 


(m)  Les  Anglois  de  Cudelur  en  furent  quit- 
tes alors  pour  la  peur;  mais  les  Marattes  y 
revinrent  deux  fois  de  fuite  un  mois  après, 
&  pillèrent  quelques  Villages  des  envirors. 
Le  canon  du  Fort  les  empêcha  cependant  t'e 
tomber  fur  la  Ville ,  &  leur  tua  même  beau- 
coup de  monde.  Ils  emportèrent  leurs  morts 
&  les  brûlèrent  la  nuit  fuivante,  pour  qu'on 
n'en  pût  pas  favoir  le  nombre.  R.  d.  E. 

(  «  )  Ibid.  pag.  320.  Les  Hollandois  de  Sa. 
dras  défendirent  fi  bien  leur  Loge,  que  les 
F  ,  M*- 


4^ 


DESCRIPTION    DE    LA 


;•  H 


Etablisse- 
ment Fran- 
çois os  PON* 
OICHERT. 

I74I- 

Sommations 
qu'ils  font  aux 
François. 


Evénement 
fingulier,  qui 
fauve  Pondi> 
cbery, 


En?zn  les  Chefs  du  Détachement  écrivirent  au  Gouverneur  Françoij, 
Ils  lui  envoyèrent  même  un  Officier  de  diftinélion ,  pour  lui  renouveller 
les  demandes  de  leur  Général ,  &  lui  déclarer  que,  fur  Ton  refus ,  ilsavoient 
ordre  d'arréteï"  tous  les  vivres  qu'on  tranfporteroit  à  Pondichery,  jufqu'aa 
moment  où  le  refte  de  leur  Armée,  après  la  prife  de  Trichenapaly ,  qui  ne 
pouvoit  tenir  plus  de  quinze  jours ,  viendroit  atiaquer  régulièrement  la  Pla. 
ce.  !«e  Gouverneur  reçut  fort  civilement  cet  Envoyé.  Il  lui  fit  voir  l'é. 
tat  de  la  Ville  &  de  l'artillerie,  la  force  de  la  Citadelle,  qu'on  pouvoit  faire 
fauter  d'un  moment  à  l'autre,  par  les  mines  qu'on  y  avoit  difpofées,  &la 
quantité  de  vivres  dont  la  Place  étoit  munie.  Il  l'anura  qu'il  étoit  dans  la 
réfolution  de  fe  défendre  jufqu'à  la  dernière  extrémité,  &  qu'il  ne  confen- 
droit  jamais  à  des  demandes  qu'il  n'avoit  pas  le  pouvoir  d'accorder.  Il 
ajouta  qu'il  avoit  fait  embarquer ,  fur  les  VaifTeaux  qu'il  avoit  dans  la  Ra* 
de ,  les  marchandifes  &  les  meilleurs  effets  de  fa  Nation  ;  &  que  (i  par 
une  fuite  d'événemens  fâcheux ,  il  voyoit  fes  reflburces  épuifées ,  il  lui 
feroit  facile  de  monter  lui-même  à  bord,  avec  tout  ce  qui  lui  refteroit  de 
François  ,  &  de  retourner  dans  fa  Patrie:  d'où  les  Marattes  dévoient  con- 
clure qu'il  y  avoic  peu  à  gagner  pour  eux ,  &  beaucoup  à  perdre.  L'Officier 
qui  n'avoit  jamais  vu  de  Ville  fi  bien  munie ,  ne  pût  déguifer  fon  admira- 
tion, &  fe  retira  fort  fatisfait  des  politefles  qu'il  avoit  reçues  (o\ 

Mais  une  circonflance  fort  légère  contribua  plus  que  toutes  les  fortifi. 
cations  de  Pondichery  à  terminer  cette  guerre.  Comme  c'eft  l'ufage  aux 
Indes  de  faire  quelque  préfent  aux  Etrangers  de  confidération  ,  le  Gouver- 
neur offrit  à  l'Envoyé  des  Marattes,  dix  bouteilles  de  différentes  liqueurs 
de  Nancy.  Cet  Officier  en  fit  goûter  au  Général,  qui  les  trouva  excellen- 
tes. Le  Général  en  fit  boire  à  fa  maîtrefle,  qui  les  trouvant  encore  meil- 
leures, le  preffa  de  lui  en  procurer  à  toutes  fortes  de  prix.  Ragogy-Bou- 
fola,  fort  embarrafle  par  les  inftances  continuelles  d'une  femme  qu'il  ai- 
moit  uniquement,  ne  s'addrefla  pomt  direélement  au  Gouverneur ,  dans  la 
crainte  de  fe  commettre ,  ou  de  lui  avoir  obligation.  Il  le  fit  tenter  par  des 
voyes  détournées ,  &  les  offres  de  fes  Agens  montèrent  jufqu'à  cent  rou- 
pies pour  chaque  bouteille.  Le  Gouverneur,  heureufement  informé  de 
la  caufe  de  cet  empreffement ,  feignit  d'ignorer  d'où  venoient  des  propofi. 
tions  fi  fingulières,  &  témoigna  froidement  qu'il  ne  penfoit  point  à  ven- 
dre  des  liqueurs  qui  n'étoient  que  pour  fon  ufage.  Enfin  Ragcîgy  -  Boufo- 
|a,  ne  pouvant  foûtenir  la  mauvaife  humeur  de  fa  maîtrefle,  les  fit  deman- 
der en  fon  nom,  avec  promefle  de  reconnoître  avantageufement  un  il 
Îrrand  fervice.  On  parut  regréter ,  à  Pondichery ,  d'avoir  ignoré  jufqu'alors 
es  defirs  du  Prince  des  Marattes  ;  &  le  Gouverneur  fe  hâtant  de  lui  en- 
voyer trente  bouteilles  de  fes  plus  fines  liqueurs ,  lui  fit  dire  qu'il  étoit  char- 
mé d'avoir  quelque  chofe  qui  pût  lui  plaire.  Ce  préfent  fut  accepté  avec 
'-■;"  ■■•  ''■''■''  '    '"  une 


î 


Marattes,  après  l'avoir  aflîégée»  pendant  deux 
jours,  furent  obligés  de  fe  retirer  avec  perte. 
Ce  fut  en  partant  de-!à  qu'ils  fe  replièrent  fur 
Cudelur ,  dont  ils  tentèrent  vainement  l'atta- 
que poui;  la  féconds  fois.  Us  n'étoient  ^u'au 


nombre  d'environ  trois  mille  Cavaliers.  Qu-tf 
à  Congymer,  ou  ConimeHu,  les  Anglois  & 
les  Hollandois  y  avoient  des  Loges  qu'ils  oat 
abandonnées  depuis.  R,d.£. 
(o)  IM,  pag.  3zi^    : 


r  François, 
renouveller 
,  ils  avoient 
•y,  jufqu'au 
>aly,  qui  ne 
iment  la  Pla- 
fit  voir  l'é. 
)ouvoit  faire 
jofées,  &la 
^toic  dans  la 
l  ne  confen* 
iccorder.    11 
:  dans  la  Ra- 
Se  que  fi  par 
uifées,  il  lui 
1  refteroic  de 
e voient  con- 
;.    L'Officier 
fon  adnaira- 
(o\ 

es  les  fortifi- 
[l  l'ufage  aui 
1 ,  le  Gouver- 
^ntes  liqueurs 
luva  excellen- 
•  encore  mcil- 
Ragogy-Bou- 
nme  qu'il  ai- 
neur ,  dans  la 
tenter  par  des 
[u'à  cent  rou* 
informé  de 
des  propcfi* 
point  à  ven- 
jcîgy  -  Boufo- 
es  fit  deman* 
ufement  un  fi 
are  jufqu'alorj 
ant  de  lui  en- 
u'il  étoit  char- 
accepté  avec 
une 


Cavaliers.  Qunt 

,  les  Anglois  & 

Loges  qu'ils  ont 


î 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        43 

one  vive  joye.  Le  Gouverneur  en  reçut  auffi'tôt  des  remercimens ,  accom- 
pagnés d'un  pafllport ,  par  lequel  on  le  prioit  d'envoyer  deux  de  Tes  Offi- 
ciers ,  pour  traiter  d'accommodement.  Cette  palfion ,  que  le  Général  avoit 
de  fatisfaire  famaîtrefle,  l'avoit  déjà  porté  à  défendre  toutes  fortes  d'in- 
fultes  contre  la  Ville  &  les  François. 

.  Deux  Bramines,  gens  d'efprit  &  folidement  attachés  à  la  Nation  Fran- 
âoife,  furent  députés  furie  champ,  au  Camp  des  Marattes,  avec  des  in- 
firuftions  &  le  pouvoir  de  négocier  la  paix.  Ils  y  apportèrent  tant  d'à- 
ïlrefle  &  d'habileté,  que  Ragogy«Boufola  promit  de  fe  retirer  au  commen- 
cement du  mois  de  Mai;  &7oin  de  rien  exiger  des  François ,  il  envoya  au 
Qouverneur ,  avant  fon  départ ,  un  Serpau  (/)) ,  qui  eft  dans  les  Cours  Indien- 
ts ,  le  témoignage  le  plus  authenti<^ue  d'une  fincère  amitié. 
Bien-tôt  ,  une  conduite  fi  fage  &  (1  généreufe  attira ,  au  Gouverneur  do 
)ndichery ,  des  remercimens  &  des  diltinélions  fort  honorables ,  de  la  Cour 
ème  du  Grand  Mogol.  Il  reçut  une  Lettre  de  remercir-  ns  de  Nizam- 
-Mouk,  Premier  Miniftre  de  ce  grand  Empire,  avec  m  Sv  -pau,  &  des 
iirances  d'une  confiante  faveur  pour  la  Nation.  Sa  réponiè  ne  dément 
"  M  l'opinion  qu'il  avoit  donnée  de  fon  caraélère. 

Le  Gouverneur  de  Pondichery,  à  Ajjféf  JaNizam  El  Mouk  Bahader^ 
Tabab,  Premier  Miniflxe  de  l'Empereur  Mouhamet-Scha ,  très-magnifi- 
\\jit  Seigneur  :  Salut. 

,  J'ai  reçu  la  Lettre  «Se  le  Serpau ,  que  vôtre  Seigneurie  m'a  fait  la 
fgrace  de  m'envoyer.     Ce  jour  a  été  un  jour  de  fête  &  de  léjouïflance 
dans  Pondichery. 

„  L'Empereur  Mouhamet-Scha  ayant  toujours,  fur  l'exemple  de  fes 
Ancêtres,  honoré  la  Nation  Françoife  d'une  eftime  &  d'une  proteélion 

par- 


I» 


^  /)  )  Le  Serpau  ne  confifte  que  dans  un  ha- 
Btfort  ample,  d étoffe  de  foye  &or,  plu» 
mT moins  riche,  fuivant  la  condition  des  pcr- 
fonnes  auxquelles  il  eft  addreflë. 

lit,  dans  le  même  Auteur,  une  Lettre 
nfeil  de  Pondichery  à  la  Compagnie  en 
ce,  qui  contient  l'éloge  de  la  conduite 
M.  Dumas,  &  quelques  circonftances  cu- 
^^.  fes  du  départ  des  Marattes.  „  Les  An- 
l^glois,  nos  voifins,  ont  été  auifi  dans  de 
l|l  vives  allarmes  pour  Madras  &  Goudelour. 
'^llls  ont  fait  abbattre  un  grand  nombre  de 
libelles  maifons  trop  proches  de  Madras, 
^dans  la  vue  d'en  dégager  les  défenfes.  Ils 
ont  envoyé  des  préfens  d'environ  trois 
mille  cinq  cens  pagodes  aux  Généraux 
Marattes,  au(îi-tôt  qu'ils  ont  vu  Triche- 
napaly  pris ,  &  ils  ont  été  quelques  jours 
à  leur  Camp  fans  être  acceptés.  La  con- 
duite de  M.  Dumas  a  été  plus  prudente. 
^  Nous  avons  fait  abbattre  quelques  arbres 
^  &  cafés  Malabarcs ,  trop  proches  de  nos 
^  murs  :  mais  nous  n'avons  donné  aux  Ma- 
rattes que  quelques  préfens  d'oranges  & 


EtahliH»!* 

MENT  [''«*?»- 

cors  DR  Pow- 

OICHl'RV. 

I74I. 

Retraite  de» 
Marattes. 


Honneurs 
rendus  au 
Gouverneur 
François  p*f 
la  Cour  du 


Mogol. 


t±l 


„  autres  fruits  venus  de  l'Ifle  de  Bourbon  , 
„  le  tout  par  politeiTe  Cependant  quand 
„  nous  eûmes  reçu  le  Serpau,  nous  ne  pû- 
„  mes  nous  difpenfer,  par  bienféance  &  par 
„  honneur  pour  la  Compagnie,  de  recon- 
„  noître  ce  préfent  flateur  &  honorable  par 
„  un  autre ,  puifqu'ils  nous  avoient  préve- 
„  nus  &  diftingués  de  toutes  les  autres  Na- 
„  tions.  Nous  délibérâmes  donc,  le  2  de 
„  Mal,  d'envoyer  remercier  les  principaux 
„  Officiers  Marattes ,  &  de  leur  faire  un 
„  préfent  d'environ  deux  mille  quatre  cens 
„  pagodes.  Nos  Députés  &  les  deux  Bra- 
„  mines,  que  nous  chargeâmes  de  les  porter, 
„  trouvèrent  que  toute  l'Armée  avoit  repaffé 
„  la  Rivière  de  Quichena,  dont  ils  appré- 
„  hendoient  un  prochain  débordement,  & 
„  qu'elle  étoit  partie  en  toute  diligence  pour 
„  retourner  dans  fon  Pays.  Les  Députés 
„  revinrent  avec  Jes  préfens ,  qui  font  ren- 
„  très  dans  vos  Magafins,  &  il  ne  vous  en 
„  coûte  que  les  fraix  du  voyage". 

Nota.  Cette  Note  confirme  que  les  EtablifTe- 
rnens  Anglois  ne  furent  pas  pillés.  R.  d.  £. 

F  a 


^ 


1 1 


DESCRIPTION    DE    LA       "^^'T 


BtABLIIIK' 

MENT  Fran- 
çois ue  PoN- 

DICJUAY. 


.•■.'>v/  ; 


Terres  & 
préfens  qu-. 
reçoit  de  Sab- 
der-Âly-Kan. 


particulière  ;  &  le  Nabab  d' Arcatte  nous  ayant  donné  aufïï  des  marque! 
continuelles  d'amitié  &  de  bienveillance ,  j'ai  cru  devoir  en  témoisnet 
ma  reconnoiflance  à  la  première  occaiion  qui  s'ed  prcfentée,  pour  faire 
connoître  à  toute  la  Terre  que  nous  méritons  une  fi  glorieufe  faveur. 
La  prodigieufe  multitude  de  Barbares  &  de  Marattes ,  qui  font  defcendua 
des  montagnes ,  ne  nous  a  point  effrayés ,  ni  empêchés  de  recevoir  dans 
nôtre  Ville  toute  la  famille  du  Nabab  Baoud-Aly-Kan ,  &  les  autres 
Seigneurs  ou  Officiers  de  l'Empereur  qui  s'y  font  réfugiés  après  la  perte 
de  la  bataille.  Les  menaces  des  Généraux  Marattes ,  qui  nous  ont  fom< 
mes  de  les  leur  livrer,  ne  nous  ont  point  intimidés,  &  nous  étions  réfo* 
lus  d'employer  pour  les  défendre  jufqu'à  la  dernière  goutte  de  nôtre  fang. 
Il  ed  heureux  pour  nous  d'avoir  pu,  dans  cette  occafîon,  vous  prouver 
nôtre  zèle  &  nôtre  attachement.  Soyez  perfuadé,  très-magnifique  Sei* 
gneur,  que  vous  nous  trouverez  toujours  dans  la  même  difpofition  (q)". 
Sabder-Aly-Kan,  infiiruitpar  la  renommée,  autant  que  par  les  Lettres 
de  fa  mère  5  des  carefies  &,  des  honneurs  que  toute  fa  famille  ne  cefibit  pas 
de  recevoir  àPondichery,fe  crut  obligé  de  fignaler  fa  reconnoifl'ance.  Non- 
feulement  il  fe  hâta  d'écrire  au  Gouverneur ,  pour  lui  marquer  ce  fentiment 
par  des  exprefiions  fort  nobles  &  fort  touchantes;  mais  il  joignit  à  fes  Lettres 
unP<îr<iT>a«a,c'efl:-à-dire,  un Afte formel, par  lequel  il  lui cédoit perfonnelle- 
ment ,  &  non  à  la  Compagnie ,  les  Aidées  ou  les  l 'erres  d'/lrchiouac ,  de  Tedouva- 
natam,denilanour,2Lvec  trois  autres  Villages  qui  bordent  au  Sud  le  territoire 
des  François,  &  qui  produifent  un  revenu  annuel  de  vingt-cinq  mille  livres  (r). 

.11 


il 

»» 
it 
s» 

» 


(O  ^*W'  pag*  534  &  précédentes.  Le  nom 
de  Mahomet  fe  trouve  écrit  diverfement. 

(f)  On  croit  devoir  joindre  ici  IcParava- 
na,  pour  donner  une  idée  du  ftyle  &  de  la 
procédure  dés  Princes  du  Pays. 

Paravana  de  donation.  „  Tous  les  De- 
chouinoucous  &  Dechapoudias ,  (c;  foia  les 
Secrétaires  du  Prince,)  les  Moucadamas, 
{ce  font  les  Chefs  des  Habitans,)  les  Habi- 
tans ,  &  ceux  qui  travaillent  aux  Varges , 
{Champs  de  riz.)  dans  les  terres  d'Aydra- 
dabat,  de  la  dépendance  de  Valdaour,  doi- 
vent favoir ,  que  depuis  long-tems  le  très- 
valeureux  Seigneur ,  M.  Dumas ,  Gouver- 
neur de  Pondichery,  entretient  avec  moi 
une  forte  amitié ,  &  continue  avec  un  cœur 
très-fincère  d'en  agir  avec  moi  de  toutes 
les  façons  qu'il  convient;  que  ces  façons 
font  toutes  gravées  dans  mon  cœur;  & 
qu'en  reconnoiflànce  de  fon  afFeftion  je 
lui  ai  donné  l'Aidée  d'Archipacou ,  qui  çft 
une  des  Aidées  dépendantes  de  Valdaour , 
ainli  qu'il  eft  (pécifîé  ci-delTous,  à  com- 
mencer de  l'année  1 1 50 ,  {de  l'Egire,  )  pour 
qu'elle  (bit  à  lui  à  perpétuité ,  &  qu'il  en 
perçoive  tous  les  revenus.    C'efl:  pour- 

3uoi ,  il  faut  que  vous  remettiez  cette  Al- 
,    ée  audit  très-valeureux  Seigneur.    Donné 


„  le  9  du  mois  de  JamadalalTany,  Tan  23 
„  du  règne  de  Mouhamct-Scha".  Signé  pit 
It  Nahab. 

Déclaration  du  Paravana.  „  J'ai  donné 
„  en  préfent,  à  commencer  de  l'an  11 50, 
„  l'Aidée  appellée  Archipacou ,  qui  eft  fituée 
,,  dans  les  Terres  d'Aydradabat,  de  la  dé- 
„  pendance  de  Valdaour,  au  très-valeureui 
„  Seigneur  M.  Dumas,  Gouverneur  de  Pon- 
„  dichery  ,  pour  être  à  lui  à  pcipétuité; 
„  conformément  à  l'ordre  que  j'en  ai  donné 
„  fous  ma  fignature ,  ainfi  qu'on  le  voit  au 
„  bas  de  ce  Paravana  ". 

Déclaration  de  l'Ordre.  „  Ecrivez  ce 
„  Paravana,  en  le  dattant  de  l'an  1150", 

Acte  du  Secrétaire.  „  yoici  la  déchu 
„  tion  de  l'ordre  que  nous  avons  reçu  :  En  cou- 
„  fidération  de  la  bonne  amitié  avec  laquelle 
„  le  très -valeureux  Seigneur  M.  Dumas, 
„  Gouverneur  de  Pondichery ,  a  toujours 
„  vécu  avec  moi ,  ainfi  qu'il  convenoit ,  j'ai 
„  donné  ordre  qu'il  foit  fait  un  Paravana, 
„  par  lequel  l'Aidée  d'Archipacou  lui  foit 
„  donnée  en  prefent.  Sur  cela ,  quel  orin 
„  vous  refte-t'il  à  nous  donner?" 

Ordre  du  Nabab  pour  l'expédition  &  l'en- 
regiftrement.  „  Dreflez  ce  Paravana ,  &  le 
„  dattezde  l'an  1150;  eny  fpécifjant,  comr 

»1M 


lent 


^  dans 

.  lîlrel-Gad 
»  „ 


^ii 


des  marque! 
1  témoiener 
,  pour  faire 
eufe  faveur, 
ne  defcendus 
■ecevoir  dans 
&  ks  autres 
près  la  perte 
ous  ont  foni' 
étions  réfo- 
e  nôtre  fang. 
vous  prouver 
ignifique  Sei< 
jfition  (?)". 
ir  les  Lettres 
ne  ceiToit  pas 
flance.  Non- 
ce fentiment 
D  à  fes  Lettres 
t  perfonnelle* 
icdsTedouva' 
d  le  territoire 
lille  livres  (r). 
ii      il 

ilaflany,  l'an  23 
;cha".    Signé  pu 

NA.  „  J'ai  donné 
:  de  l'an  1150, 
)u ,  qui  eft  fitiiéî 
dabat,  de  la  dé- 
u  très-valeureui 
iverneur  de  Pon- 
ui  à  pctpétuité; 
jue  j'en  ai  donné 
qu'on  le  voit  au 

E.  „  Ecrivez  ce 
e  l'an  1150". 

yoici  la  décku 
ms  repu  :  En  con- 
itié  avec  laquelle 
2ur  M,  Dumas, 
.Ty  ,  a  toujours 
convenoit ,  j'ai 
it  un  Paravana, 
:hipacou  lui  foit 

cela,  quel   otdn 

?" 
ixpédition  &]'en- 

Paravana ,  &  1« 
■fpéciiiant,  com- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       45 

I!  fe  rendit  enfuite  à  Pondichery,  avec  Sander-Saheb,  fon  beuu-frère  (/). 
Sur  l'avis  qu'on  y  reçut,  le  i  de  Septembre  [17J0J,  que  es  deux  Prin- 
ces y  dévoient  arriver  le  foir,  le  Gouverneur  fit  dreflcr  une  tente  à  la  por- 
te de  Valdaour.  Il  envoya  au-devant  d'eux  trois  de  fes  principaux  Offi- 
ciers, à  la  tête  d'une  Compagnie  des  Pions  de  fa  garde ,  avec  des  Danfeu- 
fes  &  des  Tamtams ,  qui  font  toujours  l'ornement  de  ces  fêtes.    Le  Nabab 

ftant  arrivé  à  la  tente ,  y  fut  reçu  par  le  Gouverneur  même ,  qui  s'y  étoit 
endu  avec  toute  la  pompe  de  fa  dignité.  II  entra  dans  la  Ville ,  pour  fe 
Irendre  d'abord  au  Jardin  de  la  Compagnie  ,  où  fa  mère  &  fa  fœur  étoient 
logées.  Les  deux  premiers  jours  furent  donnés,  fuivant  l'ufage  des  Mau- 
jîs ,  aux  pleurs  &  aux  gémilfcmens.  Dans  la  vifite  que  le  Prince  fit  enfui- 
lau  Gouverneur,  il  fut  reçu  avec  tous  les  honneurs  dûs  ^  fon  rang,  c'eft- 
^dire ,  au  bruit  du  canon ,  entre  deux  hayes  de  la  Garnifon ,  qui  étoit  en 
ataille  fur  la  place.  Après  avoir  pafle  quelques  momens  dans  la  falle  d'af- 
emblée,  il  fouhaita  d'entretenir  en  particulier  le  Gouverneur,  qui  le  fit 
itrer  dans  une  autre  chambre  avec  quelques  Seigneurs  de  fa  fuite ,  &Fran- 
fco  Pereyro,  ce  même  Efpagnol  (f)  qu'on  a  déjà  nommé  &  qui  lui  fer- 
Ile  d'Interprète.  Sabder-Aly-Kan  employa  les  termes  les  plus  vifs  &  les 
S  affeélueux  pour  exprimer  fa  reconnoiflance ,  en  protefEant  qu'il  n'ou- 
sroit  jamais  l'important  fervice  qu'il  avoit  reçu  du  Gouverneur  &  des 
mçois.  Lorfqu'il  fut  rentré  dans  la  falle  commune,  on  lui  offrit  le  be- 
I;  &  fuivant  l'ufage ,  à  l'égard  de  ceux  qu'on  veut  honorer  fingulière- 
lent ,  on  lui  verfa  un  peu  d  eau  rofe  fur  la  tête,  &  fur  fes  habits.  Mais 
'    ■   .  .:  'V'  ,,..  •  M    •  .  de 


me  il  refl  cl-deflus,  une  Aidée,  &  cinq  au- 
tres Aidées  de  la  dépendance  de  la  premiè- 
jre".  Ici  eft  la  cbappe,ou  le  fçeau  du  Nabab. 
^iËnregistrement  du  Pabavana.    „  Le  9 
|l<du  mois  de  Jamadalaflany ,  l'an  23  du  règne 
^de  Mahmet-Scha,  j'ai  enregiftré  ceParava- 
jlni".  Signé  Cakinaviflfe. 
,,  Le  9  du  mois  de  Jamadalaflany,  l'an  23 
^.«u  règne  de  Mahmet-Scha,  j'ai  pris  une 
^!  copie  de  ce  Paravana,   &  l'ai   enregiftré 
S'dans  le  Protocole".  Signé  Sodefladar-Na- 
*^ireI-Gadal. 
L,  Le  10  du  mois  de  Jamadalaflany ,  l'an  23 
!  du  règne  de  Mahmet-Scha,  j'ai  enregiftré 
.  ce  Paravana".  Signé  Daftervora.  ,.  J'ai  pris 
une  copie  de  ce  Paravana ,  &  l'ai  porté 
duns  mon  livre".  Signe  Canougoy. 
Cette  donation  fut  confirmée  par  un  Fir- 
■^an,  c'eft-à-dire,  par  des  Lettres  Patentes  du 
|jrand  Mogol.  M.  Dumas ,  après  fon  retour 
jUm  France,  a  cédé  à  la  Compagnie  des  Indes 
^^Tan  droit  fur  toutes  ces  Terres ,  moyennant 
le  juftcs  compenfations. 

Nota.  Moyennant  vingt- cinq  mille  livres 
le  rente.  R.  d.  E. 

J  (j)  Voici,  à  la  vérité,   Sander-Saheb  à 

tPondichery;  mais  remarquez  que  cette  vifite 

^|>réce(b  de  fept  ou  huit  mois  le  Siège  de  Triche- 


ETAni-use- 

ment  fuan- 

^oisdePox- 

oiciieky. 

Vifite  que 
ce  Nahab 
rend  au  Gou- 
verneur de 
Pondichery. 


napaly,  où  l'on  a  dit  qu'il  fut  fait  prifonnîer 
par  les  Marattes.  Cela  fe  prouve  par  la  datte 
de  la  réception  de  la  Lettre  d'avis  du  Nabab 
Sabder-Aly-Kan,  le  i  de  Septembre  1740.  Voyez 
Hift.  des  Indes,  Part.  III.  pag.  342.  343. 
R.  d.  E. 

(t)  Italien  ,  fuivant  le  célèbre  Mémoire 
de  M.  de  la  Bourdonnais.  On  y  lit  auflî  qu'il 
avoit  été  Chirurgien  du  Nabab  d'Arcatte , 
dont  il  étoit  infiniment  aimé ,  &  pour  qui ,  de 
fon  côté ,  Pereyro  avoit  toujours  marqué  un 
attachement  inviolable,  iufqu'à  facrifier  fes 
biens,  qui  étoient  confidérables ,  pour  lui 
procurer  des  fecours  dans  la  guerre  dont  on 
vient  de  faire  le  récit.  Se  trouvant  ruiné, 
il  fe  réfugia  dans  Pondichery ,  où  il  fut  con- 
iîderé  de  tout  le  monde,  &  rerirdé  comme 
un  illuftre  malheureux,  qui  ne  dtvoit  fon  in- 
fortune qu'à  la  noblelTe  de  fes  fcntimena. 
Enfuite  il  fe  retira  dans  une  petite  maifon  de 
campagne  ,  fituée  aux  portes  de  Madras ,  qui 
fut  pillée  pendant  le  Siège  de  1746;  &  Pe- 
reyro mourut  très-vieux  &  très-pauvre ,  peu 
de  tems  après  laprife  de  cette  Ville.  Mémoi- 
re pour  M.  de  la  Bourdonnais ,  pag.  257  &  258. 

Nota.  Il  eft  parlé  de  ce  Pereyro  dans  les  Re- 
lations duCarnate,auTomeXm,  pag.  47(1. 
R.d.E. 


4<5 


DESCRIPTION    DE    LA 


Btabt.tsik< 

MENT  Fran- 
çois DE  PuN- 

DICHERY. 

Derniers 
témoignages 
de  la  recon- 
noiiTancc  de 
Sabdcr-Aiy- 
Kan. 

Le  Chcvnlier 
Dumas  efl  fuit 
Nabab  & 
Manfoupdar. 


de  tous  lespréfens  qui  lui  furent  oflfercs,  il  n^*  voulut  accepter  que  deux 
petits  vafes,  en  filigrane  de  vermeil;  &  partant  fort  facisfait  des  honneurs 
&  des  politeflus  qu'il  avoit  reçus,  il  envoya,  dès  !e  ménle  jour,  au  Gouver- 
neur, un  ferpau,  avec  le  plus  beau  de  les  éléphans  (v). 
L'année  fuivante,  iorfque  le  Chevalier  Dumas  {x)  quitta  les  Indes 

f)our  retourner  en  France,  toute  la  rt^connoiflTance  du  Nabab  parut  fe  raN 
umer,  avec  le  chagrin  de  perdre  Ton  Bienfaiéleur  &  Ton  Ami.  Il  lui  en* 
voya,  pour  monument  d'une  immortelle  amitié,  Thabillement  &  l'armure 
de  Ton  père  Daouft-Aly-Kan;  préfent  également  rirhe  &  honorable,  dont 
nous  avons  eu  le  plaifir  d'admirer  toutes  les  pièces  à  Paris  (y). 

Enfin,  cette  faveur  fut  couronnée  par  une  autre;  ce  fût  la  dignité  de 
Nabab  &  de  Manfoupdar ,  qui  donnoit  au  Chevalier  Dumas  le  commande- 
ment de  quatre  Âzary  &  demi,  c'efl:  à-dire,  de  quatre  mille  cinq  cens  Ca- 
valiers Mogols ,  dont  il  lui  étoit  libre  de  conferver  deux  mille  pour  fa  garde, 
fans  être  chargé  de  leur  entretien.    Elle  lui  vint  de  la  Cour  du  Mogol, 

mais 


(v)  Ubifuprà.  pag.  342. 

(*)  M.Dumas  avoit  reçu  du  Roi  la  Croix 
ie  l'Ordre  de  Saint-Michel ,  avec  des  Lettres 
«le  Noblefle ,  qui  furent  confirmées  en  1 742 , 
après  Ton  retour  à  Paris ,  dans  les  termes  les 

})lus  glorieux  pour  fa  perfonnc  &  pour  fes 
ervices. 

(y)  M.  l'Abbé  Guyon  les  a  décrites:  & 
les  Curieux  peuvent  encore  s'en  procurer  la 
vue: 

I.  Un  fort  beau  turban  de  Macachy,  à 
fleurs  d'or.  2.  Une  aigrette,  formée  d'une 
pièce  d'orfèvrerie  d'or ,  d'environ  cina  à  fix 
pouces  de  long,  fur  deux  ou  trois  de  large, 
ornée  de  filigranes,  &  de  deux  rangs  de  dia- 
mans ,  de  rubis  &  d'émeraudes.  Derrière  efl: 
le  bout  d'une  plume  blanche  d'autruche,  & 
le  haut  eft  une  véritable  aigrette.  3.  Un 
ferpeche  ou  diadème.  C'eft  une  pièce  d'or- 
fèvrerie d'or ,  en  quarré  long  de  deux  pou- 
ces ,  dont  le  tour  efl:  orné  de  perles  :  au  mi- 
lieu, c'eft  un  fort  gros  diamant  jaune,  & 
au  defliis  pend  une  perle  fine,  en  poire, 
auffi  grofle  qu'on  en  pûiffe  voir.  Ce  diadè- 
me fe  porte  fur  le  front  &  s'attache  derrière 
la  tête.  4.  Cinq  pièces  de  toile  deMahome- 
dy,  &  une  robbe  à  la  Maurefque,  des  plus 
magnifiques.  C'eft  ce  qui  tenoit  lieu  de  fer- 
pau, qui  donne,  fuivant  les  idées  du  Pays  , 
tout  le  mérite  au  préfent,  quoique  fouvent 
il  n'en  falTe  '"'e  la  moindre  partie.  $.  Une 
ceinture ,  d-  e  feul  travail  eft  fans  prix. 
Elle  eft  tifTue ,  ou  comme  tricottée ,  d'un  fil 
d'or  maflif ,  à  cinq  ou  fix  rangs  de  chaînons 
au  moins,  mais  (1  bien  liés  les  uns  dans  les 
autres',  qu'on  ne  peut  en  appercevoir  h  tif- 
fiire ,  &  que  l'eau  ne  pafleroit  point  au  tra- 
vers.   Cependant  elle  fe  plie  trè»-aiiëmeQt ,  & 


les  chatnon«  ne  Ce  nouent  jamais.  Sa  largeur 
eft  d'un  pouce,  fur  deux  lignes  d'épaiflcur; 
mais  elle  eft  polie  dans  fes  quatre  laces ,  & 
auflî  douce  que  l'émail  le  plus  fin.  Elle  pefe 
environ  qu'  tre  mires.  Au  bout  eft  une  agra- 
fe d'or,  garnie  de  dlamans  &  de  rubis.  6.  Un 
premier  Cattry  ,  ou  poignard  ,  dont  la  lame 
a  huit  pouces  de  long,  fur  deux  de  large.  Kl. 
le  a  la  figure  d'une  lancette  ,  •  &  n'eft  pas 
moi  !S  polie.  La  poignée  eft  d'or,  enrichie 
de  diamans  &  d'émeraudes,  7.  Un  fécond 
Catary,  dont  la  lame  eft  femblable  au  prc. 
mier;  mais  on  peut  dire  que  la  poignée  eft 
d'un  prix  ineftimable.  C'eft  un  morceau  d'a- 
gathe  recourbé,  l'un  des  plus  gros  &  des  plu» 
parfaits  qu'il  y  ait  peut-être  au  Monde.  Elle 
eft  damafquinée  en  or  &  en  émail ,  légère- 
ment &  avec  tout  l'nrt  polîible.  8.  Deux 
grands  cimeterres  fort  recourbés,  &  d'une 
trempe  admirable ,  dont  l'un  eft  à  poig  ée 
d'or,  garnie  de  diamans  &  d'éncraudcs ,  & 
l'autre  à  poignée  d'acier,  damafquince  d'or, 
&  ornée  de  mômes  pierres  précieufes.  9.  Un 
ceinturon  de  cuir,  brodé  en  or.  10.  Un 
bouclier,  garni  de  fix  fleurs  en  or.  ir.Un 
arc,  avec  deux  pacquets  de  flèches  dans  un 
carquois.  12.  Une  lance ,  dont  le  fer  eft 
garni  d'or,  avec  quelques  lettres  d'or.  Ce 
beau  préfent  étoit  accompagné  de  trois  élé- 
phans &  de  plufieurs  chevaux  de  main.  La 
Lettre  de  Sabder-Aly-Kan  ne  feit  pas  moins 
d'honneur  à  fon  caraâère  reconnoiflànt.  11 
conjure  M.  Dumas,  „  de  lui  conferver  éter- 
„  nellement  fon  amitié.  Pour  la  f  itisfadlion 
„  de  mon  cœur,  dit-il,  ne  cefTez  jamais  de 
„  me  donner  de  vos  liouvellet".  UUJuf» 
pag.  35 1  &  précédente*. 


que  deux 
i  honneurs 
lu  Gouver- 

i  les  Indes 
irut  fe  raN 
Il  hii  en- 
&  l'armure 
•able,  dont 

,  dignité  de 
commande- 
iq  cens  Ca« 
ur  fa  garde, 
du  Mogol, 
mais 

aïs.   Sa  largeur 
es  d'épaifTcur; 
latre  faces,  & 
fin.    Elle  pefe 
ut  eftune  agra- 
le  rubis.  6.  Un 
,  dont  la  lame 
IX  de  large.  KI« 
I ,  •  &  n'efl;  pas 
d'or ,  enrichie 
7.  Un  fécond 
iblable  aîi  prc- 
;  la  poignée  cft 
n  morceau  d'a- 
gros  &  des  plu» 
u  Monde.  Elle 
émail ,  legère- 
ble.    8.    Deux 
irbés,  &  d'une 
eft  à  poig  ée 
'éneraudcs,  & 
lafquintie  d'or, 
icieufes.   9.  Un 
or.     10.  Un 
en  or.     11.  Un 
éches  dans  un 
ont  le  fer  eft 
ttres  d'or.    Ce 
é  de  trois  éié- 
de  main.    La 
fait  pas  moins 
lonnoiffant.    U 
conferver  éter- 
.  la  f  tisfaftion 
îflez  jamais  de 
e«".    UëijMt» 


FRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       47 

?;  maïs  fans  doute  à  la  recommandation  du  Nabab  d'Arcatte.  Jamais  aiicun 
I  Européen  n'avoit  obtenu  cet  honneur  dans  les  Indes.  Outre  l'éclat  d'une 
:  diflinftion  fans  exemple,  il  en  revenoit  un  extrême  avantage  à  la  Compa- 
gnie l'rançoife ,  qui  alloit  fe  trouver  défendue  par  les  Troupes  de  Plndouf- 
tan,  &  par  les  Généraux Mogols,  Collègues  du  Gouverneur  de  Pondichery. 
Mais  It*  Chevalier  Dumas ,  qui  follicitoit  depuis  deux  ans  fon  retour  en 
France,  étoit  prefqu'à  la  veille  de  fon  départ.  Son  zèle  pour  les  intérêts 
Ide  la  Compagnie  lui  fit  fentir  de  quelle  importance  il  étoit  de  faire  pafler 
Ton  titre  a  les  fondions  ,  aux  Gouverneurs  qui  dévoient  lui  fuccéder.  il 
tourna  tous  Ces  foins  à  cette  entreprife;  &les  mêmes  raifons,qui  luiavoient 
fiit  obtenir  la  première  grâce,  diffiofèrent  les  Mogols  à  lui  accorder  la  fe- 
"tonde.  Il  en  reçut  lel-irman,  qui  fut  expédié  au  nom  du  Grand- Vifir, 
fcnéralilTime  des  Troupes  de  l'Enipire  (z).  En  réfignant  le  Gouverne- 
'  ;nt  de  Pondichery ,  à  fon  Succefleur ,  dans  le  cours  du  mois  d'Oftobre 
741 ,  il  le  mit  en  pofleffion  du  titre  de  Nabab,  &  le  fit  reconnoître ,  en 
Ijùalité  de  Manfoupdar,  par  les  quatre  mille  cinq  cens  Cavaliers,  donc  le 
Hpmmandement  eft  attaché  à  cette  dignité  {a). 

"I^PN  peut  remarquer ,  avec  l'Auteur  dont  on  emprunte  ce  récit ,  que  la 

***tnpagnie  a  d'autant  plus  d'obligation  au  Chevalier  Dumas,  qu'il  eft  évi- 

it  que  la  réputation ,  le  crédit ,  &  la  puifTance  des  François ,  aux  Indes , 

luent  efiTentiellement  fur  leur  Commerce.     C'efI:  en  partie  le  défaut  de 

fecours,  qui  fit  tomber  l'ancienne  Compagnie  des  Indes  Orientales.  Elle 

pofledoit  que  le  petit  fond  de  Pondichery ,  dont  la  Ville ,  ou  plutôt  le 

Village ,  ne  comprenoit  que  ce  qui  eft  entre  le  petit  ruiiïeau  &  la  Mer.    El- 

I  avoit  peu  de  relation  avec  les  Princes  du  Pays.    Elle  étoit  continuelle- 

lîent  traverfée ,  dans  fes  ventes  &  dans  fes  achats ,  par  les  Hollandois  & 

Anglois ,  qui  trafiquoient  à  perte ,  dans  la  feule  vue  de  la  ruiner.  Com- 

înt  fe  feroit-elle  foûtenue?  Elle  fe  vit  forcée  décéder  fon  Commerce  à 

A'srs  particuliers;  &  dans  fes  derniers  tems,  aux  Négocians  de  Saint- 

lio,  en  fe  réfervanc  certains  droits  ^  qu'ils  lui  payèrent  en  vertu  de  fon 

ivilège. 

.Elle  étoit  réduite  à  cette  extrémité,  Jorfque  M.  le  Régent  entreprît 
Irele ver  le  Commerce  des  Indes,  en  réuniflant  toutes  les  Compagnies, 

c'eft- 


Etadltk» 

M!  NTl'KAtr» 

çoi*  nr  PoK» 

OICUMT. 


Il  obtient  que 
cette  dignité 
foit  tranfnnf« 
à  fcs  SucccC- 
feurs. 


Obrcrvatioh» 
fur  le  Com- 
merce des 
François  aui 
Indes. 


[(2)  Ubi  fuptà,   pag.   355  &  fuivantes. 

Auteur  cite  les  Archives  de  la  Compagnie 

Indes ,  cotté  D.  Ces  Lettres  Patentes  font 

ittées  l'an  23  du  règne  de  Mouhamet-Scha , 

de  l'Egire  iiS3i  le  8  du  mois  de  Fara- 

rd/.    Comuic  la  qualité  de  Nabab  &  de 

anfoupdar  donne   ertr'autres  droits  celui 

'avoir  diH'éiens  pavillons,  &  de  fiiifc  jouer 

\^  timbale  plufieurs  fois  le  jour ,   fur  un 

u  éminent  ;  on  a  chCHÛ  pour  cela  la  porte 

Valduour ,  qui  eft  celle  de  Pondichery  où 

paflTe  le  plus  de  monde.    Voyez  le  Plan  de 

te  Ville. 

(»)  Hiftoire  des  Ind.s  anciennes  &  moder- 
nes, Tom.  III.  pag.  361  &  précéd.ntes. 
On  apprend  par  les  deinièies  nouvelles. 


oue  M.  Dupteix,  Gouverneur  de  Pondichery 
depuis  M.  Dumas ,  vient  d'augmenter  encore 
la  gloire  &  le  Domaine  de  la  Compagnie. 
Mouzaferzingue ,  qu'il  a  rétabli  dans  fes  Ë- 
tats ,  par  la  mort  de  Nazemngue ,  tué  dans 
une  bataille  le  16  Décembre  1750,  a  prié  le 
Gouverneur  François  ,  par  reconnoilTance 
pour  fes  fcrviccs ,  auxquels  il  doit  cette  vic- 
toire, d'accepter  le  Commandement  général 
de  la  partie  de  fes  terres ,  qui  eft  entre  la  Rj> 
vière  de  Quichena  &  Pondichery,  &  lui  a 
donné  la  ForterelTe  de  Vadaour  &  fes  dé- 
pendances, avec  un  Jaguir  de  cent  mille  rou- 
pies &  les  plus  grandes  marques  de  diftinétion.^ 
^ota.  On  palte  ici  fur  les  evénemens  de  dix 
ans.  Voyez  BÔueSuppléiQentci'deilous.R^d.  Et. 


48 


DESCRIPTION     DE     LA 


Etadi, 

MENT  l' 
DICiUAV 


!SJE.  c'eft-à-dire,  celles  de  la  Chine,  des  Indes  Orientales,  du  Sénégal,  &  de 
liuN-  l'Amérique  ou  de  l'Occident.  Cette  réunion  fut  déclarée  par  l'Editdu  mois 
de  Mars  17 19.  Mais  comme  elle  ne  donnoit  pas  les  fonds  néceffaires  pour 
.  le  Commerce,  on  créa,  le  20  de  Juin  fuivant,  pour  vingt-cinq  millions  de 
nouvelles  allions,  de  quinze  cens  livres  chacune,  à  dix  pour  cent  d'inté» 
rét;  de  même  nature  que  celles  qu'on  avoit  déjà  créées  pour  cent  millions, 
au  mois  d'Août  1717,  &  qui  compolbient  le  fond  de  la  Compagnie  d'Occi- 
dent ,  celle  qui  étoit  alors  la  plus  puiiTante.  Malgré  cette  augmentation 
de  fond,  le  Commerce  de  la  Compagnie  des  Indes  ne  cefla  pomt  de  lan- 
guir  pendant  plufieurs  années;  foit  à  caufe  des  dettes  immcnies  dont  celle 
d'Orient  s'étoit  trouvée  chargée  dans  le  Royaume  &aux  Indes,  où  elle  avoit 
emprunté  à  des  intérêts  énormes,  auflfi  long-tems  que  fon  crédic  avoit  du* 
ré;  foit  parcequ'elle  n'avoit  plus  de  Vaifleaux  en  état  de  faire  voile;  foie 
enfin  parcequ'elle  ne  tiroit  aucun  avantage  de  fes  EtablifTemens  de  TIHe  de 
Bourbon  &  de  celle  de  France  ;  ce  qui  obligea  même  de  fupprimer  leConfeil 
fouverain  de  Surate. 

Dans  ces  circonftances ,  il  fe  préfenta  une  reflburce  dont  l'éclat  fit  tout 
^  efpérer  ;  mais  qui  femblable  à  un  éclair ,  n'en  eut  que  le  brillant  &  la  rapi- 
dité. On  parle  du  fatal  fyftéme  de  1720,  où  toute  la  France  s'emprefla  de 
'  courir  à  fa  ruine  par  une  route  chimérique.  Alors ,  la  nouvelle  Compagnie, 
enrichie,  pour  quelques  momens,  d'une  partie  des  dépouilles  du  Royaume, 
envoya  aux  Indes  trois  VailTeaux  richement  chargés ,  non-feulement  de  mar- 
chandifes  du  Royaume,  mais  encore  d'efpèccs  d'or  ôr  d'argent.  Les  Di- 
refteurs  de  Pondichery ,  ignorant  ce  qui  fe  paflbit  en  France ,  furent  extrê- 
mement furpris ,  après  un  fi  grand  affoibliflement  du  Commerce,  de  rece- 
voir tout  d'un  coup  des  fommes  immenfes  en  écus  &  en  louis;  ce  qui  étoic 
fans  exemple  &  qui  n'efl:  point  arrivé  depuis.  Mais  ces  belles  efpérances 
de  rétabliUement  s'évanouirent  prefqu'auUi-tôt  qu'elles  s'étoient  annoncées. 
La  plus  grande  partie  de  l'argent  qu  on  reçut  aux  Indes ,  fut  employée  à 
payer  les  dettes  prefTantes  que  l'ancienne  Compagnie  avoit  contraftées  à 
Surate,  à  Camboye,  au  Bengale  &  dans  d'autres  lieux.  Les  nouveaux  Di- 
refteurs  reçurent  une  fort  raauvaife  cargaifon ,  pour  les  prodigieufes  fem- 
mes qu'ils  avoienc  envoyées. 

La  reflburce  du  fyftéme  ayant  difparu ,  &  les  billets  que  la  Compagnie 
avoit  en  abondance  ayant  été  totalement  fupprimés,  avant  la  fin  de  1720, 
elle  fe  trouva  fans  fond  pour  continuer  fes  envois  aux  Indes.  Ainfi,  en 
1721,  &  1722,  elle  ne  fit  partir  aucun  Vaiffeau;  ce  qui  nous  attira  les 
railleries  &  les  infultes  de  toutes  les  Nations,  &  jetta  les  Officiers  de  la 
Compagnie  dans  une  fituation  d'aur-.nt  plus  trifte,  qu'ils  fe  voyoient  fans 
effets,  fans  argent,  &  fans  crédit.  La  Compagnie  fit  des  efforts;  &  le 
Roi  lui  procura  des  facilités  qui  la  relevèrent  infenfiblement ,  mais  avec 
lenteur.  En  1723,  elle  équipa  deux  Vaifleaux,  qui  fervirent  plus  à  faire 
fubfifter  fes  Officiers  &  à  payer  leurs  dettes,  anciennes  &  nouvelles,  qu'à 
l'enrichir  par  le  retour.  Mais  depuis  1724  jufqu'en  1726,  elle  en  fit  par- 
tir trois  ou  quatre  chaque  année ,  qui  commencèrent  à  la  rétablir.  Pendant 
les  années  fuivantes ,  fes  progrès  ne  firent  qu'augmenter ,  fur-tout  depuis 
1737,  fous  radminifl;ration  de  M.  Orry  [<&  de  Fulvy] ,  pendant  une  partie 

de 


ffal ,  &  de 
dit  du  mois 
Paires  puur 
millions  de 
ent  d'inté- 
it  millions, 
;nie  d'Occi- 
gmentation 
)inc  de  lan* 
\  donc  celle 
>ù  elle  avoit 
it  avoit  du* 
voile;  Toit 
I  de  riOe  de 
erieConfeil 

éclat  fit  tout 
t  &  la  rupi- 
'emprefla  de 
Compagnie, 
u  Royaume, 
tient  de  mar- 
nt.  Les  Di« 
furent  extrê- 
:e,  de  rece- 

ce  qui  étoic 
s  efpérances 
t  annoncées. 

employée  à 
ontraftées  à 
louveaux  Di- 

jieufes  fom- 

Compagnie 
fin  de  1720, 
Ainfi,  en 
us  attira  les 
officiers  de  la 
oyoient  fans 
fforts  ;  &  le 
,  mais  avec 

plus  à  faire 
uvelles,  qu'à 
le  en  fit  par- 
ir.     Pendant 

tout  depuis 

,nt  une  partie 

de 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       49 

de  laquelle  perfonne  n'ignore  que  le  Commerce  s'eft  accru  du  triple  ;  &  le    ETAiLtMi. 
même  Auteur  rend  cet  accroiflement  fenfible,  par  un  état  des  Vaiflcaux  qui    "■'•'^  j*'"*"" 
font  partis  de  Pondich^'-v ,  &  par  le  prix  de  leur  cargaifon,  depuis  1727 
lufquen  1741.     Il  fautobferver  qu'il  part,  tous  les  ans,  autant  de  Vail- 
Jeaux  du  Bengale  que  de  Pondichcry  ;  &  par  conféquent ,  qu'il  faut  doubler 
Je  nombre  de  ceux  qui  font  dans  cette  lilte. 


i 


ÇOtl  01  VOM' 
DTrMRKY. 


é  En  1727,  Oaobre,  &1728,  Janvier  ^  fur  trois  Vaifleaux,  pour  24S265 
fjNgodes  de  marchandifes  (^). 
'\  En  172%  t  Septembre,  &  1729,  Janvier,  fur  trois  Vaifleaux,  pour  210032 
Pagodes  (c). 
vEn  1729,  Septembre,  &  1730,  Janvier,  fur  trois  Vaifleaux,  pour  248083 
"^çodes. 
!^N  1730,  OEtobre,  &  1731 ,  Janvier,  fur  quatre  Vaifleaux,  pour  600711 
;odes. 

LN  1731,  O&iibre,  &  17 z'^,  Janvier,  fur  quatre  Vaifleaux,  pour  302006 
rodes. 

tN  17^%,  Septembre,  &  1733,  yflwvw,  fur  quatre  Vaifleaux,  pour  260640 
^des. 

^733»  Septembre,  &  1734,  Février,  fur  quatre  Vaifl*eaux,  pour  392987 

jdes. 

^N  17  3^,  Septembre,  &  1735,  Janvier,  fui  quatre  Vaifleaux,  pour  375341 

^odes. 

ï-N  1735»  Septembre,  &  1736,  Janvier,  fur  trois  VaiflTeaux,  pour  223484 

codes. 

iw  1736,  Octobre,  &  1737,  Janvier,  fur  cinq  Vaifl'eaux,  pour  351691 
iodes. 

iî.N  1737,  OEiobre,  &  1738,  Janvier,  fur  cinq  Vaifl'eaux,  pour  522315 
iodes. 

'N  1738,  octobre ,  &  1739,  Janvier,  fur  cinq  Vaifl'eaux ,  pour  5861^6 

odes. 

1739,  OStobre,  &  1740,  Janvier,  fur  quatre  Vaifleaux,  pour  48573a 
ies. 

1740,  octobre,  &  1741,  Janvier,  fur  quatre  Vaifl'eaux,  pour  555643 

jdes. 

Dn  1741,  octobre,  &  1742,  Janvier,  fur  fept  Vaifleaux,  pour  954376 

^odes. 

^A  vente  qui  fe  fit  au  Port  de  l'Orient ,  dans  le  cours  de  cette  dernière 

fiée,  montoicà  vingt-quatre  millions  de  marchandifes ,  qu'on  laifla  ex* 

ïs  dans  les  Magafms ,  pour  n'en  pas  jetter  dans  le  Commerce  une  trop 

Mide  quantité,  qui  les  auroit  avilies.    Les  deux  premiers  VaiflTeaux,  qui 

livèrent  en  1743 ,  étoient  chargés  chacun  de  la  valeur  de  huit  cens  mille 
'ïpies,  c'efl-à-dire,  d'environ  deux  millions  d'achat  de  marchandifes.  On 
:  poufle  pas  plus  loin  cette  énumération ,  pour  ne  pas  toucher  à  des  tems 

plus 

Jt)  Les  Pagodes ,  mifes  en  fomme ,  font  le  Ce)  L'Auteur  ne  met  que  20032  Pagodes  ; 

p  que  les  cargaiibns  ont  coûté.  Une  Page-  mais  il  y  a  fans  doute  erreur,  la  fomme  nepa- 

ivaut  environ  neuf  livres  de  nôtre  aïonnoye.  roiflànt  pas  aÎB»  coaûdérable.  R.  d.  & 

JC/r.  Par^  G 


y» 


DESCRIPTION    DE    LA 


Etablisse- 
ment Fran- 
çois DE  PoN- 
*  DICIIERY. 


plus  fâcheux ,  qui  ne  font  pas  encore  aflez  éloignés  pour  être  rappelle's  avec 
la  liberté  qui  convient  à  l'Hiftoire;  quoiqu'il  n'en  relie  heureufement  que  le 
fouvenir. 

Les  affaires  de  la  Compagnie  ayant  repris  le  cours  que  la  dernière  guer- 
re  avoit  interrompu,  il  eftaifé  de  conclure  quelle  eft:  aftuellement  l'éten- 
due  de  fon  Commerce  &  la  folidité  de  fes  Aaions.  L'Auteur  en  apporte 
les  preuves ,  qui  regardoient  à  la  vérité  le  tems  auquel  il  écrivoit  ;  mais  une 
fage  adminiftration  nous  remettant  dans  le  même  point  de  vue,  il  paroît 
qu'elles  ont  aujourd'hui  la  même  force ,  &  qu'elles  peuvent  faire  la  conclu- 
fion  de  cet  Article. 

De  56000  Aftions  auxquelles  le  Roi  fixa  la  Compagnie  en  1723 ,  qui  for- 
moient  un  fond  de  cent  douze  piillions ,  &  huit  millions  quatre  cens  mille 
livres  de  dividendes,  elle  en  a  retiré  5000,  qui  ont  été  annullées  &  brû- 
lées publiquement  par  Arrêt  en  1725.  Les  dividendes  des  51000  Aftions 
reliantes ,  font  payées  par  huit  millions ,  que  les  Fermiers  Généraux  rendent 
tous  les  ans  à  la  Compagnie  pour  la  Ferme  du  tabac,  dont  le  privilège  eX' 
clufif,  perpétuel  &  irrévocable,  lui  a  été  accordé  fpécialement  pour  cette 
dellination,  en  1723  &  1725;  &  par  le  caftordii  Canada.  Ainii  loin  d'ê- 
tre embarraflee  de  l'acquit  de  fes  dividendes ,  elle  en  trouve  le  fond  fixe 
&  certain  dans  celui  même  des  Fermes  Générales,  auquel  perfonne  ne  peut 
refufer  fa  confiance.  Le  Commerce  des  Indes  devient  donc  un  furcroit  ai 
fureté,  dont  le  profit  demeure  en-mafle,  &  forme  un  accroiflement  de 
fonds  qui  s'employent  à  l'augmentation  annuelle  des  cargaifons ,  pour  aflii- 
rer  celui  des  Aélions  ;  à-peu-près  comme  un  Négociant  met  fucceiîivement 
fes  profits  dans  le  Commerce. 

QU01Q.UE  le  premier  fond  de  l'Aélion,  qui  n'étoit  que  de  quinze  cens 
livres ,  doive  être  payé  fur  le  pied  de  dix  pour  cent  d'intérêt ,  ce  qui  n'a  ' 
point  d'autre  exemple  licite  dan?  !e  Commerce  &  dans  l'Etat,  les  Aftion-  * 
naires  ont  encore  l'efpérance  &  le  droit  de  participer  à  l'excédent  que  la 
Compagnie  tirera  de  fon  Commerce  (rf).  Si,  jufqu'à  préfent,  il  ne  leur 
en  eft  rien  revenu,  on  leur  apprend  que  fon  Commerce  a  langui  long- tems; 
qu'elle  a  reparé  le  naufrage  de  quelques  gros  Bâtimens ,  acquitté  fes  ancien- 
nes dettes  ,  payé  les  rentes  viagères  dont  elle  efl  chargée  &  qui  ne  s'étei- 
gnent que  lentement ,  relevé  fes  Etabliflemens ,  qui  étoient  en  fort  mauvais 
état,  achevé  de  conftruire  &  d'équiper  des  Vaifleaux,  racheté  des  Loges 
&  des  Comptoirs ,  bâti  des  Magafms ,  employé  plus  de  quinze  millions  i 
la  Louifiane ,  formé  le  fuperbe  Port  de  l'Orient  avec  toutes  fes  dépendan- 
ces; en  un  mot,  qu'elle  a  fait  des  fraix  immenfes  pour  fon  Commerce,  h 
Marine  ,  fes  Troupes  &  Fortifications.  Mais  l'Auteur  eil  autorifé, 
dit-il  (c),  à  déclarer,  qu'auffi-tôt  que  ces  dépenfes  feront  finies,  &  que 
les  fonds  feront  parvenus  au  point  qu'elle  fe  propofe ,  elle  augmentera  le 
revenu  des  dividendes ,  en  y  ajoutant  chaque  année  l'excédent  de  fon  bé-  ' 


•I 


.i.y-  l'j-.i 


:à      „.ir;,  J    1  :.A- 


néfice, 


(d)  Ceft  ce  que  porte  la  Déclaration  de 
.168s. 

(  ff  )  M.  l'Abbt^  Guyoti  avoit  apparemment 
•çttte  commiifion  de  la  Compagnie,  qui  lui 


avoit  accordé  la  communication  de  fes  Ar- 
chives ,  &  tous  les  Mémoires  fur  lefquels  fon 
récit  &  fes  réflexions  font  fondés. 


fous  le 
flaires, 

Vi-a  Cor 

fitti  moi 

l'admir 

Ufoicn 

lend< 

n'ef 

V*  COI 

lit  odiet 

^lepl 

^f*r,  toi 

Ifitaffo 

Mi,  & 


.  (Oïl 
'iM.  Dup 


ppèllés  avec 
iment  que  le 

rnière  guer- 
ment  l'éten- 
en  apporte  ' 
Lt  ;  mais  une 
ie,  il  paroît 
re  la  conclu- 

23 ,  qui  for- 
re  cens  mille 
liées  &  brfi- 
1000  Aélions 
faux  rendeni 
privilège  eX- 
Ht  pour  cette 
^inli  loin  d'é- 
le  fond  fixe 
bnne  ne  peut 
in  furcroit  de 
roiflement  de 
is,  pour  aflu- 
icceilivement 

£  quinze  cens 
t,  ce  qui  n'a 
; ,  les  Aélion-  ' 
édent  que  la 
nt,  il  ne  leur 
ni  long-tems; 
té  fes  ancien- 
qui  ne  s'étei- 
fort  mauvais 
té  des  Loges 
ze  millions  à 
es  dépendan- 
bmmerce ,  fa 
eft  autorifé, 
mies,  &  que 
ugmentera  le 
nt  de  fon  bé- 
néfice, 

ation  de  fesAr- 
i  fur  lefquels  fou 
>ndés. 


PRESQO'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        St 

.léfice ,  dont  le  fond  appartient  réellement  aux  Aâionnairei  :  d'où  il  croit 
[pouvoir  conditre  qu'il  eft  ihdifférent ,  pour  les  Aâionnaires,  que  les  Aftions 
Imontent  ou  baiflent,  puifque  ce  caprice  du  public  ne  change  rien  à  la  foli- 
fidité  du  fond  ,  ni  au  payement  des  dividendes. 

'    Il  y  auroit  donc  de  l'injuftice  à  s'imaginer  que  le  Roi  fafle  le  Commerce 

fous  le  nom  de  la  Compagnie;  qu'il  donne  une  partie  du  profit  aux  Aftion- 

^liaires,  &  que  le  refte  paife  dans  fes  coffres  ou  dans  ceux  des  Direéleurs. 

'i^Ca  Compagnie  des  Indes  n'eft  que  la  Société  de  ceux  qui  ont  contribué  plus 

rim  moins  à  l'établiflement  de  fcn  Commefce ,  fous  la  proteélion  du  Roi  & 

l<adminiftration  d'un  nombre  connu  d'Officiers.     De  quel  côté  fes  Aftions 

ioroient-elles  donc  expofées  à  quelque  danger?  Ce  n'eft  pas  de  celui  des  dî- 

Rendes,  dont  le  payement  eft  fondé  fur  I    produit  de  la  Ferme  du  tabac. 

n'eft  pas  du  côté  du  Roi,  qui  n'ira  pas  envahir  k  patrimoine  des  A6tionnai- 

JTJ,  comme  il  s'exprime  dans  l'Edit  de  1725;  qui  a  prévenu  lui-même  cet- 

#r  odieufe  crainte,  par  fes  Déclarations;  qui  eu  d'ailleurs  intérefle  à  foûte- 

Jifar  le  plus  grand  Commerce  de  fon  Royaume,  fans  lequel  il  faudroit  por- 

plHr,  tous  les  ans,  plus  de  douzj  millions  à  l'Etranger;  <&  plus  encore  à  ne 

|>|fkafîoibUr  un  fond  de  cent  millions,  qui  circule  continuellement  dans  l'E- 

•"^j  &  qui  équivaut  à  une  même  fomme  d'argent.     Enfin  la  chute  des  Ac- 

is ,  ne  peut  venir  du  côté  des  Etrangers ,  ou  de  la  pofition  des  François 

k  Indes,  plus  avantageufe  qu'on  ne T'auroit  jamais  efpérée,  puifqu'ils  y 

liflent  d'une  conadération  particulière,  dans  l'alliance  &  l'amitié  du  Mo- 

^1  &  des  Princes  Indiens  (/).  a 

(/)  Ubi  fuprà.  pag.  378  &  précédentes.  L'Auteur  finit  j^n'm  Mémoire  cuxieux  fut  l'orir 
le,  la  culture  &  le  commerce  du  caIFé. 

S-    H. 


^^[^Dcrnières  Guerres  de  Vlnde,  m  Continuation  des  Troubles ^  depuis  ly^i. 

^.îj^    .  Supplément. 

ï  le  feul  motif  de  plaire  à  fa  Nation,   eût  dîngé  M,  Prevoft,  dans  le 

I  récit  des  derniers  '['roubles  de  l'Iiide,  jamais  il  ne  pouvoic  le 'terminer 

\x  un  endroit  plus  glorieux  pour  elie ,  que  celui  des  diftinàions  qui  furent 

r  prix  de  fa  générofité  en  faveur  de  la  fimille  infortunée  du  Nabab  d'Ar- 

liitte  ;  La  fuite  de  cette  Hiftoire  ne  lui  auroit  peut-être  pas  fourni  des  dé- 

ils  aulTi  incéreflans  du  côté  des  fentimens. 

A  peine  Sabder-Aly-Kan  eût  -  il  rendu  les  derniers  témoignages  de  fa  re- 

]^nnoiflance au  Chevalier  Dumas,  qui  étoit  fur  le  point  de  retourner  en 

france  (a),  que  ce  nouveau  Nabab  d'Arcatte  vint  à  Madras,  pour  fe 

Illettré  fous  la  protedion  des  Anglois,  avec  tous  fes  trefors,  qui  étoient 

^es  plus  confidérables.     Sa  mère,  fa  femme  &  quelques  autres  perfonnes 

|e  fa  famille,  y  arrivèrent  le  2  d'Oftobre,  au  bruit  de  l' Artillerie  des  rem- 

'tvȎ.:  parts 

A  iil'X}^  f"''*-  ^"^  "^°^^  >'.'Oaobre  I74X ,  après  avoir  rcrni*  k  Gouvernement  de  Pondichery 

G  2  *     .    ■ 


mentFraw- 
çoisdePon- 

DXCIIERV. 


DERNlfeRES 
GUEHKES  ni 

l'Inde. 
Supplément. 

Introdudion. 


Sabcicr-AIy- 
Kan  f(;  met 
fous  la  pro- 
teélion des 
Anglois  de 
Madras. 


I» 


DESCRIPTION    DE    LA 


DCBNifcRM 

guerrbs  ob 
l'Indb. 

SorPLBMSNT. 
I74I. 


Caraftère  de 
Clwin-Baha- 
thir,  defigné 
Nabab  d'Ar- 
catte. 


1742. 


Sabder-Aly- 
Kan  efl: 
aflaflîné  par 
fon  beau- 
frère. 


parts  de  la  Ville.  Le  Nabab  les  fuivit  lur-mêtne  le  lendemain ,  accompagncf 
d'un  nombreux  cortège.  Toutes  les  rues  de  la  Ville-Noire  &  les  Fauxbourgs 
étoient  remplis  de  chameaux  &  d'éléphans ,  dont  la  marche  n'avoit  pas  oc> 
cafionné  le  moindre  defordre.  Les  Anglois  n'oublièrent  rien  pour  relever 
l'éclat  d'une  vifite  qui  flattoit  leurs  efpérances ,  &  le  Nabab  repartit  quinze 
jours  après,  extrêmement  fatisfait  de  leurs  attentions. 

Les  MinHonnaires  Danois,  fans  entrer  dans  les  raifons  politiques  de  cet- 
te vifite,  qui  doit  paroitre  aflez  extraordinaire  (6),  fe  contentent  d'ob* 
ferver,  que  beaucoup  d'autres  Maures  de  diftinftion  avoient  choifi  Pondi. 
chery  pour  leur  afile.  De  la  famille  du  Nabab,  ils  nomment  feulement  fa 
fœur,  femme  de  Sander-Saheb  (c),  avec  fa  fille,  mariée  à  Chatn-Bahadur ^ 
defigné  Nabab  d'Arcatte,  du  vivant  même  de  Daouft-Aly-Kan,  tué  dans 
la  bataille  contre  les  Marattes.  Ce  jeune  Seigneur ,  qui  n'avoit  que  l'âge 
de  vingt-deux  ans,  étoit  entièrement  livré  à  Tétude,  &  fans  ambition,  il 
foufFroit  volontiers  qu'un  autre  gouvernât  à  fa  place.  Son  zèle  pour  le 
culte  de  Mahomet,  ne  l'empêchoic  point  de  s'inftruire  des  principes  de  la 
Foi  Chrétienne.  Le  Miffionnaire  Sckultz,  qui  fe  trou  voit  alors  à  Ma- 
dras, ayant  appris  qu'il  faifoit  copiera  fes  fraix,  les  quatre  Evangeliftes, 
en  Langue  Perlane,  lui  envoya  à  Meliapur,  ou  Saint- Thomé, un  Nouveau- 
Teftament  Arabe,  qu'il  reçut  fort  gracieufement ,  &  promit  ^une  vifite  au 
Miffionnaire.  Il  vint  en  effet  le  voir,  le  15  Décembre  de  cette  année. 
Leur  entretien  ne  roula  que  fur  la  Théologie.  Outre  rindoufl:an ,  qui  étoit 
fa  langue  maternelle,  il  parloit  le  Perfan  oc  f Arabe ,  mais  fort  lentement, 
&.  avec  la  gravité  ordinaire  aux  Maures.  Il  étoit  Perfan  d'origine,  &  auffi 
Wanc  qu'un  Européen.  Trois  mois  après,  M.  Schultz  eut  encore  occafion 
de  le  faluer  deux  fois,  &  de  lui  préfenter  un  exemplaire  de  la  Réfutation  de 
l'Alcoran ,  qu'il  voulut  bien  lire  d'un  bout  à  l'autre.  De  retour  à  Pondiche- 
ry  ,  Cham-Bahadur  écrivit  au  Millionnaire,  une  Lettre  pleine  de  témoigna- 
ges d'amitié  &  de  bienveillance. 

Av  mois  de  May  1742,  Sabder-Aly-Kan  fit  une  féconde  vifite  aux  An- 
glois de  Madras ,  qui  s'empreflerent  de  lui  rendre  les  mêmes  honneurs  que 
la  première  fois.  Le  16  d'Oftobre,  on  reçut  avis  d'Arcatte,  que  ce  Na- 
bab avoit  été  maflacré,  deux  jours  auparavant,  par  fon  beau-frère,  que  le» 
Miffionnaires  Danois  de  Macfras  ne  nomment  pas.  Ceux  de  Tranquebar 
difent  feulement  qu'il  fut  tué  par  fes  propres  gens.  Suivant  M.  Green ,  ou 
l'Auteur  qu'il  cite,  ce  fut  par  Muley  Aly-Kariy  Nabab  de  Velour,  &  cela, 
comme  il  le  fuppofe,  en  faveur  de  Chinda^  ou  Chuenda-Saheb ,  fon  beau- 
frère,  qui  obtint  depuis  le  Gouvernement  d'Arcatte  (rf).    Quoiqu'il  ea 

foit, 


(  6  )  Il  etl  vrai  que  le  Confeil  dé  Pondîche- 
fy  avoue,  dans  fa  Lettre  du  ler.  Oftobre  1741, 
,,  que  le  Nabab  Sabder-i\ly-Kan ,  n'avoit  ni 
„  argent,  ni  troupes,  ni  autorité  pour  fe 
„  faire  refpefter  &  obéïr ,  chacun  aes  Sei- 
„  gneurs  Maures  tranchant  du  Souverain 
„  dans  fa  Forterefle ,  ou  dans  fes  Terres  ". 
Le  Nabab  étoit  apparemment  réduit  à  cher- 
cher chez  les  Anglois,  ce  qu'il  ne  pouvoit 
trouver  auprès  des  François, 


(c)  On  a  vu  dans  la  féconde  Lettre  de 
M.  Dumas  au  Général  des  Marattes ,  que  la 
femme  de  Sander-Saheb  étoit  reliée  à  Fon- 
dichery,  tandis  que  fa  mère  &  fon  frère  ar 
voient  repris  le  chemin  d'Arcatte.  Ces  deux 
Dames  fe  trouvoient  à  Madras ,  lorfque  lêi 
François  eh  firent  le  Siège,  en  1746. 

{d)  Explication  de  la  Carte  du  Tbeatre  dtl* 
Guerre  &ç.  pag.  2j. 


>it,  il 

nou\ 

le  les 

larattei 

#)mmei 

il  efiipiu 

plie  de  l 
{Mremier 
nier  s'ét^ 
itàh). 
loit  d 
lélére, 
ÎA  me 
goll  fe  m 

tÙit 


■'■iti 


4ik 


Non-I 
''  difent 
'onnais  { 
urs  pei 
L'Aut 
qu'il  ( 
dans  la 
)  C'eft 
nt  afTez. 
es  étoie; 
*)  I)  ca  ( 
pas  le.uK 


:.y 


ccompagnd 
Fauxbourgs 
roit  pas  oc» 
our  relever 
artit  quinze 

ques  de  cet* 
ntent  d'ob- 
loifi  Pondi- 
eulement  fa 
utn-Bahadur, 
1,  tué  dans 
it  que  rage 
ambition,  il 
'à\q  pour  le 
icipes  de  la 
lors  à   Ma- 
Ivangeliftes, 
in  Nouveau- 
ine  vifite  au 
cette  année, 
ui ,  qui  étoit 
;  lentement , 
;ine,  &auffi 
x)re  occafion 
:efutation  de 
à  Pondiche- 
ie  témoigna- 

[ite  aux  An- 
onneurs  que 
que  ce  Na- 
cre, que  les 
Iranquebar 
.Green,  ou 
ur,  &  cela, 
fon  beau- 
Quoiqu'il  en 
foit, 

ide  Lettre  de 
axattes ,  que  la 
reliée  à  Pon- 
&  fon  frère  a-; 
tte.  Ces  deux 
s,  lorfque  Ièi 
1746. 
iuTbeatredil* 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        53 

)it,  il  eft  important  de  remarquer,  que  ce  Chuenda,  qui  femble  offrir  ici 
1  nouveau  pcrfonnage  fur  lafcène,  eft  le  même  que  Sander-Saheb  (e), 
je  les  Miflionnaires  Danois  font  revenir,  quelques  années  après,  avec  les 
barattes;  Mais  il  étoit  alors  leur  prifonnier,  &  abfent  du  Pays:  Ainli 
Ipmme  Sander-Saheb  ne  parvint  au  Gouvernement  d'Arcatte,  qu'en  1751 , 
fl  eft  plus  apparw-nt,  que  Muley  -  Aly  -  Kan ,  délivré  d'un  de  fes  beaux- 
'  res,  voulut.auifi  fe  défaire  de  l'autre,  pour  s'établir  fur  leurs  ruines  (/). 
n'eft  pas  qu'il  n'y  eût  probablement  de  la  mésintelligence  entre  la  fa- 
lie  de  Sander-Saheb,  &  Sabder-Aly-Kan  fon  beau-frère  (g),  puifque  le 
îmier  fût  toujours  protégé  dans  la  fuite,  par  les  François,  &  que  le  der- 
nier s'étoit  tourné  du  côté  des  Anglois,  qui  regrettèrent  vivement  fa  per- 
tÀdh).  S'il  eût  vécu ,  ils  auroient  pu  s'en  promettre  de  grands  avantages  ; 
l^oitdoux,  affable»  bienfaifant,  &  la  générofité  formoit  fon 'principal 

liî^A  mort  parut  ranimer  les  troubles  &  rappeller  les  Marattcs.  Les  Mo- 
g(^  fe  mirent  aulfi-tôt  en  mouvement  pour  appaifer  les  uns  &  reprimer  les 
atélKs  (i).  Après  avoir  établi  un  nouveau  Nabab  d'Arcatte ,  nommé, 
]fyfi^a-/ibdula-Kany  iU  marchèrent  contre  Tirichinapaly  ,  qui  étoit  enco- 
féciiî  pouvoir  des  Marattes.  La  Garnifon  fe  défendit  avec  be^.ucoup  d'o- 
treté ,  dans  l'efpérance  de  recevoir  de  puiiTans  fecours ,  qu'on  lui  avoic 
ïis  pour  faire  lever  le  Siège  ;  Mais  ennn  elle  fut  obligée  de  capituler , 
>ut  de  quelques  mois ,  &  de  rendre  la  Ville.  Les  Mogols  y  laiiFèrent  une 
le  Garnifon,  &  le  gros  de  l'Armée  reprit  la  route  du  Nord  pour  aller  à  la 
pontre  des  Marattes ,  qui  s'étclent  de  nouveau  répandus  dans  le  Pays. 
Jurant  tout  le  tems  que  les  Marattes  étoient  reftés  les  maîtres  de 
(chinapaly,  ils  avoient  été  prefque  continuellement  aux  prifes  avec  les 
ipes  du  Roi  de  Tanjour,  à  qui  le  Prince  des  Marattes  avoit  permis  de 
Ittaquer,  &  même  de  s'emparer  de  la  Forterefle ,  parceque  le  Gouver- 
refufoit  d'obéïr  à  fes  ordres ,  &  que  fes  Troupes  commettoient  toutes 
PSÈês  d'excès  dans  le  Pays.  Ces  hoftilités  avoient  obligé  le  Roi  de  Tan- 
|i>ui^^e  fe  retirer  de  devant  Negapatnam ,  dont  il  voulut  faire  le  Siège  en 
--'■—  à  l'occafion  d'un  mur  que  les  Hollandois  avoienr  conftruit  autour  de 
le.  ils  firent  aulli  quelques  forties  vigoureufes  dans  leiquelles  les 
jpcs  de  Tanjour  eurent  toujours  du  pire. 

EUX  ans  après,  ce  Prince  fe  voyant  délivré  des  Marattes  &  des  Mau*- 
attaqua  les  François  de  Karical,  qui  avoient  refufé  de  lui  payer  une 

fom.» 

que  dans  le  Firmaii  dfe  l'Empereur  Mogol, 
qu'il  rapporte,  il  foit  nommé  le  deffuntSade- 
TouUa-Kan ,  ci-devant  Divan  (^  Faujfedar  de 
Cnrnate. 

(  0  L'Armée  Mogole  étoit  fous  le  Com- 
mandement de  Nijan-Sfabibu ,  fîl»de  Ciriliscb , 
Cirneiis ,  Cigliscb ,  ou  Kiriliscb-Cban ,  le  ma- 
rne que  Nilam-ul-Muliv ,  dont  il  eft  fouvcnt 
fait  mention  ci-deffus.  Gazi-Eddin-Kan  étoit. 
le  nom  de  fon  âls,  fuivantM.  Ottcr  &d'aUo 
très. 


DEKKikrv7.s 

L'I^DB. 

Supplément. 

1742. 


Non-feulement  les  Miflionnaires  Da- 
e  difent  :  mais  le  Mémoire  de  M.  de  la 
'muais  lui.  donne  aufll  ces  deux  noms, 

leurs  peu  difFérens  entr'eux. 

")  L'Auteur  du  Genuine  Account ,  &c.  a- 
,  qu'il  égorgea  de  même  le  fils  de  Sab- 
dans  la  rue  d'Arcatte. 
)  C'eft  ce  que  les  détails  précédens  in- 
nt  afTez.  D'ailleurs  tous  ces  Seigneurs 
es  étoient  divifés  entr'eux. 
)  11  cil  étonnant  que  l'Abbé  Guyon  ne 

pas  le.mot  de  la  mort  de  ce  Nabab;  quoi- 


^  1743' 

Nouvciiu 
Nabab  d'Ar- 
catte. 


Prife  de 
Tirichinapaly. 
par  les  Mo- 
gols. 

Guerres  du 
Roi  de  Tan- 
jour avec  les 
Marattes  & 
les  Hollan- 
dois. 


Il  attaque 
les  François 
deKarical. 


54 


M 


DESCRIPTION    DE    LA 


Dernières 

GunRBKS  DE 

l'Indr. 

SuiU'I.EMIiNT. 
1744.     * 


M 
poiiJ 

lllUtJ 


igalin  à 
ïc  qui 
en  l'air. 


1745- 


Nuavdlcs 
jnriirlions  dos 


Ncutralitii 
fiitaL'  aux 
i'nnçois. 


Pfifes  que 
les  An^lois 
fo:it  fur  eux. 

.    -*  •  •  ■  rr 


1745. 


Armement 
de  M.  de  la 
Bourdonnais 
ixa  Ilks. 


fomme  d'argent  qu'on  exigeoit  d'eux,  outre  le  tribut  ordinaire.  Ses  Trou, 
pes  pillèrent  la  Ville,  &  quelques  Villages  de  fa  dépendance.  Comme  le 
Foit  étoic  trop  éloigné  du  côté  de  la  Mer ,  les  François  prirent  porte  danj 
une  grande  Pagode  &y  drelîerent  quelques  liatteries,  dont  ils  fe  fervirent 
avec  tant  de  ruccès,qu'à  une  nouvelle  attaque,  les  Troupes  de  Tanjourfe 
retirèrent  en  defordre.  Ce  (ju'il  y  eût  de  plus  malheureux ,  c'eft  que  dant 
le  méme-tems  un  Magafin  à  poudre ,  où  les  François  faifoi^nt  emplir  des 
grenades,  fauta  en  Tair,  avec  un"  fracas  épouvantable.  Le  Commandant, 
un  Capitaine  de  la  Milice,  &  quelques  Soldats  Européens  y  perdirent  mife. 
rablement  la  vie.  LEpoufe  du  Commandant  eut  le  même  lort  ;  mais  fon  en- 
fant fut  confervé  d'une  manière  rairaculeufe.  En  ôtant  les  ruines,  on  le 
trouva  vivant,  &.  le  ris  à  la  bouche,  entre  deux  pans  de  muraille  qui  s'é- 
toient  appuyés  par  le  haut  en  tombant.  Les  pierres  qui  voloient  de  touta 
parts  hors  du  Fort ,  bleflerent  quantité  de  monde ,  &  caufèrent  un  dommj. 
ge  confidérabie  dans  la  Ville.  Le  coup  fut  fi  violent  que  toutes  les  mi- 
ions  de  Tranquebar  en  furent  ébranlées. 

L' AN  N  É  E  lui  van  te ,  les  Marattes  firent  d^  nouveaux  efforts  pour  repra 
dre  Tirichinapaly  fur  les  Maures.  Un  Détachement  de  leur  Armée  tomba, 
au  mois  de  Mars,  dans  les  Etats  de  Tanjour,  dont  il  ravagea  quelque! 
Places.  Peu  de  jours  après,  un  autre  Corps  s'avança  le  long  du  Coloran 
jufqu'à  Taiijour  ,  pillant  &  faccageant  tout  ce  qui  fe  trouvoit  fur  fa  route 
Mais  le  Roi  ayant  rappelle  fa  Cavalerie,  qui  failbic  la  Guerre  au  Tondawai 
Prétendant  du  Marava,  mit  i^s  Etats  à  couvert  de  ces  incurfîons.  L'Arme; 
des  Marattes  fe  retira  dans  leMailfour,  à  l'approche  desMogols. 

La  guerre  qui  fu*-  déclarée,  en  1744,  entre  la  France  &  fAngleterre, 
laiflbit  encore  la  Compagnie  de  France  dans  l'illufion ,  que  la  neutralité  fe 
roit  obfervée  aux  Indes ,  contre  toute  vraifemblance ,  lorfqu'après  beau- 
coup  de  négociations  entre  M.  Dupleix  &  les  Gouverneurs  des  EtablilTc 
mens  Anglois ,  le  Confeil  de  Madras ,  n'ayant  pu  promettre  la  neutralis 
xiw'autmt  qu'il  étoit  en  lui ,  fans  vouloir  fe  rendre  refponfable  du  fait  des  Vall 
féaux  du  Roi  d'Angleterre,  les  François  reconnurent,  mais  trop  tard,  qui 
étoient  les  dupes  de  ce  demi  Traité.  En  effet ,  tous  leurs  Vaiffeaux  Maschan. 
fe  trouvèrent  par-là  expofés  à  être  pris  par  les  Vaifleaux  de  guerre  Anglois 
qui  n'entroient  point  dans  la  neutralité,  pendant  que  tous  les  Vailfeaii 
Marchands  Anglois  étoient  en  fureté  de  la  part  de  ceux  de  la  Compagri; 
Françoife ,  les  feuls  que  cette  Nation  eut  dans  l'Inde.  Auiîi  en  perdit-el 
d'abord  plufieurs  en  très-peu  de  tems. 

Ce  fut  dans  ces  circonflances  fatales,  que  M.  de  la  Bourdonnait ^  Go' 
verneur  Général  des  Illes  de  France  &  de  Bourbon ,  reçut  au  commence 
ment  de  l'^mnée  fuivante ,  des  Lettres  de  M.  M.  du  Confeil  de  Pondicher 
qui  l'appelloient  à  leur  fecours ,  pour  arrêter  les  entreprifes  des  Fnnemii 
Cinq  ou  lix Vaiffeaux, qu'il  s'agiffoit  d'armer,  dans  un  lieu  où  l'on  manquai 
prefque  de  tout,  ne  caufèrent  pas  peu  d'embarras  au  Sr.  de  la  Bourdonnai! 
Cependant  à  force  de  foins,  de  mouvemens  &  d'induflrie,  il  fut  alfezhet 
reux  pour  voir,  au  mois  de  May,  fon  Efcadre  prête  à  recevoir  des  ordres 
Elle  étoit  fur  le  point  de  mettre  à  la  voile,  quand,  le  28 "Juillet, on  lej^ 
avis  de  France ,  que  cinq  Vaiffeaux  de  guerre  dévoient  arriver  aux  Hl^' 

{I  ■ 


^Én  Sept< 
|anvier 
donnère 
donnais, 
iitecuter 
'  xE  N  F I 
Côte 
du  ve 
ir  les 
ir  Ef( 
de^cinqu 
vijKt.  I 
^nons 
nngt- 
lis  de 
en  a^ 
liuii 
tt(ià$  des  ' 

]éi.iihgio; 


longi 
â##nt  & 
nvre; 
Ere  à  t 
Itament 
.ES  ch 
Iffpofèn 
temens 
le  fâch 
is  M.  ( 
Jgs  &  d 
Ivoit  for 
Duf 
Ire  Ang 
tcadre 
.Août, 
munitions 


Ses  Trou. 

Comme  le 
t  pofte  dam 
fe  fervirent 
2  Tanjourfe 
eft  que  dans 
it  emplir  des 
Commandant, 
irdircnt  mife. 
;  mais  fon  en- 
ruines  ,  on  le 
raille  qui  s'é- 
ient  de  toutes 
it  un  domnia. 
lUtes  les  mi.- 

s  pour  reprcii- 
Vrmée  tomba, 
igea  quelque! 
g  du  Colorait 
[  fur  fa  route 
au  Tondmm. 
ins.    L'Armc; 

3ls. 

:  l'Angleterre, 

neutralité  fe 

ju'après  beaa- 

des  Etabliiîe 

la  neutralit; 

ufait  desVaii 

rop  tard ,  qu  i 

îux  Maschanii 

uerre  Angiois 

les  VaiireaiE 

la  Compagti: 

en  perdit-tl 

\r donnait^  Goî 

au  coramena 

de  Pondicher 

des  Knnemii 

l'on  manquoi 

a  Bourdonnai! 

il  fut  aflezhet 

TOir  des  ordrei 

uillet,on  reçc 

iver  aux  1^^' 
(1 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.         SS 

Septembre.    Mais  malheureufement  ces  Valfleaux  ne  parurent  qu'en 

jnvier  1746;  &  ce  retardement  çroduifit  de  nouveaux  inconveniens ,  qui 

donnèrent  encore  beaucoup  de  peines  &  d'inquiétudes  au  Sr.  de  la  Bour- 

vjlonnais.     Son  induftrie  &  fon  aftivité  vinrent  néanmoins  à  bout  de  faire 

ikecuter  à  propos  ce  qui  fembloit  inipoflîblc  à  tout  le  monde. 

*; Enfin  M.  de  la  Bourdonnais  ne  hit  pas  plutôt  arrivé  ,  le  6  de  Juillet, 

Côte  de  Coromandel ,  qu'on  apperçut  les  Angiois,  qui  ayant  l'avanta- 

du  vent ,  venoient  à  toutes  voiles  fur  l'Efcadre.     Elle  fe  mit  en  ligne 

ir  les  attendre.     A  quatre  heures  &  demie  ils  engagèrent  le  combat. 

iiéur  Efcadre  étoit  compofée  d'un  Navire  de  foixante-quatre  canons, deux 

,  de^cinquante-fix  ,  un  de  cinquante,  un  de  quarante  ,  &  une  Frégate  de 

viifet.     Le  Sr.  de  la  Bourdonnais  avoit  dans  la  ficnne  un  Vaiflcau  de  ibixan- 

anons ,  un  de  trente-fix,  trois  de  trente-quatre,  un  de  trente,  deux 

vingt-huit ,  &  un  de  vingt-fix.     Les  Vailieaux  Angiois  étoient  tous 

is  de  canons  de  vingt-quatre  livres  de  balle.     Un  feul  Vaifleau  Fran- 

en  avoit  du  dix-huit ,  haut  &  bas  ;  les  autres  n'avoient  que  du  douze 

huit.     Comme  fur  Mer  la  fupériorité  de  TArtillerie  décide  de  tout , 

tflÉides  Vaiffeaux  François  furent  d'abord  mis  hors  de  combat.     Pour  lors 

iéf,#iglois,  qui  avoient  forcé  de  voiles,  auroient  ccrafé  le  feul  qui  reftoit  à 

Kgarde ,  fi  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  ne  l'eut  devancé  ;  Dans  ce  moment 

imbat  devint  plus  férieux  que  jamais;  le  Vaifleau  du  Sr.  de  la  Bour* 

Jais  effuya,  pendant  un  quart-d'heurc,  tout  le  feu  des  Ennemis.     Enfin 

ités  de  la  refiftance  des  François ,  à  fept^heures  &  demie  ils  fe  retirè- 

&  quoique  le  lendemain  le  vent  n'eut  pas  changé .  ils  ne  jugèrent 

[à  propos  de  recommencer  le  combat. 

ÏE  fut  avec  un  extrême  regret  que  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  vit  les  An- 
lui  échapper,  parceque  les  Equipages  François  étant  les  plus  forts, 
ipromettoit  un  avantage  décifif,  s'ils  avoient  pu  en  venir  à  l'abordage, 
grand  but  étoit  de  commencer  par  détruire  l'Efcadre  Angloife,  &pour 
^  un  coup  fi  important,  il  avoit  réfolu  d'attendre  le  moment  favorable 
aiÉi^longtems  qu'il  lui  feroit  poffîble;  Mais  les  Angiois  ayant  l'avantage 
dfti^nt  &  de  la  marée,  &  d'un  autre  côté  l'Efcadre  Françoife  fe  trouvant 
"^^■^irivres ,  avec  beaucoup  de  malades  &  de  gros  fonds,  qu'il  falloit  re- 
re  à  terre,  il  fut  contraint  de  renoncer  à  la  pourfuite  des  Angiois  & 
imener  fes  Vaiffeaux  à  Pondichery,  où  il  arriva  deux  jours  après. 
,ES  chagrins  qu'il  eut. à  elfuyer,  de  la  part  du  Confeil  de  cette  Ville, 
ifpofèrent  généralement  tous  les  Officiers  de  l'ICfcadre,  &  leurs  mécon- 
temens  forent  portés  au  point  de  faire  craindre  qu'il  n'arrivât  quelque 
le  fâcheufe  entre  les  Troupes  des  Ifles  &  la  Garnifon  de  Pondichery; 
lis  M.  de  la  Bourdonnais,  occupé  d'objets  plus  importans  que  ceux  des 
jpgs  &  des  prérogatives ,  crut  devoir  tenter  l'expédition  de  Madras ,  dont 
'Ivoit  formé  le  projet  dès  1740.     Comme  cette  entreprife,  de  l'aveu  même 
Dupleix,  ne  pouvoit  fe  faire  qu'après  la  ruine  ou  la  déroute  de  l'Ef- 
|re  Angloife,  il  n'y  avoit  point  d'autre  parti  à  prendre  que  d'aller  chercher 
Icadre  ennemie  pour  la  combattre.     M.  de  la  Bonirdonnais  mit  à  la  voile 
Ir^Aout,  fans  avoir  toute  l'Artillerie  dont  il  avoit  befoin,  ni  la  moitié  de» 
iltonitions  de  guerre  qui  lui  étoient  nécelîaires.     D'ailleurs  on  lui  avoit 
*•  fourni 


Guerres  ue  * 
l'Inde. 

St'PPLLMENT. 

I74<5' 

Combat  r.a- 
v;i.l  entre  Ls 
Angiois  &  les 
Fiançois. 


L'Efcadr- 
Fiançoife 
mouille  à 
Pondichery. 


Prdpnrr.tifs 
pour  une  ex- 
pédition con- 
tre Madras. 


>    , 


5<5 


DESCRIPTION     DE     LA 


DenNiàcEs 
*  Guerres  du 
l'Inde.    - 

SurPLEMENT. 
1746. 


fourni  de  fi  mauvaife  eau ,  à  Pondichery ,  qu'elle  donna  le  flux  de  fang  à 
Tes  liquipages.  Le  Sr.  de  la  Bourdonnais  tomba  lui-même  malade;  ce  qui 
ne  l'empêcha  pas  de  continuer  fa  courfe ,  réfolu  de  faire  tout  ce  t^ui  dépen. 
droit  de  lui  pour  achever,  dans  un  combat  décilif,  la  ruine  de  l'Ëicadre  An* 
gloife.  Les  vents  lui  furent  fi  contraires,  qu'il  employa  treize  jours  à 
gagner  Negapatnam.  Il  y  étoit  occupé  à  négocier  avec  les  Hollandois ,  pour 
le  faire  rendre  une  prife  Françoife ,  qu'ils  avoient  achetée  des  Anglois ,  lorf. 
qu'il  fut  averti  qu  il  paroiflbit  ûx  Vaifleaux  au  vent  de  cette  Ville.  II 
monta  auffi-tôt  fur  une  découverte  d'où  il  reconnut  l'Efcadre  Angloife. 
Dans  l'inftant  il  courut  à  fon  VaiiTeau  ,  &  trouva  toute  fon  Efcadre  prête 
à  lever  l'ancre,  après  avoir  arboré  pavillon  Hollandois  pour  attirer  les  En- 
nemis. Un  moment  après  tous  fes  VailFeaux  furent  fous  voile  &  en  ligne, 
&  firent  route  pour  joindre  les  Anglois  ;  mais  ceux-ci  n'étant  pas  les  du- 
pes  du  changement  de  pavillon,  profilèrent  de  l'avantage  du  vent  &  s'é- 
loignèrent  à  toutes  voiles.  M.  de  la  Bourdonnais  les  pourfuivit  pendant 
lerefte  de  la  journée,  &  comme  on  eft  obligé',  dans  cette  Mer,  de  mouil- 
ler la  nuit,  pour  attendre  les  vents  de  terre,  il  comptoit ,  le  lendemain, 
de  les  furprendre  à  l'ancre;  mais  ils  coupèrent  leurs  cables.  M.  de  la  Bour- 
donnais les  pourfuivit  encore,  &  devança  fon  Efcadre  de  deux  lieues;  Il 
alloit  attaquer  feul,  quand  touc-à  coup  le  vent  changea  &  devint  favorableà 
l'Ennemi ,  qu'il  perdit  bien-tôt  de  vue. 

D  E  retour  à  Pondichery  ,  M.  de  la  Bourdonnais  fe  concerta  avec  M. 
Dupleix  fur  ce  qui  reftoit  à  faire.  Ils  convinrent  que  le  projet  d'aller  par 
terre  aflîéger  Madras ,  wtoit  d'une  exécution  trop  difficile,  par  la  fatigue 
que  donneroit.  aux  Troupes  une  marche  de  trente  lieues  dans  des  fables 
brûîans.  D'un  autre  côté ,  en  conduifant  l'Efcadre  à  Madras ,  on  rifquoit  de 
tout  perdre,  parceque  les  Vaifleaux  Anglois  pouvoient  tomber  deflus, 
pendant  que  la  moitié  des  Troupes  feroient  occupées  à  faire  le  Siège  par 
terre.  En  un  mot ,  les  mêmes  raifons  qui  avoient  fait  reconnoitre  au  Sr. 
Dupleix  lui  -  même ,  un  mois  auparavant,  la  nécefllîté  de  détruire  l'Efca- 
dre Angloife,  avant  que  de  penfer  au  Siège  de  Madras,  fubfiftoient  enco- 
re. Non-feulement  cette  Efcadre  ennemie  n'étoit' point  détruite,  mais 
elle  devoit  même  être  augmentée  de  quatre  Vaifleaux.  Ainfi  la  prudence 
ne  permettoit  pas  de  tenter  une  entreprife  fur  Madras  dans  de  pareilles 
circonfl:ances.  D'ailleurs  les  ordres  du  Minifl:re,  à  M.  de  la  Bourdonnais, 
portoient  exprefl^ement ,  de  ne  rien  hazarder  contre  les  Etabliflemens  An- 

§lois ,  qu'avec  une  efpèce  de  certitude  de  fuccés.  Cependant  ce  fut  dans 
es  conjonftures  auflî  embarraffantes ,  que  M.  M.  de  Pondichery,  fan.^  vou- 
loir fe  décider,  lui  firent,  dans  les  formes,  une  fommation  de  prendre 
l'un  de  ces  deux  partis,  ou  de  faire  le  Siège  de  Madras,  ou  d'aller  battre 
l'Efcadre  ennemie,  à  peine  d'être  refponfable,  en  fon  propre  &  privé  nom,, 
de  tout  ce  qui  pourroit  arriver  dans  la  fuite. 

Quoiqu'aussi  rebuté  par  cet  étrange  procédé ,  qu'accablé  par  la  mala- 
die, le  Sr.  de  la  Bourdonnais  prit  fon  parti  ;  &  en  attendant  qu'il  pûtiui- 
même  fe  mettre  en  Mer,  il  réfolut  d'envoyer  fes  Vaifleaux  dans  la  Rade 
de  Madras.  Son  but  dans  cette  courfe  étoit ,  non- feulement  de  prendre  les 
Bâtimens  Anglois,  qui  étoient  alors  occupés  à  charger  les  eifets  précieux 


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IX  de  fang  à 
lade;  ce  qui 
e  t^ui  dépen. 
'El cadre  An« 
reize  jours  à 
landois ,  pour 
inglois,  lorf- 
te  Ville.    li 
Ire  Angloife. 
îfcadre  prête 
ttirer  les  En- 
2  &  en  ligne, 
pas  les  du- 
vent  &  s'é- 
iivit  pendani 
îr ,  de  mouil- 
e  lendemain, 
A.  delaBour- 
iVLX  lieues;  11 
nt  favorable  à 


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rerta  avec  M. 
et  d'aller  par 
)ar  la  fatigue 
.ns  des  fables 
on  rifquoit  de 
jmber  deflus, 
le  Siège  par 
inoitre  au  Sr. 
truire  l'Efca- 
fifloient  enco- 
létruite,  mais 
î  la  prudence 
is  de  pareilles 
Bourdonnais, 
iliflemens  An- 
nt  ce  fut  dans 
ery,  fan>^  vou- 
n  de  prendre 
1  d'aller  battre 
&  privé  nom,, 

i  par  la  maia- 
qu'il  pût  lui- 
dans  la  Rade 
de  prendre  les 
;iFets  précieux 


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j^zAJv  j^E  ^M^DJ^hmT  S!" George  S, 


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iv^y^ci' 


EXPLICATION 


Pag.  57' 


Des  Renvois  duPlan  de  M  A  DR  A  S  &diiFort  Saint-Georges 


/\.  Fort  S.  Georges. 

1j.  Gouvernemenc.  •• 

C.  Les  Capucins. 

D.  Eglife  des  Anglois. 

E.  La  Douane.  "* 

F.  Magafin  à  poudre. 

G.  Porte  Royale. 

H.  Porte  de  S.  Thom'é. 

l.    Porte  de  la  Chaudière. 

K.  Porte  de  la  Mer. 

L.  Batterie  de  la  Mer ,  faite  à  neuf 

par  les  François. 
M.  Ville  Noire,  entièrement  détrui- 
te &  les  Fofles  comblés  par  les 
ordres  de  M.  Dupleix. 
N.  Enceinte  de  la  Ville  Noire. 
O.  Contregarde  bâtie  à  neuf  par  les 

François. 
P.  Batterie  &  Courtines  bâties  à  neuf 

par  les  François. 
Q.  Ballions ,  dont  les  Embrafures  & 
les  Parapets  ont  été  refaits  à  neuf 
parles  François. 
R.  Contrefcarpe  &  FoflTé  fait  à  neuf 
fur  le  terrain  des  maifons  détrui- 
tes. 
S.  Projet  des  Anglois ,   exécuté  par 
eux  jufqu'au  niveau  du  terrain. 
T.  Fofle  fait  à  neuf  par  les  François. 
V.  Maifons  des  Habitans. 
X.  Magafms  de  la  Compagnie. 
Y.  Maifons  brûlées  parles  Anglois, 

à  l'arrivée  des  François. 
Z.  Rivière  de  Montaron. 

a.  Plaine  de  Gafon. 

b.  Sables. 


.c.    Hôpital    détruit    par   les  -Fran- 
çois. 

à.  Poudrière  détruite  par  les  Fran-. 
çois. 

e.    Maifons  brûlées  par  les  Anglois 

à  l'arrivée  des  François. 
/.    Efpèce  de  Lac. 

g.  Premier  Camp  des  François. 

h.  Second  Camp,  qui  étoit  aupara- 
vant un  Marché. 

i.  Maifon  de  plaifance  &  Jardin  du 
Gouverneur,  où  l'on  avoit  pla- 
cé une  Batterie  de  fix  mortiers. 

k.  Autre  Batterie  de  quatre  mor- 
tiers ,  dans  un  Fauxbourg  détruit 
par  les  François. 

/.  Batterie  de  deux  mortiers  fur  le 
rivage. 

m.  Maifons  de  Campagne  des  Ha- 
bitans de  Madras. 

n.    Etang. 

0.    Grand  Pagode. 

p.  Retranchement  pour  recevoir 
les  Munitions  des  Afliégeans. 

q.    Lieu  où  fe  fit  la  defcente. 

r.  Trois  Vai/Teaux  François,  le 
Phénix,  l'Achille  &  le  Bour- 
bon. 

s.  M.  de  la  Porte-Barré  Comman- 
dant en  l'abfence  de  M.  de  la 
Bourdonnais. 

t.  VaiiTeaux'  qui  fourniffoient  ce 
dont  on  avoit  befoin  pour  le 
Siège. 

V.   Petites  Embarcations. 

X.  Chelingues ,  ou  petits  Bâtimens 
du  Pays. 


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door  de  Franien  iiipeiioomen  den  ^j  î>eptember  ^y/<>. 


lu'on 


epteml 
Deux 
ku-delà  I 
fauve 
lonner  ( 
débai 
)urdon 
ïés  de  c 
4efcente 

:  xir. 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Lrv.  III.        ai 


Gl'EHKUS  Ofi 

l'Inuu. 
sui-plemunt. 


3u'on  cherchoit  à  fauver  de  Madras,  mais  encore  plus  de  s'aflurer  des 
eflcins  de  l'Ennemi ,  &  de  fçavoir  fi  leur  Efcadre  règloit  fes  mouvcmens 
fur  ceux  de  la  lienne.  Mais  au  moment  que  M.  Duplcix  fut  inftruit  de  ce 
deflfein,  il  redemanda  au  Sr.  de  la  Bourdonnais  les  Troupes  qu'il  lui  avoit 
prêtées,  fous  prétexte  qu'il  ne  pouvoit  dégarnir  fa  HIace,  fans  la  mettre 
!n  danger.  1  outes  les  rcpréfentations  du  Sr.  de  la  Bourdonnais  étant  in- 
tuftueufes,  il  fe  détermina  à  renvoyer  ces  Troupes,  après  que  pour  l'y 
forcer ,  on  lui  eut  ôté  toute  communication  avec  fes  VailTeaux. 

L'Escadre  partit  le  même  jour,  27  Août,  fous  les  ordres  du  Sr.  de  la 
J^orte-bairi,  que  le  Confcil  avoit  jugé  capable  d'exécuter  celui  des  deux 
oartis  que  M.  de  la  Bourdonnais  choiiiroit ,  fi  fa  maladie  l'cmpêchoit  d'agic 
même.  Sa  fanté  fe  rétabliflant  de  jour  en  jour,  il  fc  trouva  prefqu'en- 
rement  ^ueri,  lorfque,le5  Septembre ,  fes  VaifTeaux  revinrent  avec  deux 
tites  priles,  eftimées  environ  deux  cens  mille  livres.  Le  peu  de  fuccès 
cette  courfe,  &  la  manière  dont  elle  fut  exécutée ,  firent  bien  voir  qu'on 
devoit  fe  flatter  d'aucune  réuflite,  tant  que  les  entreprifes  ne  feroient 
^^  i  conduites  par  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  en  perfonne.  Au-refle  il  fe 
çonfola  de  la  mauvaife  manœuvre  de  fon  Efcadre ,  par  les  aflurances  qu'el- 
loilui  donna ,  que  celle  des  Ennemis  n'avoit  point  paru.  Il  jugea ,  dès  ce 
■*  "ment,  que  les  Anglois  n'avoient  pas  jufques-là  réglé  leur  marche  fur  la 
ne;  &  cette  découverte  lui  faifant  entrevoir  quelque  apparence  de 
ces  ,  il  ne  penfa  plus  qu'à  difpofer  tout  pour  le  Siège  de  Madras, 
ais  avant  que  de  partir,  il  prit  les  précautions  qu'il  crut  néceflaires ,  pour 
évenir  tout  ce  qui  pouvoit  donner  matière  aux  foupçons.  Quoiqu'il  eut 
tmmé  un  Commiflaire  fur  fon  Efcadre,  il  en  demanda  un  fécond  àM.Du- 
eix,  qui  lui  donna  le  Sr.  Dejprémefnil  fon  gendre.  Non  content  de  cela, 
Sr.  de  la  Bourdonnais  fouhaita  de  fçavoir  quelles  conditions  il  pourroit  im- 
fer  aux  Anglois ,  s'ils  vouloient,  à  prix  d'argent,  garantir  Madras  d'un 
mbardement  &  des  événemens  d'un  Siège.  Il  ne  lui  avoit  pas  caché 
\'\\  comptoit  rançonner  cette  Ville.  M.  Dupleix  lui  donna  là-defiTus  une 
pte ,  fuivant  laquelle  il  devoit  tirer  de  Madras  un  million  de  pagodes  pour 
'Compagnie,  &  trois  cens  trente-deux  mille,  cent  vingt-cinq  pagodes  en 
iommagement  des  prifes  faites  par  les  Anglois  fur  les  François.  Il  eft 
(ortant  de  remarquer  ici,  qu'avant  fon  départ  pour  Madras,  le  Sr.  de  la 
ordonnais  devoit,  de  l'aveu  de  M.  M.  de  Pondichery ,  fe  regarder  com- 
;  maître  de  fes  opérations ,  avec  tout  pouvoir  de  rançonner  &  d'accor- 
r  à  l'Ennemi  telle  Capitulation  qu'il  jugeroit  à  propos.  Ce  ne  fut  qu'après 
us  ces  éclairciflemens  qu'il  partit  de  Pondichery,  la  nuit  du  12  au  13 
ptembre ,  avec  neuf  VaifTeaux  &  deux  Galiotes  à  bombes. 
Deux  de  fes  VailTeaux  eurent  ordre  de  prendre  le  large,  &  de  poufTer  siège  de 
-delà  de  Madras ,  pour  couper  le  paflage  au.;  Bâtimens  qui  pourroient  cette  Ville. 
fauver  de  la  Rade,  pendant  que  deux  autres  VaifTeaux  avoient  ordre  de 
[onner  droit  dans  la  Rade;  les  autres  fuivoient  avec  toutes  les  Troupes 
débarquement.  Le  14 ,  fe  trouvant  à  quatre  lieues  de  Madras ,  M.  de  la 
urdonnais  mit  à  terre  cinq  ou  fix  cens  hommes,  avec  deux  petites  piè- 
ésde  campagne,  dans  la  crainte  que  les  Ennemis  ne  lui  disputafTent  la 
i^fcente ,  qui  eft.  très-difficile,  &  qui  d'ailleurs  ne  peut  fe  faire  que  dan» 
t  X/r.  Fart,  H      •  -"  des 


58 


DESCRIPTION    DE    LA 


DcRNlfeRES 

Guerres  de 
i.'Inde. 

SL'rrLEMENT. 

174.6. 


des  Bateaux  du  Pays,  conduits  par  les  Indiens,  qui  font  les  hommes  ]es  pluj 
poltrons  du  monde.  Le  lendemain,  il  fit  route  le  long  de  la  Côte,  à  me- 
fure  que  fes  Troupes  avançoient  par  terre.  A  midi  elles  étoient  déjà  fur 
le  terrain  ennemi ,  &  les  Vaiffeaux  à.  une  grande  portée  de  canon  de  la 
Ville.  M.  de  la  Bourdonnais  fit  alors  un  fécond  débarquement,  &defccndit 
avec  le  refte  des  Soldats  deftinés  à  faire  le  Siège.  L^  tout  confifl-oit  en 
mille  ou  onze  cens  Européens,  quatre  cens  Cipnyes,  Soldats  du  Pays,  éc 
trois  ou  quatre  cens  Caffres  des  Illes.  Il  reftoit  à  bord  des  Vaiffeaux  en* 
viron  dix-fept  à  dix-huit  cens  hommes. 

Comme  les  Troupes  du  premier  débarquement  fe  trouvoient  extrême- 
ment fatiguées ,  M.  de  la  Bourdonnais  fit  faire  alte ,  &  campa  auprès  d'une 
Pagode,  dans  une  place  environnée  de  maifons.  Dés  qu'il  eut  donné  fes 
ordres  pour  la  feureté  de  ce  Camp ,  il  envoya  un  Capitaine  d'Artillerie 
&  un  Ingénieur,  avec  un  Détachement  de  cent  hommes ,  pour  reconnoi. 
tre ,  pendant  qu'il  defcendit  fur  le  rivage ,  où  il  fit  faire  un  petit  Camp 
paliffadé  pour  dépofer  toutes  les  munitions  de  guerre  &  de  bouche  dont 
on  auroit  befoin  pour  le  Siège.  Enfin  fur  le  rapport  des  deux  Officiers 
qui  avoient  examiné  les  environs  de  la  Place,  il  fe  tranfporta  fur  une  hau- 
teur avancée  en  Mer,  qui  lui  parut  d'autant  plus  propre  à  monter  une 
Batterie  de  mortiers,  qu'elle  pouvoit  battre  en  méme-tems  la  Ville,  & 
protéger  les  Vaiffeaux  de  l'Efcadre.  Cette  Batterie  fut  faite  par  le  fe- 
cours  des  Nègres,  foutenus  de  cent  cinquante  hommes. 

Le  foir ,  on  vit  arriver  dans  le  Camp ,  un  Anglois  nommé  Bàrmval,  gen- 
dre du  Sr.  Dupleix ,  qui  venoit  de  la  part  du  Gouverneur  de  Madras ,  prier 
M.  de  la  Bourdonnais  de  laiffer  fortir  les  femmes  de  la  Ville.  Cette  per- 
miffion  lui  fut  accordée  uniquement  pour  fa  femme  &  pour  celle  du  Gou- 
verneur ,  qui  ne  jugèrent  pas  à  propos  d'en  faire  ufage  feules. 

Le  16,  on  s'approcha  de  la  Ville,  &  le  Camp  fut  transféré  dans*  un 
Village,  qui  en  étoit  éloigné  d'une  demie  portée  de  canon.  Toute  la 
journée  fut  employée  à  transporter  l'Artillerie  ,  &  à  former  les  Batteries. 
Le  lendemain  ,  les  Soldats  du  Pays ,  à  la  folde  des  Anglois ,  firent  quelque» 
décharges  de  mousqueterie  fur  le  dernier  Camp  ;  mais  ils  furent  fi  promp. 
tementrepouffés,  qu'au-lieu  de  rentrer  dans  la  Ville,  ils  s'enfuirent  pref- 
que  tous  dans  les  terres.  Le  même  jour  on  s'empara  d'un  Fauxbourg,  & 
de  la  Maifon  de  Campagne  du  Gouverneur,  à  demie  portée  de  carabine  des 
murs  de  la  Ville,  «&  l'on  s'y  fortifia.  Le  18,  la  Ville  fut  battue  de  dou- 
ze mortiers  du  côté  de  la  terre ,  &  à  l'entrée  de  la  nuit ,  les  trois  plus  forts 
Vaiffeaux  de  l'Efcadre  commencèrent  à  la  canoner. 

Dans  la  nuit ,  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  reçut  des  Lettres  qui  le  mirent 
dans  la  plus  grande  perplexité.  M.  Dupleix  lui  mandoit,  qu'il  avoitparu 
des  Vaiffeaux,  &  qu'il  en  avoit  vus  lui-même.  Il  étoit  naturel  de  pen- 
fer  que  c'étoit  l'Efcadre  Angloife  qui  venoit  au  fecours  de  la  Place.  Le 
îeul  parti  qu'il  y  eut  à  prendre,  étoit  de  pouffer  le  Siège  avec  la  dernière 
vigueur,  parceque  Madras  pris,  tous  les  dangers  s'évanouïffoient.  M. de 
la  Bourdonnais  ne  fongea  donc  qu'à  faire  au  plus  vite  toutes  fes  difpofitions 
pour  donner  l'affaut. 

L£  feu  contiuua  k  ip,  avec  tant  de  vivacité,  que  les  Anglois  jugé- 


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■liè^- 


3mmes  les  pîai 
1  Côte,  à  me- 
toient  déjà  fur  i 
le  canon  de  la 
it,  àdefccndit 
t  confiftoit  en 
s  du  Pays,  & 
Vaifleaux  en* 

oient  extrême- 
pa  auprès  d'une 

eut  donné  fes 
ine  d'Artillerie 
pour  reconnoi- 
un  petit  Camp 
le  bouche  dont 

deux  Officiers 
rta  fur  une  hau« 

à  monter  une 
ms  la  Ville,  & 
faite  par  le  fe- 

!  Bàrnavaî,  gen- 
e  Madras ,  prier 
lie.  Cette  per- 
r  celle  du  Gou- 
les. 

nsferé  dans*  un 

non.     Toute  la 

les  Batteries. 

firent  quelques 

urent  fi  promp- 

"enfuirent  prcf- 

Fauxbourg , & 

de  carabine  des 

battue  de  dou- 

trois  plus  forts 

s  qui  le  mirent 
qu'il  avoit  paru 
naturel  de  pen- 
;  la  Place.  Le 
vec  la  dernière 
ïflbient.  M.  de 
5  fes  difpofitions 

s  Anglois  jugè- 
rent 


;r 


fions  avec  lo' 


PRCSQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE.  Liv.  III.        5^ 

■rent  à  propos  d'entrer  en  compofition  ;  &  fur  les  huit  heures  du  foir,  le    DenNikMs 
Sr.  delà  Bourdonnais  reçut  une  Lettre  de  la  Dame  Barnaval,  fille  de  la    ^""^Jp^"'' 
Dame  Dupleix  ,  qui  lui  demandoic,  de  la  part  du  Gouverneur,  s'il  vouloit  Supplemevi 
entendre  a  un  accommodement.     M.  de  la  Bourdonnais  menacé  de  l'arri-       1746. 
vée  d'une  Efcadre ,  faifit   avec  emprefl^ement  l'occafion  qu'on  lui  préfen- 
toit  de  mettre  la  fienne  en  feureté.  *  Il  répondit  fur  le  champ ,  que  fi  on  , 

juloit  lui  'envoyer  des  Députés  le  lendemain  ,  fa  Lettre  leur  ferviroit  de 
ifleport,  &  que  le  feu  cefleroit  depuis  fix  heures  du  matin  jufqu'à  huit, 
)ur  leur  donner  le  t^ms  de  venir  le  trouver. 

Le  20  au  matin,  les  Srs.  Mon/on  &  Hally-Burton^  Députés  de  Madras', 
fe  rendirent  dans  fon  Camp.  Lorfqu'il  leur  eut  communiqué  fes  pouvoirs, 
voulurent  lui  perfuader,  qu'étant  fur  les  terres  du  Mogol,  leur  Ville 
j^oit  être  en  feureté;  mais  il  leur  repréfenta  qu'il  ne  faifoit  que  rc- 
^ufler  leurs  hofl;ilités  j  qu'ils  avoient  pris  un  Vaifl^eau  François ,  dans  une 
ide  neutre  ;  brûlé  un  autre  Navire  fous  la  Fortereffe  de  Tranquebar ,  ôc 
Ivoyé  des  Détachemens  jufqu'à  vingt  lieues  dans  les  terres  des  Maures , 
_  |ur  pourfuivre  des  Prifonniers  François  qui  fe  fauvoient.  Les  Députés 
ttft  purent  répliquer  à  des  faits  fi  précis,  &  ils  fe  contentèrent  de  rejetter 
tcKUC  le  tort  fur  les  Vaifleaux  du  Roi  d'Angleterre,  qui  n'étoient  point  tenus 
à  la  neutralité  conclue  entre  les  deux  Compagnies.  M.  de  la  Bourdonnais 
l0fg[  répondit,  qu'il  s'étoit  d'abord  addreflTé  à  ces  Vaifleaux;  mais  que 
^"'isqu'ils  avoient  trouvé  ,  à  la  faveur  du  vent,  le  moyen  de  lui  échaper, 
idras  luirépondroit  de  tout.  Les  Députés  comprirent  à  ce  discours  qu  il 
iloit  entrer  en  négociation  d'une  manière  plus  férieufe.  Après  un  mo- 
lÉent  de  réflexion ,  ils  lui  demandèrent  quelle  contribution  il  vouloit  exi- 

fr  pour  fe  retirer  de  devant  la  Ville.    Sa  réponfe  fut ,  „  qu'il  ne  vendoit 
point  l'honneur  ;  que  le  Pavillon  de  fon  Roi  feroit  arboré  Air  Madras ,  ou 
^^u'il  mourroit  au  pied  de  fes  murs  ". 

I^ÎCette  propofition  parut  d'abord  révolter  les  Députés ,  qui  lui  repliquè- 
l^t ,  que  s'ils  perdoient  l'efpérance  de  racheter  leur  Ville ,  ils  fe  défen- 
déèâent  jufqu'à  la  dernière  extrémité,  plutôt  que  de  fe  rendre  honteufe- 
1010^  à  fa  difcretion.  Pour  lors  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  leur  dit,  que  s'ils 
ii^oient  la  Ville  &  tout  ce  qui  étoit  dedans ,  il  leur  promettoit  fur  fon 
hneur  de  la  leur  remettre  moyennant  une  rançon  raifonnable.  Les  Dé- 
tés  infifl:èrent  pour  que  tous  les  articles  du  rachat  fufl'ent  arrêtés,  & 
E  le  prix  en  fut  fixé ,  avant  que  d'entrer  dans  la  Ville.  L'artifice  étoit 
)irier.  Un  pareil  Traité  demandoit  nécefl^airement  bien  des  contefhations 
bien  des  conférences.  L'Efcadre  Angloife  pouvoit  arriver  &  changer 
Itièrement  la  face  des  afi'aires.  D'un  autre  côté ,  le  bruit  fe  répandoit 
le  les  AflTîégés  follicitoient  le  Nabab  d'Arcatte  de  venir  à  leur  fecours. 
hinze  ou  vingt  mille  Maures  poiivoie'it  harceler  cette  poignée  de  Fran- 
cis qui  étoient  devant  Madras ,  &  les  forcer  peut-être  à  regagner  leurs 
àifl^aux,  pour  n'être  pas  aflaillis  de  tous  côtés.  Enfin  tous  les  hazards 
|oient  pour  les  Anglois  &  contre  le  Sr.  de  la  Bourdonnais.  Aufll  tint-il 
rme  à  exiger  qu'il  falloit  rendre  la  Ville,  ou  fe  réfoudre  aux  plus  afl^reu- 
-  extrémités.    Les  Députés  voyant  qu'il  étoit  inébranlable ,  retournèrent  à 

H  2  Madras 


6o 


DESCRIPTION    DE    LA 


Dernières    Madras  chargés  d'une  Lettre  menaçante  du  Sr.  de  la  Bourdonnais  au  Gou» 

GuEUREs  DE   verneur  Anglois. 

Supplément.       ^^^^  '^  moment  le  feu  recommença  jufqu'à  trois  heures ,  qu'il  cefla  en- 

1746.    *  core,  comme  on  en  étoit  convenu,  pour  laiflcr  aux  Députés  la  liberté  du 

retour.     M.  de  la  Bourdonnais  profitant  de  cet    infiant ,  voulut  s'aflurer 

,  Jui-même  de  la  hauteur  des  murs  de  là  Ville-Noire,  pour  faire  couper  les 

échelles,  &  marquer  les  endroits  où  les  Chefs  de  l'attaque  dévoient  efca- 
lader.  En  meme-tems  il  fit  demander  à  bord  des  VaifTcaux ,  des  gens  de 
bonne  volonté  pour  monter  à  l'aflaut ,  fi  l'on  écoit  obligé  d'en  venir  à  cet» 
te  extrémité.  Aufli-tôt  quatre  cens  hommes  defcendirent  à  terre ,  avec 
des  Officiers  de  Marine  à  leur  tête.  Enfin  tous  les  ordres  étoient  don- 
nés pour  exécuter  l'attaque  générale  la  nuit  du  21  au  22. 

Le  foir,  fur  les  fix  heures,  on  vit  arriver  dans  le  Camp,  Francifco  Pe- 
reyro,  autrefois  Chirurgien  du  Nabab  d'Arcatte  (^),  qui  ayant  beaucoup 
d'habitudes  dans  Madras ,  avoit  demandé  la  permilîîon  d'y  entrer ,  fous 
promeflTe  de  rendre  de  bons  fervices  aux  François.  A  fon  retour  il  apprit 
a  M.  de  la  Bourdonnais,  qu'il  venoit  de  la  part  du  Gouverneur,  lui  faire 
fçavoir,  que  n'ayant  encore  rien  décidé,  les  Députés  n'avoient  pu  reve- 
nir, &  qu'il  le  prioit  de  prolonger  la  trêve  pendant  toute  la  nuit,  pour 
donner  aux  Afliégés  le  tems  de  fe  déterminer.  Pereyro  ajouta  qu'il  les 
,  avoit  aflTurés  que  cette  grâce  ne  leur  feroit  pas  refufée.  Le  Sr.  de  la  Bour- 
donnais, auffi  furpris  du  mefl^age  que  du  choix  que  l'on  avoit  fait  d'une 
perfonne  fans  caraftère,  le  reprima  fortement,  &  le  renvoya  fur  le  champ 
avec  une  Lettre  qui  annonçoit  au  Gouverneur,  que  le  feu  ne  cefleroit  que 
le  lendemain  matin  depuis  fix  heures  jufqu'à  huit,  àTafluroit,  que  fi  les 
Députés  n'apportoient  pas  alors  une  réponfe  décifive,  il  n'écouteroit  plus 
aucune  proportion.  En  effet ,  à  huit  heures  du  foir ,  le  feu  recommença 
avec  plus  de  violence  que  jamais ,  &  il  fut  continuel  toute  la  nuit ,  tant 
fur  les  Vaiffeaux  que  dans  les  Batteries. 

Capitulation  Le  lendemain  21,  les  Députés  revinrent  pour  la  féconde  fois,  &  con- 
.^c Madras.  vinrent  enfin  de  fe  rendre,  moyennant  la  faculté  de  racheter  leur  Ville. 
Les  Articles  de  la  Capitulation  furent  dreffés  &  portés  au  Gouverneur,  qui 
les  renvoya,  en  demandant  que  lui&  le  Confeil  nefuffentpas  Prifonniers 
de  guerre  dans  le  tems  qu'on  traiteroit  des  conditions  du  rachat.  M.  de  la 
Bourdonnais  s'y  engagea  par  un  nouvel  Article.  Les  Députés  reportèrent 
la  Capitulation  au  Gouverneur,  qui  la  figna;  &  en  la  recevant  des  mains 
des  Députés,  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  leur  réitéra,  „  fur  fa  parole  d'hon- 
„  neur ,  la  promefTe  qu'il  leur  avoit  faite  de  leur  rendre  la  Ville ,  moyen- 
„  nant  une  rançon  dont  on  conviendroit  à  l'amiable ,.  &  d'être  raifonnable 
„  fur  les  conditions  (/)  ". 

Sua 


(k)  11  en  cl\  parle  ci-delTus ,  pag.  45. 

(i)  Capitulation  du  Fort  Saint  -  Georges 
&  de  la  Ville  de  Madras.  „  Le  Fort  Saint'^ 
„  Georges ,  &  la  Ville  de  Madras ,  avec 
„  leurs  dépendances ,  feront  remis  aujour'hui 
•T  21  Septembre,  à  deux  heures  après  midi, 


à  M.  de  la  Bourdonnais.  Toute  la  Car- 
nifon ,  Officiers ,  Soldats ,  le  Confeil ,  & 
généralement  tous  les  Anglois  qui  (bnt 
dans  le  Fort  &  la  Ville ,  demeureront  Pri- 
fonniers de  guerre.  Tous  les  Confeillcrs, 
Officiers,  Employés  &  autres  Meiricuu 

..  An- 


n  leor  j 
„  Çémbl 
■»»  qu'ils 
„  la  Fra 

li^Ft^lcr 
,,  Tour  1 
»,  de  leu 
■  i»  qui  fe; 
it  Gouvc 
|iK  Prif  n 
^ifiifcntrer 
,j>v|lonna 
.„  -autent 
„  pvemi 

■  n  Les 

»  ceux 

M.âii'am 

n  pBi   JV 

M,I)éput 

»  bon  ne- 

«Imarchi 

ta  À  ix'ce 

n  gafins, 

«I  fions  r 

'Micus 

«Ifgict.rr 

tojTien  r( 

&  d'ar 

très  ef 

I  Ville, 

Tqucs  p 

ien  riei 

'^tle  la  î; 

,.  La  c 
u  David 


,■4.* 


is  au  Gcih 

• 

l'il  cefla  en- 
1  liberté  du 
ut  s'aflurer 
couper  les 
voient  efca- 
les  gens  de 
venir  à  cet- 
terre,  avec 
îtoient  don- 

rancifco  Pe- 
nt  beaucoup 
entrer,  fous 
:our  il  apprit 
ur,  lui  faire 
;nt  pu  révé- 
la nuit,  pour 
3Uta  qu'il  les 
r.  de  la  Bour- 
it  fait  d'une 
fur  le  champ 
;  cefferoit  que 
it ,  que  fi  les 
:outeroit  plus 
recommença 
la  nuit,  tant 

OIS,  &  con- 
;r  leur  Ville, 
iverneur ,  qui 
as  Prifonniers 
at.  M.  de  la 
s  reportèrent 
nt  des  mains 
parole  d'hon- 
^ille ,  moyen- 
re  raifonnable 

Sua 

Toute  la  Car- 
ie Confeil ,  & 
inglois  qui  M 
demeureront  Pri- 
s  les  ConfciUiTS, 
autres  Meiricms 
„  M- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        6i 


DEBNlfeRBS 

Guerres  dc 
l'Ivde. 

Sltplement. 

17*46. 
Les  François 
Cl' prennent 


:|  Sur  le  champ ,  le  Sr.  de  la  Boordonnais  ordonna  de  battre  la  générale. 
■  ■'  Les  Troupes  affemblées ,  il  fit  défendre,  fous  peine  de  Ja  vie,  de  rien  pil- 
ler dins  la  Place;  &  il  marcha  pour  en  prendre  pofleflion.  Lorfqu'il  fut 
arrivé  à  dix  pas  du  pont  -  levis ,  le  Gouverneur  avança  à  l'extrémité ,  &  lui 
prélenca  fon  épée,  que  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  lui  rendit  aulVi-tôt,  &  il 
entra  dans  Madras.    Dans  le  moment ,  le  Pavillon  Anglois  fut  amené,  ce-  . 

M  de  France  arboré  «&  falué  de  vingt-un  coups  de  canon.  Les  Vaifieaux  1  o^^'i'"'^"' 
le  l'Efcadre  amarinérent  en  méme-tems,  &  nalléreni;  au  large  un  Navire 
l^nglois,  qui  fe  trouvoit,  fans  charge,  dans  la  Rade. 
('  Lhs  Anglois  s'étoient  rt-ndus  arec  tant  de  précipitation,  que  la  Capitula- 
^n, qu'ils  avoient  fignée,  étoit  leftéeàM.  de  la  Bourdonnais,. fans  qu'ils 
e^lLnt  fongé  à  lui  en  demander  un  double.  Le  Gouverneur  ne  tarda  ce- 
idant  pas  à  s'appercevoir  d'une  négligence,  que  lui  avoit  fait  commet- 
le  trouble  qui  régnoit  dans  fa  Garnifon,  au  moment  que  les  François 
ioient  aux  portes  de  la  Ville.  Il  vint  trouver  le  Sr.  de  la  Bourdonnais , 
:  le  pria  de  vouloir  bien  reparer  cette  imprudence ,  en  lui  remettant  un 
>uble  de  la  Capitulation,  qui  lui  fut  accordé  tout  de  fuite  (w)* 

Le 


„  Anglois  d'Etat -Major,  feront  libres,  fur 
„  leur  parole ,  d'aller  &  venir  où  bon  leur 
„  femblera,  même  un  Europe;  à  condition 
■yt  qu'ils  ne  porteront  point  les  armes  contre 
„  h  France  ofFenfivcment  &  defFenfivemcnt , 
j,  {qu'ils  n'ayent  été  échangés  aux  termes 
i^'^rcfcrits  à  nos  François ,  par  M.  Barnet. 
ji^rour  faciliter  à  Mrs.  les  Anglois  le  rachat 
ii'de  leur  Place,  &  rendre  valides  les  aéles 
j,  qui  feront  palfés  en  confequence ,  M.  le 
,(  Gouverneur  &  fon  Confeil  céderont  d'être 
^  Prif  nniers  de  guerre,  au  moment  qu'ils 
j,  entreront  en  négociation ,  &  M.  de  la  Bour- 
„  donnais  s'oblige  de  leur  en  donner  un  afte 
.„autencique    vingt-quatre    heures    avant  la 

Memièrc  fôance. 
.,„  Les  Articles  de  la  Capitulation  fignés, 
»|;WUx  du  rachat  de  la  Place  feront  rè^;  es 
lé^Tamiable,  par  M.  de  la  Bourdonnais,  & 
M  Ml  M.  le  Gouverneur  Anglois,  ou  f  s 
«Députés,  qui  s'engageront  de  livrer  de 
j»  bonne- foi  aux  François  tous  les  effets, 
W  marchandifes  reçues  des  Marchands,  ou 
j»^  à  iccevoir ,  les  Livres  de  compte ,  la  Ma- 
,  ,||  gafms,,  ks  Arfenaux,  'Vaideaux,  Provi- 
nt fions  de  gULtre  &  de  bouche,  &  tous  les 
,>  biens  appartjnans  à  la  Conragnie  d'An- 
,»  glct.rre,  fans  qu'il  leur  foit  permis  de 
j,iricn  rélerv.r;  en  outre  les  nu:t  ères  d'or 
&  d'argent,  r.iarchandifes,  ineujles  &.  au- 
tres effets  r^aelconques ,  renfermés  dans  la 
I Ville,  le  Fort  &,  les  Fauxb>..urgs  ,  à  quel- 
^qucs  perfonnes  qu'ils  ."ppartiei.ncnt,  fans 
|en  rieii  ex.epter,  ainli  qu'il  dt  du  droit 
rt'de  la  i^uerre. 

„  La  Garnifon  fera  conduite  au^rtS'iint- 
i»  David  prifojuiièrc  dc  guerre  ;  Si,  li  par 


„  rachat  on  rend  la  Ville  de  Madras ,  Mrs. 
,,  les  Anglois  feront  les  maîtres  de  répren- 
„  dre  leur  Garnifon  pour  fe  défendre  contre 
„  les  gens  du  Pays.  Pour  cet  effet,  il  fera 
„  remis  aux  François ,  par  Mrs.  les  Anglois , 
„  une  quantité  égale  de  Prifonniers;  &  s'ils 
,,  n'en  ont  pas  affez  à  préfent,  les  premiers 
„  François  qui  feront  faits  Prifonniers,  depuis 
„  la  Capitulation ,  feront  libres  jufqu'au  nomr 
„  bre  de  leur  Garnifon  complettée.  Le» 
„  Matelots  feront  envoyés  à  Goudelour;  l'é- 
„  change  en  commencera  par  ceux  qui  font 
„  aftuellenient  à  Pondichery ,  &  le  refle  paf^ 
„  fera  fur  leurs  "Vaiflêaux  en  Angleterre. 
„  Mais  ils  ne  pourront  point  porter  les  ar- 
„  .mes  contre  la  France ,  qut'  l'échange  n'ait 
„  été  fait  de  pareil  nombre  de  Matelots, 
„  foit  aux  Indes,  foit  en  i.urope,  &  fur- 
„  tout  aux  Indes  par  préférence. 

„  A  ces.  conditions,  la  Porte  de  fVatre- 
„  Quel  fera  livrée  à  M.  de  la  Bourdonnais 
„  à  deux  heures  après  midi.  Les  Polies  de 
„  !a  Place  feront  relevés  par  fes  Troupes. 
„  On  fera  à  M.  de  la  Bourdonnais  la  ilécla- 
„  ration  des  mines,  conuemineb  &  autres 
„  fouterrains  chargés  de  poudre. 

„  Fait  &  arrêté  au  Camp  François  le  21 
„  S  ptembre  1746. 

(jw)  Il  ell  alfez  fingulier  que  les  ennemiâ- 
de  M.  de  la  Bourdonnais  fe  foyent  avifés  de 
lui  faire  un  crime  d'une  chofe  auiïi  jufte. 
D'ailleurs  il  s'étoit  engagé  par  la  parole  don- 
née aux  Anglois ,  autant  que  par  la  Capitu- 
lation; Ainfi  la  fupreflion  de  cet  afte  n'au- 
roit  fait  que  deshonorer  la  Nation  ,  fans 
détruire  ni  aiioiliUr  fcs  cngagcnicus. 

H3  ■ 


62 


DESCRIPTION    DE    LA 


DERNlkRES 

Gl'krkes  de 
l'I.voe. 

SoPri.  EMENT. 
1746. 

Dofordre 
dans  la  Ville. 


Bonnes  me- 
fures  de  M.  de 
la  Bourdon- 
uais. 


Ses  vaflcs 
projets. 


Le  Gouverneur  ,  de  Ton  côté  ,  eût  l'attention  d'avertir  M.  de  la  Bour- 
donnais  du  defordre  qui  règnoit  dans  la  Ville.  Quelques  Soldats  yvres 
s'étoient  mutinés,  &  couroient comme  des  furieux,  en  criant,  qu'il  fal. 
loit  plutôt  périr  que  de  fe  rendre,  &  qu'ils  ne  fe  foucioient  pas  de  mourir, 
pourvu  qu'ils  tuafTent  le  Général  François.  Cet  avis  engagea  dix  ou  dou- 
ze  Officiers  de  JMarine  à  accompagner  par-touc  M.  de  la  Bourdonnais,  qui 
donna  fes  premiers  foins  à  s'alTurer  fa  Conquête,  en  polant  lui-même  les 
Gardes  autour  de  la  Place. 

Ces  précautions  prifes,  M.  de  la  Bourdonnais  fe  rendit  à  l'Eglife  des 
Capucins,  où  toutes  les  Dames  s'étoient  réfugiées,  &  attendoient  leur  fort 
avec  des  frayeurs  inexprimables.  Lair  étonnement  fut  égal  à  leur  crainte, 
lorfqu'en  les  abordant,  M.  de  la  Bourdonnais  les  pria  fort  poliment  de  re- 
tourrxer  chez  elles ,  en  les  affurant  qu'elles  ne  feroient  expofées  à  aucune 
forte  d'infulte;  &  pour  leur  ôter  tout  fujet  d'inquiétude,  de  !a  part  des 
Soldats,  il  diflribua  les  Officiers  de  manière  qu'il  y  en  eut  un  de  logé  dans 
chaque  maifon.  Enfuite  ayant  pris  poiTeffion  du  Gouvernement,  dont  i\ 
fit  remettre  les  clefs  aux  Commiflaires ,  on  alla  à  l'Eglife  des  Capucins, 
oîi  le  Te  Deum  fut  chanté  au  bruit  de  tout  le  canon  de  la  Ville  &  des  Vaif- 
féaux.  Comme  on  n'avoit  pas  eu  le  tems  de  faire  arrêter  tous  les  Prifon- 
niers  ,  M.  de  la  Bourdonnais  ordonna  qu'on  fit  des  patrouilles  toute  la 
nuit  ;  &  pour  être  plus  feur  de  l'exécution  de  ^q^  ordres ,  il  fit  lui-même 
plufieurs  rondes. 

Il  reftoit  à  rétablir  dans  Madras ,  l'ordre  &  l'abondance.  Dès  le  lende- 
main même  de  l'entrée  de  M.  de  la  Bourdonnais ,  la  Police  y  fut  auffi  bien 
obfervée  que  dans  aucune  Ville  de  l'Europe.  Les  Habitans  furent  desar- 
més, &  les  Soldats  &  Matelots  Anglois  envoyés  Prifonniers  à  bord  des 
VailTeaux.  Débarrafle  de  ces  premiers  foins ,  voici  le  plan  de  conduite 
que  forma  le  Sr.  de  la  Bourdonnais ,  pour  tirer  un  parti  avantageux  de  fa 
Conquête ,  &  pour  profiter  de  la  fupériorité  que  fon  Efcadre  lui  donnoit 
dans  l'Inde. 

Comme  la  Mouçon  l'obligeoit  de  quitter  la  Côte  à  la  mi-Oftobre,  & 
qu'il  ne  pouvoit  plus  relier  qu'environ  vingt  ou  vingt  -  cinq  jours  à  Ma- 
dfas,  il  confidéra,  que  dans  ce  court  efpace  de  tems,  il  lui  étoit  impoffi- 
ble  d'enlever  toutes  les  marchandifes ,  &  tous  les  effets  que  renfermoit  cet- 
te Ville.  Il  crut  donc  qu'il  lui  fuffifoit  d'emporter  en  nature  ce  qui  ap- 
partenoic  à  la  Compagnie  d'Angleterre;  il  efpéroit  y  trouver  dequoi  char- 
ger deux  ou  trois  Vaifleaux  ,  &  il  comptoit  comprendre  tout  le  r.fle 
dans  le  rançonnement.  Il  fe  propofoit  d'envoyer  aux  Ifles  deux  Vaif- 
féaux  avec  les  effets  de  Madras  ;  deux  chargés ,  à  Pondichery ,  de  mar- 
chandifes pour  TEurope ,  &  deux  autres  deftinés  à  porter  des  vivres.  Ces 
fix  Vaiffeaux  rendus  aux  Illes  y  dévoient  attendre  au  Port  l'arrivée  du 
Sr.  de  k  Bourdonnais ,  &  leurs  Equipages  auroient  fervi  à  défendre  les 
Ifles  en  cas  d'attaque.  Pendant  ce  tems  M.  de  la  Bourdonnais  projettoit  de 
relier  dans  l'Inde  avec  fept  gros  Vaiffeaux ,  auxquels  dévoient  fe  joindre 
trois  Bâtimens  qu'il  avoit  fait  armer  aux  Ifles,  &  qui  arrivèrent,  en  effet, 
à  Pondichery,  au  commencement  d'06lobre.    Il  avoit  encore  une  prife, 

qui 


de  la  Bour- 
oldats  yvres 
ut,  qu'il  fal- 
;  de  mourir, 

dix  ou  dou- 
donnais ,  qui 
ui-même  les 

l'Eglife  des 
ent  leur  fort 
leur  crainte, 
ment  de  re- 
ics  à  aucune 

la  part  des 
de  logé  daw5 
ent,  dont  i\ 
:s  Capucins, 

&  des  Vaif- 
is  les  Prifon- 
illes  toute  la 
fit  lui-même 

Dès  le  Icnde- 
"ut  auffi  bien 
'urent  desar- 
5  à  bord  des 
de  conduite 
ageux  de  fa 
:  lui  donnoit 

O6lobre,  & 
ours  à  Ma- 
toit  impoflî- 
^ermoit  cet- 
ce  qui  ap- 
cquoi  char- 
out  le   refte 
deux  Vaif- 
1^,  de  mar- 
ivres.     Ces 
'arrivée  du 
éfendre  les 
jrojettoit  de 
fe  joindre 
t,  en  effet, 
une  prife. 


DcRNlfeRES 

guekres  db 
l'Indl-. 

.Sltpi.ement. 
1746. 


.PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        65 

'qui  pouvoit  lui  fcrvir  de  découverte.  Tous  ces  Vaifleaux  auroient  formé 
une  Efcadre  formidable ,  avec  laquelle  il  comptoit  quitter  la  Côte  au  plu? 
tard  à  la  mi-Oftobre,  pour  aller  chercher  les  Vaineaux  Anglois.  L'évé- 
liement  a  fait  connoitre,  qu'il  auroit  trouvé  à  Achem ,  le  Capitaine  Griffin 
tvec  deux  Valifeaux  de  guerre,  qu'if  ne  lui  auroit  pas  été  difficile  de  pren- 
fe.  De-là  il  avoit  d'.fL'in  de  revenir,  en  Jarkvier,  à  la  Côte  de  Coroman-  • 
il,  ^;  de  tomber  fur  le  Fort  Saint-David.  Alors  profitant  de  la  Mouçon, 
'pouvoit  en  huit  jours  fe  rendre  à  la  Côte  de  Malabar,  où  les  Anglois 
"ayant  point  de  forces  capables  de  lui  refifter,  il  mettoit  à  contribution 
tous  leurs  Comptoirs ,  s'en  revenoit  à  Pondichery  prendre  les  cargailbns 
deftinces  pour  l'Europe ,  &  en  partoit  en  Oélobre  1747,  pour  aller  chér- 
ir, aux  Ifles,  les  fix  Vaifleaux  chargés  qui  l'y  attendoicnt.  C'eft  ainfi 
^p  la  fin  de  1748,  il  feroit  arrivé  en  France  avec  quatorze  ou  quinze 
■ipifleaux  richement  charges  des  dépouilles  des  Anglois .  &  tout  au 
l^ins  de  trente  millions  de  rançon.  On  ne  pouvoit  guères  concevoir  • 
vÊ  projet  de  Campagne ,  plus  beau ,  mieux  combiné ,  &  dont  le  fuccés 
và  moins  douteux.  Tel  efl  le  jugement  qu'en  ont  porté  tous  les  Marins. 
Au-refte  la  réulTite  de  ce  grand  projet  dépendant  de  la  célérité  avec  la- 
quelle l'affaire  de  Madras  feroit  terminée,  c'efl:  à  ce  point  unique  que 
tendirent  tous  les  foins  &  toute  l'aplication  du  Sr.  de  la  Bourdonnais ,  qui 
comptoit  de  rançonner  &  d'évacuer  la  Ville  du  10  au  ijOélobre,  après 
quoi  il  fe  propofoit  de  conduire  fes  Vaifleaux  par-tout  où  les  Mouçons  au- 
"înt  pu  le  favorifer. 

^E  Gouverneur  de  Pondichery,  au  contraire,  ne  vouloit  point  qu'on  Projet  de 
lacuât  Madras,  ni  que  les  Vaifleaux  s'éloignaflent  de  Pondichery.  Son  M.Dupleix. 
feet  étoit  de  ne  tenir  aucune  Capitulation,  &de  garder  Madras,  foit  pour 
jouter  à  fon  Gouvernement ,  foit  pour  dispofer  à  fon  gré  des  effets  ren- 
piés  dans  cette  Place.  A  l'égavd  des  Vaiffeaux ,  il  fe  mettoit  fort  peu 
, .  peine  des  Conquêtes  éloignées  qu'ils  pouvoient  faire  à  la  Côte  de  Ma- 
îl&ar  ou  ailleurs ,  pourvu  qu'il  tint  ces  Vaifleaux  aux  environs  de  Pondi- 
chery, toujours  à  portée  de  protéger  Je  Commerce  de  cette  Ville.  L'in- 
térêt général  de  l'Etat  &  de  lu  Compagnie  fembloit  demander  beaucoup 
-*'-ï  (f  étendue ,  &  fi  l'on  doit  juger  des  deffeins  de  M.  Dupleix,  parleur 
:ès ,  on  fe  confirmera  encore  plus  dans  l'idée  que  M.  de  la  Bourdonnais 
donne. 

;;e  dernier,  après  avoir  commencé  dans  Madras ,  les  opérations  nécef-      II  ne  veut 
1res  pour  former  un  compte  général  de  tout  ce  qui  s'y  trouvoit  d'effets ,   ^^  rançonner 
S  fongeoit  plus  qu'a  entrer  en  négociation  avec  les  Anglois ,  pour  régler  *" 

ibord  les  articles  du  Traité  de  rançon ,  lorfqu'il  reçut  une  Lettre  de  Mr. 
Lipleix  qui  ne  paroiffoit  guères  s'accorder  avec  tous  ces  arrangemens.  En 
ffet,  par  cette  Lettr?,  qui  étoit  datée  du  21  Septembre,  le  Sr.  Dupleix 
ii  marquoit  pofitivement,  qu'il  avoit  promis  au  Nabab  de  lui  remettre 
ladras,  dès  que  les  François  en  feroient  les  maîtres;  &  comme  au  mo- 
ment où  il  écrivoit  cette  Lettre,  il  ignoroit  la  prife  de  la  Ville,  il  ajoutoit; 
i^  Cet  avis  doit  vous  engager  à  preffcr  vivement  cette  Place,  &  à  ne  point 
I,  écouter  ks  propofitions  qu'on  pourroit  vous  faire  pour  la  rançonner, 

„  après 


«4 


DESCRIPTION    DE    LA 


Drrnièrbs 

Gui'l'RES  DE 

l'Inde, 
supii.emgnt. 

1746. 

Abfiirdité 
do  cette  con- 
duite. 


»» 


^romcfle  de 
M.  Diipleix 
de  livrer  Ma- 
dras au  Nabab 
d'Arcatte. 


Quelles  é- 
toient  fes 
viles. 


Lettre  du 
Nabab  à  M.  de 
'  la  Bourdon- 

tmig. 


Réponfc  du 
Général  Fraii- 
{ois. 


,  après  fa  prife  ;  car  ce  feroit  tromper  le  Nabab ,  &  l'engager  à  fe  joindre 
à  nos  Ennemis  («)". 

Le  Sr.  de  la  Bourdonnais  avoue  que  cette  Lettre  lui  parut  incompréhen- 
fibie.  Il  ne  pouvoit  pas  concevoir,  dit  il,  que  le  Sr.  Dupleix  tranchât 
du  Souverain ,  en  donnant  à  une  Nation  les  Places  conquifes  fur  une  autre. 
Il  ne  comprenoit  pas  mieux^  qu'il  eftt  eu  l'imprudence  de  s'engager  à  Ij. 
vrer  au  Nabab  une  Ville  dont  il  ignoroit  le  fort ,  ai  à  laquelle  Te  Sr.  de  la 
Bourdonnais  pouvoit  déjà  avoir  accordé  une  Capitulation  incompatible 
avec  cette  dispofition,  comme  il  étoit  arrivé  en  efFet  D'ailleurs  ce  projet 
étoit  11  évidemment  contraire  aux  intérêts  de  l'Etat,  &  fi  fort  au-deiïus 
des  pouvoirs  du  Sr.  Dupleix,  &  même  de  ceux  du  Sr.  de  la  Bourdonnais, 
qu'il  n'étoit  pas  croyable  que  le  premier  propofat  férieùfement  une  pa- 
reille idée.  Auffi  n'étoit-ce  qu'un  artificç  alTez  grolTlèrement  imaginé  pour 
tromper  à  la  fois  le  Nabab  &  le  Sr.  de  la  Bourdonnais.  Voici  en  eflfet  quel 
étoit  l'objet  du  Sr.  Dupleix. 

Il  eft  d'abord  certain ,  qu'il  avoit  réellement  promis  Madras  au  Nabab  ; 
mais  fi  l'on  juge  delà  fincérité  de  cette  promefle  par  l'événement,  il  cil 
également  certain  qu'il  la  lui  avoit  faite ,  fans  avoir  aucune  envie  de  l'ef- 
feéluer,  puifqu'il  ne  lui  a  pas  remis  Madras,  lorfqu'il  en  a  été  le  maître. 
Ainfi  il  trompoit  le  Nabab ,  qui  dans  la  fuite  s'en  efl:  vangé  par  une  Guerre 
qui  a  coûté  beaucoup  d'hommes  à  l'Etat  &  d'argent  à  la  Compagnie. 

Mais  il  ne  trompoit  le  Nabab  que  pour  mieux  tromper  le  Sr.  de  la 
Bourdonnais,  qu'il  comptoit  par-là  mettre  dans  la  néceifité  de  rejetter  tou- 
tes les  propofitions  de  rançon  que  les  Anglois  pourroient  lui  faire.  En 
fuivant  ce  dernier  parti,  il  falioit  abfolument  qtie  le  Sr.  de  la  Bourdonnais, 
obligé  par  la  Mouçon  de  quitter  la  Côte  en  Oélobre,  lailVât  au  Sr.  Duplei? 
le  foin  de  piller  Madras ,  &  d'en  enlever  généralement  tous  les  effets ,  & 
que  pour  cela  il  lui  abandonnât  des  Vaifleaux  (0). 

Q  u  o  I  Q.u'  I L  en  foit ,  dans  le  tems  que  le  Sr.  Dupleix  annonçoit  au  Sr. 
de  la  Bourdonnais  ces  anangemens  -politiques ,  ce  dernier  reçut  du  Nabab 
la  Lettre  fuivante. 

„  Ju  Grand  Commandant  François ,  que  Dieu  garde  de  tout  mal  £3*  lui  donnt 
„  profpérité. 

„  Je  fçais  que  tu  es  un  grand  Guerrier,  que  les  Villes  ne  ''auroientte- 
„  nir  devant  toi;  mais  ce  qui  m'a  paru  plus  étonnant,  c'efl:  que  tu  ayes 
abordé  fur  mes  terres,  fans  m'cnvoyer  un  homme,  comme  il  faut, 
pour  me  faire  part  de  tes  deflTeins.  J'excufe  ta  conduite  ;  mais  à  la  ré- 
ception de  cette  Lettre,  auffi-tôt  embarque-toi  avec  tout  ton  monde,  d 
cefle  d'affiéger  Madras,  finon  je  pars  avec  mon  Armée  Royale,  pour  te 
faire  exécuter  ce  que  je  te  commande.  Au  furplus ,  je  fouhaite  que 
tes  armes  profpèrent,  &  que  ton  bonheur  foit  aufli  grand  que  ton  nom". 
La  Réponfe  que  lui  fit  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  étoit  conçue  en  ces 
termes.  „  Seigncui 

(  n  )  Il  faut  fe  fouvenir  que  M.  Dupleix 
n'avoic  pas  toujours  été  de  cet  avis.  Voyez 
ci-deflus,  pa|.  57. 


5J 


(  0  )  On  ne  change  pas  un  mot  ici  aux  eï- 
prenions  du  Mémoire  de  M.  de  la  Bourdon- 
mis. 


à  fe  joindre 

• 

icompréhen- 
leix  tranchât 
ur  une  autre. 
engager  à  li- 
e  le  Sr.  de  la 
incompatible 
:urs  ce  projet 
ort  au-delTus 
Bourdonnais, 
lent  une  pa- 
imaginé  pour 
en  eflFet  quel 

as  au  Nabab; 
lement,  il  cil 
envie  de  l'cf- 
hé  le  iiiaître. 
ar  une  Guerre 
ipagnie. 
r  le  Sr.  de  la 
e  rejetter  ton- 
lui  faire.     En 

Bourdonnais, 
au  Sr.  Duplti? 

les  effets,  & 

nonçoit  au  Sr. 
jut  du  Nabab 

al  6f  lui  donnt 

'■^auroient  te- 
t  que  tu  ayes 
mme  il  faut, 

mais  à  la  re' 
on  monde ,  & 
)yale,  pour  te 
:  fouhaite  que 
que  ton  nom". 
:onçue  en  ces 
„  Seigncti 

n  mot  ici  aux  ex- 
.  de  la  Bourdon- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        6s 

„  Seigneur  Nabab  Mafouz-Kan  (p).  Comme  la  Ville  de  Madras  ap- 

|„  partient  en  Souveraineté  aux  Anglois,  Ennemis  de  ma  Nation,  j'ai  crû 

i^  que  fans  blelTer  aucun  Pouvoir  Souverain ,  il  m'étoit  permis  de  chercher 

■^  mes  Ennemis  jufques  chez  eux ,  pour  tirer  vengeance  de  tout  ce  qu'ils 

„  nous  ont  fait  depuis  cette  Guerre,  dont  Pondichery  doit  vous  avoir  in- 

iu  ftruit.     Ils  ont  arrêté ,  fous  vos  yeux  &  dans  vos  terres ,  des  François  , 

pour  en  faire  des  Priibnniers.     Ce  font  donc  eux  qui  ont  blefle  le  refpeél 

qui  vous  efl:  dû.     Pour  moi,  quoique  je  fois  Marin  ,  &  que  je  ne  fâche 

point  vos  coutumes,  depuis  que  mes  Soldats  font  à  terre,  j'ai  confcrvé 


DERKlàRr» 
GUCRKIiS  VS. 

l'Inde. 

Suri'LEMENT, 

17  4(5. 


jjjilver  mauvais ,  puifque  j'ai  refpeélé  tout  ce  qui  vous  appartient.  Quant 
^  à  l'ordre  que  vous  me  donnez  de  me  rembarquer,  je  n'en  reçois  que  de 
^  mon  Roi.  Si  cela  m'attire  vôtre  vifite,  j'aurai  foin  de  vous  recevoir, 
^  fans  oublier  que  je  fuis  François,  &  fans  manquer  au  rcfpeft  avec  lequel 
^îie  fuis  ,  &c". 

X.ES  menaces  du  Nabab ,  &  les  projets  fmguliers  du  Sr.  Dupleix  four- 
twflbient  au  Sr.  de  la  Bourdonnais  de  nouvelles  raifons  pour  accélérer  la 
coBclufion  de  fon  Traité  de  rachat.  Ce  fut  le  fujet  de  plufieurs  conferen- 
çoil  qu'il  eut  avec  le  Gouverneur  &  le  Confeil  Anglois.  Après  avoir  long- 
tcms  difputé  fur  le  prix  de  la  rançon ,  il  fut  enfin  fixé ,  le  26  Septembre  au 
matin ,  à  onze  laks  de  pagodes ,  tant  pour  la  Ville-Noire  que  pour  la  Ville- 
tBanche,  outre  l'Artillerie,  les  Agrès,  &  les  différens  effets  dont  M.  de 
fo  Bourdonnais  chargeoit  fes  Vaifleaux.  C'étoit  le  plus  beau  coup  que 
Fon  put  faire  dans  les  Indes ,  &  le  plus  avantageux  à  la  Compagnie. 
1..  Ces  conventions  ainfi  arrêtées  entre  les  deux  Nations,  le  Sr.  de  la  Bour- 
bonnais reçut  le  même  jour  trois  Lettres  du  Confeil  de  Pondichery,  &  trois 
lia  Sr.  Dupleix ,  qui  lui  annonçoient  d'abord  une  Députation  que  lui  faifoic 
le  Confeil,  fous  prétexte  de  le  féliciter  fur  la  Conquête  qu'il  venoit  de 
feire.     On  le  prioit  en  même-tems  de  s'expliquer  fur  la  manière  dont  il 

Î)f4tendoit  traiter  avec  le  Confeil  Supérieur ,  &  l'on  ne  manquoit  pas  de 
tti' faire  obferver,  que  Madras,  depuis  que  le  Pavillon  du  Roi  y  avoit 
été  arboré ,  étoit  devenu  une  dépendance  du  Gouvernement  &  du  Con- 
|(il  de  Pondichery ,  &  que  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  lui  -  même ,  quoi- 
pe  chargé ,  par  le  Roi ,  du  Commandement  général  des  Vaifleaux ,  n'en 
)it  pas  moins  fournis  à  l'autorité  de  M.  Dupleix  &  du  Confeil.  On 
loûtoit,  que  s'il  doutoit  de  leur  droit,  il  ne  devoit  pas  trouver  mau- 
lis  qu'ils  n'entrafll-nt  pour  rien  dans  tout  ce  qui  concernoit  la  Ville  de 
[adras.  Enfin  ,  on  lui  difoit  nettement ,  qu'il  ne  falloit  pas  penfer  à 
.jfançonner  Madras  ;  qu'on  devoit  au  contraire  employer  l'hyver  à  rui- 
ner 


(/))  Ou  Mahaplis-Cban  y  fuivant  les  Mif- 
Dnnaires  Danois.     Il  étoit  Seigneur  de  la 

kf,  &  fils  aîné  du  Nabab  d'Arcatte,  Am- 
trcii-Kan,  fans  doute  le  même  qui  cft  nom- 
Iflé  Kojbala-Abdula-Kan,  ci-deffus,    Pag.  53. 

Xl^.  Part. 


Du  moins  on  ne  trouve  nulle  part  qu'il  eut 
été  changé  depuis ,  &  l'on  fçait  que  la  dif- 
férence des  noms,  n'eft  pas,  dans  l'Inde, 
ni  dans  les  Auteurs,  une  raifon  fuffifante  pour 
faire  fuppofer  le  contraiie. 


Traite  de 
rançon  poui 
la  Ville. 


Contradic- 
tions, du  Con- 
feil de  Pondi" 
chery. 


66 


DESCRIPTION     DE    LA 


DesmÈRBS 

Guerres  ob 

i.'Inde. 

SurPLliMENT. 

1746. 

Raifonsqu'y 
oppofe  M.  de 
lu  Bourdon- 
nai. 


Trois  partis 
à  l'égard  de 
Madras. 

La  garder» 


'  k. 


>» 
»» 
î> 
« 
»> 
» 

» 
>» 


La  rafcr. 


La  rançonner. 


ner  cette  Place  &  à  la  démolir,  fauf  à  la  remettre  enfuite  aux  Maures, qui 
difoit-on,  ne  la  rendroient  aux  Anglois  qtià  beaux  deniers  comptans. 

Ces  Lettres  ne  permirent  plus  au  Sr.  de  la  Bourdonnais  de  douter  des 

vues  de  M.  Dupleix ,  dont  tout  le  but  étoit  de  relier  maître  de  Madras  & 

des  Vaifleaux,  &  dispofer  de  tout  à  Ton  gré.    Dans  la  Réponfe  que  le  pre- 

mier  fit  à  M.  M.  du  Confeil  de  Pondichery ,  il  leur  rappclloit ,  que  le  Roi 

&  le  Miniftre ,  en  lui  donnant  le  Commandement  fur  toute  la  Marine, 

l'avoient  laifFé  le  maître  de  fes  opérations.     Madras,  „  ajoûtoit-il,  n'efl; 

certainement  pas  une  Colonie  Françoife ,  mais  c'eft  une  Conquête  que  je 

viens  de  faire,     Ainfi  perfonne  n'a  droit  d'y  commander  que  moi.     Je 

fais  tout  le  cas  que  je  dois  de  vos  avis.    C'eft  pourquoi  j'ai  eu  l'honneur 

de  vous  les  demander;  j'aurois  crû  que  pour  le  bien  du  fervice,  vous 

n'auriez  pas  dû  me  lesrefufer;  mais  puifque  vous  ne  pouvez  confeiiler 

fans  ordonner,  il  eft  tout  naturel  que  j'aille  chercher  ailleurs 'des  avis, 

qui  me  confervent  l'indépendance  dont  le  Roi  &  la  Compagnie  m'ho- 

norent  depuis  douze  ans.     Comme  la  faifon  prefle,  je  vais  confommer 

le  mieux  que  je  pourrai  l'affaire  de  Madras.     Si  je  manque  dans  le  fond 

ou  dans  la  forme,  ce  ne  fera  pas  faute  de  vous  avoir  demandé  confeil". 

A  l'égard  de  Madras,  M.  de  la  Bourdonnais  avoit  trois  partis  à  prendre; 

d'en  faire  une  Colonie  Françoife,  de  rafer  cette  Flace,  ou  de  traiter  de  fa 

rançon.     Il  ne  lui  paroiflbit  ni  convenable,  ni  avantageux  pour  la  Corn- 

pagnie ,  d'avoir  à  la  même  Côte  deux  ËtablifTemcns  aufTi  forts  que  Pondiche* 

ry  &  Madras^  Ses  ordres  lui  défendoient  de  garder  aucune  Place  conquife. 

11  confidéroit  déplus,  qu'à  la  paix,  le  Roi  rendroit  Madras,   &  que  la 

Compagnie  n'en  auroit  rien.     Toutes  les  Troupes  Françoifes  de  l'Incie  n'é- 

toient  pas  capables  de  réfiller  aux  entreprifes  qiî'on  pouvoit  faire  fur  cette 

acquifition.  D'ailleurs  M.  de  la  Bourdonnais  étoit  rappelle  auxlfles,  pour 

mettre  ces  Etabliffemens  en  fureté  contre  les  repréfailles  des  Anglois.  Ain- 

fl ,  le  parti  de  garder  Madras  étoit ,  félon  lui ,  une  chimère  à  laquelle  on 

ne  devoit  point  penfer. 

La  deftruftion  de  cette  Place,  n'ôtoit  point,  aux  Anglois,  les  neuf  ou 
dix  belles  Aidées  qui  forment  leur  territoire ,  ni  ce  nombre  infini  de  Mar- 
chands &  de  Tifferands  qui  en  font  la  principale  richeffe.  Les  Anglois 
pouvoient  fe  camper  dans  la  plaine,  &  y  continuer  leur  Commerce,  ou 
bâtir  une  nouvelle  Fortereffe ,  peut  -  être  avec  moins  de  dépenfe  qu'il  ne 
leur  en  devoit  coûter  pour  racheter  Madras,  qui  n'étoit  pas  bonne.  En 
un  mot,  la  démolition  de  cette  Ville  auroit  été  également  infruftueufe 
&  pénible,  parceque  c'étoic  ne  rien  détruire;  &  d'ailleurs  M.  de  la  Bour- 
donnois  n'en  avoit  pas  le  tems ,  preffé  d'un  côté  par  la  Mouçon ,  &  de 
l'autre  par  l'enchainement  de  fes  projets  de  Campagne  (q). 

La  rançon  de  Madras ,  étoit ,  à  fon  avis ,  ce  qui  convenoit  le  mieux  à 
la  fituation  des  affaires  :  mais  ce  parti  demandoit  de  l'ordre.  M.  de  la 
Bourdonnais  comptoit  charger  d'abord  fur  deux  ou  trois  de  f^sVaiffeaux, 
toutes  les  marchandifes  propres  au  Commerce  de  l'Europe.    Enfuite  il  fe 

propo* 
(î)  Voyez  ci-deffu- ,  pag.  62  &  63. 


i^m 


Iaures,quî» 
ns. 

douter  des 
:  Madras  & 
e  que  le  pre- 

que  le  Roi  , 

la  Marine, 
:oit-il,  n'efl; 
quête  que  je 
le  moi.  Je 
îû  l'honneur 
Tvice,  vous 
ez  confeiller 
rs'des  avis, 
agnie   m'ho- 

confommcr 
dans  le  fond 
é  confeil". 
is  à  prendre; 
traiter  de  fa 
»our  la  Coni' 
|ue  Pondiche- 
ace  conquife. 
s ,  &  que  la 
de  l'Inde  n'é- 
lire  fur  cette 
X  Ifles,  pour 
^nglois.  Ain- 
laquelle  on 

les  neuf  ou 

nfini  deMar- 

Les  Anglois 

|)mmerce,  ou 

enfe  qu'il  ne 

bonne.     En 

infruftueufe 

de  la  Bout- 


uçon 


&de 


t  le  mieux  à 
e.  M.  de  la 
^sVaifleaux, 
Enfuite  il  fe 
progo- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III,       '67 

propofoit  de  tirer  de  cette  Colonie,  l'artillerie  &  les  uflenciles  dont  Pon- 
dichery  &  les  Ifles  pouvoient  avoir  befoin  ,  enfin ,  de  s'accorder  avec  les 
Anglois  pour  le  rachat  de  leur  Ville,  &  de  ce  qu'il  leur  laifleroit.  Cette 
preiTiière  contribution  étoit  1  droit  de  la  Compagnie.  M.  de  la  Bourdon- 
nais en  vouloit  faire  une  fec  nde  pour  le  pillage  de  la  Ville-Noire ,  qu'il 
mvoit  empêché,  &  dont  le  j  roduit  devoit  être  dillribuc  aux  Equipages.     Il 

fi  trouvoit  une  grande  difficulté  à  l'exécution  de  ce  projet.  Les  Angloi» 
avoient  point  d'argent  pour  racheter  leur  Ville ,  &  c'eft  ce  qu'il  falloit  à  la 
iîompagnie  de  France.  M.  de  la  Bourdonnais  avoit  imaginé  l'expédient  de 
recevoir  des  Billets  du  Gouverneur ,  payables  à  termes,  moyennant  qu'on 
lui  donnât  huit  à  dix  Otages  à  choix.  „  Par  ces  mefures ,  marquoit-il  à 
,/M.  Dupleix,  vous  vous  trouverez  des  fonds  confidérables  ;  &  au -lieu 
„  d'employer  beaucoup  de  tem^  &  de  monde  à  embarquer  les  uftenciles 
^Idont  vous  avez  befoin,  je  fl:ipulerai  dans  le  Traité  les  canons  &  les  bou- 
1^  lecs  qu'il  vous  faut ,  &  que  les  Anglois  feront  tenus  de  vous  remettre  à 
i^*^erme  fixe.  Après  le  mois  de  Janvier  pafle,  il  ne  me  reftera  plus  qu'à 
„  *penfer  auxllles.  Je  ferai  embarquer  jufqu'au  15  ou  20  d'Oftobre  (r), 
„  tout  ce  que  je  croirai  néceflaire  furies  VaifTeaux  que  j'ai  a6tuellement 
„  ici.  Il  m'en  reliera  aflezpour  me  montrer  à  la  Côte  de  Malabar  (f), 
„  en  état  d'y  faire  la  loi.  Te  compte  cependant  mener  à  la  Compagnie 
j^ffcuit  à  dix  Navires  bien  chi."rgés". 

-  ©N  retrace  ici  avec  compiaifance  des  defTeins ,  qui  paroifTent  extrême- 
nitnt  bien  concertés ,  quoiqu'ils  n'ayent  jamais  été  exécutés.  Les  Députés 
"^on  envoyoit  à  M.  de  la  Bourdonnais,  lui  répétèrent  tout  ce  cjue  conte- 
BÔîent  les  Lettres  du  Confeil  de  Pondichery;  ajoutant,  „  qu'ils  protes- 
„  toient  au  nom  du  Roi  &  de  la  Compagnie,  contre  toute  Capitulation, 
,1  qu'il  pourroit  faire  ou  avoir  faite,  &  qu'ils  s'oppofoient  formellement, 
Jl  %  ce  que  la  Ville  de  Madras  fut  rendue  aux  Anglois  ".  Bientôt  ces 
Députés  travaillèrent  à  attirer  dans  leur  parti  les  principaux  Officiers  des 
Troupes.  Les  deux  CommilTaircs  abandonnèrent  leurs  fonélions,  fans  en 
avertir  M.  de  la  Bourdonnais ,  qui  fe  vit  obligé  de  mettre  l'un  d'eux  aux' 
arrêts.  A  leur  exemple  beaucoup  d'autres  Employés  refufoient  d'obeïr , 
de ^forte  que  les  travaux  n'avançoient  plus.  M.  de  la  Bourdonnais  s'en 
oignit  à  M.  Dupleix ,  &  lui  demanda ,  avec  les  plus  vives  infiances ,  de 
¥èA  envoyer  des  fecours  pour  accélérer  fes  travaux  ',  mais  toutes  fes  démar- 
tittes  étoient  infruftueufes. 

"Enfin,  voyant  d'un  côté,  que  fans  fecours  il  ne  pouvoit  pas  fe  flatter 
^évacuer  Madras  avant  la  fin  de  la  Mouçon,  &  d'un  autre  côté,  qu'il  n'a- 
1»it  rien  à  efpérer  de  M.  M.  de  Pondichery ,  qui  paroilToient  opiniâtres  à 
fpmpre  le  Traité ,  il  voulut  fonder  les  difpofitions  des  Anglois  ;  mais  loin 
4t  lui  rendre  fa  parole,  qu'il  leur  avoit  redemandée  (t),  ils  le  fonimè- 
':i  '  rent 


L  h\DE. 

Sui'PLEMEN'r. 

1746. 


de  ce  dernier 
parti. 


Protcflation 
des  Députés 
de  Pondiche- 
ry. 


Sommation 
des  Anglois, 


4(r)  On  verra  ci-deflbus  tp'il  s'étoit  ar- 

Rgé  ,   peu  de  jours  après  ,  pour  être  à 
idichery  le  lo,  ou  le  12,  &  par  confè- 
rent qu'il  évitoit  le  coup  de  vent  du  13. 
(s)  Voilà  une   preuve  bien  claire  des 


projets  de  M.  de  la  Bourdonnais  fur  la  Côte 
de  Malabar,  c'eft-à-dire  fur  Bombay,  qui  y 
eil  fi  tuée. 

(  t  )  Gîinme  les  Anglois  n'avoient  confenti 

qu'avec  une  peine  exuême  à  la  fixation  du 

[  a  pris 


es 


DESCRIPTION     DE     LA 


DenNiknES 

Guerres  de 
T.'l.vnE. 

Supplément. 

J746. 


Ordres  vio- 
le;) ulonnés 
ix;y  M.Dll- 
pkix. 


Conduite 
turbulente 
'ks  Députés. 


rent  au  nom  des  deux  Rois  de  la  leur  tenir.  Ils  drelTèrcnt  même  alorj 
une  fommation  en  Forme,  qu'ils  n'auroicnt  pas  manqué  de  lui  faire  figniticr 
fur  le  ehamp,  s'il  avoic  paru  infifter  fur  fa  proporition.  M.  de  la  Bourdon- 
nais ne  pouvoic  mieux  marquer  à  M.  M.  de  Pondicliery  l'envie  qu'il  avuu 
de  les  fatisfaire,  tS:  ce  mit  feul  dcvoit  les  convaincre  que  s'il  ne  laiffoit  pas 
Madras  à  leur  difcrétion,  comme  ils  le  défiroient,  c'étoit  uniquement  par- 
cequ'il  n'étoit  plus  en  l'on  pouvoir  d'anéantir  des  engagemens  contraélcs 
de  bonne-foi  &  à  la  face  des  Nations. 

Dans  ces  entrefaites,  M.  Dupleix  s'étoit  fait  préfenter  une  efpèce  de 
Requête  de  la  part  de  la  Colonie  de  Pondichery,  qui  après  beaucoup  d'in- 
jures contre  M.  de  la  Bourdonnais,  &  de  grands  éloges  de  M.  Dupleix, 
traçoit  à  ce  dernier  la  conduite  qu'il  Jevoit  tenir,  conformément  à  fes  vues 
particulières.  En  confequence  de  cette  Requête,  il  fit  drefler  une  nouvelle 
proteflation  contre  le  Traité  ,  avec  des  Lettres  d'établiifement  d'un  Con- 
leil  Provincial  à  Madras ,  &  une  Commiflion  de  Commanaant  &  Direftcui 
dans  cette  Ville,  pour  le  Sr.  Defprcmefnil.  Il  donna  en  méme-tems  auSr. 
deBury^  Major,  &.  à  ceux  qui  l'accompagnoient,  l'ordre  précis  „  de  le- 
t,  vir  à  toute  rigueur  contre  tous  ceux  qui  oferoient  foûtenir  le  Sr.  de  la 
„  Bourdonnais",  &  pour  engager  les  Troupes  qui  étoient  à  Madras,  à 
appuyer  de  tout  leur  pouvoir  l'exécution  de  ces  ordres,  il  écrivit  aux  prin- 
cipaux Officiers  une  Lettre  circulaire,  dans  laquelle  il  excitoit  cliacun  d'eux 
à  la  révolte,  en  les  exhortant  à  donner  les  premiers  l'exemple  à  tous  les  bom 
François. 

Comme  cet  étrange  projet  étoit  vraifemblablement  concerté  avec  les 
Députés  de  Pondichery ,  qui  fe  trouvoient  déjà  à  Madras ,  ils  fe  retiré- 
rent  à  Saint  -  Thomé ,  pour  y  attendre  le  Sr.  de  Bury,  &  les  autres  Offi- 
ciers chargés  de  l'exécution  des  ordres  de  M.  Dupleix.  Après  s'être 
concertés  ilir  le  plan  de  leur  conduite ,  ils  arrivèrent  enfemble  à  Ma- 
dras le  2  d'Odlobre.  La  façon  dont  ces  Meilleurs  s'acquitèrent  de  leur 
Commiflion  fut  des  plus  turbulentes.  Le  Sr.  de  la  Bourdonnais ,  voyant 
la  fureur  de  ce  petit  nombre,  que  d'un  mot  il  pouvoit  faire  arrêter,  leur 
dit  d'un  ton  ironique:  „  Vous  venez  donc  exciter  la  guerre  civile  ;  Aver- 
„  tifiez-nous,  nous  battrons  la  Générale  ".  Voulant  enfuite  leur  parler  plus 
férieufement ,  il  offrit  ae  leur  faire  voir  les  Ordres  du  Roi  &  ceux  du  iVJi. 
niftre,  dont  il  étoit  porteur;  mais  ils  refufèrent  d'en  prendre  lefture,  à 
l'un  d'eux  les  traita  même  de  chiffons  de  papier.  Dans  le  moment  quelques- 
uns  des  principaux  Officiers  des  Ifles ,  indignés  de  tant  d'infolence  ,  ne 
purent  s'empêcher  de  dire  à  M.  de  la  Bourdonnais ,  qu'il  devroit  arrêter  iur 
le  champ  ces  Députés.  Cependant  il  fe  modéra  allez  pour  fe  réduire  à  leur 
repréfenter  qu'ils  deshonoroient  la  Nation  par  cet  éclat  fcandaleux,  & 

qu'au 


prix  de  la  rançon  à  onze  cens  mille  pago- 
des, que  ce  prix  leur  avoit  paru  exceflif, 
qu'ils  avoient  même  déclaré  plus  d'une  fois 
que  cette  femme  excedoit  de  beaucoup  la 
valeur  de  leur  Ville  ,  &  qu'en  confequence 
ils  avoient  été  fur  le  point  de  l'abandonner, 
plutôt  que  de  foufcrire  à  des  conditions  li 


exorbitantes,  M.  de  la  Bourdonnais  s'étoit 
imaginé  qu'ils  pourroient  confentir  à  fa  de- 
mande. On  fçiit  qu'en  Angleterre  les  Di- 
refteurs  fembloient  fe  féliciter  que  les  Fran- 
çois culTent  rompu  la  Capitulation ,  &  M,  Du- 
pleix étoit  fouvent  appelle  le  Libérateur  ds 
la  Compagnie», 


t 


I 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III. 


€9 


même  alors 
faire  fignitîcc 
i  la  Hourtlun- 
ie  qu'il  avuic 
le  laiObit  pas 
quement  par- 
us contrariés 

ne  efpcce  de 
;aucoup  cl'in- 

M.  Dupleix, 
ent  à  Tes  vues 

une  nouvelle 
;nt  d'un  Con- 

&  Direftcui 
,e-tems  auSr. 
ccis  „  de  IV 
ir  le  Sr.  de  la 

à  Madras,  à 
•ivit  aux  prin- 

cliacun  d'eux 
à  tous  les  bom 

erté   avec  les 
,  ils  fe  retire- 
ps  autres  Offi- 
Après  s'être 
emble  à  Ma- 
èrent  de  leur 
mais ,  voyant 
arrêter,   leur 
civile;  Aver- 
eur  parler  plus 
k  ceux  du  Mi- 
re lefture,  à 
lent  quelques- 
infolence  ,  ne 
oit  arrêter  fur 
réduire  à  leur 
:andaleux,  & 
qu'au 

lurdonnais  s'ctoit 
onfentir  à  fa  de- 
igletcrre  les  Di- 
:cr  que  les  Fran- 
atioii ,  &  M.  Du- 
[e  Libérateur  ds 


Modération 
de  M.  de  la 
riourdounaii. 


gufrues  ob 
i.'Indk, 
•Us "lui  répondirent  tous  d'une  voix;  „  V"  ''  Y  ^'^^^^^  manquer,  ot  que  e  t-    Supi'tf  ment. 
•,.  toit  le  feiKimcnt  de  tout  Pondichery  ".  .     ,     ^,    ,  i746. 

Ce  fut  alors  que  le  Conseil  Anglois  fe  Tentant  mterelle  dans  cette  que-      Déciilonda 
«lie    éleva  fa  voix,  &  reclama  le  droit  des  gens,  qu'on  prétendoit,  di-  Coni.ilde 

t'nl-ils,  violer  en  leurs  perfonnes;  &  ils  crurent  que  c'étoit-la  le  rao-  '^"^"^• 
nt  de  fignifier  leur  fommation  à  M.  de  la  Bourdonnais,  qui  fur  l'heure 
•ilfcme  aflembla  le  Confeil  de  Guerre ,  pour  fçavoir  s'il  jugeoit  qu'il  dût  te- 
nir la  parole  aux  Anglois.     Le  réfultat  fut  unanime  pour  1  affirmative.  Cet 
ASe  étoit  (igné  de  trente  Officiers. 

■  jLes  Envoyés  de  Pondichery  parurent  extrêmement  déconcertés  à  la  vue 
4ft(Cectc  unanimité  de  fuffrages  ;  Ils  s'y  attendoient  d'autant  moins ,  qu'ils 
«iéient  compté,  que  quelques  Officiers,  mécontens  de  M.  de  la  Bourdon- 
Mis,  faifiroient  volontiers  cette  occafion  de  fe  vanger ,  en  fe  rangeant  de 
lear  coté.  Au  contraire,  s'il  eut  voulu  les  en  croire,  il  auroit  arrêté  tout 
le  prétendu  Confeil  Provincial.  Mais,  malgré  la  chaleur  de  la  difpute,  il 
ncîbngeoit  qu'à  lu  dérober  l'indécence  aux  yeux  des  Nations  étrangères; 
&,pour  tdcher  de  leur  perfuader  que  les  François  foûterioicnt  entr'eux  leurs 
prctenfions ,  fans  animofité ,  il  pria  à  diner  ceux  -  mêmes  qui  venoient  de 
manquer  û  fenfiblement  au  polie  qu'il  occupoit.  C'étoit  pour  eux  un 
^BOyen  honnête  de  rouvrir  leur  confulion  ;  mais  comme  ils  n'agiffoient  que 
paurj)airion ,  aucun  d  eux  n'accepta  cette  offre,  «Se  quoiqu'ils  fuflent  entrés 
j8ll..Corps ,  ils  s'échapèrent  à  la  dérobée  les  uns  après  les  autres. 
-:vi>A  chaleur  &  l'animofité  qui  éclatoient  dans  toute  leur  conduite,  obli- 
^nt  M.  de  la  Bourdonnais  à  prendre  des  mefures ,  pour  prévenir  la  guer-  ^,^,^  . 

■fecivile  qu'ils  tàchoient  d'e:» citer  dans  Madras,  D  réfolut  de  faire  embar-  {^ guerre  "''' 
ùûgt  une  partie  de  fes  Troupes,  fiir-tout  celles  qui  avoient  été  détachées  dv'ilc. 
deiPondichery  ;  &  fous  le  prétexte  J'uu  bruit  qui  fe  répandoit,  qu'on  avoit 
V4  paroître  de  gros  Vaifleaux  près  îles  montagnes  de  Paliacate,  il  ordon- 
na fur  le  champ  de  faire  paiTer  cinquante  hommes  à  bord  de  chaque  Vaif- 
feau»  ce  qui  fut  exécuté,  le  4  Oftobre,  fans  la  moindre  oppofition,  fi  ce 
n'^  de  la  part  d'un  firnpie  Lieutenant ,  qui  ayant  été  arrête  fur  l'heure  mê" 
■ma,  tout  le  monde  demeura  tranquille. 

,  Ce  trait  de  prudence  embarraffa  fort  Meilleurs  de  Pondichery,  qui  a- 
yoient  compté  fur  les  Troupes  de  cette  Vi'le ,  &  qui  fe  flattoient ,  par  ce 
fabyen,  d'être  en  état  de  Ibûtenir  leurs  prétenfions,  les  armes  à  la  main, fi 
M.  de  la  Bourdonnais  refufoit  de  les  reconnoître.  C'étoit  fur  la  foi  de  ces 
f^érances  que  le  Sr.  de  Bury  avoit  été  chargé  de  le  mettre  aux  arrêts.  Mais 
quoique  le  fuccés  n'eût  pas  répondu  à  leur  attente,  cet  Officier  ne  fe  crut 
pas  dispenfé  d'exécuter  les  ordres  de  M.  Dupleix.  Le  même  jour,  il  fe 
îfenta  avec  deux  Capitaines  dans  la  chambre  de  M.  de  la  Bourdonnais, 
lui  ordonna  les  arrêts.     Ce  dernier  les  regardant  en  pitié ,  leur  dit  avec 

ucoup  de  iang  froid;  „  C'eft  moi ,  Meffieurs ,  qui  vous  arrête.  Mettez»      

^Ilà  vos  épées ,  &  reftez  tranquilles   au  Gouvernement.     Croyez-moi ,  je  eux-mOmes. 
„  vous  confeille  d'obéir",     lis  obéirent  en  effet;  mais  un  inilant  après,  les 
©éputés ,  ayant   appris  ce  qui  fe  paffoit ,  détachèrent  M.  Paradis  pour 

i  3  .         ejtv 


Mefures 
qu'il  pixiid 


Les  Dcpu- 
tés  lui  ordon- 
nent les  ar- 
rêts. 


II  les  y  met: 


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TEST  TARGET  (MT-3) 


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M 


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Photographie 

Sdenœs 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14S80 

(716)872-4503 


70 


DESCRIPTION    DE    LA 


Dernières 
Guerres  db 

l'Inde. 
Supplément. 

1746. 


Vaincs   in- 
flances  qu'il 
fait  pour  avoir 
des  iecours. 


Nouveaux 
traits  de  fu- 
reur de  M. 
Pupkix. 


en  aller  demander  raiion  au  Sr.  de  la  Bourdonnais ,  qui  lui  ordonna  les  ar- 
rêts avec  les  autres.  Le  foir,  il  les  renvoya,  avec  défenfe  de  fortir  de  la 
Ville  fans  fa  permiflîon.  Enfin  ces  Meffieurs  voyant  toutes  leurs  mefu. 
res  rompues ,  formèrent  le  projet  d'enlever  M.  de  la  Bourdonnais ,  &  de  le 
conduire  prifonnier  à  Pondichery.  Son  Mémoire  ajoute ,  qu'il  y  avoit  ordre 
de  le  prendre  mort  ou  vif,  &  que  quarante  Cipayes  étoient  chargés  de 
faire  feu  fur  lui,  en  cas  de  réfiftance. 

A  la  vue  d'une  pareille  conduite  que  M.  M.  de  Pondichery  tenoient  a- 
vec  leSr.  delà  Bourdonnais,  on  conçoit  qu'il  écoit  bien  difpenfé  d'avoir 
quelques  ménagemens  pour  eux.  Cependant  la  crainte  de  nuire  aux  aifai. 
res  générales ,  &  le  mépris  qu'il  faifoit  de  tout  ce  qui  lui  étoit  perfonnel 
dans  ces  démêlés,  l'engagèrent  à  écrire  le  même  jour  au  Sr.  Dupleix,  avec 
la  modération  qui  convient  dans  les  grandes  alaires.  „  Si  ce  que  j'ai  fait, 
„  lui  difoit-il,  ne  vous  paroit  pas  auili  avantageux  que  je  l'ai  cru,  re- 
„  gardez  ce  qui  fe  paflë  ici  comme  un  naufrage  caufé  par  l'ignorance  à 
,f  Pilote;  fauvez-en  les  débris,  ils  vous  touchent  autant  que  moi;  nou 
„  fommes  également  întéreffés  à  ramaffer  ces  reflcs  toujours  glorieux  de 
„  nôtre  vicloire.  Le  chargement  des  Vaifleaux,  pour  Jequel  je  n'ai  que 
„  deux  hommes  de  bonne  volonté ,  tout  vous  crie  que  j'ai  befoin  d'aide.  Au 
„  nom  du  Roi  &  de  la  Compagnie,  donnez-moi  ces  fecours  qui  dépendent 
„  de  vous-;  nommez  des  Commiflkires  qui  prennent  foin  de  ce  qui  revient 
„  à  la  Compagnie  de  France ,  &  laiflez  au  Roi ,  mon  Maître  &  le  vôtre, 
„  le  foin  de  me  punir  du  prétendu  crime  qu'on  m'impute  ". 

Le  Sr.  Dupleix  ne  répondit  à  une  Lettre  fi  mefurée,que  par  de  nouveaux 
traits  de  fureur  ;  Il  avertit  les  Capitaines  des  Vaifleaux  de  ne  plus  refpec- 
ter  les  ordres  de  M.  de  la  Bourdonnais ,  qui ,  difoit  -  il ,  prenoit ,  avec  Jes 
Anglois ,  des  mefures  qui  attaquoient  dire^ement  la  Majejîé  du  Roi ,  l'hon- 
neur de  la  Nation  fg*  l'intérêt  de  la  Compagnie.  On  doit  obierver  qu'alors  M. 
Dupleix  n'étoit  pas  encore  informé  de  la  précaution  qu'avoit  eue  M.  de  la 
Bourdonnais  de  faire  embarquer  les  Troupes  de  Pondichery.  Il  s'attendoit 
à  tous  momens  d'apprendre  l'exécution  des  ordres  qu'il  avoit  donnés  dî 
l'enlever  mort  ou  vif,  &  il  y  comptoit  fi  bien,  que  le  5  Octobre  il  écrivi: 
à  M.  de  la  Bourdonnais  :  „  Les  Troupes  de  Pondichery  qui  pourroieni 

fuivre  vos  ordres,  fi  vous  le  vouliez,  pendant  vôtre  féjour  à  Madras,  ne 

les  fuivront  pas  lorfqu'il  faudra  évacuer  cette  Ville,  oc  vous  répondrez 
„  devant  Dieu  &  les  hommes  du  fang  François  que  vous  voulez  y  répan- 
„  dre".  Cétoit  aflez  clairement  convenir  des  ordres  qu'il  avoit  donna 
d'en  répandre.  C'efl  aufll  ce  que  M.  de  la  Bourdonnais  lui  fit  remarquer  dani 
fa  Réponfe.  „  Il  faut ,  lui  difoit-il,  que  vous  ayiez  des  moyens  bien  (un 
„  pour  faire  répandre  le  fang  à  Madras.  Pour  moi  qui  l'ai  pris  fans  perdr« 
„  un  homme,  je  ferois  bien  fâché  de  gâter  une  fi  belle  viéloire,  &  je  ferai 
„  tout  ce  que  je  pourrai ,  pour  faire  échouer  ce  projet".  Enfin,  le  Con- 
feil  de  Pondichery ,  qui  fecondoit  toutes  les  mefures  du  Gouverneur ,  ofa 
écrire  au  Sr.  de  la  Bourdonnais  en  ces  termes  :  „  Nous  confirmons  l'ordre 
„  à  M.  M.  du  Confeil  de  Madras,  aux  Officiers  &  aux  Troupes  de  Pondi- 
„  chery,  de  ne  pas  évacuer  la  Place  de  Madras,  &  de  ne  point  s'embar- 
„  quer  à  bord  des  Vaifleaux,  à  moins  que  vous  ne  les  y  forciez  les  armes  à  li 
„  main"»  Mais 


j» 


m. 


fol 


f)Parl 
ee. 


,M 


donna  les  ar- 
le  fortir  de  la 
i  leurs  mefu- 
lais,  &dele 
y  avoit  ordre 
c  chargés  de 

y  tenoient  a> 
penfé  d'avoir 
lire  aux  afFai- 
toit  perfonnel 
Dupleix ,  avec 
;  que  j'ai  fait, 
;  l'ai  cru,  re- 
'ignorance  ài 
[ue  moi  ;  nou 
s  glorieux  dt 
lel  je  n'ai  que 
3in  d'aide.  Au 
qui  dépendent 
ce  qui  revient 
e  &  le  vôtre, 

T  de  nouveaux 

le  plus  refpec- 

moit ,  avec  les 
du  Roi,  rbn- 

;r  qu'alors  M. 

t  eue  M.  de  la 
Il  s'attendoit 

}ic  donnés  d: 
obre  il  écrivit 

[ui  pourroient 
à  Madras,  ne 

lous  répondrez 

toulez  y  répan- 

avoit  donnéi 

lemarquer  dans 

lyens  bien  fûrs 
is  fans  perdre 
■e,  &  je  ferai 
infin,  le  Con- 
iverneur,  ofi 
irmons  l'ordre 
les  de  Pondi- 
loint  s'embar- 
lies  armes  à  li 
Mais 


PRESQiriSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  UI.        71 

;l|l  Mais  fi  M.  de  la  Bourdonnais  fut  aflez  heureux  pour  contenir  toutes 
Js  Troupes  dans  le  devoir,  malgré  les  défenfes  faitei  aux  Officiers  de  lui 
Séir  ;  s'il  fçut  éviter  les  coups  qu'on  méditoit  de  lui  porter  à  lui-même, 
Hfauverles  François  d'une  guerre  civile ,  qu'on  vouloit  exciter  entr'eux: 
Un ,  s'il  réulFit  à  maintenir  Tordre  dans  une  Ville,  oîi  tant  de  raonde  s'em- 
JToit  &  avoit  intérêt  d'augmenter  le  trouble  &  le  defordrç ,  il  lui  reftoit 
juleur  de  fe  voir  dans  une  impoflibilité  prefqu'affurée  de  fortir  de  Ma- 
aflez  tôt  pour  exécuter  les  projet»  qu'il  avoit  formés.  Les  défenfes  de 
)béir,  tant  de  fois  réitérées ,  avoient  fait  impreflion  fur  une  infinité  de 
Tous  les  travaux  languiflbienc,  &le  tems  de  la  Monçon  fe  paflbit. 
:ommiiraires,  les  Employés  ,les  Ouvriers,  les  Bateliers  &  autres  qui  de- 
it  travailler  aux  inventaires,  aux  emballages,  &  aux  embarquemens , 
|nt  retenus  par  les  menaces  des  Députés  de  Pondichery ,  &  craignoient 
ittirer  la  colère  de  M.  Dupleix  &  du  Confeil.  Les  chofes  étoient  mê- 
oufle.s  au  point,  que  le  Sr.  Defprémefnil ,  en  fa  prétendue  qualité 
jmmandant  à  Madras,  avoit  donné  ordre  aux  deux  Commiffaires  qui 
lifoient  alors  feuls  tous  les  travaux,  de  fe  recirer  à  Pondichery,  afin 
i  reliât  perfonne  au  Sr.  de  la  Bourdonnais ,  pour  fe  mettre  en  état 
1er  la  Place. 

LLE  écoit  la  fituation  de  M.  de  la  Bourdonnais,  lorfque  le  hazard  fem- 

préfenter  un  moyen  de  concilier  les  vues  de  M.  M.  de  Pondichery, 

engagemens  pris  avec  les  Anglois.     Un  Officier  lui  fit  oiïverture  d'un 

lient  qu'il  croyoit  propre  à  contenter  tout  le  monde.     C'étoit  de  tenir 

ipitulation ,  mais  de  garder  Madras  jufqu'en  Janvier ,  afin  que  les  Fran- 

eulÎTent  le  tems  d'en  tirer,  fans  conteftation ,  tous  les  effets  en  nature 

louvoient  leur  appartenir,  fuivant  les  conventions  arrêtées  entre  les  deux 

Ions.     M.  de  la  Bourdonnais,  trop  impatient  de  quitter  Madras,  pour 

is  faifir  d'abord  cette  idée,  promit  même  d'y  laiiTer  cent  cinquante 

nés  de  fes  Troupes.     Il  chargea  fur  le  champ  M.  Paradis  d'en  écrire 

5 Dupleix,  pendant  que  de  Ton  côté  il  en  feroit  la  propofition  aux 

is.     Il  la  leur  fit  en  effet;  mais  ils  la  rejettérent  unanimement,  & 

rent  M.  de  la  Bourdonnais  ,  qu'ils  ne  l'accepteroient  pas ,  quand  mê- 

confentiroit  de  refier  en  perfonne  à  Madras ,  jufqu'au  moment  de  l'é- 

ition  de  la  Ville ,  tant  ils  craignoient  de  tomber  entre  les  mains  de 

l.  de  Pondichery.     A  l'égard  de  M.  Dupleix  &  de  fon  Confeil ,  ils  fe 

^rent  volontiers  à  un  parti  qui  les  auroit  enfin  rendus  maîtres  de  Ma- 

;  &  dans  les  Lettres  qu'ils  écrivirent  au  Sr.  de  la  Bourdonnais ,  ils  l'au- 

(erent  bien  expreffément,  à  régler  tous  les  Atticles  du  Traité  de  rançon^ 

^  e  ilîejugeroit  comertable-,  &  ils  s'engagèrent  bien  formellement, -4  exé- 

ce  qu  il  mmiit  réglé  S  arrêté  avec  les  /anglais. 

étoit  queftion  de  faire  accepter  ces  nouvelles  conditions  aux  Anglois  ,- 
^s  qu'on  leur  avoit  déjà  promis  d'évacuer  la  Place  du  10  au  ijOftobre  (d)*. 
Sique  difficile  qu'il  fut  de  leur  faire  agréer  un  changement  fi  important ,. 
l'étoit  pas  ce  qui  embarraiToit  le  plus  M.  de  la  Bourdonnais.     Le  grand 

fujet 
v)  Par  les  Articles  arrêtés  dès  les  26  &  27  Septembre,  mais  dont  là  lîgnatare  avoit  été 


Dernikrbs 

Guerres  db 

i.'Inde. 

SurPLEMEKT. 

174(5. 

Embarras 
do  M.  de  la 
Bourdonnais. 


Projet  de 
conciliation 
avec  les  An- 
glois ,  qui  le 
rejettent. 


Confénte- 
ment  de  M. 
M.  de  Pon*- 
dicbery. 


>.i 


72 


DESCRIPTION    DE    LA    «';^»q« 


>' 


DBRNlbRES 

guerrbj  de 

l'Inob. 
Supplément, 
1746. 

Incoinc- 
nicns  de  cet 
anangemcnt. 


M.  de  h 

Bourdonnais 
cù.  forcé  do 
s'y  prct.r. 


Fatnlitc  de 
ces  dcluis 

Ëoiir  fon 
rendre. 


Ouragan  fu- 
rieux qu'elle 
cffuye; 


fujet  de  Tes  inquiétudes  étoit  l'exécution  même  du  projet ,  qui,  bien  confi. 
déré,  lui  paroiflbit  aulfi  inutile  que  dangereux.  En  effet,  s'ilne  s'agiflbic 
que  d'aflurer ,  à  la  Compagnie  de  France,  ce  qui  lui  revenoit  aux  termes  dei 
conventions,  M.  de  la  Bourdonnais  propofoit  d'enlever  d'abord  tout  ce 
qu'on  pourroit  tranfporter  fur  les  Vaiffeaux ,  &  de  laifler  à  Madras  des 
Commiflaires  pour  avoir  foin  du  refte.  Les  François ,  en  gardant  la  Ville 
jufqu'en  Janvier.^  couroient  le  rifque  de  s'en  voir  chaffés,  après  le  retour 
de  l'Efcadre  Angloife  &  le  départ  de  celle  de  M.  de  la  Bourdonnais,  qui 
ne  croyoit  pas  qu'un  Corps  de  cinq  à  fix  cens  hommes  ,  partagé  dans  Pon- 
dichery  &  Madras ,  put  fuffire  pour  défendre  deux  Villes  auili  grandes ,  con- 
tre toutes  les  forces  des  Ennemis. 

Enfin  ,  malgré  le  regret  qu'avoit  M.  de  la  Bourdonnais ,  de  fe  voir  réduit 
à  facrifier  des  confédérations  H  importantes  à  l'entêtement  de  M.  Dupleix, 
il  prit  fon  parti ,  &  réfolut  de  terminer ,  fuivant  les  defirs  de  Pondichery, 
faute  de  pouvoir  faire  mieux.  Dans  cette  vue  il  envoya,  le  11  Oftobre, 
à  M.  Dupleix ,  une  copie  des  Articles  du  Traité  de  rançon ,  &  exigea  qui 
lui  donnât  fa  parole  d'honneur  de  tenir  tous  ces  Articles.  Cependant  il  lui 
faifoit  encore  de  nouvelles  repréfentations  fur  les  inconveniens  de  cet  ar 
rangement;  mais  toutes  fes  propofitions  furent  inutiles,  &  M.  Dupleii 
vouloit  abfolument  refier  maître  de  Madras.  Ainfi  M.  de  la  Bourdonnais 
fe  vit  forcé  d'ajouter  cinq  Articles  aux  dix-fept  qui  avoient  été  provifion- 
nellement  arrêtés ,  &  il  les  addreffa  à  M.  Dupleix ,  en  l'avertiffant ,  que  s'il 
y  faifoit  quelque  changement,  il  ne  lui  répondoit  pas  qu'ils  feroient  ac- 
ceptés. A  ces  conditions  M.  de  la  Bourdonnais  promettoit  de  lui  remet- 
tre Madras. 

Après  les  engagemens  pris  par  le  Confeil  de  Pondichery ,  de  lui  laifTer  h 
liberté  de  régler  ces  Articles  comme  il  le  jugeroit  convenable;  après  kw 
parole  donnée  par  écrit,  d'exécuter  ce  qu'il  auroit  réglé  avec  les  Anglois, 
il  ne  fembloit  pas  qu'il  y  eut  lieu  de  craindre  que  ces  Meilleurs  fîffent  de 
nouvelles  difficultés ,  fur  -  tout  dans  un  tems  critique ,  où  le  moindre  retar 
dément  expofoit  l'Efcadre  aux  plus  grands  dangers.     C'eflce  que  M.  de'. 
Bourdonnais  ne  cefToit  de  leur  reprélenter  dans  toutes  fes  Lettres.     On  ec 
dit  qu'il  avoit  un  preffentiment  du  malheur  qui  devoit  lui  arriver,  &  qu'; 
auroit  infailliblement  évité ,  fans  toutes  les  mauvaifes  chicanes  qu'il  euti 
effuyer  de  la  part  de  M.  M.  de  Pondichery.     Ce  malheur  efl  fans  contre!; 
un  des  plus  grands  que  la  Compagnie  de  France  ait  jamais  éprouvés.    Et 
effet,  quoique  le  13,  il  fit  le  plus  beau  tems  du  monde,  il  s  éleva  dansli 
nuit  un  Ouragan  furieux ,  qui  difperfa  tous  fes  Vaiffeaux ,  &  en  fracalTa  !j 
plus  grande  partie.    V Achille  étoit  à  une  lieue  de  terre ,  démâté  de  toci 
mâts,  &  chargé  en  côte  par  un  vent  d'Efl,  qui  le  mettoit  à  la  veille  depé 
rif' avec  tout  fon  Equipage;  le  Bourbon  étoit  encore  plus  maltraité  &  e: 
plus  grand  danger  ;  le  Phénix  ne  paroiffoit  plus  ;  la  Marie-Gertrude  ctoit  c- 
chouée ,  &  il  ne  s'en  étoit  fauve  que  quatorze  hommes  ;  le  Duc  d'Orkun 
avoit  entièrement  péri,  corps  &  biens,  à  fix  lieues  au  large  ;  le  Neptund 
une  Prife  Angloife  étoient  démâtés  de  tous  mâts;  deux  Bots,  un  Briganti: 
Anglois ,  qui  avoit  été  pris  la  veille  par  les  François  ,  un  Navire  Hollandois, 
qui  partoit  pour  Batavia ,  deux  Navires  Anglois ,  qui  avoient  paru  au  iargei 


i,  bien  confi. 
il  ne  s'agilToit 
ux  termes  dei 
bord  tout  ce 
à  Madras  des 
irdant  la  Ville 
iprés  le  retour 
irdonnais,  qui 
âgé  dans  Pon- 
grandes ,  con- 

:  fe  voir  réduit 
e  M.  Dupleix, 
e  Pondicherj, 
le  1 1  Oftobre, 
&  exigea  qui 
spendant  il  ki 
sns  de  cet  ai' 
&  M.  Dupleiî 
la  Bourdonnais 
été  provifion- 
tiflant,  qaes'il 
ils  feroient  ao 
i  de  lui  remet- 

de  lui  laifler  li 

ble  ;  après  \eu.' 

les  Anglois, 

leurs  fiflent  à 

moindre  retar 

:eque  M.  de!; 

ttres.     On  et 

rriver ,  &  qui 

mes  qu'il  eut; 

fans  contredi: 

éprouvés.    E: 

s  éleva  dans  ï 

t  en  fracafla  !i 

émâté  de  m 

la  veille  de  p 

nal  traité  &  e 

^rtrude  ctoit  (■ 

Duc  dVrkJi 

;  \e  Neptune  t 

,  un  Briganti: 

ire  Hollandoiî, 


PRESQtnSLE  EIVTDEÇA  DU  GANGE,  Iiv.  III.        73- 

%  vin'-r  ou  vingt -cinq  Embarcations  du  Pays,  étoient  péris  à  la  Côte, 
rps  &  biens;  enfin  preHjue  toutes  les  Chelingues  qui  étoient  dans  la  Ka-, 

croient  brifées.  M.  de  la  Bourdonnais  fit  voir,  en  cette  occafion ,  le  cou- 
'c  &  la  confiance  d'un  Chef,  qui  ne  fe  laifle  point  abattre  par  l'adver- 

,  &  qui ,  dans  le  fein  des  malheurs ,  ne  s'occupe  que  du  foin  de  les 


larer. 


m 


/abord  ayant  rar.-.afte  quelques  Chelingues  échapées  au  naufrage,  il 
lut  eflliyer  de  les  mettre  en  Mer,  pour  porter  fes  ordres  aux  Capitaines 
,^p.  Vaifleaux  qui  paroifToient.     Mais  la  Mer  étant  trop  mauvaife,  il  ne 
ti"6uva  perfonne  aflez  hardi  pour  s'y  cxpofer.     Enfin  à  force  d'argent ,  il 
■""igea  quelques  Bateliers  à  porter,  fur  des  Catimarons  (.v)  des  Lettres 
Capitaines  de  quelques  Vaîfleaux.     Il  les  exhortoit  de  fan  mieux  à 
orter  toute  l'horreur  de  leur  fituation,  &  il  leur  promettoit  des  fecours 
attendoit  lui-même  de  Pondichery,  &  qu'on  s'obftinoit  à  lui  refufer, 
ré  fes  prières  &  fes  proteftations.     M.  Dupleix  ne  voulut  lui  envoyer 
Vaifleau,  &  qui  plus  eft,  il  défendit,  le  14,  aux  Capitaines  des 
es  qui  étoient  dans  la  Rade  de  Pondichery,^  &  fous  les  ordres  de  M. 
"ourdonnais ,  d'aller  le  joindre,  quoique  jufques-là  Meflîeurs  du  Con- 
;  lui  enflent  jamais  conteflé  le  Commandement  de  tous  les  Vaif- 
' de  la  Compagnie.     Le  nouveau  droit  qu'ils  s'arrogeoicnt,  étoit  fon- 
r  une  prétendue  Lettre  de  la  Compagnie,  qu'on  difoit  avoir  été  ap- 
e  par  trois  Vaifleaux  arrivés  de  France,  &  dont  toutes  les  circonllan- 
rendoient  l'autenticité  infiniment  fufpefte. 

uoKyj'iL  en  foit ,  les  Vaifleaux  de  Madras  étoient  dans  un  état  fi 
■peré,  que  les  plus  hardis  Marins  ne  croyoient  pas  pouvoir  y  refl:er, 
s'expofer  à  une  mort  prefque  certaine.  Âufll  les  Capitaifles  étoient-ils 
us  d'abandonner  leurs  VaiflTeaux ,  fi  on  ne  leur  envoyoit  du  fecours. 
e  la  Bourdonnais  épuifa  toutes  les  reflbur-ces  &  tous  les  expédiens  ima- 
les  pour  prévenir  les  inconveniens  de  ce  refus ,  &  il  parvint  à  faire 
;ndre  la  Mer  à  deux  des  Navires  délabrés.  C'eft  dans  cet  état  qu'il 
ït,  à  M.  M.  de  Pondichery ,  une  Lettre  pour  fe  plaindre  de  l'abandon  où 
'  laiflbit ,  &  il  ne  leur  cacha  pas  qu'il  pénetroit  aflez  les  motifs  de 
onduite. 

effet,  la  politique  de  M.  Dupleix  ne  tendoit,  comme  on  l'a  dit,  qu'à 

fins;  la  première  de  s'emparer  de  Madras,  pour  en  difpofer  à  fon 

&  la  féconde  de  garder  les  VaiflTeaux ,  pour  refter  feul  maître  de  tou- 

forces  de  la  Compagnie.  A  l'égard  de  Madras ,  fes  defirs  furent  bien- 

'atisfaits.     Voici  comment  l'affaire  fut  terminée.    On  a  déjà  remarqué 

M.  Dupleix ,  &  le  Confeil  de  Pondichery ,  s'étoient  expreffement  enga- 

,  par  leurs  Lettres,  d'exécuter  les  Articles  du  Traité,  tels  qu'ils  fe- 

t  arrêtés  par  M.  de  la  Bourdonnais ,  qui  en  conféquence  avoit  dref- 

s  Articles ,  &  en  avoit  envoyé  copie  à  M.  M.  de  Pondichery ,  en  les 

rtiffant ,  que  s'ils  y  faifoient  quelques  changemens ,  il  ne  leur  répondoit 


DERNlkKCS 
GUKl'RCS  DE 

L'I^DE. 

SvrPLEMBNT. 

1746. 


On  lui  rc- 
fufe  toutes 
fortes  de  fis 
cours. 


les 


paru  au  large.      #Ai^  Fart. 


*  )  Un  Catimaron  eft  un  compofé  de  cinq 
?fix  morceaux  dç  bois ,  de  quinze  à  vingt 


M.  de  la 
Bourdonnais 
prévient  fa 
iiiinc  totale. 


De  quelle 
façon  i!  ter- 
mine l'affaire 
de  Madras. 


l' ^      >.    >   ,,' ■       -I  pas 

pieds  de  long,  attachés  enfcmble,   fur  lef-' 
quels  un  homme  eft  aiCs  avec  deux,  rames.  • 

K 


H 


DESCRIPTION    DE    LA 


l'Inde. 

Supplément, 

174(5. 

G^nditions 
cki  Traité  de 

rançon. 


DERRikREj  pas  qu'ils  fufTent  acceptés.  Ces  Meflîeurs  oubliant  bientôt  tous  leurs  en» 
Guerres  DE  gagemens,  lui  renvoyèrent  ces  Articles ,  avec  des  changemens  qui  détrui- 
Ibient  toute  l'œconomie  du  Traité,  &  qui  le  chargeoient  de  conditions 
abfurdes  &  impraticables.  Mais  pour  fe  former  une  idée  jufte  de  l'afFaire, 
il  paroit  indifpenfablement  néceflaire  de  rapporter  en  fubftance  ces  diffé- 
rens  Articles. 

Le  premier  confervoit  aux  Catholiques  Romains  les  mêmes  droits  & 
privilèges  dont  ils  avoient  joui  auparavant.    Le  fécond  flipuloit,  en  faveur 
des  François,  la  moitié  de  l'artillerie  &  des  munitions  de  guerre ,  dont  on 
feroit  un  recenfement  jufte,  pour  être  livrées  de  bonne  foi,  en  Janvier, 
fans  que  les  Anglois  puflent  s'en  fervir  en  aucune  façon  contre  les  Fran* 
çois.    En  vertu  du  troifième  Article ,  les  agrès  &  apparaux  dévoient  ap- 
partenir en  entier  à  ces  derniers,  qui  après  en  avoir  pris  ce  qui  feroit  né- 
ceflaire  à  leur  Efcadre ,  étoient  néanmoins  convenus  de  partager  le  re/le 
par  égale  moitié ,  avec  le  Gouverneur  de  Madras ,  pour  en  fournir  les  Vaif. 
féaux  Marchands  Anglois.     Le  quatrième  laiflbit  toutes  les  munitions  de 
bouche  à  la  difpofition  de  M.  de  la  Bourdonnais ,  autant  qu'il  en  voudroit 
charger  fur  fon  Efcadre,  le  furplus  revenant  aux  Anglois;  bien  entendu 
encore  qu'il  n'en  feroit  pas  livré  la  moindre  chofe  à  leurs  Vaifleaux  de 
guerre.    Par  l'Article  cinquième ,  toutes  les  marchandifes  de  la  Compagnie 
d'Angleterre  appartiendroient  à  celle  de  France,  &  feroient  eniîbarquéej 
foit  d'abord ,  foit  en  Janvier ,  fuivant  l'Inventaire ,  le  tout  à  déclarer  de 
bonne  foi  par  le  Confeil  Anglois.     Le  fixième  portoit,  outre  la  neutralité 
de  la  Rade ,  jufqu'à  l'évacuation  de  la  Place ,  que  fi  après  le  départ  de  M.  de 
la  Bourdonnais,  il  y  reftoit  un  Vaifleau  François,  il  feroit  en  fureté  juf- 
qu'à-ce  qu'il  auroit  joint  fon  Efcadre;  &le  Gouverneur  promettoit  auffi des 
pafleports pour  les  Vaifleaux  qu'on  enverroit  en  Janvier,  charger  le  refte 
des  effets.    On  étoit  convenu,  par  le  feptième  Article,  de  laifller  à  Madras 
trois  CommifTaires  pour  y  faire  le  recenfement  général  des  effets  appar- 
tenant à  la  Compagnie.     Le  huitième  règloit  le  payement  de  la  rançon  de 
Madras,  fixée  à  la  fomme  d'onze  cens  mille  pagodes,  avec  promefl'e  de  re- 
mettre la  Ville  aux  François,  fi  la  Compagnie  d'Angleterre  manquoit  d'y 
fatisfaire.    On  nommoit  dans  le  neuvième  Article,  les  Otages  à  donner 
^ar  les  Anglois  pour  la  fureté  de  ces  payemens.    Le  dixième  accordoit 
;a  liberté  à  tous  les  Prifonniers  faits  à  Madras ,  fous  certaines  conditions, 
&  moyennant  que  les  Anglois  en  rendiiTent  le  même  nombre  aux  François. 
On  promettoit,  par  les  trois  Articles  fuivans,  la  reddition  tant  du  Fort  Saint- 
Georges  &  de  la  Ville  de  Madras ,  que  de  toutes  les  marchandifes  apparte- 
nant aux  Anglois  &  aux  Habitans  de  la  Ville -Noire,  à  l'exception  des 
Articles  précedens;  fans  comprendre  dans  le  rachat,  les  meubles,  les  effets 
&  lc3  maifons  des  Anglois,  qui  avoient  été  exemptés  du  pillage  par  pure 
générofité  &  politeffe.    Il  étoit  dit  dans  le  quatorzième  Article ,  que  fi  le 
Fort  &  la  Ville  de  Madras  étoient  repris  par  les  François,  les  engagemens 
des  Anglois  feroient  nuls,  félon  les  Loix  de  la  Guerre.    Par  le  quinzième 
©n  évacueroit  la  Place  du  lo  au  15  Oftobre,  &les  Otages  feroient  livrés 
la  veille.    Enfin,  par  les  deux  derniers  Articles,  les  Anglois  dévoient  rati- 
fier 


g 


)us  leurs  en* 

qui  détrui- 

:  conditions 

de  l'affaire , 

:e  ces  diffé- 

lès  droits  âc 
it,  en  faveur 
rre,  dont  on 
en  Janvier, 
tre  les  Fran« 
dévoient  ap- 
qui  feroit  né- 
ager  le  refît 
rnir  les  Vaif- 
munitions  de 
il  en  voudroit 
bien  entendu 
Vaifleaux  de 
la  Compagnie 
t  enjbarquées 
à  déclarer  à 
;  la  neutralité 
part  de  M.  de 
en  fureté  juf- 
pttoit  auflî  des 
arger  le  refte 
lifer  à  Madras 
effets  appar- 
ia rançon  de 
omelTe  de  re- 
manquoit  d'y 
;es  à  donner 
me  accordoit 
conditions, 
lux  François, 
du  Fort  Saint- 
ifes  apparte- 
xception  des 
es,  les  effets 
âge  par  pure 
e,  que  fi  le 
engagemens 
e  quinzième 
roient  livrés 
evoient  rati- 
fier 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       7j^ 

-fier  encore  cette  Capitulation  à  la  fortie  des  François,  &  ils  s'engageoient 
de  leur  remettre  les  Déierteurs  qu'ils  pourroient  arrêter,  à  condition  de  leur 
accorder  leur  grâce. 

Les  cinq  nouveaux  Articles  ajoutés  en  conféquence  du  nouvel  arrange- 
«nent,  portoient  ;  i".  Que  le  Confeil  de  Pondichery  donnoit  fa  parole  de  te- 
iiir  les  Articles  du  Traité  dont  M.  de  la  Bourdonnais  lui  avoit  envoyé  copie, 
autant  que  les  Anglois  tiendroient  la  leur.  2°.  Qu'on  s'engageoit  a  évacuer 
[adras ,  dès  que  les  effets  de  la  Compagnie  de  France  en  feroient  dehors ,  au 
lus  tard  à  la  fin  dejanvier,&  qu'on  lailferoit  les  Fortifications  dans  le  même 
_tat.  3^.  Que  le  Gouverneur  &  tous  les  Employés  &  Habitans  y  pour- 
feent  faire  leurs  affaires  &  leur  Commerce,  tant  par  Terre  que  par  Mer. 
^  Que  M.  Dupleix  &  fon  Confeil  recevroient  les  Otages,  ainfi  que  les 
llets  de  fix  cens  mille  pagodes ,  payables  à  Pondichery ,  par  le  Confeil 
Madras ,  &  les  Lettres  de  change  de  cinq  cens  mille  pagodes  fur  la 
)mpagnie  des  Indes  d'Angleterre,    s'*.  Que  la  Rade  de  Madras  feroit 
re  jufqu'à  l'évacuation  de  la  Place,  pour  les  Marchands  des  deux  Nations. 
Il  fufïira  d'obferver ,  par  rapport  aux  Articles  que  demandoient  M.  M. 
cfeïPondichery ,  qu'ils  fe  rendoienc  maîtres  de  ne  jamais  évacuer  la  Place , 
td^ipulant,  fans  fixer  de  terme,  quelle  ne  pouvait  être  évacuée,  que  larfque 
ifiMtrtage  feroit  entièrement  fini  y  ^m((nx"ûs  pouvoientle  faire  durer  autant  qu'ils 
Idroient.     Une  féconde  condition  du  même  Article  portoit ,  que  la  Rade 
ladras  ne  pourrait  être  fréquentée ,  par  les  FaiJJèaux  anglais ,  qu'après  r  évacua' 
,  ce  qui  ôtoit  aux  Anglois  la  liberté  de  leur  Commerce ,  &  en  même- 
is  le  feul  moyen  de  faire  les  fonds  néceffaires  pour  payer  la  rançon, 
ins  un  autre  Article,  M.  M.  de  Pondichery  déclaroient,  qu'ils  ne  rece- 
lient  ni  Billets  ni  Otages,  6f  que  le  Sr.  de  la  Bourdonnais  s'en  cbargeroit  fur 
FaiJJeaux  ;  Mais  cette  propofition  étoit  impraticable ,  puifque  les  Ota- 
^s  &  les  Billets  ne  pouvoient  être  délivrés  qu  au  moment  de  l'évacuation  ; 
is  auquel  M.  de  la  Bourdonnais  ne  devoit  plus  être  à  Madras  pour  les 
:evoir.     Enfin  l'Article  qui  le  révolta  le  plus  étoic ,  que  le  Confeil  préten- 
ne  rien  figner  avec  les  Anglais,  ^  ne  s'engager  qu'avec  le  Sr.  de  la  Bourdon- 
lUiH';.    Ce  dernier  fentit  que  ces  Meffieurs  étoient  dans  la  perfuafion  qu'il 
teroit  pour  qu'ils  fignaffent  les  Articles  ;  qu'il  naîtroit  de-Ià  de  longues 
Tputes ,  &  qu'il  feroit  forcé  de  quitter  Madras ,  fans  avoir  mis  le  fceau 
[Traité.    Alors,   fuivant  leur  fyftème,  ils  fe  croyoient  en  droit  de 
l^mpre  la  Capitulation,  après  les  proteflations  qu'ils  avoient  faites;  & 
ir  ce  moyen ,  ils  comptoient  fe  ménager  une  efpèce  de  liberté  de  traiter 
[adrasà  difcrétion,  lorfqu'ils  en  feroient  en  poflefîion. 
Mais  pour  rendre  leurs  fineffes  vaines,  M.  de  la  Bourdonnais  réfolut  de 
?en  tenir  aux  engagemens  qu'ils  prenoient  avec  lui,  &  qui  dévoient  nér 
|Eeffairement  les  rendre  garans  de  l'exécution  du  Traité.     C'efl  l'objet  ca- 
?|f>ital  qu'il  le  propofbit ,  &  cet  objet  fe  trouvoit  pleinement  rempli ,  fbit 
|*>ar  les  Lettres  de  M.  M.  de  Pondichery ,  foit  par  le  premier  des  Articles 
•||u'ils  lui  addreffoient ,  &  qui  étoit  conçu  en  ces  termes:  „  Le  Confeil  s'en- 
j„  gage  &  donne  fa  parole,  de  tenir  les  Articles  dont  M.  de  la  Bourdonnais 
lui  a  envoyé  Copie,  autant  que  M^  M.  les  Anglois  tiendront  la  leur". 


Cl'erkls  de 
l'Inde. 

Supplément. 
1746. 

Nouveaux 
Articles  qu'oa 
y  ajoute. 


Demandes 
abfurdcs  de 
M.  M.  de 
Pondichery. 


M,  de  1.1 
Bourdonnais 
s'en  tient  à 
leurs  engage- 
mens prc- 
cedens. 


.»» 


K  2 


Après 


I 


7t? 


DESCICIPTION     DE    LA 


gueurëj  de 

l'Inde. 

Supplément. 

1746. 

Repriifcnti- 

tions  qu'il  fait 

aux  Aiigloii. 


Il  leur  fait 
accepter  les 
nouveaux 
Articles. 


Signature 
aiii  Traité. 


i^près  Jei  engagemens  fi  l'récis,  il  ctoic  aflez  indifférent  que  M.  M.  de 
Pondicheiy  iignaflcnc  ou  non  le  1     ité  avec  les  Anglois. 

Le  Sr.  delà  Bourdonnai?  ne  penfa  donc  plus  qu'à  terminer  au  plus  vitï 
avec  les  derniers.  Comme  i'  !eur  avoit  donné,  dès  le  9  Oftobre,  1  Afte  (1(. 
liberté  qui  avoit  été  convei'i'  par  la  Capitulation ,  &  que  tous  les  princi- 
paux  Articles  du  Traité  avoient  été  arrêtés  entr'eux,dés  le  26 Septembre, 
il  ne  s'agiflbit  plus  que  de  leur  faire  accepter  l'Article  important  qui  it- 
mettoit  l'évacuation  de  la  Place  en  Janvier.  Pour  les  déterminer  à  en  paf. 
fer  par-là,  M.  de  la  Bourdonnais  profita  de  la  circonftance  du  malheur  ar- 
rivé à  fes  Vaifleaiix.  Il  leur  repréfenta  l'impolTibilité  où  fe  trouvoient  les 
François ,  depuis  cet  accident ,  d'évacuer  la  Place  en  Oftobre ,  la  nécelTit; 
où  il  étoit  de  fiiivre  les  débris  de  fon  Efcadre,  &  d'aller  chercher  les 
moyens  de  la  reparer  ;  enfin ,.  il  leur  fit  fentir  que ,  s'ils  refufoient  de 
conclure  à  ces  conditions  devenues  indifpenfables  par  les  circonftances,  il 
feroit  contraint  de 'es  abandonner,  fans  Traité,  à  la  difcrétion  de  M.  M. 
de  Pondichery. 

Ces  confidératioKS  firent  toute  l'impreffion  que  M.  de  la  Bourdonnais 
en  pouvoit  attendre.     Les  Anglois  fentirent  bien  que  c'étoit  un  parti  forcé, 
&  après  avoir  mûrement  examiné  \qs  cinq  Articles  que  ce  changement 
obligeoit  d'ajouter  au  Traité,  ils  les  approuvèrent.    Alors  M.  de  la  Bour- 
donnais ayant  afl!emblé  les  deux  Nations  au  Gouvernement ,  le  2  :  Ofto- 
bre ,  il  fit  à  haute  voix  la  lefture  du  Traité ,  tant  en  François  qu'en  Anglois. 
Il  exhorta  enfui  te  le  Confeil  &  la  Colonie,  à  réfléchir  fur  l'engagement  qu'ils 
alloient  contrafter.     „  Meffieurs,  leur  dit-il,  vous  êtes  libres  d'accepter  Is 
„  Traité,  ou  de  le  rejetter;  mais  fi  vous   êtes  déterminés  à  le  figner, 
„  jurez-moi  que  vous  en  remplirez  toutes  les  conditions,  autant  qu'il  fera 
„  en  vôtre  pouvoir  ;  &  que  fi  vos  promeffes  ne  font  pas  acquittées  par  la 
„  Compagnie  d'Angleterre,  vous  remettrez  vous-mêmes  Madras  aux  Fran- 
„  çois'.    Tous  s'écrièrent  qu'ils  s'y  foumettoient  ;  &  leSr.5/r^on,  Con- 
feiller,  addreflànt  la  parole  à  M.  de  la  Bourdonnais,  lui  dit,  qu'il  ne  s'étoit 
déterminé  à  fe  livrer  en  otage ,  avec  fa  femme  &  fes  enfans ,  que  parce- 
qu'il  connoiflbit  fa  Nation;  „  Il  n'eft  aucun  de  nous,  ajoûta-t'il,  qui  ne 
„  vendît  jufqu'à  fes  derniers  effets ,  pour  dégager  une  parole  fi  folemnelle; 
„  &  nous  ferions  indignes  du  nom  Anglois  fi  nous  penfions  autrement  (y)". 
Ce  discours  fut  approuvé  d'une  voix  unanime;  &  le  Confeil ,  le  Corps  de 
la  Juilice,  celui  des  Officiers,  &  les  principaux  Habitans,  jurèrent  d'ob- 
îerver  inviolablement  toutes  les  conditions  du  Traité,  qui  fut  figné  aufli- 
tôt,  de  même  que  les  Lettres  de  change  fur  la  Compagnie  d'Angleterre, 
montant  à  cinq  cens  mille  pagodes,  &  les  Billets  defix  cens  mille  pago- 
des, payables  aux  termes  convenus,  &  à  l'ordre  du  Confeil  de  Pondichery. 

Le 

(y)  La  principale  objeftion  de  M.  M.  de  avec  tout  ce  qui  s'y  trouve.  Se  peut-il  d'ail- 

Pondichery  contre  ce  Traité,  étoit   fondée  leurs  rien  de  plus  injurieux  à  celle  des  Na- 

fiir  l'extravagance  qu'il  y  auroit ,  difoient-ils ,  tions  qui  le  mérite  le  moins  ?  M.  M.  de  Pon- 

â  fe  contenter  d'une  rançon  en  papier ,  com-  diciiery  jugeoient  apparemment  de  la  bonne- 

me  s'il  y  avoit  d'autres  moyens  de  racheter  foi  des  Anglois ,  par  leurs  propres  fentimeni 

une  Ville,  qui  eft  au  pouvoir  du  Vainqueur,  *      •    . 


*emc 


capa 

fMAIS 

ent  to 
zèle<S 
lins , 
xl'eni 


.kf- 


t7 


le  M.  M.  de 

au  plus  viu 
ire ,  1  Afte  de 
is  les  princi- 
5  Septembre, 
rtant  qui  rc- 
1er  à  en  paf- 

malheur  ar- 
irouvoient  les 
,  la  nécelTiu 

chercher  les 
refufoient  de 
:onflances,  il 
on  de  M.  M. 

Bourdonnais 

n  parti  force, 

:  changement 

[.  de  la  Bour* 

,  le  2:  Ofto- 

ju'en  Anglois. 

agement  qu'ils 

5  d'accepter  le 

;  à  le  figner, 

itant  qu'il  fera 

quittées  parla 

iras  aux  Fran- 

Straton^  Gon- 

qu'il  ne  s'étoit 

s,  que  parce- 

:a-t'il,  qui  ne 

fi  folemnelle; 

trementC)/)". 

,  le  Corps  de 

urèrent  d'ob- 

jt  figné  aufli- 

d'Angleterre, 

mille  pago- 

Pondichery. 

Le 

Se  peut-il  d'ail- 
à  celle  des  Na- 
?  M. M. dépon- 
ent de  la  bonne- 
Iropres  fentimen* 


DEiiNîkus 

GurRRLS  DE 

l'Lndf.. 

Surn.EMENT. 

1746. 

Dv*p:irt  de 
M.  lie  la 
Bourdonnais. 


Suites  fu- 
neftcs  de  fa 
mcsiiuclligcn- 


PRESQD'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III. 

.e  mené  jour  M.  de  la  Bourdonnais  envoya  le  Traité  à  M.  M.  de  Pondi- 

hery ,  en  leur  marquant,  qu'ils  répoîidroient,cn  leur  propre  Ck  privé  nom, 

les  contraventions  qui  y  feroicnt  faites  par  les  François. 

-,i  Enfin,  après  avoir  donné  toutes  les  inftruftions  aux  CommifTaircs  & 

%ix  Capitaines;  après  avoir  remis  tous  les  Comptes  &  tous  les  Papiers  de 

^  ladras  au  Sr.  Defprémefnil ,  M.  de  la  Bourdonnais  le  fit  reconnoitre  pour 

pmmandant  ;  &  comme  la  crainte  d'un  nouvel  Ouragan  avoit  obligé  ^on 

hifieau  d'appareiller  &  de  prendre  le  large,  il  fe  jetta  dans  une  Chelmgue, 

Tfut  le  joindre  feul  à  quatre  lieues  en  Mer,  par  un  tems  affreux,  laiflant  à 

re  tous  Ces  bagages,  qui  lui  furent  renvoyés  le  lendemain,  &  il  fit  route 

jr  Pondichery. 

fut  rencontré  deux  jours  après ,  par  les  cinq  VaiffLaux  que  M.  Du- 

avoit  retenus  dans  la  Rade  de  Pondichery ,  fans  vouloir  ks  envoyer     ^ 

j*ecours  de  ceux  qui  étoient  en  perdition  devant  Madras.  Après  lésa-  ccavccM?M. 
r  expreffément  promis  à  M.  de  la  Bourdonnais ,  M.  M.  du  Confeil  lui  de  Poiidkhe- 
[rquoient  nettement  le  22,  qu'ils  ne  lui  tiendroient  point  parole,  &  qu'ils  ^V- 
Soient  le  parti  d'envoyer  ces  mêmes  Vaiffeaux  hyverner  à  Merguy, 
jn  qu'ils  leur  avoient  donné  ordre  de  fe  rendre  à  Achem ,  qui  eft  éloigné 
3^I||lerguy  de  plus  de  deux  cens  lieues.  L'effet  néceffaire  de  cet  ordre 
*  '^t  être  d'achever  la  ruine  entière  de  l'Efcadre,  &  de  faire  périr  M.  de 
^urdonnais  dan.s  un  faux  rendez-vous.  Mais  les  Capitaines  des  cinq 
féaux  ,  à  qui  l'on  avoit  ôté  une  partie  de  leurs  Equipages,  ne  jugèrent 
propos  d'obéir;  &  connoiffant  les  ordres  du  Roi,  dont  M.  de  la  Sour- 
iais étoit  porteur,  ils  réfolurent  d'aller  le  trouver,  fans  fe  laiffer  ef- 
fer  par  les  menaces  de  M.  M.  de  Pondichery,  à  qui  ils  avoient  inutile- 
it  repréfenté  que  leurs  Vaiffeaux  n'étoient  pas  en  état  de  réfifter  à  l'Ef- 
re  Angloife.  Ce  fut  auffi  la  décifion  du  Confeil  de  guerre ,  qui  fe  tint 
jréfence  de  M.  de  la  Bourdonnais ,  dans  la  Rade  de  Pondichery ,  où 
''aiffeaux  mouillèrent  le  27  Oftobre.  Conformément  à  cet  avis  des 
ins,  M.  de  la  Bourdonuais  fit  fentir  au  Sr.  Dupleix,  le  danger  qu'il 
Jroit  d'expofer  ces  cinq  Vaiffeaux,  qui  faifoient  la  dernière  reffource 
i^é*  Colonies  Francoifes.  Il  y  détailla  tous  les  rifques  qu'ils  courroient, 
icommodité  du  fien  Je  riettoit  dans  l'impoffibilité  de  les  accom- 
ler;  &  pour  parer  ?  ?s  inconveniens ,  il  propofa  d'augmenter  les 
^pages  des  cinq  Vaille  x,  &  fur -tout  de  leur  donner  une  partie  du 
k)n  qu'il  pouvoit  tirer  de  deux  Navires,  qui  étant  hors  d'état  de  fervir, 
jicient  dans  la  Rade  de  Pondichery.  Son  deffein  étoit  d'aller  à  Goa , 
pendant  qu'une  partie  des  Vaiffeaux  auroit  travaillé  dans  cette  Rade 
itre ,  à  fe  caréner,  l'autre  auroit  fait  la  courfe  à  la  Côte  de  Malabar.  En- 
te réuniffant  tous  ces  Vaiffeaux,  il  formoit  en  peu  de  tems  une  Efcar 
i  capable  pour  le  moins  de  balancer  les  forces  Angloifes. 
[Mais  l'opmiâtreté  de  M.  M.  de  Pondichery  étoit  invincible.  Ils  rejec- 
rent  tous  les  partis  que  M.  de  la  Bourdonnais  leur  propofoit  avec  tant 
zèle  &  de  fageffe.  Enfin ,  malgré  Ion  oppofition  &  celle  de  tous  le« 
irins,  il  fallut  céder,  crainte  qu'on  ne  lui  imputât  d'avoir  fait  man- 
;r  l'envoi  de  quatre  ou  cinq  belles  cargaifons ,  dgnt  la  Compagnie  avoit 

K  a  .  •     gran4 


7« 


DESCRIPTION    DE    LA 


r 


DRRN'lfeRES 

CuCItUES  DE 

l'Inbl'. 

Suri'LEMENT. 
1746. 


Di\  îfîon  de 
l'Elcadrc. 


Sort  fntal 
de  pluficiirs 


grand  befoin  dans  les  circonftances  afluelles.  M  de  la  Bourdonnais  divifa 
donc  Ton  ECcadre  en  deux.  Les  quatre  bons  Vailfeaux ,  dont  il  augmenta 
les  Equipages  de  cent  cinquante  hommes  de  Ton  propre  Navire,  dévoient 
fe  rendre  feuls  à  Achem ,  en  cas  que  les  trois  autres ,  qui  étoient  eftro. 
pies ,  ne  puiïent  gagner  cetce  Rade  i  &  ceux-ci  dévoient  dans  ce  ca$  tour- 
ner vers  les  Ules. 

Les  'ept  Vaillcaux  mirent  à  la  voile  le  29  Le  Centaure ^  le  Mars,  le 
Brillanty&.  IcSaint-Louis^  eurent  bien-tôt  perdu  de  vue  M.  de  la  Bourdonnais, 
qui  fit  avec  fes  trois  mauvais  Navires,  des  efforts  inutiles  pour  les  fut 
vre.  Il  fut  enfin  obligé  de  céder  au  vent,  qui  lui  étoit  contraire,  &dc 
prendre  le  parti  de  faire  route  pour  les  Illes ,  où  il  arriva  le  10  de  Dé- 
cembre. 

A  l'égard  des  quatre  autres  VailTeaux ,  ils  mouillèrent  heureufement  à 
Achem,  le  6  du  même  mois.  A  leur  retour,  ils  dévoient  être- chargés  de 
marchandifes  pour  les  Ifles,  &  de-là  pdiFer  en  Europe,  comme  M.  M.  de 
Pondichery  l'avoient  afluré  à  M.  de  la  Bourdonnais.  Cependant  M.  Dï- 
pleix  aima  mieux  faire  manquer  les  envois  que  la  Compagnie  attendoit,  que 
de  fe  défaifir  des  VaiiTeaux ,  &  de  les  envoyer  aux  Ifles  fous  les  ordres  de 
M.  de  la  Bourdonnais.  C'étoit  même  l'avis  du  Confeil ,  mais  M.  Duplcix 
fçut  le  détourner;  &  pour  éviter  les  Anglois,  ces  VailFeaux  parcourant  le» 
Mers, fans  vues  &  fans  projet,  fe  délabrèrent,  ruinèrent  leurs  Equipages, 
&  confumèrent  la  Compagnie  en  fraix  inutiles ,  pendant  qu'entre  les  raa'mj 
d'un  Chef  expérimenté ,  qui  auroit  réuni  toutes  les  forces  de  la  Compagnie, 
ils  pouvoient  balancer  celles  des  Anglois ,  faire  des  diverfions  avantagea- 
fes  &  des  entreprifes  utiles,  ou  du  moins  tranfporter  en  Europe  les  car- 
gaifons  néceflaires  pour  foûtenir  le  crédit  de  la  Compagnie.  Auflî  quel 
a  été  le  fort  de  la  plupart  des  Vaifleaux  reftés  aux  ordres  de  M.  M.  dt 
Pondichery?  L'un  a  été  forcé  de  s'échouer;  un  fécond  a  péri,  faute  de 
réparations  ;  un  troifième  a  été  brûlé  fous  le  canon  de  Madras ,  &  les  au- 
tres ne  fe  font  fauves  que  par  la  fermeté  des  Capitaines,  qui  après  une  dé- 
libération fur  rimpoflîbilité  où  ils  étoient  de  tenir  la  Mer  plus  long-tems, 
îe  déterminèrent,  malgré  le  Sr.  Dupleix,  à  faire  route  pour  les  Ifles,  oj 
ils  fe  radoubèrent  &  rafraîchirent  leurs  Equipages  (2). 

Pendant  ce  tems ,  la  prédi6lion  de  M.  de  la  Bourdonnais  s'accomplit; 
Toutes  les  forces  Angloifes  fe  réunirent  dans  l'Inde.  Huit  VaifTeaux  entn 
autres  établirent  une  croifière  du  Fort  Saint-David  à  Madras ,  &  par  ci 
moyen  Pondichery  &  Madras  fe  virent  bloqués  du  côté  de  la  Mer ,  tandi)' 
que  les  Maures  les  bloquoient  par  Terre.  C'efl:  ici  que  F  Auteur  du  Mémoi* 
re  fait  confidérer  toute  la  fageffe  des  projets  de  M.  de  la  Bourdonnais,  i 
tout  le  faux  des  vues  de  M.  Dupleix ,  qui  avec  cinq  cens  quatre- vingi 
fix  Européens  fe  flattoit  de  mettre  en  fureté  ces  deux  grandes  Places, 
dans  un  tems  où  il  ne  pouvoit  pas  fe  diffimuler,  qu'elles  étoient  menacée 
d'çtre  afliégées  par  les  Maures ,  &  par  les  Anglois ,  &  que  fept  à  huit  cetf 
Européens,  bien  conduits  &  fournis  d'artillerie,  fuffifoient  pour  les  preu 
■•...„-...  ^  dti 

(8)  Ces  mêmes  Vaifleaux  furent  employés  utaementdans  la  faite,  pour  porter  des  fecoiu' 
«i  Pondichery. 


eiemy 


mnais  divifa 
il  augmenta 
e,  dévoient 
toient  eftro- 
ce  ca$  tour- 

le  Mars ,  le 
Bourdonnais, 
pour  les  fuif 
traire,  &de 
e  10  de  Dé- 

ureufement  i 
:e-  chargés  de 
le  M.  M.  de 
idant  M.  Dï- 
ittendoit ,  que 

les  ordres  de 
s  M.  Dupleix 
parcourant  le» 
rs  Equipages, 
ntreles  mains 
la  Compagnie, 
)ns  avantageu- 
Europe  les  car- 
ie.   Aufli  que 

de  M.  M.  de 
péri,  faute  de 
iras,  &  les  au- 
i  après  une  dé- 

lus  long-tems, 
les  liles,  o« 

lis  s'accomplit; 
/aifleaux  cntr; 
ras ,  &  par  c; 
la  Mer ,  tandi 
;eur  duMémoi* 
ourdonnais,  i 
s  quatre-vingt' 
irandes  Places. 
oient  menaceii 
"ept  à  huit  cet» 
pour  les  pre^ 

porter  des  fecoaJ 


DER:îI^n^.î 

GnF.nur.s  de 

i.'lNnE. 

SlTl'LEMlNT. 

I74<3. 


Giicncavcc 
les  Maures 
pour  Madras^ 


PRESQITISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        79 

kre  l'une  après  l'autre;  &  ces  Villes  prifes,  toutes  les  Colonies  Françoi- 
les  étoient  perdues  fans  reflburce.  Ce  qui  a  fauve  ces  EtabUlRmcns ,  c'cfl: 
coup  de  vent  du  13  Oftobre,  qui  ruina  l'Efcadre  Françoife  devant  Ma- 
as.  Comme  M.  de  la  Bourdonnais  n'avoit  plus  alors  de  VaifTeaux ,  il  lui 
^t  impoflîble  d'emmener  les  Troupes  qu'il  avoit  conduites  pour  fon  ex- 
pédition. Il  fut  donc  obligé  de  laifler  a  Madras  plus  de  douze  cens  Eu- 
Sbéens  bien  difciplinés,  &  qui  joints  avec  les  Equipages  de  quelques  Vaif- 
jCux,  ont  fervi  à  la  garde  de  Madras  &  à  la  défenl^de  Pondichery;  ce 
Si  a  formé,  pour  ces  deux  Places,  une  Garnifon  de  près  de  trois  niiile 
'Kinçois,  au-Iieu  de  cinq  cens  quatre- vingt-fix  à  quoi  elles  auroient  été  ré- 
'  ;s ,  fans  la  perte  des  Vaiffeaux. 
Aïs  après  avoir  vu  quel  ufage  M.  Dupleix  a  fait  des  VaifTeaux ,  dont  il 
t  ôté  le  Commandement  à  M.  de  la  Bourdonnais,  il  faut  préfentement 
connoitre  comment  il  s'eft  conduit  à  Madras,  lorfqu'il  s'eft  vu  maître 
cette  Ville.  On  fe  rappelle  qu'il  avoit  promis  au  Nabab  de  la  lui  re- 
re.  Ce  fut  pour  le  forcer  de  remplir  cet  engagement ,  que  les  Mau- 
rirent  les  armes.  Us  avoient  déjà  fait  avancar  beaucoup  de  Troupes 
les  environs  de  Madras ,  avant  que  M.  de  la  Bourdonnais  en  partit, 
tint  qu'ils  fçurent  qu'il  commandoit  dans  cette  Place,  ils  n'ofèrent  en 
cher,  ni  faire  le  moindre  afte  d'hoflilité.  Dès  qu'ils  apprirent  qu'il 
it  de  s'embarquer ,  rien  ne  les  retint  plus.  Madras  étant  bloqué ,  le  Sr. 
rémefnil ,  qui  y  commandoit ,  envoya,  le  27  Oftobre,  des  Députés  au 
ib ,  pour  fçavoir  les  raifons  qui  le  portoient  à  faire  la  guerre  aux  François. 
Députés  ne  furent  pas  plutôt  arrivés  à  la  Rivière  du  Mont,  qu'ils  furent 
&  dépouillés,  avec  les  cinquante  Cipayes  dont  ils  étoient  accompa- 
Après  que  les  Maures  eurent  bien  maltraité  les  Cipayes ,  ils  les  ren- 
rent,  &  menèrent  les  Députés  à  Saint-Thomé,  pour  les  préfentcr  au 
1  ^nâ/</or  du  Nabab,  qui  leur  dit  que  ces  traitemens  ne  leur  étoient 
que  pour  fe  vanger  au  peu  d'égards  que  M.  Defprémcfnil  avoit  eii 
le  Député  «ju'il  avoit  envoyé  à  Madras,  quelques  jours  auparavant,  & 
l  on  n'avoit  point  fait  de  politefles.  En  même  -  tcms  ce  Chef  des 
ts  déclara  que  M.  Dupleix  leur  avoit  promis  Madras,  &  qu'ils  vou- 
l'avoir  ;  que  le  fils  du  Nabab  étoit  attendu  à  tout  moment ,  &  qu'il  , 

it  avec  un  grand  train  d'artillerie  pour  reprendre  cette  Place  fur  les 
çois,  degré  ou  de  force.  «".vb 

>.  Sr.  Deiprémefnil ,  qui  ne  tarda  point  à  fçavoir  ce  qui  fe  paflbit  à     ih  font 
-Thomé  ,  jugeant  que  tous  ces  préparatifs  de  guerre  exigeoient  fa  ^"cceffive- 
ite,  prit  le  même  jour  le  parti  d'abandonner  le  Commandement  de  Ma-  "^^'"°^""^ 
,  &  fe  rendit  par  Mer  à  Pondichery ,  fous  prétexte  de  maladie.    Il  fut 
placé  par  le  Sr.  Barthélémy ,  qui  en  faifant  faire  des  forties  fur  les  Mau- 
,  trouva  le  moyen  de  les  écarter,  &  de  rendre  la  liberté  à  la  Place, 
qu'il  y  avoit  de  particulier,  c'eft  que  les  ordres  qu'il  recevoit  de  Pondi- 
xy ,  ne  l'autorifoient  point  à  repouffer  les  infultes  des  Maures  ;  mais  il 
it  "contraint  par  une  nécelfité  indifpenfable.    Les  Maures  s'étoient  faifis 
ieul  endroit  d'où  la  Garnifon  pouvoit  tirer  de  l'eau,  &  ils  avoient  en- 
ré  enmême-tems  du  monde,  pour  déboucher  la  Rivière ,  que -M.  Bar- 
lemy  tenait  fermée,  &  qui  inondojt  les  environs  de  la  Ville.    Le  Com- 

ftiau- 


Sab, 


Ites 


«Il 


îo- 


DESCRIPTION    DE    LA 


i»; 


GUKRRRl  HR 

I.  iNflB. 
Stf  PM  MENT. 

1746. 


mandant  averti  de  ces  dcmarchcs,  ordonna  aulVi-tôt  qu'on  tiritt  deux  cniipj 
de  canon  à  poudre  fur  \cs  Travailleurs,  comptant  que  cJà  fulHroit  pour 
les  faire  retirer.  A  peine  le  dernier  fut  parti,  que  toutes  les  iiatterics, 
comme  de  concert,  firent  un  feu  terrible,  &  obligèrent  les  Maures  à  Ib 
retirer  précipitamm.nt  hors  de  la  portée.  Les  hollilités  commencées,  il 
n'y  avoit  plus  à  balancer,  d'autant  moins  que  laGarnifon  fouffroit  extrême- 
ment ,  faute  d'eau.  Le  2  de  Novembre ,  M.  Barthélémy ,  à  la  demanJi; 
de  tous  les  Officiers,  fit  fortir  un  Détachement  de  quatre  cens  hommes, 
avec  deux  pièces  de  Campagne,  fous  les  ordres  de  M.  dc/<ï  Tour^  Capital, 
ne,  pour  chalfer  les  Maures  du  Nord  de  la  Ville.  Cette  expédition  eut 
tout  le  luccés  polîible.  M.  de  la  Tour  fe  rendit  maître  de  divers  rctran- 
chemens  des  ennemis,  leur  brûla  cinq  à  fix  tentes,  encloua  deux  pièces 
de  canon ,  prit  plulîeurs  chevaux ,  &  leur  tua  environ  foixante-dix  hom- 
mes. La  déroute  fut  totale  du  côté  des  ennemis ,  qui  ne  cherchèrent 
leur  falut  que  dans  la  fuite.  '  v 

Les  Maures,  qui  s'étoient  campés  à  l'Ouefl  de  la  Ville,  à  une  demie  lieue 
dans  les  terres ,  ayant  eu  avis  de  la  marche  d'un  Détachement  de  quatre 
cens  hommes,  que  M. Paradis  amenoit  de  Pondichery  contre  eux,  quittè- 
rent-les  environs  de  Madras,  &  le  rendirent  à  Saint -Thomé,  pour  lui 
difputer  le  pafl'age  de  la  Rivière.     Dés  que  M.  Barthélémy  en  eut  été  in- 
formé, il  commanda  encore  M.  de  la  Tour,  avec  un  autre  Ddtachemrat 
de  quatre  cens  hommes,  pour  aller  à  la  rencontre  des  Troupes  de  Pondi- 
chery ,  &  battre  enfemble  les  Maures.     Le  projet  étoit  bien  conyu  ;  mais 
il  fut  mal  exécuté ,  faute  d'aélivité ,  &  pour  avoir  fait  partir  trop  tard  le 
Détachement  de  Madras ,  qui  n'arriva  à  Saint-Thomé  qu'après  l'aaion  :  car 
M.  Paradis  s'étant  trouvé,  à  la  pointe  du  jour,  au  paflage  de  la  Rivière, & 
comptant  fur  le  fecours,  avança  vers  les  Maures,  qui  étoient  rangés  en 
bataille ,  &  qui ,  après  avoir  tiré  fur  lui  leurs  mauvais  canons ,  commencè- 
rent à  s'ébranler  aux  premières  décharges  de  fa  moufqueterie.     M.  Para- 
dis s'en  étant  apperçu  ,  fit  foncer  fa  troupe.     Les  Maures ,  peu  accoutu- 
més à  fe  battre  de  fi  près,  prirent  la  fuite.     On  en  tua  plufieurs,  &>même 
quelques-uns  de  remarque.    Il  y  eut  aulfi  beaucoup  de  blefles  qui  fe  fauve- 
rent.     Le  fils  du  Nabab  commandoit  cette  Armée,  &  fut  un  des  premiers 
à  décamper  avec  fon  éléphant  &  fon  grand  étendart. 

ApRr-s  la  fuite  des  Maures,  le  Détachement  de  M.  Paradis  entra  viflo- 
rieux  dans  Saint-Thomé,  pourfuivant  toujours  les  fuyards.     C'efl:  là  qu'il 
rencontra  le  Détachement  de  Madras.     M.  Paradis  y  laiiTa  M.  de  la  Tour, 
&  fe  rendit  à  Madras  en  triomphe.    11  amenoit  une  quantité  de  cha- 
meaux, de  boeufs  &  de  chevaux,  qu'il  avoit  pris  fur  les  Maures.    M.  de  ^ 
la  Tour  fe  chargea  de  faire  enclouer  toutes  leurs  pièces  de  canon,  & 
brûler  leurs  affûts;  mais  il  ne  put  contenir  fes  Soldats,  qui  pillèrent 
Saint  -  Thomé ,  enfoncèrent  les  portes  de  toutes   les   maifons  ,  tuèrent 
encore  beaucoup  de  Maures,  &  firent  un  ravage  affreux,  dont  les  Por- 
tugais d"  cet  endroit,  les  Arméniens  &  autres,  ont  bien  profité,  après  la 
retraite  des  François.    M.  de  la  Tour  s'étant  apperçu  trop  tard  de  a  . 
defordre,  fit  raffembler, fa  troupe,  &  ramena  fon  Détachement   à  Ma- 
dras, où  il  conduifit  encore  beaucoup  de  chevaux  (Se  de  belliaux  desJVIau- 
•...;.  res, 


• 


l'RESQU'iSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       Sï 


;  deux  cmip! 
uliiroit  puut  • 
s  Batteries, 
Maures  à  lo 
îmencccs,  il 
■oit  cxircmc. 

la  dcmunJo 
;ns  hommes, 
o«r.  Capital' 
ipédition  eut 
livers  rciran- 

deux  picots 
inte-dix  liom-     • 
;  chcrchcrcnt 

le  demie  lieue 
-nt  de  quatre 
;  eux,  quitte- 
amé  y  pour  lui 
en  eue  été  in- 
;  Détachement 
ipes  de  Pond'i- 
n  conçu;  mais 
il-  trop  tard  le 
es  l'aftion  :  car 
i  la  Rivière, & 
ient  rangés  en 
is,  commencé- 
Irie.     M.  Para- 
peu  accoutu- 
purs,  «Si-même 
s  qui  fc  fauve- 
n  des  premitii 

iis  entra  vifto' 
C'eftlà  qu'il 
SI.  de  la  Tour, 
mtité  de  cha- 
laures.     M.  de 

de  canon,  & 
,  qui  pillèrent 
Lifons  ,  tuèrent 
]  dont  les  Por- 
Lrofité,  après  11 

jp  tard  de  ce 
liement   à  Ma- 

liaux  des  Mau- 
res I 


es,  qui  furent  reçus  avec  joye,  dans  une  Place  où  les  vivres  n'étoient 

as  en  abondance. 

L'arrivée  de  M.  Paradis  à  Madras  annonça  à  tout  le  inonde,  au*il  ve- 
^jit  dans  cette  Ville  pour  changer  en  général  tout  ce  que  M.  de  la  Bour- 
Sonnais  avoit  fait  &  conclu.  On  de  fcs  premiers  foins  fut  d'expulfer  les 
^t.  de  h  rtllebague  <&  Desjardins  (a),  Membres  du  Confeil  de  Madras, 

t'un  prétendu  ordre  de  M.  M.  de  Pondichery,  &  pour  des  motifs  auffi 
IX.  Bien-tôt  M.  Barthélémy  dut  également  céder  fa  place  à  M.  Paradis, 
omme  de  confiance  de  M.  Dupleix ,  &  le  feul  qui  convint  à  fes  vues. 
I  fut  alors  qu'on  vit  éclorre  le  projet  qae  le  Gouvernement  de  Pondichery 
litoit  depuis  fi  longtems. 

ES  ordres  qui  arrivèrent  à  Madras ,  portoient,  „  que  le  Confeil  afTem- 
Je,  ayant  mûrement  réfléchi  fur  l'avis  donné  par  les  principaux  de  la 
'olonie  &  des  Vaifleaux ,  avoit  délibéré  de  faire  déclarer  aux  Anglois 
e  Madras,  que  le  Traité  de  rançon  qu'ils  avoient  fait  avec  le  Sr.Mahé 
le  la  Bourdonnais,  demeuroit  nul,  &  que  la  Nation  Francoifc  fe  trou- 
foit,  envers  eux,  dans  le  même  état  que  lejour  de  la  prile  de  la  Ville". 
^iordres  furent  lignifiés  aux  Anglois,  le  lo  Novembre,  &  publiés  dans 
'  ras  à  la  tête  des  Troupes,  avec  un  A£le  qui  expliquoit  les  nouvelles 
itions  qu'il  plaifoii  à  M.  M.  de  Pondichery  d'impofer  aux  Anglois. 
conditions  étoient  ;  „  I.  Que  les  Anglois  feroient  tenus  de  remettre 
utes  les  clefs  des  Magaflns ,  pour  que  les  François  puÛent  s'emparer 
e  tous  les  effets  qui  y  étoient  renfermés.     II.  Que  les  premiers  au- 
oient  la  permidlon  d'emporter  les  meubles  &  habits ,  avec  les  hardes  & 
lijoux  de  leurs  femmes  ;  mais  qu'à  l'égard  des  marchandifes,  argenterie, 
hevaux ,  &c. ,  tout  refteroit  aux  François.     III.  Que  les  Anglois  fe  re- 
ireroient  où  bon  leur  fembleroit ,  fous  parole  de  ne  pas  fervir  contre  la 
"rance  jufqu'à  l'échange.    IV.  Que  ceux  qui  voudroient  refcer  dansMa- 
ras  preteroient  ferment  de  fidélité  au  Roi  entre  les  mains  du  St.  Paradis. 
'.  Que  le  Gouverneur  &  le  Confeil  s'obligeroient  aufli  de  ne  point  fervir 
utre  la  France;  &  que,  s'ils  refufoient  d'en  donner  leur  parole,  ils  fe- 
ent  conduits  prifonniers  à  Pondichery". 

n'efl  pas  poflible  d'exprimer  l'indignation  qu'excita  la  publication 
pareil  Afte,  ni  le  trouble  &  le  defordre  qu'entraina  fon  exécution, 
plupart  des  Officiers  Anglois  fe  fauvérent  la  nuit  avec  leurs  femmes 
eurs  familles ,  &  abandonnèrent  la  plus  grande  partie  de  leurs  effets. 
X  qui  relièrent  avec  le  Gouverneur  turent  conduits  avec  lui  en  triomphe 
'ondicliery,  &  donnés  en  fpeélacle  à  tout  le  peuple,  à  la  tête  duquel 
ut  M.  Dupleix ,  avec  tout  l'appareil  d'un  Souveram ,  &  tout  l'éclat  d'un 
linqueur.    Les  Juifs  &  les  Arméniens  eurent  le  choix ,  ou  de  voir  piller 
is  leurs  effets ,  ou  d'aller  demeurer  à  Pondichery.     A  l'égard  des  Natu- 
!s  du  Pays,  on  les  réduifit  à  la  néceflTité  de  fe  fauver,  en  rafant  la  Ville- 
ire,  qu'ils  habitoient,  &qui  étoit  le  centre  du  .Commerce.    Enfin,  ce 

qui 


DeANikRss 

GUBRRCS  Dt 

l'Indi. 

SurPLBMBNT. 

i74<5. 

Changement 
total  que  M. 
Paradis  fHik 

Madras.        ^, 


La  Capitu- 
lation ell  caf. 
fce&annul* 
lée. 


r 

-.*. 


Dëfolation 
dans  cette 
Ville. 


(a)  Le  premier  étoit  frère  de  M.  de  la 
urdonnais,  &  tous  ks  deux,  après  avoir 
lucoup  fouffert  des  perfécutions  de  fes 
XIK  Part, 


ennemis ,  font  morts  enmême-tems,  dans  leur 
traverfée  pour  repalTer  en  France, oi)M< Pu* 
pleix  les  envoyoit  prifonniers.     „    ,.  ■.     -^ 


Guerres  dC 

l'Indk. 

Supplément. 

1746. 

Protcfta- 
tionsdesAn- 


Départ  de 
M.  Paradis , 
avec  un  Dé- 
ikacbcment. 


Les  Maures 
vontàfaren- 
.sontre» 


11  efl  battu. 


%i       M   -     D  ES  CRIPT  I  ON    DE    L  A  ^ 

qui  doit  encore  paroiçre  plus  incomprétienfible,  dans  la  politique  de  M.D». 
pleix,  c'efl:  qu'après  avoir  entièrement  détruit  la  Ville-Noire,  qui  powvoit 
Ttrulc  intéreïrer  4  caufe  d<i  Commerce,  il  fit  des  dépenfes  énormes  pour 
fortifier  la  Ville-Blanche,  qui  n'étoit  plus  qu'une  Place  inutile,  &  dontli 
confervation  n'avoit  aucun  objet  depuis  la  dénK)lition  de  la  Ville -Noire. 

Le  Gouverneur  Angiois  &  Ton  Confeil  firent  leur  proteflation  autenti. 
que,  qu'ils  fignifièrent  à  M.  Paradis,  au  nom  du  Roi  d'Angleterre,  contre 
1  infraftion  du  Traité  de  rançon  ;  Ils  refufèrent  en  méme-tems  de  donner 
les  clefs  de  leurs  Magafmâ  particuliers  ;  mais  le  Gouverneur  François  lei 
fit  enfoncer  par  autoritév  Nouvelles  protedations  de  la  part  de  ces  Mef» 
heurs  (b).  Enfin  tout  fe  paflbit ,  &  on  ne  faifoit  plus  rien  dans  la  Ville  que 
par  ordre  du  Roi  t&  par  prot&ftations,  ce  qui  a  duré  jufqu'à-ce  qu'on  eut 
chafiTé  entièrement  tous  les  Angiois  de  la  Place.  M.  Barthélémy,  qui  n'é< 
toit  plus  Gouverneur,  aiyant  été  fommé  par  M.  Paradis,  de  figner  l'Aéle 
de  la  caÔation  du  Traité  de  rançon ,  il  le  refufa ,  „  en  déclarant  qu'il  n'avoît 
„  quitté  le  Gouvernement,  qae  pour  m'être  pas  obligé  de  prêter  les  maiiu 
^,  à  des  injuflices  criances". 

Après  que  M.  Paradis  fe  fut  acquité  de  fa  commifHon ,  &  qu'il  «ut  fak 
fortir  de  Madras  tous  ceux  qui  pouvoient  s'oppofer  à  fes  delFeins,  M 
Dupleix  le  rappella  à  Pondichery ,  dans  la  vue  de  le  charger  d'une  entre» 
pril'e  plus  difficile;  &  comme  il  étoit  à  propos  d'envoyer  t«i  autre  Gou» 
verneur  à  Madras ,  on  jetta  de  nouveau  les  yeux  fur  M.  Defprémefnil, 
qui  accepta  entbre  la  commiflion,  à  la  follicitation  de  fon  Beau-père.  Il 
ne  fut  pas  plutôt  arrivé  à  fon  ancien  Gouvernement ,  que  M.  Paradis  fe  mit 
en  route,  à  la  tête  d'un  Détachement  de  trois  c^s  hommes  pour  joindre 
la  petite  Armée  qui  étoit  deftinée  à,  faire  le  Siège  de  Qoudelour ,  où  la 
plupart  des  Angiois  de  Madras  s'étoient  retirés. 

Ces  derniers,  attientifs  aux  démarches  des  François,  ayant  fçu  fans  dou> 
te  qu'on  devoit  faire  défiler  des  Troupes  de  Madras  à  Pondichery,  ea 
donnèrent  avis  à  JVfofouz-Kan ,  fils  du  Nabab ,  le  même  qui  avoit  été  bat< 
tu  depuis  peu  par  les  François,  &  qui  avoit  juré  de  le  faire  plutôt  Fakir, 
que  de  ne  pas  fe  vanger  d'eux.    Il  étoit  brouillé  avec  fon  frère,  que  h 
Angiois  avcàent  engagé ,  à  force  d'argent,  de  venir  fe  camper  proche  de  Gou- 
delour,  avec  toutes  fes  Troupes,  pom- couvrir  leur  Place i  mais  on  avoi: 
aufli  trouvé  moyen  de  gagner  le  premier,  &  de  le  faire  marcher  d'Arcattt 
à  Goudelour,  avec  fes  Troupes,  pour  fe  joindre  à  fon  frère.    Ce  Généra! 
Maure,  averti  que  M.  Paradis  étoit  en  route  de  Madras  à  Pondichery,  en- 
voya une  partie  de  fes  Troupes  lui  couper  le  chemin.    Il  fut  rencontré  par 
la  Cavalerie  Maure,  trois  lieues  au  Nord  deSadras,ou  Sadraspatnam.  Les 
Maures  attaquèrent  le  Détachement ,  &  M.  Paradis  fe  battit  en  retraite, 
faifanc  de  tems  à  autre  volte  face.    Enfin ,  ils  harcelèrent  les  François  juf 
qu'à  la  vue  de  Sadras,  augmentant  toujours  en  nombre,  par  les  TroupeJ 
qu'ils  reoevoient  4e  tous  côtés.    M.  Paradis,  qui  voyoit  l'afi^aire  devenir 
férieufe,  craignant  que  ces  mêmes  Maures ,  qu'il  avoit  battus  àSaint-Tho* 

né, 

(6)  Dans  leurs  jprateftations  ils  etnplQyoient  toujours  ces  t&tmsi  mcettainnMif^  i^ 
faradis ,  ]u>  Je  dit  Gouvtmiur  4e  Maint. 


îi 


.J 


ledeM.Du. 

quipouvoit 
lormes  pour 
>,  &  dont  11 
lie -Noire, 
ûon  autentl. 
erre,  contre 
is  de  donnet 
François  les 
de  ces  Mef^ 
s  la  Ville  que 
ce  qu'on  eut 
my,  qui  n'é- 

figner  l'Aftè 
t  qu'il  n'avoît 
êter  les  maiiu 

qu'il  «ut  fak 
defFeins,  M. 
d'une  entre* 
m  autre  Goû* 
Oefprémernil, 
Seau-père,  l 
F^:iaais  fe  mit 
i  pour  joindre 
idelour ,  où  k 

Çgn  fans  dou> 
>ndichery,  ea 
avoit  été  bat' 
plutôt  Fakir, 
ière,  que  les 
roche  de  Con- 
nais on  avoi; 
ler  d'Arcatt! 
Ce  Généra 
ndichery ,  en- 
rencontré  par 
natnam.  Lei 
en  retraite, 
François  jut 
les  TroupeJ 
Faire  devenir 
àSaint-Tho- 
né, 

•ftnin  nmai  ^ 


PRESQiriSLÎf  ÏN  DffÇA  DUT  GANGE^,  txv.  III.       $5 

'ihé  n'eufltnt  cette  fois  leur  revanche,  çagna  prudemment  la  tôtç  de  fon 
r)étachement,&laiira  l'arrière-garde  fous  le  commandement  de  M. de  A/a;nr 
'\ilk  brave  Officier ,  qui  fe  battoit  toujours  par  reprife  contre  les  Mau- 
%es  '&  qui  envoyoic  continuellement  avertir  M.  Paradis  de  faire  alte;  mais 
Inutilement,  parceque  celui-ci  ne  cherchoit  qu'à  mettre  en  fureté  une  cin- 
lantaine  decailfes  d'effets  qu'il  apportôit  de  Madras  pour  fon  compte, 
ïflî  dès  qu'il  pût  atteindre  la  Ville  de  Sadraa,  il  fut  fe  camper  à  la  Loge 
)llandoife,  où  il  entra  avecaflez  de  monde  pour  en  être  maître.  Les 
)llandois,  peu  contens  de  lui  accorder  retraite  ,  au  rifque  de  fe  brouiller 
;c  les  Maures,  fe  firent  comme  forcer,  par  M.  Paradis,  pour  confentir 
'i  les  principaux  de  fon  Détachement  auroient  l'entrée  de  leur  Loge, 
jue  fcs  Troupes  feroient  campées  à  leur  porte. 

.ylAiNviLLE ,  que  lesMaures  preflerent  plufieurs  fois  vivement,  eût  toutes 
peines  du  monde  à  fe  tirer  d'affaire  avec  l'arrière-gardc ,  qui  étoit  preO- 
abandonnée  par  la  tête  du  Détachement  ;  Enfin  il  gagna  auffi  Sadras , 
\  en  colère  contre  M.  Paradis ,  à  qui  il  en  fit  de  fanglans  reproches ,  juf- 
le  menacer  de  lui  faire  fauter  la  cervelle.     Les  François  eurent ,  dans 
feoccafion,  quelques  blefl"és,  &  quatorze  hommes  pris  par  les  Maures, 
ft^aff^res  des  Ifles  s'étoierit  battus  en  defefpérés.    Ils  fervircnt  bien  auflî 
Bver  lés  bagages  deM<  Paradis,  qui  fe  ctpt  obligé,  par  recoiUioiû*ance, 
procurer  la  liberté  aux  plus  braves.      "T-^-  '"-'-^  ^nr«v-!5^:ïoin^  to  j^'/^'.i 
*Es  Maures  firent  fonner  fort  haut  l'aviantage  qu'ils  crurent  avoîr  rem- 
té  fur  les  François ,  en  faifant  fuir  devant  eux  leur  Détachement ,  dont 
^n'auroient  pas  eu  fi  bon  compte,  fans  les  bagages  qu'on  craignoit  d'ex- 
•  au  fort  d'un  combat  opiriiâtre.    Le  Général  Mafouz-Kan  fe  rendit 
fes  Troupes  à  Gbtiddour,  auprès  dés'Anglois,  qui  n'épargnoient 
pour  entretenir  ces  Maures  dans  des  difpofitions  fi  favorables. 
:.  Paradis  doniia  àPôndiehery  avis  de  fon  Combat,  &  de  -la  fituation 
fe  trouvoit,  bien  retranché  à  k  faveur  deiaLoge  Hollandoife.   On  ex- 
ia  vite  tin  Détachement  pour  le  fecourir ,  ôc  pour  dégager  fes  caifles ,  qui 
^rent  dans  Pondichery ,  fans  être  fujettes  à  aucune  vifite.     A  l'arrivée 
[.  Paradis  en  cette  Ville, on  penfa'  férieufcment  au  Siège  de  Goudelour  ; 
;  préparatifs  fe  firent  avec  fi  peu  de  fecret,  que  les  «nnemis  ne  purent 
ler  d'en  être  parfaitement  infliruits.    Quand  tout  fut  prêt  pour  ce  Siège, 
Dupleix  proposa  de  jonner  le  Commandement  de  l'Armée  à  M.  Para- 
I  ;  mais  tout  le  Militaire  en  Corps  refufti  de  martyr  fous  fes  ordres.  En- 
,  après  bien  des  conteftations  fur  cet  Article,  M.  Dupleix,  qui  ne 
ïyoit  pas  pouvoir  aller  faire  la  guerre  lui-même ,  à  quatre  lieues  de  fon 
)uvern€ment,  fut  obligé  déplier,  &  fuivant  les  règles  du  fervice,  de 
)nner  le  Commandement  de  l'Armée  à  M.  de  Bury ,  tandis  qu'il  fe  contenta 
^1^  faire  la  guerre  de  fon  cabinet ,  d'où  il  difpofa  toutes  les  marches  &  les 
ttaques. 

Les  Efpions  ayant  rapporté  qu'il  n'y  avoit  pas  à  Goudelour  plus  de 
kuinze  cens  Maures ,  on  le  hâta  de  faire  défiler  les  Troupes  qui  étoient 
eftinées  au  Siège  de  cette  Place.    Celles  de  Pondichery  partirent,  le  i8 
décembre,  avec  fept  pièces  de  Campagne.    Le  lendemain ,  toutes  lesTrou- 
i^es  fe  joignirent  au  Pofte  d'Arian-Ccupm^  rendez-vous  géoéval  de  l'Ar- 

L  2,  mée. 


gverrks  db 
l'Indr. 

SUPPtEMRNT. 

I74<5. 


Rcprochci 
que  Ç[\  niau- 
vaife  conduite 
lui  attire. 


lar 


LcsMaoref 
vont  au  re- 
cours deGou* 
delo.iEt 


Préparatifs 
pour  le  Siège 
de  cette  Place. 


Départ  de» 
Troupes  de 
Pondichery. 


Première 
aftion  contre 
la  Cavalerie 
Maure. 


.Ordres  don- 
nés pour  la 
retraite,  & 
perte  4çs  ba- 
gages. 


Defordres 
J«;  la  retraite. 


84 


DESCRIPTION    DE    LA      •n^'^ 


Guerres  db, 

L'iwne. 
Supplément. 

174(5. 

Porte  qu'el- 
les emportent 
d'emblée. 


qui  dcdît  compofée  de  dix-fept  cens  hommes^f ^.   L'ordre  portoit  de 
arer  d'abord  du  Jardin  de  la  Compagnie  Angloire,  qui  eft  au  Nord* 


mëe, 

s'emparer 

Ouefl;  du  Fore  Saine-David ,  à  la  portée  d'un  canon  de  trënte-fix ,  où  il  y 

avoic  une  Batterie  de  fix  canons. 

Le  20  ((/),  toutes  les  Troupes  paflerent,  à  la  pointe  du  jour,  une  Ri. 
viére  à  un  petit  quart  de  lieue  du  Jardin,  ibus  le  feu  de  quelques  canons, 
foûcenu  de  quatre  à  cinq  cens  Maures,  appuyés  contre  un  petit  Village, 
mafqué  par  des  brouflailles  ;  Ce  Pofte  fut  emporté  d'emblée.  En  ap. 
prociiant  du  Jardin ,  on  apperçut  fous  Ces  murs ,  un  Corps  d'environ  trois 
mille  hommes ,  qu  on  débufqua  à  coups  de  canon  ;  mais  tandis  que  les 
François  fe  mettoient  en  devoir  de  s'emparer  de  ce  Pofte ,  un  gros  Corps 
de  Cavalerie  Portant  des  bois  de  haute  futaye ,  le  fabre  à  la  main ,  vint  fe 
ranger  en  bataille  dans  la  plaine,  ce  qui  obligea  les  François  d'en  faire  au< 
tant ,  &  de  le  préparer  a  l'attaque. 

Le  feu  commença  de  parc  &  d'autre  à  cinq  heures  du  matin.  Les  Fian* 
çois  a  voient  en  tête  cinq  à  fix  mille  hommes  de  Cavalerie,  &  trois  ou  qu^ 
tre  mille  d'Infanterie  Maure,  avec  une  cinquantaine  de  Cavaliers  Anglois, 
qui  animoienc  cette  multitude  de  gens  peu  aguerris.  On  fit  fur  eux  ui^ 
feu  fi  vif  de  l'Artillerie,  que  ne  pouvant  refter  en  bataille,  ils  fe  répandi- 
rent par  pelotons,  &  vinrent  prendre  les  François,  par  devant  &  par  der- 
ce  qui  occafionna  une  dépenfe  confidérable  de  munitions. 


riere ; 


Après  s'être  battus  de  pied  ferme  pendant  trois  l^eures,  la  crainte  defe 
voir  couper  la  communication  avec  Pondichery ,  en  s'établilfant  dans  le 
Jardin,  où  les  munitions  manqueroient  bien-tôt,  détermina  les  François  à 
fe  retirer  ;  &  en  conféquence  l'ordre  fut  donné  de  faire  revenir  les  bagages, 
vivres,  munitions  de  guerre,  &les  Troupes  qui  étaient  dans  l'avant-cour 
delà  Maifon  du  Jardin,  prêtes  à  s'emparer  de  la  Batterie  des  ennemis; 
Mais  lorfque  ces  l'roupes  en  furent  forties,  les  Maures,  au  nombre  de 
quatre  à  cinq  cens,  entrèrent  dans  l'avant-cour,  &  fe  rendirent  maîtres  de 
tous  les  bagages  &  de  toutes  les  munitions  des  Français.  Il  n'y  eut  de 
fauve  que  ce  qui  n'étoit  point  encore  arrivé  au  Jardin,  au  moment  quel'ap* 
parition  fubite  des  Maures  empêcha  les  premiers  d'y  tous  prendre  pofte. 

Les  François  fe  retirèrent  en  bon  ordre  jufqu'à  la  Rivière  de  Mariquiche' 
na,  à  un  quart  de  lieue  du  Jardin, où,  harcelés  de  fort  prés  par  les  ennemis, 
quin'avoient  cefle  de  les  pourfuivre,  ils  fe  jettèrent  daiiS  cette  Rivière 
fans  fçavoir  fi  elle  étoit  guéable.  Leur  bonheur  voulut  que  les  Maures, 
dans  cet  inftant  favorable ,  ne  foncèrent  pas  fur  eux  à  propos;  autrement 
c'en  étoit  fait  de  cette  petite  Armée,  parcequ'il  y  avoit  quatre  pieds  d'eau 
dans  la  Rivière ,  &  que  les  bords  en  étoient  efcarpés  à  la  hauteur  d'un  hom- 
me. Les  Troupes  qui  paflbient  à  la  débandade ,  fe  formèrent  en  arrivant 
de  l'autre  côté  de  la  Rivière;  &  gagnant  le  bord  de  la  Mer,  elles  pouffèren; 
leur  route  jufqu'au  Fort  d'Arian-Coupan ,  où  elles  arrivèrent  à  fept  heures 


njDit.-' 


'({î 


(<r)  Les  Miflîonnaires  Danois  de  Goude- 
lour,  ouCudeIur,difent  fept  cens  Européens 
&  treize  cens  Noirs. 

(  i)  Le  Mémoiie  dé  M.<delaBourd<»inais 


porte  le  lo  Mars;  mais  c'cfl:  une  fautCf 
comme  la  fuite  le  fait  voir ,  ainfî  que  le  Joitf* 
nal  des  Millionnaires  Danois. 


lent 


;  ■  j^f 


e  portoit  de 
ift  au  Nord- 
fix ,  où  il  y 

lur,  une  Ri. 
}ues  canons } 
etit  Village, 
ée.  En  aç. 
environ  trois 
ndis  que  les 
gros  Corps 
lain,  vint  fe 
l'en  faire  au» 


I.  '  Les  Fran. 
trois  ou  quar 
iers  Anglois, 
ît  fur  eux  un 
Is  fe  répand!- 
nt  &  par  der- 
>ns. 

L  crainte  de  fe 

illant  dans  le 

les  François  à 

ir  les  bagages, 

s  favant-cour 

des  ennemis; 

u  nombre  de 

;nt  maîtres  de 

Il  n'y  eut  de 

nent  quel'ap» 

mdre  pofte. 

de  Mariquicht' 

r  les  ennemis, 

cette  Rivière 

:  les  Maures, 

is;  autrement 

:e  pieds  d'eau 

2ur  d'un  hora- 

t  en  arrivant 

es  pouffèrent 

fept  heures 

dtt 

,.■:'.■  '■•-■  •>  'il 
l'cfl:  une  faute» 
linfi  qiie  le  Joui» 


PRESQO'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       faf 
lu  foir,  fans  prefque  avoir  eu  le  tems  de  boire  &  de  manger  de  toute  la 


>urnee. 


Malgré  le  combat  du  matin,  &les  différentes  attaques  de  la  route,  les 
Srançois  n'eurent  qu'environ  douze  hommes  de  tués  ;  mais  le  nombre  de 
jfurs  bleffés  fe  montoit  à  près  de  cent  trente.  On  comptoit  que  la  perte 
^  Maures  pouvoit  aller  à  fix  cens  hommes  de  tués,  &  quantité  de  bleffés, 
fmi  lefquels  fe  trouvoient  plufieurs  de  leurs  Chefs. 
Cette  aftion,  qui  ne  fit  pas  beaucoup  d'honneur  aux  François,  étoit 
)ellée  dans  l'Inde ,  la  fameufe  journée  de  Mariquichena.  On  rioit  fur- 
;  des  ordres  donnés  par  M.  Dupleix,  de  pajjerjur  le  ventre  aux  Maures 
^s'oppofoient  à  leur  paffage(tf  ).  M.  deBury  &  les  autres  Officiers  firent 
tndant  tout  ce  qu'on  pouvoit  attendre  d'eux ,  dans  de  pareilles  circon- 
:es  ;  mais  ils  avoient  été  trompés  fur  le  nombre  des  Maures ,  &  for- 
l'obéir  aux  ordres  de  M.  Dupleix,  qui  regardoit  l'entreprife  comme 
illible. 

îs  Troupes  revenues  à  Arian-Coupan  y  campèrent  fans  rentrer  à  Pon- 
ery.  On  fit  dans  le  refte  du  mois  de  Décembre,  plufieurs  courfes  avec 
|Kts  Détachemens  du  côté  de  Goudelour ,  pour  tenir  toujours  les  An- 
i<É|i&  les  Maures  en  crainte  de  quelque  nouvelle  attaque.  Ces  courfes 
foient  jufqu'à  la  vue  de  Goudelour;  mais  les  Troupes,  haraffées  de 
les  &de  fatigues, partageoient  fi  bien  la  peur  avec  les  ennemis ,  queU 
retiroient  le  plus  fouvent  en  defordre  fur  de  fauffes  allarmes. 
dernier  jour  de  l'an  fut  marqué  encore  par  une  autre  entreprife,  auffi 
îxécutée  que  concertée.  On  envoya  beaucoup  de  Chelingues  à  Arian- 
)an,  fous  le  prétexte  de  rapporter  à  Pondichery  les  reftes  des  bagages 
fArmée.  Ces  Chelingues  eurent  ordre  de  fe  tenir  au  commencement 
nuit  à  l'entrée  de  la  Rivière,  du  côté  du  Sud.  Si-tôt  qu'il  fut  nuit, 
|t  défiler  d' Arian-Coupan ,  en  fecret,  un  Détachement  de  cinq  cens 
les ,  qui  s'embarquèrent  dans  ces  Chelingues ,  pour  être  tranfportés 
idelour,  où  fe  trouvant  à  la  pointe  du  jour,  ils  dévoient  mettre  le 
quatre  coins  de  cette  petite  Ville.  Mais  les  vents  étant  devenus 
tcpgiiires,  &  foufflant  avec  beaucoup  de  violence,  rendirent  la  Mer  fi 
.jlIP,  que  les  Chelingues ,  furchargées  de  Troupes ,  ne  purent  pour  la 
jHHlirt  fortir  en  dehors  de  la  Barre;  &  plufieurs  s'étant  défoncées,  les 
""lats ,  pour  fe  fauver ,  abandonnèrent  tous  leurs  armes ,  &  revinrent  à  A- 
^Coupan  fort  fatigués  &  bien  mouillés.  Telle  fut  la  réuffite  de  cette 
eprife.  On  en  conçut  une  autre  dans  le  même  goût  ;  mais  toujours 
auffi  peu  de  fuccès  ;  tandis  que  les  Maures ,  loin  de  quitter  GoudQ- 
,  fortifièrent  leur  Camp,  par  le  confeil  &  à  l'aide  des  Anglois,  qui  ne 
;p«||vant  leur  donner  tout  l'argent  qu'ils  demandoient ,  cherchoient  à  les  ccn- 
>ter  de  belles  paroles ,  pour  les  retenir  dans  leurs  intérêts. 
"La  douleur  de  voir  toujours  fes  Troupes  battues  &  i  .pouffées  honteu- 
lent  par  les  Maures,  joints  aux  Anglois,  infpira  à  M.  Dupleix, 
.    ....   ■■  ■•  -      -  -  ,-  ■•.■.;\.^  ■  ■■  '  i  ;  3. .:  .       une 


gubrkes  db 

l'Ikde. 
Supplément. 

174-6. 

Perte  de 
part  &  d'au* 
trc. 

lllufion  de 
M.  Dupleix. 


On  fe  réduii 
à  la  petite 
gueiie. 


e)  C'efl:  ce  qui  occafionna  un  bon  mot 

Officier  d'Artillerie,   qui  dit  L  Arian- 

ipan,  en  revenant  du  combat;  „  M.  Du- 


Seconde 
tentative  fuf 
Goudelour. 


Ce  projet 
échoue  enco* 
re. 


1747. 


„  pleix  devoit  bien  écrire  aux  Maures  de  fe 
„  coucher  fur  le  dos ,  pour  que  nous  puflions 
„  exécuter  fes  ordres  ", 

L3 


Cruelle  ven- 
geance qu'on 
tire  des  Mau- 
res. 


■■-m 

'«a 


«5 


DESCRIPTION    DE    LA 


Dernières 
Guerres  dk 

l'Inhe. 
sufi'lement. 

1747- 


Paix  raineu- 
fe  qu'on  eft 
obl'gc  de  faire 
avec  eux. 


Nouvelle 
entrcprife 
infruftueufe 
contre  Gou- 
delour. 


Force  de 
l'Efcadre  An- 
gloife  qui  ar- 
rive à  propos. 


Trahifon 
découverte  à 
<70udelour. 


une  aélîon  de  vengeance,  qui  a  coûte  cher  à  ia  Compagnie.  En  eflfet,  î; 
fit  partir  de  Madras  un  gros  Détachement,  pour  aller  ravager  les  terrej 
des  Maures.  La  dévaluation  fut  portée  aux  derniers  excès  :  on  brûla  quin. 
ZQ  Aidées^  ou  grands  Villages  Maures  (/),  avec  une  quantité  prodigieufe 
de  grains  &  d'effets  qui  y  étoient  renfermés;  on  tua  tout  ce  qui  fe  pri 
Tenta  ;  enfin ,  cette  terrible  exécution  fut  accompagnée  de  toutes  les  hor- 
reurs imaginables.  '    ''    -  ' 

Une  expédition ,  fi  cruelle  en  elle-même ,  &  fi  dangereufe  dans  fes  con- 
féquences ,  révolta  tous  les  François  qui  étoient  à  Madras.  On  accabla  de 
reproches  l'Officier  qui  commandoit  le  Détachement  (/?);  &  il  ne  put 
«'excufer  qu'en  répandant  par  tout  des  copies  de  l'ordre  qu'il  avoit  reçu, 
A  l'égard  des  Maures,  ils  fe  difpofoient  à  une  vengeance  éclatante,  lorf. 
que  le  Sr.  Dupleix ,  voyant  le  danger  de  plus  prés ,  fe  tourna  du  côté  do 
négociations,  &  acheta  la  Paix  à  force  d'argent  (A);  enlorte  que  cem 
Guerre  &  cette  Paix  ont  été  également  deshonorantes  pour  la  Nation,  $ 
ruineufès  pour  la  Compagnie. 

Au  commencement  du  mois  de  Mars  de  cette  année ,  les  François  am 
quèrent  de  nouveau  Goudelour  (i),  dont  ils  étoient  fur  le  point  de  s'em- 
parer,  lorfque  l'Efcadre  Angloife,  commandée  par  M.  Griffin, parut,  le  13, 
devant  la  Rade  ;  ce  qui  le»  obligea  encore  de  fe  replier  fur  Pondichery, 
avec  armes  &  bagages.  Ils  avoient  mis  deux  VaiiTeaux  en  Mer  pour  fe  rendre 
maîtres  d'un  Navire  Anglois  arrivé  à  Goudelour ,  depuis  peu  de  jours.  Ut 
autre  Vaiffeau  de  cette  Nation,  nommé  la  PrinceJJe  Jtrulie,  ignorant  la  prif: 
de  Madras,  étoit  entré ,  en  dernier  lieu,  dans  le  Port  de  cette  Ville, avec 
de  grandes  richelTes,  qui  tombèrent  en  partage  aux  François.  L'Efa 
dre  Angloife  étoit  forte  de  huit  VaiiTeaux  de  guerre,  un  Brigantin  &  uni 
Chaloupe.  Ce  fecours  venoit  d'autant  plus  à  propos,  que  les  François,  e 
faifant  leur  paix  avec  les  Maures ,  les  avoient  difpofés  à  abandonner  le 
Anglois ,  &  à  fe  retirer  du  côté  d'Arcatte. 

Vers^  la  fin  du  mois  d'OÛobre,  on  découvrît  une' grande  trahifon, doi 
le  but  étoit  de  faire  tomber  Goudelour  entre  les  mains  des  François.  L 
Chef  des  Siepas,  ou  Soldats  Noirs ,  qui  entretenoit  correfpondance  avecl 
Gouverneur  de  Pondichery ,  &  qui  en  avoit  déjà  reçu  une  bonne  fo  nia 
d'argent ,  devoit,  fous  promeflTe  d'une  recompenfe  plus  confidérable,  fe  j« 
ter ,  avec  fes  Soldats ,  du  côté  des  François ,  lorfqu'ils  feroient  à  port» 
d'entrer  dans  la  Place.  On  fçavoit  depuis  quelques  jours,  qu'ils  faiioidi 
marcher  des  Troupes ,  &  qu'ils  fe  préparoient  à  une  nouvelle  entreprife 
mais  la  découverte  d'une  perfidie^  fur  laquelle  ils  avoient  compté  (k).i 

''  :    '   ■■     ■  .     ••;"-■>  reçoit 

maïs  fuivant  les   Miflîonrmires   Danois,  c 
doit  avoir  été  dans  une  autre  occafion. 


■  (/)  Les  Maures  font  Souverains  du  Pays; 
mais  les  maifons  &  tout  ce  qu'elles  reiifer- 
jnent  appartiennent  aux  Malabares  &  aux  Pa- 
rias, Natiotis  neutres,  qui  n'avoient  rien  à 
démêler  drins  cette  Guerre. 

{g^  C'ctoit  le  Sr.  de  Mainville. 

\hS  l\  en  a  coûté  ceijt  mille  roupies  en  mar- 
chanaifcs,  &  cintjuante  mille  en  argent. 

(i  )  Le  Mémoire  de  M.  de  la  Bourdonnais 
dit  que  M.  Dupleix  s'f  trouvoiten  perfonne; 


(k)  M.  de  la  Bourdonnais  n'aura  ap'' 
remmert  rien  fçu  de  cette  trahifon ,  dontit 
Millionnaires  Danois  rapportent  les  0 
confiances.  Ils  ajoutent,  qu'un  Doineftif 
de  l'ancien  Gouverneur  de  Madrr.s ,  fut  tr* 
vé  coupable  du  môme  crime ,  &  qu'il  eiiavo; 
été  puni,  ainfî  qu'un  autte  de  fes Compiicfi' 


En  effet,  i! 
ger  le»  terres 
3n  brûla  quin- 
é  prodigieufe 
i  qui  fe  pri 
)utes  les  hor< 

dans  Tes  con< 
On  accabla  de 
;  &  il  ne  put 
'il  avoit  reçu, 
datante,  lorf. 
la  du  côté  dei 
»rte  que  cette 
la  Nation,  * 

}  François  attj 
point  de  s'era- 
i, parut,  le  13, 
iir  Pondichery, 
rpour  fe  rendre 
L  de  jours.  Ut 
gnorant  la  prift 
ette  Ville,  ava 
inçois.  L'Efa 
îrigantin  &  uni 
es  François,© 
abandonner  le 

trahiron,doi 

François.  L 
)ndance  aveci 

bonne  fonin 
ldérable,rejei 
Iroient  à  porte 

qu'ils  faiibicD 
elle  entreprife 
:ompté  (/:)•• 
retoii 

mires   Danois,  t 
litre  occafion. 
muais   n'aura  ap:i 

jtraliifon,  dont* 
apportent   les  fi 

qu'un  Doineftil' 
e  Madrr.Sjfuttrs 
nie, &  qu'il  tnavs- 

de  fesCoDiplic"' 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        9^ 

tour  des  Vaifleauxde  guerre  Anglois,  qui  étoient  en  croifière,  &  Tarri- 
ie  des  pluyes ,  les  contraignirent  à  renvoyer  ce  projet  à  une  occafion  plus 

!Vorable. 

Au  mois  de  Janvier  de  l'année  fuivante,  ils  firent  encore  une  tentative; 
MÛ  n'eut  pas  plus  de  fuccés  que  Iqs  autres.  Leurs  Troupes  fe  mirent  en  ' 
BHmvement,  le  16,  de  Pondichery  &de  Karical,  dans  le  defleîn  d'atta- 
Goudelour  de  deux  côtés  à  la  fois.  Celles  de  Pondichery  s'avancè- 
jufqu'à  Pattampakam,  quin'eft  qu'à  quatre  miles  Angloifes  à  l'Oued 
2'ripaplur  (  /)  ;  &  celles  de  Karical  arrivèrent  en  même-tems  à  Porto- 
linM  j  mais  les  deux  Détachemens  ne  purent  pouffer  plus  loin  leur  marche  « 
|Mgéi  mauvaife  volonté  d'une  partie  des  Troupes,  qui  refufèrent  d'obéir 
Smrdres  de  M.  Dupleix ,  tandis  que  d'autres  ,  ne  cherchant  que  l'occa- 
ie  prendre  la  fuite,  l'obligèrent  à  donner  tous  fts  foins  pour  contenir 
te,  à  l'aide  de  ceux  qui  lui  étoient  attachés.  Les  Indiens  qui  por- 
|t  le  bagage,  lui  furent  auffî  infidèles  &  abandonnèrent  leurs  charges, 
idemain,  à  la  pointe  du  jour,  la  Garnifon  de  Pondichery  ayant  vu  pa« 
quatre  Vaifleaux  de  guerre  Anglois,  on  tira  trois  coups  de  canon 
sq^eller  les  Troupes,  qui  fur  ce  fignal,  fe  retirèrent  bien  vice,  après 
i|ii«lp4nis  le  feu  aux  bagages  que  les  Soldats  ne  purent  emporter.  Oa 
i^'*%H[t  que  cette  expédition  avoit  coûté  aux  François,  plus  de  quiniw 
roupies. 

iT  de  mauvais  fuccés  ne  rebutoienc  point  encore  M.  Dupleix.     Le 
lin,  le  Gouverneur  de  Goudelour  reçut  avis,  qu'un  gros  Corps  de 
ipes  étoitde  nouveau  en  marche,  de  Pondichery ,  pour  venir  améger 
Place.     Il  fe  trouvoit  dans  la  Ville  deux  Compagnies  qui  eurent 
d'yrefler,  &de  redoubler  tous  les  pofles.     Cette  petite  Garnifon 
Renforcée  le  foir  par  une  troifîème  Compagnie,  détachée  du  Fort  Saint- 
où  chacun  fe  hâta  d'envoyer  fes  plus  précieux  effets.     A  neuf 
les  ennemis  parurent,  &  firent  tout  de  fuite  une  attaque  contre 
;mière  Batterie  extérieure  de  la  Ville ,  du  côté  du  Sud ,  auprès  de  la 
pe.     L'attaque  ne  dura  qu'un  bon  quart-d'heure.     Les  Anglois  n'y 
'  pas  un  feul  homme  rfe  bleiTé  ;  mais  la  perte  des  François ,  au  râp- 
es Prifonniers  &  Déferteurs,  devoit  bien  fe  monter  à  trois   cens 
es.     On  n'en  trouva  cependant  que  douze  qui  avoient  été  tués  fur 
e:  Le  nombre  de  leurs  blefTés  étoit  beaucoup  plus  confidérable.  On 
itoit, parmi  ces  derniers ,  l'Officier  commandant,  &  un  autre  Officier  de 
ion ,  qui  mourut  peu  de  tems  après  de  fes  bleflures.    Comme  d'ua 
,  le  Commandeur  Griffin  étoit  à  la  pourfuite  de  quelques  Navires  Fran- 
&  que  de  l'autre  côté,  l'on  croyoit  être  bien  informé  à  Pondichery, 
avoit  pris,  à  bord  de  fes  VaifTeaux  de  guerre,  deux  cens  cinquante  hom- 
de  la  Garnifon  de  Goudelour  ,  c'eft  ce  qui  avoit  engagé  les  François 
tte  entreprife.    D'ailleurs  ils  s'étoient  imaginé,  qu'on  auroit  encore 
toutes  les  Troupes  dans  la  ForterefTe.    Auffi  étoient-ils  venus  fais 
lerie,  &prefquefans  provifions,  parcequ'ils  fe  regardoient  déjà  com- 
.3"  me 

O)  On  iugeoit  par  lesrand  détour  que  ce  Détachement  avoit  pris  du  côt«i  de  l'OccidonU 
M  le  deffcin  étoit  de  détruire  Trinaplur  &  Goudelour  en  mêine-tems. 


DERMlfcltet 

cucrres  db 

l'Inde. 
suppl£mknt« 

1748. 

Autre  ten- 
tative inutile 
contre  cette 
Place. 


DemiéfA 

entreprife 
malheuieufe, 


.«•-.  t 


^ 


DESCRIPTION    DE    LA 


j^  i 


DBRNibBES 

Guerres  ds 

l'Inde. 
Supplément. 

1748. 

Les  Fran- 
çois font  tra- 
his par  un  de 
leurs  EC^nons. 


Siège  de 
Çondichery. 


LesAnglols 
font  obligés 
de  le  lever. 


me  les  maîtres  de  la  Ville.  Les  Dëferceurs  dirent  que  M.  Dupleix  lem 
avoic  donné  ordre  d'en  paflertous  les  Habitans,  hommes,  femmes  âcen» 
fans,  au  fil  de  Tépée,  oc  que  cet  ordre  leur  avoit  été  lû,  en  plufieun 
Langues ,  près  d'un  grand  Chaudrier  à  deux  lieues  de  la  Ville. 

A  ce  récit  que  nous  fournifTent  les  Miilionnaires  Danois  de  Goudeloiir 
le  Mémoire  de  M.  de  la  Bourdonnais  ajoute  une  circonflance  aflez  remar» 
quable.  Lorfque  les  Anglois,  dit-il,  s  apprêtoient  à  adléger  Pondichery, 
un  Efpion  Noir  y  vint  dire,  qu'ils  avoient  tiré  prefque  toute  la  Garnifon  de 
Goudelour,  pour  faire  ce  Siège,  &  que  la  prile  en  écoit  d'autant  plus  fa. 
cile ,  qu'il  y  avoit  une  brèche  confîdérable ,  par  laquelle  les  François  pou. 
voient  entrer  fans  difficulté.  Le  Sr.  de  Mainvillc ,  à  la  tête  de  quinze  ou 
feize  cens  hommes  ,  fut  chargé  de  l'expédition,  avec  ordre  de  fuivre 
exaélement  les  avis  du  Noir,  qui  fervoit  de  guide.  Cet  homme  menj 
les  François  par  des  détours  qui  les  firent  marcher  vingt-quatre  heures, 
quoique  les  deux  Villes  ne  foient  éloignées  que  de  quatre  lieues.  Ils  arri. 
vèrent  enfin  la  nuit  fuivante ,  &  defcendirent  dans  le  fofTé ,  fans  qu'il  pv 
rut  aucun  mouvement  dans  la  Place;  mais  dans  le  tems  qu'ils  cherchoieii! 
la  prétendue  brèche,  &  qu'ils  comptoient  entrer  fîns  réfiftance,  ils  furent 
îalués  d'environ  deux  mille  coups  de  fufil,  qui  partirent  tout  à  la  fois,  à, 
qui ,  grâces  à  l'obfcurité ,  ne  firent  pas  le  carnage  qu'ils  dévoient  faire.  Ct- 
pendant  les  Soldats  jugeant  bien  qu'on  avoit  été  trompé  par  le  Noir ,  ^ 
qu'on  les  menoit  à  la  boucherie,  fe  mirent  auffi-tôt  à  fuir  en  defordre ,  juf.  • 
qu'à  Arian-Coupan ,  où  la  troupe  fe  raflembla  dans  la  matinée,  Liflaa' 
aux  Anglois  fes  bleffés  &  une  bonne  partie  de  fes  armes  (m). 

L'arrivée  de  la  Flotte  Angloife,  commandée,  par  M.  ^o/Zra'ZWffn,  qui  mouilla 
à  Goudelour  le  6  Août,  interrompit  à  Pondichery  toute  autre  affaire,  poui 
fe  préparer  à  foûtenir  le  Siège  dont  la  Ville  étoit  menacée.     Aufli  les  Angloii 
vinrent-ils  en  effet  le  former  bien-tôt  après.     Mais  malgré  tout  l'efFort  de 
leurs  bombes  &  de  leurs  canons,  voyant  qu'ils  ne  pouvoient  réduire  laPlaw 
avant  la.fin  de  la  Mouçon ,  ils  levèrent  le  Siège,  le  lôOftcbre,  après  quj 
rante  jours  de  tranchée  ouverte.     Cette  entreprife  leur  coûta  beaucou; 
de  monde,  quantité  d'Officiers,  &  entr'autres  leur  Capitaine  de  Grenj' 
diers,  qui  fut  tué  à  l'attaque  du  Fort  d'Arian  •  Coupan ,  qu'ils  ne  pureni 
enlever.     M.  Hally-Burton ,  qui  avoit  été  Membre  du  Confeil  de  Madraj, 
fut  tué  auffi,  mais  par  leurs  jpropres  Cipayes.    Leur  Major  Général,  m 
Capitaine,  quelques  autres  Officiers,  &  un  grand  nombre  de  Soldats  furem 
faits  prifonniers.    On  leur  enleva 'encore  deux  canons   de  vingt-quatre, 
avec  les  trinquebalies ,  qui  les  tranfportoient  du  bord  de  la  Mer  à  leur  Canip^ 
Les  François  firent  différentes  forties  vigoureufes  fur  eux,  où  ils  eurent  pb 
fleurs  Officiers  blef/és.    M.  Paradis  fut  tué  dans  une  de  ces  forties.    Sam 
un  accident  arrivé  à  deux  chariots  chargés  de  poudre,  qui  prit  feu,li 
perte  des  François  auroit  été  peu  confîdérable,  quoique  leurs  Troupes  ft 
fuffent  trouvées  expofées  fur  toutes  les  Batteries  de  Pondichery,  qui  dût  foi 

.      falut,' 


(  m  )  Cette  dernière  tentative  n'eft  que  la 
<\uatrièine  dont  le  Mémoire  de  M.  de  la  Bour- 
donnais falTe  mention.    CeUe  qui  l'avoit  pré* 


cédée,  au  mois  de  Janvier,  étoit  fansdoiitl. 
alors  ignorée  en  France, 


Dupleix  lent 
emmes  &en> 
,  en  plufieuri 

e. 

e  Goudeloiir, 
;  aflez  retnar» 
Pondichery, 
la  Garnifon  de 
Litant  plus  fa- 
François  pou* 
î  de  quinze  ou 
dre  de  fuivre 
homme  mena 
[uatre  heures, 
:ues.     Ilsani- 
,  fans  qu'il  pv 
ils  cherchoieii! 
nce,  ilsfuren; 
c  à  la  fois,  & 
)ient  faire.  Ce- 
ar  le  Noir ,  3[ 
idefordre,juf. 
atinée,  Liflk 
(m). 

)en ,  qui  mouilk 
•e  affaire,  poui 
!\uflilesAng\oii 
tout  l'effort  de 
réduire  laPlaci 
jre,  après  qui' 
outa  beaucou} 
ine  de  Greni' 
l'ils  ne  purent 
dl  de  Madras, 
)r  Général,  ic 
;  Soldats  furent 

vingt-quatre, 
sr  à  leur  Camp. 
i  ils  eurent  plii' 

forties.  Sam 
ui  prit  feu,  li 
rs  Troupes  ft 
;ry,  qui  dût  foi 
falut, 

r,  étoit  fansdoW 


PRESQiri'SLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Lïv.  III.       89 

falut ,  dans  cette  occafion ,  au  monde  que  l'Efcadre  délabrée  de  M.  de  [a 

Kourdonnais  avoit  laiffé  en  arrière,  &  à  ies  Troupes  des  Ides. 

1  On  a  encore  une  longue  Relation  de  ce  Siège,   envoyée,  par  l'Amiral 


Ds&NikRes 

GuEitRES  DK 

l'Inde. 

Suri'LEMENT. 

1749. 


sfles.    On  affuroit ,  fuivant  cette  Relation ,  que  la  perte  des  Affiégés  pou- 

it  bien  aller  à  cinq  cens  Européens.    Le  Fort  d'Arian-Coupan  tut  auffi 

is  &  démoli  par  les  Anglois.  >' 

OÎ-ES  premiers  afpefts  de  l'année  1749,  furent  ceux  de  la  Paix,  qui  ayant 

conclue  l'année  précédente,  à  Aix-la-Chapelle,  fut  annoncée,  au  mois 

?'évrier,  par  une  fufpenfion  d'armes  entre  les  Anglois  &  les  François,  qui 

dant  quelaue-tems  n'eurent  plus  à  combattre  que  les  vents  &  les  fîots. 

Ouragan  furieux,  qui  s'éleva  le  25  Avril,  caufa  un  dommage  inexpri- 

le  fur  toute  la  Côte.    Les  Anglois  perdirent,  à  cette  occafion,  une 

taine  de  Vaifîeaux,  de  différentes  grandeurs  ;  les  François  dix  de  leurs 

rires,  &  les  Hollandois  plufieurs  Chaloupes  &  Bâtimens  du  Pays.     On 

;BQi|pyoit  dans  les  Villes  &  a  la  Campagne,  quejmaifons  renverfées  ou  dé- 

''ertes,  qu'arbres  déracinés  &  dépouillés  de  toute  verdure.     En  un  mot, 

olation  étoit  générale ,  depuis  le  Cap  Callamedu  jufqu'au  Bengale ,  & 

la  Prefqu'Iile  avoit  reflenti  les  triftes  effets  de  cette  tempête.   Sur  la 

de  Malabar  on  comptoit  qu'il  étoit  péri  plus  de  trois  cens  Bâtimens. 

N  trouve  dans  les  nouvelles  publiques  de  ce  tems-là,  une  Relation  dif- 

nte  de  ces  defaflres.    Les  Anglois  avoient  perdu,  dans  la  Rade  du  Fort 

t-David,  le  Vaiffeau  le  iVflWMr,  de  foixante  &  quatorze  canons,  avec 

cens  vingt  hommes;  du  VailTeau  le  Pembroke,  de  foixante  canons,  qui 

briféfur  le  rivage,  il  ne  s'étoit  fauve  que  douze  hommes,  &  plus  de 

cens  trente  avoient  été  noyés.    Un  grand  Navire,  qui  fervoit  d'Hô- 

,  nommé  Y  Apollon  ,  de  quarante  pièces  de  canon ,  fit  naufrage  entre 

elour  &  le  Fort  Saint -David,  avec   trois  cens  cinquante  hommes. 

^aiffeauxde  la  Compagnie  le  IVinchelfea^  le  Lincoln ,  la  PrinceJJè  Au- 

i&  le  Fanzy,  furent  jettes  fur  la  Côte;  mais  la  plupart  des  Equipages 

lèrent  la  Terre.    Il  y  périt  encore  un  Vaiffeau  Portugais  de  Macao ,  qui 

:  déjà  les  deux  tiers  de  fa  charge  ,  &  vingt-quatre,  tant  Brigantins  que 

oupes  &  autres  moindres  Bâtimens.    Dans  H  Rade  de  Pondichery, 

TailTeau  de  Guerre  François  de  foixante  -  quatre  canons  fut  pouffé  fur  le 

ige,  fans  avoir  perdu  que  trois  hommes.    Deux  autres  Vaiffeaux,  & 

"rigantin  y  étoient  éclioués,  &  le  Vaiffeau  de  la  Compagnie  VEdgehaf- 

fe  trouvoit  à  l'ancre  près  de   cette  Rade,   démâté  de   tous  mâts. 

égard  des  Hollandois ,  les  Dire6leurs  de  la  Compagnie  des  Indes  furent 

brmés  depuis ,  qu'ils  n'avoient  perdu  aucun  Vaiffeau  dans  cette  tempête. 

*ladras ,  il  étoit  péri  deux  Vaiffeaux  François  &  plufieurs  Bâtimens  char- 

de  grains. 

N  travailloit ,  en  attendant ,  à  exécuter  les  conditions  de  la  Paix  (w).  Ma- 

-,     '  ::  '  ■  -■  ■"  '-■         .  -     dras 

M.  Dupleix  avoit  reçu  depuis  long-temsles  ordres  du  Roi  pour  évacuer  Madras;  mais 

Hoir  cnrnra  «oiiv  A.^  In  r<i-.m^«.«,:o  * 


f  attendoit  encore  ceux  de  la  Compagnie, 

'  Xir.  Part,  M 


Conclufiou 
de  la  Paix. 


Ouragan 
furieux. 


Evacuation 
de  Madras. 


v*^ 


'M 


DESCRIPTION    î>t    LA 


■    I.    ■! 


OUERRfcS  OS 

l'Inde, 
supplemekt. 

1749. 


Remarque 
fat  les  nou- 
veaux trou- 
bles de  l'Ind«. 


Les  Ânglois 
tentent  en 
vain  de  réta- 
blir le  vieux 
Roi  de  Tan- 
j'our. 


Ils  prennent 
Tivu-Kôdtey 
au  Roi  ré- 
gnant. 


drai,queM.DupleiXàvoic  fait  fortifier  avec  des  dèpenfet  confldérablef, 
fut  enfin  évacué ,  âc  l'Amiral  Bofcawen  en  prit  pofleuion  le  ler  Septembre. 
La  perte  de  cette  fameufe  Ville  avoit  coûté  cher  aux  Anglois ,  &  bien  loin 
que  les  François  en  euflent  profité  «  on  a  vu  jufqu'ici  quelles  ont  été  les 
fuites  funedes  de  l'étonnante  conduite  de  M.  M.  de  Pondichery ,  dans  la 
rupture  d'u:^  Traité  folemnel,  juré  Àfigné  entre  les  deux  Nations;  tandis 
qu'il  eil  prouvé ,  qu'en  marchandifes ,  agrès  &  apparaux ,  M.  de  la  Bourdon* 
tiais ,  indépendamment  des  onze  cens  mille  pagodes  de  rançon ,  tiroit  de 
Madras  au  moins  quatre  millions  en  nature;  ce  qui  auroit  formé,  pour  la 
Compagnie,  un  bénéfice  de  quinze  millions  de  livres ,  fans  compter  tous  les 
avantages  des  nouvelles  entreprifes  qu'on  a  fait  manquer  à  ce  digne 
Olficier,  dont  les  ferviccsont  été  aufli  éclacansque  mal-rccompenfés  (0). 

Malgré  le  rétabliiTiment  de  la  Paix  entre  les  Anglois  &  ks  François, 
la  Guerre  avoit  déjà  recommencé  à  les  engager  les  uns  contre  les  autres 
dans  des  intérêts  étrangers.  On  n'a  jamais  bien  compris,  en  Kurope,  ler 
véritables  caufes  de  ces  nouveaux  démêlés,  qui  ont  eu  des  fuites  fi  mtéref- 
fantes.  £n  effet ,  quoiqu'on  fçut  en  général ,  que  ce«  deux  Nations  riva* 
les  n'étoient  en  concurrence  qu'à  titre  d'auxiliaires  des  Princes  du  Pays, 
on  étoit  cependant  fort  éloigné  de  pouvoir  déterminer,  au  jufte,  la  natu- 
re des  prétendons  qui  divifoient  ces  derniers;  ce  qui  empêchoit  en  méme- 
tems  déjuger,  fi  les  fecours  qu'on  leur  accordoit  étoient  légitimes,  nécef- 
faires  ou  avantageux  ;  Mais  à  l'aide  des  éclaircifTemens  qu'on  a  déjà  don* 
nés ,  l'ordre  hiftorique  des  faits  récens ,  dont  l'origine  s'y  rapporte ,  fuffira 
pour  mettre  le  LeÊleur  en  état  de  s'en  former  une  idée  plus  diftinéle. 

On  fe  rappelle  que  dix  ans  auparavant,  Sawâfadi,  ou  Sahagy-Mahou* 
Raja,  Roi  de  Tanjour,  fut  chafTé  de  fes  Etats  par  un  de  fes  Coufins,  qui 
s'établit  à  fa  place  (p).  Ce  Prince  s'écoit  retiré  à  Tripaplur,  gros  Bourg 
fort  peuplé ,  au  Nord-Oued  de  Goudelour ,  dans  le  voifinage  des  Anglois. 
II  voulut  cette  année  fe  fervir  d'eux  pour  cencer  de  remonter  fur  le  Trône  ; 
mais  fon  delTein  éclata  trop-tôt ,  &  fon  Adverfaire  eut  tout  le  tems  de  fe 
mettre  en  bon  état  de  deffenfe.  Ainfi  il  fut  obligé  de  s'en  retourner,  avec 
moins  d'efpérance  que  jamais ,  de  retrouver  une  occafion  favorable  à  fes  vues. 

Les  Anglois,  à  qui  ce  Prince  avoit  promis,  pour  recompenfe,  la  Forte* 
reffe  de  Tivu-Kôdtcy  (j),  ne  laiiTèrent  pas  de  s'emparer  de  cette  Place,  le 

croyables,  tous  ces  defaftrcsnepouvoient  pas 
lui  fuire  efpérer  de  jouïr  long-tems  de  fa  vic- 
toire. Aufli  eft-il  mort  vers  la  fin  de  1753, 
âgé  de  cinquante-quatre  ans. 

(p)  Voycg  ci-tlemis,/)-jf.  5.6.24.  &fulv. 
Ils  iitoient  fils  de  deux  frères ,  qui  avoient 
fuccoflivemcnt  régné  à  Tanjour  ;  mais  le  Père 
d«j  Sawâfadi  étant  l'aîné ,  celui-ci  avoit  plus 
de  droit  à  la  fucceflîon  que  l'autre.  Sa ■^  âfadi 
eft  le  même  que  les  François  difbfit  avoir  été 
étouffé  dans  un  bain  de  lait  tiède,  pag.  26. 
Note  (0). 

(g)  Çleft  ùneFortfereflTe  frontière  de  l'Etat 
de  Tanjour,  fiMé«  à  cùq  miks  an  Mord  dt 

Tim- 


(e)  Ceft  dans  fon  Mémoire  même  qu'il 
faut  prendre  une  idée  complette  des  perfécu- 
tions  inouïes  auxquelles  il  a  été  en  bute ,  juf- 
qu'au  moment  que  lâ  CommilHôn  nommée 
pour  l'indruélion  de-  fon  procès,  a  été  en 
état  de  faire  éclater  fon  innocence  6f  la  noir- 
teur  des  Calemnies  dmt  m  a  vaulu  le  rendre  la 
viSime.  M.  de  la  Bourdonnais ,  qui  à  fou  ar- 
rivée en  France,  en  1748,  avoit  été  mis  à 
la  Baftille ,  en  fbrtit  avec  honneUr ,  le  5  Fé- 
vrier 1751  ;  Mais  les  longueurs  de  fa  captivi- 
té ,  la  pi.rte  de  fes  plus  précieufes  années ,  le 
^rtui^^ement  de  Ik  ftmié  &  d'une  fortune  qui 
étoit  le  fruit  de  quarante  ans  de  travaux  in- 


<  "ià 


PRESQUISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.        pr 

19  Jui^»  »P'è«  quelques  jour»  de  réfiftance.  Le  Roi  régnant  en  fut  fi  cha- 
grin .  qu'il  refufa  de  manger  pendant  deux  jours  ;  &  dans  la  crainte  que  les 
Anglois  ne  poullaflent  plus  loin  leurs  conquêtes,  il  fe  hâta  de  leur  offrir  la 
Paix.  Ils  I  acceptèrent,  à  condition  qu'ils  refleroient  en  polTcflîon  du  Fort 
ôi  des  terres  de  fa  dépendance,  &  que  tous  les  fraix  de  cette  expédition 
leur  feroient  rembourrés.  On  voit,  par  ce  récit,  que  les  Anglois  avoient 
d'abord  pris  les  armes  pour  une  jufte  caufe,  qui  s'accordoit  avec  leurs  inté- 
rêts j  &  que  n'ayant  pu  remplir  leur  premier  objet,  ils  ont  du  moins  voulu 
remplir  le  fécond,  en  faifant  leur  Paix  avec  le  Roi  régnant  de  l'anjour,  à 
des  conditions  avantageufes.  C'eft-ià  le  principal  fondement  de»  fecours 
qu'ils  lui  ont  donné  dans  la  fuite. 

Cette  même  année,  il  arriva  de  grands  changemens  dan»  la  Province 
d'Arcatte.  Sandcr  Saljeb,  que  les  iMaratte»  avoient  emmené  prifonnier, 
en  1741  (r),  étoit  revenu  à  la  tète  d'une  Armée  de  cette  Nation,  qui 
ne  cherchoit  qu'à  s'enrichir  encore  par  le  pillage.  Le»  François,  qui  a- 
voient  toujours  été  dans  les  intérêts  de  Sander-Saheb ,  lui  envoyèrent  un 
renfort  de  deux  mille  Cipayes,  foixante  Caffres,  &  quatre  cens  vingt  Sol- 
dats Européens,  fous  les  ordres  du  Cumce  d'^iteuil,  pour  l'aider  à  fe  met- 
tre en  poiTeOion  du  Gouvernement  d'Arcatte  (0« 

Aha- 


DcRNikin 

GueRRfcs  01 

L'l^nlî 

1749- 
Ce  Princo 

fai(  la  Paix 
avec  dO. 


Snnder- 
Saheb  &  les 
François  font 
la  Guerre  au 
Nabab  cfÂt' 
catte. 


Tranauebar,  fur  une  do«^le  Ifle  formée  par 
le  Coloran;  d'où  lui  vient  Ton  nom,  qui 
fignifîc  Fortereffe  de  l'iflt.  L'Awteur  de  nô- 
tre Carte  du  Thtatre  4e  la  Guerre,  avoit  cru 
devoir  reftifier  ce  nom ,  en  écrivant  Tiru- 
Koney  ,  apparenimcnt  fur  ce  que  l'Adjeftif 
Tiru ,  oui  Veut  dire  Sai'it ,  e(l  joint  aux  noms 
de  pluneurs  autres  Pinces  de  ce  Pays. 

(f)  Vo3'e2  ci-deffus,  pag  41.&53.  On  a 
déjà  fait  remarquer ,  que  fuiv:  nt  h$  Milfîon- 
naircs  Danois,  &  le  Mémoire  de  M.  de  la 
Bourdonnais ,  c'eft  le  môme  que  les  Ang'ois 
nomment  Cï«N(ifl ,  ou  Cbuenda-Sabeb.  Voici 
les  propres  termes  du  Mémoire.  „  Le  Nabab 
„  Siiider-ilabeb .  OU  Cbandu-Sabeb ,  yCtJlle 
„  même  que  le  Sr.  Dupleix  a  voulu  dejuis 
„  rétablir,  i^  pour  lequel  on  apprend  qu'il  a 
y  fait  la  Guerre  )  ajnnt  été  défait  avec  tou- 
„  tes  fes  Troupes ,  chaffé  de  fes  Etats,  6? 
„  pris  par  ii-s  Marottes ,  fa  mère  &  fes  fem- 
„  mes  s'étoient  retirées  à  Madras,  avec  tous 
„  jjuts  effets".  Tom.  1.  pag.  364.  Durant 
le. Siège  de  cotte  Place,  en  1746,  M.  de  la 
Bourdonr.ais  leur  permit  d'en  fortir ,  fur  ce 
que  M.  Dupleix  lui  avoit  expreflement  re- 
commandé d'avoir  beaucoup  d'égards  pour 
cette  Famille.  Tout  cela  prouve  que  Sander- 
Saheb  étoit  alors  Prifonnier  des  Marattes. 
Les  nouvelles  pulJique»  de  1751 ,  annonçoient 
auift ,  qu'il  avoit  obtenu  fa  liberté  à  la  folli- 
citation  de  M.  Dupleix;  de-forte  qu'on  ne 

Îicut  p;is  fuppofer,  avec  M.  Green,  que  ce 
&t  UB  autre,  ni  qu'il  eut  ^té  fait  Nabab 


d'Arcatte,  après  la  mort  de  Sabder-AIf- 
Kan,  fon  beau-frôre,  &  dépoflfedé  enfuite 
par  Nazerzingue ,  Souba  de  GolKonde,  qui 
établit  Anavcrdl-Kan  à  fa  place.  Ci-deJ}'us,pag~, 
53.  Quoiqu'il  en  foit,  ce  dernier,  qu'on  vt 
voir  périr  fous  les  armes  des Frinçois ,  étoit, 
fans  contredit,  le  léj'itime  Nabab  d'Arcatts, 
par  une  paifible  pofleffion  de  fept  ans:  &  co 
qui  prouve  que  M.  Dupleix  lui-iiiême  le  re- 
connoiiToit  pour  tel ,  ceft  la  promelfe  qu'il 
lui  avoit  fatttf,  ou  A  Ton  fils,  de  lui  remet» 
tre  Madras  après  fa  prifw-,  /"j^r  63;  f-ffM^ef- 
fe,  dont  l'inexécution  autor:foit  les  M'^ur-s 
à  fe  décirer  coi  tre  les  Franc  jis,  pag  79. 
Mas  ayant  fiit  leur  Paix,  d.'pu  s  peu,  tivec 
eux,  [>ng  86,  ceux-ci  étoi.nc  encore  moins 
en  droit  de  reco.nmenccr  la  Gu  rrj ,  &  de 
prendre  le  parti  d'un  Rebelle;  tt;e  fous  le- 
quel Sniider-Saheb  eft  CQnftammcnt  délijj,né 
par  les  Millionnaires  Danois. 

(x)  Explanution  of  tbe  Mao  tac.  L'Auteur 
A\x  Genuine  j4f<ount  &c.,  dit  que  ce  fut  en 
conféquence  d'un  projet  qu'on  prêt  ndoit 
avoir  éti  formé  entre  Couewt  t-Sii'',  (Sinder- 
Saheb)  Moznfferfing ,  &  M.  Dupleix;  Mai» 
M.  Gr:en  efl  embarraffé  de  déterminer  com- 
ment MozalFer-Jing,  Ntveu  de  Nâfr-Jing, 
étoit  venu  joindre  Sandcr  Salieb  ;  &  il  fe 
plant, avec  raifon,de  la  négligence  de  l'Au- 
tjur  en  queftion ,  qui  n'explique  point  quel- 
les étoient  les  principales  parties ,  ni  les  cau- 
fes  de  cette  Guerre  ;  ce  qui  étoit  néanmoins 
fort  nécelTaire,  puifqu'eiitre  dix  mille  pcr- 

M  2  fo»^- 


DerViLres 

GUBRRES  Dl 

l'Inob. 
Surpt.nMBNT. 

1749. 

Ia'  Nabab 
cQ  tué  dans 
une  action. 


Les  François 
établilTont 
Sandcr-Saheb 
i  fa  place. 


niftrift  con- 
fidérable  qu'il 
leur  ccdc. 


Un  Jdfuite , 

3ui  s'empare 
L-  S.Tliomé, 
eft  enlevé 
par  les  An- 
glois. 


9^         -^'DESCRIPTION    DE    LA         '"* 

Anaverdi-Kan,  informé  des  defleins  de  Sander-Saheb,  fe  mît  en  marche 
de  cette  Ville,  avec  fept  mille  hommes  de  Cavalerie,  fix  mille  d'Infante* 
rie  &  vingt  pièces  de  canon ,  {)Our  aller  à  là  rencontre  :  Mais  ayant  eu  avis 
de  l'arrivée  du  fecours  François,  qui  avoit  joint  l'Armée  ennemie,  il  fe 
retira  immédiatement  dans  un  Camp  retranché ,  entre  une  Montagne  inac* 
cefTible  &  une  Rivière  profonde,  qui  formoit  un  marais  de  difficile  appro- 
che. Cependant  les  François,  après  avoir  été  repoufTés  jufqu'à  trois  tois, 
forcèrent  enBn  les  retranchemens.  Anaverdi-Kan  &  les  principaux  de  fon 
Armée  furent  tués  dans  cette  aélion  ,  qui  ne  dura  pas  plus  d'une  heure. 
Ënfuite  les  François  tombant  fur  fa  Cavalerie,  qui  étoit  engagée  avec  cel* 
le  deSander-Saheb,  la  chargèrent  (i  vivement  qu'ils  la  mirent  bien-tôt  en 
déroute.  Ils  n'eurent  qu'un  Officier  &  dix  Dragons  tués ,  outre  foixante- 
dix  hommes  blefTés.  Le  Comte  d'Auteuil  étoit  du  nombre  de  ces  derniers  (r). 

Après  une  viftoire  fi  complette,  les  François  établirent  Sander-Saheb  (v) 
en  qualité  de  Nabab  d'Arcatte.  Ce  coup  d'autorité  de  leur  part  ne  put  être 
frappé,  fans  qu'il  en  coûtât  la  liberté  ou  la  vie  à  tous  les  Gouverneurs  Mau- 
res entre  Pondichery  &  cette  Ville.  Outre  le  butin  immenfe  que  le»  Fran* 
çois  firent  dans  le  Pays ,  le  nouveau  Nabab ,  en  reconnoiflance  de  l'im- 
portant fervice  qu'ils  lui  avoient  rendu ,  leur  accorda  la  propriété  de  qua- 
rante-deux (x)  Bourgs  &  Village»,  fitués  à  l'Oueft  &  au  Nord  de  Pondi- 
chery, dont  le  Diftirict  s'étendoit  ainfi,  depuis  les  frontières  du  Fort  Saint- 
David  jufqu'à  Pàliacate;  ce  qui  formoic  un  bel  arrondiflement  de  domaine 
pour  la  Compagnie  (y). 

D'un  autre  côté  Saint-Thomé  étoit  au  pouvoir  d'un  Jéfuite  Portugais , 
Parent  de  M.  Dnpleix.  Après  s'être  faifi  du  Gouverneur  Maure,  qu'il  li- 
vra 


fonnes,  à  peine  s'en  trouve-t'il  une  qui  en 
fok  indruite.  Suivant  les  Miirionnaires  Da- 
nois, Illadi'Cban'Modin,qai  dévoie  ôtre  pro- 
che parent  de  Nazerzingue ,  étoit  Général  en 
Cher  de  la  Cavalerie  Maure ,  &  il  avoit  été 
engagé ,  par  Sander-Saheb ,  à  fe  joindre  à  lui 
pour  faire  un  riche  butin  ,  &  exiger  de 
grofles  contributions  du  Pays.  Une  Lettre 
de  Pondichery,  inférée  dans  le  Mercure  Hijl, 
Êf  Polit.  May  1752,  pag.  590,  ajoute  au 
nom  de  Mouzafcrzingue  ,  ceux  à'Idayet-Mo- 
di-Kan  ;  ce  qui  nous  fait  croire  que  c'étoit  la 
même  perfonne.  Les  François  difent  que 
Nazerzingue  étoit  fils  naturel  de  Nizam-ul- 
Mulk,  &  qu'il  avoit  fuccedé  à  fon  Père,  au 

Î)réjudice  de  Mouzafcrzingue  fon  petit-iils 
égitime.  M.  Green  juge  au  contraire,  par 
le  nom  &  le  titre  de  Nazerzingue ,  qu'il  étoit 
le  fécond  fils  à'4fof-Jâb,  ou  Nizam-ul-MuIk. 
Nâjr-Jing  étoit  fon  titre ,  &  Gbâzi-oldin  fon 
nom.  Le  premier  fignifiè  FiSorieux  en  Guerr 
re;  le  îccond  Champion  de  Religion,  Frafei, 
IJiftoire  de  NadirShdb,  pag.  44.  De  ma- 
nière ou  d'autre ,  que  Nazerzingue  eut  ufur- 
pé.  fon  pouvoir  ou  non ,  il  n'appartenoit  pas 
aux  François  de  s'en  mêler,  comme  ils  ont 
fuit. depuis,  tandis  que  la  Cour  Mogole  le 


laiflbit  en  place.  Mais  veut-on  quelque  chofc 
de  décifif  fur  cette  prétendue  ufurpation  dont 
ils  fe  prévalent  pour  juftifier  leur  conduite  ? 
Qu'on  life  les  détails  qu'ils  nous  fourniflent  eux- 
mêmes,  touchant  la  fameufe  Guerre  des  Ma- 
rattes.  Ci-dejfus,  pag.  29  fif  35.  On  y  verra,  que 
dès  l'année  1 740, Nazerzingue  étoit Soubadi- 
Golkondc  ,&  qu'il  rendit  alors  un  bon  fervice, 
tant  aux  Mogols  qu'aux  François.  Nous  lait- 
fons  aux  Leftcurs  à  en  tirer  la  conféquence. 
Au-refle  il  eft  fort  apparent,  que  la  mort  Mu 
Grand  Mogol,Mahomet-Schah,arrivée  au  mois 
de  SeptenAre  1 748 ,  n'ayant  pu  que  changer 
entièrement  la  face  des  aiFaires  en  cette  Cour , 
les  François  auront  cm  devoir  aufli  changer 
de  fiftème ,  &  prendre  les  mefures  qui  conve- 
noient  à  leurs  intérêts. 

(t)  Explanation  of  the Map ,  &c. 

(  t  )  On  a  dit  ci  -  deflus ,  qu'il  ne  parvint 
au  Gouvernement  d'Arcatte  qu'en  1751.  En 
effet,  ce  fut  feulement  alors ,  aue  Mouzafcr- 
zingue le  confirma  dqns  ce  poue. 

(*)  Ailleurs  40  &  48.  M.  Green  dit  4S 
Villages ,  outre  la  Ville  de  Filnur.  La  celîion  de 
Sabder-AIy-Kan  avoit  été  confirmée  par  le 
Grand  Mogol;  mais  celle-ci  ne  le  futjamais. 

C7)  MilEonnaiies  Danois. 


I  toit  an 

I  autour 

'  dre  la 

^ueles 

tion,  j 

tiens  d 

ifau  feco 

ÎSoIdats 

fres  le  j 

Cumba{ 

tbuvoie 

de  la  C 

.  de  ces  1 

Les  I 

^Kan,  fi 

j  quelle  fi 

I  extrême 

I  d'homm 

I  vers  Ta 

Ce  fi 

i  de  la  Ca 

proche] 

lanterie, 

jours,  1 

fecours 

ffe  Tivu 

attaque, 

François 

Ville,  fa 

une  brê( 

la  Place 

fés  avec 


:  en  marche 
;  d'Infante' 
^ant  eu  avis 
emie,  il  fe 
cagne  inac> 
kiie  appro- 
a  trois  tois , 
paux  de  fon 
'une  heure. 
ie  avec  cel- 
bien-tôt  en 
"2  foixante- 
iernier8(f). 
;r-Salieb  (v) 
ne  put  être 
•neurs  Mau- 
ue  le»  Fran* 
ce  de  l'im- 
iété  de  qua* 
d  de  Pondi* 
,  Fort  Saint- 
de  domaine 

:  Portugais  y 

ire,  qu'il  li* 

vra 

quelque  chofc 
furpation  donc 
leur  œnduite  ? 
burniflent  eux- 
ruerre  des  Ma- 
)n  y  verra,  que 
étoitSoubadc 
inbonfervice, 
>is.  Nous  lail- 

conféquence. 
ue  la  mort  Ma 
irrivée  au  mois 

que  changer 
en  cette  Cour, 

auffi  changer 
res  qui  convc' 


|»RESQO'IffLE  EN  DEÇA  DtT  GANCÎE,  Ov.  III.        gf 

vra  aux  François,  ce  Père  avoit  commencé  de  bâtir  un  Fort  dans  la  Ville, 
où  il  commandoit  en  maître  depuis  quelques  mois,  lorfque  les  Ançlois, 
outrés  de  tant  d'infolcncc,  prirent  fi  bien  leurs  mefurcs,  que  la  nuit  du 
15  Oélobre,  l'Amiral  Bofcawen  le  fit  enlever  &  tranfporter  à  bord  de  fa 
Flotte,  qui  mit  à  la  voile  pour  l'Europe  peu  de  jours  après  (z). 

Le  départ  de  la  Flotte  Angloife ,  laifla  les  Peuples  de  cette  Côte  dans  de 
grandes  inquiétudes,  à  la  nouvelle  de  la  marche  de  Sander-Saheb ,  qui  s'é- 
toit  arrêté  a  Pondichery  pendant  quelque-tems.     Il  avoit  dans  fon  Armée 
autour  de  cinq  cens  François.     Ces  Troupes  ne  tardèrent  pas  de  répan- 
dre la  défolation  du  côté  de  Goudelour ,  dont  elles  faccagèrenc  les  environs, 
que  les  Ilabitans  avoient  abandonnés.     Sander-Saheb  s'avança,  fans  oppôfi' 
tion ,  jufqu'aux  bords  du  Coloram ,  exigeant  par-tout  de  grofies  contribua 
tiens  des  Garde-frontières.    Les  Anglois  de  Tivu-Kôdtey  avoient  envoyé , 
Ènu  fecours  du  Roi  de  Tanjour ,  un  Détachement  de  quelques  centaines  de 
iSoldacs,  qui  s'étoient  campés  prés  de  Tirichinapaly ,  pour  difputer  aux  Mau- 
hres  le  paflage  de  ce  Fleuve.    En  attendant,  la  plupart  des  Habitans  de 
Cumbagonam,  de  Majaburam  &  d'autres  lieux  de  FEtat  de  Tanjour,  fe 
Ikuvoient  en  foule ,  avec  leurs  effets ,  dans  les  Places  Européennes  le  long 
die  la  Côte.    Tous  les  Villages  du  Diilriél  de  Tranquebar  étoienc  rempli» 
de  ces  fugitifs  (a). 

Les  ennemis  avoient  deflein  d'aflîéger  Tirichinapaly ,  où  Mahomet- Aly- 
Kan,  fils  du  dernier  Nabab  d'Arcatte,  s'étoit  retiré  après  la  Bataille  dans  la- 
quelle fon  Père  perdit  la  vie  (b).  Mais  comme  cette  Place  paflbit  pour 
extrêmement  forte,  &  que  les  Anglois  venoient  d'y  envoyer  un  fecours 
d'hommes  &  de  munitions  de  guerre ,  ils  jugèrent  à  propos  de  tourner 
vers  Tanjour,  dont  ils  fe  promettoient  moins  de  réfiflance  (c). 
Ce  fut  le  17  Décembre,  que  leur  Armée  parut  devant  la  Ville.  Le  Chef 
Jde  la  Cavalerie  Maure  fe  nommoit  IVadi-Chan-Modin  (rf),  qu'on  difoit  être 
PI  proche  parent  de  Nazerzingue.  Sander-Saheb  commandoit  fous  lui  l'In- 
fanterie. Dans  la  première  attaque,  qui  fut  très -vive  pendant  quelques 
jours ,  les  Aflîégés  n'eurent  que  dix  hommes  tués.  Enfuite  ayant  reçu  un 
fecours  de  deux  cens  hommes  des  Troupes  Angloifes  qui  étoient  marchées 
ffe  Tivu  Kôdtey  à  Tirichinapaly,  ils  foûtinrent  vigoureufement  la  dernière 
attaque,  du  10  au  23  Février,  faifant  un  feu  terrible  fur  les  Batteries  des 
François,  qui  ne  celfoient  nuit  &  jour  de  bombarder  &  de  canonner  la 
Ville ,  fans  y  caufer  beaucoup  de  dommage.  Ces  derniers ,  après  avoir  fait 
une  brèche  à  la  muraille,  tentèrent  même  quatre  ou  cinq  fois  de  prendre 
la  Place  d'aflaut,.  à  la  faveur  des  ténèbres;  mais  ils  furent  toujours  repouf- 
fés  avec  perte ,  entr'autres  de  trois  de  leurs  Officier».  Celle  des  Aflîégés , 
au  contraire,  ne  fut  que  d'environ  vingt  hommes,  la  plupart  Travailleurs, 
&  d'un  Sergent  Anglois,.  qui  commandoit  le  fecours.  Pendant  les  treize 
jours  que  dura  cette  attaque ,  Sander-Saheb  avoit  envoyé  jufqu'à  cinq  fois 
des  Députés  au  Roi  de  Tanjour,  pour  lui  faire  des  propofitions  de  Paix,. 

aux> 

(2)  Miffiônnaires  Danois.     .  .     .      qu'il  lut  aufïï  tué  dans  la  même  aftion.  '  \' 

U^  Ibidem.  s;    r  ■:■?«'.  a  r  c  ^  Genuine  Account  &c.  "' "^ 

(b)  Comme  il  n'eft  plus  parlé  de  Mafouz-         (d)  Ce  doit  être  le  môme  que  Mouzafer- 

Kan,  fils  aîné  du  Nabab,  il  y  a  apparence     zingue.    Voyez  la  Note(j) précédente.-    •' 

M  3 


gurrrbs  us 

l'Inde. 
Supplément. 

1749. 

•  L'Année  de 
Sandcr-S'.ilieb 
marclie  vcv» 
la  Côte.      ,,^ 


Elle  fait  le 
Siège  de  Tan- 
jour. 


^750- 


94 


DESCRIPTION    DE    LA 


Ditvikiu 

OuitiiBBs  ni 
l'Indk. 

SurrLIMBNT. 

1750. 

Capituintion 
Aiivic  de  la 
levée  du 

Siège. 


Excès  com- 
mis dans  la 
tettaite. 


lendemain ,  abandonnant  d.-ux  pièces  de  canon ,  quelques  munitions  de 
guerre ,  tentes ,  timbales  &  autres  effets. 

Tel  efk  le  rapport  que  les  Miflîonnaires  Danois  de  Tranquebar  reçurent 
d'un  de  leurs  Catcchiftes  ,  qui  s'titoit  trouvé  prcfent  à  ce  Sicj^e.  Les  Mif. 
fionnaires  ajoutent,  dans  un  autre  endroit ,  que  le  Roi  de  'lanjour ,  pour 
obtenir  la  Paix ,  s'étoit  vu  obligé  de  promettre  aux  Maures ,  foixantc  mil- 
lions de  roupies,  &  aux  François,  quatre  Diilrifls  de  Ton  Pays  autour  de  | 
Karical,  où  l'on  comptoit  environ  quatre-vingt  Villages;  mais  qu'un  puif.  " 
fant  Nabab  du  Nord ,  nommé  Nafir-Singa-Sçaibhu ,  qui  étoit  en  marche  avcc 
une  nombreufe  Armée,  lui  ayant  fait  fçavoir,  (ju'il  efpéroit  d'être  bien-tôt 
à  portée  de  le  délivrer,  ce  Prince  s'étoit  déterminé  à  rompre  la  Capitulation 

?iu'il  venoit  de  faire  avec  les  Alfiégeans;  <&  ceux-ci,  craignant  l'arrivée  des 
ecours ,  avoient  pris  le  parti  de  retourner  du  côté  de  Pondichery  (/l. 
Après  leur  départ,  le  Roi  de'J'anjour  fit  reparer  eri  diligence  les  murailles ac 
fa  Ville;  &ckns  le  bcfoin  qu'un  avoic  de  pierres,  on  alla  même  jufqiu 
ftb^tre  quelques  Pagodes,  pour  employer  les  matériaux  à  cet  ufage  nécef- 
faire.  Le  Faiixbourg  de  Schwneien-pa'eiam^  fut  aufli  rafé,  &  l'on  afligna 
aux  Chrétiens  qui  y  demeuroient ,  un  autre  Quartier  plus  éloigné  de  la  f  or< 
terefle  (g). 

Les  'l' roupes  de  Sander-Saheb  commirent  des  cruautés  inouïes  dans  leur 
retraite.     Le  viol ,  le  meurtre  &  le  pillage  furent  exercés  tour  à  tour  par 
les  Maures  &  par  les  François  ;  mais  on  fe  plaignoit  particulièrement  des; 
Soldats  Portugais ,  qui  étoient  à  la  fol  Je  de  ces  derniers.     Leur  brutalité  ' 
ne  refpeéla  pas  une  feule  femme  de  toutes  celles  qui  eurent  le  malheur  de 
tomber  entre  leurs  mains.    Quelques -unes  même  en  moururent  peu  de 
jours  après.     En  un  mot,  les  européens  pouflercnt  l'impiété  à  un  point  fi, 
boiribie,  que  les  Indiens,  Catholiques-Romains,  avouoicnt  leur  fcrupule' 

fur 


(e)  Comme  le  Roi  de  Tanjour  efl  VaflTal 
du  Grand  Mogol ,  le  ftul  refpLft  pour  le  nom 
de  fon  Souverain  étoit  capable  do  lui  faire 
mettre  bas  les  armes.  Cotte  manière  de  con- 
jurer  quelqu'un ,  dont  on  trouve  des  traces 
■aême  dans  l'Ecriture  Sainte  (  Voyez  Ger.efe 
42,  is),  efl  d'un  ufage  fingulier  pnrmi  ces 
Peuples.  Un  Débiteur,  que  fon  Crénncier 
conjure,  par  leur  Souverain  commun,  de  le 

Fayer,  n'oferoit  bou;;er  de  fa  place  qu'il  ne 
ait  fat  sfit  de  manière  ou  d'autre;  oc  s'il  le 
refufe,  il  ell  tiré  devant  le  Prince  môme,  qui 
fe  crojrant  ofFenfé  du  mépris  de  fon  nom ,  ne 
manque  pas  de  condamner  le  coupable  à  un 
châtiment  riwureux. 

(/)  ^.' Auteur  du  Genuine  Aeetunt  fe  con- 
tente de  dire ,  qu'après  la  brèche  faite  à  la 
muraille  de  la  Ville,  le  Roi  s'étoit  accom- 
oodé,  moyçonant  uoe  foiQiae  coiiCdénblç» 


&  la  ceflion  de  quelques  Villages  dans  le 
voifina>i;c  de  Karical,  en  faveur  des  François. 
Cependant  il  ne  paroit  pas  que  la  Capitu  a- 
tion  ait  jamais  été  exécutée ,  en  tout  ni  en 
partie,  &  les  fept  Miflionna  res  de  Tranque- 
bar, dans  une  Lettre  ad-lreTée  au  Roi  de 
Dannemarc ,  en  datte  du  5  Janvier  1751 ,  con- 
firment „  que  l'année  précédente,  le  Nab;ib 
„  de  Golkonde,  Nazir-Singa-Sçaibhu,  n'avoit  ! 
„  pas  rendu  un  petit  fervice  au  Roi  de  Tan- 
„  jour,  en  obligeant,  par  fa  marche,  la 
„  François  &  le  Pardfan  Maure  Sander- 
„  Sçaibhu,  de  lever  le  Siège  de  Tanjour, 
„  avec  une  perte  aflez  confidérable". 

(^)  Miflîonnaires  Danois.  Ces  mefurej 
confirment  encore  la  Remarque  précédente. 
Aufli  verra-t  on  que  les  François  rcviareo;  ^ 
Tanjom  Vannée  uàvante. 


Air  la 
capabi 
Cep 

trois  c 
]e  l'ayi 
viron 
prés  d( 

nance 
en  déi 
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Ver 
vingt  n 
^fuienvc 
JDn  fut 
JPIace, 
livrer  b 
Sainc-D 
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dre  ave 

Jjropres 
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n  Déta 
dit  une  i 
[trois  déi 

le  leur 

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J'amitié , 
ce  qu'or 
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Vernemei 
tes  revin 
que  l'An 

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(0  Mlf 

U  •>  Ibiu 
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[  dichcry  reç 
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I  JdilCooaair 


lar  reçurent 
^  Les  Mif. 
ijour ,  pour 
oixantc  mil 
s  autour  de 
qu'un  puif- 
narche  avcc 
tre  bien-tôt 
Capitulation 
l'arrivce  dcj 
lichery  (/J. 
murailles  de 
kéme  jufqiu 
ufage  néc<^f> 
i  l'on  afligna 
né  de  la  (or* 

i'es  dans  leur 
r  à  tour  par 
érement  des 
;ur  brutalité 

malheur  de 
rent  peu  de 

un  point  fi, 
eur  fcrupule 
fut 


'illages  dans  le 
ir  des  Franço's. 
le  la  Capitua- 

en  tout  ni  en 
îfî  de  Tranqufr 
pée  au  Roi  de 
'ier  lysi.con- 
;nte ,  le  Nabab 
Içaîbhu,  n'avoit 
m  Roi  de  Tan- 
la  marche,  lei 

[aure  Sunder- 

de  Tanjour, 
jable". 
Ces  mefurc! 

le  préciîdente. 

>I$  rcviureot  ^ 


PRESQirïSLÏ  BN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       pg 

fUr  la  vérité  d'une  Religion ,  dont  ceux  qui  en  faifoient  profeflion  étoient 
capables  de  s'abandonner  à  de  pareils  excès '(/;). 

Cependant  l'Armée  de  Nazcrzingue,  qu'on  difoit  être  forte  de  plus  de 
trois  cens  mille  hommes,  mais  mal  difciplinée,  s'avançoit  à  grands  pas  dans 
le  Pays.  Ses  premières  Troupes ,  compofées  de  Marattes ,  au  nombre  d'en- 
viron vingt-mille,  hommes  à  cheval,  attaquèrent  celles  de  Sander-Saheb, 
prés  de  Smmbaram,^  &.  en  firent  un  grand  carnage  ;  mais  la  bonne  conte- 
nance des  François,  qtii  formoient  l'arriére-garde,  ayant  mis  les  Marattes 
en  déroute,  toute  I  Armée  gagna  les  murs  de  Pondichery,  fous  Icfquels 
elle  campoit  au  commencement  du  mois  de  Mars  de  cette  année  (t). 

Vers  la  fin  du  même  mois ,  Nazcrzingue  étant  arrivé  avec  fon  Armée ,  à 
vingt  miles  de  Pondichery ,  les  Anglois  du  Fort  Saint  -  David  réfolurent  de 
tui  envoyer  une  Ambaflade  ;  mais  avant  que  les  préfens  puflent  être  prêts , 
Dn  fut  informé  que  toute  la  Garnifon  de  Pondichery  étoit  fortie  de  cette 
Place,  pour  joindre  Mouzaferzingue  &  Sander Saheb ,  dans  le  defiein  de 
livrer  bataille  à  Nazerzingue.     Sur  cet  avis ,  une  partie  de  la  Garnifon  de 

SiincDavid  fut  détachée,  fous  les  ordres  du  Major  Laurence  ^  pour  aller  au 
cours  du  Nabab.  Dans  le  même-tems,  Mahomet-Aly-Kan  vint  le  join- 
dre avec  les  Anglois  quil  amenoit  de  Tirichinapaly,  &  un  Corps  de  fes 
teropres  Troupes.  Le  4  Avril ,  les  deux  Armées  ie  trouvant  fort  proche 
I l'une  de  l'autre ,  les  François  commencèrent  l'attaque  par  quelques  coups  de 
canon  qui  ne  portèrent  pas.  Mais  le  lendemain,  à  trois  heures  du  matin, 
tun  Détachement  de  Cavalerie  Maratte,  qu'on  envoya  contre  eux,  répan- 
dit une  fi  grande  terreur  dans  le  Camp  des  ennemis,  qu'après  deux  ou 
;trois  décharges,  ils  prirent  la  fuite,  abandonnant  la  plus  grande  partie 
!de  leur  artillerie  &  de  leurs  munitions.  Comme  ils  ne  furent  pas  pour- 
fuivis ,  ils  firent  alte  à  moitié  chemiq  de  Pondichery ,  ^  y  campèrent  pen- 
dant quelques  femaines.  Sur  ces  entrefaites,  Mouzaferzingue  fe  rendit, 
de  fon  propre  mouvement,  auprès  de  fon  Onde,  qui  le  retint  prifon- 
Bier  (*). 

Dans  le  même-tems  les  Députés  du  Fort  Saint -David  arrivèrent  au 
Camp  de  Nazerzingue.     Ils   furent  reçus   avec  de  grandes  protellations 
<jpamitié ,  &.  beaucoup  de  belles  promefles,  qui  n'aboutirent  cependant  à  rien  ; 
ce  qu'on  attribuoit  à  l'influence   de  Shah  Najaz  •  Kan ^  Premier  Miniflire 
Me  Nazerzingue,   qui  traliiflbit  fon  Maître.     L'objet  de  cette  Ambafla- 
e  étoit  de  demander  la  conceflîon   de  quelques  revenus ,   pour  bonifier 
;s  dépenfeS  des  fecours  que  les   Anglois  donnoient  au  S'trkan,  ou  Gou- 
^  ernemenc  du  Pays;  Mais  cette  grâce  .leur  ayant  été  refufée,   les  Dépu- 
tés revinrent  avec  les  'Jroupes,  au  Fort  Saint- David,  le  i  May,  tarmis 
que  l'Armée  de  Nazerzingue  fe  retira  à  Arcatte,  où  elle  s'arrêta  jufqu'au 
■^ois  de  Juillet.  Dans  cet  intervalle,  les  François  &  leurs  Alliés  fe  ren- 
dirent 


ih)  MJflîonnaireS  Danois.  '  " 

(i  I  IHu   &  (Jenuine  iccoUnt. 

{k  Gt'tuine  Account.  Les  Lettres  dePon- 
didiery  reçues  en  Europb ,  port  nt  que  fon 
Oncîo  l'avo.t  engigé  dans  une  (jutr^Vûc  Les 
Miifiooaaiies  Danois  difent  fiinpkmeut  ^u'il 


le  fit  prifonnier.  Qui  fçait  fi  ce  ne  fut  point 
une  politique  de  la  part  des  Fra.jÇois,  poiur 
mieux  affurtr  le  fuccès  d'une  conf,)ir^tion 
'^u  on  verra  bicn-t6t  éciorie  contre  Naaex- 
ziogue  ? 


DlRMïfcRfl 
CUBRREI   Dl 

i.Indr. 
StrrLrMBNT. 

1750. 

Arrivée  de 
Nazcrzlnf^e 
tvcc  une  puif- 
fantc  Armée. 


Le»  Angloig 
lui  envoyant 
dci  fccuurii. 


Les  ennemis 

prennent  la 
fuite. 


Demnnde  de» 

Députés  An- 
glois à  Nazcr- 
zin^juc. 


Refus  qui 
leur  fait  reti- 
rer leurs 
Troupes. 

Conquête» 
des  François. 


«  o 

o     o 

0  0 

o  o  a 


'  ^. .   »  / 


g6 


DESCRIPTION    D3E    LA 


^^ 


l'Inde 
sui'plement. 

1750. 

MHhomet- 
Aly-Kan  eft 
AiTiM  par  les 
ilnglois. 


DEHNifenEs    dirent  maîtres  des  Forterefles  de  Gingy  (/),   de  Faïdaour  («),  de  Tre. 

Guerres  de  vedy  («),  &  de  quelques  autres  Places  moins  confidérables  dans  l'étendue 
de  vingt  miles  de   Pondichery. 

Mahomet- Aly-Kan,  que Nazerzingueavoit  confirmé,  quelque-tems  au- 
paravant, dans  le  Gouvernement  d'Àrcatte ,  &  qui  prenoit  depuis  le  nom 
de  Ton  Père  Anaverdi-Kan  ,  réveillé  par  ces  progrès  des  ennemis ,  vint  s  m 
Saint-David  pour  implorer  l'affiflance  des  Anglois,  dans  la  defFenfe  d'une 
caufe  qu'il  difoit  leur  être  commune.  On  comprenoit,  en  efi^et,  que  fi  on 
laiflbit  faire  les  ennemis ,  ils  feroient  bien-tôt  les  maîtres  de  toute  la  Pro- 
vince ,  &  qu'alors  les  François  ne  raanqueroient  pas  de  tenter  les  derniers 
efforts  pour  chafler  les  Anglois  de  la  Cote.  Ainfi  ,  fe  flattant  peut-être  de 
trouver  en  même-tems  l'occafîon  de  vanger  l'affaire  de  Madras,  ceux-ci  en- 
voyèrent une  féconde  fois  leurs  Troupes ,  fous  les  ordres  du  Capitaine  Cope, 
avec  l'artillerie  &  les  munitions  neceffaires.  Après  avoir  joint  l'Armée 
de  Mahomet- Aly-Kan ,  vers  la  fin  du  mois  de  Juillei ,  toutes  les  Troupe 
marchèrent  droit  au  Fort  de  Trevedy ,  où  l'étendart  leur  fit  reconnoitre 
qu'il  y  avoit  Garnifon  Françoife,  &  qu'on  feroit  obligé  de  l'aflîéger  dans  les 
formes.  Mais  les  Maures  étant  peu  difpofés  à  prêter  la  main  aux  travaux, 
&  les  Anglois  ne  fe  fouciant  pas  de  paroitre  feuls  à  pouffer  i'entreprife,  il 
ne  fe  fit  rien  pendant  trois  femaines.  On  propofa  enfuite,  au  Nabab,  de 
s'avancer,  avec  une  partie  defes  Troupes, plus  près  de  Pondichery,  pour 
couper  la  communication  entre  cette  Ville  &  les  ennemis,  qui  étoient  re- 
tranchés  fous  les  murs  de  Trevedy,  &  pour  les  obliger  de  livrer  un  combat' 
' defavantageux ,  ou  de  mourir  de  faim  dans  leur  Camp,  faute  de  provifionsil 
Mais  la  crainte  prévalant  fur  les  Troupes  du  Nabab,  qui  ne  voulut  point»''' 
entendre  à  ce  projet ,  les  Troupes  Angloifes  prirent  de  nouveau  le  parti  ' 
de  retourner  au  Fort  Saint -David,  où  elles  arrivèrent  fur  Ja  fin  du  mois 
d'Août. 


Ils  fe  répa- 
rent auffi  de 
lui. 


Son  Année 
eft  mife  en 
déroute. 


Nazerzingue 
faille  blocus 
de  Gingy. 


Les  ennemis  ,  informés  de  leur  départ  &  de  l'imprudence  du  Nabab,  qui  ' 
ne  s'étoit  retiré  qu'à  quelques  miles  de  cette  Place,  l'attaquèrent  d-ins  fon- 
Camp,  pendant  la  nuit,  &  mirent  en  déroute  fon  Armée,  ccmpofée  de 
quinze  à  vingt  mille  hommes.    Mahomet  -  Aly  -  Kan ,  qui  n'eut  que  le  terni 
de  fe  fauver  avec  un  petit  nombre  de  chevaux,  &la  plupart  des  fuyards, 
joignirent  Nazerzingue  à  Arcatte,  laiffant  derrière  eux  tous  leurs  bagages. 

Cependant  Nazerzingue  ayant  réfolu  de  reprendre  la  Campagne,  mar- 

■■!.... ro:-^  -y  ii  -iil":  CJM 

(  /  )  Cette  fameufe  Forterefle  fut  emportée, 
par  efcalade,  feulement  le  11  de  Septembre. 
Les  François  y  firent  un  butin  confidérablej 
parceque  tous  les  Habitans  des  environs  y 
avoient  envoyé  leurs  effets. 

(m)  L'Auteur  du  Genuine  Account,  que 
M.  Green  a  fuivi  dans  l'Explication  de  fa 
Carte  i  remarque ,  par  une  Note,  que  cette  Pla- 
ce paifoit  pour  imprenable,  à  caufe  de  fa  fi- 
tuation  avantageufe,  fur  une  fort  haute  mon- 
tagne ;  &  qu'on  la  regardoit  comme  une  des 
clefs  de  la  Province  d'Arcatte.  A'iais  ne  fe- 
Toit-il  point  ici  queftion  de  Gingy,  plutôt  que 
^  de  Valdaour?    S'il  y  a  erreur  en  cela,  com- 


me nous  le  foupçonnons ,  elle  peut  aifément 
être  provenue  d'une  tranfpofition  du  renvoi. 
M.  d'Anville ,  qui  fait  une  longue  Defcriptioa 
de  Gingy,  fe  contente  de  dire,  qu'il  y  a  un 
Fort  à  Valdaour. 

(n)  Trivudy,  ou  Tiru-vidy,  Fort  impor- 
tant, îîtué  à  vingt  miles  au  Sud-Oueft  de  Pon- 
dichery. L'Auteur  du  Genuine  Account  le  met 
au  Nord-Oueji  de  cette  Ville  ;  mais  c'eft  uk 
faute,  que  M.  Green  a  corrigée.  Suivant 
les  Miflîonnaires  Danois ,  les  François  avoient 
planté  du  canon  fur  une  Pagode  de  Tiru-vidy, 
qui  leur  fervoit  de  Fort,  &  qui  comoiandoiî 
toute  la  Campagne.       ,  .     , 


i 


cha  av< 
vite  à 
Place  I 
&  d'au 
que   la 
de  fe  i 
affafilint 
qu'on 
^1  Kan ,   ] 
le   faço 
voient 
heures 
fiit  pas 
■ièc  brûla 
,5Quartie 
jfDu  elle  c 
ae  de  c 
•Viceroi 
ée  eût-: 
&de  C 
bla  de  1 
nemis. 
I  ennemi 
[Nazerzii 
telle  fut  ( 
[on  ceffa 
|&  reçut 
(imprévu 
[confufio: 
!  Europe, 
qu'au  bc 
nen  ne  f 


l  (0)  Ce 
ceux  que  1 
me  leurs  < 
(P)  Le: 
le  fait  dt(] 
moins  de 
Maures  a 
ment  de  1 
des  muniti 
vèrent,  fu 
fait  prifon 
Carrupe  & 
couvert  1( 
pleix;  que 
zingue  avo 
pables,  jufi^ 
rattes,  qui 

XI  F. 


'*,' 


;f  î<T 


ue-tems  au- 
)uis  le  nom 
nis,  vint  à 
ïenfe  d'une 
c ,  que  fi  en 
oute  la  Pro. 
les  derniers 
peut-être  de 
,  ceux-ci  en- 
)itaine  Cope, 
int  l'Armée 
les  Troupe 

reconnoiiïe 
^ger  dans  les 
aux  travaux, 
ntreprife,  il 
i  Nabab,  de 
Lchery,  pour 
i  étoient  re- 
X  un  combat 
î  provifionsi 
voulut  point 
i^^eau  le  parti 

fin  du  mois 

u  Nabab,  qui 
nt  d-ins  lon- 
Lmpofée  de 
que  le  tenu 
des  fuyards, 
irs  bagages. 
)agne,  mar- 
chi 

peut  aifément 

tion  du  renvoi  j 

gue  Defcriptioij 

e,  qu'il  y  a  ml 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       sT 

cha  avec  fon  Armée  du  côté  deOingy ,  où  les  François  fe  retirèrent  au  plus 
vite  à  fon  approche.  Comme  il  ne  pouvoit  fe  flatter  d  emporter  cette 
Place  par  aflaut,  il  fe  détermina  à  en  faire  le  blocus.  On  refta  de  part 
&  d'autre  dans  cet  état ,  jufqu'au  milieu  du  mois  de  Décembre,  lorf- 
que  la  Garnifon,  réduite  à  la  dernière  extrémité,  trouva  le  moyen 
de  fe  fauver ,  à  la  faveur  de  fes  intrigues  contre  Nazerzingue,  qui  fut 
aflaffiné  le  i6  Décembre,  par  les  Nababs  de  Cundapah  &  de  Cundamôr, 
qu'on  difoit  en  avoir  formé  le  plan,  de  concert  avec  Shah-Navaz- 
jKan,  Mouzaferzingue,  Sander-Saheb  &  les  François.  -  Voici  de  quel- 
Sle  façon  l'entreprile  fîit  exécutée.  Les  François,  inltruits  oîi  ils  dé- 
voient faire  feu  à  balles,  ou  feulement  à  poudre,  attaquèrent,  à  trois 
heures  du  matin,  un  Quartier  particulier  du  Camp  (o)>  dont  il  ne  leur 
fiit  pas  difficile  de  fe  rendre  maîtres.  Enfuite  continuant  leur  marche  » 
éc  brûlant  tout  ce  qu'ils  trouvoient  devant  eux,  ils  arrivèrent  près  des 
Quartiers  de  Nazerzingue.  Comme  fon  Armée  étoit  fort  étendue,  & 
yqu'elle  occupoit  un  grand  efpace  de  terrein  ,  fuivant  la  mauvaife  métho- 
de de  camper  des  Maures ,  le  jour  étoit  déjà  bien  avancé ,  lorfque  le 
Viceroi  apprit  que  les  François  étoient  entres  dans  fon  Camp.  A  pei- 
«e  eût-il  monté  fon  éléphant,  que  rencontrant  les  Nababs  de  Cundapah 
ce  de  Cundamôr,  dont  les  Quartiers  étoient  voiflns  du  lien,  il  les  acca- 
bla de  reproches ,  pour  s'être  lî  lâchement  laifle  furprendre  par  les  en- 
îïiemis.  Mais  les  deux  Nababs  répondirent,  qu'ils  n'avoient  point  d'autre 
ennemi  que  lui:  &  à  Tindant  même  ils  lâchèrent  leurs  piflolets  contre 
Nazerzingue,  qui  tomba  mort  à  terre  (p)  ;  après  quoi  lui  ayant  coupé  la  tête, 
elle  fut  expofée  fur  une  lance,  à  la  vue  de  toute  l'Armée  {q),  Auffi-tôt 
on  cefla  les  hoftilités.  Mouzaferzingue  fut  proclamé  Prince  de  l'Empire , 
&  reçut  l'hommage  de  plufieurs  des  Nababs  préfens.  Un  événement  fi 
imprévu  &  fi  frappant  à  tous  égards ,  fembloit  devoir  caufer  une  grande 
confufîon  parmi  les  Troupes  ;  mais ,  ce  qu'on  trouvera  peut-être  étrange  en 
Europe, quoique, dans  l'Orient, les  exemples  en  foyent  aflez  fréquens,  c'eft 
qu'au  bout  de  quelques  heures,  le  Camp  parut  tout  aufli  tranquille  que  fi 
irien  ne  fut  arrivé.  Au  premier  bruit  de  la  mort  de  Nazerzingue ,  Mahomet- 
:  Aly- 


DlRNIÈdM 

gubhres  oc 

l'Indk. 
Supplément. 

1750. 

IleRaflaf. 
fine  par  fcs 
Minidres. 


ï  (0)  C'étoit  apparemment  le  Quartier  de 
ceux  que  les  Confpirateurs  regardbicnt  com- 
me leurs  ennemis. 

(p)  Les  Miflîonnaires  Danois  rapportent 
le  fait  différemment,  mais  avec  beaucoup 
moins  de  vraifemblance.  Ils  difent  que  les 
Maures  ayant  taillé  en  pièces  un  Détache- 
ment de  Troupes  Françoifcs ,  qui  conduifoit 
des  munitions  de  Pondichery  à  Gingy,  trou- 
vèrent, fur  l'Officier  commandant,  qui  fut 
fait  prifonnier,  une  Lettre  des  Nababs  de 
Carrupe  &  de  Candtnour ,  oîi  l'on  avoit  dé- 
couvert leur  correfpondance  avec  M.  Du- 
pleix;  que  malgré  cette  conviftion,  Nazer- 
zingue avoit  voulu  diiFérer  le  fupplice  des  Cou- 
pables, jufqu'à  l'arrivée  de  quarante  mille  Ma- 
rattes,  qui  dévoient  être  en  marche  pour  ve- 

XI  F.  Part, 


Mouzafer- 
zingue eft 
proclamé  à  f;» 
placcv 


nir  joindre  fon  Armée;  mais  qu'en  attendant, 
les  deux  Traîtres,  qui  ne  fe  promettoient 
rien  de  bon  de  leur  affaire ,  avoient  pris  leur 
tems ,  &  maffacré  Nazerzingue  ;  après  quoi 
Mujiapba •  Singa ,  ou  Mouzaferzingue,  avoit 
été  proclamé  à  fa  place.  Cependant  i)  eft 
bien  plus  naturel  de  croire  que  Nazerzingue 
étoit  fans  défiance;  car  autrement  tombe-t'il 
fous  le  fens  qu'il  fe  fût  laiffé  furprendre  par 
les  François ,  &  encore  moins  aflafliner  par 
des  Miniftres  dont  la  perfidie  lui  auroit  été 
connue?  Quant  au  Détachement ,  les  moines 
Millionnaires  confirment ,  dans  un  autre  en- 
droit, fon  malheur.  11  n'étoit  compofé  que  de 
quarante  hommes. 

(  î  )  C'eft  ce  que  les  François  appellent  tué 
dam  une  Bataille;  Voyez  ci-delTuâ,  pa^<47. 

N  ■ 


98 


DESCRIPTIOlSr    DE    LA 


ÙERNltnES 

CUEKKSS  DE 

L'iNniC. 

Supplément. 
1750. 


D<iputés  & 
préfcns  que 
lui  envoyj 
M.  Dupieix. 


Entrée  du 
Nabab  dans 
Pondichcry. 


Aly-Kan  fe  fauva  à  Tirichinapaly.  Divers  Nababs ,  de  ceux  qui  avoient 
eu  part  à  la  confpiration ,  retirèrent  leurs  Troupes ,  &  fe  réparèrent  de 
Mouziiferzingue,  qui  ne  jugea  pas  à  propos  de. les  contraindre  (r). 

Une  Relation  circunftunciée,  en  forme  de  Journal,  envoyée  de  Pondi- 
chery  à  la  Compagnie  des  Indes  de  France ,  apprendra  au  Lcfteur  ce  qui 
fe  palfa  dans  cette  Ville,  depuis  la  défaite  de  Nazerzingue  &  l'élévation  de 
Mouzaferzingue. 

„  Le  16  Décembre  1750 ,  on  reçut  ici  la  nouvelle  de  la  Vi6loire  fignalce 
„  que  l'Armée  Françoife  avoit  remportée,  le  même  jour,  fur  celle  de Na- 
„  zerzingue.  Cet  événement  parut  fi  furprenant ,  qu'on  eut  d'abord  de  la 
„  peine  à  le  croire  (5);  mais  il  fut  confirmé,  peu  après,  par  Sander-Sa- 
„  heb,  qui  étoit  venu  en  donner  part  à  M.  Dupieix.  Il  le  fut  encore,  le 
„  jour  fui vant ,  par  des  Lettres  de  Mouzaferzingue ,  qui  en  détailloient  les 
particularités.  Surquoi  M.  Dupieix  jugea  à  propos  de  députer,  auprès 
de  ce  dernier,  M. M.  de  St.  Paul,  Friely  Goupil  &  Brenier,  pour  le  félici- 
ter fur  cette  Victoire,  qui  lui  avoit  rendu  l'héritage  de  fes  Ancêtres (t^ 
Après  quoi,  l'on  chanta  le  Te  Deura  dans  i'Eglife  du  Fort,  au  bruit  delà 
Mousquetterie  &  de  l'Artillerie. 

„  Les  quatre  Députés  arrivèrent ,  le  rp ,  au  Camp  de  Mouzaferzingue ,  qui 
les  reçut  avec  toute  la  diftindlion  poiîible ,  &  leur  fit  des  careffes  infi« 
nies.  Le  22,  ils  préfentèrent  à  ce  Seigneur,  au  nom  du  Roi  de  France, 
fix  Serpaux ,  ou  préfens  des  plus  magnifiques ,  que  M.  Dupieix  lui  en* 
„  voyoit,  avec  le  Drapeau  blanc,  qui  étoit  porté  fur  un  éléphant  à  la  tête 
du  cortège.  Mouzaferzingue  reçut  ces  préfens  avec  une  affeftion  peu 
ordinaire ,  &  il  ordonna  que  le  Drapeau  fut  toujours  placé  au  milieu  de 
fes  Marques  d'honneur. 

„  Ce  Nabab,  qui  s'étoit  approché  de  Pondichery  avec  fon  Arn.ëe,  y 
fit  fon  entrée  le  26  du  même  mois.  Dès  qu'il  apperçut  M.  Dupieix, 
qui  étoit  allé  à  fa  rencontre,  hors  d'une  dts  Portes  de  la  Ville,  il  defcen« 
dit  de  fon  éléphant,  fe  jetta  au  cou  du  Gouverneur,  &  le  tint  embrafTé 
pendant.un  demi  quart  d'heure,  fans  pouvoir  proférer  une  parole,  tant 
il  étoit  pénétré  du  fervice  qu'il  lui  avoit  rendu;  les  larmes  feules  de  ce 
Seigneur  expliquant  les  fentimens  de  reconnoiflance  qu'il  renfermoit  dans 
fon  cœur.  11  lui  dit  enfin ,  que  comme  c'étoit  de  lui  qu'il  tenoit  la  place 
qu'il  occupoit,  il  le  prioit  d'en  difpofer.  Après  ce  petit  compliment ,  on 
entra  dans  la  Ville,  au  bruit  de  l'Artillerie  des  remparts.  Arrivé  au  Gou- 
vernement, Mouzaferzingue  dit  à  M.  Dupieix ,  que  n'ayant  pris  aucun 

„  arran- 


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(f)  Genuine  Account. 

(  j)  En  effet,  ceux  qui  ignoroient  la  con- 
fpiration ,  ne  dévoient  y  trouver  aucune 
vraif  Jinblance  :  mais  c'eft  ce  dont  l'Auteur  de 
la  Relation  ne  parle  pas. 

(t)  Comment  peut-on  appeller  héritage, 
une  dignité  qui  eft  à  la  difpofition  de  la  Cour 
du  Grand  Mogol?  D'ailleurs  les  Ancêtres  de 
Mouzaferzingue  étoicnt  en  mémc-tems  ceux 
de  Nazerzingue.  Que  celui-ci  fût  iils  natu- 
jel  de  Nizam-uI-Muik,  c'eft  ce  <iue  nous  ne 


contefterons  point ,  faute  d'en  être  informés. 
Mais  cette  diftinftion  n'eft-elle  pas  ridicule 
dans  la  Loi  de  Mahomet ,  qui  permet  la  po- 
iigamie  ?  Aufli  trouvons  -  nous  ,  dans  les 
Relations  des  Anglois ,  que  Nazerzingue 
avoit  trois  frères,  qui  furent  faits  prifonnicrs 
par  Mouzaferzingue,  ainfi  que  fa  femme  & 
fes  enfans.  On  n'en  dit  pas  le  mot  dans  la  Re- 
lation de  Pondichery ,  qui  écarte  ou  détourne 
adroitement  tout  ce  qui  pourroit  fixer  l'atten- 
tion fur  ia  jullice  des  motifs  de  cette  GuenOi 


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PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       pi> 


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arèrent  de 

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de  Pondi- 

:eur  ce  qui 
levation  de 

fire  fignalée 
:elledeNa- 
ibord  de  la 
Sander-Sa- 
encore,  le 
:ailloienc  les 
[ter,  auprès 
lur  le  félici' 
ncêtres(tV 
u  bruit  de  la 

rzingue,  qui 
lareffes  infi« 
i  de  France, 
►leix  lui  en- 
lant  à  la  téce 
ffeftion  peu 
lu  milieu  de 

Arn.ëe,  y 

A.  Dupleix, 

; ,  il  defcen- 

int  embraffé 

parole,  tant 

^ules  de  ce 

ermoit  dans 

noit  la  place 

iplimenc ,  on 

ivé  au  Gou- 

pris  aucun 

„  arran- 

être  informés, 
e  pas  ridicule 
permet  la  po- 
■)us  ,  dans  les 
Nazerzingue 
lits  prifonnicrs 
e  fa  femme  & 
not  dnns  laRe- 
te  ou  détourne 
ait  fixer  l'atten- 
e  cette  Gueiie. 


„  arrangement  pour  le  Gouvernement  de  fa  Province,  il  1 
„  le  tout  de  la  façon  qu'il  le  jugeroit  convenable,  &  de 


il  le  prioit  de  régler 

terminer  en  par- 

7,  ticulier  les  prétenfions  des  Soubdars  de  Calapet ,  Cauoul  &  Sarandour ,  Tes 

Alliés:  Après  quoi  il  alla  voir  fa  Mère&  fon  Epoufe,  qui  étoicnt  reflces 

à  Pondichcry  depuis  le  mois  de  Mars  dernier. 

„  Ces  trois  Soubdars  arrivèrent  le  27.  Ils  allèrent  faluer  d'abord  M.  Du- 
pleix ,  &  lui  dirent  qu'ils  étoicnt  convenus ,  avec  le  Nabab  Mouzaferzin- 
gue,de  fe  conformer  à  ce  que  M.  le  Gouverneur  décideroit  touchant  leurs 
prétenfions.  Le  lendemain  ,  ce  dernier  entra  avec  eux  en  conférence 
„  à  ce  fujet;  mais  trouvant  leurs  prétenfions  injuftes  &  exorbitantes ,  il 
leur  dit  qu'il  ne  vouloit  pas  s'en  mêler,  à  moins  qu'ils  ne  changeaflcnt 
d'avis  ;  furquoi  ils  lui  déclarèrent  qu'ils  en  pafleroient  par  tout  ce  qu'il 
voudroit ,  oc  qu'ils  remettoient  leurs  intérêts  entre  fes  mains. 
„  Le  30,  M.  Dupleix  informa  le  Nabab  Mouzaferzingue  de  la  confé- 
„  rence  qu'il  avoit  eue  avec  les  trois  Soubdars  ;  &  fur  ce  que  ce  Seigneur 
„  lui  déclara  qu'il  s'en  remettoit  pareillement  à  ce  qu'il  jugeroit  à  propos, 
„  M.  le  Gouverneur  propofa ,  le  foir ,  aux  Soubdars ,  les  conditions  fuivan- 
1,,  tes  :  Qu'il  leur  feroit  donné  quelques  Fort^refles ,  avec  des  Terres  à  ren- 
tes plus  qu'ils  n'avoient  eu  ci-devant,  ainfi  qu'une  augmentation  de  digni- 
té ,  avec  promefle  de  leur  faire  accorder  la  moitié  du  Cazena ,  ou  Tré- 
for,  trouvé  dans  le  Camp  de  Nazerzingue. 

„  Ces  conditions  ayant  été  acceptées  par  les  trois  Soubdars,  après  bien 
„  des  difficultés,  on  en  drefla  un  A6le,  qui  fut  figné  le  lendemain  par 
"Mouzaferzingue  ôc  les  trois  Soubdars.  Ceux-ci  jurèrent  fur  l'Alcoran 
d'être  fidèles  au  Nabab  ,  qui  de  fon  côté  jura  aufli  de  les  conferver  dans 
leurs  dignités  &  dans  leurs  biens.  C'eft  ainfi  que  finit  cette  affaire ,  d'au- 
tant plus  glorieufe  pour  M.  Dupleix,  que  le  Prédécefleur  de  Mouzafer- 
zingue n'avoit  jamais  pu  engager  ces  Soubdars  à  fe  foûmettre.  Enfuite 
le  Gouverneur  préfenta  Sander-Saheb  au  Nabab,  &  demanda  pour  lui 
ai  la  place  de  Soubdar  du  Carnate  (v).  Mouzaferzingue  répondit  à  M.Du- 
„  pleix,  que  comme  il  lui  donnoit  le  Commandement  général  de  toutes 
„  les  Terres  depuis  la  Rivière  de  (^uichena  jufqu'au  bord  de  la  Mer,  & 
„  que  le  Carnate  en  dépendoit,  c'étoit  à  lui  à  nommer  la  perfonne  qu'il  ju- 
„  geroit  à  propos.  Surquoi  Sander-Saheb  prêta  aulîl ,  en  cette  qualité ,  le 
lèrment  de  fidélité  au  Nabab. 

„  Le  31 ,  jour  defliné  pour  la  cérémonie  de  l'inftallation  du  Nabab  Mou- 
„  zaferzingue,  ce  Seigneur,  revêtu  d'une  robbe  à  la  Maure,  coëffé  de  mê- 
„  me,  «Se  accompagné  de  M. Dupleix,  fe  rendit  dans  une  grande  tente,  fous 
„  laquelle  on  avoit  fait  dreflfer  un  fuperbe  Dais;  &  après  s'y  être  alTis,  M. 
„  le  Gouverneur  lui  préfenta  le  Salamy,  de  vingt-une  roupies  d'or,  le  re- 
connut pour  Soubdar  du  Dekan,  &  l'ayant  embrafle,  il  s'aHit  à  côté  de 

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(v)  M. Dupleix  n'avoit  clor.c  aucun  droit, 
en  1749,  d'établir  Sandtr-Sheb  dans  le  Gou- 
vernement de  cette  Province  ;  &  Sander-Sn- 
heb  n'étoit  par  conféquent  pus  plus  autorilu 
à  lui  ccdcr  desDiltricts.   On  en  peut  direau- 


Dernières 
guekkes  oe 

1,'Inde. 
Supplément. 

1751. 

Négocia- 
tions avec 
trois  Soub- 
dars fes  Alliés. 


Accomodc- 
ment  fait 
cntr'eux. 


Sander-Sa- 
heb efl  nom- 
mé Nabab 
d'Arcatte. 


Cérémonie 
de  l'inflalla- 
tion  de  Mou- 
zaferzingue. 


tant  de  Mouzaferzin,:;uc,  qui  difpofoit  des  Ter- 
res de  l'Enipereur  Mogol  à  la  fantaifio  de  M. 
Dupleix.  Tout  cela  relTcmble^  bien  à  une 
véritable  Comédie. 


N 


100 


DESCRIPTION    DE    LA 


Derniîires 

CUEiftRCS  DE 

l'Inde. 
Supplément. 

1750. 
Dignités 
qu'il  confère 
à  M.  DupIeU. 


175I. 

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Il  lui  fait  di- 
Ters  préfens. 


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lui  fous  le  même  Dais  (x);  ce  qui  fe  fit  au  bruit  d'une  décharge  gdnéra. 
le  de  l'Artillerie.  Ënfuite,  tous  les  Seigneurs  de  la  Cour  du  Nabab, 
ainil  que  les  trois  Soubdars  Patanes,  s'empreflerent  auifi  à  lui  préfenter 
leur  falamy,  &  à  le  reconnoître  pour  leur  Maître. 
„  Après  cette  cérémonie,  le  Nabab  fe  tourna  du  côté  du  Gouverneur,  & 
le  pria  de  vouloir  bien  accepter  la  Charge  de  Commandant  Général  de  tou- 
tes  les  Terres  comprifes  depuis  le  Quichena  jufqu'au  bord  de  la  Mer, 
qu'il  lui  mettoit  en  fon  pouvoir  ,  fe  contentant  de  gouverner  de  l'autre 
côté  de  cette  Rivière,  &  il  ordonna  en  même-tems  au  Backeby  du  De- 
kan ,  &  au  Giran^  de  lui  en  délivrer  les  Patentes.  Enfuite  il  le  pria  de  vou- 
loir bien  accepter  la  Dignité  de  Manfebdar  de  fept  mille  Cavaliers  ;  après 
quoi  le  Nabab  lui  préfentale  Maby  de  Maratel,  ou  le  Poiflbn,  marque 
d'honneur  que  l'on  n'accorde  qu'aux  Seigneurs  de  la  première  diftinftion; 
&  comme  c'eft  la  coutume  de  donner  un  Jaguîr  &  une  Forterefle  aux 
Manfebdars ,  il  le  pria  de  vouloir  bien  accepter  celle  de  Valdaour  avec  fes 
dépendances,  &  un  Jaguir  de  cent  mille  roupies  (y).  L'Affemblée  fut 
ce  jour-là  des  plus  nombreufes.  Elle  étoit  compofee  de  plufieurs  des 
anciens  Seigneurs,  tant  de  la  Cour  de  Nizam-ul-Mouk  {z),  que  de 
celle  de  Nazerzingue.  Tous  les  Soubdars  Chefs,  tant  MogDls,  que  Fa- 
tanes,  Marattes  &  autres  ,  s'y  trouvèrent  aufli;  &  jamais  on  n'avoit  vu 
tant  de  Nations  différentes  réunies  ;  la  jaloufie  les  empêchant  de  fe  trou> 
ver  enfemble  dans  une  même  Aflemblée. 

„  Le  premier  Janvier  1751,  le  Nabab,  après  avoir  été  chez  M.  Du* 
pleix,  pour  lui  fouhaiterles  bonnes  Fêtes  du  jour  de  l'an  (a),  lui  en- 
voya, par  fon  Premier  Miniflre,  un  ferpau,  ou  préfent,  compofé  d'une 
robbe  à  la  Maure,  d'une  tocque  &  d'une  ceinture,  avec  le  fabre,  la 
rondache  &  le  poignard ,  qui  avoit  été  donné  par  Brenfch ,  à  fon  Grand- 
Père  Nizam-ul-Mouk,  en  lui  faifant  dire  qu'il  n'y  avoit  que  M.  le  Gou. 
verneur  qui  put  porter  &  fe  fervir  de  pareilles  armes.  M.  Dupleix, 
pour  faire  voir  le  cas  qu'il  faifoit  de  ce  préfent,  fe  revêtit  tout  de  fuite 
de  la  rdbbe,  de  la  tocque  &  de  la  ceinture. 


Çx)  Autant  vaudrolt-il  dire  que M< Dupleix 
accorda  l'inveftiture  à  Mouzaferzingue. 

(  >  )  Ne  diroit-on  pas  que  M.  Dupleix  fe 
faifoit  bien  prier  pour  accepter  toutes  ces  fa- 
veurs ?  Peut-être  étoit-ce  un  peu  au-deflbus 
de  ia  dignité ,  de  les  recevoir  des  mains  de 
fa  propre  Créature;  lui  qui  fe  trouvoit  déjà 
revêtu ,  par  la  Cour  Mogole ,  de  la  qualité 
héréditaire  de  Manfebdar,  qui  donne  le  titre 
de  Nabab ,  Raja ,  ou  Prince.  (  Voyez  ci-deflus^ 
pag.  46  &  47.)  Quoiqu'il  en  foit,  il  eftaflez 
«ngulier  de  remarquer ,  que ,  fuivant  l'Abbé 
Guyon ,  „  il  n'y  a  que  le  Grand  Mogol  qui 
),  nomme  aux  Commandemens  au-delà  à'vtn 
„  demi  ^zary ,  ou  cinq  cens  chevaux".  Ce 
Prince ,  par  une  diftinftion  unique  pour  des 
Européens,  avoit  accordé, aux  Gouverneurs 
4e  Pondichery,  le  titre  de  quatre  Azary  & 


demi,  ou  quatre  mille  cinq  cens  Cavaliers  ;  & 
ici  Mouzaferzingue,  fans  qu'il  eut  été  recon- 
nu lui-même,  par  la  Cour  Mogole,  élève 
M.  Dupleix  jufqu'à  fept  Azary,  ou  fept  mille 
chevaux,  tandis  que  cet  Abbé  nous  apprend 
encore ,  „  qu'il  n'y  a  que  les  fils  du  Grand 
„  Mogol ,  qui  foyent  dix  Azary ,  &  que  c'cfl 
„  la  plus  éminente  qualité  où  l'on  puifle  par- 
„  venir  dans  cet  Empire".  Encore  une  foij, 
n'eft-ce  pas-là  proprement  un  beau  jeu  à 
théâtre? 

(  2  )  On  ne  doit  pas  fuppofer  qu'ils  étoient 
venus  de  Dehiy. 

(a)  Voilà  un  Maure  bien  francifé.  Il 
étoit,  &il  faifoit  tout  ce  qu'on  vouloit.  W. 
Dupleix  va  l'imiter,  &  paroitre  à  fon  WW 
dans  tout  l'équipage  d'ua  Maure* 


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Dupleix, 
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PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      lox 

M.  du  BouJJet  psiTtit  ce  jour-là,  avec  nn  des  Seigneurs  delà  Cour  du 
Nabab,  pour  fe  rendre  à  la  Forterefle  de  Chettaputte^  afin  d'en  amener 
ici  Shah-Navaz  Kan ,  ci-devant  Premier  Minillre  de  Nazerzingue,  qui 
s'y  étoit  retiré  après  la  mort  de  ce  Prince ,  &  qui  n'avoit  pas  encore  re- 
connu Mouzaferzingue  ;  ce  Seigneur  ayant  déclaré  qu'il  étoit  prêt  à  le 
faire,  &  qu'il  fe  conformeroit  à  ce  que  M.  Dupleix  jugeroit  à  propos  de 
régler  pour  procurer  fon  accommodement  avec  le  Nabab  (b). 
„  Mahomet-Aly-Kan  ,  Gouverneur  de  la  Forterefle  de  Trichinapaly , 
ayant  offert  de  rendre  cette  Place,  moyennant  qu'on  lui  accordât  les  de- 
mandes qu'il  avoit  fait  faire  par  Maharas  Javogy^  Général  Maratte;  fça- 
voir ,  qu'on  ne  lui  feroit  point  rendre  compte  de  la  geftion  de  fon  Père , 
Anaverdi-Kan ,  Soubdar  duCarnate,  qu'on  lui  continueroit  fes  honneurs, 
&  qu'on  ne  toucheroit  point  à  ^qs  biens  (c).  Comme  il  importoit  de 
fe  rendre  maître  de  cette  Forterefle ,  afin  d'aflurer  la  tranquillité  de  la 
Province  de  Carnate  (rf),  on  accorda,  à  Mahomet-Aly-Kan ,  toutes  fes 
demandes,  &  l'Afte  en  fut  figné  le  2  de  ce  mois  (<?). 
„  Le  5 ,  le  Premier  Mimflire  du  Nabab  remit  à  M.  Dupleix  les  Patentes 
par  lefquelles  ce  Prince  lui  donnoit  le  Gouvernement  de  tout  le  Pays , 
fitué  entre  le  Quichena  &  le  Cap  Comorin,  &  confirmoit  la  dona- 
tion faite  de  Mafulipatnam ,  de  l'Ifle  deDi^i,  &  de  toutes  i^i  dépen- 
dances. '.V ,' ,-  ;  'K.- 
,,  Le  7,  Mouzaferzingue  prit  con^é  de  M,  le  Gouverneur,  après  l'avoir 
afluré  de  nouveau  qu'il  conferveroit  une  éternelle  reconnoiflance  du  fer- 
vice  impoirtant  qu'il  lui  avoit  rendu;  &  partit  enîuite,  pour  aller  cam- 
per hors  des  limites  de  la  Ville  de  Pondichery,  où  il  avoit  fait  drefïer 
fes  tentes. 

„  Le  8,  m.  Dupleix  alla  au  Camp  pour  rendre  vifîte  au  Nabab.  Shah- 
Navaz-Kan,  ci-devant  Premier  Miniftre  de  Nazerzingue,  y  arriva  en 
même-tems.  M.  le  Gouverneur  Je  préfenta  à  Mouzaferzingue,  qui  le 
reçut  avec  diftin£lion,  l'embraflâ,  &  le  fit  affeoir  au  rang  de  fa  Cour. 
Après  une  converfation  d'environ  un  quart  d'heure,  M.  Dupleix  pria  le 
Nabab  de  faire  quelque  chofe  en  faveur  de  ce  Seigneur.  Mouzaferzin- 
gue y  confentit,  &  à  fa  confidération  il  le  nomma  Manfebdar  de  deux 
,..-  .       .....        ..    .....    ....  ...    ....  j,  mille 


(6)  Cela  n'empêche  pas  qu'il  ne  pût  avoir 
eu  part  à  l'aflaffinat,  de  Nazerzingue;  &  l'on 
a  vu ,  par  la  fin  de  l'Article  qui  précède 
= cette  Relation,  que  les  Conjurés  s'étoient 
brouillés  entr'eux.  C'efl:  l'efFct  ordinaire  de 
pareilles  entrcprifes  ;  Mais  Shah-Navaz-Kan 
avoit  trop  bien  fcrvi  les  François,  pour  qu'ils  ne 
s'employaffent  pas  à  le  reconcilier  avec  Mou- 
zaferzingue. Un  fidèle  Miniflre  ne  s'y  feroit 
point  montré  fi  facile,  d'autant  moins  qu'il 
Tcfioit  encore  un  parti  formidable ,  qui  fe 
préparoit  à  vanger  la  mort  de  fon  Maître. 

(  c  )  Les  François  avouent  ici  qu'Anaverdî- 
Kan  étoit  Soubdar  du  Carnate,  ou  Nabab  d'Ar- 


DBRNiEfttar 

guerhes  ob 

l'Indb. 
Supplément. 

1751- 


-Donation 
du  Didria  d& 
Mafulipat- 
nam. 


Départ  de|- 
Mouzafer- 
zingue. 


Vifites  d9 
congé. 


catte  ;  Cependant  ils  le  coriteftent  ailleurs ,  & 
par  toute  leur  conduite.  Mais  comment 
Mahomét-Aly-Kân  pouvoit-il  craindre  qu'on 
ne  lui  fit  rendre  compte  de  la  geflion  de  fon 
Père,  qui  avoit  été  tué,  &  dont  tou.  les 
tréfors  étoient  tombés  au  pouvoir  de  fes  en- 
nemis ? 

(rf)  Ou  plutôt  afin  de  foûmettre  tout  ic 
Pays  a  la  domination  des  François. 

(*)  La  fuite  fera  voir  que  ceci  eft  faux, 
ou,  ce  qui  eft  plus  vraifeiriblablé  ,  qu'on 
manqua  de  parole  à  Mahomet-Aly-Kan ,  puif- 
qu'il  fe  vit  bien-tôt  obligé  de  fe  deffeadïC 
contre  Sander-Sabeb  &  les  François. 

•N  3 


102 


DESCRIPTION    DE    LA 


DERNltURS 

Guerres  oe 

l'Inor. 
Supplément. 

I75I- 


„  mille  cinq  cens  chevaux ,  &liii  donna  un  Jaguir  proportionné  à  fa  dignité 

„  avec  le  fcrpau  accoutume  (/). 

„  M.  le  Gouverneur  retourna  le  foir  à  Pondichery.  Shali-Navaz-Kan 
s'y  rendit  aulfi  le  lendemain,  pour  le  faluer ,  &  le  remercier  de  la  pro- 
teélion  qu'il  avoit  bien  voulu  lui  accorder  ;  lui  difant  qu'il  en  feroit  ro- 
connoiflant  route  fa  vie  ,  &  que  Mouzaferzingut;  étoit  bien  heureux  d'a- 
voir un  Proteéleur  comme  lui  ;  qu'il  ne  doutoit  nullement  que  ce  Prince 
ne  réulfit  à  fe  mettre  en  poflelîîon  du  Dekan,  guidé  par  fes  conieils,(S; 
aidé  par  Çqs  forces  (g).  M.  Dupleix  le  remercia  de  les  politelTts,  &le 
pria  à  diner  chez  lui. 

„  Le  io  ,  M.  le  Gouverneur  alla  rendre  Une  féconde  vifite  au  Nabab, 
qui  étoit  toujours  campé  hors  des  limites ,  pour  attendre  nos  Troupes, 
qui  fe  préparoient  à  le  joindre.  Il  étoit  accompagné  des  trois  Soubdars 
Patanes ,  &  de  Sander-Saheb ,  qu'il  préfenta  au  Nabab.  Ce  Prince  re- 
mercia M.  Dupleix  de  fon  attention ,  &  fit  beaucoup  de  politefles  à  ces 
Seigneurs ,  en  les  priant  de  refter  à  l'Armée,  puifqu'il  comptoit  de  fawe 
une  marche  le  jour  fuivant.  Ces  derniers  s'en  excufèrent ,  en  l'afluran; 
néanmoins  qu'ils  viendroient  le  joindre,  après  avoir  pris  congé  de  M.  It 
Gouverneur. 

„  Le  12,  M.  Dupleix  eut  dans  fon  Cabinet,  une  conférence  particu- 
lière avec  Shah  -  Navaz  -  Kan ,  ci -devant  Premier  Miniftre  de  Nazer- 
zingue.  Il  lui  repréfenta  combien  il  importoit  au  bien  général  des 
affaires,  qu'à  l'exemple  de  tous  les  autres  Seigneurs  de  la  fuite  du  Na- 
bab, il  prêtât  le  ferment  de  fidélité  à.  ce  Prince.  Shah-Navaz-Kan  lui 
répondit,  que  du  jour  qu'il  s'étoit  déterminé  à  venir  joindre  le  Nabab,' 
il  avoit  réfolu  d'en  paifer  par  tout  ce  que  M.  le  Gouverneur  voudroit  ; 
qu'il  étoit  prêt  à  faire  le  ferment,  &  qu'on  n' avoit  qu'à  faire  appoitc: 
un  Alcoran  ;  ce  qui  fut  exécuté  fur  le  champ ,  &  la  cérémonie  fe  fit  2 
la  manière  accoutumée  (h).  Enfuite  M.  Dupleix  lui  promit  de  le  pro- 
téger auprès  du  Nabab ,  &  lui  recommanda  d'être  toujours  attaché  à 
ce  Prince ,  comme  il  l'avoit  été  à  Nazerzingue  fon  Prédécelfeur  (  i  ). 
„  Le  foir,  M.  le  Gouverneur  partit  pour  aller  faire  la  dernière  vifite  aa 
Nabab,  qui  avoit  déjà  fait  une  marche,  &  étoit  campé  à  une  lieue  à 
la  Ville.  Aufli-tôt  qu'il  y  fut  arrivé,  on  le  revêtit  à  la  Maure,  aiiii; 
que  cela  s'étoit  fait  le  jour  de  l'inflallation  de  Mouzaferzingue.  Enfuite, 
ce  Prince  l'arma  lui-même  de  fon  fabre,  de  fon  poignard,  de  fon  car- 
quois &  de  fa  rondache,  ce  qui  fe  fit  en  préfence  de  tous  les  Seigneur; 


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à 


(/)  Encore  un  Manfcbdar  de  l'cfpèce  de 
cciix  qu'il  n'iipparticnt  qu'au  Grand  Mogol 
de  faire!  Qu'il  lied  bien  à  M.  Dupleix  &à 
IWouzaferzingue  de  reconipcnfer  les  fidèles 
fervices  que  ce  IVliniflre  avoit  rendu''  à  Ton 
Maître,  leur  ennemi  commun!  v.'v  (l-roit 
le  comble  de  la  générofité ,  fi  op  i  exerçoit 
à  ce  titre. 

(g)  Remarquez  qu'il  falloit  encore  conque- 
xir  ce  prétendu  Patrimoine  de  fes  Ancêtres. 


(b)  "Voilà  un  Gouverneur  Chrétien  q 
préfente  lui-même  l'AIcoran  à  un  Mahoin 
tan  pour  le  faire  jurer  fur  ce  Livre  :  car  r 
marquez  que  c'étoit  dans  une  conférence  f Jf 
ticulière.  Cela  n'a-t'il  pas  bonne  grâce  ?  ^" 
Maure  fe  feroit  fans  doute  plus  de  fcrui.i« 
de  préfenter  l'Evangile  à  un  Chrétien. 

(i)  Cej  dernières  paroles  ne    font  1"^ 
pour  l'ar:  ondiffemcnt  de  la  période. 


Prîn 


part 
&d 


ȕ 


^,  merc 


s> 


Mafi 


O)  t 

lura  fans 
kss  iViim 
vois  en 
*DiBciers 
%e  met  g 
,Xeur  du  ( 
François 
'les  provi 

(0  Si 

fol  ides  qi 
les  HoU: 
On  fe  la 
roitre  pi 
fuppofe, 
Mouzr.fc 
Souba  di 
ftant,  pa 
n'étoit  p( 
qu'elle  m 
tion  de  la 
foûtcnir 
difpofer 
on  autre 


à  fa  dignité, 

i-Navaz-Kan 
;r  de  la  pro. 
în  feroit  rc- 
heureux  d'à- 
ue  ce  Prince 
s  conieils,& 
litefles,  &le 

:e  au  Nabab, 
îos  Troupes, 
rois  Soubdars 
Ce  Prince  rc- 
lolitefles  à  ces 
iptoit  de  hwt 
,  en  l'afluran; 
ongé  de  M.  k 

•ence  particu- 
:re  de  Nazer 
i  général   des 
,  fuite  duNi- 
^îavaz-Kan  lui 
dre  le  Nabab, 
2ur  voudroit; 
faire  apporte: 
onie  fe  fit  3 
|mit  de  le  pro- 
lurs   attaché  à 
ceireur(i). 
nière  vifiteas; 
une  lieue  è 
Maure,  aiiil; 
ue.     Enfuite, 
,  de  fon  car- 
ies Seigneurs 


PRESQU'ISLE  EN  DEçA  DU  GANGE,  Liv.  III.      163 

de  fa  Cour.     Après  cette  cérémonie,  Mouzaferzingue  fit  préfent  à  M. 

Dupleix ,  d'un  éléphant  &  d'un  cheval  qui  avoient  été  donnés  à  fon 
**  Grand-Père,    Nifam-ul-Mouk ,   par  Thamas-Kouli-Kan ,  Roi  de  Perfe. 

M.  le  Gouverneur  prit  enfuite  congé  du  Nabab,  lui  fouhaita  un  bon 
",  voyage,  &  en  fortant  du  Camp,  il  fit  jetter  aux  peuples  plufieurs  piè- 
„  ces  (Targent. 


DEimikRCf 

Guii.RI(BS  DE 

l'Inde. 

SuPPLnMP.NT. 

1751. 


Le  13,  les  Soubdars  Patanes  prirent  congé  de  M.  le  Gouverneur  pour 
fè  rendre  à  l'Armée:  Ils  parurent  très-fatisfaits  des  politefles  qu'ils  a- 
voient  reçues  pendant  leur  féjour  en  cette  Ville  :  ils  afliirèrent  M.  Du- 
pleix, qu'ils  n  oublieroient  jamais  les  fervices  qu'il  leur  avoit  rendus 
auprès  du  Nabab ,  &  qu'ils  feroient  toujours  fidèles  ferviteurs  de  ce 


Pnnce. 


>» 


L".  15,  le  Détachement  de  Troupes  Françoifes,  que  le  Nabab  atten- 
doit  pour  fe  mettre  en  marche,  &  aller  prendre  pofl'eflion  du  Dekan, 
1^  partit  pour  joindre  fon  Armée.  Il  étoit  compofé  de  trois  mille  Blancs  (i*  ), 
|,  &  d'environ  deux  mille  Cipayes. 

■'  „  La  libéralité  de  Mouzaferzingue  s'efl:  étendue  fur  tout  le  monde  pen- 
^â  dant  le  féjour  que  ce  Prince  a  fait  ici.  Il  a  donné  aux  Troupes  quaran- 
i^  te  mille  roupies.  Il  a  accordé  aux  principauxOfficiers&Confeillers,  des 
,,  penfions  fur  les  Tréfors  de  la  Province,  &  les  Eglifes,  ainfi  que  les 
Pauvres,  fe  font  refl!entis  de  fa  générofîté.  Cet  événement,  dont  on 
ne  connoitra  toute  l'importance  que  par  la  fuite,  a  procuré,  aux  Habitans 
de  Pondichery,  des  richefles  immenfes ,  dont  cette  Ville  fe  refllntira 
longtems.  Les  avantages  préfens  de  la  Compagnie,  pour  fon  Com* 
merce,  fe  trouvent  folidement  appuyés  fur  la  donation  de  la  Ville  de 
Mafulipatnam,  de  l'ifle  de  Divi,  &  de  leurs  dépendances  (/)  (m)". 

Tant 

(  k  ■)  Ce  nombre  paroît  on  peu  fort.    On  fa  naiflànce.    Car  dans  ces  deux  cas  il  auroit 

tura  fans  doute  mis  un  zéro  de  trop  ;  du  moins  été  Souverain  abfolu  &  héréditaire.     Mais  ft 

iû  iVl iflîonnaires  Danois  ne  parlent  mie  de  quoi   bon  s'nppuycr    d'une  donation,  qui, 

»ois  c.ns  Européens ,  fous  les  ordres  de  huit  après  la  prife  de  poîTeffion ,  devcnoit  d'ellc- 

■Officiers,  Lus  les  Troupes  du  Pays,  qu'on  même  une  formalité  fuperflue?    Les  Rela- 


Le  Nabab 
efl  joint  par 
xin  Détache- 
ment Fran- 
çois. 

Avantages  àt 
fon  féjour  à 
Pondichery. 


lur  Chrétien  q- 
à  un  MahoiTii! 
ce  Livre 
ne  conférence  fi^ 


carr.  +** 


lonne  grâce 


n'i 


dIus  de  fcrui>'> 
Chrétien.         ^^^ 
.'S  ne    font  quî  rP| 
[période. 


%e  met  guères  en  ligne  de   coinpte.    L'Au 
Jeur  du  Uenuine  Account  dit  aum  trois  cens 
François,  avec  neuf  pièces  de  campagne,  & 
i-^es  provifions  néceflaircs. 

(i)  Si  ces  avantages  n'étoicnt  pas  plus 
folides  que  la  dontit.on  même ,  les  Anglois  &. 
'jes  Hollandois  auroient  tort  de  fe  plaindre. 
ÎOn  fe  lafle  de  répeter  que  rien  no  doit  pa- 
roitre  plus  frivole  que  ce  t.tre.  En  effet , 
fuppofe,  ce  qu'on  contcfte  ailleurs,  que 
Mouzr.fcrzingue  eut  été  légitimement  établi 
Souba  de  Golkonde,  il  reftc  toujours  con- 
ftant,  [.at  l'exemple  de  Sabdcr-Aly-Ean ,  qu'il 
n'étoit  point  autorifé  à  faire  cette  celîîon ,  & 
qu'elle  ne  pouvoit  être  valable  fans  la  ratifica- 
tion de  la  CourMogoIe.  C'eft  un  paradoxe  de 
foûtcnir  que  fon  pofte  lui  donnoit  le  droit  de 
difpofer  des  Terres  de  l'Empire.  C'en  eft 
un  autre  de  prétendre  que  ce  ^oùc  fut  dû  à 


tions ,  publiées  par  les  François ,  nous  appren- 
nent ,,  que  d:ins  le  tcnis  que   Nazcrzingue 
étoit  campé  près  de  Pondichery,   il  avoit 


>» 

„  envoyé  ordre  aux  Gouverneurs  particu- 
„  liers  de  Mnfulipatnam  &  de  Taiiaon,  d'en 
>» 


chaiTcr  les  !■  rançois ,  &  de  mettre  le  fcellé 
„  fur  leurs  Lo^jes;  .Viais  que  M.  Dupleix  en 
„  étunt  inforné,  avoit  fait  partir  fecré*> 
„  ment ,  par  Mer ,  un  Déttichement  de  deux 
„  cens  hommes ,  qui  s'étoient  rendus  maîtres 
„  de  ces  deux  Places  fans  la  moindre  réfiftan- 
„  ce".  Les  Hollandois,  pour  qui  les  François 
n'eurent  pas  la  même  complaifance  que  les 
Maures  ,  furent  obligés  de  fe  retirer  ail- 
leurs. Ce  fait  nous  eft  auffi  confirmé  par 
les  Miffionnalres  Danois,  dans  fes  principales 
circonftances. 

(jb)  Mercure  Hift.  &  Polit.,  Nov,  1751. 
pag.  541  &  fuiv. 


ïo4 


DESCRIPTIONDE     LA 


DRRNikRCS 

gukrres  ps 

l'Inoe. 
Supplément. 

1751. 

Ville  fondée 
prir  M.  Du- 
pldx,  cil  mé- 
moii'c  de  fes 
victoires. 


Mouzafer- 
aingue  eft  tué 
en  chemin  par 
fes  Alliés. 


Tant  d'avantages  que  les  François  retiroient  de  leur  Viéloîre,  ença^ 
gèrent  M.  Dupleix  à  la  célébrer  dignement,  parla  fondation  d'une  Ville 
dans  l'endroit  même  où  Nazerzingue  avoit  perdu  la  vie.  La  Ville  fut  a- 
lignée  d'une  manière  fort  régulière.  On  y  bâtit  deux  magnifiques  Chau- 
driers ,  ou  maifons  à  l'ufage  des  Voyageurs  :  &  M.  Dujîleix  donna  trois 
mille  roupies  pour  être  diftribuécs  entre  Ces  nouveaux  Sujets,  à  qui  il  ac- 
cordoit  pluiieurs  beaux  privilèges  pendant  un  certain  nombre  d'années  (n), 
Enfin  ,  pour  perpétuer  la  mémoire  de  ce  grand  événement,  on  devoit  éle- 
ver un  fuperbe  Monument ,  avec  une  Infcription  en  diverfes  Langues  ;  Mais 
malheurcufement  pour  la  vanité  du  Fondateur,  la  Ville  fut  détruite  par 
les  Troupes  ennemies ,  avant  que  l'Infcription  fut  entièrement  achevée.  Les 
Anglois  ont  cependant  eu  foin  de  nous  la  conferver ,  en  François ,  dans  leurs 
Ecrits  (0). 

INSCRIPTION. 


»» 
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a 

)} 


„  Cette  Ville,  nommée  Dupleix,  (mot  Perfan  qui  lignifie  P^iHa- 
rieux  en  Guerre)  a  été  fondée  en  mémoire  de  la  Bataille  gagnée  par  les 
François,  par  le  Commandant  Monf.  le  Prevojl  de  la  Touche^  fur  l'Ar- 
mée de  Nazir-zingue,  où  il  a  été  tué.  Cet  événement  eH:  arrivé  le  16 
Décembre,  l'An  1750.,  la  gdme  Année  du  Règne  de  Louis  Xt^,  &  la 
gme  de  celui  de  Hamet-Sha  (p),  fous  le  Gouvernement  de  Monf.  jfo^ 
Jepb  François  Dupleix ,  Commandeur  de  l'Ordre  Royal  &  Militaire  de 
„  St.  Louis,  Chevalier  de  St.  Michel ,  6c  Commandant  Général  de  la  Nation 
„  Françoife  dans  l'Inde,  la  8'pe  Année  de  fon  Gouvernement". 

Après  cette  petite  digrelT^on,  qui  ne  doit  pas  paroitre  hors  de  pro- 
pos, fuivons  le  grand  Héros  des  François  jufqu'au  bout  de  fa  brillante, 
mais  courte  carrière.     Une  autre  Relation  apportée  par  leVaiffeauV  Achille, 

Î)arti  de  Pondichery  vers  le  milieu  du  mois  d'Oftobre  1751,  nous  apprend 
es  circonftances  de  fon  defaftre. 
„  Idayèt-Modikan-Mouzaferzingûe,  étant  en  marche  pour  aller  pren- 
dre polfelFion  de  fes  Etats,  les Patanes,  un  des  Peuples  fes  Alliés,  pil-!^^ 
lèrent  une  partie  de  fon  équipage  &  de  fes  bagages.    Non  contens  de"' 
cette  infulte,  ils  parurent  vouloir  abandonner  tout-à-fait  fon  parti,  & 
quitter  l'Armée.    Le  Nabab  fondit  fur  eux ,  pour  en  tirer  vengeance; 
mais  dans  la  mêlée,  il  fut  atteint  d'une  fléihe,  qui  le  fit  tomber  fansj 
vie  de  defTus  fon  éléphant.    Les  François,  qui  accompagnoient  ce  mal- 
heureux 


51 
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^n 


» 


(fl)  Les  heureux  fuccès  du  Gouverneur 
de  Pondichery,  ont  été  célébrés,  en  1749, 
d'une  façon  auflî  fingulière ,  par  M.  Dupleix 
fon  Frère  ,  Fermier  Général ,  qui  dota  & 
maria  douze  filles  des  plus  pauvres  de  fes 
Paroifles  du  SitiJlfonnois ,  en  leur  affignant  des 
prix ,  dont  le  montant  devoit  augmenter  à 
proportion  du  prompt  &  nombreux  accroifle- 
ment  de  leurs  familles.  Ces  arrangemens  ga- 
lons de  M.  Dupleix  méritent  d'autant  plus 


d'être  rappelles ,  qu'ils  paroiflènt  avoir  four 
ni  l'idée  des  mariages  de  cette  nature,  qu'ona  j 
vu  faire  en  France ,  deux  ans  après ,  à  l'oc- 
cafion  de  la  nailFance  de  M.  le  Duc  de  Bour- 
gogne. 

Genuine  Account. 

0\i  Achmet-Scbàb ,  Grand  Mogol,! 
unique  &  Succefleur  de  Mahomet -Schah, 
mort  en  174Ç,  après  un  règne  de  trente 
années. 


loire,  enga. 

d'une  Ville 

Ville  fut  a- 
ifiques  Chau- 

donna  trois 
,  à  qui  il  ac- 
d'années  («). 
m  devoit  éle- 
angues  ;  Mais 

détruite  par 
achevée.  Les 
DIS ,  dans  leurs 


1 


lignifie  riffo- 
gagnée  par  les 
uche^  fur  l'Ar- 
l  arrivé  le  i6 
.ouis  XF,  &  la 
de  Monf.  Je- 
&  Militaire  de 
•al  de  la  Nation 

it". 

I  hors  de  pro- 

'  fa  brillante, 

ireaul'A6î//f, 

nous  apprend 

our  aller  pren- 
es  Alliés,  pil-f 
Dn  contens  de 
fon  parti,  & 
vengeance; 
tomber  fans 
loient  ce  mal- 
heureux! 


;r 


» 


liffent  avoir  fout' 
te  nature,  qu'on  a  ] 


ns  après, 


à  l'oc- 


le  Duc  de  Boui- 

randMogol.Filj' 
Mahomet -Schah, 
règne  de  trente 


» 
91 
99 
»» 
»» 
I» 


DlRVlkRIl 
GUKRRIS  DC 

L'iNDB. 
SuPPLBMBNTk 

I75I- 

Salabetzin- 
gue,  frère  de 


PRESQiriSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Lxv.  III.      tôjf 

^  heureux  Prince  pour  le  foûtenir  au  befoin ,  appercevanc  du  defordre 
„  dans  fes  Troupes,  attaquèrent  les  Pacanes,  &  les  obligèrent  de  prendre 

ff  la  fuite. 
„  Aussi-tôt  que  la  nouvelle  de  la  more  de  Mouzaferzingue  fut  répan* 
due,  tous  les  Chefs  des  Alliés  s'aiTemblèrent ,  &  fentanc  de  quelle  «npor- 
tance  il  étoit ,  de  ne  pas  laifler  long-tems  fans  Maître ,  une  Armée  fî  nom 
breufe  &  compofée  de  tant  de  différentes  Nations  ,  ils  fe  réunirent  tous  ^**f,"i!\sue , 
en  faveur  de  Sayet-Mohamet-Kan-Bakatlour-Salabetzingue ,  frère  de  feu  Na-  J^Scc. 
zerzingue.    Il  fut  préféré  au  fils  de  Mouzaferzingue,  parceque  ce  jeune 
Prince  étoit  â^é  feulement  de  trois  ou  quatre  ansTf);  mais  on  lui  aiTu- 
ra  une  forte  penfion,  de  même  qu'à  fa  Mère,  fur  les  revenus  d'un  vafte 
domaine. 
-  „  Lorsque  le  nouveau  Nabab,  Salabetzingue,  eut  été 'reconnu,  en     n  recherche 
fw  cette  qualité,  par  toute  l'Armée ,  il  envoya  chercher  M.  de  5a/7y , Com-  l_amitié  dei 
|.,,  mandant  du  Détachement  des  Troupes  Françoifes;&  l'ayant  fait  aff^^^^  coSJ'le, 
#„  entre  lui  &  fes  frères,  il  lui  demanda  1  amitié  des  François  (r).     Il  lui  donations  de 
j,  dit  qu'il  confirmoit  toutes  les  donations  que  fon  PrédécefTeur  leur  avoit  fon  Prcd^icef- 
i»  faites  ;  &  il  ajouta ,  que  rien  ne  borneroit  l'étendue  de  fa  reconnoifTance ,  ^^^''       ■    , 
■^  (i  les  François  vouloient  l'accompagner  jufques  dans  fes  Etats ,  ainfi  qu'ils 
y,  y  écoient  difpofés  pour  Mouzaferzingue.     Comme  il  n'y  avoit  point  de 
,,  parti  plus  avantageux  à  prendre,  que  d'entrer  dans  les  vues  du  nouveau 
I,  Nabab  ,   on  fe  mit  en  marche  pour  le  fuivre.     Pendant  la  route ,  il 
„  envoya,  à  Pondichery,  les  Paravanoy  ou  Titres  de  propriété,  de  Ma- 
fulipatnam  &  de  fes  dépendances,  &  de  l'Ille  de  Divi,  qui  avoient  été 
concédées  par  fon  Prédécefleur  (s).    Le  Gouverneur  du  Fort  de  Canouï, 
fitué  fur  le  chemin  de  Pondichery  à  Golkonde,  voulut  faire  quelque 
réfiflance  ;  mais  un  petit  nombre  de  François,  commandés  par  lesSrs. 
le  Normand  &  Kerjean  ,     emporta  le  Fort  d'afTaut.    Quelques  jours  a-      AHiance 
»,  près  cette  expédition,  on  reçut  avis,  qu'un  Chef  des  Marattes,  nom-  qu'il  fait  avec 
„  mé  Bajiro  (t  ),  à  la  tête  de  Vingt-cinq  mille  hommes,  fe  préparoit  à  ,^«6     ^^' 
^,  attaquer  Salabetzingue.     Sei  menaces,  qui  ne  tendoient  qu'à  tirer  de 
^  luiunefommeconfidérable,  s'évanouirent  à  l'approche  de  l'Armée.  Ram- 
»,  des-Pendety  Premier  Miniftre  de  Mouzaferzingue,  &  qui  avoit  pafTé,  en 
i,  cette  qualité,  auprès  du  nouveau  Prince  (vj,  fut  chargé  d'aller  traiter 

avec 


99 

i» 


{q)  L'Auteur  du Nederl.  GeJenkboek , a  mal 
traduit  ce  paflàge,  en  mettant  le  frère  de  Na* 
zerzingue  pour  le  fils  de  Mouzaferzingue. 

(r)  On  a  remarqué  queNazerzingue  avcit 
encore  trois  frères,  qui  furent  faits  p-.ifon- 
niers  par  Mouzaferzingue,  &ceci  le  couenne. 
S'il  doit  paroitre  fort  naturel ,  que  Salabetzin- 
gue, inffruit  par  le  malhaur  de  fon  frère, re- 
cherchât l'amitié  des  François  ;  il  n'cft  pas  fi 
facile  à  comprendre,  comment  ceux-ci  pou- 
voient  la  lui  accorder,  au  pr4/u<^iV«  du  légitime 
héritier,  pour  parler  comme  eux  ;  mais  ils  lèvent 
çncore  eux -mêmes  la  difficulté,  en  ajoutant, 
„  ^u'il  n'y  avoit  point  depa{ti^iti/4vartfd|£«ttx 

JC/r.  Paru  . 


}) 


n  à  prendre,  que  d'entrer  dans  fes  vues". 

(j)  G:tte  confirmation  efl  tout  auffi  de- 
feétueufe  que  la  donation  même,  parceque 
le  nouveau  Nabab  n'avoitpas  été  reconnu  par 
la  Cour^ogole. 

((' 
que 
Voyez  nôtre  Note  (i),  ci-defliis,  pag.^o. 

(  V  )  Pourquoi  ne  pas  prendre  plutôt  Shah- 


[t)  C'eft'peut  être  encore  leRajaflarfgj'ra, 
:  M.  Otter  dit  être  mort  environ  l'an  1739. 


Navaz-Kan ,  qui  avoit  été  Ji  fidèle  à  Nazer 
zingue  fon  frère?.    Il  ne  paroit  pas  que  la 
recommandation  de  M.  Dupleix,  en  faveur 
de  ce  Minidre,  ait  eu  beaucoup  de  poi!dt 
aupfë»  des  deux  demexs  Nababs.  ,        /  -4. 


lod 


ttr 


DESCRIPTION    DE    LA 


'T  f!  T 


DncsfkKSi 

cuerrbi  ob 
l'Inds. 

I7SI. 

Son  entrée 
dans  les  duiix 
Capitales  ilc 
fiesËCiti. 


n  avec  Bajiro,  &  ilrëuflic  ù  bien,  que  celui-ci  demanda  ramicié  du  Na>^ 
,»  bab  &  dis  Françoii. 


II  eft  confir- 
mé par  le 
Grand  ^JogoI. 


Richcf?és 
que  rapporte 
le  Détache- 
ment Fran- 
çois. 


I» 


„  Ce  fut  vers  le  milieu  d'Avril,  que  Salabetzingue ,  dont  l'Amide  f© 
„  grolliflbic  tous  le»  jours,  par  la  }on6lion  de  fe«  Alliés,  entra  dans  Jy. 
„  der'abady  grande  Ville,  aujourd'hui  Capitale  du  Royaume  de  Golkon* 
„  de;  l'ancienne  néunt  pKis  qu'une  fimple  Forterefie  (x).  i>alabetzjngue 
„  y  renouvcUa ,  aux  b^ran^ois ,  toutes  les  marques  d'eftune  &  de  recon* 
„  noiûancc  qu'il  leur  avoit  déjà  données.  Après  un  féjour  de  près  d'ua 
«  mois  dans  Ayder-abad ,  le  Nabab ,  avec  le  Détalchexnent  des  Troupes 
,y  Françoifes ,  marcha  du  côté  à' Aureiie>-abëd  ^  Gq>itale  du  Rovaume  de 
„  ce  nom  (y).  En  y  allant,  i)  reçut,  de  la  Cour  de  Dehiy ,  le  Firmaa 
,  du  Grand  Mogol ,  qui  lui  donnoit  toute  autorité  fur  le  Dekan(a;). 

„  Dans  cette  marche,  les  François  n'ont  perdu,  par  maladie  ou  ddfer» 
„  tion,  que  quinze  hommes,  &  n'en  ont  eu  que  trois  de  tués  {a)". 
D'autres  avis  ajoûtoicm ,  que  tous  ceux  qui  campofoient  œ  Détachement 
étoient  revenus  chargés  de  perles  &  de  diamans  ;  que  M.  de  Bufiy,  qui 
le  commandoit,  avuic  des  millions  pour  la  part;  &  que  les  Officiers  & 
les  Soldats  étoient  partagés  à  proportion  (^).  Ainfî  l' Auteur  Anglois,  qui 
nous  a  déjà  fourni  pluûeurs  ééi-a\\%  curieux ,  n'avoit  pas  tort  de  dire  „  qu  ils 
„  alloient  moins  pour  accompagner  Mouzaferzingue  que  pour  fahre  leuc 
„  boarre(ff)  ".  Mais  il  eft  étoni^ant,  que  dans  une  narration  fuivie  des  der- 
nières Guerres  de  i'inde,  le  même  Auteur  fe  foit  borné  à  cette  (Impie  re* 
marque,  fans  nous  apprendre  ce  qui  s'étoic  palTé  depuis  le  départ  jufqu'au 
retour  du  Détachement  François  {à).  Cependant  les  Mifllonnaires  Da* 
nois  nous  confirment  la  mort  de  Mouzaferzingue,  quoiqu'avec  quelque 
différence  par  rapport  aux  circonflances»  donc  iU  ne  fe  crouvoient  pas  à 
portée  d'être  eataûement  informés  (;).    ï,y  ,\  l;  ç   :l'  >;;   . 

Il 

Officier  qui  ne  flk  ûY\é  i  Monfiew  ou  i 
Madame  Dupleix. 

(  J  )  M.  Green  n'en  &it  non  plusaucune  men« 
tion ,  &  là  fin  de  fon  Mémoire  prouve  qu'il  " 
ignoroit  même  la  mort  de  Mouzaferzingue 
ardevation  de  Salabettingue,  oa  qu'il  ne 
aojroit  pas  cei  deux  événemens  bien  confiâtes. 

(*>  Ces  Millionnaires  marquofent,  dés  le 
23  Février  de  cette  année,  qu'on  avoit  dej 
avis  duNord,  oue  le  parti  de  feu  Naflà-Singa, 
qui  g'étoit  conlicférablement  renforcé ,  ayant 
rencontré  l'autre  dans  les  montagnes  d'Arcat- 
te,  Muftapha-Singa  &  les  François  qui  ]'ac< 
compagnoient ,  avotent  été  taillés  en  pièces. 
lis  ajoutent,  que  fur  cette  nouvelle,  le  fils  de 
Sander-Saheb,  que  les  François  venorent  d'é* 
tablir  en  qualité  de  Nsbab  d!Arcatte,  s'étoit 
retiré  è  Pondicherjr.  C'eft  ainfi  qu'ils  nonv 
ment,  dans  d'autres  endroits,  tantdt  Sander* 
Saheb,  tantôt  fôn  fils,  là  ils  difent  que  le 
dernier  avoit  embraflë  ta  Religion  Romaine, 
un  an  auparavant,  &  qu'il  étolt  alors  occupé 
à  faire  bâtir  ime  Èglifë  à  Arcatte.  Mais  08 
doit  s'en  tenir  stnc  Relations  des  Ftan^ois» 


{xy  AJ^^e^aib«d,  ou  Hoffir^tbai,  dtaufll 
le  nom  que  les  PerCins  <Sc  les  Mc^ls  don- 
DOJent  anciennement  à  la  Ville  de  Golkonde 
môine.  Voyez  le  Tome  XIII.  pa£.4i4. 

(  y  )  On  ne  défigne  jamais  !e  Dekan  fous  le 
nom  de  cette  Capittle,  qui  Teft  en'méme- 
tems  de  Golkonde;  ces  deux  Etats  ne  forment 
plus  qu'un  Gouvernement ,  dont  Aurcng- 
sbad  eu  comme  le  centre ,  où  le  Viceroi  Mogoi 
fait  fa  réfidencc. 

(  3  >  Si  l'on  admet  l'hérédité ,  où  cftle  droit 
â&  priniogéniture  dans  la  foccefllon  du  Gou< 
vcmetnent  de  Golkonde,  dont  relevoit  celui 
d* Arcatte;  &  que  pcot-on  aReguet  pour  jufti- 
fier  les  entreptifes  d'une  I*fation  étrangère 
contre  Anavadi-Kan  &  Nazerzingue?  A  la 
Vérité  la  Cour  Mogole  n'avoit  pas  beaucoup 
i  dire  dans  tous  ces  démêlés;  mais  fafoiblefle 
éft-eQe  on  dtre  l^itime  pour  empiéter  fur 
fes  droits  ? 

Merctite,  May  1752»  P^-  i9o. 

Ibid.  pag.  sZi. 

Genuine  Jcctunt.    Il  remarcîue,  â  cet- 
te ôccafion,  (pei  pdne  f  avoit- 1!  oa  ftul 


iOueftd 

(k)L 

qui  alfafl 

lieaufrèr( 


Itté  an  Na^  ' 

rArméc  fe  ; 
la  dans  Ay- 
de  Golkon- 
ilabetzingue 
Je  de  recon» 
te  près  d'ua 
des  Troupes 
loyaume  de 
,  U  Firmaa 
n(x). 

lie  oa  ddfef' 
!  tués  (a)". 
Détachement 
e  BuiTy,  <\vâ 

Officiers  & 
Aiiglois,quI 
'.  dire  „  qu  iU 
ur  faire  leur 
ivie  des  der- 
te  fimple  re« 
jpart  jufqu'au 
onnaires  Da« 
ivec  quelque 
voient  pas  à 

II 

Monfiewr  ou  k 

pluftaucunemen* 

Ȕre  prouve  qu'il  "', 

Moozaferzfngue 

le,.  oa  qa'il  ne 

isbienconftatés. 

quotent,  dés  le 

u'on  avoit  des 

eu  Nafla-Singa. 

renforcé,  ayant 

ntagnes  d'Arcat- 

ançois  qui  rac<  ' 

lillés  en  pièces. 

rvel!e,le  fihde 

s  venotent  d'^ 

Arcatte,  s'étoit 

nfi  qu'ils  noiU' 

tantôt  Sander-  , 

j  difcnt  que  le 

gion  Romaine, 

ait  àlofi  occupô 

atte.    Mais  oS 

desFtançpiv 


PRESQiriSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  IH.      tùf 

Il  cft  tcms  de  rejoindre  nos  premiers  Gaidet,  pour  lei  ftùvre  dans  des 
routes  qui  leur  font  mieux  connues,  en  continuant  de  fuppléer  aux  omif- 
fions  de  l'un ,  par  les  obfervations  de  l'autre.  Après  le  départ  de  Moum- 
ferzingue,  les  François  A  leurs  Alliés  ne  cardèrent  pas  de  re  répandre  dans 
l'Etat  de  Tanjour,  dont  ils  menaçoient  la  Capitale  d'un  nouveau  Siège. 
Au  commencement  du  mois  de  Février ,  ils  étoient  déjà  maîtres  des  Diftrifts 
de  Tirwmàlury  de  Marmar-covil  &  de  Cumbagonamj  où  ils  n'avoient  point 
trouvé  de  réfiftance.  Mais  lesAnelois  ayant  envoyé,  de  leur  côté,  des 
lècours  à  Tanjour  &  à  Tirichinapaîy ,  il  ne  fe  pafla  rien  de  remarquable  en- 
tre les  deux  partis  pendant  quelques  mois  (/). 

Sander-Saheb  ,  qui  avoit  affemblé  un  Corps  confidérable  de  Troupes, 
Profitant  de  cette  diverfion ,  partit  dePondicherj ,  vers  la  fin  du  mois  de 


(/)   Mlflionnaîrcs  Danois.    L'Auteur  du 
f^  Cmuine  Accouta  ne  dit  rien  de  cette  iava- 

■  fion  dans  l'Etat  de  Tanjour;  mais  il  fait  le 
récit  des  progrès  de  Sander-Saheb  du  côté  du 
Nord ,  dont  les  Miflionnaires  ne  parlent  pas. 

(^)  Ou  aniipettaby  &  félon  M.  <i'An- 
ville ,  Sbettam-pettu ,  à  trente  ou  quarante  miles 
;.:,   au  Sud  d' Arcatte. 

'  (b)  Oa  Armât  fuivant  le  même  Géogra- 
phe, à  dix  miles  au  Sud  d' Arcatte. 

(  i  )  Fortereflè  à  environ  quinze  miles  i 
l'Oueft  d'Arcatte. 

■  (  *  )  L'Auteur  remarque  que  c'efl  le  même , 
^  qui  alTaflina,  en  1742,  Sabder-Aly-Kan ,  fon 

Beaufrère,  Nabab  d'Arcatte.  (Voyez  ci-deffus. 


(  l  ")  Genuine  Account. 

(m)  Officier  Suiflè  de  beaucoup  de  bra- 
voure ,  qui  avoit  été  au  Siège  de  Madras. 

(n)  Ou  Tirivandi-puram ,  Bourg  fitué  im- 
médiatement liors  deis  Unetites  du  Fort  Saint- 
David. 

(0)  Fortereflè  éloignée  de  foixante-dix 
miles  au  Sud-Ouefl  de  Saint-David;  M.  Green 
la  nomme  aufll  Ulatwodi  ■  latu,  d'après  M. 
d'Anville.    Voyez  nôtre  Carte. 

O  2 


DnmkiKi 
GiMRRU  n 

l'Indb. 
suppluumt. 

1751- 

Invafîon 
des  François 
éuis  l'Etat  4c 
Tanjour. 


Progrès  de 
Sander-Saheb 
du  côté  dti 
Nord. 


Ile  Gouverneur,  Muley-Aly-Kan,  fon  Beaufrère,  compofa  avec  lui  pour 
une  fomme  d'argent  (*),  Après  quoi  Sander-Saheb  fe  rendit  à  Arcatte  , 
où  il  fie  quelque  féjour,  &  de-ià  il  revint  devant  Tirichinapaîy  avec  la  plus 
to-ande  partie  de  fon  Armée  (  /). 

"   Dans  cet  intervalle,  Mahomet- Aly-Kan  conclut  un  Traité  d'alliance  avec 

les  Anglois,  à  qui  il  accorda  enfin  les  conceflions  qu'on  leur  avoit  refuféeis 

depuis  fi  longteras;  &  ceux-ci,  de  leur  côté,  s'^ngageoient  d'aflifter  le 

^^ Nabab  de  toutes  leurs  forces.     En  venu  de  cette  Convention,  on  déta-- 

^'cha,  le  4.  Avril ,  un  Corps  de  quatre  cens  Européens ,  avec  un  train  d'Ar- 

'«tillerie,  fous  le  Commandement  du  Capitaine <riii^«  (m),  pourobferver 

viles  mouvemens  des  ennemis,  &  empêcher  qu'ils  ne  fe  jettaffent  dans  Tiri- 

L^chinapaly,  où  le  Capitaine  Cope  fut  envoyé  en  même-tems  pour  mettre 

H cette  Ville  en  bon  état  de  deifenfe.    Les  ennemis  s'étam  avancés  jufqu'à 

W  Trevedy ,  y  reftèrent  près  de  fix  femaines ,  tandis  que  les  Anglois  étoient 

poftés  à  Travendaparum   (  î'  ) ,  entre  les  deux  Places.     Enfin ,  les  uns  &  les 

«utres  marchèrent  du  càié  àiC  Volkonda  (0)  ^  où  Mahomet- Aly-Kan  joignit 

les  Anglois  avec  toutes  fes  Troupes.     Les  deux  Armées  campèrent  «1  cet 

endroit  pendant  trois  femaines,  a  peu  de  diftance  l'une  de  l'autre ,  mais  de 

chaque 

tAfr.  52  &  53-)  On  le  difoit  extrêmement 
riche,  &  quoiqu'il  pafl&t  en  général  pour 
l'Ami  de  Sander-Saheb,  il  avoit  toujours 
évité  avec  foin  de  le  paroitre. 


Traité  d'al- 
liance entre 
Mahomct- 
Aiy-Kan  &lcs 
Anglois. 

Ceux-ci  en- 
voyentdcs  fc» 
cours  au 
Nabab. 

Marches  & 
Campement. 


DeiNiNti 

ouirrrk  de 

l'Inob 
Supplëmunt. 

I75I. 

DIverfes 

cfcarmouche* 
avec  les  Fran- 
co!!!. 


Les  deux 
Armées  paf- 
fcnt  le  Colo- 
ruin. 


Diverfioi 
des  Ançlois 
du  côté  d'Ar- 
catte. 


PriTe  de 
cette  Place. 


lot      in.      DISCRIPTION   Dï    L  A^'^.'îT 

chaaue  côté  de  ]a  Ville.  Enfuice  le  Capitaine  Gingen  ayan.  eçu  quclqoei 
renforts  d'Angleterre,  eut  ordre  de  faire  tout  Ton  pofuble  pour  livrer  U 
combat  aux  ennemis. 

Dans  cette  vue  le  Gouverneur, qui  fe  reconnoiflbit Sujet  &  Ami  de  Ma* 
homct-Aly-Kan,  fut  fommé,  au  nom  du  Nabab,  de  donner  entrée  aux 
Troupes,  dans  la  Forterefle;  mais  fur  Ton  refus,  on  réfolut  le  i*-/ Juillet, 
de  mettre  le  feu  à  la  Ville.  Le  Gouverneur,  pour  fe  vanger,  ouvrit  fcs 
portes  aux  François ,  qui  commencèrent  auflI*tot  l'attaque  avec  quatre  piè- 
ces de  campagne,  tandis  que  le  f^'os  de  leur  Armée  vint  prendre  en  flanc 
le  Nabab,  &Te  chargea  fi  vivement  qu'il  fut  obligé  de  fe  retirer  avec  pré* 
cipitation  à  Utatûr  (p),  lailfant  en  arrière  la  plupart  de  fes  munitions  ^ 
de  fes  bagages.  Les  ennemis  le  pourfuivirent ,  &  s'étant  campés  à  cinq 
miles  de  diltance  de  fon  Armée,  ils  firent,  peu  de  jours  après,  une  nou- 
velle attaque  contre  fon  avant-garde ,  commandée  par  le  Capitaine  Dalton, 
Î^ui  les  repoulTa  avec  une  perte  confidérable.  Mais  la  défertion  s'étant  mj. 
e  dans  les  Troupes  du  r*^bab,  qui  manquoient  d'ailleurs  de  provifions, 
l'Armée  isafla  leColoram,  qui  efl  un  des  bras  du  Fleuve  Caveri,  &  vint 
camper  fous  les  murs  de  Tirichinapaly-  Les  ennemis  fui  virent  de  prés, 
&  traverfant  aufTi  le  Coloram  ,  ils  s  emparèrent  du  fameux  Pagode  de 
Siringam  (g),  quatre  miles  au  Nord  des  Alliés.  Les  premiers  n'avoient 
pas  des  forces  fuffifantes  pour  entreprendre  le  Siège  de  cette  Ville ,  mais 
comme  ils  en  recevoient  journellement  de  nouvelles,  on  jugea  à  propos  de 
détacher  autant  de  Troupes  dont  on  pourroit  fe  paiTer,  pour  faire  une  di- 
verfion  dans  la  Province  d'Arcatte. 

M.  C/iw,  jeune  homme,  qui  étoit  Pqurvoyeur  de  l'Armée,  fe  fentant 
plus  d'inclination  pour  le  fervice  militaire,  offrit  de  fe  mettre  à  la  tête 
des  Troupes  qu'on  dedinoit  à  cette  expédition.  Après  en  ayoir  reçu  la 
commilHon,  en  qualité  de  Volontaire ,  fans  paye,  iJ partit  pour  Madras, 
le  2  de  Septembre,  à  bord  d'un  Vaifleau  de  la  Compagnie  des  Indes, 
avec  cent  trente  Européens ,  qui  furem  renforcés  par  quatre-vingts  autres 
de  la  Garnifon  du  Fort  Saint-George,  d'où  il  marcha. droit  àArcatte,  dont 
il  s'empara  fans  réfiftance  (r).  Les  Habitans,  craignant  le  pillage,  lui  of- 
frirent une  rançon  confidérable;  Mais  le  généreux  Clive,  loin  de  l'accep. 
ter,  fit  publier,  que  ceux  qui  voudroient  refter  dans  la  Place,  n'y  feroien: 
expofés  à  aucune  infulte;  &  que  ceux  qui  préféreroient  d'en  fortir,  au- 
loient  la  liberté  de  partir  avec  tous  leurs  effets,  à  l'exception  des.vivres, 
dont  on  leur  payeroit  le  jufle  prix.  Une  fi  fage  conduite  lui  acquit  la  ctasi- 
fiance  &  l'aifedlion  des  Peuples ,  au  point  que ,  dans  la  fuite,  ceux  d'entr; 
les  Habitans  qui  s'étoient  retirés  de  la  ForterefTe ,  fe  crurent  obligés ,  par 
reconnoilTance,  d'avertir  Clive  de  tous  les  defTeins  des  ennemis;  ce  qui 


•  ■iii  ..u:^  !'t;j!  i\  .^"L^\i\'i~]^',■•^ 


(p)  Fort  à  vingt  miles  de  Volkonda,  &  à 
moitié  chemin  de  Tiriciiinapaly.  Ce  lieu  ne 
fe  trouve  point  dans  la  Carte  de  M.  d'An- 
ville ,  non  plus  que  la  route  ftir  laquelle  M. 
Grecn  ]e  met  dans  la  fienne. 

(f  )  Ou  Sbiraagam ,.  fitué  dans  une  Ifle 
formée  par  les  devx  principaux  bras  du  grand 

:   •) 


Caverl.    Voyez  ci-defTus,  pag.  is^ 

(r)  Le  12  Septembre , futvant  les  Miflion.* 
naires,  Danois.  Ils  ajoutent,  que  la  Garni- 
fon de  la  ForterelTe ,  confinant  en  cinq  cent 
hommes  de  Cavalerie  &  mille  d'Infanterie, 
avoit  pris  la  fuite  à  l'approche  de  ce  petit 
PtitachemcntAnglois».   . 


Erob 
eb 
iru 
tesH 
tièrt 
pafla 
,Au  b 
gcant 
jj.parcr 

Sarti( 
u  m 
voulu 
(té  a\ 
ucs  1 
îble  < 
.  ingt 
Corps 
j^chin 

S  mis 
leri( 
.  Av 
^u  C 
jréduin 
■dont  i 
'aller 
lies.  I 
ver 
eures 
[Clive, 
opéen 
i((Dmpt( 
|temis 

VI 

cette  cir 

légéT 

ioi&  difci 

liux  envi 

Voient  fi 

&  que  S 

,  M'Arcatte 

i  'éloient  t< 

"  avoient  c 

a  mis  0A( 

fent  que  c 

l'article  f 

?  d'autant  r 

firme  par 
'^-  tent  que  i 


Ami  de  Ma* 
encrée  aux 
e  1"  Juillet, 
,  ouvrit  fei 
c  quatre  pié- 
idre  en  flanc 
rer  avec  pré« 
munitions  de 
ampés  à  cinq 
es,  une  nou* 
taine  Dahon^ 
m  s'étant  mi* 
e  provifions, 
veri,  &  viW 
enc  de  prés, 
X  Pagode  de 
iers  n*avoient 
e  Ville ,  mais 
a  à  propos  de 
faire  une  di> 

le,  fe  Tentant 

ttre  à  la  tête 

[avoir  reçu  la 

our  Madras, 

|ie  des  Indes, 

vingts  autres 

Arcatte,dont 

illage,  luiof- 

in  de  l'accep- 

,  n'y  feroient 

n  fortir,  au- 

n  deavivrea, 

[acquit  la  coic- 

ceux  d'entre 

obligés,  par 

lemis;  ce  qui 

pro« 

Ivant  les  Miffion* 
1,  que  la  Garni* 
tnt  en  cinq  ceni 
fille  d'Infanterie, 
che  de  ce  peii 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      i«9 

probablement  fauva  la  Place;  Car  peu  de  tems  après,  le  fils  de  Sander-Sa- 
htb  parut  devant  Arcatte  avec  de  grandes  forces ,  qu'il  avoit  amenées  de 
Tirichinapaly  (0-     Clive  renfermé  dans  fa  Forterclfc,  fit  de  11  fréquen- 
tes forties  fur  les  ennemis,  que  le  4  d'Oélobre ,  il  n'étoic  pas  encore  en- 
tièrement inverti  ;  &  quoique  le  Siège  fut  conduit  par  les  François ,  il  le 
pafla  encore  plus  de  quinze  jours  avant  qu'ils  euflent  fait  aucune  brèche. 
,Au  bout  de  ce  tems,  ils  en  firent  deux  très-conlidérables  ;  mais  négli- 
geant de  donner  l'alfaut  tout  de  fuite.  Clive  profita  de  ce  délai,  pour  re- 
{parer  fa  muraille,  &  la  mettre  en  m.eilleur  état  de  defl?"enfe  que  les  autres 
''parties  de  la  Citadelle.     Cependant,  le  25  Novembre  (»)»  ^  ''o"  iieures 
^du  matin,  les  Aflîégeans  firent  une  attaque  contre  les  deux  brèches,  & 
voulurent  forcer  une  des  portes  avec  des  éléphans.     Mais  Clive ,  qui  avoit 
'"ité  averti  de  leurs  delîêins,  fe  trouva  fi  bien  préparé,  à  la  faveur  de  quel- 
jues  Batteries  mafquées,  qu'il  les  repoufla  de  tous  côtés,  &  en  fit  un  cer- 
■ible  carnage ,  principalement  aux  deux  brèches  ,  d'où  il  ne  fe  fauva  pas 
_/ingt  hommes ,  de  tous  ceux  qui  y  formoient  l'attaque.     Le  lendemain ,  un 
Xorpsde  Soldats  Européens,  avec  deux  mille  Marattes ,  détachés  de  Ti- 
jpchmajpaly ,  fous  les  ordres  du  Capitaine  Kilpatrkk ,  avant  paru ,  les  en- 
nemis re  retirèrent  avec  la  plus  grande  précipitation ,  abandonnant  leur  ar» 
tlllerie  &  uiic  partie  de  leurs  bagages  (v). 
,,,    Après  avoir  lailTé  à  Arcatte  une  Oarnifon  fuffifante  ,  fous  le»  ordres 
ti^u    Capitaine   Lilpatrick ,    Clive   en   partit ,    avec  les  Marattes ,  pour 


GueHRKii  un 

L'iNOt. 

Strpr.t  MRNT. 

175  ï. 

Le  fils  Je 
Sandcr-Siihcb 
en  fait  le 
Siciic. 


Il  eil  obTif;^ 
de  fe  retirer 
avec  une  pc  r- 
te  coniidtiar 
ble. 


réduire  Timery  (»),  Kâveri-pâkkam  (y)  &  d'autres  Forts  dans  les  environs, 
,dont  il  confia  la  garde  à  quelques  Soldats  Européens..   Çnfuite  il  réfoluc 
l'aller  chercher  les  ennemis ,  qui  avoient  alors  reçu  des  renforts  confidérai* 
les.  Le  14  Décembre,  Clive  rencontra  leur  Armée  dans  les  plaines  d'Arani , 
'   vers  le  midi ,  il  donna  les  ordres  pour  l'attaque.    Le  combat  dura  cinq 
ares,  &  les  ennemis  furent  entièrement  défaits,  avec  perte >  du  côté  de 
pClive,  de  vingt  deux  hommes,  tant  tués  que  blefles.     C  etoient  des  Eu- 
ropéens ;   car  pour  les  autres ,  dit  l'Auteur  ,  il  eft  rare  qu'on  en  fafle  le 
l^mpte.    Aum  néglige- t'il  de  marquer  à  combien  fe  montoit  celle  des  en- 
.|emis  (2)..  .        tft. 


, ,  (  j  )  M.  Green  remarque ,-  qu'il  paroit  par 
'"ieette  circonftance,   que  Sandcr-Saheb  avoit 

ffTiégé  Tirichinapaly.    Les  Millionnaires  Da- 
oi&  difcnt,  que  les  Anglois,  qui  campoient 
ux  environs  de  la  même  Ville  ,    fe  trou- 
^voient  ferrés  de  fort  près  par  les  ennemis  ; 
t?&  que  Sander  -  Sahcb ,  fur  l'avis  de  la  prife 
!d' Arcatte,  ayant  voulu  partir,  les  premiers 
^  étoient  tombés  fur  fon  arrière-garde,  &  lui 
"  avoient  enlevé  une  partie  de  fes  bagages. 
I     ({)  Dansl'Original,  on  lit  Juillet.  M.  Green 
;;  a  mis  OAobre;  mais  les  Millionnaires  Danois  di 
.  fent  que  ce  fut  vers  la  fin  de  Novembre ,  comme 
l'article  fuivant  femble.  l'indiquer  ;  ce  qui  eft 
1  d'autant  plus  honorable  pour  les  Affiégés. 
-      (t))  Genuine  Jccount.     Ce  récit  eft  con. 
•  firme  par  lès  Milfionnaires  Danois.    Ils  ajod- 
.  I  tent  que  les  Aflîégeans  laiflercnt  trois  cens 


Les  Angle  ii. 
prennent  di- 
vers Torts. 


Les  Maure» 
font  défaits 
dans  une 
Bataille. 


morts  fur  la  place ,  &  que  le  nombre  de  leurs 
bleffés  fe  montoit  à  environ  quatre  cens.  Se- 
lon eux ,  les  Anglois  n'eurent  que  neuf  hoia- 
mes  tués  &  trois  blelTés. 

(x)  C'eft  un  Fort  peu  éloigné  d'Arcatta 
Suivant  les  M  ifllonnaires  Danois,  les  Anglois 
y  firent  un  butin  confidérable.  Outre  une 
femme  de  douze  mille  roupies  en  cfpèccs.ilai 

Îr  trouvèrent  la  tente  de  Nazerzingue ,  dont 
es  piliers  étoient  d'argent ,  &  une  caifle  con. 
tenant  fa  vaiflelle,  &c.  Sander-Salicb,  à  qui 
ces  effets  étoient  tombés  en  partage,  les  avoit 
fait  tranfportcr  à  Timery»  où  il  les  croyoit 
en  iïkreté. 
f  y  ^  L'Auteur  le  nomirte  mal  Covery-pauk.  ■ 
(z)  Genuvie  Account.   Le  rapport  des  Mi^ 
(îonnaires  Danois  p^ut  fuppié  r  a  cette  négli- 
gence, qui  eft  d'un  ufa^c. ridicule  dans  l'Inde;. 
ô  3  i>'-'lttu 


-■■% 


ÏÏO 


DESCRIPTION   DR   LA 


'-[  •i'i- 


GuBKREs  ns 

L'Inde, 
suwlemeht. 

175?- 

Autres  con- 
quôtes  des 
Ari»l.>is. 

1752» 

Les  ennemis 
Dillent  leurs 
liïbicatioQS. 


Ils  font  de 
nouveau  bat- 
tus. 


Le  lendemain,  Clive  fit  fommer  le  Gouverneur  d'Aranf ,  ^1,  Tam 
héficer,  le  déclara  fujet  du  Nabab  Mahomet- Aly-Kan,  &  offrit  de  tt 
cevoir  telle  Garnifon  qu'on  voudroit  envoyer  dans  fa  Forterefle.  De-lj 
Clive  marcha  à  Cangibmram  (a),  Pagode  fortifié,  d'où  les  ennemis  étoient 
à  portée  d'intercepter  toutes  les  providons  qu'on  faifoit  pafler  à  Arcatte. 
Il  y  arriva  le  25  Décembre,  &  ayant  fait  une  brèche  à  la  muraille,  la  Gat! 
nifon  qui  avoit  refufé  de  fe  rendre,  prévint  l'aflaut,  en  abandonnant  la 
Place,  à  la  faveur  des  ténèbres  (b). 

Lbs  ennemis  ne  paroilTant  plus,  le  Capitaine  Clive  retourna  avec  fesTroa- 
pes  à  Madras  ,  d'où  il  fe  rendit  au  Fort  Saint- David;  mais  à  peine  y  avoit- 
il  été  un  mois,  que  raffemblant  un  Corps  confidérable ,  àChettam'pettu, 
ils  marchèrent  au  Mont^  Lieu  éloigné  de  neuf  miles  de  Madras,  où  les 
principaux  de  la  Nation  Angloife  ont  leurs  maifons  de  campagne,  qu'ils 
pillèrent,  lànsyrien  laifler  de  tout  ce  qu'ils  purent  arracher,  jufqu'aux 
ferrures  des  portes ,  &  aux  barreaux  des  fenêtres.  Ils  emportèrent  de  méoit 
les  provifions  qu'ils  trouvèrent  en  diff'érens  endroits,  &  le  tout  fut  envoyé 
3  Pondichery. 

Sur  cet  avis ,  le  Capitaine  Clive  fut  renvoyé  avec  un  Détachement  i 
Madras,  où  ayant  reçu  un  renfort  de  cent  foixante  hommes  du  Bengale, 
quelques  Cipayes ,  &  un  petit  nombre  de  chevaux ,  il  fe  mit  en  marche, 
au  mois  de  Mars  1752,  &  trouva  les  ennemis  fortement  retranchés  dans 
leur  Camp  à  ^endalur.  Place  éloignée  de  Madras  d'environ  quinze  miles 
A  la  nouvelle  de  fon  approche,  ils  décampèrent  pendant  la  nuit,  & 
©rirent  la  route  d' Arcatte,  qu'ils  croyoient   trouver  fans  Garnifon,  M, 


P 


camper 

quinze  miles  de-là,  près  du  Fort  de  Kâveri-pâkkam ,  dans  une  pofition 
extrêmement  avantageufe.  Clive,  qui  ne  penfoit  pas  qu'ils  fuffent  fi  pro- 
che, fut  encore  plus  furpris  de  les  voir  dans  une  fituation  où  il  n'étoit 
guères  poffible  de  les  forcer.  Cependant  ayant  apperçu  un  grand  fofliii 
fec  avec  une  haute  levée  de  terre,  fur  leur  aîle  droite,  il  fe  hâta  d'y  faire; 
entrer  fon  monde.  Les  ennemis,  trompés  par  l'avis  que  M.  Dupleix  leu; 
avoit  donné  de  la  foiblefle  de  Clive ,  quittèrent  leur  Pofte  &  marchèren: 
à  lui  avec  toute  la  confiance  que  leur  infpiroit  la  fupériorité  de  leur  nom-- 
bre.  Ils  avoient  quinze  cens  Cipayes,  &  cent  François  en  front,  hé{ 
pièces  de  canon,  avec  cinquante  Européens  polies  fur  une  éminence,  qoi" 

for- 


r!      .,1. 


Selon  eux,  les  Maares  eurent  quatre  cens  honv- 
mes  tués  fur  le  champ  de  bataille.  La  perte  des 
François  fut  de  vingt  hommes,  y  compris  leurs 
•CafFres.  Quatre  cens  de  leurs  Cipayes  mirent 
bas  les  armes  &fe  rendirent  à  difcrétion.  Les 
Marattes,  qui  s'étoient  joints  aux  Anglois, 
«urent  pour  leur  part  du  butin ,  trois  cens 
chevaux ,  deux  éléphans  &  cinq  chameaux  ;  les 
Anglois,  trente -deux  chevaux  "&  deux  cha- 
meaux ,  outre  les  munitions  &  le  bagage.  Ces 
Miffioiîhfeircs  ajo^Vtent,  que  le  fis  de  Sander- 


Saheb  eut  à  peine  le  tems  de  fe  fauver  avec 
une  vingtaine  de  Cavaliers. 

(a)  Ou  Canje-varam ,  grande  Ville  4 
célèbre  Univerfité  des  Bramines ,  à  quarante 
ou  cinquante  miles  de  Madras. 

(A)  Genuine  accouru.  Les  Miflionnairei 
Danois  difent  que  la  Garnifon  étoit  compo' 
fée  en  partie  de  François ,  &  que  les  ^gloi» 
y  avoient  trouvé  quatre  grofles  pièces  a% 
tilicrie. 


int ,  toi 
Les  autn 
tmrde  1 
lans, 
;ais  du 
lés  à  pa 
ifceaux 
n'eut 
tiÉt  Noin 
clf^Mars. 
'^Es  eni 
fc^Capitaii 
"^-arriva  U 
Ville  na 
ice  étan 
oupes, 
veC/), 
lyes.    Il 
ions  poi 
)d-  addi , 
it  point 
T  avani 

très  de  1 
léchera 
qui  obli 
«&  d'à 
ennemi; 
mtinua  fa 
Camp  ( 
•ppbfer  à 
bagage 


(c)Onaur 
inombre  des 
jlols,  {mii 
Ht  bien  met 
I  fe  former  i 
ion. 
(</)  Voyez 


^1,  faoi 
BFrit  de  r«. 
(Te.  De-lï 
mis  étoiene 
à  Arcatte. 
[le,  laGar. 
(donnant  la 

X  fesTroa. 
ine  y  avoh.  î 
tam-pettu,  ■ 
ras,  où  les 
igne,  qu'ils 
-,  jufqu'am 
nt  de  même 
t  fot  envoyé 

:achement  ii 
lu  Bengale, 
en  marche, 
anches  dans 
uinze  miles 
la  nuit,  & 
arnifon,  M. 
•huit  à  vingt 
irent  oHigà 
e  camper  ï 
ine  pofition 
flent  fi  pro- 
lù  il  n'étoit 
grand  foifé 
ita  d'y  faire 
lupleix  leuî 
marchèrent  ^j,,^ 
le  leur  nom- 
front,  huit 
inence,  ({ih 
for- 

fe  fauver  avec 

tande  Ville  * 
es,  à  quarante 

Miflionnairet 
étoit  compo- 

bue  les  Angloii . 

|;s  piècçs  à%  \ 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      m 

)rmoient  leur  atle  gauche.  La  droite  ëtoic  compofëe  de  dix-fept  cens 
chevaux.  Clive ,  qui  ne  demandoit  pas  mieux  que  de  ks  attirer  hors  de  leur 
amp,  alla  fièrement  à  leur  rencontre,  &  s'avançant  à  la  portée  de  la 
lyonnette,  il  les  contraignit  bien-tôt  de  fe  retirer  dans  leurs  retranche- 
„iens;  mais  comme  il  faifoit  déjà  obfcur,  &  que  la  plupart  de  fes  Trou- 
pes étoient  fans  expérience,  la  Viftoire  relia  indédfe  pour  quelques  mo- 
ibens,  jufqu'à-ce  qu'ayant  envoyé  un  Détachement,  qui  devoit  faire  un 
""l-and  détour  pour  tomber  fur  l'arrière  de  leur  Batterie ,  ce  projet  lui 
iudit  fi  bien,  qu'à  la  première  décharge  que  fit  le  Détachement,  en  arri- 
ant,  tous  les  François  mirent  bas  les  armes  &  fe  rendirent  prifonniers; 
Les  autres  Troupes ,  principalement  la  Cavalerie ,  fe  fauvèrent  à  la  fa- 
ir  de  la  nuit.  Dans  cette  aétion ,  Clive  fit  prifonniers ,  deux  Lieu- 
lans,  quarante-huit  Soldats  Européens,  vingt-quatre  Topafles  ou  For- 
ais du  Pays,  outre  les  morts  &  les  bleifés,  qui  fe  montoient  à-peu- 
s  à  pareil  nombre.  Il  prit  aufli  huit  pièces  de  canon ,  deux  cens 
fceaux  d'armes ,  &  huit  tombereaux  de  poudre.  De  fon  côté  ,  Cli- 
n'eut  que  deux  Bas -Officiers  blefies ,  &  vingt -cinq  Soldats» 
it  Noirs  que  Blancs,  tués  ou  blelTés  (c).  Cet  événement  arriva  le  I2 
ck^Mars. 

l^BS  ennemis  ainfi  chafTés  une  féconde  fois  de  la  Province  d* Arcatte, 
k^ Capitaine  Clive  eut  ordre  de  marcher  incontinent  à  &iint- David,  où 
""arriva  le  22  de  ce  mois.  Chemin  faifant,  du  côté  deGingy,  il  détruifit 
Ville  naiffante  de  M.  Dupleix  (d\  Dans  le  méme-tems  le  Major  Lau- 
nce  étant  revenu  d'Angleterre  (*),  on  lui  défera  le  Commandement  des 
oupes,  qu'il  avoit  demandé.  Ce  Major  partit  le  a8,  avec  le  Capitaine 
ve(/),  à  la  tête  d'un  Corps  de  quatre  cens  Européens,  &  de  mille  Ci- 
yes.  Il  menoit  avec  lui  un  convoi  confidérable  de  provifîons  &  de  mu- 
tions pour  Tirichinapaly.  Il  arriva,  le  8  Avril,  près  deCo^/Z-A/^^i,  on 
é-addiy  à  feize  miles  au  Nord-Efi:  de  cette  Ville;  &  jufques-là  il  n'a- 
ât  point  été  inquiété  dans  fa  marche  j  mais  alors  l'ennemi  tâchant  de 
ijier  avantage  de  fa  fituation ,  détacha  un  gros  Parti  de  Troupes  Fran- 
«âifes  de  l'Armée  de  Sander-Saheb ,  pour  aller  élever  un  retranchement 
fe  le  chemin  des  Anglois,  &  interrompre  leurpaiTage  à  coups  de  canon  5. 
^*  qui  obligea  le  Major  Laurence  d'en  faire  autant.  On  fe  canonna  de 
I  &  d'autre,  &il  y  eût  des  deux  côtés  quelques  hommes  tués:  mais 
ennemis  ne  s'étant  point  avancés,  le  Major  partit  le  jour  fuivant,  & 
ntinua  fa  marche  vers  Tirichinap^y.  Comme  le  ciiemin  étoit  à  la  vue 
Camp  des  ennemis ,  ils  fortirent  avec  toutes^  leurs  forces  pour  venir 
ppoferàfon  paflage.  Le*Major  marcha  droit  à  eux,  afin  de  couvrir 
m  bagage  ;  il  eiTuya  le  feu  de  leur  Artillerie,  qui  ne  lui  fit  pas  grand  mal ,. 

publics ,  qai  ont  donné  cette  Relation ,  ont 
fait  une  grande  faute,  en  écrivant,  que  che- 
min foifant,  Clive  prit  Saint-David. 

(  «  )  Il  étoit  parti  des  Indes  au  mois  dr 
Septembre  1750. 

(/)  Gcmiine  Accoufit. 


DumiBCi 

gubkrbs  dk 
l'Inob. 

SwrLKMgîiT. 

1752. 


^r^h.:' 


CR 


(  c  )  On  auroît  dû  informer  anfll  le  Lefteur , 

nombre  des  Naturels  qui  étoicot  joints  auK 

Jois,  poifque  ceux  de  l'Armée  ennemie 

it  bien  mentionnés.    Ce  feroit  le  moyen 

fe  former  unejufte  idée  du  mérite  de  cette 

ion. 

{d}  Voyez ci-deflus,  pag.  104.  LesPapier». 


Avantages 
remportés  par 
lesAnglois, 
du  côté  de  Ti» 
lichinapaly. 


iii 


DESCRIPTION    DE    LA 


Guerres  de 
l'Inde. 

SvPrLEMENT. 

1752- 

Ils  s'empa- 
rent de  divers 
Pofles  aux 
environs. 


Derntèrbs    aa-lieuque  la  (lenne  les  incommoda  fî  fort,  qu'ils  furent  obligés  deferei 
tirer  dans  un  terrain  plus  bas  .    Le  Major  Laurence  profitant  de  ce  répit, 
pafTa  avec  tout  Ton  monde  ,  &  joignit  l'Armée  cette  même  nuit.    Les  en* 
nemis  perdirent,  dans  cette  aflion,  plus  de  trois  cens  chevaux,  oatKjltn. \ 
Kan^  homme  de  grande  importance  dans  ce  Pays  (g). 

Le  Major  Laurence  ayant  joint  le  Capitaine  Gingen,  qui  étoit  tou- 
jours campé  près  de  Tirichinapaly ,  Clive  fut  détaché  avec  quatre  cent 
Européens,  quelques  Cipayes  &  Cavaliers  Marattes,  pour  couper  aux 
ennemis  la  retraite  à  Pondichery ,  au  cas  qu'ils  vouluJSent  l'entrepren- 
dre. Comme  ils  avoient  un  bon  Fort ,  nommé  Samea-veram ,  qui  étoit  uq 
Pagode,  fîtué  au  bord  du  Coloram,  fur  la  route  d'Utatûr,  Clive  fe  propo- 
foitde  les  en  déloger,  lorfqu'il  tût  avis  que  le  Capitaine  d'Auteuil  étoit  ar- 
rivé de  Pondichery  à  Utatûr,  avec  de  l'argent  &  des  provifions  pour  l'Ar- 
mée. AulTi-tôt  il  fe  mit  en  marche,  le  26  d  Avril,  dans  le  deiTein  d'aller  i 
là  rencontre  ;  mais  l'ayant  manqué,  il  revint,  la  même  nuit,  fort  fatigué ,  pri 
de  Samea-veram,  dont  il  inveftit,  au  point  du  jour,  le  Fort  ou  Pagode. 
L'Officier  qui  y  commandoit,  ayant  fait  une  fortie,  dans  laquelle  il  fut 
tué,  avec  la  plupart  de  ceux  qui  l'accompa^oient,  le  refte,  confiftantei 
foixantc-fîx  Européens,  fe  rendit  à  difcrétion,  après  quelque  réfîlfcince 
Les  Cipayes  voulant  s'échaper ,  furent  tous  taillés  er.  pièces.  La  perte 
des  Anglois  fut  d'un  Enfeigne  tué ,  &  de  huit  hommes  tant  morts  que  bief- 
fés.  Sur  cette  nouvelle,  Sander*Saheb ,  qui  campoit  fous  les  murs  de  Shi< 
rangam,  fe  retira  dans  le  Pagode  même. 

Les  ,ennemis  étoient  encore  maîtres  d'un  autre  Pagode  fortifié,  nommé 
Acheveram(h) ,  à  la  faveur  duquel  ils  fourrageoient  la  campagne.   On  avanji 
contre  ce  Fort,  par  de  régulières  approches,  à  la  diftance  de  cent  toiles, 
d'où  l'on  battit  la  muraille  en  brèche.    Après  y  avoir  fait  une  ouverture 
jufqu'aux  fonderaens.  Clive  fe  préparoit  à  monter  l'aflaut,  lorfque  les  Affié 
gés  arborèrent  le  IXrapeau  blanc,  pour  demander  à  capituler  ;  mais  les  G 
payes,  qui  fe  préfentèrent  les  premiers  devant  la  brèche,  ne  comprenan: 
pomt  ce- lignai, n'en  pouffèrent  pas  moins  vivement  l'attaque;  ce  qui  intiml' 
da  fi  fort  les  ennemis ,  que  vingt-,cinq  François  fe  jettèrent  dans  la  Rivière, 
pu  ils  périrent  tous  à  la  referve  de  quatre.    Trois  Officiers  &  foixante^ 
douze  hommes ,  qui  forraoient  le  refte  de  la  Garnifon ,  furent  faits  prifof 
niers.     Les  Officiers  fe  plaignirent  amèrement  de  ce  qu'on  n'avoit  eu  au- 
cun égard  pour  leur  Drapeav.  Cependant  il  efl  certain  que  fi  Clive  n'eu' 
retenu  les  Cipayes ,  les  François  auroient  été  taillée  en  pièces.     A  ce  grief, 
le  Gouverneur  de  Pondichery  en  ajoûtoit  un  autre,  au  fujet  du  mépris  ii-f 
jurieux  que  cet  Officier  avoit  marqué  pour  fa  Nation  ;  mais  cette  invec 


Plaintes 
mal-fondées 
des  François. 


-Il 


tiït  .. 


(g)  Tout  ceci,  depuis  la  Note  précéden- 
te, a  été  omis  par  l'Auteur  du  Genuine  Ac- 
eount,  qui  dit  feulement  que  les  Anglois  a- 
voient  eu  quelques  petites  efcarmouches  de 
peu  .de  conféquence ,  dans  leur  marche  de 
Saint-David.  Ces  circondances  font  tirées 
d'une  Lettre  du  Fort  Saint-George,  en  datte 
.du  s  Juillet    Le  Major  L.%urence  marquoic 


aufTi.dans  fa  Lettre  du  12  Juin,  qu'il  avcii 
été  attaqué  deux  fois,  &  la  féconde  partouKi 
l'Armée  ennemie. 

(  &)  C'ed  apparemment  ce  Pagode  qui  pi 
roit,  fans  nom,  dans  nAtre  Carte,  au-delM 
de  celui  de  Samea-veram,  fur  le  bord  du  Qt 
loram. 


ris,  au: 
deux: 
Le  mi 
)pelloit 
Kraite  ( 
^umé  1( 
ivirons 
:  plus  d 

}1S.      I 

-mêmt 
Nè| 

^le,  & 
fabab  le 
silité  qi 
lettre  e 
i\\iés(i] 
igagé 
fctta  dan5 

Roid( 
irdonns 


igés  cle  fe  rei  f^ 
:  de  ce  répit, 
uic    Les  en» 
:,  oatK  Alm 

ui  étoit  toû.  ■; 
:  quatre  ceni 
r  couper  aux 
t  1  entrepren. 
,  qui  école  ua 
ive  fe  propo. 
iceuil  écoic  ai.  - 
ons  pourl'Ar. 
iffein  d'aller  i 
c  fatigué,  prà 
rc  ou  Pagode, 
laquelle  il  fut 
,  conHllanteii 
)ue  rénfliance 
;es.  La  pertt 
norts  que  bief , 
i  murs  de  Shi< 

rtifié,  nommé 
le.  On  avança 
ic  cent  toifes,  ; 
line  ouvertuK/; 
fque  les  Aflîé- 

;  mais  les  G 
le  comprenant 

ce  qui  intimi' 
ins  la  Rivière, 
rs  &  foixante- 
it  faits  prifoi!' 
n'avoit  euau- 

fi  Clive  n'ec' 

.     A  ce  grief, 
L  du  mépris  11'. 
s  cette  invËcî 
tiï 

Juin,  qu'il  ave»' 
féconde  par  tous 

ce  Pagode  qui  pi 
î  Carte,  au-dellfl 
rurleboidduC» 


PRESQiriSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  IIL      113 

bve  doit  être  plutôt  regardée  comme  l'effet  du  reffentiraent  perfonnel  de 
Vl.  Dupleix  contre  le  Capitaine  Clive,  à  qui  il  ne  pardonnera  jamais  d'a- 
roir  détruit  fa  nouvelle  Ville. 
Après  la  réduction  d'Acheveram,  où  les  Anglois  trouvèrent  une  gran- 
de quantité  de  grains,  quelques  canons  &  autres  munitions  de  guerre,  le 
.■^Capitaine Clive  ayant  reçu  avis,  que  M.  d'Auteuil  s'étoit  retiré  d'Utatûr, 
&  campoic  fous  les  murs  de  Volkonda ,  p|artit  le  10  Juin  pour  s'y  rendre. 
palTa  cette  nuit  à  Utatûr,  &  le  lendemain  de  bon  matin,  il  détacha  un 
jrti  de  Marattes ,  pour  amufer  l'ennemi  jufqu'à  fon  arrivée.    Clive  fuirit 
,ji-même  vers  le  midi,  avec  le  refte  de  fes  Troupes,  &  commençant  auffi- 
î|t  l'attaque,  ilchafla  les  François  du  Village  où  ils  étoient  campés,  & 
^npara  de  leur  artillerie.    Ils  tentèrent  delejetter  dans  le  Fort;  mais  le 
mverneur,  qui  craignoit  le  reflentiment  des  Anglois,  ayant  fermé  fes 
i^rtes ,  ils  furent  forcés  d'efcalader  la  muraille  pour  les  ouvrir ,  &  tandis 
l'ils  y  étoient  occupés ,  Clive  en  fit  un  grand  carnage;  Cependant  ne 
,julant  pas  les  détruire  tous,  il  leur  fit  offrir  une  fufpenfion  d'armes,  qu'ils 
||ceptèrent  fur  le  champ.    On  convint  d'une  Capitulation ,  fuivant  laquel- 
le Capitaine  d'Auteuil  &  trois  autres  Oifficiers  dévoient  relier  pri- 
liers  ,  fur  leur  parole,  l'efpace  d'une  année,  &les  Soldats  jufqu'à  l'é- 
mge.     L'argent  &  les  provifions  de  toutes  efpèces  tombèrent  en  par- 
l||^e  au  Nabab ,  qui  fit  un  butin  confidérable  à  cette  occafion.    On  avoic 
ris,  aux  François,  quarante-huit  mille  roupies,  quatre  pièces  de  canon 
deux  mortiers,  outre  une  prodigieufe  quantité  de  munitions  de  guerre. 
Le  même  jour  que  Clive  s'empara  de  Volkonda,  Sander-Saheb,  qu'on 
>pelloit  le  Nabab  François,  fut  fait  prifonnier  par  les  Alliés.    Depuis  fa 
kraite  dans  le  Pagode  de  Shirangam,  la  fortune  lui  avoit  conflamment 
^umé  le  dos.    Les  Anglois  s'étant  rendus  maîtres  de  tous  les  Polies  aux 
ivirons,  il  ne  pût  tirer  ni  argent ,  ni  provifions;  &  fon  Armée,  qui  étoit 
plus  de  trente  mille  hommes,  fut  difperfée  &  fondue  en  moins  de  deux 
}is.     La  plupart  de  Tes  TrouDes  paflTèrent  du  côté  de  fes  ennemis.  Sander 
-même ,  avec  les  François  o:  un  petit  nombre  de  Cipayes  &  de  Cava- 
rs  Nègres,  qui  lui  refl:oient,  fe  trouva  bien-tôt  dans  l'état  le  plus  déplo- 
Sle,  &  dépourvu  de  tout  moyen  de  fubfifl:er.    Dans  cette  extrémité,  le 
fabab  les  fit  fommer  de  fe  rendre  tous  prifonniers  ;  Sander ,  voyant  l'impof- 
bilité  qu'il  y  avoit  de  tenir  plus  longtems,  s'échapa  de  nuit,  &  alla  fe  re- 
lettre  entre  les  mains  de  Mona-Gy^  Général  du  Roi  de  Tanjour,  un  des 
[lliés  (1).     On  dit  que  ce  Général  en  avoit  reçu  de  l'argent,  &  qu'il  s'étoit 
ngagé  de  favorifer  fon  évafion;  mais  dès  qu'il  l'eut  en  fon  pouvoir,  il  le 
ttta  dans  une  étroite  prifon  ;  &  comme  les  Alliés  prétèndoient  tous  l'avoir , 
î  Roi  de  Tanjour,  pour  conferver  fon  droit,  lui  fit  trancher  la  tête ,  & 
ordonna  qu'elle  futexpofée  dan«  le  Camp  {k), 

'  .;    ..,;;.-,,...*.,c.  SaNDER- 


'  (  »'")  On  apprend  dçs  Miflîonnaires  Danois 
i<|uc  les  Rois  de  Maduré  &  de  Maiflbur  s'é- 


lent  déclarés  depuis  peu  pour  les  Anglois , 
-^u'i's  leur  avoient  envoyé  des  Troupes. 
*)  Ces  dernières  circonftances  font  rap- 
Jf /^.  Fart, 


'7^ 


portées  un  peu  difFéremment  par  les  Mif- 
iionnaires Danois.  Selon  eux,  Sander-Saheb 
fut  arrêté  par  les  Troupes  de  Tanjour ,  qui 
l'ayant  reconnu  le  matin ,  le  conduidrent  en 
prifon, le  II  Juin;  Après  trois  jours  de  con- 
P  feil. 


DERMlfeRIf 

Guerres  db 
l'Ikdc. 

Supplément. 

1752- 
Un  de  leur» 

convois  eft 

pris  dans 

Volkonda. 


■f 


Butin  COR' 
fîdérable. 


Défaite  t*< 
tule  de  San- 
dei-Sahebk 


Il  eft  déca. 
pité. 


114 


DESCRIPTION    DELA 


A"^ 


Dbrni^bcs 

Guerres  d£ 

l'Inde. 

Su'rPLEMENT. 

1752- 
Conditions 
que  IcsAn- 
glois  accor- 
dent aux 
François. 


Portes  de 
•e<  derniers. 


!^I.  Diipkix 
demande  la 
faix. 


Il  continue 
néanmoins  la 
Guerre.    , 


Sander-Saheb  étant  mort,  M.  Law,  qui  commandoit  les  Troupes dao} 
le  Pagode  de  Shirangam,  n'ayant  plus  de  riz  que  pour  deux  jours,  &  fans 
efpérance  d'aucun  fecours ,  prit  enfin  le  parti  de  le  rendre,  le  14  Juin,  j 
condition  que  les  Officiers  François  auroient  la  liberté ,  fur  leur  parole  d'hon. 
neur,  de  ne  jamais  plus  fervir  contre  le  Nabab  ni  fes  Allié»,  &  que  lei 
Soldats  demeureroient  prifonniers  de  guerre;  que  les  Déferteurs  Anglois 
feroient  pardonnes ,  &  qu'on  livreroit  aux  Vainqueurs  les  deux  Pagodes 
avec  tous  les  effets  qui  y  étoient  enfermés.  On  y  trouva  fix  cens  trente-cino 
François ,  y  compris  les  Officiers  &  Volontaires  ;  vingt  pièces  de  canon, 
quelques  mortiers  &  autres  munitions  de  guerre  (/). 

Durant  le  cours  de  cette  Guerre,  les  Anglois  ont  défait  une  Armée 
beaucoup  plus  nombreufe  que  la  leur ,  &  fe  font  emparés  de  toute  fon  Ai. 
tillerie ,  qui  fe  montoit  à  environ  quarante  pièces  de  canon  &  dix  mortiers. 
Parmi  leurs  Prifonniers,  on  comptoit  une  trentaine  d'Officiers  François, 
outre  fix  tués ,  &  plus  de  huit  ce-is  Soldats.  Les  François  agiflbient  c\ 
qualité  d'Alliés  des  Rebelles ,  qui  avoient  prefque  ruiné  le  Pays  ;  tandis  que  les 
Anglois  aflifl:oient  le  légitime  Prince ,  ou  Gouverneur  (m),  qui,  fehfiblej 
cette  générofité ,  leur  faifoit  efpérer  ies  plus  grands  avantages  pour  leiu 
Commerce.  En  un  mot  1  toute  cette  Guerre  s'étoit  pafTée  en  quelque 
Sièges  &  Efcarmouches ,  où  les  Anglois  n'avoient  fouvent  pas  perdu  ui 
homme  j  de-forte  que  la  rédudlion  des  Noirs  fous  l'obéiflânce  du  Nabab ,  d 
la  capture  de  mille  Soldats  Européens,  ne  leur  avoient  coûté  tout  au  plus  qi;; 
cinquante  hommes  tués  (w). 

La  Guerre  ainfi  terminée,  d'une  façon  fi  contraire  aux  vues  &â 
l'attente  de  M.  Dupleix ,  ce  Gouverneur ,  pour  fe  conformer  aux  defirs  de! 
Salabetzingue  (0),  demanda  la  Paix,  à  laquelle  le  Nab.ib  Mahomet- Aly- 
Kan  confentit,  pourvu. qu'elle  fe  fit  à  la  fatisfaftion  des  Anglois,  qui  lui 
avoient  rendu  àc  fi  grands  fervices  (p  ). 

Cependant  la  Paix  ne  fe  fit  point  encore ,  &  s'il  y  eut  une  Trêve,  elle 


i^-** 


ne. 


ne  fut 

iope. 
le  aux 
Chalou 
lemenc 
oindre 
cinq 
lois  ' 
e  la  p 
Ide  bâta 
4es  for 
lenoit 
pavid , 
yec  cel 
e  la  pr 
^.^illiés  n 
^Dans 
0  tête  ( 
fm  côté 
ager  à 
fes  difpi 
eau  en 
ne  con 
attaqi 
qui  fe  fi 
bleffés, 
de  aux  i 
^ue  des 
Les 
*  Lettre  t 


fcil,  toute  l'Armée  alliée  prit  la  réfolution 
unanime  de  le  faire  décapiter; ce  qui  fut  exé- 
cuté fecrétement  dans  l'Armée  de  Tanjour. 
Ça  tête  ayant  été  mife  au  bout  d'une  lance , 
l'ut  promenée  autour  du  Camp ,  par  un  hom- 
me aflîs  fur  un  chameau  ;  &  l'on  parloit  de 
l'envoyer  enfuitc  à  la  Mère  de  Nazerzingue. 
Les  Mifllonnaires  remercient  Dieu  d'avoir 
délivré  le  Pays  d'un  Partifan  aulfi  turbu- 
lent, &  qui  depuis  quinze  ans  avoit  tant 
caufé  de  maux  fur  cette  Côte.  On  fe  rappel- 
le qu'en  1736,  le  même  Sander-Saheb  com- 
mença à  fe  faire  connoitre  par  la  prife  de  Ti- 
ricliinapaly.  Voyez  ci-defliis,  pag.  28. 
,  (/)  Genuine  Account,  &  Lettre  de  Madras 
du  5 Juillet,  Mercure,  Janv.  i753-f<»g'-93- 

(  m  )  Les  Mifllonnaires  Danois  répètent  la 
même  chofe  en  plufieurs  endroits  de  leurs  Re- 
lations. „  Ce  que  les  Anglois  font  aftuel- 
„  lement,  difent-ils,  eu  par  ordre  du  Grand 


„  Mogol,  qui  ne  veut  pas  que Sander-SaheJ 
„  mais  Mahomet-Aly-Kan,  foit  Nabab  d'Aij 
„  catte.  Le  premier  eft  un  Partifan ,  &  uni 
„  Rebelle  :  Le  fécond  ell  le  légitime  Succef  1 
„  feur,  &  Jufqu'ici  Gouverneur  de  Tirichil 
„  napaly".  1 

(«)  Explanation  of  the  Map,  &c.  Lettn| 
de  Madras ,  ubi  fuprà.  [ 

(  0)  M.  Green  remarque  bien  ici  que  Sala- 
betzingue étoit  probablement  un  des  tioii 
frères  de  Nazerzingue ,  conduits  prifonniers  1 
Pondichery  par  Mouzaferzingue  ;  mais  il  na-l 
joute  pas  qu'il  eut  fuccedé  à  ce  dernier  dacil 
le  porte  de  Souba  de  Goikonde,  quoiqu'on  [ 
puiflè  l'inférer  de  cette  feule  circonflancc, 
Car ,  de  quel  poids  auroient  été  les  inftaiiçes 
d'un  Prifonnier,  pour  porter  M.  Dupleix  i 
demander  la  Paix? 

(p)  Explanation  of  the  Map,  &c.  Lettr«j 
de  Madras ,  ubi  fuprà.       .  - .-    ^    ' 


.  (f  )  Si 
lieu  nome 
IDanois . 

I  bord  vou 
c'eft  peut 
Relation 
eés  de  fe 
été  battu: 

(0  l-î 
bre  des  F 
des  prifor 
dix  homn 
attribue 
Capitaine 
du  Mnjoi 
que  les 
hommes , 
toit  renti 
dats  £ur 


m-  ■   ^ 


Troupes  danj 
jours,  &  fans  ^ 
le  14  Juin,  à  ^ 
parole  d'hon." 
;»,  &  quelejj 
teurs  Angloiî 
eux  Pagodes, 
us  trente-cini] 
es  de  canon, 

t  une  Armée 
toute  fon  Ai. 

dix  mortiers, 
iers  François, 
agiiToient  c\ 
tandis  que  ks 
lui,  fehfibleà 
ges  pour  km 

en  quelque 
pas  perdu  ui 
du  Nabab,  d 
ut  au  plus  qu 

ux  vues  &j 
aux  defirs  à 
lahomet-Aly 
glois,  qui  la 

!  Trêve,  elle 

ne 

iieSander-SaheJ 

bit  Nabab  d'Aï  j 

Partifan,  &  r 

égitime  Succel  | 

leur  de  Tiriti' 

lap,  &c.  Lettr!« 

ien  ici  que  Sa!!' i 
it  un  des  tioiij 
its  prifonniersij 
ue;  mais  il  na-l 
ce  dernier  danij 
ide,  quoiqu'on! 
e  circonftance,  I 
ïté  les  inftançes 
M.  Duplcizi 

ap,  &c.  Lettre 


PRESQITISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Lxv.  III.      115 

ne  fut  pas  de  longue  durée.    Les  François  ayant  reçu  des  renforts  de  l'Eu-    D««hiàiM 
Vope,  continuèrent,  fous  le  nom  du  fils  de  Sander-Saheb ,  de  faire  la  Guer-       "Joif 
te  aux  Anglois,  à  qui  ils  enlevèrent^  dans  le  cours  du  mois  d'Août,  une  Supplément. 
haloupe  avec  quatre-vingts  hommes  des  deux  Compagnies  SuiiTes  nouvel-      1752. 
[ement  arrivées,  qu'on  envoyoit  de  Madras  au  Fort  Saint-David,  pour      Capture 
[oindre  l'Armée  alliée,  qui  fe  trouvoit  afiemblée,  depuis  quelques  femaines,  qu'il  ^'t 
^  cinq  lieues  de  cette  Place  (q).    Après  la  Viftoire  de  Shirangam,  les  An-  rÏÏfie  sUife, 
Jlois  "étant  féparésde  Mahomet- Aly-Kan,  ce  Nabab  avoit  efluyé  un  échec  *"* 
iSe  la  part  des  ennemis,  &  s'étoit  vu  obligé  de  leur  abandonner  le  champ 
^de  bataille  (r).  Les  François ,  animés  car  ce  fuccés, firent  avancer  de  gran- 
des forces  vers  les  frontières  des  Anglois.  A  leur  approche,  M.Starcke^  qui 
'  fenoit  de  remplacer  feu  M.  Cockell,  dans  le  Gouvernement  du  Fort  Saint- 
)avid ,  donna  d'abord  les  ordres  néceflaires  pour  la  jonâion  de  l'Armée  a- 
ec  celle  du  Nabab ,  qui  étoit  campée  près  du  Fort  de  Trevedy ,  à  feize  miles 
e  la  première.  Cette  opération  fut  exécutée  fi  heureufement ,  que  le  foir,les 
lliés  ne  fe  trouvoient  pas  plus  éloignés  de  deux  miles  du  Camp  des  François. 
Dans  le  méme-tems  le  Major  Laurence  arriva  de  Madras,  pour  fe  mettre  à 
tête  de  l'Armée.   Dès  que  les  François  en  furent  informés ,  ils  fe  retirèrent 
u  côté  de  leurs  EtablilTemens.  On  les  pourfuivit ,  dans  l'efpérance  de  les  en- 
ager  à  une  aélion  générale  &  décifive  ;  mais  inutilement  :  Ainfi  changeant  p^^^"^' 
les  difpofitions ,  on  fit  femblant  de  prendre  la  fuite  pour  les  attirer  de  nou- 
eau  en  pleine  campagne.    L'artifice  ayant  réuffi  à  fouhait ,  on  réfolut ,  dans 
ne  conférence  tenue  entre  le  Gouverneur,  le  Nabab,  &  le  Major  Laurence, 
d'attaquer  leur  Armée  le  lendemain,  6  de  Septembre,  à  la  pointe  du  jour  ;  ce 
qui  fe  fit  avec  tant  de  fuccès,  que  plus  de  la  moitié  des  François  furent  tués, 
blefles,  ou  faits  prifonniers  (f  ).   Cette  aflion  coûta  aufii  beaucoup  de  mon- 
de aux  Anglois;  mais  en  échange  ils  s'emparèrent  de  toute  l'artillerie,  ainii  ..<  ::  !,r- 
^ue  des  munitions  &  bagages  des  ennemÎ8.%^    ", ,.  vi-r-r^V-i  «, 

Les  particularités  dé  cette  aâion  font  rapportées  différemment  dans  une 
Lettre  de  Pondichery,  du  io  Février  1 753.  „  Ces  jours  pqffSs  (t) ,  y  eft-U  dit ,  un 

„  Con- 


Les  François 
font  battus  & 
chaires  de 


(•  )  Sur  la  route  de  Pondichery,  près  d'un 
ïieu  nommé  IVawûr,  fuivantles  Miffionnaires 
!  Danois . 

(  f  )  Il  paroit  que  les  Anglois  avoient  d'a- 
bord voulu  conduire  le  Nabab  à  Arcatte;  & 
c'eft  peut-être  à  cette  occafion ,  qu'une  autre 
Relation  deTranquebar  dit,  qu'ils  furent  obli- 
gés de  fe  retirer  de  devant  Gingy,  après  avoir 
été  battus  par  les  François. 

(j)  l, a  même  Relation  fait  monter  le  nom- 
bre des  François  tués ,  à  deux  cens ,  &  celui 
des  prifonniers  de  cette  Nation ,  à  quatre-vingt- 
dix  hommes ,  outre  quatorze  Officiers.  On  y 
attribue  encore  l'honneur  de  la  Viftoire  au 
Capitaine  Clive;  mais  il  fervoit  fous  les  ordres 
du  Mnjor  Laurence.  Une  autie  Relation  dit 
que  les  François  avoient  perdu  trois  cens 
hommes ,  avec  trente  Officiers ,  &  qu'il  n'é- 
toit  rentré,  dans  Pondichery,  que  cent  Sol- 
dats Européens. 


(t)  Malgré  ces  mots,  &  la  datte  même  de 
la  Lettre ,  l'aftion  dont  elle  parle  ne  peut 
être  que  celle  du  6  Septembre  1752,  puifque 
les  Relations  poflérieures  des  Miffionnaires 
Danois  ne  font  aucune  mention  d'une  nou- 
velle rencontre  de  cette  importance ,  au  com- 
mencement d?  l'année  fuivante ,  comme  on  le 
verra  ci-deiTous  ;  Mais  les  circonftances ,  que 
la  Lettre  de  Pondichery  ajoute  à  la  première 
Relation ,  peuvent  néanmoins  être  véritables  : 
Du  moins  il  eil  certain  que  le  Sr.  de  Kerjeaa 
étoit  Neveu  de  M.  Dupleix,  &  qu'il  com- 
mandoit  l'Armée  Françoife,  dont  le  Chef, 
fans  ie  nommer,  avoit  été  mortellement  blef- 
fé,  fuivunt  d'autres  avis.  Le  nombre  des 
Officiers  fait:  prifonniers  efl:  aufli  le  même 
dans  la  Relation  précédente.  Cette  Lettre 
contient  encore  une  réflexion  judicieufc  fut 
la  conduite  de  M.  Dupleix ,  qui  après  la  dé- 
faite de  Nazerzingue  avoit  divifé  fon  Armée 
P  2  poui 


■/T 


li6 


DESCRIPTION    DE    LA 


^.:^il 


gubrrbs  ob 

l'Inde. 
Supplément. 

1752- 


Ravages  des 
Maiattes. 


Ils  fe  joi- 
gnent aux 
François. 


Convoi  confidérable  de  munitions  de  guerre,  que  M.Dupleix  envoyoît  an 
Sr.  de  ^(fr/wn,  fous  l'efcorte  d'un  Officier  &  de  cinquante  nommes ,  tomba, 
par  la  faute* du  Guide,  dans  une  eii\t>ufcade  de  cent  cinquante  hommes  de 
Troupes  Angloifes,  qui  furprirent  enfuite  l'Armée  de  Kerjean ,  &péné. 
trèrent  jufqu'au  milieu  du  Camp,  fans  rencontrer  une  feule  Sentinelle.  Ce 
Détachement  fut  foûtenu  de  près  par  le  relie  des  Troupes  Angloifes, qui 
s'avançoient  au  centre,  avec  la  Cavalerie  Maratte  fur  1  aîle  gauche, &  la 
Cavalerie  Maure  fur  la  droite.  Les  François ,  accablés  tout  à  coup  par  tant 
d'ennemis,  furent  battus  à  platte  couture,  les  Indiens  de  leur  parti  taillés 
en  pièces ,  &  plus  de  deux  mille  hommes ,  tant  Payfans  François  queCaf- 
fres&Cipayes,  faits  prifonniers.  Kerjean  lui-même,  jeune  homme  fans  ex- 
périence, &  Neveu  de  M.Dupleix,  fut  dangereufement  blefle,  &  les  Ma- 
rattes  coupèrent  le  nez  &les  oreilles  à  quatorze  Officiers  François,  qui  a- 
voient  violé  leur  parole  donnée  aux  Anglois ,  de  ne  point  fervir  contr'eui 
l'efpace  d'une  année.  M.Dupleix  envoya  là-deflus  quelques  palanquins  pour 
faire  transporter  ces  Officiers  à  Pondichery  ;  mais  les  Marattes  refufèrem 
de  les  laifler  partir,  &  tout  ce  que  le  Gouverneur  put  faire,  en  faveur  de 
ces  infortunés,  fut  de  leur  procurer  des  Chirurgiens,  pour  panfer  leurs 
playes ,  où  les  vers  s'étoient  déjà  mis". 

Le  19,  les  Anglois  fe  rendirent  maîtres  de  Cobalao  Çv),  dont  ils  détruifi- 
rent  les  fortifications ,  après  en  avoir  chafle  les  François;  &  leierd'Oftobre, 
ils  prirent  Sengili-pottey  {x) '^  Forterefle  importante,  (Ituée  dans  les  terre;. 
Cette  dernière  expédition  fut  faite  par  un  Détachement  de  Troupes  qu'on  7 
avoit  envoyé  fous  les  ordres  du  Capitaine  Clive.  L'Armée  Angloife  occupoit 
encore  fon  même  Camp  à  la  tn  du  mois  de  Décembre;  ce  qui  rendoit  les  vi- 
vres d'une  cherté  énorme  dans  cette  Place. 

D'un  autre  côté,  les  Marattes  n'avoient  cefle  de  ravager  le  Pays  depuis 
le  commencement  de  l'année.  Au  mois  de  Janvier,  ils  pillèrent  plufieurs 
Habitations  dans  les  environs  de  Shidambaram.  Un  gros  Parti  de  ces  Peu- 
ples étoit  venu,  au  mois  d'Août,  deTirichinapaly  près  de  Cudelur, pour  fai« 
re  éprouver  le  même  fort  à  divers  Villages ,  dont  les  malheureux  Habitans 
fe  fauvèrent  fur  la  Côte,  ou  <'.ans  les  Bois.  Comme  les  Marattes  enlèvent 
ou  violent  les  femmes  qui  leur  plaifent ,  plufieurs  de  ces  infortunées  fe  pré- 
cipitèrent dans  la  Mer  pour  fe  délivrer  de  leurs  mains.  On  fut  longtems 
fans  fçavoir  quel  parti  prenoient  ces  Brigands;  mais  au  mois  de  Décembre, 
on  fut  informé  qu'ils  s'étoient  joints  aux  François,  &  qu'ils  continuoient  leurs 
çourfes  fur  les  frontières  des  Anglois  (y). 


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pour  conduire  Mouzaferzingue  dans  les  Etats 
dont  il  vouloit  le  mettre  en  pofleflîon;au-lieu 
d'affiéger  premièrement  Tiricliinapaly ,  qu'il 

f)Ouvoit  emporter  à  coup  fur ,  &  marcher  en- 
ùite  du  côté  deGolkondc,oùron  auroit  fait 
un  butin  immenfe.  Nederl.  Gedenkboek.  Janv. 
1754-  pflff-  18. 

(«)  On  écrit  ce  nom  de  différentes maniè- 
les.  C'efl  une  petite  Ville  à  fix  miles  au  Nord 
de  Sadras.    Voyez  la  Carte,  où  elle  eft  mar- 


Mal- 

quée  comme  appartenant  aux  HoUandois. 

(  X  )  Ou  Sbenhei  -  pettey ,  fuivant  nôtre  Carte 
&  celle  de  M.  d'Anville,  fur  le  bord  du  Pak- 
ru,  ou  Rivière  de  lait,  qui  fe  jette  dans  la 
Mer ,  au-deifous  de  Sadras. 

(  y  )  Ces  cinq  derniers  articles ,  qui  ne  fe 
trouvent  pas  dans  le  Mémoie  de  M.  Green, 
font  tirés  de  différentes  Relations  qu'on  croit 
authentiques ,  &  principalement  de  celles  des 
MifGonnaires  Danois. 


.'^ 


Mai 
point 
défenfil 
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Suivant 
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Ire  des  f( 
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■'   Enfin  , 
iion  que  1 


invoyoît  ao 
es,  tomba, 
[lommes  de 
1,  &péné. 
itinelle.  Ce 
igloifes,qui 
mche,&la 
»up  par  tant  | 
parti  taillé]  I 
oîs  queCaf. 
imefanseX' 
,  &  les  Ma> 
çois,  quia- 
ir  contr'eui 
nquins  pour 
:s  refufèrent 
m  faveur  de 
panfer  leurs 

ils  détruifl- 
ïd'Oftobre, 
13  les  terres 
ipes  qu'on  7 
ife  occupoit 
ndoit  les  vi- 

Pays  depuis 

nt  plufieurs 

de  ces  Peu- 

r,pourfaiv 

X  Habitani 

enlèvent 

ées  fe  pré- 

t  longteras 

écembre, 

oient  leurs 

Mai» 


lollandois. 
ît  nôtre  Carte 
lord  du  Pak- 
[jette  dans  la 

(s ,  qui  ne  fe 
M.  Green, 
qu'on  croit 

Ide  celles  des 


PRESQO'ISLÊ  EN  DETÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      117 

Malgré  les  avantages  remportés  fur  les  François ,  M.  Dupleix  ne  vouloit 
point  encol'e  entendre  à  la  Paix  ;  mais  on  fe  tenoit  de  part  &  d'autre  fur  la 
défenfive,  dans  l'attente  des  fecours:  Ainfi  la  tranquillité  étant  en  quelque 
forte  rétablie,  le  Capitaine  Clive  s'embarqua  pour  revenir  en  Angleterre. 
Suivant  le  rapport  qu'il  fit  à  la  Compagnie  des  Indes,  de  l'état  ou  il  avoit  laif- 
Té  les  affaires  fui  la  Côte  de  Coromandel,  à  la  fin  de  cette  année,  „  les  An- 
,  glois  fe  maintenoient  avec  avantage  dans  les  Portes  dont  ils  étoient  de- 
,  meures  polTefleurs,  depuis  les  dernières  aftions  qui  s'étoient  palTées  en- 
tr'eiix&  les  François.  Ceux-ci  avoient  fait,  à  la  vérité,  de  nouveaux  mou- 
vemens ,  comme  s'ils  avoient  eu  deflein  de  former  quelque  entreprife  d'é- 
clat; mais  on  jugeoitque  leur  unioue  but  étoit  d'inquiéter  les  Anglois, 
&  ils  paroifFoient  plutôt  difpofés  à  le  tenir  fur  la  défenfive,  qu'à  agir  of- 
fenfivément,  vu  les  pertes  confidérables  qu'ils  avoient  faites  dans  les  ac- 
tions précédentes ,  &  qui  avoient  caufé  beaucoup  de  découragement  aux 
Nababs  leurs  Alliés.  M.  Dupleix  avoit  fait  revenir,  à  Pondichery,  toutes 
^  les  Troupes  réglées  qui  étoient  jointes  avec  les  Indiens.     Il  n'avoit  laifl*é 
m  auprès  d  eux ,  qu'un  Corps  de  Nationaux  nouvellement  levé ,  &  difcipliné 
M  à  la  manière  des  Troupes  Européennes..    La  difette  devoit  être  grande  à 
p  Pondichery ,  attendu  que  les  fubfidances  étoient  fort  rares  dans  Tes  envi- 
J^  rons  de  cette  Place,  &  que  les  Vaifleaux  de  l'Europe  n'y  avoient  pas  ap- 
1^  porté  des  provifions  fuffifantes.  Les  Anglois ,  au  contraire ,  en  étoient  a- 
bondamment  fournis  par  les  Indiens  leurs  Alliés ,  &  ils  avoient  encore  aflTez 
de  munitions  pour  fe  défendre ,  au  cas  qu'ils  vinflent  à  être  attaqués  (  z  )". 
Les  affaires  parurent  entièrement  changer  de  face  au  commencement  de 
année  fuivante.    Des  Lettres  du  Fort  Saint-David  marquoient,  au  mois  de 
évrier,  qu'un  Chef  desMarattes,  appelle  Moraro,  avoit  abandonné  le  parti 
le  Mahomet- Aly-Kan  pour  prendre  celui  des  François, &  s'étoit  joint  à  leur 
rmée ,  qui  fe  trouvoit  à  peu  de  difhmce  de  celle  des  Anglois ,  actuellement 
mpée  &  retranchée  à  Tirivedv,  où  les  vivres  n'étoient  pas  en  abondance, 
rceque  lesMarattes  avoient  devafté  toute  la  campagne  aux  environs.   Les 
„  roupes  Noires  de  Mahomet- Aly-Kan  défertoient  par  bandes,  faute  de  fub- 
ilftance,  &  le  Nabab  ne  retirant  prefque  rien  de  fa  Province,  qui  étoit  en 
ande  partie  occupée  &  ruinée  par  les  ennemis,  tout  le  poids  de  la  dépenfe 
cette  Guerre  retomboit  fur  les  Anglois.  D'un  autre  côté,  le  Roi  deMaif- 
ur,  qui  étoit  marché  au  fecours  de  Mahomet-Aly-Kan ,  pendant  le  Siège 
eTirichinapaly ,  venoit  de  fe  déclarer  fon  ennemi,  fous  prétexte  qu'il  lui  a- 
oit  manqué  de  parole;  &  ce  Roi  tenoit  alors  fa  Ville  bloquée  (a).    Les 
iflionnaires  Danois ,  dans  une  Lettre  du  16  de  ce  mois,  confirment,  en 
eu  de  mots ,  lajonftion  des  Marattes  avec  les  François,  &  la  diverfion  du 
oide  MaifTour  du  côté  de  Tirichinapaly ;  Ils  ajoutent,  à  cette  dernière 
irconflance ,  que  le  Capitaine  Anglais ,  qu'on  y  avoit  laiffé ,  &  qui  après 
|in  premier  avantage  s'étoit  hazardé  trop  témérairement  en  campagne ,  con- 
tre des  forces  de  beaucoup  fupérieures  aux  fiennes ,  devoit  avoir  été  battu 
"epuis  peu,  avec  une  perte  afl'ez  confîdérable. 
Enfin,  ce  qui  devoit  caufer  le  plus  dejaloufieaux  Anglois,  c'efl  la  cef- 
on  que  le  Nabab  Salabetzingue  venoit  encore  de  faire  aux  François ,  de  la 


DEnNlËREl 

Guerres  dz 
l'Inpe. 

SurrLEMENT. 

1752. 

Inafliou 
des  deux 
Partis. 

Rapport  du 
Capitaine  Cli- 
ve. 


J753- 

Mauvais 
état  des  An- 
glois, au 
commence- 
ment de  cette 
année. 


w  C  2  )  Explanation  of  the  Map ,  &c. 


P3 


(0)  Mercure jfévÛQX  1754.635. 225. 


Nouvelles 
acquifitions 
que  font  Ic:; 
Françoi"-. 


rf  •  - 


Ilg 


î  T 


DESCRIPTION    DE    LA:)5H/n 


cucrrei  db 

l'Inde. 
Supplément. 

Ï7J3- 


Viftoiredes 
Anglois  prés 
de  Tirichina- 
paly. 


Province  de  Condavir;  ceflion  d'autant  plus  avanugeufe  qu'elle  eft  entié< 
remenc  à  leur  bienféance,  &  qu'elle  renferme  les  plus  belles  fabriques  du 
Pays ,  particulièrement  celles  des  mouchoirs.  La  Compagnie  de  France  y 
profitoit  d'ailleurs  de  cinq  cens  mille  écus  de  revenu  en  fond  de  terre.  Uoe 
acquifltion  fi  importante ,  jointe  à  celle  de  Mafulipatnam  &  de  l'Ide  de 
Divi,  qui  lui  e£t  limitrophe,  devenoit  un  ob(lacle  prcfqu'inrurmontable i 
la  Paix  (b). 

La  Guerre  continuoit  donc  toujours  ;  mais  on  ne  trouve  plus  de  dëcaili 
fur  les  affaires  de  cette  Côte,  jufqu'à  la  fin  de  Septembre;  &  de  deux  Let< 
très  écrites  par  le  Major  Laurence,  aux  Direéleurs  de  la  Compagnie  des  In- 
des, en  datte  du  14  oc  15  de  ce  mois,  on  n'a  publié  que  la  féconde,  qui  ne 
peut  être  que  fort  imparfaite  fans  la  première  (c).     Tout  ce  qu'on  y  ap> 
prend,  c'eft  que  les  Anglois  étoient  alors  campés  à  Tirichinapaly ,  «x  que 
l'approche  delà  MoufTon,  joint  à  la  (ituation  de  l'ennemi,  qui  en  leur  cou 
pant  les  vivres  fe  feroit  bien-tôt  rendu  matcre  de  cette  Place,  déterminé* 
rent  le  Major  Laurence  à  Tattaquer,  après  avoir  été  renforcé  par  un  Déta* 
chement  de  plus  de  deux  cens  Européens,  que  lui  avoit  amené  le  Capitaine. 
Ridge.    Les  ennemis  occupoient  deux  larges  Rochers ,  éloignés  l'un  de  l'au- 
tre  d'environ  un  mile.     Comme  il  étoit  néceflaire  de  gagner  l'une  de  cei 
hauteurs,  le  Major  prit  d'abord  les  mefures  les  plus  propres  pour  cacher 
ïbn  deiTein,  &  le  21,  à  quatre  heures  du  matin,  ayant  difpofé  les  Ëura 
péens  fur  trois  lignes ,  les  Cipayes  fur  les  aîles ,  &  la  Cavalerie  à  l'arrière 
garde,  il  attaqua  le  Rocher  de  la  gauche,  sippeUé  le  Rocher  d'Or ^  dont  on» 
s'empara  fans  la  moindre  perte.     L'ennemi,  après  une  foible  réfiftance,  fef' 
retira,  en  abandonnant  deux  pièces  de  canon.  Ce  fuccès  encourageant  beau-'\ 
coup»  les  Troupes,  le  Major  réfolut  de  pouffer  jufqu'au  gros  de  l'Armée  eii' 
nemie  ;  ainfi ,  fans  perdre  de  tems ,  il  nt  enclouer  les  deux  canons ,  &  mai' 
cha  vers  l'autre  Rocher,  nommé  le  Pain  de  Sucre;  le  jour  commençoit  jufle^ 
ment  à  paroître.    Les  ennemis  s'étant  portés  tout  proche  de  ce  Rocher-,  def' 
rière  un  parapet,  qui  couvroit  leur  front,  on  jugea  qu'il  falloit  s'empare: 
d'abord  du  Camp  de  leurs  Noirs,  afin  de  tomber  fur  leur  arriére-garde;  « 
qui  fut  exécuté  fans  beaucoup  de  p^iine.     Enfuite  les  Anglois  avançant  toû^ 
jours,  malgré  le  feu  continuel  de  neuf  pièces  de  canon,  qui  tiroient  fui' 
eux,  attaquèrent  une  ligne  qui  leur  étoit  très-fupérieure  en  nombre  d'honi' 
mes ,  &  dans  l'efpace  de  dix  ou  douze  minutes ,  délogèrent  les  ennemis  di; 
leurs  retranchemens.     Ceux-ci  néanmoins  fe  rallièrent  &  firent  même  qudl; 
que  réfiflance,  fbûtenus  par  les  Marattes,  qui  combattoient  en  defefpérés;;:; 
mais  le  feu  vif  &  terrible  que  les  premiers  faifoient  de  toutes  parts  fur  eux,  la  ■ 
obligea  bien-tôt  de  prendre  la  fuite,  laifFant  les  Vainqueurs  maîtres  du  Chariji 
de  Bataille,  de  leur  Camp,  des  Bagages,  des  Munitions,  &  de  dix  piéca|; 
Ràïrs-iiâ*,:i&,,Wliîi.,Ji5vii '-.■^o'aij  ^mt^aA  -.  î  */;  ^j;_p  ,'-f    d'Arti-l 


(ftj  Ces  circonftances  du  commencement 
de  l'année  1753,  font  encore  tirées  en  partie 
des  Millionnaires  Danois,  &  en  partie  des 
Journaux  publics. 

(c  )  On  doit  néanmoins  croire  qu'il  ne  fe 
palTa  rien  d'important  dans  cet  intervalle, 
puifque  les  Miflîonnaircs  Danois  ne  nous 
fournUTent  pas  d'autres  parcicularltés  que  cel- 


les que  nous  avons  rapportées;  Ils  ajo 
feulement,  qu'au  mois  d'Avril,  l'Année  An- S 
gloife  étoit  marchée  de  ïirivedy  au  fecoursdt  î 
Tlrichinapaly;  mais  M.  Green,  qui  faitcetttiJ 
remarque,  trouvoit  ici  un  vuide  de  quin«p" 
mois,  qu'il  ne   lui  étoit  guères  poflîbieifcl 
remplir  avec  le  limple  fecours  des  Nouvelle  ( 
publiques. 


Jour,  n' 
eurent  i 
tajor  1 
vaque 
Ce  qu 
bafe,  qi 
Ige  de  1 
tave  Oi 
Jiégear 
^elques 
^fitions 
')mmand 
>us  faits 
lery,  01 
fes  bief 
,  en  pli 
La  Re 
7QC  celle 
iquante 
)ûtent, 
it  à  huit 
'ain  de 
^les  Mai 
lemis, 


G 


Il 

eft  entié- 
iriques  ds 
France  y 
xre.  Une 
e  rifle  de 
aoncable  à 


I  de  détaili 
deux  Let« 
nie  des  In* 
de,  qui  ns 
[u'on  y  ap« 
lly,  &qu« 
n  leur  cou 
déterminé- 
^r  un  Déta* 
e  Capicaine. 
l'un  de  l'au- 
i'unj  de  ces 
pour  cachet 
»fé  les  Eur& 
;  à  rarrière* 
Or^  dont  on 
éfiftance,  fe;, 
ageanc  beau-' 
;  l'Armée  en^ 
oris ,  &  vaX' 
ençoit  jufte^ 
ocher-,  dei' 
it  s'empare 
re-garde;cî| 
vançant  toû| 
tiroient  ft 
Imbre  d'hoittl 
ennemis  k 
même  quel 
defefpéréii 
Its  fur  eux, les 
resduChatrij 
e  dix  pièca 
d'Arti- 

les;  Ils  ajoûtertl 
>il,  l'Armée  Afr 
;dy  au  fecoutsi 
m,  qui  fait cetts 
mide  de  quiii« 
lères  poflible,* 
>s  des  Nouvel  I 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      n^ 

d'Artillerie.    Les  débris  de  leur  Armée  fe  retirèrent ,   partie  vers  ^Z- 
tûra  (c)  &  Syringbam,  ou  Shirangam,  partie  vers  le  Dlftrift  de  Tonda' 
imonld),  ôc  le  refte  du  côté  de  ïanjour.     Mais  les  Polligars  («)&  les 
Cipayes,  qui  s'étoient  misa  leur  pourfuite,  amenèrent  une  grande  quan- 
r    'f^    tité  de  Prifonniers.    L'aftion  avoit  duré  près  de  deux  heures.    Les  An- 
glois  y  firent  prifonniers,  huit  Officiers,  &  cent  Soldats,  fans   compter 
|Éh  j^s  morts,  dont  le  nombre  montoit  au-delà  de  foixante.     La  perte  des 
P^  ennemis  eut  été  plus  confidérable,  Ci  les  Marattes ,  qui  étoient  de  beau- 
I"         coup  fupérieurs  en  nombre  aux  Indiens  de  Mona-Gy,  Général  de  Tan- 
"   k)ur ,  n'avoient  empêché  ceux-ci  de  pourfuivre  les  Fuyards.    Les  Anglois 
eurent  lix  Officiers  bleffés ,  outre  plufieurs  Soldats  tués  &  bleflTés.    Le 
ajor  Laurence  reçut  au  bras  un  coup  de  fufil ,  qui  ne  l'empêcha  point 
vaquer  aux  devoirs  de  fon  emploi. 

Ce  qu'il  y  eut  de  plus  malheureux  ,   fut    ce  qui  arriva  au  Capitaine 

afe,  que  le  Major  avoit  laifle,  avec  un  petit  Détachement,  dans  le  Vil- 

ge  de  Tirivedy ,  &  qui  fut  attaqué  par  toutes  les  Forces  Françoifes.^    Ce 

ave  Officier ,  oppofant  un  courage  extraordinaire  à  la  fupériorité  des 

^légeans ,  fit  de  nuit  une  fortie ,  dans  laquelle  il  perdit  deux  Officiers  & 

quelques  Indiens.     Le  lendemain,  il  ne  voulut  écouter  aucune  des  pro- 

lldfitions  qui  lui  furient  faites  de  rendre  fon  Porte.     Mais  les  Indiens  qu'il 

'Smmandoit  s'étant  mutinés,  &  refufant  de  défendre  la  brèche  ,  ils  furent 

us  faits  prifonniers  de  guerre  ;  On  conduifit  le  Capitaine  Chafe  à  Pondi- 

cry,  où  deux  jours  après  fon  arrivée,  il  mourut  autant  de  chagrin  que 

fes  blefTures.     Il  n'étoit  âgé  que  de  vingt-huit  ans,  &  il  avoit  déjà  don- 

,  en  plufieurs  rencontres ,  des  preuves  de  fon  intrépidité. 

L  A  Relation  que  les  François  ont  faite  de  cette  aâion ,  s'accorde  affez 

ec  celle  du  Major  Laurence.     Ils  avouent  qu'ils  ont  perdu  en  tout  cent 

iquante  Blancs  y  compris  fept  Officiers,  &  dix  pièces  de  canon.     Ils 

DÛtent,  que  le  nombre  des  mort»  &  des  blefTës  de  part  &  d'autre  fe  mon- 

't  à  huit  cens  homities  ;  que  la  féconde  aélion ,  ou  l'attaque  du  Rocher 

JPain  de  Sucre,' fut  beaucoup  plus  vive  que  la  première;  &  que  comme 

Iles  Maiflburiens,  ni  les  Marattes,  n'avoient  point  été  aux  prifes  avec  les 

'"émis,  on  foupçonnoit  quelque  trahifon  de  leur  part,  puifque  fans  cela, 

les 


DiRMkRES 

Guerres  de 
l'Indk. 

SuPPLtMBNT. 

1753- 
Perte  de 
part  &  d'au- 
tre. 


Infortune 
du  Capitaine 
Chafc  à  Tiri- 
vedy. 


|(  e  )  Ce  premier  lieu  ne  nous  eft  pas  con- 

*  ;  mais  nous  jugeons  que  ce  doit  être  cette 

tite  Ifle  qui  paroit  entre.  Tiricliinapaly  & 

Jirangam.    Elle  eft  nommée  Maletaur  dans 

;  Carte  de  M.d'Anville. 

'( d )  M.  6reen  remarque  ici , que  par  Ton- 

'  non ,  l'on  doit  fans  doute  entendre  Tonda- 

tndalum ,  dont  nous  parlons  au  commence- 

ent  de  ce  Volume.    Mais  malgré  la  grande 

Èinité  de  ces  deux  noms ,  outre  que  le  der- 

ler  n'cft  guères  en  ufage  parmi  les  Euro- 

Éens  de  la  Côte,  nous  apprenons  des  Mif- 

jnnaires  Danois,   que  le  Roi  de  Tanjour 

^oit  fait  la  Guerre ,  en  1 744 ,  à  un  Garde- 

sntière  rebelle,   nommé    Tondamdn,   Pré- 

tndant  du  Marava ,  &  qui ,  à  l'exemple  do 


Relation  de| 
François. 


tant  d'autres  Gouverneurs  de  Provinces ,  s'é-  • 
toit  rendu  maître  abfolu  d'un  certain  Diftrift , 
auquel  on  donnoit  fon  nom,  ou  plutôt  fun 
titre.    Voyez  çi-defliis ,  pag.  54. 

(e)  Ce  nom,  comme  M.Green  le  fuppofe 
encore ,  paroit  être ,  en  effet ,  une  corruption 
de  celui  de  Pallidgars ,  ou  Paleydgars ,  efpèce 
de  Gouverneurs  Gentils ,  entre  lesquels  le 
Pays  eft  divifé ,  &  qui  font  Vaffaux  du  Prin- 
ce, mais  abfolus  dans  leurs  propres  Terres. 
Cependant,  corruption  pour  corruption,  il 
eft  plus  probable  que  ce  font  les  Fouliatst 
nom  qu'on  donne  quelquefois  aux  Parreas\ 
la  plus  vile  Cafte  des  Indiens.  On  en  fait 
aufli  des  Soldats ,  des  Porte- faix,  &c.  Voyc* 
kTom.XlU. /(o^.  394  0^478.  -    ^ 


OUBKRES  01 

l'Inde. 

SuPPLEMUfT. 

*753- 


Nouvelle 
tentative 
qu'ils  funl 
contre  Tiri- 
ciiiaapaly. 


Ils  s'empa- 
rent d'une 
Satterie. 


La  Garni  fon 
les  en  déloge , 
avec  une  perte 
confidérable. 


,1754' 

Les  Ânglois 
ont  à  leur  tour 
du  delTous. 


120  D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E    L  A  : 

lesMarattes  feuls,  difent-ils,  auroient  dû  tailler  en  pièces  toute  leur  Âr< 
mée.  Mais  ce  foupçon  eft  éclairci  par  le  Rapport-  du  Major  Laurence. 
Celui  des  François  dit  encore,  qu'ils  avoient  dans  l'Inde,  trois  Corps  d'Ar. 
mée,  compofés  de  différentes  Nations  de  ce  Pays;  que  lu  Guerre  entre  les 
Anglois  &  les  François  étoit  plus  animée  que  jamais ,  depuis  que  les  deux 
parties  agiffoient  comme  principales  ;  &  quennn,  malgré  les  deux  derniers 
échecs ,  les  François  n'avoient  que  peu  ou  point  perdu  de  terrein  (/).  AulTi 
ne  tardèrent-  ils  pas  de  chercher  à  prendre  leur  revanche. 

Le  28  Novembre,  les  François  tentèrent  de  nouveau  de  s'emparer  par 
furprife  de  Tirichinapalv ,  où  il  y  avoit  une  Garnifoa  commandée  par  le 
Capitaine  Kilpatrick.    A  4  heures  du  matin,  ils  attaquèrent  cette  Ville  avec 
huit  cens   Européens.    Les  Naturels  du   Pays  dévoient   les  féconder, 
par  de  fauffes  attaques  faites  en  même-tems  en  divers  endroits.     A  la  fa- 
veur de  la  nuit,  &  par  la  négligence  de  la  Garde,  les  François  paffent  le 
Foffé,  drellent  leurs  échelles,  &  fix  cens  d'entr'eux  montent  à  l'efcalade, 
&  s'emparent ,  fans  coupferir ,  d'une  Batterie  du  mur  extérieur ,  nommée  la 
Batterie  de  Dahon:  Malheureufement  pour  l'ennemi,  un  ou  deux  coups 
de  fufil ,  tirés  cafuellement ,  firent  manquer  le  fuccès  d'une  entreprife  qu  il 
avoit  fi  bien  commencée.    Au  bruit  de  cette  décharge,  la  Garnifon  pre- 
nant fallarme,  accourut  fur  le  champ  à  fes  pofl:es,  &  attaqua  les  fix  cens 
hommes ,  qui  s'étoient  rendus  maîtres  de  la  Batterie.    Ceux-ci  fe  défend!' 
rent  quelque-tems  avec  vigueur  ;  ils  tâchèrent  même,  àplufieurs  reprifes, 
d'efcalader  la  muraille  intérieure  &;de  pétarder  la  porte;  mais  la  Garni- 
fon  rendit  tous  leurs  efforts  inutiles.    Lorfque  le  iour  commença  à  paroî- 
tre,  ceux  d'entr'eux,  qui  n'avoient  ofé  fauter  de  la  Batterie  dans  le  Foffé, 
pour  fe  fauver,  demandèrent  quartier ,  &  on  le  leur  accorda.    Le  nombre 
des  Européens  faits  prifonniers  fur  la  Batterie  ,  montoit  à  deux  cens  qua* 
tre- vingts  dix-fept ,  outre  foixante-cinq  bleffés.    On  leur  tua  neuf  Officiers, 
&  quarante -deux  Soldats  dans  le  Foffé.     Cette  expédition  devoit  avoir 
coûté  plus  cher  aux  François;  mais  on  ne  put  fçavoir'en  quoi  confifiioit  le^ 
refte  de  leur  perte.    Celle  de  la  Garnifon  fnt  peu  confidérable. 

Depuis  cette  action ,  il  ne  fe  paffa  rien  d'effentiel  jufqu'au  mois  de  Fé-  \ 
vrier  fuivant.    Le  12  de  ce  mois,  le  Colonel  Laurence,  qui  campoit  alors  [ 

SrèsdeTirichinapaly,  envoya,  fuivant  la  coutume,  un  Détachement  de 
eux  cens  trente  Européens  aux  ordres  de  huit  Officiers ,  avec  cinq  cens 
Cipayes ,  &  quatre  pièces  de  canon ,  pour  efcorter  des  provifions  au  Camp. 
Le  15,  ce  Détachement  fut  attaqué  à  fon  retour,  par  un  autre  beaucoup 
plus  confidérable,  qui  étoit  compofé  de  cent  vingt  François,  de  deus 
Compagnies  d'Etrangers,  d'unEfcadron  de  cent  Cavaliers,  de  mille  To- 
paffes,  de  fix  mille  Cipayes,  ^  de  toute  la  Cavalerie  Noire,  faifant  en- 
îemble  un  Corps  de  huit  mille  hommes,  avec  fept  pièces  de  canon.  Ce 
Corps  marcha  pendant  la  nuit,  &  tomba,  à  la  pointe  du  jour,  fur  le  Déta- 
chement du  Colonel  Laurence.  Tout  ce  que  de  braves  gens  peuvent  faire 
en  pareille  occafion ,  les  Anglois  le  firent  ;  mais  l'Officier  qui  les  comman» 

doit, 

(/)  Explanation  ef  tle  Map ,  &c.  Ce  Mémoire  ne  s'étend  pas  plus  loin  fur  les  affaires  d« 
Anglois  &  des  François  aux  Indes  Orientales. 


tous  lei 
de  leur 

Ces 
Dorringl 
noncées 
qu'on  j 
■  '^  circonll 
tenir  un 
envoyé 
des  pro] 
monter  I 
bies.     C 
'  qualité  d 
I  fent  de  r 
'  fent  corn 
i  en  avoit 
lacceptab 
[façon  de 
Iferoit  toi 
Iron  rejet 
Ipale  auto 
Angioife, 
'     On  m£ 
emparé , 
jâ qu'il  rete 
'iMogol,  d 
are  ce  Nal 
^^voir  fouv( 
[au  Mogol 
[Troupes  1 


mparer  par 
dee  par  le 
;  Ville  avec 
féconder , 
.    A  la  fa- 
paffent  le 
l'efcalade, 
nommée  \a 
deux  coups 
reprife  qu'il 
irnifon  prè- 
les fix  cens 
fe  défendi- 
irs  reprifes, 
is  la  Garni- 
iça  à  paroî- 
insleFofle, 
Le  nombre 
cens  qua* 
uf  Officiers, 
evoit  avoir 
condftoic  le 

mois  de  Fé- 
impoit  alors  |. 
chement  de 
c  cinq  cens 
ns  au  Camp. 
I  beaucoup 
;,  de  deux 
mille  To- 
faifant  en- 
canon.  Ce 
fur  le  Déta- 
iuVent  faire 
es  comman* 
doit, 

es  affaires  ^^ 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       121 

doit,  craignant  pour  fon  bagage,  s'avifa  de  partager  fa  troupe,  dans 
J'efptirance  de  le  (auvcr  ;  &  par  cette  faulfe  manœuvre ,  il  perdit  tout.  Car 
i'enntmi  fe  jctta  d'abord  entre  les  deux  divifions,  &  malgré  leur  réfiftancc, 
qui  lui  coûta  cher,  à  la  vérité,  tout  le  Détachement  fut  tué  ou  fait  pri- 
ionnier. 

Sur  la  nouvelle  de  cette  dernière  aftion ,  le  Gouverneur  &  le  Confeil 
du  Fort  St.  George  firent  partir  deux  Vaiffeaux,  qui  arrivèrent  le  15  Mars 
QU  Fort  St.  David ,  chargés  de  Troupes  qu'on  envoyoit  joindre  le  Colonel 
Laurence.  Cet  Officier  mandoit  que  fon  Armée  étoit  en  bon  état,  &  que 
tous  les  Soldats  témoignoient  un  vif  defir  de  pouvoir  bientôt  vanger  la  mort 
de  leurs  Compatriotes  (g). 

Ces  nouvelles ,  qui  furent  apportées  en  Angleterre  par  le  Vaiflcau  le 
Dorringtorty  appartenant  à  la  Compagnie  des  Indes,  avoient  déjà  été  an- 
noncées, en  général,  dans  les  Lettres  particulières ,  plus  d'un  mois  avant 
qu'on  jugeât  à  propos  de  les  rendre  publiques.  Ces  Lettres  ajoûtoient  la 
circonftance ,  qu'après  le  combat  du  28  Novembre,  on  étoit  convenu  de 
tenir  un  Congrès  à  Sadras ,  &  que  les  deux  partis  y  avoient  effeélivement 
envoyé  des  Députés  :  mais  que  l'on  n'avoit  pu  tomber  d'accord  fur  aucune 
des  propofitions  qui  y  avoient  été  faites  ^  parceque  M.  Dupleix  avoit  fait 
monter  li  haut  fes  prétenfions ,  qu'elles  avoient  paru  abfolument  inaccepta- 
bles. Qu'il  avoit  demandé  entr'autres,  que  les  Anglois  le  reconnuflent  en 
qualité  de  Gouverneur  Général  de  la  Côte  de  Coromandel  ;  qu'ils  reconnuf- 
fent  de  même  tous  les  Nababs  attachés  au  parti  des  François  ,  &  qu'ils  fuf- 
îent  compris  dans  les  conditions  du  Traité;  Qu'outre  ces  prétenfions,  il 
en  avoit  encore  formé  diverfes  autres ,  qui  n'avoient  pas  été  trouvées  plus 
[acceptables  que  les  précédentes;  Qu'on  lui  avoit  fait  connoître ,  que  cette 
façon  de  traiter  ne  convenoit  point  à  l'égard  d'une  Nation  refpeftable ,  qui 
iferoit  toujours  en  état  de  reprendre  fa  revanche  fur  lui;  en  un  mot,  que 
[l'on  rcjetteroit,  en  tout  tems,  des  conditions  qui  lui  donneroient  la  princi- 
fpale  autorité  dans  le  Pays ,  &  qui  tendroienc  à  la  ruine  de  la  Compagnie 
Angloife,  ou  à  l'aflujettir ,  en  quelque  façon ,  à  celle  de  France  (A). 
.  On  marquoit  dans  d'autres  Lettres ,  que  le  Nabab  de  Bengale  (ijs'étant 
emparé,  depuis  quatorze  ans,  de  deux  ou  trois  Provinces  del'Indoftan, 
qu'il  retenoit  fous  fa  dépendance,  M.  Dupleix  avoit  propofé ,  au  Grand 
Mogol,  de  prendre, de  concert  avec  lui ,  les  mefures  nécefTaires  pour  rédui- 
re ce  Nabab,  qui,  quoique  Vaflal  de  l'Empereur,  s'étoit  arrogé  un  pou- 
voir fouverain  dans  fon  Gouvernement;  que  M.  Dupleix,  avoit  demandé 
au  Mogol  cinquante  mille  Indiens ,  qu'il  jugeoit  fuffifans,  avec  un  Corps  de 
Troupes  Françoifes ,  pour  mettre  le  Nabab  à  la  raifon ,  attendu  qu'il  ne 

•:/N^  ,-rr.i    '-^T  •^;;   ■  nr:"    '  ,••    prétcn- 

grands  honneurs  des  Chefs  des  trois  Nations 
Européennes.  Les  bons  fervices  qu'il  rendit 
alors  aux  François ,  fuivant  leurs  propres 
Relations  ,  dévoient  lui  promettre  plus  de 
reconnoiffance  de  la  part  de  M.  Dupleix. 
Voyez  le  Mercure  Iliji.  £?  Polit. ,  Juillet  & 
Août  1753.  pag.  106  &  228.. 


GUERRfcS  DC 

l'Indr. 

SurCLEMENT. 
1754. 

On  leur  en- 
voyé des 
renforts. 


,!>.._ 


.'.."i   .  -(.i''''> 


(g)  Mercure,  Novembre  1754.  pag.  560. 

{b)  Ibid.  Oftobre  1754.  pag.  438. 

(  »  )  Il  fe  nouinioit  Araverdi-Kan ,  ou  félon 

pes  Anglois,   AU  •  Verdi  -  Kan  ,   &  avoit  ré- 

nigné,  en  1752,    fon  Gouvernement  en  fa- 

jvcur  de  Sarajet-Douillack ,   fon    Petit -fils. 

L'infiallation  de  ce  Succefleur   fe   fit  avec 

beaucoup  de  pompe  à  Ougiy,  où  il  reçut  de 

XIF.  Part. 


Congrès 
infruftueux 
tenu  à  Sadras. 


Vfles  & 
proiets  de  M. 
Dupleix. 


112 


DESCRIPTION    DE    LA 


DtRirifcRES 

gukrhks  ob 

l'Inde. 
supp1.1^mi£nt. 

*754. 


Ce  qui  les 

dérange. 


Grande  ré- 
volution dans 
lladoUoQ. 


prétendoic  point  le  dëporcr,  mais  feulement  l'obliger  de  rcconnoitre  Te 
Grand  Mogol  pour  Ton  Souverain,  &  de  lui  payer  un  tribut  annuel,  ouuc 
une  fomme  proportionnée  au  montant  des  arrérages  dont  il  étoit  redevable 
depuis  quatorze  ans;  que  comme  M.  Dupleix  pafToit,  chez  les  Anglais, 
pour  être  extrêmement  adroit  &  fubtil ,  &  pour  avoir  une  habileté  toute 
particulière  à  colorer  Tes  démarches  des  prétextes  les  plus  otiicieux,  ils 
avoient  envifagé , dans  ce  prétendu  fervice,  un  deiFein  formé  d'uâfoiblir  leur 
crédit  dans  le  Bengale,  &  de  le  détruire  enfuite  peu  à  peu;  à  quoi  il  comp- 
toit  de  réulitr,  en  empêchant  le  Nabab  de  faire  ulagc  de  Ton  autorité  dans 
la  même  Province ,  &  d'y  favorifer  le  Comnierce  des  Anglois ,  pour  lef. 
quels  il  avoit  toujours  marqué  de  la  préférence  fur  les  autres  Nations  Eu- 
ropéennes ;  que  le  Mogol ,  flatté  de  la  propofition  de  M.  Dupleix ,  paroii- 
foit  aflfezdifpofé  d'y  prêter  l'oreille;  que  l'on  doutoit  cependant  que  la  cho. 
fe  put  être  effeéluée,  parceque  le  bruit  couroit  que  ce  (louvemeur  devoit 
retourner  dans  peu  en  France  ;  que  les  Anglois  fouhaitoient  fort  que  a 
bruit  fe  vérifiât ,  &  qu'ils  en  verroient  l'accompliflement  avec  la  plus  gran- 
de joye,  pour  n'avoir  plus  à  redouter  iM.  Dupleix,  contre  les  vues  oc  lei 
projets  duquel  ils  dévoient  fe  tenir  continuellement  en  garde;  à  quoi  con- 
tribuoient  encore  fes  liaifons  intinies  avec  les  Nababs  qu  il  avoit  gagnés  par 
toutes  fortes  de  moyens  conformes  à  leur  génie  ât  à  leur  cara£i:ère  (k). 

La  grande  révolution  arrivée  dans  l'indollan  ,  Ôc  le  départ  de  M.  Du- 
pleix, dont  elle  fut  fuivie  la  même  année,  firent  évanouir  ces  beam 
projets. 

Le  Grand  Mogot  avoit  été  forcé ,  deux  ans  auparavant,  défaire,  avec 
lesMarattes,  un  Traité,  par  lequel  il  fe  reconnoifFoit ,  en  quelque  façon, 
leur  Tributaire  (/).    En  vertu  de  ce  Traité ,  il  leur  avoit  cédé  tous  les  re- 
venus du  Dekan,  dont  ils  n'ëtoient  pas  exaélement  payés;  ce  qui  leur 
fournit  un  prétexte  pour  prendre  les  armes,  excités  d'ailleurs  par  la  foiblef- 
fe  du  Gouvernement.     Leur  Chef,  de  concert  SLvec  Cazendi-Kan ^  Neveu 
de  Salabetzingue,  ancien  Allié  des  François  O»),  prie  la  route  de  Dehl\, 
rcfidence  ordinaire  de  l'Empereur ,  &  s'y  avança  à  la  tête  d'une  aflez  grolli 
Armée.    Le  Mogol  ne  fe  trouvoit  point  dans  fa  Capitale ,  &  campoit  avec 
fon  Armée,  nombreufe  à  la  vérité,  mais  dont  les  Troupes  étoient  mal 
aguerries,  ou  peut-être  même  gagnées  par  des  intrigues.    Les  Maratta 
^attaquèrent  &  forcèrent  fon  Camp.     Cependant,  comme  ils  vouloieu: 
conferver  quelque  apparence  de  foûmiflîon  ,  ils  lui  rendirent  hommage. 
Leur  Chef  demanda  refpeélueufement  d'être  admis  à  fon  audience.    Il  ; 


it  Viii' 


•  ■  i 


exigea, 


(k)  Mercure,  Novembre  1754,  pag.  563. 

(i)  C'eft  apparemment  la  tentative  dont 
M.  Green  parle,  &  qui  avoit  été  faite  pour 
détrôner  le  Grand  Mogol;  mais  laquelle  é- 
choua  par  l'afTiftance  que  ce  Prince  reçut  de 
quelques-uns  de  fes  Nababs.  S'il  a  raifon  d'at- 
tribuer ces  convulfions ,  dans  l'Empire ,  à  la 
fbiblefle  du  Gouvernement ,  il  le  trompe 
lorfqu'il  nomm'e  encore  Mohammed  -  S:  âh, 
(|[ui  etoit  mort  depuis  plus  de  flx  ans.  Voyez 


ci-deflTus ,  pag.  104. 

(  wi  )  Il  feroit  curieux  de  fçavoir  fi  Cazer- 
di-Kan  étott  ami  de  fon  Oncle ,  &  par  ce' 
féquent  auffi  des  François.    Tout  ce  qiion 

f)eut  dire,  c'eft  que  les  Marattes  avoient  pris 
e  parti  de  ces  derniers ,  &  que  SalabctziiisM 
nous  étant  toujours  repréfenté  comme  Maî- 
tre du  Dekan,  c'eft  peut-être  à  lui,  &."^ 
Marattes  fes  Alliés ,  que  le  Grand  Mogol  avoit 
cédé  les  revenus  de  cette  Province. 


km 


exigea 

de  les 
Ka>i. 
qu'il  re 
avoit 
repugn. 
fus  fcm 
■    chcfles 

y  prit  I 
étroite 

le  mirei 

jtna  Caz( 
MïEmp'm 
là  qui  le 
4JLmper 

Îmt  le  c 
éil.     A 
inanda 
!,y  n'avo 
,4  „  verair 
\i^  L'Empei 
'"  „  né.     , 
„  malhc 
Il  fit  aloi 
une  pale 
conduit 
avec  le  ] 
Ces  ] 
Emperei 
Presqu'l; 
Bière  ré^ 
gtois. 
Jeur  Coi 
la  Paix, 
jufqu'à  \i 
cément  c 
pleix,  la 
rêtée  eni 
Les  p 


otmoitre  le 
nuel,  ou  Lie 
it  redevable 
;8  Anglais, 
bileté  toute 
itficieux,  ilj 
iffoiblir  leur 
uoi  il  comp. 
lutoritc  dans 
18,  pour  lef- 
Nations  Eu. 
leix,  paroif- 
L  que  la  cho- 
•neuf  devoit 
fort  que  a 
la  plus  gran- 
ds vues  oc  les 

à  quoi  con- 
ic  gagnés  pji 
aère  (*). 

de  M.  Du- 
r  ces  beaui 

e  faire,  avec 
elque  façon, 
é  tous  les  re- 
ce  qui  lem 
)ar  la  foiblef 
Kan^  Neveu 
te  de  Dehl^, 
aflez  grolle 
ampoit  avec 
étoient  mal' 
es  Marattet 
vouloieD: 
hommage, 
lence.  Il  î 
exigea, 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Lxv.  III.      lag 


ils 
c 


L 


qu'il  reformât  l'adminiftration  de  l'Etat,  fur  un  tout  autre  plan  que  celui  quJil 
avoit  fuivi  pendant  fon  règne.  L'Kmpereur  y  témoignant  beaucoup  de 
répugnance,  les  Marattes  levèrent  le  mafque  ,  ariétérent  IcMogolavec 
fe$  femmes  &  fes  favoris,  <&  pillèrent  fon  Camp,  où  il  y  avoit  des  ri- 
chcfles  immenfes.  Après  cet  attentat ,  ils  entrèrent  dans  Dehiy.  Leur  Chef 
y  prit  pcfTeffion  du  Palais  Impérial,  &  fit  renfermer  le  Prince  dans  une 
étroite  prifon.  Ils  en  tirèrent  enfuite  un  Prince  du  fang  des  Mogols ,  & 
le  mirent  fur  le  Trône. 

Le  nouvel  Empereur  ddpofa  les  Miniftres  de  fon  PrédéceflTeur ,  &  nom- 
ma Cazendi-Kan  Cîrand  Vizir.  Celui-ci,  revêtu  de  la  première  Dignité  de 
l'Empire,  fe  ilatta  d'\  pouvoir  régler  toutes  chofes  fur  le  ton  d'un  Miniftre 
&  qui  le  Souverain  eft  redevable  de  fa  Couronne.  Il  demanda  la  tête  de 
l'Empereur  détrôné ,  en  punition  de  Ces  injuflices.  Le  nouveau  Mogol  ne 
put  ic  dirpcnfer  de  faire  comparoître  ce  Prince  infortuné  devant  fon  Con- 
leil.  Au-lieu  de  le  facrifier  néanmoins  à  la  haine  de  fon  Miniflre,  il  de- 
manda quel  étoit  fon  crime.  Le  Grand  Vizir  répondit:  „  Que  ce  Prince 
„  n'avoit  pas  fait  régner  avec  lui  la  Juilice,  ainfi  qu'il  convenoit  à  un  Sou- 
verain ,  &  qu'on  devoit  apçaifer  les  cris  de  fes  Sujets  par  fon  fang". 
'Empereur  répliqua;  „  Ses  Sujets  ont  été  des  traitres,  qui  l'ont  abandon- 
né. Son  crime  efl;  d'avoir  été  trop  foible.  Il  en  eft  aflez  puni  par  fon 
malheur;  mais  puifqu'il  faut  verfer  fon  fang,  je  veux  bien  qu'il  coule". 
Il  fit  alors  appeller  un  Chirurgien ,  &  à  la  vue  de  rAflemblée,il  lui  fit  tirer 
une  palette  de  fang.  Après  quoi,  il  ordonna  que  le  vieux  Empere'îr  fût 
conduit  au  Palais ,  oi!i  il  lui  fit  donner  un  bel  appartement,  pour  y  être  fervi 
avec  le  refpeft  convenable  (w). 

Ces  particularités,  qui  forment  un  curieux  Supplément  à  l'Hiftoire  des 
Empereurs  Mogols  (o),  ne  font  d'ailleurs  pas  étrangères  aux  aflfaires  de  la 
Presqu'lfle  de  l'Inde;  mais  il  n'eft  guères  poffible  de  dire  encore,  h  la  der- 
nière révolution  de  l'Indoflan  fera  plus  favorable  aux  François  \ju'aux  An- 
glois.  Enfin,  lafTes  de  fe  faire  l'une  à  l'autre  une  Guerre  ruineufe  pour 
ieur  Commerce,  ces  deux  Nations  reprirent  bientôt  les  négociations  de 
la  Paix.  La  Trêve,  qui  n'avoit  d'abord  été  faite  que  pour  troij  mois, 
jufqu'à  la  fin  de  cette  année,  fut  prolongée  à  dix  -  huit  mois ,  au  commen- 
cement de  la  fuivante  (p);  &M.  Godbeu^  qui  venoit  de  remplacer  M.  Du- 
pleix,  la  rendit  illimitée,  par  une  nouvelle  Convention  provifionnelle,  ar- 
rêtée entre  lui  &  le  Gouvernement  de  Madras. 

Les  principaux  Articles  de  cette  Convention  portoient,  en  fubftance; 
„  i^.  Qu'il  y  auroit  Sufpenfion  d'armes,  &  Paix,  entre  les  Troupes  des 
„  deux  Compagnies ,  fur  la  Côte  de  Coromandei ,  jufqu'à-ce'que  les  Direc- 
„  leurs  de  l'une  &  de  l'autre  euffent  fait  fçavoir  leurs  intentions  à  cet 
„  égard.  2°.  Que  les  Troupes  des  deux  Coiùpagnies  ne  fe  mèleroient  des 

;    .  i     .        :..       i.  f  -         -*      -•  .    „  difpU' 

(n)  Mercure,  May  1755.  pag.  57-?-  (a)  Voyez  le  Tome  précédent 

{p)  Millionnaires  Danois. 

Q2 


DRRNlfcRIl 

Gbkrbs  nt 
l'Indb. 
Si'rn.EMïNT. 

1754. 


TréVe  entre 
les  Anglois  & 
les  François. 


1755- 


Articles  de 
la  Convention 
provifion- 
nelle. 


,       « 


DSRNIERES 

guerhes  de 

l'Inde. 
Supplément. 

nss- 


Rupture 
des  négocia- 
tions en  Eu- 
rope. 


I75<5. 


124  ^        DESCRIPTIONDELA        '  *-^ 

„  difputes  qui  pourroient  s'élever  entre  les  Naturels  du  Pays ,  que  lorfqu'fl 
,.  s'agiroit  de  la  dcffenfe  de  leurs  Pofleffions  refpeftives.  3°.  Que  fi  les 
„  Indiens  venoient  à  attaquer  quelqu'un  des  Etabliflemens  de  l'une  ou  de 
„. l'autre  Compagnie,  les  Troupes  Angloifes  &  Françoifes  fe  réuniroient 
„  pour  repoulTer  les  Aggrefleurs ,  &  protéger  l'Etabliflement  attaqué. 
„  4°. Qu'on  fe  fourniroit,  de  part  &  d'autre,  les  provifions  dont  on  auroit 
„  befoin,  &  que  le  payement  de  ces  fournitures  fe  feroit  en  argent,  ou 
„  par  troc.  5^.  Que  les  Troupes  refpeftives  feroient  reparties  dans  les 
„  Places  dont  leurs  Compagnies  étoient  en  poireflion.  6°.  Qu'enfin  les 
„  chofes  deraeureroient  dans  l'état  où  elles  fe  trouvoient  à  la  conclufion 
„  de  cette  Convention,  jufqu'à- ce  qu'il  en  fût  autrement  difpofé  par  les 
„  Direfteurs  en  Europe  (î)". 

Depuis  longtems  les  deux  Compagnies  travailloient ,  en  Europe,  à  ud 
Accommodement  pour  terminer  leurs  diflferends  fur  la  Côte  de  Coroman- 
del ,  &  régler  définitivement  les  prétenfions  de  part  &  d'autre.  L'articit 
des  nouvelles  acquifitions  à  échanger ,  y  fut  toujours  le  plus  grand  obfta- 
cle-  Enfin ,  après  bien  des  négociations ,  où  chaque  partie  .vouloit  con- 
ferver  fes  principaux  avantages,  les  chofes  font  reftées,  à  cet  égard, 
dans  le  même  état  indécis,  jufqu'à  la  rupture  que  ces  difputes  de  l'Afie, 
jointes  à  celles  de  l'Amérique,  viennent  de  produire  entre  la  France  & 
l'Angleterre» 


DescRiPTioi» 

DE  LA  CÔTE 

DE  COROMAN- 

DEL. 

Remarque 
préliminaire. 


Situation  de 
Pondichery. 


(f)  Mercure,  jH:ilet  1755.  pag.  s?. 

S- 


•i.S' 


..■■'j  : 


III. 


\«.> 


1  j.  at^ 


'•A 


i.-:  >'  .i.j'  ..        .-  Dcjcr'iptm  de  la  Côte  de  Coromandel.    ,»,.-.    -^      - 

IL  n'efl:  queflion ,  dans  cet  Article ,  que  de  faire  connoître ,  plus  parti- 
culièrement, les  Places  '  aritimes,  &  quelques  autres  Lieux  qui  peu- 
vent n'avoir  pas  paru  dans  Jefcription  de  la  Prefqu'Ifle  de  l'Inde.  On 
fe  place  d'abord  à  Pondichr  ,  parcequ'en  rapportant  les  obfervations  qui 
ont  été  faites  par  les  Miflioniiaires  Jéfuites ,  il  efl  plus  aifé  de  connoître  la 
Longitude  des  autres  Villes  de  la  Côte ,  qui  va  en  plufieurs  endroits  pref- 
que  Nord  &  Sud ,  excepté  vers  l'embouchure  du  Gange  &  le  Cap  de  Co- 
morin,  qu'elle  décline  à  l'Efl:  &  à  fOueft. 

Suivant  les  obfervations  rapportées  par  le  Père  Bouchet  (a),  la  La- 
titude de  Pondichery  efl:  à  onze  degrés ,  cinquante-fix  minutes ,  vingt-huit 
fécondes,  &  fa  Longitude  de  foixante  -  dix  -  huit  degrés,  à  l'Efl:  de  Pa- 
ris. C'efl:  la  pofition  qui  a  été  adoptée  par  l'Académie  Royale  des  Scien- 
ces, &  par  tous  les  Géographes  François,  excepté  M.  d'Anville,  qui  fuit 
la  dernière  détermination  du  Père  ^o««l/>r,  lequel  met  Pondichery  à  onze 
degrés,  cinquante-cinq  minutes,  trente  fécondes  de  Latitude ,  &  à  foixan- 
te-dix-fept  degrés,  vingt-cinq  "minutes  de  Longitude,  déduite  de  diverfes 
obfervations  exaéles  ;  ce  qui  fait  trente-cinq  minutes  de  moins.  M.  d'An- 
ville 
(a)  Voyez  le  XV.  Recueil  des  Lettres  édifiantes- 


ville  tr 

fur  des 

l'ouver 

marinei 

jufqu'à 

Mai 

tntre  C 

lieues  d 

;nées  d 

^enaîtii , 

Canano 

>    La  C 

leM.  ]\ 

prouva , 

:e  aux  I 

^ée  par 

gnà  Ca 
uces  le 
Siruftion 
pied  fec 
^  ille  finit 
lent  mê 
litations 
Dans 
on  de  f 
lix-huit  1 
lichery  1 
la  vol 
ruits  d€ 
i^eureufe 
tirefl*er  à 
Chefs. 
"  Les  e 
oupé  pai 
eut  rega 
oient  1  ir 
gers  & 
t^lirofeAion 
«iifcipliné! 
"^  u'on  les  j 
es  avec  \ 
ent  en  fu 
ais. 
S    Ces  N 


C*)  Voy( 


'4 


irope,  a  un 
e  Coroman- 
;.  L'artidfc 
Trand  obfta. 
?ouloit  con- 
cet  égard, 
;s  de  l'Afie, 
i  France  & 


plus  parti- 
IX  qui  peu- 
1  l'Inde.  On 
•vations  qui 
ronnoître  la 
(droits  pref- 
ICap  de  Cû- 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       125 

ville  trouve  ce  réfultat  plus  conforme  à  la  largeur  de  la  Prefqu'Ifle,  évaluée 
fur  des  mefures  itinéraires.  Sa  Carte  de  l'Irde  fournit  en  droiture  ,  &  à 
l'ouverture  du  compas,  entre  Pondichery  &  Mahé^  quatre-vingt-fix  lieues 
marines,  ou  de  vingt  au  degré,  tandis  que  d'autres  Géographes  donnent 
jufqu'à  cent  lieues  à  cet  intervalle. 

Mah^,  eftun  Etabliflement  François  ,   fitué  fur  la  Côte  de  Malabar, 
Itntre  Cananor  &  Calicut,  à  l'entrée  d'une  Rivière,  qui  fe  navige  quelques 
[lieues  dans  les  terres,  à  l'aide  de  la  marée.     Les  montagnes  ne  font  éloi- 
nées  de  la  Mer  que  de  cinq  ou  fix  lieues ,  &  le  Pays ,  qui  efl:  nommé  Car- 
enattu  j  obéit  à  un  Seigneur,  appelle  Bayanor^   qui  reconnoit  le  Roi  de 
ananor  pour  fon  Souverain. 

La  Compagnie  des  Indes  de  France  doit  cet  Etabliflement  à  la  valeur 
le  M.  Mahé  de  la  Bourdonnais.  A  fon  arrivée  dans  l'Inde,  en  1724,  il 
ouva,  à  Pondichery,  les  Vaiffeaux  prêts  à  partir  pour  enlever  cette  Pla- 
e  aux  Habitans  du  Pays.  L'Efcadre ,  qui  devoit  l'attaquer ,  étoit  comman- 
de par  M.  de  ParJaillan.  Quoique  M.  de  la  Bourdonnais  ne  fut  que  fe- 
ind  Capitaine,  il  fut  charge,  dans  cette  occafion  ,  du  détail  de  prefque 
utes  les  opérations  de  guerre  &  de  régie.  Il  imagina  une  nouvelle  co.n- 
Ûruélion  de  radeaux,  qui  procura  aux  Troupes  la  facilité  de  defcendre  à 
pied  fec  en  ordre  de  Bataille.  La  Guerre  dura  jufqu'à  l'année  fuivante,  & 
pile  finit  par  la  prife  de  Mahé ,  qui  fut  fuivie  d'un  Traité  de  Paix ,  au  mo- 
■tient  même  où  M.  de  la  Bourdonnais  étoit  armé  pour  brCder  toutes  les  Ha- 
|)itations  des  ennemis  le  lon^  de  la  Côte. 

Dans  la  fuite,  c'eft-à-dire  en  1741,  M.  de  la  Bourdonnais  eut  Tocca- 
on  de  fauver  fa  conquête.  Le  Comptoir  de  Mahé  étant  bloqué  depuis 
ix-huit  mois ,  par  les  gens  du  Pays ,  le  Gouverneur  &  le  Confeil  de  Pon- 
ichery  lui  propofèrent  d'y  porter  du  fecours.  Il  ne  balança  pas ,  &  mit 
la  voile  le  22  d'Oftobre.  L'exercice  de  fes  Equipages  ,  peu  in- 
_  ruits  des  évolutions  militaires  ,  l'occupa  tout  entier  pendant  la  route. 
Keureufement  la  connoiflance  qu'il  avoit  du  terrain ,  lui  fit  imaginer  de  les 
irefTer  à  combattre  par  pelotons ,  &  à  fe  rallier  toujours  derrière  leurs 
Chefs. 

a  Les  ennemis,  à  qui  il  avoit  à  faire,  habitent  un  terrain  montagneux, 
oupé  par  tout  de  foffés ,  de  quinze  à  dix-huit  pieds  de  profondeur ,  qu'on 
eut  regarder  comme  autant  de  coupe-gorges  pour  les  Européens ,  qui  au- 
oient  1  imprudence  de  s'y  engager.     Ce  font  de  grands  hommes  bafanés , 
gers  &  vigoureux:    On  les  nomme  Naïres  (b).     Ils  n'ont  point  d'autre 
rofeflTion  que  celle  des  armes ,  &  ils  feroient  fort  bons  Soldats  s'ils  étoient 
ifciplinés.     Comme  ils  combattent  fans  ordre,  ils  prennent  la  fuite,  dès 
u  on  les  ferre  de  près  avec  quelque  fupériorité  ;  mais  s'ils  fe  voyent  pouf- 
'és  avec  vigueur,  &  qu'ils  fe  croyent  en  danger  ,  ils  reviennent ,  fe  bât- 
ent en  furieux  jufqu'à  la  dernière  goûte  de  leur  fang,  &  ne  fe  rendent  ja- 
ais.  ' 

Ces  Naïres ,  campés  devant  MahéJ,  dévoient  le  lendemain  faire  une  at- 
taque 
C*)  Voyez  la  Dcfcription  de  la  Côte  de  Malabar,  au  Tome  précédent.  ,  •     «•  -* 

^3 


Descbiptton 

delaCAte 

d£  coroman- 

DEL. 

Largeur  de 
la  Prefqu'Ifle. 

Mahé, 
Comptoir 
François. 


M.  de  h 
Bourdonnais 
en  fait  la  con- 
quête. 


% 


Seconde 
expédition 
qui  fauve 
cette  Place, 


^ 


126 


DESCRIPTION    DELA 


OE  LA  CÔTE 

Ue  CORUMAN 

OfiU 


DEscaiPTio»  taque  générale ,  lorfque  M.  de  la  Bourdonnais  arriva  avec  deux  VaiiTeauj 
""  ■  *  ^^""  Le  débarquement  de  Tes  Troupes  les  arrêta.  Comme  il  n'y  avoit  point  {je 
proportion  entre  le  nombre  des  ennemis ,  &  la  poignée  de  monde  qu'avoit 
M.  de  la  Bourdonnais ,  il  n'eut  garde  de  rifquer  d'abord  une  affaire  géné- 
rale. Il  crut  qu'il  ne  pouvoit  réulfir ,  qu'en  oppofant  beaucoup  d'ordre  ^ 
de  prudence  ,  à  des  gens  (jui  n'étoient  point  habitués  à  Te  conduire  par  ré- 
gies ,  &  qui  ne  connoifToient  que  leur  impétuofité  naturelle.  Dans  cecct 
vue,  il  commença  par  ouvrir  une  tranchée  vis-à-vis  d'une  Batterie  des  en- 
nemis ,  qui  incommodoit  furieufement  la  Ville.  L'Ouvrage  fut  conduit 
avec  tant  de  vivacité ,  que  le  troifième  jour  il  parvint  jufqu'a  trente  toifei 
du  Fortin  ,  où  cette  Batterie  étoit  établie  ;  mais  un  terrain  marécagouj 
l'empêchant  de  pénétrer  plus  avant ,  il  fe  réJuifit  à  faire  une  parallèle, 
pour  loger  une  quantité  de  IVoupes  capables  de  foûtenir  la  tête  de  i'Ouvr}. 
ge.  Son  deifein  étoit  de  batailler  dans  ce  pofte ,  jufqu'à  l'arrivée  è 
derniers  VaiflTeaux  qu'il  attendoit  encore.  A  mefure  qu'il  recevoir  de  no'^ 
velles  Troupes,  il  les  envoyoit  à  la  tranchée  pour  les  accoutumer  au  feu, 
qui  étoit  continuel;  &  trois  ou  quatre  jours  futtifoienc  pour  apprendre  ai 
Soldat  à  faire  bonne  contenance.  Réfolu  d'en  profiter,  dès  qu'il  vit  toui 
}es  Vaiileaux  arrivés,  il  fe  difpofa  à  une  action  générale,  &  la  fixa  auj 
Décembre. 

L  À  nuit  du  3 ,  il  forma  une  Batterie ,  qui  fut  attaquée  le  matin  par  k 
ennemis;  mais  il  les  repoufia  vivement,  à  la  tête  de  huit  cens  hommej, 
Les  François  demandant  avec  empreflement  la  liberté  de  les  pourAiivie, 
M.  de  la  Bourdonnais  ne  manqua  pas  ce  premier  mouvement  ;  jl  rangea 
promptement  ks  Troupes  fur  deux  colonnes  ,  &  marcha  droit  à  l'enne- 
jni ,  qui  étoit  retranché  fous  deux  Forts ,  peu  éloignés  l'un  de  l'autre.  L'at 
taque  de  ces  deux  Forts  fe  fit  en  même  -  tems ,  &  le  premier  fut  emporQ 
d'emblée:  mais  M.  de  la  Bourdonnais  s'étant  apperçu,  que  fes Troupes» 
toient  vi\^ement  repouHees  à  l'attaque  de  l'autre,  il  y  courut.  Après  avoi 
vainement  efluyé  de  les  ramener,  il  fit  avancer  en  dfiligence  la  Compagni 
d'Artillerie  qui  gardoit  la  nouvelle  Batterie,  qu'il  avoit  fait  faire  pendami 
nuit,  &  comme  elle  étoit  fraiche  &  commandée  par  de  bons  Officiers,  eli 
fit  des  merveilles.  La  colonne  repouflee  la  fuivit ,  &  le  Fort  fut  empori; 
tout  d'un  coup.  Les  ennemis  furent  même  chargés  &  pourfuivis  de: 
bonne  grâce ,  que  la  peur  les  faifit ,    &  qu'ils  abandonnèrent  tous  Im 

Softes;  en-forte  qu'ils  iailfèrent  les  François  maîtres  des  quatre  Fortins, 
e  tous  leurs  retranchemens ,  &  de  huit  pièces  de  canon.  L'aftion  duii 
cinq  heures;  M.  de  la  Bourdonnais  y  perdit  cinquante-fix  hommes  ,  &j 
eut  cent  vingt  blcffés.    Il  en  coûta  à  l'ennemi  environ  cinq  cens  (c). 

Il  faut  avouer  que  les  expéditions  de  JVI.  de  la  Bourdonnais  offres 
toujours  d'excellentes  leçons  militaires,  &  de-  grands  exemples  de  bravo» 
re.    L'intérêt  qu'on  a  dû  prendre  jufqu'ici  aux  delaftres  de  ce  fameux  Uf- 

ficiert 

<c)  Mémoire  pour  le  Sr.  de  la  Bourdon-     tion  de  Mahé,  quoiqu'elle  att  recompînli 
nais,  lome  I  II  fe  plaint  que  la  G)mpagnie     tous  les  Officiers  fur  fes  repréfentatipns.    & 
Be  lui  a  jamais  dit  ua  mot  de  cette  expédi- 


lery, 
OU  côté 


mm 


cations 


epuis  c 
Aprj 


Defcript. 
(0  Le 
les  Portug 
liceiro. 

mot 

Defcnptio 
offre    dix 
Renvois 
fé  une  fau 
lit  l'Hô^iti 


IX  Vaifleaui. 
/oit  point  de 
)nde  qu'avolt 
affaire  gén^- 
ip  d'ordre  ^  j 
iduire  par  rè. 
Dans  cecttl 
Ltterie  des  en- 
e  fut  conduit  I 
i  trente  toiftil 
1  marécag^ui^ 
ine  parallèle, 
!te  de  l'Ouvra- 
ï  l'arrivée  àt 
cevoJ'  de  na^ 
tumer  au  feu, 
apprendre  aii 
qu'il  vit  tout 
Se  la  fixa  au  j 

I  matin  par  la 

çen9  homme). 

es  pourfuivte, 

snt  ;  il  rangea 

droit  k  renn?- 

Iç  l'autre.  L'at- 

T  fut  erapom 

fçs  Troupes  fr 

Après  avoii 

la  Compagnj 

aire  pendant li 

J  Officiers,  eli 

)rt  fut  empoK 

ourfuivis  dei 

tent  tous  leuii 

uatre  Fortins, 

L'aftion  dia 

lommes ,  &i 

cens  (c). 

onnais  offres 

es  de  bravûn- 

ce  fameux  ut' 

ficiei,? 

le  att  recompi 
spiéfenutions. 


DF.L, 


Pondichciy. 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      12/ 

ficier,  qu'on  verra  encore  reparoître  dans  un  des  Articles  fuivans  (/f),  ne  DescBimoîc 
nous  a  pas  permis  de  fupprimer  cette  partie  de  Ton  Mémoire,  quand  mê-  d^'cû^komaL 
me  on  auroit  pu  pafTer  fur  l'origine  d'un  nouvel  EtablifTement,  dont  on 
n'n  point  parlé  dans  la  Defcription  de  la  Côte  de  Malabar,  &  qui ,  dépen- 
dant de  Pondichery,  eft  non-feulement  fitué  fous  le  même  parallèle,  à- 
peu-prés,  mais  fert  encore  à  fixer  la  largeur  de  la  Prefqu'Ifle  entre  ces 
deux  points  ;  Revenons  à  celui  d'où  nous  étions  partis  ,  pour  fuivre  la 
:  Côte ,  jufqu'au  Cap  de  Comorin. 

I  La  Ville  de  Pondichery  (f  ),  remarque  M.  d'Anville  ,  s'eft  accrue  & 
I  embellie ,  au  point  de  le  difputer  à  tout  autre  Etabliffement  Européen  dans 
'  flnde.  Sa  Citadelle,  qui  fut  achevée  en  1706,  occupe  le  milieu  d'un  ef- 
ace  d'environ  fept  cens  toifes ,  que  la  Ville  u  d'étendue  fur  le  rivage, 
'efl:  un  pentagone  régulier,  &  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  en  ce  genre  dans 
ute  l'Inde.  L'enceinte  de  la  Ville ,  fortifiée  de  dix  -  fept  Baftions  (/) , 
t  commencée  en  1723;  &  le  fofle,  qui  y  manquoit,  eft  maintenant  ajoû- 
,  &  rempli  d'eau  par  la  Rivière  de  Gingy ,  qui  entre  en  même-  tems 
s  la  Place ,  &  y  forme  plufieurs  canaux  &  baffins.  La  circonférence 
la  Ville ,  prife  en  dedans ,  eil  de  deux  mille  huit  cens  toifes ,  plus  que 
ioins. 

Un  Voyageur  François,  qui  avoit  examiné  attentivement  la  fituatioii 

ie  Pondichery ,  ne  comprend  point ,  dit-il ,  à  quel  deflein  les  premiers  de 

•'a  Nation  ,  qui  y  font  venus,  s'étoient  fixés  dans  un  endroit  de  fi  difficile 

ccés  du  côté  de  la  Mer,  fi  ouvert  du  côté  de  la  Terre,  &  fi  incommode- 

our  la  vie,  puifque  c eft  le  terroir  le  plus  ftérile  &  le  plus  mauvais  de  tou- 

e  la  Côte.    On  fçait  que  les  Vaifleaux  font  obligés  de  mouiller  à  plus  d'une 

emie  lieue  du  rivage,  à  caufe  des  brifans.    Les  Chelingues  qu'on  employé" 

charger  &  décharger  les  Navires,  coûtent  beaucoup,  &  l'eau  y  entre  de 

outes  parts  en  fi  grande  quantité ,  qu'on  eft  toujours  en  rifque  de  fe 

oyer  ,  &  que  les  marchandifes  font  toujours  mouillées.     Ce  Voyageur 

^Toit  qu'il  ne  feroic  pas  impoflible  d'y  faire  un  Quai ,  pour  remédier  à  ces 

tronveniens  (g).     Mais  on  feroit  fans  doute  moins  en /ûreté  à  Pondi- 
ery ,  fi  les  VaifFeaux  pouvoient  s'en  approcher  davantage.     Le  défaut 
du  côté  de  la  Terre  ,  eft  aujourd'hui  luftlamraent  reparé  par  les  fortifi- 
a^eations  qu'on  y  a  ajoutées  ^  &.  les  acquifitions  que  la  Compagnie  a  faites 
~'epuis  dans  les  environs  (h}. 

Après  Pondichery  &  le  Fort  à' Arïan-cupam y  qui  en  eft  à  une  lieue, 

au 


Arian-cU' 
pam. 


(  î)  Voyez  ci-dcflbus  le  Suppli5menl  à  la 
[  Defcript.  cLes  Ifles  de  France  &  de  Bourbon, 
(e)  Les  Indiens  la  nomment  PudutjcJeri,. 
^ les  Portugais,  Fondicberi,  &  les  Danois  Po- 
iiceiro. 

(/)  On  n'en  a  compté  que  onze  dans  la, 
Defcription  précédente ,  quoique  le  Pian  en 
offre  dix- fept  Dans  .'Explic;;tion  des 
Renvois  du  Plan,  pag.  20  &  21 ,  il  s'eft  glif- 
fé  une  faute  d'impreilion ,  au  N''.  8,  où' on 
ht  l^Hôpital,  f OUI  l'Hôtel  de  lu  Compagnie. 


il 


Eno-e  la  Lettre  If,  &  Perte  de  Valiaour, 
ne  falloit  point  mettre  de  ligne. 

(ff)  Journal   d'un    Voyage    aux    Indes 
Orient.,  en  1691.  Tom.  II. 

(û)  Les  principales  Aidées  autour  de  Pon- 
dichery ,  &  dans  fa  dépendance ,  font  Arian- 
cui^am,  Aij'btviak,  Vilenut  &  Vàldaûr,    Il  y 
au.)  Fort  à  Valdaûr,    &  ce  lieu  conduit  à 
Gingy,  éloigné  de  Pondichery  d'environ  on- 
ze litucs  Françpifes, 


128 


DESCRIPTION    DE'LA 


ai 


D  INSCRIPTION 

DE  l-A  CÔTE 

DJi  COIIOMAN- 

DEI.. 

Tcvciiepat- 
nnii) ,  Fort 
S-.Unt-David 
&  Cudclur. 


Poito-Novo. 


au  Sud ,  on  vient  à  Tevenepainam ,  ou  Tegenepatnam ,  que  les  Indiens  nom.  * 
ment  Devanapntnam  ,  c'eft-à-dire  Fille  à'AJ]cmb}ée\  Bourg,  ou  petite  Ville  - 
peu  confidérable ,  qui  n'eft  habitée  que  par  des  Malabares.     Les  Hoilan-  j 
dois  y  ont  pourtant  une  belle  Loge.    A  cin:j  cens  pas  au-delà,  efl  le  Fort  | 
Saint-David,  &  huit  cens  toifes  plus  loin,  Gojdclour,  ou  Cudelur^  que  les  ; 
Indiens  nomment  Courraloer;  Ville  aflez  grande,  fituéeau  bord  delà  Mer,  ' 
&  éloignée  de  Pondichery  d'environ  treize  miles,  de  foixante  au  degré, 
autrement  de  cinq  lieues  Françoifes.     Ces  trois  Places  ,  quoique  féparées, 
ne  font  qu'une  même  jurifdiélion  (i),  &  appartiennent  aux  Anglois.    Ils 
les  achetèrent ,  en  1 690 ,  de  Rama- Raja ,  fils  du  fameux  Sevagy,  pour  la  fom- 
me  de  vingt-fept  mille  trois  cens  quatre-vingt-treize  pagodes  ,  fans  comp. 
ter  les  préfens  aux  Miniftres.     C'eft  un  des  plus  confidérables  EtabliiTemens  i 
qu'ils  ayent  dans  les  Indes.     On  y  refpire  un  air  fain,  &  le  terroir  y  eft 
fort  fertile.     Une  Rivière,  nommée  Cudelam,  fe  rend  dans  la  Mer  fous  le 
Fort  Saint-David ,  groffie  d'une  autre  Rivière  dans  le  voifinage,  &  don' 
le  nonj  eft  Tiru-paû-palur  {k).     La  Rivière  Panna  (/)  a  fon  embouchurt 
dans  la  Mer  à  Tevenepatnam.     Ce  Diftri6l  contient  plufieurs  Bourgs  &  ' 
Villages,  dont  on  trouve  les  noms  répan4us  dans  les  Relacions  aes  Mif- 
fionnaires  Danois. 

A  environ  cinq  lieues  du  Fort  Saint-David,  en  continuant  de  fuivre  la  Côte, 
au  Sud ,  on  trouve  une  Ville  Indienne ,  nommée  Porto-Novo  par  les  Européens, 
Mahmud-Bender p^iTlesMaares t  &.Paranghi-Potteyip2ir  les  Indiens (w).  Elle  d 
fituée  à  l'embouchure  de  la  Rivière  Fal-arru,  ou  ^<?//ar«;c'ell-à-dire  Rivière 
blanche.  C'eft  une  grande  Place,  mais  toute  ouverte,  fans  murailles,  &  envi- 
ronnée feulement  de  palmiers.  Six  rues  la  traverfent  du  Sud  à  l'Oueft,  & 
neuf  de  l'Eft  au  Nord.  Son  Gouverneur  eft  ordinairement  un  Bramine , 
qui  a  encore  quelques  lieux  voifin-^  fous  fa  dépendance.  La  moitié  des 
îlabitans  de  Porto-Novo  font  Maures,  &  l'autre  moitié  Gentils.  On  y 
voit  une  Eglife ,  un  grand  Maufolée  Maure ,  un  Chantier ,  &  quantité  de 
belles  maifons.  Les  Anglois,  les  François  &  les  Danois  y  ont  dès  Loges.  ' 
Celle  des  Hollandois  eft  revçtue  d'une  muraille,  &  fon  entrée  à  été  forti- 
fiée 


(»)  On  les  défigne  indifféremment  fous 
les  trois  noms;  quoique  les  Indiens  difcnt 
plutôt  Devanapatnam ,  les  Anglois  Fort  Saint- 
David,  &  les  autres  Européens  Goudclour, 
ou  Cudelur  ;  mais  ces  trois  lieux  ne  font 
qu'autant  de  parties  d'une  feule  &  même 
Ville. 

(fe)  Ou  Tripaplur.  C'eft  aulîî  le  nom 
d'un  Bourg  voifin ,  le  même  que  firepoplier, 
ou  Tiere-Popliere,  dans  les  Relations  Hollan- 
doifes.  On  y  voit  un  grand  &  fiimeux  Pa;^o- 
de,  de  hautes  Tours  &  des  Edifices  confidé- 
rables. Ce  Bourg  eft  fitué  fur  les  terres  de 
la  Compagnie  Angloife.  Tiruwaniiipuram , 
qu'on  trouve  au-delà,  prefqu'à  moitié  clie- 
min  de  Tiruvidi  au  iort  S.  David,  eft  im- 
médiatement hors  de  fes  limites,  mais  pa- 
role fans  nom  dans  nôtre  Carte.  Remarquons 


encore  qu'on  y  lit  Tiru-vicb ,  pour  Tiru-vidi, 
ce  qui  eft  une  faute  des  Graveurs. 

(  /  )  Environ  fix  lieues  de  Cudelur  ,  les 
Milîîonnaires  Danois  nomment  la  Ville  de  Fit 
leijur ,  qui  eft  d'une  grandeur  extraordinaire, 
C'eft  peut-être  celle  qui  paroit,  dans  nôtre 
Carte ,  fous  lo  nom  de  Babur ,  au  Nord-Oueil, 
fur  cette  Rivière. 

(  »n  )  Ce  n'étoit  anciennement  qu'une  efpèct 
de  Métairie,  qu'on  nommoit  Wdllâri-collei; 
mais  les  Portugais  trouvant  ce  lieu  fort  com- 
mode ,  y  bâtirent  une  Loge ,  &  l'appellèrent 
Forto-Novo;  comme  les  Malabares  Farâiigi- 
Pôdtey.  c'eft-à-dire  Fillage  des  Francs,  ou 
Européens.  Le  nom  de  Mabmud-Render,  qui 
fignitie  Port  de  Mabmud, Ini  vient  d'un  grand 
Seigneur  du  Vifapour. 


fiée  de 

étoit  au 

les  dern 

Dan 

lieues  ai 

I,  qt 

&ntiquit( 

de  l'Art. 

.  milieu  d 

à  neuf  é 

fur  la  Cô 

telles  ch^ 

Ibule  pléi 

)ut  une 

>ées  de  i 

^,.  ux  Die 

lie  vifitei 

î^ouent  ( 

4Èe  Pagoc 

dépend  c 

txercer  li 

•   Cinq. 

•lus  fepte 

'dhami  (■ 

brd.     F 

fermé  par 

njle  (0 

lue  de  qu 

,  ■  me- Moi 

Was  du  m 
jQlldroit  c^ 
t^ut  au  tel 
Igraphie  ai 
"^^àé,  fup 

meux. 
Ville, 

Aune  d 

(«)  Auffi 
fumbrun.  Le 

Ufnuren ,  en  1 
I  (0)  Voye; 
Cicnnes  Relai 
^u  nom  du  I 

(P)  C'eft 
nelevas ,  ou  7 
tion-corromp 

COEilee 


ri   r 
.>4  i 

iens  nom. 
etite  Ville 
es  Hollan- 
eft  le  Fort 
r,  que  les 
de  la  Mer, 
au  degré, 
;  réparées, 
[iglois.  Ils 
)our  la  fom- 
(ans  comp.| 
abliffemens  f 
îrroir  y  eft 
Vier  fous  le 
je,  &  don' 
;mbouchurt 
i  Bourgs  & 
is  aes  Mif- 

ivre  la  Côte, 
;  Européens, 
m).  Elleell 
-dire  Rivièn 
les ,  &  envi- 
rOueft.à 
n  Bramine, 
moitié  des 
itils.    On  y 
quantité  de 
dès  Loges.' 
à  été  forti- 
fiée 

)our  rif«-tirfi, 
lurs. 

Cudelur  ,  les 
j  la  Ville  de  Pa- 
[extraordinaire, 
It,  dans  nôtre 
juNord-Ouell, 

:  qu'une  efpèce 
VSlldri-collci\ 
jlieu  fort  corn- 
l'appellèrent 
tares  Farànp- 
Francs,  ou 

:nt  d'un  grand 


I)E  COROMAH* 
OF.L. 

Pagode  ds 
SWdam-ba- 
ram. 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      129 

fiée  de  deux  Batteries  de  canons  en  1749.  Le  Commerce  de  cette  Place  Descbtption 
étoit  autrefois  aflez  confidérabJe  ;  mais  il  eft  entièrement  tombé  pendant  ne  tA  Côtb 
les  derniers  troubles ,  fur-tout  par  les  incurfions  des  Marattes. 

Dans  l'éloignement  à  l'égard  du  bord  de  la  Mer,  &  à  environ  trois 
lieues  au  Sud-Oueft  de  Porto-Novo,  eft  le  fameux  Pagode  de  Shidàm-ba- 
ram  y  qu'ordinairement  on  nomme  Chalanbron  Çn)  i  Temple  d'une  grande 
[antiquité ,  &  bâti  avec  magnificence.     En  un  mot,  c'eft  un  Chef-d'œuvre 
de  l'Art.     L'Edifice  eft  quarré,  &  tout  conftruit  de  pierres  de  taille.     Du 
milieu  de  fes  quatre  murailles  s'élèvent  autant  de  tours  parfaitement  égales, 
à  neuf  étages,  d'une  hauteur  prodigieufe,  &  qu'on  découvre  de  fort  loin 
fur  la  Côte.    L'intérieur  du  Pagode  eft.  compofé  de  vaftes  appartemens ,  de 
l^elles  chapelles ,  de  voûtes ,  de  galeries  ,    de  colonnes  &  de  poutres  d'une 
kule  pièce  de  roc,  de  cours,  d'étangs  &  de  fontaines.     On  y  voit  par* 
)ut  une  infinité  d'idoles,  fous  dififérentes  figures.    Les  colonnes  font  or- 
nées de  fculpture ,   &  les  pierres  chargées  d'infcriptions  à  la  louange  des 
lux  Dieux.  Les  Miftionnaires  Danois ,  qui  ont  eu  plufieurs  fois  la  curiofité 
Ae  vifiter  ce  Temple ,  nous  en  donnent  de  fçavantes  defcriptions  j  mais  ils 
ivouent  eux-mêmes,  qu'ils  n'ont  fait  qu'éfleurer  une  matière  fi  abondante. 
Ce  Pagode  fert  à  préfent  de  FortereflTe  aux  Maures.    Le  Gouverneur ,  qui 
dépend  du  Nabab  d'Arcatte  ,  laifFe  cependant  aux  Payens  la  liberté  d'y 
-Ixercer  leur  culte,  parcequ'il  en  retire  de  grands  avantages. 
rJh  Cinq,  lieues  au  deflbus  de  Porto-Novo,  on  vient  à  l'embouchure  de  la 
#>lus  feptentrionale  &  la  plus  confidérable  branche  du  Caveri,  nommée  Col- 
If^dhanif  Colh-ram^  on  Colorant  y  qui  termine  l'Etat  de  Tanjour  du  côté  du 
!<Jord.    Près  de  cette  embouchure ,  les  Anglois  occupent  un  Château  ren- 
fermé par  un  bras  de  Rivière ,  &  nommé  Tivucotteyt  c'eft-à-dire  Fortereffè     Tivu-cottey, 
fijle  (0).    La  Côte  n'oflPre  point  d'endroit  remarquable  dans  une  éten- 

lifie  Forte  de  la 

.    &  Caveri'pat' 

%m  (q),  Vïlle  fituée  trois  miles  plus  bas,  aufli  à  l'embouchure  d'un  autre 

l^ras  du  même  Fleuve,  nommé  Fudu- Caveri.    Cette  dernière  Ville  eft  un 

adroit  célèbre  parrni  les  Indiens,  qui  croyent  s'y  purifier  par  le  bain,  fur- 

tH^ut  au  tems  des  éclipfes.    M.  d'Anville,  qui  a  fait,  dans  l'ancienne  Géo- 

raphie  des  Indes ,  de  plus  grandes  découvertes  que  tous  ceux  qui  l'ont  pré- 

idé,  fuppofe  que  c'eft  la  Cbaberis  de  Ptolemée  (r).    Un  autre  endroit  fort 

meux,  mais  plus  éloigné  dans  les  Terres,  eft  Sbîarhi^  ou  Tfcbiali,  gran- 

e  Ville,  où  il  y  a  plus  de  foixante  Pagodes.    On  en  a  parle  ailleurs  (s). 

A  une  demie  journée  de  Caveri-patnam ,  fe  voit  Tirangher.i-badi  (  t  ) ,  que 

les 


Fleuve  Co- 
loram. 


Tiru-malci- 
vâfel. 

Caveri-pat- 
nam. 


Shiarhi. 


Tranqucbar, 


(n)  Auffi  Silam-baram ,  Sbelmerm  &  Cbi- 
\umbrun.  Le  Temple  eft  dédié  à  EJivara ,  ou 
Jfburen ,  en  l'honneur  à'Akajem ,  ou  de  l'Air. 

(0)  Voyez  ci-dcfliis,  pag.  go.  _  Les  an- 
licnnes  Relations  appellent  ce  lieu  Colderon , 
lu  nom  du  Fleuve. 

(p)  C'eft  le  même  que  Triminivas,  Tri- 
Mlevas ,  ou  Trinilivaas ,  fuivant  la  prononcia- 
lon  corrompue  des  Européens.  ' 

(  î  )  Elle  eft  nommée  dans  les  Cartes  Lan- 

Xir,  Part. 


apparemment  par  er- 


re,  ou  Lowre-patnam, 
•  zur  pour  Kowri. 

(rj  Les  François  y  ont  eu  autrefois  une 
Loge.  Voyez  ci-dertui,  pag.is.  LeP.Bou- 
chet  dit  qu'ils  y  étoient  encore  en  1719. 

(  s  )  Ci-dcHus ,  pag.  4  On  nommoit  an- 
ciennement ce  lieu  l(s  quatre  Pagodes, 

(t)  Suivant  le  Père  Bouchet ,  Tarangan- 
bouri,  qui  fignifie  Hlle  des  On.ies  d-:  la  Mer. 
Les  MiffioQjiPircs  Danois  écrivent  l'aragen- 
R  itiiSibj, 


130 


DESC  R  rPTIO  N    D  E   L  A 


DESCttlPTTOK 

DE  LA  CÔTE 

DB  COROliAN" 

SSk. 


:'n 


.f;: 


les  Européens  nomment  par  corruption  Tranquebar,  Trangobar  &  Trankenu 
baft  au-delsi  de  Tonzième  degré  de  Latitude  (v).  Cette  Ville  appartient 
aux  Danois.  Avant  leur  arrivée,  en  1620,  ce  n'étoit  qu'un  petit  Bourg, 
que  l'Amiral  Gule  de  Gede  acheta  du  Naï^  de  Taojour,  pour  le  Roi  de  Ûan- 
nemarc.  L'année  fuivante  il  y  fit  conllruire  le  Château  de  Danf bourg  (a,], 
dont  la  forme  efl  quadrangulaire.  Son  afpeéi:  eft  fort  agréable  du  côté  de  la 
Mer,  qui  efl;  celui  de  l'Orient.  On  en  donne  ici  les  quatre  Vue*;  &  le  Plan 
de  cette  Fortereffe ,  diftinftement  gravé  avec  celui  de  la  Ville,  nous  épargne 
une  defcription  qui  najoûteroit  rien  aux  explications  des  renvois.  LaConi. 
pagnie  devenant  tous  les  jours  plus  floriflantc,  un  Gouverneur  Danois,  nom- 
mé  Magnus ,  fit  environner  la  Ville  de  murailles  &  de  remparts.  Mais 
dans  la  fuite  plufieurs  riches  Marchands  en  fortirent  pour  aller  s'établir  ail- 
leurs 3  ce  qui  diminua  le  nombre  des  Habitans.  La  crainte  d'être  enfeve- 
lis  dans  les  vagues  ,  en  détermina  d'autres  à  fe  retirer  à  la  Campa- 
gne. Tranquebar  n'étant  aujourd'hui  éloigné  de  la  Mer  que  d'un  peii 
quart  de  lieue,  fe  trouve  ^rt  expofé  aux  inondations.  Les  terres  font 
bafles  &  entrecoupées  de  Rivières.  Malgré  ce«  inconveniens  »  la  Ville  ne 
laifle  pas  d'être  allez  peuplée,  &  de  renfermer  dans  fon  enceinte  environ 
quinze  miUe Habitans ,  prefque  tous  étrangers,.  &  que  le  Commerce  y 2 
attirés.  Le  plus  grand  nombre  eft  compofé  d'Européens ,  &  le  rede  en 
partie  deMalabares,  ^  en  partie  de  Mahométaos.  Ceux-ci  y  ont  m 
Mofquée,  &  les  Malabares^  fept  Pagodes.  Il  y  a  une  Eglife  pour  les  Catho' 
liques  Romains  ;  une  poux  les  Danois ,  &,  deux  qui  font  aux  MilUonnairej 
Luthériens^     , 

Outre  les  Fauxbourgs  de  Tranquebar ,  la  Ville  ?  un  reflbrt  d'une  ving" 
taine  de  Villages.  On  peut  le  voir  dans  la  Carte  de  ce  Diftrift,  qui  poui 
être  bien  particulière ,  n'en  eft  pas  moins  efliimable  par  fon  exaâitude;  é 
ilferoità  fouhaiter  que  toutes  les  Colonies  Européennes  s'appliquafient  à  nom 
en  donner  de  paieilles  de  leurs  ËcabJiiTemeas  aux  Indes.  Les  deux  lieui 
le?  plus  notabjes  du  Diftrift  de  Tranquebar ,  fonc  Forrejar ,  ou  Porrejan 
Bourg  fort  peuplé,  &  donc  les  Habitans  font  prefqu'en  auflî  grand  nom 
bre  qu'à  Tranquebar  même,  qui  n'en  efl  éloigné  que  d'une  lieue  &  de 
mie.  Ttlhjaliy  autre  Bourg  des  plus  confidérables ,.  ûtué  k  l'Occident,  ap 
partient  aulTi  à  la  Compagnie. 

La  Ville  de  Tranquebar  eft  fous  les  ordres  d^un  Gouverneur  Danoii 
Elle  a  un  Confeil  de  Régence,  auquel  il  préfide.  La  garde  de  la  Ville  ei 
compofée  de  la  Milice  du  Pays,  dont  une  partie  efl:  habillée  à  la  maniés 
des  Malabares ,  &  l'autre  à  la  Portugaife.  Ces  derniers ,  qui  font  de  ver: 
tables  Soldats,  font  tous  Chrétiens.  Outre  cette  Milice,  le  Ramanaike  à 
Porrejar,  qui  exerce  l'emploi  de  Garde-frontière  furies  terres  de  la  Coni 
pagnie,  efl:  tenu  d'en  défendre  l'entrée  aux  Vagabonds,  d'arrêter  lesE.^ 
daves  fugitifs ,  &  généralement  d'empêcher  le  defordre. 

Le;  Commerce  n'efl:  pas  ce  qui  rend  Tranquebar  plus  recommandabi 


.,»«« 


wâdbi,  Tdjangtnbâdbi ,  &  Tadhangamhâdbi  ; 
mais  plus  communément  TarangenMdbi. 

(«)  M.  d'Anviilç  la  met  autant  en  deçà , 
^^les  &ua«»  Géographes  au-delà, , 


Uij 

(  X  )  Les  Habitans  du  Pays  ne  rappelloieii 

autrefois  que  le  Château  du  feu,  ou  du  t» 

'nerre ,  à  caufe  du  bruit  de  canon  dont  ils  ^  | 

loient  effrayés. 


Si* 


'  &  Trankeni' 
le  appartient 
petit  Bourg, 
Roi  de  Dan- 
tn/bourg  (a;), 
du  côté  de  la 
e$;&  le  Plan! 
nous  épargne 
ois.  La  Coni' 
Danois,  nom- 
parts.  Mai! 
r  s'établir  ail- 
l'être  enfeve- 
i  U  Campa- 
ue  d'un  pei\ 
s  terres  font 
8  »  la  Ville  ne 
îinte  environ 
ammerce  y  2 
St.  le  refte  en 
ci  y  ont  wt 
»ur  les  Catho- 
MiHionnaires 

t  d'one  ving 
£lf  qui  poui 
taétitudë;  d 
jaiTent  à  noiD 
is  deux  lieui 
ou  Porrejari 
[grand  nom 
:  lieue  &  è 
)ccideQt,  ap 

neuf  Danoiif 
le  la  Ville  eii 
à  la  manièiii 
font  de  véri- 
Ramanaike  dil 
s  de  la  Coni'l 
rrêter  lesEf 


f.,   ?. 


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ommandablej 

ne  l'appelloiett 
■eu,  ou  rftt  '» 
mon  dpnt  ils  ^ 


Pag.  130 

EXPLICATION 

Des  Renvois  du  Plan  de  la  Ville  de  Tranq^uebar,  6c  du  Fort 

Danois  de  Dansbourg. 

A.  Fort  Dansbourg.  à.  Eglifedes  Catholiques  Romains, 

B.  Bailion  du  Roi.  &  Logement  du  Père  Vicaire. 

C.  -  -  -  -  de  la  Reine.  ^  Mofquée  des  Mahomctans. 

D.  -  -  -  -  du  Prince  Chriftian.  /.  Sept  Pagodes  des  Malabares. 

E.  -  -  -  -  du  Prince  Frédéric.  g.  Maifon  des  Prédicateurs  Danois. 

F.  Porte  de  la  Citadelle.  h.  Maifon  &  Ecole  des  Miflionnai- 

G.  Porte  de  derrière.  res.  i  •'    :'.  •       "         - 
H.  Le  Magafin  à  poudre.                     î.  Ecole  Danoife  &  Maifon  desOr- 
I.    L'Arfenal.  phelins. 

K.  Baftion  du  Prince  George.  r'H^*!:    *.  L'Hôpital.  ^r;.  LV  „ 

L.  -  -  -  -  Guldenlôw.  r."}^-     '•  Cimetière  Danois.     -^'!ii  [>i?^^ 

M.  -  -  -  -  Dannemarc.         /     ""  ^     w;.  Maifon  de  Ville. 

N.  -  -  -  -  Norwegue.  '    .    «.  Maifon  du  Gouverneur  dans  la 

O. Holfteïn.  Ville.  >  .-vii;^-;*:     kJ.^ - 

P.   -  -  -  -  Lolland.  ^    />      ;.      0.  Premier  Fort  bâti  par  les  Danois, 

Q.  -  -  -  -  Seeland.  /i  :.  ■  u.-  nommé  k  pré  fent  jardin  de  r^mî- 

R.  -  -  -  -  Prince  Charle».      .  .,  , .  rai  y  où  efl  lu  Poudrerie. 

S.   Redoute  Delmenhorft.  p.  Magafins.  .    '1^'% 

T.- -Oldenbourg.  q.  La  Forge. 

U.  Ravelin.  ^    ,,   km^  "^  ■^'-  ^ogemens  pour  les  Ouvriers  du 

V.  Porte  de  la  Campagne.  .;.:v  t,::     "  Holm.  -v-^j  ;  f-it^i;^     -^  , 

W. du  Feu,  J.:i  'f>,'    s.  Digue ,  ou  Levée  de  terre.  ' 

X.  Petite  Porte  des  Pêcheurs»     ^!^-     t.  Le  Bazar ,  ou  Marché. 

Y, du  Pagode.  ^       u.  La  Poiflbnnerie, 

Z.  Divers  Corps-de-Garde.  v.  La  Corderie. 

a.  Eglife  Danoife  de  Sion.  w.  Etang. 

b.  Eglife  des  Miffions ,  la  Nouvelle    x.  La  Rivière. 

Jerufalem.        y.  Rue  du  Roi. 

c. la  Vieille  Je-    ».  Rue  de  la  Reine. 

rufalem. 


I3C 


I 


.r^.ScMlU      JUV.! 


Ville  de  Tranquebar,  et  fort 

Danois  de  DaNSBOURG  . 


De 
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Fort 


De    Stad    TRANKENBAR,  en 
tDeensche  Kasteel   DANSBURG. 


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fag.  130 


EXPLICATION 


Des  Renvois  de  la  Carte  du  Diflriâ  de  Tranq.ueb>r. 

A.  Pareitfchêri ,  ou  Village  de  Parreias ,  ordinairement  féparés  des  autres 
Malabares.  '  ^:- 

B.  Petits  Fauxbourgs  de  Wolipaleiam. 

C.  Jardins ,  la  plupart  aux  Européens. 

D.  Etang ,  au  milieu  duquel  la  Compagnie  a  fait  bâtir  une  Maifon.  A  cô- 
té l'on  voit  de  grands  Chars  d'Idoles ,  qui  appartiennent  au  Pagode, 
fous  les  marques  A  A  A. 

E.  Jardin  de  la  Compagnie. 

F.  Fours  à  briques. 

G.  Fours  à  chaux. 

H.  Lieu  où  les  Payens  brûlent  leurs  Morts. 

I.    Sources  d'eau  douce. 

K.  Eglifes  pour  les  Parreias  Catholiques  Romains'. 

L.  Sauneries ,  où  il  fe  fait  beauLuup  de  fel. 

M.  Mofquée  des  Mahométans. 

N.  Maifon  de  la  Miffion  à  Borreiar. 

O.  Jardin ,  Maifon  &  Cimetière  de  la  Miflion  à  Borreiar, 

P.  Cimetière  de  la  Miflion  hors  de  la  Ville. 

Q.  Douane  de  Borreiar. 

Nota.  Depuis  qu'on  a  drelTé  cette  Carte,  le  Roi  de  Tanjoura  cédé ,  à 
la  Compagnie,  les  Villages  de  Mânikka-pongel ^  Peria-Mânikka-pon- 
gely  &.  Aneicowil,  au  Nord,  qui  doivent  encore  entrer  dans  fes 
limites. 


fon.    A  cô- 
au  Pagode, 


a  cédé ,  à 

Mnikka-pon- 
er  dans  fes 


ùjiticatr.on  des  ^ ^in ...■;::'.'•'■- ? 

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taifwoote  »  klyne  Pa^oden 

n     s  Jîfcïlriftlyke  Kerken, 

^Œmuït-HuT-en. 

'€clu/ii  aux  Hirterfs  et 
_--,    SCa/iMix , 
™  Ssiuyzen   aan  de 

'■RWieren  en  Grachten. 


9    Sta/io.  "Vy  ver  . 

/Jarhti.Btt^pms  fjpineux 
^w  .        \à  lonmtts  Jèiui/ts, 
n  '^  *"  *■  )  Tarfiei,  dooma^^  He«ft«i| 
(  ^Hms  met  iai>^  Uaadei») 

iZi'tu  oit  l'on  pa/Ie  us  Ht 
yiiTe,f   û  aut , 
IVaadbau'e  plaatg  in  de 
■Rivieren. 

I     "t.    Cocotitr,     Coku»-Boom. 
4L-  ?afmitr,    Talm-Boqjn. 
â.   ^rvoT-t  df-raii. 
.^ffe/«rt  dt  inilU  Pas  cotmmms. 

Vont  van  du^rent  jj^ocrae  Sclnreclen^      /  : 

\Chemin  mu  ment  à .yfCadatri^adtnmi     ï-W^tSi  44 
'vâr'S!t}rêiÂâ^  et  "i^^âir     ^ 


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fîquebar 
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Bourg 
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t>itans, 
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ïituées 
Carte. 
Apr 
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Comptoir 
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Dkscrwtioîî 
oblaCôtr 

ÙK  COROMARo 
DRL. 

Minîon 

EvariRclique, 
&  fes  prog;cs. 

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PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.     tgt 

Un  avantage  particulier,  dont  cette  Ville  peut  fe  glorifier,  c'eft  d'avoir 
vu  s'établir ,  dans  fon  fein,  une  Miflîon  Evangelique,  qui  par  les  foins  & 
la  libéralité  de  'Frédéric  IK ,  Roi  de  Dannemarc ,  a  fait  des  progrès  d'au- 
tant plus  étonnans  &  plus  admirables ,  que  fes  commencemens  ont  été  foi- 
bles.  Ziegenbalg  &  Plutfchau  furent  les  premiers  Ouvriers  oui  jettèrent, 
«n  1706,  les  fondemens  d'une  fi  fainte  efltreptife.  „  Ces  Miffionn^ires, 
„  dit  M.  Franche  i  prêchèrent  l'Evangile  aux  Payens,  avec  un  zèle  ^ui  n'a- 
„  voit  point  encore  eu  d'exemple  dans  les  Indes ,  &  leurs  prédications 
„  eurent  un  fuccès  très  -  heureux.  Le  nombre  d'Indiens  Qu'ils  converti- 
j,  rent ,  les  Eglifes  qu'ils  fondèrent  en  divers  lieux  ,  la  traduftion  de  l'E- 
„  criture  iSainte  en  plufieurs  Langues  ,  la  façon  dont  ils  s'y  prirent, 
,,  pour  répandre  de  côté  &  d'autre  la  Doftrine  de  l'Evangile ,  1  établif: 
,  fementdes  Ecoles  pour  l'éducation  de  la  Jeunefle,  la  manière  de  pré- 
,  parer  &  d'inftruire  ceux  des  Néophites ,  qui  avoient  le  plus  de  ta- 
,  lens ,  à  être  les  uns  Régens  d'Ecole  &  les  autres  Doreurs  de  l'Eglife  ; 
„  enfin,  les  fruits  qu'ils  ont  retiré  de  leurs  travaux,  en  faveur  du  Chrif- 
,î,  tianifme,  font  autant  d'événemens  qui  doivent  intérefler  les  Chrétiens  ". 
Xi'Hiftoire  Ecclefiaftique  n'étant  pas  celle  des  Voyages ,  on  fe  borne  à  cet- 
|e  idée  générale  que  nous  donne  l'Editeur  des  pieufes  &  fçavantes  Relations 
èes  Millionnaires  Luthériens  établis  à  Tranquebar,  Madras  &  Cudelur  (y). 
Nous  y  ajouterons  feulement,  qu'à  la  fin  de  l'année  1753,  ceux  de  Tran- 
quebar comptoient,  depuis  le  commencement  de  la  Million  ,  neuf  mille 
huit  cens  vingt-cinq ,  ceux  de  Madras ,  mille  cent  trente  -  trois ,  &  ceux 
de  Cudelur,  lept  cens  foixante-huit  Perfonnes,  qui  avoient  embrafl^é  la  Re- 
ligion Chrétienne. 

L'Etablissement  François  de  Karical^  ou  Karekaîy  qui  fuit  Tranque- 
bar, deux  lieues  au  Sud;  fa  Forterefl'e ,  nommée  Karcangery  (2),  &  le 
'Bourg  dé  Tirumak-rayen-patnam  (a) ,  font  fuffifamment  connus  par  les  Rela^ 
tiens  précédentes  (  é}.  Près  de  ce  dernier  Bourg,  qui  peut  paflTer  pour 
une  Ville  afl*ez  conlidérable,  on  trouve  Naou;',  onNagur^  autre  Ville  mari- 
time, où  les  Mahométans,  qui  compofent  plus  des  trois  quarts  de  fes  Ha- 
t>itans ,  ont  une  belle  Mofquée  ,  avec  quatre  tours ,  dans  laquelle  ils  célè- 
brent une  grande  fête  à  l'honneur  de  leur  Prophète.  Ces  trois  Places  font  * 
:  Situées  fur  autant  de  bras  du  Caveri ,  dont  les  noms  fe  voyent  dans  la 
Carte. 

Après  l'embouchure  deNaour,  vient  celle  de  Negapatnam  (r),  Port    Negapatnam. 
de  Mer  à  quatre  lieues  de  Karical.     Cette  Ville  exifl:oit  à  l'arrivée  des  Por- 
tugais fur  la  Côte  de  Coromandel,  &  ils  s'y  étoient  fortifiés  ,  lorfque  les 
i  Hollandois  l'enlevèrent  en   1658.     C'eft  à  préfent  leur  principal  Comp- 
toir (^),  &  en  méme-tems  un  des  plus  conlidérables  Etabjiflemens  de  la 


Knrical , 
Karcangery, 
&  Tiruniale- 
raycn-patnam. 

Naour. 


(y)  Voyez  VHiJloire  de  la  MiJJitn  Danoi- 
Je,  &c.  à  Genève,  1745. 

(  2  X  Ou  Karbuklâtjêris ,  vulgairement  Cal- 
calacbéris.  Les  Hollandois  y  ont  eu  autre- 
fois une  Loge ,  avant  que  leur  principal 
Comptoir  fut  établi  à  Negapatnam. 

(a)  Vulgairement  Irumananpatnam. 


Côte. 

(b)  Voyez  ci-defTus ,  pag.  26  &  27. 

(c)  Ou  N'igapatiwm ;  c'cdidire Hlle aux 
ferpens.  A  dix  degrés  trente-cinq  minutes  de 
Latitude. 

( d)  C'étoit  auparavant  Palliacate.  Ils  en 
transfcrèient  ici  leur  Gouvemement'en  1690, 

R  2 


131 


t        DESCRIPTION     DE     LA 


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Deicri'tiom 

ue  la  côte 

dkCoroman- 

oxu 


Cap  Calla- 
nicdu. 

Golfe  de 
Toudi. 


Pont  mer- 
veilleux qu'on 
voit  à  Ou- 
tlar. 


Font  d'Adam,    »» 


Côte.  On  y  a  bâti  une  bonne  FortcrclTe ,  dont  les  cinq  angles  portent  Ict 
noms  des  cinq  fens.  Les  rues  de  Negapatnam  font  larges ,  les  maifons  af- 
fez  grandes,  quoique  vieilles ,  &  l'on  y  voit  plufieurs  bellos  Eglifes.  Les 
environs  font  remplis  de  Pagodes ,  quelques  -  uns  richement  ornés ,  mais 
fans  goût;  d'autrev  obfcurs ,  fales,  mal -bâtis  &  fcmblables  à  des*  fours  à 
briques.  La  Compagnie  Hollandoife  compte  ,  dans  fonDi(lri6l,  douze  à 
treize  Villages. 

A  fept  lieues  plus  que  moins  (e)  au  Sud  de  Negapatnam,  fe  préfente  le 
Cap  Calla-medu^  Caillamere,  ou  Ca:\lhvnera  (/),  où  finit  proprement  la  Cô- 
te  de  Coromandel ,  dans  la  Partie  Méridionale.  Elle  prend  ici  un  nouveau 
rhiimb  de  vent,&  va  d'abord  droit  à  l'Oueft;  cnfuite  elle  fe  détourne  peu 
à  peu  vers  le  Sud  jufqu'au  Cap  de  Comorin.  Le  premier  enfoncement 
iju'elle  forme  fe  nomme  Golfe /le  Tmli  (g)^  6c  le  fécond  Côte  de  la  Pêche- 
rie. Dans  cette  étendue  l'on  ne  trouve  que  deux  endroits  un  peu  ccmfidé' 
rabics;  Outiar  &  Tutuc  >rin. 

„  On  voit  à  Outiar,  dit  le  Père  Bouchet,  une  des  chofes  les  plus  mer- 
„  veilleufes  qui  foyent  peut-é:re  clans  le  relie  du  Monde:  c'eft  un  Pont  qui 
„  a  environ  un  quart  de  lieue»  &  qui  joint  à  la  terre  ferme  l'ifle  de  Rama- 
nancor(A).  Ce  Pont  n'efl  pas  compofé  d'arcades  comme  les  autres: 
ce  font  des  rochers,  ou  de  grolfes  pierres,  qui  s'élèvent  deux  ou  trois  pieds 
„  au-deifus  de  la  furface  de  la  Mer ,  qui  efl:  fort  baffe  en  cet  endroit.  Ces 
„  pierres  ne  font  pas  unies  les  unes  aux  autres,,  mais  elles  font  féparées 
„  pour  donner  la  liberté  à  l'eau  de  couler.  Les  pierres  font  énormes  à 
„  l'endroit  des  courans.  11  y  en  a  qui  ont  jufqu'à  dix-huit  pieds  de  diamè- 
tre &  davantage.  On  voit  des  endroits  où  ces  pierres  font  féparées 
par  des  intervalles  de  trois  pieds  jufqu'à  dix;  &  aux  lieux  où  les  Barques 
paflent ,  la  largeur  efl  encore  plus  grande.  Il  n'efl  pas  aifé  d'imaginer 
que  ce  Pont  foit  l'ouvrage  de  l'Art  ;  car  on  ne  voit  pas  d'où  l'on  auroit 
pu  tirer  ces  raaffes  énormes ,  &  encore  moins  comment  on  auroit  pu  les 
y  tranfporter  :  Mais  C\  c'eft  un  ouvrage  de  la  Nature ,  il  faut  avouer  que 
c'efl  un  des  plus  furprenans  qu'on  ait  jamais  vu.  Les  Idolâtres  difent 
que  ce  Pont  fut  fabriqué  par  les  Dieux  (i) ,  quand  ils  allèrent  attaquer  la 
Capitale  de  fille  de  Ceylan.  Le  Prince  de  Marava  avoit  coutume  de  fe 
retirer  dans  l'ifle  de  Ramanancor ,  lorfqu'il  étoit  pourfuivi  par  les  P^ois 
de  Maduré  :  il  faifoit  mettre  de  grolfes  poutres  fur  ces  rochers ,  qui  font 
comme  autant  de  platte-formes ,  &  il  y  faifoit  paffer  fes  Eléphans ,  fon 
Artillerie  &  fon  Armée".  De  Ramanancor,  une  chaîne  d'autres  rochers 
&.  de  bancs  de  iàble  s'étend  jufqu'à  l'ifle  de  Manaar,  fur  la  Côte  Occiden- 
tale 


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(e)  Suivant  M.  d'Anville.     Le  P.  Bou- 
chet met  environ  dix  lieues, 

(/^  Son  véritable  nom  t^.CalH-midu', 
c'elt-a-dire  Promontoire  de  Calli ,  efpèce  de 
tithymale ,  qui  croit  dans  fes  environs.  On 
voit  près  de-Ià  un  grand  Pagode ,  qu'on  nom- 
me le  Pagode  des  Canarins.  M.  d'Anville, 
£our  faire  trouver  ce  Cap  dans  Ptolemée  & 
léla,  dérive  les  noms  de  Cory  &  CqHs  du 


terme  Indien  Kotl ,  qui  fîgnifie  Temple. 
(^)  Il  y  a  une  petite  Place  de  ce  nom, 

3ui  fournit  beaucoup  de  bétail  aux  Hollan- 
ois  de  Jaffanapatnam. 
(é)  Voyez  la  Defcription  de  cette  Ifle, 
&  celle  du  Marava ,  ci-aeflus ,   pag.  8. 

(i)  Ou  plutôt  les  finges,  fuivant  d'attUïS 
récits  de  la  mcuic  fable*.         ,  . , 


talc  de 
Mer, 
cet  endi 
puiffent 
Tut 
chérie,  ■ 
nutes  de 
[ge  de  R 
lîic  Ville 
Jlevés  ai 
[les  Holla 
iCencils 
)ord  de 
|erre,  to 
Jourgadc 
Les  r 
nis  n'v 
ila  CÔD 
tince  de 
Ms -tribu 
rince  de 
pns  magr 
srances. 
tablir  à-f 
Slommerci 
;nt  avec 
^enfe  prc 
îlle  des  } 
îux  avec 
|>nt  fi  jalo 

f"t  en  ve 
envoyé 
félon  1 
que  l'y 
raordinaii 
li  les  euf] 
leroient  ( 
)ligé  de  f 
||e  fes  enn( 
iï  La  Pécl 
fère.     Eli 
lue  Habita 
lèche,  aut 


(*)  Voye: 

(0  ■■ 


Ils  s'ei 


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•rtent  Ict 
ùfons  af" 
es.     Les 

es,  mais 

I*  fours  à 

douze  à 

réfente  le 
mi  la  Cô- 

nouveau 
lurne  peu 
încement 

la  Pêche' 
1  confidé' 

plus  mer* 
1  Pont  qui 
de  Rama- 
is  autres: 
[rois  pieds 
Iroit.   Ces 
t  réparées 
înormes  à 
de  diamé- 
t  réparées 
ps  Barques 
imaginer 
Ion  auroit 
oit  pu  les 
,vouer  que 
;res  difent 
ittaquer  la 
me  de  fe 
les  B.ois 
qui  font 
ans ,   fon 
;s  rochers 
Occiden- 
tale 

rempîe. 
le  ce  nom, 
lux  Hollan- 

cette  Ifle, 

iïA  d'autres 


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PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      133 

talc  de  Ceylan;  &c'efl:  ce  qu'on  nomme  le  Pont  d'.-hlam  (/■).  Comme  la 
Mer,  dans  fa  plus  grande  hauteur,  n'a  que  quatre  à  cinq  pieds  d'eau  en 
cet  endroit,  il  n'y  a  que  des  Chaloupes,  ou  des  Bâtimcns  du  Pays,  qui 
puiffent  palTer  entre  les  intervalles  de  ces  rochers. 

TuTUcuRiN,  quieftlc  lieu  le  plus  confulcrable  de  la  Côte  de  la  Pê- 
cherie, a  été  obfervé,  par  le  Père  iV«^/ ,  à  huit  degrés,  cinquante-deux  mi- 
nutes de  Latitude.    Sa  fituation  efl  prefque  à  une  égale  dillance  du  PaflTa- 
Îre  de  Ramanancor  &  du  Cap  de  Comorin.     Cette  Place  paroît  une  fort  jo- 
ie Ville  à  ceux  qui  y  arrivent  par  Mer.     On  voit  divers  Bâtimens  alfez 
lélevés  dans  les  deux  Ifîes  qui  couvrent  fa  Rade ,  une  petite  Forterefle  que 
les  Hollandois  ont  conftruite  (/),  pour  le  mettre  à  l'abri  des  infultes  des 
encils  qui  viennent  des  terres ,   &  plufieurs  grands  Magafins  bâtis  fur  le 
>rd  de  feau ,  qui  font  un  aflez  bel  afpeft.     Mais  dès  qu'on  a  mis  pied  à 
erre ,  toute  cette  beauté  difparoit  ;   &  l'on  ne  trouve  plus  qu'une  groflc 
ourgade  ouverte,  prefque  toute  bâtie  de  Palhotes. 
Les  Hollandois  tirent  de  Tutucurin  des  revenus- confidérables ,   quoi- 
'ils  n'y  foyent  pas  abfolument  les  maîtres.  On  a  déjà  remarqué ,  que  tou- 
la  Côte  de  la  Pêcherie  appartient  au  Roi  de  Maduré  ,  &  en  partie  au 
nce  de  Marava ,  qui  a  fecoué  le  joug  de  Maduré  ,  dont  il  étoit  autre- 
is-tribucaire.     Les  Hollandois  ont  fouvent  voulu  s'accommoder  avec  le 
ince  de  Marava,  de  fes  droits  fur  la  Côte ,  mais  inutilement;  &  les  pré- 
ns  magnifiques  qu'ils  lui  ont  fait,  n'ont  produit  jufqu'ici  que  de  belles  ef- 
^rances.     Cependant ,  fans  être  maîtres  du  Pays ,  ils  n'ont  pas  laifPé  de  s'y 
ablir  à-peu-près  comme  s'ils  l'étoient  (w).     Pour  ce  qui  regarde  leur 
ommerce ,  outre  les  toiles  qu'on  leur  apporte  du  Maduré ,  &  qu'ils  échan- 
fdient  avec  le  cuir  du  Japon  &  les  épiceries  des  Moluques,  ils  tirent  un  im- 
enfe  profit  de  deux  fortes  de  Pêches ,  qui  fe  font  ici  ;  celle  des  Perles  & 
lie  des  Xanxus  (n).    Les  Xanxus  font  de  gros  coquillages ,   femblables  à 
ux  avec  lefquels  on  a  coutume  de  peindre  les  Tritons.     Les  Hollandois 
nt  il  jaloux  de  ce  Commerce,  qu'il  iroit  de  la  vie  pour  un  Indien ,  qui  ofe- 
l^t  en  vendre  à  d'autres  qu'à  la  Compagnie.     Elle  les  achète  à  vil  prix,  & 
]0B  envoyé  au  Bengale,  où  ils  fe  vendent  fort  cher.     On  fjie  ces  coquilla- 
gis  félon  leur  largeur,  pour  en  faire  des  braflelets  ,  qui  ont  autant  de  Uif- 
l^que  l'y  voire.     Ceux  qu'on  pêche  fur  cette  Côte,  dans  une  quantité  ex- 
'aordinaire,  ont  tous  leurs  volutes  de  droite  à  gauche.    S'il  s'en  trouvoit 
i  les  euflent  de  gauche  à  droite,  ce  feroit  un  trefor  que  les  Gentils  efti- 
eroient  des  millions  ;  parcequ'ils  s'imaginent  qu'un  de  leurs  Dieux  fut 
irt>ligé  de  fe  cacher  dans  un  Xanxus  de  cette  efpèce,  pour  éviter  la  fiireur 
1^  fes  ennemis. 

4  La  Pèche  des  Perles  enrichit  la  Compagnie  de  Hollande  d'une  autre  ma- 
li^ère.  Elle  ne  fait  pas  pécher  pour  fon  compte;  mais  elle  permet  à  cha- 
jue  Habitant  du  Pays ,  Chrétiens,  Gentils,  ou  Mahométans,  d'avoir,  pour  la 
^éche,  autant  de  bateaux  que  bon  iuifemble;  &  chaque  bateau  lui  paye 

foixan- 

(k)  Voyez  le  Tome  XI.  pag.  171.  (m)  Ils  ont  un  Traité  avec  ce  Prince, 

I  (i)  Us  s'en  rendirent  maîtres  en  1658.         qu'ils  nomment  le  Teuver. 
*  (n)  Baldasus écrit  CbvikQs, 

R3  . 


description 
deCoroman- 

DBL. 

Cote  do  la 
Pêcherie. 
Tutucurin. 


Commerce 
des  Hollan- 
dois. 


Pécbc  des 
Xanxus. 


Poche  des 
Perks. 


134 


DESCRIPTION    DE    LA 


Drscripttoi» 

delaCAtr 

deCoroman- 

UCL. 


3    I 


foixante  ëcus,  &  Quelquefois  davantage  (o).    Ce  droit  fait  une  fomniî 
confidérable  ;  car  il  le  prdfcnte  fouvent  julqu'à  fix  ou  fept  cens  bateaux,  oj 


arrivoit  fouvent,  que  la  faifon,  ou  le  lieu  marqué  ,  n'étoit  pas  favorable, & 
que  les  huîtres  manquoitnt ,  ce  qui  caufoit  un  préjudice  notable  après  lei 
grandes  avances  qu'il  avoit  fallu  faire,  on  a  changé  de  méthode,  &  vers  le 
commencement  de  l'année,  la  Compagnie  envoyé  dix  ou  douze  bateaux  au 
lieu  où  l'on  a  dcflein  de  pécher.     Ces  bateaux  le  féparcnt  en  divcrfes  Ra. 
des,  &  les  Plongeurs  pèchent  chacun  quelques  milliers  d'huitres,  qu'ils  ap. 
portent  fur  le  rivage.     On  ouvre  chaque  millier  à  part,  &  on  met  auflii 
part  les  Perles  qu'on  en  tire:  Si  le  prix  qui  fe  trouve  dans  un  millier  motitt 
a  un  écu  ou  au-delà,  c'eft  une  marque  que  la  pêche  fera  en  ce  lieu-là  trèi. 
riche  &  très-abondante;  mais  fi  ce  qu'on  peut  tirer  d'un  millier  n'alloit  cjy; 
trente  fols,  comme  le  profit  ne  palferoit  pas  les  fraix  qu'on  feroit  obligé  c, 
fiiire ,  il  n'y  auroit  point  de  pêche  cette  année-là.     Lorfquc  l'épreuve  rcu 
fit,  &  qu'on  a  publié  qu'il  y  aura  pèche,  il  fe  rend  de  toutes  parts  fur  : 
Côte,  au  tems  marqué, une  afîîuence  extraordinaire  de  peuple <&  de  bâteaui 
qui  apportent  toute  forte  de  marchandifes.     Les  Commiflaires  Hollande: 
viennent  de  Colombo  de  l'Hle  de  Ceylan,  pour  préfider  à  la  pèche.    L 
jour  qu'elle  doit  commencer ,  l'ouverture  s'en  fait  de  grand  matin  par  i: 
coup  de  canon.     Dans  ce  moment  tous  les  bateaux  partent  &  s'avancec; 
dans  la  Mer,  précédés  de  deux  groffes  Chaloupes  Hollandoifes  ,  qui  mou^ 
lent  l'une  à  droite  &  l'autre  à  gauche,  pour  marquer  les  limites  du  lieue, 
la  pêche,  &  aufiî-tôt  les  Plongeurs  de  chaque  bateau  fe  jettent  à  la  hautec 
de  trois ,  quatre  &i.  cinq  brafles.     Un  bateau  a  plufieurs  Plongeurs  qui  voe 
à  l'eau  tour  à  toiu':  Auflî-tôt  que  l'un  revient  l'autre  s'enfonce.     Ils  font  ai 
taches  à  une  corde,  dont  le  bout  tient  à  la  vergue  du  petit  bâtiment,  <S:q 
eil  tellement  difpofée ,  que  les  Matelots  du  bateau ,  par  le  moyen  d'une  po 
lie,  la  peuvent  aifément  lâcher  ou  tirer,  félon  le  befoin  quon  en  a.  Cei. 
qui  plonge  a  une  grofle  pierre  attachée  au  pied,  afin  d'enfoncer  plus  vîîi 
&  une  elpèce  de  fac  à  fa  ceinture  pour  mettre  les  huîtres  qu'il  pêche.    Di 
qu'il  eft  au  fond  de  la  Mer,  il  ramafle  promptement  ce  qu'il  trouve  fouj: 
main ,  àc  !e  met  dans  fon  fac.     Qumd  il  trouve  plus  d'huîtres  qu'il  n; 
peut  emporter,  il  en  fait  un  monceau,  &  revenant  fur  l'eau  pour  prenif 
haleine,  il  retourne  enfuite,  ou  envoyé  un  de  fes  Compagnons  le  ramalfel 
Pour  revenir  à  l'air  il  n'a  qu'à  tirer  fortement  une  petite  corde  difFéreicj 
de  celle  qui  lui  tient  le  corps;  un  Matelot,  qui  eft  dans  le  bateau,  &fj 
tient  l'autre  bout  de  la  même  corde,  pour  en  obferver  le  mouvement,  m 
ne  aulfi-tôt  le  fignal  aux  autres,  &  dans  ce  moment  on  tire  en  haut  lePte 
geur,  qui  pour  revenir  plus  promptement  détache,  s'il  peut ,  la  pierre  fi 


avo;l| 


( o)  Suivant  d'autris ,  on  paye  ce  droit  des 
pierres,  dont  les  Pêcheurs  fe  fervent;  &  c'eft 
ce  que  les  Hollandois  appellent  Steengelden. 
En  échangera  Compagnie  eft  engagée  à  main- 


tenir les  Pôcheurs  ,  en  cas  d'attaque,  if' 
faire  reparer  leurs  bâtimens ,  s'il  leur  af"- 1 
quelque  accident.    Toy.  de  Gautier  5fi»«'*j 


une  fomni: 
Diteaux.  On 
:s  le  mois  de 
lie  devoit  fe 
lis  comme  il 
favorable ,  & 
ible  après  lei 
le ,  &  vers  le 
ze  bateaux  au  [ 
divcrfes  Ra.] 
es ,  qu'ils  ap- 
)n  met  aufli  i| 
millier  mont!  ' 
ce  lieu-là  m 
er  n'alloit  vfi\ 
iroit  oblige  c. 
l'épreuve  n.u 
;s  parts  fur  : 
&  de  bâteau! 
res  llollando:, 
la  pêche,    i; 
1  matin  par  : 
:  &  s'avancd 
fes  ,  qui  moui 
lites  du  lieu  c 
•nt  à  la  hautes 
îgeurs  qui  voiî 
:e.    Ils  font  ai 
âtlment,  &q 
)yen  d'une  po 
i  on  en  a.  Cei 
mcer  plus  vis 
l'il  pèche.   Dv 
1  trouve  foui: 
lîtres  qu'il  n: 
1  pour  pren: 
ons  le  ramallr 
orde  diffère" 

bâteau,  &.- 
uvement,  ti- 
en haut  le  F!  ■ 

,  la  pierre  "-: 


cas  d'attaque, 
cns,  s'il  leur  atii^ 

ie  Gautier  Sci*^\ 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      135 

■flf  avoit  au  pied.   "Les  bateaux  ne  font  pas  fi  éloignés  les  uns  des  autres,  que  Dr«cRTrTioii 

M  Jcs  Plongeurs  ne  fe  battent  affez  fouvcnt  fous  !cs  .«aux,  pour  s'enlever  les  ^g'-tlif^^^^N. 

monceaux  d'huîtres  qu'ils  ont  ramulltis.     On  a  des  exemples  qu'ils  Je  font 

quelquefois  poignardés.     Ces  Mers  font  remplies  de  ré  [uicns  11  forts  &  (i 

terribles  qu'ils  emportent  quehjuefois  les  Plon^^eurs.     Comme  les  Habitans 

de  cette  Cote  s'accoutument  dès  l'enfance  à  plonger  &  à  retenir  leur  halci- 


oiu 


ne, ils  s'y  rendent  habiles,  &  c'efl:  fuivant  leur  habileté  qu'ils  font  payés (p). 
lÂvec  tout  cela  le  métier  eft  l\  fatigant  qu'ils  ne  peuvent  plonger  que  fcpt 


fignal,  ils  feroicnt  bien -tôt  étouffés,  fi  ceux  qui  font  dans  le  bateau  n'a- 
foienc  foin  de  les  retirer,  lorfqu'ils  demeurent  trop  long-tems  fous  l'eau. 
;e  travail  dure  jufqu'à  midi,  &  alors  tous  les  bateaux  regagnent  le  rivage. 
Quand  on   v\\  arrivé,  le  maître  du  bâteau  fait  traniporter,  dans  une 
%pècc  de  parc,  les  huîtres  qui  lui  appartiennent, &  les  y  laiffe  deux  ou  trois 

trs,  afin  qu'elles  s'ouvrent,  &  qu'on  en  puiffe  tirer  les  Perles.  Les  Per- 
étant  tirées  &  bien  lavées, on  a  cinq  ou  fix  petits  badins  de  cuivre,  per- 
comme  des  cribles,  qui  s'enchaflent  les  uns  dans  les  autres,  enforte 
éu'il  refile  quelque  efpace  entre  ceux  de  deffus  &  ceux  de  deflbus.  Les 
pous  de  chaque  ballm  font  différent  pour  la  grandeur;  le  fécond  balTln  les  a 

élus  petits  que  le  premier,  le  troifiéme  plus  que  le  fécond ,  &a.\nl\  des  autres. 
In  jette  dans  le  premier  bailin  les  Perles  groffes  &  menues,  après  qu'on  les 
t  bien  lavées.  S'il  y  en  a  quelqu'une  qui  ne  paffe  point ,  elle  elt  cenfée  du 
jpremier  ordre;  celles  qui  refilent  dans  le  fécond  balïin  font  du  fécond  ordre, 
"j&  de  même  jufqu'au  dernier  balîm,  lequel  n'étant  point  percé  reçoit  les  fe- 
lences  de  Perles.  Ces  différens  ordres  font  la  différence  des  Perles ,  & 
îur  donnent  ordinairement  le  prix,  à  moins  que  la  rondeur,  plus  ou  moins 
)arfaite,  ou  l'eau  plus  ou  moins  belle,  n'en  augmente  ou  diminiaë  la  valeur. 
Les  Hollandois  fe  refervent  toujours  le  droit  d'acheter  les  plus  grofles;  ii 
^lui,  à  qui  elles  appartiennent,  ne  veut  pas  les  donner  pour  le  prix  qu'ils 
|p  offrent ,  on  ne  lui  fait  aucune  violence,  &  il  lui  efi;  permis  de  les  vendre 

fqui  il  lui  plaît.     Toutes  les  Perles  qu'on  pêche  le  premier  jour  appartien- 
ent  au  Roi  de  Maduré,  ou  au  Prince  de  Marava,  fuivant  la  Rade  où  fe 
Vfiait  la  pêche.    Les  Hollandois  n'ont  point  la  pêche  du  fécond  jour,  comme 
-on  l'a  quelquefois  publié;  ils  ont  aflez  d'autres  moyens  de  s'enrichir  par 
le  Commerce  des  Perles.     Le  plus  court  &  le  plus  leur  efi:  d'avoir  de  l'ar- 
j:gent  comptant;  car  pourvu  qu'on  paye  fur  le  champ,  on  a  tout  ici  à  fort 
Égrand  marche.     Il  fe  commet  une  quantité  de  vols  &  de  fupercheries  dans 
«cette pêche.    Pendant  qu'elle  dure,  il  règne  pour  l'ordinaire  de  grandes 
piialadies  fiir  la  Côte,  foit  à  caufe  delà  multitude  innombrable  dépeuple 
[qu   s'y  rend  de  toutes  parts,  &  qui  n'habite  pas  fort  àl'aife;  foit  à  caufe 
[que  plufieurs  fe  nourriflent  delà  chair  des  huîtres,  qui  ell  indigefie  &  mal. 
."''■;.         ,■■-    i  •'.,  ■  fair 

(  p  )  Le  P.  Martin ,  Auteur  de  cette  Rcla-     che ,.  ou  d'une  efpèce  de  cloche  de  verre  , 
,  tion ,  traite  de  contes  ce  que  l'on  dit  de  l'iiui-     dans   laquelle  ils   fc  renferment  poui  plou- 
le  que  les  Plongeurs  mettent  dans  kar  bou-     ger. 


i3<5 


DESCRIPTION    DE    LA 


■^i  î' 


Description 

dela  côte 

de  coroman- 

D%1, 


Autreii 
lieux  de  cette 
Côte. 


faifante  ;  foit  enfin  à  caufe  de  l'infeftion  de  l'air  :  car  la  chair  des  huîtres 
étant  expofée  à  l'ardeur  du  Soleil,  fe  corrompt  en  peu  de  jours,  &  exhale 
une  puanteur ,  qui  peut  feule  occafionner  des  maladies  contagieufes. 

Depuis  bien  des  années ,  la  vente  des  Perles  fe  fait  autrement ,  aux  en- 
droits de  cette  Côte.  On  remplit  d'abord  des  tonneaux  d'égale  grandeur , 
d'huîtres  que  produit  la  pêche  de  chaque  jour  ;  enfuite  on  les  ferme,  &  à 
mefure  qu'il  s'en  trouve  un  certain  nombre ,  on  en  fait  la  vente  l'un  après 
l'autre ,  au  plus  offrant ,  dans  le  Camp  même ,  en  préfence  de.«  Commiflaires 
de  la  Compagnie  Hollandoife  &  du  Souverain  du  Pays.  Les  Marchands, 
qui  ont  acheté  de  ces  tonneaux ,  les  font  tranfporter  chacun  chez  eux  ;  les 
Huîtres  ayant  été  enfermées  quelques  jours  s'ouvrent  en  partie  d'elles-mê- 
mes ,  ou  facilement  avec  des  couteaux.  Pour  chercher  les  Perles ,  on  pré- 
pare  des  cuvettes  remplies  à  moitié  d'eau ,  &  après  avoir  ouvert  un  ton- 
neau,  ce  qui  fe  fait  en  plein  air,  à  caufe  de  la  puanteur,  qui  eft  horrible, 
l'eau  épaifle,  que  les  huîtres  ont  rendue,  eft  vuidée  par  portions,  &  avec 
prudence ,  dans  les  différentes  cuvettes  qu'on  a  mis  à  fes  côtés ,  &  à  cha- 
cune desquelles  il  y  a  deux  ou  trois  perfonnes,  qui  ouvrent  les  huîtres, & 
les  nettoyent,en  cherchant  au-delTus  d'un  crible  fait  exprès,  pour  découvrir 
s'il  y  a  des  Perles.  On  eft  quelquefois  long-tems  fans  en  trouver.  Enfin ,  on 
vifite  toutes  les  pièces,  &Yon  pafTe  toute  l'eau,  &  ce  qui  refte  au  fond, 
par  des  cribles  d'une  cuvette  à  l'autre.  Le  prix  d'un  tonneau  eft  ordinaire- 
ment  de  dix  risdales ,  argent  de  Hollande ,  plus  ou  moins ,  fuivant  l'opinion 
qu'on  fe  forme  de  la  pêche.  Il  arrive  foiivent  qu'un  tonneau  ne  donne  pas 
la  moitié ,  ni  le  quart  en  Perles ,  de  la  valeur  de  ce  qu'il  a  coûté.  Quelque- 
fois il  en  donne  dix  fois  plus.  On  peut  comparer  le  bonheur  à  cet  égard, 
à  celui  des  Lotteries  (q). 

L  A  Côte  de  la  Pêcherie ,  qui  forme  une  efpèce  de  Baye  entre  la  Pointe 
de  Ramanancor  &  le  Cap  de  Comorin  ,  a  environ  quarante  lieues ,  plus  ou 
moins ,  en  droite  ligne  (  r  ).  Toute  cetce  Côte  eft  inabordable  aux  VaifTeaux 
de  l'Europe,  parceque  les  brifans  y  font  furieux,  &  que  Tutucurin  eft  le 
feul  endroit  oii  ils  puiflent  paflfer  l'Hyver  ;  cette  Rade  étant  couverte, 
comme  on  l'a  dit,  par  deux  Ifles ,  qiii  en  font  la  fureté.  On  y  voyoit  autre- 
fois un  grand  nombre  de  grolTes  &  riches  Bourgades  ;  mais  depuis  la  dé- 
cadence des  Portugais,  tout  ce  qui  s'y  trouvoit  de  confidérable  a  été  aban- 
donné &  détruit.  A  l'exception  de  Tutucurin ,  qui  contient  plus  de  cin- 
quante mille  liabitans.  Chrétiens  &  Gentils,  il  ne  refte  aujourd'hui  que 
de  miférables  Villages,  dont  les  principaux  font  Pitnkael  (j),  Alandakj^ 
Manapar  (  r  ) ,  Tala ,  &  quelques  autres.    La  liberté ,  que  les  Paravas ,  qui 

■   i   ■  .    •  :     ■    '  -  '■       fon: 


( q)  Ce  dernier  article  eVi  tiré  du  Dift.  de 
Commerce. 

(  r  )  Il  y  a  des  Cartes  qui  retendent  juf- 
qu"à  quarante-huit  rour  le  moins. 

Çs)  Ou  comme  les  Indiens  l'appellent, 
Pounnei-cayct;  Lieu  fitué  à  huit  dcgnis  trente- 
huit  minutes  de  Latitude.  On  fe  rend 
d'ici  aifément  par  eau  à  Tutucurin ,  (Ims  être 
obligé  de  rano^er  la  Côte.  Comme  Punicael 
c(l  fur  le  bord   d'une  petite  Rivière,  qui  a 


deux  embouchures ,  on  remonte  la  première 
avec  le  flux ,  jufqu'au  confluent  des  aeux  brai 
de  la  Rivière ,  &  au  reflux  on  defcend  jufqu'i 
la  féconde  embouchure ,  où  fe  trouve  Tutu- 
curin. P'ntre  cette  'Ville  &  Punicael ,  eft  un 
autre  Bourg,  que  les  Millionnaires  DMoiî 
nomment  Killey  ,  ou  Kilevrin ,  fuivant  b 
Carte  de  M.  de  la  Croze,  &  Callipatmm  Jéoa 
Schoutcn.  Les  Hollandois  yontauHiuncLogc. 

(  t  )  Après  Tutucurin ,  Manapar  eft  l'i^"- 

droit 


:re  la  Pointe 
les,  plus  ou 
IX  Vajfleaux 
icurin  eft  le 
it  couverte, 
^oyoit  autre- 
epuis  la  dé- 
;  a  été  aban- 
plus  de  cin- 
(urd'hui  que 
,  Jlandalej, 
Paravas ,  qui 
font 

te  la  première 
t  des  deux  brai 
iefcend  jufqu'i 
;  trouve  Tutu- 
micael ,  eft  un 
inaires  DarrXi 
in ,  fuivant  li 
lipatnam ,  (àow 
auinuncLOf;e, 

lapar  eft  1'^'"' 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      137 

font  les  Habitans  de  la  Côte,  avoient  fous  les  Portugais,  de  trafiquer  avec 
leurs  voifins ,  les  rendoit  riches  &  puiflans  ;  mais  depuis  que  cette  protec- 
tion leur  a  manqué ,  ils  fe  font  vus  bien-tôt  opprimés  &  réduits  à  une 
extrême  pauvreté.  Leur  plus  grand  Commerce  aujourd'hui,  vient  de  la 
pêche  du  poiflbn ,  qu'ils  tranfportent  dans  les  terres ,  &  qu'ils  échangent 
avec  le  riz  &  les  autres  provifions  néceflaires  à  la  vie,  dont  cette  Côte 
eft  prefque  entièrement  dépourvue ,  n'étant  couverte  que  de  ronces  &  de  fa- 
bles brûlans;  c'eft  tout  ce  que  l'on  trouve,  dans  l'efpace  de  douze  lieues, 
depuis  Tala  jufqu'au  Cap  de  Comorin ,  avec  fept  ou  huit  Bourgades ,  qui 
ont  chacune  une  Eglife  dépendante  de  celle  de  Tala.  Plus  avant  dans  les 
terres,  ce  ne  font  que  grands  Bois  infeftés  de  tigres,  qui  caufeht  beaucoup 
de  dommage  dans  les  environs.  La  crainte  que  ces  cruels  animaux  infpi- 
rent ,  fait  que  les  Habitans  font  extrêmement  fur  leurs  gardes  ;  ils  allument 
de  grands  feux  dans  les  Villages ,  &  perfonne  ne  fort  de  fa  maifon ,  durant 
la  nuit ,  s'il  n'eft  efcorté  par  quelques  hommes  :  les  uns  portent  des  torches 
allumées,  &  les  autres  battent  le  tambour,  dont  le  bruit  épouvante  les  tigres 
&  les  met  en  fuite.   . 

Le  Cap  de  ComcAn  eft  fitué  à  environ  huit  degrés  &  quelques  minutes  de 
Latitude  (  u).  C'eft  à  ce  Cap  que  fe  terminent  les  hautes  montagnes  de  Gatte , 
qui  le  rendent  fameux ,  pour  les  merveilles  qu'on  en  raconte.  „  On  aflU- 
re,  dit  le  Père  Tachard,  que  dans  cette  langue  de  terre,  qui  n'a  pas  plus 
de  trois  lieues  d'étendue,  on  trouve  en  méme-tems  les  deux  faifons  de 
l'année  les  plus  oppofces ,  l'Hyver  &  l'Ecé ,  &  que  quelquefois ,  dans  un 
même  Jardin  de  cinq  cens  pas  en  quarré ,  on  peut  avoir  le  plaifir  de  voir 
ces  deux  faifons  réunies,  les  arbres  étant  chargés  de  fleurs  &  de  fruits 
d'un  côté,  pendant  que  de  l'autre  ils  font  dépouillés  de  toutes  leurs  feuil- 
les". Quoiqu'il  en  foit ,  il  eft  certain ,  que  des  deux  côtés  du  Cap ,  les 
vents  font  toujours  oppof^'s ,  &  que  quand  ils  viennent  de  l'Oueft  à  la  Côte 
Occidentale,  ils  foufflenr  rl*>  l'Eft  à  la  Côte  Orientale  i  de -forte  que  cette 
diverfité  des  vents ,  fur-tout  lorfquelle  eft  durable,  contribuant  infiniment 
à  celle  des  faifons,  il  n'eft  pas  incroyable,  que  vers  la  pointe  du  Cap,  il 
puiflt  y  avoir,  dans  un  aflez  petit  efpace  de  terrain ,  des  endroits  tellement 
expofés  à  l'un  des  vents ,  &  tellement  à  couvert  de  l'autre ,  que  le  froid 
ouïe  chaud,  &les  impreflions  qui  les  fuivent,  fe  faflent  auffî-bien  fentir 
dans  des  lieux  peu  éloignés,  que  dans  d'autres  qui  le  feroient  beaucoup 
davantage. 
Sur  la  pointe  méridionale  du  Cap  de  Comorin  fe  voit  une  Eglife,  bâtie  en 

.    l'hon- 


j» 

a 
i> 

a 

5» 


droit  le  plus  confidérable  de  cette  Côte. 
Suivant  l'obfervation  qu'on  y  a  faite,  la 
hauteur  du  Pôle  eft  de  huit  degrés  vingt- 
fept  minutes.  Pour  la  Longitude ,  le  P.  Bou- 
chet  trouve,  qu'elle  eft  aflez  régulièrement 
marquée  à  quatre-vingt  dix-huit  degrés  qua- 
rante-cinq minutes. 

(v  )  On  a  deux  obfervations ;  l'une  du  P. 
Thomas ,  faite  fur  un  tertre ,  qui  s'élève  fur 
le  Cap  même,  &  qui  porte  un  Temple  Li- 

Xlf^.  Fart, 


dien,  &  l'autre  par  le  P.  Bouchct,  fur  la 
baffe  terre,  &  au  pied  de  la  montagne.  La 
première  indique  huit  degrés  cinq  munîtes, 
la  féconde  fept  degrés  cinquante-huit  minu- 
tes. Wr.  d'Ânville  croit,  qu'en  pronaut  un 
lieu  moyen  dans  l'intervalle  des  doux  indica- 
tions, on  peut  conclure  huit  degrés  &  quelque 
chofe  de  plus>.  Les  Cartes  diffèrent  extrôlûe- 
ment  fur  cette  poliiion  importante. 


Deschiption 
de  la  côte 
de  corom  ab- 
DEL. 


Cap  de 
Comorin. 


Ce  qu'on 
voie. 


-U 


I3S 


DESCRIPTION    DE    LA 


DKscmPTioii 

D£  LA  CÔTE 

D£  COROMAN- 

PJtl» 


Royaume 
de  Travan- 


cor. 


Ville  de 
Cotate. 


Eslifes  des 
Jéfuites. 


Révolutions 
ic  cet  £tac 


l'honneur  de  la  S.  Vierge,  &  au-deflbus  de  cecce  pointe,  un  rocher,  qui 
s'avance  dans  la  Mer,  &  forme  une  efpèce  d'Ifle.  Ce  Heu  feryit  autrefoij 
d'azile ,  pendant  plufieurs  mois ,  aux  Chrétiens  de  la  Côte ,  ^ui  fuyoient  la  fureur 
des  Maures.  On  a  planté,  fur  le  rocher ,  une  grande  croix,  qui  fe  découvre 
de  fort  loin.  Un  peu  plus  avant  dans  les  terres  que  TEglife,  quoique  fur 
la  même  pointe,  on  remarque  un  grand  Pagode  fitué  Nord  &  Sud,  à  une 
lieue  &  demie  des  montagnes  qui  féparent  le  Royaume  de  Maduré  de  celui 
de  Travancor^  lequel  s'étend  au-delà  du  Cap  de  Comorin,  le  long  de  la  Côte 
Occident^e.  Comme  ce  Royaume  n'appartient  pas  proprement  au  Mala- 
bar ,  &  qu'il  n'en  a  point  été  fait  mention  dans  la  Defcription  de  cette 
Côte,  nous  recueillirons  encore,  avec  foin,  les  édairciffemens  que  nous 
fourniflent  Mrs.  les  Jéfuites,  fur  une  Contrée  peu  connue  des  Voya« 
geurs. 

Ce  Pays  eft  extrêmement  peuple ,  &  l'on  ne  fait  prefque  pas  deux  lieues 
terre  à  terre,  fans  trouver  des  Villes  &  de  grandes  Habitations;  mais  le 
Père  Tachard ,  qui  a  eu  le  tems  d'examiner  la  véritable  fituation  de  cej 
Places,  témoigne  que  toutes  nos  Cartes  de  Géographie  &  de  Marine  les 
défigurent  d'une  étrange  manière.  Elles  marquent,,  dit-il ,  des  liles  fur  la 
Côte  de  Travancor ,  qu'il  a  inutilement  cherchées.  Ce  Royaume  eft  ter. 
miné,  du  côté  du  Sud,  par  une  affez  grande  Ville,  nommée  Cotate,  iituéeaii 
pied  des  montagnes  du  Cap  de  Com^orin ,  qui  n'en  eft  éloigné  que  d'envi- 
ron  quatre  lieues.  On  nous  la  repréfente  comme  fort  peuplée  ;  mais  fans 
foifés  ni  murailles.  L'Eglife  des  Catholiques  Romains,  qu'on  y  a  conftruice, 
eft  dédiée  à  S.  François  Xavier  ,  &  l'opinion  que  les  Jéfuites  font  prendre 
des  miracles  qui  s'y  opèrent,  la  rend  fameufe  dans  tout  le  Pays»  Le  Topù 
eft  comme  le  Collège  de  Travancor ,  où  le  Provincial  fait  ordinairement 
fa  demeure  ,  à  une  lieue  de  Periepatan,  C'eft  une  des  plus  petites  Bourga- 
des de  la  Côte.  Les  Jéfuites  y  ont  un  grand  nombre  d'EgUfes ,  dont  Jej 
principales  font,  du  Sud  au  Nord,  Cuvalan,  C/ihfi/tatjm,  Cetlteby  (a;),  Pouéu- 
îorejt  Reytùuraf  &  MampouU  (}'),  fans  compter  {dufieurs  autres  qui  en  dé' 
pendent ,  &  qui  font  comme  des  fuccurfales.  En  général  la  plupart  des  Ha- 
bitans  des  Côtes  de  la  Pêcherie  &  de  Travancor  font  Chrétiens  ;  mais  c'eft 
beaucoup  que  de  leur  donner  ce  nom ,  malgré  les  éloges  magnifiques  que 
la  ferveur  de  ces  Peuples  ignorans  &  fuperftitieux,  a  mérité  de  leurs  Pè- 
res fpirituels. 

Tout  l'Etat  de  Travancor  eft  ouvert  aux  courfes  des  Badages,  qui  vien- 
nent prefque  annuellement ,  du  Maduré ,  faire  le  dégât  dans  les  terrei 
du  Roi,  qui  en  eft  tributaire;  mais  comme  il  ne  paye  ce  tribut  que 
malgré  lui ,  les  Badages  font  obligés  d'entrer  quelquefois ,  à  main  armée ,  pour 
l'exiger,  quoiqu'il  lui  feroit  facile  de  fe  mettre  à  couvert  de  leurs  incur* 
fions,  fi  l'on  fermoit,  par  une  bonne  muraille,  le  défilé  des  montagnes 
qu'ils  font  obligés  de  pafler ,  &  qu'on  y  poftât  un  petit  Corps  de  Troupes. 
Sans  cela,  le  Roi  de  Travancor  ne  lauroit  tenir  tête  à  tant  d'ennemis > 

qu'il 


(x)  Ou  Colefbei',  la  Compagnie  des  Indes 
de  France  s' eft  établie  dans  ce  lieu  depuis 
quelques  années. 


(y)  A  cln(|  ou  fis  fieues  de  Cottlan,  ou 

Coylan. 


9,  par 

,>  avo 

„  que 

»  me 

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1)  rieu 

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1  „  Mini 

:|  »  vent 

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f  „  le  ch 

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„  à  ks 

„  épar^ 

„  conji 

^     „  Palaii 

„  fins;< 

„  de  mi 

„  remei 

„  tragé 

,,  Li 

„  faifirc 

»,  de  la 

„  rent 


acher,  qui 
Lt  autrefois 
;nt  la  fureur 
é  découvre 
[uoique  fur 
lud,  à  une 
ré  de  celui 
;  de  la  Côte 
c  au  Mala* 
n  de  cette 
is  que  nous 
des  Voya» 


tion  de  cet< 

Marine  les 

lues  fur  la 

ime  ell  ter> 

e,  fituéeau 

que  d'envi- 

;  mais  fans 

conilruice, 

>nt  prendre 

î.     Le  Topa 

dinairement 

tes  Bourga- 

s ,  dont  lej 

x),  Poudou" 

s  qui  en  dé* 

m  des  Ha- 

mais  c'efl 

nifîques  que 

e  leurs  Fè- 

,  qui  vieil' 
s  les  terret 

tribut  que 
,rmée ,  pour 

eurs  ineur- 

montagnes 
Troupes. 

d'ennemist 

qu'il 


^ 


»i 
>» 


PRESQiriSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  tiv.  III.      130 

qu'il  n'a  jamais  vaincus  qu'une  feule  fois  par  leur  imprudence, 
re  Martin  en  rapporte  les  circonftances ,  qui  font  aflez  finguliéres. 

„  Les  Badages ,  dit-il ,  avoient  pénétré  ju%i'à  Corculain ,  ou  Carcolan ,  qui  eft 
„  la  Capitale  &  la  principale  Forterefle  de  Travancor,  &  le  Roi  lui-même, 
„  par  un  trait  de  politique,  qui  n'a  peut-être  jamais  eu  d'exemple,  leur  en 
avoit  livré  la  Citadelle.  Ç?  Prince  fe  fentant  plus  d'efprit  &  de  courage 
que  n'en  ont  d'ordinaire  les  Indiens,  étoit  audefefpoir  de  voir  fon  Royau- 
me entre  les  mains  de  huit  Miniflres,  qui  de  tems  immémorial  laiiTant  au 
Prince  le  titre  de  Souverain,  en  ufurpoient  toute  l'autorité,  &  parta- 
,,  geoient  entr*eux  tous  fes  revenus.  Pour  fe  défaire  de  ces  Sujets  impé- 
,)  rieux,  devenus  fes  maîtres,  il  fît  un  traité  fecret  avec  les  Badages,  par 
„  lequel  il  devoit  leur  livrer  quelques-unes  de  fes  terres ,  &  leur  remettre 
„  fa  Forterefle,  pourvu  qu'ils. le  délivraflent  de  ces  Minifl:res,  qui  le  te- 
„  noient  en  tutelle.  Il  y  aaroit  eu  en  lui  de  la  folie,  de  recevoir  ainll  l'en- 
)»  nemi  dans  le  cœur  de  fes  Etats ,  &  de  vouloir ,  en  rompant  huit  petites 
M  chaînes,  s'en  mettre  une  au  col  infiniment  plus  pefante,  s'il  n'eût  pris 
„  en  même-tems  de»  mefures  juftes,  pour  chafier  les  Badages  de  fon  Ro- 
§,  yaume,  après  qu'ils  l'auroient  aidé  à  devenir  véritablement  Roi.  Les 
„  Badages  entrèrent  à  l'ordinaire  fur  les  terres,  fans  trouver  prefque  au- 
„  cune  réfifhnce,  &  pénétrèrent  jufqu'à  la  Ville  Capitale.  Là  le  Prin- 
„  ce,  avec  des  Troupes  qu'il  avoit  gagnées ,  fe  joint  à  eux&  les  met 
„  en  pcfFeAion  de  la  Place.  On  fait  mourir  un  ou  deux  des  huit 
„  Minifh-es  qni  le  chagrinoient  ;  les  autres  prennent  la  fuite  ,  ou  fau- 
„  vent  leur  vie  à  force  d'areent.  Le  Prince  feit  aufTi  femblant  d'avoir 
„  peur;  mais  au-lieu  de  fe  cacher,  il  ramalTe  les  Troupes,  qui  s'étoient  dif- 
„  perfées,  &  vient  fondre  tout  d'un  coup  fur  la  Forterefle  de  Corciilam. 
„  Les  Badages,  qui  ne  s'attendoient  point  à  être  attaqués,  font  forcé j; 
„  on  en  tuë  un  grand  nombre  dans  la  Ville ,  &  le  refte  gagne  en  defordre 
„  le  chemin  par  où  n»  et«îx.n«  vf-nuï.  Le  Prince  fes  pouribit,  le  Peuple 
,,  s'unit  à  lui,  &  l'on  fait  main  bafle  de  tous  côtés  fur  les  Barbares,  avant 
„  qu'ils  euffent  le  tems  de  fe  réconnoître,  en-forte  qu'il  n'y  en  eut  qu'un 
„  très-petit  nombre  qui  purent  retourner  chez  eux.  Après  cette  viftoire 
„  le  Roi  de  Travancor  r'entra  triomphant  dans  fa  Capitale,  &  prit  en  mairî 
le  Gouvernement  du  Royaume.  Il  commençoit  à  fe  rendre  redoutable 
à  fes  voifins,  lorfque  ceux  de  fes  anciens  Miniflres,  auxquels  il  avoit 
épargné  le  dernier  fupplice ,  &  laiffé  du  bien,  pour  vivre  honnêtement, 
conjurèrent  contre  lui ,  &  le  firent  aflaflîner  un  jour  qu'il  fortoit  de  fon 
Palais.  Ce  vaillantPrincevendit  chèrement  fa  vie.  Il  tua  deux  de  fes  aflaf- 
„  fins  ;&  en  blelTa  un  troifième  grièvement;  mais  à  la  fin  il  fuccomba  percé 
„  de  mille  coups,  &  mourut  fort  regretté  de  tous  fes  Sujets ,&  particuliè- 
„  reraent  des  Chrétiens ,  qu'il  aimoit  &  qu'il  favorifoit  eL  tout.  Cette 
„  tragédie  arriva  environ  l'an  1697. 

,,  Les  Miniflres,  qui  avoient  été  les  auteurs  ée  la  conlpiration ,  fe 
„  faifirent  de  nouveau  du  Gouvernement,  &pour  conferver  quelque  idée 
„  de  la  Royauté  ,  mirent  fur  le  Trône  une  fœur  du  Roi,  dont  ils  fi- 
,,  rent  un  phantôme  de  Reine,  fans  crédit  &  fans  puiflance".  Le  Père 
Bouchet  ecrivoit,  en  1719,  que  l'Etat  de  Travancor  étoit,  il  n'y  avoit  pas 

S  2  long- 


Le  Pé-  Dbscriwioi» 

DB  T.  A  CdTE 

SS  COROMA*- 

DEL. 


»» 

î» 


v; 


Description 
de  la  côte 

DE  COROMAN- 
DEL. 

Suite  de  la 
Côte  au  Nord 
de  Pondiche- 

ry- 

Congi-medu. 
Aalem-parvé. 


Sadras- 
patMin. 


Mâbali-pu- 
rain. 


Cabelon. 


140 


DESCRIPTION    DE    LA 


longtems ,  fous  la  domination  d'une  Reine ,  qui  fe  gouvernoit  entièremeiK 
au  gré  de  fes  Miniftres. 

Reprenons  la  fuite  de  la  Côte  de  Coromandel,  au  Nord  de  Pondi- 
chery.  Le  premier  endroit  de  remarque  efl  Congi-medu^  vulgairement  Con. 
gimer  (2),  à  quatre  lieues  marines  de  cette  Ville.  C'eft  un  grand  Bourg, 
dont  les  maifons  font  fort  écartées.  Les  Anglois  &  les  Hollandois  y  ont 
eu  autrefois  des  Loges,  qu'ils  ont  abandonnées.  Aalem-parvé ^  ou  Alanl' 
para,iJ,è ,  communément  Lamparave  ,  nouvelle  ForterefTe  occupée  par  les 
Maures,  vient  enfuitc  (^),  &  à  la  même  diflance  à  l'égard  de  Congi-me- 
du. Les  Hollandois ,  à  la  requifition  du  Divan ,  y  ont  établi  une  Loge. 
Cinq  lieues  au-delà  efl  un  Temple  nommé,  Connymere,  par  les  Anglois,  qui  y  ont 
un  Comptoir  (Z>);  &  fix  miles  plus  loin,  Sadiranga-patnam y  qui fignifie ^/7. 
k  quarrêc ,  communément  Sadras  &  Sadras-patnam ,  que  M.  d'Anville  trou- 
ve, dans  fes  Mémoires,  n'être  qu'à  quinze  lieues  marines  de  Pondichery, 
quoique  d'autres  en  marquent  feize  à  dix-fept.  Cette  Ville,  qui  efl:  petite, 
ouverte  &  fans  défenfe ,  appartient  aux  Hollandois ,  qui  y  ont  une  Loge 
confidérable  (c).  Elle  efl  fituée  au  Nord  de  la  dernière  branche  du  Pal- 
arru,  ou  Paler,  qui  fe  jette  dans  la  Mer  par  quatre  embouchures.  On 
teint  à  Sadras  quantité  de  toiles  bleues. 

L  A  dillance  de  Sadras  à  St.  Thomé  efl:  de  douze  à  treize  lieues  marines. 
Dans  cet  efpace  on  trouve  deux  Places  remarquables.  La  première  'efl  Ma- 
hali-puram ,  ou  Maveli-puram  &  Maveli-varam ,  à  trois  lieues  de  Sadras ,  où 
l'on  voit  plufieurs  figures  grotefques  &  curieufes ,  taillées  dans  le  roc ,  des 
Pagodes  de  moyenne  grandeur ,  &  même  un  Chaudrier  avec  dix-huit  piliers 
tout  d'une  feule  pièce  ;  mais  ce  qui  s'attire  la  principale  admiration  des 
Speftateurs ,  c'eft  une  énorme  mafle  de  rocher  ,  de  forme  prefque  ovale , 

?[ui  porte  diagonalement  fur  un  autre  rocher ,  &  fe  foûtient  fur  une  baze 
ort  étroite ,  dans  une  fituation  qui  paroit  des  plus  chancellantes  ;  &  ce- 
pendant douze  cIcphaiM  n'ont  pu  la  renverfer  .  nu  rapport  des  Bramines. 
Mâbali-puram  eft nommé  comniuacment  les  Sept  Pagodes ^  parcequ'on  yen 
compte  autant;  &  ce  lieu  n'eft  prefque  habité  que  par  des  Bramines.  Le 
fécond  endroit  de  remarque  eft  Cabelon  y  Côbaîam,  Cobalao,  ou  Covelam  (d), 
petite  Ville  avec  un  Château  appartenant  au  Grand  Mogol ,  mais  dont  les 
Anglois  détruifirent  les  Fortifications  en  1752  (tf).  Onpaffe  un  grand  Fleu- 
ve avant  que  d'arriver  à  la  Ville.  „  ^    . .  , 

Saint- 


(2)  Les  Anglois  dîfent  CoÏÏamorye  ;  îes 
Miflîonnaires  Danois  Conimeri,  Kumm5du& 
Kunimori. 

(  a  )  Au-delà  d'un  grand  Fleuve ,  qui  pa- 
roit ,  dans  nos  Cartes ,  fous  le  nom  de  Marka- 
na,  ou  plutôt  Mareykdnam;  mais  les  Mif- 
fionnaircs  Danois  donnent  ce  nom  à  un  Vil- 
lage voifin ,  &  celui  de  Cafbiei  au  Fleuve. 

(  6  )  Du  moins  fuivant  la  Carte  &  le  Mé- 
moire de  M.  Green ,  qui  efl:  le  feul  qui  nous 
apprenne  cette  circonftanee. 

(c)  M.  Cxeen  ajoute  un  Fort;  mais  il  fe 
liompe^ 


(d)  Convelland  dans  le  Journal  de  M.  de!i 
Haye ,  qui  y  ajoute  quelques  circonftancei. 
Voyez  le  Tom.  XL  pag.  284. 

(e)  Ci-deffus,  pag.  ïi6.  La  Carte  &  le 
Mémoire  de  M.  Green  en  font,  par  erreur, 
une  Loge  HoUandoiffc.  La  Compagnie  d'O' 
ftende,  qui  s'étoit  établie  dans  ce  lieu,  le 
nommoit  Sadras-patnam,  au  rapport  des  Mil- 
lionnaires Danois,  De-là  vient  que  quelques 
Hidoriens,  entr'autres  l'Abbé  Guyon,  l'on' 
confondu  avec  la  Place  du  même  nom,  où 
il  y  a  un  Comptoir  Hollandois. 


întièremeis 

l  de  Pondi- 
rement  Cori' 
and  Bourg, 
idois  y  ont 
,  ou  Jlani- 
pée  par  les 
Congi-me- 
une  Loge. 
)is,quiyont 
,  fignifie  Fil- 
nville  trou- 
'ondichery, 
i  efl  petite, 
t  une  Loge 
Ae  du  Fal- 
Jiures.    On 

les  marines, 
ière  'efl  Ma- 
Sadras,  où 
le  roc,  des 
:-huit  piliers 
niration  des 
fque  ovale, 
ir  une  baze 
ites;  &  ce- 
s  Bramines. 
equ'on  y  en 
mines.  Le 
ovelam  (d), 
ais  dont  les 
grand  Fleu- 

Saint- 

lalde  M.dcli 
circonftancei. 

.a  Carte  &  le 
t,  par  erreur, 
)mpagnie  d'O' 
s  ce  lieu,  le 
pport  des  Mif- 
t  que  quelques 
Guyon,  l'on; 
}me  nom,  o'^ 


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OVEEBLIJFZEvS     VA^      S'!'    T  H  O  M  É 


® 


Le  i)«tit 

Mont. 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  t)U  GANGE,  Liv.  III.      14.1 

Saint-Thomé,  fix  lieues  au-delà,   tient  la  place  d'une  Ville  Indien-  Drschiptioii 
ne,  qui  étoit  autrefois  très-puiflante,  Ibus  le  nom  de  Maila-bouram  ^  Me-    "Vq^^an- 
liâpury  ou  Mailapur  ;  c'eft-à-dire  faille  des  Paons ,  parceque  les  anciens  Prin-  °"   bel. 
ces  de  cette  Contrée  portoient  un  Paon  dans  leurs  armes  (/).    Les  Por-      s.  Thomé, 
tugais,  qui  s'en  emparèrent  en   1547,  l'appellérent    S.  Thomé,  fur  la 
tradition,  qui  veut  que  l'Apôtre  S.  Thomas  y  ait  prêché  la  foi  &  fouffert 
le  martyre,  bien  que  les  légendes  des  Orientaux  donnent  le  nom  de  Cala- 
mina,  dont  on  ne  retrouve  plus  de  vertiges,  à  la  Ville  de  l'Inde,  où  il  ter- 
mina par  fa  mort  Tes  travaux  Apolloliques.   Quoiqu'il  en  foit,  les  Portugais 
bâtirent  une  Egiife  près  de  Meliapur ,  &  inventèrent  une  infinité  de  mira- 
cles ,  que  Gouvea ,  Tachard  &  d'autres  Jéfuites ,  n'ont  pas  eu  honte  de  confir- 
mer dans  leurs  Relations.     On  a  vu  ailleurs  les  diverfes  révolutions  que 
cette  Ville  a  efluyées,  jufqu'à  l'année  1674,  où  elle  fut  prife  fur  les  Fran- 
çois (g).     Le  Roi  de  Golkonde  la  fit  démolir  peu  de  tems  après.     Les 
Portugais  n'ont  pas  laifle  de  s'y  conferver ,  dans  un  quartier  plus  éloigné ,  où 
ils  s'étoient  retirés.     C'efl:  dans  ces  environs  où  l'on  voit  le  graiJ  Mont  & 
le  petit  Mont  ;  deux  endroits  affez  fameux ,  pour  mériter  une  defcription 
particulière ,  mais  dégagée  de  prodiges. 

Le  petit  Mont  eft  un  rocher  fort  efcarpé  de  trois  côtés;  ce  n'eft  que 
vers  le  Sud-Oucft  qu'il  a  une  pente  aifée.  On  y  voit  deux  Eglifes ,  l'une 
qui  regarde  le  Nord  vers  Madras ,  6l  qui  cft  fituée  au  milieu  de  la  monta- 
^gne;  on  y  monte  par  un  degré  dt  pierre  fort  fpacieux,  où  fe  trouvent 
deux  ou  trois  détours  qui  aboutiflent  à  une  efplanade  de  terre,  qu'on  a  fai- 
te fur  le  rocher.  De  cette  efplanade  on  entre  dans  l'Eglife  de  Nôtre -Da- 
me. Sous  l'Autel,  qui  efl:  élevé  de  fept  à  huit  marches,  efl  une  caverne, 
d'environ  quatorze  pieds  de  largeur,  &  quinze  à  feize  de  profondeur;  ainfi 
ril  n'y  a  que  l'extrémité  occidentale  de  la  caverne  qui  foit  fous  l'Autel. 
:ette  grotte,  ou  naturelle,  ou  taillée  dans  le  roc,  n'a  pas  plus  de  fept 
pieds  dans  fa  plus  grande  hauteur,  on  «'y  alifli»  avec  aflez  de  peine,  par  une 
crevalle  du  rocher,  haute  de  cinq  pieds  &  large  d'un  peu  plus  d'un  pied 
«Se  demi.  Les  Miflionnaires  Jéfuites  ont  drefle  un  Autel  vers  l'extrémité 
orientale  de  la  grotte.  Une  efpèce  de  fenêtre ,  d'environ  deux  pieds  & 
demi,  qui  efl:  au  Sud,  donne  un  jour  fort  obfcur  à  toute  la  grotte.  De 
î'Eglife  de  Nôtre-Dame,  on  monte  fur  le  haut  de  la  montagne,  où  les  Jé- 
fuites ont  élevé  un  petit  Bâtiment.  Il  efl  fondé  fur  le  rocher ,  qu'on  a  eu 
bien  de  la  peine  à  applanir,  pour  rendre  ce  petit  Hermitage  tant  foit  peu 
commode.  Vers  le  Sud  du  logis,  ^ui  eft  bâti  en  équerre,  eft  l'Eglife  de 
la  Rejuneëtion.  On  y  voit  une  Croix,  d'un  pied  de  hauteur,  dans  un  pe- 
tit enfoncement  pratiqué  dans  le  roc,  fur  lequel  eft  pofé  l'Autel  de  l'Egli- 
fe. Cette  petite  Croix ,  qui  eft  en  relief,  &  gravée  dans  le  trou  du  rocher, 
à  la  grandeur  près ,  reflemble  parfaitement  à  la  Croix  du  grand  Mont , 
dont  il  fera  parlé  ci-deflbus.  On  monte  à  l'Eglife  de  la  Rellirreélion  par 
un  grand  efcalier  de  pierre,  d'une  pente  fort  roide,  qui  prend  depuis  le 

pied 


(/)  On  voit  auiîî  quantité  de  ces  oifeaux 
dans  les  forets  voifînes. 


■,«■ 


■»*. 


{g)  Journal  de  la  Haye,  au  Tom.  XI- 
Mrs.  d'Anville  ât  Creen  ne  parlent  pas  de 
ce  dernier  Siège.  ^.  .î 

S  3 


â 


I4« 


DESCRIPTION    DE    LA 


OIU 


Le  grand 
Mont. 


DnoKi»Tioii  pied  occidental  de  la  montagne  jufqu'à  une  efplanade  quarr^  qu'on  a  pf}. 
DB  LA  CÔTE    tiquée  devant  la  porte  de  ï'Eglife.     A  côté  de  l'Autel,  vers  le  Sud,  on 

©«CoROMAN-  ^J.g^yg  une  ouverture  de  rocher  ,  qui  a  quatre  ou  cinq  pieds  de  longueur, 
un  pied  &  demi  de  largeur ,  &  cinq  à  fix  pieds  de  profondeur.  Au  pjej 
du  petit  Mont  pafTe  un  Ruifleau,  oui  ne  parut  qu'au  commencement  duSiè- 
cle  dernier:  il  fe  forma  par  le  débordement  des  eaux  d\in  étang  éloigne 
dans  les  terres,  qu'une  forte  pluye  fit  crever;  ce  qui  produifit  ce  petit  a- 
nal,  qui  dans  des  tems  de  féchereiTe  n'eil  rempli  que  d'une  eau  faumache, 
parcequ'à  deux  lieues  du  petit  Mont  il  communique  avec  la  Mer.  Ce  fu; 
vers  l'an  1551,  que  le  petit  Mont,  qui  n'étoit  auparavant  qu'une  éminen 
ce  efcarpée  de  rochers ,  commença  à  être  défriche  &  applani  pour  la  coir. 
modité  des  Pèlerins ,  ainfî  qu'il  eft  marqué  fur  une  grofle  pierre  qu'on  a  mé- 
nagée dans  le  roc»  au  haut  de  l'efcalier,  vers  le  Nord  de  la  montagne 
L'Egiife  de  Nôtre-Dame  y  fut  bâtie ,  &  on  la  donna  aux  Jéfuites  Portu 
gais.  Ceux'Ci  bâtirent  enfuite  le  petit  Hermitage,  qui  eil  au  haut  du  lo^ 
cher,  &  Ï'Eglife  de  la  Refurreélion.  >. 

Le  grand  Mont  n'eft  éloigné  du  petit  que  d'une  demie  lieue.    A  v« 
d'oeil  il  paroît  trois  ou  quatre  fois  plus  élevé  &  plus  étendu  que  l'autre,  h 
171  li  il  n'y  avoit  pas  plus  de  cinquante  ans  qu'il  étoit  auili  défère  quel: 
petit  Mont,  où  il  n'y  a  que  deux  maifons  au  bas  de  ta  montagne.    Mai» 
préfcnc  les  avenues  du  grand  MonL  font  toutes  pleines  de  maifons  foit 
agréables,  qui  appartiennent  aux  Malabares,  aux  Portugais,  aux  Arat' 
mens  »  ôl  fur-tout  aux  An^ois.    Quand  les  Vaifleaux  d'Europe  font  pani 
de  Madras ,  prefque  la  moitié  du  beau  mcNide  de  cette  grande  ViUe ,  n 
palier  des  mois  entiers  dans  ce  lieu  champêtre.    L'Egli^  de  Nôtre-Dain 
eft  bâtie  au  fommet  de  la  montagne.    C'ed  le  monument  le  plus  célébn 
des  Indes,    i!^ Croix  taillée  dans  le  roc,  eft  au-defTus  du  ^rand  Autel  k 
l'ancienne  Eglife,  qui  a  été  depuis  fort  embellie  par  les  Arméniens,  &  quoi 
appelle  maintenant  Nàirg-Damm  du  M«nt.     AuiS'tOc  que  les  Vaifleaux  Pu' 
tugais  ou  Arméniens  Tapperçoivent  en  Mer,  &  quils  fe  voyent  par  fd 
travers ,  ~  ils  ne  manquent  pas  de  faire  une  falve  de  leur  artilLerie.    Ceot 
Croix  a  environ  deux  pieds  en  quarré;  les  ouatre  branches  en  font  ég» 
les  (Ji)''  elle  peut  avoir  un  pouce  de  relief,  ot  elle  n'a  pas  plus  de  quao 
pouces  d'étendue.     Kircher  dit  qu'elle  a  des  paons  aux  quatre  extrêmitâi 
mais  Tachard,  qui  l'examina  de  près,  fut  convaincu  que  c^étoit  effeâii»  :  | 
ment  des  pigeons  (i).    On  prétend  que  cette  Croix  eft  Touvrage  de  Se  \ 
Thomas.    Elle  eft  d'un  roc  grolîîer  &  mal  poli,  d'un  gris  noirâtre,  abi»! 
lument  femblable  au  rocher  auquel  elle  tient  de  tous  côtés.    La  Croix  i  | 
entourée  de  quelques  lettres  anciennes,  dont  Gouvea  &  le  P.  Kindieratl 
donné  une  explication ,  que  les  Miffionnah'es  Danois  déclarent  être  fauft  f 
dans  toutes  les  circonfbnces  j  mais  ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  à  die  pareille>  \ 
difculTions. 

A  une  lieue  de  S.  Thomé,  &  un  peu  au-delà  du  grand  Mont,  eft  le  e^ 
,_   ,    ,  _  .       jébre 

(i)  La  Figure  que  les  MilConnaire   Da-        (t)  Qn  a'ço.  wit  ()a'UD>  (hur  Ib  'Sist 
mois  en  donnent,  fait  une  branche  béas  oup     Figure, 
plus  longue. 


Madras. 


lébreE 

Je  Fort 

donné 

Sa  fitua 

On  ne  s 

qui  app 

Mais  qi 

te  entre 

LaR 

Tort  d'ur 

voir  ét< 

tre  ou  ci 

^ft  de  hu 

^«n  prête 

♦ières ,  ( 

aom  d'u] 

tt.    Le 

jifle  dan 

inis  l'en 

ilutre. 

f  Au  J> 

ponime  i 

luxdan 

^voit  p 

Gréer 

leur  C 

indant  I 

la  Corai 

Dès 

,ac  &  l'I 

.jrpens. 

ées  Chalo 

le  cours. 

On  ne 

iéà- 

ente 

irette  di 

te  indici 

ert,  end 

'apitale  i 


(k)  Les 
Dent  Cibinne 

(i)  Selon 
}m  Indien 
kndois    écr 
::eil-i-dire  l 

(m)  Voyi 


•.»■■■     i"   *.    -4  •■•.•;  '• 


qu'on  a  pn. 
I  le  Sud,  01 
de  longueur, 
ir.  Au  pied 
ement  duSiè- 
kang  éloigné 
t  ce  petit  Q. 
m  faumache, 
Mer.  Ce  fut 
l'une  éminen- 
pour  la  coin. 
e  qu'on  a  mé-  " 
la  montagne 
éfuites  Pom 
A  haut  duiO' 

lieue.    A  vôt 
le  l'autre.  Et 
défert  quek 
gne.     Mais) 
maifons  fon 
s,  aux  Arm 
pe  font  paiti 
ide  Ville ,  % 
e  Nôtre-Dam 
e  plus  célèbn 
and  Autel  de 
niens ,  &  qu'on 
(Taiftcaux  Pû^ 
oyent  par  ^ 
lerie.     Cetti 
en  font  ép 
us  de  quatn 
extrêmitâ; 
toit  effeâi»! 
uvrage  deSt 
oirâtre,  abf» 
La  Croix  é 
Kircher  on , 
:nt  être  hé  ■ 
à  die  paxêa 

iébre 
i.  «hnr  U>  initf 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.     143 

fébre  Ecabiiflement  Anglois  de  Madras-patnim  ^  ou  Mairas  (^),  autrement 
ie  Fort  Su  GeorgtSy  dont  on  fe  difpenfe  de  faire  la  defcriptiou,  après  avoir 
donné  déjà  un  Plan  exa6):,  &  une  longue  Relation  du  Siège  de  cette  Ville. 
Sa  iituation  e(l  à  treize  degrés  &  environ  quatorze  minutes  de  Latitude. 
On  ne  s'arrêtera  pas  davantage  à  Palliacate  (  /) ,  où  eft  ie  Fort  de  Gutldre , 
[qui  appartient  aux  Hollandois ,  parce  qu'il  en  a  été  aflez  parlé  ailleurs  (m). 
Mais  quelques  remarque^  fur  l'intérieur  des  Terres ,  figurées  dans  nôtre  Car* 
te  entre  S.  Thomé  &  Palliacate ,  ne  doivent  pas  être  négligées. 

La  Rivière  qui  fe  jette  dans  la  Mer,  au  Sud  de  la  première  de  ces  Villes, 
fort  d'un  Lac  fameux ,  nommé  Shemedu-vakkam ,  ou  Sembaram-pakkan ,  qu'on  dit 
ivoir  été  creufé  par  ordre  du  Roi  Cborerty  ou  de  fa  fceur,  &  qui  eu  à  qua- 
nre  ou  cinq  lieues  de  la  Côte.    De  Madras  à  Palliacate ,  dont  la  diftance 

fil  de  huit  lieues  marines ,  un  Canal  fépare  le  continent  du  rivage ,  fur  lequel 
^n  prétend  que  la  Mer  travaille  &  le  dégrade.  Ce  Canal  reçoit  deux  Ri- 
fières ,  dont  la  première,  nommée  Corteher^  vient  du  Lac  de  Kâweri-pakkam , 
aom  d'une  Ville  fituée  à  un  mile  de  fon  bout  méridional,  &  à  fix  d'Arcat- 
Wè,  Le  Cortelaer  traverfe  la  langue  de  terre,  environ  par  le  milieu,  &  fe 
jMte  dans  le  Golfe  de  Bengale.  La  féconde  Rivière  ne  paffe  point  le  Canal; 
iHdsl'on  n'en  marque  ni  le  nom,  ni  la  fource,  qui  efl  fort  éloignée  de 
ilatre. 

Air  Nord  de  Palliacate ,  un  grand  Lac  de  hait  lieues  de  longueur,  qu'on 
)mme  Frikans,  de  même  que  la  petite  Ifle  qu'il  renferme,  décharge  fes 
iljftiux  dans  la  Mer  tout  près  de  cette  Ville.    Ce  Lac ,  obferve  M.  d' Anville , 
-  yavoit  point  paru  dan»  les  Cartes  avant  celles  qu'il  a  publiées,*  défaut  que 
"..  Green  attribue  a  l'indolence  des  Hollandois,  qui,  uniquement  occupés 
;  leur  Commerce,  ne  s'embarraiTent  guères  de  cultiver  les  Sciences.    Ce* 
tndant  Havart  &  Valentyn  parlent  des  JJies  Erikan ,  comme  appartenant 
la  Compagnie  ;  mais  la  Carte  du  dernier  les  place ,  par  erreur ,  dans  le  Gol- 
j.    Dès  l'année  1726,  les  Mimonnaircs  Danois  avoient  fait  connoître  le 
,ac  &  l'Ifle,  qu'ils  nomment  Enikam,  &  qui  efl:  remplie  de  ronces  &  de 
rpens.    Les  Hollandois  y  ont  un  Village,-  ils  font  cette  promenade  dan» 
:s  Chaloupes.    Le  Lac  reçoit  plulîeurs  Rivières,  dont  on  ne  connoit  pas 
jt  cours. 

On  ne  faurok  s'emj^êcher  de  dire  un  mot  du  Pagode  de  Tiru-petiCn)y 
tué  à-peu-près  vis-à-vis  de  Palliacate,  quoique  la  difliance  foit  d'environ 
rente  lieues  Françoifes.    C'efl:  un  Temple  des  plus  fameux,  en  un  mot  la 
Mette  de  cette  partie  dé  l'Inde  (0).    L'emplacement  de  Tiru-peti  connu, 
le  indication  pofîtive,  qui  ne  le  met  qu'à  une  lieue  de  Chandegri ,  a  décou- 
vert ,  en  dernier  lieu ,  à  M.  d' Anville ,  la  véritable  fituation  de  cette  ancienne 
îapit^e  du  Royaume  de  Bifnagar,  ou  Narjingue,  ignorée  jufques-là  des 
-r—  Géo- 


DlKscRirTioir 
dblaC^^tb 

Dl  COROMAN* 
UBL. 

Palliacate. 


■1 


(Ik)  Les  IncUens  la  nommoient  ancienne- 
aent  Cbinne-patmm. 
(1)  Selon  les  Millionnaires  Danois,  fon 
}in  Indien  eft  Parrey-Takkaru;  mais  lesHol- 
llandols   éctivent    Pdleam-fVedam'Caddou; 
7«!  c'eft-i-dire  FieUle  FortereJJe. 
**"    (m)  Voyez  le  Tome  XUI.  pag.  27.  &  le 


I.flc  de 
Sheincdu*      ' 
vakkain. 

Canal  entre 
Mail  1:1?;  Se. 
PuUiacatc. 

Lac  de  Kâ< 
wcri-pakkam. 


Lac  &  Ifle 
Erikan. 


Fameux 
Pagode  de 
Tiru-peU. 


Plan  du  Fort  de  Gueldre  qui  s'y  trouve.  On 
a  remarqué  que  c'étoit  autrefois  le  Siège  du. 
Gouvernement  des  Hollandois  fur  cette  Côtuv 

(n)  Les  Millionnaires  Danois  écrivent  Tint- 
padi,  qu'on  nomme  communément  Tripeti. 

(oj  Voyez  fur  Tiru-peti  le  Tome  XIIR 
pag.  460. 


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Photographie 

Sdenœs 
Corporalion 


33  WfST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  USSO 

(716)  S72-4S03 


DE 

DÉ 


DiL, 


Mafulipat 
nanu 


Ï44         ^         D  E  S  C  R  I  P  T  I  O  N    D  E    L  A    '      ^^ 

Descriptio»  Géographes,  &même  de  M.  de  Lifle,  qui  l'en  éloigne  d'environ  vînçt- 
-TLA  CÔTE  cinq  lieues  (p).  Mais  en  reftifiant  ce  point  important  de  Géographie, 
CoROMAM.  ^  d'Anville  eft  accufé  d'être  tombé  dans  d'autres  erreurs,  dont  la  princi- 
pale  vient  de  l'idée  diftinfte  qu'il  s'eft  formée  de  deux  Royaumes,  lun  de 
Bifnagar  &  l'autre  de  Narfingue,  qu'on  confond,  dit-il,  fans  fondement  j 
tandis  que  M.  Green  foûtient  le  contraire,  &  tire  de  fes  autorités  plufieurj 
conféquences,qui  fervent  àéclaircir  l'Hiftoirecurjeufe,  mais  fort  obfcuie, 
des  révolutions  de  ce  fameux  Empire  (g). 

C'est   à  Palliacate  que  finit  nôtre  Carte;    mais   Mafuîtpatnam  ferme 
la  partie  Septentrionale  de  la  Côte  de  Coromandel,   par  la  hauteur  de 
feize  degrés  &  demi  (r).     Cette  Ville  eft   à  l'entrée  d'un  Canal  forti 
d'un  bras  du  Krishna  ,  &  un  autre  bras  du  même  Fleuve  la  couvre  da  1 
côté  du  Nord.    Elle  eft  Capitale  d'un  Sercar ,   ou  d'une  Province,  qui 
comprend  plulieurs  ParaganéSy  ou  Diftrifts  particuliers.     CeSercar,  coin-f 
pofé  de  fept  Paraganés,    du  nombre  defquels  eft  celui  de  Narfapur,A 
été  accru  du  Sercar  de  Nifampatnam ^  &  de  trois  Paraganés  détachés  duSerl 
car  de  Kondé-pali. .   Les  principales  Nations  de  l'Europe,   avoient  autrefoiij 
des  Comptoirs  à  Mafulipatnam  ;  mais  on  a  vu ,  dans  l'Article  précédent,  qœ; 
les  François  ont  pris  polFeAGon  de  cette  Ville,  en  1750,  en  vertu  deii| 
conceflîon  qui  leur  en  a  été  faite  par  le  Souba  de  Golkondc.    Sa  fituatioii' 
eft  fort  avantageufe  pour  le  Commcice.     Les  toiles  peintes  qu'on  y  m- 
vaille,  font  les  plus  eftimées  de  toutes  celles  qui  fe  fabriquent  aux  Indei 
Oh  voit  à  Mafulipatnam ,  un  pont  de  bois ,  le  plus  long ,  qui  foit  peuts 
être  au  Monde  ;  jl  eft  inutile  dans  les  grandes  marées ,  ou  la  Mer  couvie; 
beaucoup  de  terrain  (f).    On  y  refpire  un  air  mauvais.    Ce  qu'on  appel' 
le  rifle  deDiïJi,  eft  le  terrain  renfermé  entre  le  bras  de  Sipeler,  émané  ds 
Krishna,  &la  Côte  tendante  à  Mafulipatnam  {t). 
Côte  d'Orixa.      Ceux  qui  teiminent  la  Côte  de  Coromandel  k  Mafulipatnam ,  notnv 

mei 


C  p')  D^ns  la  Carte  des  Côtes  de  Malabar 
&  de  Coromandel ,  où  il  a  tracé  au  hazard 
la  route  de  Taveimer ,  qui  après  avoir  paflë 
Kaman  (^Cambara'),  Emelipata  (apparemment 
HomaiapaUam ) , & Doupar  (Dupara) ,  arrive  à 
un  Pagode  qu'il  nomme  Ttipanté,  &  lequel 
ne  peut  guères  être  que  celui  de  Mafierla, 
en  deçà  de  Tala-pili,  dont  Havart  donne  une 
defcription  affez  convenable.  A  la  vérité 
Tavcrnicr  met  Mafierla  feize  lieues  plus  loin  ; 
mais  il  efl  bien  permis  de  fuppofer  qu'il  y  a , 
en  cet  endroit,  .quelque  confufion  dans  fa 
route.  Les  Géographes  connoilîent  fon 
inexaftitude.  Quoiqu'il  en  foit,  fon  Tripanté 
n'a  rien  de  commun  avec  ïiru-peti ,  dont  il 
eft  ici  qucftion ,  &  M.  d'Anville  a  eu  raifon 
de  les  regarder  comme  deux  Pagodes  difFé- 
rens.  Voyez  à  ce  fujct  nôtre  ïom.  XIII. 
fag.  34.  Havart.  II.  Part.  pag.  145. ,  &  les 
Eciaircijfemens  uC  M.  d'Anville  avec  fes 
Cartes. 

Cî)  Sa  principale  remarque  tombe  fur  un 


anachronifme  tiès-confidérable  de  cette  £ 
toire,  dont  nous  nous  femmes  apperçus,|s; 
d'autres  rapports ,  qu'on  peut  voir  au  Toe 
XIII.  pag.  424.  La  fçavante  dilTertation  a 
M.  Green  y  ajoute  dé  nouveaux  arguinas 
qui  rendent  l'erreur  encore  plus  palpabi, 
mais  ces  fortes  de  difcuffions  n'étant  pas  i 
goût  de  tous  les  Lefleurs,  nous  ne  touches 
ici  qu'en  paflant  cet  important  article.  Voya 
les  Eclairciiïemens  de  M.  d'Anville,  pag.i^ 
à  128,  SiVExplanation  oftbe  Map&c.  deU 
Green,  pag.  11  à  18. 

(  r  )  Suivant  le  F.  Bouchet.  M.  d'Anvili 
range  cette  Ville  par  feize  degrés  enviria 
dix -neuf  minutes,  fans  indication  précife. 

(j)  On  a  donné  une  belle  Vue  de  Mafi 
patnam,  au  Tome  XI.  pag.  285. 

(  t  )  Quinze  miles  au  Sud  deMafuIipatnao, 
les  HoUandois  ont  eu  une  Loge,  à  Petapiuii, 
ou  Peta-pili ,  &  NiJ'am-patnam  ,  fuivant  ks 
Indiens.  M.  d'Anville  croit  que  ce  fontd«tf 
lieux  dlfférens. 


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„  Quoique  les  Indiens  foyent  fuperflitieux  à  l'excès ,  &  qu'ils  ayent 
sulleursun  grand  nombre  de  Pagodes,  on  n'en  voit  néanmoins  qu'un  à 


Ganjam. 


PRESQD'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      145 

ment  Côte  d'Orùvi,  celle  qui  continue  jufqu'au  Bengale  (c).  Quoiqu'il  y  Dmcrimpio» 
aitplufieurs  Ports,  ils  font  tous  fi  mauvais  que  les  Européens  n'y  fontprei-  dsCoromam' 
qu'aucun  Ccmmorce.    La  Compagnie  HoUandoife  ne  laifibit  pas  d'y  avoir       del. 

2uelques  petites  Loges,  comme  Palicolf  à  dix-huit  miles  de  Mafulipatnam ;     Divers pe» 
>aatzerott,k  douze  lieues  de  Palicol ,  &  Bimilipatnam ,  quatre  lieues  au-  tits  Couip- 
delà  de  Fifiagapatnatn^  où  les  Anglois  font  aâuellement  établis.    C'eft  un  ^^^' 
Bour^  d'environ  fix  mille  Habitans  Gentils,  mais  la  plupart  pauvres.    La 
Province    d'Orixa    ne   commence    proprement    qu  après    Bimilipatnam. 
Voici  ce  que  le  Père  Tactiard  nous  apprend  de  fes  principales  Places. 
„  Ganjam  {x)  eft  une  des  Villes  les  plus  marchandes  qu'on  trouve  de- 
puis Madras  juiqu'à  Bengale.    Tout  y  abonde,  &  le  Port  efl  très-com- 
mode.   Dans  les  plus  bafles  marées ,  fon  entrée  a  toujours  cinq  ou  fix 
pieds  d'eau ,  &  neuf  ou  dix  dans  les  eaux  vives.    On  y  bâtit  des  Vaif- 
lêaux  en  grand  nombre  &  à  peu  de  firaix.    Tachard  y  vit  quatre-vingt- 
I  s.  huit  Vai^eaux  à  trois  mâts  échoués  fur  le  rivage,  &  environ  dix -huit 
fur  le  Chantier  qu'on  conflruifoit  tout  à  la  fois.    La  facilité  &  l'abondan- 
ce du  Commerce  y  auroient  fans  doute  attiré  les  Nations  Européennes, 
fi  la  ialoufie  des  Habitans  ne  s'étoit  oppofée  à  leur  établiffement.     Ces 
Peuples,  quoique  foûmis  aux  Mogols,  s'imaginent  conferver  leur  liberté, 

Sarvcqu'iU  font  en  poifeffion  de  n'avoir  aucun  Maure  pour  Gouverneur 
ans  leur  Ville.  UepeuUant  ils  permettent  aux  Maures  d'y  fixer  leur 
_  demeure;  mais  ils  font  fort  en  garde  contre  eux,  &  bien  plus  encore 
\y  contre  les  Européens.  %  ne  veulent  pas  fouffrir  qu'ils  renferment  leurs 
„  maifons  de  murailles ,  dans  la  crainte  qu'ils  n'en  fiflent  bien-tôt  des  For- 
„  tereffes.  Auffi  n'y  a-t-il,  dans  toute  la  Ville,  ^u'un .grand  Pasode  &  là 
,y  Maifon  du  Gouverneur  Gentil,  qui  foyent  de  brigue.  Toutesles  autres 
maifons  ibnt  conftruites  d'une  terre  graife,  enduite  de  diaux  par  dedans 
&par  dehors;  elles  ne  font  couvertes  que  de  paille  &  de  joncs,  &  il  eh 
faut  changer  de  deux  en^u«  ans;  ce  qui  efl  aflTez  incommode.  La  Vil- 
le efl  d'une  grandeur  médiocre,  les  rues  font  étrokes  ôl  mal  difpofées;  le 
peuple  y  efl  fort  nombreux.  Elle  eft  fituée  fur  une  petite  élévation  le 
long  de  la  Rivière,  à  un  quart  de  lieue  de  fon  embouchure.  Douze  ans  au- 
paravant, en  171 1,  elle  étoit  plus  confidérable  par  fes  richelFes  &  par  le 
nombre  de  fes  Habitans  ;  elle  étoit  alors  beaucoup  plus  proche  de  la  Mer  * 
mais  un  vent  d'Eil  des  plus  violens,  qui  s'éleva  vers  le  foir ,  fit  déborder 
les  eaux  de  la  Mer,  qui  fubmergèrent  la  Ville.  Peu  de  fes  Habitans 
échappèrent  au  naufrage. 


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Gan- 


(o)  Quelques  Auteurs  donnent  à  la  Côte, 
depuis  la  Pointe  de  Divi  à  celle  de  Gaudt- 
wart,  le  nom  de  Côte  àsGergelini  mais  on 
«ppelle  plus  communément  Côte  d'Orixa ,  tou- 
te l'étendue  de  celle  qui  cft  entre  Coroman- 
del  &  le  Gange. 

iCi^.  Porr. 


(x)  Sa  fituation,  fuivant  le  P.  Tachard, 
e(t  par  dix-neuf  degrés  &  demi  de  Latitude; 
trois  degrés  de  variation  Ncrd-Eft.  M.  d'An- 
ville  témoigne  quelque  incertitude  fur  fa  po- 
fItion,parcequ'il  la  trouve,  dit-il,  autre  paît 
confondue  avec  Srnmvm, 


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DE5CRIPT  ION    DE    LÀ 


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Descstmoir 
dblaC^te 

M  COROMAir* 


Barampour. 


Jagrenal 
fameux  Fa- 


„  Ganjain,  qù'oo  avok  commence  à  Ij&ck  Ceulement  depuis  vingt  us.  C^ 
Pagode  o'efl;  qu'une  tour  de  pierre  maflive,  &  et  fi^ce  polygone,  haoïe 
d'environ  ouacre-^ingt  pieds,  fur  trente  à  xjuarante  de  faaîe.  A  cette 
mafTe  de  pierre  efl  jointe  «ne  efpéce  de  faUe,  où  devoit  feçoifer  Tldoie 
Co^,  quand  l'Edince  feroit  fini.  En  attendaizti:  on  Tavoit  mis  dans 
une  maifbn  voifme ,  où  elk  étoit  ièrviie  par  de8)Saenficaseyirs<&  des  De- 
vadachi,  ou  filles  proftkuées.      ^..j  «j  .  liiaTr/us 

,,  La  Ville  de  Bmmpow,  ëk  encore  ^ns  oonndérad>Ie  queoelle  de  Gan- 
„  jam ,  {bit  par  la  multitude  &  la  dcheuè  de  (es  Habitaas^  iok  par  ie  grand 
„  Commerce  qu'on  y  fait  'de  toiles  &  de  folies.  Cetce  VuUe  lé^nt  iituée 
„  entre  la  Côte  de  CevgelÎR  &  celle  d'Orixa,  oo  ^  parle  cpmmuaément  les 
„  langues  de  ces  deux  Provinces.  Barampour  eu:  a  «fiiatneliaiM  de  Gaojam; 
la  ForterefTe  y  eft  remarquable.  £He  conlide  en  >deux  eodiers  de  txkéàioza 
iiauteur,  tqui  font  envtnxiné»  d'une  muraiHe  de  pierre  ps^u'auffi  duie 
que  le  maiÂire.  Elle  9.  bien  mille  pas 4e  circuit;  fes  mus  Vicrs  le  Nord 
font  bîâgnés  d'une  petite  Rivière ,  <}ui  va  fe  jetter  dans  la  idcr  ime  iieue 
au-de0ôus.  On  dit  à  Ta<fh»-d  qiï'il  7  avoit ,  fax  ia.  porte,  une  infiariptioo 
{i  ancienne,  que  pei^nne  «'en  conn&tlSok.  <let  cattaâèces ;  nais  les  Mait 
„  res  ne  veulent  pas  penaMCtre  aux  Eiin»éens  >d'esi  appnachfir^  toam 
„  tjU'ils  ne  s*en  emparent ,  ce -qui  foroit  facile,  pujfqu'il  n'y  a  pcdènue 
„  pour  la  défendre.  Oa^'âflUra  qvCH  nV  av«iic  ^éôes  .que  faixante  ans, 
qu'un 'homme  du  P^^^  avec  cent  4e  ws  Compatiiotes,  7  avoitleuitê' 
te,  pendant 4euK  ass,  à  une  Avnée  fornâdaUe  de  Miumea,  ^  9f^<£^ 
te  poignée  4e  cens  -n'avoit  pu  Être  réduite  -que  par  la  ÊMOsiae.  Tant  le 
plat  Pays  eft 'bien  cidtiyé,  Kir-tout  auprès  dos  «oatagnes,  où  le  xtz  & 
U  bled  viennent  en  aibohâance  dcus  Ibis  •l'^année,  <de  méine  cjit'Att  JBeQ- 
^le ;  mais  t'air  7 ^'beaucoup  pku  fsMi ,  <&  letiteS&mK  y  font  plus gro} 
<x  plus  -vigoureux. 

„  XacK ARD  ne  pttt  décoHVFÎr  te  anainâm»  ^4Ai^4LeiChaà0ia,mfmB^  si^ 
dans  la  Ville  de  Gat^am,  ^i  dans  cdle  4e  Saranpoisr.    >Cef£S^sest:  i 
croit  que  t'Evangîle  /y  établirent 'aifêment,  û  iUna  j^tairofoift  4es  Miy 
fionnaires*    Ces  Peuides  font  d'^m  natwd  -dopile ,  ^  si'iMt  ^'mi  .  médio* 
cre  atCftcihemenc-pottr  leurs  Idoles,  fiHr-tout  à  Bacampour^  où  les  Pago- 
des font  fort  «érigés.  Néanmoins  il  règne  &  Owajtm  on  jdéi^^ciiMitt  (^ 
moeurs  ^i  li'a  nen  de  femblable  dans  toute  l^nde.    Le  libartinrge  y  d 
fi  public ,  &'û  effréné ,  ^e  le  Père  Taduffd  4it  atroir  oÉtendn  ^iv  i 
fon  de  trompe,  qu'il  y  avoit  du  péril  à  aller  diex  les  Devadadu  mû  id^ 
meuroieot  dans  là  Ville;  mais  e^^on  pouvoic  voir  enjtoute  fuoett  celfô 
qui  dellervoienc  le  Temple  de  Coppal.    Les  Peuples  de  i'Onca  &j& 
moins  difTolus.    Quelques  Brames  du  Pays  affurèrent  le  Miffionnaire, 
qu'il  elï  rare  d'y  trouver  un  Ourias  qui  ait  deux  femmes,  &  que  c'ell 
',1  pacmi  fi^  m  Jil^tin^e  defappiiouvé;,  fuaod  imliomne  en  ^poufe  degx, 
itir^ouciii  ^p^iid^Ec  n*^  pas  ibérile. 


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j,  Q'U'i.Mze  à  fe^  ^eues  au  Nord  detGanjam.,  «0«2|MBf  4«JaJBiXQrtM 
trouve  la  Ville  de  ^^renët,  dont  le  ^gede,  qui  eft-à'iMe  diaiie  dam 
les  terres,  eft  fans  contreait  le  plus  célèbre  &  le  plr — '^^  j~  .--* 


ridw  de  tout* 
ilade: 


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Hiftoire  de 
fon  origine. 


PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.       f47 

ÏIndez  l'Edifice  en  eft  magnifiqae»  fort  ëtevë,  &  d'me  ttfëv-vafb  en-  T^taeumm 
ceinte.  Ce  Pagode  eft  encore  confîdérabte  par  le  nombre  de  Péterin»  qui  -JVI^JJÎL 
s'y  rendent  de  tontes  parts,  par  VoBy  les  perle»  &  ks  pierreries  donc 
il  eft  orné  ;  il  donne  fon  nom  a  ht  grande  Ville  mi  Fenvironney  &  à  tout 
le  Kojzmac.  On  le  découvre  en  Mer  de:  dix  a  douze  lieaeSy  quand  le 
teras  efl  feteia.  Tachard  auroit  fort  foufaaitéde  s'inftmire  par  lui^oxême 
det  particularités  qu'on  en  raconte  ;  moi»  on  lui  dit  (|ae  Fencrée  n'en  écoic 
permife  qu'aux  Idolâtres,  Le»  MÛires  mêaies  of  ofent  en  approcher  -,  on 
efl:  fur-tout  en  garde  contre  les  François.  Il  pafTe  pour  confliant^  di&il, 
çi'oo  François  dégutfé,  trente  ans  aiqDaravanty  a'étant  glifCé  dans  le 
n  Temple,  ^r  enleva,  pendant  la  nuit,  un  gros  subi»,  d'ans  prix  ineflittiable, 
„  qui  ronnoitua  des  yeux  de  l'Idole;. 

„  Cx  Temple  efl:  fier  •  tout  célèbre  jrar  fbm  ancienneté.  L'hiflx^ire  de 
,f  ion  origine  eft  ÛBguiiére.  La  tradition  du  Pays  sq^end,  qu'après  un 
r,  ouragan  de»  ^Uff  farieux ,  qoelques*  Pidieurs  Ourlas  trouvèrent  fur  la 
,r  place f  qui  eft  fore:  baflè ,  une  poutre,  que  lai  Mer  y  avoit  jettée;  elle 
étoit  d'un  bois  pardeulieT ,  <&  perfonne  nfen  avoit  vu.  de  femblabfe  :  elle 
fut  deflônëe  à  un  ouvrée  publie^  &  ce  ocr  fat  pas  fimS'  peine  qu'on  la 
tvalna  jw^u'^à  la  première  Peuœdade,  oit  Too!  bâtit  enfoite  k  Ville  de  J[a- 
grenat.  Au,  pKPmi«>r  mup  de  nadie  quW  kû  donna^  il  en  fortic  un  ruif- 
feau  de  fanç.  Le  Cftarpenti»»  interdir ^  r»ia  aufli-tôt  au  prodige;,  le 
_  Peuple  y  aceourat  dfe  tou»  côtés ,  &  les  Brames,  encore  plus  interefles 
n  que  fupcrftîtieax,  ne  manquèrent  pas  dv  pnbfier  que  c'étoit  un  Dieu  , 
„  qui  devOTC  être  adoré  daiisi  le  Paysv  On>Toit  au  Pega  &  à  Tenafibrim 
quantité  d'arbres  d^un  bois<  rouge.  Quand  its^eft  pa&-  coiçé  dans  la  bon- 
ne faifoir,^  (il  on  te  laifle  longtèms  aw Soleil,  Une  manque  pas  d'être  ron- 
gé  endedanrpar  les^vers',  qui  creufent  jufqu'au  cosuf  du.  bois.  Qu-on 
le'  jeooe  en&itè  dui»i  l'eau ,  il  en  eft  bien-tôt ^brsuvé;^  il  s'y  ^t  des*  ré- 
fervoirs,  &.  l'eau»  eavan  en  ab«tk4laiuie' lorfqucb  la  hadas  pénétre  un  peu 
arraxic  Ainfî  il  tt?y  aurait  rien  que  «te  naturel  dans  cette  eau  rougie;  mais 
les  Idolâtre»,  abulîés  parleurs  &ames,  étoient  ravis  d'y  trouver  du  pro- 
dige. On  en  fit  donc  une  ftatue  de  cinq  à  Cm  pieds  <te  hauteur ,  mais 
très-informe  &  qui-  rspréfente  plutôt  la  figure  dfuni  finge  que  cdle  d'un 
homme  t^lès  bras  (bno  étendus  &  tronçonnai  un  peu  plu»  bas  que  le  cou- 
de; apparemment  parce  qu^otta' voulu  ùâce^h.  ftàme  d'une  feule  pièce  ; 
car  on  ne  voit  point  de  flacues  mutilées  dans;rûRie,  &.eiles  pafllent  dans 
l'èfprit  de  ces.  Peuples  pour  monflïueuièsi 

„.  OiN-  ne  fauroit  croire  la,  foule  &  le  concours  des  Pélerin&qui  viennent 
à  Jagrenat  de  toute  l'Inde ,  foit  en-  disçàî  r  Ibit  en/-  delà,  dui  Gange.  Le 
tribut  qu'on  tire  de  ces  Pèlerins  eft  un  des  plus  grands  revenus  du  Raja 
de  cette  Ville.  Eay  entrant  on  paye  pour  lui  trois,  roupies  aux  Gardes 
de  la  porte.  Avant  que  de  mettre  le  piedi  dans  l'enceinte  du  Temple, 
il  faut  préfènter  une  roupie  au  prinoipali  Brame  j  c'eft  la  moindre  taxe 
ape  lesplus  pauvres  ne  peuvent  pas  fe  dÏÏpenfer  dfe  payer.  Les  riches 
donnent  des  Tommes  confidérables ,  &.  il  y,  en,  a.  eu.  q^i.ont  payé  plus  de 
huit  mille  roupies.    Les  Gentils  de3>  Côtes  diî:  GèEgeliBi  ^dOwai  ont 

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DESCRIPTION    DE    LA 


DncstmoM 
dilaCôti 

SI  CoROlf  AN- 
OIU 

Catek»  Réfi' 
dcnce  du  Ra- 
ja du  Pays. 


Pointe  des 
Palmiers. 


.^îi<^',  .>;  1.1. 


Bancs  de 
^     fable,  à  l'em- 
bouchure du 
Gange. 


Qiambre 
éa  Diable. 


„  continuellement  Jagrenat  dans  la  bouche:  ils  l'invoquent  en  toute  ren« 
„  contre  ;  &  c'eft  en  prononçant  ce  nom ,  qui  leur  eil  vénérable ,  <ni'ils  font 
fûrement  tous  leurs  marches,  ou  qu'ils  prêtent  leurs  fermens  (V). 
„  Le  Raja  du  Pays  eft  en  apparence  tributaire  du  Grand  Mogol,  ^ 
prend  même  le  titre  d'Officier  de  l'Empire.  Tout  l'hommage  qu'oa 
eiige  de  hii ,  c'ed  <^ue  la  première  année  qu'il  pend  pofleflion  de  Ton 
Gouvernement,  il  vifite  en  perfonne  le  Nabab  de  d^ek^  Ville  confidé- 
rable  entre  Jagrenat  &  Babj/jor.  Le  Raja  ne  fait  fa  vifite  que  bien  ef< 
corté. 

„  Dans  la  petite  traverfée  de  Ganjam  à  la  Pointe  des  Palmiers,  on  paf- 
fe  la  fauffi  Pointe ,  qui  efl  très-dangereufe  dans  la  faifon  des  vents  da 
Sud,  parceque  l'enfoncement  qu'elle  fait  eft  entièrement  femblable  à  ce- 
lui de  la  véritable,  &  tous  les  jours  en  s'y  trompe ,  au  dango:  de  faire 
naufrage  :  car  quand  on  y  eil  une  fois  entré ,  il  n'efi:  pas  facile  de  s'en 
„  retirer.    On  peut  cependant  reconnoitre  la  faufTe  Pomte  aux  bords  da 
rivage,  qui  font  fort  efcarpés,  &aux  terres  blanches  qu'on  apperçoit  par 
intervalles.    Si  l'on  fait  attention  à  ces  remarques,  on  n'y  fera  pas  fur- 
pris.    La  véritable  Pointe  des  Palmiers  eft  une  terre  bafle  &  noyée,  où 
il  paroit  des  arbres  éloignés  les  uns  des  autres,  bien  avant  dans  la  Mer^ 
fans  qu'on  puifle  voir  le  rivage  que  d'une  xaBjiî^rp-  ronfiife. 
„  Après  avoirpafW  la  Pnînrf  do«  Palmiers,  &  avant  que  d'arriver  à 
la  Rade  de  Balaflor,  qui  en  efl  éloigné  de  quinze  lieues ,  les  marées  vio- 
lentes font  fouvent  dériver  les  Vaifieaux  jufques  près  de  Canaca,  nom 
d'une  Rivière  au  Sud-Ouefl  de  l'enfoncement  de  la  Pointe  des  Palmiers. 
Ces  Habitans  ont  la  réputation  d'être  de  grands  Voleurs. 
„  Toute  l'embouchure  du  Gange  efl  occupée  par  un  «rand  Banc, 
qu'on  appelle  les  Braffès;  elles  ne  font  que  du  côté  cte  l'pucS::  à  l'Efl  oa  i 
peut  entrer  &  fortir  du  Gange,  fans  pafTer  fur  aucun  Banc.    Nul  Vaif- 
l^au  n'entre  jamais  par  la  PaXled«  l'Eft,  quoique  tous  y  pafTent  en  /br- 
tant.    Une  infinité  de  Bancs  cachés  qui  l'environnent,  Ôc  qui  s'étendent  ! 
fort  loin  dans  la  Mer ,  rendent  cette  PafTe  très-dangereufe.    Ces  Bancs 
forment  un  Canal  fort  étroit  à  l'embouchure  du  Gange,  qu'on  découvre 
aifëment'  en  fortant,  parceque  le  Garai  efl  près  des  terres  ;  mais  on  ne 
peut  le  connoitre  quand  on  vient  du  lajj^e.  Les  grands  Vaiffeaux  attendent 
Te  demi  flot  pour  paiTer  les  deux  BrïUles,  &  vont  mouiller  dans  un  en- 
droit où  il  y  a  toujours  cinq  ou  fix  brafTes  d'eau  :  on  l'appelle  la  Cbamèrt 
au  Diable  f  parceque  la  Mer  y  efl  extrêmement  haute,  quand  le  vent  eil 
violent ,  &  que  les  Vaiffeaux  y  font  en  danger.    Les  BrafTes  ne  changent 
jamais:  les  petits  Vaiffeaux  pafTent  la  première  Braflb,  qui  n'a  pas  pliu 

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(  3f  )  Nos  Voyageurs ,  ftu-rtout  Thevenot  & 
Tavernier,  difent  des  merveilles  de  ce  Pa- 
gode; mais  le  Pète  Bouchet  avoue  que  la 
plupart  des  cho'fes  qu'on  en  rapporte  lui 
paroiiTent  aflëz  fufpeétes.  G)mment  Theve- 
not aurolt-il  bien  connu  Jagrenat,  lui  oui  le 
met  dans  le  Bengale,  uupdis.  qu'il  eft  fur  la. 


cote  d'Orixa,  tout  près  de  celle  de  Coro- 
mandél,  à  vingt- fépt  lieues  au  Sud  delà 
Ptinte  dit  Palmiers,  à  la  Latitude  de  viflgç 
d^rés»ou  félon  d'autres,  dix  minutes  moins; 
erreur  que  M.  Lenglct  4u  Frtfwy  a  fuivil 
dans  fa  Géographie^ 


i.a 


-■.i- 


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iiiiiiiiiiiiiiimiiiif 


Plan 


GROlSfD  -  TEKENINC 
HOLLANDSK  LOCIE 

H  O  E  G  L  Y 

A*   lyai. 


HhjnUmlIr  JtoejLm 


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iiiiiiiinifi 


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^"X  ScAlt^    Jirtai  . 


P»g-  149 


EXPLICATION 


Des  Renvois  du  Plan  de  la  Loge  Hollandoifc  d'O  u  g  l  y. 


A.  Porte  d'eau  de  la  Loge. 

B.  Porte  de  la  Campagne. 

C.  Chemin  qui  conduit  à  la  Maifon 
du  Maître  d'Hôtel. 

,D.  Logement  du  Direéleur. 

E.  Logement  du  Second. 

F.  Lieu  où  l'on  villte  les  Toiles. 

G.  Cuifmes  de  Vivandiers. 

H.  Magafm  de  cables  &  cordages. 
I.    Lieu  où  l'on  tient  les  ancres. 
K.  Manufa£lure  de  toiles  à  voiles. 
L.  Logement   du  Confolateur  des 

Malades. 
M.  La  Forge. 
N.  La  Prifon. 
O.  Maifon  du  Fiscal. 
P.   Ecuries  de  chevaux  &  d'éléphans. 
Q.  L'Hôpital. 
R.  Jardin  du  Village. 
S.   La  Corderie. 
T.  Baflins,  ou  Refervoirs. 
V.  Jardin  du  Fiscal. 

W.  Maifon    &   Jardin   de    là    Com- 
pagnie. 


X.  Maifon  du  Maître  des  Equipa- 
ges. 
Y.  Jardin  du  Direéleur. 
Z.  Jardin  du  Second. 

a.  Chemin  qui  conduit  à  la  Rivière. 

b.  Bazar  ,  ou  Marché. 

d.  e.  f.  Muraille   du  Jardin  de  la 

Compagnie. 
g.  h.  Allées  du  Jardin. 
y.    Cabinet ,  Jet-d'eau  &  Labyrinthe. 
/.    Chemin  le  long  de  la  Rivière. 
m.  L^emens  des  AnTiflans  &  autres 

Officiers. 
n.   Logement  du  Caifïïer, 
0.    Logement  de  l'Enfeigne. 
p.   Logement  del'InfpeéteurdesMa- 

fauns.  î     I  ' 

-e  Chantier.  '  " 
r.    Logement  des  Canoniers. 
s.    La  Tonnelerie. 
t.    Greniers. 
V.    Cimetière. 
TO.  Corps- de-Garde. 
X.  La  Sécretairie. 


Nota,  La  Lettre  A,  qui  manque  dans  le  Plan,  doit  être  placée  au  bout 
de  l'allée  qui  va  de  a,  ou  dii  Rivage,  à  la  Loge.  On  a  pallë 
le  ff  &  le  *;  le  ^  eft  deux  fois  pour  A,  au  Jardin;  &  Y  y  tient  la 
place  de  Vi  ;  mais  ces  fautes ,  qu'il  eft  trop  tard  de  corriger ,  ne  font 
d'aucune  importance. 


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PRESQU'ISLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      149 

„  de  deux  lieues,  &  fe  rendent  dans  le  Canal  le  lonz  de  la  terre.    On  efl  ORieiimoir 
„  fouvent  piufieurs  jours  à  remonter  le  Gange  jufquà  Cbandtrnagor  ^  &  ce    "«'-aÇôti 
„  n'efi  pas  fans  des  périls  continuels.    On  ne  fauroit  croire  combien  de  °*   del?***' 
„  Vaifleaux  pdrifTent  fur  cette  Rivière;  les  plus  grands  y  navigent  jufqu'à        ^ 
„  Ougli'j  c'eit  à-dire,  plus  de  quatre-vingt  lieues  depuis  l'embouchure  du 
„  Gange.    Le  riche  Commerce  qu'on  fait  à  Bengale  ne  permet  pas  de  fai- 
„  re  attention  à  ces  pertes  fréquentes.    Toutes  les  Nations  y  apportent  de  o 

„  l'argent,  &  elles  n'en  rapportent  que  des  effets.     Les  Anglois  feuls  y  a- 
„  voient  apporté,  cette  année  171 1 ,  plus  de  fix  millions  d'écus". 

Ou  A  NO  on  efl  à  la  Rade  deBalailbr,  où  les  Anglois ,  les  François  &  le» 
Holtandois  ont  des  Loges,  on  envoyé  à  terre  chercher  un  Pilote  Côtier, 
pour  pafler  les  Bancs  de  fable  avec  la  marée.  On  remonte  la  Rivière  en- 
viron foixante  lieues  (z^;  les  vingt  premières  fe  font  à  travers  des  forêts 
immenfes  ;  enfuite  on  découvre  un  Pays  aflcz  peuplé.  Les  Européens  de 
différentes  Nations  y  ont  ménagé  piufieurs  endroits  propres  à  recevoir  le» 
Vaiffeaux.  Coulpy  eft  un  aflez  bon  mouillage.  Les  Vaiffeaux  François  & 
Anglois  y  reftent  d'ordinaire.  Les  Hollandois  montent  jufqu'à  Folta^ 
quinze  lieues  plus  haut  ;  les  uns  &  les  autres ,  lorfque  la  faifon  &  le  cou- 
rant le  permettent ,  conduifent  leurs  Vaifleaux  jufques  devant  leurs 
Loges. 

CoLLiCATA  efl  une  des  plus  conddérabîes  '  .lonies  que  la  Compa- 
gnie d'Angleterre  ait  dans  les  Indes.  Huit  lieues  plus  haut ,  on  trouve 
Chandernagor ,  Comptoir  de  la  Compagnie  de  France.  Tous  ces  lieux  font 
fort  connus  par  les  Relations  précédentes;  mais  on  a,  fur  l'Etabliflemenc 
Hollandois  de  Beneale,  des  éclairciflemens  très-curieux ,  qu'on  cherchcroit 
en  vain  dans  les  Voyageurs. 

„  Leur  principale  Loge,  dit  M.  G<ir««,  efl:  kChincborat  très-beau  & 
„  très-grand  Village,  qui  appartient  en  propre  à  la  Compagnie.  Il  porte 
le  nom  à'Ougli ,  qui  eft  celui  d'une  méchante  Forecrerfc  du  Grand  Mo- 
gol ,  fituée  fur  le  Gange ,  à  une  lieue  plus  haut ,  où  les  Hollandois 
avoient  déjà  demeuré.  Comme  Chinchora  leur  convenoit  mieux  à  tous 
égards,  ils  obtinrent  du  Souverain  ce  lieu  commode  fur  le  Gange,  & 
bâtirent  la  belle  Loge  qu'ils  y  ont.  Ils  lui  donnèrent  le  nom  dOugli, 
pour  ne  point  changer  le  titre  de  leur  demeure  au  Bengale.  Cette  Loge 
efl:  entourée  d'une  grande  muraille  fort  épaifl^e,  formant  un  quarré  long 
de  cent  vingt  toifes  de  front ,  &  de  foixante-quinze  de  largeur.  Elle  elt 
très-haute,  &  fait  partie  des  Magafins,  qui  y  régnent  tout  autour  inté- 
rieurement. Au-defllis  de  ces  Magafins,  eft  une  forte  Terrafle,  à  la 
„  manière  des  Orientaux ,  larj^e  de  huit  toifes,  comme  le  font  les  Maga- 
fms.    Le  tout  eft  bâti  de  pierres  ou  de  briques.    Cette  Terraffe,  trés- 


EtabKlTe- 
mcns  Euro* 
péens. 


DcfcriptioD 
d'Oiigli. 


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(2)  On  navige  fur  le  Gange  dans  des  Ba- 
zaras,  efpèce  de  Barque  à  Rameurs,  de  dif- 
tiérentes  grandeurs,  avec  une  ou  deux  cham- 
bres fur  l'arrière.  Cette  manière  de  naviger 
au  le  Gange ,  eft  abfoluinent  néceOkire,  à  caufe 


i   îi'î 


des  inondations ,  qui  viennent  régulièrement 
en  certains  mois  de  l'année,  &  qui  forment 
enfuite  une  multitude  prodigieufe  de  Canaux . 
dont  tout  le  Pays  eft  entrecoupé. 

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tS<3 


DESCRIPTION    DELA 


DKtACÔTZ 
DB  COROMAU* 


M  uiÛQ  &.  muimfiQue,  eft  U  plus  belle  promenade  qu^on  puifle  voir}  on 
„  découvre  de^là  le  ViUage,  une  bonne  partie  de  la  Rivière,  &  de»  allées 
„  d'arbres ,  oui  fervent  d  avenues  à  la  Loge.  On  y  peut  placer  du  canon 
„  dans  le  beloin.  Il  y  a  un  Baftion  à  un  des  angles ,  du  côté  du  Village , 
M  pour  y  mettre  aufli  du  canon.  La  Loge  a  trois  portes ,  deffendnes  dia- 
^  cune  par  une  avance  quarrée,  (^  lient  lieu  d'un  BafUoa.  Les  Magaiins 
„  forment  deux  belles  rues  fur  le  grajkd  côcé  de  devant.  Il  y  a  plus  loin, 
,»  dans  le  milieu»  deux  belles  cours»  grandes  >quarrées,  un  peu,  longues,  & 
fort  régulières.  Sur  le  derrière  eft  un  beau  Bâtiment,  de  quaranie-  cinq 
toifes  de  long,  ^  de  huit  à  neuf  de  large»  orné  d'un  bel  eicalier  par-de- 
vant, qu'on  voit  au  fond  d'une  des  grandes  cours.  Cette  Maifon  eit  pour 
le  Dir^eur,  que  la  Compagtûe  tient  toujours  au  Bengale.  Les  autres 
cècés.  des  cours  font  rempUs  d'appartemens  très  -  commodes ,  pour  loger 
les  Officiers.  Les  cours  &  les  apparfemesna  n'occupent  qu'un  peu  plus 
d'un  tiers  du  terrain  de  lai  Loge.  Ua  Jardin,  avec  des  nouveaux  Maga- 
fms ,  occupent  les  deux  autres  tiers.  Enfin ,  derrière  la  Loge ,  il  y  a  uo 
Jardin  potager  &  fruitier»  trèsrfpacieux,  «^  au  milieu,  une  belle  allée 
d'arbres,  qui  fert  d'avenue  à  la  porte  de^  de»'ciére  de  la  Loge;  chaque 
porte  a  fon  avenue  pareilk»  c'eft-à-dire»  ornée  de  beaux  arbres.  Ce 
Jardin ,  qui  eft  entouré  d'une  belle  muraille  contigue  à  la  Loge ,  &  qui 
aauÛi  trois  portes»  a  cent  quatre-vingt-cinq  toiles  de  longueur,  cem 
trente  dan^  la  plus  grande  largeuf,  «Sk  quatre- vingt  dans  la  moindre;  Il 
y  a  encore  deux  ou  trois  allée»  de  cocotiers.  On  y  voit  deux  beaux 
réfervoi;& pleins  d'eau,  u£ie  belle  maiibn»  &  un  petit  bâtiment,  le  tout 
^  pour  la  récréation  »  un  petit  boijs ,  un  labyrônthe  d'arbrifleaux  formés  eo 
„  efpaliers.  Plus  loin,  dehors  ce  Jardin,  après  avoir  traverfé  une  large 
„  rue,  on  voit  un  autres  Jairdin  magnifique,,  qu'un  Dire£teur  a  fait  faire^ 
il  y  a  quelques  années,  à  fes  dépens,  avec  une  maifon^  de  plaifance  au 
milieu  du  terrain»  dont  la  vue  d4Mine  fuF  la  Ktvière.,  II  eft  garni,  au  bout, 
d'un  petit  parc  »  qui  renferme  des  biches  &  quelques,  cerre. 
,»  Les  goutières  des  Terraflês  de  la  Loge  font  de  giros  tuyaux,  faiçpn- 
nés  comme  des  pièces  d'Artilljerie,  qui  avancent  en  dehors,  &  que  les 
Etrangers  ont  toujours,  pris  pour  des  canons.  Il  y  a»  dans  une  des  cours, 
huit  ou  dix  pièces  de  campagne  de  bronze,  montées  iiur  leurs,  ajouts, & 
deux  Batteries  de  casons  de ieii  dehors  de  la  Loge,  aune  portée  de  fu- 
fil  près  le  bord  du  Gange ,  au  pied  d'un  mât  qui  porte  le  pavillon,  de  la 
Compagnie.  Ces  canons  font  çouchési  fùx  des  blocs;  ils;  ne  fervent  que 
pour  faire  le  falut  aux  VaiiTeaux. 

„  Il  y  a,  en  Hollande,  unbeau.Plan  de  cette  Loge,  queM.  F<wi3'^- 
hoeht  Confeiller  des  Indes,  fit  faine». loriq^'ilétoit  Dïreéteur  de  Benga- 
le (a).  Ce  Plan  eft  affez  jufte;  mais  le  Jardin  y  eft  un  peu  plus  accour- 
ci  qu'il  ne  doit  être.    Il  ne  comprend  que  la  Loge  &  fes  avenues, 

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<a)  C'eft  Iç  ïf^m  3^1^  dont  nQUs  f%iûms  id  uiji^.    Il  eft.  escfiU^t  BOULca  q^'li» 
fréfente.  , 


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PRESQmSLE  EN  DEÇA  DU  GANGE,  Liv.  III.      151 

jufques  au  Gange,  le  Jardin  du  Directeur ,  la  Corderie,  où  l'on  fait 
les  cables  &  les  voiles,  &  une  partie  du  Cimetière,  qui  appartient  à 
la  Compagnie. 

»,  Le  Village  méritoît  bien  d'v  être  mis,  à  caufe  de  fa  grandeur ,  & 
des  belles  parties  qui  le  compofent.  Sa  plu$  grande  longueur  eft  de  trei- 
ze cens  dix  toifes,  &  fa  plus  grande  largeur  de  fept  cens  dix  toifes  pié 
de  Roi,  le  tout  en  ligne  droite.  Cette  étendue  renferme  cent  foixante- 
une  rues,  petites  ou  grandes,  fans  y  comprendre  les  traverfes,  ni  les 
culs-de-fac ,  qui  ferolent  bien  le  même  nombre.  Il  y  a  beaucoup  de  Jar- 
dins ,  aflez  mal  cultiva ,  &  des  coins  du  terrain  perdu.  Il  y  a  un  nombre 
„  incroyable  de  haflins ,  ou  réfervoirs  d'eau  de  pluye ,  de  toutes  fortes  de 
'„  grandeurs  &  de  formes ,  de  publics  &  de  particuliers.  Leur  ufage  eA 
„  pour  s'y  laver,  comme  font  les  Orientaux.  Les  particuliers  font  dans 
„  des  cours  &  des  jardins,  qu*on  en  arrofe. 
„  Il  y  a,  dans  dninchora,  plulleurs  fortes  de  Nations,  que  le  Commerce 
y  attire.  La  moitié  du  Village  a  des  maifons  bâties  de  Sriaues,  &  quel- 
ques-unes très-belles»  Celles  des  principaux  Officiers  de  la  Compagnie 
mrpajffent  toutes  les  autres^  avec  de  beaux  jardins  ou  parterres.  La 
rue  la  plfis  grande  di  de  qumze  toifes  de  large,  &  de  deux  cens  dix  de 
long;  il  règne,  dans  toute  fa  longueur ,  une  belle  allée  d'arbres,  qui  fert 
d'omî>rage  au  Marché  ,  qu'on  y  tient  tous  les  jours.  Cette  rue  eH:  la 
plus  proche  de  la  Loge.  On  voit  des  cocotiers,  parfemés  dans  ce  iieu, 
qui  font  un  bel  effet  par  leurs  hautes  tiges  &  leurs  agréables  bouquets 
4e  feuillages. 

4,  Cet T fi  Direction  efl:  la  plus  confidérable  que  la  Compagnie  ait  aux 
Indes ,  par  ion  Commerce.  Ceft  par  cette  confédération ,  qu'on  a  cru  la 
defcription  de  cette  Loge  néceflairc,  d'autant  plus  qu'elle  etoit  peu  con- 
nue jufqu'ici  des  Géographes,  qui,  û plupart, &  entr'autres  M.  LengUt 
au  Frefnoy,  difent,  qu'Ougli  eft  la  Capitafe  de  Bengale  (^).  Enfin  Ou- 
gli,  eft  fitué  fur  une  des  branches  du  Gange,  qui  ne  fait  que  le  tiers  de 
cette  grande  Rivière,  &  à  foixante  lieues  de  la  Mer,  ou  quarante-cinq 
miles  d'Allemagne,  de  quinze  au  degré,  bien  mefurés,  par  de  bonnes 
obfervations.  Il  eft  étonnant  que  ce  Pays  de»  Indes ,  qui  eft  le  plus  fré- 
quenté des  Européens,  foit  0  peu  «Hmu,  puifque  nous  n'avons  aucune 
bonne  Carte  de  ce  Royaume  (tf)".] 


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(i)  La  Capitale  eft  proprement  Cazembar 
»ar,  où  eft  la  Cour  du  Nabab,  ou  Vice- 
roi,  à  environ  quatre -vingt  lieues  d'Ougli, 
en  remontant  le  Gange. 

(c)  Thevenot  dit  que  le  Gange  fe  déchar- 
ge, dans  le  Golfe  de  Bengale,  à  la  hauteur  de 
vingt-trois  degrés,  au-lieu  de  vingt-un  de- 
grés quinze  minutes.    Ceft  de-là,  faos  doute , 


que  prcfque  toutes  les  Cartes  repréfentent 
cette  fauflè  Latitude,  &  qu'on  y  voit  tou- 
jours Ougli  fur  l'embouchure.  Celle  que  nous 
avons  inférée ,  dans  le  Volume  précédent ,  eft 
exempte  de  ces  défauts  :  On  peut  la  confulter 
avec  affez  de  confiance.  Voyez  les  Relations 
du  Bengale,  ibid.  Ces  nouveaux  éclaircifTe- 
mens  font  tirés  du  DiS,  de  Commerce. 


I'.  il  ' 


Ter- 


Ï52        DESCRIPTION  DE  LA  PRESQU'ISLE  etc.  I 


DescRirrioN 

DE  LA  CÔTE 

DE  COROMAN- 

D£L. 

Les  Mogols 
ont  l'ufage  dv 
Caffé. 


Tranfition 
à  l'article  fui- 
<vant. 


«       «       « 


f^  i'M 


.îtac!-/  *,„ 


Terminons  un  fî  long  Article,  par  une  obfervatîon  d'Edouard  Ter- 
ri (a).  „  Les  perfonnes  de  rindouflan ,  dit-il,  à  qui  leur  Religion  ne per- 
„  met  pas  de  boire  du  vin,  fe  fervent  d'une  liqueur  plus  faine  qu'agréable, 
„  qui  porte,  parmi  eux,  le  nom  de  Cahua.  Elle  efl:  compofée  d'une  fève 
„  noirâtre,  qu'on  fait  bouillir  dans  l'eau,  &  qui  lui  donne  peu  de  goût; 
,;  quoiqu'elle  ait  beaucoup  de  vertu  pour  aider  à  la  digeilion ,  pour  réveil- 
„•  1er  les  efprits,  &pour  purifier  le  fang".  Terri  parle  de  la  fève,  que 
nous  connoifibns  aujourd'hui  fous  le  nom  de  Caffé.  Le  voiflnage  de  l'A- 
rabie heureufe  procure  à  peu  de  fraix  ce  dédommagement,  aux  Mogols,  pour 
les  liqueurs  fortes,  dont  le  Mahométifme  leur  apprend  à  fe  priver;  &  les 
Vaifleaux  annuels,  qu'ils  envoyent  régulièrement  de  Surate  à  Mocka,  leur 
apportent  cette  marchandife  en  échange,  pour  les  produélions  de  l'Inde. 
On  a  fouvent  demandé  comment  une  Contrée ,  d'auui  peu  d'étendue  que 
l'Arabie,  pouvoit  fournir  duCaffe,  non-feulement  à  la  Perfe  &  à  la  Tur- 
quie, qui  en  ont  depuis  long-tems  l'ufage,  mais  encore  à  la  plus  grande  par- 
tie de  l'Europe,  où  le  même  goût  s'elt  établi  depuis  près  d'un  fiécle  (b). 
Ici  la  difficulté  augmente,  puisqu'il  ne  règne  pas  moins  dans  les  Indes.  Aui 
n'a-t-on  remis  l'obfervation  de  Terri  à  la  fin  de  cet  Article ,  que  pour  fe 
procurer  l'occafîon  de  l'édaircir,  en  le  faifant  fervir  comme  de  tranfitioo 
au  Voyage  fuivant  (ff). 


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(a)  Terri,  pag.  13. 

b  )  Vers  l'année  1660.  Il  y  étoit  connu 
dès  1644. 

(c)  Ce  dernier  article  finiiTott  la  Defcrip- 
tion  de  l'Indouftan,  qui  fait  partie  de  nôtre 
précédent  Volume,  &  nous  l'en  avions  dé- 


taché pour  des  raifons  d'ordre  faciles  i  coni' 
prendre  ;  mais  il  eft  également  bien  ici ,  puis 
qu'on  fe  retrouve  dans  les  Etats  du  Mogol, 
oc  que  le  Caffé  y  elt  par- tout  en  ufage. 
R.  d.  E. 


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153 


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Premier  Foyage  des  François^  dans  T Arabie  heureufe^ 

par  rOcean  Oriental 


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OUTRE  le  deffein  qu'on  vient  d'expliquer,  il  fembleque,  dans  la  vue  Inthoodc* 
qu'on  s'efl:  propoiee,  de  renvoyer  tout  ce  qui  regarde  la  Perfe  &  la  ^^*^''' 
Turquie ,  au  Recueil  des  Voyages  par  Terre  (a),  rien  n'eft  plus  convena- 
ble ici  que  cette  Relation ,  pour  fermer  la  Partie  Occidentale  de  l'Inde.  Il 
n'efl  plus  quelUon  de  conduire  le  Leéleur,  par  des  routes  qu'on  lui  a  fait 
mille  fois  traverfer.  Madagafcar,  llfle  de  Socotora,  &  quelques  Plages 
de  rAbyffinie,  feuls  endroits  où  l'Auteur  prit  terre  jufqu'au  Port  d'Aden, 
n'offriroient  rien  qui  n'ait  déjà  paru ,  fous  mille  formes ,  dans  un  grand 
nombre  de  Journaux.  Obfervons  feulement ,  pour  ne  laifler  aucune  obfcu-  Motifs  de 
rite  dans  un  nouveau  récit,  que  les  François,  dont  on  donne' le  Voyage  (/&),  ce  Voyage. 
étoient  employés  par  une  Compagnie  de  Négocians  de  Saint  Malo ,  les  pre- 
miers de  leur  Nation  (c),  qui  s'étoient  aviles  de  faire,  directement  &  fans 
l'entremifed  autrui,  un  Commerce  dans  l'Arabie;  particulièrement  le  Com- 
merce du  CafFé  (rf) ,  que  les  François  jufqu'alors  avoient  acheté  des  Turcs , 
&  quelquefois  d-^s  Anglois  &  des  HoUandois.  Deux  Vaifleaux,  nommés 
le  Curieux  &  le  Diligent  y  armés,  dans  cette  vue,  pour  la  Courfe  &  le  Com- 
merce, &  chacun  de  cinquante  pièces  de  canon,  fortirent  de  Breft  le  6 
Janvier  1708.  On  ne  nous  apprend  pas  le  nom  (* )  du  Commandant,  qui 
joignoit ,  à  cette  qualité ,  celle  de  Direfteur  de  la  Compagnie ,  &  qui  mon- 
toit  le  Curieux.  Le  Diligent  avoit  pour  Capitaine  un  Officier  d'expérience, 
nommé  Champîoret  le  Brun, 

Tratwportons'Novs  vers  l'entrée  de  la  Mer  rouge,  au  Port  d'Aden,  où 
les  deux  Vaifleaux  arrivèrent ,  la  même  année ,  dans  le  cours  du  mois  de 
Décembre.  L'Auteur  décrit  l'état  préfent  de  cette  Ville  (/).  Elle  eft  aflife 
au  pied  de  plufieurs  hautes  montagnes ,  qui  l'environnent  prefque  de  toutes 
parts ,  &  qui  ont ,  fur  leurs  fommets ,  cinq  ou  fix  Forts ,  avec  des  Cour- 
tines, &  d'autres  ouvrages  en  grand  nombre,  aux  gorges  qui  les  féparent. 
•  •■■     ^    -■•  •■  -     ■  —     -     t       •  De. 


1708. 


Etat  pr<ifcni 
d'Aden. 


\  .t.   «. 


(0)  Voyez  fur  cette  promefle  l'Avertifle- 
ment  du  Tome  précédent.  R.  d.  E. 
(6)  Publié  à  Paris  en 1 716,  chez Cat //eau , 
12.  [EtàAmfterdam  la  mêmeannécjchcz 


m 


Steenbouwer  &  Uytwerf.] 

(  c  )  L'Auteur  dit ,  d'entre  tous  les  Euro- 
fiens.  Il  ignoroit  apparemment  que  les  An- 
glois s'étoient  ouvert,  depuis  long-tems ,  cette 
route.  Voyez  les  Relations  du  premier  &  du 
fécond  Tome  de  ce  Recueil. 

(i)  Cette  explication  femble  prévenir  la 
critique  de  la  Note  précédente.  R.  d.  R. 

(  e  )  11  eft  nommé  de  la  Merveille ,  dans  le 
Traité  de  ft^ocka.  L'omiflîon  de  fon  nom , 
au  Titre  &  dans  la  Préface,  eft  d'auunt  plus 

Xir.  Part. 


furprenante,  que  M.  de  la  Roque,  à  qui  l'on 
doit  l'Edition  du  Voyage,  fait  profeffion  d'en 
avoir  reçu  les  Mémoires  de  ce  Commandant 
même,  &de  les  avoir  rédigés  avec  lui.  Ceux 
qui  ont  connu  M.  de  la  Roque ,  ne  le  foup- 
çonneront  pas  d'infidélité.  C'eft  le  même  à 
qui  l'on  doit  un  fort  bon  Voyage  au  Mont- 
Liban,  frère  aîné  du  Chevalier  de  la  Roque» 
long-tems  Auteur  du  Mercure  François. 

(/)  Soixante-dix  degrés  de  longitude,  & 
douze  de  latitude  du  Nord,  fuivant  les  Ta- 
bles d'Abulfeda.  En  approchant  de  l'Oued, 
on  prendroit  le  Cap  d'Aden  pour  plufieurs 
Ifles  enfemble,  à  caufe  des  diverfes  cxôtes  de 
montagnes  qui  le  forment, 

V 


VOTAOE  DE 

l'Arabie 
heureuse. 

1708. 

Sa  fituation. 


Ses  fortifi- 
cations. 


Son  Port. 


Intérieur  de 
la  Ville. 


Les  Fran- 
çois defcen- 
dent  àAden. 


154         VOYAGES    DES     FRANÇOIS, 

De-là,  un  bel  aqueduc  conduit  la  meilleure  eau  du  Monde,'  dans  un  eratij 
réfervoirj.qui  neftguères  à  plus  d'un  quart  de  lieue  de  la  Ville,  &  quj 
fournit  avec  abondance  aux  befoins  des  Ilabitans.  C'efb  mal- à-propos  que 
nos  Géographes  font  pafler  une  Rivière  au  travers  d'Aden.  Ils  ont  mal 
pris  le  fens  d'Abulfeda ,  qui  met  fimplement  une  porte  du  côté  de  la  terre 
nommée  la  porte  des  Porteurs-d'eau  ^  parceque  c'cll  eflfeélivement  par  cette 
porte  qu'on  y  fait  entrer  de  l'eau  douce  (^g). 

La  Place  efl  entourée  de  murailles,  qui  font  aujourd'hui  en  aflez  mau. 
vais  état,  fur-tout  du  côté  de  la  Mer,  où  l'on  voit  néanmoins,  par  inter. 
valles,  quelques  Plates-formes ,  avec  cincj  ou  fix  Batteries  de  canon  defon- 
te,  dont  quelques-uns  font  de  foixante  livres  de  baie.  On  croit  que  c'ell 
l'artillerie  que  Soliman  fécond  y  laiffa,  après  avoir  pris  la  Ville  &  conquis 
prefque  tout  le  Pays ,  que  les  Turcs  furent  depuis  contraints  d'abandonner 
aux  Princes  Arabes.  Pour  s'approcher  d'Aden ,  du  côté  de  la  Terre,  il  n'y 
a  qu'un  feul  chemin,  pratique  fur  un  terrain  aflez  étroit,  &  qui  s'avance 
dans  la  Mer  en  forme  de  Peninfuie.  La  tête  de  ce  chemin  efl  commandée 
par  un  Fort ,  avec  des  Corps-de-garde  d'efpace  en  efpace.  Une  portée  de 
canon  plus  bas ,  on  trouve  un  autre  Fort ,  en  pâté ,  avec  quarante  pièces 
de  gros  canon  en  plufieurs  Batteries ,  &  une  Garnifon  confiante.  Il  fe^oit 
impolTible  de  tenter  une  defcente  de  ce  côté  ;  d'autant  plus  qu'entre  la  Ville 
&  ce  dernier  Fort ,  on  rencontre  Encore,  fur  le  chemin  de  communication, 
un  autre  Fort  de  douze  pièces  de  canon ,  avec  une  Garnifon. 

A  l'égard  de  la  Mer,  par  où  cette  Ville  efl:  fort  acceffible,c'efl;  une  Baye 
de  huit  a  neuf  lieues  d'ouverture,  qui  çù:  comme  divifée  en  deux  Rades; 
l'une,  aflfez  éloignée  de  la  Ville;  l'autre,  moins  grande  &  plus  proche,  qu'oQ 
nomme  le  Port.    Cependant  celle-ci  n'a  pas  moins  d'une  lieue  de  largeur, 
à  la  prendre  depuis  la  Citadelle ,  qui  la  commande  avec  cinquante  pièces  àe 
canon ,  jufqu'à  la  pointe  avancée  où  font  les  Forts.    On  mouille  par-tout, 
à  dix-huit,  vingt  &  vingt-deux  brafles.    Aden  eft  une  aflez  grande  Ville. 
On  y  voit  encore  plufieurs  belles  maifons,  à  deux  étages,  &  en  terrafTesj 
mais  elle  offîre  aufli  beaucoup  de  ruines  &  de  mazures,  qui,  joint  aux  avan- 
tages de  fa  fituation,  font  comprendre  que  c'étoit  autrefois  une  Place  im- 
portante, &  le  principal  boulevard  de  l'Arabie  heureufe.    Son  territoire  eil 
affez  étroit,  mais  fort  agréable ,  &  revêtu  de  beaucoup  de  verdure  au  bas 
des  montagnes  (h). 

Quoique  les  François  n'attendiffent  rien  du  Gouverneur  d'Aden,  la 
curiofité  de  voir  cette  Ville ,  &  l'envie  de  preflentir  ce  qu'ils  avoient  à  fe 
promettre  de  la  civilité  des  Arabes,  porta  les  deux  Cpmmandans  à  mouil- 
ler dans  la  Rade.  Chaque  VaifTeau  falua  la  Citadelle  de  fept  coups  de  ca- 
non, qui  leur  furent  rendus  au  même  nombre,  avec  des  complimens  &(les 
Invitations  à  defcendre  au  rivage.  Cet  accueil ,  foûtenu  par  l'offre  de  tou- 
tes fortes  de  râfraîchifiemens ,  leur  infpira  tant  de  confiance,  que  s'étant 
fait  conduire  à  terre,  ils  ne  firent  pas  difficulté  de  fuivre  quelques  gens 
armés,  qui  les  menèrent  à  la  porte  qu'on  appelle  Majeure  de  la  Mer,  parce- 
qu'elle  eft  fort  grande  &  qu'elle  regarde  le  Port.  lis 

(  g  ")  Voyage  de  l'Arabie  heureufe ,  pag.  (52  &  précédentes. 
(*)  Ibid.  pas-  63- 


I 


■s 
1 


I 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,    Lxv.  III.         tS5 

Ils  remarquèrent  qu'elle  e(l  d'une  épaifleur  prodigieufe»  garnie  de  doux , 
ou  plutôt  degrofles  chevilles  de  fer,  &  munie,  pour  furcroît  de  fûretë, 
d'une  barre  dont  la  grofleur  répond  à  celle  des  doux.    On  les  fie  entrer  , 

J}ar  cette  porte,  dans  un  lieu  bien  voûté,  long  d'environ  ouinze  pas;  après 
equel  ils  trouvèrent  une  efpèce  de  cabinet,  voûté  auITi ,  oc  terminé  en  an- 
Î;le.  Un  Officier  de  confidération ,  nommé  V  Emir- tlBar  (i),  c'eft-à-dire, 
e  Prince  de  la  Mer  y  mais  proprement  le  Capitaine  du  Port ,  les  y  reçût 
fort  civilement ,  &  les  fit  affeoir  dans  des  fauteuils  d'une  figure  flngulièrc. 
La  converfation  fut  courte ,  parceque  le  Gouverneur ,  déjà  informé  de  leur 
defcente,  envoya  ordre  de  les  conduire  chez  lui.  Ils  fortirent  d'abord  par 
une  porte  de  fer,  qui  efl  à  la  pointe  de  l'angle,  &  qui  conduit  à  une  autre 
porte  de  fimples  barreaux  de  bois.  Leur  marche  fe  fit  entre  deux  rangs  de 
Soldats,  l'Emir-el-Bar  à  leur  gauche.  En  arrivant  au  Palais  du  Gouverneur, 
on  les  fit  monter  par  un  fort  bel  efcalicr,  dans  le  principal  appartement, 
où  ils  le  trouvèrent  aiTis  au  fond  d'une  falle ,  fur  une  edrade  couverte  do 
magnifiques  tapis  ,  s'appuyant  fur  des  couffins  d'une  étoffe  brodée  d'or. 
Sa  Compagnie  étoit  rangée  des  deux  côtés ,  fur  d'autres  tapis  ;  &  le  refle 
de  la  falle  paroifToit  couvert  de  nattes  très  -  fines.  Ils  s'approchèrent  de 
l'eftrade ,  fans  avoir  ôté  leurs  fouliers  ;  faveur  qui  ne  s'accorde  ordinaire- 
ment à  perfonne.  Le  refl;e  de  cette  audience  n'eut  rien  de  plus  remarqua- 
ble (*)  que  l'occafion  qu'ils  eurent,  à  leur  tour,  de  faire  une  grâce  beau- 
coup plus  précieufe  au  Gouverneur,  en  lui  accordant  le  fecours  d'un  de 
leurs  Chirurgiens,  qui  ne  fut  pas  moins  utile  à  fa  famille  qu*à  lui.  Ils  ob- 
tinrent, de  fa  reconnoiflance,  une  Lettre  de  recommandation,  pour  le 
Gouverneur  de  Mocka,  avec  laquelle  ils  remirent  à  la  voile,  le  27  de  Dé- 
cembre. Mais,  dans  la  liberté  qu'on  leur  avoit  laiflTée  de  vifiter  la  Ville, 
ils  emportèrent  une  vive  admiration  pour  les  bains  publics.  Ils  font  revê- 
tus de  marbre,  ou  de  jafpe,  &  couronnés  d'un  beau  dôme  à  jour,  qui  efl 
orné  en  dedans  de  diverfes  galleries,  foûtenues  par  des  colomnes  magnifi- 
ques. Tout  l'édifice  eft  parfaitement  diftribue  en  chambres  &  autres  pièces 
voûtées,  qui  aboutifTent  à  la  principale  falle  du  dôme  (/). 

On  avoit  averti  les  deux  Commandans,  qu'en  Ibrtant  de  la  Rade,  ils 
avoient  befoin  de  beaucoup  de  précautions  pour  fe  garder  des  courans.  En 
eflFet,  du  côté  du  Cap  d'Aden ,  ils  portent  fur  fa  pointe  avec  beaucoup  de  ra- 
pidité ;  &  malgré  tous  les  efforts  des  Pilotes ,  les  deux  VaifFeaux  ne  pafle- 
rent  qu'à  un  quart  de  lieue  de  ce  Cap ,  qui  paroit  avoir  le  tiers  d'une  lieue 
d'élévation.  Il  efl:  fort  droit  &  fort  efcarpé.  On  y  découvre  deux  tours, 
avec  leurs  Sentinelles.  Ces  tours  font  vues  d'un  Château,  qui  n'efî  qu'à 
demie  lieue  de  la  Ville ,  fur  lequel  les  Habitans  découvrent  les  pavillons  & 
les  fignaux  qu'on  y  met ,  pour  avertir  dans  l'occafion  ;  ce  qu'ils  imitent 
dans  la  Ville,  &  dans  la  Citadelle,  qui  a  la  même  vue.  On  affure  que  du 
haut  de  ce  Cap  ,  on  décoiivre  dix  lieues  à  la  ronde ,  &  qu'on  apperçoit 
le  Cap  même  de  quinze  ou  vingt  lieues  en  Mer.     Cette  Côte,  en  général, 

paroic 


VOYAflE  PB 

l'Axabik 

IIEURSliSE. 
1708. 

Defcription 
df  la  porte. 


(  i  )  Les  Européens ,  par  corruption ,  l'ap- 
pellent le  Mirebar. 
(*)  On  leur  demanda  ou  ils  alloient,  & 


on  leur  préfcnta  du  Caffé  à  la  Sultane. 
(/)  Ibid.  pag.  57  &  précédentes. 

V  2 


Faveurs 
qu'ils  reçot- 
vcnt  du  Gou- 
verneur & 
qu'ils  lui  fonu 


Obfervations 
nautiques. 


IToVAOE  DE 

l'Arabie 
veuabuse. 

1708. 

Erreur  qui 
jette  les  Fran- 
çois à  Tagora. 


Ils  reçoivent 
«ne  Lettre  du 
Roi. 


1 1 


is6        VOYAGES    DES    FRANÇOIS,? 

paroit  féche  &  fabloneufe;  mais,  un  peu  plus  loin  dans  les  terfes,  le  Payf 
efl:  plein  de  bois  &  de  marécages. 

On  avoit  fort  recommandé  aux  François  de  ne  gouverner  que  par  Ouell, 
&  même  quart  de  Nord-Ouefl.  Mais  le  Pilote  du  Diligent ,  faifant  trop  de 
fond  fur  fes Journaux,  s'obftina  toujours  à  fuivre  l'Ouefl:  quart  deSud-Oueft; 
&  le  Curieux  y  qui  étoit  à  larrière,  fe  vit  nécefTairement  entraîné  dans  foQ 
erreur.  Cependant ,  on  découvrit ,  le  lendemain  au  matin ,  la  fameufe 
montagne  de  Bab-el- Mandela  qui  efl:  à  l'entrée  de  la  Mer  rouge,  du  côté  de 
l'Afrique  ;  mais  on  ne  la  reconnut  pas.  Le  Diligent  n'ayant  pas  cefle  de 
continuer  fa  route ,  on  fe  trouva  bien-tôt  à  l'entrée  d'une  Baye  d'environ 
fix  lieues  d'ouverture ,  dont  le  centre  efl:  occupé  par  une  Ifle.  En  corn. 
parant  cette  Baye  &  fon  Ifle  avec  les  Cartes  ,  on  fe  crut  facilement  à  l'en- 
trée de  la  Mer  rouge  ;  &  comme  le  tems  étoit  favorable ,  on  prit  le  parti 
de  s'y  engager.  Après  y  avoir  fait  deux  lieues ,  on  vit  paroître  une  Bar- 
que ,  chargée  de  vingt  hommes ,  avec  un  Interprête  Banian  &  deux  Pilo- 
tes, de  qui  l'on  apprit  bien-tôt  que  la  Baye  étoit  celle  de  Tagora,  Ville 
d'Afrique,  dans  le  Royaume  dUAdel  &  doZeila,  qui  étoit  autrefois  compris 
dans  l'Empire  des  Abyfllins.  Ils  remirent  en  même-tems ,  au  Commandant 
François ,  une  Lettre ,  en  Arabe ,  de  la  part  du  Roi  ;  car  les  Habitans  de 
la  Côte  avoient  apperçu  les  deux  Vaiffeaux  dès  le  jour  précédent ,  &  s'é- 
toient  hâtés  d'en  donner  avis  à  ce  Prince ,  qui ,  n'ayant  pas  douté  qu'ils  ne 
cherchaflent  l'occafion  du  Commerce ,  ou  qu'ils  n'euflent  befoin  de  rafraî- 
chiffemens,  leur  faifoit  offrir  civilement  cette  double  faveur  (w). 

j't'l   ,'i'.f .;;  •  f^;  ;v   ••(  Ils 

„  vous    êtes  préfentement.    Nous   fommcs 
„  gens  de  bonne-foi ,  &  nous  croyons  en 
„  Dieu  &  en  fon  Prophiôte;  car  nôtre  pio- 
„  feflîon  de  foi  eft  telle  :  Je  témoigne  qu'il 
n'y  a  point  d'autre  Dieu  que  Dieu ,  &  que 
Mahomet  eft  fon  Prophète.   Dieu  lui  don- 
ne fa  bénédiftion ,  &  le  comble  d'un  grand 
nombre  de  faluts  de  paix ,  agrciables  *^  bénis 


-j\iîb-. 


'■.    i...Kt  f  \-'  r;. -)  ^i-iiû'j-'-.î 

(m)  Sa  Lettre  mérite  d'ôtre  confervée, 
non-feulement  par  le  caraftùre  de  bonne-foi 
qu'elle  refpire ,  mais  encore ,  pour  entrer 
dans  les  vues  de  M.  Ockley,  Profcflcur  en 
Arabe ,  à  Cambridge ,  qui  dans  fa  Relation 
de  Barbarie,  publiée  en  1713,  invite  tout 
le  monde  à  lui  communiquer  les  pièces  de 
cette  nature,  parceque  repréllntant  le  génie 
&  le  ftyle  des,Orientaux ,  elles  peuvent  fcrvir 
i  jettcr  du  jour  fur  l'Ecriture  Sainte.  ^4ver- 
tijjement ,  pag.  6.  „  Du  Port  bien  gardé  de 
„  Tagbioura.  Au  nom  de  Dieu  clément,  mi- 
„  féricordieux.  Louange  à  Dieu,  telle  qu'elle 
j,  lui  elî  dite.  Dieu  donne  (à  bénédiftion  à 
„  celui  après  lequel  il  n'y  aura  plus  de  Pro- 
„  phête,  &.  à  fa  Famille,  &àfes  Amis,  avec 
„  la  paix.  L'Ecriture  de  cette  Lettre  eft  de 
„  nôtre  Mnître  le  Sultan  Mebemed,  fih  du 
„  Sultan  Dainy,  que  Dieu  très-haut  conferve. 
y,  Ainfi  Joit-il. 

„  Nous  vous  faifons  favoir,  ô  Capitaine 
„  de  Navire,  que  vous  avez  fiireté  &garan- 
„  tie  entière  dans  ce  Port  de  Taghioura, 
„  pour  faire  de  l'eau  &  du  bo's  »  car  nous 
„  fomuics  ob]ij;és  de  vous  en  fournir,  ec 
„  nous  vous  donnerons  un  Raban  pour  vous 
„  introduire  darts  la  Ville  où  vous  defire^ 
„  defcendre.  Si  vous,  voulez  aller  au  Port 
.,  de  Z«i!a,  il  eft  plus  proche  du  lieu  où 


>> 
»» 


„  jufqu'au  jour  du  Jugement.  Et  louange  i 
„  Dieu,  Seigneur  des  deux  vies.  Vous  avez 
„  la  fureté  de  Dieu,  &  la  fureté  de  Sultan 
„  Mehemed,  fils  duSultanDeiny:  ôclefalut 
„  foit  fur  vous,  la  miféricorde  de  Dieu  &fes 
„  bénédiftions".  A  côté  étoit  le  Sceau  àx 
Roi ,  avec  ces  mots  :  „  Celui  qui  fe  confie  mi 
„  Roi  célefte.  Sultan  Mehemed  ,  fils  de 
„  Deiny,  1117,  (de  l'Hcgirc,  qui  répond  à 
1705  de  nôtre  Ere,  année  [de  l'avenemcntl 
la  Couronne  du  Roi  dAdel ,  &]  en  laquelle 
le  Sceaa  avoit  été  gravé).  De  l'autre  côw 
du  Sceau,  on  lifoit,  après  la  foufcription ,  le 
mot  Catmir  ;  nom  du  Chien ,  qui ,  fuivant 
l'Alcoran ,  a  gardé  les  Frères  donnans  pen- 
dant leur  fommeil  de  trois  cens  neuf  ans. 

Noîa.  L'Auteur  ajoute ,  que  les  Mahom^i- 
tans  regardent  le  Catmir  comme  une  fiuvc- 
garde,ou  une  efpècc  de  talisman;  ce  qui  fait 
qu'ils  écrivent  ordinairement  ce  mot  i'iir  lej 
Lcures  qui  doivent  paûlx  la  Mer.  R-  d.  £. 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  III. 


tS7 


Ils  l'acceptèrent  d'autant  plus  volontiers ,  qu'il  ne  leur  reftoit  qu'une  de- 
mie lieue  à  Faire  jufqu'à  Tagora  ,  &  que  le  Pays  leur  paroiflbit  cliarniant: 
mais,  s'étant  fait  précéder  de  leur  Chaloupe,  avec  le  plomb  &  la  fonde, 
parceque  la  nuit  s'appro>,iioit ,  ils  trouvèrent  bien-tôt  un  banc  de  roche ,  fur 
lequel  il  falloic  paflTer  néceflairement ,  &  qui  n'étoit  couvert  que  de  trois 
brafles  d'eau;  ce  qui  les  força  d'abandonner  leur  deflein.  Ils  prirent  les  deux 
Pilotes  fur  le  Curieux;  &  renvoyant  l'Interprète,  avec  un  préfent  &  des  ex- 
cufes  pour  fes  Maîtres ,  ils  lui  promirent  de  récompenfer  les  deux  homme» 
qu'ils  retenoient  à  leur  fervice.  L'Auteur  des  Mémoires  regretta  les  con- 
noiflances  qu'il  auroitpû  recueillir  à  Tagora.  Elles  n'auroient  pas  été  moin» 
utiles  à  la  Géographie  qu'au  Commerce,  dans  un  Pays  fi  peu  connu  de  no» 
Voyageurs  (m). 

Mais  ces  idées  firent  prefqu'auflî-tôt  place  à  la  plus  vive  crainte ,  lorf- 
qu'après  avoir  apperçu  de  l'écume,  qui  lui  fit  preflentir  quelque  danger,  il 
fe  trouva,  tout-d'un-coup ,  fur  le  bord  d'un  banc  redoutable,  où  fon  Vaif- 
feau  battit  plufîeurs  fois,  par  le  jeu  d'une  petite  vague  qui  le  foulevoit,  & 
qui  le  faifoit  tomber  fur  le  fond ,  lorfqu'elle  venoit  à  fe  retirer.  Ce  fond 
étoit  de  fable ,  femé  de  grolTes  roches ,  qui  firent  fortir  plufieurs  morceaux 
de  la  quille.  Cependant  le  fecours  du  Ciel ,  &  la  diligence  du  travail  mi- 
rent heureufement  le  Curieux  au  large.  Il  ne  reftoit  qu'à  fortir  tout-à-  fait 
de  la  Baye.  Les  deux  Pilotes  de  Tagora  confeillèrent  de  pafler  à  bas-bord 
de  rille,  qui  eft  à  fon  entrée,  quoiqu'on  n'y  puifle  mouiller,  faute  de 
fond.  Enfin,  les  deux  Vaifleaux  ayant  achevé  de  fe  dégager,  s'éloignè- 
rent de  la  Côte ,  environ  d'une  lieue.  Un  calme  les  arrêta  pendant  toute 
la  nuit  fuivante  ;  &  le  matin ,  prolongeant  la  terre  avec  un  petit  vent ,  ils 
entrèrent,  vers  le  fuir,  dans  le  fameux  Détroit  de  la  Mer  rouge,  ou  du 
Golfe  Arabique.  .•  ,    .a    jo  •  [;,  i  t:M\ .(  ;,-,i  .; 

Ace  récit,  que  l'intérêt  de  la  Navigation  n'a  pas  permis  de  fupprimer, 
on  doit  joindre  les  obfervations  de  l'Auteur  fur  la  difpofition  du  Détroit 
même.  Le  Cap  de  GardafUy  dit-il,  qui  eft  dans  le  Royaume  d'Adel,  en 
regarde  un  autre  qui  lui  eft  oppofé  ,  &  qui  fe  nomme  Cap  de  Fartach ,  dans 
un  Royaume  de  ce  nom,  fur  les  Côtes  d'Arabie.  La  diftance  de  l'un  à  l'au- 
tre, n'eftque  d'environ  cinquante  lieues.  Mais  l'Océan,  renfermé  entre 
ces  deux  Terres ,  pendant  plus  de  cent  cinquante  lieues  d'étendue ,  eft  en- 
fin fi  relTerré  par  le  rapprochement  des  Côtes ,  qu'il  ne  refte  plus  qu'envi- 
ron quatre  lieues  d'ouverture  ou  de  diftance  d'un  rivage  à  l'autre.  Cette 
ouverture  forme  le  petit  Canal  qu'on  nomme  proprement  le  Détroit.  En- 
fuite  la  Mer  recommence  à  s'élargir,  &  s'étend  fur  plufieurs  Côtes  de  diffé- 
rens  noms ,  l'efpace  d'environ  deux  cens  lieues ,  du  Sud-Eft  au  Nord-Oueft. 
A  l'entrée  du  Détroit,  eft  une  anfe  de  fable,  fur  dix  brafles  d'eau,  où  les 
deux  Vaifleaux  mouillèrent  tranquillement,  à  la  vue  d'une  Mofquée  &  de 
plufieurs  huttes  de  Pêcheurs.  Vis-à-vis  de  cette  anfe,  c'eft-à-dire,  à  la 
droite  de  l'entrée,  on  voit  l'Ifle  de  Bab-el-Mandel ,  qui  donne  fon  nom  au 
Détroit,  ou  qui  le  reçoit  de  lui..    Sa  longueur  eft  d'environ  deux  lieues, 

fui*. 

> 

(«)  lUitm,  pas.  75.    Voyez  le  Journal  de  Caftro,  au  Tome  I.  de  ce  Recueil,.        i' 

V3 


VOTAOK  DE 

L'ARAniB 
HEUKEUSE. 

1709- 

Dangers  de 
la  Baye  do 
Tagora. 


ObfenMtions 
de  l'Auteur 
fur  le  Détroit 
de  la  Mer 
roug*;. 


153 


votaob  db 
l'Akabie 

JiEVKEUSK. 
170p. 


Route  juf- 

Ïu'àMocUa, 
:  fcs  dangers. 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS, 


fur  un  peu  moins  de  largeur.  Elle  offre  quelque  verdure  en  certains  en. 
droits,  quoique  le  refte  ne  foit  guères  qu'un  rocher  ftérile,  battu  des  ventr 
&  des  vagues,  &  brûlé  par  l'ardeur  du  Soleil.  L'Auteur  la  trouve  fort  mal 
placée  dans  la  plupart  des  Cartes  ordinaires,  qui  la  mettent  au  milieu  du 
Détroit,  tandis  qu'elle  eft  tout-à-fait  du  côté  de  l'Arabie,  &Ci  proche, 
qu'entre  l'Ifle  &  la  Terre -ferme,  il  n'y  a  qu'un  paffage  fort  étroit  pour 
les  petits  Bdtimens.  Dès  l'entrée  du  Détroit ,  &fous  la  hauteur  de  l'ille, 
le  mouillage  eft  très-bon.  On  y  trouve  une  autre  anfe  que  celle  où  les 
deux  Vaineaux  avoient  mouillé ,  d'un  quart  de  lieue  de  largeur ,  avec  dej 
terres  bafles  au  milieu,  où  l'on  découvre  de  petites  maifons  couvertes  de 
nattes.  C'eft  dans  cette  retraite  que  les  Pyrates  viennent  jetter  l'ancre,  à 
couvert  des  vents  du  Sud-Oueft  (0).  Sur  la  haute  montagne,  qui  pone 
auflî  le  nom  de  Bab-el-Mandel  (p) ,  &  dont  le  pied  forme  le  Détroit ,  du  côté 
de  l'Afrique  oppofé  à  celui  de  la  Terre- ferme  d'Aden  en  Afie,  il  y  avok 
autrefois  un  Fort ,  qui  défendoit  le  mouillage  de  l'entrée  ;  mais  il  n'en  refte 
aujourd'hui  que  les  ruines.  On  peut  ranger  cette  Côte  d'aufli  près  que  l'on 
veut.  Les  deux  Vaiiïeaux  n'en  paflerent  point  à  plus  d'un  quart  de  lieue, 
11  feroit  aifé  d'en  tirer  des  rafraîchiflemens ,  de  l'encens,  des  gommes, 
&  d'autres  marchandifes.  C'eft  -  là  qu'on  envoyé  de  Mocka,  pour  obfer. 
ver  fi  les  Vaifleaux  Arabes  &  Indiens  peuvent  fortir  en  fureté.  .  Les  Py. 
raies  ont  coutume,  en  fortant  du  Décroit,  de  ranger  la  Terre  &  le  Cap 
d'Aden,  que  fon  élévation,  de  quelque  côté  qu'on  s'approche,  fait  croi- 
re à  plus  de  quinze  lieues.  Aufli  ce  paffage  eft-il  redouté  de  tous  les  Vaif- 
féaux  de  l'Aiie. 

Les  François  levèrent  l'ancre ,  de  grand  matin ,  avec  un  vent  frais ,  pour 
gouverner  vers  Mocka,  qui  eft  fitué  dans  le  Golfe  Arabique,  à  vingt  lieues 
du  Détroit.  Depuis  l'Ifle  de  Bab-el-Mandel ,  on  trouve  des  terres  baiïcs  | 
dans  toute  l'étendue  de  la  vue,  qui  eft  bornée  par  de  hautes  montagnes. 
Des  deux  VaiiTeaux ,  on  ne  ceflbit  pas  de  voir  la  Terre  d'Arabie ,  à  la  di- 
ftancededeux  lieues;  &  par  intervalles,  on  y  diftinguoit  quelques  boca- 
ges. Enfin,  defix  lieues  en  Mer,  les  François  découvrirent  la  Ville  de 
Mocka ,  dont  les  hautes  Tours  &  les  Mofquées  blanchies  en  dehors ,  for- 
ment  une  très-agréable  perfpeftive.  Ils  fe  crurent  payés  de  toutes  les  fa- 
tigues d'une  longue  navigation,  lorfqu'ils  eurent  commencé  à  voir  quand- 
té  de  palmiers  &  d'autres  arbres  verds ,  qui  leur  paroiffoient  border  le  riva- 
ge jufqu  à  la  Ville.  La  crainte  des  bancs ,  qui  font  fur  cette  Côte,  les  obli- 
gea de  ne  plus  avancer  que  la  fonde  à  la  main.  Ils  trouvèrent,  tantôt  huit 
braffes,  tantôt  moins,  jufqu'à  fix  &  cinq.  Le  Pilote  du  Diligent ^  toujours 
aveuglé  par  fa  préfomption ,  faillit  de  périr  fur  un  banc  de  petit  fable  mêlé  de 
vafe,  pour  avoir  voulu  fuivre  une  autre  route.  Cependant  la  force  du  vent 
le  fit  heureufement  traîner  fur  le  fable  ;  &  le  troifîème  jour  de  Janvier 

1709. 

(0)  I&irfem.pag,  83.  dernier  mot  fignifie  lieu  ries  pleurs,  delara- 

(p)  C'eft  proprement  cette  montagne  qui  c'me  AnheNidaba,  flevitfuper  mortmm:  Les 

donne  le  nom  au  Détroit  &  à  l'iHe  de  Bab-  Arabes  lui  donnèrent  anciennement  ce  nom, 

el-Mandel.    Abulfeda  l'appelle  y^/moniowft ,  &  parcequ'ils  pleuroient  comme  morts  ceux  qui 

il  nomme  le  Détroit  Bab-al-Mondoub  ;  c'eft-à-  paflbient  ce  dangereux  Détroit  pour  entier 

dire  la  porte  de  la  montagne  Mondoub.    Ce  dans  l'Océan.  Ibid.  pag.  70.  R.  d.  £. 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  Ut.         15^, 

1705,  les  deux.VaifTcaux  mouillùrent  près  d'une  pointe  avancée,  qui  for- 
me, du  coté  du  Nord,  la  moitié  du  i'ort  de  Mocka.  Elle  efl:  dcfendi'.c  par 
un  Fort ,  au-deflbus  duquel  on  trouve  fix  braflbs  d'eau ,  fond  de  fable  &  peu 
de  rocaille.  Le  Port  ell  formé  par  deux  langues  de  terre,  qui  ic  recour- 
bent en  manière  d'arc,  repréfentant  parfaitement  une  demie -lune.  Sur 
les  deux  pointes  font  fituésdeux  Forts,  qui  en  défendent  l'entrée;  vie  cette 
entrée,  qui  n'a  pas  moins  d'une  lieue  de  large,  d'un  Fort  à  l'autre,  forme 
une  forte  de  Rade ,  où  les  grands  Vaifleaux  îbnt  obligés  de  mouiller ,  par- 
ceque  le  refte  du  Port  manque  de  profondeur. 

Aussi-tôt  que  le$  François  eurent  jette  leurs  ancres,  ils  virent  arborer, 
fur  chacun  des  deux  Forts,  un  Pavillon  rouge  en  pointe,  chargé  de  trois 
croiflans,  &  d'une  figure  en  fautoir  (q).  Quoique  fort  éloignés  de  la  Vil- 
le, ils  remarquèrent  auffi  le  Pavillon  Hollandois,  que  le  Direfteur  de  cette 
Nation  avoit  fait  élever  fur  une  terrafle ,  pour  faire  honneur  à  la  France  ; 
&  un  autre  Pavillon ,  femblable  à  ceux  des  Forts ,  fur  une  Batterie  de  ca- 
non, qui  eft  près  de  laMaifon  du  Gouverneur.  Ils  faluôrent  de  fept  coups 
de  canon,  auxquels  on  répondit  de  cinq  coups,  de  la  Batterie  de  la  Ville. 
Une  Barque,  avec  Pavillon  &  flamme,  amena  aufli-tôt  abord  l'Emir-el- 
Bar,  ouïe  Capitaine  du  Port,  vêtu  d'une  étoffe  verte,  pliffée,  à  larges 
manches  pendantes ,  de  la  forme  d'un  froc  monaftique ,  avec  une  efpèce  de 
foutane  par-deflbus.  Il  étoit  accompagné  d'un  Interprête  Banian ,  qui  par- 
loit  la  langue  Portugaife,  &  qui  étoit  vêtu  de  blanc,  avec  une  belle  cein- 
ture brodée  &  une  écharpe  de  foye  fur  l'épaule  ;  &  d'un  Hollandois  du 
Comptoir,  vêtu  à  la  Turque,  qui  parloit  la  langue  Franque.  L'Emir-el- 
Bar  étoit  chargé  d'une  Lettre <lu  Gouverneur,  qui  invitoit  les  François  à 
defcendre  avec  confiance.  Deux  Miflîonnaires  Récolets  ,  Italiens,  qui 
étoieut  fouiFerts  dans  la  Ville,  leur  écrivirent  en  Latin,  pour  les  féliciter 
de  leur  arrivée.  Enfin,  lout  paroifTant  fi  favorable  à  leur  defcente,  que  le 
Gouverneur  propofoit  même  de  leur  faire  une  entrée  folemnelle ,  comme 
aux  premiers  Officiers  de  leur  Nation  qui  fuflent  arrivés  dans  fon  Gouver- 
nement, les  deux  Commandans  fe  rendirent  au  Quai  du  Port,  où  ils  trou- 
vèrent douze  chevaux  bien  équipés ,  &  deux  cens  Soldats  avec  des  'linilTa- 
liers  à  leur  tête.  Ils  furent  conduits  au  Palais  du  Gouverneur;  &  les  expli- 
cations fe  firent  de  fi  bonne  grâce,  que  dès  les  premiers  jours,  on  conclut 
un  Traité,  par  lequel  toutes  les  conditions  &  les  droits  du  Commerce  fu- 
rent réglés  à  trois  pour  cent  (r). 

Les  Hollandois  étoient  la  feule  Nation  de  l'Europe,  qui  fut  alors  établie 
à  Mocka.  Ils  y  avoient  un  riche  Comptoir,  où  leur  Compagnie  envoyoit, 
tous  les  ans  ,  un  Navire  de  fept  cens  tonneaux  ,  pour  charger  du  Caffé  & 
d'autres  marchandifes  de  l'Arabie ,  qu'ils  tranfportoient  dans  leur  Magafin 
général  de  Batavia,  &  de-là,  en  Europe ,  ou  dans  l'Inde  même.  La  Ville 
de  Mocka  (;)  n'eft  pas  fi  confidérable  que  celle  d'Aden  j  mais  elle  efl:  de- 
«u:-:       u'-x^'i     •;:."■  •       .•.:,":?":.'...•.  venue 

{q)  Cette  figure  efl:  celle  delà  fameufeépéc         (s)  A  qiiatre-vingtrhuit  degrés  trente  mi- 


d'Aly ,  gendre  de  Mahomet  ;  épée  à  deux  lames, 
qui  fe  nomme  Zulficar. 

(  r  )  L" Auteur  en  rEpportc  tous  les  articles, 
faS'  99  &  Suivantes. 


mîtes   de  longitude,   &  quatorze  degrés  de 
latitude,  fuivant  Ptolomée. 

Nota.  Le  même  Géographe  fait  mention' 
d'une  autre  Ville  de  l'Arabie  pétrée ,  connue 

fous 


i.'An.MîiR 
i-op. 


RLTcpt'on 
s  riiii'.çuisà 
>)ck.i. 


LeurTiaitd 
avec  le  Gou- 
verneur. 


Defcription 
de  Mocka. 


l6o 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS, 


VOVAOR  DE 

L'AllAIirB 

JIEUREUJB. 

1709. 


Quelques 
uriigfs  des 
Habitons. 


Climat  & 
propriétés  du 
Pays. 


venue  plus  marchande.  On  n'y  compte  qu'environ  dix  mille  Habitans  J 
prefquc  tous  Mahométans,  avec  quelques  Arméniens,  &  beaucoup  de  pau. 
vres  Juifs ,  qui  demeurent  dans  un  Quartier  féparé ,  ou  dans  une  efpéce  de 
Fauxbourg.  Elle  efl  entourée  de  murs  à  l'antique,  moitié  de  pierre,  Se 
moitié  de  terre  battue  avec  de  la  paille.  Elle  a  quatre  portes,  fans  fofTé; 
&  pour  uniaue  défenfe,  plufieurs  Tours,  avec  du  canon  fur  quelques-unes. 
Ces  Tours  fervent  de  Cazerncs  à  des  Soldats,  qui  font  des  patrouilles  pen- 
dant la  nuit,  &  qui,  pendant  le  jour,  fe  tiennent  fur  le  Port  &  dans  I2 
Bazar ,  pour  veiller  à  la  tranquillité  publique.  Ils  font  au  nombre  de  cinq 
ou  fix  cens ,  oui  s'ademblent,  tous  les  jours,  dans  la  grande  place,  depuis 
rnidijufqu'à  deux  heures,  pour  conduire,  avec  beaucoup  de  pompe,  le 
Gouverneur  & fon  cortège,  à  laMofquée.  Après  la  prière,  l'ufage  de  cette 
Infanterie  efl  de  faire  une  décharge  à  baie  ;  ce  qui  expofe  quelquefois  les  £• 
trangers  à  de  fâcheux  accidens  (*)• 

Les  femmes  de  Mocka,  qui  refpeflent  un  peu  la  bien-féance ,  ne  fe  mon- 
trent jamais  dans  les  rues,  pendant  le  jour.  Elles  ont,  le  foir,  un  peu  plus 
de  liberté , qu'elles  employent  à  s'entrevifîter.  On  les  rencontre  quelquefois, 
au  milieu  de  la  nuit,  allant  d'une  maifon  à  l'autre,  fuivies  de  leurs  efclaves, 
à  la  lumière  d'un  feul  flambeau.  Lorfqu'elles  trouvent  des  hommes  en  che- 
min, elles  fe  rangent  contre  les  maifons,  avec  une  Hneulière  modeflie. 
Leur  habillement  diffère  peu  de  celui  des  autres  animes  de  l'Orient;  mais 
elles  ont ,  fur  le  tout,  un  grand  voile,  qui  cache  leur  vifage ,  &  qui  efl  d'une  toile 
li  fine ,  qu'il  ne  les  empêche  point  de  voir  au  travers.  Elles  portent  de  pe- 
tites bottines  de  marroquin.  (Quelques  exemples ,  dont  l'Auteur  fut  témoin, 
prouvent  qu'elles  n'ont  pas  d'eloignement  pour  la  galanterie  («). 

Les  environs  de  la  Ville  n'oflfrent  qu'un  Pays  fec,  dont  les  eaux  font  ni- 
treufes  &  prefque  falées.  Tous  les  bords  de  la  Mer  rouge  fe  refTentent  de 
cette  fécherefle;  mais  le  territoire  de  Mocka,  pafle,  avecraifon,  pour  le 
pire.  La  chaleur  y  efl:  exceflîve.  IJ  n'y  tombe  prefque  jamais  de  pluye; 
&  l'Auteur  apprit  à  fon  arrivée,  qu'il  n'y  en  étoit  pas  tombé  depuis  deux 
ans.  Il  y  faifoit  aufTi  chaud,  pendant  le  mois  de  Janvier,  qu'il  fait  ordi- 
nairement à  Paris ,  dans  celui  de  Juillet.  Mais  les  Habitans ,  accoutumés 
à  des  chaleurs  beaucoup  plus  ardentes ,  vers  Juin  &  les  mois  fuivans ,  lorf- 
que  W  vent  du  Sud  fe  fait  fentir ,  fe  plaignoient  du  froid ,  &  prenoient  la 
vefte  de  drap,  pour  ne  la  quitter  qu'au  mois  de  Mars.  Il  plut  deux  fois, 
pendant  le  féjour  des  François.  Ils  remarquèrent  aufTi  que,  vers  neuf  ou 
dix  heures  du  matin,  un  vent  de  bife,  qui  vient  de  la  Mer,  rafraîchit 
beaucoup  l'air  ;  fans  quoi ,  il  feroit  diflScile  de  réfifler  à  l'excès  d'une  cha- 
leur, qui  efl  capable  de  faire  fuer  fans  aucun  exercice  (x). 

Les  fables ,  qui  [environnent  la  Ville ,  ne  laifîent  pas  d'être  plantésr  de 
quelques  palmiers ,  qu'on  prend  foin  d'arrofer  avec  le  fecours  d'un  grand 
nombre  de  puits,  &  qui  portent  des  dattes  fort  communes.  Quelques 
endroits  produifent  une  forte  de  millet  blanc,  plus  gros  trois  fois  que  le 

nôtre, 

fous  le  nom  de  Mocka.    Elle  efl  à  foixante-         (t)  Ibid.  pag.-  105. 

fcpt  degrés  cinquante  minutes  de  longitude ,         (  w  )  Pag.  1 1 1  &  fuivantes, 

&  à  trente  degrés  dix  minutes  de  latitude,  (x)  Pag.  118. 


DANS  L*ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  III. 


i6i 


pôtre.  Après  les  pluyes,  la  terre  fe  couvre  d'une  croûte  de  fel.  Auflî 
celui  qu'on  employé  dans  le  Pays,  fe  fait-il  prefque  fans  travail,  par  le 
moyen  des  folles  &  des  rigoles  qui  reçoivent  1  eau  de  la  Mer.  Il  y  devient 
ù  dur,  qu'on  ne  peut  l'en  tirer  qu'à  coups  de  pic. 

Ici  l'Auteur,  étendant  fes  obfervations ,  entreprend  de  faire  mieux  con- 
noîtreunPays  d'où  vient  le  CalFé;  cette  plante  fi  chérie,  dit-il,  &  ^ue 
l'on  y  vient  chercher  de  fi  loin.     Perfonne  n'ignore  que  l'Arabie  en  général 


VOTACE  DB 
L'AlUBII 
HEUREUSE. 

1709. 

Obfervations 

f;énéralc8  fut 
■Arabie. 


Pétrée  &'Heureufc.  Mais  il  efl:  partagé,  d'ailleurs,  en  divers  Royaumes, 
dont  les  noms  nous  font  moins  familiers ,  &  pofTédés  jufqu'aujourd'hui  par 
des  Rois  ou  des  Princes  particuliers ,  qui  ne  dépendent ,  ni  du  Grand 
Seigneur,  ni  du  Roi  de  Perfe.  Le  plus  confidérable  eft  celui  d'Temen.  11 
comprend  la  plus  grande  partie  de  l'Arabie  heureufe.  Ce  Royaume  s'é- 
tend ,  du  côté  de  1  Orient ,  le  long  de  l'Océan ,  depuis  Aden  jufqu'au  Cap 
de  Rafalgatt.  c'efl:  -  à  -  dire ,  d'un  Golfe  à  l'autre.  Une  partie  de  la  Mer 
rouge  le  borne  du  côté  du  Couchant  &  du  Midi;  &  fes  limites,  au  Nord, 
font  le  Royaume  de  Hidgias,  qui  appartient  au  Cherif  de  la  Mecque. 

Le  feul  Yemen,  à  l'exclufion  de  toutes  les  autres  Régions  de  l'Arabie/ 
produit  l'arbre  duCaffé.  Encore  ne  fe  trouve-t'il  en  grande  abondance  que 
dans  trois  Cantons  principaux;  ceux  de  Betelfaguy^  Senan  ou  Sanaa^  & 
Galbany ,  qui  tirent  leurs  noms  de  trois  Villes  des  montagnes.  Tout  ce  qui 
s'étend  le  long  de  la  Mer  n'efl:  qu'une  mauvaife  Plage ,  féche  &  ftérile,  qui 
a,  dans  quelques  endroits,  jufqu'à  dix  ou  douze  lieues  de  largeur,  mais 
qui  eft  bordée  en  revanche  par  ces  mêmes  montagnes ,  où  l'on  trouve , 
avec  le  CafFc ,  quantité  d'autres  arbres ,  diverfes  fortes  de  fruits ,  &  de  l'eau 
fort  faine,  avec  une  fraîcheur  agréable  &  un  printems  prefque  continuel. 

On  peut  charger ,  au  Port  d' Aden ,  du  Cafté  de  Sanaa  &  de  Galbany ,  qui 
n'en  font  pas  fort  éloignés:  mais  il  eft  moins  eftimé  que  celui  deBetelfaguy, 
Cette  raifon ,  joint  à  1  efpérance  de  le  trouver  moins  cher  à  Mocka ,  n'avoit 
pas  permis  aux  François  de  s'arrêter  dans  le  premier  de  ces  deux  Ports.  A 
peine  eurent  -  ils  conclu  leur  Traité  avec  le  Gouverneur  du  fécond ,  qu'ils 
allèrent  établir,  à  Betelfaguy,  une  Loge  pour  leur  Commerce,  &  pour 
faire  tranfporter  le  CafFé ,  par  Terre,  de  cette  Ville  à  Mocka.  Betelfaguy 
eft  éloigné  de  ce  Port,  d'environ  trente-cinq  lieues,  en  tirant  vers  le  fond 
de  la  Mer  rouge,  dont  il  n'cft  qu'à  dix  lieues  (y).  On  fait  le  Voyage  en  deux 
petites  journées ,  pendant  Icfquelles  on  ne  celfe  point  de  côtoyer  les  mon- 
tagnes; &  vers  les  deux  tiers  du  chemin,  on  rencontre  une  Ville,  nommée 
Zebit^  ou  Zebida,  qui  paroît  avoir  été  confidérable,  mais  qui  eft  fort  dé- 
pourvue d'eau ,  quoique  plufieurs  Géographes  y  placent  une  Rivière.  Ce- 
pendant, il  eft  vrai  que  fur  toute  cette  route,  on  trouve  divers  petits  ponts, 
qui  fervent  à  pafler  le?  ruifleaux,  ou  plutôt  les  torrens,  qui  defcendent  en 

certains 
(y)  C'efl-à-dire  l'enfoncement  ou  le  golfe  que  la  Mer  rouge  forme  fur  cette  Cote,  R.d.E. 
XIK  Fart,  X 


Yemen , 
Jtule  partie  ds 
l'Arabie  qui 
produifc  le 
CafFé. 


Différence 
de  bonté  daiK 
le  Caffé. 


Ville  de  Be- 
telfaguy &  la 
dcfcriptioa. 


l62 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS, 


VoYAOS  M 

l'Ahauis 

HECHEUISi 

I70i?. 


Grand  Mar- 
chi  un  CaiTti. 


Trnnrport 
du  CafFé  en 
Turquie  & 
dans  riade. 


certains  tcms  des  montagnes,  mais  qui  fe  perdant  dans  les  fables  brûhns  de 
cette  Cote,  n'arrivent  prclquc  jamais  jiifqu'à  la  Mer. 

La  Ville  de  Betelfaguy,  quoique  plus  grande  que  celle  dp  Mocka,  cft 
du  même  Gouvernement.     Elle  ell  nrncc  (le  fort  belles  Mofquées,  dont  les 
tours  ou  les  minarets ,  font  blanches  en  dehors ,  &  en  dedans.     Les  mai» 
fonsy  font  de  brique,  la  plupart  à  deux  étages,  avec  des  terrafles.    La 
Ville  n'a  point  de  murailles  ;  mais  elle  efl;  défendue  par  un  aflez  bon  Chà- 
teau ,  qui  tire  fon  eau  d'un  puits  extrêmement  profond,  par  le  travail  con- 
tinuel d'un  chameau.    Elle  fort  fi  chaude  &  fi  fumante,  qu'il  eft  impoflible 
d'en  boire  d'abord.    On  la  laifle  repofer  pendant  une  nuit ,  qui  la  rend  fraî> 
che  &  délicieufe.    On  voit , dans  Betelfaguy ,  un  fort  grand  Bazar,  ou  Mar- 
ché au  CaiFé ,  qui  occupe  deux  grandes  cours ,  environnées  de  galeries  cou- 
vertes.    C'clî-là  que  les  Arabes  de  la  campagne  apportent  leur  CafFé ,  dans 
de  grands  facs  de  nattes,  dont  ils  mettent  deux  fur  un  chameau.     LesMar> 
chands  l'achètent  par  l'entremifc  des  Banians,  qui  font  en  Arabie,  comme 
aux  Indes,  les  principaux  Courtiers  du  Commerce.    Au  fond  du  Bazar,  on 
voie  une  eflracle,  de  la  hauteur  de  quatre  pieds,  où  fe  placent,  fur  des  ta- 

Îiis ,  les  Officiers  de  la  Douane ,  &  quelquefois  le  Gouverneur  en  perfonne. 
Is  tiennent  compte  du  poids,  qui  fe  fait  en  leur  préfence,  &  du  prix  de 
tout  le  Caffé  qui  efl  vendu ,  pour  en  faire  payer  les  droits  au  Roi.  LesPe- 
feurs  fe  fervent  de  grandes  balances  ;  &  pour  poids  ,  de  groffes  pierres  en* 
^eloppées  dans  de  la  toile.  Le  Vendeur  paye  feul  le  droit  de  vente,  qui 
efl  la  valeur  d'un  fol  par  piallre.  Tout  fe  paye  en  piaflres  Mexicanes  ;  car 
depuis  quelques  faufTetés ,  que  les  Habitans  du  Pays  reprochent  aux  Portu- 
gais ,  les  piaflres  du  Pérou  &  les  Sevillanes  n'ont  prefqu' aucun  cours.  Ils 
reçoivent  auffi  l'or  en  fequins.  On  porte  journellement  du  CafFé  à  Betelfa- 
guy, de  la  montagne,  qui  n'en  efl  qu'à  trois  lieues  de  diflance.  Le  Mar- 
ché s'y  tient  tous  les  jours,  à  l'exception  du  Vendredi,  que  le  Gouverneur 
&  les  Douaniers  vont  l'aprés-midi  à  la  Mofquée,  accompagnés  de  leurs  Offi- 
ciers &  des  Soldats  ,  avec  les  drapeaux  du  Prophète  &  ceux  du  Roi. 

C'est  à  Betelfaguy  que  fe  fait  la  vente  du  CafFé  pour  toute  la  Turquie, 
l'Egypte  &  les  Indes.  Les  Marchands  d'Egypte  &  de  Turquie  en  chargent 
une  grande  quantité  fur  des  chameaux,  qui  en  portent  chacun  deux  balles, 
du  poids  d'environ  deux  cens  foixante-dix  livres ,  jufqu'à  un  petit  Port  de 
la  Mer  rouge ,  qui  n'efl  qu'à  dix  lieues  de  cette  Ville.  Là ,  ils  le  chargent 
fur  de  petits  Bâtimens ,  qui  le  tranfportent  cent  cinquante  lieues  plus  loin 
dans  le  Golfe,  à  Gedda^  qui  efl  proprement  le  Port  de  la  Mecque.  De 
Gedda,  il  efl  rechargé  fur  des  VaifTeaux  Turcs,  qui  le  portent  jufqu'à S'Mfz; 
dernier  Port  du  fond  de  la  Mer  rouge,  qui  appartient  au  Grand  Seigneur: 
d'où,  étant  encore  chargé  fur  des  chameaux,  il  fe  tranfporte  en  Egypte 
&  dans  les  autres  Provinces  de  l'Empire  Ottoman,  par  les  Caravanes,  ou 
par  la  Mer  Méditerranée.  Enfin,  c'efl  de  l'Egypte  qu'efl  venu  tout  le 
CafFé  qui  s'efl  confommé  en  France  jufqu'au  Voyage  dont  on  donne  la 
Relation  {%). 

On  remet  au  Voyaf?  fuivant,  ^'autres  éclairciiTemens  fur  le  Royaume 
•  '  d'Yemen, 

(a)  iWrf«w.  pag,  128  5c  précédentes.  . 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Lir.  III, 


1^3 


dTemen ,  pour  conduire  les  deux  premiers  VaifTcaux  à  la  fin  de  leur  cour* 
fe.  Pendant  qu'ils  tutoient  à  Mocka,  l'Auteur  vit  dans  cette  Ville  un  des 
Cherifs  de  la  Mecque,  delà  race  du  Prophète  Mahomet ,  qui  étoit  venu 
chercher  un  azile  à  la  Cour  du  Roi  d'Yemen,  après  avoir  été  vaincu  par 
un  autre  Cherif ,  Ton  proche  parent ,  qui  étoit  demeuré  Maître  du  Pays. 
Le  Roi  lui  avoit  atligné  cent  ecus  par  jour ,  pour  Ton  entretien ,  &,  la  Ville 
de  Mocka  pour  demeure.  Ce  Prince  dépouillé  n'avoit  à  fa  fuite  que  vingt 
hommes  bien  montés.  Il  étoit  vêtu  de  arap  vcrd ,  avec  un  turban  de  mê* 
me  couleur,  dont  les  bouts  étoient  brochet  d'or.  On  le  voyoit  fouvent  al* 
1er  à  laMofauée,  avec  Ton  peeit  cortège,  précédé  de  l'étendart  deMaho* 
mec.  Il  vintoit  quelquefois  auiTi  une  efpéce  de  Chapelle,  qui  efl  à  peu  de 
didance  de  Mocka ,  ou  l'on  prétend  que  pluficurs  Prophètes  ont  eu  leur  fé- 
pulture.  Le  Peuple  fait  ce  petit  pèlerinage  avec  beaucoup  de  dévotion ,  & 
s'arrête ,  en  chemin ,  à  prier  fur  les  tombeaux  qui  font  hors  de  la  Ville.  Le 
Cherif  étoit  depuis  cinq  mois  à  Mocka ,  lorfque  fon  Concurrent  fit  déclarer 
au  Roi  d' Yemen ,  que  s'il  continuoit  de  donner  retraite  à  fqn  Ennemi ,  il 
porteroic  la  Guerre  dans  Cet  Etats.  Cette  menace  obligea  le  Roi  de  con* 
gédier  le  Prince  fugitif.    Les  François  le  virent  partir ,  accompagné  de 

{>lurieurs  perfonnes  de  diIlin6tion ,  pour  aller  chercher  un  azile  plus  é* 
oiené  (a). 
A  l'occafion  de  ce  malheureux  Cherif,  l'Auteur  fait  deux  obfervations, 

3ui  ne  doivent  pas  être  négligées.  C'eft  une  erreur,  dit-il,  delà  plupart 
es  Européens  ,  &  qui  s'cfl  gliflee  dans  quelques  bons  Livres  ,  de  s  imagi- 
ner que  le  Grand  Seigneur  efl  Souverain  de  la  Mecque  &  de  Medine,  & 
que  les  Cherifs ,  c'ell-à*dire ,  les  Princes  de  la  race  de  Mahomet  qui  y  com- 
mandent, ne  font  que  des  Gouverneurs  ou  des  VaiTaux  tributaires.  Il  efl 
vrai  que  les  Turcs  ayant  détruit  l'Empire  des  Califes ,  &  leur  ayant  fucce- 
dé  par  droit  de  conquête ,  le  Grand  Seigneur  a  fuccedé  aufTi ,  non-feule- 
ment à  la  dignité,  mais  à  toute  l'autorité  des  anciens  Califes,  premiers 
SuccefTeurs  de  Mahomet;  qualité  fort  éminente,  qui  le  conftitue  Chef  de 
la  Religion  &  de  l'Empire,  &  qui  efl  reconnue  par  les  quatre  principales 
Seules  du  Mahométifme. 

Mais  il  n'efl  pas  moins  vrai  que  dans  la  décadence  &  la  divifion  de  cet 
Empire,  la  race  du  Prophète  s'efl  confervé  la  pofTelTion  &  la  fouveraineté 
de  ces  deux  Villes  &  du  Pays  où  elles  font  fituées ,  fans  oppofition  de  la 
part  des  Princes  Mahométans ,  &  fans  aucune  ombre  de  dépendance.  Au 
contraire,  les  plus  puilTans  d'entre  ces  Princes  ont  une  extrême  vénération 
pour  les  Cherifs  &  pour  les  lieux  qu'ils  pofTèdent.  Ils  leur  envoyent  fou- 
vent  des  offrandes  &  des  préfens  confidcrables.  D'ailleurs,  dans  leurs 
titres  les  plus  faftueux ,  ils  ne  prennent  que  l'humble  qualité  de  Serviteurs 
des  deux  faintes  Villes  de  la  Mecque  oc  de  Medine;  fur-tout  le  Grand 
Seigneur,  qui  prend  auffi  la  qualité  de  Proteéleur  de  Jerufalem,  dont  il 
efl  véritablement  le  Souverain  Maître;  ce  qui  marque  affez  la  différence 
qu'il  met  entre  ces  Villes  (Z>). 
On  fçaitquela  race  de  ces  Cherifs  tire  fon  origine  de  Fatimey  fille  de 

Mahomet, 
(a)  Pag.  141  &  précédentes.  (J)  Pag.  143, 

X  2 


VoTAor  nf 
l'Araiir 

MltRIUlB. 

1709. 

Hiftolrcd'un 
Chérir  chalTé 
de  la  Mecque. 


II  perd  la 
proteflion  du 
kol  d'Ycmcn. 


Deux  erreur» 
communes  en 
Europe. 


Indépendan- 
ce des  Cherifs 
de  la  Mecque. 


Leur  origine. 


1^4 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS, 


Voyage  i5e 
l'Arabib 
heureuse. 

1709. 


Retour  des 
François  au 
Port  de  Breft. 


17II. 

Autres  lu- 
iniëFcs  fur  ie 
Royaume 
ë'VeineH» 


Mahomet,  qui  eut  d*Aly,  deux  fils,  nommés  Haffan  &  Hujfein,  Fonda- 
teurs de  deux  grandes  Maifons,  &  Pères  de  tous  les  Cherifs  qui  font  au 
Monde.  La  Maifon  d'Haflan  s'eft  divifée  en  deux  branches  principales , 
dont  la  première  a  donné  des  Princes  Souverains  à  la  Mecque  &  à  Medine! 
La  féconde,  étant  paflTée  en  Afrique ,  a  fait  la  fource  des  Rois  de  Maroc, 
&  des  autres  Cherifs  de  cette  Contrée.  La  branche  aînée  s'eft  fubdivifée 
en  quatre  familles ,  celles  de  Beni-Cayder ,  ou  Kader ,  de  Beni-MouJJaîam^ 
nommée  auffi  Beni-Hqffan,  de  Beni-Hachem^  &  de  Beni-Kitada  (t).  Le 
Chcrif,qui  règnoit  à  la  Mecque  en  1710,  étoit  de  la  dernière  branche,  qui 
occupe,  dit-on,  cette  Principauté  depuis  plus  de  cinq  cens  ans;  &  celui 
qui  règnoit  à  Medine  étoit  de  celle  deBeni-Hachem,  qui  a  régné  à  la  Mec- 
que avant  celle  de  Beni-Kitada.  Mais  celle-ci  fe  trouvant  encore  multi- 
pliée &  divifée  en  plufieurs  autres  branches ,  le  lien  du  fang  devient  fbuvent 
un  fujet  de  difcorde  entre  tous  les  Cherifs  d'une  même  Maifon.  Ils  s'ar- 
ment  les  uns  contre  les  autres ,  pour  fe  difputer  la  Souveraineté  par  de 
cruelles  Guerres.  Quelquefois ,  la  divifîon  naiffant  auflTi  entre  les  deux 
Cherifs  de  la  Mecque  &  de  Medine,  ils  fe  pourfuivent  avec  une  animofi- 
té  qui  répand  la  confufion  dans  leurs  Etats.  Alors ,  le  Grand  Seigneur , 
en  qualité  de  Calife,  ne  manque  guères  de  prendre  connoifîance  de  leurs 
différends,  &  d'employer  quelquefois  la  force  pour  établir  un  Cherifàl» 
place  d'un  autre:  mais  celui  qu'il  favorife,  doit  toujours  être  de  la  Maifon 
régnante,  &  toute  l'autorité  du  Sultan  le  plus  abfolu-  ne  peut  interrompre 
cet  ordre  (à), 
L'Auteur  renfermant  fon  fujet  dans  l'Arabie,  fe  contente  de  remar- 

Î|uer,  à  l'égard  des  Defcendans  de  Huifein,  fécond  fils  de  Fatime,  que, 
uivant  les  Orientaux,  ce  font  les  Rois  de  Perfe,  qui  règnoient  alors,  &  les 
autres  Cherifs  de  l'Afie. 

Le  Voyage  des  deux  Vaifleaux  François  n'eut  rien  de  plus  remarquable  à 
Jeur  retour ,  que  dans,  la  navigation  qui  les  avoit  conduits  à  Mocka.  Ils 
relâchèrent  aux  Mes  de  France  &  de  Bourbon,  que  l'Auteur  prend  plaifir  à 
décrire,  après  en  avoir  ea  beaucoup  à  les  vifiter;  &  le  i2r  de  Mai  1710, 
ils  arrivèrent  heureufement  au  Port  deBreft  (^e). 

(c)  Cet  Article  fe  trouve  fi fort,  embrouîl-  fuite  par  une  Note,  qui  jte  fait  que  répéter 

lé,  dans  l'Edition  de  Taris,  que  la  branche  le  Texte  pour  le  relie.    Kouj  avons  foignea- 

qu'on  fait   pafTer    en   Afrique ,  eft  précifé-  fement  corrigé  ces  erreurs.  R.  d.  E.. 

ment  celle  dont  M.  Prevoft  tire  les  Cherifs  (d^  Pag.  143  &  fuivantes. 

ck  l'Axabie,.  quoiqu'il  fe  contredife  tout  da  (^e^  Pag.  221^                              ■- 

^   V         .■    g... IL    ,  ^     'V'"   .    ^'^:n      • 

Voyage  à  Mouab ,  Cour  Royale  ^Tement 

ON  a  d'autres  lumières  à  tirer,  fur  le  Royaume  d'Yemen,  d'un  Journal' 
publié  dans  le  même  Volume,  qui  contient  une  féconde  expédition 
delà  Compagnie  de  Saint  Maio  ,  en  1711.  Deux  de  fes  Vaifleaux,  fous 
les  Capitaines  de  la  Lande  ^  &  deBrifelaine^  ayant  abordé  au  Port  de  Mocka, 
le  2  de  Décembre,  y  trouvèrent,  pour  Gouverneur,  celui  qui  l'étoit  d'Aden 

.     '. .  an 


DANS  L»ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  Ut 


16S 


au  premier  Voyage.  Il  avoit  fiiccedé  à  fon  frère  Cheik  -  Saleb ,  que  le  Roi 
d'Yemen  avoit  élevé  à  la  dignité  de  Vifir ,  ou  de  fon  Premier  Miniftre.  Ce 
nouveau  Gouverneur  fit  un  accueil  extrêmement  favorable  aux  François ,  & 
leur  accorda  même  quelque  diftinftion  pour  les  droits.  Pendant  leur  féjour 
àMocka,  le  Roi  dTemen  étant  tombé  malade,  fon  nouveau  Miniftre  lui 
vanta  l'habileté  des  Médecins  de  leur  Nation ,  &  lui  confeilla  d'en  faire 
venir  quelqu'un ,  des  Navires  arrivés  dans  fon  Port.  Les  deux  Capitai- 
nes reçurent  auffi-tôt  des  Députés  de  la  Cour,  avec  une  Lettre  fort  civile, 
qui  leur  demandoit  cette  faveur  au  nom  du  Roi  :  &  pour  donner  un  air 
d'importance  à  la  députation,  elle  avoit  pour  Chef  Sidy-Jbedil y  premier  Se- 
crétaire du  Roi.  Cet  Officier  portoit ,  pour  marque  de  fon  autorité ,  une 
petite  hache  d'armes  à  manche  d'argent  ^  pendue  à  fa  ceinture  ou  à  la  fclle 
de  fon  cheval.  , 

Les  Capitaines  prirent  un  peu  trop  à  la  rigueur  le  terme  de  Médecin , 
qui  fe  trouvoit  plufieurs  fois  répété  dans  la  Lettre.  Ils  répondirent ,  „  *n 
„  vraii  Marins  y  qu'ils  n'avoient  point  de  Médecins  fur  leurs  VaifTeaux, 
„  mais  qu'ils  avoient  des  gens  habiles  à  couper  des  bras  &  des  jambes ,  & 
„  à  panfer  des  playes ,  qui  fe  mêloient  auflli  de  traiter  les  malades ,  &  qui 
„  quelquefois  les  guériflbient  (fl)".  Sidy-Abedil  les  afluraque  c'étoit  de 
cette  efpèce  de  Médecins  que  fon  Maître  avoit  befoin ,  parcequ'il  avoit  un 
abcès  fâcheux  dans  l'oreille.  Ils  réfolurent  alors  de  faifir  une  û  belle  occa- 
fion  pour  faire  connoître  la  Nation  Françoife  au  Roi  d'Yemen,  &  pour 
acquérir  eux-mêmes  la  connoiflance  d'un  Pays ,  dont  il  y  avoit  tant  d'utili- 
té a  tirer  pour  le  Commerce.  Dans  cette  vue,  ils  firent  au  Roi  une  dé- 
putation dans  les  formes ,  dont  ils  chargèrent  un  Officier  Angevin ,  nommé 
de  la  Grelaudierey  Ancien  Major  de  la  Garnifon  de  Pondichery ,  qui  étoit  ve- 
nu joindre  les  deux  VaifTeaux  pour  repafler  en  France.  11  étoit  homme 
d'efprit.  Il  fçavoit  aflez  l'Arabe  pour  n'être  pas  la  dupe  d'un  Interprête 
Portugais.  On  lui  donna  le  Chirurgien  du  lecond  VaifTeau ,  &  quelques 
préfens  pour  le  Roi,  La  principale  pièce  étoit  une  fort  belle  glace ,  de  cinq 
a  fix  pieds  de  hauteur,  avec  une  paire  de  piftolets  d'un  travail  curieux,  & 
quelques  pièces  de  nos  plus  beaux  draps.  5*3  * 

Les  Députés  François  partirent  avec  ceux  du  Roî  d'Yemen,  le  14  de 
Février  1712,  montés  fur  de  fort  beaux  chevaux.  Cette  Caravane  étoit 
d'environ  vingt  perfonncs,  efcortée  par  une  Compagnie  de  Cavalerie,  & 
fuivie  de  plufieurs  bêtes  de  charge  pour  le  tranfport  des  provifions.  Elle 
fe  rendit  d'abord,  par  une  marche  d«  dix  lieues,  à  Mofa^  petite  Ville 
champêtre,  qui  fournit  prefque  toute  la  volaille  qu'on  apporte  à  Mockai 
C'eft  auffi  l'entrepôt  &  le  pafTage  des  fruits ,  qui  viennent  des  montagnes. 
Le  lendemain,  on  fit  quinze  lieues,  pour  aller  coucher  à  Manzery,  Hameau 
de  cinq  ou  fix  maifons,  où  l'on  pafla  la  nuit  fous- des  palmiers  &  des  peu- 
pliers. Le  troifièmejour,  on  partit  de  grand  matin,  pour  arriver  à  Ta^e, 
qui  eft  à  dix  lieues  de  Manzery.  Le  chemin  ell  fort  beau,  dans  une  plai- 
ne prefque  continuelle. 

Tage,  eft  une  grande  Ville,  fermée  de  belles  murailles,  qui  parent  pour 

.  ,  ;     .       i'ouvrage 

C«)iiW«w,pag.  225  &  fulvaHtes.  .  ;  ^    .  •  ^ ;.,  , . 

X 


VotAdî  DB 

l'Akaoik 
hcuheuse. 

I7H. 


T  7  I  2. 

Route  de 
Mocka  à  la 
Cour  du  Roi 
d'Yemen. 

Mofa. 


Manzeryv 


Tage  &  f*. 
defcription^ 


i66 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS, 


votaôb  dx 

l'Araoii! 

heukbusb. 

171  2. 


Manzuel. 
Premiers  ar- 
bres de  Caffé. 


Gabala. 


Yrame. 

Grandes  mon- 
tagnes. 


IDamar. 


Mouab ,  ré- 
fidcnce  du 
Roi  d'Yemen. 


l'ouvrage  des  Turcs ,  avec  un  bon  Château  fur  une  montagne  qui  comman- 
de la  Place.  Le  Fort ,  qu'on  découvre  de  fix  lieues ,  eft  muni  de  trente  groi 
canons  de  fonte ,  &  fert  de  prifon  aux  Criminels  d'Etat.  On  a  pratiqué, 
fur  le  penchant  de  la  montagne  ,  plufieurs  Jardins  qui  en  rendent  la  vue 
fort  agréable ,  &  qui  procurent  diverfes  commodités  à  la  Ville.  Le  Gou- 
verueur  étoit  fils  du  Roi,  qui  avoit  précédé  fur  le  Trône  celui  quiroccu. 
poit  alors.  Les  François,  n'ayant  pas  manqué  de  l'aller  faluer  dans  le 
Château,  y  furent  reçus  avec  beaucoup  de  civilités.  Ils  vifitèrent  en* 
fuite  une  partie  de  la  Ville,  dont  ils  admirèrent  particulièrement  lesMof- 
quées  (b). 

Le  lendemain,  ayant  continué  leur  marche  vers  Manzuel ^  ils  eurent  le 
plaifir  de  voir  pour  la  première  fois ,  à  fix  lieues  de  Tage ,  des  arbres  qui 
portent  le  CafFé.  Ce  Cantoh  produit  les  plus  beaux  &  les  mieux  cultivés 
de  l'Yemen.  On  y  voit  aufli  beaucoup  d'arbres  fruitiers.  Manzuel  a  deux 
Châteaux  fort  antiques ,  dont  l'un  fervoit  de  demeure  aux  anciens  Rois  du 
Pays  ,  pendant  leurs  Guerres  avec  les  Turcs. 

De  Manzuel ,  la  Caravane  entreprit  de  fe  rendre  en  deux  jours  à  Trame, 
Ville  qui  en  efl:  éloignée  de  plus  de  trente  lieues.  On  trouve  en  chemin  Ga- 
bala ,  petite  Ville  murée  d'un  feul  côté ,  mais  dont  les  Mofquées  fe  font 
remarquer  par  la  beauté  de  leurs  tours ,  ou  de  leurs  minarets.  On  pafTa  \i 
nuit  fous  des  arbres  ;  &  le  jour  fuivant ,  on  arriva  fans  peine  à  Yrame, 
grande  Ville  fans  murailles.  C'eft  à  la  fortie  de  cette  Place  qu'on  trouve 
des  montagnes ,  les  plus  hautes  peut-être  de  l'Yemen.  Le  Pays ,  qui  paroit 
jufqu'alors  aflez  agréable ,  quoiqu'entrecoupé  par  des  hauteurs ,  commence 
a  devenir  fec  &  ftérile.  On  cefle  d'y  voir  des  arbres ,  &  des  vallées  rem- 
plies de  plantations  de  CafFé.  La  terre  n'y  efl:  plus  arrofée  par  les  eauxi 
des  montagnes,  comme  dans  la  route  précédente,  où  elles  forment  de  fcé< 
quens  ruiflfeaux ,  fans  faire  néanmoins  aucune  Ri viére.  1 

On  fe  rendit  à  Damar ,  autre  Ville  confîdérable  à  quinze  lieues  d'Yrame. 
Les  chemins  font  fort  difficiles ,  dans  des  montagnes  d'une  élévation  ex- 
traordinaire,  où  pendant  tout  le  jour  on'fent  une  chaleur  brûlante,  fan» 
prefqu'aucun  vent ,  &  fans  autre  fraîcheur,  jufqu'au  coucher  du  Soleil 
Mais ,  en  arrivant  à  Damar ,  on  efl  délivré  de  cette  fatigue ,  &  l'on  com- 
mence à  refpirer ,  dans  un  Pays  ouvert  qui  s'étend  en  plaines  fort  agréables. 
D'ailleurs ,  il  ne  refle  qu'un  quart  de  lieue  de  Damar  a  Mouab ,  féjour  ordi- 
naire du  Roi  d'Yemen  (c). 

La  Ville  de  Mouab  efl:  fituée  fur  une  petite  montagne,  dont  rexpofition 
efl  au  Midi.  Elle  doit  fa  naifllince  au  Roi  qui  règnoit  alors ,  &  qui  avoit 
fait  bâtir  aufll,  fur  une  montagne  plus  élevée,  à  la  même  diflance  d'un 
quart  de  lieue,  un  Château  du  même  nom  (rf) ,  pour  lui  fervir  de  Maifon 
de  plaifance.  Ainû  Damar,  la  Ville  de  Mouab,  &  le  Château,  forment 
un  triangle,   dont  les  trois  côtés  font  d'égale  grandeur  (<?).    A  deux 

•  lieues 


(h)  Ibid.  pag.  30  &  précédente!, 
f  f  J  Ibid.  pag.  232. 

{  d)  L'Auteur  des  Mémoires  vit  des  Expé- 
ditions dattées  de  ce  Château,  qui  y  eft  nom* 


mé,  en  Arabe ,  Hifn  al  Maouabib,  c'cft-à-dire, 
Château  ou  Palais  des  Grâces, 
C«)  Ibidem. 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Lrv.  III. 


167 


l'Arabii: 
heureuse. 

17  12. 


lieues  &  demie  de  Mouab,  le  même  Prince  avoit  fait  bâtir,  fur  une  pe- 
tite montagne,  une  Citadelle,  munie  d'une  Artillerie  nombreufe,  &  d'une 
forte  Garnilbn.  C'étoit  dans  cette  Forterefle  qu'il  fe  retiroit  pendant  la 
Guerre,  icrfqu'il  avoic  des  Ennemis  aflez  puiûans  pour  lui  faire  redouter 
leur  approche  (/). 

Les  Députés  Arabes,  qui  n'avoient  pas  cefle  d'accompagner  les  François,     Les  François 
fe  féparèrent  d'eux  à  peu  de  diftance  de  Mouab,  après  leur  avoir  demandé  LeurTècep- 
le  tems  néceflaire  pour  avertir  le  Roi  de  leur  arrivée.     Ce  Monarque  fe  tion. 
difpofa  auffi-tôt  à  leur  faire  une  réception  diflinguée:  mais  l'extrême  cha- 
leur ayant  excité  leur  impatience,  ils  fe  hâtèrent  d'avancer  vers  la  Ville,  '  < 
d'où  ils  ne  laiiTèrent  pas  de  voir  fortir  quantité  de  Donde,  pour  venir  au- 
devant  d'eux.    Ils  y  entrèrent  le  huitième  jour  de  leur  marche,  qui  avoit 
été  de  plus  de  fix- vingt  lieues.    Leurs  Mémoires  portent  que  la  route ,  de- 
puis Mocka,  fut  prefque  toujours  au  Nord-Efl:  (g).    Ils  defcendirent  dans 
la  Cour  du  Palais ,  après  avoir  paflTé  cinq  différentes  portes ,  dont  chacune 
a  fon  Corps-de-garde.    Ils  furent  reçus,  par  un  Officier  de  la  Chambre  du 
Roi,  &  conduits  par  un  bel  efcalier  dans  l'intérieur  de  l'Edifice,  qui  ell 
bâti  fur  deux  grandes  aîles ,  chacune  de  trois  étages.    On  les  fit  atten- 
dre, aflez  long-tems,  à  la  porte  de  l'appartement  Royal.     Enfiu ,  rece- 
vant la  permiflîon  d'entrer,  après  avoir  laifle  leurs  fouliers  à  la  porte, 
ils  trouvèrent  d'abord  le  Premier  Miniftre ,  Cheik  -  Saleh ,  qui  fe  nom- 
ma l'Ami  des  François,  &  qui  leur  fervit  d'Introdufteur  dans  la  cham- 
bre du  Roi. 

Ce  Prince  étoit  âgé  de  quatre- vingt-fept  ans ,  bien  fait ,  d'une  phifio- 
nomie  agréable,  &  médiocrement  bafané.    Il  étoit  aflfis  au  fond  de  la  cham- 
bre, fur  une  eftrade  couverte  de  tapis,  au  milieu  de  plufieurs  couflTms  fur 
lefquels  il  étoit  appuyé.    Il  avoit,  près  de  lui,  les  deux  Princes,  fes  fils; 
un  peu  plus  loin ,  fes  principaux  Officiers  ;  enfuite ,  à  commencer  du  pied 
de  l'eflirade,  une  partie  de  fes  Courtifans,  rangés  fur  deux  lignes,  qui  laif- 
foient  un  pafl'age  aflez  large  pour  ceux  qui  dévoient  s'approcha.    La  Gre- 
laudiere,  s'étant  avancé,  aîloit  commencer  un  petit  difcours  qu'il  avoit 
préparé:  mais  le  Roi,  preflTé  apparemment  de  fon  mal,  l'interrompit,  & 
demanda  lequel  des  François  étoit  le  Médecin.    On  le  lui  montra.     Il  fe 
leva  aufli-tôt  ;  &  deux  de  fes  Officiers  l'ayant  aidé  à  defcendre ,  il  s'ap- 
procha d'une  fenêtre,  où  il  fit  voir  fon  mal  au  Chirurgien  François.     C'é-    Sa  maladie. 
toit  effeftivement  un  abcès  dans  l'oreille.     On  ne  l'avoit  panfé  qu'avec 
l'application  d'un  peu  déterre  faunâtre,  dans  l'efpérance  de  le  deflecher: 
mais  ce  remède  n'avoit  fervi ,  au  contraire,  qu'à  caufer  une  inflamma- 
tion, accompagnée  de  toutes  fes  fuites }  c'efl:-à-dire,  de  la  fièvre  &  d'une 
fort  douloureule  infomnie.  Les  premiers  fecours  du  Chirurgien  appaifèrent 
la  douleur,  &  d'autres  foins  rappellèrent  bien-tôt  le  fommeil  &  l'appétit. 
La  reconnoiflance  du  Roi  ne  lui  permettant  point  de  laifler  fortir  les  Fran- 
çois du  Palais ,  il  voulut  qu'ils  y  fuflent  logés  &  libéralement  traités.   On 
leur  donna  trois  appartemens ,  mais  fort  nuds ,  &  prefque  fans  autres  meu- 
bles que  des  tapis  de  pied,  6c  des  couflins,  fur  des  eftrades  qui  dévoient 

fervir 
(/)Pag.  233.  '  U)  Pag.  234. 


Portrait  ai 
Roi. 


^^ 


1^8 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS,' 


votags  de 
l'Arab:£ 

imURCUSB. 

17  12. 

Comment 
les  François 
foiutraiti^-s. 


Dcfcrîption 
de  Mouab. 


Terroir  de 
Mouab  &  Jar- 
din du  Roi. 


Simplicité 
de  la  Cour 
d'Yemen, 


fervir  de  tables,  de  fièges  &  de  lits.    Cet  ufage  efl  commun  à  prefque  touj 
les  Orientaux  (/;). 

L'attention  du  Roi  fut  fans  bornes.  Il  envoyoit  fouvent,  à  la  Grelau- 
dicre  &  au  Chirurgien  ,  des  plats  de  fa  table.  Mais  ils  ne  pouvoient  s'ac. 
commoder  de  ces  mets,  où  l'cpicerie,  &  fur-tout  la  canelle  dominoient 
exceflivement.  C'étoit  de  la  chair  de  cabris ,  de  veau  &  de  mouton ,  cou- 
pée  par  morceaux,  &  bouillie  enfemble  avec  du  riz  &  quantité  de  raifin 
fec.  Quelquefois  on  leur  fervoit  du  bœuf,  fort  mal  apprêté  ;  &  fouvent, 
de  la  volaille ,  que  les  Arabes  écorchent  immédiatement  après  l'avoir  tuée, 
&  qu'ils  font  frire  fur  le  champ.  Leur  méthode  efl:  la  même  pour  toutes 
les  autres  viandes ,  fans  leur  donner  le  tems  de  fe  mortifier  (f).  Leur  pain, 
qui  efl:  aflîiz  infipide ,  reffemble  à  nos  galettes  de  bled  farazin.  Ils  ne  fe 
permettent  point  l'ufage  du  vin,  quoiqu'il  y  ait  des  vignobles  aux  environs 
de  Mouab  (*).  On  ne  préfente  jamais ,  chez  eux,  tfautre  boifTon  que  de 
l'eau  &  du  cafFé.  Les  François  demandèrent,  enfin ,  qu'on  leur  fournît 
feulement  les  viandes  néceflaires ,  &  qu'on  leur  laiffât  le  foin  de  les  pré- 
parer.    Cette  grâce  leur  fut  accordée  (/). 

La  parfaite  guérifon  du  Roi  n'ayant  pas  demandé  moins  de  trois  femai- 
nés,  ils  fortoient  fouvent  du  Palais,  pour  ^ifiter  la  Ville  &  fes  dehors. 
Mouab  n'efl:  difl:inguée  que  par  la  demeure  du  Prince.  Elle  efl:  d  une  gran- 
deur médiocre.  Ses  murailles  &  la  plupart  des  édifices  font  de  terre.  Un 
de  fes  Fauxbourgs  efl:  entièrement  peuplé  de  Juifs ,  qui  font  obligés  de  s'y 
retirer  le  foir,  fans  pouvoir  obtenir  la  permiffion  de  coucher  dans  la  Ville, 
L'air  efl:  fain.  Il  fait  froid ,  à  Mouab ,  après  le  coucher  duSôîeil ,  &  jufqu  à 
quatre  heures  du  foir,  la  chaleur  y  efl: fort  grande  (m). 

Le  terroir  paroît  fort  bon,  autour  de  la  Ville.  Toutes  les  plaines  é- 
toient,  alors,  fémées  de  riz  &  de  froment;  mais  les  collines  &  les  vallées 
ofFroient  de  fort  belles  plantations  de  Caffe ,  ou  des  Vignobles ,  entre-mê- 
lés  d'arbres  fruitiers.  Le  Roi,  dans  un  entretien  particulier,  avoit  vanté 
aux  François ,  un  nouveau  Jardin  qu'il  faifoit  aftuellement  planter  près  de 
la  Ville,  &  dans  lequel  il  ne  vouloit  fouffrir  que  des  CafFés  d'élite,  qui 
dévoient  porter  le  nom  de  Caffés  du  Roi.  Ils  ne  manquèrent  pas  d'aller 
voir  ce  Jardin ,  qui  n' avoit  de  remarquable  ,  que  le  foin  qu'on  prenoit  de 
renfermer ,  dans  un  enclos  ,  avec  un  arrangement  particulier,  des  arbres 
fi  communs  dans  le  Royaume  (m). 

l'ouT  leur  parut  de  la  même  fimplicité  à  la  Cour.  Ils  ne  virent  point, 
ao  Roi,  d'autre  habillement  que  d'un  dra|i  aflez  fin,  de  couleur  verte,  ou 
j?,une,  fans  aucune  efpèce  d'ornement,  avec  les  jambes  &  les  pieds  nuds, 

-.    •-  & 


^^] 


Pag.  238  &  précédentes. 
(  t)  Les  Arabes  ne  mangent  jamais  de  gi- 
bier ,  quoiqu'il  foit  très-delicat  &  en  abon- 
.  dance.  Ibid.  pag.  204.  ,R.  d.  E. 

(i)  M.  Prevoft  avoit  mis  ici MocJta;  L'er- 
reur efl:  d'autant  plus  groffière ,  qu'à  quinze 
lieues  aux  environs  de  cette  Ville,  il  ne  croit 
rien  de  tout  ce  qui  fe  trouve  dans  le  refte  de 
l'Yemcn.    La  terre  brûlante ,  aiide  &  nitrea- 


fe ,  ne  produit  que  des  palmiers  d'une  efpèce 
commune;  de -forte  que  fans  la  bonté  du 
Port  de  Mocka,  où  l'on  apporte  de  tous  cô- 
tés des  denrées  &  des  vivres,  la  Ville  &  tout 
le  Pays  d'alentour  feroient  bien-tôt  aftaméj. 
Voyez  ci-defTus,  pag.  160.  R..  d.  E. 

(l)  Pag.  240. 

(jnVPag.  241. 

(n)  Pag.  242, 


PANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  tiv.  m.'         îtf<> 

&  des  babouches  à  la  Turque.    Pour  unique  diftinftion ,  il  porcoit ,  deflus 
fon  turban  ,  un  voile  de  foye  blanche,  qui  lui  Couvrant  toute  la  tête,  tom- 
boit  fur  le  devant,  &  fe  nouoit  fous  le  menton  ;  à-peu-près  comme  les  fem- 
mes, parmi  nous,  portent  leur  coeffe  de  tafFeta.i  (o).    Sa  vie  particulière 
ëtoit  aflez  uniforme.    Il  fe  levoit  à  la  pointe  du  jour.    Il  dinoit  à  neuf 
heures;  pour  fe  remettre  au  lit  à  onze  heures  du  matin,  jufqu'à  deux  heu- 
res après  midi.    Les  tambours  &  les  haubois  fe  faifant  entendre  tous  les 
jours  à  cette  heure  ,  leur  Chef  avoit  feul  le  privilège  d'entrer  dans  l'appar- 
tement du  Prince,  foit  qu'il  fût  alors  éveillé,  ou  qu'il  continuât  de  dormir. 
Ce  Chef  de  la  mufique  militaire  étoit  un  Turc,  fort  plaifamraent  équipé, 
qui  portoit  une  ceinture  garnie  de  grandes  plaques  &  de  crochpts  d'argent  ; 
avec  une  palme  en  broderie ,  fur  le  front  de  fon  turban ,  &  une  chaîne 
d'argent  qui  en  faifoit  plufieurs  fois  le  tour,   dans  un  goût  fort  bizarre. 
Aufli-tôt  que  le  réveil  du  Roi  étoit  annoncé  par  cet  Oflficier,  il  étoit  vidté 
par  les  Princes  &  les  Grands,  qui  l'entretenoient  jufqu'à  l'heure  marquée 
pour  la  prière  ou  les  affaires.    Ils  ne  s'approchoienc  jamais  de  lui ,  fans  lui 
prendre  la  main  droite,  qu'il  tenoit  fur  fon  genou,  &  qu'ils  lui  baifoient, 
avec  les  plus  grandes  marques  de  refpeél.    Il  y  avoit  auflî  des  tems  deflinés 
à  la  promenade,  &  à  la  vifite  des  femmes.    Enfin,  ce  Prince  terminoit  la 
journée,  en  fe  couchant  à  onze  heures  du  foir,  après  avoir  foupé  à  cin^. 
Tous  les  Vendredis  il  fe  rendoit,  avec  beaucoup  de  pompe,  dans  une  plai- 
ne voifîne  de  la  Ville,  où  l'on  dreflbit  une  tente,  qui  lui  fervoit  de  Mof- 
^uée.     Il  y  paflbit  une  heure  entière,  à  faire  les  fonélions  d'Imam,  c'eft- 
à-dire,  de  Prêtre  ou  Pontife  de  la  Loi  de  Mahomet,  dont  il  prenoit  la  qua- 
lité dans  fes  Titres  (p).    Ces  fonftions  cônfiftoient  à  commencer  la  prière 
publique;  après  quoi,  il  faifoit  le  Khotab,  efpèce  de  Prône  ou  de  Sermon, 
dans  lequel  les  louanges  de  Dieu  &  celles  de  Mahomet  font  accompagnées 
de  prières  ,  pour  la  profperité   de  l'Etat.    A  fon  retour,  il  affifloit  aux 
exercices  de  la  Cavalerie.    Pendant  touc  ce  jour,  ceux  qui  fe  trouvoient 
fur  fa  route,  avoient  le  privilège  de  s'approcher,  &  de  lui  baifer  la  inain, 
qu'il  ne  refufoit  à  perfonne.    L'Auteur  eut  peine  à  comprendre,  pourquoi 
ce  Prince,  qui  avoit  fait  bâtir  une  nouvelle  Ville,  avec  un  Palais,  pour  fa 
réfidence  ordinaire,  fans  parler  du  Château,  qui  n'en  eft  guères  éloigné, 
n'avoit  pas  fait  conflruire  une  feule  Mofquée,  &  fe  réduifoit  à  faire  fa 
prière  en  pleine  campagne.    Cette  affeélation  venoit,  peut-être,  de  la  mê- 
me défiance ,  qui  lui  avoit  fait  mettre  fa  perfonne  à  couvert  des  Etrangers , 
par  une  longue  fuite  de  montagnes,  &  qui  lui  faifoit  craindre  d'être  trahi, 
dans  un  Temple,  par  fes  propres  Sujets  :  ce  qui  n'efl:  pas  fans  exemple, 
parmi  les  Mufulmans ,  puifque  le  fameux  Aly,  Gendre  de  Mahomet,  fut 
aflaffîné  dans  une  Mofquée,  pendant  la  prière  publique  (g).     Le  Royau- 
me d'Yemen  n'étant  pas  héréditaire,  le  Prince,  qui  fe  fait  le  plus  d'amis, 
&quialepIusdeforcs  ou  d'intrigue,  l'emporte  prefque  toujours  fur  fes 

,' -1  -ft  •    i  .:    i<  ,- 1]  Con- 


:'j!.,t 


-t- 


(o)  Cette  fimplicité  extraordinaire  ne  doit 
^oint  paroitrc  ilirprenante.     Comme  ce  Prin- 
ce prenoit  la  qualité  d'Imam,  ou  de  Prêtre  de 
la  Loi  de  IViahomet,  il  devoit  imiter  les  Mouf- 
Xir.  Part, 


tis.Ies  gens  de  la  Loi,  les  Cadis,&affefter, 
comme  eux ,  un  extérieur  modeftc.  B,.  d.  £.  • 

(p)  Pag.  245.  &  fuivantes. 

(q  )  Pag.  253. 


Voyage  ot 
l'Akabie 
heukbusx. 

1712. 


Le  Roi  ' 

prend  le  tilTB 
de  Pontife. 


Succcflîon 
au  Trône 
d'Yemen, 


t7d         VOYAGES    DES    FRANÇOIS;' 


Voyage  de 
l'Arabib 

HEUREUi^B. 

1712. 


Origine  de 


i 


Concorrens,  qu'il  fait  tuer  enfuite ,  ou  renfermer  dans  une  prifon.    Cepeij. 
dant  cette  remarque  ne  doit  pas  faire  fuppofer  que  la  Couronne  ne  foit  pas, 
depuis  long-tems,  dans  une  même  Maifon;  mais  feulement,  que  les  Aï. 
nés  en  font  facilement  exclus ,  lorfc^ue  d'autres  Princes  du  même  fang 
ïe  rendent  les  plus  forts.     C'efl  ce  qui  étoit  arrivé  au  Roi  régnant,  qui 
avoit  fuccedé  à  fon  frère ,  au  préjudice  de  fon  neveu  ;  &  de  -  là  venoient 
les  précautiohs ,  avec  lefquelles  il  s*étoit  fortifié  dans  les  plus  hautes  mon* 
tagnes  (r). 
On  regrette  que  les  Députés  François  n'ayent  pas  eu  la  curiofité  d'éclair* 
la  Race  Roya-  cjj.  TOrigine  de  la  Maifon  Royale  d  Yemen  ;  car  les  grandes  Maifons  font 
*•  connues  dans  le  Mahométifme,  &  l'on  y  trouve  des  Hiftoires  &  des  Gé- 

néalogies qui  paflent  pour  certaines.  Quelques  Sçavans  ont  penfé^  parmi 
nous ,  que  ce  pouvoit  être  l'illuflire  Maifon  de  Thabatbeba ,  dont  ils  font  re- 
monter la  Souveraineté, en  Arabie ,  jufqu'au  tems  de  Charle- Magne.  Il  eft 
fur,  du  moins,  que  cette  Dynaftie  de  Princes,  qui  defcendoient  d'Aly,  a 
régné  dans  l'Yemen  &  dans  l'Egypte ,  dès  le  dixième  Siècle.  Mais  TEdi* 
teur  de  ce  Voyage  eft  plus  porté  à  Juger ,  que  la  Race  préfente  defcend  des 
Ajubites,  ainfi  nommés  àiAjub^  ou.  3^obj  Chef  d'une  autre  grande  Maifon, 
qui  a  donné  naiflance  au  fameux  Saladin  &  à  fa  poflérité.  Une  branche 
de  ces  Ajubites  règnoit  certainement  dans  l'Yemen,  au  treizième  Siècle. 
Son  Chef  prenoit  alors  la  qualité  de  Calife,  &  celle  d'Imam  i  qui  en  eft  in- 
féparable  ;  ce  que  le  Roi  d' Yemen  fait  encore  aujourd'hui  (s). 

Ce  Prince,  fuivant  l'ufage  de  tous  les  Monarques  de  l'Orient,  entretient 
un  grand  nombre  de  femmes  ,  qu'on  fait  monter  jufqu'à  fix  ou  fept  cens. 
Pendmt  le  féjour  des  François ,  fon  grand  âge  &  fes  infirmités  ne  l'empê- 
chèrent point  d'époufer  encore  une  jeune  Turque ,  qui  n'avoit  pas  plus  de 
dix-huit  ans  (t).    Son  Serrail  eft  dans  le  Château  de  Mouab:  mais  {es 
femmes ,  qui  font  de  diverfes  Nations ,  &  parmi  lefqudlco  il  y  a  des  Géor- 
giennes «&  des  Arabes,  d'une  grande  beauté ,  viennent  du  Château,  au  Pa- 
lais de  la  Ville,  où  le  Roi  n'en  a  pas  moins  de  trente,  logées  dans  un  ap- 
partement féparé.    Leur  voiture  ordinaire  eft  un  chameau,  fur  lequel  on 
met ,  à  travers ,  une  efpèce  de  berceau ,  couvert  d'écarlate ,  &  bien  garni 
de  couffins ,  fur  lefquels  elles  font  affifes  ou  couchées.    Elles  fortent  par 
une  petite  ouverture,  qui  eft  fur  le  devant,  le  vifage  couvert  d'un  voile. 
La  plupart  des  femmes  du  Pays  portent,  conmie  dans  l'Indouftan,  un  grand 
anneau  d'or,  au  bout  du  nez,  qui  eft  percé  pour  recevoir  cet  ornement, 
&  des  cercles ,  ou  des  braflelets  d'argent  ou  H'or ,  aux  bras ,  aux  poignets, 
&  au-deflus  de  la  cheville  du  pied.  EUes  font  toujours  parfumées  des  odeurs 
les  plus  fortes  ;  &  ne  fe  bornant  point ,  comme  dans  d'autres  Pays  de  l'O- 
rient, à  fe  teindre  les  ongles  fort  rouges,  elles  fe  noirciiTent  le  dteflous  des 
yeux,  &  fe  frottent  les  mains  &  les  pieds  d'une  drogue,  qui  donne,  à 
ces  parties ,  une  couleur  fort  vive.    Elles  fe  vifitent  le  foir ,  comme  à  Moc- 
ka  :  mais  les  hommes  y  étant  plus  jaloux ,  elles  ont  rarement  la  hberté  de 
paroître  fur  'eur^  terrafles ,  pour  y  prendre  le  frais.     Le  Chirurgien  Fran- 
çois, à  qui  fon  Art  prociuroit  l'occafîon  d'eu  traiter  quelques-unes,  les  trouva 

fort 


Femmes  du 
Aoi. 


(r)  Pa-.  254. 


Qi  )  Pag.  255. 


(0  Pag.  261. 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Lrv.  III. 


i?i 


Fort  blanches  pour  des  Arabes.    Mais  quelque  confiance  que  leurs  maris 
eufl'ent  pour  lui,  il  ne  put  parvenir  à  les  voir  au  vifage  (v). 

Les  François  virent  arriver,  à  la  Cour,  un  Ambafladeur  Turc,  qui  étoit 
venu  de  Conftantinople  par  l'Egypte,  &  qui  fit  foii  entrée  avec  un  nom- 
breux cortège,  &  beaucoup  de  fafte.  Rien  ne  marque  mieux  l'indépen- 
dance de  la  Couronne  d'Yemen,  puifque  perfonne  n'ignore  combien  la  Cour 
Ottomane  eil  réfervéedans  fes  Ambaflades.  Ce  Miniftre,  avec  toute  fa 
fuite,  fut  entretenu  aux  dépens  du  Roi.  Il  lui  offrit  divers préfens,  entre 
lefquels  on  admira  une  horloge  d'un  fort  beau  travail.  Mais  le  fond  de  fon 
Ambaflade  fert  à  l'explication  du  Caffé  qui  fort  de  l'Arabie.  On  fe  plai- 
gnoit,  à  la  Porte,  de  ce  que  cette  marcnandife  étoit  devenue  moins  abon- 
dante &  beaucoup  plus  chère  en  Egypte,  depuis  que  de  grands  Vaifleaux 
étrangers  venoient  en  charger  dans  la  Mer  rouge ,  au  préjudice  des  Sujets 
&  des  Douanes  du  Grand  Seigneur  ;  fur  quoi  rAmbaflàdeur  devoit  faire  de 
fortes  inftances  à  la  Cour  crYemen.    Mais  les  François  apprirent  auffi 

Î[ue  le  Roi  n'en  avoit  pas  été  fatisfait ,  parcequ'elles  lui  avoient  paru  blef- 
er  fon  autorité  fouveraine  ;  &  fa  conduite  en  fut  une  bonne  preuve , 
puifque  les  deux  Vaifleaux  de  la  Compagnie  eurent  la  liberté  d'en  enlever 
autant  qu'ils  en  pourroient  contenir.  Auffi  le  Miniftre  Turc  fut-il  prompte- 
mentcongédié  (x).  -j --;...;;      S!,-/,  a,.      >: 

Le  fuccés  ayant  ré|)ondu  aux  foms  du  Chirurgien,  la  Grelaudiere  ne  pen- 
fa  plus  qu'à  retourner  à  Mocka,  malgré  les  inftances  du  Roi,  qui  auroit  fou- 
haité  de  retenir  plus  long-tems  les  François  à  fa  Cour.  Après  leur  avoir 
offert  cinq  cens  balles  du  plus  beau  Caflfô  de  fon  Royaume,  qu'ils  refufè- 
rent  d'accepter  (y),  il  leur  fit  préfent,  à  chacun,  de  deux  habits  com- 
plets, à  la  manière  du  Pays,  l'un  d'une  fine  écarlate,  &  l'autre  d'un  beau 
drap  couleur  de  rofe;  avec  deuxveftes,  l'une  d'étoffe  des  Indes,  à  fleurs 
d^or  &  d'argf^nr,  l'autre  d'une  ferge  drapée,  garnie  de  galons  d'or.  Il  y 
ajouta,  pour  chacun  ,  un  beau  chevi-,  trè.-proprcmcnt  équipé.  Son  at- 
tention s'étendit  jufquaux  Capitaines  des  deux  V^ifFeaux,  auxquels  il  en- 
voya auffi  des  habits  &  des  chevaux. 

Enfin,  les  Députés  ayant  quitté  Mouab  vers  la  fin  du  Carême,  tinrent 
la  même  route,  à  leur  retour,  avec  une  efcorte  &  des  Officiers  pour  les 
défrayer.  Comme  ils  n'avoient  plus  le  même  motif  pour  faire  de  fi  grandes 
journées,  ils  pafTèrent,  prefque  toutes  les  nuits,  dans  des  logemens  com- 
modes, fur-tout  au  commencement  du  Voyage,  où  l'on  trouve  toutes  for- 
tes de  fecours ,  &  des  écuries  qui  contiendroient  cinq  cens  chevaux  Cz) 
Entraverfant  les  montagnes,  ils  eurent  plus  de  liberté  qu'à  leur  premier 

pafTage, 


voyaob  db 
l'Arabik 

heurilusb. 

I  7  I  2. 

Arviviîo 
d'un  Amhatra- 
deiir  Turc  à 
Mouab. 


Il  Ce  plaint 
du  tranf,ort 
exceirif  du 
Odtfé. 


Les  Françoî» 
quittent 
Mouab. 


Préfens 
qu'ils  rcçoi- 
vent^uRoi, 


Leurs  ob- 
fervations 
dans  les  mon- 
tagnes. 


r^  Pag.  258.  &  précédentes. 


'x")  Pag.  260. 

.y) 


. . ,  On  a  peine  à  comprendre  la  taîfon  de 
te  refus.  Le  Roi  lui  ofFrit  de  faire  porter  les 
balles  jufques  fur  les  Navires ,  &  fouhaitoit 
que  ce  préfent  fût  offert  de  fa  part  à  Louis 
le  Grand.  „  Ils  s'excufèrent ,  dit  l'Auteur, 
„  fur  ce  que  la  cargaifon  des  Navires  étoit 
„  trop  avancée  pour  trouver  place  à  un  En- 


;,  voi  fi  confidérable;  mais  dans  le  fond  ils 
„  ne  crurent  pas  que  les  Capitaines  duflent, 
„  de  leur  chef  &  fahs  la  participation  de  la 
„  Cour,  accepter  un  tel  préfent".  Ibid.  pag. 
264.  Etrange  inodeftie,  fur -tout  lorfque  le 
Roi  d'Yemen  demandoit,  en  retour,  l'Hiftoi- 
f  e  de  France ,  avec  le»  Portraits  du  Roi  &  de 
la  Famille  Royale. 

(2)  Pag.  266v 

Y  a 


VorAOB  ni 
l'Arabib 
heureuse. 

1712» 


Ohfervations 
G<5ogniphi  • 
ques  fur  le 
icllfdurays. 


-a 


.th'a.il 


|f«  lO^ÔYACtlS    DES  'IfRANÇOrsî 

paffage,  pour  obferver  que  la  plupart  font  (Wriles  &  brûlées  par  Tardeur 
du  Soleil ,  mais  qu'on  ne  laifle  pas  d'y  voir  beaucoup  de  bocages  &  de  ver. 
dure,  particulièrement  fur  les  coteaux.  Us  y  virent  des  perdrix  rouges 
qui  font  plus  grofles  que  les  nôtres ,  quantité  de  cailles  &  de  tourterelles' 
que  les  Arabes  ne  tirent  jamais ,  des  renards  fi  hardis ,  qu'ils  fe  laiflent  ap- 
procher ,  &  des  finges  lans  nombre  >  de  la  plus  grande  efpèce,  qui  ne  font 
Î>as  plus  farouches  que  les  renards.  Mais  leur  principale  attention  tomba 
lir  les  plantations  de  Caffé ,  qu'ils  trouvèrent  fur  leur  route.  Us  examiné- 
rent,  de  prés ,  l'arbre  de  ce  nom.  Ils  prirent,  des  Arabes  qui  les  accom- 
pagnoient,  toutes  les  inftruélions  qui  pouvoient  fatisfaire  leur  curiofité(a). 
Outre  les  arbres  de  CafFé,  ils  obfervérent,  dans  les  mêmes  plantations,  des 
arbres  fruitiers,  de  diverfes  efpèces,  tels  que  des  pêchers,  des  abricotiers, 
des  amandiers ,  des  citroniers ,  des  orangers ,  des  grenadiers ,  des  pruniers, 
des  figuiers  mêmes,  dont  le  fruit  efl:  aigre,  &  des  pommiers  en  petite 
quantité;  enfin,  un  grand  nombre  de  coignaflier»,  d'où  l'on  tire  une  ex- 
cellente pâte ,  qui  le  vend  à  très  -  grand  marché  dans  les  Villes.  Us  ne 
furent  pasfurpris,  en  voyant  de  beaux  vignoL^le? ,  qu'on  mange,  en  Ara- 
bie,  d'auflî  bons  raifins  qu'en  Efpagne  (^>. 

Ils  rapportèrent  auffi,  cie  leur  Voyage,  quelques  lumières  Géographi. 
ques.    On  les  aflura  qu'entre  les  Villes  qu'ils  avoient  vues,  le  Royaume  en 
â  d'autres,  d'une  grandeur  confidérable,  dont  la  principale  fe  nomme  Sanaa, 
à  quinze  lieues  deMouab ,  &  cent  quarante  de  Mocka.    On  y  voit  de  beaux 
reftes  de  l'Antiquité.    Long-tems  avant  la  naiflance  du  Mahométifme ,  elle 
étoit  la  Capitale  de  toute  l'Arabie  heureufe,  fous  la  domination  des  Tobhais, 
Rois  puiflans  qui  y  tenoîent  leur  Cour.    Le  Palais  de  ces  Princes  étoit  ma- 
gnifique, &  bâti  fur  une  colline,  au  milieu  de  la  Ville.    Dans  la  fuite  & 
toujours  avant  Mahomet,  un  Empereur  d'Ethiopie,  attiré^par  les  Chrétiens 
qui  gémiflbient  fous  la  tyrannie  des  Arabes,  ayant  oon^ûio  l'Arabie  heu- 
reufe,  fit  bâtir,  dans  Sanaa,  un  Temple  magnifique,  pour  détourner  les 
Arabes  dé  leur  Idolâtrie.    Maif  les  Ethiopiens  ne  confervèrent  pas  long- 
tems  leur  conquête.    Quelques  Auteurs  Orientaux,  où  l'on  trouve  ces  cir- 
confiances,  ajoutent  que  Sanaà  efl:  uhe  Ville  fort  ancienne,  riche  &  fort 
peuplée,  &  qu'on  y  fait  un  plus  grand  Commerce  d'argent  que  de  mar- 
chandifes.    Ses  murailles  font  fi  larges,  que  huit  chevaux  y  peuvent  mar- 
cher.de  front.    Ellereflèmble  à  Damas,  par  l'abondance  de  les  eaux  & 
par  fes  jardins  délicieux.    J  'àir  y  efl:  d'une  température  parfaite;  &  les 
jours  &  les  nuits  y  font  à-peu-près  d'une  même  longueur.    La  Grelaudiere 
apprit  encore  qu'il  y  a,  dans  le  Royaume  d'Yemen,plufieurs  grands  chemins, 
dont  quelques-uns  même  font  pavés ,  &  qui  ont  plus  de  cent  lieues  de  lon- 
gueur.   Le  refle  du  Pays,  qui  porte  le  nom  d'Arabie  heureufe,  efl:  divifc 
en  d'autres  Royaumes,  qui  produifent  les  gommés,  les  myrrhes  &  lés  aro- 
mates.   Nos  François  n'en  trouvèrent,  aucun  arbre  dans  leur  Voyage  de 

..     .     .  .;.  Mouabj 


(a)  L'Edfteur  a  pris  foin  de  les  reoieillir,  &  qui  mérite  de. trouver  place  à  la  fuite  <l2 

-fur  les-  écrits-  &  les  entretiens  de  M.  de  la  cet  Article. 
Grelaudiere.    Il  en  a  fait  un   Mémoire  c\u        (b)  Pag.  269,- 

ricux,  qui  cft  inféré  à  la  f»  de  f^  IVelatioii,  •  '  .  *»   .'t^.,-*    . 


r; 

par  l'ardeur 
ces  &  de  ver. 
drix  rouges, 
tourterelles, 
e  laiflent  ap- 
,  qui  ne  font 
ention  tomba 
Ils  examiné- 
lï  les  accom- 
curiofité(a). 
ntations ,  des 
s  abricotiers, 
des  pruniers, 
ers  en  petite 
tire  une  ex- 
illes.  Ils  ne 
ige,  en  Ara- 

!  Géographi- 
Royaunic  en 
omme  Sanaa, 
ï^oit  de  beaux 
nétifme ,  elle 
1  des  Tobhais, 
ces  étoit  ma- 
ins la  fuite  & 
les  Chrétiens 
l'Arabie  heu- 
létourner  les 
nt  pas  long- 
ouve  cescir- 
iehe  &  fort 
que  de  mar- 
euvent  mar- 
fes  eaux  & 
•faite;  &  les 
i  Grelaudiere 
ids  chemins, 
eues  de  Ion- 
e,  efl:  divifti 
es  &  les  aro- 
'  Voyage  de 
Mouabj 

:e  à  la  fuite  àa 


i 


.^''-j-f 


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;!*»' 


J  ^  R  B  RE     DIT     C  A  F  FE.  Dessiné  en  Arabie. 

J.  De    KoTTY    Bo  OM,  in  Arabie    af<(etekejît . 
A  ^  t>A*v/   sec.  j   07^//oc  rt^    CJ^r/i//.  /  ^Vo/a/i    cw .  %>*c  c/a  <'^^' 
^^)rt)oge    Vruclit.^  Schaal    van  de  Vrucht.^  KoffjBoon. 


j 5 

i 


>i^'  ,':,*!^Y, 


-I.  ,  t 

^      « 


J.PArtijs  et  un  Mamuau  de  CAFrÊ.avec  JaFzuuk  et  JeFRV/T. 
./.GïDBELTE  van  een  Takje  desKoriT-BoOMS  metBLOEM  enVRFCHT. 

^     Koify   Blaa'oeren     nat  ulx  r  J/y  ker    ^roote. 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  lU  173 

Mouab  ;  mais  on  les  afllira  que  d'autres  Contrées  du  même  Royaume  ont 
de  l'encens  en  abondance.  Pour  les  arbres  du  baume,  on  fçait  qu'ils  croif- 
fcnt  hors  de  l'Arabie  hcureufc,  aux  environs  delà  Mecque  (c). 

[  Les  Navires  François  s'arrêtèrent  encore  plus  de  trois  mois  dans  le  Por»^ 
de  Mocka  ,  d'où  ils  mirent  à  la  voile  le  10  Juillet ,  &  ne  purent  arriver  à 
Saint  Malo,  qu'un  an  après.  M.  de  la  Grelaudierc  vint  enfuite  à  la  Cour 
pour  y  rqndre  compte  cle  fon  Voyage.  C'eft  de  lui,  &  de  M.  de  la  INIer- 
veille,  que  l'Auteur  fait  ici  profelfion  d'avoir  reçu  les  éclairuflemens  &  les 
Mémoires  dont  il  a  compoie  les  deux  Relations.  ]    ,    , 


VovAae  m 

l.'ARAUltt 

171a. 


(c)  Pag.  Î73  &  précédcnt.'S. 


4 


V "i'. ■,  «  ••' 


5-  1 1 1-      u. 


'>    Il 


A 


Obfervations  Jitr  V Arbre  ^  le  Fruit  du  Caffé  de  r Arabie  heurcufe. 

CES  obfervations  feroient  ddplacdes  dans  tout  autre  article  qu'une  Rela-     Forme  !c  * 
tion  de  l'Arabie.    L'arbre  qui  produit  le  CafFé  s'élève  depuis  fix  juf-  ,n"^''^\[[|*^ 
I     qu'à  douze  pieds  de  hauteur.    Sa  grofleur  efl:  de  dix ,  douze ,  &  iufqu'à  q^I^^ù, 
quinze  pouces  de  circonférence.    Dans  fon  état  de  perfection ,  il  renemble 
fort,  pour  la  figure,  à  nos  pommiers  de  huit  ou  dix  ans.     Les  branches  in- 
férieures fe  courbent  ordinairement  lorique  l'arbre  efl  un  peu  âgé  ;  mais ,  ' 
en  même-tems  elles  s'étendent  en  rond ,  pour  former  une  forte  de  parafol. 
Le  bois  en  efl  fort  tendre ,  &  fi  pliant ,  (jue  le  bout  de  la  plus  longue  bran- 
che peut  être  amené  jufqu'à  deux  ou  trois  pieds  de  terre.     L'écorce  efl  un 
peu  raboteufe  &  blanchâtre.    La  feuille  approche  fort  de  celle  du  citro- 
nier,  quoique  moins  ëpaifTe  &  moins  pointue.    La  couleur  en  efl  aufTi  d'un 
verd  un  peu  plus  foncé.     L'arbre  du  CalTé  efl  toujours  verd  ôc  ne  fe  dé- 
pouille jamais  de  toutes  les  feuilles  à  la.  foi».     Elles  font  rangées  des  deux 
côtés  des  rameaux  à  une  médiocre  diflance ,  &  l'une  prefqu'à  roppofite  de               ^ 
l'autre.    Dans  prefque  toutes  les  faifons  de  l'année,  on  voit  un  môme  ar-                '■■ 
bre  porter  des  fleurs  &  des  fruits ,  dont  les  uns  font  encore  verds ,  &  les                 -  '' 
autres  mûrs  ou  près  de  leur  maturité.    Les  fleurs  font  blanches ,  &  refTem- 
blcnt  beaucoup  à  celles  du  jafmin.     Elles  ont  de  même  cinq  petites  feuilles 
afTez  courtes.    L'odeur  en  efl  agréable ,  avec  quelque  chofe  de  balfamique 
qui  ne  fe  fent  point  de  l'amertume  de  leur  goût.  Elles  naillent  dans  la  jonc- 
tion de  la  queue  des  feuilles  avec  les  branches. 

Aussi -TÔT  que  la  fleur  efl  tombée,  il  naît,  à  fa  place,  un  petit  fruit     Fir.it  lio; 
fort  verd  d'abord ,  mais  qui  devient  rouge  en  meuriilant ,  &  de  la  forme ,  l'-ib^-. 
à-peu-près,  d'une  grofle  cerife  (a).     Il  efl;  fort  bon  à  manger.     11  nourrit , 
il  rafraîchit  j.  fous  fa  cli^iir,  on  trouve,  au-Ueudenoiau,  la  fève  (b)  ou  la 

c:    •!  graine. 


:; 


•a 


f  0)  Ce  fruit  efl  d'abord  d'un  verd  clair, 
cnluitc  d'une  couitur  rcugcâtrc,  puis  d'un 
t>eau  rouge,  &  cnnu  rouge  obfcur  d;ins 
fa  parfaite  mauirité.    i)/»iv;j,  dç  Çmiime. 


(h)  On  a  cm,  pendant  long-tems,  que 
le  CatFé  éloit  vérif.iblcmcnt  une  févc ,  mais 
on  cil  revenu  do  cette  erreur.  Aufll  Voit- 
on  cette  faute  corrigée  dans  la  dernière  édl-- 


174 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS 


VOTAOB  T)E 

l'Akabte 

hcurbuset. 

17  12. 


OÎ!  il  fe 
plnntc  &  com- 
ment il  fo 
cultive. 


■"Singulnrîté 
reconnue  par 
les  François. 


graine,  que  nous  appelions  Caffé ,  enveloppée  d'une  pellicule  très- fînç. 
Cette  fève  eft  alors  extrêmement  tendre,  &  le  goût  en  eft  aflez  defagréai 
ble  :  mais ,  à  mefure  que  la  cerife  meurit ,  fa  fève  acquiert  infenfiblement 
de  la  dureté.  Enfin,  le  Soleil  ayant  tout-à-fait  defleché  ce  fruit  rouge,  fa 
chair,  qu'on  mangeoit  auparavant,  devient  une  baye,  ou  goufle,  de  cou. 
leur  fort  brune ,  qui  fait  l'écorce  extérieure  du  Caffé.  La  fève  eft  alors  fo. 
lide ,  &  d'un  verd  fort  clair.  Elle  nage  dans  une  forte  de  liqueur  épai/Te, 
de  couleur  brune ,  extrêmement  amére.  La  goufle,  qui  eft  attachée  à  l'ar- 
bre  par  une  petite  queue  fort  courte ,  eft  un  peu  plus  grofle  qu'une  graine 
de  laurier  ;  &  chaque  goufle  ne  contient  qu'une  feule  fève ,  qui  fe  divife  or- 
dinairement en  deux  moitiés.  Cette  fève  eft  entourée  immédiatement  d'une 
pellicule  très-fine ,  qui  eft  la  féconde  écorce ,  ou  l'écorce  intérieure.  Les 
Arabes  font  beaucoup  de  cas  de  l'une  &  de  l'autre,  pour  compofer  le  CaiFé 
à  la  Sultane. 

L'Auteur  du  Journal  aflîire  que  les  arbres  de  Caffe  fe  fement,  &  ne 
viennent  point ,  comme  d'autres  l'ont  écrit ,  de  bergne ,  ou  de  bouture ,  par  les 
goufllo,  c'eft-à-dire  par  le  fruit  entier,  mis  en  terre  dans  fa  parfaite  matu- 
rité. Le  pied  des  montagnes  &  les  petites  collines ,  dans  les  cantons  les 
plus  ombragés  &  les  plus  humides  ,  font  les  lieux  qu'on  choifit  pour  ks 
plantations  du  Caffe.  Leur  plus  grande  culture  confîfte  à  détourner  les 
eaux  de  fource,  &  les  petits  ruifl*eaux,  qui  fe  trouvent  dans  les  montagnes, 
pour  les  conduire ,  par  de  petites  rigoles,  jufqu'au  pied  des  arbres.  Ce  fe« 
cours  eft  également  néceflTaire  pour  la  fécondité  de  l'arbre,  &pour  la  matu- 
rité Cn  fruit.  En  replantant  chaque  arbre,  les  Arabes  lui  creufent  une  foffe 
de  trois  pieds  de  large,  &  de  cinq  pieds  de  profondèiw,  qu'ils  revêtiffent 
de  cailloux  ,  &  qu'ils  rempliflent  de  terre  (c).  Ils  y  entretiennent  con* 
ftamment  la  fraîcheur  qui  convient.  Mais,  lorfque  le  fruit  eft" mûr,  ils 
détournent  l'eau  de  cette  foffe,  afin  qu'il  puifFe  fécher  un  peu  fur  les 
branches. 

On  n'a  fçuque  par  les  François,  qui  firent  le  Voyage  de  Mouab,  une 
fingularité' qui  étoit  ignorée  de  toute  l'Europe  :  c'eft  que  dans  des  lieux  ex- 
pofés  au  Midi ,  ou  trop  découverts ,  les  arbres  du  Caffé  fe  plantent  fous 
d'autres  grands  arbres,  qui  leur  fervent  d'abri,  pour  les  mettre  à  couvert 
de  l'ardeur  exceflTive  du  Soleil.  La  Grelaudiere  prit  ces  grands  arbres  pour 
une  efpèce  de  peupliers.  Ils  étendent  prodigieufement  leurs  branches,  & 
forment,  par  leur  difpofîtion,  un  cercle  parfait ,  qui  couvre  tout  ce  quife 
trouve  defîbus.  On  prétend  que ,  fans  cet  ombrage ,  la  fleur  feroit  brûlée, 
en  s'ouvrant,  &  ne  produiroit  aucun  fruit.  Les  premiers  arbres  que  les 
François  virent,  près  de  la  Ville  de  Tage,  étoient  fortifiés  de  ce  fecours, 
parceque  le  Pays  y  eft  plus  ouvert  que  dans  d'autres  lieux.  Ils  obfervè- 
rent  que  chaque  peuplier  couvre ,  de  fon  ombre  ,  une  certaine  quantité 
de  Caffiers ,  qui  font  plantés ,  par  ordre ,  dans  le  même  alignement  que 
nos  pommiers.     La  curiofité  d'un  des  Voyageurs  François,  qui  fe  nom- 

moii; 


(  c  )  Ceci  n'eft  pas  intelligible.  Les  Ara- 
bes revêtiffent  la  foffe  de  cailloux,  afin  que 
l'eau  Ht  plu»  de  faolité  de  f  éaçtiçt  la  terre 


qui  couvre  le  pied  de  l'arbre,  &  qui  eflw* 
vjionnée  de  la  folTe.  R.  d.'E. 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  III. 


Î75 


moitVw  Noyers,  lui  fit  deflîner  le  plus  bel  arbre  qu'il  put  choinr.  On  en 
donne  ici  la  Figure  d'après  fon  deifein.  [Il  avoic  eu  la  curiofité  de  rap- 
porter un  rameau  entier,  chargé  de  fleurs  &  de  fruits,  qui  s'étoit  parfaite- 
ment bien  confervé  par  fcs  foins.  Ce  rameau  a  été  defliné  en  France  d'a- 
près le  naturel ,  tel  qu'il  fe  trouve  ici  repréfenté  dans  la  féconde  Figure.] 

Dans  les  lieux  moins  chauds,  ces  arbres  croifTent  à  découvert,  &  rap- 
portent avec  beaucoup  d'abondance.  Le  même  Voyageur,  qui  avoit  fait 
le  Voyage  de  Mouab  avec  la  Grelaudiere ,  fit  enfuite  exprès  celui  de  Re- 
dia,  ou  Z'^iia,  petite  Ville  dans  les  montagnes,  à  douze  lieues  de  Betel- 
faguy  au  Sud-Oueft,  (d)  pour  y  voir  un  grand  nombre  de  ces  derniers  ar- 
bres. Il  apprit,  du  Gouverneur  même  deRedia,  que  ce  Canton  eft  un  des 
meilleurs  du  Pays.  Outre  les  Caffiers ,  qui  font  les  plus  beaux  d'Arabie ,  on 
y  voit  une  quantité  furprenante  d'autres  arbres  fruitiers  ;  plufieurs  fortes  de 
bleds,  entre  lefquels  on  diftingue  une  excellente  efpèce  de  froment;  des 
melons,  des  concombres,  &  diverfes  fortes  de  légumes. 

L'arbre  qui  porte  le  CafFé  étant  chargé  tout  à  la  fois  de  fleurs,  de 
fruits  imparfaits  &  de  fruits  mûrs ,  la  récolte  fe  fait  ncceflairement  à  trois 
reprifes  différentes,  qui  forment  comme  autant  de  faifons.  Mais,  comme 
elles  ne  font  pas  fixes  &  régulières  ,  les  Arabes  ne  donnent  proprement  le 
nom  de  récolte  qu'à  celle  du  mois  de  Mai,  parceque  c'efl:  la  plus  abondante 
de  l'année  (f).  Pour  recueillir  le  Caffé ,  ils  étendent  des  pièces  de  toile  fous 
les  arbres ,  qu'ils  fecouent  légèrement ,  &  tout  le  fruit ,  qui  fe  trouve  mûr, 
tombe  avec  facilité.  On  le  met  dans  des  facs ,  pour  le  tranfporter  fur  des 
nattes.  On  l'y  fait  fécher  en  monceau ,  jufqu'a-ce  que  les  goulTes  foyent 
en  état  de  s'ouvrir,  à  l'aide  d'un  gros  cylindre  de  pierre  ou  de  bois,  qu'on 
fait  palTer  par-deiTus.  Lorfque  le  fruit  efl  forti  de  fon  écorce,  &  féparé 
en  deux  petites  fèves,  ou  plutôt  en  deux  moitiés,  qui  n'en  faifoientqu  une 
auparavant ,  on  le  fait  fécher ,  une  féconde  fois  au  Soleil ,  parcequ'il  efl:  en- 
core aflez  verd ,  &  qu'étant  trop  frais ,  il  court  rifque  de  fe  corrompre  fur 
Mer.  On  le  vanne  enfuite,  pour  le  nettoyer;  car  il  fe  vend  beaucoup 
moins,  s'il  eft:  mêlé  de  fes  pailles  ou  de  Ces  gonfles. 

La  manière,  dont  les  Arabes  préparent  leur  CafFé,  pour  le  boire,  efl:  la 
même  en  général  que  celle  de  tout  If  Levant,  dont  nous  avons  adopté  la 
préparation  en  France;  avec  cette  différence  néanmoins,  que  les  Arabes  le 
prennent  ordinairement  prefqu'aulTi-côt  qu'il  eft  cuit,  fans  le  faire  repofer, 
fans  y  mêler  jamais  de  fucre,  &  dans  de  fort  petites  talTes.  Quelques-uns 
enveloppent  la  cafiètière  d'un  linge  mouillé ,  en  la  retirant  du  feu  ;  ce  qui 
fait  précipiter  auflî  -  tôt  le  marc ,  &  rend  la  liqueur  beaucoup  plus  claire. 
Cette  méthode  y  forme  aufli  une  petite  crème ,  qui  s'élève  au-deflus  ;  & 
lorfqu'on  le  verfe  dans  les  tafles,  non-feulement  il  fume  beaucoup  davanta- 
ge, mais  il  exhale  une  efpèce  de  vapeur  grafle,  qu'ils  fe  font  un  plaifir  de 
recevoir ,  parcequ'ils  lui  attribuent  d'excellentes  qualités. 

LEsperfonnes  de  diftinélion  employent  une  autre  méthode  qui  leur  efl 

pro- 

(d)  Ou  plutdt  au  Sud-£fl:,  fulvantla  Car-     de  CaiFé  pnr  arbre  à  chaque  récolte;  ce  qui 
te.  R.  à.  E.  doit  contenter  ceux  qui  en  ont ,  parccqu'iî 

Ce)  OncueiU€,Qidiûai«;incDt,  cinqlivies.    couic  fort  peu  d'ejitfetiea.  R.  d.E, 


VOYAGti  nt 
l/AKAniE 
HEUREUSK. 

1712. 


Arbres  de 
Rciia. 


Comîncnt  ft 
fuit  larccuicc. 


Pr(iiiarat:fs 
de  lu  liqueur. 


CafFé  à  la 
Su'unc, 


17^ 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS 


l'A/iabie 
iieuiuiuse, 

1712. 


Ce  que  les 

Turcs  rappor- 
tent de  l'ori- 
gine du  Ca'Fé 
d'.ns  leurEm- 
pire. 


propre.  Ils  ne  fe  fervent  point  de  la  fève  du  Caffé ,  mais  feulement  de  l'é; 
corce,  qui  lui  fert  d'enveloppe,  en  y  mêlant  aaffi  la  pellicule  fine,  qui  cou. 
vre  immédiatement  la  fève  (/).  Cette  boiflbn  pafle,  en  Arabie,  pour  une 
liqueur  incomparable,  &  porte  le  nom  de  Ca^é  à  la  Sultane.  Nos  Fran. 
çois ,  qui  n'en  prirent  point;  d'autre  à  la  Cour  d'Yemen ,  &  chez  les  Gou. 
verneurs,  le  trouvèrent  fort  délicat.  On  y  mêle  moins  de  fucre,  parce- 
qu'il  n'y  a  point  d'amertume  à  corriger,  &  qu'on  y  fent,  au  contraire ,  une 
douceur  modérée ,  qui  a  beaucoup  d'agrément.  Mais  cette  méthode  ne 
peut  convenir  qu'en  Arabie.  Cette  écorce  ,  qui  a  peu  de  fubllance  pat 
elle  même,  lorfqu'elle  eft  trop  féche ,  ne  peut  être  tranfportée  ou  gar- 
dée long  -  tems ,  fans  perdre  une  grande  partie  de  fa  qualité ,  qui  conlille 
principalement  dans  fa  fraîcheur. 

Les  Arabes  d'Yemen  étoient  fort  perfuadés  que  le  CafFé  ne  peut  croîtie 
dans  aucun  autre  lieu  que  leur  Pays,  quoique  les  Ecrivains  Turcs  le  faflem 
venir  originairement  de  l'Ethiopie,  L'expérience  des  Ifles  d'Afrique  à 
d'Amérique  a  dû  les  détromper.  D'ailleurs,  les  Hollandois  en  ont  éievî 
des  plants  confidérables ,  aux  environs  d'Amllerdam ,  &  nous  n'avons  pat 
réuffi  moins  heureufement  au  Jardin  Royal  de  Paris  {g). 

Les  Turcs  (6)  ont  écrit  l'hilloire  uj  l'origine  du  CafFé,  dans  Adeni 
dans  leur  Empire.     Ils  rapportent,  que  Getnakddïn-Abou-Abdallah^  Muhi- 
med-Benfaid,  tumommé  JÙhabhani  y  parcequ'il  étoit  natif  de  Z)^aiÂa« ,  peti- 
te Ville  de  l'Arabie  heureufe,  étant  Moufti  d'Aden,  vers  le  milieu  du  neu- 
vième Siècle  de  l'Hegire,  &  du  quinzième  de  Jefus-Chrift,  eut  occafion  de 
faire  un  Voyage  en  Perfe.    Pendant  fon  féjour,  il  y  trouva  quelques  per- 
fonnes  de  fon  Pays,  qui  prenoient  du  Caflfé.    11  y  fit  peu  d'attention  ;  mais,! 
à  ion  retour,  fa  fanté  s'étant  afFoiblie,  &  fe  fouvenant  de  la  liqueur  qu'il 
avoit  vu  prendre  en  Perfe,  il  s'en  fit  apporter,  dans  l'efpérance  d'en  tirei 
quelque  foulagement.     Non-feulement  fa  fanté  fut  rétablie  par  cet  ufagej 
mais  il  reconnut  bien-tôt  les  autres  propriétés  du  CafFé,  fur-tout  celle  de  diC 
fiper  les  péfanteurs,  d'égayer  i'efprit,  &  de  caufer  une  infomnie  qui  n'a  ria 
d'incommode  («)• 


(/)  On  prend  l'ikorce  du  CafFé  parfaite- 
ment mûr;  on  la  brife;  on  la  met  dans  une 
petite  terrine ,  fur  un  feu  de  charbon ,  en  TOur- 
nant  toujours  de-forte  qu'elle  ne  fe  brûle  pas 
comme  le  Caft'é  ordinaire  ,  mais  feulement 
qu'elle  prenne  un  peu  de  couleur.  En  mc- 
me-tems  on  fait  bouillir  de  l'eau  dans  une 
cafFetière  ;  &  quand  l'ticorce  eft  prête ,  on 
la  jette  dedans ,  avec  un  quart  au  moins  de 
la  pellicule ,  eu  lalflhnt  bouillir  le  tout.  La 
couleur  de  cette  boilfon  eft  femblable  à  celle 
de  la  meilleure  bicre  d'Angleterre.  On  gar- 
de CCS  écorces  dans  des  lieux  fort  fecs  & 
bien  fermés.  La  moindre  humidité  leur  don- 
ncroit  un  mauvais  goût.  Ibidem,  pag.  287. 

(^)  Le  Caffier  a  été  apporté  en  Europe 
•par  les  Hollandois  :  Mr.  Pancrace,  Conful 
d'Amfterdam ,  fit  préfent  à  Louis  XIV.  d'un 


petit  Caffier  haut  de  cinq  pieds.  M.  de 
jfujpeu,  célèbre  Profeffeur  en  Botanique,  en 
a  donné  une  defcription  très-cxafte ,  qui  fe 
trouve  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des 
Sciences  pour  l'année  17 13.    R.  d.  E. 

(i)  Ceci  eft  tiré  d'un  Manufcrit  Arabe, 
qu'on  conferve  dans  la  Bibliothèque  du  Roi 
de  France.  R,  d.  E. 

(0  M.  Dufour  donne,  d'après  FaufleM- 
♦■071,  une  autre  origine  au  CafVé.  Hditqae 
l'Abbé  d'un  Monaftère  ayant  été  averti,  pat 
celui  qui  gardoit  les  chameaux  ou  les  chè- 
vres, que  fon  bétail  vcilloit  &  fnutcit  toute 
la  nuit ,  après  avoir  brouté  le  Call'é  ou  iinn- 
gé  de  fon  fruit,  en  lit  boire  à  fcs  Moines, 
pour  les  empêcher  de  dormir  pendant  les 
offices  de  la  nuit.  Cette  hiftoirc,  toute  fi' 
buleufe  qu'elle  foit ,   eft  cependant  louJ^^ 

& 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  IIl. 


ement  de  l'é'. 
fine,  qui  cou. 
aie,  pour  une 
Nos  Fran- 
chez  les  Gou- 
fucre,  parce- 
contraire ,  ur.e 
;  méthode  ne 
fubftance  pat 
)ortée  ou  gai- 
;,  qui  conlille 

le  peut  croîtie 
:urcs  le  faffa 
s  d'Afrique  i 
s  en  ont  élevi 
us  n'avons  paj 

dans  Aden  & 
daîlab^  Muhâw 
Dhabhan,  peti- 
milieu  du  neii- 
eut  occafiondî 
i  quelques  per- 
ttention;  mais,! 
i  la  liqueur  qu'il 
rance  d'en  tirei 
î  par  cet  ufage, 
:out  celle  de  di!^ 
nnie  qui  n'a  rien  ' 

L'£- 


inq  pieds.     M-  « 
en  Botanique,  a 

très-cxafte ,  qui  fe 
de  l'Académie  des 

11.  d.  E. 
Maiiufcrit  Arabe, 
ibliothequc  du  Roi 


^77 


13 


d'après  Faujîe^'À- 
u  CaiFé.  Il  dit  q^^ 
yant  t^té  averti,  pat 
amcaux  ou  les  che- 
loit  &  fr.ut-it  toute  , 
té  le  Cail'é  ou  m»- 
boire  à  fes  Moines. 
dormir   pcndai't  les 

hilloirc,   toute  »' 
cependant  i^W^ 


L'exemple  du  Chef  de  la  Loi  mit  bien-tôt  tous  les  Prêtres  &  tous  les 
Religieux  Mahométans ,  dans  le  goût  du  CafFé.  Enfuite,  lesArdfans,  qui 
avoient  befoin  de  travailler  la  nuit,  les  Voyageurs  qui  vouloient  éviter  la 
chaleur  du  jour,  enfin  toute  la  Ville  d'Aden  embrafla  le  même  ufage.  On 
y  abandonna  celui  de  toute  autre  liqueur,  fur -tout  de  celle  qui  fe  faifoit  a- 
vec  les  feuilles  d'une  plante  nommée  Cat.  Avant  Gemaleddin  ,  on  afliire 
que  le  Caffé  écoit  dans  l'obfcurité,  &  prefqu'inconnu ,  même  en  Arabie, 
qui  produit  le  fruit  dont  on  le  compofe.  Mais  d'Aden ,  étant  pafle  dans 
plufieurs  autres  lieux  voifins ,  il  fut  porté  à  la  Mecque ,  vers  la  fin  du  neu- 
vième Siècle  de  l'Hegire.  Il  y  fut  d  abord  adopté,  comme  dans  Aden ,  par 
les  Imams  &  les  Derviches.  Au-relle  il  n'étoit  pas  compofé  de  la  fève , 
mais  de  la  goufl'e.  Les  Habitans  de  la  Mecque  y  prirent  tant  de  goût, 
qu'ils  établirent  des  maifons  où  l'on  en  vendoit  publiquement.  Ils  s  y  af- 
fembloient  en  foule.  On  y  jouoit  aux  Echecs  &  au  Mancalah  (k).  On  y 
chantoit ,  on  y  fonnoit  des  infl:rumens  ;  plaifirs  que  les  Mahométans  rigides 
ont  particulièrement  en  averfion.  De  la  Mecque  le  Caffé  pafla  dans  plu- 
fieurs autres  Villes  d'Arabie,  fur -tout  à  Medine,  d'où,  fortant  enfin  de 
cette  Contrée,  il  pénétra  dans  l'Egypte  jufqu'au  grand  Caire.  Il  y  fut  in- 
troduit par  les  Derviches  de  l' Yemen  ,  qui ,  étant  établis  dans  un  quartier 
de  cette  Ville,  prenoient  du  Caffé  dans  leur  Mofquée,  lorfqu'ils  vouloient 
donner,  à  la  prière,  une  plus  grande  partie  de  la  nuit.  Ils  le  tenoient  dans 
un  grand  vafe  de  terre  rouge,  &  le  recevoient  refpeftueufement  de  la  main 
de  leur  Supérieur ,  qui  leur  en  verfoit  lui-même  dans  des  taffes.  On  étoit 
alors  au  commencement  du  dixième  Siècle  de  l'Hegire,  &  du  quinzième  de 
Jefus-Chrift.  L'exemple  des  Derviches  fut  d'abord  imité  par  les  Dévots  du 
Caire,  &  bien-tôt  par  un  grand  nombre  d'autres  Habitans.  Ce:  ufage  ne 
fit  qu'augmenter,  fans  contradiftion ,  jufqu'à  l'année  917  de  l'Hegire  (/); 
époque  fatale  pour  le  Caffé. 

Khair-Beg,  Gouverneur  de  la  Mecc[ue,  fortant  un  jourdè  la  Mof- 
quée, après  la  prière  du  foir,  fut  choqué  de  voir,  dans  un  coin  du  Temple, 
plufieurs  perfonnes  qui  prenoient  du  Caffé  pour  fe  difpofer  à  paffer  la  nuit 
en  prière.  Il  s'imcgnia  qu'on  bûvoit  du  vin,  &  fa  furpnfe  ne  diminua  point 
lorsqu'il  eut  appris  les  qualités  de  cette  liqueur.  Son  zèle  pour  la  Religion , 
qu'il  crut  fcandaleufement  bleffée ,  le  porta ,  dès  le  lendemain ,  à  convoquer 
une  grande  affemblée  d'Officiers  de  Juflice  &  de  Doéleurs  de  la  Loi ,  aux- 
quels il  expofa  gravement  le  fpe6tacle  dont  il  avoit  été  témoin.  On  raifon- 
na  long-tems  lur  une  matière  de  cette  importance.  Quelques  Médecins 
eftimés  ayant  pris  parti  contre  le  Caffé ,  le  poids  de  leur  autorité ,  joint 
aux  fcrupules  du  Gouverneur ,  fit  publier  une  défenfe  expreffe  &  folemnelle 

de 


r- •'•/!! 


i"  i-'b^jif  r  !  "!'?•}  tr 


en  quelque  façon  fur  celle  de  la  véritable 
origine  du  Caflé.  Cet  Abbé  &  fon  Compa- 
f^.ion  font  Gemaleddin  &Aldhabhani,  &  les 
Moines  font  les  Derviches  qui  paflbient  la 
nuit  en  prières  avec  eux.  Traité  Hift.  de 
l'orig.  du  CafFé ,  pag.  i-jg.  R.  d,  E. 
(  k  )  Jeu  fort  ufité  chez  les  Orientaux.    II 

XIF.  Part. 


'e  joue  à  deux,  avec  foixante- douze  petites 
coquilles,  qu'on  met  d'abord  par  fix  dans 
douze  petites  folfes  rondes,  creufées  fur 
deux  lignes ,  dans  un  morceau  de  bois  de  la 
longueur  d'un  pied,  fur  cinq  pouces  de  lar- 
geur. M.  Galland  l'a  décrit  plus  au  long. 
(i)  Elle  répond  à  nôtre  année  151 1. 


VoTAOR  OK 

i/Arabik 
heureuse. 

17  12. 


"!■    f 


Defordres 
qu  il  caufe  i, 
la  Mecque. 


ï7^ 


VOYAGES    DÈS    fRÀNCOlS 


VoYAOE  DE 

l'Arabib 

HtUREUSC. 
I7I3. 


11  paflb  en 
Syrie. 


Il  efl  porté  à 
Conltantino- 

J.1C. 


Oppofitions 
Qu'il  y  trouve. 


Par  que's 
degrés  il  Uimi- 
nne. 


de  vendre  &de  boire  du  Caifé ,  fous  les  peines  ordinaires  pour  ceux  quî  vio. 
lent  les  préceptes  de  la  Religion.  Cette  défenfe  obligea  les  Marchands  de 
fernier  les  CafFés  publics  ;  &  tout  le  Caffd ,  qu'on  pu*-  trouver  entre  leurs 
mains,  fut  brûlé  avec  éclat.  En  vain  les  Derviches ,  &  ic  Moufty  même, 
réclamèrent  contre  une  décifiôn  fi  précipitée.  Un  Particulier,  ayant  été' 
furpris  avec  une  taffe  de  CafFé  à  la  main ,  reçut  la  baftonade  &  fut  prome- 
né enfuite,  fur  un  âne,  par  toutes  les  places  publiques.  Le  Sultan  d'Egyp, 
te ,  qui  avoit  alors  beaucoup  d'autorité  à  la  Mecque ,  condamna  ce  zèle  in. 
dîfcret.  Après  avoir  confulté  les  Dofteurs  du  Caire,  il  ordonna  au  Gouver- 
neur  de  révoquer  fa  défenfe.  Mais  il  ne  put  détruire  dans  la  Ville  Sainte 
une  femence  de  divifîon ,  qui  continua  d'y  caufer  beaucoup  de  troubles, 
&  qui  fit  porter  quelquefois  1  animofité  jufqu'aux  dernières  violence»  (w). 

Ces  avantures,  loin  de  retarder  les  progrès  du  CafFé ,  n'avoient  fervi 
qu'à  lui  ouvrir  le  chemin  de  la  Syrie,  où  il  fut  reçu  fans  obflacle  à  Damas, 
à  Alep,  &  par  degrés  dans  toutes  les  autres  Villes  de  cette  grande  Provin- 
ce. Enfin,  vers  l'année  962  de  l'Hegire,  &  1554  de  Jefus-Chrift,  il  fut 
porté  de  Syrie  à  Conflântinople.  Jufqu'alors,  il  n'y  avoit  été  connu  que 
par  le  bruit  dés  difçraces  qu'il  avoit  eflTuyées  à  la  Mecque.  Mais  cette  mê- 
me année,  qui  était  environ  la  centième  de  fon  inftitution  dans  Aden,  k 
fous  le  règne  de  Solyman  le  Grand,  fils  de  Selim  I.,  deux  Marchands, 
nommés  Scbems  &  Hekem,  l'un  venu  de  Damas,  l'autre  d'Alep ,  ouvrirent î 
Conflântinople ,  chacun  leur  Mailbn  de  CafFé ,  dans  le  quartier  qui  fe  nom- 
me Takhtacalah ,  &  cûmïtiencèrent  à  vendre  publiquement  la  liqueur  de  ce 
nom.  Ils  recevoient  les  Curieux,  fur  des  fofFas  ou  des  eflrades  fort  pro- 
pres. Les  Perfonnes  dé  Lettres ,  fur-tout  les  Poètes ,  &  les  Amateurs  du 
leu ,  furent  les  premiers  qui  fréquentèrent  ces  deux  Maifons.  Elles  prirent 
le  noin  de  Cobveh-Khanéb.  La  taffe  du  CaflFé  ne  s'y  payoit  qu'un  afpre,  très- 
petite  monnoye  d'argent,  de  la  valeur  d'environ  deux  liards.  Ces  Maifots 
&  ces  AfTemblées  fe  multiplièrent  fi  promptement,  qu'elles  excitèrent  bien- 
tôt l'attention  des  Officiers  publics»  On  y  vovoit  les  Pachas  &  les  princi- 
paux Seig;nieurs  de  la  Porte.  Déjà  les  Imams  fe  plai^noient  que  leurs  Mof- 
quées  étoicnt  défertes,  tandis  que  les  CafFés  ne  ceffoient  pas  d'être  remplis, 
Ils  fe  déchaînèrent  enfin ,  non-feulement  contre  les  lieux  où  l'on  vendoit  le 
CafFé ,  mais  contre  le  CafFé  même ,  dont  ils  foûtinrent  que  la  défenfe  étoit 
comprife  dans  la  Loi  entre  les  liqueurs  fortes  qu'elle  interdit.  Tous  les  Dé' 
vots  réunis  formèrent  là-defTus  une  queflion  précife,  qu'ils  préfentèrent  au 
Moufty,  cour  fe  régler  par  fa  décifiôn.  Ce  Chef  fuprême  de  la  Religion, 
fans  exammer  beaucoup  la  difficulté ,  décida  hautement  que  le  CafFé  étoit 
défendu  par  la  Loi  de  Mahomet. 

L'a  UTORiTÉ  du  Moufty  efl  fi  refpeflée  des  Tuics ,  qu'il  ne  leur  efl  pas 
permis  de  former  des  doutes  fur  fes  décifions.    Ainfi  toutes  les  Maifons  de 

Caf- 


(w)  On  ajoute  que  deux  Médecins,  qui 
avoient  eu  part  à  la  défenfe  du  Caffé ,  firent 
une  malheureufu  fin.  Méprifés  à  la  Mecque , 
depuis  le  rétablilTement  de  cette  liqueur,  ils 
fe  retirèrent  au  Caire-,  où  ils  fureut  cfiiVain- 


cus  d'avoir  fait  des  imprécations  contre  la 
purl'onnc  de  Selim  I. ,  qui  vcnoit  de  conqué- 
rir l'Egypte.  On  prit  ce  prétexte  pour  les 
coudaiûncr  à  mort.  Jbid,  pag.  339. 


PANS  L'ARABIE  HEUREUSp,  Liv.  IIL  ^79 

Câffë  furent  auffi-tôt  fermées;  ôf.  les  Officiers  de  Police  reçurent  ordre  de 
s'oppofer,  dans  toute  la  Ville,  à  l'ufage  même  de  cette  liqueur.  Cette  dc- 
fenfe  fut  renouvellée  fous  le  règne  d'Amurath  III.  Cependant  toute  la  ri- 
gueur qi^'on  apporta  d'abord  à  l'exécution ,  ne  put  arrêter  un  penchant 
déclaré.  Les  Officiers  de  Police,  fe  iaflant  enfin  d'une  vigilance  inutile, 
prirent  le  parti  de  permettre,  pour  de  l'argent,  qu'on  vendît  du  Caffé,  a- 
vec  un  relie  d'attention  pour  empêcher  que  cette  vente  ne  fût  publique.  Ils 
fouffrirept  qu'on  en  prît  dans  des  lieux  particuliers,  la  porte  fermée,  & 
chez  quelques  Marchands  dans  l'arrière-boutique.  Un  nouveau  Moufty , 
moins  fcrijpuleux  que  fon  PrédécefTéur ,  modéra  la  défenfe,  en  déclarant 

3u'ell|e  n'étoit  pas  au  même  degré  ^ue  celle  des  liqueurs  formellement  inter- 
ites.  Cet  adouciflement  fut  expliqué  avec  tant  de  faveur,  que  les  Dévots 
mêmes  fe  crurent  autorifés  à  fe  relâcher.  Leur  exemple  devint  une  règle 
pom-  la  Cour  &  la  Ville.  On  vit  reparoître,  en  plus  grand  nombre  qu'au- 
paravant ,  les  Maifons  où  le  Caffé  fe  diftribuoit  au  PuJalic.  Cette  paffion 
alla  li  loin,  que  la  cupidité  des  Vifirs  ne  manqua  point  l'occafion  de  s'en 
faire  un  nouveau  revenu ,  en  s*àttribuant  une  autorité  particulière  fur  tous 
ces  lieux  :'  Us  retirèrent  de  chacun ,  dans  les  différens  quartiers  de  la  Ville , 
un  droit  d'un  ou  deux  fequins  par  jour.  La  même  raifon  leur  fit  trouver  le 
raioyen  de  les  multiplier,  fans  pern^ettfe  que  le  prix  fût  de  plus  d'un  afpre 
pour  chaque  tafle;  ce  qui  doit  faire  juger  de  la  grandeur  du  débit.  Ce  prix 
n'a  pas  çefle  d'être  le  même  à  Conftantinople. 

Cependant  la  licence  4esNouvellijfte5,  qui  formoient  la  plupart  des 
Aflenibléeç ,  fit  renaître  les  _*ncienn.es  craintes ,  fous  la  minorité  de  Maho- 
met IV.  Le  Grand- Vifir  'Kupruli^  avec  un  deïïntéreïjren^ent  héréditaire  dans 
fa  famille  («),  crut  devoir  facrijfier,  à  la  tranquillité  publique,  fimmenfe 
revenu  qu'il  tiroit  des  Caffés.  Il  prit  le  parti  de  les  fupprimer  tous.  On 
raconte  qu'avant  cette  réfolution,  il  avôit  eu  la  curiofîté  d'aller,  fous  quel- 
que déguifement,  dans  les  principaux  CaflTés  de  Conftantinople ,  où  il  avoit 
été  furpris  d'entendre  des  gens  graves ,  qui  s'entretenoient  ierieufement  des 
affaires  de  l'Empire,  blâmant  leMiniûère,  &  décidant  avec  hardieffe  des 
points  les  plus  importans.  Ayant  vifité  de  même  les  Tavernes  de  la  Ville, 
il  n'y  avoit  trouyé  que  des  gens  gais ,  qui  chantoient ,  ou  qui  parloient  de 
Jeurs  amours  &  de  leurs  exploits  militaires.  Les  premiers  lui  avoient  paru 
dangereux i  &  n'appréhendant  rien  des  autres ,  il  avoit  jugé  à  propos  de 
leur  laiffer  cet  amufement  (0).  '  ' 

Mais  depuis  la  fupprelfion  des  Caffés  publics,  qui  dure  encore  à  Con- 
ftantinople ,  on  n'en  a  pas  pris  moins  de  Ca,ffé  dans  cette  grande  Ville.  L'u- 
fage efl:  de  porter,  dans  les  marchés  &  dans  les  principales  rues,  de  gran- 
des caffetières  fur  un  réchaud ,  &  de  diftribuer  cette  liqueur  chérie  à  ceux 
qui  en  demandent.  Les  Paffans  s'arrêtent ,  &  ne  font  pas  difficulté  d'en- 
trer dans  la  première  boutique,  dont  le  Maître  eft  toujours  difpofé  à  les 


'  i  1   ii-.i;,    ».'  :jvm^,u'J.:^}:j  i- 


re- 


Ck;  Il  eut  deux  fils',  qui  occupèrent  Tue-  Médecin  de  M.  le  Comte  dcTouloufe,  npréis 

<:clïïvemcnt  la  môme  dignité.  l'avoir  été  du  dernier  Vifir  Kupruli,  tué  à  la 

(0)  M.  Gallnnd  rapporte   ce  trait  fur  le  bataille  de  Sa/anltf;nffJ. 
témoignage  de  iVI.  i'Ucmatige,  qu'on  a  vu 


VoYAOR  rnr 
i,'Ar.ABiii 

]iEL'RI::UEll!:, 

1  7  I  2. 


Tribut  exigé 
par  les  Viiirs, 


Kupruli  fup. 
prime  encore 
une  fois  les 
Caffés. 


Ses  motifs. 


Ufagcs  qui 
ont  fuccedé  à 
la  fupprcffion. 


Z  2 


) 


ï8o 


VOYAGES    DES    FRANCOlé 


Voyage  de 
l'Arabis 
heuubuse. 

17  12. 


Manière 
dont  les  O- 
rientaux  pren- 
nent le  Caffé. 


Remarques 
fur  le  Caffé 
d'Ethiopie. 


recevoir.  II  ne  refte  qu'un  fort  petit  nombre  de  Maifons  tolérées ,  en  fa- 
veur  des  Matelots,  qui  viennent  y  fumer  en  prenant  du  CafFé.  Au-refte, 
cette  défenfe  n'a  jamais  regardé  que  la  Capitale  de  l'Empire.  On  trouve 
des  CafFés  publics,  dans  toutes  les  autres  Villes ,  &  jiifques  dans  les  moin- 
dres Bourgs.  D'ailleurs,  outre  lufage  qui  s'efl:  établi  dans  les  rues  de laCa- 
pitale,  il  n'y  a  point  de  famille ,  riche  ou  pauvre,  Turque,  Grecque,  Ar- 
ménienne ou  Juive ,  qui  ne  prenne  du  Caffé  plufieurs  fois  le  jour  dans  l'in- 
térieur des  maifons.  Cette  dépenfe ,  pour  chaque  famille,  égale  du  moins 
celle  qu'on  fait  à  Paris  pour  le  vin  (p).  Elle  fe  fait  jufques  dans  les  Ar- 
mées. Une  grande  partie  des  Equipages  eft  compofée  d'Artifans ,  (jui  brû- 
lent  le  Caffé  ou  qui  le  pilent.  Enfin ,  pour  exprimer  d'un  feul  trait  l'atta. 
chement  des  Turcs  à  cet  ufage,  le  refus  qu'un  mari  feroit  de  laiffer  pren- 
dre du  Caffé  à  fa  femme,  ou  le  degré  de  pauvreté  qui  ne  lui  permettroit 
pas  d'en  fournir,  eft  une  des  caufes  légitimes  du  divorce  (q).  Dans  les 
grandes  Maifons  de  l'Orient,  l'Officier  qui  prépare  le  Caffé  &  qui  al'in- 
fpeflion  de  tout  ce  qui  appartient  à  ce  fervice ,  tient  un  rang  diftingué  en- 
tre les  Domeftiques.  Le  Serrail  du  Grand  -  Seigneur  a  plufieurs  Kahvehgù 
Bachï(r)y  qui  préfident  chacun  à  vingt  ou  trente  Baltagis ,  employés  dans 
les  différens  Offices.  Ces  Intendans  ne  quittent  leurs  fondions  que  pour  ob- 
tenir des  emplois  plus  relevés,  ou  de  riches  poffeflîons.  Ils  deviennent 
quelquefois  Caplgi-Bachî,  L'Auteur  obferve,  non  -  feulement  que  dans  les 
audiences  du  Grand-Vifir  on  préfente  le  Caffé  aux  Ambaffadeurs ,  mais  que 
fi  cette  cérémonie  eft  fupprimée  à  l'égard  de  quelque  Miniftré  étranger,  c  eft 
une  marque  d'aigreur  ou  dé  mécontentement,  &  comme  le  premier  préfaga 
de  quelque  rupture  (  j). 

Le  Caffé,  chez  les  Orientaux,  fe  préfente  fur  des  fbucoupes  fans  pied, 
de  bois  peint  &  verniffé ,  comme  celles  dont  nous  avons  pris  l'ufage  ;  mais 
beaucoup  plus  grandes  que  les  nôtres,  puifqu'elles  contiennent  quinze  ou 
vingt  taffes ,  que  les  plus'  riches  font  encnaffer  à  demi ,  dans  de  petits  vafej 
d'argent.  Ces  taffes,  qui  fe  nomment  F/n^ww,  font  de  la  moitié  moins 
grandes  que  les  nôtres;  &  jamais  on  ne  les  remplit  entièrement.  On  ne 
fert  point  de  cuillières,  parceque  le  Caffé  fe  prend  fans  fucre,  mais  tou- 
jours très-chaud  &  très  fort.  Quelques-uns  y  mettent  une  petite  goutte 
d'effence  d'ambre.  D'autres  le  font  bouillir  avec  quelques  doux  de  girofle, 
rompus  en  deux  ;  d'autres  avec  un  peu  d'anis  des  Indes ,  &  d'autres  avec  la 
graine  du  petit  cardamome. 

A  l'égard  de  l'opinion  qui  fait  venir  originairement  le  Caffé  de  l'Ethio- 
pie, d'où  l'on  fuppofe  qu'il  fut  tranfporté  dans  l'Arabie  heureufe  ,  elle  eft 
confirmée  par  la  Relation  de  Charles-Jacques  Poncet ,  qui  paffa  trois  ans  en 
Ethiopie,  H.ans  un  Voyage  qu'il  y  fit  en  1698.  Ce  Voyageur  affure  qu'on 
y  voit  encore  des  arbres  de  Caffé ,  quoiqu'on  ne  les  cultive  que  par  curiofi- 
té.  Il  en  donne  même  la  defcription  :  mais  elle  repréfente  un  arbre  fi  dif- 
férent de  ceux  que  la  Grelaudiere  &  d'autres  François  ont  vu  dans  TAra- 
bie,  qu'on  y  loup jonne  quelque  méprife.    D'ailleurs 


», 


j.  ;;  ^*1T; 


(P)  Pag.  355, 
(  î  )  Ibidtm, 


,'H^i. 


nos  anciennes  Rela- 
tions 


(f)  Pag.  358. 
(j)  Pag.  360» 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  III. 


18: 


VOVAOE  HÉ 

l'Arabie 

heureuse. 

171  2. 


tîons  d'Ethiopie,  dont  la  plus  eftimée  eft  celle  du  Père  TelleZt  Jéfuite  Por- 
tugais ,  &  l'Hiftoire  même  de  Ludo^fe ,  dont  on  connoîc  l'exaftitude ,  ne 
font  aucune  mention  du  CafFé.  On  en  conclut  plus  naturellement,  que  s'il 
eft  vrai,  comme  divers  Hiftoriens  l'ont  écrit,  que  les  Abyfllns  ayent  tiré 
leur  origine  de  l'Arabie,  ils  ont  pû  porter,  dans  cette  tranfmigration ,  l'ar- 
bre du  CafFé  en  Ethiopie;  &  qu  apparemment  il  ne  s'jr  eft  pas  multiplie  a- 
vec  beaucoup  de  fuccés ,  puifqu'il  paroît  même  incertain  qu  il  s'y  en  trouve 
aujourd'hui  {t).  f        r  rie 

Au  refte  c'eft  une  prévention,  dont  on  a  reconnu  la  faulTeté  ,  que  les  cj;J,y|^"J.^Y'ru- 
Arabes,  jaloux  d'un  bien  dont  ils  fe  croyent  feuls  en  pofleflîon,  ne  laiflent  5},., 
fortir  de  leur  Pays  aucune  fève  de  CafFé  qui  n'aît  pafTé  par  le  feu  ou  par  l'eau 
bouillante,  dans  la  vue  de  faire  mourir  le  germe  (îj),  pour  en  arrêter  la 
propagation.        ^      •  -  ;       .   •■   ■    ••  '^  — 


rO  Pag.  291. 

(«)  Il  eft  furprenant  que  Ray,  un  des 
plus  fameux  Botaniftes  Ânglois ,  ait  accrédi- 
té cette  erreur ,  &  qu'il  ait  ignoré  que  non- 
feulement  les  Hollandois  ont  porté  ancienne- 
ment du  CafFé  de  l'Arabie  à  Batavia,  qu'ils 
l'ont  femé ,  replanté ,  &  fort  heureufement 
élevé ,  mais  que  les  Anglois  mêmes  ont  imi- 


té cette  expérience  à  Madras  ;  quoique  les 
uns  &  les  autres  n'en  ayent  pas  tiré  beau- 
coup d'avantages.  Ray  ne  laifle  pas  d'alTurer, 
„  que  les  Arabes  ont  trouvé  le  moyen  d'em- 
„  pôciier  qu'on  ne  pût  avoir,  hors  de  leur 
„  Pays ,  un  feu!  grain  de  CatFé  capable  de  ger- 
„  mer  ".  Hiftoire  univerfelle  des  Plantes  ;  Edi' 
tion  de  Londres ,  1686. 


5.  IV.  ^  .  .; 

[^Nouveïks  Obfervattons  plus  particulières ,  fur  la  culture  du  Caffé.  Supplément, 

CE  n'eft  pas  dans  un  premier,  ni  dans  un  fécond  Voyage,  qu'on  pou 
voit  fe  flatter  d'avoir  découvert  la  véritable  culture  du  CafFé  en  A- 
rabie.  Depuis  les  deux  expéditions  de  Saint-Malo ,  la  nouvelle  Compa- 
gnie des  Indes  de  France  ayant  établi,  en  1720,  un  Comptoir  à  Mocka, 
fes  Officiers  ont  eu  tout  le  tems  de  s'en  mieux  inftruire  fur  les  lieux  mê- 
mes. Ainli  leurs  obfervations  ne  dévoient  pas  être  négligées ,  après  l'hon- 
neur qu'on  a  fait  aux  premières,  qui  étoient  beaucoup  plus  imparfaites. 
Ces  derniers  éclaircifTemens,  que  nous  fuppléerons  ici ,  font  tirés  d'un  Mé- 
moire fait  pour  l'inftruftion  des  Direéleurs  de  la  Compagnie ,  par  le  Sr. 
Mirariy  qui  a  réfidé  longtems  au  Comptoir  des  François  a  Mocka. 

Les  Arabes  font  leurs  femis  en  pépinières ,  avec  les  grains  préparés  des 
plus  belles  coques  de  CafFés,  des  arbres  qui  font  dans  le  meilleur  cru  de 
chaque  Pays.  Ils  recueillent  ces  goufTes  dans  leur  parfaite  maturité  ;  ils  en 
font  détacher  la  première  écorce ,  qui  eft  tendre ,  en  les  froifTant  légère- 
ment avec  la  main  plufieurs  enfemble  fur  un  gonis  rude.  Cette  première 
écorce  étant  ufée,  les  deux  grains  de  la  goufTe  fe  féparent  facilement, 
chacun  reftant  couvert  d'une  féconde  écorce ,  qui  eft  dure  &  mince  ;  ils 
font  fecher  ces  grains  au  vent  &  à  l'ombre ,  parceque  le  foleil  y  eft  con- 
traire ,  &  ils  font  confervés  pour  faire  les  femis  quand  la  faifon  des  pluyes 
a  commencé.  Ils  ne  recueillent  les  goufTes  qu'après  deux  ou  trois  jours  de 
tems  ferein,  &  elles  ne  feroient  plus  propres  à  être  préparées  pour  les  fe- 
mis, û  elles  avoient  été  mouillée»  par  quelque  ondée  de  pluye, 

Z  3  La 


Supplément. 
1720. 


De  la  culture 
du  Cafié. 


VOYACfE  DE 
L'AllABir. 
IIKUK 

Svpv 


S8t         VOVA  G  ES    DES     FRANÇOIS,' 

Le  tfr'ms  des  pluyes  venu ,  ils  fément  chaque  grain  fûparément ,  à  envi. 

KuiausB.    ron  deux  pouces ,  en  bonne  terre  bien  préparée,  ordinairement  parmi  lei 

•l'i.fMEjxr.  bananiers,  à  caufe  de  l'ombre ,  &  ils  couvrent  l'endroit  de  quelque  feuiJIa. 

1720.     gc  pourri ,  afin  que  le  terrein  conferve  mieux  l'humidité ,  &  qu'il  Toit  garan. 

ti  du  foleil  quand  il  vient  à  paroitre. 

Les  grains  pouflent  hors  de  terre  après  un  mois  &  demi  ou  environ  ;iJ 
arrive  quelquefois  que  l'écorçe  mince,  qui  cnferraoit  chaque  grain,  parolt 
hors  de  terre  fur  les  tiges  qui  font  fort  tendres.  Si  au  bout  d'un  certain 
tems,  cette  écorce  ne  le  détache  pas  d'elle-même,  on  la  fait  tomber , quand 
elle  obéit  facilement  fans  rien  rompre  des  deux  petites  feuilles  qu'elle  ren- 
ferme ;  il  s'en  forme  des  petits  arbres ,  qu'on  lailfe  en  la  même  place  pen- 
dant un  an,  ayant  foin  de  les  arrofer  quand  les  pluyes  manquent;  enfuite 
on  les  tranfplante,  &  deux  ans  après  ils  commencent  à  donner  du  fruit, 
Les  Arabes  font  perfuadés ,  que  fi  en  faifant  les  femis ,  on  ne  féparoit  point 
les  deux  grains  du  CafFé,  l'arbre  qui  proviendroit  d'une  gpufle  entière,  ne 
rëufliroit  pas  fi  bien  ;  &  c'efl  pour  cette  raifon  qu'on  ne  tranfplante  guérej 
les  petits  arbres  qui  pouflent  par  hazard ,  où  fans  culture.  Les  propriétai- 
res  des  meilleurs  crus  de  chaque  Pays ,  font  les  femis  en  pépinières ,  &  en 
vendent  les  petits-arbres  au  relie  des  lîabitans  du  Pays. 

Les  Arabes  fe  donnent  beaucoup  de  peine  pour  arranger  leurs  plantji 
tions ,  fuivant  que  la  pente  du  terrein  où  elles  font ,  efl:  plus  ou  moins  ra- 
pide,  &  qu'ils  en  peuvent  tirer  parti;  ils  font  des  marges  par  étage  en 
amphitéatre ,  larges  de  quatre ,  fix ,  ou  fept  pies  plus  ou  moins ,  fur  lef- 
quelles. ils  plantent  lés  Caffiers  à  la  file.  Ces  n?arges  font  retenues  par  èj 
murs  de  grofles  pierres  à  fec ,  faits  avec  beaucoup  de  travail  pour  foûte- 
nir  la  terre  ;  ils  font  auffi,,  pour  le  même  effet,  des  creux  garnis  .demurj 
d'un  même  travail,  au  pié  de  chaque  arbre,  lorfque  l'endrojt  de  la  planta- 
tion efl  trop  pierreux,  &  qu'il  y  a  moins  de  terre;  ces  creux  font  à 
deux  à  trois  pies  de  diamètre  &  auflî  profonds  fuiv£^^t  \a.  néceljîté.  l'i 
•travaillent  tous  les  ans  la  terre  de  ces  marges  &  creux  ,  &  ils  mélenc ,  fé- 
lon le  befoin,  du  fumier  avec  les  feuillages  tombés,  en  remuant  la  ter- 
re jufqu'aux  racines  des  arbres.  Ce  travail  fe  fait  qudque-.tems  après  li 
récolte.  ..i^;.  i...,\ 

Si  les  pluyes  retardent ,  ou  qu'elles  manquent  dans  le  tems,  comme  il 
arrive  quelquefois  ,  ils  coupent  l'eau  des  ruifleaux  pour  la  conduire  le  long 
du  haut  des  plantations,  par  des  canaux,  afin  d'humefter  la  pente  du  ter- 
rein; ou  bien  ils  font  obligés  d'arrofer  à  la  main,  &  fi  ces  eaux  font  trop 
éloignées,  ou  qu'elles  viennent  à  fe  tarir,  le  fruit  dépérit  à  proporticu du 
défaut  d'eau,  a  la  récolte  en  efl  moins  abondante.  Les  brouillards  qui 
furviennent  quelquefois ,  fur  -  tout  quand  les  goulTes  font  à  moitié  mûres, 
font  caufe  que  les  grains  de  CafFé  refient  noirs  &  lèchent.  La  grande 
quantité  de  finges ,  qu'il  y  a  dans  les  montagnes ,  détruit  auffi  beaucoup  de 
CafFé ,  quand  il  efl  tendre. 

Les  Caffiers  croiflent  depuis  douze  jufqu'à  dix  -  huit  pies  de  hauteur; 
les  Arabes  n'élaguant  point  pour  conduire  les  arbres  à  mefure  qu'ils  croir- 
fent;  ce  qui  fait  que  iouvent'la  principale  tige  d'un  Caffier  poufTe  deux  à 
trois  branches  qui  groffiffent  depuis  le  rez  de  terre ,  «&  forment  le  cep  ai 

l'arbre 


DANS   L'ARABIE   HEUREUSE,    Liv.  Ht         î5j 

farbre  jufaues  vers  le  haut  où  font  les  autres  branches ,  qui  contiennent 
le  feuillage  &  le  fruit.  Les  Arabes  n'émondent  pas  feulement  les  baguet- 
tes qui  poiiflent  au  bas  des  arbres.  Les  Caffiers  vivent  ordinairement  de 
vingt  julqu'à  vingt-cinq  ans,  &  même  on  en  a  vu  qui  avoicnt  jufqu'à  qua- 
rante ans. 

La  diflance  des  Caffiers  dans  les  plantations  eft  fort  irrégulière,  à  eau- 
fe  de  la  difpofition  du  terrein ,  qui  fait  que  les  marges  &  les  murailles  de 

λierre  qui  retiennent  le  terrein ,  le  font  aufll  ;  Il  paroit  que  les  Arabes  ob- 
ervent ,  autant  qu'il  fe  peut ,  que  les  branches  de  chaque  Caffier  viennent 
à  fe  toucher,  quand  ils  font  devenus  grands,  pour  former  un  égal  ombra- 
ge où  le  foleil  ne  pénétre  que  peu  ;  les  branches  du  feuillage  de  chaque 
arbre  pancbent  toujours  vers  les  autres  arbres  fitués  au  bas,  prenant  ce 
pli  d'elles-mêmes  en  croiflant.  Cet  ombrage  égal  eft  allez  épais,  ce  qui 
fait  que  l'air  eft:  étouffé  au-deffus  des  arbr«s ,  dont  les  grofles  branches  qui 
en  compofent  le  pié ,  font  fales  &  rouillées  ;  il  n'y  croit  que  très-peu  d'her- 
be au-defTous ,  &  quelques  plantes  de  flmples  entre  les  pierres. 

Les  Caffiers  ont  trois  mois  de  repos ,  &  alors  à  meîure  que  les  ancien- 
nes feuilles  tombent ,  il  en  fort  de  nouvelles  ;  ils  pouffent  enfuite ,  fur  le 
bois  des  menues  branches,  de  petites  fleurs  blanches.  A  leur  place,  fe 
forment  lesgoafTes,  qui  font  vertes,  tant  qu'elles  grofliffent , &  au  neuvième 
mois ,  qu'elles  font  rouges ,  on  les  recueille.  La  récolte  des  gouffes  a  fon 
tems  dans  chaque  Pays ,  jufqu'à  environ  trois  mois  de  différence  du  plutôt 
au  plus  tard ,  qui  eft  vers  la  mi-Décembre. 

Les  Arabes  eftiment  que  les  Caffés  font  dans  leur  parfaite  maturité ,  lorf- 
que  les  gouffes  font  devenues  d'un  rouge  vif,  dont  une  partie  de  la  gouflc 
eft  plus  foncée  d'un  côté  par  nuances,  jufqu'à  former  une  couleur  un  peu 
•^riolette,  reftant  à  l'autre  partie  oppofée  très-peu  de  nuance  verte;  & 
qu'en  touchant  ce»  gouffes,  ou  en  fecouant  l'arbre,  elles  s'en  détachent  fa- 
cilement. 

On  fait  fecher  les  gouffes  en  les  cxpofant  fur  des  rerraffes ,  ou  fur  des 
nattes,  au  vent  &  au  foleil,  &  en  les  remuant  pendant  autant  de  jours 
qu'il  le  faut  pour  les  bien  fecher,  &  qu'elles  ont  pris  la  couleur  de  maron. 
Avant  de  les  mettre  en  facs  pour  les  conferver  en  ma^  fms,  on  les  laiffe 
refroidir  à  l'ombre,  &  l'on  peut  auffi  les  dealer  tout  de  fuite  ;  mais  fi  elles 
ont  été  gardées  plufieurs  mois  en  magafins .  &  qu'elles  foyent  trop  feches , 
les  Arabes  ont  la  coutume  de  les  humedter,  en  afperfant  de  l'eau  deffus,  & 
les  remettant  dans  des  facs  qu'ils  chargent  d'un  poids,  ce  qu'ils  font  la 
veille  qu'on  doit  les  écaler ,  pour  que  les  écorces  ne  foyent  point  brifées. 

Les  Arabes  n'écalent  leur  Caffé  que  lorfqu'ils  le  veulent  vendre.  Pour 
cet  effet,  ils  fe  fervent  de  petits  moulins  portatifs,  compofés  de  deux  meu- 
les d'environ  deux  pies  de  diamètre;  la  meule  de  deffus  tourne  avec  une 
manivelle  d'un  morceau  de  bois ,  établie  à  l'extrémité ,  le  traverfin  &  le 
pivot  au  centre  font  auffi  d'un  bois  dur;  il  y  a  environ  deux  lignes  entre 
îe  plat  des  deux  meules  qui  font  piquées  à  gros  grain ,  &  ont  des  creux  en 
canelures  qui  forment  des  rayons:  de  plus,  elles  font  parfemées  de, petits 
creux  ronds  à  y  pouvoir  placer  le  bout  du  doigt.  La  meule  de  deffous  eft 
un  peu  convexe,  6t  celle  de  deffus  concave.  Tout  le  travail  de  ces.  mou- 
lins 


VOTAOE  D'. 

l'Arabib 

iikuri.usr. 

StTPLEMENT, 

1  7  '-I  o. 


Del"  rfcco!- 


Sa 
tioi). 


prépara' 


>8j 


VOYAGES    DES    FRANÇOIS, 


VoYAOB  DE 

l'Ahabir 

iiburbusr. 

Supplément. 

1720. 


DiTcicncc 
des  Ciffés. 


lins  .fl  fort  fimplement  &  affez  mal  conftruit  ;  cependant  les  Arabes  s'eiï 
fervent  très-bien  ;  chaque  Ouvrier,  aflis  à  terre  dans  les  magafms ,  met  un 
de  ces  moulins  devant  lui  entre  fes  jambes,  ayant  à  fon  côté  les  gouffts«i 
un  panier  rempli  de  petites  pierres  choifies ,  de  la  grofleur  de  la  moitié 
d'une  fdve  &  raboteufes.  On  commence  par  jettcr  dans  le  trou  du  milieu 
delà  meule,  fix  à  fept  de  ces  petites  pierres,  &  le  rempliflant  enfuitcde 
goufles,  on  tourne  la  meuîe  d'une  main,  fans  le  preffer,  tandis  que  delau- 
tre  main ,  on  continue  à  mettre  des  goufles  dans  le  trou ,  &  de  tems  en 
tems  quelques  petites  pierres,  quand  on  fent  qu'il  eft  nécefl^aire,  parce- 
qu'elles  foûtiennent  la  meule  fupérieure  ,  &  empêchent  que  le  grain  de 
Caffé  ne  s'ccrafe  (a). 

Les  gouflTes  fortent  de  tous  côtés  d'entre  les  meules,  à  moitié  mouluej 
&  entr'ouvertes  ;  la  première  écorce  épaifle  fe  fépare  le  plus  de  la  féconde, 
qui  efl  mince  &  dure,  &  qui  rcile  brilee;  quelques  goulfes  des  plus  petites 
fortent  entières ,  &  font  repafl!ees  au  moulin.  Il  y  a  d'autres  Ouvriers  qui 
ramaflent  tous  ces  Caffés  bruts  avec  les  goufles ,  fortant  d'entre  les  meules, 
&  en  font  meulon ;  les  uns  les  froiflent  entre  les  mains,  &  d'autres  les  van- 
nent avec  une  efpèce  de  panier  rond,  d'environ  deux  pies  de  large,  à 
creux  de  deux  à  trois  pouces ,  fait  d'un  tiflli  de  rofeau  découpé  par  lattes 
minces ,  ayant  un  cercle  de  deux  doigts  de  groflfeur ,  où  le  tilfu  de  roleau 
cil  coufu  ;  ce  panier  ou  van  eft  fort  &  léger.  On  continue  de  froiflcr  & 
de  vanner  jufqu'à-cc  que  le  Caffé  refte  tout-à-fait  net.  Chaque  Ouvrier  en 
peut  écaler  par  jour  environ  quatre-vingt-dix  livres.  Le  Cafl:e  net  eft  en* 
îuite  mis  par  poids  dans  des  facs  pour  l'envoyer  vendre.  Les  écalures  font 
ramaflees ,  avec  foin ,  fur-tout  celles  de  la  première  écorce  épaifle  de  la 
goufle ,  qu'on  fépare  de  l'autre ,  parçequ'on  en  fait  commerce  j  &  c'eft  k 
raifon  pour  laquelle  on  hume6te  les  goufles  avant  de  les  écaler ,  ce  qui  par 
la  fuite  ne  laiflc  pas  de  faire  tore,  au  grain,  donc  l'humidité  ternit  au  moins 
fa  couleur  &  fon  luftre. 

Le  commerce  de  ces  écalures  eft  confidérable,  parceque  les  Arabes  de 
tout  le  Yèmen  en  font  leur  boiflbn  ordinaire  (^),  &  ne  fe  fervent  point 
du  grain  même.  Il  y  en  a  de  tout  prix  comme  les  Caffés,  qui  font  aulï 
fort  difFérens  tant  pour  la  forme  que  pour  la  qualité  d'odeur,  de  couleur, 
de  force  &  degrorfeur,  où  confifte  le  plus  ou  moins  de  bonté.  On  di- 
ftingue  encore,  les  Caffés  des  plantations  des  hauts  &  des  bas  dans  un  mê- 
me Pays  &  Quartier.  Les  Caffés  des  plantations  fituées  vers  le  fommet 
des  montagnes,  font  ■d'un  grain  petit,  de  couleur  plus  ouverte,  d'odeur  ta- 
ve  &  pefans  ;  Ceux  des  plantations  fituées  vers  le  fommet  des  montagnes, 
font  d  un  gros  grain ,  trop  chargé  en  couleur ,  d'odeur  de  verdure.  Il  pe- 
fe,  parcequ'il  contient  trop  d'humidité,  ayant  peine  à  fecher ,  &  ilfecon- 
ferve  moins.  Les  Caffés  des  plantations  du  milieu ,  participent  des  qualités 
des  précédens ,  &  le  grain  en  eft  plus  beau  &  plus  marchand  en  général. 
Suivant  la  remarque  de  l'Auteur,  le  Pays  de  Renia  eft  le  feul  où  l'on  faflela 
récolte  en  trois  tems  différens,  que  les  gouffes  deviennent  rouges  fur  le  mê- 
me 


(a)  C'eft  de  -  là  que  viennent  ces  petites 
pierres  qui  font  dans  le  CafFé  non  trié. 


(6)  C'eft  le  CafFé  à  la  Sultane,  dont  1» 
préparation  a  été  expliquée.    .  , .   .  ■  ^  -  ■* 


DANS  L'ARABIE  HEUREUSE,  Liv.  III.         135 

me  arbre.  Les  Caffés  de  la  première  récolte  nommés  Jllan ,  font  les  meil- 
leurs. Les  Cetouy  viennent  après,  &  les  Tamry  leur  font  encore  inférieurs. 
Mais  en  général  les  Caffés  de  Rema  font  réputés  communs,  &  ne  valent 
pas  ceux  des  autres  Pays  où  Ton  ne  fait  qu'une  récolte  par  année.  Le  Caflfé 
à'Ouden  eft  le  plus  excellent  de  tous. 

Il  arrive  quelquefois  que  les  Arabes ,  qui  font  riches ,  gardent  une  par- 
tie de  la  récolte  de  leurs  Caffés ,  pour  les  vendre  enfemble  à  la  primeur  des 
Caffés  de  la  récolte  prochaine,  ou  pour  plus  lon^-tems ,  quand  ils  peuvent 
fe  flatter  qu'ils  monteront  de  prix.  Pour  cet  effet ,  ils  lailfent  les  meilleurs 
en  facs  dans  la  pouffe,  dans  des  magafîns  bien  fecs;  les  rangs  de  facs  l'un 
fur  l'autre,  font  un  peu  féparés  du  mur,  avec  des  chantiers  au-defTous,  en 
donnant,  de  tems  fec  à  autre,  de  l'air  aux  magafins.  Si  après  des  tems  de 
pluye  on  s'apperçoit  que  les  goulfes  ayent  contraélé  de  l'humidité,  &  qu'el- 
les fe  foyent  revêtues  d'une  cralfe  blanche ,  alors  on  les  expofe  à  l'air  ou 
au  foleil ,  s'il  le  faut ,  pendant  quelques  heures  ;  on  obferve  toujours ,  en 
tirant  les  gouffes  du  foleil ,  de  les  laiffer  rafraîchir  à  l'ombre ,  avant  que  de 
les  remettre  en  facs ,  fans  quoi  la  chaleur  qui  s'y  conferveroit  les  feroit 
fermenter.  Il  en  eft  de  même  pour  le  Caffé  en  grain,  qui  eft  encore  plus 
fufceptible  de  l'humidité  ;  fi  par  accident  le  Caffé  en  grain  a  été  mouillé , 
foit  en  le  tranfportant ,  ou  dans  quelque  magafin ,  &  qu'on  ne  s'en  foit  pas 
apperçu,  il  fermente  extrêmement  ;  étant  renfermé,  le  grain  enfle,  blan- 
chit (X  prend  une  mauvaife  odeur  ;  alors  le  feul  remède  pour  empêcher  qu'il 
n'achève  de  fe  gâter,  c'efl  de  le  faire  bien  fecher  au  foleil,  qui  diffipe  la 
mauvaife  odeur ,  &  de  le  faire  vanner  pour  en  féparer  les  grains  blancs  ou 
gâtés.  Les  Caffés  en  gouffe,  ou  en  grain,  fe  confervent  mieux  dans  les  mon- 
tagnes que  dans  les  plaines,  où  les  chaleurs  font  exceffives,  ce  qui  fait  grand 
tort  au  Caffé  quoique  bien  fec.  Les  Arabes  prétendent  que  du  Cane  en 
gouffe ,  bien  conditionne  à  la  récolte ,  &  gardé  bien  fec  dans  les  montagnes , 

Î)ourroitfe  conferver  dix  à  quinze  ans  ou  plus,  fans  perdre  entièrement 
a  qualité. 

Tout  le  Caffé  que  l'on  recueille  dans  la  partie  de  l'Arabie  où  l'on  en 
fait  commerce,  monte  environ  à  douze  mille  bars,  qui,  évalués  à  fept  cens 
quarante  livres  le  bar,  font  huit  millions,  huit  cens  quatre- vingt  mille 
livres  pefant ,  dont  les  deux  tiers  ou  plus ,  fortent  par  Hodeida  ôc  Lahaya , 
pour  être  portés  à  Gedda ,  d'où  on  les  envoyé  en  Turquie ,  &  le  refte  eft 
chargé  à  Mocka  fur  les  Bâtimens  du  Golfe  de  Perfe  &  fur  les  Vaiffeaux 
Européens. 

Les  Comptoirs  Anglois,  François  &  HoUandois  établis  à  Mocka,  ont 
des  maifons  de  louage  à  Betelfaguy,  (Be'ù-el-Faguil)  où  leurs  Commis 
vont  faire  les  emplettes  de  Caffé  dans  le  tems  convenable.  Quoique  ce 
Bourg  foit  fitué  en  lieu  défert,  &  que  les  chaleurs  excefïïves,  les  vents 
brûlans,  avec  la  pouflière  &  le  fable,  en  rendent  le  féjour  très  -  incommo- 
de, les  Arabes  en  ont  fait  leur  Marché  principal,  àcaufe  que  fa  lituation 
eft  vers  le  milieu  du  front  des  Pays  des  montagnes ,  d'où  viennent  les  Caf- 
fés. Dans  le  tems  que  les  Européens  font  à  Betelfaguy,  ils  vont  quelque;- 
fois  en  promenade ,  au  Quartier  à'Hedia ,  à  une  journée  de  chemin ,  pour 
voir  les  plantations;  C'eft-là  que  les  HoUandois  &  les  François  ont  enle- 

Xiy.  Part,  A  a  vé 


VOTAOB  Ot 

l'Aradie 
neuRKUSE. 

SUPPLEMEUT. 
I  7  20. 

Comment 
on  confcrve 
cette  mar- 
chandifc. 


Produit  du 
Caffé  en  An- 
bie. 


Plants  de 
cet  arlire , 
tranfplaiités 
par  les  Euro- 
péens. 


VoTAOe  DB 

L' A  R  Ail  lu 

IieUBEUSB. 

SuPPLeMBNT. 

1720. 


r 


j8û'        voyages    des    FRANCOIS,&e. 

vé  leâ  planu  des  arbres  du  CafFé  qu'ils  ont  porté  dans  les  IHes  de  Java  ^ 
de  Bourbon.  Les  derniers  en  onc  l'obligation  au  Sr.  Berne,  Ecrivain  du 
VaiHeau  que  M.dekBousxitre  commandoic  à  Mocica,  en  i-jiH(c)^  àc\'[[]^ 
de  Bourbon  fournie  k  préfenc  du  CafTé  en  abondance.  Une  llngularité  fort 
curieufe ,  qui  arriva  a  cette  occafion ,  c'cil  que  les  François  furent  bien 
étonnes ,  quand  les  Naturels  de  Tlile ,  qui  virent  arriver  des  pieds  de  Caf. 
fier  tout  verds,  les  reconnurent,  &  qu'ils  en  envoyèrent  chercher,  fur 
une  de  leurs  montagnes,  des  branches  toutes  fcmblables ,  dont  lacomparai^ 
Ton  convainquit  les  François  que  cet  arbre  croilTuit  ici  naturellement,  aulfi» 
bien  qu'en  Arabie.  C'eit  auu>  la  raifon  pourquoi  le  CafFc  de  cette  IHe  n'é< 
toit  pas  bon  dans  les  commencemens  ;  il  venoit  en  partie  de  ces  plantes 
fauvages  &  naturelles;  mais  dés  qu'on  s'efl  mis  à  le  cultiver,  il  efl:  devenu 
beaucoup  meilleur.  C'efl:  depuis  ijaC  que  les  VailTeaux  de  la  Compagnie 
fn  ont  tranlporcé  en  France  Çd).J 

(  c  )  Hidoire  des  Indes  anciennes  &  modec-        (^d)  Diflion.  de  Commerce ,  au  mot  Co^, 
nés,  Tom.  III.  fur  la  lin. 

A  laDf.scrip- 

t îs  ne  I  «anI      Supplément  à  la  Defiriptim  des  JJles  de  Bourbon  ^  de  France, 

CE   ET   DE 

ouBuoN.     ^•-^»£sx  le  propre  de  cet  Ouvrage,  de  pouvoir  être  continuellement  en« 
Introduftion.  V-^  richi  par  de  nouvelles  additions.    Une  fucceffion  de  quelques  années 
change  fouvent  la  face  des  lieux,  comme  celle  des  événemens.    Mais  la 
fatisiaélion  du  Leéleur  doit  augmenter,  lorfqu'on  lui  offre  l'occafion  de 
comparer  l'état  préfent  d'un  Pays  avec  les  premières  idées  qu'on  lui  en  a 
fait  prendre,  c'eft-à-dire,  ce  qu'il  lit  avec  ce  qu'il  a  déjà  lu;  &  de* là  vient 
la  méthode  à  laquelle  on  s'efl:  conft:amment  auujetti ,  de  marquer  les  teraj 
au  fommet  des  pages.    Ici ,  l'on  efl:  invité  naturellenient,  par  le  fujet  qu'on 
vient  de  traiter ,  a  publier  quelques  nouveaux  éclairçiflTemens  fur  les  Idîi 
de  France  &  de  Bmbon  (a).    On  fera  di(^enfé  d'en  donner  fur  la  perfon- 
ne  de  l'Auteur ,  qui  efl:  auflTi  connu  par  l'éclat  de  fon  mérite  &  de  Çqs  gran* 
des  allions ,  que  par  les  perfécutions  de  fes  ennemis  &  par  le  glorieux  dé- 
noûment  qui  l'en  a  fait  triompher:  homme  cher  à  l'Etat,  &  dont  il  eftim* 
poflTible  que  les  rares   qualités  demeurent  long-tems  enfevelies.     On  fe 
contente  d'obferver  qu'il  fut  nommé  au  Gouvernement  des  deux  Illes,  en 
1734,  après  fon  retour  de  Portugal  (*). 

Le  nouveau  Gouverneur  des  Ifles  de  France  &  de  Bourbon  s*étant  cm* 
barque  au  commencement  de  l'année  1735,  arriva  au  mois  de  Juin  dans  fon 
Gouvernement.  L'objet  de  la  Cour,  en  lui  confiant  cette  Place  importan- 
te, étoit  le  rétabliflement  général  de  l'ordre,  dans  un  Pays  où  règnoientla 
Hcçnce,  la  confufion  &  l'anarchie. 

<  •  '  Pour 


ï 


«)  Voyeg  le  Tome  XI.  de  ce  Recueil. 
ft)  Mémoire  pour  M.  delà  Jouidonn^t, 


imprimé  chez  Deloguêtti  ,  1750,  w-4«.  pa& 
9  9,  fuivantet. 


DESCRIPTIC^J  DES  ISLÊS  DE  frtANCE  <ftc.  Liv.  HI.        tBy 

TôVR  âantïcr  une  îcMe  de  Vàtdt  où  M.  de  la  Bourdonnais  trouva  ces 
Ifles,  il  fiot  le  rapjreHerque  ïlùc  de  Bourbon  fut  d'abord  habitée  (c)  par 

2aeFqucs  François,  fauves  du  maffacre  de  Madagafcar  (</),&  par  quelaues 
luvriers  de  dfiffcrens  Vaiffeaux,  qui  s'y  établirent  fuccdTivement.  LIfîc 
de  France  n'a  commencé  à  recevoir  des  Habitans  qu'en  1720.  Elle  en 
avoit  même  fi  peu,  que  jnfqu'en  1730,  la  Compagnie  des  Indes  a  tou- 
jours éié  rncertame  fi  elfe  devoit  la  garder  on  l'abandonner.  Eirfin  ces  deux 
Illcs  ont  été  dedinécs,  la  première  à  la  culture  du  Caffé,  &  la  féconde  à 
fervir  de  relâche  aux  Vaifleaux  de  la  Nation ,  dans  les  Voyages  des  Indes 
&  de  la  Chine.  Le  terrain  de  l'Ifle  de  Bourbon  s'étant  trouvé  propre  aux 
plantations  du  Caffé,  leur  fuccès  n'a  pas  manefiié  d'y  attirer  un  grand  nom- 
bre d'Habitans.  L'Ifle  de  France  n'ayant  pas  It  même  avantage,  ii  a  fallu 
trouver  des  expédiens  pour  en  former  une  Colonie ,  &  pour  la  mettre  en 
état  de  fournir,  aux  Vaiffeaux,  des  vivres  &  des  rafraîchiflemens. 

Ow  n'imagina  rien  de  plus  eflScace ,  que  d'avancer  des  vivres,  des  uflen- 
ciles  &  des  Woirs  aux  Habitans.  La  Compagnie  fit  ces  avances ,  mais 
cHe  eft  fort  éloignée  d'en  avoir  tiré  tout  le  froit  qu'elle  s'étoit  propofé.  Sef 
Officier»  apportèrent  fi  peu  de  difcernement  au  choix  de  ceux  qu'ils  em- 
ployèrent, que  la  phûpart  manquoient  d'indnftrie  &  de  talens.  Auflî,  loin! 
de  trouver  dans  ïe  travail  de  ces  infUlaires  lés  fecours  qu'on  en  efpéroit  pour 
fe  rafraîchiflement  des  Vaiffeaux ,  la  Compagnie  s'efl  prefque  toujours  vue 
dans  la  nécelîité  de  les  nourrir  elle-même,  en- leur  envoyant  à  grands  frai* 
des  vivres  de  France  ;  &  jufqu' à  farrivée  di*  nouveau  Gouverneur ,  cette  Ifle 
ft'avoit  été  qu'onereufe  a  fes  Maîtres.  L'ordre  y  manquoit  dans  toutes  les 
parties  oeconomiques.  L'adminiftration  de  la  Juftice,  la  Police,  les  affai- 
res du  Commerce,  &  k  partie  de  la-  Girerrc  de  de  la  Mariiie,  avoitnt  éga- 
rement befoin  de  r«fofmadoit.      ,    ' 

La  Jufliice  ëtoit  adminiflrée  ^f  âéùtg  Cottïîîi'ft* ,  dbnt  l'un  dépehdoit  de 
l'autre.  Le  Confeil  fupérieur  étoit  dans  rifl*  deBbuvbow.  Après  l'arrivée 
du  nouveatr  Gouverneur,  des  Lettre»  Patente*  de  Sa  Majeflé  attribuèrent 
fe  même  ind'ependatice  au  Confeil  de  l'Ifle  de  France,  du  moins  dans  tout 
ce  qui  concernoit  la  Juflice.  A  l'égard  de  l'adminiftrati'on ,  le  Confeil  où 
réfidoit  le  Goovemeur  ne  celFa  point  d'être  fupérieuf  à  l'autre.  Ce  change- 
ïnenc  dfevint  d'autant  plus  avantageux,  qu'il'  arrêta  Cous  les  différends  qui 
avoient  fou  vent  divifé  les  Confeilk  des  deux  Pies  (e). 

La  Pblicen'ét>îit  pas^urt  objet  moins  ititérefl^àrtt.  Il  y  avoit,  dans  l'Ifle 
de  France,  des  Iffdgres  marorts',  qui  s'y  faifoieilt  continuellement  redouter 
par  leurs  ravages.  Le  Gouverneur  trouva  lé  fecretdte  les  détruire,  en  ar- 
mant Nègres  contre  Nègres,  &  formant  une  MaréchaulTée  de  ceux  de  Ma- 
dagafcar, qui  purgèrent  enfin  l'Me  de  la  plupart  de  ces  Brigands.  Il  ap- 
porta les  mêmes  foins  au  Commerce,  dont  perlbnne  ne  S''occupoit  à  fort 
V    •-  ■  ■'■.'''■  ■;*'  "     ■■'  '  -'■':  arri- 


Svrfi.tmitf 

A  LA  DtSC&tl'- 
TION    nis    lî- 

LEi  ne.  Fran- 
ck  HT  Utt 

BouiuioN. 

Etat   des 
Illcs  de  Fran- 
ce &  de  Hoiir- 
l)(>n ,  avant 
1735. 

Ol)jct  de  la 
Compagnie 
des  Indes  dang 
CCS  Kca!)liirt- 
inciiii. 


Changemcn» 
avantageux 
qui  s'y  font 
faits  en  peu 
d'années. 

Juflice. 


Police. 


(c)  Voye2  les  Jeummix  de  Mondevèrgue 
&  de  la  Haye ,  &  la  Delcription ,  au  Tome 

Jvl. 

{d)  Voyez  la  DcfcriptioQ  de  Madagafcar, 
au  Tome  XI. 


(f>  Pendant!  oHzc  ans  que  M.  de  la  Bouj«- 

donnais  a  gouverné,  on  n'a,  vu  qu'un  fcnl 
Procès  dans  l'Ifle  de  France,  paice qu'il  ter- 
minoit  les  affaires  i  l'anùable.' 

Aa  2 


m 


DESCRIPTION    DES    ISLES 


StirPLIMCNT 

A  LA  Descrip- 
tion  DES  Is- 
LES  DE  FkAN- 
CB  £T  DE 

Bourbon. 


arrivée.  Ceiï  lui  qui  a  formé  le  premier,  des  plantations  de  fucre,  &  qui 
a  établi  la  fabrique  du  cotton  &  de  l'indigo  dans  cette  Ide.  L'un  a  fon  dé« 
bouché  du  côté  de  Surate,  de  Mocka  &  de  la  Perfe;  l'autre  du  côté  de 
l'Europe.  Ce  double  Commerce  efl:  fans  doute  le  plus  fur  moyen  de  con- 
ferver  &  d'enrichir  nos  Colonies ,  il  l'on  a  foin  de  foûtenir  les  Ëtabliflemens 
que  M.  de  la  Bourdonnais  a  commencés.  La  fucrerie  de  Tlfle  de  France 
produit  déjà,  fans  aucuns  fraix  ni  débourfés,  plus  de  foixante  mille  livres  de 
rente  à  la  Compagnie  (/). 
Agriculture.  L'agriculture  étoit  également  négligée  dans  les  deux  I(les ,  &  la  parel< 
fe  endormoit  les  Habitans  fur  les  propriétés  du  terrain.  M.  delaBourdoa* 
nais  les  a  fait  fortir  de  cette  indolence  &  leur  a  fait  cultiver  tous  les  grains 
nécefTaires  pour  leur  fubfiflance;  fervice  d'autant  plus  eflentiel,  quils  é. 
toient  expofés  à  de  fréquentes  difettes ,  &  qu'il  n'y  avoit  prefque  pas  d'an^ 
née  où  ils  ne  fufleni  réduits  à  fe  difperfer  dans  les  bois,  pour  y  chercher  à 
vivre  de  chaiTe  &  de  mauvaifes  racines.  Ils  font  aujourd'hui  dans  l'abon» 
dance;  fur-tout  depuis  qu'il  les  a  formés  à  la  culture  du  Manioc,  qu'il  leur 
avoit  apporté  du  Brelil.  Mais  ce  ne  fut  pas  fans  peine  qu'il  leur  fit  rece* 
voir  cet  ufage.  Il  eut  befoin  d'employer  l'autorité  ,  pour  les  affujettir  à 
planter  cinq  cens  pieds  de  Manioc  par  tête  d'Ëfclave.  La  plupart,  ridi- 
culement attachés  a  leurs  anciennes  méthodes,  s'efforcèrent  de  décrediter 
cette  plante.  Quelques-uns  mêmes  eurent  l'audace  de  détruire  les  nouvel* 
les  plantations,  en  les  arrofant  avec  de  Teau  bouillante.  Mais,  l'expérien- 
ce ayant  détruit  le  préjugé ,  iU  reconnoilTent  aujourd'hui  l'utilité  d'une  pro* 
duélion,  qui  met  pour  toujours  les  deux  Ides  à  couvert  de  la  famine.  Quand 
les  ouragans,  qui  s'y  font  fouvent  fentir ,  ont  anéanti  l'^'irs  moiffons,  oa 
quand  elles  ont  été  ravagées  par  les  fauterelles,  ce  qui  n'ell  pas  moins  fré< 
quent ,  ils  trouvent  dans  le  Manioc  un  remède  à  leurs  pertes.  Outre  cet* 
te  racine,  les  Ides,  qui  étoient  prefque  fans  bled,  en  produifent  aftueile* 
ment  cinq  à  fix  cens  muids  (g). 

Ce  n'ét^  t  point  alFez  de  pourvoir  à  la  fubfiftance  des  Habitans  par  la 
culture  d  ^erres  ;  il  falloit  veiller  à  la  fureté  des  Ides ,  qui  n'avoient  ni 
Magafinr  .i  Fortifications,  ni  Hôpitaux,  ni  Ouvriers,  ni  Troupes,  ni 
Marine.  On  avoit  affuré  M.  de  la  Bourdonnais,  à  fon  départ  de  France, 
qu'il  y  trouveroit  quatre  ou  cinq  Ingénieurs  François.  Il  n'y  en  trouva  au- 
cun. On  y  en  avoit  envoyé;  mais  il  s'étoit  élevé,  entr'eux  &  le  Confeil, 
des  difputes  &  des  querelles  qui  les  avoient  divifés.  Les  uns  étoient  re- 
tournés en  France,  pour  y  porter  leurs  plaintes,  &  les  autres  s'étoient  re- 
tirés dans  les  habitations  particulières.  Tout  le  Corps  du  Génie  étoit  ré- 
duit à  un  Métif  Indien,  qui  dirigeoit  la  conflruAion  d'un  petit  moulin  à 
vent,  porté  alors  à  l'élévation  de  huit  pieds.     Un  Magafin,  commencé  de* 

Suis  quatre  ans ,  n'étoit  encore  élevé  qu'à  hauteur  d'appui.  On  avoit  con- 
ruit ,  à  la  vérité ,  une  petite  maifon  pour  l'Ingénieur  en  chef:  mais  c'eftà 
quoi  fe  réduifoieht  toutes  les  conftruftions  de  l'Ifle  de  France.  Elles  pou- 
voient  monter  à  trois  censtoifes  courantes  de  maçonnerie,  &  l'on  en  compte 


Edifices. 


(/)  tbid,  pag.  lu 


U)  Pag.  n. 


icre,  &aui 
un  a  Ton  dé- 
du  côté  de 
^en  de  con- 
tabliflemens 
:  de  France 
ille  livres  de 

&  la  parel< 
îlaBourdoB- 
us  les  grains 
el ,  qu  ils  é< 
[ue  pas  d'an- 
^  chercher  à 

dans  l'abon* 
oc,  qu'il  leur 
leur  fit  rece- 
i  afTujettir  à 
ilûpart,  ridi- 
le  décreditei 
i  les  nouvel* 
,  l'expérien" 
té  d'une  pro« 
mine.  Quand 
tnoifTons,  on 
as  moins  fré< 
Outre  cet* 
fent  a£luelle« 

>itans  par  la 
n'avoient  ni 
Troupes,  ni 
t  de  France, 
n  trouva  au- 
le  Confeil, 
étoient  re- 
s'étoient  re- 
nie étoit  ré- 
tic  moulin  à 
immencé  de- 
n  avoit  con- 
mais  c'eftà 
Elles  pou- 
>n  en  compte 
à» 


DE  FRANCE  ET  DE  BOURBON,  Liv.  III.    189 


SupH.K¥iirr 

A  LA  DeSCRIP* 

TION    UBS    II- 

LES   DE  1''RAN- 

CR  ET   DB 

BOUKBOH. 


i-peu-près  autant  dans  TlHe  de  Bourbon:  au-lieu  qu'en  peu  d'années,  M. de 
la  Bourdonnais  en  a  fait  faire  plus  d'onze  mille  toifes  (h). 

Sans  Ingénieur  &  fans  Archite6le,  il  fut  obligé  d'exercer  lui-même  cet- 
te double  jfonélion.    Comme  il  favoit  heureufement  les  Mathématiques  & 
les  Fortifications,   il  drefia  des  plans  qu^  furent  approuvés  de  la  Com- 
pagnie.   Mais,  pour  les  exécuter,  il  fallut  former  des  Ouvriers  de  toute 
efpèce  ;  en  râfiemblant  tout  ce  qu'il  put  trouver  de  Nègres ,  en  les  met- 
tant en  apprentiflage  fous  les  Maîtres  Ouvriers  qu'il  avoit  en  fort  petit 
nombre.   On  doit  s  imaginer  combien  il  lui  coûta  de  peines ,  pour  obliger 
ks  uns  à  donner  leurs  infl:ru6lions ,  &  les  autres  à  les  recevoir.     L'alTem- 
blage  des  matériaux  ne  fut  pas  une  opération  moins  difficile.    Il  falloit  cou- 
per du  bois,  tirer  des  pierres  &  les  tranfporter;  mais  il  n'y  avoit  ni  che- 
mins ,  ni  chevaux ,  ni  voitures.    Il  fut  donc  obligé  de  faire  ouvrir  des  che- 
mins ,  dompter  des  taureaux ,  &  conftruire  des  voitures ,  par  des  gens 
d'autant  plus  rebutés  de  ces  entreprifes ,  qu'ils  joignoient ,  a  leur  pareiTe 
naturelle,  une  extrême  infenfibilité  pour  le  bien  public.     C'eft  ainli  qu'il 
efl  parvenu  à  faire  des  ouvrages  confidérables  &  d'une  utilité  reconnue.  La 
Compagnie  n'a  pas  profité  feule  du  fruit  de  f^  travaux.     Toute  la  Colonie 
a  tiré  les  plus  grands  avantages  de  rétabliflement  des  chemins,  &  de  l'u- 
fage  des  voitures;  mais  fur -tout,  de  l'émulation  que  le  fuccès  a  fait  naî- 
tre parmi  les  Habitans.    On  a  bien-tôt  vu  le  prix  de  la  plupart  des  maté- 
riaux, tels  que  le  bois,  la  chaux,  &c.  réduit  au  cinquième  de   ce  qu'ils    ... 
avoient  coûté  jufqu'alors  (1). 

L'IsLE  de  France  n'avoit  pas  d'autre  Hôpital  qu'une  cabane,  conftruite  Hôpitaux, 
de  pieux,  en  forme  de  paliflade,  qui  contenoit  à  peine  trente  à  trente- 
cinq  lits.  Le  nouveau  Gouverneur  en  fit  conftruire  un,  qui  peut  contenir 
environ  quatre  ou  cinq  cens  lits.  L'adminiftration  de  ces  lieux  le  jetta  dans 
d'autres  peines.  Comme  on  n'avoit  pas  une  quantité  de  bœufs  fuffifante 
pour  entretenir  une  boucherie  continueUe,  il  ëtoit  fouvent  dans  la  néceflité 
de  faire  nourrir  les  inalades  de  tortues  &  de  gibier.  Us  fe  plaignoient  de 
cette  (Economie  forcée,  comme  s'il  avoit  dépendu  de  lui  de  les  traiter  mieux. 
D'ailleurs  les  inconvéniens  de  la  friponnerie,  de  la  négligence  &  de  l'inca- 
pacité, l'obligèrent  de  changer  fouvent  la  régie  des  Hôpitaux.  Il  fe  vie 
même  affujetti,  pendant  une  année  entière,  à  les  vifîter  journellement  dès 
huit  heures  du  matin  (i). 

On  parle  avec  admiration  de  tout  ce  qu'il  a  fait  conftruire,  en  Maga- 
fins,  en  Arfenaux,  Batteries,  Fortifications ,  Logemens  pour  les  Officiers , 
Bureaux ,  Moulins,  Aqueducs.  Le  feul  Canal  de  l'Ifle  de  France,  qui  con- 
duit les  eaux  douces  au  Port  &  aux  Hôpitaux,  contient  trois  mille  fix  cens 
toifes  de  longueur.  Avec  la  commodité  de  cet  Aqueduc,  non-feulement  Bel  Aqueduc 
les  Habitans  &  les  Malades  ont  aôuellement  à  leur  porte  l'eau  douce ,  qu'on 
étoit  obligé  d'aller  prendre  à  plus  d'une  lieue;  mais  encore  les  Equipages  des 
Vaifleaux  la  trouvent  au  bord  de  leurs  Chaloupes  (/). 

On  n'admire  pas  moins  les  changemens  qui  regardent  la  Marine.  Avant      Marine. 

,:     l'arrivée    ê    r.---  '■  'r 


Diverfes 

conftruftions. 


'-..(-  ^ 


U  f' 


(i)  Ibidem, 


(0  Pag.  13.  (*)  Ibid. 

Aa  3 


(0  Pag.  14. 


A  t.A  OEbCRIP- 
TION    DI»   IS- 

Lifs  DE  FRAre- 

CB   ET  DB 


Machines  & 
manœuvres 
im'cntées  par 
M.  delà 
BoucdOnnais. 


Obfervations 
fur  le  Caffé 
de  ride  de 
Bourbon. 


Pamrée  de  M.  de  la  Bourdonna»,  on  ne  favoit  pas  dans  Flfle  de  Vntnte^ 
ce  que  c'étoit  que  de  radcmber  cm  de  carenner  an  Vaiffeau.  Les  Habitan»| 
qui  avoient  des  Batteaux  pour  la  pêche ,  n'étant  pas  i-apables  d'y  faire  les 
moindres  réparations,  étoient  obligés  d'attendre  le  fecours  des  Vaifl^aux 
qui  relàchoient  dans  leur  Port:  étrange  ignorance,  dans  une  Ifle  que  fa  fi. 
tuation  rend  propre  à  devenir  une  autre  Batavia,  c'eft-à-dire,  l'entrepôt  !« 
plus  commocfe  &  le  plus  (Br  pour  les  Vaiffeaax  de  la  Compagnie. 

Cet  habile  &  zélé  Gouverneur  encouragea  le»  Habitans  à  le  féconder. 
H  fit  chercher,  couper,  trarrfporter  &  façomier  tous  les'  bois'  convenables  à 
Isi  Marine:  Dix-huit  mois  ou  deux  ans  de  travail  lui  firent  voir  tou»  fes  ma» 
tériaux  préparés.  Il  commença  par  £abr?qncr  des  pontons  pour  carenner, 
d'autres  pour  la  décharge  des  Vailîeaux ,  des  gabarres  &  des'  chalans  pow 
la  fourniture  dte  Feau  &  pour  le  tranfport  des  matérramt ,  tfes  canons  &  dej 
rfialoupes  pour  te  fèrvice  journalier.  Il-  fit  radouber  enfuite  les  Vaifleaux 
de  Côte,  a  ceux  delTEurope.  En  17^7,  iF  entreprit  unBrigantin,  quife 
trouva  fort  bien  fait.  En  i^s-S ,  il'  fit  conftruire  deux  Bâtimen* ,  &  il  mit 
fiT  les  chantiers  an-  Navire  de  cinq'  cens  tonneaux.  En  un  mot  ilconduiiit 
fôn  entreprife  avec  tant  defuccès,  qu'atijourd*hui  Ton  conftruit  &  Ton  n- 
doube  aufli-bien  les  Vaifleairx  auPort  de  l'HIede  France,  qu'au  Port  de lU 
rient.  Tous  les  Msirin*  conviennent  même  qne  certains  ouvrages  s'exécD' 
tcnt  encore  plus  commocfément  à  l'Ifle  de  France,  avec  le  lecours  d'une 
madrine  inveiïcéepar  M.  die  kt  bourdonnais,  qui  fervant  à  élever  &  à  M- 
pendre  les  gabarres  &  les  pontons,  les  met  en  état  d'être  fort  prompte- 
ment  réparés.  B'fit,  à  ia  v<ïe  de  Flïîe  entière,  Fexpérience  d^^unpontoa 
de  cent  tonneaux,  qui  venant  a  fiiire  eau-,  dans'  un  moment  où  Ton  étoit 
prefle  de  s'en  fervir ,  fut  conduif  àf  la  maehme  &  ftiipendu,  la  voye  d'eaa 
repriie-,  &  le  ponton- remis  à- lia  Mer,  en  moins  d'une  heure  (m).  Bési'â-I 
ge  de  vingt-  cinq-  ans-,  fërvant  au»  Inde»  en  quaJitié-  defeccmd  Capitaine, 
d&ns  l'Efcadre-  de  Mi  de  Pardhfflatty  if  avoït  imaginé  une  nouveHè-  conllruc- 
tion  de  rats  ou  de  radeaux ,  pour  faciliter' fes  dfefëentes;  &  cette  inventici 
donna ,  aux  Troupes  Françoi^Bs  y  la  fàcîRté  de  defcendre  ic  pied'  fec  en  ordre 
de  bataille  (w).  Il  parle,  dîans  un  autre  lie»,  d'une  manœuvre  qu'il-  avoit 
conçue,  à  la  veillb  de  rencontrer  d*es  ennemis  fùpérieurs  en  force,  pour 
feuver  le  merHëut  de  fès  Vaiffeau»,  &  généralenent  tous  les  Equipages, 
Mais  n'ayant  point  eu  l'occafion  de  l'employer,  il  s'en^eiî  réfervé  laconnoif- 
fance,  danst  la- feule  vâe  qu'elle  ne  ptiilFè  tourner  à  l'avantage  de  nos  enne- 
mis (O');       -    'V.-    -  .'^'''".  '■  .   ^  ' 

Ap  R  ès'  ce  curieux  détail ,  qui  iiié  peïMJ  être  tiré  d'une  meilleure  fource, 
on  regrettera-  de  ne  pas  trouver  ici  quelque  édairciflement  fur  le  progrès  de 
la  culture  du  Caffe  dans  l-lflie  de  Bourbon.  C'eft  un  fecret  qui  paroîc  ren* 
fermé  entre  les  principaux  Officiers  de  là  Compagnie.  Cependant  on  peut 
jtiger  par  les  foins  qu-*on  apporte  à  perfeélionner  Tes-  plants ,  &  par  la  quan^ 
tité  de  Caffé  qui  nous  vient  dé  cette  Iflé-,  que  le  fuccès  répond  au  travail 
dbs  Habitans. 

Ils  ont  fait  obferver ,  dans  uii  Mémoire  adrefle  au  Comptoir  François  de 

Mocka, 

(m)  Ibiim,  pag.  15.  (n)  /iJdb»,pag.  Z»         (0)  A{(/rm,pag.  J51. 


DE  FRANCE  ET  DE  BOURtON,  Liv.  III.    ggt 

Mocka,  que  l'arbre  de  Caffé,  dans  leurs  terres,  jettoic  d'abord  beaucoup 
de  branches  par  le  haut;  qu'aorés  cinq  à  fix  ans,  il  dépérilToit  par  fon  mi< 
lieu;  quenfuice  les  branches  au  bas  s'étendoient  beaucoup,  &  qu'étant  fort 
menues  &  fort  chargées  de  fruit,  les  unes  rampoient,  &  celles  de  ddTus 
cafToient  au  bas  de  la  cip  par  le  po<ds  de  fon  fruit.  Ils  demandoient,  à  ce 
fujet,  s'il  convenoit  d'élaguer  l'arbre  par  le  pied,  pour  l'arrêter  par  le  haut; 
s'il  falloit  faire  quelque  taille  aux  branches ,  &c.  Le  Sieur  Miran ,  qui  réCi- 
doit  alors  à  Mocka,  répondit  „  qu'ayant  obfervé  que  l'arbre  de  Caffé  en 
Arabie,  vivoit  plus  long-tenis  fain  &  dans  un  état  plus  naturel,  &  que 
les  Arabes  i^noroient  la  méthode  de  faire  des  tailles  aux  branches  d'au« 
cun  arbre,  il  croyoit  que  cela  venoit  de  ce  ^ue  le  fol  de  l'ifle  de  Bour- 
bon n'étoit  pas  Ci  favorable  à  cet  arbre.  Mais,  l'année  fuivante,  ayant 
découvert  la  véritable  manière  dont  les  Arabes  font  leurs /«miV,  il  crut 
dès-lors  que  le  défaut  des  arbres  de  Tlfle  de  Bourbon  pouvoit  provenir 
de  ce  qu'on  y  faifoit  les  femis  des  gouffes  entières ,  qui  contenant  deux 
grains ,  &  par  conféquent  deux  germes ,  fun  des  deux  pouvoit  avoir 
plus  de  ^orce  que  l'autre,  &  qu'apparemment  cela  caufoit  le  defordre  qui 
„  arrivoit  à  l'arbre  de  Caffé  dans  1  Ifle  de  Bourbon  ". 

C'est  de-là  fans  doute  ^ue  le  même  Négociant  prit  occaflon  de  compo* 
fer  un  Mémoire  fur  l'origine,  la  culture  &  le  commerce  du  Caffé,  pour 
l'inftruélion  de  la  Compagnie  des  Indes  (p).  Sa  longueur  ne  permet  pa» 
de  le  rapporter;  mais  on  en  détachera  quelques  obfervations,  qui  convien- 


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iffef 


nent  à  cet  Article 

LORSQ.UE  le  Caffe  fut  connu  en  France  (r) ,  tout  ce  que  les  Négocians 
en  apportèrent  y  fut  reçu  avec  l'empreflement  que  la  Nation  a  toujours  pour 
la  nouveauté.  Les  Particuliers,  qui  commerçoient  pai^  Mer  avec  la  permif- 
Con  de  la  Compagnie,  en  firent  veni;-  du  Golfe  Arabique  par  l'Océan;  & 
par  la  Méditerranée,  du  Caire,  &  des  autres  Echelles  du  Levant.  Leur 
profit  fut  confidérable ,  parcequ'il  ne  payoit  d'entrée ,  comme  les  autres 
marchandifes,  que  cent  fols  pour  le  cent  pefant,  fuivant  le  tarif  de  1664. 
Mais  la  liberté  de  ce  Commerce  fut  fupprimée  en  1692.  Les  Fermiers  des 
Aides  ayant  repréfenté  à  la  Cour,  que  le  Caffé  étoit  devenu  fi  commun  dans 
le  Royaume,  que  les  droits  qu'ils  en  percevoisnt  leur  paroiflbient  trop  mo- 
diques ,  un  Particulier  nommé  François  Damante ,  offrit  de  leur  payer  an- 
nuellement une  fomme  très  -  confidérable ,  fi  le  Roi  vouloit  lui  accorder  le 
Privilège  exclufif  du  Caffé,  du  Thsi,  du  Sorbet  &  du  Chocolat.  11  obtint  des 
Lettres  Patc  es,  en  forme  d'Arrêt,  par  lefquelles  il  lui  fut  permis  de  ven- 
dre quatre  h  uics  la  livre  de  Caffé;  celle  du  meilleur  Thé  cent  francs,  cin- 
quante francs  le  médiocre ,  &  trente ,  le  commun  ;  le  Sorbet  fix  francs ,  & 
le  Chocolat  de  même;  le  Cacao  quinze  francs;  &  la  vanille  dix-huit  francs 
le  paquet ,  compofé  de  cinquante  brias.  On  lui  recorda  auffi  de  fe  faire 
payer  trente  livres  de  droit  annuel  par  tous  les  Limonadiers  de  Paris ,  & 
3ix  livres  par  ceux  de  la  Province.    Le  même  Arrêt  fixa  la  prife  de  Caffé 


StmLEMENT 

A  LA  Descrip- 
tion nE«  I«- 
LBs  ni£  Fran- 
ce ET  PK 


Remarque^ 
fur  le  Cora- 
niercc  du 
CafFé  en  Fran- 
ce. 


François 
Damame, 
premier  pri- 
vilégié pour 
le  vendiix 


(/)^  Il  eft,  dans  toute  fon  éten:^uc,  à  la 
fa  du  Tome  III.  de  l'HiftoIie  des  Ipdei  an- 
ciennes &  modernes. 


) .  ■ 

(î)  Voyez  auflî  nôtre  Supplément  Â 
ticle  précédent.   R.  d.  E. 


ric« 


,5 


m 


DESCRIPTION    DES    ÏSLES 


A  LA  DbSCRIP 
TIONT    DBS   l8- 

LEs  DE  Fran- 
ce ET  DE 
fioUROON. 

Cette  entre- 
prife  le  ruine. 


Privilège 
accordé  à  la 
Compagnie 
des  Indes. 


DifFérentes 
efpèccs  de 
Café. 


à  trois  fous  &  demi,  celle  du  Thé  au  même  prix,  celle  du  Chocolat  &  huit 
fous ,  &  celle  (jm  Sorbet  de  même.  Ce  ^u'on  nommoit  alors  Sorbet  étoit 
une  liqueur  fraîche,  faite  de  fucre,  de  citron,  d'ambre  &c.,  &  plus  coin- 
pofée  que  nôtre  limonade. 

L'avidité  de  ceux  qui  avoient  obtenu  le  Privilège  exclufif,  futprel^ 
qu'auffitôt  punie  par  elle-même.  Le  CafFé,  qui  ne  s'étoit  vendu  julqu'a- 
lors  que  vingt-fept  à  vingt-huit  fous  la  livre ,  le  Thé  &  le  Chocolat  à  pra. 
portion,  fe  trouvant  porté  tout  d'un  coup  au  double  ou 'au  triple,  parce 
nouveau  monopole,  la  plupart  des  Particuliers  en  abandonnèrent  Tufage. 
Il  s'en  vendit  peu  chez  les  Limonadiers,  qui  le  faifoient  même  très-foible; 
&  par  conféquent  la  confommation  en  devint  fort  modique.  Damame  lui. 
même  demanda  que  le  prix  du  CafFé  fût  diminué.  On  le  mit  à  cinquante 
fous  la  livre.  Ce  prix  paroifTant  encore  exceflif  au  Public',  Damame  fe  vit 
ruiné  dans  fon  entreprife,  &  le  Privilège  fut  révoqué.  L'année  fuivante 
1693 ,  on  le  convertit  en  un  droit  d'entrée  de  dix  fous  par  livre  pefant, 
au  profit  des  Fermes  du  Roi  ;  après  quoi  il  fut  permis  à  tous  les  Marchand! 
&  Négocians  d'en  faire  librement  le  Commerce. 

Cet  ordre  avoit  duré  trente  ans,  lorfqu'en  1723 ,  Sa  Majefté  accordais 
Privilège  exclufif  du  CafFé,  à  la  Compagnie  des  Indes,  pour  afTurer  de  plus 
en  plus,  aux  Aftionnaires  de  la  Compagnie,  un  revenu  fixe,  qui  pût  leur 
fournir  tous  les  ans  un  dividende  certain  de  cent  cinquante  livres  pour  cha- 
que Aftion»  Il  falloit  que  le  prix  du  CafFé  eût  été  porté  bien  haut  les  an- 
nées précédentes ,  puifque  fujvant  le  même  Arrêt ,  la  conceffion  de  ce  Pri- 
vilège ,  qui  n'en  augmentait  pas  le  prix ,  déclaroit  qu'il  ne  pourroit  être 
porté  à  plus  de  cent  fous ,  la  livre  de  feize  onces.  Mais  la  Compagnie, 
Tentant  qu'à  fi  hait  prix,  la  confommation,  &  par  conféquent  le- profit, 
en  feroient  fort  modiques  5  s'eft  volontairement  réduite  à  la  moitié  du  prix 
accordé.  * 

Lb  tranfport  du  CafFé,  dans  les  Villes  du  P..oyaume,  fît  naître  une  nou- 
velle difficulté  pour  les  droits  de  pafTage.  Les  Commis  des  Fermes  avoient 
commencé  à  fe  les  faire  payer  dans  quelques  Villes:  mais  ils  furent  con- 
damnés à  rendre  l'argent  qu'ils  avoient  exigé.  Comme  il  étoit  trop  embar- 
raflant  de  pefer  toute  une  cargaifon  de  Caffé  pour  prendre  dix  fols  par  li- 
vre ,  la  Compagnie  propofa  aux  Fermiers  Généraux  un  abonnement  général 
pour  cette  partie.  Un  Arrêt  du  Confeil  régla  qu'elle  payeroit,  chaque  an- 
née, vingt-cinq  mille  livres  aux  Fermes,  pendant  toute  la  durée  de  fon  Pri- 
vilège; &  moyennant  cette  fomme  ,  le  CafFé  fut  déformais  affranchi  de 
toutes  fortes  de  droits.  Enfuite,  les  Fermiers  Généraux  ayant  reconnu  de 
la  difproportion  entre  cette  fomme  &  le  bénéfice  de  la  Compagnie  des  In- 
des, obtinrent  la  révocation  de  cet  Arrêt  d'abonnement,  &  le  rétablifle- 
ment  des  dix  fous  pour  chaque  livre.  Mais ,  en  dédommagement,  la 
Compagnie  obtint  du  Roi  cinquante  mille  livres  annuelles  fur  le  Tréfor 
Royal  Ts). 

Les  Négocians  de  Marfeiile  firent  long-tems  valoir  la  franchife  de  leur 
Port,  pour  être  exempts  du  Privilège  exclufif  de  la  Compagnie,  &  pour 

'"       :  .     ^    ;..;■;.  /  ;  >".    •  Ob' 

(/)  Cet  Arrêt  efl du  s  Juin.  >  .r?.   •-  . 


ître  une  non- 


DE  FRANCE  ET  DE  BOURBON,  Lxv.  III.  193 

ôhtenlr  du  moins  une  diminution  des  dix  fous  par  livre..  Mais  la  faveur 
qu'on  leur  accorda  fe  réduint  à  la  permiflîon  de  faire  venir  du  Caffi^  d'Ale- 
xandrie, du  Caire,  &  des  autres  Echelles  du  Levant ,  à  condition  de  le 
vendre  à  la  Compagnie  fur  le  pied  qu'il  feroit  en  Hollande  au  jour  .qu'ils  en 
feroient  la  vente,  a  la  déduftion  des  fraix  &  des  droits  de  la  Ferme  Géné- 
rale, ou  de  le  tranfporter  à  l'Etranger.  Ce  qu'on  appelle  Cûffé  de  Marfeille, 
&que  l'on  achète  des  Turcs ,  fur  les  Ports  de  la  Méditerranée,  n'eft  donc 
pas  différent  de  celui  de  Mocka,  que  la  Compagnie  vend  à  l'Orient.  L'un 
&  l'autre  viennent  également  de  l'Arabie  heureufe,  par  les  Ports  de  Mocka, 
d'Hodeida,  &  Lahaya.  Perfonne  n'ignore  que  celui  de  Rourbon  n'a  pas  la 
même  qualité,  quoique  l'expérience  apprenne  qu'il  fe  perfeélionne  de  jour 
en  jour. 

On  en  diftingue  une  troifième  efpèce.,  inférieure  encore  à  la  féconde. 
C'efl:  le  Caffé  qu'on  a  commencé  à  tirer  de  l'Amérique  en  1732.  Les  Ha- 
bitans  de  la  Martinique,  de  Saint-Domingue,  &  de  quelques  autres  Ifles 
occupées  par  les  François,  repréfentèrent  au  Confeil ,  qu'ayant  perdu  de- 
puis quelques  années  tous  leurs  Cacaoyiers ,  ils  avoient  fait ,  pour  le  dé- 
dommager de  cette  perte ,  des  plantations  de  Cafl&ers ,  qui  avoient  eu 
tant  de  fuccès ,  qu'elles  produifoient  beaucoup  plus  de  Caffé  qu'ils  n'en  pou- 
voient  confommer.  Un  Arrêt  du  27  de  Septembre  1732,  leur  permit  d'en- 
voyer leur  Caffé  en  France,  dans  les  Ports  du  Royaume,  à  l'exception  de 
rprient  ;  à  condition  néanmoins  qu'il  y  feroit  en  entrepôt ,  &  qu'il  n'en 
pourroit  fortir  que  fur  la'permiflion  de  la  Compagnie,  pour  être  porté  à 
f Etranger.  Cette  première  grâce  ne  fuffifoit  pas,  pour  mettre  les  Infulai- 
res  François  en  état  de  tirer  de  leurs  plantations  tous  les  avantages  qu'ils  en 
pouvoient  efpérer.  Ils  fupplièrent  le  Confeil  d'y  joindre  la  liberté  du  com- 
merce &  de  la  confommation  dans  le  Royaume  :  faveur  importante,  qui 
leur  fun  accordée  par  un  Arrêt  du  29  de  Mai  1736,  à  la  charge  de  payer 
pour  droit  d'entrée-,  dans  les  Bureaux  des  Fermes,  dix  livres  par  cent  de 
poids,  fans  excepter  le  Caffé  qui  provient  de  la  traite  des  Nègres  (r). 

(0  Hifloire  des  Indes  anciennes  &  modernes,  Tome  HL  pages  431  &  précédentes. 


SumiMBITT 
A  LA  DjîSCBir- 
TION  DES  !$• 
LES  DE  FkAIV* 
Cil   ET  DB 

Bouasoir* 


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Xir.  Part. 


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HIS- 


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M 


HISTOIRE 

'  ■■•-    GÉNÉRAL  E  '^-^'^  ■'•  : 

DES  VOYAGES, 

Depuis  le  commencement  du  xv?^  Sièci^ 
-   QUATORZIÈME  PARTIE.     ; 

LIVRE      H  U  A    T   R    I  k    M  K        ; 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 
.       PAR  LE  SUD-OUEST.       .... 


,.  I' 


Introduc- 
tion. 


>■    .|>— i   XNTRODUCTIOK    --    ■ 

N  le  répète  à  l'honneur  des  Hollandois  ;  rien  n'efl  fi  glorieux 
pour  leur  Nation ,  que  l'ardeur  &  la  confiance  avec  lefquelks 
ils  furmontérenc  les  premiers  oblvacles  qui  s'oppofèrent  à  leur 
Commerce.  Les  Provinces*Unies  n'avoient  pas  encore  pris 
l'elTor,  qui  devoit  les  mettre  en  état  de  mefurer  leurs  forces 
maritimes  avec  celles  du  Portugal  &  de  l'Efpagne.  Leurs 
Marchands ,  loin  de  s'ouvrir  une  route  aux  Indes  Orientales  par  les  armes, 
ne  penfoient  qu'à  s'y  glifler  par  des  entreprifes  clandellines  &  par  des  voyes 
détournées.  Après  quelques  Voyages  hafardés  fur  les  traces  de  leurs  En- 
nemis, c'eft-à-dire,  par  le  Cap  de  Bonne-Efpérance  (a),  ils  tournèrent 
leurs  voiles  vers  le  Nord,  fous  la  conduite  de  Balthafar  Moucheron ^  qui  en- 
treprit, en  1594,  de  découvrir,  par  cette  voye ,  un  paflage  aux  Royaumes 
du  Cathay  &  de  la  Chine  (b).  Mais  ce  grand  deflein  n'ayant  pas  eu  le  Aie- 
ces  qu'ils  s'étoient  promis ,  ils  réfolurent,  fans  l'abandonner  entièrement  (f), 
de  faire  prendre  un  autre  tour  à  leurs  efpérances,  par  la  route  que  Magellan 

"     •  '  '  avoir 


(a)  Voyez  les  premiers  Voyages  des Hol- 
lartdois,  au  Tome  X.  de  ce  Recueil. 

(b)  C'eft  précifément  le  contraire.     Le 
Voyage  de  Houcman,  par  le  Cap  de  Boniie- 


Eipérance,  fuivit  cette  première  er.tr:prife. 
R.  d.  E. 

(c)  Nous  avons  les  Relations  des  pre- 
miers Voyages  au  Nord,  &  leur  pLice  cil 
annoncée  dans  ce  Recueil»   .     -    •      - 


nière  entr^priff. 


VOYAGES  AUX  INDES  CmtENTALES&c.,  Lit.  IV.      19s 

•roic  ouverte  aux  Erpagnoii  (d)j  &  dans  laquelle  ili  fe  ilatcérenc  du  moins 
<]ue  les  difficultés  &  la  longueur  feroient  avantageufemenc  compenfées  par 
la  liberté  de  la  Navigation. 

Ou 01 0.1^ E  l'infortune  de  Magellan,  qui  périt  dans  le  cours  de  fa  glo- 
deuTe  expédition ,  nous  ait  privés  du  Journal  de  ce  fameux  Voyageur,  on 
trouve  l'explication  de  fes  vues  dans  les  Hilloriens  Ëfpagnols  &  Portugais  ; 
&  la  plupart  des  circonilances  de  Ton  Voyage,  dans  une  courte  Relation  du 
Chevalier  Pigapbetta ,  que  le  feul  goût  des'  avantures  extraordinaires  avoit 
porté  à  s'embarquer  avec  lui.  Ce  petit  Ouvrage,  publié  en  Italien ,  dans  le 
Kecueil  de  Ramufio,  apafFé  dans  nôtre  langue  par  une  traduélion  fort  an- 
cienne (  <?  ) ,  qui  n'en  eft  même  que  l'extrait  (/).  Comme  c'efl:  l'unique  té- 
moignage oculaire  qu'on  ait  jamais  eu  fur  un  fi  grand  événement,  cette 
qualité  doit  faire  obtenir  grâce  à  l'Auteur  pour  quelques  excès  de  crédulité 
ou  d'ignorance ,  &  ne  permet  pas  de  lui  refufer  un  rang  honorable  dans 
ce  Recueil.  Cependant  on  ne  le  place  que  dans  cette  Introduction , 
)arcequ'ii  ne  donnoit  aucune  defcription  fupportable  des  découvertes  de 
ibn  Héros. 


iNtROOUO- 
TION. 

.      ^.  •■<    T 
'    '  .-■-.'  i 

••  '     t.   ,    ,,  i 

■Relation  du 
Chevalier  Pi* 
gaphctta. 


if'. 


(rf)  La  Compagnie  des  Indes  Orientale» 
n'en  continuoit  pas  moins  fes  Voyages  par 
le  Sud-Ell,  &  ce  fut  une  Société  particu- 
lière de  Marchands  de  Rotterdam ,  qui  ré- 
folut  de  faire  prendre  l'autre  route  à  fes 
Vaiflcaux.  R.  d.  E. 

(e)  Le  feul  Eixemplaire  que  j'en  ai  pu 
trouver  eft  de  !n  Bibliothèque  dt,s  RR.  PP. 
Barnabites  de  Paris,  imprimé  en  Gothiques, 
fans  datte  &  fans  nom  d'Imprimeur,  tn-12. 
Il  commence  ainfi  :  „  Le  Voyage  &  naviga- 
j,  tion  aux  Iflcs  de  Molluquè,  defcript  & 
„  faift  de  noble  homme  Anthoine  Pigaphet- 
„  ta ,  Vincentin ,  Chv-valicr  de, Rhodes,  pre- 
„  fcntée  à  Philippe  de  Villiers  Lille  Adam, 
„  Grant-Maître  cle Rhodes;  commence  ledit 
„  Voyage  l'an  mîLcinq  cens  dix-neuf,  &  de 
„  retour  mil  ccccc  xxii  ,  le  huitième 
„  jour  de  Septembre ".  Au  dernier  Cha- 
pitre, on  lit  pour  conclufion:  „  Le  hui- 
„  tiéinc  jour  de  Septembre  mirent  l'ancre 
„  au  Port  de  Se  ville.    Et  defchargercnt  tou- 


te l'artillerie,  rendirent  grâces  à  Dieu,  en 
chemife,  nuds  pieds,  oc  torches  en  la 
main.  Le  lendemain  Anthoine  Pigaphet- 
ta  alla  à  Valdoli,  où  étoit  l'Empereur 
Charles.  Et  ne  lui  preC  nta  or  ne  argent , 
ne  cliofc  préciu'uC.  digne  d'ung  fl  grand 
Seigneur,  mais  ung  Livre  efcrlpt  ^e  fa 
main,  où  étoient  les  chofes  paflTécsdejour 
en  jour  de  leur  Voyage.  Et  dc-Ià  fe  par- 
tit à  aller  en  Portugal ,  au  Roi  Jean ,  & 
dift  les  chofes  que  avoient  vou  tant  des 
Efpaignols  que  des  fiens.  Puis  par  Efpai- 
gne  vint  en  France,  &  nr^fcnta  &  feit  au- 
cun  don  des  chofes  de  l'autre  Heinifphere 
à  la  Mère  du  Très-Chrétien  Roi  de  Fran- 
ce, nommé  François,  Madame  la  Régen- 
te. Puis  vint  en  l'Italie,  &  prefenta  le 
Livre  de  fa  fatigue  à  Philippe  de  Villiers, 
Grant-Maitrc  de  Rhodes  ". 
(/)  Audi  lit -on  à  la  dernière  page  ;  „  ici 
finit  l'extrait  dudit  Livre,  trajiflaté  de  Ita- 
lien en  François  ".       V,  .         ,    •  .  ;, 


î   ■  .  '  -i  »    ■.*    '4    ■■  ■    •  ■'  *  :  .-•      ,     ,    I  ■     ,       .      ..  -;  1^  ,  ► 

■\   ■.     '   '•'  ^  :.     ■  .-■    ■  •-'■  -   •  -  t  .:     .       ... 
•  Foyage  de  Ferdinand  Magalhanes ,  OU  Magellan.      ■•'• 

QU£LQ.UEs  années  après  la  découverte  des  Ifies  Moluques,  Magel- 
lan, Portugais  de  Nation,  qui  avoit  porté  les  armes  fous  Dom 
Alfonfe  d'Albuqaerqùe,  &  qui  étoit  à  Malaca,  en  151 1 ,  lorfque  cet 
îlluflre  Viceroi  des  Indes  en  achevoit  la  conquête,  prit  le  parti  de  retour- 
ner en  Europe,  dans  l'efpérance  d'y  faire  fervir,  à  fa  fortune,  les  lumiè- 
res qu'il  devoit  à  fon  expérience.    Il  étoit  parent  de  Franjois  Serrano,  qui 

Bh  2  corn- 


Magellan. 

1519- 

Origine  des 
projets  de 
Magellan. 


;^    -» 


19^ 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Maobllam. 

I  519. 

Il  quitte  le 
Portugal  pour 
s'attacher  à 
J'Efpagne. 

Comment  il 
fait  entrer 
Cliarles-Quinc 
iktns  fcs  vues. 


11  pnrtavec 
Une  Flotte  de 
cinq  Vaif- 
feaux. 

Il  perd  un 
Vaméau. 


commandoit  aux  Moluques,  après  avoir  découvert  ces  Ifles  pour  le  Porta, 
gai.  Diverfes  connoiffances,  qu'il  avoit  recueillies  de  fes  difcours  &  de 
fes  écrits,  fembloient  lui  promettre ,  à  la  Cour  du  Roi  Emmanuel,  des  fa. 
veurs  qu'il  eut  le  chagrin  de  n'y  pas  obtenir.  Son  reflentiment  le  fit  palier 
à  celle  de  Cai'lille,  où  l'Empereur  Charles-Quint  jugea  mieux  de  l'importan- 
ce de  fes  offres,  &  rendit  plus  de  juftice  à fon  mérite  (a). 

Il  eut  de  profondes  conférences  avec  les  Aflronômes  &  les  Géographes 
de  cette  Cour.  Le  réfultat  fut  de  repréfenter,  au  Confeil,  que  fuivant  la 
décifion  du  Pape  Alexandre  VI ,  entre  les  Couronnes  de  Caflille  &  de  Por. 
tugal  (b)y  les  Ifles  Moluques,  dont  les  Portugais  étoient  demeurés  en  pof- 
feifion,  dévoient  pafTer  pour  des  Ifles  Occidentales ,  &  par  conféquent  fe 
trouvoient  comprifes  dans  les  bornes  des  conquêtes  Cadillanes.  Magellan 
prouva  fon  opinion,  non-feulement  par  des  raifonnemens  mathématiques, 
mais  par  des  Lettres  même  de  François  Serrano,  qui  avoit  fait  la  décou- 
verte  de  ces  Ifles  pour  le  Roi  Emmanuel.  Enfuite ,  il  propofa  au  Confeil 
de  lui  donner  quelques  Vaiffeaux  bien  armés ,  avec  lefquels  il  trouvoit ,  dans 
îes  lumières ,  l'efpérance  de  découvrir  un  paflage  de  l'Amérique  Méridio- 
nale  aux  mêmes  Ifles.  Charles-Quint ,  qui  avoit  pris  une  haute  opinion  de 
fon  habileté ,  &  qui  voyoit  fes  raifons  appuyées  du  témoignage  d'un  Portu- 
gais  aufli  renommé  que  Serrano ,  ne  balança  plus  à  lui  accorder  toute  fa 
confiance.  Il  fit  équiper,  dans  le  Vort  de  Saint-Lucar ,  une  Flotte  de  cinq 
Vaiffeaux ,  dont  il  lui  donna  le  commandement. 

Magellan  fe  rendit  d'abord  au  Bréfil.  Il  rangea long-tems  des  Côtes 
inconnues,  d'où  prenant  fon  cours  au  Sud,  il  découvrit  l'embouchure  d'u- 
ne grande  Rivière  (c) ,  proche  de  laquelle  il  remarqua  que  la  Côte  commen- 
çoit  à  s'élever.    Enfuite  il  apperçut  des  montagnes,  dont  le  fommet  fe  per- 

r  .:?,  ^  .  :  i  'r-j  •     '•''■>"  ■  -'■  ,■-  doit 


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(a)  Pigaphetta  raconte  ce  qu'il  apprit  en 
partant  aux  Moluques,  en  1521.  „  N'y  a- 
voit  point  encore  fept  mois  que  François 
Serran ,  Po'rtugalois ,  Capitaine  Général  du 
Roi  de  Temate ,  contre  le  Roi  de  Tidor, 
étoit  mort.  Et  feit  tant  que  contraignit  le 
Roi  de  Tidor  de  donner  une  fienne  fille 
pour  femme  au  Roi  de  Ternate ,  &  quafi 
tous  les  fils  des  principaux  pour  otages , 
&  depuis  la  paix  faifte  entr'eulx ,  ung  jour 
François  Serran  vint  en  Tidor  pour  ache- 
ter girofle  ;  &  le  Roi  le  fit  empoifonner 
avec  feuilles  de betre  (^betel  apputemment') , 
&  ne  véquit  fi-non  quatre  jours.  Le  Roi 
le  voulut  faire  enfépulturer  félon  fa  loi; 
mais  trois  Clirétiens ,  fes  ferviteurs ,  ne  le 
permirent.  Il  laiffa  ung  fils  &  une  lille  pe- 
tite, d'une  femme  qu'il  print  en  Java  la 
grande.  Ceftui  ètoit  grand  ami  &  parent 
du  Capitaine  Général  Magalianes,  &  fut 
caufe  de  le  mouvoir  à  fon  entreprinfe.  Car 
plufieurs  fois  lui  étant  Capitaine  des  Mo- 
luques ,  lui  avoit  efcript  qu'il  étoit-là.  Et 
pour  ce  que  Pom  Ëiamauuël,  RoideFor< 


„  tugal ,  ne  voulut  accroître  la  provifion  de 
„  Magalianes  ,  feulement  d'un  teilon  ,  par 
„  mois,  pour  fes  bienfaifts,  il  vint  en  Ef- 
„  paigne ,  &  eut  du  Roi  tout  ce  que  voulut 
„  demander  ".  Pag.  57  ^  58. 

Nota.  Valentyn  dit  que  ce  furent  les  Ter- 
natois,  qui  empoifonnèrent  François  Ser- 
ran ,  après  avoir  fait  mourir  leur  Roi ,  nom- 
mé Bajang-Ullab ,  parcequ'il  favorifoit  trop 
les  Portugais;  quoique  divers  auteurs  de  cet- 
te Nation  prétendent,  que  ce  fut  à  un  feftin 
du  Roi  de  Tidor,  &  par  fon  ordre,  pour  pu- 
nir ce  Prince  du  mépris  qu'il  faifoit  de  l'ami- 
tié des  Caftillans ,  que  le  premier  avoit  reçus 
dans  fon  Ifle.  Quant  à  Serran,  Àrgenfoli 
remarque ,  qu'il  s'étoit  mis  en  Mer,  pour  re- 
tourner en  Portugal ,  dans  le  tenis  que  Ma- 
gellan faifoit  voile  vers  les  Manilles,  &  qu'ils 
moururent  tous  deux  en  un  même  jour. 
R.  d.  E. 

(t")  Voyez  la  grande  Infroduftion,  i  la 
tôte  ou  Tome  I.  de  ce  Recueil. 

(c)  La  Rivière  de  Saint- Julien,  à  cin- 
quante degrés  de  Latitude  Méridionale. 


PAR    LE    S  U  D-O  U  E  S  T,  Lrv.  IV: 


t97 


doit  dans  les  nues,  &  qui  paroiflbient  couvertes  de  neige.  Un  des  cinq 
Vaifleaux,  qui  fut  détaché  pour  reconnoîtrc  cette  Côte,  fit  un  trifte  nau- 
frage entre  les  rochers.  L  Equipage  fut  fauve  ,*  mais  cette  difgrace  &  la 
rigueur  du  froid  répandirent  la  conflernation  fur  les  quatre  autres  Vaifleaux, 
dont  la  plupart  des  Soldats  étoient  des  Portugais  bannis.  Elle  produillt  des 
murmures,  qui  eurent  bien-tôt  la  force  de  faire  élever  la  voix  aux  Mutins, 
jufqu'à  déclarer  que  le  paflage  qu'on  leur  faifoit  chercher  ctoit  irapoflible , 
&  qu'ils  vouloient  retourner  en  Europe.  Magellan ,  ne  fe  promettant  rien 
de  la  douceur,  fut  obligé  d'en  condamner  quelques-uns  à  la  mort,  &  d'en 
punir  d'autres  par  la  défertion  (d).  Une  rigueur  11  jufte  arrêta  le  defor- 
dre.  On  continua  la  navigation,  l'efpace  d'environ  cinquante  lieues,  a- 
prés  lefquelles  on  découvrit  un  enfoncement,  qui  avoit  toutes  les  apparen- 
ces d'un  Détroit. 

Le  Capitaine  Général  compara  toutes  Ces  lumières.  La  nature  des  vents, 
celle  des  courans,  &  la  vue  de  quelques  fanons  de  baleine  j  que  la  Mer  a- 
voit  jettes  fur  le  rivage ,  furent  les  premiers  fondemens  fur  lefquels  il  éta- 
blit fes  conjeftures  (e).  Enfuite,  tout  s'accordant  à  les  confirmer,  il  ne 
douta  plus  qu'il  ne  fût  à  l'entrée  d'un  Canal  de  communication,  qui  joignoit 
la  Mer  du  Nord  &  celle  du  Sud.  Cette  agréable  idée  jetta  les  quatre  Equi- 
pages dans  des  tranf^orts  de  joye,  qui  furent  célébrés  par  des  fêtes,  ils 
donnèrent,  au  Détroit,  le  nom  de  Magellan  y  qu'il  ne  ceflera  jamais  de  por- 
ter. Mais  les  vivres  étoient  confidérablement  diminués.  On  ne  prévoyoit 
aucune  reflburce  dans  une  route  ignorée.  Les  plaintes  recommencèrent  a- 
vec  tant  de  violence ,  qu'elles  ne  purent  être  appaifées  que  par  de  nouveaux 
fupplices.  Magellan, fit  mettre  un  de  fes  Vaifleaux  à  l'avant,  pour  cher- 
cher le  pafl*age.  Ce  VaiflTeau  même,  au  mépris  des  ordres  du  Général,  re- 
prit, pendant  les  ténèbres,  la  route  de  Seville,  d'où  l'on  avoit  fait  voile 
depuis  huit  mois.  i 

Une  perfidie  fi  peu  ménagée  jetta  Magellan  dans  un  mortel  chagrin  ; 
mais  elle  ne  l'empêcha  point  d'embouquer  le  Détroit ,  avec  les  trois  Vaif- 
leaux qui  lui  reft:oient.  Il  y  entra  le  21  d'Oftobre  1520  ;  &  le  28  de  No- 
vembre, il  en  fortit,  pour  taire  voile  dans  la  Mer  du  Sud.  Avant  que  de 
repaflerla  Ligne,  &  vers  le  quinzième  degré  de  Latitude  Méridionale,  il 
découvrit  deux  Ifles,  qu'il  nomma  les  Infortunées  ^  parceque  dans  le  befoin 
où  il  étoit  de  toutes  fortes  de  fecours ,  il  n'y  trouva  que  des  oifeaux  &  des 
arbres.  Dans  l'efpace  de  trois  mois  &  vingt  jours ,  il  fit  quatre  mille  lieues 
dans  une  Mer  qu'il  nomma  Pacifique  y  parcequ'il  n'y  efluya  aucune  tempête, 
&  qu'il  n'y  vit  pas  d'autre  terre  que  ces  deux  Ifles  (/).     Le  6  de  Mars , 

J.   '    i'.        Â-    J  .fl  ^■-•i'      --^J'i''  -*i  ^  /.  ï>  i  /l  'il 

(  rf  )  On  a  déjà  remarqué  qu'en  Mer,  ai- 
ftrter  un  homme ,  c'efl:  l'abandonner  fur  une 
Côte  déferte. 

(e)  Pigaphetta  nous  apprend  que  le 
Capitaine  Général  favoit  qu'il  devoit  fairç  fa 
navigation  „par  ung  Détroièt  moult  occult, 
„  comme  avoit  vîi  en  la  treforerie  du  Roi 


Maoellan'* 

1519- 


Comment 
il  découvre  le 
Détroit  ni! 
quel  il  donne 
fon  nom. 


•îi- 


Son  courage 
pour  le  pafler. 

1520. 


Pourquoi  il 
donne  le  nom 
de  Pacifique  à 
la  Mer  du 
Sud. 


„  de  Portugal ,  en  une  Carte  faicte  par  ung 
„  excellent  homme ,  nommé  Martin  de  £o' 
i,  bemia  ".  Pag.  11. 


(/)  Carreri,  qui  paroît  avoir  confuicé  la 
Relation  de  Pigaphetta ,  ne  lailTe  pas  de  com- 
mettre ici  autant  d'erreurs  qu'il  écrit  do  mots. 
Tome  V.  pag.  240  ^  J'uiv.  D'autres  Ecri- 
vains, qui  l'ont  fuivi,  font  tombés  dans  les 
mômes  fautes.  Rien  ne  m'oblige  de  les  re- 
lever. Mais  j'en  appelle  à  nôtre  fource  com- 
mune :  „  Ils  débouchèrent  du  Détroiifl:  le  28 
„  de  Novembre,  an  mil  cinq  cens  vingt,  6; 
„  furent  trois  mois  &  vingt  jours  fuiis  prcn- 
Bb  3  „  dre 


f 


199 


VOYAGES  AltX  INDES  OUIEPÏTALES 


Masiu.ait. 
1521. 


Il  arrive  à 
l'Ilk'deSebu. 


Sa  mort. 


Vingt-quatre 
i3o  fcs  Olîîciers 
font,  aûairincs. 


vSes  VaifTenux 
réduits  à  deux. 


il  en  dëcouvric  deux  petites ,  qui  ëtoient  du  nombre  de  cdles  qu'on  a  nom. 
mées  depuis  les  J^ariames^  &  qu'il  nomma  IJles  des  Larrons  y  percequ'ij  y 
nvoit  éprouvé  le  penchant  que  les  Infulaircs  ont  pour  le  vol.  Le  10,  li 
defcendit  au  rivage  d'une  terre  haute,  nommée  Zamal,  à  trente  lieues  de 
rifle  des  Larrons.  On  voyoit  de-là  d'autres  Ifles ,  dont  l'une  fe  nomme 
Zuloariy  habitée  par  une  Nation  douce  &  fociable.  Il  s'approcha  de  celle 
d*Humttnu,  qu'il  nomma  Yljle  des  bons  Signes  j  parcequ'il  y  avoit  trouvé  xJcm 
fontaines  d'eau  très-claire ,  quantité  de  corail  blanc,  &  divers  arbres  char, 
gés  de  fruits.  Cette  Ille,  qui  cfl  voifine  du  Cap  de  Guigany  porte  aujour. 
d'hui  le  nom  de  la  Encantada.  Magellan  donna  cehii  de  Saint  •  Lazart  à 
tout  cet  Archipel,  parcequ'il  y  étoit  arrivé  k  Samedi  avant  le  Diman- 
che de  la  Pamon,  qu'on  appelle  en  Efpagne,  Dimanche  de  Saint -U 
zare  (g). 

En  portant  le  cap  aii  Nord,  il  arriva  heut-eufement  ii  SetUf  Ifle  bien 
peuplée,  &  d'environ  douze  lieues  de  circuit,  qui  n'a  ^uères  aujourd'hui 
d'autre  mérite,  que  celui  d'avoir  été  fon   tombeau  (*).     Le  Roi,  qui 
étoit  en  guerre  contre  le  Roi  de  Mathar  (î),  fon  voifin,  non-feulement 
fit  un  bon  accueil  aux  trois  VailTeaux  étrangers ,  mais  embrafla  la  Religioo 
Chrétienne,  avec  la  Reine  fa  femme,  leurs  enfans  &  huit  cens  de  leun 
Sujets.    La  croix  fut  élevée,  le  jour  de  la  Pentecôte;  on  célébra  la  MelTe, 
i&  Maçellan  prit  pofll^îlon  de  l'Wîe ,  au  ,nom  de  rinvincible  Charles-Quint, 
Il  battît  deux  fois  les  Ennemis  du  Roi  de  Sebu  :  mais  il  eut  le  malheur  d'ê- 
tre tué  dans  un  troifième  combat.     La  plû^jart  des  Efpagnols  &  des  Portu- 
gais, qui  l'avoient  fuivi,  partagèrent  fon  fort.     A  peine  en  refta-t*il  quel- 
ques-uns, pour  porter  aux  VailTeaux-^  nouvelle  de  leur  perte.     Le  RoiJ 
tjui  n'avoit  cmbraflîe  le  Chriftianifme  que  par  une  lâche  politique,  renonça 
«uffi-tdt  à  fes  engagemens.    Son  Ennemi  hii  offrant  la  paix ,  à  conJifionl 
que  tous  les  Etrangers  fufTent  maflacrés,  il  le*  flt  inviter  à  un  feftin-,  ôcl 
vingc-quaere  dei  principaux  de  la  Flotte,  qwi  Te  livrèrent  à  lui  fans  défian! 
ce,  furent  alTalTmés  dani' la  chaleur  delajoye.     Duarte •  Barbofa ,  Parental 
Succefleur  de  Magellan  ,  fut  de  ce  malheureux  nombre.     Les  Efpagnols  at- 
tribuent ce  defaftre,  à  un  Nègre ,  mal-traité  par  BarbQfa,qui  avoit  fait  en- 
trer le  Roi  dans  fes  projets  de  vengeance,  ^.jy- 

Les  Equipages  des  trois  Vaifleaux  étoienc  réduits  à  cent  quatre- vingt 


,a^h  ir 


:{,'  ?^lf:l7  i?j  2:ciu"  zio'iUt 


li 


hofli- 


dre  chofe  nucune.    Et  mai^erent  bifcuit. 


fw.  10,  Pigaphetta  dit  nettement  queMi- 

Et  quand  n'en  eurent  plus,  mangèrent  la     gellan  s'arrêta  près  de  cinq  mois  au  Port  de  k 

l,  poudre  d'icelui,  avec  les  vers  à  poignée.     Rivière  de  Saint- Julien.   'Comment  Carrai 

.   j .  j_   1....: j„„  r„.,_:.       peut-il  ne  lui  faire  employer  que  trois  mois 

&  douze  jours  de  navigation  jufqu'à  fa  fortie 
du  Détroit?  Mais  il  confond  tout,  &met(te' 
vant  ce  qui  doit  être  après. 

Nota.  Ce  n'eft  vifiblement  qu'un  défaut  de 
ponéluatîon ,  nui  peut  autorifer  ce  reproche. 
R.d.E. 

(g)  Pigaphetta,  pag.  19. 

(b)  Voyez  ci-deflous,  la  Defcription  de» 
Pliilippines ,  dans  le  Volume  fuivant. 

(0  Ou  plutôt  M(ttan.  R.  d.  £. 


„  puant  grandement  de  l'urine  des  fouris. 
„  Burent  eau  jaune,  jà  corrompue  de  plu- 
„  fleurs  jours.  Et  mangèrent  certaines  peaux, 
_„  très  dures,  pour  le  foleil,  pluie  &  vent. 
„  La  fouris  fe  vendoit  demi  ducat ,  ou  mig 
„  ducat.  A  aucuns ,  les  gencives  croiflbient 
„  defllis  les  dents ,  tant  en  hijjJt  qu'en  bas  ; 
„  fi  que  ne  pouvoicnt  manger ,  &  ainfi  mou- 
„  roîent. .'. .  En  ces  trois  mois  &  vingt  jours , 
^,  allèrent  quitre  mille  lieues  en  un  goufFre, 
„  par  la  Mer  Pacifique".  Pag;.  13.  Plus  haut, 


Inettement  qiieMi- 
\q  mois  au  Port  delJ 

'Comment  Carrai 
wer  que  trois  mois 
fon  jufqu'à  fa  fortie 

md  tout,  &met(te' 


C^Ji  TE  x^ 

DEL'  Archipel  m  S'Lazare 

ou  LES 

ISLES  J/AJilANUS 


^     io    V     ■*»    'g  fe 

Gcmeene  Tranic  Ifvlcn 


r^dnt 


UcHiPEiiAGUS  S'LAZAHI  ot  d]B  MARIAXE  S  ElLATSTDEN.        | 
%a8  de  Kaartett  en  Schriften  der  Spaaiiiche  Zenàelin^en  JefuitenDoor  denHTBellin.    ' 


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P  A  R    L  E    S  UDOU  E  S  T,  tiv.  ÏV:  ïdO 

hommes,  qui,  ne  fe  jugeant  pas  aflfcz  forts  pour  les  conduire,  prirent  le 
parti  d'en  brûler  un ,  &  de  fe  rendre  aux  Moluqucs  avec  les  deux  autres, 
fiian  de  Carvallo^  qu'ils  avoient  reconnu  pour  leur  Chef,  fit  voile  à  l'ElV 
Sud-Eft;  mais,  en  arrivant  à  la  pointe  de  liool&de  Panglao,  la  crainte  de 
YJJle  des  Noirs,  qu'il  crut  rcconnoître  à  fa  defcription,  fui  fit  prendre  le 
parti  de  tourner  vers  j^v/p^' ,  Air  la  Côte  de  Mindanao.  De-là  il  fe  rendit 
t  Bornéo  y  où  il  prit  des  Pilotes  Moluquois.  Enfuite  revenant  par  Los-Ca- 
gayanes,  Xolo,  Taguima^  Mindanao,  Sarraganik  Sanguil  (*),  il  mouilla  le 
g  de  Septembre,  à  Tidor.  Il  y  fut  reçu  fort  humainement,  parceque  la 
Flotte  Portugaife  n'étoit  point  alors  aux  Moluqucs.  Le  Roi  lui  permit 
d'y  élever  un  Comptoir ,  &  de  charger  du  girolle.  Les  deux  VailVeaux 
remirent  en  Mer,  «  firent  voile  vers  l'Efpagne.  Mais  l'un  des  deux,  qui 
le  nommoit  la  Trinité ,  le  trouva  fi  peu  capable  de  refifter  aux  flots ,  qu'il 
retourna  aux  Moluques ,  où  il  tomba  bien-tôt  entre  les  mains  des  l'ortu- 

§ais.  L'autre,  nommé  h  histoire ,  après  avoir  reconnu  Amboine ,  les  ilK's 
e  Banda,  Solor  &  Timor,  prit  la  route  du  Cap  de  Bonne  -  Efpérance , 
en  s'éloignant  toujours  de  la  Côte  des  Indes ,  pour  éviter  les  Ennemis  de 
rEfpagne.  Cependant  la  difette  des  vivres  (/),  l'ayant  forcé  de  relâcher 
à  Saint-Jago ,  une  des  Ifles  du  Cap  Verd  ,  il  y  perdit  treize  hommes ,  qui 
furent  enlevés  par  les  Portugais;  ce  qui  ne  l'empêcha  point  d'arriver  à  Se- 
ville  le  8  de  Septembre  1522,  après  une  navigation  de  trois  ans  ik  quel- 

Î|ues  jours,  pendant  lefquels  il  avoit  fait  quatorze  mille  quatre  cens  & 
oixante  lieues  (w). 

La  découverte  du  Détroit  de  Magellan  fut  regardée,  par  toutes  les  Na- 
tions de  l'Europe ,  comme  un  avantage  commun ,  auquel,  tous  les  Naviga- 
teurs avoient  le  même  droit;  &  les  efforts,  que  la  Couronne  d'Efpagne  fit 
en  divers  tems,  pour  en  exclure  les  Etrangers,  n'aboutirent  qu'à  d'excefli- 
ves  dépenfes  ,  dont  elle  reconnue  enfin  l'inutilité  («).  On  vit  les  Anglois 
tenter  cette  route ,  avec  d'autant  plu*  d'audace,  qu'aux  périls  du  Détroit, 
que  l'exemple  de  Magellan  leur  avait  appris  à  furmonter,  ils  avoient  à  join- 
dre les  oppolitions  dont  ils  étoient  menaces  par  les  Elpagnois.    François 


Mai.pi.la:», 
I  5^^' 


l'.s  fj  rcn- 
ilciii  iiix  Mo- 
luques. 


T.'iin  y  c{\ 


pris 


Retour  du 
I"autie  àSc- 
ville. 


EfTcts  de  la 
déeouverte  du 
Diitroit  de 
Muîjcllun. 


(*)  La  môme  Iflc  que  Sangir.  R.  d,  E. 
(/)  Pigiiphttta  KLt  une  roni^rque  ulllz  bi- 
zarre,.! l'occafion  d'un  grand  110111. rc  de  Ma- 
telots qui  moururent  de  faim  ou  de  )iiûladiL'. 
„  En  ce  tcms ,  dit-il ,  leur  moururent  vingt- 
„  un  hommes;  &  fi  Dieu  ue  leur  eût  do!in(i 
„  bon  tems,  euirent  ét(i  tous  morts  de  faim. 
„  Et  quand  jettent  Chrétiens  en  la  Mer ,  ils 
„  vont  au  fond,  le  vifage  dclïïJs  ;&  les  Indiens 
„  vont  le  vifagc  deflbus".  Pa};.  75. 

(îb)  Ibidem.  De  foixantc  hommes,  qu'il 
avoit  en  partant  des  Moluques ,  il  n'en  ref- 
toit  que  di)c-buit.  Cet  hwrcux  Vaiffcau  fut. 
confervé  précieufement  à  Seville,  jufqu'à-ee 
qu'il  périt  de  vicillelTe.  Sebaftien  C:mo ,  qui 
le  coinmandoit,  homme  d'une  expérience  con- 
fomniéc  dans  la  Marine,  fc  tiouvc  comme 


aflbcié  à  l'immortalité  de  Magellan ,  pour  avoir 
rapiiorlé,  en  Elpa-^ne,  la  nouvelle  de  fa  dé- 
couverte, en  y  ramenant  le  feul  rcfte  de  fa,  ' 
Flotte.  ,  11  mourut,  en  1526,  le  4  d'Août, 
dms  la  Mer  du  Sud,  où  il  avoit  entrepris 
un  nouveau  Voyage  avec  une  Flotte  de  Ibpt 
Vaifleaux,  commandée  par  Dom-Jofre  île 
Loayfa ,  Chevalier  de  Malte.  Ce  Général 
étant  mort,  le  dernier  de  Juillet,  Cano,  qui 
devoit  lui  fuccédcr,  ne  jouit  de  l'honneur 
du  commandemejit  que  pendant  quatre  jours. 
Carreri  ;  Tom.  V.  pag.  244.  On  verra  ailleurs 
les  fuites  de  la  découverte  des  Philippines, 
dans  la  Defcription  de  ces  Ifles. 

(îî)  Elle  lit  bâtir,  coimne  on  le  verra  dans 
la  ftiîte ,  «ne  Ville  fur  le  bord  dii  Détroit ,  jx)»  / 
enfermer  cp  aflagc. 


&^•-  >- 


o 
o 


200 


VOYAGES  AUX  INDÇS  ORIENTALES 


Magellan. 
1521. 


Olivier  de 

NOORT. 

1598» 
Introdudion, 


Départ  de 
Kotterdain. 


Drake  &Jean  fFtnter  (0)  paffèrent  heureufement  dans  la  Mer  du  Sud  en 
1578.  Thomas  Candi/h  fit  le  même  Voyage  en  158(5-    André  Merrickn^ 
le  fit  pas  avec  moins  de  bonheur  en  1589  (p). 
Les  Hoilandois  ne  penfèrent  à  (iiivre  les  traces  de  leurs  voifins,  qu'apréi 
roir  tenté  d'autres  voyes  par  le  Nord  ;  &  ce  ne  fut  pas  même  la  Com- 


avoir 


pagnie  des  Indes  Orientales ,  qui  leur  ouvrit  ce  chemin.  George 
l:erg^  &  Sebaid  deWeert^  les  premiers  de  leur  Nation ,  qui  ayent  palTé'le 
Détroit  de  Magellan  (^),  commandoient  les  Flottes  de  quelques  Mar- 
chands  particuliers.  Olivier  de-  Noort^  dont  on  va  lire  la  Relation,  ne 
tenoit  auffi  fa  Commiflion  que  d'une  Compagnie  détachée.  Mais  on  ap. 
prendra,  dans  la  Relation  de  le  Maire  ^  qui  doit  fuivre  celle  de  deNoort, 
par  quelles  loix  &  quels  intérêts  le  Commerce  des  Provinces  -  Unies  étoit 
alors  divifé  (r). 


(  0  )  Hackluyt  obferve  que  Winter ,  ayant 
repaire  le  Détroit,  en  1579,  fut  le  premier 
Chrétien  qui  eût  cette  gloire ,  malgré  les  faux 
récits  des  Efpagnols ,  qui  publioient,  qu'il 
étoit  împollîble  de  rentrer,  de  la  Mer  du  Sud 
dans  celle  du  Nord ,  par  le  Détroit  de  Ma- 
gellan.    Recueil  de  Hackluyt ,  pag.  748. 

(p)  On  a,  dans  Hackluyt,  les  Journaux 
de  tous  ces  Voyages;  mais  les  uns  ne  méri- 
tent pas  l'honneur  de  la  traduftion ,  &  les 
autres  trouveront  place  dans  les  Voyages  au- 
tour du  Monde. 

(î)  Les  p»-«miers  Vaiffeaux  Hoilandois 
qui  àyent  palTé  ce  Détroit,  furent  ceux  de 
la  Flotte  de  Jacques  Mabu,  de  Rotterdam ,  qui 
mit  à  la  voile  le  27  de  Juin  1598.  Williams 
Adams ,  fon  Pilote ,  qu'on  a  vu ,  dans  la  fuite, 


grand  Seigneur  au  Japon  ,  .a  fait  la  Relation 
de  ce  malheureux  Voyige.  Elle  eft  inférée 
à  la  fin  de  nôtre  fécond  Volume.  Sebaid  k 
tVeert  commandoit  un  des  Vaiflcaux  de  l'A- 
miral Mahu;  mais  les  defaftres  qu'il  efluyaà 
la  fottie  du  Détroit,,  l'obligèrent  d'y  rentrer 
&  de  revenir  en  Hollande.  Enfin,  George 
Spilberg,  loin  d'avoir  précédé  Olivier  de  Nm, 
ne  prit  la  même  route  que  ifeize  ans  après.  M, 
Prevoft  a  évité  ces  erreurs,  dans  le  Volume 
fuivant,  où  il  doime  les  Extraits  des  Jour- 
naux de  de  Weert,  &  de  Spilberg.   R.  d.  E. 

(r)  On  préfère  ici  le  Journal  de  deNoort, 
à  ceux  de  Spilberg  &  de  de  Weert ,  parcequ'il 
efl:  plus  inftruftif ,  &  qu'il  peut'  mieux  fervi: 
à  jetter  du  jour  fur  la  Relation  de  Pigaphctta. 


Voyage  d'Olivier  de  Noort  ^  aux  Indes  Orientales  ^  par 
;  Je  Sud'OueJl, 

UNE  Compagnie,  formée  en  1598  (^),  équipa,  dans  les  vues  qu'on 
vient  d'expliquer,  deux  Vailfeaux,  \e  Maurice  &  le  Frédéric -Henri^ 
avec  deux  Yachts  nommés  la  Concorde  &  VEfpérance ,  qui  portoient  enfera» 
ble  deux  cens  quarante-huit  hommes  d'Equipage.  Olivier  de  Noort  (Z>), qui 
fut  choifi  pour  commander  cette  petite  Flotte,  montoit  le  Maurice j  avec 
la  qualité  d'Amiral.  Jacques  Claafz  d'Llpenda,  prit  celle  de  Vice- Amiral, 
fur  le  Frédéric- Henri.  Pierre  de  Lint  eut  le  commandement  du  Yacht  la 
Concorde;  &  Jean  Huidecooper ^  celui  de  VEfpérance.  '  :.,  i  •...), 
On  mit  à  la  voile,  de  Rotterdam,  le  13  de  Septembre,  après  avoir  fait, 

aux 

(a)  Ses  Chefs  étoientViQTie Fan  Bever en,        (6)  Il  étoit  d'Utrecht.  > 

Hugues  C«rnr»,  &  Jean  fiMnincIt. 


ï 


PAR    LE    S  UD-OUES  T,  Lxv.  IV.  tôt 

aux  Equipages,  la  leélure  du  fameux  Règlement,  nommé  VJrtykel'Brief^ 
|ui  avoit  été  confirmé,  depuis  peu  ,  par  l'autorité  du  Prince  Maurice,  & 
Iir  lequel  tout  le  monde  prêta  ferment.  Un  Pilote  Anglois,  qui  avoit  fait 
le  même  Voyage  avec  Thomas  Candisb,  étoit  le  feul  Guide  à  qui  lesHoI- 
landois  puflent  accorder  leur  confiance.  Ils  arrivèrent ,  le  lo  de  Décem- 
bre, à  la  vue  de  ï'IJÎe  du  Prince.  Le  parti  qu'ils  prirent  d'y  defcendre,  pour 
fe  procurer  quelques  rafraîchiflemens ,  mériteroit  peu  d'être  remarqué ,  fi 
le  traitement  qu'ils  y  reçurent  des  Portugais ,  &  qui  fut  une  des  premières 
fources  de  leur  haine  pour  cette  Nation ,  ne  devoit  fervir  d'édairciflement 
à  des  circondances  plus  importantes. 

Ils  jettèrent  l'ancre  fur  l'eize  braiTes,  auNord-Ouefl;  de  l'Ifle.  Daniel 
Genits ,  un  des  premiers  Commis ,  fut  envoyé  à  terre  dans  une  Ciiaioupe , 
&  revint  fans  avoir  découvert  aucun  Habitant.  Sur  fon  récit ,  le  Général 
fit  armer  deux  Chaloupes  &  un  Canot ,  d'environ  quarante  hommes ,  qui 
entrèrent  ouvertement  dans  le  Port ,  en  arborant  les  banières  de  paix.  Auifi- 
tôt  les  Infulaires  leur  dépêchèrent  une  Barque,  avec  les  mêmes  fignes,  & 
leur  firent  oflfrir ,  non-feulement  des  vivres  pour  leur  argent ,  mais  encore 
la  liberté  de  defcendre ,  &  de  faire  paifiblement  leur  Traité.  Gerrits,  qui 
portoit  le  Pavillon  blanc,  étant  defcendu  le  premier,  fut  bien  reçu  de 
quelques. Portugais,  &  ne  fit  pas  difficulté  de  monter  vers  le  Fort,  ac- 
compagné de  trois  autres  Officiers.  Ils  y  furent  invités  à  fe  rafraîchir, 
avec  tous  les  témoignages  d'amitié ,  qui  pouvoient  leur  infpirer  de  la  con- 
fiance. On  envoya  même  au  rivage ,  pour  folliciter  le  Commandant  des 
Chaloupes,  de  venir  prendre  part  à  lajoye.  Il  s'en  défendit,  par  la  feule 
fidélité  qu'il  crut  devoir  à  fes  fondions.  Les  Portugais ,  perdant  l'efpoir 
d'attirer  un  plus  grand  nombre  de  viftimes,  fe  jettèrent  fur  les  quatre  Offi- 
ciers, qui  étoient  en  leur  pouvoir,  maflacrèrent ,  du  premier  coup,  le 
Commis ,  &  Melis ,  ce  même  Pilote  Anglois  qui  devoit  fervir  de  Guide  à 
la  Flotte.  Un  autre  fut  tué  en  s'efForçant  de  défendre  fa  vie.  Le  qua- 
trième s'échappa  heureufement  par  la  fuite.  Les  Hollandois  ,  qui  étoient 
fur  la  rive ,  le  voyant  courir  vers  eux  avec  la  dernière  précipitation ,  com- 
prirent qu'ils  étoient  trahis ,  &  fe  hâtèrent  de  rentrer  dans  leurs  Chalou- 
pes. Mais  ils  furent  pourfuivis  jufques  dans  l'eau;  &  les  Portugais  leur 
tuèrent,  dans  les  Chaloupes  mêmes,  deux  hommes,  dont  l'un  étoit  Cor- 
neille de  Noort,  frère  du  Général  (c). 

Cette  funefte  nouvelle  ne  put  être  portée  à  la  Flotte,  fans  y  exciter 
l'indignation  &  la  fureur.  On  réfolut  de  faire  avancer  les  quatre  Vaifleaux 
dans  la  Baye;  &  fix  vingt  hommes ,  qui  defcendirent  fans  oppofition , mar- 
chèrent enfeignes  déployées  vers  le  Fort,  dans  l'efpérance  de  l'emporter, 
&  d'y  fignalcr  leur  vengeance.  Mais  ils  apperçurent  bien-tôt  un  grand 
nombre  de  gens  armés ,  qui  fe  couvrant  d'un  bocage  &  d'un  ruiileau , 
leur  firent  craindre  de  les  trouver  foûtenus  par  d'autres  forces.  Après 
quelques  i^fcarmouches ,  dans  lefquelles  ils  eurent  feize  hommes  bleilés 
[&  un  tucj,  ils  fe  virent  contraints  de  retourner  triftement  à  bord:  & 
de  tous  leurs  projets ,  ils  n'exécutèrent  que  celui  de  brûler  une  partie  de« 

mou* 
(O  Voyage  d'Olivier  de  Noort,  pag.  5. 

XIK  Part,  Ce 


Olivirr  ttt 

Noort. 

1598- 


Sources  de 
haine  entre  le» 
Portugais  & 
les  Hollan- 
dois. 


HoUandoîi 
trnhis  &iaaf« 
fattés. 


I, a  nation  eft 
mal  vaiigL'c. 


202 


voyage:  aux  indes  orientales 


Olivibr  db 

NOOKT. 

1598. 

Anciens  vefi; 
tiges  des  Hol- 
landois  dans 
riHe  du  Prin- 
ce. 


1599- 

La  Flotte 
entre  dans 
llio-Janciro. 


lOe  de  Saint- 
Scbaflicn,  & 
fes  rafraîchif- 
icmens. 


Herbe  qui 
jiu'jrit  le  fcor- 


moulins  àfucre,  &  quelques  maifons  difperfées.  En  ravageant  le»  Weax 
dont  ils  purent  s'approcher,  ils  reconnurent,  à  diverfes  marques,  que  d'au, 
très  Hollandois  étoient  defcendus  dans  Tlfle ,  &  qu'ils  avoicnt  eu  defTein 
d'y  bâtir  un  Fort.  Les  folives,  la  chaux  &  ks  pien-es ,  qu'ils  avoient  deftj. 
nées  à  cette  entreprife ,  fubfiftoient  encore  dans  un  endroit  où  les  bois 
avoient  été  abbatus.  Le  Général  détacha  fes  Chaloupes,  pour  vifiter  d'au- 
très  parties  de  l'Ifle,  où  elles  trouvèrent  de  fort  bonnes  Bayes;  mais  gar- 
dées avec  tant  de  foin,  qu'il' leur  parut  impoflîble  d'y  prendre  des  rafraî- 
chiflemens  malgré  les  Infulaires.  L'Ifle  du  Prince  n'eft  qu'à  un  degré 
&  demi  du  Nord  (d).  Elle  produit  du  fucre,  du  tabac  &  du  gingem- 
bre.  On  y  voyoit  un  arbre,  de  vingt-quatre  brafles  d'épaifleur  par  le 
bas.  Ses  Habitans  naturels  vont  nuds ,  &  n'ont ,  pour  armes ,  que  de) 
rondaches ,  des  picques  &  de  larges  épées.  Les  femmes  fe  ceignent  le 
milieu  du  corps,  d'un  morceau  de  toile  qui  leur  pend  jufqu'aux  genoux. 
On  ne  les  rencontre  prefque  jamais  fans  un  couteau  recourbe,  qu'elles  por. 
tent  à  la  main  (e). 

Le  Général  de  Noort,  forcé  de  fufpendre  fa  vengeance ,  remitàlavoi. 
le ,  le  26  de  Décembre,  pour  gouverner  vers  la  Côte  du  Bréfil.  Ses  qua- 
tre  Vaiffeaux  entrèrent,  le  9  de  Février  1599,  dans  le  Rio-Janàro  (/). 
Il  fepromettoit  d'y  effrayer,  du  moins,  le  Fort  Portugais.  Mais  il  le 
trouva  fi  bien  pourvu  pour  fa  défenfe,  qu'après  avoir  inutilement  perdu 


voit  que  cette  eft)èce  d'arbres.  Le  22  ,il  reconnut  l'Ifle  deSaînt-SebaJlien(g)i 
entre  laquelle  «  la  Terre -ferme,  il  fe  mit  à  couvert  d'une  tempête  du 
Sud,  dans  une  très-grande  Rade ,  qui  efl;  à  l'abri  de  tous  les  vents.    Cet- 
te Ifle,  qui  efl  remplie  d'arbres  fauvages,  lui  offrit  diverfes  fortes  den- 
fraîchiffemens.    Le  poiflbn  eft  en  abondance  dans  les  Bayes.     On  trouve, 
dans  les  bois,  un  alTez  grand  nombre  de  mouettes  &  de  perroquets.    Les 
Hollandois  y  découvrirent  une  herbe,  dont  la  feuille  reflemble  à  celle  à 
faule,  &  donne  beaucoup  de  jus;  bouillie  &  mangée  au  vinaigre,  elle  de- 
vint un  excellent  remède  pour  le  fcorbut  (h).    [Le  27,  fix  hommes  étant 
defcendus  fur  le  rivage,  tombèrent  dans  une  embufcade  d'Indiens,  gai 
étoient  venus  exprès  de  Rio -Janeiro  pour  furprendre  les  Hollandois.  On 
leva  l'ancre  le  lendemain ,  après  avoir  fait  de  l'eau ,  fans  emporter  beau- 
coup d'autres  rafraîchiffemens.] 

Les  tempêtes,  qui  étoient  fréquentes ,  &  l'approche  de  l'Hyver,  faifant 
craindre  des  dangers  infurmontables  au  Détroit  de  Magellan ,  il  parut  né- 
celTaire  au  Confeil  de  chercher  une  retraite ,  jufqu'au  retour  de  la  belle 
iaifon.  On  eut  les  vents  fi  contraires ,  qu'après  avoir  été  repouffé  fort  long- 
tems  fur  la  Côte  du  Bréfil,  on  fut  obligé  de  mouiller,  le  premier  de  Juin, 

dans 


(i)  D'autres  la  placent  à  trois  degrés. 
Nota.  Elle  elt  à  deux  degrés  de  Latitude 
obrervéc.  R.  d.  E. 
(e)  Ibid.  pag.  6> 


(/)  A  vingt-trois  degrés  un  quart  de  Lati- 
tude du  SuJ. 

(g  )  A  vingt-(i»MKre  degrés  de  Latitude  du 
Sud.  R.  d.  E.  (i)  Pag.  10. 


PAR    LE    SUD-OUES  T,  Liv.  IV. 


S05 


dans  la  Rivière-  nommée  Rio-Doice^  où  l'on  eut  le  malheur  de  trouver  en- 
core des  Portugais  qui  s'oppoférent  au  débarquement.  Le  lendemain,  on 
eut  la  vue  de  rifle  Sainte-Claire,  &  l'on  y  porta  le  cap.  Les  Chaloupes  y 
abordèrent;  mais  à  peine  y  trouvèrent-elles  autant  d'eau  qu'il  en  ralloit 
chaque  jour  aux  Equipages.  Elle  defcendoit  de  quelques  fentes  d'une  mon- 
tagne. Le  Général  et  porter  les  Malades  à  terre.  La  plupart  étoient  Q 
foibles,  qu'il  fallut  employer  les  palans  pour  les  enlever  avec  leurs  caba- 
nes (i).  Quelques-uns  moururent  en  touchant  au  rivage.  L'Ifle  n'ofFroit 
d'ailleurs  que  des  palmiers,  &  une  herbe  verte,  qui  fe  nomme  Perjil  de 
Mer,  dont  tout  le  monde  fe  rempliflbit  l'eftomac,  avec  une  extrême  avidi- 

prunes 
rent 


qui  en  étoient  attaqués  depuis  long-tems,&qui  ne  moururent  qu'après  beau- 


Olivisr  v% 

NOOUT. 

1599. 

Ifle  de  Sain- 
te-Claire. 


Quels  re- 
cours on  y 
trouve. 


bignets.  Leux  qui  les  y 
de  Sainte-Claire  n'a  pas  plus  d'une  lieue  de  tour ,  &  n'efl  éloignée  que  d'une 
lieue  de  la  Terre-ferme.  Cette  proximité  fit  craindre  au  Général  d\  être 
faroris  par  les  Portugais  (k).  Ses  allarmes  continuelles,  &  la  néceflîté  où 
il  fe  vit  de  brûler  le  Yacht  la  Concorde,  qui  manquoit  d'hommes  pour  la 
manœuvre  (/),  le  déterminèrent  à  fe  rendre  au  Port  du  Defir  (m),  ain- 
fi  nomme  par  Thomas  Candish ,  qui  n'y  étoit  arrivé  qu'après  de  longs 
&  ardens  defirs.  Les  trois  Vaifleaux  le  découvrirent  le  20  de  Septem- 
bre. Ils  y  entrèrent  à  minuit,  en  obfervant  qu'il  y  entroit  &  qu'il  en  for- 
toit  un  courant  très-clair,  &  que  la  marée  y  monte  &  defcend  d'environ 
deux  bralTes. 

De  Noort  avoit  lu ,  dans  la  Relation  de  Candish ,  que  ce  Port  a  quel- 
ques Ifles ,  où  l'on  trouve  une  multitude  de  chiens  marins ,  d'une  grandeur 
extraordinaire  &  d'une  figure  fort  difforme  ;  que  le  devant  de  leur  corps 
ne  pouvoit  être  mieux  comparé  qu'à  celui  des  lions;  que  leur  cou  &  ute 
ta  partie  inférieure  étoient  couverts  d'un  poil  long  &  rude;  que  leurf  p.  >, 
qui  leur  fervoient  de  nageoires,  avoient  à-peu-près  la  forme  des  m:uo.-  ,,u-» 
maines;  qu'ils  faifoient  des  petits  tous  les  mois,  &  qu'ils  les  nourr '.oient 
de  leur  lait  ;  que  bouillis  ou  rôtis ,  lorfqu'iis  font  jeunes ,  ils  ont  le  goût  du 
mouton  on  de  l'agneau  ;  que  les  vieux  font  li  grands  &  fi  robuftes ,  que 
trois  ou  quatre  hommes  ont  à  peine  la  force  de  les  tuer  ;  &  qu'on  ne  par- 
vient effeftivement  à  les  aflbmmer ,  qu'en  les  frappant  droit  fur  la  tête , 
avec  de  gros  bâtons  ou  des  crocs. 

Toutes  ces  obfervations  furent  vérifiées  par  l'expérience  des  Hollandois, 
qui  vifitèrent  l'Ifle  dont  Candish  fait  la  defcription.     Leur  Général  eut  plu- 
fieurs  fois  la  curiofité  de  defcendre  au  rivage  de  la  Terre-ferme.     Il  n'y 
découvrit  pas  d'hommes:  mais  il  vit,  furie  Ibmmet  du  plus  haut  des  ro- 
chers , 


La  Flotte  fe 
rend  au  Porp- 
du  Dcfir. 


Confirma- 
tion du  té- 
moignage de 
Candish» 


Tombeaux 
de  Sauvages. 


(OPag.  T2. 
k)  Pag.  13. 
i)  L'Orisinal  porte  {fii /«(/àft  mm  en  ai- 


[ 


Virs  endroits.  R.  d.  E. 

(m)  A  quaranto-fcpt   degrés  un  quart  de 
Latitude  du  Sud. 

Ce  2 


204 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Olivier  DE 

NOOUT. 

IS99' 


Autres 


Les  Hollan* 
diiis  font  fur- 
pris  pnr  des 
Barbares. 


Cap  de  la 
Vierge  &  la 
Côte. 


chers,  des  tombeaux  couverts  de  pierres  peintes  de  rouge, garnis  dehors^ 
dedans,  d'arcs ,  de  flèches  &  d'autres  armes ,  avec  des  coquilles  aflez  fines 
fous  la  tête  des  Morts.  La  pointe  des  flèches  étoit  armée  d'un  morceau 
de  pierre  dure&  fort  aiguë,  qui  étoit  jointe  avec  beaucoup  d'adrelTe  auro- 
feau  dont  elles  étoient  compofées.  Les  arcs ,  les  flèches ,  les  autres  orne. 
inens,&  les  corps  mêmes  étoient  peints  de  rouge  comme  les  pierres (w). 

[Le  25,  le  Général  envoya  fes  deux  Chaloupes  à  une  Ifle  qui  efl  au  Sud, 
ehviron  à  une  lieue  du  Port ,  où  ceux  qui  avoient  fait  le  Voyage  avec  Tho. 
mas  Candish  difôient  qu'il  fe  trou  voit  une  quantité  extraordinaire  de  pin- 
guins  &  de  chiens  marins.  En  effet ,  les  Holiandois  vérifièrent  qu'on  en 
pouvoit  aifément  charger  des  VailTeaux  entiers.  On  tua  un  grand  nombre 
de  pinguins  à  coups  de  bâtons ,  &  comme  ils  pondoient  alors  leurs  œufs ,  les 
Matelots  enlevèrent,  en  différentes  courfes  qu'ils  firent  dans  cette  Ifle,pluî 
de  cinquante  mille  de  ces  oifeau::,  avec  des  œufs,  qui  fervirent  beaucoup 
à  rétablir  leurs  forces.] 

Le  29 ,  on  s'avança  plus  loin  dans  le  Port ,  près  d'une  Ifle  qu'on  nomma 
Yljîe  du  Roi.  Elle  parut  fort  propre  pour  nettoyer  les  VaifTeaux ,  parceqae 
la  marée  n'y  monte  que  foiblement ,  &  qu'on  y  mouille  fur  un  bon  fond 
d'argile.  Le  5  d'Oftobre ,  de  Noort  fe  fit  conduire  par  deux  Chaloupes 
bien  armées ,  pour  aller  reconnoitre  toute  l'étendue  du  Port.  Il  avança  fi 
loin,  pendant  la  marée,  qu'au  retour  du  flot ,  les  Chaloupes  demeurèrent  à 
fec.  On  ne  vit  paroître  perfonne  ;  mais  on  apperçut  encore  des  tom« 
beaux,  fur  l'un  defquels  on  trouva  deux  grandes  barres  de  fer,  qu'on  prit 
pour  du  fer  d'Efpagne,  &  qui  furent  portées  à  bord.  Le  Pays  efl:  dé- 
fert,  uni,  fans  arbres,  &  n'offre  que  des  traces  de  cerfs  &  de  bufles. 
Les  autruches  y  font  en  fort  grand  nombre  &  très  -  farouches.  On  en 
découvrit  un  nid,  dans  lequel  il  y  avoit  dix -neuf  œufs ,  mais  dont  ïoi' 
feau  s'envola. 

Le  20,  on  crut  voir  des  hommes  vers  la  partie  Septentrionale.  De 
Noort  s'y  tranfporta  auffi-tôt  avec  les  deux  Chaloupes;  &  s'étant  avancé 
dans  le  Pays ,  il  ne  rencontra  perfonne.  11  n'avoit  laiffé  que  cinq  hommes 
pour  la  garde  des  Chaloupes,  avec  ordre  de  demeurer  fur  le  grapin,  à  quel- 
que diftance  du  rivage.  Mais  comme  le  froid  étoit  fort  vif,  ils  ne  laifle- 
rent  pas  de  s'approcher  de  la  terre ,  dans  une  des  Chaloupes ,  pour  trouver 
le  moyen  de  fe  réchauffer.  Une  troupe  de  Sauvages ,  qui  fe  tenoit  en  era* 
bufcade,  parut  tout  d'un  coup,  &  tira  fur  eux  quantité  de  flèches,  dont 
trois  furent  tués  d'abord.  Ces  Barbares  fe  retirèrent  auffi-tôt.  Ils  avoient 
la  taille  fort  haute,  les  cheveux  longs,  la  peau  affez  blanche,  le  vifage 
peint,  &  le  regard  farouche.  Le  Général  ayant  fait  ouvrir  les  Morts,  on 
trauva  que  les  flèches  leur  avoient  traverfé  le  cœur ,  le  foye&le  poumon  (o). 
Toutes  les  recherches  des  Holiandois  ne  purent  lui  faire  découvrir  la  trace 
de  ces  hommes  cruels. 

Après  avoir  pris  tant  de  pinguins  &  de  chiens  marins,  qu'ils  employé» 
rent  tout  le  fel  des  Vaiffeaux  à  les  faler ,  ils  quittèrent  ce  Port  le  29;  &  le 
foir  du  4  de  Novembre,  ils  fe  trouvèrent  fous  le  Cap  de  la  Vierge t  qui  efl: 
,  blanc 

-<w)  Pag.  i|,  {0)  Pafi.  18. 


-.s... 


PAR    LE    SU  D-OUE  S  T,  Liv.  n': 


'ioU 


^jlanc  &  fort  haut.  Il  reflemble  beaucoup  à  celui  de  Douvres.  Toute  la 
Côte,  depuis  le  Cap  du  Defir  jufqua  ce  Cap,  eft  aulîi  blanchâtre.  On 
mouilla  fous  le  Cap ,  fur  dix  brafles ,  à  cinquante-deux  degrés  quarante  mi- 
nutes de  Latitude  du  Sud,  &  l'on  obferva  que  la  marée  y  mente  de  lept  à 
dix  brafles  (/>). 

Quatorze  mois  s'étoient  pafles  à  s'approcher  du  fameux  Détroit  de 
Magellan  ;  Ck  cette  navigation  avoit  coûté  environ  cent  hommes ,  entre 
lefquels  on  avoit  compté  depuis  peu  Huidecoopcr,  Commandant  du  Yacht 
XEfpérance,  Lint,  qui  avoit  commandé  la  Concorde^  fut  nommé  pour  lui 
fuccéder  ;  &  fon  Bâtiment  prit  le  même  nom.  Enfin ,  les  dangers  qui  ref- 
toient  à  craindre  paroiflant  moins  terribles  que  ceux  du  retardement,  on 
réfolut  d'embouquer  le  Détroit,  dont  l'entrée  a  fept  lieues  de  large.  La  pre- 
mière tentative  réuffit  mal,  &  donna  même  lieu  à  de  fâcheux  démêlés  en- 
tre deNoort  &  fon  Vice -Amiral  {q).  Le  13,  elle  fut  recommencée  avec 
auffî  peu  de  fuccès.  Après  avoir  fait  environ  quatre  lieues ,  \qs  trois  Vaif- 
feaux  trouvèrent  le  vent  fi  contraire,  qu'ils  fe  virent  forcés  de  retourner 
derrière  le  Cap  de  la  Vierge,  où  la  Rade  efl:  aflTez  à  couvert  du  vent  d'Ouefl- 
Nord-Ouefl.  Le  15,  la  Concorde  chaiTa  fur  fes  ancres,  &  fut  obligée  de 
pafler  trois  jours  fous  les  voiles ,  courant  bord  fur  bord  jufqu'à  la  Terre  de 
Feu.  Son  Capitaine  étoit  dangereufement  attaqué  du  fcorbut  ;  &  fes  ancres 
mordoient  fi  peu ,  qu'il  fembloit  que  leurs  bras  fufllent  fondus.  Un  troifiè- 
me  effort  qu'on  fit  le  21,  ne  fut  pas  plus  heureux.  On  le  renouvella  le 
22;  &  malgré  le  vent,  qui  ne  ceflbit  pas  d'être  contraire,  on  parvint,  en 
louvoyant  dans  la  bouque,  à  gagner  le  premier  pas,  .ou  le  paflage,  qui  n'a 
qu'une  demie  lieue  de  largeur,  à  quatorze  lieues  Ouéft-Sud-Oueft  &  Efl:- 
Nord-Efl:  du  Cap  de  la  Vierge.  L'Amiral  entra  dans  ce  paflage  ;  mais  il 
fut  repoufle  par  la  force  des  courans  qui  l'empêchèrent  de  le  traverfer.  Les 
trois  Vaifleaux  gouvernèrent  vers  la  Côte  Méridionale ,  dans  l'efpérance 
d'y  laifl'er  tomber  l'ancre.  Mais  ils  furent  emportés  par  la  force  des  cou- 
rans. Les  cables  rompirent  comme  de  fimples  fils  ,  &  le  feu  prit  aux  bit- 
tes. On  fut  contraint  de  remettre  au  large ,  après  avoir  perdu  les  ancres. 
Pendant  la  nuit,  le  tems  étant  devenu  plus  calme,  on  fit  de' nouveaux  ef- 
forts pour  embouquers  mais  avec  aufli  peu  de  fuccès. 

Ce  ne  fut  que  le  24,  avec  une  fatigue  incroyable,  que  l'Amiral  &  le 
Yacht  traverférent  enfin  le  premier  pas ,  tandis  que  le  Vice- Amiral  demeu- 
ra fort  loin  à  l'arrière.  Enfuite  le  Détroit  recommençant  à  s'ouvrir,  plu- 
fieurs  Golfes  y  forment  comme  autant  de  facs,  jufqu'au  fécond  pas,  qui 
peut  avoir  une  lieue  &  demie  de  large ,  &  qui  efl:  à  dix  ou  onze  lieues  du 
premier.  Le  25,  ils  furent  portés  par  le  flot  dans  ce  fécond  paflage,  où 
ils  naviguèrent  avec  un  vent  frais.  Le  côté  Méridional  ofiroit  une  pointe 
de  terre ,  d'où  la  Côte  fuyoit  au  Sud.  Ils  la  nommèrent  le  Cap  de  NaJJ'au  {r). 
Deux  lieues  plus  loin ,  à  rOueft:-Nord-Ouefl: ,  on  trouve  deux  Ifles ,  dans  la 
plus  petite  defquelles,  &  la  plus  avancée  au  Nord  ,  ils  découvrù'ent  des 
nommes.    Quelques  Matelots  y  furent  envoyés  dans  une  Chaloupe.   A  leur 

ap- 


(p)  Ibidtm, 


(f  )  Pag.  19. 
Ce  3 


/r)   Pag.  2Î, 


0LI7IERDB 
NOOHT. 

1599- 


Difficultés 
pour  embou- 
quer  le  Dé- 
troit, 


I.cs  Hollan» 
dois  y  entrent. 


Cap  qu'ils 
noniment 
Naffau. 


tQÔ 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


•Ol.TVtF-n  DE 
NOORT. 

1599- 

lis  abordent 
vn<:  lllc. 


Femmes  6t. 
cnfaiu  qu'ils 
iroiivcnt  dans 
■u!ie  caverne. 


Ce  qu'ils 
niprcnncr.t 
fia  Pays  &  de 
iV.s  riabitans. 


Gcans  an- 
tro^jophugcs. 


Port  dj 

mftic. 


approche,  les  Sauvages  montèrent  fur  les  rochers,  &  leur  jettèrent  des 
pinguins  du  fommet  j  mais  ils  leur  faifoient  ligne  en  même-tems  de  fe  reii- 
rer.  Les  HoUandois,  ne  laiiTant  point  d'avancer,  reçurent  bien -tôt  une 
nuée  de  flèches.  Cependant  ils  defcendirent  dans  l'Ifle,  &  leur  hardieflè 
fit  difparoître  aufli-tôt  les  Sauvages,  lis  apperçurent,  dans  la  pente  de  la 
Côte,  une  caverne,  dont  l'accès  leur  parut  difficile  ;  mais  ils  s'obflinèrent 
à  s'en  approcher  par  des  lieux  fort  efcarpés ,  dans  l'opinion  qu'elle  fervoit 
de  retraite  à  quelques Infulaires.  En  effet,  ils  y  en  trouvèrent  plufieurs,  qui 
fe  défendirent  long-tems  à  coups  de  flèches ,  &  qui  fe  firent  tuer  jufqu'au 
dernier.  Quoique  la  plupart  des  HoUandois  fuflent  blefl*és  ,  ils  entrèrent 
alors  dans  la  caverne,  où  ils  trouvèrent  des  femmes  entaflees  les  unes  fur 
les  autres,  &  fur  leurs  enfans,  pour  les  garantir  des  coups.  On  prit  qua- 
,tre  garçons  &  deux  filles.  Un  de  ces  jeunes  Sauvages  ayant  appris  af. 
fez  proraptement  la  langue  HoUandoife,  on  fçut  de  lui  l'état  &  le  nom 
du  Pays  (j). 

Cette  Nation  s'appelle  Enoo.  Elle  habite  un  Pays  qui  fe  nomme  ù^i. 
La  petite  Ifle  porte  le  nom  de  Talke;  &  l'autre,  qui  efl:  plus  grande,  celui 
de  Cajiemme.  On  y  trouve  une  grande  abondance  de  pinguins ,  dont  les 
Habitons  font  leur  nourriture.  De  la  peau  de  ces  oifeaux ,  ils  fe  font  une 
efpèce  de  manteau  qui  efl  leur  imiqu2  habillement.  Leurs  habitations  font 
des  cavernes ,  qu'ils  creufent  dans  la  terre.  De  Noort  jugea  qu'ils  avoient 
pafFé  du  Continent  dans  ces  Ifles.  Chaque  famille  habite  en  particulier; 
mais  toutes  les  familles  d'une  même  race  '^ "^meurent  dans  le  même  lieu,  & 
forment  un  petit  Peuple  qui  a  peu  de  r-  .âimunication  avec  les  autres.  Le 
jeune  Prifonnier  nomma  trois  autres  races  ;  les  Kemenetes,  qui  habitoient  le 
Pays  de  Kari  ;  les  Kennekas ,  qui  occupoient  celui  de  Karamai ,  &  les  Karai- 
qties,  qui  étoient  en  pofTeffion  d'un  lieu  nommé  Morine.  La  taille  commune 
de  tous  ces  Peuples  elfc,  à-peu-prés,  celle  des  HoUandois  de  moyenne  gran- 
deur. Ils  ont  la  poitrine  large  &  relevée,  le  front  &  le  vifage  peints.  Les 
hommes  laiflent  pendre  leurs  cheveux  fur  le  dos  &  fur  le  front.  Les  fem- 
mes fe  les'  coupent.  Les  peaux,  dont  ils  fe  couvrent,  ne  feroient  pas  cou- 
fues  avec  plus  d'adrefTe  par  nos  plus  habiles  Pelletiers.  On  trouve,  plus 
loin  dans  les  terres,  un  autre  Peuple ,  nommé  Tirimenen ,  dont  le  Pays  s'ap- 
pelle/i'oi».  Les  hommes  y  font  d'une  grandeur  gigantefque,  &  font  fou- 
vent  la  guerre  à  leurs  voifins.  L'Auteur  leur  donne  dix  à  onze  pieds  de 
hauteur,  &  les  croit  Antropophages  (t). 

Le  28,  on  remit  à  la  voile,  pour  s'approcher  du  Continent.  Plufieurs 
baleines  ft  firent  voir  dans  cette  route.  Le  refle  du  Détroit  n'offre  plus 
qu'un  bon  l'ond  pour  les  ancres.  On  découvrit,  en  Terre- ferme,  un  beau 
ruiffeau  qui  traverfoit  le  Pays ,  mais  fans  pouvoir  diflinguer  dans  quel  en- 
droit il  fe  joint  à  la  Mer.  Un  grand  nombre  d'arbres ,  couverts  de  petits 
perroquets,  donnent  un  air  très-riant  à  cette  Côte.  [Les HoUandois  nom- 
mèrent ce  \ie\i Somer-baay ,  ou  Baye  d'Eté.]  Le  29,  ils  levèrent  l'ancre, 
pour  chercher  le  Port  de  Famine ,  où  ils  vouloient  faire  de  l'eau  &  du  bois. 
Ici  la  Côte  s'étend  au  Nord ,  avec  une  grande  pointe  de  terre,  au  Nord  de 

la- 


(O  Pag.  22, 


(0  Pag.  24. 


PAR    LE    SUD-OUES  T,  Liv.  IV. 


ao^ 


moyenne  gran- 


hqa^k  on  trouve,  à  deux  lieues,  un  Golfe,  où  les  Hollandois  s'engagèv 
rent.  Ils  y  prirent  terre,  dans  refpérance  d'y  trouver  PhUippevillt  ^  Fort 
bâti  autrefois  par  les  Efpagnois ,  qui  lui  avoient  donné  le  nom  de  leur  Roi. 
Mais  ils  n'en  découvrirent  aucune  trace  dans  le  parage  ;  le  Détroit  n'a  pas 
moins  de  quatre  lieues  de  largeur.  11  eft  bordé,  des  deux  côtés,  par  de 
hautes  montagnes,  couvertes  de  neige,  qui  ne  s'y  conferve  pas  moins  en 
Eté  qu'en  Hyver.  Le  rivage  eft  revêtu  de  bois ,  dans  lefquels  on  abbatit 
plufîeurs  arbres,  pour  conftruire  une  Chaloupe.  Le  Général  ayant  remarqué 
que  leur  écorce  picquoit  la  langue,  autant  que  les  plus  fines  épiceries ,  en 
prit  quelques-uns,  pour  les  porter  en  Hollande  (t>). 

C  E  Fort ,  que  Thomas  Candish  nomme  Famine ,  du  nom  qu'il  donna  lui- 
même  à  fon  Havre ,  étoitfituéà  cinquante-trois  degrés  dix -huit  minutes. 
Il  avoit  quatre  Baftions,  &  quatre  pièces  de  fonte,  qu'on  avoit  enterrées, 
lorfque  les  Anglois  y  arrivèrent  en  1578.  Candish  les  fit  tirer  de  terre  & 
les  prit.  La  fituation  du  Fort  lui  parut  également  avantagenfe  &  riante  , 
proche  des  bois  &  de  l'eau  ,  dans  l'endroit  le  plu3  commoUe  du  Décroit. 
bn  y  avoit  bâti  une  Egliie  ;  &  les  Efpagnois  y  avoient  exercé  une  févère 
juftice ,  puifqu'on  y  trouva  au  gibet  quelques  hommes  de  leur  Nation.  Us 
avoient  mis,  dans  la  Place,  une  Garnifon  de  quatre  cens  hommes,  pour 
fermer  le  paflage  du  Détroit  à  toutes  les  autres  Nations.  Mais  le  fuccés  fit 
connoître  que  leur  deflein  n'étoit  pas  approuvé  du  Ciel.  Pendant  trois  ans 
qu'ils  employèrent  à  former  cette  Colonie,  ils  ne  tirèrent  aucun  fruit  de 
leurs  femences  &  de  leurs  piantations,  La  terre  fc  refufoit  à  leur  travail, 
&  les  bêtes  féroces  venoient  fouvent  les  attaquer  jufques  dans  le  Fort.  En- 
fin, manquant  de  provifions  &  n'en  recevant  point  d'Efpagne,  la  plupart 
eurent  le  malheur  de  périr  de  faim.  Les  Anglois  trouvèrent  encore  leur» 
cadavres ,  à  demi  pourris ,  &  tous  vêtus  dans  les  maifons.  Ce  grand  nom- 
bre de  Morts,  qui  demeuroient  fans  fépulture,  ayant  infefté  l'habitation, 
ceux  qui  leur  îurvêcurent ,  fe  virent  contraints  de  l'abandonner.  Us  fe  char- 
gèrent de  toutes  les  commodités  qu'ils  avoient  la  force  de  porter;  &  pre- 
nant chacun  leur  fufil ,  ils  allèrent  errans  fur  la  Côte ,  pour  y  chercher  leur 
nourriture.  Ces  Infortunés  pafTèrent  une  année  entière  dans  une  fi  trille  fi- 
tuation ,  vivant  de  feuilles ,  de  fruits  fauvages ,  de  racines ,  &  de  quelques 
oifeaux,  lorfqu'ils  en  pouvoient  tuer.  De  quatre  cens,  leur  troupe  fe  trou- 
vant réduite  à  vingt-trois ,  encre  lefquds  on  comptoit  deux  femmes ,  ils  ré- 
folurent  de  prendre,  à  toutes  fortes  de  rifques ,  le  chemin  de  Rio  de  la  Plata. 
Candish  apprit  ce  détail  d'un  Soldat ,  nommé  Hernandot  qui  étoit  de  leur 
malheureux  nombre,  &  qui  étant  refté  feul  au  bord  du  Détroit,  dans  ïeC' 
pérance  d'y  voir  pafler  quelque  Vaifl!eau ,  tomba  efFeélivement  entre  les 
mains  des  Anglois.  On  a  toujours  ignoré  ce  que  les  autres  étoient  deve- 
nus (a,*). 

Le  12  de  Décembre,  de  Noort  s'avança  fous  une  pointe  efcarpée,  que 
les  Anglois  ont  nommée  Je  Cap  Forward^  &  qui  eil  la  plus  Septentrionale 
du  Détroit.  Quatre  lieues  pIuS  loin ,  il  reconnut  une  grande  Baye,  où  il  fit 
4e  l'eau.    Ses  gens  cueillirent,  le  long  du  rivage,  une  forte  d'herbe  qui 

ref- 


OLTVlERDg 
JNOORT. 

1599' 


FortdoPhi- 

lippcvillc,  u.i 
du  Fairinc. 


Trifle  fort  de 
quatre  cens 
Efpagnois. 


Cnp  For- 
ward,  aUx/C 
dOlivi^r. 


(f  )  Pag.  23. 


(jt)  Pas.  '.17* 


208 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Omvier  DB 

NOORT. 


Rencontre 
de  Scbald  de 
Wecit. 


Cap  Galant. 

Trois  feu- 
les lllcs  dans 
le  Détroit. 


Le  Vice- 

Amiral  fe 
rend  coupa- 
ble. 


Variétés  des 
marées  du 
Détroit. 


reiïembte  au  creflbn  d'eau ,  &  qui  les  foulagea  beaucoup  du  fcorbut.  Que}, 
ques  Matelots  mangèrent  imprudemment  d'une  autre  herbe,  qui  Uur  fit 
perdre,  pendant  quelque-tems,  l'ufage  de  la  raifon.  Toute  cette  Côte  eft 
revêtue  d'arbres.  Le  même  jour ,  on  reconnut  une  autre  grande  Baye ,  que 
le  Général  nomma  la  Baye  d'Olivier.  On  s'y  arrêta  douze  jours ,  à  l'an- 
cre,  pendant  lefqiiels  le  Vice- Amiral,  qui  étoit  demeuré  jufqu'alors  à  l'ar- 
rière, vint  rejoindre  les  deux  autres  Vaifleaux.  Mais  les  Hollandois  fu. 
rent  beaucoup  plus  étonnés,  le  15,  de  voir  paroître  une  voile  étrangère, 
qu'ils  ne  reconnurent  que  le  jour  Tuivant.  C'étoit  un  Vaifleau  de  leur  Na- 
tion ,  commandé  par  Sebald  de  Weert ,  qui  étant  parti  de  Hollande  vers  le 
tems  de  leur  départ,  avoit  pénétré  dans  la  Mer  du  Sud  avec  trois  autresBâ- 
timeiis  de  la  même  Compagnie ,  &  que  le  mauvais  tems  forçoit  de  rentrer 
dans  le  Détroit,  tandis  que  le  refte  de  fa  Flotte  continuoit  de  ternir  la  Mer  (3). 
Ils  s'avancèrent,  le  18,  dans  la  Baye  ,  où  il  avoit  jette  l'ancre  ,  à  trois 
lieues  de  celL-  qu'ils  quictoient.  De  Noort  y  fit  mouiller  proche  d'un  haut 
Cap,  qui  les  Anglois  ont  nommé  le  Cap  Galant.  Cette  Baye  cil  la  meilleu- 
re  du  Détroit.  Elle  contient  une  Ifle,  qui  en  a  deux  autres  fur  la  même 
ligne,  au  milieu  du  Détroit.  Ces  trois  Ifles  font  les  feules  qu'on  rencontre 
dans  cette  route,  depuis  celles  des Pinguins.  On  les  pafle  facilement  &  fans 
danger  ;  la  même  Baye  offre  quantité  de  moules ,  &  de  coquillages  ronds, 
d'un  goût  plus  délicat  que  les  moules.  On  y  trouve  aufîi,  dans  les  ronces 
qui  couvrent  le  rivage,  une  forte  de  grofeilles  rouges,  qui  furent  un  rafraî- 
chiffement  délicieux  pour  les  Equipages. 

Sebald  de  Weert  s'étant  rendu,  le  19,  à  bord  du  Général,  on  réfo- 
lut,  par  fon  confeil,  de  profiter  du  premier  vent,  pour  entrer  dans  la  Mer 
du  Sud.    Les  Vailfeaux  étoient  bien  pourvus  d'eau  &  de  bois.    S'ils  ve- 
noient  à  s'écarter  dans  cette  Mer,  on  nomma,  pour  Rendez- vous,  î'i/îe 
de  Sainte-Marie  f  proche  de  la  Côte  du  ChiJi  ;  &  ceux  qui  s'y  rendroient  les 
premiers,  eurent  ordre  d'y  féjourner  jufqu'à  deux  mois,  pour  attendre  que 
toute  la  Flotte  y  fût  raifemblée.    Mais,  pendant  qu'on  tenoit  ce  Confeil, le 
Vice- Amiral,  qui  en  étoit  aulTi,  fe  déroba  fecrettement ,  pour  retournera 
fon  bord  ;  &  mettant  à  la  voile ,  à  la  faveur  d'un  petit  vent ,  il  laiffa  le  Gé- 
néral fort  étonné  de  la  hardieflTe  avec  laquelle  il  partoit  fans  fon  ordre.    Les 
deux  autres  VaifTeaux  attendirent  jufqu'au  lendemain  à  lever  l'ancre,  avec 
Sebald  de  Weert.     La  marée  leur  étant  devenue  contraire,  ils  furent  for- 
cés de  mouiller  vers  la  Côte  Septentrionale,  fort  loin  de  la  terre,  &dans 
un  parage  fans  abri.     Ils  y  paifèrent  deux  jours  à  faire  des  obfervations  fur 
les  marées ,  qui  leur  parurent  fort  variables.     Le  tems  du  flot  &  de  l'ebbe 
eft  également  incertain.     Quelquefois  l'eau  continuoit,  pendant  l'efpace de 
douze  heures,  à  monte"  ou  à  defcendre;  quelquefois  une  heure  feulement,. 
ou  deux,  ou  trois.     Enfuite,  c'étoit  tout  le  contraire;  &  dans  ces  mouvi;- 
mens  inégaux,  il  fe  formoit  des  ras  de  marée  fort  dangereux.     Le  22,  on 
louvoya  jufqu'au  deffous  d'un  Cap,  qiii  eft  à  la  Côte  Méridionale  du  Détroit, 
&  qui  fait  fentrée  d'une  grande  Baye.    De  Noort  y  fit  jetter  l'ancre,  du 

'     ■>  \  :■       ,  .•  ■      .  .']■""'  côté 

(y)  C'étoit  la  Flotte  de  Jacques  Maliu.    Voyez  nôtre  Note  (?)  ci-deflUs,  pag.  20?. 
R.  d.  E. 


PAR    LE    S  UD-OUES  T,  Liv.  IV. 


ftô9 


«ôté  le  plus  Occidental,  proche  d'une  petite  Ifle,  de  figure  ronde,  derriè- 
re laquelle  on  peut  être  a  couvert  des  vents  d'Ouefl,  dans  une  fort  bonne 
Rade;  mais  fi  profonde,  qu'il  n'ed  pas  aifé  d'y  trouver  fond.  Sebald  de 
Weert,  n'ayant  pu  doubler  ce  Cap,  fut  contraint  de  retourner  au  Cap  Ga- 
lant. De  Noort  fit  l'honneur,  à  cette  Baye ,  de  lui  donner  le  nom  du  Prince 
Maurice.  Le  lendemain ,  il  rejoignit  le  Vice-Ajniral ,  une  demie  lisue  plus 
loin,  dans  une  autre  Baye,  ^u  il  nomma  Baye  de  Henri;  moins  bonne,  par- 
cequ'elle  eft  prefque  fans  abri,  contre  les  vents  d'Oueft  (25). 

Le  28 ,  on  vit  un  exemple  fignalé  de  la  difcipline  Hollandoife.  Dans  un 
Confeil  de  Guerre,  qui  fut  aiTemblé  à  bord  de  1  Amiral ,  il  fut  réfolu  d'arrê- 
ter le  Vice- Amiral ,  &  de  le  foûmettre  à  la  Juftice  Militaire ,  pour  divers 
attentats  qui  bleffoient  l'ordre  établi.  Cette  réfolution  fut  exécutée  ;  on 
rédigea  par  écrit  tous  les  chefs  d'accufation ,  dont  de  Noort  lui  fit  donner 
une  copie ,  en  lui  accordant  trois  femaines  pour  fa  défenfe.  Dans  cet  in- 
tervalle ,  les  Vaifleaux  furent  battus  d'une  rude  tempête,  qui  les  obligea  de 
retourner  à  la  Baye  de  Maurice.  [Le  2  Janvier  i(Joo]  le  Général  prit 
deux  Chaloupes,  pour  vifiter  cette  Baye.  Elle  s'étend  au  Sud-Ell,  par  di- 
vers canaux.  On  y  trouva  beaucoup  de  glaces  j  &  l'on  jugea  qu'elles  s'y 
confervent  toujours,  parcequ'alors ,  au  milieu  même  de  l'Eté ,  une  ligne  de 
dix  braffes  ne  pouvoit  pénétrer  jufqu'au  fond.  Un  canot  de  la  Chaloupe 
du  Général,  s'etant  arrêté  au  rivage,  fut  attaqué  par  des  Sauvages  ,  qui 
tuèrent  deux  hommes,  &  qui  les  emportèrent,  apparemment  pour  les  man- 
ger. Ces  Barbares  font  armés  de  grofTes  mafTues ,  qu'ils  tiennent  attachées 
avec  une  efpèce  de  bretelle ,  &  d'une  forte  de  za^aies ,  ou  de  longues  flè- 
ches de  bois,  qu'ils  lancent  avec  la  main.  Le  bois  du  Nord  de  la  Baye  efl 
moins  propre  à  la  conftruélion  que  dans  la  partie  Orientale.  Les  Chalou- 
pes avancèrent  deux  lieues  à  l'Efl:,  jufqu'au  pied  d'un  Cap,  qui  fe  nomme 
Boïuto ,  d'où  la  vue  s'étend  fi  loin  dans  les  Terres ,  qu'on  croit  voir  la  pleine 
Mer  droitàrOueft-NordOueft,  quoiqu'il  y  ait  environ  vingt  lieues  d'un 
chemin  fort  difficile.  Le  Détroit  n'en  a  que  deux,  dans  cet  endroit.  Un 
vent  impétueux,  qui  s'éleva  le  14  aufoir,  força  les  trois  Vaifleaux  de  re- 
culer encore  jufqu'à  l'entrée  d'une  Baye,  qu'ils  nommèrent  la  Baye  Mennif- 
tf ,  parceque  le  premier  Pilote  qui  la  découvrit,  étoit  un  Anabatifte  de  cet- 
te Sefte.  Us  en  fortirent  le  17  i  mais ,  après  s'être  avancés  l'efpace  de  trois 
lieues ,  ils  fe  retrouvèrent  dans  la  néceliité  de  chercher  une  Rade.  Celle 
qui  s'offrit  la  première,  fut  nommée  la  Baye  Gueufe,  ou  des  Gueux.  Le 
mouillage  y  eft  meilleur  que  dans  aucune  de  celles  qu'ils  avoient  vifitées. 
On  y  voit  un  grand  nombre  d'oyes ,  qui  ne  peuvent  voler  qu'à  fleur  d'eau  , 
&  les  moules  y  font  en  abondance. 

Enfin  le  Vice •  Amiral  ayant  paru  le  24,  pour  défendre  fa  caufe,  fut 
déclaré  coupable,  &  condamné  rigoureufement  à  être  déferté  au  Détroit  de 
Magellan.  Deux  jours  après,  il  fut  conduit  au  rivage  dans  une  Chaloupe, 
avec  une  petite  provilion  de  pain  &  de  vin ,  qui  ne  pouvoit  fervir  à  pro- 
longer long-tems  fa  vie.  On  ne  douta  point  que  fon  fort  ne  fût  bien-tôt 
de  mourir  de  faim,  ou  d'être  pris  &  mangé  par  les  Sauvages  (a).    Après 

l'exé- 
(«)  Pag.  30.  (a)  Pag.  31.     , 

XIF.  Part,  D  d 


OUVTMOI 

Noort. 
1599- 


Baye  de 
Maurice  &  de 
Henri. 


Le  Vice- 
Amiral  cd  ar- 
rêté par  l'or- 
dre du  Con- 
feil. 


1600. 


Cap  Boluto, 


Baye  des 
Gueux. 


Châtiment 
du  Vice-Ami- 
ral. 


J  600. 


Cnp  Dcfi- 
rado,  qui  fait 
la  p-.inte  du 
DC'troit. 


Longueur 
&  pofition  du 
Détroit  de 

Alagclluii. 


EntR'c  des 
IloilanJois 
dans  la  Mer 
du  Sud. 


Ifle  de  la 
Mocka. 


Les  Hbllan- 
«fols  en  vifi- 
tent  les  habi- 
tations.. 


510  VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES     ' 

rexdcution ,  l'Amiral  ordonna  des  prières  publiques ,  &  fit  exhorter  tous  le« 
Equipages  à  profiter  de  cet  exemple.  DeLint  fut  nommé  Vice -Amiral;  ^ 
Lambert  Biejman  prenuer  Commis ,  obtint  à  fa  place ,  le  commandement 
du  Vaififcau  la  Concorde. 

On  remit  à  la  voile,  le  27  de  Février,  avec  un  vent  Ci  favorable,  que. 
tant  forti  de  la  Baye  des  Gueux ,  on  arriva  le  foir  à  la  vue  du  Cap  que  b 
Efpagnols  ont  nommé  Defirado  (/>) ,  fur  la  Côte  Méridionale  du  Détroit.  Sa 
hauteur  ne  permet  pas  de  s'y  méprendre.  On  y  voit  trois  petites  Ifles,  qui 
n'en  font  pas  éloignées.  La  Côte  Septentrionale  fuit  tellement  au  Nord, 
que  de  ce  côté-là  on  ne  le  reconnoît  pas  pour  un  Cap.  Du  même  côté, 
on  rencontre ,  à  quatre  ou  cinq  lieues ,  quelques  petites  Ifles ,  que  les  £f. 
pagnols  ont  nommées  les  Annegadas ,  ou  les  IJlei  notées.  Depuis  le  Cap 
Defirado  jufqu'à  la  Pointe  Septentrionale,  la  largeur  du  Détroit  efl:  d'envi» 
ron  fept  lieues  (c).  Candish  donne  de  longueur  au  Détroit,  environ  qua. 
tre-vingt-dix  lieues  Angloifes ,  de  vingt  lieues  au  degré.  De  Noort  lui  don> 
ne  cent  dix  lieues  d'Allemagne;  di^rence  furprenante,  après  des  cbfer- 
vations  dont  on  vante  également  la  certitude.  L'embouchure  du  Détroit, 
dans  la  Mer  du  Sud ,  eft  à  la  même  hauteur  que  celle  de  la  Mer  du  Nord; 
c'efl-à-dire ,  environ  cinquante-deux  degrés  deux  tiers ,  de  Latitude  Audra- 
le  (d). 

Ce  fut  le  29  du  mois  de  Février,  que  les  trois  Vaifitaux  Hollandofs, 
fe  trouvant  comme  dans  un  nouvel  ordre  d'idées  &  d'opérations ,  gouver- 
nèrent au  Nord-Queft  avec  un  vent  favorable.     Le  8  de  Mars,  on  fit  Ja  r^ 
vue  des  Equipages,  qui  confiftoient  encore  en  cent  quarante-fept  hommei 
Mais,  fix  jours  après,  le  Vice  -  Amiral  difparut.     Le  21,  les  deux  autrei 
découvrirent  les  Terres ,  qu'ils  reconnurent  bien  -  tôt  pour  le  Continent  du 
Chili.    Ce  Pays  leur  parut  beau ,  &  dans  quelques  endroits  fort  bien  culti- 
vé.    Ils  jugèrent  qu'une  Pointe ,  qui  s'avance  dans  la  Mer ,  étoit  celle  d'/j* 
pérîak.  Ville  fituee  plus  loin  dans  les  Terres.     Après  s'être  éloignés  de  cet- 
te Côte,  ils  continuèrent  d'avancer  jufqu'à  la  vue  d'une  Ille,  qui  ne  leur 
■parut  pas  à  plus  de  cinq  ou  fix  lieues  du  Continent.     Vers  le  foir,  iljj 
laififèrent  tomber  l'ancre  fur  quatorze  braflTes.    C'étoit  la  Mocka ,  Ille  de 
grandeur  médiocre ,  au  centre  de  laquelle ,  on  voit  une  haute  montagne, 
qui  s'ouvre  par  le  tnilieu ,  pour  faire  paflage  à  une  Rivière  d'eau  douce. 
On  remarque  d'autant  mieux  cette  ouverture ,  que  le  refte  du  Pays  eft  uni 
jufqu'à  la  Mer.    Les  Hollandois,  ayant  fait  refier  leurs  Chaloupes,  pour 
s'afîurer  du  caraélère  des  Habitans ,  en  obtinrent  divers  rafraîchiffemens  par 
des  échanges.    Un  commerce  de  quelques  jours  les  rendit  fi  familiers  avec 
plufieurs  de  ces  Infulaires ,  qu'ils  ne  firent  pas  difficulté  de  les  fuivre  juf- 
qu'à leurs  habitations.     C'étoit  un  Village  d'environ  cinq  cens  maifons, 
compofées  de  paille,  &  moins  larges  que  longues,  avec  une  efpèce  de  pe- 
tit veftibule  au  milieu.    Quoique  les  Habitans  y  euflfent  conduit  leurs  Hô- 
tes, ils  ne  leur  permirent  point  d'y  entrer,  ni  d'approcher  de  leurs  femmes. 
Cependant  elles  fortirent  auflfi-tôt  de  leurs  maifons  j  &  paroiflTant  fort  doci- 

'  .     -...  V,  ...       le» 


(t)  C'eft  Thomas  Candish  qui  lui  a  don- 
né, ce  uoiu.  Voi'ez  ci-delllw , jfag.  203.  R,  d.  E. 


(O 


Pag. 
Pag. 


34- 
4P« 


PAR    LE    SU  D-OU  EST,  Liv.  IV.' 


lit 


les  à  Tordre  de  leurs  marii,  elles  allèrent  fe  mettre  à  genoux  dam  un  lieu 
peu  éloigné ,  où  elles  fc  parcagcrenc  en  deux  uu  trois  bandes.  Alors  les 
hommes  invitèrent  les  Hollandois  à  s'alfeoir  fur  d^%  blocs  de  bois,  qui  é* 
toient  à  terre.  Une  vieille  femme  apporta,  au  milieu  de  l'aflemblée,  une 
large  cruche ,  remplie  de  leur  breuvage ,  qu'ils  nommoient  Cica.  Les  Hol- 
landois en  burent  avec  plaifir.  Cette  liqueur  qH  compoiée  d'eau  &  de  mays, 
qui  eft  le  feul  bled  du  Pays  (e).    Elle  enivre;  &  les  Infulaires  redoutent  fl 

Eeu  l'ivrefle,  qu'ils  en  font  la  principale  folemnité  de  leurs  jours  de  flte. 
fn  Elpagnol,  qui  s'étoit  fauve  du  naufrage  d'une  Barque,  ayant  été  reçu 
dans  cette  Ide ,  y  vivoit  depuis  trois  ou  quatre  ans  ;  mais ,  lorfque  fes  Pro» 
teéleurs  étoient  ivres ,  il  prenoit  le  parti  de  fe  cacher ,  parcequ'il  leur  con- 
noiiToit  un  fond  de  haine  pour  fa  Nation ,  qui  lui  faifoit  tout  craindre 
d'eux  dans  cet  état.  Il  n'y  avoit  fubfiflé,  (i  ion^-tems,  que  par  le  fe- 
cours  d'une  des  principales  filles  du  Pays,  donc  il  s'étoit  attiré  l'afFec- 
tion ,  &  qui  le  cachoit  lorfqu'elle  croyoit  cette  précaution  néceflaire  à  fa 
fureté  m. 

Ces  Infulaires  prennent  autant  de  femmes  qu'ils  peuvent  en  nourrir.  Ils 
vivent  enfemble  avec  beaucoup  de  paix  &  d'union  :  mais  s'il  fe  commet 
quelque  meurtre  dans  l'IOe ,  les  Parens  du  Mort  font  en  droit  de  tuer  celui 
qui  1  a  tué,  s'il  ne  les  appaife,  en  s'obligeant  de  leur  fournir  annuellement 
une  certaine  quantité  de  cica.  Leurs  ufages  reflemblent  beaucoup  à  ceux 
des  Habitans  du  Chili ,  qui  ne  vivent  pas  fous  la  domination  Efpagnole.  Ils 
fe  font  des  robbes  de  la  Jaine  d'une  efpèce  de  brebis ,  qui  1  ont  fi  longue 
qu'elle  pend  prefque  jufqu'à  terre.  Ces  animaux  leur  fervent  de  bêtes  de 
charge:  mais  lorfqu'ils  font  fatigués,  il  n'y  a  point  de  coups  qui  puiiFent  les 
faire  marcher.  Ils  tournent  la  tfcte  vers  celui  qui  les  frappe,  en  exhalant 
vers  lui  une  très  mauvaife  odeur.  Les  Infulaires  n'en  voulurent  point  ven- 
dre aux  Hollandois.  Cependant  ils  leur  en  amenèïent  d'autres ,  femblables 
aux  brebis  de  l'Europe  &  fore  gralTes.  De  toutes  les  marchandifes  qu'on 
leur  préfenta,  ils  choifirent  toujours  des  haches,  des  couteaux,  &  toute» 
fortes  d'ouvrages  de  fer ,  parcequ'ils  les  vendoient  fort  cher  aux  Peuples  du 
Continent  (s)- 

Les  Hollandois  partirent  de  leur  Ifle  (A),  en  bonne  intelligence  avec 
eux,  &  firent  voile  vers  celle  de  5fl/«re-A/aw,  qui  n'en  eft  qu'a  dix -huit 
lieues,  lis  la  reconnurent  le  même  jour;  mais  ils  découvrirent  en  même- 
tems  un  Vaifleau  qui  étoit  à  la  Rade,  &  qu'ils  prirent  d'abord  pour  leur 
Viie-Amiral.  En  s'approchant ,  ils  diftinguèrent  bien  -  tôt  que  c  étoit  un 
Efpagnol ,  fur-tout  aux  efforts  qu'il  fit  pour  les  éviter.  Ils  fe  crurent  inté- 
relTés  à  le  fuivre,  pour  empêcher,  s'il  étoit  polTible,  qu'il  ne  portât  la  nou- 
velle de  leur  arrivée  aux  Eipagnols  des  Ports  voifins.     Cette  chafle  les  écar- 


Of.TVIFR  Bl 
NnOHT. 
1  600. 

Brciivnge 
d'une  coinpo- 
fition  d(igou-  . 
tante. 


Efpaf^ol 

Su'on  trouve 
ans  cette 
lile. 


(e)  Voici  la  manière  dont  l'Auteur  alTurc 
qu'elle  fe  braffe.  „  Les  vieilles  femmes  qui 
.,  n'ont  prefque  plus  de  dents,  mâchent  le 
5,  may,^,  &  l'ayunt  huiiiefté  de  leur  fulive, 
„  qu;  fert  de  ferment,  le  mettent  dans  des 
I,  futailles  qu'on  remplit  d'eau.   Plus  les  fein- 


ta 


„  mes  foni  vieilles,  plus  le  breuvage  eftclti" 
j,  mé  ".  Ibidem ,  pag.  42. 
(/)  Pag.  44. 


[f  ]  '^'-  '' 


A  tieute-liUit  degrés,  ou  m  peu  plus. 


Brebis  qui 
fervent  de  bê- 
tes de  charge. 


LesHoIIaij. 
dois  prennent 
un  Vaifleau 
Jifpaguol. 


Dd  2 


M 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES» 


Oliviir  di 

NOORT. 

iCoo. 


Krrcur  des 
.incicnnes 
Cart.s  fur  la 
filiation  de 
Sainte-Marie. 


Val-ParaHb , 
Port,  de  Saint- 


Fertilité  du 
Pays. 


Baye  de 
Puerto  Lag- 
nafco. 


Ses  e-'Tcel- 
Icns  friiiis. 


ta  du  rendez-vous  qu'ils  s'écoient  donné  dans  ride  de  Sainte- Marie.  l^]g^ 
ayant  joint  le  Bâtiment  qu'ils  pourfuivoient ,  ils  n'eurent  pas  de  peine  à  s'en 
faiHr.  Le  Général ,  qui  conçut  tous  les  avantages  qu'il  pou  voit  tirer  de  cet- 
te çrife,  donna  ordre  que  fes  Prifonniers  fuflcnt  traités  avec  douceur.  Leur 
Vaifleau,  qui  fe  nommoit  El-buon- Je/us  ^  étoit  d'environ  foixante  tonneaux, 
&  portoit  des  vivres  aux  Ifles  de  la  Conception  &  d'^rauco  (i),  où  leur  Na- 
tion taifoit  la  Guerre  aux  Indiens. 

Il  devint  impoflîble  auxllollandois^  de  furmonter  les  vents  qui  les  éloi- 
gnoient  de  Saijitc-Marie.  Ils  prirent  la  réfolution  de  fe  rendre  au  Port  de 
Saint-Jago^  nommé  fal - Paraiju ^  à  trente- trois  degrés.  Cette  manœuvre 
acheva  de  les  féparer  de  leur  Vice-Amiral ,  qu'ils  ne  revirent  plus.,  &  dont 
ils  n'apprirent  même  aucune  nouvelle.  Ils  jugèrent  qu'il  n'avoit  pu  relâcher 
non  plus  à  Sainte-Marie,  parceque  dans  les  Carte» cette lile étoit  placée 3 
trente-fix  degrés  de  Latitude  du  Sud,  &  que  par  leurs  propres  obfervatioM 
ils  l'avoienc  trouvée  à  trente-fept  degrés  quinze  minutes.  En  eflfet,  leGé» 
néral  n'auroit  pas  été  plus  heureux  àla  reconnoître,  s'il  n'avoit  eu  les  écriti 
des  Anglois  pour  diriger  mieux  fa  courfe.  Un  autre  Bâtiment  Hollandois, 
delà  même  Flotte  que  Sebald  de  Weert,  s'y  étoit  trompé;  &  fon  erreur 
l'ayoit  fait  tomber  entre  les  mains  des  Efpagnols.  De  Noort  apprit  de  fei 
Prifonniers,  que  ce  Vaifleau,  nommé  le  Cer/volant^,  &  commandé  par  Dira 
Gerritfz ,  avoit  été  conduit  à  Callao ,  Port  ds  Lima. 

Le  28,  les  Hollandois  s'avancèrent  jufqu'à  Corona,  qui  n'ed  au'à  tiois 
lieuea  de  Val-Paraifo.  La  Ville  de  Saint- Jaço ,  dont  ValParaifo  efl;  le  Port, 
eft  fîtuée  dix-huit  lieues  plus  loin  dans  les  1  erres.  Les  environs  font  rem* 
plis  de  vignobles,  dont  le  vin  a  le  goût  &  la  couleur  des  vins  rouges  de 
France.    On  y  trouve  auffi  beaucoup  de  pommes  &  de  coins.     Les  brebis, 

3ui  font  en  très-grand  nombre  dans  ce  Canton^  y  fourniflent  d'excellent  fuif, 
ont  on  charge  des  Vaifleaux  entiers.     En  un  mot ,  le  Pays  efl;  d'une  rarj 
fertilité.  De  Noort,  s'étant  approché  du  Port,  y  trouva  deux  Bâtimens  lu* 
diens,  dont  il  tira  des  vivres.    Sur  le  bord  du  rivage,  iL  ne  vit  qu'une  féa- 
le Loge,  qui  fervoit  de  retraite  aux  marchandifes  qu'on  vouloit  embarquer. 
N'ayant  pas  d'autre  avantage  à  tirer  d'un  lieu  H  défert ,  il  leva  l'ancre,  a- 
près  y  avoir  reçu  des  lettres  du  Capitaine  Dirck  Gerritfz ,  qui  lui  faifoit  uile 
vive  peinture  de  la  mifèrc  où  iJ  vivoit  à  Lima  (^k).    Le  premier  d'Avril,  U 
entra  dans  une  grande  Baye,  nommée  Puerto-Lagnafco ^  a  vingt-huit  degrés 
trente  minutes  du  Sud.    La  Rade  en  efl:  û  bonne,  qu'il  prit  le  parti  d'y 
faire  de  l'eau,  quoique  tous  les  Indiens  du  Pays  reconnuflent  la.  domination 
Efpagnole.    On  voit  peu.  dç  maifons  &  peu  d'arbres  fur  le  rivage  ;.  mais  le 
Pays  efl:  fort  habité  dans  les  Terres.    Il  y  croît  toutes  fortes  de  fruits,  fur- 
tout  du  raifm,  des  figues,  &  des  melons,  de  beaucoup  meilleur  ^oût  que 
ceux  de  l'Europe.    Les  fervices  que  de  Noort  avoit  reçus  de  fes  Prifonniers 
Efpagnols ,  par  des  informations  qui  avoient  réglé  fa  route ,  le  portèrent  à 
leur  rendre  ici  la  liberté,  à  l'exception  du  Pilote  &  de  quelques  Efclaves 
Nègres  qu'il  retmt  dans  d'autres  vues.    En  congédiant  Dom  Franclfco  d'/* 

vara, 


(i)  Arauco  eft  proche  la  Côte  du  Chili, 
quatre  Ucucs  au-deûus  de  Sainte-Maxie. 


(*)  L'Auteur  n'explique  pointpar  qucUs 
Yoye  il  reçut  ces  Lettres. 


PAR    LE    S  U  D  -  0  U  E  S  T,  Lxv.  IV. 


arj 


Or.miRDi 

NOORT. 

1600. 

Lumières 
que  les  Hol- 

laiulois  lircnt 
d'un  Pilote 


EclaircifTc- 
mens  qu'il- 
donne  fur  la 


tarât  Capitaine  du  buon-^efus ^  il  le  combla  de  carefles  &  de  préfens,  pour 
l'engager  par  la  rccoimciitance  à  procurer  de  meilleurs  traitemens  au  Capi- 
«aine  Dirclc  Gerritfz  (/). 

Outre  ce  motif,  auquel  cet  Officier  dût  la  liberté,  de  Noort  croyoic 
s'être  apperçu  que  le  Pilote  Elpagnol  dcoit  un  homme  éclairé  &  naturelle- 
ment ouvert;  mais  que  la  préience  du  Capitaine  étoit  un  frein  qui  retenoit 
fa  langue.  Il  fe  flatta  qu'étant  feul  à  bord ,  on  auroit  moins  de  peine  à  ti-  lifpagnol 
rer  de  lui  quantité  de  lumières,  dont  la  néceflltc  augmcntoit  de  jour  en  jour, 
&  pour  lelquelles  il  auroit  été  trop  odieux  d'employer  la  violence.  En  ef- 
fet, ce  Pilote,  qui  fe  nommoit  Juan  de  Santaval ^  déclara  volontairement 
qu'il  y  avoit  à  Lima  trois  Vaifleaux  de  Guerre,  prêts  à  faire  voile  aufli-tôt 
qu'ils  apprendroient  l'arrivée  de  quelques  Navires  étrangers  ;  qu'ils  avoienc 
ordre  de  les  attaquer  fans  diftinilion  ^  pour  conferver  à  1  Efpagne  le  Domai- 
ne abfolu  de  cette  Mer  ;  que  ces  Vaifieaux  étoient  d'une  grandeur  confidé- 
rable,  armés  chacun  de  vingt -quatre  pièces  de  fonte,  &  de  plus  de  trois 
cens  hommes  d'Equipage  ;  enfin ,  qu'il  y  avoic ,  dans  le  même  Port ,  deux  au- 
tres Bâtimens,  dellinés  à  charger  l'argent  du  Roi  (m). 

Des  informations  fî  graves  déterminèrent  auffi-tôt  le  Général  Hollandois 
^.  tourner  fes  voiles  vers  le  Cap  de  Saint- François  ^  qui  efl  à  la  hauteur  d'un 
degré  &  demi  de  Latitude  du  Nord,  &  par  où  pu  lent  tous  les  Vaifleaux  côtê"dù"chîu 
qui  viennent  de  Lima,  de  Panama  &  d'Acapulco.  Pendant  toute  l'année,  &  du  Pérou, 
les  vents  alifés  foufflent  fur  cette  Côte.  Mais  Juan  de  Santaval ,  fe  croyant 
condamné  par  fon  fore  à  ne  rien  diflimuler  aux  Uollandois ,  joignit  à  cette 
déclaration ,  des  éclaircifTemens  fur  toutes  les  Côtes  du  Chili  &  du  Pérou , 
que  de  Noort  s'attacha  lui-même  à  recueillir,  &  qui  donnent  beaucoup  de 
prix  à  fa  Relation.  Ce  feroit  lui  en  dérober  l'honneur,  que  de  les  renvoyer 
a  la  partie  de  ce  Recueil  qui  doit  regarder  l'Amérique  ;  d'autant  plus  qu'a- 

Ïant  fervi  à  régler  fa  navigation,  elles  appartiennent  nécefTairement  à  fon 
ournal.  Il  fuffira,  au  contraire,  dans  l'Article  du  Pérou,  d'avertir  qu'or» 
peut  trouver  ici  un  fort  bon  fupplément  pour  les  Relations  Efpagnoles.  On 
s'attache  littéralement  à  fuivre  de  Noort ,.  fans  autre  changement  que  celui 
de  quelques  expreflions. 

Chibve  eftfituée  à  quarante-quatre  degrés  de  Latitude  du  Sud,  dans  un 
Golfe  tout  femé  d'Ifles.  C'eft  une  grande  Ifle,  habitée  fur  fes  bords  par  les  bve. 
Efpagnols ,  qui  n'y  ont  point  d'autre  Maître  qu'un  Gouverneur  de  leur  Na- 
tion. Il  y  avoit  alors  un  an,  que  les  Efpagnols  du  Continent  ignoroient  ce 
ui  fe  pafloit  dans  l'Ifle  de  Chibve.  On  y  trouve  beaucoup  de  brebis ,  dont 
e  font  les  meilleures  étoffes  du  Chili,  &  cette  Ille  en  efl  la  dernière 
terre. 

OsoRNE  efl  une  Ville  du  Continent,  afTez  éloignée  du  rivage ,  à  quaran» 
te-deux  degrés.  On  y  fabrique  des  étoffes  de  laine  &  des  toiles.  Les 
Efpagnols  y  ont  un  Gouverneur. 

ViLLA-RiccA  eft  aulTi  dans  les  Terref,  vingt  ou  trente  lieues  a  l'Efl  de 
Baldivia.    On  y  fabrique  quantité  de  toil.'^s  &  d'étoffes  à  l'Indienne,  dont 

le 


..  i 


Ifle  de  Chi- 


?; 


Oforne. 


Villa-Ricca, 


(owg-  5a. 


Dd3 


(m)  ?ag.  52  &  53' 


ÎI4 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Or.TVIEK  DE 
NoORT. 

I  (5  o  o. 

Baldivia. 


Liipérialc. 


Angol. 


Taccabel. 


Cap  de 
Lavapie. 

La  Con- 
ception & 
Silao. 


Coqnînibo. 


Moro-Mor- 
rcijo. 


le  commerce  s'étend  dans  tout  le  Pays ,  particulièrement  à  Coquinibo  ^ 
dans  les  Places  voifines.     )..-;■  ; 

Baldivia  eft  fituée  à  quarante  degrés,  fur  le  bord  d'une  Rivière,  qui 
coule  encore  refpace  de  quatre  lieues  jufqu'à  la  Mer.  Son  Canton  eft  riche 
en  Mines,  d'où  l'on  tire  beaucoup  d'or.  On  y  fcie  quantité  de  planches, 
qui  fe  tranfportent  à  Lima  &  dans  d'autres  lieux.  Entre  Baldivia  &  Im, 
périale ,  on  trouve  une  efpèce  de  Sauvageî^ ,  nommés  Toltiins.  Lorfque  les 
Efpagnols  entrèrent  dans  Impériale,  cette  Ville  avoit  plus  de  trente  mille  (n) 
Habitans ,  dont  vingt  Efpagnols  ne  tuèrent  pas  moins  de  vingt  mille.  Ces 
Malheureux  fe  laiflbient  tuer  ,  parcequ'ils  croyoient  que  leurs  Ennemis  é. 
toient  immortels.  Ils-s'étoicnt  révoltés  depuis  plus  d'un  an,  &  les  Efpagnols 
fembloient  difpofés  à  les  laifler  libres.  La  Rivière,  qui  paife  dans  leur 
Ville ,  eft  fi  baffe  à  l'embouchure  ,  qu'elle  ne  peut  recevoir  de  Vaiffeaux. 
Impériale  eft  à  cinq  ou  lîx  lieues  dans  les  Terres,  à  trente  degrés  trente  mi- 
nutes  de  hauteur. 

Angol  eft  à  trente  lieues  d'Impériale  &  à  douze  de  la  Conception.  On 
y  fabrique  des  étoffes,  &  l'on  y  trouve  de  l'or;  mais  la  Guerre  fermoit  alois 
l'accès  des  Mines.  :•: 

TuccABEL,  Ville  du  Chili,  entre  les  Ifles  de  la  Mocka  &  de  Saint?. 
Marie,  n'a  qu'une  fort  petite  Rade.  Mais  comme  la  Cote  eft  unie,  on  y 
jette  l'ancre  aifément.  Les  Indiens,  feuls  Maîtres  d^  cette  Place,  lagar- 
doient  fi  foigneufement,  qu'ils  n'en  accordoient  pas  même  l'entrée  aui 
Efpagnols.     Sa  fituation  eft  à  trente-fept  degrés  trente  minutes. 

Le  Cap  de  Lavapie  fait  face  à  l'Ille  de  Sainte  -  Marie ,  dont  il  eft  éloigné 
d'environ  deux  lieues.  Il  eft  défert;  quoiqu'il  renferme  une  Rade,  qui  eft 
à  l'abri  des  vents  du  Sud. 

La  Conception,  Place  fituée  fur  le  bord  de  la  Mer,  eft  la  réfidence  d'un 
Gouverneur  Efpagnol.  On  en  tire  autant  d'or  que  d  aucun  autre  endroit 
de  l'Amérique.  Elle  eft  à  trente  lieues  de  Silao,  Ville  enfoncée  dans  les 
Terres,  -d'où  Ton  tire  peu  d'or,  mais  où  le  vin  &  les  fruits  font  en  abon- 
dance. Les  Efpagnols  y  étoient  fort  expofés  aux  infultes  des  Indiens.  Silao 
reffemble  beaucoup  à  Saint- Jago ,  qui  eft  la  principale  Place  du  Chili,  &!« 
réfidence  d'un  Evêque.  •;i;vn-.  ■*: . - 

Coquinibo  eft  une  Ville  à  foixante  lieues  de  Saint- Jago ,  où  les  Mm 
d'or  font  en  abondance,  mais  dont  le  Pays  avoit  été  fi  dépeuplé  parles 
Efpagnols ,  qu'il  ne  reftoit  plus  affez  d'Habitans  pour  y  travailler.  Il  produit 
d'ailleurs  beaucoup  de  vin  &  de  fruits.    La  Ville  eft  à  trente  degrés. 

MoRO-MoRRENO ,  Ville  maritime  à  trente- trois  degrés  (o)  étoit  alors  dé- 
ferte.  Les  Habitans  des  lieux  voifins  y  venoient  pêcher ,  &  vendoient  leur 
poiffon  lec  à  des  Nations  plus  éloignées.  Candish  les  nomme  des  gens  fim- 
pies  ,  qui  vivent  en  vrais  Sauvages.  Leurs  demeures  ne  font  compofées 
que  de  peaux  de  bêtes ,  qu'ils  étendent  fur  la  terre  ,  &  fur  lefquelles  ils 
mettent  quelques  fourches,  avec  des  perches  en  travers,  pour  foûtenir  des 
feuilles  d'arbres  qui  leur  fervent  de  toîc 

Rio- 

(n)  Il  yatrois  cens  IBÙllc  dansTOriginal.         (o)  Dans    l'Original,  vingt  -  trois  dcgrÔJ 
&.  d.  £.  trente  iiunutcs.    A.  d.  £. 


o 
© 


!>AR    LE    SUD-O  UES  T,Liv.  ÏV.  215* 

Rto-LoA,  Place  fituée  à  vingt-deux  degrés,  n'eft  connue  que  par  la  pê- 
che ,  dont  fes  Habitans  font  leur  feule  occupation.    ^  ^  Jîm  t  * 

TerraPaca  eft  à  vingt-un  degrés.  Son  Port  fe  nomme  Icaifa.  On  y 
pêche  beaucoup  de  hareng. 

Arica  ,  Ville  maritime  où  fe  charge  prefque  tout  l'argent  qui  v'ent  du' 
Potofî ,  &  qui  fe  tranfporte  à  Lima ,  efl  fituée  à  -dix-huit  degrés  quarante 
minutes.    Elle  efl  défendue  par  un  Fort  Efpagnol. 

PuNTA  DE  HiLO  étoit  autrefois  le  Port  de  Potofi.  Il  y  refte  quelques  ha- 
bitations ,  d'où  l'on  tire  de  la  farine  &  d'autres  vivres. 

CiLocA  eft  un  Port ,  dont  l'entrée  confifte  dans  un  Canal  fort  étroit.  C'eft 
le  W^vreà'Arequipà,  grande  Ville  &  bien  peuplée,  à  dix-fept  degrés 
trente  minutes.  On  y  trouve  du  vin,  du  froment,  toutes  fortes  de  fruits, 
des  brebis  &  des  mulets. 

Camana,  îix  lieues  plus  loin  fur  la  Côte,  produit  beaucoup  de  vin  &  de 
fruits.    On  y  fabrique  diverfes  marchandifes ,  qui  fe  tranfportent  à  Chiloa. 

OcoNOE  eft  une  Place  maritime,  avec  une  vallée  remplie  de  vignobles. 

Los-LoMos  de  Attico  eft  une  grande  colline,  derrière  laquelle  on  trouve 
une  efpèce  de  Rade.    Acari,  Ville  peuplée,  eft  fituée  fur  cette  colline. 

La  Nefca,  bon  Port,  voifin  de  Puerto  San-Nicolas ^  offre  une  Ville  de 
même  nom,  où  l'on  trouve  les  meilleurs  vins  du  Peron  &  du  Chili. 

Paraco  &  Pifeo  font  deux  Ports,  fort  voifins,  à  trente-un  degrés  (/>), 
trente  minutes.    Leur\'ille,  qui  fe  nomme  Ica,  en  eft  à  dix -huit  lieues 
dans  les  Terres.    On  y  .-ecueille  plus  de  vin  que  dans  aucun  autre  Cantoft 
du  Pérou. 

Chinca  eft  un  autre  Port  fur  la  même  Côte,  av.'C  une  Ville  qui  fournit 
quantité  de  mercure. 

Celle  de  Cangueta,  qui  la  fuit,  fournit,  en  abondance ,  du  froment ,  du 

fnays  ,  du  fromage ,  &  diverfes  fortes  de  fruits. 

Callao,  ou  le  Port  de  Lima,  eft  une  Ville  confidérable,  à  douze  degrés 
vingt  minutes ,  avec  un  Port ,  dont  la  Rade  pafle  pour  la  plus  grande  & 
la  plus  fûre  de  toute  la  Mer  du  Sud.  Elle  n'eft  qu'à  deux  lieues  de  Lima. 
Il  ne  pleut  jamais  dans  ce  Canton  ;  du  moins  lesEfpagnols  ne  fe  fouvenoient- 
ils  pas  d'y  avoir  vu  pleuvoir ,  depuis  qu'ils  y  étoient  établis  ;  ce  qui  n'em- 
pêche pomt  que  la  terre  n'y  foit  d  une  extrême  fertilité.  Chaque  épi  de  bled 
produit  deux  fois  pl's  qu'en  ETpagne,  &  l'on  y  recueille  deux  moiflbns 
chaque  année. 

Gavre  eft  un  Port,  deux  lieues  au-defîbus  des  falines  de  Lima,  qui  font 
fur  la  Côte,  à  dix  lieues  de  cette  Ville,  &  où  l'on  trouve  du  fel  dans  une 
vallée  fans  eau. 

La  Baranqua ,  autre  Port ,  à  onze  degrés ,  fournit  beaucoup  de  froment  ; 
comme  celui  de  Guarmei,  qui  en  eft  voifm,  donne  du  charbon  de  terre  (q). 
Santa  eft  une  Ville  bien  peuplée  d'Efpagnols ,  où  l'on  trouve  du  froment , 
du  mays,  du  miel ,  du  fucre  &d'ai  "^^res  marchandifes.    Depuis  quelques  an- 
nées, on  y  avoit  découvert  une  Miie  d'argent. 

;:   4.  1.     ■!'■..:■   '^t;-...,.-      •  •;         •.:•■:  Truxil- 


Oltvier  01 

NOOST. 

1600. 
Rio-Loa. 
Terrapaca. 
Arica. 

Puntadtllilo. 

Qloca. 

Arequipa. 

Camai:a, 

Oconge. 
Los-Lomos. 
Acari. 
La  Nefca. 

Paraco  &- 
Pifco.. 


Chinca.- 
Cangucta, 

Callao  de 
Lima. 


Gavrc. 


La  Baranqua' 
&Guarmci.    - 

Santa, 


(p)  Trente-deux  degrés.  R.d.E, 


(j)  L'Original  dit  du  charbon  de  bois.  R.  d.E»- 


ftl5 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Olivier  Di 

NOOJIT. 

1600. 
Truxillo. 

Paita. 


IiledePiina 
&  Guaiaquil. 


Guaîaquil- 
Vechio. 


Panama. 


Lettres  in- 
terceptées , 
3ui  inflruifent 
e  Noort  de 
l'état  des 
Efpagnols. 


Truxillo  eft  la  Capitale  de  trois  ou  quatre  petites  Villes,  fituées  furia 
Côte,  dont  les  Ports  font  des  efpèces  de  Bayes,  où  l'on  charge  du  miel, 
des  conferves,  du  favon  d'Efpagne,  «Se  du  cuir.  Coerepe  eft  celle  où  l'on 
en  chatge  le  plus. 

Paita  eft  une  autre  Ville,  avec  un  Por:  où  relâchent  les  Vaifleaux  depj. 
nama,  dans  leur  route  au  Port  de  Lima.  On  y  fait  une  pêche  confidéra- 
ble.  Les  Anglois,  conduits  par  Candish,  brûlèrent  cette  Place,  &  toutei 
les  marchandifes  qu'on  y  avoit  raflemblées. 

L'IsLE  de  Puna  divife  l'embouchure  de  la  Rivière  de  Guaîaquîl^  qui  a, 
fur  fes  bords,  une  Ville  du  même  nom,  où  l'on  conftruit  un  aflez  grand 
nombre  de  Vaifleaux.  Les  Efpagnols  y  entretiennent  une  Garnifon ,  pour 
la  fureté  des  Ouvriers.  On  fabrique,  dansl'Ifle  dePuna,  des  cordages  & 
toutes  fortes  d'agrets.  La  Rade  y  eft  commode ,  foit  pour  le  mouillage,  ou 
pour  les  exercices  du  travail.  Candish  raconte  qu'ayant  pénétré  jufqu'à  k 
demeure  du  Cacique^  ou  Seigneur  de  l'Ifle,  il  fut  furpris  de  trouver  uneMaifop. 
bien  ordonnée ,  avec  de  belles  cours,  &  de  grands  appartemens ,  accompagnés 
jd'agréables  galeries,  dont  la  vue  donnoit  fur  la  Mer.  Le  bas  contenoit 
?jne  fpacieufe  falle,  qui  étoit  terminée  par  un  vafte  magafin,  rempli  de  brai 
&  de  godron.  Tous  les  Habitans  de  1  Ille  étoient  Efclaves  de  ce  Cacique. 
II  avoit  époufé  une  très-belle  Efpagnole ,  à  qui  l'on  rendoit  des  honneurs  ex- 
traordinaires ;  &  qui  avoit  converti ,  à  la  Foi  Chrétienne ,  fon  Mari  &  tous 
fes  Sujets.  On  voyoit,  autour  de  fon  Palais,  environ  deux  cens  maifons, 
&  le  même  nombre  à-peu-près  dans  deux  autres  Villages  de  l'Ifle.  Candish 
la  trouva  prefqu'auflî  grande  que  l'Ifle  Angloife  de  Wight.  À  peu  de  diftaç. 
ce,  on  rencontre  une  autre  Place,  nommée  Guaiaquil -Fecbio,  ou  le  Vieu- 
Guaiaquil ,  première  habitation  des  Efpagnols  au  Pérou.  Depuis  cette  an- 
cienne Ville  jufqu'à  Panama,  la  Côten'eft  habitée  que  par  des  Indiens,  & 
n'a  point  de  Port  remarquable  par  fa  lltuation  ou  ion  Commerce. 

La  fameufeVille  de  Panama  ,(r),  où  viennent  paflTer  toutes  les  richefles 
du  Chili  &  du  Pérou ,  eft  fur  la  Baye  du  même  nom ,  à  deux  lieues  de  foa 
Port.     On  y  conftruifoit  alors  un  grand  nombre  de  Vaifl'eaux. 

En  générai,  le  Chili,  depuis  Saint- Jago  jufqu'à  Baldivia,  eft  une  des 
plus  fertiles  Parties  de  la  Terre.  Tout  ce  qu'on  y  plante,  croît  avec  une 
fécondité  merveilleufe.  L'air  y  eft  fi  fain,  que  les  m?'-  ,1  is  y  font  très- 
rares;  &fifubtil,  qu'une  épée  mouillée ,  qu'on  remet  dw^s  Je  fourreau,  y 
féche  fans  fe  rouiller  (j). 

De  Noort,  ayant  profité  de  ces  inftruftions  pour  vifiter  toute  la  Côte, 
intercepta  des  Lettres  qui  contenoient  divers  éclaiiciflemens  fur  la  Guerre 
que  les  Efpagnols  avoient  à  foûtenir  contre  les  Indiens.  Une  partie  de  ces 
Peuples  avoit  fécoué  le  joug.  Ils  s'étoient  faifis,  le  24  de  Novembre  de 
l'année  précédente,  de  la  Ville  de  Baldivia,  qu'ils  avoient  rafée,  après  y 
avoir  fait  une  cruelle  boucherie  de  leurs  anciens  Vainqueurs.  Leur  retrai- 
tjB  avoit  laifle  aux  Efpagnols  le  tems  de  s'y  rétablir  j  mais  Impériale  étoit 
■      '       '  alors 


(f)  C'ed  l'ancienne  Panama,  qui   a  été 
détruite  en  i<57o.    La  nouvelle  en  eft  à  qua- 


tre lieues,  à  huit  degrés  quarante  minutes c 
Latitude, 
(x)  Pag.  63  &  précédentes. 


PAR    LE    S  UD-O  U  E  S  T,  Liv.  IV. 


217 


alors  aflîégée  par  les  mêmes  Indiens.  Les  vivres  y  manquoient.  On  y 
avoit  déjà  mangé  jufqu'aux  chevaux,  &  quantité  d'Efpagnols  y  étoient 
morts  de  faim.  Ces  trilles  nouvelles  étant  les  dernières  qu  on  en  avoit  re- 
çues, il  y  avoit  beaucoup  d'apparence  que  les  Indiens  étoient  Maîtres  de 
la  Place  (t), 

Santa  VAL  racontoit  que  ces  Indiens  font  guerriers.  Ils  fe  fervent ,  avec 
beaucoup  d'adrefle ,  de  leurs  chevaux  &  de  leurs  lances.  Leur  haine  étoit 
fi  vive  pour  les  Efpagnols ,  qu'après  les  avoir  tués ,  ils  leur  ouvroient  l'eflo- 
mac  &  leur  mordoient  le  cœur.  Ils  ne  manquoient  pas  de  leur  ôter  auflî  le 
crâne,  qu'ils  faifoient  fervir  de  tafle  pour  boire  entr'eux.  Lorfqu'iis  a- 
voient  pris  Baldivia,  ils  y  avoient  brûlé  les  Maifons,  les  Eglifes  &  les  Ima- 
ges; Ils  coupoientla  tête  aux  Prêtres,  en  difant:  „  Les  Dieux  des  Ef- 
„  pagnols  touchent  à  leur  fin".  Ils  prirent  de  l'or,  dont  ils  remplirent  la 
bouche  de  quelques  Officiers  ir.aflacrés.  „  Nation  avare,  leur  difoient-ils , 
„  rafFafiez  -  vous  à  préfent  de  ce  métal ,  pour  lequel  vous  nous  avez  tant 
„  fait  fouflFrir ,  &  dont  vous  n'avez  jamais  été  raflafiés".  Après  s'être  fou- 
levés  ,  &  lorfqu'il  fut  queftion  d'élire  entr'eux  un  Chef  pour  les  commander, 
ils  prirent  une  grofle  poutre,  &  tour-à-tour  chacun  la  chargea  fur  Ces  épau- 
les» Celui  qui  la  foûtint  le  plus  long-teras  obtint  la  préférence.  Plufieurs 
réfîftèrent  au  fardeau  pendant  cinq  &  fix  heures  :  mais  il  s'en  trouva  un  qui 
foûtint  vigoureufement  pendant  vingt-quatre  heures  entières,  &  le  choix 
tomba  fur  lui  (v). 

Entre  les  événemensles  plus  fmguliers  de  ce  Voyage,  l'Auteur  X)bferve 
qu'en  haute  Mer,  plus  de  huit  jours  après  avoir  quitté  Puerto-Lagnafco , 
les  Vailîeaux  Hollandois  fe  trouvèrent  dans  un  air  fi  épais,  qu'on  ne  pou- 
voit  voir  au-delà  d'un  jet  de  pierre;  &  ce  qu'il  y  eut  d'étrange,  les  habits 
des  Matelots  parurent  couverts  d'une  poudre  auffi  blanche  que  de  la  farine. 
Le  Pilote  Efpagnol  lesalTnra  que  ce  phénomène  étoit  ordinaire  dans  cette 
Mer,  &  que  les  lieux,  oùilarrivoit,  le  iiou^moicnt  Jtrenales,  ou  Parases 
/abloneux.    Il  dura  tout  le  jour  (a;).  ^ 

Le  25  d'Avril,  lorfqu'on  croyoit  devoir  beaucoup  de  reconnoiflance  aux 
informations  volontaires  de  Santaval ,  un  des  Efclaves  Nègres ,  qu'on  avoit 
retenus  avec  lui,  déclara  que  dans  le  Vaifleau  le  Buon-Jejus,  fur  lequel 
de  Noort  avoit  mis  un  Capitaine  Hollandois,  il  y  avoit  eu  trois  tonneaux 
pleins  d'or,  qu'il  avoit  aidé  lui-même  à  charger;  &  que,  pendant  qu'on 
lui  donnoit  la  chafllï,  le  Capitaine  d'Ivara  les  avoit  fait  jetter  dans  les  flots 
pour  dérober  ces  précieufes  dépouilles  à  la  Flotte  Hollandoife.    Aufll-tôt 
les  civilités,  qu'on  avoit  eues  pour  le  Pilote,  furent  changées  en  menaces 
Il  refufa  d'abord  l'aveu  qu'on  lui  demandoit;  mais  ayant  été  mis  à  la  tortu- 
re, avec  un  Efclave  Nègre,  ils  confeflerent  tous  deux,  que  le  Vaifleau 
Efpagnol  avoit,  abord,  cinquante-deux  petites  cailTes  remplies  d'or,  cha- 
cune de  quatre  Arrobes,  avec  cinq  cens  barres  d'or,  du  poids  de  huit  dix 
&  douze  livres,  qui  faifoient  en  tout  dix  mille  deux  cens  livres  d'or  &  que 
le  Capitaine  avoit  fait  jetter  toutes  ces  richelfes  dans  la  Mer,  fans 'aucune 

exception. 


CO  Pag.  64. 
:ilV.  Part. 


'■,;•- 


Cv)  Pag.  65. 


£e 


(x)  Pag.  66, 


Olivier  Ds 
Noort. 
1600. 


Poudre 
blanche  en 
haute  Mer, 


RichefTes 
jettées  dans  la 
Mer,  pour  en 
priver  les 
Hollandois. 


Dtîclarations 
arrachées  par 
la  torture. 


2l8 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Olivter  na 

No  OH  T. 

l(5oo. 


Sort  du  Pilo- 
te Ëfpngnol. 


» 
>» 


Longue  na- 
vigation des 
lloUandois. 


exception.  DeNoort  fe  hâta  de  faire  vifiter  toutes  les  parties  du  VaiflTeau* 
mais  on  ne  trouva  que  dans  les  habits  du  Pilote,  un  petit  fac,  qui  contenoit 
une  livre  d'or  (y). 

Les  tourmens,  qu'on  fe  crut  en  droit  de  continuer  (2),  lui  arrachèrent 
d'autres  explications.  Il  déclara  que  le  Buon-JeJ'us  avoit  chargtî  cet  or  dans 
rifle  de  Sainte-Marie ,  &  qu'il  devoit  y  demeurer  jufqu'au  mois  de  Mars 
pour  en  recevoir  encore  ;  mais ,  qu'ayant  ordre  auffi  de  mettre  à  la  voile 
s'il  appercevoit  quelque  Navire  étranger,  pour  en  porter  l'avis  à  Lima,  il 
avoit  eu  le  malheur ,  quoiqu'extrêmement  léger  à  la  voile ,  de  ne  pouvoir 
éviter  les  Hollandois.  Il  ajouta ,  qu'au  mois  de  Mars  ,  il  devoit  fe  rendre  i 
rifle  d'Arauco,  y  lailTer  les  vivres  qu'il  avoit  à  bord ,  &  prendre  l'or  qu'il 
y  trouveroit  prêt,  pour  le  porter  à  Lijna. 

„  Tous  ces  defïeins ,  remarque  l'Auteur ,  furent  déconcertés  par  l'arri. 
vée  de  nos  Vaifleaux  j  mais  le  defordre  qu'elle  mit  dans  les  affaires  dej 
Efpagnols,  ne  tourna  point  à  nôtre  avantage.  Nous  avions  malheureu. 
fement  ignoré  (jue  l'Ifle  de  Sainte-Marie  produifit  tant  d'or.  Il  n'y  avoit 
pas  plus  de  trois  ans ,  que  les  Mines  y  avoient  été  découvertes.  Cepen- 
dant cette  Ifle  n*avoit  qu'un  petit  nombre  d'Efpagnols ,  qui  ne  pouvoient 
recevoir  de  fecours  que  d'environ  deux  cens  Sauvages ,  fans  autres  ar- 
mes que  des  arcs  &  des  flèches  (a)  ". 

Le  Pilote  Efpagnol  dit  encore,  que  le  même  jour,  où  l'on  avoit  euJa 
générofité  de  relâcher  le  Capitaine  d'Ivara ,  ils  étoient  convenus  enfemble, 
lui,  de  confeiller  aux  Hollandois  de  prendre  la  route  du  Cap  S.  François, 
&  le  Capitaine ,  d'avertir  les  Vaifleaux  de  Guerre ,  qui  étoient  à  Lima ,  de 
les  pourfuivre  fur  cette  route.  Un  aveu  de  cette  nature  fit  perdre  aux  Hol- 
landois tout  fentiment  de  compaflion.  Ils  réfolurent  de  jetter  le  Pilote  dans 
la  Mer  (ô),  fur-tout,  lorfqu'après  avoir  été  traité  avec  plus  de  douceur, 
il  ne  laifla  pas  de  fe  plaindre,  &  de  fort  tenir  ouvertement  qu'on  l'avoitem- 
poifonné;  fans  compter,  ajoute  l'Auteur ,  que  non-feulement  il  cherchoit 
l'occafion  de  fe  fauver  lui-même,  mais  qu'il  foUicitoit  les  Efclaves  Nègres 
à  l'accortipagner  dans  fa  fuite.  Il  fut  précipité  dans  les  flots,  par  l'ordre 
du  Confeil.  L'Efclave ,  qui  avoit  été  mis  à  la  torture  avec  lui ,  eut  la  tê- 
te caflee  d'un  coup  de  fufil  ;  &  leur  Vâifleau  même ,  qui  commençoit  3 
faire  eau,  fut  abandonné  aux  vents,  après  qu'on  en  eût  tiré  les  vivres  & 
l'artillerie  (c). 

Ces  événemens  firent  abandonner  le  deflein ,  qu'on  avoit  eu,  d'attendre 
les  Efpagnols  fous  le  Cap  de  Saint-François.  On  prit  celui  de  ranger  la  Cô- 
te jufqu  à  rifle  des  Cocos ^  qui  efl:  à  cinq  degrés  de  Latitude  du  Nord,  pour 
y  prendre  des  cocos  &  de  l'eau.  Mais ,  après  avoir  vogué  jufqu'au  20  de 
Mai ,  fans  pouvoir  la  reconnoître ,  de  Noort  s'arrêta  au  parti  de  tourner 
fes  voiles  vers  les  Philippines ,  qui  font  à  deux  mille  quatre  cens  lieues  du 
Pérou  {d)y  dans  la  réfolution  de  ne  relâcher  qu'aux  Ifl^  des  Larrons, 

/^  qu'on 

(y)  Ihiitm.  (b)  L'Auteur  n'eh  apporte  que  ksdeuî 

(2  )  C'cft  une  fuppofition  de  M.  Prevofi:,  raiibns  fui  vantes.  R.  d.  E. 

^ui  efl;  contraire  à  l'Original ,  comme  on  le        (  c  )  Pag.  6g  &  précédcDtes, 

voit  par  ce  qui  précède.  R.d  E.   (a)  Pag.  67.        (<^)  Vdg.  68. 


PAR    LE    S  U  D-O  U  E  S  T,  Liv.  IV. 


219 


I 


a'on  a  nommées  depuis  les  Ifles  Marianes  (<r).  Cette  navigation  parut 
J'une  longueur  infinie  aux  Equipages  Hollandois ,  qui  n'avoient  pas  conçu 
jufqu'alors  l'immenfité  de  ces  Mers.  l\&  n'arrivèrent  qde  le  15  de  Septem- 
bre, à  la  vue  d'une  de  ces  Ifles. 

Le  matin  du  16,  ils  étoient  encore  à  plus  d'une  lieue  du  rivage,  lorfqu'ils 
virent  paroître  un  grand  nombre  de  Canots ,  qui  leur  apportèrent  des  co- 
cos ,  des  bananes ,  des  cannes  de  fucre  &  du  poiflbn.  Toutes  ces  provi- 
fions  furent  échangées  pour  du  fer,  dont  les  Infulaires  étoient  fort  avi- 
des ,&  qu'ils  nommoient  HierrOy  comme  les  Efpagnols,  parcegue  tous  les 
ans  ils  voyoient  dans  leurs  Illes  quelque  VaiiTeau  de  cette  Nation.  Les 
deux  Navires  Hollandois  continuèrent  de  ranger  la  Côte,  &  doublèrent  le 
Cap  Méridional ,  d'où  ils  apperçurent  une  pointe  fort  baiîe,  fur  laquelle  ils 
croyoient  pouvoir  mouiller.  Cependant  ils  ne  ceflbient  point  de  voir  ap- 
procher des  Canots.  Ils  en  comptoient  déjà  plus  de  deux  cens,  montés 
chacun  de  trois ,  quatre ,  ou  cinq  hommes ,  qui  s'empreflbient  autour  d'eux , 
&  qui  crioient  Hierro.  Dans  cette  confufion ,  les  Vaifleaux  paflerent  fur 
deux  de  ces  petits  Bâtimens  j  mais  les  Infulaires ,  qui  fçavent  nager  parfai- 
tement ,  y  rentrèrent  auflî-tôt ,  &  fe  préfentèrent  avec  la  même  ardeur. 

Ces  Ifles,  fuivant  la  remarque  de  l'Auteur,  avoient  été  jufl:ement  nom- 
mées 7/2w  des  Larrons f  parcequc  les  Habitans  étoient  livrés  au  larcin,  & 
qu'ils  le  commettoient  avec  une  adreffe  furprenante.  Ils  trompèrent  plu- 
lieurs  fois  les  Hollandois.  Quelques-uns  leur  préfentèrent ,  fur  des  paniers 
de  feuilles  de  cocos ,  du  riz  fi  bien  arrangé,  qu'à  la  première  vue,  on  s'ima- 
ginoit  qu'il  y  en  eût  beaucoup;  mais,  après  l'échange,  on  trouvoit  fous  le 
riz ,  des  coquilles  élevées ,  ou  des  feuilles.  Cette  rufe  étoit  d'autant  plus  fû- 
re,  que,  pour  commercer  d'abord  avec  eux,  il  falloit  attacher,  au  bout 
d'une  corde,  le  morceau  de  fer  qu'on  leur  offroit,  le  laifler  pendre  dans 
leurs  Canots ,  où  ila  avoient  la  liberté  de  l'examiner  ,  &  retirer  de  même 
ce  qu'ils  donnoient  en  échange,  après  l'avoir  montré  à  la  même  diftance. 
Deux  vinrent  a  bord.  On  leur  offrit  a  boire  &  à  manger;  mais  ils  ne  pen- 
foient  qu'à  voler  tout  ce  qui  fe  préfentoit  àleurs  yeux.  Un  d'entr'eux ,  voyant 
une  épée  entre  les  mains  d'un  Hollandois,  ne  fit  pas  difficulté  de  la  lui  arra- 
cher; &  s'étant  jette  dans  les  flots,  il  eut  le  bonheur  d'échapper  en  plon- 
geant. On  tira  néanmoins  plufieurs  coups  fur  lui  &  fur  plufieurs  autres 
gui  emportèrent  aufli  divers  inftrumens;  mais  ils  faifoient  tant  de  chemin 
fous  l'eau,  qu'ils  y  étoient  à  couvert  des  coups.  Ceux  qui  n'avoient  point 
encore  eu  l'occafion  d'exercer  leuradrefle,  demeuroient  tranquilles,  com- 
me s'ils  avoient  ignoré  ce  qui  fe  paflbit  à  leur  vue.  On  les  auroitpris  pour 
des  animaux  amphibies ,  qui  pouvoient  vivre  également  fur  la  terre  &  dans 
l'eau.  De  Noort  fit  jetter,  devant  eux,  cinq  morceaux  de  fer  à  la  Mer 
pour  fe  donner  le  plaifir  de  les  voir  plonger  librement.  Ils  ks  retirèrent 
en  fipeudetems,  qu'on  ne  pouvoit  leur  refufer  de  l'admiration.  Leurs 
Canots  font  fi  bien  faits,  que  les  Hollandois  n'avoient  rien  vu  d'égal  dans 
,tout  leur  Voyage.     Ce  font  des  troncs  d'arbres,  de  quinze  à  vingt  pieds 

de 

(«)  Du  nom  de  Marie-Aaue  d'Autriche,  Reine  d'Efpagne. 

E€  a 


OLtVTM  fltC 
NoORT. 
1600. 

Ils  arrivent 
aux  Iflcs  Ma- 
rinncs  ou  dca 
Larron». 


Obfcrvfitions 
fur  les  liles  & 
fur  le  carac 
tère  des  Infu- 
laires. 


Olivier  de 

NOORT. 

1600. 


.t'^iii 


Les  Hollan- 
dois  arrivent 
aiixPhilippi- 
ncs. 


Leurs  ob- 

fcrvadons. 


Ilb  le  lion- 
lient  pour  des 
.Ifrançois. 


'22<i  VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES       . 

de  long,  fur  un  pied  [àdemi]  de  largeur,  commodes,  légers  à  la  voile*; 
Au  lieu  de  révirer  de  bord  pour  louvoyer,  ils  mettent  le  gouvernail  où  étcit 
le  cap ,  fans  faire  aucun  changement  a  la  voile.    Elle  eft  tiflue  de  rofeaux 
&  de  la  forme  d'une  voile  d'artimon.    Leurs  femmes ,  dont  on  reçut  aufij 

{»!ufieurs.àbord,  étoient  nues,  comme  les  hommes ,  à  l'exception  du  mi- 
ieu  du  corps ,  qu'elles  fe  couvrent  d'une  fimple  feuille.  Elles  portent  de 
longs  cheveux.  Au  contraire ,  les  hommes  les  ont  très-courts.  Ils  font 
bazanés.  Ils  ont  beaucoup  d'embonpoint.  Leur  taille  eft  plus  haute  & 
mieux  fournie  que  celle  des  Européens.  Mais  la  plupart  ont  le  vifage  dif- 
forme. Quelques-uns  avoient  le  nez  défiguré  par  des  maladies  honteufes; 
du  moins,  c'efl:  ce  qu'ils  faifoient  entendre  eux-mêmes  par  leurs  fignes. 
Leur  bouche  s'étoit  refferrée  jufqu'à  ne  conlîfter  que  dans  un  petit  trou  (/). 
Cette  lile,  que  les  Hollandois  prirent  pour  celle  de  Guana  (g),  leur  parut 
d'environ  vingt  lieues  de  tour.    Ils  n'en  découvrirent  pas  d  autres  (A;- 

Après  y  avoir  pris  des^  rafraîchiflemens,  ils  recommencèrent  à  gouver- 
ner vers  les  Philippines.    Le  14  d'Oftobre,  ils  découvrirent  la  Terre, qui 
kur  parut  fort  haute ,  &  que  cette  apparence  leur  fit  prendre  pour  le  Cap 
du  Saint'E/prit f  à  treize  degrés  de  Latitude.     A  ce  compte,  une  Bouque, 
qu'ils  apperçurent  bien-tôt  au  côté  Méridional ,  devoit  être  le  Détroit  de 
Manille.    Ils  continuèrent  d'avancer  du  même  côté  ;.  &  gagniajit  la  pointe 
de  terre,  ils  y  mouillèrent  au  Nord,  fur  douze  brafîes,  derrière  un  rocher. 
La  Bouque  a,  dans  cet  endroit,  environ  trois  lieues  de  large.    Le  lende- 
main, ils  quittèrent  cette  pointe ,  qui  eft  unç  Ifle,  pour  s'avancer  l'efpace 
de  huit  lieues ,  à  l'Oueft  quart  de  Nord-Ouefl.    Enfuire  ils  gouvernèrent 
vers  la.  Côte  Méridionale.    Onvoyoit,  du  côté  oppofé,  un  Pic  fort  haut 
&  fort  aigu;  mais  l'Oueft  n'ofFroit  que  des  Terres  toffes,  fans  aucune  ou^ 
verture.     On  laifla   tomber  liss  ancres. .   Une  Chaloupe  pénétra  dans  une 
belle  Rivière ,  dont  les  deux  rives  étoient  rouvertes  d'aibrcsi     Les  Hol- 
landois y  trouvèrent  quelques  Indiens  fort  pauvres ,  auxquels  ils  firent  pré» 
fent  de  quelques  couteaux  &  d'un  peu  de  toile,  que  ces  Barbares  parurent 
dédaigner.'    Cependant  ils  portèrent  des  fruits  à  bord  de  l'Amiral*    Le  16, 
on  vit  approdier^  du  même  Vaifleau ,  un  grand  Canot,  dans  lequel  étoit 
un  Efpagiîol ,  qui  fit  trois  décharges  defonfufil.     On  lui  répondit  de  trois 
coups.    Son  incertitude  fembloit  lui  ôter  la  hîirdiefle  d'avancer:  mais  le 
Général  ayant  fait  arborer  le  Pavillon  d'Efpagne ,  &  vêtir  un  de  fes  Mate* 
lots  en  Moine,  il  fut  rafluré  par  cette  vue.    On  lui  fit  un  accueil  civil.  De 
Noort  lui  dit  que  fes  deux  VaiflTeaux  étoient  François,  &  qu'ils  avoient 
commiffion  du  Roi  d'Efpagne,  pour  fe  rendre  à  Manille  ;  mais  que  la  Ion* 
gueur  du  Voyage  les  avoit  mis  dans  un  extrême  befoin  de  rafraîchiflemenî. 
L'Efpagnol  répondit  qu'ils  étoient  dans  une  grande  Baye,  qui  fe  nommoic 
la  Baya^  à  fept  ou  huit  lieues  au  Nord  du  Détroit  de  Manille,  &  que  le 
Pays  étoit  fertile  en  toutes  fortes  de  vivres.     Auffi-tôt  il  donna  ordre  aux 
Indiens  de  fon  Canot ,  d'aller  prendre  au  rivage,  du  riz,  des  poules,  & 

des 


f/)  Pag.  72  &  précédentes, 
(g)  C'efl:  apparemment  celle  que  l'Hifl.0- 
vitn  des  lllcs  Marianes,  noinmc  Quaban.  , 


(b)  Voyez  ci-defTous  la  Defcription  des 
Ifles  MariaQcs,  au  Volume,  fuivant.- 


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Kaart    der  PHILIPPIINTES  ElLAlSfDEÎ^, 

Geichikt    op    de   SpAAufihe  Kaart  van  Pater    TVturillo    deVelarde 
^f^.^/rfrr.  Dooi    den    H'!  BoUm  In^-^f  des  rronrc  n   ZeovaardH. 


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kaaut  der  Philippines  Eilanben,  Gerchikt  op  a 

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ConMà/</€  (/u .. »iiv^iùi7t  de /'Ji/<- (/4f  jf^r.  Leiio'te  van'tEil.ïeiro.    At/vdi/ori^ 


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lu,  Inqjf    des  TraiisXeu     Zeevaarda.  g  '       '' 


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VAISL    LE    SUD-OUES  T,  Liv.  IV- 


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àeî  porcs, 


I ,  au'ils  apportèrent  à  bord.  Ils  exigèrent  que  toutes  ces  provi- 
fions'  leur  fuirent  payées  en  argent.  Pendant  quelques  jours ,  on  ne  cefla 
point  de  voir  régner  l'abondance  fur  les  deux  Vaiflbaux.  La  plupart  de 
ces  Indiens  étoient  nuds.  D'autres  avoient  une  robbe  de  toile.  Quelques» 
uns  même  étoient  vêtus  à  l'Ëfpagnoie ,  avec  des  hauts-de-chaufles ,  oc  de 
petits  pourpoints.  Les  Principaux ,  qui  defcendoient  des  anciens  Princes 
du  Pays,  avoient  la  peau  découpée,  ou  piquée  avec  beaucoup  d'art.  Mais 
ces  Peuples  font  d'un  naturel  timide  &  fervile.  Ils  n'ont  point  d'armes , 
&  feiaiflent  maîtrifer  au  gré  des  Efpagnols,  qui  leur  font  payer  par  tête, 
un  tribut  de  trois  réaies.  De  Noort  obferve  „  que  ce  n'eft  point  à  la  vio- 
„  lence,  que  les  Ëfpagnols  font  obligés  de  cette  docilité.  Ils  font  en  petit 
„  nombre  dans  ces  Iiies:  mais  ils  ont,  dans  chaque  Quartier,  un  Prêtre 
„  qui  efl  fort  refpeélé  des  Habitans;  &  s'ils  ne  tiennent  pas  tous  ces  In- 
„  fulaires  dans  la  fervitude,  c*eft  uniquement  faute  de  Prêtres  (i)". 

Pendant  que  les  HoUandois  fe  procuroieiit  tranquillement  des  provî- 
fions  fous  un  faux  titre,  ils  virent  arriver,  à  bord  de  l'Amiral,  un  Capitai- 
ne Efpagnol  &  un  Prêtre.  Après  les  crémiers  complimens,  le  Capitaine 
pria  de  Noort  de  lui  montrer  fa  Commiflion,  parcequ'il.  étoit  défendu, aux 
Habitans  de  l'Ifle,  d'avoir  aucun  Commerce,  avec  des  Etrangers.  Cette 
demande  caufa  de  Tembarras  au  Général  HoUandois.  Cependant,  faifanc 
réflexion  que  la  conduite  defes  gens  avoit  été  fans  reproche,  il  prit  le 
parti  de  montrer  la  Commiflion  qu'il  avoit  du  Prince  Maurice.  Le  Capi- 
taine, qui  croyoit  les  deux  Vaifleaux  venus  d'Acapulco,  donna  de  fi  gran- 
des marques  d  étonnement,  que,  dans  la  crainte  d'un  mauvais  fort  pour 


,-,„,,,       .        ,        ,       .  Infulaires  a 

bord.  Le  Creneral  avoit  eo  la  precautio»  d'en  retenir  deux  ,  qui  s'étoient 
vantés  d'être  bons  Pilotes,  &  d'être  fort  connus  à  Capul.  Le  20,  on  prit 
avec  eux  la  route  du  Détroit  de  Manille,  qui  efl:  vers  quatorze. degrés. 
Les  deux  Vaifleaux  entrèrent  heureufement  dans  la  Bouque,  où  ils  trouvè- 
rent autant  de  contre-marées,  que  fi  les  bancs  de  fable  y  enflent  été  fort 
fréquens ,  quoiqu'il  n'y  eût  pas  même  de  fond  &  qu'on  n'y  pût  jetter  l'an- 
cre. Vers  la  brune,  ils  allèrent  mouiller  fur  la  Côte  Occidentale  de  l'Kle 
de  Capul,  derrière  un  Cap ,  à  la  vue  d'un  Village.  Mais  ils  trouvèrent 
dans  cette  Baye,  un  courant  fi  rapide,  qu'ils  palfèrent  dans  une  autre,  à 
la  diftance  d'une  demie  lieue;  car  le  mouillage  eft  généralement  bon  autour 
de  cette  ifle,  qui  a  quatre  ou  cinq  lieues  de  circuit  (k), 

La  frayeur  qui  s'étoit  déjà  répandue  parmi  les  Habitans,  &  robfiination 
avec  laquelle  ils  refufèrent  de  parler  aux  deux  Pilotes  de  leur  Nation,  firent 
juger  a  de  Noort ,  qu'il  n'avoit  plus  rien  à  fe  promettre  de  la  rufe.  Un  de 
fes  gens  (/),  qui  eut  la  hardiefle  de  defcendre  au  rivage,  fur  la.  foi  d'un 

des 


Ot.TvrER  ne  • 
NoonT. 
1600. 

Foiblefle 
des  Infulaires , 
&  comment  ils 
fontmaitriG^s 
par  les  Ef- 
pagnols. 


La  trompe»' 
rie  des  Hoî- 
landois  eft 
reconnue.. 


Us  rè  ren- 
dent iVrine  de 
Capul. 


Frayeur' 
qu'ils  y  rc^pail- 
dent. 


aÎ-'^^^^-JÏ  *  Pf'ScédÉntes.  Voyez  ci- 
dclTous  la  Defcription  des  Philippines ,  au 
Volume  fiuvant.. 


(*)  Pag.  79, 

(/)  C'étoitun  Anglbis,  nommé  Coleway, 
qui  étoit  Muflcien&  Joueur  d'InUruincns*. 
Ee  a 


Ctiviraot 

.      NOORD. 

1600. 


Us  brûlent 
plufieurs 
Villages. 


Témoignage 
de  Candish 
fur  de  barba- 
res ufages. 


Pyrateries 
des  HoUan- 
dois. 


Leurs  ob- 
fcrvations  fur 
la  Baye  de 
Manille. 


^2f  VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 

des  deux  Pilotes  ,  dilparuc  avec  Ton  Guide.  La  nuit  fuîvante,  Tautre  Pî. 
lote  Indien  fe  jetta  dans  les  flots,  malgré  les  bons  traitemens  par  lefquelg 
on  8*étoit  efforcé  de  le  l'attacher.  Il  fe  nommoit  François  Telloy  du  nom 
du  Gouverneur  de  Manille,  qui  Tavoit  préfenté  au  Baptême.  DeNoort 
irrité  contre  les  Infulaires ,  fit  defcendre  une  partie  de  Tes  gens ,  avec  ordre 
de  mettre  le  feu  à  quelques  Villages ,  dont  les  Habitans  s'étoient  retirés 
dans  les  Bois.  On  ne  trouva  rien  dans  leurs  maifons,  qui  font  confîrui. 
tes  de  nattes  &  de  paille,  &  de  la  hauteur  d'un  homme.  Les  arbres 
dont  elles  font  environnées,  étoient  chargés  de  cocos,  qui  faifoient,  appa- 
remment,  la  plus  grande  partie  de  leur  nourriture.  Cependant  quelques 
Hollandois  découvrirent,  dans  un  endroit  écarté,  plus  de  trente  mefurcsde 
riz:  mais  n'appercevant  perfonne ,  ils  brûlèrent  quatre  Villages,  chacun 
de  cinquante  ou  foixante  maifons  (  m  ). 

De  Noort  fe  rappella  que  Thomas  Candish ,  ayant  mouillé  fur  la  Côte  de 
la  même  Ifle,  deux  Canots ,  dont  l'un  portoit  un  des  fept  Seigneurs  de  l'iile, 
étoient  venus  librement  à  fon  bord.  Ce  Prince  Barbare  avoit  la  peau  coupée 
en  diverfes  figures ,  comme  ceux  de  la  Baya.  L'Ide  Capul  efl  la  dernière 
des  Ifles  Philippines.  La  plupart  des  Habitans  y  font  nuds  .&  fort  baza- 
nés  (n).  Ils  adorent  le  Diable,  avec  lequel  Candish  raconte  fort  naïve- 
ment qu'ils  ont  de  fréquentes  conférences.  „  Il  fe  montre  à  eux,  dit-il, 
„  fous  la  figure  de  quelque  horrible  Monflre  (0)".         ^  r' 

Dans  le  chagrin  de  fe  voir  fi  mal  reçus ,  les  Hollandois  continuèrent 
d'employer  leurs  forces,  &  fe  crurent  autorifés  à  commettre  ouvertemen: 
toutes  fortes  de  brigandages.  Ils  enlevèrent,  fans  diftinélion,  plufieurs  pe- 
tits Bâtimens ,  Indiens,  Ëfpagnols  &  Chinois,  dont  ils  coulèrent  quelques- 
uns  à  fond,  après  en  avoir  pris  les  marchandises  &  les  vivres.  Enfin,  le 
fuccès  augmentant  leur  hardieffe,  ils  s' avancèrent ,  le  i4<|.  de  Novembre, à  la 
pointe  de  la  Baye  de  Manille.  Ils  y  virent  une  grande  Bouque,  qui  s'étend 
au  Nord-Eft,  &  qui  n'a  pas  moins  de  quatre  ou  cinq  lieues  de  largeur.  Cet- 
te Bouque  fait  l'entrée  de  la  Baye;  &  dans  cette  entrée  même,  on  trouve 
une  Ifle  de  forme  longue,  qui  fe  nomme  Mirabilla,  ou  Merveilleufe.  Plos 
loin,  on  découvre  une  autre  Ifle,  ronde  &  de  la  forme  d'un  chapeau.  La 
Ville  de  Manille  efl  fituée  huit  lieues  au-delà  (p). 

Les  deux  VaifTeaux  ne  purent  s'approcher  de  l'Ifle  Mirabilla.  Ils  pafle- 
rent  devant  la  Bouque,  pour  aller  mouiller  à  l'Oueft  de  la  Baye,  den-iére 
une  pointe  de  terre ,  qui  efl  à  douze  lieues  de  la  Ville.    Le  Pays  y  étoic 

_.,.  ■  ^.    ., ,.-   -  :..,.,_        V.  ..  _,     preique 


(m)  Pag.  81. 

(«)  L'Auteur  parle  d'un  étrange  ufage  de 
ces  Peuples.  „  Ils  paflent,  dit-il,  un  clou 
,.  d'éuin  dan»  le  gland  de  la  verge  de  cha- 
„  que  enfant  mâle.  La  pointe  du  clou  efl: 
„  fendue  &  rivée,  &  la  tête  en  efl:  comme 
„  une  petite  couronne.  La  bleffure ,  que  ce 
„  clou  fait  aux  enfans,  fe  guérit  fans  beau- 
„  coup  de  peine.  Ils  le  retirent  ou  le  re- 
„  mettent  à  leur  gré.  Pour  s'aflurer  mieux 
„  de  la  vérité  du  fait,  Candish  rapporte  que 
4,  fes  gens  tirèrent  un  de  ces  clouz  de  fa 


„  place  &  le  remirent  4  un  petit  garçon  de 
„  dix  ans ,  fils  du  Prince  qui  étoit  venu  1 
„  fon  bord.  On  lui  dit  que  cette  invention 
„  étoit  venue  des  femmes ,  qui  voyant  1«' 
„  hommes  fort  livrés  à  h  Sodomie,  obtinrent 
„  que  pour  arrêter  le  defordre ,  on  établiroit 
„  cet  ufage".  Pag.  82.  Voyez  quelque  cho- 
fe  dauin  étrange ,  dans  la  Defcription  du 
Pegu ,  au  Tome  XII.  . 

(o^Pag.   83. 

(p)  Pag.  90. 


uES 

ante,  l'autre  K. 
oens  par  lefquelg 
is  Tello,  du  nom 
ne.  De  Noort, 
Eçens ,  avec  ordre 
s'étoient  retirés 
li  font  conftrui. 
le.  Les  arbres, 
faifoient,  appa- 
tendant  quelques 
rente  mefures  de 
Villages,  chacun 

lié  fur  la  Côte  de 
signeurs  de  l'IOe, 
it  la  peau  coupée 
il  eii  la  dernière 
ds  .&  fort  baza- 
onte  fort  naïve- 
re  à  eux,  dit-il, 

t.-  . 

lois  continuèrent 
;tre  ouvertement 
on,  pluileurspe- 
ulèrent  quelques- 
vres.  Ênfîn,  le 
i  Novembre,  à  la 
ique,  quis'éteai 
de  largeur.  Cet- 
lême,  on  trouve 
lerveilleufe.  Plus 
in  chapeau.  La 

ibilla.    Ils  palTe- 

1  Baye,  derrière 

Le  Pays  y  étoic 

prefque 

un  petit  garçon  de 
:e  qui  étoit  venui 

que  cette  invention 
aes ,  qui  voyant  1«' 
i  Sodomie,  obtinrent 
brdre,  on  établiwit 

Voyez  quelque  ch» 
i  h  Defcription  dtt 


.  >..,« 


■J.    ).  SiAù-v      lùrcr 


Vi JL  JL  ^    ^^   H  A 


PAR    LE    SUD-OUES  T,  Liv.  IV. 


4^3 


prefque  défert  &  fans  culture.  Oq  réfolut,  au  Confeil,  de  s'arrêter  dans 
ces  Parages,  tantôt  fous  les  voiles,  tantôt  à  l'ancre;  parceque,  dans  cette 
faifon,  les  vents  de  Nord-E(l  ne  ceflent  pas  d'y  fouffler,  fans  aucun  chan- 
gement. *L'Ifle  Manille  t  que  fes  Habitans  nomment  Luçotty  eft  plus  grande 
que  l'Angleterre  &  l'EcoiFe  enfemble.  Elle  efl:  environnée  de  diverfcs  au- 
tres Ifles ,  qui  font  aufli  d'une  grandeur  confidérable ,  &  qui  ne  fourniflent 
aucunes  richefles  de  leur  propre  fond  ;  mais  elles  font  extrêmement  fréquen- 
tées des  Marchands,  &  célèbres  par  leur  Commerce  (q).  Entre  divers 
Bâtimens,  dont  les  HoUandois  fe  faiHrent,  ils  traitèrent  ceux  de  la  Chine. 
&  du  Japon  (r),  avec  autant  de  douceur  &  de  civilité,  qu'ils  marquoient 
de  rigueur  pour  les  Espagnols.  Ils  pouffèrent  l'infolence,  jufqu'à  faire  re- 
mettre, au. Gouverneur  de  Manille,  une  Lettre,  par  laquelle  ils  lui  décla- 
roient  que  leur  deffein  étoit  de  le  vifiter  dans  fa  Capitale.    Ils  avoient  ap- 

Sris,  de  quelques  Prifonniers,  qu'il  y  avoit  alors  à  Cavité,  qui  eft  le  Porc 
e  cette  Ville,  deux  grands  VaifTeaux  Marchands  de  la  Nouvelle-Efpagne  ;  & 
que  les  dcuxForterelfes,  qui  défendent  ce  Porc,  étoient  fans  Artill^ie  &  fans 
Soldats  (  j).  Une  fi  belle  proye  n'avoit  pu  manquer  d'échauffer  leur  courage. 
M  A I  s  les  Efpagnols  n'étoienc  pas  infenfibles  à  tant  d'outrages.  Pendant 
que  leurs  Ennemis  fe  repaiffoienc  d'efpérance^ ,  ils  avoienç  armé  ces  deux 
mêmes  Vaifleaux,  qui  excicoienc  leur  avidité.  Le  Gouverneur  de  Manille 
avoit  raffemblé  un  Corps  d'Infulaires,  la  plupart  inftruits  çte  longue  main  à 
fe  fervir  du  moufquet  &  des  autres  armes.  Il  en  avoit  mis  cinq  cens  fur 
chaque  bord ,  avec  des  Chefs  de  fa  Ntoion,  &  dix  bonnes  pièces  de  fonte. 
Le  14  de  Décembre,  les  HoUandois  écoienc  à  fe  rçpofer,  après  quelque 
nouvel  exploit,  lorsqu'ils  virent  fortir  du  Détroit  de  Manille  deux  voiles, 
qu'ils  prirent  d'abord  pour  des  Frégates^  mais  à  leur  approche,  ils  les  recon- 
nurent pour  de  grands  Vaiffeaiu;,  qui  fembloient  venir  dans  le  deffein  de 

portée 
Amiral  Hol- 

, ^-  .*-.-> o—    Une  partie 

de  fon  Equipage  fauta  d  un  air  furieux  fur  le  bord  ennemi  (().  Les  Hol- 
landoisdefcendirent  alors  fous  le  premier  pont,  &  les  Efpagnols  fe  crurent 
déjà  Maîtres  du  Vaifleau;  mais  ils  fe  virent  bien-tôt  fi  maltraités,  à  coups 
de  picques  «S:  de  moufquets,  que  leur  furie  ne  fut  pas  long-tems  à  fe  rallen- 
[tir.  Un  Hiflorien  de  leur  Nation  auroit  fait  apparemment  le  récit  de  ce 
combat  avec  plus  d'avantage  pour  leur  valeur  (  «  ).    De  Noort ,  après  avoir 

fait 


(0  Pag.  91. 

(r)  L'Àuteyr  çteoâ  droit  ici  de  faire  une 
longue  Defcription  du  Japon ,  fur  le  céinoigna- 
|e  apparemment  de  tes  Prifonniers.  Mais 
on  renvoyé  le  Leftcur,  ci-deffous,  à  l'Arti- 
cle de  cet  Empire. 

(f)Pag.  86. 

(t)  Pag.  III.  En  criant  effropblement, 
dit  l'Auteur,  ^mioa  FttQs»  Amaitui  c'dt- 


jk-dire  „  amenez  chiens,  amenez  les  voiles 
M  &  les  pavillons  ". 

(«)  Il  eft  trop  fingulier,  pour  n'être  pas 
rapporté  du  moins  en  fubftancc.  „  L'Ami- 
„  rai  de  Manille  demeura,  dit -il,  accroché 
„  tout  le  jour  aux  HoUandois,  parceque  fon 
„  ancre  s'étoit  embarraifée  dans  le  pont  de 
„  cordes  <jui  étoit  dans  le  mât  de  l'autre;  & 
„  l'aacre  lit  rompre  ce  pont  en  divers  en- 
droits. 


Olivier  ds 

NoORT. 
1600. 


Leurs  bra 

vades. 


Vengeance 
des  Efpa- 
gncls. 


Elle  ne 
tourne  point 
à  leur  avanu- 


■/.    ).  StAl,^      Mrt^    . 


viJL  I,  I]  M  JE  Manuels 


N 11^  X^.   III»E    Stad    MANIJLHA 


224 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


NoOBT, 
1600. 

I.cur  Amiral 
coule  à  fond. 

Les  Ilollan- 
duis  perdent 
un  de  leurs 
deux  Vaif. 
féaux. 


Bornéo ,  Ca- 
pitale de  rifle 
ds  môme 

nouu 


»» 
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»» 
»i 
n 


fait  remarquer  qu'il  ne  lui  reftoit  que  cinquante-cinq  hommes,  reprdfente 
fes  Ennemis ,  non-feulement  vaincus ,  mais  fubmergés  en  un  inftant ,  &  pé. 
riflant  au  milieu  des  flots.  A  la  vérité ,  il  fait  entendre  que  fon  fccond 
Vaifleau  fut  moins  heureux  :  mais  cet  aveu  même  n'efl:  pas  clair  dans  fej 
termes.  „  Lorfque  les  Hollandois,  dit-il,  furent  fous  les  voiles,  ils  dé- 
„  couvrirent,  à  plus  de  deux  lieues,  le  Vice -Amiral  de  Manille  &  |e 
„  Yacht  la  Concorde.  Jls  crurent  que  les  Efpagnols  s'en  étoient  rendus  Maî- 
très,  parcequ'il  leur  fembla  que  fon  Pavillon,  qu'il  portoit  au  mât  d'a- 
vant, étoitbas,  &  que  celui  de  Manille  demeuroit  arboré.  D'ailleurs, 
ils  n'eftimoient  pas  qu'il  eût  été  poflible  au  Yacht ,  qui  n'avoit  plus  que 
vingt-cinq  hommes  d'Equipage,  en  y  comprenant  les  Moufles  (x),  J 
oui  étoit  un  Bâtiment  foible,  de  réfifter  à  un  Navire  du  port  d'environ 
fix  cens  tonneaux  (y)  "• 

L'Amiral,  dans  la  néceflité  de  fe  radouber,  prit  fon  cours  vers  Fille 
Bornéo,  qui  efl:  à  cent  quatre-vingt  lieues  de  Manille.  Le  i(5  de  Décembre, 
il  fe  trouva  fur  la  Côte  d'une  grande  Ifle,  nommée  Boluton ,  qui  n'a  pu 
moins  décent  quatre- vingt  lieues  de  long,  &  qui  étoit  fous  la  Domination  Ef- 
pa^nole.  Il  fuivit  cette  Côte,  à  cinq  ou  flx  lieues  de  difliance ,  fous  la  con- 
duite de  deux  Pilotes  Chinois,  qu'il  avoit  à  bord.  Le  26,  il  entra  dans  li 
Bave  de  l'Ifle  de  Bornéo. 

La  Capitale,  qui  porte  le  même  nom,  n'étant  qu'à  trois  lieues  de  la  Cô- 
te, de  Noort  choifit  un  de  fes  Chinois  pour  envoyer,  par  fes  mains,  m 
préfent  au  Roi  de  l'Ifle ,  &  lui  faire  demander  la  permiflion  d'acheter  iet 
vivres.  Aufli-tôt ,  on  vit  venir  à  bord  quantité  de  Pirogues ,  qui  apportè- 
rent des  fruits ,  des  poules ,  du  poiflbn  &  de  l'eau.  Toutes  ces  provifionj 
furent  payées  en  toiles*    Les  Infulaires  avoient  beaucoup  de  paflion  pour 

la 


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droits,  ce  quî  laiflà  TEquipage  Hollan- 
dais fort  expofé.    Les  Efpagnols  leur  cn- 
voyoicnt  fouvent  des  bordées ,  auxquelles 
ils  ne  manquolenc  pas  de  répondre.    De 
Noort,  s'étant  apperçu  de  quelque  relâ- 
chement, defcendit  fous  le  pont,  &  me- 
naça  fes  gens  de  mettre  le  feu  aux  pou- 
dres ,  s'ils  ne  redoublolent  leur  ardeur  à 
combattre.    Cette  menace  fit  fon  effet.  Il 
y  eut  même  des  bleffés  qui  fe  levèrent  & 
qui  retournèrent  au  combat.    D'un  autre 
côté  l'Equipage  Efpagnol ,  au  lieu  de  con- 
tinuer fes  attaques ,  ne  faifoit  plus  que  des 
efforts  pour  fe  déborder  ;  ouvrage  diffici- 
le,  tandis  que   les  Hollandois   faifoient 
jouer  leur  gros  canon.    Enfin,  ils  fe  dé- 
bordèrent; mais,  peu  après,   on  les  vit 
couler  à  fond;  ce  qui  fe  fit  fi  vîte  qu'ils 
enfoncèrent  prefqu'en  un  clin  d'œil ,   & 
que  tout  le  Vaiffeau  difparut  Jufqu'aux 
mâts.     Alors  on  en  vit  à-peu-près  deux 
cens  dans  les  flots ,  fans  compter  ceux  qui 
étoieat  déjà  noyés  ov  tués  >  tâchant  de  fau- 


„  ver  leur  vie  à  la  nage,  &  criant  mifem 
„  dia.  Les  Hollandois  eurent  à  fe  défciirc 
„  du  feu ,  qui  avoit  pris  entre  les  deux  bords 
„  par  la  multitude  de  leurs  propres  déchu- 
„  ges.  Lorfqu'ils  furent -parvenus  à  l'éteif 
„  dre,  ils  palTèrent  entre  leurs  Ennemis,  qui 
„  nâgeoient  encore,  &  dont  ils  faifoient  et- 
„  foncer  les  têtes,  qui  paroiflbient  fur  I eau. 
„  De  Noort  n'avoit  perau  que  fept  hommes  ". 
ibidem. 

(«)  Pag.  III  &  112. 

(  jl  )  On  ne  fcait  ce  qu'étoient  devenus  les 
cent  quarante -fept  hommes,  dont  les  deux 
Equipages  étoient  encore  compofés  quelques 
mois  auparavant,  après  que  le  Vai&au  de 
Lint  eût  difparu.  L'Auteur  n'en  dit  pas  ua 
mot. 

Nota.  L'Auteur  dit  cependant  bien  expreffé- 
ment ,  que  le  8  de  Mars,  ces  cent  quarante-fept 
hommes  compofoient  les  Equipages  des  troi? 
Vaiffeaux,  y  compris  celui  de  Lint,  qui  if 
difparut  que  fix  jours  après.  Voyez  ci-clcffus» 
tag.  ziQ,  &,  d.  £. 


PAR    LE    S  U  D-OUES  T,  Lxv.  IV. 


125 


les  toiles  de  la  Chine,  »*'  de  Noort  en  avoit  quelques-unes,  qu'il  avoit  enle- 
vées devant  Manille.    Mais  ils  rejettérent  les  toiles  de  Hollande. 

Le  Pilote  Chinois  revint  le  jour  fuivant,  avec  un  Officier  de  la  Cour,  & 
an  Chinois  de  Pacane,  cjui  avoit  beaucoup  de  crédit  auprès  du  Roi.  Il  rap- 
porta que  les  Infulaires  n  étoient  pas  difpofés  à  fe  fier  aux  Etrangers,  parce- 
qu'étant  en  guerre  avec  les  Ëfpa^nols ,  ils  craignoient  d'être  furpris  par  les 
Vaifleaux  de  cette  Nation.  D'ailleurs,  une  Barque  Portugaife  étoit  venue 
donner  avis  au  Roi,  que  Ijs  Hollandois  n'écoient  rien  moins  que  des  Mar- 
chands. Cependant  l'Officier  de  Bornéo  reconnut  facilement  qu'ils  n'étoient 
point  Efpagnols ,  &  promit  d'en  rendre  témoignage  au  Roi.  Mais  il  les 
pria  d'envoyer,  à  ce  Prince,  un  homme  de  l'Equipage  ,  pour  le  convain- 
cre de  la  vérité  par  fçs  propres  yeux.  De  Noort  y  confentit,  en  retenant 
des  otages.  Le  Hollandois ,  qui  fut  chargé  de  cette  commiiTion ,  reçut  des 
moufquets  &  d'autres  armes,  qu'il  devoit  préfenter  au  Roi,  fuivant  l'ufa- 
ge  de  ride ,  qui  oblige  les  Etrangers  de  ne  pas  fe  montrer  à  la  Cour,  fans  y 
porter  quelque  préfent.  Le  Pilote  Chinois  fut  renvoyé  avec  lui ,  pour  s'in- 
former des  Marchands  de  fa  Nation ,  s'il  y  avoit  quelque  efpérance  de  Com- 
merce. 

Mais  la  Nature  n'a  pas  donné  d'épiceries  à  l'Ifle  de  Bornéo.  On  n'y 
trouve  qu'une  grande  abondance  de  vivres  ;  du  camphre ,  qui  pafTe  pour  le 
meilleur  des  Indes  Orientales,  mais  qui  ell  auffi  le  plus  cher;  un  peu  de 
noix  &  de  fleur  de  mufcade,  de  la  cire,  du  bois  de  fapan,  qui  fert  aux 
teintures,  quelques  diamans  &  beaucoup  de  bczoar.  Les  Marchands  Chi- 
nois, qui  fe  trouvoient  dans  l'Ifle,  n'étoient  pas  Sujets  de  la  Chine.  Ils 
faifoîent  leur  demeure  à  Patane,  fur  la  Côte  de  Siam,  où,  fans  avoir  aban- 
donné les  ufages  de  leur  Pays,  ils  reconnoifToienc  l'autorité  du  Souverain 
qui  leur  avoit  accordé  cette  retraite.  La  plupart  étoient  des  Bannis,  oa 
des  Corfaires ,  qui ,  en  courant  le  Monde ,  avoient  pris  le  parti  de  fixer  leur 
établifTement  dans  ce  lieu.  Quelques-uns  vinrent  à  bord  de  l'Amiral ,  &  lui 
vendirent  une  aflez  grofTe  quantité  de  poivre ,  qu'ils  avoient  dans  la  Rade. 

L'En  V  o  Y  é  Hollandois  ne  rapporta ,  de  fa  commiffion ,  que  des  civilités , 
&  la  permifTion  d'acheter  librement  des  vivres.  Il  avoit  appris,  par  fes  in- 
formations, que  l'Ifle  de  Bornéo  eft  une  des  plus  grandes  de  toutes  les  Indes 
Orientales;  qu'elle  eft  bien  peuplée;  que,  fur  les  Côtes,  la  Religion  com- 
mune eft  le  Mahométifme,  mais  que,  dans  l'intérieur  de  l'Ifle,  tous  les  Ha- 
bitans  font  Idolâtres.  La  Ville  de  Bornéo  eft  fituée  dans  un  marais ,  &  ne 
contient  pas  plus  de  trois  cens  maifons,  qui  font  enfermées  d'une  bonne 
muraille  de  pierre.  Mais  on  en  voit  un  grand  nombre  au  dehors,  la  plu- 
part accompagnées  de  jardins.  Le  Havre  eft  Ipacieux ,  à  l'abri  de  tous  les 
vents ,  fermé  par  l'embouchure  d'une  grande  Rivière ,  &  par  une  partie  des 
Ifles  qu'il  contient.  II  avoit  été  fous  le  pouvoir  des  Efpagnols ,  qui  l'avoient 
abandonné,  porceque  l'air  y  eft  mal  fain,  &  qu'ils  en  tiroient  peu  d'avanta- 
ges pour  leur  Commerce  (z). 

'.    .  y  r,:/  ;.   ..r»-;  •  :•;  .;>      ,î.Vr.,  •„.•.•■   Les 

(2)  Pag.  122  &  précédentes.    Le  Capital-     Efpagnol  de  Manille  avoit  pris  tant  de  goût 

ne  Cowley,  qui  étoit  dans   cette  Mer,  en     pour  les  richeffes  de  Bornéo,  qu'il  avoit  fait 

168 5,  dit,  au  contraire,  que  le  Gouverneur     une  paix  perpétuelle  avec  le  Roi,  qui  l'avoit 

XI  F.  Part,  F  f  har- 


Oumi  Dc 

Noo»T. 
1600. 
Communica- 
tion dos  Hol- 
landois avec 
les  Infulaires. 


f 


Produftioni 
de  rifle  ai 
Bornéo. 


Caraftcreg 
&  ufiges  des 
Habitans. 


ÈiS 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES' 


OtTVTIX  Dt 
NooRT. 

1600. 
Itcurs  aunes. 


Leurs  fem- 
mes* 


I^urs  habits. 


Faflc  des 
Seigneurs. 


T)angcr  qui 
fait  lever  l'an- 
cre aux  Hol- 
kudois. 


LEsHabitans  de  Bornéo  font  grands  &  robuflcs,  intclligens,  livras  au 
larcin,  fur-tout  à  la  pyraterie,  qu  ils  vont  exercer  jufques  l'ur  les  Cûtcs  du 
Pcgu,  c'elVà-dire,  a  quatre  cens  lieues  de  leur  Illc;  leur  armes  font  des  é* 
pées,  une  efpècc  de  bouclier,  qu'ils  nomment  Coffos^  des  lances  &  dcsza« 

fraies  d'un  bois  fort  dur,  qui  ne  laiffc  pas  de  fc  rompre  aifément,  &  dont 
es  éclats  rendent  les  playes  incurables;  des  arcs,  oc  des  longues  lléchcs, 
dont  la  pointe  eft  arAée  de  fer.  Ils  ont  ordinairement,  dans  leurs  car- 
quois, vmgt  à  trente  de  ces  flèches,  frottées  de  poifon.  Si  la  blcfiurc, 
qu'elles  font,  eft  fanglante,  on  en  meurt  ncccflairement.  Ces  Infulaires 
prennent  autant  de  femmes  qu'ils  en  peuvent  nourrir.  Quoiqu'ils  leur  laif. 
fent  beaucoup  de  liberté ,  la  jaloufie  eft  une  de  leurs  paflîons  les  plus  violen- 
tes. Quelques  •  unes  de  ces  femmes  allèrent  fur  \c  Vaiflfcau  de  de  Noorc, 
pour  acheter  &  pour  vendre  ;  mais  la  moindre  liberté  que  les  I  lollandois 
vouloient  prendre  avec  elles ,  un  fignc  fculcmeiic ,  raettoit  les  maris  en  co- 
lère. Ils  paroiflbienc  prêts  à  leur  enfoncer  la  picque  ou  le  javelot  dans  le 
cœur.  Les  hommes  à  les  femmes  font  de  couleur  brune,  comme  le  relie 
des  Indiens.  Leurs  habits  n'ont  point  de  forme  régulière.  Ce  font  des 
pi,èces  d'étoffe,  qu'ils  fe  pfjffent  diverfement  autour  du  corps;  mais  ils  por- 
tent un  turban ,  d'une  fine  toile  de  coton.  Les  Nobles ,  fur-tout  ceux  qui 
appartiennent  au  Roi  par  le  fang ,  ou  par  les  principales  dignités ,  font  nu- 
gnifîquement  vêtus,  <x  vivent  avec  beaucoup  de  fafte.  ~Au  centre  de  leurs 
Pirogues,  qui  font  aflez  couvertes  pour  les  défendre  de  l'ardeur  du  Soleil, 
ils  ont ,  fur  une  table ,  des  vaifleaux  d'argent ,  dans  'efquels  on  entretient 
des  parfums ,  &  fur-tout  du  bétel ,  qu'ils  mâchent  continuellement.  Leurs 
palais  peuvent  pafTerpour  de  belles  maifons,  quoiqu'ils  foyent  de  bois,  éle- 
vés fur  des  poutres  n  peu  folides ,  qu'à  l'approche  d'une  tempête ,  ou  de 
auelquc  autre  accident,  ils  peuvent  être  facilement  trarifportés  d'un  côti 
de  la  Rivière  à  l'autre  (a). . 

Quelques  foupçons  de  perfidie  obligèrent  les  Hollandois  de  faire ù 
garde  avec  beaucoup  de  précautions.    Un  malheureux  Chinois ,  accablé  de 

det» 


harcelé  long-tems,  &  qu'un  des  articles  du 
Traité  étoit,  que  le  Roi  de  Bornéo  feroit  la 
guerre  à  toutes  les  Nations  enneuties  de  l'Ef- 
pagne.  Foyage  de  Cowley,  pag.  34.  Le  mô- 
me Voyageur  donne  l'idée  fuivante  de  l'Ifle 
de  Bornéo.  „  C'eft,  dit-il,  une  grande  Ifle, 
,>  de  figure  ovale ,  qui  s'étend  depuis  le  qua- 
„  triènie  degré  de  Latitude  Méridionale  juf- 
„  qu'au  neuvième  degré  de  Latitude  du  Nord , 
„  &  qui  comprend  environ  douze  degrés  de 
„  Longitude.  (  Ce  témoignage  détruit  l'opi- 
„  nion  de  ceux  qui  la  font  d'une  grandeur 
„  immenfe ,  &  qui  lui  donnent  jufqu'à  deuX 
p  mille  cent  lieues  de  tour).  Il  y  avoit  an- 
„  ciennement  deux  Rois ,  celui  du  Nord  & 
„  celui  du  Sud;  mais  le  premier  fut  enfin 
„  vaincu  par  l'autre,  &  toute  l'Ifle  fe  vit 
„  réduite  en  une  feule  Monarchie.  Il  y  a 
„  quantité  de  vivres  &  de  inarchandifes  de 


„  valeur.  On  y  peut  trouver  du  girofle  i 
„  prix  raifonnable,  parcequ'on  y  en  apporte 
„  en  fecret  des  Ifles  voilines.  L'Ifle  a  de 
„  gros  éléphans,  des. tigrés,  des  panthères, 
„  des  léopards ,  des  antilopes  &  des  fangîiers. 
„  Les  Naturels  du  Pays  nous  apportoientda 
„  poiflbn  en  quantité,  des  oranges,  des  11- 
„  mons,  des  mangues,  des  plantains  &  des 
„  pommes  de  pin.  On  y  trouve  d'ailleurs 
„  d'excellentes  pierres  de  bezoar,  du  mufc 
„  &  de  la  civette  ".  Ibidem.  Quantité  de 
Voyageurs  Anglois  &  Hollandois  ont  parlé 
de  Bornéo;  mais  ne  l'ayant  guères  connue 
que  par  deux  de  fes  Villes  Marchandes,  Suc- 
cadana  &  Benjarmaffin ,  ils  ne  donnent  point 
des  lumières  fur  lefquelles  on  en  puilTe  pro* 
mettre  une  Defcription. 
(a)  Pag.  123  &  précédentes. 


PAR    LE    S  UD-OUES  T,  Liv.  IV. 


127 


s  oranges ,  des  li* 


dettes,  qui  étoic  venu  les  prier  de  le  recevoir  à  bord,  &  de  l'y  tenir  cache, 
en  offrant  de  le  laifler  vendre  pour  Efclave,  dans  le  premier  lieu  où  le  Vuif- 
feau  pourroic  aborder ,  les  avertit  qu'on  aflembloit  des  Troupes  aux  envi- 
rons de  la  Ville,  ôc  que  ces  préparatifs  fembloient  les  menacer.  En  effet, 
le  premier  de  Janvier  lôoi,  leurs  oblervations  leur  firent  découvrir,  der- 
rière une  pointe  de  terre,  plus  de  cent  Pirogues,  dont  une  vint  à  bord  avec 
quelcjues  lacs  de  poivre,  fous  prétexte  de  les  troquer  pour  des  armes.  De 
Noort  accorda  ce  qu'on  lui  demandoi  t  ;  mais  il  ne  laifla  paffer  que  deux  hommes 
fur  fon  Vaiffeau.  A  l'indant,  on  vit  arriver  une  autre  Pirogue,  qui  portoit 
quatre-vingt  hommes,  la  plupart  cachés  fous  des  nattes,  dont  ces  Infulaires 
fe  fervent  dans  le  befoin  pour  couvrir  leurs  Bàtimens.  Ils  apçorr oient  un 
bœuf  &  des  fruits,  qu'ils  offrirent  à  l'Amiral,  comme  un  prélent  du  Roi. 
Auffi-tôt,  tous  les  gens  de  la  Pirogue  fe  firent  voir,  &  demandèrent  à  mon- 
ter fur  le  Vaiffeau,  pour  hiffer  le  bœuf  &  recevoir  les  fruits.  De  Noort., 
qui  jugea  ce  préfent  fufpeél ,  leur  défendit  de  monter.  Leur  empreffcment 
n'en  étant  devenu  que  plus  vif,  jufqu'à  vouloir  forcer  le  paffage,  on  ne  ba- 
lança point  à  préfenter  la  mèche  pour  faire  feu.  Cette  menace  les  arrêta. 
Leurs  Officiers  entreprirent  d'expliquer  le  deffein  de  leur  armement.  Ils 
proteflèrcnt  que  l'Oncle  du  Roi ,  qui  ètoit  aulfi  fon  Tuteur  &  fon  Premier 
Miniflre,  n'avoit  Fait  affembler  tant  de  Pirogues,  que  pour  donner  une  fé- 
te  à  fes  femmes.  De  Noort  ne  changea  rien  à  fes  civilités ,  &  paya  leurs 
préfens  avec  ufure  j  mais  le  5,  il  fortit  de  la  Baye,  pour  fe  mettre  au  lar- 
ge (*). 

Un  Champan,  qui  alloit  du  Japon  à  Manille,  &  que  la  tempête  avoit  e'- 
carté  de  fa  route,  vint  tomber  entre  fes  mains.    11  fe  fit  amener  le  Capi- 
taine, qui  étoit  un  Portugais,  nommé  Emmanuel  Louis ,  établi  alors  à  Nan- 
gafackif  Port  célèbre  du  Japon.    On  apprit  de  lui  qu'un  grand  Navire  HoI« 
landois,  qui  s'étoit  trouvé  dans  un  état  pitoyable,  après  avoir  fait  fauffe 
route,  &  qui  avoit  perdu,  de  faim  &  de  tnifère,  la  plus  grande  partie  de 
fon  Equipage,  étoit  arrivé  au  Port  de  Bungo;  qu'il  n'y  reftoit  que  quatorze 
hommes,  auxquels  on  avoit  fait  un  accueil  favorable;  qu'ils  avoient  obte- 
nu, non-feulement  la  liberté,  mais  encore  la  permiflîonde  conftruire  un  plus 
petit  Bâtiment,  parcequ'ils  n'étoient  plus  en  affez  grand  nombre,  pour  gou- 
verner celui  qui  les  avoit  apportés  ;  enfin ,  qu'ils  dévoient  s'embarquer  fur 
leur  nouveau  bord ,  &  faire  voile  où  le  Ciel  voudroit  le  conduire.     Leur  an- 
cien Vaiffeau  étoit  de  cinq  cens  tonneaux ,  monté  d'une  nombreufe  artille- 
rie, &  richement  chargé,  tant  en  marchandifes  qu'en  pièces  de  huit.  Cette 
defcription  fit  reconnoître,  à  de  Noort,  l'Amiral  de  la  Flotte  de  Verhagen 
&  de  Sebald  de  Weert  (c).     Il  traita  civilement  le  Capitaine  Portugais.  Il 
acheta  de  lui  des  vivres ,  qu'il  paya  libéralement  ;  dans  i'efpérance  qu'à  fon 
retour  au  Japon ,  il  favoriferoit  les  quatorze  Hollandois .  par  de  bons  olfi- 
ces.    Il  lui  donna  même  un  Pavillon  du  Prince  Maurice ,  &  un  Paffeport. 
Mais  tous  ces  foins  &  les  promeffes  du  Capitaine ,  ne  garantirent  pas  ce 
malheureux  refle  des  Hollandois ,  du  fort  dont  on  a  lu  le  récit  dans  une  au- 
tre Relation  (rf).       "-  ^  ,  De 
m  Pag.  117.                                              (d)  Pag.  143.'  Voyez  la  Relation  d'A- 
(c)  Voyez  ci-deflUs  uôtre  Note  (j)»  pag-     damlz,  au  Toio.  U. 
aoo.  R.  d.  E. 

.  Ff  2 


OLivrn  tfl 

Nl'ORT. 
I  60  I. 


Nouvelles  - 
que  Noort  re< 
çoit  du  iiial- 
liciireux  fort 
d'un  VailTcaa 
Hollandois. 


'iii 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


r~ 


OUVïtt  DK 
NOORT. 

I60I. 

Il  fc  rend  à 
Jourtam. 


Etat  de 
cette  Ville. 


Voluptueu- 
fc  vieilleirc 
d'un  grand 
Pontife  Ido- 
lâtre. 


Naufrage 
d'un  très- 
gtaud  Galion. 


Kelour  de 
lie  Noort  à 
llottcrdaui. 


De  Noorc  eut  beaucoup  de  peine  à  fe  dégager  des  Canaux  d'une  infinité 
d'Ides ,  qui  font  répandues  dans  cette  Mer.  II  fe  faifit  heureufemenc  d'une 
Jonque  de  Tohor,  dont  le  Pilote  étoit  fort  expérimenté;  &  par  le  droit  du 
plus  fort,  le  retint,  lui  &  fon  fils,  en  leur  iaiflant  la  liberté  de  fe  faire  fui- 
vre  de  leur  Jonque.  Ce  fecours  le  conduifît  fans  danger  jufqu'à  l'Ifle  de 
Java,  devant  Joartam^  où  il  jetta  l'ancre.  On  lui  doit  la  Defcription  de 
cette  Ville,  qui  ne  fe  trouve  dans  aucun  autre  Voyageur  (*).  Elle  n'eft 
point  enfermée  de  murailles.  Environ  mille  maifons  ,  dont  elle  eft  com- 
pofée ,  font  toutes  bâties  de  bois.  Le  lloi  étoit  alors  à  Pqffaruan ,  où  il 
faifoit  ordinairement  fa  réfidence.  C'étoit  le  même  Prince ,  qui ,  cinq  ans 
auparavant ,  tenoit  Balambuam  affiégée ,  lorfque  les  premiers  Vallfeaia 
Hollandois  avoient  pénétré  dans  les  Indes  (/).  Il  avoit  pris  cette  Ville, 
&  détruit  toute  la  race  Royale.  Ses  conquêtes  l'avoient  rendu  Roi  de  Sur- 
baia ,  Joartam ,  Paffaruan  &  Balambuam. 

Le  Grand  Pontife  des  Idolâtres  {g)  de  l'Ille  réfidoit  à  Joartam.  Il  avoit 
une  Maifon  de  Campagne  aflez  loin  de  la  Ville.  Son  âge  étoit  de  cent 
vingt  ans  ;  ce  qui  ne  l'empêchoit  pas  d'entretenir  plulieurs  femmes ,  pour 
foûtenir  fa  chaleur,  &  le  nourrir  de  leur  propre  lait.  Il  étoit  ennemi  des 
Chrétiens.  Mais  le  Roi  les  laiflbit  en  liberté  dans  les  Terres  de  fa  dépen- 
dance ,  çarcequ'ils  y  apportoient  beaucoup  d'avantages.  Il  ne  levoit  même 
aucun  tribut  fur  eux  Çh). 

Après  avoir  palTé  quelques  jours  dans  cette  Baye,  les  Hollandois  remi- 
rent à  la  voile.  Le  5  de  Février ,  ils  découvrirent  un  grand  Navire ,  échoué 
fur  des  rochers.  Un  Portugais,  qu'ils  avoient  reçu  à  Joartam ,  leur  dit  que 
c'étoit  le  grand  Galion  de  Malaca,  du  port  de  mille  à  douze  cens  tonneaux, 
&  de  fix  à  fept  cens  hommes  d'Equipage.  On  voyoit  encore  quelques  Ma- 
telots fur  les  ponts.  Cet  énorme  Bâtiment  avoit  été  armé  pour  l'Ifle  d'Am- 
boine ,  où  les  Infulaires  avoient  rais  le  Siège  devant  le  Fort  Portugais.  Il 
devoit  pafler  d'Araboine  à  Banda,  pour  fortifier  fi  parfaitement  ces  deux 
Ifles,  qu'elles  fuflent  inacceflîbles  aux  Etrangers,  &  fe  rendre  enfuite  aux 
Moluques ,  pour  s'en  aiTurer  aufiî.  Mais  le  naufrage  avoit  fait  évanouir  de 
fi  grands  delFeins  (i). 

La  navigation  ae  de  Noort,  jufqu'au26  d'Août,  qu*il  rentra  dans  Rot- 
terdam (ifej,  n'offre  que  des  événemens  communs,  qui  ne  diftinguent  plus 
un  Voyage  de  mémoire  immortelle.  C'efl  la  qualité  que  fon  Editeur  lui 
donne,  à  titre  de  troifième  Voyage  autour  du  Monde,  &  de  première  ten- 
tative des  Hollandois ,  pour  s'ouvrir  un  chemin  aux  Indes  Orientales,  par 
lesMers  duSud  (/)  (ot).         ..        v.^..-*.  ....... 


(e)  Voyez  le  Tome  X.  pag.156.  Rîd.E. 

(/)  Voyez  le  premier  Voyage  des  Hollan- 
dois ,  au  Tome  X.  de  ce  Recueil. 

{g)  L'Original  dit  des  Indiens;  &  en  effet 
Ton  fçait  que  la  plupart  des  Habitans  de  l'Ifle 
de  Java  font  Mahométans.  Voyez  le  Tome  X. 
R.d.E. 

(6)  Pag.  12g.  .-      . 

'  (OPag.  12p.  :.  ,.  . 


(*)  Pag.  130, 

(/)  On  renvoyé  ci-deflbus.,  â  l'Article  Je 
le  Maire,  des  obfervations  plus  récentes  fut 
le  Détroit  de  Magellan,  pour  reftifier  celles 
de  de  Noort. 

(»n)  On  peut  reftifier  ces  dernières  lignes, 
fur  quelques-unes  de  nos  Notes  précédea- 
tes.  R.  d.£. 


Navi0isn 


P  A  R    L  E    s  U  D-0  U  E  S  T,  Liv.  IV.  22^ 

Navigation  Jtujlrale^  ou  Voyage  de  Jacques  le  Maire  ^ 

,  pour  la  découverte  d'un  ncmveau  pajjage  ^  au  Sud  du 

Détroit  de  Magellan. 

TANDIS  que  les  Hollahdois  ne  fe  virent  difputer  le  paflage  du  Détroit 
de  Magellan ,  que  par  les  Efpagnols ,  diverfes  Compagnies ,  formées 
dans  plufieurs  Villes  de  leurs  Provinces ,  fuivirent  heureufement  cette  rou- 
te fur  les  traces  d'Olivier  de  Noort  (a).  Mais  les  Etats  mêmes  de  Hol- 
lande (b)  ayant  accordé,  à  la  Compagnie  générale  des  Indes,  de  nou- 
velles Lettres ,  qui  portoient  défenfe  à  toutes  ies  autres  de  pafler  par  ce 
Détroit  pour  aller  aux  Indes ,  ou  dans  quelque  autre  Pays  qu'on  pût  décou- 
vrir, ou  qui  fût  déjà  découvert,  un  Marchand ,  nommé  Jacques  le  Maire ic)^ 
originaire  d' Amiterdam ,  quoiqu'établi  dans  la  petite  Ville  d'Egmont ,  em- 
ploya toutes  fes  réflexions  à  trouver  quelque  nouvelle  voye,  fans  nuire  au 
privilège  exclufif  de  la  Compagnie  générale. 

Il  avoit  eu  plufieurs  entretiens  avec  Guillaume  CornelifziS'cy&ottf^w,  homme 
exercé  dans  la  Marine ,  qui  avoit  fait  trois  fois  le  Voyage  des  Indes  Orienta- 
les, &  qui  en  avoit  parcouru  toutes  les  Régions ,  en  qualité  de  Pilote,  de  Com- 
mis &  de  Capitaine.  Schouten  ,  confervant  fon  ancienne  ardeur  pour  les 
Voyages  de  long  cours ,  fit  comprendre  à  le  Maire,  qu'il  y  avoit  fans  dou- 
te une  autre  voye,  que  celle  de  Magellan ,  pour  entrer  dans  la  Mer  du  Sud , 
&  que  cette  voye  n'étant  pas  comprife  dans  la  défenfe  des  Etats ,  il  devoit 
être  permis  d'y  pafler.  D'ailleurs  ils  fe  flattèrent  tous  deux  de  pouvoir 
découvrir  de  nouveaux  Pays ,  d'y  faire  un  gros  Commerce ,  &  de  ramener 
leurs  Vaifleaux  chargés  de  précieufes  marchandifes.  Le  Maire  s'attribua, 
ià-deflus ,  d'importantes  connoiflances.  Il  conclut  que  fi  l'entreprife  man- 
quoit  de  fuccés ,  on  pourroit  pafler  furtivement  par  l'ancien  Détroit,  &  fe 
rendre  parla  Mer  du  Sud  aux  Indes  Orientales;  Voyage  dont  il  y  auroit 
toujours  beaucoup  de  profit  à  tirer.  Enfin  ces  deux  fages  Marchands  réfo- 
lurent  de  pénétrer  dans  la  partie  Aufl:rale  du  Monde,  qui  étoit  encore  in- 
connue, au  Midi  du  Détroit  de  Magellan;  &  de  chercher  un  nouveau  paf- 
fage  dans  la  Mer  du  Sud,  en  fe  conduifant  par  diverfes  obfervations  qu'oa 
avoit  faites  aux  environs  de  ce  Déti-oit.  Parleur  Charte  partie,  ou  leur 
Traité ,  le  Maire  devoit  fournir  la  moitié  des  fraix  du  Voyage ,  du  Vaif- 
feau  &  de  la  Cargaifon  ;  &  Schouten ,  fe  chargeant  de  l'autre  moitié  avec 
le  fecours  de  fes  amis ,  prenoit  encore  fur  lui  les  foins  de  l'équipement  & 
des  préparatifs.    Bien-tôt  on  vit  entrer  dans  leurs  vues  plufieurs  perfonnes 

d'une 


Introduc- 
tion. 


Le  Maire 
eft  inftruit 
par  Cornclifjl 
Schouten. 


% 


(0)  Depuis  Olivier  de  Noort  jufqu'â  ce 
Voyage,  perfonne  ne  pafla  le  Détroit  que 
George Spilberg,  en  i6i5;&  d'ailleurs  la  réu- 
nion de  toutes  les  Compagnies  s'éÇoit  faite 
dès  le  commencement  de  1602;  c'eft-à-dire 
l'aoïKie  après  le  retour  de  de  Noort  en  Hol- 


lande. R.d.£. 

(  6  )  Les  Etats  Généraux.  Voyez  le  Tome  X. 
pag.  77.  R.  d,  E. 

(  c  )  Autre  erreur  ;  le  projet  fut  formé  par 
JJâc,  &  exécuté  par  Jacgucj  fou  fils.  R.d.£. 

Ff  3 


,«30 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Introduc- 
tion. 


Chercheurs 
d'or ,  ou  Com- 
pagniL'Auflra- 
le. 


Le  Maire. 
1615. 

Départ. 


Etrange  ac- 
cident ,  caufé 
par  un  mon- 
tre marin. 


d'une  confidération  diftinguée,  qui  prirent  entr'eux  la  qualité  de  Direct 
teurs ,  &  dont  le  crédit  leur  fit  raflembler  de  grofles  fommes  ;  mais  fans 
déclarer ,  à  ceux  qu'ils  aflbcioient ,  le  motif  de  l'entreprife ,  &  la  nature  de 
leurs  efpérances.  Ils  équipèrent,  à  Horn,  deux  Bâtimens,  dont  le  plus 
grand ,  nommé  la  Concorde ,  étoit  dif  port  de  trois  cens  foixante  tonneaux. 
L'autre  fut  un  fimple  Yaclit.  Schouten,  qui  entendoit  la  Navigation  ,  prit 
la  qualité  de  Maître  ou  de  Commandant  du  premier,  &  le  Maire  (d)  fe 
réduifit  à  celle  de  Commis.  Ils  avoiant,  à  bord,  foixante-cinq  hommes 
d'Equipage ,  vingt-neuf  pièces  de  petit  canon ,  douze  pierriers ,  des  mouf- 
quets  &  des  munitions  de  guerre ,  deux  Chaloupes ,  l'une  à  voile ,  «Se  l'au. 
tre  à  rames ,  une  Barque  &  un  Canot ,  &  double  provilion  de  toutes  for- 
tes  d'agrets. 

Comme  leur  deffein  ne  cefla  point  d'être  un  myftère  pour  le  Public,  la 
principale  condition  de  l'engagement,  pour  les  Officiers  &  les  Matelots, fut 
d'aller  où  le  Capitaine  jugeroit  à  propos  de  les  conduire.  On  parla  différetn. 
ment  d'une  fi  fingulière  entreprife ,  &  le  Peuple  donna  aux  Incérefles  le 
nom  de  Chercheurs  d'or.  Mais  les  Direfteurs  s'attribuèrent  le  titre  de  Com- 
pagnie Aujfrale  (e).  Rien  ne  reflembloit  mieux  à  ces  premiers  Voyages 
de  Gama  &  de  Magellan ,  qui  avoient  été  entrepris  avec  de  grands  motifs 
&  beaucoup  de  confiance,  mais  fans  objet  certain,  fans  clarté  dans  les 
lumières ,  ians  relTource  dans  les  fâcheufes  fuppofîtions  ;  en  un  mot ,  com- 
me au  hafard.  Auffi  l'agrément  de  ce  Journal  ne  conliftera-t'il,  que  dans 
une  grande  variété  de  nouvelles  images.  Il  fut  compofé  par  Arïs  Claefz^ 
Commis  du  Yacht,  fur  fes  propres  obfervations  &  fur  celles  des  autres 
Chefs. 

Ce  fut  le  14  de  Juin  1615,  que  les  deux  Bâtimens  firent  voile  duTexel. 
Leur  route  n'eut  rien  de  remarquable  jufqu'au  5  d'Oélobre,  que  fur  le  mi« 
di ,  à  la  hauteur  de  quatre  degrés  vingt-fept  minutes  du  Nord ,  on  enten- 
dit un  grand  bruit  à  l'avant  de  la  Concorde.  Le  Pilote,  jettant  les  yeus 
autour  de  lui ,  vit  l'eau  toute  rouge  de  fang.  Son  étonnement  fut  extrême. 
Mais  on  découvrit ,  dans  la  fuite ,  que  c'étoît  un  monllre  marin ,  dont  la 
corne  avoit  donné  dans  le  bordage ,  avec  tant  de  violence  qu'elle  s'y  étoit 
rompue.  Lorfque  le  Vaifleau  fut  mis  en  carène,  au  Port  du  Dejir,  on  vit 
à  l'avant,  fept  pieds  fous  l'eau,  une  corne  fort  enfoncée,  à-peu-près  de  la 
figure  &  de  l'épaifTeur  d'une  dent  d'éléphant,  qui  n'étoit  pas  creuie,  mais 
parfaitement  remplie ,  &  d'un  os  fort  dur.  Elle  avoit  pénétré  au  travers 
des  trois  bordages,  jufques  dans  l'éguillette,  c'efl-à-dire,  plus  d'un  demi- 
pied  dans  l'épaifTeur  du  Bâtiment  (/).'  Le  fang  étoit  forti  de  laplayeavec 
affez  d'abondance ,  pour  teindre  l'eau  dans  un  grand  efpace. 

Le  20  du  même  mois,  on  palFa  la  Ligne.    Les  Equipages  ignoroient 

encore 


(i)  CcM-iWrc  Ja..^u.s.  R.d.E. 

(e)  Journal  de  h  Navigation  Auflrale  de 
Jacques  le  Mairt  &  Willem  Cornelifz  Schou- 
ten ,  dans  le  Recueil  de  la  Compagnie  Hol- 
landoife,  Tome  IV.  pag.  570  &  précédentes. 

(/)  L'Auteur  obfcrve  que  ce  fut  un  grand 


bonheur,  qu'elle  eut  donné  droit  dans  l'd- 
guiliette  qui  étoit  fur  le  ferrage;  car  fi  elle 
étoit  paflëe  entre  deux  éguillettes,  &  qu'elle 
n'eût  rencontré  que  les  trois  bordages ,  clic 
y  eût  fait  apparemment  im  grand  trou,  qui 
auroit  cxpofé  le  Vaifleau  à  périr.  Pag.  574- 


'<■ 


f  A  R    L  E    SU  D-0  U  E  S  T,  Liv.  IV. 


231 


«ricore  l'intention  4e  leurs  Ghefe.  Mais  le  25,  Schoucen  fit  la  ledliire  d'un 
ordre  delà  Compagnie,  „  portant  que  les  deux  Vaifleaux  chercheroient 
un  autre  palTage  que  celui  de  Magellan,  pour  entrer  dans  la  Mer  du  Sud 
„  &pour  y  découvrir  certains  Pays  méridionnaux,  dans  l'efpérance  d'y 
„  faire  d'immenfes  profits  ;  &  que  fi  le  Ciel  ne  favorifoit  pas  ce  deflcin , 
„  onferendroit  par  la  même  Mer  aux  Indes  Orientales  (^)".  Tout  le 
inonde  reçut  cette  ouverture  avec  des  tranfports  de  joye,  &  chacun  fe 
flatta  de  participer  aux  avantages  d'une  grande  entreprife. 

Le  6  Décembre,  à  la  hauteur  de  quarante-fept  degrés  trente  minutes, 
on  eut  la  vue  des  Terres.     C'étoit  une  Côte  blanchâtre,  qui  paroiflbit  peu 
élevée,  &  qu'on  reconnut  pour  celle  du  Port  Defiré,  ou  du  Defir.     Après 
avoir  pafl^é  la  nuit  à  l'ancre ,  on  courut  le  lendemain  au  Sud  jufqu'à  midi. 
On  étoit  alors  à  l'entrée  de  la  pafle  ;  mais  comme  on  s'avançoit  dans  le 
fort  de  la  marée,  les  rochers,  donc  parle  Olivier  de  Noort,  &  qu'il  faut 
laiffer  au  Nord,  pour  entrer  dans  ce  Havre,  fe  trouvoient  couverts  d'eau. 
On  en  découvroit  quelques-uns  au  Sud ,  qu'on  prit  mal-à-propos  pour  les 
autres,  &  l'on  courut  plus  au  Sud ,  pour  les  éviter.     Cette  manœuvre  écar- 
ta ies  deux  Vaifleaux  de  la  véritable  pafle,  &  les  fit  entrer  dans  une  Baye 
qu'on  ne  cherchoit  pas ,  où  l'on  mouilla  fur  quatre  braflcs  &  demie  d'eau  ; 
mais  après  la  marée ,  il  n'en  refta  que  quatorze  pieds  ;  &  la  Concorde  ayant 
touché  de  l'arrière  fur  un  fond  de  roches ,  fon  naufrage  étoit  certain ,  fi  la 
Mer  n'eût  pas  été  calme ,  par  la  faveur  d'un  vent  de  l'Ouefl:.     On  trouva, 
dans  cette  Baye ,  quantité  d'œufs  fur  les  roches ,  de  fort  belles  moules,  & 
dive:  fes  fortes  de  poiflbn ,  fur-tout  des  éperlans  de  la  longueur  de  douze 
pouces ,  qui  firent  donner  à  ce  lieu  le  nom  de  Baye  des  Eperlans.    Une  Cha- 
loupe s'étant  avancée  vers  les  Ifles  des  ^inguins,  qui  font  à  deux  lieues 
Efl:-Sud-Efl:  du  Port  Defiré ,  en  apporta  deux  lions  marins  &  cent  cinquante 
pinguins.     Ces  lions ,  qu'Olivier  de  Noort  a  décrits  avec  admiration  ,  font 
ici  repréfentés  un  peu  différemment.     Leur  grandeur  efl:  celle'  d'un  petit 
cheval.    Ils  ont  la  tête  d'un  lion,  avec  une  crinière  épaifl^e  &  rude.     Leurs 
femelles  font  fans  crinière,  &  paroiffent  de  la  moitié  moins  grofles  que  les 
mâles.    On  éprouva,  comme  Olivier  de  Noort,  qu'il  n'efl:  pas  facile  de  les 
tuer.    Cent  coups  de  levier  &  de  pinces  de  fer ,  qui  leur  faifoient  rendre 
le  fang  par  la  gueule  &  par  le  nez,  ne  les  empèchoient  pas  de  fuir  &  de  fe 
fauver  dans  les  flots.    Il  fallqit  les  atteindre  de  plufîeurs  balles  de  moufquet, 
foui  la  gorge  ou  dans  la  tête  (h). 

Le  9,  au  matin,  on  s'avança  jufqu'à l'Ifle  qu'Olivier  de  Noort  avoît  nom- 
mée lljîe  du  Roi.  Quelques  Matelots  defcendus  au  rivage  trouvèrent  la 
terre  prefqu'entièrement  couverte  des  œufs  d'une  efpèce  particulière  de 
mouettes.  On  pouvoit  étendre  la  main  dans  quarante-cinq  nids ,  fans  chan- 
ger de  place  ;  &  chaque  nid  contenoit  trois  ou  quatre  œufs ,  un  peu  plus 
gros  que  ceux  des  |vaneaux  (f).  Le  10,  la  Chaloupe  s'étant  rendue  de 
l'autre  côté  pour  chercher  de  l'eau ,  on  creufa  quatorze  pieds  fans  pouvoir 
trouver  que  de  l'eau  faumache,  fur  les  montagnes  comme  dans  les  vallées. 
Oa  vit  des  autruches,  &  des  animaux  aflez  femblables  à  des  cerfs,  qui  a- 

voient 


Le  Mairs. 
16 15.  , 

Les  Equi- 
pages font  in- 
fo imcs  du 
liellcin  lies 
Cliefs. 


On  arrive 
au  Port  du 
Defir. 


On  manque 
lapaffc. 


Baye  qu'on 
nomme  des 
Eperlans. 


Lions  QiaiinSt 


Prodigieufe 
multitude 
d'œufs  d'oi- 
feaux.  , 


U)  Pag.  555. 


(ft)  Pag.  580. 


C  0  Pag.  578. 


»3a 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Le  Maire. 
i6i6. 

Squelettes 
humaips  d'on- 
ze pieds  de 
long. 


Terres  que 
les  IloUandois 
découvrent. 


Baleines  à 
milliers. 


Découverte 
de  la  Terre 
des  Etats  &  de 
celle  d"  Mau- 
rice de  NaiTau. 


voient  le  cou  prefqu'aufli  long  que  le  refte  du  corps ,  &  qui  parurent  extrê- 
mement farouches.  On  trouva,  fur  une  montagne,  des  monceaux  de  pier- 
res,  qu'on  eut  la  curiofité  de  remuer,  &  fous  lefquels  on  vit  des  fquelettes 
d'hommes ,  qui  avoient  dix  &  onze  pieds  de  long.  Pendant  qu'on  travail- 
loit  d'un  autre  côté  à  caréner  les  deux  Vaifleaux ,  le  feu  prit  malheureure- 
ment  au  Yacht,  &  s'étendit  fi  promptement  aux  manœuvres,  qu'il  fut  im- 
poflible  de  l'éteindre.  Ainfi  les  Hollandois  fe  trouvèrent  reflerrés,  dans  le 
leul  Bâtiment  qui  leur  refloit. 

[Le  10  de  Janvier  1616 ,  le  Navire  remit  à  la  voile  ;  mais  le  vent  de  Mer 
l'ayant  obligé  de  revenir  mouiller  près  de  l'Ule  des  Lions,  il  n'en  fortit 
que  le  13 ,  pour  prendre  le  large.  ] 

Le  18,  on  laifla  les  Ifles  de  Sebald  à  trois  lieues  au  Sud-Eft,  &  l'on  fe 
trouva,  vers  midi,  à  la  hauteur  de  cinquante-un  degrés.  La  navigation 
fut  tranquille  jufqu'au  24.  On  avoit  gouverné  au  Sud  quart  de  Sud-Oueft. 
Le  matin  du  24,  après  avoir  vu  les  Terres  du  côté  droit,  à  la  diftance  d'une 
lieue,  on  trouva  fond  fur  quarante  brafles.  La  Côte  couroit  à  l'Efl:  quart 
de  Sud-Efl ,  &  préfentoit  de  hautes  montagnes ,  couvertes  de  neige.  Vers 
midi,  on  en  trouva  le  bout  ;  mais  on  en  découvrit  une  autre  à  l'Efl,  qui 
parut  aufli  fort  élevée.  On  jugea  que  la  diftance,  entre  ces  deux  Côtes, 
pouvoit  être  d'environ  huit  lieues ,  &  qu'il  y  avoit  un  paflage  entre  deui. 
Cette  opinion  fut  confirmée  par  la  vue  des  courans  ,  qui  portoient  au  Sud 
dans  cet  efpace.  A  midi ,  on  fe  trouvoit  à  cinquante-quatre  degrés  quaran- 
te-fix  minutes.  Un  vent  de  Nord  porta  légèrement  le  Navire  Hollandois 
vers  l'ouverture.  Mais  fur  la  brune,  il  fut  pris  d'un  calme;  &  pendant 
toute  la  nuit,  il  ne  fut  porté  que  par  les  courans.  On  vit  des  milliers  de 
baleines  ,  qui  mirent  l'Equipage  dans  la  nécelTité  de  courir  des  bordées  & 
de  faire  d'autres  manœuvres  pour  les  éviter. 

Le  matin  du  25 ,  on  fe  trouva  proche  de  la  Côte  la  plus  orientale ,  qui 
étoit  fort  haute  &  fort  entrecoupée,  &  qui,  du  côté  feptentrional ,  couroir 
à  l'Efl-Sud-Efl,  autant  que  la  vue  pouvoit  s'étendre.  On  lui  donna  le  nom 
de  Tene^  des  Etats  (  *  )  ;  &  celle  qui  étoit  à  l'Ouefl ,  fut  nommée  Maurkt 
de  Nqffau.  Schouten  &  le  Maire  fe  flattèrent  ici  de  trouver  de  bonnes  Ra- 
des &  des  Bayes  de  fable ,  parceque  des  deux  côtés  on  voyoit  des  rivages 
fabloneux.  Le  poifTon ,  les  pingulns ,  &  les  chiens  marins  y  font  en  abon- 
dance ;  mais  on  n'y  découvre  point  un  arbre.  On  avança  beaucoup  au  Sud- 
Sud-Ouefl:,  avec  un  vent  de  Nord.  On  étoit  à  cinquante- cinq  degrés  tren. 
te-fix  minutes;  d'où  gouvernant  au  Sud-Oueft,  on  remarqua  que  la  Côte 
méridionale  de  l'ouverture,  depuis  l'extrémité  occidentale  du  Pays  de  Mau- 
rice de  NafTaii,  couroit  à  rOuen:-Sud-Ouefl&  au  Sud-Ouefl,  &  qu'elle  ne 
cefToit  pas  d'être  haute  &  entrecoupée  (/). 

Vers  lefoir,  lèvent  s'étant  rangé  au  Sud-Ouefl,  les  lames  furent  très- 
grolTes  pendant  la  nuit,  &  l'eau  fort  bleue;  ce  qui  fît  conclure  quecepa- 
rage  étoit  d'une  extrême  profondeur.  On  ne  douta  point  que  ce  ne  fût  la 
grande  Mer  du  Sud,  &  qu'on  n'eût  heureufement  découvert  un  paflage 

ignoré 

(k")  Cette  Terre  a  été  reconnue  depuis        (/)  Pag.  582.  &  précédentes, 
pour  une  Ille.  R,  d.  E. 


PAR    LE    SUD-OUEST,  Liv.  IV. 


«31 


ignore  jufqu'à  ce  jour  (m).  Bientôt  il  ne  put  en  refter  aucun  doute.  On 
vit  des yeans  de  Genten  d  une  grandeur  extraordinaire ,  c'efl-à-dire ,  des  mouet- 
tes de  Mer,  qui  avoient  le  corps  aufli  gros  que  des  cygnes ,  &  dont  chaque 
aîle  étendue  n  avoit  pas  moins  d'une  brafTe  de  long.  Elles  venoient  fe  per- 
cher fur  le  Navire,  &  fe  laiiToient  prendre  par  les  Matelots  (n). 

Le  2(5,  à  la  hauteur  de  cinquante-fept  degrés,  on  efluya  une  grofle  tem- 
pête du  Sud,  qui  dura  vingt-quatre  heures,  pendant  lesquelles  on  mit  à  la 
cape,  fans  cefler  de  courir  au  Sud.  La  haute  Côte  fe  montroit  toujours  au 
Nord  Oued.  On  y  tourna  la  proue;  &  le  27,  à  midi,  on  étoit  à  cinquan- 
te-fix  degrés  cinquante-une  minutes.  Le  froid  étoit  extrême.  Il  tomba  des 
nuées  de  grêle.  Le  matin  du  29,  après  avoir  couru  au  Sud-Ouefl:-,  on  dé- 
couvrit deux  Ifles  à  l'Oueft-Sud-Oueft.  On  en  approcha  vers  midi.  Ce- 
toient  des  rochers  gris  &  arides ,  à  cinquante-fept  degrés  de  Latitude  du 
Sud.  Ils  furent  nommés  Olden-Bameveîd ,  du  nom  du  grand  Pendonnaire  de 
Hollande.  On  fuivit  alors  rOueft-Nord-Ouefl;  &  fur  le  foir  on  revit  les 
Terres ,  au  Nord-Oueft  &  au  Nord-Nord-Oueft.  C'étoient  celles  qui  font 
au  Sud  du  Détroit  de  Magellan ,  &  qui  continuent  de  s'étendre  dans  la 
même  direélion.  On  n'y  appercevoit  que  de  hautes  montagnes  couvertes 
de  neige ,  qui  fe  terminent  par  un  Cap  fort  pointu,  qu'on  nomma  le  Cap 
de  HQrn{o),  à  cinquante-fept  degrés  quarante-huit  minutes.  De-là,  on 
tourna  les  voiles  à  l'Oueft,  à  la  faveur  d'un  courant  fort  rapide.  Le  30, 
on  fuivit  la  même  route  avec  les  mêmes  courans.  L'eau  étoit  bleue ,  & 
la  Mer  toujours  grofle  ;  ce  qui  redoubla  refpérance  de  trouver  le  paflage 
qu'on  cherchoit.  Le  refle  du  jour  &  le  lendemain ,  les  vents  furent  varia- 
bles. A  cinquante-huit  degrés  on  avoit  doublé  le  Cap  de  Horn ,  &  les 
Terres  avoient  difparu.  Les  lames  rouloient  de  l'Ouefl: ,  &  l'eau  conti- 
nuoit  d'être  fort  bleue.  On  fe  crut  plus  certain  que  jamais  d'être  entré 
dans  la  Mer  du  Sud,  &  de  n'avoir  plus  de  Terres  à  la  proue*       ,  «  ^î,   ^  ; 

Le  3  de  Février,  à  midi,  on  étoit  à  cinquante-neuf  degrés  vïngt-cinq 
minutes.  On  ne  découvrit  point  de  Terres ,  &  l'on  ne  vit  aucune  marque 
qu'il  y  en  eut  au  Sud.  Les  deux  Chefs  de  cette  heureufe  expédition  ne 
"balancèrent  plus  à  faire  célébrer  leur  découverte,  par  une  Fête  publique. 
Le  même  jour,  après  une  délibération  du  Confeil,  ce  paflage,  trouvé  avec 
tant  de  bonheur  ^  entre  le  Pays  de  Maurice  de  NaflTau  &  la  Terre  des  E- 
tats  ,  fut  nommé  Détroit  de  le  Afaùr;  quoiqu'il  y  eut  peut-être  beau- 
coup plus  de  juflûce  à  lui  donner  le  nom  de  Schouten ,  qui  étoit  revêtu  du 
Commandement,  &  dont  l'etpérience  avoit  eu  tant  de  part  au  fuccès  du 
Voyage  (p). 

Pendant  le  tems  qu'on  avoit  employé  au  paflage  de  ce  nouveau  Détroit, 
on  avoit  eu,  prefque  fans  cefllî,  une  Mer  agitée,  des  pluyes,  d'épais  brouil- 
lards, 


Lb  Maiu* 

16 16. 

Prodigicufel 
mouettes. 


(m)  On  trouvera, ci-deflous,  dans  d'autres 
Articles ,  des  obfervations  plus  récentes  fur 
ce  paffage. 

(»j)  Pag.  582.  .    . 

(  0  )  Ce  mot  fignifie  Corne.  ' 

Nota.  Cette  fignificatlon  eft  Jufte;  mais  U 

XIV,  Paru 


Ifles  de  Bar- 
neveld. 


DtScouverte 
du  Cap  de 
Horn. 

Les  Hollan» 
dois  croyent 
toucher  au 
nouveau  paC- 
fage. 


Ils  le  trou- 
vent, &  le 
nomment  Dé- 
troit de  le 
Maire. 


faut  fe  fouvenir  que  les  Direfteurs  étoient  de 
Htorn ,  Ville  de  la  Nord-Hollande ,  à  l'honneur 
de  laquelle  fon  nom  fut  donné  à  cette  extré- 
mité de  l'Amérique  Méridionale.  R.  d.  E. 
(p>Pag.  584. 


m 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Le  MAtRK. 
1616, 

Iflesdejuan- 

Fcriiaiidcz. 


Leur 

icfcripti(Ç>n. 


.:<  .,  .  1. 


Les  Hollan- 
dois  paflent 
pour  la  fccon- 
de  fois  le  Tro- 
pique du 
Capricorne. 

Vents  alifés 
de  l'Iift. 


lards ,  &  beaucoup  de  grêle  &  de  neige.  Mais  la  joye  du  fuccès ,  &  l'efpé* 
ranpe  d'en  recueillir  bien- tôt  le  fruit,  infpirèrent  aux  Hollandois  une  con« 
fiance  à  l'épreuve. 

Les  jours  fuivans ,  on  courut  au  Nord  jufqu'au  23 ,  qu'on  trouva  les  vents 
alifés  du  Sud  ,  à  quarante-fix  degrés  trente  minutes.     On  fit  beaucoup  de 
chemin,  avec  un  vent  de  Sud  &  de  Sud-Sud-Eft.     Le  28,  de  l'avis  des 
quatre  Pilotes,  qui  aflTiflèrent  au  Confeil,  on  prit  la  réfolgtion  d'aller  relâ. 
cher  aux  Illçs  d&  j^mn-fernandez^  pour  y  rafraîchir  l'iîquipage,  qui  étoit 
attaqué  du  fcorbut  ;  &  le  premier  de  Mars ,  on  eut  la  vue  de  ces  Ifles  au 
Nord- Nord- Eft.    Elles  font  au  nombre  de  deux.    Leur  fituation  efl  à  tren- 
te-trois  degrés  quarante-huit  minutes ,  &  leur  terrain  affez  haut  (q).    La 
plus  petite  ,  qui  eft:  la  plus  occidentale,  eft  aride  &  ftérile.     On  n'y  voit 
que  des  rochers  &  des  montagnes  fans  verdure.    La  plus  grande  eft  aulj] 
montagneufe  ,  mais  couverte  d'arbres ,  &  .naturellement  fertile.     On  y 
trouve  beaucoup  de  bétail ,  tel  que  des  porcs  &  des  chèvres  ;  &  le  long  de 
la  Côte,  une  prodigieufe  quantité  de  poifTon.    L'Auteur  ohferve,  pour 
i'inftruftion  de  ceux  qui  feront  la  même  route,  qu'on  fit  une  très-grande 
faute  de  mettre  le  cap  fur  la  Côte  occidentale- de  l'Jfle,  au-lieude  courir 
fur  la  Côte  orientale  pour  entrer  dans  la  Rade,  qui  eft  à  la  Pointe  méri- 
dionale de  la  plus  grande  des  deux  Ifles.    En  faifant  le  tour  par  l'Oueil, 
çn  tomba  dans  le  calme,  comme  il  arrive  prefque  toujours  le  long  d'une 
Côte  élevée,  &  l'on  fe  vit  dans  TimpolTibilité  d'avancer  jufqu'au  lieu  où 
l'on  avoit  efperé  de  jetter  l'ancre.     Une  Chaloupe,  qu'on  y  envoya,  trou- 
va, fur  trente  &  quarante  brafTes,  &  fort  proche  de  Terre,  un  bon  fond 
de  fable,  qui  change  tout-d'un-coup  à  trois  brafTes  ,  &  qui  fait  un  mouil- 
lage excellent  (  r  ).    Les  Matelots  rapportèrent  qu'ils  avoient  vu  une  belle 
vallée,  couverte  de  verdure ,  beaucoup  de  belles  eaux,  qui  couloient  des 
hauteurs,  quantité  de  chèvres  fur  la  montagne,  âc  d'autres  bêtes  qu'ils  n'a- 
voient  pu  diftinguer  dans  l'éloignement  ;  &  qu'à  peine  l'hameçon  étoit  jette 
dans  la  Rade,  que  le  poifTon  y  mordoit,  fur-tout  le  Corcobado  &  les  Brémtu 
On  les  renvoya  dans  Tlfle,  pour  lachafTe  &  la  pêche.     La  multitude  des 
buiflbns  &  des  ronces  ne  leur  laifTa  que  la  vue  des  chèvres  «Sf  des  porcs; 
mais  ils  prirent,  en  peu  de  tems,  deux  tonneaux  de  poifTon  du  meilleur 
goût  ;  feul  avantage  qu'on  tira  de  TIfle ,  &  qui  ne  confola  pas  beaucoup 
les  Malades.     Le  n,  on  pafTa,  pour  la  féconde  fois,  le  Tropique  duCâ« 
pricorne,  en  gouvernant  au  Nord-Oueft,  avec  un  bon  vent.    Enfuite  on 
trouva  les  vents  alifés  del'Eft  &  de  l'Eft-Sud-Eft.    Le  15,  à  dix-huit  de- 
grés, on  changea  de  route;  &  courant  à  l'Ouçft,  on  apperçut  quantité 
d'oifeaux,  fur-tout  des  Queues  de  flèches,  qui  ont  le  corps  aufli  blanc  que 
la  neige,  le  bec  rouge, Ta  tête  rougeâtre ,  avec  des  queues  blanches  fen-» 
dues,  d'environ  deux  pieds  de  longueur. 

Cependant  la  moitié  de  l'Equipage  fe  trouvoit  infe6lée  du  fcorbut;  & 
le  Capitaine  du  Yacht  en  étoit  mort  (s).    On  faifoit  des  vœux  ardens  pour 

la 

((j)  On  en  verra  une  Defcription  plus  agréables.  -  •( 

exafte,  &  de  nouvelles  découvertes,  ci-def-         (r)  Pag.  586.  '  '    ' 

fous,  dans  le  Journal  à'Anfon,   au  Volume         {s)  C'étoit   le  frère    de  Schouten,  (^ 

fuivant.    Ces  comparaifons  doivent  paioicrc  inontoit  la  Concorde.  R.  d.£. 


TAR    LE    SUD-OUES  T,  Lit.  IV. 


435 


Chiens. 


]a  rflede  la  Terre.    Le  10  d'Avril ,  on  découvrit  une  Ifle  fort  bafle  &  de    Li  Mai»i» 

&  de  l'eau  de  16 1 6, 
'une  feule  bordu- 
Chiens,  parcequ'on 
crut  y  avoir  apperçu  trois  de  ces  animaux ,  qui  n'aboyèrent  point ,  &  qui 
ne  jeccérent  aucun  cri ,  efl  à  quinze  degrés  ;  &  fuivanc  l'etlimation  des  Pi- 
lotes, à  neuf  cens  vingt-cinq  lieues  de  la  Côte  du  Pérou.  Les  brifans  y 
font  fort  impétueux  (t). 

Le  vent  ayant  commencé  à  fouffler  du  Nord,  on  courut  à  l'Ouefl:,  dans  Ifle  fans  nom. 
l'efpérance  de  rencontrer  les  Ifles  de  Salomon.  Le  14,  on  découvrit  au 
Nord'-Oueft,  une  grande  Ifle  fort  baffe.  Vers  le  foir  on  n'étoit  pas  à  plus 
d'une  lieue  de  la  Terre,  lorfqu'on  vit  venir  un  Canot  monté  de  quatre  In- 
diens,  nuds  &  peints  de  rouge ,  à  l'exception  de  leurs  cheveux ,  qui  étoient 
noirs  &  tort  longs.  Ils  s'approchèrent  du  Vaiffcau,  à  la  ponée  de  la  voix, 
invitant  les  Hollandois  par  des  cris  &  des  fignes ,  à  "defcendre  au  rivage. 
Mais ,  comme  on  ne  put  les  entendre ,  &  qu'en  approchant  de  l'Ifle  on  ne 
trouva  point  de  fond  ni  de  changement  d'eau,  l'ans  compter  que  la  Côte 
étoit  couverte  d'un  grand  nombre  d'Infulaires,  dont  on  ignoroit  lesr  difpofi- 
tions ,  on  prit  le  parti  de  s'éloigner.  Cette  Ifle  eft  fort  longue  ,  mais  elle 
a  peu  de  largeur.  On  y  voyoït  quantité  d'arbres,  qu'on  prit  pour  des  pal- 
miers &  des  cocotiers.  Sa  hauteur  efl  de  quinze  degrés  quinze  minutes ,  & 
fon  rivage  parut  de  fable  blanc  (v). 

Après  avoir  fait,  pendant  la  nuit,  environ  dix  lieues  au  Sud-Sud-Ouefl; ,  Ifle  fans  fonct 
on  fut  furpris,  le  matin,  de  fe  trouver  fort  près  d'une  Côte,  où  l'on  vit 
encore  plufieurs, hommes  nuds  (x).    Trois  d'entr'eux  partirent  dans  un  Ca- 
not, &  s'approchèrent  de  la  Chaloupe.     Ils  y  furent  traités  avec  tant  de  -; 
douceur,  qu'un  des  trois  eut  la  hardieffe  de  monter  fur  le-Vaiffeau  :  mais ,  î 
au-tieu  de  prêter  l'oreille  aux  difcours  des  Hollandois ,  il  fe  mit  à  tirer  les           '^ 
doux  des  petites  fenêtres  d'une  cabane}    &  fon  adreffe  parut  extrême  à                  ■ '* 
les  cacher  dans  fes  cheveux.     Les  deux  autres ,  tournant  autour  du  Vaif-      Puîion  dc« 
feau,  tiroient  de  toute  leur  force  les  grandes  chevilles,  •&  s'irritoient  de  ne  ï"f"'^i''es 
pouvoir  les  arracher.    On  jugea  qu'ils  n'avoient  d'eftime  que  pour  le  fer.   cloux.'^^* 
Ils  étoient  peints  du  haut  en  bas,  de  diverfes  figures,  qui  fembloient  repré- 
fenter  des  ferpens,  des  dragons,  &  d'autres  objets  monftrueux.     Le  fond 
de  la  couleur  étoit  bleu ,  tel  que  celui  qui  refl:e  d'une  brûlure ,    caufée  par 
de  la  poudre  à  canon.     On  leur  verfa  du  vin ,  dans  leur  Canot  ;  r^iis ,  après 
l'avoir  bû,  ils  refufèrent  de  rendre  la  coupe.     Cependant,  comme  ils  n'a- 
voient pas  donné  d'autre  marque  de  férocité ,  on  envoya  la  Chaloupe  au  ri- 
vage, avec  quatorze  hommes ,  dont  huit  étoient  armés  de  moufquets,   & 
fix  de  grands  fabres.     A  peine  eurent -ils  touché  la  Terre,  que  trente  de 
ces  Barbares,  fortant  d'un  bois  avec  de  grolFes  maflues,   entreprirent  de 
leur  arracher  leurs  armes ,  &  de  tirer  la  Chaloupe  à  fec.     Ils  s'étoient  déjà 
faitis  de  deux  Hollandois ,  qu'ils  s'efforçoient  de  traîner  dans  le  bois.    Mais 
les  Moufquétaires  tirèrent  fur  eux  trois  coups ,  qui  en  blefférent  quelques- 

.  '  ■■  uns 

(t)  Pag.  589  &  S90.  ,    ^   Ifle  que  la  précédente,  qui  eft  fort  longue. 

(v)  P. g.  591.  "    R.  d.  ii. 

(x)  Il  paroit  que  c'étoit  encore  la  même 

Gg  a 


Violence 
dont  ils  foni 
punis. 


.  s,      4 


as^ 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


X.t  Mairb. 
l  6  i  6. 


me  de  Wa- 
terland. 

Ide  des 
Mouches. 


Mauvaife 
fitttation  des 
Hollandols. 


uns  mortellement ,  &  qui  firent  prendre  la  fuite  aux  autres.  Avec  ienrs 
maffues ,  ils  portoient  une  autre  arme,  dont  le  bout  paroiflbit  garni  de 
branches,  ou  d'épines.  Ils  avoient  aufli  des  frondes,  avec  lefquelles  iU 
lançoient  d'afTez  çrofles  pierres,  dont  ils  ne  bleflerent  néanmoins  perfonne. 
On  ne  leur  vit  i)omt  d'arcs  &  de  flèches.  Quelques  femmes,  pouffant  dé 
crands  cris,  prirent  à  la  gorge  ceux  qui  paroiflbient  difpofés  à  tenir  ferme, 
Les  Hollandois  s'imaginèrent  qu'elles  vouloient  les  dérober  au  péril,  <1  jg} 
forcer  de  fe  retirer  (y). 

Cette  Ifle  fut  nommée  YJJle  fans  fond  ^  parcequ'on  n'en  trouve  point  fur 
Tes  bords.  Sa  hauteur  efl:  de  quinze  degrés ,  à  cent  lieues  de  1  ifle  des 
Chiens.  Le  rivage  étoit  planté  de  palmiers  ;  mais  l'intérieur  de  l'Ifle  pa- 
roiflbit couvert  d'eau.  Une  Terre  A  ingrate  &.  des  Habitans  fl  fauvages 
firent  prendre  aufli-tôt  le  large  aux  HoUandois,  malgré  les  gémiflemens  de 
leurs  Malades.  Ils  trouvèrent  la  Mer  aflez  unie ,  &  fans  brifans  ;  ce  qui 
leur  fit  juger  qu'il  y  avoit ,  aflez  proche,  d'autres  Terres  au  Sud.  Le  ma- 
tin du  i6,  ils  eurent  la  vue  d'une  autre  Ifle  au  Nord,  dont  ils  s'approchè- 
rent avec  de  meilleures  efpérances.  Us  n'y  trouvèrent  pas  plus  de  fond 
3u'à  la  précédente ,  &  le  milieu  en  étoit  aum  fubmergé.  Elle  étoit  bordée 
'arbres ,  qui  n'étoient  ni  des  palmiers ,  ni  des  cocotiers.  Les  Matelots  de 
la  Chaloupe ,  ç[ui  allèrent  fonder  jufqu'au  rivage ,  n'apperçurent  point 
d'hommes;  mais  ils  découvrirent,  aflez  proche  du  bord  de  la  Mer,  une 
mare  d'eau  douce ,  d'où  les  brifans  ne  leur  permirent  pas  d'emporter  plus 
de  quatre  barils.     Us  fe  fournirent,  plus  heureufement ,  d'une  forte  d'herbe 

Î[ui  avoit  le  goût  du  creflbn  ,  &  dont  on  fit  cuire  une  pleine  chaudière,  qui 
oulagea  beaucoup  les  Malades.     Cette  Ifle  efl:  à  quinze  lieues  de  celle 
qu'on  venoic  de  quitter.    On  lui  donna  le  nom  de  JVaterland^  ou  Pays  d'eau. 
Le  matin  du  i8,  on  découvrit  encore  une  Ifle  baffe,  au  Sud-Ouefl ,  à 
vingt  lieues  de  la  précédente,  &  l'on  y  trouva  fond  fur  vingt,  vingt -cin^ 
&  quarante  braflTes,  près  d'une  pointe,  fous  laquelle  un  banc  étroit  s'avan* 
ce  en  Mer,  &  paroît  finir  à  la  portée  du  moufquet.    Ceux  qui  defcendirent 
au  rivage,  n'eurent  i)as  peu  de  peine  à  traverfer  les  brifans.    Us  entrèrent 
aflez  lom'  dans  un  bois ,  d'où  la  vue  de  quelques  Sauvages  les  fit  retourner 
promptement  à  bord.    Mais  ils  furent  fuivis  d'une  légion  de  mouches,  qui 
s'attachèrent ,  avec  une  étrange  opiniâtreté,   à  leurs  vifages  &  à  leurs 
mains.    La  Chaloupe  même  &  les  rames  en  étoient  couvertes.    On  ne  pue 
s'en  délivrer  pendant  quatre  jours  ;  &  l'on  ne  dût  la  fin  de  ce  tourment , 
qu'à  un  vent  frais ,  qui  les  fit  difparoître  en  un  inflant.    On  ne  manqua 
point  de  donner,  à  flfle,  le  nom  aJJle  des  Mouches. 

Outre  les  ravages  du  fcorbut,  le  befoin  d'eau  commençoit  à  fe  faire 
fentir  fi  vivement,  qu'on  étoit  réduit  à  tendre  des  linceuls  &  des. voiles, 
pour  raffembler  l'eau  des  moindres  pluyes.  Le  23 ,  à  quinze  degrés  qua- 
tre minutes,  le  Vaiffeau  eut  beaucoup  à  fouffrir  d'une  grofïe  Mer,  dont  les 
lames  rouloient  du  Sud,  quoique  les  vents  fuffent  du  Nord-£fl,  &  parti- 
culièrement de  l'Eft  &  de  l'Efl  quart  de  Sud-Eft.  Quelques-uns  fe  perfua- 
dèrent  que  la  Terre  Aufl:rale,  qu'on  çherchoit,  étoit  encore  à  deux  cens 

.  cin- 

(y)  Pàg.  S93>. 


PAR    LE    S  UD-OU  E  S  T,  Liv.  IV. 


•937 


cinquante  lieues  devant  eux.  Le  jour  d'après  &  le  25,  les  lames  continuè- 
rent de  rouler  du  Sud;  comme  elles  roulent  ordinairement  du  Nord-Oueil* 
dans  la  Mer  d'Efpagne  (z).     Le  3  de  Mai,  en  courant  à  TOuefl:,    vers 

a uinze  degrés  trois  minutes,  on  vit,  pour  la  première  fois,  des  dorades 
ans  la  Mqt  du  Sud.  Suivant  le  calcul  des  Pilotes ,  on  étoit  alors  à  mille 
cinq  cens  dix  lieues  des  Côtes  du  Pérou  &  du  Chili;  immenfe  éloignement, 
dans  une  Mer  (1  peu  connue.  Les  Malades  fe  livroient  au  defcrpoir.  £n> 
fin,  le  9  à  midi,  on  découvrit  une  voile,  qu'on  reconnut  bien  tôt  pour  une 
fiarque  Indienne.  Elle  venolt  du  Sud;  &  portant  au  Nord  ,  elle  paflTa  par 
le  travers  du  Vaifleau.  Schouten  fit  tirer  mutiiement  Tes  pièces  de  chaue, 
pour  la  faire  amener.  Sa  légèreté  lui  fit  gagner  le  vent.  Mais  la  Chalou* 
pe,  qui  étoit  encore  plus  fine  de  voiles ,  l'ayant  jointe  enfin,  &  n'en  étant 
plus  qu'à  la  demi-portée  du  moufquet,  lui  en  tira  Quatre  coups.  AulTi-tôt, 
d'unafTez  grand  nombre  de  Sauvages,  plufieurs  le  précipitèrent  dans  les 
Hots ,  &  les  autres  y  jettèrent  diverfes  provifions ,  telles  que  des  nattes  & 
des  poules.  Les  Hollandois  de  la  Chaloupe ,  n'ayant  pas  trouvé  de  réfi- 
flance  dans  la  Barque ,  fe  hâtèrent  de  la  conduire  à  bord ,  pour  retourner 
au  fecours  de  ceux  qui  s'étoient  jettes  dans  la  Mer.  II  n'y  redoit  que  deux 
hommes  &  huit  femmes,  avec  trois  enfans  à  la  mammelle,  &  quelç^ues  au- 
très  de  neuf  ou  dix  ans.  On  en  fit  fortir  les  deux  hommes  ,  qui  le  jette* 
rent  aux  pieds  des  Officiers.  L'un  étoit  un  vieillard,  qui  a  voit  la  tête  gri- 
fe.  On  ne  comprit  rien  à  leur  langage;  mais  on  les  traita  fort  humai' 
nement.  ,^^,M:  0  •  >    •  i      •     i  »  -^ 

La  Chaloupe  ne  put  retirer,  des  flocs,  (jue  deux  hommes ,  qui  fe  foûte- 
noient  encore  fur  une  rame.  Us  montroient,  de  la  main,  le  fond  de  la 
Mer ,  où  ils  vouloient  faire  entendre  que  leurs  Compagnons  écoient  enfe* 
veiis.  Tous  ces  Indiens  étoient  abfolument  nuds ,  &  peints  de  rouge  ;  les 
femmes  n'avoient  qu'une  petite  pièce  d'étoffe  au  milieu  du  corps.  Vers  le 
foir ,  on  fit  rentrer  les  hommes  dans  leur  Barque.  Ils  y  reçurent  des  em- 
braffemens  fort  affeftueux  de  leurs  femmes ,  qui  les  croyoient  perdus.  Pour 
quelques  bijoux  de  verre,  dont  on  leur  fit  préfent ,-  elles  donnèrent  deux 
nattes  très-fines,  &  quelques  noix  de  cocos;  les  feules  qui  leur  refloient, 
comme  elles  le  firent  entendre  par  leurs  fignes.  En  effet,  on  leur  vit  boi- 
re de  l'eau  de  Mer ,  dont  elles  donnèrent  auiiî  à  leurs  enfans  ;  ce  que  les 
Hollandois  ne  virent  pas  fans  admiration. 

L  A  Barque  Indienne  étoit  d'une  fabrique  extrêmement  finguliére.  Elle 
étoit  compofée  de  deux  longs  &  beaux  Canots ,  entre  lefquels  il  y  avoit 
quelque  efpace.  Au  milieu  de  chaque  Canot,  règnoient  deux  larges  plan- 
ches, d'un  hois  fort  rouge ,  fur  lefquelles  l'eau  pouvoit  couler  ;  &  d'autres 
planches  les  jolgnoient  d'un  bord  à  l'autre.  Elles  étoient  fort  bien  liées 
toutes  enfemble  ;  .mais  elles  n'alloient  pas  jufqu'aux  deux  bouts.  L'avant 
&  l'arrière  étoient  couverts  de  longues  pointes ,  ou  de  longs  becs ,  qui  n'é- 
toient  pas  moins  capables  de  les  garantir  de  l'eau.  Un  des  Canots  avoit  un 
mât,  avec  une  voile  d'artimon  &  fa  vergue.  Ce  mât  étoit  terminé  par  un 
taquet.    La  voile  étoit  de  nattes  ;  &  de  quelque  côté  que  vînt  le  vent,  ces 

In- 


1616, 


X  quelle 

diftance  ils 
étoient  du 
Pérou. 


Rencontre 
d'une  Barque 
remplie  de 
Sauvage»  in- 
connus. 


Leur  te», 
drefle  en- 
tr'eux. 


Fabrique  de 
leur  Barque, 


(8)  Pag.  (Joo  &  préçWcntes. 


Gg3 


'  I 


23* 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Lb  Mairk. 
1(5 1(5. 


ril  vu  ' 
1'"     >l  J  ■, 


(lies  des 
G)cos  &  des 
Traîtres. 

■■■.  .■.■^iV. 


•!'  '"    ,'■    1 


Effet  de  la 
moufquéterie 
fur  les  Infu- 
laiics. 


Indiens  fçavoiËnc  le  prendre.  Ils  pouvoient  faire  leurs  navigatiotii  Tant 
bouflble,  &  fans  autres  indrumens  que  des  hameçons  pour  la  pêche,  dont 
le  haut  écoit  de  bois,  &  le  bas  d'un  os  noir,  ou  d'écaillé  de  tortue.  Hj 
en  avoienc  même  de  nacre  de  perles.  Leurs  cordages  étoient  bons,  &  (j^ 
répaifl*eur  d'un  cable;  filés  ou  tiflus,  d'une  matière  qui  rcflembloit  beau- 
coup  à  celle  des  cabas  de  f^ues,  qui  viennent  d'Efpagne.  Après  avoir 
reçu  la  liberté  de  s'éloigner  du  Navire  ,  ils  prirent  leur  route  au  Sud- 
Eft  (a). 

Le  10,  en  gouvernant  à  l'Oueft  &  au  Sud-Oucft,  on  vit,  à  la  gauche 
du  Navire,  des  Terres  fort  hautes,  à  la  diilancc  d'environ  huit  lieuej. 
Leur  couleur  paroiflbit  bleue.  On  continua  d'avancer  tout  le  relie  du  jour 
fans  en  pouvoir  approcher:  mais  le  lendemain,  après  avoir  louvoyé  toute' 
la  nuit,  on  fe  trouva  proche  d'une  Ilk  fort  élevée,  à  deux  lieues  delà- 
quelle  on  en  découvroit  une  autre  au  Sud.  Le  Navire  pafla  fur  un  banc 
où  la  profondeur  de  l'eau  n'étoit  que  de  quatorze  brafles ,  fond  pierreux! 
Auffi-tôc  qu'on  l'eut  paflé ,  on  ne  trouva  plus  de  fond ,  quoiqu'on  ne  fût 
qu'à  deux  lieues  de  la  Terre.  La  Chaloupe  fut  mife  en  Mer.  Après  quel- 
ques rechercihes,  ellfe  revint  annoncer  qu'elle  avoit  trrouvé,  à  la  pointe  de 
la  première  Ille,  bon  fond  de  fable,  llir  vingt -cinq  braifes.  On  ne  fit 
pas  difficulté  d'y  mouiller,  à  la  vue  de  plulîeurs  Canots,  qui  bordoient  le 
rivage.  Cette  lile  eft  proprement  une  haute  montagne.  On  y  découvrit 
un  grand  nombre  de  cocotiers ,  qui  relevèrent  le  courage  des  Malades,  & 
qui  lui  firent  donner  le  nom  dljles  des  Cocos.  L'autre,  plus  longue  &  pluj 
bafle,  s'étend  de  l'Eft  à  rOuefi:.(*). 

LORSQ.UE  le  Vaifleau  fut  établi  fur  fes  ancres,  trois  petits  Bâtimenj 
Sauvages  en  vinrent  faire  le  tour  ,  &  dix  ou  douze  Canots  rabordèrcnt, 
Quelques-uns  déployèrent  de  petits  pavillons  blancs,  &  les  Hollandois  en 
arborèrent  auffi.  Les  Canots  portoient  chacun  trois  ou  quatre  hommes.  Jlj 
étoient  arrondis  à  l'avant,  aigus  à  l'arrière,  &  compofés  d'une  feule  pièce 
de  fort  beau  bois  rouge.  En  approchant  du  Navire ,  les  Indiens  fautoient 
dans  l'eau  &  venoient  à  bord  à  la  nage,  les  mains  pleines  de  noix  de  cocoj 
&  de  racines  d'Ubas ,  qu'ils  troquoient  pour  des  doux  &  de  la  verroterie; 
deux  marchandifes  dont  ils  paroiflbient  faire  beaucoup  de  cas.  Ils  don- 
noient  quatre  ou  cinq  noix  pour  un  clou ,  ou  pour  quelques  grains  de  ter- 
re. Mais  ils  vinrent  à  bord  en  fi  grand  nombre,  que  t'efpace  manquoit  pour 
s'y  tourner.  Schouten ,  regrettant  de  n'avoir  aucun  abri  à  la  pointe  de 
llfle,  envoya  fonder  autour  de  la  Côte,  pour  en  trouver  un  plus  fur.  La 
Chaloupe  ne  fut  pas  plutôt  éloignée  du  Navire ,  qu'elle  fe  vit  environnée 
d'une  multitude  d'autres  Canots.  Les  Sauvages  avoient  l'air  furieux ,  & 
portoient  de  gros  bâtons  d'un  bois  très-dur,  dont  la  pointe  étoit  tranchan- 
te. Ils  abordèrent  Id  Chaloupe,  dans  l'intention  apparemment  de  s'enfai- 
fir.  Alors,  lanécdBté  de  fe  défendre  força  les  Hollandois  de  tirer  trois 
coups  au  milieu  d'eux.  Le  bruit  &  la  flamme  ne  parurent  pas  les  effrayer; 
mais,  lorfqu'au  troifième  coup ,  qui  en  perça  un  dans  la  poitrine,  ils  virent 
fortirlabaliepar  ledos,  &  leur  Compagnon  tomber  fans  mouvement,  ils 

ne 


(a)  Paj.  600  &  précédentes. 


(t)  Pag.  6ou 


\ 


PAR    LE,   $V  D-O  U  E  S  T,  Liv.  IV. 


«39 


ne  ttenférent  qu'à  s'éloigner.  Cm  Infulaires  avoicnt  beaucoup  de  penchant 
au  larcin.  Malgré  l'effroi,  dont  ils  avoient  paru  faifis,  un  d'entr'eux, 
plongeant  dans  la  Mer  à  la  vue  des  Hollandois ,  déroba  fous  leau  un  plomb 
de  fonde.  A  bord  du  Vaiflcau,  ils  prcnoient  tout  ce  qui  tomboit  fous  leurs 
mains,  &  fe  fauvoient  à  la  nage  avec  leur  proye.  Les  uns  volèrent  des 
oreillers  àc  des  couvertures;  d'autres,  des  couteaux;  &  leur  paflion  la  plus 
vive  étant  pour  le  fer ,  ils  faifoient  de  grands  efforts  pour  arracher  les 
doux  &  les  chevilles  du  Bâtiment.  On  fe  crut  obligé,  le  foir,  de  hàler  la 
Chaloupe,  par  précaution  pour  la  nuit.  Ils  étoient  hauts,  robufles  &  bien 
proportionnés  dans  leur  taille.  Quoique  leur  nudité  fût  égale,  ils  n'a- 
voient  pas  la  même  reflemblance  dans  la  manière  dont  ilsportoicnt  leurs  che- 
veux. Les  uns  les  avoient  courts  ;  d'autres ,  frifés  avec  art  ;  d'autres , 
trèfles  &  liés  diverfement.  La  fituation  de  leur  Ifle  ell  à  feize  degrés  dix 
minutes  (<r). 

I.  E  lendemain ,'  paroifl*ant  avoir  tiré  quelque  fruit  de  l'expérience ,  ils  ap- 
portèrent avec  plus  de  modération ,  des  noix  de  cocos ,  des  bananes ,  des 
racines  d'ubas,  quelques  petits  porcs,  &  de  grandes  jarres  d'eau  douce. 
Leur  ardeur  ne  s'exerça  qu'entr'eux  :  chacun  voulant  être  le  premier  à 
bord ,  fautoit  de  fon  Canot ,  &  plongeoit  au  travers  des  autres ,  ou  deflbus , 
pour  vendre  ce  qu'il  portoit  entre  ks  dents ,  ou  dans  fes  mains.  Auflîtôt 
qu'ils  avoient  fait  leur  marché  ,  la  plupart  retournolent  à  leurs  Canots. 
(Quelques-uns  ne  fe  laflbient  point  d'admirer  la  force  &  la  grandeur  du  Na- 
vire. Ils  fe  gliflbient  en  bas,  le  long  du  gouvernail;  &  frappant  fous  l'eau 
contre  le  bordage,  ils  paroiflbient  obferver  fa  force  dans  \es  différentes 
parties.  Un  autre  Canot  apporta  un^fanglier  noir,  &  l'on  crut  connoître, 
a  divers  flgnes,  que  c'étoit  un  préfent  de  la  part  du  Roi;  fur -tout,  lorf- 
qae  ceux  qui  l'avoient  apporté  refuférent  les  préfens  qu'on  voulut  leur  faire 
aufli.  Bien-tôt  le  Roi  vint  lui-même,  dans  une  grande  Pirogue  à  voiles, 
de  la  forme  des  traîneaux  dont  on  fe  fert,  en  Hollande,  pourglifler  fur  la 
glace.  Il  «toit  efcorté  de  vingt-cinq  Canots.  Le  nom  de  fa  dignité ,  qu'on 
entendit  répéter  plufieurs  fois ,  étoit  Latou.  On  le  reçut  au  fon  des  trom- 
pettes &  des  tambours.  Sa  furprife  parut  aifez  vive,  pour  faire  juger  qu'il 
n'avoit  jamais  rien  entendu  d'approchant.  Les  Indiens  de  fa  fuite  firent 
beaucoup  d'honneurs  &  de  carefles  à  l'Equipage  Hollandois;  ou  du  moins 
ils  inclinoient  fouvent  la  tête,  ils  frappoient  defllis  avec  Je  poing ,  ils  fai- 
foient d'autres  poflures  qu'on  ne  pouvoit  prendre  que  pour  des  civilités.  Le 
Roi  même ,  s'étant  approché  du  Vaiffeau ,  pouffa  de  grands  cris ,  &  parut 
témoigner  fa  joye  par  des  agitations  de  corps ,  qui  furent  imitées  de  tous 
fes  gens.  Il  n'avoit  rien  qui  le  diflinguât  d'eux.  Dans  fa  nudité,  qui  étoit 
la  même,  on  ne  s'appercevoit  de  fon  rang  qu'à  la  foumiifion  avec  laquelle 
il  étoit  obéi.  Schouten  l'invita,  par  des  fignes,  à  paffer  à  bord.  Il  n'eut 
pas  la  hardieffe  de  s'y  expofer.  Son  fils  y  paffa,  &  fut  traité  avec  diflinc- 
tion.  Ceux  qui  montèrent ,  avec  lui ,  fe  jettèrent  à  genoux ,  baifèrent  les 
pieds  des  Chefs ,  &  marquèrent  de  l'admiration  pour  tout  ce  qui  frappoit 

leurs  yeux.    Ils  fembloient  prefler  les  Hollandois ,  par  leurs  fignes,  de  def- 

cen- 
(e)  Pag.  604  &  précédentes.  '•■•   •,■"';  '.  ■      -:-  i-       i  ;,  ^ 


Li  Matki» 

16  16. 

Leur  carac* 
turc. 


ifi  -'  'I 


Leurs  ob- 
fcrvations  fui 
le  Vaiircau. 


Forme  de 
leurs  carctTes, 


.1.  :    -,    ■  ( 
■Sx     ). 


t4ô 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Lt  Mairi. 
i6i6. 


Les  Hollan- 
dols  Tont  tra 
his  par  les 
Sauvages. 


cendre  fur  leur  Côte,  &.  de  prendre  confiance  à  leur  amitié.  On  reçut 
d'eux  trois  hameçons ,  qui  pendoient  à  des  rofeaux,  un  peu  plus  gros  que 
les  nôtres,  avec  des  crocs  de  nacre  de  perles  {d). 

Le  13,  on  fut  follicité  fi  vivement,  par  d'autres  Canots,  de  s'appro. 
cher  de  la  féconde  Ifle,  qu'enfin  l'ancre  fut  levée  par  complaifance.  Pen. 
dant  le  jour,  on  vit  venir  environ  quarante-cinq  Canots,  qui  furent  fuivjj 
d'une  Flotte  de  vingt-trois  petits  Bâcimens  à  voile.  Ces  Bâtimens  portoieoc 
chacun  vingt-cinq  hommes,  &  les  Canots  quatre  ou  cinq.  Le  commerce  fe 
fit  d'abord  avec  de  grandes  apparences  <ie  bonne-foi:  mais  ce  prélude  n'é- 
toit  qu'une  préparation  à  la  plus  noire  perfidie.  Le  Roi  fe  trouvoit  dans 
un  des  petits  Bâtimens.  En  vain  renouvella-t'on  les  infiances  pour  le  faire 
pafTer  abord.  Son  obdination  parut  d'autant  plus  fufpe6fce,  que  toute  fa 
Flotte  environnoit  le  VaifTeau.  Enfin  ,  il  quitta  fon  Bâtiment  pour  palTer 
dans  un  Canot.  Son  fils  pafTa  dans  un  autre ,  &  tous  leurs  gens  firent  aulH* 
tôt  un  grand  cri ,  qui  étoit  apparemment  le  fignal  de  l'afTaut.  En  effet, le 
Bâtiment ,  que  le  Roi  venoit  de  quitter ,  aborda  le  VaifTeau  avec  autant  de 
force,  que  s'il  avoit  efperé  de  le  couler  à  fond,  &  de  palTer  par-delTiii 
Comment  ils  Mais  ce  grand  choc  n'eut  pas  le  fuccès  qu'il  s'étoit  promis.  Les  étravei 
fe  dégagent,  des  deux  Canots ,  qui  foûtenoient  la  machine  du  Bâtiment ,  fe  briférent; 
&,  dans  leur  furprife,  les  Indiens,  qui  les  montoient,  s'élancèrent  dam 
les  flots.    Alors  tous  les  autres  commencèrent  à  jetter  une  nuée  de  pierrei, 

3ui  étoient  capables  d'effrayer  les  Hollandois.  Schouten  fe  contenta  d'or- 
onner  une  décharge  de  lamoufc^uécerie,  &  de  trois  pierriers  chargés  de 
balles  &  de  vieux  doux.  Quantité  d'Indiens  tombèrent  fans  vie.  Le  ref- 
te,  tranfporté  de  frayeur  à  la  vue  d'une  fi  terrible  exécution,  fe  hâta  de 
retourner  au  rivage.  Il  y  avoit  beaucoup  d'apparence  que ,  pour  cette  en- 
treprife,  le  Roi  avoit  rafTemblé  toutes  fes  forces;  car  on  compta  plus  à 
mille  hommes  dans  fa  Flotte ,  entre  lefquels  on  en  difUngua  un ,  qui  avoit 
la  blancheur  d'un  Européen  (<).  ,.mm  '  y 

Schouten  ne  laifTa  pas  de  faire  lever  l'ancre,  pour  fe  garantir  d'unenou- 
velle  furprife.  Tout  1  Equipage,  qui  n'avoit  pas  eu  le  tems  de  faire  allez 
d'eau ,  lui  demandoit  la  permifTion  de  defcendre ,  &  d'employer  la  force. 
Une  iufte  prudence  lui  fit  réprimer  cette  ardeur.  La  première  Ifle,  quieft 
fort  haute,  fut  nommée  la  Montagne  des  Cocos i  &  la  féconde,  Yljlt  iis 
Traîtres  (f). 

Le  14,  on  découvrit  une  autre  Ifle,  à  cinquante  lieues  des  deux  der* 
nières;  &  le  defîr  qu'on  eut  d'y  faire  de  l'eau ,  lui  fit  donner  le  nom  de 
VEfpérance.  Mais ,  ne  trouvant  point  de  fond ,  on  mit  la  Chaloupe  en  Mer, 
pour  fonder  le  long  du  rivage,  où  l'on  trouva  quarante  brafTes,  fond  de 
petites  pierres  molles  &  noires ,  &  quelquefois  vingt  à  trente  brafTes;  mail 
toujours  fi  proche  de  l'Ifle ,  qu'à  deux  longueurs  de  la  Chaloupe,  on  cef* 
foit  abfolument  d'en  trouver.  D'ailleurs ,  la  Mer  brifoit  avec  tant  de  vio- 
lence contre  la  Côte,  qu'il  auroit  été  difficile  d'y  defcendre.  On  ne  voyoit, 
dansTIfle,  que  des  rochers  bruns,  qui  étoient  verds  au  fommet,  &  des 
terres  noires,  plantées  de  cocotiers.     Quelques  maifons  s'offroient  dansl'é- 

loi* 


Avanture 
dans  une  au 
Ue  Ifle. 


(d)  Pag.  606. 


(«)  Pag.  608. 


(/)  Pag.  (508. 


PAR    LE    SU  D-O  U  E  S  T,  Liv.  IV. 


Mi 


EmbartM 
de  leurs  Chef» 
fur  luur  roule. 


lolgnement ,  &  Ton  apperçut  même  un  gros  fiourg.  En  général ,  cette  Li  Mathl 
Illc  ell;  montueufc,  quoique  les  montagnes  y  foycnc  d'une  hauteur  mé-  i6iC» 
diocre.  Pendant  que  la  Chaloupe  continuoit  de  fonder,  on  vit  paroîtrc 
dix  ou  douze  Canots ,  qui  s'en  approchèrent  avec  des  intentions  fulpeéles. 
Les  Ilollandois,  n'étant  uu'au  nombre  de  huit,  fe  crurent  obligés,  pour 
leur  fureté ,  de  tirer  quelques  coups  de  moufquet ,  dont  ils  tuèrent  deux 
hommes.  L'un  fut  aulîi-tot  renverfé  ;  &  l'autre,  après  avoir  efliiyé  pen- 
dant quelques  inflans  le  fang  qui  fortoit  de  fa  playe ,  tomba  aulli  dans  la 
Mer.  Cet  exemple  effraya  les  autres;  mais  le  Vaifleau  n'en  remit  pas 
moins  à  la  voile. 

Le  i8,  on  étoit  à  feize  degrés  cinq  minutes,  avec  des  vents  de  l'Oueft 
extrêmement  variables.  Schouten  rcpréfenta  au  Confeil ,  qu'on  avoit  dcji 
fait  environ  feize  cens  lieues,  à  l'Efl  des  Côtes  du  Pérou  &  du  Chili,  fans 
avoir  découvert  la  Terre  Aullrale  qu'on  cherchoic ,  &  qu'il  n'y  avoit  aucu- 
ne apparence  de  réufllr  plus  heureufcment  ;  qu'on  s'étoit  même  avancé  à 
rOuelt  beaucoup  au-delà  de  fon  intention  ;  qu'en  continuant  cette  route  , 
on  fe  trouveroit  infailliblement  au  Sud  de  la  Nouvelle-Guinée  ,  &  que  fi 
l'on  n'y  découvroit  point  de  palfage,  comme  on  n'en  avoit  aucune  certitu- 
de, ni  la  moindre  connoilTance ,  le  Vaifleau  &  l'Equipage  couroient  fans 
doute  à  leur  perte ,  puifqu'U  feroit  impoffible  de  retourner  à  l'Efl:,  contre 
les  vents  d'Efl:  qui  régnent  continuellement  dans  ces  Mers  :  enfin ,  qu'il 
refl:oit  fort  peu  de  vivres,  &  qu'on  ne  voyoit  aucun  moyen  de  s'en  procu- 
rer; d'où  il  conclut  qu'il  étoic  néceflaire  de  changer  de  route,  &  de  met- 
tre le  cap  au  Nord,  pour  fe  rendre  aux  Moluques  par  le  Nord  de  la  Nou- 
velle-Guinée {g). 

Cet  avis  étant  approuvé  du  Confeil,  on  tourna  aufllî-tôc  les  voiles  au 
Nord-Nord-Ouefl:,  jufqu'au  lendemain,  qu'avec  un  vent  du  Sud  on  porta 
droit  au  Nord.  Le  ai ,  on  fe  trouva  proche  d'une  Ifle,  d'où  vingt  Canots 
vinrent  à  bord ,  avec  des  marques  extraordinaires  de  franchife  &  de  dou- 
ceur. Cependant,  un  des  Infulaires,  qui  étoit  armé  d'une  zagaie  fort  ai- 
guë, menaça  un  Matelot  de  l'en  frapper.  Leurs  cris,  qui  s'élevèrent  au 
même  moment ,  furent  pris  pour  un  fignal  d'attaque.  On  leur  tira  deux 
coups  de  canon ,  &  quelques  coups  de  moufquet ,  qui  en  bleflerent  deux  & 
qui  difpoférent  les  autres  à  s'éloigner.  Enfuite  la  Chaloupe  s'étant  appro- 
chée de  la  Terre  avec  la  fonde,  les  Indiens  de  fix  ou  fept  Canots,  dont  el- 
le fe  vit  environnée ,  s'efforcèrent  d'y  entrer  &  d'arracher  leurs  armes  aux 
Matelots.  Cette  violence  attira  fur  eux  une  décharge  de  moufquéterie ,  qui 
en  tua  fix ,  &  qui  en  biefla  un  plus  grand  nombre.  Dans  une  extrémité 
moins  preffante,  fur-tout  après  tant  d'exemples  de  la  barbarie  des  Infulai- 
res ,  on  n'auroit  penfé  qu'à  s'éloigner.  Mais  le  Capitaine  fe  mit  lui-même 
dans  la  Chaloupe,  &  trouva  un  fort  bon  mouillage  aflTez  proche,  dans  une 
Baye  voifine ,  peu  éloignée  d'une  Rivière.  La  Mer  y  étoit  fort  unie:  l'an- 
cre y  fut  jettée  devant  l'embouchure  dsla  Rivière;  de-forte  qu'en  defcen- 
dant  au  rivage,  fur  l'un  ou  l'autre  bord,  le  canoa  mettoit  les  Matelots  à 
couvert  de  i'infulte  des  Sauvages. 

Lb 

ig)  Pag.  610  &  611.  ....  .   , 

X'/F.  Pa^^  Hh 


Autres  Sau- 
vages dont  il« 
ont  à  fc  dé- 
fendre. 


S4S 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Xe  Maire. 
i6i6. 

Liaifon 
qu'ils  font 
avec  eux. 

Forme  des 
ninilbns  de 
rille. 


Les  Sauva- 
j^cs  devien- 
nent traita- 
i>:es. 


fiii  établie. 


Le  même  jour,  on  vit  paroître  plufieurs  Canots,  qui  vinrent  échanger 
paifiblement  diverfes  provifions  pour  des  doux ,  des  couteaux  &  des  grains 
de  verre.  Ils  n'étoient  pas  moins  exercés  au  vol  que  les  Habitans  des  au- 
tresliles,  ni  moins  adroits  à  plonger.  Leiu-s  maifons,  qu'on  appercevoit 
du  Vailleau,  étoient  couvertes  &  fermées  de  feuilles  d'arbres,  de  forme 
ronde ,  &  terminées  prefqu'en  pointe.  Elles  avoient  à-peu-près  vingt-cinq 
pieds  de  tour,  &  dix  ou  douze  de  hauteur,  avec  un  trou  pour  porte,  par 
lequel  on  ne  pouvoit  pafler  qu'en  fe  baifTant.jufqu'à  terre.  On  y  trouva 
pour  meubles,  quelques  herbes  aulfi  féches  que  le  foin,  qui  fervent  de  lit 
aux  Habitans ,  avec  un  ou  deux  hameçons  &  leurs  verges  ;  &  dans  quej. 
ques-unes ,  des  maflues  de  bois. 

L'i N  Q.U  I É  T  u  D  E  où  l'on  étoit  fans  cefle  à  la  vue  d'un  grand  nombre  de 
Canots ,  qui  s'aflembloit  de  toutes  les  parties  de  l'Ifle ,  &  le  refus  que  les 
Infulaires  faifoient  conftamment  de  venir  à  bord,  firent  prendre  au  Capital- 
ne  la  réfolution  d'envoyer  à  terre  trois  de  fes  gens  ,  pour  y  demeurer  en 
otages.  On  retint,  en  méme-tems,  lix  des  principaux  Sauvages,  qu'on 
s'efforça  d'apprivoifer  par  la  bonne  chère  &  des  préfens.  Les  autres  ne 
marquoient  pas  moins  d'affeélion  aux  trois  Hollandois.  Le  Roi  mémeleur 
rendit  toutes  fortes  d'honneurs.  Il  tint ,  près  d'une  demie-heure ,  fes  deux 
mains  l'une  contre  l'autre ,  &  fon  vifage  defllis ,  fe  baiflant  prefqu'à  terre, 
&  demeurant  dans  cette  poflure,  pour  attendre  apparemment  que  les  Hol- 
landois lui  fiflent  la  même  révérence.  Ils  s'avifèrent  de  la  faire.  AulTi-tot, 
il  baifa  leurs  pieds  &  leurs  mains.  Un  autre  Indien ,  qui  étoit  afïls  prés  de 
lui ,  pleuroit  à  chaudes  larmes,  &  leur  tenoit  des  difcours  auxquels  ils  ne 
comprenoient  rien.  Enfin ,  le  Roi  retira  fes  pieds  de  defTous  fon  derrière, 
fur  lequel  il  étoit  aflîs;  &  le  les  palTant  fur  le  cou,  il  s'humilia  &  fe  roui., 
fuivant  l'expreflion  de  l'Auteur,  comme  un  ver  de  terre.  Les  préfens, 
qu'on  lui  fit,  parurent  lui  plaire  beaucoup.  Cependant  il  marqua  une  paf« 
lion  fi  vive  pour  une  chemife  blanche,  qu'Aris  Claafz,  un  des  trois  Hollan' 
dois ,  avoit  prife  le  même  jour,  qu'ils  furent  obligés  d'en  envoyer  chercher 
une  autre  à  bord  pour  la  lui  offrir.  En  revanche,  il  leur  donna  trois  petia 
porcs  (h). 

Après  cette  efpèce  de  Traité,  on  ne  trouva  plus  de  difficulté  à  fair« 
de  l'eau.  Cependant  on  y  envoya  toujours  deux  Chaloupes ,  dont  l'une 
étoit  armée ,  pour  défendre  celle  qui  portoit  les  tonneaux.  Il  s'y  rendit  un 
fi  ^rand  nombre  de  Sauvages ,  que  les  Matelots  en  étoient  embarrafles  ; 
mais  tout  fe  paffa  fans  defordre.  Le  Roi  s'empreffoit  lui  -  même  d'écarter 
les  importuns ,  ou  les  faifoit  chaffer  par  fes  Officiers ,  avec  beaucoup  de  fer- 
meté à  fe  faire  obéir.  On  ne  vit  pas  moins  d'Indiens  autour  du  VaifTeau. 
Un  d'entr'eux ,  étant  monté  par  l'arrière ,  entra  dans  la  chambre ,  d'où  il 
emporta  un  fabre,  avec  lequel  il  eut  l'adreffe  de  s'échapper  à  la  nage.  On 
dépêcha  fur  lui  un  Canot ,  qui  ne  put  le  joindre.  Schouten  fit  porter  fes 
plaintes  aux  Officiers  du  Roi.  Sar  le  champ,  ils  cherchèrent  le  Voleur; 
&  l'ayant  amené,  quelque  éloigné  qu'il  fût  déjà,  ils  mirent  le  fabre  aux 
jiieds  de  ceux  qui  le  redemandoient.    Ils  montroient  avec  les  doigts,  qu'il.» 

lu* 
ib)  Tag.  61  s  &  précédemei. 


PAR    LE    SU  D-O  U  E  S  T,  Liv.  IV. 


643 


lui  paAToient  fur  la  gorge ,  que  fi  fon  crime  étoit  conriu  du  Roi,  il  lui  en 
coutcroit  la  tète.  Depuis  ce  jour ,  on  fie  s'apperçut  pas  du  moindre  vol , 
à  bord  &  fur  le  rivage. 

Les  Infulaires  redoutoient  extrêmement  les  armes  à  feu.  Une  déchar- 
ge de  moufquéterie  ks  faifoit  fuir  en  tremblant  ;  mais  on  les  épouvanta 
beaucoup  plus ,  lorfqu'on  leur  fit  entendre ,  par  des  fignes ,  que  les  groffes 
pièces  tiroient  aulîi.  Le  Roi  parut  defirer  une  fois  ce  fpedlacle.  On  eut 
cette  complaifance  pour  lui.  Sa  propre  attente,  &  toutes  les  aiïlirances 
qu'on  lui  avoit  données,  ne  l'empêchèrent  pas  lui-même  de  prendre  la  fui- 
te avec  tous  fes  gens;  &  lorfqu'il  fut  revenu  avec  eux,  on  eut  peine  en- 
core à  les  remettre  de  leur  frajeur.  Alors  Schouten  ne  fit  pas  difficulté  de 
leur  renvoyer  leurs  otages;  &  les  trois  Hollandois  revinrent  librement: à 
bord.  Le  jour  fuivant,  on  fut  agréablement  furpris  d'y  voir  venir  quel- 
ques-uns des  principaux  Sauvages,  avec  leurs  femmes.  Ils  portoient  au 
cou  des  feuilles  vertes  de  cocos ,  qui  étoieut  la  marque  de  leur  grandeur , 
&  dans  les  mains  des  branches  vertes,  avec  une  banderolle  blanche,  pour 
figne  de  paix  &  d'amitié.  Ils  firent  les  mêmes  révérences  qu'on  avoit  vu 
faire  au  Roi.  Schouten  les  reçut  dans  fa  chambre,  où  leur  admiration  tom- 
ba particulièrement  fur  une  montre ,  une  fonnette ,  un  miroir  &  des  pifto- 
lets.  Après  leur  avoir  fait  quelques  préfens ,  pour  eux-mêmes  &  pour  le 
Roi ,  on  prit  l'amufement  dfi  la  pêche  avec  eux.  Entre  plufieurs  poiflbns, 
on  trouva,  dans  le  filet,  diux  rayes  d'une  forme  extraordinaire.  Outre 
qu'elles  étoient  fort  épaifles,  elles  avoient  la  tête  très-grofle  ,  la  peau  ta- 
chetée comme  un  épervier,  les  yeux  blancs,  deux  grandes  nageoires,  la 
queue  étroite  &  fort  longue,  &  deux  petites  fonnettes  aux  côtés.  En  gé- 
néral, fi  l'on  excepte,  la  queue,  elles  reflembloient  beaucoup  aux  chauve- 
fouris  (/). 

Les  Hollandois  fe  crurent  obligés  à  des  retours  de  politeiTe.     Le  Maire 
&  Aris  defcendirent  dans  l'Ifle,  précédés  des  trompettes,  &  portant,  com- 
me en  cérén^  jnie,  un  petit  miroir  &  d'autres  bagatelles  pour  le  Roi.     lis 
trouvèrcRÇ,   fur  le  rivage,  un  homme  courbé  fur  des  pierres,  les  mains 
jointes  fur  la  tête  &  le  vifage  contre  terre.     C'étoit  le  Roi  même,  &  cette 
poliure  étoit  une  révérence.     Ils  le  relevèrent ,   pour  fe  rendre  avec  lui 
dans  fa  maifon,  qu'ils  trouvèrent  remphe  de  Speélateurs,  ou  de  fes  Offii- 
ciers.     On  étendit  deux  petites  nattes  ,  fur  lefquelles  le  Roi  s'affît  avec 
eux.     Les  trompettes  ayant  commencé  alors  à  fonner,  l'étonnement  &  la 
frayeur  fe  répandirent  également  dans  l' Alfemblée.     Un  Seigneur ,  que  les 
Hollandois  prirent  pour  un  fécond  Roi ,  ou  pour  la  féconde  Perfonne  de 
rifle,  entra  doucement,  le  vifage  tourné  vers  les  Etrangers ,  quoiqu'il  mar- 
chât de  côté.    Lorfqu'il  fut  devant  eux ,  il  s'élança  tout  d'un  coup  derriè- 
re leur  natte,  en  prononçant  quelques  mots  d'un  ton  d'autorité.     Enfuiteil 
fit  un  grand  faut  en  l'air,  pour  retomber  aflis,  les  jambes  croifées  fous  lui. 
Comme  la  chambre  étoit  pavée  de  pierres,  les  Hollandois  s'étonnèrent  qu'il 
ne  fe  fût  pas  caifé  les  jambes.     Il  fit  alors  une  harangue ,  ou  une  prière , 
après  laquelle  on  lervit  une  forte  de  limons ,  à-peu-près  du  goû^j;  des  me- 
lons 
(0  Pag.  617. 

Hh  2 


Lé  Maire. 
I  616. 

EfTc-t  des 
armes  à  feu 
fur  les  Sau- 
vages.   • 


Rayes  ir.onf- 
trueufcs. 


Vifitc  fin- 
gui  ièré  &  fes 
ciiconflanccs. 


244 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Le  Matre. 
l6i6. 


Obfcrva- 
lions  fur  l'in- 
térieur de 
l'JJle. 


Ions  d'eau.  Le  breuvage  étoit  compofé  de  racines  bouillies.  Entre  les  hon- 
neurs qu'on  fit  aux  Etrangers  ,  on  étendit  quantité  de  nattes,  pour  les 
faire  marcher  defllis.  Les  deux  Rois  leur  firent  préfent  de  leurs  cou- 
tonnes,  qu'ils  mirent  eux-mêmes  fur  la  tête  de  le  Maire  &  d'Aris, 
C'étoit  un  cercle  de  plumes  blanches ,  longues  &  étroites ,  mêlées ,  en 
quelques  endroits,  de  petites  plumes  vertes  &  rouges,  qui  venoient  des 
perroquets  de  l'Ifle.  On  y  voit  un  autre  oifeau,  dont  l'Auteur  juge  que  les 
fnfulaires  font  beaucoup  de  cas ,  parceque  tous  les  Confeillers  du  Roi  en 
avoient  un  perché  prés  d'eux  fur  un  petit  bâton.  Ces  animaux ,  qui  ont 
quelque  reflemblance  avec  le  pigeon,  font  blancs  jufqu'aux  aîles  ,  &  noirs 
dans  tout  le  refte  du  corps  ,  à  la  réferve  de  quelques  plumes  rougeà. 
très  qu'ils  ont  fous  le  ventre.  Le  Maire  offrit  aux  deux  Rois  quelques 
préfens  de  peu  de  valeur,  qui  devinrent  de  précieufes  richeffes  entre  leurs 
mains. 

[  L  E  28 ,  le  Capitaine  Schouten ,  alla  aufîî  à  terre  avec  les  trompettes,  que 
le  Roi  aimoit  à  entendre.  Le  Roi  d'une  autre  Ifle  voifine  étant  venu ,  le 
même  jour,  vifiter  celui-ci,  ils  fe  firent  de  grandes  révérences,  &  ferc. 
galérent  de  racines  ;  mais  bien  -  tôt  après  quelques  cris  perçans ,  annoncè- 
rent un  démêlé  des  plus  vifs  entr'eux.  Les  HoUandois  crurent  remarquer 
que  le  Roi  étranger  vouloit  qu'on  les  retint  prifonniers ,  &  qu'on  tâchât 
de  s'emparer  de  leur  Navire ,  à  quoi  l'autre  Roi  s'oppofoit  de  toutes  fes 
forces.  Le  Viceroi ,  ou  fils  du  Roi ,  ayant  paffé  à.  bord ,  &  vifité  le  Vaif- 
feau ,  ne  fut  pas  moins  furpris  qu'il  l'avoit  été  de  voir  fa  forme  extérieure. 
Le  foir  on  prit  à  la  feine  quantité  de  bon  poiflbn ,  dont  on  fit  préfent  d'une 
partie  au  Roi,  qui  en  mangea  fur  l'heure,  de  tout  crud,  tête,  entrailles, 
queue ,  avec  une  voracité  étonnante.  Au  lever  de  la  Lune ,  les  ^Matelots 
allèrent  danfer  fur  le  rivage  avec  les  Sauvages,  qui  y  prirent  un  plaifîr  ex- 
trême. 3 

■  Le  29,  quelques  HoUandois  entreprirent  de  vifiter  l'Ifle.  Le  Roi  ^  fou 
frère  (k),  s'étant  emprefles  de  les  accompagner,  ils  montèrent  fur  un  ter- 
rain fort  élevé ,  d'où  ils  ne  virent  que  des  lieux  fauvages ,  &  quelques  val- 
lées flériles.  Ils  trouvèrent  une  terre  rouge,  dont  les  femmes  du  Pays  font 
une  teinture,  qui  leur  fert  à  fe  frotter  la  tête  &  les- joues.  En  retournant 
au  rivage ,  ils  paflerent  par  des  lieux  plus  rians ,  &  plantés  de  coQOtiers, 
qui  étoient  chargés  de  noix.  Là ,  tandis  qu'ails  fe  repofoient  fous  ces  ar- 
bres, le  frère  du  Roi,  fans  autre  fecours  qu'un  petiu  lien  qu'il  s'attacha  aux 
jambes ,  monta  tout  d'un  coup ,  avec  une  agiUté  furprenante ,  jufqu'à  la  cime 
d'un  des  plus  hauts  &  des  plus  droits.  Il  y  cueillit  des  noix ,  qu'il  apporta 
aux  Etrangers ,  &  qu'il  ouvrit  très-facilement  avec  un  petit  morceau  de  bois. 
Le  Roi  fit  entendre  à  fes  Hôtes  qu'il  avoit  fouvent  la  guerre  contre  les  Ha- 
bitans  de  la  féconde  Ifle.  Il  leur  montra  des  cavernes  dans  la  montagne,  & 
des  bois  qui  fervoient  dé  retraite  à  fes  Sujets ,  ou  dans  lefquels  ils  drelfoienc 
des  embufcades.  Le  Maire  comprit ,  par  fes  fignes ,  qu'il  demandoit  Je  fe- 
cours de  leur  VaifTeau  pour  attaquer  fes  Ennemis  ;  mais  on  lui  fit  compren. 
dre,  àfon  tour,  que  cette  faveur  ne  pouvoit  être  accordée.    L'Auteur  ne 

difS* 
(ik)  Apparemment  le  fécond  Roi.  .         „      , 


PAR    LE    SUD-OUEST,  Liv.  IV. 


HS 


diflîmule  pas  qu'on  y  auroit  pu  confentir,  s'il  y  avoit  eu  quelque  avantage  à 
fe  promettre  de  cette  expédition  (/). 

[Sur  le  midi  les  Hollandois  revinrent  à  bord,  amenant  avec  eux  le  jeu- 
ne Roi  &  Ton  frère,  à  qui  l'on  préfenta  quelques  rafraîchilîemens.    Comme 
on  leur  eut  fait  entendre  qu'on  comptoit  de  partir  dans  deux  jours,  ils  en 
témoignèrent  une  (i  vive  joye ,  que  le  jeune  Roi  fortant  aulfi-tôt  de  table , 
courut  dans  la  galerie,  &  cria  vers  le  rivage,  pour  annoncer  cette  bonne 
nouvelle  aux  Inmlaires.     Le  repas  fini ,  le  grand  Roi ,  ou  le  premier  Souve- 
rain ,  qui  pouvoit  être  âgé  de  foixante  ans ,  vint  auffî  à  bord ,  accompagné 
de  ieize  de  fes  Confeillers.    On  leur  fit  le  meilleur  accueil  qu'il  fût  poffible. 
Le  Roi  paroiflbit  dans  l'admiration  de  tout  ce  qu'il  voyoit ,  &  les  Hollan- 
dois n'étoient  pas  moins  furpris  de  fes  manières.     Après  avoir  vifité  tous 
les  endroits  du  VaifTeau,  il  defîra  de  s'en  retourner  promptement.     Les 
Commis  le  reconduifirent  jufqu'à  l'entrée  de  fa  maifon,  où  il  fe  tenoit  ordi- 
nairement affis.     Eniuite  ils  allèrent  fe  promener  avec  le  jeune  Roi  jufqu'au 
foir  qu'ils  fe  rembarquèrent.    Aris  ayant  fait  une  bonne  pêche  au  clair  de 
la  Lune ,  en  porta  une  partie  au  Roi ,  auprès  de  qui  il  trouva  une  troupe  de 
jeunes  filles  nues ,  qui  danfoient  au  fon  d'un  bois  Creux  qu'elles  frappoient 
pour  marquer  la  cadence.  3  Uv    . 

Ces  Peuples  font  d'une  taille  extraordinaire.  La  plupart  étoient  auflS 
hauts  que  les  plus  grands  îlollandois  ;  &  ceux  qui  étoient  diflingués  par 
leur  grandeur,  auroient  pafle  pour  des  géans  en  Europe.  Ils  font  vigou- 
reux &  bien  proportionnés ,  légers  à  la  courfe  ,  excellens  Nageurs.  Leur 
peau  eft  d'un  brun  jaunâtre.  Ils  aiment  à  fe  parer  de  leur  chevelure ,  qu'ils 
difpofent  fuivant  leur  propre  goût.  Les  uns  avoient  les  cheveux  crépus  ; 
d'autres  les  avoient  très  -  bien  frifés  ;  d'autres ,  adroitement  noués  en  cinq 
ou  fix  trèfles.;  d'autres  enfin,  hérifles  &  droits  fur  la  tête.  La  chevelure 
du  Roi  étoit  divifée  en  une  longue  trèfle ,  qui  lui  pendoit ,  du  côté  gauche , 
jufqu'à  la  hanche;  &  le  refte  étoit  relevé  en  deux  nœuds.  Ses  Courtifans 
avoient  deux  trèfles  ;  c'eil- à-dire,  une  de  chaque  côté.  Mais  tous  étoient 
nuds,  fans  difl:in6lion  de  fexe  &  de  rang,  avec  une  petite  feuille  au  milieu 
du  corps.  Les  femmes  parurent  très-laides  aux  Hollandois  ;  mal  faites ,  de 
petite  taille ,  &  fi  luxurieufes  qu'elles  n'avoient  nulle  honte  de  fe  mêler  pu- 
bliquement avec  les  hommes ,  fort  près  même  de  la  perfonne  du  Roi.  El- 
les portent  les  cheveux  fort  courts  :  mais ,  en  récompenfe ,  elles  ont  de  lon- 
gues mammelles,  qui  leur  pendent  comme  des  facs  de  cuir  jufqu'au  milieu 
du  ventre  (m). 

On  ne  put  difl:inguer  fi  ces  Infulaires  étoient  idolâtres,  ni  s'ils  avoient 
quelque  autre  culte  que  la  prière  qu'on  croyoit  leur  avoir  vu  faire.  Mais 
on  remarqua  facilement  qu'ils  vivoient  avec  auffi  peu  de  foin  que  les  animaux 
des  bois.  Ils  n'avoient  aucune  idée  de  commerce.  Les  préfens ,  qu'ils  fi- 
rent aux  Hollandois ,  étoient  donnés  par  boutades  ou  par  faillies ,  &  les 
Hollandois  règloient  leurs  libéralités  fur  celles  qu'ils  recevoient  d'eux.  Ils 
ne  fement  ni  ne  moiflbnnent.  Ils  ne  font  aucune  forte  d'ouvrage.  Leurs 
alimens  fe  bornent  aux  productions  naturelles  de  la  Terre,  qui  ne  confifl:ent 

.       .  '•   .  ■"     ..."  gi»^" 

CO  Pag.  62e.  (m)  Pag.  627. 

Hh  3 


Le  Mairk. 
161  0. 


Figure  k. 

caractère  des 
Infulaircs. 


Leur  Reli- 
gion &  leurs 
niaiirs. 


«46 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


Lk  Maire. 
l6i6. 


Fefliii  des 
Sauvages. 


Ces  Ifles 
font  nommées 
Ifles  de 
Hoorn. 


guères  qu'en  noix  de  cocos,  en  ubas  ,  en  bananes  &  peu  d'autres  fruits. 
Les  animaux  qu'ils  mangent,  fe  multiplient  d'eux-mêmes.  Une  partie  dé 
leurs  femmes  cherchent ,  dans  les  creux  du  rivage ,  les  petits  poiflbns  que 
la  Mer  y  laifle  en  fe  retirant.  Les  autres  pèchent  avec  de  petits  hameçons. 
On  prendra  quelque  idée  de  leur  cuiline,  dans  la  deicription  d'un  feftin, 
auquel  le  Maire,  Aris  &  quelques  autres  HoUandois  eurent  la  patience  d'af! 
fifter.  Elle  peut  trouver  place  au  moins  dans  une  Note  (  w).  Le  Roi  de  la 
féconde  Ifle  ctoit  venu  viliter  l'autre  (o).  Il  avoit  amené  feize  porcs;  & 
fon  cortège  étoit  compofé  de  trois  cens  hommes,  qui  avoient,  autour  de  la 
ceinture,  une  provilion  d'herbes  vertes,  dont  ils  font  leur  breuvage.  Lorf- 
qu'il  découvrit  le  Roi ,  fon  voifm ,  il  lui  fit  un  grand  nombre  d'mclinations 
&  de  révérences.  11  baifTa  le  vifage  jufqu'à  terre ,  en  priant  d'une  voix  fort 
haute ,  qui  approchoit  d'un  grand  cri.  L'autre  alla  au-devant  de  lui,  &  ne 
le  reçut  pas  avec  moins  de  geiles  &  de  contorfions.  Enfin,  s'étant  relèves 
tous  deux,  ils  entrèrent  dans  \q  Bêlai;  c'eft  le  nom  que  les  Inflilaires  don- 
nent  au  logement  de  leur  Roi.  L'AiTemblée,  qui  fe  forma  autour  d'm, 
étoit  d'environ  neuf  cens  hommes.  Ils  paflerent  enfuite  fur  le  VailFeau 
HoUandois,  où  s'appercevanc  qu'on  appareilloit  pour,  remettre  à  la  voile, 
ils  marquèrent  d'autant  plus  dvi  joye,  que,  malgré  les  témoignages  de  con- 
fiance ,  ils  avoient  toujours  paru  craindre  qu'on  ne  fe  faifit  de  leurs  Illes. 
Aulîi  cette  dernière  vifite  fut-elle  fîgnalée  par  de  nouveaux  préfens.  Ils  se- 
toient  fait  accompagner  d'un  aflez  grand  nombre  de  porcs;  &  chacun  des 
deux  Rois  en  porta  lui-même  un  fur  fa  tète. 

En  partant,  les  HoUandois  donnèrent ,  aux  deux  Ifles,  le  nom  d'Iflesde 
Hoorn ,  de  celui  de  la  Ville  où  le  VaifTeau  avoit  été  équipé ,  &  qui  étoit 
la  patrie  de  la  plus  grande  partie  de  l'Equipage.      La  Baye  fut  noni- 


(m)  „  Les  Habitans  de  l'Ille  apportèrent 
quantité  des  mûmes  herbes  ,  dont  leurs 
voifins  venoitnt  chargés.  Enfuite,  ils 
commencèrent  tous  à  les  mâcher.  Après 
cet  exercice,  ils  les  retirèrent  de  leurs 
bouches  ;  &  mettant  tout  enfembic  dans  un 
grand  vaifllau  de  bois  ,  ils  jettèrent  de 
l'eau  deffus ,  la  mêlèrent  &  la  paîtrirent  a- 
vcc  les  herbes,  &préfentèrent  de  cette  li- 
queur aux  deux  Rois  &  à  leurs  Officiers , 
qui  en  burent.  Ils  en  offrirent  aufli  aux 
HoUandois,  qui  crurent  avoir  fait  alfczde 
„  s'être  trouvés  préfens  à  ce  fale  fpcctaclc. 
„  On  fervit  nuffi-tôt,  devant  les  Convives, 
„  des  racines  de  Cava ,  qui  furent  didribuées 
„  par  rangs.  Le  Roi  étranger  s'alfit.  Ses 
„  femmes  &  les  gens  de  ti  fu.tj  fe  placèrent 
„  derrière  lui  en  cercle.  Cliacun  fe  mit  à 
„  manger.  Après  ce  premier  fervice  ,  on 
„  appovtii  de  grandes  civières ,  de  vingt  à 
„  trente  pieds  de  long,  chargées  d'ubas  & 
„  d'autres  racines,  crues  &  rôties,  qui  fu- 
„  rcnt  auflî  diflribuées.  Enfin,  l'on  préfen- 
„  ta ,  aux  deux  Rois .  feize  pourceaux ,  aux- 
„  quels ,  pour  tout  apprêt ,  ou  avoit  tiré  les 


„  entrailles.  N'ayant  point  été  lavés,  iisc- 
„  toient  encore  fangfans.  On  n'en  avoit  te 
„  brûler  que  la  foye  dans  les  flammes;  & 
„  pour  les  rôtir ,  on  leur  avoit  mis  des  pier- 
„  rts  ardentes  dans  le  corps.  Enfuite  ils  a- 
„  voient  été  remplis  d'herbes,  &  les  foyesy 
„  étoient  attacliés  avec  de  petites  chevilles. 
„  (Quatorze  de  ces  animaux  furent  inangcj 
„  fort  uvidcii,  nt.  Tout  ce  qu'on  fervoit de- 
„  vaut  les  Rois  y  étoit  porté  fur  la  tête , 
,.  par  refp.ét,  &  l'on  fe  mettoit  à  genoux 
„  pour  \c  pofer  devant  eux.  Ils  envoyèrent 
„  les  deax  autres  pourceaux  à  bord ,  par  dtJ 
„  Officiers  qui  les  portèrent  auflî  fur  leur  ce- 
„  te,  /.c  qui  les  mirent  aux  pieds  des  Clitf: 
„  Hol'andois.  C^  préfent  étoit  accomp?.- 
„  gné  d'onze  petits  pourceaux  en  vie,  & 
„  de  quelques  autres  de  moyenne  grandeur. 
„  Schouten  &  le  Maire  donnèrent  en  retour 
„  trois  petits  gobelets  de  cuivre,  quatre  cou- 
„  teaux,  douze  vieux  doux,  &  quelque 
„  verroterie  ".  Ibidem,  pag.  624  &  fuivan* 
tes. 

(0)  C'étoit  pour  la  féconde  fois  ,^  ikuS 
jours  après  la  première  vifîtc.  R.  d.  E. 


:3 


;  nom  d'ifles  de 
é ,   &  qui  étoit 
3aye   fut  nom- 
mée 

nt  été  lavés,  ilsé- 
On  n'en  avoltfii: 
is  les  flammes;  & 
avoit  mis  des  pier- 
:)s.    Enfuite  ils  a- 
bcs,  &  les  foyesy 
petites  chevilles. 
ux  furent  mangés 
c  qu'on  fcrvo.'tdc- 
.torté  fur  la  tête , 
mettoit  à  genoux 
Ils  envoyèrent 
.IX  à  bord,  parJts 
auffî  fur  leur  ce- 
pieds  des  Chef: 
it  étoit  accoinp?.- 
rceaux  en  vie,  & 
iioyenne  grandeur, 
nnèrcnt  en  retour 
uivrc,  quatre  cou- 
eux,  &  quelque 
ag.  624.  &  f"iv-an« 

onde  fois  ,   àoH 
ite.  R.  d.  E. 


PAR    LE    SUD- OUEST,  Liv.  IV.  H7 

fliée  Baye  de  la  Concorde ^  du  nom  du  Navire.  Elle  efl:  dans  un  Golfe,  au 
côté  méridional  de  la  première  Ifle.  Le  fond  en  efl:  fi  aigu ,  qu'on  n'eut 
pas  peu  de  peine  à  lever  l'ancre.  Un  banc  de  fable,  qui  s'étend  d'un  côté , 
paroît  à  découvert  dans  la  bafle  marée.  De  l'autre,  c'cft  la  Côte,  qui  efl: 
fort  fale  le  long  du  rivage.  Ce  parage  efl:  à  quatorze  degrés  cinquante  -  fix 
minutes  (p). 

L'Eq.u  iPAGE  Hollandois  partit  fort  content,  de  s'être  rafraîchi  avec  Ci 
peu  de  danger,  &  fur-tout  d'emporter  une  grofle  provilion  d'eau.     Après 
avoir  gouverné  tout  le  jour  à  l'Ouefl: ,  on  fe  trouva ,  le  i  de  Juin ,  à  la  hau- 
teur de  treize  degrés  quinze  minutes.     Le  3 ,  on  fut  furpris  de  n'apperce- 
voir  aucune  Terre ,  &  les  Pilotes  craignirent  de  s'être  avancés  bien  loin  der- 
rière la  Nouvelle-Guinée.     Pour  fortir  de  cette  incertitude ,  on  fit  mettre  le 
cap  au  Nord.     La  nuit  fuivante,  on  étoit  à  douze  degrés  &  demi.    Les 
principaux  Officiers  foupçonnèrent  qu'on  étoit  plus  à  l'Ouefl;  qu'on  n'avoit 
penfé ,  &  que  la  Nouvelle-Guinée  étoit  encore  à  côté  d'eux.     Ils  réfolurent 
d'en  conférer  encore  une  fois  avec  les  Pilotes ,  &  d'examiner  les  pointages 
depuis  la  Côte  du  Pérou.     Celui  de  Schouten  marquoit  mille  fept  cens  tren- 
te lieues;  un,  mille  fix  cens  foixante-cinq ,  &  toujours  en  diminuant  juf- 
qu'à  mJMe  fix  cens  dix.    En  comparant  tous  les  calculs ,  on  conclut  que  la 
courfe  avoit  été  d'environ  mille  fix  cens  foixante  lieues.     Comme  on  conti- 
nuoit  de  ne  découvrir  aucune  Terre ,  on  prit  le  parti  de  changer  de  route  & 
de  porter  à  l'Ouefl:.     Le  13  à  midi,  la  hauteur  fit  juger  qu'on  étoit  à  cent 
cinquante-cinq  lieues  des  Ifles  de  Hoorn ,  &  la  couleur  de  l'eau  parut  chan- 
gée.    Quantité  de  bonites  ,   beaucoup  d'autres  poiflx)ns  ,   &  quelques  oi- 
feaux  mêmes  qui  commencèrent  à  fe  montrer,  ne  laiflerent  aucun  doute 
qu'on  ne  fût  proche  des  Terres.     Cependant  on  avança  jufqu'au  20,  fans 
rien  découvrir.     Enfin,  vers  le  foir,  on  eut  la  vue  d'une  Côte,  à  quatre 
degrés  cinquante  minutes.     La  prudence  obligea  de  jetter  l'ancre,  dans  la 
crainte  d'y  échouer.     Le  lendemain,  on  reconnut  cinq  ou  fix  petites  Ifles, 
qui  paroiflbient  couvertes  d'arbres ,  &  de  grands  bancs  de  fable  qui  s'éten- 
doient  au  Nord-Oueft.     [On  vit  incontinent  paroitredeux  Canots,  à-peu- 
près  de  la  forme  de  ceux  des  Ifles  où  l'on  avoit  été,  mais  plus  grands,  & 
qui  pouvoient  contenir  cinq,  ou  fix  hommes.     Les  Sauvages  qui  les  mon- 
toient,  ne  diféroient  des  autres  que  par  la  couleur ,  un  peu  plus  noire.   Ils 
étoient  armés  d'arcs  &  de  flèches.  Ce  furent  les  premiers  arcs  que  les  Hol- 
landois virent  dans  là  Mer  du  Sud.     On  leur  fit  préfent  de  quel^  -^  verrote- 
rie &  de  doux.     Ils  montroient  l'Ouefl:,  où  l'on  comprit,  par  leurs  fignes, 
qu'il  y  avoit  d'autres  Ifles ,  &  qu'on  pourroit  y  trouver  des  rafraîchiflfemens. 
AinfiJ  le  mouillage  étant  fort  mauvais ,  on  remit  le  cap  à  l'Ouefl:,  en  laiflant 
les  mes  à  quatre  degrés  quarante  -  fept  minutes.    Le  22,  on  en  découvrit 
douze  ou  treize  autres ,  à  quatre  degrés  quarante  -  cinq  minutes.    Elles  fu- 
rent laiflÀîes  à  la  gauche  du  Vaifleau.     On  ne  vit  aucun  courant  dans  ce  pa- 
rage (g). 

Le  24,  on  apperçut  trois  bafles  Ifles  au  Sud-Ouefl:,  remplies  d'arbres  & 
couvertes  de  verdure.     Mais  les  Côtes  étoient  bordées  de  rochers,  &  l'on 

n'y 

(p)  Pag.  629.  -  (5)  Pag,  632. 


Lh  MAISB4 
1(5 1(5. 


Différence 
des  calculs 
Hollandois 
fur  leur  route. 


£43 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


X.E  Maire, 
i6i6. 

Ifles  Vertes. 


Ille 
Jean. 


Saint- 


Férocité  des 
Infulaires. 


n'y  put  trouver  aucun  mouillage.  Elles  furent  nommées  les  IJles  Vertes.  On 
découvrit  une  autre  Terre  avant  la  fin  du  jour,  li  haute  en  apparence,  qu'é- 
tant  fuivie  au  Sud -Oued  par  d'autres  Terres,  de  la  même  hauteur,  on  la 
prit  pour  le  Cap  de  la  Nouvelle-Guinée.  Cependant  on  fe  crut  détrompé 
en  approchant  de  la  Côte  ;  &  ne  reconnoiflant  qu'une  Ifle ,  on  lui  donna  Je 
nom  de  Saint- Jean  ^  parceque  c'étoit  le  jour  de  cette  Fête  qu'elle  avoit  été 
découverte.  Après  avoir  rafé  long-tems  le  rivage,  fans  y  trouver  de  fond, 
on  doubla  le  Cap  vers  le  foir,  &  l'on  entra  dans  une  Baye,  où  l'on  mouilla 
fur  quarante -cinq  braflcs,  fond  de  fable  &  de  cailloux.  La  Mer  y  étoit 
unie ,  &  l'eau  fort  bleue.  Deux  Pirogues  s'approchèrent  du  bord ,  au  clair 
de  la  Lune.  Elles  portoient  quelques  hommes  noirs ,  qui  parlèrent  long- 
tems  dans  une  langue  inconnue.  Pendant  toute  la  nuit,  on  obferva  que 
les  Habitans  failoient  la  garde  fur  leurs  Côtes,  &  fur-tout  à  l'entrée  d'une 
Rivière ,  proche  de  laquelle  on  étoit  à  l'ancre.  Vers  la  pointe  du  jour,  le 
tems  étant  fort  ferein  6c  la  Lune  très-claire,  quelques  Pirogues  s'avancèrent 
jufques  fous  les  galeries.  On  leur  jetta  des  grains  de  raflade,  en  parlant 
aux  Sauvages  d'une  voix  careifante,  &  s'efForçant  de  leur  faire  entendre, 
par  des  fignes,  qu'on  leur  demandoit  des  noix  de  cocos,  des  pourceaux, 
des  bœufs,  &  des  boucs.  Ils  continuèrent,  pendant  le  refte  de  la  nuit, de 
pouffer  des  cris  autour  du  Vaifleau ,  avec  des  marques  extraordinaires  de 
férocité.  Suivant  les  calculs  des  Pilotes,  cette  Côte  étoit  à  mille  huit  cens 
quarante  lieues  de  celle  du  Pérou  (r).  ; 

Le  matin  du  26,  on  vit  paroître  huit  autres  Pirogues ,  dont  l'une  por- 
toit  onze  hommes ,  &  les  autres ,  fix  ou  fept.  Ils  tournèrent  plufieurs  fois 
autour  du  Vaiffeau,  en  montrant  leurs  zagaies,  des  pierres,  des  maffues 
de  bois ,  des  fabres  &  des  frondes.  On  leur  parla  du  ton  le  plus  humain, 
On  leur  diftribua  quelques  merceries.  Mais,  pour  réponfe,  ils  commei- 
cèrent  à  lancer  des  pierres  &  des  zagaies.  Cette  attaque  irrita  l'Equipage. 
On  fit  jouer  tout  à  la  fois  le  gros  canon  &  la  moufquéterie.  Leur  grande 
Pirogue  fut  coulée  à  fond ,  avec  trois  ou  quatre  hommes  ;  &  dix  ou  douze 
hommes  tombèrent  fans  vie.  On  mit  aufli-tôt  en  Mer  la  Chaloupe  à  rames, 
qui ,  paflfant  au  travers  de  ceux  qui  fe  fauvoient  à  la  nage,  en  fit  encorepé- 
rir  quelques-uns.  Elle  en  prit  trois,  qui  étoient  fort  bleffés;  &  quatre  Pi- 
rogues, dont  elle  fe  faifit,  furent  mifes  en  pièces,  pour  fervir  au  chauffage. 
Un  des  trois  Prifoiiniers  mourut  deux  heures  après. 

La  Chaloupe  retourna  au  rivage  avec  les  deux  autres.  Comme  on  les 
avoit  bien  traités,  &,  qu'à  force  de  fignes,  on  leur  avoit  fait  comprendre 
qu'on  ne  demandoit  d'eux  que  des  rafraîchifl!emens ,  ils  exhortèrent  appa» 
remment  leurs  Compagnons  à  s'approcher  avec  des  fruits;  car  un  petit  Ca- 
not fe  hâta  de  venir  préfenter  deux  petits  pourceaux  &  un  paquet  de  bana- 
nes. On  renvoya  un  des  Prifonniers,  qui  étoit  fort  blelfé,  &  l'autre  fut 
mis  à  dix  pourceaux  de  rançon.  Celui  qu'on  venoit  de  renvoyer,  n'ayant 
pas  la  force  de  quitter  le  rivage  ,  une  troupe  armée  fortit  d'un  bois  voi- 
fin,  le  vint^  prendre  par-delfous  les  bras,  <&  l'em^ieru  fous  quelques 
arbres,  où  s'afleiant  autour  de  lui,  ils  parurent  tous  fort  empreflesàle 
iecourir.  Cîî 

(0  P^s-  «534. 


PAR    LE    SUD-O  U  E  S  T,  Liv.  IV.  249 

■  Ces  Barbares  ont  les  deux  oreilles  &  les  narines  percées.  Quelques-uns 
ont  un  trou  de  plus ,  au  diaphragme  du  nez  ;  &  toutes  ces  ouvertures  fcr- 
voient  à  foûtenir  des  anneaux.  Leur  barbe  eu.  afltz  longue,  mais  fans  mou- 
ftaches.  Ils  portoient  des  bracelets  de  nacre  de  perles,  au-deflbus  des  cou- 
des &  aux  poigiiets.  Leur  unique  vêtement  eft  une  feuille  d'arbre  au  mi- 
lieu du  corps,  avec  une  ceinture  d'ccorcc  pour  la  foûtenir.  Ils  paroil^nt 
trés-robuftes ,  &  bien  proportionnés  dans  leur  taille.  Leurs  dents  font  noi- 
res, &  leurs  cheveux  de  la  même  couleur;  courts  &  crépus,  mais  beau- 
coup moins  laineux  que  ceux  des  Ethiopiens.  Ils  ont  des  bonnets  d'écorcc 
d'arbre  peinte,  dont  ils  portent  deux  ou  trois  l'un-fur  l'autre,  joints  ou  la- 
cés par  une  efpèce  de  cordon  ;  ce  qui  leur  donne  l'air  d'tune  coefture  de  fem- 
me. La  plupart  avoient  une  petite  corbeille  de  jonc  pendue  au  côté ,  dans 
laquelle  ils  mettent  de  la  chaux  pour  faupoudrer,  ce  que  l'Auteur  nomme 
leur  Pimng  (s).  Leurs  civilités  conliftent  à  ôter  leur  bonnet,  à  fe  mettre 
les  mains  fur  la  tête ,  &  à  s'y  mettre  aulTi  des  feuilles  d'arbres ,  qui  paroif- 
fent  un  figne  particulier  d'affeftion.  On  les  prit  pour  des  Papous  (t).  En 
venant  abord,  ils  chantoient  enfemble,  avec  afîez  d'harmonie.  Les  poi- 
gnées de  leurs  fabres  ibnt  ornées.  Mais  cette  arme,  &  celles  qu'on  a. nom- 
mées, ne  font  que  pour  les  Ennemis  de  leur  Nation.  Lorfqu'ils  font  mé- 
contens  l'un  de  l'autre,  leur  ufage  eft  de  fe  mordre  entr'eux,  comme  des 
chiens.  Tous  leurs  Canots  ne  font  pas  égaux.  On  compta  jufqu'à  dix-fept 
couples  de  Rameurs  fur  les  grands ,  &  depuis  deux  couples  julqu'à  dix  fur 
les  petits.  Ils  gouvernent  également  de  l'avant  &  de  l'arrière  ;  &  ces  pe- 
tits Bâtimens  ont  des  châteaux  comme  les  Galions.  Cependant  leur  largeur 
ne  fuffit  que  pour  deux  hommes.  On  vit  une  des  plus  grandes  Pirogues , 
dont  les  pièces  étoient  jointes  enfemble  par  des  coutures  bien  godronnées , 
ou  frottées  de  térebentine. 

L'EauiPAGE  fit  de  l'eau  fans  obftacle.  Mais,  le  jour  fuivant,  quel- 
ques Canots  étant  venus  à  bord  fans  y  rien  apporter,  &  fans  vouloir  payer 
la  rançon  du  Prifonnier,  on  prit  le  parti  de  le  mettre  à  terre,  &  de  ne 
prendre  aucune  confiance  à  des  hommes  fi  fauvages.  De  la  Côte,  on  ap- 
perçut  une  autre  Ifle  au  Nord.  La  nuit  du  29 ,  Schouten  fit  remettre  à  la 
voile;  &  dans  tout  le  jour  fuivant,  on  ne  put  découvrir  le  bout  de  la  Terre 
qu'on  quittoit.  Elle  couroit  à  l'Oueft-Nord-Oueft ,  &  au  Nord-Oueft  quart 
d'Oueft,  avec  plufieurs  Bayes.  Mais  le  même  jour,  on  eut  la  vue  de  deux 
hautes  Ifles,  toutes  deux  au  Nord  de  la  grande;  &  le  30  au  matin;  '  on  vit 
approcher  plufieurs  Canots ,  montés  d'hommes  noirs ,  qui ,  en  arrivant  à 
bord,  rompirent  leurs  zagaies  fur  leurs  têtes.  C'étoit  apparemment  un  fi- 
gne de  paix;  mais  ils  n'avoient  rien  apporté  pour  la  confirmer,  quoiqu'ils 
demandaflent  hardiment  tout  ce  qui  s'offroit  à  le^^rs  yeux.  On  les  trouva 
néanmoins  plus  civilifés,  que  tous  ceux  qu'on  avoit  vus  jufqu'alors.  Ils  a- 
voient  le  milieu  du  corps  couvert  de  plufieurs  feuilles.  Leurs  Canots  étoient 
mieux  conftruits  que  les  autres ,  &  portoient  même  quelques  ornemens  de 
fculpture  à  l'avant  &  à  l'arriére.    On  obferva  que  ces  Infulaires  avoient  un 

(0  C'eft  le  nom  que  les  Hollandois  don- 
nent au  bétel.  R.  d,  E. 

XlF.Fan,       .      ;    ■^•' 


Le  Maihi. 
i6i6. 

J.;Hir  fij^ure 
&.lairsurigcs. 


Leurs  Piro- 
gues. ,, 


Autres  Ifles 
&  divers  Sim- 
vages. ,  ,^  . 


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Pag. 

637. 

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foin 


Quel  foin  " 
ils  ont  de  leur 
barbe. 


«5« 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


L>  Maire. 
i6  i  6. 


Simplicité 
dans  leur  tra- 
hifun. 


Sauvage  pris 
&  nommé 
Moyfe. 


Grand  nom- 
bre d'Illes. 


Erreur  des 
Pilote?  Hol- 


foin  extraordinaire  de  leurs  barbes  &  de  leurs  cheveux ,  &  qu'ils  fe  les  pou- 
droient  de  chaux.  Ils  étoient  venus  de  trois  ou  quatre  lll^s,  qui  paroif. 
foient  remphes  de  cocoiicrs  ;  mais  tous  les  lignes ,  par  leCquols  on  croyojt  fe 
faire  entendre,  ne  purent  en  obtenir  des  vivres.  On  jujiçea  même,  le  jour 
fuivant,  que  la  cérémonie  de  rompre  leurs  zagaies,  n'avoit  été  qu'une  ru. 
fe  pour  furprendre  le  Vaifleau.  Les  courans  l'ajant  fait  dériver,  dans  un 
calme  qui  dura  toute  la  nuit,  il  fe  trouva,  le  matin ,  entre  une  Ifle  de  deux 
lieues  de  long  &  une  autre  Côte.  Vingt -cinq  Pirogues,  remplies  de  Sal^ 
vages,  ne  tardèrent  point  à  fe  préfenter.  On  crut  reconnoître  une  partie 
de  ceux  qu'on  avoit  vus  la  veille,  &  Schouten  ne  fit  pas  difficulté  de  lei 
laifler  approcher.  Il  y  avoit,  à  l'avant  du  Vaifleau,  deux  ancresàpic,dc 
parées  pour  mouiller,  fur  chacune  defquelles  un  Nègre  alla  s'aflTeoir,  la  ra- 
me  à  la  main,  dans  l'opinion,  fans  doute,  qu'ils  pourroient  mener  le  Navi. 
re  au  rivage.  Les  autres  tournoient  à  l'entour ,  &  fembloient  chercher  le 
moyen  d'y  monter.  Enfin ,  fe  croyant  fûrs  de  leur  conquête ,  ils  commen- 
cèrent à  lancçr  des  zagaies  &  des  pierres.  Elles  étoient  poulTées  avec  tant 
de  vigueur  ,  que  fe  rompant  contre  les  mâts  &  le  bordage,  elles  en  fai- 
foient  voler  de  petits  éclats.  Un  Matelot  fut  blefle  dans  la  première  fur- 
prife,  &  les  autres  ne  purent  demeurer  fur  le  pont.  Mais,  au  fort  decp> 
te  attaque,  &.lorfque  les  Sauvages  fe  difpofoient  à  monter  à  bord,  on  leur 
envoya  les  bordées  du  haut  pont ,  &  l'on  fit  feu  de  la  moufquéterie.  Une 
décharge  fi  brufque  en  ayant  emporté  ou  blefle  un  fort  grand  nombre ,  tous 
les  autres  prirent  la  fuite.  La  Chaloupe,  quiétoit  bien  armée ,  les  fuivitaulTi' 
tôt,  &  fe  faifitd'un  Canot,  dans  lequel  il  y  avoit  trois  hommes.  L'un  fut  tué, 
un  autre  fauta  dans  la  Mer,  &  le  trcifième  demeura  prifonnier.  C'étoit  un 
jeune  homme  de  dix-huit  ans,  auquel  on  donna  le  nom  de  Moyfe ^  qui  étoit 
celui  du  Matelot  blefl'é;  &  l'Iile  fut  nommée  auffi  Vljle  de  Moyfe.  Ces  In- 
fulaires  vivoient  d'une  forte  de  pain ,  compofée  de  racines  d'arbres. 

On  s'éloigna  de  cette  race  perfide.  L'obfervation  méridienne  fit  trouver 
trois  degrés  un  tiers  de  hauteur.  Vers  le  foir,  on  rangea  la  Côte  au  Nord- 
Oueft,  &  l'on  découvrît  une  belle  Baye  de  fable,  dans  laquelle  on  ne  crut 
pas  devoir  s'engager.  Le  2  de  Juillet ,  à  trois  degrés  douze  minutes ,  on 
vit,  à  la -gauche  du  Vaifl*eau,  des  Terres  bafles,  divifées  par  une  grande 
Montagne,  &  une  Ifle  bafle  à  la  proue.  Le  3 ,  après  avoir  été  forcé  parle 
vent,  de  courir  à  l'Oueft-Nord-Oueft,  on  apperçut  encore  de  hautes  Ter- 
res à  l'Ouefl,  vers  deux  degrés  quarante  minutes.  Dans  les  efforts  qu'on 
fit  le  4,  pour  fe  dégager  des  liles ,  on  en  découvrit  vingt -deux  ou  vingt- 
trois'  autres ,  grandes  oc  petites ,  hautes  &  bafles ,  à  difi^érentes  diflances  en- 
tre elles,  depuis  deux  degrés  vingt-cinq ,  jufqu'à  trente  minutes.  La  nuit 
qui  furvint ,  ne  permit  pojnt  d'y  chercher  une  Rade  ;  &  le  lendemain  à  mi- 
di ,  on  fut  conduit  par  de  meilleures  efpérances ,  vers  une  fort  haute  mon- 
tagne, qu'on  apperçut  au  Sud-Ouefl:.  Les  Pilotes  avoient  fi  peu  de  con- 
mviflTance  de  leur  route,  que  la  reflemblance  qu'ils  trouvèrent  à  cette  mon- 
tagne aveœ  celle  de  Gunapi^  dans  fille  de  Banda,  &  la  hauteur,  qui  étoit 
à'peu-prés  la  même ,  leur  firent  juger  qu'on  étoit  à  la  vue  de  cette  Ifle. 
Mais  bien -tôt,  on  découvrit,  au  Nord,  trois  ou  quatre  autres  montagnes, 
à  fix  ou  fept  iieues  de  la  première ,  qui  prouvèrent  la  fauflîeté  de  leur  con- 

•  .  jedtire. 


PARLE    S  UP-OUES  T,  Liv.  IV. 


aji 


Le  KTaire. 
l6l6. 


me  du  Vol- 
can. 


jeélure.  Derrière  la  première  montagne,  on  vit  à  l'Efl  &  à  l'Oucft  une  fi 
grande  étendue  de  Pays,  partie  haut  &  partie  bas,  que  des  deux  côtés  on 
n'en  appcrcevoit  pas  la  fin;  &  comme  il  s'étendoic  à  l'Eft-Sud-Efl: ,  on  crut 
enfin  que  c'étoit  la  Nouvelle-Guinée  (v).  ict,n; 

Le  7 ,  avant  le  jour,  on  porta  vers  la  montagne,  qui  jettoit  des  flammes 
de  fa  cime,  &  qui  dirigeoit  le  Vaifleau  par  cette  lumière,  quoiqu'elle  fût 
mêlée  de  fumée  &  de  cendres.  Le  jour  fit  connoître  que  c  étoit  une  lilê 
bien  peuplée  &  remplie  de  cocotiers,  qu'on  nomma  VlJJe  du  Volcan  («). 
Les  Habitans  envoyèrent  quelques  Pirogues,  dont  chacune  portoit  cinq  ou 
fix  hommes ,  avec  une  efpèce  d'échafFaudage  élevé  fur  des  bâtons ,  qui  cou* 
vroic  chaque  petit  Bâtiment.  Cette  nouvelle  méthode  ayant  paru  fufpcc- 
te,  on  employa  le  Nègre  Moyfe  pour  prendre  langue;  mais  il  ne  put  fe  fai- 
re entendre  des  Sauvages.  Ils  étoient  nuds  ,  à  l'exception  du  milieu  du 
corps.  Les  uns  avoient  les  cheveux  courts,  &  d'autres  les.  avoicnt  longs. 
Leur  couleur  étoit  plus  jaune  que  celle  de  Moyfe.  On  ne  put  trouver  de 
mouillage  fur  leur  Côte;  &  voyant  plufieurs  autres  Ifles  au  Nord  &  an 
Nord-O'Tefl:,  on  porta  vers  un  Cap  uni,  qui  faifoit  face  à  la  proue.  L'eau 
étoit  de  diverfcs  couleurs ,  verte , blanche,  jaune;  &  fe  trouvant  plus  douce 
que  l'eau  commune  de  Mer,  on  jugea  qu'elle  venoit  de  quelque  Rivière  qui 
avoii;  fon  embouchure  à  peu  de  difrance.  On  voyoit  aulïï  flotter  des  arbrei 
&  des  branches,  fur  lefquelles  on  dillinguoit  quelquefois  des  oifeaux  &  des 
écrevifles.  Après  avoir  fait  de  petites  bordées  pendant  la  nuit ,  on  gouver- 
na le  matin  à  rOuefl-Sud-Ouelî:,  entre  une  haute  Ifle ,  qu'on  avoit  à  la 
droite  du  Vaifleau ,  &  des  Terres  moins  hautes  qu'on  laiflbic  à  gauche.  Vers 
le  foir ,  on  trouva  fond  fur  foixante  -  dix  brafles ,  à  peu  de  diftance  du 
rivage ,  &  l'on  y  laifla  tomber  l'ancre.  Les  Canots ,  qui  vinrent  à  bord , 
étoient  conduits  par  des  hommes  fort  finguliers ,  qu'on  prit  encore  pour  des 
Papous.  Ils  avoient  les  cheveux  courts  &  frifës,  des  anntaux  pafles  dans 
le  nez  &  dans  les  oreilles,  de  petites  plumes  fur  la  tête  &  fur  les  bras, 
&  des  dents  de  porc  autour  du  cou  &  fur  la  poitrine.  Leurs  femmes  p^  ,  . 
étoient  affreufes.  L'Autour  compare  leurs  longues  raammelles  à  de  gros  dcur  Surs 
boyaux,  qui  leur  tomboienc  jufqu'au  nombril,  &  leur  ventre  à  des  ton-  femmes. 
neaux.  Elles  avoient  les  jambes  &  les  bras  fort  menus  ,  un  vifage  de 
finges ,  les  cheveux  courts ,  le  milieu  du  corps  médiocremenr  couvert , 
le  refl:e  nud.  Chacune  avoit  quelque  défaut  particulier ,  comme  d'être 
louche,  boiteufe,  ou  boflue,  &  quelque  marque  de  mauvaife  fanté;  co 
qui  fit  juger  que  l'air  du  Pays  étoit  mal  fain,  d'autant  pluS'  que  les  mai- 
fons  y  étoient  élevées  fur  des  pieux,  à  huit  ou  neuf  pieds  de  terre. 
La  hauteur  de  cette  Côte  efl:  de  trois  degrés"  quarante -trois  minutes; 
Quelques  Sauvages,  qu'on  reçut  à  bord,  apportèrent  des'  elTais  de  gin- 
gembre; d'où  l'on  ^conclut  qu'ils  étoient  exercés  au  Commerce.  On  al- 
la chercher  un  meilleur  mouillage ,  dans  une  Baye  voifine  ,  oit  l'ancre  v 
fut  jettée  fur  vingt-fix  brafles,  fond  de  fable  mêlé  d'argile.  Les  Habitans 
de  deux  Villages,  qui  s'offroientafiTez- proche,,  envoyèrent- à  bord  deux  Ca* 
nots,  avec  quelques  noix. de  cocos  j  qu'ils  voulurent  vondre  fort  cher. 


Sauvages 
qu'on  croit 
Papous. 


Ils 
de- 


(■o)  Pag.  641, 


li  2 


-1  :;(.v)  Ibidim. 


«5» 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES 


ht  Maire. 
l  6  i  6. 

L'inquiétude 
des  llollan- 
dois  augmen- 
te fur  leur 
ùuu 


Ils  font  à  la 
Nouvelle- 
Guinée  '"-'ns  le 
fuvoir. 


■■,> 


Ifles  de 
JMoa,  d'In- 
fou&d'Ari- 
mon. 


dcmandoient,  pour  quatre  noix,  une  brafle  de  toile;  &  cYtoit  à  cette  mar- 
chandife  qu'ils  s'attachoient  le  plus.  Un  Commerce  fi  peu  avantageux 
joint  à  la  rareté  des  vivres,  qui  fe  réduifoient  à  quelques  pourceaux,  n'ar- 
rêta pas  long-tems  les  Hollandois.  Ils  fe  retrouvèrent  le  lendemain  à  qua. 
tre  degrés;  «  dans  l'inquiétude  de  leur  fort,  les  rations  furent  rè{.^lées.  Ils 
ignoroient  abfolument  dans  quelle  partie  du  Monde  ils  étoient,  près  ou  loin 
des  Ifles  des  Indes,  &  fi  c'étoit  la  Nouvelle -Ciiinée  dont  ils  ne  cefToicnt 
plus  d'avoir  la  vue.  Toutes  leurs  Cartes  ne  leur  offrant  aucune  Uimière 
fur  les  Pays  qu'ils  découvroient  chaque  jour,  ils  n'avoient  plus  d'autres  rè- 
gles que  de  foibles  conjeftures  (y).  '     '"'•' 

La  courfe  du  ii ,  fut  à  l'Oueft  -  Nord  -  Ouefl ,  avec  peu  de  changement, 
le  long  de  la  Côte,  qu'ils  ne  fe  laflbient  pas  de  fuivre  à  moins  de  trois  lieues. 
Vers  midi,  ils  doublèrent  un  haut  Cap.  Ces  Terres,  qui  étoient  en  effet 
celles  de  la  Nouvelle  -  Guinée ,  s'étendent  la  plupart  au  Nord  •  Ouefl:  quart- 
d'Oueft  ;  quelquefois  un  peu  plus  à  l'Oueft ,  ou  un  peu  plus  au  Nord.  Le 
12,  à. deux  degrés  cinquante -huit  minutes ,  ils  eurent  la  faveur  des  cou- 
rans,  qui  portoient  à  l'Oueft,  fuivant  leur  direélion  ordinaire,  le  long  des 
Côtes  de  la  Nouvelle-Guinée.  Les  13  &  14,  on  continua  de  fuivre  la  mê- 
me Côte;  &  le  15,  trois  Ifles  bafles  &  peuplées ,  qui  paroiflbient  remplies 
de  cocotiers,  offrant  un  bon  rtiouillage ,  depuis  quara'^te  braffes  jufqu'à 
fept,  à  demie  lieue  de  la  grande  Terre,  on  y  mouilla  fur  un  excellent  fond. 
Les  Hollandois  auroient  trouvé ,  fur  le  champ ,  du  remcae  à  tous  leurs  be- 
foins,  s'ils  y  étoient  defcendus  avec  moins  d'imprudence.  Mais  n'ayant 
obfervé  aucune  précaution  pour  s'approcher  du  rivage  avec  la  Chaloupe ,  les 
Infulaires,  qui  étoient  fur  leurs  gardes ,  quoique  naturellement  fort  humains, 
leur  tirèrent  une  nuée  de  flèches,  dont  ils  bleflerent  feîze  hommes  [entre 
lefquels  étoit  le  Commis  Aris ,  Auteur  du  Journal ,  qui  eut  la  main  percée 
d'une  flèche.  ]  On  ne  laifla  point  d'abordef  à  la  plus  petite  des  deux  Ifles, 
où  dans  le  premier  feu  de  la  vengeance ,  on  brûla  quelques  maifons  difper- 
fées.  Les  Sauvages  de  l'Ifle  voifine  parurent  furieux  &  pouffèrent  d'horri- 
bles cris{  mais  ils  n'ofoient  paffer  d'une  Ifle  à  l'autre,  dans  la  crainte  de 
quelques  pièces  de  gros  canon ,  qui  battoient  le  long  du  rivage  &  dans  !e 
bois,  où  les  boulets  pénétroient  avec  un  fracas  épouvantable.  Le  foir,  ils 
envoyèrent  demander  la  paix  :  après  quoi ,  deux  ou  trois  Canots  étant  au- 
deffus  du  vent  du  Vaiffeau,  fans  ofer  s'en  approcher,  jettèrent  des  noix  de 
cocos  dans  la  Mer,  afin  que  le  courant  les  portât  vers  les  Hollandois.  On 
les  preffa  de  venir  à  bord ,  par  des  fignes  qui  leur  infpirèrent  enfin  plus  de 
hardieffe.  Ils  apportèrent  quantité  de  noix  &  de  bananes ,  du  gingembre 
verd,  &  des  racines  jaunes  qui  leur  tiennent  lieu  de  faffran,  pour  lef- 
quelles  on  leur  donnoit  en  échange  des  grains  de  verre,  des  doux  & 
des  couteaux  rouilles.  Ces  Infulaires  font  abfolument,  nuds.  On  vit  en- 
tre leurs  mains  quelques  pots  de  fer,  qui  dévoient  leur  être  venus  des  Ef- 
pagnols.  Ils  ne  paroiffoient  pas  furpris  de  la  forme  du  Navire;  &  quoi- 
qu'effrayés  de  l'Artillerie ,  ils  n'en  craignoient  ni  le  bruit  ni  la  vue.  Ils 
donnoient  à  la  plus  orientale  de  leurs  Ifles,  lenomdeiliba,  CQhû  d'Infon 

k 


(y)  Pag,  C43  §  précédentes. 


,-('     1    :.\ 


PAR    LE    S  y  D-O  UE.S  T,  Liv.  IV. 


253 


à  la  féconde,  &  celui  d'Jnmon  à  la  dernière  &  la  plus  haute,  qui  eft  à 
cinq  ou  iix  lieues  de  la  Nouvelle-Guinée  (z).  On  ne  cefla  point  de  trouver 
ces  Sauvages  fore  traitables,  &  d'en  recevoir,  à  vil  prix,  toutes  fortes  de 
rafraîchiflemens.  Ils  font  du  pain  &  des  gaietés  de  calîave;  mais  elle  n'eft 
pas  comparablj  à  celle  des  Inaes  Occidentales. 

Le  20,  on  leva  l'ancre,  pour  continuer  de  fuivre  ia.Côte  à  l'Oueft-Nord-. 
Ouelh  On  eut,  à  un  degré  treize  minutes  (a),  la  vue  de  plufieurs  Ifles, 
vers  lerqucllcs  on  étoit  porté  par  les  courans;  ce  qai  n'empêcha  point 
qu'ayant  trouvé  un  fort  bon  fond  fur  treize  à  quinze  brafles ,  on  ne  mouil- 
lât, le  foir,  avec  d'autant  plus  de  confiance,  qu'on  n'avoit  point  appercu 
de  feu  dans  l'Ille  voifine.  Cependant  la  pointe  du  jour  fit  découvrir  fix 
grands  Canots ,  avec  des  aîles  &  de  l'acallillage.  Les  Sauvages,  oui  les 
montoient,  s'approchèrent  timidement,  quoiqu'armés  d'arcs  &  deliéches. 
Ils  montroient,.  de  loin,  dupoiflbnfec,  des  noix  de  cocos,  du  tabac,  & 
un  petit  fruit ,  qui  reffembloit  à  nos  prunes.  On  les  encouragea  par  des 
lignes  de  paix  &  d'amitié.  D'autres  Canots ,  qui  paroiflbient  venir  de  la 
même  Ifle,  apportèrent  des  vivres  «Se  quelques  porcelaines  de  la  Chine. 
Leur  tranquillité,  à  la  vue  du  Navire  &  du  canon,  fit  juger  qu'ils  connoif- 
foient  les  Vaiifeaux  de  l'Europe.  Ces  Sauvages  avoient  la  peau  plus  jaune 
&.  la  taille  plus  haute  que  ceux  des  IHes  précédentes.  La  plupart  por- 
toient  aux  oreilles  des  anneaux  de  verre,  qu'ils  ne  pouvoient  avoir  reçus 
que  des  Efpagnols.  Toutes  ces  apparences  foûtenoient  le  courage  des 
Hollandois  ;  mais  elles  ne  jettoient  pas  plus  de  jour  fur  leur  navigation. 
Le  24 ,  ils  fe  trouvèrent  à  la  hauteur  d'un  demi  degré.  Leur  courfe  fut 
auNord-Oueft  &  à  l'Oueft-Sud-Ouefl: ,  le  long  d'une  belle  &  grande  Ifle, 
qu'ils  nommèrent  Vljîe  de  Schouten ,  du  nom  de  leur  Capitaine.  Ils  donnè- 
rent,  à  fa  pointe  orientale,  le  nom  de  Cap  de  Bonne- Efpérance^  parceque 
trouvant,  dans  leurs  Cartes,  des  Ifles  à  l'Eil:  de  Banda,  ils  fe  flattèrent 
que  ce  Cap  pouvoit  être  une  pointe  de  ces  Ifles ,  &  que  la  route  étoit  li- 
bre pour  arriver  à  Banda ,  par  le  Sud.  Cependant  comme  l'Ifle  de  Schou- 
ten s'étendoit  jufques  fous  la  Ligne,  ils  craignirent  aulîi  que  ce  ne  fût  une 
de  celles  qui  font  marquées  dans  les  Cartes  à.l'Ouefl;  de  la  Nouvelle-Guinée 
jufqu'à  la  Ligne.  Dans  cette  fuppofition ,  ils  s'expofoient  à  tomber  dans 
quelqu'un  des  Golfes  de  Gilolo.  Schouten,  embarrafle  de  ce  doute,  prit 
le  parti  de  monter  promptement  au  Sud  ou  au  Nord.  Le  vent ,  qui  ve- 
noit  alors  de  l'Eft,  amena,  autour  du  Navire,  une  prodigieufe  quantité 
de  poiflbn,  d'herbes  &  de  feuilles  ;  maison  ne  trouva  point  de  fond  à  la 
vue  continuelle  de  la  Côte.  L'Equipage  étoit  confolé  par  l'abondance  & 
la  fraîcheur  des  vivres.  Entre  les  fruits  qu'on  avoit  tirés  des  dernières  Ifles, 
il  y  en  avoit  un  qui  étoit  jaune  en  dedans ,  ou  couleur  d'orange ,  &  verd  en 
dehors;  mais  creux,  rempli  de  pépins,  &  plus  petit  que  le  melon,  auquel 
il  reffembloit  afTez  par  le  goût.  On  en  mangea  beaucoup,  avec  du  fel  & 
du  poivre;  &  les  Malades  mêmes  le  trouvèrent  fort  fain. 

Le  25,  on  découvrit  à  la  gauche  du  Vaiffeau,  une  grande  étendue  de 

(2)  Pag.  646.  grés,  ce  qui  fait  une  erreur  bien  confidérable.  ■ 

Ca)  L'Edition  de  Paris  pprte  itreizf  de-    R.  d.  E. 

Il,  ■■ , 

i  % 


Lb  Mâim. 
1616. 


Siiuvages 
nui  connoif- 
ioient  les  Eu- 
rupécns.  ' 


Ifle  de 
Sctioutcn. 


Nouveau 
Cap  de  Bonne- 
Efpérancc. 


'i.  :{•      I 


T.i  Makib. 


recuiiiuis  pur 
k's  Kollan 
dois. 

Trcinblc- 
'  ment  de  terre 
rclil'iui  en 
Mer. 


254         .VOYAGES  AUX  INDES.  ORIENTALES 

• 

Pays,  de  hauteur  inégale,  qu'on  laifTa  au  Sud*Sucl-Ouen;.  Le  2(J,  on  eut 
i  6  i  6.  la  vue  de  trois  llles;  &  le  27,  à  la  hauteur  de  vingt-neuf  minutes,  on  vit 
Div.Ts  l'ays  ^y  jç^j  j^.  hautes  Terres  &  d  autres  bafles ,  qu'on  rangea  toujours  à  l'Oucli. 
Nord-Ouell.  La  nuit  du  28  au  29,  on  fe  rcflentit,  au  milieu  des  Ilots 
d'un  grand  tremblement  de  terre.  Les  Matelots  effrayés  fautoient  hors  de 
leurs  cabanes  ,  fans  pouvoir  comprendre  d'où  venoient  les  terribles  fecouf. 
fes  qui  ébranloient  le  Vaifleaii,  (ur-cout  dans  un  paragc  où  l'on  ne  trou- 
voit  pas  de  fond.  Le  30,  on  entra  dans  un  grand  Golfe,  qui  paroillbic 
environné  de  Terres.  Ce  jour  fut  épouvantable,  par  un  '  :>nnerrc  &  des 
éclairs  qui  fembloient  couvrir  le  Vaiffeau  de  llammes.  Ils  furent  fuivi$ 
d'une  pluye  fi  extraordinaire,  que  les  plus  anciens  Matelots  n'avoient  rien 
vu  de  femblable  (b).  Les  dangers  du  climat,  &  la  crainte  de  ne  py 
trouver,  dans  le  Golfe,  d'autre  ouverture  que  ion  entrée,  firent  mettre  le 
cap  au  Nord.  Le  foir  du  31 ,  on  pafla  pour  la  féconde  fois  fous  la  Ligne; 
&  l'on  mouilla  fur  douze  brafles,  près  d'une  Ifle  déferte,  à  peu  de  dittan- 
ce  du  Continent.  On  fe  trouva  le  lendemain ,  à  quinze  minutes  de  Lati- 
tude  du  Nord.  Le  3  Août,  un  banc  de  fable  fort  large,  à  quarante-cinq 
minutes,  ôta  prefqu'entièrement  la  vue  des  Terres.  On  jugea,  par  cette 
hauteur,  qu'on  étoic  à  l'extrémité  de  la  Nouvelle-Guinée,  après  avoir  lait 
plus  de  deux  cens  quatre-vingt  lieues  le  long  des  Côtes.  Les  courans  por- 
toient  à  l'Oueft-Sud-Oueft.  Excellent  fond,  néanmoins,  depuis  quarante 
braffes  jufqu'à  douze.  Le  même  jour,  on  vit  des  baleines  oc  des  tortues. 
Vers  le  foir,  deux  Ules  fe  préfentèrent  à  l'Ouefl:  (c). 

Le  4,  on  obferva  que  la  direction  des  courans  étoit  à  l'Ouefl:;  &  Iî 
courfe  étant  au  Sud-ôud-Oiiefl: ,  on  eut  la  vue  de  fept  ou  huit  Illes,  qui 
obligèrent  de  pafTer  toute  la  nuit  au  large,  dans  la  crainte  de  dériver  trop 
fur  les  Côtes.  On  gouverna  le  lendemain  au  Sud  &  au  Sud-Eft;  mais  m 
vent  contraire  força  les  Pilotes  de  s'approcher  d'une  Kle ,  où  la  Chaloupe 
ne  put  trouver  dé  fond  que  fous  le  rivage,  à  quarante-cinq  braflTes.  Troi; 
Pirogues,  qui  l'abordèrent  auffî-tôt  avec  la  baniére  blanche,  ne  firent  pas 
difficulté  de  la  fùivre  jufqu'au  Vaiffeau. 

Elles  portoient  des  montres  de  fèves  &  de  pois  des  Indes ,  du  riz ,  du 
tabac,  &  trois  oiféaux  de  paradis,  dont  l'un  étoic  blanc  &  jaune.  Les 
Indiens,  qui  s'approchoient  avec  tant  de  confiance,  n'avoient  pas  laifle de 
témoigner  quelque  frayeur,  en  reconnoiflant  des  Hollandois:  mais  cen'é- 
toit  plus  des  Sauvages ,  dont  la  barbarie  étoit  redoutable  après  les  Traités 
les  plus  faints,  &  jufqu'au  milieu  de  leurs  carefles.  Ils  porloient  des  cein- 
ttircs  d'aflez  belle  toile.  Quelques-uns  même  avoient  des  caleçons  de  foye, 
des  turbans,  des  bagues  d'or  &  d'argent  aux  doigts,  &  les  cheveux  d'une 
admirable  noirceur.  On  étoit  embaraffé  à  difl:mguer  leur  Nation,  lorf- 
qu'en  prêtant  l'oreille  à  leur'langage,  Aris,  qui  entendoit  le  Malais,  crut 
diftinguer  plufieurs  mois  Ternatois ,  &  quelques  termes  Efpagnols.  Quel- 
le confolation  pour  un  Equipage  languiffant,  qui  étoit  encore  compolé  de 
3uatre-vingt-cinq  hommes ,  mais  la  plupart  épuifés  de  fatigue  ou  confumés 
e  maladies ,  &  tous  également  confternés  de  l'incertitude   de»  leur  fort  ! 

;  ,    ,.    ,  .Ils 

(6)  Pag.  65a  ;  ^  .     -^:^;'-         (c)  Pag.  651.     ■'•'■   '■'"  '■  '    '      • 


Leurs  no'v 
vcUcs  inccrtl 

tudi'S. 


Les  Hollan- 
dois arrivent 
aux  Molu- 
qucs. 


PAR    LE    S  U  D-0  U  ES  T,  Liv.  IV. 


255 


Ils  s  cmprefi tirent  de  demander  aux  Indiens  le  nom  de  leur  Ifle  A  celui  de 
leur  Nation.  A  la  vcritvi,  rien  ne  put  leur  faire  obtenir  cet  cclaircifTemcnt  ; 
mais  le  refus  même  de  ces  Inlulaires,  joint  à  d'autres  circonllancts ,  leur  fit 
juger  qu'ils  dtoient  à  l'extrémité  orientale  de  (rilolo,  qui  s'étend  à  l'Efl  par 
trois  langues  de  terre,  <&  que  ceux,  oui  paroiflbicnt  craindre  de  s'expli- 
quer, étoient  des  Sujets  du  Roi  de  Tidor,  Ami  des  Efpagnols.  Cette  con- 
jedure  fut  vérifiée.  On  alla  mouiller  alîlz  près  du  rivage  ;  &  l'on  apprit  dans 
un  Bourg,  nommé 5oppî,  que  l'Ifle  voifine,  nommée  Maba^  d'où  les  trois  Pi- 
rogues étoient  venues,  relevoit  du  Roi  de  Tidor.  Les  Matelots  d'uhe  Pirogue 
Ternatoife,  qui  arriva  quatre  jours  après,  dans  la  Baye  de  Soppi,s'empreirè- 
rent  de  venir  raconter  a  Schouten ,  qu'il  y  avoit  «ifluellement  près  de  vingt 
VailTeaux ,  Hollandois  &  Anglois ,  autour  de  Ternate  (d)i  &peu  de  jours 
après,  il  fe  revit  effectivement  dans  une  nombreufe  Flotte  de  la  Nation (f). 

Le  relie  du  Journal  laifle  à  defirer  un  peu  plus  de  lumière ,  fur  deux  points 
fort  intérclfans.  L'un  eft  la  faifie  du  Vaiffeau  de  Schouten ,  dont  le  Gouver- 
neur Général  des  Hollandois  fe  mit  en  poiïeflion ,  au  nom  de  la  Compagnie 
des  Indes  :  mais  on  trouve  heureufement  de  quoi  fuppléer  à  cette  omiflion , 
dans  une  curieufe  remarque  de  la  Relation  de  Georges  Spilberg,  qui ,  s'étant 
rendu  aux  indes  Orientales  parle  Détroit  de  Magellan,  fe  trouvoit  alors 
dans  l'Ifle  de  Java,  où  il  fut  chargé  par  le  Gouverneur  Général ,  de  conduire 
en  Hollande  le  Vaifleau  qui  avoit  été  faifi>  &  de  prendre,  fur  fon  bord,  le 
Maire  &  Schouten  (/).  Le  fécond  point,  qu'on  regrette  de  trouver  mal 
éclairci,  regarde  la  mort  de  le  Maire,  qui,  étant  arrivée  dans  fon  paflage, 
le  priva  des  récompenfes  auxquelles  il  venoit  d'acquérir  de  fijufles  droits,  par 
le  fuccès  de  fon  entreprife ,  &  ne  lui  laiffa ,  dans  fes  derniers  momens ,  que  le 
ftérile  plaifir  d'avoir  immortalifé  le  nom  de  fon  père  &  le  fien.  Il  efl  furprc- 
nant  que  les  deux  Journaux  ne  s'accordent  pas  même  fur  le  jour  de  fa  more. 
Celui  d'ArisClaefz  nomme  le  31  de  Décembre  (g).  L'autre,  le  22  (b). 

A 

(rf)  Pag.  654  &  précédentes. 


(»)  Pag.  658. 

(/)  „  Le  20  Septembre  1616,  nous  vl- 
,  mes  arriver ,  à  Jacatra ,  le  Vaiffeau  nommé 
,  la  Concotite  de  Horn ,  commandé  r^r  Jic- 
,  ques  le  Maire,  qui  écoit  parti  de  Plollande 
,  le  14  Juin  161S,  &  venu  par  le  Sud  dcMa- 
,  gellan.  Mais  quanti  on  fçiit  qu'il  n'étoit 
,  pas  chargé  par  la  Cov,pagr,ie  générale  & 
,  qu'il  avo  t  fait  lu  V  'Vài,c  fans  fa  participa- 
,  ti.n,  le  Prélidcnt  Je:ur,  Pietciiz  Cunn,  le  fit 
,  confifqu.r  au  profit  d  la  Compagnie,  & 
„  dirtribua  l'Equipage  lur  les  ;iutrcs  Vaif- 
„  fc;iux.  Pendant  leur  !un.,ue  navigation , 
„  CCS  gcns-là  n'avoicnt  découvert  ni  de  nou- 
„  velics  Terres,  ni  de  nouvciiux  Peuples, 
„.  avec  qui  l'on  pût  trafiquer.  Ils  difoicnt 
„  feulement  qu'ils  avoient  trouvé  un  nouveau 
j,  paflage ,  autre  que  celui  par  lequel  on  paf- 
„  foit  ordinairement;  quoiqu'il  n'y  eût  pas 
„  d'apparence  ,  puifqu'ils  avoient  employé 
„  jùftement  quinze  mois  &  trois  jours  dans 
,,  leur  Voyage  jufqu'à  Ternate,  &  que  de 


„  leur  aveu  ils  avoient  eu  des  vents  farora- 
„  blcs:  outre  que  n'ayant  qu'un  Vailfeau, 
„  ils  n'avoicnt  pas  été  fujets  aux  rctirdc- 
„  mens ,  qu'on  ne  peut  guères  éviter  en  ».om- 
„  pgnie,  p-.irccqu"il  fiut  s'attjndre  les  uns 
„  ics  autres.  Ces  prétendus  faifeurs  de  dé- 
„  couvertes,  qui  (e  vantoient  d'avoir  palfô 
„  par  un  nouveau  Détroit,  étoient  fort  é- 
„  tonnés  de  ce  que  la  Flotte  do  l'Amiral 
„  Spilberg  avoit  pris  terre  à  Ternate  fi  long- 
„  tems  avant  eux".  Voyage  de  Georges  Spil- 
l'erg,  png.  564  6f  56 j. 

{g)  Pag.  661. 

(b)  Le  14  de  Décembre  1616,  l'Amiral 
Spilberg ,  faii^int  voile  pour  retourner  en  Hol- 
lande ,  prit  à  bord  Jacques  le  Maire ,  qui  a- 
voit  été  Préfident  fur  la  Concorde  de  Horn, 
VailTcau  confifqué.  Le  Maire  mourut,  dans 
ce  Voyage ,  le  22  du  môme  mois,  'i'out  le 
monde  fut  affligé  de  fa  perte ,  parceque  c'é- 
toii  im  homme  d'intelligence  &  d'expérience 
pour  la  navigation.  Ibidem ,  pag.  5<5<5.     , 


I.R  Matki, 
1616. 


Ils  y  trou- 
vent une 
Motte  de  leur 
Nation. 


Supplément 
au  Journ;U  de 
Ciuefz. 

Relation  du 

Vnyiigc  de 

Georges 

Spilberg. 


Le  Maire. 
i6i6. 

Remarque 
de  Claefz  fur 
la  perte  que  la 
Concorde  fit 
d'un  jour. 


Fruit  de  la 
découverte  du 
Détroit  de  le 
Maire. 


2S6        VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES,  &c. 

A  l'occafion  de  la  faille  du  Vaifleau ,  Claefz  obferve  que  l'Inventaire  de 
tout  ce  qu'il  contenoit ,  fut  achevé  le  Lundi ,  premier  jour  de  Novembre 
fuivant  le  compte  de  l'Equipage  ;  mais  que,  fuîvant  le  compte  duConfei!  des 
Indes ,  il  ne  le  fut  que  le  Mardi ,  fécond  jour  du  même  mois.  La  caufe  de 
cette  différence  venoit ,  comme  on  l'a  remarqué  dans  quelques  autres  occa- 
fions ,  de  ce  qu'en  partant  de  Hollande ,  le  Vaiffeau  la  Concorde  avoit  couru 
à  rOueft.  Après  avoir  fait,  par  cette  route,  le  tour  de  la  Terre  avec  JeSo- 
leil ,  il  fe  trouvoit  certain  qu'il  avoit  été  ifne  nuit  de  nioins  que  ceux  qui 
étoient  venus  de  l'Oueft  à  l'Efl ,  &  que  ceux-ci  au  contraire  avoient  gagné 
l'efpace  d'un  jour.  Ce  jour  gagné  d'un  oôté,  &  cette  nuit  perdue  de  lau. 
tre ,  faifoient  néceffairement  une  différence  de  vingt-quatre  heures  ;  &  pour 
s'accommoder  au  compte  des  Hollandois  de  Java ,  l'Equipage  de  la  Concorii 
perdit  un  jour,  c'eft-à-dire  que  paffant  du  Lundi  au  Mercredi ,  il  n'eut ,  dans 
cette  femaine,  que  fix  jours  à  compter  (i). 

Ajoutons,  pour  l'honneur  d'Ifaac  le  Maire  &  de  Jacques  fon  fils  (k)^ 
que  leur  Patrie  ne  tarda  pas  long  tems  à  recueillir  le  fruit  de  leurs  travaux! 
Six  ou  fept  ans  aprèi  la  découverte  du  Détroit,  p;  lequel  le  nom  de  le  Mai- 
re  s'eft  illuflré,  les  Etats  Généraux  &  le  Prince  Maurice  de  Naflau  prirent  la 
réfçlution  de  faire  vifiter  le  même  paflage,  par  une  Flotte  d'onze  Vailfeaux, 
qu'ils  y  envoyèrent  fous  le  Commandement  de  l'Amiral  Jacques  ÏHcmlte. 
Toutes  les  Obfervations  de  Jacques  le  Maire  &  de  Schouten  furent  véri- 
fiées ;  &  ce  fameux  Détroit  efl;  devenu  la  route  commune  de  tous  les  Navi- 
gateurs  qui ,  connoiffant  les  dangers  de  celui  de  Magellan ,  veulent  fe  ren- 
dre avec  moins  de  lenteur  &  plus  de  fureté  dans  la  Mer  du  Sud ,  ou  pénétrer 
jufqu'aux  Indes  Orientales  par  le  Sud-Oueft  (  /). 


mes  le 


i)  Pag.  661. 

(k)  Remarquez  que.  le  père  de  Jacqu( 
Maire  fe  noinmoit  /faac ,  &  que  c'eîl  à  lui 
qu'on  doit  le  projet  du  Voyage;  mais  que  ce 
projet  fut  exécuté  par  le  fils.  NosHiftoriens 
&  nos  Géographes  ont  fouvent  confondu  l'un 
&  l'autre. 

Nota.  Comme  M.  Prevoft  l'a  fait  lui-même 
au  commencement  de  ce  Voyage.  R.  d.  E. 

(  l  )  L'Auteur  du  Journal  de  Jacques  l'Her  ■ 
mite ,  qui  fe  trouve  auffi  au  quatrième  Tome 
du  Recueil  de  la  Compagnie  Hollandoife ,  ne 


:(Ç>a{^' 'UuW^k/'^ïlliicr- 
déguife  point  la  principale  intention  des  Hol- 
landois, dans  la  recherche  &  la  vérificatioj 
de  ce  paflhge.  „  Tous  les  Politiques,  dit-il, 
„  ont  jugé  qu'il  n'y  avoit  pas  de  meilleur 
„  moyen  pour  réduire  l'Efpagne  fur  l'ancien 
„  pied,  &  pour  faire  ceffer  les  tyrannies 
„  qu'elle  exerçoit  en  divers  endroits  dei'Eu' 
„  rope ,  que  de  lui  enlever  tout  ce  qu'elle 
„  poffédoit  en  Amérique,  ou  du  moins  de 
„  lui  en  faire  perdre  les  revenus.  C'cfldans 
„  cette  vue  qu'on  a  tenté  tous  les  palTagcs 
„  au  Nord  &  au  Sud".  Pag.  663. 


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Voyait 


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«57 


Foyage  d'Engeîbert  Kampfer^  au  Japon. 

TOUS  les  Voyages  de  ce  Recueil,  qui  ont  eu  jufqu'à  préfent  quelque 
rapport  au  Japon ,  n'étoient  qu'un  prélude ,  pour  la  Relation  dont  on 
va  donner  l'Extrait.  Quelques  peintures ,  difperfées  dans  le  cours  des 
premiers  Volumes ,  répondroient  mal  à  l'idée  qu  on  a  dû  fe  former  d'une  fi 
belle  &  fi  riche  Contrée.  Mais  fa  fituation ,  qui  appa-  àent  également  aux 
Voyages  par  l'Eft  &  par  l'Oueft,  femble  demander  l'ordre  &  les  gradations 
qu'on  a  pris  foin  d'obferver.  Commençons  ici  par  de  juftes  éclairciflemens 
fur  l'Auteur,  dont  nous  allons  emprunter  les  lumières  (a). 

Son  Tradufteur  nous  apprend  qiC Engelbert  Kampfer  étoit  né  le  i6de 
Septembre  1651,  à  LemgoWj  petite  Ville  du  Cercle  de  Weftphalie ,  &  que 
fonpère,  Miniflrede  cette  Ville,  n'ayant  rien  épargné  pour  fon  éduca- 
tion ,  il  fe  diftingua  ,  dès  fa  première  jeunefle ,  par  fes  progrès  dans  les 
Langues  étrangères  &  dans  toutes  les  Sciences.  Cependant  fon  principal 
objet  fut  la  Médecine  &  l'Hiftoire  Naturelle.  Après  avoir  paru  avec  éclat, 
dans  plufieurs  grandes  Villes  d'Allemagne  &  de  Pologne,  il  fe  rendit  en 
Suéde ,  où  de  plufieurs  offres ,  par  lefquelles  on  s'efforça  de  l'attacher  au 
fervice  de  la  Nation ,  y  accepta  l'Office  de  Secrétaire  d'une  Ambaffade, 
que  le  Roi  Charles  XI.  envoyoit  à  la  Cour  de  Perfe.  Il  partit  de  Stockholm , 
le  10  de  Mars  1683,  avec  M.  Fabricius^  Ambaffadeur  Suédois;  &  paffant 
par  la  Ruffie  pour  s'embarquer  fur  la  Mer  Cafpienne,  il  arriva  heureufe- 
ment  àAV/àW,  d'où  il  fe  rendit  à  Siamachiy  Capitale  de  la  Province  de 
Schirvan.  Dans  la  néceffité  d'attendre  les  ordres  de  la  Cour  de  Perfe ,  il 
employa  cet  intervalle  à  vifîter  autour  de  lui  tout  ce  qui  lui  parut  digne  de 
fa  curiofité.  C'efl  à  ces  favantes  &  laborieufes  courfes  ,  que  le  Public  doit 
fon  Recueil  d'obferv^tions  (ô)  fur  ce  qu'il  nomme  \qs  fept  Merveilles  de  la 
Peninfule  à'Okefra  (  c).  Enfuite,  pendant  le  féjour  qu'il  fit  en  Perfe ,  il  fe 
mit  en  état  de  donner ,  dans  le  même  Ouvrage ,  une  idée  exafte  de  ce 
grand  Royaume.  L'Ambafladeur  Suédois  ayant  terminé  fes  négociations 
vers  la  fin  de  l'année  1685  »  Kaempfer  ,  entraîné  par  fon  goût  i)our  les 
Voyages,  prit  congé  de  lui,  pour  entrer  au  fervice  de  la  Compagnie  Hol- 

*  lan- 


.■-«t>:x 


Introduc- 
tion. 


Extrait  de 
la  Vie  de 
Kaempfer. 


(  a  )  Son  Vopge ,  publié  d'abord  en  Alle- 
mand ,  a  été  traduit  en  François ,  par  JVl. 
Naitdé,  Réfugié  François,  à  Londres,  d'a- 
près la  Traduttion  Angloife  de  M.  Scbeucb- 
zer,  de  la  Société  Royale  de  Londres,  fous 
le  titre  éCHiJioire  Naturelle ,  Civile  £?  Ecclé- 
fiajlique  de  l'Empire  du  Japon.  Edition  de 
1732,  à  la  Haye,  chez  Golfe  &  Neaulme 
trois  volumes  fn-12. 

Nota.  M.  Prevoft  fe  trompe,  en  fuppo- 
fant  que  ce  Voyage  fut  publié  d'abord  en 
Allemand,    Le  Chevalier  Hans  Sloaru  l'ache- 

Xir,  Part, 


ta  en  Manufcrit ,  •&  M.  Scheuchzer  le  tra- 
duifît  de  cette  Langue  en  Anglois.   R.  d.  E. 

(6)  Sous  le  titre  à' Amanitates  Exotica , 
Ouvrage  publié  en  171 2. 

(  c  )  Entr'autres ,  la  Ville  de  Baku ,  fur  la 
Mer  Cafpienne;  les  Monumens  de  l'Antiqui- 
té, qui  retient  dans  le  voifinage;  les  Fon 
taines  de  Naphte;  la  Campagne  brûlante; 
le  Lac  bouillant;  la  Montagne  qui  renfer- 
me, dans  fon  fein ,  une  terre  fine  pour  les 
Potiers,  &c.  -         -■        . 


2SZ 


VOYAGE     DE     K  JE  M  P  F  E  R 


Introduc 

TION. 


landoife  à  t^tre  de  Chirurgien,  «n  e^ef,  d'une  Flotte  de  cette  Nation ,  qui 
croifoit  alors  dans  le  Golfe  Perfique  ;  emploi  moins  honorable  que  celui 
qu'il  abandonnoit ,  &  moins  digne  aulfi  de  fa  qualité  de  Médecin  ;  mais 
plus  convenable  à  la  paffion  qu'il  avoit  de  voyager.  Il  partit  auffi-tôt  pour 
Bander- A bafli ,  où  que^ues  infirmités  le  retinrent  jufqu'à  la.  fin  de  Juin 
1688.  Le  tems,  qu'il  put  dérober  à  la  maladie,  fut  encore  employé  à  de 
curieufes  recherches  (^). 

La  Flotte,  qu'il  joignit  enfin ,  ayant  ordre  de  toucher  à  divers  Etablir. 
femens  Hollandois,  dans  l'Arabie  heureufe,  dans  les  Etats  du  Grand  Mo. 
gol ,  fur  la  Côte  de  Malabar ,  dans  l'Ifle  de  Ceylan  ,  dans  le  Golfe  de  Ben* 
gale  &  dans  l'Ifle  de  Sumatra,  il  faifit  avidcmment  chaque  occafion  des'in- 
Itruire.  Batavia,  où  il  arriva  au  mois  de  Septembre  i68v  lui  fournit  un 
autre  champ.  Après  fon  Voyage  au  Japon,  qui  fut  d'environ  deux  ans 
&demi,  il  revint  en  Europe,  au  mois  d'Oftobre  1693.  L'année  d'après, 
il  prit  le  degré  de  Doéleur  en  Médecine,  dans  l'Univerfité  de  Leyde.  Ce 
fut  à  cette  occafion  qu'il  publia  dix  remarques ,  des  plus  fingulières  qu'il  eût 
faites  dans  fes  Voyages  (e).  Etant  retourné  dans  fa  Patrie,  il  finit  fes 
courfes,  en  1700,  par  un  heureux  mariage;  &  fa  conftitution  s'étant  fort 
altérée  vers  l'année  1715,  il  mourut  à  Lemgbw  le  2  de  Novembre  1716, 
âgé  d'environ  foixante-cinq  ans.  Son  mérite  fut  célébré  par  un  Difcours 
funèbre,  imprimé  dans  la  même  Ville.  -]  -/^ •-'*»* 
Jugement  EMPRUNTONS  fon  éloge  ciritique  d'un  de  nos  bons  Ecrivains,  dont 
critiquj  fur  perfonne  ne  difconviendra  que  le  jugement  doit  être  particulièrement  ref- 
fon  Ouvrage.  pgô;é,  fur  une  matière  qui  a  fait  long-tems  le  fujet  de  fon  travail. 

„  On  ne  peut  refufer  à  Kaempfer,  dit  le  Père  de  Charlevoix,  la  Juftice 


rt 


de 


(/{)  Il  nous  a  valu,   dit  le  TraduAeur, 
fa  Defcription  de  la  Montagne  Benna,  dans 
ia  Province  de  Laatj  celle  de   fes  Plantes 
&  de  fes  Animaux ,  du  Bezoar  ,   de  l'ani- 
mal dans  l'eftomac  duquel  il  fe  trouve ,  des 
Ixiins  chauds  ,  d'un  baume  jiarticulier ,  & 
de  mille  curiofités  qu'on  obferve  fur  cette 
montagne;  celle  de  la  Mumie  naturelle,  ce 
beaume  précieux,  qui  dégoûte  d'un  rocher 
dans  la  Province  de   Daar  ^   &  qu'on  re- 
cueille une  fois  l'année   avec  beaucoup  de 
pompe  &  de  cérémonie  ,    pour  l'ufage  du 
Roi  de  Perfe  feu!;  fes  obfervations  fur  VAf- 
fa-Ftttida  ,    ou  la  plante   qui  produit  cette 
drogue,  &.fur  la  manière  de  la  recueillir  & 
de  la  préparer  ;   fes  remarques  fur  la  Fena 
Medinenjis  des  Ecrivains  Arabes ,  ou  fur  ce 
qu'il  nomme  le  Dr»cwiculus ,  vet  llngulicr , 
qui  £e  nourrit  dans  les  intcrftices  des  mufcles 
en  différentes  parties  du  corps  humain  ;  fa 
defcription  du  fang  de  dragon  cw-iental ,   qui 
vient,  dit-il,   d'un  palmier  conifére;  fa  cu- 
rieufe  hiftoire   du  palmier  daftylifére ,    qui 
croît  en  Pcrfe ,   de  fes  différentes  efpèces , 
de  fa  culture  ,   &  de  fon  udige  ;  enfin  un 
grand  nombre  d'autres  obfervations ,   qui 


n'ont  pas  encore  vft  le  Jour.    Vie  de  l'A 
teur,  pag.  13  &  14. 

(  e  )  Sur  le  célèbre  Agnus-Sc^tbica ,  ou  Bi- 
rometz,  prétendu  Zoophite,  qu'il  démonw 
pour  une  fiction ,  occafionnée  peut  -  être  par 
la  relTemblance  du  mot  Borometz ,  avec  le 
nom  Rulfien  Borannetz ,  à,  le  nom  Polonois 
Borannei ,  qui  (îgnifîent  une  efpèce  particu- 
lière de  moutons ,  qu'on  voit  aux  environs 
de  la  Mer  Cafpienne ,  dans  la  Tartarie  Bul- 
garienneôc  dans  leKorafan;  fur  le  goût  amer 
des  eaux ,  dans  la  Mer  Cafpienne  ;  fur  la  vé- 
ritable Mumie  de  Perfe,  nommée  Mwnim- 
bii  fur  la  Torpille,  poifFon  fingulicr,  qui 
engourdit  les  doigts  de  ceux  qui  le  touchent; 
fur  le  &ng  de  dragon  oriental  ;  fur  le  Dra- 
eunculus ,  ou  Fena  Medeni  des  Ecrivains 
Arabes;  fur  ï'Jndrum,  forte  d'hydrocele, 
DU  de  rupture  aqueufe ,  &  fur  le  Perical ,  ul- 
cère aux  jambes  ;  deux  maladies  communes 
entre  les  Malabares  ;  fur  la  manière  Japonoi- 
fe  de  guérir  la  colique  ,  par  l'acuponclion  ; 
fur  le  Moxa  ,  cauftique  dont  les  Cliinois 
&  les  Japonois  font  un  fréquent  ufage.  /i^- 
pag.  17. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


ii9 


it.    Vie  de  l'A 


11 
11 
11 
11 
11 
11 
11 
il 
il 
11 
il 
11 
11 


a 


il 


de  convenir  que  fei  Mémoires  font  remplit  de  recherches  curîeures,  tou- 
chant l'origine  des  Japonois,  les  richefles  de  leur  Pays,  la  forme  de  leur 
Gouvernement,  la  police  de  leurs  Villes;  d'avoir  débrouillé  mieux  que 
perfonne  les  difFérens  fyftémes  de  leur  Religion  ;  de  nous  avoir  donné 
des  Faftes  Chronologiques  de  cet  Empire,  des  Defcriptions  qui  intéref- 
fent,  une  Hiftoire  Naturelle  de  ces  Ifles  aflez  exafte,  &  d*4iflez  bonnes 
obfervations  pour  la  Géographie  :  mais  il  s'en  faut  bien  que  tout  cela 
rempliflele  titre  d' Hijtoire  du  Japon ^  qu'on  a  donné  à  fon  Ouvrage,  ou 
Tonne  voit  que  des  traits  détachés  de  l'Hiftoire  ancienne  &  moderne, 
en  très-petit  nombre,  &  la  plupart  puifés  dans  des  fources  fort  peu  fû- 
res.  En  un  mot ,  prefque  tout  ce  qui  manquoit  auK  Hiftoires  précé- 
dentes, fe  trouve  ici;  mais  on  n'y  voit  rien  de  ce  qu'elles  contiennent. 
C'efl:  le  Journal  d'un  Voyageur  curieux,  habile  ,  fincère  ,  qui  s'eft  ua 
peu  trop  fondé  fur  des  traditions  populaires  ;  mais  ce  n'eft  pas  une 

Hiftoire. 

„  Le  Traducteur  Anglois  amis,  à  la  tête  de  fa  Traduftion  ,  une  Pré- 
face qui  contient  des  remarques  fort  fenfées  &  fort  recherchées  fur  tout 
ce  qui  eft  au  Nord  du  Japon  ;  &  la  Carte ,  dont  il  a  pris  foin  de  l'en- 
richir, eft  la  moins  imparfaite  qu'on  ait  eue,  jufqu'à  préfent,  de  cet 
Empire  (/)". 

Comme  le  principal  reproche  du  Père  Charlevoix  regarde  les  fources  de 
l'Ouvrage,  qu'il  traite  de  peu  H^res,  &  l'excès  dé  confiance,  dont  il  accu- 
fe  l'Auteur,  pour  les  traditions  populaires ,  il  eft  jufte  de  faire  parler  un 
moment  Kaempfer  pour  fa  propre  défenfe,  avec  l'avantage  d'être  reconnu, 
par  fon  Critique,  pour  un  Voyageur  habile  &  fincère. 
„  Je  puis  protefter,  dit -il,  dans  fa  Préface,  que  la  defcription  &  l'i- 
dée, que  je  donne  des-chofes ,  quoique  peut-être  imparfaite  &  fans  élé- 
gance, eft  exaélement  conforme  à  la  vérité ,  fans  embelliflTement ,  &  tel- 
le que  les  chofes  m'ont  paru.  Il  eft  vrai  que ,  quant  aux  affaires  fëcret- 
tes  de  l'Empire,  je  n'ai  pu  m'en  procurer  des  informations  amples  &  dé- 
taillées. Depuis  l'extirpation  de  la  Religion  Romaine,  les  Marchand* 
HoUandois  &  Chinois  font  comme  emprifonnés.  L'Empir;;  tft  fermé  à 
toute  forte  de  commerce  &  de  communication  avec  les  Etrangers;  &  Ja 
réferve  des  Naturels  doit  être  extrême ,  avec  ceux  qui  font  tolérés  daos 
rKmpire.  Les  Japonois ,  qui  ont  le  plus  de  liaifon  avec  nous ,  font 
obligés,  par  un  ferment  folemnel ,  de  ne  pas  nous  entretenir  fur  les  af- 
faires d'Etat  &  de  Religion.  On  les  engage ,  par  ce  ferment ,  qui  fe  re- 
nouvelle chaque  année ,  à  s'obferver  &  à  fe  trahir  mutuellement.  Mais 
quelque  grandes  que  foyent  ces  difficultés ,  elles  ne  font  pas  infurmonta- 
bles.  En  premier  lieu,  cette  Nation  refpefte  peu  les  fermens  qu'elle  a 
prêtés  au  nom  de  certains  Dieux  ou  Elprits  ,  que  plufieurs  n'adorent 
„  point,  &  que  la  plupart  ignorent.  La  crainte  du  fupplice  eft  ordinaire- 
*  .  -     .-...;        u  ,.    ..   .       „  ment 

(/)  Elle  contient  auffi  un  Catalogue  des     noms  de  divers  Livres  Japonois ,  que  lùemp* 
Auteurs ,  qui  ont  écrit  fur  le  Japon ,  avec  un     fer  rapporta  de   foo  Voyage, 
jugement  critique  de  leurs  Ouvrages;   &  les  ■''•'  :• 

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TIOV. 


Kœmpfcr 
défendu  pat 
lui-mêuK. 


26o 


VOYAGE    DE    K-flEMPFER. 


Imtroduc 

TIOV. 


,,  ment  le  feul  motif  qui  les  arrête.  D'un  autre  côté,  û  l'on  met  à  patt 
l'orgueil  &  l'humeur  guerrière  des  Japonois,  ils  font  civils»  polis,  eu- 
rieux ,  autant  qu'aucune  Nation  de  l'Univers ,  aimant  le  commerce  &  la 
familiarité  des  Etrangers  ,  &  fouhaitant  avec  paffion  d'apprendre  leurs 
Hiftoires,  leurs  Arts  &  leurs  Sciences.  Mais,  comme  nous  ne  femmes 
„  que  des  Marchands ,  qu'ils  placent  au  dernier  rang  des  hommes ,  ^ 
„  que  ,  d'ailleurs  ,  l'extrême  contrainte  dans  laquelle  on  nous  tient ,  ne 
peut  guères  leur  infpirer  que  de  la  jaloude  &  de  la  défiance ,  nous  ne 
pouvons  nous  concilier  leur  amitié ,  que  par  nôtre  libéralité,  par  nôtre 
complaifance ,  &  par  tout  ce  qui  efl  capable  de  flatter  leur  vanité.  C'eft 
ainfi  que  j'acquis  plus  défaveur,  auprès  de  nos  Interprêtes  &  des  OÂi- 
ciers  qui  venoient  chaque  jour  chez  nous ,  que  perfonne  n'avoit  pu  s'en 
flatter,  depuis  les  règlemens  auxquels  nous  fommes  aflujettis.  En  leur 
donnant  des  confeils  ,  des  médecines,  des  leçons  d'Afl;ronomie  &  de 
Mathématiques,  des  cordiaux  &  des  liqueurs  de  l'Europe,  je  poiivois 
leur  faire  toutes  les  queft:ions  qui  me  venoient  à  l'efprit.  Ils  ne  me  re- 
fufoient  aucune  infl:ru61:ion  ;  jufqu'à  me  révéler ,  lorfque  nous  étions 
feuls,  les  chofes  mêmes  fur  lefquelles  ils  doivent  garder  un  fecret  invio- 
lable. Ces  informations  particulières  m'ont  été  d'un  grand  ufage,  pour 
recueillir  les  matériaux  néceflaires  à  l'Hiflioire  du  Japon ,  que  je  médi- 
tois.  Cependant,  peut-être  ne  me  fcrois-je  jamais  vu  en  état  d'exécu- 
ter mon  deffein,  il,  parmi  d'autres  occaflons  favorables,  je  n'avois  en 
le  bonheur  de  rencontrer  un  jeune  homme  fage  &  difcret ,  par  l'entre- 
mife  duquel  je  reçus  les  lumières  qui  me  manquoient  encore.  Son  âge 
étoit  d'environ  vingt-quatre  ans.  Il  entendoit,  en  perfeélion,  le  Japo- 
nois &  le  Chinois.  A  mon  arrivée,  on  me  le  donna  pour  me  fervir ,  & 
en  même-tems  pour  étudier,  fous  moi,  la  Médecine  &  là  Chirur- 
gie. .  Le  bonheur  qu'il  eut  de  traiter  avec  fucçès ,  fous  ma  direftion, 
YOttona,  qui  eft  le  principal  Officier  de  nôtre  Ifle,  lui  fit  obtenir  la  per- 
miffion  de  demeurer  à  mon  fervice,  pendant  mon  féiour  au  Japon ,  qui 
fut  de  deux  ans.  Ce  Seigneur  fouflTrit  même  qu'il  m  accompagnât  dans 
nos  deux  Voyages  à  la  Cour;  c'eft-à-dire ,  qu'il  allât  quatre  fois  d'une 
extrémité  de  l'Empire  à  l'autre;  faveur  qui  s'accorde  rarement  à  desper- 
fonnes  de  cet  âge,  &  qu'on  n'avoit  jamais  accordée  à  qui  que  ce  foit, 
pour  un  tems  fi  long.  Comme  je  ne  çouvois  guères  parvenir  à  mon  but, 
fans  lui  apprendre  le  HoUaiidois,  je  lui  enfeignai  cette  langue  avec  tant 
de  foin ,  qu'en  une  année  il  l'écrivoit  &  la  parloit  mieux  qu'aucun  de  nos 
Interprêtes.  J'ajoutai,  à  ce  bienfait,  les  meilleures  leçons  d'Anatomie 
&  de  Médecine,  dont  je  fufle  capable  ;  à  quoi  je  joignis  encore  de  gros 
gages.  En  récompenfe,  il  me  fit  avoir  des  infliruélions  auffi  étendues 
qu'il  étoit  poflible,  fur  l'état  de  l'Empire,  fur  le  Gouvernement ,  fur  la 
Cour  Impériale,  fur  la  Religion  établie  dans  l'Etat ^  fur  l'Hiftoire  des 
premiers  âges ,  &  fur  ce  qui  fe  paflbit  chaque  jour  de  remarquable.  H 
n'y  avoit  aucun  livre,  fur  aucune  forte  de  matière,  qu'il  ne  m'apportât 
d'abord,  &  dont  il  ne  m'expliquât  ce  que  je  voulois  fçavoir.  Comme  il 
étoit  fouvent  obligé  d'emprunter  ou  d'acheter  des  uns  &  des  autres ,  je 

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met  à  part 
polis,  eu- 
fflerce  &  la 
endre  leurs 
ne  fommes 
)inincs ,  éi 
iS  tient,  ne 
i ,  nous  ne 
,  par  nôtre 
anité.  C'eft 
&  des  Offi. 
oit  pu  s'en 
s.    En  leur 
lomie  &  de 
je  pouvois 
i  ne  me  re- 
nous  étions 
ecret  invio- 
ifage,  pour 
je  je  médi- 
at d'exécu- 
î  n'avois  eu 
par  l'entre- 
î.    Son  âge 
•n ,  le  Japo- 
e  fervir ,  & 
;  là  Çhirur- 
i  direftion, 
:enir  la  per- 
Japon,  qui 
)agnât  dans 
fois  d'une 
à  des  per- 
ue  ce  foit, 
à  mon  but, 
avec  tant 
ucun  de  nos 
d'Anatomie 
ore  de  gros 
S  étendues 
:nt ,  fur  la 
iiftoire  des 
quable.    H 
m'apportât 
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autres ,  je 
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Critic 
Trad 
d'un 
d'Hil 


k:  JaPAN, 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Ljv.  IV.  »6i 

ne  le  laiflbis  jamais  fortir,  fans  lai  •donner  de  l'argent,  pour  fe  mettre  en 
"  état  de  me  fatisfaire  (g)"' 

'  Il  fembie  que  ces  explications,  d'un  homriie  habile  &fincère,  peuvent 
recevoir  ici  le  nom  de  Défenfe  ou  d'Apologie,  quoiqu'elles  ayent  précédé 
l'accufation.  Ajoutons  que  le  Père  de  Charlevoix  n'a  pas  fait  difficulté  d'em- 
ployer ce  qu'il  y  a  de  plus  utile  &  de  plus  curieux  dans  Kaimpfer,  &  qu'il 
l'a  donné  tout  entier  da'r.i  un  autre  ordre.  A  l'égard  de  la  (qualité  d'IIifto- 
rien,  qu'il  lui  refufe,  c'eft  une  fimple  difficulté  de  nom,  qui  ne  porte  que 
fur  la  torme  ,  ou  du  moin^  fur  un  défaut,  d'ordre  &  de  plénitude  ,  que  le 
Critique  reproche  au  fujet.  Peut-être  ne  faut-il  l'attribuer  qu'aux  deux 
Tradu^eius  ;  d'autant  plus  qu'eifeftivement  Kaempfer  n'a  pris  aue  le  ton 
d'un  Journal.  On  ne  s  en  plaindra  point  ici ,  puifque  lui  refuler  le  titre 
d'Hiftorien,  c'eft  le  rendre  de  plein  droit  au  Recueil  des  Voyages.    „^ , . 


Iktkoduc- 

TIOK. 


(g)  Préface  de  l'Auteur. 


fM^'X^i^i^   «--cLV  istriw* -M*)    M'^tiJ'^t     ïi-j^  ■ 

Kampfer  fe  téfid  de  Bâtavtà  au  yapon.    Ctrcmfiances  âe  JbnarrîvéCé    'ï 


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't  ni  T'iT 


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DEPUIS  plus  d'un  fiècle  que  l'entrée  du  Japon  eft  interdite  à  toutes 
les  Nations  de  l'Europe,  fans  autre  exception  que  les  Hollandois , 
auxquels  l'Auteur  fuppofe  qu'on  crdit  plus  de  boftne-fbi  q  l'aux  autres  Eu- 
ropéens (a),  la  Compagnie  HoUandoife  des  Indes  Orientales  v  envoyé, 
tous  les  ans,  une  Ambaliade;  &  dans  cette  ocç^fion,  fes  Miniftres  ont  la 
liberté  de  paroître  à  là  Cour ,  pour  rejriérciét  l'EftpfereUr  de  fes  bienfaits  (b). 
C'eft  le  feul  tems  qu'un  Voyageur  puîffe  choifir,  pour  vifiter  un  Pays  qui 
n'eft  pas  moins  inacceffible»  par  les  difficultés  naturelles  de  fa  fituatioti ,  que 
par  la  rigueur  des  Loix.  Kœmpfer,  qui  fé  trçwiyoit  à  Batavia  en  i(5po,  ac- 
cepta l'Office  de  Chirurgien,  qu'on  lui  offrit,  à  la  fuite  de  l'Aibbâffade, 
L'embarquement  fe  fit  le 7  de  Mai,  &  la  navigation  fut  d'environ  quatre 
mois.  Elle  n'eut  rien  de  plus  remarquable  que  celle  de  divers  Voyageurs, 
qu'on  a  déjà  repréfentés  dans  la  même  route  (c).  Tranfportons-nous  avec 
l'Auteur  au  célèbre  Port  de  Nangafaki.  Après  avoir  découvert,  à  la  gau- 
che' du  Vaiffeau ,  les  premières  Ifles  du  Japon  ,  qu'on  nomme  Gotho ,  & 
qui  font  habitées  par  des  Laboureurs  ,  il  entra ,  le  24  de  Septembre,  dans 
un  Havre  environné  de  hautes  montagnes,  d'ifles  &  de  rochers,  qui  le 
mettent  à  couvert  de  la  violence  des  tempêtes  &  des  orages.  Sur  le  fom- 
met  des  montagnes,  on  a  placé  des  Corps -de -garde,  d'où  l'on  obferve, 
avec  des  lunettes  de  longue  vue ,  tout  ce  qui  fe  palTe  fur  Mer,  pour  en  don- 
ner avis  au  Magiftrat  de  la  Ville.  Auffi  vingt  Bateaux  Japonois,  à  rames, 
vinrent  ils  le  même  jour  au-devant  du  Vaiffeau.    Ils  le  remorquèrent,  juf- 

qu'à 


KSMPFBR. 
1690. 

Seul  tcms 
où  les  Euro- 
péens puif- 
fent  entrer  au 
Japon. 


Départ  de 
Batavia. 

Arrivée  de 
Kaempfer  au 
Japon. 


Port  de 
Nangafaki. 


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(a')  Kttmpfer,  Tomel.  pag.  2. 
(6)  On  verra  ,   dans  la  Defcription  ,   à 
quelles  humiliations  ils  font  affujettis. 
(e)  Nous  avons  détaché,  de  cet  endroit, 


plufieurs  circonllances  qui  regardent  le  Ro 
yaume  de  Siam  ;  Voyez  le  Tome  XII.  pag. 
156  &  195.  R.  d.  E. 


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Kaart  van  het  Kei 

Do  or  denHl^Bellin,  Ingénieur 


T  vAi^  HET  Kei^erryk  JAPAN, 

H!^  Bellin,  Ingénieur  de  s  Franfen-Zeevaards,  \j^^ . 


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VOVaCË    dé    kjEMPFER 


K«M>FER.    qu'à  deux  cens  pas  du  Comptoir  Hollandois.    Le  rivage,  ^ui  eft  fermd  pat 
i(5po.      le  pied  des  moncagnes,  a,  pour  défenfe,  -l'ufieurs  Baftions,  de  forme 
ronde,  dont  les  pahflades  font  revêtues  de  peinture  rouge;  &  du  côté  de 
la  Ville,  aflez  prés  du  rivage ,  on  voit,  fur  deux  éminences,  deux  Corps- 
de-garde  entourés  de  drap,  pour  dérober,  à  la  vue  des  Etrangers,  le  notn^ 
bre  des  canons  &  des  hommes  qu'on  y  entretient.     '       ' 
Odicaircs         Les  Hollandois  faluèrent,  de  douze  coups  de  canon,  chacun  de  ces 
formalités  à  la  deux  poftes,  &  jcfttèrent  l'ancre,  à  trois  cens  pas  de  la  Ville,  près  de  Ôf. 
H*^n^''d"^"  ^fMfl,  quiefl  une  Ifle  formée  exprès  pour  la  demeure  des  Marchands  de  leur 
0  an  OIS.      jjation.     Alors  deux  Officiers  du  Gouvernement  vinrent  à  bord  ,  avec  leur 
Commiflîon  par  écrit ,  accompagnés  d'un  grand  nombre  de  Commis,  d'In- 
terprêtes  &  de  Soldats.     „  Ils  appellèrent ,  fuivant  la  lifte  qu'on  mit  entre 
leurs  mains,  tous  ceux  qui  éloient  nouvellement  arrivés;  &  les  faifant 
pafler  en  revue  l'un  après  l'autre,  ils  les  examinèrent  depuis  lu  tête  juf- 
qu'aux  pieds ,  avec  le  foin  d'écrire  leurs  noms ,  leur  âge  &  leurs  affaires. 
Enfuite  cinq  ou  fix  perfonnes  du  Vaifleau  furent  interrogées  à  part ,  fur 
les  circonftances  du  Voyage  ;  c'eft-à-dire  qu'on  leur  demanda  d'où  ils  ve. 
noient,  quand  ils  étoient  partis,  combien  ils  avoient  employé  de  tems 
dans  leur  route,  &  s'ils  n'avoient  pas  abordé  à  quelque  autre  Port.    On 
écrivoit  leurs  réponi^s.,;  On  fie  aulli  diverfes  queftions  ,  fur  un  Officier 
du  Vaifleau,  qui  étoit,  mort  le  jour  précédent.    On  obferva  foigneufe- 
ment  fa  poitrine  &  le,  re(^c  de  fa  peau ,  pour  s'afFurer  qu'il  n'y  avoit  point 
de  croix  ni  d'autres  marques  de  la.  Religion  Rotpaine.    Les  Hollandois 
obtinrent  que  fon  corps  fût  emporté  le  même  jour;   mais  on  ne  permit 
à  perfonne  de  l'accompagner,- ni  de  voir  dans- quel  lieu  on  l'avoit  en- 
terré.   Après  cette  revue ,  on  pofta  des  Soldats  &  des  Commis  à  chaque 
coin  du  Vaiffeau,  qui  pafla,  pour  ainfî  dire,  entre  les  mains  des  Japo- 
nois  avec  toute  fa  charge.     On  laifl^a  la  Gha'o"pe  <5c  â'Efquif  aujc  Mate- 
lots Hollandois,  mais  .feulement  pour  ce  jour-la,  & -pour  leur  donner  ie 
tems  de  prendre  foin  de  leurs  ancres.    Mais  on  demanda  les  piftolets, 
les  CQUtelas  &  toutes  les  autres  armes ,  qui  furent  mifes  en  lieu  de  fure- 
té ;  &  le  lendemain ,  on  fe  fit  donner  aulfi  toute  la  poudre  ".     Kœmpfer 
avoue  qtie,  s'il  n  avoit  été  prévenu  fur  de  fi  bizarres  procédés»  il  auroit 
été  fort  allarpié  de  fa  fituatàon.     Il  ajortite  qiïe  la  vérité  l'oblige  de  remar- 
quer encore,  qu'à  la  première  v(^  des»  Côtes  du  J&pon ,  „  chacun  fut  obli- 
gé, fuivant  l'ordre  des  Supérieurs  &  r^aneien  ufage ,  de  donner,  au  Ca- 
pitaine, fon  Livre  de  Prières -&  fes  autres  Livres  de  Religion,  avec  tout 
l'argent  de  l'Europe,   qu'il . avoit  apporté  ;  &  que  le  Capitaine,  après 
^1  avoir  fait  un  Mémoire  de  ce  qui  appartenoit  à  chaque  Particulier,  mit 
,  tout  dans' un  vieux  t^ineau>  &  le  cacha  aux  Japonois  jufqu'au  départ  du 
,,  Vaifle»u(rf)".:  .../,., 

.;,  Au  s  SI-TÔT  que  ces  tyranniques  Officiers  fe  furent  retirés  ,  le  Comp- 
toir Hollandois  fit  porter,  à  bord,  toutes  fortes  de  rafraîchiflemens ;  &  les 
Dire£le«rs  s'y  étant  rendus  le  lendemain",  firent  aflembler  tout  l'Equipa- 
ge,  pour  entendre  lire  à  quelles  humiliantes  conditions  les  Députés  delà 

Coin* 

(rf)  Ibid,  pag.  91.  '  T' 


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DANS  L^MPÏRE  DU  JAPON,  Hv.  IV. 


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I  (5  9  I. 

Prt^paratifs 
pour  le  Voya* 
gc  de  Jcdo. 


Obfervntfoni 
fur  les  che- 
mins du  Ja- 
lion. 


Compagnie  étoient  reçiM  d»ns  ce  Port.  Le  Papier,  qui  coqtenoitçes,  or»  K^mfh». 
drcs,  ftt  expofé  public^uement ,  fuivant  i'ufagç  dujapun,  Ka;inpfcr ,  av^nt  1^9^ 
fouhaité  de  defcendre  a  Defima ,  fe  vit  obligé»  comme  le  plus  ijmpJe  Ma- 
telot ,  de  prendre  un  Paffeport  du  Vaifleau  de  garde  Japonoia ,  pour  le 
montrer  aux  Gardes  de  terre.  On  n'étoit  pas  plus  libre  de  retourper  à 
bord ,  fans  un  Pafleport  des  Gaides  dç  tçrrQ ,  <jui  4«voiç  éLr*  .roPOttri  m 
VailTeau  de  garde  (*).  ■        '.  t^^   ,..j  il   .iiiiH    L      .nû-T'ib  .ijfrio  . 

L>' A MQA^sAOBUR  Hollandoîs ,  qui  fe nomrooic  Fdin  ButetAeim ,  employa 
quelques  mois,  fuivant  l'tjfage  établi,  à  fç  difpofer  au  Voyage  de  ^^edo^ 
rélidence  ordinaire  de  l'Empereur  du  Japon.  Kaempfer  s'étend  beaucoup 
fur  les  préparatifs  (/) ,  &  donne'd'abord  une  idée  générale  de  cette  route. 
Depuis  pluiieurs  nécles  que  l'Empire  du  Japon  eft  divifé  en  fept  grandes 
Contrées ,  on  a  cherché  à  rendre  les  Voyages  plus  commodes ,  par  un  srand 
chemin,  qui  borne  chacune  de  ces  Contrées;  &,  comme  elles  fc  font  fubdi* 
vifées  en  plufieurs  Provinces,  on  a  fait  auffi  ,  dans  chaque  Province, 
des  routes  particulières ,  qui  aboutiflent  toutes  au  grand  chemin ,  com- 
me les  petites  Rivières  vont  fe  perdre  dans  les  grandes*  Tous  ces  che- 
mins ont  pris  leur  nom  de  la  Contrée  ou  de  la  Province  à  laquelle  ils  con» 
duifent.  >  i;  ui,  .'    w '-.jî 

Les  grands  chemins  font  fi  larges,  que  deux  troupes  de  Voyageurs , 
quelque  nombreufes  qu'elles  foyent ,  peuvent  y  pafler  en  même-tems  fans 
obtlacle.  Celle  qui  monte,  c'efl  -  à  -  dire ,  dans  le  langage  du  Pays,  celle 
qui  va  vers  Meaco,  prend  le  côté  gauche  du  chemin }  &  celle  qui  defcend , 
ou  qui  vient  du  côté  de  Meaco ,  prend  le  côté  droit.  Toutes  les  grandes 
routes  font  divifées ,  pour  l'inflruétion  &  la  facisfaftion  des  Voyageurs ,  en 
miles  géométriques ,  qui  font  tous  marqués ,  &  qui  commencent  au  grand 
pont  de  Jecb ,  comme  au  centre  commun  de  tous  les  grands  chemins.  Ce 
pont  efl:  appelle,  par  prééminence,  Nipon-bas;  c'oft-à-dire,  \q  tont  du  Ja- 
port.  Ainfi,  dans  quelque  lieu  de  TEmpire  qu'un  Voyageur  fe  trouve,  il 
peutfçavoir,  à  toute  heure,  de  combien  de  mites  Japonois  il  eft  éloigné 
de  la  rélidence  de  l'Empereur.  Les  miles  font  marqués  par  deux  petites 
hauteurs,  placées  vis-à-vis  l'une  de  l'autre,  de  chaque  côté  du  chemin,  au 
fommet  defquelles  on  a  planté  un  ou  plufieurs  arbres.  A  l'extrémité  de 
chaque  Contrée ,  de  chaque  Province ,  &  des  petits  Diftridls,  on  rencou- 
tre  un  pilier  de  bois  ou  de  pierre,  placé  dans  le  grand  chemin  ,  fur  le- 
quel on  a  gravé  des  caraftères ,  qui  font  comioître  quelles  font  les  Provin- 
ces &  les  Terres  qui  s'y  terminent ,  &  même  à  qui  elles  appartiennent. 
Les  chemins  de  traverfc  ont  auffi  leurs  infcriptions ,  pour  guider  les  Vo- 
yageurs (g). 

Dans  le  Voyage  de  Nangafaki  à  la  Cour,  on  fait  pafler  les  Hollandois     idc^c  p,àié. 
par  deux  de  ces  grands  chemins;  &  de  l'un  à  l'autre,  par  eau.     Ainfi  tou-  "le  de  la 
te  la  route  eft  divifée  en  trois  parties.     Ils  fe  rendent ,  d'abord  par  terre    ^outcde  Jcdo. 
au  travers  de  l'Ifle  Kiusju ,  à  la  Ville  de  Kokura  ;  ce  qui  demande  cinq  jours! 
DeKokura,  ils  paffent  le  Détroit,  dans  de  petits  Bateaux,  jufqu'à  Smono- 
'  Jeki, 

(O  Tbid.  pag.  92.  Defcription  générale.  i  ■  ■•   |      ,'"''•. 

{f)  On  rejette  ces  ufagcs  Japonois  à  la         (g)  KaBiiipfer,  Tome  IL  pag.  304  &  305. 


2^4 


VOYAGE    DE    KAMPFER 


Kiturr». 

itfpi. 


Train  de 
l'Ambaflàdeur 
HuUandois. 


fekif  qui  e(l  éloigné  d'environ  deux  lieues,  &  où  ili  trouvent,  à  Tancrc 
une  Barque  qui  attend  leur  arrivée.  Ce  Port  e(l  également  (ùv  âc  commo! 
de.  Le  chemin  de  Nangafaki  à  Kokura,  porte  au  Japon,  le  nom  de^ai. 
kaidot  qui  fignifie  Chemin  des  Terres  Occidentales.  A  Simonofeki,  on  les  fait 
embarquer  pour  Ofacka,  où,  d'un  tems  favorable,  ils  arrivent  dans  reHjace 
de  huit  jours.  Quelquefois  le  Bâtiment  ne  va  pas  plus  loin  que  Fhgo.  Olacka 
eil  éloignée  de  Fiogo ,  de  treize  lieues  de  Mer  Japonoifes.  Ils  font  ce 
chemin  dans  de  petits  Bateaux,  après  avoir  laifTé  leur  Barque  à  Fiogo,  Juf. 
qu'à  leur  retour.  D'Ofacka,  ils  traverfent,  par  terre,  le  Continent  de 
la  grande  Ifle  de  Nipo»,  jufqu'àjedo;  ce  oui  prend  environ  Quatorze  jours. 
Le  chemin  d'Ofacka,  àjedo,  ell  nommé  Tookaido^  c'efl-à-aire,  Cbeminé» 
la  Côte.  Les  Hollandois  féjournent  vingt  jours  à  Jedo  ;  &  revenant  à  Nan- 
gafaki par  le  même  chemin ,  ils  employent ,  à  tout  le  Voyage ,  environ  trois 
mois.^  Il  efl  au  moins  de  trois  cens  vingc'âc  trois-lieues  Japonoifes;  cin- 
quante-trois ÔL  demie,  de  Nangafaki  à  Kokura;  cent  trente-fix,  de  Kokura 
à  Ofacka;  &  cent  trente-trois  d'Ofacka  à  Jedo;  qui  reviennent  à  deux  cens 
miles  d'Allemagne  (*).  Dans  cette  route,  on  traverfe,  ou  l'on  voit,  à 
quelque  diftance,  trente-trois  grandes  Villes  ,  &  cinquante-fept  petites, en- 
tre un  nombre  infini  de  Villages  &  de  Hameaux. 

Le  train  de  l'Ambaflàdeur  étoit  compofé  d'un  grand  nombre  d'Officiers, 
qui  marchoient  dans  cet  ordre:  premièrement,  un  ûojin^  ou  Lieutenant 
du  Bugio.  Enfuite  Ton  propre  Lieutenant  ;  un  Bailly  de  Nangafaki  ;  l'Ani- 
bafl'adeur  de  la  Nation  Hollandoife  ;  le  Chef  des  Interprètes ,  nommé  Jofà- 
mon  y  ou  Brafinan-,  un  Marchand,  nommé  Abouts  ;  Kxmpfer,  &  Dubbù 
fon  AlTiftant  ;  tous  à  cheval.  Après  eux  marchoient  l'Interprète  en  fécond, 
nommé  Trojemon;  fon  fils,  en  qualité  d'Elève,  &  un  autre  Bailly  de  Nan- 
gafaki; enfin,  le  yon*ï,  ou  le  Bugio,  c'eft-à-dire  le  Commandant  en  Chef, 
qui  fe  nommoit  Jffàgina-Sandaa-Nq/int  porté  dans  fa  voiture,  précédé  d'un 
cheval  de  main ,  &  fuivi  d'un  Officier  qui  portoit  fa  pique  d'Etat ,  ornée, 
au  fommet,  d'une  boule  &  d'une  plaque  d'argent,  qui  font  la  marque  de 
fon  autorité.  Les  Cuifmierj,  avec  la  batterie  de  cuifine,  &  les  deux  Se- 
crétaires de  la  route,  partoient  toujours  quelque -tems  avant  ce  cortège; 
les  premiers ,  pour  tenir  des  viandes  prêtes  à  l'arrivée  de  l'Ambaflàdeur; 
les  autres,  pour  faire  un  compte  exaft  de  tous  les  fraix  du  Voyage,  des  meu- 
bles Hollandois ,  du  nombre  d'hommes  &  de  chevaux  qu'on  employoit  à 

les 


(b)  Les  lieues ,  ou  les  miles  du  Japon , ne 
font  pas  d'une  égale  longueur.  Les  lieues  de 
Terre,  dans  l'Ille  de  Kiusju,  &  dans  la  Pro- 
vince à'Isje,  font  de  cinquante  ZV/o chacune, 
&  les  autres  lieues  communes  ne  font  que  de 
trente-fix.  Les  premières  fe  font  à  cheval  en 
une  heure  de  marche ,  &  les  autres  en  trois 
quarts-d'heure.  Le  Tsjo  eft  la  mefiire  de  la 
longueur  d'une  rue.  Il  contient  foixanteifew, 
ou  nates ,  qui  font  environ  autant  de  toifes 
Européennes.  A  l'égard  des  lieues  de  Mer, 
deux  &  demie  font  un  mile  d'Allemagne, 
hors  du  Fays;  mais  au -dedans,  comme  les 


Japonois  s'expriment,  c'eft-à-dire,  entre  les 
Iflcs  &aux  environs,  ils  les  mefurent  fuivant 
la  longueur  des  Côtes ,  fans  avoir  là-dclfiis  de 
compte  fixe.  Kxmpfer  ne  put  juger  de  leur 
proportion  avec  les  lieues  de  Terre,  ou  les 
miles  d'Allemagne,  mais  il  les  croit  plus 
courtes.  Ibid.  pag.  306.  MotUan,  dans  fon 
Ambaflhde  du  Japon,  pag.  104,  compte 
vingt -cinq  miles  Japonois,  pour  un  degré, 
&  trois  cens  cinquante  -  quatre  de  Nangafaki  à 
Jedo;  fçivoir,  cfeux  cens  vingt  de  Nangafaki 
a  Olacjia,  &  cçjit  trente-quatre  d'OfacKa  à  Jedo. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


l6s 


les  porter,  de  la  quantité  de  miles  qu  on  faifoit  chaque  jour,  du  nom  des 
bôcelleries  &  de  tout  ce  qui  arrivait  de  remarquable  iur  la  route.  Les 
Cuifiniers  étoicnt  fuivis  des  Valets ,  des  Palefreniers ,  &  de  Quelques  Por- 
teurs, qui  doivent  fe  fucccder  tour -à- tour;  tous  à  pied.  Les  chevaux 
de  monture  portoient,  outre  leur  Cavalier,  chacun  deux  coifies;  &  les 
nattes,  fur  lefquelles  on  couchoit  la  nuit,  étendues  par-dcHus.  Les  Ca- 
valiers font  allis  les  jambes  croifécs ,  ou  dans  la  pofture  qu'ils  trouvent  la 
plus  commode. 

Le  chemin ,  au  travers  de  Nangafaki ,  e(l  rude  &  fatiguant ,  parceciu'on 
necefle  pas  de  monter.  On  trouve,  en  fortant  de  la  Ville,  un  Village, 
nommé  Mangome^  qui  n'efk  pas  éloigné  du  lieu  où  l'on  exécute  les  Crimi- 
nels. Il  n'efl:  habité  que  par  des  Taneurs,  qui  exercent,  au  Japon,  l'offi- 
ce de  Bourreaux.  Environ  deux  lieues  plus  loin,  on  arriva  au  Village  d'(/- 
rakami.  Cinq  miles  au-delà,  les  Holiandois  virent ,  pour  la  première  fois , 
une  colonne  de  pierre,  d'une  toile  &  demie  de  hauteur,  fur  laquelle  é- 
toient  gravés  des  caraéières ,  qui  marquoient  les  bornes  des  territoires  de 
Nangalaki  &.(ÏOmura.  Une  heure  après ,  ils  arrivèrent  au  Village  de  7bc- 
Jfe/rz,  fur  la  Baye  d'Omura.  Ils  y  dînèrent:  mais,  quoiqu'ils  euffent  appor- 
té leurs  proviiions ,  &  qu'ils  fuflent  fervis  par  leurs  propres  Cuilinicrs ,  on 
leur  fit  payer  une  fomme  aflez  confidérable ,  pour  quelques  autres  rafraî- 
chiflemens  auxquels  ils  n'avoient  pas  touché.    Le  chemin  de  Nangafaki , 

i'ufqu'à  ce  Village,  efl  fort  inégal,  montueux  &  pierreux,  comme  tout  le 
'ays  d'alentour.  De  fertiles  vallées  s'étendent  entre  les  montagnes;  «&, 
par  l'induflrie  des  Habitans,  les  montagnes  mêmes  font  cultivées  jufqu'au 
ibmmet.  Kaempfer  ne  vit  rien  de  plus  remarquable,  dans  cet  elpace,  que 
l'Idole  de  Dfijus ,  qui  efl  le  Dieu  des  chemins  &  le  Patron  des  Voyageurs , 
taillée  dans  le  roc,  en  neuf  endroits  diiFérens.  Il  en  obferva  une  autre,  de 
la  méraeerpèce,  haute  d'environ  trois  pieds,  ornée  de  fleurs,  &  placée 
fur  un  pillier  de  pierre.     Cette  Idole  avoic,  devant  elle  ,  deux  autres  petits 

f)illiers,  creux  par  le  haut,  fur  lefquels  brûloient  des'lampes,  entretenues  par 
es  libéralités  des  Voyageurs.  A  peu  de  diftance,  on  voyoit  un  balfin  plein 
d'eau,  où  ceux,  qui  veulent  offrir  quelque  chofe  à  l'Idole,  doivent  d'abord 
fe  laver  les  mains.  En  arrivant  à  Urakami,  les  Holiandois  furent  frappés 
par  la  vue  d'un  magnifique  Tooii^  c'efl-à-dire,  d'un  grand  Portail  qui  con- 
duit à  un  Temple  de  Cami ,  &  qui  annonce ,  par  une  infcription ,  la  demeu- 
re de  cette  Divinité. 

A  Tockitz,  l'Ambafladeur  trouva  le  Maître  d'Hôtel  du  Prince  d'Omura, 
qui,  par  refpe6l  pour  l'Empereur,  &  fans  autre  confidération ,  comme  il 
le  fit  déclarer,  lui  faifoit  offrir  toutes  fortes  de  fecours  pour  fon  Voyage. 
On  tenoit  prêts  deux  feifencerSy  ou  deux  Bateaux  de  plaifance,  pour  lui 
faire  traverfer  la  Baye,  jufqu'à  Sinongi^  Village  qui  n'efl  qu'à  fept  miles  & 
demi  de  Tockitz.  Ces  Bateaux  font  maffifs ,  mais  fort  propres.  Ils  avoient , 
chacun ,  quatorze  Rameurs ,  vêtus  de  robes  bleues ,  à  rayes  blanches.  On 
avoit  arboré,  fur  la  poupe,  l'étendart  du  Prince,  avec  l'Ecu  de  fes  ar- 
mes, qui  étoient  une  rofe  à  cinq  feuilles  en  champ  d'azur.  Devant  l'éten- 
dart étoit  placé  le  fymbole  ordinaire  de  l'autorité  fupérieure ,  qui  efl  une 
touffe  de  papier  découpé,  attachée  au  bout  d'un  long  biiton,  auprès  du- 

XI F.  Pan.  h\  ^  ^      ^     ^^^^j 


1691. 


Route  de 

Kokuru. 


Dfir.s,Dieu 

Jipon«is  des 
chemins  (5c  des 
Voyajjcur». 


Politcfle 
forc(;L'  du 
Prince  d'O- 
mura. 


i6é 


.VOYAGE    DE    K^BMPFER 


169  r. 


P-yc!&  Ville 
d0.aurai 


Bninschnuds 
dUrifiijino. 


Swota  & 
autres  Heux 
où  fe  fait  la 

fiorcelaine  du 
apon. 


quel  le  Bugio  planta  fa  pique.  Un  des  Secrétaires  du  Prince  s'aflît  d'un 
côté ,  &  le  Pilote  de  l'autre.  Le  Bugio  &  lAmbafladeur  prirent  polïelîion 
des  deux  cabanes. 

On  arriva  le  foir  à  Sinongi,  après  avoir  fait  dix  miles  dans  tout  le  jour* 
quoique,  par  Terre,  on  en  compte  quinze  de  Tockitz,  parcequ'il  faut 
faire  le  tour  de  la  Baye  d'Omura.  11  y  a  fort  peu  d'eau  dans  cette  Baye. 
Elle  s'étend  à  rOueft-Sud-Oueft;  &  communiquant  à  la  Mer  par  un  petit 
Décroit ,  elle  a  régulièrement  fon  flux  &  fon  reflux.  Les  Hollandois  virent 
la  Ville  d'Omura ,  qui  efl:  la  réfldence  du  Prince ,  fituée  fur  le  Havre ,  à  Ij 
diftance  d'environ  deux  miles  à  la  droite.  Derrière  la  Ville,  ils  apperçu, 
rent  une  montagne,  qui  jettoit  de  la  fumée.  On  trouve,  dans  la  Baye 
d'Omura ,  des  coquilles ,  qui  produifent  des  perles.  Anciennement  on  y 
ramaflbit  de  très-beau  fable  d'or ,  le  long  des  Côtes ,  qui  font  préfentement 
inondées.  Omura  dépend  de  la  grande  Province  de  fi/en  ^  comme  Nan. 
gafaki,  Firando,  Gotbo,  Urifigino,  Ficaflari  &  d'autres  petits  Diftrifts, 
qui  relevoient  autrefois  d'un  Roi  particulier. 

On  partit  de  Sinongi ,  le  14  Février,  &  traverfant  une  montagne,  onfit 
deux  miles  pour  arriver  aux  frontières  d'Omura ,  où  l'on  entre  dans  le  petit 
Diftriéi  à'Urifigino.  Dix  hommes  balaièrent  ici  le  chemin,  devant  les  Hol- 
landois ,  jufqu'au  Village  qui  donne  le  nom  au  Diftriél.  Aflez  proche  de 
ce  Village,  fur  le  bord  d'une  petite  Rivière ,  qui  tombe  d'une  montagne  voi* 
fine ,  on  rencontre  des  bains  chauds ,  fameux  par  leurs  diflFérentes  vertus, 
Tout  l'édifice  efl:  fermé  de  baluftres  de  bambous  ,  travaillés  avec  beaucoup 
d'art.  Chaque  bain  a  deux  robinets  ;  un  pour  l'eau  froide,  &  un  pour  l'eau 
chaude.  La  fource  n'efl:  pas  profonde  ;  mais  l'eau  bouillonne  avec  tant  de 
violence,  &  paroît  fi  chaude,  qu'aucun  des  Hollandois  n'eut  la  hardieffe 
d'y  plonger  les  doigts.  Kaempfer,  ne  lui  trouvant  pas  d'odeur  ni  de  goût, 
attribua  toute  fa  vertu  à  la  feule  chaleur.  Mais ,  pour  le  convaincre  qu'il 
y  avoit  quelque  chofe  de  plus  extraordinaire,  un  Japonois  arracha  une  bran- 
che d'arbre,  &  l'ayant  plongée  dans  le  puits,  il  lui  en  donna  une  feuille  à 
mâcher  ;  ,ce  qui  lui  rendit  la  bouche  &  la  langue ,  ce  ne  peintes  de  verd 
&  de  jaune  (i). 

Deux  miles  &  demi  au-delà  des  bains  »  on  arri.  au  Village  de  Smtn, 
après  avoir  trouvé ,  fur  la  gauche  du  chemin ,  un  grand  nombre  de  mai* 
fons.  Les  Habitans  de  Swota  font  une  efpèce  de  grands  pots  de  terre,  qui 
fervent,  au  lieu  de  tonneau,  à  tenir  l'eau  fur  Mer;  aflez. femblables  à  ceux 
que  les  Européens  nommQnt  Martabanes ^  d'un  Royaume  Indien  de  ce  nom, 
où  l'on  en  fait  une  grande  quantité,  qui  fe  tranfportent  dans  toutes  les  In- 
des. Une  grande  &  belle  Rivière ,  qui  coule  de  Swota  vers  l'Orient ,  au  tra- 
vers d'une  vafte  plaine ,  va  fe  jetter  dans  le  Golfe  de  Simabara.  C'eft:  dans 
le  même  Village ,  comme  à  Urifigino ,  fur  les  montagnes  voifines ,  &  dans 
plufieurs  autres  lieux  de  la  Province  de  Fifen ,  que  fe  fait  la  Porcelaine  du 
Japon  ,  d'une  argile  blanchâtre,  qui  s'y  trouve  en  abondance. 

En  fortant  de  Swota ,  les  Hollandois  eurent  à  traverfer  plufieurs  Riviè- 
res, dont  quelques-unes  font  navigables;  &  paflant  par  les  Villages  de 

...    Narifii 
(»)  Pag.  38s  &  pr«icédentes. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


%6f 


Uarijiî  &  de  fFemakiy  ils  achevèrent  une  journée  d'onze  miles  à  Celui  d'0o« 
éay  où  ils  dévoient  pafTer  la  nuit.  Ils  avoient  marché,  pendant  tout  le 
jour,  par  des  vallées  agréables  âc  fertiles, &  dans  les  plus  belles  campagnes, 
plantées  d'arbres,  qui  portent  le  thé,  à  quelques  pas  du  chemin.  Ces  ar- 
brilieaux,  qui  n'ont  pas  plus  de  fix  pieds  de  hauteur,  ont  fort  peu  d'appa- 
rence ,  lorfqu'ils  font  dépouillés  de  leurs  feuilles ,  comme  ils  l'étoient  dans 
cette  faifon.  Les  champs  de  riz  parurent  plus  beaux ,  à  Kaempfer ,  que 
dans  aucun  autre  Pays  du  Monde.  Toute  la  Province  de  Fifen  efl;  renom- 
mée par  l'abondance  de  fon  riz,  dont  on  comptejufqu'à  fix  différentes  for- 
tes. La  meilleure,  qui  efl  celle  des  environs  d'Omura,  fe  tranfporte  à  Je- 
do  pour  l'ufage  de  l'Empereur. 

Le  jour  fuivant ,  on  paffa  par  Sanga,  Capitale  de  la  Province  de  Fifen , 
pour  aller  paffer  la  nuit  au  Village  de  Todoroki,  après  avoir  fait  dix  à  on- 
ze miles.  Tout  le  Pays  de  cette  marche  eft  plat ,  rempli  de  Rivières ,  & 
de  champs  femés  de  riz.  Les  lieux  remarquables ,  fur  le  paflage ,  font  pre- 
mièrement Torimatz ,  grand  Village ,  à  demi  mile  d'Ooda.  Kaempfer  y 
vit,  pour  la  première  fois,  des  femmes  de  Fifen ,  &  ce  fpeftacle  lui  parut 
fort  étrange.  Elles  font  fi  courtes ,  qu'on  les  prendroit  toutes  pour  de  jeu- 
nes filles.  Mais  avec  une  fi  petite  taille,  elles  font  bien  proportionnées, 
&  la  plupart  fort  jolies.  Elles  fe  peignent  le  vifage ,  ce  qui  achève  d'en 
faire  comme  autant  de  poupées  ;  &  lorfqu*elles  font  mariées  ,  elles  s'ar- 
rachent les  fourcils.  Un  mile  au-delà  de  Torimatz ,  on  trouve  un  autre 
grand  Village,  nommé  Kongawamas.  Une  Rivière  bourbeufe,  qui  le  tra- 
verfe ,  &  qui  va  fe  perdre  dans  la  Mer ,  quatre  ou  cinq  miles  plus  bas ,  offre 
un  très-beau  pont  de  bois ,  &  n'eft  guères  fans  quelques  Barques  de  plailir , 
qui  montent  &  qui  defcendent.  Plus  loin ,  d'un  quart  de  mile ,  on  pafle 
par  le  Village  à'Utfinfin^  où  l'on  change  de  Porteurs  &  de  Voitures;  &  un 
demi-mile  au-delà ,  par  celui  de  ^orac* ,  après  lequel  on  rencontre,  à  peu  de 
diftance,  celui  de  Krnfignomas^  qui  eft  compofé  de  trois  parties;  la  pre- 
mière, en  deçà  d'une  grande  Rivière,  qui  coule  au  Sud-Eft,  fe  nomme 
Fooknamaîz\  la  féconde,  qui  communique  a:vec  la  première,  par  un  pont  de 
cent  cinquante  pas  de  longueur,  s'appelle  Jakimooîz-mas -,  &  la  troifième, 
Fajijnomas.  Dans  les  deux  premières,  on  voit  des  moulins  à  papier,  &plu- 
fieurs  bonnes  Manufaftures  d'étoffes  de  foye.  De  la  même  matière  que  les 
Japonois  employant  pour  le  papier,  ils  tirent  une  efpèce  de  laine  filée,  qui 
fert  à  faire  des  voiles. 

Après  avoir  fait  encore  un  quart  de  mile ,  les  Hollandois  arrivèrent  aux 
Fauxbourgs  d'OnJijmatz,  &  bientôt  à  Sanga,  réfidence  du  Prince  ou  du  pe- 
tit Roi  de  la  Province  de  Fifen.  Cette  Ville  eft  grande  &  fort  peuplée , 
mais  plus  longue  que  large.  Elle  eft  fermée  de  murailles ,  autant  pour  l'or- 
nement que  pour  fa  défenfe.  Les  rues  font  larges  &  droites ,  avec  des  Ca- 
naux &  des  Rivières  qui  les  traverfent ,  &  qui  vont  fe  perdre  dans  la  Mer 
à' Arma ,  proche  d'une  Ville  du  même  nom.  Les  maifons  y  font  baf- 
fes, &  les  boutiques  tendues  de  noir,  pour  l'ornement.  Kaempfer  ad- 
mira ici  plus  que  jamais  la  petiteffe  &  l'agrément  des  femmes , .  qui  pa- 
roiffent  moins,  dit -il,  des  créatures  vivantes,  que  des  figures  de  cire, 
quoique  la  couleur  vermeille  de  leurs  lèvres  rende  témoignage  à  leur  bon- 

Ll  2  ne 


Kttttntt, 
I  69  t. 


Riz  d'Omu- 
ra ,  réfervé  à 
l'Empereur. 


Femmes 
d'une  taille  & 
ë'une  figure 
extraordinai- 
res. 


Kbmpfbb. 
I69I. 

Fertilité  de 
hi  Province 
Je  Kfen. 


Agrémens 
Jes  chemins. 


V'oltures 
nommées 
Cangos. 

Village  peu- 
plé des  en- 
fans  d'un  nic- 
nie  père. 


268  VOYAGEDEKiEMPFER 

ne  conftitution  (/fe).  La  campagne,  à  plufieurs  miles  autour  de  Satiga,  eft 
fertile,  unie  &  coupée  de  Rivières  ou  de  Canaux,  bordés  d'un  grand  nom» 
bre  d'éclufes ,  qui  peuvent  fervir  à  mettre  en  un  moment  toute  cette  éten- 
due de  Pays  fous  l'eau.  Auffi  le  riz  y  croît-il  parfaitement.  Kaempfer  met- 
troit  cette  belle  &  fertile  Province  au-deflus  de  la  Medie  même  (/),  s'il 
ux  fournie  de  beftiaux  &  d'arbreS  fruitiers.     C'efl:  d'ail- 

qua- 


l'avoit  trouvée  mieux 

leurs  la  plus  grande  du  Saikokf.    Le  Prince  de  Fifen  n'a  pas  moins  de 

rante  mille  Villages ,  ou  Hameaux ,  qui  dépendent  de  lui. 

Les  Hollandois  employèrent  une  heure  &  demie  à  traverfer  Sanga , quoi- 
qu'ils  marchaflent  aflez  vite.  Hors  de  la  porte,  par  laquelle  ils  Jbrtirent, 
ils  virent  une  longue  allée  de  fapins ,  des  cigognes  perchées  fur  les  arbres, 
mais  moins  grofles  que  celles  de  l'Europe ,  &  plufieurs  faucons ,  que  que!- 
ques  hommes  portoient  fur  leurs  mains,  fuivant  l'ufage  du  Japon.  Après 
avoir  pafle  par  le  Village  de  Farnamatz ,  à  un  mile  de  Sanga ,  &  traverfé 
quelques  Rivières,  ils  arrivèrent,  vers  le  milieu  du  jour,  au  grand  Village 
de  Kanfacki^  à  deux  miles  de  Farnamatz.  Les  chemins  étoient  propres, 
unis ,  &  couverts  de  fable  frais.  Quatre  miles  plus  loin ,  ils  achevèrent  cet- 
te  journée  dans  un  autre  grand  Village ,  nommé  Todoroki  ;  mais  pour  y  ar- 
river, ils  avoient  pafle  quelques  Rivières  &  plufieurs  Villages  ,  dont  les 
principaux  font  Haddi,  ou  Faddi,  car  il  n'efl:  pas  aifé  de  diftinguer  XH  de 
l'F,  dans  la  prononciation  des  Japonois ,  Nittanvah  &  Magabar.  Ils  avoient 
traverfé  un  bois  de  fort  grands  fapins  ;  &  fur  la  droite  du  chemin ,  à  une 
lieue  de  Magabar ,  ils  avoient  vu  le  Château  deKurume ,  Ediiîce  magnifique, 
où  le  Prince  de  TJîkungo  fait  fa  réfidence. 

Le  16,  ils  fe  rendirent  à  Taifero,  qui  n'eft  qu'à  un  demi  mile  de  Todo 
riki.  C'efl:  un  grand  Village,  que  l'Elmpereur  avoit  ôté,  depuis  peu  d'aU' 
nées ,  au  Prince  de  Fifen ,  pour  le  donner  au  Seigneur  de  TJujJima  &  de  5;- 
maraba  ,  qui  n'avoit  pofledé  jufqu'alors  aucune  terre  dans  le  Continent  du 
Japon ,  &  qui  n'étoit  maître  que  des  deux  Ifles  dUlki  &  de  TfuJJtma ,  fituees 
vers  la  Corée.  De  Taifero ,  après  avoir  pafle  quelques  Rivières  ,  &  ks 
Villages  d'/fjawaîîs.  Farda  &  Dfufanka  ,  les  Hollandois  s'arrêtèrent  pour 
dîner,  ij^amaijo^  Village  fort  peuplé.  Près  de  Dfufanka,  le  chemin  kdi- 
vife  en  deux ,  dont  l'un  tourne  à  droite ,  du  côté  de  Kurine ,  &  l'autre  à  gau- 
che, le  long  de  quelques  montagnes,  vers  Fakaîto.  L'après-midi,  ils  con- 
tinuèrent leur  chemin  dans  des  Caw^05 ,  au  travers  des  montagnes  voiilnes, 
qu'on  ne  traverfé  point  aifément  à  cheval.  Cqs  voitures,  qui  ont  la  forme 
d'un  petit  panier  quarré,  ouvert  de  tous  côtés,  &  fimpleraent  couvert  d'un 
petit  toît ,  foûcenu  d'un  bâton ,  font  fort  incommodes  aux  Voyageurs.  En 
raontaiit  la  montagne  de  Fiamitz ,  on  rencontre  un  petit  Village  fans  nom , 
dont  tous  les  Habitans  étoient  defcendus  d'un  même  homme ,  qui  vivoit 
encore.  KEempfer  fut  fur  pris  de  les  voir  tous,  beaux  &  bien,  faits,  avec 
toute  la  politefle  qui  eft:  le  fruit  de  la  meilleure  éducation  (m).  Le  paflage 
de  la  montagne  eft  d'environ  deux  miles ,  après  lefquels  on  defcend ,  pen* 
dant  l'efpace  d'un  mile  &  demi,  à  Utjîjino,  où  l'on  reprend  des  chevaux, 
pour  arriver  le  foir  au  Village  d'/f2,  qui  efl;  fitué  fur  une  Rivière.  Kaemp- 
fer 


(*)  Pag.  390. 


(i)  Ibidem» 


(»)  Pag.  333^ 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


269 


l 


fer  obferva  que  les  champs  étoient  environnés  d'arbres  qui  portent  le  thé. 
Les  Ilabitans,  dit-il,  font  tant  de  cas  de  Ja  terre,  qu'ils  ne  veulent  don- 
ner, à  ces  arbres  mêmes,  que  les  extr^^nités  de  leurs  champs. 

On  partit  le  lendemain  avant  la  poir^te  du  jour,  parceque  la  journée  de* 
voit  être  de  treize  miles.  Le  Village  de  Tabukro,  deux  Rivières  profondes, 
ui  fe  joignent  près  d'un  autre  Village ,  nommé  KujanoJJ'e ,  ik.  celui  de  Kuro- 
fakiy  à  un  mile  &  demi  duquel  on  trouve  deux  pilliers  de  pierre,  qui  ré- 
parent les  territoires  de  Tfikujen  &  de  Kokura  ^  furent  les  feuls  objets  qui 
s'attirèrent  l'attention  de  Kaempfer,  jurq;u'à  Kokura  même,  où  l'on  n'arriva 
qu'après  une  marche  de  dix  miles.  Les  Hollandois  s'y  repoférent ,  dans 
une  fort  belle  hôtellerie.  Cette  Ville  eft  fituée  dans  la  Province  de  Bu/en. 
Elle  étoit  autrefois  riche  &  peuplée  :  mais  depuis  que  les  Cantons  voifms 
ont  été  divifés  entre  plufieurs  Princes ,  elle  a.  beaucoup  perdu  de  fon  an- 
cienne fplendeur.  Sa  longueur  eft  d'environ  un  mile  Japonois,  &  fa  figure 
repréfente  un  quarré  long.  EHe  eft  compofée  de  quatre  parties  ;  c'ell-à- 
dire,  d'un  grand  Château,  où  le  Prince  fajt  fa  demeure;  &.  de  trois  Villes, 
pu  plutôt,  trois  portions  d'une  même  Ville,  féparées  l'une  de  l'autre.  Le 
Château  occupe  un  grand  terrain  quarré ,  qui  eft  environné  de  fofles  &  de 
murs  ;  &  chaque  partie  de  la  Ville  a  la  même  forme.  Les  maifons  font 
baffes  &  petites ,  les  rues  larges  &  régulières.  On  y  voit  de  grandes  hô- 
telleries, quantité  de  rôtifferies,  qui  ont  des  foyers  élevés,  &  des  grilles 
aflez  femblables  à  celles  d'Allemagne  ;  des  bains  publics,  &  de  beaux  jar- 
dins pour  la  promenade.  Une  Rivière,  qui  traverfe  la  Ville,,  du  Sud  au 
Nord ,  fépare  fa  troifième  partie,  des  deux  autres  &  du  Château  ;  après  quoi 
elle  fe  perd  dans  la  Mer.  Ses  rives  étoient  alors  bordées  d'une  centaine  de 
Barques  ;  car  les  grands  Vaifleaux  ne  peuvent  remonter  au-delà  de  Simono- 
feki.  Elle  n'a  qu'un  pont,  long  d'environ  deux  cens  pas,-  fur  lequel  règne, 
de  chaque  côté,  une  ba.Luftrade  4&,fer„  foûiemie  par  des  pilliers  de  bois 
d'un  fort  beau  travail.  -      .;■■, 

Les  Hollandois  quittèrent  cette  Ville,  après  y  avofr  pris  quelques  heures 
de  repos.     On  leur  fit  prendre  le  chemin  de  la  Côte ,  pour  s'embarquer  dans 
des  Kabttjas,  ou  de  petits  Bâtimens  de  paflage ,, qui  dévoient  les  tranfporter  à 
Simonofeki.  Ils  Ibrtirent  de  Kokura  au  travers  d'une  foule  de  Spe6tateurs ,  qui 
fe  tenoient  à  t'enoux ,  dans  un  profond  filence.     Ksempfer  n'ofe  alTurer  que 
ce  fût  par  refpeél  pour  l' AmbalTade  Hollandoife  ;  Cependant  il  ajoute;  ,»C'efl; 
„  ainfi  que  nous  fîmes  nos  adieux  à  llfle  de  Kiusju  ,  ou ,  comme  elle  ell  nom- 
„  mée  par  le  Peuple,  Nijijno-Kuniy  c'eft-àrdire,  le  Pays  d'  \euf,  parceq^u'elle 
„  efldivifée  en  neuf  grandes  Provinces.  Elle  porte  auiîi  i.   ^oni  dtiSaihkf^  ou 
„  de  Pays  Occidental,  parcequ'elle  eft  à  l'Ouert  de  la  grande  Kle  de  Nipon  ". 
SiMONOSEKi  n'eft  qu'à  trois  lieues  de  Kokura.     Ce  petit  trajet,    qiu 
n'eft  qu'un  Décroit,    formé  par  une  llle,,  nommée  Kiliji'ma  &  l'iiiofaniay 
&  par  les  Côtes  de  la  Province  de  Bufen ,  eft  célèbr-e  néanmoins  par  de  grande 
événemens.     Laiflons-en  le  récit  à.  Kaempfer:.  A  nôtre  droite,  dit-il,   fur 
les  Côtes  de  la  Province  de  Bufen,  dans  la  JurifdiÊlion;de  Kokura,  nous  vî- 
mes une  grande  Plaine  verte,.,  plantée  d'arbres,,  qui  fe  nomme  Janu^ima.^ 
c'eft-à-dire ,  Vljle  dej  Perles.  Proche  de  cette  Plaine  eft  un  Château ,  nommé 
Daiiif  parcequ'ii  étoit  autrefois  la  rélidence  du  Dairi,  Empereur  Ecclélia- 

Ll  3  fti4_Lie 


KjSMFPBa. 


Dcfcriptioft 
de  Kokura. 


Le  Peuple 

Hécliit    es  ge- 
noux devant 
ks  liollan- 
dois. 


èyo 


VOYAGE    DE    K  ^  M  ï>  F  Ë  È. 


K;rmppxr. 
i6pi. 

Evénémcns 
«jui  la  rendent 
célèbre. 


Port  de  Si- 
inonofeki. 


Defcription 
^e  la  Ville. 


ftlque  héréditaire.  Entre  ce  Château  &  l'Ifle  vbirme,  qui  n'en  eft  pis  k 
plus  d'un  quart  de  lieue,  on  découvre  un  roc  qui  s'élève  au-defllis  de  la  Mer 
avec  un  pillier  de  pierre  bâti  au-deffus ,  que  les  Naturels  du  Pays  appellent 
yorike.  Ce  Monument  fut  conflruit  en  mémoire  d'un  Pilote  du  même  nom 
qui  avoit  entrepris  de  conduire  un  fameux  Empereur  du  Japon,  nommé 
Taiko,  lorfqu'il  vint  fubjuguer  les  Provinces  Occidentales,  &  leur  impofer 
la  forme  de  Gouvernement  qui  eft  aéluellement  établie  dans  tout  l'Empire. 
Le  Pilote  Jorike  ayant  expofé  ce  Prince  au  dernier  péril,  contre  ce  roc, 
{)révint  le  châtiment  qu'il  crut  avoir  mérité.  Il  s'ouvrit  le  ventre,  à  lama- 
hière  Japonoife;  &  pour  éternifer  un  fi  beat!  defefpoir,  l'Emperair  ordon- 
iia  qu'on  lui  érigeât  ce  Monument.  Le  même  roc  eft  célèbre  encore  par  la 
tnort  du  fils  d'un  Empereur,  héritier  préfomptif  de  la  Couronne.  Fegue,  ou 
Feki,  Prince  d'un  grand  courage,  fe  trouvoic engagé  dans  une  fanglante  guer- 
re contre  Gegs.  11  eut  le  malneur  d'être  vaincu ,  &  de  fe  voir  forcé  d'aban- 
donner Ofacka,  la  réfidence  ordinaire.  Ftjmgo^  qu'il  prit  pour  retraite, 
ne  le  mit  pas  long-tema  à  couvert.  Il  eut  recours  encore  à  la  fuite ,  &  bien- 
tôt il  perdit  la  vie.  Il  n'avoit  qu'un  fils,  à  peine  âgé  de  fept  ans.  La  Noiir- 
rice  de  ce  jeune  Prince  entreprit  de  s'échapper  avec  lui  par  la  Mer;  mais  é- 
tant  arrivée  près  de  ce  rocher ,  &  fe  voyant  pourfuivie  de  fi  près ,  qu'il  lui 
parût  impoflible  d'éviter  l'Ennemi,  elle  embrafla  fortement  le  Prince,  & 
dans  un  tranfport  de  douleur  &  d'aflfeftion,  elle  fe  jetta  dans  la  Mer  avec 
Jui.  On  Ut  dans  les  Hiftoire^i  du  Japon,  que  Fegue,  jugeant  fa, ruine  iné- 
vitable ,  envoya  fept  Navireà  chargés  d'or  &  d'argent  à  la  Chine,  où  l'on 
bâtit,  après  fa  mort ,  un  Tethple  magnifique  à  fa  mémoire.  Les  Japonois 
en  élevèrent  un  à  Simonofeki,  pour  immoftalifer  aufli  l'infortune  du  jeune 
Prince  (n).  '    ....:.... i.. ^^     -    -"  t; 

SiMONosEKi' eft  un  fameux  Port,  fitué  au  pied  d'une  montagne ,  dans 
la  Province  de  Nagatto , .  la  plus  Occidentale  de  la  grande  Ifle  de  Nipon.  La 
figure  de  cette  Ifle  approchant  de  celle  d'une  mâchoire,  elle  eft  coupée  par 
deux  grands  chemins ,  qui  s'étendent  d'un  bout  à  l'autre.  L'un  va  de  l'Oueli 
àl'Eft,  depuis  Simonofeki  ;  &  paflTant  par  Ofacka  &'Meaco,  il  conduit  à 
Jedo  le  long  des  Côtes.  La  première  partie,  c'eft-à-dire,  depuis  Simono- 
feki jufqu'à  Ofacka,  fe  fait  par  eau,  parceque  les  Côtes  font  fort  monta- 
gneufes.  L'autre  chemin  va  depuis  Jedo,  au  Nord  &  au  Nord-Eft,  juf- 
qu'à l'extrémité  de  la  Pr<)vince  d'0/î« ,  pendant  l'efpace  d'environ  quaran- 
te lieues. 

La  Ville  de  Simonofeki  ne  contient  pas  plus  de  quatre  ou  cinq  cens  mai- 
fons,  bâties  la  plupart  fur  les  deux  côtés  d'une  rue,  qui  tait  toute  fa  Ion* 
gueur ,  &  qui  eft  coupée  par  quelques  petites.  Elle  eft  remplie  de  bouti- 
ques, dont  les  principales  marchandifes  font  des  vivres  &  des  provifions 
pour  les  Navireis.  C'eft  le  Port  commun  de  tous  les  Bâtimens  qui  vont  des 
Provinces  Occidentales  à  celles  de  l'Orient,  ou  qui  en  reviennent.  Ksemp- 
fer  en  compta  plus  de  deux  cens  à  l'ancre,  de  toutes  fortes  de  grandeurs. 
On  fait  à  Simonofeki,  des  écritoites,  desfaoè'tes,  des  affiétes,  &  d'autres 
iiftencile . ,  d'une  pierre  ferpentine ,  grift  &  noirâtre,  qui  fe  tire  des  carrié- 


u,i  i 


(«)  Pag.  400  &  précédentes. 


■/j^'  Il  »-'k- •/■* i*-' 


DANS  L'EMPIRE  T>V  JAPON,  Lïv.  IV.  271 

reii  volfines  de  la  Ville.  Les  Hollandois  y  ayant  été  retenus  tout  le  jour 
fuivant,  par  les  vents  contraires ,  paflerent  l'après-midi  à  vifiter  les  Bouti- 
ques, &  le  Temple  di'Amadais^  ce  même  Monument,  qui  fut  bâti  à  l'hon- 
neur du  jeune  Prince,  fils  de  l'Empereur  Fegue.  Ils  y  furent  accompagnés 
par  deux  Officiers  de  la  Ville.  Après  avoir  monté  vingt  -  quatre  marches , 
compofdes  de  pierres  afTez  mal  taillées ,  ils  fe  trouvèrent  devant  trois  petits 
Temples  de  bois,  derrière  lefquels  on  découvre  celui  d'Aftiadaïs.  Un  jeu- 
ne Prêtre,  qui  vint  les  recevoir  à  la  porte,  les  mena  dans  une  efpèce  d'an- 
ti-chambre ,  ou  de  falle,  tendue  de  crêpe  noir.  Le  plancher  étoit  couvert 
d'un  tapis  broché  d'argent,  au  milieu  duquel  on  voyoit,  fur  un  autel,  l'i- 
mage du  jeune  Prince  ;  „  C'étoic  un  agréable  enfint ,  potelé ,  avec  de  longs 
„  cheveux  noirs.  Tous  les  Japonois  de  l'aflemblée  lui  firent  des  révéren- 
j,  ces  à  la  manière  du  Pays,  en  courbant  la  tête  jufqu'à  terre.  Chaque 
„  côté  du  tableau  ofFroit  les  images  de  quelques  autres  Princes  du  même 
„  fang,  de  grandeur  naturelle  &  vêtus  de  noir.  Le  Prêtre,  qui  avoit  re- 
„  çu  les  Hollandois,  alluma  une  lampe,  &  leur  fit  un  difcours  fort  tou- 
„  chant  fur  cette  tragique  avanture.  Enfuite  il  les  conduifit  dans  une  au- 
„  tre  grande  chambre ,  qui  étoit  la  falle  d'audience  du  Monaftère.  Le  Su- 
„  périeur  s'y  étoit  rendu  pour  les  recevoir.  C'étoit  un  Vieillard  fort  mai- 
^,  gre ,  &  d'un  air  grave.  Il  étoit  vêtu ,  comme  les  autres  Prêtres ,  d'une 
robbe  de  crêpe  noir ,  avec  un  ruban  d'argent  qui  lui  defcendoit,  en  é- 
charpe,  de  l'épaule  droite  au  côté  gauche.  Derrière  ;  fa  tête  ,  entre  les 
deux  épaules,  pendoit  une  autre  pièce  quarrée,  de  la  même  étoffe.  C'é- 
toient  les  marques  de  fon  rang  &  de  fon  autorité.  Il  s'afllt  fur  le  plancher; 
&  ne  voyant  pas ,  aux  Hollandois ,  beaucoup  d'empreffement  à  s'appro- 
cher de  lui,  il  fe  releva,  pour  fe  retirer  dans  une  des  chambres  voifines, 
qui  font  de  petites  cellules,  féparées  l'une  de  l'autre  par  de  fimples  para- 
vents. L'AmbafTadeur  laiffa ,  pour  le  Monaftère ,  une  pièce  d'or  ,  de 
,  la  valeur  d'environ  deux  richedales  &  demie,  ou  douze  fhellings  d'An- 
„  gleterre". 

On  partit  le  19,  pour  Ofacka.  Cette  route  eft  de  cent  trente-fix  lieues 
marines.  Mais  la  fituation  des  Havres,  où  l'on  relâche,  fait  une  différen- 
ce d'autant  plus  confidérable ,  que  la  fituation  des  Ifles ,  grandes  &  petites , 
qu'on  ne  ceffe  pas  de  rencontrer,  y  rend  la  navigation  fort  irrégulière. 
Pendant  tout  ce  Voyage,  on  eut  les  Côtes  de  la  grande  Ifle  de  Nipon,  à 
bas-bord,  c'eft-à-dire,  à  la  gauche  du  VaifTeau;  tandis  qu'à  ftribord,  ou  à 
la  droite,  on  avoit  d'abord  celles  de  la  Province  de  Busjetiy  ou  de  ÈimgOf 
&  de-là ,  celles  de  la  petite  Ifle  &  de  la  Province  d'AwadJî. 

A  deux  lieues  de  Simonofeki ,  les  Hollandois  virent ,  près  du  Village  de 
Tannora ,  un  grand  Palais ,  où  logent  les  Princes  dans  leurs  Voyages  à  la 
Cour.  Cinq  lieues  plus  loin,  ils  découvrirent  le  Village  &  la  ^"meufe Mon- 
tagne de  Motto-Jamma.  Ici  le  Détroit  s'élargit,  &  les  Côtes  de  Saikokf, 
tournant  à  droite ,  forment  avec  celles'de  Nipon ,  une  Baye  ouverte  &  fpa- 
cieufe.  Dix  huit  lieues  au-delà,  on  perd  de  vue  Saikokf  ;  &  peu  après  on 
découvre  une  grande  Ifle,  nommée  IwoiJJîma.  Un  peu  plus  loin,  on  arrive 
à  la  vue  d'une  haute  montagne,  nommée Cajfada-Jamma,  qui  eft  à  dix  lieues 
de  Caminofeki,  &  l'on  découvre ,  dans  l'éloignement. ,  les  hautes  montagnes , 

COUî- 


î> 


5> 


» 


K«MPrEi* 
1691. 

Temple 
d'Auiadaïc. 

•')    :  ■ 


Ce  q"e  le» 
Hollandois  y 

virent. 


Route  de 
Simonofeki  à' 
Ofacka. 


27a 


VOYAGE    DE    KiEMPFERI 


Kmmvtru. 

I69I. 


Idc  &  Vil- 
lage de  Garni- 
nofcki. 


Dfino-Ca- 

miro. 


IiletkTfu- 
\va  &  fou 
Port. 


Sciî^ncur  de 
Fircfimi  & fcs 
Domaines. 


couvertes  de  neiges ,  de  la  Province  d'/jo,  dans  la  grande  Ifle  de  Tfiknkg, 
Plus  loin ,  on  fit  apperccvoir,  aux  Hollandois ,  des  rochers  dangereux,  qui  fj 
nomment  Sfo-Sine-Kfo ,  dont  quelques  -  uns  font  fous  l'e^u ,  &  d'autres  au- 
clelîus.  Ils  entrèrent  enfuite  dans  un  Détroit,  qui  fépare  l'Ifle  de  Nipon 
d'une  Ifle  voifme.  Après  l'avoir  pafle ,  ils  laiflerent  à  gauche  un  Village 
nommé  MotiizUy  qui  eft  fitué  dans  l'ille  de  Nipon,  &  à  droite  un  autre' 
Village  nommé  Caminofeki^  qui  donné  fon  nom  à  la  féconde  lile.  Un  Farc 
de  bois ,  bâti  fur  un  rocher  fort  élevé ,  vis-à-vis  du  Havre ,  'porte  une  Jan. 
terne  qu'on  allume  pendant  la  nuit  pour  la  fureté  de  la  navigation.  Kaemp- 
fer  obferve  ici,  que  la  Mer,  entre  Simonofeki  &  Caminofeki,  porte  le  nom 
dQSuwonada.,  c'eft-à-dire ,  Havre  de  Suwo ,  parcequ' elle  mouille  principale- 
ment les  Côtes  de  la  Province  de  Suwo. 

De  Caminofeki,  on  fit  encore  fept  lieues  jufqu'à  DJine-Camiro,  où  l'on 
mouilla  vers  huit  heures  du  foir,  après  avoir  fait,  pendant  le  jour,  qua- 
rante-cinq lieues  marines  du  Japon.  Dfino-Camiro  efl:  un  Village  de  plus 
de  cent  maifons ,  dont  quelques-unes  font  bien  bâties ,  fur  les  Côtes  de  la 
Province  d'/^W,  au  fond  d'un  Port  environné  de  montagnes.  On  lui  donne 
le  nom  de  DJino,  qui  fignifie  Bas^  pour  le  diftinguer  d'un  autre  Village, 
nommé  Okino-Camiro  on  Haut-Camiro,  qui  n'en  ell  pas  éloigné,  fur  la  mê- 
me Côte.  Le  20 ,  un  calme,  qui  dura  toute  la  matinée,  ne  permit  d'avan- 
cer qu'à  force  de  rames.  On  pafTa  devant  Okino-Camiro,  qui  contient  en- 
viron quarante  raaifons ,  fituées  à  l'extrémité  Orientale  d'une  petite  111^ 
trè.'i-fercile ,  dont  les  collines  &  les  montagnes  font  cultivées  jufqu'au  Ibm- 
met.  L'Ifle  de  Tfuina  fe  préfente  enfuite  à  la  gauche ,  avec  un  fort  bon 
Port,  dont  la  forme  eft  en  demi  cercle,  fur  la  Côte  Méridionale,  &  borJt 
d'environ  deux  cens  maifons.  Dans  le  cours  de  l'après-midi,  on  eut  la  vue 
d'un  Village  nommé  Camogari^  fur  Jeis  Côtes  de  la  Province  d'Aki.  Vers 
la  nuit,  on  entra  dans  le  fameux  Havre  de  Mirareiy  après  avoir  fait,  pen- 
dant tout  le  jour,  dix-huit  lieues  marines,  entre  quantité  d'iiles ,  les  unes 
fertiles  &  cultivées ,  mais  la  plupart  ftériles  ^  défertes ,  ou  compofées  mê- 
me de -rochers.  On  avoit  eu  à  ftribord  la  Province  d'Jjo,  dans  l'Ilkde 
l'fikoko ,  &  de  l'autre  côté  la  Province  d'Aki ,  dans  l'Ifle  de  Nipon.  Les 
plus  hautes  montagnes  de  ces  deux  Provinces  étoient  couvertes  de  neiges. 

Le  21 ,  ayant  levé  l'ancre  au  commencement  du  jour,  Kaempfer  obfer- 
va  que  les  Côtes  de  l'Ifle  de  Tfikoko ,  s'approchent  fi  fort ,  autour  de  cel- 
les de  Nipon,  qu'elles  forment  un  Détroit,  dont  la  largeur,  en  quelques 
endroits ,  n'efl  que  d'une  lieue  du  Japon.  Deux  lieues  au-delà  de  Mitarei, 
on  eut  la  vue  de  Ku/riffiind ,  Place  peu  confidérable,  &  fituée  à  la  pointe  de 
l'Ifle  de  Tfikoko.  C'ell  la  réfidence  du  Seigneur  de  Firefima ,  dans  la  Pro- 
vince d'Aki ,  qui  poflede  aufli  neuf  petites  Ifles  voifines.  Deux  ou  trois 
lieues  plus  loin  ,  on  paiTa  devant  la  Ville  d'Bnabari^  dont  le  Château  efl:  un 
Edifice  magnifique,  orné  de  plufieurs  hautes  Tours,  &  demeure  ordinaire 
de  Sijromottofonnoy  fils  du  Prince  de  Kijnokuni^  qui  -avoit  époufé  la  fille  de 
l'Empereur.  On  fit  enfuite  cinq  lieues,  pour  arriver  à  l'entrée  d'un  Détroit 
fort  ferré,  qui  offre,  à  bas-bord,  un  Village  nommé  Fanaguri^  fitué  au 
pied  de  deux  montagnes ,  &  célèbre  par  fes  làlines.  Plufieurs  autres  petits 
Villages ,  qui  bordent  les  Côtes ,  ne  font  habités  que  par  des  Pécheurs.  Une 

lieue 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  273 

lieue  au-deflus  de  Fanaguri ,  on  rencontre  une  Batterie  à  fleur -d'eau,  qui 
défend  d'autant  mieux  Te  paflage,  que  tous  les  Bâtimens  font  obligés  de  s'en 
approcher  à  la  portée  du  piflolet.    Quelques  lieues  plus  loin,  on  voit,  à 
bas-bord,  un  autre  Village,  nommé  Iwangi',  mais  les  Terres  font  fi  rom- 
pues par  la  Mer  ,  qu'on  ne  peut  diflinguer  s'il  efl  de  l'Ifle  de  Nipon ,  ou  de 
quelque  petite  Ifle  voifine.     A  peu  de  dillance ,  on  découvre  un  Temple , 
litué  fur  une  agréable  colline,  avec  une  avant -porte  fur  le  rivage,  pour 
avertir  les  Paflans,  qu'un  long  efcalier,  qui  la  fuit,  efl:  l'avenue  d'un  Edifi- 
ce facré.    Plus  loin ,  on  paile  entre  des  montagnes ,  hautes  &  efcarpées , 
au  pied  defquelles  il  y  a  plufieurs  bons  Ports  &  quantité  de  Hameaux.     On 
voit,  à  la  droite,  dans  une  Ifle ,  le  grand  Village  de  Swoja ,  qui  efl:  renom- 
mé par  fon  fel  ;  &  prés  de-là ,  celui  de  3^ugi,  ou  dlge,  qui  n'efl;  habité  que 
par  de  riches  Particuliers.  .'  ;.-:*, 

Plus  loin ,  les  Hollandois  pafle^  ent  devant  une  petite  Ifle ,  remarqua- 
ble par  fa  forme,  qui  efl:  celle  d'une  haute  pyramide.  A  la  droite  du  Vaif- 
feau ,  ils  avoient  la  Mer  à  perte  de  vue.  C'eft  un  grand  Golfe,  qui  s'étend 
entre  Iko  &  Sanuki ,  deux  Provinces  les  plu»  G ,  ntentrionales  de  l'Ifle  deTfi- 
koko,  &  qui  s'enfonce  fi  loin  qu'on  n'en  dt  «o!  vre  pas  le  fond.  De  l'autre 
côté ,  la  grande  Ifle  de  Nipon  offre  plufieurs  Villages.  A  quelque  diftan- 
ce,  on  entra  dans  le  fameux  Havre  de  Tomu^  qui  efl  accompagné  d'un 
Bourg,  nommé  BingonoTomu  ,  pour  le  diflinguer  d'un  Village  ae  même 
nom.  Il  eft  fitué  fur  une  éminence,  au  pied  de  la  montagne,  dans  la  Pro- 
vince de  Bingo ,  qui  eft  du  Continent  de  l'Ifle  de  Nipon  ;  &  fa  forme  re- 
préfente  un  demi  cercle.  On  y  fait  des  nattes  très-fines,  &  des  tapis  de 
pied ,  qui  fe  tranfportent  dans  plufieurs  autres  Provinces.  Outre  un  beau 
Monaftère,  qui  fe  préfente  derrière  le  Bourg,  on  apperçoit,  à  quelque  dif- 
tance ,  un  fameux  Temple  de  l'Idole  Jbuto ,  à  laquelle  on  attribue  quantité 
de  guérifons  miraculeules,  &  le  pouvoir  d'accorder  un  vent  favorable  pour 
la  Navigation.  Les  Matelots  &  les  Paflagers  attachent  quelques  pièces  de 
monnoye ,  à  une  planche  qu'ils  jettent  dans  les  flots,  &  le  Prêtre  afllure 
que  ces  offrandes  ne  manquent  jamais  d'aller  au  rivage  &  de  fe  rendre  entre 
fes  mains.  Cependant,  par  précaution,  dit  Ksempfer,  il  vient,  dans  un 
petit  Bateau,  demander  cette  forte  de  tribut,  à  tous  les  Navires  qui  paf- 
fent  devant  le  Temple.  On  découvre,  vis-à-vis,  une  Ifle  couverte  de 
grands  arbres,  comme  la  plupart  des  montagnes  voifines. 

A  fept  lieues  de  Tomu,  on  jetta  l'ancre,  vers  le  coucher  du  Soleil ,  à 
Sijreijif  Port  fitué  dans  une  petite  Ifle,  à  l'extrémité  d'une  valide  charman- 
te &  bien  cultivée.  Le  Dieu  Koboda'is  y  efl:  adoré ,  dans  une  caverne  ,  qui 
efl  au  fommet  de  la  montagne.  On  avoit  fait,  ce  jour-là,  dix -huit  lieues 
marines,  à  l'Eft  &  au  Nord-Eft.  Le  22,  après  en  avoir  fait  fept  entre  di- 
verfes  petites  Ifles ,  on  s'arrêta  devant  5//?/2ûrs/,  ou  Sipnotfui^  Ville  fit uée 
dans  la  Province  de  Bitzju,  au  pied  d'une  montagne  cultivée  ,  avec  un 
Château  voifin  ,.  nommé  Sijwus  ,  qui  efl:  accompagné  d'un  petit  Village. 
Aflez  près  de-là,  on  eut  la  vue  de  l'Ifle  TJufi-'Jamma ,  vers  laquelle  on  gou- 
verna direélement,  pour  fiiire  route  à  l'Eft.  La  Mer  commence  à  fe  ré- 
trécir ici,  par  le  rapprochement  mutuel  des  Côtes  de  Nipon  &  de  Tfikoko. 
A  gauche,  fur  les  Côtes  de  Bitzju,  on  voit  un  grand  Port,  ouvert  aux  vents 

^LF.  Part.  Mm  du 


1691. 

Batterie  qui 

défend  un 
paflage  tort 
étroit. 


Ifle  en  foi - 
me  de  pyra- 
mide. 


Temple  de 
ridolc  Abut'j. 


Caverne  où 
Ton  ;id  ic  le 
Dieu  Kubo 
dLiïs. 


874 


VOYAGE     DE    K.EMPFER 


Kampfir. 

i6()i. 


Miiru  &  fa 
dcfcripiion. 


c 


r 


Divers  lieux 
remarquables, 
lur  la  Côte  de 
Nipon. 


du  Sud,  quia  de  chaque  côcë  un  Village  fur  fes  bords.  Huit  lieues  plui 
loin  ,  fur  la  même  Côce,  au  Nord,  on  prouve  le  grand  &  beau  Village  de 
Sijnwdo  ,  ou  UJijmano^  défemlu  par  un  Fort;  &  fepc  lieues  au-delà,  le  Châ- 
teau d'AkOf  dont  les  inuraillcs  blanches  &  ks  hautes  Tours,  avec  la  Ville 
du  même  nom,  qui  eft  par  derrière,  forment  un  puint  de  vue  fort  curieux. 
Les  Côtes  voifines  ne  préfeatent  que  des  rochers.  Muru ,  qu'on  rencontré 
à  trois  lieues  d'Ako,  eftitti  Port  célèbre,  &  -des  plus  fûrs,  par  l'abri  qu'il 
reçoit  d'une  montagne  qui  s'avance  à  l'Oueft  &  qui  le  couvre.  Une  bonne 
partie  du  baflln  eft  entourée  d'un  mur  épais  de  'pierre  de  taille.  La  Ville, 
qui  eft  bâtie  le  long  de  ce  mur,  dans  une  fituation  jygréable  &  commode, 
appartient  à  la  Province  de  Bifen.  Elle  conlifte  dan»  fane  longue  rue ,  qui 
règne  en  demi  cercle  le  long  du  rivage,  &  dans  quelques  autres  qui  s'cteii' 
dent  vers  la  montagne.  Outre  les  provifions ,  qui  s'y  vendent  en  abondan- 
ce ,  elle  eft  célèbre  pai"  ime  Manufaftuite  de  cuirs  de  chevaux,  qu'on  y  tan- 
ne à  la  manière  de  Ruflle,  &dont  on  relève  la  coulear  par  différentes  for- 
tes  de  vernis.  Les  «iGûtagnes  voifines  font  cultivées  jufqu'au  fommet.  Un 
Bois,  qui  eft  derrière  la  Ville,  achève  de  rendre  le  point  de  vue  fort  agréa- 
ble, non-feulement  par  fa  verdure,  mais  encore  par  quelques  Baftions  ronds, 
dont  il  eft  environné ,  &  par  quantité  de  beaux  Edifices  qui  fervent  au  lo- 
gement  des  Officiers  &  des  Soldats.  La  collifie ,  •ùù  le  Bois  &  le  Fort  font 
fitués,  eft  jointe  à  la  Ville  pa^'u-ne  petite  langue  de  terre  ,  mais  iavec  des 
murailles  &  des  portes,  qui  empêchent -la  conimunication.  Les  Hollan- 
dois  defcendirent  à  Muru ,  avec  quelques  Japonoîs.  On  leur  fit  traverfer 
la  maifon  d'un  Brafleur  de  Saki ,  pour  entrer  dans  la  grande  rue  ;  &  de-li 
on  les  conduifit  chez  un  Baigneur ,  où  ils  eurent  la  liberté  de  fe  rafraîchir, 
A  leur  retour ,  ils  trouvèrent  les  rues  bordées  de  Speôlateurs ,  qui  fe  met- 
tant a  ffenoux,  fans  faire  le  moindre  bruit ,  les  renairent  encore  incertainj 
fi  ces  témoigniages  de  refpeél  étoienc  pour; leur  Nation  (o). 

Ils  levèrent  l'ahere,  le  23;  &,  pendant  tout  ie  jour,  ils  laiiTèrent  fuc- 
ceflîvement,  à  la  gauche  du  Vaifleàu ,  fur  les  Côtes  de  Nipon,  divers 
lieux  qui  s'attirèrent  l'attention  de  Kaempfer.  /^bq/î  eft  une  Ville  défendue 
par  quelques  Forts,  qui  contient  un  grand  Magafin  Impérial,  &  qui  eft  gou- 
vernée au  nom  de  l'Empereur.  Un  Intendant  y  reçoit  les  revenus  de  ce 
Monarque.  Elle  eft  fittiée  dans  le  territoire  du  Prince  de  Farma.  Fimefiif 
ou  Fimcdji,  eft  une  autre  petite  Ville,  avec  un  Château  fomptueux.  Les 
Côtes ,  aux  environs  de  ces  deux  Places ,  font  pleines  de  rochers  &  de  fa- 
bles. Takafango,  ou  Takafami,  eft  encore  une  petite  Ville,  à  fept  lieues 
de  Muru.  Elle  domine  fur  ime  grande  Plaine,  dont  elle  fait  l'entrée,  qui 
s'étend  l'efpace  de  fept  lieues  dans  l'intérieur  du  Pays,  &  de  cinq  'j  long 
des  Côtes.  Akafi^  qui  la  termine,  eft  une  Ville  ouverte,  entourée  d'un  grand 
nombre  d'allées  d'arbres,  &  renommée  pour  fes  Manufaftures  de  Catabks, 
qui  fout  des  robbes  de  femmes  d'une  toile  de  chanvre.  On  découvre,  par 
derrière,  au  travers  des  arbres,  un  Château  défendu  par  des  Tours  quar» 
rées  de  trois  étages ,  au  miUeu  duquel  eft  le  Palais  d'un  Bugio  du  Prince  de 
-  r  ,"     -,;- ''^-     -■  •  '-       ».   -..     .......  ..i.,.i.,.^.  .-,      Fa* 

(•)  II  eft  hors  de  doute  que  les  Japonoîs  n'honoroient  que  leurs  propres  Officiers. 
&.  d.  £. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


275 


1691. 


f      I  y- 


A  quel  prix  il 
fut  achevé. 


Farîma.  Des  dcinc  côtés  de  la  Ville ,  lé  rivage  efl:  couvert  de  plufieufs 
•rrands  Villages,  la  plupart  habités  par  des  Pécheurs,  &  par  des!  Ouvriers 
qui  tirent  du  fel  de  l'eau  de  la  Mer ,  en  la  faifant  bouillir.  Près  d'Akafi , 
les  Hollandois  entrèrent  dans  un  Décroit,  formé  par  les  Côtes  de  Nipon-, 
&  par  celles  d'une  aflcz  grande  Ifle  ,  fur  laquelle  ils  virent  quelques  Villa- 
ges &  plufieurs  '1  emples.  Plus  loin ,  ils  arrivèrent  à  la  vue  des  Villages  de 
Jamatta,  Taromif  &  Sijvoja^  qui  font  hfabités  par  des  Pêcheurs  &  des  Arti- 
îans.  Un  peu  au-delà,  on  rencontre  le  V'Ilage  de  Summa^  ou  plutôt  trois 
Villages ,  confondus  fous  le  même  nom.  Pendant  les  anciennes  Guerres 
civiles  du  Japon ,  quelques  Partifans  de  l'Empereur  Feki ,  fe  défendirent 
plufieurs  années  dans  cette  Place.  Summa  eft  ïiiivi  du  Village  de  Kammagu- 
t'aj'tjfi,  oui  contient  trois  ou  quatre  cens  maifons;  après  lequel  on  trouve 
la  Ville  éc  le  Port  de  Fhgo,  dans  la  Province  de  Setz,  à  cinq  lieues  d'Akafi.  portdeFiogo. 
Ce  Port  efl:  défendu  au  Sud ,  du  côté  de  la  Mer ,  par  une  digue  de  fable  qui 
s'avance  à  l'Eft  d'environ  deux  mille  pas.  Elle  à  coûté  des  fommes  im- 
menfes ,  «&  la  vie  de  plufieurs  hommes.  Ayant  été  ruinée  plufieurs  fois 
par  les  flots  &  les  orages ,  on  defefpéroit  de  la  conduire  à  fa  perfeftion  : 
Mais,  s'il  en  faut  croire  les  Hifloriens  Japonois ,  un  Héros  fe  fit  enterrer 
vif  fous  les  fondemens  de  l'Ouvrage ,  pour  appaifer  le  courroux  des  Dieux 
de  la  Mer.  Quelques-uns  font  honneur  de  cette  générofité  à  trente  hom- 
mes, qui  fe  dévouèrent  enftfnblepour  le  bien  public.  Le  Port  de  Fiogo 
n'efl;  ouvert  qu'à  l'Efl:;  &  de  ce  côté  même,  il  efl:  couvert  en  partie  par 
les  Côtes  de  la  Province  de  Setz.  C'eft  le  dernier  qui  mérite  quelque  re- 
marque ,  entre  Simonofeki  &  Ofacka.  Kaempfer  n'y  compta  pas  moins  de 
trois  cens  Barques  à  l'ancre.  La  Ville  n'a  point  de  Château;  mais  fa  gran- 
deur efl:  prefque  égale  à  celle  de  Nangafaki ,  &  fa  forme  efl:  en  demi  cercle 
autour  dtï  Port.  On  découvre,  par  derrière ,  1  une  montagne  pelée,  qui 
renferme  de  riches  Minés  d'or. 

Le  Samedi,  24  de  Février,  les  HoJlandoîs  quittèrent  leur  grande  Bar- 
que,  qui  n avoit  pu  les  conduire  jufqu'au  Havre  d'Ofacka,  parcequ'il  n'a 
point  aflez  de  profondeur.     Ils  louèrent  quatre  petits  Bateaux ,  dans  lefquels 
ils  fe  mirent  avec  leur  bagage.     Entre  plufieurs  Villes  confidérables ,  qu'ils 
virent  fur  la  Côte  de  Nipon,  Kaempfer  difl:ingùe  celle  d' j^mangafaki  ^  qui 
n'efl;  qu'à  trois  lieues  d'Olacka,  &  la  Ville  Impériale  deSakai^  qui  fe  pré- 
fente au  Sud-Efl:,  en  entrant  dans  la  Rivière.     Après  avoir  fait  dix  lieues, 
depuis  Fiogo  jufqu'à  l'embouchure  de  la  Rivière  d'Ofacka,  les  quatre  Ba- 
teaux entrèrent  dans  le  bras  qui  efl:  navigable,   à  l'Eft  -  Sud  -  Efl:.     Deux 
magnifiques  Barques,  qui  attendoient  l'Ambaflàdeur ,  le  portèrent,  au  tra- 
vers de  plufieurs  Villages  qui  bordent  les  rives ,  jufqu'aux  Fauxbourgs 
d'Ofacka,  &  dans  la  Ville  même.     Elle  eft  féparée  des  Fauxbourgs,  par 
deux  Corps-de-garde  fortifiés;  c'eft-à-dire,  un  de  chaque  côté  de  la  Riviè- 
re.    On  fit  pafiler  les  Hollandois  fous  fix  beaux  ponts  de  bois  ;  &  lorfqu'ils 
eurent  enfin  la  permifllon  d'aborder,  ils  entrèrent  dans  une  rue  fort  étroite, 
par  laquelle  ils  furent  conduits  au  logement  ordinaire  de  leur  Nation,  dans 
un  coin  qui  fait  face  à  la  plus  grande  rue  de  la  Ville. 

Ils  y  arrivèrent  vers  deux  heures  après  midi.     On  leur  diftribua  auflTi- 
tôt  des  chambres ,  divifées,  fuivant  l'ufage  du  Pays,  avec  des  paravents. 

Mm  2  Leurs 


Villes  d"A- 
man.^af;iki  & 
de  Sakai. 


Entrée  d'O 
facka. 


27(5 


VOYAGE    DE    KjEMPFER 


KiBMrrEB. 
1(591. 


Vifitc  que 
les  II  )llaii. 
dois  HMidcnt 
au  Gouver- 
neur. 


Dcfcription 
.rOfacka. 


Rivière  (ie 
Jcdogavp 

Son  origine 
&.  l'un  cours. 


Leurs  Interprêtes  ,  qu'ils  envoyèrent  aux  deux  Gouverneurs  de  la  Ville 
avec  quelques  préfens,pour  obtenir  la  liberté  de  les  voir , rapportèrent  bien' 
tôt  que  NoJJî-XemonO'Caini^  un  des  Gouverneurs,  ctoit  allé  rendre  compte, 
à  la  Cour,  des  affaires  qui  concernoient  Ton  adminiftration ;  &  qu'Orf<jgi>/. 
Tajfano-Cami y  fécond  Gouverneur,  qui  ctoit  occupé  pour  le  refle  du  jour, 
prioit  l'Ambaffadeur  de  remettre  fa  vifite  au  lendemain. 

En  effet,  le  Dimanche  25  de  Février,  il  fut  conduit  à  l'audience,  avec 
fon  cortège.     En  defcendant  au  Palais  ,  qui  ell  à  l'extrémité  de  la  VilJe, 
dans  une  place  quarrée,  on  fit  prendre,  à  tous  les  HoUandois,  un  manteau 
de  foye,  à  la  Japonoife,  qui  efl:  regardé  comme  l'habit  de  cérémonie.    11$ 
traverfèrent  un  paffage  de  trente  pas ,  pour  entrer  dans  la  falle  des  Gardes, 
où  ils  furent  reçus  par  deux  Gentilshommes  du  Gouverneur.    Quatre  Soi. 
dats  étoient  en  faétion ,  au  côté  gauche  de  la  porte  ;  &  plus  loin ,  huit  Of- 
ficiers étoient  ailis  fur  leurs  genoux  &  leurs  talons.    La  muraille ,  à  droite, 
étoit  garnie  d'armes  fufpendues ,  &  rangées  en  bon  ordre.    Kaempfer  y 
compta  quinze  hallebardes  d'un  côté ,  dix-neuf  piques  de  l'autre,  &  vingt 
lances  au  milieu.     Quatre  autres  chambres,  qu'on  fit  traverfer  fucceirive- 
ment  à  l'Ambaffadeur,  n'avoient  auffi,  pour  ornement,  que  des  cris,  des 
fabres ,  des  cimeterres ,  &  quelques  armes  à  feu ,  renfermées  dans  de  riches 
étuis  noirs  &  verniffés.     Enfin ,  les  Hol'landois  étant  dans  la  falle  d'audien- 
ce, deux  Secrétaires  les  y  reçurent  civilement  &  leur  préfentèrent  du  thé, 
{'ufqu'à  l'arrivée  du  Gouverneur,  qui  parut  accompagné  de  deux  de  fes  fils. 
1  s'aflTit  à  dix  pas  de  diftance,  dans  une  autre  chambre,  qu'il  ouvrit  du  cô- 
té de  la  falle  d'audience;  en  déplaçant  trois  jaloufies ,  au  travers  defquelles 
il  parla.    C'étoit  un  homme  de  quarante  ans,  de  taille  moyenne,  mais  d'un 
air  mâle ,  civil  dans  fes  manières ,  &  s'exprimant  avec  beaucoup  de  dou- 
ceur &  de  modeftie.    Son  habillement  étoit  fimple ,  &  fans  autre  marque 
de  diftindion  qu'une  robbe  grife  de  cérémonie, par- deffus  l'habit  commun. 
La  converfation  n'eut  rien  de  plus  remarquable.     On  parla  du  tems,  qui 
étoit  bien  froid  ;  de  la  longueur  du  Voyage  ;  du  bonheur  d'être  admi.«  à  li 
préfence  de  l'Empereur ,  &  de  la  diflinflion  des  HoUandois ,  qui ,  de  tou- 
tes les  Nations  du  Monde,  étoient  la  feule  à  qui  cette  grâce  fût  accordée. 
Après  avoir  fait  leurs  préiens  ,  ils  fe  retirèrent  par  le  même  chemin.  Quel- 
ques jours ,  dont  ils  eurent  befoin  pour  obtenir  des  Paffeports  &  pour  d'au- 
tres préparatifs ,  leur  donnèrent  le  tems  de  vifiter  le  Château ,  &  diveriès 
parties  de  la  Ville,  dont  Kœmpfer  donne  la  Defcription. 

OsACKA,  dit-il,  efl  une  des  cinq  grandes  Villes  Impériales.  Safitua» 
tion  eft  également  agréable  &  commode,  dans  la  Province  de  Setzn.  Elle 
efl  dans  une  Plaine  fertile,  fur  les  bords  d'une  Rivière  navigable,  à  trente- 
cinq  degrés  cinquante  minutes  de  Latitude  Septentrionale.  Sa  longueur, 
de  rOuefl  à  l'Efl,  c'efl-à-dire  depuis  les  Faqxbourgs  jufqu'au  Château,  efl: 
d'environ  quatre  mille  pas  communs,  fur  un  peu  moins  de  largeur.  La 
Rivière  de  'Jedogava  pafTe  au  Nord  de  la  Ville,  coule  de  l'Efl  à  l'Oueft,  & 
fe  jette  dans  la  Mer  voifine.  Elle  apporte  d'immenfes  richeffes  aux  Habi- 
tans  d'Ofacka.  Sa  fource  n'en  efl  qu'à  une  journée  &  demie  au  Nord-Efl:, 
où  elle  fort  d'un  Lac,  qui  efl  au  centre  de  l'Ifle ,  dans  la  Province  d'Oomiy 
&  qui  s'eft  formé,,  fuivant  Je  récit  des  Japonois,  dans  l'efpace  d'une  nuit, 

par 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


277 


KjlMPrF.R. 
169  L. 


par  un  tremblement  de  terre.  Elle  fort  de  ce  Lac  près  du  Village  de  TJt- 
mtifii^i  où  elle  a  un  double  pont  magnifique;  double,  parccquVIle  y  cft 
divifée  par  une  petite  Ille.  Elle  coule  enfuite  près  des  Villes  d'LW/i.o:  de 
Jodo^  dont  la  dernière  lui  donne  Ton  nom.  Delà,  elle  continue  Ton  cours 
versOfacka,  où  fe  partageant  en  deux  bras,  l'un  entre  dans  la  Ville,  & 
l'autre  va  droit  à  la  Mer.  *  Cette  diminution  eft  réparée  par  deux  autres  Ri- 
vières, nommées  Jamattagava ,  &  Firanofrava ,  qui  It:  jettent  dans  celle  d'O- 
facka  précifément  devant  la  Ville,  au  Nord  du  Château,  &  qu'on  traverfe 
fur  de  beaux  ponts.  Toutes  ces  eaux  réunies ,  ayant  arrofé  le  tiers  de  la 
Ville,  un  large  Canal  en  conduit  une  partie  dans  les  Quartiers  du  Sud,  qui 
font  les  plus  grands  &  la  demeure  des  Habitans  les  plus  riches.  On  en  a 
tiré  divers  petits  Canaux,  qui  pafTent  dans  les  principales  rues,  &  d'autres 
qui  ramènent  les  eaux  dans  le  grand.  Ils  font  aflez  profonds ,  pour  rece- 
voir de  petites  Barques ,  qui  apportent  les  marchandifes  &  les  commodités 
de  la  vie,  devant  la  porte  des  Habitans.  Kfcmpfer  admira  la  régularité  de 
cette  multitude  de  Canaux ,  fur  lefquels  on  a  bâti  quantité  de  ponts ,  dono 
pluiieurs  font  d'une  rare  beauté.  Un  peu  au-deflbus  du  grand  Canal ,  un 
autre  bras,  qui  fe  fépare  de  la  Rivière,  mais  qui  n'efl:  pas  navigable,  coule 
rapidement  à  l'Ouelt,  &  va  fe  rendre  dans  la  Mer  d'Ofacka.  Mais  le  prin- 
cipal courant,  qui  demeure  entre  ce  bras  &  le  canal,  continue  fon  cours 
dans  la  Ville,  au  bout  de  laquelle  il  tourne  à  fOueft,  pour  arrofcr  les  Faux- 
bourgs  &  les  Villages  voifins.  Enfuite,  fe  divifant  en  pluficurs  branches, 
il  fe  jette  dans  la  Mer  par  différentes  embouchures. 

Cette  Rivière  efl  étroite,  mais  d'une  profondeur  qui  la  rend  très-com- 
mode à  la  navigation.  Depuis  fon  embouchure  jufqu'à  la  Ville,  &  plus 
haut,  elle  efl:  toujours  couverte  de  Barques,  qui  montent  ou  defcendent, 
les  unes  chargées  de  marchandifes,  les  autres  de  Princes  ou  de  Seigneurs 
de  l'Empire.  Ses  bords  font  relevés  des  deux  côtés,  par  des  degrés  de 
pierres  de  taille,  qui,  formant  des  efcaliers  continuels,  donnent  par-tout  la 
liberté  de  prendre  terre.  Tous  ces  ponts,  qui  ne  font  pas  entr'eux  à  plus 
de  trois  ou  quatre  cens  pas  de  dillance,  font  bâtis  du  plus  beau  cèdre,  &  PO"'**- 
bordés  d'une  baluflirade ,  fur  laquelle  régnent  des  boules  de  cuivre  jaune.  . 
Ksempfar  en  compta  dix ,  également  remarquables  par  leur  longueur  &  leur 
beauté.  Le  premier,  &  le  plus  reculé  à  l'Eft,  dans  la  plus  grande  largeur 
de  la  Rivière,  efl:  long  de  foixante  brafles,  &  foûtenu  par  trente  arches. 
Le  fécond  lui  reflTemble  dans  toutes  fes  proportions.  Le  troifième,  qui  efl: 
furies  deux  bras  de  la  Rivière,  dans  l'endroit  où  elle  fe  partage,  a  cent 
cinquante  pas  de  longueur.  Les  autres  font  moins  longs ,  à  mefure  que  la 
Rivière  s'étrecit. 

La  plupart  des  rues  d'Ofacka  font  étroites,  mais  fi  régulières,  qu'elles  Rues  (."se mai- 
fe  coupent  encr'elJes  à  angles  droits;  à  l'exception,  néanmoins,  de  cette  fwisUUuiciu. 
partie  de  la  Ville ,  qui  ell  du  côté  de  la  Mer  ,  où  les  rues  fuivcnt  la  direc- 
tion des  diverfes  branches  de  la  Rivière.  Elles  font  propres ,  fans  autre 
pavé  qu'un  petit  chemin  de  pierre  de  taille  le  long  des  maifons ,  pour  la 
commodité  de  ceux  qui  marchent  à  pied.  L'extrémité  de  chaque  rue'  efl; 
fermée  par  de  bonnes  portes ,  qui  le  ferment  la  nuit.  Chaque  rue  offre 
aufli,  dans,  un  lieu  entouré  de  balullrades,  tous  les  infl;rumens  néceiTaires 

Mm  3  pour 


Beautij  de 
fcs  bords. 


Beauté  de 


278 


VOYAGE    DE    K  M  M  V  T  ?.  K 


Meubles 


Fameux 
Cliâteau  d'O- 
facka. 


Trois  Châ- 
teaux l'un 
dnjw  1  autre. 


pour  arrêter  les  progrès  du  feu,  avec  un  puits  voifin,  qui  fcrt  aint  mémej 
ulat^cs.  Lcsmaifons,  fuivant  les  l.oix  tun.iam  ntalcs  du  l'ay«,  n'unt  pas 
plus  de  deux  étages;  chacun  d'une  bralle  6:  d^mie,  ou  de  deux  brafll-s  de 
haut.     Elles  font  bâties  de  bois ,  de  chaux  &  d'argile.     Chaque   façade 

Îjréfcnte  la  porte,  &  une  boutique  pour  les  Marchands,  ou  un  attclicr  pour 
es  Artifans.  Du  haut  de  chaque  boutique,  ou 'de  chaque  attelicr,  pend 
une  pièce  de  drap  noir,  foit  pour  ornemeni ,  foie  pour  défenfe  contre  les 
injures  de  l'air;  &  l'on  y  fufpend  aulîi  des  échantillons,  ou  des  modèles  de 
ce  qui  fe  fabrique  ou  qui  fe  vend  dans  la  mailbn.  Le  toît  efl:  plat  dans  les 
mailons  communes:  il  n'eft  couvert  que  de  bardeaux,  ou  de  coupcauxde 
bois;  mais  le  toît  des  bonnes  mailons  ell  revêtu  de  toile  noire,  malticuicj 
avec  de  la  chaux.  On  voit  régner,  dans  toutes  les  maifons  Japonoitls, 
une  propreté  qui  fait  l'admiration  des  Etrangers.  Elles  n'ont  ni  tables  ni 
chaifes,  ni  rien  qui  reflemble  aux  meubles  de  l' Europe.  L'efcalier,  les  ba- 
luftrades  &  les  lambris  font  vernilles.  Le  plancher  efl:  couvert  de  nattes 
&  de  tapis.  Les  chambres  ne  font  féparées  l'une  de  l'autre  que  par  ila 
paravents;  deforte  qu'il  fuffit  de  lesôter,  pour  faire  une  feule  pièce  de 
plulieurs  chambres,  comme  on  en  fait  plufieurs  d'une  feule,  avec  cette  fa- 
cilité à  la  divifer.  Les  murs  font  tapilles  de  papier  fort  brillant ,  dont  b 
figures  reprélentent  des  tîeurs  en  argent  ;  mais,  quelques  pouces  au  delTous 
du  plat -fond,  ils  font  ordinairement  enduits  d'une  argile,  couleur  d'o- 
range, qu'on  tire  près  de  la  Ville,  &  que  fa  beauté  fait  tranfporter  dans 
d'autres  Provinces.  Les  nattes,  les  portes  &  les  paravents  font  tous  de 
la  même  grandeur  ,  qui  ell:  une  bralle  de  long  &  la  moitié  en  laigeur. 
On  bâtit  aulfi  les  mailons  &  les  chambres  fur  le  pied  d'un  certain  nombre 
de  nattes. 

A  l'extrémité  de  la  Ville,  vers  leNord-Efl,  on  voitj  dans  une  grande 
Plaine,  le  fameux  Château  d'Ofacka,  bâti  par  l'Empereur  Taiko.  On  ne 
connoît,  dans  tout  l'Empire,  que  le  Château  de  Fingo,  qui  le  furpafleen 
étendue,  en  magnificence  &  en  force.  Sa  forme  ell  quarrée.  On  n'en 
peut  faire  le  tour  que  dans  l'elpace  d'une  heure.  Il  efl:  défendu,  au  Nord, 
par  la  Rivière  de  jedogava,  qui  baigne  fes  murs,  après  avoir  reçu  les  deux 
autres  Rivières  ;  &  quoique  toutes  ces  eaux  enfemble  pulîent  former  un 
Canal  conlidérable,  on  n'a  pas  laifle  de  l'élargir.  A  l'Eft,  les  murailles  da 
Château  font  baignées  par  la  Rivière  de  Kqfijvarigava ,  avant  fa  joncîion. 
Au-delà,  vis-à  vis  du  Château,  on  découvre  un  grand  Jardin  qui  en  dépend. 
Les  extrémités  du  Sud  ik  de  l'Oueft:  font  bornées  par  la  Ville.  Kiumpfer 
ne  croit  point  exagérer,  en  donnant  fept  brafles  d'épailleur  aux  appuis  ex- 
térieurs du  mur.  Ces  éperons  foûtiennent  une  muraille  haute  &  épailTe, 
bordée  de  pierre  de  taille,  fur  laquelle  règne  une  allée  de  fapins  ou  de  cè- 
dres. Les  Hollandois  ne  virent  qu'une  petite  porte  étroite ,  avec  un  petit 
pont,  pour  entrer  au  Château;  &  Kaempfer  n'eut  pas  la  liberté  de  poulït^r 
plus  loin  fes  obfervations :  mais  il  apprit,  de  fes  Guides,  quelques  autres 
particularités  curieufes.  Après  avoir  pafle  la  première  muraille ,  on  trouve 
un  fécond  Château ,  plus  petit  que  le  premierv  mais  de  la  même  architec- 
ture. Il  efl:  fuivi  d'un  troifiéme,qui  efl:  au  centre  de  tout  l'Edifice,  &  dont 
les  angles  font  ornés  de  belles  Tours  à  plulieurs  étages.    Dans  ce  troiiîème 

Cnâ" 


DANS  L'EMPiRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


27P 


KiRMrrEii. 
I  6Ç  I. 


RidicfTcs  Ci 


Château,  qui  efl:  aufli  le  plui  élevé  des  trois,  on  voit  une  Tour  magnifi- 
que,  dont  le  plus  haut  toît  foûtient  deux  monflrueufcs  figures  de  poillons, 
qui,  au  lieu  d  écailles ,  font  couverts  d'Ubanffs  d'or  (p)  pirfaitemcnt  polis. 
La  porte,  qui  mène  au  fécond  Château,  offre  une  pierre  noire  &  polie, 
qui  fait  pariie  du  mur,  6i  dont  la  groflcur  efb  fi  prodi^ieufe,  qu'elle  pallb 
pour  la  JVIerveille  du  Pays  (q).  L  Empereur  entretienc  conflaniment  une 
grofle  Garnifon,  dans  le  Ciidteau  d'Ofacka.  Deux  des  principaux  Sei- 
gneurs de  l'Empire  y  commandent  tour  à  tour,  chacun  pendant  trois  ans. 
Lorique  l'un  des  deux  y  vient  commencer  fes  fondions ,  l'autre  doit  for- 
tir  aulfi-tôt,  pour  aller  rendre  compte  de  fa  conduite  à  la  Cour.  Ils  ne 
peuvent  fe  voir,  dans  cet  échange;  &  celui  qui  part,  laifle  par  écrit, 
dans  fon  appartement,  fes  inftruélions  à  celui  qui  arrive  (;).  Ils  n'ont 
rien  à  démêler  avec  les  Gouverneurs  d'Ofacka,  auxquels  ils  font  fupérieurs 
par  le  rang. 

La  Ville  d'Ofacka  doit  être  extrêmement  peuplée ,  s'il  eft  vrai ,  comme 
les  Japonois  l'aflurent,  qu'on  peut  lever,  de  fes  feuls  Habitàns,  une  Armée  .^'^q,"|^j^^^ 
de  quatre-vingt  mille  hommes.  Sa  fituation,  qui  efl  également  avantageu- 
fe  pour  le  Commerce,  par  terre  &  par  eau,  en  fait  la  Ville  du  Japon  la  plus 
marchande.  Elle  eft  remplie  de  riches  Négocians ,  d'Artifans  &  d'Ouvriers. 
Les  vivres  y  font  à  bon  marché,  comme  tout  ce  qui  fert  au  luxe,  ou  à 
flatter  les  fens.  Aufli  les  Japonois  la  nomment-ils  le  Théâtre  du  Plaijir.  Ils 
s'y  rendent  de  toutes  les  Provinces  de  l'Empire,  pour  y  dépcnfer  agréable- 
ment le  fuperflu  de  leur  bien.  Tous  les  Princes  &  les  Seigneurs,  qui 
pofTédent  des  terres  à  l'Oueft,  ont  leurs  maifons  dans  cette  Ville,  quoi- 
qu'il ne  leur  foit  pas  permis  de  s'y  arrêter  plus  d'une  nuit.  L'eau ,  qu'on 
y  boit,  eft  un  peu  fomache;  mais  on  brafle,  dans  les  Villages  voifins,  le 
meilleur  Saki  du  Japon. 

Les  Hollandois  partirent  d'Ofacka ,  le  28  de  Février,  pour  fe  rendre» 
Meaco ,  qui  n'en  eft  éloigné  que  de  treize  lieues.  Ils  avoicnt  loué ,  pour 
cette  route,  quarante  chevaux  &  quarante  porte-faix.  Après  avoir  pafle 
la  Rivière  fur  un  pont ,  qui  fe  nomme  le  Kiobas ,  &  qui  eft  précifément 
fous  le  Château,  ils  firent  une  lieue  dans  des  champs  de  riz  fort  humides, 
fur  une  chauffée  baffe,  qui  règne  le  long  de  la  Rivière  de  Jedogava,  &  qui 
eft  plantée  d'un  grand  nombre  de  TfanaiHls.  Ces  arbres  s'élèvent  autant 
que  nos  chênes.  Leur  écorce  eft  rude.  Ils  étoient  alors  fans  feuilles  ;  mais , 
malgré  l'Hyver,  leurs  branches  étoient  chargées  d'un  fruit  jaune,  dont  les 
Habitàns  tirent  de  l'huile.  Tout  ce  Pays  ell  extraordinairement  peuplé. 
Les  Villages  y  font  en  fi  grand  nombre,  &  fe  fuivent  de  fi  près,  fur  le 
grand  chemin,  qu'ils  forment  comme  une  rue  continuelle,  jufqu'à  Meaco. 
Inwùtz,  Mfirigutz,  où  l'on  prépare  Ja  meilleure  canelle,  Sadda  ik  Dffiidfi^ 
font  ceux  qu'on  rencontre  les  premiers.  On  arrive  enfuite  à  t'iracatta ,  qui 
eft  compofé  de  cinq  cens  maiîbns ,  à  cinq  lieues  d'Ofacka.    Sur  toute  la 

rou- 


Routo  cl'O- 
fncka  à  Mea- 
co. 


(p)  Monnoyc  J-ponoife. 
(q)  De  cinq  brades  tlj  long,  &  de  lamc- 
mc  é,  aiflfeur. 
(r)  La  raifon  que  l'Auteur  en  apporte. 


c'efl  qu'on  ygardclcs  tréfors  de  l'Empereur, 
fur-touc  les  revenus  des  Provinces  Occidenta- 
les, qu'on  y  accumule. 


^8© 


VOYAGE    DE    K  JE  M  P  F  E  R 


K^MPFRR. 
I69I. 


Tliéd'Udfij, 
le  ineillciir  du 
T:ipon. 


route,  on  reconnoîc  facilement  les  hôtelleries  &  les  maifons  publiques,  aux 
filles  fardées  qui  fe  tiennent  à  la  porte ,  &  qui  foUicitent  les  Voyageurs  d'y 
entrer.  Après  midi,  les  Hollandois  traverlerent  les  Villages  de  Fatzumaé: 
de  Fajimotto ,  d'où  ils  fe  rendirent  à  !j^odo ,  petite  Ville  célèbre  par  la  beau- 
té de  fes  édifices  &  de  fes  eaux.  Son  Fauxbourg  efl:  une  longue  rue,  par 
laquelle  on  arrive  à  un  magqifique  pont  de  bois,  qiii.  a  quatre  cens  pas  de- 
longueur ,  &  qui  efl:  foûtenu  par  quarante  arches ,  avec  des  baluftrades  or- 
nées de  boules  de  cuivre  jaune.  Les  rues  de  Todo  font  fort  droites.  Le 
Château ,  qui  fe  préfente  au  côté  occidental  de  la  Ville ,  efl:  bâti  de  bri- 
que,  au  milieu  de  la  Rivière,  &  forme  un  beau  fpeélacle  par  la  ir^ignifi. 
cence  de  fes  Tours.  C'efl:  la  demeure  d'un  Prince,  qui  fe  nomme  Fondai- 
fiono.  En  fortant  de  Jodo ,  on  pafla  encore  fur  un  pont  de  deux  cens  pas, 
&  foûtenu  par  vingt  arches,  qui  fépare  la  Ville  d'un  autre  Fauxbourg.  On 
laifle  à  droite,  de  l'autre  côté  de  la  Rivière,  un  gros  Bourg  nommé  Wfij^ 
fameux  par  l'excellence  du  thé  qui  croît  dans  fon  territoire ,  &  qu'on  réfer- 
\  ve  pour  l'ufage*  de  l'Empereur.  Deux  heures  de  marche  firent  arriver  les 
*  Hollandois  kFnfijmi^  petite  Ville  ouverte,  dont  la  principale  rue  s'étend 
jufqu'à  Meaco ,  &  pourroit  pafler  pour  un  de  fes  Fauxbourgs. 

On  étoit  au  premier  jour  du  mois,  que  les  Japonois  nomment  Tfitatz, 
&  qu'ils  célèbrent ,  comme  un  jour  de  Fête ,  par  les  vifites  qu'ils  rendent 
aux  Temples,  &  par  des  promenades  ou  d'autres  amufemens.  La  rue, que 
les  Hollandois  fuivirent  pendant  quatre  heures  entières ,  avant  que  d'arri- 
ver à  leur  hôtellerie  de  Meaco ,  ne  cefla  point  de  leur  offrir  une  foule  d'Ha- 
bitans,  qui  prenoient  l'air  &  qui  cherchoient  à  fe  réjouir.  Les  femmes 
étoient  bien  mifes ;  avec  des  robbes  de  différentes  couleurs,  à  la  manière 
de  Meaco  ,  des  voiles  de  foye  pourpre  fur  le  front ,  &  de  grands  chapeaux 
de  paille,  pour  fe  défendre  de  l'ardeur  du  Soleil.  On  voyoit  des  elpéces 
particiilières  de  Mendians,  vêtus  d'une  manière  boufonne,  ou  ridiculement 
mafqués.  Les  una  marchoient  fur  des  échaffes  de  fer  ;  d'autres  porcoient, 
fur  la  tête,  de  grands  pots  remplis d'arbriffeaux  verds;  d'autres  chantoientj 
d'autres,fiffloient .;  d'autres  jouoient  de  la  flûte  ;  &  d'autres  frappoient  fur 
de  petites  cloches.  Différentes  fortes  de  Farceurs  amufoient  le  Peuple , 
dans  un  grand  nombre  de  boutiques  ouvertes.  Des  Temples ,  bâtis  fur  le 
panchant  des  collines  ,  étoient  illuminés  d'une  variété  de  lampes ,  &  les 
Prêtres ,  battant  les  cloches  avec  des  marteaux  de  fer ,  faifoient  un  hwk , 
qu'on  pouvoit  entendre  de  fort  loin.  Ka;mpfer  remarqua  fur  un  Autel , 
dans  un  Temple  qui  bordoit  la  rue ,  un  grand  chien  blanc.  On  lui  dit  que 
ce  Temple  écoit  confacré  au  Patron  des  chiens.  Enfin  les  Hollandois  def- 
cendans,  à  fix  heures  du  foir,  dans  l'hôtellerie  qui  appartient  à  leur  Na- 
tion (j),  firent  annoncer  leur  arrivée  aux  principaux  Officiers  de  Meaco, 
pour  les  difpofer  à  recevoir  leurs  préfens. 

Ils  furent  admis,  le  jour  fuivant,  à  l'audience  du  Préfident  de  Juftice 
&  des  Gouverneurs ,  mais  avec  la  petite  humiliation  d'être  obligés  de  quit- 
ter leurs  voitures ,  à  cinquante  pas  du  Palais  du  Préfident ,  pour  faire  à  pied 

ce 

(j)  Quoique   cette  maifon  foit    dcftinëe     pas  A  dire  qu'elle  leur  appartienne  en  pro- 
jpour  la  réception  des  Hollandes  ,  ce  n'tfl     pre.    On  fçait  le  contraire.  R.  d.  E. 


liques,  aux 
yageurs  d'y 
:  Fatzutna  & 
)ar  la  beau- 
ue  rue,  par 
cens  jpas  de  • 
uftrades  or- 
Iroites.  Le 
bâti  de  bri- 
■  la  mngnifi. 
mme  Fondai- 
IX  cens  pas, 
ibourg.  On 
)mmé  LW/Î/', 
qu'on  réfer- 
c  arriver  les 
rue  s'étend 

lent  Tfuatz, 
Li'ils  rendent 

La  rue,  que 
:  que  d'arri- 
2  foule  d'Ha- 
Les  femmes 
a.  la  manière 
ids  chapeaux 

des  eipèces 
ridiculement 
s  porcoient, 

chantoient; 
appoient  fur 
:  le  Peuple, 

bâtis  fur  le 
npes ,  &  les 
nt  un  bruit, 
r  un  Autel , 
n  lui  dit  que 
illandois  def- 
:  à  leur  Na- 

de  Meaco, 

it  de  Juftice 

liges  de  quit- 

r  faire  à  pied 

ce 

■tienne  en  pro- 
R.  d.  E. 


o 


DANS  L'EMPIRE  DIT  JAPON,  Liv.  ÏV. 


aSî 


Defaiptioi 
de  Meaco. 


i-;; 


te  qui  leur  reftoit  de  chemin,  &  d'attendre  à  la  porte  du  premier  Corps-     K*M?mi 
de-garde,  qu'on  eût  donné  avis  de  leur  approche.    Le  Préfident  ne  leur  fit      1691. 
pas  même  Thonneur  de  paroître ,  &  reçut  leurs  préfens  par  les  mains  de 
quelques  Officiers.     Us  trouvèrent  moins  de  hauteur  chez  les  deux  Gouver- 
neurs, qui  fe  firent  voir,  comme  celui  d'Ofacka,  par  desjaloufîes.     Ce- 
pendant leur  patience  y  fut  mife  à  d'autres  épreuves.    Apfrès  l'audience  , 
on  les  pria  de  s'arrêter  quelque-tems ,  pour  donner  la  liberté  aux  Dames  ,       '<   j 
qui  étoient  dans  une  chambre  voifîne,  derrière  un  paravent  qu'on  avoitper-        '  '  , 
ce  de  plulieurs  trous ,  de  confidérer  leur  figure  &  leur  habillement.  „  Non- 
„  feulement  l'Ambafladeur  fut  obligé  de  montrer  fon  chapeau ,  fon  épée , 
„  fa  montre ,  &  plulieurs  autres  chofes  qu'il  portoit  fur  lui  ;  mais  on 
„  le  pria  d'ôter  fon  manteau ,  pour  laiiFer  voir  fes  habits  devant  &  der- 
„  rière  (t)". 

Les  Hollandois  paflerent  quatre  jours  à  Meaco.  Cette  Ville,  dont 
Kaempfer  joint  ici  le  Plan,  copié,  dit-il,  &  réduit  d'après  une  Carte  Ja- 
ponoife,  fe  nomme  Meaco  (v)  ou  Kio;  nom  qui  lignifie  Fille  ,  &  qu'on  lui 
donne  par  excellence ,  parcequ'étant  la  demeure  du  Dairi ,  ou  de  Itmpe- 
reur  Eccléfîaftique  héréditaire,  on  la  regarde  comme  la  Capitale  de  l'Em- 
pire. Elle  eil  utuée  dans  la  Province  de  Jamatto,  au  milieu  d'une  grande 
Plaine.  Sa  longueur,  du  JNord  au  Sud.  efl:  de  trois  quarts  de  lieue  d'Al- 
lemagne ;  &  fà  largeur,  d'une  demie  lieue  de  l'Eft  à  1  Oueft.  D'agréables 
collines,  dont  elle  efl  environnée,  &  quelques  montagnes,  d'où  Ibrtent 
quantité  de  petites  rivières  &  de  fontaines ,  rendent  fa  fituation  charman- 
te. Du  côté  de  l'Eft,  on  voit.  Air  le  panchant  d'tine  de  ces  montagnes, 
un  grand  nombre  de  Temples ,  de  Monaftères  &  de  Chapelles.  Trois  Ri- 
vières, qui  ont  peu  de  profondeur,  entrent  dans  la  Ville  du  même  côté; 
&  fe  réuniflant  au  centre,  on  les  pafle  fur  un  beau  pont,  d'environ  deux 
cens  pas  de  longueur.  Enfuite,  toutes  ces  eaux  taffemblées  coulent  àl'Oueft. 
Le  Palais  du  Dairi  occupe  un  Quartier  feptentrional ,  compofé  de  douze  ou  Palais  du 
treize  rues,  qui  font  féparées  du  refte  de  la  Ville  par  des  murs  &  des  fof-  Dairi- 
fés.  Dans  la  partie  occidentale  de  Meaco ,  on  voit  un  Château  de  pierres 
de  taille,  &  bien  fortifié,  qui  fert  de  Logement  au  Cubofama^  ou  Monar- 
que féculier ,  lorfqu'il  vient  vifiter  le  Dairi  Les  rues  de  la  Ville  font  étroi- 
tes, mais  régulières,  &  d'une  longueur  extraordinaire.  Les  maifons  n'ont 
que  deux  étages  ;  la  plupart  font  de  bois  &  d'argile ,  avec  un  réfervoir 
d'eau  fur  le  toît,  &  tous  les  inftrumens  néceiTaires  pour  arrêter  les  ravages 
du  feu  {x), 

Meaco  pafle  pour  le  Magafin  général  des  Manufaétures  du  Japon  &  de     r 
toutes  fortes  de  marchandifes. ,  C'efl:  le  centre  du  Commerce  de  l'Eppire  (y),  de  SS!^^ 
i  '  t  '!'■  r  '' .:     1    .    •;;  :    -,  t.  '     >  "'  ■■ .  ïtt^A  ...,  *,        Dans  . 


(t)  Toine  III.  pag.  ip. 

(»)  Kaempfer  écrit  toujours  Miaeo. 

(x)  Renvois  du  Plan  de  la  Ville  de  Meaco. 
A.  Quartier  du  Dairi,  ou  Empereur Ecdéfia- 
ft  que  hértîditaire. 

Palais  du  Cubofama,  ou  Empereur  fécu- 
lier. 
Le  Temple  de  Daibods, 

X/F.  Fart.  •      '    '     ■ 


B 


D.  Le  Temple  de  trente -trois   mille  trois 
cens  trente-trois  Id.>  es.       »,   ,.    .j' 

E.  Le  Chemin  de  Fufiini. 

F.  Village  deFulîmi.  .  r.  \,   .^ 

G.  Rivière  de  Kamagava. 

(3/)  „  On  y  ra6ne  le  cuiyre,   on  y  bat 

,,  monnoye,  on  y  imprime  des  Livres,  on 

„  y  fait,  au  métier,  les  plus  riches  étoffes 

N  n  „  à 


Flatte  -  Grond    v^ 


>RONT)       VAT^       DE       STAB       MIACO 


282 


V  O  y  A  G  E    D  E    K  JE  M  P  F  E  R 


AfTujettine- 
ment  fingulier 
des  HoUan 
dois. 


r./;i'5/      i 


Temple  Im- 
périal dcïfu- 
ganiii. 


Dans  le  dernier  dénombrement,  qui  fe  nomme  j^ratame ^  on  avoit  compté 
àMeaco,  quatre  cens  roixante-dix-fept  mille,  cinq  cens  cinquante -fept 
Laïques,  oc  cinquante •  deux  mille,  cent  foixante-neuf  Eccléfiaîliqvies 
fans  y  comprendre  la  Cour  entière  du  Dairi ,  qui  eft  très  -  nombreufe  * 
&  les  Etrangers  qui  s'y  rendent  continuellement  de  toutes  les  parties  de 
l'Empire. 

Les  Hollandois  ne  vifitèrent  qu'à  leur  retour  plufieurs  beaux  Temples 
qui  fe  préfentent  fur  les  montagnes  voiOnes  de  Meaco  ;  mais  un  article  (i 
curieux  doit  ér.re  rapproché  de  cette  Defcription  ,  &  l'exorde  de  l'Auteur 
mérite  d'être  rapporté  dans  Tes  termes.  „  C'ed  une  coutume  établie  de> 
„  puis  long-tems  ,  qu'à  nôtre  retour  de  la  Cour ,  &  le  dernier  jour  de  nôtre 
„  départ  de  Meaco ,  on  nous  accorde  la  liberté  de  voir  la  fplendeur  à  I3 
„  magnificence  de  les  Temples ,  qui  font  les  Bâtimens  Religieux  les  pliu 
„  grands ,  les  plus  agréables  <Sc  les  plus  magnifiques  de  l'Empire.  On  peut 
„  dire  même  que  cette  coutume  a  pris,  par  degrés  ,  une  force  de  Loi.  G^ 
„  nous  mène  aux  Temples ,  &  nous  devons  les  voir ,  foit  que  nous  le  vou» 
„  lions  ou  non  ;  fans  qu'on  ait  aucun  égard  au  defîr ,  ni  à  la  volonté  de  l'Ani' 
„  baffadeur  &  du  Direfteur  de  nôtre  Commerce  (z)". 

C£s  Edifices  font  placés  avec  beaucoup  d'art  fur  le  panchant  des  mon* 
tagnes ,  qui  environnât  Meaco.  Le  premier  qu'on  ht  voir  aux  Hnllati. 
dois ,  fut  le  Temple  Impérial  de  Tfuganin.  On  s'y  rend  par  une  fpacieufe 
allée,  qui  règne  pendant  plus  de  mille  pas  le  long  de  la  montagne,  &  dont 
la  porte  ed  grande  &  magnifique ,  avec  un  double  toit  recourbé ,  commf 
celui  de  tous  les  Temples  &  de  toutes  les  l'ours  deff  Châteaux  du  Japon. 
Cette  al'ie,  couverte  d'un  beau  fable,  eft  bordée  des  deux  côtés  par  de 
hautes  maifons,  qui  font  celles  des  Officiers  du  Temple.  On  entre,  à  l'eX' 
trêmité,  fur  une  grande  terrafle,  entourée  d'arbres  &  debuifTons,  aprè» 
laquelle,  paiTant  entre  deux  magnifiques  Bâtimens  de  bois,  on  monte  par 
un  très-bel  efcalier ,  qui  conduit  dans  un  autre  Bâtiment  fort  exhaulfé, 
dont  le  frontifpice  a  quelque  chofe  de  plus  éclatant  &  de  plus  inajeftueus 
que  le  Palais  même  de  l'Empereur  à  Jedo.  La  galerie  en  eft  verniflee  avec 
beaucoup  d'art,  &  les  chambres  font  revêtues  de  nattes  très-fines.  Au  roi* 
lieu  de  la  première  falle,  qui  eft  fort  grande,  on  voit  une  Chapelle,  ou  un 
petit  Temple  ,  qiui  contient  une  grande  Idole  ,  avec  des  cheveux  frifés , 
environnée  d'autres  Idoles  plus  petites ,  &  de  divers  ornemens.  Les  deux 
côtés  de  la  falle  offrent  plufieurs  autres  Chapelles ,  mais  plus  petites  & 
moins  ornées.    De  là ,  on  fit  entrer  les  Hollandois  dans  deux  appartemens 


„  à  fleurs  d'or  &  d'argent.  Los  meilleures 
-  „  teiiïturcs  &  les  plus  chères ,  les  cifelures 
„  les  plus  exquifes  ,  toutes  fortes  d'inftru- 
„  mens  de  mulique ,  de  peintures ,  de  cabi- 
„  nets  vernifTés ,  toutes  fortes  d'ouvrages  en 
„  or ,  &  en  autres  métaux ,  fur-tout  en  acier, 
„  comme  les  lames  de  la  meiUaire  tremfTe 
„  &  autres  armes ,  fe  font  à  Meaco  dans  la 
„  dernière  perfcftion  ;  de^mâme  que  les  plus 
„  riches  habits,  toute  forte  de  bijouterie,- 
t,  de  marionnettes,  qui  remuent  la  têted'el* 


.  -     ,  par- 

les-mêmes ,  &  u.ie  infinité  d'autres  curio- 
fités.  On  ne  peut  rien  fouhaiter  qui  ne  fc 
trouve  dans  cette  Ville;  &  l'on  n'y  peut 
rien  porter  d'écrar.ger  que  fes  Ardues  ne 
foient  capables  d'imiter.  11  y  a  peu  de 
maifons  où  il  n'y  ait  quelque  chofe  i 
vendre ,  &  j'avoue  que  je  n'ai  pu  com- 
prendre d'où  il  peut  venir  aiTez  d'ache- 
teurs pour  une  (1  grande  quantité  de  raar- 
chandifes  ".  Ibidem,  pag.  21  &  22. 
(z)  Ibidem,  psg.  izQ. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


tSs 


particuliert ,  bâtis  pour  fervir  de  Logement  à  l'Empereur,  lorfqu'il  y  efl: 
amené  par  fa  dévotion.  Ils  font  élevés,  fuivant  le  langage  du  Pays,  de 
deux  nattes  au*deifus  de  la  grande  falle,  &  les  deux  portes  donnent  pafla- 
ge  à  la  vue  fur  les  Chapelles.  Prés  de  ces  deux  appartemens ,  qui  font  au 
pied  de  la  montagne,  dont  la  perfpeftive  eft  charmante  par  elle-même, 
on  trouve  un  petit  jardin,  où  l'art  a  réuni  toutes  fortes  d'agrémens.  Les 
allées  en  font  couvertes  d'un  fable  très-pur.  Plufîeurs  plantes  rares ,  &  di- 
vers arbriiïeaux  de  la  plus  belle  forme,  entrelaiTés  de  pierres  curieufes,  or- 
nent les  compartimens  du  parterre.  Mais  rien  n'y  eft  plus  charmant ,  pour 
les  yeux ,  qu'un  rang  de  petites  collines  ,  formées  à  l'imitation  de  la 
Nature, &  couvertes  des  plus  belles  plantes  &  des  plus  belles  fleurs  du  Pays. 
Un  clair  ruifleau  les  traverfe ,  avec  un  agréable  murmure.  D'efpace  en  ef- 
pace,  il  eft  couvert  de  petits  ponts,  qui  fervent  tout  à  la  fois  d'ornement 
&  de  communication  pour  les  différentes  parties  du  jardin.  On  conduifit 
les  Holiandois  à  l'extrémité  de  ce  lieu  délicieux,  où  le  point  de  vue  forme 
une  aucre  forte  de  beauté.  Ils  fortirent  par  une  porte  de  derrière ,  qui  les 
conduifit  dans  un  petit  Temple  voifin,  plus  élevé  de  trente  pas  fur  la  mon- 
tagne. C'eft  dans  ce  Temple  que  fe  confervent  les  noms  des  Empereurs 
morts ,  écrits  en  caraélères  d'or ,  fur  une  table  entourée  de  fièges  bas ,  où 
l'on  voit  divers  papiers ,  ^ui  contiennent  des  fofmules  de  prières.  De-là, 
deux  Jeunes  Moines  fort  civils  ,  qui  fervoient  de  Guides  aux  Holiandois, 
leur  firent  prendre  le  chemin  d'un  autre  Temple,  féparé  du  précédent  par 
une  grande  place,  dont  la  principale  magnificence  confîftè  dans  fes  quatre 
to^  a  recourbés.  Les  poteaux ,  les  colonnes  ,  &  les  corniches ,  qui  fuppor- 
.  ,iit  les  toîts ,  font  peints  de  rouge  &  de  jaune.  On  y  voit ,  dans  des  ni- 
ches verniffées,  plufîeurs  Idoles,  dont  la  principale  eft  diftinguée  par  un 
rideau  qu'on  tire  devant  elle,  par  un  miroir  rond,  qui  en  eft  voifin,  &  par 
quelques  troncs ,  couverts  d'un  treillis ,  où  l'on  reçoit  les  aumônes  du  Peu- 
pie.  A  peu  de  diflance  du  même  Temple,  on  mena  les  Holiandois  dans 
un  autre ,  qui  n'en  eft  pas  fort  différent ,  où  ils  furent  reçus  par  une  trou- 
pe de  jeunes  Moines ,  qui  leur  fervirent  du  faki,  dès  champignons,  des 
fèves  rôties,  des  gâteaux,  des  fruits,  des  racines  &  des  légumes. 

Ils  retournèrent  enfuite  à  la  grande  place  par  laquelle  ils  étoient  entrés, 
&  dont  ils  n'avoient  vifité  qu'une  partie,  puifqu'on  les  alTura  qu'elle  con- 
tient vingt-fept  Temples  dans  fon  enceinte.    Mais  de-là,  on  les  conduifit 
au  Temple  de  Gibon^  ou  des  Fleurs,  qui  eft  à  plus  de  mille  pas  des  p^'écé- 
dens.    Le  chemin  eft  très-agréable.     Ce  Temple  eft  entouré  de  trente  ou 
quarante  Chapelles ,  régulièrement  difpofées.    La  cour  eft  plantée  de  beaux 
arbres ,  entremêlés  de  boutiques ,  &  d'efpaces  vuides  où  le  Peuple  s'exerce 
à  tirer  de  l'arc.    Le  Temple  même  eft  un  Bâtiment  long  &  étroit ,  dont  le 
milieu,  qui  eft  féparé  du  refte  par  une  galerie,  contient  une  grande  Ido- 
le, entourée  de  plufîeurs  petites.    La  grande  repréfente  une  jeune  femme, 
de  deux  ou  trois  braffes  de  longueur  ;  &  les  petites  font  autant  de  jeunes 
gens  qui  s'emprefTent  autour  d'elle.     On  voit,  au  même  lieu,  la  repréfen- 
tation  d'un  Navire  Holiandois ,  avec  des  épées  &  d'autres  armes  Européen- 
nes.    Une  longue  rue,"  qui  fe  nomme  Sijwonjafakki ^  ou  la  rue  des  Mendians 
&  des  lieux  de  débaudie,  mène  de  ce  Temple  à  celui  de  Kiomids,  où  le 

N  n  3      •  pre- 


tÉKftfM. 
Î69I. 


Délicieux 

jardin. 


Temple  oîi 
fe^gardent  \eà 
noms  des  Em- 
pereurs 
mores. 


Temple  de 
Gibon ,  ou  des 
Fleurs. 


.!.'"■     ! 


284 


VOYAGE    DE     K -«  M  P  F  E  R  c 


I  6p  I. 


t 


Fontaine  de 
bgclîc.. 


Temple  de 
Daibods ,  ou 
des  trenie- 
trois  mille 
trois  cens 
trente-trois 
Idoles. 


Defcriptioiî 
de  l'Idole. 


premier  objet  qui  fe  préfente  eft  une  Tour  de  fept  étages ,  dont  le  plus  bas 
eft  élevé  de  quel4ues  marches  au  defllis  du  terram.  Le  Temple  eft  un  peu 
)lus  loin,  appuyé  d'un  côté  par  la  montagne,  &  foûtenu  de  l'autre  par  de 
brt  hauts  pilliers.  On  y  trouve  toujours  une  grande  foule  de  Peuple.  Ua 
efcalier  de  pierre,  qui  eft  aflex  proche  de  l'Edifice,  mène  par  quatre- vingt, 
cinq  marches,  à  une  fameufe  fontaine  qui  fort  du  rocher  en  trois  endroits, 
&  dont  on  prétend  que  l'eau  a  la  vertu  d'infpirer  de  la  modeftie  &  de  la 
prudence.  Elle  fe  nomme  Otevantaki.  Les  Hollandois  la  trouvèrent  fore 
pure  ;  mais ,  en  ayant  goûté ,  ils  ne  s'apperçurent  point  qu'elle  différât  de 
l'eau  commune.  Us  continuèrent  d'avancer  le  long  de  la  montagne ,  fur 
une  terrafle  artificielle;  &  paflTant  par  divers  petits  Temples,  ils  arrivèrent 
à  l'entrée  d'un  grand ,  d'où  la  vue  eft  plus  belle  &  plus  curieufe  que  l'Au* 
teur  ne  peut  le  repréfenter.  Toutes  les  Idoles  de  ce  Temple  font  aflifcs, 
&  fe  tiennent  par  la  main. 

Enfin  les  Hollandois  furenD  conduits  au  Temple  de  Daibods ^  un  des 
plus  fameux  du  Japon ,  &  peu  éloigné  du  grand  chemin  de  Fufimi.     Il  e(l 
bâti  fur  une  éminence:  fa  cour  eft  entourée  d'une  haute  muraille  de  fort 
grandes  pierres  de  taille,   fur -tout  celles  de  la  façade,  qui  n'ont  guères 
moins  de  deux  braffes  en  quarré.     Le  côté  intérieur  de  cette  muraille  offre 
une  grande  galerie,  ouverte  du  côté  de  la  cour,  &  couverte  d'un  toît  qui 
eft  foûtenu  par  deux  rangs  de  colonnes*     Kaempfer  en  compta  cinquante, 
de  chaque  côté  de  la  porte.     La  porte  même  en  a  plufieurs ,  avec  un  dou- 
ble toît  recourbé  pour  ornement.    Deux  ftatues  de  Héros,  qui  paroiffent 
garder  l'entrée ,  n  ont ,  pour  habillement ,  qu'un  morceau  de  draperie  noire 
autour  de  la  ceinture.    Elles  font  hautes  de  quatre  brafles ,  bien  propor- 
tionnées ,  &  placées  fur  un  piédeftal  d'une  braife  de  hauteur.    Le  Temple 
fe  préfente  au  milieu  de  la  cour ,  vis-à-vis  de  ces  deux  ftatues.     C'eft  le  Bâ- 
timent le  plus  exhauïïe  que  les  Hollandois  enflent  vu  jufqu'alors  au  Japon. 
Il  eft  couvert  d'un  double  toît  magnifique  ,  dont  le  comble  s'élève  au-def- 
fus  de  tous  les  Edifices  de  Meaco.    Les  pilliers  qui  le  foûtiennent  font  au 
nombre  de  quatre-vingt-feize.    Ses  portes  forment  des  allées ,  ou  des  gale- 
ries, qui' s'élèvent  jufques  fous  le  fécond  toît.    L'intérieur  de  l'Edifice  eft 
entièrement  ouvert  au-delfusdu  premier  toît;   c'eft-à-dire,   que  le  fécond 
n'eft  porté  que  par  un  grand  nombre  de  poutres  &  de  montans  ,  différem- 
ment difpoles,,  &  peints  en  rouge.    Cependant  fa  hauteur  extraordinaire 
rend  l'efpace  fort  obfcur.    Au-lieu  de  nattes,  &  contre  l'ufage  commun, 
le  rez  -  de  -  chauflee  du  Temple  eft  couvert,  de  grandes  pièces  quarrées  de 
marbre.    Les  pilliers  ont  au  moins  une  brafle  &  demie  de  groffeur,  &  font 
formés  de  i'aflemblage  de  plufieurs  folives ,  peintes  en  rouge  comme  celles 
du  fécond  toît.     Dans  un  fi  vafte  efpace,  on  ne  découvre  point  d'autre 
ornement  que  l'Idole,  qui  eft  toute  dorée,  &  d'une  grandeur  incroyable. 
Trois  nattes  pourroient  être  aifément  placées  dans  la  paume  de  fa  main. 
Elle  a  de  grandes  oreilles,  les  cheveux  frifés;  &  fur  la  tête,  une  couron- 
ne ,  qu'on  découvre  par  la  fenêtre  qui  eft  fous  le  premier  toît.    On  lui 
voit,  fur  le  front ,  une  grande  tache  fans  dorure,  qui  produit  l'effet  d'u- 
ne mouche  fur  le  vifage  d'une  femme.    Les  épaules  font  nues,  la  poi- 
trine &.  le  corps  négligemment  couverts  d'une  pièce  de  drap.    Elle  tient 

la 


)i 


i> 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  LîV.  IV. 


2SS 


ns  ,  différem- 
extraordinaire 


M 


» 


la  main  droite  levée,  &  la  paume  de  la  gauche  appuvée  fur  le  ventre, 
„*  Elle  efl  afiTile  à  l'Indienne,  les  jambes  croifôea.ifur  une  fleur  de  Tarate  (a), 
"  foûtenue  par  une  autre  fleur  cfont  les  feuilles  fe  relèvent.  Elle  a  le  dos 
*!  appuyé  contre  un  ovale  d'ouvrage  branchq,  ou  de  filigrane  à  pcrfonnages, 
orné  de  diflférentes  petites  Idoles  de  forme  humaine ,  aflifes  fur  autant 
de  fleurs  de  Tarate.  Cet  oval»  efl:  fi  grand ,  qu'il  couvre  quatre  pilliers  ; 
&  l'Idole  a  tant  de  largeur,  que  fes  épaules  touchent  d'un  pillier  à  l'au- 
tre, quoique  la  diftance  foit  de  quatre  brafles.  Plus  loin,  les  HolLndois 
virent  un  autre  Temple,  dont  l'Idole  a  quarante-fix  bras.  Elle  efl:  envi- 
ronnée de  feize  Héros ,  vêtus  de  noir,  plus  grands  que  nature;  &  der- 
rière eux ,  de  deux  rangs  d'Idoles  dorées,  à-peu-près  de  la  même  taille, 
chacune  avec  vingt  bras.  Les  plus  reculées  de  ces  fl:atues  ont  de  longues 
houlettes.  Les  autres  portent  a  la  main  des  guirlandes  &  d'autres  orne- 
mens.  Elles  font  fuivies  de  plufieurs  autres  rangs  d'Idoles,  de  diflférea- 
tes  grandeurs ,  &  dans  un  ordre ,  qui  laifle  toujours  voir  celles  qui  font 
les  plus  éloignées.  On  prétend  que  leur  nombre  total  monte  à  trente- 
trois  mille  trois  cens  trente-trois;  ce  qui  a  fait  donner,  à  l'Edifice,  u» 
nom  Japonois,  qui  fignifie  Temple  des  trentt-trois  mille  trois  cens  trente-trois- 
Idoles  (b)". 

Les  Hollandois  partirent  de  Meaco  le  2  de  Mars  ;  &  n'ayant  pas  em-; 
ployé  moins  d'une  heure  pour  ar'river  à  l'extrémité  d'un  Fauxbourg  qui  fe 
nomme  Avauagus^  ils  traverfèrent  enfuite,  par  un  fentier  fput  étroit ,  une 
montagne,  après  laquelle  ils  trouvèrent ,  à  une  lieue  de  Meaco,  les  Villa- 
res  de  Finoka  &  de  J'akodjieja.  Le  dernier  s'étend  jufqu'à  celui  de  Jabuno- 
^a,  dont  le  terroir  produit  le  meilleur  tabac  du  Japon.  A  gauche  de  la  rou- 
ie, on  découvre  un  Monafl:ère,  nommé  A/«ro-ï'ai-Z)a/-MoMjw ,  précédé  d'un' 


I69I. 


n 

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Route  de 
Meaco  û  Fam- 
uiatnatz. 


I 

te 


magnifique  Portail  qui  donne  entrée  dans  l'avenue  du  Temple.     Un  quart  •'  :  •, 

de  lieue  plus  loin,  on  arrive  au  Village  à!0givakji>y  compofé  d'une  longue 
rue,  d'environ  cinq  cens  maifons.,  ^ui  oe  font  habitées  que  par  des  Serru- 
riers, des  Tourneurs  en  bois  &en  ivoire,  des  Cifeleurs ,  des  Tireurs  d'or 
&  d'argent ,  &  fur-tout  par  des  Sculpteurs  &  des  Peintres.    A  droite ,  on 
voit  une  haute  montagne,  qui  fe  nomme  Ottovano-Jamma ^  &  qui  étoit  alors, 
couverte  de  neige.    Les  Hollandois  s'arriêtèrent  cette  nuit  à  0«z.,  quoique     « 
dans  tout  le  jour  ils  n'euflent  fait  que,  trois  lieues  Japonoifes.     Cette  Ville     Ville  &  Lac 
efl  compofée  d'une  rue,  en  forme  d'arc,  où  Ton  ne  compte  pas  moins  de  d'Oiu. 
mille  maifons.    Elle  efl:  fituée  au  bofd  d'un  Lac  d'eau  douce,  qui  porte  fon  -  »> 

nom;  &  faifant  partie  du  Domaine  Impérial  ,  elle  efl:  gouvernée  par  uft 
Officier  de  la  Cour.  Son  Lac  efl:  étroit;  mais  il  s'étepd  en  longueur  ,  au 
Nord,  l'efpacede  cinquante  ou  foixante  lieues  Japonoifes  ,  jufqu'à  la  Pro- 
vince de  Canga.  l'outes  les  marchandifes ,  qui  viennent  de  cette  Provin- 
ce à  Meaco ,  defcendent  par  eau  jufqu'aux  murs  d'Oitz;  Le  Lac  fe  dé- 
charge dans  deux  Rivières,  dont  l'une  defcend  à  Meaco,  qu'elle  traverfe, 
&  l'autre  pafle  à  Jodo  &  à  Ofacka.,  pour  entrer  dans  la  Mer.  On  décou- 
vre, à  peu. de  dillance  du  même  Lac,  une  haute  &  charmante  montagne, 

(a)  C'efl:  la  JVympi«a  Paluflris  maxitna,         (*)  Pag.  134.  &  précédente».       "'^i    -.^Hi 
m Faba  J^gyptiaca  Projp,  Alpinù.  .  .  ',  ^<     •.  .  r  r-ny-n 

Nns    ' 


iV.Ï 


,  1  )Vi'  ) 


Monrn^^ne 
de  Jefan  &  fes 
trois  mille 
Tcniplcii. 


âS^ 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


RjlMPFIR. 


el 


I  -.ri' 
1    ■:  I   . 


Pont  le  plus 
grand  du 
Japon. 


Rofcaux , 

de  la  racine' 
defquels  on 
fait  les  cannes 
pour  s'ap- 
puyer. 


nommrfe  %yâ«,  ou  Jif^fan^  qui  eft  couverte  de  beaux  arbre»  &  de  verdure 
jufqu'au  fommet.  Elle  contenoit,  dit'on,  trois  mille  Temples  ,&  par  con. 
fëquent  un  prodigieux  nombre  de  Moines.  Sa  fituation ,  &  Topinion  de  fa 
faintetë ,  en  firent  un  afyle  pour  les  Habitans  de  Meaco ,  pendant  la  fureur 
des  Guerres  civiles.  Cependant  l'Empereur  Nobunangay  qui  joignoit,  à 
beaucoup  de  haine  pour  tous  les  Miniftres  de  la  Religion ,  le  reflentiment; 
de  quelques  infultes  qu'il  avoit  reçues  des  Habitans  de  cette  montagne,  s'en 
Tenait  maître  avec  une  Armée  nombreufe,  dëtruifit  les  trois  mille  Temples, 
&  maflacra  tous  les  Moines.  Derrière  la  montagne  de  Jefan ,  à  deux  lieues 
du  grand  chemih ,  on  voit  les  Firanotakis ,  autres  montagnes  qui  s'étendent 
beaucoup  fur  la  longueur  du  Lac  d'Oitz ,  &  derrière  lefquelles  il  y  a  deux 
chemins,  par  où  quelques  Princes  de  l'Occident  du  Japon  fe  rendent  à  la 
Cour.    •      '> *-'  ^' ?'''•  '  •'■i-  ;.  ^-     .'u-.;.  .,  .   ■■:   jfoo  ?..• 

L  E  9  ^  on  fit  treîzie  lieues ,  jufqu'au  Village  de  Tfùtfi'Jamma.  En  fortant 
d*Oitz,  on  arrive  bien-tôt  à  l'agréable  Ville  de  Dfedfie^  réfidence  de  Fonk- 
fijrO'Cami ,  Prince  de  Facatta.  Ses  rues  font  d  une  régularité  finguliére. 
Le  Château,  qui  eft  à  l'extrémité  feptentrionale  de  la  Ville,  eft  entouré 
d'un  côté  par  le  Lac  d'Oitz.  C'eft  un  vafte  &  magnifique  Bâtiment ,  orné 
de  hautes  Tours  quarrées,  dont  les  toîts,  au  même  nombre  que  les  étages, 
font  d'un  édat- ftirpreaant.  Un  grand  Temple  du  Dieu  Umano-Gongin,  qui 
eft  vôifm  du  Château ,  ome  encore  la  perfpeélive.  Ici  les  grands  chemins 
commencent  à  fe  trouver  boi>dës  de  fapins,  qui  ne  ceflent,  jufqu'à  Jedo, 
que  dans  quelques  endroits  cowçés  par  des  rochers,  ou  par  un  terrain  trop 
fabjoneux.  Les  lieues  font  mefurées  auffi ,  avec  beaucoup  de  régularité , 
par  une  butte  ronde,  &  un  arbre  deflus.  On  trouve,  après  Dfedfie,  un 
Village  nommé  Tfetta\  SjetPa^  ouSetta^  que  la  Rivière  de  Jedogava  tra- 
vèrfe  en  fortant  du  Lac  d'Oitz.  Le  double  pont  qu'on  a  bâti  fur  cette  Ri- 
vière, dans  un  endroit  où  elle  eft'  féparée  par  une  petite  Ifle,  eft  le  pb 
grand  que  l'Auteur  ait  Vu  au  Japon.  Ij  lui  donne,  dans  fa  totalité,  trois 
cens  quarante  pas  de  longueur,  entre 'deux  baluftres^,  ornés  de  boules  de 
cuivre  jaune.  Une  lieue  &  demie  plus  loin ,  on  pafle  par  le  Village  de  Ku- 
fatZf  dans  le  territoire  duquel  la  Nature  produit  cette  célèbre  efpèce  dero^ 
feau,  ou  de  bambou,  dont  les  racines  fervent  à  faire  des  cannes  pour  s'ap- 
puyer en  marchant.  Elles  fe  nùiranént  Fatjiku^  au  Japon  ,  quoiqu'elles  foyent 
portées  en  Europle  fous  le  nom  de  Rôttong.  Le  prix  en  eft  ordinairement 
médiocre;  mais  elles  deviennent  quelquefois  très -chères,  lorfque  le  Sei- 
gneur du  Pays  défend  d'en  arracher  pendant  quelques  années,  de  peur 
qu'une  trop  grande  confommation  ne  foit  nuifible  à  raccrôifTement  oe  Ja 
plante.  Il  s'en  trouve  dans  d'autres  Contrées  ;  mais  la  racine  en  eft  fi  cour- 
te qu'on  n'en  peut  faire  des  cannes.  Id ,  le  Fatfiku  ,  ou  le  Rottang ,  jette 
des  racines  fi  profondes ,  c(iie  pour  les  tirer  de  la  terre ,  on  eft  obligé  de 
faire  de  très-grandes  ouvertures.  Une  partie  des  Habitans  de  Kufatz  n'a 
pas  d'autre  occupation  ni  d'autre  commerce.  L'art  de  les  préparer  confi- 
fte'à  couper  ce  qu'il  y  a  d'inutile  aux  deux  bouts  de  la  racine,  avec  un  cou- 
teau d'une  trempe  particulière.  On  coupe  aufli  les  jeunes  racines  &  les  fi- 
bres autour  des  jointures ,  en  laiflanc  néanmoins  leurs  marques ,  qui  font  de 
petits  trous  roîids  autour  de  chaque  jointure.    Si  les  racines  font  courbées, 

on 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


287 


KjBMrPKR. 

I69I. 


Poudre  cé- 
lèbre par  ks 
vertus. 


Hiftoirc  de 
fa  découverte 
&  de  Ton  lu- 


on  employé  le  feu  pour  les  redrefler.    On  les  lave  enfuice,  &  Ton  apporte 
beaucoup  de  foin  aies  nettoyer  (fj.  .    :f'  . 

Un  quart  de  lieue  au-delà  de  Kufacz,  on  pafTe  trois  grands  Village^  con- 
tigus,  qui  fe  nomment  Mingavay  Tebuira^Ôc  Minûki;  ou,  fi  l'on  veut, 
trois  rues  confécutives  d'un  même  Village, 'qui  font  diftin^uëes  par  difFé- 
rens  noms.  Minoki  efl  renommé  oar  une  poudre  de  finguliere  vertu ,  qui 
n'a  été  découverte ,  &  qui  ne  fe  ^ait  que  dans  ce  lieu.  Les  Japonois  la 
nomment  ^«^fran ,  &  la  prennent  intérieurement  pour  toutes  fortes  de 
maladies,  fur -tout  pour  une  forte  de  colique,  qui  eft  particulière  à  leur 
Pays  (d).  Un  pauvre  Habitant,  iqui  pafle  pour  le  premier  Inventeur  de 
ce  fameux  remède,  publia  que  le  Dieu  J'akufi^  qui  eft  l'Efculape  des  Japo- 
nois ,  lui  étoit  apparu  en  fonge ,  &  lui  avoii  offert  différentes  plantes  qui 
croilient  fur  les  montagnes  voifines,  en  loi  ordonnant  d'en  faire  ufage,pour 
le  foulagement  de  fes  Compatriotes.     Cette  hiftoire  ayant  mis  le  remède  en 

honneur     il  en  vendit  beaucoup.     Ses  profits  le  mirent  bien  -  tôt  en  état 

de  faire  bâtir  une  belle  maifon  pour  fa  demeure,  &  vis-à-vis  de  fa  bouti-  vcntéûr.' 
que,  une  petite  Chapelle,  richement  ornée  ,  à  l'honneur  du  Dieu  qu'il  re- 
connoifibit  pour  l'Auteur  de  fa  fortune.  Il  plaça,  dans  ce  Temple,  la  fta- 
tue  de  Jakuli,  qu'on  y  voit  debout,  fur  une  fleur  de  Tarate  dorée,  &  fous 
une  grande  coquille  de  Pétoncle,  qui  lui  fert  de  couvrechef.  La  tète  eft 
entourée  d'une  couronne  de  rayons.  Il  tient,  dans  la  main  droite,  quel- 
que fymbole  que  les  Hollandois  ne  purent  diftinguer ,  &  dans  la  gauche ,  un 
fceptre,  doré,  comme  toute  la  figure.  Les  Japonois,  qui  panent  dans  le 
Village,  manquent  rarement  de  rendre  hommage  à  cette  Idole;  les  uns, 
avec  une  protonde  révérence,  les  autres  s'approchant  du  Temple,  tête 
nue,  dans  une  pofture  humiliée.  Deux  Parens  de  l'Inventeur  ,  qui  font 
leur  demeure  dans  le  même  lieu,  &  qui  ont  continué  le  même  commer- 
ce, ne  fe  font  pas  moins  diftingués  par  leurs  richeffes  &  par  leurs  fonda- 
tions («).  '.  •-' 

En  fortant  de  Minoki,  on  perd  de  vue  le  Lac  d'Oitz,  qui  eft  caché  par 
des  collines  ;  &  l'on  arrive ,  à  fix  lieues  de  la  Ville  du  même  nom ,  dans 
un  grand  Village  qui  fe  nomme  IJJîbe.  A  quelques  lieues  d'Iflibe,  on  trou- 
ve la  petite  Ville  de  Minakutz^  compofcîe  de  trois  longues  rues  fort  irré- 
guUères,  &  célèbre  par  fes  Manufaâures  de  chapeaux,  &  de  paniers  de 
jonc.  C'eft  un  paffage  fort  fréquenté  par  une  foule  de  Pèlerins ,  les  uns  à  Pèlerins 
pied-,  d'autres  à  cheval,  &  deux  ou  trois  fur  la  même  monture,  qui  revien-  *^'^^J^-" 
nent  d'Isje ,  Temple  célèbre ,  à  l'extrémité  méridionale  de  la  Province  du 
même  nom.    La  plupart  portent  le  nom  de  leur  pèlerinage ,  celui  du  lieu 

de 


(c)  Pag.  32  &33. 

(  d  )  Elle  eft  faite  du  Putsju ,  cfpèce  amè- 
ic  de  Coftus ,  qui ,  après  avoir  été  fechée 
&  coupée  groiïïéremcnt ,  eft  réduite  en  pou- 
dre. On  met  cette  poudre  dans  des  papiers 
de  quatre  doigts  en  quarré ,  fur  Icfqujls  on 
écrit  en  caradères  rou^j^-s  èx,  noirs ,  fon  nom , 
ki  utaijcs  &  fes  vertus.   Chaque  paquet  peu 


un  peu  plus  de  deux  dragmes.  On  la  donne , 
fuivant  'âge  &  la  difpoiition  du  Malade ,  en 
un.',  deux,  ou  trois  dofes,  qui  fe  prennent 
dans  une  tafle  d'eau  chaude.  Dans  les  mai- 
fons,  où  cette  poudre  fe  fait  ,  on  lu  vend 
préparée  &  bouillie  dans  l'eau.  Kampftr ,. 
ibid.  pag.  33. 

(0  iM.  pag.  34.    •  ...,  .; 


288 


VOYAGE     DE    K^MPFERf 


Kjbmpprr. 


SuperAitions 
Japouoifcs. 


V.lf 


Pèlerines  de 
JoKaitz. 


Elles  plai- 
fentàKsmp- 
fer. 


de  leur  naiPTancc ,  «Se  leur  proore  nom ,  écrits  fur  leur  chapeau,  pour  être 
reconnus  dans  toutes  fortes  uaccidens.  La  boetCf  qui  contient  leurs  in* 
dulgenccs,  eft  attachée  aufTi  au  bord  de  leur  chapeau,  fur  leur  front;  âcdc 
1  uucrê  côté,  ils  ont  un  bouchon  de  paille,  enveloppé  dans  du  papier,  pour 
tenir  la  boete  dans  l'équilibre.  '  Djutfi-Jamma  fut  le  Villas;;  où  les  Hollan* 
dois  paflerent  la  nuit,  après  une  journée  de  douze  lieues  Japonoifes. 

Le  4,  ils  palTércnt  la  montagne  de  Dfutftka^  pour  arriver  par  un  chemin 
fort  rude  à  Sakanojla^  Villagij  à  deux  lieues  de  Dfutfi'Jamma.  La  deÀ 
cente  de  cette  montagne  ne  reflemble  pas  mal  à  celle  d'un  efcalier  à  vis;  ce 
font  de  grandes  marches,  taillées  fur  le  bord  d'une  profonde  vallée,  qui 
mènent  à  une  autre  montagne  voifine.  On  ne  laifle  pas  de  rencontrer , 
dans  cette  route,  pluficurs  Chapelles  fervies  par  des  Moines,  (jui  préfen- 
tent  aux  Voyageurs  quelque  relique  à  baifer.  Sakanofla  ed  un  Village  d'cn> 
viron  cent  maifpns,,  le  premier  qu*on  rencontre  dans  la  Province  d'isje, 

Frès  duquel  Qn  vend,  dans  un  petit  Temple,  des  planches  fort  minces,  où 
on  grave  des  caraélères  magiques ,  qui  garantiflcnt  de  toutes  fortes  d'infir- 
mités  &  de  difgraces.  On  trouve  enfuite  le  Village  de  Futzkaki.  Plus  loin, 
trois  quarts  d'heure  de  marche  firent  arriver  les  Hollandois  à  Sekinojift.  Us 
navoient  fait,  à  midi,  qu'environ  quatre  lieues;  mais,  avant  le  foir,  ils 
en  firent  fept  jufqu'à  Jokaitz-,  où  l'on  trouve  un  chemin  qui  mène  au  Pèleri- 
nage d'isje,  éloigné  de  treize  lieuea  o  u^nifim-:^ '.,"V> 

Ils  avoient  palTé,   dans  l'après  midi,  par  Kamme-Jamma^  Ville  affez 
grande ,  &  fituée  fur  une  éminence ,  où  l'inégalité  du  terrain  rend  les  rues 
fort  irréguliéres.     Une  lieue  plus  loin ,  ils  avoient  traverfé  le  Village  de 
Munitfaya;  &  de-là,  fucceffivement ,  ceux  de  Tsjono^  de  Tfijakus^  Ijmjn' 
kit  Ojevata  &  Ftnkava  ^  dont  le  moindre. efl:  de  deux  cens  maifons.     Le 
Pays  eft  fort  montagneux,  jufqu'à  deux  lieues  de  Jokaitz,  où  il  devient  plus 
plat  &  plus  fertile.     Jokaitz  eh  une  afTez  grande  Ville,  où  les  Etrangers 
font  d'autant  mieux  traités ,  que  la  plupart  des  Habitans  vivent  des  fervicej 
qu'ils  leur  rendent.    Entre  plufieurs  Pèlerins,  que  les  Hollandois  rencontrè- 
rent ce  jour-là,  ils  admirèrent  une  femme  vêtue  de  foye,  fort  bien  parée, 
&  le  vitage  couvert  de  fard,  qui  conduifoit  un  vieillard  aveugle,   &  qui 
marchant  devant  lui ,  demandoit  eflfrontément  l'aumône.    Ils  rencontrèrent 
auifi  plufieurs  jeunes  fi/*MmY,  efpèce  de  Religieufes  Mendiantes,  qui  abor- 
dent les  Voyageurs  en  chantant ,  pour  tirer  d'eux  quelques  pièces  d'argent. 
Elles  s'arrêtent  auflî  long-tems  qu'on  le  defire  ,   fans  faire  payer  leurs  fa- 
veurs trop  cher.     La  plupart  font  fil  es  des  Prêtres  Montagnards  ,  &  le 
font  confacrécs  à  ce  genre  de  vie  en  fe  rafant  la  tête.    Elles  font  propres 
&  bien  vêtues.     Leur  coeflfure  eft  un  voile  de  foye  noire,  fur  un  chapeau 
léger,  pour  défendre  leur  teint  de  l'ardeur  du  Soleil.     Ktempfer  loue  leur 
conduite,  qui  eft,.  dit-il,  également  libre  &  modefte,  &  comme  partagée 
entre  l'efFronterie  &  la  pudeur.     Il  ajoute  „  qu'elles  ont  autant  de  beauté 
„  qu'on  en  puifle  trouver  dans  les  femmes  du  Pays  ;  que  leur  mendicité  a 
„  moins  l'air  de  l'indigence  que  d'une  fcène  deComcJic,  que  non-feulement 
„  elles  attaquent  la  bourfe  des  Voyageurs,  mais  qu'elles  les  attendriflent 
„  par  leurs  charmes  ;  r-ie  pour  les  diftinguer  des  autres  Mendiantes ,  on 

„  les  nomme  Kamam-Bikuni ,  parcequ' elles  vont  toujours  deux  à  deux; 

„  elles 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV 


289 


„  elles  ont  leurs  portes  marqués  fur  les  chemins  voiHns  de  Jokaitz;  & 
„  cliuque  année  elles  font  obligées  de  porter  au  Temple  d'Isje  ,  en 
'!  f  )rme  de  tribut ,  une  certaine  partie  de  ce  qu'elles  ramaflent  en  ir.en- 
„  diunt  (/)  ". 

La  route  du  5,  fut  d'abord  à  Quarto ^  qui  n'efl:  qu'à  trois  lieues  de  Jo- 
kaitz; &  dans  cet  efpacc,  on  traverfe  dix  Villages  &  plulieurs  Rivières. 
Quano,  qui  le  nomme  aufli  Kwwana  &  Kfana^  ell  une  fort  grande  Ville,  la 
première  de  la  Province  d'Oivari,  &  lituée  fur  une  Baye  de  la  Mer  du  Mi- 
di. Son  Château  efl:  bâti  dans  l'eau ,  du  côté  méridional ,  &  doit  fa  fon- 
dation à  l'Empereur  Gengoin^  qui,  haïflant  les  femmes,  &  fur-tout  l'Impé- 
ratrice fon  Epoufe,  y  relégua  cette  Princeffi-,  avec  toutes  les  Dames  de  fa 
Cour.    La  grande  R'iviùrc  do  Saijah  fe  jette  dans  la  Mer,  près  d'un  Villa- 


ge du  même  nom ,  à  trois  lieues  de  Guano.  Quatre  lieues  &  demie  plus 
loin,  on  trouve  une  autre  Ville,  nommée  Mz/ViA,  dont  le  Château  fert  de  Lo- 
gement à  l'Empereur,  lorfqu'il  fe  rend  à  Meaco.  Une  longue  rangée  de 
maifons,  qui  s  étend  fefpace  de  deux  lieues,  depuis  Mijah,  finit  à  Nagai- 
j'i ,  réfidcnce  du  Seigneur  de  la  Province ,  dont  le  Château  pafle  pour  le 
troifième  de  l'Empire,  par  fa  force  &  fon  étendue.  Ce  Prince  efl:  fi  ref- 
pcdtc ,  que  fi  les  Hollandois  le  rencontrent  en  chemin ,  ils  font  obliges  de 
mettre  pied  à  terre,  avec  toute  leur  fuite,  &  d'attendre  dans  une  pofl:ure 
humiliée  qu'il  foit  pafll'.  On  vifite,  à  Mijah,  quelques  Temples,  où  l'on 
garde  précieufement  de  vieux  cimeterres,  dont  fe  fervoient  les  Héros  Ja- 
ponois  des  anciens  tems. 

Kassadira,  Narimujij  Armatfi  &  ïmokava ,  font  de  grands  Villages  que 
les  Hollandois  traverfèrent  le  lendciTfain,  avant  que  d'arriver. à  T/iva^  ou 
Tfiiiu ,  première  Ville  de  la  Province  de  Mïkava.  Okafaki ,  qu'on  rencon- 
tre enfuite ,  efl;  une  autre  Ville  de  la  même  Province,  arrofée  par  une  Ri- 
vière, qui  prend  fa  fource  dans  les  montagnes  voifines  au  Nord-Ouefl;, 
d'où  elle  coule ,  avec  beaucoup  de  raj)idité,  jufqu'àJaMer.  Fufikava^  pe- 
tite Ville,  n'efl;  qu'à  une  lieue  &  demie  d'Okafaki;  &  trois  lieues  &  demie 
plus  loin ,  on  arrive  dans  une  longue  rue ,  bordée  de  belles  maifons  &  de 
magnifiques  hôtelleries.  Cette  unique  rue  compofe  une  aflez  grande  Vil- 
le, qui  fe  nomme  Akajaka.  Le  jour  fuivant,  on  fait  fept  lieues  pour  arri- 
ver au  Bourg  d'Array,  en  paflTant  par  Go/m,  Khomra^  Simofij y  Jofijda  &  S'tjro- 
Jaka,  Jofijda ,  ou  Jojlfijda ,  efl:  une  Ville  confidérable ,  fituée  fur  une  émi- 
nence ,  à  cinq  lieues  d'Array,  &  célèbre  par  fes  Manufa6lures  d'ouvrages 
d'acier.  Sijrofaka  efl:  un  gros  Village,  bâti  fur  le  bord  de  la  Mer;  d'où 
l'on  commence  à  découvrir  le  fommet  de  la  haute  montagne  de  Foofi^  ou 
Fujino-Jama  i  dont  la  beauté  caufe  de  l'admiration.  Array  n'efl:  qu'une  pe- 
tite Ville,  ouverte  &  fans  murailles,  mais  importante  par  le  féjour  des 
Commiflaires  Impériaux,  qui  font  établis  pour  vifiter  le  bagage  des  Voya- 
geurs, &  fur-tout  des  Princes  de  l'Empire,  auxquels  il  étoit  alors  défendu 
de  faire  pafler  des  femmes  &  des  armes.  C'étoit  une  des  maximes  politi- 
ques de  l'Empereur  régnant,  pour  s'afliirer  la  paifible  pofleffion  du  Trône. 
Les  femmes  &  les  filles  des  Princes  étoient  gardées  à  Jedo,  Capitale  de 

l'Em- 
(/)  Ibidem,  pag.  39  &  40.  ,  . 

XIV,  Part.  O  0 


KAMPriR. 

i6yi« 


Maine  d'un 

Fjiipcrciir 
f-.iponois  pour 
les  Icinmcs. 


Tcmples'de» 
cimeterres. 


Politique  qiii 
fait  prendre 
les  femmes  !c 
les  filles  pour 
cautions  des 
hommes. 


t^o 


Kjempfer. 


Rivière  de 
Ten-Rijn. 


Hivicrc 
.iOjingava, 
fi  fts  lingula. 
rites. 


Comment 
on  la  paffe. 


VOYAGE    DE    K  j:  M  P  F  E  K 


■'t 


l'Empire,  comme  des  cautions  de  la  fidélité  de  leurs  maris  <Sc  de  leurs pè- 
res  (g).  A  l'égard  des  armes,  il  n'étoit  permis,  dans  aucun  lieu,  d'en 
tranrporter  une  quantité  confidérable.  Les  Hollandois  furent  affujettis  à  la 
vifite  des  Commiflaires  ;  après  quoi  traverfant,  dans  une  Barque  Impériale, 
le  Havre  de  Sawo,  qui  n'a  qu'une  demie  lieue  de  largeur,  &  fept  lieues  & 
demie  de  tour ,  ils  defcendirent  à  Mijafacka ,  d'où  l'on  ne  compte  que  trois 
lieues  jufqu'à  Fammainatz.  LePay,  qu'ils  avoient  traverfé,  étoit  fort  a- 
gréable,  &  bien  cultivé ,  mais  moins  peuplé  qu'ils  ne  s'y  étoient  attendu, 
en  approchant  de  la  Capitale.  Fammamatz  eft  une  petite  Ville,  dont  les 
rues  lont  très-régulières ,  &  qui  eft  accompagnée  d'un  grand  Château. 

Le  jour  fuivant,  on  arriva  à  deux  lieues  de  cette  Ville,  fur  les  bords 
de  la  grande  Rivière  de  Ten-Rijn,  qui  n'a  pas  moins  d'un  quart  de  lieue  de 
largeur ,  &  dont  la  rapidité  ne  permet  pas  d'y  bâtir  des  ponts.  On  trou- 
ve enfuite  une  Ville,  nommée  Mitzedai,  qui  eftfuivie  de  celle  de M«2k 
Plus  loin,  on  pafle  un  pont  de  cinq  cens  pas,  pour  entrer  dans  Fuburoj, 
d'où  l'on  fe  rend  à  Kakinga,  ou  Kakegava,  qui  en  eft  à  deux  lieues.  Kifij- 
facka*ei\.  à  4a  même  diftance  de  Kakinga;  &  l'on  y  prend  des  Cangos  pour 
traverfer  une  montagne,  jufqu'au  Village  de  Canaja,  où  l'on  reprend  des 
chevaux.  Une  lieue  plus  loin,  on  rencontre  la  grande  &  fameufe  Rivière 
d'Ojingava,  qui  defcend  des  montagnes  voifines  avec  une  rapidité  furpre- 
nante,  &  fe  jette  dans  la  Mer  une  demie  lieue  au-deflbus  de  ce  paflage.  Il 
eft  impoffible  de  la  traverfer  à  gué  ,  après  les  grandes  pluyes  ;  & ,  dans 
d'autres  tems ,  les  grandes  pierres  qu'elle  entraîne  des  montagnes ,  la  ren- 
dent toujours  fort  dangereufe.  Les  Habitans  des  lieux  voifins ,  qui  con- 
noiflent  parfaitement  fon  lit,,  prenneflt  un  prix  réglé  pour  aider  les  Voya- 
geurs ;  &  fi  quelqu'un  a  le  malheur  de  périr  entre  leurs  mains ,  les  Loix  du 
Pays  puniflent  de  mort  tous  ceux  qui  s'étoient  chargés  de  fa  confervation, 
IlsYont  payés  à  proportion  de  la  hauteur  de  l'eau ,  qui  fé  mefure  par  un  po- 
teau planté  fur  la  rive.  Quoique  1-eau  fût  alors  affez  bafle,  cinq  hommes 
furent  nommés  pour  chaque  cheval- du  cortège  Hollandois;  deux  à  chaque 
côté,  pour  lui  foûtenir  le  ventre,  &  un  pour  tenir  la  bride.  Dans  un  tems 
plus  difficile,  on  employé  fix  hommes  de  chaque  côté  du  cheval;  deux  pour 
le  tenir  fous  le  ventre;  quatre  pour  foûtenir  ceux  de  devant  &  fe  foûtenir 
l'un  l'autre,  pendant  qu'un  treizième  mène  le  cheval  par  la  bride.  LesE- 
crivains  du  Japon,  fur-tout  les  Poètes ,  font  fouvent  allufîon  aux  attributs 
finguliers  de  cette  Rivière  (h). 

S I M  A  D  A  eft  une  petite  Ville ,  à  peu  de  diftance ,  où  les  Hollandois  palTè- 
rent  la  nuit.  Le  Pays  eft  montagneux  &  ftérile.  On  eut,  le  lendemain, 
les  montagnes  à  gauche  ;  &  l'on  découvroit  la  Mer  à  droite ,  au  travers  de 
plufieurs  champs ,  entourés  d'arbrifleaux  qui  portent  le  thé.  Après  avoir 
pafle  plufieurs  Villages ,  on  retomba  dans  les  embarras  du  jour  précédent, 
pour  traverfer  une  Rivière  fort  rapide ,  qui  baigne  les  murs  de  Fufij-Jek 
De-là,  paflant  à  la  vue  d'un  fameux  Château,  nommé  Fanunkajijo,  on  eut, 
pendant  deux  ou  trois  lieues ,  un  très-mauvais  chemin ,  par  des  montagnes 
ÔL  des  rochers,  où  la  Rivière  de  Fulij-Jedo  prend  fa  fource:  mais  on  retrou- 


va 


(g)  Ibidem,  pag.  47. 


(I»)  Ibidem,  pag.  51/ 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPQN,  Liv.  IV. 


29< 


Fiente  (^e 
pigeon  (jui 
prend  feu 
d'fllc-mèine. 


va  la  plaine,  vers  la  petite  Ville  de  Muriko;  &  dans  une  demie  heure  de  KiBMPFia. 
marche,  on  arriva  fur  le  bord  d'une  grande  Rivière,  qui,  travcrfant  ^W-  i(5pi. 
kavùt  îe^jette  dans  la  Mer,  à  peu  de  diftance,  par  trois  embouchures.  ' 

On  ne  compte  pas  plus  d'un  quarc  de  lieue  de  cette  Rivière  à  Smuga ,  ou 
Strynga  (i).  Capitale  de  la  Province  du  même  nom.  C'efl  une  Ville  ou- 
verte, dont  les  rues  font  larges,  régulières  &  remplies  de  belles  boutiques. 
On  y  fait  du  papier,  des  étoffes  à  Heurs,  des  boetes,,  d'autres  uftenciles 
de  rofeaux  entrelaffés ,  &  toute  forte  de  vaiffelle  verniflee.  On  y  bat  mon- 
noye,  comme  à  Jedo  &  à  Meaco.  Le  Château ,  qui  cfl  au  côté  fepten- 
trional  de  la  Ville,  avoit  été  confumé  par  le  feu  depuis  quelques  années; 
&  l'on  attribuoit  cet  accident  à  la  fiente  de  pigeon ,  qui  s'étant  ramaffée 
long-tems  au  plus  haut  étage  de  la  Tour,  y  avoit  pris  feu  par  fa  propre  cha- 
leur. Ksempfer  fe  loue  de  la  Jeuneffe  de  cette  Ville,  qui  lui  parut  bien 
élevée;  parcequ'en  voyant  palier  les  Hollandois,  elle  ne  leur  ft  pas  d'in- 
fultes,  comme  dans  les  autres  Villes  (k). 

A  trois  lieues  deSuruga,  ils  paffèrent  dans  un  Village,  nommé  ^eferiy 
&  fitué  fur  une  profonde  Rivière ,  près  de  la  Baye  de  Totomina.  On  jette  BoisdeTef?rh 
fur  cette  Rivière  une  grande  quantité  de  bois  fort  dur,  qui  s'appelle  Bois 
dej'eferiy  &  qui  defcend  jufqu'à  la  Mer,  d'où  il  fe  transporte  dans  toutes 
les  Illes  du  Japon.  L'Empereur. fait  entretenir,  dans  un  Port  voiiin ,  quel- 
ques Vaifleaux  de  guerre  pour  la  défenfe  de  la  Baye;  Vis-à-vis,  fur  une 
haute  montagne ,  ell  la  fameufe  Fortereffe  de  Kuno ,  ou  de  Kone ,  que  les 
Japonois  croyent  imprenable ,  &  qui  fervoit  anciennement  à  garder  les 
tréfors  de  l'Empereur.  Kaempfer  obferva,  dans  cette  route,  plufieurs 
plantes  rares ,  &  différentes  fortes  d'arbres  antés ,  qui  portent  de  grandes 
fleurs.  Le  grand  chemin ,  fur-tout  aux  environs  de  Suruga ,  étoit  couvert 
de  Bikunis,  ou  de  jeunes  Religieufcs  Mendiantes  ,  qui  divertiffent  les 
Voyageurs  par  leurs  chanfons;  deJammabcs,ou  de  Prétruis;  des  Montagnes, 
qui  adreffent  de  longues  harangues  aux  Paffans ,  &  qui  les  terminent  par 
un  bruit  effroyable  de  trompettes  &  d'anneaux  de  fer  ;  &  de  Pèlerins ,  qui 
vont  au  Temple  d'Isje,  ou  qui  en  reviennent. 

Le  iode  Mars,  on  paffa  par  Kiomids  (/),  petite  Ville,  aune  lieue  &      Kicmids. 
demie  de  Jeferi,  &  par  Jofiivara^  qui  en  eil  à  fept  lieues  &  demie,  pour 
arriver  le  loir  à  Miftjma.     Cette  journée,  qui  eft  de  douze  lieues,  donna 
beaucoup  d'occupation  à  la  curiofité  de  Kaempfer.     Il  vit,  à  Kiomids,  un 
exemple  de  corruption ,  qu'il  croit  unique  au  Monde.    Enfuitc ,  après  a- 


(f)  Quelques-uns  la  nomment  Stimpu;  & 
tVautres  Futiju ,  du  nom  de  fon  Cliâteau. 

(k)  On  crioit  api  es  eux,  Toojin,  Daî, 
Bai.  L'Auteur  n'ex;^^lique  point  ces  trois 
mots. 

(  /  )  Kiomids  eft  une  petite  Ville  d'environ 
il(;ux  cens  maifons,  fituée  au  pied  d'une  mon- 
tagne couverte  de  fapins,  La  Ville  tétant  peu 
tloignée  de  la  Mer,  fes  Habitans  tirent  leur 
fcl  du  fable  des  Côtes,  après  y  avoir  verfé 
i)c  l'eau  de  Mir  ;\  différentes  reprifes.  On 
f'iit  le  Kiêuie  commerce    dans    les  Villages 

o 


von* 

voifins,  le  long  de  la  Côte,  jufqu'à  Cambara. 
On  fait  auflî ,  à  Kiomids ,  un  ciment  renom- 
mé-, dont  le  principal  ingrédient  ell  laréline, 
tirée  des  fapins  qui  croiflcnt  dans  la  montagin; 
voifine.  Il  fe  vend  en  petits  morceaux ,  plié» 
dans  des  écorces  darbres,  ou  dans  des  feuil- 
les de  rofeaux.  On  monte  de  la  Ville ,  par 
im  cfcaiier  de  pierre,  fur  la  montagne,  où 
l'on  trouve  un  Temple ,  nommé  Kiiomijira , 
célèbre  par  plufieurs  Hiftoires  fabulcufes; 
mais  encore  plus  par  ili  charmante  llturaion. 
Jiidem,  pag.  55. 
0  2 


292 


VOYAGE    DE     K  ^  M  P  F  Ë'  k 


K/EMPFER. 
169  I. 

Rivière  Je 

Fudriliava. 


Dcfcription 
de  la  Mon- 
kigne  dcFudfi. 


Mifijina 


voir  pafle  les  Montagnes  de  Tatai ,  &  la  Rivière  de  Jumatz ,  pour  fe  ren- 
dre à  Cambara ,  qui  n'en  eft  qu'à  une  lieue  &  demie,  il  fallut  quitter  la  Côte 
du  Golfe,  &  tourner  au  Nord  vers  la  grande  Rivière  de  Fitdftknva,  qu'on 
rencontre  une  lieue  &  demie  plus  loin,  au  Village  d'Ivabutz,  feul  endroit 
où  l'on  puifle  la  traverfer.  Elle  a  fa  fource  fur  la  haute  Montagne  àeFudJî 
CMpufi^  qui  eft  à  fept  grandes  lieues  Japonoifes  de  ce  Village,  vers  le 
Nord-Eft;  &  croiflant,  dans  fon  cours,  par  la  jonélion  de  pluiieurs  autres 
Rivières,  elle  fe  divife  en  deux  bras,  pour  fe  jetter  dans  le  Golfe  de  To- 
tomina.  On  ne  la  pafle  qu'avec  beaucoup  de  peine  &  de  danger ,  dans  des 
Bateaux  plats ,  dont  le  fond  eft  de  planches  fi  minces ,  qu'en  paflant  fur  un 
banc  de  fable  ou  fur  un  rocher,  elles  cèdent,  &  le  Bateau  glifle  defllis.  C'efl 
de  l'autre  côté  de  cette  Rivière ,  qu'après  une  heure  &  demie  de  marche,  on 
fe  rendit  à  Joftivara  ;  Ville  la  plus  voifine  de  la  montagne  de  Fudfi ,  quoi- 
qu'elle  en  foit  à  fix  lieues.  On  compte  fix  autres  lieues ,  du  pied  de  cette 
montagne  au  fommet.  Koempfer ,  prenant  la  direélion  avec  fon  compas ,  ob- 
ferva  qu'elle  portoit  cinq  degrés  du  Nord  à  l'Eft.  Elle  eft  d'une  hauteur  in- 
croyable ,  &  les  montagnes  voifines  ne  paroiflant  que  des  collines  en  corn- 
paraifon ,  elle  ne  reflemble  pas  mal  au  Pic  de  1  enérife.  On  la  découvre  de 
li  loin,  qu'ayant  fervi  de  guide  au  Voyage  des  Hollandois,  elle  ne  fut  pas 
d'un  petit  fecours  à  Kaempfer,  pour  drefler  la  Carte  de  leiu-  route.  Il  croit 
devoir  s'attacher  à  fa  defcription ,  parcequ'elle  pafle,  avec  juftice ,  pour  une 
des  plus  belles  Montagnes  du  Globe  terreftre.  Sa  bafe  eft  grande  ;  &  fe  ter- 
minant  en  pointe,  elle  a  l'apparence  d'un  vrai  cône.  Elle  eft  revêtue  de  nei- 
ge, pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année;  &  quoique  les  chaleurs  de 
l'Eté  en  faffent  fondre  la  plus  grande  partie ,  il  en  refte  toujours  afl'ez  pour 
couvrir  entièrement  le  fommet.  On  y  voit ,  près  de  fa  cime ,  un  trou  fort 
profond, qui  vomiflbit  anciennement  des  flammes  &  de  la  fumée;  mais  cet- 
te éruption  a  cefle ,  depuis  qu'il  s'eft  élevé ,  au-defliis ,  une  efpéce  de  peti- 
te colline  ou  de  butte.  A  préfent,  les  endroits  plats  du  fommet  font  cou- 
verts d'eau.  Cependant  les  floccons  de  neige,  que  lèvent  détache  &  fait 
voler  de  toutes  parts,  font  juger  encore  que  la  montagne  eft  enveloppée 
d'un  voile  de  nuage  &  de  fumée.  Comme  l'air  eft  rarement  calme  dans  les 
parties  fupérieures ,  la  dévotion  y  conduit  le  Peuple  ,  pour  y  rendre  hom- 
mage au  Dieu  des  Vents.  On  employé  trois  jours  à  monter  ;  mais  on  peut 
defcendre  en  moins  de  trois  heures,  à  l'aide  d'un  traîneau  de  paille,  avec 
lequel  on  glifle  fur  la  neige  en  Hyver,  &  fur  le  fable  dans  la  belle  faifon. 
Les  Jammabos,  eu  les  Prêtres  de  la  Montagne,  font  confacrés  au  culte  de 
l'Eole  Japonois.  Leur  mot  du  guet  eft  Fujîj  -  J'amma ,  qu'ils  répètent  fans 
cefle  en  mendiant.  Cette  fameufe  Montagne  exerce  fouvent  les  Poètes  & 
les  Peintres  du  Japon  (m). 

M I  s  I  j  M  A ,  où  les  Hollandois  paflcrent  la  nuit ,  étoit  célèbre  autrefois 
par  fes  Temples  &  fes  Chapelles ,  dont  on  racontoit  beaucoup  d'IIifloi- 
res  fabuleufes;  mais  un  incendie,  qui  confuma  la  Ville  entière,  en  1686, 
ne  lui  laiflfe  aujourd'hui  que  l'avantage  d'être  fituéc  fur  trois  Rivières, 
&  d'avoir   un  grand  nombre  de  ponts.     On  n'avoit  rebâti  qu'un  feul 

Tem- 

(m)  ILfidem,  pag.  58  &  59. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


295 


l'^MPFEB. 
1691. 


OU 


Pa(r;igc 
l'on  vllltc  les 
fcmiiKS. 


Puraatoiie 


Temple ,  dont  Kaempfer  a  donné  la  defcription  dans  fon  fécond  Voyage 
a  la  Cour. 

Le  Dinianche  11  de  Mars,  on  traverfala  Montagne  àeFukone^  au  fom- 
in?c  de  laquelle  on  trouve  une  Pyramide,  qui  fjùt  iadivifion  des  Provinces 
d'Idfu  &dQ  Siigami,  à  l'entrée  des  Etats  d'Orfw^r^.     De-là,  de(cendant  i'cf-      i,nr  de 
pace  d'une  heure,  on  arriva  à  Togitz,  qui  fe  nomme  auiVi  Fakone ,  du  nom  Fakonc. 
de  la  Montagne.     Cette  Place  eu.  fituée  fur  un  Lac,  d'une  demie  lieue  de 
largeur,  &  long  d'une  lieue,  du  Sud  au  Nord.     Du  côté  oriental,  s'élève 
une  haute  Montagne,  terminée  en  pointe,  au  pied  de  laquelle  eft  le  Village 
de  Motto •  Fakone i  &  plus  loin,  entre  Motto - Fakone  &  Togitz,  celui  de 
DfoogaJJîma.    Le  Pays  voifin  produit  quantité  de  cèdres ,  les  plus  beaux  du 
Japon;  mais  l'air  y  cil  fi  froid  àc  fipefant,  que  les  Etrangers  ne  peuvent 
s'y  arrêter  long-tems ,  fans  en  reffentir  les  mauvaifes  qualités.     A  l'extré- 
mité de  Togitz,  dans  un  lieu  où  le  chemin  s'étrecit,  on  trouve  une  Garde 
Impériale,  comme  celle  d'Array,  pour  arrêter  les  femmes  &  les  armes; 
avec  cette  différence ,  que  les  recherches  font  ici  plus  rigoureufes  ,  parce- 
que  Togitz  ell:  comme  une  clef  de  la  Capitale  de  l'Empire,  &  qu'aucun  des 
Princes  occidentaux  ne  peut  éviter  ce  paflage  lorfqu'il  fe  rend  à  la  Cour. 
Si  l'on  foupçonne  qu'entre  les  Paflans  il  y  ait  une  femme  traveflie  en  hom- 
me, elle  eft  vifitée  rigoureufement  ;  mais  c'efl:  à  des  femmes  qu'on  aban- 
donne ce  foin.     Aflez  près  des  Corps-de-garde,  Kœmpfer  fut  arrêté  par  fon 
étonnement,  à  la  vue  de  cinq  Chapelles,  &  d'autant  de  Prêtres,  qui  pouf- 
foient  des  hurlemens  effroyables  ,  en  battant  fur  de  petites  cloches  plattes. 
Mais  il  fut  encore  plus  furpris ,  lorfqu'ayant  vu  tous  les  Japonois  du  cortè- 
ge jetter  des  pièces  de  monnoye  dans  les  Chapelles,  &  recevoir  en  échan-  des  Japonois. 
ge  un  papier,  qu'ils  portoient  refpeftuetifemeiy  fur  le  rivage  du  Lac,  pour 
le  jetter  dans  l'eau ,  après  l'avoir  attaché  à  une  pierre  qui  le  faifoit  aller 
fûrement  au  fond ,  on  lui  eût  expliqué  le  motif  de  cet  étrange  ufage.     Le 
Lac  de  Fakone  pafle ,  au  Japon ,  pour  le  Purgatoire  des  enfans  qui  meu- 
rent avant  l'âge  de  fept  ans  ;  &  l'on  croit  qu'ils  y  font  tourmentés ,  jufqu'à- 
ce  qu'ils  foyent  rachetés  par  la  charité  des  Paflans.     Les  Prêtres  affurenc 
qu'ils  reçoivent  du  foulagement,  aufli-tô:  que  les  noms  des  Dieux  &  des 
Saints,  qui  font  écrits  fur  le  papier,  qu'on  vend  dans  les  Chapelles,  com- 
mencent à  s'effacer;  &  qu'ils  font  entièrement  délivrés,  lorfque   feau  fait 
difparoître  ces  caraftères.     L'endroit  particulier ,  où  l'on  prétend  que 
les  âmes  des  enfans  font  retenues  ,  fe  nomme  Sainokavara.    Il  eft  mar- 
qué par  un  monceau  de  pierres  :  &  loin  d'accufer  les  Prêtres  d'impofture , 
Kœmpfer  paroît  perfuadé  qu'ils  en  ont  la  même  opinion  que  le  Peuple,  par- 
cequ'il  en  vit  plufieurs  qui  achetoient  des  papiers,  &  qui  les  jettoicnt 
d'aiiifi  bonne  foi  («). 

Dans  une  des  Chapelles,  on  montroit  plufieurs  curiofiltés  (0);  telles  que 
des  fabres  d'anciens  Héros,  dont  on  y  raconte  les  glorieux  exploits,-  deux 
belles  branches  de  corail;  deux  cornes  de  licorne,  d'une  merveilleufe  gran- 
deur; deux  pierres  trouvées,  l'une  dans  le  corps  d'une  vache,  l'autre  dans 
celui  d'un  cerf;  un  habit  d'étoffe  d'-^/w^ï ,  comme  les  Anges  en  portent  au 

Ciel, 

(n)  Ibidem,  pag.  6^,  (0)  Pa^.  66. 

Oo  3 


Ciiriolltcs 
d'un  Tciivilc 
de  Falione. 


KfMPFBR. 

I  (59  I. 


Plantes  fort 
efTimécs  des 
Médecins  du 
Jcipon. 


Catecliu  ou 
Qcliou. 


Plaine  de 
Jedo. 


294  V  O  Y  A  G  E    D  E    K  iE  M  P  F  E  R 

Ciel ,  &  qui  leur  donne  le  pouvoir  de  voler  ;  le  peigne  de  Joritom ,  pre, 
mier  Monarque  féculier  du  Japon ,  avec  Tes  armoiries  defllis  ;  la  cloche  de 
Kobodais,  Fondateur  d'une  Se6te  célèbre,  &  une  Lettre  écrite  de  la  propre 
main  de  Takimine.  Ainfi  tous  les  Peuples  du  Monde  ont  leurs  chimères , 
dont  la  fource  eft  dans  la  Nature  humaine,  puifqu'elles  fe  font  trouvées  à' 
peu-près  les  mêmes  dans  des  Pays  fort  éloignés  les  uns  des  autres ,  &  qui 
n'avoient  jamais  eu  de  communication. 

De  Togitz,  les  Hollandois  continuèrent  de  defcendre ,  pendant  unelieue, 
tantôt  fur  le  penchant,  tantôt  au  pied  de  la  Montagne  de  Firango,  d'où  ils 
arrivèrent  à  la  vue  de  la  haute  &  fameufe  Montagne  de  Come-Jamma.  Ils 
laiiïerent,  à  gauche,  une  Cafcade  fort  remarquable.  Le  Lac  de  Fakone, 
étant  environné  de  montagnes ,  n'a  point  d'autre  ifflie  que  trois  ouvertu- 
res, qu'il  fe  fait  par  celle  de  Firango;  &  toutes  ces  eaux,  raflembiées  fur 
le  penchant  de  cette  montagne,  forment  un  fpeélacle  fmgulier  dans  leur 
chute.  Enfuite  fe  reflerrant  dans  un  lit  commun ,  avec  plulieurs  ruilTtaux 
qui  s'y  joignent,  elles  compofent  une  grande  Rivière,  qui,  rencontrant  des 
rochers  ik  des  précipices,  traverfe  la  vallée  jufqu'à  la  Mer,  avec  un  bruit 
terrible.  On  efl  dédommagé  de  la  difficulté  du  chemin,  par  la  beauté  des 
points  de  vue.  La  Mer  fe  préfente  à  TEll: ,  au  bout  d'une  chaîne  de  mon- 
tagnes. Koempfer,  toujours  ardent  à  s'inftruire,  obferva,  dans  ces  lieux 
fauvagcp,  une  admirable  diverfité  d'arbres,  de  plantes  (Se  de  fleurs.  Lîs 
Médecins  du  Japon  attribuent  des  vertus  fingulières  aux  plantes  de  ces 
montagnes,  &  les  font  recueillir  avec  foin.  Ils  ellimcnt  beaucoup  unefori; 
belle  efpèce  d'adiante  ou  de  capillaire,  dont  les  tiges  &  les  côtes  font  d'un 
pourpre  brun,  &  qui  n'ell  connue,  au  Japon,  que  fous  le  nom  de  Farbm- 
Kfa,  qui  fignifie  Plante  de  Fakona.  Comme  elle  croît  en  abondance,  &  quj 
perfonne  n'ignore  fes  vertus ,  il  n'y  a  point  de  Voyageur  qui  ne  s'arre:e 
pour  en  cueillir  fa  provifion. 

Après  avoir  palfé  par  'jwnotîa^  par  Ifinada^^ox  Katetama, ou  Kafanitz, 
&  devant  plufieurs  'i'emples  célèbres ,  les  Hollandois  arrivèrent  à  Od'jvm, 
pour  y  p'afler  la  nuit.  Cette  Ville  efl  bien  fortifiée.  On  y  prépare  le  û- 
îechu  parfumé  (p),  dont  on  fait  des  pilules,  de  petites  idoles,  des  ileurs, 
&  d'autres  figures.  Les  femmes  en  font  beaucoup  d'ufage,  dans  laper- 
fuafion  qu'elle  affermit  les  dents  &  qu'elle  donne  de  la  douceur  à  l'halei- 
ne. Kaempfer  obferve  que  c'effc  un  jus  épaiiîi,  que  les  Hollandois  &les 
Chinois  portent  au  Japon;  &  qu'après  la  préparation  qu'il  reçoit  dans  les 
Villes  de  Meaco ,  d'Odovara  ,  où  il  eft  mêlé  avec  de  l'ambre ,  du  cam- 
phre &  d'autres  ingrediens,  ils  le  rachètent,  pour  le  tranfporter  dans  d'au- 
tres Ueux  (q). 

Le  12,  on  paiïa  la  Rivière  dcSakava,  qui,  fans  avoir  plus  de  trois  pieds 
de  profondeur,  ell  li  dangereufe,  lorfqu'elle  efl  enilée  par  les  pluyes,qiic, 
pour  arrêter  fes  ravages ,  on  a  fait ,  à  grand  prix ,  des  digues  aufli  longues 
que  fes  bords.  Sakava ,  Koojî ,  Mejigava ,  Mifava ,  KoyJ'a ,  Firatzka  &  Bnmju 
ou  Beudsju,  font  autant  de  gros  Villages,  qu'on  traverfe  avant  que  d'arri- 
ver 


(p)  Ou  Terra  Japo^ika,  qu'on  noiniiie  vulgairement  Cncboîf, 
(q)  Ibidem,  paj;.  65. 


;s,  des  ikurs, 


K^MPFER. 
I69I. 


lue  de  K:i- 
niakura,  exil 
des  Grands. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  295 

ver  dans  une  grande  plaine,  dont  la  vue  ne  peut  découvrir  les  extrémités, 
parccqu'elle  s'étend  jufqu'à  Jedo.  On  trouve  enfuite  trois  autres  Villages, 
nommés  Matzija^  Nango  &  Kavanda,  qui  conduifcnt  à  celui  de  Jootfuîa. 
On  voit  près  des  Côtes ,  vis  à- vis  de  Kavanda,  un  rocher  qui  fort  de  la  Mer, 
en  forme  de  pyramide;  &  plus  loin,  direftement  au  Sud,  la  fameufe  Ifle 
ânKamakura^  dont  le  nom  lignifie  Cotes.  Elle  paroîc  ronde,  d'une  lieue 
de  tour  au  plus ,  &  couverte  de  bois  fort  hauts.  C'efl  un  lieu  d'exil  pour 
les  Seigneurs  difgraciés ;  &  rarement  font-ils  rappelles,  lorfque  leur  mal- 
heur les  y  condamne.  Les  Côtes  en  étant  fort  efcarpées ,  on  eft  oblige 
d'employer  des  grues ,  pour  hâler  les  Bateaux ,  dans  lefqucls  on  y  tranfpor- 
te  lesPrifonniers  ou  des  provifions.  Une  lieue  au-delà  de  Jootfuia,  on  paf- 
fe  par  Fujifava ,  Ville  arrofée  d'une  Rivière ,  où  l'on  perd  la  vue  de  la  Mer, 
qu'on  ne  retrouve  queiix  lieues  plus  loin,  à  Fodogai,  pour  ne  la  plus  perdre 
jufqu'à  Jedo.  Fodogai  efl  fur  le  rivage  même,  à  l'embouchure  d'une  Ri- 
vière ,  qui  forme  un  Port  aflez  fur.  Le  Pays ,  qu'on  avoit  traverfé  pendant 
tout  le  jour,  ctoit  également  fertile  &  peuplé;  il  fe  termine  par  un  petit 
nombre  de  collines ,  d'où  l'on  découvre  une  fuite  continuelle  de  Villes  &  de 
Villages ,  &  d'où  l'on  ne  compte  plus  que  fix  lieues  jufqu'à  Jedo. 

Le  Mardi  13 ,  continuant  de  marcher  par  un  Pays  fort  peuplé,  dont  les 
Places  les  plus  remarquables  font  Tfîfi^  ou  Tfifiku^  Kanagava,  Kavafaki  & 
Kokingo,\QS  Hollandois  arrivèrent  à  Tfufunomoori ^  lieu  célèbre  par  l'abon- 
dance de  coquillages  &  de  plantes  marines  qui  s'y  trouvent.  Kaempfer  y 
obferva  comment  les  Japonois  préparent  l'algue  de  Mer,  pour  en  faire 
un  aliment.  „  Ils  choififlent  deux  plantes  principales ,  qui  croifTent  fur 
les  coquilles  ;  l'une  verte  &  déliée  ;  l'autre ,  rougeâcre  &  plus  large.  Ils 
les  mettent  en  pièces ,  ils  les  épluchent  ;  &  chaque  efpèce  eft  jettée  dans 
une  cuve  d'eau  fraîche,  où  elle  eft  bien  lavée.  Enfuite,  étendant  la  îvicrp'ouria 
verte  fur  une  pièce  de  bois ,  on  la  hache  en  parties  fort  menues ,  comme  ^''^^^' 
du  tabac.  On  la  lave  encore  ;  on  la  met  dans  un  crible  de  bois ,  long 
de  deux  pieds ,  où  l'on  verfe  de  l'eau  fraîche.  Lorfqu'elle  y  a  féjourné 
quelque-tems ,  on  l'en  retire,  avec  une  efpèce  de  peigne;  &  la  preflant 
de  la  main,  on  en  fait  une  pâte  épaiiïe,  dont  on  exprime  l'eau,  pour 
la  faire  fécher  plus  facilement  au  Soleil.  L'efpèce  rouge  n'étant  pas  fi 
commune  que  la  verte,  on  ne  la  met  pas  en  morceaux;  mais  la  prépa- 
ration en  eft  d'ailleurs  la  même ,  &  l'on  en  fait  auffi  une  efpèce  de  gâ- 
teaux, que  les  Japonois  aiment  beaucoup  (r)". 

SiN AGAVA,  qui  fe  préfente  une  demie  lieue  au-delà  de  TfTifunomoori , 
eft  un  Fauxbourg  de  Jedo,  à  deux  lieues  de  cette  Ville  Impériale,  ou  tou- 
che du  moins  au  véritable  Fauxbourg ,  comme  Fufimi  touche  à  celui  de 
Meaco.  En  y  entrant,  la  place  des  exécutions  offre  un  fpeélacle  terrible. 
C'eft  une  multitude  de  têtes  humaines  &  de  cadavres ,  les  uns  à  demi  pourris, 
les  autres  à  demi  dévorés,  avec  un  grand  nombre  de  chiens,  de  corbeaux,-  exccuiiou;.. 
&  d'autres  animaux  carnaftiers ,  qui  fe  repaiflent  de  ces  miferables  reftcs.  Si- 
nagava  eft  compofé  d'une  rue  longue  &  irrégulière,  qui  a  la  Mer  à  droite, 
&  une  colline  a  gauche,  fur  laquelle  on  découvre  quek]ucs  beaux  Temples. 

Apres 
(r)  Ibidem,  p;ig    "3  &  74.  ' 


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Préparation 
de  l'algue  de 


Sinai^ava, 
premier  l'aiix- 


bourg  0(. 


Lieu  de» 


A9^ 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


E^MPFgR. 
1  6p  I. 


Les  Hnl- 
landois  arri- 
vent à  Jedo. 


Rigueur 
avec  laquelle 
lis  font  trai- 
tés. 


Après  avoir  fait  environ  trois  quarts  de  lieue  dans  cette  rue ,  les  Holian- 
dois  s'arrêtèrent  dans  une  hôtellerie,  où  la  pleine  vue  de  la  Ville,  &  de 
fon  Havre ,  qui  efl:  ordinairement  rempli  d'une  multitude  de  Bâtimens ,  de 
toutes  fortes  de  grandeur  &  de  figure ,  offre  une  des  plus  belles  perfpecU- 
ves  du  Monde.  On  leur  dit  que  la  beauté  de  ce  fpedlacle  attiroit  fouvent, 
dans  le  même  lieu ,  des  perfonnes  d'une  condition  diftinguée.  Il  leur  rcf- 
toit  un  quart  de  lieue,  pour  arriver  à  l'entrée  du  Fauxbourg  de  Jedo,  qui 
n'eft  qu'une  continuation  de  Sinagava ,  dont  il  efl:  féparé  par  un  fimple 
Corps-de-garde-  La  Mer,  en  cet  endroit,  s'approche  fi  fort  de  lacollî- 
qu'il  n'y  a  qu'un  rang  de  maifons  entre  la  colline  &  le  chemin.    Il  rê- 


ne 


Leurs  pre- 
iTi'crcs  obfcr- 
TiUion:;. 


gne  quelque  -  tems  le  long  de  la  Côte  ;  mais  venant  enfûite  à  s'élargir ,  il 
forme  plufieurs  rues  irrégulières ,  d'une  longueur  confidérable.  Après  une 
demie  heure  de  marche ,  la  beauté  des  rues ,  qui  deviennent  plus  larges  & 
plus  uniformes,  la  foule  du  Peuple ,  &  le  tumulce,  firent  comprendre  aux 
Hollandois,  qu'ils  étoient  entrés  dans  la  Ville.  Ils  traverférent  un  mar- 
ché ,  d'où  prenant  par  une  grande  rue,  qui  coupe  un  peu  irrégulièrement 
Jedo  du  Sud  au  Nord,  ils  paflTèrent  plufieurs  ponts  magnifiques,  entre  lef- 
quels  ils  en  diflinguèrent  un  de  quarante-deux  brafles  de  longueur,  célèbre, 
parcequ'il  efl  le  centre  commun  d'où  l'on  mefure  les  chemins  &  la  difl:ance 
des  lieux  dans  toute  l'étendue  de  l'Empire.  Ils  virent  plufieurs  rues,  qui 
aboutiflent  à  la  grande  ;  &  leur  admiration  fut  particulièrement  excitée  par 
Ja  foule  incroyable  du  Peuple,  par  le  train  des  Princes  &  des  Grands,  qu'ils 
ne  ceflToient  pas  de  rencontrer ,  &  par  la  riche  parure  des  Dames ,  qui  paf- 
foient  continuellement  dans  leurs  chaifes  &  leurs  palanquins.  Ils  ne  fe 
laflbient  pas  de  voir  auffi ,  la  variété  des  boutiques  qui  bordent  les  rues ,  & 
l'étallage  de  toutes  fortes  d'échantillons  &  de  modèles,  avec  un  drap  noir 
fufpendu  ,  pour  la  commodité  ,  ou  pour  le  faflie.  Ils  ne  s'apperçurent 
point,  comme  dans  les  autres  Villes,  que  perfonne  eût  la  curiofité  de  les 
voir  pafTer  ;  „  apparemment ,  obferve  Kaempfer ,  parcequ'un  fi  petit  train 
„  n'avoit  rien  d'admirable  pour  les  Habitans  d'une  Ville  fi  peuplée,  féjour 
„  d'un  puilFant  Monarque,  où  l'on  efl:  accoutumé  à  des  fpeftacles  plus  pom- 
„  peux  '".  La  marche  fut  d'une  lieue  entière,  dans  la  grande  rue,  jufqu'à 
l'hôtellerie  ordinaire  de  la  Nation  Hollandoife. 

L'Ambassadeur  fit  donner  avis  de  fon  arrivée  aux  Miniflres  des  affaires 
étrangères.  Le  premier  ordre ,  ,^u'on  lui  i.  fignifier ,  fut  de  fe  tenir  ren- 
fermé dans  fa  chambre,  lui  &  tous  fes  gens;  avec  défenfe,  au  Bugio,  de 
laifler  approcher  d'eux  d'autres  Japonois  que  leurs  Domefl:iques.  Kaempfer 
murmure  un  peu  de  cette  rigueur.  „  On  devoit  croire,  dit-il,  nos  appar- 
„  temens  aflez  éloignés  de  la  rue ,  puifque  c'étoit  le  plus  haut  étage  du  der- 
„  rière  de  la  maifon,  où  il  n'y  avoit  d'entrée  qu'un  paflage  étroit,  qu'on 
auroit  pu  fermer  à  la  clef,  fi  cette  précaution  avoit  paru  néceflaire.  II 
y  avoit  deux  portes,  l'une  en  bas  &  l'autre  au  haut  de  l'efcalier;  &  les 
chambres  étoient  fermées  de  trois  côtés.  La  mienne  n'avoit  qu'une  feu- 
le fenêtre  étroite ,  au  travers  de  laquelle  j'avois  aflTez  de  peine  à  voir  le 
Soleil  en  plein  midi  (s)  ".' 

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(s)  Ibid.  pag.  86. 


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jis,    &  qui  fe  renoiivelia  pliifieurs  fois  a  été  dépofé  entre  les  mains  de  M.  le  Chc^ 

.dant  leur  féjour  dans  la  Ville.  valicr  Hans  Sloanc.    On  le  joint  ici. 
{V)  Le  1  raduclcur  le  donne  pour  fidèlement 


XIF.  Part. 


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„  Soleil  en  plein  midi  (s)  ". 
(s)  Ibid.  pag.  86. 


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I  le  à  Vv. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


2P7 


Il TepaiTa  près  de  quinze  jours  avant  que  rAmbafTadeur  pût  obtenir  fa 
nrcmiére  Audience  f  &  la  captivité  des  Hollandois  diminua  h  peu  dans  cet 
intervalle,  qu'on  leur  recommanda  même  de  ne  pas  jetter,  de  leurs  fenê- 
tres dans  la  rue,  le  moindre  papier  fur  lequel  il  y  eût  des  caraftères  de  l'Eu- 
rope (  ).  Cependant  il  paroît  que  Kaempfer  eut  l'adrefle  de  ménager  allez 
les  Ci.  ies,  pour  fe  procurer  la  liberté  de  vifiter  la  Ville,  &  d'en  faire  une 
flefcrifition  d  autant  plus  curieufe,  qu'il  y  a  joint  un  Plan  dont  il  vante  la 
fidélitc  (v). 

Des  cinq  grandes  Villes  de  Commerce,  qui  appattiennent  au  Domaine 
Impérial ,  Jedo  pafle  pour  la  première.  Elle  efl:  tout  à  la  fois  la  Capitale 
&  fa  plus  grande  Ville  de  l'Empire.  C'eft  le  féjour  d'un  grand  nombre  de 
Princes  &  de  Seigneurs ,  qui  compofent  la  Cour;  &  la  multitude  de  fes 
Habitans  eft  prefqu'incroyable.  Elle  eft  fituée,  fuivant  l'obfervation  de 
Kaempfer ,  à  trente-cinq  degrés  trente-deux  minutes  de  Latitude ,  dans  une 
grancfe  Plaine  de  la  Province  de  Mufaji,  au  fond  d'une  Baye  fort  poiflbn- 
neufe,  qui  a,  du  côté  droit,  en  allant  vers  la  Mer,  Kamakura  &  la  Provin- 
ce à'Idfu  ',  &  du  côté  gauche  ,  les  Provinces  dCAva  &  de  Kudfu.  La  face  de 
Jedo,  qui  regarde  la  Mer,  a  la  figure  d'un  croi'flant.  Les  Japonois  lui  don- 
nent fept  lieues  de  long ,  cinq  de  large ,  &  vingt  de  circonférence.  Elle 
u'efl  pas  entourée  de  murs  ;  mais  pluiieurs  fofTés  qui  l'environnent ,  &  de 
hauts  remparts  plantés  d'arbres ,  avec  des  portes  capables  de  réllflancc , 
peuvent  fervir  avantageufement  à  la  défendre.  Une  grande  Rivière,  qui  a 
fa  fource  au  Couchant ,  la  traverfe  &  fe  jette  dans  le  Port  ;  tandis  qu'un  de 
fes  bras  va  fervir  de  foffé  au  Château ,  &  fe  jette  auflî  dans  le  Port  par  cinq 
embouchures ,  dont  chacune  offre  un  pont  magnifique. 

Jedo  n'eft  pas  bâtie  avec  la  régularité  des  autres  Villes  du  Japon,  par- 
cequ'elle  n'eft  arrivée  que  par  degrés  à  la  grandeur  qu'on  admire  aujourd'hui. 
Cependant  on  y  trouve,  dans  plufieurs  quartiers,  des  rues  fi  régulières  qu'el- 
les fe  coupent  a  angles  droits.  Elle  doit  cet  embelliffemenc  aux  incendies , 
qui  y  réduifent  fouvent  en  cendre  un  grand  nombre  de  maifons.  Les  nou- 
velles rues  peuvent  être  difpofées  fur  le  plan  des  Propriétaires  du  terrain. 
En  général ,  les  maifons  de  Jedo  font  bafles  &  petites ,  comme  dans  tout 
le  refte  de  l'Empire.  La  plupart  font  bâties  de  bois  de  fapin ,  avec  un  lé- 
ger enduit  d'argile.  L'intérieur  eft  le. même  qu'à  Meaco;  c'eft-à-dire,  di- 
vifé  en  appartemens  avec  des  paravents  de  papier,  les  murs  revêtus  de  pa- 
pier peint ,  le  plancher  couvert  de  nattes ,  &  les  toîts  couverts  de  bardeaux 
ou  de  coupeaux  de  bois.  Il  n'eft  pas  furprenant  qu'avec  des  matières  fi 
combuftibles ,  le  feu  y  fafle  tant  de  ravage.  Chaque  maifon  doit  avoir , 
fous  le  toît ,  ou  deflus ,  une  cuve  pleine  d'eau ,  avec  les  inftrumens  néceflai- 
res  pour  l'employer.     Cette  précaution  fuffit  fouvent,  pour  éteindre  le  feu 

■  f         t;  <»'  »■  1  ^-1.1  L  1.1  »:i."*'      >f'  ,1,        dans 


K/RMprRI< 

1691. 


Dcfcription 
de  Jedo,  fé- 
jour de  l'Em- 
pereur. 

Sa  fituation. 


Ses  FJ.ii'ccs-. 


Prccnutions 
contre  l'in- 
cendie. 


(t)  Pag.  87.  Cette  défiance  venoit  peiu- 
Btrc  d'un  incendie  ,  qui  avoit  brûlé  plus  de 
quatre  mille  maifons  avant  l'arrivée  des  Hol- 
.andois,  &  qui  le  renouvella  plufieurs  fois 
pendant  leur  féjour  dans  la  Ville. 

(ï)Le  Traducteur  le  donne  pour  fidglement 

XIV.  Fart.  P  p 


copié  &  réduit ,  d'après  un  grand  Plan  de 
quatre  pieds  &  demi  de  long ,  &  d'autant  de 
larcçe,  fait  par  les  Japonois  mêmes,  &  qui 
a  été  dépofé  entre  les  mains  de  M.  le  Che- 
valier Hans  Sloanc,    On  le  joint  ici, 


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I*i^atnte      Grokd     vAi^     Je  D  O. 

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298 


VOYAGE    DE    K/EMPFER 


Logcmens 
des  Moines. 


Palais  des 
Grands. 


K^MPFER.  dans  une  maifon  particulière  ;  mais  elle  devient  inutile  pour  arrêter  la  fu, 
1 6g  1,  reur  d'un  incendie,  qui  a  déjà  fait  du  progrès.  Les  Japonois  ne  connoif, 
fent  point  alors  d'autre  remède,  que  d'abattre  les  maifons  voifines  ,  aux- 
quelles le  feu  n'a  point  encore  touché.  Ils  ont  des  Compagnies  inftituées 
dans  cette  vûe ,  qui  font  la  patrouille  nuit  &  jour ,  avec  des  habits  de  cuir 
brun  pour  les  défendre  de  la  flamme ,  &  des  crocs  de  fer. 

Tous  les  quartiers  de  la.  Ville  font  remplis,  comme  en  >  .irope,  de  Moi- 
nés,  de  Monaftéres,  de  Temples,  &  d'autres  Bâtimens  Religieux,  qui  en 
occupent  les  plus  belles  parties.  Mais  les  logemens  des  Moines  ne  font 
difFérens  de  ceux  des  Laïques,  que  par  quelques  marches  pour  y  monter, 
&  par  le  voifinage  d'un  Temple  ou  d'une  Chapelle ,  ou  du  moins ,  de  quel- 
que  grande  falle ,  ornée  de  plufieurs  Autels  avec  leurs  Idoles.  Les  Palais 
des  Grands  font  de  fuperbes  Edifices,  comme  on  doit  fe  l'imaginer  de  tant 
de  Princes  &  de  puiflans  Seigneurs  («0>  qui  font  leur  demeure  ordinaire 
dans  la  Capitale  de  l'Empire.  Ils  font  réparés  des  maifons  particulières  par 
de  grandes  cours  &  de  magnifiques  portes,  où  l'on  monte  par  quelques  mar- 
ches fort  ornées.  Mais  ils  n'ont  qu'un  étage ,  divifé  en  plufieurs  riches  ap- 
partemens,  fans  tours,  &  fans  ces  autres  marques  d'autorité ,  qu'on  voit 
aux  Châteaux  des  Princes  &  des  Grands  dans,  leurs  Etats  héréditaires. 

Jedo,  fuivant  l'expreflion  de  Kaempfer>  eft  un  Séminaire  d'Artiftes,de 
Marchands  &  d'Artifans;  ce  qui  n'empêche  point,  dit-il,  que  tout  ne  s'y 
vende  plus  cher  que  dans  aucun  autre  lieu  de  l'Empire.  Il  en  apporte,  pour 
raifon,  le  concours  infini  de  Peuple,  des  Moines  oififs,  &  des  Courtilans, 
avec  la  difficulté  du  tranfport  pour  les  provifions.. 

Le  Château,  ou  le  Palais  de  l'Empereur,  eft  fitué  prefqu'au  milieu  de 
la  Ville.  Sa  figure  eft  irrégulière.  On  lui  donne  cinq  lieues  de  tour.  Il 
eft  compofé  de  deux  clôtures ,  qu'on  peut  nommer  deux  Châteaux  exté- 
rieurs. Le  troifième,  qui  fait  le  centre,  &  qui  eft  proprement  la  demeu- 
re du  Monarque,  eft  flanqué  de  deux  autres  Châteaux  bien  fortifiés,  mais 
plus  petits,  avec  de  grands  Jardins  derrière  l'Appartement  Impérial.  Cha- 
cun de  ces  Châteaux  eft  entouré  de  foflTés  &  de  murs.  Le  premier  occupe 
un  grand  terrain ,  qui  environne  le  fécond ,  &  une  partie  au  Palais  Impé- 
rial. Il  contient  tant  de  rues ,  de  fofl'és  &  de  canaux  ,  qu'il  fut  difficile  à 
Kaempfer  d'en  concevoir  le  plan ,  quoiqu'il  le  donne  avec  celui  de  la  Ville. 
C'eft  dans  ce  Château  extérieur  que  demeurent  les  Princes  de  l'Empire, 
avec  leurs  familles.  Le  fécond  Château  occupe  moins  d'efpace  &  fait  face 
au  troifième;  mais  il  eft  féparé  des  deux  autres,  par  des  murs,  des  fofies, 
des  pont  -  levis ,  &  de  grofles  portes.  La  Garde  en  eft  plus  nombreufe  que 
celle  du  premier.  Il  contient  les  fuperbes  Palais  de  quelques-uns  des  plus 
puiflans  Princes  de  l'Empire,  des  Confeillers  d'Etat ,  des  premiers  Officiers 
de  la  Couronne,  enfin  de  tous  les  Seigneurs  qui  font  appelles  par  leurs  fonc- 
tions à  la  plus  intime  familiarité  de  l'Empereun  Le  Cnâteau  ,  qui  mérite 
proprement  le  nom  de  Palais  Impérial,"  eft  fitué  fur  un  terrain  un  peu  plus 
élevé  que  les  deux  autres.  Il  eft  entouré  d'une  épaifle  muraille  de  pierre  de 
taille,  flanquée  de  Baftions,  qui  reflTemblent  beaucoup  à  ceux  de  l'Europe. 

Un 

(x)  Voyez  la  Defcription,  dans  l'Article  fuivant. 


Cherté  des 
vivres. 


Château  de 
Tedo,  ou  Pa- 
lais de  l'Em- 
pereur du  Ja- 
pon. 


?; 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  app 

Un  rempart  déterre,  élevé  du  côté  intérieur,  foûtient  plufieurs  Bâtimens 
longs ,  oc  des  guérites  ou  des  tours  à  plufieurs  étages.  Rien  n'approche  de 
la  ibiidité  de  l^difice,  dans  la  partie  que  l'Empereur  habite.  Ce  font  des 
pierres  de  taille ,  d'énorme  grandeur ,  pofées  1  une  fur  l'autre  fans  mortier 
&  fans  crampons  de  fer;  afin  que  dans  les  tremblemens  de  terre,  qui  font 
fréquens  au  Japon ,  les  pierres  puiflent  céder  au  choc  &  ne  recevoir  aucun 
dommage.  De  l'intérieur  du  Palais,  s'élève  une  Tour  quarrée  plus  haute 
me  tout  le  refledes  fiâtimens,  divifée  en  plufîeurs  étages,  dont  chacun  a 
on  toît,  &  ù  richement  ornée,  que  de  loin  elle  donne,  à  tout  le  Château, 
un  air  de  magnificence  qui  caufe  de  l'étonnement.  Une  multitude  de  toîcs 
recourbés,  avec  des  dragons  dorés  au  fommet  &  aux  angles,  qui  couvrent 
cous  les  autres  fiâtimens,  produifent  le  même  effet.  Le  fécond  Château  a 
peu  d'omemens  extérieurs;  mais  il  efl  entouré,  comme  le  premier,  de  fof- 
fés  larges  &  profonds,  &  de  très-hauts  murs,  avec  une  feule  porte  &  un 
pont,  qui  communique  au  troifième.  C'eft  dans  le  premier  &  le  fécond  , 
qu'on  élève  les  Enfans  de  l'Empereur.  Tous  ces  Châteaux ,  ou  ces  Palais, 
n'ont  qu'un  étage,  &  ne  laiiTent  pas  d'être  affez  hauts.  Le  troifième  a  plu- 
fieurs longues  galeries,  &  de  grandes  falles,  qui  peuvent  être  divifées  avec 
des  paravents.  Chaque  appartement  a  fon  nom.  Celui  qu'on  nomme  la 
SalU  des  mille  Nattes,  fert  uniquement  aux  grandes  Afiemblées,  où  l'Empe- 
reur reçoit  l'hommage  &  les  préfens  des  Princes  de  l'Empire,  &  les  Ambaf- 
fadeurs  des  Puiflances  étrangères  ;  mais  il  y  a  diverfes  autres  Salles  d'Au- 
dience (y).  Il  ne  manque  rien  à  leur  beauté,  dans  le  goût  d'Architefturc 
du  Pays.  Les  plat-fonds ,  les  folives  &  les  colonnes  font  de  bois  de  ce  Jre, 
de  camphre  ou  de  jefleri ,  dont  les  veines  forment  naturellement  des  fleurs 
&  d'autres  figures  curieufes.  Plufieurs  appartemens  ne  font  revêtus  que 
d'un  fimple  vernis;  d'autres  ont  les  plus  beaux  ornemens  de  Sculpture.  La 
plupart  des  bas  reliefs  font  des  oifeaux  ou  des  branches,  dorés  avec  beau- 
coup d'art.  Le  plancher  efl:  couvert  de  nattes  blanches,  avec  un  galon  ou 
une  frange  d'or  pour  bordure.  Au  refte,  il  Y  a  peu  de  différence,  pour 
l'ameublement ,  entre  le  Palais  de  l'Empereur  &  ceux  des  Princes.  On  gar- 
de le  Trefor  Impérial ,  dans  un  Bâtiment  dont  les  toîts  font  de  cuivre  &  les 
portes  de  fer,  pour  le  garantir  du  feu.  La  crainte  du  tonnerre  a  fait  ima- 
giner un  appartement  fouterrain,  qui  a  pour  plat -fond  un  grand  réfervoir 
d'eau.  L'Empereur  s'y  retire  lorfqu'il  entend  gronder  la  foudre,  parceque 
les  Japonois  font  perfuadés  que  cette  barrière  eft  impénétrable  au  feu  du 
Ciel.  Mais  Kaempfer  avertit  que  ne  l'ayant  pas  vue,  il  n'en  parle  que  fur 
le  témoignage  d'autrui  {z). 

Enfin  le  jour  de  l'Audience  fut  marqué  au  29  de  Mars,  qui  efl:  le  der- 
nier du  fécond  mois  des  Japonois.  Quoique  ce  fut  un  des  jours  ordinaires 
où  l'Empereur  étoit  accoutumé  de  la  donner,  Kaempfer  avoue  qu'on  n'au- 
roit  pas  çenfé  fi-tôt  à  dépêcher  \çs  Hollandois ,  fi  le  Favori  de  l'Empereur, 
qui  devoit  donner  une  fête  à  ce  Monarque,  &  qui  avoit  befoin  de  tems 
pour  fes  préparatifs,  n'eût  été  bien  aife  de  fe  délivrer  d'eux.  Ce  Seigneur, 

qui 

(»)Pag.  85.  .'".'.    ■       I    ' 


Kmwmft. 
I  69  I. 


Ornemenî 
intérieurs. 


Appartement 
pour  fe  garan- 
tir du  tonner- 


re. 


Comment 
les  Hollandois 
obtiennent 
Audience. 


(jf)  KaBmpfcr  parle  plus  bas  de  h  Salle 
4t:  cens  Nmts. 


P  2 


300 


VOYAGE    DE    kiEMPFER. 


Kamppeb. 
1691. 


Raifons  qui 


Relation  de 
In  marche 
Ilollandoife. 


qui  fe  nommoit  Makino-Bengo ,  avoit  été  Gouverneur  de  l'Empereur,  &s'é- 
toit  maintenu  dans  le  plus  haut  degré  de  îaveur.  Il  fit  avertir  l'Ambafla. 
deur  HoUandois  de  fe  tenir  prêt  pour  le  29.  Les  préparatifs  ne  marquent 
pas  une  confidération  fort  diftinguée,  puifqu'il  lui  fit  dire  fimplement  de 
fe  rendre ,  de  bonne  heure ,  à  la  Cour ,  &  de  fe  tenir  dans  la  falle  des  Gar- 
des jufqu'à  ce  qu'il  fût  appelle  (a).  Le  récit  de  cette  Audience  eft  d'au, 
la  rendent  eu-  tant  plus  curieux,  que  non-feulement  il  peut  fervir  à  faire  juger  comment 
rieufe.  jgs  Hollandois  font  traités  au  Japon,  depuis  qu'ils  en  ont  fait  exclure  Jes 

autres  Nations  de  TEurope  ;  mais  que  l'Auteur ,  accufant  Montanus  de 
faufletédans  le  célèbre  Ouvrage  qu'il  a  publié  (/>),&  paflant  lui-même 
pour  un  Obfervateur  exafl  &  fmcére,  fon  témoignage  eft  le  feul,  fur  le- 
quel  on  puifle  fe  former  une  jufte  idée  de  la  Cour  &  des  cérémonies  du  Ja- 
pon.  Ne  changeons,  à  fon  récit,  que  ce  qui  demande  un  peu  de  réfor- 
mation dans  le  llyle. 
,,  Le  29  de  Mars,  qui  étoit  un  Jeudi,  les  préfens  deftinés  pour  SaMa- 
jefté  Impériale  furent  envoyés  à  la  Cour.  Ils  y  dévoient  être  rangés  fut 
des  tables  de  bois,  dans  la  falle  des  mille  nattes,  où  l'Empereur  en  de- 
voit  faire  la  revue.  Nous  fuivîmes ,  aufli-tôt,  avec  un  petit  Equipage; 
couverts  d'un  manteau  de  foye  noir.  Nous  étions  accompagnés  des  trois 
Intendans  des  Gouverneurs  de  Nangafaki ,  d'un  Commis  du  Bugio ,  de 
deux  Meflagers  de  Nangafaki ,  &  dun  fils  de  l'Interprète,  tous  à  pied. 
Nous  étions  quatre  à  cheval ,  tous  à  la  queue  l'un  de  l'autre  ;  trois  Hol- 
landois &  nôtre  Interprête.  Chacun  de  nos  chevaux  étoit  conduit  par 
un  Valet ,  qui  tenoit  la  bride ,  &  qui  marchoit  à  la  droite.  C'eft  le  côté 
par  lequel  on  monte  à  cheval  &  l'on  en  defcend ,  à  la  manière  du  Pays. 
Autrefois  nous  avions  deux  Valets  pour  chaque  cheval;  mais  nous  avons 
4,  fupprimé  cetufage,  comme  une  dépenfe  inutile.  Notre  AmbaiTadeur, 
que  les  Japonois  nomment  le  Capitaine ,  vcnoit  après  nous  dans  un  Nori- 
mon,  fuivi  de  nôtre  ancien  Interprête,  qui  étoit  porté  dans  un  Cango. 
Nos  Domeftiques  fermoient  la  marche  à  pied.  Ce  fut  dans  cet  ordre 
que  nous  nous  rendîmes  au  Château,  par  une  demie  heure  de  marche. 
Nous  entrâmes  dans  la  première  clôture  par  un  grand  pont  bordé  d'une 
baluftrade ,  fur  laquelle  règne  une  fuite  de  boules  de  cuivre.  La  Riviè- 
re, qui  paiTe  deiTous,  eft  large,  &  coule  vers  le  Nord,  autour  du  Châ- 
teau* On  y  voyoit  alors  un  grand  nombre  de  Bateaux  &  des  Barques. 
Nous  trouvâmes,  aAi  bout  du  pont,  deux  portes  fortifiées,  entre  lef» 
quelles  nous  vîmes  une  petite  Garde.  Après  avoir  pafTé  la  féconde  por- 
te, nous  entrâmes  dans  une  grande  place,  où  la  Garde  étoit  plus  noniT 
breufe.  La  falle  d'armes  nous  parut  tapiffée  de  drap.  Les  piques  é- 
toient  debout,  à  l'entrée;  mais  le  dedans  étoit  revêtu  d'armes  dorées, 
de  fufils  vernifles ,  de  boucliers ,  d'arcs ,  de  flèches  &  de  carquois ,  ran- 
gés avec  beaucoup  d'ordre  &  de  goût.  Les  Soldats  fe  tenoient  aflîs  à 
terre,  les  jambes  croifées,  tout  vêtus  de  foye  noire,  &,  chacun  avec 

„  deux 

(a)  Pas.  90.    Makino-Bengo  étoit  Préfi-     dois  aux  Empereurs  du  Japon.  Voyez,  dans 
dent  du  Confeil  d'Etat.  la  Defcription ,    l'opinion   qu'on   en    doi" 

(6)  AjnbalTades  jnéujorables  des  liollan-     prendre. 


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DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  301 

deux  fabres  à  fon  ceinturon.    On  nous  fit  traverfer  entièrement  la  pre- 
mière clôture ,  entre  les  Palais  des  Princes  &  des  Grands  de  l'Empire , 
qui  rempliflent  l'intérieur  de  ce  premier  Château.    Le  fécond ,  où  nous 
arrivâmes ,  ne  nous  parut  différent  du  premiei* ,  que  par  la  flrufture  dt:s 
portes  &  des  Palais ,  qui  efl  plus  magnifique.     On  nous  y  fit  laiflèr  nôtre 
Norimon  ,  nôtre  Cango  ,   nos  chevaux  &  nos  Valets ,  pour  nous  con- 
duire, par  unlongpont  de  pierre,  au  Fomnatz,  qui  efl:  la  demeure  de 
l'Empereur.     Après  avoir  paiTé  ce  pont ,  nous  traveriUmes  un  double 
fiafliion ,  fuivi  de  deux  portes  fortifiées ,  par  lefquelles  nous  entrâmes 
dans  une  rue  irrégulière,  bordée,  des  deux  côtés,  d'une  fort  haute  mu- 
raille.    Nous  arrivâmes  au  Fiakninban,  c'eft-à-dire  à  la  grande  Garde  di» 
Château,  qui  eft  au  bout  de  cette  rue,  près  de  la  dernière  porte,  qui 
conduit  au  Palais.    On  nous  ordonna  d'attendre,  dans  la  falle  des  Gar- 
des, que  le  grand  Confeil  d'Etat  fût  aflTemblé;  tems  auquel  nous  devions 
être  introduits.    Les  deux  Capitaines  de  la  Garde  nous  oflFrirent  civile- 
ment du  thé  &  du  tabac  à  fumer  ;  &  quelques  autres  Gentilshommes  vin- 
rent nous  tenir  compagnie.     Nous  n'attendîmes  pas  moins  d'une  heure  ; 
&  dans  l'intervalle  nous  vîmes  entrer,  auPalais,  plufieurs  Confeillers  d'E- 
tat, les  uns  à  pied,  d'autres  portés  dans  leurs  Norimons.     Enfin  nous 
fûmes  conduits  par  deux  magnifiques' portes ,  au  travers  d'une  grande 
place  quarrée,  jufqu'à  l'entrée  du  Palais.  L'efpace,  entre  la  féconde  por- 
tée le  frontifpice  du  Palais,  étoit  rempli  d'une  foule  de  Courtifans  & 
d'un  grand  nombre  de  Gardes.    De -là  on  monte,  par  deux  efcaliers, 
dans  une  fpacieufe  falle,  qui  eft  à  la  droite  de  l'entrée,  où  toutes  les 
perfonnes ,  qui  doivent  être  admifes  à  l'Audience  de  l'Empereur,  ou  des 
Confeillers  d'Etat,  attendent  qu'on  les  introduife.    Cette  falle  efl:  non- 
feulement  fort  grande ,  mais  extrêmement  exhauflfée;  ce  qui  n'empêche 
pas  qu'elle  ne  foit  affez  fombre,  lorfqu'cm  y  a  mis  tous  les  paravents, 
parcequ'elle  ne  reçoit  du  jour  que  des  fenêtres  d'enhaut  d'une  chambre 
voifine.     Elle  efl:  d'ailleurs  richement  meublée  à  la  manière  du  Pays  ;  & 
le  mélange  de  fes  pilliers  dorés ,  qui  s'élèvent  entre  les  paravents ,  forme 
un  coup  d'oeil  fort  agréable.    Nous  y  attendîmes  encore ,  l'efpace  d'une 
,  heure,  que  l'Empereur  fût  venu s'alïeoir  dans  la  falle  de  l'Audience.     A- 
,  lors  trois  Ofiiciers  conduifirent  nôtre  AmbaflTadeur  devant  Sa  Majefl:é, 
&  nous  JaifTèrent  dans  la  première  falle  où  nous  étions.    Aufli-tôt  qu'il 
fut  entré,  ils  crièrent  à  haute  voix,  Hollanda  Capitain.    C'étoit  lefignal, 
pour  l'avertir  de  rendre  l'hommage  établi.    Il  fe  traîna ,  fuivant  l'ufage  , 
avec  les  mains  &  les  genoux,  à  l'endroit  qui  lui  fut  montré,  entre  les 
préfens ,  qui  étoient  rangés  d'un  côté ,  &  1  endroit  où  l'Enipereur  étoic 
alTis;  là,  s'étant  mis  à  genoux,  il  fe  courba  vers  la  terre,  jufqu'à  la  tou- 
cher du  front.    Enfuite  il  recula  comme  une  écrevifle,  c'eîl-à-dire  en  fc 
traînant  en  arrière  fur  les  mains  &  fur  les  pieds ,  fans  avoir  ouvert  la 
bouche  pour  prononcer  un  feul  mot.    Il  ne  fe  pafle  rien  de  plus  aux  Auf 
„  diences  que  nous  obtenons  de  ce  puifl^ant  Monarque  ;  &  l'on  n'obferve 
„  pas  plus  de  cérémonie,  dans  les  Audiences  qu'il  donne  aux  plus  grands 
„  Princes  de  l'Empire.     On  les. appelle,  à  haute  voix-,  par  leur  nomj.  ils 

Pp  3       •  .    •  „  s'a> 


KiEurKa. 
1691. 


302 


VOYAGE    DE    K^MPFERa 


Kjempfer. 
169 1. 

Montanus 
acciil'é  J'exa- 
gération. 


Il  cft  dé- 
menti  par  le 
témoignage 
ocula'rc  de 
Ksnipfer. 


Qiangemens 
fâcheux  pour 
les  Hollan- 
dois. 


Us  font  don- 
nés en  fpeéla- 
<le  à  la  Cour 
du  Japon. 


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a 


,>  s'avancent ,  en  rampant i  &  lorfqu'ils  ont  frappé  la  terre  du  front,  ils  f^ 
retirent  de  même.        /j  2,^  •    •' 

„  La  faile  d'Audience,  nommée  autrement  la  Salle  des  ctns  Nattes ^  ne 
reflemble  en  rien  à  celFe  qui  eti  décrite  &  repréfentée  par  Montanuj.  Le 
Trône  élevé,  les  degrés,  par  lefquels  ony  monte,  les  tapis,  dontijles 
fuppofe  couverts,  les  magnifiques  colonnes  entre  lefquelles  il  dit  que  les 
„  Princes  de  l'Empire  fe  prolternent  devant  le  Monarque ,  &  d'autres  pein. 
„  tures,  n'ont  de  fondement  que  dans  fbn  imagination,  l'out  ce  qu'on 
,9  voit  dans  cette  falle,  eft  réellement  curieux  &  riche,  mais  beaucoup 
„  plus  fimple  qu'il  ne  le  repréfente.  Au  fécond  Voyage  que  nous  fîmes  3 
la  Cour ,  on  eut  la  bonté  de  nous  faire  voir  la  fallp  ;  ce  qui  me  donna  oc- 
cafion  d'en  tirer  un  plan ,  qui  n'étoit  pas  difficile  à  compofer.  Il  fuffi. 
foit  de  fe  faire  dire  le  nombre  des  nattes,  des  colonnes,  des  paravents, 
&  des  fenêtres.  Son  plancher  eft  couvert  en  effet  de  cent  nattes,  tou- 
tes  ds  la  même  grandeur  ;  d'où  lui  vient  le  nom  de  Sen-Sio-Siki.  Elle  eil 
„  ouverte,  d'un  côté,  vers  une  petite  cour,  d'où  elle  reçoit  fa  lumière. 
„  Du  côté  oppofé,  elle  fe  joint  à  deux  autres  chambres  j  l'une,  qui  fert 
„  aux  Audiences  des  Confeillers  d'Etat  ;  l'autre,  plus  petite,  plus  enfoncée 
»,  &  plus  haute  d'une  marche,  où  l'Empereur  efl  aflis,  les  jambes  croi- 
„  fées,  fur  un  petit  nombre  de  tapis.  Il  n'efl  pas  aifé  de  le  voir  dans  cet- 
„  te  fltuation ,  parceque  le  jour  ne  donne  pas  jufqu'au  lieu  qui  lui  fert  de 
„  Trône;  fans  compter  que  l'Audience  eft  fort  courte,  &  que  ceux,  qu'il 
„  y  admet,  font  dans  une  pofture  trop  humble,  pour  trouver  le  moyen  de 
î'envifager.  Cette  cérémonie,  d'ailleurs,  eft  d'une  majefté  qui  mfpire 
beaucoup  de  refpedl.  Il  y  règne  un  filence  furprenant ,  parmi  les  Con- 
feillers (l'Etat,  les  Princes  &  les  Seigneurs  de  l'Empire,  qui  font  en  grand 
nombre ,  les  Gentilshommes  de  la  Chambre  Impériale ,  &  d'autres 
grands  Officiers  ,  qui  forment  une  double  haye  dans  la  falle ,  &  fur 
toutes  les  avenues,  affis  dans  un  bel  ordre,  -avec  leurs  habits  de  céré< 
monie(c)". 

AuT'REFois,  l'AmbafTadeur  Hollandois  en  étoit  quitte  pour  rendre 
l'hommage;  &  peu  de  jours  après,  on  lui  lifoit  certains  Réglemens  (rf), 
qu'il  promettoit  d'obferver ,  après  quoi  il  étoit  envoyé  à  Nangafaki.  Mais 
depuis  plus  de  vingt  ans  (e)  l'AmbafTadeur,  &  les  Hollandois  qui  l'accom- 
pagnent à  Jedo,  font  conduits  plus  loin  dans  le  Palais ,  pour  donner  à  1  Im- 
pératrice, aux  PrincefTes  &  aux  Dames  de  la  Cour,  l'amufement  de  les  voir. 
Dans  cette  féconde  Audience,  l'Empereur  &  les  Dames  fe  tiennent  derriè- 
re des  paravents  &  des  jalbudes ;  mais  les  Confeillers  d'Etat,  &  les  autres 
Officiers  de  la  Cour,  font  afTis  à  découvert.  Kaempfer  peint  cette  fcène  bi- 
zarre, avec  beaucoup  de  naïveté. 

„  Après  la  cérémonie  de  l'hommage,  l'Empereur  fe  retira  dans  fonAp- 
„  partement&nous  fûmes  appelles  avec  l'AmbafTadeur.  On  nous^fit  traver- 
„  fer  plufleurs  appartemens ,  pour  nous  rendre  dans  une  galerie  fort  dorée, 


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c  )  Pag.  ç6  &  précédentes. 
rf)  Voyez  la  Defcription. 


»  OU 

(«)  A  compter  de  1691,  qui  eft  la  datte 
de  l'Auteur. 


» 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  303 

,;  où  nous  attendîmes  un  quart  d'heure;    Enfuite,  travef fant  plufieurs  au- 
„  très  galeries  ,  nous  arrivâmes  dans  une  grande  chambre ,  où  l'on  nous 
„  pria  de  nous  afleoir.    Plufieurs  hommes  rafés,  qui  étoienc  les  Médecins 
„  de  l'Empereur,   des  Officiers  de  Cuifine  &  des  Eccléfiaftiques ,  vinrent 
„  nous  demander  nos  noms  &  nôtre  âge.    Mais  on  tira  bien-tôt  des  para- 
„  vents  devant  nous,  pour  nous  délivrer  de  leurs  importunités.    Nous  paf- 
„  lUmes  une  demie  heure  dans  le  même  lieu.     On  nous  conduifit  enluite 
„  par  d'autres  galeries  plus  obfcures ,  qui  étoient  bordées  d'une  file  non  in- 
„  terrompue  de  Gardes  du  corps.    Après  eux ,  plus  près  de  l'Appartement 
„  de  l'Empereur,  la  file  étoit  continuée  par  plufieurs  grands  Officiers  de  la 
„  Couronne,  qui  faifoient  face  à  la  falle  où  nous  étions  attendus.     Ces  Of- 
„  ficiers  avoient  leurs  habits  de  cérémonie,  étoient  affis  fiir  leurs  talons,  & 
„  la  tête  courbée.     La  falle  confiftoit  en  divers  compartimens .  qui  regar- 
„  doient  vers  l'efpace  du  milieu,  dont  quelques  -  uns  étoient  ouverts,  &  les 
„  autres  fermés  par  des  paravents  &  des  jaloufies.    Les  uns  étoient  de  quin- 
„  ze  nattes ,  d'autres ,  de  dix-huit ,  &  d'une  natte  plus  hauts  ou  plus  bas , 
„  fuivant  la  qualité  des  perfonnes  qui  les  occupoient.     L'efpace  du  milieu 
„  étoit  fans  nattes ,  &  par  conféquent  le  plus  bas ,  parcequ'on  les  en  avoit 
ôtées.     Ce  fut  fur  le  plancher  de  cet  efpace,  qu'on  nous  ordonna  de  nous 
afleoir.    L'Empereur  &  l'Impératrice  étoient  aflis  à  nôtre  droite,  derriè- 
j,  re  des  jaloufies.     J'eus  deux  fois  l'occafion  de  voir  l'Impératrice ,  au  tra- 
„  vers  des  ouvertures.     Elle  me  parut  belle;  le  teint  brun,  les  yeux  noirs 
„  &  pleins  de  feu  ;  fon  âge  d'environ  trente-fix  ans  ;  &  la  proportion  de  fa 
j,,tête,  qui  étoit  aflfez  grofle,  me  fit  juger  qu'elle  étoit  d'une  taille  fort 
„  haute.     J'entends,  par  le  nom  de  jaloufies,  une  forte  de  tapiflerie  très- 
„  fine,  compofée  de  rofeaux  fendus  &  revêtus  par  derrière  d'une  foye  tranf- 
„  parente,  avec  des  ouvertures,  de  la  largeur  de  la  main,  qui  laiflent  un 
„  paflage  libre  aux  regards.    On  les  jpeint  de  diverfes  figures,  pour  l'orne- 
ment ,  ou  plutôt ,  pour  mieux  cacher  ceux  qui  font  derrière  :  quoiqu'in- 
dépendamment  des  peintures ,  il  foit  difficile  de  voir  les  perfonnes  d'un 
peu  loin ,  fur-tout  fi  le  derrière  n*efl:  point  éclairé.  - 

„  L'Empereur  lui-même  étoit  dans  un  lieu  fi  obfcur,  que  nous  aurions 
eu  peine  à  l'appercevoir ,  fi  fa  voix  ne  l'eût  fait  découvrir.  11  parloit 
néanmoins  fi  bas ,  qu'il  fembloit  vouloir  garder  l'incognito.  Les  Prin- 
cefles  du  fang  &  les  Dames  de  la  Cour  étoient  vis-à-vis  de  nous ,  der- 
rière d'autres  jaloufies.  Je  m'apperçus  qu'on  y  avoit  mis  des  cornets  de 
„  papier,  entre  les  cannes,  pour  élargir  les  ouvertures,  &  rendre  le  pafla- 
„  ge  plus  libre  à  la  vue.  Je  comptai  environ  trente  de  ces  cornets;  ce 
„  qui  me  fit  juger  que  les  Dames  étoient  au  même  nombre.  Makino- 
„  Bengo  étoit  alîîs  feul ,  fur  une  natte  élevée.,  dans  un  lieu  découvert  à 
,,  nôtre  droite,  c'efl-à-dire  du  côté  de  l'Empereur.  A  nôtre  gauche,  dans 
j,  un  autre  compartiment ,  étoient  aflis  les  Confeillers  d'Etat ,  du  premier 
„  &  du  fécond  Ordre.  La  galerie,  derrière  nous,  s'étoit  remplie  des 
„  principaux  Officiers  de  la  Cour  &,  des  Gentilshommes  de  la  Chambre  Im- 
„  périale.  Une  autre  galerie ,  qui  conduifoit  au  compartiment  de  l'Empe- 
„  reur,  étoit  occupée  par  les  enfans  des  Princes,  par  les'Pages  de  Sa  Ma- 
„  jefté ,  &  par  quelques  Prêtres  ,  qui  fe  cachoient  pour  nous  obferver. 

„  Telle 


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V 


KsMrvER. 


Comment 

on  les  place 
dans  la  fa'.lc 
de  la  féconde 
Audience. 


Manière 
dont  rijnpe- 
rcur  &  les 
Dames  font 
plucéfi. 


304 


VOYAGE     DE    K  2E  M  P  F  E  R 


Kjempper. 

Comment 
les  Hollan- 
dois  parlent  ; 
l'Empereur, 


Queftions 
qu'on  leur 
fait,  &  leurs 
répcnfes. 


Telle  étoic  la  dirpofition  du  Théâtre,  où  nous  deviens  jouer  nôtr*. 
rolJe  (/). 

„  NÔTRE  premier  Interprête  s'aflTit  un  peu  au-deflus  de  nous,  pour  en- 
tendre plus  facilement  les  demandes  &  les  réponfes;  &  nous  prîmes  nos 
„  places  à  fa  gauche,   tous  à  la  file,  après  nous  être  avancés,  en  nous 
traînant  &  nous  proflernant,  du  côté  des  jaloufies  de  r£mpereur.  Alorj 
Bengonous  die,  de  la  part  de  ce  Monarque,  qu'ils  nous  voyoic  volon- 
tiers.   L'Interprète ,  qui  nous  répéta  ce  compliment ,  rendit  aufl]  la  r^-. 
ponfe  de  nôtre  Ambafladeur.    Elle  confifloit  dans  un  trés-humble  remcr 
„  ciment,  de  la  bonté  que  l'Empereur  avoit  eue,  de  nous  accorder  la  11- 
„  ber té  du  Commerce.    L'Interprète  fe  prollernoit  à  chaque  explication, 
„  &  parloit  aflcz  haut  poui-  être  entendu  de  l'Empereur  :  mais  tout  ce  qi;' 
„  fortoit  de  la  bouche  du  Monarque ,  pafToit  par  celle  de  Bengo  ;  comir.c 
„  fi  fes  paroles  enflent  été  trop  précieufes  &  trop  facrées ,  pour  être  reçucj 
„  immédiatement  par  des  Officiers  inférieurs.    Après  les  premiers  compli- 
„  mens,  l'afte,  qui  fuivit  cette  folemnité ,  devint  une  vraye  farce  (g). 

„  On  nous  fit  mille  queflions  ridicules.  Premièrement,  on  voulut  fya- 
„  voir  nôtre  âge  &  nôtre  nom  :  chacun  de  nous  reçut  ordre  de  l'écrire  fur 
„  un  morceau  de  papier ,  avec  une  écritoire  d'Europe ,  que  nous  avions 
„  apporté  pour  cette  occafion.  On  nous  dit  enfuite  de  remettre  le  papier 
„  &  l'écritoire  à  Bengo,  qui  les  mit  entre  les  mains  de  l'Empereur,  par  un 
„  trou  de  la  Jaloufie.  Alors  on  demanda  au  Capitaine,  ou  à  l'Ambafladeur, 
quelle  étoit  la  diflance  de  Hollande  à  Batavia,  &  de  Batavia  au  Japon; 
&  lequel  avoit  le  plus  de  pouvoir,  du  Direfteur  général  de  la  Compagnie 
Hollandoife,  ou  du  Prince  de  Hollande?  Voici  les  queftions  qu'on  me  fit 
particulièrement;  Quelles  étoient  les  maladies  extérieures  ou  internes, 
que  je  croyois  les  plus  dangereufes  &  les  plus  difficiles  à  guérir?  Quelle 
étoit  ma  méthode,  pour  les  ulcères  &  les  apofl:humes  intérieures?  iJi  les 
Médecins  d'Europe  ne  cherchoient  point  quelque  remède  pour  rendre  les 
hommes  irpmortels ,  comme  les  Médecins  Chinois  en  faifoient  leur  étude 
depuis  plufieurs  fiècles?  Si  nous  avions  fait  quelque  progrès  dans  cette  re- 
cherche ,  &  quel  étoit  le  meilleur  remède  de  l'Europe  pour  prolonger  la 
vie?  Je  répondis  à  cette  dernière  queftion,  que  nos  Médecins  avoient  dé* 
couvert  une  liqueur  fpiritueufe,  qui  pouvoit  entretenir,  dans  le  corps,  la 
_  fluidité  des  liqueurs ,  &  donner  de  la  force  aux  efprits.  Cette  réponre 
',f  ayant  paru  trop  vague,  on  me  prefla  de  faire  connoître  le  nom  de  cet  ex- 
cellent remède.  Comme  je  fçavois  que  tout  ce  qui  efl:  en  eflime,  au  Ja- 
pon ,  reçoit  des  noms  fort  longs  &  fort  emphatiques ,  je  répondis  que* 
c'étoit  le  Saî  Volatile  Oleofum  Sylvii.  Ce  nom  fut  écrit  derrière  la  jaloulie, 
&  l'on  me  le  fit  répéter  plufieurs  fois.  On  voulut  fçavoir,  enfuite,  quel 
étoit  l'Inventeur  du  remède ,  &  de  quel  Pays  il  étoit.  Je  répondis  que 
c'étoit  le  Profefleur  Sylvius  en  Hollande.  On  me  demanda  auffi-tôt  fi  je 
le  pouvois  compofer;  fur  quoi  l'Ambafladeur  me  dit  de  répondre,  non; 
mais  je  répondis  affirmativement ,  en  ajoutant  néanmoins  que  Je  ne  le 
pouvois  pas  au  Japon.    On  me  demanda  fi  je  le  pouvois  à  Batavia.  Oui, 

(/)  Pag.  98.   ;  ^i!-.  ,.^   , .         (,g)  Pag.  99. 


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DANS  t'EMÏ>IRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


305 


ices ,  en  nous 


,;  rJpondîs-je  encore;  &  l'Empereur  donna  ordre  qu'il  lui  fût  cnvoyd,  par 

„  les  premiers  Vaifleaux  (jui  viendroient  au  Japon. 
„  Ce  Prince,  qui  s'étoit  tenu  jufqu'alors  affez  loin  de  nous,  s'approcha 
vers  nôtre  droite,  &  s'affit  derrière  les  jaloufies,  auffi  près  qu'il  lui  fût 
poflible.  Il  nous  fit  ordonner  fucceflivement  de  nous  tenir  debout,  de 
marcher,  de  nous  arrêter,  de  nous  complimenter  les  uns  les  autres,  de 
fauter  ,  de  faire  Jes  ivrognes ,  d'écorcher  la  Langue  Japonoife ,  de  lire 
enHollandois,  dépeindre,  de  chanter,  de  danfer,  de  mettre  &  d'ôter 
nos  manteaux.  Nous  exécutâmes  chacun  de  ces  ordres,  &  je  joignis 
à  ma  danfe  une  chanfon  amoureufe  en  Allemand.  Ce,  fut  de  cette  ma- 
nière, &  par  quantité  d'autres  lingeries,  que  nous  eûmes  la  patience  de 

„  divertir  l'Empereur  &  toute  fa  Cour  (h). 
„  Cependant  l'Ambafladeur  efl  dilpenfé  de  cette  comique  repréfen- 

„  tation.  L'honneur  qu'il  a  de  repréfenter  fea  Maîtres ,  le  met  à  couvert 
de  toutes  fortes  d'indécences  &  de  propofitions  injurieufes.  D'ailleurs 
il  fit  paroître  aflez  de  gravité,  dans  fon  air  &  dans  fa  conduite,  pour 
faire  comprendre  aux  Japonois ,  que  des  ordres  fi  bouffons  lui  plairoient 
peu  (i).  Cette  fcéne  finit  par  un  dîner,  qu'on  fervit  devant  chacun  de 
nous,  fur  de  petites  tables  couvertes  de  mets  à  la  Japonoife;  avec  de 
petits  bâtons  cf'ivoire,  qui  nous  tinrent  lieu  de  couteaux  &  de  fourchet- 
tes (k).  Enfuite,  deux  Officiers  nous  reconduifirent  dans  la  première 
anti-chambre ,  où  nous  prîmes  congé  d'eux  ". 

'     VV.:'.!'^^      L'Am- 


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i6çi. 

Les  Hbllan- 
dois  aniufciit 
la  Cour  par 
des  fingcric£. 


fi») Pag.  lôî. 

(i)  Kœmpfdâhie  laiffe  pas  de  convenir, 
{pag.  190.)  qu'au  fécond  Voyage  de  l'Am- 
baiwdeur  à  la  Cour,  on  l'obligea  d'ôter  auffi 
fon  manteau  &  de  faire  l'exercice  dans  la 
chambre.  L'Empereur  avoit  été  fi  content 
des  Hollandois  ,  au  premier  Voyage  ,  qu'en 
les  revoyant  pour  la  Iccondc  fois ,  il  leur  fit 
ordonner,  fans  perdre  de  tems ,  „  d'ôter 
„  leurs  manteaux,  de  fe  tenir  debout ,  de 
„  marcher ,  de  toumoier  ,  de  danfer  ,  de 
„  chsnter,  de  fe  faire  des  complimens  cn- 
„  tr'eux,  de  fc  fâcher,  de  s'inviter  à  dîner, 
„  d'entrer  en  converfation ,  de  difcourir  fa- 
,,  miiièrement  comme  un  père  fait  avec  fon 
„  fils ,  de  montrer  comment  deux  amis ,  ou 
„  un  mari  &  une  femme  s'entretiennent,  ou 
,,  prennent  congé  fiin  de  l'autre;  de  jouer 
^,  avec  des  enfans ,  de  les  porter  fur  leurs 
„  bras ,  d'ôter  leurs  chapeaux  &  leurs  perru- 
„  ques".  &'c.  Pag.  181  &  J'uivantes.  On  a 
vu  dans  la  Relation  de  Mendez  -  Pinto ,  au 
douzième  Tome  de  ceReaieil,  que  les  Japo- 
nois font  eux-mêmes  d'affez  bons  Comédiens, 
&  que  le  goût  des  farces  règne  parmi  les 
Grands ,  qui  ne  fe  croyent  pas  des  -  honorés 
d'en  être  les  Afteurs.   • 

(fc)  Kcempfer  ne  paroît  pas  content  de  la 
bonne  chère  Impériale.    11  fe  plaint,  d^yisun 

XIF.  Part. 


autre  endroit  (pag.  187),  que  le  dincr  ne. 
répondoit  pas  à  la  magnilîcence  d'un  fi  puif- 
fant  Monarque.  A'oici  la  defcrlption  qu'il 
fait  d'un  de  ces  repas  :  „  Sur  chaque  table , 
„  on  plaça  les  mets  fuivans:  1°.  Deux  petit'! 
„  pains  creux,  parfemés  de  graine  de  Se/a- 
„  me.  2".  Un  morceau  de  fucre  blanc ,  ra- 
„  fine  comme  s'il  eût  Jté  rayé.  3».  Cinq 
„  Kainokis,  confits:  ce  font  des  noiaux  de 
„  l'arbre  Kai  ,  qui  rcflcmblent  aflïz  à  nos 
„  amandes.  40.  Une  tranche  de  gâteau, 
„  quarrée  &  platte.  5°.  Deux  gâteaux  faits 
„  de  fleur  de  farine  ,'  de  miel,  en  forme 
„  d'entonnoir,  bis  '.  ais,  mais  un  peu 
„  durs  ,  qui  avoient  un  côté  l'empreinte 
„  d'un  foleil  ou  d'une  rofe,  &  de  l'autre, 
„  celle  du  ZJair/-27<fl/>,  c'eft-à-dire,  les  ar- 
„  moiries  du  Dairi ,  qui  font  la  feuille  &  la 
„  fleur  d'un  grand  arbre,  nommé  Kiri.  La 
„  fleur  reflTemble  aflîez  à  celle  du  Glmteron, 
„  &  la  feuille  à  celle  du  Digitalis.  6".  Deux 
„  tranches  quarrées  d'un  gâteau  fait  de  fine 
„  farine  de  fèves  &  de  fucre  ,  d'un  rouge 
„  brun  &  caflTant.  7".  Deux  autres  tranches 
„  d'un  autre  gâteau  de  fine  farine  de  riz, 
„  jaune  &  dur.  8».  Deux  tranches  d'un  au- 
„  tre gâteau,  dont  la  mie  étoit  d'une  pâte 
„  entièrement  dift^érente  de  celle  de  la  crou- 
„  te.  9".  Un  grand  Mangue,  bouilli  &  jem- 

Qq  n  pli 


Dlncr  ru'on 
fert  aux  Ho'- 
landuis. 


3o6 


VOYAGE    DE    KJEMPFER 


Tmmrn. 
1.69  f' 

Ils  rendent 
d'VLiPjs  vifi- 
tes  aux  Sel- 

ëKurs  de  la 
our. 


Ils  y  font 
traités  peu  fé- 
rieufcment. 


fi 

X 


On  leur 
montre  deux 
Cartes  géo- 
graphiques. 


Obfervatîons 
de  Kaempfer 
fur  ces  Car- 
tes. 


L'Ambassadeur  employa  les  jours  fuivans,  à  faire  Tes  vifices  aux  Mi. 
niftres  &  aux  principaux  Confeillers  d'Etat.  „  Il  fut  reçu  par  •  tout  avec 
beaucoup  de  civilité,  par  les  Intendans  &  les  Secrétaires  (/),  qui  l^re. 
galérent  de  thé ,  de  ubac  tSc  de  confitures.  I^es  chambres ,  où  il  étuit 
admis,  étoient  remplies ,  derrière  les  paravents  &  les  jaloufies,  dune 
nombreufe  aflcmblée ,  qui  fouhaitoit  beaucoup  de  voir  faire  aux  Hollandoii 
leur  exercice  comiaue.  Ils  n'eurent  pas  toujours  cette  cuinplairance; 
mais  ils  chantèrent  oc  danfèrent  dans  plufieurs  maifous ,  lorf^u'ils  étoient 
fatisfaits  de  l'accueil  qu'ils  y  avoient  reçu.  Quelquefois  les  liqueurs  for. 
tes ,  qu'on  leur  faifoit  boire  avec  un  peu  d'excès ,  leur  montoient  trop  î 
la  tête".  Cette  facilité  à  fervir  comme  de  jouet  chez  les  Grands,  & 
l'embarras  où  ils  fe  trouvoienc  dans  les  rues ,  pour  fe  dégager  de  la  foule 
du  Peuple,  donnent  une  iin^uliére  idée  de  leur  Ambaflade.  Cependant  ils 
témoignoient  quelque  impatience  pour  fe  recirer,  lorfquils  croy oient  s'ap* 
percevoir,  qu'ils  étoient  peu  refpeaés.  „  Nous  nous  regardions ,  dit  Kaemp. 
„  fer,  non  comme  des  Marchands  envoyés  pour  le  tranc,  mais  comme  des 
„  AmbaiTadeurs  ,  qui  dévoient  être  traités  honorablement  (m)". 

Dans  une  vifite  qu'ils  rendirent  au  Seigneur  TfufimanO'Cami^  on  leur 
fervit  un  dîner  compofé  des  mets  fuivans:  du  poiffon  bouilli  dans  une  fore 
bonne  fauce  ;  des  huitres  bouillies,  &  fervies  dans  la  coquille,  avec  du 
vinaigre;  diverfes  petites  tranches  d'oye  rôties;  du  poifTon  frit,  éc  dei 
œufs  bouillis.  La  liqueur  qu'on  leur  fit  boire  étoit  cxquife.  Après  le  fef- 
tin ,  on  fouhaita  de  voir  leurs  chapeaux ,  leurs  pipes  &  leurs  montres.  Oa 
apporta  deux  Cartes  géographiques ,  dont  l'une  étoit  fans  les  noms  des 
Pays  ,  mais  d'ailleurs  afTez  bien  deflTmée,  &  fuivant  toute  apparence,  d'a> 
près  une  Carte  de  l'Europe.  L'autre  étoit  une  Carte  du  Monde  entier,  de 
forme  ovale,  dont  les  noms  étoient  marqués  avec  les  Kattakanna  Japonois, 
qui  font  une  forte  de  caraélères.  Kaempfer  faifîc  cette  occafion ,  pour  ob- 
ferver  la  manière  dont  les  Japonois  repréfentent  les  Pays  qui  font  au  Nord 
de  leur  Empire.  Au-delà  du  Japon,  à  vis-à  vis  des  deux  grands  Promon- 
toires Septentrionaux  dîOsiu ,  il  remarqua  l'ifle  de  Jefogafima.  Au-delà  de 
cette  Ifle,  il  vit  un  Pays  deux  fois  grand  comme  la  Chine,  divifé  en  diffé- 
rentes Provinces,  dont  un  tiers  s'avançoit  au-delà  du  Cercle  Polaire,  & 
couroit  à  i'Efl:  beaucoup  plus  loin  que  les  Côtes  les  plus  Orientales  du  Japon. 
Ce  Pays  étoit  repréfenté  avec  un  grand  Golfe  fur  le  rivage  Oriental ,  v'ii-ï- 
vis  de  l'Amérique,  &  le  Golfe  étoit  à  peu-près  de  forme  quarrée.  Il  n'y 
avoit  qu'un  paflà^e  entre  le  même  Pays  &  l'Amérique;  &  dans  ce  paflage, 
il  y  avoit  une  petite  Ifle.  Au-delà,  tirant  vers  le  Nord ,  il  y  avoit  une  au- 
tre Ifle,  de  forme  longue,  qui  touchant  prefque  de  hi  deux  extrémités  les 
deux  Continens,  c'eft-à-dire,  celui  de  Jeflb,  à  l'Oueft,  &  celui  de  l'Amé- 
rique, à  I'Efl,  formoit  ainfl  le  paflage  au  Nord.  C'étoit  à-peu-près  de  mê- 
me, 


,,  pli  de  farine  de  pois,  mêlée  de  fucre, 
„  qu'on  auroitprife  pour  de  la  therlaque.  lo**. 
„  Deux  petits  Mangues  de  la  groHèur  ordi- 
„  naire,  apprêtés  de  la  même  manière.  Les 
„  HoUandois  goûtèrent  un  peu  de  tout;  après 
«,  quoi,  l'Interprète  eut  ordre  d'emporter  le 


„  refte.  Il  en  eut  fa  charge.  On  lui  don- 
„  na,  pour  la  porter,  do  papier  &  despISB- 
„  ches".  Pag.  191  fi?  192. 

(/)  Pag.  102. 

(m)Fag.  106  &  frécédentei. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


307 


me,  qu'on  avoic  repréfenté  v  'tes  les  Terres  inconnues  du  Pôle  Antarfli- 
que,  qui  étoient  marquées  comme  des  Ifles  (»). 

D  E  quantité  d'autres  circonfliances ,  que  Kaempfer  prit  le  même  foin  de 
recueillir ,  dans  les  deux  Voyages  de  TAmbafTadeur  à  la  Cour ,  il  en  refle 
une  qu'on  fe  reprocheroit  d  avoir  fupprimée ,  quoiqu'il  ne  la  rapporte  ici 
qu'avec  beaucoup  de  ménagement  pour  les  ïlollandois.  L'AmbalTadeur, 
après  avoir  reçu  Ton  Audience  de  congé ,  fut  appelle  devant  les  Confeillers 
dEtat,  pour  entendre  la  leélure  des  ordres  qui  regardent  le  Commerce. 
Ils  portoient ,  entr'autres  Articles  (0):  „  que  les  Hollandois  n'inquiéte- 
„  roient  aucun  Navire  ni  Bateau  des  Chinois ,  ou  des  Liquans  ;  qu'ils  n'a* 
„  meneroient,  au  Japon,  dans  leurs  Vaifleaux,  aucun  Portugais,  ou  Prê- 
„  tre;  &  qu'à  ces  conditions  on  leur  accordoit  un  Commerce  Tibre".  Après 
cette  cérémonie,  on  fit  préfent,  à  l'AmbaflTadeur,  de  trente  robbes ,  éta- 
lées dans  le  même  lieu,  fur  trois  planches.  On  y  joignit  ce  ^ui  fe  nom- 
me une  Lettre  de  Fortune  ^  &  qui  efl:  un  témoignage  de  la  prote£lion  de  l'Em- 
pereur. L'AmbaflTadeur  fut  obligé  de  fe  profterner  quatre  foisj  &  pour 
marquer  fon  rcfpeft,  il  mit  le  bout  d'une  cfes  robbes  fur  fa  tête. 

L'APRès-Mioi  du  même  jour,  avant  qu'il  fût  retourné  à  fon  logement, 
pludeurs  Seigneurs  de  la  Cour  lui  envoyèrent  aulfi  un  préfent  de  robbes. 
Quelques-uns  des  MeiTagers  laifTèrent  leur  fardeau  à  l'hôtellerie  Hollandoi- 
fe.    D'autres  attendirent  le  retour  de  rAmbaHadeur,  pour  le  remettre  en- 
tre fes  mains.    La  réception  de  ces  préfens  fe  fit  avec  toutes  les  formali- 
tés du  cérémonial.    Des  KouliSy  ou  des  Porteurs ,  marchoient  devant,  avec 
les  robbes ,  au'ils  portoient  dans  des  caifTes.    Un  d'entr'eux  portoit  la  plan- 
che fur  laquelle  les  robbes  dévoient  être  étalées ,  &  la  Lettre  de  Fortune , 
qui  eft  un  affemblage  de  cordons  plats ,  entrelaflfés  par  un  bout,  &  renfer- 
mes  dans  un  papier  entouré  d'un  nombre  impair  de  liens  de  foye,  de  diffé- 
rentes couleurs  ,  &  quelquefois  dorés,  ou  couleur  d'argent.     Celui  qui  de- 
voit  offrir  les  robbes  étoit  introduit  dans  l'appartement  de  TAmbafladeur; 
&  s'affeiant  vis-à-vis  de  lui,  à  quelque  diftance,  il  lui  faifoit  ce  compli- 
ment: „  Un  tel  Seigneur,  mon  Maître,  vous  félicite  d'avoir  eu  vôtre 
„  Audience  de  congé,  &  un  beau  tems,  ce  qui  eft  Médit be,  c*eft-à-dire, 
„  fort  heureux.    Vos  préfens  lui  ayant  été  fort  agréables,  il  fouhaite  que 
„  vous  acceptiez  en  échange  ce  petit  nombre  de  robbes".    En  finiffant, 
il  donna,  à  l'Interprète,  une  grande  feuille  de  papier,  qui  contenoit,  en 
grands  caraflères ,  le  nombre  des  robbes  ^  leur  couleur.     L'Ambaffadeur, 
à  qui  l'Interprète  remettoit  cette  feuille,  la  tenoit  fur  fa  tête,  pour  témoi- 
gner fon  refye&i.    Tous  les  fpeélateurs  demeuroient  dans  un  profond  filen- 
ce,  les  uns  affis,  d'autres  à  çenoux.     On  avoit  appris,  à  l'Ambaifadeur, 
le  compliment  qu'il  devoit  faire  en  réponfe;  il  le  répétoit  dans  ces  termes, 
avec  une  profonde  inclination  :  „  Je  remercie  très-humblement  le  Seigneur, 
„  vôtre  Maître,  de  fes  foins  pour  nous  procurer  une  Audience  prompte  & 
„  favorable.    Je  le  fupplie  de  continuer  fes  bons  offices  aux  Hollandois. 
„  Je  lui  rends  grâces  aulu  de  fon  précieux  préfent,  &  je  ne  manquerai  point 
'    '  „  d'en 


KaMrrii. 

1691. 

Articles 
qu'on  lit  i 
l'AinbaflÂ' 
dcur. 


Préfenj  de 
l'Empereur. 


Formalités 
pour  les  vxé- 
fens  des  oci- 
gneurs. 


Lettre  de 
Fortune. 


>» 


Compliment 
du  MefTager, 
&  réponfe  de 
l'Ainbailii- 
deur. 


(n)Pag.  193. 


(0)  Cette  matière  fera  plus  étendue  dans  la  Defcription. 
Qq2 


308 


VOYAGE    DE    K -ffi  M P F E R 


KAMPriR. 

Itfpl. 


Defcription 
«le  Nanjjafaki. 


Comment 
fon  Port  c(t 
devenu  Icfcul 
ouvert  aux 
Etrangers. 

.4^ 


Forme  & 

qualités  du 

.Pv-Tt. 


d'en  informer  mes  Maîtres  de  Batavia  ".    Après  ces  complimen»,  on  ap. 
portoit  du  tabac  pour  fumer,  avec  du  thé  &  de  l'eau^de-vie  (p). 


«t 


fe  paflcrent  entre  le»  deux  Voyages ,  Kœmpfer  employa  tous  fes  foins  à 
prendre  une  parfaite  connoiflancc  de  la  Ville  de  Nangafaki  »  dont  il  donne 
une  curieufe  Defcription. 

Cette  Ville ,  une  des  cintj  Places  maritimes ,  ou  commerçantes  de  VEm- 
pire  Çq  ) ,  ed  fituée  à  l'extrémité  occidentale  de  l'Ille  de  Kiusju ,  dans  un  ter. 
rain  prefque  flérile,  entre  des  rochers  efcarpés  &  de  hautes  montagnes,  é* 
joigne  de  Tlfle  de  Nipon ,  qui  efl  prcfqu'entièrement  fermée  pour  le  Coni' 
merce  à  toutes  les  Nations  étrangères.     Nangafaki  (r)  efl  médiocrement 

f>euplcc  de  Marchands  &  de  riches  Citoyens.  La  plupart  de  fes  Habitant 
ont  des  Artifans ,  mêlés  d'une  populace  du  plus  bas  ordre.  Cependant  fa 
fituation  commode ,  &  la  fureté  de  fon  Port ,  en  font  le  rendez-vous  com- 
mun des  Nations  étrangères ,  qui  ont  la  liberté  de  commercer  au  Tapon. 
Dans  certains  jours  de  1  année,  les  Marchands  Japonois  s'y  rendent  dfe  tou- 
tes les  parties  de  l'Empire.  Ce  Privilège,  ou  cette  faveur  fîngulîére,  n'efl 
accordé  depuis  long-tems  qu'aux  Chinois  &  aux  Hollandois;  mais  c'efl  avec 
les  plus  rigoureufcs  reflriflions.  Après  la  perfécution ,  dui  acheva  de  dé- 
truire, en  1638,  le  Chriflianifme  dans  toutes  ces  Ifles,  1  Empereur  établit, 
entre  plufieurs  Loix  nouvelles ,  que  le  Port  de  Nangafeki  ieroit  le  feul  ou- 
vert aux  Etrangers  ;  &  que  fi  quelque  Navire  étoit  forcé  par  les  tempêtes, 
ou  par  d'autres  accidens ,  de  chercher  un  abri  dans  quelque  autre  endroit 
de  rEmpire,  perfonne  n'auroit  la  permiflîon  de  defcendre  au  rivage,  mai» 
qu'immédiatement  après  le  danger,  on  continueroit  le  Voyage  jufqu'à  Nan- 
gafaki ,  fous  une  efcorte  des  Gardes- Côtes  du  Japon,  &  qu'en  arrivant, dam 
ce  Port,  le  Capitaine  rendroit  compte,  au  Gouverneur,  des  raifons  qui  lia 
auroient  fait  prendre  une  autre  route. 

Le  Port  commence  au  Nord  de  la  Ville.  Son  entrée  eft  fort  étroite, & 
n'a  que  peu  de  braffes  de  profondeur,  fur  un  fond  de  fable.  La  Mer  y  re- 
çoit quelques  Rivières ,  qui  defcendent  des  montagnes.  Enfuite  s'élargif- 
Tant ,  il  devient  plus  profond  ;  &  lorfque  fa  largeur  eft  d'environ  une  demie 
lieue,  il  tourne  au  Sud-Oueft  pendant  l'efpace  d'une  lieue,  le  lonç  d'une 
Côte  élevée.  Il  ne  cefle  point  alors  d'avoir  environ  un  quart  de  lieue  de 
largeur,  jufqu'à  l'Ille  de  Taka-Jama^  ou  Taka-Boko^  qui  forme  une  haute 
Montagne.  Les  Hollandois  la  nomment  Papenberg.  Tous^les  Vaiflèaux  de 
leur  Nation  ,  qui  doivent  faire  voile  de  Nangafaki  à  Batavia,  jettent  l'an- 
cre ordinairement  près  de  cette  Ifle,  pour  attendre  roccafion  de  fortir  du 
Havre,  au  travers  de  quantité  de  bancs  de  fable,  de  bas-fonds  &  de  ro- 
chers 


(P)  l'a? 


195  &  précédentes, 
uatre  autres  font  Meaco,   dSins 
e  Jamafijra;  Jedo,  dans  la  Pro- 
vince de  Mufaji  ;  Ofacka ,  dans  la  Province 


'     iq)  Les  Quatre  autres  font  Meaco, 
la  Province  d  ' 


de  Sitz  ;  &  Sakai ,  dans  la  Province  de  Jaf- 
J'umi  i  t,)Utes  quatre  diuis  là  grande  Ifle  de 


Nipon.    Voyez  la  Defcrfptiongénéralc. 

(r)  On  fuit  ici  l'ufage  de  nôtre  Langue, 
qui  eft  d'écrire  Nfuiga^ki ,  quoique  Kœmp- 
fcr  mfliire  qu'il  faut  écrire  Nagajaki,  mxs> 
que  quelquefois  ,  dit  il,  on  prononce  K^l-" 
gafaki.    Tome  II.  pag.  85% 


lens ,  on  ao» 

:  leur  Tccond 
jettera  point 
IX  mois,  qui 
is  Tes  foins  à 
iont  il  donne 

ntes  de  VEm- 
,  dans  un  ter. 
iontagnes,  é. 
pour  le  Corn- 
nédiocrement 
Tes  Habitani 
Cependant  fa 
ez-vous  com^ 
:er  au  Japon. 
ndent  de  tou- 
gulîère,  n'eft 
nais  c'ell  avec 
cheva  de  dé> 
tereur  établit, 
)it  le  feul  ou- 
ïes tempêtes, 
autre  endroit 
rivage,  tnait 
;  jufqu'à  Nan- 
arrivant,  dans 
raifons  qui  lui 

jrt  étroite,  & 

aZ  Mer  y  re- 
uite  s'élargif* 
on  une  demie 
e  lonç  d'une 
t  de  heue  de 
ne  une  haute 
Vaifleaux  de 
jettent  l'an* 
de  fortir  du 
[ids  &  de  ro- 
chers 

ingénéralc. 
nôtre  Langue, 
quoique  Ksmp- 
Nagajaki,  maii 
proiiouce  ^'iii'-" 


cherJ, 

cile.    Il 
paflant 
reraarqu 
Baftiofts 
à  Defim 
tre,  à  u 
y  compr 
de,  pou: 
obtenu  1 
Port,  oi 
voyé  de 
trouve  ri 
compter 
A  l'égan 
ver,  Il 
Navires 
parcequ 
régulière 
quelle  ils 
ge  eft  ai 
commani 
gile  moll 
&  demie 
La  p( 
de  Latit| 
eft  placé 
tournant 
elle,  dai 
Elle  eft  1 
vers  l'El 
longueui 
Tue  prin 
Les- moi 

le  de  Nai 
A.  Lieu  ( 


y.    y.  SMey     <i>Y-.i 


B. 
C. 

D. 
E. 

F. 
G. 

Il 


reur. 

LaPr 

Dénie 

Deme 

Teinp 

fa  den 

Maifo 

Lieu  < 

fept  C( 

Autre 


•     '     I 


.  iîur-- 


h 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


Sop 


chers,  qui  tétide&c  le  pafTage  de  'ce  Détroit  également  dangereux  &  diffi- 
cile.    Ils  doivent  gouverner  à  rOuefl,  laiflant  la  Ten-e  du  côté  droit,  & 
paflant  entre  de  petites  Ifles  pour  arriver  à  la  pleine  Mer.     Kaempfer  a  fait 
remarquer,  à  Ton  arrivée,  que  toutes  les  Côtes  du  Havre  font  garnies  de 
Basions,  mais  la  plupart  fans  Artillerie.    Il  fut  alTuré ,  pendant  fon  féjour 
à  Defima,  que  les  deux  Gardes  Impériales,  qui  Ibnt  vis-à-vis  l'une  de  l'au- 
tre, à  une  demie  lieue  de  la  Ville,  font  chacune  de  fept  cens  hommes,  en 
y  comprenant  néanmoins  ceux  qui  font  en  faélion  dans  les  Barques  de  gar« 
de,  pour  empêcher  les  Navires  étrangers  de  jetter  l'ancre,  fans  en  avoir 
obtenu  la  permiffion.     Ptès  de  Papenberg,  où  commence  proprement  le 
Port,  on  rencontre  une  petite  Ille,  où  le  dernier  Navire  Portugais,  en- 
voyé de  Macaô  au  Japon  ;  fut  brûlé  avec  toutes  fes  marchandifes.    Il  fe 
trouve  rarement  moins  de  cinquante  Bâtimens  Japonois  dans  le  Port ,  fans 
compter  un  grand  nombre  de  petites  Barque»  &  de  Bateaux  pour  la  pêche. 
A  l'égard  des  Vaifleaux  étrangers,  fi  Ton  excepte  quelques  mois  de  l'Hy- 
ver,  il  eft  rare  auffi  qu'il  y  en  ait  moins  de  trente ,  la  plupart  Chinois.  Les 
Navires  Hollandois  n'y  féjournenc  jamais  plus  de  trois  mois  en  Automne, 
parcequ'alors  le  vent  de  Sud  ou  d'Oueft ,  avec  lequel  ils  font  venus,  tourne 
régulièrement  au  Nord.    C'efl  la  Mouflon  du  Nord-Eft,  à  la  faveur  de  la- 
quelle ils  doivent  reeournejr  dans  leurs  Ports.    Le  lieu  ordinaire  du  mouilla- 
ge eft  au  bout  de  la  Baye ,  à  une  portée  de  moufquet  deia  Ville.    Il  eft 
commandé  paT  les  deux  Gardes  Impériales.    On  y  jette  l'ancre  fur  une  ar- 
gile molle,  à  fix  braflTes  de  profondeur,  dans  la  haute  marée,  &  à  quatre 
&  demie  lorfqu'elle  eft  bafle  (x)  (f)^ 

L  A  pofition  de  la  Ville  eft  au  trente-deuxième  degré  trente-fix  minutes 
de  Latitude  an  Nord,  <&à  cent  cinquante-un  degrés  de  Longitude.  Elle 
eft  placée  au  fond  dp  Port>  dans  Fendroàt  oït  il  a  plus  de  largeur,  &  où, 
tournant  au  Nord ,  il  ferme  un  rivage  en  demi  <iercle.    Auflî  repréfente-t- 


montagnes 
longueur  eft  dé  trois  quarts  de  lieue,  à-peu-près  fur  la  même  largeur.    La 
Tue  principale  &  la  plus  large,  s'étend  dans  toute  la  longueur  de  la  vallée. 
Les- montagnes^  qui  l'environnent,  ne  font  pas  fort  hautes  i  mais  ia  plupart 


n-'?it>Vj;  itl      .i:->iuiJ.'rfi:<j    : 'ui  nj;';]-^ '!    font 


■'6 

.t.., 


(j)  Tome. II.  pdg.  79, 
C »3  Renvois  du  P[aa  du  Port  &  de  la  Vil- 
le de  Nangafaki.  " 

A.  Lieu  où  s'affichent  les-  Edits  de  l'Empe- 
reur. ........        ..  „,..,:•     i 

B.  La  Prifon.    1  ^\-    r-M:'  -:  <;•.  r-    kl  'O 

C.  Denieiired'un  des  Gouverneurs..   ,:,q    ' 

D.  Demeure  dé  l'autre  Gouverneur.         '  "' 

E.  Temple  où  le  troifième  Gouverneur  fait 
fa  demeure  quand  il  eft  à' Nangafaki. 

F.  Maifon  des  Infpefteurs  du  Port.        •  ;■■  t 

G.  Lieu  où  fè  tient  une  Garde  Impériale  de 
fept  cens  hommes. 

II.  Autre  lieu  où  fe  tient  pareille  Garde. 


L    Demeure  des  Hollandois  à  Defima.        \ 

K.  Corpâ-de^Garde. 

L.  Lieu  où  fe  mettent  les.  VaiflTeaux  Hollan. 

dois. 
M.  Port  des  Chinois. 

N.  Demeure  des  ChinoiSi  ;  •'  ' 

.  O.  Entrée  du  Port. 
'  P;   Lieu  deftiné  à  brûler  Içs  Vaiflèaux  en- 

nemis.    ■ 
Q. Tond  du  Port,  où  il  n'y  a  que  très-pru 

d-eau..- 

R.  Magafins  où  l'on  garde  les  canons  &  la 

poudre. 
S.  Montagnes  qui  font  toutes,  habitées.. 

Qq  3. 


KaMPPEiu 
1691. 


Nombre  de 
Vaiflcuux  qui 
s'y  trouvent» 


ff)-j  ■  ■ 

Situr.fîoft 
de  la  Vilic. 


Ses  environs» 


'  '        J.   y.  SMey    'àre.v 


K 


Tfa.f''-',-^ig*-'  ^<«w»-   -*. 


XHE  LA  VlI^I^E  i:t  du  Port\ 

DE  JVaivgasaki 
Grokd     tekening 

Ivan  de  STAD  en  de  HAVEN 

VAN  Nangasaki. 


310 


VOYAGE    DE    KiEMPFE  R  t 


:-t('  «■t-**#'*  <*(■■  ■ 


Kxmrn.  font  roides;  &  leur  verdure,  qui  n'eft  pas  interrompue  jufqu*att  fommet 
1691.  forme  un  point  de  vue  très -agréable.  Derrière  la  Ville,  fur  le  panchant 
des  montagnes ,  on  voit  plulieurs  l'emples  magnifiques ,  ornés  de  beaux 
jardins  &  de  terraffes.  Au-deflus ,  on  trouve  une  infinité  de  Sépultures  ■ 
&  la  perfpeflive  efl  fermée,  plus  loin,  par  d'autres  montagnes  beaucoup 
plus  hautes,  mais  fertiles  âc  bien  cultivées.  Cette  difpofuion  enchanta  les 
yeux  de  Kaempfer  (v).  Il  nomme  quelques  lieux  remarquables  aux  envi- 
rons. Fucafori  eft  un  agréable  Village ,  au  Sud-Oueft,  à  deux  petites  lieues 
d'Allemagne,  de  la  Ville,  avec  un  petit  Fort  où  réfide  un  Bugio,  qui  gou. 
verne  ce  Canton  pour  le  Frince  de  Fifen.  Ce  lieu  fournit  du  bois  de  chauf- 
fage à  la  Ville.  Affez  près  du  même  Village,  on  trouve  un  grand  Lac, 
auquel  on  attribue  cette  vertu  fingulière,  que,  tout  entouré  qu il  ell  d'ar- 
bres, on  ne  voit  jamais,  fur  l'eau,  de  feuilles  ni  d'ordures.  Les  Japonoit 
font  honneur  de  cette  propriété ,  au  Génie ,  Prote£leur  du  Lac  ;  oc  leur 
refpe£l  va  fi  loin ,  qu'il  eft  défendu  d'y  pêcher  fous  de  rigoureufes  peines. 
Au  Nord  de  Nangafaki  eft  la  Ville  à'Omura ,  Domaine  d'un  Prince  du  mê- 
me nom,  &  fituée  fur  un  Golfe  qui  en  tire  auffi  le  fien.  Quelques  lieues 
plus  loin,  on  trouve  à  l'Eft,  fur  la  Baye  de  Simara,  la  Ville  d'IJafaiy  qui 
appartient  au  Prince  de  Fifen. 
D'ohelle  Nangasaki  doit  fon  nom  à  fes  anciens  Seigneurs ,  qui  l'ont  poiTedéc 
tire  fon  nom,  Je  père  en  fils,  avec  tout  fon  diftrift,  depuis  Nangafaki' Kotavit  premier  de 
dle?eT"'  ce  nom,  jufqu'à  Nangafaki  -  Sijn  -  Seijemon  ,  pendant  douze  générations, 
aggraiidie.  On  montre  encore,  derrière  la  Ville,  au  fommet  d'une  colline,  les  mafures 
de  leur  ancienne  demeure.  Le  dernier  Seigneur  de  cette  race  étant  mort 
fans  enfans ,  la  Ville  &fe8  dépendances  tombèrent  fous  la  poOeffion  du  Prin- 
ce d'Omura.  Kœmpfer  compte  environ  deux  cens  ans,  depuis  cette  révo- 
lution. Nangafaki  n'étoit  qu'un  miférahle  Hameau,  qui  fervoit  de  retraite 
à  quelques  Pécheurs  :  on  l'appelloit  fuca-Irije ,  c'eft-à-dire  la  longue  Bayt, 
pour  le  diftinguer  du  Village  de  Fucafori ,  qui  fignifie  long  Etang.  Le  nou- 
veau Seigneur  de  Fuca-Irije  changea  ce  nom  pour  celui  de  Nangafaki,  à 
l'honneur  des  anciens  Maîtres  ;  &  fes  foins  en  firent  infenfiblement  un  gros 
Bourg ,  jufqu'à  la  première  arrivée  des  Portugais  au  Japon.  Cette  Nation 
jouit,  pendant  quelque«tenis  de  la  liberté  du  Commerce,  aux  mêmes  con- 
ditions que  les  Chinois ,  qui  négocioient  dans  ces  Ifles.  On  ne  leur  avoit 
a(Tigné  aucun  Port  particulier.  Ils  avoient  la  liberté  de  s'arrêter  dans  /es 
lieux  qu'ils  trouvoient  les  plus  commodes.  Leurs  premiers  EtablifTcmens 
furent  dans  la  Province  de  Fifen ,  kFakuda,  Village  de  l'Ifle  de  Firando, 
vers  l'entrée  du  Havre  de  Nangafaki ,  qui  étoit  alors  fous  la  prote£lion  du 
•  Prince  d'Omura.  Le  fécond  fut  au  Village  de  Fucafori.  Dans  ces  deux 
lieux,  &dans  plufieurs  autres  où  ils  contmuèrent  de  s'établir,  leurs  foins 
s'étant  partagés  entre  le  Commerce  &  h  Propagation  de  l'Evangile,  ils 
réuffirent  avec  tant  de  bonheur,  que  le  Prince  d'Omura  fe  déclara  ouverte- 
ment pour  la  Religion  Chrétienne,  &les  prefia  de  venir  s'établira  Nan- 
gafaki. Ce  Bourg  étoit  devenu  fi  confidérable,  qu'il  contenoit  déjà  vingt- 
trois  rues.  Elles  compofenc  aujourd'hui  la  partie  de  la  Ville,  qui  fe  nom- 
me 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


S" 


jne  UtfimatXf  c'eft-à-dire  le  Ctntre.    Aulfi-tôt  que  les  Portugais  y  furent  les 


Maîtres,  la  commodité  du  Havre  y  attira,  pour  le  G>mmerce,  un  grand 


KXMPTER. 

1691. 
nombre  de  Japonois  &  de  Chinois,  qui  prirent  le  parti  de  s'y  arrêterr   La     LesPortu- 
vieille  Ville  nefuffifant  pas  pour  les  contenir,  on  bâtit  de  nouvelles  rues,  ^f^f'^''^' 
qui  furent  diftinguées  par  les  noms  des  Provinces  &  des  Villes ,  d'où  leurs 
principaux  Habitans  étoient  venus.     Telles  font  celles  de  Bungomatz ,  J'e- 
domatz^  Kabafimamatz,  Firandomatz^  Omuramatz  &  Sitnahgramatz.     AinCi      Ils  en  font 
Nangafaki  devint,  par  degrés,  une  Ville  fort  grande  &  fort  peuplée.  Mais  viSévient 
l'Empereur  s'allarma  bien-tôt ,  de  voir  une  Place  de  cette  importance  entre  un  Domaine 
les  mains  des  Etrangers;  &  prenant  occaHon  de  quelques  mëcontentemens  de  l'Empire. 

3u'il  reçut  des  Portugais,  non-feulement  il  leur  en  ôta  la  polVelTton,  mais  il 
épouillale  Prince  d'Omura,  de  fa  jurifdiétion  &  de  fes  revenus,  quifu* 
rent  annexés  au  Domaine  de  l'Empire  (x). 

La  Ville  de  Nangafaki  eft  ouverte,  comme  la  plupart  des  autres  Villes      Difpofitlon 
du  Japon.     Elle  eft  fans  Château ,  fans  murailles ,  lans  fortifications  &  fans  J5^'''-'Jî'5'*^ 
aucune  défenfe.    Trois  Rivières ,  d'une  fort  belle  eau ,  qui  ont  leur  four-  ^"'^*"""- 
ce  dans  les  njontagnes  voifines ,  fe  réunifient  à  l'entrée  de  la  Ville ,  pour  |a 
traverfer  de  l'Eft  à  l'Oueft.    Pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année,  elles 
ont  à  peine  aflfez  d'eau  pour  arrofer  les  champs  de  riz  &  pour  faire  tourner 
quelques  moulins;  mais,  dans  la  faifon  des  pluyes,  elles  grofilifient,  jufqu'à 
devenir  capables  d'entraîner  des  maifons.    Toute  la  Ville  efl:  diviCée  en 
deux  parties;  celle  d'Ut/imatz,  ou  la  partie  intérieure,  qui  eft  compofée 
aujourd'hui  de  vingt-fix  rues;  &  celle  qui  Ce  nomme  Sottomatz ^  ou  Ville 
extérieure,  qu'on  peut  regarder  comme  les  Fauxbourgs,  &  qui  contient 
foixante  &  une  rues.     La  plupart  font  irrégulières ,  étroites  &  mal  propres. 
Les  unes  montent,  d'autres  defcendent.     Quelques-unes  des  plus  roides 
font  compofées  de  marches  de  pierre,  pour  rendre  le  chemin  plus  commo-  • 
de.     Elles  font  féparées,  l'une  de  l'autre,  par  deux  portes  de  bois ,  une  à 
chaque  bout,  qui  fe  ferment  toutes  les  nuits ,  &  fouvent  pendant  le  jour, 
lorfque  cette  précaution  eft  néceflaire.     Chacune  a  ,  comme  Jedo ,  Meaco 
&  la  plupart  des  grandes  Villes ,  fon  réfervoir  d'eau ,  avec  tous  les  inftru- 
mens  qui  peuvent  être  employés  contre  le  feu.     L'échelle ,  qui  fert  à  mon- 
ter dans  ce  lieu ,  eft  fous  la  direÛion  de  l'Officier  qui  commande  dans  la  rue. 
Jamais  les  rues  du  Japo.i  ne  font  d'une  exceffive  longueur.    Elles  ne  font 
pas  toutes  d'anT/joo  Japonois,  qui  eft  la  mefure  de  foixante  Kins^  ou  braf- 
les,  quoiqu'elles  ayent  emprunté  leur  nom  de  cette  mefure.     A  l'égard  du 
nombre  des  maifons ,  il  eft  rarement  de  plus  de  foixante  dans  une  rue.  Cel- 
les du  Peuple  font  de  miferàbles  bâtimens.     Elles  font  petites ,  bafles ,  & 
rarement  de  plus  d'un  étage.    A  Nangafaki,  l'ameublement  eft  tel  qu'on 
Va repréfenté  dans  la  Defcription  de  Meaco,*  c'eft-à-dire  un  lambris,  ta- 
pifle  de  papier  peint;  des  nattes  d'un  tifiTu  fort  épais,  fur  le  plancher;  des 
paravents  de  papier ,  qui  divifent  les  chambres  ;  &  peu  d'autres  uftenciles , 
que  ceux  qui  font  nécefiaires  pour  les  befoins  journaliers  de  la  cuifine.   Cha- 
que maifon  a,  par  derrière,  une  cour  de  décharge,  ordinairement  aflez 
grande  pour  contenir  quelques  plantes  agréables  i3e  curieufes ,  qu'on  y 

en- 

(x)  Pag.  8s  &  précédentes. 


K^MPFfiR. 

Edifices  pu- 
blics, noiH- 
inés  Janagura. 


y': 


Môieis  des 
Seigneurs. 


Quartier 
dcsEtrangers. 


Ille  de  De- 
fima,  ou 
Quartier  des 
Hollandois. 


SX2  .  V  O  Y  A  G  E    D  E  *K  iE  M  P  F  E  K\a  ' 

entretient  avec  foin.  Les  maifons  des  perfonnes  riches  font  beaucoup 
mieux  difpofées.  Elles  ont  deux  étages ,  avec  une  avant-cour,  &  un  jardin 
par  derrière. 

Mais  les  Edifices  remarquables  de  Nangafaki,  font  ceux  qui  portent  le 
nom  de  janagura.  Ils  appartiennent  à  l'Empereur.  On  en  diftingue  cinq 
principaux ,  qui  font  de  grands  Bâtimens  de  bois ,  dans  la  partie  fepten- 
trionalc  de  la  Ville,  &  près  du  rivage,  où  l'on  garde  trois  grandes  Jon- 
ques  Impériales,  c'ell-à-dire  trois  Vailtcaux  de  Guerre,  avec  tous  leurs 
agrets.  2**.  hsTen-Sioguray  ouleMagafm  à  poudre,  fitué  auffî  fur  le  ri- 
vage, vis-à-vis  de  la  Ville;  mais  on  en  fait  peu  d'ufage,  depuis  qu'une 
jufte  précaution  a  fait  bâtir,  fur  une  colline  voifme ,  de  grandes  voûtes  ou 
l'on  garde  la  poudre.  3**.  Les  Palais  des  trois  Gouverneurs,  qui  font  dans 
l'enceinte  de  la  Ville.  Ils  occupent  un  terrain  confidérable  &  plus  élevé 
que  celui  des  autres  rues.  Les  Edifices  en  font  propres ,  uniformes ,  &  d'é- 
gale hauteur.  On  entre,  dans  les  cours,  par  des  portes  fortifiées  &  bien 
gardées.  4".  Outre  ces  Palais ,  qu'on  peut  nommer  des  Bâtimens  publics, 
la  Ville  eft  embellie  d'environ  vingt  Hôtels,  des  Dai-Mio  &  des  Sio-Uk 
Le  premier  de  ces  deux  noms  efl:  celui  des  Grands  du  premier  Ordre,  & 
l'autre ,  de  ceux  d'un  moindre  rang.  Ce  font  les  Seigneurs  des  principales 
Terres  de  Kiusju,  qu'on  nomme  auffi  Saikokf,  où  la  Ville  de  Nangafaki  ell 
fituée.  Quoiqu'ils  n'y  viennent  pas  fouvent,  quelques-uns  de  leurs  Officiers 
y  réfîdent  toujours ,  pour  veiller  aux  intérêts  de  leur3  Maîtrçs. 

Les  Etrangers  demeurent  hors  de  la  Ville,  dans  des  quartiers  féparés, 
où  ils  font  obier vés  &  gardés  avec  beaucoup  de  rigueur.  .  Les  Chinois,  ou 
d'autres  Orientaux ,  qui  profefFent  la  même  ReUgipn ,  &  qui  négpcient  fous 
ie  même  nom ,  font  établis  derrière  la  Ville,  fur  une  éminence.  Leur  quar- 
tier eft  entouré  d'une  muraille,  &  porte  le  nom  àe  Jakuijny  c'eft-à-dire 
Jardin  de  Médecine ,  parcequ'autrefois  on  y  en  vpyoit  uiv  Jl  fe  nomme  auffi 
DJîu/ensjUy  nom  tiré  des  Obfervateurs  qui  font  employés,  fur  les  collines, 
à  donner  avis,  aux  Gouverneurs,  de^  Vaifleaux  étrangers  qu'ils  voyentar- 
riverdans  Je  Port. 

On  a  déjà  fait  remarquer  que  les  Hollandois-  ont  leur  habitation  dans  une 
petite  Ifle,  qui  fe  nomme  Z)^^/«fl ,  c'eft-à-dire  Yljle  avancée ^  ou.  fituée  devant 
la  Ville.  Les  Japonois  la  nomment  quelquefois  auffi  Defimamatz',  c'efl-à- 
dire  Rue  de  l'IJle  de  devant  ^  parcequ'elle  eft  comptée  au  nombre  des  rues  de 
Nangafaki ,  &  fujette  aux  mêmes  Réglemens.  Elle  eft  fort  proche  de  la 
Ville,  entre  des  rochers  &  des  fables,  au  milieu  defquels  elle  a  été  élevée 
par  art,  à  la  hauteur  d'une  demie  toife  au-deiTus  de  la  pleine  marée;  & 
les  fondemens ,  hauts  d'environ  deux  toifes ,  font  de  pierre  de  taille. 
Kœmpfer  la  compare  à  un  éventail,  dont  on  auroit  coupé  le  manche.  C'eft 
un  quarré  oblong,  dont  les  deux  grands  côtés  font  des  fegmens  de  cercle. 
Elle  eft  jointe  à  la  Ville  par  un  petit  pont  de  pierre,  de  quelques  pas  de 
longueur,  au  bout  duquel  les  Japonois  ont  un  bon  Corps-de-Garde,  avec 
des  Soldats  fans  ceiFe  en  faélion.  Au  côté  feptentrional  font  deux  groffes 
portes,  qu'on  nomme  le5  Portes  d'eaw,  &  qu'on  n'ouvre  jamais,  que  pour 
charger  &  décharger  les  Vaifleaux  Hollandois,  à  la  vue  d'un  certain  nom- 
bre de  Commiffaires  nommés  par  les  Gouverneurs.    Toute  l'Ifle  eft  en- 

.  tourée 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  3x5 

tourée  de  planches  defapin,  médiocrement  cxhaufTées,  &  couvertes  d'un 
petit  toît,  dont  le  fommet  ell  bordé  d'un  double  rang  de  piques,  en  forme 
de  cheval  de  fri(e;,foibledéfenre,  obferve  KaBmpfer,  dans  un  cas  d'atta- 
que. A  quelques  pas  des  bords ,  &  dans  l'eau ,  les  Japonois  ont  planté 
treize  poteaux  fort  élevés,  avec  de  petites  planches  au  fommer,  qui  con- 
tiennent ,  en  grands  caraélères ,  une  défenfe  à  toutes  fortes  de  Vaifleaux 
&  de  Bateaux ,  de  pafler  les  poteaux  &  d'approcher  de  l'Ifle.  Devant  le 
pont,  du  côté  de  la  Ville,  on  voit  un  autre  pillier,  de  pierre  de  taille,  où 
l'on  affiche  les  Edits  de  l'Empereur ,  &  les  Ordres  des  Gouverneurs.  Mais 
on  lit  conftamment ,  fur  deux  planches,  un  Ordre  qui  concerne  la  Garde; 
avec  un  autre,  qui  regarde  les  Officiers  de  Defima,  &  tous  ceux  que  leurs 
jiFaires  obligent  d'entrer  dans  l'Ifle  ou  d'en  fortir. 

On  donne,  à  l'ille  de  Defima,  fix  cens  pieds  de  longueur  &  deux  cens 
quarante   de  largeur.     Kaempfer    a  trouvé,  dit -il,  en  la  mefurant  avec 
ibin ,  que  fa  largeur  efl  de  quatre-vingt-deux  pas  communs,  &  fa  plus  gran- 
de longueur  de  deux  cens  trente-fix.     Elle  ell  coupée,  dans  fa  longueur, 
par  une  large  rue;  mais  on  en  peut  faire  le  tour,  par  un  petit  chemin,  qui 
règne  le  long  des  planches,  dont  elle  ell  environnée,  &qui  peut  être  fer- 
mé dans  le  befoin.    Les  eaux  des  goutières  s'écoulent  dans  la  Mer  par  des 
tuyaux  étroits  &  recourbés,  auxquels  on  a  donné  cette  forme,  pour  em- 
pêcher que  rien  ne  forte  de  l'Ifle  en  cachette.    La  rue  efl:  bordée  de  mai- 
Ibns ,  dans  toute  fa  longueur.     Elles  ont  été  bâties  aux  dépens  de  quelques 
Habitans  de  Nangafaki,  auxquels  les  Hollandois  doivent  encore,  ou  à  leurs 
Héritiers ,  en  vertu  du  Contrat  primitif,  une  rente  annuelle  de  fix  mille 
cinq  cens  Siumomes;  prix  qui  excède,  fuivant  Kaempfer,  le  capital  de  la 
valeur  réelle.     Elles  font  bâties  de  bois ,  fur-tout  de  fapin  ;  à  deux  étages , 
dont  le  plus  bas  fert  de  Magafin.     Les  autres  Bâtimens  de  l'Ifle  font  trois 
Corps-de- Garde,  un  à  chaque  bout  dellfle,  &  Je  troifième  au  milieu;  un 
lieu  proche  de  l'entrée ,  où  l'on  tient  les  inllrumens  nécelfaires  pour  étein- 
dre le  feu  ;  &  de  petits  puits ,  qu'on  a  creufés  pour  le  même  ufage.    Toute 
l'eau,  dont  on  fe  fert  dans  les  maifons,  vient  de  la  Rivière  qui  traverfe  la 
Ville,  par  des  tuyaux  de  bambous,  &  fe  jette  dans  un  réfervoir  commun; 
mais  cette  commodité  eft  un  article  que  les  Hollandois  payent  à  part.     La 
Compagnie  des  Indes  a  fait  bâtir  à  fes  fraix,  derrière  Ja  grande  rue,  une 
Màiibn  deflinée  à  la  vente  de  fes  marchandifes,^&  deux  Magafins,  à  l'é- 
preuve du  feu  ;  une  grande  Cuifine  ;  une  Maifon  pour  les  Direéleurs  de  fon 
Commerce;  une  Maifon  pour  les  Interprêtes,  qui  ne  font  employés  que 
dans  le  tems  des  ventes;  un  Jardin  de  plaifance;  un  Bain  &  quelques  au- 
tres commodités.     L'Octona,  ou  le  Chef  Japonois  de  la  rue,  y  occupe  une 
Maifon  commode ,  avec  un  Jardin.     On  a  laifle  une  place  vuide,  où  l'on 
dève  des  Boutiques,  pendant  que  les  Navires  Hollandois  font  dans  lePort^  ■> 
KiïMPFER  compta  foixante-deux  Temples  dans  la  Ville  &  aux  dehors; 
cinq  des  Sinjîa,  confacrés  aux  anciennes  Idoles  du  Pays;  fept  des  ^amma- 
hos,  qui  font  les  Prêtres  des  montagnes  ;  &  cinquante  à  l'honneur  des  Idoles 
étrangères ,  dont  le  culte  s'efl:  introduit  au  Japon.     Vingt- neuf  des  derniers 
font  hors  de  la  Ville,  fur  le  panchant  des  collines;  &  ne  fervent  pas  moins 
au  divertilfement  public  qu'aux  exercices  de  la  Religion  ;  ils  font  accom- 
XI  F.  Fart.  Rr  pagnes 


KiBMPPOk. 


SH 


VOYAGE    DE    KiEMPÏ^ER 


KMWtE». 
1  dp  I. 


Tcniplrs 
Chinois  de 
^iang;uaki. 


Leur  ufage. 


Singularités 
de  leur  fonda- 
tion. 


pagnes  de  jardins  agréables,  de  belles  allées,  &  de  grands  appartcmens. 
Ce  font  les  plus  beaux  Edifices  de  Nangafaki ,  par  l'agrément  de  leur  fituai 
tion ,  qui  leur  donne  une  vfte  libre  fur  la  Ville  &  fur  le  Port.  Kacmpfcr 
s'étend  beaucoup  fur  la  defcription  de  ces  Temples  &  de  leur  culte  ;  mais 
remettant  quelques  -  unes  de  les  obfervations  à  l'Article  général  des  Relj. 
gions  Japonoifes,  on  ne  s'attache  ici  qu'aux  Temples  des  Chinois,  qui 
appartiennent  à  cette  Defcription ,  comme  une  des  principales  fingularités 
de  Nangafaki. 

Les  Chinois  y  ont  trois  Temples,  également  remarquables  par  la  beau. 
té  de  leur  ftruélure ,  &  par  le  nombre  des  Prêtres ,  ou  des  Moines ,  qui  font 
entretenus  pour  le  fervice  des  Autels.  Ils  font  proprement  de  la  Se6le  de 
Serif  quoiqu'ils  foyent  ornés  d'Idoles  &  d'Imag'.'S  Chinoifes,  de  grandeur 
naturelle.  On  voit ,  dans  les  cours ,  de  beaux  arcs  de  triomphe  <k  divers 
autres  ornemens  d'une  forme  étrangère.  Les  Chinois ,  &  d'autres  Mar- 
chands qui  trafiquent  fous  leur  nom ,  quoique  leur  langage  foit  différent , 
ont  fondé  ces  Temples  après  l'extirpation  totale  du  Chriltianifme ,  pour  y 
exercer  librement  leur  culte ,  &  pour  y  dépofer  les  Idoles  de  leurs  Navirej. 
Aufli-tôt  qu'ils  font  entrés  dans  le  Port  de  Nangafaki ,  les  Idoles  font  por^ 
tées  à  terre,  &  placées  dans  des  Chapelles,  qu'on  a  bâties  exprès  au  vuifi. 
nage  du  grand  'l'emple.  Cette  cérémonie  fe  fait  avec  des  formalités  fin* 
guliéres ,  au  bruit  des  tymbales  &  des  tambours.  Elles  font  répétées ,  lorf» 
qu'au  départ  des  Jonques ,  on  y  reconduit  les  Idoles. 

Ces  Temples,  ou  ces  Monaftères,  portent  le  nom  du  Pays,  ou  delà 
•Province  de  leurs  Fondateurs ,  avec  une  épithéte  qui  exprime  leur  richeffe. 
Le  plus  grand  fe  nomme  Nankindira^  c'efl-à-dire,  Temple  de  la  Ville  deNm- 
quin^  C'ell  le  premier  qui  fut  bâti  au  Japon.  On  ajoute,  à  ce  nom ,  celui 
de  Koofukujif  qui  fignifie,  Temple  de  l'Opulence  établie.  2".  Tfiaksjudira  é 
le  Temple  du  Pays  d'^imos,  par  lequel  il  faut  entendre,  fuivànt  Kaempfer, 
les  Provinces  Méridionales  de  l'Empire  de  la  Chine.  Les  Chinois ,  qui  habi- 
tent rifle  Formofe ,  &  qui  font  établis  dans  d'autres  Pays  éloignés  de  la 
Chine',  dépendent  de  ce  Temple.  Le  Matfuji^  ou  le  Monajière  fubof' 
donnée  eft  fous  la  direftion  du  Supérieur  du  grand  Temple.  L'épithéte, 
ou  le  fécond  nom  de  ce  Temple,  efl:  Fukufi^  c'eft-à-dire",  Temple  des  Ri- 
ches.  3".  Fokfiudira  eft  le  Temple  des  Pays  Septentrionaux.  Il  fut  fondé 
par  les  Chinois  des  Parties  Septentrionales ,  qui  continuent  d'en  dépen- 
dre. Son  autre  nom  eft  Fuku-faiji;  c'eft-à-dire,  Temple  des  tkhejfes^ 
des  offrandes. 

Les  trois  Monaftères  n'étoient  anciennement  habités  que  par  des 
Prêtres  Chinois ,  entretenus  aux  dépens  de  leur  feule  Nation.  Mais  de- 
puis qu'on  a  fermé  l'Empire ,  &  que  les  Réglemens  font  devenus  fort  fé- 
vè?es  pour  les  Marchands  étrangers ,  on  ne  fouflfre ,  dans  chaque  Mo- 
naftère,  que  deux  Chinois  de  naiffance,  qui  tirent  leur  entretien  de  la 
contribution  volontaire  de  leurs  Compatriotes,  &  des  droits  qui  leur  re- 
viennent de  leurs  prières.  Si  ces  libéralités  ne  fuffifent  pas,  ils  atten- 
dent le  refte  de  la  bonté  de  l'Empereur.  Les  trois  Supérieurs  relèvent 
immédiatement  d'un  Général  pris  de  leur  Corps ,  dont  la  réfidence  eft  près 
de  Meaco ,  fur  la  Montagne  d'Obaku.     Ce  Chef  du  Paganifrae  étranger 

prend 


^  DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON.  Liv.  IV.  315 

prend  la  qualité  de  troifiéme  Succefleur  du  Siège  d'Ingen ,  dont  Kxmpfcr 
raconte  rhiftoire. 

Incen  écoit  Souverain  Pontife  de  la  Chine,  &  vingt-huitième  Succcf- 
feiir  de  Siaka ,  Fondateur  de  fa  Religion.  Un  zèle  ardent  pour  la  propaga' 
tien  de  cette  Se6le  ,  fa  tendreiTe  pour  les  Moines  de  la  même  foi ,  qui  de- 
meuroient  dans  les  trois  Monaltores  de  Nangafaki,  &  le  defir  d'afTurcr 
cet  Etabliflemcnt  contre  les  attaques  des  Mukunokokus  ^  nom  que  les  Seélai- 
rcs  donnent  aux  Chrétiens  &  à  tous  les  Adverfaires  de  leurs  opinions, To» 
bligèrent  de  réfigner  fa  Dip;nité  entre  les  mains  d'un  Succefleur,  &  de  paf- 
fer  au  Japon ,  pour  y  établir  un  premier  Siège  de  cette  Doftrine.  Il  y  fut 
reçu  avec  toutes  fortes  de  refpeft.  L'Empereur  lui  offrit,  pour  fon  fé. 
jour,  la  Montagne  d'ObaJcu.  Quelques  miracles,  qu'il  fit  prefqu'cn  arri. 
vant,  augmentèrent  l'opinion  de  fa  Sainteté.  Cependant  il  ne  put  per* 
fuader  à  tout  le  Clergé  Japonois,  qui  étoit  alors  divifé,  d'embrafler  Çc% 
principes,  &de  le  reconnoître  pour  Chef.  Il  eut,  pour  Succefleur,  un 
autre  Chinois,  nommé  Okuffi^  qui  fut  remplacé  par  un  Japonois,  fous  le 
titre  de  Supérieur  du  Couvent  dbe  la  Montage  d'Obaku,  6l  de  Général  des 
trois  Monaftères  Chinois  de  Nangafaki  (y). 

KiKMPFER  imite  ici  les  Japonois ,  dit-il,  en  paflTant,  des  Temples ,  aux 
Lieux  de  débauche.    11  donne  une  idée  fort  finguiière  de  cet  infâme  Quar- 
tier.   C'efl:,  de  toute  la  Ville  ,  celui  qui  contient  les  plus  jolies  mailons  ; 
toutes  habitées  par  des  Courtifanes.    Il  fe  nomme  Kajieinatz.    Sa  fituation 
cil  fur  une  éminence.    Il  confifte  en  deux  grandes  rues.     Dans  toute  l'Ifle 
de  Saikokf ,  on  ne  compte  que  deux  de  ces  lieux ,  que  les  Japonois  nom» 
ment  Mariam  ;  l'un ,  dans  la  Province  de  ïfikufen ,  &  celui  de  Nangafaki. 
Cette  Ifle  produit  les  plus  belles  femmes  du  Japon ,  à  l'exception ,  néan. 
moins ,  de  celles  de  Meaco ,  qui  les  furpaflent  encore.    Kaempfer  aflure  que 
les  Habitans  de  Nangafaki  peuvent  placer  leurs  filles  dans  le  Mariam,  lorfr 
qu'elles  ont  quelques  agrémens.    Elles  font  achetées  fort  jeunes  par  les 
Adminiftrateurs  de  cet  étrange  commerce,  qui  peuvent  en  avoir  Jufqu'à 
trente  dans  la  même  maifon.     Elles  y  font  fort  bien  logées.     On  les  forme 
ibigneufement  à  danfer,  à  jouer  des  inflrumens,  à  faire  des  billets  tendres; 
&  généralement  à  tous  les  exercices  qui  conviennent  à  leur  profefllon.   Le 
prix  de  leurs  faveurs  ell  fixé  par  les  Loix.    Celles  qui  fe  diflinguent  par 
des  qualités  extraordinaires ,  font  logées  &.  vêtues  avec  diftinftion.    Une 
des  plus  méprifables  doit  veiller ,  pendant  la  niiit ,  dans  une  loge ,  à  la  por- 
te de  chaque  maifon  ,  pour  la  commodité  des  Palfans  ;  le  payement  efl  la 
plus  petite  monnoye  du  Pays.     Celles  qui  fe  conduifent  mal,  font  con- 
damnées, par  punition,  à  faire  cette  garde.    La  plupart  de  ces  filles  fe 
marient,  après  le  tems  de  leur  fervice.    Elles  en  trouvent  d'autant  plus 
facilement  l'occafion  ,  qu'elles  ont  été  bien  élevées;  &  l'opprobre  de  leur 
jeunciTe  ne  tombe  que  fur  ceux  qui  les  ont  achetées  pour  corrompre  leur 
innocence.    AuflTi  rien  n'efl:-il  fi  méprifé  que  cette  efpèce  d'hommes.  Quoi- 
qu'ils amaflent  des  biens  confidérables ,  ils  ne  font  jamais  reçus  dans  la  fo- 
ciécé  des  honnêtes  gens.     On  leur  donne  l'odieux  nom  de  Katjuva^  qui 

fignitie 
(y)  Tom.  II.  Pag.  161  &  précédentes. 

Rr  2 


K«MPVEB. 
I  691. 

Pontife  dc« 
Chinois  au 
Japon. 


hlics  de  dé- 
bauclie. 


8xd 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


Chrétiens 
qui  font  enco- 
re- d;i;is  les 
piifons  de 
N'aii.';;\faUi. 


ComniciK; 
•  !s  y  ibmtrai- 


fignifie  Yordure  du  Peuple.  lU  font  mis  au  rang  de« Tanneurs  de  cuir,  c'eft-à- 
dire,  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  infâme  dans  l'idée  des  Japonois;  &  dans  l'exé- 
curion  des  Criminels ,  ils  font  obliges  d'envoyer  leurs  Domefliques,  pouj 
aflifter  les  Miniftres  de  la  Juftice  (z). 

G  OKU  j  A,  qui  fignifie  r£«/i?r ,  eft  le  nom  de  la  Prifon  publique.  CcO: 
un  Edifice,  au  centre  delà  Ville,  qui  confifte  dans  un  grand  nombre  de 
petites  chambres  fcparées,  où  l'on  renferme,  non-feulement  ceux  qui  ont 
commis  des  crimes ,  mais  encore  ceux  qui  font  foupçonncs  de  profefllr  k 
Religion  Chrétienne.  Obfervons,  pour  relever  fimportance  de  cet  Arti. 
cle,  que  cinquante-trois  ans  après  l'extirpation  du  Chriflianifme  au  Japon, 
Kaimpfer  nous  apprend  qu'il  en  refte  encore  d'affez  fortes  traces ,  pour  s'at- 
tirer l'attention  du  Gouvernement.  Pendant  qu'il  étoit  à  Nangafaki ,  on 
comptoit  plus  de  cinquante  Chrétiens  dans  cette  prifon  (a),  hommes,  fem- 
mes &  en/ans.  De  tems  en  tems,  on  yen  amenoit  quelques  autres.  En  1688, 
on  en  avoit  arrêté  trois.  „  Ces  pauvres  gens ,  pour  employer  les  termes 
de  Kaempfcr  ,  font  fort  ignorans  fur  la  Religion  Chrétienne.  Ils  n'en 
fçavent  guères  que  le  .jom  de  nôtre  Sauveur ,  &  celui  de  fa  bienheureu- 
fe  Mère.  Cependant  ils  y  font  attachés  avec  tant  de  zèle,  qu'ils  aiment 
mieux  mourir  miférablement  en  prifon ,  que  de  racheter  leur  liberté  par 
l'abjuration,  à  laquelle  on  les  follicite  fouvent.  Il  arriva,  pour  la  pre- 
mière fois,  en  1692,  que  trois  de  ces  Prifonniers  envoyèrent  de  j'ar- 
gent  aux  Temples  Idolâtres;  Les  Prêtres  ne  voulurent  point  le  recevoir, 
fans  la  participation  &  le  confentement  du  Gouverneur,  qui  n'ofa  déci- 
der  fur  un  point  fi  délicat ,  avant  que  d'avoir  reçu  des  inftruftions  de  la 
Cour.  Les  Chrétiens  Japonois  ne  font  pas  aujourd'hui  condamnés  à 
mort,  avec  l'ancienne  rigueur.  On  a  quelque  égard  pour  leur  fimplicité. 
Ils  font  feulement  condamnés  à  finir  leur  miférable  vie  dans  cet  Enfer 
temporel ,  d'où  ils  ne  fortent  que  pour  être  menés ,  de  deux  en  deux- 
mois  ,  au  Palais  des  Gouverneurs  ;  moins  pour  y  être  traités  rigoureu- 
fement ,  que  pour  être  prefles  de  déclarer  d'autres  Chrétiens.  Toute  la 
confolation,  qu'on  leur  accorde,  eft  d'être  tirés  de  leurs  donjons,  deux 
fois  l'année,  pour  fe  foire  appliquer  le  cauftique  du  Moxa,  fuivantl'ufar 
ge  du  Pays;  fix  fois ,  pour  fe  baigner  dans  la  citerne  de  la  Prifon;  &  fix 
fois  encore ,  pour  faire  un  tour  de  promenade ,  dans  une  grande  &  fpa- 
cieufe  cour ,  qui  eft  hors  de  leur  enceinte.  Ils  paffent  le  refte  du  tems 
à  filer  de  la  laine  &  du  chanvre,  pour  ourler  les  nattes.  Ils  raccommo- 
dent leurs  habits  avec  des  aiguilles  de  bambous  ,  parcequ'il  ne  leur  efl:  pas 
permis  d'en  avoir  de  fer.  Quelques-uns  s'exercent  à  d'autres  petits  ou- 
vrages. L'argent,  qu'ils  gagnent  par  leur  travail  &  leur  induftrie,  ne 
leur  eft  pas  ôté.  Ils  en  font  part,  franchement  &  fans  réfcrve,  à  leui,^ 
femmes  &  à  leurs  enfans ,  qui  font 'dans  la  même  Prifon,  mais  dans  des 
lieux  féparés;  de  ce  qui  leur. refte,  ils  compofent  une  liqueur,  nommée 
Jiiia-Sakij  qui  eft  une  de  leurs  plus  grandes  délices.    Le  Gouverneur  leur 

don- 


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(2)  Pag.  89  &  précédentes, 
(a)  On  fçait  que  Nangafaki  &  le  Pays  de 
Bungo,  étoient  des  lieux  où  la  Foi  Chrétien- 


ne avoit  fait  de  grands  progrès  avant  Icj 
pcrfticutions ,  &  qui  furent  arrofés  par  le  farg 
d'un  grand  nombie  de  Martyrs. 


» 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  317 

donne,  tous  les  ani,  une  natte  pour  fe  coucher;  &  depuis  peu  de  tems, 
quelques-uns  d'entr'eux  ont  obtenu  la  permilTion  de  le  fervir  d'un  pgtit 
couteau,  pour  leurs  ouvrages.  JIs  reçoivent  quelquefois  iks  lubits,  de 
leurs  Amis  deBungo;  ce  Pays  confcrve  un  petit  nombre  de  Chrétiens, 
qui  l'étant  plutôt  de  nom  que  de  fait,  jouiflent  là-deflu5  de  xjuelque  libcr- 
"  té ,  mais  qui  ont  à  fubir  un  examen  très -rigoureux  ik  de  rudes  cenlU- 
„  res  (0)  .  '.  .'■y:i\.T'f,i -ji- i: 

QU01Q.UE  tout  ce  qui  concerne  l'ordre  établi  dans  les  mes,  &  les  au- 
tres parties  de  la  Police,  foit  renvoyé  à  l'Article  général  du  Gouvernen\ent, 
on  ne  croit  pas  devoir  détacher  de  cette  Def cription ,  un  ufage ,  qui  fe  re- 
nouvelle tous  les  ans  àNangafaki,  depuis  plus  d'un  fiècle,  &  qui  marque 
à  quel  point  l'Enfer  a  foulevé  les  Japonois  contre  la  Foi  Chrétienne.  C'cll 
une  cruelle  Inquifition  ,  pour  découvrir  ceux  qui  peuvent  avoir  confervé 
quelques  fentimens  Chrétiens ,  accompagnée  d'une  cérémonie  déteftable, 
&  dont  l'Hifîoire  de  l'Eglife  ne  fournit  point  d'autre  exemple.  Elle  ne 
s'exerce  qu'à  Nangafaki  &  dans  quelques  lieux  voifins ,  où  le  Chriftianifme 
étoit  autrefois  le  plus  florillant  (c). 

Au  dernier  mois  de  chaque  année,   leNitzio-Giofii  un  des  Officiers  de 

chaque  rue,  fa.it  le Fito-/iratame j  c'eft-à-dire,  qu'il  prend  par  écrit  le  nom 

de  tous  les  Habitans  de  chaque  maifon,  avec  la  datte  &  le  lieu  de  leur 

naiflance,  leur  profeflîon  &  leur  religion.     Après  avoir  achevé  cette  lifte, 

qui  comprend  les  deux  fexes  &  tous  les  âges ,  on  attend  le  fécond  jour  de 

la  nouvelle  année ,  pour  commencer  ce  qu'on  nomme  le  Jefumi.    C'eft  un 

aÊle  folemnel  d'abjuration  du  Chriftianifme,  dans  lequel  on  foule  aux  pieds 

rimage  de  Nôtre-Sauveur  attaché  à  la  Croix,  &  celle  de  fa  Sainte  Mère  , 

ou  de  quelque  autre  Saint.  Kaempfer  en  rapporte  les  circonftances.  „  Ceux 

„  qui  font  chargés  de  cette  infernale  exécution ,  commencent ,  dit  -  il ,  de 

„  deux  côtés  différens  ,  &  continuent  d'aller  de  maifon  en  maifon.     Ils 

„  parcourent  ainfi  cinq  ou  fix  rues  par  jour.     Les  Officiers ,   qui  doivent 

„  êtrepréfens,  font  VOttona,  ou  le  Chef  de  la  rue,  ks  trois  Oogumi-Oja, 

„  qui  font  les  Commis,  le  Fiifia,  ou  le  Greffier,  le  Nitzi-Joji,  ou  le  Mefla- 

„  ger ,  &  deux  Monbans^  c'eft-à-dire,  deux  Archers  du  Guet,  qui  por- 

„  tent  les  Images.     Ces  figures  font  de  cuivre  jaune ,  de  la  longueur  d'un 

„  pied,  &  fe  gardent  dans  une  boete  pour  cet  ufage.    Voici  l'ordre  de 

,;  l'abjxiration.    Les  Inquifiteurs  font  affis  fur  une  natte.    Ils  font  appeller , 

„  dans  la  chambre,   toutes  les  perfonnes  dont  la  lifte  contient  les  noms, 

„  c'eft-à-dire,  le  Chef  de  Famille ,  fa  Femme,  fes  Enfans,   avec  les  Do- 

„  meftiques  de  l'un  &  de  l'autre  fexe,  tous  les  Locataires  de  la  maifon;  & 

„  quelquefois  auffi  les  plus  proches  Voifins ,   dont  les  maifons  ne  font  pas 

„  aflez  grandes  pour  la  cérémonie.     On  place  les  Images  fur  le  plancher 

„  nud  :   après  quoi  le  Jefumi  -  Tfie  ,  qui  eft  le  Secrétaire  de  flnquifition , 

„  prend  la  lifte,  lit  les  noms ,  &  fomme  chacun  fucceflîvement ,  à  mefure 

„  qu'il  paroît,  de  mettre  le  pied  fur  les  Images,    Les  Enfans,  qui  ne  font 

„  pas  en  état  de  marcher ,  font  foûtenus  par  leurs  Mères ,  qui  leur  font 

„  tou- 

6)  Pag.  90  &  pr.  .  l'Article  du  Commerce,  où  l'on  rappoitctn 

e)  Voyez  daas  la  Dcfcription  générale,     ce  qui  regarde  des  Hollaudois. 

Rr  3 


KXMPFER. 


Acle  d'aLju- 
ration  du 
Cliriftianifiiu*, 
qui  fc  fait 
tous  les  ans  ^ 
Naji^jalulu. 


\ 


8i8 


VOYAGE    DE    K^MPFERf^ 


fcffMPVER. 


Descriptio» 
DU  Japon. 

Situation  & 
grandeur  du 
Japon. 


toucher  les  Images  avec  les  pieds.  En  fuite,  le  Chef  de  Famille  met  Ton 
fccau  fur  la  lifkc,  pour  fervir  de  certificat,  devant  le  Gouverneur,  que 
le  Jefumi  s*e(l  fait  dans  la  maifon.  Lorfque  les  Inquifiteurs  ont  parcou- 
ru  toutes  les  maifons  de  la  Ville,  ils  foulent  eux-mêmes  aux  pteds  Icj 
Images;  &  fc  fervant  mutuellement  de  témoins,  ils  confirment  leurs  cer- 
tificats refpeftifs  en  y  appolant  leurs  fceaux.  Si  quelqu'un  meurt,  danj 
le  cours  de  l'année,  fa  famille  doit  prier  ceux  de  qui  dépend  la  niaifon, 
d'afliftcr  à  fon  lit  de  mort,  pour  rendre  témoignage,  non-fculemcnt  qu'il 
efl:  mort  naturellement ,  mais  encore  qu'il  n'étoit  pas  Chrétien.  Ils  exa- 
„  minent  le  corps.  Ils  cherchent  également  s'il  n'y  a  point  quelque  figne 
„  de  violence,  ou  quelque  maraue  de  la  Religion  Chrétienne;  &  les  func' 
,,  railles  ne  peuvent  fe  faire  qu  après  qu'ils  ont  donné  leur  certificat ,  ac* 
„  compagne  de  leur  fccau  (dy'. 

Kmmtfeïl  ne  nous  apprend  ,  de  fon  retour,  que  fon  embarquement 
avec  r Amiral  Pampus^  qux  mit  à  la  voile,  du  Porc  de  Nangafaki ,  le  31  Oc- 
tobre 1692  (e),  ^  .     ■ 


9t 


{d)  Pag.  ia8  &  129. 


(#)  Tom.  m.  pag.  230.^5  îi.,ir..,. 


^   '"  '- *  ;;    Befmption  des  JJles  du  Japon.     ,    ,     ,., 

LE  grand  Empire,  que  les  Européens  ont  nommé  Japon ^  &  qui  porte, 
parmi  fea  Habitans,  le  nom  de  Nipon  (a),  ou  Nipbofiy  efl  fitué  entre 
le  trente-unième  &  le  ouarante-deuiième  à(^é  de  Latitude  Septentrionale; 
&  fuivant  une  Carte  ailez  récente,  corrigée  fur  les  Obfervations  Aflrono- 
miques  d'un  Jéfuite  de  la  Chine,  enirç  le  cent  cinquante -feptième  aie 
cent  foixante-quinzième  degré  trente  minutes  de  Longitude,  depuis  le  pre- 
mier Méridien  de  l'Ule  de  Fer.  Il  s'étend  au  Nord-E(l  &  à  l'Eft-Nord-Kfl. 
Sa  largeur  efl  irrégulière,  quoiqu'en  général  il  foit  aflez  étroit,  en  compa- 
raifon  de  fa  longueur,  qui,  depuis  une  des  extrémités  de  la  Province  de 
Fifen,  jufqu'aux  Côtes  Orientales  de  la  Province  d'0//w,  a,  fuivant  l'opi- 
nion commune,  deux  cens  miles  d'Allemagne  {b),  en  droite  ligne;  r<insy 

com- 


(fl)  M,(îgnific/f«,  dedans  nn  fcns  plus 
fublime,  le  Soleil.  Pon,  fignifie  Jo/èou/on- 
dement.  Les  Chinois  Méridionaux  pronon- 
cent Sijpon,  ou  Gepuan,  dont  les  Portugais 
ont  formé  apparemment  Japon,  qui  s'eft 
changé  en  Japon.  Les  Japonols ,  dans  leurs 
Livres ,  donnent  d'autres  noms  à  leur  Empi- 
re. Ce  font  des  épithétes  ,  qui  en  expri- 
ment la  grandeur  &  l'excellence.  Kttmp/er, 
Tom.  I.  pag.  93. 

(b)  Kaempfer,  ibid.  pag.  94  ^  95.  La 
longueur  du  Japon ,  fuivant  le  nouv  el  Hfto- 
ïicn  de  cet  Empire ,  eft  Eft  «Se  Que  ft,  p  re- 


nanl  un  peu  de  l'Efl-Nord-Eft.  Sa  longueur 
efl  Nord  &  Sud.  „  Elle  n'efl  pas,  dit -il, 
„  auin  inégale  que  quelques  Auteurs  l'ont 
„  dit,  car  elle  n'eft  prcfque  jamais  moindre 
„  'que  de  foixante  ou  foixante-dix  iicucs,  en 
„  comptant  par  les  degrés  de  Latitudi;,  & 
„  elle  n'eft  nulle  part  de  cent.  Quant  à  h 
„  longueur,  en  la  prenant  depuis  l'oxtrêiiii- 
„  té  occidentale  du  Figen ,  jufqu'aux  Côtes 
„  orientales  d'Oxu,  ou  OJîu,  elle  efl,  fui- 
„  vant  le  Père  Briet ,  d'un  peu  plus  de  deux 
„  cens  foixante  lieues  communes  de  Franco"- 
Hiftoite  du  Japon ,  Tom.  1.  pag.  10. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Hv.  IV.  31^ 

comprendre  toutes  les  Côtes  &  les  Ides  plus  éloignées ,  qui  ne  laiHenc  pas 
d'ccrc  Tous  la  domination  de  l'Empereur  du  Japon. 

K/cMPFER  compare  la  dilbofition  extérieure  de  cet  Empire,  à  celle  de 
la  (rrande-firetagne,  &  de  l'Irlande.     Il  ell  rompu,  dit-il,  &  coupé  de  la 
mcmc  manière,  mais  beaucoup  plus ,  par  des  Caps,  des  Promontoires,  des 
Bras  de  Mer,   des  Anfes  &  de  grandes  Bayes ,  qui  avançant  plus  loin  dans 
les  Terres,  forment  quantité  d'iiles,  de  Peninfulcs,  de  Golfes  <&  de  Ha- 
vres (c).    Mais  on  dillingue  trois  grandes  liles,  dont  la  principale  s'appel* 
le  Nipun^  &  donne  Ton  nom  à  tout  l'Empire.     Elle  s'étend  en  longueur, 
de  l'Éd  à  rOucd ,  dans  la  forme  d'une  mâchoire ,  dont  la  partie  recourbée 
fe  retourne  au  Nord.     Un  Canal  étroit ,  ou  un  Détroit  plein  de  rochers  &  de 
petites  iOes,  les  unes  habitées,  d'autres  défertes ,  la  fcparc  d'une  autre,  qui 
cil:  la  féconde  en  grandeur,  &  que  fa  fituation  au  Sud-Ouell  de  Nipon ,  fait 
nommer  Saikokf^  c'eft  à-dire  Pays  de  i'OueJt.     Elle  porte  aufli  le  nom  de 
Kiujiuj  ou  Pays  des  Neufs  ^  parceau'elle  cft  divifée  en  neuf  grandes  Provin* 
ces.   Les  Japonois  lui  donnent,  de  longueur,  cent  quarante  de  leurs  miles, 
&  quarante  à  cinquante  de  largeur.     Son  circuit,  fuivnnt  Krcmpfcr,  ei\  de 
cent  quarante -huit  miles  d'Allemagne.     La  troifiôme  IHe,  fituée  entre  la 
première  &  la  féconde,  &  prefque  quarrée  dans  fa  forme,  fe  nomme  Sikokff 
c'eft-à-dire  Pays  des  quatre  Provinces.    Ces  trois  grandes  lÙes  font  environ- 
nées d'un  très-grand  nombre  d'autres ,  dont  les  unes  font  petites,  flériies, 
remplies  de  rochers  ;  &  les  autres ,  aflez  grandes  &  allez  riches  pour  ètid 
gouvernées  par  de  petits  Princes.  '!?'       ui  .>.  n      •'.•y.  .»•;»« 


(()  KaBinpfer>  ubifufrà,  pag.  95. 


.Vy  .'"nrtJt'  **î>j; 


5.    L 


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T 


Divifion  générale  de  r Empire  du  Japon» 

oVTES  les  Ifles,  qui  compofent  l'Empire  du  Japon,  furent  divifées 
vers  l'année  590  de  l'Ere  Chrétienne,  par  Siujium^  Monarque  hé- 
réditaire Eccléfiaflique ,  en  iept  grandes  Contrées ,  que  les  Japonois  nom- 
ment Gokijitzido:  En  681 ,  Ten-Mu  divifa  ces  fept  Contrées  en  foixante-fix 
Provinces,  à  chatL-ne  defquelles  il  donna  un  Gouverneur.  Enfuite  deux 
liles,  nommées /^i&  77^^'"^  »  qui  ^ppartenoient  autrefois  à  la  Corée,  ayant 
été  réunies  au  Japon ,  par  droit  de  conquête ,  le  nombre  des  Provinces  fe 
trouva  compofé  de  foixante-huit.  Cette  double  dividon ,  qui  fubfide  en> 
core,  n'empêche  point  que,  par  diverfes  révolutions,  ou  pour  multiplier 
les  Gouvernemens ,  les  foixante-huit  Provinces  de  l'Empire  n'ayent  été  fubdi- 
vifées  en  Hx  cens  quatre  Jurifdiélions  fubalternes. 

Outre  ces  Ifles  &  ces  Provinces,  d'autres  Pays  plus  éloignés  recon- 
noiffent  1  Empereur  pour  Souverain ,  ou  vivent  fous  fa  proteftion.  On  met 
au  premier  rang ,  les  ides  de  Riuku ,  ou  Liquejo ,  dont  les  Habitans  fe  di- 
fenc  Sujets,  non  de  l'Empereur  du  Japon,  mais  du  Princ*  de  Satjuma,  qui 
les  a  conquis  ;  fecondemcnc  Tfioftjn ,  qui  eft  la  troifième  &  la  plus  baffe  par- 
tie de  laPeninfule,  qu'on  nomme  Corée  ^  &  qui  eil  gouvernée ,  au  nom  de 

l'Em- 


Diiestmot 
ou  JitroN. 


Trois  gmn. 
des  lllvs. 
^iipun. 


Saikokf. 


Sikokf. 


Divifîon 

Iflcs  dont 
le  Japon  eft 
cotnpofô. 


dea 


Autres  Ifleî 
qui  rcconnoif- 
fcnf  l'Empe- 
reur du  Japon. 


320 


VOYAGE    DE    K^MPFERt 


nu  Jai'ON. 


IIIls  cle  I.i- 
qneio  &  leurs 
liaîjiuins. 


Peniiifule 
Je  la  Curtic, 


Les  Japo-  ^ 
nois  en  polK- 
dent  une  par- 
tie. 


Ifle  dejcfo, 
mi  Jefogafi- 
ma. 


l'Empereur,  par  le  Prince  d'Iki  &  de  Tfuflima:  troifiémement ,  riflc  de 
Jefoj  gouvernée  au  même  nom,  par  le  Prince  de  Matfumai,  qui  a  fes  pro- 
pres Etats  dans  la  grande  Province  d'Ofiu. 

Les  nies  de  Liquejo,  ou  Riuku,  font  auSud-Oueft  de  la  Province  de 
Satfuma,  qui  eft  lituée  dans  le  Continent  de  Saikokf,  &  de  l'Ide  voifine  de 
Tana  ou  Tanugafima  ;  qui  n'en  eft  pas  éloignée.  Kaimpfer  obferve  que 
fuivant  les  Cartes  Hollandoifes ,  elles  s'étendent  prefque  jufqu'au  vingt- 
fixième  degré  de  Latitude  Septentrionale.  Si  l'on  en  croit,  dit-il,  les  ja- 
ponois,  elles  produifcnt,  chaque  année,  deux  moiflbns  de  riz.  Les  îla- 
bitans,  dont  la  plupart  exercent  l'agriculture  ou  la  pêche,  ont  beaucoup  de 
douceur  &  de  gaieté.  Ils  vivent  fort  contcns,  &  le  réjouilTent,  après  le 
travail,  en  buvant  du  vin  de  riz,  &  jouant  de  leurs  inftrumens  de  mufi- 
que,  qu'ils  ne  quittent  pas  même  lorlqu'ils  vont  aux  champs. 

On  juge,  à  leur  langage,  qu'ils  font  Chinois  d'origine.  Dans  la  dcrniè- 
ve  révolution  qui  fournit  la  Chine  aux  Tartares ,  un  grand  nombre  de  Chi- 
nois, fortis  de  cette  grande  Région,  fe difpjrrèrent  dans  les  Indes  Orienta- 
les. Plufieurs  cherchèrent  une  retraite  dans  ces  Illcs,  où  s'étant  attaches 
au  Commerce,  ils  le  continuent  encore  avec  Satfuma.  Mais,  outre  le  tri- 
but qu'ils  payent  au  Prince  de  ce  nom,  depuis  qu'il  a  conquis  leurs  Jlles,  ils 
lèvent  entreux  une  fomme,  qu'ils  envoyent  tous  les  ans  au  Monarque  Tar- 
lare  delà  Chine,  comme  une  marque  ae  leur  liJélité  &  de  leur  fouraif- 
(ion.  Ils  ont,  comme  les  Japonois  &  les  'lonquinois,  leur  Monarque 
Eccléfiallique  héréditaire  ,  qui  réfide  à  Jajuma ,  une  des  principales  de 
ces  Ifles ,  fituée  allez  proche  de  celle  à'OJima ,  qui  eft  de  la  féconde 
grandeur. 

La  Corée  eft  une  Peninfule,  qui  s'étend  delà  Tartarie  vers  le  Japon, 
Vis-à-vis  des  Côtes  de  la  Chine.  Les  Japonois  racontent  qu'elle  étoit  au- 
trefois divifée  en  trois  Provinces,  dont  ils  nomment  la  plus  proche  d'eux, 
Tfiofijn;  celle  du  milieu,  Corey^  &  la  troifième ,  qui  confine  avec  la  Tarta- 
rie, Fakujai.  Les  Habitans,  difent-ils ,  font  originaires  de  la  Chine  j  oc 
s'étant Jaifles  fubjuguer,  plufieurs  fois,  par  différens  Princes,  ils  devin- 
rent Tributaires  du  Japon.  Mais  depuis  plus  d'un  ficelé,  ils  font  retom- 
bés fous  la  domination  des  Tartares;  &  les  Japonois  n'ont  confervé,  de 
leurs  conquêtes,  que  les  Côtes  de  la  Province  de  Tfiofijn,  dont  le  Gouver- 
nement eft  confié  au  Prince  d'Iki  &  de  Tfuifima.  Les  Côtes  de  Corée  font 
éloignées  de  rUle  de  Tfuflima,  d'env'iron  quarante -huit  lieues  Japonoifes, 
ou  feize  miles  d  Allemagne;  &  cette  Jfie  cl  à  la  même  diftance  du  Conti- 
nent du  Japon.  On  trouve,  dans  l'intervalle,  un  grand  nombre  de  rochers, 
&  de  petites  ifies,  la  plupart  défertes.  Les  marchandifes ,  qui  viennent 
de  Tfiofijn  au  Japon,  font  d'excellente  merludie  Ci  d'autre  poiflbn  ililé, 
des  noix,  des  plantes  médicinales,  des  fleurs  &  des  racines,  particuliè- 
rement le  ginfcng ,  qui  croît  en  abondance  dans  les  Provinces  de  Co- 
rée &  de  Fakufai,  comme  dans  celle  de  Siamfui^  portion  de  la  Tartarie. 

Jeso,  ou  T(?//o ,  ou  comme  les  Japonois  la  nomment,  Jefogafvna^  qui  figni- 
fie  Vljle  de  Jefo ,  eft  la  plus  Septentrionale  qu'ils  pofledent  hors  des  limites 
du  Japon ,  fous  le  Gouvernement  du  Prince  de  Matfumai ,  Ifle  voifine  qui 
appartient  à  la  grande  Province  d'Ofiu.    Là  fituation  de  Jefo  eft  à  quarante- 
deux 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  311 

deux  degrés  de  Latitude  Septentrionale,  au  Nord-Nord-Ell,  vis-à-vis  cPO- 
(iu.  Elle  s'avance  fort  loin  dans  la  Mer,  par  les  deux  Promontoires  de  5m- 
gaar  &  de  Taajafaki^  qui  forment  un  Golfe.  Les  Japonois  difent  .qu'on  a 
befoin  d'un  jour  entier  pour  fe  rendre  à  cette  Ifle,  quoique  le  paflage  ne  foit 
que  de  quarante  lieues  Japonoifes  »  &  que ,  dans  quelques  endroits,  les  Côtes 
du  Japon  ne  foient  éloignées  que  de  cinq  ou  fix  miles  d'Allemagne;  mais  les 
courans  y  font  très-rap«des ,  &  portent  fucceflivement  à  l'Eft  &  à  l'Ôueft.  On 
la  croit  auffi  grande  que  l'Ifle  de  Kiufiu  ;  mais ,  étant  remplie  de  forêts ,  elle 
ne  produit,  à  fes  Maîtres,  que  des  fourures,  &  le  fameux  poiflbn qu'ils 
nomment  Karafaki;  efpèce  de  morue  qu'ils  trouvent  exquife,  &  qui  s'y  pè- 
che en  abondance.  Kaempfer  s'imagine  que  le  Pays  décoiivert  par  de  Frics  ^ 
au  Nord  du  Japon,  énoit  une  partie  de  cette  Ifle.  Les  Cartes  Japonoifes 
ne  s'accordent  pas  fur  fa  figure:  mais  elles  donnent  le  nom  de  Matjuki  à  la 
partie  du  Sud-Oueft,  qui  en  efl:  la  plus  grande;  &  mal  deflinées  comme 
elles  font ,  on  n'y  diflingue  pas  aifément  fi  cette  partie  ne  fait  pas  une  Ifle 
féparce.  Le  langage  des  Habitans  a  quelque  reflemblance  avec  celui  de  la 
Corée.  Ils  font  robuftes  &  fort  experts  à  la  pêche;  mais  fales,  fauvages, 
portant  la  barbe  &  les  cheveux  fort  longs.  '{'^    •    -ïi^ 

Derrière  cette  Ifle,  vers  le  Nord,  on  trouve  le  Continent,  que  les 
Japonois  nomment  0^«-y^ ,  c'eft:-à-dire,  haut  Jefo.     Tous  les  Géographes 
conviennent  de  l'exiftence  de  ce  Pays  ;  mais  on  n'a  point  encore  déterminé 
s'il  touche  à  la  Tartarie  ou  à  l'Amérique,  ni  par  conféquent  où  il  faut  pla- 
cer le  Détroit  à'Anian ,  &  le  paflage  qu'on  cherche  depuis  fi  long-tems ,  de 
la  Mer  du  Nord  au  grand  Océan  des  Indes;  fuppofé  que  ce  Pays  ne  foit  pas 
joint,  fans  aucun  paflage,  à  la  Tartarie  ou  à  l'Amérique  (a).     Les  Japo- 
nois ne  font  pas  mieux  informés  de  l'état  &  de  l'étendue  de  leur  Oku»Jefo. 
Ils  lui  donnent ,  de  longueur,  trois  cens  de  leurs  miles,   fans  qu'on  puilTe 
favoir  fur  quoi  ils  fe  fondent.     Kaempfer  raconte  qu'une  Jonque  Japonoife, 
envoyée  exprès,  vers  1684,  pour  faire  des  découvertes,  rapporta  que  les 
Habitans  de  cette  Contrée  étoient  en  communication  avec  des  Tartares  voi- 
fins.     Un  vieux  Pilote  Japonoif,  qui  connoiflbit  toutes  ces  Mers ,  lui  con- 
firma la  môme  chofe.     Une  autre  Jonque,  qui  étoit  partie  depuis  peu  d'an- 
nées des  Côtes  Orientales  du  Japon,  pour  la  même  recherche ,  avoit  rap- 
porté ,  à  Çon  retour,  qu'après  avoir  beaucoup  fouffert  entre  le  quarante  & 
le  cinquantième  degré  de  Latitude,  elle  avoit  découvert  un  très-grand  Con- 
tinent, qu'on  avoit  pris  pour  l'Amérique,  où,  trouvant  un  bon  Port,  elle 
avoit  paffé  ITIyver;  mais  elle  n'avoit  pu  donner  la  moindre  defcription  du 
Pays ,  ni  favoir  s'il  s'étendoit  davantage  au  Nord-Oucft.     La  Cour  du  Ja- 
pon n'a  pas  pouffe  plus  loin  fa  curiofité;  &  les  Cartes  du  Pays,  qui  s'accor- 
dent toutes  à  marquer,  derrière  Tlfle  de  Jefo,  un  grand  Continent  à  la  fui- 
te de  la  grande  Tartarie,  &  qui  le  font  avancer  à  l'Eft  d'environ  quinze  de- 
grés de  Longitude  plus  loin  que  les  Côtes  du  Japon  ,  laiffcnt  un  grand  efpa- 
ce  vuide  entre  ce  Continent  &  l'Amérique  voifme  (Z»).    Elles  divifent  aufli 

le 

(a)  Kœmpfcr  rend  compte  de  tous  les  ef-         (6)  Voyez,  dans  la  Relation  précédente, 
forts  qu'il  a  faits  inutilement  en  Mofcovie,     l'idée  que  Kaempfer  doni:c  d'une  C:j;te  qu'on 
pour  fe  procurer  plus  de  lumières.     Tome  /.     lui  fit  voir  à  Jedo, 
pg.  104  ^  juiv.  ■    ".' 

XIF.  Part.  ..  S  s 


Dbscrtwioh 
DU  Jaion. 

Sa  diflance 
du  Japon. 


Ce  qu'c!!ft 
produit- 


Continent 
d'Oku-Jcib. 


Entreprises 
dos  Japonois 
pour  en  dé- 
couvrir les 
boincs. 


DfiSCBIfTION 
DU   J*POIV. 

Province^ 
tî'Oku-Jefo. 


Iflcs  de 
Ginfiiiia  &  âc. 
Kinfiina,  c'cll- 
à-dire,  d'ar- 
gent &  d'or. 


rcntudvcs 

plions  pour 
les  dc'x'ouviir. 


Iflc  de  M- 
rrr,  ou  Bonc- 


Tfle  de  Fat- 
É(io,  exil  des 
Soigneurs  Ja- 
ponois. 


A  quoi  ils 
s'ocxui'cnt. 


32a  VOXAGE     DJ5    KiEMPFERc 

le  Pays  d'Oku-Jçfo  en  cinq  Provinces,  dont  les  noms,  d'après  Kœmpfer 
font  Kfllierjariy  Oraftkaif^  Sit/ij^  FçroJ^n  $l  Jlnmifu  Entre  les  deux  dernières  * 
elles  marquent  une  Rivière  aiïbz  grande ,  qui  fe  perd  dans  la  Mer  au  Sud' 
Oueil,  derrière  l'iile  de  Jcfo.     M.^s'\\  ne  parok  pasqu^^l  y  ait  beaucoup 
de  fond  à  faire  fur  ces  Cartes.  „^î,.   .  „.  :.    ,  •  ..r  .  j  s  .,  ., 

Les  Jappnois  aomptcnt  dan^  leur  Empire,  deux  autres  Ifles,  qui  font  c- 
loignéesde  plus  de  qent,  cinquante  miles  des  Côtes  d'Pfiu ,  à  l'Eft  &  ù  \^[\. 
Nord-Efl.  Ils  nomment  la  plus  ftpcentrionale  &  la  plus  éloignée  du  Japon, 
Gin/ma  y  qui  fignifie  Y IJle  ^argent  ;  &  la  plus  proche,  qui  eft  aufli  la  plus 
grande,  liinfima  ,  c'cft  à-dlre,  !'(/](?  </'or;  noms  magnifiques,  dont  la  richef- 
fe  a  tenté  plufieurs  fois  les  Européens.  La  Cour  d'Efpagne,  ayant  appris 
quelles  font  fituées  à  l'Oueft  de  l'Amérique,  dans  cette  Partie  du  Monde, 

3ui  lui  étoit  aflignée  par  le  Pape,  comme  les  dipcouvertes  du  côté  de  FEU 
evaient  appartenir  au  Portugal,  employa,  vers  l'année  1620  ,  un  très* 
habile  Pilote  à  cette  recherche.  L'entreprife  fut  fans  fuccès.  Celle  des 
Hollanidois  ne  fut  pis  plus  heureufe  en  1639  &  en  1643.  Deux  de  leurs 
Vaifleaux,  le  Bresken  &  le  Cajîrkum,  qui  furent  employés  au  fécond  de  ces 
deux  Voyages,  eurent  beaucoup  à  fouffrir  des  tempêtes;  &  le  Bres^n 
s'étant  hafardé  à  faire  .defcendre  quelques  hommes  de  l'Equipage  ,  [  dans 
un  Port  du  Japon,]  ils  furent  arrêtés  ,  mis  aux  fers,  &  traités  cruelle. 
ment,  comme  s'ils  enflent  été  dans  le  defTein  d'envahir  ou  de  trahir  l'Em- 
pire (c). 

Veks  1(575 ,  le  hafard  fit  découvrir ,  aux  Japon  ois  ,  une  très  -  grande 
Ifle.  Une  Barque  de  l'Ille  de  Faîfifio ,  qui  en  efl  éloignée  de  trois  cens  mi- 
les à  rOuefl:,  y  fut  jettée  par  la  tempête.  On  la  trouva  déferte,  mais  na- 
turellement fertile,  &  bien  pourvue  d'eau.  Le  bois  d'^ra^ ,  qu'elle  produit 
en  abondance,  &  qui  ne  croît  que  dans  les  Pays  chauds,  fait  croire  à 
Kaempfer,  qu'elle  efl  plutôt  fituée  au  Sud  qu'à  l'Efl  du  Japon.  [Les  Japo- 
no'-:  la  nommèrent,,  Bunejtma ,  ou  ÏJJle  de  Bune.  Ils  virent ,  fur  fes  Cô- 
tes ,  une  quantité  prodigieufe  de  poiflbn  &  d'écreviiTes  ,  dont  quelques- 
unes  avoient  quatre  ou  ^  çjnq  pieds  de  lOiiig.  ]  Cette  Ifle  de  Fatfifio, 
d'où  les  Japonois  étoient  partis ,  efl:  la  plus  éloignée  de  toutes  les  liles 
qu'ils  pofledent  vers  le  Sud.  Elle  efl;  fous  le  même  Méridien  que  je- 
do,  éloignée  d'environ  quatre-vingt  de  leurs  miles  de  Mer,  de  VIÛq  de 
Nipon ,  &  la  dernière  d*une  longue  rangée  de  petites  Ifles,  qui  font  prcf- 
que  contigues.  Ses  Côtes  font  fi  hautes  &  fi  efcarpées ,  que  pour  en  def- 
cendre ou  pour  y  monter,  on  efl:  obligé  d'élever  les  Bateaux  avec  toute 
leur  charge,  par  le  moyen  d'unp  efpèce  de  grue.  Elle  efl:  d'ailleurs  fté- 
rile.  Aulfi  l'Empereur  en  a-t'  il  fait  fa  principale  Prifon  d'Etat.  C'eft-là 
qu'il  relègue  ordinairement  les  Seigneurs  qui  tombent  dans  fa  difgrace.  Leur 
occupation,  dans  un  fi  trifl:e  féjour,  efl  d'y  faire  des  étoffes  de  foye;  &  la 
plupart  de  ces  malheureux  Exilés  ayant  beaucoup  d'adrefle  &  de  génie,  ils 
en  font  de  fi  belles  &  de  fi  fines,  que  le  tranfport  aux  étrangers  en  efl:  dé- 
fendu fous  de  rigoureufes  peines  (</). 
En  général,  l'Empire  du  Japon  étant  environné  d'une  Mer  orageufe,  & 

bor- 


((i)  Pag.  iro. 


{c)  Pag.  105. 


y.-t' 


DANS  L'EMPIRE  DU' JAPON,  LïV.  IV. 


323 


borde  de  montagnes ,  derochers,  ou  deiables,  qui  rendent  fes  Côtes pref*  Dksc«iptio» 
qu  inacceffibles ,  ilfemble,  fuivant  la  remarque  de  Ktempfer,  que  laNatu*     »"  Jak^h- 
re  ait  voulu  former,  de  ces  Ides,  comme  un  petit  Monde  féparé,  dans  le- 
quel fes  Habitans  trouvent,  indépendamment  de  toutes  les  autres  Nations, 
de  quoi  fournir  aux  befoins,  aux  commodités,,  de  même  aux  délices  de  la 
vie  (e).  -  , 


*î      (O  Pag.  97.' 


iv  -i:\':yL'-Mr  î".. 


'.ii-jîiïianrr 


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IL)  o;i,ir  . 


J.  ■>  l 


•affÈl) 


si  « 


'.r.-X'f.vi  -,Uyt>cfcnptton  particulier 0,  des  Prùvinces. 


ON  ne  comprend  point,  dans  la  divifion  la  plus  générale,  cinq  Provin- 
ces, que  les  Japonoîs  nomment  Gokinai^  ou  Gokinai-Goka^Kokf ,  c'ell-à- 
dire ,  Provinces  des  revenus  Impériaux ,  parceque  tout  leur  revenu  eft  parti- 
culièrement afligné  pour  l'entretien  de  la  Cour  Impériale  (a). 

L  A  première  efl  celle  de  Jamafijro  ^  qui  porte  aufli  le  nom  de  Sansju. 
C'efl  un  Pays  fertile  &  fort  étendu,  dont  la  longueur,  du  Sud  au  Nord, 
efl  de  cent  iniles  du  Japon.     Il  eft  divifé  en  huit  ^Diflriébs  ;  Ôtokurn ,  Kado- 
no,  Okongi^  Kij ,  Uyi,  KuJJe,  Sakanaka ,  &Tfukugi;  àans  lesquels  on  comp- 
te plufieurs  bonnes  Villes  &  d'autres  Places  confidérables,     La  féconde, 
nommée  Jamatto ,  ou  fVosj'i ,  s'étend  aufli  dtu  Sud  au  Nord ,  à-peu-prés  de 
la  même  longueur  que  la  première,  &  n'efl:  pas  un  Pays  moins  fertile.    El- 
le avoit  autrefois  quantité  de  grandes  Villes,  qui  font  aujourd'hui  en  petit 
nombre.     On  ladivifeen  quinze  Diflriéls;   Soono-fami,  Sootiojimoy  feguri, 
Firoky  Katfu-DfiJiu^  Katfung^,,  Okuno-Umi^  Ûtz,  JnfiinOi  UdatSikino-Sim, 
SikinO'Cami ,  Takaijdz ,  Tooidz ,  &  ^ammanvbe:    La  troil^ème  eft  celle  de  lia- 
vatzij^  ou  Kajiu^  Pays  d'une  ^onté  médiocre ,  à^d'e'^viro"  deux  journées 
de  longueur,  qui  fe  dîvife  en  quinze  Diftrifts-; .  A'//?<jri ,  Ifikava , ,  Fukâitz , 
JaskabCi  Ookake,  Tukajatz^  KavatZy  Sarara,  Ùmbarada,  KatannOy  Wakaje, 
Sibukajay  Sicky  Tanbokf,  &  Tannan.-    La  quatrième  fe  nomme  "AZ/w/ni,  ou 
Semju.    C'eft  une  fort  grande  Province,  mais  peu, fertile.     Sa  longueur  eft 
de  cent  iniles  du  J^apon ,  du  §ud  à  l'Oueft.  ;■  Elle  eft  bornée  d'un  côté  pac 
la  Mer,  &  de  fautre  par  une  chaîne  de  hautps  montagnes.     La'  Mer  lui 
fournit  du  poiflbn  en  abondaiioe,;  &  les  produ^pns  fçnt  do- bled  noir,  des 
pois ,  &  des  fèves  peu  eftiraées:     On  n'y  compçe  que  trois  Diftriéts  ;  Ooto- 
ri,  Idfume  &.  Fine.     Enfin,  la  cinquième  eft  celle  de  Sitzu,  qu'on  nomme 
autrement  Tfinokuniy  &  Sifju.     Cette  Province  a  deux  journées  &  demi-* 
de  tour.     Elle  eft  fituée  fur  un  grand  Golfe,  &  c'eft  le  ïjays,  du  Japoi^ 
le  plus  avancé  vers  l'Oueft.     Ses  Parties  Méridionales  font  fort  chaudes } 
mais  celles  du  Nord  jouiiîent  d'un. air  tempéré ,  qui  les  rend  plus  abondan- 

..!%.'!)'!  .'O    !^iri  ■raîb':>b  (luo-'r.ti-j'j   ";' <*■    tes, 


Cinq  Pro 
viiiccs  dus  re- 
venus Impé- 
riaux. 

Jamafijro , 
ou  Sansju 


Janiacto , 
ou  Wosju., 


Kavatzij  f 
ou  Kaliu. 


Idfumi,  ou 
Sensju. 


vSitzu ,  ou 
Tfinok'ini. 


X'-'V 


(a)  L'Auteur  parle  du  revenu  en  riz,  qui 
monte,  dit^l,  à  cent  quarante-huit  Mans,&. 
mille  deux  cens  Kokfs.  Il  faut  remarquer, 
en  général ,    que  tous  les  revenus  du  Pays 


font  réduits  à  ces  deux  mefurcz  de  riz. 
Un  Màn  coritiônt  dix  mille  Kokfs  ,  & 
un  Kokf  trois  mille  balles  ou  facs  de  riz. 
Pag.  ur. 


Ss 


8H 


VOYAGËDE    KiÊMPFÈIlfT 


Description 
DU  Japon. 


Les  fept 
Jurandes  Con- 
trées de  l'Em- 
pirc. 

TOOXAIDO  , 

premicre 
Contrée. 

Ses  Provin- 
ics. 
T'n 


Ifif. 


•ti^uua. 


Ovaii. 


Mikava. 


Tootonii.      mi. 


^ur^.^s;l• 


foi. 


Lifii, 


tes,  fur-tout  en  cinq  principales  efpèces  de  pois,  qui  fe  nomment  Gokokfs. 
Sitzu  eft  divifé  en  treize  Diftrifts;  Sij-^os,  ou  Simmios,  Kutatz,  FingaJJl'. 
naif  Nifijnarij  Jaifan^  Simaftmo ,  Simakami  y  Tefijina^  Kavanobe,  Muko^  A- 
vara ,  Jrima ,  &  Nmje. 

Passons  à  la  divif^)n ,de  rEmpereur  5i«/ÎMwz ,  en  fept  grandes  Contrées, 
qui  forment  le  corps  de  TEàipire. 

I.  La  première  fe  nomme  Tookaido,  c'efl-à-dirc  Contrée  du  Sud-EJ!, 
On  a  fait  obferver  que  les  fept  Contrces  avoient  été  fubdivifées  en  foixantc- 
fix  Provinces,  dans  le  nombre  defquelles  il  faut  compter  les  cinq  qu'on  a 
nommées  ;  &  que  dans  la  fuite  on  y  en  joignit  deux  autres.  Le  Tookaido 
contient  quinze  de  ces  foixante-huit  Provinces:  i".  Iga^  ou  IJiju,  qui  efl 
bornée  au  Midi  &  au  Levant ,  par  la  Mer ,  &  féparée  des  Provinces  voill. 
nés ,  au  Nord ,  par  une  chaîne  de  hautes  montagnes.  C'efl:  un  Pays  chaud, 
&  médiocrement  fertile ,  où  Ton  trouve  quelques  plantes ,  quelques  arbres , 
&  quantité  de  bambous.  Il  eft  divifé  en  quatre  Diftrifts;  ^(/>,  Namaméu^ 
Iga,  &  Nalmrf.  2°.  T^e,  où  Sesju,  qui  a  trois  journées  de  longueur,  du 
Sud  au  Nord.  La  Mer  en  fait  une  Prefqu'Ifle.  Ce  Pays  eft  extrêmement 
fertile,  enti'èmêré  de  Plaines  &''de  Collines,' qui  lui  dortnent  une  agréable 
variété.  11  fe  divife  en  quinze  Diftrifts;  Quatia^  Jfaki,  Sufukà,  Itfifi, 
Aankî,  Taato,  NifikiJJîma , ,  Ôo/afuma  ^  Inabe,  Mije^  Ano^  Itaka^  Vataki^ 
Ino,  ècTiiki.  3*.  ^);Mi  ou  iS//fo,  eft  une  petite  Province  qu'on  peut  m- 
verfer  en  une  demie  journée;  Pays  ftérïïe,  .mais  abondamment  fourni,  par 
h  Mer,  d'hùitres  &  de  coquillages.  11  n'y  a  que  trois  Diftri6ls;  Toofij, 
Ako ,  &  Kamefima.  4°.  Ouari ,  ou  Bifiu ,  eft  une  Province  intérieure ,  en- 
tièrement féparée  de  la  Meif,  &  l'une  des  plus  fertiles  &  des  mieux  peu- 
plées de  l'Empire.  5a  longueur;  eft  de  troisjournées,  du  Sud  au  Nord, 
&fa  divifion  en  neuf  Diftriéts;  Àmabc^  Nakafftinai  Kakuuri^  Nhva^  Kajfm- 
gale ,  Jamàeîa^  Aitfiy  TJittà ,  &  TonJîjndJ^ma.  5°*.  Mikavûy  où  Mifiu  ;  mau- 
vais Pays,  ftérile,  pleiji  de  Rivières,  dW  Marécages  <&  d'Etangs.  Il  3, 
de  l'Eft  à  rOueft,  une  journée  &  deniie  de  longuelir;  &  fa  divifion  eft  ea 
huitDîftrifts;  Avomiy  Kamo^  Nukada^  Batz,  Fori^  Jana^  Tfuarra,  &.  Jku- 
6°.  Tootomty  ou  J^w/î/m  ,  eft  une  Province  fertile,  &  des  plus  belles, 
par  l'agréable  variété  de  fes  Collines  &  de  fes  Plaines,  de  fes  Rivières,  de 
fcs  Villages  &  de  fes  Villes.  On  lui  donne  deux  journées  &  demie  de  lon- 
gueur, de  l'Eft  à  rOueft.  Elle  fe  divife  en  quatorze  Difti'ifts;  Fammm, 
Fittz,  Fuufa,  Aratama  y  Nangakami ,  NûgaJJîmo  y  >%tZy  ^ainmana  y  Kikoo, 
Faifaruy  Tojotay  Jamakay  Sanm  <&  Ivàta.  7".  Surunga,  ou  Siusju y  fcdif- 
tingue  aufli  par  la  variété  de  fes  Villes,  de  Ces  Villages,  de  fes  Collines,  & 
de  les  Plaines  fertiles.  Elle  a  la  même  longueur  que  Footomi,  s'étendant  de 
l'Eft  à  raieft  ;  &  fa  divifion  eft  en  fept  Diftrifts  ;  TJla ,,  Mofîafii ,  Udo ,  [fabe , 
Rofarray  Fufij  &  Suringa.  S".  La  Province  de  Kai,  ou  de  Kaijîu ,  &  KsjoohUy 
eft  un  Pays  plat,  abondant  en  riz,  en  pâturages,  en  plantes  &  en  arbres. 
Elle  produit  beaucoup  de  chevaux.  On  lui  donne  deux  journées  de  longueur, 
du  Sud  au  Nord ,  (Se  fa  divifion  eft  en  quatre  Diftricls;  JamanaJJlrOy  Jaatz- 
firoy  Coma  &  Tfw.  9*^.  Idfuy  011  Toosjuy  eft  une  longue  Peninfule,  qui 
produit  une  grande  quantité  de  fel,  &  qui ,  étant  fort  abondante  en  poif- 
fon ,  paCTe  pour  une  aflez  bonne  Province.    Elle  n'a  que  trois  Diftri6ls ,  fur 

le 


/ 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


325 


le  Continent  de  Nipon  ;  Takato^  NakaScCamo^  auxquels  on  ajoute  deux  If- 
îes  voifines ,  Oofima^  &  Firakajima.  10°.  La  Province  de  Sangami^  oaSoo- 
fiii^  a  trois  journées  de  long;  Pays  plac  &  llérile,  qui  ne  fouvnic  guères 
d'autre  fubfillance  que  du  poiflbn,  des  tortues  &  des  écrevifles  de  Mer, 
mais  dont  les  forêts  donnent  quantité  de  bois.  11  eil  divifé  en  huit  Dillri6ls  ; 
Jfikaranno-Cami^  Afikaramo-Simu  ^  Oofmij  Juringi^  /Jjikoo-Takwgi^  Cama- 
kurut  Mijura,  &  Jelïma.  ii".  Mujaji ,  ou  Bu/iu^  grande  Province,  qui 
a  cinq  journées  &  demie  de  circuit.  C'ell  un  Pays  fans  bois  &  fans  monta- 
gnes, mais  très-fertile,  abondant  en  riz,  en  gokokf ,  en  fruits  &  en  plantes. 
Unie  divife  en  vingt  -  un  Dillrifts  ;  Kiiraggi^  TJ'ukuki^  Tama,  Tatfinbana  ^ 
Kaikura^  huma  y  ToJ'ma^  Fijkîy  J'okomiy  Saitama,  Kodama^  Tfibu-Sima ,  Fa- 
baruy  Fajifava,  Naka,  Kami,  Adatz^  TJitfubu,  ^ebara,  Totejima  &  Oofato. 
12°.  Avay  ou  Foofiu,  efl  une  aflez  bonne  Province,  qui  produit  du  riz  & 
du  bled.  Elle  eft  bien  peuplée;  &  la  Mer  voifme  lui  fournit,  en  abondan- 
ce, du  poiflbn  &  des  nuitres,  dont  on  employé  les  coquilles  à  engraifler 
les'  terres.  Elle  n'a  qu'une  journée  &  demie  de  longueur,  du  Sud  au  Nord. 
On  la  divife  en  quatre  Diflrifts;  Fekuriy  Ava^  A/aima  y  &  Nakaba.  is*».  La 
VvoviTiCQ  àQ  Kadfufa y  ou  KoosjUy  efl  longue  de  trois  journées,  du  Sud  au 
Nord.  Se  s  montagnes  efcarpées  n'empêchent  point  que  le  terroir  n'y  foit 
bon.  Une  grande  partie  de  les  Habitans  s'occupe  à  faire  du  Cannib ,  ou  des 
toiles  de  chanvre,  qu'ils  travaillent  fort  proprement.  Sa  divifion  eft  en 
onze  Diflriéls  ;  Sfujjiiy  Ainfa,  Itfuvaray  Umingamiy  ToikOy  Maokiy  JJJlmiy 
Fariniby  Nagava y  JammanobCy  &  Mujfa.  14'.  On  donne,  à  la  Province  de 
Simoofa ,  ou  Seosjuy  trois  journées  de  long,  du  Sud  au  Nord.  Elle  eft  mon- 
tagneufe  &  peu  fertile  ;  mais  elle  abonde  en  volaille  &  en  beftiaux.  On  la 
divife  en  douze  Diftriéls  ;  Kaddofikay  Tfibbay  ImbUy  Sooinat  Sa/jumOy  luukiy 
Tooday  Koofa,  Unagatnîy  Katoriy  Fannibu  y  &  Okanda.  15°.  Firatz ,  ou 
Sjooy  eft  une  fort  grande  Province,  dont  la  forme  eft  quarrée,  &  qui  n'a 
pas  moins  de  trois  journées  de  longueur  dans  chaque  dimenlîon.  C'eft  un 
Pays  médiocrement  fertile ,  mais  qui  abonde  en  vers  à  foye ,  &  dont  les 
Habitans  ,  renommés  par  leur  induftrie,  joignent,  à  leurs  Manufaftures 
d'étoffes  de  foye,  le  Commerce  des  beftiaux.  On  compte  onze  Diftri6ls 
dans  cette  Province  ;  Nijbariy  Makaijey  TfekumbUy  KavaatZy  SJiday  Utnba- 
rakiy  NamingatUy  Naka,  KuJJty  Taka,  &  Jengoko,  qui,  fignifiant  Pâyj  éloi- 
gné y  eft  apparemment  le  nom  de  quelque  Kle  voifme. 

Les  revenus  de  ces  quinze  Provinces ,  de  la  Contrée  de Tookaido, mon- 
tent à  quatre  cens  quatre  -  vingt  -  quatorze  Mankokfs. 

II.  La  féconde  des  fept  grandes  Contrées  fe  nomme  Too  sando.  Elle 
comprend  hui*:  grandes  Provinces,  i".  Oomiy  Pays  extrêmement  fertile,, 
diverfifié  par  des  Montagnes,  des  Collines,  des  Rivières,  &  de  vaftes 
Champs,  qui  produifent  ég;ilement  du  riz  &  du  bled.  Cette  Province  a 
trois  journées  &  demie  de  circuit,  &  fe  divife  en  treize  Diftrifts;  SingOy 
KarimottOy  lus  y  CamniGo,  Kanfakiy  Inungatniy  Sakatta ,  Jetz  y  le  haut  ik  bas 
AJJaiylmhOy  Takajfima,  Kookay  &  Joofitzumi,  2'^.  MinOy  ou  DiofiUy  ne 
cède  à  la  Province  d'Oomi ,  ni  par  l'agréable  variété  des  Collines  &  des 
Plaines,  ni  par  la  fertilité  de  fon  terroir.  Elle  a  trois  journées  de  lon- 
gueur ,  du  Sud  au  Nord,  &  fe  divife  en  dix-huit  Piftri6ls;  Ifijntjli,  Fufu^ 

Ss  3  •  Ava:!fi,. 


D£ScsirTioif 

DU  Japon. 

Sungaaù. 


Mufufi. 


Ava. 


KaJfula. 


Siuioofa. 


Firatz. 


fcanuij  Coii 
tic:-. 

Si-r,  Provin- 
ces. 
Oonii. 

]\Iiao. 


32(5 


VOYAGE     DE     KjÊMPFER^ 


DescniPTiON 
DU  Japon. 

Fida. 


Sliuno. 


Koûdfuke. 


Siaioodfuke. 


MutAi. 


Deva. 


FOKO-IIOXKC- 

no ,  troilicme 
Contrée. 

Ses  Pro\  inccs. 

Vackafu. 

Jetfurci}. 


Avaàfi^  Jkencla,  Oono^  Motîos^  MuJJîjroda,  KatakatOy  Atjumïy  Kakumi^  ^a- 
viangata,  Muggi,  Guundsjo^  Camo,  Cako^  Tokki^  Jenna^  &  Taki.  30.  Pi^^^ 
on  /*7j/m,  efl:  fort  inférieure  aux  deux  précédentes,  en  fertilité,  comme  en 
grandeur.  Sa  plus  grande  étendue ,  du  Sud  au  Nord ,  n'efl  que  d'environ 
deux  journées  de  chemin.  Elle  efl:  remplie  de  Bois  &  de  Forêts.  On  n'y 
compte  que  quatre  Dittrifts;  Ofarra^  Majîjnda,  Ammano  &  Arak'u  40.  l^ 
Province  de »V/Kano,  ou  Sinsju,  &  un  Pays  très-froid,  éloigné  de  la  Mer, 
&  prefque  fans  beftiaux ,  parccqu'elle  a  peu  de  pâturages.  Ses  riche/Tes 
con(ifl:ent  en  quantité  de  mcuriers,  de  foye  &  de  cannib.  Elle  a  cinq  jouv- 
nées  de  longueur,  du  Sud  au  Nord.  Elle  fe  divife  en  onze  Difl:n6ls;  Ai^- 
futz,  Takaij ^  FanniJJtna,  Tjifagatîa ,  Sackit^  Ina,  Sfum^T/ikumma^  Atfumï^ 
Sara,  &  Sijna.  5^.  Koodfiikc,  ou  DJiosjUy  a  quatre  journées  de  longueur, 
de  l'Ert  à  l'Ouefl:.  C'efl:  un  Pays  chaud,  qui  produit  quantité  de  meuriers 
&  de  vers  à  foye  ;  mais  la  foye  qu'on  en  tire  ne  fert  qu'aux  étoffes  groHié- 
rcs.  Sa  divifion  efl:  en  quatorze  Difl;ri6ls  ;  UJpd ,  Aajfa ,  Sfikame ,  Sfetta ,  5ai, 
AVfr j ,  Kaîtaoka ,  Suora ,  Gumma ,  Kanva ,  Tago ,  Midnr'mo ,  Naba ,  &  Jammdit. 
6".  Smoodfuke  ^  ou.  jfasju^  a  trois  journées  &  demie  de  longueur,  deTEftà 
rOueft.  C'efl:  uneJProvince  mêlée  de  Champs  &  de  Montagnes,  qui  pro- 
duit abondamment  de  l'herbe,  du  riz,  du  bled  &  du  gokokf.  Elle  a  neuf 
Diftrifts;  Askara^  Janada,  Afo,  Tfuga^  Taka y  Savingava ,  Suvooja ^  Nafu,& 
Mukabe.  7°.  Mutfu^ow  Oosjuj  efl:  la  plus  grande  Province  du  Japon.  Sa 
longueur  efl:  de  feize  journées,  du  Sud  au  Nord,  &  fa  fertilité  n'y  lailTe  rien 
manquer  de  néceflaire  à  la  vie.  Toutes  fes  parties  étoient  autrefois  le  Do- 
maine d'un  même  Prince,  avec  la  Province  voifine  de  Deva  On  la  divife 
en  cinquante-cinq  Difl:ri6ls;  Sijrakava,  Kurokava,  ^uvaji ,  Mijaki^  A'itz^  Na- 
via^  Oduy  Afaka,  AdatZySibatta^  Karida,  Tooda,  Narori^  Sinnobu,  Kikkimda, 
Sibanne^  AJJonufa  ,  Namingata,  Ivjadevoaga ,  Kavatz,  Fitzungi,  Takano,  Faltari^ 
Janiadfubiri  ^  Oonato,  Kami^  Sfida,  ICurivara  ,  Jefan^  Je^iy  Mifava,  Nagaooka, 
Tjjojic^  Alonovara,  Oofika,  Gimki^  Kaddono,  b'ajikani  ^  Tfimgaru^  Uda^  llu^ 
Mûtojes,  Ishara^  Taidfi,  Sikamma  ^  Inaga  ^  Siiia^  Ivafaki,  Kimbara^  Kadfink^ 
Datte i'Socka,  Fei&Kifen.  8°.  Deva,  ow  Us ju^  a  cinq  journées  de  longueur. 
C'efl:  une  Province  abondante  en  pâturages,  en  plantes  &  en  arbres,  où  l'on 
afllire  que  le  Printems  efl:  plus  avancé  de  quinze  jours ,  que  dans  les  autres 
Provinces  du  Japon.  Ella  faifoit  autrefois  partie  de  celle  d'Ofiu  ;  mais  étant 
aujourd'hui  féparée,  elle  fe  divife  en  douze  Ditlrifts;  Akumi,  Kavanobe,MH- 
rajama,Oita!fia,Ookatz,  Firakat  TangùrUy  Diva,  Akindatauriy  SenbokuyAh- 
gimi ,  6i.Jamamottii. 

Les  revenus  de  ces  huit  Provinces  montent  à  cinq  cens  foixante •  trois 
Mankokfs ,  luivant  les  anciens  comptes;  mais  ils  font  confidérablement 
augmentés. 

III.  La  troifième  grande  Contrée,  qui  fe  nomme  Foku-Rokkudo, 
contient  fept  Provinces,  i  ^.  Fackafa ,  ou  Siakusju ,  s'étend  du  Sud  au  Nord , 
d'une  journée  &  demie  de  longueur.  Cette  Province  efl:  bornée  au  Nord , 
par  la  Mer,  qui  lui  fournit  abondamment  du  poiffon,  des,  .cr.:viflres,  des 
tortues,  &c.  Quelques  Mines  de  fer  font  fes  richefles  &.  fon  commerce. 
Elle  eil  divifée  en  trois  Dillrifts ;  Oonibii,  Oui,  &  Micatta.  2^.  Jetfijfen, 
ou  Jeetsjuy  Province  montagneufe,  vers  le  Sud,  mais  plate,  fertile,  &  riche 

en 


vis-a-vis  c 


comme  en 

d'environ 

On  n'v 

f.     4°.  La 

e  la  Mer, 
s  nchefTcs 
cinq  jouv- 
•ifts;  M\è' 
I,  Atfum'i, 
longueur, 
2  mem-iers 
Fes  groiliè- 
SJetta ,  Sa/, 
:  Jammak. 
,  dej'Efta 
,  qui  pro- 
file a  neuf 
:,  iVa>,& 
Japon.    Sa 
y  laiiïe  rien 
îfois  leDo- 
3n  la  divife 
,  Aitz^  Nrt- 

0,  Faltûri, 

Nas[aooka, 

Uda.,  llu^ 

Kadfink^ 

longueur. 

s ,  où  l'on 

les  autres 

mais  ctani; 

anobe ,  i/«- 

bokii^  Alo- 

tante -trois 
trablement 

IKKUDO, 

au  Nord, 
îu  Nord, 
rifles,  des 
tommerce. 

yetjiph 

! ,  &  riche 

en 


Noto. 

Jecujii. 

Jctfingo. 

Sado. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  327 

cnbefliaux  vers  le  Nord,  efl:  longue  de  trois  journées.  Elle  produit  auflî  DEfcniPTioîi 
du  cannib ,  des  meuriers ,  de  la  foye  6:  du  gokokf  en  abondance.  On  la  di-  i>u  Jai'on. 
vife  en  douze  Diflricts;  Tfuruga^  Nibu^  ImaMitz,  Jfijba,  Oono,  Sakaiy  Kit- 
rodafIliingamitTakakicia,yoosdJîda,  Sagai;ita,6cNaan{lsJG,  3».  Kaga ^ om  Kasju y  Kaga. 
a  quelques  Manufaftures  d'étoffes  de  foye,  du  vinaigre  renommé,  du  foja, 
qu'on  porte  dans  les  autres  Provinces ,  &  produit  aflez  de  gokokf  pour  la 
jlibiillance  des  Habitans.  Son  étendue  efl  de  deux  journées  c&  demie,  de 
i'Eflà  rOueil:,  &  fa  divifion  en  quatre  Diftriéls;  Jeme^Nomi^  IJikava,6c 
Kanga^  auxquels  d'autres  ajoutent  Kaboku.  4".  Nùto^  ou  SeosjUy  efl:  pref- 
que  environnée  de  la  Mer.  Elle  a  des  Mines  de  fer ,  mais  le  terroir  efl:  peu 
fertile,  &  le  gokokf  y  meurit  beaucoup  plus  tard  que  dans  les  autres  Pro- 
vinces. On  lui  donne  deux  journées  &  demie,  de  l'Efl:  à  l'Ouefl:,  &  qua- 
tre Difl:ri6ls  ;  Bagui ,  Noto ,  Fukeefund ,  &  Sfus.  5  ».  Jeetsju ,  ou  Jaefsju ,  a  trois 
journées  de  circuit.  On  en  tire  du  bois  pour  conftruire  des  ponts ,  «Se  une 
efpèce  particulière  de  vaiflelle  de  terre,  qui  fait  fon  commerce.  Elle  efl: 
divifée  en  quatre  Difl:ri6ls;  Tonaini ,  ImïdfuyMebu  &  Nijkava.  6"^.  Jet  fin- 
go  ^  ou  JcesjUy  efl;  une  grande  Province  ,  qui  a  fix  journées  de  circuit,  & 
qui  efl:  montagneufe ,  vers  le  Sud ,  mais  d'ailleurs  aflez  fertile.  Elle  produit 
de  la  foye,  du  cannib  &  du  gokokf.  Sa  divifion  eflk  en  fept  Difl:ri6ls;  Ka- 
h'ikiy  KofjMiffîma,  Ivoodfiy  Cambarii ,  Nutari ,  &  Ivafiwe.  y°.  Sado^  ou  Sasju^ 
eft  une  Ille  de  trois  journées  &  demie  de  circuit,  (ituée  au  Nord  du  Japon , 
vis-à-vis  des  Provinces  de  Jeetsju  &  de  Jetfingo.  On  vante  fon  abondance  , 
en  riz,  en  bled,  en  gokokf,  en  pâturages  &  en  bois.  On  y  compte  trois 
Difl:ri6ls;  Umo,  Soota,  &  Camo.  '  ■  ^ 

Le  revenu  annuel  de  ces  fept  Provinces  monte  à  deux  cens  quarante- 
trois  Mankokfs. 

IV.  S  AN  iNDo,  quatrième  grande  Contrée ,  efl:  montagneufe  au  Nord, 
comme  fon  nom  le  lignifie ,  &  comprend  huit  Provinces.     1°.  Tanba,  ou 
Tansjuy  dont  la  longueur  efl:  de  deux  journées,  &  qui  produit,  avec  beau- 
coup de  riz ,  plufieurs  fortes  de  pois  &  d'autres  légumes.     On  la  divife  en 
fix  Difl:rifts;  Kuvadn,  bunaijy  Taki ,  Amada,  Fingarni,  &  Ikarunga.     2^.  Tan- 
gOy  ou  Tansjii,  large  d'une  journée  &  demie,  du  Sud  au  Nord,  riche  en 
cannib  &  en  foye ,  &  fort  abondante  en  poiflbn  de  Mer.     Cinq  Diftrifts , 
qui  la  divifent,  font  Kaki,  Joki,  Tango,  Katano,  &  Kumano.     3°.  Tafiinay 
ou  Tansju,  a  deux  journées  de  longueur,  de  l'Efl:  à  l'Ouefl:;  Pays  médio- 
cre, qui  fe  divife  en  huit  Difl:ri6ls;  Afami,  Jabu,  Idfu,  Ketta,  Kinnofakiy 
Flangaka ,  Sîtzumi ,  &  Mikummi.     4°.  Imaba ,  ou  Jnsju ,  efl:  de  la  même  ion-      lunba. 
gueur ,  que  Tafîma.    Cette  Province  efl:  bornée  au  Nord  par  la  Mer ,  & 
au  Sud  par  une  chaîne  de  Montagnes.     Elle  a  des  Manufaftures  de  foye 
grolTière,  &  fes  Difl:ri6ls  font  au  nombre  de  fept;  Togowij  Jagami,  TJidJ'u, 
Uomi ,  Takagufoy  Ketta,  &.  Konno.     5°.  Fooki,  ou  Fakusju,  s'étend  en  Ion-      l'ouki. 
gueur,  de  deux  journées  &  demie  du  Sud  au  Nord.     Avec  un  terroir  peu 
fertile,  elle  produit,  en  abondance,  de  la  foye,   du  cannib  &  du  gokokf. 
Ses  Manufaftures  font  renommées.     On  la  divife  en  fix  Difl:ri6ls  ;  Kavamu- 
ra,  Kume,  Javata^  Aneri,  Oomi,  &  Fino.     6^.  I('%no,  ou  Unsju,  qui  a  deux      id^inno. 
journées  &  demie  de  largeur,  de  l'Efl:  à  l'Ouefl:,  efl:  comme  environnée  de 
la  Mer  de  Corie ,  qui  eu  fait  une  Prefqu'llle.     C'efl;  un  Pays  extrêmement 

ferti- 


Sanindo , 
quatriijine 
Contrée. 
Ses  Provinces. 

Tanba. 

'l'ango. 


Tafiina. 


'7 


328 


VOYAGE     DE     K  MUVVZK 


nu  Japon. 

Ivuni. 


Ohi. 


Sa.vjodo  , 

cinquicmc 
ClontràL*. 
Sos  Provinces. 
Farima. 


Miaiafuki. 


JBuifcn. 


Bitsjii. 


Bingo. 


Aki. 


Suvo. 


Nagatn, 


nom  de  la  cinquième  grande  Contrée,  fignifie,  Pays  mon. 
Il  ell  compof'é  de  huic  Provinces,     i".  Fanma ,  ou  Bdin. 


fertile,  &  diviAi  en  dix  Diftrifls;  Iju,  Nomîy  Semane,  Akifika^  Tattennt\ 
JadJ'umOf  Kanto^  Ijis,  NindOy  &  Oofara.  7°.  Ivami  ou  Sekisju,  longue  dé 
deux  journées  du  Sud  au  Nord ,  produit  du  cannib  &  du  Tel.  Quoique  fa 
fertilité  foit  médiocre  ,  elle  paye,  à  fes  Princes,  le  double  des  autres  Fro. 
vinces.  Cinq  Dillrifts,  dont  elle  eft  compofce,  fe  nomment  Tfikama,  A'^. 
ka,  OotZyMino,  &  Canoah.  8°.  Oki  ou  Insju,  efl  une  Ifle  érigée  en  Province, 
&  ficuée  dans  la  Mer  de  Corée,  devant  les  Côtes  de  cette  Peninfule.  Son 
circuit  efl:  de  deux  journées. 

Le  revenu  annuel  de  ces  huit  Provinces  ne  monte  qu'à  cent  vingt-trois 
Mankokfs. 

V.  Sanjodo, 
tagneux Méridional  II  efl:  compofl: 
ju ,  qui  a  trois  journées  &  demie  de  circuit.  C'efl  une  Province  très-fertilc, 
où  l'on  trouve,  avec  tout  ce  qui  eft  néceflliire  à  la  vie,  des  Manuflidurcs 
d'étofFes  defoye,  de  draps,  &  de  papier.  Elle  efl  divifée  en  quatorze 
Difl;ri6ts;  Akas^  Kata^  Kamo,  hanii^  Sikama,  ho,  Akato,  Saijo,  Sitz,  Kanju. 
kiy  Taka,  MitzubOy  IJTai,  &  Itto.  2*^.  Mimafakiy  ou  SakisjUy  a  trois  jour- 
nées  de  longueur ,  de  l'Eft  à  l'Ouefl.  On  remarque,  comme  une  fingularité 
de  cette  Province,  qu'elle  efl  moins  fujette  aux  vents  que  les  autres  par- 
ties  de  l'Empire.  Un  terroir  médiocrement  fertile  y  fournit  aux  Habitans 
tout  ce  qui  efl:  néceflaire  à  la  vie.  Sa  divilion  efl:  en  fept  Difl:ri6ls  ;  Alk , 
Katzttnday  Tomaniji,  Tomnfigajî,  Khwne,  Goba  y  &  Mafuma.  3°.  Bidfcny  ou 
BisjUy  a  trois  journées  de  circuit.  C'efl  un  aflez  bon  Pays,  qui  produit 
beaucoup  de  foye,  &  dont  les  fruits  meurilTent  plutôt  que  dans  les  Provin- 
ces voifines.  Onze  Difl;ri6ls ,  qui"  font  fa  divilion ,  fe  nomment  KfifurnUy  JVn- 
là  y  Ivanafi  y  Oohi ,  Akofaka  y  Katidaîz,  Mimw,  Ooas  y  Tfirakay  Tfïngojtinay  & 
Kamojima.  4.**.  Bitsjuy  ou  Fifin,  de  deux  journées  &  demie  de  longueur, 
de  l'Efl  à  rOuefl  ;  Pays  abondamment  fourni  de  tout  ce  qui  efl:  nécellaire  à 
fes  Habitans,  fur-tout  de  gokokf  &  de  cannib,  &  divifé  en  neuf  Difl:ri&,- 
UtZy  Kabojay  Kaija,  SimomitZy  JJpingutz,  Oda  y  Sitzuki,  TetOy  &  Fanga,  aux- 
quels 011  ajoute  les  Ides  de  Saburoftma  &  de  jorifvna.  5°.  BingOy  ou  Fisjii^ 
qui  s'étend  de  deux  journées  en  longueur,  du  Sud  au  Nord  ;  bon  Pays,  ou 
le  riz  &  le  gokokf,  qui  y  croiflent  abondamment,  meuriflent  plutôt  qu'ail- 
leurs. Il  ell:  divifé  en  quatorze  Diftrifts ;  ^*e ,  FutJitZy  Kamijfi,  y1fuka,Ntt- 
vwfimi  y  Bonîîz  y  Afijday  Kooniy  Mikamiy  Camidamiy  Mitfukiy  Jejfoy  Sirra,  & 
Mijimra.  6^.  Aki^  ou  GesJHy  Province  montagneufe  &  flérile,  riche  en 
Forêts,  qui  produifent  une  iinguliére  abondance  de  champignons,  &  en  fel, 
qui  fe  fait  fur  fes  Côtes.  Elle  a  deux  journées  &  demie  de  longueur,  du  Sud 
au  Nord,  &  fa  divifion  efl  en  huit  Diftrifts;  Numaday  Tnkatta  y  Tojoày 
Sadûy  Cammoy  Sabakit,  Aki  y  Takamija,  &  îkukujjîma  y  qui  efl  aufll  le  nom  d'un 
lieu  très-célèbre  dans  cette  Province.  7°.  Suvoy  ou  ScosjUy  abonde  particu- 
lièrement en  plantes  &  en  pâturages.  Ses  Côtes  ne  font  pas  moins  riches 
en  poifTon  &  en  coquillages.  Elle  a  trois  journées  de  l'Eft:  à  l'Ouefl:.  On 
la  divifé  en  fix  Diftrifts;  Oofimay  Kiikay  Kumadcy  TjïinOj  Savay  &  Jooàl 
8°.  Nagata,  ou  TJiosjiiy  bornée  au  Sud  &  à  l'Ouefl  par  la  Mer,  &  au  Nord 
par  une  chaîne  de  Montagnes.  Sa  longueur  efl  de  deux  journées  &  demie, 
de  l'Eft  à  l'Ouefl;.    Elle  produit  toutes  les  nécefllités  de  la  vie;  au  double 

de 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  329 

3e  ce  qui  fuffit  pour  la  fubtlfliance  de  Tes  Habicans.     Sa  diviHon  efl  en  (Ix 
Diftriftsj  Àjfiiy  Tojora,  Mîne^  Ootz^  JmUj  &  Mijijma. 

Le  revenu  de  ces  huit  Provinces  monte  annuellement  à  deux  cens  foixan- 
te-dix  Mankokfs.  Obfervons  qu'elles  appartiennent  à  l'Ifle  de  Nipon ,  com- 
me toutes  les  autres  Provinces  des  cinq  grandes  Contrées  qu'on  a  nommées 
juf^u'ici.  Celles,  qui  vont  fuivre,  ëc  les  deux  grandes  Contrées,  qui  les 
contiennent,  forment  la  féconde  IQe,  qui  ell  la  plus  grande  après  Nipon, 
&  que  les  Japonois  nomment  Kiusju,  c'eft-à-dire  Pays  de  rOueJl;  ou  Saikokfy 
qui  fignifie  Pays  des  Neuf. 

Vi.  S  A I K  A I D  o ,  fixiéme  grande  Contrée  dans  l'IIle  de  Kiusju ,  ou  de  Sai- 
kokf ,  tire  fon  nom  de  fa  fituation  à  l'Ouefli.    Elle  efl:  corapofée  de  neuf 
grandes  Provinces.     1°.  Tfikudjen,  owTfikufw^  qui  a  quatre  journées  de  lon- 
gueur ,  (Li  Sud  au  Nord.     C'ell  un  Pays  médiocrement  bon ,  qui  produit  du 
riz  &  du  bled ,  &  qui  a  plufieurs  Manufaélures  de  porcelaine.     Il  efl:  divifé 
en  vingt-quatre  Difl:ri£ls;  Stma^  Kama^  J^M^t  ^ojima,  Mikafa^  Mona^at' 
ta  y  Onka^  Mifiroday  Fonanùt  Sara  y  Nakay  CaJJtjay  SiakOy  Mufimay  Ito,  Mu- 
ûjroy  Vuiz^  Kuvandey  NokoJima,SinotZy  KafakurOy  Kamitzka y  Sakura y  Kokufy  & 
TaJJa'u     2".  TjikungOy  ou  TJikusjUy  efl  une  Province  de  cinq  journées  de 
longueur,  du  Sud  au  Nord,  qui  produit  en  abondance  du  bled,  du  riz  &des 
pois.     Ses  Côtes  lui  donnent  du  poiflcn,  des  écreviiTes,  &  des  coquillages. 
On  y  fait  beaucoup  de  confitures,  qui  fe  tranfportent  dans  les  autres  Pro- 
vinces.    Elle  efl  divifée  en  dix  Diflrids;  Mijwara,  Mij,  Ikwa^  Mi,  MikCy 
Kandjima  y  Simodjima  y  Jammakando  y  ^ainmafeta  y  &  Takeno.     30.  Budfetïy  ou 
FoosjUy  longue  de  quatre  journées,  du  Sud  au  Nord,  efl:  une  Province  difliin- 
guée  par  l'excellence  de  fes  plantes  médicinales,  &  par  le  grand  nombre  de 
fes  Manufaftures  d'étoffes  de  foye.     Elle  efl:  divifée  en  huit  Diftrifts;  Tan- 
gava ,  Sakku ,  Mijako ,  Nakatz ,  Tfuilr ,  Kamitzki ,  Simotzki ,  &  Ufa.     4**.  Bungo , 
ou  TonsjUy  a  trois  journées  de  longueur.     Avec  une  fertilité  médiocre ,  elle 
produit  de  la  foye,  du  drap,  du  chanvre,  du  gokoJcf,  &  des  plantes  d'une 
rare  vertu.     Sa  divifion  efl:  en  huit  Diftriéls;  tira  y  KceSy  Navoriy  OonOy  A- 
mabe y  Oa'ata y  Faijamiy  &  Kunifaki.     5°.  Fidferiy  ou  Fisjiy  a  trois  grandes 
journées  de  longueur ,  du  Sud  au  Nord.     Ses  richeffes  naturelles  font  du 
bled,  du  riz,  beaucoup  de  poiflbn  &  de  volaille.     Elle  a  quelques  Manu- 
fadures  de  drap,  &  fa  divifion  efl:  en  onze  Diilrifts;  Kiekijy  JahUy  Mine, 
Ouki  y  Kan/cki ,   Saaga ,  Maatfura ,   KiJJlma ,  Tufitz ,  Kadfuraki ,  &  Takaku. 
6°.  FigOy  on  Fisjuy  Pays  aflez  fertile,  produit  en  abondance  du  bois,  du 
bled ,  des  pois ,  du  poiflbn ,  des  coquillages ,  &  la  plupart  des  néceflités  de 
la  vie.     Sa  grandeur  efl:  de  cinq  journées  de  circuit.     On  la  divife  en  qua- 
torze Difl:ri6ls  ;  Tamana ,  Jamaga ,  Jamajnatto ,  Kikutz ,  /I/o ,  Takiima ,  Kumi. , 
Aida  y  Miifiki ,  Udo ,  Jaadfito ,  Kocs ,  Aahtfa  &  /IJJîta.     7".  Fiugo ,  ou  Nisju  , 
longue  d'environ  trois  journées,  efl:  une  Province  moutagneufe,  maigre, 
qui  produit  à  peine  le  bled,  le  riz,  &  les  fruits  néceflàires  pour  la  fubfillan- 
ce  de  fes  Habitans.     Elle  efl:  divifée  en  cinq  Diftrifts  ;  Uski ,  Kviju ,  Naka , 
Mijafaka ,  &  Morokata.     8'^.  Oofumi ,  ou  Kusju ,  a  deux  journées  de  longueur, 
derEfl:à  rOuefl;;  petite  Province,  mais  d'une  fertilité  extraordinaire  pour 
tout  ce  qui  regarde  les  néceflités  de  la  vie.    On  y  iaic  une  grande  quantité 
XIF.  Pan.  ï  t  de 


DcscRiPTioir 

DU  Japon. 


incdeKlu*. 
j'u,  ouSaikoU:'. 


Saikaido* 
fîxièmc  Coii' 
tréc, 
ScsProvinccSw 

Tûkudlca. 


ïfikungo. 


Biidfen. 


Bungo. 


Fidfcn. 


Figo. 


Fiugo, 


Oofumi. 


,/ 


330 


V0YA6BDE     KiEMPFER 


DEtCRirTTON 

DU  Japon. 

Sutzuina. 


NANKATnO, 

fcpliùuic  Con- 
trée, 
Ses  Provinces. 


Kijiiokuni. 

Avadfi. 
Ava. 

Sanuki. 


îjo. 


Tcfa. 


de  papier,  &  quelques  étoffes  defoye.  Sa  divifion  eft  en  huit  Diftriftsj 
Oopmiy  lufingari,  Kuvabara ,  SoOy  Sijra,  Kimodfuki,  Komadfij,  &  Kumag^è, 
90.  Satzunia ,  ou  Satsju ,  efl;  à-peu-près  de  la  même  longueur  que  la  prtcéi 
dente,  &  d'une  fercilitc  médiocre.  Elle  produit  néanmoins  beaucoup  de 
meuriers  &  de  chanvre,  &  l'on  vante  fcs  Manufaftures  de  draps.  Elfe  efl; 
divifée  en  quatorze  Diflnrifts  ;  Idfum^  Takakiy  Satzuma^  Teki^  IJa  ^  Ala ,  KaMa» 
nobe^Jene^  Jwmaki^  Ftre^Fani,  Jamma ,  Okinohfma  ik  Kofskifma. 

Le  revenu  annuel  de  ces  neuf  Provinces  monte  à  trois  cens  quarante- 
quatre  Mankokfs.  -^ 

VII.  Nankaido,  feptième  grande  Contrée ,  dont  le  nom  fignific  Pi;vf 
des  Côtes  du  Sud,  eft  compofée  d'une  Ifle  de  la  troifième  grandeur,  lîtuée  ou- 
tre les  deux  précédentes,  &  nommée  Sikokf,  qui  lignifie  Pays  des  quatre  Pro- 
vinces; d'une  ifle  voifme,  qui  fe  nomme  Avadji^ôc  qui  eft  fituée  au  Nord-E(l 
'^e  Sikokf,  &  de  la.  gi-ande  Province  de  Kijnokuniy  cjui  s'avance  dans  le  Dé- 
..oit  de  Nipon.  Elle  eft  divifée  d'ailleurs  en  lix  Provmces:  i©.  Kijnokuni ,  ou 
Kisju,  qu'on  vient  dénommer,  &  qui  a  quatre  journées  &  demie  de  lon- 
gueur, du  Sud  au  Nord.  C'eft  un  Pays  plat  &  ftérile,  qui  ne  produit  ni 
bled,  ni  riz,  ni  légumes.  U  eft  divifé  en  fept  Diftrifts;  Ita,  Naka,  Na- 
gufa,  Amabe,  Arida,  Fitaka,  &  Muro.  2».  Avadji  eft  une  Ifle,  d'onc  journée 
de  longueur,  que  fa  ftérilité  n'empêche  pas  de  nourrir  fes  HaSitans.  Elle 
n'a  que  deux  Diftrifts;  Tftna,  &.Mijv)ara,  auxquels  on  ajoute^;  deux  Ifles 
voifines ,  nommées  MnJJîma  &  Jefma.  3®.  Ava ,  ou  Asju ,  dans  i*Ifle  de  Si- 
kokf, Province  de  deux  journées  de  longueur;  un  peu  montagneufe ,  mais 
qui  produit  abondamment  <ùes  beftiaux,  de  la  volaille,  du  poiilbn  &  des 
coquillages.  Elle  eft«  divifée  an  neuf  Diftrifts  ;  Miofiy  Ojen,  Nafingaji,  Na- 
niji,  Kat/ura,  Naka^Itano,  Ava  ^ôc  Mima.  4f*.Sanuki,  ou  Sansju,  dans  la 
même  Ifle.  On  lui  donne  trois  journées  de  longueur ,  de  l'Eft  à  l'Oueft. 
C'eft  un  Pays  médiocrement  fertile,  montagnem:,  arrofé  néanmoins  par 
quantité  de  Rivières,  &  dont  les  parties  capables  oe  culture  produifentd» 
bled ,  du  riz  &  des  légumes.  La  Mer  le  fournit  de  poiflbn  &  de  coquilla- 
ges. Il:  eft  renommé  par  le  grand  nombre  de  perfonnes  célèbres ,  auxquel- 
les il  a  donné  la  naiflance.  On  le  divife  en  onze  Diftrids;  Ovutfi,  Saminga- 
va ,  Miki ,  Mino ,  Jamada ,  Kanda ,  Ano ,  Utari ,  Naka ,  Tado ,  &  Nako.  50.  Ijo^ 
ou  Josiu,  dans  l'Ifle  de  Sikokf,  a  deux  journées  de  longueur.  C'eft  un  mé- 
lange de  montagnes  fl;ériles  &  de  champs ,  la  plupart  fabloneux  ;  quoique 
d'autres  produilent  du  riz,  du  chanvre,  des  meuriers,  de  l'herbe  &  des 
plantes.  Sa  divifion  eft  en  quatorze  Diftri6ls;  iV//,  Sukli ,  Kuvamira,  Oatz^ 
Kafafaia,  Nooma,  Tfike^  Otfumi ,  Kume  y  Fuke ,  Jio^  Kita,  Uva  &  Uma.  6\To- 
fa  y  ou  TosjUy  dernière  Province  de  la  même  Ifle,  eft  longue  auflî  de  deux 
journées,  de  l'Eft  à  l'Oueft.  Elle  produit  abondamment  des  légumes,  du 
bois,  du  fruit,  &  d'autres  fecours  pour  la  vie  de  fes  Habitans.  On  la 
divife  en  huit  Diftriéb;  Tofa,  Agava  ^  Tata,  Oka,  Fat  a,  Nanaoka,  Katafi' 
ma,  &  Kami. 

Le  revenu  de  ces  fix  Provinces  monte  annuellement  à  cent  quarante 
Mankokfs. 

Cette  Defcription  renfermant  les  foixante-fix  Provinces  de  l'ancien- 
ne 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  331 

ne  divifîon  (&V  qui  n'a  pal  ctffé  de  fubfîder  malgré  toutei  lei  révolutions 
de  rÊmpire,  il  ne  refle,  à  joindre  au  compte,  que  les  deux  nouvelles  Pro- 
vinces, ou  plutôt  les  deux  liles,  auxquelles  on  a  donné  ce  nom,  depuis 
qu  elles  ont  été  conquifes  &  réunies  à  la  Monarchie  Impériale  du  Japon , 
dans  la  dernière  Guerre  contre  la  Corée.  On  a  déjà  remarqué  qu'elles  fe 
nomment  Iki  ôc  T/uffima.  Mais  les  Japonois  fe  font  accoutumés  à  joindre 
les  deux  noms  enfemble,  parcequ'après  avoir  été  autrefois  fous  la  domi- 
nation du  Prince  de  Satfuma,  elles  ont  aujourd'hui  un  Prince  particulier, 
qui  porte  le  titre  de  Prince  d'Iki-Tfufllma.  La  première  de  ces  deux  Illes , 
qu'on  nomme  auflî  Isju,  n'a  qu'une  journée  de  longueur;  &  n'efl  divifée 
qu'en  deux  Diftrifts;  /*/&  Iftda.  La  féconde,  nommée  autrement  Taisju^ 
eft  un  peu  plus  grande  ;  &  fe  divife  de  même  en  deux  Diftrifts  ;  /Ikata  & 
Simoakata^  c'eft-à-dire^  le  haut  &  le  bas  Jlkata.  On  ne  parle  pas  avantagcu- 
fement  de  la  fertilité  de  ces  deux  Provinces  ;  mais  elles  font  fameufes  par  le 
grand  nombre  d'Idoles  qu'on  y  adore,  &  par  diverfes  curiofités  naturelles, 
qui  attirent  les  Etrangers.  Le  revenu  annuel  de  ces  deux  liles  monte  à  trois 
Mans  cinq  mille  Kokfs. 

KiEMPFER  conclut  quc  le  revenu  de  toutes  les  Ifles  &  les  Provinces 
du  Japon,  eft,  chaque  année,  de  deux  mille  trois  cens  vingt -huit  Mans 
&  fix  mille  deux  cens  Kolcfs ,  du  moins  fuivant  l'opinion  établie  par  le 
compte  auquel  il  s'efl  attaché  ;  quoiqu'un  Auteur  Japonois ,  qu'il  aimoit 
à  confulter ,  ne  le  fit  monter  qu'à  deux  mille  deux  cens  cinquante  •  fepc 
Mankokfs  (<?). 


(6)  Ouure  les  Provinces  du  revenu  Impé- 
rial ,  qui  forment  proprement  le  Domaine  de 
l'Empereur,  plufieurs  Diftrifts  des  autres 
Provmccs  y  font  annexés,  foit  parce  qu'an- 
ciennement ils  ont  été  deftinés  pour  les  be- 


s.  m. 


i    '•i>i   r--. !.->■ 


DriCITFTtON 

duJapok. 

Les  deux 

Provinces 
d'iki  &  de 
TluiTmia. 


foins  de  la  Couronne,  ou  oue  dans  la  fuite 
ils  ont  été  enlevés  à  leurs  Propriétaires ,  en 
punition  de  quelque  crime ,  &  réiinis  au  Do- 
maine.    Kampfer,  pag.  128. 
(<r)  Ibidem  I  pag.  126  &  précédentes.    '• 


Origine  des  Japonois ,  ^  forme  de  leur  Gouvernement. 

CE  n'eft  pas  dans  les  anciennes  Hiftoires  des  Japonois,  qu'il  faut  cher- 
cher la  vérité  de  leur  origine.  La  fierté ,  qui  leur  eft  naturelle ,  n'a- 
yant pu  fouffrir  qu'on  les  fît  defcendre  d'aucun  autre  Peuple,  ils  n'ont  pas 
trouvé  d'expédient  plus  fur,  pour  éloigner  l'idée  de  cette  efpèce  de  dépen- 
dance ,  que  de  fe  prétendre  fortis  du  fein  même  de  leur  Empire  ;  non  com- 
me les  infeftes,  à  l'exemple  de  quelques  autres  Nations  (<ï),  mais  en  fai- 
fant  remonter  leur  naifTance  jufqu'à  leurs  Dieux.  Cette  imagination  leur 
eft  fi  particulière ,  qu'elle  mérite  quelque  détail  en  faveur  de  la  fingularité. 
On  apprend  de  Kœmpfer,  qui  s'étoit  fait  une  étude  de  s'en  inftruire,  qu'ils 
fuppofent  un  premier  Cahos ,  auquel ,  tout  ce  qui  exifte  doit  fa  formation , 
&  qui  a  produit  leurs  Dieux.  Ils  en  établiflent  deux  diflférentes  Généalo- 
gies; la  première,  d'Efprits  céleftes,  ou  d'Etres  touc-à-fait  dégagés  du  mé- 
lange 

(a)  Diodore  de  Sicile.    Liv.  i. 

Tt  2 


Total  du  ïf. 
venu  des  Pro- 
vinces du  Ja- 
pon. 


Les  Japo-' 
nois  ne  veu- 
lent dcfcen- 
ilre  d'aucun 
Peuple. 


Idée  fingu- 
lièro  qu'ils  ont 
de  leur  ori- 
gine. 


UMCnifTDtf 


DoiiMc  fuc- 
cc(Tî  II  iIl' 
Dieux  &.  de 
ilani-Dicux. 


Origine  at- 
vribiiéo  aux 
Japonois. 


Tradition 
orientale. 


S3t  VOYAGE     DE    KJEMPFERi 

lange  de  la  matière,  qui  ont  goavernë  le  Japon  pendant  une  fuite  de  nécles 
dont  il  eft  impolîiblc  de  déterminer  la  longueur:  la  féconde,  d'Efprits  ter' 
rcllres,  ou  Dieux-Hommes,  qui,  ayant  lucccdé  aux  premiers,   ont  rèj»né 
aulîi  fort  long-tcms  ;  jùftiu'à-ce  qu'cnfm ,  ils  engendrèrent  la  troifièmc  Ra. 
ce,  qui  habite  aujourd'hui  le  Japon,  <Sc  qui  ne  conferve  rien  de  la  pureté 
ni  des  perfections  de  fes  divins  Ancêtres. 

La  manière,  dont  ils  rapportent  que  ces  Dieux  &  ces  demi -Dieux  fu- 
rent  crées,  &  fe  produifirent  fuccelVivement,  n'ell  pas  moins  extraordinai- 
re. Les  Dieux,  ou  les  Etres  purement  fpirituels,  furent  au  nmbre  de 
fept  principaux  Gouverneurs  (.'»),  dont  le  premier  fortit  du  Chaos,  dans 
fon  premier  développement.  Il  en  étoit  la  partie  la  plus  pure.  Son  fils 
fortit  de  lui,  par  le  mouvement  &  le  pouvoir  aélif  des  Cieux  &  des  Eleniens 
qui  font  au-deifous.  Chacun  devint  ainfi  le  Père  d'un  autre.  Mais  le  der- 
nier, s'étant  formé  des  organes  fenlibles,  pour  connoître  charnellement  fa 
femme,  engendra  la  féconde  fuccelllon ,  c  ell- à-dire  celle  des  Etres  mêlés 
qui  participoient  également  de  la  Nature  Divine,  &  de  la  Nature  Humai- 
ne. Cette  Race ,  quoique  fort  inférieure  à  la  première ,  ne  laifla  point 
de  conferver  des  qualités  fublimes,  &fçut  les  tranfmettre  à  fes  Defcendans, 

fîar  des  voyes  encore  plus  incompréhenfibles.  Enfin  elle  s'éteignit  (c)  dans 
a  perfonne  âîAvafs-ûju-no^  qui  devint  le  Père  de  la  troifiéme,  ,c'efl:-à-dire 
de  celle  qui  compofe  aujourd'hui  les  Habitans  du  Japon  (</).  .;  i,  .,  , 
Mais  paflbns  fur  des  fables,  qui  ne  peuvent  trouver  de  crédit  (Jue  par- 
mi ceux  qui  fe  croyent  intérefles  à  les  fan-e  valoir.  La  plupart  de  nos  Géo- 
graphes ont  fait  fortir  les  J"ponois  de  la  Chine,  &  fe  font  fondés  fur  deux 
hiftoires,  que  les  premiers  Voyageurs  de  l'Europe  ont  rapportées  defO- 
rient.  On  y  raconte  que  plufieurs  familles  Chinoifes  ayant  été  convaincues 
d'une  confpiration  contre  leur  Souverain ,  tous  les  coupables  furent  con^ 
damnés  à  la  mort  ;  mais  que  le  nombre  s'en  trouva  fi  grand ,  que  les  Bour- 
reaux mêmes  fe  laffèrent  de  répandre  tant  de  fang  ;  que  l'Empereur  confcn- 
tit  alors  à  changer  fa  première  fentence  en  celle  du  banniflement  ;  &  que 
tout  ce  jqui  reftoit  de  ces  Malheureux ,  ayant  été  tranfporté  dans  les  Iflcs 
du  Japon,  alor«  incultes  &  défértes,  ils  les  peuplèrent  par  degrés,  &  devin- 
rent 


("6)  On  les  nomme  Jans  cct'orïlre:  i". 
Kuni-Toko  Dat-Jij-no  Mikttto  (  Mikotto  eftune 
épithéce,  qui  exprime  la  puiflTance  &  la  féli- 
cité). 2".  Kuni-Sitzu  TJi j -no  Mi]iotto,  3". 
Tnjo-Kun-Nan-uo  Mikotto.  Ces  trois  pre- 
miers n'avoient  point  de  femmes;  mais  les 
fjuatre  fuivans  étoient  mariés,  &  chacun  eut 
fou  fucccireur  de  fa  femme,  quoique  d'une 
manière  incompréhenfible.  4".  Utjij-Nino 
Mikotto.  5".  Oa-Tono-Tfino  Mikotto.  6°. 
Oo-mo-Tamo  Mikotto.  7».  Jfanagi-no  Mi- 
kotto. Les  Japonois  ont  une  vénération 
particulière  pour  le  dernier,  &  f  om  Ifanami, 
ili  femme,  comme  Ayeux  de  la  fecçnde  Ra- 
ce ,  de  laquelle  eft  fortie  la  troifiêine. 

(c)  On  compte  cinq  Gouverneurs  ou  Mo- 
narques de  la  féconde  Succeflion:  i".  Ttnjio 


Dai-DJiti,  fils  a!né  d'iranagi,  ou  yfma-Tiru- 
Oon-Gami,  en  langage  populaire.  11  a  d>;s 
Idoles  dans  toutes  les  parties  de  l'Empire,  & 
l'on  fait  des  Pèlerinages  à  fon  honneur  dans 
les  lieux  oîi  l'on  prétend  qu'il  a  vécu,  2".  Oj- 
ftvo-ni-m  Mikotto.  3«.  Ninikino  Mikotto; 
4.">.  De-mi-no  Mikotto.  5».  Avafe-DJu-n* 
Mikotto,  avec  lequel  finit  le  fécond  âge. 
Les  Japonois  attribuent  à  coux  de  la  troific- 
me  Race,  qui  defcendent  en  droite  ligne  du 
fils  aîné  d'Avafe-Dfu-no ,  ou,  au  défaut  liô 
la  ligne  directe,  i  leurs  pluS'  proches  héri- 
tiers ^  un  pouvoir  furnaturel,  &  croyent  que 
leur  Dairi ,  ou  l'Empereur  Eccléfiaftique  Ké- 
réditiire,  defcend  ce  cette  Race, 
(rf)  Pag.  153  &  fuiv. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  333 

rentles  An  .êtres  de  cette  puiiïhnte  Nation  qui  les  habite  aujourd'hui.  Les 
Orientaux  racontent  encore  qu'un  Empereur  de  la  Cliinc,  regrettant  que  la 
vie  humaine  foit  fi  courte,  entreprit  Je  trouver  quelque  remède  qui  pilt  le 
garantir  de  la  mort  ;  &  qu'il  employa  d'habiles  gens ,  à  cette  recher- 
che, dans  toutes  les  Parties  du  Monde:  qu'un  de  les  JNIédecins,  las  de 
vivre  fous  un  Maître  qui  fe  faifoit  détefter  par  fa  barbarie,  profita  fort 
adroitement  de  l'occafion,  pour  s'en  délivrer:  il  fe  prétendit  bien  infor- 
me que  le  remède ,  dont  il  ctoit  queflion  ,  fe  trouvoit  dans  les  Klcs  voili- 
ncs;  mais  qu'il  confiftoit  dans  quelques  plantes  d'une  organifution  ù  ten- 
dre, que,  pour  conferver  toute  leur  vertu,  elles  demandaient  d'être  cueil- 
lies par  des  mains  pures  &  délicates.  L'Empereur  ne  fit  pas  difficulté 
de  lui  accorder  trois  cens  jeune?  hommes  &  autant  de  jeunes  filles,  fur 
Icfquels  il  lui  remit  toute  fon  autorité  ;  &  cet  habile  Impofteur  s'en 
fervit  heurcufemcnt  pour  s'établir  dans  les  liles  du  Japon  ,  «Se  pour  les 
peupler  (c). 

K/EMPFER  allègue,  contre  la  première  de  ces  deux  hiftoires,  le  filen- 
ce  des  Hiftoriens  de  la  Chine  &  du  Japon  ;  àc  la  différence  qu'on  remar- 
que entre  les  deux  Nations ,  dans  les  points  les  plus  effentiels ,  tels  que  la 
Langue,  la  Religion,  le  Caraélère  &  les  Ufages  (/).     Il  croit  que  la  fé- 
conde eft  la  plus  vraye.     Lesjaponois,  dii-il ,  ne  la  defavouent  point.   Au 
contraire  ils  montrent,  fur  leurs  Cotes  Méridionales ,  l'endroit  où  les  Chi- 
nois abordèrent,  le  Canton  dans  lequel  ils  établirent  leur  Colonie,  &  les 
relies  d'un  Temple  qui  fut  élevé  à  la  mémoire  de  leur  Chef,  pour  avoir 
apporté,  au  Japon  ,  les  Sciences ,  les  Arts  &  la  Politelle  de  la  Chine: 
mais  ils  prouvent  fort  bien ,  par  la  Chronologie  de  leurs  propres  Monar- 
ques, que  l'Empereur  Chinois,  au  règne  duquel  on  rapporte  cet  événement. 


DescRiPTton 
no  JAPON. 

Autre  tia- 
ditton. 


qui  les  dé- 
iruiicnt. 


que  la  Langue  Japonoife  n'ayant  aucune  reflemblance  avec  celle  des  autres 
Peuples  de  l'Orient,  &  paroilTant  d'une  pureté  fans  mélange,  c'efl:  peut-être 
une  de  ces  Langues  premières ,  que  la  Providence  infufa ,  dit  -  il ,  dans  l'ef- 
prit  &  la  mémoire  de  ceux  qui  avoient  entrepris  de  bâtir  la  Tour  de  Babel  ; 
«Se  que  les  premiers  Japonois  étoient  du  nombre  de  ces  téméraires  Architec- 
tes. Il  va  jufqu'à  tracer  la  route  qu'ils  doivent  avoir  fuivie  ,  pour  arriver 
aux  Ifles  du  Japon  (6  u  Mais,  dans  cette  fuppofition  même,  il  rcconnoîc 
que  l'extrême  différence ,  qu'on  remarque  pour  la  figure  &  le  caraétére , 
entre  les  Habitans  Japonois  de  plufieurs  Provinces  (i),  doit  faire  juger  que 
différentes  Nations  ont  contribué  à  peupler  ces  lîles ,  foit  par  des  Colo* 
nies  envoyées  exprès ,  lu^i  par  des  naufrages,  qui  peuvent  avoir  été  fré- 
.     i  •'  '  i  ■     ■     ' .         quens 


Conjcclurc^ 

lie  Kîcuiiiflr. 


(e)  Pag.  129. 

(/)  Linfchotcn  donne  ces  différences  mô- 
8ies  pour  une  preuve  de  la  vériti  de  l'iiif- 
toirc,  parcequ'il  les  croit  afFeélées,  par  les 
Japonois,  pour  déguifcr  mieux  une  origine 
4)Ut  ils  font  blelTf^s.    Mais  ce  tatincioeot  cil 


fans  vraifemblance. 

(«■)  Deux  cens  neuf'ans  avant  la  Naiffan- 
ce  vie  Jefus-Chrift, 

(i)  Kasmpfer,  ubi  fu^rà ,  p"g.  139.  tSt 
fuiv. 

Ç.i).lbi(i.  pag.  151. 


334 


VOYAGE    DE    K^MPFERc 


Descriptio» 
ou  Jafo». 


Comment 
&  quand  le 
Japon  fut  dé- 
couvert. 

Zipangri  de 
Marco  Polo. 


quens  fur  une  Mer  (i  orageufe.  Quoiqu'on  entende  aujourd'hui  beaucoup 
mieux  la  Navigation ,  ces  accidens  ne  laiflent  pas  de  fe  renouveller  en- 
core. Les  Hiftoires  du  Japon  rendent  témoignage  que,  dans  quelques  Ifles 
voifines ,  au  Sud  &  au  Nord  ,  on  a  trouvé  des  Noirs ,  dont  la  peinture  ne 
permet  pas  de  douter  que  ce  ne  fût  des  Marchands  Malais ,  ou  des  Habi- 
tans  de  quelqu'une  des  Moluques ,  qui ,  s'y  voyant  jettes  par  la  tempe- 
te,  s'étoient  déterminés  à  demeurer  dans  des  lieux  qu'ils  avoient  trouvé 
déferts.  Koempfer  fut  témoin  lui-même,  pendant  fon  féjour  au  Japon, 
de  l'infortune  de  plufieurs  Vaiffeaux  ,  qui  vinrent  échouer  fur  les  Cô- 
tes (k)  ',  &  l'on  fçait,  ajoûte-t'il,  que  le  premier  Bâtiment  Européen,  qui 
aborda  dans  ces  Illes,  fut  un  Vaifleau  marchand  Portugais,  pouITé  par  la 
tempête. 

Mais,  pour  emprunter  une  obfervation  de  l'IIiflorien  moderne,  fi quel- 
que Peuple  voifin  a  formé  le  corps  de  la  Nation  Japonoife,  il  y  a  beau- 
coup d'apparence  jue  ce  font  les  Tartares  plutôt  que  les  Chinois.  Les  An- 
nales de  la  Chine  difent  formellement,  qu'en  l'année  1196  avant  Jefus- 
Chrift,  les  Tai.^res  comraencèrent  à  peupler  les  Illes  '^e  la  Mer  Orientale. 
En  effet,  outre  bien  des  manières  communes  aux  Tartares  &  aux  Japo- 
nois ,  il  y  a  tant  de  rapport  entre  le  génie  belliqueux  &  la  fermeté  dame 
de  ces  deux  Peuples,  qu'un  Japonois  feroit  bien  défini,  un  Tartare  poli& 
civilifé  (/). 

La  découverte  du  Japon,  par  les  Européens,  efl:  un  effet  du  même  ha- 
zard,  qui  fembla  prélider  aux  Navigations  du  quinzième  &  du  feizième 
fiècle.  Marco  Polo ,  qui  vivoit  à  la  fin  du  treizième ,  efl  le  premier  Ecrivain 
de  l'Europe  (w)  qui  ait  parlé  de  cet  Empire  fous  le  nom  de  Zipangri  ^  ou 

,*-  ..- ...     ,,.....'.    ,     ...     -  .  :-.-   .    Z- 


(Jfe)  Ibidem,  &  pag.  prcîcédentes.  Ne  fup- 
primons  pas  quelques  exemples  ,  qui  con- 
viennent à  ce  Recueil.  „  D'un  Vaifleau ,  qui 
„  échoua  fur  les  Côtes  deSatzuma,  pendant 
„  que  ,Kœ;npfer  étoit  au  Japon ,  il  ne  fe 
„  fauva  que  trois  Matelots  noirs,  qui  ne 
„  pouvoient  pas  prononcer  diftinftement  un 
„  feul  mot,  excepté  celui  de  Tibano.  Après 
„  les  avoir  gardés  quelque -tems  en  prifon, 
„  on  les  remit  aux  Hollandois  ,  pour  les 
„  tranfporter  fur  leurs  Vaiffeaux.  On  ame- 
„  na ,  à  Nangafaki ,  un  Vaifleau  qui  avoit 
„  été  jette  fur  les  Côtes  Septentrionales  du 
„  Japon ,  fans  qu'il  y  eût  perfonne  à  bord. 
„  La  manière  particulière  dont  il  étoit  bâti , 
„  &  les  relies  de  caraftères  qu'on  trouva 
„  fur  la  poupe,  firent  conjefturcr  aux  Japo- 
„  nois  qu'il  venoit  des  extrémités  de  Jefo. 
„  Un  autre  Vaifleau  périt,  il  n'y  a  pas  long- 
„  tems ,  fur  les  Côtes  de  l'Ifle  Biuku ,  & 
„  deux  hommes  feulement  fe  fauvèrent.  Ils 
„  furent  menés  d'abord  à  Satzuma ,  &  enfui- 
„  te  à  Nangafaki ,  avec  une  efcorte  de  huit 
„  Barges;  ce  qui  coûta  quelques  milliers d'é- 
„  eus  au  Prince  de  Satzuma.  Ils  avoicnc  la 
j,  taille  belle  &  la  phyfionomie  agréable ,   la 


tête  rafée  à  la  manière  des  Polonois ,  point 
de  barbe  &  trois  trous  à  chaque  oreille. 
La  civilité  de  leurs  manières  &  leur  con- 
tenance libre  &  modefte,  faifoient  voir  qu'ils 
avoient  été  aflTez  bien  élevés.  Ils  donnoient 
des  marques  d'efprit,  par  la  peine  qu'ils 
prenoient  à  faire  connoître  le  nombre,  la 
fituation  &  la  grandeur  des  Ifles  d'où  ils 
étoient  partis ,  en  mettant ,  fur  une  table, 
des  pierres  de  différentes  grandeurs,  & 
leur  donnant  à  chacune  le  nom  de  ces  Ifles. 
Ils  appelloicnt  Patan  celle  de  leur  demeu- 
re. Dans  ces  occafions ,  il  faut  que  tout 
l'Equipage  du  Vaiflean ,  tant  ceux  qui  font 
échappés  au  naufrage,  que  les  corps  de 
ceux  qui  fe  font  noyés  &  que  la  Mer  ajet- 
tés  au  rivage ,  aufli  bien  que  les  agrêts  du 
Vaifleau,  foycnt  conduits  &  portés  à  Nan- 
gafaki, qui  eft  le  lieu  où  l'on  examine  tout 
ce  qui  concerne  la  Marine.  On  n'épargne 
rien  pour  découvrir  d'où  viennent  ceux 
qui  le  font  fauves.  Cet  examen  fe  fait 
quelquefois  en  préfence  du  Réfident  de 
Hollande".  Ibid.  pag.  149. 
(l)  Hiftoire  du  Japon,  pag.  119. 
(m)  Le  Tradufteur  de  Kœmpfcr  obferve, 

4ue 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv,  IV. 


335 


^pangUy  fans  y  avoir  pénétré;  &  non-feulement  la  comparaifon  des  particu- 
larités naturelles  qu'il  rapporte,  avec  celles  que  l'expérience  a  fait  vérifier, 
mais  la  conformité  même  de  fes  récits  hifloriques ,  avec  les  Annales  du  Ja- 
pon &  de  la  Chine ,  ne  laifFent  aucun  doute  que  ce  ne  foit  le  Japon  qu'il  a 
nommé  Zipangri.  On  lui  fait  l'honneur  d'avoir  contribué  (n),  par  la  Re- 
lation de  cette  Ifle,  aux  conjeftures  &  aux  efpérances  de  Chriflophe  Co- 
lomb. En  fuppofant,  comme  on  le  faifoit  alors,  quoique  fauffement,  que 
l'Empire  de  la  Chine  étoit  de  quinze  heures  à  l'Orient  de  l'Europe,  &  par 
conféquent  que  Zipangri  l'étoit  encore  davantage,  Colomb  devoit  conclure 
naturellement ,  qu'il  abrégeroit  plus  le  chemin ,  en  dirigeant  ik  courfe  vers 
l'Occident,  à  fon  départ  de  l'Europe ,  qu'en  allant  vers  l'Orient ,  &  faifant 
le  tour  de  l'Afrique.  Peut-être  auffi  avoit-il  été  frappé  par  la  vue  d'une 
Carte  Marine,  &  d'une  Mappemonde  (o),  que  Marco  Polo  avoit  appor- 
tées en  Elurope,  &  qui  repréfentoient  divers  Pays  que  les  Portugais  avoient 
découverts  depuis.  11  eft  vrai  du  moins  qu'en  abordant  à  l'Ille  Uifpaniolay 
il  fe  crut  dans  la  véritable  Zipangri  de  Marco  Polo. 

Les  Portugais,  qui  s'attribuent  la  gloire  d'avoir  découvert  le  Japon,  ne 
conviennent  pas  eux-mêmes  du  tems  auquel  cet  événement  doit  être  rap- 
porté. Les  uns  le  font  remonter  jufqu'à  l'année  1535.  D'autres  le  placent 
en  1542,  d'autres  en  1548,  &  quelques-uns  le  rapprochent  encore  plus  de 
nôtre  tems.  Dans  ç^tte  incertitude ,  le  Tradufteur  de  Kaempfer  ne  croit 
pas  qu'on  puifle  refufer  la  préférence  à  l'opinion  de  Diego  de  Couto^  Con- 
tinuateur des  Décades  de  Barros.  Ce  Sçavant,  qui  étoit  Hiftoriographe 
de  Philippe  II,  Roi  d'Efpagne  &  de  Portugal,  avoit  pafle  la  meilleure  par- 
tie de  fa  vie  aux  Indes ,  où  les  Archives  de  Goa  étoient  confiées  à  fa  gar- 
de ;  &  c'étoit  de  cette  fource  qu'il  avoit  tiré  des  matériaux  pour  fon  grand 
Ouvrage  des  découvertes  &  des  conquêtes  des  Portugais ,  qu'il  a  pouffé 
iufqu'à  la  fin  du  feizième  fiècle.  Il  nous  apprend ,  dans  fa  cinquième  Déca- 
de, qu'en  1542»  pendant  que  Martin- Alphonfe  de  Soufa  gouvernoit  \gs  In- 
des Orientales ,  trois  Portugais,  Antoine  da  Moîa^  François  Z?/wofo ,  & 
Antoine  Pcixota^  furent  jettes  par  une  tempête,  fur  les  Côtes  du  Japon,  à 
bord  d'une  Jonque  chargée  de  cuir ,  qui  alloit  de  Siam  à  la  Chine  (p). 

L'embarras  n'eft  qu'à  concilier  ce  récit  avec  celui  de  Fernand-Men- 
dez  Pinto  ,  qui  non-feulement  s'attribue  l'honneur  de  cette  découverte , 
mais  qui  compte  Zeimoto  entre  fes  Compagnons  ;  avec  cette  diflférence  , 
qu'au-lieu  de  François ,  il  le  nomme  Diego.  D'ailleurs  Pinto  n'étoit  pas  par- 
ti de  Siam  ;  &  c'étoit  dans  la  Jonque  d'un  Corfaire  Chinois  que  faifant  voi- 
le 


DESCRIfTIOÏf 
DU  jArON. 


Fruit  qu'en 
tira  Colomb. 


Difficultés 
fur  le  teins  & 
les  Auteurs  de 
la  découverte 
du  Japon. 


Embarras  à 
les  concilier. 


que  M.  de  Lifle  s'efl;  trompé,  en  prenant, 
pour  les  Ifles  du  Japon ,  les  trois  Infulœ  Sa- 
fjrorum  de  Ptoleméc.  Cet  ancien  Géographie 
place  les  Ifles  des  Satyres  au  Sud  de  la  Li- 
gne, &  le  Japon  ell  certainement  litué  entre 
trente-un  &  quarante-huit  degrés  de  Latitude 
du  Nord.  Dijcours  préliminaire  du  Traduc- 
Uur.    Pag.  33  &  34. 

(n)  Le  môme,  pag.  38. 

(o)  On  trouve  encore  trois  Cartes,  dxef- 


fées  principalement  fur  fa  Relation  &  fur  fes 
Obfervations ,  dans  la  rare  &  fameufc  Edition 
de  la  Géographie  de  Ptolemée  ,  publiée  à 
Lyon,  en  1535,  par  Micbael  nilanovauus, 
ou  Michel  Servet ,  qui  fut  enfuite  brûlé  à  Ge- 
nève en  qualité  d'Athée. 

(p)  Le  Père  de  Charlevoix  les  fait  partir 
de  Dodra,  au  Royaume  de  Cion  ,  dans  l'Ifle 
de  Macaflàr.  Hijloire  du  Japon  ,  Tome  II, 
pag.  IS9.    Mais  ce  Royaume  n'exUle  pas. . 


33^ 


VOYAGE     DE     K^MPFER 


Ol>fcrvation 
Air  h  mturc 
des  découver- 
tes. 


DescRiPTioM  le  pour  les  Tlles  de  Lequios ,  où  le  vent  contraire  ne  leur  permit  point  d'à. 
ouJapow.  border,  ils  tournèrent  volontairement  vers  une  lOe  du  Japon.  Des  pré. 
tentions  fi  contraires  n'ont  point  empêché  le  nouvel  Hiftorien  de  cet  Em- 
pire d'adopter  le  récit  de  Pinto ,  fans  avoir  éclairci  le  fond  de  la  difficulté. 
Ses  réflexions  ne  marquent  néanmoins  aucune  prévention  ,  en  faveur  dïiii 
Ecrivain,  à  qui  l'on  eft  redevable  d'une  partie  des  lumières  qui  fervent  à 
l'Hiftoire  de  l'Apôtre  des  Indes  (g). 

Concluons  que ,  fi  l'on  ne  peut  conteder  la  découverte  du  Jupon  aux 
Portugais ,  le  nom  de  l'Inventeur  efl:  trop  incertain ,  pour  obtenir  un  rang 
dans  rHilloirc  à  ce  titre.  Mais  obfervons  aulfi  qu'il  ne  faut  pas  juger  des 
découvertes  qui  regardent  les  Indes  Orientales ,  comme  de  celles  qui  fe  fai- 
■foient  en  mème-tems  dans  un  autre  Ilemifphère.  Les  unes,  c'eft-à-diro 
celles  de  l'Amérique,  avoient,  pour  objet,  des  Pays  véritablement  incon- 
nus ,  que  cette  raifon  a  fait  nommer  juftement  un  Nouveau  Monde  ;  an- 
lieu  que ,  dans  les  Indes  Orientales ,  on  connoiflbit  l'exillence  &  le  no:n 
même  de  la  plupart  des  Pays ,  avant  que  d'y  avoir  pénétré.  Il  efl:  impoffi- 
ble,  par  exemple,  qu'indépendamment  de  la  Relation  de  Marco  Polo,  b 
Portugais  établis  à  la  Chine  n'euflent  pas  appris,  avant  l'année  1542,  qu'au 
Nord  d'une  Mer,  qu'ils  fréquentoient ,  il  y  avoit,  à  peu  de  diftance,  de 
grandes  &  puiflantes  Ifles,  où  les  Chinois  portoient  leur  Commerce.  Ainfi, 
pour  s'exprimer  proprement,  la  queft;ion  n'efl:  pas  quel  fut  le  Portugais  qui 
découvrit  le  Japon ,  mais  quel  fut  celui  que  le  hazarcl' d'une  tempête,  ou 
d'autres  caufes,  y  firent  aborder  le  premier. 


(g)  „  Ce  qu'il  y  a  de  fingulier,  dit-il,  c'efl: 
,,  que  deux  accidcns  affez  femblables  obligè- 
j,  rcnt  deux  Navires ,  l'un  Chinois ,  &  l'au- 
„  tre  Portugais,  d" aborder  à  ces  Ifles,  la 
M  même  année,  à  peu  près  dans  le  inême- 
„  tems ,  &  fans  que  l'un  eût  connoiflTance  de 
„  l'autre;  eu-forte  que  ceux  qui  les  mon- 
„  toient  fe  crurent  également  en  droit  de 
„  s'attribuer  l'honneur  de  la  première  décou- 
„  verte  de  ce  grand  &  fameux  Arcliipel ,  & 
„  que  par  le  peu  de  foin  qu'ont  eu  les  uns 
„  &  les  autres  de  marquer  les  dattes ,  ou  par 
„  celui  qu'ils  prirent  de  les  fupprimer ,  il  n'a 
u  jamais  été  polïïble  de  fçivoir  au  jufte  à  qui 
u  cet  honneur  appartenoit.    Il  paroît  môme 


„  que  dans  le  tems  où  il  étoit  aifé  de  sir, 
„  uruirc  de  ce  fait ,  on  ne  s'eft  pas  mis  en 
„  pjine  de  s'en  informer ,  par  la  raifon ,  Mî 
„  doute,  que  pendant  plufîeurs  années  on  ne 
,,  parla  gueres  que  de  la  découverte  ilu  Ja^ 
„  pon  par  le  Navire  Portugais.  Il  faut  m- 
„  venir  que  le  filence  de  prefque  tous  les 
„  Hiflioriens ,  fur  l'avanture  du  Navire  Chi- 
„  nois,  laquelle  femble  n'avoir  été  publiée 
„  qu'après  que  Fernand  -  Mendez  Pinto  eut 
„  mis  au  jour  fes  Mémoires,  eft  un  grand 
„  préjugé  pour  h  faire  regarder  comme  un 
„  vrai  Roman".  Ibidem,  pag.  122  &  123. 
Voyez  rintroduftion  du  Voyage  de  Pinto, 
au  Tome  douzième  de  ce  Recueil. 


Comment  le 
Japon  s'eft 
formé  en  Mo- 
narchie. 


S.   IV. 

'Gouvernement  général  £?  particulier  au  Japon. 

LE  Gouvernement  du  Japon  a  toujours  été  Monarchique.  Si  l'on  fe 
rappelle  la  divifion  des  trois  Races ,  fur  lefquelles  les  Japonois  font 
rouler  toute  leur  Hiflioire,  on  jugera  facilement  que  \es  deux  premières  font 
fabuleufes  ;  mais  le  commencement  de  la  troifième  efl:  l'époque  fixe  &  cer- 
taine de  cet  Empire.  Elle  commence  fix  cens  foixante  ans  avant  J.  C, 
avec  le  règne  de  Syn-Mu,  qui  étoit  alors  âgé  de  foixante-dix-huit  ans.    Ce 

Mo- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


S37 


Monarque  eut,  fuivant  les  Annales  du  Japon,  trois  frères  aînés,  qui  ré- 
gnèrent avant  lui  ;  mais  leurs  règnes  furent  fi  obfcurs  qu'on  ne  les  fait  point 
entrer  dans  cette  Chronologie  (a);  c'eft-à-diro  ,  au  fond ,  que  l'origine  du 
Fondateur  de  la  Monarchie  Japonoife  efl:  fort  incertaine;  &  c'efl:  apparem- 
ment faute  de  lumières  fur  ces  premiers  tems ,  qu'on  lui  donne,  pour  Père, 
le  dernier  des  demi-Dieux  qui  compofent  la  féconde  Race. 

Syn-Mu,  dont  le  nom  entier  efl  Syn-Mu-Ten-Oo ,  fut  vraifemblable- 
ment  le  premier  qui  fit  fortir  les  Japonois ,  de  l'Ordre  le  plus  fimple  de  la 
Nature,  c'eft-à-dire  de  l'indépendance  &  de  la  barbarie  (b).  Son  règne 
fut  long,  quoiqu'il  eût  commence  tard  à  régner  (c).  II  laifla  le  Trône  à 
fes  Succefleurs  ,  dont  la  fuite  chronologique  efl  appuyée  fur  des  Annales  in- 
conteflables ,  &  confirmée  par  une  Tradition  conftante.  Aufli  les  Japonois 
donnent-ils  à  ce  Prince  le  titre  de  Nin-0 ,  qui  fignifie  le  plus  grand  de  tous 
les  hommes.  Ils  lui  donnent  encore  celui  deMikaddo  (d) ,  diminutif  de  M/- 
kottOy  qui  efl  le  titre  fupréme  des  Empereurs  de  la  première  &  de  la  fécon- 
de Race.  Depuis  l'origine  de  la  troifième  jufqu'à  l'année  1693 ,  qui  efl  cel- 
le où  Koempfer  quitta  le  Japon ,  on  comptait  cent  quatorze  Princes  de  la 
même  Maifon,  qui  avoient  occupé  fucceffivement  le  Trône,  en  ligne  droi- 
te &  par  les  aînés.  De-là  vient  ce  refpeft  extraordinaire ,  qui  les  fait  re- 
garder comme  des  efpèces  de  Divinités  (e}. 

Mais,  dans  la  fuite  des  tems ,  cet  ordre  fut  interrompu  par  des  révo- 
lutions ,  qui  firent  voir  deux  Maîtres  dans  l'Empire  ;  &  qui ,  fans  renver- 
fer  du  Trône  les  Mikaddos ,  ou  les  Dairis ,  ne  leur  laiflerent  qu'une  ombre  de 
grandeur  &  d'autorité,  pendant  que  le  véritable  pouvoir  pafTa,  fous  un 
îiutre  titre ,  entre  les  mains  de  leurs  Concurrens.  C'efl  au  douzième  fiècle 
de  l'Ere  Chrétienne,  qu'on  rapporte  cette  violente  convulfîon  du  Gouver- 
nement Japonois.  Dès  les  premiers  tems  de  la  Monarchie,  toute  la  Milice 
étoit  commandée  par  un  Chef,  qui  portoit  le  nom.  de  Cubo ,  auquel  on  ajou- 
ta celui  de  Sama ,  qui  ûgmfie Seigneitr  ;  &  l'importance  de  cette  Charge,  qui 
donnoit  une  autorité  prefqu'abfolue  dans  l'adminiflration  militaire,  obli- 
geoit  l'Empereur  de  ne  la  confier  qu'à  des  mains  fûres.  Elle  étoit  ordinai- 
rement l'appanage  du  fécond  de  fes  Fils ,  lorfqu'il  en  avoit  plufieuvs.  Ce 
fut  un  de  ces  redoutables  Officiers,  nommé  JorUomo  (/) ,  qui ,  prenant  oc- 

'^Tfv/  ;:r)f.   'iV^>    Wj"\     ;  ;■;     '  .(...:  '\  j-^-xi    ,  CHli^î    ii/S    , •>-;!)  rsi?:^:'''        Cafion 

r\>  \ 

(fl)  Kxmpfer,  Tome  I,  pag.  250. 

(i)  Le  Japon  s'appelloic  alors  ^kitfuj/i- 
ma.  Syn-Mu  partagea  les  tems  en  annexes ,  en 
mois ,  &  en  jours.     Ibidem. 

(c)  On  le  fait  régner  foixantc- dix -neuf 
ans,  &  mourir  par  conféquentà  l'àgc  décent 
cinquante-fept. 

(ci)  Ce  titre  efl  devenu  celui  de  tous  fes 
SuccefTeurs.  On  ne  les  appelle  proprement, 
dit  Kxmpfer ,  que  Mikaddo ,  Dai ,  Oo ,  Kwo , 
&  Tai,  tous  noms  qui  fignifient  Empereur, 
Prince  &  Grand  Seigneur.  Cependant  on  Ils 
défigne  fouvent ,  dans  la  converfution  ordi- 
îwirc,  par  le  nom  de  Dairi,  qui  fignllie  pro- 
prement leur  Cour  enticrc  ;  d'où  leur  vient 


XIK  l'art. 


.nufli  le  nom  de  Kintjîufama ,  c'efl-à-dire , 
Cbef  ou  Seigneur  de  la  Cour  Eccléfiajîique , 
par  les  raifons  qui  vont  être  expliquées.  En 
parlant  d'eux-mêmes,  ils  prennent  le  titre  de 
TJin ,  ik.  ils  fignent  Maro.  ibid.  pag,  235. 
Le  même  Auteur  fait  honneur,  aux  Chinois, 
d'avoir  infpiré,  aux  Habitans  du  Japon,  le 
goût  du  Gouvernement  Monarchique.  Ibi- 
dem. 

(e)  Ce  Voyageur  donne  une  fuite  chrono- 
logique de  tous  CCS  Princes,  avec  l'abrcgéde 
leur  vie.     Tom.  I.  pag.  248  ^  Juiv. 

(/)  Il  n'ed  \:d.s  certain  que  ce  Joritonio 
fut  fils  d'un  Dairi.  C'cft  de  l'on  fils,  qui  por- 
toit le  même  aoni,  qu'on  commence  à  coinp- 


DESCKIPTrOH 

DU  Japoîc. 


Syn-Mu , 
premier  Em- 
pereur. 

Nombre  df 
fes  SiicccC- 
fcur*. 


Révolutio» 
qui  change  la 
face  de  l'Em- 
pire. 


Double  Em- 
pire des  Dai- 
ris &  des  Cu- 
bolumaï. 


Vv 


ter 


338 


VOYAGE    DE    K  MMVFEK 


DlSCRTPTION 

DU  Japon. 


Les  Sei- 
gneurs s'éri- 
j;e,.t  cil  Sou- 
verains. 


Meaco  efl: 
le  fc'ioiir  du 
Daiii. 


cafion  d'une  Guerre  civile  pour  fecouer  le  joug,  jetta  les  fondemens  d'un 
nouveau  Trône ,  qui  s'efl  îbûtenu  depuis  le  même  -  tems  jufqu'aujourd'hui. 
Kaempfer  nomme  trente-fix  de  ces  Empereurs  Cubofamas  ;  car  c'eft  le  titré 
qu'ils  ont  confervé ,  pour  fe  diftinguer  des  Empereurs  Mikaddos ,  ou  Dàiris. 
La  Gutrre  dura  long-teros  entre  ces  deux  Puiliances  ;  &  la  variété  des  ilici 
ces  devint  roccafîon  d'un  nouveau  défordre,  de  la  part  des  Seigneurs  &des 
Gouverneurs  particulieurs ,  qui  s'érigèrent  en  Souverains  dans  leurs  Provin- 
On  les  vit  régner  affez  long-tems  fous  le  nom  de^akatas,  avec  autant 


CiS 


d'indépendance  que  les  Cubofamas  en  affeftoient  à  l'égard  des  Dairis.  Cha- 
cun  d'eux  avoit  ion  Domaine ,  qui  excédoit  toujours  la  moitié  de  fon  Etat 
&  partageoit  le  refte  entre  fes  grands  Vaflaux ,  qui  fe  nommoient  Konikus, 
&  qui  étoient  obligés  de  lui  rendre  des  fervices  proportionnés  aux  Terre» 
qu'ils  avoient  reçues.  Ces -Konikus  fe  réfervoient,  de  même,  une  partie 
de  leurs  pofTefTions ,  pour  leur  entretien,  &  diftribuoient  l'autre  à  des  Sei* 
gneurs  d'un  Ordre  inférieur,  qui  relevoient  d'eux.  On  les  nommoitlow;. 
Ils  avoient ,  fous  eux,  aux  mêmes  conditions,  les  fimplês  Gentilshommes 
&  tous  ceux  qui  faifoient  profeffion  des  armes.  Une  fubordination  fi  bien 
établie  mettoit  chacun  de  ces  petits  Rois  en  état  de  lever  promptement  des 
Troupes  nombreufes  ;  mais  leur  chute  entraînoit,  avec  autant  de  rapidité, 
la  ruine  de  tous  ceux  qui  s'étoient  attachés  à  leur  fortune,  non  -  feulement 
parceque,  fuivant  les  Loîx  du  Japon,  toute  la  famille  d'une perfonne  crimi- 
nelle, ou  difgraciée ,  participe  à  fon  châtiment ,  fi  le  Prince  ne  lui  fait  grâ- 
ce; mais  encore,  parceque  celui ,  qui  entroit  dans  les  biens,  dont  un  de 
ces  petits  Souverains  avoit  été  dépouillé ,  n'étoit  pas  obligé  de  laiffer ,  aux 
Vaflaux  de  leurs  Prédéeefl'eurs  ,  les  Terres  qu'ils  tenoient  de  lui.  Pendant 
cette  divifion  de  toutes  les  Parties  de  l'Empire,  les  Cubofamas  ne  jouifloient 
que  des  cinq  Provinces ,  qui  font  l'ancien  Domai;ie  des  Empereurs.  Mais, 
au  commencement  du  feiziéme  liècle,  un  de  ces  Monarques  fe  rendit  abib- 
lu ,  par  la  force  des  armes;  &  réduifant  les  Dairis  à  la  Souveraineté  de  h 
Religion,  il  établit,  entre  lui  &  les  Jakatas,  la  même  diftanee  qui  étoit 
entre 'les  Jakatas  &  les  Konikus  :  c'eft- à -dire  que  tout  fut  reculé  d'un 
degré,  &  qu'aujourd'hui  plus  de  la  moitié  de  l'Empire  eft  du  Domaine 
Impérial. 

On  diftingue  donc,  au  Japon,  deux  Empereurs  ;  l'un  que  nos  Voya- 
geurs appellent  le  Monarque  Séculier ,  ou  le  Cubofama ,  qui  jouit  réellement 
de  toute  l'Autorité  Temporelle  ;  l'autre ,  qu'ils  nomment  le  Monarque 
Eccléjîajîique  ^  &  qui  continue  la  fucceffion  des  anciens  Mikaddos ,  ou  Dai- 
ris ,  avec  les  apparences  de  la  Souveraineté ,  mais  dont  tout  le  pouvoir 
fe  réduit  à  régler  les  affaires  de  la  Religion  ,  à  nommer  aux  Dignités 
Eccléfialliques ,  &  à  prononcer  fur  certains  différends  qui  s'élèvent  entre 
les  Grands. 

Meaco  eft  le  féjour  fixe  de  ce  Souverain  dégradé.  Il  occupe,  dans  la 
partie  Nord-Eft  de  la  Ville,  un  Palais  d'immenfe  étendue,  dont  on  a  vu  la 

De- 


ter  les  Empereurs  Cnbofamas,  dont  Kœmp- 
fer  donne  auffi  la  fucceffion.  Ibidem  ,  pag. 
309  &  fuiv.    II  dtfclarc  qu'il  s'efl  attaché  aiuc 


deux  Clironiqucs.  du  Japon  les  plus  exa^C'> 
Jbid,  pag.  249. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


330 


Autorité 
qui  lui  refte. 


Honneur» 


Oefcrîption  dans  le  Journal  de  Kaempfer;  &  fous  prétexte  de  veiller  à  fa  Dmcripttojt 
confervation ,  le  Cubofama  entretient  conftamment,  auprès  de  lui,  une  ^^h'°»' 
grofle  Garnifon,  pour  le  garder.  Le  Dairi  n'a  proprement  aucun  Domai- 
ne; mais  le  Cubofama,  qui  s'efl:  emparé  du  Domaine  Impérial,  pourvoit 
noblement  à  fa  fubfiftance.  Il  lui  abandonne  le  revenu  de  Meaco  &  de  fes 
dépendances ,  auquel  il  ajoute  quelque  chofe  de  fon  tréfor.  Cet  argent  efl 
mis  entre  les  mains  du  Dairi ,  qui  en  prend  ce  qui  efl:  néceflaire  pour  fes 
beibins  &  fes  plaifirs ,  &  qui  diflribue  le  refl:e  à  fes  Officiers.  Le  droit , 
qu'on  lui  a  confervé  de  nommer  aux  Dignités  Eccléfiafl:iques  ,  &  de  con- 
férer généralement  tous  les  titres  d'honneur,  efl:  une  autre  reflburce  ,  qui 
fait  entrer  d'immenfes  richeffes  dans  fes  coffres.  Comme  il  prononce  aulTi 
fur  les  différends  des  Grands,  il  a,  pour  cette  fonftion,  un  Confeil  d'Etat, 
dont  les  Officiers  fe  nomment  Kungis  ou  Kunis.  Il  les  envoyé  fouvent ,  avec 
le  titre  de  Commiffaires  Souverains ,  pour  faire  exécuter  fes  fentences  ;  & 
ces  commifllons  lui  rapportent  de  grofJes  fommes. 

Au-RESTE,  la  politique  des  Cubofamas  le  dédommage  de  l'obéifTance 
qu'on  a  celle  de  lui  rendre ,  par  un  culte  Religieux,  qui  approche  des  hon-  Jg,^j" 
neurs  Divins.    La  Nation  Japonoife ,  accoutumée,  comme  on  l'a  fait  re- 
marquer, à  le  regarder  comme  un  Defcendant  des  Dieux  &  des  demi-Dieux, 
eft  entrée,  fans  peine,  dans  toutes  les  vues  qu'on  s'efl  efforcé  de  lui  infpi- 
rer.    Les  Dairis  font  regardés  comme  des  Pontifes  fuprêmes,  dont  la  per- 
fonne  efl  facrée.    Ils  contribuent  eux-mêmes  à  foûtenir  cette  opinion ,  com- 
me le  feul  fondement  de  grandeur  qui  leur  refle.    Kaempfer  rapporte  quel- 
ques exemples  de  leurs  ufages.     „  Un  Empereur  Eccléfiaftique  du  Japon 
„  croiroit  profaner  fa  Sainteté ,  s'il  touchoit  la  Terre  du  bout  du  pied.  S'il 
„  veuf,  aller  quelque  part ,  il  faut  que  des  hommes  l'y  portent  fur  leurs  é- 
„  pauies.    Il  ne  s'expofe  jamais  au  grand  air ,  ni  même  à  la  lumière  du  So- 
„  leil ,  qu'il  ne  croit  pas  digne  de  luire  fur  fa  tète.     Telle  efl  la  Sainteté 
5,  des  moindres  parties  de  fon  corps ,  qu'il  n'ofe  fe  couper,  ni  les  cheveux, 
„  ni  la  barbe ,  ni  les  ongles.     On  lui  retranche  ces  fuperfluités  pendant  fon 
„  fommeil,  parceque  l'ofiice,  qu'on  lui  rend  alors,  paffepour  un  vol.   Au- 
„  trefois  il  étoit  obligé  de  fe  tenir  alfis  fur  fon  Trône ,  pendant  quelques 
„  heures  de  la  matinée,  avec  la  Couronne  Impériale  fur  fa  tête,  &  de  s'y 
„  tenir  dans  une  parfaite  immobilité, qui  paffoit  pour  un  augure  de  la  tran- 
„  quiÏJité  de  l'Empire.     Au  contraire,  fi  par  malheur  il  lui  arrivoit  de  fe 
„  remuer,  ou  de  tourner  les  yeux  vers  quelque  Province,,  on  s'imaginoit 
„  que  la  guerre ,  le  feu  ,  la  famine  &  d'autres  liéaux  terribles  ne  tarde- 
„  roient  point  à  défoler  l'Empire.     On  l'a  déchargé  d'une  fi  gênante  céré- 
„  monie;  ou  peut-être  les  Dairis  eux-mêmes  ont-ils  fecoué  ce  joug.     On  fe 
„  contente  de  laif^er  la  Couronne  Impériale  fur  le  Trône  ,  fous  prétexte 
„  que  dans  cette  fituation ,  fon  immobilité  ,   qui  efl  plus  fûre,  prodiut  les 
,,  mêmes  effets.     Chaque  jour,  on  apporte  la  nourriture  du  Dairi  dans  des 
„  pots  neufs.     On  ne  le  fert  qu'en  vaiffelle  neuve ,  &  d'une  extrême  pro- 
„  prêté  ;  mais  d'argile  commune ,  afin  que  fans  une  dépenfe  excefl^ive  on 
„  puifl'e  brifer  chaque  jour ,  tout  ce  qui  a  paru  fur  la  table.     Les  Japonois 
j,  font  perfuadés  que  la  bouche  &  la  gorge  des  Laïques  s'enfleroient  auffi- 
()  tôt,  s'ils  avoient  mangé  dans  cette  vaiffelle  refpeftable.     11  en  cil  de 

Vv  2  „  même 


54-0 


VOYAGE     DE     K  iE  M  P  F  E  R 


Descmttîos 
DU  Japon. 

Siiccefllon 
au  Trône  du 
Uairi. 


jMarlagc  du 
Dairi, 


Son  habil- 
lement. 


Titres  qu'il 
confère. 


„  même  des  habits  facrés  du  Dairi.    Celui  qui  les  porteroit ,  fans  fa  per- 
„  mifiion  exprefle,  en  feroit  puni  par  une  enflure  douloureufe  ". 

Aussi-tôt  que  le  Trône  eft  devenu  vaquant  par  la  mort  d'un  de  ces 
Monarques  imaginaires ,  la  Cour  Eccléfiafbique  y  élève  fon  Héritier  le  plus 
proche ,  fans  dilHnélion  d'âge  ni  de  fexe.     On  y  a  vu  fouvent  des  Princes 
mineurs,  ou  de  jeunes  PrinceiTes ,  qui  n'étoient  pas  mariées  ;  &  quelquefois 
même ,  la  Veuve  de  l'Empereur  mort  s'efl:  trouvée  aflez  proche  de  fon  fang 
pour  lui  fuccédcr.    S'il  y  a  plufieurs  Prétendans  à  la  Couronne ,  dont  les 
droits  puiflent  être  contellés,  on  ajufte  le  différend  avec  beaucoup  de  dou- 
ceur &  de  juftice ,  en  les  faifant  régner  tour  à  tour,  chacun  pendant  un 
certain  nombre  d'années ,  qu'on  proportionne  au  degré  du  fang.     Quelque- 
fois le  Père  réfigne  fucceffivement  la  Couronne  à  plufieurs  de  fes  cnfans, 
pour  donner ,  à  chacune  de  leurs  différentes  Mères ,  le  plaifir  de  voir  le  fien , 
fur  un  Trône ,  auquel  il  n'auroit  pas  d'autre  droit.     Ces  changemens  fe  font 
avec  le  plus  grand  fecret.    Un  Empercir  peut  mourir  ou  abdiquer,  fans 
que  le  public  en  foit  inftruit ,  jufqu'à-te  que  la  fucceffion  foit  réglée.    Ce- 
pendant il  eft  quelquefois  arrivé  que  ceux  de  la  Famille  Royale ,  qui  fe 
croyoient  appelles  à  la  fucceffion,  dont  on  les  avoit  exclus,  ont  maintenu 
leur  droit  par  la  force  des  armes.    De  -  là  font  venues  des  Guerres  fanglan- 
tes,  dans  lefquelles  tous  les  Princes  du  Japon  embraffoient  différens  partis, 
&  qui  ne  fe  font  terminées  que  par  la  mort  d'un  des  Concurrens ,  &  par  h 
deftruélion  de  toute  fa  famille  (g  ). 

Le  Dairi,  fuivant  l'ufage  de  fes  Prédeceffeurs ,  prend  douze  femmes, 
&  partage  les  honneurs  du  Trône  avec  celle  qui  eft  Mère  du  Prince  hé- 
réditaire. Les  cérémonies  de  fon  Mariage ,  celles  de  1'  -couchement  de 
l'Impératrice  ,  &  du  choix  d'une  Nourrice ,  pour  f  Héritier  de  la  Cou- 
ronne, font,  dans  les  termes  de  Kaempfer,  „  d'une  fplendeur  qui  fur- 
„  paffe  l'imagination  ;  comme  fi  la  félicité  de  l'Empire  en  dépendoit  uni- 
„  quement  (h)". 

L'habillement  du  Dairi  efl  affez  fimple.  C'eft  une  tunique  de  foye 
noire ,  -fous  une  robbe  rouge  ;  &  par-deffus  les  deux ,  une  efpéce  de  cré- 
pon de  foye,  extrêmement  fin.  li  porte,  fur  la  tête,  une  forte  de  chapeau, 
avec  des  pendans  affez  femblables  aux  fanons  d'une  mître  d'Evêque ,  ou 
de  la  Tiare  du  Pape.  Mais  il  affe6le  d'ailleurs  une  magnificence  qui 
va  jufqu'à  la  profufion.  Caron  alfure ,  dans  fes  Réponds  aux  Quef- 
tions ,  qu'on  lui  prépare  chaque  jour  un  fomptueux  fouper ,  avec  une  gran- 
de mufique,  dans  douze  appartemens  du  Pab.is;  &qu  après  qu'il  a  décla- 
ré celui  dans  lequel  il  veut  manger ,  tout  cet  appareil  y  eft  réuni  fur  une 
îeule  table.  \;  •.-  „ ,-, 

Toutes  les  perfonnës ,  qui  compofent  fa  Cour ,  fe  vantent  d'être  dcf^^ 
cendus ,  comme  lui ,  de  Ten-Jio-Dfin ,  le  premier  des  demi-Dieux  &  le  Chef 
de  la  féconde  Race  Impériale.  Quelques  -  uns  d'entr'eux  poffédent  de  ri- 
ches Bénéfices,  où  ils  fe  retirent  pendant  une  partie  de  l'année.  Cepen- 
dant la  plupart  demeurent  enchaînés  rcligieufement  à  la  perfonne  facrce 
de  leur  Chef,  qu'ils  fervent  dans  les  dignités  dont  il  lui  plaît  de  les  revê- 
tir, 


ig)  f*ag.  238  &préa'dcutcs. 


(fc)  Ibidem, 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  341 

tir.  On  en  diflingue  plufieurs  Ordres  (i).  Mais  à  la  réferve  de  cei  tains 
titres ,  auxquels  il  y  a  des  fonélions  attachées ,  les  autres  font  de  fimpies 
titres  d'honneur ,  que  le  Dairi  accorde  également  aux  Princes  &  aux  Sei- 
gneurs féculiers ,  foit  à  la  recommandation  de  l'Empereur  Cubofama ,  foit 
à  leur  propre  prière,  lorfqu'elle  efl  accompagnée  d'une  grofle  fomme  d'ar- 
gent. Kaempfer  nomme  néanmoins  deux  de  ces  titres ,  que  le  Cubofama 
peut  conférer  lui-même  aux  Premiers  Miniftres  &  aux  Princes  de  l'Empire , 
mais  avec  le  confentement  du  Dairi  ;  ceux  de  Makmdairo  &  de  Cami.  Le 
premier,  qui  étoit  anciennement  héréditaire ,  revient  à  celui  de  Duc  ou  de 
Comte.    Le  fécond  fignifie  Chevalier  {k). 

Entre  plufieurs  marques  qui  diflinguent  les  Courtifans  Eccléfiaftiques , 
ils  ont  un  habit  particulier ,  qui  fait  connoître ,  non-feulement  leur  profef- 
ilon,  mais  les  différences  mêmes  de  leurs  Clalles.  Ils  portent  de  larges  & 
longues  culottes.  Leur  robbc  ell:  auflî  d'une  longueur  &  d'une  largeur  ex- 
trêmes, avec  une  queue  traînante,  qui  s'étend  fort  loin  derrière  eux.  Ils 
fe  couvrent  la  tête  d'un  bonnet  noir,  dont  la  figure  défigne  leur  rang  ou 
leur  emploi.  Quelques-uns  y  attachent  une  large  bande  de  crépon  noir ,  ou 
de  foye,  qui  leur  pend  fur  les  épaules;  &  d'autres,,  une  pièce  en  forme 
d'éventail ,  qui  tombe  devant  leurs  yeux.  D'autres  ont  une  large  bande , 
qui  defcend  des  deux  côtés  fur  la  poitrine.  Les  Dames  de  la  Cour  du  Dai- 
ri font  vêtues  aufli  tout  différemment  des  femmes  Laïques;  fur -tout  les 
douze  femmes  de  ce  Prince,  qui  portent  des  robbes  fans  doublure,  &  d'u- 
ne largeur  fi  fingulière ,  qu'elles  n'ont  pas  peu  d'embarras  à  marcher  lorf- 
qu'elles  font  en  habits  de  cérémonie  (/). 

L'Etude  &  les  Sciences  font  le  principal  amufement  de  cette  Cour. 
Non  feulement  les  Kuges ,  ou  les  Courtifans ,  mais  plufieurs  de  leurs  fem- 
mes fe  font  fait  un  grand  nom  par  divers  Ouvrages  d'efprit.  Les  Alma- 
nacs'fe  faifoient  autrefois  à  la  Cour  du  Dairi.  Aujourd'hui,  c'efl:  un  Am- 
ple Habitant  de  Meaco  qui  les  dreffe  ;  mais  ils  doivent  être  approuvés  par 

un 


DfscRiPTioir 
ou  Japon» 


Deux  ti- 
tres à  ht  no- 
iiiination  tlu 
Cubofama. 


Habits  des 
Kuf^L's ,  ou  des 
Courtifans  du 
Dairi. 


Amufcmcns 
de  la  Cour 

Ecciéfiafti- 
quc. 


(i)  Us  fe  rcduifcnt  à  fix.  Celui  de  la  pre- 
micre  Claflc  cfl:  Dai  ■  Seo  -  Dai  ■  Sin.  11  con- 
facre  la  pcf fonnc  qui  en  cfl;  honorée ,  &  le 
rend,  à  fa  mort,  Dieu  ou  Cami.  Aulîî  le 
Dairi  fe  le  réferve-t'il  à  lui  feul ,  ou  le  don- 
ne-t'il  rarement  à  d'autres.  Le  titre  de  Qjian- 
btiku  appartient  aulïï  à  la  première  ClalTe  , 
&  c'cll  celui  du  premic  Officier  de  la  Cour 
Eccléfiallique.  L'Empereur  Séculier  s'en  croit 
bonoré  lui  même,  ou  le  cède  à  fon  Héritier 
préfomptif.  C'efl.  le  même  quj  celui  de  Qjie- 
hcondono,  ou  Cambacundono ,  qui  fe  trouve 
fouvent  dans  les  Relatiojis  des  Jéfiiitcs.  2<*. 
Sa  -  Dai  -  Sin ,  U  -  Dai  -  Sin ,  &.]}Jai  -  Dai  -  Sin , 
font  trois  titres  qui  appartiennent  à  la  fccoji- 
(\c  Claflc,  &.  jamais  il  n'y  a  plus  de  trois per- 
fonnes ,  qui  en  foicnt  revêtues.  3°.  Les 
DaiNagonikksTj'unagon,  compolcnt  letroi- 
fième  Ordre.     Ces  deux  titres  font  toujours 


sf'.Khés  à  certaines  foncTiions.  4°.  &  5«». 


Les 

V 


quatrième  &  cinquième  Clafles  font  compofécs 
des  Seonagon ,  Tjiunagon ,  Tjiufeo  ,  &,  des  Sdid- 
fiu.  Ces  deux  Ordres  font  fort  nombreux  6c 
fe  fubdivifcnt  en  plufieurs  rangs.  Cjux  qui 
en  font  honorés  portent  en  général  le  nom  de 
Tenfio-Bito,  qui  fignitle  Hommes  céleflds  ;  coni- 
nie  tous  lesOlïïciers  de  la  même  Cour  pren- 
nent le  titre  de  /iTM^fj-,  c'cft-à-dire,  Sdgimtn 
Eccléfiaftiques,  pour  fe  dillinguer  desGe^ffj, 
nom  fous  lequel  font  renfermés  tous  les  Laï- 
ques. 6^.  Les  titres  de  la  fixième  Claire  font , 
Tai ,  U,  Goi,  &.  d'autres  moins  confidém- 
bles.     Ibid.  pag.  24.0. 

(É)  Le  même  caraftère,  qui  fignifie  une 
ame  déifiée ,  fe  prononce  auHi  Cuiii ,  quoi- 
que d'im  nature  tout-à-fait  dill"ér(.nte.  En 
général,  toutes  les  Divinités  du  Japon  por- 
tent le  nom  de  Cami.     Ibid.  pa;^',  241. 

(/)  Ibid.  pag.  242. 


Si 


34Î 


VOYAGE    DE    KJEMPFER 


DctcniPTioir 

ou  jArON. 


Vifite  réglée 
que  le  Cubo- 
Kiina  rend 
Dairi. 


au 


Puin*rince 
de  TEmpereur 
Cubofama. 


un  Kuge  ,  qui  les  fait  imprimer  à  Isje ,  comme  dans  un  lieu  faint.  tn, 
Mufiqueefl:  en  honneur  aulïï  dans  cette  Cour;  &  les  femmes,  fur-tout,  v 
touchent ,  avec  beaucoup  de  dclicateffe ,  plufieurs  fortes  d'inftrumens.  Les 
jeunes  gens  s'y  appliquent  à  tous  les  exercices ,  qui  conviennent  à  leur  âge. 
Kcempër  ne  put  être  informé  fi  l'on  y  repréfente  -des  Speftacles  ;  mais  Ja 
paiTion  générale  des  Japonois ,  pour  le  l'héâtre  ,  lui  donne  du  penchant 
à  croire  que  ces  graves  Eccléfîalliques  ne  fe  privent  pas  de  cet  amufe- 
ment  (w). 

Tous  les  cinq  ou  fix  ans ,  l'Empereur  Cubofama  rend  une  vifite  folem- 
nelie  au  Dairi.  On  employé  une  année  entière  aux  préparatifs  de  ce  Voya* 
ge.  Une  partie  des  Seigneurs,  qui  font  nommés  pour  le  cortège',  partent 
quelques  jours  avant  l'Empereur  ;  une  autre  partie  quelques  jourè  après; 
mais  le  Confeil  ne  quitte  point  ce  Monarque.  Le  chemin  de  Jedo  à  Mea- 
co,  qui  eft  de  cent  vingt  -  cinq  miles,  fe  partage  en  vingt -huit  logemens, 
dans  chacun  defquels  il  trouve  une  nouvelle  Cour,  de  nouveaux  Officiers, 
de  nouveaux  Soldats ,  des  chevaux  frais ,  des  provifions ,  &  tout  ce  qui 
efl:  néceflaire  pour  la  Cour  d'un  Prince  qui  va  rendre  hommage,  avec  une 
Armée,  à  un  Souverain  dont  il  efl:  réellement  le  Maître.  Ceux  qui  font 
partis  de  Jedo  avant  lui  s'arrêtent  au  premier  logement.  Ceux  qui  l'y  at- 
tendoient,  le  fuivent  jufqu'au  fécond;  a  le  même  ordre  s'obfervant  julqu'à 
Meaco ,  chaque  troupe  ne  fuit  ce  Prince  que  pendant  une  demie  journée, 
car  il  fait  deux  logemens  par  jour.  A  fon  arrivée  dans  la  Capitale  Ecclé- 
fiafl:ique ,  les  Troupes  s'y  rendent  en  fi  grand  nombre ,  que  cent  mille  mai- 
fons,  dont  Meaco  efl:  compofée,  ne  furafant  pas  pour  les  loger,  on  efl:  obli- 
gé de  drefler  des  tentes  hors  de  la  Ville.  Kaîmpfer  a  remarqué ,  dans  fon 
Journal,  que  le  Cubofama  y  trouve  un  grand  Château,  uniquement  defliiné 
à  le  recevoir.  Les  Etrangers  ignorent  ce  qui  fe  paffe  de  particulier ,  dans 
l'entrevue  des  deux  Empereurs.  Cependant  tout  le  monde  fçait  que  le  Cu- 
bofama préfente  fes  refpeéls  au  Dairi,  comme  un  Vaflal  à  fon  Souverain; 
&  qu'après  lui  avoir  fait  de  magnifiques  préfens ,  il  en  reçoit  auflTi  de  fort 
riches..  On  raconte  que  pendant  cette  vifite,  on  lui  apporte  une  tafle  d'ar- 
gent pleine  de  vin;  qu'il  boit  la  liqueur,  &  qu'il  met  la  tafl'e  en  pièces, 
pour  la  garder  dans  cet  état.  Cette  cérémonie  pafle  pour  une  preuve  écla- 
tante de  dépendance  &  de  foumiflfion. 

Cependant  ce  n'ell  au  fond  qu'une  fcène  de  Théâtre,  qui  n'empêche 
point  que  le  Cubofama  ne  jouifle  du  pouvoir  abfolu.  On  a  déjs  vu  qu'il 
tient  fa  Cour  à  Jedo ,  &  Kaîmpfer  a  décrit  la  magnificence  de  fon  Palais. 
Le  nouvel  Hifl.orien  du  Japon,  dont  l'efliime  fe  déclare  continuellement 
pour  ce  Voyageur ,  par  l'ufage  qu'il  fait  de  fes  lumières ,  a  fort  bien  raf- 
femblé,  d'après  lui,  les  principaux  traits  qui  peuvent  donner  une  jufl:e  idée 
de  la  Monarchie  féculiere  du  Japon.  Il  n'eft  pas  furprenant,  dit -il,  que 
dans  un  Etat  d'une  médiocre  étendue,  l'Empereur  Cubofama  foit  un  des  plus 
riches  Monarques  de  l'Univers.  Outre  fon  Domaine,  qu'on  fait  monter, 
depuis  le  feizième  fiècle ,  à  plus  de  la  moitié  du  Japon,  &  les  droits  qui  fe  lè- 
vent en  fon  nom  fur  le  Commerce  étranger  (Si  fur  les  Mines,  chaque  Sei- 
gneur 


lint.    tn, 

ir-tout,  M 
nens.  Les 
t  leur  âge. 
s  ;  mais  la 
penchant 
;et  amufe- 

fite  folem- 
'  ce  Voya- 
i,  partent 
ur^  après; 
do  à  Mea- 
logemens, 

Officiers, 
3Ut  ce  qui 
,  avec  une 
X  qui  font 

qui  l'y  at- 
mt  jufqu'à 
e  journée, 
:ale  Ecclé- 
mille  mai- 
)n  eft  obli- 
,  dans  Ton 
snt  defliné 
ilier,  dans 

que  le  Cu- 
souverain; 
iffi  de  fort 
!  tafle  d'ar- 
en  pièces, 
■euve  écla- 

n'empêche 
\s.  vu  qu'il 
fon  Palais. 
luellement 
t  bien  raf- 
;  jufte  idée 
it-il,  que 
m  des  plus 
it  monter, 
qui  fe  lè- 
laque  Sei- 
gneur 


AVaPENS     van    T   Ryk 

V  en    van   de  Edellieden . 


Wapens  j)er  Vorstï:n| 

van    Japan  . 


-4 


i  rtflttsttîiîii. 


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Mo2VJ>foiEs  jiv  Japojv 
Japansche  Munten. 


^arfue^    cl' Ao...n.ai£r-  fu-'o/i^  zf^r^is^  tlcyanû-   ces  '^muies    cù  le^s   ûf-anjù 


1 


I 


Eere-tekeng,'W"elke  voor  de  Prmslèn  en   Grooten  ffe<lraaen  worden. 


./.  y.  ^v«<v   <«^'*vf 


i-' 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lxv.  IV. 


343 


•neur  eft  obligé  de  lui  entretenir  un  nombre  de  Soldats,  proportionne  au 
revenu  dont  iljouit.  Celui,  qui  a  dix  mille  florins  de  rente,  doit  entrete- 
nir vingt  Fantaflins  &  deux  Cavaliers.  La  proportion,  pour  les  autres, 
cft  prife  de  cette  règle.  Pendant  que  les  HullanJois  avoient  leur  Comptoir 
à  l'irando,  le  Prince,  qui  commandoit  dans  ce  petit  Etat,  ayant  i'w  ce 


DrucpirTroW 

DU  Japow. 


ns 


mille  iîorins  de  revenu,  entretenoit  fix  cens  rantalîins  &  lix  vingts  Cava- 
liers, fans  y  comprendre  les  Valets,  lesEfclavcs,  6c  tout  ce  qui  doit  ac- 
compagner une  troupe  de  ce  nombre.  Enfin,  toute  fupputation  faite,  le 
nombre  total  des  Soldats  que  les  Princes  &  les  Seigneurs  font  obligés  de 
fournir  à  l'Empereur  fccufier,  monte  à  trois  cens  huit  mille  Fantaffins,  & 
trente-huit  mille  huit  cens  hommes  de  Cavalerie.  De  fon  côté,  il  compte, 
à  fa  propre  folde,  cent  mille  hommes  de  pied,  &  vingt  mille  chevaux,  qui 
compofent  les  Garnifons  de  fes  Places ,  fa  Maifon  &  f es  Gardes.  Les  Ca- 
valiers font  armés  de  pied  en  cap.  Ils  ont  des  carabines  fort  courtes ,  des 
javelots,  des  dards  &  le  fabre.  On  prétend  qu'ils  font  fort  adroits  à  tirer 
de  l'arc*  Les  Fantaffins  n'ont  pas  d'autres  armes  defFenfives  qu'une  elpèce 
de  calque.  Pour  armes  ofFenfives,  ils  ont  chacun  deux  fabres,  une  elpèce 
de  pique  &  un  moufquet.  L'Infanterie  efl  divifée  par  Compagnies.  Cinq 
Soldats  ont  un  homme  qui  les  commande  ;  &  cinq  de  ces  Chers ,  qui  avec 
leurs  gens  font  trente  hommes ,  en  reconnoifTent  un  autre  qui  leur  efl  fupé« 
rieur.  Une  Compagnie  de  deux  cens  cinquante  homme  a  deux  Chefs  prm- 
cipaux  &  dix  fubalternes,  avec  un  feul  Capitaine  qui  les  commande  tous; 
&  toutes  les  Compagnies  font  commandées  par  un  Chef  général.  La  même 
gradation  s'obferve  dans  la  Cavalerie. 

Toutes  ces  Troupes  font  plus  oue  fufïifantes  pour  faire  refpefter  un 
Prince,  qui  ne  penfe  qu'à  contenir  fes  Sujets  dans  la  fonmiffîon,  &  qui 
ne  fe  propofe  point  des  Conquêtes.  Cependant,  fi  l'Empereur  du  Japon 
avoit  befoin  de  plus  grandes  forces  ,  il  lui  feroit  facile  de  rafTembler  de 
formidables  Armées ,  fans  caufer  aucun  defordre  dans  le  Commerce  de  fes 
Etats ,  &  dans  l'exercice  des  Arts ,  ni  même  dans  le  travail  nccefTaire  à  la 
fubfiflance  des  Peuples.  Tous  les  ans,  il  efl:  exaftement  informé  du  nom- 
bre de  f^s  Sujets;  foit  de  ceux  qui  habitent  les  Villes,  ou  de  ceux  qui  font 
établis  à  la  Campagne.  Divers  Officiers ,  chargés  de  cette  commilîion ,  en 
rendent  direélement  compte  à  la  Cour. 

Autant  qu'il  efl  facile  au  Cubofama  d'amaffer  des  tréfors,  autant  les 
Grands  trouvent -ils  de  difficulté  à  multiplier  leurs  richefTes.  La  plûpait 
jouifîent  d'un  revenu  confidérable  («).  La  politique  du  Souverain  les  en- 
gage dans  des  dépenfes  exceffives.  Tous  les  Gouverneurs  font  obligés  de 
palier  fix  mois  de  l'année  à  Jedo,  &  de  s'y  rendre  avec  un  pompeux  cortè- 
e.    Les  autres  Seigneurs  doivent  y  aller  une  fois  du  moins  en  deux  ans , 

chaque  fois  qu'ils  y  font  appelles.     Le  tems  efl  marqué  à  chacun  pour 


Ni'iinluc  t!c 
fa  Milice. 


Arnus  dcl.i 
Caviileiic  (<. 
de  I'Iiif;ititcrie 
Japoiioilts. 


(n)  On  a  déjà  vu  que  KsBinpfcr  fait  mon- 
ter les  revenus  de  l'Empire  à  deux  mille  trois 
cens  vingt-huit  Mans,  &  fix  mille  deux  cens 
Kokfs.  Ils  font  évalués  à  quatre  cens  fept  mil- 
lionj  quatre  cens  dix-neuf  mille  florins  de  Hol- 


Onlrc  d.j 

Troupes. 


Le  Cubo  la- 
ma peut  cti 
lc\cr  l)cau- 
COlip  pllli. 


T.«''s  Sui- 
gneiifs  ne 
peuvent  tlic- 
iaurilcr. 

Dépcnlcs 
aiiA-qucilci  il> 
fo.iL  obl;g.'S. 


ce» 

», 


lande;  c'eftà-dire ,  environ  huit  cens  ciuatorze^ 
millions  huit  cens  vingt  mille  livres  cîe  Fran-* 
ce.  Caron  en  donne  le  détail ,  dans  fes  Ké» 
ponfes  aux  Queftions  fur  le  Japon. 


34+ 


VOYAGE     DE    K  ^  M  P  F  E  R,  if 


©ESCRIPTrON 
nu  Japon. 


AflTiiiettiirc. 
nient  fingiilier 
pour  leurs 
Mailbns. 


Politique 
tics  Cubola- 
mas. 


Gouverne- 
ment particu- 
lier. 


ces  Voyages ,  qui  ne  peuvent  fe  faire  qu'à  grands  fraix.  Avant  que  d'ar- 
river à  Jedo ,  leur  bagage  eft  vifité  par  des  Commiflaires  Impériaux ,  aux- 
quels il  eft  expreflement  défendu  cie  laifler  paflcr  des  armes.  Dans  mille 
occafions ,  ils  doivent  donner  des  repas  &  des  fêtes  qui  leur  coûtent  beau- 
coup. Leurs  femmes  &  leurs  enfans  demeurent  habituellement  à  Jedo ,  & 
ne  peuvent  le  difpenfer  d'y  vivre  avec  fplendeur.  Enfin,  lorfque  l'Em- 
pereur forme  quelque  entreprife  confidérablc ,  il  en  charge  un  certain  nom- 
bre de  Seigneurs ,  qui  font  obligés  de  l'exécuter  à  leurs  fraix. 

LoRSQ.u'uN  Prince,  ou  un  Seigneur ,  bâtit  une  maifon ,  il  faut  qu'avec 
la  porte  ordinaire  il  en  fafle  faire  une  autre,  ornée  de  bas-reliefs,  dortJe  (<c 
verniflce  dans  toute  fon  étendue.  On  la  couvre  de  planches,  pour  en  con- 
ferver  la  beauté,  jufqu'à-ce  qu'il  plaife  à  l'Empereur  de  rendre  vilite  au 
Maître  de  la  maifon,  qui  lui  donne  alors  un  fomptueux  feftin.  L'invi- 
tation fe  fait  trois  ans  auparavant ,  &  tout  l'intervalle  eft  employé  aux  piii- 
paratifs.  Tout  ce  qui  s'y  doit  fervir  eft  marqué  aux  armes  de  l'Empereur, 
qui  a  droit  feul  de  pafler  par  la  porte  dorée  ;  après  quoi  elle  eft  condam- 
née pour  toujours.  La  première  fois  que  ce  Prince  fait  l'honneur ,  à  un 
de  fes  Sujets ,  de  manger  chez  lui ,  il  lui  fait  un  préfent ,  digne  ordinaire- 
ment d'un  grand  Monarque.  Mais  ce  qu'il  donne ,  n'approche  pouu  de 
ce  qu'il  fait  dépenfer.  La  moindre  faveur ,  qui  vient  de  fa  main ,  une  piè- 
ce de  gibier  de  fa  chafle,  jette  le  Seigneur  qui  la  reçoit,  dans  des  profufioiis 
incroyables. 

Ces  Monarques  veillent,  fans  relâche  ,  à  tenir  les  Grands  dans  la  dé- 
pendance où  ils  les  ont  réduits.  Ils  démembrent  leiu's  petits  Etats,  pour 
les  affoiblir;  ils  font  jouer  toutes  fortes  de  refTorts,  pour  être  inftruits  de 
leurs  defleins  &  pour  rompre  leurs  liaifons.  Ils  font  tous  les  mariages  de 
ceux  qui  compolent  leur  Cour.  Des  femmes  ,  que  l'on  tient  ainfi  de  h 
main  du  Souverain,  font  traitées  avec  beaucoup  de  diftinétion.  On  Jear 
bâtit  des  Palais ,  on  leur  donne  une  maifon  nombreufe.  Les  filles,  que  l'on 
met  auprès  d'elles ,  font  choiiies  avec  un  foin  extrêm'  &  fervent  avec 
beaucoup  de  modeftie  &  d'adrelTe.  On  les  divife  p3  .roupes  de  feize, 
chacune  fous  une  Dame  qui  la  commande;  &  ces  tr  ^.es  fervent  tour-à- 
tour.  Elles  font  diftinguées  par  la  couleur  de  leurs  habits.  Les  filles,  qui 
font  des  meilleures  Maifons  du  Pays ,  s'engagent  pour  quinze  ou  vingt  ans, 
&  plulieurs  pour  toute  leur  vie.  On  les  prend  ordinairement  fort  jeunes; 
&  lorfqu'elles  ont  rempli  leur  engagement,  on  les  marie  fuivant  leur  con- 
dition. .  !  - 

Ce  détail  fera  conclure  que  le  Gouvernement  général  du  Japon  efl:  un 
véritable  defpotirme  ,  où  la  politique  &  la  force  font  également  employées, 
pour  foûtenir  un  Trône  qui  leur  doit  fon  établiflement  &  fa  conferva- 
tion.  '  .ï  , 

A  l'égard  du  Gouvernement  particulier  ,  chacune  des  Villes  Impéria- 
les (o)  a  deux  Gouverneurs,  ou  Lieutenans  Généraux,  qui  fe  nomment 


(o)  Kœmpfer  ;ivcrtit  que  ce  qu'il  dit  des 
Villes  Imp6-iales  peut  donner  l'idée  du  Gou- 
vernement établi  dans  les  autres  Villes,  & 
même  dans  les  Bourgs  &  les  Villages;  avec 


TonO' 

cette  feule  difFércnce,  que  les  JVIagiilrats , 
quoique  revêtus  du  même  pouvoir,  y  o;it 
des  noms  diffcrens.     Tome  IL  pag-  134* 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  345 

Tofio-Samasy  c'eft-à-dire.  Seigneurs  ou  Princes.  Ils  commandent  tour-à- 
tour;  &  tandis  que  l'un  exerce  fes  fonélions,  l'autre  fait  fon  féjour  à  la 
Cour  Impériale  de  Jedo,  jufqu'à- ce  qu'il  ait  reçu  l'ordre  d'aller  relever  fun 
Collègue.  La  feule  Ville  de  Nangafaki  en  a  trois,  depuis  l'année  1688, 
pour  la  fureté  d'une  Place  de  cette  importance,  où  le  Commerce  des  E- 
trangers  demande  beaucoup  plus  de  vigilance  &  de  précaution.  Les  ap- 
pointemens  des  Gouverneurs  ne  pafTciit  jamais  dix  mille  taels  ;  fomme  peu 
confidérable ,  pour  la  grandeur  de  leur  train  &  de  leur  dépenfe  :  mais  les 
profits  cafuels  font  immenfes;  &  l'on  s'enrichiroit  dans  ces  emplois,  fi  les 
préfens ,  qu'on  y  efl:  obligé  de  faire  à  l'Empereur  &  aux  Grands  de  la  Cour, 
n'emportoient  une  bonne  partie  du  gain.  La  Maifon  des  Gouverneurs  eft 
compofée,  en  premier  lieu,  de  deux  ou  trois  Majordomes,  ou  Intendans, 
qui  font  ordinairement  gens  de  condition;  fécondement,  de  dix  J'orikis, 
Officiers  civils  &  militaires  ,  tous  d'une  naiflance  dillinguée,  dont  l'em- 
ploi efl:  de  donner  leur  avis  dans  les  occafions  importantes ,  &  d'exécuter 
les  ordres  qu'ils  reçoivent.  Ils  font  employés  aulfi  pour  les  députations , 
qui  fe  font  aux  Seigneurs  des  Provinces  ;  &  leur  fuite  eft  alors  trés-nom- 
breufe.  Après  eux ,  les  Gouverneurs  ont  trente  autres  Officiers  ,  qui  fe 
nomment  Doosju^  d'un  Ordre  inférieur  pour  les  fonélions  &  la  naiflance, 
fuivant  leur  inftitution:  tous  ces  Officiers  font  nommés  par  l'Empereur, 
de  qui  ils  reçoivent  leurs  appointemens ,  &  quelquefois  des  ordres  parti- 
culiers ,  qu'ils  exécutent  fans  la  participation  des  Gouverneurs ,  auprès  def- 
quels  ils  font  comme  les  Surveillans  de  la  Cour.  Mais ,  à  Nangafaki ,  l'a- 
bus qu'ils  ont  fait  de  cette  indépendance,  les  a  fait  foûmettre  abfolument, 
depuis  l'année  i688,  à  l'autorité  des  Gouverneurs,  qui  les  nomment,  & 
qui  payent  leurs  appointemens  ;  ce  qui  a  beaucoup  diminué  leur  an* 
cienne  confidération. 

Le  nombre  des  Officiers,  quifuivent  ces  deux  Ordres,  eft  incroyable, 
comme  celui  des  Gardes  &  des  Domeftiques.  On  prendroit  le  Palais  d'un 
Gouverneur  pour  celui  d'un  Souverain.  L'autorité  de  ceux  de  Nangafaki 
s'étend  non-feulement  fur  les  Habitans  de  la  Ville,  mais  encore  fur  les  E- 
trangers  que  le  Commerce  y  amène,  ou  qu'il  y  retient;  c'eft-à-dire,  fur  les 
Chinois  &  les  Hollandois.  Ce  n'eft  pas  une  des  moindres  fources  de  leurs 
profits.  On  a  vu ,  dans  la  Defcription  de  cette  Ville ,  que  les  caufes  des 
Chrétiens  font  aulîî  de  leur  reflbrt. 

Tous  les  Gouverneurs  Impériaux  préfident  à  un  Confeil ,  compofé  de 
quatre  Magiftrats,  qu'on  nomme  To-Sij-Jori-Siu,  ou  les  /inciens;  parce 
qu'efFe6livement  ils  étoient  autrefois  choifis  entre  les  plus  vieux  Habitans. 
Cet  Office  étoit  alors  annuel  ;  mais  ils  font  devenus  comme  héréditaires ,  & 
l'on  nomme,  tous  les  ans,  un  de  ces  quatre  Magiftrats,  fous  le  titre  de 
Ninbam,  quifignifie  Surveillant  ou  Gardien ,  pour  informer  le  Gouverneur  de 
ce  qui  arrive  d'important ,  &  pour  faire  le  rapport  des  grandes  affaires  qui 
doivent  fe  traiter  au  Confeil.  S'il  s'élève  quelque  difi^érend  entre  lui  &  ies 
Collègues,  fafl^aire  eft  portée  devant  le  Tribunal  de  l'Empereur,  qui  en  re- 
met ordinairement  la  décifion  aux  Gouverneurs.  Autrefois  les  To-Sij-Jori- 
Siu,  qui  font  comme  les  Maires  ou  les  Confuls  de  la  Ville,  dépendoient 
immédiatement  du  Confeil  d'Etat ,  dont  ils  recevoient  leurs  provifions.    Ils 

Xir,  Part.  X  X  jouif- 


Descriptiow 
1)0  Japon. 

Gouver- 
neurs des  Vil- 
les. 


Deux  fortes 
de  principaux 
Officiers» 


.l'i 


Quntre  Mai- 
res,   noniintn» 
To-Sij  JorL- 
Siu. 


34<5 


VaYACE     DE    K^MPFER 


Dfiojofis , 
«Subdelegués 
des  Maires. 


Officiers 
nommés  Nen- 
giofisy  &  dé' 
licatelTc  Je 
leurs  fonc- 
tions. 


Tfîoofino- 
lilono,  ou 
Archers. 


Kxéaiteurs 
iç  h  Juflice. 


jxttuiffoient  du  Priivil«g.e  de  pottei  deux  cimeterres,  comme  les  Grands  de 
VEmpire,,  &  de  fe  faire précédei  d'un  Piquier;  mais,  à  mefure  que  le  pou- 
voir  des  Goaverneurs  s'efl:  accrui,.  les  Magiftrats  ont  vu  leur  autorité  dimi- 
nuer &  leurs  diftinéVions  s'évanouir.  On  leur  a  retranché  jufiju'au  droit  de 
choifir  les  Officiers  die  la  Bourgeoifie ,  &  celui  de  régler  les  taxes.  Cepen- 
dant celui,  qui  eft  revêtu  de  l'Office  annuel  de  Ninbam,  confcrve  le  droit 
d'aller  à<  la  Cour  de  Jedo,.  lorfqu'il  a  fini  fon  terme,  pour  faluer  l'Empe- 
reur, &  pour  remettre,  au  Confeil ,  le  Mémoire  de  ce  qui  s'eft  palTé  dan» 
la  Ville  pendant  l'année  de  Ton  adminiilration. 

Ces  quatre  Magiflrats  ont  leurs  Subdelegués,  nommés  Dfiojojit^  c'eft-à- 
dire  Officiers  perpétuels,  parceque  leurs  emplois  font  à  vie.  Ils  jugent  de 
toutes  les  petites  aflEadres  civiles.  Le  falaire  de  ces  Officiers  fubalternes  eft 
une  petite  Tomme,  affignée  j»aii  l'Empereur.  Cependant,  comme  le  Peuple 
juge  de  l'importance  d^un  Office  par  la  figure  qu  il  voie  ^ire  à  ceux  qui  en 
font  revêtus ,  ils  s'efforcent  de  donner  un  air  de  dignité  à  Iturs  Charges, 
par  de  foraptueux  dehors  qui.  fervent  de  voile  à  leur  pauvreté.  Les  Nen^io. 
fu  font  quatre  autres  Officiers,  qui  fuivent  les  Dfiojofis,  &  qui  font  nom- 
més par  les  Maires ,  pour  repréfenter  les  Habitans  de  la  Ville ,  &  veiller  à 
leurs  intérêts  près  des  Gouverneurs.  Ils  font  logés  dans  une  petite  cham- 
bre du  Palais ,  où  ils  aittendens  le  moment'  de  pf  éfenter  leurs  requêtes ,  n 
nom  des  Particuliers  ^  oœ  de  recevoir  les  ordre»  du  Gouverneur.  C'eft  un 
Office  délicat  &  penibk: ,  qui  demande  beaAicoup  de  prudence  &  d^atten* 
tion.  Tels  font  les  padncipaox  Oi&;iers  Municipaux.  Ils  n'ont  pas  de  lieit 
réglé  pour  s'afien:dbler  ;.  &  s'il  eft  nécefiàire  qu'ils  tiennent  Confeil ,  ils  fe 
rendent  chez  le  Ninbam,  qui  préfide  à  toutes  les^  Afiemblées  où  les  Gou- 
verneurs ne  fe  trouvent  poiot. 

On  nomme,  au  Japon,  TJîoofmo  -  Mono  ^  ou  MeJJagers  de  FiUey  ce  que 
nous  nommons  Sergem  ou  Arditrs.  C'eft  une  Compagnie  compofée  d'envi- 
ron trente  familles,  qui  demeurent  dansone  même  roe,  &  qui  étoient  au- 
trefois fous  les  ordres  dtt  Ninbam;  mais  elles  ne  recofmoifiene  aujourd'hui 
?iue  ceyx  des  Gouverneurs.  Leur  occupation  la  plus  ordinaire  efl:  de  pour- 
uivre  &  d'arrêter  les  Criminels.  Quelquefois  même  on  les  employé  pour 
les  exécutions.  Les  enlans  fuivent  la  profeflîon  des  pères.  La  plupart  font 
excellens  Lutteurs,  &  d'une  adrefle  extrême  à  delàrmer  un  Inimme.  Ht 
portent  tous  fur  eux ,  une  corde  ;  &  quoiqu'au  fond  leur  Office  fbit  raépri- 
le,  il  pafle  pour  militaire  &  noble,  &  leur  donne  le  droit  de  porter  deux 
cimeterres  comme  les  Gentilshommes. 

On  a  déjà  remarqué  qu'il  n'y  a  point  d'Office  plus  vil  &  plus  odieux, 
dans  les  Villes  du  Japon ,  que  celui  des  Tanneurs.  Il  confifl:e  non-feule- 
ment à  écorcher  les  befl:iaux  morts,  &  à  tanner  les  cuirs,  mais  encore  à 
fervir  d'Exécuteurs  pour  toutes  les  Sentences  de  la  Juftice,  telles  que  d'ap- 
pliquer les  Criminels  à  la  torture ,  ou  de  leur  donner  la  mort  par  les  fuppli- 
ces  en  ufage.  Aufll  demeurent-ils  enfemble  dans  un  Village  féparé ,  &  pro- 
che du  lieu  des  exécutions,  qui  eft  généralement  au  bout  octtdental  de  la 

Ville,  aflèz  près  du  grand  chemin  (p).  

•  ' '  ■      La 

(i>)  Kîwnpfer,  pag.  115  &  précédente». 


DANS  L'EAIPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


U7 


Lk  Jufliic^CriinmeHe  dépend  aufTi  du  Nnibam  &  des  crois  autres  Maires; 
il  l'exception  de  certains  cas  privilégiés ,  qui  font  du  reflbrtdes  Gouverneurs, 
ou  qui  doivent  être  portés  au  Confeil  d'Etat.  Mais  l'adminiflration  parti- 
culière appartient  à  la  PoKce,  dont  l'ordre  ell  adniirfible  au  Japon. 

CHAaiiE  rue  d'une  Ville  a  fes  Officiers  &  fes  Réglemens  de  Police.  Le 
prihcipal  Officier  d'une  rue  fc  nomme  ÏOttona.  Ses  fondions  confiftent  à 
|)i-endre  fdin  que  la  garde  fe  fafle  pendant  k  nuit,  &  que  les  ordres  des 
Gouverneurs  &  des  principaux  Magiftrats  foie'nt  pon6lueWement  exécutés. 
11  tient  écrit,  dans  un  Régiilre,  tous  les  noms  de  ceux  qui  occupent  une 
maifon ,  ou  qui  demeurent  dans  celle  d'autrai  ;  de  ceux  qui  naiflent ,  qui 
meureiit,  ou  qui  fe  marient,  qui  vont  en  voyage,  ou  qui  changent  de  quar- 
tier, avec  leur  qualité,  leur  rang,  leur  religion  &  leur  métier.  S'il  s'élè- 
ve quelque  conceftation  entre  les  Habitans  de  fa 'rue,  il  appelle  les  Parties 
pour  leur  propofer  un  accommodement  ;  mais  il  n'a  pas  le  droit  de  les  f 
contraindre.  Il  punit  les  fautes  légères,  en  mettant  les  Coupables  aux  ar- 
rêts ou  en  prifon.  11  doit  obliger  les  Habitans  à  prêter  main-forte ,  pour 
arrêter  les  Criminels,  qu'il  fait  mettre  aux  fers,  &  dont  il  ''nftruit  l'arfFaire, 
pour  la  porter  devant  les  Magiftrats  Supérieurs.  En  un  mot,  il  eft  ref- 
«onfable  de  tout  ce  qui  arrive  dans  l'étendae  de  fon  autorité.  Ce  fottt  les 
liabicans  mêmes  de  la  rue,  qui  le  choifîftent;  &  cette  éleébion  fe  fait  à  la 
pluralité  des  fufFrages  :  mais  il  doit  obtenir  l'ai^ément  des  Gouverneurs ,  a- 
vant  que  de  prendre  poflèffion  de  fon  emploi.  Son  falaire  eft  le  dixième 
du  trëfor  de  la  rue.  A  Nangafaki ,  ce  tréfor  eft  ce  qui  revient  d'une  fom- 
ine  qui  fe  lève  fur  les  roarchandifes  étrangères. 

Chaq:ue  Ottona  doit  avoir  trois  Lieutenans,  qui  fe  nomment  Oogumî- 
Ojas.    Tous  les  Habitans  d'une  rue  font  partagés  en  Compagnies  de  cinq 
hommes,  dont  chacmne  a  fon  Chef ,  &  dans  lelqnelles  on  ne  reçoit  néan- 
moins que  les  Propriétaires  de  maifons;  &  comme  ils  ne  font  pas  le  plus 
grand  nombre,  une  Compagnie  de  cinq  a  quelquefois  jufqn'â  quinze  famiK 
les  qui  en  dépendent.    Les  Locataires  font  exempts  auffî  des  taxes  &  de^s 
autres  impofitions,  qui  fe  mettent  fur  les  maifons;  mais  ils  ne  font  pas  dif- 
penfés  de  la  garde  &  de  la  ronde,  qu'ils  doivent  du  moins  faire  pour  eux- 
mêmes.    Ils  n'ont  aucune  part  à  Téleftion  des  Officiers  de  la  rue,  &  n'en- 
trent point  en  partage  de  l'argent  public.     D'ailleurs  les  loyers  font  confidé- 
rables ,  &  l'eftimation  s'en  fait  fuivant  le  nombre  des  nattes  qui  couvrent 
le  plancher  des  apparteniens.     Ils  fe  payent  régulièrenienit  tous  les  mois. 
Le  Greffier,  ou  le  Secrétaire,  eft  un  autre  Officier  de  la  ^u      fous  le  titre 
de  Fîjia.    Il  écrit  &  fait  publier  les  ordres  de  l'Ottona.    Il  e^tpédie  les  P«lf- 
feports,  les  Certificats  &.  les  Lettres  de  Congé.    Il  tient  les  Livres  &  les 
Journaux  qui  contiennent  la  lifte  des  Habitans  &  tous  les  détails  du  Quar- 
tier..   Un  autre  Office  eft  celui  du  Takura-Kaku ,  nom  qui  fignifie  Garde  des 
joyaux.     C'eft  le  Tréforier  de  la  rue,  ou  le  Dépofitaire  de  l'argent  public. 
Sa  Commiflion  eft  annuelle,  &  tous  les  Habitans  l'exercent  à  leur  tour. 
Le  dernier  des  Officiers  d'une  rue  eft  le  Nàfi-^ofiy  ou  le  MeJJager.    C'eft  à 
lui  d'informer  l'Ottona  des  naiflances,  des  morts,  des  changemens  de  de- 
meure, &  de  tout  ce  qui  doit  venir  à  la  conrtoifFance  de  ce  premier  Officier. 
Jl  lui  remet  les  Requêtes  &  les  Certificats.     Il  recueille  les  fommes,  dont 

Xx  2  cha- 


DfiîCRWTrOK 
DU  Japon. 

Ordre  de 
la  Juftice  Cri- 
minelle. 

Police  & 
fes  Officier». 

L'Ottona. 


Dîflributîon 
des  Offices 
dans  chaquô 
rue. 


348 


VOYAGE    DE     KJIMPFER 


Description 
DU  Jai'ow. 


Gardes  & 
rondes. 


Rc^i^lemens 
tîtablis  dans 
diaque  rue. 


chacun  donne  fa  part  pour  le  préfent  qui  fe  fait  aux  Gouverneurs  &  aux 
principaux  Magiftrats.  Il  porte  les  ordres  aux  Chefs  des  Compagnies ,  éc 
c'efl  lui  même  qui  les  publie. 

On  fait,  toutes  les  nuits,  deux  rondes  dans  chaque  rue.  La  première  fe 
fait  par  les  Habitans  mêmes,  tour-à-tour,  au  nombre  de  trois,  qui  ont  leur 
Corps-de-Garde,  ou  leur  retraite,  dans  une  loge,  au  milieu  de  la  rue.  Les 
jours  folemnels ,  &  tout  autre  jour  où  le  Magiftrat  en  donne  l'ordre,  ce 
Guet  dure  le  jour  comme  la  nuit.  On  le  double  même,  au  moindre  danger. 
C'efl  un  crime  capital  d'infulter  cette  Garde ,  ou  de  lui  faire  la  moindre  op. 
pofition.  L'autre  ronde  eft  celle  des  portes  de  la  rue.  Elle  eft  particulié' 
rement  établie  contre  les  voleurs  &  les  accidens  du  feu;  mais  elle  n'eft 
compofée  que  de  deux  hommes  du  bas  peuple  ,  qui,  fe  tenant  féparément 
aux  deux  extrémités  de  la  rue ,  marchent  de  tems  en  tems  l'un  vers  l'autre. 
Dans  les  Villes  maritimes ,  il  y  a  d'autres  Gardes ,  le  long  de  la  Côte ,  & 
même  à  bord  des  Navires.  Ils  font  tous  obligés ,  pendant  la  nuit ,  de 
frapper  fouvent  fur  deux  pièces  de  bois  ,  pour  faire  connoître  leur  vi. 
gilance  ;  &  ce  bruit ,  qui  fert  à  la  fureté  des  Habitans ,  nuit  beaucoup  à 
leur  repos. 

C  H  A  au  E  rue  a  des  portes  qui  demeurent  fermées  toute  la  nuit ,  &  que 
la  moindre  raifon  fait  fermer  auffi  pendant  le  jour.  A  Nangafaki,  par 
exemple,  elles  fe  ferment  toujours  au  départ  des  Navires  étrangers,  pour 
empêcher  les  Habitans  de  fe  dérober  par  la  fuite ,  ou  de  frauder  la  Doua- 
ne. Cette  précaution  va  fi  loin ,  que ,  jufqu'à-ce  qu'on  ait  perdu  de  vue 
un  Vaifleau  qui  met  à  la  voile,  on  fait,  dans  chaque  quartier,  de  ri- 
goureufes  recherches ,  pour  s'aflurer  qu'il  n'y  manque  perfonne.  Le 
MeiTager  appelle  chacun  par  fon  nom ,  &  l'oblige  de  fe  préfenter  Dans 
les  tems  fufpefts ,  fi  quelqu'un  cfl  appelle  ,  pour  fes  affaires ,  d'une  rue 
à  une  autre,  il  doit  prendre  un  Pafleport  de  fon  Ottona,  &  fe  faire  ac- 
compagner d'un  homme  du  Guet.  Pour  changer  de  demeure,  on  doit 
s'adrefTer  d'abord ,  par  une  Requête ,  à  l'Ottona  de  la  rue  où  l'on  veut  le 
loger ,  -  expofer  les  raifons  qui  font  defirer  ce  changement ,  &  joindre  an 
Placet  un  plat  de  poiflbn.  L'Ottona  ne  répond  qu'après  s'être  informé 
de  la  profeiïïon ,  du  caraftère  &  de  la  conduite  du  Suppliant  ;  &  qu'après 
avoir  fait  demander  à  chaque  Habitant  de  fa  propre  rue ,  s'il  confent  à 
recevoir  le  nouveau  Sujet  qui  fe  préfente.  Une  oppofition  grave ,  fondée 
fur  quelque  vice  incommode  ou  fcandaleux  ,  fait  rejetter  la  demande. 
Mais,  lorfqu'elle  eft  accordée,  il  faut  que  le  Suppliant  obtienne,  de  la 
rue  qu'il  quitte ,  un  Certificat  de  vie  &  de  mœurs ,  &  des  Lettres  de 
Congé.  Il  les  porte  à  fon  nouvel  Ottona,  qui,  le  prenant  auflî-tôt  fous 
fa  proteftion,  &  l'incorporant  aux  Habitans  de  fa  rue,  commence  aufîi 
à  répondre  de  lui  pour  l'avenir.  Alors  le  nouvel  Habitant  doit  traiter 
la  Cornpagnie ,  dont  il  efl:  devenu  Membre.  Il  vend  enfuite  fon  ancien- 
ne maifon ,  avec  le  confentement  de  tous  les  Habitans  de  la  rue  où  elle  eft 
fituée,  qui  peuvent  rejetter  un  Acheteur  inconnu,  ou  de  mauvaife  réputa- 
tion. Une  condition  indifpenfable,  pour  celui  qui  acheté,  eft  de  payer  un 
droit  de  huit  pour  cent,  &  quelquefois  de  douze.  Cette  fomme  pafle  dans 
le  tréfor  de  la  rue,  au  profit  commun  des  Habitans,  entre  iefquels  on  en 

diftri' 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  TV.  349 

dillribue  également  une  partie.  L'autre  cit.  employée  aux  fraix  communs 
du  Quartier.  '■<(}' 

Un  Habitant,  qui  doit  faire  un  Voyage,  prend  d'abord  un  Certificat  du 
Chef  de  fa  Compagnie  ;  ou ,  s'il  n'efl:  pas  Propriétaire  d'une  maifon ,  il  le 
prend  de  celui  à  qui  la  fienne  appartient.  Le  Certificat  porte  qu'un  tel  fe 
difpofe  à  partir  pour  des  affaires ,  qui  doivent  être  défignée's ,  &  que  fon 
Voyage  fera  de  telle  durée.  Cet  Ecrit  pafle  par  les  mains  de  la  plupart  des 
Officiers  de  la  Ville,  qui  le  confirment  de  leur  fceau;  &  toutes  ces  formali- 
tés fe  font  gratuitement ,  à  la  réferve  du  papier ,  qui  doit  être  payé  au  Mef- 
fager ,  &  dont  le  prix  fait  une  partie  de  fes  appointemens. 

S'il  s'élève  quelque  querelle  entre  les  Habitans  d'une  rue ,  les  Voifins 
les  plus  proches  font  obligés  de  féparer  les  Combattans.  Non  -  feulement 
celui  des  Adverfaires ,  qui  tueroit  l'autre,  payeroit  fon  crime  de  fa  tète, 
n'eut-il  fait  que  fe  défendre  ;  mais  les  trois  familles  les  plus  voifines  du  lieu 
où  le  meurtre  auroit  été  commis,  feroient  obligées  de  garder  leurs  maifons, 
pendant  plufieurs  mois  :  c'eft-à-dire,  qu'après  leur  avoir  donné  le  tems  de 
faire  des  provifions  pour  la  durée  de  leur  châtiment ,  leurs  portes  &  leurs 
fenêtres  feroient  abfolument  condamnées.  Tous  les  autres  Habitans  de  la 
rue  auroient  part  aulTi  à  la  punition.  Ils  feroient  condamnés  à  de  rudes  cor- 
vées ,  plus  ou  moins  longues ,  à  proportion  de  ce  qu'ils  auroient  pu  faire , 
pour  arrêter  la  querelle.  Les  Chefs  de  Compagnie  font  toujours  punis  avec 
plus  de  rigueur.  Ils  font  refponfables  des  Membres  de  leur  Compagnie, qui 
échappent  à  la  Juftice.  Tout  Japonois ,  qui  met  le  fabre  ou  le  poignard  à 
la  main ,  dans  une  querelle  particulière ,  quand  il  n'auroit  pas  touché  fon 
Adverfaire ,  efl;  condamné  à  la  mort ,  s'il  eft  dénoncé.  On  a  déjà  dû  re- 
marquer ,  dans  le  Journal  de  Kaempfer ,  qu'à  la  mort  du  plus  fimple  Habi- 
tant ,  les  Membres  de  fa  Compagnie  font  appelles ,  pour  rendre  témoigna- 
ge qu'il  eft  mort  naturellement.  ANangafaki,  &  dans  quelques  endroits 
du  Ximo ,  l'ufage  eft  de  vifiter  les  cadavres ,  dans  la  double  vue  de  s'alTurer 
qu'ils  n'ont  aucune  marque  de  mort  violente  &  de  Chriftianifme. 

O  N  lève  peu  de  taxes  fur  les  Habitans  des  Villes.  Elles  ne  tombent  mê- 
me que  fur  les  Propriétaires  des  maifons  ;  parceque  les  autres  ne  font  pas 
regardés  comme  des  vrais  Citoyens ,  quoiqu'ils  faflént  toujours  le  plus  grand 
nombre.  La  première  taxe ,  nommée  Djijjî ,  eft  une  rente  foncière ,  qui  fe 
lève  au  nom  de  l'Empereur ,  dans  le  cours  du  huitième  mois  de  l'année ,  fur 
toutes  les  perfonnes  qui  ont  des  maifons  ou  des  terrains  en  propriété ,  dans 
l'enceinte  d'une  Ville.  Elle  fe  règle  fur  la  longueur.  La  profondeur  n'eft 
confidérée  que  dans  les  maifons  où  elle  excède  quinze  brarfes;  mais  alors, 
le  furplus  ne  fût-il  prefque  pas  fenfible,  on  paye  le  double.  2''.  Une  efpè- 
ce  de  contribution  volontaire,  dont  perfonne  n'oferoit  néanmoins  s'exemp- 
ter, pour  faire  un  préfent  au  Gouverneur.  Elle  fe  lève  auffi  f  :  les  Pro- 
priétaires des  maifons;  mais  elle  eft  particulière  à  Nangafaki,  comme  plu- 
fieurs autres ,  dont  le  produit  eft  employé  à  l'honneur  des  Dieux ,  &  pour 
lefquelles  on  ne  force  perfonne.  Elles  ne  reviennent  que  tous  les  fept  ou 
huit  ans ,  parcequ'il  n'y  a ,  chaque  année ,  qu'un  certain  nombre  de  rues 
qui  doivent  y  contribuer.  On  oblige  feulement  les  Propriétaires  des  lieux 
de  débauche ,  à  donner  tous  les  ans  une  certaine  fomrae.    Ainfi  le  Japon  n'a 

Xx  3  pro- 


DcSCRIPTIOir 

cuJai'on. 

Prc-caiitions 
pour  voyngcr. 


Puni  lion 

des  querelles 

paiùculières. 


Taxes  & 

impoOtions 

publiques. 


t0 


VOYAGE    DE    KJEMPFERfT 


Goiivcrne- 
mens  des 
Bourgs  &  des 
Vil!;it,vs. 


Loix  &,  fiip 
plices. 


l>Escn»Tioif  proprement  qu'une  taxe  Impériale,  qoi  fe  lève  ordinairement  chaque  année, 
DU  Japow.  j)^^5  igg  Villes ,  qui  ne  font  pas  du  Domaine ,  elle  fe  lève  au  nom  des  Prini 
ces  dont  elles  dépendent  iminédiatement.  Meaco  feule  eft  exempte  de  toute 
impofition,  par  un  Privilège  de  Tayco-Sama  Çq). 

KitMt FER, donne  pour  exemple,  de  la  manière  dont  les  Villages^  lei 
Bourgs  font  gouvernés  ,  &  des  levées  qui  s'y  font ,  ce  qui  s'obfierve  dans  le 
Canton  de  Nangafaki.  L'adminiftrauon  de  ce  Pays ,  qui  efl  borné  par  les 
montagnes  voifines ,  eft  entre  les  mains  d'un  Officier  qui  lève  un  droit  an- 
nud  fur  le  froment,  le  riz,  &  généralement  fur  toutes  les  produClions  des 
terres  cultivées.  A  l'égard  de  celles ,  qui  font  plantées  d'arbres  fruitiers, oa 
deftinées  au  jardinage,  le  droit  fe  paye  en  argent,  &  monte  un  peu  plus 
qu'à  la  moitié  de  la  récolte.  Le  Fermier  doit  porter,  dans  les  magafmsde 
l'EmpereùT ,  ce  «jai  revi«ît  à  ce  Prince ,  &  l'évaluation  faite  par  des  Experts, 
qui  vont  examiner  les  champs  avant  la  moîflbn.  Lear  eftimation  fe  fait  par 
conjefture.  Les  for^t«  <&  les  bois  payent  une  rente  -ftrtMïiére,  à  proporiioB 
de  îeur  ét?end«e  (r). 

A  l'égard  des  Loix,  elles  confiftent  dans  les  Ordonnances  de  l'Empereur, 
&  quelques  anciennes  Gonffcicutions ,  dont  on  ne  peut  appeller  d'aucun  Tri- 
bunal. Mais  les  Princes  <Sc  les  Grands  font  ordinairement  à  couvert  de  cet- 
te  extrême  févérité.  S'ils  font  c^vâincus  de  malverlation ,  la  Cour  les 
bannit  dans  une  des  deux  Iflès  qu'on  a  nommées  ;  ou ,  fi  le  crime  eft  capi. 
tal,  leur  fupplice  eÀ  d'avoir  le  ventre  fendu:  &  lorfque  l'Empereur  ne  leur 
fait  pas  grâce ,  toute  leuï  famille  doit  mourir  avec  eux.  Quand  on  veut 
favorifer  le  Coupable,  ou  permet  à  fon  plus  proche  parent  de  l'exécuter 
dans  fa  maifon  ;  &  cette  mort ,  qui  n'a  rien  de  honteux  pour  celui  qui  la 
donne ,  eft  auffi  moins  déshonorante  pour  celui  qui  la  reçoit,  quoiqu'il  y 
Uit  toujours  un  peu  de  honte  à  mourir  de  la  main  d'aatrui.  La  plupart  de« 
inandent  la  permiffion  de  s'ouvrir  le  ventre  eux-mêmes.  Un  Criminel ,  q«{ 
obtient  cette  grâce,  aflemble  fa  famille  &  fes  amis,  fe  pare  de  fes  pilus  ri» 
ches  habits,  fait  un  difcours  éloquent  fur  fa  fituation;  après  quoi,  prenant 
un  air  tout-à- fait  content ,  il  fe  découvre  le  ventre,  &  s'y  fait  une  ouver- 
ture en  croix.  Le  crime  lé  plus  odieux  eft  effacé  par  ce  genre  de  mort. 
On  met  le  Criminel  au  rang  des  braves.  Sa  famille  ne  contrafte  aucune  ta- 
ché ,  &  n'éft  pas  dépouillée  de  fes  biens.  Le  fupplice  ordinaire  du  Peuple 
èft  la  croix  ou  le  feu.  Quelques-uns  ont  la  tête  coupée,  ou  font  taillés  en 
pièces"  à  coups  de  fabre  (s).  La  rigoureufe  exaftitude  de  ces  châtimens 
a  plus  de  force  qu'un  long  Code ,  pour  contenir  tous  les  Ordres  de  la  Na- 
tion. D'aiîleurs  lesPrinfces,  les  Magiftrats  &  les  Pères  mêmes  de  famil- 
le, décident  fouverainement  fur  les  procès  qui  naiffent  dans  l'étendue  de 
leur  Jurifdiélion ,  &  qui  n'ont  pu  fe  r^rminer  par  arbitrage.    Si  la  Loi  n'ell 


{q')  Pag.  130  &  fuiv. 
(f)  Pag.  135. 


(  s  )  Voye2 ,  att  Tecond  Tome  de  ce  ïle- 
feudl ,  ime  figure  des  exécutions  Japonoifës. 
Le  fameux  fupplice  de  la  foflê  ,  exercé  (i 
fouvent  à  l'émrd  des  Clirétiens,  confiftoit  à 
fufpendre  h:  Patient  par  les  piccîs,  1h  t6tc 


dans  une  foflê ,  où  l'on  mettoit  quelquefois 
un  ferpeiu  &  un  chien  (hns  nourriture. 
Kœmpfer  a  fait  obferver ,  plafieurs  fois ,  que 
les  Exécuteurs  publics  font  les  Tanneurs,  ai' 
dés  des  Doineftiques  de  ceux  qui  tiennent  des 
M^ifons  de  débauche. 


Vr^ 


une  ouver* 


'DANS  LIMPIRE  DU  JAPON,  Lry.  IV. 


iSt 


pas  prrf'cife  «n  faveur  de  Tune  ou  l'autre  Partie ,  c'eft  le  bon  fens  qui  préfî-  DMcunr^on 
de  à  ces  dëcifions.  Les  Relcrîcs  de  TEmpereur  font  exprimes  en  peu  de  »^J*''®*' 
mois.  Jamais  il  n'apporte  de  raifon  pour  expliquer  fes  ordres;  et  fou- 
vent  même  il  laifle,  aux  Juges  fubalternes,  la  détermination  de  la  peine 
ou  du  fupplice.  Les  Japonois  trouvent  de  la  majefté  dans  ce  ftyle  concis  j 
&  le  moindre  doute,  fur  la  juftice  «Se  le  difcernement  du  Souverain,  paiTe- 
roit  pour  un  crime.  .  ,    '<  ', 

y^    ;i.:'. 5  ît>r--"-^>i^>î  i:;'îl  i^î   '•  •-•••• 


'(::'.. i 


,<f  Oi.l    i^lj; 


5. 


:;;ii;'.  ■. 


Figure,  Habillement,  Education  y  Sciences ,  Arti  Êf  Cara&ère  des  j^aponois. 

LES  Chinois  &  les  Japonois  n'ont  rien  à  fe  reprocher  du  côte  de  la  fi- 
gure. C'efl  l'expreffion  d'un  Ififlorien  qu'on  a  déjà  nommé  avec 
éloge  (a),  &  dans  lequel  on  trouve  ici  diverfes  recherches,  aflez  agréa- 
blement recueiUies.  En  général ,  les  Japonois ,  .u'-il ,  font  fort  mal  faits. 
Es  ont  le  teint  olivâtre,  les  yeux  petits,  quoi.^  «e  moins  enfoncés  que  les 
Chinois,  les  Jambes  grofles,  la  taillé  au-deffous  de  la  médiocre,  le  nez  court, 
un  peu  écrafe  &  relevé  en  pointe,  les  fourcils  épais,  les  joues  plattes,  les 
traits  groflSers,  &  très-peu  de  barbe,  qu'ils  le  raient  ou  s'arrachent.  Mais 
cette  defcription  ne  convient  pas  à  toutes  les  Provinces.  D'ailleurs ,.  la, 
plupart  des  grands  Seigneurs  n'ont  rien  de  choquant  dans  l'air  &  dans  les 
traits  du  vifage.  Une  fierté  noble ,  qui  leur  efl  naturelle ,  &  qu'ils  fçavenc 
foûtenii  fans  affeftation,  contribue  peut-être  à  les  rendre  moins  diffbr- 
m<îs.  A  l'égard  des  femmes,  tous  lés  Voyageurs  leur  attribuent  de  la 
beauté.  Kgempfer  regarde  celles  de  la  Province  de  Fifen,  comme  les  plus 
belles  perfonnes  de  TAfie  (A),  mais  il  les  repréfente  fort  petites  i  &  Tufage 
Qu'elles  ont,  de  fe  peindre  le  vifage,  peut  faire  douter  que  leurs  agrément 
foient  tout-à-fait  naturels. 

L*  H  A  B I L  L  E  M  E  N  T  des  Japouois  efl:  noble  &  fimple.  Les  Grands  &  tous 
les  Nobles ,  avec  la  proportion  de  leur  Ordre ,  portent  des  robbes  traînan- 
tes ,  de  ces  belles  étoffes  de  foye ,  à  fleurs  d'or  &  d*argent ,  qui  fe  font  dans 
rifle  de  Fatfifîo ,  &  dans  celle  de  Kamakura.  De  petites  écharpes ,  qu'ils 
ont  au  cou ,  leur  font  une  efpèce  de  cravate.  Une  autre ,  plus  large ,  leur 
fert  de  ceinture  fiir  la  tunique  de  defllbus ,  qui  efl:  aufli  d'une  étoffe  très-ri- 
che. Leurs  manches  font  lai-ges  &  pendantes.  Mais  les  ornemens ,  dont 
ils  paroiffent  le  plus  curieux,  font  le  fabre  &  le  poignard,  qu'ils  paffent  dans 
leur  ceinture ,  &  dont  la  poignée ,  &  fouvent  même  le  fourreau ,  font  en- 
richis de  perles  &  de  diamans.  Les  Bourgeois ,  dont  la  plupart  font  Mar- 
chands ,  Artifans  ou  Soldats ,  ont  des  habits  qui  ne  leur  defcendent  qu'à  la 
moitié  des  jambes ,  &  dont  les  manches  ne  paffent  point  le  coude  :  Le  rcflie 
du  bras  efl:  nud  ;  mais  ils  portent  tous  des  armes ,  &  d'une  propreté  fort  re- 
cherchée. Ils  diffèrent  encore  des  perfonnes  de  qualité,  par  la  forme  de 
leur  chevelure,  qu'ils  ont  rafée  derrière  la  tête j  au-lieu  que  les  Nobles  fe 

:if   _  '.,.    .    font 


{a)  Le  Père  de  Charlevoix,  Tome  I.  pag. 
I61  &  firir.  On  s'attache  particulièrement  à 


lui  dans  cet  Article. 
(6;  Voyez  ei-delTus  fon  Journal, 


Portrait  dC8 
Japonois. 


Leur  habil)i 
lement. 


85» 


VOYAGE    DE    KiEMPFER'T 


Faftc  dans 
leur  maichc , 
&  leurs  vifites. 


DfifCRiPTio»  font  rafer  le  haut  du  front,  &  laiflent  pendre  le  refle  de  leurs  cheveux 
DvjMfON.  par  derrière;  Ils  trouvent  tant  de  grâce  a  cette  parure,  qu'ils  ont  pref^ue 
toujours  la  tête  découverte;  Cependant  ils  fe  la  couvrent,  en  voyage,  d'un 
grand  chapeau  de  paille ,  ou  de  bambou ,  très-proprement  travaillé ,  qui  s'at- 
tache ,  fous  le  menton ,  avec  de  larges  bandes  de  foye ,  doublées  de  coton. 
Les  femmes  en  portent  comme  les  hommes.  Ils  font  tranfparens,  légers  à 
lorfqu'unc  fois  ifs  font  mouillés ,  la  pluye  ne  les  pénétre  point.  Ils  ne  relè- 
vent pas  beaucoup  l'air  des  hommes ,  dont  la  taille  courte  &  ramaflee  paioît 
cachée  de  loin  par  ces  larges  coëifures:  mais  ils  ne  font  pas  mal  aux  femmes, 
qui  en  ufent  même  aflez  communément  dans  les  Villes. 
Habits  &         Elles  font  d'ailleurs  plus  magnifiquement  vêtues  que  les  hommes.  Tou- 

farure  des       tes  les  Japonoifes  font  coëffées  en  cheveux ,  mais  différemment ,  fuivant 

femmes.  j^yr  condition.     Les  femmes  de  l'Ordre  inférieur  fe  contentent  de  les  rele- 

ver fur  le  haut  de  la  tête,  &  de  les  y  retenir  avec  uhe  aiguille,  à-peu-prés 
comme  les  Efpagnoles  &  les  Italiennes.  Les  JDames  laiflent  tomber  ncgli. 
gemment  leur  chevelure  fur  le  derrière  de  la  tète,  où  elle  efl  nouée  en  touf. 
fe  pendante.  Audeffus  de  l'oreille,  elles  ont  un  poinçon,  au  bout  duquel 
pend  une  perle,  ou  quelque  pkrre  de  prix,  avec  un  petit  rond  de  perles  à 
chaque  oreille,  qui  leur  donne  beaucoup  de  grâce.  Leur  ceinture  eft  large, 
&  femée  de  fleurs  &  de  figures,  dont  la  beauté  répond  au  refle  de  l'ajulie- 
ment.  Sur  quantité  de  longues  vefl:es,  elles  ont  une  robbe  flottante,  qui 
traîne  de  quelques  pieds.  C'efl;  par  le  nombre  de  ces  veftes,  qu'on  juge  de 
la  qualité  d'une  femme.  On  afllire  qu'elles  montent  quelquefois  jufqu'à 
cent ,  &  qu'elles  font  fi  déliées  qu'on  en  peut  mettre  plufleurs  dans  la  po- 
che. Les  Dames  de  la  première  qualité  ne  paroifiTent  jamais  dans  les  rues 
fans  une  fuite  nombreufe.  Une  troupe  de  filles,  magnifiquement  parées ,  leur 
portent  des  mules  de  prix,  des  mouchoirs,  &  toutes  fortes  de  confitures 
dans  de  grands  baflSns.  Ce  cortège  efl:  précédé  des  femmes  de  chambre , 
qui  environnent  leur  MaîtrelTe;  les  unes  avec  des  éventails,  d'autres  avec 
,  .  un  parafol,  en  forme  de  dais ,  dont  la  crépine  efl:  très-riche.  Les  femmes 
Chrétiennes  avoient  fur  la  tête,  en  allant  à  l'Eglife,  un  voile  qui  non-feule- 
ment leur  couvroit  le  vifage  ,  mais  qui  leur  pendoit  jufqu'aux  pieds.  L'u- 
fage  oblige  les  Dames ,  de  ne  recevoir  aucune  viflte  fans  avoir  un  linge  fur 
la  tête.  Ces  vifites  ne  leur  font  permifes  qu'une  fois  l'année  ;  &  pour  peu 
que  les  lieux  foyent  éîoighés,  elles  fe  font  porter  dans  des  Norimons,  avec 
toutes  les  femmes  de  leur  fuite. 

Les  jeunes  gens  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  changent  d'habillement ,  à  me- 
fure  qu'ils  avancent  en  âge.  Ils  font  tous  légèrement  couverts ,  &  ne  por- 
tent ordinairement  rien  fur  la  tête.  Auflî  les  accoutume-t'on  de  bonne 
heure  au  froid.  Toute  leur  cliauflure  confifl:e  dans  une  efpcce  de  fandales, 
qui  ne  s'attachent  point  &  qu'on  quitte  aifément.  Elles  font  faites  indiffé- 
remment de  peau  de  cerf,  &  d'un  tiflu  de  paille,  de  jonc,  ou  de  bambou, 
fort  bien  travaillé. 
Education        ^Es  Japonois  ne  négligent  rien  pour  cultiver  l'efprit  de  leurs  enfans,  & 

desjaponoi»v    ne  mettent  aucune  différence  dans  l'éducation  des  deux  fexes.    Les  fem- 
mes fçavantes  ne  font  pas  rares  au  Japon.     Ce  n'efl:  pas  du  moins  le  tems 
qui  leur  manque  >  car  elles  ne  doivent  fe  mêler  d'aucune  forte  d'affaires. 
'         •        '        ■  ■'  -      -  -  '  '  Leur 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liy.  IV.  353 

Leur  inftruftion ,  comme  celle  des  hommes ,  commence  par  le  cœur.  On 
les  accoutume  de  bonne  heure  à  fe  conduire  par  des  principes  d'honneur  & 
de  raifon.  Enfuite  on  leur  apprend  leur  Langue,  c'eft-à-dire,  à  parler  cor- 
rcftement,  à  bien  lire,  à  bien  former  les  caraftères  (c).  Ils  en  font  une 
étude  férieufe,  qui  eft  fuivie  de  celle  de  leur  Religion.  A  celle-ci  fucccde 
une  bonne  Logique,  qui  leur  apprend  à  difcerner  le  vrai  &  à  raifonner  jufte. 
Onpaffe  aux  leçons  d'Eloquence,  de  Morale,  de  PoêTie  &  de  Peinture. 
Peu  de  Nations  ont  plus  de  génie  pour  ces  be?^ux  Arts. 

Les  Japonois  ont  l'imagination  belle,  une  grande  pénétra  Ion  pour  con- 
noître  le  cœur  humain ,  &  un  talent  rare  pour  en  remuer  tous  les  reflbrts. 
Flufieurs  Mi.Tionnaires,  qui  avoient  entendu  leurs  Prédications,  ont  avoué 
que  rien  ne  leur  avoit  paru  plus  touchant,  plus  pathétique,  plus  conforme 
au  vrai  goût  de  l'Eloquence,  &  qu'il  eft  aflez  ordinaire,  au  Japon,  de  voir 
fondre  en  larmes  un  nombreux  Auditoire.  Ils  ajoutent  que  leur  Poëlie  a 
des  grâces  finguliéres.  Leur  principal  talent  eft  pour  les  pièces  de  Théâtre. 
Elles  font  diftribuées ,  comme  les  nôtres ,  en  Aéles  &  en  Scènes.  Un  Pro- 
logue en  expofe  le  plan;  mais  fans  toucher  au  dénouement,  où.  l'on  veut 
toujours  que  le  Speétateur  foit  furpris.-  Les  décorations  font  belles,  & 
convenables  au  fuj et.    Les  intermèdes  font  des  Ballets,  ou  quelque  Farce 

bouffonne} 

dignité.  Il  en  eft  de  môme  des  plantes,  & 
d'une  infinité  d'autres  chofes.  On  les  expri- 
me par  différens  caraftèrcs ,  fuivant  leur  de- 
gré de  perfection  &  leur  ufage.  Toutes  les 
Fi'ières  oc  les  Loix  anciennes  du  Japon,  fur-tout 
celles  qui  regardent  la  Religion ,  font  dans  un 
langage  facré  &  inintelligible.  On  affure  que 
ccux-mêmes  qui  fe  donnent  pour  Interprètes 
des  Dieux,  ne  l'entendent  pas  plus  que  les  au- 
tres. Il  y  a  aullî  deux  fortes  d'Alphabet ,  qui 
font  ufités  par  le  Peuple,  &qui  diiFèrentdes 
nôtres ,  en  ce  que  chaque  figure  fignific ,  non 
une  fimple  lettre,  mais  une  fyllabe  entière 
du' langage  vulgaire.  Les  Japonois  fe  fervjnt 
d'un  pinceau  pour  écrire,  &  le  font  avec  une 
vîtefle  furprenante.  On  verra,  dans  l'Arti- 
cle de l'Hiftoire Naturelle,  ce  qui  regarde  leur 
papier. 

Ajoutons  ici  que  rien  ne  caufe  plus  de  con- 
fudon ,  dans  leurs  Hifloires ,  que  l'ufage  où 
ils  font  de  changer  fouvent  de  noms.  Ce 
changement  fe  fait  régulièrement  trois  fois. 
En  fortant  de  l'adolefcence ,  .on  quitte  le 
nom  qu'on  avoit  reçu  à  la  naiflance;  &  ce- 
lui qu'on  prend  ,  alors  change  auffi  dans  la 
vieilieiTe.  Mais  ceux  de  la  Famille,  &  celui 
de  la  Terre,  ou  de  la  Principauté  qu'on  polTé- 
de ,  demeurent  toujours.  Lorfqu'on  pafle 
d'une  condition  à  une  autre,  on  prend  encore 
d'autres  noms ,  qu'on  fubflitue  aux  premiers. 
Ces  changemens  le  font  avec  de  grandes  cé- 
rémonies. 


DESCRTPTtOW 

DU  Japon. 

Langue, 


Qu:ilité3  de 
leur  efprit. 

Leur  Elo- 
quence. 

Leur  goûr. 
pour  le  'l'hé*- 
Ue. 


(c)  Ksmpfer  aflliro  que  la  Langue  Japo- 
nolfe  eU  originale,  qu'elle  eft  nette,  articu- 
lée ,  diftinfte ,  &  qu'elle  n'a  jamais  que  deux 
lettres  combinées  dans  une  fyllabe.    Les  Ja- 
ponois ne  peuvent  donner  à  ttôtre  b;  que  le 
fon  de  r/.    Leurs  caraftères  font  greffiers  & 
informes.  Ils  fonc  pofés  les  uns  fur  les  autres 
en  ligne  perpendiculaire  ,  comme  ceux  des 
Chinois  ;  mais  au-lieu  que  ceux-ci  n'ont  entre- 
deux aucune  particule  qui  les  lie,  parceque 
chaque  caraftère  eft  un  mot,  le  génie  de  la 
Langue  Japonoife  exige  que  les   caraftères , 
qui  font  aufli  des  mots ,  foycnt  quelquefois 
tranfpofés ,  &  quelquefois  joints  cnfemble  par 
d'autres ,  ou  par  des  particules  inventées  pour 
cet  ufage  j  ce  qui  eft  fi  nécelfaire,  que  lorf- 
qu'on imprime,  au  Japon,  des  Livres  Chi- 
nois ,  on  eft  obligé  d'ajouter  ces  mots ,  bu  ces 
particules ,  pour  rendre  les  Japonois  capables 
de  les  lire  ou  de  les  entendre.    A  l'égard  de 
l'Ecriture  fçavante ,  elle  eft  à-pcu-près  la  mô- 
me à  la  Chine  &  au  Japon.    Elle  confîftc  en 
caraftères  fignificatifs.    Les  idées  font  atta- 
chées à  la  figure ,  avant  que  d'ôtre  attachées 
au  fon  par  lequel  cette  figure  s'exprime ,  &  de- 
là vient  que  ce  genre  d'écriture  eft  compofé 
d'un  fi  grand  nombre  de  caraftères ,  parceque 
chaque  caraftère  n'eft  que  l'image  de  lachofe 
qu'il  repréfente;  méthode  plus  difficile  que  la 
nôtre,  mais  moins  fujettc  aux  ambiguïtés.  La 
précifion  des  idées  eft  fi  jufte,  que  l'on  chan- 
ge ces  caraftères  en  avançant  en  âge  ou  en 


XIF.  Part. 


Yy 


35* 


VOYAGE    D%    K^MPFER 


Comédies 
ftSpeihcles 
Japonois. 


Chaque 
quartier  fait  à 
fon  tour  la  dé- 
penfe  des 
Speâacles. 


bouiTonne  ;  mais ,  d^^ns  Içs  Tragédies  &  les  ComtMies ,  to\it  eft  rapporté  k 
U  Morale.  Le  (lyle  cIqs  pr^iviôr&s  ^  de  Temphafe  &  de  l'énerj^ie.  Ëll«a 
roulent  ordinairemenc  fut  les  allions  les  plus  héroïques. 

Les  Speftacles  put)Ucs  fonc  çompofé»  de  plufieurj  pièce»,  qui  fe  fuccé. 
dent  les  unes  aux  autres,  &  donc  le  Aijet  efl  pris  dans.  l'HUloire  des  Dieux 
&des  Héros.    Leurs  avanwres,  leurs  grand»  exploits,  leurs  intrigues  a* 
moureufes  font  mifes  qn  Ver? ,  À  fe  chantent  en  danfant  au  fon  de  toutes 
fortes  d'inftrumens  de  Mwfiqim,    De  petites  Farces  font  le»  intermèdes  ; 
on  voit  parpître  diverfes  fortes  de  3ouârons ,  dont  les  uns  difenc  mille  plai. 
fanteries,  &  d'autres,  à  la  manière  des  anciens  Pantomimes ,  danfentfant 
parler,  4c  s'efforcent  d'exprimejr  en  cadence,  par  leurs  actions  &  par  leurs 
gelles ,  les  circQnHances  du  fujet  qu'ils  repréfencent.    La  Scène  efl:  ordi> 
nairement  formée  par  dc^  foiuaines,  des  pojits,  des  maifons,  des  jar» 
dins,  des  arbres,  oes  montagnes,  des  aninaaux;  tout  de  grandeur  natu< 
relie,  &  difpofé  de  manière,  que  les  changemens  peuvent  fe  faire  avec 
beaucoup  de  promptitude.    L^s  A^^eurs  font  ordinairement  (d)  de  jeu» 
nés  Garçons ,  choifis  dans  les  quartiers  qui  font  la  dépenfe  du  Speéh* 
cle,  ^  de  jeunes  Filles  qu'on  tire  des  liaux  de  débauche.    Ils  font  magnU 
fiquement  vêtus ,  fuivant  la  différence  de  leurs  voiles.    Les  mêmes  Scè-> 
ces  ne  doivent  pas  être  répétées  d'une  année  à  l'autre.    Koempfer  don* 
ne  la  defcription  de  la  place  des  Speélacles  qu'il  vit  à  Nangafaki.     On  y 
9vpit  élevé,  dit-^1,  ur^  grand  Tenqple  4e  ba^nbçus,  avec  des  aîles  au  cô» 
té.    Le  Fvontifpice  étoit  tourné  vers  la  place.    Ce  Bâtiment ,  qui  étoic 
couvert  de  paille  â(  de  brandies  de  37"^*»  reflembloit  affez  à  une  grange. 
Auffi  fe  propofoit-on  de  remettre  devant  les  yeux  l'ancienne  fimplicité 
Japonoife.    Un  grand  fapi«  s'élevoic  à.  côté  delà  façade,  &  les  trois  au» 
très  côtés  de  la  place  étoient  difpoles  en  Loges ,  où  l'on  avoic  ménagé  un 
grand  nombre  de  fièffes  pour  les  Speélaceqrs.     Les  Mipi(hres  des  Dieux  s'af. 
firent  en  bon  ordre  lur  trois  bancs ,  visrà-vis  le  Frontifpice.    On  reconnoi 
foit  les  Supérieurs,  qui  étoient  fur  le  banc  le  plus  élevé  ,  à  leur  habit  noir, 
&  à  un, bâton  court  qu'ils  portoient  pour  marque  de  leur  autorité.    Quacre 
Cani^fist  d'un  rang  peu  inférieur,  étaient  fur  le  fécond  banc,  vêtus  de 
robbes  blanches ,  avec  un  bonnet  noir  verniffé.    Tous  les  autres  étoient 
à-peu-près  vêtus  comme  les  Canufis.     Les  Valets  du  Temple  fe  tendent 
derrière  leurs  Maîtres ,  tête  nue  &  debout.     De  l'autre  côté  de  la  place, 
vis-à-vis  du  Clergé,  les  Lieutenans  des  Gouverneurs  étoient  aflds  fous 
une  tente,  un  peu  au-deffus  du  rez- de- chauffée,  avec  leurs  piques  vis* 
à  -  vis  d'eux.    Leur  devoir ,  dans  ces  occafions ,  efl  de  faire  ranger  la 
foule  &  de  contenir  la  populace.    Ils  ont  autour  d'eux  quantité  d'Officiers 
fubalternes. 

On  vient  d'obferver  que  ce  font  les  différens  quartiers  de  la  Ville,  qui 
font  la  dépenfe  des  grands  Speftacles.    Ils  la  font,  chacun  à  leur  tour,  un 

tain  nombre  de  fois  chaque  année.    Kaempfer  nous  donne  une  idée  pom- 
peufe  de  la  manière  dont  ils  amènent,  comme  en  proceffion ,  leurs  Aéleurs 

& 


(d)  Au  nombre  de  huit,  douze,  ou  plus.    Kamp/er,  Tome  II.  pag,  14 j, 


DANS  L'EMPIRÉ  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


^55 


fl:  lettfi  machines.    On  voit  d'abord  un  dais  fort  riche,  ou  unparafol  de  Diient?TJO!» 
foye,  fous  lequel  eft  placé  un  bouclier,  qui  offre  en  gros  caraftères  le  nom    °"  jAfow. 
de  la  rue.    Il  efl;  accompagné  d'une  Mufique,  où  dominent  les  flûtes  de 
différentes  efpèces ,  quelques  tambourins ,  des  tvmbales  &  des  cloches.  Ce 
charivari ,  qui  plaît  beaucoup  aux  Japonois ,  eft  infupportable  aux  Etran-  ' 

gers.  Parunufage  fort  contraire  au  nôtre,  c'efl  fur  les  mouvemens  du 
corps  &  fur  la  danfe ,  que  les  a;rs  &  le  chant  font  réglés.  Les  danfes  ne 
font  pas  vives  ;  mais,  d'ailleurs,  elles  ne  cèdent  rien  aux  nôtres.  La  Mu- 
fique eft  fuivie  des  machines ,  &  de  tout  l'appareil  de  Scène  que  le  quar- 
tier doit  fournir.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  pefant  eft  porté  par  des  hommes 
gagés;  &  lerefte,  par  des  enfans  du  quartier,  mis  fort  proprement.  En» 
fuite  viennent  les  Aéleurs,  fuivis  des  Ilabitans  du  quartier,  tous  en  ha- 
bits de  cérémonie.  La  marche  eft  fermée  par  un  nombre  confidérable  de 
gens  du  bas  ordre,  qui  portent  des  bancs  ou  des  nattes ,  ôc  qui  marchent 
eux  à  deux.  Les  Danfes  &  les  Speé^acles  de  chaque  rue  durent  ordinai- 
rement trois  quarts  d'heure  (e);  aorès  quoi  la  procelTion  s'en  retourne  dans 
|e  même  ordre  qu'elle  eft  venue  (/).  » 

'■■■■  '■'•'■'  ■■     '   -     On 


Durée  des 
Scèucii. 


(e)  Kxmpfer,  Tom.  II.  pag.  143  &  fuiv. 

(/)  On  ne  prendroJt  pas  une  jufte  idée 

du  «enie  des  Japonois ,  fi  l'on  ne  joignoit 

Ici  Tes  douze  Scènes  auxquelles   KaBtnpfcr 

alTifla, 

„  Première  Seine.    On  vôyoit  huit  filles 
„  avec  des  habits  de  C0u>Wr,  brochés  de 
„  grandes  fleure  blanches.    Elles  portotent 
„  de  grands  chapeaux,  comme  pour  les  dé- 
fendre de  14ttdcur  du  Soleil,  avec  des  éven- 
',  tails  &  des  fletirs  à  la  main.    Elles  dan- 
"  foient  tour-àitoiur,  &  de  tcms  entems  el- 
"  les  étoient  relevées  par  deux  vieilles  fem- 
„  mes  qui  danfoient  dans  un  autre  équipage. 
„  Deuxième  Seêne.    Un    jardin    couvert 
de  belles  fleurs;  une   chaumière  au  mi- 
"  lieu,  d'où  fortirertt,  d'un  faut,  hultjeu- 
",  nés  filles  habillées  de  blanc  &  de  rouge , 
*'  danfant  avec  des  éventails ,  des  cannes ,  & 
"  des  paniers  de  fleurs.    Elles  étoient  rele- 
vées par  une  fort  bonne  Aftrice  qui  dan- 
"  foit  feule. 

„  Troijîème  Scène.  Huit  chars  de  triomphé, 
.,  avec  des  bœufs  au  timon ,  de  différentes 
;,  couleurs,  mais  rcpréfcntés  fort  naturclle- 
.,  ment,  &  traînés  par  de  jeunes  garçons 
„  richement  vêtus.  Ces  chars  portoient  un 
,,  arbre  de  Tj'ubaki  en  fleur;  une  montagne 
„  couverte  d'arbres;  une  forôt  de  bambous, 
„  avec  un  tygre,  qu'on  y  voyoit  tapi;  un 
„  fardeau  de  paille;  un  arbre  entier,  avec 
.,  fcs  branches  &  fes  racines;  une  baleine, 
,,  fous  un  rocher,  à  demi  couverte  d'eau. 
!,  On  vit ,  à  la  fin ,  une  autre  montagne , 
„  dont  le  fommet  olfroit  un  jeune  homme 
.,  vivant  &  magnifiquement  mis,  fous  un  abri- 


j> 


„  cotler  couvert  de  fleurs.    Elle  étoit  traînée 
„  aUfli  par  de  jeunes  garçons. 

,,  Quatrième  Scène.  Des  Danfeurs,  qui 
„  jouoient  leur  rolle  entre  fix  carreaux  de 
„  fleurs ,  avec  un  arbre  verd.  Neuf  autre» 
„  jeunes  ^rçons ,  chacun  avec  deux  épées  ft 
„  un  moufquet.    Une  dainfe  dePayfans. 

„  Cinquième  Scène.  Une  montagne,  po^ 
„  tée  fur  les  épaules  de  quantité  (fhommej. 
..  Une  forttainc  &  une  allée,  un  grand  ton- 
neau &  une  maifon ,  qui  parurent  fuccef- 
fivemetlt.  Deux  Géants  mafqués ,  avec  des 
tètes  d'une  prodigieufe  groflTeur .  repréfen- 
tant  des  Divinités  Indieflnes.  Ils  furent  s- 
bordés  par  un  troificme,  d'une  taille  en- 
core plus  mortflrueufe,  qui  fortit  de  la 
montagne ,  armé  d'une  épée  fort  large.  Ce- 
lui-ci étôit  fuivi  de  fcpt  Chinois ,  qui  for- 
tirent  en  ftutant  de  la  même  montagne, 
&  qui  danfèrefit  avoc  les  Géants.  Après 
la  darîfe ,  le  Géant  monftrueux  mit  en  piè- 
ces le  tonneau ,  d'où  fortit  un  jeune  gar- 
çon fort  bien  mis ,  qui  fit  une  belle  haran- 
gue, &  qui  fc  mit  cnfuite  à  danfcr  avec  le 
Géafit.  Cependant  trois  finges,  de  gran- 
deur naturelle ,  avec  des  têtes  de  poiflbn , 
fortirent  adroitement  de  la  fontaine,  & 
danfèrent  autour ,  contrcfaifant  la  danfe  du 
Géant  &  du  jeune  garçon. 
„  Sixième  Scène.  Un  arc  de  triomphe 
rond ,  à  la  Chinoife  ;  une  maifon  de  cam- 
pagne &  un  jardin;  une  darife  de  dix  jeu- 
nes garçons  armés ,  &  vêtus  do  robbes 
doublées  de  verd ,  de  j^ne ,  &  de  bleu , 
avec  des  hautes-chaufTes  d'une  forme  par- 
ticUliète.    Un  Arlequin  ,  qui  fauta  par- 

a  ».  mi 


Yy 


I5à 


VOYAGE    DE    Ki«MPFER- 


PU  Japon. 
Peinture. 


Mufiquc. 


On  attribue  aux  Peintres  du  Japon  un  goût  particulier  dans  lequel  on 
prétend  qu'ils  excellent.  Leur  pinceau  eft  fort  délicat  j  mais  ils  s'appli, 
qucnt  peu  aux  Portraits.  Ils  fe  bornent  aux  figures  d'oifcaux ,  de  fleurs ,  & 
d'autres  procluftiorw  de  la  Nature.  C'efl:  toujours  fur  de  fimples  feuilles  de 
papier  qu'ils  les  tracent.  Elles  fe  vendent  quelquefois  jufqu'a  trois  &  qua- 
tre  mille  écus  d'or.  Quoiqu'on  n'ait  jamais  vu  d'eux ,  en  Europe ,  que  des 
Ouvrages  fort  grofliers ,  il  n'en  faut  pas  conclure  que  ce  récit  foit  exagé- 
ré ,  parccque  les  peintures  de  cette  perfeélion  fe  confervent  fort  foigncufe- 
ment  dans  les  Cabinets.  On  parle  de  leur  Mufique  avec  moins  d'éloges. 
Ils  ont  peu  de  méthode  ;  &  leurs  voix,  ni  leurs  inllrumens,  ne  méritent 
point  ^attention.      ,      ^  ^  ,     ■      i        •.  ... 

-      '  '  Ils 


» 


ml  eux,  *  qui  dit  mille  bouffonneries. 
Cette  Scène  fut  terminée  par  deux  Dan- 
feurs,  en  habits  étrangers,  qui  vinrent  du 
jardin  en  danfant. 

„  Septième  Scène.  Une  montagne  couver- 
te de  bambous  &  do  fapins,  avec  douze 
autres  arbres  en  fleur,  chacun  de  diffé- 
rente efpècc.  Une  fuite  nombreufe  de  gens 
magniiiiiuement  vôtus.  Enfuite  deux  per- 
fonncs  habillées  de  blanc,  &  huit  autres 
de  jaune  ,  danfant  &  battant  des  clo- 
ches. Sept  autres ,  qui  fuccédèrent ,  & 
qui  danfcrent  avec  des  pots  de  fleurs  fur 
la  tôte. 

„  Huitième  Scène.    Le  train  pompeux  d'un 

Prince ,  voyageant  avec  fon  hls ,  rcpréfenté 

„  fort  au  naturel  par  de  jeunes  garçons. 

„  Neuvième  Scène.    Une  mai  fon  verte ,  au 

travers   &  tout   autour  de   laquelle   dan- 

"  foient  dix  jeunes  garçons ,   vôtus  de  rob- 

bes  noires;  chacun,  d'abord,  avec  deux 

''  épées,  enfuite  avec  des  fleurs,  des  flèches, 

&  de's  piques.    Ils  étoient  relevés  par  des 

*'  intermèdes  de  Bouffons.    Enfin  leurs  Va- 

*!  lets ,  portant  des  boëtes  fur  leurs  épaules , 

'l  entremêlèrent  leurs  fauts  &  leurs  danfes 

avec  celles  de  leurs  Maîtres. 
"  „  Dixième  Scène.  Un  théâtre  placé  près 
„  d'une  colline  couverte  d'arbres.  Un  jeune 
M  homme  vêtu  de  noir  &  de  jaune  parut  fur 
„  le  théâtre,  parla  ,  &  joua  un  roi  le  qui 
„  dura  une  demie  heure;  tandis  que  huit  au- 
„  très  jeunes  garçons ,  en  robbes  de  diffé- 
„  rentes  couleurs,  exécutèrent  une  danfe; 
„  chacun  feul  d'abord ,  enfuite  avec  un  Coin- 
„  pagnon,  &  puis  tous  enfemble.  Un  fin^e, 
„  qui  fauta  de  la  colline ,  vint  finir  la  Scène 
„  par  divers  tours. 

„  Onzième  Scène.  Un  jeune  Sauteur ,  fort 
„  bien  fait,  devant  lequel  on  plaça  une  ta- 
„  bie,  en  forme  d'èchaffaut,  avec  huit  mar- 
„  ches  pour  y  monter,  &  huit  de  l'autre  cô- 
„  té  1  our  en  deftendrc.  On  mit  un  bambou 
„  creux  au  travers   de  l'èchafTaut,  &  une 


» 


i,  porte,  qui  avoit  un  trou  rond  d'environ 
„  deux  empans  &  demi  de  diamètre.  I.c 
„  Sauteur  lit  plufieurs  tours  qui  furprircnt 
„  Kajiiipfer.  Un  des  plus  étonnans  fut  ds 
,,  fauter,  de  la  dillance  d'environ  trois  toi- 
•„  fes  ,  au  travers  du  trou  de  la  porte, 
„  quoique  le  diamètre  du  trou  fût  beaucoup 
„  moins  grand  que  celui  du  chapeau  qu'il 
„  portoit. 

„  Douzième  Scène.  Plufieurs  machines  d'une 
"  grandeur  énorme,  exactement  femblabks, 
"  en  grandeur  &  en  couleur,  à  ce  qu'on  a- 
>»  voit  voulu  repréfenter;  mais  toutes  d'une 
>>  matière  fi  mince ,  que  chacune  étoit  por- 
}>  tée  par  un  feul  homme.  Outre  ce  fardeau, 
»>  chaque  Porteur  avoit  un  grand  tambour, 
»  qui  lui  pendoit  par  devant ,  fur  lequel  d'au- 
>»  très  hommes  frappoient  avec  des  cloches. 
»  Ils  traverfèrent  ainfi  le  théâtre  en  daniiint, 
»»  mais  fans  pouvoir  fauter  bien  haut,  par- 
»  ceque  leur  fardeau,  quoique  fi  léger  par 
>i  fa  matière,  étoit  fi  lourd  a  fi  incommode 
j»  par  fa  grandeur,  qu'ils  furent  obligés  plu- 
„  fieurs  fois  de  reprendre  haleine.  Ce  qu'ils 
„  portoient  fur  leur  dos,  étoit;  i".  Un  puits, 
„  avec  tous  les  inllrumens  néceflhires  pour 
„  éteindre  le  feu.  2".  Une  grande  cloche 
,)  d'Eglife,  avec  toute  fa  charpente,  &  un 
„  dragon  deflus,  pour  ornement.  3'.  Une 
,,  montagne  couverte  de  neige,  avec  un  aigle 
„  au  fommet.  4".  Un  canon  de  fonte,  de 
„  vingt-quatre  livres  de  balle,  avec  fon  af- 
,1  fut  &  tout  fon  train,  s».  Un  grand  cof- 
,)  fre  de  Mer,  empacqueté  dans  douze  bai- 
„  les  de  paille,  à  la  manière  du  Pays. 
„  6°.  Une  baleine,  dans  un  baflln  de  gran- 
„  dcur  proportionnée.  7'.  Diverfes  charges 
„  de  coquillages  &  de  fruits,  &c.  Enfuite, 
„  pour  former  le  contralte ,  d*autres  hom- 
„  mes  fuccèdsient  avec  ce  qu'il  y  a  réelle- 
„  ment  de  plus  léger;  c'eft-à-dire,  l'un  avec 
„  un  fimple  coquillage,  l'autre  avec  un  fruit , 
„  une  fleur,  une  plume,  &c,"  Kampferf 
ubi  fuprà,  pag.  148. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


ssr 


Ils  compofcnt  beaucoup  de  Livres,  &  leurs  Bibliothèques  font  nom-  Dsscnrpnoîi 
breufes.  1  eus  ces  Ouvrages  regardent  la  Morale,  l'IIillojrc,  lu  Religion  "':' J*"'^: . 
&  la  Médecine.  Leur  Ilillorien  allure  qu'ils  n'en  ont  aucun  do  Jurilpru-  J-ôXému.'.s.  ' 
dcncc  (^),  ^uoiqu'ilieuratcribue  quelques  conllitucions,  en  petit  nombre, 


(g)  Ubifuprà,  pag.  I77-  Ccpcndaiu  lu 
Traduftcur  de  Kajmpfcr  nomme  le  Sikki- 
Moku,  qui  cft  un  Traité  dts  Loix  Japonoi- 
les,  &  le  KiuJ'ai,  qui  traite  des  Coutumes 
civiles.  Kœmpfer  apporta  du  Jaiiuii  v>\\.i 
liairs Livres,  qu'il  donna  au  Chevalier  Ilans 
Sloaiie.  Leurs  Titres  feront  une  Note  cu- 
rieufe. 

Nota.  Le  Chevalier  Mans  Sloanc  acheta  ces 
Livres  après  la  mort  de  KicmplVr,  coiiinie 
Scheuchzcr  nous  l'apprend  dans  fon  Difcours 
préliminaire.  Ce  lont  feulement  ceux  que 
nous  marquons  d'un  Aaérifque.  Lf  'l'ra- 
duftcur  avoit  trouvé  les  Titres  des  autres 
dans  les  Mémoires  manuferits    de  l'Auteur. 

R-  d.  E.  .      .       ,     . 

■*  Nippon-Odaiki.  Ce  font  les  Annales  du 
Japon,  qui  contiennent  l'origine,  les  règnes, 
&  les  aftions  remarquables  des  Empereurs , 
depuis  Syn-Mu ,  jufqu'à  nôtre  tcms. 

*  Nippon-Okaitlu;  c'e(l-à-dirc,  mot  pour 
mot,  premiers  traits  de  l'Hiftoire  des  grandes 
cbofes  du  Japon. 

Tai-Fee-Ki.  C'eft  l'Hiftoirc  d'une  Guerre 
qui  dura  quarante  ans ,  entre  U  s  Maifons  de 
t'eeki  &  de  Gendji ,  &  qui  iinit  oar  l'extirpa- 
tion de  la  première.  l^'Ouvrage  entier  eft 
divifé  en  quatre -vingt  Parties,  qu'on  relie 
d'ordinaire  en  quarante  Volumes. 

Feeki-Mono-Gattari;  ou  Dijccurs  fur  les  af- 
faires de  Feeki ,  qui  roule  fur  le  môme  fujet 
que  le  précédent. 

*  Ojacca-Mono-Gattari,  ou  Dijc ours  fur  les 
affaires  d'Ofacca.  C'ea  l'IIiftoire  de  plu- 
licurs  Guerres  inteftincs  du  Japon. 

*  Simabaraki ,  ou  Simabaraeafen  ;  c'e(t-à- 
dirc ,  Relation  de  la  Guerre  de  Simabara ,  qui 
contient  les  efforts  de  trente-fept  mille  Chré- 
tiens, pour  fc  défendre  dans  une  ForterefTe 
[  fur  le  Golfe  ]  de  ce  nom ,  où  leur  deflruc- 
tibn  totale  acheva  celle  du  Chriftianifme  au 
Japon.  Cet  Ouvrage  &  le  précédent  ont  été 
traduits  par  Ksmpfer,  &  les  Manufcrits  font 
dans  le  même  lieu. 

*  [L'Hiftoire  à'Mim-Sime,  fils  de  l'Em- 
pereur Ahino-Jaffima.'\ 

Siti-Dai-Ki.  Hiftoire  des  Dieux  du  Japon , 
qui-  y  étoient  adorés  anciennement. 

Ten-Sin-Ki.  Hiftoire  particulière  de  la 
vie  &  des  aftions  héroïques  de  Ten-Sin,  qui 
eft  le  Chef  des  Sintos,  Dieux  Japonois. 


dit- 


Nippon-IdfuirJ ,  ttn  Kuni-Oojafijro;  c'eft  1- 
dire,  Guerres  dts  Dieux  t  à  Oojaftjro ,  dam 
la  Province  d'Jdfumi. 

*  l)ai-Fan]a-l''iramitz,  ou  Traité  des  Dicux 
adorés  par  la  Seéle  des  tiudfdoïjles. 

Le  SikkiMûku  &  le  Kiufai ,  deux  Livres 
de  îuril prudence  qu'on  a  déjà  nommés. 

6oogakf,  C'eft  un  Traité  qui  contient  les 
préceptes  de  Morale,  enfeignés  &  pratiqués 
pur  les  Siutoïjïes,  Sefte  de  Philofophes  Japo- 
nois. 

Foiitsjo-0-in-Fifi  ;  c'cft-A-dire  ,  mot  pour 
mot ,  Ouvrage  de  l'ombre  du  Cerijier  Japonois. 
C'eft  un  Traité  de  l'art  de  gouverner,  qu'/- 
takura-Swuono-Cami ,  ancien  Gouverneur  de 
Meaco,  compofa,  dans  fa  vieillelTe,  à  l'om- 
bre d'un  grand  Cerifier  de  fon  Jardin. 

Tfure-Dfure-Jojijdano-Kenko;  Ouvrage  de 
Morale  d'un  Omeier  militaire ,  qui  cmbruftii 
la  vie  monaftique. 

Faku-Niun-Isju,  c'eft-à-dirc.  Fers  de  cent 
Poites.  C'eft  im  Recueil  de  Poëfies ,  de  la 
Cour  Eccléfiaftique  de  Jedo. 

Kojogun.  Traité  du  Gouvernement  du  Ja- 
pon. 

*  Nipponki.  Defcription  des  principales 
curlofités  du  Japon. 

'*  Sitzi-Jofjù.  Defcription  géographique 
de  l'Empire  du  Japon.  C'eft  d'après  ce  Li- 
vre ,  que  Kœmpfcr  a  donné  celle  qu'on  a  rap- 
portée ici  fur  fon  témoignage. 

*  [Isje-Mono-Gattari,  ou  Difcours  fur  les 
affaires  d'Isje,  par  Narifide  ^  de  la  Cour  de 
l'Empereur  Eccléfiaftique.  ] 

'•'  Defcription  de  la  Cour  du  Dairi ,  avec 
cent  habillemens  différens  des  perfonnes  qui 
la  compofent. 

*  Jedo  -  Kagami.  Defcription  de  la  Cour 
de  Jedo ,  avec  une  lifte  de  tous  les  Officiers 
du  Cuhofama  &  de  leurs  revenus. 

Sikki.  Chronique  Chinoife,  qui  contient 
une  Defcription  des  principaux  événemens 
de  l'Hiftoirc  de  la  Chine. 

Mannengojomi ,  c'eft-à-dirc,  Almanac  pour 
dix  mille  ans ,  qui  contient  un  calcul  des 
jours  heureux  ou  malheureux,  fulvant  l'in- 
fluence des  Signes  célcftes. 

■*  Dfîookivi.  C'eft  un  Almanac.  Ceux  du 
Japon  ont  ordinairement  huit  pouces  de  hau- 
teur &  cinq  pieds  de  longueur. 

"*  Ofasjo.  Traité  des  filcmens,  des  Mon- 
des, 


Yy  3 


3i<i 


VOYAGE    DE    KMMPrtTL 


Description 
DU  Japon. 

Sciences 
fpéculatives. 


Cilculs  des 
tcms. 


dit -il ,  maïs  bien  faites ,  &  fidellement  obfervées,  parceque  la  moindre 
contravention  eft  punie  avec  rigueur. 

Si  l'on  excepte  les  matières  de  Religion ,  qui  exercent  continuellement 
les  Miniftres,  il  ne  paroit  pas  que  les  Japonois  cultivent  beaucoup  les  Scien- 
ces fpéculatives.  Ils  font  peu  verfés  dans  ce  qui  concerne  les  Mathémati- 
ques,  la  fimple  Métaphyfique ,  &  même  la  Phyfique.  Ils  ne  connoifTent 
pas  mieux  le  Ciel.  Leurs  Epoques  ,  leurs  Elemens ,  la  manière  dont  ils 
partagent  les  heures ,  &  dont  ils  comptent  leurs  années ,  ne  donnent  pas 
une  haute  idée  de  leurs  combinaifons  &  de  leurs  calculs. 

Ils  ont  trois  fortes  d'Epoques,  dont  la  première  commence  avec  le  ré- 
gne  de  Syn-Mu ,  leur  premier  Empereur,  &  précède,  comme  on  l'a  déjà 
remarqué ,  l'Ere  Chrétienne  de  fix  cens  foixante  ans.  Ils  ont  reçu  les  deux 
autres  des  Chinois.  L'une,  qui  fe  nomme  Nengo,  fut  inventée  à  la  Chine, 
pour  mettre  plus  de  certitude  dans. la  Chronologie,  &  fut  introduite  au  Ja- 
poH ,  fous  le  règne  du  trente-fixième  Dairi.  Elle  comprend  un  certain  nom- 
bre d'années,  qui  eft  rarement  au-deflus  de  vingt,  &  très  -  fouvent  au-def- 
fous.  C'efl:  au  Dairi  à  l'établir,  à  lui  choifîr  un  nom  &  une  figure,  &  à  la 
faire  ceffer  pour  en  fubftituer  une  autre.  Il  la  datte  toujours  de  quelque  é- 
vénement  remarquable,  tel  qu'un  changement  d'importance ,  dans  la  Reli- 
gion ou  l'Etat ,  dont  elle  fert  à  conferver  le  fouvenir.  Son  plus  grand  iifa- 
ge  eft  dans  les  Almanacs,  les  Ordres  des  Princes,  les  Proclamations,  les 
Journaux  &  les  dattes  des  Lettres.  Elle  s'employe  auffi  dans  les  Livres  im- 
primés, fur-tout  dans  ceux  qui  ont  rapport  à  l'Hiftoire:  mais  on  y  ajoute 
l'année  courante  de  la  première  Epoque.    Le  nouveau  Nengo  commence 

toû- 


des,  des  Cieux,  des  Etoiles,  des  Comètes, 
des  Météores,  &c. 

*  Kinmodfui.  Herbier  Japonois,  oit  l'on 
trouve  les  figures  de  près  de  cinq  cens  Plan- 
tes &  Arbres  qui  croiflent  au  Japon,  avec 
leurs  noms  &  leurs  ufages. 

Un  Livre  des  Quadrupèdes,  ♦  un  Livre 
des  Oifeaux ,  &  ♦  deux  Livres  de  Poiflbns , 
de  Coquillages  &  d'Infeûes,  avec  les  figures; 
*  un  Traite  d'Anatomie,  &  les  figures  des 
parties  du  Corps  humain;  ♦  un  Livre  de  Mi-" 
néraux , Pierres  foffîles, Coraux,  &c.;  *deux 
Livres  des  habits  Japonois ,  &  [*  divers  Li- 
vres de  figure» ,  qui  repréfentent]  plus  de 
quatre  cens  fortes  d'outils ,  d'armes ,  &  de 
meubles. 

♦  Kemui-TJîoofo-Ki-Mokurokf,  ou  Jiijlrtu-^ 
ttm  pour  les  Familles,  qui  renferme  tout  ce 
qui  appartient  aux  befoins  de  la  vie. 

*  Deux  Livres  concernant  l'Architefture , 
où  font  rcprcfentées  plufieurs  Fortereffes, 
"temples,  Maifons ,  Jardins,  Grands-chemins, 
Puits,  &c. 

♦  Un  Traité  d'Agriculture,  avec  les  figu- 
les  des  infltumens  en  ufàge  au  Japon. 


♦  I>ûdfutsk{.  Livre  qui  contient  divers  Rou- 
-  tiers,  pourl'ufage  des  Voyageurs.  On  y  trou- 
ve les  diftances  des  Places ,  le  prix  des  vivres 
&  des  voitures,  &  les  figures  de  plufieius 
Bâtimens  qu'on  rencontre  fur  les  routes. 

♦  Trois  Livres  deBlazon,  qui  contiennent 
les  Annoiries  du  Japon ,  &  celles  des  Princes 
&  des  Grands  de  l'Empire. 

■*  Un  Diftionnaire,  qui  contient  cinq  mil- 
le caraétères,  &  •plufieurs  Livres,  qui  re- 
préfentent diverfes  figures  des  caraftères  Ja- 
ponois fimples  &  compofés. 

♦  Une  Mappemànd^  Japonoife,  large  de 
deux  pieds,  «  longue  d2  quatre  pieds  trois 
pouces.  ♦  Plufieurs  Cirtes  du  Japon,  qui 
ont  deux  pieds  trois  pc>uces  de  large ,  &  fix 
pieds  &  demi  de  long.  '*  Une  Carte  de  la 
Chine  ,  divifée  en  Provinces ,  [  de  quatre 
pieth  en  quarré.  ] 

'•'  Divers  Plans ,  tels  que  ceux  de  Jedo ,  de 
Meaco,  de  Nangafaki,  &  de  fon Territoire, 
d'Ofaka,  &c. 

■•■  Cinquante  Vues  de  plufieurs  Tcmplos 
fameux,  Châteaux,  &  autres  Edifices  Japo- 
nois. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


559 


res ,  qui  re- 


toujours  avec  la  nouvelle  année,  quoiqu'il  ait  été  fouvent  inftitué  plufieurs  Desctwtio» 
mois  auparavant.  Quelquefois  auffi,  on  fe  fert  encore  du  Nengo  précé-  duJaïom. 
dent,  dans  le  titre  des  Livres  &  des  Ecrits;  irrégularité  qui  vient,  fuivanc 
la  conjeâiure  de  Kaempfer ,  ou  de  ce  que,  les  Peuples  n'approuvent  point  la 
pouveUe  figure ,  ou  de  ce  que  dans  un  fi  grand  Empire ,  elle  ne  peut  être 
notifiée  tout  d'un  coup.  L'autre  Epoque  Chinoife,  que  les  Japonois  ont  a- 
doptée,  confifte  en  Cycles  ou  Périodes,  de  foixante  années,  qui  fe  forment 
d'une  combinaifon  des  douze  Signes  céleftes,  avec  les  lettres  de  leurs  noms. 
Les  caraâères  de  ces  douze  Signes,  combinés  cinq  fois  avec  ceux  des  dix 
Ëlemens,  ou  ces  dix  Elemens  lix  fois,  avec  les  Signes  céleftes,  produifenc 
foixante  figures  compofées,  ou  foixante  caraélères,  dont  chacun  fe  prend 
pour  une  année.  Après  l'expiration  des  foixante  années,  un  nouveau  Cy* 
de  commence.  A  l'aide  de  cette  Z^oque ,  les  Hiftoires  6i  la  Chronologie 
du  Japon  s'accordent  toujours  avec  celles  de  la  Chine,  avec  cette  diflféren- 
ce,  que  les  Chinois  marquent  non-feulement  l'année,  mais  le  nombre  du  Cy- 
cle, ce  qui  n'eft  point  en  ufagè  au  Japon.  Kaempfer  obferve  que  cette  di- 
verfité  vient  peut-être  de  l'orgueil  des  Japonois,  qui  ne  veulent  pas  avoir 
fanscefle,  devant  les  yeux,  une  longue  fuite  de  Cycles  Chinois,  écoulés 
avant  rorigine  de  leur  Monarchie. 

Les  douze  Signes  céleftes,  fuivant  les  Japonois,  qui  les  nomment  y^N  Signes  ce- 
ta,  font;  i^.  Ne,  oula  Souris,  2^.  Us,  le  Taureau;  3^  Torra,  ou  le  Ti-  ^e^"- 
gre;  4**.  Ow,  ou  le  Lièvre;  5'.  Tats,  ouïe  Dragon;  6**.  Mi,  ou  le  Ser- 
pent; 7°.  Utna,  ouïe  Cheval;  8°.  Ifitfufe,  ou  le  Mouton;  9".  Sar,  ou 
le  Singe;  lo".  Tz,ri,  ou  le  Coq;  ii**.  In,  ou  le  Chien;  12°.  I,  ou  le  Ver- 
rat, lis  dornent  les  mcmes  noms,  &  dans  le  même  ordre,  aux  douze  heu- 
res du  jour  niturel ,  &  aux  douze  parties ,  dont  ils  compofent  chaque  heu- 
re; ce  qui  les  met  en  état  de  marquer  exaftement,  dans  leurs  Hiftoires, 
non-feulement  quel  jour,  mais  à  quelle  heure,  &  même  à  quelle  partie  de 
ifeure  un  fait  eft  arrivé.  Cependant  ce  qu'ils  appellent  jour,  eft  l'ef- 
pace  de  tems  qui  s'écoule  entre  le  Lever  du  Soleil  &  fon  Coucher. 
Ils  le  divifent  en  fix  parties  égales,  comme  la  nuit  en  fix  autres;  d'où 
il  arrive  que ,  fuivant  la  faifon  ,  les  heures  font  plus  longues  ou  plus 
courtes. 

A  l'égard  des  Elemens ,   ils  en  comptent  dix,  parceque  ce  nombre  eft 
néceflaire  pour  faire  réfuiter  fa  combinaifon  avec  les  Signes  céleftes ,  dans 
un  Cycle  de  foixante  années  ;  mais  ils  n'en  ont  proprement  que  cinq ,  qui 
font  le  Bois,  le  Feu,  la  Terre,  la  Mine  &  l'Eau,  oéfignés  par  deux  ibrtes 
de  caraftères  qui  les  doublent.     Le  com.nencement  de  leur  année  tombe  en- 
tre le  Solftice  d'Hy ver  &  l'Equinoxe  du  Printems ,  vers  le  cinquième  jour 
de  Février.    Mais,  comme  ils  font  d'une  fuperftition  extrême  à  célébrer 
le  jour  de  la  nouvelle  Lune ,  ils  commencent  ordinairement  l'année,  parla 
Lune  qui  précède  ou  qui  fuit  immédiatement  le  cinq  de  Février.     Leur? 
mois  font  Lunaires  ;  mais  de  deux  en  deux ,  ou  de  trois  en  trois  ans ,  ils 
ont  une  année  de  treize  Lunes;  de-forte  qu'en  dix-neuf  années  communes, 
ils  en  ont  fept  que  Kaempfer  nomme  Biflextiles  (h).  Les 

(•*)  Kaempfer,  Toine  I,  pag.  248  &  préct^entes;  or  le  Père  Charlcvoix,  d'après  lui,  pa«. 
174  &  précédentes.  . 


Divifion  du 
jour  &.  de  fes 
parties. 


Elément. 


Année,  ^ 
fes  différen- 
ces. 


360 


VOYAGE     DE    K^MPFER 


Description 

DU  Japon. 

Aritlunétique. 


Académies 
pour  l'éduca- 
tion de  la 
Jeuneffe. 


Premiers 
exercices  des 
jeunes  gens. 


Fades  de 
l'Empire. 


Médecine 
Japonoife. 


Les  Marchands  Japonois  ont  une  Arithmétique  aflTez  fimple,  &  qui  n'en 
eft  pas  moins  fûre.  Ils  fe  fervent  d'une  table,  fur  laquelle  ils  placent  des 
bâtons,  furmontés  d'une  petite  boule,  qui  leur  font  trouver  tout  d'un 
coup  les  quatre  preuves  de  nos  opérations;  à-peu-près  comme  les  Chi- 
nois ,  defquels  il  y  a  beaucoup  d'apparence  qu'ils  ont  emprunté  cette 
méthode. 

Les  Sçavans  du  Japon  font  les  Miniftres  de  la  Religion  du  Pays.  Ils 
font  chargés  feuls  de  l'éducation  des  jeunes  gens ,  qui  demeurent  che;^  eux 
jufqu'à  l'âge  de  quatorze  ans.  Ces  Académies  font  en  grand  nombre.  On 
lit,  dans  les  Lettres  de  Saint  François  Xavier ,  que,  de  fon  tems,  il  y  en 
avoit  quatre  aux  environs  de  Meaco ,  dont  chacune  n'avoit  pas  moins  de 
trois  ou  quatre  mille  Ecoliers ,  &  qu'elles  n'approchoient  pas  néanmoins  de 
celle  àeBandouej  la  plus  nombreufe  de  l'Empire.  Les  Filles  font  élevées 
de  même  dans  des  Communautés  de  leur  fexe. 

Aussi-TÔT  que  les  jeunes  gens  font  retournés  à  la  Maifon  paternelle,  on 
les  forme  aux  exercices  de  leur  âge.  On  commence  alors  à  leur  donner  des 
armes  ;  &  cette  cérémonie ,  qui  eft  une  vraye  fête ,  fait  <:onnoître  que  la 
Guerre  eft  la  paffion  dominante  de  leur  Nation.  Ils  fe  perfeftionnent  bien- 
tôt dans  cette  Science.  Les  premiers  Européens,  qui  leur  portèrent 
des  armes  à  feu ,  furent  furpris  de  la  facilité  avec  laquelle  ils  apprirent  à 
s'en  fervir.  Tout  Japonois  eft  né  Soldat.  Ces  Infulaires  ne  font  véritable- 
ment jaloux  que  de  leurs  armes.  Ils  ne  les  quittent  que  pendant  le  fom- 
meil  ;  encore  les  mettent-ils  fur  le  chevet  de  leur  lit.  Ils  tirent  Tépée  à  la 
moindre  occafion ,  quoique  rien  ne  foit  plus  étroitement  défendu  dans  les 
Villes.  Ce  Règlement ,  auquel  on  tient  exaétement  la  main ,  prévient 
quantité  de  defordres. 

Les  Faftes  de  l'Empire  font  com^ofés  dans  la  Cour  du  Dairi.  C'eft  /'oc- 
cupation des  Princes  &  des  Princeiîes  du  fang  Impérial.  On  en  tire  des 
copies  ,  qui  ne  s'impriment  qu'après  un  certain  tems ,  &  qui  fe  gardent 
foigneufement  dans  le  Palais.  On  attribue ,  à  cette  réferve ,  le  filence  des 
Miflionnaires  fur  l'ancienne  Hiftoire  d'un  Pays ,  dont  ils  ne  pouvoient  dou- 
ter que  les  différentes  révolutions  n'euifent  pu  faire  le  fujet  d'un  Ouvrage 
intérefîant  (i). 

La  Médecine  eft  plus  en  honneur,  au  Japon,  que  la  Chirurgie.  Nos 
Voyageurs  ne  parlent  même  d'aucun  Chirurgien  de  profeflTion.  Mais  ks 
Médecins  embraflent  toutes  les  parties  de  l'Art ,  qui  regarde  la  vie  &  la 
fanté  des  hommes,  Ils  fe  font  fuivre,  par -tout,  d'un  Valet,  avec  une 
caflette  qui  a  douze  tiroirs  ,•  &  dans  chacun  defquels  Ils  ont  cent  quarante- 
quatre  petits  fachets  d'herbes  &  de  drogues,  dont  ils  prennent  ce  qui  con- 
vient à  chaque  maladie..  Ils  excellent,  comme  les  Chinois,  dans  la 
fcience  du  poulx.  On  alTure  qu'après  avoir  examiné,  pendant  une  de- 
mie heure  ,  le  poulx  d'un  Malade ,  ils  connoiflent  les  caufes  &  tous 
les  fymptômes  du  mal.     Ils  ne  font  pas  fatiguans  par  la  multitude  des 

re- 


■  ■  (»■)  Cette  réflexion  eft  de  l'Hiftorien  du 

Japon,    Mais  elle  fuppofe  qu'il  n'y  a  de  fond 
faire  que  fur  les  iicrivains  de  la  Cour, 


puifque  la  Nation  en  a  d'ailleurs  un  grand 
nombre. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


3^1 


remèdes;  maison  ne  s'accommoderoic  point  de  leur  méthode  en  Europe. 
Ils  ne  tirent  jamais  de  fang  aux  Malades.  Ils  ne  leur  donnent  rien  à  man- 
ger qui  foit  cuit,  parçequ'ils  fuppofent  qu'un  eftomac  afFoibli  ne  peut  rien 
digérer  qui  ne  foit  dans  fon  état  naturel.  Ils  ne  leur  refufent  rien  de 
ce  qu'ils  demandent,  dans  l'opinion  que  la  Nature,  toujours  fage,  mal* 
gré  les  defordres  des  humeurs ,  ne  defire  rien  qui  puifle  lui  nuire. 
Leur  plus  grande  attention  efl  à  prévenir  les  maladies ,  par  l'ufage  fréquent 
du  bain. 

Celle  qui  pafTe  pour  la  plus  commune  au  Japon ,  efl:  une  efpéce  de 
colique ,  particulière  à  cet  Empire.     Les  Etrangers  n'y  font  pas  moins  fu- 
jets,  lorfqu'iJs  commencent  à  boire  du  Saki,  liqueur  du  Pays,  qui  a  la  confi- 
ilence  du  vin  d'Efpagne,  &  qui  fe  fait  avec  du  riz.     Quelques  fymptômes 
de  cette  maladie  reflemblent  beaucoup  à  ceux  de  la  Pajjion  foijlenque.     Elle 
met  fouvent  le  Malade  dans  la  crainte  d'être  fufibqué.      Toute  la  région 
du  bas-ventre,  depuis  les  aînés  jufqu'aux  côtes,  e  cruellement  tiraillée  ; 
&  quelquefois,  après  de  longues  douleurs,  il  furvient  des  tumeurs  dange- 
reufes  en  divers  endroits  du  corps ,  fur-tout  aux  teflicules  &  aux  fondemens. 
La  méthode ,  qu'on  employé  communément ,  pour  la  guérifon  du  mal ,  n'eft 
pas  moins  fingulière  que  le  mal  même.    On  fe  fert  de  petites  aiguilles  d'or 
ou  d'argent  fort  pur,  qu'on  enfonce  dans  la  chaii,  de  la  profondeur  d'un 
demi  pouce  ;  les  unes  avec  un  petit  marteau ,  &  d'autres  en  les  tournant 
comme  des  vis.     Cette  opération  fe  fait  fur  le  ventre ,  à  la  région  du  foye , 
&  demande  neuf  trous  en  trois  rangs ,  à  la  diftance  d'un  demi  pouce  l'un 
de  l'autre.  Ksempfer,  qui  s'étend  beaucoup  fur  les  circonftances  de  la  ponc- 
tion (fe),  rend  témoignage  que  les  douleurs  ceflent  prefqu'aufli  -  tôt ,  com- 
me fi  c'étott ,  dit-il ,  par  enchantement.    L'arc  de  donner  aux  aiguilles  la  trem- 
Se  &  le  degré  de  dureté  qui  conviennent,  eft  connu  de  peu  de  perfonnes, 
i  fait  une  profeffion  particulière ,  qui  ne  peut  être  exercés  qu'avec  des 
Lettres  Patentes  de  l'Empereur,    jf.^;'    .  /  ;j,>    ..u§-Muqmi  ■.- 

Les  Japonois  ont,  pour  la  même  maladie,  &  pour  quantité  d'autres ,  un 
cauftique ,  dont  ils  font  remonter  l'origine  à  la  plus  haute  antiquité.  Il  n'eft 
pas  moins  eftimé  des  Chmois ,  &  de  toutes  les  Nations  qui  font  en  commer- 
ce avec  eux.  L'ufage  en  eft  11  fréquent ,  que  l'application  s'en  faifant  d'or- 
dinaire le  long  de  l'épine  du  dos  <k  des  deux  côtés,  jufqu'aux  reins ,  il  n'y 
aperfonne,  au  Japon,  qui  n'ait  le  dos cicacrile ;  comme  s'il  avoit  été  fouet- 
té cruellement.  Ce  cauftique  fe  nomme  Moxa  (/).  C'eft  un  duvet  doux, 
alTez  femblable  à  la  filaffe  du  lin ,  d'un  gris  cendré ,  qui  prend  feu  aifément , 
quoiqu'il  brûle  avec  lenteur,  &  qui  donne  une  chaleur  modérée.  Il  fe  fait 
de  feuilles  féchées  de  l'armoife  ordinaire  à  grandes  feuilles,  qu'on  arrache 
dans  la  jeunefle  de  la  plante,  &  qu'on  expole  long-tems  au  grand  air.  Sa 
brûlure  fe  fait  à  peine  fentir.  Elle  pafle  pour  un  remède  fi  certain ,  &  pour 
un  préfervatif  i\  puiflant ,  que  toute  la  Nation  Japonoife  étant  perfuadée 
de  fa  vertu ,  on  accorde ,  aux  Malheureux  mêmes  qui  font  condamnés  à 

une 

(•*)  Dans  l'Appendice  ou  le  Supplémeut  à  l'Hiftoire  du  Japon, Tome  III.  paç.  264 &  fuiv, 
(/)  Ibidem,  pag.  282  &  fuiv. 


Dmcriptiov 

DU  JaI'ON. 


Colique 
particii  icre 
au  Japon. 


Aiguilles 
d'or  qu'on 
employé  pouî 
la  guérir. 


Fameux 
cauftique,  - 
nommé 
Moxa. 


De  quoi  il 
eft  compofé. 


Xir.  Pan. 


Z  z 


3^» 


VOYAGE     DE     K.lîMPFER 


DesCRTPTroN 
DD  Japon. 

Trois  for- 
tes lie  petites 
vcrolcs. 


Arts  mé- 
;lianiques. 


Caraclère 
des  japonois. 


Kœmpfer 
n'a  pu  le  con- 
jioitre  parfai- 
tement. 

De  quelle 
fource  on  le 
tire. 


une  prifon  perpétuelle,  la  periniflion  de  fortir  une  fois  en  fixmois,  pour 
le  faire  appliquer  le  Moxa. 

Les  Japonois  dillinguent  trois  fortes  de  petites  verolss;  la  première, 
qui  rcflemble  à  celle  de  l'Etirope;  &  la  féconde,  qui  ne  diffère  pas  de  la 
rougeole;  mais  la  troifième  eft  particulière  au  Japon.  Elle  confifte  dans  un 
grand  nombre  de  pullules  aqueufes,  qui  paroiilcnt  venir  des  boiflbns  froi- 
des, dont  l'ufage  efl  commun  dans  ces.Ifles.  Mais  ces  trois  maladies  font 
traitées  peu  férieufement.  Le  remède  ordinaire  eft  d'envelopper  le  Malade 
d'un  drap  rouge.  Lorfque  les  enfans  du  Sahg  Impérial  en  font  attaqués, 
non-feulement  leur  lit  &  leur  chambre  doivent  être  garnis  de  rouge;  mais 
ceux  qui  approchent  d  eux  doivent  être  en  habits  de  la  même  couleur. 

Les  Arts  méchaniques  font  fort  cultivés  dans  toutes  les  Parties  du  ja- 
pon.  Ils  y  font  venus  de  la  Chine;  mais  Ci  les  Japonois  n'ont  prefque  rien 
inventé ,  ils  font  capables  de  donner  la  dernière  perfeélion  à  tout  ce  qui  fort 
de  leurs  mains.  Ils  excellent  dans  la  gravure,  la  dorure  &  la  ciè;elure.  Leur 
papier  l'emporte  beaucoup  fur  celui  des  Chinois ,  qui  n'ont  jamais  égalé 
non  plus  la  finefle  &  la  propreté  des  étofles  de  Fatjîfto  &  de  Kamakm, 
La  porcelaine  du  Japon  ell  célèbre  par  fa  beauté.  Les  fabres  y  font 
d'une  trempe  admirable.  Le  vernis  des  Japonois  efl  au-deffus  de  tous 
les  autres  ,  &  ne  s'applique  nulle  part  avec  tant  de  propreté.  Ils  fur- 
paflent  tous  les  Indiens  dans  la  compofition  de  leurs  hqueurs  &  dans 
l'apprêt  des  viandes.  Mais  leur  indnflrie  &  leur  application  éclatent 
particulièrement  dans  la  culture  des  terres,  dont  ils  ne  laifTent  pas  art 
feul  pouce  inutile. 

On  n'a  repréfenté  jufqu'ici  les  Japonois  que  par  les  dehors  &  par  des  qua- 
lités acquifes  ,  qui  ne  peuvent  fervir  à  la  connoilfance  de  leur  caraélère. 
Kaempfer  déclare  plus  d'une  fois  qu'il  le»  regarde  comme  une  Nation  Ipiri- 
tuelle.  Mais,  fuivant i'obfervation  de  leur  nouvel  Hiflorien,  c'eften  don- 
ner une  idée  fort  imparfaite.  Ce  Voyageur  ne  s'efl  pas  étendu  fur  leur  por- 
trait ,  parcequ'il  n'avoit  pas  vécu  aflez  familièrement  avec  eux  pour  les  con- 
noître 'à  fond.  Peut-être  a-t'-il  étudié  les  produélions  du  Pays,  avec  plus 
de  foin  que  les  Millionnaires.  Il  fe  fait  honneur  d'avoir  trouvé  le  fecret  de 
fouiller  dans  leurs  Archives.  Il  a  vu  les  Grands  comme  en  fpeélacle,  c'eft- 
à-dire  environnés  de  tout  leur  fade.  Il  a  traité  avec  des  Officiers  publics, 
avec  àQs  Fafileurs  &  des  Commis  ;  mais  il  n'a  pu  pénétrer  dans  leur  cœur, 
parceque  cette  étude  fuppofe  des  ouvertures  que  les  Japonois  ne  peuvent 
plus  avoir  pour  les  Etrangers.  C'ert  donc  aux  anciens  Miffionnaires,  à 
ceux  qui  ont  mené  long-tems  une  vie  paifible  au  Japon ,  &  qui  ont  appris 
àconnoître  les  Habitans  dans  un  commerce  libre,  qu'il  faut  fe  fier  unique- 
ment de  la  peinture  de  leur  caraftère.  L'Hiftorien  que  je  cite  a  pris  foin 
de  recueillir,  dans  ces  excellentes  fources,  de  quoi  former  un  parallèle  des 
Japonois  &  des  Chinois,  dont  je  crois  pouvoir  détacher  ici  ce  qui  regarde 
ks  premiers.  Des  couleurs  fi  tidéles  ferviront  bien  mieux,  dit-il,  à  les  fai- 
re connoître,  que  divers  traits  d'oppofition ,  dé  leurs  mœurs  avec  les  nô- 
tres, qu'on  a  ramaffés  avec  affeftation,  &  d'où  Ton  a  cru  pouvoir  conclure 
qu'ils  dévoient  être  appelles  nos  Antipodes  moraux.  „  Prendre  le  blanc  pour 
5,  la  couleur  du  deuil,  &  le  noir  pour  celle  qui  marque  la  joye;  monter  à 

che- 


» 


DANS  L'EMPÏRE  DU  JAPON,  Lrv.  IV. 


S«3 


t> 


» 


»  6^ 


cheval  à  droite,  par  la  raifon  que  dans  une  aftion  fi  noble  il  ne  faut  point 
appuyer  fur  le  pied  gauche;  fe  revêtir  de  fes  habits  de  cérémonie  dans  la 
maifon ,  &  les  quitter  quand  on  en  fort ,  &c.  Ce  font  de  purs  ufa- 
ges ,  qui  n'ont  aucun  rapport  à  la  manière  de  penfer ,  &  qui  en  ont 
encore  moins  aux  fentimens  du  cœur,  d'où  réfulte  le  véritable  carac« 
„  tère  (m)  ". 

L'honneur  efl:  le  principe  fur  lequel  roulent  tous  les  mouvemens  des 
Japonois.  De-là  naifTent  la  plupart  de  leurs  vertus  &  de  leurs  défauts,  lis 
font  ouverts,  droits,  bons  amis,  fidèles  jufqu'au  prodige ,  officieux,  gêné* 
reux ,  prévenais ,  fans  attachement  pour  les  richefl^es  ;.  ce  qui  leur  fait  re- 
garder le  Commerce  comme  une  profeflîon  vile:  auffi  n'y  a-t'il  point  de 
Peuple  policé ,  qui  foit  généralement  plus  pauvre,  mais  de  cette  pauvreté, 
que  produit  l'indépendance,  que  la  vertu  rend  refpeélable,  &  qui  éleva  fi 
fort  les  premiers  Romains  au-deflus  des  autres  hommes.  On  ne  trouve , 
chez  le  commun  des  Japonois ,  que  le  pur  néceiîaire  ;  mais  tout  y  eft  d'une 
propreté  charmante,  &leur  vifage  refpire  un  contentement  parfait  &  un 
fouverain  mépris  du  fuperflu.  Toutes  les  richefles  de  ce  puiflant  Etat  fort 
entre  les  mains  des  Princes  &  des  Grands ,  qui  fçavent  s'en  faire  honneur. 
La  magnificence  ne  va  nulle  part  plus  loin  ;  &  l'Hiftoire  des  plus  opulentes 
Monarchies  n'ofire  rien ,  en  ce  genre,  qui  foit  aurdefllis  de  ce  qu'on  voit 
au  Japon.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  merveilleux ,  c'efl:  que  le  Peuple  n'en  con- 
çoit pas  d'envie.  S'il  arrive  même  qu'un  Seigneur ,  par  quelque  accident 
funeite,  ou  pour  s'être  attiré  la  difgrace  du  Prince,  tombe  dans  l'indigen- 
ce ,  il  n'efl:  ni  moins  fier ,  ni  moins  refpefté  que  dans  fa  plus  brillante  fortu- 
ne ;  &  la  mifère  ne  le  portera  point  à  fe  mefallier.  Le  point  d'honneur 
eft  également  vif  dans  toutes  les  conditions.  Un  homme  de  la  lie  du  Peu- 
ple s'offence  de  quelque  ternie  un  peu  moins  mefiiré ,  de  la  part  même  d'un 
Seigneur,  &  fe  croit  en  droit  de  faire  éclater  fon-reilfentiment;  d'où  il  arri- 
ve que  chacun  efl:  fur  fes  gardes ,  &  que  le  refpëél  efl:  mutuel  dans  toutes 
les  conditions.  Il  en  efl:  de  même  de  la  grandeur  d'ame,  de  la  force  d'ef- 
prit,  de  la  noblefle  des  fentimens,  du  zèle  pour  la  Patrie,  du  mépris  de  la 
vie ,  &  d'une  certaine  audace  que  tout  Japonois  porte  marquée  lur  fon  vi- 
fage ,  &  qui  fexcite  à  tout  entreprendre  («). 

"■■•■.■■•";  --    .  ■  -  --■  -■ ■;,  ■■■^  *■  ■  •■•-.  ^i*»  ;,  Les 


ou  Japon. 


QualitL's 
communes  au 
Japon. 


Grandeur 
d'ame  répan- 
due dans  tou- 
tes les  condi- 
tions. 


(m)  HIftoire  du  Japon.  Tome  I.  pag.  125 
&  fuiv, 

(w)  L'Auteur  en  cite  des  exemples.  Un 
Gentilhomme  du  Fingo  avoit  une  femme  d'u- 
ne beauté  rare.  L'Empereur  le  fçut,  &  lui 
fit  ôter  la  vie.  Quelques  jours  après ,  il  fe 
fit  amener  fa  veuve,  &  voulut  l'obliger  de 
demeurer  au  Palais.  Elle  parut  fcnfible  à  cet 
honneur  ;  mais  elle  demanda  trente  jours , 
pour  pleurer  fon  mari,  &  la  pennilîîon  de 
régakr  fes  parens.  L'Empereur  y  confentit, 
&  voulut  être  du  feflin.  En  fortant  de  table , 
la  Dame  s'approclia  d'un  balcon  ;  &  feignant 
de  s'y  appuyer,  elle  fe  précipita  d'un  fort 
haut  étage  où  la  fête  s'étoit  célébrée.  —  Un 

Zz. 


Seigneur  devint  éperdftment  amoureux  d'une 
fille ,  qu'il  avoit  enlevée  à  la  veuve  d'un  Sol- 
dat. La  mère,  apprenant  la  fortune  de  fa 
fille,  lui  écrivit  pour  obtenir  d'elle  quelque 
fccours  dan?  fa  mifère.  Cet  écrit  fut  décou- 
vert entre  les  mains  de  la  fille,  par  le  Sei- 
gneur, qui  voulut  abfolument  le  lire.  Dans 
la  néceflité  de  découvrir  la  iionte  de  fli  mè- 
re ,  elle  prit  le  parti  d'avaller  le  billet ,  ma's 
avec  tant  de  précipitation ,  qu'elle  en  fut  é- 
touffée.  Un  mouvement  de  jaloufic  porta  le 
Seigneur  à  lui  faire  ouvrir  le  gofier.  11  fut 
inftruic  ;  &  dans  fa  douleur  ,  il  ne  trouva 
point  d'autre  foulagemcnt  qvie  de  faire  venir 
la  mète,  qu'il  entretint  dans  l'abendancc  juf- 
2  t^u'à 


3<^4 


VOYAGE    DE    KAMPFER 


Drscription 

DU  JAPUN. 

ma?  '^^  ^'^^'  queftion  de  défendre  ou  de Tervir  fon  ami.  Les  tortures  les  plus  cruelles  ne 
forceront  pas  un  Coupable  de  nommer  fes  Complices.  C^u'un  Inconnu  mê- 
me  fe  jette  entre  les  bras  de  quelqu'un  &  le  prie  de  lui  conferver  la  vie 
&  l'honneur,  celui  dont  on  implore  ainfi  laproteélion  y  employé  fon  fang 
&  fon  bien ,  fans  s'embarrafler  dés  fuites  ,  ni  de  ce  que  fa  femme  &  fgj 

^  cnfans  peuvent  devenir.     Les  querelleurs,  les  médifans,  les  grands  par- 

leurs ,  lont  au  Japon  dans  un  fouverain  mépris  ;  ils  y  paflent  pour  gens 
fans  courage ,  ou  qui  penfent  peu.  On  n'y  fouiFre  point  les  jeux  de 
hazard ,  parcequ'on  les  regarde  comme  un  trafic  fordide  &  contraire  à 
l'honneur.  Dans  les  hommages  que  le  Japonois  rend  à  ^es  Dieux,  Si 
dans  le  refpeél  qu'il  porte  à  ceux  dent  le  cara£lère  ou  le  rang  exige  de  k 
foumiflion,  il  n'eft  pas  aifé  de  juger  lequel  des  trois  grands  motifs,  delà 
religion ,  du  naturel  &  de  l'éducation ,  y  a  le  plus  de  part.  Il  en  faut 
excepter  néanmoins  la  foumiflion  pour  fes  Princes ,  dans  laquelle  il  n'elî 
retenu  ordinairement  que  par  la  force  &  la  crainte  ;  mais  on  peut  dire  que 
c'efl:  bien  moins  la  faute  des  Sujets  que  celle  des  Souverains,  qui  pren- 
nent des  airs  trop  faftueux  pour  un  Peuple  naturellement  fier  &  porté 
à  l'indépendance,  quoique  capable  de  âéchir  par  raifon,  &  de  s'en  faire 
une  de  la  néceffité.  ,^r  i,./  ,  ,     i. 

Autres qua-       CEPENDANT  la  même  Nation  efl  remuante,   vindicative  à  l'excès, 

!itt5s  du  carac-  pleine  de  défiance  &  d'ombrages.    Malgré  fa  vie  dure  &  fa  férocité  natu- 

tcre  Japonois.  fgUe,  elle  porte  fart  loin  la  diflblution.  Mais  il  eft  facile  de  ramener  un 
Japonois  de  fes  égaremens.    Il  efl:  vertueux  par  fentiment. 

Il  efl:  naturellement  religieux  &  docile.  11  aime  la  vérité,  qui  le  con* 
damne.  11  convient  des  excès  qu'on  lui  fait  reconnoître.  Il  veut  être  in- 
Uruit  de  fes  obligations  &  de  fes  défauts;  &  l'on  aflure  que  tous  les  gens  de 
qualité  ont  chez  eux  un  Domefl:ique  de  confiance ,  dont  l'unique  foin  eft  de 
les  avertir  de  leurs  fautes.  Enfin  ,  la  mauvaife  -  foi  eft  en  horreur  au  Ja- 
pon, &  le  nienfonge  le  plus  léger  y  eft  puni  de  mort.  Chacun  y  don- 
ne, à  la  Religion ,  tout  ce  qu'il  croit  devoir  aux  principes  de  celle  dont 
il  fait  profeflion  ;  il  ne  lui  manque  que  de  bien  prendre  ion  parti  ;  perfon- 
lie  n'y  fait  fervir  la  Religion  à  fes  intérêts  ;  &  dans  ceux  -  mêmes ,  qiû 
ne  croyant  pas  aux  Dieux  du  Pays ,  ne  laiflent  pas  de  leur  rendre  un  culte 
extérieur,  c'eft  amour  de  l'ordre,  c'eft  crainte,  de  fcandaiifer  le  Peuple, 
auquel  ils  croyent  ce  frein  néceflaire.  On  n'a  pas  d'exemple  qu'un  Japo^ 
nois  ait  blafphéraé  fes  Dieux.  Rarement  on  l'entend  fe  plaindre.  Dans  les 
plus  grands  revers  ils  confervent  prefque  tous  une  fermeté  qui  tient  du 
Çrodige.  Un  père  condamne  fon  fils  à  la  mort  fans  changer  de  vifage,  & 
fans  cefler  néanmoins  de  paroître  père.  Les  exemples  en  font  fi  communs , 
qu'ils  ne  s'attirent  plus  d'attention.  Si  quelqu'un  fçait  que  fon  ennemi  le 
cherche ,  il  affeile  d'aller  feul  dans  tous  les  lieux,  ou  il  peut  le  rencontrer. 
-      .  ,  .  Il 

tju'à  fa  mort.  —  Une  fervante,  qui  Te  crut  ta,  dit  l'Auteur,  à  la  bouche,  k  l'arracha 
deshonorée  d'avoir  donné  quelque  fujet  de  avec  les  dents ,  &  mourut  fur  l'heure.  Wj 
lire  à  fes  dépens,  fe  prit  le  fein,  fe  le  pot-    toire  du  Japon  f  Tme  l.  pag,  130  ^  J31. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


3<55 


Commerce 
du  la  vit;. 


Il  traite  en  public  avec  Jui ,  il  en  parle  bien ,  il  lui  rend  fervice  ;  mais  il  DescKimoar 

ne  perd  pas  un  moment  de  vue  la  réfolution  de  s'en  vanger.    Si  l'occafîon     duJaiov. 

lui  manque ,  la  dette  pafTe  à  Ton  fils  ;  &  toutes  ces  précautions  ne  rcgar* 

dent  que  la  fureté  de  la  vengeance ,  car  elle  s'exerce  toujours  noblement. 

Jamais  le  Japonois  n'ell  plus  à  craindre  que  lorfqu'il  cfl:  tranquille  &  de        ,       , 

fang  froid.  f.    i  '   ' 

Il  s'eftime  infiniment,  &  fon  mépris efl:  fouverain  pour  les  Etrangers; 
non  -  feulement  par  l'idée  qu'il  a  de  fa  Nation,  mais  parceq.u'il  n'a  be- 
foin  de  perfonne  &  qu'il  ne  craint  rien,  pas  même  la  mort,  qu'il  fem* 
ble  regarder  avec  une  gayeté  féroce  ,  &  cju'il  fe  donne  volontairement 
pour  le  plus  léger  fujet.  Le  peu  de  cas  qu'il  fait  de  fa  propre  vie  le  rend 
cruel  à  l'égard  des  autres,  fans  en  excepter  fes  proches;  dur  &  inhumain 
pour  les  foibles  &  les  infirmes  i  léger  &  inconftant  par  caprice  &  par  çiépris. 
On  l'a  nommé ,  avec  affez  de  raifon ,  V/lnglois  de  l'Âfie. 

Le  commerce  de  la  vie  eft:  fort  aifé  au  Japon.  Les  manières  des  Japo- 
nois ,  leur  tour  d'efprit ,  un  certain  air  libre  &  naturel  les  rendent  propres 
à  la  fociété ,  &  les  rapprochent  beaucoup  des  Nations  les  plus  polies  de 
l'Europe.  Kœmpfer  attribue,  à  la  conformité  de  mœurs  &  de  caraftère, 
les  progrès  furprenans  que  les  Portugais  firent  d'abord  dans  cet  Empire, 
pour  l'avantage  de  leur  Commerce.  Il  fait  confifter  cette  reflemblance  dans 
beaucoup  d'affabilité ,  &  dans  un  mélange  agréable  de  gravité  ^  d'enjoû- 
ment.  D'ailleurs  on  voit,  dans  les  Lettres  des  premiers  Miflionnaires  du 
Japon,  que  la  manière  dont  ils  étoient  reçus  des  Grands  &  des  Petits  n'a- 
voit  nr\  d'étranger  ni  de  gêné. 

Ei  .  IN,  pour  dernier  trait,  leur  Hiflorieh  joint  la  bonté  du  naturel  à  la 
noblefife  &  à  l'élévation  de  leur  cœur.     Les  Seigneurs,  les  Pères  &  lesMa^ 
ris  ont  droit  de  vie  &  de  mort  fur  leurs  VaflTaux,  leurs  Femmes  &  leurs 
Enfans.     Il  n'en  eft  pas  tout-à-fait  de  itiètaé  pour  leurs  Doraeftiques.     A  la 
vérité,  comme  les  Maîtres  répondent  des  fautes  de' ceux  qui  les  fervent, 
ils  ont  fur  eux  tant  d'autorité ,  que  s'ils  les  tuent  dans  un  premier  mouve- 
ment de  colère,  il  leur  fuffit,  pour  être  abfous,  de  prouver  la  juftiee  de  leur 
emportement.    Cependant  c'eft  bien  moins  la  crainte  que  !'amour,  qui  re- 
tient chacun  dans  le  devoir.    Les  fentimeiw  du  cœur,  dans  ces  Infulaires, 
font  tout  à  la  fois  fi  nobles  &  fi  tendres,  que  Saint  François  Xavier  n'en 
parloit  qu'avec  admiration.     „  Je  ne  fçaurois  finir ,  dit-il^  dans  une  de  fes 
,,  Lettres,  lorfque  je  parli;  des  JapOnois ,  qui  font  véritablement  les  délices 
„  de  mon  cœur."    Ses  SucceflTeurs  ont  tenu  le  même  langage.     Un  de  ces 
anciens  Apôtres  nous  apprend,  que  les  nouveaux  Chrétiens  étoient  extrême- 
ment fenlibles  aux  moindres  témoignages  d'amitié;  que  les  plus  pauvres,, 
après  avoir  travaillé  pour  eux  tout  un  jour,  étoient  tranfportés   de  joye 
s'ils  les  voy oient  CQntens  ;  q,u'au  contraire  ils  étoient  affligés  des  plus  finv 
pies  marques  de  froideur  &  d'indifférence  ;  enfin ,  que  de  légers  offices,  ren- 
dus à  des  Particuliers ,  àttiroient  fouvent ,  aux  Milfionnaires ,  des  remercï- 
mens  de  la  part  même  des  Magiftrats  Payens.     On  ajoute  qu'un  fi  beau  fond 
s'enrichit  encore  par  l'excellence  de  la  culture.     Le  foin  des  pères  &  de* 
mères  pour  l'éducation  de  leurs  enfans-,  &  rexaftitude  des  Prêtres  pour 

iîillruire  les  Peuples  des  prmcipes  de  la  Religion  &de  la  Morale  ;,  ne  peuvent 

Zz.  3  ,--.-■         '       '    ^j^ 


Bonté  àt 
naturel  des 


w 


V  o  V  A'à'È  DÉ   K  ÉûVriA'^ 


Dfiscn.TVrtoïi'  aller  plus  loin ,  &  n'oht  rien  d'égal  (|uie  Tàraoïn",  le  refoeél  &  la  foumiffion 
DU  Japon,      ^ç^  enfâns  pour  les  Auteurs  de  l'a  naillance,  &  que  la  vénération  des  Peuples 
pour  les  Miniflres  des  Dieux.    La  Foi  Chrétienne  avoit  perfeélionné  cfc  H 
vertueux  feniimens  (o). 

Avec  un  caraétère  li  aimable,  il  n'eft  pas  furprenant  que  les  Japonois 
foyent  forp  fenfibles  aux  plaifir^  de  la  fociété.  Ils  fe  donnent  mutuelkment 
à  manger,  avec  une  Ibrte  de  magnificence,  qui  ne  préjudicie  point  à  la  fo- 
briété.  Ce-  juMl  y  a  d'incommode  dans  leurs  Feftins ,  c'efl;  un  cérémo- 
nial qui  lie  ffnlt  point;  mais  il  s'exerce  avec  autant  d'ordre  que  de  pro- 
preté. Dans  un  grand  nombre  de  Domeftiques ,  on  n'entend  pas  une  pa- 
rôle,  &  l'on  ne  remarque  pas  la  moindre  confulion.  Les  plats  font  ormis 
de  rubans  de  foye.  On  ne  fert  pas  un  oifeau  qui  n'ait  le  bec  &  les  pat- 
tes dorées.  Tout  ïé  refte  eft  orné  à  proportion.  La  Fête  eft  ordinaire- 
ment  accompagnée  de  Mufique.  En  un  mot,  il  ne  manque  rien  à  la  fa- 
t '•-■"•:    ■"-•»'.•         4''S-r'     ■'.•,;.■      ■     ;'..V',^    ,    ■    tisfaaion 


de  la  fociété. 


non  ordre 
d:s  Veûins. 


•it^'t 


u.'. 


(o)  Le  Pcrè  de  Cfiarlevoîx  rapporte  an 
fait  qu'il  trouve,  dit-il,  dans  un  Mémoire 
de  l'année  Ï604,  &  dont  l'Auteur  avoit  été 
témoin  oculaire.  Une  femme  étoit  raflée 
veuvp  avec  trois  garçons,  &  ne  fubfiftoit 
que  de  leur  travail.  Mqis  comme  ils  ne  pou 
voient  gagner  aflez  pour  entretenir  toute 


'il  ■ai;   ipjij  «'-•>  i/Lv 


r;C'î  :•'•]::    lu. 


la 


les  înrerrogations;  &Ie  trouvant  ferme  à  fe 
reconnoîtrc  coupable ,  il  lui  déclare  enfin  qu'il 
n'ignore  rien.  Après  avoir  tout  éclairci ,  il 
l'embraife  tendrement,  il  fe  hâte  d'aller  faire 
fou  rapport  au  Cubofama ,  qui  channé  d'une 
aftion  fi  héroïque- ,  voulut  voir  les  trois  frè- 
res ,  les  colïibiu  de  carefTes ,  aiîîgna  au  plus 


famille,  ils  prirent  une   étrange  réfolution,   '  jeune  quinze  cens  écus  de  rente,  &  cinq  cens 


dans  la  feule  vue  de  mettre  luu  nrère  à  ion 
aife.  On  avoit  publié,  depuis  peu,  que  qui- 
conque livreroit  un  Voleur  à  la  Tuflice  rece- 
vroit  une  fomme  affcz  confîdéràble.  Ils  con" 
vinrent  entr'eux  iqù'un  des  trois  paffeioit 
pour' Voleur,  &  que  les  deux  autres  lo'  n^e- 
neroicnt  au  Juge,  ils  tirèrent  au  fort,  qui 
tomba  fiir  lé  j^Ius  jeune.  Ses  frères  le  lîé'hf 
&  le  coiidùiient  comme  •  un  Ctiminel.  Lfe 
Magîftrdt  l'intt'rroge.  Il  répond  qu'il  a  volé; 
On  le  jette  en  prifon;  &  ceux  qui  l'ont  livré 
touchcn't  la  fomme  promifc.  Leur  cœur  s'at- 
tendriflànt  alors  fur  le  danger  d'une  fi  clière 
viftime ,  ils  trouvent  le  moyen  d'emtrer  dan* 
Ja  ptifon,  &  ne  fe  proyant  vus  ùc  pe/fonne, 
ilç  s'abandonnent  à  toute  leur  tcpdreife.  ,ya 
Ofecicr ,  que  Iç  hazajd  rendit  témoin  de  leurs 
emtJralïemens  i&  de  leurs  larmèfe ,  fut  extrê- 
mement furpris  de  ce  fpeftacle.  Il  fait  fuivre 
les  deux  Délateurs ,  avec  ordre  d'^claircir  un 
fait  fi  fingulier.  On  lui  rapporjre  que ,  les 
deux  jeunes  gens  dtoicnt  entrés  dans  une  mai- 
son ,  &  qu'on  leur  avoit  entendu  faire  k  récit 
de  leur; iivpntuté  aune  femme,  qui  éctoSt  leur 
4pèrc;,  qu'à  cette  nouvelle  elle  avoit  jttté  dw 
cris  lamentables,  ^  qu'rçlle  avoit  ordonné  à 
fes  cnfahs  de  report.T  la  'fonune  qu'ils  avoîcnt 
reçue',  en  protelhmt  '  qu'elle  'aimoit  mieux 
imourir  tle  faim  que  de  prolonger  fcs  jour*  aux 
dépens  de  ceux  de  fon  fils.    Le  Juge  infor- 


à  chacun  des  deux  autres.  Hijtpire  du  Japon, 
Tomel.  pag.  14.,. 

Le  point  d'honneur  ne  porte  pas  ce  Peu- 
ple   à    des    aAlons   moins    extraordinaires. 
Kampfer  raconte  que  deux  Gentikhommcj 
s'étant  rencontrés  fur  un  efcalier  du  Paiais 
luipériaf,  lei^rs  épées  fe  frottèrent  l'une  con- 
tre Taùtre.    Celui  qui  defcendoit  s'ofFençade 
cet  îlcbidènt.   L'autre  s'excufa ,  en  protclbnt 
que  c'étoU  l'efFet  du  hazard.  Il  ajouta  que  le 
malheur  après  tout  n'étbit  pas  grand;  que  ce 
n'étoit  que   deux  épéca  qui   s'étoient  tou- 
chées, &  que  l'une  valoit  bien  l'autre.   Je 
vais  vous  niire  voir,   reprit  le  premier,  la 
dift'érenCC'  qu'il  y  a  de  l'une  à  l'autre;  &  fur 
)^  .chiimp ,  il  tiire  fon  poignard  &  s'en  ouvre 
le  ventJtei    Le  fécond,  fans  réplique,  monte 
en  dilîgeh'cè'pour  fervir'fur  la  table  de  l'Eirt- 
pereurj  un  plat  qu'il  tenoit  en  main,  revient 
enfuite;  &  trouvant  fon  Adverfairc,  qui  ex 
piroit,  il  lui  dit  qu'il  l'auroit  prévenu,  s'il 
n'eût  pas  été  occupé  du  fervice  du  Prince, 
mais  (î(Ci*lt  le  fuivroîi'  de  près,  pour  lui  f-'ire 
voir  que' {bnëpëe  valoit  bien  la  fienne.  Auilr- 
tùt,  il  ife  fendit  le  ventre,  &  tomba  mort. 
Lp  Pire  de  Ch^levqix  n'oie  décider  s'il  y  a 
plus  de  fureur  dans  cette  aftion,  que  dans 
cette  de  deux  Européens ,  qui  fe  coupent  la 
gorge  en  duel.     Ubifup.  pag.  146. 

Nota.  Cette  hiftoire   fe  trouve  rapportée 


mé ,  conçoit  autant  de  pitié  qjued'aJuiiratipn.     dans  la  Relation  de  Caron>  publiée  par  The- 
Il  fait  venir  fon  Prîfonnièr,  il  recoihmence     veno't.  R.  d.  E. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  3^7 

tisfaclion  des  yeux  &  des  oreilles;  mais  on  a  dû  remarquer,  dans  le  Jour- 
nal de  Kaempfcr,  qu'il  n'y  a  point  d'excès  à  craindre  du  côté  de  lu  bon- 
ne chère. 

L'Historien,  dont  j'emprunte  la  plupart  de  ces  traits,  ajoute,  avec 
complaifance,  que  ce  qui  relève,  dans  les  Japonois,  Téclat  d  un  fi  grand 
nombre  de  qualités  dillinguées ,  c'efl:  un  fentiraent  de  Religion  qui  naît  avec 
eux,  &  dont  la  vivacité  furpalFc  l'opinion  qu'on  peut  s'en  former.     On  a 
dû  long-tems,  à   cette  heureufe  dil'pofition  ,    les  merveilleux  progrès  du 
Clmftianifme  dans  leurs  Illes.     Elle  y  a  fait  autant  de  Saints  que  de  Chré- 
tiens.    Leur  grandeur  d'ame  &  le  mépris  qu'ils  font  dé  la  vie^  aVoient  fait 
prendre,  à  leur  zèle  pour  la  Foi ,  un  caraftère  héroïque,  dont  les  traits  ne 
s'effaceront  jamais  dans  les  Fartes  de  l'Eglife.     En  effet ,  ces  deux  qu^ilités 
les  élèveront  toujours  au-deffus  de  toutes  les  autres  Nations  de  l'Afie.  Leurs 
Hiftoires  font  remplies  d'événemens  qui  nous  retracent  les'  plus  grandes  ac- 
tions des  Romains.    Ils  ont  eu  leurs  Décius ,  leurs  Scevolas ,  6i  leurs  Co- 
dés (p).     Des  hommes  qui  portent  fi  loin  le  mépris  de  la  vie,  font  capa« 
blés  de  tout  ofer;  &  de-là  vient  aulTi  l'acharnement  qui  paroît  dans  toutes 
leurs  Guerres.    Cependant  on  n'en  doit  pas  conclure,  avec  plufieurs  de 
nos  Ecrivains ,  que  leur  Empire  eft  auflî  agité  que  la  Mer  qui  l'environ- 
ne.   Il  eft  vrai ,  fuivant  la  remarque  de  leur  Hiftorien,  qu'à  juger  de  leurs 
difpofitions  par  ce  qui  s'y  eft  paffe  depuis  la  fin  du  feizième  fiècle  jufquej 
vers  le  milieu  du  fuivant,  on  pourroit  croire  que,  fi  leur  génie  belliqueux 
les  a  toujours  garantis  d'une  Domination  étrangère  (g),  les  défauts  de  leur 
Gouvernement  expofent  l'Etat  à  de  continuelles  révolutions.    Mais  vou- 
loir inférer ,  de  ce  qui  eft  arrivé  fous  deux  ou  trois  règnes ,  que  le  Japon 
eft  mal  gouverné ,  ce  feroit  prétendre  ^  comme  s'exprime  le  même  Hifto- 
rien,  quun  homme  n'eft  pas  d'une  bonne  conftitution,  parcequ'il  a  eiltryé 
une  longue  &  fâcheufe  maladie.     Mais ,  quand  il  y  auroit  quelque  défaut 
dans  la  forme  de  leur  Gouvernement,  il  ne  fçauroit  être  reproché  à  ceux 
qui  s'y  trouvent  affujettis  ;  &  les  defordrcs  qu'il  a  caufés  ne  tombent  point 
fur  une  Nation ,  dont  une  des  principales  vertus  eft  la  foiimiffion  &  la  fidé- 
lité pour  fes  Maîtres. 

(/))  On  a  vu,  dans  le  Journal  de  Kœmp- 
fer ,  qu'à  Fiogo ,  petite  Vide  de  la  Province 
de  Seu ,  un  Japonois  fe  fit  enterrer  fous  les 
fonduni^ns  d'un  Ouvrage  public,  qui  avoit 
été  renverfé  plufieurs  fois  par  des  orages, 
pour  appaifer  les  Dieux,  à  la  colère  defquels 
on  attribuoit  les  obftacles.  Quelques  Auteurs 
en  comptent  trente,  qui  fe  dévouèrent  dans 
cette  occafion* .....    ,  _       ' 


(^)  Les  Annales  du  Japon  racontent  dcuj: 
tentatives  des  Tartares  fur  cet  Empire;  & 
Marco  Polo ,  qui  étoit  alors  à  la  Cour  de  la 
Chine,  en  parle  aulîi  dans  fa  Relation.  El- 
les n'eurent  aucun  fuccès.  Les  Japonois  fe- 
roient  plus  capables  de  faire  des  Conquêtes ,. 
s'ils  n'étoient  perfuadés  qu'elles  feroient  nui- 
flbles  à  leur  reposr 


^««WfAC    ^   Li, 


O* 


■r  ^-!a:i 


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a:   i:-.' 


H'-. 


V 


'  H  »  f  r 


DnscRiPTro» 
BU  Japon. 

Le  caraftère 
des  Jiiponois 
a  coiitrilnié 
;!UX  priyrèi. 
du  Ciiriflia- 
nifmc  dnns 
leurs  llks. 


II  ne  nuit 
point  à  leur 
repos,  non 
plus  (jiie  leur 
Gouverne- 
ment. 


.i<ui^ 


5  VL 


3<Î3 


Description  -uM,  Sri  ..:  iv>  .-J    y  u^m"  G        n;  . 
DU  Japon.      .iJorj  «i  -^n  :Jv  J  *  u  v-^s-f].  ••'>•  .*  i  J.  *' 


VOYAGE    DE    K  JE  M  ?  ?  E  RI 


Idée  g«:-né- 

ralc  des  Ville.'. 


Place  &  Po- 
teaux qui  fer- 
vent à  la  pu- 
blication des 
Ordres. 


Dcfcription 
des  niaifons 
Japonoifes. 


niUif  Bourgs  f  Villages  f  Châteaux  ^  Jardins  ^  Chemins  ^  Voitures  ^ 
'  .    ,    M  t^rb  ..],u. .  ,«'.         Bateaux  ài  Japon.  .,    ,,  ;  ....„.f;.;. 

LA  plupart  des  Villes  du  Japon  font  bien  bûties  &  fort  peuplées.  On 
en  compte,  fuivant  KîEmpfer,  jufqu'à  treize  mille,  dont  il  eut  Toc- 
cafion  de  voir  trente-trois  dans  fon  Voyage  à  la  Cour.  Les  rues  en  font 
généralement  régulières.  Elles  s'étendent  en  droite  ligne  &  fe  coupent  î 
angles  droits.  Chaque  Ville  n  a  que  deux  portes ,  qui  ne  font  pas  plus  rc- 
niarnuables  par  leur  beauté,  que  celles  qui  font  au  bout  de  chaque  rue,  ^ 
qu  u  ferme  régulièrement  toutes  les  nuits ,  mais  aux  deux  côtes  defqucl. 
]es  on  élève,  quelquefois,  pour  l'ornement,  des  pans  de  muraille,  qui  ne 
détendent  pas  bien  loin.  Dans  les  grandes  Villes ,  &  dans  celles  qui  fonc 
la  réfidence  de  quelque  Prince,  ces  deux  portes  font  plus  ornées,  mieux 
entretenues ,  &  foigneufement  gardées.  Le  rcfle  eil  ordinairement  tout  ou. 
vert,  ou  quelquefois  ceint  d'une  haye  ou  d'un  fofle.  Les  Villes  frontières 
du  Domaine  Impérial  ne  font  guères  mieux  fortifiées  que  les  autres  ;  mais 
dans  les  paiTages  étroits  qui  y  conduifent,  &  qu'il  cil  difficile  d'éviter,  elles 
font  défendues  par  de  bonnes  portes ,  avec  une  Garde  nombreufe ,  qui  n'y 
laiHe  entrer  perfonne  fans  examen  (a). 

Toutes  les  Villes  ont  une  Place  fermée  de  grilles ,  qui  fe  nomme  Fu- 
danoijiujt,  d'où  Ton  annonce,  au  Peuple,  h  Volonté  f'iprême ,  comme  les  Ja- 

{)onois  s'expriment,  c'eft-à-dire ,  les  Edits  &  les  Ordres  particuliers  de 
'Empereur.  C'eftle  Seigneur,  ouïe  Gouverneur  de  la  Province,  qui  les 
fait  publier  en  fon  propre  nom  ;  &  pour  l'inllruflion  des  PafTans ,  ils  /ont, 
écrits  en  gros  cara<aère8,  fur  une  planche  quarrée,  longue  d'un  pied  ou 
deux,  attachée  au-deffus  d'un  Poteau,  qui  a  pour  le  moins  deux  toifcs 
de  hau4:eur.  Les  principales  de  ces  planches  contiennent  l'Edit  qui  regar- 
de le  XDliriftianifme  ;  mais,  comme  les  Seigneurs  y  placent  auffi  leurs  pro- 
pres Ordres,  le  nombre  en  efl:  quelquefois  fi  grand,  qu'il  efl:  prefqu'im- 
prTible  de  les  voir,  &  de  les  lire  tous.  On  place  quelquefois,  fur  le  Po- 
teau,  des  pièces  de  monnoye,  qui  doivent  être  la  récompenfe  de  ceux  qui 
donneront  des  lumières  fur  ce  qu'on  veut  découvrir.  On  trouve  de  ces  Po- 
teaux ,  jufques  dans  les  Villages  &  fur  les  grandes  Routes. 

Le«  maifons  des  Particuliers,  dans  les  Villes,  ne  doivent  point  avoir 
plus  de  fix  toifes  de  hauteur;  &  rarement  font-elles  Ci  hautes ,  à  moins  qu'on 
n'en  veuille  faire  des  magafins.  Les  Palais  même  des  Empereurs  n'ont 
qu'un  étage ,  quoiqu'on  en  voye  quelquefois  deux ,  aux  maifons  particu- 
lières. C'efl:  la  crainte  des  tremblemens  de  terre ,  aiTez  fréquens  au  Ja- 
pon, qui  affujettit  les  Habitans  à  cette  méthode.  Mais,  fi  ces  Edifices 
ne  peuvent  être  comparés  aux  nôtres,  pour  la  folidité,  ni  pour  l'éleva- 
tion,  ils  ne  leur  cèdent  rien  pour  la  commodité  ni  pour  l'agrément.   Pref- 

que 

'  (a)  Kaenipfer,  Tora.II.  pag.  220,  221. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


3^P 


AppartemeJis 
&  meubles. 


que  toutes  les  maifons  du  Japon  font  bâties  de  bois.  Le  premier  plan,  ou  DMCRTmo» 
je  rez-de-chaufTée,  eft  élevé  de  quatre  ou  cinq  pieds,  pour  le  garantir  de  ""!*'"*• 
l'humidité.  Il  ne  paroît  pas  que  Tufage  des  caves  y  foit  connu.  Kaemp- 
fer  a  déjà  fait  remarquer  que,  pour  précaution  contre  le  feu ,  chaque  mai- 
fon  doit  avoir  un  endroit  féparé ,  &  fermé  d'un  mur  de  maçonnerie,  où 
l'on  renferme  ce  qu'on  a  de  plus  précieux.  Les  autres  murailles  font 
de  planches ,  &  couvertes  de  greffes  nattes ,  qui  font  jointes  avec  beau» 
coup  d'art. 

Les  maifons  des  perfonnes  de  didinftion  font  divifées  en  deux  appar* 
temens;  l'un  pour  les  femmes,  qui  ne  fe  montre  que  rarement;  l'autre 
ouvert ,  pour  les  ufages  communs  de  la  vie  «Se  de  la  fociété.  La  plus  bel- 
le porcelaine,  ces  cabinets,  ces  coffres  fi  renommés,  ne  fervent  point  dans 
les  falles  où  tout  le  monde  eft  reçu.  On  les  tient  dans  des  lieux  plus  fÛrs  j 
&  le  refte  de  la  maifon  eft  orné  de  porcelaines  communes ,  de  pots  pleins 
de  thé,  de  peintures,  d'armes  &  d'armoiries.  Le  plancher  eft  couvert  de 
nattes  doubles  &  bien  rembourrées ,  dont  les  bordures  font  des  franges  & 
des  broderies.  Chaque  natte ,  fuivant  la  Loi ,  doit  avoir  une  toife  de  lon- 
gueur, fur  une  demie  de  largeur.  La  grandeur  d'une  chambre,  comme  on 
l'a  déjà  fait  obferver,  fe  mefure  par  le  nombre  des  nattes. 

Les  deux  appartemens,  qui  divifent  le  corps  de  la  maifon,  font  corn- 
pofés  de  plufieurs  chambres,  féparées,  comme  on  l'a  vu  dans  le  Palais  mê* 
me  de  l'Empereur,  par  de  flmples  doifons,  ou  plutôt  par  des  efpéces  de 
paravents,  qu'on  peut  avancer  ou  reculer,  pour  élargir  les  chambres,  ou  les 
rétrécir,  fuivant  le  befoin.  Dans  les  maifons  Jes  plus  magnifiques,  les  cloi- 
fons  &  les  portes  des  chambres  font  couvertes  de  papier  ;  mais  il  eft  orné 
de  fleurs  d'or  ou  d'argent,  quelquefois  de  peintures,  dont  le  platfond  eft 
toujours  embelli.  Il  n'y  a  pas  un  coin  qui  n'offre  quelque  chofe  de  riant. 
A  la  vérité,  tous  ces  agrémens  coûtent  peu;  &  l'on  n'y;  employé  que  des 
matériaux  communs.  Cependant  on  obferve  (qu'ils  contribuent ,  autant  que 
la  pofition  des  appartemens ,  à  rendre  les  maifons  fort  faines.  Première- 
ment, tout  eft  oe  fapin  &  de  cèdre.  En  fécond  lieu ,  les  fenêtres  font  tel- 
lement ouvertes,  quen  faifant  changer  de  place  aux  doifons,  on  donne  à 
l'air  un  paffage  libre.  Le  toît ,  qu'on  couvre  de  planches  ou  de  bardeaux , 
eft  foûtenu  par  de  groffes  poutres  ;  &  fi  la  maifon  a  deux  étages ,  le  fécond 
eft  toujours  bâci  plus  folidement  que  le  premier.  L'expérience  a  fait  con- 
noître  qu'un  Edifice  en  réfifte  mieux  aux  tremblemens  de  terre.  Les  de- 
hors n'ont  rien  d'agréable  pour  la  conftruéiion;  mais  les  planches,  qui  for- 
ment les  murailles ,  font  enduites  d'une  terre  graife  &  de  plufieurs  couches 
de  vernis.  Les  toits  mêmes  en  font  couverts.  Ce  vernis  eft  relevé  de 
dorures  &  de  peintures.  Les  fenêtres  font  chargées  de  pots  de  fleurs  ;  & 
Tony  lupplée  par  des  fleurs  artificielles,  lorfque  la  Nature  €n  refufe  d'au- 
tres. Dans  l'intérieur,  le  vernis  n'eft  pas  plus  épargné.  Les  portes,  les 
poteaux,  une  galerie,  qui  régne  ordinairement  fur  le  derrière  de  chaque 
maifon ,  &  d'où  l'on  defcend  dans  le  jardin ,  en  font  revêtues  ;  &  l\  le  bois 
eft  fi  beau  qu'on  n'en  veuille  pas  cacher  Jes  veines  &  les  nuances ,  on  fe  con- 
tente d'une  couche  légère  &  d'un  vernis  tranfparent.  On  ne  trouve,  dans 
ks  chambres ,  ni  bancs,  ni  chaifes.    L'ufage,  au  Japon,  comme  dans  tout 

Xl^".  Fart.  Aaa  le 


Ornemen* 
extérieurs. 


370 


VOYAGE    DE    K  iE  M  P  F  E  Rvr- 


DRïcnirTioN 

DU  JfPOK. 


Orncmens 
des  fallcs  de 
c«mpagnic. 


Meubles 
^ainufcmcnt. 


Jardins  ]a- 
jionois,  & 
leurs  fingula- 

tités. 


le  rede  de  TAfie,  efl:  de  s'aiTeoir  à  terre  ;  &,  pour  ménager  les  nattei,  on 
quitte,  en  entrant  dans  la  maifon ,  les  fandales.qui  font  la  chaulfure  du  Pays. 
Ces  mêmes  nattes  fervent  de  lit  pour  le  ibmmeil ,  avec  une  machine  de  bois 
qui  tient  lieu  d'oreiller.  Mais  les  perfonnes  aifées  y  étendent  un  riche  tapis. 
L'oreiller  efl:  un  petit  coffre,  de  forme  à-peu-près  cubique,  compofé  de  fix 
petits  ais,  joints  fort  proprement  <&  vernifles,  La  plupart  des  autres  ullen- 
ciles  font  d  un  bois  mmce,  revêtu  d'un  vernis  épais,  dont  la  couleur  efl:  un 
rouge  foncé.  Les  fonétres  font  de  papier ,  avec  des  volets  de  bois  en  de- 
dans &  en  dehors  ;  mais  on  ne  les  terme  que  la  nuit ,  &  jamais  ils  ne  pa- 
roiflent  pendant  le  jour.  Leur  unique  ufage  efl:  de  fermer  la  maifon ,  du 
côté  de  la  cour  &  de  la  galerie. 

La  falle,  où  l'on  reçoit  compagnie,  a  toujours  une  grande  armoire  vis. 
à>vis  la  porte  ;  &  c'efl  contre  cette  armoire ,  qu'on  place  les  perfonnes  dont 
on  reçoit  la  viflte.  A  côté  efl  un  buffet»  fur  lequel  on  met  quelques  Livres 
qui  traitent  de  Religion.  La  porte  efl:  accompagnée  d'un  balcon ,  par  le- 
quel,  fans  fe  lever  du  lieu  où  l'on  efl:  alFis,  la  vue  donne  fur  la  campagne, 
ou  fur  la  rue ,  ou  fur  le  jardin.  Comme  les  cheminées  ne  font  pas  en  ufage 
au  Japon ,  on  ménage ,  fous  le  plancher  des  plus  grandes  chambres ,  un  irou 

âuarré  &  muré,  qu  on  remplit  de  charbons  allumés,  ou  de  cendre  chaude, 
{  qui  donne  une  chaleur  fumfante.    Quelquefois  on  met,  fur  ce  foyer, une 
table  baffe,  qu'on  couvre  d'un  tapis,  fur  lequel  on  fe  tient  aîfîs  dans  ie 

grand  froid.  Si  la  chambre  n'a  point  de  foyer,  on  y  fup];>lée  par  des  pots 
e  cuivre  &  de  terre,  qui  produifent  le  même  effet.  Au -lieu  de  pincettes, 
on  fe  fort  de  barres  de  fer  pour  attifer  le  feu,  avec  autant  d'adreffe  qu'on  ufe 
de  deux  petits  bâtons  pour  manger. 

Dams  Içs  maifons  des  Grands,  ou  des  perfonnes  fort  riches,  â(  dans  ks 
grandes  hôtelleries,  on  trouve  quantité  de  chofes  curieufos,  qui  fervenr  d'à- 
mufement.  C'efl  premièrement  un  grand  papier,  bordé  d'un  cadre  dcbro- 
deriefort  riche,  qui  contient  la  figure  d'une  Divinité,  ou  de  quelque  per- 
fonne  renommée  par  fa  vertu.  Le  pinceau  en  paroît  grofUerj  mais  les 
traits'en  font  hardis,  ik  fi  fidèles,  qu'on  efl:  frappé  de  la  reuemblance.  Quel- 
quefois, au  lieu  d'un  Portrait  ^  on  fe  contente  de  tracer,  fur  le  papier,  une 
Sentence  Morale  de  quelque  fameux  Philofophe,  çn  d'un  Poëte  <^lèbre.  On 
voit,  d'un  autre  côté,  des  peintures  qui  repréfentent  de  vieux  Chinois  en 
grotefque,  des  arbres,  des.  payfages.  Qn  voit  des  pots  de  fleurs,  qu'on  a 
foin  de  changer ,  fuivant  la  faifon ,  &  d't  ntrelaffer  de  brandies ,  avec  un 
art  S^un  goût  furprenant;  des  caffolettes  de  cuivre,  jettées  en  moule,  dans 
la  forme  d'une  grue ,  d'un  lion ,  ou  de  qielque  autre  animal ,  &  toujours 
d'un  travail  exquis;  des  pièces  d'un  bois  rare,  dont  les  veines  &  les  couleurs 
fe  f(Mit  admirer  par  leur  difpofition ,  foit  qu'elles  foyent  l'ouvrage  de  la  Na- 
ture ou  de  l'Art  ;  des  toilettes  de  rezeau ,  ou  des  étoffes  à  ramage ,  parfaite- 
ment travaillées,  femblables  à  celles  dont  on  orne  \es  balcons,  les  fit-nétres, 
le  haut  des  portes  <!Jc  les  paravents;  enfin  de  la  vaiffelle,  des  porcelaines, 
&  d'autres  uflenciles ,  rangés  en  fort  bel  ordre. 

Mais  ce  qu'on  trouve  de  plus  curieux  dans  les  grandes  mai'bns ,  c'efl  le 
jardin ,  avec  fes  ornemens.  Tous  les  Voyageurs  conviennent  qu'on  ne  fe 
laffe  point  d'en  admirçr  la  magnificence  &  ie  goût.    Il  occupe  tout  refpa- 

ce, 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  371 

ce,  qui'cft  derrière  la  maifon.    Il  efl  ordinairement  quarré  &  murt ,  en  ma-  Dmcript:ok 
niôre  de  citerne;  ce  qui  fait  juger  que  le  corrain  eft  creufô  ù  quelque  profon-    °"  J*'"'*** 
deur.    On  y  defcend  par  une  galerie,  qui  avance  derrière  la  mailbn ,  &  qui 
ell  terminée  par  des  bains;  car  les  Japonois  ont  lufage  de  fc  baigner  &  de 
le  faire  fuer  tous  les  jours  au  foir. 

Une  partie  du  jardin  eft  pavée  de  pierres  rondes,  de  diverfes  couleurs, 
qu  on  prend  au  fond  des  Rivières ,  &  kir  le  bord  de  la  Mer.  Le  rcflc  eft 
couvert  de  gravier,  qui  fe  nettoyé  foigneufement.     Dans  toutes  les  autres 

Earties,  il  régne  une  apparence  de  defordre,  qui  eft  d'un  agrément  infim. 
es  plus  grandes  pierres  occupent  le  milieu,  oc  forment  une  allée,  dans  la- 
quelle on  peut  fe  promener.  Des  plantes,  qui  portent  des  fleurs,  entre 
Icfquelles  il  y  en  a  toujours  quelqu'une  de  rare,  font  di(])ofées  d'efpace  en 
efpace,  &  forment  la  plus  agréable  variété.  A  l'un  des  coin  du  quarré, 
un  petit  rocher ,  parfaitement  imité  de  la  Nature,  orné  de  figures  d'oi- 
feaux,  ou  d'infeétes  d'airain,  offre  une  cafcade,  formée  par  un  petit  ruif- 
feau,  qui  fe  précipite  avec  un  doux  murmure.  Il  eft  accompagné  d'un 
petit  bois ,  planté  a  la  main ,  &  compofé  d'arbres  qui  peuvent  croître  fort 
près  les  uns  des  autres.  Enfin,  l'on  trouve,  dans  un  autre  endroit,  un  pe- 
tit vivier,  environné  d'arbres  &  rempli  de  poiflbn.  Si  le  terrain  ne  per- 
met pas  d'y  faire  un  jardin  de  cette  forme ,  on  y  fupplée  par  des  arbres  à 
fruits,  tels  que  des  pruniers,  des  cerifiers ,  ou  des  abricotiers.  Kaempfer 
ajoute  qu'on  a  foin  de  les  greffer,  non  pour  en  rendre  le  fruit  meilleur,  mais 
pour  y  faire  croire  les  fleurs  avec  plus  d'abondance.  Ces  arbres  font  d'au- 
tant plus  eftimés  ,  qu'ils  font  plus  vieux ,  plus  tortus  &  plus  difformes. 
On  en  laiffe  quelquefois  croître  affez  les  branches ,  pour  les  faire  entrer  dans 
les  chambres  :  mais  l'ufage  ordinaire  eft  de  les  ébrancher ,  pour  leur  fai- 
re porter  des  fleurs  plus  larges  &  en  plus  grand  nombre.  Elles  font  en 
effet  d'une  grandeur  fingulière,  fouvent  doubles,  &  d'un  très -bel  incar- 
nat. Dans  les  petites  maifons ,  qui  ne  peuvent  pas  même  avoir  de  ces 
arbres,  on  pratique  une  ouverture,  où  l'on  entretient,  dans  une  cuve 
pleine  d'eau ,  des  poiffons  qui  ont  la  queue  dorée  ou  argentée.  On  y  ajou- 
te quelques  pots  à  fleurs,  ou  certains  arbres  nains,  qui  croïffent  aifément 
dans  le  plus  mauvais  terrain ,  pourvu  que  la  racine  foit  toujours  dans  l'eau. 
Le  peuple  même  en  plante  fouvent  de  cette  efpèce,  devant  les  portes  des 
maifons. 

Les  Bourgs  &  les  Villages,  dont  Kaempfer  fait  monter  le  nombre  juf-      Maifon^dcs 
qu'à  neuf  cens  mille  huit  cens  cinquante-huit,  &  qui  font  ordinairement  Bourgs  &  des 
fituéslelong  des  grands  chemins ,  paroilTent  fort  peuplés,  fur-tout  dans  la  ^^''"ses. 
grande  Ifle  de  Nipon.    La  plupart  ne  confiftent  que  dans  une  double  ran- 
gée de  maifons,  mais  fi  longue  que,  d'un  Village  à  l'autre,  il  n'y  a  prelP- 
?jUe  point  de  féparation.    Ainfi  toutes  les  routes  un  peu  fréquentées  n'of- 
rent,  des  deux  côtés,  qu'une  fuite  continuelle  de  maifons.     Celles  de!> 
fimples  Payfans  méritent  peu  de  remarque.    Elles  font  compofées  de  quatre 
murailles  baffes,  couvertes  d'un  toît  de  chaume  ou  de  bardeaux.    Sur  le 
derrière,  le  plancher  eft  un  peu  plus  élevé,  parceque  c'eft  la  partie  du  foyer. 
Tout  le  refte  eft  couvert  de  nattes  affez  propres.    Derrière  la  porte  de  la 
rue,  qui  eft  toujours  ouverte,  on  voit  pendre  une  rangée  de  groffes  cordes, 

Âaa  2  qui 


372 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


Description 
DU  Japon, 


Commerce 
fur|irenant 
dins  l'inté- 
rieur du  Ja- 
pon. 


Châteaux 
des  Princes  & 
dcsScigneuic 
Japonois. 


Grands  che- 
mins ,  &  leurs 
commodités. 


qui  forment  une  efpèce  de  jaloufie ,  au  travers  de  laquelle  on  peut  voir  fans 
être  vu.  Les  apparences  ne  font  pas  juger  avantageufement  de  la  richelTe 
de  ces  maifons  ;  mais ,  avec  quelques  provifions  de  riz ,  de  racines  &  de  lé- 
gumes ,  tous  les  Habitans  fubliftent ,  le  portent  bien  &  vivent  contens.  On 
ne  cefle  pas  d'admirer ,  au  Japon ,  le  nombre  de  iioutiques ,  qui  fe  trouvent 
dans  toutes  les  Villes ,  &  j'ufques  dans  les  moindres  Villages  ;  &  Ton  a  pei- 
ne à  comprendre ,  comment  un  Pays  féparé  du  refte  du  Monde ,  &  qui  n'a 
qu'un  fort  petit  Commerce  au  -  dehors ,  en  peut  faire  un  ù  grand  dans  Ton 
propre  fein. 

On  a  fait  obferver  que  hors  des  Villes  &  des  Villages,  &  toujours  à 
l'Occident ,  il  y  a  des  places  deflinées  à  l'exécution  des  Criminels.  Il  eil 
aifé  de  les  reconnoître,  aux  poteaux  &  aux  inflrumeas  qu'on  y  laifTe,  pour 
infpirer  de  la  terreur  aux  Paflans. 

Les  Châteaux  des  Princes  font  ordinairement  Htués ,  ou  fur  les  bords 
des  grandes  Rivières ,  ou  dans  quelque  endroit  élevé  ;  &  la  plupart  occu- 
pent un  fort  grand  terrain,  avec  trois  enceintes,  dont  chacune  a  Ton  foHe, 
une  muraille  de  pierre  ou  de  terre ,  &  une  porte  fortifiée.  Le  centre ,  qui 
fert  de  logement  au  Maître,  eft  relevé  par  une  tour  blanche  &  quarrée,à 
trois  étages ,  dont  le  toît  forme  une  forte  de  couronne  ou  de  guirlande.  Les 
Gentilshommes,  les  Intendans ,  les  Secrétaires  &  les  autres  Officiers,  font 
logés  dans  la  féconde  enceinte  ;  les  Soldats  &  les  Valets ,  dans  la  première. 
Tous  les  efpaces  vuides  font  cultivés ,  &  l'on  y  fème  du  riz.  La  totalité 
des  Edifices,  qui  font  relevés  par  une  profufion  de  peintures  &  de  vernis, 
les  murailles,  qui  font  blanchies,  les  baflions,  les  portes,  au-defTus  def- 
quelles  il  y  a  toujours  quelque  petit  Bâtiment,  &  la  tour  du  centre,  for> 
xnent ,  de  loin ,  une  afTez  belle  perfpe6tive.  Le  dehors  offre  ordinairement 
une  place ,  où  fe  fait  la  revue  des  Troupes.  Kaempfer  obferve  que,  pour 
un  Pays,  où  le  canon  n'efl:  prefque  pas  en  ufage,  les  ''"ortifications  de  ces 
Châteaux  font  aflez  bonnes.  Quoique  les  Seigneurs  foyent  obligés  de  les 
entretenir  foigneufement ,  ik  ont  befoin  d'une  permiflîon  exprefle  de  l'Em- 
pereur, pour  faire  relever  les  parties  qui  toinbent  par  quelique  accident. 
Elle  s^accorde  très  -  rarement ,  parce  qu'aujpurd'hui  la  Politique  des  Mo* 
narques  J^onois  ne  fouffre  plus  qu'on  bâtiffe  de  nouveaux  Châteaux. 
Du  tems  de  Ksmpfer,  le  nombre  en  étoit  déjà  réduit  à  cent  quarante;- 
fix ,  dans  toute  l'étendue  de  l'Empire  ;  la  plupart  à  la  porte  dés  gran- 
des Villes. 

On  a  vu,  dans  le  Journal  du  même  Voyageur,  la  Defcrîption 'du  Chî- 
teau  Impérial  de  Jedo. 

Ses  obfervations ,  fur  les  grands  chemins,  dans fon premier  Voyagea 
la  Cour,  ont  déjà  dû  faire  prendre  une  haute  idée  de  cette  partie  de  là 
Police  du  Japon.  Il  a  fait  remarquer  que  non-feulement  les  Provinces ,  mais 
les  Diflriéls  particuliers  font  féparés  par  de  belles  routes ,  dont  la  plupart 
ont  tant  de  largeur ,  que  les  plus  grands  trains  des  Princes  &  des  Seigneurs 
peuvent  s'y  croifer  fans  defordre;  que,  dans  les  Ifles  fréquentées ,  les  dif-^ 
tances  font  marquées  régulièrement ,  &  que  toutes  ces  marques  commencent 
à  fe  compter  depuis  le  grand  Pont  de  Jedo,  qui  fe  nomme  par  excellence 
Nipnbas,  ou  h  Pont  duja^oni  ^u'à  l'extrémité  de  chaque  Province  &  de 

cha- 


)tion'duChî- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  373 

chaque  Diftrift ,  on  apprend ,  par  des  infcriptions  en  gros  caraftéres ,  quel 
cfl;  le  Canton,  quelles  font  les  Terres  où  l'on  fe  trouve,  &  de  combien  de 
miles ,  la  Ville ,  ou  le  Château  le  plus  proche  en  eft  éloigné.  Les  moindres 
chemins  font  bordés  de  fapins  ou  d'autres  arbres ,  &  rafraîchis  par  des  fon- 
taines. On  y  a  creufé  des  fofles  &  des  canaux,  pour  en  faire  écouler  les 
eaux  dans  les  terres  baffes.  On  y  a  conflruit  des  digues,  pour  arrêter  cel- 
les qui ,  tombant  des  lieux  élevés ,  y  pourroient  caufer  des  inondations.  Il 
n'y  a  que  les  neiges,  auxquelles  on  n'a  pas  trouvé  le  moyen  de  remédier, 
&  dont  l'abondance  efl  d'une  extrême  incommodité  pendant  l'Hyver.  Au- 
reile ,  ce  font  les  Villages  les  plus  voifîns ,  qui  font  chargés  de  ces  travaux 
publics.  Les  chemins  font  nettoyés  tous  les  jours;  &  lorfqu'une  perfonne 
de  haute  diftinélion  doit  y  paffer,  des  Officiers,  qui  n'ont  pas  d'autres  fonc- 
tions ,  marchent  devant ,  pour  y  faire  régner  l'ordre.  De  diftance  en  diflan- 
ce,  on  trouve  des  monceaux  de  fable,  pour  applanir  «Se  fécher  les  endroits 
qui  font  rompus  par  les  pluyes.  Les  Seigneurs  &  les  Gouverneurs  des  Pro- 
vinces font  fûrs  de  rencontrer  des  cabinets  de  verdure ,  dreffés  pour  eux , 
de  trois  en  trois  lieues ,  avec  toutes  les  commodités  qui  peuvent  diminuer 
la  fatigue  du  Voyage.  On  ne  doit  pas  s'imaginer  que  ce  travail  foit  d'une 
grande  dépenfe  pour  les  Payiàns  ;  au  contraire,  tout  ce  qui  peut  falir  les  che- 
mins ,  tourne  à  leur  utilité  :  les  branches  des  arbres  leur  tiennent  lieu  de 
bois  de  chauffage,  qui  efl  très-rare  dans  quelques  Provinces;  les  fruits,  qui 
ne  fe  mangent  point ,  &  toutes  les  autres  immondices,  fervent  à  engraif^ 
fer  leurs  terres.  Auffi  s'empreffent-ils  d'eux-mêmes  à  les  venir  enlever.  On 
a  formé  des  chemins ,  dans  les  montagnes  les  plus  efcarpées  ;  on  a  bâti  des 
ponts,  fur  toutes  les  Rivières  qui  peuvent  en  recevoir;  &  Kaempfer  en  dé- 
crit un  de  quarante  arches  ,  &  de  quatre  cens  pas  de  longueur.  La  plupart 
font  de  bois  de  cèdre,  quelques-uns  de  pierres;  &  preique  tous  font  ornés 
de  belles  baluftrades ,  fur  lefquelles  on  voit  régner,  de  chaque  côté,  une 
rangée  de  groffes  boules  de  cuivre» 

Dans  leurs  Voyages,  les  Japonois  ontrufage  d'une  forte  de  haut-de- 
chauffes,  extrêmement  larges  jufqu aux  genoux,  d'où  elles  vont  toujours 
en  retréciffant  jufqu'à  la  cheville  du  pied ,  &  fendues  des  deux  côtés  pour 
recevoir  les  deux  bords  de  la  robbe,.  qui  rendroient  autrement  la  marche 
fort  incommode.  Les  uns  portent  aulïï  une  efpèce  de jufle-aucorps,  ou 
de  manteau  court;.  &  d'autres,  au -lieu  de  faire  defcendre  les  haut -de- 
chauffes  aikz  bas  pour  couvrir  la  jambe ,  y  fuppléent  par  de  larges  ru- 
bans,  dont  ils  fe  couvrent,  depuis  le^ genoux  jufqu'aux  pieds.  Les  Do- 
meftiques  &  les  Porte-faix  fe  trouffent  entièrement  jufqu'à  la  ceinture ,  fans 
aucun  égard  pour  la  pudeur.  Quoiqu'on  ne  forte  jamais ,  au  Japon ,  fans 
un  éventail  à  la  main,  celui  qu'on  porte  en  Voyage  efl  remarquable  par  les 
noms  des  routes  &  des  hôtelleries,  qui  s'y  trouvent  marquées.  On  fe  mu- 
nit auffi  de  petits  livres,  qui  fe  vendent  fur  la  route,  &  qui  contiennent  le 
prix  des  vivres  (b), 

K/EMPFER  prend  plaifir  à  repréfenter  la  manière,  dont  les  Japonois 

font 

{h)  XL  n'eft  pas  permis  aux  Bollandois  du  Japon,  d'acheter  de  ces  livres,  nU,  pag. 300. 

Aaa  3 


DkscriptioR 

DU  Japum. 


Habits  ds 
Voyage. 


Chevaux ,. 
ft'llcs,&  voi- 
tures, 


S74 


VOYAGE    D  E     K  ^  M  P  F  E  RI 


Description 
pu  Japon. 


font  à  cheval.  La  felle  eft  de  bois,  toute  firapte  &  toute  unie,  aflez  Tem. 
blable,  dit-il,  aux  bâts  des  chevaux  depofte  de  Suéde;  mais,  pour  ne  pas 
blefler  le  cheval ,  elle  eft  pofée  fur  un  petit  couffin  qu'on  lui  met  fur  le  dos 
avec  une  houffe  fur  la  croupe ,  qui  offre  les  armes  ou  la  marque  du  Cava- 
lier. Une  pièce  de  drap  allez  groffier  pend  des  deux  côtés  ;  &  fi  le  tems  efl; 
mauvais ,  on  en  attache  les  deux  bouts  fous  le  ventre  de  l'animal ,  pour  le 
garantir  de  la  crotte.  Sa  tête  eft  couverte  d'un  rezeau ,  dont  les  fils  font 
déliés,  maiy  capables  de  la  défendre  de  la  pîquûre  de»  mouches,  qui  font 
fort  incommodes  au  Japon.  On  lui  met  des  fonnettes  au  cou,  au  poitrail, 
:  &  dans  plufieurs  autres  endroits.  On  pafle ,  par  -  deifus  la  felle ,  deux  cour- 
royes ,  qui ,  pendant  à  droite  &  à  gauche ,  foûtiennent  deux  porte-man- 
teaux en  équilibre;  &  pour  les  affermir  parfaitement,  on  me',  par-deflus, 
une  petite  boete  fort  mince,  qui  pofe  fur  la  croupe,  &  qui  eft  arrêtée  k 
la  felle  avec  des  làngles.  Cette  boete,  qu'on  peut  ouvrir  fans  la  détacher, 
contient  diverfes  ehofes  qui  peuvent  fervir  aux  befoins  du  Cavalier.  Dans 
l'efpacè,  qui  demeure  vuide  entre  les  deux  porte*manteaux,  on  place  un 
couffin,  ou  quelque  chofe  de  mou;  &  c'eft-là  que  le  Cavalier  eft  aifis,  les 
jambes  croifées,  comme  s'il  étoit  à  terre  ibï  fa  natte;  ou  pendantes,  s'il 
aime  mieux  cette  fituation.  Il  doit  être  fort  attentif  à  fe  tenir  affis  fur  le 
milieu;  fans  quoi  il  feroit  menacé  de  tomber,  ôu  de  faire  tomber  le  che- 
val même ,  qui  n'eft  pas  fort  à  l'aife  fous  Un  haf  nois  de  cette  forme.  Dans 
les  chemins  difficiles ,  un  Valet  tient  la  main  fur  k.  boete ,  qui  fert  à  fixer 
Portrait  d'un  le  ïefte  de  l'équipage.     Un  Jâponois,  tnonté  comme  on  le  décrit,  aVec 


Japonois  à 
cheval 


un 


.T 


Norimons 
&  Cangos. 


large  chapeau  de  paille,  &  un  manteau  de  papier  Vei-nifTé  qui  couvre 
l'homme  &  le  cheval ,  pour  les  garantir  de  l'ardeur  du  Soleil  &  des  autres 
injures  de  l'air ,  fait  une  figiite  des  plus  gfotefques^.  Le  Cavalier  ne  tou- 
che point  à  la  bride  de  foh  cheval.  C'eft  un  V&letqai  U  tient  j  &  gui 
marche  au  côté  droit ,  près  de  la  tête.  Dans  les  vilités ,  que  les  gens  de 
qualité  fe  rendent  mutuellement,  ils  tienneflt  la  bride  éuàt-mêmes;  mais 
le  cttêval  n'en  êfl  pas  moins  conduit  par  un  ou  deux  Valets ,  qui  le  tien- 
nent-par  le  mord.  Les  étriviéres •  étant  fort  courtes,  un  large  cuir  pend 
des  deux  côtés  de  la  felle,  à  la  manière  des  Taïtafés.  Les  étrieirs  font  de 
fer,  ou  d''un  métal  qnife  nomme  Ssiuanfa.  Ils  font  épais  &  pefkns,  aflei 
femblablcs  dan»  leur' forme  à  la  plante  des  Jjieds;  ouvefts  d'un  côté,  pour 
donner  delà  facilitié  a  s'en  ctébarrafTer ;  ordinairement  fort  bien  travaillés, 
&  garnis  d'argent.  Les  fèner  font  de  foye,  attachées  au  mord  (c).  Ort 
a  déjà  remarqué  que  les  Japonois  ne  montent  point  à  cheval  par  le  côté, 
mais  par  le  poitrail  à  droite  ;  ce  qui  eft  fort  incommode  pour  cettx  qui  n'ont 
pas  beaucoup  d'agilité. 

Le»  Voitures  du  Japon  font  une  manière  de  voyager  plus  magnifique- 
ment ,  mais  avec  phi»  de  dépenfe.  On  s'en  fert  auffi  dans  les  Villes.  Ce 
font  des  efpèce»  de  litières ,  qui  font  portées  par  des  Domeftiques ,  ou  par 
des  Porteurs  de  profeffion.  On  en  diftingue  deux  fortes  ;  celles  des  per. 
fonnes  de  qualité  s'appellent  Norimons,  &  les  autres  Cangos  (d).  Rien 
-  i  n'eft 

(c)  Pag.  302  &  précédentes. .  -^  .  .  ,;.,„.  ,  .  .    ,    ^ 

(d)  Nifimon  fignifie  C*ai/(? ;  &  Cmgos,  Ilote  ôu  Panier,'    '■''>■ 


,  aflezfem. 
pour  ne  pas 
:  Tur  ledos, 
e  du  Cava- 
i  le  tems  eft 
lal,  pour  le 
les  fils  font 
s,  qui  font 
au  poitrail, 
deux  cour- 
porte-man- 
par-deflus, 
fl;  arrêtée  à 
la  détacher, 
ilier.    Dam 
m  place  uti 
eft  alîls ,  les 
îdantes,  s'il 
•  aflîs  fur  le 
nber  le  che- 
orme.  Dans 
fert  à  fixer 
it,  avec  un 
qui  couvre 
k  des  autres 
lier  ne  tou» 
ientj  &  gui 
les  gens  de 
lêmes;  mais 
qui  le  tien- 
e.  cuir  pend 
riets  font  de 
ïerans,  affeï 
côté,  pour 
;n  travaillés, 
•é  (c).    On 
par  le  côté, 
ïttx  qui  n'ont 

magnifique- 
5  Villes.  Ce 
ques,  ou  par 
les  des  per. 

W.    Rien 

nelt 


n'efl:  pi 
ceux  de 
Leur  fc 
même  i 
Ceux  d< 
Ceux  d 
quatre  ] 
légers. 
Impéria 
dulgenc 
grand  p 
vernifle 
que  dei 
nifle,  c 
teau  de 
dans  un 
prennei 
Provinc 
nés  d'u 
vrée  de 
fe  relev 
lité  pré 
ployer 
àTaife, 
Kaempf 
vert  en 
dans  le! 
ne  trav 

Pou 
Japono 
avec  le 
voiles  ( 
qui  onl 
rec  uni 
ble.  A] 
teaux  < 
forme 
figure  c 
tous ,  ( 
plufieu; 
fortes  ( 

Les 
ne  s'éli 
d'une  1 
Cette  ( 
petites 
ment  ( 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


375 


n'eft  plus  fomptueux  &  plus  éclatant  que  les  beaux  Norimotis,  fur-tout  nsscRiPTio»; 
ceux  dont  on  fe  fert  dans  les  Villes,  pour  les  vifites  ou  pour  les  cérémonies.    °"  Japon. 
Leur  forme  n'eft  pas  fort  différente  de  celle  des  Cangos.    Quelques-uns      Leurs  difié- 
même  n'en  font  diftingués  ,  que  par  les  bâtons  qui  fervent  à  les  porter,  rences. 
Ceux  des  Cangos  font  amples,  malTifs ,  d'une  feule  pièce,  &  plus  petits. 
Ceux  des  Norimons  font  plus  grands ,  bien  ornés ,  creux ,  compofés  de 
quatre  petits  ais  d'un  bois  mince,  proprement  joints,  courbés  en  arc&  fort 
légers.    Leur  grofleur  &  leur  longueur  font  réglées  par  les  Ordonnances 
Impériales ,  &  proportionnées  à  la  qualité  du  Maître  ;  mais  on  a  plus  d'in- 
dulgence pour  les  Dames.    Le  dedans  du  Norimon  eft  un  quarré  long ,  aflez 
grand  pour  s'y  tenir  couché,  fermé  de  bambous  proprement  entrelafTés, 
vernifle,  &  quelquefois  orné  des  plus  belles  peintures.     Cette  voiture  n'a 
que  deux  fenêtres  collatérales,    Lorfqu'il  pleut,  on  la  couvre  de  papier  ver- 
niffé,  qui  eft  à  l'épreuve  de  la  pluye,  &  de  la  même  fabrique  que  le  man- 
teau des  Cavaliers.   On  diftingue  encore  la  qualité  de  celui  qui  fe  fait  porter 
dans  un  Norimon ,  par  le  nombre  des  Porteurs ,  &  par  la  manière  dont  ils 
prennent  leurs  bâtons.    Si  c'efl:  un  Prince  du  Sang ,  ou  le  Seigneur  d'une 
Frovince ,  ils  tiennent  le  bâton  fur  h  paume  de  la  main.     Pour  les  perfon- 
nes  d'un  rang  inférieur,  ils  le  portent  fur  leurs  épaules.     Ils  ont  tous  la  li- 
vrée de  leur  Maître  ;  dans  les  Voyages ,  ils  font  en  affez  grand  nombre  pour 
fe  relever  tour-à-tour.;    Il  y  a  des  Cangos  que  les  perfonnes  même  de  qua- 
lité préfèrent  aux  Norimons  pour  les  Voyageo ,  &  qu'on  eft  forcé  d'em- 
ployer pour  palier  les  montagnes.    Ils  font  petits;  &  l'on  n'y  eft  pas  fort 
àl'aife,  parcequ'on  eft  oblige  de  s'y  tenir  courbé  &d'y  croifer  les  jambes. 
Kaempfer  les  compare  à  des  paniers ,  comme  leur  nom  le  fignifie.     Le  cou- 
vert en  eft  plat,  &  le  fond  concave.    Les  plus  petits  ont  trois  Porteurs, 
dans  les  chemins  difficiles.    On  pafle,  avec  cesi  voitmcs ,  par  des  lieux  qu'on 
ne  traverferoit  point  à  cheval. 

Pour  voyager  fur  les  Rivières,  ou  pour  fuivre  les  Côtes  de  la  Mer, les  Manière  de 
Taponois  ont  des  Barques,  qui  reflemblent  beaucoup  aux  Strubes  de  Ruffie,  i^sR^vlèS 
avec  lefquelles  on  remonte  le  Volga ,  depuis  Mofcou  jufqu'à  Cafan.  Les 
voiles  en  font  moitié  noires  &  moitié  blanches.  Mais  certaines  Rivières, 
qui  ont  peu  de  profondeur  &  beaucoup  de  rapidité,  ne  fe  traverfent  qu'a- 
vec une  forte  de  Bac ,  dont  le  fond  eft  plat,  &  fi  pliant,  qu'il  cède  au  fa- 
ble ,  fur  lequel  il  giifle  doucement.  En  général ,  tous  les  Navires  &  les  Ba- 
teaux du  Japon  font  de  fapin  ou  de  cèdre  ;  mais  leur  conftruftion  &  leur 
forme  font  proportionnées  à  leur  ufage.  Les  Barques  de  plaifir  ont  aulîi  la 
figure  qui  leur  convient.  La  plupart  ne  vont  qu'à  la  rame  ;  mais  ils  ont 
tous,  deux  ponts;  le  premier,  fort  bas  &  fort  plat;  le  fécond,  divifé  en 
plufieurs  chambres,  à  l'aide  des  paravents,  avec  des  fenêtres,  &  toutes 
forces  d'ornemens  &  de  commodités. 

Les  plus  grands  Bâtimens  du  Japon  font  des  Navires  Marchands,  qui      Navires t^ 
ne  s'éloignent  jamais  beaucoup  de  l'Empire,  mais  qui  fervent  à  tranfporter  B^i'ques  du 
d'une  iile,  ou  d'une  Province  à  l'autre,  des  paffans  ou  des  marchandifes.  J"P°"- 
Cette  courte  navigation  a  beaucoup  d'agrémens.     Quoique  la  plupart  des 
petites  lOes,  qu'on  rencontre  à  chaque  inftant  fur  ces  rouces ,  particulière- 
ment celles  qui  font  en  fi  grand  nombre  entre  Nipon  &  Xicoco ,  foyent 

mon- 


s?<J 


VOYAGE    DE    K ^ M P P Ë RM 


Description 

DV  jArON, 


Voiles,  ca- 
bles &  rames. 


montagneufes ,  incultes  &  ftériles ,  on  ne  va  jamais  bien  loin  fans  en  ren- 
contrer quelqu'une,  où  l'on  eft  fur  de  trouver  un  Havre  commode ,  de 
l'eau  douce  ,  quelques  terres  aflez  bonnes ,  &  par  conféquent  un  certain 
nombre  d'Habitans.  D'ailleurs ,  elles  ne  manquent  point  de  bois ,  &  la  feu. 
le  vue  de  leurs  Côtes  forme  une  promenade  agréable.  Cependant  Kaemp- 
fer  obferve ,  qu'avec  des  Bâtimens  fi  fragiles ,  &  dans  une  Mer  fi  redoutable, 
il  faut  être  bien  l'ûr  du  tems  pour  ofer  mettre  à  la  voile:  mais,  depuis  prés 
d'un  fiècle,  les  Loix  de  l'Empire  ne  permettent  point  d'en  conflruire  de 
plus  forts  ;  quoique  les  marchandifes  n'y  foyent  pas  même  à  couvert  de 
l'eau  du  Ciel ,  ni  de  celle  des  vagues.  C'eft  une  précaution  des  Empereurs, 
pour  ôter  à  leurs  Sujets  ;ufqu'à  la  tentation  d'entreprendre  de  longs  Voya- 
ges.  La  poupe  eft  toute  ouverte,  &  la  fabrique  fi  légère,  qu'au  moindre 
vent  la  prudence  oblige  de  chercher  un  abri ,  ou ,  du  moins ,  de  jetter  l'an- 
cre &  d'amener  les  voiles.  En  un  mot ,  fuivant  la  remarque  de  ï'Hiftorien 
du  Japon,  les  Sauvages  de  la  Floride  &  du  Canada  donnent  moins  au  hazard, 
dans  leurs  Canots  d'écorce  &  dans  leurs  moindres  Pyrogues ,  que  les  Japo- 
nois  dans  leurs  plus  grands  Vaifleaux. 

L  A  longueur  ordinaire  de  ces  Bâtimens  eft  de  quatorze  toifes ,  fur  qua- 
tre  de  largeur.  Depuis  le  milieu  jufqu'à  l'éperon ,  ils  vont  en  pointe,  &  les 
deux  bouts  de  la  quille  s'élèvent  confidérablement  fur  l'eau.  Le  corps  n'ell 
pas  convexe,  comme  celui  des  Navires  Européens;  mais  la  partie,  qui 
eft  dans  l'eau,  s'étend  prefque  en  droite  ligne.  La  poupe,  qui  eft  large  & 
plate ,  a  dans  le  milieu  une  ouverture  qui  va  jufqu'au  fond  de  cale ,  &  qui 
laiffe  voir  prefque  tout  le  dedans  du  Navire.  Cette  ouverture  ne  fervoic, 
dans  fon  invention ,  qu'à  conduire  plus  facilement  le  gouvernail  ;  mais  de- 
puis que  l'entrée  du  Japon  eft  entièrement  fermée  aux  Etrangers ,  elle  ed 
ordonnée  par  une  Loi,  pour  empêcher  qu'on  ne  conduire  les  Navires  en 
pleine  Mer!  Le  tillac  s'élève  un  peu  vers  la  poupe,  &  s'élargit  vers  les 
côtés.  Les  planches,  qui  le  compofent,  ne  font  ni  fermes,  ni  liées  en- 
femble  ;  &  lorfque  le  Bâtiment  a  toute  fa  charge ,  il  excède  fort  peu  la  fur- 
face  de  l'eau.  Une  efpèce  de  cabane,  de  la  hauteur  d'un  homme,  le  cou- 
vre prefqu'entièrement ,  &  ne  laifle  qu'un  petit  efpace  vers  l'éperon,  qui 
fert  de  magafîn  pour  y  ferrer  les  ancres  &  les  cordages.  Elle  avance  d'en- 
viron deux  pieds,  de  chaque  côté,  hors  di  Vaifleau,  avec  des  fenêtres 
tout  au  tour.  Dans  le  fond,  elle  a  de  petites  chambres  pour  les  Paflagers, 
divifées  par  des  paravents  &  des  portes  ;  &  les  planchers  font  couverts  de 
nattes.  C'eft  toujours  la  plus  reculée,  qui  paiie  pour  la  plus  honorable. 
Le  defllis,  ou  le  pont  le  plus  élevé,  eft  un  peu  plat.  Les  planches  en  font 
bien  jointes.  Lorfqu'il  pleut,  on  amène  le  mât,  fur  ce  pont;  &.  par- 
deilus  on  étend  la  voile,  ou  des  nattes  de  paille,  pour  couvrir  les  Ma- 
telots. 

Les  Vaifleaux  Japonois  n'ont  qu'une  feule  voile,  qui  eft  de  chanvre  & 
fort  grande.  Ils  n'ont  auflî  qu'un  màt ,  placé  à  cinq  ou  fix  pieds  du  milieu, 
du  côté  de  la  poupe.  Il  eft  de  la  longufîur  du  Bâtiment,  &  fe  bailli;  ou  fe 
lève  avec  des  poulies.  Les  ancres  lont  de  fer,  &  les  cables  de  p^il'e  cor- 
donnée,  mais  plus  forts  qu'on  ne  peut  fe  l'imaginer.  Un  Vaifleau  a  de- 
puis trente  jufqu'à  cinquante  Rameurs,  toujours  prêts  à  fuppléer  au  vent, 

lorf- 


.  DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  377 

lorfqu'il  tombe.  Ils  font  aflls  fur  des  bancs,  du  côté  de  la  poupe,  &  ra- 
ment  en  cadence  fur  un  air  de  chanfon ,  ou  fur  quelque  autre  bruit  réglé. 
Ils  n'étendent  point  leurs  rames  à  la  manière  des  Européens ,  droit  en  a- 
vant ,  pour  fendre  la  furface  de  l'eau  ;  mais  ils  les  laiflent  tomber  perpendi- 
culairement &  les  relèvent.  Cette  méthode  eft  meilleure  &  moins  pénible 
que  la  nôtre ,  fur-tout  pour  un  Pays  où  les  Vaifleaux  pafTent  fort  prés  les 
uns  des  autres ,  parceque  les  Canaux  font  fort  étroits ,  &  où  les  bancs  des 
Rameurs  font  fort  élevés.  C'efl;  par  la  mêmeraifon,  que  les  rames  font  un 
peu  recourbées ,  avec  un  joint  mobile  au  milieu ,  qui  cédant  à  Ja  preflion 
de  l'eau ,  donne  plus  de  facilité  à  les  relever.  Dans  tous  ces  Bâtimens ,  les 
diverfes  pièces  de  la  charpente ,  &  les  planches  ,  font  attachées  enfemble 
avec  des  crampons  &  des  bandes  de  cuivre.  L'éperon  eft  orné  d'un  nœud 
de  franges ,  corapofé  de  petits  cordons  noirs.  Les  perfonnes  de  qualité 
font  tendre  leurs  cabanes  d'un  pavillon  de  drap ,  qui  porte  leurs  armoiries. 
Leur  pique,  qui  eft  la  marque  de  leur  autorité,  eft  plantée  fur  l'arrière,  à 
côté  cm  gouvernail  ;  &  de  l'autre  côté ,  les  Pilotes  ont  une  girouette.  Auffi- 
tôt  qu'on  a  jette  l'ancre,  on  ôte  le  gouvernail,  dont  on  appuyé  le  bout  fur 
le  rivage,  pour  faire  une  efpèce  de  pont,  qui  mène  à  terre,  en  paflant 
par  l'ouverture  de  la  poupe  (e). 

En  faveur  de  ceux  qui  voyagent,  les  principaux  Villages  ont  des  Poftes, 
qui  appartiennent  au  Seigneur,  &  qui  fe  nomment  SiukUy  où  l'on  trouve 
en  tout  tems,  à  des  prix  réglés,  un  nombre  fuffifant  de  chevaux,  de  Por- 
teurs ,  de  Valets ,  &  de  tout  ce  qui  eft  néceflaire  pour  la  diligence  ou  la 
commodité  de  la  route.  Leur  diftance  ordinaire  eft  d'un  mile  &  demi ,  & 
jamais  de  plus  de  quatre  miles.  Kaempfer  en  compta  cinquante-fix  entre 
Ofacka  &  Jedo.  Elles  font  remplies  de  Clercs  &  de  Teneurs  de  Livres, 
qui  tiennent  régître  de  ce  qui  s'y  pafle  chaque  jour ,  &  de  MeiTagers  éta- 
blis pour  les  Lettres  &  les  Edits  de  l'Empereur.  Ces  Lettres ,  qui  doivent 
être  portées  à  la  Pofte  voifîne ,  auffi-tôt  qu'elles  arrivent ,  font  renfermées 
dans  une  petite  boete,  revêtue  d'un  vernis  noir,  avec  les  Armes  Impéria- 
les ;  &  le  Meflager  les  porte  fur  fon  épaule ,  attachées  au  bout  d'un  petit 
bâton.  Il  eft  toujours  accompagné  d'un  autre,  qui  prendroit  fa  place,  s'il 
lui  arrivoit  quelque  accident.  Tous  les  Voyageurs ,  fans  exception  de 
rang  &  de  qualité ,  doivent  fortir  du  chemin ,  pour  laiiTer  le  palTage 
plus  libre  à  ces  Meflagers ,  qui  fe  font  reconnoître  par  le  fon  d'une  pe- 
tite cloche. 

Les  Maifons  de  Pofte  ne  fervent  point  de  logement  ;  mais  les  Hôtelle- 
ries font  en  grand  nombre,  &  fort  bonnes  fur  toutes  les  routes,  particu- 
lièrement dans  les  lieux  où  la  Pofte  eft  établie.  EJles  font  toutes  à  deux  é- 
tages  ;  mais  le  plus  bas  ne  peut  guères  fervir  que  de  magafin.  Quoiqu'elles 
n  ayent  pas  plus  de  largeur  que  les  maifons  communes ,  elles  ont  quelquefois 
quarante  toifes  de  profondeur ,  &  la  plupart  font  accompagnées  d'un  Tfu- 
hoOf  c'eft-à-dire,  d'un  jardin  fermé  de  murailles  blanches.  Ces  maifons 
font  bien  percées  de  fenêtres,  avec  de  fimples  jaloufies,  qu'on  laifle  ouver- 
tes tout  le  jour  ;  &  lorfqu'il  ne  s'y  trouve  pas  quelque  perfonne  de  qualité , 

avec 
(e)  Kœmpfer,  pag.  317  &  préddentcs. 

XIK  Part.  Bbb 


DESCRTrTIOlf 

BU  Japow. 


Omemcn» 
pour  les  pcr- 
îbnnes  de 
qualité, 


Poftes  éta- 
blies fur  les 
routes. 


Mefliigerî 
Impériaux, 


Grandes 
Hôtelleries, 
Leur  defcrip- 
tion. 


378 


VOYAGE    DE    K^MPTER-^ 


D/tJCRIPTrOM 

DU  Japon. 


Defcription 
ries  latrines  & 
des  bains  Ja- 
ponois. 


Froo  &  Cif- 
froo. 


avec  fa  fuite ,  on  ôte  auflî  le»  {«iravents  qui  divifent  les  chambres  ;  ce  qui 
laifle  un  paflage  libre  à  la  vue ,  de  la  rue  jufqu'au  fond  du  jardin.  Le  plan- 
cher n'eft  élevé  que  d'environ  une  toife  &  demie,  au-deflus  du  rez-de- 
chauflee;  &  s'avançant  à  quelque  diflance  hors  de  la  muraille,  du  côté  de 
la  rue,  comme  de  celui  du  jardin,  il  forme  une  efpèce  de  jpetit  banc,  ou 
de  galerie,  qui  eft  couverte  d'un  toît,  fous  lequel  on  peut  le  promener  ou 
s'afleoir.  Les  Voyageurs  peuvent  auflî  monter  de -là  fur  leurs  chevaux. 
Dans  les  grandes  Hôtelleries ,  on  trouve  un  pafTage  pour  la  commodité  des 
perfonnes  de  diftinftion.  Ils  peuvent  y  entrer  dans  leurs  voitures,  &  fe 
rendre  à  leurs  appartemens,  fans  traverfer  le  devant  de  l'Edifice,  qui  eft 
ordinairement  mal  propre,  obfcur,  expofé  à  la  fumée  de  la  cuifine ,  & 
dont  les  chambres  ne  font  féparées  que  par  de  mauvais  treillis.  C'eft  le  lo- 
gement des  Domeftiques  &  de  ceux  qui  voyagent  à  pied;  tandis  que  les 
Voyageurs  de  quelque  apparence  font  reçus  dans  les  appartemens  de  dénié- 
re,  où  tout  eft  d'une  propreté  charmante.  On  n'apperçoit  pas  la  moin- 
dre tache  fur  les  murs,  ni  fur  les  paravents  &  les  planchers.  Il  n'y  a  point 
d'Hôtellerie  qui  n'ait  fes  bains  &  fes  étuves.  On  y  eft  fervi,  comme  les 
plus  grands  Seigneurs  le  font  dans  leurs  Palais.  Aufli  n'en  fort  on  point, 
fans  avoir  fait  nettoyer  l'appartement  qu'on  occupoit.  La  plupart  des  uft.n- 
ciles ,  étant  d'un  bois  fort  mince ,  &  revêtus  d'un  vernis  épais ,  fe  lavent 
facilement  avec  de  l'eau  chaude ,  &  font  efluyés  avec  un  linge  fort  net. 
Tous  les  ornemens ,  qu'on  a  repréfentés  dans  les  Palais ,  fe  trouvent 
dans  les  grandes  Hôtelleries  ;  particulièrement  les  latrines  &  les  bains, 
dont  on  a  crû  devoir  remettre  ici  la  defcription ,  parcequ'il  paroîtra 
plus  furprenant  que  les  Japonois  portent  la  propreté  fi  loin  dans  leurs 
logemens  publics. 

La  petite  galerie,  qui  avance  de  la  maifon  fur  le  jardin,  conduit  aux  la- 
trines &  aux  bains.  Les  latrines  font  bâties  à  l'un  des  côtés  du  derrière  de 
la  maifon.  Elles  ont  toujours  deux  portes.  On  trouve,  à  l'entrée,  de  pe- 
tites nattes  neuves ,  pour  l'uftge  de  ceux  qui  ne  veulent  pas  toucher  la  ter- 
re à  pieds  nuds ,  quoiqu'on  la  tienne  conftamment  fort  féche  &  fort  nette. 
On  s'y  affied,  à  la  manière  des  Afiatiques,  fur  un  trou,  qui  eft  ouvert  dans 
le  plancher ,  &  dont  le  fond  eft  rempli  de  menue  paille ,  où  l'ordure  fe 
ferd  fur  le  champ.  A  l'arrivée  des  perfonnes  de  qualité ,  on  couvre, 
d'une  feuille  de  papier  net ,  la  planche  qui  eft  vis-à-vis  du  trou ,  les  ver- 
roux  des  deux  portes ,  &  toutes  les  autres  chofes  auxquelles  on  peut 
porter  la  main.  A  peu  de  diftance  eft  un  baffin  plein  d'eau,  pour  fe 
laver.  C'eft  une  pierre  inégale ,  de  figure  oblongue  ,  dont  la  partie 
fupérieure  eft  taillée  en  forme  de  cuve.  Un  feau  neuf  de  bambou 
pend  auprès ,  couvert  d'une  belle  planche  de  fapin  ,  ou  de  cyprès ,  à 
laquelle  on  attache  une  nouvelle  anfe  de  bambou ,  chaque  fois  qu'on  s'en 
eft  fervi. 

Le  bain  eft  ordinairement  bâti  fur  le  derrière  du  jardin,  &  compofé  de 
bois  de  cyprès.  Il  renferme  ce  que  les  Japonois  nomment  un  Fron,  c'eft- 
h-dire,  une  étuve;  &  un  Ciffroo^  qui  fignihc  un  bain  chaud.  On  les  chauf- 
fe &  on  les  difpofe  chaque  jour  au  foir,  parceque  Tufage  eft  de  fe  baigner 
ou  de  fe  faire  fuer  à  la  fin  de  la  journée.     Les  Japonois  peuvent  fe  desha- 

bil- 


* 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  379 

biller  en  un  infiant;  ils  n*ont  qu'à  détacher  leur  ceinture,  oaur  faire  tom- 
ber tous  leurs  habits  à  la  fois,  &  demeurer  entièrement  nuas,  à  la  réferve 
d'une  petite  bande,  qu'ils  portent  fur  la  chair,  &  qui  leur  couvre  le  milieu 
du  corps.  Le  Froo,  ou  l'étuve,  ell  une  efpèce  de  coffre,  ou  de  poéîc, 
prefque  c  oique,  oui  eft  élevé  de  trois  ou  quatre  pieds  au-deflus  de  lu  ter- 
re, àù  bâ.i  contre  le  mur.  Il  n'a  pas  tout-à-fait  une  toife  de  hauteur;  mais 
il  n'en  a  pas  moins  d'une  &  demie,  en  longueur  &  en  largeur.  Le  plan- 
cher eft  compofé  de  lattes  ou  de  petites  planches  applanies,  qui  font  éloi- 
gnées de  quelques  pouces  l'une  de  l'autre,  pour  donner  pailage  aux  va- 
peurs qui  s'élèvent,  &  une  iiïue  commode  à  l'eau,  dont  on  fe  lave.  On 
entre,  ou  plutôt,  on  fe  glilTe  dedans  par  une  petite  porte.  Il  y  a  deux 
autres  ouvertures,  une  à  chaque  côté,  pour  laifler  exhaler  l'humidité  fu- 
perflue.  L'efpace  vuide,  qui  fe  trouve  fous  le  poêle  jufqu'au  plancher,  eft 
fermé  d'un  mur,  pour  empêcher  que  la  chaleur  ne  le  répande  fur  les  cô- 
tés. La  fournaife  eft  direftement  fous  l'étuve,  &  l'ouverture,  pour  le 
feu,  en  eft  fermée  du  côté  du  bain,  de  peur  qu'il  n'y  entre  de  la  fumée; 
mais  une  partie  de  la  fournaife  avance  dans  la  cour  où  l'on  met  l'eau  ôc 
les  plantes  néceflaires.  Auflî-tôt  que  le  feu  eft  allumé,  on  ferme  cette 
partie  avec  une  douve ,  pour  faire  monter  l'humidité  &  les  vapeurs  dans 
l'étuve ,  au  travers  de  la  partie  intérieure ,  qui  eft  couverte.  Il  y  a  tou- 
jours deux  cuves  pleines  ;  l'ime  d'eau  chaude ,  &  l'autre  d'eau  froide  (/). 

Outre  ces  belles  Hôtelleries,  on  en  trouve,  fur  toutes  les  routes,  un 
grand  nombre  de  petites ,  avec  une  infinité  de  Cabarets ,  éi  de  Boutiques 
de  RôtifTeurs ,  de  Pâtiffiers ,  de  Confituriers ,  au  milieu  même  des  forêts  & 
fur  ks  montagnes,  où  ceux  qui  voyagent  à  pied  peuvent  fe  faire  donner, 
en  tout  tems  &  à  vil  prix ,  quelque  chofe  de  chaud  à  manger ,  &  du  thé , 
du  faki  ou  d'autres  liqueurs.  Les  plus  pauvres  de  ces  maifons  offrent  tou- 
jours aux  PaiTans  quelque  objet  capable  de  les  attirer  ;  c'eft  un  jardin  ou  un 
verger,  qu'on  peut  voir  de  la  rue,  &  dont  les  belles  fîeurs,  ou  quelque  pe- 
tit ruifleau  d'eau  pure,  qui  tombe  d'un  rocher  voifin,  invirent  un  Voya- 
geur à  venir  s'y  repofer  à  l'ombre  :  ce  font  de  grands  pots  ,  remplis  de 
branches  fleuries,  &  difpofés  dans  une  forme  curieufe:  fouvent  c'eft  une 
jolie  Servante,  ou  quelques  jeunes  Filles  bien  mifes,  qui  n'épargnent  rien 
pour  infpirer  le  goût  de  leurs  rafraîchiflemens.  Elles  tiennent  les  vivres 
devant  le  feu,  dans  un  endroit  ouvert,  attachés  à  des  brochettes  de  bam- 
bou, &  prêts  fur  le  champ ,  pour  ceux  qui  ne  veulent  pas  s'arrêter.  Auflî- 
tôt  qu'elles  voyent  venir  quelqu'un  de  loin  ,  elles  allument  le  feu  ,  pour 
faire  juger  que  tout  eft  apprêté  à  l'inftant.  On  les  entend  chanter,  rire, 
vanter  leurs  marchandifes.  Les  vivres ,  qui  fe  vendent  dans  les  RôtifTe- 
ries,  font  des  Mansji,  force  de  gâteaux  ronds,  dont  les  Taponois  tiennent 
l'ufage  des  Portugais ,  de  la  grofîeur  d'un  œuf  de  poule,  &  fouvent  remplis 
de  farine  de  fèves  noires  &  de  fucre:  des  gâteaux  de  Kaad,  racine  qui  fe 
trouve  fur  les  montagnes,  qu'on  coupe  par  tranches  rondes,  &  dont  on  fait 

une 

(/)  Ksmpfcr,  pag.  338  &  339.    Il  manque  quelque  chdfe  à  la  netteté  de  cette  defcrip- 
lion;  peut-être  n'eu  faut-il  accufer  que  les  l'raducleurs, 

Bbb2 


DwcurpTioif 
nu  jAron. 


Petites  IM- 
telierics,  & 
autres  rufiat- 
chitlemens. 


Amorces , 
pour  attirer 
les  Paûans. 


Vivres  <*<: 
ir.eto  qui  (l'. 
vendent  da:;5 
ces  lieux. 


38« 


VOYAGE    DE    K  JE  M  P  F  E  R 


Descrtptiom 
uu  Japon. 


Thé  popu- 
laire. 


Combien  les 
grands  che- 
mins du  Jrpori 
font  peuplés. 


Caufes  de  ce 
mouvement. 


une  gelée ,  après  les  avoir  fait  rôtir  ;  des  efcargots  ;  des  huitres  ;  diverrej 
forces  de  poiffon,  bouilli  ou  mariné;  de  la  Laxe  Chinoife,  qui  eil  une  cf- 
pèce  de  bouillie  claire ,  de  pâte  fine  de  belle  fleur  de  froment ,  coupée  par 
petites  tranches  longues  &  minces ,  &  cuite  au  four:  toutes  fortes  de  plan- 
tes ,  de  racines  &  de  rejettons  que  la  faifon  fournit ,  proprement  nettoyées 
&  bouillies  à  l'eau  avec  du  fel;  une  infinité  d'autres  mets,  particuliers  au 
Pays,  &dont  lafimplicité  prouve,  fuivant  l'obfervation  de  Ksempfer,  l'an- 
cienne pauvreté  des  Japonois ,  &  la  (lérilité  naturelle  du  Pays ,  avant  cju'u- 
ne  laborieufe  culture  l'eut  rendu  tel  qu'il  efl  à  préfent.  La  fauce  ordinai- 
re, pour  tous  ces  mets,  cil  un  peu  de  Soije^  mêlé  avec  du  faki.  On  orne 
le  plat  de  feuilles  de  Sansjo ,  ou  de  tranches  de  gingembre  &  d'écorce  de  li- 
mon. Les  confitii  es  font  généralement  plus  agréables  à  la  vue  qu'au  goût, 
&  d'une  dureté  qui  les  rend  difficiles  à  mâcher.  Le  thé,  qui  fe  vend  à 
chaque  pas,  dans  des  cabanes  qui  n'ont  pas  d'autre  ufage,  n'eft  pas  de  la 
meilleure  forte:  ce  ne  fonc  que  Ls  feuilles  les  plus  larges,  qui  relient  fur 
l'arbrifleau  ,  pour  la  troifiéme  récolte  ,  après  que  les  plus  jeunes  &  les 
plus  tendres  ont  été  enlevées  deux  fois.  Âu-lieu  d'être  roulées  &  frifées, 
comme  le  meilleur  thé ,  elles  font  Amplement  rôties  dans  une  poêle  ;  a- 
près  quoi  on  les  met  dans  des  corbeilles  de  paille,  fous  le  toîc  des  maifons, 
proche  de  l'ouverture  qui  fert  de  paiTage  à  la  fumée.  Le  Peuple  Japo- 
nois croit  ce  thé  plus  fain ,  pour  un  ufage  confiant ,  que  les  feuilles  jeu- 
nes &  tendres ,  qui  font  le  partage  des  perfonnes  riches  ;  &  la  manière 
de  le  préparer  ne  fuppofe  pas  beaucoup  de  délicate/Te  :  on  en  prend  une 
bonne  poignée,  qu'on  fait  bouillir  dans  un  grand  chaudron  de  fer.  Quel- 
quefois on  le  met  dans  un  petit  fac  ,  pu  dans  un  petit  panier  qui  fuma- 
ge. C'efl:  cette  décoftion,  mêlée  d'un  peu  d'eau  froide,  qu'on  préfente 
aux  Voyageurs  (g). 

Avec  tant  de  commodités  pour  les  Voyages,  il  n'efl  pas  furprenant  que 
la  plupart  des  grands  chemins  foyent  aufTi  peuplés  que  les  Villes.  Kaemp- 
fer  afiure  qu'ayant  pafTé  quatre  fois  dans  le  Tokaido ,  qui  efl  à  la  vérité 
une  route  des  plus  fréquentées  du  Japon ,  il  y  a  vu  plus  de  monde  que  dans 
les  rues  des  plus  grandes  Villes  de  l'Europe.  Comme  tous  les  Princes  &  les 
Seigneurs  de  l'Empire  font  obligés  de  paroître  à  la  Cour  une  fois  l'année, 
ils  doivent  pafTer  deux  fois  fur  les  grandes  routes;  c'efl  -  à  -  dire ,  lorfqu'ils 
vont  à  Jedo  &  lorfqu'ils  en  reviennent.  Ils  font  ce  Voyage  avec  toute  la 
pompe  qu'ils  croyent  convenable  à  leur  rang,  &  au  refpeél  qu'ils  portent  à 
leur  Maître.  La  fuite  de  quelques-uns  des  premiers  Princes  de  l'Empire  efl  fi 
nombreufe ,  qu'elle  tient  quelques  journées  de  chemin.  On  rencontre  or- 
dinairement, pendant  deux  jours  confécutifs ,  le  bagage  d'un  Prince ,  corn- 
pofé  des  Officiers  fubalternes  &  des  Valets ,  difperfes  en  plufieurs  bandes. 
Le  Prince  même  ne  paroît  que  le  troifiéme  jour,  fuivi  d'une  grofTe  Cour, 
qui  marche  dans  un  ordre  admirable.  On  compte  que  le  cortège  d'un  des 
principaux  Daimios  ^  efl  compofé  d'environ  vingt  mille  hommes  ;  celui  d'un 
Siomjo,  de  dix  mille;  &  celui  d'un  Gouverneur  des  Villes  Impériales,  ou 
des  terres  du  Domaine ,  de  plufieurs  centaines,  fuivant  fa  dillinélion  & 

fes 

(g)  Pag.  344  Ôcprécédeotes. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


381 


fcs  revenus.  Quoique  les  chemins  foyenc  aflez  grand»  pour  fufSre  au 
naOage,  il  eft  impoflible  qu--  de  fi  nombreufes  troupes  ne  fe  nuifent 
beaucoup  dans  les  Siukus  ;  car  Souvent  de  grands  Villages  entiers  ne  peu- 
vent contenir  le  cortège  d'un  feul  Daimio.  C'efl  pour  prévenir  cet  incon- 
vénient, que  les  Princes  &  le^  Seigneurs  font  avertir  d  avance  les  Siukus, 
&  tout  s  les  Hôtelleries  par  lefauelles  ils  doivent  pafler.  Sur  cet  avis  on 
inllruit  les  Villes ,  les  Villages  0£  les  Hameaux  qui  fe  trouvent  fur  leur  rou- 
te, par  des  infcriptions  élevées  fur  de  petites  planches ,  où  le  public  ap- 
prend quel  jour  tel  Seigneur  doit  dlaer ,  ou  pafler  la  nuit ,  dans  le  lieu  qu  il 
a  nommé  (h). 

Le  nombre  des  PaiTans  efl  fans  cefl'e  augmenté  par  une  infinité  de  Pè- 
lerins &  de  Mendians,  de  l'un  &  de  l'autre  fcxe,  la  plupart  engages  dans 
des  Confréries,  ou  des  Ordres  religieux;  les  uns  malades,  d'autres  fains  & 
vigoureux,  qui  demandent  la  charité  en  priant,  en  chantant,  en  jouant 
du  violon ,  de  la  guitarre  ,  &  d'autres  inftrumens ,  ou  en  faifant  divers 
tours  d'adrefle.  Cette  foule  croît  encore  par  le  prodigieux  nombre  de  Mar- 
chands en  détail,  &  d'enfans  de  Payfans,  qui  courent  du  matin  au  foir  à 
la  fuite  des  Voyageurs»  leur  offrant  différentes  efpèces  de  mauvais  vivres, 
des  livres  qui  marquent  les  routes ,  des  fouliers  de  paille  pour  les  hommes 
&  les  chevaux ,  des  cordes ,  des  courroyes,  des  curedents ,  &  quantité  d'au- 
tres bagatelles.  Souvent  on  rencontre  auflTi  des  Cangos  &  des  Palanquins 
vuides,  &  des  chevaux  de  renvoi  tout  fellés,  avec  les  Valets  qui  en  pren- 


DciCRIPTlOSf 

DU  Japon. 


Pèlerins, 
Mendians  & 
petits  Mar- 
chands ,  qui 
abondent  fut 
les  chemins. 


(b)  Après  un  long  récit  de  l'ordre  qui  rè- 
gne dans  ces  marches,  Kaeinpfer  ajoute  : 
„  C'ell  une  choT,'  extrêmement  curieufe  & 
„  digne  d'idiniracion ,  de  voir  tant  de  per- 
„  fonnes  (  excepté  feulement  les  Porteurs 
„  de  piques,  les  Valets  de  Norimon,  &  les 
„  gens  de  livrée)  habillées  de  fbye  noire, 
„  marchant  avec  une  gravité  qui  leur  fied 
„  bien ,  &  gardant  un  fi  profond  filence  , 
„  qu'on  n'entend  pas  le  moindre  bruit ,  à  la 
„  réferve  de  celui  du  frottement  des  habits , 
„  &  des  divers  mouvemens  des  hommes  & 
„  des  chevaux.  D'un  autre  côté,  il  paroît 
„  fort  étrange ,  à  un  Européen ,  que  tous 
„  les  Porteurs  de  piques  &  les  Valets  trouf- 
„  fent  leur  habit  jufqu'à  la  ceinture ,  &  qu'ils 
„  expofent  ainfi  leur  nudité ,  n'ayant  qu'une 
„  bande  âe  drap  pour  la  couvrir.  Ce  qui 
„  femble  plus  bifarre  encore  ,  &  plus  comi- 
„  que,  c'efl  une  certaine  marche ,  ou  danfe 
„  bouffonne,  que  les  Pages,  les  Porteurs  de 
„  piques,  deparafols,  de  chapeaux,  de  fuf- 
„Janhaks,  ou  de  coffres,  &  tous  les  Valets 
„  (l(;  livrée  affeftent,  lorfqu'ils  paffent  au 
„  travers  de  quelque  Ville  ou  Bourg  rcmar 
„  quable,  ou  à  côté  du  cortège  de  quelque 
„  autre  Prince  ou  Seigneur.  A  chaque  pas , 
„  ils  jettent  un  pied  en  arrière,  &  le  relè- 


Bb 


nent 

vent  jufqu'à  leur  dos  ,  étendant  le  bras 
auffi  loin  qu'ils  peuvent  du  côté  oppofé, 
comme  s'ils  vouloient  nâjjer  dans  l'air. 
P^n  môme-tems,  ils  brandillent  &  agitent, 
d'une  manière  fort  fingulière,  qui  répond 
aux  mouvemens  de  leur  corps,  les  pi- 
ques,-les  chapeaux,  les  parafols,  les  flif- 
(anbaks,  &  tout  ce  qu'ils  portent.  Les 
Valets  de  Norimon  retrouffent  leurs  man- 
ches jufqu'aux  épaules,  &  vont  les  bras 
nuds.  Ils  portent  les  bâtons  du  Norimon , 
ou  fur  leurs  épaules ,  ou  fur  la  paume  de 
leur  main,  qu'ils  lèvent  au-deffus  de  leur 
tête.  Pendant  qu'ils  le  foûtienneiit  ainfi., 
ils  étendent  l'autre  bras,  tenant  la  main 
dans  une  fituation  horizontale ,  par  laquel- 
le, aufll-bien  que  par  leur  manière  de 
marcher  à  petits  pas,  à  pas  comptés,  & 
les  genoux  roides  ,  ils  affeftent  une  cir- 
confpeftion  fort  ridicule.  Si  le  Prince  fort 
de  fon  Norimon  ,  pour  entrer  dans  une 
des  cabanes  de  verdure  ,  qu'on  a  bâties 
exprès  pour  lui,  de  didance  en  diftance, 
ou  dans  quelque  maifon  particulière  ,  il 
laiffe  toujours ,  à  l'Hôte ,  un  cobang  pour 
le  récompenfer.  Mais  ce  qu'il  donne  à 
dîner  &  à  fouper  cft  beaucoup  plus  confl- 
dérablç".    Pag.  350. 

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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TAKGET  (MT-3) 


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Photographie 

Sdenœs 

Corporation 


23  WeST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  145*0 

(716)172-4503 


Descrïption 
DO  Japon. 

Filles  de 
joye,  &  leur 
meicnneté  au 
fapon. 


Premier 
Commerce 
des  Euro- 
péens avec  les 
Japonois. 


Obftacles 
3ui  viennent 
le  la  Religion. 


38a 


voir  A  CE    DE    K^MPFER 


ncnt  foiii;  &  qui,  pour  quelque  légère  gratification,  les  offrent  jufqu'à  la 
Pofle  Vmfinc' à  ceux  qui  marchent  à  pied. 

Enfin,  Kœmpfer  termine  cette  Defcription  par  la  multitude  furprenan- 
te  de  filles  de  joye  dont  les  grandes  &  les  petites  Hôtelleries,  les  Cabanes 
à  thé,  &  les  Rôtifleries,  Air-tout  dans  llfle  de  Nipon,  font  remplies  àtou- 
tes  les  heures  du  jôun  Mais  c'eft  particulièrement  vers  midi,  lorfqu'elles 
ont  achevé  de  s'habiller  fit  de  fe  péihdre,  qu'elles  Te  montrent  au  Public. 
La  plèpaYcTe  tiennent  debout,  à  la  porte  de  ces  maifons ,  ou  alfifes  fur  k 
petite  galerie,  qui  avance  dans  la  rue,  d'où  elles  invitent  civilement  les 
Voyageurs  à  leur  accorder  la  préférence.  Dans  les  Villages  de  Pofle,  où 
l'on  trouve  ordinairement  pluueurs  Hôtelleries  peu  éloignée:  l'une  de  l'au- 
tre, toutes  ces  femmes  font  un  bruit  fort  incommode.  Elles  font  quelque- 
fois (Ix  ou  fept ,  <&  jamais  moins  de  trois  dans  chaque  maifon.  Cet  infâme 
ufage  eft  fort  ancieïi  (r).  On  fait  remonter  fa  naiffance  fous  le  fameux 
Joritomo ,  premier  Monarque  féculier  du  Japon ,  qui ,  dans  la  crainte  que  Tes 
Soldats,  fatigués  d'une  longue  Guerre,  n'abandonnaflent  fon  Armée  pour 
rejoindre  leurs  femmes  &  leurs  enfans ,  ne  trouva  rien  de  plus  propre  à  les 
retenir,  que  Tétabliflement  des  maifons  publiques  de  débauche.    ^  -  j-  . 


(1)  L'Auteur  accwfe  Caron  de  s'être  trom- 
pé ,  Iprfqu'il  a  yoùlu  donner  une  jneilleure 
idée  de  la  continence  des  femmes  Taponoi- 
fes.  li  le  foupçonne ,  dlt-i!,  d'avoir  voulu 
ménager  leur  honneur,  par  refpeft  pour  fa 
propre  femme,  qui  étoit  de  cette  Nation.  Il 


ajoute  que  la  débauche  eft  fi  ouverte  au  Ja- 
pon ,  que  les  Chinois ,  à  qui  elle  eft  défendue 
fous  des  peines  très-févères ,  s'y  rendoicnt 
exprès  pour  y  trouver  plus  de  îîberté ,  &  que 
par  cette  raifon  ils  le  nommoient  le  Bordd  ds 
la  Chine,    Fag.  362. 


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S.  vïi.      :  '  •  ^\    '>    '  '.. 

Commerce  des  Japanots  avec  les  Etrangtrr.    ^ox      iu 


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QCelclue  jujgeniehl;  qu'on  a'ié" porté  âe  ïa  découverte  du  Japon,  par 
,1a  route  des  Indes  (tf  ),  on  ne  peut  douter  que  les  Portugais  n'ayent 
été  les  premiers  dé  qui  les  JapOnoiS  ont  reçu  des  marchandifes  de 
l'Europe,  &  les  lumières  du  Chriftianirme.  L'Empire  n'étoit  pas  encore 
formé ,  &  les  Seigneurs  n'étoient  pas  dans  la  dépendance  où  ils  font  tom- 
bés depuis.  Le  goût  qu'ils  prirent  pour  des  iEtrangers ,  qui  leur  apportoieni 
de  fi  loin  tine  nouvelle 'Religion  &  des  richeffes  inconnues,  iit  bien -tôt 
monter  là  fortune  des  Portugais  au  coftiblfe.  Quelques  perfécutiofis ,  fufci- 
tées  par  la  jaloufie  des  Prêtres  du  Pays ,  &  par  des  craintes  politiques ,  n'ar- 
rêtèrent pas  lesprogrès  de  l'Evangile.  Au  contraire ,  la  confiance  des  iMif- 
fionnàires  &  des  hbuvisaux  Fidèles ,  excita  la  curiofité  d'un  grand  nombre  de 
Japonois ,  qui  n'avoient  pas  encore  reçu  Içs  mêmes  lumières.    Us  voulu- 


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(0)  En  1542, ou  154.9.  Voyez,  ci-dcflus, 
le  5.  III.  Les  Hiftoires  Japonoifes  difônt  que 
Te  premier  Navire  d'Europe ,  qu'on  vit  fur 
leurs  Côtes ,  jetta  l'ancre  devant  j4wa ,  vis- 


à-vis  l'Ide  de  TfikoXf.  Les  Portugais  pr^ 
tendent  qu'il  jetta  l'ancre  dans  un  Port  de 
Bungo,  une  des  neuf  Provinces  de  Kiusju. 


DANS  L'EMfmÇ  DU  JAFQN;  I*ir.  I.V. 


^3 


rent  f^avoir  quelle  étoit  cette  Deftrine,  oui  4<?nnp|if  t^iK  de  jojçjî^à  fes 
Se£UteuF$,  au  milieu  même  d^sfupplicas;  dp  iojrp^lils  ^  Tj^rs^m  inÂruits,' 
ils  marauèrerjt  la  même  ar4eur  à  TembrafTer  (*). 

Le  uiccès  du  Commerce  crpiflànt  avec  celui  de  la  Fqi,  les  Marchands 
Portugais  époufoient  les  filles  des  plus  riclies  Hajbitajis  ;  &  ceux  qui  refu- 
ibient  de  s'établir  au  Japon ,  eroportoient  chaque  année  d'immenfes  tréfors, 
Le  gain  qu'ils  faifoient  fur  les  marchandifes  de  l'Europe  étoit  de  cent  pour 
cent.-  Kaempfer,  entrant  dans  le  détail  de  leurs  profits,  parle  d'un  petit 
Navire  de  leur  Nation ,  qui  emporta  tout  d'un  coup  plus  de  cent  tonnes 
d'or  (<r).  C'eft  du  même  Voyageur  qu'il  faut  apprendre  la  caufe  de  leur 
chute,  &  celle  de  l'accroiflement  des  HoUandois ,  qui  font  parvenus  à  les 
fupplanter.  Si  fa  qualité  de  Proteilant  peut  le  rendre  fufpecl,  dans  ce  qui 
touche  la  Religion  Romaine  ,  on  fera  guéri  de  ce  foupçon  ,  lorfqu'on  le 
verra  traiter  les  HoUandois  avec  Ja  même  Hberté;  rare  exemple  de  bonne- 
foi  ,  fur-tout  dans  un  point  qui  avoit  pafle  pour  obfcur  jufqu'à  lui,  &  qui 
n'a  jamais  été  fi  nettement  expliqué.  •  iy>  .nî^s-no'j  nrf'  ^^ii.    •- 

„  J'ai  fouvent  entendu  raconter,  dit-il,  par  des.  Japeools  dignes  de  foi, 
que  l'orgueil  &  l'avarice  contribuèrent  beaucoup  à  rendre  toute  la  Na- 
tion Portugaife  odieufe  au  Japon.  Les  nouveaux  Chrétiens  même  .étoient 
furpris,  &  fouffroient  impatiemment  que  leurs  Pères  fpirituels  n'euflent 
pas  feulement  en  vue  le  falut  de  leurs  âmes,,  mais  qu'ils  eufTent  auffi  l'œil 
fur  l'argent  de  leurs  Profelytes  &  fur  leurs  terres;  &  que  les  Marchands, 
après  s'être  défaits  de  leurs  marchandifes  à  très-haut  prix ,  exerçaflent  en- 
core des  ufures  infupportables.  Les  richefles ,  &  le  fuccès  imprévu 
„  de  la  propagation  de  l'Evangile ,  enflèrent  d'orgueil  les  Laïques  &  le 
Clergé.  Ceux  qui  étoient  à  la  tête  du  Clergé  (rf),  trouvèrent  au-def- 
fous  de  leur  dignité  d'aller  toujours  à  pied,  à  l'imitation  de  Jefus-Chrifl: 
&  de  fes  Apôtres  :  ils  n'étoient  pas  contens  s'ils  ne  fe  faifoient  porter 
dans  de  magnifiques  chaifes ,  imitant  la  pompe  du  Pape  &  des  Cardinaux 
à  Rome;  Non-feulement  ils  fe  mettoient  fur  le  pied  des  plus  Grands  de 
l'Empire,  mais  [enflés  d'un  orgueil  éccléfiaftique , ]  ils  prctendoient  à 
la  fupériorité  du  rang.    Il  arriva  un  jour  qu'un  Evêque  Portugais  ren- 

con- 


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(b)  Voyez  la  nouvelle  Hiftoire  du  Ja-     dant  îa  pïofpérlté  de  leurs  afFaires,   Us  poï 
pon. 

(  c  )  Une  tonne  d'or  ell  cent  mille  florins 
de  Hollande.  Ksempfer  afllire  que  pendant 
fort  long-tems  ils  tiroient  chaque  année,  du 
Japon ,  plus  de  trois  cens  tonnes.  Dans  le 
plus  grand  déclin  de  leur  Commerce ,  c'eft- 
a-dire,  en  1636,  ils  tranfportèrcnt ,  de  Nan- 
gafaki  à  Macao ,  deux  mille  trois  cens  cin- 
quante cdifles  d'argent ,  ou  deux  millions 
trois  cens  cinquante  mille  taeis.  En  1637 , 
ils  en  tirèrent  deux  cens  millions  cent  qua- 
rante-deux mille  trois  cens  foixante-cinq 
taels;  &,  en  1638,  un  million  deux  cens  cin- 
quante-neuf mille  vingt-trois  taels.  Dans  le 
tcms  de  leur  déclin ,  ils  n'alloient  plus  au  Ja- 
pon qu'avec  des  Galioces ,  au  -  lieu  que  pen- 


DU  J««pr(, 

Etat  florif- 
fant  des  Por- 
tugais au  Ja-. 
pon. 


Caufes  de 
Lui  chute. 


toient  leurs  marchandifes  dans  de  grands  Na- 
vires.    Tome  II.  pag.  168  ^  169. 

(rf)  Kaenipfer  ne  fait  tomber  fes  accufa* 
tions  que  fur  les  Prélats.  Il  parle ,  au  con- 
traire ,  avec  une  vénération  furprenante , 
dans  un  Proteftanc,  de  Saint  François  Xa- 
vier ,  premier  Apôtre  du  Japon ,  &  de  tous 
les  Miffionnairvs  de  la  même  Compagnie. 
Ces  Religieux,  dit-il,  s'accréditoicnt  parleur 
modeftie  exemplaire ,  leur  vie  vertucufe ,  l'af- 
fiftance  defintereflTée  qu'ils  donnoient  aux 
Pauvres  &  aux  Malades  [&  par  la  pompe  & 
la  majellé  de  leur  fervicc  divin ,  à  quoi  les 
Japonois  prenoient  un  plaifir  finijulicr.  ]  Ubi 
juprà,  pag.  165. 


384 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


DMCRTPTTOir  „  contra,  fur  le  grand  chemin  ,  un  des  Confeillers  d'Etat  qui  âlloît  à  la 

ou  Japon.     ^^  Cour.    Le  fuperbe  Prélat  ne  voulut  pas  faire  arrêter  fa  chaife  ,  pour 

„  mettre  pied  à  terre  &  rendre  fes  refpecls  à  ce  Grand ,  fuivant  l'ufage  du 

'     „  Paya.   Une  conduite  fi  imprudente,  dans  un  tems  où  les  Portugais  étoienc 

„  déjà  déchus  de  leur  crédit,  ne  pouvoit  être  que  d'une  fort  dangereufe 

„  conféquence  pour  leur  Nation.    Le  Confeiller  s'en  plaignit  à  lEmpe- 

*  „  reur,  &  lui  fit  un  portrait  de  l'orgueil  de  ces  Etrangers,  qui  excita  vi- 

„  vement  fon  indignation.    Cet  événement  efl:  rapporté  à  l'année  1596. 

„  Ce  fut  dans  le  cours  de  l'année  fuivante,  que  la  perfécution  fut  rallumée 

contre  les  Chrétiens. 

„  A  la  vérité  les  Bonzes ,  ou  les  Prêtres  du  Pays ,  irrités  de  voir  renver- 
fer  leurs  Temples  &  brifer  leurs  Idoles,  échauffèrent  encore  le  reflemi- 
ment  de  la  Cour;  fans  compter  que  l'union  &  la  bonne  intelligence  qu'on 
voyoit  régner  entre  les  Chrétiens ,  donna  de  l'inquiétude  au  prudent 
Empereur  Taico  ,  &  à  fon  Succefleur  Jyejas.  Le  premier  ne  devoit  la 
Couronne  qu'à  fon  courage  &  à  fa  bonne  conduite.  L'autre ,  qui  la  de- 
voit à  la  trahifon  ,  &  à  des  trames  criminelles,  appréhendoit  avec  d'au- 
,,  tant  plus  de  raifon  les  progrès  du  Chriftianifme,  que  fon  pupille  Fide- 
„  Jori,  fils  unique  de  Taico,  fur  lequel  il  avoit  ufurpé  le  Trône,  &  la 
plupart  des  Courtifans ,  avoient  été  les  uns  Chrétiens ,  les  autres  portes 
à  favorifer  la  Religion  Chrétienne.  On  commença  par  publier  une  Dé- 
claration Impériale  ,  qui  défendoit  d'enfeigner  plus  long-tems  la  DoStrine 
des  Pères  ;  c'eft  le  nom  que  les  Japonois  donnoient  alors  à  la  Religion 
Catholique  Romaine.  Enfuite  les  Gouverneurs ,  &  les  Grands  des  Pro- 
vinces, reçurent  ordre  d'obliger  leurs  Sujets,  par  la  perfuafion  ou  la  for- 
ce, de  rentrer  dans  l'ancienne  Religion.  Il  fut  aufîi  très-févérement  dé- 
fendu ,  aux  Dire6leurs  du  Commerce  Portugais ,  d'amener  à  bord  de  leurs 
Vailfeaux  aucune  focte  d'Eccléfiaftiques  ;  &  ceux  qui  étoient  difperfés 
dans  le  Pays  furent  fommés  d'en  fortir.  On  n'obéit  pas  d'abord  exac- 
tement à  ces  rigoureufes  Loix:.  Les  Portugais  &  les  Caflillans  continuè- 
rent d'amener  (ecrétement  de  nouvelles  recrues  de  Miffionnaires.  Mais 
il  arriva ,  dans  les  mêmes  conjon6lures ,  un  malheureux  accident  qui  hâ- 
ta leur  ruine". 

Quelqlues  Religieux  de  Saint-François,  envoyés  par  le  Gouverneur 
de  I^anille,  avec  la  qualité  d'Ambafladeurs  à  la  Cour  du  Japon,  prêchè- 
rent publiquement  dans  les  rues  de  Meaco ,  &  firent  bâtir  une  Eglife,  mal- 
gré les  ordres  de  l'Empereur ,  qui  venoient  d'être  publiés ,  &  contre  les 
avis  &  les  preffantes  follicitations  des  Jéfuites.  Cette  imprudence,  obfer- 
ve  Kaempfer ,  ne  pouvoit  être  excufée  que  par  un  défir  ardent  du  Martyre 
&  par  le  précepte  de  l'Apôtre ,  qu'il  vaut  mieUx  obéir  à  Dieu  qu'aux  hom- 
mes: mais  il  étoit  évident  qu'un  mépris  fi  manifefte  de  l'Autorité  Impéria- 
le porteroit  un  coup  irréparable  au  Chriftianifme.  AulTi  la  perfécution ,  qui 
s'éleva  auffi-tôt ,  n'a-t'elle  rien  d'égal  dans  l'Hiftoire  de  l'Eglife.  Après  un 
cruel  maflacre  de  plufîeurs  milliers  de  Chrétiens ,  qui  dura  près  de  quarante 
ans,  elle  finit  par  fextirpation  totale  de  la  Foi  Chrétienne,  &  par  le  ban- 
niflement  perpétuel  des  Portugais. 
•Cependant  il  paroît  que  l'intention  des  Empereurs  n'étoit  pas  d'abord 

d'en- 


Imprudtnce 
de  quelques 
Religieux  de 
Saint-Fran- 
çois, &  fes 
malheuroufes 
fuites. 


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DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


385 


d'envelopper  toute  la  Nation  Portugaife  dans  cette  Sentence.  Us  ne  vou- 
loient  pas  fe  priver  volontairement  des  marchandifes  &  des  raretés  étrangè- 
res qu'elle  apportoit  dans  leurs  Etats.  Vers  la  fin  de  cette  effroyable  per- 
fécution,  qui  fit  périr  prefque  tous  les  Religieux  Portugais  &  Cadiilans, 
les  Séculiers  &  les  Marchands  furent  épargnés,  dans  la  vue  de  continuer 
avec  eux  les  traités  de  Commerce ,  qui  n'avoient  rien  de  commun  avec  l'af- 
faire de  la  Religion.  En  1635,  on  jetta  les  fondemens  de  l'Ifle  de  Defi- 
ma ,  que  les  Hollandois  pofledent  à  préfent ,  dans  le  Havre  de  Nanga- 
faki  ;  &  cette  demeure  fut  alTignée  aux  Portugais.  Mais ,  peu  de  tems 
après ,  une  fatale  confpiration  contre  la  perfonne  de  l'Empereur ,  dans 
laquelle  on  les  accufa  d'être  entrés ,  acheva  malheureufement  de  les 
perdre. 

Il  faut  fe  rappeller  iqu'avant  la  fin  du  feiziéme  fiècle,  les  Hollandais  ex- 
cités par  l'immenfe  profit  que  les  Portugais  tiroient  du  Japon,  avoient  for- 
mé ,  dans  l'enfance  de  leur  Compa^ie  des  Indes  Orientales ,  le  deflein  de 
s'y  procurer  un  établilTement  folide,  ou  d'y  obtenir  du  moins  un  lieu  fixe, 
pour  la  réception  des  Vaifleaux  &  des  marchandifes ,  qu'ils  fe  propofoient 
d'y  envoyer  tous  les  ans  (e).     Leur  premier  Comptoir  fut  bâti  au  commen- 
cement du  fiècle  fuivant,  dans  une  petite  Ifle  peu  éloignée  de  la  Ville  de 
Firando ,  à  laquelle  il  communiquoit  par  un  pont.    On  leur  avoit  fait  un 
accueil  d'autant  plus  favorable,  qu'ils  étoient  Ennemis  jurés  des  Portugais , 
dont  la  Cour  de  Jedo  avoit  déjà  réfolu defe  délivrer.  Les  Portugais,  de  leur 
côté,  n'oublièrent  rien,  pour  traverfer  l'entreprife  de  ces  dangereux  Ri- 
vaux.    Ils  employèrent,  contre  eux,  le  crédit  qu'ils  confervoient  encore 
près  d'une  partie  des  Grands  de  l'Empire.    Mais  tous  leurs  efforts  demeu- 
rèrent fans  fuccès.     L'Empereur  Ijejasy  qui  fut  nommé  Gongen  après  fa 
mort,  accorda,  en  161 1,  la  liberté  du  Commerce  aux  Hollandois,  dans 
toute  l'étendue  de  fes  Etats,   par  un  Gosjunim  formel,    c'eft-à-dire  ,  par 
l'Afte  le  plus  folemnel  de  l'Empire.     Après  la  mojt  d'Ijejas  ,   ils  s'adrelfè- 
rent  à  la  Cour ,  pour  faire  renouveller  leur  Privilège  ;  démarche  que  Kaemp- 
fer  nomme  imprudente^  parceque  les  premières  Lettres,  qui  leur  étoient  ex* 
trêmement  favorables,  fuffifoient,  dans  une  Nation  qui  obferve,  avec  la 
dernière  fidélité ,  les  engagemens  de  fes  Ancêtres.     Cette  demande  fut  ac- 
cordée ,  mais  avec  des  conditions  beaucoup  moins  avantageufes.    Cepen- 
dant la  profpérité  des  Portugais  diminuoit  de  jour  en  jour;  &  les  Hollan- 
dois commencèrent  à  ne  rien  ménager  pour  s'établir  fur  leur  ruine.    Outre 
leurs  foins  &  leurs  dépenfes  à  la  Cour ,  pour  fe  procurer  les  bonnes  grâces 
de  TEmpereur ,  &  pour  engager  tous  les  Grands  dans  leurs  intérêts ,  ils  fi- 
rent acheter ,  dans  les  Pays  étrangers ,  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  rare  &  d'ex- 
quis ,  pour  en  faire  des  préfens.     Les  animaux  les  plus  finguliers ,  &  les 
marchandifes  les  plus  pi  écieufes ,  furent  apportés  des  Parties  les  plus  éloi- 
gnées de  l'Europe ,  de  la  Perfe  &  des  Indes.    On  obferve  que  les  Japonois 
abufoient  de  cette  ardeur  à  leur  plaire ,  en  donnant ,   à  des  Alliés  fi  com- 
plaifans&fi  foûmis,  des  figures  bizarres,  qui  ne  pouvoient  avoir  d'exi- 

ftaa- 
(t)  Voyez  les  Relations  du  Tome  X.  de  ce  Recueil. 

X/F.  Fart.  Ccc 


Descrtptior 
DU  Japon. 

Rcfte  défa- 
veur i^our  les 
Portugais. 


C'eft  pour 
eux  qu'on 
forme  l'Ifle  de 
Delima. 


Comment 
les  Hollandois 
deviennent 
leurs  Rivaux. 


Efforts  fin- 
guliers des 
Hollandois 
pour  les  fup- 
planter. 


; 


S'SÉP- 


^'OYAGË    DE    k'ASfPFITÉ. 


Description 
pu  Jai'on. 


Comment 
ils  achèvent 
tVyréuffir. 


ftaiîcè  quedans  leur iniâginatioti ;  comme  s'il  eût  fuffi  d'avoir  ce»  ridicules 
modèles ,   pour  trouver  des  êtres  qui  leur  réflemblaflent.    En  uti'  mot, 
l'avidité  du  profit,  qui  dépendoit  de  la  faveur  d'une  Nation  capricieufe, 
mit  les  Holiandois  dans  la  difpofition  d'obéir  aux  ordres  les  plus  révoltans. 
Telle  étoit  Itur  fituation,  lorfqiie  s'étant  rendus  maîtres  d'unVaifleau 
Portugais,  près  du  Câp  de  Bonne-Lfpérance ,  ils  trouvèrent,  à  bord,  des 
Lettres  adrelTéeis  au  Roi  de  Portugal,  par  Moro,  Chef  des  Portugais  au  Ja- 
pon ,  Japonois  de  naiflance ,  &  fort  attaché  à  la  Religion  Chrétienne.    Ils 
fé  hâtèrent  d'envoyer  ces  Lettres  au  Prince  de  Firando,  leur  Protefteur, 
qui  les  communiqua  aulTi-tôt  au  Gouverneur  de  Nangafaki,  Direéleur&Ju- 
ge  Supérieur  des  affaires  étrangères ,  qûoiqu'ami  des  Portugais.    Moro  fut 
arrêté.     Il  nia  l'accufation  avec  beaucoup  de  fermeté ,  &  tous  les  Portugais 
de  Nangafaki  l'imitèrent.     Mais  ni  leur  confiance ,  ni  le  crédit  du  Gouver- 
neur ,  ne  purent  dilfipér  la  tempête  qui  étoit  prête  à  fondre  fur  leurs  têtes. 
Ils  furent  convaincus ,  s'il  en  faut  croire  leurs  Ennemis ,  par  le  caraèlere 
&  le  cachet  des  Lettres  (/  ).     Moro  fe  vit  condamné  au  plus  cruel  fup- 
plice.    Kaempfer  ne  fait  pas  difficulté  d'ajouter ,  que  cette  Lettre  découvroit 
tout  le  fond  du  complot  que  les  Chrétiens  du  Japon  avoient  formé ,  avec  les 
Portugais,  contre  la  vie  de  l'Empereur  &  èbntre  l'Etat.     „  On  y  voyoit, 
„  dit-il,  qu'il  leur  manquôit  deà  Vàifïeaux  &  des  Soldats,  qu'ort  leur avoit 
,j  promis  du  Portugal  j  on  y  voyoit  les  noms  des  Prjnces  intérefTés  dans  la 
i,  confpiration ,  &  refpérarice  qu'ils  avoient  d'obtenir  la  bénédiâion  duPa- 
„  pe.    Cette  découverte ,  commencée  par  les  Holiandois ,  fut  enfuite  con- 
„  firmée  par  une  autre  Lettre  du  Capitaine  Moro ,  adreffée  au  Gouverne- 
ment Portugais  de  Meaco ,  qui  fut  interceptée  par.  un  Navire  du  Japon. 
Sur  ces  deux  témoignages ,  auxquels  les  Ennemis  des  Portugais  joigni- 
rent l'arrivée  fecrette  d'un  grand  nombre  d'Eccléfîafliqites,  l'Empereur 

ferma 


5» 
9i 


(/)  C'eft  fur  quoi  Kampfer  n'apporte 
point  d'autres  preuves.  Aufli  les  Portugais 
ont- ils  toujours  traité  ces  Lettres  de  fuppo- 
litions  calomnieufes.  On  doit  remarquer  ici 
que  le  Dircftcur  du  Commerce  Holiandois, 
au  Japon ,  étoit  alors  Caron ,  qu'on  vit  paf- 
1er  enfuite  au  fervice  de  France,  &  Direftcur 
de  fes  Etabliffemens  aux  Indes  -  Orientales. 
(Voyez  ci-deffus  les  Relations  duTomcXI.|) 
C'eft  le  môine  qui  a  publié  une  courte  Rtia 
tion  du  Japon ,  par  Demandes  &  par  Répon- 
fts.  Quelques-uns  l'ont  accufé  d'avoir  fabri- 
qué la  Lettre,  qui  caufa  le  malheur  des  Por- 
Uigais.  Kaempfer  nous  apprend  qu'il  avoit 
d  abord  fervi  d'Aide  de  cuifine  dans  un  Navi- 
re Holiandois ,  &  que  fon  heureux  génie  le 
conduiflt  par  degrés  à  la  fortune.  Mais  lorf- 
qu'il  ajoute,  que  fur  quelques  mécontente- 
mens,  il  partit  de  Batavia  pour  aller  offrir 
fes  fcrvices  aux  Portugais  &  aux  François ,  & 
qu'il  fit  naufrage  à  la  vue  de  Lisbomie  avait 
que  d'avoir  pu  exécuter  des  defleins  qui  au- 


roîent  été  defavantagenx  à  fe  Compagnie  de 
Hollande,  il  doit  avoir  ignoré  que  Caron  fer- 
vit  cfFeftiveinent  les  François,  aux  Indes, 
pendant  plufieurs  années ,  &  que  ce  fut  en 
revenant  de  leur  Comptoir  de  Surate,  qu'il 
fit  naufrage  fur  les  Côces  de  Portugal.  Kamp- 
fer ,  ibid.  pttg.  236, 

Nota.  C'eft  Tavernier ,  qui  accufe  Caron , 
fans  cependant  le  nommer,  d'avoir  fabriqué 
la  Lettre  qui  caufa  le  malheur  des  Portugais^, 
Mais  on  l'accufe  à  fon  tour  de  s'être  contre- 
dit lui-même  dans  un  autre  endroit  de  fes 
Voyages.  (  Voyez  le  Tome  XUI.  pag.  284. 
dernière  Note.  )  D'ailleurs  Tavernier  défij,Tie 
Caron  fous  le  titre  de  Préfident,  oi  Cliet  du 
Comptoir  Holiandois.  Or  il  eft  coiiftant 
qu'il  ne  parvint  à  ce  pofte  qu'en  1639;  an- 
née dans  laquelle  l'entrée  du  Japon  fut  fer- 
mée aux  Etrangers  ;  &  la  Perfécution  contre 
les  Chrétiens  avo  t  commencé  en  1617.  On 
peut  rapprocher  d'ici  ce  qui  a-été  dit  auTomî 
XL  pag.  360.  R.  d.  E.        :,.■■>,      :^- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lriv.  IV. 


m 


»> 


,,  ferma  pour  jamais ,  en  1639,  l'ocrée  du  J?pon;aux£crai^gçr»  &ila  for-  Oc0oitirTi<ur 

tie  à  Tes  Sujets  naturels  (g)".  .  wJahok. 

Malgré  la  févérité  de  ces  ordres,  les  Dire£l:eurs  Porti^als  lutté^ircnc 
encore,  près  de  deux  ans,  contre  les  dangers  dont  ils  étoient  menaces, 
dans  refpérance  d'obtenir  du  moins  la  permilTion  de  demeurer  dans  \)ki\^  (\q 
Ddima,  &  d'y  continuer  leur  Commerce.  L'Empereur  parut  même  in- 
certain, lorfqu'ils  lui  eurent  fait  repréfenter  que  cette  petite  Ifl^;,  étant 
réparée  du  Continent  de  Ion  Empire,  ils  pouvoient  l'habiter,  fans  contre» 
venir  à  fon  Edit.  Mais  la  Compagnie  HoUandoile  l'ayant  fait  aiTurer,  en  A  quel  prix; 
mémetems,  qu'elle  auroit  foin  clclui  fournir  toutes  les  marchandiles  que  les  HollamJois 
les  Portugais  apportoienf.  aa  Japon ,  on  vit  paroître  une  nouvelle  Ordon-  '>'"pof^^"^ 
nance  ,  qui  les  déclaroit  Ennemis  de  l'Empire,  &  qui  portoit  la- rigueur  juf- 
qu'à  défendre  l'entrée  du  Japon  aux  marchandifes  mêmes  de  leurs  Pays ,  à 
l'exception  des  vins  d'Efpagae,  pour  l'ufage  particulier  de  la  Cour.  Ils  fe 
retirèrent  alors  à  Macao.  N'ac.^..lo.  -  pas  légèrement  les  Hollandois  d'a- 
voir acheté,  cette  préféreoce,  e%  deiav  puant  la  qualité  d^  Chrétiens  (/;). 

•:.  {  ^  :n.Mi6>'if)>1cm.>  is-'^o  .,  .fta     Mais 


fur  les  i^oilu- 
gnis. 


If:  '.\ 


...  '  s 


l.'U     .\ 


(g)  Les  principaux  Articles  de  ce  fameux 
Edit  méritent  d'être  confervés  dans  leur  for- 
me originale  : 

A  Sakaki- Barra- Findano- Cami ,   &i 
Babtt-Sabray-Sejimon,  Gouver- 
•  '   -  '•--;•      neurs  de  Nangafaki.         -•  1 

„  Aucun  Navire  Japonois ,  ou  Bateau ,  tel 
„  qu'il  foit ,  ni  aucun  Juponois  ne  pourra 
„  fortir  du  Pays.  Celui  qui  contrevienJra  à 
„  cet  ordre  fera  mis  à  mort.  Le  Navire, 
„  avec  l'Equipage  &  les  marchandifes,  feront 
„  mis  en  fequeftre  jufqu'à  nouvel  ordre. 

„  Tout  Japonoi^  qui  reviendra  des  Pays  é- 
„  trangcrs ,  fera  mis  à  mort. 

„  Celui  qui  découvrira  un  Prêtre  aura  une 
„  récompenfe  ,  depuis  quatre  cens  jufqu'à 
„  cinq  cens  Scbuits  d'argent ,  &  pour  chaque 
„  Chrétien  à  proportion.  {Un  fcbuit  pefe 
„  environ  cinq  onces,  ) 

„  Tous  ceux  qui  foîltiendront  la  Religion 
„  des  Chrétiens,  ou  qui  porteront  ce  nom 
„  infâme,  feront  arrêtés  &,  mis  en  prifon. 

„  Toute  la  race  des  Portugais ,  avec  leurs 
„  Mères,  leurs  Nourrices,  &.  généralement 
„  tout  ce  qui  leur  appartient ,  fera  banni  & 
„  renvoyé  à  Macao. 

„  Quiconque  ofcra  porter  une  Lettre  des 
„  Pays  étrangers ,  ou  en  retourner  après  fon 
„  banniflemcnt ,  fera  mis  à  mort  avec  route 
„  fa  famille.  Tous  ceux  auffi ,  qui  ofcront 
„  demander  grâce  pour  lui,  feront  mis  à 
„  mort,  &c, 

V  Donné  la  treizième  année  de  nôtre  règne , 
„  Quanja  191,  dans  le  cinquième  mois".  [Si- 
gnés.) Sakkaja-Sanikkem-Cami.    Dij-tio-Ojeno- 


Cami.  Cangano-Cami.  Matzcndeyro  - /n/fma- 
Cami.  Abmo  -  liongono  •  Cami.  Ksmpfcr , 
pag.  176. 

\b)  On  lit,  dans  quelque»  Auteurs,  que 
lorfqu'on  leur  demandoit  s'ils  étoient  Chré- 
tiens, ils  répondoient  que  non,  mais  qu'ils 
étoient  Hollandois.  Kèmpfer  croit  cette  im- 
putation faufTe.  Ce  qu'il  en  dit  ett  curieux. 
„  J'ai  pris  tous  les  foins  poOIblcs ,  pour  m'in- 
„  former  de  la  vérité  du  fiit,  fans  aucune 
„  partialité.  J'ai  feuilleté  pour  cela  les  Jour- 
„  naux  &  les  autres  Ecrits ,  qu'on  a  gardés , 
I,  depuis  la  première  arrivée  des  HoUanJois 
„  au  Japon ,  &  je  n'y  ai  rien  trouvé  de  fem- 
„  blable.  Un  Vieillard  Japonois ,  nôtre  prc- 
„  mier  Interprête,  m'a  allure,  au  contraire, 
„  que  les  Hollandois  ont  toujours  dit  qu'ils 
„  faifoient  profeffion  du  Chridianifme ,  mais 
„  qu'ils  n'étoient  pas  de  la  Sede  des  Prêtres 
„  Portugais.  Ce  qui  probablement  donna 
„  lieu  à  ce  faux  bruit,  fut  la  réponfc  d'un  Hol- 
„  landois ,  nommé  Michel  Sandvoort .  qui , 
„  ayant  fait  naufrage  fur  les  Côtes  du  Japon, 
„  s'établit  enfuite  avec  un  de  fi-s  Coinpatrio- 
„  tes ,  à  Nangafaki ,  parmi  les  Natu.  .is  du 
,,  Pays,  &  hors  de  la  dépendance  des  Hol- 
„  landois.  Lors  de  l'établilLmeiit  de  l'Iii- 
,,  quifition  du  Japon,  cet  homme,  ayant  été 
„  interrogé  s'il  étoit  Chrétien  ,  répondit, 
„  pour  fauver  fa  vie  &  celle  de  fon  Com- 
„  pa^non:  Qjioi ,  Cbrétiens  ?  Cbrétkns?  iVout 
„  J'ommes  Hollandois.  Les  Inquifitcurs,  à  la 
„  vérité ,  parurent  fatisfaits  de  c^tt  j  confef' 
„  fion".     Ubifup,  pag.  236  &  237. 

Nota.  Les  Japonois  n'ignorent  pas  que  le» 
Hollandois  font  Chrétiens.  C'efl:  ce  qui  fe 
voit  par  mi  Ordre  de  l'Empereur,  oii  il  eft 

Ccc  2  ^''; 


388 


VOYAGE    DE    K  iE  M  P  F  E  R 


DstCkimoN 

DUjArOM. 


Ils  prêtent 
leur  fccours 
auxjapoiiois 
■  pour  extcrml 
ner  quarante 
mille  Chré- 
tiens. 


Jugement 
des  princi- 
paux Japonois 
fur  leur  con- 
duite. 


Tentative 
des  Portugais, 
pour  rentrer 
au  Japon. 


Mais  Ksmpfer  convient  qu'ils  furent  mis  à  de  rudes  épreuves.  En  ï(5^^^ 
lorfque  les  affaires  des  Portugais  parurent  tout-à-fait  defefperées,  environ 
quarante  mille  Chrétiens  Japonois ,  réduits  au  defefpoir  par  les  cruautés 
inouïes  qu'ils  voyoient  fouffrir  à  leurs  frères,  dont  pludeurs  milliers  avoient 
déjà  péri  dans  les  fuppliccs ,  choifirent,  pour  azile,  une  vieille  ForterelTe, 
voifine  deSimabara,  dans  la  réfolution  d  y  défendre  leur  vie  jufqu'à  l'ex* 
trémité.  Les  Hollandois,  en  qualité  d'Amis  &  d'Alliés  de  l'Empereur,  fu^ 
rent  priés  d'affilier  les  Troupes  Impériales  au  Siège  de  cette  Place.  Koe* 
kebackeTf  Directeur  de  \eur  Commerce  à  Firando,  ne  tarda  point  à  fe  ren- 
dre à  bord  du  feul  Vaifleau  Hollandois  qui  fût  alors  dans  le  Havre  de  cette 
Ville;  &  s'écant  approché  de  la  Forterefle  de  Simabara,  il  fie  tirer  contre 
les  Chrétiens,  dans  l'efpace  de  quinze  jours,  quatre  cens  vingt-fix  coups 
de  canon,  tant  du  Vaifleau  qu'il  moncoit  que  d  une  Batterie  qu'il  avoic  éle- 
vée fur  le  rivage.  Cette  attaque  diminua  beaucoup  le  nombre  des  Afïiégés, 
&  ruina  tellement  leurs  forces,  qu'ils  furent  bien-tôt  exterminés  jufqu'au 
dernier.  Kaempfer  obferve ,  avec  tout  le  defintérelTement  d'un  honète 
Hiftorien ,  „  qu'un  emprefTement  fi  foûmis ,  pour  l'exécution  d'un  ordre 
..  qui  entraînoit  la  deflruftion  totale  du  Chriftianifme ,  aflura  leur  établif- 
fement  au  Japon,  malgré  le  defTein  que  la  Cour  avoit  eu  d'en  exclure 
tous  les  Etrangers  ;  mais  que  les  Japonois ,  les  plus  didingués  par  leur 
Noblefle  &  par  leurs  fentimens,  ne  portèrent  pas  un  jugement  favora- 
ble de  leur  conduite,  &  du  crédit  qu'elle  leur  avoit  fait  acquérir.  Il  leur 
parut  contre  la  raifon ,  d'efpérer  qu'ils  pufTent  être  fincérement  fidèles  à 
un  Monarque  étranger,  qu'ils  regardoient  comme  un  Payen  ;  tandis  qu'ils 
avoient  montré  tant  d'ardeur  à  détruire  des  gens  avec  lefquels  ils  conve- 
noient  fur  les  points  fondamentaux  de  leur  Foi,  comme  les  Japonois  j'4- 
,\  voient  appris  des  Religieux  Portugais,  &  qui  entrdem  dans^  le  Ciel  par  la 
„  même  porte  (i)-  Aufîî  la  complaifance &  l'humilité  des  Hollandois,  ajou- 
te le  môme  Voyageur ,  a-t'elle  fi  peu  contribué  à  gagner  la  confiance  on 
l'amitié  d'une  Nation  fi  fière  &  fi  orgueilleufe,  qu'au  contraire  fa  jaloufie 
&  fa  défiance  ont  paru  croître,  à  proportion  des  preuves  qu'elle  a  re- 
çues de  leur  fidélité.  Plus  ils  fembloient  mériter  d'égards  &  d'affeftion, 
plus  ils  fe  font  attiré  de  mépris  &  de  haine  (  k  )". 
Mais,  avant  que  de  repréfenter  leur  fituation  &  leur  Commerce,  kl- 
vons  un  moment  les  Portugais  &  les  Caflillans  dans  leur  retraite.  Le  Gou- 
vernement de  Macao,  qui  vit  arriver  une  malheureufe  troupe  de  Fugitifs, 
ne  put  fe  perfuader  que  l'ordre,  qui  les  avoit  chafles  de  leurs  établifle- 
mens  ,  après  un  fiécle  de  pofl!eirion ,  fût  une  difgrace  irréparable.  Il  réfa- 
lut  de  ne  pas  attendre  que  le  fouvenir  de  leurs  anciens  fervices  fut  touc-àr 

-     .  .    ■  .  r-    _    —  ■  ^  ■■       ;   -    .  fait 


» 


a 


dit;  „  S.  M.  Imp.  eft  informée  pour  cer- 
„  tain ,  que  vous  tous ,  ainfi  que  les  Portu- 
„  gjis ,  êtes  Ciirétiens  ;  Vous  obfervcz  lé 
„  Dimanche;  Vous  avez  l'Ere  Chrétienne; 
„  les  dix  Commandemcns,  l'Oraifon  Domî- 
„  nicale ,  le  Symbole  des  Apôtres ,  &c.  En 
„  un  mot,  c'eftun  même  culte.  Le  princi- 
„.  pal  fè  déiQQQtre;  Les.  diférends  qui  foiQt 


,.  entre  vous,  nous  paroiiTcnt  petits.  Que 
.,  vous  foyez  Chrétiens ,  c'eft  ce  qu'on  fçait 
„  depuis  long-tems;  mais  nous  avions  crû  que 
„  c'étoit  un  autre  Chrift,  &c.  R.  d.  E. 

(  I  )  C'eft  une  expreflîon  des  Japonois ,  que 
Kaempfcr  a  fouvcnt  entendue,  lorfqu'il  eft 
tombé  avec  eux  fur  ce  fujet.    Fag.  l8S«  • 

(*)  Pag.  185  &  i8(S. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lrv.  IV. 


38P 


fait  efFacé  deTerpric  des  Japonois,  pour  faire  une  tentative  à  la  Cour  de 
Jedo;  (Se  dés  Tannée  i($4o,  c'efl-à-dire,  l'année  d'après  celle  de  leur  ex* 

})uirion ,  il  envoya  deux  Ambafladeurs  à  l'Empereur ,  avec  un  cortège  de 
bixante-treize  perfonnes.  Le  droit  des  gens,  qu'il  croyoit  refpeélé  de  tou- 
tes les  Nations ,  n'empêcha  point  que  ces  deux  Miniflres  ne  fuflcnt  arrêtés 
à  Naii^afaki,  avec  toutes  les  perfonnes  de  leurs  fuite;  &  quoiqu'ils  n'euf- 
fent  point  de  marchandifes  à  bord ,  qui  puflent  les  faire  accufer  d'être  ve* 
nus  pour  le  Commerce,  un  ordre  de  l'Empereur  les  condamna  tous  au  der- 
nier fupplice ,  fans  autre  exception  que  douze  Domediques ,  du  dernier  rang, 
qui  furent  renvoyés  à  Macao ,  pour  porter  une  (1  fanglante  nouvelle  à  leurs 
Compatriotes ,  avec  la  ridicule  commiflion  de  les  aflurer ,  que ,  fi  le  Roi  de 
Portugal ,  ou  le  Dieu  même  des  Chrétiens ,  ofoient  mettre  le  pied  dans 
l'Empire  Japonois ,  ils  y  recevroient  le  même  traitement.  Ces  douze  hom- 
mes n'arrivèrent  point  a  Macao ,  &  l'on  n'a  jamais  appris  ce  qu'ils  étoient 
devenus.  11  efi:  aflez  vraifemblable  que,  manquant  d'habileté  dans  la  Mari- 
ne ,  ils  périrent  avec  le  Bâtiment  qui  les  portoit.  Les  Malheureux,  qui  fu- 
rent exécutés,  avoient,  fuivant  l'ufage  du  Pays,  chacun  fon  Bourreau  à 
leur  côté;  de-forte  qu'au  premier  figne,  toutes  leurs  têtes  furent  abbatues 
dans  un  infiant. 

Une  Hiftoire  Japonoife  raconte  un  autre  événement  tragique,  qui  ar- 
riva ,  peu  de  mois  auparavant ,  à  un  grai:d  Navire  Efpagnol  des  Philippi- 
nes.   Les  Cailillans  (c'efl  le  nom  que  les  Japonois  donnoient  à  tous  les 
Efpagnols)  avoient  pris  une  Jonque  du  Japon,  près  de  Manille,  &  l'a*- 
voient  coulée  à  fond ,  dans  l'erpérance  d'éteindre  la  connoiflance  d'une  ac- 
tion fi  barbare.     Cependant  elle  parvint  aux  Japonois.     Bien-tôt  un  Vaif- 
fcau  Efpagnol,  à  trois  ponts,  jetta  l'ancre  au  Port  de  Nangafaki.     Les 
Gouverneurs  employèrent  la  dimmulation  ;  mais  ce  fut  pour  fe  donner  le 
tems  d'informer  la  Cour.     Aulfi-tôt  le  Prince  d'Arima  reçut  ordre  de  faire 
périr  le  Bâtiment,  par  les  flammes,  avec  tout  l'Equipage  &  les  marchan- 
difes.   Il  fe  trouva,  dans  la  Ville,  quelques  perfonnes  mieux  intention- 
nées ,  qui  avertirent  fécrétement  les  Efpagnols  :  mais  l'avidité  du  gain  leur 
fit  d'abord  négliger  cette  information,  &  leur  perfuada  que,  s'ils  étoient 
attaqués,  leur  Navire  étoit  en  état  de  fe  défendre.    Ils  travaillèrent  nuit 
&  jour  à  le  charge     >^'nr ,  d'argent ,  &  de  marchandifes  précieufes.     En- 
fuite,  lorfqu'ouvrani    is  yeux  fur  le  danger,  avec  une  double  inquiétude 
pour  eux  mêmes  &  pour  leurs  richeffes,  ils  fe  difpofèrent  à  partir,  un 
vent  contraire  les  arrêta.     Leurs  Ennemis ,  qui  avoient  profité  de  cet  in- 
tervalle pour  exécuter  les  ordres  de  l'Empereur,  arrivèrent  dans  un  grand 
nombre  de  Barques.     Le  VailTeau  Efpagnol  fut  invefli;  &  tous  ceux  qui 
le  montoient  fe  virent  réduits ,  pour  unique  reffource ,  à  vendre  chère- 
ment leur  vie.    En  efi^et,  les  Japonois  apprirent,   dans  cette  occafion,  à 
refpefter  la  valeur  des  Européens.     Le  Prince  d'Arima,  comptant  fur  une 
viftoire  aifée,  encouragea  d'abord  fcs  Soldats  par  l'efpoir  du  butin;  mais, 
lorfqu'il  les  vit  eflPrayés  d'une  réfiflance,  à  laquelle  ils  ne  s'étoient  pas  at^ 
tendus,  il  fauta  le  premier  à  bord  du  Navire.     Son  exemple  entraîna  un  fi 
grand  nombre  de  Soldats  après  lui,  que  le  tillac  en  fut  couvert.     Les 
Efpagnols  fe  retirèrent  fous  le  pont,  avec  le  foin  de  fermer  leurs  écoutilles, 

Ccc  3     ,  Cet- 


DifCRirrioif 

DU  JArOMi 


Leurs  Ain> 
bafladeurs  y 
font  condain«- 
nés  au  fup- 
plice. 


Hiftoire 
tragique  d'un 
VailTeau 
Efpagnol ,  au 
Port  de  Nan~ 
gafaki. 


390 


VOYAGE    DE    KiEMPFER' 


DujAfbN. 


n 

l 


Précautions 
des  Juponois, 
depuis  l'ex- 
pulfion  des 
rortugais. 


Avantages 
que  las  Hol- 
landais ont  ti- 
res de  cette 
révolution. 


Cette  retraite  précipitée,  dms  de»  Ennemis  fi  braves,  fit  juger  au  Prince, 
qu'elle  n  ctoit  pas  fans  delTcin;  &.  foupçonnant  de  l'artifice,  il  rentra  d'un 
aut  dans  fa  Barque,  fous  le  prétexte  d'exciter  le  refte  de  fei  Troupes.  Au 
même  moment,  les  Efpagnols  mirent  lu  feu  à  quelques  barils  de  poudre, 
u'ils  avoicnt  fous  le  tillac,  &  qui  firent  fauter  tous  les  Japonois  qui  étoieni: 
eiïus.  Le  Prince  crut  le  péril  a  fa  fin ,  &  commanda  de  nouvelles  Trou- 
es ,  pour  recommencer  l'abordage  ;  mais  les  Efpagnols ,  s'étant  retirés  fous 
e  fécond  pont ,  le  firent  fauter  comme  le  premier.  Enfuite,  étant  dcfcen- 
dus  à  fond  de  cale ,  ils  continuèrent  la  même  manœuvre  pour  le  troifiè- 
me.  Ainfi  la  Mer  &  le  Rivage  fe  trouvèrent  couverts  de  Japonois  morts 
ou  blefles,  avant  qu'ils  puflent  attaquer  des  Ennemis ,  qui  ne  parurent  cn« 
fin  que  pour  fe  défendre  avec  une  réfolution  furieufe,  &  pour  fe  faire  tuer 
jufqu'au  dernier.  Il  paroît  même  qu'en  périffant,  ils  trouvèrent  le  moyen 
de  faire  couler  à  fond  les  rcftes  de  leur  Vaifleau  ;  car  on  alTura  Kaempfer 
qu'on  avoit  pêclié,  dans  cet  endroit,  quantice  de  caiflcs  d'argent,  &  que, 
depuis  peu  d'années,  on  en  avoit  encore  tire  quelques-unes.  Cette  attaque 
coûta  la  vie  à  plus  de  trois  mille  Japonois  (  /). 

ApRès  l'exécution  des  Ambalîadeurs  de  Macao,  l'Empereur  du  Japon, 
informé  que  les  Portugais  écoient  traités  favorablement  à  la  Chine,  &  qu'ils 
avoient  beaucoup  de  crédit  dans  cette  Cour,  fe  crut  obligé ,  pour  la  fûrctd 
de  fes  Etats ,  de  prendre  un  grand  nombre  de  précautions  ,  qui  durent 
encore.  On  fit  bâtir,  au  fommet  des  montagnes,  des  Corps-de-Garde  & 
des  Guérites.  On  y  entretient  des  Soldats ,  pour  avertir,  par  des  feux  & 
d'autres  fignaux  ,  l'approche  des  Vaifleaux  qui  font  voile  vers  le  Japon. 
S'ils  en  apperçoivent  dix  ou  plus,  ils  fe  hâtent  d'élever  leurs  feux,  qui  en 
font  allumer  d'autres,  de  diftance  en  diftance,  jufqu'à  la  Ville  Impériale  de 
Jedo;  &,  dans  l'efpace  de  vingt-quatre  heures ,  la  Cour  peut  être  informée 
par  cette  voye.  Les  ordres  font  d'autant  plus  faciles  à  donner ,  que  par 
de  fort  bons  Réglemens,  chacun  fçait  le  polie  qu'il  doit  occuper  à  l'appari- 
tion de  '^es  feux ,  &  ce  qu'il  doit  faire  pour  la  défenfe  commune. 

Revenons  aux  Hollandois ,  qui  dévoient  s'attendre,  après  leur  triom- 
phe &  pour  prix  de  leurs  fervices  (m),  à  fe  voir  tout  d'un  coup  en  pof- 
feffion,  noR-feulement  de  la  liberté  qu'ils  defiroient  pour  leur  Commerce, 

mais 


(/)  Pag.  i8i  &  précédentes.  "  ' 
(m)  Kaîmpfcr,  quoiqu'attrxiîé  A  leur  Com- 
pagnie &  leur  zèié  Partifan  ,  parle  ,  avec 
moins  de  modération,  des  coirplaifanccs 
qu'ils  ont  eues  pour  les  Japonois.  ,,  L'ava- 
„  ricc,  dit-il,  &  l'attrait  as  l'or  du  Japon, 
•,,  ont  eu  tant  de  pouvoir  fur  eux,  que  p'u- 
;„  tôt  que  d'abandonner  un  Commerce  fi  lu- 
„  cratiî',  ils  ont  foufFert  volontairement  une 
„  prifon prcfque  perpétuelle;  car  c'elî;  la  pu- 
'„  re  vérité ,  que  l'on  peut  nommer  ainfi  nô- 
,,  tre  demeure  à  Defima.  Ils  ont  bien  vou- 
,,  lu  cflliyer,  pour  cela,  une  infinité  de  du- 
„  retés  de  la  part  d'une  Nation  étr;mgère  & 
„  paychne;  fe  relâcher  dans  la  célébration 
„  du  Service  Divin,  des  Dimanches  &  des 


„  Fêtes  folcmnelles;  s'abftenir  de  faire  des 
,,  Prières  &,  de  chanter  des  Pfeaumes  en  pu- 
„  blic;  éviter  le  fignc  do  la  Croix,  &  le  nom 
„  de  Jefus-Clirift,  en  préfence  des  N;itiirelà 
,,  du  Pays,  Ôc  en  général  toutes  les  marques 
„  extérieures  du  Chriflianifmc  ;  enfin ,  en- 
,,  durer  patiemment  le  procédé  impérieux  de 
,,  ces  orgueilleux  Infidèles ,  qui  efl  la  cbofc 
„  du  monde  la  plus  choquante  pour  uneamc 
,,  bien  née".     Pae.  i86. 

Nota.  Il  y  a  effectivement  un  Ordre  de 
M.  M.  les  Direfteurs ,  en  datte  du  26  Avril 
165c ,  qui  défend  à  leurs  Officiers  au  Japon . 
en  général  toutes  marques  extérieures  du 
Chriftianifme.  R.  d.  E.  .  . 


lur  triom- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  391 

mais  encore  de  tous  les  avantages  dont  ils  avoietit  fait  dc^pouiiler  leurs  Ri- 
vaux. Cependant ,  ils  reçurent  ordre  de  démolir  le  Comptoir  &  le  Maca- 
fin  qu'ils  avoient  bâtis  depuis  peu  dans  Mlle  de  Firando  ;  fans  autre  railon 
que  parcequ'if  t'toit  de  pierre  de  taille,  c'ell-à  dire,  plus  beau  que  les  Edi- 
fices ordinaires  du  Pays ,  &  qu'ils  avoient  gravé ,  au  Frontifpice ,  l'année 
de  l'Ere  Chrétienne.  Enfuite  ils  fe  virent  forces  d'abandonner  entièrement 
ce  Comptoir,  &  de  fe  confiner  dans  la  petite  Ille  qui  avoit  été  bâtie  pour 
les  Portugais.  On  en  a  vu  la  Defcription  dans  le  Journal  de  Kacrapfer, 
qui  la  nomme  une  Prifon.  Là,  ils  font  environnés  d'une  foule  d'Officiers, 
de  Gardes  &  de  Surveillans  Japonois  ,  fur  -  tout  à  l'arrivée  de  leurs  Vaif- 
feaux ,  &  pendant  la  durée  de  leur  vente,  l'ous  ces  Geôliers  &  ces  Ef- 
pions ,  auxquels  ils  font  obligés  de  payer  eux-mêmes  des  gages  fort  confidé- 
rables ,  n'approchent  d'eux  qu'après  s'être  engages  par  un  ferment  folemnel 
à  leur  réfuter  toute  forte  de  communication ,  de  confiance  ou  d'amitié. 
Dans  l'Afte  de  ce  ferment ,  ils  attellent  les  Dieux  fuprémcs ,  ils  fe  foûmet- 
tent  à  leur  vengeance ,  &  à  celle  des  Magiflrats  du  Pays ,  eux ,  leur  famil- 
le, leurs  domeftiques  &  leurs  amis  ,  s'ils  n'exécutent  pas  fidèlement  chaque 
article.  Enfuite  ils  le  lignent  de  leur  cachet,  trempé  dans  de  l'encre  noi- 
re ,  où  ils  verfent  quelques  gouttes  de  leur  fang  ,  qu'ils  tirent  en  piquant 
un  de  leurs  doigts  derrière  l'ongle.  Un  engagement  fi  terrible  le  devient 
encore  plus ,  par  la  rigueur  avec  laquelle  on  punit  les  moindres  contraven- 
tions («). 

Après  le  départ  des  Vaifleaux  Hollandois ,  le  Direfleur  de  leur  Com- 
merce part  avec  une  fuite  nombreufe,  pour  rendre  fes  refpefts  à  l'Einoe- 
reur  &  lui  porter  les  préfcns  annuels  de  la  Compagnie.     Cette  Amballade 

Îafle  pour  un  hommage  ,  que  la  Nation  Hollandoile  rend  à  l'Ernpereur  du 
apon ,  comme  à  fon  Souverain.  Auffi  prefcrit-on ,  à  l'Ambafladeur ,  la 
conduite  qu'il  doit  tenir  dans  fa  route;  &  le  nom  commun  qu'on  lui  donne 
e(t  celui  de  Fitozïtz,  c'efl-à-dire.  Otage.  Pendant  le  Voyage,  on  ne  laif- 
fe  pas,  aux  Hollandois  de  fa  fuite,  ni  à  lui-même,  plus  de  liberté  qu'à  des 
Prifonniers.  Il  ne  leur  cfl  permis  de  parler  à  perfonne  ;  pas  même ,  fans 
une  permiflion  fpéciale,  aux  Domeftiques  des  Hôtelleries  qui  leur  fervent 
de  logement.  Lorfqu'ils  y  arrivent ,  on  fe  hâte  de  les  mener  au  plus  haut 
étage  de  la  maifon ,  ou  dans  les  appartemens  intérieurs ,  qui  n'ont  de  vue 
ue  fur  la  cour  ;  &  pour  s'aflurer  d  eux ,  on  ferme  les  portes  de  la  cour  avec 
jes  doux.  Leur  cortège,  quieft  compofé  d'Interprètes,  de  Soldats,  d'Ar- 
chers ,  de  Porteurs  &  de  Valets  du  Pays ,  doit  être  entretenu  aux  fraix  de 
la  Compagnie  des  Indes  (0). 

On  a  vu,  dans  le  Journal  de  Kaempfer,  avec  quel  air  de  dédain  ils  font 
traités  à  la  Cour.  Tout  Japonois,  qui  marque  pour  eux  quelque  égard  ou 
quelque  amitié,  n'eft  pas  regardé  comme  un  homme  d'honneur  ,  qui  ait 
pour  fa  Patrie  l'attachement  qu'il  lui  doit.  De-là  vient  l'opinion  bien  éta- 
blie, qu'il  eft  également  glorieux  &  légitime  de  leur  furvendre ,  de  leur 
demander  un  prix  exceffif  des  moindres  denrées,  de  les  tromper  autant  qu'il 

eft 


DE^cRirTro» 
DU  Jai'on. 

Avec  quelle 
hniitciir  ils 
font  traluS. 


Serment 
qu'on  piôte 
contr'cux. 


Combien  ils 
font  obfervés 
dans  leurs 
vi  yiigcsàla 
Cour. 


/•1. 


.   1  ,   !      . 


I 


Principes 
des  Japonois. 


(n)  Tag.  200. 


(0)  Pag.  205. 


39» 


VOYAGE    DE    KJEMPFER 


no  J*roif. 

Diverfes  hu- 
miliations dc( 
Hollandois. 


On  deman- 
de quels  font 
leurs  dedom- 
magemens. 


e(l  poflfiblc,  de  diminuer  leurs  Ubercéi^  leurs  avantages,  &  d'inventer  do 
nouveaux  plans  pour  augmenter  leur  fervitude. 

Celui  qui  leur  dérobe  quelque  chofe,  &  qui  ell  faifi  fur  le  fait,  en 
eft  quitte  pour  la  reditution  de  ce  qu'on  trouve  fur  lui ,  &  pour  quel- 

Ïues  coups  de  fouet  qu'il'  reçoit  fur  le  champ  des  Soldats  qui  gardent  leur 
fie.  Si  le  crime  efl;  confidéri-.'c'e  ,  il  efl;  quelquefois  banni  pour  un  tenis 
aiïez  court.  Mais  le  châtiment  des  Hollandois,  qui  fraudent  la  Douane, 
e(i  une  mort  certaine,  foit  en  leur  tranchant  la  tête,  ou  par  le  iupplicc  do 
la  croix. 

Aucun  Hollandois  ne  peut  envoyer  une  Lettre  hors  du  Pays,  fans  en 
■avoir  donné  une  copie  aux  Gouverneurs ,  qui  la  font  enrégidrer  dans  un 
Livre  dediné  à  cet  ufage.  Les  Lettres ,  qui  viennent  de  dehors ,  doivent 
être  remifes  aux  mêmes  Officiers ,  avant  que  d'être  ouvertes.  Cependant 
ils  ferment  les  yeux  fur  celles  qui  font  pour  les  Particuliers ,  quoiqu'elles 
foyent  comprifes  aufli  dans  la  Loi.  Autrefois ,  lorfqu'un  Hollandois  mou* 
roit  à  Nangafaki ,  onleju^eoit  indigne  de  la  fépulture,  &  fon  corps  étoit 
jette  dans  la  Mer  à  la  fortie  du  Port.  Depuis  quelque  -  tems ,  on  a  oris  le 
parti  de  leur  afllgner  un  petit  terrain  inutile,  fur  la  Montagne  d'inajptj  ou 
ils  ont  la  liberté  d'enterrer  leurs  Morts  :  mais ,  après  la  cérémonie ,  on  y 
met  une  Garde  Japonoife  ;  &  quelque  jugement  qu'on  veuille  porter  des  or- 
dres qu'elle  reçoit,  il  devient  bien -tôt  prefqu'impoflible  de  découvrir  le 
lieu  de  la  fépulture. 

£k  général,  il  efl  toujours  aifé  aux  Naturels  du  Pays,  &  même  aux 
Etrangers ,  de  faire  valoir  leurs  prétentions  fur  les  Hollandois.  Le  Gou- 
vernement ne  fe  fait  jamais  prelfer ,  pour  accorder  des  dommages  &  des 
intérêts  au  Demandeur.  Il  ne  daigne  pas  confidérer  fi  la  demande  re- 
garde la  Compagnie,  ou  quelques-uns  de  fes  Officiers,  ni  s'il  eftjuftcde 
lui.  faire  porter  la  peine  des  malverfations  d'autrui.  Au  contraire,  fi 
c'eft  d'elle  que  viennent  les  plaintes,  elle  trouve  tant  de  difficultés  à  fe  fai- 
re rendre  juftice,  que  fouvent  elle  ell  obligée  d'abandonner  fes  plus  julles 
droits. , 

Ce  détail  tfeft  qu'un  léger  extrait  de  plufieurs  Chapitres  de  Kœmpfer, 
qui  contiennent  les  vexations  qu'elle  eflliie  continuellement.  Si  l'on  y  joint 
lesLoix  mortifiantes,  qui  s'ob  fer  vent  à  l'arrivée  de  fes  Vaiiïeaux  (p),  la 
néceffité  de  livrer  toutes  fes  marchandifes  à  la  bonne  ■  foi  des  Officiers  du 
Pays,  &  de  les  faire  décharger  par  des  mains  inconnues  (</) ,  celle  de  fup- 
primer  jufqu'aux  moindres  marques  de  Chrillianifme  ;  enfin  l'étrange  con- 
trainte, qui  tient  fes  Officiers  renfermés  dans  une  Ifle,  longue  de  cent  toi- 
fes,  &  large  d'environ  quarante,  dépendans  du  caprice ,  des  rigueurs,  de 

■         la 


(p)  On  fe  contente  de  renvoyer  ci-delTus 
au  Journal  de  Kœmpfcr ,  lorfqu'il  décrit  les 
circonilances  de  fon  arrivée. 

(  9  )  „  Ce  ne  font  pas  nos  gens ,  mais  les 
M  Naturels  du  Pays ,  qui  chargent  &  déchar- 
„  gent  nos  Navires.  Ils  font  deux  fois  en 
}.  plus  grand  nombre  qu'U  ne  faut;    &  ne 


„  travaillaflcnt-iis  qu'une  heure ,  il  faut  que 
„  nous  payions  la  journée  entière.  Tous 
„  ceux  qui  nous  rendent  quelques  fervices, 
„  quoique  fouvent  inutiles,  font  payés  Uir- 
„  gement  fur  les  marchandifes.  La  plupart 
„  de  ces  Ouvriers  font  fort  adroits  àvolei". 

Pm.  210. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


m 


Marchand?- 
fc»  qu'ils  por- 
teoc  au  Japon. 


la  haine  âc  du  mépris  d'une  Nation  infidèle;  on  demandera,  fans  doute  avec  DMCiimon 
impatience,  quels  peuvent  être  les  avantages  &  les  profits  qui  dédomma<    ^  JAroM. 
gent  les  Hollandois  de  tant  d'humiliatiops. 

K  A  M  p  F  E  R  nous  apprend  quelles  foiit  les  marchandifes  qu'ils  portent  au 
Japon.  C'ed  de  la  foye  crue  de  la  Chine,  du  Tonquin,  du  Bengale  &  de 
Pcrfe;  toute  forte  de  foyes,  d'étoffes  de  laine  &  aautres  étoffes  des  mê- 
mes Pays,  pourvu  qu'il  n'y  ait  ni  or  ni  argent;  des  draps  de  laine  de  l'Eu- 
rope, oc.  d'autres  étoffes  de  foye  &  de  laine,  fur-tout  des  ferges  d'Angle- 
terre;  du  bois  de  teinture,  que  nous  nommons •S<ipân,&  bois  de firedl;  des 
peaux  de  bufHe  &  de  cerf,  ou  d'autres  bêtes  fauves,  des  peaux  Ae  raye  ; 
de  la  cire;  des  cornes  de  bufUe  de  'iiam  &  de  Camboye,*  des  cordouans, 
&  des  peaux  tannées  de  Perfe,  du  Bengale  de  d'autres  Pays,  mais  non 
d'Efpagne  &  de  Manille ,  fous  de  rigoureufes  peines  ;  du  poivre  &  du  fu- 
cre  en  poudre  &  candy ,  de  pluôeurs  endroits  des  Indes  Orientales  ;  des 
cloux  de  girofle,  &  des  noix  mufcades  (on  ne  demande  plus  de  canelle); 
du  fandal  blanc  de  Timor;  du  camphre  de  Baros,  recueilli  dans  les  liles 
de  Bornéo  &  de  Sumatra  ;  du  mercure ,  du  cinabre  &  du  faffran  de  Benga- 
le; du  plomb,  du  falpêtre,  du  borax  &  de  l'alun,  de  Bengale  &  de  Siam; 
du  mule  de  Tonquin  ;  de  la  gomme  de  benjouin  d'Atidjen  ;  de  la  gomme 
lacque;  de  Siam  ;  des  coraux,  de  l'ambre,  du  véritable  antimoine ,  dont  les 
Japonois  fe  fervent  pour  donner  de  la  couleur  à  leur  porcelaine;  des  miroirs 
de  l'Europe;  des  fragmensde  miroirs,  dont  ils  font  des  microfcopes  &  d'au- 
tres lunettes;  du  Mafang  de  Vaca,  qui  e(l  une  pierre  médicinale,  tirée  de 
la  veflie  du  fiel  des  vaches  de  Mozambique  ;  du  bois  de  ferpent  ;  de  l'at- 
fiaer;  des  bambous;  des  mangues  &  d'autres  fruits  verds  des  Indes  Orien- 
tales ,  confits  avec  du  poivre  de  Turquie ,  de  l'ail  &  du  vinaigre  ;  des  cra- 
yons de  plomb  de  Mer,  &  de  bol  d'Arménie,  pour  écrire;  du  mercure 
fublimé ,  &  jamais  du  calomel ,  ou  mercure  doux  ;  des  limes  fines  ;  des  ai- 
guilles ;  des  lunettes;  de  grands  verres  à  boire,  de  la  plus  belle  efpèce;  des 
coraux  contrefaits;  des  oifeaux  rares,  <&  d'autres  curiofités  étrangères, 
foit  de  l'Art  ou  de  la  Nature.  ,       tii.i .  . .  ,     . 

Mais   de  toutes  ces  marchandifes,   celle  que  les  Japonois  aiment  le 
plus,  quoique  la  moins  avantageufe  pour  les  Marchands  qui  l'apportent,  fes  les  plus 
c'eft  la  foye  crue ,  dont  les  Portugais ,  par  cette  raifon ,  nomnioient  la  ^ftimées  dci 
vente  Parcado  ;  &  ce  nom  fe  conlerve  encore  au  Japon.     Toutes  fortes  •'*P°"'"*' 
d'étoffes  &  de  toiles  donnent  un  profit  fur  &  confidérable.     On  gagne 
beaucoup  auffi  fur  le  fapan  ^  ou  le  bois  de  Brefîl ,   &  fur  les  cuirs.     Les 
marchandifes  les  plus  lucratives  font  le  fucre ,  le  catechu ,  ou  cachou ,  le  ° 

(lorax  liquidé,  le  patsju,  le  camphre  de  Bornéo,  les  miroirs,  le  corail  <& 
l'ambre. 

Dans  les  premiers  tems  de  leur  Commerce  du  Japon,  les  Hollandois 
n'y  envoyoient  pas ,  chaque  année ,  moins  de  fept  Navires ,  chargés  de  tou- 
tes ces  richeffes.  Depuis  qu'ils  ont  été  reflerrés  dans  l'Ide  de  Dedma ,  ils 
n'en  envoyent  pas  plus  de  trois  ou  quatre.  Ainfi,  l'on  peut  diflinguer  plu- 
fieurs  états  de  kur  fortune,  fuivant  le  degré  de  faveur  dans  lequel  ils  ont 
été  à  la  Cour.  Ksempfer  les  réduit  à  quatre ,  qu'il  nomme  les  Périqdes  de 
Xir.  Part.  Ddd  leur 


■f  • 


•. 


■D 


Marchandi- 
us 
des 


® 


® 


Profits  clair; 
des  Hollan- 
dois. 


® 


® 


® 
® 


394 


VOYAGE    DE    K  iE  M  P  F  E  R 


i  . 


9* 

» 


t>EscRTrTioi»  leur  Commerce,  &  dont  il  donne  fidèlement  l'Hiftoire  (r).    Aujourd'hui, 
DU  jAfoN.    par  de  fâcheufes  révolutions»  la  fomme  annuelle,  à  la  valeur  de  laquelle  ils 
ont  la  permiflion  de  vendre  leurs  marchandifes ,   ne  revient  qu'à  la  moitié 
de  celle  qu'on  accorde  aux  Chinois ,  &  monte  à  dix  tonnes  &  demie  d'or. 
A  l'égard  du  prix  des  marchandifes ,  il  varie  chaque  année.    Tout  dépend 
de  celui  qu'elles  ont  à  Meaco,  qui  efl:  ordinairement  réglé  par  la  confom- 
mation  qui  s'en  fait  dans  le  Pays.    „  Une  année  portant  l'autre,  dit  Kaemp- 
fer,  nos  profits  peuvent  monter  à  foixante  pour  cent.    Cependant,  fi 
l'on  confidère  toutes  les  charges  &  les  dépenfes  de  nôtre  vente  (j), 
nous  n'avons  guères  plus  de  quarante  ou  de  quarante-cinq  pour  cent,  de 
profit  clair:  gain  peu  confidérable,  pour  une  Compagnie,  qui  a  tant  de 
dépenfes  à  loûtenir  aux  Indes  Orientales.    Aufli  cette  branche  de  fon 
Commerce  ne  vaudroit-elle  pas  la  peine  d'être  entretenue ,   fi  les  mar- 
chandifes que  nous  tirons  du  Japon,  fur-tout  le  cuivre  rafiné,  ne  don- 
noient  le  même  profit,  &  même  un  peu  plus.    Ainfî  la  totalité  peut  aller 
a  quatre- vingt  ou  quatre-vingt-dix  pour  cent.    Ajoutez  que  les  dépenfes 
ne  font  pas  les  mêmes  chaque  année  (t)".  «...^... 

Ce  qu'ils  Les  Vaifleaux  Hollandois  employent  donc  une  partie  de  la  valeur  de 
raiiportent  du  leurs  marchandifes ,  à  fe  procurer  du  cuivre  rafiné  ,  dont  ils  chargent ,  par 
Jar^"-  an,  depuis  douze  mille  jufqu'à  vingt  mille  Pics  (v).    Ce  métal  ell  fondu 

en  petits  bâtons,  ou  rouleaux,  d'un  empan  de  long,  &  d'enviion  l'épaif- 
feur  d'un  pouce.  Chaque  pic  fe  met  dans  une  petite  boete  de  fapin,  pour 
être  tranfporté  plus  facilement  ;  &  les  trois  ou  quatre  Navires,  qui  compo- 
fent  la  Flotte  Hollandoife ,  en  font  une  partie  de  leur  cargaifon.  Un  de 
ces  Bâtimens  fait  voile  à  Batavia,  par  le  plus  court  chemin.  Les  autres 
s'arrêtent  à  Pulo-Timon,  Ifle  fur  les  Côtes  de  Malacca,  &  continuent  de- 
-  là  leur  Voyage  jufqu'à  Malacca  même,  d'où  le  Gouverneur  Hollandois  les 
envoyé,  tantôt  au  Bengale,  tantôt  aux  Côtes  de  Coromandel,  ou  dans  quel- 
que autre  Place,  qui  ait  befoin  de  leurs  marchandifes. 

Le  relie  de  la  cargaifon  fe  fait  de  cuivre  groflîer,  fondu  en  flans  ronds 
&  plats,  &  quelquefois  de  casjes  de  cuivre,  efpècede  liards  ou  de  bafle 
monnoye,  qu'on  porte  au  Tonquin.    Tout  le  cuivre  efl:  vendu  aux  Mar- 
chands Hollandois,  par  une  Compagnie  Japonoife,  qui  jouit  feule  d'un  Pri- 
'     >   ;       vilège  de  l'Empereur  pour  le  rafiner  &  le  vendre  aux  Etrangers.    On  char- 
'    .      ge  aufli  depuis  fix  mille  jufqu'à  douze  mille  livres  de  camphre  du  Japon, 
renfermé  dans  des  barils  de  bois;  quelques  centaines  de  balles  de  porcelai- 
ne; une  boete  ou  deux  de  fil  d'or,  de  cent  rouleaux  h  boete  ;  toutes  fortes 
de  cabinets  vernifl^és,  de  boetes,  decaiiTesà  tiroirs,  &  d'autres  Ouvrages 
de  cette  efpèce;  des  parafols,  des  écrans,    divers  petits  Ouvrages  de  can- 
nes refendues  ;  des  cornes  d'animaux  ;  des  peaux  de  poiflbn ,  que  les  Japo- 
nois  préparent  avec  beaucoup  d'art  &  de  propreté;  des  pierreries;  de  l'or; 
'  àaSomi,  qui  eftun  métal  artificiel  compofé  de  cuivre,  d'argent  &  d'or, 

& 

(r)  Pag.  251  &  fuivantes.  '    (v)  Un  pic  eft  cent  vingt-cinq  livres, 

(  i  )  Elle  fe  nomme  Combmtg ,  au  Japon,     poids  de  Hollaide, 
'  (t;  Pag.  244  &  250. 


DANS  LTMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


t9S 


&donc  on  ne  fait  pas  moins  de  cas  que  de  l'argent  pur;  des  rottangs; 
du  papier  peint  &  coloré  en  or  &  en  argent  ;  du  papier  tranfparenc,  qu'on 
rend  tel  avec  de  l'huile  &  du  vernis;  du  riz,  le  plus  fin  de  toute  l'A- 
fie;  du  Sakiy  efpècede  breuvage,  oui  fe  fait  avec  du  riz;  du  Soge^  ma- 
rinade aflez  agréable;  des  fruits  confits,  dans  des  barils;  du  tabac  dente- 
lé;  diverfes  fortes  de  thé  &  de  marmelades,  &  quelques  milliers  de  co« 
bangs  en  or  (x). 

Pendant  la  cargaifon ,  le  foin  qu'on  apporte  à  vidter  les  VaiiTeaux 
Hollandois  &  toutes  les  Maifons  de  Dcfima ,  furpafle  encore  les  précau- 
tions qui  s'obfervent  à  l'arrivée  de  la  Flotte.  Rien  n'échappe  aux  recher- 
ches des  Officiers.  Toutes  les  hardes  font  examinées  pièce  ^  pièce.  En- 
tre les  marchandifes  de  contrebande ,  Ksmpfer  nomme  tout  ce  qui  a  la  fi- 
gure d'une  Idole  du  Pays  ,  celle  d'un  Kuge,  ou  d'un  Ëccléfiafiiique  de  la 
Cour  du  Dairi ,  tous  les  Livrent  imprimés ,  tous  les  papiers ,  ou  les  métaux , 
qui  portent  quelques  caraéléres  Japonois ,  l'argent  monnoyé ,  les  étoffes 
tiflues  au  Japon  ;  mais  fur-tout  les  armes  &  tout  ce  qui  s'y  rapporte ,  com- 
me la  figure  d'une  Selle,  d'un  Navire  ou  d'un  Bateau,  d'une  Armure,  d'un 
Arc,  d'une  Flèche;  les  Epées  &  les  Sabres.  Si  l'on  trouvoit  quelque  cho- 
fe  de  cette  nature  fur  un  Navire  Hollandois ,  la  moindre  punition  du  Capi- 
taine feroit  un  banniffement  perpétuel  du  Pays  ;  &  tous  les  Officiers  fufpeâs 
feroient  mis  à  la  torture,  pour  leur  faire  découvrir  le  Vendeur  &  les  Com- 
plices, dont  le  fang  pourroit  expier  feul  un  fi  grand  crime.  Kaempfer  en 
rapporte  quelques-exemples.  Les  Japonois,  dit -il,  ont  tant  de  penchant 
pour  la  contrebande ,  que  dans  refpace  de  fix  ou  fept  ans,  trois  cens  per- 
fonnes  furent  condamnées  au  dernier  fupplice,  pour  avoir  fraudé  la  Doua- 
ne avec  les  Chinois;  &  que,  pendant  un  féjour  de  deux  ans  qu'il  fit  au 
Japon  ,  il  en  vit  exécuter  plus  de  cinquante,  dont  l'un  n'étoit  accufé  que 
d'avoir  fait  paffer  frauduleufement  une  livre  de  camphre  (y). 

A  l'occafion  des  Chinois,  il  eft  tems  d'obferver,  avec  le  même  Voyageur, 
que,  depuis  l'antiquité  la  plus  éloignée,  ils  ont  porté,  dans  tout  l'Orient, 
les  marchandifes  de  leur  Pays;  fur-tout  la  foye  crue,  qui  abonde  à  la  Chi- 
ne; &  d'où  les  Grecs  &  les  Romains  leur  avoient  donné  le  nom  de  Seret, 
Leur  principal  Commerce  étoit  dans  les  Royaumes  &  les  Illes  fîtuées  entre 
Sumatra  &  Malacca,  du  côté  de  l'Efl.  Après  la  Conquête  de  leur  Pays  par 
les  Tartares,  ceux  q'ii  refufèrent  de  fe  foûmettre  &  de  fe  rafer  la  tête  ,  à 
la  manière  des  Vainqueurs ,  abandonnèrent  leur  Patrie ,  pour  aller  s'établir 
dans  les  lieux  où  ils  avoient  exercé  le  Commerce.  Depuis  un  tems  immé- 
morial, les  Ifles  du  Japon  étoient  de  ce  nombre.  Ils  n'y  alloient,  à  la  vé- 
rité, qu'avec  un  petit  nombre  de  Jonques,  parceque,  fous  divers  règnes 
de  leurs  Empereurs,  toute  communication  leur  étoit  défendue  avec  les  Na- 
tions étrangères  ;  cet  ordre  ne  pouvoit  être  violé  que  par  ceux  qui  habi- 
toient  les  Côtes  &  les  Illes  voifines.  Mais  aufli-tôt  que  leurs  nouveaux 
Maîtres  eurent  établi  la  liberté  du  Commerce ,  ils  étendirent  leurs  corref- 
pondances  dans  la-  plupart  des  Pays  de  l'Orient,  fur-tout  au  Japon,  où  di- 
•iP ..;   .v'"  ■     ..    --  •■-  vers 


(r)  Pag.  253.    Le  Cobang  cfl  une  très-grande  Monnoye. 
des  Monnoycs  de  l'Afie ,  au  Tome  XIII. 

Ddd  2 


Voyez,    ci-deffiis,   rHilloire 
(:y)  l'ag.  260» 


Dt^CMFTIOir 
DU  jArON. 


Marchandi- 
fes ellimées 
de  contrcbaa- 
de. 


Coinmercc 
des  Chinois 
au  Japon. 


Son  orii^iV^. 


39^ 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


DE«CRT?TtOir 

uujiroif. 


Ils  s'éta- 
UifTentàNan- 
eafakl 


Jaloufie  des 
japonois. 


Satfie  de 
4)uclqiies  Li- 
vres Chré- 
tiens, qui 
l'augmente. 


Coups  per- 
lés au  Com- 
merce des 
Chinoi». 


vers  rapports  entre  les  deux  Nations,  tel  que  celui  du  Langage  fçavant,  de 
la  Religion ,  des  Sciences  &  des  Arts ,  leur  avoient  toujours  fait  obtenir 
un  accueil  favorable. 

Anciennement  ilsfréquentoient  lePort  d'Ofacka,  qui  efl:  dangereux 
par  Tes  rochers  &  fes  bas-fonds,  &  quelques  autres  lieux  qui  ne  font  pas 
plus  fûrs  pour  la  Navigation.  Ènfuite  les  Portugais  leur  montrèrent  le  che- 
min du  Port  de  Nangafaki.  Ce  fut ,  vers  le  méme-tems ,  que  l'Empereur 
du  Japon  nomma  Nangafaki,  pour  le  feul  Port  de  fes  Etats,  qui  ferôit  de* 
formais  ouvert  aux  Etrangers.  Alors  plufieurs  Chinois  prirent  le  parti  de 
s'y  fixer;  &non-feulement  ceux  qui  n'avoient  pas  quitté  leur  Patrie, mais 
tous  les  autr^,  qui  fe  trouvoient  difperfés  dans  les  Pays  voidns  &  dans 
les  Ifles  à  l'Efl  du  Gange,  y  vinrent  trafiquer  pour  leur  compte,  ou  pour 
ceux  qui  les  employoient.  Ils  jouirent  pendant  quelque -tems  d'une  heu- 
reufe  liberté  ,  &  leurs  Jonques  y  venoient'  en  fort  grand  nombre.  Dans 
cet  intervalle  ils  bâtirent  trois  Temples  à  Nangafaki,  pour  y  exercer  libre- 
ment leur  Religion.  Mais  la  quantité  de  leurs  Jonques ,  qui  le  multiplioient 
de  jour  en  jour,  &  dont  chacune  n'avoit  jamais  moins  de  cinquante  hom- 
mes à  bord,  excita  bien-tôt  la  défiance  des  Japonois.  Outre  le  motif  du 
Commerce,  les  plus  riches  perfonnes  delà  Chine  venoient  au  Japon  pour 
s'y  livrer  à  la  débauche  des  femmes ,  qui  efl  ouvertement  permife  (z). 
On  fut  furpris  d'y  voir  aborder  un  jour,  des  Mandarins  Tartares,  avec  une 
petite  Flotte  de  fix  Jonques.  Le  Gouvernement  les  obligea  de  mettre  à  la 
voile,  après  leur  avoir  fait  déclarer  qu'on  ne  vouloit  pas,  dans  le  Pays, 
d'autres  Commandans  &  d'autres  Seigneurs  que  ceux  de  la  Nation.  Des 
foupçons  (i  vifs  menaçoient  les  Chinois  de  quelque  changement.  En  effet, 
après  l'expulfion  des  Portugais,  on  apprit  bien-côt,  au  Japon,  que  les  Jéfui- 
tes  avoient  été  reçus  &  traités  favorablement  à  la  Cour  du  Monarque  Tar- 
tare  de  la  Chine;  &  que  ce  Prince  leur  avoit  accordé  la  liberté  de  prêcher 
l'Evangile  dans  toute  l'étendue  de  fes  vafles  Etats.  En  même -tems,  les 
Japonois  faifîrent,  à  l'entrée  de  Nangafaki,  quelques  Livres  qui  regardoient 
le  ChrUlianifme,  &  que  les  mêmes  MifTionnaires  avoient  fait  imprimer  à 
la  Chine,  en  langage  du  Pays.  Cette  découverte  leur  fit  craindre  que  la 
Foi  Chrétienne,  dont  l'extirpation  avoit  coûté  tant  de  fang,  ne  rentrât  in- 
direâement  dans  leurs  Ifles.  Ils  foupçonnèrent  les  Marchands ,  qui  avoient 
apporté  ces  Livres  entre  plufieurs  autres ,  d'avoir  du  .noins  quelque  pen- 
chant pour  la  Religion  profcrite.  Cette  raifon ,  fortifiée  par  l'arrivée  des 
Mandarins  Tartares  &  par  l'accroifTement  continuel  des  Chinois,  fit  pen- 
fer  la  Cour  à  refTerrer  leur  Commerce  dans  des  bornes  plus  étroites.  Elle 
commença  par  le  réduire  à  la  fomme  annuelle  de  fix  cens  mille  taels,  ou, 
fuivant  la  manière  de  compter  des  Hollandois,  à  vingt  &  une  tonnes  d'or, 
qui  font  àpeu-près  le  double  de  celle,  où  le  Commerce  Hollandois  étoit 
déjà  réduit.  Elle  ordonna  que  les  marchandifes ,  qui  dévoient  montera 
cette  fomme,  feroient  apportées  par  foixante-dix  Jonques  au  plus,  fuivant 
la  difliribution  qu'elle  en  fit  elle-même;  dix-fept  Jonques  de  Nankin;  cinq 
de  la  Ville  &  de  la  Province  de  Canton  ;  cinq  de  Nefa  ;  quatre  de  Sintsjeu; 

quatre 
(«)  Voyez ,  ci-deflfus,  le  Paragraphe  des  Mœws, 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAÎ^ON,  Liv.  IV. 


397 


Comment 
ils  les  élu- 
dent. 


quatre  de  rifle  de  Haynan  &  du  Continent  voifiri  de  la  Chine;  trois  de  Dmcutwio» 
Kootsja  ;  trMs  du  Royaume  de  Siam  ;  [  deux  du  Royaume  de  Tonquin  j  deux    °°  !*"**• 
de  Cammon;]   deux  de  Tayowan ,  ou  Takkafaga,  dans  l'Ifle  Formofe  ; 
une  de  Fudafan ,  Port  fitué  au-defTus  de  Raktsju ,  &  célèbre  par  un  fameux  ' 

Temple  de  Quanwon;  une  de  la  Cochinchine;  une  de  Tani,  qui  efl:  une 
des  plus  grandes  Ifles  d'entre  les  Riuku,  &  quelqFies  autres,  dont  Ksemp- 
fer  ne  put  être  informé.  Ainfî ,  tous  les  Chinois ,  difperfés  en  divers 
Pays,  etoient  compris  dans  ce  partage.  Ënfuite  on  admit  encore  une  Jon- 
que de  Siakka-Tarra,  ou  Java,  &  une  autre  de  Pékin,  pour  remplacer  cel- 
les qui  pouvoient  faire  naufrage  en  chemin.  L'obfervation  de  cet  ordre  fut 
recommandée  avec  rigueur.  Cependant  toute  l'exaftitude  des  Officiers  Ja- 
ponois  ne  put  empêcher  les  Chinois  de  les  tromper.    Plufieurs  des  mêmes 

Jfonques,  le  hâtant  de  vendre  leur  cargaifon,  trou  voient  le  moyen  de  faire 
e  Voyage  deux  fois  l'année.  D'autres  faifoient  voile  à  la  Province  de  Sat- 
zuma ,  comme  fi  le  gros  tems  les  y  avoit  jectées.  Elles  y  vendoient  leurs 
marchandiies ,  pour  aller  prendre  une  nouvelle  cargaifon ,  qu'elles  por- 
toient  enfuite  à  Nangafaki.  Si  le  hazard  leur  faifoit  rencontrer  les  Gardes- 
Côtes  du  Japon,  elles  prenoient  une  autre  route ,  en  feignant  de  s'étjre  éga- 
rées &  de  chercher  le  Port  de  Nangafaki. 

Enfin  la  Cour  ne  trouva  point  de  voye  plus  fûre  »  pour  mettre  une 
barrière  éternelle  aux  nouvelles  entreprifes ,  que  de  rellerrer  les  Chinois 
dans  une  Prifon ,  comme  elle  avoit  enfermé  les  Hollandois  dans  celle  de 
Defima.  En  1688,  un  Jardin,  qui  avoit  appartenu  à  Séje-Sfugu-Fe/o,  In* 
tendant  des  Domaines  Impériaux ,  leur  fut  afllgné  pour  demeure. 

Ce  Jardin  étoit  agréablement  fitué ,  vers  le  fond  du  Port ,  près  du  Riva- 
ge &  de  la  Ville.  Il  avoit  été  foigneufement  embelli  d'un  grand  nombre 
de  belles  plantes ,  domeftiques  &  étrangères.  On  bâtit ,  fur  ce  terrain , 
plufieurs  rangs  de  petites  maifons,  chaque  rang  couvert  d'un  toît  commun. 
Tout  l'efpace  fut  environné  de  fofles ,  de  paliflades  &  de  doubles  portes. 
Cette  opération  fut  fi  prompte ,  que  le  même  lieu ,  qui  étoit  un  des  plus 
agréables  Jardins  du  Monde,  au  commencement  de  Février,  avoit,  à  la 
fin  de  Mai ,  l'odieufe  apparence  d'une  Prifon  forte ,  où  les  Chinois  fe  virent 
lenfermés  fous  une  bonne  Garde.  En  quelque  tems  qu'ils  arrivent ,  on  ne 
leur  accorde  pas  d'autre  retraite.  Ils  y  font  traités  comme  les  Hollandois 
à  Defima.  Kaempfer  y  trouve  néanmoins  quelques  différences.  Première- 
ment, dit-il,  les  Chinois  ne  font  pas  admis  à  la  préfence  de  l'Empereur; 
au-lieu  que  les  Hollandois  reçoivent  cet  honneur  une  fois  tous  les  ans. 
Mais ,  en  récompenfe ,  les  Chinois  font  difpenfés  de  la  fatigue  d'un  Voya- 

?;ede  trois  mois,  &  de  la  dépenfe  d'un  grand  nombre  de  préfens  ,  qu'il 
aut  faire  à  l'Empereur  &  à  fes  Miniftres.  En  fécond  lieu,  ils  ont  des  vi- 
vres &  des  provifîons ,  qu'on  leur  porte  jufqu'à  l'entrée  de  leur  Comptoir  ; 
&  les  Hollandois  n'en  obtiennent  qu'en  faifant  la  dépenfe  d'entretenir  une 
Compagnie  entière  de  Vivandiers  Japonois.  Troifièmement ,  on  regarde 
les  Chinois  comme  des  Marchands  particuliers ,  qui  ne  forment  point  un 
Corps  ;  &  par  cette  raifon ,  ils  font  traités ,  de  leurs  Infpeéleurs  &  de  leurs 
Gardes,  avec  moins  de  civilité  que  les  Hollandois.  Quatrièmement,  ils 
n'ont  pas,  comme  les  Hollandois,  un  Directeur  de  leur  Commerce,  qui 

Ddd  3 


Ils  font 
renfermés 
comme  les 
Hollandois. 


Defcription 
de  leur  Pri- 
fon. 


Comparaifoa 
de  leur  traite- 
ment &  de  te 
lui  des  Hol- 
landois, 


TC- 


Leurs  Foires 
&  leurs  mar- 
chandifes. 


398  ,v  P  Y  A  G  ^i\  P  J^  li  ^  M  R  F  i:  B  a 

DEscaimo»  réûde  continu^leraent  aia  Japop.    Losfi^UjÇiJeiir  venterieftfinifei  la  plupart 
Dv  j APOB.     j'gjj  rçtpurnent  dan» ,  leiirs  Jo^^ies ,  (8ç  Jaiffeat  Jeiw4  maifoia»  défertes  pen- 
dant leur. abfence  (<ï).  ,,  !;  (■    .0  ,  firv'    •    !'  t.'  x:    !'    i  ;'    • 

Ils  ont  trois  Combangs,  ou  trois  Foires,  dans  le  cours  de  Tannée;  Tu- 
ne au  Printems ,  pendant  laquelle  ils  vendent  les  marchandifes  de  vingt  Jon- 
que?; Tautre  en  |kéj  pour  les  iparchandifes  4e  trente;  &  la  dernière  en 
Autoinne ,  pour  celles  de  vingt.;  Touçes^lfts  Jonques  lurnuméraire»,  &  cel- 
les qui  arriyeiii;aprè^;les  vente» lîdoiyei),^  i-einettre  fur  k  champ  à  la  voile, 
fans  qu'il  le^f  Toit  .même  ipqrmis  de  décharger  leurs  marchandifes.  Ces  car- 
galions  con(iA«Bt<'Ê^  foy^inon  ouvrées  ».  de  la  Chine  &  du  Tonquin;  tou- 
tes les  étoffes  de  foye  oc  de  laine,  que  les  Hollandois  apportent  comme 
eux;  du  fucre  de  divers.  Pays  ;  des  pierres  de  calamine  du  Tonquin,  pour 
donner  la  teinture  auPUÀvr^  ô{.  aux.  ouvrages  qu'on  en  fait,  de  la  térében- 


1,1    ,x> 


2v> 


l 

■I  ■■•.■ 


(«)  Pag,  270b  C'Qft-â-diïÇii  qu'ils, y:  ont  lews  liifi)eftcurs  Japonais,  &  leurs  tlégleincns. 
On  a  renvoyé»  du  5.,iy.  â';la;tin  da  oilui-ov,  pour  qpdqucs  e;f;enigle&  de  la  Langije  commu- 
ne du  Japon,  qui  fé  trouvent' dans 'Kaîmpfcr.  L'un  eft  un  R^gletfrcnt  touchant  la  Contre- 
bande, &  l'autre  en  eft  un  de  FHabitttron  des  HoUandois.  ;,  -  v  '   ,       \    ■   ,    .. 

...  .  îcM    4  Y-jfî-iVjn'J  y::  ... 

•jd'!  iitiJu'    DzioffadamaYÎ.  zi:.  ^  ^3','OV  3:;;  it..     Ordre  tiucbaht  ia'Centnhanch. 


Nippon.  SÛi  ^ku  Sin  gofatto  SfOinu^i  Nwigo 
toki  jûToffu  akufi'vçfo  takumi  Reimotzuwo  '  loi- 
fi  tonomu.fiton»  jltiT*  ara^  iskt»  Mtofi  iiiuhé- 
zi  Tatto  Jeb9^D9ri$it(irUoifatofWt»g9Vto^n- 
rusfotKf  nei  motzno  iàfij  Go  foobi  Kwta  &• 
ruhes  moji  Samin  Kore  arwù  OittVÊa  Sei^uà 
Nanbiki.  ,'      -. 

.    Mono.Nathi  fcJ 

.  îi;  TJt     Qm  .  .  .  Pi 


.îy3J';or; 


Si  un  Japonols,rpu  un  Etranger,  contre  lei 
Ofdréï,  'tîclie  de  vendre  quel qus  marcliandi- 
fcde  cohtrebande,  &.' qu'if  foit  découvert, 
où  en  informera  .les  Magiftrats ,  qui  en  doi- 
vent connoltre.    Si  quelqu'un  des  Complices 
fe  décelé  lui-même ,  &  fert  de  témoin ,  il  aura 
fon  pardon ,  &  de  pliis  une  récompenfe  pro- 
.îi»riJ^i'î»à't.portidiihëe   au    crime.    Les   Contrevcnans , 
}nin  ;;i!f.'3:ç9nyahacius  pan:  le  témoignage  de  leurs  Corn- 
,     ,,   ,,  ;       ,jir''''rri  "i/     Pii?5es;,  feronlj  pMnls  félon  la  LpÀ.     . 

■jb  aa  ïioij  ! :f;f  >Jii]  ■iiitmi  si  ou;.   ..£.*'tioîs' 

Vf  ,".':ii'!vV'  -..b  2n:ïivyj\:iijiiii„t>  il''    .  Signés. 


Cc^là  fulHt. .,    . 

»      .         t  ■  j>iO  • 

.  Le  jour  .  .  .  S  , 


£;•..': 


■À)  W  1^-  ,y3ifjl  r.oiiri,ifu'ij.j.  Tonnomo.  SiuBioje.  Setzno  Garni. 


'   '   '     Kinfai  Dcflmamats.  ■:  ' 
I.  Kte  Seno  Foka  mm  Iruhotto, 


.u 


Réglemsns  pour  h  rue  de  Defima. 


2.  Kojafijt'ri  no  Fokajîiike  Jammabus  Jî- 
ki  Irtikmo.   '"-    -'-'j'^.-    ;•>- -,    '''",.:.'' 

j  ^      i  ■  .... 

3.  So  quam  fin,  no  mmo  n(»alnm  Kotfujlki 
Irukotto. 

4.  Defima  Mavoarî  foos  Kiu  Jori  utfij  ni 
fun»  Norikomu  kotto  $  Stiketarri  fajji  ofia  fu- 
ne  nori  tooru  ketto. 

5.  Juje  naku  Horanda.  fiu  Defima  Jori  Id^ 
furukotto. 

Migino  dfio  kataku  limamoru  bekL 


I.  il  n'y  aura  que  les  femmes  de  joye  qui 
ayent  la  permiflioa  d'y  encrer.,. 
.  2.  Les  fculs  Çccléliaftiqucs  de  la  Monta* 
gne  de  Koja  y  feront  admis.    Tous  les  au- 
tres Jammabos  en  feront  exclus. 

3.  Les  Mandians  &  ceux  qui  vivent  de 
charités  ne  pourront  y  entrer. 

4.  Perfonne  n'approchera,  avec  un  Vaif- 
feau,  ou  un  Bateau,  dans  les  palifliides  de 
Defima',  Perfonne  ne  pafïèra ,  avec  un  Na- 
vire,, ou  on  Bateau,  fous  le  Pont. 

'5.  Aucun  Hollandois  ne  pourra  fortlr  de 
Defima,  que  pour  des  raifons  importantes., 
Tous  ces  ordres  feront  ponéhiellement  exé- 


Mono  Narif  ^c. 


.'.>?.{  >"'cutés. 


Cela  fuffit,  &c. 


»t     "S  Vf" 


yr 


DAl»rs  L'EMÎ>IAE  »U  JAPON,  Liv.  IV. 


■8^9 


tine,  tirée  dés  pilïachiers  ;  de  la  gomme  &  de  la  myrrhe;  des  agathes; 
du  bois  de  calambouc ,  de  Tfiampa,  de  Camboye ,  &  des  Pays  voifms}  le 
précieux  camphre  de  Baros ,  de  Tlfle  de  Bornéo;  la  racine  de  ginfeng  qai 
vient  de  Corée;  plafieurs  drogues  &  remèdes  de  la  Chine,  fimples  ou  com- 
pofés;  &  quantité  de  Livres  Chinois ,  qui  traitent  de  Philofophie  ou  de 
Religion.  Après  la  ftifie  des  Livres  Chrétiens,'  on  ordonna  qu'à  l'avertir', 
tous  ceux,  qui  feroient  apbortés  par  les  Chinois,  feroient  fournis  à  la  cert- 
fure  de  deux  hommes  de  Lettres ,  établis  par  la  Cour ,  avec  des  appointe- 
mens  conddérables  ;  l'un,  pour  les  Matières  Ëccléfiaftiques i  l'autre,  pour 
la  Philofophie ,  .la  Médecine  &  l'Hiftoire  (b).  i '  « ' '^^ ^  ^"  •   '  -^  •^^-"' • 

Outre  les  Hollandois  &  les  Chinois,  le  Privilège  du  Commerce  cft  ac- 
cordé aux  Marchands  des  Ifles  de  Riuku ,  ou  de  Liquejo  ;  mais  dans  la  feu- 
le Province  de  Satzuma.     On  a  déjà  remarqué  qiie ,  fous  l'un  ou  l'autre  de 
ces  deux  noms,  il  faut  comprendre, cette  chaîne  d'Ifles  qui  s'étendent,  de- 
puis les  Côtes  Occidentales  de  Satzuma ,  jufques  vers  les  Philippines.  Leurs 
Habitans  parlent  un  Chinois  corrompu,  qui  rend  témoignage  à  leur  origine; 
&  l'on  fçait  que ,  de  tout  tems ,  les  Chinois  ont  entretenu  des  relations  de 
Commerce  dans  ces  Ifles.     Il  y  en  pafla  un  grand  nombre,  après  la  Con- 
quête de  leur  Empire.     Quelque-tems  après,  elles  furent  foûmifes  par  le 
Prince  de  Satzuma,  qu'elles  regardent  comme  leur  Conquérant,  &  qui  en 
tire  un  tribut;  mais  loin  de  reconnoître  l'autorité  de  l'Empereur  du  Japon, 
elles  envoyent  chaque  année  un  préfent  au  Monarque  Tartare  de  la  Chine , 
comme  une  marque  de  leur  foumiffion.    Auffi  leurs  Habitans  font-ils  traités 
comme  Etrangers  par  rapport  au  Commerce.     Tous  les  Ports  de  l'Empire 
kur  font  fermés ,  à   l'exception  du  Havre  de  Satzuma.     La  quantité  de 
marchandifes ,  qu'ils  peuvent  y  vendre ,  eft  limitée  auffi  à  la  fomme  annuel- 
le de  cent  vingt-cinq  mille  taels.    Ils  y  portent  toutes  fortes  d'étoffes  de 
foye,  &  d'autres  marchandifes  de  la  Chine;  quelques  denrées  de  leur  pro- 
pre Pays,  telles  que  du  bled,  du  riz,  des  fruits  «des  légumes;  deY^wa- 
war»,  qui  eft  une  forte  d'eau-de-vie-,  tirée  du  fuperflu  de  leur  récolte;  des 
Takaragais  &.  des  Fimagais^  c'eft-à-dire  des  nacres  de  perles;  &  cette  efpè- 
ce  de  petites  coquilles ,  qui  fe  nomment  Koris  dans  les  Indes ,  d'où  elles  fe 
tirent,  particulièrement  aux  Ifles  Maldives.    Celles  de  Riuku,  que  les  Ha- 
bitans trouvent  en  abondance  fur  leurs  Côtes,  fervent  à  compofer  un  fard 
blanc,  à  l'ufage  des  jeunes  garçons  &  des  filles.    Ils  portent  auffi  quantité 
de  grandes  coquilles,  plattes,  polies,  &  prefque  tranfparentes ,  qui  fervent 
de  vitres  aux  Japonois  pour  leurs  fenêtres;  des  fleurs  rares,  des  plantes, 
&  d'autres  produélions  de  leurs  Ifles.  ,   ,_       ., 

(t)  Pag  272.  ■    _ 

''■:  :  --'^  ■'  ■    §.    V  I  IL  '^'  -^'-'^H^^''-''''^^'^'^  -• 


DESCKT^rxoif 
DU  Japon. 


Deux  Ccii- 
feurs  auj.i- 
pon  pour  les 
Livres. 


Marchands 
des  Iflcs  de 
Riuku  ou 
Liquej». 


i'J^..'. 


Leur  Com- 
merce avec  le 
Japon  efl:  bor- 
né à  Satzuma. 


-n   ;;.'r. 

.1  . 


Religions  i  Seâes  f  Prêtres  y  Temples,  Pèlerinages,  ^Cérémonies  du  Japon. 

LA  liberté ,  qui  règnoit  dans  cet  Empire  avant  la  ruine  du  Chriflianifme,     Dlverfiié 
y  avoit  introduit  quantité  de  Seéles  étrangères ,  au  préjudice  de  l'an-  de  Rcliiiiou  , 
cienne  Religion  du  Pays.    Quelques  Auteurs  en  comptent  jufqu'à  douze, 

dont 


400 


V  0  Y  AG  E    DE    K  :«  M  P  F  E  R 


t)escMPTioir 

ou  jA?Oli, 


1  .1 


On /a  trou- 
vé des  traces 
du  Chridia- 
nifine. 


D'où  elles 
lont  venues. 


,i>.). 


Trois  prin- 
cipales Reli- 
gions du  Ja- 
pon. 

Religion  du 
Sinto ,  la  plus 
ancienne. 


donc  les  principes  &  les  pratiquet  n'ont  prefque  rien  de  commue.  Les 
unes  adorent  le  Soleil  &  la  Luné ,  &  d'autres  offrent  leur  encens  à  divers 
Animaux.  Les  Gimix,  premiers  Souverains  du  Japon,  les  Foes,  oulesFo- 
toques  des  Indes,  tous  ceux  qui  ont  contribué  à  peupler  &  à  policer  ces 
lîles,  qui  y  ont  porté  des  Loix  utilçs,  quelque  Science,  queloue  Art,  «Se 
tous  ceux  qui  y  ont  établi  quelque  nouveau  Culte ,  y  ont  des  Temples  (Se 
des  Adorateurs.  La  plupart  des  Grands  pafTent  pour  Athées  ,  &  croyenc 
Tame  mortelle,  quoiqu'à  Textérieur  ils  faflent  profeffion  d'une  Se6le.  En. 
fin  les  Démons  mêmes  ont  des  Autels  &  des  Sacrifices  au  Japon  ;  mais  ils 
ne  doivent  ces  honneurs  qu'à  la  crainte.  On  n'attend  d'eux  aucune  fa- 
veur ;  mais  on  les  redoute,  parcequ'on  leur  croit  le  pouvoir  de  nuire,  Se 
l'on  s'efforce  de  les  appaifer. 

C  E  qu'il  y  a  d'étonnant ,  obferve  le  nouvel  Hiftorien ,  c'en:  qu'au  milieu 
de  ce  cahos  de  Religions,  on  a  trouvé  tant  de  traces  du  Chriftianifme, 
que  nous  n'avons  prefque  pas  un  myftére ,  pas  un  dogme ,  ni  même  une 
pratique  de  piété,  dont  il  ne  femble  que  les  Japonois  ayent  eu  quelque 
connoiffance.  On  pourroit  juger  qu'il  avoit  anciennement  pénétré  parmi 
eux,  foit  direftement  &dans  toute  fa  pureté  (a),  foit  indirectement  &  déjà 
corrompu  par  les  Indiens ,  les  Tartares  &  les  Chinois ,  qui  l'ont  reçu ,  com- 
me on  ne  l'ignore  point  aujourd'hui ,  des  Syriens ,  Seflateurs  de  Neflorius. 
Mais  comment  concevoir  que  les  Japonois  enflent  confervé  la  forme  exté- 
rieure d'une  Religion,  dont  ils  avoient  entièrement  perdu  l'idée?  L'Hifko- 
rien  ,  que  je  cite,  efl  plus  porCë  à  fe  perfuader  que  ces  pratiques  ne  font 
pas  plus  anciennes,  au  Japon,  que  l'arrivée  des  premiers  Navires  Portu- 
gais. Une  Nation  fi  libre  &  fi  curieufe  ipeut  avoir  embrafle ,  à  la  premiè- 
re vue,  certains  ufages,  dont  elle  fe  promit  de  l'utilité.  Tel  eft  celui  du 
Signe  delà  Croix,  pour  chafler  les  Démons  (b).  Si  l'on  prétend  qu'une 
origine  fi  moderne  auroic  été  reconnue  à  la  trace,  par  les  premiers  Miflion- 
naires,  le  même  Ecrivain  répond,  qu'avant  qu'ils  ayent  pu  tourner  leur 
attention  à  ces  recherches,  il  n'efl  pas  impoffible  que  la  trace  fe  foit  per- 
due,  dans  un  Pays  où  la  fuperfiition  fait  faifir  d'abord  tout  ce  qui  paroît 
merveilleux,  fans  en  examiner  trop  la  fource  (c). 

A  l'arrivée  des  Portugais,  le  Japon  avoit  trois  Religions  principales. 
1°.  L'ancienne,  nommée  Sinto.  2".  Le  Budfoj  ou  le  Culte  des  Idoles  étran- 
gères, apporté  du  Royaume  de  Siam,  ou  de  la  Chine.  3°.  LeSiuto,  ou 
la  Dodlrine  des  Philofophes  &  des  Moralifles. 

Les  fondemens  de  la  première  font  les  mêmes  que  ceux  de  l'Empire  & 
des  deux  premières  Races  Impériales,  tels  qu'on  les  a  déjà  repréfentés  (d)j 

c'eft- 

(a)  Un  Evêque  Arménien  afliira  un  des 
premiers  Millionnaires  Jéfuites ,  que  les  Prê- 
tres de  fa  Nation  avoient  porté  l'Evangile 
aux  Japonois.  Hijloire  du  japon ,  Tome  I. 
pag.  2(52. 

(ft)  On  manda,  à  Saint-François  Xavier, 
lorfquil  étoit  encore  aux  Indes ,  qu'une  Mai- 
fon  Japonoife  en  avoit  été  délivrée  par  l'ufa- 
ge  de  ce  Signe.  Ibid.  pag.  263. 

Nota.  Les  Japonois  ne  prouvent- ils  pas 


admirablement  la  vérité  de  cet  avis,  par  la 
haine  qu'ils  portent  au  Chriftianifme?  Si  les 
Miracles  en  étoient  encore  le  caraftère,  com- 
me Mrs.  les  Jéfuites  le  prétendent,  ce  fe- 
roit  un  avantage  qui  abrégeroit  beaucoui) 
leurs  travaux,  (ur-tout  aux  Indes  Orientales. 
R.  d.  E. 

(c)  Ibid.  '    ""       ■ 

(rf)  Voyez,  ci-defîUs,  JUI. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


40X 


DeSCRIPTIOK 
DU  Jafom. 


l 


Extrava- 
gances du 
Sinto. 


c'eft-à-dire,  qu'ils  confident  dans  l'adoration  des  fept  Efprits  Cëleftes,  qui 
compofent  la  première  Dinaftie  des  Souverains  du  Japon  &  des  cinq  demi- 
Dieux  (e)  de  la  féconde,  fous  le  nom  de  Garnis.    Les  Empereurs  ,  qui  ont  Dieux  Camis 
régné  depuis  Syn-Mu ,  Fondateur  de  la  troifième ,  font  admis  auffi  à  ce  rang 
fuprême.    C'eft  l'Empereur  rèt  nant  qui  fait  cet  honneur  à  celui  qui  l'a  pré-  ' 

cédé.  La  cérémonie  de  l'Apothéofe  fe  fait  avec  beaucoup  d'appareil;  & 
l'on  afligne  ordinairement,  au  nouveau  Dieu  Cami,  l'efpcce  de  pouvoir 
u'il  doit  exercer  fur  les  Mortel?.  Ksempfer  obferve  que  tout  le  fyftême 
e  la  Théologie  du  Sinto  n'ed  qu'un  ridicule  compofé  de  fables  ù  extra- 
vagantes &  u  monftrueufes ,  que  ceux,  qui  en  font  leur  étude,  les  ca- 
chent foigneufement  à  leurs  propres  Se6tateurs ,  &  plus  encore  à  ceux 
des  autres  Religions.  Cette  Sefte,  dit-il,  n'auroit  pas  fubfifté  long-tems, 
fans  fon  étroite  liaifon  avec  les  Loix  Civiles  du  Pays,  que  les  Jajponois 
obfervent  avec  un  fcrupuleux  attachement  ;  &  c'eft  peut-être  auffi  fon  ab- 
furdité,  qui  jette  la  plupart  des  Grands  &  des  Beaux-Efprits  dans  l'Athéif- 
me.  Ses  Dodleurs  ne  laiflent  pas  d'enfeigner  leurs  principes  à  ceux  qui 
veulent  s'en  inftruire;  mais  c'eft  toujours  fous  le  fceau  dufecret;  fur-tout 
lorfqu'ils  arrivent  au  dernier  article ,  qui  traite  de  l'origine  des  chofes  (/). 
Ils  n'en  parlent  à  leurs  Difciples  qu'après  les  avoir  engagés  par  un  ferment, 
fcellé  &  figné  de  leur  main,  à  ne  jamais  profaner  de  fi  profonds  myftères, 
en  les  communiquant  aux  Incrédules.  D'ailleurs  il  paroît  que  ce  qu'ils  ap- 
pellent Efprit ,  n'eft  qu'une  matière  plus  fubtile  &  plus  déliée. 

Le  plus  révéré  de  tous  les  Camis  (g)  eft  Tenfio-Dai-DJin^  Fondateur  de 
la  féconde  Race,  &  premier  des  Dieux  terreftres.  Tous  les  Japonois  fe 
croyent  defcendus  de  lui;  &  ce  qui  fonde  le  droit  héréditaire  des  Dai- 
ris  aii  Trône  Impérial ,  c'eft  qu'ils  viennent  de  l'aîné  de  fes  Fils.  On  re- 
garde apparemment  les  fcpt  Camis ,  gui  Font  précédé ,  comme  trop  éle- 
vés au-deffus  de  la  Terre,  pour  s'interelfer  à  ce  qui  s'y  pafle.  Ceux  mê- 
mes qui  ont  quitté  fancienne  Religion ,  pour  embraffer  les  nouvelles  Sec- 
tes, rendent  une  efpèce  de  culte  à  ce  Père  de  la  Nation  Japonoife.    Les 


Son  plus 
profond 
myftère. 


Le  plus 
révéré  des 
Camis. 


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ancien- 


Ce)  Ou  Ditux  terreflres,  comme  s'expri-  quechofe  de  divin,  &  dont  Mikaddo,  qui  a 

ment  les  Japonois.    C'eft  par  eux  qu'a  com-  la  même  fignification  que  celui  de  Dairi,  eft 

mencé  le  titre  de  Mikotto ,  qui  fignifie  quel-  un  diminutif. 

(/)  Kœmpfer  le  rapporte,  tiré  d'un  Livre  que  les  Japonois  nomment  OJaiilif.    Il  donne 
le  texte  original  &  la  traduction: 


Kai  fakuno  fajime  Dsjujio  Fufo  Tatojaba 
Jujono  fui  font  ukunga  Geroji  Tentjijno 
utjijni  Itji  but  fu  voo  J'eofu  Katats  Igeno  go- 
tofifenquas  Jîefin  to  nar  Kunitokeda^'no  Mi- 
kotto to  goos. 


Au  commencement  de  l'ouverture  de  tou- 
tes chofes ,  le  Chaos  flottoit ,  comme  les  poif- 
fons  nagent  dans  l'eau  pour  leur  plaifir.  De 
ce  Chaos  fortit  quelque  cLofe  de  fcinblublc  à 
une  épine,  qui  étoit  fufceptib'o  de  mouve- 
ment oc  de  transformation.  Cette  chofe  de- 
vint une  Ame  ou  un  Efprit;  &  cet  Efprit  eft 
appelle  Kunitokodatjho  Mikotto,  Kaeinpfer, 
Tome  II.  pag.  8. 


U)  Cami  &  Sin,  fignifient  ^me  &  Efprit.    On  leur  donne  auffi  l'épithéte  de  Miojto, 
c eft-à-dire, /«Wimc,  illuftrt;  &  de  Gongeiiy  qui  fignifie  jufle ,  fivère ,  jaloux. 


XIV,  Fart. 


Eee 


♦ot 


VOYAGE    DE    KJEMPFER 


DticRimoir 

ou  Japon. 

« 

Camls  infé- 
rieurs. 


Chaque 
Dieu  a  Ton 
Fuadis. 


j  . 


>•  ?ç  ■:■ 


Mias,  on 
Temples  des 
Garnis ,  Dieux 
du  Sinto. 

Avenue. 


anciennes  Hiftoirei  s'étendent  beaucoup  fur  fei  miraclei,  fur  fet  aâlom 
héroïques  ;  &  TEmpire  a  peu  de  Villes  où  Ton  ne  trouve  un  Temple  à  foQ 
honneur. 

OuTRS  les  Empereurs,  on  accorde  le  titre  de  Camis  k  tous  les  grandi 
hommes  qui  fe  font  diilingués  pendant  leur  vie,  par  leur  fainteté,  leurs 
miracles ,  Çl  par  les  avantages  qu'ils  ont  procurés  a  la  Nation.  Mais  cet 
Apothéofes  ne  font  que  des  Dieux  inférieurs,  qui  font  placés  entre  iei 
Etoiles.  Au>refle  chacune  de  ces  Divinités  a  fon  Paradis;  les  unesdaqi 
l'Air,  d'autres  au  fond  de  la  Mer,  dans  le  Soleil,  dans  la  Lune,  écdans 
tous  les  Corps  lumineux  qui  éclairent  les  Cieux.  Chaque  Adorateur  choifit 
fon  Dieu ,  fuivant  le  goût  qu'il  a  pour  le  Paradis ,  &  ne  ménage  rien  pour  lui 
marquer  fa  dévotion.  Comme  le  nombre  de  ces  Dieux  auemente  tout 
les  jours ,  &  qu'on  n'en  reconnoît  point  un  nouveau  fans  lui  ériger  uA 
Temple,  il  n'y  a  point  de  Ville,  où  le  nombre  des  Temples  &  des  Cha* 
pelles  ne  foit  prefqu'égal  à  celui  des  Maifons.  Les  Empereurs  Si.  les  Prifl. 
ces  fe  difputent  la  gloire  d'en  bâtir  de  magnifiques.  Aufli  les  richeilet 
de  quelques-uns  de  ces  Monumens  ne  furprennent- elles  pas  moins  que 
leur  nombre.  Il  n'eft  pas  rare  d'y  voir  quatre -vingt  ou  cent  colonnet 
de  cèdre,  d'une  prodigieufe  hauteur,  &  des  ftatues  colof&lec  de  bron< 
ze.  On  y  en  voyoit  même  autrefois  d'or  &  d'argent,  avec  quantité  de 
lampes  &  d'ornemeas  d'un  grand  prix.  Les  flatues  font  ordinairement 
couronnées  de  rayons.  Mais  Cet  ufage  n'eil  pas  Sorn^  au  Sinto;  &  cen'ed 
pas  non  plus  dans  cet  ancien  culte,  qu'on  Cherche  à  fe  diftinguer  par  la 
magnificence. 

Ses  Temples  fe  nomment  M\as  (iJ),  c'eft-à-dire,  demeure  des  Ames 
immortelles.  Ksempfer  n'en  donne  pas  moins  de  vingt-fept  mille  fept  cens, 
à  tout  le  Japon.  La  plupart  font  fit"*?»  *"»  ^«a  éroinences,  à  quelque  diftan- 
ce  des  terres  communes  &;  fouillée»  par  l'ufiige.  Une  allée  large  &  fpa- 
cieufe,  bordée  de  deux  rangs  de  cyprès ,  leur  fert  d'avenue.  L'entrée  de 
cette  allée  efl  remarquable,  par  une  porte  de  piarre  ou  de  bois  ,  fur  laquel- 
le s'élève,  entre  deux  poutres,  une  planche  quarrée,  qui  porte»  en  carac- 
tères d'or,  le  nom  du  Dieu,  auauel  le  Mia  efl  confacré.  Ces  dehors  fem- 
blent  annoncer  un  Temple  confidérable  ;  mais  ils  /ê  fentent  pref^ue  tous  de 
l'antique  fimplicité  des  premiers ,  fur  le  modèle  defquels  on  conftruit  les 
autres.  Ce  ne  font  le  plus  fouvent  que  de  miférables  Edifices  de  bois,  ca- 
chés entr-e  des  arbres  &  des  bui^ons,  avec  une  feule  fenêtre  grillée,  au 
travers  de  laquelle  on  peut  voir  l'elpace  intérieur.  Il  eft  ordinairement, 
ou  tout-à-fait;  vuide  ,  ou  fans  autre  ornement  qu'un  miroir  de  métal ,  pla- 
cé au  centre  ;  autour  duquel  pendent  des  houfles  de  paille  fort  bi^i  travail- 
lées, ou  de  papier  blanc  découpé ,  qui  font  attachées  en  forme  de  fVanget 
4  upe  lopgue  çôrdç.  Elles  paflîent  pour  un  ^mbole  de  la  pureté  Sg.  de  la 
iainteté, de  l'Edifice»  Oa  y  monte  par  un  efcalier  de  pierre,  qui  conduit 
ifUr  une  efplanade,  où  l'on  entre  par  une  féconde  porte,  femblable  à  la 
première,  &  fur  laquelle  on  trouve  plufieurs  Chapelles,  qui  accompagnent 

le 

(ï)  On  les  appelle  aufli  7«/ïro,  *  Siao»-Sinsjii4  mais  ce  dernier  nom  s'applique  propre- 
tn€Dt  à  la  Cour  enti^c  du  Mia,  a:vec  tous  les^  Bàtimens  qui  en  dépendent: 


CtÊ  aâloiu 
ïinple  il  foa 

ies  grandi 
iCeté ,  leurs 
Mais  ces 
s  çntre  les 
I  unes  daqi 
ne,  &dani 
iteur  choifit 
ien  pour  lui 
mente  tous 
li  ériger  ufl 
Se  deiCha* 
ai  lei  Prin. 
îs  richeffes 
moins  qut 
tt  colonnes 
:c  de  bron> 

Quantité  de 
inairement 
I  &cen'dl 
guer  par  la 

î  des  Ames 
e  fept  cens, 
ilque  diÂan* 
rge  &  fpa- 
L'entrée  de 

fur  laquel' 
>  en  carac- 
lehors  fem- 
^u^  tous  de 
pnQiruit:  les 
e  bois,  ca* 

grillée,  au 
nairement, 
meta),  pla- 
>ien  travail- 

de  franges 
té  &  de  la 
jui  conduit 
iblable  à  la 
rompagnent 
le 


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Autre  reprjssentatioj^  j>£  CANOJV. 

Andere    Afbeelding  van  Canon. 


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Xantai     Japansche    Af g o d 


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DANS  L'EMPIRÉ  ÙV  JAPÔît,  UtiV. 


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le  Teirtplé  principal.  Ce  qui  fe  préfentè  d'abord  fàr  rtfphràâe,  élî  on 
baffm  plein  d'eau ,  oà  ceu*.  qtA  vont  rth-dre  féurs  idàtzttàhi  à  h  tW^Wi- 
té,  peuvent  fe  laver.  LeTeitfpfe,  à  côtédd^uèlonvôitùn  grand  éoffrè 
pour  y  recevoir  lés  aunhônes,  eft  élevé  d^ènviron  ùk  pieds  àti-dettus  éh 
terre-plein.  Sa  hautetif  n'excéde  jamais  t^ois  bntfïès,  &  fd  largeur  eft  tott- 
jours  égale  à  fa  hauteur.  Il  ^ft  environné  d*à!ne  galerie,,  oà  l''ôW  tÈtônte  p^ 
quelques  degrés.  C'eft  fur  cette  galerie,  ât  dèVant  ïe  frotftilj^ice,  dtiat  la 
fimplicité  répond  à  tout  le  rètte,  ou*oii  fe jproffierne  pôW  adùreil  fe  Dîétf^ 
car  la  porte  du  Temple  6ft  ordinairement  femiée  ,^  pu  tit  «*otfvre  du  itt'oing 
que  les  jours  de  Fête.  La  plupart  de  çfes  ïieuX  >elî|p:èik  oftt  ufte  antî-charri- 
bre,  où  les  Gardiens  du  Temple  fe  tierifieût  àJ&,  ^ItuS  de  fëtjnr  habki  dç 
cérémonie,  qui  font  trés-riches.  Les  poïtCf  Ôt  les  fenêtfes  de  ces  ah'tir 
chambres  font  grillées  ^&  le  pavé  en  dt  coti^rt  de  tiHuei  fines.  Lé  tôît 
du  Temple ,  qui  eft  de  tuile,  dé  t>ierrje,  ou  de  coUpéabx  de  bois,  avan- 
ce aflez  de  chaque  Côté  poUf  cdûxhrit  la  gàléfié,  Se  diffère  dé  tdui  des 
autres  Bâcimeris  en  ce  qu'il  eflr  rôcbU^bé  aVéC  plu/  d'art  iSt  cônlpofô  dé 
plufieurs  côucKes  dé  belles  pouti^ès,  dôhtl'arrangeniçWt.,  a  quelque  chb- 
fe  de  fort  imgulier.  A  là  cime  du  toît ,  il  y  a  quelquefois  uhè  poutre 
plus  grofle  que  les  autres,  &  pofée  de  long,  qui  en  à,  vei'S  fés  ëXti'êniî- 
tés,  deux  autres  qui  fe  croifent,  &  foUvenc  une  troilîème  derriôi'e,  qui  eft 
en  travers.  '  :  '. , 

Cette  ftrufluré éft  fur  lé  modèle  du  jM'eraîer  Teihpl^,  t^UÎ  fnbfifte  en- 
core à  Isje,  où  l'on  prétend  quifanami,  dernier  dés  fept  grands  Efpritjj 
céleftes  &  Père  de  Teiifîo-Dâî-Dfiin  a  fait  quelque-tettis  fa  réfidence.  Oùoi- 
que  très-fimple ,  elle  eft  ihgéniëufe  Si  9té$iuxé  inimiii^le.  ^  Le  poids  oc  les 
liaifons  de  toutes  ces  poutres,  entrèlaèée^  Tes  uhes  aalEi^  îes  autres,  affer- 
miffeiit  beaucoup  l'Edifice ,  &  lé  délféft'déht  mieux  cbàt/ré  lés  trembleroens 
de  terre.  On  voit  pendïé ,  fur  la  pbfte  du  Temple ,  urie  cloche  plàttè ,  fur 
laquelle  on  doit  frapper  quand  on  arrive  ;  comme  pour  avertir  lé  Dieu  qu  oii 
vient  l'adorer.  Le  miroir  intérieur  eft' placé  de  maniéré,  qu'en  regardant 
par  là  fenêtre  on  puifTe  s'y  voir.  Il  apprend ,  fuivant  les  Japonais ,  que 
comme  on  y  voit  diftinélement  les  traits  &  les  taches  du  vifage,  de  même 
toutes  les  louillures  &  lès  dilpofitidris  fécretes  du  cœur  paroiflent  à  décou- 
vert aux  yeux  des  Immortels.  Il  fe  trouve  rarement  des  Idoles  dans  les 
Mias,  pàrcequ'on  n'en  faifoit  point  dans  lès  premiers  tems  de  la  Monarchie. 
S'il  s'en  eft  introduit  quelqu'une ,  dep^is^rétabliflemént  delà  nolivèlle  Ido- 
lâtrie,  elle  eft  enfermée  dans  une  chàlTe,  vis-à-vis  de  rentrée.  On  l'en  ti- 
re le  jour  de  la  Fête  dû  Cami,  qui  ne  fe  célèbre  qu'une  feulé  fois  dans  un 
fiécle.  L'ufage  eft  de  confervér  auflî,  dans  la  même  chafle,  les  oflemens 
&  les  armes  du  Dieu  ^  &  les  ouvrages  qu'il  à  faits  de  fes  propres  mains ,  pen- 
dant fa  vie  mortelle. 

Les  Chapelles,  qui  environnent  les  Mias,  font  quarrées,  ou  hexagones, 
ou  o6togones ,  proprement  verniflees ,  ornées  au-dehors  de  corniches  do- 
rées, &  au-dedans  de  miroirs  &  de  divers  colifichets.  Elles  font  ordinai- 
rement portatives;  &■  dans  certains  tems  on  les  porte  en  effet,  avec  beau- 
coup d<;  pompe ,  aux  principales  folemnités.  Quelquefois  la  Statue  du 
Cami  eft  portée  auili  dans  ces  Chapelles  ;  mais  ceUx  qui  font  chargés  de 

Eee  2  ce 


oa  Japon. 
Defcripiio» 
derEdlfice. 


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Quel  en  eft 
leunodéle. 


Introdiidip^ 
des  Idoles. 


Chapelle* 
portative?, 


♦04 


VOYAGE    DE    K  JE  M  P  F  E  R 


Vummoti 
DU  Japozt. 


Gardiens 
des  Temples. 


Leur  habil- 
lement. 


De  qui  ils 
dépendent. 


Principaux 
dogmes  du 
Sinto, 


ce  poids  facré  marchent  à  reculons,  après  avoir  fait  retirer  le  Peuple, 
comme  indigne  de  voir  la  Divinité.  Enfin  les  dehors  des  Mias,  leur 
anti-chambre,  &  d'autres  appartemens  dont  ils  font  quelquefois  accom- 
pagnés, font  parés  de  cimeterres  bien  travail lôs,  de  modèles  de  Navires, 
de  différentes  fortes  d'Images,  &  d'autres  ornemens  de  cette  nature;  ufa* 
ge,  néanmoins,  qui  ne  s'elt  introduit  qu'à  l'imitation  du  Budfoïfme. 

Les  Gardiens  de  ces  Temples  font  de  Hmplcs  Laïcs,  qui  demeurent  aux 
environs  avec  leurs  familles.  Ksmpfer,  après  les  avoir  réduits  à  cette 
Qualité ,  ne  laifle  pas  de  leur  donner  le  nom  de  Prêtres  féculiers ,  qu'il  ne 
fait  tomber  apparemment  que  fur  leurs  fonftions.  On  les  nomme  Negis, 
Canujis ,  &  Siannfns  j  gens  d'une  fierté  furprenante.  Ils  font  entretenus ,  ou 
par  des  fondations ,  ou  par  les  libéralités  du  Dairi ,  ou  par  les  aumônes  des 
Fidèles.  L'habit  de  leur  profeifion  efl  une  grande  robbe,  ordinairement 
blanche,  quelquefois  jaune,  quelquefois  d'autre  couleur,  &  de  la  même 
forme,  àpeuprès,  que  celles  de  la  Cour  du  Dairi.  Cependant  ils  portent, 
fous  ces  robbes,  l'habit  commun  des  Séculiers.  Ils  fe  rafent  la  barbe, 
mais  ils  laiflent  croître  leurs  cheveux.  Leur  coeffure  efl:  un  bonnet  oblong , 
roide  &  vernifle ,  fait  en  forme  de  Bateau ,  qui  avance  fur  le  front ,  & 
s'attache  fous  le  menton  avec  des  cordons  de  foye,  &  d'où  pendent  des 
nœuds  à  frange,  plus  longs  ou  plus  courts,  fuivant  le  rang  de  celui  qui 
les  porte ,  &  qui  n'eft  obligé  de  s'incliner  devant  les  perfonnes  d'un  or- 
dre plus  relevé  que  jufqu'à-ce  que  le  bout  de  ces  nœuds  touche  la  terre. 
Les  Supérieurs  ont  les  cheveux  treffés  &  relevés  fous  une  gaze  noire  d'u- 
ne forme  fingulière,  &  les  oreilles  couvertes  d'une  efpèce  d'oreillette,  d'un 
empan  &  demi  de  long  &  de  deux  ou  trois  pouces  de  large,  qui  fe  re- 
lève près  des  joues ,  ou  qui  pend  plus  ou  moins ,  fuivant  les  dignités  ou  les 
titres  d'honneur  qu'ils  ont  obtenus  du  Dairi.  Dans  les  affaires  éccléfiafti- 
ques,  ils  ne  font  fournis  qu'à  ce  Monarque j  mais,  pour  le  temporel,  ils  re- 
connoiffent,  comme  tous  les  Eccléfiaftiques  de  l'Empire,  l'autorité  de  deux 
DJi-Sin-Bugios ,  ou  Juges  Impériaux  des  Temples,  nommés.par  le  Monarque 
fécuHep.  Lorfqu'ils  paroiffent  en  habit  Laïc  ,  ils  portent  deux  cimeterres, 
comme  les  perfonnes  de  la  première  qualité. 

Les  principaux  points  de  la  Religion  du  Sinto  fé  réduifent  à  cinq:  La 
pureté  du  cœur.  L'abfl:inence  de  tout  ce  qui  peut  rendre  l'homme  impur, 
qui  .confifl:e  à  ne  pas  fe  fouiller  de  fang,  à  s'abftenir  de  manger  de  la 
chair  (i),  à  ne  pas  s'approcher  des  cor^s  morts.  Il  n'eflf  pas  permis  aux 
femmes  d'entrer  dans  les  Temples,  lorfqu'elles  ont  leurs  infirmités  lunaires. 
On  repréfente  les  trois  fortes  d'impuretés  contraires  à  la  Loi,  par  l'emblè- 
me de  trois  finges ,  affis  aux  pies  de  Dfijfa,  qui  fe  bouchent  de  leurs  deux 
pattes  de  devant,  l'unies  yeux,  l'autre  les  oreilles,  &  le  troifième  la  bou- 
che.   Non-feulement  on  ne  trouve  rien,  dans  les  Livres  facrés»  du  Sinto, 

fur 


(i)  Pour  avoir  mangé  de  ta  chair  d'un 
animal  à  quatre  pies ,  excepté  du  daim ,  on 
cft  impur  pendant  trente  jours.  Pour  les  vo- 
latiles, à  l'exception  du  faifan,  de  la  grue, 
&  des  oifeaux  aquatiques,  dont  oa  peut 


manger  en  tout  tems ,  l'Impureté  ne  dure 
qu'une  heure.  Pour  avoir  affilié  à  l'exécution 
d'un  Criminel,  ou  s'être  trouvé  près  d'un: 
corps  mor'.,  «Ue  dure  tout  un  jour,  &c. 


DUNS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lrv.  IV. 


405 


Diables. 


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fur'la  nature  ies  Dieux  &  fur  leur  pouvoir,  mais  les  expKcations  y  font  I>mc«»tio» 
fort  obfcures  fur  l'état  des  Ames  après  leur  féparation.    Elles  portent  feule-     d»*' ]*»<>«• 
ment,  que  les  Ames  imputes  ne  font  pas  reçues  d'abord  dans  le  Paradis  de 
leurs  Dieux ,  &  qu'elles  demeurent  errantes ,  aufli  long-tems  qu'il  eft  nécef- 
îaire  pour  l'expiation  de  leurs  péchés.     On  ne  reconnoît  point    dans  cette 
Religion,  d'autres  Diables  que  les  âmes  des  renards;  animaux  qui  font  beaur 
coup  de  ravages  au  Japon.    Rien  n'eft  plus  fimple  que  le  culte.     11  n'a  point 
de  rites  fixes ,  ni  de  cérémonies ,  ni  de  chapelets ,  ni  aucun  formulaire  de 
prières.    On  fe  lave ,  pour  aller  au  Temple.    On  met  fes  meilleurs  habits ,      Simplicité 
fur-tout  le-  jours  de  Fête.    En  arrivant  à  la  cour  du  Temple ,  où  l'on  fe  dçi  culte. 
rend  d'un  air  grave  &  compofé  ,  on  fe  lave  ordinairement  les  mains  dans 
le  baiTm  qui  eft  à  côté  de  la  porte.    Enfuite,  s'avançant  les  yeux  baifles, 
on  monte  fur  la  galerie,  pour  fe  mettre  à  genoux  vis'à-vis  de  la  porte.  Dans 
cette  pofture,  on  baifle  peu  à  peu  la  tête  jufqu'à.  terre ,  on  la  relève,  &     '•."•••■•:• 
les  yeux  tournés  fuF  le  miroir ,  on  adreffe  une  courte  prière  au  Dieu ,  pour 
lui  expofer  fesbefoins;  on  jette  quelques  pièces  d'argent  dans  le  Temple 
ou  dans  le  tronc;  on  frappe  trois  fois  fur  la  cloche  qui  pend  à  la  porte, 
pour  réjouir  les  Dieux ,  qui ,  fuivant  les  idées  des  Japonois ,  prennent  un 
plaifir  extrême  au  fon  des  inftrumens  de  Mufique;  après  quo:  l'on  fe  retire, 
pour  aller  pafTer  le  refte  du  jour  en  promenades ,  en  jeux  &  en  feftins.  L'o- 
pinion commune  eft  que  les  jours  de  Fête  font  inftitués  pour  fe  récréer  & 
fe  délafler  du  travail  ;  on  les  choiût  pour  les  vifites ,  les  feftins  &  les  noces  ; 
&  fouvent  les  perfonnes  publiques  n'en  prennent  point  d'autres  pour  leurs 
audiences. 

Toutes  les  Fêtes  du  Sinto  ont  leurs  jours  fixes.     Chaque  mois  en  a 
trois,  qui  reviennent  conftamment  le  premier  jour,  le  quinzième  &  le  der-  Sinto 
nier  {k).    Cinq  autres  font  réparties  dans  le  cours  de  1  année,  &  fixées  à     Fêtes  an* 
certains  jours,  qui  paflent  pour  les  plus  malheureux,  parcequils  font  im-  nuelles. 

{)airs,  &  qui  en  ont  pris  leurs  noms»     1°.  Songuatz ,  ou  le  premier  jour  de 
'an  (/).  2°.  Sanguatz-SannitZf  le  troifième  jour  du  troifième  mois.  3*».  Go- 

'z^.i-l  guatZ' 

ne  une  boete  ,  qui  contient  deux  on  trois 
éventails,  &  un  morceau  de  chair  d'/^wabi, 
ou  de  VAuris  maurina ,  féche  &  attachée  aux 
éventails,  avec  le  nom  de  celui  qui  fait  le 
préfent,'  écrit  fur  la  boëte,  afin  que  la  per-' 
fonne ,  à  qui  on  le  fait ,  reconnoUfe  d'où  il 
lui  vient,  H  dans  fon  abfcnce  on  le.lailToit 
à  fa  porte.  Ce  morceau  de  chair  eft  deftiné 
à  leur  rappeller  la  frugalité  &  la  pauvreté 
de  leurs  Ancêtres ,  qui  ne  vivoient  prefque 
que  de  la  chair  de  ce  coquillage.  Chez ,  les 
perfonnes  de  qualité.,  où  il  fe  fait  un  très- 
grand  nombre  de  vifites  ,  un  Officier  de  la 
Maifon  fe  tient  dans  une  falle  baffe,  pour 
recevoir  les  complimens  &  les  préfens,  & 
pour  écrire  les  noms  de  ceux  qui  font  venus. 
Ces  vifites  ne  durent  que  trois  jours  ;  mais. 
on  continue  de  fe  réjouir  pendant  tout  le 
mois.    Kampfer  ,  pag.  25. 


Fôtes  du 


(jk)  La  première  eft  plutôt  im  jour  de 
complimens,  que  d«?  dévotion.  Les  Japo- 
nois fe  lèvent  de  grand  matin  ,  &  vont  de 
maifon  en  maifon .  rendre  vifite  à  leurs  Su- 
périeurs, à  leurs  Amis  &  à  leurs  Parens.  Le 
refte  du  jour  fe  paffe  en  promenades  &  en 
amufemens.  Dans  la  féconde  Fête ,  on  don- 
ne prefque  tout  le  tcms  à  la  vifite  des  Dieux. 
La  troifième  eft  affc»  négligée  des  Speéta- 
tcurs  du  Sinto. 

(  1  )  Le  Songuatz  eft  célébré  avec  toute  la 
folemnité  poflîblè.  11  fe  paffe  en  vifites  mu- 
tuelles, pour  fe  complimenter  fur  l'heureux 
commencement  de  l'année  ,  à  manger ,  à 
boire,  à  vifiter  les  Temples.  Tout  le  mon- 
de fe  lève  fort  matin ,  met  fes  plus  beaux  ha- 
bits ,  &  va  chez  fes  Patrons ,  fes  Amis  &  fes 
Parens,  à  qui  l'on  fait,  .avec  une  profonde 
révérence,  le  Médita,  c'eft-à-dire,  un  com- 
pliment convenable  au  tems.    On-  leur  don- 


":»'! 


Eee  3 


4oC 


VOYAGE    DE    K  iE  M  P  F  E  t 


00  Juo». 


Fôtes  de 
Tenr».EUii- 
Dfin. 


Fôte  d'Ichi- 
!u,  Neptune 
du  Jupon. 


Patrons  des 
Marchands. 


Pèlerinages 
du  Japon. 


guatz-GonitTi^  le  cinquième  j'our  du  cinquième  mois.  4".  SiifiguatX'Fanuh^ 
le  reptième  jour  du  feptième  moit.  4».  Kugatx-Kunitz^  le  neuvième  jour 
du  neuvième  mois.  Ces  grandes  Fêtes  annuelles  font  moins  des  Inllitutions 
religieufes,  que  politiques  j  &  comme  elies  font  moins  confacré&s  au  cul. 
te  des  Dieux  ou'au  plaifir ,  elles  font  célébrées  par  tous  les  Japonois ,  fani 
diflinélion  die  Se6^e.  Ksmpfer  fair  )  hidoire  de  leur  origine ,  <&  le  récit 
de  leur  célébration. 

Le  fixicme  jour  de  la  neuvième  Lune  cil:  particulièrement  confacré  au 
grand  ProteÊleur  de  l'Empire ,  Tenfio-Dai-Dlîu.  On  le  célèbre  dans  toutes 
les  Villes  &  dans  tous  les  Villages ,  par  des  réjouiflances  publiques ,  par 
des  procelTions  A  des  fpeftacles.  Ce  Dieu  avoit  plufieiirs  frères,  dont  quel- 
ques-uns  ont  auffi  leur  culte;  &  les  Marchands  folemnifent  fur-tout  la  Fête 
d'Iâiifu,  l'un  d'entr'eux,  qui,  s'étant  attiré  la  difgrace  de  Ton  aîné,  fut  re- 
légué dans  une  Ifle  deferte.  Il  ell  regardé  comme  le  Neptune  du  Japon, 
fur  une  tradition  populaire,  qu'il  pouvoit  vivre  jufqu'à  trois  jours  dans  l'eau. 
Les  Pêcheurs  &  les  Mariniers  l'ont  choifi ,  par  la  même  raifon ,  pour  leur 
Protecteur.  On  le  repréfente  aiiis  fur  un  rocher,  tenant  une  ligne  d'une 
main ,  &  de  l'autre  un  poiTon ,  nommé  Tai ,  qui  lui  eft  particulièrement 
confacré.  Ce  poiflbn,.  qu"  ^ft  très-rare,  reflemble  à  la  carpe:  il  efl  agréa- 
blement bigarré  de  rouge  ôi.  de  bleu ,  &  les  Japonois  lui  donnent  lé  premier 
rang  entre  les  poiflbns.  J^cii  .:.-<  -»=){.  ^'  :  ^i:p  iw  mi  :nu 

Les  Marchands  ont  trois  autres  Patrons ,  entre  les  Dieux  du  Pays;  fim 
nommé  Dai-Kofu,  qm,  par-tout  où  il  frappe  de  fon- marteau ,  fait  fortir  les 
chofcs  dont  il  a  befoin.  On  le  repréfente  alîis  fur  une  balle  de  riz,  fon  mar- 
teau à  la  main  droite,  &  près  de  lui  un  fa'e,  pour'  y  mettre  ce  qu'il  veut 
faire  fortir  de  la  Terre.  Le  fécond,  qui  fe  nomme  ToJJî-ICokUy  efl:  invo- 
qué au  comm';ncement  de  l'année,  pour  obtenir  le  fliccês  de  toutes  fortes 
d'entreprifes.  On  le  repréfente  debout;  vêtu  d'une  grande  robbe  à  larges 
manches,  avec  une  longue  barbe,  un  fiHMit  d'une  prodigicufe  largeur,  de 
grandes  oreilles,  &  un  éventail  à  la  main.  Le  troifièrtie  elV  révéré  fous  le 
nom  de  Foîey.  Sa  figure  n'a  de  fingulier  qu'un  gros  ventre.  On  lui  deman- 
de de  la  fanté,  des  richefles  &  des  enfans.  Les  Japonois  ont  un  Dieu  de 
la  Médecine,  un  Dieu  des  Enfers,  ou  des  renards,  &  quantité  de  Saints 
ou  de  Héros,  dont  ils  célèbrent  auflî  les  Fêtes.  Celui. qu'ils  nomment  Su- 
cva,  &  qui  efl  honoré  particulièrement  par  les  ChaiTeurs,  reçoit  des  hon- 
neurs folemnels,  le  neuvième  de  chaque  mois.  Kaempfer  s'étend  beaucoup 
fur  les  Matjitris,  c'eft-à-dire  fur  1er  proccflîons  &  les  fpeélacles,  qui  fe  font, 
à  l'honneur  de  Suwa,  dans  dans  la^  Ville  de  Nangafaki ,  dont  il  efl;  le  Pro» 
tûàeur  particulier  (  m  ). 

Lx  ne  s'attache  pas  moins  à  décrire  les  Pèlerinages,  qui  font  un  des  prin- 
çipau2ç  objets  de  l'a  pieté  des  Japonois.  Un  zélé  Seftateur  du  Sinto  ne  va 
point  àd'autres  Temples  que  ceux  de  fes  propres  Dieux:  mais  la  plupart  ne 
prennent,  pour  règle,  que  leur  inclination  ou  leur  commodité.  Le  pre- 
liiier  Pèlerinage  eft  celui  d'Isje,  ou  Ixo.  Le  fécond  efl:  aux  trente -trois 
Temples  de  Quamwia^  qui  font  dans  l'étendue  de  l'Empire.     Le  troifième, 

a 

(m)  Tome  II.  pag.  143  &  fuiv.,  après  la  Defcription  de  cme  Ville.    ' 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


♦o? 


Dcft-riptlon 
du  Pclcriiiii^e 
d'Isjo. 


I  quelques  Temples  des  principaux  Sinst  Camis  ou  Fotoquesj  âc  des  plus  re«  Dimm^oH 
nommés  par  leurs  miracles;  tels  que  Nikâtira  »  c'eft-à-dire  le  Tmple  de  la    »«]*»««• 
fpUndeur  du  Soleil  ^  dans  la  Province  d'Osju ,  ou  quelques  Temples  de  Fatzo- 
nan,  &  du  fameux  Légiflateur  jfakufi.    Mais  Kacmpfer  fe  borne  à  la  def- 
cription  du  Pèlerinage  d'Ixo.  ^ 

Le  fameux  Temple,  qu'on  vifite  dans  la  Province  de  ce  nom,  cft  dédié 
àTenfio-Dai-Dfm,  qui  naquit  dans  cette  Province.  On  le  nomme  Dai- 
Siwgu,  c'efl-à-dire,  Temple  du  grand  Dieu.  Il  eft  bâti  dans  une  grande  Plai- 
ne ,  &  n'a  rien  de  refpeâable  que  fon  antiquité.  C'efl  un  mauvais  Edifice 
de  bois,  couvert  d'un  toît  de  chaume  aflez  plat.  On  apporte  une  extrême 
attention  à  le  conferver  dans  fon  premier  état ,  comme  une  image  de  l'an- 
cienne fimplicité.  Il  n'offre,  dans  l'intérieur,  qu'un  grand  miroir  de  mé- 
tal ,  &  du  papier  découpé  autour  des  murailles.  Près  de  cent  petites  Cha- 
pelles ,  bâties  à  l'honneur  dc«  Dieux  inférieurs ,  environnent  le  Mia  ;  la 
plupart  ù  bafl'es ,  qu'on  a  peine  à  s'y  tenir  debout.  Elles  ont  toutes  un  Ca- 
nuli  pour  Gardien.  Quantité  d'Officiers  du  Temple,  qui  fe  qualifient  de 
Meilagers  des  Dieux,  habitent  aux  environs ,  &.  tiennent  des  logemens 
prêts  pour  les  Pèlerins.  Affez  proche  efl  un  gros  Bourg ,  qui  porte  le  mê- 
me nom  que  le  Temple,  &  dont  mefque  tous  les  Habitans  font  Hôteliers , 
imprimeurs,  Faifeurs  de  papier  oc  de  cabinets.  Relieurs,  Menuifiers,  &  ' ,  .^ 
Artifans  de  tous  les  métiers  qui  peuvent  entrer  dans  le  Commerce  permis  û  .; 
près  du  Temple. 

Les  vrais  Dévots  font  ce  Pèlerinage  one  fois  l'an;  &  perfonnc  ne  fe  dif* 
penfe  de  le  faire ,  du  moins  une  fois ,  dans  le  cours  de  fa  vie.  On  ed  mê- 
me perfuadé  qu'un  Japonois,  qui  aime  fa  Patrie,  doit  rendre  ce  devoir  de 
refpeà:  &  de  reconnoiffance  à  Tenfio-Dai-Dfm,  finon  en  qualité  de  Dieu 
&  d'Efprit  tutelaire  de  la  Nation ,  du  moins  comme  à  fon  Fondateur  &  fon 
premier  Père.  Se»  vrais  Adorateurs  crayent  qu'il  y  a  plufieurs  grâces  atta- 
chées à  ce  Pèlerinage ,  telles  que  l'abfolution  des  péchés ,  l'aflurance  d'un 
état  heureux  après  la  mort,  lafanté,  les  richefles ,  les  dignités,  une  podé- 
rité  nombreufe  ;  enfin  toutes  les  bénédiftions  de  cette  vie  &  de  l'autre.  Les 
Canufif  donnent,  à  chaque  Pèlerin ,  un  Aâe  autentique  de  la  rèmillion  de 
fes  péchés.  Ceux  à  qui  leur  âge,  leurs  infirmités,  ouïes  devoirs  de  leurs 
emploi*,  ne  permettent  point  d'aller  au  Temple,  reçoivent  chez  eux  ces 
ablôlucions,  qui  leur  font  envoyées  pour  un  certain  prix  ;  &  cette  rétribu- 
tion fait  une  partie  confidérable  du  revenu  des  Temples  Ôc  de  leurs  Mi- 
niftres. 

Le  Pèlerinage  d*Ixo  fe  fait  dans  tous  les  tems  de  l'année;  mais  le  plus  Tems  du 
grand  concours  eft  aux  mois  de  Mars  &  d'Avril  ;  faifon  charmante  au  Ja-  Pèlerinage. 
pon.  On  y  voit  des  perfonp^s  de  toutes  fortes  d'état,  à  l'exception  des 
plus  puiffans  Princes,  qui  le  font  rarement  en  perfonne.  Ils  imitent  l'Em- 
pereur fèculier.  Ce  Prince  fe  contente  d'y  envoyer  tous  les  ans  une  Am- 
baflade,  dans  le  même-tems  ^u'il  en  fait  partir  une  autre  pour  le  Dairi,  qui 
eft  difpenfé  de  tous  les  Pèlerinages ,  par  la  fupèrioritè  de  fon  rang  &  par  la 
fainteté  de  fa  perfonne.  On  trouve  toutes  fortes  de  commodités  pour  le 
Voyage  ;  car  chacun  a  la  liberté  de  le  faire  à  pied  ,  en  litière ,  ou  à  che- 
val, &  même  avec  une  fuite  convenable  à  fa  qualité.    Les  plus  pauvres 

por- 


L'Einp.crciir 
&  les  Piiiia.'S 
s'en  tiifpcîi- 
fcnt 


s 


40l 


VOYAGE     DE    K  iE  M  P  F  E  R 


DlieRTFTtON 

OU  Jaion. 
Comment 
les  Pauvres  le 
font. 


OfFawaI , 
ou  Afte  d'ab- 
folution  qu'ils 
leçoivent. 


Ordre  Reli- 
gieux d'Her- 
mites,  nom- 
més Jamnja- 
bos. 

Leur  Fon- 
dateur &  leur 
inllitution. 


portent  leur  Ut  fur  leur  dos,  c*e(l*à>dirâ  une  natte  de  pai.ic  roulce.  Ils  ont 
un  bâton  à  la  main ,  &  une  (jcuelle  de  bois  pendue  à  leur  ceinture.  Ils  ten- 
dent  leur  chapeau  comme  les  Pauvres  de  PLuropc,  pour  demander  l'aumô- 
ne. Lorfqu'un  Pèlerin  quitte  fa  maifon  pour  fe  mettre  en  marche,  on  atta- 
che, à  fa  porte,  une  corde  entoriillce  d'un  morceau  de  papir  bleu,  pour 
avertir  ceux  qui  ont  contraé):ë  quelque  impureté  légale ,  de  ne  point  entrer. 
Les  Pèlerins,  pendant  leur  Voyage,  doivent  s'abftcnir  eux-mêmes  d'appro- 
cher d'aucune  femme,  fans  en  excepter  la  leur.  En  arrivant  au  terme,  ils 
fc  rendent  chez  le  Canufi  auquel  ils  font  adrelTés,  ou  qu'ils  connoiflcnt  dé- 
jà. Ils  fe  prollernent  devant  lui ,  jufqu'à  toucher  la  terre  du  front.  Après 
les  avoir  inftruits,  il  les  mène  lui-même  devant  le  Temple,  où  ils  s'éten- 
dent de  toute  leur  longueur,  le  ventre  &  le  vifage  contre  terre.  Dans  cet- 
te pollure,  ils  font  leur  prière  au  Dieu;  &  ceux  qui  ne  font  pas  alfez  ri- 
ches pour  fe  loger  dans  une  Hôtellerie,  retournent  chez  le  Canufi,  qui  les 
reçoit  avec  une  charité  apparente,  mais  qui  ne  rifque  rien  à  fe  fier  à  leur 
reconnoiflance,  parceque,  dans  l'ardeur  de  leur  dévotion,  ils  lui  donnent 
jufqu'au  fruit  de  leur  quête.  Avant  que  de  partir,  ils  reçoivent  avec  ref- 
pea  l'Aéle  d'abfolution ,  renferme  dans  une  boëte,  fur  laquelle  font  écrits 
les  noms  du  Temple  &  celui  du  Canufi.  Cet  Afte  fe  nomme  Offawai.  Ils  fe 
l'attachent  au  front,  fous  le  bord  de  leur  chapeau,  pour  le  tenir  à  couvert 
de  la  pluye;  &  ils  mettent,  du  côté  oppofè,  une  autre  boëte,  ou  une  poi- 
gnée de  paille ,  à  -  peu  -  près  du  même  poids.  Ils  le  regardent  comme  une 
Relique  fiprécieufe,  qu'après  l'expiration  du  terme  de  fes  effets,  qui  eH 
toujours  la  fin  de  l'année ,  ils  le  placent  dans  leur  plus  bel  appartement. 
Quelques-uns  le  mettent  fous  un  petit  toît,  au-deflus  des  portes  de  leur 
maifon.  Les  Canufis  du  Temple  d'Ixo  font  vendre  ,  au  premier  jour  de 
l'an ,  dans  toutes  les  Villes  de  l'Empire,  un  prodigieux  nombre  de  ces  OfFa- 
wais,  avec  les  Almanacs  nouveaux  qui  fe  compofent  par  l'ordre  du  Dairi. 
Ceux  qui  en  achètent  une  fois ,  font  aflurés  que  tous  les  ans ,  on  leur  pré- 
fentera  trois  chofes:  une  quittance  du  CanuQ,  un  nouvel  Offawai,  &  un 
Almanac  de  l'année  (n). 

Oi,  a  remarqué,  en  parlant  du  Dairî,  qu'il  efl:  le  Chef  fuprême  de  l'an- 
cienne Religion,  &  qu  elle  n'a  pas  proprement  de  Prêtres,  puifqu*elle  n'en 
a  pas  d'autres  que  ce  Prince  &  toute  fa  Cour ,  qui  ne  font  d'ailleurs  aucune 
fonftion  écdéfiaftique ,  &  que  les  Canufis,  dont  l'Office  fe  réduit  à  la  gar- 
de des  Temples.  Mais  elle  a  fort  anciennement  un  Ordre  Religieux  d'Iier- 
mites,  qui  fe  nomment  Jammabos,  c'eft-à-dire  5oWaf j  de  Montagne \  6c.  qui, 
fuivant  leur  nom  &  leurs  règles  ,  font  obligés  de  combattre  pour  le  fervi- 
ce  des  Garnis,  &  pour  la  confervation  de  leur  culte.  Ils  font  profel&Tn  4e 
mener  une  vie  très-dure,  voyageant  fans  cefle  dans  les  Montagnes  faitu«, 
vivant  de  racines  pendant  ces  voyages,  &  fe  baignant  dans  l'eau  froide, 
au  cœur  même  de  l'Hyver.  On  attribue  leur  inftitution  à  Gienno-Giqffa  ^  dont 
on  ne  connoîc  point  la  naiiTance  (o),  &  qui  pafla  toute  fa  vie  à  parcourir 

les 


(n)  Kajmpfer ,  Tome  II.  pag.  42  &  pré- 

vcédentcs.    Il  joint,  à  ce  récit,  une  Relation 

Japonoife  de  l'état  préfent  des  Temples  d'Isje 


ou  d'Ixo. 

(0)  Ka;mpfer  dit  qu'il  vivoit  il  y-»  pies 
d'onze  cens  ans. 


I , 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lxv.  IV.  409 

les  dëferts ,  où  il  découvrit  des  nouvelles  routes  pour  la  commodité  des 
Voyageurs.     Les  Jammabos  font  divifés  en  deux  Congrégations,  fous  les 
noms  de  Tofanfas  èc.  de  Fonfanfas^  dont  la  principale  diftérence  conlifte  dans 
celle  d'un  Pèlerinage  particulier,  qu'ils  font  obligés  de  faire  tous  les  ans. 
Les  uns  ont  pour  terme  une  Montagne  fort  haute,  nomnieé  Fikoofan,  dan» 
la  Province  de  Jiueen.     Les  autres  vont  au  tombeau  de  leur  Fondateur,  dans 
la  Province  de  Jultfijno,  fur  une  autre  Montagne,  qui  n'cll  pas  moins  diffi- 
cile, &  qui  fe  nomme  Omine.     A  leur  retour,  les  uns  &  les  autres  font  obli- 
gés d'aller  rendre  vifite  à  leur  Général,  qui  réfide  à  Meaco.     Ils  lui  font 
préfent  d'une  partie  de  leur  quête,  pour  laquelle  ils  reçoivent  un  nouveau 
titre  de  diflinélion,  &  le  droit  de  faire  quelque  changement  honorable  à 
leur  habit.     Ils  font  vêtus  comme  les  Séculiers,  avec  quelques  ornemens 
qu'ils  y  ajoutent ,  &  qui  font  réglés  par  les  flatuti  de  l'Ordre.     Leur  ci- 
meterre,  qu'ils  portent  attache  a  leur  ceinture,  du  côté  gauche,   eft  un 
peu  plus  court  que  les  cimeterres  communs ,  Ôc  le  fourreau  en  ell  plat.    Ils 
ont ,  à  la  main ,  un  petit  bâton  du  Dieu  Dlifo ,  avec  un  pommeau  de  cui- 
vre, où  tiennent  quatre  anneaux  du  même  métal,  qui  leur  fervent  à  faire 
du  bruit  pendant  leurs  "prières.     A  leur  ceinture  pend  une  grande  coquille, 
tournée  en  trompe,  unie,  blanche,  avec  des  lignes  &  des  taches  rouges, 
qui  le  trouve  fur  la  Côte  d' Array ,  &  qui  leur  fert  en  eifet  de  trompette  ou 
de  cor ,  p  ûur  demander  l'aumône  aux  Voyageurs  qu'ils  rencontrent.     Ils 
ont,  autour  du  cou,  une  forte  d'écharpe,  terminée  par  des  franges,  qui 
fait  connoître,  par  fa  longueur  &  par  la  difpolition  des  franges,  les  titres 
qu'ils  ont  reçus  de  leurs  Supérieurs.    Il  y  en  a  peu  qui  portent  un  bonnet 
particulier:  mais  leurs  fandales  font  faites  de  paille  entrelaflee,  ou  des  tiges 
de  la  fleur  de  Tarate,  plante  à  laquelle  ils  attachent  une  haute  opinion  de 
fainteté.     L'ufage  de  cette  chauflure  cfl:  réfervé,  fur-tout,  pour  leurs  Pè- 
lerinages aux  deux  faintes  Montagnes.    Ils  ont  fur  le  dos,  un  fac,  dans  le- 
quel ils  mettent  leurs  livres,  leur  argent  &  leur  linge.     Jamais  ils  ne  font 
ans  une  efpèce  de  chapelet,  de  grains  raboteux  ,  fur  lequel  ils  rccitcnc 
leurs  prières  ;  mais  comme  l'invention  en  eft  plus  nouvelle  que  l'inftitution 
de  l'Ordre,  on  n'en  trouve  aucune  trace  dans  les  ftatuts.     Enfin ,  ils  ont  un 
gros  bâton ,  dont  l'unique  ufage  eft  de  les  foûtenir  dans  leur  marche.     Les 
plus  diftingués  fe  font  couper  les  cheveux  fort  courts ,  derrière  la  tête.  Les 
autres  leur  laiffent  toute  leur  longueur,  &  fe  contentent  de  les  relever  en 
les  attachant.    Plufieurs  néanmoins  fe  les  rafent  tout-à-fait.     Ils  font  ma- 
riés, &  leurs  enfans  fuivent  le  genre  de  vie  de  leurs  pères.    On  ne  man^ 
que  point  de  rencontrer  quelques  Jammabos ,  autour  des  plus  célèbres 
Mias.     Ils  demandent  l'aumône  avec  leur  trompe,  ou  d'une  voix  forte, 
au  nom  du  Dieu  qu'on  y  adore.    Leurs  enfans,  qu'ils  élèvent  dans  cet- 
te profeflion  vagabonde,  font  fort  incommodes  aux  Voyageurs.     Ils  vont 
les  attendre  fur  le  penchant  des  collines,  &  dans  les  paflàges  étroits,  où  il 
eft  difficile  de  refufer  quelque  libéralité  à  leurs  inftances. 

On  trouve,  fur  les  grands  chemins  du  Japon ,  d'autres  Mendians,  qui 
marchent  ordinairement  quatre  à  quatre ,  vêtus  de  toile  blanche ,  comme 
on  l'eft  à  Ja  Cour  du  Dairi.  Les  deux  premiers  vont  d'un  pas  lent  &  grave, 
mais  d'un  air  réfolu.    Lorfqu'ils  entrent  dans  un  Village,  ou  qu'ils  voyent 


l 


DESCitfTtO!» 
DU  jAfOIf. 


I.cur  InUit 
&  Lurs  orne- 


Comment 
ils  d'jiirui- 
dent  i*;'iiiii(V 
ne,  eux  (ik. 
leurs  ciitaus. 


Mcnd.aiji 
d'une  autre 
cfpccc. 


Xjr,  Part. 


Fff 


ap- 


410 


VOYAGE     DE    KiŒMPFER 


Men-.àa)  es. 


DEscrrîmo»   approcher  quelque  Voyageur,  ils  s'arrêtent,   pour  difpofer  une  grande  ci- 
Du  Japon,      ^iqyq  qu'ils  porteirt  avec  eux,    garnie  de  branchies  de  fapin  &  de  papier 
blanc  découpé,  fur  laquelle  il*  mettent  une  efpèce  de  cloche  de  matière  lé- 
gère, ou  un  chaudron,  ou  quelque  autre  maclùne  qui  fait  allufion  à  de  vieil- 
les fables.    Letroifième,  portant  à  la  itmn  un  bâton  de  commandement 
orné  d'une  touffe  de  papier  blanc,  marche,  ou  plutôt,  danfe  devant  la  ci- 
vière, &  chante  à  voix  baffe  une  chanfon  fur  le  même  fujet;  tandis  que  le 
Autre  efpèce.  quatrième  demande  l'aumône  auxPaffans,  ou  de  porte  emporte.  D'autres, 
qui  vont  auffi  par  petites  troupes  &  vêtus  de  blanc,  ne  demandent  pas 
l'aumône ,  mais  avancent  toujours ,  en  chantent  &  jouant  de  la  guitarre 
ou  d'une  efpèce  de  violon ,  &  reçoivent  ce  qu'on  leur  offre  volontaire- 
ment.    D'autres  encore  vont  nuds  dans  le  plus  grand  froid ,    en  vertu 
d'un  vœu  par  lequel  il»  fe  propofent  d'obtenir  quelque  grâce  de  leur  Dieu. 
Us  mènent  une  vie  f&et  pauvre ,   ne  reçoivent  rien  des  Paffans ,  vont 
feuls  ,  &  counent  prefque  toûiours ,    apparemment  pouv  réfifter  mieux 
au  froid.     Enfin  ^  les  grands  chemins  de  l'Empire  offrent  use  Seéle  par- 
ticulière de  Mendiant, ,  qui'  Goniprendf  les  d'eux  Sexes,  &  qcti  ont  tous  la 
tête  rafée.     Les  filtei  f<Mat  fous  la  protedion  de  certaines  Rdîgieufes  de 
Meaco  &  de  Kamakura,  auxquelles  cette  dépendance  les  oblige  de  payer 
un  tribuj  annuel,  du  profit  de  leurs  quêtes.    Plufieurs  font  auffi  àea  offran- 
des au  Temple  de  Kbièmanô,  dans  la  Province  d'ïsje,  qui  efl  leur  principale 
demeure  &  le  centre  de'  leor  Ordre.    K«  ;ipfer  les-  repréfeflte  comme  les 
plus  belles  perfonnes  du  Japon.    Unfe  fi^le  n^e  de  Parens  pauvres,  &  qui 
n'a. que  la  beauté  pOi;t  partage,  embraffe  d'autant  pdûs  volontiers  ce  genre 
de  vie,  qu'elle  eft;  fâre  de  n  y  manquer  de  rien  :  mais  fouvenc  la  Religion 
fert  de  voile  à  ces  beltes  Pclerwies,  pour  couvrir  la  plus  honteufe  débauche. 
C'eft  la  reffource  commune  de  toutes  les  filles  des  Jammabo»;  de  la  plupart 
de  ces  Hermites  Montagnards  prennent  leurs  femmes  dans  cet  Ordre.    El- 
les demeurent  deux  oh  trois^ènfemble,  &  chaque  jour  elles  font  une  cour*», 
de  quelques  miles.    Lorfqu'elles  apperçoivent  un  Voyageur  de  diftinftion, 
elles  s'approchent  de  lui  en  chantant;  &  s'il  leur  fait  quelque  aumône,  el- 
les ne  font  pas  difficulté  dé  l'accompagner  aufli  long-  teras  qu'il  le  defire , 
pour  fervir  à  fon  amufement.    Comme  leur  état  ks  oblige  d'avoir  la  tête 
rafée,  elles  cachent  cette  difformité  par  unepetide  coeffa  noire,  qui  n'ai- 
de pas  peu  à  relever  les  agrémens^de  leur  viîage.     Kaempfer  a  déjà  peint 
leur  propreté  dans- fon  Journal.    Elles  ont,  dit-il,  desmitaines  aux  mains; 
&,  fur  la  tête,  un  grand  chapeau,  qui  les  garantit  de  l'ardeur  cki  Soleil  & 
des  injuresde  l'air.    Avqc  une  contenance  &  des  manières  féduifantes,  elles 
ont  une  apparence  de  mod^cftie  ;  quoiqu'elles  ayent  la  gorge  fort  découverte. 
L'ancienne  Religion  s'étoit  foûtenue  dans  cette  fimplicité,  depuis 
l'origine  de  la  Monarchie ,  lorfque  l'Idolâtrie  étrangère  vint  di vifer  les  ef- 
prits,  par  un  Schifme  qui  produifît  deux  Seftes,  entre  lefquelles  le  Sinto 
efl:  aujourd'hui  partagé.    L'une,  nommée  J^'wVa,  comprend  les  véritable» 
Orthodoxes ,  qui  n'ont  pas  voulu  fouffrir  le  moindre  changement  dans  la 
Doftrine  de  leurs  Ancêtres.     L'autre  efl:  celle  des  Riobm ,  efpèce  de  Syncré- 
tijies^  qui  entreprirent  de  concilier  les  deux  Partis,  en  imaginant  que  l'ame 
à'Amick  t  le  plus  célèbre  des  Fotoques ,   s'étoit  jointe  &  confondue  avec 

celle 


Naifiance  de 
deux  Scftcs 
du  Sinto ,   les 
Juitz  &  les 
iliobus. 


Deux  Con- 
frairies  d'A- 
veugles. 

Les  BulTets- 
Sato,  &  leut 
origine. 


DANS  L'EMPIUE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  411 

celle  de  Tenfio-Dîii-Drm.    Cette  Sede  l'emporte  par  le  nombre.    Elle  a  DEscnifTioif 
même  trouvé  quelque  faveur  à  la  Cour  du  Dairi.    Enfin  fes  progrès  font    °"  jAroî** 
tels,  qu'à  l'approche  de  la  mort,  prefquc  tous  les  Japonois  implorent  les 
IJoles  étrangères  ,  <Sc  demandent  que  les  funérailles  fe  faflent  avec  ks  ce-  • 

rémonies  du  Budfo.     Cependant  les  Camis  ont  encore  de  zélés  Partifans , 
encre  lefquels  il  paroît  qu'on  peut  mettre  diverfes  Confrairies  ;    les  unes 
écclélîaftiques,  d'autres  mixtes,  &  fur-tout  deux  Sociétés  d'Aveugles,  qui 
font  deux  Corps  nombreux  dans  l'Etat.    K,aempfer  rapporte  leur  origine, 
d  après  les  Hilloriens  id  Japon.    Un  jeune  Prince ,  nommé  Semnmar ,   fils 
d'un  Dairi ,  fe  fit  aimer  d'une  Princefle  du  fang  Impérial;  mais  leur  bonheur 
ne  fut  pas  de  longue  durée.    La  Princeffe  mourut ,  &  Semnimar  perdit  la 
vue,  à  force  de  pleurer.     Pour  fe  confoler  de  cette  double  infortune,  il 
prit  enfin  la  réfolution  d'inftituer  une  Confrairie,  où  l'on  ne  reçût  que  des 
Aveugles.     Il  en  dreifa  les  ftatuts;  il  en  obtint  la  confirmation  de  l'Empe- 
reur ,  fon  Père  ;  &  pendant  plufieurs  fiècles ,  cette  Société  fut  très  -  florif- 
fante,  fous  le  nom  de  BuJJitsSato ^  ou  Aveugles •  Buiîets.     Mais  elle  n'efl: 
aujourd'hui  compofée  que  de  Gens  d'Eglife,  dont  les  règles  &  les  mœurs 
ne  difl^èrent  pas  beaucoup  de  celles  des  Jammabos.     Sa  décadence  pfl:  ve- 
nue de  l'inftitution  d'une  autre  Société  d'Aveugles,  pour  laquelle  plufieurs 
Grands  de  l'Empire,  qui  avoient  perdu  la  vue,  fe  déclarèrent  avec  d'au- 
tant plus  de  zèle ,  que  fa  naiffance  eut  quelque  chofe  de  noble  &  de  militai- 
re.    L'Empire  étoit  partagé  en  deux  faaions  principales.    L'Empereur  Fe- 
ki  avoitpour  lui  la  première;  &  le  Cubofama,  nommé  Genâz^  étoit  à  la 
tête  de  la  féconde.     Chacune  prit  le  nom  de  fon  Chef;   &  ces  divifions 
remplirent  long-tems  le  Japon  de  fang  &  d'horreurs.     Après  une  longue 
variété  de  fuccès ,  les  Gendzis  prirent  l'afcendant ,  par  la  bonne  conduite 
de  Joritomo,  devenu  Cubofama ,  qui  gagna  une  bataille  décifive,  où  l'Em- 
pereur fut  tué.     Ce  malheureux  Monarque  avoit  un  Général  d'une  bravou- 
re &  d'une  force,  qu'on  croyoit  furnaturelles.    Son  nom  étoit  Kakckigo.  Il 
s'étoit  fauve  avec  les  débris  de  l'Armée  vaincue;  mais  il  fut  pris  enfuite 
par  les  Troupes  viftorieufes.     Joritomo  l'eftimoit.     Il  voulut  fe  l'attacher 
par  fes  offres.     Ce  brave  Guerrier  lui  répondit.     „  J'ai  été  fidèle  Serviteur 
„  d'un  bon  Maître;  il  ell  mort;  perfonne  ne  fe  vantera  jamais  que  j'aye  eu 
„  pour  lui  la  même  fidélité  &  la  même  affedlion.    J'avoue  que  je  vous  dois 
la  vie;  mais  mon  malheur  eft  tel  que  je  ne  puis  tourner  les  yeux  fur 
„  vous ,  fans  me  fentir  le  defîr  de  vous  ôter  la  vie ,  pour  vanger  mon  Maî- 
tre.    La  fortune  me  réduit  à  ne  pouvoir  vous  marquer  la  reconnoiflan- 
ce  que  je  dois  à  vos  offres,  qu'en  ni'arrachant  ces  deux  yeux  qui  m'exci- 
tent à  vôtre  perte  (/))".     En  achevant  cette  réponfe,   il  s'arracha  les 
yeux,  les  mit  fur  une  afliette,  &  les  oftVit  à  Joritomo.     Un  mélange  d'hor- 
reur &  d'admiration  lui  ayant  fait  accorder  aulfi-tôt  la  liberté,  il  fe  retira 
dans  la  Province  de  Fiunga,  où  il  inftitua  la  Société  d'Aveugles  qui  porte 
le  nom  de  Feki,  &  qui  s'ell  extrêmement  étendue.     Elle  ell  compofée  d'A- 
veugles ,  de  toutes  fortes  de  rangs  &  de  profeflions.     Comme  ils  font  tous 
Séculiers ,  leur  principale  diflinftion  efl  de  fe  faire  rafer  la  tête  comme  les 

Buf- 
(p)  Tome  II.  pag.  57. 

Fff  2 


Les  Fckis. 

Hifloire  de 
leur  Fonda- 
teur. 


» 


» 


Sinc.ulan'iiîs 
des  Aveugles 
Fekis. 


41^ 


VOYAGE    DE     KiEMPFER 


DESCRirTION 

su  Japon. 


Leur.Gou- 
▼erneinent. 

Il  s'étend 
dans  les  Pro- 
vuiccs. 


Enmlation 
iinguliére 
pour  les  rangs. 


Budtb,  fe- 
«onde  Rcli- 
jçion  du  Ja- 
pon. 

Anciennes 
ïdok'?. 


Buflets,  ou  les  Aveugles  Eccléfiafliques.  Dans  la  manière  de  fe  vêtir,  ils 
diffèrent  peu  du  commun  des  Japonois ,  quoiqu'entr'eux  les  rangs  &  les  di- 
gnités foyent  marqués  par  certaines  différences.  Les  plus  pauvres  ne  re- 
çoivent point  d'aumônes.  Ils  s'entretiennent  honnêtement  par  l'exercice 
de  divers  métiers,  qui  s'accordent  avec  leur  infortune.  Plufieurs  cultivent 
heureufement  h  Muiique.  On  les  employé,  dans  les  Cours  des  Princes  & 
des  Grands  de  l'Empire,  aux  Solemnités,  &  aux  Fêtes  publiques,  telles 
que  les  proceffions  &  les  mariages  (q).  Ils  font  difperfés  dans  tout  l'Em- 
pire; mais  leur  Général  réfide  a  Meaco.  On  lui  donne  le  nom  d'OJîokf;  & 
le  Dairi  lui  fait  une  penfion  annuelle  de  quatre  mille  trois  cens  taels ,  pour 
fon  entretien.  11  gouverne  .1  Société,  à  la  tête  d'un  Confeil  de  dix  An- 
ciens ,  qui  a  le  pouvoir  de  vie  &  de  mort  ;  avec  cette  reflriflion ,  néan- 
moins ,  que  pour  l'exécution  d'un  Criminel ,  la  fentence  doit  être  approu- 
vée &  l'ordre  expédié  par  le  Préfident  de  la  Juftice  Impériale.  C'efl;  le 
Confeil  de  Dix ,  qui  nomme  les  Officiers  inférieurs  qui  réfident  dans  les  Pro- 
vinces. Les  Supérieurs  Provinciaux  portent  le  titre  de  Kengios  ;  &  chaque 
Kengio  a  fes  Kotos,  ou  fes  Confeillers,  qui  gouvernent  eux-mêmes  des  Dif- 
triéls  particuliers,  &  qui  font  diftingués  du  commun  des  Aveugles,  par  la 
largeur  de  leurs  culottes.  Kaempfer  vit  à  Nangafak»  un  Kengio  &  deux 
Kotos ,  dont  l'autorité  s'étendoit  fur  tous  les  Aveugles  de  la  Ville  &  du 
Pays  d'alentour.  Il  leur  attribue  une  fingulière  efpèce  d'émulation.  Ils  font 
obligés,  dit-il,  d'acquérir,  de  cinq  en  cinq  ans,  un  nouveau  Quan^  c'efî- 
à-dire ,  un  titre  plus  confidérable,  qui  leur  eft  conféré  par  le  Kengio.  Ces 
titres  coûtent  depuis  vingt  jufqu'à  cinquante  taels.  S'ils  négligent  de  s'a- 
vancer ,  ou  fi  la  fomme  leur  manque ,  ils  tombent  dans  un  rang  infé- 
rieur à  celui  qu'ils  occupoient  (r). 

Passons  au  culte  des  Idoles  étrangères,  qui  font  venues  di/puter, 
aux  Camis,  les  adorations  des  Japonois.  Budjb^  ou  Budfody  nom  qu'on 
donne  à  cette  Idolâtrie',  fignifie  proprement  Voye  des  Idoles  étrangères, 
ou  manière  de  les  honorée  Quelques  Auteurs  prétendent  qu'elles  ne  font 
pas  en  effet  les  premières  Idoles  que  les  Japonois  ayent  reçu  des  Etrangers, 
&  que ,  dès  la  fondation  de  l'Empire ,  il  s'en  ^toit  introduit  quelques  autres 
dans  le  Khumano.  On  ne  fçait  pas  trop  non  plus ,  obferve  le  nouvel  Hif- 
torien  (j) ,  ce  qu'il  faut  penfer  d'une  Idole  nommée  Denixy  ou  Co^/,  à  la- 
quelle 


(  g  )  On  ne  cefle  point  de  s'attacher  ici  à 
Ksempfcr.    Le  nouvel  Hiftorien  du  Japon  a- 
joûte  au  môme  récit ,  plufieurs  traits  agréa- 
bles ,  qui  relèvent  beaucoup   la  Société  des 
Fekis  :  mais  il  ne  fait  pas  connoître  de  quel- 
le fource  il  les  tire.    „  Us  font ,   dit-il ,  leur 
„  principale  occupation  de  l'étude.    Us  s'ap- 
„  pliquent  fur-tout  à  i'Hiftoire ,  à  la  Poëfie , 
„  &  à  la  Mufique.    Ils  font  reçus,  chez  tous 
„  les  Grands,   en  qualité  de  Sçavans  &  de 
„  Bcaux-Efprits.    En  effet,   les  Annales  de 
„  l'Empire,  I'Hiftoire  des  grands  hommes, 
„  les-  anciens  titres  des  Familles ,  ne  font  pas 
„  des  monumcns  plus  fùrs ,    que  la  mémoire 
.,  de  ces  illuflrcs  Aveugles ,  qui  fe  coinmu- 


»  qii 

„  de 


niquent  les  uns  aux  autres.    Leurs  con- 
noiffances  forment  une  Tradition  hiflori- 

iue,  contre  laquelle  perfonne  ne  s'avife 
e  s'infcrire  en  faux.  Ils  ont  des  Acadé- 
„  mies ,  où  ils  prennent  des  grades.  Ils  s'y 
„  exercent,  non  -  feulement  à  cultiver  leur 
„  mémoire,  mais  encore  à  mettre  en  Vers 
„  ce  qu'ils  favent,  à  mettre  en  chant  les 
„  plus  beaux  traits  de  I'Hiftoire,  &  à  leur 
„  donner  tous  les  agrémens  de  la  Poëfie  & 
„  de  la  Mufique".     2 orne  l.  pag.  324. 

(r)  Ksmpfcr,  Tomc'II,  pag.  59  &  pré- 
cédentes. 

(j)  Ubi/uprà,  pag.  326. 


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»> 
>) 
J» 
J> 

» 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  413 

quelle  il  trouve,  dit-il,  dans  de  bons  Mémoires,  que  les  Japonois  don- 
noient  alors  le  premier  rang  parmi  leurs  Dieux.  „  Cependant  il  paroîc  que 
c'étoit  ..loins  une  Divinité  particulière  qu'un  Symbole,  fous  lequel  on  a 
voulu  repréfenter  un  feul  Dieu  en  trois  Perfonnes.  On  lui  donne  trois 
têtes,  &  quarante  mains,  pour  exprimer,  dit -on,  la  Trinité  des  Per- 
fonnes, &  l'univerfalité  d'opérations.  D'autres  ne  reconnoiflent,  dans 
cette  figure,  qu'un  Myftère  Philofophique:  ils  expliquent  les  trois  têtes, 
du  Soleil,  de  la  Lune  &  des  Elemens;  le  corps,  de  la  matière  pre- 
mière ;  &  les.  quarante  mains ,  des  qualités  céleftes  &  élémentaires ,  par 
le  moyen  defquelles  la  matière  première  prend  toutes  fortes  de  formes. 
Peut-être  auflî  Denix  <Jtoit-il  le  même  qu  Amida,  qu'on  repréfente  fous 
diverfes  figures". 

QUELQ.UE  jugement  qu'on  en  doive  porter,  il  y  a  tant  de  reflemblance 
entre  la  nouvelle  Religion  Japonoife,  &  celle  des  Bramines,  qui  eft  l'an- 
cienne Religion  d'Egypte ,  &  qui  règne  aujourd'hui-dans  toutes  les  Parties 
de  r Afie ,  qu'on  peut  fe  perfuader  raifonnablement ,  à  l'exemple  de  Kaemp- 
fcr,  que  le  Siaca^  ou  Xaca^  des  Chinois  (r)  &  des  Japonois ,  eft  le  Budha 
des  Banians  de  l'Inde;  le  Badbum  des  Ceylanois,  le  Sommona-Kodom  des  Sia- 
mois ;  le  Sommona-Rhutama  des  Peguans ,  &c.  ;  en  un  mot ,  que  cette  Sec- 
te s'eft  répandue  ,  comme  le  Figuier  d'Inde  ,  qui  fe  multiplie  de  lui- 
même  ,  en  formant  de  nouvelles  racines  de  l'extrémité  de  fes  branches  {v). 
On  fera  difpenfé  par  conféquent  de  s'arrêter  à  l'explication  de  fes  Princi- 
pes, fur  lelquels  on  s'eft  aflez  étendu  dans  les  Defcriptions  de  la  Chine,  de 
Siam  &  de  l'Indouftan.  Quelques  différences ,  qu'il  faut  attribuer  à  celle 
des  Ufages  ,  des  Caraftères  &  des  Langues ,  n'autoriferoient  point  d'en- 
nuieufes  répétitions  (a;). 

Il  fuffira  de  remarquer,  fuivant  Koempfer,  que  les  Hiftoires  Japonoi- 


DESCRIPTI0I9 

OU  Japo». 


(0  Les  Chinois  l'appellent  auflî  Fo^  d'oîi 
vienf  Fotoque.  Il  n'cft  pas  nommé  autrement 
dans  l'Article  de  la  Chine. 

(v)  Ksmpfcr  apporte  plufieurs  raifons, 
x\m  donnent  une  parfaite  vraifemblance  à  cet- 
te conjefture.  Il  remarque  particulièrement 
qu'il  y  a  environ  .vingt-trois  ficelés  que  Cam- 
byfés  dfitruifit  la  Religion  des  Egyptiens ,  tua 
leur  Apis ,  ou  leur  Vache  facrée ,  &  maffacra 
ou  exila  leurs  Prêtres  :  Or ,  fi  l'on  confidère 
que  les  Siamois  comptent  leur  Soncarad ,  ou 
leur  Epoque  Ecciéfiaftique ,  depuis  la  mort 
de  Xaca,  &  que  leur  année  2233  ou  2234, 
revient  à  l'année  1690,  de  l'Ere  Chrétienne, 
on  trouvera  que  cette  Epoque  s'accorde  avec 
le  tems  de  l'invafion  de  l'Egypte ,  par  Cam- 
byd's.  Si  l'on  fuppofe  donc ,  que  des  Prêtres 
de  Memphis ,  fous  la  conduite  d'un  de  leurs 
principaux  Chefs  ,  le  foyent  réfugiés  dans 
les  Indes,  qu'ils  y  ayent  prêché  leur  Reli- 
gion, &  que  la  réputation  du  nouvel  Apôtre 
lui  ait  fait  donner  les  noms  de  Budba,  de 


Xaca,  &c. ,  qui  ûgn'iûcnt  grand  Saint,  cette 
fuppofition  n'aura  rien  que  de  fort  probable. 
D'ailleurs  le  même  Voyageur  obferve  que 
Xaca  efl.  repréfente  avec  des  cheveux  frifés, 
&  qu'il  eft  certain  qu'aucun  Noir  de  l'Afie 
ne  les  a  de  cette  figure.  Koempfer,  Tome  I. 
pag   6q  &  précédentes. 

(  X  )  Le  nouvel  Hiftorien  ne  laifle  pas  d'at- 
tefter  plufieurs  anciens  Miflîonnaires  ,  dont 
les  uns  font  naître  Xaca  mille  vingt-fix  ans 
avant  Jcfus-Chrill,  oc  d'autres  rapportent, 
après  les  Dofteurs  du  Budfo  ,  qu'ils  avoient 
confultés,  qu'il  eft  né  d'une  Reine  deDehli, 
dans  l'Indouftan  ;  quoiqu'en  mêine-tems  ces 
Dofteurs  ajoûcallent  qu'il  eft  le  Dieu  de  la 
Nature,  &  qn*^  fou  nom  figiiifie,  ce  qui  eft 
fans  commencement.  Ubi  fuprà  ,  pag.  340 
&  346.  Mais  de  telles  contradiélions  ne  pa- 
roilfent  pas  propres  à  faire  prévaloir  le  té- 
moignage de  ces  Mifllonnaircs ,  fur  l'opinion 
à  laquelle  on  croit  pouvoir  ici  s'attacher. 


Reflemblan- 
ce de  la  nou- 
velle Idolâtrie 
des  Japonois 
avec  la  Reli- 
gion commu- 
ne des  Indes. 


On  renvoyé 
diverfes  ex- 
plications pré- 
cédentes. 


Fff3 


V 


Descrtption 
DU  Japon. 


Ce  que  les 
Japonois  ra- 
content de 
Xaca,  Auteur 
du  Budfo. 


Son  princi- 
pal Livre, 
nommé  Foke- 
kio. 


A'nida , 
Divinité  fort 
difti23guée. 


Comment 
&  f|uand  le 
Biicîfo  fut  in- 
troduit au  Ja- 
pon. 


414  VOYAGE    DE    K  .E  M  P  F  E  R 

fes  font  naître  Siaca,  on  Xaca,  dans  la  Province  de  Magatta,  au  Pays  de 
Ter^fik^  nom  fous  lequel  ils  comprennent  Ilfle  de  Ceyian,  les  Côtes  de  Ma- 
labar &  de  Coromandel ;  &  même,  en  général,  tout  le  Midi  de  l'Afie.  Ils 
le  font  naître  la  vingt-lîxième  année  du  régne  àtSomo^  Empereur  de  la  Chi- 
ne;  ce  qui  revient,  fuivant  le  calcul  de  quelques  Auteurs,  à  1209  ans' 
avant  la  naiflance  de  Jefus-Chrift;  &  fuivant  d'autres,  à  1207.  En  fup! 
pofant  que  l'Auteur  de  la  Religion  des  Siamois  fût  le  même,  il  ne  ftroit 
pas  né,  fuivant  leur  manière  de  compter,  plus  de  542  ans  avant  Jefus- 
Chrilt.  Il  employa  une  partie  de  la  vie  dans  la  folitude,  à  pénétrer  les 
plus  profonds  fecrets  de  la  Religion;  enfuite,  étant  forti  dé  fa  retraite ,  fui- 
vi  d'une  infinité  de  Difciples,  il  pafFa  k  refte  de  fes  jours ,  à  répandre  fa 
doftrine.  Açrès  avoir  vécu  foixante-dix-ncuf  ans  (y),  il  lai/Ta  fes  princi- 
pes par  écrit  à  deux  de  fes  plus  iilullres  Difcipltis,  Annan  &  Kasja,  qu'on 
place,  par  cette  raifon ,  fur  les  mêmes  Autels  que  leur  Maître,  l'un  à  fa 
droite,  l'autre  à  fa  gauche.^  Ils  en  Tompofèrcnt  un  Livre,  qui  fut  nommé 
Fokekio ,  ou  Livre  des  belles  Fleurs.  On  l'appelle  aulfi  par  excellence  Kio  le 
Lme-,  &  c'efl  comme  la  Bible  de  toutes  les  Nations  Orientales,  fituées'  au 
delà  du  Gange.  Xaca  parloit  fouvent  d  un  Prophète  plus  ancien  que  lui 
&  qui  avoit  fait  fon  féjour  dans  le  Royaume  de  Bengale,  où  les  Indiens 
ont  placé  leurs  Champs-Elifées.  Les  Chinois  le  nomment  Omito,  &  les  Ja- 
ponois Anida.  Cette  préférence  que  Xaca  fembloit  lui  donner  lui  -  même 
lui  attire  les  plus  grands  honneurs  au  Japon.  Il  a  même  une  Sefte  fort  é- 
tendue,  qui  lui  eft  fpécialement  dévouée,  &  dans  laquelle  on  fait  profef- 
fion  de  croire,  que,  de  quelques  crimes  qu'on  foit  coupable,  on  eft  alTuré 
dufalut,  fi  l'on  meurt  en  l'invoquant,  parcequ'il  a  fa'.t  une  très-rude  péni- 
tence pour  expier  les  péchés  des  hommes.  AuiVi  les  Japonois  l'invoquent- 
ils  continuellement.  Il  efl;  adoré  fous  différentes  formes ,  la  plupart  myf- 
térieufes  ;  c'efl-à-dire ,  fondées  fur  des  fables. 

Suivant  les  Japonois,  le  premier  qui  prêcha  cette  Religion,  pafTa  de- 
là au  Japon  (2),  où  il  obtint  la  permiilion  de  bâtir  un  Temple,  qui  porte 
encore  Ion  ancien  nom  de  Fakubafi,  c'ell- à-dire.  Temple  du  Cheval  blanc, 
parceque  le  Kio  y  fut  porté  par  un  cheval  de  cette  couleur.  Pendant  quel- 
ques fiècles,  la  do£lrine  de  Xaca  fit  des  progrès  fort  lents;  mais ,  vers  l'an 
518  de  l'Ere  Chrétienne,  un  autre  Saint,  nommé  Dama,  fon  trente- troi- 
lième  SuceefTeur,  fit  jetter  des  fondemens  folides  au  Budfo,  dans  le  vafte 
Empire  de  la  Chine,  d'où  il  fe  répandit  dans  le  Fakhifai  ;  c'étoit  le  nom 
qu'on  donnoit  alors  à  la  Prefqu'Iile  de  Corée ,  &  qui  n'efl:  à  préfbnt  que  ce- 
lui d'une  de  fes  trois  Provinces.  Ce  fat-là  que  le  premier  Euâs^  ou  la  pre- 
mière Idole  de  Xaca ,  fut  élevé ,  l'an  543  de  Jefus-Chrifl.    Le  Japon,  dont 

ks 

Ty)  Onlit,   dans  Kœmpfer ,   quatre  cens     faute  d'imprelTion,  elle  eft  de  cinq  cens  ans 
cinquante  ans  avant  Jefus-Chrift.     C'cft  ap-     inoindre.     Suivant  le  calcul  de  ce  Voyageur, 


pareni;nent  une  faute  d'imprcffion  ;  car  on 
devroit  lire  mille  cent  quarante ,  fuivant  fon 
propre  calcul. 

Nota.  Kaempfer  dit  neuf  cens  cinquante  ans 
avant  Jefus-Chrift  ;   de-forte  que  s'il  y  a  une 


fi  l'on  fixe  la  naiiTance  de  Siaca  ,  à  1209 
ans  ,  on  devroit  lire  ,  mille  cent  trente. 
R.  d.  E. 

(2)  Vers  l'an  de  Jcfus-Chrift,  foixantc- 
trois. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  415 

les  Habitans  écoient  alors  partagés  entre  letir  Religion  primitive,  &  quel- 
ques Doétrines  Philofophiques  qui  leur  étoient  venues  de  Ja  Chine ,  ne  ré- 
Ijftèrent  pas  plus  long-tems.  Ils  reçurent  le  iiudfo ,  fept  ans  après  fon  in- 
troduftion  dans  la  Corée ,  fous  le  règne  de  l'Empereur  Kiinmai ,  qui  ferma 
les  yeux  fur  Ces  progrès  (a). 

L'attrait  le  plus  féduifanc  de  cette  Religion ,  pour  un  Peuple  du  carac- 
tère des  Japonois  ,  eft  l'immortalité  qu'elle  promet  à  la  vei  tu ,   dans  une 
plus  heureufe  vie.     De-là,  pour  emprunter  les  termes  de  leur  nouvel  Hif- 
torien,  ces  fcènes  tragiques  d'une  infinité  de  perfonnes  de  tout  âge  &  de 
tout  fexe,  qui  courent  à  la  mort  de  fang  froid  &  même  avec  joye,   dans 
l'opinion  que  le  facrifice  de  leur  vie  eft  agréable  à  leurs  Dieux ,  &  qu'ils  fe- 
ront admis  au  bonheur,  fans  aucune  épreuve.    Rien  n'ell  plus  commun  que 
de  voir,  le  long  des  Côtes  de  la.  Mer,  des  Barques  remplies  de  ces  Fanati- 
ques ,  qui  fe  précipitent  dans  l'eau ,  chargés  de  pierres  ,   ou  qui  perçant 
leurs  Barques,  fe  laiflent  infenfiblement  fubnierger,  en  chantant  les  louan- 
ges du  Dieu  Canen^  dont  ils  placent  le  Paradis  au  fond  des  flots.     Une  mul- 
titude infinie  de  Speftateurs  les  fuit  des  yeux,  élève  leur  courage  jufqu'au 
Ciel ,  &  veut  recevoir  leur  bénédiétion  avant  qu'ils  difparoiflent.     Les  Sec- 
tateurs d'Amida  s'enferment  &  fe  font  murer  dans  des  cavernes,  dont  l'ef- 
pace  leur  fuffit  à  peine  pour  y  demeurer  alTis,  &  où  ils  ne  peuvent  refpirer 
que  par  un  tuyau,  qu'on  a  foin  de  leur  ménager.     Là,  ils  fe  laiflent  tran- 
quillement mourir  de  faim,  dans  l'efpérance  qu'Amida  lui-même  viendra 
recevoir  leurs  âmes.    D'autres  montent  fur  des  pointes  de  rochers  extrême- 
ment élevés,  au-deflbus  defquels  il  fe  trouve  des  Mines  de  fouffre,  dont  il 
fort  quelquefois  des  flammes ,  &  ne  celTent  point  d'invoquer  leurs  Dieux , 
en  les  priant  d'accepter  l'offre  de  leur  vie,  jufqu'à-ce  qu'ils  voyent  la  flam- 
me ,  qui  commence  à  s'élever.    Alors  ils  la  prennent  pour  une  marque  que 
leur  facrifice  eft  accepté;  &  fermant  les  yeux,  ils  fe  jettent,  la  tête  la  pre- 
mière, au  fond  de  l'abîme.     D'autres  fe  font  écrafer  fous  les  roues  des 
chariots  fur  lefquels  on  porte  en  proceffion  leurs  Idoles ,  &  fe  laiflent  fouler 
aux  pieds ,  ou  étouffer  dans  la  preffe  de  ceux  qui  vifitent  les  Temples. 
Comme  on  ne  voit  rien  d'approchant  dans  la  Religion  du  Sinto ,  il  n'eft  pas 
furprenant  qu'elle  ait  été  fort  obfcurcie  par  des  idées  fi  conformes  au  carac- 
tère héroïque  de  fes  anciens  Seftateurs.    La  mémoire  de  ces  Martyrs  ima- 
ginaires eft  en  vénération ,  parmi  ceux  qui  adorent  les  mêmes  Dieux.     On 
leur  érige  quelquefois  des  Temples  ou  des  Chapelles ,  &  ces  honneurs  font 
un  nouvel  aiguillon  pour  leurs  Admirateurs.     Ce  n'eft  pas  fans  préparation 
qu'on  fe  livre  à  la  mort.     Une  perfonne,  qui  a  pris  la  réfolution  de  quitter 
cette  vie,  pour  en  obtenir  une  meilleure,  paffe  plufieurs  jours  fans  dormir; 
&  ceux  de  Cqs  Amis ,  à  qui  elle  communique  fon  deffein ,  ne  l'abandonnent 
plus.     Le  Martyr  futur  ne  les  entretient  que  du  mépris  du  Monde.     Quel- 
quefois même  il  fait  des  difcours  pubHcs,  fur  le  fujet  dont  il  eft  rempli. 
Tous  ceux-qtjrle  rencontrent  lui  font  des  préfens.     Enfin,  le  jour  du  facri- 
fice, il  affemble  fes  Parens,  fes  Amis,  &  ceux  que  fes  exhortations  ont  en- 
gagés à  fuivre  fon  exemple.    Il  excite  fes  Imitateurs  à  la  perfévérance.    Un 
■    —■  '    "^     ,  ■■•  Y  ;.'^'  ;'-v,'^^'    '  feftiu 

;      (*)  K«mpfer,  TonieU.  pag.  (59&7a  /' .       '•'"''■        '   ,- -i.  r..-' 


DU  J/iroH, 


Grnnd  at- 
trait du  Budfo 
pour  les  Jii- 
pouois. 


A  quel  ex- 
cès de  F;ina- 
tifmc  il  les 
porte. 


Préparp.- 
tions  de  ceux 
qui  le  dé- 
vouent à  !a 
mort. 


4i6 


VOYAGE     D  E    K  ^  M  P  F  E  R  a 


DnSCRTPTION 

DU  Japon. 


Efpric  'le 
pénitence  qui 
règne  dans  le 
Budfo. 


Récit  d'un 
Pélciinage 
fort  étrange. 


feflin  termine  ces  préparatifs,  &  l'on  ne  fort  de  table  que  pour  prendre  le 
chemin  de  la  mort.  Ceux  qui  vont  fe  précipiter  dans  l'eau  fe  munilTent 
d'une  faulx,  pour  couper  les  herbes,  ou  pour  écarter  d'autres  obftacles, 
qu'ils  craignent  de  rencontrer  fur  leur  paflage. 

Tous  les  Japonois  ne  pouffent  pas  fi  loin  le  Fanatifme  ;  mais  l'efprit 
de  pénitence  eft  affez  commun  dans  la  Religion  du  Budfo.  Un  grand  nom- 
bre  de  ces  Idolâtres  commencent  le  jour,  dans  les  plus  rigoureux  froids  de 
l'Hyver,  par  fe  faire  verfer,  fur  la  tête  &  fur  tout  le  corps,  jufqu'à  deux 
cens  cruches  d'eau  glacée,  fans  qu'on  remarque  en  eux  le  moindre  frémif- 
fement.  D'autres  entreprennent  de  longs  Péleriniges ,  m'^rchant  nuds 
pieds  par  des  chemins  fort  rudes ,  fur  des  pointes  de  cailloux ,  à  travers  les 
ronces  &  les  épines,  la  tête  découverte,  bravant  les  ardeurs  du  Soleil,  la 
pluye,  le  froid,  grimpant  au  fommet  des  rochers  les  plus  efcarpés,  courant 
avec  'Me  vîteffe  inconcevable  dans  des  lieux  où  les  daims  &  les  chamois  paf- 
fercient  avec  moins  de  hardieffe,  &  marquant,  à  ceux  qui  les  fui  vent,  le 
chemin  par  les  traces  de  leur  fang.  Quelques-ims  font  vœu  d'invoquer  leurs 
Dieux  des  milliers  de  fois  par  jour,  profternés  contre  terre,  frappant  cha- 
que fois  le  pavé  de  leur  front ,  qui  en  demeure  écorché.  Le  Pèlerinage 
que  certains  Bonzes,  nommés  Xamabagis ,  Difcîples  de  Xaca,  font  de  teras 
en  tems,  &  que  leurs  plus  zélés  Seélateurs  entreprennent  à  leur  exemple, 
peint  fi  bien  les  emportemens  de  leur  fuperftition  ,  qu'il  mérite  d'être 
rapporté  dans  toutes  fes  circonftances  ,  d'après  le  nouvel  Hifhorien  du 
Japon  ,  qui  les  a  recueillies  de  plufieurs  Mémoires  dont  il  garantit  la 
fureté. 

Environ  deux  cens  Pèlerins  s'affemblent,  tous  les  ans,  dans  la  Ville  de 
Nara,  qui  eft  a  huit  lieues  de  Meaco.  Ils  fe  mettent  en  marche  au  jour 
marqué.  Le  voyage  qu'ils  ont  à  faire  eft  de  foixante-quinze  lieues  ;  &  les 
chemins  qu'ils  choiliffent,  par  les  bois  &  les  déferts,  font  fi  difficiles,  qu'à 
peine  en  peuvent-ils  faire  une  par  jour.  D'ailleurs,  ils  vont  pieds  nuds, 
&  chacun  porte  fa  provifion  de  riz  pour  tout  le  voyage.  A  la  vérité ,  ce 
fardcau.n'efl;  pas  confidérable,  parcequ'on  ne  mange  que  le  matin  &  le  ioir, 
&  qu'à  chaque  fois  on  ne  prend  qu'autant  de  riz  grillé  qu'il  en  peut  tenir 
dans  le  creux  de  la  main ,  avec  trois  verres  d'eau.  Les  huit  premiers  jours, 
on  n'en  trouve  pas  une  goutte ,  &  chacun  doit  porter  fa  provifion  pour  ce 
tems  ;  mais  comme  elle  manque  ou  qu'elle  s'altère  bientôt  ,  plufieurs  en 
tombent  malades.  Lorfqu'ils  ne  peuvent  plus  marcher ,  on  les  abandonne 
fans  pitié,  &  la  plupart  périffent  miférablement. 

A  nuit  lieues  de  Nara ,  on  commence  à  monter  :  mais  il  faut  prendre  des 
Guides.  Certains  Bonzes,  nommés  GenguiSt  qui  fe  rendent  exprès  dans  une 
Bourgade ,  nommée  Ozhio ,  font  employés  à  cette  fonélion.  Ils  conduifent 
les  Pèlerins,  l'efpace  de  htiit  autres  lieues,  jufqu'au  Bourg  d'Ozaba^  où  ils 
les  remettent  à  d'autres  Bonzes,  connus  fous  le  nom  de  Goguis^  qui  font  les 
Direfteurs  de  ce  Pèlerinage.  Ces  deux  efpèces  de  Bonzes  mènent  une  vie 
extrêmement  pénitente.  On  ignore  dans  quels  lieux  ils  fe  retirent.  L'i- 
dée qu'on  a  conçue  de  ces  hommes  extraordinaires,  leur  figure,  qui  a  quel- 
que chofe  d'affreux,  leur  air  &  leur  regard  farouche,  leur  ton  de  voix, 
leur  démarche,  l'agilité  avec  laquelle  ils  courent  fur  le  panchant  des  rochers 

bordés 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


417 


bordés  de  précipices,  infpirenc  une  véritable  horreur,  qui  fait  frémir  les  Dbjcrtptto» 
plus  intrépides.    On  ajoute  que  ces  Condufteurs  ont  de  fréuuens  entretiens     duJa'ow. 
avec  les  Démons.     Enfin  tout  ce  qu'on  en  raconte  les  feroit  plutôt  re- 
garder comme  des  Efprits  infernaux ,  que  comme  des  hommes.     Ils  paf- 
fent  néanmoins  pour  ks  Confidens  de  Xaca ,  &  pour  des  Saints  d'un  Or- 
dre didingué. 

L'autorité  qu'ils  prennent  fur  les  Pèlerins  ne  peut  être  conçue  que  par 
les  effets.  Ils  commencent  par  les  avertir  d'obferver  exaftement  le  jeûne, 
le  filence,  &  toutes  les  règles  établies;  après  quoi,  pour  la  moindre  faute, 
ils  prennent  le  Coupable,  ils  le  fufpendentjpar  les  mains  au  premier  arbre, 
&  l'y  laiffent  expofé  au  plus  affreux  defefpoir.  Dans  cette  fituation,  un 
Malheureux,  à  qui  la  force  manque  bien -tôt  pour  fe  foûtenir,  tombe,  & 
roule  de  précipice  en  précipice.  Les  Speflateurs  n'ofent  pouffer  la  moin- 
dre plainte.  Un  fils  qui  pleureroit  fon  père,  un  père  qui  donneroit  le  moin- 
dre figne  de  compaffion  pour  fon  fils ,  recevroit  le  même  traitement. 

Vers  la  moitié  du  chemin,  on  arrive  dans  un  champ  où  les  Bonzes  font 
affeoir  tous  les  Pèlerins ,  les  mains  en  croix ,  &  la  bouche  collée  fur  leurs 
genoux.    C'e  la  pofture  ordinaire  des  Japonois  pendant  leurs  prières.    Il 
faut  demeurer  dans  cette  poflure,   l'efpace  de  vingt -quatre  heures.     De 
grands  coups  de  bâton  puniroient  le  moindre  mouvement.     Tout  ce  tems 
efl:  dëdiné  à  faire  l'examen  de  fa  confcience,  pour  fe  difpofer  à  laconfeA 
fion  de  tous  les  péchés  où  l'on  efl:  tombé  depuis  le  dernier  Pèlerinage.    Au- 
près jette  prépc^ration,  toute  la  troupe  fe  remet  en  marche.     En  appro- 
chant avec  de  nouvelles  peines,  on  découvre  un  cercle  de  hautes  monta- 
gnes, affez  proches  les  unes  des  autres,  au  milieu  defauelies  s'élève  un  ro- 
cher efcarpé ,  qui  femble  fe  perdre  dans  les  nue».  Au  fommet  de  ce  rocher, 
qui  eft  le  terme  du  Pèlerinage,  les  Guoguis  ont  dreffé  une  machine,  par 
laquelle  ils  font  fortir  une  longue  barre  de  fer ,  qui  foûti«it  une  balance 
fort  large.    Ils  placent  les  Pèlerins ,  fun  après  l'autre ,  dans  un  des  plats  de 
la  balance,  en  mettant,  dans  l'autre,  un  contrepoids  pour  l'équilibre.     Ils 
pouffjnt  enfuite  la  barre  en  dehors;  &  le  Pèlerin  fe  trouve  fufpendu  au- 
dcffus  d'un  profond  abîme.      Tous  les  autres  font  affis  fur  la  croupe  des 
montagnes  d'alentour ,  d'où  ils  peuvent  voir  ce  Malheureux  pénitent ,  qui 
doit  déclarer,  à  haute  voix,  tous  ^es  péchés.     Si  les  Bonzes  croyent  s'ap- 
percevoir  qu'il  ne  s'explique  pas  nettement ,  ou  qu'il  cherche  à  déguiler 
fes  fautes ,  ils  fecouent  la  barre ,  &  ce  mouvement  le  fait  tomber  dans  un 
précipice ,  dont  le  feul  afpeél  efl:  capable  de  troubler  fa  vue  &  fa  raifon. 
Auffi-tôt  que  l'un  a  fini ,  un  autre  prend  fa  place.     Lorfqu'ils  ont  tous  paffé 
par  une  fi  dangereufe  épreuve ,  ils  font  conduits  dans  un  Temple  de  Xa- 
ca, où  la  Statue  de  ce  Dieu  efl:  en  or  maffif,  &  d'une  grandeur  extra- 
ordinaire; environnée  deplufieurs  petites  Idoles ,  dont  le  nombre  augmen- 
te chaque  année.     Ils  y  rendent  leurs  adorations  à  Xaca.      Enfuite,  ils 
employent  vingt -cinq  jours  à  faire  diverfes  fl:a:ions  autour  des  monta- 
gnes.    De-là,  prenant  congé  de  leurs  Direfteurs,  auxquels  chacun  don- 
ne la  valeur  de  quatre  écus,  ils  fe  rendent  enfemble  dans  un  autre  Temple, 
qui  efl:  le  terme  de  leurs  dévotions.    Ils  n'en  fortent  que  pour  faire  éclater 

X/K  Fart,  Ggg  leur 


4i3 


VOYAGE    DE    KiEMPFER    'd 


priil's  de  hi 
Religion  llo- 


mamc. 


Bon7,os  & 
Ilicrarcliic  du 


DEscRimoif  leur  joye  par  une  fête  commune  j  &  chacun  prend  alors  le  chemin  qui  luj 

1)0  Jai'on.     convient ,  pour  fe  retirer. 
Pratinucs         L  £  même  Hiftorien  obferve  que  les  Sacrifices  font  à-peu-près  les  mêmes 

qui  piirôiilint  dans  les  deux  Religions ,  c'efl-à-dire ,  qu'ils  fe  réduifent  à  brûler  des  par- 
fums fur  une  table  élevée  en  forme  d'Autel,  &  placée  vis-à-vis  les  Idoles. 
On  allume  auffî  des  bougies,  qui  font,  dit-il,  une  efpcce  de  Sacrifice.    A" 
l'occalion  d'une  Idole  nommée  Qjiemnoa^  à  qui  l'on  s'adrefle,  pour  obtenir 
fa  médiation  auprès  des  Dieux,  à  de  certains  Efprits  d'un  Ordre  inférieur, 
que  les  Japonois  regardent  comme  les  Miniilres  des  grandes  Divinités ,  il 
admire  la  reffemblance  d'un  grand  nombre  de  leurs  pratiques  avec  celles  de 
VEglife  Romaine.     Il  en  remarque  dix  principales,  qu'on  prendroit  pour 
autant  de  Traditions  Chrétiennes ,  fi  l'on  pouvoit  expliquer  comment  elles 
font  parvenues  au  Japon  (A).     La  Hiérarchie  du  Budfo  diffère  très-peu 
de  celle  de  l'Eglife  Catholique.    Les  Bonzes,  qui  font  les  Prêtres  de  cette 
Religion,  ont  un  Grand  Pontife ,  nommé  Xaco  (e) ,  dont  le  pouvoir  s'étend 
juilques  fur  l'autre  vie.     Non-feulement  'i\  peut  abréger  les  peines  du  Purga- 
toire, mais  on  lui  attribue  même  le  pouvoir  de  tirer  les  âmes  de  l'Enfer, 
&  de  les  placer  dans  le  Paradis,  fans  quelles  foyent  obligées  de  paflêrpar 
de  nouvelles  métamorphofes.     D'ailleurs  toutes  les  Seftes  du  Budio  lui  font 
foûmifes.    On  ne  peut  en  former  de  nouvelle»,  fans  fon  approbation.  C'eft 
kii  qui  décide  fur  le  fens  des  Livres  de  Xaca ,  &  tout  le  Cérémonial  de  cette 
Religion  eft  de  fon  reflbrt.     Il  érige  des  Temples,  il  décerne  un  culte  aux 
Saints  &  aux  Martyrs  des  Seftes  de  fa  dépendance.    Il  confacre  les  Tun- 
des ,  qui  font  comme  les  Evêques  du  Budfo.    A  la  vérité  l'Empereur  Cu- 
bofama  s'efl  attribué  le  droit  de  conférer  cette  Dignité,  à  laquelle  il  y  a  de 
grands  revenus  attachés;  mais  le  Xaco  confirme  la  nomination  du  Prince, 
confacre  les  Tundes,  &  leur  accorde  le  pouvoir  de  difpenfèr  dans  les  cas 
ordinaires.     Ces  Prélats  Japonois  peuveriÉ  appliquer,  aux  Vivans  &  aux 
Morts,  les  mérites  des  Dieux  5e  (tes  Saints;  pouvoir  qu'ils  ne  communi- 
quent aux  Prêtres,  qu'avec  de  grandes  reftriftions.    La  plupart  font,  en  mê- 
me-tems,  Supérieurs  des  Monaftères  de  Bonzes,  avec  lefquels  ils  vivent 
en  Communauté;  car,  fuivant  la  remarque  du  même  Hiftorien,  tout  le 


(6)  i".  Le  Signe  de  la  Croix,  comme  on 
Ta  déjà  obfervé ,  mafs  en  CrOix  de  Saint- An- 
dré, qu'ils  font  aflez  fouvent  fur  eux,  prin- 
cipalement le  matin ,  on  fe  levant.  Quand  on 
leur  en  a  demandé  la  raifon ,  ils  ont  répondu 
que  c'étoit  pour  chaflcr  le  Xlémon.  Le  Roi 
deS.itzuma,  qui  reçut  Saint  François  Xavier , 
portoit  une  Groix  dans  fon  Eculîbn ,  ce  qui 
eft  aflbz  furprenant  dans  un  Pays  oîi  la  Croix 
eft  le  plus  honteux  fupplico.  2".  Un  Chape- 
let conipofé  de  cent  quatre- vingt  grains,  paf- 
fés  dans  un  fil ,  qu'on  laifle  d'ans  la  longueur. 
Kaîmpfer,  qui  a  fait  graver  celui  du  Sinto, 
lui  donne  la  même  figure  qu'aux  nôtres. 
3°.  L'ufage  e  fonner  une  cloche  <\  certaines 
heures  du  jour,  comme  nous  faifons  pour 
i' Angélus,    Ils  fe  mettent  alors  à  genoux,  en 


invoquant  le  Dieu  qu'ils  honorent  le  plus. 
4.  Les  Pèlerinages,  qui  ont  pour  but,  dans 
les  deux  Religions ,  d'obtenir  le"  pardon  des 
péchés  &  la  rémiffion*  de  la  peiîie.  5°.  Les 
Proceffions ,  oîi  l'on  porte  les  Images  des  Dieux 
&  leurs  Reliques.  6".  Les  vœux  &  les  priè- 
res publiques,  pour  fléchir  le  Ciel  dans  its 
grandes  calamités.  7°.  Le  droit  dafyle,  dont 
Tes  Temples  jouifient.  8**.  Des  cfpèces  de 
Canonifations ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  les  Apotheofes.-  9".  L'ordi'e  hiérarchi- 
que, établi  dans  la  Religion  des  Fotoqiics. 
10^.  Les  lampes  &  les  bonifies  allumées  devant 
les  Idoles.     Ubifuprà,  pag.  371  &fuiv. 

(c)  Apparemment  parccqu'il  eft  Vicairo 
du  grand  Xaca. 


'    )     L 


1 


I 


"jHr- 


Prez>ic^  te i/it     Japotvois 
Japan  sche     Predikant. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lxv.  IV. 


^i^ 


Clergë  du  Budfo  eu  Régulier,  &  peut  être  regardé  comme  un  Ordre  Reli- 
gieux ,  divifé  en  plufieurs  Congrégations ,  qui  reconnoiflent  le  même  Géné- 
ral. Il  e(i  divifé  en  plulieurs  Seélcs,  que  leur  dépendance  d'un  même  Chef 
n*empeche  pas  de  fe  haïr  mutuellement.  On  ne  les  diflingue  que  par  la  cou^ 
leur  de  leurs  habits  ;  car  la  forme  en  efl  prefque  la  môme ,  &  relTemble  aflez 
à  celle  de  nos  Moines.  Ils  ont  tous ,  les  cheveux  &  la  barbe  raies  ;  &  ja- 
mais ils  ne  fe  couvrent  la  tête.  On  croit  qu'ils  ne  mangent,  ni  chair,  ni 
poiflbn  frais.  Ils  donnent  une  partie  du  jour  à  la  prière,  &  chantent  à  deux 
chœurs.  Quelques-uns  fe  lèvent  à  minuit,  pour  leurs  exercices  de  piété. 
Ils  gardent  un  profond  filence  devant  les  Séculiers,  &  leur  vifage  refpirela 
modeftie  &  la  pénitence.  On  en  diftingue  quatre  principales  Seftes,  qui 
ont  leurs  Monatlères  dans  les  lieux  habités,  &  qui  ront  répandues  dans  le 
commerce  du  Monde.  La  plupart  des  autres  ne  fré(|uentent  que  les  bois 
&  les  déferts.  Quoique  la  différence  de  leurs  opinions  fafle  régner  en- 
tr'eux  une  guerre  ouverte,  cette  animofité  ne  fe  communique  point  à  leurs 
Seétaceurs  ;  &  la  diveriité  de  cropnce  ne  trouble  jamais  le  repos  des  fa<>> 
milles.  En  général  le  Peuple  efl  mfatué  de  la  fainteté  des  Bonzes ,  &  juge 
favorablement  de  ce  qu'il  refpefte.  L'auftérité  de  leurs  dehors  ,  le  crédit 
qu'on  leur  fuppofe  auprès  des  Dieux ,  le  foin  qu'ils  ont  d'attirer ,  dans  leur 
Corps,  déjeune*  gens  d'une  naiflance  illuftre,  foûtiennentjeur  réputation 
contre  toutes  fortes  d'attaques.  Il  n'y  a  pas  de  Prince  au  Japon ,  qui  ne 
fe  trouve  honoré  d'avoir  un  fils  Bonze.  De-là  cette  aveugle  confiance,  pour 
tout  ce  qui  fore  de  leur  bouche  &  de  leurs  mains.  Ils  font  un  débit  prodi- 
gieux de  certaines  robbes  de  papier ,  dont  tous  leurs  Seilateurs  veulent 
mourir  revêtus.  Ils  diftribuent  des  pains  bénis  ,  d'une  vertu  proportion- 
née à  leur  prix.  Us  vendent  jufqu'au  mérite  de  leurs  bonnes  œuvres,  en 
fe  réfervant  le  principaL  Ils  donnent,  aux  pins  intérelTés^  des  Lettres  dô 
Change,  payables  dans  l'autre  Monde.  Leur»  Mondlères  font  des  gouf- 
fres ,  où  la  moitié  des  biens  de  l'Etat  va  s'abîmer.  Une  de  leurs  occupa- 
tions eftde  prêcher.  LeDofteur,  revêtu  d'habits  magnifiques ,  monte  fur 
une  Eftrade ,  couverte  ordinairement  des  plus  riches  tapis  de  la  Chine.  I! 
a  devant  lui  une  table,  fur  laquelle  efl:  le  Foquekio.  Il  ouvre  ce  faint  Li- 
vre ,  il  en  lit  quelques  lignes ,  dont  il  donne  une  explication  aufli  obfcure 
que  le  Texte.  Enfuite,  il  tombe  fur  la  Morale  ou  fur  les  dernières  fins  de 
l'homme  ;  mais  il  conclut  toujours  que  le  plus  fur  moyen  d'obtenir  la  fa- 
veur des  Dieux, efl:  d'orner  leurs  Temples,  oc  de  faire  de  grandes  libéralités 
à  leurs  Minifl:res. 

Les  Temples  des  Fotoques  portent  le  nom  de  Tiras.  La  plupart  font 
beaucoup  plus  grands,  plus  élevés,  plus  riches,  &  mieux  ornés  que  ceux 
des  Camis.  Il  n'y  a  point  de  Province,  qui  n'en  ait  quelques-uns  d'une 
beauté  furprenante.  Rien  n'approche  fur-tout  de  la  magnificence  de  leurs 
toîts,  qui  font  dorés,  ou  revêtus  du  plus  beau  vernis.  Dans  les  Villes  & 
les  grandes  Bourgades,  ils  font  fitués  ordinairement  fur  le  terrain  le  plus 
élevé.  Ceux  de  la  Campagne  fe  préfentent ,  au  fommet ,  ou  fur  le  penchant 
des  montagnes  &  des  collines.    Ils  ont  tous  (d)  une  vue  charmante,  une 

four- 

(rf)  Voyez,  ci-defliis,  la  Defcripticm  de  ceux  de  Meaco,dans  le  Journal  de  Kîeinpfer. 

Ggg  2 


ru  JKfov, 


Jurqu'oîi  va 
raveiigltincnt 
dcsjanonoiii 
pour  les  Eoa- 
zcs. 


.zîI'jTjjS 


;af.' 


Leurs  Tem- 
ples fc  nom- 
ment Tiras. 
Idée  qu'on  en 
donne. 


420 


VOYAGE    DE    K  M  M  V  T  E  K  "f 


DtieniPTroN 
nu  Japok. 


Retiglcufes 
dufiudfo. 


Ses  Fêtes. 


Fête  de 
riloinmc. 


fource,  ou  un  petit  ruifleau  d'une  eau  trés-claire ,  un  bois,  &  de  belles 
promenades.  Ils  font  condruits  du  meilleur  bois  de  cèdre  &  de  fapin,  en- 
vironnés de  colonnes,  ornés  Je  ftatues  &  de  figures  en  relief.  L'Autel 
qui  s'élève  au  centre,  offre  une  ou  plufieurs  Idoles  d'or,  d'argent,  ou  de 
bois  doré;  &  vis-à-vis,  on  voit  toujours  un  grand  Candélabre  ^  couvert  de 
bougies  allumées,  qui  répandent  un^  odeur  agréable.  Quoique,  pour  le 
fpirituel,  les  Bonzes  &  les  Temples  du  Budfo  dépendent  du  Grand  Pontife, 
qui  fait  fa  réfidence  à  Meaco ,  fous  l'autorité  du  Dairi,  ils  font ,  pour  tout 
le  refte ,  comme  ceux  du  Sinto ,  fous  la  Jurifdiftion  immédiate  de  deux  Offi- 
ciers,  nommés  par  l'Empereur  Cubofama.  Ces  deux  Surmtendans  de  l'an- 
cienne &  de  la  nouvelle  Religion  jouïflent  d'une  confidération  fort  diftin- 
guée,  à  la  Cour  de  Jedo.  Les  Jugemens  de  leur  Tribunal  font  fans  appel; 
mais,  pour  l'exécution  des  Sentence*  de  more,  ils  doivent  obtenir  l'agré- 
ment des  Supérieurs  Ëccléfialliques. 

La  Religion  du  Budfo  a  comme  l'ancienne,  des  Filles  rédufes,  gui  font 
chargées  de  l'éducation  des  jeunes  perfonnes  de  leur  Sexe.  Elles  le  nom- 
ment JStVoni^,  ouBicunisy  quoique  la  plupart  des  Relations  leur  donnent  le 
nom  de  Bonzies.  Dans  plufieurs  Provinces,  on  voit  des  Monaftéres  des 
deux  Sexes ,  oui  fe  touchent  ;  &  des  T'emples ,  où  les  Bonzes  &  les  Bicu- 
nis  chantent  les  louanges  de  leurs  Dieux  à  deux  choeurs.  Les  Bicunis  font 
aufTi  partagées  en  plufieurs  Congrégations  ;  ou  plutôt  chaque  Seàe  de  Bon- 
zes a  fes  Bicunis.  Leur  habillement  reffemble  beaucoup  à  celui  de  nos  Re- 
liçieufes,  &  ne  diflfére  entr'elles,  que  par  la  couleur.  Elles  s'occupent  à 
faire  les  robbes  de  papier  &  les  autres  bagatelles,  dont  les  Bonzes  amufenc 
la  crédulité  du  Peuple. 

Qn  remarque  du  Budfo,  comme  de  l'ancienne  Religion,  qu'il  a  laifTé  dé- 
générer fes  Fêtes  en  fpeftacles  (»),  quoiqu'elles  y  confervent  une  apparen- 
ce plus  religieufe.    Une  des  plus  folemnelles  efl  celle  du  quinzième  jour 
de  la  feptième  Lune,  qui  porte  le  nom  de  Fête  de  l'Homme.    Elle  commen- 
ce par  une  procelTioh ,   où  paroifTent  d'abord  quinze  ou  vingt  Chars  de 
triomphé,  tirés  chacun  par  trente,  ou  quarante  hommes ,&  remplis  de  ma* 
chines  fymboliques.    Des  troujpes  d'enfans ,  richement  vêtus ,  accompa- 
gnent les  machines ,  &  jouent  de  toutes  fortes  d'inftrumens»    Ceux  gui  ont 
feit  la  dépenfe  des  ornemens  ,  ou  qui  ont  préfidé  à  l'invention,  luivent 
en  bel  ordre»    D'autres  Chars  fuccédent  en  plus  grand  nombre,  ornés  de 
peintures  exquifes ,  chargés  de  repréfentations  des  plus  beaux  Monumens 
de  l'Antiquité,  avec  un  cortège  de  gens  armés  de  toutes  pièces.    L'Afîem- 
blée  fe  rend  au  Temple  du  Dieu ,  dont  on  célèbre  la  Fête.    Elle  y  demeu- 
re jufqu'au  foir,  pour  en  fortir  alors  dans  le  même  ordre»    L'Idole  fuit  la 
procefTion,  portée  fur  un  brancard ,  par  des  hommes  qui  feinblent  fuceom- 
ber  fous  le  poids  de  la  Majeflé  Divine.     La  MaîtrefTe  du  Dieu  parok  en- 
fuite,  portée  auffi  fur  un  brancard.     Après  quelques  tours  par  la  Ville,  elle 
îe  rencontre,  comme  par  hazard ,  vis-à-vis  d'un  troifième  brancard,  où  eft 
l'Epoufe  légitime.,  dont  les  Porteurs  fe  mettent  alors  à  courir  de  tous  côtés, 

& 

(«)  Le  goût  des  Japonois  pour  la  Comédie  &  les  Scènes  de  Théâtre,  fe  déclare  dans  tout 
ce  qu'ils  font.    Voyez,  ci-defllu,  le  Jplie  des  Sciences.  ^         ... 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


441 


Yùich'v/.utrc 
&  fanijiantc. 


&  tâchent  d'exprimer,  par  leur  aflion,  le  chagrin  que  la  DéefTc  reflcnt  de  Dmcrtptioj» 
voir  la  Rivale.     Il  fe  communique  bien-tôt  à  une  partie  du  Peuple,  qui  fond    ^^  Japom, 
en  larmes.    Tout  le  monde  s  approche  confufément  du  brancard,  comme  (1 
chacun  vouloit  prendre  parti  entre  le  Dieu ,  fon  Epoufe  ôc  fa  Concubine. 
Enfin  l'AlTemblee  fe  fépare  en  defordrej  &  les  Idoles  reprennent  le  chemin 
du  Temple. 

Dans  une  autre  Fête,  qui  fe  célèbre  à  Sacay,  pendant  la  fixième  Lune,  Fête  du 
on  choilît  les  plus  belles  &les  plus  jgrandes  rues  de  la  Ville;  &  toutes  les  Norimon. 
avenues  font  fermées  par  des  barrières.  A  l'heure  marquée,  on  voit  for- 
tir  ,  d'une  Maifon  de  Bonzes ,  une  Idole  à  cheval ,  le  cimeterre  à  la  main , 
fuivie  de  deux  Pages,  dont  l'un  porte  fon  arc  &  fes  flèches,  &  l'autre  un 
oifeaude  proye.  Quantité  de  gens  fuccédent ,  achevai,  ou  à  pied;  quel- 
ques-uns,  avec  une  grande  fuite  de  Livrée,  portant  quelque  chofc  à  la  main , 
&  répétant  fans  celle,  d'un  ton  joyeux,  mille  ans  de  plaifir^  viUle  milliers 
d'années  de  joye.  Les  Bonzes  du  Monaftère,  d'où  ce  cortège  cfl  parti, 
viennent  enfuite;  &  derrière  eux ,  une  nombreufe  Nobleffe  achevai.  Une 
troupe  de  Sorcières,  dit  l'Hiftorien,  vêtues  de  blanc,  fuit  en  chantant  les 
louanges  de  leur  Dieu.  La  marche  eft  fermée  par  un  magnifique  Norimon , 
environné  de  gens  armés,  &  porté  par  vingt  hommes,  qui  répètent  le  mê- 
me cri.  Le  Norimon  eft  vuide;  cependant  il  reçoit  du  Peuple  les  mêmes 
refpefts  que  s'il  étoit  occupé  par  le  Dieu  même.  On  lui  fait  diverfes  fortes 
d'offrandes ,  qui  tournent  au  profit  des  Bonzes. 

Une  troifieme  Fête,  qui  le  célèbre  dans  le  cours  de  la  féconde  Lune, 
paroît  peu  mériter  le  nom  de  Solemnité  religieufe.  Des  Cavaliers  bien  mon- 
tés &  bien  armés,  fe  rendent  fur  une  efpèce  d'efplanade.  Chacun  porte, 
fur  fon  dos,  la  figure  du  Dieu,  dont  il  fuit  la  Sefte.  En  arrivant,  ils  for- 
ment divers  efcadrons.  C'eft  ie  prélude  d'un  combat  fanglant,  qui  com- 
mence à  coups  de  pierres;  mais  dans  lequel  on  employé  bien- tôt  les  flèches, 
Jes  lances ,  o:  le  fabre.  On  fe  traite  alors  avec  toute  la  fureur  de  la  haine. 
Aulli  n'eft-ce  que  le  rendez-vous  de  tous  ceux  qui  ont  qutlque  querelle  à 
vuider.  Chacun  fe  vange  fous  le  mafque  de  la  Religion ,  &  fous  les  aufpi- 
ces  des  Dieux.  Le  champ  de  bataille  demeure  couvert  de  morts  &  de  blef- 
fés,  fans  que  la  Juftice  ait  droit  de  rechercher  les  motifs  de  cette  violence. 
On  juge  qu'une  Fête  fi  fingulière  a  été  inftituée,  pour  décid^^r  ,  par  les  ar- 
mes ,  la  préféance  entre  les  Dieux  du  même  ordre. 

KiEMPFER  ne  nous  apprend  point  en  quoi  confident  les  engagemens 
du  Mariage,  &  quelles  en  font  les  Cérémonies.  Cî  les  trouve  dans  les 
Ambaflcides  mémorables  de  la  Compagnie  Hollandoife.  Mais  l'Auteur  fe 
contredit  en  quelques  endroits.  Cependant  on  ne  doit  pas  être  ici  plus  dif- 
ficile que  le  nouvel  Hifl:orien  du  Japon,  qui  emprunte  de  lui  ce  détail, après 
avoir  fait  la  même  remarque. 
„  Encore  que  les  japonois  ayent  autant  de  femmes  qu'ils  en  veulent» 
il  n'y  en  a  qu'une  de  légitime  &  qui  mange  avec  le  Mari  ;  toutes  ks  au- 
tres étant  obligées  de  le  fervir  :  aufll  fes  enfans  héritent-ils  de  tous  les 

biens  du  père ,  qui  donne  aux  autres  très-peu  de  chofe Toutes  cho- 

fes  étant  difpofées,  on  va  de  grand  matin  chez  l'un  &  chez  l'autre, qu'on 
met  chacun  dans  un  carofife,  tiré  par  des  bœufs ^  ou  par  des  chevaux; 

Ggg  3  »  puis 


® 


Maringes , 
&  divorces. 


» 

» 


•■f. 


422 


V  OT  A  G  E    0  Ê    K  ^  UYft  kt 


DescninTiON 
DU  Japon. 


puis  on  les  mène  horà  de  la  Ville,  au  fon  de  plufieurs  inftrumens,  fui* 
une  colline,  où  chacun  va  par  des  chemins  différens,  au  milieu  d'une 
grande  foule,  d'où  ils  auroient  peine  à  fortir,  fi  des  Archers  ne  fendoient 
la  prefle.  Après  le  carofle  du  Marié ,  fuivent  quantité  de  chariots ,  char- 
gés de  préfens  pour  la  Mariée,  ou  plutôt  de  fon  douaire;  &  au  même- 
tems  qu'elle  le  reçoit ,  elle  le  donne  à  fes  Parens ,  en  reconnoiflance  de 
la  peine  qu'ils  ont  prife  à  l'élever.  Ainfî  un  père  efl:  riche  (f) ,  fuivant 
le  nombre  de  fes  filles ,  principalement  fi  elles  font  belles  ;  celles-ci  étant 
mifes  à  bien  plus  haut  prix  que  les  autres Un  peu  avant  que  d'ar- 
river à  la  colline,  le  Marié  fort  de  fon  carofle;  &  pendant  qu'elle  y  mon- 
te feule ,  le  Mari  avance  feul  aufli ,  l'un  &  l'autre  n'étant  efcortés  que  de 
leurs  Parens  &  de  quelques  Joueurs  d'inftrumens ,  qui  les  accompagnent; 
ce  qui  fe  fait  par  des  montées  coupées  d'une  barrière,  qui  fépare  en 
montant  les  Mariés  de  leurs  proches.  Au  haut  de  la  colline ,  tous  ces 
gens  fe  féparent,  &  prennent  place,  les  Parens  derrièri;  la  Mariée,  & 
tous  les  Joueurs  d'inftrumens  derrière  le  Marié,  l'un  &  l'autre  un  peu 
éloignés.  Ces  Parens  font  deux  à  deux ,  fous  un  parafol  porté  par  des 
Valets ,  pendant  que  de  l'autre  côté  les  Joueurs  d'inftrumens  mettent  en 
„  pratique  tout  ce  qu'ils  favent  ;  les  uns  étant  alîis  à  terre ,  &  faifant  je  ne 
fais  quel  bruit,  fur  je  ne  fais  quels  inftrumens,  qui  n'ont  rien  de  fembia- 
ble  aux  nôtres.  D'autres  frappent ,  avec  des  lîâtons ,  fur  des  boules  de 
cuivre ,  lefquelles  étant  creufes ,  ik  pendues  à  des  chaînes ,  qui  font  at- 
tachées à  deux  gros  bâtons  en  travers,  font  un  certain  bruit ,  fur  lequel 
„  ces  gens  fe  remuent  en  cadence. 

„  Entrai  les  Parens  des  Mariés  &  les  Joueurs  d'inftrumens,  eft  une 
tente  fort  éclairée.     Tout  le  dehors  eft  couvert  de  papier  huilé;  mais 
le  dedans  eft  tapifle  d'une  belle  étoffe  de  foye.     Sa  figure,  qui  eftofto- 
gone,  finit  infenfiblement  par  fix  pointes,  ou  pyramides,  foûtenues  de 
quatre  piliers.     Au  ir'Ueu  de  la  tente,  eft  un  fort  bel  Autel,  où  eft  le 
Dieu  du  Mariage,  r      éfcnté  avec  une  tête  de  chien,  les  bras  ouverts, 
&  un  fil  de  laiton  e'       les  mains.    Par  la  tête  de  chien ,  les  Japonois 
veulent  faire  entendis  que  la  fidélité  &  la  vigilance  font  nécelfaires  dans 
le  mariage  ;  comme  par  le  fil  de  laiton ,  ils  repréfentent  l'union  étroite 
,,  qui  doit  être  entre  les  Mariés. .  .     Devant  l'Idole,  il  y  a  un  Prêtre,  à  la 
„  m^in  droite  duquel  eft  la  Mariée,  &  à  la  gauche  le  Marié,  chacun  def- 
„  (juels  tient  en  main  une  torche  ardente.     La  Mariée  allume  la  fienne  aux 
lampes,  qui  brûlent  à  l'entour  de  la  tente;  pendant  que  le  Prêtre  mar- 
motte je  ne  fais  quelles  paroles.  .  .  .  Après,  le  Marié  allume  la  fienne  à 
celle  de  la  Mariée,  &  les  Affiftans  font  un  cri  de  joye,  &  leur  fouhai- 
tent  tcute  forte  de  profpérités  dans  la  fuite  de  leur  mariage ,  à  quoi  le  Prê- 
tre ajoute  fa  bénédiftion —  . .  (g).  Pendant  que  les  nouveaux  Mariés  font 
occupés  fur  la  colline  à  leurs  cérémonies ,  ceux  qui  font  demeurés  à  pied 

„  ne 


5) 
M 
i» 
ii 
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J> 

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9> 


(/)  Après  avoir  dit  que  le  mari  &  la  fem- 
me ne  diffèrent  que  très-peu  en  biens,  en  âge 
&  en  qualité ,  il  aiTure  qu'au  Japon  ,  non- 
fculemcnt  un  homme  époufe  une  fille  fans 


bien ,  mais  qu'il  eft  môme  obligé  de  lui  don- 
ner un  douaire. 

(  g  )  Voyez  la  Vignette  que  nous  avons  fiiit 
mettre  à  la  tête  de  ce  Volume,    R.  d.  E. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  ÏV. 


42^ 


il 
j> 

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,^  ne  lé  font  pas  moins  ;  les  uns  à  jetter  dans  le  feu  les  babioles  de  la  Ma- 
„  riée,  lorfqu'elle  étoit  encore  enfant;  d'autres  à  mettre  en  mille  pofliires 
„  un  rouet,  une  quenouille;  d'autres  enfin  à  faire  la  ronde  à  l'entour  du 
chariot  où  eft  l'argent,  qui  lui  efl  donné  pour  fa  dot  . . .  Pour  conclufion, 
les  Prêtres  tuent ,  au  pied  de  la  colline ,  deux  bœufs  de  Siam  &  quelques 
moutons  (A) ,  qu'ils  facrifient  au  Dieu  du  Mariage. ...  On  ramène  en- 
fuite  la  Mariée  dans  fon  carofle,  parmi  les  cris  de  joye  du  Peuple  &  l'har- 
monie des  Muficiens,  au  logis  du  Marié,  où  cependant  de  jeunes  gens 
font  occupés ,  les  uns  à  planter  des  pavillons  fur  la  terrafle ,  &  fur  d'au- 
tres lieux  élevés  ;  d'autres  à  fe  parer  de  guirlandes ,  &  à  femer  des  fleurs 
dans  tous  les  endroits  de  la  maifon.  Cette  Fête,  dont  la  dépenfe  eft 
incroyable ,  dure  ordinairement  huit  jours, 

„  L'ÂGE  auquel  les  Japonois  marient  leurs  filles  efl  quinze  ou  feize  ans, 
„  &  rarement  pins  tard.  Il  arrive  même  afTez  fouvent  qu'on  î?s  engage  dès 
,',  le  Berceau"  (f). 

Il  paroîtparce  détail,  que  les  inclinations  n'y  font  guères  confultées. 
On  fe«iarie,  au  Japon,  fans  s'être  connu.    Ce  font  les  Parens ,  des  deux 
côtés,  qui  forment  le  nœud.     A  la  vérité,  cet  aveugle  Contrat  n'eft  pas 
gênant ,  puifque  la  liberté  de  fe  féparer  eft  égale  pour  les  deux  Sexes ,  & 
que  les  hommes  peuvent  avoir  autant  de  Concubines  qu'il  leur  plaît.    Ce- 
pendant l'adultère  eft  puni  de  mort ,  dans  les  femmes;  &  quelquefois  une 
fimple  liberté  leur  coûte  la  vie.    Les  Japonois  font  peut-être  les  feuls  hom- 
mes du  Monde ,  qui  ayent  trouvé  l'art  de  gagner  &  de  fe  conferver  le 
cœur  de  leurs  femmes,  par  cette  rigueur;  car  on  vante  leur  attachement 
&  leur  fidélité.     Les  Hiftoires  du  Japon  en  offrent  de  continuels  exemples. 
On  y  voit  des  femmes  qui  fe  laifl^ent  mourir  de  faim ,  dans  le  chagrin  de 
ne  pouvoir  trouver  d'autre  voye  pour  fuivre  leurs  Maris  au  tombeau.     Il 
eft  difficile  d'accorder  ce  fond  de   tendreffe,  avec  l'ufage  qui  permet  aux 
pères  &  aux  mères  d'expofer  les  enfans  qu'ils  ne  font  point  en  état  d'élever. 
Peut-être  croyent-ils  faire  un  aéle  d'humanité ,  en  délivrant  ces  innocentes 
créatures,  d'une  vie  qui  leur  deviendroit  à  charge.     Les  perfonnes  aifées, 
qui  n*ont  pas  d'enfans,  adoptent  ceux  de  leurs  Parens  &  de  leurs  Amis  qui 
en  ont  un  trop  grand  nombre. 

Dans  les  Alliances,  on  ne  refpefte  que  le  premier  degré  de  fang  ,  fur 
lequel  on  ne  fe  relâche  jamais.  Lorfque  les  aînés  des  familles  font  parve- 
nus à  fâge  viril ,  les  Pères  prennent  le  parti  de  fe  retirer  ;  &  leur  abandon- 
nant la  conduite  de  leurs  biens ,  ils  ne  s'en  réfervent  que  ce  qui  eft  nécef- 
faire  à  leur  fubfiftance,  &  à  l'entretien  de  leurs  autres  enfans.  Le  parta- 
ge des  Cadets  eft  modique.  Les  Filles  ne  portent  à  leurs  Maris  que  ce 
qu'elles  ont  fur  elles.  ,;    ;r 

Il  paroît  que,  dans  les  conditions  cô'mmunes,  on  obferve  les  mêmes 
degrés  &  les  mêmes  proportions  que  parmi  IsNoblefTe,  mais  fans  aucune 
marque  de  dépendance,  ou  de  fubordination.    Les  Marchands  compofent 

le 


Descrtpticm 
DU  Japon. 


(fc)  L'Hiftoïien  du  Jâpô'n,  remarque  qu'il 
n'y  a  des  moutons ,  dans  ces  ines ,  que  depuis 
que  les  Portugais  y  en  ont  porti5;  &  que  les 
tœ.ils,  qu'on  nommclcs  boeufs  de  Siam,  font 


d'os  buflcs,  naturels  au  Pays.  Tom.  I.  pag.  394. 
(i)  Hiftoire  dfé  Japon,.  Tom.  I.  }ag.  395. 

&  précédentes.  -  .,1  •  i^  ., 


Commciu 
les  Maris  s'af- 
furent  Iccaur 
de  leurs  fem- 
mes. 


Kxpofition 
des  enfans. 

Alliances  & 


hérilaj; 


'['rnis  Or- 
dres des  con- 
ditions com- 

VUHICS. 


4*4 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


Funérailles 
du  Japon. 


Description  le  premier  Ordre;  les  Artifans,  le  fécond;  &  les  Laboureurs,  le  troifié- 
Du Japon,  j^q.  ^^[^  ^^^  Laboureur  n'efl  guères  diftingué  des  Valets  de  fon  Maître; 
car  tous  les  Japonois,  qjji  polTédent  des  l'erres,  font  dans  l'ufage  de  les 
faire  valoir  eux-mêmes.  Ainfi  tous  les  Domeftiques  peuvent  être  compris 
dans  le  troifième  Ordre;  &  l'idée,  qu'on  a  donnée  de  la  Police,  doit  faire 
juger  qu'il  comprend  même  les  fimples  Soldats. 

Les  Funérailles  du  Japon,  auxquelles  ce  récit  conduit  afTez  naturelle- 
ment ,  font  plus  uniformes  qu'on  ne  doit  fe  l'imaginer  de  cette  multitude 
de  Seules ,  oc  de  la  variété  de  leurs  opinions.  Les  Miniftres  des  Temples 
vont  prendre  le  corps,  &  le  portent  en  chantant  dans  leur  Cloître,  où  ils 
l'enterrent,  fans  autre  rétribution  que  ce  qui  leur  eft:  offert  à  titre  d'aumône. 
Mais,  avant  la  mort  du  Malade,  ils  ont  employé  tous  leurs  foins  à  fe  pro- 
curer une  partie  de  fon  bien.  A  l'égard  des  perfonnes  de  qualité ,  on  nous 
repréfente  ce  qui  fe  pratique  à  Meaco ,  où  l'on  peut  croire  que  la  préfence 
du  Dairi  a  fait  conferver  le  plus  ancien  ufage. 

Une  heure  avant  que  le  corps  foit  tranfporté,  les  Amis  du  Mort  fe  ren- 
dent en  cérémonie ,  &  magnifiquement  vêtus ,  au  lieu  de  la  fépulture ,  com- 
me pour  en  prendre  pofleffion.     A  l'heure  marquée,  le  convoi  marche  dans 
cet  ordre:  i*'.  les  femmes,  parentes  ou  amies  du  Mort ,  vêtues  de  Wanc, 
&  la  tête  couverte  d'un  voile  de  différentes  couleurs.    Elles  font  accom- 
pagnées  de  leurs  Suivantes  ;  &  les  plus  qualifiées  font  portées  dans  leurs 
Norimons,  dont  l'appareil  ne  fe  fent  point  d'une  cérémonie  lugubre.  2^.  Les 
principales  perfonnes  de  la  Ville ,  qui  veulent  témoigner  leur  refpeft  pour 
la  mémoire  de  leur  Supérieur ,  ou  de  leur  égal ,  &  qui  font  parées  comme 
s'ils  venoient  affilier  à  fa  noce.     3°.  Après  un  affez  grand  intervalle,  le  Su- 
périeur des  Bonzes  de  la  Se6le  du  Mort,  tout  couvert  de  foye  &  d'or,  por- 
té dans  un  fuperbe  Norimon  au  milieu  d'une  troupe  de  Bonzes,  revêtus 
d'une  forte  de  furplis,  &  d'un  manteau  noir  par-deflus.    4^.  Un  homme 
feul,  en  habit  cendré;  couleur,  qui  eft  de  deuil,  comme  le  blanc  ;  &  por- 
tant  une  torche  de  pin.     5".  Deux  cens  Bonzes  chantant,  avec  une  efpèce 
deBede'au,  qui  frappe  fans  cefle  fur  un  baffin.     6".  Plufieurs  autres  Offi- 
ciers,  dont  chacun  porte  au  bout  d'une  longue  pique,  un  grand  panier  de 
carton,  plein  de  feuilles,  ou  d'autres   fllturs  artificielles,    qui  «itant  fe- 
couées ,  Forment  une  forte  dj  pluye  :  tandis  que  le  Peuple ,  aulïï  tranfporté 
dejoycque  fi  ces  fleurs  tomboient  véritablement  du  Ciel,  s'écrie  que  le 
Mort  eft  entré  dans  fon  Paradis.     7°.  Huit  j'eunes  Bonzes,  de  dix-huit  à 
vingt  ans,  portant,  fous  le  bras,  de  grandes  baguettes  renverfées,  au  bout 
defquelles  on   lit,  fur  de  petits  drapeaux,  le  nom  du  Dieu  de  la  Seéte. 
Ce  nom  eft  écrit  aulTi  fur  dix  lanternes  fermées  d'une  toile  fine,  &  por- 
tées par  dix  autres  Bonzes ,  qui  fuivent  immédiatement ,  &  qui  font  précé- 
dés de  deux  petites  torches  deftinées  à  mettre  le  feu  au  bûcher.     Elles  font 
portées  par  un  Officier,  en  habit  cendré.     8°.  Une  troupe  de  gens,  vêtus 
de  la  même  couleur,  &  la  tête  couverte  de  chapeaux,  de  figure  triangulai- 
re,  noués  fous   le  menton.     Ces  chapeaux    font  de  cuir  noir,  &  luifant 
comme  l'acier  le  plus  poli.     Le  nom  du  Dieu  y  eft  écrit  en  gros  carafté- 
res.    Il  l'eft  aufiTi  en  lettres  d'or,  fur  un  grand  Ecriceau  de  toile  fine,  porté 
par  un  autre  homme. 

'      Après 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  42J 

Après  ce  cortège,  le  corps  paroî:,  dans  un  Norimon  extrêmement  or- 
né, foûtenu  par  quatre  Porteurs  ;  Il  cft  vêtu  de  blanc  ,  &  dans  la  pofture 
où  l'on  efl  en  priant.  Par-deflus  Tes  habits  il  porte  une  robbe  de  papier , 
où  font  écrits  des  caraéléres  myftéricux ,  qui  doivent  lui  faire  ouvrir  l'entrée 
du  Ciel.  Ses  enfans  font  autour  de  lui ,  dans  l'ours  plus  riches  habillem^ns  ; 
&  le  plus  jeune  porte  une  torche  allumée ,  avec  laquelle  il  doit  mettre  le 
feu  au  bûcher.  On  y  arrive.  11  ell  conftruit  dans  une  fofle,  au  milieu 
d'un  champ  fermé  de  murailles,  qui  font  tendues  de  drap  noir,  &  dans 
l'enceinte  defquelles  on  entre  par  deux  portes.  Aux  deux  côtés  du  buchei 
s'offrent  deux  tables ,  dont  l'une  efl:  chargée  de  toutes  fortes  de  rafiaîchifle- 
mens,  &  l'autre  d'un  grand  brafier. 

Aussi-tôt  que  le  corps  efl:  entré  dans  l'enceinte,  les  Bonzes  le  placent, 
avec  le  Norimon,  au  milieu  du  bûcher.     Leur  Chef  s'approche;  &  rece- 
vant la  torche  allumée  du  plus  jeune  des  fils  du  Mort,  il  tourne  trois  fois, 
autour  du  bûcher,  en  la  remuant ,  comme  nos  Prêtres  remuent  l'encenfoir. 
Enfuite,  après  avoir  récité  quelques  prières,  il  la  rend  à  celui  des  mains 
duquel  il  l'a  reçue,  qiî*  la  jette  à  l'infliant  au  milieu  du  bûcher.     Les  deux 
autres  torches,  qu'on  allume  auflî-tôt,  fervent  admettre  le  feu  en  plufieurs 
autres  endroits  du  bûcher,  où  l'on  jette  en  méme-tems  de  l'huile,  des  par- 
fums, &  d'autres  matières  combufl:ibles.     Lorfque  le  corps  efl:  confumé,  la 
famille  environne  la  table  du  brafier,  y  répand  des  parfums,  &  rend  à  ge* 
noux  des  adorations  au  Mort ,  dont  on  fuppofe  que  l'ame  efl:  admife  au 
commerce  de  fes  Dieux.     On  donne  enfuite,  à  chaque  Bonze,  une  rétribu- 
tion convenable  à  fa  dignité.     Les  moindres  préfens  font  de  la  valeur  d'un 
ducat  ;  &  les  plus  confidérables  d'environ  vingt  écus.     Le  lendemain  ,  les 
Parens  &  les  Amis  du  Mort  vont  recueillir  fes  cendres ,  &  les  mettent  dans 
un  vafedoré,  qu'ils  couvrent  d'un  voile  fort  riche,  &  qu'ils  placent  dans 
l'endroit  même  où  étoit  le  bûcher.     Il  y  demeure  fept  jours ,  pendant  lef- 
quels  les  Bonzes  y  vont  faire  leurs  prières.     De-là ,  il  efl  porté  au  lieu  qui 
efl:  deft:iné  pour  fa  fituation  fixe,  &  pofé  fur  une  efpèce  de  piedefl:al,  où 
le  nom  du  Mort  &  celui  de  fa  Sefte  font  gravés.     Sept  mois  après ,  on  re- 
commence les  mêmes  cérémonies.     Elles  fe  renouvellent  au  bout  de  fept 
années .  &  quelquefois  même  de  quinze  en  quinze  jours,  fuivant  la  dcpenfc 
que  la  famille  y  veut  faire  ;  car  les  Bonzes  font  toujours  prêts ,  lorfque  le 
payement  efl:  certain.     Ce  cérémonial ,  obferve  fHiilorien ,  fait  connoître 
que  l'idée  de  la  mort  n'a  rien  de  lugubre  pour  les  Japonois ,  &  qu'ils  la  re- 
gardent moins  comme  ui     rai ,  que  comme  un  paflage  qui  conduit  au  bonheur. 
Le  deuil  dure  deux  a  .s,  pendant  lefquels  on  doit  fe  priver  de  toute  forte 
de  plaifir:  c'efl:-à-dire ,  qu'après  avoir  commencé  par  prendre  part  au  bon- 
heur du  Mort,  on  pleure  enfuite  fa  perte.     La  manière,  dont  on  efl;  vêtu 
dans  cette  intervalle,  paroît  capable  d'infpirer  la  trifl:efl'e.     Les  hommes  le 
font  à -peu -près  comme  les  femmes.     On  porte  pour  coeffure,    dans  les 
deux  Sexes ,  une  efpèce  de  bandeau  quarré ,  auquel  efl:  coufu  un  grand  lin- 
ge, qui  tombe  par  derrière  comme  un  crêpe.     La  robbe  de  deflus  efl:  d'une 
largeur  extraordinaire ,  &  fe  ferme  fur  l'cftomac.     Elle  doit  être  tout  unie , 
&  fans  doublure.     La  ceinture ,  qui  eft  fort  large  &  en  rezeau .  fait  ordi- 
nairement deux  tours  j  &  tout  l'habillement  doit  être  de  toile  crue.     Cet- 
Xir.  Fart.  II  h  h  te 


Deschiptioî» 
duJai'OK. 


Forme  & 
durée  (lu 
Deuil. 


426 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


Description 
uu Japon. 

■    Fdtc  du  re- 
tour des     ' 
Ame;-. 


l'é: 


t-'r 


Comment 
les  Aines  font 
congédiées. 


Sefte  Phi- 
lofophiquedu 
Siuto. 


te  fimplicité  efl:  accompagnée  d'une  fingulière  modeftie.     On  marche  len- 
tement ,  les  yeux  baifles ,  &  les  mains  repliées  dans  les  manches. 

L'Historien  a  recueilli  des  mêmes  Mémoires,  que  dans  une  Scélc 
du  Japon ,  où  l'on  croit  que  les  Ames  employent  trois  ans  à  fe  rendre  au 
Paradis  de  leur  Dieu,  on  ruppcfe  aufli  que,  pendant  ce  voyage,  elles  re- 
viennent chaque  année  dahs  leur  famille;  fuppoOtion  fort  ridicule,  puifqae 
fe  retrouvant  toujours  au  point  d'où  elles  font^parties  ,  elles  ne  pourroient 
jamais  arriver  à  leur  terme.  On  n'a  pas  lailTé  d'établir;  pour  les  recevoir, 
une  Fête,  qui  fe  célèbre  le  treizième  jour  de  la  feiptiéme  Lune.  Toutes 
les  maifons  font  fort  ornées.  Le  foir,  (jui  précède  là  Fête,  chaque  famille 
fort  de  la  Ville  avec  beaucoup  d'appareil..  En  arrivant  au  lieu,  où  doivent 
fe  rendre  les  Ames,  chacun  leur,  fait  de  grands  complimens  fur  leur  retour. 
On  les  invite  à  fe  repofer,  .:  Qtt  leur  préfente  des  rafraîchiflemens ,  &  l'on 
commence  avec  elles  "une  cbttverlatiohàfTez  pTajfante,  qui  ne  dure  pas 
moins  d'une  heure.  Enfuite  une  partie  de  la  famille  prend  congé  d'elles , 
pour  aller  préparer  tout  ce  qui  efk  liéceiTaire  dans  la  maifon.  Les  autres 
demeurent  quelque- tenis  encpire  à  les  entretenir  :  puis,  ijs  le»  invitent  à  ve- 
nir avec  eux.  La  converâition  continue  pendant  le  chemin.  Un  grand 
nombre  de  flambeaux  les  accompagnent.  En  entrant  dans  la  Ville,  ils  la 
trouvent  éclairée  par  des  illuminations.  .  L'intérieur  des  maifons  n'eft  pas 
moins  éclatant  dei  lumières,  d^ïes  tables  y  font  magnifiquement  fervies. 
Les  Morts  ont  leurs  couverts,  i  coinmè  leà  Vivans  j  «fuivant  le  principe 
des  Japohbis,  qui  croyènt  les  Ames  formées  d'une  matière  extrêmement 
fubtile,  on  ne  doute  pas  qu'elles  ne  fiicent  la  plu»  pure  fubftance  de  tous 
les  mets,  qu'on  leur  préféûte.  Aiprès  le  repas ,  chacun  va  rendre  vifite 
aux  Ames  de  fes  Ami» 't&iiié îles  Voifîns^  Lâîiàît  fe  pafle  à  courir  ainiî 
oans  toute  la  Ville,  &  la  F^te  dn|re  Jufqu'à  h  jBndu  jour  fuivant.  Alors 
Jes-Amçs,  qu'on  croie  ftïflfciinéïit'd[«àirées«  ràfrakhies ,  font  recondui- 
tes, avec  la  même  cérémonie,  jufqu'au  lieu  où  l'on  étoit  allé  pour  les  rece- 
voir. Les  campagnes  font  encore  éclairées  cette  nuit ,  afinqu'elles  puif- 
fent  retrouver  leur  chemin  j  &  dé  peur  qu'il  n'en  foit  reflé  quelques  -  unes 
dans  les  maifons,  &  qu'elles  h^ayent  de  l'embarras  à  rejoindre  ks  autres, 
on  jette  quantité  de  pierres  fur  les  toîts,  &  l'on  vîfite  avec  foin  tous  les 
appartemens,  en  donnant,  de  toutes  parts,  de  grands  coups  de  bâton. 
La  crainte  d'être  incommodés  par  les  apparitions  de  ces  fâcheux  Hôtes, 
n'a  pas  peu  de  part  au  dernier  A6le  (k). 

K  JE  M  p  F  E  R  efl:  le  feul  Voyageur ,  qui  parle  avec  quelque  étendue  d'une 
Sefte  confidérable,  qu'il  nomme  Siuto  (  /  ),  &  qui  n'eft  compofée  que  de 
iPhilofophes.  Elle  reconnoît,  pour  fon  Auteur,  le  célèbre  Confucjus,  ou 
Kooji ,  dont  la  mémoire  n'eft  pas  moins  refpeftée  au  Japon  qu'à  la  Chine.  II 
naquit,  fuivant  Ksempfer,  il  y  a  2243  ^"s  (m).    Moofi^  un  de  fes  Difciples, 

ayant 

■   (k^  Hlftoire  du  Japon,   ubi  fuprà,  çag.  Genrokf.    II  écrivoit  en  1692.    Le  Père  Cou- 

389  &  précédentes.  plet  met  la  naifTance  de  C  mfucius,  cinq  cens 

(i)  Ce  mot  fignifie  Foye  ou  Méthode  des  cinquante  &  un  ans  avant  Jefus-Chrilt,  & 

Pbiîofopbes.  cent  neuf  ans  après  la  fondation  de  l'Empire 

(m)  A  compter,  dit-il,  depuis  lacinquiè-  Japonois. 

me  année  de  l'Ere  Japonoife,  qui  fe  nomme  •  "       "■ 


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DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


427 


DESCRfPTtOM 
DU  jAI'Orf. 


ayant  beaucoup  contribué  à  la  propagation  de  fa  Doctrine ,  par  la  publica- 
tion d'un  Livre,  qui  en  contient  les  principes,  elle  fe  répandit,  au  Japon, 
prefqu'auiri  tôt  que  dans  lii  Patrie.  Il  paroît  qu'elle  porta  les  premières  at- 
teintes à  l'ancienne  Religion  du  Pays,  &  qu'elle  fut  comme  la  première  bar- 
rière ,  qui  arrêta  l'inondation  des  nouvelles  Seéles  venues  des  Indes.  Ses  • 
Seftateurs  ne  renoncèrent  pas  tout  d'un  coup  au  culte  des  Camis;  mais  ils 
ceflerenr  de  les  regarder  comme  des  Dieux ,  quoiqu'extérieurement  ils  ie 
conformaflent  à  ce  qui  étoit  établi  par  les  loixou  par  l'ufage;  ce  qu'ils 
n'avoient  jamais  fait  pour  le  culte  des  Fotoques. 

K/HMPFRR  nous  donne  une  courte  expolkion  de  leur  Philofophie.  Elle  Sa  Doéliinr 
fe  réduit,  dit-il,  à  cinq  Articles,  qu'ils  appellent  Dfin^  Gi,  Re^  Tft ,  & 
Sin.  D(in,  leur  enfeigne  à  mener  une  vie  vertueufe;  &  de-là  vient  qu'un 
homme  vertueux  efl:  honoré  du  nom  de  DJinja.  G\  donne  des  leçons  de 
iuftice;  <&  Re  en  donne  de  politeife.  Tfi  établit  les  maximes  d'un  bon  & 
fàge  Gouvernement.  Sin  traite  de  la  confcience  pure  &  de  la  droiture  du 
cœur.  Cette  Scfte  de  Moraliftes  ne  reconnoît  point  la  tranfmigration  des 
âmes.  Elle  admet  une  ame  du  Monde ,  un  efprit  univerfd ,  une  puifTance 
répandue  dans  l'Univers,  qui  anime  tout,  &  qui  réprend  les  âmes  féparées 
des  corps ,  comme  la  Mer  reçoit  toutes  les  rivières  &  toutes  les  eaux  qui 
s'y  jettent.  Cette  ame  du  Monde  efl:  le  réceptacle  commun  des  âmes , 
d'où  elles  peuvent  fortir  pour  animer  d'autres  Créatures.  Les  Seélateurs 
^du  Siuto  la  confondent  avec  l'Etre  Suprême ,  &  lui  attribuent  toutes  les  per- 
"feftions  qui  n'appartiennent  qu'à  Dieu.  Ils  employent  fréquemment  le  mot 
de  Ten^  qui  fignifie  Ciel  ou  Nature;  par  exemple ,  c'eft;  le  Ciel,  ou  la  Natu- 
re, qu'ils  remercient  de  tous  les  biens  fenfîbles  qu'ils  croyent  de  recevoir. 
Cependant  quelques-uns  d'entr'eux ,  avec  lefquels  Kaempfer  s'entretint  fa- 
milièrement,  reconnoifToient  un  Etre  intellectuel,  incorporel,  gouverneur 
&  direfteur,  non  pas  Auteur  de  la  Nature  («).  Ils  prétendent  même  qu'il 
efl:  une  produftion  de  la  Nature,  engendrée  par  In  oc  ^0^  c'eft-à-dire  ,  Je 
Ciel  &  h  Terre;  l'un  aétif,  l'autre  paffif;  l'un  principe  de  génération ,  l'au- 
tre de  corruption.  C'efl:  de  la  même  manière,  difent-ils  encore,  que  les 
Puiffances  naturelles  font  des  Etres  fpirituels.  Ils  croyent  le  Monde  éter- 
nel. Ils  fuppofent  que  les  hommes  &  les  animaux  ont  été  produits  aufli  par 
In  &  Jo.  Comme  ils  n'admettent  aucune  des  Divinités  du  Pays,  ils  n'ont, 
ni  Temples,  ni  forme  de  culte.  Ils  fe  conforment  aux  ufages  généraux  de 
Patrie,  en  célébrant  la  mémoire  de  leurs  Parens  morts;  c'efl  -  à  -  dire ,  que 
mettant  toutes  fortes  de  viandes  fur  une  table ,  &  faifant  brûler  des  chan- 
delles devant  leurs  Images,  ils  fe  prollernent  jufqu'à  terre  pour  leur  rendre 
ce  qu'ils  doivent  aux  loix  du  fang.  Dans  cette  folemnité  ,  qui  s'obferve 
tous  les  mois  ou  tous  les  ans,  ils  prennent  leurs  plus  beaux  habits,  après 
s'être  lavés  &  purifiés  l'efpace  de  trois  jours,  pendant  lefquels  ils  n'appro- 
chent point  de  leurs  femmes,  &  ne  touchent  à  rien  d'impur.  Les  Mora- 
liftes  ne  brûlent  point  leurs  Morts.  Ils  gardent  les  corps  pendant  trois 
jours,  après  lefquels  ils  les  mettent  dans  un  cercueil ,  couchés  fur  le  dos , 

& 

(n)  Voyez,  ci-delTus,  dans  la  Defcription  de  la  Chine,  les  véritables  principes  de  Co;\- 
fucius. 

Hhh2 


Ses  Séna- 
teurs n'ont  ni 
'l'einplcs  ni 
Culte. 


428 


VOYAGE     DE     Ki^MPFER 


DRJCniPTtON 

DU  Japon. 

I-ctir  mé- 
pris pour  1.1 
mort. 


Ciiufc  de 
îriir  diinimi- 
tioii. 


F.tTorts  d'un 
FriiiLC  pour 
relever  auc 


&  la  tête  élcvtic.  Le  cercueil  efl:  rempli  de  parfums,  pour  en  éloigner  h 
corruption;  &  la  fcpulcure  fc  fait  fans  cérémonie. 

Cette  Se6le  croit  la  mort  non-feulement  permife,  mais  glorieufe  &. 
louable,  lorfqu'elle  efl:  néceflairc  pour  éviter  une  fin  honteufe,  ou  pour  fc 
dérobber  à  des  Ennemis  vainqueurs.  On  foupçonnoit  autrefois  les  Séna- 
teurs du  Siuto  de  favorifer  la  Religion  Chrétienne.  Aulîi,  lorfqu'elle  fut 
extirpée  par  les  fupplices  ,  on  leur  ordonna  d'avoir  chez  eux  une  Idole,  ou 
du  moins  le  nom  de  quelque  Divinité  du  Pays ,  placé  dans  un  lieu  honora- 
ble de  leurs  maifons ,  avec  un  vafe  rempli  de  fleurs  &  un  encenfoir  devant 
cette  efpèce  d'Autel.  Ils  choififlent  ordinairement  l'Idole  de  Quanwon, 
ou  celle  d'Amida,  qu'ils  placent  derrière  leur  foyer.  On  voit ,  dans  leurs 
Ecoles  publiques,  le  portrait  de  Confucius.  Il  n'y  a  pas  long-tems  qu'un 
Empereur  Cubofama  fit  bâtir,  dans  Jedo,  deux  Temples  à  l'honneur  de 
ce  Philofophe  ;  &  lorfqu'il  les  vifita  ,  pour  la  première  fois ,  il  fit ,  à  ceux 
qui  l'accompagnoient,  un  fort  beau  difcours  fur  le  mérite  de  ce  Chef  de  la 
Philofophie  Chinoife.  Mais  ce  refte  de  vénération  n'empêche  pas  que  de- 
puis la  ruine  du  Chriftianifme ,  le  nombre  des  Partifans  du  Siuto  ne  foit 
fort  diminué.  La  rigueur  des  Edits  Impériaux  s'efl  étendue  jufqu'à  leurs 
Livres ,  qu'on  ne  lit  point  aujourd'hui  fans  crainte.  Ils  faifoient  autrefois 
les  délices  de  tout  le  monde  ;  les  Arts  &  les  Sciences  étoient  comme  le  par- 
tage  de  cette  Se6le ,  &  l'on  aflure  qu'elle  comprenoit  alors  la  plus  grande 
partie  de  la  Nation. 

Trente  ans  avant  l'arrivée  de  Kaempfer,  au  Japon,  le  Prince  de  Si- 
fcn  &  d'Inaba ,  Protedteur  du  Siuto  &  des  Sçavans ,  avoit  entrepris  de  fai- 
re revivre ,  dans  fes  Etats ,  cette  Philofophie  prefqu'éteinte.  Il  avoit  fon- 
dé une  Univerfité  dans  cette  vue  ;  &  les  Sçavans ,  raflemblés  de  toutes 
parts,  y  trouvèrent  toutes  fortes  de  faveurs  &  de  privilèges.  Mais  les 
Bonzes,  qui  fe  crurent  menacés  de  leur  ruine,  firent  tant  de  bruit  aux 
deux  Cours  Impériales  ,  que  le  Prince  de  Sifen  auroit  payé  fon  entre- 
prife  de  fa  tête,  s'il  n'eût  pris  le  parti  de  renoncer  aux  affaires,  après 
avoir  remis  fes  Etats  entre  les  mains  de  fon  fils.  Cette  démarche  ap- 
paifa  fes  Ennemis ,  &  lui  procura  une  vie  tranquille.  Quoiqu'on  ne  pût 
douter  que  fon  Succeffeur  ne  fût  dans  les  mêmes  principes ,  ce  jeune 
Prince  fe  conduifit  avec  tant  de  prudence  ,  que  du  temps  de  Kaemp- 
fer ,  il  jouiffoit  paifiblement  de  fes  Etats ,  dans  une  parfaite  liberté  de 
penfer  (o).  - 

(o)  Kœmpfcr,  Tome  II.  pag.  75  &  précédentes. 


Climat  & 
Saifons. 


5- IX. 

Hijîoîre  Naturelle  du  Japon, 

LE  nouvel  Hiftorien  s'efl:  attaché  avec  tant  d'exa6litude  &  de  fidélité  à 
recueillir  toutes  les  obfervations  de  Kaempfer,  que  dans  un  Article  Ci 
curieux  on  peut  prendre  indiflPéremment  l'un  ou  l'autre  pour  Guide.  Les 
Japonois,  difent-ils  tous  deux  ,  vantent  beaucoup  leur  climat.    11  doit  être 

ef- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  429 

cfFedllvement  fort  fain ,  puifqu'on  y  vie  très-longtèms ,  que  les  femmes  y  Dejcrtption 
font  très'fccondes  (rt),  &  qu'on  y  efl  fujct  à  peu  de  maladies.  Le  tems  "<J  Japow. 
néanmoins  y  ell  fort  inconftant.  EnHyver,  l'air  ell  chargé  de  neige  & 
produit  de  fortes  gelées.  En  Eté,  fur- tout  dans  les  jours  caniculaires,  il 
efl:  d'une  chaleur  infupportable.  Les  pluyes  font  fréquentes  pendant  toute 
l'année;  mais  les  plus  grandes  tombent  aux  mois  de  Juin  &  de  Juillet,  que 
cette  raifon  a  fait  nommer  Satfuki,  ou  les  iVJiis  d'eau.  Cependant  la  failbn 
des  pluyes  n'a  pas ,  au  Japon ,  cette  régularité  qu'on  obfcrve  dans  les  Con- 
trées plus  chaudes  des  Indes  Orientales.  Le  tonnerre  &.  les  éclairs  y  font 
fort  fréquens. 

L'agitation  continuelle  de  la  Mer,  qui  environne  ces  Ifles,  joint  au,    Qualités  de 
grand  nombre  d'écueils  dont  elle  eft  parfemée,   en  rendent  la  Navigation  '"*  ^^^'^  ''"  J''* 
tort  dangereufc.     On  ne  voit,  mille  parc,  tant  de  ces  trompes ,   ou  de  ces 
colonnes  d'eau ,  dont  on  a  donné  plus  d'une  fois  la  defcription  dans  ce  Re- 
cueil.    Les  Japonois  les  prennent  pour  des  dragons  d'eau,  qui  ont  une  • 
longue  queue.    Aufli  les  nomment-ils  dans  leur  langue  Tatjmaki,  c'eft-à-di- 
re,  Dragons  jaïïlijjans.     Les  Côtes  du  Japon  ont  deux  fameux  tournans,  qui 
en  augmentent  le  danger.    Le  premier,  nommé  baij'aki  ^  eft  au-deflus  de 
l'ille  d'/hnakufa.     11  n  eft  jamais  plus  redoutable  que  dans  les  balles  marées; 
car  lorfque  la  Mer  eft  haute,   il  fe  trouve  de  niveau  avec  la  furface  des 
flots  ,  &  le  moindre  vent  aide  à  s'en  tirer  :  mais  aulfi-tôt  qu'elle  commence 
à  bailler ,  on  le  voit  tournoyer  d'abord  avec  violence ,  &  puis  tomber  tout 
d'un  coup  jufqu'à  la  profondeur  de  quinze  braftes  ,   entraînant ,  avec  une 
extrême  rapidité ,  tout  ce  qui  fe  rencontre  dans  fon  courant ,  &  le  brifant 
contre  les  rochers  qu'il  renferme.     Les  débris  demeurent  quelquefois  abî- 
més au  fond  de  l'eau,  &  quelquefois  ils  font  rejettes  à  la  diftance  de  plufieurs 
miles  (/;).     Le  fécond  tournant  eft  proche  des  Côtes  de  la  Province  de  Kij' 
wkuni.     On  \e  nomme /^wano  Narratto  f  c'eft-à-dire,  Bruiffiment  d' J'voa  ^  ■p2tx- 
ceque  cette  Province  en  eft  voifine.    11  fe  précipite  avec  tant  d'impétuofi- 
té  autour  d'une  petite  Ifle ,  composée  de  rochers ,  que  la  violence  cfe  cette 
agitation  la  fait  trembler  continuellement.    Il  ne  laifle  pas  d'être  le  moins 
dangereux,  parceque  le  bruit,  qui  fe  fait  entendre  de  fort  loin,  excite  la 
défiance  &  les  précautions.    Ce  terrible  écueil  eft  un  fond  inépuifable  d'al- 
lufions ,  pour  les  Poètes  &  les  Prédicateurs  Japonois  (  c  ). 

En  général,  le  terroir  du  Japon  eft  montagneux ,  rempli  de  pierres ,  & 
naturellement  peu  fertile.  Mais  l'induftrie  &  le  travail  infatigable  des  Ha- 
bitans  leur  font  tirer,  des  rochers  mêmes  &  des  lieux  les  plus  fecs,  tout 
ce  qui  eft  néceflaire  à  leur  fubfiftance.  D'ailleurs  la  Mer  leur  fournit  abon- 
damment du  poiflbn ,  &  toutes  fortes  de  coquillages.  L'eau  douce  ne  leur 
manque  pas.  Ils  ont,  de  toutes  parts,  des  Lacs,  des  Fontaines  &  des  Ri- 
vières; quelques-unes  fi  rapides,  qu'on  ne  les  pafle  point  fans  danger,  & 
qu'il  n'ert  pas  poffible  d'y  conftruire  des  ponts.  Auffi  la  plupart  ont  -  elles 
leur  fource  fur  des  montagnes  j   d'où  elles  defcendent  avec  d'autant  plus 

d'im- 


Tcrroir  da 
Japon. 


Ses  Riviùrc';. 


(a)  On  a  vu,  dans  le  Journal  de  Kxmp- 
fer,  un  Village  du  Ximo,  dont  tous  les  Ha- 
bitans  étoicnt  fils,  petits-fils  &  arrière  petits- 


fils  d'un  foui  homme ,  qui  vivoit  encore. 
(6)  Kxmpfer,  Tom.  I.  pag.  162. 
(c)  Ibidem. 
Hhh  3 


43Û 


VOYAGE     DE     KilîMPFER 


Trcmblc- 
iiieiis  do  ter- 
re, communs 
au  Japon. 


Leurs  ter- 
ribles cllcts. 


Di'.scnrrTioN  d'impetuofitc ,  qu'elles  font  groflies  par  les  grandes  pluycs  des  mois  de 
v\j  J;.poN.  Juin  &  de  Juillet.  On  dillingue,^  entre  les  plus  célèbres;  i».  Celle  d'U/in, 
qui  eil  large  d'un  quart  de  lieue  d'AlL magne.  Elle  tombe  du  fommet  (l'une 
montagne,  avec  tant  de  rapidité,  cjue  pour  la  p.iHer  à  gué,  c.ans  les  tcms 
mêmes  où  l'eau  monte  à  peine  aux  genoux,  un  Voyageur  efl;  oblige  de  t'ai- 
re  conduire  Ion  cheval  par  cinq  liomines  robulles,  qui  connoiflent  parfai- 
temenc  le  canal.  Les  accidcns  y  font  néanmoins  allez  rares,  parceqnc, 
faivant  la  Loi  du  Pays,  les  Guides  font  rcfponiables  de  la  fureté  des  Paf. 
fans.  2°.  La  Rivière  d'0/«/ ,  qui  tire  Ion  nom  de  la  Province  oîi  elle  prend 
fa  fource,  &  qui  fe  forma  dans  J'cipace  d  une  nuit,  285  ans  avant  l'Ere 
Chrétienne.  3'*.  Celle  d'/Ma,  remarquable  par  le  changement  continuel 
de  fon  lit.  Kœmpfer  ne  nomme  aucune  Rivière  du  japon,  qui  paroillo 
d'un  long  cours  &  fore  navjgable. 

On  connoît  peu  de  Pays  auifi  fujets  aux  trcmblcmens  de  terre.  Ils  y  font 
fi  fréquens,  que  les  Habitans  s'en  allarnunt  peu;  '.]uoiqu'ils  foyent  quel- 
quefois affez  violens  pour  rcnverfer  des  Villes  entières.  Le  Peuple  attri- 
bue ces  violentes  fecouifes  à  une  grolfe  baleine,  qui  fe  remue  fc.us  terre. 
On  fait  un  récit  effrayant  (d)  des  delordres  qu'elles  causèrent  en  1586,  de- 
puis la  Province  de  baeaja  julquà  Meaco.  La  Ville  de  Jedo,  rViidcnce 
des  Empereurs  Cubofamas ,  fut  prefqu'entièremenc  abîmée  en  1703;  àc 
plus  de  deux  cens  mille  Japonois  furent  enfevjlis  ious  Ces  ruines.  En  1730, 
on  publia,  dans  toutes  ks  Nouvelles  de  l'Europe  (?),  que  Meaco,  an- 
cienne Capitale  de  fEmpire,  &  féjour  ordinaire  des  Dairis,  avoit  été  ren- 
verfée  dans  toute  fon  étendue,  avec  perte  d'un  million  d'Habitans.  Ksemp- 
fer  nomme  quelques  parties  du  Japon ,  telles  que  les  Ifles  de  Gotto  &  Ja  pe- 
tite lile  de  Sikubujîma^  qui  n'ont  jamais  fenti  la  moindre  fecoufle.  Tous 
conviennent  du  fait,  dit-il  ;  mais  les  uns  attribuent  cette  exception  à  la  fa- 
veur d'un  Dieu  tutelaire;  &  d'autres,  moins  fuperllitieux ,  prétendent  l'ex- 
pliquer par  les  principes  d'une  fort  mauvaife  Phyfique.  Ils  fuppofent  que 
ces  Cantons  portent  immédiatement  fur  le  centre  de  la  Terre  (/).  Le 
nouvel  Hiilorien,  rapprochant  diverfes  obfervations  de  Kgempfer,  trou- 
ve une  explication  fort  naturelle  dans  le  grand  nombre  de  Volcans  qu'on 
voit  au  Japon.  Une  petite  llle  ,  voiline  de  Firando ,  a  brûlé  pendant 
plufieurs  fiècles.  Une  autre,  vi^à-vis  de  Satzuma,  jette  continuellement 
du  feu.  Dans  la  Province  de  Fiaigo  ,  fur  la  cime  d'une  haute  monta- 
gne ,  on  voit  une  large  ouverture  ,  qui  étoit  autrefois  la  bouche  d'un 
Volcan ,  quoiqu'il  n'en  forte  plus  rien  depuis  quelques  années.  Dans  la 
Province  de  Chicugen ,  prés  d'un  lieu  nommé  Kiijanq(Ja  ,  une  Mine  de 
charbon  ,  qui  s'eft  entlammée  par  la  né^iij^ence  des  Ouvriers ,  n'a  pas  cef- 
fé  de  brûler  depuis.  La  montagne  dQreJi,  dans  le  voifmage  de  Surunga, 
fameufe  par  fa  hauteur,  par  fa  forme,  qui  repréfente  celle  d'un  chapeau, 


Volcans. 


(d)  Le  Père  de  Froes,  dans  une  Lettre 
dattée  de  Simonofcki ,  dans  la  Province  de 
Nagalla,  le  15  d'Oftobre  1586.  \'oyez  le 
Recueil  du  Père  U  y ,  de  rébus  Japonicis.  Le 
même  Recueil   contient  le  récit   d'un  autre 


accident  de  la  même  nature ,  arrivé  dix  ans 
après. 

(  f  )  Gazette  de  France ,  article  de  Vienne 
du  premier  Novembre  1730. 

(/)  Ibid.  pag.  165. 


DANS  L'EMPIRE  DV  JAPON,  Liv 


IV. 


43  ï 


DrïCRU'TTOM 
iviiix  clv:u- 
ruks. 


&  par  la  neige  dont  elle  efl:  toujours  couverte  ,  cxhaloit  autrefuia  des  Uam- 
mes.  Elles  ont  difparu  ,  depuis  que  le  feu  a  fait  une  ouverture  au  cûté  de 
la  montagne;  mais  on  en  voit  encore  fortir  une  fumco  noire,  accompagnée 
d'une  puanteur  inrupportabie.  La  terre  y  ell  chaude»  &  même  brûlante 
en  divers  endroits,  il  en  fort  plufieurs  fourccs  d'eaux  chaudes,  dont  on 
vante  la  vertu  pour  les  maux  vénériens  (g).  Le  Japon  a  quantité  d'au- 
tres Volcans ,  6c  diverfes  fortes  d'eaux  mOdccinales.  Caron  parle  de 
plufieurs  foiirces,  qui  paflent  par  des  Mines  de  cuivre,  de  falpétre,  de 
fouffre,  de  fel,  de  fer  &  d'étain.  Il  en  vit  une,  qui  vient  d'une  Mine 
d'étain,  &  qui  fort  d'une  grotte,  dont  l'entrée  a  dix  pieds  d'ouverture. 
Autant  que  la  vue  peut  s'étendre  dans  i'obfcurité,  on  découvre,  autour  de 
cette  grotte,  des  pierres  taillées  en  pointe,  comme  des  dents  d'éléphant. 
L'eau  efl:  d'une  chaleur  tempérée.  Il  vit  une  autre  fontaine,  qui  ne  coule 
ordinairement  que  deux  fois  le  jour  ,  l'efpacc  d'une  heure  à  chaque  fois  : 
mais  lorfquc  le  vent  fouffle  de  l'Jifl:  &  qu'il  efl;  violent ,  elle  coule  à  trois 
ou  quatre  reprifes  ,  dans  l'efpace  de  vingt-quatre  heures.  Enfin  ,  le  mC-me 
Voyageur  décrit  une  autre  lource ,  qui  a  quelque  chofe  encore  de  plus  fm- 
gulier.  Elle  fort  d'une  efpèce  de  puits,  dont  les  côtés  font  garnis  de  pier- 
res fort  grofles  &  fort  pefantes.  Elle  ne  coule  qu'à  certaines  heures  ; 
mais  elle  coule  avec  tant  d'abondance  &  avec  un  vent  fi  fort,  que  les 
pierres  en  font  ébranlées.  La  première  eau  fort  à  la  hauteur  de  trois 
ou  quatre  braflcs.  Sa  chaleur  furpafle  le  degré  auquel  on  peut  échauf- 
fer l'eau  commune,  &  fe  conferve  auiTi  beaucoup  plus  long-tems.  Le 
canal ,  par  lequel  cette  eau  pafle ,  efl:  revêtu  de  fortes  pierres  ;  précaution 
qu'on  a  crue  néceflaire  pour  empêcher  qu'elle  ne  brûle  la  terre:  (x  du  grand 
canal ,  on  en  a  tiré  plufieurs  petits ,  qui  conduifent  l'eau  jufqu' au  logement 
des  Malades. 

Cette  multitude  de  Volcans  &  de  bains  chauds  prouve  aflez  que  la 
ferre  du  Japon  renferme  beaucoup  de  fouffre.  Mais  on  en  a  beaucoup  d'au-  ^'^  fouiirc 
rres  preuves.  Kaempfer  connoifloit  peu  de  Pays  où  ce  minéral ,  qui  efl:  la 
fource  de  tous  les  métaux,  foit  en  plus  grande  abondance.  On  en  tire  fur- 
tout  une  fi  prodigieufc  quantité  d'une  llle  de  la  Province  de  Satzuma ,  qu'el- 
le en  a  pris  fon  nom.  Il  n'y  a  pas  plus  d'un  ficelé  qu'on  a  la  hardiefle  d'y 
aborder.  Elle  paflbit  auparavant  pour  inacceflible ,  à  caufe  d'une  fumée 
noire  &  épailfe  qui  en  fort  continuellement,  &  qui  préfentoit  des  monrtrcs 
horribles  à  l'imagination  des  Peuples  voifins.  Perfonne  ne  doutoit  queTlfle 
ne  fût  habitée  par  des  Efprits  infernaux.  Un  Particulier ,  moins  timide  , 
demanda  la  permilTion  d'y  entrer.  Il  choifit  cinquante  hommes  de  la  mê- 
me réfolution ,  avec  lefquels  il  ofa  defcendre  au  rivage.  Après  avoir  tra- 
verfé  qu'.'lques  bois ,  il  trouva  un  terrain  fort  uni ,  &  fi  couvert  de  fouffre , 
que  de  quelque  côté  qu'il  marchât ,  il  voyoit  fortir  une  épaifle  fumée  fous 
fes  pieds.  L'ille  fut  nommée  Ivogajima,  c'eft:-à-dire ,  \  IJle  de  fouffre  ;  âc 
depuis  cette  découverte ,  elle  rapporte  chaque  année  au  Prince  de  Satzuma 
environ  vingt  caiffes  d'argent ,  outre  le  produit  des  arbres ,   qui  n'y  croif- 

fent 

(/t)  Le  Mal,  qu'on  nomme  en  France  Mal  de  NapUs ,  porte  au  Japon  it  nom  de  Mal 
Portugais,  parcequ'il  n'y  étoit  pns  connu  avant  l'arrivée  des  Portugiili, 


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Abondance 


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432  VOYAGE    DE    KiEMPFER 

DrscRTPTTON   fent  que  fur  les  Côtes.     Le  Pays  de  Ximabara^  où  l'on  trouve  beaucoup  de 
duJai'on.      bains  chauds ,  pourroit  fournir  aufli  quantité  de  foufFre;  mais  une  fuperfti- 
tion,  qui  n'efl  point  expliquée  dans  Kœmpfcr,  s'oppofe  au  travail  des  Ha- 
bitans  ;  ce  qui  n'empêche  pas  qu'en  général  le  fouffre  ne  foit  une  des  prin- 
cipales richt'fles  du  Japon. 
Mines  d'or.       Il  fe  trouve  de  l'or  dans  plufieurs  Provinces  de  l'Empire.  C'efl:  une  par^ 
tie  confidérable  du  revenu  Impérial,  parcequ'on  ne  peut  ouvrir  aucune  Mi- 
ne, fans  la  pcrmifllon  de  la  Cour,  qui  fe  réferve  les  deux  tiers  du  produit. 
L'or  du  Japon  fe  tire  ordinairement  par  la  fonte  ;  mais  on  en  trouve  auili 
dans  le  fable ,  en  le  levant  ;  .&  le  cuivre  du  Pays  en  contient  tofljours  un 
peu.     Les  plus  abondantes  Mines  de  ce  précieux  métal ,  Scelles,  doii'.  l'or 
paflbit  pour  le  plus  pur,  ont  été  long-teras  les  Mines  de  Sacloy  une  des  Pro- 
vinces Septentrionales  de  Nipon.     On  y  recueille  encore  quantité  de  pou- 
dre d'or ,  fur  laquelle  il  ne  fe  lève  aucun  droit  pour  l'Empereur.     Los  Mi- 
nes de  Surunga  font  auffî  très-ellimées  ;  mais  les  unes  &  les  autres  commen- 
cent à  s'épuifer.     On  en  a  découvert  de  nouvelles  dans  la  Province  de  Sat- 
zuma,  auxquelles  il  eft  rigoureufement  délcndu  de  travailler;  dans  la  vue 
apparemment  de  les  réferver  pour  des  néceilités  preflantes.     Le  premier 
elfai  a  fait  reconnoître  qu'elles  rendent  fix  pour  léize.     Une  montagne  H- 
tuée  fur  le  Golfe  d'Ukus,  dans  le  Diflriél  d'Omura,  s'étant  écroulée  dans  la 
Mer  à  la  fin  du  fiècle  pafle,  on  trouva  que  le  fable  du  lieu  qu'elle  avoit  oc- 
cupé, étoit  mêlé  d'or  pur.     Malheureulement,  on  ne  put  tirer  beaucoup 
d'avantage  d'une  fi  riche  découverte:  un  grand  tremblement  de  terre,  fui- 
vi  de  marées  extraordinaires,  couvrit  la  Mine  de  boue  ^.  uargl'e,  à  la 
hauteur  de  plufieurs  brades,  &  le  travail  fut  abandonné.     Dans  la  Province 
de  Chicungo ,  une  autru  Mine,   qui  donnoit  beaucoup  d'or^,   s'efl:  tellement 
remplie  d'eau,  qu'il  eft  devenu  impolîîble  d'y  travailler.     On  efl:  perfuadé 
néanmoins  qu'en  faifant  une  ouveiLure,  dans  le  rocher  qui  eft  à  l'entrée, 
.'   l'eau  pourroit  s'écouler;  &  cette  entreprife  avoit  été  formée:  mais  un  ora- 
ge, furvenii  dans  le  moment  qu'on  alloit  commencer  le  travail ,  fit  juger 
que  la  Divinité  du  lieu  ne  vouloit  pas  qu'on  déchirât  le  fein  d'une  terre  qui 
étoit  fous  fa  proteélion.     De  même,  un  torrent,  forci  tout  d'un  coup  d'une 
montagne,  où  l'on  alloit  ouvrir  une  Mine  d'or,  dans  fille  d'Jmakufa^  ré- 
pandit l'épouvante  parmi  les  Habitans,  &  fit  prendre  la  fuite  aux  Ouvriers. 
Aident.  La  Province  de  Burgo  a  des  Mines  d'argent.     Katiami  ^    lieu  fitué  au 

Nord  du  Japon ,  en  a  de  plus  riches  encore.     On  a  parlé ,  dans  la  Defcrip- 
tion  Géographique,  des  deux  liks  de  Ginjîma  &  de  Kinfima^    &  de  l'opi- 
nion qu'on  a  de  leur  richelfe.     On  a  déjà  remarqué  aulTi  que  l'argent  du  Ja- 
pon pafle  pour  le  meilleur  du  Monde,  &  qu'autrefois  on  l'échangeoit,  à  la 
Chine,  poids. pour  poids,  pour  de  l'or.     Les  Japonais  ont  encore  un  métal 
Sowa ,  mé-  précieux,  maiscompofé,  qu'ils  nomment  ^oz'.'di ,  ou  Snouas,   dont  la  cou- 
•.?\  précieux,    leur  tire  fur  le  noir,  &  qui  eft  un  mélange  de  cuivre  &  d'or.  Il  n'eft  pas  par- 
ticulier au  Japon ,  mais  on  l'y  travaille  avec  un  art ,  dont  on  n'approche 
point  dans  les  autres  Contrées  de  l'Afie  ;  &  lorfqu'il  eft  employé ,  il  ne  cè- 
de rien  à  l'or  pour  l'éclat  &  la  couleur. 
Cuivre.  Après  tout,  le  cuivre  eft  le  plus  commun  des  métaux  de  ces  Ifles,  & 

fuffiroit  fcul  pour  les  enrichir.     On  le  tire  principalement  des  Provinces  de 

Su- 


ve  pas  < 

plats ,  ( 

d'étain, 

japonoii 

On  n 

ka^  de  l 

affiné  da; 

plupart  ( 

font  que 

pour  ks 

trent  dai 

les  pots  f 

vieux  foi 

le  fecret. 

dan ce  de 

ces  Septe 

Le  fel 

ce  de  teri 

qu'on  laif 

fable  parc 

cuve,  do 

de  Mer, 

grands  vé 

qui  en  fo 

vienne 

Le  Jat 
même  leu 
de  la  Chir 
fent  natui 
ne  veulen 
rare,  & 
dient  d'ur 
ulcères , 
rieuremen 

(b)  Kœm 
ces. 
(i)  Le  c 

xir. 


Airaini,v 


Etata 


Fer. 


Chert<i  des 
uftencilcb  de 
fer. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  433 

Sanmga^  d'/llfangOy  &  de  Kijmkuni.  Le  plus  fin  &  le  plus  malléable  efl;  ce-  DEscarpTio!» 
lui  de  Kijnokuni.  Celui  d'Alfango  efl  fi  groffier,  que  pour  l'employer  faci-  °"  Japon. 
lement,  il  y  faut  mêler,  fur  foixante-dix  catis,  trente  du  précédent.  Ce- 
lui de  Surunga  efl;  non-feulement  trés-fin  &  fans  défauts,  mais  il  efl;  chargé 
de  beaucoup  d'or;  &  les  Japonois  féparant  ces  métaux  infiniment  mieux  au- 
jourd'hui, qu'ils  ne  faifoient  autrefois,  les  Rafineurs  delà  Côte  de  Coro- 
xnandel  y  trouvent  moins  leur  compte.  On  a  vu,  dans  l'Article  du  Com- 
merce, fous  quelle  forme  il  fe  vend  aux  Hollandois.  L'airain  efl:  aflfez 
rare  au  Japon,  &  beaucoup  plus  cher  que  le  cuivre,  parcequ'il  ne  s'y  trou- 
ve pas  de  calamine ,  &  qu'il  faut  en  faire  v^^nir  du  Tonquin ,  en  gâteaux 
plats ,  qui  fe  vendent  fort  cher.  La  Province  de  Bungo  produit  un  peu 
d'étain,  fi  blanc  &  fi  fin  ,  qu'il  n'efl;  guéres  inférieur  à  l'argent;  mais  les 
japonois  n'en  font  prefqu'aucun  ufage.  j  ...: 

On  ne  trouve  du  fer  que  fur  les  confins  des  trois  Provinces  de  Nincafa- 
ka ,  de  Bitsju  &  de  Bijen  ;  mais  on  l'y  trouve  en  grande  abondance.  Il  efl; 
affiné  dans  les  mêmes  lieux ,  &  fe  vend  prefqu'aufli  cher  que  le  cuivre.  La 
plupart  des  outils  de  fer  font  à  plus  haut  prix ,  au  Japon ,  que  ceux  qui  ne 
font  que  de  cuivre ,  ou  même  d'airain.  Ces  deux  métaux  ne  fervent  que 
pour  les  ufl:enciles ,  les  crochets ,  les  crampons ,  &  d'autres  pièces  qui  en- 
trent dans  la  confl:ru6î:ion  des  Navires  &  des  Edifices.  Pour  la  Cuifine, 
les  pots  font  d'une  compofition  de  fer,  &  de  fort  peu  d'épaiffeur.  Les  plus 
vieux  font  les  plus  efliimés,  parcequ'il  y  entre  un  alliage,  dont  on  a  perdu 
le  fecret.  Le  charbon  de  terre  ne  manque  point  au  Japon.  l\  fort  en  abon- 
dance de  la  Province  de  TJiku/tn,  des  environs  de  KuganiJJut  &  des  Provin- 
ces Septentrionales. 

Le  fel  commun  fe  fait  avec  l'eau  de  la  Mer.  On  creufe  un  grand  efpa- 
ce  de  terre,  qu'on  remplit  de  fable  fin,  fur  lequel  on  jette  de  l'eau  de  Mer, 
qu'on  laifle  fécher.  On  recommence  la  même  opération ,  jufqu'à-ce  que  le 
fable  paroifle  allez  imbibé  de  fel.  Alors  on  le  ramafle;  on  le  met  dans  une 
cuve,  dont  le  fond  efl: "percé  en  trois  endroits;  on  y  jette  encore  de  l'eau 
de  Mer ,  qu'on  laifle  filtrer  au  travers  du  fable  ;  on  reçoit  cette  eau  dans  de 
grands  vafes,  pour  la  faire  bouillir  jufqu'à  certaine  conrifl;ence;  &  le  fel, 
q.;!  en  fort,  ell  calciné  dans  de  petits  pots  de  terre,  jufqu'à-ce  qu'il  de- 
vienne blanc  (h). 

Le  Japon  n'a  pas  d'antimoine  ni  de  fel  armoniac.  On  n'y  connoît  pas 
même  leurs  qualités ,  ni  leurs  ufages.  Le  vif-argent  &  le  borax  y  viennent 
de  la  Chine.  Kaempfer  y  trouva  néanmoins  deux  fortes  de  borax,  qui  croif- 
fent  naturellement ,  mais  fi  mêlées  de  parties  hétérogènes ,  que  les  Japonois 
ne  veulent  pas  fe  donner  la  peine  de  les  féparer.  Le  mercure  fublimé  efl:  Mercure. 
rare ,  &  d'un  prix  exceflTif  dans  leurs  Ifles.  Ils  en  font  le  principal  ingré- 
dient d'une  eau  mercuriale, qu'ils  croyent  fouveraine  pour  la  guérifon  des 
ulcères,  des  cancers  &  d'autres  maux.  Le  cinabre  naturel  fe  prend  inté-  Cinabre. 
rieurement  dans  pi ufieurs  maladies  (i);  &  l'artificiel  s'employe  dans  les 

cou- 


Charbon  de 
terre. 


Sel. 


(i)  Kaempfer,  ibid.  pag.  174  &préc(iden- 


£es. 


(i)  Le  cinabre  naturel  du  Japon  cil  d'un 
XI  F.  Fan, 


rou^e  charmant.  Il  s'en  trouve  de  fi  beau  , 
qu'il  fe  vend  beaucoup  au-delà  de  fon  poids 
en  argent.  Kampfer ,  pag.  179. 

lii 


434 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


Description 

lïUjAi'OM. 

Plomb. 


Agathes. 

Cornalines. 
Jafpe. 

Perles. 


Perles  pro- 
liiiques. 


Perles  rouges. 


Naphte. 


Ambre  gris. 


couleurs:  l'un  &  l'autre  leur  vient  de  la  Chine.  Le  Commerce  de  cette 
marchandife  eft  entre  les  mains  de  quelques  Particuliers ,  quijouiflent  d'un 
Privilège  exclufif.  Ksempfer  ne  dit  rien  du  plomb  ;  mais  Caron  afliire  que 
ie  Japon  en  produit  beaucoup. 

On  trouve,  dans  les  montagnes  de  Tfengaar^  fituées  à  l'une  des  extrémi- 
tés Septentrionales  du  Japon ,  différentes  efpéces  d'agathes ,  dont  quelques- 
unes  font  d'une  rare  beauté .  bleuâtres,  &  fort  approchant  du  faphir.  On 
en  tire  aufli  des  cornalines  &  du  j'ifpe.  Les  Côtes  de  Saikokf  font  couver- 
tes d'huitres  &  d'autres  coquillages ,  qui  renferment  des  perles  (k).  Les 
plus  grofles  &  les  plus  belles fe  trouvent  dans  une  huître,  nommée  /ikofa^ 
qui  reflemble  alfcz  aux  coquilles  de  Perle.  Elle  eft  à-peu-prés  de  la  largeur 
de  la  main,  mince,  frêle,  unie  &  luifante  au  dehors;  un  peu  raboteufeà 
inégale  en  dedans  ;  d'une  couleur  blanchâtre,  aulïï  éclatante  que  la  nacre 
ordinaire ,  &  difficile  à  ouvrir.  On  ne  voie  de  ces  coquilles  qu'aux  envi- 
rons deSatzuma,  &  dans  le  Golfe  d'Omura.  Le  profit,  qui  en  revient  aux 
Princes  de  Satzuma ,  les  a  portés  à  défendre  qu'elles  foyent  vendues  au  mar- 
ché.  Elles  font  rares.  Kaempfer  s'en  procura  quelques-unes.  On  leur 
attribue,  dit-il,  une  propriété  fort  extraordinaire:  fi  l'on  met  quelques- 
unes  des  plus  groffes  dans  une  boëte ,  avec  un  certain  fard  du  Japon ,  fait 
d'une  autre  forte  de  coquille,  qui  fe  nomme  Takaruga,  on  voit  naître,  à 
côté  de  chacune,  une  ou  deux  petites  perles ,  qui  fe  détachent  d'elles- 
mêmes,  au  bout  de  trois  ans;  tems  auquel  on  les  fuppofe  parvenues  à  leut 
maturité.  Marco  Polo  &  d'autres  Voyageurs  afflirent  qu'on  trouve  au  Ja- 
pon des  perles  rouges ,  de  figure  ronde.  Ksempfer  décrit  cette  coquille, 
que  les  Japonois  nomment  ^waè/ :  elle  eft  d'une  feule  pièce,  prefqu'ovale, 
aflez  profonde,  ouverte  d'un  côté,  par  lequel  elle  s'attache  aux  rochers 
&  au  fond  de  la  Mer,  ornée  d'un  rang  de  trous,  qui  deviennent  plus 
grands,  à  mefure  qu'ils  s'approchent  de  fa  plus  grande  largeur.  La  fur- 
face  extérieure  eft  rude  &  gluante.  Il  s'y  attache  fouvent  des  coraux ,  des 
plantes  de  Mer ,  &  d'autres  coquilles.  Elle  renferme  une  excellente  na- 
cre brillante,  d'où  il  s'élève  quelquefois  des  excrefcences  de  perles  blan- 
châtres, comme  dans  les  coquilles  ordinaires  de  Perfé.  Cependant  une 
groffe  mafle  de  chair,  qui  remplit  fa  cavité,  eft  le  principal  attrait  qui  la 
fafle  rechercher  des  Pécheurs.  Ils  ont  des  inftrumens  faits  exprés,  pour 
la  détacher  des  rochers.  Le  même  Voyageur  décric  d'autres  coquilles  moins 
précieufes. 

Dans  une  Rivière  de  la  Province  de  Jetfmgo ,  on  trouve  du  naphte,  de 
couleur  rougeâtre,  que  les  Japonois  nomment  Tfutfono- Mm  ^  ou  Terre  rouge. 
Il  fe  tire  de  quelques  endroits,  où  l'eau  eft  prefque  dormante;  &  l'on  s'en 
fert  dans  les  lampes ,  au  lieu  d'huile.  Les  Côtes  de  Satzuma  &  des  IHes  de 
Riuku  offrent  fouvent  de  l'ambre  gris  ;  mais  il  s'en  trouve  encore  plus  fur 
celles  de  Khumano,  ik  des  Provinces  de  Kijnokuni  &  d'isje.  Ka&mpfer  ra- 
conte qu'on  le  tire  principalement  des  inteftins  d'une  baleine,  affez  com- 
mime  dans  la  Mer  du  Japon,  &  nommée  fiakjiro  par  les  Habitans,  c'eft- 

à-dire, 

(*)  Les  Japonois  n'en  connoiflbient  pas  l'ufage  &  le  prbc,  &  ne  l'ont  fçu  qwc  de* 
Chinois. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lïv.  IV. 


435 


aux  envi- 
evienc  aux 
i€s  au  mar* 


Description 

oujAruN. 


Où  il  fc 
trouve,  & 
coniinent  il  fe 
perfeèlionne. 


à-dire,  PoiJJhn  à  cent  braffes^  parcequ'ils  fuppofent  que  fes  inteflins  ont  cette 
longueur.  Il  y  eft  mêlé  avec  les  excrémens  de  l'animal ,  qui  font  comme 
de  la  chaux,  &  prefqu'aulTi  durs  qu'une  pierre.  C'efl  par  leur  dureté  qu'on 
juge,  s'il  s'y  trouvera  de  l'ambre  gris.  Auflî  le  nomme-t'on  Kufarano-Fu^ 
nom  qui  fignifie  excrément  de  Baleine.  Mais  ce  n'eft  pas  de-là  qu'il  tire  fon 
origine.  De  quelque  manière  qu'il  croifle  au  fond  de  la  Mer ,  ou  fur  les 
Côtes,  il  paroît  qu'il  fert  de  nourriture  à  ces  baleines,  &  qu'il  ne  fait  que 
fe  perfectionner  dans  leurs  entrailles.  Avant  qu'elles  l'ayent  avallé,  ce  n'cft 
qu'une  fubftance  affez  difforme,  plate,  gluante,  femblable  à  la  boufe  de 
vache,  &  d'une  odeur  très-defagréable.  Ceux  qui  le  trouvent  dans  cet 
état,  flottant  fur  l'eau ,  ou  jette  furie  rivage,  le  divifent  en  petits  mor- 
ceaux, qu'ils  preflent,  pour  lui  donner  la  forme  de  boule.  A  mefure  qu'il 
durcit,  il  devient  plus  folide  &  plu«  pefant.  D'autres  le  mêlent  &  le  paî- 
triflent  avec  de  Ja  farine  de  colles  de  riz,  qui  en  augmente  la  quantité  & 
relève  fa  couleur.  Il  y  a  d'autres  manières  de  le  fallilier  :  mais ,  fi  l'on  en 
fait  brûler  un  morceau ,  le  mélange  fe  découvre  aufli-tôt  par  la  couleur , 
fodeur  &  les  autres  qualités  de  la  fumée.  Les  Chinois ,  pour  le  mettre  à 
l'épreuve,  en  raclent  un  peu  dans  de  l'eau  de  thé  bouillante.  S'il  eft  véri- 
table, ilfe  di/^out,  &fe  répand  avec  égalité.  Les  Japonois  n'ont  appris 
que  des  Chinois  &  des  Hollandois ,  la  valeur  de  l'ambre  gris  (  /).  A 
l'exemple  de  la  plupart  des  Nations  Orientales  de  l'Afie ,  ils  lui  préféroient 
l'ambre  jaune. 

Les  Mers  du  Japon  produifent  une  quantité  furprenante  de  plantes  ma- 
rines, d'arbrifleaux,  de  coraux,  de  pierres  fingulières  ,  d'épongés  &  de 
touces  fortes  de  coquillages ,  qui  égalent  en  beauté  ceux  d' Amboine  &  des 
Itles  Moluques.  Mais  les  Japonois  en  font  peu  d'eftime  ;  ou  fi  le  hazard 
en  fait  tomber  dans  les  filets  d'un  Pécheur,  il  les  porte  au  Temple  le  plus 
voifm,  pour  les  offrir  à  Jebii^  qui  eft  le  Neptune  du  Japon,  comme  un 
tribut  de  fElement  auquel  cette  Divinité  préfide  (w). 

Un  Voyageur,  qui  avoit  fait  un  long  féjour  à  la  Chine,  a  prétendu  qu'il  Porc?'- : 
ne  fe  faifoit  point  de  Porcelaine  au  Japon ,  &  que  celle,  qui  fe  vend  parmi 
nous  à  ce  titre ,  fe  faifoit  à  la  Chine  pour  les  Japonois ,  qui  l'y  venoient 
acheter.  Il  eft  vrai  qu'ils  y  en  achètent  beaucoup;  mais  il  ne  feft  pas  moins, 
que  celle ,  qui  porte  le  nom  du  Japon ,  fe  fabrique  dans  le  Figen ,  la  plus 
grande  des  ntaf  Provinces  de  Saikokf,  ouduXimo(«);  la  matière  eft  une 
argile  blanchâtre,  qui  fe  tire  en  abondance  des  montagnes  voifmes  à'Urifijno 
&  de  Suwota,  &  de  quelques  autres  endroits  de  la  même  Province.  Quoi- 
que cette  argile  foit  naturellement  fort  nette ,  elle  demande  encore  d'être  >  •; 
paîtrie  &  bien  lavée,  pour  devenir  tranfpar  en  te;  &  ce  travail  eft  fi  péni- 
ble ,  qu'il  fait  dire ,  comme  en  Proverbe ,  que  les  os  humains  font  un  des  ingré~ 
àiensy  dont  la  Porcelaine  ejl  compofée.  On  n'a  pas  d'autres  lumières  fur  la 
fabrique  de  cette  précieufe  vaiffelle.  Perfonne  n'ignore  que  fancienne 
■     •     ,                                                                ...                          Por- 


Manière 
Chinoife  de 
l'eflkyer. 


Végétaux 
des  Mers  du 
Japon. 


(/)  Kaempfcr  donne  une  defcription  parti- 
culière de  l'ambre  gris  d'ins  l'Appendix,  à  11 
fin  du  troifièmc  Tome. 

(m)  Le  même,  Tom,  I.  pag.  179  &  pré- 


cédentes. 

(n)  Voyez,  ci-defllis,  îe Journal  deKxmp- 
fcr,&la  Defcription  géographique  du  JapoQ, 

lii  z 


43<5 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


DU  Japon. 


Description  Porcelaine  du  Japon  ell  plus  eftimée  que  celle  de  la  Chine ,  &  qu'elle  pa- 
DU  lAPON.  j.qJj  mériter  cette  préférence  ;  fur-tout  par  le  blanc  de  lait  qui  la  diflingue. 
Celle  d'aujourd'hui  n'cfl:  pas  de  la  même  beauté  ;  ce  qui  fait  juger  que  le 
fecretdela  préparation  s'efl:  perdu.  Celle  de  Saxe,  remarque  l'Hiftorien 
moderne,  approche  beaucoup  plus  de  l'ancienne,  &  celle  de  Ch^atilly  en- 
core plus  (o).  L'une  &  l'autre  la  furpafle  même  par  le  gros  du  deuein, 
&  par  la  finefle  des  traits  (p).       >  .^  ..•,,. 

(o)  La  Porcelaine  de  Chantilly  n'a  aucune     qui  a  été  fondu  dans  la  Porcelaine  môoie  de 
qualité  de  Porcelaine.    C'eft  du  verre  blanc.     Saxe.  R.  d.  E. 

(p)  UbiJ'uprà,  pag.  57. 


Animaux 
chimériques 
du  Japon. 

LcKirin. 


vMingii. 
Kaitfu. 


Tatz, 


.■■>if> 


'.'1  ■„■,)(=  ir\ 


§.     X. 


Animaux  chimériques  6?  réels  du  Japon. 


*.i  .1 


AU  Japon,  comme  à  la  Chine,  on  parle  beaucoup  de  quelques  ani- 
maux chimériques;  &  Kaempfer,  qui  croit  ces  fidtions  empruntées 
des  Chinois,  les  juge  dignes  de  quelque  remarque,  avant  que  de  pafier 
aux  animaux  réels. 

Le  Kirin  efl  un  des  plus  monftrueux.  Les  Japonois  le  repréfentent  avec 
le  corps  d'un  cheval,  les  quatre  pieds  d'un  daim,  la  tète  d'un  dragon,  deux 
aîles;  &  fur  la  poitrine,  deux  cornes  recourbées  en  arriére.  Ils  lui  attri- 
buent une  vîtelTe  incroyable.  Qu'il  marche  ou  qu'il  coure,  c'eft  toujours 
avec  une  fi  grande  légèreté ,  qu'il  ne  foule  pas  l'herbe ,  &  qu'il  ne  fe  fait 
pas  fentir  au  plus  foible  infeéle  qui  fe  trouve  fous  fes  pas.  On  en  fait  hon- 
neur à  fa  bonté.  Auflî  ne  peut-il  naître  q^ue  fous  certaines  conftellations ,  & 
dans  le  tems  que  la  Nature  produit  un  Sejm  ;  nom  par  lequel  on  entend  un 
homme  d'une  intelligence  &  d'une  bonté  furnaturelle,  tels  que  Gio  &  5ïmw, 
deux  excellens  Empereurs  Chinois  ;  tels  que  Koofi  ou  Confucius  ,  Siaca  ou 
Xaca ,  Danna ,  Sokoktais ,  &  d'autres  grands  Perfonnages ,  qui  fe  font  figna* 
lés  par  leur  mérite  &  leur  vertu. 

Le  Sungu  eil  un  autre  animal  imaginaire,  auquel  les  Japonois  donnent 
la  figure  d'un  léopard,  avec  deux  cornes  tendres  devant  la  poitrine,  re- 
courbées en  arrière.  Un  troifième  fe  nomme  Kaitfu ,  ou  Kaifai.  Ils  le  re- 
préfentent fous  la  forme  d'un  renard ,  qui  a  deux  cornes  devant  la  poitri- 
ne ,  &  une  ai:tre  fur  le  front,  avec  un  rang  de  pointes  fur  le  dos,  comme 
le  crocodile.  Ils  donnent  le  nom  de  Tats ,  ou  Dria ,  ou  Dfta ,  à  une  efpé- 
ce  de  dragon  à  quatre  pieds  ,  dont  leurs  Chroniques  rapportent  quantité 
d'avantures  fabuleufes.  On  lui  donne  pour  demeure  le  fond  de  la  Mer. 
Sa  figure  ell  celle  d'un  fort  gros  ferpent,  dont  le  corps  efl:  couvert  d'é- 
cailles ,  avec  des  pointes  aiguës  le  long  du  dos  ,  &  une  tète  monflrueufe  ; 
la  queue  fe  termine  en  manière  d'épée  à  deux  tranchans.  Quelques  habits 
de  l'Empereur ,  fes  armes ,  fes  cimeterres ,  ïas  couteaux ,  les  meubles  &  les 
tapifleries  du  Palais  Impérial,  ont  pour  ornemens  des  figures  de  ce  dra- 
son,  tenant  un  joyau  rond,  ou  une  perle,  dans  fa  patte  droite  de  devant. 
Le  même  ufage  efl;  établi  à  la  Chine ,  avec  cette  différence,  que  le  dragon 

Chinois 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


437 


Chinois  a  cinq  ongles,  &  que  celui  du  Japon  n'en  a  que  trois.  Un  ajtre, 
nommé  Tatfmaki,  eft  ce  même  dragon  d'eau ,  à  longue  queue,  qui  faifant 
autfi  Ton  féjour  au  fond  de  la  Mer,  s'élève  quelquefois  dans  l'air,  &  forme, 
par  fon  agitation ,  les  trompes  marines ,  qui  font  fi  fréquentes  dans  les  Mers 
du  Japon.  Lefixième  efl  un  oifeau  de  Paradis,  qui  fe  nomme  Foo^  d'une 
beauté  charmante ,  «S:  d'une  grandeur  extraordinaire  ;  en  un  mot  le  Phénix 
des  Anciens.  Il  habite  les  plus  hautes  régions  de  l'air ,  dont  il  ne  defcend 
jamais  qu'à  la  naiflance  do  quelque  Sefin ,  ou  de  quelque  Empereur  ,  ou  pour 
quelque  événement  de  la  même  importance.  Les  Chinois  ont  auffi  leur  Foo  ; 
mais  ils  le  repréfentent  différemment  (a). 

1 L  femble  que  toutes  ces  vaines  imaginations  viennent  de  la  rareté  des 
grands  animaux  réels ,  dans  un  Empire  de  J'étendiie  du  Japon.  Kaîmpfer 
remarque  en  général  qu'il  y  a  trop  peu  de  lieux  incultes  &  déferts ,  pour  la 
retraite  des  bêtes  fauvages;  &  que  les  domeftiques  fe  réduifent  à  ceux  qui 
font  abfolument  néceifaires  pour  le  fervice  de  l'homme,  c'eft-à-dire,  pour 
les  voitures  «Se  pour  le  travail.  A  la  vérité  les  efpèces  domeftiques  doivent 
multiplier  beaucoup ,  parceque  l'opinion  de  la  Métempficofe ,  qui  s'eft  ré- 
pandue avec  le  Budfo,  fait  refpeéler  leur  vie.  Les  animaux  domeftiques  à 
quatre  pieds,  font  le  cheval,  le  taureau,  le  chien  &  le  chat.  On  ne  voit, 
au  Japon ,  ni  ânes ,  ni  mulets ,  ni  chameaux ,  ni  élephans.  Les  Portugais  y 
avcient  porté  des  moutons  &  dès  chèvres ,  qui  avoient  aflez  multiplié  ;  mais 
les  Japonois,  ne  trouvanc  aucune  ntiUté  à  les  nourrir ,  parcequ'ils  n'ofent  en 
manger  la  chair ,  de  qu'ils  ne  fçavent  pas  en  travailler  le  poil  &  la  laine,  les 
ont  lailfé  devenir  fauvages. 

Les  chevaux  Japonois  font  petits;  mais  il  s'en  trouve  qui  ne  le  cè- 
dent, ni  en  beauté,  ni  en  vîtefle,  à  ceux  de  Perfe.  Les  meilleurs  vien- 
nent des  Provinces  de  Satzuma  &  d'Oxu.  Celle  de  Rai  en  produit  une  ra- 
ce ,  qui  eft  fort  eftimée.  Les  taureaux  &  les  vaches  fervent  uniquement 
pour  l'agriculture  &  le  charroi.  On  ne  connoît,  au  Japon ,  ni  le  beurre,  ni 
l'ufage  du  lait.  Mais  on  y  trouve  deux  fortes  de  taureaux  :  les  premiers 
diffèrent  peu  des  nôtres;  les  féconds  font  des  buffles,  d'énorme  grofleur, 
qui  ont  une  bofle  fur  le  dos,  comme  les  chameaux,  &  qui  ne  fervent  que 
pour  le  tranfport  des  marchandifes.  On  nourrit  quelques  porcs,  dans  la  Pro- 
vince de  Figen;  m^s  uniquement  pour  les  vendre  aux  Chinois,  qui  les  y 
ont  portés.  Quoique  la  tranfmigration  des  âmes  foit  reçue  à  la  Chine, 
comme  au  Japon ,  les  Chinois  en  obfervent  moins  fcrupuleufement  les  maxi- 
mes, &  mangent  volontiers  de  la  chair  de  porc.  On  voit  encore,  à  Firan- 
do  ,  quelques  chèvres  &  quelques  brebis  ;  refte  de  celles  que  les  Portugais 
y  élevoient  en  grand  nombre. 

Depuis  le  règne  de  l'Empereur  TJînajos,  qui  occupoii  le  Trône  desCu- 
bofamas  du  tems  deKaempfer,  il  y  avoit  plus  de  chiens,  au  Japon,  qu'on 
n'en  avoit  jamais  vu  dans  cet  Empire,  &  peut-être  plus  que  dans  aucun 
autre  Pays  du  Monde.  Quoiqu'ils  euflent  chacun  leur  Maître,  ils  fc  te- 
noient  dans  les  rues ,  où  ils  étoient  fort  incommodes  aux  Paflans.     Chaque 

rue 

(a)  Kaîmpfer,  ubifuprà,  pag.  198  &  précédentes.  Voyez  l'Article  des  Animaux,  dans 
la  Defcription  de  la  Chine. 

lii  3 


Descriptioi» 
pu  Japon. 

Tatfinaki. 


Foo. 


Animaux 
dom<jiliquc'«, 


Clicvaux. 


Taurcaiiï 
&  vaches. 


Buffles. 

PûVC,^, 


Clièvrcs  & 
brebis. 

Cliicns  du 
Japon. 


Leur  étran- 
ge multiplica- 
tion. 


IH 


438 


VOYAGE    DE     K  J:  M  P  F  E  R 


DuSCnTPTTON 

ni'  J  \Pi)y. . 


A  quelle 
occafion  ils 
fo!it  fort  con- 
fidents. 


Chats  d'une 
rare  beauté. 


Quadrupèdes 
fauvagcs. 


Singes. 


Ours. 


»5 


» 


rue  étoit  obligée ,  par  un  ordre  particulier  de  l'Empereur,  d'entretenir  un 
certain  nombre  de  ces  animaux,  &  de  les  nourrir.  On  y  avoit  bâti  de 
petites  loges,  pour  leur  fervir  de  retraite,  lorfqu'ils  étoient  malades,  & 
pour  les  y  fervir  avec  beaucoup  de  foin.  Ceux  qui  venoient  à  mourir, dé- 
voient être  portés  fur  le  fommet  des  montagnes,  lieu  fixé  pour  leur  fépul." 
ture.  Il  étoit  défendu,  fous  de  groffes  peines,  de  les  infulter,  ou  de  les 
maltraiter.  C'étoit  un  crime  capital  de  leur  ôter  la  vie,  quelque  defordre 
qu'ils  puflent  caufer.  Les  plaintes  dévoient  être  portées  à  leurs  Maîtres, 
qui  avoient  droit  feuls  de  les  punir.  Cette  étrange  attention  ,  à  les  con< 
ferver,  venoit  d'une  idée  faperllitieufe  de  l'Empereur,  qui  étoit  né  fous 
un  des  douze  Signes  céleftes,  auquel  les  Japonois  donnent  le  nom  de  Chien. 
Kaempfer  en  raconte  un  trait  agréable.  „  Le  Maître  d'un  chien  mort  le 
„  portoit  au  fommet  d'une  montagne,  pour  l'enterrer.  Fatigué  du  poids, 
„  il  fe  mit  à  maudire  le  jour  de  la  naiffance  de  l'Empereur,  &  le  ridicule 
„  ordre  qui  caufoit  tant  d'embarras  à  toute  la  Nation.  Son  Compagnon 
„  lui  confeilla  de  fe  taire,  quoiqu'il  ne  condamnât  point  fon  impatience 
„  &  fes  plaintes;  mais,  dans  la  néceffité  d'obéir  à  la  Loi,  il  lui  dit, qu'au- 

lieu  de  fe  livrer  aux  imprécations,  il  devoit  remercier  les  Dieux  de 

ce  que  l'Empereur  n'étoit  pas  né  fous  le  Signe  du  Cheval,  parceque  fon 

fardeau  eût  été  bien  plus  péfant  (b)". 

Les  Japonois  n'ont  point  de  lévriers,  ni  d'épagneuls,  ni  d'autres  races 
de  chiens  pour  la  chalTe.  Cet  exercice  n'étant  pas  fort  en  ufage ,  dans  un 
Pays  fi  rempli  d'hommes ,  &  fi  mal  pourvu  de  gibier  ^eux  qui  en  ont  le 
goût,  n'y  employent  que  des  chiens  ordinaires. 

Ils  ont  une  efpéce  particulière  de  chats,  dont  on  vante  beaucoup  h 
beauté.  Leur  couleur  eft  blanchâtre  ,  avec  de  grandes  taches  noires  & 
jaunes,  &  leur  queue  fort  courte.  Ils  ne  font  pas  la  guerre  aux  fouris. 
Leur  unique  ufage  eft  de  fervir  à  l'amufement  des  femmes ,  qui  fe  plaifent  à 
les  carefler. 

Les  quadrupèdes  fauvages  du  Japon  font  les  lièvres,  les  daims,  les  fan- 
gliers,  'dont  quelques  Seftes  permettent  de  manger  en  certains  tems  de 
r année,  lesfinges,  les  ours,  lestanukis,  les  chiens  fauvages ,  lesitutz,les 
tins ,  les  ren?rds ,  les  rats  &  les  fouris.  - 

L'IsLE  de  Mijofima,  qui  fe  nomme  aufli  Ak'mo-Mijofima^  parcequ'elle 
eft  voifine  de  la  Province  d'Aki ,  eft  célèbre  par  une  efpéce  particulière  de 
daims ,  qui  font  fort  doux  &  naturellement  apprivoifés.  Les  Loix  du  Pays 
défendent  de  les  tuer,  &  font  un  devoir  aux  Habitans  d'enterrer  ceux  qui 
meurent  près  de  leurs  n.aifons.  Un  Japonois,  qui  manqueroit  à  cette  obli- 
gation, feroit  condamne  à  quelques  jours  de  travail,  pour  \qs  Temples  ou 
pour  le  Public. 

Les  finges  du  Japon  font  extrêmement  dociles;  mais  le  nombre  n'en  eft 
pas  grand.  Leur  couleur  eft  d'un  brun  obfcur.  Ils  ont  la  queue  courte,  le 
vifage  &  le  dos  rouges ,  &  fans  poil.  Kaempfer  en  vit  un ,.  auquel  on  don- 
noit  cent  fix  ans ,  &  qui  faifoit  quantité  de  tours ,  avec  une  adrelTe  furpre- 
nante.    Les  Provinces  du  Nord  ont  quelques  ours,  mais  fort  petits.    On 

.  .  ;,-  •,,..■  -.--.:  ,  :  ,  y 

(J)  Ibidm,  pag.  200. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


43i> 


Db-CR1PT!0I» 

DU  Japon. 
Cliicns  fauva- 
gc*. 

Tamiki. 
ItiiUijcTin. 


Fourmis 
blanclics ,   & 
leurs  propri(!!« 

tes. 


y  voit  auffi  des  chiens  fauvages,  qui  ont  le  mufeaii  grand  &  ouvert.    Le 

Tanuki  eft  un  animal  d'une  efpèce  très-finguliére.     Sa  couleur  efl:  d'un  brun 

obfcur ,  &  fon  mufeau  reflemble  à  celui  du  renard.     Il  n'efl:  pas  fort  gros. 

Kaempfer  le  prend  pour  une  efpèce  de  loup.     VItutz  &  le  Tin  font  deux  a- 

nimaux,  de  couleur  roulBtre,  qui  ne  feroient  pas  difFérens,  fi  le  Tin  n'c- 

toit  plus  gros  que  l'autre.    Ils  vivent  fi  familièrement  fous  le  toît  des  mai- 

fons ,  qu'on  peut  les  mettre  au  rang  des  animaux  domeftiques.    Ils  font  la 

guerre  à  la  volaille  &  au  poiflbn.     Toutes  ces  Ifles  font  remplies  de  rats      Riitb  &fou- 

&  de  fouris.     Les  Habitans  apprivoifent  des  rats,  &  leur  apprennent  à  fai-  "*• 

re  divers  tours  d'adrcife,  fur-tout  à  Ofacka ,  qui  efl:  comme  le  rendez-vous 

de  tous  les  Charlatans  de  l'Empire.     Les  renards  ne  font  guèrcs  moins  com-      Renards. 

muns.     Le  Peuple  les  croit  animés  par  le  Diable;  ce  qui  n'empêche  pas  les 

ChalTeurs  de  les  tuer,  parcequ'on  fait,  de  leur  poil,  d'excellcns  pinceaux 

pour  écrire  &  pour  peindre.     On  ne  voit ,  dans  aucune  Ifle  du  Japon,  ni 

tigres,  ni  lions,  ni  panthères,  ni  d'autres  efpèces  d'animaux  carnafliers. 

Entre  les  Infcéles  reptiles,  celui  qu'on  nomme  Fourmi  blanche  ,  paHe 
pour  le  plus  nuifible.  C'efl:  un  petit  ver  délié ,  &  blanc  comme  la  neige ,  à 
l'exception  de  la  tête  &  de  la  gorge,  qui  font  d'un  brun  obfcur.  On  le 
voit  toujours  en  bande  comme  nos  fourmis,  dont  il  ne  diffère  pas  beau- 
coup par  la  grofleur.  Les  Japonois  le  nomment  DoToos^  c'eft:-à-aire.  Per- 
ceur i  nom  qui  lui  convient  parfaitement ,  car  il  perce  tout  ce  qu'il  rencon- 
tre, &  s'il  peut  entrer  dans  un  Magafin,  il  détruit  en  peu  de  tems  les  meil- 
leures raarchandifes.  Le  feul  préfervatif,  qu'on  ait  découvert  jufqu'ici  con- 
tre ces  dangereux  infeéles ,  efl:  de  répandre  du  fel  fur  tout  ce  qu'on  veut 
dérobber  à  leurs  morfures.  Ils  font  en  guerre  continuelle  avec  les  autres 
fourmis;  &lorfqu'une  des  deux  efpèces  s'eflb  emparée  de  quelque  lieu,  il  ne 
faut  pas  craindre  que  l'autre  s'y  puifle  loger.  Les  fourmis  blanches  ne  peu- 
vent fupporter  l'air,  &  pour  fe  cranfporter  d'un  endroit  dans  un  autre,  el- 
les fe  bâtiflent,  le  long  des  chemins,  des  voûtes  &  des  arcades  qui  tiennent 
à  la  terre.    Elles  marchent  avec  ime  vîtelTe  incroyable,  &  fouvent  tout  '' 

efl:  ravagé  avant  qu'on  ait  pu  s'appercevoir  de  leur  arrivée.  Quelques-uns 
attribuent  des  effets  fi  prompts  à  l'acrimonie  de  leurs  excrémens  ;  mais 
Kaempfer  aflure  que  quatre  pincettes,  recourbées  &  tranchantes ,  dont  leur 
mufeau  efl:  armé,  funifent  pour  caufer  tous  les  defordres  dont  on  les  accu- 
fe.  11  rapporte  que  s'étant  une  fois  couché  afllez  tard ,  il  apperçut  le  len- 
demain ,  fur  fa  table,  des  traces  de  leurs  voûtes;  &  qu'en  y  jettant  les 
yeux  de  plus  près ,  il  découvrit  un  trou  de  la  grofl'eur  du  petit  doigt ,  qu'el- 
les avoient  fait ,  dans  l'efpace  de  quelques  heures,  à  l'un  des  pieds  mon- 
tans  de  la  table,  un  autre  en  travers  de  la  table  même ,  &  un  troilième  au 
milieu  de  l'autre  pied  en  defcendant ,  par  lequel  elles  rentroient  dans  le 
plancher.  On  ne  peut  fuppofer  que  leurs  excrémens  ayent  aflez  d'âcreté 
pour  un  effet  fi  prompt:  mais  il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  c'efl:  la  ma- 
tière dont  ces  petits  animaux  compofent  leurs  voûtes. 

L'Insecte,  gue  les  Japonois  nomment  vulgairement  Mukadr,   &  qui      Mukade, 
porte  le  nom  de  Goko,  dans  le  langage  figuré,    n'eft  pas  l'Afellus,  ou  la  owMillepcde. 
Cloporte.     C'efl:  le  Millepede  des  Indes ,   ver  long  de  deux  ou  trois  pou- 
ces, délié,  de  couleur  brune,  &  qui  a  de  chaque  coté  un  grand  nombre  de 

pieds , 


II 


Dfrchtption 
DU  Japon, 

Lcznrds. 
Sûrpens.- 


Oi  féaux 
doinelliqucs. 


Oifcaux 
fauvaj;cs. 

Grues ,  & 
leur  privilège. 


Hérons,  ou 

Saggi;. 

Oyes  fau- 
vages  &  leurs 
dégâts. 


440  VOYAGE    DE    KiEMPFER 

pieds,  d'où  il  a  pris  fon  nom.  Il  cfl;  très  venimeux  dans  les  Indes;  mais.^ 
outre  qu'il  efl  rare  au  Japon ,  il  y  caufe  moins  de  mal ,  &  fa  morfure  ne 
demande  point  d'autre  remède  que  de  la  falive.  Les  lézards  du  Pays,  ne 
diffèrent  pas  des  nôtres.  On  y  voit  peu  de  Icrpcns.  Le  lùtakuts,  ou  t'i- 
bakariy  qui  cCt  un  des  plus  remarquables ,  a  la  tète  plate  &  les  dents  aiguës. 
Sa  couleur  cfl  verte.  Il  a  pris  fon  nom  de  la  longueur  du  jour,  ou  dcTef- 
pace  de  tcms  que  le  Soleil  demeure  fur  l'horifon,  parccque  ceux,  qui  en 
font  mordus ,  meurent  avant  le  coucher  de  cet  Aflre.  Les  Soldats  en  man- 
gent la  chair ,  dans  l'opinion  qu'elle  a  la  vertu  d'échaufï"cr  leur  courage. 
On  en  fait  une  poudre,  nommée  Sjotwatjio,  qui  pafle  pour  un  rpécifique 
contre  plufieurs  maladies  internes,  &  qui  étant  placée  Ibus  les  goutières 
d'un  toîc,  produit,  dit-orr,  de  petits  ferpens  de  la  même  efpéce.  Le  ;}a- 
makajatz,  qui  fe  nomme  auSi  Uwabami ^  &  quelquefois  D/'^  c'efl-à-dire. 
Dragon  i  efl  une  autre  efpèce  de  ferpent ,  d'une  grofTcur  nionllrueufe.  On 
le  trouve  dans  l'eau,  ou  fur  les  montagnes;  mais  il  efl  très-rare. 

Les  Japonois  n'ont,  à  paner  proprement ,  aucun  oifeau  domeflique. 
S'ils  nournlTent  des  poules  &  àcs  canards ,  l'opinion  de  la  Métemp  icofe 
ne  leur  permettant  point  d'en  manger,  ils  n'y  cherchent  que  de  raiiuifc- 
ment.  Cependant  le  Peuple  ne  fait  pas  fcrupule  d'en  vendre,  à  ceux  ^iii 
refpeftent  peu  la  Religion.  Dans  Ls  jours  confacrés  à  la  mémoire  d'une 
Perfonne  morte,  il  n'ell  pas  permis ,  à  fes  Parens  ni  à  fes  Amis,  de  Lu.r 
un  oifeau,  ni  le  moindre  animal.  Pendant  l'année  du  deuil  de  l'Empereur, 
il  efl  défendu,  dans  tout  l'Empire,  de  tuer  ou  déporter  au  Marché  aucu- 
ne créature  vivante.  Les  coqs  font  encore  plus  épargnés  que  les  poules. 
On  les  conferve  avec  foin,  fur-tout  dans  les  Monallères  ,  parcequ'ils  mefu- 
rent  le  tems,  &  qu'ils  prédifent  les  changemens  de  l'air. 

Les  oifeaux  fauvages  font  devenus  fi  familiers,  dans  les  Ifles  du  Japon, 
qu'on  en  pourroit  mettre  plufieurs  e/pèces,  au  rang  des  animaux  domefli- 
ques.  Le  principal  efl  le  Tfuriy  ou  la  Grue,  qu'une  Loi  particulière  réfer- 
ve  pour  le  divertifîement  ou  l'ulage  de  l'Empereur.  Cet  oifeau  &  la  tor- 
tue palTent  pour  des  animaux  d'heureux  augure;  opinion  fondée  fur  la  Ion- 
rue  vie  qu'on' leur  attribue,  &  fur  mille  récits  fabuleux  dont  les  Hifloires 
font  remplies.  Les  Appartemens  de  l'Empereur  &  les  murailles  des  Tem- 
ples font  ornés  de  leurs  figures  ;  comme  on  y  voit ,  par  la  môme  raifon , 
celles  du  fapin  &  du  bambou.  Jamais  le  Peuple  ne  nomme  une  grue,  fans 
y  joindre  le  titre  (XO-Tfurifama,  qui  lignifie  Monfeîgneur  :  on  en  difÛngue 
deux  fortes;  fune  aulTi  blanche  que  l'albâtre;  l'autre,  grife,  ou  couleur 
de  cendre.  Les  Hero  is ,  ou  les  Saggis ,  foruient  plufieurs  efpèces ,  qui  ne 
diffèrent  pas  moins  en  couleur  qu'en  groffeur. 

On  diflingue  deux  fortes  d'oyes  fauvages,  qui  ne  fe  mêlent  jamais;  les 
unes,  blanches  comme  la  neige,  avec  les  extrémités  des  aîles  fort  noires i 
les  autres,  d'un  gris  cendré  ;  toutes  fi  communes  &  fi  familières,  qu'elles 
fe  laiffent  facilement  approcher.  Quoiqu'elles  faffent  beaucoup  de  dégât 
dans  les  campagnes ,  il  eft  défendu  de  les  tuer ,  fous  peine  de  mort,  pour 
affurer  le  privilège  de  ceux  qui  en  achètent  le  droit.  Les  Payfans  font  obligés 
d'entourer  leurs  champs  de  filets,  pour  les  défendre  de  leurs  ravages.  En- 
tre plufieurs  efpèces  de  canards,  le  plus  commun,  qui  fe  nommQ'jtintnodfui, 

efl 


retraite  e 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  441 

efl:  d'une  beauté  fi  rare,  que  les  Etrangers ,  qui  ne  l'ont  vu  qu'en  peinture, 
ne  peuvent  s'imaginer  qu'il  exifle  réellement.  Son  plumage  forme  des 
nuances  admirables  ;  mais  le  rouge  domine  autour  du  cou  &  de  la  gorge. 
Il  a  la  tête  couronnée  d'une  magnifioue  aigrette.  Sa  queue ,  qu'il  élève 
obliquement,  &  Tes  ailes  ,  qui  font  placées  régulièrement  fur  le  dos,  font 
un  elFet  merveilleux.  Le  nouvel  Hiftorien  cil  porté  à  le  prendre  pour  ce 
que  le  Père  le  Blanc  nomme  la  Poule  du  Japon ,  dans  fon  Hiftoire  de  la  Ré- 
volution de  Siam;  &,  fi  cette  conjefture  efl  jufle,  il  faut  joindre ,  à  toutes 
les  perfeétions  de  ce  bel  oifeau ,  une  démarctie  majeilueufe ,  qui  les  relè- 
ve encore  ^c). 

Les  Failans  du  Japon  font  d'une  extrême  beauté,*  fur -tout  une  efpèce 
particulière ,  qui  fe  dillingue  par  l'éclatante  variété  de  fes  couleurs ,  &  par 
une  admirable  queue,  qui  n'a  pas  moins  de  deux  ou  trois  pieds  de  lon- 
gueur. Les  Beccalîines  font  ici  fort  communes.  Quelques  Seéles  en  man- 
gent ,  &  fe  permettent  aufli  les  Faifans ,  les  Oyes  &  les  Canards.  On  ne 
connoit  qu'une  efpèce  de  Pigeons  fauvages,  qui  ont  le  plumage  noir  &  bleu, 
fans  aucune  beauté ,  &  qu'on  éloigne  foigneufement  des  maifons ,  parceque 
l'expérience  a  fait  connoître  que  leur  fiente  prend  aifément  feu.  On  voit 
des  Cigognes,  au  Japon,  pendant  toute  l'année.  Les  meilleurs  Faucons 
viennent  des  Provinces  Septentrionales  ;  mais  on  les  nourrit  moins  pour  le 
vol ,  que  par  curiofité  pour  leur  grandeur.  Les  Eperviers  ne  font  pas 
ici  moins  communs  que  dans  toutes  les  Indes  Orientales.  C'eft  un  oi- 
feau extrêmement  fier.  Kaempfer  attribue  la  même  qualité  à  des  Cor- 
beaux d'une  grandeur  médiocre,  dont  l'efpèce  efl:  venue  de  la  Chine  &  s'efl: 
fort  mulripliée  au  Japon.  Il  parle  d'une  autre  efpèce,  qui  efl:  venue  de 
Corée,  &  qui  fe  nomme  Corcigara.  Mais  on^ne  trouve  point ,  dans  ces 
Ifles,  les  Corbeaux  qui  font  communs  en  Europe,  ni  des  Perroquets  &  d'au- 
tres oifeaux  des  Indes  (rf). 

L  E  Foken ,  ou ,  fuivant  le  langage  vulgaire ,  le  Fotetems ,  efl:  un  oifeau 
nofturne ,  d'un  goût  exquis ,  &  qu'on  ne  fert  même ,  aux  tables  des  Grands, 
que  dans  les  occafions  extraordinaires.  On  alTure  que  fes  cendres  calci- 
nées réiabliflent  le  Saki ,  lorfqu'il  devient  aigre.  Le  Mifago,  ou  BifagOy 
efl:  un  oifeau  de  Mer ,  du  genre  de  l'Epervier.  Il  vit  de  poiflbn.  Sa 
retraite  efl:  un  trou ,  dans  quelques  rochers ,  où  il  met  fa  proye  ;  &  l'on 
a  remarqué  qu'elle  s'y  conferve  aufli  parfaitement  que  le  poiflbn  mari- 
né, où  YJtftaar,  d'où  cet  oifeau  tire  aulTi  le  nom  de  Bifagonofufi ,  oa 
d'ÂtJiaar-  Bifago.  Ceux  qui  découvrent  cette  provifion  en  tirent  un  pro- 
fit confidérable ,  parceque  les  Japonois  en  aiment  le  goût  &  qu'elle  fe  vend 
fort  cher. 

Les  Mouettes ,  les  Corbeaux  marins ,  les  Pies  de  Mer ,  les  Moineaux , 
les  Hirondelles,  &  quelques  autres  efpèces  d'oifeaux,  fout  les  mêmes  au  Ja- 
pon qu'en  Europe.  Les  Alouettes  y  chantent  beaucoup  mieux.  On  vante 
aulfi  le  chant  des  Rofllgnols  du  Pays  ,  qui  ne  doivent  pas  être  communs, 
puifqu'ils  fe  vendent  quelquefois  jufqu'à  vingt  cobangs  {e). 

Les 

(c)  Hijioire  du  Japon,  Torn.  VUI.  pag.         (d)  Kaîinpfer,  uhi  fuprà,  pàg.  207. 
50  &  91-  (e)  Kaenipfer,  pag.  208.        1  ..4  ;  •. 

XI F.  Part,  Kkic 


Description 

nu  Japon. 

Canards 
d'une  mer- 
veilleufe  beau- 
té. 


Faifans. 


Bcccafllne^. 

PiSeons 
fauvages. 

Cigognes. 

Oifeaux  dç 
proye. 


Corbeaux. 


Foken. 


Mîfago. 


Oifeaux  ft: 
Infcftcs  com- 
muns uVCC 
l'Euiopc- 


44» 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


DEScnTrrroN 
PU  Japon. 


Erpcccî  tl'Iiv 
fcé^LS  particu- 
licres  au  Ja- 
pon. 

Efcarbots. 


Singulari- 
tés du  Kuma- 
Seb). 


.  '.;",.  I' 


Autres  Ef- 
catbots. 


Les  Japonols  ont  des  Abeilles  ,  qui  font  de  la  cire  &  du  miel,  miîj 
en  petite  quantité.  Les  Abeilles  fauvages,  Its  Guêpes,  les  Mouches  ur* 
dinaires,  lesCoufins,  les  Mouches  luilantts ,  les  Elcarbots,  les  Punaills, 
les  Sauterelles,  &  la  plupart  des  autres  Infcftes  de  l'Europe,  font  connus 
au  Japon.  Mais  on  en  nomme  quelques  elpcces ,  qui  paroiflent  propres  à 
ces  Ilies. 

Entre  les  Papillons,  on  en  diftingue  un  fort  grand,   nommé  Janma- 
TJto^  ou  Papillon  de  montagne ,  qui  efl:  ou  tout-à-fait  noir  ,  ou  d'une  agréable 
variété  de  couleurs.     Le  Komuri^  eft  une  grofle  Mouche  de  nuit,  très-bel- 
le ,  tachetée  de  diverfes  couleurs ,  &  tout  à-fait  velue.     De  plufieurs  efpè- 
ces  d'Efcarbots,  d'une  rare  beauté,  on  en  admire  un  fort  gros,  qui  reflem- 
bie  beaucoup  à  la  mouche  de  fumier.     11  eft:  luilant ,  noir  ;  il  a  deux  cor- 
nes recourbées  ôc  larges ,  dont  la  plus  grande  e/l  placée  fur  le  nez  comme 
celle  du  Rhinocéros,  6c  la  plus  petite  fort  de  l'épaule.     Cet  animal  marche 
avccpeiiTe,  &  vit  fous  terre.     On  appelle  Sebiy  &  quelquefois  Semi^  une 
autre  efpèce  d'Efcarbot  de  couleur  brune  ,    qui  fournit  aux  Naturaliftes  la 
matière  de  plufieurs  obfervations.     On  en  compte  trois  fortes:  le  plus  gros, 
nommé  Kuma-Sebi ,  a  la  figure  &  la  grofifeur  de  ces  mouches ,  qui  ne  volent 
que  le  foir  en  Europe,*  mais  il  ell  fans  aîles.     Au  Printems,  il  fort  la  nuit 
de  defl!bus  terre,  où  il  fe  tient  pendant  tout  l'Hyver.     Ses  jambes  déliées 
lui  fervent  à  s'attacher  aux  branches  des  arbres,  aux  feuilles ,  &  à  tout  ce 
qu'il  peut  faifir.     Bien-tôt ,  il  crève  ,  &  fon  dos  le  fend  dans  fa  longueur  , 
pour  faire  place  à  une  autre  mouche,  qui  s'y  trouvoit  renfermée  &  qui  ref- 
ferable  auflî  à  un  Efcarbot ,  mais  qui  paroît  d'abord  plus  grande  que  fa  pri- 
fon.     Quelques  heures  après,  cette  mouche  s'envole  en  bourdonnant  (/). 
Lorfqu'elle  rompt  l'étui  qui  l'enfermoit ,  &  qu'en  même-tems  elle  déployé 
fes  quatre  aîles,  elle  fait  un  bruit  aigu  &  jperçant,  que  les  Japonois  croyent 
entendre  à  la  difl:ance  d'un  mile.     Kaempfer  affure ,  du  moins,  que  les  bois 
&  les  montagnes  retentiflent  du  bruit  de  Ces  petits  animaux.     Ils  difparoif- 
fent  dans  les  jours  caniculaires.    On  prétend  qu'ils  rentrent  dans  la  terre, 
pour  y  fubir  une  nouvelle  métamorphofe  &  reparoître  l'année  d'après.  C'efl: 
ce  que  le  même  Voyageur  n'eût  pas  l'occafion  de  vérifier  ;  mais  il  parle 
avec  certitude  de  leur  chant ,  qui  commence  lentement  &  d'un  ton  bas ,  & 
qui  augmentant  enfuite  par  degrés ,  en  vîtefle  &  en  force ,  baiflTe  encore  en 
finiflant.     Ce  bruit  lui  parut  reflerabler  à  celui  du  fufeau  d'un  Boutonnier. 
Il  commence  au  lever  du  Soleil  &  finit  à  midi.     La  dépouille  du  Kuma-Se- 
bi, ({\n  Ce  nomme  Sem'ino-Mukigar a  y  efl:  employée  dans  la  Médecine  ,  &  fe 
vend  dans  les  Boutiques  du  Japon  {g). 

Vers  le  tems  où  cet  Efcarbot  difparoît ,  on  lui  en  voit  fuccéder  un  plus 
petit,  qui  fe  nomme  Ko-Sebiy  ou  \q  petit  Sebi.  Il  chante  depuis  midi  juf- 
qu'au  coucher  du  Soleil.  Sa  vie  dure  jufqu'à  la  fin  de  l'Automne,  &  fon 
chant  s'élève  moins  que  celui  du  premier.  Une  autre  efpèce,  qui  ne  dif- 
fère de  la  féconde,  ni  par  la  grofleiu:,  ni  par  la  figure,  chante  du  matin 

au. 


^ 


/)  Gefiier,  qui  en  a  donné  la  dercription,  la  nomm3  Cicada  ou  Cigale. . 
)  Ksempfer,  ubifuprà,  pag.  aop. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


443 


DO  Japon. 
Cantharldci. 

Famniio. 


Chnrmante 
mouche. 


Fable  dont 
elle  fait  le  fu- 
jct. 


BU  foir.    Les  femelles  des  trois  efpcces  font  muettes ,  &  reflcmblent  d'ail-  Discriptiom 
leurs  aux  mâles,  excepté  qu'elles  ont  la  poitrine  fermée. 

Les  Cantharides  du  Japon  font  de  la  couleur  des  nôtres;  mais  plus  ron- 
des, &prefqu'auni  grofles  que  les  Efcarbots  communs  de  l'Europe.  Les 
Japonois  en  ignorent  abfolument  Tufage.  Ils  en  ont  une  autre  efpèce,  qu'ils 
nomment  Fammio  ;  &  qui ,  étant  extrêmement  cauftiqucs ,  font  mifes  au 
rang  des  poifons.  On  les  trouve  fur  les  épis  de  riz.  Elles  font  longues , 
déliées ,  oc  plus  petites  que  nos  cantharides  bleues  ou  dorées ,  avec  des  ta- 
ches &  des  lignes  d'un  rouge  cramoifi  ;  ce  qui  leur  donne  beaucoup  d'éclat. 
Enfin,  parmi  les  mouches  de  nuit,  on  en  voit  une  très-rare,  à-pcu-prés  de 
la  longueur  du  doigt,  déliée,  ronde,  avec  quatre  ailes,  donc  deux  font 
tranfparentes  &  cachées  fous  les  deux  autres ,  qui  font  luilantes ,  comme  fi 
elles  avoient  été  polies ,  &  embellies  d'un  charmant  mélange  de  taches  & 
de  lignes  bleues  &  doiées.  Cet  infeCle  ell  d'une  beauté  fi  fingulière ,  qu'on 
fe  fait  un  plaifir  d'en  confervcr  entre  les  bijoux  les  plus  curieux.  Elle  a  fait 
naître  aux  Poëtes  Japonois,  l'idée  d'une  afiez  jolie  fable,  qui  explique  l'ar- 
deur inconfidérée ,  avec  laquelle  on  voit  les  mouches  fe  brûler  à  la  chan- 
delle. Ils  raconrent  que  toutes  les  autres  mouches  de  nuit  font  devenues 
amoureufes  de  cet  ornement  de  leur  efpèce  ;  &  que ,  pour  fe  délivrer  de 
leurs  importunités ,  elle  leur  ordonne  malicieufement ,  fous  prétexte  de  met- 
tre leur  conllance  à  l'épreuve ,  de  lui  aller  quérir  du  feu.  Ses  Amans,  ne 
confultant  que  leur  paffion ,  lui  obéifl'ent  aveuglément  ;  &  courant  contre 
le  premier  feu  qu'ils  rencontrent ,  ils  ne  manquent  pas  de  s'y  brûler.  La 
femelle  n'approche  pas  de  la  beauté  du  mâle. 

Les  produélions  de  la  Mer  ne  fourniflcnt  pas  moins  à  la  fubfiflance  des 
Japonois ,  que  celles  de  la  Terre  ;  fi  l'on  en  excepte  le  riz ,  qui  fait  la  plus 
grande  partie  de  leur  nourriture.  Les  Côtes  de  chaque  Ifle  abondent  en 
toutes  fortes  de  plantes  marines,  de  poiflb.ns,  d'écrevifles,  &  de  coquilla- 
ges. Il  n'y  en  a  prefque  point  qui  ne  ferve  de  nourriture  aux  Habitans; 
&  quelques-uns  font  d'une  bonté  ,  qui  fait  honneur  aux  meilleures  tables. 
On  comprend ,  fous  le  nom  général  de  Kiokais ,  ou  JVokah ,  les  poiflbns ,  les 
écrevifTes  &  les  coquillages. 

Le  plus  utile  de  tous  les  poiflbns  de  ces  Mers  ,  efl  le  Kudfnri^  ou  la  Ba- 
leine.   On  en  pêche  fur  toutes  les  Côtes  de  l'Empire ,  particulièrement  fur 
celles  de  Khumano  &  de  toute  la  Partie  Méridionale  de  la  grande  Ille  de 
Nipon ,  autour  des  Ifles  de  Tfuffima  &  de  Gotto ,  &  fur  les  Côtes  d'Omu- 
ra  &  de  Nomo.    Elles  fe  prennent  ordinairement  avec  le  harpon ,  comme 
en  Groenlande  ;  mais  les  îiateaux  des  Japonois  femblent  plus  propres ,   à 
cette  pèche ,  que  les  nôtres.     Ils  font  petits ,  étroits  ;  un  des  bouts  fe  ter- 
mine en  pointe  fort  aiguë";  &  chacun  porte  dix  Rameurs,  qui  les  font  vo- 
guer avec  une  vîtefle  incroyable.     Vers  l'an  1680,  un  riche  Pêcheur  de  la 
Province  d'Omura  inventa  une  nouvelle  manière  de  prendre  les  Baleines, 
avec  des  filets  de  cordes  fortes ,  d'environ  deux  pouces  d'épailTeur.     Cette 
méthode  fut  pratiquée  d'abord  avec  beaucoup  de  fuccès  ;  &  l'on  prétend 
qu'aufll-tôt  que  la  Baleine  fe  lent  la  tête  embavralTée  dans  le  filet ,  elle  na- 
ge avec  plus  de  peine,  &  devient  plus  facile  à  tuer.     Cependant  on  trou- 
va, dans  la  fuite,  que  la  dépenfe  étoit  exceffive  pour  les  Pécheurs  ordin^i- 

Kkk  2  res, 


Coininent 
les  Japonois 
pèchent  lu  Ba- 
leine. 


444 


VOYAGE    DE    K  .T:  M  P  F  E  R 


DlICRTPTTON 

OU  Jaion. 


DifTcTcntcs 
pfpècc's  de 
Ualciucs. 


Utilité  de 
toutes  les  par- 
ties de  la  Ba- 
leine. 


SatHfoko. 


res,  &  Ton  revint  à  l'ancienne  manière.  La  pêche  commence  au  mois  de 
Décembre.  Dans  une  feule  année,'  on  a  pris  jufqu'àdciix  cens  foixantc- 
quatorze  Baleines,  aux  Illes  de  Firando  &  do  Gotto. 

Les  Japonois  en  connoilTent  plulleurs  fortes,  qui  ne  différent  pas  moins 
de  nom,  que  de  figure  &  de  grofleur.  Celle  qui  fc  nomme  Sebio^  efl:  hi 
plus  groffe.  On  en  tire  beaucoup  plus  d'huile  que  des  autre».  Sa  chair 
d'ailleurs  cil  fi  bonne  &  li  faine  ,  t|ue  les  Pcchcurs  attribuent  la  force  de 
leur  fanté ,  malgré  la  rigueur  du  froid  &  les  fatigues  de  leur  profefTion ,  ù 
l'ufage  qu'ils  en  font  continuellement.  V/iwo-^angi^  ou  le  Kokadfura^  eil 
une  petite  Baleine  de  couleur  grife  &  cendrée ,  dont  la  figure  ert  un  peu 
différente  de  celle  du  Sebio.  La  Nagajfa.  communément  depuis  vingt  juf- 
qu'à  trente  braffes  de  long.  Elle  peut  demeurer  deux  ou  trois  heures  fous 
l'eau;  avantage  qu'dle  a  lUr  les  autres  Baleines,  qui  font  obligées  de  s'éle- 
ver à  tous  momens  fur  la  furface  des  flots  pour  refpirer.  Le  Sotrokadfura  , 
c'eft-à-dire,  h  Baleine  des  Aveugles^  a  reçu  ce  nom,  parcequ'on  lui  voit  fur 
le  dos ,  la  figure  d'un  Bymu ,  efpéce  de  Luth ,  qui  efl  l'inflrumcnt  favori 
des  Aveugles  du  Japon.  Sa  longueur  efl  rarement  de  plus  de  dix  braffes. 
On  prétend  que  l'ufage  de  fa  chair  caufe  des  toux ,  des  fièvres ,  des  ulcères 
flir  la  peau,  &  quelquefois  la  petite  vérole.  Le  ÂUko  efl  une  petite  Balei- 
ne, qui  n'a  jamais  plus  de  trois  ou  quatre  braffes  de  long;  &  de -là  vient 
ou'on  donne  le  même  nom  aux  Baleines  de  toutes  les  efpèces.  Elle  fe  prenti 
fouvent  fur  les  Côtes  Orientales  du  Japon ,  &  fur  celles  de  Kijnokuni  cS:  de 
Satzuoia.  On  trouve  de  l'ambre  gris  dans  fes  inteflins  ;  mais  on  ne  tire , 
de  fa  tête,  qu'une  médiocre  quantité  d'huile.  V Imafikura y  dont  le  nom 
fjgnifie  Mangeur  de  Jardines ,  reffemble  aux  poifFons  ordinaires  par  la  queue 
&  les  nageoires.  Kaempfer  raconte  que ,  dans  fon  Voyage  à  la  Cour  de 
Jedo ,  il  vit  une  Baleine  de  cette  efpèce,  entre  Caminofeki  &  Simonofeki  ;. 
&  qu'il  la  prit  pour  le  poifTon  que  les  Hollandois  nomment  Noord-  Caper, 
Dans  tous  ces  monflrueux  animaux,  il  n'y  a  rien  qui  ne  foit  de  quelque  uti- 
lité, à  l'exception  de  l'os  de  l'épaule.  La  peau,  que  la  plupart  ont  noire, 
la  chair ,  qui  efl  rouge  &  femblable  à  celle  du  bœuf ,  les  inteflins  ,  que 
leur  longueur  fait  nommer  F/.i/t/îro,  c'efl-à-dire,  longs  de  cent  brajjes  ^  & 
toutes  les  parties  internes  fe  mangent  différemment  apprêtées.  De  la  graif- 
fe,  on  tire  de  l'huile,  en  la  faifant  bouillir.  On  mange  même  le  fédimènt 
qui  refle ,  après  l'avoir  fait  bouillir  une  féconde  fois,  A  l'égard  des  os , 
on  fait  bouillir ,  dans  leur  fraîcheur,  ceux  qui  font  d'une  fubftance  cartila- 
gineufe,  pour  k*s  manger  aulB.  D'autres  les  ratiffent,  les  nettoyent,  & 
les  font  fécher  p  ■>ur  la  cuillne.  Des  parties  nerveufes  &  tendineufes ,  blan- 
ches &  jaunes,  on  fait  des  cordes,  qui  font  principalement  d'ufage  dans 
les  Manufactures  de  coton ,  &  pour  les  inflrumens  de  Mufique.  On  ne 
jette  pas  même  les  inteflins,  qui  fe  gardent  auffi  pour  la  cuifine.  Enfin, 
des  os  de  la  mâchoire ,  des  nageoires ,  &  des  autres  os  d'une  fubflance  plus 
folide,  on  fait  diverfes  fortes- de  petits  ouvrages ,  particulièrement  de  bel- 
les balances ,  qui  fervent  à  pefer  l'or  &  l'argent. 

L  E  Satfifoko  efl  un  poifTon  de  deux  ,  trois ,  &  quelquefois  de  cinq  ou 
fix  bralTes  de  longueur ,  avec  deux  dents  fort  longues ,  qui  s'élèvent  per- 
pendiculairement hors  de  la  bouche ,  &  qu'on  fait  quelquefois  fervir  d'or- 
nement 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lit.  IV. 


445 


tire, 


Iruku. 

l'urubç, 
poiflbii  vcni* 
nuiix ,  &  fcs 
tvois  cfpctc». 


nement  au  fommct  des  Chitcaux,  des  Temples,  &  des  Edifices  publics.  On  nr^cnr^TioN 
afTurc  que  ce  poifTon  cft  l'ennemi  mortel  dc5  Balf^incs,  &  qu'il  les  tue,  en     i^i'i^^i'oi** 
fc  glilTant  dans  leur  gucuL,  &  leur  dévorant  la  langue. 

L' Iruku  cft  un  poilTon  connu  dans  les  Inde«,  où  il  porte  le  nom  de 
Tenje.  Le  Furibe  en  cft  un  autre,  qui  n'eft  pas  fort  gros,  &  que  les  Hol- 
lanJois  nomment  Blafer^  c'eftà-dire,  Soujjicur^  parccqu'il  peut  sVnllcr,  jul- 
qu'ii  prendre  la  forme  d'une  boule  ronde.  On  le  met  au  rang  des  poilfuns 
venimeux ,  jufqu'à  prétendre  qu'il  eft  mortel  pour  ceux  qui  le  mangent  tout 
entier.  Le  Japon  en  a  trois  efpèces,  toutes  trois  fort  abondantes.  Ceux 
de  la  première,  nommés  Sufmnebukas ,  font  petits  &  fort  dangereux.  La 
féconde  efpèce,  qu'on  appelle  Mabaku,  i'tft  à-dire,  véritable  liakuj  pafle 
pour  un  poilibn  fort  délicat;  mais  il  en  fautjetter  la  tétc,  les  inteftins  ik 
les  os,  laver  &  nettoyer  la  chair  avec  beaucoup  de  foin,  fans  quoi  il  cau- 
ieroit  infailliblement  la  mort.  On  prétend  même  qu'après  les  plus  grands 
foins,  il  efi  toujours  venimeux;  &  les  Japonois,  qui  font  las  de  vivre, 
choififfent  fouvent  ce  poiflbn,  plutôt  qu'une  corde  ou  un  poignard.  Il  cau- 
fe  d'abord  l'évanouiffement ,  enfuite  des  convulfions,  &  un  délire  qui  finit 
par  un  violent  crachement  de  fang ,  après  lequel  on  expire.  11  ell  défendu , 
aux  gens  de  Guerre,  de  manger  du  Mabaku,  &  même  d'en  acheter.  Si 
quelqu'un  d'eux  en  meurt ,  fon  fils  perd  le  droit  de  fuccéder  à  fon  Office. 
On  ne  laifle  pas  de  vendre  ce  poiflbn  fort  cher ,  &  d'en  manger  par  frian- 
dife,  mais  il  doit  du  moins  être  fort  frais.  La  troifiéme  eipèce  fe  nom* 
me  Kimadura  f  c'eft-à-dire,  CouJJîn  Septentrional  ;  apparemment,  parce- 
qu'il  a  la  tête  ordinairement  tournée  vers  le  Nord  ;  car  on  nomme  de  mê- 
me ceux  qui  dorment  dans  cette  fituation.  Son  poifon  cft  abfolument 
mortel.  Auffi  n'eft-il  recherché  que  de  ceux  qui  ont  pris  la  réfolution  de 
mourir  (h). 

Le  Cheval  Marin,  ou  le  Chien  Marin  des  Mers  du  Japon,  efl:  un  poif- 
fon  très-fmgulier,  à-peu-près  de  la  longueur  d'un  enfant  de  dix  ans,  fans 
écailles  &  fans  nageoires  ;  la  tête,  la  bouche  &  la  gorge  grandes;  le  ven- 
tre large  &  plat  comme  unfac,  &  qui  peut  contenir  une  grande  quantité 
d'eau.  Il  a  les  dents  minces  &  aiguës ,  comme  celles  d'un  ferpent ,  &  les 
parties  internes  fi  petites,  qu'à  peine  font-elles  vilibles.  On  lui  voit, fous 
le  ventre,  deux  pieds  plats  &  cartilagineux,  avec  des  doigts  qui  reflem- 
blent  beaucoup  aux  mains  d'un  enfant ,  &  dont  il  fe  fert  apparemment  pour 
marcher  au  fond  de  la  Mer.  Toutes  tes  parties  fe  mangent  fans  exception. 
Il  fe  pêche  fouvent  dans  le  Golfe  de  Jedo,  entre  la  Ville  de  ce  nom  & 
Kamakura. 

Le  Tûi,  que  les  HoUandois  des  Indes  nomment  Steen-braeffhn y  eft  regar- 
dé,  des  Japonois ,  comme  le  Roi  des  poiflbns,  &  pafle,  parmi  eux,  pour 
un  animal  d'heureux  augure ,  parcequ'il  eft  confacré  à  J'ebis ,  Dieu  de  la  Mer. 
Rien  n'approche  de  l'éclat  de  fes  couleurs,  tandis  qu'il  efl:  dans  l'eau.  C'eft 
un  mélange  de  rouge  &  de  blanc.  Sa  femelle  n'a  qu'un  petit  nombre  de 
taches  rouges.  Il  a  la  forme  de  la  carpe.  Mais  il  eft  fi  rare,  qu'il  ne  fe 
vend  pas  moins  de  mille  cobangs.     Un  autre  poiflfon'  de  k  même  efpèce  fe 

nom- 
Ci)  Kaenipfer,  pag.  215  &  précédentes. 

Kkk  3; 


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yl 


«1 


Cheval  v3U 
chien  marin 
du  Japon. 


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Tai. 


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44<5 


VOYAGE     DE     K  .E  M  P  F  E  R 


DascRimoN 
DU  Japon. 

Kharo-Tai. 

Siifaki. 

Funa. 

Najos. 
Mebaar. 

Koi. 


Maar. 
Itojori. 
Makuts. 
Sawara. 
Fiiiwo. 
Ara. 
Kiifana. 
Kamas. 
Sufuki. 
Adfi. 
Taka. 
Kame  & 
TakoHuiie. 


Jcsje. 


Bora. 


Katfuwo. 


Managat- 
ftiwo.     Sake. 


nomme   Kharo-Taiy  on  Steen-braeJJem  «o/>,  à  caufe   de  fa  couleur.    On 
l'eftime  beaucoup  moins. 

Le  Sufuki  en  \q  même  poiflbn,  que  les  Allemands  nrmment  Kahlkopf^ 
c'eft-à-dire,  Tche  chauve.  Le  F^na" reflembie  à  la  carpe,  &  fe  fait  recher- 
cher pour  fes  vertus  médicinales ,  particulièrement  contre  les  vers.  On  en 
diftingue  un  plus  gros,  de  la  même  efpèce,  qui  porte  le  nom  de  Najos.  Le 
Mebaar  cil  de  couleur  rouge,  à-peu-près  de  la  groffcur  &  de  la  figure  du 
Stecn-braeflem.  Ses  yeux  s'avancent  hors  de  la  tête ,  comme  deux  balles. 
On  le  pêche  par-tout,  &  c'eft  la  nourriture  ordinaire  des  Pauvres.  Le  Koi 
ell  de  la  même  efpèce,  &  reflemble  auffi  à  la  carpe.  Il  fe  prend,  fur-tout, 
près  des  chûtes  d'eau ,  qu'il  s'efforce  de  remonter.  On  le  tranfporte  dans 
toutes  les  parties  de  l'Empire,  frais  ou  mariné.  Le  Maar,  ou  le  Saumon, 
fe  prend  dans  les  Rivières  &  dans  les  Lacs  d'eau  douce.  \J Itojori  ell  un 
petit  Saumon.  Le  Makuts  ell  le  poiflbn  que  les  Hollandois  nomment  Har' 
der.  Le  Saimra  ell  celui  qu'ils  appellent  PoiJJon  du  Roi.  Le  Fiuvjo  eft  leur 
Draatvifch  ;  &  VAa ,  leur  Jacoh-Everts.  Le  Kufana  eft  le  Nez-court.  Le 
Kamas  etl  le  Brochet.  Le  Sufuki  (i)  efl:  le  Schelvifch  (*)  des  Hollandois; 
mais  plus  long  &  plus  délié.  VAdJi  efl:  leur  Maasbanker.  On  en  difliin- 
gue  plufieurs  efpèces ,  dont  la  plus  groflie  fe  nomme  Oadfi.  Le  Taka  efl; 
ce  que  les  Hollandois  appellent  Kaie.  Le  Kame  &  le  Takofame  font  deux 
efpèces  de  jR.ayes,  dont  la  peau,  qui  efl:  fort  dure,  fert  à  faire  des  étuis, 
&  d'autres  curiofités.  Il  en  vient  auflfi  de  Siam ,  &  de  plus  belles  que  cel- 
les du  Japon  (/). 

L  E  Jesje  ell  un  poiflfon  large  &  plat ,  qui  a  la  queue  longue ,  &  foiivent 
au  bout ,  un  aiguillon  de  corne  ou  d'os ,  que  les  Hollandois  des  Indes  nom- 
ment Pyljlaart.  Cet  aiguillon ,  lorfqu'il  ell  ôté  au  Jesje  vivant ,  pafle  pour 
un  remède  infaillible  contre  la  morfure  des  ferpens.  Auffi  les  Japonois  en 
portent-ils  toujours  fur  eux.  Le  Bora  reflemble  au  Brochet.  Il  a  la  chair 
blanche  &  délicieufe.  On  le  nomme  auffi  Songaats ,  parcequ'il  fe  prend  dans 
le  mois  de  ce  nom ,  qui  efl:  le  premier  de  l'année  Japonoife.  On  le  marine 
&  on  le  fume^  Ce  poiffon,  &  tous  ceux  qu'on  prépare  de  même  font  com- 
pris fous  le  nom  général  de  Karafumi.  On  les  porte  de  Nangafaki  &  de 
Nomo,  où  il  s'en  prend  beaucoup,  à  Jedo  &  dans  les  autres  parties  de 
l'Empire ,  attachés  par  dixaine  à  des  cordes.  Les  Hollandois  &  les  Chinois 
en  tranfportent  auffi. 

Le  Katfuwo  efl:  un  bon  poiflfon,  dont  la  meilleure  efpèce  fe  prend  aux 
environs  de  Gotto ,  &  que  les  Hollandois  tranfportent  auflî  fous  le  nom  de 
Combloomas.  La  manière  de  le  préparer  efl:  de  le  couper  en  quatre,  &  de 
le  faire  fécher  par  degrés  fur  la  vapeur  de  l'eau  bouillante ,  pour  le  manger 
à  l'eau.  Le  Managatfwjoo ,  efl:  un  poiflfon  plat ,  auquel  la  Nature  a  donné 
un  œil  de  chaque  côté.  Le  Sake,  qui  efl:  une  efpèce  de  Cabeliau,  fe  mari- 
&  reflfemble  à  la  Morue.    On  le  tire  du  Pays  de  Jefl!b  ;  <k  fon  nom  lui 

vient 


ne 


(  i  )  Ce  nom ,  '  qu'on  a  lu .  quelques  lignes  un  Carlet  ;  le  Schelvifch  un  Merlan.  R.  d.  E. 

plus  haut,  pour  unpoilTon  différent,  efl:  fans  (/)  Voyez  la  figure  de  ces  peaux  de  rayes 

doute  altéré  dans  l'un  ou  l'autre  endroit.  de  Siam,  auïomcXI.  pag.  238.  R. d. E. 

(k)  L" A\itQU):  dit  Scbarvijcb.    LcScharcfl:  •    • 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  447 

vient  de  fon  odeur,  qui  approche  fort  de  celle  de  la  bière  de  Saki.  Le  Tara 
efl  une  ibrce  de  Morue,  qui  vient  des  Provinces  du  Nord,  &  dont  la  meil- 
leure efpèce  fe  nomme  TJioJijn-Tara ,  parcequ'on  la  tire  de  Tfiofijn.  Le 
Sajori,  que  les  Habitans  de  Nangafaki  appellent  Sufomoi'wo,  a  reçu  des  Hol- 
landois  le  nom  de  Naiihhifch,  qui  fignifie  t*o[[fon  aiguille.  Il  n'a  pas  plus  d'un 
empan  de  longueur.  Il  efl  mince, avec  un  rang  de  pointes  longues  &  aiguës 
le  long  du  dos.  Le  Toblvoo,  que  les  Hollandois  nomment  Springer,  oupoif- 
fon  volant,  parcequ'il  faute  hors  de  l'eau,  n'a  guères  plus  d'un  pied  de  lon- 
gueur ;  mais  l'excellence  de  fa  chair  fait  regretter  qu'il  foit  rare.  Les  Ja- 
ponois  ont  des  Sardines,  fous  le  nom  d'/t»aj,  &  des  Eperlans  qu'ils  nom- 
ment Kiffitgos.  Le  j^ffo,  appelle  Sandkruiper  par  les  Hollandois ,  eft  un  poif- 
fon  qui  tient  le  milieu  entre  l'Eperlan  &  l'Anguille.  Le  Maquereau  porte, 
au  Japon ,  le  nom  de  5fli'<».  L'^^/,  ou  Ai-no-iwo  ^  que  les  Hollandois  nomment 
Modevifch ,  eft  un  poilîbn  d'eau  douce ,  d'un  empan  de  long ,  qui  nage  avec 
une  vîtefîe  furprenante.  Le  Sijroiwo  y  ou  le  PoiJJon  blanc ,  fe  pèche  au 
Printems,  à  l'embouchure  des  Rivières.  Le  Konojijro,  nommé  par  les  Hol- 
landois Sajfapy  eir  une  efpèce  de  Hareng,  qui  relfemble  aux  StrobmUngs  des 
Suédois.  Le  Kingjo^  ou  le  PoiJJbn  doré,  n'excède  guères  la  longueur  d'un 
doigt:  il  eft  rouge,  il  a  la  queue  d'un  très-beau  jaune  luifant,  ou  de  cou- 
leur d'or;  mais,  dans  fa  jeunefle,  il  eft  noirâtre.  Au  Japon,  comme  à  la 
Chine  &  dans  prefque  toutes  les  Indes,  il  fait  l'ornement  des  viviers,  où 
on  le  nourrit  de  mouches  qui  n'ont  pas  encore  leurs  aîles.  Les  Japonois 
en  ont  une  efpèce ,  dont  la  queue  eft  couleur  d'argent.  VUnagi  eft  fAn- 
guille  commune;  mais  l'Oounagi  en  eft  une  autre  efpèce,  d'une  groifeur 
extraordinaire.  Le  Jaatzme  -  Unagi ,  c'eft  -  à  -  dire ,  Y  Anguille  à  neuf  yeux , 
eft  ce  qu'on  appelle,  en  Allemagne ,  A^^mm  -  aw^ç ,  efpèce  de  grande  Lamproie. 
l,e  Dooiljio,  eft  le  Puyt-Jal  des  Hollandois,  qui  eft  de  la  longueur  du  doigt, 
&  qui  a  la  tête  fort  grofle  en  comparaifon  du  corps.  Il  fe  trouve  dans  des 
champs  de  riz  couverts  d'eau ,  &  dans  les  étangs  bourbeux.  On  en  con- 
noît  deux  efpèces;  l'une  avec  une  barbe,  &  l'autre  qui  n'en  a  point.  Les 
Japonois  prétendent  qu'on  peut  former  artificiellement  des  Doodiios ,  en 
coupant  de  la  paille,  la  mêlant  avec  de  la  bourbe,  &  l'expofant  le  matin  à 
la  chaleur  du  Soleil:  Le  Famtno,  que  les  Hollandois  ont  nommé  Conger-Aal^ 
eft  plus  grand  que  l'Anguille  commune,  &  plus  mince,  quoiqu'il  lui  reffem- 
ble  lorfqu'il  eft  fous  l'eau. 

L'Ika  eft  le  Polype  ordinaire,  que  les  Japonois  &  les  Chinois  regardent 
comme  un  mets  fore  délicat.  Il  fe  prend  avec  un  appas  de  fa  propre  chair. 
Le  Jako  eft  uneauLre  efpèce  de  Polype, .qui  a  de  longues  queues,  ou  plu- 
tôt une  forte  de  pieds ,  armés  de  petits  crochets,  avec  lefquels  il  s'attache 
aux  rochers  &  au  fond  de  la  Mer.  11  fe  mange  frais,  bouilH,  ou  mariné. 
heKuragge  eft  encore  un  Polype,  dont  on  diftingue  deux  fortes;  l'une  nom- 
mée Mldfikura,  ou  Polype  blanc,  qu'on  trouve  dans  toutes  les  Mers,  «&  qui 
eft  un  fort  mauvais  alim.^nt;  l'autre,  plus  rare,  charnue,  &  qui  fe  mange 
avec  goût,  loriqu'.  Ile  ell  bi.n  apprêtée.  Quelques-uns  de  ces  Polypes  font 
figros,  que  deux  hommes  ont  |..eine  à  les  loûlever.  Leur  chair  marinéea 
la  même  couleur  vi!*:  le  même  goût  quj  ces  nids  d'oifeaux,  qui  fe  mangent 
en  Orient,  fur-tout  à  la  Cliine;  &  Kjempfer  paroît  perfuadé ,  fur  l'autorité 

de 


DrscRTPTroK 

DL'  JAToN. 

l'uni. 
Sajori. 


Tobiwo, 


In';is  S: 
KiU'ujos. 
Jcib. 

S:iba. 

Ai-no-hvo. 
S'jioiwo. 
Koiiofijro. 

Kingjo,  ou 
poillbn  doiv'. 


Jaatznie- 
Unagi. 

DooJfio. 


Fammo. 


L'Ika,  ou 
le  Polype. 

Autres  en- 
core. 


I-csnids- 
d'oifeaux  qui 
fc  iiian;;eiit 
font  de  leur 

chair. 


448 


VOYAGE     DE     K^MPFER 


Description 
DU  Japon. 

Namako. 
L'Iinori. 

Takanoma- 
kura. 

Tako. 

Ki ,  ou  Ca- 
me, efpèce 
ic  Tortue. 


Jebîs ,  ou 
Ecreviflcs  da 
]apon. 


Quand  les 
teflacés  "^  les 
criifticés  font 
pleins  au  Ja- 
pon, 


de  quelques  Pêcheurs  Chinois,  que  ces  nids  prétendus  ne  font  que  delà  chair 
de  cj  poiflbn,  apprêtée  apparemment  fous  une  forme  trompeuft  (w).  Le 
Niimiko,  que  les  l^ollandois  de  Batavia  nomment  KaffeikilL  fe  mange  aulfi. 
Vlinoii  efl:  un  petit  Lézard  d'eau,  venimeux,  qui  a  le  dos  noir  &  le  ventre 
rouge.  Le  Takanomakura ^  efl:  ce  qu'on  appelle  l'Om/Zer  iw  Pc /ypr.  h^Tako 
ed  une  Etoile  de  Mer,  que  les  Japonois  ne  mangent  point. 

De  tous  les  animaux  à  quatre  pieds,  qui  vivent  dans  l'eau,  il  n'y  en  a 
point  qu'ils  eftiment  plus  que  le  A'r,  ou  Came^  c'efl:-à-dire,  la  Tortue.  On 
a  déjà  remarqué  qu'ils  la  regardent  comme  un  emblème  particulier  du  bon- 
heur, à  caufe  de  la  longue  vie  qu'on  lui  attribue.  Quoique  cette  efpèce 
particulière,  à  laquelle  ils  donnent  une  large  queue,  en  forme  de  rondache, 
&  qui  efl:  appellée  ilfoi/k ,  dans  la  langue  fçavante,  ne  foit  qu'une  chimère 
&  une  fiction ,  on  la  voie  fouvent  parmi  les  figures  emblématiques  dont 
ils  ornent  les  murailles  de  leurs  Temples,  celles  de  leurs  Hôtels,  &  les  Ap- 
partemens  de  l'Empereur  &  des  Princes  de  l'Empire.  Entre  les  véritables 
Tortues,  les  plus  communes  font  Vljikame^  ou  Sanki^  c'eCt-à-dire,  la  Tor- 
tue des  pierres ,  ou  de  montagne ,  qui  tire  ce  nom  des  lieux  où  elle  fe  trou- 
ve; &  ïjQ-Game^  ou  Dou-Game,  c'efl:-à-dire.  Tortue  d' eau  ^  ou  Tortue  poif- 
fomeufe,  parcequ'elle  vit  dans  l'eau.  On  raconte  que  fur  les  Côtes  Septen- 
trionales &  Orientales  du  Japon,  il  fe  trouve  des  Tortues  aflcz  grandes,  pour 
couvrir  un  homme  de  la  tête  aux  pieds. 

Les  Japonois  donnent  généralement  le  nom  de  J'ebis  à  toutes  fortes  d'E- 
crevifles  &  d'Ecrevcttes,  quoiqu'ils  en  ayent  plufleurs  efpèces  particulières. 
Le  Jehifako  efl:  cette  petite  EcrevilTe  commune,  qu'on  voit  en  abondance 
fur  les  Côtes  de  la  Mer  Baltique.     Le  Sl-Jebi  ne  diffère  pas  beaucoup  des 
Ecrevifl'es  ordinaires ,  non  plus  que  le  Dahma-Jebt  ;  excepté  que  celle-ci  ne 
vit  que  dans  l'eau  douce ,  &  qu'à  l'âge  d'un  an  elJe  devient  noire.     Le  Ku- 
ruma-Jebi,  ou  YEcreviJJe  à  roue ^  tire  ce  nom  de  la  figure  de  fa  queue.    UUini- 
Jebi^  c'efl:-à-dire ,  h  grande  EcreviJJe ,  efl:  ordinairement  longue  d'un  pied. 
Sa  queue,  qui  efl:  noire,  caufe  le  mal  de  ventre  ,  ou  même  le  Choiera  Mor- 
bus.     Le  Siknxia  a  la  queue  large,  &  fe  prend  fouvent  avec  le  petit  poiflon. 
Il  a  fi  peu  de  chair,  qu'à  peine  lui  en  refl:e-t'il  dans  le  tems  de  la  pleine  Lu- 
ne.    Tous  les  animaux  tefliacés  &  crufl:acés ,  de  ces  Mers,  font  alors  plus 
pleins  &  plus  charnus  qu'au  tems  des  nouvelles  Lunes ,  contre  l'expérience 
ordinaire  des  Mers  de  fEurope.     Le  Gamina,  ou  le  Koona^  efl:  revêtu  d'u- 
ne coquille  charmante.     Le  Koni,  dont  le  nom  fignifie  Kcrevijfe  de  poche,  efl 
nôtre  Ecreviffe  de  Rivière.     Le  Kabutogani ,  on  ÏUnkiu,  efl:  d'une  forme  fin- 
gulière:  il  lui  fort  de  la  tête  une  forte  d'épée,  pointue,  longue,  dentelée, 
&  fon  dos  efl:  un  peu  rond  &  fort  lifie.     Le  Gadfat}ie  n'efl:  pas  plus  gros  que 
l'Ecreviffe  de  Rivière;  mais  fon  écaille  fupérieure  fe  termine  en  pointe  des 
deux  côtés  ;  il  a  quatre  pieds,  dont  les  deux  de  devant  Ibnt  plus  grands  que 

ceux 

(m)  Ubifuprà,  pag.  223.    CefT:  une  er-  „  pour  les    ragoflts  ,  &-qul    s'y  nomment 

reur.     Ces  nids  font  réels  &  fort  connus.  „  Ifetiwi,   ou    'Jn'iiku,    vulgnirement  Gc'îj, 

Nota.  Voici  la  remarque  que  M.  Prevofl:  a  „  font  rouvrat;c  des  hirondelles  de  Mjr,  & 

fait,  dans   un  autre  endroit,  fur  cet  article.  „  compofés  de  ces  Ildothuries,  om   Poiifons 

„  Ka:mpfer  nous  apprend  que  les  nids  d'oi-  „  />/«/««,  qui  funiàgent  fur  les  tlots".  R.  d.  E. 
„  feaui  du  Japon ,  dont  on  fait  tant  de  cas 


H 


pour 


nomment 

.'tit  (hns, 

Mji-,  & 

Priions 

.il.d.E. 


Coquillngcs 
do  cjs  Mers. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  449 

ceux  de  derrière.  LeSamaganifC'e{\:-k-due,  ÏEcreviffe  de  poche  caneîée ,  [pour-  Description 
roit  s'appeller  auffi  ÏEcrev^e  à  verrues ,  parceque  fa  coquille  en  efl:  couverte ,    ""  Japon. 
à  l'exception  des  jambes  de  derrière ,  qui  font  lifles  &  prefque  cylindriques. 
Quelques-uns  de  ces  difformes  animaux  font  d'une  grofleur  incroyable. 
Kaempfer  en  acheta  une  jambe  de  derrière,  qui  étoit  auffi  longue  &  auffi 
grofle  que  la  jambe  d'un  homme. 

Les  Mers  du  Japon  offrent  une  prodigieufe  quantité  de  toutes  "  fortes 
d'Huîtres,  de  Moules,  &  de  Coquillages,  qui  fe  mangent  crus,  marines, 
falés,  bouillis  ou  frits.     La  marée  en  laifTe  tous  les  jours  un  grand  nombre 
fur  les  Côtes  j  on  les  prend  d'ailleurs  en  plongeant ,  ou  dans  des  filets.  Les 
plus  connus  font  ÏAiJoabi,  dont  on  a  parlé  à  l'occafiondes  Perles.     C'eft  un 
coquillage  univalve,  ouvert,  &  de  la  groffeur  d'une  médiocre  coquillePer- 
fienne ,  mais  plus  profond.  Il  fe  trouve  à  beaucoup  de  profondeur  fous  l'eau, 
attaché  ordinairement,  Ibic  aux  rochers,  foit  au  fond  de  la  Mer,  où  les 
femmes  des  Pêcheurs ,  qui  entendent  mieux  l'art  de  plonger  que  les  hom- 
mes ,  vont  les  prendre ,  avec  la  précaution  de  s'armer  d'un  grand  couteau , 
pour  fe  défendre  des  Kaies^on  des  Marfouins.    Lorfqu'elles  découvrent  un 
Awabi,  elles  doivent  l'enlever  brufquement,  avant  qu'il  puilTe  les  voir; 
fans  quoi ,  il  fe  colleroit  au  rocher  avec  tant  de  force,  qu'il  feroit  impoffi- 
ble  de  l'en  détacher.     La  coquille  efl;  remplie  d'une  grofle  pièce  de  chair , 
de  couleur  jaune  ou  blanchâtre,  &  trés-coriace  ,   quoiqu'elle  n'ait  aucune 
fibre.     Les  Japonois  racontent  que  c'étoit  la  nourriture  ordinaire  de  leurs 
Ancêtres.     C'efl;  pour  conferver  la  mémoire  de  ce  tems  d'indigence  &  de 
fimplicité,  qu'on  en  fert  dans  les  feftins.     C'efl  un  ufage,  dans  toutes  les 
conditions,  d'en  joindre  une  pièce  aux  préfens  que  l'on  fait ,  parceque  cet- 
te chair  efl  un  préfage  de  boiûieur.     On  la  coupe  en  petites  tranches ,  qu'on 
fait  fécher  fur  des  ais.     11  fe  trouve  quelquefois  une  perle ,  dans  ce  coquil- 
lage :  mais  mal  formée ,  de  couleur  jaunâtre ,  &  de  peu  de  valeur. 

Le  Tairagi  efl:  un  bivalve  plat,  long,  mince  &  fort  grand,  prefque  tranf- 
parent,  d'une  forme  qui  approche  de  la  triangulaire  ,  &  qui,  fur  une  large 
face ,  fe  termine  en  pointe.  Le  poiflbn  efl  attaché  de  chaque  côté  de  la 
coquille,  par  un  tendon  très-fort.  Les  meilleurs  Tairagis  fe  trouvent  dans 
le  Golfe  d'Orima ,  &  l'on  en  tire  quelquefois  des  perles.  VAkoja  efl  auffi 
un  bivalve  plat,  de  la  longueur  de  la  main.  Sa  furface  extérieure  efl  cou- 
verte d'écaillés ,  &  d'une  figure  defagréable.  Mais  on  y  trouve  une  excel- 
lence nacre  de  perle  reluifante.  Ceux  de  la  meilleure  forte,  &  qui  produi- 
fent  les  plus  belles  perles ,  fe  pèchent  dans  le  Golfe  d'Omura.  Le  Mirakai 
eH  k  Moule  noire  &  commune ,  d'eau  douce ,  qui  n'efl  pas  rare  dans  les 
Rivières  &  les  Lacs  d'Allemagne. 

Les  Famagurîs  font  des  bivalves  de  la  même  figure  &  de  la  même  grof-  Famagun' 
feur ,  mais  plus  épais ,  lilTes  &  blancs  dans  l'intérieur ,  &  de  couleur  brune 
en  dehors.  On  peint,  en  dedans,  plufieurs  figures  curieufes;  &  c'efl:  un 
des  amufemens  de  la  Cour  du  Dairi.  Elles  fervent  à  former  une  efpèce 
de  jeu ,  qui  fe  joue  de  cette  manière  :  on  jette  à  terre  plufieurs  tas  de 
Famaguris  ;  chaque  Joueur  en  prend  fa  part  ;  le  Vainqueur  efl  celui  qui 
en  produit  le  plus  grand  nombre  de  paires.  Chaque  paire  a  des  cro- 
chets particuliers,  par  lefquels  on  peut  facilement  les  difl;inguer  &.les 
XIF,  Paru  LU  aflTera- 


Tairagi, 


Ako-a. 


+50 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


Description 
DU  Japon. 

Siclfimi, 
Kaifi. 


Kiùi. 


Niigatakai. 

Afari. 

Té. 

Umi-Fake. 


Turankaîi- 
gai. 

■Safai. 


ma. 


Fananifis , 

ou  Limaçons 

de  plufieurs 
«fpèces. 


Les  meilleurs  de  ces 
ils  fe  trouvent  en 


ou 


afTembler,  quelque  mêlées  qu'elles  puiflent  être, 
coquillages  ie  prennent  fur  les  Côtes  de  Quanto 
abondance. 

Le  Sidfimi  eft  un  petit  bivalve,  qui  reflemble  au  Famaguri,  mais  qui  efl 
plus  mince;  on  le  trouve  enfoncé  dans  la  bourbe.  Les  Kaijis^  ou  les  Utji. 
k'is ,  font  les  Huitres.  Celles  du  Japon  font  difformes ,  raboteufes ,  pier- 
reufes.'  Elles  croiilent  attachées  les  unes  aux  autres,  &  collées  aux  rochers. 
On  en  diftingue  deux  principales  fortes;  les  unes  fort  grofles,  dont  les  meil- 
leures &  les  plus  eftimées  font  celles  du  Golfe  de  Kamakura  ;  les  autres 
beaucoup  plus  petites.  Le  Kifa ,  ou  VJkagui ,  eil  un  autre  bivalve ,  blanc 
en  dehors,  avec  des  rayes  profondes,  &  prefque  parallèles.  En  dedans, 
il  efl  de  couleur  rougeâtre.  On  met  un  manche  à  cette  coquille,  pour  la 
faire  fervir  de  cuilliére.  Le  Nagatakai  efl  une  grande  coquille  noire ,  dif- 
forme ,  un  peu  ronde ,  &  canelée.  \J Afari  en  eft  une  petite ,  mince ,  de 
couleur  grife  ou  cendrée.  Le  ÏV,  ou  \q  Maté  ^  eft  un  bivalve  oblong, 
mince ,  entr'ouvert  à  chaque  bout ,  &  fon  poiflbn  pafle  pour  un  mets  déli- 
cieux. VUmi-Fake  eft  un  autre  bivalve,  à-peu-près  de  la  même  efpéce» 
d'un  empan  de  long,  &  fi  gros,  qu'à  peine  peut-on  le  tenir  entre  le  pouce 
&  l'index.  On  en  marine  la  chair.  Ce  coquillage  ne  fe  trouve  que  fur  les 
Cotes  de  Tfikungo.  Il  eft  défendu  d'en  pêcher,  avant  qu'on  en  ait  fait 
une  provifion  fuffifante  pour  la  table  de  l'Empereur. 

Les  Tarankangais ,  qui  fe  nomment  Kowers  dans  les  Indes ,  font  de  dif- 
férentes efpèces  au  Japon.  On  tire  les  meilleurs ,  des  Ifles  Liqueios  ;  & 
les  Dames  Japonoifes  en  font  le  principal  ingrédient  de  leur  fard.  Le  Safai 
eft  un  univalve  turbiné,  gros,  épais,  odoriférant,  blanc  &  plein  de  pi- 
quant. Il  a  la  bouche  fermée ,  &  une  efpèoe  de  couvercle  plat ,  épais ,  de 
fuhftance  pierreufe ,  raboteux ,  &  femblable  en  dehors  au  L,apis  Judakus , 
mais  plus  pointu  &  plus  lilîe.  Le  Niji  eft  un  autre  univalve,  àpeu-prés  de 
la  même  forme,  mais  plus  gros,  &  dont  la  chair  n'a  pas  la  même  bonté. 
Ils  fe  tiennent ,  l'un  &  l'autre ,  fortement  attachés  aux  rochers  &  au  fond  de 
la  Mer ,  comme  l'A wabi. 

Les  Fananifis  font  les  Limaçons  communs  de  terre.  Ils  font  noirs  au 
Japon ,  &  la  Nature  leur  apprend  à  dierdter  leur  nourriture  dans  la  bour- 
be des  champs  de  riz.  fis  ont  la  bouche  fermée.  Leur  coquille  eft  oblon- 
gue  &  prefque  pierreufe.  Le  Bai  eft  un  Limaçon ,  renfermé  dans  une  co- 
quille blanche  &  turbinée.  Le  Ras^  ou  le  Milva,  en  eft  un  autre  de  la 
même  efpèce ,,  mais  noir  &  plus  petit.  L'un  &  l'autre  fe  trouvent  fur  le 
rivage,  en  baffe  marée.  Le  Kabuto  eft  un  univalve,  petit ,  oval  éc  Cabi- 
ne.   Le  Sugai  eft  plus  petit  encore,  &  de  la  même  forme  («). 


nit  pas 
Japon. 


(fl)  Kxmpfcr,  »bi/i^i,  pag.  291  &  précédentes. 


■Ai.- 


'p-.; 


J.XL 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON.  Liv.  IV. 


451 


<j:^ 


;«•:"(.  1 


5' 


.  XI.  '■^"• 

ïi.  ) 


il   :   ^.i.ri  J' 


DHM»»T10ir 

ou  jArotf. 


/Irbres  fruitiers  ^  Plantes  principales  du  Japon. 


y  3 


SI  l'on  confidère  les  avantages  du  climat  &  l'induftrie  laborieufe  de»  Ha- 
bitansdu  Japon,  il  ne  paroîcrapas  furprenant  que,  malgré  les  raau- 
vaifes  qualités  du  terroir ,  ces  Ifles  produifent  en  abondance  toutes  fortes  de 
plantes  &  de  fruits.     Les  plus  fimpfes  faifoient  la  nourriture  des  anciens  Ja- 

Fonois  ,  indigens ,  fimples  eux-mêmes ,  &  contens  de  leur  frugalité.  Mais 
opulence  a  mis  beaucoup  de  changement  dans  les  mœurs  ,  oc  les  recher- 
ches du  goût  font  devenues  plus  délicates.  Kaempfer  a  cru  cet  exorde  né- 
ceflaire ,  en  commençant  la  defcription  des  Plantes ,  qui  font  le  plus  en  ufa- 
ge  au  Japon  (a). 

Il  donne  le  premier  rang  au  Meurier,  parmi  les  arbres.  Il  fe  nomme 
Sooj  vulgairement  iTMwa ,  &  l'on  en  diflingue  deux  efpèces,  l'une  à  fruit 
blanc,  &  l'autre  à  fruit  noir.  Quoique  fon  fruit  foit  infipide  dans  ces  If- 
les, ce  défaut  efl  bien  compenfé  par  l'avantage  qu'on  y  tire  de  fes  feuilles, 
Jour  la  nourriture  des  vers  à  foye.  II  croît  dans  la  plus  grande  partie  du 
apon ,  fur-tout  dans  les  Provinces  Septentrionales ,  où  quantité  de  Villes 
&  de  Villages  tirent  prefque  uniquement  leur  fubfiftance  des  Manufaftu- 
res  d'étoffes  de  foye.  Le  Sjo-Ri^  vulgairement  Kandji  -  Kaitfi ,  ou  l'arbre 
dont  on  tire  le  papier ,  efl  une  efpèce  de  Meurier.  Quoiqu'il  croiiTe  fans 
culture  ,  on  prend  foin  de  le  tranfplanter.  Il  s'élève  avec  une  vîtefTe 
furprenante,  &  fes  branches  s'étendent  fort  loin.  De  fon  écorce,  on  fait 
non-feulement  du  papier ,  mais  des  cordes ,  de  la  mèche  ,  du  drap  ,  di- 
verfes  fortes  d'étoffes  &  d'autres  commodités  (£>). 

UUruJi i  ou  l'arbre  du  vernis,  n'efl  pas  moins  admirable  par  fon  utili- 
té. Il  produit  un  jus  blanchâtre  ,  dont  les  Japonois  fe  fervent  pour  vernir 
tous  leurs  meubles,  Jeurs  plats  &  leurs  afliettes.  A  la  table  même  de  l'Em- 
pereur, la  vaiffejle  &  les  uftencile?  vernifles  obtiennent  la  préférence  fur 
les  plus  précieux  métaux.  On  ctiftingue  une  autre  elpèce  d'arbre  au  vernis, 
qui  a  les  feuilles  plus  étroites,  &  qui  fe  nomme  Faqfi.  Il  croît  fur  les  col- 
lines &  les  montagnes;  mais  fon  jus  n'a  pas  la  bonté  de  l'autre,  &  ne  four- 
nit pas  la  même  quantité.  Le  véritable  Urufi  efl  une  efpèce  particulière  au 
fapon.  Celui  de  Jaraatto  efl  le  plus  eftimé,  quoiqu'il  croiffe  auffi  dans  les 
provinces  de  Fîgo  <k  de  Tfikoku.  Kaempfer  obferve  que  l'arbre  du  vernis , 
qu'on  trouve  aux  Indes ,  efl  tout-à-£ait  différent  de  rUrufi  des  Japonois  (c). 
A  Siam,  on  le  nomme  l'arbre  de  Rack  (d).  Il  croît  &  porte  du  fruit  dans 
la  plupart  des  Contrées  de  l'Orient  ;  mais  on  obferve  qu'à  l'Ouefl  du  Gan- 
ge, 


Principale» 
P/intes  du  Ja- 
pon. 


(a)  Ceux  qui  fouHaitcront  un  plus  grand 
jlétail ,  peuvent  confuiter  les  Amatiitatis 
txoticœ.  Ouvrage  du  même  Voyageur ,  ou  le 
Tome  Vill.  de  la  Nouvelle  Hijioire  du  Ja 
fon ,  dont  tous  les  Articles  l'ont  tirés  de  cet 
Ouvrage. 

(  b)  La  manière  dont  fe  fait  le  papier  efl: 
«[écrite  fort  au  long  dans  les  deux  Ouvrages 


qu'on  vient  de  nommer. 

Nota.  On  en  a  fait  un  Article  particulier, 
à  la  fin  de  ce  Volume.  R.  d.  E. 

(c)  C'eft  le  véritable  Anacardinus ,  fui- 
vant  Kxmpfer. 

{d)  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  l'Ai- 
rak. 

LU  2 


Meurier. 


Kandn- 
Kanfi  ,   arbre 
à  papier. 


Urufi,  oit 
arbre  du  ver- 
nis. 


452 


VOYAGE    DE    K  i:  M  P  F  E  R 


DlSCRirTION 
DU  jArON. 


Dlvcrfes 
efpèces  de 
Lauriers. 


Laurier  à 
bayes  rouges. 


Le  Na,,ou 

Niigi. 


§e,  fon  jus  n'eft  pas  blanchâtre;  fans  qu'on  piiifle  juger ,  fi  cette  difFërence 
oit  être  attribuée  à  celle  du  climat ,  ou  à  l'ignorance  des  Habitans,  qui 
n'entendent  pas  la  manière  de  le  cultiver.  La  plus  grande  quantité  de  ce 
jus  des  Indes  vient  des  Royaumes  de  Siam  &  de  Camboye,  &  fe  vend  à 
très-grand  marché.  On  en  porte  même  au  Japon,  oî^  les  Naturels  du  Pays 
l'employent  pour  vernir  des  uftenciles  de  peu  de  valeur ,  &  le  font  entrer 
aufli  dans  la  compofîtion  de  leur  plus  excellent  vernis  {e). 

Le  Japon  a  plufieurs  efpèces  de  Lauriers,  qui  portent  en  général  le  nom 
de  TJus-no-Ki  (/).  Celui  qui  fe  nomme  particulièrement  Kuro-Tfons^  ou 
J5oA-7yô«J,  e(l  un  Laurier  à  groifes  bayes,  d'un  pourpre  obfeur,  dont  les 
feuilles  font  quelquefois  larges ,  quelquefois  étroites  &  ondées.  UAka- 
Tfutfu  en  efl  un  autre ,  à  feuilles  larges  &  à  bayes  rouges  aflez  groffes.  Ce 
dernier  efl  une  Cannelîfera  fpuria  i  ou  plutôt ,  à  caufe  de  fa  vifcofité ,  une 
Caffia  lignea.  Il  rcflemble  parfaitement  à  l'arbre  de  la  canelle ,  non-feulement 
par  fa  grandeur,  mais  encore  par  fa  figure  &  la  fubflance  des  feuilles.  Mais 
l'écorce  n'a  pas  cette  agréable  douceur,  qui  eft  particulière  à  l'écorce  de 
la  véritable  canelle;  elle  tient  beaucoup  plus  de  l'âcreté  aromatique  duCof- 
tus;  défaut  que  Kaempfer  croit  devoir  attribuer  uniquement  à  la  qualité  du 
terroir.  Il  porte  le  même  jugement  de  la  canelle  de  Malabar,  de  Sumatra 
&  de  Java ,  qui  n'approche  point ,  dit-il ,  de  celle  de  Ceylan. 

Le  Na,  qu'on  nomme  vulgairement  f^g-)  Nagi  &  Tjikburajîba ,  efl:  une 
efpèce  de  Laurier  fort  rare  (bj,  qui  pafle  au  Japon  pour  un  arbre  de  bon 
augure.  Il  conferve  fes  feuilles  toute  l'année.  Des  forêts,  où  la  Nature 
le  produit,  on  le  tranfporte  dans. les  maifons,  &  jamais  on  ne  l'expofe  â 
la  pluye.  Sa  grandeur  efl:  celle  du  cèrifier.  Le  tronc  en  efl  fort  droit  ;  fôn 
écorce  efl  de  coureur  bai-obfcur.  Elle  efl  molle,  charnue,  d'un  beau  verd 
dans  les  petites  branches ,  ôc  d*une  odeur  de  fapiii  balfamiqiie.  Son  bois 
efl:  dur ,  foible  &  prefque  fans  fibres  ;  fà  moelle  efl  à-peu-çrès  de  la  nature 
du  champignon  ,;  &  prend  la  dureté  du  bois  dans  ïa  vieilleflTe  de  l'arbre. 
Les  feuilles  nailTent  deux  à  deux  ,  fans  pédicules.  Elles  n'ont  point  de 
nerfs,  leur  fubflance  efl  dure;  enfin  elfes  reflfemblent  fort  à  celles  du  Lau- 
rier d'Alexandrie.  Les  deux  côtés  font  de  même  couleur,  lilTes,  d'un 
verd  obfeur,  avec  une  petite  couche  de  bleu,  tirant  fbr  le  rouge,  larges 
d'un  grand  pouce ,  &  longues  à  proportion.  Sous  chaque  feuille,  fortent 
trois  ou  quatre  étamines  blanches  ,  courtes  ,  velues ,  mêlées  de  petites 
fleurs,  quilaifTent,  en  tombant,  une  petite  graine  rarement  dure,  â-peu- 
près  de  la  figure  d'une  prune  fauvage,  &d'un  noir  purpurin  dans  fa  matu- 
rité. La  chair  en  efl:  infipide  &  peu  épaiffe.  Cette  baye  renferme  une 
petite,  noix  ronde ,  de  la  groflTeur  d'une  cerife  »  dont  l'écaillé  eft  dure  &  pier- 

reu- 


(  #  )  Voyez  les  defcriptlons  de  tous  ces  ar- 
bres ,  dans  lies  Amanitates  exoticœ  ,  pag.  792 
&  fuiv. 

(/)  TJus,  fignifie  unLaiirier;  Ki,  Plante 
eu  Arbre;  &  No  efl  l'Article.  Ainfi  TJus- 
uQ'Ki  veut  dire  Plante  de  Laurier. 

(g)  Il  faut  fe  rappeller  que  les  caraftères 
Chinois  font  en  vfage  au  Japon,  parmi  les 


Lettrés,  quoique  la  forme  en  foit  un  peu  diffé- 
rente. Ainfi ,  le  premier  nom  eft  celui  dont 
les  Lettrés  Japonois  fe  fervent  pour  expri- 
mer le  caraftère  Chinois ,  qui  marque  la 
Plante. 

(i>  Kaempfer. le  définit,  Laurus,  julifer», 
folio  Jpesiof)  entrvL 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


453 


Le  Sfio,  ■ 
Camphrier  dit 
Japon. 


reufe,  quoique  mince  &  fragile.    Elle  contient  un  noyau,  couvert  d'une  DEscRifTift» 
petite  peau  rouge ,  d'un  goût  amer  &  de  figure  ronde ,  mais  furmonté  d'une    °"  Ja»o», 
pointe ,  qui  a  ia  racine  dans  le  milieu  du  noyau  même. 

Le  SJtOy  nommé  vulgairement  Kusno-Ki,  ou  Nambok^  ell  une  autre  ef- 
pèce  de  Laurier  qiii  donne  du  camphre,  fur-tout  par  fes  racines.  Il  efl  del'é- 
paiiTeur  &  de  la  hauteur  de  nos  tilleuls.  Les  Payfans  de  la  Province  de  Sat- 
zuma  &  des  Ifles  de  Gotto,  où  il  croît  uniquement,  en  tirent  le  camphre 
par  la  fimple  décoftion  des  racines  &  du  bois,  coupés  en  petits  morceaux. 
Mais  quoiqu'on  le  fublime  enfuite ,  il  ell  plus  de  quatre- vingt  fois  à  meil- 
leur marché  que  celui  de  Bornéo  ,  qui  fe  tire  du  tronc  des  vieux  Cam- 
phriers, par  de  fimples  incifions  entre  l'écorce  &  le  bois  (i).  L'arbre  Ja- 
ponois  a  peu  de  tranches.  Son  écorce  ell  dure  &  d'un  gris  obfcur  ;  mais 
celle  des  jeunes  branches  efl:  bife,  gluante  &  s'élève  aifément.  La  moelle 
en  ell  dure  &  ligneufe.  Le  bois  ell  naturellement  blanc  ;  mais ,  en  fe  fé- 
chant ,  il  prend  une  petite  teinture  de  rouge.  Quoique  peu  ferré ,  il  a  des 
fibres  aflez  dures,  qui  le  rendent  propre  à  faire  des  cabinets  ;  mais,  à 
mefure  que  fa  réfirie  s'évapore ,  il  devient  raboteux.  Les  plus  beaux 
cabinets  du  Japon  font  de  la  racine  de  cet  arbre,  &  de  celle  du  Fatz^ 
no-Ki.  Les  veines  &  les  nuances  de  fune  &  de  l'autre  ont  beaucoup  d'a- 
grément. 

Suivons  l'Auteur  dans  fa  defcription.    Les  feuilles  du  Camphrier  Ja- 
ponois ,  tiennent  à  des  pédicules  aflez  longs ,  qui  rougiflent  un  peu ,  après 
avoir  été  verds  d'abord.     Elles  font  toujours  feules ,  fans  ordre ,  membra- 
neufes,  de  forme  tirant  fur  l'ovale,  pointues  à  l'extrémité,  ondées  fur  les 
bords ,  fans  être  dentelées  ;  avec  beaucoup  de  fibres ,  d'une  couleur  plus  pi- 
le.    Le  deflus  ell  d'un  verd  foncé ,  mais  luifant  ;  le  deflbus  a  la  couleur  de 
l'herbe  &  la  douceur  de  la  foye.     Le  nerf,  qui  ell  prominent  des  deux  cô- 
tés, ell  d'un  verd  blanchâtre,  &  jette  fes  rameaux  en  arc,  le  long  de  la 
îeuille.    De  ces  rameaux ,  il  en  fort  d'autres  plus  déliés.    L'extrémité  des 
fibres  forme  aflez  fouvent  de  petits  poreaux,  qui  font  particuliers  à  cet  arbre. 
Lorfqu'il  efl:  dans  toute  fa  grandeur ,  il  commence  à  pouffer  de  petites 
fleurs  ,  aux  mois  de  Mai  &  de  Juin.     Elles  naiflent ,  aux  extrémités  des 

{letites  branches ,  fous  les  pédicules  des  feuilles  ;  &  leurs  propres  pédicu- 
es  font  d'un  tiers  plus  courts  que  ceux  des  feuilles ,  fort  menus ,  divifés 
en  petites  branches ,  dont  chacune  porte  une  fleur  blanche  hexapet?'- ,  -vec 
neuf  étamines;  trois  au  milieu,  &  les  fix  autres  difpofées  en  rr:^u>  ,  autour 
des  premières.  A  mefure  que  le  calice  augmente,  la  graine,  m-s^arit;  & 
dans  fa  maturité,  elle  ell  de  la  grolTeur  d'un  pois,  luifante  &  ^'un  pourpre 
foncé.  Sa  figure  efl:  ronde,  allongée  comnïe  une  poire,  avec  uae  petite 
enveloppe  de  couleur  tirant  fur  le  pourpre,  d'un  goût  de  camphre  girofle. 
Elle  renferme  un  noyau ,  de  la  grolTeur  d'un  grain  de  poivre ,  dont  l'écor- 
ce efl:  d'un  noir  luifant ,  &  qui  fe  fépare  en  deux.  Il  ell  de  nature  huileu- 
fe ,  &  d'un  goût  fade. 

Le  Tfianoki ,  ou  l'arbrifl'eau  du  Thé ,  efl;  une  des  plantes  les  plus  utiles  qui     Tfianoki, 
croiflent  au  Japon  ;  quoiqu'elle  y  foit  relevée  fur  les  bords  des  champs  de  J^  Ij?^!^*^*** 

riz,  ""  ■^'^'» 
(0  il'idm, 

LU  a 


454. 


VOYAGE    DE    K  J!  M  P  F  E  R 


DU  }mPQN. 


Trois  for- 
tes de  Fi- 
guiers. 


L'Imi-Itabu 
X  ritabu. 


L'Ono-Kaki. 


Le  KiiM^ 

GakL 


riz ,  &  dans  d'autres  lieux  arides ,  oii  elle  ne  peut  recevoir  de  culture.  La 
boifTon  commune  des  jnponois  efl  une  infufion  des  plus  grandes  feuilles  àt 
cet  arbrifleau.  On  fait  fécher  les  plus  jeunes  &  les  plus  tendres;  on  les 
met  en  poudre,  qu'on  jette  dans  une  tafle  d'eau  chaude  ;  &  cet  e  manière 
de  préparer  le  thé  eft  le  partage  des  perfonnes  de  qualité  (*). 

On  compte  au  Japon,  trois  fortes  de  Figuiers:  i^.  Le  Si,  v  .igairement 
Kaki^  eft  un  figuier  des  jardins,  quoiqu'ailez  différent  du  figuier  commun. 
Il  eft  fort  defagréable  à  la  vue ,  &  fa  figure  approche  de  celle  d'un  vieux 
pommier.  Ses  branches  font  tortueufes  &  en  petit  nombre;  fon  écorce, 
qui  eft  brune  ,  ou  noire  dans  fa  jeuneffe,  devient  blanche  &  raboteufe  en 
vieilliiTant.  Ses  Heurs  fortent  de  l'aifTeile  des  feuilles ,  aux  mois  de  Mai  & 
de  Juin.  Elles  font  en  forme  de  tuyau  ,  de  la  grofleur  d'un  pois,  un  peu 
jaunes ,  environnées  d'un  calice  divifë  en  plufieurs  pièces  ,  avec  un  piftil 
court,  &  plufieurs  étamines.  Les  feuilles,  dont  le  pédicule  eft  court, 
refTemblent,  en  couleur  &  en  figure,  à  celles  du  poirier,  mais  font  plus 
longues ,  plates  &  cotoneufes.  Le  fruit  a  la  forme  &  la  couleur  d'une  poi- 
re rougeâtre  :  mais  fa  partie  charnue  ,  qui  eft  tendre ,  a  le  goût  du  miel ,  ou 
d'une  figue  délicieufe.  Il  eft  rempli  de  femences  dures  &  prefque  pier- 
reufes,  qui  approchent  beaucoup  de  celles  de  la  courge.  Elles  font  rangées 
en  étoile  au  milieu  du  fruit.  Cet  arbre  n'eft  pas  moins  eftimé  par  l'abon* 
dance ,  que  par  l'utilité  de  fes  produftions.  Son  fruit  fournit  .me  nour- 
riture exquifè  ;  fur-tout  lorfqu'il  eft  confit  au  fucre.  La  féconde  efpèce  de 
figuier  reflemble  aflez  à  celle  de  l'Europe.  Ce  figuier,  nommé  Inu-Itabu^ 
porte  un  fruit  infipide ,  &  jette  des  racines  ,  qui  tirent  fur  le  roux.  Ses 
branches  font  courtes ,  groiies ,  courbées ,  revêtues  d'une  écorce  roufle ,  ou 
d'un  verd  clair.  Ses  feuilles ,  qui  durent  toute  l'année ,  font  fermes ,  du- 
res, épaifles,  ovales,  &  terminées  en  pointe ,  longues  ordinairement  de 
trois  pouces,  unies  &  brillantes  par-defius,  &  d'un  verd  clair  par  le  dos, 
qui  eft  garni,  dans  toute  fon  étendue,  d'une  infinité  de  nervures  entrelaf- 
fées  les  unes  dans  les  autres,  dune  manière  fort  agréable.  Les  fleurs  ne 
fe  montrent  point.  Les  fruits,  dont  le  pédicule  eft  court,  gros  &  li- 
gneux ,  font  de  la  grofleur  &  de  la  figure  d'une  noix  ,  mais  quelquefois  de 
la  figure  d'une"  poire.  Leur  chair  eft  blanche ,  fongueufe  ,  garnie  d'un 
grand  nombre  de  petites  femences  blanches  &  tranfparentes ,  qui  font  envi- 
ronnées d'une  très-petite  fleur  blanche  à  quatre  pétales.  L'arbre  croît  dans 
les  endroits  pierreux  &  le  long  des  murs.  Uftabu  eft  un  figuier  fauvage, 
dont  le  fruit  eft  de  couleur  purpurine,  &  la  feuille  longue,  de  quatre  ou 
cinq  doigts,  terminée  en  pointe,  &  fans  découpure.  La  troifième  efpèce 
eft  le  véritable  figuier  de  l'Europe,  porté  au  Japon  par  les  Portugnis.  Mars 
fon  fruit  eft  plus  gros  que  le  nôtre  ;  &  Kaempfer  le  trouve  de  meilleur  goût. 
Cependant  on  n'y  a  pas  pris  foin  de  le  faire  beaucoup  multiplier. 

VOno-Kaki  efk  une  autre  forte  de  figuier,  dont  les  fruits  refTemblent 
à  l'orange.  On  'es  fait  fccher  au  Soleil ,  on  les  couvre  de  farine  &  de 
fucre,  àc  c'eft  dans  cet  état  qu'ils  fe  vendent. 

Le  Kinen-Gaki  diffère  peu  des  figuiers  précédens  par  fa  figure  &  celle 

de 

(  k  )  Voyez  au  dernier  ^phe  d'autres  Obfervationis  fur  le  thé  du  Japon. 


nomme  a 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


45^ 


DescjiipTioit 
nu  J.\pt~N. 


Le  SfiLu- 
Kak:. 


sycomore. 


Ncflicrs. 


de  fon  fruit  ;  mais  Tes  figues  ne  fe  confervenc  point ,  &  ne  peuvent  êcre 
mangées  que  dans  leur  fraîcheur. 

Le  Sfibu-Kakif  autre  figuier,  donne  un  fruit  qui  ne  fc  mange  point, 
mais  qu'on  enterre  dans  un  pot,  pour  le  faire  pourrir  &  fondre j  &  dans 
lefuc,  qu'on  pafle  foigneufement,  on  trempe  le  papier,  dont  on  fait  dps 
habits,  pour  le  garantn*  delà  pourriture.  On  s'en  fert  aulîi  pour  teindre 
en  couleur  baye,  les  toiles  d'orties  &  de  chanvre.  : 

Le  Sycomore,  qui  ne  doit  palier  que  pour  un  figuier  fauvage,  croit  en 
abondance  au  Japon;  mais  les  Japonois  n'en  mangent  pas  le  fruit.  Cepen- 
dant Kaempfer  l'a  jugé  digne  d'une  defcription. 

Les  Châtaigniers  font  fort  communs  dans  cet  Empire,  fur-tout  dans  la    Châtaigniers, 
Province  de  Tlikufen ,  &  leur  fruit  eft  non-feulement  beaucoup  plus  gros , 
mais  de  meilleur  goût  que  celui  des  nôtres.     Il  le  nomme  Riitz^  vulgaire- 
ment ^Mri,  &  il  y  en  a  plusieurs  fortes ,  dont  la  principale  différence  cou- 
fifte  dans  la  grofleur  inégale  de  leurs  châtaignes. 

Le  5^,  vulgairement /ûr/p/Maj-,  eftunNcflier,  dont  la  feuille  eft  gran- 
de, la  fleur  très-blanche ,  l'odeur  très-agréable,  &  la  forme  en  tuyau ,  par- 
tagé en  fix  lèvres ,  longues ,  étroites ,  ik.  qui  s'ouvrent  de  la  grandeur  d'une 
rofe.  Son  fruit ,  qui  eft  exagone ,  &  de  figure  conique ,  a  la  poulpe  jau- 
ne, d'un  goût  desagréable,  oc  remplie  d'une  infinité  de  petites  femences , 
femblables  à  celles  du  Sefame.  CeLte  poulpe  fert  aux  teintures  en  jaune. 
Un  autre  arbre,  de  même  nom ,  a  la  feuille  plus  petite,  &  la  fleur  blanche 
&  double.  Son  bouton ,  lorfqu'il  n'eft  point  ouvert,  préfente  la  figure  d'une 
belle  coque  de  limaçon,  de  figure  oblongue. 

Le  Pommier  n'eft  pas  connu  des  Japonois.  Cependant  Kaîmpfer  en 
nomme  ailleurs  deux  efpèces.  Le  Daiy  vulgairement  Kara-NaSy  eft  un 
pommier  cotonneux,  dont  le  fruit  eft  de  médiocre  grofieur,  rond,  &  d'u- 
ne chaire  denfe.  Le  Rai-Kin,  vulgairement  Ruko-Reikin  &  Reiko,  eft  un 
autre  pommier ,  dont  le  fruit  eft  fort  petit  &  d'un  goût  auftére.  Le  Kie , 
vulgairement  Nallabi ,  eft  le  pommier  fou. 

Les  Japonois  n'ont  qu'une  feule  efpèce  de  poires,  que  nous  appelions 
Voir  es  d'Hyver.  Les  plus  petites  ne  pefent  guères  moins  d'une  livre  ;  mais 
elles  ne  peuvent  être  mangées  crues.     L'arbre  qui  les  porte  fe  nomme  /îf ,  . .  \ 

vulgairement  Nas ,  &  croît  dans  les  jardins.    On  en  diftingue  plufieurs  for- 
tes ,  qui  ne  doivent  pas   différer  par  leurs  fruits. 

Le  SickUt  vulgairement  Ken,  &  Kenpocones,  eft  un  Poirier,  qui  porcç  ua 
fruit  d'une  figure  extraordinaire,  &  d'un  goût  agréable,  femblable  à  celui 
de  nôtre  poire  de  Bergamotte.  Ce  fruit,  dont  le  pédicule  eft  fort  long,  f« 
divife  d'abord  comme  en  deux  branches,  enfuite  en  plufieurs  autres,  op* 
pofées  les  unes  aux  autres,  plus  grofl'es  qu'un  tuyau  d'orge,  tortueure6,<Sf 
longues  d'un  demi  pouce ,  à  l'extrémité  defquelles  font  fufpenc^s  i  ,à  une 
petite  queue ,  deux  grains ,  de  la  figure  &  de  la  groffeur  d'un  grain,  de  poi- 
vre, divifés  en  trois  lobes,  qui  contiennent  chacun  une  fenjencej  affea 
femblable  à  celle  du  lin,  par  fa  couleur,  fon  brillant  (Se  fa  groffeur.  Les 
feuilles  de  l'arbre  font  ovales ,  pointues ,  d'un  verd  cl»ir ,  &  finement 
dentelées. 

h'Umbatz,  vulgairement  Marmur  y  eft  un  CoignafTier,  dont  le  fruit  eft  Coignaffiers, 

^ros 


Pommiers. 


Poiriers, 


4S(S 


VOYAGE    DE    K^MPFER 


Le  Biwa. 


Noycri 


te  Fi. 


Description    ctos  &  oblong ,  prefqu'en  forme  de  poire.    Mais  ce  font  les  Portugais ,  qui 

DU  Japon,      font  apporté  au  Japon. 

Le  Biwa  efl:  un  Arbre  don:  la  feuille  reflemble  à  celle  du  Mufcadier, 
&  la  fleur  à  celle  du  Néflier,  ramaflee  en  épi  &.  en  grappe.  Son  fruit  rcf- 
femble  au  coing.  Sa  chair,  qui  efl:  pulpeule  &  d'un  goût  vineux,  contient 
plufieurs  noyaux ,  de  la  figure  des  châtaignes. 

Ln  Noyer  croît  principalement  dans  les  Provinces  du  Nord.  Elles  pro- 
duifent  auflî  une  cfpèce  d'if  fort  haut ,  que  les  Japonois  nomment  A'fl/a ,  & 
qui  porte  des  noix  obiongues,  renfermées  dans  une  véritable  poulpe.  Leur 
grofleur  &  leur  forme  font  celles  de  lu  noix  d'Aréka,  Elles  n'ont  pas  un 
goût  fort  agréable,  lorfqu'ellcs  font  fraîches;  mais  elles  deviennent  meil- 
leures  en  féchant.  Leur  huile  a  des  qualités  purgatives,  qui  la  rendent  fort 
faine;  &  le  goftt,  d'ailleurs,  en  eft  prefque  le  même  que  celui  des  aman- 
des douces.  Elle  fert  auflî  pour  apprêter  les  viandes.  La  fumée  des 
noyaux  efl:  le  principal  ingrédient  dont  on  compofe  la  meilleure  encre  du 
Japon  (/). 

Le  Fij  vulgairement  Kaja^  efl:  une  forte  d'If,  qui  porte  des  noix.  C'efl: 
une  efpèce  de  Kaja ,  commun  dans  les  mêmes  Provinces ,  &  qui  devient 
auffi  fort  grand.  Ses  branches  naifl'ent  vis-à-vis  l'une  de  l'autre,  &  s'éten- 
dent prefque  fur  un  même  plan.  Son  écorce  efl:  noirâtre,  grofle,  odoran- 
te &  fort  amère.  Son  bois  efl:  fec,  léger,  avec  peu  de  moële.  Ses  feuil- 
les, qui  font  fans  pédicules ,  refl*emblent  beaucoup  à  celles  du  romarin,  mais 
font  roides ,  beaucoup  plus  dures ,  terminées  par  une  pointe  fort  courte , 
d'un  verd  obfcur  par-deflus,  &  clair  par-delfous.  Son  fruit,  aflez  fembla- 
ble  aux  noix  d'Aréka,  croît  entre  les  aiflfelles  des  feuilles,  où  il  efl:  forte- 
ment attaché,  fans  aucun  pédicule.  11  naît  à  l'entrée  du  Printems,  pour 
meurir  à  la  fiii  de  l'Automne.  Sa  chair,  qui  efl  molle,  fibr-^iufc,  verte, 
d'un  goût  balfamique  &  un  peu  afl:ringent ,  renferme  une  noix  ovale,  garnie 
d'une  pointe  aux  deux  extrémités,  avec  une  coquille  ligneufe,  mmce  (X: 
fragile.  Son  noyau  efl:  d'une  fubftance  douce  &  huileufe,  mais  fi  fl:ypti- 
que,  qu'il  efl  impoflible  d'en  manger,  lorfqu'il  efl:  un  peu  vieux.  On  en 
tire  une  huile,  que  les  Bonzes  employent  aux  ufages  de  lacuifine. 

LeCInkgo.  Le  Ginkgo,  ou  Gin-an ,  vulgairement  Itsjo^  qu'on  trouve  en  abondance 
dans  pf efque  toutes  les  Provinces,  efl:  un  Noyer  à  feuilles  de  capillaire, 
dont  le  tronc  efl:  long,  droit,  gros  &  branchu.  Son  écorce  efl:  de  couleur 
cendrée;  fon  bois,  lâche  &  foible  ;  fa  moelle,  tendre  &  fongueufe.  Ses 
feuilles,  qui  naiflent  une  à  une,  ou  plufieurs  enfemble,  ont  un  long  pédi- 
cule :  elles  font  étroites  par  le  bas,  &  vont  en  s'élargiflant  comme  la  feuil- 
le de  capillaire;  leur  largeur  efl:  de  trois  ou  quatre  pouces ,  fur  la  même  lon- 
gueur. Le  bord  fupérieur  efl:  arrondi ,  avec  des  finuofités  inégales,  &  une 
profonde  entaillure  au  milieu.  Elles  font  minces,  lifles,  couleur  de  verd 
de  Mer  ,■  &  en  Automne ,  d'un  jaune  rougeâtre ,  fans  nervures.  Les  peti- 
tes branches,  qui  font  au  fommet  de  l'arbre,  portent  des  chatons ,  couverts 
d'une  efpèce  de  farine.  Un  gros  pédicule ,  d'un  pouce  de  long ,  &  forti 
de  l'aiflelle  des  feuilles,  porte  un  fruit  rond,  ou  ovale,  alTez  ^mblable, 

eu 

(^) /«rfrw,  pag.  8x4-  •'  '  /   V  .  ' 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  457 

en  figure  &  en  couleur,  à  la  prune  de  damas.  Sa  fuperfîcie  efl  indgale,  & 
d*un  jaune  pâle.  Sa  chair,  qui  efl  blanche,  pleine  de  fuc,  &  d'un  goûc 
auflère,  contient  une  noix,  à  laquelle  elle  tient  ù  fortement,  qu'on  ne  peut 
l'en  féparer  qu'en  la  faifant  pourrir  dans  l'eau.  Cette  noix ,  qui  fe  nomme 
Cinan ,  a  l'apparence  d'une  piftache ,  avec  le  double  de  fa  grofTeur.  Le 
noyau  qu'elle  contient  efl:  blanc,  un  peu  dur,  &  fe  mange  au  deflerc,  par- 
cequ'on  le  croit  favorable  à  la  digeflion.  Il  rend  une  huile ,  qui  a  aufii  di- 
vers ufages. 

Les  Japonois  ont  abondamment  des  Pêches,  des  Abricots  &  des  Prunes. 

Le  Too,  vulgairement  A/om« ,  eft  proprement  le  Pécher ,  dont  on  diflin- 

?iie  plufieurs  efpèces  ;  telles  que  le  yobait  vulgairement  JammaMomu^  ou 
êcherfauvage  (m),  qui  refTemble  aflez  à  l'Arboifier  de  Gafpar  Bauhin;  & 
le  Ri,  vulgairement  Sfu-Momuy  qui  eft  un  Pécher,  donc  le  fruit  efl  aigre, 
&  rougit  dans  fa  maturité. 

Le  Kjoo,  efl  une  efpèce  d'Abricotier,  dont  le  fruit  efl  gros.  On  le 
nomme  vulgairement  Anfu  &  Kata-Momu ,  qui  fignifie  Momu  du  Katay. 

Le  Bai,  vulgairement  Urne  &  Urne-Bot ^  efl  un  Prunier  fauvage  ,  dont 
le  fruit,  qui  efl  gros ,  fe  confit  avec  de  la  bière  du  Japon,  &  fe  tranfporte 
à  la  Chine  &  aux  Indes.  Le  Muk-No-Ki ,  efl:  un  autre  Prunier  fauvage , 
dont  l'écorce  efl:  noire,  le  bois  pefant  &  dur,  la  moelle  ligneufe,  la  feuil- 
le dentelée,  forte,  &  très-propre  à  polir  le  bois,  à  la  manière  des  Me- 
nuiflers.  Son  fruit  efl  d'un  pourpre  foncé ,  &  fe  mange ,  quoique  doux  & 
vaporeux.  Son  noyau  ne  fe  détache  point.  Le  Ruko  efl:  le  Prunier  com- 
mun des  jardins ,  dont  on  difl:ingue  aufli  plufieurs  efpèces,  par  la  diffé- 
rente couleur  de  leurs  fruits ,  les  uns  blancs ,  les  autres  couleur  de  pour- 
pre ;  mais  difFérens  de  nos  prunes,  l'ous  ont  de  petits  grains  comme  les 
mûres ,  &  l'on  en  fait  un  vin  très-agréable.  Ils  entrent  auiTi  dans  la  com- 
pofition  de  l'Atfiaer.  Le  Jajjibo  efl:  un  autre  Prunier,  dont  la  fleur  efl 
rouge.  Un  autre ,  qu'on  nomme  Mogotto ,  a  la  fleur  double.  Sa  beauté  le 
fait  cultiver  dans  les  jardins;  <&  plus  l'arbre  efl:  vieux  &  tortu,  plus  Ces 
fleurs  ont  d'agrément. 

On  ne  cultive,  au  Japon,  les  Ceriflers  &  quelques  autres  arbres,  que 
pour  les  fleurs.  Le  Je-Jo-O,  vulgairement  5aWra ,  ell  un  Cerifîer  à  fleur 
fimple,  dont  le  fruit  efl  d'un  goût  auflère.  Le  Japon  a  d'autres  Cerifiers: 
i<>.  "Le  JammaSakira y  ou  Cerijier  fauvage,  dont  la  fleur  efl  double  &  de- 
vient aufli  large  que  les  rofes ,  par  une  foigneufe  culture.  Rien  n'approche 
de  la  beauté  des  avenues  formées  de  ces  arbres,  lorfqu'ils  font  en  pleine 
fleur  au  Printems,  &  Kaempfer  en  fait  une  peinture  admirable.  2^.ijltoSa- 
kira,  qui  pouflTe  des  branches  dès  fa  racine.  3^.  Le  Niwa-Sakira ,  qui  efl  un 
Cerifler  nain ,  a  la  fleur  blanche  &  double.  Un  autre ,  de  même  nom ,  a  la 
fleur  fimple,  mais  de  couleur  incarnate.  4".  Le  Ko-Sjoï-Sakira ,  qui  efl  de 
médiocre  grandeur,  &  dont  la  fleur  efl  incarnate,  double,  &.  de  la  gran- 
deur d'une  moyenne  rofe. 

Le 


DKICRTPTTOn 
DU  jArOMt 


Pêches. 
Le  Too  & 

fes  cfpàccs. 


Abricots. 
Le  Kjoo. 

Pmnes. 
LeBai(Scfe$ 
efpèces. 


Cerifiers. 
Leje-Jo-O 

&fes  efpèces, 


(m)  Kaempfer  le  définit:  Malui  Perftca  fylvejlris ,  fruSu  reslallo  granulato,  ojje  in  oWon- 
fUm  rotundo,  nucleo  inUgro, 

XIF.  Fart,  M  mm 


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^>V 


458 


VOYAGE    DE     K  JE  M  P  F  E  R 


DisctTvnoii 

ou  Japon. 

Le  Ta. 


Le  RJugan 
&  fcs  efpcccs. 


Limoniers. 
Le  Kitz. 
Le  Kin-Kan. 

Oranges  & 
Citrons. 


Le  Kan. 
Le  Juu. 

Lèse. 


Le  Ta,  ou  Sa,  vulgairement  TV/d,  eft  un  arbre  fruitier,  dont  les  bran, 
ches  pouflenc  fans  ordre,  dès  le  pied.  Ses  feuilles  deviennent  iemblables  à 
celles  du  Ceriûer,  après  avoir  reflemblé ,  dans  fa  jeunefTe,  à  celles  de  l'Evo- 
nyme.     Sa  âeur  diffère  peu  de  la  rofe  des  champs.     La  capfule  feminale 

Î[ui  eil  comme  ligneufe ,  s'ouvre  dans  fa  maturité ,  &  donne  deux  ou  trois 
èmences,  dont  chacune  contient  un  feul  noysM  de  la  figure  d'une  châtaigne 
&  couvert  d'une  écorce  fort  fèmblable,  mais  plus  petit. 

Le  Rjugan,  ou  Djugan ,  vulgairement  Djugan-Nuki,  qui  fignifie  Oeil  de 
Serpent,  ell  un  arbrilfeau  Chinois  d'origine,  dont  les  branches  font  min- 
ces, les  feuilles  partagées  en  cinq  lobes,  la  âeur  en  forme  de  rofe,  &  d'une 
f)arfaite  blancheur.  Son  fruit ,  qui  efl:  ramafie  en  grappes ,  eft  de  la  grof- 
eur  d'une  noix,  &  contient  une  poulpe  noire,  molle,  douce,  avec  un  noyau 
de  couleur  cendrée,  dur,  âc  d'un  goûc  fade.  La  poulpe,  que  les  Japonois 
trouvent  délicieufe ,  a  le  goût  d'une  cerife  féche ,  qu'on  auroit  fait  cuire  aa 
vin  &  au  fucre.  On  diltingue  deux  autres  efpèces  du  même  arl»e,  qui  fe 
nomment  Roganna  &  Ritsji.  .    '.  - 1 

On  ne  voit  de  Limoniers,  au  Japon ,  qne  dans  les  jardins  des  Curieux. 
Le  Kitz,  vulgairement  Tatz-Banna ,  eà  un  Limonier,  dont  lé  fruit  efl:  rond, 
petit,  &  d'une  faveur  vineufe.  Le  Kin-Kan ,vii\g9irea^m l^mf-Fstz-Bonna, 
«fl;  un  autre  Limonier,  dont  la  poulpe  eft  fort  douce. 

Les  Oranges  âc  les  Citrons  croiifent  en  abondance  au  Japon.  On  en 
difbingue  plufieurs  efpèces.  Celle  des  citrons  les  plus  eflimés  fe  nomme 
Mikan.  Ils  ont  la  forme  ik  la  groOeur  d'une  pêche.  L'odeur  en  efl:  excel- 
lente. Cefl  moins  un  arbre  qu'un  arbriflèau,  qui  les  porte.  On  s'en  fert 
beaucoup  dans  l'apprêt  des  viandes  (n). 

Le  Kan,  vulgairement  Kummi-To,  efl:  un  Oranger,  dont  ta  feuille  eft 
alTez  grande.  Son  fruit,  ^i  fe  nomme  Îb-M*«»,  «ft  de  médiocre  groifeur. 
Le  y«a,  vulgairement  Aie-Tatz-Barma ,  eft  une  autre  cfpèce  d'Oranger,  dont 
le  fruit  eft  fort  gros,  inégal,  &  plein  de  foffettes. 

Le  5^,  vulgairement  Karatz-Banm ,  ou  Gus,  eft  un  Oranger  fàuvage, 
dont  le  fruit  eft  de  fort  mauvais  goût  (o\  Ses  branches  font  inégales  & 
tortueufes,  garnies  d'épines  longues ,  fortes,  &  très-piquantes.  Son  bois 
n'eft  pas  dur.  L'écorce,  qui  eft  gralle  &  d'un  verd  brillant,  fe  fépare  fans 
peine.  Chacune  des  feuilles  eft  compofée  de  trois  petites  feuilles ,  qui  fe 
réuniflent  au  centre,  fur  un  pédicule  mince,  Ibng  d'un  demi  pouce,  garni 
d'un  bord  de  chaque  côté.  Ces  petites  feuilles  font  ovales ,  longues  d'un 
pouce,  d'un  verd  foncé  par-defTus  &  plus  clair  au  revers  j  celle  du  milieu 
un  peu  plus  longue  que  les  autres.  Les  f!eurs  refTemblent  à  celles  du  né- 
flier, &  croiffent  prés  des  épines ,  ou  jointes  aux  feuilles,  une  à  une,  ou 
deux  à  deux,  fans  pédicules.  Elles  ont  cinq  pétales,  d'un  demi  pouce  de 
long;  elles  font  blanches,  garnies  d'un  calice,  &  prefque  fans  odeur.'  Le 
piftil  eft  court ,  environné  de  plufieurs  étamines  courtes  &  pointues;  Le 
fruit  reifemble  à  l 'orange  par  la  figure ,  &  n'en  diffère  intérieurement  que 
par  l'odeur  defagréable  &  le  mauvais  goût  de  fa  poulpe,  qui  eft  vifqueufe. 

On 


(n)  Amtmitates  exoHca,  pag.  SÔr.  ■*„['  ^j. 

(o)  Kxmpfer  le  défiait,  ^uramia  tri/oliafjlveflris,  fruUu  cUritu,     ^''*  ' 


m 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  459 

On  faîtfécher  l'écorce  de  ce  fruit,  pour  en  faire,  avec  d'autres  drogues, 
un  remède  célèbre  au  Japon ,  qui  fe  nomme  Ki-Kôlum. 

Le  Djjakurj9y  vulgairement  SakurOy  cft  un  Grenadier  de  jardin:  Arbre 
rare,  &  dont  le  fruit  n'eft  point  agréable. 

D  E  ujc  efpèces  de  Chênes ,  les  feules  qui  croifTent  au  Japon ,  font  fort 
différentes  des  nôtres  (j»).  Les  glands  de  la  première,  qui  cft  auffi  la  plus 
grande,  fe  mangent  bouillis.  Le  fruit  du  Naatjme  (q),  autre  arbre  du  Pays, 
cft  d'une  bonté  fingulière,  &  beaucoup  plus  gros  qu'ailleurs.  On  le  mange 
confit  au  fucre.    Son  noyau  eft  pointu  aux  deux  extrémités. 

Les  Japonois  plantent  peu  de  Vignes,  parcequ'ils  ont  reconnu  que  leur 
raifin  meurit  difficilement:  Leurs  Mûres  &  leurs  Framboifes  ont  un  goût 
defagréable.    L'infipidité  de  leurs  Fraifes  ne  leur  permet  euéres  d'y  toucher. 

Le  Foto,  vulgairement  j>r«  &  Budo^  eftuneefpèce  de  Vigne,  dont  le 
raifin  eft  charnu,  &  nullement  propre  à  faire  du  vin.  Le  GanebUy  eft  une 
autre  efpéce  de  Vigne,  à  petites  grappes,  dont  les  grains  font  noirs,  & 
femblables  aux  bayes  du  genévrier.  Le  goÛt  en  eft  doux ,  &  le  fuc  cou- 
leur de  pourpre.  Le  Jamma-BudOy  eft  une  Vigne  fauvage,  dont  les  grap- 
pes font  petites,  &  les  crains  delà  grofleur  des  raifîns  de  Corinthe,  fans 
pépins.  Elle  fert  à  garnir  les  Berceaux.  Le  5o-No-^t,  vulgairement  Fira 
&  Firajiy  eft  un  Raifin  des  bois  (r),  qui  croît  de  la  hauteur  d'un  pied.  Ses 
feuilles  reflemblent  à  celles  du  petit  Buis  (x).  Ses  fleurs  font  à  quatne 
pétales ,  garnies  d'un  calice ,  &  couleur  de  pourpre.  Son  fruit  eft  rouge  j 
de  la  grofleur  du  poivre,  d'un  goût  doux  &  fade,  contenant  trois  pépins 
un  peu  amers. 

Le  Fooy  ouAfotf,  vulgairement  ItzîngOt  eft  la  Ronre  commune  à  fruit 
noir.  Une  autre  Ronce,  nommée  Fajjo-Itzingo ,  porte  un  fruit  rougeâtre , 
qui  fe  mange.  Le  Ki-Itzingo,  eft  une  forte  de  Framboifier  à  fruit  jaune, 
d'un  goût  defagréable.  Le  Kutz-Nawa-Itzingo ,  eft  le  Fraifier  commun  à 
fruit  rouge,  qui  n'eft  pas  bon  à  manger  dans  les  Ifles  du  Japon.  LeQuan- 
fo-ItzingOy  eft  un  autre  Fraifier,  dont  le  fruit  eft  de  la  grofleur  d'une  prune, 
&  ne  fe  mange  pas  non  plus.  ,      .    ,„ 


DBKlimOM 

DO  Jafdw. 
LeDQakurjo. 


Chênes  donc 
les  glands  fe 
mangent. 

Naatfine. 


Vignes, 
Mûres,  Fram- 
boifes &  Frai- 
fes^ 

Le  Foto. 

Le  Ganebu. 


Lejamma- 
Budo. 

Le  So-No-Ki. 


LeFoo,  & 
différentes 
fortes  d'Itzin- 
gos ,  ou  de, 
Fraifiers. 


(P)  Voyez  ci-deflbus 


eil  le  Fttliurus  de  Frofper  Alpinas. 


(f)  Fitis  Idaa. 
{s)  Cbttnue-Buxm. 


IV  •  '. 


»  M' 


§.    XIL 


wl»- 


Jrbres  &  Plantes  remarquables  par  la  beauté  de  leurs  Fleurs.         ,  [■■> 


IL  n*y  a  point  de  Pays  qui  l'emporte  fur  le  Japon,  pour  l'agrément  &  la     fleurs. 
variété  des  fleurs,  qui  ornent  fes  champs,  fes  collines  &  fes  forêts.   Les 
plus  belles  fe  tranfplantent  dans  les  jardins,  où  l'art  &  la  culture  achèvent 
de  leur  donner  une  perfeftion  inconcevable  (a).    Entre  les  principales  on 
nomme  le  5a,  ouS/wn,  vulgairement  T/ubaki^  elpèce  d'arbrifleau ,  dont  les      LeSa,ou 
fleurs  reflfemblent  aux  plus  belles  rofes.    Le  fruit  eft  de  figure  pyrami-  ^J"°* 

dale, 
(•)  Kwnpfer,  ^,  188. 

Mm  m  2 


A6o 


VOYAGE    DE    K  iE  M  P  E  E  R 


DucniPTroN 

DO  JaI'ON. 

Neuf  cens 

fortes. 

LeSi^-Sa. 


LeTo-Ken. 


Le  Saka- 
nandfio.- 

Momidlî  i 
feuilles  vio- 
lettes. 


Le  Sjiko» 


LeMokkfei. 

LeBuke. 
Le  Teito. 


daie,  &  contient  trois  femences:  11  croît  dans  les  bois  &  les  hayes.  Il  refTem» 
ble  beaucoup  à  l'arbre  du  thé.  On  diflingue  le  fauvage,  qui  efl  à  âeur  fim- 
ple,  &  celui  des  jardins,  qui  a  la  fleur  double  &  plus  belle.  Mais  on  en 
compte  tant  d'autres  efpèces  différentes ,  que  s'il  en  faut  croire  les  Japo- 
nois ,  leur  langue  a  neuf  cens  mots  pour  les  exprimer. 

Le  San-SUy  vulgûrementyatnma-r/ubakkiy  efl  un  grand  arbrifTeau,  dont 
le  tronc  efl  court ,  &  l'écorce  d'un  verd-brun.  Ses  feuilles  reffemblent  à 
celles  du  cerifier.  De  leurs  aiiFelies,  il  naît,  en  Automne,  un  ou  deux 
boutons  écailleux,  de  la  groffeur  d'une  balle  de  fufil,  qui  venant  à  s'ou- 
vrir font  éclore  une  fleur  a  fix  ou  fept  grands  pétales  rouges  ,  en  forme 
de  rofe  de  la  Chine.  Une  efpéce  de  couronne,  qui  fort  du  fond  de  la  fleur, 
produit  plus  de  cent  étamines  d'un  blanc  incarnat,  courtes  &  divifées  en 
deux ,  avec  des  pointes  jaunes.  Cette  plante  a  un  grand  nombre  de  va- 
riétés dans  la  couleur  &  dans  la  forme  double  ou  flmpie  de  fes  fleurs  ,  qui 
lui  font  donner  des  noms  différens.  Celle  qu'on  nomme  Safmqua,  pro- 
duit un  fruit  de  la  groffeur  d'une  piflache.  Ses  feuilles  préparées  fe  mêlent 
avec  celles  du  thé,  pour  en  rendre  l'odeur  plus  agréable  j  oc  leur  décoction 
fert  aux  femmes ,  pour  fe  laver  les  cheveux. 

Le  To-Ken,  vulgairement  Sat/uki^  eft  un  Cytifè  qui  porte  des  lys,  & 
ne  fleurit  qu'en  Automne.  Les  jardins  en  ofifrent  plus  de  cent  différentes 
efpèces;  mîûs  parmi  celles  qui  viennent  fans  culture,  on  en  admire  deux. 
Tune  violette  ol  l'autre  incarnate,  dont  Ksempfer  aflure  que  la  beauté  ne 
peut  s'exprimer.  Ses  fleurs  font  rares,  croifl^nt  une  à  une,  &  ne  fe  ref- 
femblent  point.  Les  unes  font  d'un  bel  incarnat ,  d'autres  d'un  écarlate  un 
peu  détrempé,  d'autres  blanches  &  doubles ,  d'autres  d'un  bel  écarlate, 
d'autres  couleur  de  pourpre  ,  tirant  fur  le  blanc. 

Le  Sakanandjio  eiî  encore  un  arbriflèau,  qui  porte  aufîi  une  efpéce  de 
fleurs  de  lysi  mais  beaucoup  plus  grandes  que  celles  qu'on  vient  de  nom- 
mer: il  eft  plus  rare,  &  l'on  en  compte  trois  fortes.  Le  Moinidjiy  efl:  une 
efpéce  d'Erable,  qui  prend  fon  nom  de  la  couleur  violette  de  fes  feuilles. 
On  en  diflingue  deux  fortes ,  dont  la  différence  confifle  dans  la  couleur  de 
leurs  feuilles  ;  les  unes  font  violettes  en  Eté ,  &  les  autres  ne  le  devien- 
nent qu'en  Automne;  mais  elles  font  d'une  égale  beauté.  Le«  feuilles  ia 
Fajî  changent  aulTi  de  couleur,  &  deviennent  violettes  en  Automne. 

Le  Sjiko^  vulgairement  Rintsjo  &  Rantsjoge^  efl  un  arbriffeau  de  deux 
coudées  de  hauteur,  dont  la  feuille  efl  pointue,  &  la  fleur  ramaffée  en  om- 
belle au  fommet  des  rameaux.  Elle  efl  blanche  &  d'une  très  •  agréable 
odeur.  On  en  diflingue  une  efpéce,  nommée  Jamma-Rinijo^  dont  hs 
feuilles ,  plus  longues  &  plus  étroites ,  approchent  de  celles  du  Cariophyîle 
aromatique. 

Le  Mokkfei  efl  un  arbre,  qui  fe  cultive  dans  les  jardins,  &  dont  Ta  feuif- 
le  reffemble  à  celle  du  châtaignier.  Ses  fleurs  ,  qui  naiffent  aux  aiffelles 
des  feuilles,  font  petites,  à  quatre  pétales,  d'un  blanc  jaunâtre,  &  de  l'o- 
deur du  jafxnin. 

Le  Buke  efl:  un  petit  arbufle,  dont  la  fleiur  efl  rouge,  à  cinq- pétales,  & 
qui  reffemble  à  l'Acacia  d'Allemagne. 

Le  Teilo,  vulgairement  ^amma-Buki,  efl:  un  arbriffeau  fauvage,  qui  ref- 

,   .  fem- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


4^1 


femble  au  Cytife.  Sa  fleur  efl  jaune,  à  cinq,  fix,  ou  fepc  pétales,  & 
fembjable  à  la  rciv^ncule.  On  en  diftingue  qn  autre,  dont  la  Ôeur  efl  jaune 
&  double. 

Le  £iom,  vulgairement  Bijo-Janagiy%îi  une  efpècede  petit  Saule,  à  gran- 
des fleurs  de  renoncule  {b). 

Le  Sini,  ou  Confufi^  vulgairement  Kobus^  efl  un  arbre  fauvage,  de  la 
grandeur  du  cerifîer.  Ses  branches  font  tortueufes.  Son  écorce  fent  le 
camphre,  &  fa  feuille  refTemble  à  celle  du  néflier:  mais  Tes  fleurs,  qui 
naifient  à  l'entrée  du  Printems ,  font  des  efpèces  de  tulipes  ou  de  lys 
blancs.  Leur  pidil  eil  gros,  &  de  figure  conique,  environné  d'un  grand  nom- 
bre d'étamines. 

Le  Mokviwen  efl  un  arbrifTeau,  qui  porte  des  fleurs  àpeu-près  fembla- 
bles  aux  précédentes ,  excepté  qu'elle»  font  rouges. 

Le  Tecki-T/yocku,  vulgairement  T/ut/uJi,  eflleCiftus  des  Indes,  à  feuil- 
les du  Ledum  des  Alpes,  &  à  grandes  fleurs  de  Paul  Herman.  C'efl  un  ar- 
brifTeau ,  couvert  d'une  écorce  verte-brune.  Ses  fleurs  font  monopetales ,  & 
refiemblent  à  celles  du  Martagon.  Leur  couleur  varie  beaucoup.  Cet  ar- 
brifTeau efl  fort  commun  au  Japon,  &  fait  l'ornement  des  campagnes  &  des 
jardins.  II  efl  tantôt  à  fleurs  blanches ,  marquetées  de  longues  taches  rou- 
ges; tantôt  à  fleurs  d'un  violet  blanchâtre,  marquées  de  taches  d'un  pour- 
pre foncé  ;  tantôt  à  petites  fleurs  purpurines ,  &c. 

Le  Riuku-TJutfufi y  plante  qui  vient  de&  Ifles  de  Liquejos  &  des  Philippi- 
nes, porte  une  fleur  d'un  jaune  pâle,  en  fleur,  de  lys  ,  à  pétales  droits,  & 
marqués  de  points  d'un  jaune  foncé.  Une  autre  plante ,  du  même  nom ,  a 
la  fleur  d'un  rouge  purpurin ,  tacheté  de  pourpre  foncé. 

Le  Jedogawa-Tfiitfuji  q^  un  QyûÇQ  îoxt  célèbre  au  Japon.  Ses  rameaux 
font  hérifTés  de  pointes.  Sa  feuille  efl  couverte  de  poils ,  6ç  de  la  figure 
d'un  fer  de  lance.  On  en  diflingue  un  à  fleurs  blanches,  un  autre  à  fleufs 
purpurines ,  &  un  autre  à  fleurs  incarnates. 

Le  Jamma-Tfutfufi  efl  un  Cytife  des  campagnes,  à  fleurs  de  lys,  d'un  vif 
incarnat,  tachetées  de  points  roux.  On  en  diflingue  un  autre  à  points  rou- 
ges ;  &  un  troifième  à  fleurs  de  vermillon ,  tachetées  de  rouge  foncé. 

Le  Mijamma-Tfutfufi  'efl  un  Lys  des  montagnes,  dont  les  fleurs  font  d'un 
rouge  incarnat ,  &  nailTent  abondamment  avant  &  avec  les  feuilles.  On  en 
diflingue  un ,  dont  la  fleur  efl  purpurine. 

Le  Kirifma-TJutfufi  efl  un  arbufle  fort  toufiFu ,  &  fort  eflimé.  Sa  fleur 
efl  dé  couleur  écarlate.  Il  en  efl  tellement  couvert  ,^  au  mois  de  Mai,  qu'il 
paroît  tout  en  fang. 

,  L?E  SijOf  vulgairement  Mfai  &  Jàfikiy  efl  un  Sureau  aquatique ,  à  feuil- 
les d'Hortula  Malabar ica ,  &  à  fleurs  bleues  de  quatre  ou  cinq  pétales ,  ramaf- 
fées  en  grappes  rondes.  Le  Fundan ,  vulgairement  Te-Mariqua ,  eft  un  Su- 
reau dont  la  feuille  efl  plus  ronde  que  celle  du  Sureau  aquatique ,  &  garnie 
de  beaucoup  de  nervures ,  avec  les  bords  dentelés.  Sa  fleur  efl  blanche ,  à 
cinq  pétales ,  &.ramafTée  aulTi  en  grappe  ronde.  Le  Kade- Manqua,  efl  un  Sureau 


DxSCRirTTOIV 
DU  JaI'O». 

Le  Biom. 
L«  Sim. 


Le  Afek- 
wuren. 

LeTecki- 
Tfyocku. 


Le  Riultu- 
Tfutfufl. 


Le  Jcdoga- 
wa-Triiti*"'*». 


Le  Jamina' 
Tfutlufïv 


Le  Mij'am- 
ma-Tlutfufi. 


Le  Kirifina- 
Tfutfufi. 

Divers 
Sureaux, 


a 


{b)  Ksmpfei  le  déSnit:  ^ndrofœmumConJlantinopolitanum,  flore  maximo  IVbsUri, 

Mmm  3 


♦6» 


VOYAGE    DE    KiCMPTER 


DegcttiPTiov 
ou  Japon. 


LeNiwa- 
Toka ,  &  fes 
difFércntes 
efpèces. 


LeSibi. 


Le  Kiûcsjo. 


Le  Kingo  bt 
le  Kos. 


Le  Too. 


Le  Saru- 
Kabc-Banna. 


à  feuilles  étroites ,  alternativement  oppofées  &  dentelées.  Ses  ffeurs  reP- 
femblent  à  celles  du  précédent.  Le  Joro,  vulgairemené'-O^gi'i  eft  un  au- 
tre Sureau ,  qui  ne  s'élève  que  de  quatre  ou  cinq  pieds.  Ses  fleurs ,  qui 
naiflent  à  l'extrémité  des  rameaux,  font  en  grand  nombre,  &  trés>femb]a< 
blés  à  celles  de  l'oranger.  Ses  feuilles  font  deux  à  dèu:^',  à  demi  ovales , 
pointues  »  &  très'finement  dentelées.  De  l'écorce  du  mifieu ,  on  fait  de 
bonnes  emplâtres.  Le  Fon-Utfugi ,  a  la  fleur  double  &  très-blanche.  Il  fert 
à  l'ornemenc  de»  parterres.  Le  Korai-Uêfugiy  o\i  Sureau  de  Corée ,  ar  les  feuil- 
les de  l'Adfai.  De  longs  pédicules ,  qui  naiÂTent  au- bout  des  rairaeaux,  & 
qui  fe  partagent  en  cinq  branches ,  vont  embraffer  la  bafë^ d'une  très-belle 
fleur  monopetale ,  découpée  en  cinq  grandes  lèvres  ovales ,  qui  laiffent  pa- 
roître  unpiftil  àgrofletête,  environnée  de  cinq  étamines  en  pointé.  Cette 
fleur  efl  aune  odeur  charmante ,  &  d'un  blanc  incarnat  mêlé  de  rouge. 
Le  Nippon'Utfugi,  eft  un  Sureau  des  montagnes,  dont  la  fleur  efl;  moins  grof- 
fe  &  d'un  rouge  purpurin. 

Le  Nma'Tûka,  ou  Ton-ga^  eft  le  Sureau  commun,  dont  on  diftingue 
néanmoins  plufieurs  efpèces :  i^.  le  Tadfu,  qui  eft  un  Sureau  à  grappes; 
2*>.  le  yamma-Tmfimi ^  qui  eft  le  Sureau  aquatique,  à  fleur  fimple:  fa  moelle 
fert  de  mèche  pour  les  chandelles;  3<^.  le  MUfe,  om  Jamma-Simira ^  autre 
Sureau  aquatique,  dont  les  bayes  font  rouges,  de  figure  conique,  &  un 
peu  applaties. 

Le  5»^»',  vulgairement  Fokudjitqm^  Fakufinda  &  FakuJîtZy  eft  un  arbre 
très-rare,  delà  grandeur  d'un  grenadier,  tortueux ,  de  couleur  jaune  ,&  qu'on 
croiroit  fans  écorce.  Ses  feuilles  font  de  grandeur  inégale.  Ses  fleurs ,  ra- 
maflees  en  gros  bouquets  à  l'extrémité  des  rameaux ,  ibnt  de  la  grofleur  de 
l'œillet ,  &  de  couleur  de  chair. 

Le  RiotsjOf  y u\za.[rement  NadJen-ICad/ura  &  Nodsjo,  eft  un  arbrifleau  qui 
s'étend  beaucoup ,  &  dont  la  feuille  reflemble  à  celle  du  rofler  des  jardins.  Sa 
fleur,  qui  s'épanouit  en  cinq  lèvres,  femblables  aux  pétales  de  roîe,  eft  d'un 
très -beau  rouge. 

Le  Kingo ^  vulgairement  AJJagaino^  eft  un  Lifot  à  grandes  fleurs  blan- 
ches ,  qui  s'ouvrent  le  matin  ;  comme  le  Kos  &  Kudfi  ^  vulgairement  Fi- 
ragavOi  en  eft  un  autre,  qui  s'épanouit  à  midi.  L'un  &  l'autre  fe  cultivent 
dans  les  jardins. 

Le  ToOi  vulgairement  Fwr/^  &  Ftsjiy  eft  un  arbrifleau  des  jardins,  qui 
fert  à  garnir  les  Treillages  &  les  Berceaux.  Ses  feuilles  font  longues, fans 
découpures  ;  il  jette  un  grand  nombre  de  fleurs ,  longues  d'un  empan  & 
plus,  qui  durent  tout  le  Printems,  &  qui  étant  fufpendues,  comme  des 
crappes  de  raifin ,  font  un  charmant  fpeftacle.  Elles  font  en  papillons  & 
fans  odeur.  De  grandes  places  font  quelquefois  ombragées,  par  une  feule, 
ou  par  deux  ou  trois  de  ces  plantes.  Les  Curieux  mettent ,  au  pied ,  de 
]a  lie  de  Saki,  qui  eft  de  la  bière  de  riz,  pour  les  engraifler,  &  leur  faire 
produire  des  épis  de  trois  ou  quatre  empans  de  long.  On  vifite  ces  lieux 
par  curiofité ,  &  les  Poètes  font  des  Vers  àileur  honneur.  La  couleur  des 
fleurs  eft  toute  blanche,  ou  toute  purpurine.  Il  y  a  un  Too  fauvage,  dont 
les  feuilles  &  les  fleurs  font  moins  belles. 

L&  Saru-Kahe-Banna ,  eii  un  arbrifleau,  dont  les  branches  font  longues  & 

en 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lit.ïV. 


4<5à 


en  pérît  nombre,  &  les  feuilles  femblables  à  celles  de  la  régliffe.  Se»  Heurs , 
qui  viennent  en  épis,  font  jaunes  à  cinq  pétales,  donc  l'un  efl  plus  petit, 
marqueté  de  points  rouges,  &  les  autres,  difpofés  en  croix.  Les  étamines 
font  au  nombre  de  dix,  &  ont  la  pointe  rouge. 

Le  Sui-Sin-Kadjira  eft  une  Clematis  à  fleur  double;  &  V In-Sin-Kadfura  en 
efl  une  autre,  à  ûnar  bUnche  deilx  pétales }  la  moitié  du  calice  couleur 
de  pourpre.  ^i^-'K»  t^'.vj  y-.qzh'S  il:,  rj  ,*.•'>, l  'j.i    .i'.v>  ^n-injjf:  -j 

Le  Kin^  vulgairement  Mukinge^  eft  une  efpéce  de  mauve  des  jardins, 
dont  la  âeur  efl  fimple  &  d'un  bleu  purpurin  ;  une  autre  à  la  fleur  double  & 
bleuâtre.  Lq  Fupeo  efl  une  efpéce  de  guimauve ,  à  feuilles  de  figuier  fort 
dentelées.  Le/fi,  vulgairement /^wox,  efl  lamauve-rofe,  dont  on  diflin- 
gue  plufieurs  efpèces. 

Le  F«/m,  plante  célèbre,  «^l  larofede  la  Chine,  à  fJeurs  éphémères j 
rouge  le  matin,  &  tirant  au  pourpre  à  midi. 

Le  foOf  vulgairement  Kiri ,  ell  un  «rand  arbre ,  dont  la  fleur  refTemble  à 
celle  de  la  Digitale.  Son  bois ,  léger  &  ferme,  efl  employé  à  faire  des  cof- 
fres &  des  tablettes.  Ses  feuilles  Ibnc  fort  grandes ,  cotoneufes ,  avec  une 
oreillette  de  chaque  côté.  Elles  refTemblent  à  celles  de  la  Bardane.  Ses 
fleurs ,  qtîi  refTemblent  à  celles  du  Mufîe  de  Veau ,  font  d'un  bleu  purpu- 
rin, blanchâtres  en  dedans,  d'une  odeur  douce,  longues  de  deux  pouces, 
à  cinq  lèvres  crénelées,  &  d'une  figure  très- agréable-  ^  On  tire  de  les  deux 
femences ,  qui  font  femblables  à  ceiles-de  la  guimauve,  &  à-peu-prés  delà 
forme  &  de  la  groffenr  d'une  amande,  une  huile  qui  fert  à  divers  ufa> 
gesj  c'efl  la  feuille  de  cet  arbre,  que  les  Dairis  du  Japon  ont  choifi  pour 
leurs  Armoiries.  Elle  eft  furmontée  en  chef,  dans  leur  EcufTon,  de  troi» 
épis  de  fleurs.  ,        ;      < 

Le  Go-Too,  vulgairement  Fi-Girii  efl  un  arbrifTeau  étranger,  qui  vient 
des  Philippines  &  de  la  Corée.  Sa  feuille  reffemble  à  celle  de  la  vigne.  Sa 
fîeur ,  qui  eft  très-belle ,  eft  à  cinq  pétales ,  en  forme  de  cloche ,  &  d'un  pou-» 
ce  de  diamètre,    aiî»^  -î^ro   ,;r.!îvir-«.i:'i.-.u-,'Ar  ■'!>.:; 

Le  ^aku-JakUy  eft  une  Pivoine  femelle  à  fleurs  fimples,  couleur  de 
fai^»  Le  Botàn^  qui  eft  la  grande  Pivoine,  a  la  tige  ligneufe  &  droite, 
la  feuille  branchue  &  inégalement  frangée  ;  d'autres  ont  les  fleurs  pleines  , 
ékde  couleur  incarnate;  d'autres  ont  les  pétales  longs ,  droits,  &  difpofés 
en  crête. 

Le  Foo^Seiii  ou  KinfuGua,  vulgairement  Ibara,  eft  nôtre  Rofier  com- 
mun ,  porté ,  au  ]apon ,  par  les  Portugais.  Mais  les  rofes  n'y  ont  pas  l'odeur 
aufli  agréable  qu'en  Europe  &  dans  l'Afie  Occidentale. 

Le  Kei-Quan^  vulgairement  Kei-Foge  ^  eft  apparemment  l'Amaranthe, 
dont  la  fleur  a  plufîeurs  variétés.  On  eftime  particulièrement  celle  qui  eft 
à  fleurs  jaunes ,  avec  des  taches  rouges ,  &  dont  la  tige  eft  rayée  de  même. 

Le  fékfant  vulgairement  Gibboofi^  eft  un  Glaieul  à  feuilles  de  plantain, 
dont  la  tige,  qui  eft  droite  &  haute  d'un  pied,  pcMrte  à  fon  extrémité  dix 
ou  douze  fleurs  en  lys ,  d'un  pourpre  blanchâtre ,  &  longues  de  trois  pou- 
ces. Elles  viennent  au  Printems.  Une  autre  efpéce  a  la  feuille  étroite  & 
fleurit  en  Automne.  j     ■ 

•   Lb  /^n  eft  une  petite  Iris,  dont  la  racine  eft  fibreufe,  la  feuille  fem- 
•  >  blable 


DEJCRIPTtOlf 

DU  Japon. 


I.e  SiiiSin- 
Kadfira  & 
l'In-Sin-Kad. 
fufa. 

Le  Kin ,  le 
Fupco,  &lc 
Ki. 


Le  Fujoo. 

Le  Foo, 
dont  la  feuille 
compofc  les 
Armoiries 
des  Dairis. 


Le  Go-ToO. 


LeSaku-Jaku. 
Le  Botau. 


LcFoo-Sem 

Le  Kei-Qiian. 

Lejokfan.» 


Le  Ran, 


4<Î4 


VOYAGE    DE    K  iE  M  P  F  E  R 


Uescription 
DU  Jai'on. 

Le  No-Ran. 

Le  Furan. 

t 

L'Anjurek- 
Warna. 


Le  Katong'' 
Ging, 


f.RSekika. 


Variété  in- 
finie de  Lys  & 
de  Matricai- 


res. 


Les  fleurs 
•du  Japon 
n'excellent 
que  par  leur 
couleur. 


Divers  Lys. 


blable  à  celle  du  rofeau ,  la  tige  mince,  &  la  deur  comme  celle  de  rOrni- 
thogale.  Cette  fleur  a  cinq  pecales ,  de  trois  pouces  de  diamètre,  d'un  blanc 
jaunâtre ,  avec  des  rayes  purpurines ,  &  d'une  fore  agréable  odeur. 

Le  No-Ran f  eil  une  autre  Iris,  à  ûeur  jaune.  Sa  tige  eft  grofle,  droite, 
enveloppée  de  feuilles  dés  le  bas.  On  en  didingue  d'autres ,  couleur  de 
pourpre  &  de  vermillon;  jaunes  à  petites  fleurs;  jaunes,  avec  une  raye 
purpurine ,  &c.  Le  Furan  ,  en  efl  encore  une  efpcce,  dont  les  fleurs  font 
blanches ,  en  mafque ,  &  dont  la  femence  refTemble  à  de  la  farine.  Les 
Japonois  fufpendent,  au-defTus  de  leurs  portes,  les  tiges  &  les  feuilles  de 
cette  plante. 

V Angurek-fVarna  ^  efl:  une  plante  parafite,  dont  les  feuilles  font  rares  & 
femblables  à  celles  des  rofeaux.  Sa  fleur ,  qui  efl  1  bûtenue  fur  un  pédicule 
mince,  reflemble,  par  la  dirpofition  de  fcs  pétales,  à  un  papillon  qui  vole. 
Leur  nombre  efl:  de  fix ,  &  leur  longueur  d'un  pouce ,  avec  une  raye  purpu- 
rine à  chaque  face,  &  quantité  de  points  de  même  couleur. 

Le  Katong-Ging ^  vulgairement /''oM/i-Lacra,  efl:  une  autre  plante  parafite, 
dont  la  fleur  refTemble  a  un  fcorpion.  Elle  a  l'odeur  du  mufc,  fes  pétales 
au  nombre  de  cinq,  font  couleur' de  citron ,  variés  de  belles  taches  pur- 
purines.  Ils  ont  deux  pouces  dé  long ,  &  la  largeur  d'une  plume  d'oye.  Ils 
font  roides ,  gros ,  plus  larges  à  l'extrémité ,  (^  un  peu  recourbés.  Celui 
du  milieu  s'étend  en  droite  ligne,  comme  la  queue  du  fcorpion.  Les  qua- 
tre autres,  deux  de  chaque  côté,  fe. courbent  en  forme  de  croifTant  <&  re- 
préfentent  tes  pieds.  A  l'oppofite  de  la  queue,  une  efpèce  de  trompe, cour- 
te &  recourbée ,  ne  repréfente  pas  mal  la  tête  de  cet  animal.  Ce  qu'il  y  a 
de  plus  lingulier ,  c'efl  que  l'odeur  de  mufc  ne  réiide  qu'à  l'extrémité  du 
pétale,  qui  refTemble  à  la  queue  du  fcorpion;  &  que  s'il  efl  coupé,  la  fleur 
demeure  fans  odeur. 

Le  Sekika^  vulgairement  Kifinfo,  efl  une  efpêce  de  Saniale  étrangère, 
qui  refTemble  au  Cotylédon,  ou  Nombril  de  Fenus.  Sa  feuille,  qu'on  prendroit 
pour  celle  du  Cyclamen  y  ou  Pain-de-Pourceaux  ^  offre  une  agréable  variété 
de  couleurs.  Sa  tige ,  haute  d'un  pied  &  demi ,  efl:  garnie  de  plufieurs 
fleurs  à  cinq  pétales ,  qui  forment  l'apparence  d'une  guêpe  volantes  Elles 
font  couleur  de  vermillon. 

Il  efl:  impolTible  de  repréfenter  la  variété  des  Matricaires  &  des  Lys 
du  Japon.  Les  premières ,  dont  une  heureufe  culture  rend  les  fleurs  aufli 
grandes  que  les  rofes  ,  font  le  principal  ornement  des  maifons  &  des  jar- 
dins. Les  autres  font  un  jardin  naturel  des  lieux  les  plus  incultes.  On  n'y 
voit  pas  moins  de  NarcifTes  &  de  Giroflées  ;  mais  Kaempfer  obferve  que  tou- 
tes ces  fleurs  n'ont  l'odeur ,  ni  fi  agréable ,  ni  fi  vive ,  que  celles  de  la  même 
efpèce,  qui  croifient  dans  les  autres  Pays,  &  qu'elles  ne  les  furpafTent  que 
par  l'éclat  de  leurs  couleurs.  Il  en  efl  de  même  de  la  plupart  des  fruitSé 
Leur  goût  n'eft:  pas  aufli  délicieux,  auffi  aromatique,  fuivant  l'exprefllion du 
même  Voyageur,  que  celui  des  fruits  de  la  Chine  &  des  autres  Contrées 
de  l'Orient.  i  iin  i:^  jfrn  ':;ub  n 

Le  Sjiréy  ou  Sjiroi^  efl  un  Lys  blanc,  à.. feuilles  de  fouci  de  marais.  Sa 
tige  efl  grofle ,  &  d'une  coudée  &  demie  de  hauteur.  Ses  fleurs  font  au 
fommetdela  tige,  en  petit  nombre,  de  trois  pouces  de  .diamètre,  &  peu 

ouvertes, 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


4tf5 


rOrnl- 

n  blanc 

droite, 
leur  de 
ne  raye 
ors  font 
:.  Les 
illes  de 

rares  & 
pédicule 
^ui  vole. 
e  purpu- 

parafite, 
}  pétales 
hes  pur* 
'oye.  Ils 
I.  Celui 
L.es  qua- 
nt &  re- 
pe,cour- 
qu'il  y  a 
êmité  du 
,  la  âeur 

rangère, 
)rendroit 
variété 
plufîeurs 
Elles 

des  Lys 

îurs  aufli 
des  jar- 

Onn'y 
que  tou- 
la  même 
Tent  que 
;s  fruits^ 
eflion  du 

entrées 

iTzis.  Sa 

font  au 

&  peu 

)uvertes, 


Le  Santan , 
&  autres  efpè- 
ces  de  Lys, 


Plufieurs 
belles  Macri- 
caires. 


ouvertes.    Les  pétales  en  font  étroits,  &  mirquetés  en  dedans  de  points  DEtcRipTion 
rouges.    Entre  plufieurs  autres  efpèces  de  Lys,  le  Jamma'Otfiroî ,  en  efl:     dwJa'^^n- 
un  fauvage,  dont  les  feuilles ,  partagées  en  trois  grands  lobes ,  ont  de  longs     .-  f*    , 
pédicules  canekis,  qui  embraifent  la  tige.     l^tBiakko^  vulgairement  ^uri, 
efl:  nôtre  Lys  blanc  commun ,  qui  a  la  même  odeur.    Le  Saziiriy  efl  un  Lys 
à6eur  blanche  monopetale,  partagé  en  fix  lèvres.     Le  Kentan,  vulgaire- 
ment Oni-Juri^  qui  fignifie  Lys  du  Diable  y  efl:  un  Lys  Martagon,  dont  la    . 
tige  efl:  grofle,  &  d'une  coudée  de  haut,  la  fleur  belle,  de  quatre  doigts  de 
diamètre ,  garnie  de  taches  &  de  tubercules  d'un  rouge  purpurin  ;  fa  raci- 
ne efl:  bulbeufe  &  fe  mange.     Le /TâxÂMco,  vulgairement  iironoiti!:0-7urf,  a  la 
fleur  du  Sceau  de  Salomon.    Sa  tige  ed  mince  ;  fa  fleur  efl  magnifique,  d'un 
blanc  incarnat,  marqueté  de  taches  couleur  de  fang,  avec  les  pétales  cour- 
bés en  dehors  &  terminés  en  pointe ,  Ce  un  pifl:il  Tort  long ,  environné  de 
cinq  étamines.    he  Santan  ^  vulgairement /^iOTtf-y«ri,  efl  un  Lys  qui  paroît 
tout  couvert  de  fang ,  &  dont  la  tige  efl  environnée  de  feuilles  étroites ,  en 
forme  d'épi.  Une  autre  efpèce ,  nommée  Couronne  Impériale  y  a  la  fleur  rouge, 
très-petite,  marquetée  de  taches  couleur  de  fang:  une  autre  efl  couleur 
de  feu ,  &  fe  nomme  Fi-Jùri. 

Le  Kiky  Kikfy  ou  Kikkuy  vulgairement  Kaivara-j^amagi y  efl  une  Matrî- 
caire,  dont  on  diflingue  plufieurs  efpèces,  fauvages  &  cultivées.  Jamagi 
lignifie  Jrmoife.  Ainfl  cette  plante  tient  de  lune  &  de  l'autre.  Sa  beauté 
fmgulière,  &  l'abondance  de  fes  fleurs  en  font  le  principal  ornement  des 
campagnes  &  des  jardins  ;  d'autant  plus  qu'elles  fleurifllent  en  différentes 
laifons.  L'une  fe  nomme  No-Gikf;  c'efl  la  Matricaire  commune  d'Europe, 
dont  la  fleur  efl  jaune,  petite  &  d'une  excellente  odeur.    Le  Keitsjo,  vul- 

Sairement  j^omega-Taji ,  efl  uneMatricaire  des  bois ,  qui  fleurit  pendant  l'Eté 
cjufqu'àlafin  de  l'Aucomne.  Sa  feuille  efl  graflfe,  longue,  étroite,  un 
peu  âpre;  fa  fleur  bleue,  tirant  fur  le  pourpre,  un  peu  odora.^.e;  fa  femen- 
ce  oblongue,  ferrée  &  couverte  de  poils.  Le  Ko-Gikf  efl  uu3  Matricaire 
rampante  des  bois ,  dont  la  tige  efl  mince  &  courte,  &  la  fleur  petite.  Une 
autre  efpèce,  à  fleur  double,  de  couleur  d'or,  fleurit  en  Automne.  Le  Sfo- 
SjOy  en  efl  une  autre  des  jardins,  à  grandes  feuilles  Amples,  &  dont  la  fleur 
tire  fur  le  bleu.  Une  autre,  à  fîeurs  doubles,  efl  variée  de  '.  .ne  &  de  rou- 
ge. Une  autre,  variée  de  même,  a  les  fleurs  de  trois  pou.  .  ùe  diamètre. 
Une  autre,  à  larges  feuilles  odorantes,  a  la  fleur  de  couleur  a  or ,  très-dou- 
ble &  faiis  odeur,  femblable  en  grandeur  &  en  figure  à  la  rofe  de  Provins, 
ou  rofe  à  cent  feuilles.  Une  autre  ell  à  fleurs  blanches ,  de  différentes  gran- 
deurs. Une  autre,  à  fleurs  doubles  un  peu  incarnates,  &  de  deux  pouces 
^e  diamètre.  Une  autre,  à  fleurs  d'un  rouge  purpurin.  Une  autre  fort 
branchue,  à  fleurs  d'un  rouge  écarlate.  Une  autre  enfin,  à  fleurs  blanches^ 
avec  les  extrémités  des  pétales  couleur  de  pourpre,  &  de  petits  tuyaux  jau- 
nes, mêlés  parmi  les  pétales.  Le  Sun-Giku,  efl  une  Matricaire  de  la  Corée, 
xiont  la  fleur  efl  double  &.  très-belle. 

Le  Seki-Kany  vulgairement  5iMo-5d[«»a ,  efl:  un  Narciffe  à  fleur  jaune, 
^ufTi  éclatante  que  l'or.   L'oignon  de  cette  plante  efl:  un  vrai  poifon. 

Le  Kui-Symira  y  d\.  une  Afliodille ,  dont  la  tige  efl:  haute  d'un  pied ,  ca- 
,  XIV»  Fart.  Nnn  nelée, 


Le  Scki-Kan. 

Le  Kui-Sy- 
tnira. 


466 


VOYAGE    DE     KiEMPTER^ 


DsicDirrioif 
ou  Japon. 

Lejakan. 


LcDandoqua. 

Pliificurs 
fortes  d'Iris. 


Le  Sfifen. 

Plufieurs 
Lychnis. 


LcMokoJif. 


Le  Kiiifai. 
Le  Sj«. 

LeTfoo-Sju. 
Le  Dfîo-Gikf. 


nelée,  &  environnée,  en  forme  d'épis,  de  fleurs  à  fiz  pétales,  de  couleur 
tirant  fur  le  pourpre. 

Le  Jakafiy  vulgairement  Karafu-Oogi,  Ôc  Ft-Oo^i^  efl  une  plante  à  fleur 
de  lys,  petite,  rouge,  &  marquetée  en  dedans  de  taches  couleur  de  fang. 
Une  autre  efpèce,  qui  fe  nomme  Siaga^  croît  fur  les  montagnes,  &  poric 
une  fleur  blanche,  double,  quelquefois  d'un  bleu  détrempé. 

Le  Dandoqua,  efl  la  grande  Canne  fauvage  des  Indes,  à  larges  feuilles, 
dont  la  fleur  efl:  d'un  jaune  éclatant. 

Le  Sjigoguja^  eft:  l'Iris  commune,  dont  les  fleurs  ont  plufieurs  variétés. 
Le  tarin,  vulgairement  Buran  &  Refo-Kjofa,  efl:  l'Iris  blanche  des  jardins 
d'Allemagne.  Une  autre  croît  fur  les  montagnes ,  &  porte  une  petite  fleur. 
Le  Ken ,  vulgairement  Q^arjh  &  f'FaJJingufa ,  eft  l'Iris  des  jardms  à  larges 
feuiHes,  &  à  grandes  fleurs  doubles  de  couleur  de  feu.  Le  Kaki-Tfubatta  ^ 
eft  l'Iris  des  jardins ,  à  fleurs  doubles  de  couleur  violette.  Une  autre  a  les 
feuilles  étroites ,  doubles  &  bleues.  Une  troifième  eft  à  larges  feuilles ,  dont 
les  fleurs  font  de  couleur  d'outremer ,  tachetées  de  pointes ,  couleur  de  faf- 
fran.  Le  Fennafob  eft  une  Iris ,  dont  la  fleur  eft  d'un  rouge  purpurin  ;  &  le 
SiJJibi  en  eft  une  petite ,  à  grandes  fleurs  doubles. 

Le  Sfifen  y  eft  un  Narcifle  blanc  des  montagnes ,  qui  jette  un  grand  nom- 
bre de  fleurs.    On  diflingue  la  grande  &  la  petite  efpèce. 

Le  Sen-Sjm,  eft  une  Lychnis  couronnée,  dont  la  fleur  eft  d'un  verd  blan- 
châtre ,  avec  des  pétales  dentelés ,  &  les  extrémités  couleur  de  cendre.  Une 
autre  efpèce  a  la  fleur  toute  blanche.  Le  Senno  en  eft  une  autre ,  dont  les 
feuilles  oc  le  calice  font  remplis  de  petits  poils ,  la  couleur  de  fang  lavé ,  les 
pétales  frangés ,  &  les  extrémités  de  couleur  violette.  Le  Fusji-Guro^  autre 
Lychnis  couronnée ,  a  la  tige  femée  de  nœuds  d'un  pourpre  obfcur.  Sa  fleur 
eft  petite  ,  couleur  de  vermillon ,  &  fes  pétales  entiers. 

Le  A/o*o*/,  eft  un  arbre  à  feuilles  de  Telephium,  à  fleurs  monopetales, 
dont  le  fruit  reflemble  à  la  cerife,  &  dont  les  femences  ont  la  figure  d'un 
Kein.  Sa  grandeur  eft  moyenne,  fon  tronc  droit,  5c  fa  grofl'eur  à-peu-près 
celle  de  la  jambe.'  Ses  feuilles  reflemblent  à  celles  du  Telephium  commun. 
Ses  fleurs  font  monopetales ,  partagées  en  cinq  lèvres ,  de  couleur  pâle ,  de 
l'odeur  des  giroflées  jaunes ,  garnies  d'un  grand  nombre  d'étamines.  Chaque 
fleur  ne  dure  qu'un  jour.  Le  fruit  eft  de  la  grofleur  &  de  la  figure  d'une  ce- 
rife, d'un  blanc  incarnat  en  dehors,  d'une  chair  blanche ,  féche  &  friable, 
d'un  goût  un  peu  amer  &  fauvage. 

Le  Kiufaît  vulgairement  Sumire^  eft  la  Penfée,  que  fes  trois  couleurs 
font  nommer  aufli  Fleur  de  la  Trmité. 

Le  iS/tt,  vulgairement  Fagi,  eft  un  Cytife  à  fleurs  d'Anagyrife,  couleur 
de  pourpre  ,  qui  croiflTent  fur  de  petits  épis  canelés.  Ses  gouflfes,  ou  fili- 
ques ,  font  étroites  &  fort  petites. 

Le  Tfoo-SjUf  vulgairement  Sfo-Fagî,  eft  une  herbe  des  jardins ^  d'une 
coudée  de  hauteur,  de  la  figure  de  fhyflbpe  commune,  &  fans  odeur.  Sa 
iîear  eft  à  fix  pétales ,  &  couleur  de  pourpre. 

Le  Dfio'Gikf,  eft  le  Chryfanthême  Péruvien  deDodGnée,ou  le  grand He- 
lenium  des  Indes  de  Gafpard  fiauhin. 


DANS  L'EMPIUE  DU  JAPON.  Lrv.  IV. 


467 


Lb  Sekki-Kan^  efl  un  arbrifieau  d'une  brafle  de  hauteur,  dont  les  feuil- 
let,  qui  enveloppent  les  rameaux  de  diflance  en  diflance,  font  étroites, 
longues,  épailTes,  argentées  par-deflbus,  pendantes,  &  fans  découpure. 
Ses  fleurs  font  incarnates,  &  ramafTées  à  l'extrémité,  des  rameaux  par  bou> 
quets ,  de  dix  jufqu'à  quinze ,  qui  fortent  d'une  enveloppe  commune.  Elles 
font  monopetales,  &  découpées  en  fept  grandes  lèvres.  On  en  diftingue 
deux  autres  efpèces ,  l'une  a  Heur  blanche ,  &  l'autre  à  fleur  rouge. 

Le  Sen-tukUj  vulgairement  Ogurenna^  efl  un  Afler  jaune,  donc  la  tige  efl 
branchue,  garnie  de  poils,  &  haute  d'une  coudée  &  demie.  Sa  fleur  ap* 
proche  de  celle  de  la  Ferficaire  à  filiques. 

VObai ,  ou  Robai ,  efl  une  forte  de  jafmin  à  fleurs  doubles.  Son  écorce  efl 
brune.  Son  bois'foible  &  rempli  de  moelle.  Tes  feuilles  alternativement: 
oppofées ,  &  terminées  par  une  pointe  un  peu  recourbée.  Ses  Heurs ,  qui 
paroiflentau  mois  de  Février,  avant  les  feuilles,  &  qui  fortent  d'un  ca- 
lice écailleux ,  font  d'un  Jaune  pâle,  &  compofées  de  deux  fortes  de  péta- 
les, dont  les  extérieurs  k)nt  d'ordinaire  au  nombre  de  huit ,  longs  d'un  de- 
mi pouce  en  ovale;  &  les  intérieurs,  plus  petits,  de  grandeur  inégale ,  au 
nombre  de  huit  &  plus,  marquetés  de  points  couleur  de  fang.  L'odeur  de 
la  fleur  tire  fur  celle  de  la  violette,  mais  devient  dégoûtante  à  la  longue,  & 
le  goût  en  efl  très-desagréable.  Cet  arbrifTeau ,  ^u'on  croit  apporté  de 
la  Chine ,  efl  d'une  beauté  ,  qui  le  fait  cultiver  loigneufement  dans  les 
jardins. 

Le  Refit  vulgairement  Hatjisy  efl  une  plante  connue  aux  Indes  fous  le 
nom  de  Tarate.  C'efl  le  Nénuphar  Indien ,  &  la  Fève  d'Egypte  de  Profper 
Alpinus.  Ses  tiges  font  d'une  hauteur  extraordinaire,  &  fe  mangent.  Sa 
racine,  qui  efl  aulfi  fort  longue,  s'étend  en  travers.  Elle  efl  de  la  grof- 
feur  du  bras,  garnie  de  nœuds  éloignés  les  uns  des  autres  &  Hbreux.  Cette 
plante  pafTe  pour  facrée ,  &  ks  fleurs  fervent  à  l'ornement  des  Autels.  Le 
feifo  eit  un  grand  Nénuphar,  dont  la  feuille  efl  pointue  comme  une  épée. 

Le  SomOf  vulgairement /ù'm/ni ,  &  par  excellence  Fanna,  qui  Agnifie  la 
Fleur t  efl  un  arbre  fauvage,  à  feuilles  de  laurier,  &  à  Heurs  de  narcifle. 
Son  écorce  efl  aromatique.  Il  efl  de  la  grandeur  du  cerifler,  d'un  bois 
roux ,  dur  &  fragile.  Ses  feuilles  font  difpofées  en  rond ,  autour  de  peti- 
tes branches,  &  Tes  fleurs  font  fltuées  à  leur  bout.  Les  Bonzes  de  la  Chine 
&  du  Japon  mettent  devant  les  Idoles  &  fur  les  Tombeaux,  des  feuilles  de 
cet  arbre  en  bouquets. 

Le  Fa-Ku^  vulgairement  Kc^vKa^QÎi  un  arbre  de  grandeur  médiocre,  dont 
les  feuilles  refTembient  à  celles  de  la  patience.  Ses  fleurs  font  blanches ,  en 
épi ,  &  terminent  fes  rameaux.     Son  fruit  efl  hériffé  de  pointes. 

L  E  San-Kakfo,  efl  une  Arifloloche,  qui  monte  &  s'étend  beaucoup ,  &  dont 
la  fleur  efl  de  diverfes  couleurs.  Une  autre  Arifloloche  efl  le  SemïnJJo ,  dont 
la  Heur  blanche ,  à  quatre  pétales ,  efl:  de  l'odeur  du  muguet. 

Le  TJîo'MeguJa^tù.  une  Joubarbe  à  fleurs  jaunes,  dont  la  feuille  efl 
pointue. 

Le  Tfifu^  vulgairement  Fama-Kingt y  ou  Nma-Gu/Ui  ou  Fooki-Gu/a^  efl 
la  Scoparia^  autrement  la  Belvédère  des  Italiens,  dont  on  tire,  au  Japon, 
un  remède  célèbre  dans  cette  Contrée. 

Nnn  2  Le 


DsiotiMioa 
ou  jAton. 

Le  Sckki- 
Kati. 


Le  Scn-Puku. 


L'Obai ,  ou 
Robai. 


Le  Rcii  & 

IcFcifo. 


Le  Some. 


LcFaKii, 


LcSan-Kakfo. 
LeScnninfo. 

Le  'Ifto- 

Mcgufa. 

LeTfifii. 


^6% 


VOYAGE    DE    K^EMPFER 


Diwntrrroir 

DU  Japon. 
Le  Fudd- 

Dakuuia. 


L'Oiuini- 
misji. 


Le  Tobi. 


Le  Sitfifu- 
Sfoo. 


Le  Tlîofu- 
guf:i. 

Le  Sjukaido. 


Le  Sasjo,  & 
IcKoo-S'jki , 
dont  on  fait  le 
beau  d'Outre- 
mer. 


Le  Gube.. 
L'Uno-Fanna. 
Le  Ban  tus. 


Le  Fuâfi-Iiakama y  cft  une  petite  plante,  fort  femblablc  à  la  verveine, 
dont  elle  a  la  feuille.  Sa  tige  ronde  &  purpurine  luûcient,  à  fon  extrémi- 
té, des  bouquets  de  petites  Ikurs  à  cinq  petak-s,  couleur  de  pourpre  blan- 
cliâtre,  enveloppées  d'un  calice  rond  ik  ccaillcux.  Sa  Icmence  cft  en 
angles,  brune,  &  d'un  guûc  fort  amer.  Une  autre  efpècc  a  la  tige  &  les 
fleurs  blanches. 

VOininamisji^  autrement  Sjiro-Banna  ^  qui  lignifie  Fleur  des  Femmes  ^  tire 
ce  nom  de  fa  beauté.  Elle  rellcmblc  à  la  verveine  par  les  feuilles.  Sa  tige, 
ronde  &  canelée,  poulfe  plufieurs  branches,  qui  le  terminent  par  des  bou> 
quets  de  Heurs  rouges ,  femblables  à  celles  du  fureau.  Sa  graine  ell  ovale  > 
oc  de  la  grolTeur  de  l'anis. 

Le  lobif  vulgairement  Taranoo^  eft  une  plante,  qui  par  l'épaifleur  de 
fes  feuille*,  &  par  fes  branches,  qui  font  terminées  en  épis  de  fleurs,  &. 
appliquées  contre  la  tige,  reflemble,  fuivant  la  lignification  de  fon  nom, 
a  une  queue  de  dragon.  Les  feuilles  font  étroites,  inégalement  dentelées. 
Ses  fleurs  font  d'un  bleu  clair ,  en  forme  de  tuyau ,  &  partagées  en  qua- 
tre lèvres. 

Le  Sitjifu-Sfoo ^  vu]gaiTcment  Sfufu-Kaki^  eft  un  Marrube,  dont  la  tige 
eft  droite,  haute  d'une  coudée,  &  à-peu-près  ronde.  Ses  fleurs,  de  la  grof- 
feur  de  celles  de  lavande ,  font  d'un  bleu  clair  &  fort  ferrées  les  unes  con- 
tre les  autres.  Elles  naiflent  des  aiflelles  des  feuilles.  Une  autre  plante, 
de  même  nom,  a  l'odeur  d'anis,  &  fa  femence  en  a  le  goût.  Sa  rige  eft. 
quarrce,  fa  fleur  purpurine ,  faite  en  tuyau ,  &  fa  feuille,  terminée  par  une 
pointe ,  comme  celle  de  la  meliflTe. 

Le  Tfiùfigufay  eft  une  verveine , dont  les  fleurs  font  en  épis,  fort  ferrées,. 
&  femblables  à  celles  de  la  fause. 

Le  Sjukaido  y  eft  une  efpéce  d'Ozeille,  haute  d'une  coudée,  &  d'un  fuc" 
fort  acre.  Sa  tige  eft  grofTe ,  branchue ,  garnie  de  nœuds.  Ses  feuilles 
font  épaifles ,  &  finement  dentelées.  Ses  fleurs  font  à  quatre  pétales ,  cou-^ 
leur  de  chair ,  &  d'une  ftru6lure  que  Kœmpfer  nomme  finguliérement  ad- 
mirable. ,  >        .' 

L  E  Sasjo ,  vulgairement  Katabamî ,  eft  ÏAlleMa  à  fleurs  jaunes  de  Dodo- 
née.  Le  KoO'Sekif  vulgairement  Kigu/a^  eft  une  efpéce  d'Ëphemerum  à 
feuilles  de  muguet ,  donc  la  fleur  eft  bleue ,  &  reflemble  à  celle  de  la  Trini- 
té ;  mais  plus  élevée ,  &  femblable  aux  ailes  des  papillons.  Ses  feuilles  font 
fans  pédicules.  Ses  fleurs  fervent  à  faire  la  couleur  bleue ,  qu'on  nomme 
Outremer t  en  les  mêlant  avec  du  fon  de  riz  qu'on  humeéle.  On  exprime 
enfuite  le  fuc  de  cette  mafie,  &  l'on  y  plonge  un  papier  net  qu'on  fait  fé- 
clier ,  lorfqu'il  eft  bien  imbibé.  On  réitère  plufieurs  fois  la  même  opéra- 
tion ,  &  ce  papier  fert  alors  pour  la  couleur. 

Le  Gubey  eft  une  herbe  fort  haute,  dont  les  branches  font  foibles,de  cou- 
leur baye ,  &  les  feuilles  partagées  en  cinq  lobes.  Ses  fleurs  font  en  om- 
belle,, à  cinq  pétales,  d'un  blanc  verdâtre.  h'Uno-Fannay  grand  arbrifleau 
qui  refl!emble  au  Syringa,  a  les  fleurs  ramaflees  en  grappes,  à  cinq  péta- 
les, un  peu.  odorantes ,  fans  étamines  &  fans  piftil.  Le  Bantus,  eft  une  forte 
de  jafraiaà  feuilles  dentelées,  dont  les  fleurs  font. ea épis,  jaunes,  à  troia 
pétales.  .'îî:^^:^^  ^'^;îi  na:  .^-^iïiy-î  ••:.. 

,1  Le 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON.  Liv.  IV. 


4<Çp 


L  t  Nonigi ,  efl  la  grande  Fumetcrre.à  racine  creufe  &  à  fleur  bleue.  Le 
Keman-S/Of  ou  Narin^  efl  une  herbe  haute  d'un  pied,  donc  les  feuilles  rcf- 
fcmblent  à  celles  de  l'Ancolie.  Ses  fleurs  fonc  de  couleur  incarnate,  formées 
de  deux  cfpéces  de  capuchons,  qui  fe  terminent  par  une  longue  pointe  re- 
courbée, Où  qui  renferment  un  corps  canele ,  de  figure  conique  ,  garni  d'un 
piflil  &  de  fix  étamines. 

Le  Seki'TJiku,  efl  un  Oeillet  fimple  à  grandes  fleurs.  Le  Foofen^  ouAw- 
Soq'ia ,  efl  Y  admirable  Peruviane  de  Rai ,  à  fleurs  blanches  &  rouges. 

Le  Koogua,  vulgairement  Attr«.;i,  ik  Benim-Fanna  ^  efl  une  herbe  à  lon- 
gue tige  À  à  grun des  feuilles ,  donc  on  cire  la  couleur  bleue. 

Le  Reisjun^  vulgairemenc  Bidjinfoo,  efl  une  efpèce  de  Lychnis,  qui  tient 
du  pavot,  donc  elle  a  la  cêce.     Sa  fleur  efl  timpie,  &  bleue,  mais  \\  belle, 

au'on  la  conferve  dans  des  caifle».  Le  Nekfj-tanna  efl  une  forte  d'Ancmone , 
ont  les  pétales  font  couverts  de  poil,  en  dehors,  &  d'un  rouge obfcur. 

Le  J'amma-Kibjot  efl  une  plante,  qui  refTemble  à  la  Gentiane.  Ses  tiges 
fonc  d'un  blanc  mêlé  de  verd.  Ses  fleurs,  en  forme  de  tuyau ,  fonc  longues 
d'un  pouce  &  demi, bleues  en  dehors  ,&  blanches  en  dedans,  avec  des  lignes 
bleues.  Elles  fe  ferment  au  coucher  du  Soleil ,  &  fe  rouvrenc  à  fon  lever. 
Le  Furiné ,  efl  un  Knicus  bleu ,  qu'on  cultive  dans  les  campagnes ,  parceque 
fa  fleur  fert  pour  les  couleurs. 

Le  5/i,  vulgairemenc  Naraje^  &  Sjako-Gufa,  efl  une  efpèce  de  grand 
Bafilic.  Le  DJtn^  vulgairemenc  Je^  &  Fakkufo,  en  efl  une  autre  efpèce, 
donc  la  femence  donne  une  huile  célèbre,  nommée  Jcm-A'jra. 

L  E  GofitZy  efl  un  Tblaspi ,  dont  les  feuilles  font  oppofées  encre  elles,  &  fans 
découpures.     Le  Jottei^  vulgairemenc  5/i,  en  eft  un  autre,  à  feuilles  de 

Îtacience ,  donc  les  ciges ,  comme  celles  du  précédent ,  fonc  garnies  de  capfu- 
es.  Le  Tenka,  vulgairement  Kona-Subbi,  efl  la  Morelle  des  jardins.  Le 
SeKi  efl  une  herbe  de  la  hauceur  d'un  pied ,  branchue  &.  panchée  vers  la  ter- 
re, donc  les  fleurs  reiremblenc  à  la  Nummulaire,  &  fervenc  à  la  ceinture. 
Le  Sjaderiy  efl  un  grand  Plancain,  à  larges  feuilles,  comme  le  Sanfoo  en  efl 
un  à  feuilles  écoilécs,  &.\e Kawa-Sfobu  un  aucre  à  feuilles  d'Iris,  étroites  & 
longues  d'un  pied,  avec  un  épi  de  quatre  doigts  de  long. 


DMCITfTtOir 

nu  Japon. 
Le  Nonigi. 
Le  Ktnnan- 
Slb. 


LcS.ki-Tfi- 
ku  itlc  loo- 
fcn. 

Le  Kooijua. 

Le  Rciijun. 

Le  Ncko- 
Fan  lia, 

LcKibjo. 


Le  l'urine. 

LcSfo,  &. 
le  Dlin ,  Uiili- 
lies. 

LeGofitz. 
Le  Joaci. 

LeTcnlu. 
Le  Sen. 

Le  Sjadcrt. 
LeSanToo. 
Le  Kawa- 
Sfobu. 


"•i 


in- 


g.    XIIL 


<^^ . .         Autres  Arbres  CT  Plantes  particulières  au  Japon. 


L'Jjikiéa,  efl  un  grand  arbrifTeau,  dont  les  rejectons  fonc  d'un  verd  LAjikuba. 
clair ,  pleins  de  nœuds ,  &  d'une  fubflance  grafîe.  Sa  feuille  efl  fem- 
blable  à  celle  de  l' Yeufe ,  un  peu  tournée.  Sa  fleur ,  porcée  fur  un  afTez 
gros  piflil ,  efl  tripetale ,  d'un  pourpre  ciranc  fur  le  rouge ,  &  prefque  de 
la  grandeur  d'un  grain  de  poivre.  Son  fruit  efl:  rouge ,  oblong  ,  afTez 
gros ,  d'une  chair  blanche  &  dou^âtre ,  qui  renferme  un  noyau  dur ,  &  d'un* 
goûc  acre. 

Le  TaraijOy  vulgairemenc  Onimatfi ,  efl  une  efpèce  de  Laurier-cerife ,,      LcTàraijo». 
donc  les  fleurs  font  à  quatre  pétales,  odorantes,  d'un  jaune  pâle,  &  ramaf- 
fées  en  grand  nombre  fous  les  aiiielles  des  feuilles^     Son  fruit,  qui  con* 
n-.î  •■  Nnn  3  tient. 


470 


VOYAGE    DE    KiEMPFERÎ 


DcscRiPTioir 
ou  Japon. 


Le  Sankitz. 


LeQuackitz. 


LcNamlsjokf. 


LeNyfimi- 
Motfi. 

Lejiibeta, 


Le  Kooki. 


Le  Fechofatz. 


%fi  Kembokn. 


tient  quatre  femences,  eft  rouge ,  de  la  groffeur  d'une  poire,  âc  de  la 
figure  du  poirier.  On  le  cultive  dans  les  jardins  >  où  il  conferve  toujours 
fa  beauté. 

Le  Sankitz  y  vulgairement  Jamma-Tadfi-Banmt  eft  un  petit  Chame-Cera- 
fus  y  à  feuilles  de  cerifier  fauvage,  difpofées  en  rond.  Ses  fleurs  font  pen- 
tapetales ,  &  reflemblent  à  celles  du  muguet.  Son  fruit  eft  un  peu  rouge, 
plus  gros  qu'un  pois,  d'un  goût  doux  &  ftyptique,  avec  un  noyau  blanc, 
dur  &  tranfparent. 

Le  Quackitz,  vulgairement  Ttanna-Tadft-Bama ,  eft  un  autre  Chame-Ce- 
rafus,  qui  ne  quitte  jamais  fes  feuilles.  Ses  fleurs  &  fon  fruit  reflemblent 
à  ceux  du  Sankitz.  Mais  on  en  diftingue  une  efpèce  qui  a  fes  feuilles  fem- 
blables  à  celles  du  faule ,  excepté  qu'elles  font  femées  de  petites  bulles. 
Sa  fleur,  fembJabJe  à  celle  du  Dutcamara,  efl:  portée  fur  des  pétales  re- 
courbés en  arriére. 

Le  Nandsjukfy  vulgairement  Nattin,  ou  Nandin-Tftkku  ^  eft  un  arbrifleau 
d'environ  la  hauteur  d'une  coudée ,  qui  de  loin  a  l'apparence  d'un  rofeau. 
Ses  branches  font  difpofées  l'une  vis^à^vis  de  l'autre,  &  s'étendent  à  an- 
gles droits.  Ses  feuilles  font  longues  d'un  pouce  &  demi,  &  figurées  com- 
me celles  du  faule.  Ses  fleurs  font  blanches,  à  cinq  pétales,  femblables 
à  celles  du  Solanum  ligneux ,  &  ne  durent  qu'un  jour.  Ses  bayes  font  rou- 
ges ,  de  la  grofleur  d'un  pois ,  &  contiennent  deux  femences  de  figure 
hemifphérique. 

Le  Nyfmi - Motji t  vulgaireraeut  Tanua-fVattafi ,  n'eft  que  le  troefne 
commun. 

Le  JubetUy  eft  un  arbre  de  la  groflîeur  du  pruuier,  dont  les  fleurs  &  les 
bayes  refliemlalent  à  celles  du  troelne.  Son  écorce  eft  verdâtre.  Ses  feuil- 
les font  en  grand  nombre,  difpofées  l'une  vis-à-vis  de  l'autre,  de  figure 
ovale,  tendres ,  &  fujettes  à  fe  flétrir  bien-tôt.  Le  noyau  eft  blanc,  d'un 
goût  aftringent  &  cauftique.    Ses  bayes  paflent  pour  venimeufes. 

Le  Kaokty  vulgairement  Kuko y  &  Numi-Gujfari y  eft  un  troefne  épineux , 
dont  les  feuilles  font  en  très -grand  nombre,  ovales  &  longues  d'un 
pr^uce,  fans  aucune  découpure.  Ses  fleurs,  qui  naiflent  une  ou  deux  fur 
chaque  pédicule,  font  de  couleur  purpurine,  à  cinq  pétales,  &  reflem- 
blent à  la  fleur  d'hyacinthe.  On  fe  fert,  en  Médecine,  de  fes  bayes  &  de 
fes  femences,  auflibien  que  de  fes  feuilles,  dont  rinfufîon  fe  boit  en  ma- 
nière de  thé. 

Le  Fechofatz,  eft  un  arbre  de  grandeur  médiocre ,  &  fort  branchu,  dont 
les  feuilles,  gui  naiflent  en  grand  nombre  à  l'extrémité  des  petits  rameaux, 
font  longues  de  deux  pouces,  pointues  à  leur  commencement,  &  termi- 
nées en  ovale,  épaifles,  dures,  .&  légèrement  crénelées.  Ses  fleurs  font 
ramafîees  en  épis.  Ses  bayes  font  rouges ,  &  de  la  grofleur  d'une  cerife. 
Le  goût  de  leur  chair  eft  fauvage;  &  celui  du  noyau,  qui  eft  partagé  en 
deux,  eft  aftringent. 

Le  Kembûku,  vulgairement  Rumgambokf  y  ôcSahiki y  eft  un  arbre  de  gran- 
deur médiocre ,  dont  les  feuilles  &  les  fleurs  reflemblent  à  celles  du  Myrthe 
Romain  de  Mathiole.  Ses  bayes  viennent  feules ,  fur  un  pédicule.  Elles 
font  pointues ,  &  de  la  grofleur  d'un  grain  de  poivre.  Les  femences  refl'em- 

blent 


DANS  LTEMPIRE  0%  JAPON,  Liv.  IV.  471 

blent  à  celles  de  l'Ancolie.    Leur  goût  eft  un  peu  amer,  &  fort  aftringent. 
Cet  arbre  eft  confacré  aux  Idoles. 

Le  Fifakaki^  eft  un  arbrifleau  qui  reffemble  au  thé,  &  qui  en  a  les  feuil- 
les. Ses  fleurs ,  qui  croiflbnt  le  long  des  branches,  font  rouges,  à  cinq 
pétales,  &  en  forme  de  cloches.  Elles  font  place  à  des  bayes,  qu'on 
prendroit  pour  celles  du  genévrier,  &  qui  contiennent  plufieurs  femences 
dures.  Cette  plante  fe  cultive  pour  fa  beauté.  On  en  diftingue  une  efpè- 
ce,  dont  la  fleur  eft  blanche  ,  &  les  bayes  pleines  d'un  fuc  de  couleur 
pourpre. 

Le  SasjebUf  eft  un  arbrifleau  dont  la  6gure  &  les  feuilles  diff^èrent  peu 
de  celles  du  B'ifakaki.  Mais  les  fleurs  font  monopetales ,  de  figure  conique, 
de  la  grofl^ur  d'un  grain  d'orge,  blanches,  femées  le  long  des  petites  bran- 
ches ,  &  entremêlées  de  très-petites  feuilles.  Ses  bayes ,  qui  reflernblent 
allez  à  celles  du  raifin  des  bois,  font  de  couleur  purpurine,  fans  envelop- 
pe, groflfes  comme  un  grain  de  poivre,  d'un  goût  vineux,  &  renferment 
plufleurs  femences. 

VOkamni,  vu]gàiremenT.  Ifo-Fifakakl  ^  eft  un  arbrifleau ,  dont  les  rameaux 
font  droits ,  minces  &  en  grand  nombre.  Ses  feuilles  font  d'un  pouce  & 
demi  de  long,  ovales,  épaifles,  dures,  foiblement  dentelées,  &  quelque- 
fois recourbées.  Les  fleurs  qui  naiflent  des  aiflelles  des  feuilles,  deux  à 
.deux,  ou  trois  à  trois,  font  petites,  à  quatre  pétales ,  &  d'un  blanc  incar- 
nat ;  les  bayes  font  rondes ,  purpurines ,  pulpeufes ,  contenant  des  femences 
roufle&&  brillantes. 

Le  Sjiroggif  eft  un  arbrifleau,  dont  l'écorce  eft  raboteufe,  les  feuilles 
longues  de  trois  pouces ,  pointues  aux  deux  extrémités ,  fans  découpure.  Ses 
fleurs  placées  fur  des  pédicules  difpofés  en  ombelle ,  font  en  grand  nombre , 
petites  &  pentapetalcs.  Ses  bayes,  en  Hyver,  après  la  chute  des  feuilles, 
font  d'un  beau  rouge,  moins  grofles  qu'un  pois,  d'une  chair  blanche ,  pul- 
peufe  &  amère.  Ses  graines  font  triangulaires ,  &  de  la  grofleur  de  celles 
du  Carvi.  On  diftingue  un  autre  Sjiroggi ,  nommé  vulgairement  Namome , 
petit  arbre  dont  les  feuilles  font  creufes  dans  leur  longueur ,  recourbées ,  & 
très-legèrement  dentelées  à  leur  bord.  Ses  bayes  font  à-peuprès  de  la  grof- 
feur  d'une  cerife;  &  fes  femences,  qui  font  en  petit  nombre ,  de  celle  de 
la  graine  de  cumin. 

Le  Sinfatty  vulgairement  Mijamma-Skimari  (a),  eft  un  giand  arbre,  dont 
les  feuilles ,  difpofées  en  rond ,  autour  des  petites  branches ,  font  lon- 
gue? d'environ  trois  pouces,  épaifles,  pointues,  légèrement  ondées,  fans 
découpure  à  leur  bord ,  d'un  goût  de  Sagapenum ,  avec  une  chaleur  mor- 
dicante.  Ses  fleurs  font  à  quatre  &  cinq  pétales ,  petites  &  rougeâtres.  Ses 
bayes  ont  la  forme  d'une  poire  &  la  grofleur  de  celles  de  l'aube-épine,  ren- 
fermant quatre  femences  blanches,  fendues  en  deux,  &  femblables  à  celles 
de  l'oranger. 

Le  Come-Goomi,  vulgairement  MintoJ ,  eft  un  arbrifleau  qui  reflemble  au 
troefne ,  &  qui  a  l'apparence  du  buis.  Il  eft  haut  de  trois  pieds.  Ses  feuil- 
les font  ovales,  terminées  en  pointe,  ramaflTées  par  pacquets,  <&  fentent 

les 
(^a)Mi-Jamma,  fignifie  SaKWgtf,  ..    ■;*,    ;  i' "    --^^  ■ 


DSSCRTPTTOIV 

DU  Japon. 

LcFifakaki, 


LeSflsjcba. 


L'OknmnL 


LcSjiioggi,' 


Le  Sinfan. 


Le  Corne- 
Gooini, 


472 


VOYAGE 


K^  MPFÉR 


Description 
DU  Japon. 


T.e  Jamma- 
Go-Goinine. 


Pins. 
Le  Sjo. 


Le  Kenfin. 


LeSin. 


LcSui. 


LeJo,&le 

Mids-Janaji. 

Le  Koku  & 
le  Kcku. 


Le  Sin. 
Le  Sarfio. 


les  excrémens  humains.  Ses  fleurs  ont  la  figure  de  celles  du  jafmîn,  & 
font  découpées  en  long ,  avec  fix  ou  fept  lèvres ,  &  plus  même ,  fuivant  la 
bonté  du  terrêin.  Ses  fleurs  font  d'un  pourpre  foible,  &  entrelaffées  dans 
les  pacquets  de  feuilles. 

Le  Jamma- Go -Gomme,  efl:  un  arbrifleau  qui  croît  fur  les  montagnes, 
&  qui  efl  fort  branchu.  Ses  feuilles ,  femblables  à  celles  du  thé ,  font  op- 
pofées  entr'elles.  Ses  fleurs  font  petites,  purpurines,  &  découpées  en 
quatre  lèvres.  Ses  bayes  font  de  U  groffeur  de  la  coriandre,  &  renferment 
quatre  femences. 

L  E  Sjo ,  vulgairement  Maatz ,  efl:  le  nom  général  du  Pin.  On  en  diftin- 
gue  pluGeurs  efpèces ,  qui  tirent  leur  différence  du  nombre ,  de  la  fituation , 
&  de  la  figure  de  leurs  feuilles ,&  qui  fe  nomment,  Fusji-MaatZy  Aka-Maatz, 
0-Maatz,  Me-Maatz,  Gojmo- Maatz.    '"^^■^'"'^' 

Le  San,  vulgairement  Sfuji,  efl:  un  petit  Pin-Cyprès,  qui  produit  de  la 
refme,  &  dont  le  fruit  efl:  écailleux,  de  figure  fpherique,  &  de  la  grofleur 
d'une  prune.  Ses  femences  font  rares,  oblongues,  canelées  &  de  couleur 
rouge- baye. 

Le  Kenfin,  ouStn-Baku,  vulgairement  iOTff-5a^a,  (b),  efl:  un  arbre ,  qui 
s'élève  en  cône  comme  le  Cyprès,  à  la  hauteur  d'environ  trois  brafles,  & 
dont  les  feuilles  reflemblent  à  celles  du  Laurier-rofe.    Son  fruit  efl  oblong , 
partagé  en  deux ,  refifemblant  par  fa  partie  fupérieure  à  un  grain  de  poi-, 
vre ,  &  renfermant  un  noyau. 

Le  Sin,  vulgairement  i^bn-Mî*/ (c),  efl  un  grand  arbre  de  même  gen- 
re que  le  précédent,  &  dont  le  bois  efl:  fort  eftimé ,  pour  en  faire  des 
coffres  &  d'autres  vaifleaux ,  parcequ'il  efl  blanc ,  léger ,  à  l'épreuve  des 
vers  &  de  la  pourriture.  Il  rend  une  mauvaife  odeur,  lorfqu'il  efl  plon- 
gé dans  l'eau  chaude;  ce  qui  l'a  fait  nommer  aufli  KJà-Maki,  ou  Maki 
fétide. 

!^.E  Sui,  vulgairement  Sfi-No-Ki,  efl:  un  Hêtre  à  feuilles  de  frêne,  ou 
efpece  de  chêne,  dont  la  fleur  efl  hexapetale  &  ramaffée  en  épis.  Son 
fruit  eft  une  noix  renfermée  dans  une  coque  écailleufe,  garnie  de  pointes, 
&  de  la  groffeur  d'une  aveline. 

Le  Jo,  vulgairement  Janangs,  efl:  une  efpèce  de  Hêtre,  qui  fert  à  faire 
des  coffres;  peu  différent  d'un  autre,  qui  fe  nomme  Mids-Janaji, 

Le  Kas-No-Ki,  eft  proprement  le  Chêne  verd,  dont  les  Japonois  diftin- 
guent  deux  efpèces;  l'une,  nommée  Koku,  vulgairement  Kafjuwa,  Boku-Soku, 
&  Sjirakas,  dont  le  bois  eft  blanc:  l'autre,  qui  s'appelle  Reku,  vulgairement 
Kunugi,  Spira- Kuniigî ,  &  Akakas,  dont  le  bois  eft  rouflltre  &  fort  dur. 

Le  Sin,  vulgairement  Fafi-Bami,  &  Fa  ,  eft  une  efpèce  de  Coudrier, 
dont  le  fruit  eft  oblong  &fans  barbes. 

Le  Sarfio,  v\Ag2Î\x&mQnx.  Jus-No-Ki ,  qui  fignifie  Arbre  de  fer,  eH  un  ar- 
bre d'une  grandeur  extraordinaire,  dont  les  feuilles ,  alternativement  oppo- 
fées,  font  ovales,  pointues , longues  de  deux  pouces,  inégales,  dures,  épaif- 
fes,  &  fans  découpures.  Son  fruit,  qui  croît  fans  pédicule,  au  fommet 
des  petites  branches ,  eft  de  figure  conique.    Il  devient  ligneux,  en  fe  def- 

féchant, 
(ft)  Ime,  fignifie  faux,  (c)  F»n,  fignifie  trai. 


"*\ 


DANS  UEMPIRE  DU  JAPON,  Lïv.  IV. 


473 


f(échant,  &  fe  trouve  intérieurement  rongé,  comme  la  noix  de  galle.  Il  eil 
afTez  gros ,  dans  fa  fraîcheur,  pour  remplir  la  main.  Les  fmges  Taiment 
beaucoup  ,*  ce  que  le  nom  de  Sarfio  lignifie. 

Le  Tjio-Teij  vulgairement  Fimitz-Baki^  &  Fimeri-Baki,  efl:  un  Myrthe 
fauvage  à  longues  feuilles;  le  même,  fuivaat  Ksempfer,  que  le  myrthe 
commun  d'Italie  de  Gafpar  Bauhin. 

VOjOy  vulgairement  Tfuge ,  efl  un  grand  Buis  à  feuilles  ovales,  termi- 
nées en  pointe ,  &  un  peu  dentelées.  Ses  âeurs  font  blanches  ,  à  quatre 
pétales  ronds ,  garnies  d'un  calice,  &  de  la  grofTeur  d'une  graine  de  co- 
riandre. Ses  bayes  font  rondes,  couleur  de  pourpre  foncé,  renfermant 
deux ,  trois ,  ou  quatre  femences ,  qui  font  grofles  &  figurées  comme  cel- 
les du  carvi.  On  diflingue  unTfuge,  qui  elt  un  petit  Buis,  dont  le«  feuil- 
les fe  terminent  en  pointe  par  les  deux  extrémités. 

Le  Koo-Kûtz,  vulgairement  Ftraggi,  n'eft  pas  différent  de  nôtre  Houx 
commun. 

Le  Sankîra,  vulgairement  Quakerat  efl  le  Smikk  (d),  dont  la  racine, 
connue  par  fes  vertus,  eftgroÏÏe,  dure,  noueufe,  inégale  ,  garnie  de  lon- 
gues fibres,  rouge  ou  noire  en  dehors,  blanche  au  dedans  &  d'un  goût  fade. 
Cette  plante,  quand  elle  ne  trouve  rien  qui  la  foûtienne,  ne  s'élève  que 
d'une  ou  deux  coudées  :  mais  lorfqu'elle  rencontre  des  buiffons ,  elle  devient 
beaucoup  plus  haute.  Ses  branches  font  ligneufes ,  de  la  groffeur  d'un 
tuyau  d'orge,  d'un  rouge  brun  prés  de  terre,  garnies  de  nœuds  d'où  for- 
tent  deux  tendrons  femblables  à  ceux  de  la  vigne,  par  lefquels  la  plante 
s'attache  à  tout  ce  qu'elle  rencontre.  Les  feuilles,  qui  n'ont  prefque  point 
de  pédicules,  font  rondes,  terminées  par  une  pointe  courte ,  de  trois  pou- 
ces de  diamètre,  minces,  fans  découpures,  oc  d'un  verd  clair  des  deux 
côtés.  Sur  un  pédicule  très-mince ,  long  d'un  pouce  ,  font  difpofées  en 
ombelle ,  environ  dix  petites  fleurs ,  de  couleur  jaunâtre ,  de  la  groffeur  d'un 
grain  de  coriandre,  à  fix  pétales  &nx  étamines,  dont  la  pointe  efl  d'un  blanc 
qui  tire  fur  le  jaune.  Le  fommet  du  piflil ,  qui  occupe  le  milieu  de  la  fleur, 
efl  couleur  de  verd  de  Mer.  Après  la  fleur ,  il  vient  un  fruit ,  qui  a  peu  de 
chair,  &  qui  reffemble  à  la  cerife  par  fa  figure,  fa  groffeur  &  fa  couleur; 
■mais  il  eil  fec,  farineux,  &d'un  goût  audère.  Les  amenées  font  au  nom- 
bre de  quatre.,  cinq  ,  ou  fix ,  de  la  groffeur  d'une  lentille ,  en  forme  de  croif- 
fant  ;  noirâtres  en  dehors  lorfqu'elles  font  féches  ;  blanches  en  dedans  ;  d'u- 
jie  fubflance  très-dure.  Cette  plante  croît  abondamment  parmi  les  ronces 
&  les  fougères. 

Le  Si/b,  vulgairement  Murafakkiy  efl  une  plante  d'un  pied  de  haut,  dont 
la  racine  efl  très-fibreufe ,  la  tige  branchue ,  les  petits  rameaux  terminés  par 
un  épi  de  fleurs ,  les  feuilles  ovales,  pointues,  &  difpofées  en  rond  autour 
des  branches.    Cette  plante  fert  à  teindre  la  (oye  en  pourpre. 

Le  Fakkubukon^  vulgairement  Fekufo-Kadfuray  efl  une  plante  rampante, 
&  femblable  au  Liferon.  Sa  feuille  efl  longue  de  trois  pouces,  pointue, 
iigurée  en  cœur ,  &  fans  découpures.  Sa  fleur  efl  ramaffée  en  grappe ,  for- 
mée 

{d)  Kaeinpfer  le  définit,  Smilak  minus  ffinùfa,  fruUu  rubUundo  ,  radice  virtuofa,  Cbi- 
na  diSê. 

XI F.  Part,  Ooo 


Dcsearrrioir 
DU  Japon. 


LeTCo- 
Tei. 


L'Ojo. 


Le  Koo-Kptz. 

LeSankira. 


LeSifo. 


Le  Fakku- 
bukon. 


474 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


Le  Sans-Jo. 
Le  Kiro. 


DtscMYTioir  raée  en  tuyau,  &  partagée  en  cinq  lèvres,  rouge  en  dedans ,  blanchâtre  en 
DU  Japon,     dehors.    Son  fruit,  femblable  à  celui  du  Dulcamara,  efl  plein  d'un  fuc  très* 

fétide,  &  contient  un  petit  nombre  de  femences. 

LeMuiaCiki.      Le  •Murafaki  commun,  efl:  une  plante  à  tige  ronde,  dont  les  feuilles  font 

longues  de  deux  pouces,  rondes,  placées  une  à  une,  alternes,  épaifles,  poin> 

tues ,  &  fans  découpures.    Il  fort  de  leur  aiflelle  un  épi  de  fleurs ,  long  de 

e     quatre  doi|;ts;  &  ces  fleurs  font  éloignées  Tune  de  l'autre,  fans  pédicule, 

•    de  la  groffêur  d'une  graine  de  coriandre ,  couleur  de  pourpre  foible ,  à  qua- 

tre  ou  cinq  pétales.    Elles  ne  s'ouvrent  jamais. 

LeNin-Too.      Le  A7«-Tbc,  vulgairement  5Mf-if<«^a,  & Kin-Ginqua  (e) ,  efl:  lePericly- 

menum  commun  (/) ,  à  bayes  purpurines  ou  noires. 
Lt.'îenkoo.       Le  KenkoOy  vxxXgHaQmQm.  Sane-Kadfura ,  &  Oreni-Kad/wa ,  efl:  une  plante 

qui  entre  dans  ia  compofltion  du  Papier,  dont  il  fera  parlé  ci-defTous. 
LeKfe:.  Le  £/^if,  vulgairement  yoe/orii^f,  ell  un  Gui  à  bayes  rouges,  dont  les  feuil- 

les font  femblables  à  celles  du  Kenkoo,  &  viennent  une  à  une,  alternative- 
ment oppofées.  Le  nom  Japonois  fignifie  toute  plante  parafite,  &  par  ex- 
cellence le  Gui.  Kaempfer  n'en  vit ,  au  Japon ,  que  dans  un  Bois  de  Me- 
lefe,  delà  Province  de  Mkowa.  A\0  les  Payfans  de  ce  Canton  l'appel- 
lent-ils  Gom-MaaZy  c'efl:-à-dire.  Guide  Melefe. 

Le  Sans-jo,  vulgairement  Foo-Dfukki^  efl:  le  véritable  (^)  Alkekenjo. 
Le  KirOi  ou  Kirjo,  vulgairement  OmottOy  efl:  un  Pied  de  veau  qui  n'eft 
point  acre,  dont  la  feuille  efl:  grande,  &  reflemble  à  celles  du  lys.  Sa  raci- 
ne efl:  grofle  &  bngue ,  charnue,  fibreufe ,  un  peu  amère.  Ses  fruits  font 
rouges ,  de  la  g^oflfeur  &  de  la  figure  d'une  petite  cUve ,  &  d'un  très-mauvais 
goût.    Cet  aib.Vifli'eau  fert  à  garnir  les  murs  des  jardins. 

Le  Konjahi,  ouKufako^  vulgairement- Konjakf dama ,  efl:  un  DracunculuSy 
dont  la  tige  efl:  marquée  de  taches  vertes;  la  feuilJe  longue,  «&  partagée  en 
lobes  inégaux;  la  racine  longue,  chaude,  &  purgative. 

Le  NanfoOf  vulgairement  O/ôfii,  &  Dammakonjakf  (h) y  efl:  un  Dracuncu- 
lus  à  grandes  feuilles  pointues ,  dont  les  bayes  font  très-chaudes. 

Le  Deriy  ou.  Lootz iV\i\ga.irement  Sendam ,&  Kindeis ^  efl:  proprement  l'ar- 
bre que  nous  nommons  Azederacy  &  le  faux  Sycomore  de  Matniole.   "ffe"- 

Le  Kuroggi,  eft  un  grand  arbre  fauvage, à  feuilles  ovales,  terminées  en 
pointe,  longues  de  deux  pouces ,  &  légèrement  dentelées.  Ses  fleurs  font 
doubles,  d'un  jaune  pâle,  petites,  garnies  d'un  grand  nombre d'étamines, 
■qui  environnent  le  pifliil.  11  a  plufieurs  fleurs ,  fur  un  feul  pédicule.  Les 
pétales'  extérieurs  font  écaiileux  &  recourbés.  Ses  bayes  font  plus  grofles 
qu'un  pois ,  oblongues ,  charnues ,  &  purpurines. 
L'Akai-  V Akai-Sindjo ,  ou  SîndriOy  efl:  un  arbrifleau  d'une  coudée  de  hauteur,  qui 

,Sindjo.  poufle,  dès  fa  racine,  des  branches  garnies  de  feuilles,  &  alternes.    Ses 

bayes  font  rondes ,  un  peu  applaties ,  moins  grofl^es  qu'un  pois ,  de  couleur 
incarnate,  d'une  chair  molle  &  pleine  de  fuc,  avec  un  noyau  de  Ja  couleur 
&  de  la  grofleur  d'une  graine  de  coriandre. 

■   '"     -Vi'   'J    '■   -*••"■-•■'*■■••   '»<-~i-'.,'     ,.?-.  >y*^v''- ■»•-' 'iil*^,»^'  ,  ...m- .>-u  -;;,  .  Lè 

(e)  C'efl-à-dirc,  Fleur  d'or  £f  d'argent. 
(/  )  Autrement ,    Caprifolium   non   per/o- 
ratum. 


Le  Konjaku. 

Le  Nanfoo. 
Le  Don. 
Le  Kuroggi. 


(g)  Sûlanum  Feficarium. 
(b)  Les  Médecins  l'appellent 
Sk. 


Ten-Nan- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


475 


Le  Jefura,  eil  un  arbrifleau  d'environ  trois  coudées  de  haut,  qui  ref- 
femble  au  Philirrea.  Ses  feuilles  font  garnies  de  poils,  longues  de  trois  pou- 
ces, ovales,  terminées  par  une  pointe,  avec  un  bord  très  -  découpé.  Ses 
bayes  font  de  la  groifeur  d'un  pois ,  rouges  &  charnues. 

Lbf  Kotaif  vulgairement  Gommi  y  efl  un  Olivier  fauvage,  femblable  à 
rOlivier  de  Bohême,  &  qui  fleurit  au  Printems;  différent  du  Sitn-KotM, 
ou  Jkin-Gommif  qui  eft  un  Olivier  des  montagnes,  &  qui  fleurit  en 
Automne. 

Le  Midjikkij  vulgairement  Urne ' Madakker ^  eil  un  arbriffeau  à  feuilles 
de  prunier  fauvage.  Ses  bayes ,  qui  croiffent  en  très-petites  grappes  à  l'ex- 
trémité des  rameaux,  font  rouges,  de  la  grofleur  d'une  graine  de  coriandre, 
&  renferment  pludeurs  fwnences  ronfles  &  triangulaires. 

VAbrafin,&!t  un  arbre  de  médiocre  grandeur,  &  fort  touffu,  dont  le  bois 
reflemble  à  celui  du  faule.  Il  a  beaucoup  de  moelle.  Ses  feuilles  ont  de 
longs  pédicules ,  font  grandes,  &  reflemblent  à  celles  de  la  vigne,  ou  du 
platane.  Les  unes  font  entières ,  les  autres  profondément  découpées  en 
trois  parties ,  qui  fe  terminent  en  pointe.  Leur  bafe  efl  ronde ,  le  bord  lâ- 
che &  onde.  Les  extrémités  des  rameaux  font  garnies  de  longs  pédicules, 
partagés  en  deux,  ou  en  trois,  qui  portent  des  fleurs  blanches,  a  cinq  pé- 
tales, de  figure  ovale,  de  la  forme  &  de  la  grandeur  d'une  rofe.  Son  fruit 
efl  de  la  groifeur  d'une  aveline,  de  figure  pyramidale,  charnu,  mou,  & 
contient  des  femenccs  femblables  à  celles  du  Rkin(i),  defquelles  on  tire 
une  huile  pour  les  lampes. 

Le  lfaatzde,eiï  un  arbriffeau  à  feuilles  de  Ricin  commun.  Ses  fleurs  font 
blanches ,  à  cinq  pétales.  Ses  bayes  font  moins  groffes  qu'un  grain  de  poi- 
vre. Elles  ont ,  a  leur  fommet ,  une  efpèce  d'aigrette ,  formée  par  les  cinq 
ëtamines  de  la  fleur. 

Le  Fmua,  vulgairement  rooga^no,  ou  Karaji,ôc  Karagasju,  eft  le  Ricin 
commun  de  Gafpard  Bauhin. 

Le  Modoras,  efl  exaftement  ce  qu'on  nomme,  en  François,  Bonnet  de  Prê- 
tre (*);  &  l'^j  Kuroggiy  en  efl  une  autre  efpèce,  à  larges  feuilles. 

Le  ^iJi-Kingi,  eft  un  arbriffeau  qui  fe  cultive  dans  les  jardins,  &  dont 
le  fruit,  qui  efl  rouge,  &  de  la  grofleur  d'une  cerife ,  croît  en  grappe,  oii 
en  diftingue  une  autre  efpèce,  dont  les  jeunes  gens  attachent  les  fommités, 
par  galanterie ,  à  la  porte  de  leurs  MaîtreiTes. 

Le  Kuro-Ganni,  eft  un  arbre  dont  le  bois,  fui  vaut  la  fignification  de  fon 
nom ,  approche  de  la  dureté  du  fer.  Ses  feuilles ,  qui  font  fans  poils  & 
fans  découpure,  reffemblent  à  celles  du  Telephiura  commun.  Ses  bayes 
font  de  la  groflTeur  des  petites  prunes  fauvages.  On  en  diftingue  une  efpè- 
ce ,  qui  fe  nomme  Kuro-Kaku 

Le  Sidom,  vulgairement  Sidomi-Nottî ^  eft  un  arbriffeau ,  qui  par  fa  feuil- 
le &  fes  autres  apparences ,  reffemble  au  prunier  fauvage.  Sa  fleur  efl 
rouge,  à  cinq  pétales,  avec  un  calice  de  figure  conique,  duquel  il  fort, 
avant  la  chute  des  pétales ,  un  fruit  charnu. 

Le 

( i)  AMfTi  KxmpférVz't-ilnoïmaé,  Rieinus  jirboreut  ^Iceit. 
(fe)  CeitVEvonimus. 

OOO   2 


DeicRivTioii 

ou  JAtOK, 

Lejefura. 

LeKotai. 


Le  Midfikki. 


L'Abialin. 


Le  Jaatzde^ 

Le  Finua. 

LeModoras. 

LeNifî-Kingi. 


Le  Kuro- 
Ganni. 


LeSidom. 


47« 


VOYAGE    DE    K  JE  M  P  P  E  R 


DncRimoit 
ou  Japon. 

te  Tobira. 


LeKoquan. 
« 

Le  Quai. 

LeSokio. 

LeKakusju. 


Le  Scofi. 


Genévriers. 
Le  Moro. 
Le  Si-Moro. 


Le  Tobira  y  grand  arbrifTeau,  reiTemble  par  la  forme  au  cerifîer  (/);  d: 
fa  fleur ,  à  celle  de  l'oranger ,  avec  l'odeur  de  celle  du  Sagapenum.  Ses 
branches  font  longues ,  &  partagées ,  dans  un  même  endroit ,  en  plufîeurs 
rameaux.  Son  boisefl:  mou,  fa  moè'llâ  grafle,  Ton  écorce  raboteufe,  d'un 
veYdbrun,  grafle,  fe  féparant  aifément,  &  donnant  une  réiine  blanche  <& 
vifqueufe.  Ses  feuilles  ,  dont  le  pédicule  efl:  court,  font  difpofées  en  rond 
autour  des  petites-  branches.  Elles  font  longues  de  deux  ou  trois  pouces, 
fermes ,  grafles ,  étroites  par  le  bas ,  rondes ,  ou  ovales  à  l'extrémité ,  fans 
découpure,  &  d'un  verd  foncé  par  deifous.  Ses  fleurs,  dont  le  pédicule 
a  près  d'un  pouce  de  long ,  font  ramaffées  en  bouquets  à  l'extrémité  des  ra<* 
meaux,  &  fontparoitre  l'arbre,  au  mois  de  Mai,  comme  couvert  dénei- 
ge. Elles  font  à  cinq  pétales,  femblables,  en  figure  &  en  grandeur,  à  cel- 
les de  l'oranger,  &  cTune  odeur  très-agrdabie  j  avec  cinq  étamines ,  de  mê- 
me couleur  que  la  fleur,  mais  roulTes  à. leur  pointe,,  qui  efl  afTez  longue, & 
un  pidil  court.  Ses  fruits  font  parfaitement  ronds ,  plus  gros  qu'une  ceri- 
fe,  rouges,  marqués  de  trois  filions,  qui  en  Automne  deviennent  autant  de 
fentes  profondes ,  couverts  d'une  peau  forte,  bife  &.  grafTe.  Ses  femen- 
ces ,  au  nombre  de  trois ,  font  rouges ,  à  plufîeurs  angles  j  &  leur  fubflance 
intérieure  efl  blanche,  dure  &  d'une  odeur  très-fétide. 

Le  Koquatiy  vulgairement  A/i?//w-No-ifi ,  c'efl-à- dire ,  Arbre  qui  fommeilîe r 
efl  un  arbre,  d(rat  les  feuilles  leflèmblent  à  celles  de  l'Acacia,  &  dont  les 
gouffes  font  pendantes  ;  de-là  vient  ce  dernier  nom. 

Le  Quai  y  vulgairement  Jens^^  Quai-Kaku,eiï  un  arbre  dont  le  tronc  eft 
extrêmement  gros.  Ses  feuilles  font  garnies  de  quatre  lobes ,  &  Ces  gouffes 
articulées.  Kœmpfer  juge  que  c'efl:  le  Tamarin;  mais  il  eft  étranger,  rare^ 
&  prefque  flérile  au  Japon. 

Lr  Sokio,  eft  un  très-grand  arbre,  dont  les  feuilles  font  fort  longues,  & 
ont  plufîeurs  lobes.  Ses  branches  font  longues  &  minces.  Il  efl  étranger, 
comme  le  précédent,  &  prefque  flérile.  Kaerapfer  efl  porté  à  croire  que 
c'efl  l'arbre  de  la  Cafle. 

Le  KakusjUf  vulgairement  A'aœara-Z'î/àgï, ou -<^</j/fl,  efl  un  arbufle  à feuil^ 
les  de  fiardane ,  dont  la  fleur  efl  monopetale ,  les  filiques  longues  &.  menues , 
la  femence  petite,  en  forme  de  rein,  &  garnie  de  poils  aux  deux  extrêt 
mités.  Il  a  peu  de  branches  ;  mais-  elles  font  fort  longues.  Le  piflil  de 
fes  fleurs ,  qui  font  de  couleur  pâle ,  <&  d'une  odeur  afTez  douce ,  fe  change 
en  une  filique  pendante ,  ronde ,  &  greffe  comme  un  tuyau  d'avoine ,  dont 
on  fait  boire  la  décoflion  aux  Afmatiques.  Les  feuilles,  qui  ont  de  cha.- 
que  côté  deux  efpèces  d'oreillettes,  s'appliquent  fur  les  parties  douloureu» 
fes,  &  paffent  pour  être  amies  des  nerfs. 

Le  Scofî,  vulgairement  Kara-Maatz-Nomi ,  efl  une  Melefe,  dont  les 
fruits  ont  des  noyaux  de  figure  pyramidale.  Cet  arbre  quitte  fes  feuilles 
en  Hyver. 

,  Le  MorO'Unigy  ou  Ssnoro-Maafts ,  efl  un  grand  Genévrier ,  dont  les  bayes 
refTemblent  à  celles  de  la  Sabine.    Le  Si-Moro,  efl  un  Genévrier  barbu,  dont 

les 

(/)  Kxmpfer  le  définit, Frwtexi^rj^orftM,  Sagnpcni fatorit ,  flore  Mali  jiurmtid ,  fiuSu^t'. 
IjfptmOf  Ciraji  fade. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  477 

les  barbes  font  écailleufes,  &  les  fleurs  couleur  de  fafFran.  Ses  bayes, 
femblables  à  celles  de  la  Sabine,  font  à  pludeurs  angles.  Le  Nanqui-Sjugif 
efl  le  Genévrier  de  la  fiermude,  que  fa  beauté  fait  cultiver  avec  foin.  Le 
Jtmpak^  efl  un  Genévrier  en  arbre,  qui  a  l'apparence  du  cyprès,  &  oui  jet* 
te  une  très  mauvaife  odeur. 

Le  Quaii  vulgairement  Fi- A/b-^Tf,  ell  un  Cyprès,  rempli  d'un  fucgras, 
vifqueux ,  aromatique ,  de  l'odeur  du  genévrier.  Son  fruit  efl  de  la  grof- 
feur  d'un  pois,  avec  un  tubercule.  Nôtre  Cyprès  commun,  qui  croît  aufli 
au  Japon, :y  jette  par  fes  feuilles  une  odeur  balfamique  j  &  fon  fruit  contient 
cinq  femences,  femblables  au  grain  de  froment. 

Le  Tsjooy  vulgairement  7y?a,  efl;  un  Lierre,  qui  monte  &  s'étend  beau- 
coup, cjes  feuilles,  qui  reffemblent  à  celles  de  la  vigne,  tombent  chaque 
année.  Ses  bayes  font  oblongues  &  charnues.  Le  Fotogi-Tfta,  efl  le  Lierre 
commun,  qui  porte  des  bayes.  Vln-Sfia,  efl  le  Lierre  de  pierre,  ainfi  nom- 
mé parcequ'il  s'attache  aux  pierres.  Sa  racine  efl  ligneufe ,  &  fa  feuille 
femblable  à  celle  du  Lierre  nummulaire.  Il  fe  conferve  toujours  vcrd.  Le 
Tfia-Mongira,  efl  un  Lierre  qui  rampe  à  terre ,  &  dont  la  feuille  reffemble 
à  celle  de  la  petite  Nummulaire.  Le  Bot ,  vulgairement  Aviu-Kadfira ,  efl 
un  grand  Lierre  flérile.  Le  Feitori-K/a^  efl  un  Lierre  de  terre  des  mon- 
tagnes ,  à  fleurs  tachetées  en^  dedans.  Le  Teka-Radfura ,  en  efl  un  autre ,  à 
feuille  oblongue,  d'un  verd  obfcur.  Il  reffemble  au  Lierre  arbre.  Le5a- 
kufetZt  vulgairement  Kakidoro^  efl  une  plante  rampante,  fort  femblable  au- 
Lierre.  Ses  fleurs  naiffent  parmi  les  feuilles  ,  dèb  le  bas  de  fa  tige.  El- 
les font  couleur  de  pourpre  ,  à  fix  pétales.  Ses  femences  font  rondes ,  un 
peu  applaties. 

Le  Fakkona-Kfa y  efl  un  Capillaire  célèbre,  qui  naît  fur  la  montagne 
de  Fakkona,  &  qui  ferc  aux  ufages  de  la  Médecine.  Il  efl  à  feuilles  de 
coriandre. 

Le  Sin-SiooSy  vulgairement  jPtru-Mu^ro,  efl  un  Epi  d'eau,  à  feuilles  de 
lys  des  vallées. 

Le  Fibi,  efl  proprement  la  petite  Lonchytis  âpre.  Mais  on  en  diflingue 
une  autre,  à  feuilles  frifées  du  Polypode. 

Le  Dsjemmai,:  efl  une  Phyllitis  a  feuilles  branchues,  dont  la  racine  fe 
mange. 

Le  Secki-Ji^  vulgairement  Ja'osanokawa ^  efl  une  Hermionite  pierreufe, 
à  feuille  fimple ,  oblongue ,  affez  grande ,  fort  large  à  fa  racine ,  &  fe  re- 
tréciffant  jufqu'à  prendre  la  forme  d'un  épieu  pointu. 

Le  Tijo,  vulgairement  5/ïVo,  efl  un  Chanvre  blanc,  ou  plutôt,  n'efl 
que  la  grande  ortie  commune,  qui  fleurit  au  Printems:  mais  fa  tige  a  des 
fils ,  propres  à  faire  de  la  toile.  Sa  femence  efl  d'un  goût  très-âcre,.  &  l'on 
en  tire  une  huile  cauflique. 

Le  Rio,  vulgairement  Tai^,  efl  la  Perficaire  acre  &  brûlante,  nommée 
autrement  Curage^  ou  Poivre  d'eau.  Ses  feuilles  tiennent  lieu  de  poivre ,  aux 
Japonois. 

Le  KoOy  Ke-Tade ,  &  Inu-Tade ,  efl  une  autre  Perficaire,  dont  la  tige  efl 
garnie  de  poils,,  haute  de  quatre  pieds ,  divifée  par  articulations,  &  parta.- 

Ooo  3  gée,. 


DlSClIPTIOir 

uu  Japon. 
Le  Sfug't. 
Le  Jeinpak. 

Le  Quai. 


Pluficurs 
fortes  de  Lier- 


res. 


Le  FakkO" 
na-Kfa. 


LeSin-Sioos. 

LeFibi. 
Le  Dsjeramai, 

LeSecki-Ji. 

Le  Tsjo» 

Le  Rio. 
Le  Koo^ 


478 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


Description 
DU  Japoi». 

Le  Kecquan- 
Mokf. 

Le  Sio  & 
Sansjo,  Poi- 
vrier du  Ja- 
pon. 


LcBaibokf. 


Le  Kioh. 


L'Asjebo. 


L'Ibutta,  & 
autres  petites 
plantes. 


gée,  à  ronfommet,  enplufieurs  épis  de  fleurs  incarnates.     Sa  feuille  eft 
grande,  terminée  en  pointe,  &  fans  découpure. 

Le  kecquan- Mokf  j  vulgairement  Kaidcy  elb  un  Erable,  dont  les  feuilles 
font  petites ,  &  variées  de  pourpre  &  de  jaune. 

Lb  Sio  &  Sansjo  ^  v\i\g3iirQment  Naru-Fatji-Kami ,  ouKawa-FaJi-Kamiyeîi 
proprement  le  Poivrier  du  Japon.  Ce  célèbre  arbrifleau  s'élève  d'environ 
deux  toifes.  Son  écorce  ellgraiTe,  de  couleur  tannée ,  garnie  de  tubercu- 
les,  &  de  quelques  pointes  d'un  demi  pouce  de  long.  Son  bois  ell  léger, 
foible,  &  fort  moelleux.  Ses  feuilles,  dont  le  pédicule  ed  très<çourt,  font 
en  forme  d'aîles ,  l'une  vis-à-vis  de  l'autre ,  longues  de  quatre  à  cinq  tra> 
vers  de  doigt,  femblables,  en  partie,  à  celles  du  frêne ,  ovales,  d'un  verd 
agréable ,  avec  un  bord  un  peu  canelé ,  &  une  côte  tendre ,  qui  les  traver- 
fe  dans  Jeur  longueur  d  un  bout  à  l'autre.  Ses  fleurs,  qui  font  d'une  figure 
à-peu-près  ronde,  &  delà  grofleur  d'un  grain  de  coriandre,  nailFent  aux 
aiUelles  des  feuilles ,  &  au  bout  des  petits  rameaux.  Elles  ont  fept  à  huit 
pétales,  &  autant  d'étamines,  dont  le  fommet  efl  rond  &  jaune.  Après 
la  chute  de  la  fleur,  il  paroît  une  ou  deux  capfules  feminales,  de  la  grof- 
feur  d'un  grain  de  poivre,  membraneufes,  couvertes  d'un  grand  nombre 
de  petits  tubercules ,  rouflatres  dans  leur  maturité ,  dures,  &  qui  s'ouvrent 
pour  lailFer  fortir  une  feule  femence,  ovale,  un  peu  dure,  de  la  grofleur 
d'un  grain  de  cardamome,  couverte  d'une  peau  noire  âc  brillante ,  fans  fa- 
veur, mais  feulement  un  peu  chaude.  Cet  arbriffeau  a,  dans  toutes  fei 
parties,  mais  principalement  dans  fon  écorce,  fes  feuilles  &  fon  fruit,  un 
goût  de  poivre,  &  de  Pyrethre  brûlant  &  aromatique.  Ses  feuilles  nou* 
velles,  Ion  écorce  féche,  &  fur-tout  fes  capfules  feminales,  s'employent 
dans  les  alimens  au-lieu  de  poivre  &  de  gingembre,  comme  celles  du  Riches ^ 
autre  arbre  aromatique  qui  croît  dans  ces  Ifles.  Les  Médecins  pilent  les 
feuilles,  dont  ils  font,  avec  de  la  farine  de  riz,  un  cataplafme  réfolutif, 
pour  les  parties;  attaquées  de  fluxions  douloureufes.  Il  y  a  un  Sjo,  ou  Sansjo 
fauvage,  qui  a  une  partie  des  mêmes  vertus.  Le  Bansja,  vulgairement 
Toogaras ,  eft  le  Poivrier  commun  des  Indes. 

Le  Baibokff  vulgairement  Fuji^  efl:  un  arbre  des  montagnes  ,  qui  a  de 
grandes  &  belles  feuilles.  Ses  fleurs  font  petites,  blanches,  à  cinq  pé- 
tales ,  &  ramaflTées  à  l'extrémité  des  rameaux  en  épi  de  forme  conique. 
Ses  feuilles  jettent  des  excrefcences ,  qui  tiennent  lieu  de  noix  de  galle 
aux  Japonois. 

Le  Kiob^  vulgairement  JD^ra,  efl:  un  grand  arbriffeau  fauvage,  hérifTé 
d'épines,  dont  les  feuilles  font  grandes,  terminées  en  pointe ,  &  finement 
dentelées.  Ses  fleurs  font  blanchâtres  ,  à  cinq  pétales,  &  difpofées  en 
ombelle.    Sa  femence  reflemble  à  celle  du  lin. 

VAsjebo,  efl  un  autre  arbriffeau,  d'une  coudée  de  haut,  &  dont  les  bran- 
ches font  très-flexibles ,  les  feuilles  étroites ,  fans  découpure,  d'un  goût  amer 
&  flyptique.  Leur  décoûion  fait  mourir  les  mouches  &  les  vers.  Ses  fleurs 
font  monopetales,  &  très-blanches. 

Vlbutta ,  efl  un  arbriffeau  qui  a  les  feuilles  &  l'apparence  du  prunier  fau- 
vage, la  fleur  blanche  &  femblable  à  celle  du  troefne.    Le  Taku/tt/u^  vul- 
gaire- 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


479 


galrement  Totaigufat  efl  la  petite  Ejule  commune.    Le  Fan-Ru ^  vulgaire-  DiscRrpTrojf 
ment  Fa-Kobiy  eft  la  Morgeline  commune.    Le  Mundo,  vulgairement  ^a-    ou  Japok. 
mafujey  eftlaBentite  commune.    Le  Kakkot  \\x\gi\itm&itUtfu-Bogufayt(i 
la  grande  Brunelle,  fans  découpure.    Le  Gai^  vulgairement  Jamogi^  eft  la 

Î;rande  Armoife  commune,  qui  fe nomme  FutZt  dans  fa  jeunefle,  &  dont 
es  feuilles  fervent  au  Moxa,  fameux  remède  qu'on  a  déjà  décrit.  LeKoo, 
eft  l'Armoife  à  petites  feuilles.  Vlntsjirit  vulgairement  Fki-Jamogi^  eft  VA- 
hrotanum,  ou  l'Aurore  mâle  des  champs.  Le  Ba,  vulgairement  Jjfa^  eft  un  - 
Chanvre  qui  fe  feme..  Le  A^^i,  eft  un  Chardon  des  près  à  larges  feuilles. 
LeKeif  vulgairement  i^^o/à »  eft  l'Acroche  des  Bois,  a  grandes  découpures. 
Le  Seit  vulgairement  Nadnuja  ,  eft  le  Tabouret,  dont  les  feuilles  font  aufli 
fort  découpées. 

Le  TeffiOy  vulgairement  Sotitst ,  Se  Sotktz y  eft  refpèce  de  Palmier,  dont 
on  fait  le  Sagu.  On  prétend  que  Thumidité  fait,  fur  fon  bois,  le  même  ef- 
fet que  le  feu  fait  fur  le  parchemin:  qu'on  lui  met,  au  pied,  de  la  limaille 
de  fer  au-lieu  de  fumier,  &  que  lorfqu'une  de  fes  branches  fe  cafTe,  on  l'at- 
tache au  tronc,  avec  un  clou,  pour  la  faire  reprendre.  Le  Sjuro,  ouSo- 
dio ,  approche  beaucoup  du  Palmier  des  montagnes  de  Malabar  y  mais  il  eft 
ftérile  au  Japon.  Le  Soo-TJikUyen  eft  une  petite  efpèce ,  dont  les  feuilles  font 
pointues  comme  celles  du  rofeaiu 

Le  Rotjiku,  vulgairement  Naio-Dacke y  eft  le  Rofeau  amer  des  Indes, qui 
forme  une  efpèce  d'arbriiFeau.    L'amertume  eft  dans  fa  racine.     Le  Futjikuy 
VMlgûrexaent  Fuiamma-Tacke y  c'eft-à-dire,  Rofeau  fourchu ^  eft  un  arbrifTeau 
^ont  la  tige  forme  deux  fourches.    Le  SJi-TJikuy  eft  encore  un  rofeau,  qui 
croît  en  arbriiTeau,  &  dont  la  tige  eft  d'un  noir  purpurin,  mince,  bien 
remplie.     Ses  feuilles  font  larges ,  courtes  »  pendantes  oc  pliées.     Le  ICaan- 
fia ,  vulgairement  Satto-Dacke ,  eft  une  canne  de  fucre ,  rare  au  Japon ,  & 
cultivée  feulement  par  les  Curieux,     i^e  DfOy  vulgairement  Safa ,  eft  un  petit 
Tofeau  bas,  à  feuilles  étroites;  ou  plutôt  un  petit  arbriifeau  à  feuilles  de  ro- 
feau.   Le  Come-Safa^  en  eft  une  autre  efpèce,  dont  les  feuilles  font  cane- 
lées  &  plus  larges.    Le  Fackona-Safay  eft  le  même,  avec  cette  différence, 
que  fes  feuilles  ont  le  bord  &  le  nerf  du  milieu  d'un  très-beau  blanc     Le 
Fukuy  valgaitemenz  Tfikkujitz y  eft  un  petit  rofeau  branchu ,  en  arbufte,dont 
on  diftingue  plufieurs  efpèces.   L'/,  vulgairement  Ajjty  &  yujjty  eft  le  Jonc 
commun  des  marais  du  Japon.     Ses  feuilles  font  larges ,  fes  tuykux  fermes , 
&  Kaempfer  croit  qu'on  en  fait  des  pinceaux  pour  écrire.    Le  Fo,  vulgaire- 
ment Kamenay  eft  le  Souchet  des  marais.    Le  Ktny  vulgairement  Sikijo^  eft 
une  efpèce  de  jonc  mince ,  uni ,  long ,  qu'on  cultive  dans  des  plaines  humi- 
des, à  la  manière  du  riz ,  pour  en  faire  des  nattes,  qui  fervent  à  couvrir  le 
pavé  des  chambres.    Le  Sju ,  eft  un  jonc  des  marais ,  à  fteurs  de  lys ,  que  ià 
beauté  fait  cultiver  dans  les  jardins.    On  en  diftingue  trois  autres  efpèces, 
qui  ne  diffèrent  que  par  la  gr^ideur  des  feuilles.    Le  SetZy  vulgairement 
SugCy  eft  une  herbe  des  marais,  à  feuilles  de  jonc,  courtes  &  roides.     On 
fes  blanchit,  pour  en  faire  de  très-beaux  cliapeaux,  dont  les  femmes  fe  cou-    = 
vrent  la  tête  à  la  promenade. 
Le  Kjooy  vulgairement  Âjajay  eft  une, efpèce  de  Nénuphar,  à  fieuilles    Ncnuphars, 

de 


Palmiers  du 
Japon. 
Le  Telîio. 


Le  Sjuro, 
Le  Soo-Tfikiu 

Divers  Ro- 

fcuux  &  Junt». 


LeNaanfij, 
canne  de  fu- 
ae  du  Japon. 


480 


.VOYAGE    DE    K^MPFER 


DEfcnwTiOH 
ou  Japon. 

Lentilles. 

I.c  Kants- 
joor ,  ou  le 
Wanhom , 
cfpèce  de 
Plantain. 


Arbres 
odoriférans. 
Le  Sin-koo. 


LeSindant. 

Le  Bafo. 
LeTobé. 

LeTambre- 
Noki. 


Le  Tamu- 
ÏTo-Ki. 


LcTaabL 


dcThora.  Le  Ken,  vulgairement  Midfubakif  en  eft  une  autre  elbéce,  à 
feuilles  de  Popuiago.  Le  Fét  vulgairement  Ukingufat  e(l  la  Lentille  com> 
mune  des  marais.    On  en  didingue  une  autre,  qui  a  les  feuilles  quarrées. 

Le  Wanhom ^  efl:  une  plante  Siamoife,  dont  Ksempfer  croit  avoir  en< 
richi  le  Japon ,  &  qu'il  y  cultiva  du  moins  avec  fuccés.  C'efl:  une  for- 
te de  Plantain,  dont  la  fleur  e(l  blanche,  à  fix  pétales,  femblable  à  celle 
de  rOrchis,  &  qui  dure  fort  peu.  On  attribue,  à  fa  racine,  la  vertu  de 
defobflruer  les  Hypocondres,  d'échauffer  l'eflomac ,  de  difliper  les  vents, 
dé  guérir  les  tranchées ,  de  fortifier  les  vifcères  &  le  genre  nerveux.  Elle 
porte  le  nom  de  Wanhom  parmi  les  Siamois ,  qui  la  cultivent  foigneufe- 
ment;  mais  les  Etrangers  la  nomment  Kantsjoor. 

L  E  Sin-koo ,  vulgairement  Kawo-Riki ,  efl  un  arbre  odoriférant ,  que  Kaemp- 
fer  prend  pour  l'Aquila ,  ou  Bois  d'Aigle,  cfoèce  d'Aloë,  &  dont  il  croit 
que  ce  font  les  morceaux  les  plus  réfmeux  ,  <x  par  conféquenc  ceux  qui  ont 
le  plus  d'odeur,  auxquels  on  donne  le  nom  de  Caiamba.  Son  tronc,  dit-il, 
efl  haut  d'une  coudée,  droit,  .nince,  d'un  verd  agréable ,  garni  de  feuilles 
dès  le  bas,  couvert  de  poil,  &.  fe  partageant  en  deux  branches.  Ses 
feuilles  naifTent  une  à  une,  éloignées  d'un  pouce  entr'elles,  femblables  à 
celles  du  pécher,  d'un  verd  brillant  &  vif  de  chaque  côté,  fans  découpu- 
re ;  mais  avec  un  gros  nerf  qui  règne  au  milieu  fur  le  dos ,  dans  toute  leur 
longueur,  &  qui  couvre ,  des  deux  côtés ,  quantité  de  petits  rameaux  fins ,  & 
prefqu'imperceptibles.  Cette  defcription  efl  d'autant  plus  curieufe,  qu'on 
n'avoit  qu'une  connoiffance  imparfaite  de  cet  arbre.  On  favoit  feulement , 
comme  fobferve  aufli  Kaempfer,  qu'il  ne  fe  trouve  que  dans  les  endroits 
les  plus  reculés  des  bois  &  des  montagnes.  Suivant  le  rapport  des  Japo- 
nois  &  des  Siamois ,  il  n'acquiert  l'odeur  qui  le  rend  fi  précieux,  que  lorf- 
qu'il  efl  tout-à-fait  vieux. 

Le  Sinâanty  vulgairement  TaukOy  &  Bjaddon,  efl  l'arbre  de  Sandal  du  Ja- 
pon. 11  ne  s'y  trouve  que  fur  les  plus  hautes  montagnes  du  Bungo.  Le 
Bafo^  qui  eflleAfu/a,  nommé  Pifang  par  les  Indiens ,  efl  rare  &  flérile  au 
Japon.  Lq  Tobé^  ou  KarakatZj  efl  le  5awiflc*  des  Arabes ,  &  \eRoux,  ou 
Rhus,  à  feuilles  d'orme,  deBauhin.  Le  Tambre-Noki ,  efl  un  Laurier  fau» 
vage,  de  la  grandeur  du  Camphrier;  de  fes  bayes,  couleur  de  pourpre 
noir ,  &  plus  grofTes  qu'un  pois ,  on  tire  une  huile  pour  les  lampes.  L'écor- 
ce  en  poudte ,  mêlée  avec  des  Aromates ,  fert  à  faire  de  petits  bâtons  parfu- 
més, qui  fe  nomment  Sencos.  Les  Prêtres  en  brûlent  fur  les  Autels  de  leurs 
Dieux  ;  &  les  Chirurgiens ,  qui  appliquent  le  Cautère  Moxa ,  les  employent 
pour  y  mettre  le  feu. 

Le  Tamu-No-Ki,  efl  un  arbre,  dont  les  feuilles  font  droites,  ferrées  & 
d'une  beauté  bizarre.  Ses  feuilles  font  deux  à  deux,  arides,  oblongues, 
pointues  par  les  deux  bouts,  d'un  verd  brillant  d'un  côté,  &  blanchâtre  de 
l'autre.  Ses  fleurs,  à  fix  pétales,  font  d'un  verd  jaunâtre,  fbûtenues  par 
un  calice  découpé  en  fix. 

i,  Le  Taabiy  efl  un  arbre  dont  les  feuilles  font  grandes,  dentelées,  &  les 
rameaux  garnis  d'un  épi  de  fleurs ,  long  de  trois  pouces ,  avec  plufieurs  gouf- 
ies  g  leur  çxtrêmité. 

Le 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


4Sc 


Le  Too-Scli 

Le  Taamu- 

Sjibutta. 

Le  Mante. 


Le  Rcngj*. 


Le  Ko-Gom- 
mi. 


Le  Too-Seit  eftun  arbre  de  grandeur  médiocre,  dont  les  branches  font  DMcnrmow 
fort  tortueufes ,  Ôc  fort  garnies  de  feuilles  ovales ,  rudes ,  fans  découpure.    °"  J*'*"* 
On  pile  fon  écorce,  pour  en  faire  de  la  glu. 

Le  Taamo-Sjibatta,  cfl:  un  arbrifleau  dont  la  fleur  eften  forme  de  lys,& 
dont  les  feuilles  reilemblent  à  celles  du  laurier. 

Le  Marne  y  ou  Mamehs^  eft  un  arbrilTeau  dont  les  branches  font  longues 
&  droites ,  le  bois  dur,  mais  léger,  jaunâtre  &  plein  de  moelle.  Ses  feuiU 
les  relTemblent  à  celles  du  cerilier.  Ses  fleurs  font  blanches,  pendantes, 
fans  pédicules,  ofLlinairemcnt  à  huit  pétales,  qui  font  joints  en  forme  de  cIo< 
che,  &  de  longueur  inégale. 

L  B  Rengjo ,  eit  un  arbriifeau ,  qui  jette  des  branches  dès  le  bas ,  &  dont 
l'écorce  elV  couverte  de  tubercules.  Ses  fleurs  font  jaunes,  tendres,  en 
forme  de  cloche,  découpée»  jufqu'au-delà  du  milieu,  &  rayées  de  rouge 
en  dedans.  Le  Ko-Gommi^  ell  un  autre  arbrifleau,  qui  n'a  pas  une  braf- 
fe  de  haut,  dont  les  feuilles  font  étroites  &  couleur  de  verd  de  gris; 
les  fleurs  blanches ,  fans  odeur ,  à  cinq  pétales ,  ramaflees  en  bouquets , 
&  environnées  de  cinq  ou  fix  petites  feuilles.  Le  Ko  -  Gommt  -  Sakira ,  en 
efl:  une  efpèce ,  dont  la  fleur  ell  blanche  &  pleine ,  femblable  à  une  belle 
marguerite. 

Le  Rju^  vulgairement /^u%f,  efl:  un  arbre  qui  approche  du  faule,  du 
moins  par  fes  feuilles.    Le  Kav3a-Janogî ,  efl:  un  petit  faule  noirâtre ,  dont  , 
les  chatons  font  garnis  d'un  duvet,  qui  fert  de  bourre  aux  Japonois.     Le  ^ 
Kurû-Nosji ,  efl  un  arbrifl'eau  des  montagnes ,  qui  efl  de  la  hauteur  d'un  hom- 
me, mais  qui  a  peu  de  branches,  &  la  feuille  du  faule.     Ses  fleurs  font  pe- 
tites ,  à  cinq  pétales ,  &  d'un  verd  mêlé  de  jaune. 

Lb  Magubi^tiii  un  arbrifleau  de  grande  hauteur ,  garni  de  nœuds ,  &  dont 
l'écorce  eft  d'un  verd  brillant.     Ses  feuilles  croiflent  trois  à  trois. 

Le  Sapin  &  le  Cyprès  font  les  arbres  les  plus  communs  dans  les  Bois  & 
les  Forêts  de  toutes  ces  Ifles.  On  en  conftruit  les  Maifons  &  les  Vaifleaux. 
On  en  tait  des  cabinets,  des  co fixes,  desboëtes  &  des  cuves.  Les  bran- 
ches fervent  de  bois  de  chauffage.  D'ailleurs,  comme  tous  les  chemins 
font  bordés  de  ces  arbres ,  &  qu'on  en  plante  dans  les  lieux  fabloneux ,  donc 
on  n'a  pas  d'autre  avantage  à  tirer ,  le  Peuple  en  ramafl'e  foigneufement  les 
feuilles ,  avec  la  double  utilité  de  tenir  ks  chemins  fort  nets ,  &  d'a- 
voir abondamment  de  quoi  fe  chauffer.  Il  n'eft  permis  à  perfonne  de 
couper  un  fapin,  ni  un  cyprès,  fans  la  participation  du  Magiftrat;  &  ceux 
même ,  à  qui  cette  grâce  eft  accordée ,  doivent  toujours  en  replanter 
■  de  jeunes  à  la  place;  mais  cet  ordre  eft  mal  obfervé  dans  les  Provinces 
éloignées. 

Le  Bambou  eft  très-commun  au  Japon,  &  d'un  aufli  grand  ufage  que 
dans  tour.es  les  Indes.  Il  fe  nomme  Tjiku ,  vulgairement  Taïke ,  &  t'atsktt.  On 
en  fait  plufieurs  fortes  de  meubles,  des  paniers,  des  allumettes,  &  jufqu'à 
des  gouttières  &  des  murailles.  La  Province  éCOomi  produit  une  efpèce  de 
bambous ,  dont  les  Hollandois  tranfportent  les  racines ,  fous  le  nom  de  Rot- 
tangf  ou  Rattang,  &  qu'ils  vendent  pour  des  cannes  à  marcher.  On  a  lu, 
dans  le  Journal  de  Kaempfer,  quelle  en  eft  la  préparation.  Les  rejetions  de 
ces  racines  fe  confifent  avec  I&  vinaigre,  le  fel,  l'ail  &  le  poivre.  La  ver- 
^IF.  Part.  •  Ppp  dure 


Le  Rjn. 

Le  Kawa- 
anogi. 

l-c  Kuro- 
Nosji. 


Le  Magubi. 

Sapins  & 
Cyprès. 


Bambou. 


Rouan  g. 


492 


VOYAGE    DE     KJEMPFER 


DescRirrroN 

AujArON. 


Finoki. 
Suggi. 

Kfamaki, 

Sfinoki. 

Jufnoki. 

Fatznoki. 


dure  perpétuelle  du  fapin  &  du  bambou  attire,  à  ces  deux  apbre«,un  refpe£t 
qiû  va  jufqu'à  leur  attribuer  de  l'inBuence  fur  le  bonheur  de  la  vie  humai- 
ne. ^  On  en  orne  les  Temples  &  les  autres  Lieux  laints ,  particulièrement 
aux  Jours  de  fête  âc  de  réjouiflance.  Les  Orateurs  <Sc  les  Poè'tes  font  des 
alludons  ingcnieufes  à  leurs  propriétés.  Ils  prétendent  aue  le  bambou  vit 
plufieurs  centaines  d'années  ;  &  que  le  fapin  parvient  à  1  âge  de  mille  ans , 
après  lefquels  Tes  branches  fe  courbent  d'elles-mêmes  vers  la  terre ,  parceque 
dans  cette  extrême  vieillefTe,  la  force  lui  manque  pour  les  foûtenir  plus 
long-tems.  Ktcmpfer  avoue  qu'il  a  vu  des  fapins  &  des  bambous  d'une  grof- 
feur  prodigieufe  (m). 

Le  Finoki  y  &  le  Suggi, font  deux  fortes  de  Cyprès,  dont  le  bois,  quoique 
léger  &  blanchâtre,  eft  d'une  fi  bonne  fubftance,  qu'il  ne  prend  jamais 
l'eau.  Le  KJamaAi,  le  Sfinoki  ^  efpéce  deChâne,  &  le  yuf'No-Kx^  ou  l'arbre 
de  fer,  qui  tire  ce  nom  de  la  dureté  extraordinaire  de  Ion  bois,  font  des 
arbres  très-communs ,  dont  la  plupart  des  maifons  font  bâties.  On  a  déjà 
remarqué  que  le  Fatznoki ,  autre  arbre  qui  croît  aux  environs  de  la  Ville  de 
Jeferij  &  fa  racine  du  Camphrier,  foumiHent  le  meilleur  bois  &  le  plus 
rare  pour  les  cabinets,  les  bureaux  &  d'autres  ouvrages  de  cette  nature. 
Leurs  veines  font  d'une  rare  beauté.  Kîempfer  ne  parle  point  des  Cèdres  ; 
quoiqu'on  fâche  par  fon  propre  témoignage,  comme  par  celui  de  tous  les 
autres  Voyageurs ,  qu'ils  font  en  abondance  au  Japon. 

Les  Japonois  cultivent  autant  de  Chanvre  &  de  Cocon ,  qu'ils  peuvent  mé- 
nager  de  terrain  pour  ces  plantes.  Le  TJjo^  vulgairement  SijroyOw  le  Chan- 
vre fauvage ,  croît  abcmdamment  dans  la  plupart  des  lieux  incultes.  On  en  fait 
toutes  fortes  d'étoffes,  fines  &ffrofl]ères.  La  femencede  plufieurs  plantes  pro- 
duit une  huile,  qui  a  diver»  ufages,  dans  la  Médecine  &  pour  les  befoins 
,  domeftiaues.     Telle  efl:  celle  du  /rtri,  dont  Je  Dairi  porte  la  feuille  dans  fe» 

Armes  (n).  VAbrafin^  dont  on  tire  une  huile  pour  les  lampes.  On  compte 
encore,  parmi  les  plantes  huileufes,  YAfadiracht  d'Avicennc,-  Ylfubaki^  VU- 
rufii  X^Faafi^  &  le  Kaimki,  dont  on  a  déjà  parlé;  rarbrifTeau  qui  porte  le 
coton;  le  Sefamé  de  deux  elpèces,  donc  les  femences  font  blanches  & 
noires.  De  toutes  les  huiles  qu'on  tire  de  la  femence  de  ces  plantes ,  cel> 
les  du  Sefame  &  du  Kiri  font  les  feules  qui  fervenc  à  l'apprêt  des  viandes. 
Mais,  en  général,  les  Japonois  font  entrer  peu  d'huile  &  de  beurre  dans  ^ 
leurs  alimens  (o).  _^        ,„,    . .  ^' 

(m)  Kaempfer,  ubifuprà,  pag.  187.  (n)  Jnmimts  ixttiea,  pag.  9$»- 

(0)  Lemême,  Tom.  I.  pag.  190.      ,  .     ,., 

r  .       §.     XIV.  • 

Grains,  Légumes,  Courges,  Mehns,  Concombres,  Racines  y  Herbes  potagères , 

Champignons  ,MouJJes ,  Se. 

.  '    ■       .      '   ,  ■  \  UT-'  •  ■  "•  :  ,   !.  •■  ■   . 

Acricwlture  TT  -^mpfer  doute  qu'il  y  aît  quelque  Pays  au  Monde,  où  Ton  entende 
JV.  fi  bien  l'Agriculture  ;  ce  qu'il  attribue  d'un  côté  à  la  multitude  de» 
Habicans,  &  de  l'autre  au  déffaut  de  commerce  ^de  communicatioQ  avec 

les 


Chanvre  & 
Coton. 


Plantes 
huileufes. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


483 


lei  Etrangers ,  qui  les  met  dans  la  néceflîté  de  pourvoir  à  leurs  befoins  par  DEîcnrpTio.t 
leur  propre  travail.     „  Il  n'y  -  -        '-  "     ' '-■'^-    '"^  '^'"""'- 


n 

»> 

>» 


Engrald 
terres. 


Jet 


[.oix  cioc 
récoltes. 


a  pas,  dK-il,  un  pouce  de  terre  en  friche  ""  J^»''*»"*' 
au  Japon.  Non-feuLment  le  plat -pays,  qu'on  n'employé  jamais  en  pâ- 
turages, mais  les  montagnes  les  plus  hautes  produifent  ou  bled,  du  riz^ 
des  légumes,  &  une  infinité  d'herbes,  ou  nourriiTantcs ,  ou  médecinaks. 
Les  terres  baflcs  &  unies  font  labourées  avec  des  bœufs.  Les  hommes 
réfervent  leurs  bras  pour  la  culture  des  lieux  d'un  accès  difficile.  Tout 
eft  fumé  &  difpofé  avec  un  art  infini.  Il  ne  manque  à  ces  Infulaires,  a- 
près  avoir  bien  conçu  la  ncceflité  de  l'art ,  &  l'avoir  porte  à  fa  perfec- 
tion, que  de  l'avoir  annobli  :  mais,  au  Japon,  commo  dans  tous  les 
Pays  habités  par  des  hommes ,  on  a  moins  penfé  à  faire  confiller  la  no- 
blefTe  dans  les  exercices  utile» ,  que  dans  ce  qui  flatte  &  ce  qui  favo- 
rife  les  pallions  ". 

Les  Japonois  ont  une  méthode  aflcz  fingulière,  pour  donner  de  la  fer- 
tilité à  leurs  terres.  Ils  ont  toujours  de  grands  amas  de  fiente  &  de  toutes 
fortes  d'immondices.  Ils  brûlent  de  vieilles  nippes,  qu'ils  y  joignent.  Ils 
y  employent  même  des  coquilles  d'huitres.  Ce  mélange  produit  un  excel- 
lent engrais.  On  a  déjà  remarqué  qu'avant  que  d'enfemencer  une  terre, 
ils  la  mefurent,  &  que  cette  opération  fe  renouvelle  à  l'approche  de  la 
moiflbn.  Enfuite ,  ils  fupputent  ce  que  la  récolte  doit  leur  rapporter.  Ces 
conjeélures  font  ordinairement  d'une  judefiTe  furprenante ,  &  garantifTent  les 
Seigneurs  des  tromperies  de  leurs  Fermiers.  Les  Propriétaires  ont  fix 
dixièmes  de  tous  les  fruits  de  leurs  terres,  &  les  quatre  autres  font  pour  ceux 
qui  les  cultivent.  Les  Fermiers  du  Domaine  Impérial  ne  donnent  que 
quatre  dixièmes  aux  Intendans  de  l'Empereur  ;  les  deux  autres  leur  appar- 
tiennent.  Si  quelqu'un  défriche  une  terre ,  qui  n'eft  point  à  lui ,  il  jouit  de 
toute  la  récolte  pendant  les  deux  ou  trois  premières  années  :  mais  dans  les 
Baux ,  on  a  toujours  égard  à  la  bonne  ou  la  mauvaife  qualité  du  terroir  ;  & 
la  Loi  porte  que  fi  quelqu'un  laifle  paiTer  une  année  fans  cultiver  fa  terre,  il 
en  perd  la  propriété. 

On  cultive  particulièrement ,  au  Japon,  ce  qui  fe  nomme  GoM/,  ouïes 
cinq  fruits  de  la  terre.  C'étoit  anciennement  la  feule  nourriture  d'un  Pays,  *^'"S  *^"^*  ^^ 
oii  la  Religion  défend  l'ufage  de  la  viande  ;  mais ,  foit  difpenfe  ou  relâche-  S^nu. 
ment ,  cette  règle  efl  aujourd'hui  fort  mal  obfervée.  Les  cinq  fruits  font  le 
riz,  l'orge,  le  froment,  &  deux  fortes  de  fèves.  Le  riz  du  Japon,  porte  Riz.ouKomc 
en  général  le  nom  de  Kome ,  ou  ff^afi.  On  en  diftingue  deux  efpèces ,  dont 
la  première,  nommée  Ab,  vulgairement  Matzji- Gomme  t&  Urunjme^  qui  efl: 
la  plus  commune  dans  les  Provinces  Septentrionales ,  l'emporte  beaucoup 
fur  celui  des  Indes.  Il  efl  d'une  blancheur  de  neige,  fi  gras  &  fi  nourriflanr, 
que  les  Etrangers,  qui  n'y  font  pas  faits,  en  doivent  ufer  avec  modération.  On 
le  mange  cuit  à  l'eau  ;  ce  qui  relie,  au  delà  des  provifions  annuelles,  efl 
employé  à  faire  une  bière,  qui  fe  nomme  Sakï.  L'autre  efpèce,  plus  mai- 
gre &  plus  rougeâtre,  fe  nomme  Da,  vulgairement  Moîfi-Gomme^  &  Moijù 
nO'Jome.  Le  nz  fe  fème  dans  la  faifon  des  pluyes  ;  &  ce  travail  efl  le  par- 
tage des  femmes.  On  le  fème  dans  toutes  les  terres  qui  paroiflent  propres 
9.  le  recevoir ,  &  dont  on  n'efl  pas  forcé  de  faire  un  autre  ufage.  Les  plus 
convenables  à  cette  femence,font  les  terres  bafles  &  plates,  qui  peuvent  être 

Ppp  2  per- 


Gokokf,  ru 


484 


VOYAGE    DE    K  JE  M  P  F  E  R 


Description 

duJai'ON. 


Orge ,  ou 
Oomuggi. 


Froment ,  ou 
Koomuggi. 

Fèves. 


DiverfeS 
fortes  de 
grains. 


Légumes. 


percées  de  canaux  pour  les  arrofer.  La  Province  de  Figen  efl;  une  des  plus 
fertiles  en  riz ,  &  produit  auffi  le  ^lus  excellent.  Auifi  les  campagnes  y 
font-elles  coupées  de  toutes  parts ,  par  des  canaux  tirés  des  Rivières;  & 
quantité  d'éclufes  donnent  la  facilité  de  les  inonder  entièrement. 

Toutes  fortes  de  blés ,  &  l'orge  en  particulier ,  portent  le  nom  de  Baku , 
vulgairement  Muggi,  ôcOo-Muggi.  Quoique  l'orge  foit  principalement  defli- 
né  à  la  nourriture  des  chevaux  &  du  bétail ,  on  ne  lailTe  pas  de  l'employer 
quelquefois  à  l'apprêt  des  viandes ,  &  d'en  faire  des  gâteaux.  Les  Pauvres 
en  font  même  du  pain.  Il  en  croît,  au  Japon,  une  efpèce,  dont  les  épis 
prennent  la  couleur  de  pourpre  en  meurifiant.  Le  Koomuggi  y  ou  le  froment, 
efl  à  vil  prix,  &  ne  s' employé  qu'à., faire  des  gâteaux. 

Des  deux  dpèces  de  fèves,  celles  qu'on  nomme  Daidfu^  ou  Fèves-Daid, 
font  de  la  grofleur  des  pois  de  Tiyrquie,  &  croiflenc  comme  les  lupins. 
Après  le  riz ,  c'eft  l'aliment  le  plus  ordinaire  des  Japonois.  Ils  en  font  une 
efpèce  de  bouillie,  qui  leur  tient  lieu  de  beurre,  nommée  M^«,  avec  laquel- 
le ils  apprêtent  leurs  viandes;  &une  forte  de  Saupiquet,  ou  d'Embamma, 
comme  ils  l'appellent  ;  fauce  faraeufe,  qu'ils  mangent  à  l'entrée  du  repas,  pour 
fe  mettre  en  appétit.  Elle  fe  fert  avec  les  viandes  rôties.  Les  HoUandoi» 
en  apportent  en  Europe,  fous  le  nom  de  Soeja  (a),  qui  efl:  le  terme  Japo- 
La  féconde  efpèce  de  fèves,  qui  fe  nomme  /làfuki^  ou  Sodfu,  efl: 


nois. 


blanche,  &  d'une  figure  aflTez  femblable  à  la  lentille.  On  fait  des  gâteaux 
de  fa  farine,  paîtrie  avec  dufucre.  Outre  ces  cinq  fruits,  on  comprend 
encore,  fous  le  nom  deGokokf,  ïAvaa^  ou  le  bled  des  Indes;  le  Sioku^ 
vulgairement  ^/3i,  &  Kimmi-kibi,  ou  le  millet  commun  à  grains  jaunes;  Se 
généralement  toutes  fortes  de  grains  &  de  légumes. 

L'AwA,  nommé  autrement  DJjeku^  dont  on  vient  déparier,  efl:  un  Panî- 
cum  à  grande  gueue  pendante,  garnie  de  poils.  Le  /vw",  vulgairement  Fi- 
je,  efl:  un  Panicum  à  grain  noirf.tre.  Le  Jenbaku,  vulgairement  KaraS' 
Muggiy  efl;  le  petit  bled,  ou  le  feigle.  Outre  le  millet  commun,  on  a  en- 
core, le  Sjokkufoy  vulgairement  Too-Kîbbi^  millet  Chinois,  tranfporté  au 
Japon ,  depuis  plùfieurs  fiècles.  Sa  tige  &  fes  feuilles  refTembJent  à  celles 
du  rofeau,  &  fes  grains  font  jaunâtres.  Le  Kjokufo,  vulgairement  Nan- 
Bankiwi  (^),  efl:  un  millet  que  les  Portugais  ont  porté  des  Indes  au  Japon. 
Le  Kjoy  vulgairement  Soba,  efl:  une  efpèce  de  bled  farrafîn,  qui  fe  fème. 
On  en  difl;ingue  deux  autres;  l'un  qui  rampe  dans  les  bois,  &  qui  fe  nom- 
me SjoOf  vulgairement  Iwo-Nome;  l'autre,  qui  croit  dans  l'eau,  &  dont 
l'avoine  s'attache  aux  habits.  On  le  nomme  Sut-Roo,  vulgairement  Mid- 
fu .  Soba. 

Le  Koba,  vulgairement  Gommai  efl:  le  Sefame,  dont  l'huile  s'employe 
dans  le  vernis,  dans  les  alimens,  &  dans  la  Médecine.  LejfeifokUy  vulgai-  ' 
rement  Kos,  efl:  le  pavot  en  général.  Le  ^okuiy  vulgairement  Dfudfudamay 
eft  la  larme  de  Job.  Le  Wan ,  vulgairement  Nora-Mame ,  efl:  le  gros  pois 
des  jardins,  dont  h  fleur  &  le  fruit  font  blancs.  Le  Sandfuy  vulgairement 
Sora-Mame,  efl:  la  fève  des  champs,  dont  le  fruit  eft;  noirâtre.  Le-fi?»,vul- 

gaire- 

(  d  )  uSmmitates  exatica ,  pag.  839.  On  y  trouve  la  manière  dont  U  fç  fait  j  ^  la  ôgaie  de 
la  fève.  {b)  Ç'eM-iitc,  MUlet  des  Pays  Septtntri«Mux% 


« 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


485 


Description 
DO  Japon. 


gairement  MJî- Marne,  &  Kaadfi-Mame^  efl:  le  haricot  des  champs,  qui  s'é- 
tend beaucoup  en  rampant.  Sa  fleur  eft  grêle  &  purpurine  ;  Tes  gouiles  font 
courtes  &  larges  ;  fa  femence  efl:  rouge  &  fembiable  au  pois  chiche.  Le 
Toodfu ,  efl  un  haricot  à  grandes  feuilles ,  dont  les  goufles  font  longues  d'un 
pied,  &  de  la  forme  d'une  épée;  ce  que  fon  nom  fignifie.  Ses  fleurs  font 
d'un  blanc  purpurin ,  &  longues  de  deux  pouces.  La  femence  eft  rouge , 
&  plus  grofl'e  que  la  fève  des  jardins.  Le  Reodfu ,  eft  un  autre  haricot , 
dont  la  fleur  eft  d'un  beau  pourpre;  la  goufle  reflemble  à  celle  des  pois  de 
jardin.  On  diftingue  pUifieurs  autres  fortes  de  haricots ,  dont  les  Daidfu , 
ou  Fèves-Daid ,  qu'on  a  décrites ,  font  la  principale. 

Les  Raves  croiflent  facilement  au  Japon ,  &  font  d'une'grofleur  extraor-  Raves  & 
dinaire.  De  toutes  les  produftions  de  la  Terre,  c'eft  peut-être  celle  qui  leurs  quai;t(5s. 
fournit  le  plus  à  la  nourriture  des  Habitans:  mais,  comme  ils  fument  la 
terre  avec  les  excrémens  humains ,  elles  ont  une  odeur  fi  forte,  que  les 
Européens  ont  peine  à  les  foufFrir.  Elles  fe  mangent  crues ,  ou  bouillies , 
ou  confites  au  vinaigre.  Les  raiforts ,  les  carottes ,  les  courges ,  les  melons, 
les  concombres,  le  fenouil,  &  quelques  efpèces  de  laitues ,  qui  ne  fe  trou- 
vent ,  parmi  nous ,  que  dans  les  jardins ,  croiflent  naturellement  dans  les  Ifles 
du  Japon.  Le  panais  de  jardin  n'y  eft  pas  connu  ;  mais  la  Nature  y  ofire 
par-tout  des  panais  fauvages.  Les  Hollandois  y  fément ,  avec  fuccès ,  du  per- 
iil ,  du  cumin ,  de  la  chicorée  &  des  laitues  communes;  à  l'exemple  des  Por- 
tugais ,  qui  avoient  apporté  toutes  ces  graines. 

Le  Bufei,  vulgairement /^ona ,  eft  la  Rave  ronde  des  jardins ,  oa  rave  de 
Limoufin.  Le  Reï-Fuku^  vulgairement  Daikon^  eft  le  grand  Raifort,  qui 
fait,  au  Japon,  la  principale  nourriture  du  Peuple.  Il  fe  mange,  crud  ou 
cuit ,  vieux  ou  nouveau.  On  le  cultive  dans  les  champs ,  où  il  croit  en  abon- 
dance.   Le  Farjo^  eft  la  petite  Rave  pyramidale  de  Bauhin. 

Le  5j«,  ou5/m,  vulgairement  AVj/V,  Nindftn,  ou  DJin-D/om,  eft  une  LeSju.ou 
efpèce  de  chervi  des  montagnes.  C'eft  le  fameux  Gin/eng^  que  les  Chinois  leGinfeng. 
nomment  5om,  &  ^esTartares,  Soafai.  Cette  plante,  lorfqu'elle  eft  nou- 
velle, n'a  qixuù2  racine  fimple,  qui  reflemble  à  celle  du  panais ,  longue  de 
trois  pouces,  &dela  groflfeur  du  petit  doigt,  charnue,  blanchâtre,  divi- 
fée  quelquefois  en  deux  jambes ,  garnies  de  peu  de  fibres ,  d'une  odeur  ti- 
rant fur  celle  du  panais  jaune ,  &  du  goût  de  nôtre  chervi ,  mais  plus  agréa- 
ble &  plus  doux ,  avec  une  petite  amertume  presqu'infenfible.  Lorfque  la 
plante  s'eft  élevée  d'environ  un  pied ,  elle  prend  une  ou  deux  autres  racmes , 
femblables  à  la  première;  &  dans  fa  force,  elle  en  prend  un  plus  grand 
nombre.  Sa  tige  devient  haute  d'environ  deux  pieds  ;  mais  elle  eft  plus 
mince  que  le  petit  doigt ,  inégalement  ronde ,  canelée  &  garnie  de  nœuds , 
defquels  naiflent  les  branches,  alternativement  oppofées.  Des  pédicules, 
longs  d'un  pouce  &  demi,  &  fillonnés  profondément  jufqu'au  milieu  de 
leur  longueur,  portent  des  feuilles  de  figure  &  de  grandeur  différentes,  fui- 
vant  l'âge  de  la  plante  ;  rondes  d'abord,  longues  d'un  pouce,  &  légèrement 
dentelées  ;  mais-  qui  deviennent  enfuite  plus  grandes ,  fe  partagent  en  plu- 
fieurs  lobes  &  reffemblent  entièrement  à  celles  du  chervi.  Les  fleurs  difpo- 
fées  en  ombelle,  chacune  fur  un  pédicule  féparé,  font  blanches,  à  cinq  pé- 
tales, &  de  la  grolTeur  d'un  grain  de  coriandre.    Les  écamines  font  courtes , 

Ppp  3  & 


48(5 


VOYAGE    DE     K  Jl  M  P  F  E  R 


DrscRîpTtoM 
DU  Ja^on. 


Diverfes 
fortes  de 
Courgcsi 


Melons. 


Concombres. 


Racines  & 
autres  plan- 
tes. 


&  s'élèvent  entre  les  pétales.  Le  piftil  eft  prefque  imperceptible.  La  fe« 
menée  reflemble  à  celle  de  l'anis.  Cette  plante  fe  cultive  à  Meaco;  mail 
elle  y  a  peu  de  vertu.  Son  Pays  natal  efl:  la  Corée  &  la  Tartarie.  Com- 
me fa  principale  vertu  efl:  de  fortifier  les  fibres  &  de  faciliter  la  circulation 
des  humeurs,  elle  s'employe  dans  prefque  tous  les  remèdes  &  dans  tousiei 
cordiaux  (f). 

Le  Kofuky.  vulgairement  Nisji^  &  Jabu-'Ninfin ,  efl  le  Panais  de  l'Europe, 
comme  le  Jamma-I^itifin  efl:  nôtre  Panais  fauvage. 

Le  Sadjin,  efl:  un Lychnis fauvage ,  à  feuilles  de  giroflée,  dont  la  tige  efl: 
d'environ  un  pied  de  hauteur ,  &  les  fleurs  blanches  à  cinq  pétales.  Sa  ra- 
cine efl:  longue  de  trois  ou  quatre  pouces ,  d'un  goût  fade ,  qui  tire  fur  ce- 
lui du  panais.     I)  fe  trouve  des  Impofleurs.  qui  la  vendent  pour  du  Ginfeng. 

Le  KeUo,  vulgairement /r%o&,  Â/ùVa^oo,  efl:  une  Raiponfe,  haute  d'une 
coudée,  à  feuilles  oblongues  «S:  dentelées,  dont  la  racme  efl:  longue  de 
quatre  pouces ,  grofle  &  laiteufe.  C'efl:  la  plus  efl;imée ,  pour  fes  vertus , 
après  celle  du  Ginfeng.  Ses  fleurs ,  qui  croiflent  au  fommet  de  la  tige , 
font  en  cloche,  d'un  pouce  &  demi  de  diamètre,  bleues,  &  découpées 
affez  profondément  en  cinq  parties.  On  difl;ingue  trois  efpèces  de  cette 
plante;  l'une  qui  a  la  fleur  blanche  &  double j  l'autre,  dont  la  fleur  efl:  Am- 
ple, d'un  pourpre  bleu,  avec  des  canelures  couleur  de  pourpre,  garnies  de 
poils  dans  les  intervalles ,  les  pointes  jaunâtres ,  &  un  pifl:il  bleu ,  revêtu  de 
poils.     La  troifième  a  la  fleur  double ,  d'un  pourpre  bleu. 

Les  japonois  ont  différentes  fortes  de  Courges  &  de  Melons.  Le  Feo, 
vulgairement  Nari-Trigango ,  efl:  une  grande  courge,  dont  le  milieu  efl: étroit. 
Une  autre  efpèce,  de  même  nom,  &  de  figure  ronde,  à  la  poulpe  denfe. 
Le  Ko^  en  efl;  une  autre,  dont  le  fruit  efl:  oblong,  la  fleur  grande  &  blanche. 
Le  Kwa,  vulgairement  Furi-Uri,  Sptoori,  Tfke-Uri,  &  Tfutke-Uri,  en  efl:  une 
quatrième  efpèce,  grande,  de  figure  ronde  oblongue,  dont  la  croûte  efl: 
une  chair  folide,  qui  a  le  goût  du  concombre.  On  l'apprête  avec  le  marc 
de  cerife,  &  c'efl:  un  mets  des  plus  ordinaires.    Son  nom  QÏiConnemon. 

Le  Kwa^  vulgairement  rog-œa,  &Kamo-Uri,  efl:  un  grand  Melon  de  figu- 
re oblongue ,  dont  la  chair  efl:  ferrée.  Le  Ten  -  Kioa ,  efl:  le  grand  melon 
commun  canelé.  LeSjo-Kwaj  vulgairement  Aino-Uri^  efl:  un  autre  melon 
canelé ,  mais  plus  petit  que  le  précédent. 

UAïaay  vulgairement /Larûj-t7ri ,  efl:  le  Concombre  commun  des  jardins, 
dont  on  difl:ingueplufieurs  efpèces;  leKo-K'wa,  vulgairement  ^ffi/i-C/r»,  çn 
efl:  une  longue,  pleine  de  verrues  &  de  fentes.  Le  Si-Kwa,  vulgaire- 
ment Fifzwa,  en  efl:  une  autre,  oblongue,  canelée,  tortue,  terminée  ea 
pointe. 

Le  Mondoj  &  Biukf-Mondo^  vulgairement  jRjMno-/^^M ,  efl;  un  Chien-dent, 
dont  la  fleur  efl:  hexapetale,  en  forme  d'épi.  Sa  racine  efl:  fibreufe  &  bul- 
beufe.  Un  autre  chien-dent ,  qui  porte  le  même  nom ,  s'étend  beaucoup , 
&  pouflTe  continuellement  des  rejettons.  On  fait  prendre  aux  Malades,  les 
petits  tubercules  qui  terminent  la  plante,  confits  au  fucre.    Le  fruit  efl; 

rond| 


(c)  DeiTechée  &  mife  en  poudre,  la  dofe  eft  d'un  gros,  ou  un  gros  &  demi. 


,v 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 


457 


rond,  un  peu  oblong,  &  renfermé  dans  un  calice  dont  les  bords  font  cré- 
nelés. Le  Tetnondoy  efl:  encore  une  autre  efpéce,  commune  fur-tout  dans  la 
Province  de  Lexuma,  &  dont  la  racine  efl  plus  grolFe. 

Le  Boofu  y  autrement  Fofuy  &  Fumas -Karma,  eft  le  Liguflique  vul- 
gaire. 

On  diflingue  plufieurs  fortes  de  Perfils.  Le  San-Bofuy  vulgairement 
Jamma-Bofu^  efl;  le  perfil  des  bords  de  la  Mer,  dont  les  feuilles  rellemblent 
à  celles  de  l'Ancolie,  mais  font  un  peu  plus  grafles.  Le  Nada^i-Nadaki ,  efl: 
le  perfil  des  marais  de  Bauhin.  Le  Am,  vulgairement  Seri ,  efl:  le  petit 
perfil  à  feuilles  de  Morgeline.  LejQtta/*o,  ou  Fikio^  vulgairement  Kureno- 
OmmOf  eft  l'Anis  commun.  Le  SJiro,  vulgairement  Tagara-Kinfo  ^  eft  le 
Moutardier  des  jardins. 

Le  Doku-Quatz,  vulgairement  Dosjen,  &  Udo,  eft  un  arbrifleau  annuel , 
dont  la  racine  eft  grafle  &  charnue.  Elle  fe  mange,  aufli-bien  que  les  pre- 
mières tiges.  Ses  feuilles  font  longues  d'un  pied  ,  &  partagées  en  lo- 
bes ,  difpofées  en  triangle.  Ses  fleurs  font  petites  ,  &  blanchâtres  ,  à 
cinq  pétales. 

Le  KjoOy  vulgairement  Sfonja,  eft  le  Gingembre  fauvage,  à  larges  feuil- 
les, qui  fe  nomme  aufli  Fajt-Kamiy  &  Kureno -Fafi- Kami.     On  en  diftin- 
autre , 
pas  fort 


DEscnirTiov 

Le  Booru. 
Perfils. 


LeQuaiko. 
Le  Sfiro. 

Le  Doku' 
Quatz. 


Le  Kjoo. 


nommé  Djooska  ,  &  vulgairement  Mjoga ,   dont  le  goût 
,  &  dont  la  tige  &  les  feuilles  reflfemblent  à  celles  du 


eue  un 
n'eft  _ 
rofeau. 

Le  San-Djoskay  vulgairement  Jamma-Mjoga ,  eft  un  Orcbis  dont  la  tige 
eft  haute  d'un  pied,  la  feuille  étroite,  &  la  fleur  difpofée  en  épi.  Sa  cap- 
fuie  feminale ,  qui  eft  de  la  groflfeur  d'un  pois  y  contient  un  grand  nombre 
de  petites  femences. 

Le  T/iofl,  eft  un  ùoronîc ,  dont  la  racine  eft  noueufe,  fibreufe,  &  d'un 
mauvais  goût.  Sa  feuille  reflemble  à  celle  de  l'herbe  aux  teigneux.  Sa 
tige  eft  nue,  &  haute  d'une  coudée.  Ses  fleurs  font  jaunes,  &  femblables  à 
celles  du  Chryfantheme.  Sa  femence  eft  de  figure  cylindrique ,  un  peu 
canelée,  argentée,  petite,  &  d'une  faveur  onftueuie,  mais  très-mau- 
vaife. 

Le  Sca-KufitZy  vulgairement  Kufaggi,  qui  fignifîe  Plante  fétide  y  eft  un 
grand  arbrifleau ,  dont  les  feuilles ,  alternativement  oppofées ,  font  gran- 
des ,  &  reflemblent  à  celles  de  la  bardane.  Elles  fe  mangent.  Ses  fleurs 
approchent  de  celles  du  Ledum. 

Le  BoJJai  y  vulgairement  Quai  y  eft  un  Jonc  aquatique,  dont  on  mange 
la  racine,  qui  eft  fibreufe  &  garnie  de  nœuds. 

Le  Stkoy  vulgairement  Omodaka,  eft  le  Phleos  aquatique  de  la  petite  ef- 
péce, à  cinq  feuilles  larges.  Sa  racine,  qui  reflTemble  à  la  précédente,  fe 
mange  aufli. 

Le  Kaiy  vulgairement  Tokoro ,  eft  une  herbe  des  bois,  qui  monte  aux 
arbres,  &  qui  approche  de  la  coulevrée  blanche.  Sa  racine  reflemble  à 
celle  du  gingembre ,  &  fe  mange.  Ses  fleurs ,  formées  en  épis ,  font  blan- 
ches, hexapetales,  &  de  la  grandeur  d'une  femence  de  coriandre,  avec  un 
pifliil  au  milieu. 

Le 


Le  San- 
Djoska. 


Le  Tfwa, 


Le  Sco- 
Kufitz. 


Le  Boflai, 
Le  Sikg. 

Le  Kalr 


4S8 


VOYAGE    DE    KiEMPFER 


Description 
DU  Japon. 
LeDfojo& 
le  'Cfukne- 
luio. 


L'U& 
Spen. 


Le  Gobo. 


Le  SjoorL' 


ku. 


Herbes  po- 
tagères. 


Champi- 
gnons. 


Le  Dfojo,  vulgairement  yawwa-Effio,  eft  une  herbe  des  montagnes,  qui 
monte  aux  arbres.  Sa  racine,  qui  fe  mange,  eflgrofle,  longue,  charnue, 
fibreufe,  de  figure  inégale,  fuivant  les  lieux  où  elle  fe  trouve.  Sa  feuille 
eft  membraneufe ,  &  reflemble  à  celle  de  la  double  feuille  (d).  Ses  fleurs 
ne  diffèrent  point  de  celles  du  Lychnis  ;  mais  elles  s'ouvrent  peu ,  font 
très-petites  &  à  fix  pétales.  Une  autre  efpèce,  nommée  Tfukne-Imo,  por- 
te des  bayes;  &  fes  femences  croiffent fous  l'aiflelle  des  feuilles. 

VU,  vulgairement /wo,  6c  Satai-Imoy  ert:  un  Phleos  des  marais,  fembla- 
ble  au  grand  Phleoj  aquatique,  à  feuilles  larges,  de  Bauhin.  Sa  racine  eft 
longue,  grofle,  charnue,  fibreufe,  avec  des  rejettons  moufleux.  Elle  fe 
mange ,  auiTi  -  bien  que  la  tige.  Le  Spen ,  en  eft  une  autre  efpèce ,  dont  la 
racine  fe  mange  aulîi. 

Le  Gobo  y  autrement  Umma-Bufaki  y  eft  proprement  la  grande  Bardane, 
qu'on  cultive,  au  Japon,  dans  les  terres  noirâtres,  &  dont  la  racine  fe 
mange  avant  qu'elle  ait  poufle  fa  tige. 

Le  SjoorikUy  vulgairement  Janma-GobOy  &  Isjuwo - Sikki  y  eft  une  plante 
fauvage,  dont  la  racine  fe  mange  &  reflemble  au  navet.  Elle  a  l'odeur  & 
le  goût  de  la  bardane.  Ses  feuilles  reffemblent  à  celles  de  la  patience; 
fes  fleurs  font  à  cinq  pétales,  blanches,  Ôc  difpofées  en  épi. 

Le  5oo,  vulgairement  y*/ro;«q^,  eft  lOignon  de  l'Europe  ;  comme  le  5^», 
vulgairement  i^ïr,  ou  Ninniku,  eft  le  Poireau  commun  à  grofle  tète.  Mais 
le  KiUy  vulgairement  Mijrra-Nijra  y  eft  un  poireau  fendu  a  feuilles  de  jonc; 
&  le  Keiy  vulgairement  Oi-Nijruy  eft  un  poireau  ftndu  à  larges  feuilles.  Le 
KiOy  vulgairement  TJifay  eft  la  Laitue  commune  des  jardins ,  nonpommce. 
On  en  diftingue  deux  autres  efpèces ,  qui  fe  nomment  Kukio ,  &  Rikio.  Le 
KantatZy  vulgairemenc  Fut/u-Ku/oy  eft  un  Chou  blanc  crêpé,  de  la  Chine, 
qui  devient  haut  de  trois  coudées ,  &  dont  la  tête  fe  ferme  rarement.  Le 
Bakin ,  vulgairement  Uma-Biju ,  &  Siberl  ■  fiju ,  eft  le  Pourpier  des  jardins 
à  larges  feuilles,  Le  Fo-Seiy  vulgairement  Fiafina,  Tfugumigufa  y  &  Tam- 
popOy  eft  la  Dent-de-lion  à  larges  feuilles.  Le  Roy  vulgairement  Fuki-Sabuki, 
eft  le  Petafite  commun.  Le  Ketz ,  vulgairement  Waribi ,  eft  la  Fougère , 
dont  on  mange,  au  Japon,  les  tiges  nouvelles.  Le  Singua,  vulgairement 
Ikingufaj  eft  la  Stratiote  commune,  qui  fe  cultive  dans  des  pots.  Le  Dokî, 
eft  un  Pied  -  de  -  veau  canelé ,  dont  la  feuille  eft  en  forme  de  dojgt.  Le 
Kogannegufa ,  eft  un  Alléluia ,  dont  la  tige  eft  mince  &  branchue ,  les  feuil- 
les cordées  &  couvertes  de  poils.  Le  Keifon- Kufa y  eft  une  Kermionite  à 
très-petites  feuilles ,  ondées  au  bord ,  &  découpées  en  pointes.  Le  Mat- 
febutZy  eft  une  grande  Pilofelle  rampante  &  hériflee ,  dont  les  Japonois 
font  une  efpèce  d'armoifin ,  qu'ils  nomment  Butz. 

Le  5f,  vulgairement  Nakoy  eft  le  Champignon  des  champs,  dont  le  pé- 
dxule  eft  blanc,  &  la  tête  plate  &  tachetée.  Il  fe  mange.  Le  Tan  y  vul- 
gairement Takiy  eft  un  autre  chainpignon,  bon  à  manger,  blanchâtre,  à 
tête  pelée ,  à  bord  inégal  &  fouvent  frangé.  Un  autre ,  plus  petit ,  &  van- 
té pour  fon  excellence,  a  la  tête  noire  par-deflbus.    Le  Sjorto,  eft  la  Tru- 


(rf)  Ou  Cramen  ParnaJ/i, 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  480 

fle  du  Japon ,  qui  croît  fous  les  fapins.  Le  Bokudfi^  vulgairement  Kikuragi , 
&  Ki-No-Mhni ^  eil  un  champignon,  dont  la  tête  efl  tachetée  de  blanc  & 
de  noir ,  &  qui  vient  fous  les  vieux  arbres.    11  fe  mange. 

Le  Tas  y  vulgairement  Koki,  ert:  la  Moufle  en   général.    Le  Si- Fat , 
vulgairement  Ama-Nori,  &  Murûfaki^  efl:  une  moufl^e  de  Mer,  de  couleur 

Surpùrine ,  qui  croît  fur  les  rochers,  &  qui  fe  mange,  quoique  d'une  fub- 
ance  dure  &  membraneufe.  Le  Sekijif  vulgairement  linatiigi^  efl  une 
moufle,  qui  croît  fur  les  plus  hauts  rochers.  Le  Kimpakuy  vulgairement 
Iwagoki,  &  liuafiba^  efl:  encore  une  moufle  des  rochers,  qui  reflTemble  à  la 
bruyère.  Le  Toi-Sei ,  vulgairement  Jji-Nori ,  efl:  une  moufle  de  Mer,  fem- 
blableà  la  coraline,  fendue  en  plufieurs  endroits,  dont  la  feuille  efl:  très- 
menue.  Le  Sisjoo ,  vulgairement  Miru ,  efl:  une  moufle  de  Mer,  branchue , 
en  forme  de  Corralioïde.  Le  Roku  •  Kakku ,  vulgairement  Ino-Matta  ,  efl: 
encore  une  moufle,  plus  grofl'e  que  la  précédente,  &  qui  a  la  figure  de 
corne  de  cerf  Le5oo,  vulgairement  Momubab,  efl  l'herbe  ou  l'Algue  de 
'  Mer  en  général.  Le  Seki-Qua^  vulgairement  Kokuro-Biito  ^  &  Tokoro-Tengu- 
fa ,  efl:  une  algue  des  rochers ,  capillaire ,  rameufe  &  jaunâtre ,  dont  on 
fait,  au  Japon  &  à  la.  Chine,  une  efpèce  de  Vermicelli ,  qui  fe  nomme 
Tokororen.  Le  .noiné,  autrement  Kombu,  efl:  un  Fucus  marin,  de  la  figure 
d'une  lance ,  dentelé ,  &  d'environ  une  toife  de  longueur.  Il  croît  fur  les 
rochers  baignés  de  la  Mer,  &  nage  fur  l'eau.  On  le  mange,  après  l'a- 
voir préparé.  Le  Kaitei,  vulgairement  y^ra/Mff,  efl:  un  autre  Fucus,  delà 
même  figure,  mais  qui  n'efl:  pas  dentelé. 

On  voit  croître,  fans  culture  ,  une  infinité  d'autres  plantes  ,  dans  les 
champs ,  fur  les  montagnes ,  dans  les  bois ,  dans  les  marais ,  dans  les  lieux 
les  plus  ftiériles ,  &  fur  les  Côtes  mêmes  de  la  Mer.  Il  y  en  a  très-peu , 
dont  les  racines,  les  feuilles,  les  fleurs,  ou  les  fruits,  ne  fervent  de  nourri- 
ture aux  Habitans.  Cette  facilité  à  manger  tout  ce  que  la  Nature  prend 
foin  de  leur  ofirir ,  les  expofe  quelquefois  à  de  fâcheufes  méprifes  ;  mais 
ils  ont  l'art  de  faire  perdre,  à  plufieurs  plantes,  leurs  qualités  venimeufes. 
Ainfi ,  du  IConjokf,  qui  efl:  une  dangereufe  efpèce  de  Dracunculus ,  ils  font 
une  bouillie  allez  douce  &  de  fort  bon  goût.  En  faifant  infufer  les  racines 
de  la  fougère,  qu'ils  nomment  fVaribi^  ou  Ren^  ou  de  la  fève  d'Egypte, 
que  quelques-uns  nomment  fleur  de  Tarate ,  &  d'une  autre  racine ,  qu'ils 
appellent  Kafne^  ils  en  tirent  une  farine  qui  s'employe  dans  l'apprêt  des 
viandes ,  &  qu'on  mange  aufli  feule ,  après  Tçivoir  fait  diflbudre  dans  l'eau. 
De  toutes  les  plantes  molles,  qui  croilfent  au  fond  de  la  Mer,  il  n'y  en  a 
prefque  pas  une  que  les  Japonois  ne  mangent.  Ce  font  les  femmes  des  Pê- 
cheurs ,  qui  les  préparent  &  qui  les  vendent.  Leur  adreflTe  efl:  extrême  à 
les  tirer  du  fond  de  la  Mer,  en  plongeant  jufqu'à  trente  &  quarante  braf- 
fes  de  profondeur  (e). 

(e)  Kaempfcr,  Toin,  I.  pag.  195  &  précédentes.  -'     -. 


DtsCRIWIO» 

DU  Japon. 
MouITcs. 


Algue  de 
Mer  &  de  ro- 
chers. 


Fucus. 


Plantes  que 
les  Japonois 
dépouillent 
de  leur  vc« 


nin. 


XIF.  Part, 


Qqq 


s;.  XV. 


w 


VOYAGE    DE    K  iÇ  M  P  F  E  R 


Oascription 
ou  Japon. 


Réflexions 
fur  l'in.luflrie 
Ucs  Japonois. 


S.  XV. 


Il 


.t' 


jiii ..  » 


M^^W^  ^f^f  onfckit  le  Pa^er  ^u  yafan,   .  '  , , 


Manière 
dont  ils   font 
du  papier, 
d'une  écorce 
d'aïbrc. 


QUAND  le  Japon  n'auroit  pas  reçu  tant  de  préfens  de  la  Nature,  il 
n'en  feroic  pas  moins  un  des  plus  riches  Pays  du  Monde ,  s'il  efl:  vrai 
que  la  bonté  du  climat  &  l'induHrieufe  aélivité  dçs  Habitans  font 
les  véritables  richefles.  Les  Japonois  font  devenus  riches  à  force  de  tra- 
vail, fans  cefler  d'être  laborieux.  On  a  déjà  obfervé  qu'ils  doivent  un  fi 
rare  avantage,  à  l'exclufion  du  Commerce  étranger,  qui  les  a  mis  dans  la 
néceffité  d'attendre  tout  d'eux-mêmes ,  c'eft-à-dire ,  de  leur  induftrie  &  de 
leurs  efforts.  Aufli  l'Agriculture,  qui  efl:  leur  principale  reflburce,  n'a-t- 
elle  jamais  ét^  pouflee  fi  loin  dans  aucune  autre  Nation.  Ils  ont  trouvé  le 
moyen  de  faire  naître  l'abondance  du  fein  de  la  fiiérilité;  &  leur  exemple, 
fuivant  la  réflexion  de  leur  Hiftorien  moderne,  femble  prouver,  contre 
l'opinion  commune,  que  ce  n'eft  pas  tant  la  rofée  du  Ciel,  que  la  fueur  du 
front ,  qui  donne  aux  campagnes  une  véritable  fécondité. 

Outre  les  richefles  qu'ils  tirent  de  leurs  terres  en  toutes  fortes  de 
grains  &  de  légumes,  on  a  vanté  leur  adrefle  à  trouver,  jufques  dans  l'é- 
corce  de  leurs  arbres ,  de  quoi  fournir  aux  befoins  les  plus  eflentiels  de  h 
vie.  On  a  remarqué  que  celle  d'une  efpèce  de  Meurièr,  qu'ils  nomment 
JCandfit  leur  fournit  tout  à  la  fois  du  papier,  des  cordes,  diverfes  fortes 
de  mèches ,  des  étoffes ,  du  drap ,  &  piuHeurs  autres  commodités.  Don- 
nons un  exemple  de  ces  opérations ,  dans  la  manière  dont  ils  fabriquent 
le  papier. 

Après  la  chute  des  feuilles,  c'efl:-à-dire ,  vers  le  mois  de  Décembre, 
les  rejetions  du  Kandfi,  qui  font  fort  gros,  fe  coupent  de  la  longueur  d'en- 
viron trois  pieds.    On  les  met  en  faifceaux ,  qu'on  fait  bouillir  dans  de 
l'eau,  avec  des  cendres.    S'ils  font  coupés  depuis  trop  long-tems,  &  qu'ils 
fe  foyent  féchés,  'on  les  laifle  tremper  l'efpace  de  vingt -quatre  heures,  a- 
vant  cette  lefcive.    Les  faifceaux  doivent  être  fort  ferrés  ;  &  lorfqu'on  les 
amis  dans  la  chaudière,  on  a  foin  de  les  couvrir.     On  les  y  fait  bouillir, 
ju(qu'à-ce  que  les  bâtons  laiflent  voir  un  demi  pouce  de  bois ,  dépouillé  de 
leur  écorce.     Alors  on  les  tire  de  l'eau ,  on  les  laifle  refroidir  à  l'air  ;  puis 
on  les  fend  en  longueur ,  on  les  dépouille  entièrement  de  leur  écorce ,  & 
l'on  jette  ce,  qui  n'cfl  utile  à  rien.     On  fait  enfuite  fécher  l'écorce  ;  on  la 
nettoyé  ;  on  la  laifle  tremper  dans  l'eau  pendant  trois  ou  quatre  heures. 
Aufll-tôt  qu'elle  efl;  aflez  ramollie ,  on  en  racle  la  furface  avec  un  couteau, 
&  l'on  fépare  en  méme-tems  l'écorce  vieille  d'une  année,  de  celle  qui  efl: 
plus  jeune  &  plus  mince.     La  première  donne  le  meilleur  papier.     La  fé- 
conde en  fait  un  plus  noirâtre,  mais  qui  n'en  efl:  pas  moins  bon.    S'il  fe 
trouve  de  l'écorce  plus  vieille,  on  la  met  à  part,  pour  en  faire  un  papie^^ 
plus  groflier  que  les  deux  autres. 

L0RSQ.UE  tOLves  ces  écorces  ont  été  parfaitement  nettoyées,  on  Us  fait 
encore  bouillir  d  ins  la  cuve;  mais  on  y  met  moins  de  cendre  que  la  pre- 
mière fois  j  &  pendant  tout  le  tems  qu'elles  font  fur  le  feu,  on  les  remue 

avec 


DANS  L'EMPIRÉ  DU  JAÎ>ON,  LiV.  IV. 


m 


és  fait 
2  la  pre- 
remue 
avec 


tvâc  un  rofeau ,  en  y  verfatit  de  terni  en  terni  de  la  nouvelle  lercî\^e ,  mais  OticktpTtAi^ 
dans  la  quantité  feulement  qui  eft  néccflaire  pour  arrêter  la  trop  grande  é-  ^"  J*'*"** 
vaporation ,  &  pour  fuppléer  à  eu  qui  eft;  confumé.  Cette  opération  con- 
tinue, jufqu'à-ce  que  la  matière  devienne  ù  déliée,  qu'étant  légèrement 
touchée  du  bout  du  doigt ,  elle  fe  réduife  oU  fe  fépare  comme  de  la  bourre, 
ou  comme  un  amas  de  fibres.  Obfervons  que  la  lefcive ,  dont  on  fe  fert  ici , 
fe  fait  de  la  manière  fuivante.  On  met  en  croix  deux  pièces  de  bois  fur 
une  cuve.  On  les  couvre  de  paille,  fur  laquelle  on  répand  de  la  cendre 
mouillée;  puis  on  vcrfe  defliis,  de  l'eau  bouillante,  qui  à  mefure  qu'elle 
pafle  au  travers  de  la  paille,  pour  tomber  dans  la  cuve,  s'imbibe  des  par- 
ties falines  de  la  cendre,  &  fait  la  lefcive  dont  on  a  befoin. 

On  recommence  à  laver  les  écontes,  après  qu'elles  ont  bouilli  pour  la 
féconde  fois  ;  mais  c  ert  ce  qui  demande  beaucoup  d'attention.  Si  elles  n'é- 
taient pas  affez  lavées,  elles  ne  feroien^  qu'un  papier  grolïîer;  fi  elles  le 
font  trop,  le  papier  fera  fin  &  blanc,  mais  trop  pénétrable  à  l'encre.  Or- 
dinairement ,  c'eft  dans  une  Rivière  qu'on  les  lave.  On  les  y  trempe  dans 
une  efpcce  de  van,  ou  de  crible;  &  tanJis  qu'elles  y  font,  on  les  remue 
avec  la  main,  jufqu'à-ce  qu'elles  foyent  réduites  à  la  confiftance  de  la  laine, 
ou  d'un  duvet  fort  doux.  Pour  le  papier  le  plus  fin  ,  on  les  lave  une  troi- 
fième  fois;  ou  plutôt,  on  les  laifle  tremper,  enveloppées  dans  un  linge.  On 
a  foin  aufli  d'en  ôter  les  nœuds,  la  bourre,  &  toutes  les  parties  étrangères 
qui  pourroient  s'y  être  gliffées.  Ces  fuperfluités  fe  mettent  à  part,  avec 
les  écorces  les  plus  groflières ,  pour  le  mauvais  papier.  Ainfi  rien  n'eft  per- 
du dans  cette  fabrique. 

La  matière  étant  lavée  autant  de  fois  qu'il  eft  néceflaire,  on  la  pofe  fur 
une  table  de  bois,  uni  &  épais,  où  deux  perfonnes  la  battent  avec  des  bâ- 
tons, jufqu'à-ce  qu'elle  devienne  auffi  fine  qu'on  le  defire.  Dans  cet  état, 
elle  reflTemble  à  du  papier  qui ,  à  force  d'être  trempé ,  n'auroit  prefque  plus 
de  confiftance.  Enfuite  on  la  met  dans  une  cuve,  avec  une  infufion  gluan- 
te &  glaireufe  de  riz  &  de  jacine  d'Oreni,  arbrifleau  qiui  a  les  mêmes  quali- 
tés. Tout  eft  remué  avec  un  rofeau  net  &  délié,  pour  aider  la  matière  à 
s'imbiber  de  l'infufion;  ce  qui  fe  fait  mieux  dans  une  cuve  étroite;  d'où  cet- 
te compofition  eft  tranfvafée  dans  une  plus  grande,  aflez  femblable  à  celle 
qu'on  employé  dans  nos  Manufa6lures  de  papier.  On  tire,  de  cette  fécon- 
de cuve,  les  feuilles  une  à  une,  dans  des  moules  de  jonc;  &' pour  les 
faire  fécher  à  propos  ,  on  les  met  en  pile  fur  une  table  couverte  d'une 
double  natte  ,  en  inférant ,  entre  chaque  feuille ,  un  rofeau  qui  avance 
par  les  deux  bouts ,  &  qui  fert ,  lorfqu'il  le  faut ,  à  les  foûlever  l'une 
après  l'autre.  Chaque  pile  eft  couverte  d'un  ais  fort  mince,  de  la  gran- 
deur &.  de  la  figure  des  feuilles;  &  par-delTus,  on  met  d'abord  des  poids 
aflez  légers ,  de  peur  que  les  feuilles  humides  ne  fe  preflent  trop  entr'elles. 
Enfuite,  on  en  ajoute  déplus  pefans,  pour  exprimer  l'eau  dont  elles  font 
imbibées.  Le  jour  d'après,  on  lève  les  feuilles,  fucceifivement ,  avec  le 
rofeau  qui  les  fcparoit  ;  &  de  la  paume  de  la  main,  on  les  jette  fur  des 
planches  longues  &  raboteufes,  où  le  peu  d'humidité,  qui  leur  refte  en- 
core ,  les  fait  tf-nir  aifément.     On  les  expofe  enfuite  au  Soleil  ;  &  lorf- 

Qqq  2  qu'el- 


le 


Comment 
piipicr  re- 


çoit la  forme. 


49» 


VOYAGE    DE    K ^ M P F E R 


Obscriptiok 
DU  Japon. 

D'où  lui 

vient  fa  blan- 
cheur &  fa 
l'onfiilance. 


Infufion  cîe 
la  racine  d'O- 
ïcni. 


Papiers 
forts,  dont 
on  fait  des 
habits  &  des 
cordes. 


qu'elles  l'ont  entièrement  féches ,  on  les  met  en  morceaux ,  on  les  rogne  k 
1  entour  ;  &  rien  ne  manque  alors  à  leur  perfeflion. 

La  blancheur  de  ce  papier  lui  viept  de  rinfufion  de  riz;  &  fa  conddan' 
ce,  d'une  glaire  vifqueufe ,  qui  fe  trouve  dans  cette  infufion  &  dans  celle 
de  la  racine  d'Oreni.  L'infuiion  de  riz  fe  fait  dans  un  pot  de  terre,  qui 
ne  doit  pas  être  verniHe ,  où  l'on  fait  tremper  les  grains  de  riz  dans  l'eau. 
Enfuite,  après  avoir  agité  le  pot,  d'abord  aflez  doucement,  puis  plus  for- 
tement par  degrés ,  on  y  verfe ,  à  la  fin ,  de  l'eau  fraîche.  Tout  eft  pafle 
au  travers  d'un  linge.  Ce  qui  demeure  dans  le  linge,  après  l'avoir  laiffé 
bien  égouter,  eft  remis  dans  le  pot,  où  l'on  recommence  la  même  opéra- 
tion ,  qui  fe  répète  auffi  long-tems  qu'il  refte  trop  de  vifcofité  dans  le  riz. 
Celui  du  Japon  eft  d'autant  meilleur,  pour  cet  ufage,  qu'il  eft  le. plus  blanc 
&  le  plus  gros  de  toute  l'Afie.  L'infunon  de  la  racine  d'Oreni ,  qu'on  joint 
à  celle  de  riz ,  fe  fait  auffi  avec  beaucoup  de  méthode.  On  coupe  la  raci- 
ne en  petits  morceaux,  qu'on  pile,  &  qu'on  jette  dans  de  l'eau  fraîche,  où 
ils  n'ont  befoin  que  d'une  nuit  pour  la  rendre  auffi  glaireufe  qu'elle  doit  l'ê- 
tre, après  avoir  été  paflee  dans  un  linge.  Mais  les  différentes  faifons  de 
l'année  demandent  une  différente  quantité  de  cette  effufion.  En  Eté ,  par 
exemple ,  il  en  faut  davantage  ;  parceque  la  chaleur  diflbut  cette  efpèce  de 
colle,  &  la  rend  plus  fluide.  D'ailleurs,  une  trop  grande  quantité  de  li- 
queur rendroit  le  papier  trop  mince,  comme  un  défaut  de  quantité  le  ren- 
droit  trop  épais ,  inégal  &  lec.  En  levant  les  premières  feuilles ,  on  s'ap- 
perçoic  du  mal,  s'il  eft  déjà  commis j  mais  il  n'eft  plus  tems  d'y  remédier. 
Au-lieu  de  la  racine  d'Oreni,  qui  eft  quelquefois  très-rare ,  fur-tout  au  com- 
mencement de  l'Eté ,  on  fe  lert  d'un  arbrifTeau  rampant ,  nommé  Sane-Kad- 
fura,  dont  les  feuilles  rendent  une  forte  de  glue,  aflTez  femblable  à  celle  de 
rOreni  ;  mais  l'infufion  n'en  eft  pas  fi  bonne. 

KuEMPFER  obferve encore  que  les  deux  nattes,  fur  lefquclles  on  pofe  en 
pile  les  '^euilles  fraîchement  levées  de  leurs  moules ,  font  d'une  forme  diffé- 
rente. Celle  de  defTous  doit  être  épaiffe  &  groifière  ;  l'autre  plus  claire  & 
compofée  de  joncs  plus  minces.  Les  joncs  de  celle-ci  ne  laiiTeroient  pas 
un  paflage  libre  fur  l'eau,  s'ils  étoient  ferrés;  ils  feroient  auffi  quelque  im- 
preffion  fur  le  papier,  s'ils  n'étoientpas  minces. 

Les  Japonois  font  une  forte  de  gros  papier,  pour  les  enveloppes,  de  l'é- 
corce  d'un  arbrifTeau ,  qu'ils  nomment  Kadfe-Kadfura  ;  &  leur  méthode  eft 
peu  différente.  On  vend  à  Syriga^  Ville  de  la  Province  de  Surunga,  une 
efpèce  de  papier  fort ,  très-proprement  peint ,  &  plié  en  fi  grandes  feuilles , 
que  d'une  feule  on  peut  fe  faire  un  habit.  Ce  papier ,  d'ailleurs ,  a  tant  de 
reffemblance  avec  une  étoffe  de  laine ,  qu'on  s'y  méprend  à  la  vue.  En  gé» 
néral,  tout  le  papier  du  Japon  eft  fi  fort,  qu'il  n'y  en  a  point  dont  on  nç 
puiffe  faire  de  bonnes  cordes  (a).  _      : 

(a)  ^manitt^es  exoticce,    Faftes  &  Hiftoire  du  Japon,  pag.  132  &  précédentes. 


§.  XVI, 


par 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV. 

'  •  •  Obfervationi  fur  le  Thé  du  Japon.  , ., 


493 


ou  Japo». 


l 


Sa  ikfcrLjJ- 
tion. 


ENT  RE  les  obfervations ,  qui  compofent  V Appendice  ^  ou  le  Supplément   .  Obfcrva. 
des  trois  Tomes  de  Ksempfer ,  on  trouve  un  Article  fort  curieux  fur  [,'JjJ[e;i„  japo- 
le  Thé  du  Japon,  dont  on  ne  peut  fe  difpenfer  de  donner,  du  moins,  quel-  ^oj^  qui  por- 
ue  extrait.     L'arbrilTeau  Japonois ,  qui  porte  le  Thé ,  a  la  feuille  du  ceri-  t«  le  'lUc- 
ler ,  &  la  fleur  femblable  à  la  rofe  des  champs.     Son  fruit  n'a  qu'une  ou 
deux,  ou  tout  au  plus,  trois  coques.     Il  porte,  r  la  Chine,   le  nom  de 
Theh  ;  au  Japon ,  celui  de  Tj/afl,  ou  Tsjanoki ,  qui  fe  prononce  Tcbaa  &  Tcba- 
noki.     Mais  on  doit  obferver  que  dans  la  Langue  fçavante ,  il  n'a  point  de 
caraftère  propre ,  c'eft-à-dire,  qui  donne  fa  véritable  idée.     On  y  a  fuppléé 
par  d'autres  caraélères,  dont  quelques-uns  expriment  fimplement  le  fon  du 
mot ,  &  d'autres  font  allufion  aux  vertus  r^  à  la  defcriptibn  de  la  Plante.  Kaemp- 
fer  en  diftingue  un,  qui  repréfente  les  paupières  de  Darma^  vingt-huitième 
Succefleur  de  Siaka ,  ouXaca,  &  qui  floriflbit ,  à  la  Chine,  dans  le  dixiè- 
me liècle  de  l'Ere  Chrétienne.     La  fable  de  fon  origine  fuppofe  que  le  Thé 
n'étoit  pas  connu  avant  Darma ,  &  que  les  paupières  de  cet  Apôtre  des 
ÏFotoques  furent  changées  en  autant  de  pieds  de  cet  arbrifleau ,  dont  il  re- 
connut la  vertu  en  goûtant  de  lès  feuilles. 

On  a  remarqué  que  l'arbrifleau  du  Thé  {a)  n'occupe,  au  Japon,  que 
les  bordures  des  champs ,  &  que  les  lieux  les  plus  ilériles  font  ceux  où  il 
croît  le  mieux.     Il  s'élève  lentement ,  un  peu  plus  qu'à  la  hauteur  d'une 
brafle.     Sa  racine,  qui  eft  noire  &  ligneufe,  jette  irrégulièrement  fes  bran- 
ches.    Celles  de  la  tige,  &  fes  rejettons,  n'ont  pas  plus  de  régularité.    Il 
arrive  fouvent  qu'on  voit  fortir  enfemble,  du  même  tronc,  plufieurs  tiges, 
fi  ferrées  l'une  contre  l'autre,  &  qui  forment  une  efpèce  de  buifl^n  li  épais, 
qu'on  les  prendroit  pour  le  même  arbrifleau.     Cette  confufion  vient  de  plu- 
fieurs graines ,  qu'on  met  dans  la  même  fofle.    On  obferve  encore ,  que  fi 
l'on  coupe  les  vieilles  Plantes  à  la  tige,  il  en  fort  de  nouveaux  rangs  de 
branches  &  de  rejettons ,  plus  touffus  &  en  plus  grand  nombre.     Mais  ce 
n'efl  pas  la  première  année  ;  car  les  premiers  rejettons  font  plus  rares  que 
ceux  des  années  fuivantes.     En  récompenfe,  ils  font  plus  grands  &  mieux 
iiourris.     Mais ,  dans  tous  les  tems ,  ils  font  courts ,  &  de  différentes  lon- 
gueurs. Ils  n'ont  pas  les  anneaux  qui  marquent  l'accroiflement  annuel  des 
arbres.     Les  premiers ,  comme  ceux  qui  les  fuivent ,  font  environnés  d'un 
très-grand  nombre  de  feuilles;  mais  fans  ordre.     L'écorce  efl  couverte  d'u- 
ne peau  fort  mince,  qui  fe  détache,  lorfqu'elle  commence  à  fécher.     Sa 
couleur  ell  un  châtain  ordinaire,  plus  grilatre  à  la  tige,  &  tirant  même  fur 
le  verd.     Son  odeur  approche  beaucoup  de  celle  des  feuilles  du  Noifettier  ; 
mais  elle  ell  moins  agréable.     Son  goût  eft  amer,  aftringent.     Le  bois  efl 
dur ,  compofé  de  fibres  fortes  &  épaiffes ,  d'une  couleur  verdâtre  qui  tire 

■  ^  —  r         .  .       •  ••   ■  fur 

(a)  Kœmpfer  le  définit,  Thea  frutex,  folio  Ceraji,  flore  rofce  Sylvejîris ,  fruttu  unicoecOt 
lUocco,  ut  ^  plurimum  tricocco, 

Qqq  3 


494 


VOYAGE    DE    KAMPFËRI 


Dejcriptioi»  fur  le  blanc ,  &  d'une  odeur  trèi- rebutante  lorfqu'il  eft  verd.  La  moelle  efl 
DU  Jai'on.  petite;  &  fort  adhérente  au  bois.  Les  feuilles  ont  leur  uucue,  ou  leur  pé- 
dicule, court,  gros,  verd,  affezrond,  aifez  uni  au-dellous;  mais  creux, 
du  côté  oppofé.  Elles  ne  tombent  jamais  d'elles-mêmes ,  parce  lue  l'ar- 
brilVeau  eft  toujours  verd.  On  les  arrache  de  force.  Elles  Ibiic  d'une  fub- 
ftancc  moyenne  entre  la  membraneufe  &  la  charnue,  mai?  de  différentes 
grandeurs.  Les  plus  grandes  ont  deux  pouces  de  long ,  fur  un  peu  moins 
dans  leur  plus  grande  largeur.  En  un  mot,  lorfqu'il  ne  manque  rien  à  leur 
forme ,  elles  ont  parfaitement  la  fubftance ,  la  figure  &  la  grandeur  du  Grio- 
tier  (/>).  Elles  font  dentelées.  Un  nerf  remarquable,  qui  les  traverfe  au 
milieu,  fe  partage  de  chaque  côté  en  fix  ou  fept  côtes  de  différentes  lon- 
gueurs, courbées  fur  le  derrière.  De  petites  veines  s'étendent  près  du  bord 
des  feuilles,  entre  les  côtes.  Dans  leur  fraîcheur,  ces  feuilles  n'ont  aucu- 
ne odcu' ,  Se  ne  font  pas  d'un  ^oCit  aufli  defagréable  que  l'écorce,  quoiqu'elles 
foyent  aftringentes  &  qu'elles  tirent  fur  l'amer.  Elles  dilfèrent  beaucoup  en 
grandeur  &  en  figure;  ce  qui  doit  être  atyibué  à  leur  liiuation  &  à  la  na- 
ture du  terroir.  De-là  vient  qu'on  ne  peui  juger  de  leur  figure,  ni  de  leur 
grandeur,  lorfqu'elles  font  iechées  &  portées  en  Europe.  Elles  affefte- 
roient  la  tête,  li  on  les  prenoit  fraîches;  parcequ'elles  ont  quelque  cho- 
fe  de  narcotique ,  qui  affoupic  les  efprits  animaux  ,  &  qui  caufe  aux 
nerfs  an  tremblement  convullif.  Mais  cette  mauvaile  qualité  fe  pc-d 
lorfqu'elles  font  féches. 
FlcursduThé.  ^^  Automne  ,  les  branches  font  entourées  d'un  |jrand  nombre  -de  fleurs, 
qui  continuent  de  croître  pendanc  l'Hyver.  Elles  îortent  feules,  ou  deux 
enfemble,  des  aîles  des  feuilles,  &  ne  reflemblent  pas  mal  aux  rofes  fau- 
vagcs.  Leur  diamètre  el:  d'un  pouce,  ou  d'un  peu  plus.  Elles  font  com- 
potëes  de  fix  pétales ,  oufeuil'ej,  dont  une  ou  deux  fe  retirent,  &  n'ap- 
prochent pas  de  la  grandeur  &  de  la  beauté  des  autres.  Encn  font  rondes, 
crcufes,  attachées  à  des  pédicules  d'un  demi  pouce  de  long,  qui  s'aggran- 
diflent  infenfiblement,  &  qui  fe  terminent  par  cinq  ou  fix  enveloppes,  pe- 
tites &  rondes ,  qui  fervent  de  calice  à  la  fleur.  Le  goût  des  fleurs  efl 
defagréable,  &  tire  fur  l'amer.  Il  atfeéte  fur-tout  la  racine  de  la  langue. 
On  voit,  au  fond,  un  grand  nombre  d'étamines  blanches,  extrêmement 
petites ,  comme  dans  les  rofes.  Le  bout  en  efl;  jaune ,  &  de  la  forme 
d'un  cœur.  Kœmpfer  alTure  qu'il  en  a  compté  deux  cens  trente,  dans 
une  feule  fleur. 
Son  fruit,  «Aux  fleurs  fuccédent  les  fruits,  en  grande  abondance.  Ils  font  d'Une, 
de  deux,  &  plus  ordinairement  de  trois  coques,  femblables  à  celles  qui  con- 
tiennent la  femence  du  Ricin  y  &.  compofées  de  trois  autres  coques  rondes, 
de  la  grofleur  des  prunes  fauvages ,  qui  croiflent  enfemble  attachées.à  une 
queue  commune,  comme  à  un  centre,  mais  diflinguées  par  trois  divifions 
afl'cz  profondes.  Chaque  coque  contient  une  gouffe ,  une  noifette  &  fa  grai- 
ne. La  goufle  efl;  verte,  tirant  fur  le  noir  lorfqu'elle  eft  mure,  d'une  fub- 
ftance  graffe ,  membraneufe,  un  peu  ligneufe,  s'cntrouvrant  au-deffus  de  la 

furface 

(b)  Tendres,  elles  refTemblent  plus  aux  feuilles  de  ce  qu'on  appelle  Evonymus  vulgarisf 
fruttu  acido,  à  l'exception  de  la  couleur. 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Lir.  IV. 


495 


furface,  après  qu'elle  a  demeuré  une  année  Tur  l'arbrifleau,  &  laiflant  voir  DiieRimoit 
la  noifette  qui  y  efl  renfermée.  Cette  noifette  ed  prefque  ronde,  mais  un  °"  J*'»». 
peu  comprimée  du  côté  par  lequel  les  trois  coques  le  joignent.  Son  écaille 
efl  mince ,  un  peu  durt. ,  polie ,  couleur  de  châtaigne.  Etant  cafTée ,  elle 
offre  un  pépin  rougeatre,  d'une  fubflance  ferme,  comme  celle  des  aveli- 
nés,  d'un  goût  douçàtre,  alTcz  defagréable  d'abord ,  &  qui  devient,  dans 
la  fuite,  plus  rude  Ck  plus  amer.  Il  fait  faliver  beaucoup.  Il  efl  fort 
dégoûtant  lorfqu'il  tombe  dans  le  gofier;  mais  ce  mauvais  goût  pafTe  vi- 
te. Ces  noifettes,  ou  ces  pépins,  contiennent  beaucoup  d huile,  &  ran- 
cifTent  fort  aifément.     Aulli  n'en  voit -on  pas  germer  deux  fur  dix,  lorf- 

3u'ils  font  femés.     Les  Japonois  ne  foQt  aucun  ufage,   ni  des  Heurs,  ni 
es  pépins. 

A  fept  ans,  l'arbrifleau  du  Thé  efl  de  la  hauteur  d'un  homme.     L'ufage      Première 
efl  de  le  couper  à  la  tige ,  d'où  il  fort ,  dès  l'année  fuivante ,  de  jeunes  ï^^",!^.'^  ^^'' 
branches  afTez  chargées  de  feuilles.-    La  récolte  n'en  efl  pas  aifée.     On  loue    ^^^  ''** 
des  Ouvriers ,  qui  n'ont  pas  d'autre  profelfion ,  &  dont  l'adreiTe  efl  fingu- 
lière  pour  ce  travail.     Les  feuilles  ne  doivent  point  être  arrachées  à  plei- 
nes mains.     On  les  tire  une  à  une,  avec  beaucoup  de  précaution.     Elles  ne 
fe  cueillent  pas  toutes  en  méme-tems.    On  s'y  prend  à  deux  fois ,  &  fou- 
vent  à  trois.     Dans  ce  dernier  cas ,  la  première  récolte  fe  fait  vers  la  fin 
du  premier  mois  de  l'année  Japonoife,  c'efl-à-dire ,  les  premiers  jours  de  , 

Mars.  Les  feuilles  n'ont  alors  que  deux  ou  trois  jours.  Elles  font  en  petit 
nombre,  fort  tendres,  &  peu  déployées.  Ce  font  les  plus  eflimées  &  les 
plus  rares.  Il  n'y  a  que  les  Princes  &.  les  perfonnes  aifées,  qui  en  puifTent 
acheter  ;  &  cette  raifon  leur  a  fait  donner  le  nom  de  Thé  Impérial.  On  les 
appelle  auffî  Fleur  de  Thé;  d'où  l'on  concluroit  mal  que  ce  Thé  foit  la  fleur 
d'arbrilTeau.  Koempfer  ajoute ,  que  le  Thé  Bouy  des  Chinois  appartient  à  la 
même  clafTe  (c). 

La  féconde  récolte,  &  la  première  pour  ceux  qui  n'en  font  que  deux 
par  an ,  fe  fait  au  fécond  mois  ;  c'ell-à-dire ,  vers  la  fin  de  Mars ,  ou  au 
commencement  d'Avril.  Quelques-unes  des  feuilles  font  alors  parvenues  à 
leur  perfeftion.  Quoique  les  autres  ne  le  foyent  pas,  on  les  cueille  toutes 
indifféremment:  mais,  avant  que  de  leur  donner  la  préparation  ordinaire, 
on  les  range  dans  leurs  diverfes  clafTes ,  fuivant  leur  grandeur  &  leur  bonté. 
Celles  qui  n'ont  pas  encore  toute  leur  grandeur  naturelle ,  approchent  des 
feuilles  de  la  première  récolte,  &  fe  vendent  fur  le  même  pied.  La  troi- 
fième  récolte,  qui  efl  toujours  la  plus  abondante,  fe  fait  au  troifième  mois 
de  l'année  Japonoife,  lorfque  toutes  les  feuilles  ont  leur  perfedtion;  & 
plufieurs  n'en  font  pas  d'autre.  Cependant  on  y  fépare  aufti  les  feuilles , 
fuivant  leur  âge  &  leur  grandeur;  &«l'on  en  fait  trois  clafTes ,  qui  font 
diflinguées  fous  les  noms  d'itziban  ,  de  Niban ,  &  de  Sanban ,  c'efl  -  à- 
-,  ■_--■■-  dire, 


Seconde  & 

troifiùmc  rii- 
coltc, 


(  c  )  Il  fe  trompe ,  fuivant  la  remarque  de 
VHlftorien  moderne,  s'il  entend  qu'on  ap- 
pelle fbé  Bouy,  à  la  Cliine,  précifément 
celui  qui  s'y  cueille,  comme  le  Thé  Impé- 
rial au  Japon;  car  le  Thé  Uouy  efl;  une  efpè- 


ce  de  Thé  particulier.  On  compte ,  à  la 
Chine,  plus  de  cinquante  efpèccs  de  Tlié, 
qui  viennent  d'autant  d'arbrifllaiix  différcns. 
KiBinpfer  paroît  l'avoir  ignoré. 


496 


VOYAGE    DE    K^EMPFER 


DRSCRTPTrON 
VU  jArON. 


I.c  Japon 
n'a  que  trois 
dalles  de 
Thé. 


Priicautions 
avec  Icfiiiiel- 
les  il  fit  cul. 
tiyé  pour 
lEmpcreur. 


dire,  première ^  féconde  &  tro'ijième,  La  dernière  contient  les  feuillei  les 
plus  gronTiùrcs,  qui  onc  deux  mois  d'âge,  &  donc  le  Peuple  fait  fa  boif- 
ion  ordinaire. 

K/RMPFR R  afliire  qu'on  ne  connoît  pnînt,  au  Japon,  d'autres  efpéces 
de  Thé  que  ces  trois  différentes  clallli  des  feuilles  d'un  même  arbriiTeau  (d). 
Le  Thé  Impérial,  lorfqu'il  a  toute  fa  préparation ,  fe  nomme  l'icki-Tsjaa, 
c'eft-à-dire,  Thé  moulu;  parcequ'on  lepr^*nd  en  poudre,  dans  de  l'eau  chau- 
de.    On  lui  donne  aulîi  les  noms  d'Uti/t-'lsjau,  &  de  Tacke-Sacki-Tsiaa ,  de 
quelques  lieux  particuliers  donc  on  dillini^  le  les  plants.     Le  plus  eltimé  eft 
Thtid'Udiî,  celui  d'Ly/j,  petite  Ville  affez  proche  de  Meaco.     'l'outleThé,  qui  fe  fert 
leplusduné.   à  la  Cour  de  1  Empereur  &  dans  la. Famille  Impériale,  doit  être  cueilli  fur 
une  montagne  voidne  de  certe  Ville'.  On  le  cultive  avec  des  foins  &  des  pré- 
cautions incroyables.     Un  folfé  large  iic  profond  environne  le  plant.     Le« 
arbriffeaux  y  lont  difpofés  en  allées,  qu'on  ne  manque  pas  un  leul  jour  de 
balayer.     On  porte  l'attention,  jufquà  ne  fouffrir  aucune   ordure  fur  les 
feuilles.     Lorlque  la  faifon  de  les  cueillir  approche,  ceux  qui  font  chargés 
de  cet  office  doivent  s'abllenir  de  mang,r  du  poilTon ,  &  de  toute  autre  vian- 
de qui  n'eft  pas  nette;  de  peur  que  leur  haleine  n'y  répande  quelque  infec- 
tion.    Pendant  toute  la  récolte,  il  faut  qu  ils  fe  lavent  dmix  ou  trois  fois 
par  jour,  ou  dans  un  bain  chaud, ou  dans  la  Kivière;  ik  malgré  tant  d.-  pré- 
cautions pour  fe  tenir  propres,  il  ne  leur  ell  pas  permis  de  toueur  les  f.uil- 
les  avec  les  mains  nues.     Chacun  doit  avoir  des  gants.     C'eil  le  principal 
Infpeéleur  de  la  Cour  Impériale  pour  'e  Thé,  qui  commande  fur  cecte  mon- 
tagne.    Il  y  entretient  des  Commis,  pour  veiller  à  la  culture  de  l'arbrilleau, 
à  la  récolte  &  à  la  préparation  des  feuilles ,  &  pour  garder  le  paHage  du 
fbfle ,  qui  eft ,  d'ailleurs ,  bordé  d'une  forte  haye.     Ce  Tiié ,  après  la  ré- 
colte &  les  préparations,  eft  mis  dans  des  facs  de  papier,  qu'on  renferme 
dans  des  pots  de  terre  oir  de  porcelaine;  &  pour  le  conferver  plus  parfaite- 
ment, on  achève  de^i^mplir  les  pots  de  Thé  commun.     Dans  cet  état,  il 
eft  tranfporté  à  la  Cour ,  fous  une  garde  nombreufe.     De-là  vient  que  le 
prix  en  eft  exorbitant.    En  comptant  tous   les  fraix  de  la  culture,  de  la 
récolte,  de  la  préparation  &  du  tranfport,  un  Kin,  ou  un  Catti  de  Thé 
Impérial,  monte  ordinairement  à  trente  ou  quarante  Siumomes,  ou  Taels, 
c'eft-à  dire ,  à  quarante-deux  ou  quarante-lix  onces  d'argent.     Le  Pour- 
voyeur ,  dans  les  comptes  qu';l  préfente  à  la  Cour  des  Finances,  le  fait 
quelquefois  monter  à  un  Obani,  monnoye  d'or  de  la  valeur  de  cent  onces 
d'argent.     Maison  en  fera  moins  furpris,  fi  l'on  confidère  qu'un  pot  de 
ce  'fhé,  qui  ne  contient  pas  pllis  de  trois  ou  quatre  Cattis,  eft  quelque- 
fois conduit  à  la  Cour  par  un  cortège  de  deux  cens  perfonnes.    Kaempfer 
raconte  qu'étant  à  l'Audience  de  l'Empereur,  avec  l'AmbaiTadeur  de  la 
Compagnie  Hollandoife,  un  Gentilhomme  de  fervice,  qui  lui  préfentoit  une 
tafle  de  Thé ,  lui  dit  :  „  Buvez  -  le  de  bon  cœur  ;  en  voilà  pour  un  Itfe- 
„  bo".    C'eft  une  monnoye  quarrée  d'or,  qui  vaut  douze  ou  treize  fhellings 
d'Angleterre. 

(d)  C'eft  ce  qu'il  eft  difficile  de  fe  pcrfimder,  après l'obfervation  qu'on  vient  de  faire  fiu 
la  différence  des  arbriffeaux  du  Thé  à  la  Chine.     .  -  • 


Sa  cherté. 


D    \S  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  497 

Lb  Thé  des  feuilles  de  U  féconde  dafle  fe  fubdivife  en  quatre  autres,  qui 
différent  en  prix  &  en  bonté.  11  fe  nomme  Tootsjaa,  c'eft-àdirc,  Thé  Chi- 
nois,^ parcequ'on  le  prépare  à  la  manière  Chinoifc.  Celui  des  feuilles  de  la 
troiliéme  clalfe  s'appelle ^an-rjf/aa.  Comme  il  efl:  compofc  des  feuilles  grof- 
fes  &  fortes,  qui  ne  peuvent  être  préparées  à  la  manière  des  Chinois, c'cd- 
à-dire,  fèchées  fur  des  poêles,  &  friltcs,  on  l'abandonne  au  Peuple.  Ce- 
pendant les  vertus  de  la  Plante  s'y  confervent  plus  fûrcment  que  dans  les 
autres,  dont  les  parties  font  trop  volatiles,  pour  ne  pas  s'aftoiblir  beau- 
coup dans  la  moindre  expofition  a  l'air,  ou  dans  une  fimple  dècoèlion. 

La  préparation  du  Thé  n'eft  pas  la  moins  curieule  partie  de  cet  Article. 
Aurti-tôt  que  les  feuilles  font  cueillies ,  on  les  étend  fur  le  feu,  dans  une 
platine  de  fer;  &  lorfqu'elles  fr>nt  bien  chaudes,  on  Ica  roule  avec  la  paul- 
me  de  la  main ,  Air  une  natte  rouge  très-fine ,  julqu  a-ce  qu'elles  foytnt  cout- 
à-fait  ùifées.  Le  feu  leur  ôte  cette  qualité  narcotique  &  maligne,  qui 
pourroit  offenfer  la  tête.  On  les  roule,  non-feulement  pour  les  confervcr 
mieux,  mais  afin  qu'elles  tiennent  moins  de  place.  Il  faut  leur  donner  fur 
le  champ  toutes  ces  façons;  parccqu'étant  gardées  une  nuit  f'juicnicnt,  el- 
les fe  noirciroient  &  perdroient  beaucoup  de  leur  vertu.  On  doit  éviter 
auffi  de  les  laifler  long-tems  en  monceaux  ,  f:  l'on  ne  veut  pas  qu'elles  fe 
corrompent  en  s'échauffant.  A  la  Chine ,  on  commence  dit-on ,  par  jettcr 
les  feuilles  de  la  première  récolte  dans  l'eau  chaude ,  où  elles  demeurent 
l'efpace  d'une  demie  minute;  &  la  chaleur  de  l'eau  fert  à  les  dépouiller  plus 
facilement  de  leur  qualité  narcotique.  Mais  iJ  eft  certain  que  cette  pre- 
mière préparation  demande  un  foin  extrême.  On  fait  chaufi*er  d'abord  la 
S  latine  dans  une  efpèce  de  four,  avec  un  feu  modéré;  &  lorfqa'elle  a  le 
egré  de  chaleur  qui  convient,  on  y  jette  quelque»  livres  de  feuilles,  qu'oa 
ne  cefle  pas  de  remuer,  jufqu'à-ce  qu'elles  foyent  fi  chaudes,  qu'à  peine 
y  puiffe-t'on  tenir  la  main.  Alors  on  les  retire  de  la  platine,  &  les  répan- 
dant fur  une  natte,  on  commence  à  les  rouler.  Cette  féconde  opération 
coûte  beaucoup  à  l'Ouvrier.  Il  fort  des  feuilles  rôties,  un  jus  de  cou- 
leur jaune,  tirant  fur  le  verd,  qui  lui  brûle  les  mains.  Malgré  la  dou- 
leur qu'il  reïïent,  il  doit  continuer  ce  travail,  jufqu'à-ce  qu'elles  foyent 
refroidies ,  parceque  la  frifure  ne  tiendroit  pas ,  li  les  feuilles  n'étoient 

J)as  chaudes.  Il  e/l  môme  obligé  de  les  remettre  deux  ou  trois  fois  fur, 
e  feu  ;  &  quelques  gen»  délicats  les  y  font  remettre  jufqu'à  icpt  fois , 
en  obfervant  néanmoins  de  diminuer  toujours  par  degrés  la  forte  du  feu  ; 
préparation  nécelfaire ,  p^  jr  confcrver  aux  feuilles  une  couleur  vive, 
qui  fait  une  partie  de  leur  ^rix.  On  ne  manque  pas  non  plus  de  laver, 
à  chaque  fois,  la  platine,  -ivcc  de  l'eau  chaude;  parceque  le  fuc,  qui 
fort  des  feuilles ,  s'attaclie  à  Jcs  bords,  &  que  les  feuilles  pourroient  le 
reprendre. 

Lorsqu'elles  font  bien  frifées,  on  les  jette  fur  le  plancher,  qui  efl 
couvert  d'une  natte;  &  l'on  répare  celles  qui  font  trop  rôties,  ou  qui  n'ont 
pas  été  roulées  alTez  foigncufciaenc.  Les  feuilles  du  Thé  Impérial  doivent 
être  plus  rôties  que  les  autres,  pour  devenir  pîusaifées  à  moudre;  mais 
quelques-unes  font  fi  jeunes  &  il  .endres,  qu'on  eft  obligé  de  les  mettre  d'a- 
bord dans  de  l'eau  chaude,  enluite  fur  un  papier  épais;  &  de  les  faire  fé- 

XIF.  Fart.  Rrr  dier. 


Deuchiptiom 
uujAruN. 


CiiricurL- 
prc|):iration 
des  feuilles  du 


Comment 
oiilci)  frifc- 


Autres  nie- 
diodes. 


495 


VOYAGE     DE     K^MPFER 


MaatfuboSi 
ou  pots  qui 
fervent  à  gar- 
der le  Thé. 


DEscRffTrô»  cher  fur  des  charbons,  fans  être  roulées,  à.caufede  leur  extrême  petîtef- 
dw'Japon.  fe.  Les  gens  de  la  campagne  ont  iinet  méthode  plus  fimple  &  plus  courte , 
qui  confiilre  à  rôtir  les 'feuilles  dans  des  chaudières  de  terre,  fans  aucune 
autre  préparation.  Leur  Thé  n'en  efl  pas  moins  eftimé  des  Connoifleurs, 
quoiqu'il  foit  beaucoup  moins  cher.  On  lui  croit  même  plus  de  force  qu'au 
Thé  Impérial ,  qui ,  après  avoir  été  gardé  quelques  mois ,  efl;  encore  remis 
fur  le  feu ,  pour  lui  Kiire  perdre  l'humidité  qu'il  pourroit  avoir  contrafté 
dans  la  faifon  des  pluyes.  Mais ,  enfuite ,  on  prétend  qu'il  peut  être  gar- 
dé long-tems;  pourvu  qu'on  ne  lui  laiffe  pas  prendre  l'air ,  qui  en  diflîpe- 
roit  aifément  les  fels  volatils.  En  effet,  tout  le  monde  convient  que  ce 
Thé ,  &  les  autres  efpèces  à  proportion ,  les  ont  perdu  prefque  tous  en  ar- 
rivant en  Europe.  Kasmpfer  afllirc  «j«'ii  ne  leur  a  jamais  trouvé ,  hors  du 
Japon,  ni  cet  agréable  goût,  ni  cetOe  vertu  de  raftaîchir  modérément, 
qu'on  y  admire  dans  le  climat  qui  les  produit. 

Les  Japonois  mettent  leurs  provifions  du  Thé  commun,  dans  de  grands 
pots  de  terre,  dont  l'ouverture  efl  fort  ctroite.  Le  Thé  Impérial  fe  garde 
ordinairement  dans  des  vafes  de  porcelaine,  particulièrement  uans  ceux 
qu'on  appelle  Maatfubos.  Ils  font  très-anciens  &  d'un  fort  grand  prix.  On 
leur  attribue  la  propriété,  non-feulement  de  conferverJe  Thé, ?  mais  d'en 
augmenter  les  vertus.  Le  Thé  vieux  y  reprend  la  force  qu'il  a  perdue.  II 
'.la:  .  n'y  a  point  de  Seigneurs,  qui  ne  fe  procurent,  à  grand  prix ,.  quelques-uns 
de  ces  vafes.     On  a  déjà  fait  remarquer' leur  origine.     Ils  fe  faifoient,  au- 

Lcur  origine,  trefois,  d'une  terre  de  l'Ifle  Mauri,  voifîne  deFormofo.  Cette  Ifle  ayant  été 
fubmergée,  il  n'en  reflequedes  rochers,  qu'on  apperçoit  dant  les  baffes 
marées,  &  du  milieu  defquels  on  tire  quelquefois  des.  v^fes.  de  porcelaine, 
qui  fe  trouvèrent  tout  faits,  lorfque  rlfle  fut  abîmée.  lis.  font  extrême- 
ment défigurés  par  des  coquillages ,  des  coraiix,  &  d'autres  excrefcences  ma- 
ritimes. Ceux  qui  les  nettoyent,  fe  gardent  bien  de  les  racler  entièrement. 
Ilslaiffent  toujours  mi  peu  de  ce  mélange  étranger,  pour  faire  connoître 

Î[u'ils  ne  font  pas  contrefaits.  Ainfi  leur  difformité  leur  fert  de  luflre.  Ils 
ont  tranfparens ,  extrêmement  minces,  d'une  couleur  blanchâtre ,  qui  tire 
fur  le  vèrd.  Leur  forme  approche  de  celle  des  petits  barils  ;  avec  un  petit 
cou  fort  étroit,  qui  les  rend  auffi  propres  à  tenir  du  Thé ,  que  s'ils  avoient 
été  faits  pour  cet  ufage.  On  les  reçoit,  au  Japon,  de  divers  Marchands 
Chinois,  qui  les  achètent  pour  les  revendre.  Les  moindres  valent  environ 
cent  taels.  Les  plus  grands,  &  ceux  qui  font  entiers,  fe  payent  trois, 
quatre  &  jufqu'à  cinq  mille  taels  ;  mais  l'Empereur  fe  réferve  le  droit  d'a- 
cheter les  plus  précieux.  On  en  voit  un  gra^nd  nombre  dans  fon  tréfor. 
Il  efl  rare  d'en  trouver  qui  ne  foyent  ni  rompus  ni  fêlés  ;  mais  on  a  le  fe- 
cret  d'une  compofition  de  blanc ,  qui  les  répare  avec  tant  de  propreté 
que,  pour  en  découvrir  les  fentes,  il  faut  les  faire  bouillir  dans  l'eau,  pen- 
dant deux  ou  trqis  jours.  Comme  le  Thé  deia  troifième  récolte  n'efl  pas 
fi  fujet  que  les  autres  à  s'éventer,  les  Payfans  le  tiennent  dans  des  cor- 
beilles de  paille,  H 2  la  forme  de  nos  tonneaux,  qu'ils  placent  fous  le 
toît  des  maifons ,  à  côté  de  l'ouverture  qui  fert  de  cheminée  ;  car  ils 
font  perfuadés  que  la  fumée  conferve  la  vertu  dès  feuilles.  Ils  n'en  ufenc 
pas  autrement  pour  le  Thé  de  h  première  &  de  la  féconde  récolte,  lorf- 

,    qu'ils 


une 

dre, 

de  pa 

que 

loin 

Elle 

mêm 

l'on 

tremi 

doit 

veau 

obflri 


DANS  L'EMPIRE  DU  JAPON,  Liv.  IV.  499 

qu'ils  peuvent  s'en  procurer;  &  cette  méthode  leur  réuffit:  peut-être, 
obferve  l'Auteur,  parcequiis  ont  le  goût  moins  délicat  que  les  Grjands. 
Quelques-uns  mettent i  paP-defllis,  des  feuilles  d'armolie  commune,  ou 
des  feuilles  tendres  d'une  plante ,  nommée  Safangua ,  dans  l'opinion  qu'el- 
les lui  communiquent  un  goût  plus  agréable.  Mais  l'expérience  a  fait  re- 
connoître  que  d'autres  odeurs ,  dont  on  a  voulu  faire  relTal ,  ne  s'allient  pas 
bien  avec  les  feuilles  de  The. 

L  E  breuvage ,  le  plus  commun  au  Japon ,  efl  une  infufion  des  grandes 
feuilles  de  cette  Plante.  •On  les  fait  bouillir  dans  un  chaudron,  qui  fe  met 
dès  le  matin  fur  le  feu;  &  pour  les  retenir*au  fond,  en  laiiïL.it  la  liberté 
d'y  puifer  de  l'eau,  on  met,  par-deflus,  une  corbeille,  ou  une  daye.  Quel- 
quefois, au-lieu  d  une  claye^on  «nfecme  les  feuilles  dans  des  fachets ,  qui 
demeurent  au  fond  par  leur  propre  poids.  On  tient,  à  peu  de  diftance,  un 
baflin  dVau  froide-,  pour  refroidir  tout  d'un  coup  la  liqueur ,  autant  qu'on 
le  defire.  Le  Thé  Impérial  ne  fe  prend  guères  qu'en  poudre.  On  appor- 
te, fur  une  table,  defs  taffés,  de  l'eàu  chaude,  &  du  Thé  fraîchement  mou- 
lu (c);  on  verfe  de  l'eau  dans  une  tafle;  on  y  jette,  avec  une  petite  cuilr 
lière ,  de  la  poudre  de  Thé ,  qu'on  remue  avec  un  petit  inftrument  den- 
telé, jufqu'à-ce  qu'elle  écume;  &  c'efl:  dans  cet  état  qu'on  le  préfente.  Il 
a  la  confiftanee  d'une  bouillie  claire.  Auffi  l'appelle-t-on  communément 
Koits-jaa,  ou  Thé  épaisi  Quoique  toutes  ces  méthodes  n'ayent  rien  de 
fort  difficile,  on  en  a  fait  un  art,  qui  fe  nomme  Sado,  ou  Tjianofi-,  &  les 
Japonois  ont  des  Maîtres,  qui  l'enfeignent  aux  enfans  des  deux  Sexes.  Les 
Pauvres ,  fur-tout  dans  la  Province  de  Narà^  font  quelquefois  bouillir  leur 
riz  dans  la  déco6lion  de  Thé.  Ils  aflurent  qu'il  devient  beaucoup  plus  nour- 
riflant  par  ce  mélange.  Enfin  ce  vieux  Thé  même ,  dont  on  ne  veut  plus 
boire,  parcequ'il  a  perdu  fa  vertu,  fert  à  teindre  en  brun  des  étoffes  de 
foye.  On  envoyé ,  tous  les  ans ,  pour  cet  ufage ,  une  grande  quantité  de 
ces  vieilles  feuilles,  à  Surate  (/).    . 

Terminons  cet  Article,  par  quelques  remarques  intéreflantes  fur  les 
bonnes  &  les  mauvaifes  qualités  du  Thé.  Ses  feuilles ,  dit  Ksempfer,  ont 
une  qualité  narcotique ,  qui  met  les  efprits  animaux  dans  un  grand  defor- 
dre,  jufqu'à  caufer  une  forte  d'ivrefle.  Quoiqu'elles  perdent  la  plus  gran- 
de partie  de  cette  vertu ,  après  les  préparations  qu'on  leur  donne,  ce  n'efl: 
que  dans  l'efpace  de  dix  mois  qu'elle  s'évapore  tout-à-fait.  Alors,  bieo 
loin  de  troubler  les  efprits  animaux ,  elle  y  répand  une  fraîcheur  modérée. 
Elle  récrée  les  fens ,  elle'  les  fortifie.  Ainfi ,  le  Thé ,  pris  dans  l'année 
même  où  les  feuilles  ont  été  cueillies ,  efl  plus  agréable  au  goût  ;  mais  fi 
l'on  en  fait  un  trop  grand  ufage ,  il  attaque  la  tête ,  il  la  rend  pefante ,  &  fait 
trembler  les  nerfs.  Le  meilleur,  c'eft-à-dire ,  le  plus  délicat  &  le  plus  fain, 
doit  avoir  du  moins  un  an.  Les  Japonois  ne  le  boivent  jamais  plus  nou- 
veau ,  fans  y  mêler  une  égale  quantité  du  plus  vieux.  Alors ,  il  dégage  les 
obftru6lions,  il  purifie  le  fang;  il  entraîne,  fur-tout,  la  matière  terreufe 

qui 

(«)  On  le  réduit  en  poudre  fubtile  par  le     te  opération  fe  fait  ou  le  jour  ou  la  veille, 
moyen  d'un  moulinet,  fait  d'une  pierre  d'un        (/ )  Appendice  de  Kaeinpfer,  pag.  255  & 
fioir  verdâtre,  qu'on  appelle  Serpentine.  Cet-     précédentes. 

Rrr  2 


Description 
DU  Japo». 


Comment 
les  Japonois 
prennent  le 
Thé. 


Remarque» 
furies  quali- 
tés du  Thé. 


500 


VOYAGE    DE     KiEMPFER    etc. 


DEscBimoN  qui  caufe  la  gravelie,  la  néphrétique  &  la  goutte.  Kaempfer  rend  téraoigna- 
duJai'on.  gg  q^g  pendant  tout  le  féjour  qu'il  fit  au  Japon,  il  ne  vit  perfonne,  parmi 
ceux  qui  en  faifoient  un  ufage  habituel ,  qui  fût  attaqué  de  la  goutte  ou  de 
la  pierre:  &  fi  ces  maux,  dit-il,  n'étoient  héréditaires  en  Europe,  il  efl 
fortement  perfiiadé  que  le  Thé  y  produiroit  les  mêmes  effets.  Il  ajoute  que 
ceux-là  fe  trompent  beaucoup,  qui  recommandent  l'ufage  de  la  Véronique, 
&du  Myrtus  Brabantia,  comme  un  équivalent  pour  le  Thé.  Il  ne  croit  pas 
qu'il  y  ait  de  plante  connue,  dont  l'infutton ,  ou  la  décoftion,  pefe  fi  peu 
fur  refl:omac,  pafleplus  vite,  rende  plus  de  vigueur  aux  efprits  abbatus, 
&  ranime  plus  fÛrement  la  gayeté.  D'un  autre  côté ,  il  convient ,  avec  les 
Japonois ,  que  l'ufage  du  Thé  arrête  &  trouble  l'effet  des  autres  remède  ; 
qu'il  efl  particulièrement  nuifible  dans  cette  forte  de  colique,  qui  efl  ordi- 
naire au  Japon  (g)  ;  &  que  l'infufion  des  feuilles  trop  nouvelles,  qui  attaque 
la  tête  en  général ,  augmente  l'iniîammation  des  yeux.  Il  efl  perfuadé  aufTi, 
fur  le  témoignage  des  Médecins  Chinois ,  qu'il  ne  manqua  point  de  conful! 
ter,  que  fi  l'on  prenoit  l'habitude  de  boire , pendant  tout  le  jour,  une  infufîoa 
forte  des  feuilles  du  Thé,  on  détruiroit  le  principe  radical  de  la  vie,  qui 
confifte  dans  un  mélange  bien  conditionné  de  froid  &  de  chaud,  de  fec  & 
d'humide.  Le  même  effet,  dit-il,  arriveroit,  par  des  raifons  contraires, 
d'un  ufage  continuel  de  viande  graffe,  fur-tout  de  chair  de^jorc;  mais  fi 
Ton  mêle  ces  deux  chofes  enfemble,  loin  de  nuire  à  la  fanté,  elles  y  contri* 
buent&  procurent  une  longue  vie  (A).       -  ,..,  .     - 


{  ^),  Voyez,  ci-deflus,  l'Article  des  Sciences  du  Japon, 
(i)  Kaempfer,  ttW/apr<i,  pag.  259. 

,  .    ;    ^^^    Fm  de  la  Quatorzième  Partie. 


,":     V/. 


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■'  TABLE 


T    A    B    L    E 


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DES 


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.         ,  4? 


TITRES  ET   PARAGRAPHES 

Contenus  dans  ce  Volume.: 


Avertissement  de  Mr.  V Jbbé  Prpvoji , 
Avertissement  des  Editeurs  de  Hollande. 


.  Pag.  m. 
V. 


VOYAGES    DANS    LA   PRESCIUISLE  EN 
DEÇA  DU  GANGE. 


SUITE    DU   LIVRE    TROISIÈME, 


DESCRIPTION  des  Royaumes  de 
Tanjour,  de  Marava,  de  Madu- 
r^  de  Maiffbur,  de  Gingî  6f  de  Car- 
note  y Pag.  i 

Parag.  I.  Origine  de  VEtabliJJement 
des  François  à  Pondicbery ,     .       15 

Parag.  II.  Dernières  Guerres  de  flnde, 
ou  Continuation  dss  Troubles  ,  depuis 
1741.  Supplément  y     ...       51 

Parag.  III.  Defcription  de  la  Côte  deCo- 
romandely 124 

Premier  Fbyage  des  François,  dans  tA- 


rabie  beureufe,  par  î Océan  Orteraàl, 

....    153 

Parag.  II.  Foyagea  Mouab,  Cour  Ro- 
yale d'temen ,    164 

Parag.  III.  Obfervations  fur  V Arbre  & 
le  Fruit  du  Caffé  de  î  Arabie  heureu- 

fi» ï73 

Parag.  IV.  Nouvelles  Obfervatîons  plus 
particulières  y  fur  la  culture  du  Caffé, 
Supplément  y 187 

Supplément  à  la  Defcription  des  IJles  de 
■  Bourbon  ^  de  France  y      .    .     18  (5 


VOYAGES  AUX  INDES  ORIENTALES   PAR 

LE  SUD-OUEST. 

LIVRE    Q^UATRIEME, 

Introduction,    .     .    Pag.  194    Voyage  d'Olivier  de  Noort,   aux  Indes 

PsLvag.  II.  Voyage  de  Ferdinand  Magal-        Orientales  y  par  le  Sud-Oueji y     200 

hanes,  ou  Magellan,  .    .    .     195    Navigation  Aufirale y  ou  Voyage  de  Jac- 

Rrr  3  ques 


TABLE  DES  TITRES  ET  PARAGRAPHES. 

ques  le  Maire  f  pour  la  déebuverte  d'un  Parag.  VU.    Commercé  des  Japonoîs 

nouveau  pqffage ,  au  Sud  du  Détroit  avec  les  Etrangers  ^      .    .     .     382 

de  Magellan t 229  Parag.  VIII.  Religions^  Seëtes^  Prê- 

Foyage à'Engelbert Kampfert au  j^apon t  très,  Temples,  Pèlerinages,  Cérémo- 

.     •      •     •     •    ;     •     •     •  ,  ?57  .niet du  Japon,-.     .     .     .     .,   399 

Parag.  I.  Kampfer  ff  rând  de  Batavia  Tsirag.  IX.  Hijtoîre  Naturelle  du  Ja- 

au  Japon,     Circonjiances  de  fon  arri-        pon, 428 

vée,  .     .     .\   .     .^' .   ;.     .     261  Faiag.  X.'   MimaUx  chiméri^es  & 

Defcriptîon  des  Ifles  dit  Japon,  \    311  réels  du  Japon ,      .    .    .     ,    436 

Parag.  I.  Divijion  générale  de  lEmpi-  Parag.  XL  Arbres  fruitiers  ^  S  Plan- 

re  du  Japon,     .     .""'.'.     319  tes  principales  du  Japon ,  .     .     457 

Parag.  IL  De/crij>*ié>»  fartieuMr*,  j^^  ''O'^'^A^yill.  Arbresif  Plantes  remarqua- 
Provinces,    .     .     .     .     .     ..  3>a3vi\    'blesfarlabeaméd0.iffHf^pig^fj^.g 

Parag.  III.  Origine  des  Japonais  ,  ^  Parag.  XIIL  Autres  Arbres  tf  PlaSes 

forme  de  leur  Qmtaernement ,  .     331  partieuttètifs  au  Japon,     .    .    4C9 

Parag.  IV.  Gouvernement  général  ^  Parag.  XIV.  Grains,  Ugufnes,  Cour- 
particulier  du  Jlapioti,  \  •  .     .     336  g€S,  Concombréi  î   Èacinés,   Herbes 

Parag.  V.  Figure,  Habillement,  ^^u-,  ,  i potagères ,' Champignons ,   Mouffès , 

cation.  Sciences,  Arts  ^  Ùaraiière        ^c. 482 

des  Japonais,     .     ..,.,..   351.  .Parag.  XV.  Manière  dont  on  fait  le 

Paxag.  VL  rtlles'f  Boutgs , 'Pillages  ,•       Papier  au' Japon 490 

Châteaux,  Jardins,  Chemins,  Voi'  Parag.  XVI.   Obfervations  fur  le  Thé 

tares  ^  Bâteaiit^du  Jàpôri,  .'    368  -.  du^Jap6n,''\'l.^  7'  .    .  .  \,  493 

Fin  dex«T1b^'e  des  Titres  e.t  Paragraphes. 

e  î 

.         '  '  •-.■'-  ^      •    ■ ■  — 

De  rjmprimèfie  de  Jac'<ijjzs  VÀ.K  KAnutl^tiK-^à  la  HayeJ    - 

•  '> .  t  "'   •-  .-■  ' 


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AVIS 


AVIS  AU  RELIEUR, 

POUR*' 


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130 


PLACER  LES  CARTES    ET   LES    FIGURES 

QUATORZIÈME  VOLUME. 

♦  JL  HÉATRE  de  la  Guerre,  fur  la  Ctt.^  de  Côrôïnaiïiîë/,  T  Pagr  i 
Plan  de  Pondic^eçy,  en  1741.  .-  ;,  ..^  ,.  ,j  çj.^i.ip  .  •.  1  ..  ai 
Prince/Ie  Mère  du  Nabab  d'Arcatte,     ,^  ,  .  ;ijp  «i^  fi9*<'>rt  t«F .—.,..     33 

•  Pian  de  Madras  &  du  ForVSt.  Georges,  pris  par, les. François  le  21  . . 

Septembre  1746^  .-     ".        ..      .     -.    -  .'■*     .  "'■   .      57 

Avec  une  Explication  des  Renvois. 

•  Ville  de  Tranquebar,  &  Fort  Danois  de  Dansbourg,    . 

■  Jvectmt  ^^plicatitm  des  Renvois, ■"    '    —  ■"' 

*  j[j^^  Dansbourg,      .,...,        •' ^    '-ÀV,^^..v;  %j     •    ,• 

•  Carte  du  Diflrift  de  Tranquebar ,      .      ■.        .        v.    ..... 

Avec  une  Explication  des  Renvois,  h     "^  '  ''  "^     '^ 

•  St.  Thoihéi    .      :  ;  .      ,    -r  •:  ^r--";^^-  r  ;;, 

•  Ruines  de  St.  Thomé ,      .    -    .        .    '  ' .    '    .^  '     ''.-.  ' 

*  Plan  dilà  Loge  HoUandoife  d'Ougly,  A<».  1721.  ""     . 

Avec  une  Explication  des  Renvois. 

Arbre  du  CafFé,  defliné  efl  AraHe,     .        .       -, 
Partie  d'un  Rameau  de  Caffé,  avec  la  Fleur  &  le  Fruit,      . 
Cartec'el'Archlpel  de  St.' Lazare,  ouïes  Mes  Marîajies,-    . '^ 
Carte  diîsifles  Philippines,  Jre  Feuille,       .        ,     '.        . 
Carte  des  Ifles  Philippines,  Ude  Feuille,    ^.^    -'^ 

*  Ville  de  ManiUe,     .     •    .        .        .      ';        ;        ^        ^        ^    223 

Carte  de  i'Empire  du  Japon ,     . 261 

Plan  de  la  Ville  de  Meaco , 281 

Plan  de  Jedo , 297 

Plan  de  la  Vili^î  &  du  Port  de  Nangafaki , 309 

Armes  de  l'Empire  &  des  Gentilshommes.    Armes  des  Princes    "j 

Japonois, 

Monnoies  du  Japon  (a).    Marques  d'honneur  qu'on  porte  de-         ^^^ 

vant  les  Princes  v^  les  Grands, ^ 

*  Chai- 

(a)  Les  trois  Monnoies  de  cette  Planche     été  infçiées  dans  le  Xome  précédent,  pag» 
peuvent  être  xappio<^ées  de  cv^Ues  qui  ont    504. 


v«- 


} 


141 
149 


]  173 

.  ;    198 

>  220 


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^ï  TT  AVIS      AU    R  E  LIE  U  R, 

•Chaîfe  à  Porteurs  du  Japon, 

*  Pagode  de  Toranga, 

*  Toranga ,  Divinité  du  Japon ,    . 

*  Pagode  de  Canon,     •        .        .        . 

*  Canon ,  Divinité  du  Japon , 

*  Autre  Repréfentation  de  Canon, 

*  Xantai,  Divinité  du  Japon, 

*  Prédicateur  Japonois, 

*  La  Fête  des  AmejJ.  i.  Comment  elles  font  reçues , 

*  La  Fête  des  Ames.  2.  Comment  elles  font  reconduites. 

Le  Relieur  aura  encore  foin  de  placer  les  Explications  à  côt^  des 
quatre  Planches  auxquelles  chacune  fe  rapporte. 

Nota.  Les  Cartes  ^  Figures  marquées  cCun  JJierifque  ont  été  ajoutées 
par  les  Editeurs  de  Hollande.      . 


•         Ce  Quatorzième  Volume  contient*      '  ■  ! 

.   ^>\  ■     Flor.   Sols. 
66  Feuilles  y  compris  le  Titre  Rouge, 

&  les  Explications ,  &c.    .     .    .    à  i  fol ,  font  3  -    6-0 

33  Figures  &  Cartes  Géographiques  j  à  3  fcls,/o«^.4  -  ip  -  © 

I  Vignette, 0-2-0 

>!.     -         '  — — — « 

.    -        8  -    7-0 
Et  pour  le  Grand  Papier.      .    .    ,    .12-11-0 

Selon  les  Conditions  de  Soufcription,  ceux  qui  ont  fou-    ; 
fcrit  ne  payeront:  .   •  , 

Pour  h  Petit  Papier  que 6-18-0 

Pour  le  GrandPapier  que 10  -    9  -  c 

Moyennant  qu'ils  retirent  ce  Volume  avant  le  i  de  Mai  1757. 
Fin  du  Quatorzième  Volume. 


:   ',,M.r;rt  ■    "'•  ^ 


:    375*- 


403  d- 

.    41». 
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