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IMAGE EVALUATION
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Sdences
Corporation
23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N.Y. 14580
(71«) 872-4503
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0
CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHIVI/ICIVIH
Collection de
microfiches.
Canadian Institute for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductions liistoriques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Instituts has attempted to obtain the beat
original copy available for ffilming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantiy change
the usuel method of filming. are checiced below.
D
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0
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D
Coloured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover titi missing/
Le titre de couverture manque
r I Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
I I Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La re Hure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear wlthin the text. Whenever possible, thèse
havs been omitted from filming/
Il se peut que certaines pagee oianches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires;
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
I I Coloured pages/
D
n
This item is filmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
10X 14X 18X 22X
Pages de couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
Pages restored and/oi
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured. stained or foxei
Pages décolorées, tachetées ou piquées
I I Pages damaged/
I I Pages restored and/or laminated/
|~T1 Pages discoloured. stained or foxed/
□ Pages detached/
Pages détachées
0Showthrough/
Transparence
Transparence
Quality of prir
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary materif
Comprend du matériel supplémentaire
The
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film
Orig
begi
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I I Quality of print varies/
I I Includes supplementary matériel/
Only édition available/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc.. ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure imege possible.
26X
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y
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Map
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détails
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modifier
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filmage
The copy filmed hère has baen reproduced thanks
to the generosity of :
Library of the Public
Archives of Canada
The images appearing hère are the best quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and In keeping with the
fiiming contract spécifications.
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce è la
générosité de:
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publiques du Canada
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
OrigJnal copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the lest page with a printed or lllustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. Ail
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or lllustrated impres-
sion, and ending on the lest page with a printed
or lllustrated impression.
6es
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
The lest recorded frame on each microfiche
shall contain the symboi — »> (meaning "CON-
TINUED"), or the symboi y (meaning "END"),
whichever applies.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — »• signifie "A SUIVRE", le
symbole ▼ signifie "FIN".
re
Maps. plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés è des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé è partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche è droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
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HISTOIRE
GÉNÉRALE
DES VOYAGES,
OU ^
NOUVELLECOLLECTION
DE TOUTES LES RELJTIONS DE VOYAGES
PAR MER ET PAR TERRE,
^ui ont été publiées j us q.u'à tr é s e n t dans les différente»
^ Langues de toutes les Nations connues:
C 0 N T E N A ^l T .
.Ce qu'il y a de plus remarquable , de plus utile ^ àf de mieux avéré , dam les Pays oU Us
Voyageurs ont pénétré ,
Touchant leur Sîtuation , leur Etendue , leurs Limites , leurs Divifions , leur
Climat , leur Terroir , leurs FrodutUox^a ^ leurs Lacs , leurs Rivières ,
leurs Montagnes , leurs Mines , leurs Citez CSc leurs principales
Villes, leurs Ports , leurs Rades, leurs Edifices, ôcc.
AVEC LES MOEURS ET LES USAGES DES HABITANS,
leur Religion, leur Gouvernement, leurs Arts et leurs
Sciences, leur Commerce et leurs Manufactures;
VQUR FORMER UN SYSTEME COMPLET D'HISTOIRE ET
DE GEOGRAPHIE MODERNE, ilUI REPRESENTERA
rÉTAT ACTUEL DE TOUTES LES NATIONS:
ENRICHIE DE CARTES GEOGRAPHIQUES
Nouvellement compofées fur les Obfervations les plus autentiques ;
DE PLANS, ET, DE PERSPECTIVES; de FIGURES d'ANIMAUX,
de VEGETAUX, HABITS, ANTIQUITEZ, &c.
NOUVELLE à D I T I 0 iV,
Revue fur les Originaux des Voyageurs , £? où Von a non-feulement fait des Ad-
ditions 6? des Correélions très-confidérablesy
Mais même ajouté plufieurs nouvelles Cartes & Figures , qui ont été gravées par & fous laDi-
reftion de J. vander Schley, Elève diltingué du célèbre Picart le Romain,
TOME ilUATORZIÈAIE.
<^>
A L A H J r E,
Chez PIERRE DE HONDT,
M. D C C. L F I.
Avec Privilège de Sa Majeflê Impériale ^ de Nos Seigneurs les Etats it
Hallmie ^ de ^eJî-FriJe,
*',''*V.v>
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>,^r\J
é/y^c^â"
AVERTISSEMENT
D E
..J.
M^ L'ABBE PREVOST.
E me fuis borné (a)^ fur -tout pour le Japon, à
Ksempfer , qui réunifiant les qualités les plus diftin-
guées d'un Voyageur, nelailTe à délirer qu'une meil-
|: leure forme pour la perfedion de fon Ouvrage (b).
Il- fe trouve des Relations uniques, que cette
raifon oblige quelquefois de confèrver, làns égard pour leur fé-
chereiTc & leur ^jcfantsiur. TcUoe font celles qui font Touv^rture
'J
(a) Ceci n'eft que la fuite dcl'Avertifle-
ment qui fe trouve à la tôtc de nôtre précé-
dent Volume. R. d. E.
( 6 ) On peut voir , dans la Préface de M.
Ifaudé, Traduftcur de Kaempfer, & dans le
neuvième Tome de la nouvelle Hifioire du
yapon, combien de Relations, d'Hifloires,
d"Aftes, de Lettres, & d'autres ëclaircifle-
mens , on a publié fur cette fameufe Contrée.
On y comité peu de Voyageurs, qui méri-
tent proprement ce nom , & la plupart ont
déjà paru dans les premiers Tomes de cet Ou-
vrage. Ceux qui feroient tentés de regret-
ter qu'on n'ait pas fait entrer ici les Ambafja-
des mémorahtes de la Compagnie HoUandbife
aux Empereurs du Japon , doivent fçavoir
qu'elles fmt abfolument décriées. Voici le
jugement qu'en porte le Tradufteur de
Kaîmpfcr: „ Ces fameufes Ambalfades furent
„ d'abord décrites en Flamand par Arnoldus
„ Montanus , & publiées à Amlterdam en
„ 1669, in-fol. Il en parut une Traduftion
„ Angloife de Jean Ogii/iy , en 1670, & une
„ Françoifc en iô8o, avec quelques change-
„ mens & quelques, Additions; mais les mê-
„ mes Planches fervirent pour les trois Edi-
„ tions Cet Ouvrage ne répond ni aux dé-
„ pcnfes (ju'on fit pour l'imprimer, ni aux
„ promcfles magnifiques du Titre, ni cniiu
„ à l'accueil favorable qu'on lui fit dans le
„ Monde; outre qu'il eft plein de longues
„ digreiTions, fouvent étrangères au fujet.
„ Malgré ce qu'on avance, qu'il eft tiré des
„ Mémoires & des Journaux des Ambaffa-
„ deurs mêmes, je crois que fi l'on en re-
„ tranchoit ce qui eft copié des Lettres des
„ Jéfuites, & d'autres Auteurs, le refte fc
„ trouveroit réduit à peu de feuilles. D'ail-
„ leurs, la meilleure partie des Planches,
„ qui font les principaux embclliflemens , &
„ pour ainfi dire l'ame des Ouvrages de cct-
„ te cfpèce , ne peut fervir qu'à jetter dans
„ l'erreur, parce qu'elles repréfentent les
„ chofes, non comme elles font, mais com-
„ me le Peintre les imaginoit. Quant à la
„ Defcription même, il faut avouer que le
„ Public a quelque obligation à l'Auteur, d'a-
„ voir ramalfé tout ce qui avoit été dit fur
„ ce fujet, & qui étoit difperfé en je ne fais
„ combien de Livres". Préface du Traduc-
teur. Le P. de Cbarhvoix ajoute , à cette cri-
tique, qu'il n'y a nul ordre dans l'Ouvrnge,.
que tout y eft plein de redites & de contra-
diélions, & qu'on y défigure prefque tou-
jours ce qu'on a tiré d'ailleurs; en un mot,,
qu'il ne peut être d'aucun uf;ij;e, que l'Our
quelques points de Géographie. Hijt. du.
japon , Tome IX. pag. 53,
n AVERTISSEMENT de Mr. i/ABBr PREVOST/^ ;
tics Voyages par le Sud-Oueit. Mais j'ai pris foin de les relever
par divcr/ès Delcriptions, qui leur lèrvent d'intermèdes ( f ) , &
par TArticlc du Japon , pour lequel je me promets iiardiment
tous les fufFrages. La fuite des mêmes Voyages doit faire efî)C-
rcr plus d'agrément 3 li j'annonce qu'elle contiendra les Relations
•de Drakc <i de Xarborougb^ de M. Frejicr, de M. Jnjhn, <Scc.
avec leurs Cartes, & tout ce qui peut lèrvir à l'illuftration de la
route aux Indes Orientales par le Sud-Oucll:. "■ ^ ^ " ^
Ne limlfons pas fins féliciter nos Leflcurs, des éclairciflemcns
que M. de Lille vient de leur procurer liir les pages 306 & 321
de la Defcription du Japon , dans une belle Carte , qui contient
les nouvelles découvertes au Nord de la Mer du Sud. -^ ' -^
Ajoutons, pour aller au-devant des moindres reproches,
qu'en nous fervant des termes de Hiérarchie , de Clergé , de Pré-
lats, de Monaftéres, &c. dans l'Article qui regarde la Reli-
gion du même Pays, nous en connoviTona un© «.ppUcation plus
faintc, pour la<iuclle nôtre rcfpedl: eft tel qu'il doit être. Mais
c'cd un langage reçu, auquel il ne feroit pas aifé de iuppléer,
& qui eft autorifé par l'exemple de nos plus religieux Ecrivains,
(c) On en a détaché les Dcicriptions ôcs
Iflcs Mariancs , des ifles Philippines (s. do
rille de Celcbes , ou Macalllir , qui reparoi-
tront dans le Volume fuivant , avec dc3
augmentations conlldérables. K. d. K.
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n plus
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ppléer ,
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, E.
AVERTISSEMENT
1 ' .»n "••
DES
EDITEURS DE HOLLANDE.
AVER-
ANT I N , nous avons la faîisfaâion de publier un nouveau Volume de
1 /'Iliftoire Gcncrale des Voyages, que le feul article ^^ Pondi-
chery a du faire attendre avec quelque impatience. On s'étoit en'
gagé à le rendre infiniment plus ihtérejjant qu'il ne pouvoit l'être dans
l'Edition de Paris; £5* c'ejl à quoi nous avons appoiié tous nos foins.
L'ilifloire de ce célèbre Etabli/Jernent François, que M. Prevoft na-
loit polluée quii Vanuoe 1 74 1 . fc trouvc Continuée ici jufqu'au tnoment oii mus
écrivons. Ce curieux Supplément offre ime Keiaïk.r. finvie des derniers Trou-
bles de rinde, dont on n'a que des idées fort confvfes en Europe, ^ dévelope ,
avec une impartialité fans doute plus réelle qu apparente , les motifs dt intérêt particu'
lier , qui ont mis les armes à la main à des Sujets , dans une Partie du Monde , tan-
dis que leurs Souverains étoient en Paix dans l'autre. Le fimple récit de ce qui s'cfl
paffé dans la bruyante affaire de Madras , pendant la Guerre entre la France ^ l'ÂU"
gletcrre y fcrvira peut-être également à caractérifcr les Auteurs de ces nouveaux dé-
mêlés, ^ à jujlifier nos conjectures fur la nature de leurs eutrcprifes. Qiioiquil en
fuit , nous prutcjlûus , que nous n'avons eu uniquement que la vérité en vue, ^ nos
efflrts pour la découvrir répondent de la pureté de nos intentions. Les Mémoires
tieM. de la Moiirdonnais, â? /a Relations desMilVionnaires Danois de Tran-
qiicbar, font d'ailleurs nos Garants. Quand nous n canons réuff qu'à faire ronnoî-
tre les principales Parties ^ les Caufes de cette Gueire, que d' autres ont * ihj d'é'
claircir , inais avec moins de J]iccès , nous croirions avoir mis le Lecteur ftjj.f.'nmcnt
en état de décider la quejiion par lui ■ même.
On a eu l'attention défaire précéder ^ fuivrc cet Article , de deux antres Mor-
ccaux , qui en augmentent beaucoup le prix, ^ qui forment enfemble un Ouvrage uni-
que en fon efpèce. Ce font les Delcriptions de l'Inde Méridionale ^ de la
Cote de Coroinandel; La première , qui fe borne à l'intérieur des Terres , cmbraf-
fant la Géographie àf l'HiJtuire , ouvre d'abord le Théâtre de la Guerre , par ime
Carte très-curieufc , àf prépare l'efprit à la liaifon des événemens futurs avec ceux
des tems paljés. La féconde , qu'on étend aux Places Maritimes , fitnées entre le Cap
Comorin ^ le Gange , fert à repréfenter l'état actuel des Etabliffemcns Européens ,
dont les uns peu connus ^ comme ceux de Tranquebar £5* ri'Ougli, ^ d'autres plus
* 3 célèbres.
vj AVERTISSEMENT Des EDITEURS de HOLLANDE.
célèbres, tels que St. Thomc ^ Madras, nom ont pni demander des Cm es y des
Plans ^ des rues, qui ne fauroient manquer de plaire au Public, 6? de fat isf aire
fa curiufitè à divers égards.
\] ti quatrièmes dernier Supplément, que nous ajoutons à r Edition de Paris fCfl celui
(/«Nouvelles Obfcrvations plus p rciculicrcs llir la Culture i^iiCdÏÏc :,Obfcrva^
tions qui avoicnt èchapé h M. Prevojl , fcf qui , faites dans une réfidence de plufieurs
années, méritaient d'être recueillies préférablemcnt aux Remarques pafja'^ères des pre-
miers Voyageurs. On y apprend encore r Eîablijfement d'un Comptoir François à
Mocka, S de quelle façon le CaJJ'é a été porté , de l'/lrabie hcureufe , dans les IJÏes
de France ^ de iiouroon, dont la Defcription, qui rejloit depuis longtems en ar-
rière ,fc trouve ici (ï autant mieux à fa place. Le fécond Voyage de l Arabie heureu-
fc étnit inféré avant les deux dernières pages du premier ; maïs il a paru plus convena-
ble à r ordre des tems de le faire fuivrc.
L A Defcription du Japon a reçu aufft des améliorations conftdérabks. M. Pre-
vofl avoit partagé /'Hiltoire Naturelle de cette Contrée , dans deux Volumes diffé-
rens, qui contenaient fort fouvent les mêmes chofes , avec plus ou moins de circonjtan-
ces. On a pris la peine y non feulement de fondre ces deux articles en un, mais en-
core défaire un nouveau triage des matières , ^ de les ranger fous divers paragraphes
avec tout Pordre poffible. La plupart des nome japonais étaient défigurés dans l'Edi»
tion de Paris , fcf la nôtre enrichit cet Article important Je dix ligures choijîes.
Les A\:igmenv^'^\o'^^ de ce Volume fe montent à plus de vingt-deux Feuilles»
fans compter celles qui font corps avec P Ouvrage de M. Prevojl , ^ qui fervent à
féclairciry ou à relever des erreurs confidérables (a). On a continué à corriger , fur
le Texte même , une infinité dt autres fautes moins importantes. Ce Volume con-
tient en tout vingt Cartes 6c Figures , qui ne fe trouvera point dans t Edition de
Paris.
On a été obligé de détacher , des premiers Voyages parle Sud-Oueft, les
Defcriptions que r Avertijfement de M. Prevofl annonce, 6* qui font celles des Ifïes
Marianes , des Iflcs Philippines, G* de l'IJÎe de Macaflar, ou Celebes. Ces De-
fcriptions, fur tout la dernière, qui n'eft qu'un tiffu des calomnies atroces £5* tnjufles
de P Abbé Garvïiii'ti contre la Nation Hollandoife , demandaient S être revues avec foin,
S nous les promettons pour le Volume fiàvant , que nous comptons de publier au commen-
cement de l année prochaine. . .
(a) On a renfermé les Additions du Texte entre deux crochets , & celles des Notes fonr
iliiliiigiiécs par les Lettres R. d. E.
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CATALOGUE.
P. DE IIONDT, Libraire à la Haye, a imprinid ;
LOGU£
Novus Thcfaurus Jiiris Civilis & C.inoni-
ci , in quo juiidim cxhibcntur varia &
rarilîinia optiinonim Intcrpritum , iinpii-
niis Hifpanortiin & Galloriim, Opcra: u-
iruinquf Jus ex huinanioribus Littoris , ac
vcttris M\\ iVlonumentis illiiflrantia; ex
Mulico G. Meermanni , JCti ex Syndici Ro-
tcrodaincnfis. Vil vol. Hagx Coin. 1 7 5 1 . fol.
- - - - Idem Liber , Charta inajori. Vil vol.
folio.
Elfay fur riliftoirc Naturelle des Coralines ,
& d'autres l'roduftions Marines du mânic
genre , qu'on trou /e fur les Côtes de la
Grande Bretagne & d'Irlande : auquel on
a joint une Defcription d'un grand Polype
de Mer pris près du Pôle Arfticiuc par des
Pêcheurs de Baleine , pendant l'Eté de
i7S3i par Jean Ellis, Membre de la So-
citicé Royale. Cet Ouvrage, traduit de
l'Anglois , ell imprimé en grand Quarto &
orné de quarante Planches , très-bien gra-
vées. 1, 'Auteur, connu pnr d'autres ex-
cellens Ouvrages qui font Ibrtis de fa plu-
me, y a décidé , par les Obfervations les
plus exaftes & les plus curieufes, laQuef-
tion qui partage ceux qui s'appliquent à
l'Etude de l'iliftoire Naturelle da Co-
raux, des Eponges, &c. On y voit les Fi-
f;ures des diverfes efpèces d'Animaux qui
labitent ces différens Corps. A la fin on
y a ajouté la Defcription du meilleur Mi-
crofcope dont on puilfe faire ufage pour
celte forte d'Obfervations. Haye 1756.410.
- - - - Le môme Livre en grand Papier, dont
les Eftampcs font très-proprement enlumi-
nées d'après Nature.
ElTay fur l'Hilloire Naturelle de la Mer A-
driatique , traduit de l'Italien de Mr. Do-
nati, Profefleur à Turin, par Mr. Cajîil-
/o)»,Profefreur dans l'Uni vcrfité d'Utrecht,
avec Figures. Sous Preiïe , 4to.
Diptychon Magni Confùlis , nunc primum
luce publica donatum, Animadvcrfionibus-
que Chriftopliori Saxii , in Univerfitate
Trajeftino - Batava Profeflbris , illullratum ;
cum Fig. fol. Jub PtkIo.
La Conduite des François par rapport à la
Nouvelle-Ecosse; depuis le premier Eta-
blilfement de cette Colonie , jufqucs à nos
jours : Ouvrage où l'on expofe la foiblefle
"des Argumens dont ils fe fervent pour é-
luder la force du Traité d'UTRECiiT , &
pour juflifier leurs Procédés illégitimes.
8vo. à la Haye 1753.
Répoiue à la Lettre inférée dans la Gazette
d'Utrecht du 8 Sept. 1755.» avec des Re-
marques fur 1.1 Difaifllon fommairc fur lc<;
Anciennes Limites de VAcadie. 8vo. à la
Haye 1756.
Lettre du Duc de Newca.stlr , écrite par
ordre de Sa Majesté , à Mr. Micbtll ,
Secrétaire d'Ambalfade de S. M. Prus-
sienne , en Réponfe à l'Expolition des
Motifs du Roi de Prusse , & au Mémoi-
re & autres Papiers remis par ledit Sr. Mi-
cbell au Duc de Newcaflle , au fujet des fai-
fies faites en Silesie. 8vo. à la Haye 1755.
Lettre d'un Anglois à fon Ami à la Haye ,
contenant une Relation authentique de ce
âui sert pafTé entre les Cours de Londres
; de Verfailles , au commencement des
Troubles préfens. à la Haye 1756. 8vo.
Réplique des Commliraires Am^lois , ou. Mé-
moire préfentéaux Commiflaires de Sa Ma.
jellé Très-Chrétienne , le 23 Janvier 1753.,
en Réplique à leur Mémoire du 4 Ocl:.
1751. , concernant la Nouvelle Ecofle &
l'Acidie; avec une Carte enluminée de la
Nouvelle Ecofle, & du Cap Breton, de
niciiiv; .^«o ^Us Parties adjacentes de la Nou-
velle Angleterre & dvi c.unada. à lu Haye
1756. 8vo. NB. La Carte ic vend auflî
féparément.
Nouveau Diftionaire Hiftorique & Critique ,
pour fervir de Supplément, ou de Conti-
nuation, au Dictionaire Hiftorique & Cri-
tique de Mr. Pierre Bayte, par Monfieur
Jac(iues George de Cbauffepii. à la Haye
1751. à 1756. 4 vol. fol.
L'Hilloire Naturelle Gencrple & Particulière
avec la Defcription du Cabinet du Roi ,
par Mrs. Buftbn & d'Aubenton , 3 vol.
4to. avec des Figures gravées parVANDER
Schley. Cet Ouvrage contient entre au-
tres, l'Hiftoire & la Théorie de la Ter-
re- La Formation des Planettes- La Pro-
duftion des Couches ou Lits de Terre-
Les Coquilles & les autres Productions de
Mer qu'on trouve dans l'intérieur de la
Terre— Les inégalités de la furface de la
Terre— Les Fleuves , les Mers , & les
Lacs— Le Flux & le Rellux— Les inéga-
lités du fond de la Mer & les Courans—
Les Vents réglés— Les Vents irrégu-
liers, les Ouragans, les Trombes & quel-
ques autres Phénomènes, caufés par l'A-
gitation de la Mer & de l'Air— Les Vol-
cans & les Tremblemens de Terre— Les
Ifles nouvelles, les Cavernes, les Fentes
perpendiculaires— L'Eftet des Pluyes , les
Marécages, les Bois fouterrains, les Eaux
foutcrraines— Les Chan;jcuiens des Ter-
res
/
CATALOGUE. >
rc« en Mers, & Mers en Terres--- I.'IIil-
toire Naturelle iks Animiux ^: celle de
l'HoniiiK'. />fJ 'J'umes IV. 6i \'. Je at
. Oii\r;if;c, «jui ("ont fo\\> l'riiVe, eoiuiiii-
droiit dis l'icCLs (]iii ne le trouvent pas
diiMs l'iùlition lie l';iris & par«>!tioiii in-
co(r;ininient. Quoiqu'on les exceute avec
toute l;i propretti i-olFible, on pourra pour-
tant les Kvoir à un tiers moins «lue l'EJi-
tion lie Paris.
- • • - Le nièuie Livre en grand l'apier.
Ililloirc Naturelle des Oijeaux, par M. E.
jHhitit :iv\c les Notes de Derbam, ;\ lj
Haye 1750. 3 vol. in 4to. , l'ur du Papier
Royal, avec plus de 300. Kllauipes.
- ■ • - le inônie Ouvrage , peint en Migna-
ture, avec les Couleurs du Plumage de
chaque Oifeau, tirties d'après Nature.
Ililloirc des XVW. Provinces des Pays Bas ,
depuis l'Abdication de l'Iùnpereur Charles
y>, en 1555., jufqu'à la Paix de Bade,
par Mr. van Loon, à lu Haye 1736. 5 vol.
avec plus de 3000 Médailles.
Hiftoire de Cbarlts XI L Roi de Suéde, par
Mr. de Nordberg. Haye 1748. 4 vol. 4to.
N]}. Comme on a dé-bitti tant de Contre-
• ve'rités fur le chapitre de ce g»»"*^^ .V''.'""
• ce , on a eu foin «le- munir cette hduion
i de plu» «Je 200 Pièces Originales, qui en
f détrulfant ce que certains Auteurs mal in-
., formés ont eu l'imprudence d'avancer
dans leurs Ecrits, confirment en mème-
tems les Faits les plus importuns de cet-
te Hllloire.
- - - - le même Livre en grand Papier.
Les Avantures de Don Quichotte , rcpréfen-^
tiies en l-igurcs, par Coypel , F kart le
Romain , & autres habiles Maîtres , avec
. les Explications des XXXI. Planches de
cette magniliqnc Collection , tirées de l'O-
riginal Efpagnol de Miguel de Cervantes.
à la Haye 1746. in 410. ; ;
- • - - le même Livre, in fol.
Li Bibliothèque Univtrfellc, Choilîe, An-
cienne & Moderne, par le célèbre Mr.
Le Clerr. «3 vol. in 12".
La HiMitithei]u^' Hrirarnique , ou Ililloirc
des Ouvrages dis Savan» de la Cirande-
IJretagne, par une Société de Cns di-
Lettres à Londres, à lu lliyc 1734., ti
fuiv. , 50 parties, in 8vo.
Remarques HilU)ri«]ues, Critioucs & Phi-
lologiques fur le Nouv. 'Icllani. , par
Mr. Heaujuire le Péie. Haye 1742. 2 vol.
in 4to.
Difcours Hifloriques, Critiques, Théologi-
ques & Moraux, fur les Evénemcns les
plu^ mémorables de l'Ancien & du Nou
vcnuTetlament, par Mrs. Saurin, Roques
& Ikaufolue; avec les belles Kftampes df
Mrs. Hoet, Houbruken, & Picart. à l»
Haye , 6 val. in foiio , Jur du Fapier Mé-
dian,
• - - • fnr du Papier Royal.
- - - - Jur du I^apter iiu[nrroyal.
. - • - Les Volumes réparés de cet Ov\vf.\.
ge, fur du Papier iini'érial, Superroial ,
Roial &. Médian.
Jof. Km. MiiiianîB de Bello Ruflico Valenti-
no, libri trcs. (tvc . Hilloria de Ingrclfu
AuUrlacorinn Focderatorumque in Ilepiuni
ValeiUix: ex Bibliotheea Gcorgii Majanlii.
Jlaf^a: Comituw 1752. 8vo.
L. Svclani, (^, Filii , de tota Grxculonnn
hujus iEuitis Litteratura , Sermones qua-
tuor ; accelFere ad eorum Defenlionem
Quintus & Sextus. Haf>(e Com. 1752. 8vo.
Guill. Ferrarii de Rébus Geftis Eugcnii , Prin-
cipis a Sabaudiu, Bello Pannonico, Libri
111. Hagct Com. 1 749, 8vo.
Joli. Chriftcu). Struchtmeyeri , Theologia
Mythica, rive, de Origine Tartari & Ely-
fii libri quinque: quibus oftenditur. Fa-
bulas Gcntiliunj de Diis, eorundemqueRi.
tus Sacros, unice deduci & cxplicari debc-
re ex Religione PrimiOrbis, Myfleriirque
SacroSanftis, de Dec uno & trino , Chri-
llo, Spiritu Sanfto, & Regno Dei intet
homines. Haga Com. 1753. 8vo.
^
F I N.
-■■■ î)
:'I ..■r - ,.-
.1 I. !'
i. ,^4.» / .>
HISTOI-
élibrc Mr.
ou Ililloirc
lu Grniidc-
le («.lis lli.'
» 1734.. ^
les & Plii-
:llam. , pur
1742. 2 vol.
, Tliéoloni-
tî'iicmcns les
& du Nou
rin, Roques
K(l:unpcs lie
Picart. à /«
l'apier Me-
cet OttVTA-
Supcrroial ,
lico Valeiiti-
dc InRrcflii
ic In RcRTiuiu
rgii Mujanlii.
Grxculoniin
rmoncs qua-
Dcfctilioncin
. 1752. 8vo.
lugenil , Prin-
unico, Libri
, Thcologia
artari & Eiy-
xndiuir , Fa-
indcniquc Ri«
xplicari dcbc-
Myflcriifque
, trino, Chri-
no Dci intcx
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TONEEL DE. s
Voofiiaaine PlHat.<i. 1^ Pao'od«> of Hfirlpl
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CÉ'KjiAtOAT/K NurTtAhS du ^.IPOJST. \\ ÏR O D W-KkOTIGHKBDKN i7 JAPAK '
HISTOIRE
GÉNÉRALE
DES VOYAGES,
Depuis le commencement du xv™^ Siècle.
QUATORZIÈME PARTIE.
Suite du L I F R E TROISIEME.
Voyages dans la Presq.u'isle en
DEÇA DU Gange.
[Defcription des Royaumes de Tanjour^ de Marava^ de Maduré^
de Alaiffbur, de Gingi ^ de Carnate.
^ A fameufe Prefqu'Iflede l'Inde en deçà le Gange, fe divifoit
anciennement en trois grands Royaumes, Chora Mandalam^
Panii Mandalam & Tonda Mandalam. Choren , Pandi & Ton-
da, font les noms de trois Rois, célèbres dans l'Hifloire
Indienne, & dont les Succefleurs ont régné longtems fur ces
Parties. Mandalam fignifie Royaume. Les limites de ces
trois Etats , qui comprenoient toute cette valle étendue de Pays entre le
Cap Comorin & le Gange , ne font point fixées par les Auteurs : Ainfi ,
fans s'arrêter à une divifion peu certaine, nous paflerons à la Defcription
particulière des i'ix principaux Royaumes de l'Inde Méridionale , con-
Ji/r. Part. A nus
Descrijtîow
nu l'Inde
MÉRIDIONA-
LE.
Ancienne di-
vifion de la
Prcsqu'Ifle.
Divifion ac-
tuelle.
J^
i^
"\
■•S*-
.'v^itsjMem^
■^-:m^^.''.'-^t
TONEEL DE« OORLOCÎS op dk KUST,
Yooi-naniuf- Fltiatf . lik Pa^(|^-o<lp of HriJriifè Tviiipel . T VprLMpInat ( vnii prii Nnliab, oF IVtoovKr C
• Niid'i - Iiiiis, RtiUltiiyr.pii voor cte Rp^
»lyjcc JUcno-t» v«n Vaaryi
^
-EaUAn-
'ja»ulSiiiC^^/^
7M>^.
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SkfUrfiit ■'
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T-YuxARir,
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iiba»Fatnax ,A/U/l
l^labûram» Mcbapui-
tomc j/bi-t-
timaJUmiiAm
nlu-liurjun
'./Eêj^.
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B E N G AL E'^Vs
abelon.KobolAm
pAliuun
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Vîhra-vutJt~
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»P«*W-^ / i«!.?
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David.. i^/
PumdùrKiuUlurocGudehu- . (C'y/
l-lUniUrwKporti^Mjihmud ,
v■/f^:i^ (r#f Porto Nov<vi^E^
nbaïaiu, Shrlmcron
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THEATRE DE LA GrJERRE\
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iIbga-Patnam . i<?<{'
r. V^i3\tk\atiMMtK*//umfni
vMém
t\y\x LeiiQ-te vali LonJai
'Ut{f ûrieriùt/f
^fi/t/^/ys .
y^frf- J'/'i/u-^ I/ii/if/i .
• iStctft /rifts , J^m/irm<'ns , ou OtAv
Echelle .
£nvJirlv>2M Mylat vau io iii rai GvikA. .
£ii^<ftlu Mvleii van bçi^ iii im Gi-aflJ ,
op PK KUST VAN C H OBiOMAND EL( .
|ilant« viiii ceii Nnbab, of Mo^^-oiïè Gouverneur. itVti-fclytjiUat* Vati eeii HiUiRg'iU', ol'liiviiLicUanMfr Yoi-ft
•i-Iiiiis, RiiftliiiyKFii voor Av Rpvzi^>•p|•« .
Descriptio^t
DE l'Inde;
MÉllIDIOMV
LE.
Royaume de
Tanjour.
Ses principa-
le? Places.
î -. ^v DESCRIPTION DE LA
nus aujourd'hui fous les noms de Tanjour , de Marava , de Maduré , de ;'
Maiffhur , de Gingi & de Carna^. \\
I. Le Royaume de Tanjour, ou Tanjaor, comprend la plus grande par- '
tie de Chora Mandalara (a) , dont il porte encore le nom parmi les Mala-
bares ,* Les Portugais l'ont doniié enfuite à toute la Côte Orientale de la
fresqu'Ille. Ses terres, dit le PèreBouchet, font les meilleures de toute
l'Inde Méridionale. Le Fleuve Caveri fe parfage en plufîeurs bras, qui ar-
rofent & fertilifent cette Contrée. Les revenus du Prince vont jufqu'à. .
doulse millions. Tanjour (6), Capitale de ce petit Etat , n'étoit autrefois \
qu'un Temple d'Idoles. Cette Fortereffe a une double enceinte ; mais el-
le n'eft pas trop bien bâtie. Ses foffés font peu profonds, & il efï diffi-
cile de les remplir d'eau. La Forterefle intérieure fe divife en deux par-
ties, dont l'une, efl: au Nord, & l'autre au Sud. Dans celle du Nord, on
voit le Palais du Roi, qui n'a rien de magnifique'. Il n'y a que ;,quelques
tours aflez jodies. Ou a bâti, dans la partie du Sud, le Pagode de Peria
Oitreyar. Au Nord du Temple efl un vafte Etang , bordé de pierres de
taille. Les Indiens excellent dans la conftruétion de ces Ecangs , & l'on
en voit plufieurs qui fe feroient admirer en Europe. Les environs de
Tanjour ne font arrofés que par un petit Ruifleau. Plus loin, 'on trouve
la petite Rivière de Kinnarou» & au-delà le Caveri, qui eft l'un des grands
bras dit Coloram (c). Telle eft l'idée génér'aie que le Père Bouchet nous
donne ^e .fie jRoy*ume. '
Les MiflTionnaires Danois de Tranquebar,^ Ville fituée dans l'Etat dé
Tanjour, -fixent fon étendue à vingt miles d'Allemagne de longueur, fur
feize de large. 11 eft borné au Midi, en partie par la Mer, & en partie
par le Marava: A l'Occident, il confine au Royaume deMaduré, & au
Nord Je Fleuve Colladham , ou Coloram , lui ferc de limites. Dans cette
petite étendue de Pays , on rencontre un fort grand nombre de Villes , de
Bourgs & de Villages; Mais nous nous contenterons d'indiquer les princi-
pales Places.
Tanjour, Capitale du Royaume eft,fit^ée;au Nord, près delà Riviè-
re
(a) On écrit Shora, du Sorai II femble
■ qne -Cboromandel approche le plus du vérita-
ble nom ; mais , par un abus reçu, Çoromandel
eft aujourd'hui palTé en ufage.
(h) Latitude onze degrés vingt-fcpt minu-
4es ;■ mais fiiivant nôtre Curte , ou celle de
:/ M. d'Aiiviile, 'feulement dix degrés quarante-
f deux minutes. M. Bellin n'a point diftin-
Sué le. Royaume de Tanjour & fa Capitale,
ans la Carte dont nous avons fait ufage:
Cependant l'emplacement de cette Ville y
fcroit à-peu-près à la mêine hauteur que M.
d'Anville lui donne. La Carte de M. de la
Croze , & quelques autres Hollandoifes , s'ac-
• cordent avec la détermination du P. Bouchet
& fa Carte. Les Miffionnaires Danois met-
: tent Tanjour à onse degrés quarante joinu-
(f) Ceci ne paroit pas conftater tout-à-
fait la fuppofition de M. d'Anville ; Car le
Vmnarou , qui eft fans doute le Finer, doit
pafler au Nord de Tanjour , puifque le Ca-
veri eft au-de'à; & dans la Carte de M. d'An-
ville , le Viner coule au Sud de cette Vdle.
Suivant ce ;Géographe, le bras qui, rencontre
la Mer à Negapatnam, détachant plufîeurs
rameaux , ,dans la partie fuiiérieure oc fur la
droite de fon cours, il faut néçeflâirement
que ces rameaux , ci-devant inconnus dans
les Cartes, ayent leur débouehement dans la
Mer, en deçà même du Cap de Caila-mcdu;
à quoi il n'y a rien à dire; Mais il prétend
que ce brss paffe au Midi de Tanjour , com-
me dans fa Carte de. 1737, quoique la der-
nière , d'accord avec toutes les autres , con»
tredifti ici fes propres ËdaircvlTetuens.
nde par-
les Mala-
;ale de la
de toute
, qui ar-
it; jufqu'à?.
autrefois
, mais el-
I efl: diffi-
deux par-
Nprd, on
î ;quelques
î de Peria
pierres de
s , & l'on
ivirons de
on trouve
des grands
ichet nous
s l'Etat de
gueur, fur
k. en partie
uré, & au
Dans cette
Villes, de
les princi-
le la Riviè-
re
iftater toiit-à-
wille ; Car le
Finer, doit
)uifque le Ca-
edcM.d'An-
e cette Ville,
qui. rencontre
lant plufîeurs
;ure oc fur la
jéçeffatrejnent
nconnùs dans
ement dans la
Calla-mcdu;
ais il prétend
anjour, com"
oique la det'
autres, con-
emens.
4
PRESQO'I^LË en t)EÇA Dr GANGE, tiv. III. ^
te ft^/i(fbaimrié (d) , à uile lieue du Coloram , Ôt à trois journées de JaCôte. DBscatmftw
La Ville, y coîtipris fes Fauxbourgs, a plus d'un mile d'AMeihagne en Ion- iSér^biona-
gueur. Le Palais du Roi, qu'on voit à l'Orient, eft un quarré parfait, j^g^
fortifié d'une haute muraille, au pied de laquelle eft un foffé rempli de cro-
codiles. Des éléphans enchaînés gardent la bafle-cour, & en defFendent
l'entrée.
Au Sud-Oueft, on trouve d*abord une petite Forterefle, nommée ^a/-
lam, à trois lieues deTanjour; Candara'Cottcy, autre Forterefle, auflî au Sud-
Oiicft, à deux lieues Malabares de cette Capitale (e). Thucatupalli en
efl: à ûx lieues communes du côté de l'Occident , dans le Diftrift où les
Minîonnaires Jéfuites ont leur principale Eglife (/). Ammalpettey^ petite
Ville commerçante, (g) à une lieue.de Tanjour, près du Caveri , d'où
tirant à l'Orient , on rencontre Rajaghiri (A), Ville renommée pour fon
excellent bétel; Swami-nmlei , autre Ville peu éloignée de la précédente,
entre le Caveri & le Coloram. Cutnbagonam , grande Ville , bien bâtie , à
deux miles d'Allemagne de Tanjour, vers l'Orient. Près de-là, toujours à
l'Orient, on a encore Tirunâgaram, Ville fort connue par fa terre rouge,
dont on fe fert pour les Indiennes.
Madewi-pai-nam , Chef-lieu d'une Principauté de ce nom, étoit autrefois
une grande Ville. Elle eft fituée à huit lieues communes au Sud-Eft de Tan-
jour, & fortifiée d'un bon Château, aVec quatre Fauxbourgs. Delà tirant
au Sud, on ttouve Pattu-Coney^ qui eft une Forterefle, voifine de A/aM»ar-
Covil , qui pafle pour une des principales & des plus fortes Villes du
Pays(i). La Rivière Po/jMr coule auprès (*). Plus loin, à l'Orient, on
arrive à Tiruiuarbur^ Château Royal , éloigné de cinq miles d'Allemagne de
Tranquebar ; C'efl un lieu facré pour les Malabares. Tiruvudha-rnarudiîr ,
autre Château Royal , à un mile & demi de Cumbagonam , d'où defcendant
le Caveri, l'on rencontre Cuttalam, ôc fuivant la même route jufqu'à une
journée de Tranquebar , on vient k Majaburajiij ou Maîrom (/), nom qui
1 - figni-
(rf) Le Wadhawaru & le Vinnarou, ou
Viner, qui forment deux bras dift'érens,
^dans la Carte de M. d'Anville, pourroient
bien n'être qu'une même Rivière.
(f) La lieue Malabare fait un peu plus
d'un tiers d'heure. Cette Place ne paroît
pas dans la Carte.
. (/) L'Auteur de nôtre Carte a mis Tiruca-
tupaUi comme un Village à l'Oueft de Tanjour;
mais nous avons lieu de croire que ce doit être
le même que Tireaiupalli, au Nord-Oueft de
cette Capitale. L'Eglife des Jéfuites feroit
celle & Elnkuritfcbi , qui a été oubliée dans la
nouvelle Carte de M. d'Anville.
(g) L'Abrégé des Miffions Danoifes en
fait une petite Republique ; mais dans un fens
plus étroit , c'eir feulement une Ville libre ,
ou un afile pour les Malfaiteurs, à-peu-près
comme les Lieux de refuge des Ifraëlites.
Son nomiignilie Hlle de la PrinceJJe, par-
ccqu'elle appartenoit à la Princefle Mère du
Roi Sarbofi. Le Commerce de cette Ville
s'étend fur la Côte Occidentale.
fi) Ce nom fignifie Mont-Royal.
Ci) Maunar-Covii . ou le Temple de Man-
nar, eft à une lieue & demie à l'Orient de
Tanjour. Pnttu-Cottey, à la même diftancc
au Sud de Mannar-Covil , & Matifwi-patnam ,
à une lieue au Sud-Oueft de cette dernicrç
Ville. La Carte diffère beaucoup de ces
diftances & pofitions.
(k) Suivant la Carte des Miffionnaires
Danois, cette Rivière, qu'ils font palier au
Nord de Tanjour, tombe dans la Mer au
dellbus de Negapatnam.
(/) Dans l'original de nôtre Carte, Ma-
dewi-patnam fe trouve ici une féconde fois,
pour Majaburam. C'eft une erreur que nous
avons corrigée.
A 2
Dbscrtptton
DK l'Indb
MÉRIDIOMA*
LK.
Etat de
ce Royaume.
Succeflîon
des Rois de
Taiijour.
4 ♦ DESCRIPTION DE LA -
fiçniiîe ^lîe des Paons ^ d'où l'on fe rend à Carrupuraneicuât & Ttrucaâaûr^
Lieu facré , qui avec Ttrueuratfcbert confinent à l'Eubliflement de la Com-
pagnie Danoife (m). Au-delà du Caveri, vers le Nord Oucfl;, PulHrucom'
wmr, à une journée de Tranquebar, avec Tiruvongâdu^ (n) qui n'en efl;
qu'à une lieue Malabare , font: deux Places réputées des plus faintes par l'ap-
parition des faufles Divinités. De Pullirucomwôlur tournant au Nord-Elt,
on vient à Sbiarhi, ou Chiaîiy grande Ville où l'on compte plus de foixante
Pagodes. Onreferve, pour un Article à part, les autres Places qui bordent
la Côte(o).
Le Royaume de Tanjour peut être regardé comme le centre de l'Idolâ-
trie. Audi eft-il renommé , dans toutes les Indes Orientales , par le nom-
bre prodigieux de Tes Pagodes. On y compte plus de trois cens foixante-
quatre Villes & Bourgs qui fe vantent de 1 apparition de quelques Dieux ;
oc c'ed fur la foi de ces prétendues apparitions qu'on leur bâtit tant de Tem-
ples. Les Rois de Tanjour ont (Ignalé leur zèle, à cet égard y par des fom-
mes immenfes : mais ils y ont bien trouvé leur compte dans la fuite. L'af-
fluence des étrangers , augmente conddérablement les revenus des Doua-
nes, qui font fort onéreufes pour les Voyageurs (p). La principale for-
ce du Roi de Tanjour confifte dans fes trefors. On compte qu'if tire an-
nuellement de fon Pays plus de trente tonnes d'or , & que fes trefors mon-
tent au-delà de trois cens millions. Il a dans fon Armée cent quarante-qua-
tre éléphans de guerre, & plus de trois cens chevaux. Ses Troupes ne font
pas en fort grand nombre; mais quand il a befoin de les augmenter , l'ar-
gent lui en procure promptement les moyens. On l'a vu , en 1704. , devant
Tranquebar, avec une Armée de quarante mille hommes, pour en faire le
Siège. Ce Prince , comme tous les autres de la Côte, rend hommage au
Grand Mogol , & lui paye annuellement un tribut de trois cens trente-troi»
mille, trois cens trente- trois roupies.
Autrefois les Souverains de Tanjour ne portoient que le titre de
Naik , ou Prince , jufqu'à Ecojî-Maha-Raja , qui prit celui de Roi dans ces
derniers tems. Après l'extinélion de la Famille Royale des Shoren , le Gou-
vernement pafla dans la Famille des Faleiers; enfuite dans celle des Falva-
dageriens, & enfin le Royaume parvint, en 1674. , aux defcendansde laMai-
fon des Maratîes (g), dans laperfonne d'Ecofi-Maha-Raja, quilaiflà trois
Prin-
fo
(m) Tirucadafir fe voit dans la Carte;
mais pas Tirucuratfcjieri Sa fituation efl au
Sud-Oued de Tranquebar.
(n) La pofition de ces deux lieux n'eft
pas jufte dans nôtre Carte. PuUiruk. ou
J'ullirucomwSlur , fuivant les Miflionnaires
Danois, efl (Itué entre SbiarbiSc Majahuram,
au Nord du Caveri. Tiruvongâdu , qui pa-
jtoît entre TiUeiali & Porreyar , devroit être
aufTi au-delà de ce Fleuve. On ne les trou-
ve ni l'un ui l'autre dans la Carte de M.
d'Anville.
(0) Tout le Pays efl gouverné pat des
Onciers Généraux, fous le titre de Svbeija-
dan , ou Suweiaters , dont quatre font diflin-
gués par une autorité plus étendue que le»
autres.
(p) Un Européen paye pour fa perfonne
deux Fanos ; pour un palanquin , dix ; pour un
cheval cinq. Un Portugais donne un demi
fano; un Malabare Chrétien f^ize Kas; un
Maure autant Les Malabares Gentils font
francs, excepté poux leurs marchandifes;
Mais les Péagers font quelquefois payer
cette taxe au triple & au quadruple.
(q) Ces deux Familles defcendent d'un
nommé Maga-Raja. qui étoit Premier Mi.
nillre du Pacha de fViJtaburam, ou Roi db
Vt
1
Irucaâaûr^
e la Corn-
Pullirucom»
n n'en elt
:s par Tap-
Nord-Elt,
e foixante
^ui bordent
de ridola-
ar le nom-
s foixante-
les Dieux;
ntdeTem-
ar des fom-
'uite. L'af-
des Doua-
icipale for-
a'il tire an-
•efors mon-
larante-aua-
pes ne font
enter, l'ar-
34. , devant
en faire le
Dmmage au
trente-trois
le titre de
oi dans ces
le Gou-
des f^alva-
de laMaî-
laifla trois
. Prin-
ce font diftîn-
endue que les.
fa perfonne
, dix; pour un
snne un demi
vtze Kas; un
Gentils font
marchandifcs;
iuefois payer
iple.
fcendent d'un
Premier Mi.
■m, o\L B.oi de
?»
■M
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 5
Princes. Le premier, nommé Sâjif ou Sagaji-Raja, régna jufau'en 171 1.
Le fécond, Sarbofi^ ou Saruboji-Raja ^ jufqu'en 1729, & le troifiéme enfin ,
nommé TuccoftRaja, jufqu'au 17 de Juillet 1735. Ce dernier Prince, im-
médiatement après la mort du Prince Sâfi , fon frère aîné , avoit formé des
prétenfions fur le Royaume; mais il fut obligé pour lors de fe contenter du
Gouvernement de Madewi-patnam , où il régna fous le titre de Petit Prince^
jufqu'à la mort de fon autre frère. Tuccofi-Raja régna donc à fon tour fur
tout le Royaume, & déjà de fon vivant, les deux Princes fesfils, ^nna-
Sçahibf & Baba-Sçahib^ fe difputèrent le Trône. Leurs différends ne furent
terminés qu'en 1734, parla mort de l'aîné de ces deux Princes. Ainfi le
cadet, Baba-Sçahib, régna enfin à Tanjour, fous le titre à* Ecofi-MahaRaja ,
qui fignifie le Grand Roi; mais il mourut au bout d'une année, le ler. d'Août
1736. Quelques jours avant fa mort, il avoit figné une trêve avec le Di-
van du Grand Mogol, qui s'étoit emparé de laForterefle deTiruchinapally,
& qui tenoit la Ville de Tanjour bloquée depuis peu de jours (r). Une des
femmes du Roi , qu'il avoit laiflee enceinte, fe iiattoit de mettre au monde
un Prince ; mais il fe trouva que ce n'étoit qu'une PrincefiTc. Le chagrin
qu'elle en reifentit, la jetta dans un defefpoir dont elle mourut bientôt après.
Une autre des femmes du Roi defFunt monta fur le Trône , qu'elle n'occu-
pa que deux ans. ^ Les troubles qui furvinrent durant fa Régence , en 1738 ,
font la matière d'une curieufe Relation , dans les grands Aaes des Miflion-
naires Danois. On la donne d'autant plus volontiers, que la Traduâion
Françoife de l'Abrégé de M. Niccamp, ne s' étend ^ue jufqu'à la fin de l'an-
née 1736.
Toute la Famille Royale & le Sayâdy ou Commandant de Tanjour, voyoient
avec chagrin, l'autorité entre les mains de IVâpra^ Oncle maternel du Roi
defïunt, & de Sittôji fon Confident, qui, fous le nom de la Reine, gou-
vernoient abfolument l'Etat, l'un comme Roi, & l'autre comme Premier
Miniftre. C'efl: ce qui engagea le Commandant à faire foûlever contre eux
un Prétendant, qui n'ayant ni aflez de forces particulières, ni aucun fe-
cours à attendre du Nord , fe repofa fur lui du foin de toute l'aiFaire.
Gâdtickei, Oncle du Prétendant , drefla fon Camp au - delà du Coloram, &
toute fa Cavalerie n'étoit que d'environ trois cens hommes. Sittôfi , qui a-
voit pris porte auprès de Shiarbi^ en comptoit jufqu'à trois mille. Il n'au-
roit eu qu'aies faire marcher pour mettre Gâdtickei en déroute; Mais les
Mécontens de fon Armée, dont il avoit retenu la paye, & ceux que le Com-
mandant tenoit à les gages , l'intimidèrent fi fort, qu'il fe retira a Tanjour,
où Gâdtickei le fuivit de près. Sittôfi, qui paflbit d'ailleurs pour habile Po-
litique, fe rendit avec Wàpra & leurs Partifans, au Palais Royal, & firent
fer-
Vifapour, & qui eut plufieurs femmes. La
pr>.mière fut une Princeflè de Cuncan , dont
il eût un fils, nommé Sivofi-Raja; C'eft le
fameux Sivagy , connu par tant de Relations
précédentes. Son ûlsSaudoJ'cbi. ou Sumboffi-
Aaja, eût auffi un fils, nommé Sawu-Raja^
qui fut comme lui. Roi des Marattes, &
Descbiption
DB l'Inde
MéaiDioKA'
LK.
mourut en 1 739. Maga-Raja eût d'une fécon-
de femme, Ecoji-Maba-Raja, qui vint en 1674,
au fecours du Naïk de Tanjour, qu'il chafl*a
enfuite de fes Etats , & fe fit Roi à fa place.
(r) Voyez ci-deflbus l'Article de Pondi-
chery.
Grande ré-
volution dan»
ce Ropume.
A3
■4
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, '' V M" '' (T
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fe
4 .ÎM .;:D E S C R I P T I 0 N DELA
DBscntPTtoN fermer les portes de la Fortcrefle, afin d'empêcher la Garnifon & Tes Chefs
DE l'Jndb j'en fortir pour fe procurer fatisfaftion au lujet de leur paye. Le Coin-
l/iÉaoïouA' jnandant étoit garde de même dans fon Palais; Mais la faim agiflant fur les
Soldats, qui avoient été privés de leur liberté, ne put que faire tourner à fon
avantage, une précaution violente, qu'on croyoit propre à ruiner fes dcfleins.
Ses ennemis eurent recours à un autre artifice; ils lui firent connoitre, qu'ils
étoienc réiblus d'élire pour Roi , le Prétendant , & qu'or le prioit d'alîifler à cet-
te cérémonie. Comme il fe doutoit bien qu'on leur en vouloÎL à tous deux , il
s'en excufa, fous prétexte d'une indirpofiiionqui ne luipermettoitpas de quit-
ter la chambre. Le Confeil, déconcerté par fon refus, fut quelque-tems en
fufpens fur le parti qu'il y avoit à prendre dans ces circonftances. Le Com-
mandant en profita, pour avertir Gâdtickey de s'avrncer vers !a Ville. Ceux
ui s'étoient fauves à fon approche, le raillèrent lorfqu'ils virent que toutes
es forces, fe réduifoient à deux ou trois censchevaux. U éleva des trophées;
mais perfonne ne fe foucioit de ces vaines apparences. En attendant on
renforça la garde de la Forterefle, & les Soldats reçurent une partie de leur
folde. Gâdtickei s'approchant de plus en plus , Sittôfi & fes Complices fu-
rent d'avis , qu'il falloit faire maflacrer le Commandant dans fa maifon ; Mais
on le trouva bien fur fes gardes. Un moment après , Gâdtickei , à qui il
avoit laifle une porté ouverte, parClt tout-à-coup dans la Forterefle, à la
tête de quelques Troupes. Sittôfi & fes Partifans furent pris & chargés
de chaînes. Le lo Juillet 1738, le Prétendant fit fon entrée dans la Capita-
le. On le conduifit d'abord aux principales Pagodes, fous les décharges
continuelles de l'Artillerie. Le lendemain il répandit quelques facs d'argent
fur la tête du Commandant , pour marque de fa bienveillance particulière (j).
Comme on apprit le 17 , que l'Armée Mogole de Sqnder-Sçahib ^ l'ami fecret
de Sittôfi , fe retiroit , & étoit en pleine marche , ce dernier , avec quatre
de fes Complices , furent mis fur un chariot & traînés dans les rues autour
de la Forterefle , Sittôfi fans nez , & un autre fans mains ; Enfin ils furent
exécutés j fous trois portes de la Ville , & leurs cadavres pendus , à chacun
de fes quatre côtés. On fçût enfuite que Wâpra, voyant qu'on alloit le
faifir , s'étoit donné la mort par fes .propres mains , & qu'on lui avoit ce-
pendant accordé un bûcher honorable. Le 21, jour de l'inauguration du
nouveau Roi, ce Prince qu'on nomraoit auparavant /*flrfrtpM«-»S'f>75a-/2âya , reçut
le titre de Saixdfadi-Raja ^ motMaratte, qm'iispifit Roi incomparable. Son
âge pouvoit être alors de dix neuf à vingt ans \t). On verra , fous l'Arti-
cle de Pondichery , quel fut le fort de ce Prince.
IL Le Marava^ dont le Père Bouchet ne fait point de defcription par-
ticulière, efl: un petit Royaume , fitué entre ceux de Tanjour & de Madu-
ré , & la Côte de la Pêcherie. Ce Pays efl: prefque par-tout couvert de bois
&
.•■•■■>'(•:;'•.;■■;-> r j.'îîT r-'i?;''" r r> • •» r-i «f; ;r; - f \
(s) Canngâhi fchegam, comme qui diroit
Onftion d'or, aura quafi delihntum reddere.
. (t) Ce Prince étoit fils du Roi Sarubofi,
^ui mourut le 18 Novembre 1729. Sa Mè-
re fut obligée de fe brûler avec le corps
de fon Epoux, parccque l'enfant qu'elle a-
voit mis au loonde étoit attribué à un Bra-
Royaume
«le Muiava.
mine. Après la mort de Tuccofi , frère de
fon Père , on cherciia à fe défaire de lui ;
mais un Bramine lui procura les moyens de
fe fauver dans les terres du Roi de Maduré ,
où il trouva de la protection, auprès d'un
Gouverneur de Province. .<. .
)»
»
fea Chefs
Le Com-
me fur les
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Le Com-
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de Maduré ♦
auprès d'un
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> >»
»»
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. IIL y
■& de broflailles. Ramanadaburam eft le nom de la Ville Capitale, où le Descmptioîi
Prince fait fa réfidence ordinaire. En 1700, le Père Martin écrivoit, que jJJ^'iUj'JJj';.
ce Prince avoit fecoué, depuis peu, le joug du Mâduré, dont il étoic au- ^.g.
paravant tributaire. Ils partagent entr'eux la Côte de la Pêcherie. „ Le
„ Marava, dit le même Milfionnaire , dans une autre Lettre de l'année
„ 1709, efl: un 5r««J Royaume , tributaire de celui du Maduré. Le Prin-
„ ce qui le gouverne n'eft pourtant tributaire que de nom ; car il a des
„ forces capables de réfifter à celles du Maduré , fi celui-ci fe mettoit en
„ devoir d'exiger fon droit par la voye des armes. Il règne avec un pou-
„ voirabfolu, & tient fous fa domination divers autres Princes, qu'il dé-
„ pouille de leurs Etats quand il lui plaît". n-.-rsM. ^^. . - ,i:.'. •
Une troifième Lettre du Père Martin, defànhée 1713, y ajoute enco-
re quelques circonftances alTez curicufes. „ Prefque toutes les Bourgades
& les Terres de Marava , font pofledées par les plus riches du Pays ,
moyennant un certain nombre de Soldats , qu'ils font obligés de fournir :
au Prince toutes les fois qu'il les demande. Ces Seigneurs fe révoquent
au gré du Prince: Leui-s Soldats font leurs Parehs, leurs Amis , ou leurs
,, Efclaves , qui cultivent les terres dépendantes' de la Peuplade , & qui
prennent les armes dès qu'ils font commandés. De cette manière le
Prince de Marava peut mettre fur pied , en moins de huit jours, jiifqu'à
trente & quarante mille hommes , & par-Ik il fe fait redouter des Prin-
ces fes voifins: Il a même fecoud lejoug Jq Roi de Maduré, dont il
étoit tributaire. En vain les Rois de Tanjour & de Maduré s'étoient-ils
ligués enfemble pour le réduire; le fameux Brame A'iyara - payen , grand
Général du Maduré, étant entré dans le Marava, en 1702, à la tête
d'une Armée confidérable , y fut entièrement défait & y perdit la vie:
le Roi de Tanjour ne fut pas plus heureux en 1709; profitant de ladé-
folation où étoit alors le Marava, il y envoya toutes fes forces; mais
fon Armée fut repouflee avec vigueur , & il fe vit réduit à demander
la paix ". -
Ce fut l'année fuivante que mourut le Prince de Marava, âgé de plus de Ses révol».
il quatre-vingts ans. Ses femmes , aii nombre de quarante-fept , fe brûlèrent '^°"^*
jjivec le corps du Prince. Son Succefleur perlecuta violemment le Père
artin , & fit détruire fon Eglife de Ponneli-Cottey ^ grofle Bourgade toute
compofée de Chrétiens. 11 avoit un frère, nommé Farouganada-Deveriy qui
accorda au Miflîonnaire une retraite fur fes Terres. Ce Prince faifoit fa ré- ■ ■ •
fidence ordinaire dans la Forterefle 6'Aradangbi (v), & il étoit le Maître "
d'une bonne partie du Marava. Tout le Royaume lui appartenoit de droit,
if parcequ'il étoit l'aîné; mais il en avoit cédé. la Ibuveraineté à fon cadet,
j| qu'il reconnoiffoit plus capable que lui pour le Gouvernement.
Vingt ans après, c'eft-à-dire en 1729, les Millionnaires Danois nous
apprennent, que le Roi de Tanjour, dans un temsde famine, qui lui four-
nit l'occafion d'ufer de ftratagème, fit prifonnier -BaZ'am<-6'/«gM , Prince de
Marava, & envoya à fa place, pour Gouverneur de ce Pays, un nommé
..'._.; y'-,: .T. ■.■\,- j-*'- '.'.;;;■ ■;.; •,';;•' ^-t^.-»:^-:) ;..'«. .v Catta-
(îj) Arandanpbi-Cottey dans la Carte de M. Prince de Marava avoit enlevée au Roi de
oc Ja Ctoze. C'eA wie Place que ie feu Taujour.
)>
1 T
DESCRIPTION DE LA
'.I îTtf
DpJCRtrTION
DE I.'Indb
M^RintONA-
Titre des
Princes de
Marava.
]/ledcRà-
niofurini ; fa-
meux Piigode.
Autres Pla-
ces de ce Pays.
Royaume
de Mudiiré.
Maduré
ancienne Ca-
pitale.
Catta-Deven^ qui après avoir été bâtifé dans TajeunelTe, par les MiflTion-
naires Jéfuites, étoit rentré dans le Paganifme. Le Roi de Tanjour,
méconcencde lui, ayant voulu rétablir Babanu - Singu , après deux ans de
de foixante mille hommes, pour faire la guerre au Roi de Tanjour, à Toc-
cafion d'un mariage ; mais il mourut au commencement de l'année fuivan-
te , fort regretté de Tes Sujets , dont il étoit l'idole. Sa Mère propofa
pour Succefleur , un de fes Gendres , qui fut établi Régent à fa place.
Les Princes , ou les Gouverneurs de ce Pays , portent le titre de Protec-
teur héréditaire , & Patron des faintes Pagodes, qui font à Ramanacor^ ou
Râmefuram , petite llle , à l'Occident du Pont • d'Adam , entre le Marava
& rifle de Ceyian. Cette Ifle, Aiivant le Père Bouchet, a huit ou neuf
lieues de circuit. Quoiqu'elle (oit très-fabloneufe , on y voie pourtant de
beaux arbres. Il n'y a que quelques Villages. Le Pagode efl vers la partie
méridionale. Il eft moins beau, & plus petit que plufieurs autres qui font
dans les Terres.
Les autres Places du Pays de Marava, font, Oriur, onOrejour, grande
Bourgade fituée fur le bord de la Rivière de Pambarou , aux confins du
Royaume de Tam'our. Ce Jieu eft fort renommé par les Jéfuites. C'efl-
là que le Père Jean de Btito fut martyriftS en KJ93, fous le règne du
cmelRanganada-Deverty apparemment le même qui mourut en 1710. On
compte encore, dans Je Marava, une vingtaine de Places de quelque
conlidération, mais dont les MiÂionnaires Danois ne marquent que les
noms (x).
III. Le Royaume de Maduré ed borné à l'Orient par les Etats du Roi de
Tanjour &le Marava; au Midi par la Mer; à l'Occident par les Terres des
Princes de Malabar; au Nord par celles deMaiflbur& de Gingi. Ce Royau-
me eftaufli grand que le Portugal. On y compte foixante-dix Palleacares,
ou Gouverneurs , qui exercent une autorité abfolue dans leurs Diftrifts , & qui
ne font tenus qu'a payer une taxe que le Roi de Maduré leur impofe. Les
revenus de ce Prince font d'environ huit millions. Il peut mettre aifément
fur pied vingt mille hommes d'Infenterie & cinq mille de Cavalerie. Il a
près de cent éléphans , qui lui font d'un grand fecours pour la guerre.
Maduré, Capitale du Royaume (y), eft environnée d'une double
muraille; chaque muraille eft fortifiée à l'antique, de plufieurs tours quar-
rées avec des parapets , & garnie d'un bon nombre de canons. La Forte-
refTe , dont la forme eft quarrée , eft entourée d'un fofTé large & profond ,
avec une efcarpe & contrefcarpe très-fortes. L'efcarpe eft fans chemin
'((^..v^
■M-'
.\..- i U.
i'J
cou-
(jc) Mcaten-feru-cuâi, Ville fituée au
Nord-Oueft , à trois journées de Ramanada-
buram. De-là, revenant à l'Orient, on trou-
ve , Malla-côttey , Sborbd-waram , Ndtu-cdttey ,
Tanarâfu-nâdbu , Pagdni , Corhuccatei-padti ,
Cutfcbam-padti , Sarugani , Caruntancudi , Tra-
mcjuram , Tondamangalam , Collenûr , Mavûr ,
jlnamameudi , VaUifei , Teripatmm , Sam-
bei , Sundaravinia-patnam , & quelques autres.
(_y) Latitude dix de;îrés vingt minutes.
Suivant la Carte de M. d'Anville, la hauteur
de Maduré n'eft oue de neuf degrés cinquan-
te-cinq minutes , & M. Bellin la fait encore
moindre de cinq minutes.
f.
■y
fuites
a Miflion-
! Tanjour,
;ux ans de
inc dans fa
pas moins
une Armée
our , à l'oc-
nëe fuivan-
;re propofa
place.
; de Protec-
manacor, ou
le Marava
ait ou neuf
pourcanc de
ers la partie
res qui font
jwr, grande
c contins du
lites. C'eft-
le règne du
1 1710. On
de quelque
uent que \Qi
ts du Roi de
s Terres des
Ce Royau-
Palleacares,
iftri6ls,&qui
impofe. Les
ttre aifément
ralerie. Il a
guerre,
l'une double
s tours quar-
La Forte-
& profond,
fans chemin
cou-
'eripatnam, Sam-
quelques autres,
vingt minutes,
iville, la hauteur
f degrés cinquan-
n la fait encore
■f
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 9
couvert ; & au-iieii de glacis on voit quatre belles rues qui répondent aux Description
quatre côtés de la Fortercfle. On en peut faire le tour en moins de deux jS^umioNv
hturcs. Les maifons qui bordent ces rues , ont de grands Jardins du c6té - li.
de la Campagne, qui efl belle & fertile.
L'iNTfcRiEUR de la ForterefTe fe divife en quatre parties; celles qui
font à l'Orient & au Midi , contiennent le Palais du Roi. C'ell un laby-
rinte de rues , d'étangs , de bois , de falles , de galeries , de colonnade;, Se
de maifons. Quand on s'y engage un peu avant, il n'efl pas aile d'en re-
trouver Tiflue. Lorfque les Rois de Maduré y faifoient leur féjour, on
n'y trouvoit que des Femmes & des Eunuques. Les falles publiques, où
ces Princes donnoient audience, étoient magnifiques. A l'entrée le voyolc
une grande galerie, foûtenue par dix grofles colomnes de marbre noir , Sien
travaillées. On paflfoit de-là dans une vafle cour , où il y avoit quatre corps
de logis , dont chacun étoit didingué par un dôme , qui s'élevoit du milieu
de l'édifice à une hauteur aiTez confidérable , & paroiflbit chargé d'ouvra*
gcs de fculpture. Ces quatre dômes étoient réiinis par huit gsHeries , dont
les angles étoient flanqués de tourelles. On aflure que le defl^in de ce Pa-
lais a été fourni par un Européen, & l'on y voit en effet plufieurs orne-
mens de nôtre Architeélure.
Dans la féconde partie de la ForterefTe, efl le Temple de Chocanàdon,
nom de l'Idole qu'on adore dans le Maduré. A l'Orient de ce Pagode font
plufieurs beaux portiques. Au Nord d'un de ces portiques fe voit un char
magnifique , deltiné à porter l'Idole en triomphe le jour de fa fête. Le
Pagode efl: environné d une triple muraille, & entre chaque muraille font
plufieurs belles allées d'arbres , très-unies & bien fablécs. A l'entrée des
quatre principales portes du Pagode , on trouve quatre grandes tours , qui
doivent avoir coûté des fommes immenfes (z). Le refte de l'efpace inté-
rieur de la Forterefle efl partagé en plufieurs rues , où fe voyent quelque*
étangs , & quelques places publiques.
La Rivière qui pafTe auprès de Maduré, feroit fort belle, fi on ne la
faifoit couler dans de grands étangs qui la tarifl'ent. Elle dégénère en-
fin en ruiflTeau. Audeflous de la Ville, on a conflruit un canal, qui va
du Nord au Sud , & qui fe jette dans cinq beaux étangs à l'Ouefl: de Ma-
duré. Ces étangs ont d'autres canaux qui conduifent l'eau dans les fofles
quand on le founaîte.
A l'Orient de la Forterefle on voit encore trois autres chars de triom-
phe , qui , chargés de leurs ornemens , font magnifiques. Le principal efl tiré
par plufieurs milliers de bras. Outre que la machine en elle-même efl:
énorme , on y fait monter jufqu'à quatre cens perfonnes , qui ont difFérens
emplois. De groflfes poutres forment cinq étages, dont chacun foûtient
plufieurs galeries. Quand cette machine efl: couverte de toiles pemtes,de
pièces de foye de diverfes couleurs, de banderoles , d'étendarts, de para-
fols, de feftons de Ikurs repréfentées fous différentes figures , & quand
tout
(2) Texeîra rapporte qu'il y a, au Maduré, des tours dorées: Mais les Miflîonnaires Jé-
fuites affurcnt qu'ils n'y en ont jamais vu de cette efpèce.
XIF. Pan, B
19
DESCRIPTION DE LA
DrJCRiPTIOM
DR L'JNDK
iMÉRIDIOMA-
LS.
Tirichinpa-
li , nuiivcllc
Capitale.
tout cet attirail fe voie de nuit , à la clarté de mille ilambcaux , on ne peue
nier que le fpeflacle n'en foie agréable. Le char efl trainé au Ton des
tambours & de quantité d'autres inftrumens. On met ordinairement trois
jours à lui faire taire le tour de la Forterefle.
Du côté du Nord, au-dellus de cette l'ortereflTe, les Jéfuites avoicnt au-
trefois deux Eglifes , qui furent renverfées, lorfque la Ville fut prifcA rui-
née en partie par le Roi de Maiffour. On en a bâti une nouvelle , dans
un des Fauxbourgs , auprès de la Rivière yaighei.
Depuis l'irruption des Maiifouricns , Maduré a beaucoup perdu de Ton
ancienne fplendeur, les derniers Rois ayant tranfporté leur Cour à Tirichira-
p^i/i, quoiqu'ils fûlTent obligés de fe faire facrcr dans l'ancienne Capitale. Cette
Ville (rt) efl: fort peuplée, & d'une grande étendue. On y compte plus de
trois cens mille Habitans. C'efl: la meilleure Place qui foit dans les Terres, en-
tre le CapComorin &Golkonde. De nombreufes Armées l'ont fou vent alTié*
gée, & toujours inutilement. Auflî pafle-t'elle pour imprenable dans l'opinion
des Indiens (b). Elle a une double enceinte de murailles, fortifiées cha-
cune de foixante tours quarrées , éloignées les unes des autres d'environ
cent pas. La féconde enceinte , qui ell plus élevée que la première , eft
garnie de cent trente pièces de canon d'un aflez gros calibre. Cette encein-
te fe divife encore en deux Forterefles , celle du Nord & celle du Sud. La
muraille intérieure de celle-ci efl: plus bafle que l'autre. On y voit une hau-
te montagne, qui fert à découvrir l'ennemi. Au milieu de cette montagne
efl: l'Arfenal , & au bas le Palais du Prince. Le dedans de la Forterefl'e in-
térieure offre un grand amphithéâtre quarré, avec fes degrés de tous côtés
pour monter fur les remparts. Le dernier degré efl à hauteur d'appui. Ou-
tre les tours qui accompagnent la double enceinte de muraille , il y en a
dix-huit autres plus grandes, où l'on tient les provifions de bouche & les
munitions de guerre qui ne peuvent pas entrer dans l'Arfenal. On renou-
velle tous les ans les provifions de riz , & celui qu'on tire des greniers eft
livré aux Soldats, en payement d'une partie de leur folde. La Garnifon
efl: d'environ fix mille hommes , & quelquefois davantage.
Le fofl*é qui environne la Forterefle efl; large & profond. Il efl: plein
d'eau , & l'on y voit quelques crocodiles. On a été obligé de creufer ce
fofle dans le roc , en plufieurs endroits , ce qui n'a pu fe faire fans de grandes
dépenfes. Tirichirapali a quatre grandes portes , dont il n'y a aujourd'hui
que celles du Septentrion & du Midi qui foyent ouvertes. La porte d'O-
rient , ou de Tanjour , a été longtems murée. Celle d'Occident n'efl: libre
qu'aux femmes du Palais. Toutes les nuits on fait trois rondes dans la Place.
La première, au fon des tambours & des trompettes, lorfque le jour baifle;
la féconde, vers neuf heures, avec le hautbois &quelc|ues autres inflrumens;
la troiflème fe fait en filence vers minuit. On en fait quelquefois une qua-
trième à trois heures du matin. , La
re,
(o) Latitude onze degrés quarante mi-
nutes. M. d'Anville ne lui donne que
dix degrés cinquante minutes. M. Eeflin
«ft d'aecoïd avec le P. Bouchet, à quelques
minutes près. On en dit autant dcsMiflîon-
naires Danois.
(h) On verra ci-après qu'elle a pourtant
été prife plus d'une fois dans les dernières
guerres. .
4
lu
i
n ne peut
u Ton des
ncnc troU
voient au-
rifc & rui-
elle, dans
rdu de Ton
a Tirichira'
iiale. Cette
ne plus de
terres , en-
Livent alTié*
18 l'opinion
tifides cha-
1 d'environ
emière, eft
etteencein*
iuSud. La
lit une hau-
e montagne
^rterefle in-
2 tous côtés
'appui. Ou-
; , il y en a
>uche & les
On renou-
greniers eft
jà Garnifon
Il efl: plein
creufer ce
; de grandes
aujourd'hui
porte d'O-
t n'efl: libre
ins la Place.
our baifle;
^nftrumens ;
lis une qua-
La
it dcsMiflîon-
[\\c a nourtant
les dcinièrca
,:1
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. ii
La Rivière de Caveri va de l'Oued à l'Eft de la Foricrcfle. Au-dciTus de
Tirîcliirapali on a conftruit un canal large & j>rofond,qui porte l'eau autoiw
de Kl Ville- J)c ce grand canal fortent plulieur» autres petits canaux qui
Coininunii|iicnt à de grands étangs qu'on trouve au dedans àc au dehors de
la Ville. On y voit plulieurs places publiques & quelques bazars ou mar-
ches. l#es plus confiderables font aux deux principales portes Celui du
Nord s'étend jufques fur les bords du Caveri. Au-delà de cette Rivière
on trouve un autre bras du Fleuve Coloram, & c'efl au milieu de ces deux
grandes Rivières qu'on a bâti le Pagode de Chirangatn , un des plus be:;ux
qui fe voyent aux Indes.
L E Palais de Tirichirapali n'eft pas, à beaucoup près, fi fuperbe cjue celui
de Maduré. Il confille dans un amas de falles, de galeries & d'apparte-
mens intérieurs. Le Divan , qui ell: le Tribunal où l'on rend la Juftice , eft
foûtcnu par de beaux piliers fort élevés , & furmontés d'une belle plate-for-
me. Les Jardins ne lont point à comparer à ceux de l'Europe. On y voit
auatre ou cinq petits jets-d'eaux , & à l'entrée d'un de ces jardins une , rnn-
e falle ouverte de tous côtés , & 'entourée de folfés aflez profonds , qu on
remplilToit d'eau quand la Reine y venoit prendre le frais. Les piliers qui
foûtiennent cette falle, font alors couverts de brocards d'or, & le haut
de la falle eft orné de fêlions de fleuri, & de pièces de damas de différen-
tes couleur». On compte environ quarante lieues de Tirichirapali à Madu-
ré, à caufe des détours qu'on efl oblige de prendre pour éviter les bois ,
qui font infedés de Voleurs j mais le Voyageur a l'agrenent de marcher
continuellement dans une allée de beaux arbres, qui règne d'une Ville
à l'autre.
Aprks les deux Capitales, & le fameux Pagode de Chirangam, les au-
tres Places de l'intérieur du Maduré font peu confiderables. Nous ne laif-
ferons pas d'indiquer les principales. De Maduré tirant au Sud , on entre
dans la petite Principauté de Tiruvudhnratfchiam , fur les frontières du Pays
de Marava. Pavanajbam & Tirunelveli ^ font deux ForterefTes de fa dépen-
dance, dans chacune defquelles il y a cependant un Paleagare. Leur éloigne-
ment l'une de l'autre eft d'environ douze lieues. Près de la dernière cou-
le auSud-Efl:, le Tambaravjeni ^gxznà. Fleuve, qui a prefque par-tout une de-
mie lieue de large. Tutucurin , dont la defcription appartient à la Côte , e(l
fitué fur une de fes embouchures. A l'Ouefl: de Maauré on a encore Par-
hani^ ou Pateni^ôc Tinducallu, qui font auffi gouvernées par des Paleagarcs.
Turreyûr, & quelques autres Places au Nord de Tirichirapali, dont on ne
connoit guères que les noms , fe font affez remarquer dans la Carte ; Mais
n'oublions pas Elakwitfchi & /^owr, deux Bourgs, l'un au Nord-Efl & l'au-
tre au Sud de cette Capitale , qui font les meilleures Places des Millionnai-
res Catholiques Romains répandus dans ce Pays , où ils ont encore plufieurs
petites Eglifes.
Toute cette Contrée , qui renferme le Maduré & le Marava , por-
toit autrefois , dans une très-grande étendue, le nom de Pandi-Mandalam^
ou Royaume de Pandi, fameux Roi , dont les Defcendans ont long-
tems occupé le Trône. Suivant les Mémoires des Indiens , on en dcvroit
compter trois cens foixante - deux. Ils nomment le premier Purûruweti , &
B 2 le
DrSCRTrTTON
M^.KIIJIONA-
Lt..
Autres Pla-
ces du Madu-
ré.
Ilifloirc Jts
Rois de Ma-
duré.
12
DESCRIPTION DE LA
Description
DR l'Inde
NÈti.IDlQNA'
LE.
le dernier ^arWi , ou félon d'siuttes Sibulimâren ^ qui mourut fans enfans.
Après lui régnèrent quelques Princes de la race des Cri aràfes^ ou Rois Mon-
tagnards, de Makialam ^ ou Malabar, fous le titre de Currunilamanner ^ qui
fignifie Seigneurs appanagés. Dans la fuite , l'Empereur de Nara-Singam , ou
Narfingue, ^mxègndiizlVifeindgaram^ ou Bifnagar , ayant divifé fes Etat*
Méridionaux entre fes principaux Officiers , Muttuvirapanaiken obtint le Ma-
duré pour fon partage. Son fils, Tirumaleinaiken , eut deux fils ; Soccalinganai-
ken l'aîné, s'empara de Tanjour en 1674, & fit mourir le Naik de ce Ro-
yaume. Muttarhagatirinaiken fon frère , le mit enfuite en prifon ; mais au
bout de dix-huit mois, il remonta fur le Trône, & Muttarhagatirinaiken
fe retira auprès d'Ecofi-Raja, qui fous prétexte de rétablir le fils du dernier
Naik de Tanjour, a voit ufurpé Çqs Etats. Soccalinganaiken étant mortquelque-
tems après, fon fils Rengu-Kutfchna-muttu-virapanaiken,\aï fucceda; mais il ne
vécut que treize mois. Sa Mère, la fameufe Mangammal, s'établit enfuite
fur le Trône, qu'elle occupa feize ans. Le feu Roi, fon fils, avoit laifle
fa femme enceinte d'un fils, qui portoit déjà le titre de Roi, fous la tu-
telle de fon Ayeule.
C'est de cette Princefle que parle le Père Martin, dans faLctre de l'an-
née 1700. „ Elle avoit, dit-il, confié le Gouvernement de l'Etat au Ta/a-
„ vay, ou Prince Régent, qui en était le maître abfolu, «Se qui difpofok
„ de tout à fa volonté , mais avec tant de fageffe & un fi parf lit definté-
5, relTement, qu'on le regardoit comme le plus grand Miniftre qui eut ja-
„ mais gouverné leMaduré."
Quelques années après, le Talavay, qui étoit en guerre avec le
Roi de Tanjour, remporta fur les Troupes de ce Prince, un;î vi6loire
célèbre , dont le Père Martin raconte auffi les circonftances.
„ Le premier s'étoit campé fur la rive feptentrionale du Coloram, pour
„ mettre le Royaume à couvert de l'Armée de Tanjour, qui faifoit de
„ grands ravages dans tout le Pays ; mais quelque effort qu'il fit , il ne pût
„ arrêter les incurfîons d'un Ennemi, dont la Cavalerie étoit beaucoup plus
„ nombreufe que la fienne. Il crut que le plus fÛr pour lui étoit de faire
„ diverfion. Sur le champ il forma le deflfein de repafler le Fleuve, qui
„ avoit fort baiffé , pour porter enfuite la confternation jufques dans le
„ Royaume de Tanjour. Il exécuta ce projet Ci fecrétement, que les En-
„ nemis ne s'apperçurent de fon paflage , que lorfqu'ils virent fes Trou-
„ pes dépliées , fur l'autre bord de la Rivière , & prêtes à pénétrer dans
„ le cœur du Royaume, qui étoit fans defFenfe. Ce pafTage imprévu les
„ déconcerta. Il ne leur reftoit d'autre reflburce que de pafler auffi laRi-
„ vière, pour venir au fecours de leur Pays ; mais ayant mal choifi le gué,
„ le Talavay , qui s'apperçut de leur defordre , vint fondre fur eux , & n'eut
„ pas de peine à les rompre; La déroute fut générale , & bien-tôt la plus
grande partie du Royaume fe trouva remplie de Soldats étrangers , qui
y commirent de grands ravages.
„ Le Roi , outré de fe voir vaincu par un Peuple accoutumé à rece-
voir fes loix , conçut de grands foupçons de l'infidélité ou de la ncgli-
j, gence de fcn Premier Miniftre Balogi , ou comme d'autres l'appellent , Fa-
M gogi-Pandidw, Les Grands ,, qui le haiifoient , & qui avoient jure fa
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PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 13
perte, appuyèrent fortement cefoupçon, & firent retomber fur lui le
fuccès maJheureux de cette guerre. Mais Balogi, fans s'effrayer des
complots qui fe tramoicnt contre lui, envoya aufli-tôt fes Secrétaires chez
les principaux Marchands de la Ville & des environs, avec ordre à cha-
cun d'eux , de lui prêter une fomme confidérable , fous peine de confif-
cation de tous leurs biens. Enfin, en moins de quatre jours, il amaÎTa
près de cinq cens mille écus , qu'il fe hâta d'employer à gagner la Reine
de Tirichirapali , à corrompre la plupart de ceux qui compofoient fon
Confeil , & fur-tout à mettre dans fon parti le Père du Talavay , dont
l'avidité étoit infatiable. Il fit fi bien qu'avant les huit premiers jours
expirés , fans que le Talavay même en eût connoiflance , la paix fut con-
clue à Tirichirapali avec le Roi de Tanjour, qui rendit fes bonnes
grâces auMiniflre, & lui accorda une autorité plus étendue que jamais". •
Le Roi de Maduré , petit - fils de Mangamir al , étant mort , après un
règne de vingt-huit ans , fa Mère , nommée W'àngudtammal, ou Mimàtfch-
animal j monta fur le Trône; Mais à peine avoit-elle gouverné quatre ans,
que les Mogols fe rendirent maîtres de Tirichirapali, le 26 d'Avril
1736, & établirent pour Roi, de nom feulement, Cadturâfa Tirumaleînai-
keriy petit-fils de Muttarhagatirinaiken , frère cadet de Soccalinganaiken ,
dont on a rapporté l'avanture. C'eft ici que nous bornons cette Hilloire ,
en avertiflant qu'elle fera continuée dans l'Article de Pondichery.
IV. Le Royaume de MaiJJbur , ou Mâ/hUr, qui s'étend à l'Ouefl & au
Nord du Maduré , doit fon nom , & les Princes qui y régnent , à un Châ-
teau, fitué à quelque dillance de la Capitale, nommée Chirengapatnam , Se
renfermée dans une Ifle du Caveri (c). La Fortereffe reflemble aux an-
ciennes Villes de l'Europe , qui étoient fortifiées par des tours. Elle a un
bon fofle. Le Palais du Roi n'a rien de remarquable. Les Chrétiens y
ont une affez jolie Eglife.
Cet Etat efl de tous ceux que le Mogol n'a pas fubjugués , celui qui efl
devenu le plus confidërah îe , par les conquêtes que fes Princes ont faites de
plufieurs Fortereffes , foit dans le Royaume de Maduré , foit dans les au-
tres Etats voifins. On lui donne près de quinze millions de rente. Il a
mis fur pied des Armées de trente mille hommes d'Infanterie & de dix
mille de Cavalerie. Le Père Cinnaîni , Jéfuite , Fondateur de la MiflTion é-
tablie dans ce Royaume, affûre, que dès l'année 1650, les Etats de Maif-
four s'étendoient depuis le commencement de l'onzième degré de Latitude
feptentrionale jufqu au-delà du treizième. Les Terres du Samorin & des au-
tres Princes du Malabar, le bornent du côté de l'Occident.
Ce qui a rendu les Maiflburiens Ci redoutables à leurs voifins , c'efl la
manière cruelle dont ils traitent leurs prifonniers de guerre. Ils leur cou-
pent à tous le nez. On met enfuite ces nez coupés dans un vafe de ter-
re , on les fale , pour les garder & les envoyer à la Cour. Les Officiers
& les Soldats font recompenfés à proportion du nombre des prifonniers
qu'ils ont traités avec cette barbarie. Com-
(r) Sa fituation , fuivant le P. Bouchet , efl: te de 1737, la place feulement à douze de^
environ les treize degrés quinze minutes de grés quarante minutes ; C'cfi la hauteur que
Latitude du Nord. M. d'AnviUe, dans fa Car- M. Beilin lui donne dans la lienne..
B3
DE«CR»TtOIf
niî i.'Inde
MÉRiniOHA-
LB.
Royaume
deMailfour.
u
DESCRIPTION DE LA
Descrtption
D's l'Inde
MÉIUOIONA-
Royaume
de Gingi.
Defcription
de fa Forte-
relfe.
Comme le Caveri, qoi prend fa fource dans les montagnes de Gatte,
traverfe le Maiflbur pour fe rendre fur la Côte Orientale , les Princes de
ce Pays ont fouvent eu des différends à cette occalion , avec les Kois de
Maduré & de Tanjour. Le Père Martin raconte que de Ton tems, le Roi
de Maiflbur avoit voulu arrêter le cours de ce Fleuve, par une digue
énorme qu'il avoit fait conftruire, & qui occupoit toute la largeur du
canal. Son deffein étoit de détourner les eaux par cette digue , afin que
fe répandant dans les canaux qu'il avoit pratiqués, elles vinfl*ent arrofer
fes Campagnes ; Mais comme il ruinoit en même - tems les Royaumes de
Maduré & de Tanjour , les deux Princes , attentifs au bien de leurs E-
tats, fe liguèrent contre l'ennemi commun, afin de le contraindre, par
la force des armes , à rompre une digue qui leur étoit fi préjudiciable. Ils
faifoient déjà de grands préparatifs , lorfque le Fleuve vengea par lui-mê-
me , comme on s'exprimoit dans le Pays , l'affront que le Roi de Maiffour
faifoit à fes eaux facrées, en les retenant captives. Tandis que les pluyes
furent médiocres fur les montagnes , la digue fubfifta , & les eaux coulè-
rent lentement dans les canaux préparés ; Mais dès que ces pluyes tombè-
rent en abondance, le Fleuve s'enfla de telle forte, qu'il entr'ouvrit la
digue, la renverfa & l'entraîna par la rapidité de fon cours. Ainfi le
Prince de Maiffour , après bien des dépenfes inutiles , fe vit fruftré tout-à
coup des richeffes immenfçs qu'il s'étoit promis de la fertilité extraordinaire
de les terres. .: .^-..v..'
Tout ce qu'on connoit dans le Maiffour efl: dû aux Jéfuites, qui au
rapport des Millionnaires Danois y ont établi quelques Eglifes, & tiennent
à ferme le Village de Pudâppâdi, dont les Habitans font tous Chrétiens.
V. A l'Orient de Maiffour , & au Nord des Royaumes de Maduré & de
Tanjour , on trouve la Fortereflè de Gingi , Capitale d'un petit Royaume
de ce nom (rf). Ce que la Fortereffe a de particulier , ce font trois mon-
tagnes , qui y forment une efpèce de triangle. On a bâti un Fort fur la
cime de chaque montagne, d'où l'on peut abîmer, à coups de canon, ceux
qui fe feroient emparés de la Ville. Ces trois montagnes s'uniffent en-
tr'eiles par des murailles , & par des tours placées d'efpace en efpace. {Jn
de ces Forts a communication avec un bois épais , qui facilite l'entrée des
fecours dans la Place.
La Ville, fituée au pied de la Fortereffe, du côté de l'Orient, ne con-
tient que cinq à fix cens toifes de longueur , & deux cens de largeur , mais
le circuit de la Fortereffe vaut environ trois mille cinq cens toifes. Son
enceinte eft fort irrégulière, parcequ'elle a été conduite fur le fommet de
quatre montagnes, dont on a fait autant de Fortereffes particulières (e).
La
(d) Latitude douze degrés dix minutes.
M. d'Anville la place cinq minutes plus au
Nord, & M. Bellin cinq minutes plus au
Sud.
(e) Sur la quatrième montagne eft un
Pagode magnifique, qui étant environné
d'une double enceinte , peut aufïï paffer
pour une efpèce de Fortereflè. Il y a encore
un Fort, bâti fur un grand roc, hors de !a
Ville, dont il defFend le paflage. Le feul
qui mène aux principales Fortereffes eft une
mont^, pavée d'ardoife, ou taillée dans le
roc en quelques endroits. Ce qu'il y a de
plus admirable, c'cft que l'eau ne manque
pas fur ces montagnes.
e Gatte,
rinces de
I Kois de
is, le Roi
une digue
irgeur du
, afin que
nt arrofer
raumes de
e leurs E-
indre, par
ciable. Ils
)ar lui-mê-
e Maiflbur
; les pluyes
laux coulé-
yes tombè-
:r'ouvrit la
1. Ainfi le
uftré tout-à
:raordinaire
tes, qui au
& tiennent
irétiens.
laduré & de
Royaume
c trois mon-
Fort fur la
;anon, ceux
miffent eri-
jace. Un
'entrée des
it, ne con-
rgeur , mais
oifes. Son
bmmet de
lières (e).
La
)C, hors de !a
âge. Le feul
ereffcs eft une
taillée dans le
quil y a de
lu ne manque
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III.
15
MÉllIDIONA-
LE.
Révolutions
de cet Etat.
La principale, <& qu'on peut appeller la Citadelle , ell à l'angle de la Place, Dbjcrtption
tournée vers ie Nord-Oueft, & fe nomme Rasjegadu. Outre l'avantage de ^Jl^ ^}!^Zf,
fafituation fur un heuefcarpe, elle a une double encemte, dont une par-
tie eft prife du roc même.
Le Palais des anciens Rajas efl au pied, féparé du refte de la Place par
un retranchement. Leur Cour étoit fort fomptueufe. Ces Rajas recon-
noiflbient le Roi de Bifnagar , ou de Narfingue , en qualité de Souverain.
Dans la fuite, le petit Etat de Gingi tomba fous la puiflance du Roi de
Vifapour, qui s'étant ligué avec celui de Golkonde, vers l'an 1650, avoit
dépouillé le Roi de Narfingue de ce Pays. En 1677, le fameux Raja Se-
vagy fe rendit maître de Gingi , que ion fils conferva quelques années ,
comme on le verra dans l'Article fuivant. Cependant Aureng-Zeb, après'
la conquête des Royaumes de Golkonde & de Vifapour, y envoya une
Armée, dont les efforts furent d'abord inutiles. L'Empereur Mogol ne fe
rebuta point ; il mit à la tête de fon Armée , un Général de réputation ,
nommé Julfakarkan. Le deflein du Général étoit de prolonger le Siège,
parcequ'il trouvoit fon intérêt dans fa durée. Mais Daourkan , un de fes
Officiers fubalternes, prefFa fi vivement l'attaque de fon côté, qu'il empor-
ta la Place, & mit par cette conquête tout le Royaume fous la puiflance
d'Aureng-Zeb. ^ "'
On ne fera point un Article particulier pour le Carnate. Les Relations
du Volume précèdent en ont^ déjà fait connoître les principales Places,
& le Morceau qui va fuivre, y ajoutera encore plufieurs éciaircifleinens.]
i ...... -,j -■.• ■ . , s T "•'-■'' ■' ■ • '■- ■> .
... ^ ' - ' , ^ - ■^ • ■ . _■--.,
' . Origine de V iLtablîJfement des François à ^ondichery» ,^ • .' -J '
C'EST ici l'occafion qu'on s'efl promife, à la fin du Voyage de Luil-
lier (a), de puifer dans une meilleure fource des idées plus juflies de
l'Ecablifleraent François de Pondichery (*).
Remontons, avec l'Auteur que je fais profeflîîon de fuivre, jufqu'à
l'année 1674, où l'on a vu , dans une Relation précédente (<r), la Ville
de Saint -Thomé prife en peu de jours par les armes Françoifes, fous
le
Etabliswt
MENX FbAN-
çois DE Pon-
dichery,
1674.
(a) Au Tome précèdent. Dans l'Edition
de Paris , ce Morceau eft à la fuite du Voya-
ge de Luil lier; mais nous l'en avons détaclié
pour les raifons connues. R. d. E.
( /) ) On ne fera pas difficulté de les em-
prunter du troifième Tome de l'Hiftoire des
Indes Orientales , par M. l'Abbé Ciuyon.
Cette partie de fon Ouvrage , ayant été com-
pofée fur les Mémoires de la Compagnie des
Indes , avec une attention d'autant plus mar-
quée, que les deux premiers Tomes en font
une forte d'introduftion , qui ne jaroît rap-
portée qu'à cette vue, on ne fauroit prendre
un guide plus fur & plus exaft ; le flylc mê-
me en eft affez foûtenu, pour ne pas de-
mander beaucoup de réformation. L'Hiftoi-
re des Indes Orientales , anciennes ^f moder-
nes, a été publiée en 1744, à Paris, chez
De-Saivt & Saillant, 3 Vol. Jn-12.
(c) Voyez le Journal de la Haie , au
Tome XI. de ce Recueil. Voyez y aulFi ceux
de Renncfort , de Girré & de l'Eftra , & ce-
lui de Dellon , ru Tome Xlll. , qui contien-
nent la fuite des Etablillémcns François aux
Induât
M
I6
DESCRIPTION DE LA
Etablis'e-
Mn.NTFRAN-
Çi)l;: DK PoN-
DICHEUV.
1674.
1^75.
167^.
le commandement de l'Amiral de la Haie (d), & reprife après un long Siè-
ge par lesHollandois. Ce fut dans cette conjonfture que iVIartin reçut ordre
de ie rendre à Fondichery (e), où la Compagnie des Indes avoit déjà un
Comptoir , pour y commander les François fous l'autorité du Roi de Vifa-
pour. Baron, Dire6leur de Surate, qui avoit accompagné l'Amiral delà
Haie dans l'expédition de Ceylan, & pendant les deux Sièges de Saint- Tho-
mé(/), prit bien-tôt la même route, avec quelques Troupes échappées à
la guerre , pour fe procurer une parfaite connoiflance du lieu & de fes a-
vantages. Il y lailla foixante hommes. De-là s'étant rendu à Surate, il
écrivit à la Compagnie , en France , qu'au défaut de Saint-Thomé , Fondi-
chery pouvoit être préféré à beaucoup d'autres endroits de la Côte, &
que li l'on pouvoit acquérir la propriété de la Place , il feroit facile d'y
faire un Etabliffement inébranlable.
Martin n'eut pas peu de peine à fe foûtsnir avec fi peu de forces.
Cependant , pour ne pas laifler tout-à-fait inutile le fond que la Compa-
gnie lui avoit confié, il en donna une partie à intérêt à Chirkam-Loudy ,
Gouverneur de cette Contrée pour le Roi de Vifapour , fur le pied d'un &
demi pour cent, par mois; profit qui fervit à remplacer fes dépenfes : &
n'en étant pas moins convaincu des avantages de fon pofte , il ne cefloit
pas d'écrire à la Compagnie, qu'il n'y avoit aucun endroit de cette Côte
d'où elle pût tirer plus facilement & à meilleur compte les guinées & les
felempouris (g).
Au commencement de l'année 1676 ^ Chirkam-Loudy , qui étoit entiè-
rement dans les intérêts de la France , prévoyant quelques démêlés qu'il ne
pouvoit éviter, avec le Gouverneur de Gingy (A), qui efl: la Capitale de
la Province, à une journée de Pondichery , & ne doutant pas que le Comp-
toir François ne fût expofé aux infultes de la guerre, envoya trois cens
Soldats à Martin , pour y demeurer fous fes ordres. Comme les François
occupoient une Maifon fpacieufe , mais fans défenfe , ce Général leur con-
feilla de s'y fortifier, & la dépenfe de ces premiers ouvrages ne monta
qu'à fept cens écus. --.-'- ._: . ■
■.ih
: , . Fii, ^l'i.i , ',.,4 1
(i) M. l'Abbé Guyon fe trompe en don-
nant la qualité de Directeur de la Compa-
gnie à M. de la Haie, qui étoit un Officier
militaire, mort depuis au Siège de Thion-
ville, avec le grade de Lieutenant Général
des Armées du Roi. Il ne fe trompe pas
moins , en le faifant aller à Pondichery après
la reddition de Saint-Thomé. M. de la Haie
fut renvoyé en France par les HoUandois ,
fur un do leurs VailTeaux , fuivant la capitu-
l:*:ion.
Nota. Dans un autre endroit , l'Ai bé
Guyon traite M. de la Haie de Viceroi: &
fi le reproche qu'on lui fait ici étoit fondé ,
ce lëroit la faute du Mémoire des Archives
de l'.i Compagnie, dont il donne la Copie.
Mais , ne
peut- 11 pas quil y
deux
h Haie, & que le Direifteur fût le uiûme qu
•-■■■■•■ Mar-
Dcllon nomme M. desHayes^ R. d. E.
(e) Lorfque les François y arrivèrent,
cette Place le nommoit Boudoutfcbery , & c'é-
toit fort peu de chofe. Ce fut le Direftcur
Marcara qui y établit le Comptoir, en 1670,
après en avoir établi un à Mafulipatan , en
1669, par un Traité avec le Roi de Gol-
konde.
if) C'cfl: M. Prcvofl qui fe trompe, &
Dellon nous apprend que Baron étoit refté à
Surate, d'où il ne partit que le 8 de Fé-
vrier 1673, pour aller au fecours de M. de
la Haie. R.d.E.
(ff) Efpèces d'étofFes. Hijîoire des Indes,
ubi i'up. pag. 215.
( i ) Ce Gouverneur étoit frère de Cavef-
kam , dont on a parlé dans l'Hiftoire de Do»
Pedre de Caftro , au Tome précèdent.
long Slè-
çut ordre
t déjà un
de Vifa-
liral de la
lint-Tho-
happées à
de Tes a-
Surate, il
é, Pondi-
Côte, &
facile d'y
de forces,
a Compa-
lam-Loudy,
ied d'un &
îpenfes: &
ne ceflbit
cette Côte
nées & les
étoit entié-
ïlés qu'il ne
Capitale de
e le Comp-
trois cens
François
leur con-
ne monta
Mar-
d. E.
airivèrent ,
fcbery , & Cè-
le Direftcur
)ir, en 1670,
UUpatan , en
loi de Gol-
trompe, &
n étoit refté à
le 8 de Fe-
urs de M. de
)ire des Indes ,
ère de Cavef-
ftoire de Don
;dent.
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 17
Martin écrivoit à la Compagnie, au mois de Janvier 1677, qu'il avoit
affermé l'Aidée de Fafqumambat , qui n'efl: éloignée que d'un quart de lieue
de Pondichery, qu'elle fe peuploit de jour en jour, qu'elle s'embellilToit,
& que depuis trois mois , qu'il avoit entrepris dy former un nouveau Vil-
lage , il y avoit déjà quarante maifons d'achevées ; que l'on continuoit de
bàcir, & qu'en moins de (ix femaines, il en pourroit tirer, chaque mois,
cent cinquante pièces de guinées, qui augmenteroient à proportion que
l'Aidée fe peupleroit; & que pour y attirer des Ouvriers, il les avoit
exemptés , pour une année , de toutes fortes de droits.
Au mois d'Oélobre fuivant, il arriva de grands changemens dans la
Province de Gingy. Chirkam-Loudy fe promettoit de terminer la guerre
en fe rendant maître de la Capitale; lorfqu'un ennemi, dont il fe défioit
peu , vint traverfer des deffeins qui ne pouvoient tourner qu'à l'avantage
de la Compagnie. Sevagy , ce fameux Rebelle , dont on a lu tant de fois
le nom dans les Relations précédentes , s'étant rendu redoutable au Roi de
Golkonde , força ce Prince de lui donner une fomme confidérable , fit al-
liance avec lui pour la conquête de la partie du Carnate qui appartenoit au
Roi de Vifapour , & marcha contre la Ville de Gingy. Le Gouverneur ,
qui ne fe crut poi: t en état de réfifter à cette nouvelle attaque, remit la
Place & les Terres de fa dépendance, par un traité qui lui afluroit d'autres
Terres dans le Royaume de Golkonde. Une conquête fi prompte excita
Sevagi à faire marcher Tes Troupes contre Velour ^ célèbre FortereflTe, &
l'ancien féjour des Rois de Carnate. Mais la valeur du Commandant lui
faifant craindre un trop long Siège, il laifla la Place blocquée par un
Corps de Troupes; & le reft:e de fon Armée, compofée de vingt cinq
à trente mille hommes d'infanterie & de dix ou douze mille chevaux,
s'avança contre Chirkam , qui n'avoit alors que trois mille chevaux &»
quelques mille hommes de pied. Cet Ami des François fut contraint
de fe retirer en defordre. Il fe renferma dans une Place , nommée Bonc-
gupamant, où il fut bien-tôt aflîégé. Après quelques jours dedéfenfe, il
fe vit forcé de remettre au Vainqueur toutes les Places qu'il tenoit pour
le Roi de Vifapour , & de payer une fomme de vingt mille pagodes.
^Ses fils demeurèrent en otage, pour le payement de cette fomme; tandis
f que fe retirant dans les bois , à quatre ou cinq journées de Pondichery ,
il dépêcha des Courriers au Roi fon Maître , pour l'informer de l'état de
la Province.
Martin, qui comprit aufTi-tôt de quoi il étoit menacé dans Pondiche-
ry, chercha les moyens de fe mettre à couvert. Quoique Sevagi eût
toujours marqué de l'affeftion pour les François, il le crut obligé, par
la prudence, de failir l'occafion d'un Navire Portugais, qui mouilla dans
la Rade , pour envoyer à Madras les effets que la Compagnie avoit dans
les Indes. Enfuite n'efpérant rien de la fituation de Chirkam , ni du pe-
tit nombre de François qu'il avoit fous fes ordres, il prit le parti d'en-
voyer au Vainqueur, qui venoit déjà vers la Ville, un Brame attaché
au fervice de la Compagnie, pour le féliciter de fon arrivée dans la
Province, & du progrès de fes armes. Cette politique eut le fuccès qu'il
s'en étoit promis. Sevagy fit des plaintes de la Nation Françbife, & lui
X/F. Part. . C re-
ETAfMSSF-
mentFkan-
çois nE Pon-
dichery.
1677.
1(58 0.
fS
DESCRIPTION DE LA
Etablisse-
ment Fran-
çois UK P0N>
DICHBRT.
1(58 o.
Terres cé-
dées à la Co]n-
1^86.
On com-
mence à for-
tifier Pondi-
chcry.
1689.
reprocha particulièrement de s'être déclarée pour Chirkam , contre le
Gouverneur de Gingy. Mais l'Envoyé remplit fa commiflTion avec tant
de bonheur & d'habileté, qu'il obtint un Caoul^ c'eft-à-dire, un Aéie
formel , par lequel Sevagy accordoit aux François la liberté de demeu-
rer dans Pondichery , à la feule condition de ne prendre aucun parti dans
fes guerres (i). Ut ■ . j 'r .
Cette faveur ne coûta aux François qu'un préfent de cinq cens pago-
des. Dans le cours de la même année, Martin, n'ayant pCl fe faire relli-
tuer les femmes qu'il avoit prêtées à Chirkam-Loudy , obtint de ce Seigneur
une ceffion autentique du revenu des Terres de Pondichery, jufqu'à la con-
currence du payement. Enfuite, il paroit qu'au milieu des guerres voifi-
nes , l'Etabliflement François fut refpeélé ; quoiqu'il n'eût alors que trente-
quatre hommes pour fa défenfe {k). En 1686, le calme ayant fiiccedé
aux troubles du Pays , Martin fit bâtir deux grands Magafms de brique , &
d'autres Edifices (/). Deux ans après, on commença plus férieufement
à fe fortifier, par un mur aJez fort, qui fut élevé du côté de l'Oueft (m),
& qui a été continué , depuis , des autres côtés de la Loge. En 1689, ie
Direéleur obtint des Officiers de Sotmnagy-Raja (n), fils & fuccefleur de
Sevagy , la liberté d'augmenter les Fortifications de quatre tours , dont il
flanqua les courtines. Ce fut vers le méme-tems, quil fut informé de la
prife & de la mort de Sommagy. Ce malheureux Prince, étant tombé
dans une embufcade de Troupes du Mogol , par la trahifon d'un de fes
Miniftres, fut conduit devant le Vainqueur, qui lui fit crever les yeux &
couper la tête.
Le defordre que cet événement jetta dans la Province, fut augmenté par
l'avis qu'on reçut aux Indes , d'une déclaration de guerre entre la France
& la Hollande. Les Hollandois, quoiqu'aflfez foibles fur la Côte , employè-
rent
i
■ji"
(0 M. l'Abbé Guyon rapporte ce Gaoul:
Avec la liberté d'exercer toutes fortes de Com-
merces , & de bâtir des Magafins dans toute
l'étendue du Gouvernement de Gingy, „ il
„ accorde à la Compagnie l'exemption de
„ tous les droits , à la referve d'un & demi
„ peur cent fur toutes les marchandifes qu'el-
„ le fera embareiuer ou débarquer; lorfqu'cl-
„ les fe vendront, les Marchands payeront
„ le même droit pendant l'epace de cinq an-
„ nées ; lefquelles expiiées , on payera deux &
„ demi pour cent, pour toujours, moyen-
„ nant quoi , la Compagnie eft exempte des
„ autres droits , comme Paliagars , Toiiars ,
^ Pejeurs , & généralement de tous. Aucu-
„ ne Nation , comme Anglois , Danois , Por-
„ tugais & tous autres, ne pourront négo-
„ cier ni débarquer aucune marchandife à
„ Pondichery, fans la permimon de la Com-
„ pagnie. Tous les Ouvriers & Serviteurs
„ de la Compagnie demeureront libres à
„ Pondiclicry, fans qu'ils foient obligés de
,^ payer aucun des droits que les Habitans
„ payent au Divan. La Compagnie pourra
„ prendre à fon fervice le nombre de- Laf-
„ cars & de Serviteurs qui lui fera nécelTai-
„ re. Si les gens de la Compagnie ont qucl-
„ que démêlé avec ceux du Dtvan , ou mé-
„ ritent châtiment, la Compagnie fera jufti-
„ ce , fans qu'aucun Officier du Divan e»
„ puifTe connoître, &c. Le préfent Caoul
„ devant valoir pour toujours. Fait ie 15
„ Juillet 1680." Ibid. pag. 228 & précé-
dentes.
( * ) Ce nombre s'y trouvoit au commen-
cement de l'année 1679; ainfi il pouvoitbien
avoir été augmenté depuis. R. d. E.
( / ) La Loge n'étoit encore couverte que
de paille.
(m ) L'ordre en fut donné par M. de Cebe-
ret , un des Envoyés de France à Siam , d'où il
étoit parti, avant la Loubere, pour aller -ri-
fiter les Etubliffemcns François. Voyez J^.
fécond "Voyage de Siam; au TomeXJI.
( n ) Il ed nommé aullî SandoJ'cbi Si San^
bogi-Raja. R.d E..
f
■^
contre le
avec tant
un A6le
é demeu-
jarti dans
ens pago-
'aire reiti-
s Seigneur
Li'à la con-
rres voifi-
[ue trente-
it fuccedé
brique , &
rieulement
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ti 1689, Je
•cefîeur de
rs, donc il
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ant tombé
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^menté par
la France
, employé-
renc
agnie pourra
nbrc de- Laf-
era iiécelTai-
rnie ont qucl-
van, ou iné-
lie fera jufti-
u Divan en
réfent Caoul
Fait le 15
& précé-
:i
au commen-
pouvoit bien
E.
couverte que
r M. de Ccbe-
Siani , d'où il
pour aller rî-
s, Voyoz ïj,
oineXJI.
doj'chi à, Sam^
■■«-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. i^
rent auffî-tôc toutes fortes de moyens pour enlever, à la Compagnie Fran-
çoife un porte qu'ils croyoient nuifible à leur Commerce; & n'efpérant
rien de la ^rce, ils prirent le parti de s'addreffer k^vyRnji, Gouverneur
général de la Province, auquel ils firent offrir une Ibmme confidérable ,
pour la fubfiftance des Troupes de Rame-Raja, frère & fuccciTeur de Som-
niagy ('0 » ^^*^^ ^^^ grands préfens pour lui-même, s'il vouloit leur aban-
donner Pondichery. Ces tentatives demeurèrent fans fuccès: mais elles
excitèrent les François à fe précautionner. Ils mirent fix pièces de canon
fur chacune de leurs quatre tours. Ils barricadèrent les avenues de leur Lo-
ge, & tous les polies furent gardés par des Soldats du Pays (p).
Pendant toute l'année fuivante, ils fe virent fi continuellement me-
nacés par les Anglois & les Hollandois, qu'en 1691 , Martin prit la réfo-
lution de faire palier toutes les bouches inutiles chez les Portugais deSaint-
Thomé , qui leur firent un accueil fort civil. 11 fit des provifions de vi-
vres & de munitions. Le nombre des Soldats du Pays fut augmenté. On
éleva une Redoute , fur le terrain où les Capucins avoient commencé à fe
bâtir un Couvent; & l'on fortifia quelques autres endroits ^ où les Enne-
mis pouvoient fe loger. Ces mouvemens continuèrent jufqu'en 1693. A-
Jors les Hollandois parurent devant la Ville , avec des forces capables d'at-
taquer la plus importante Place des Indes. Leur Efcadre étoit compofée
de dix-neuf Navires , de plufieurs Bots «Se demi-Bots , de doubles Chalou-
pes , & de divers Bacitnena du Paya. Us mirent à terre plus de quinze
cens hommes de Troupes réglées; un grand nombre-ae Matelots; desBou-
ghis, des Macafilirs & des Chingales, qui.montoient à plus de deux mille;
quinze ou vingt pièces de canon de fonte, de dix-huit livres de balle,
vingt-quatre pièces de campagne , fix mortiers , & beaucoup plus de muni-
tions qu'ils n'en avoient befoin pour leur entreprife ; fans compter qu'ils a-
voient déjà gagné le Prince du Pays, qui leur avoit vendu la Ville , avec
toutes fes dépendances. Cette négociation leur avoit coûté plus de cin-
quante mille pagodes. Les François furent atta(|ués vigoureufement. Ils
réfiftèrent pendant plufieurs jours : maiy, dans l'impuiflance de tenir plus
long-tems contre des forces fi nombreufes , ils battirent la chamade le 6 de
Septembre, & les articles de la capitulation furent dreflcs (q).
Ainsi le Fort de Pondichery changea de Maîtres & demeura près de
fix ans entre les mains des Hollandois. La Compagnie n'y rentra qu'au
commencement de l'année [1699] , en exécution du Traité de Rifwick. Elle
trouva les Fortifications confidérablement augmentées. Les Hollandois a-
voient achevé l'enceinte des murs, & les avoient flanqués de fept baflions.
Ils demandèrent le rembourfement de leurs dépenfes , qui furent réglées à
feize
Etarmssiî.
MENT IM'.AN-
çois ni; Pon-
dichery.
1689.
__I <59I.__
Pondiclicr?
paffe au pou-
voir des liol-
lundois.
( 0 ) Ce Princs , nommé autrement Rani-Ra-
ja , s'étoit enfermé dans la ForterefTe do Gin-
gy , où il fat afllégé, en 1690, par les Trou-
pes Mogolcs , qui n'emportèrent la Place
qu'au bout de deux ans , comme on l'a vu ci-
dclTus. R. d. E.
( / ) Si le nombre des François n'étoit pas
augmenté depuis les dernières années, ce que
I 69
1699.
Los Fran-
çois y rentrent
par ie Traité
de Rifwick.
l'Auteur ne fait pas remarquer, ils n'étoicnt
pas plus de trente-quatre.
Nota. Il y a peu d'apparence que ce nom-
bre fût encore le même , après l'efpace d'on-
ze années. Voyez ci-deffus nôtre Note (k).
R. d. E.
(q) M. l'Abbé Guyon en rapporte les ar-
ticles, pag. 234. ^ J'uiv.
C 2
$ê
DESCRIPTION DE LA
Etaulissë-
MENT Fran-
çois DE PoN-
mCHEllX'.
1699.
IN s'y forti-
fient.
I 7 10.
J72 3-
Defcription
de Pondiche-
xy.
I
feize mille pagodes, & payées fur cette eftimation. Auflî-tôt Martin,
dont la conduite fut honorée de diverfes récompenfes , reçut ordre de ne
rien épargner pour mettre la Place en état de refifter à toutes fortes d'in-
fultes. Avec quantité de munitions de guerre , on lui envoya , pour gar-
nifon , deux cens Soldats François , auxquels il joignit trois cens Topafes ,
u'il avoit amenés du Bengale. On lui donna des Officiers , pour comman-
er les Troupes , & deux Ingénieurs , pour achever les Fortifications. Dés
la fin de 1699, il marquoit à la Compagnie , qu'il avoit fait bâtir, dans la
Ville, cent nouvelles Maifons , pour y attirer les Peuples du Pays; & dix
ans après , on y comptoit déjà cinquante à fcixante mille Ilabitans. De-
puis 1685, jufqu'en 1710, elle avoit coûté plus de huit cens mille livres à
îa Compagnie des Indes- (r).
La langueur où l'on vit tomber le Commerce retarda le projet d'aggran-
dir & de fortifier Pondichery. Cependant le nombre des Habitans & des
Maifons croiflant de jour en jour , la Compagnie réfoluc de faire environ-
ner de murs la Ville entière. Elle fit une partie des fraix , & les Habitans
contribuèrent pour le refte. Une impofition de deux fous par mois , fur
chaque tête, faciUta beaucoup le progrès de l'ouvrage, qui fut commencé
en 1723 (j), & pouffé avec beaucoup de confiance.
L'attention que les Gouverneurs ont toujours eue d'aflîgner le ter-
rain aux particuliers qui demandoienc la permiffion de bâtir, a formé,
comme infenfiblement , une Ville aufli régulière que fi le plan avoit été
tracé tout-d'un-coup. Le» mes en paroilîent tirées au cordeau. La prin-
cipale , qui va du Sud au Nord , a mille toifes de long , c'eft-à-dire , une
demie-lieue Parifienne; & celle qui croife le milieu de la Ville efl: de fix
cens toifes. Toutes les maifons font contigues. La plus confidérable eft
celle du Gouverneur. De l'autre côté, c'eft-à-dire au Couchant , on voit
le Jardin de la Compagnie, planté de fort belles allées d'arbres, qui fer-
vent de promenade publique , avec un grand Edifice, richement meublé,
où le Gouverneur loge les Princes étrangers & les Ambafladeurs. Les
Jéfuites ont, dans la Ville, un beau Collège, dans lequel douze ou quin-
ze de leurs Prêtres montrent à lire & écrire, & donnent des leçons de
Mathématiques ; mais ils n'y enfeignent pas la langue Latine. La Maifon
des Miffions étrangères n'a que deux ou trois Prêtres, & le Couvent des
Capucins en a fept ou huit (r).
■•■■■..;": " : - .:■ '.:. . :• ,; . ^ ' J ;u " QUOI-
(r) Ibidem, pag. 247. Tout le détail pré- G.
cèdent efl: tiré des Archives de la Compagnie. H.
(s') Voyez les réflexions qui finifTent cet I.
Article. Toutes nos Compagnies de Com- K.
merce avolent été réunies en 17 19. L.
(«) Explication des Renvois du Plan de M.
Pondichery. N.
A. Le Fort. O.
D. Ouvrage à Corne. P.
C. Ballion de St. Laurent. ' Q.
D. de St. Louis. R.
E. — — — d'Anjou. S.
F» ■ ■'. d'Orléans. , . , ,
Baftion dé la P'^rte de Madras.
-^— — du Nord-Oueft.
de St. Tofeph.
— Porte de Valdaour.
Baiiion Valdaour.
Sans peur.
Porte Villenour.
Baflion Villenour.
de la Reine.
de l'Hôpital. '
. • — Goudelour.
Petite Batterie..
i'
^r\
i.L'E-
k Martin,
rdre de ne
fortes d'in-
pour gar-
s Topafes,
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tions. Dès
ir, dans la
lys; & dix
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t d'aggran-
:ans &. des
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s Habitans
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commencé
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, a formé,
i avoit été
La prin-
L-dire, une
eft de fix
dérable efl
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5, qui fer-
it meublé,
eurs. Les
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leçons de
La Maifon
ouvent des
Quoi-
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i.L'E.
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•den.
PRESQU'ISLE en DEÇA DU GANGE, Liv. III.
21
Pondichery
commodes.
^ maifons
riclTes Habitans font belles & commodes. ' Les Gentils y ont deux l'agodcs ,
que les Rois du Pays leur ont fait conferver , avec la liberté du cul-
te pour les Bramines (t>); Ces peuples font pauvres, mais occunés
fans ccflc au travail, ils font toute la riclv.fll.' de la Ville & du Pays (x).
Leurs maifons n'ont ordinairement que huit toifes de long, fur fix de lar-
ge, pour quinzç ou vingt perlbnnes & quelquefois plus. Elles font fi
obfcures, qu'on a peine à comprendre qu ils ayent allez de jour pour leur
travail. La plupart font Tifllrunds, Peintres en toile, ou Orfèvres. Ils
paflent la nuit dans leurs cours ou fur le toît , prefque nuds , & couchés
fur une fimple natte : ce qui Lur efl commun, à la vérité, avec le relie
des Habitans; car Pondichery itunt au douzième degré de Latitude fepten-
- trionale, & par conféquent dans la Zone torride , non-feulement il y fait
I très-chaud, mais pendant touto l'année il n'y pleut que fept ou huit jours,
vers la fui d'UCtobre. Cette pliye, qui arrive régulièrement, efl peut-être
>un des phénomènes les plus linguliers de la Nature.
i Les meilleurs Ouvriers Gentils ne gagnent pas plus de deux fous dans
%ur journée: mais ce gain leur fuffit pour fubfifter, avec leurs femmes &
îuTs enfans. Ils ne vivent que de riz cuit à l'eau , & le riz efl à très-bon
larché. Des gâteaux fans levain, cuits fous la cendre, font le feul pain
lu'ils mangent ; quoiqu'il y aît à Pondichery d'auffi bon pain qu'en Europe,
mialgrc la fécherefle du Pays, le riz. gui ne croît pour ainfi dire que dans
JH'eau , s y recueille avec une prodigieule abondance; & c'efl à l'induHrie
msM travail continuel des Gentils, qu'on a cette obligation. lU creufent
«dans les champs, de diflance en dirtance , des puits de dix à douze pieds
'|de profondeur, fur le bord defquels ils mettent une efpèce de balcule,
. avec un poids en dehors. & un grand feau en dedans. Un Gentil mon-
te fur le milieu de la bafcule, qu'il fait aller, en appuyant alternativement
un pied de chaque côté , & chantant fur le même ton, fuivant ce mouve-
;, ment, en Malabare, qui efl la langue ordinaire du Pays, Q'mb, Ùdeux^
' àf trois y &.C. , pour compter combien il a tiré de féaux. AufTi-tôt que ce
ll>uits efl tari , il palTe à un autre. En général, cette Nation efl d'une a-
jidrefle étonnante pour la diflribution & le ménagement de l'eau. Elle en
Iconferve quelquefois dans des étangs, des lacs & des canaux, après le
îébordement des grandes Rivières, telles que le Colram, qui n'ell pas é-
loigné
15. Ouvrages neufs, faits en 1740 & 1741.
^'Eglife des Capucins.
.'Eglife dos Jéfuites.
^aidins de la Compagnie,
ardins des Jéfuites,
ardins des Capucins. .'. ' : .'.
.'Hôpital.
f, 7. Ancien Jardin de la Compagnie.
18. L'Hôpital de la Compagnie. ,
9. Maifon du Gouverneur. ■;
10. L'Hôtel de la Monnoye.
v'ii. Cimetière des Malabares.
,1.12. Cimetière des François. ;,- . r.-.
;« 13. Grand Marché.
% 14. Prifou des Malabares. . »..^ .;, w-_
16. Ouvrages de 1740.
17. Marché de St. Laurent. '" " '
18. Batterie dos Toiles. • î.' '
19. Place Dumas. . ,
20. Les Miffionnaires.
21. La grande Pagode.
(v) On prononce Brame dans le Pays,
(X ; Tout ce qui efl: dit ici des Gentils en
général , M. Prcvoft l'avoit appliqué en
particulier aux Bramines, Des Prêtres labo-
rieux aux Indes l i,^ rencontre fcroit ûngu-
Uère. R. d. E, :
MKNT Fran-
çois DF. PoN-
l^ICIIhRY.
Lc> Gentils
font In richef-
fL'dcla \'iUu
& du Pays.
PhéiKHiiè-
ne remanitia-
bic.
Nntiii'cl Ii-
horieiix des
Gentils.
•". i.i ■ , t
7 tfif*'
iljC'SîA
■f'-.f
9'».
DESCRIPTION DE T. A
lÎTAnt.IlIRB-
MF.NT I'rAN-
Çi'IS OR l'oN-
OICdhuY.
RniL' de
PoiuliduTy.
lùit du
Ciouvcrncur.
i735>
Forces de
la Ville.
Honneurs
& Privilc.i^cs
accordûs aux
François.
Monnoyc
que M. Du-
mas fait
frapper.
1736..
loigric de Pondichcry. Les Mahomiitans , auxquels on donne ordinaire-
ment le nom de Maures y font aulii laincuns que les Gentils font labo.
rieiix (y),
l.A Ville de Pondichcry cH: à quarante ou cinquante toifes de la Mer,
dont Icllux, fur cette Côte, ne s'eleve jamais plus de deux pieds. C'ell
une fimple Rade, où les Vailleaux ne peuvent aborder. On employé
des Bateaux pour aller recevoir ou porter des marciiandifes , à la diflan-
ce d'une lieue en Mer; extrême incommodité, pour une Ville où rien ne
manque d'ailleurs à la douceur de la vie. Les alimens y font à très -vil
prix, (^n y fait bonne chère en grolll viande, en gibier, en poiflbn.
Si l'on n'y trouve point les fruits d'Eté qui croillent en Europe, le Pays
en produit d'autres qui nous manquent, «îs: qui font meilleurs que les nô-
tres (z).
Le Crouverneur général de la Compagnie a douze Gardes à cheval, en
habits d'écarlate, avec un parement noir & un bordé d'or. Leur Capitai-
ne elt galonné fur les tailles & les coutures. La Garde à pied , coinpofée
de trois cens hommes, qui portent le nom de Pions ^ fert à diverfes fonc-
tions, fuivant les ordres qu'elle reçoit. Mais, lorfqu'il ell queftion de re-
cevoir un Roi, un Prince, ou quelque Ambalfadeur extraordinaire, tout
ce cortège accompagne le Gouverneur. Dans ces occafions folemnelles,
où les Officiers de la Compagnie font obligés de fe conformer & de répon-
dre au fafie des Orientaux , 11 fe fait porter , par fix hommes , fur un Par
lanquin dont les carreaux & le dais lont ornés de broderies & de glands
d'or. En un mot , il fe préfente avec la magnificence qui convient à fon
rang (a).
Suivant le dernier dénombrement , on comptoit dans Pondichcry cent
vingt mille Habitans , Chrétiens , Mahométans ou Gentils. La Ville a
plulieurs grands Magafins , fix Portes , une Citadelle , onze Forts ou Bafl:ions ,
& quatre cens cinq pièces de canon , avec des mortiers & d'autres pièces
d'artillerie. La réputation des François , foûtenue par la fage conduite de
leurs Gouverneurs, entre lefquels l'Auteur nomme, avec diftinélion, M.
Dumas , qui fut élevé à cette dignité en 1735, leur a fait obtenir , de plu-
fieurs Princes Indiens, des privilèges, des honneurs & des préférences,
qui paroiflent flateufes pour la Nation. La première faveur de cette efpe-
ce , eil la permifiTion de battre monnoye au coin de l'Empereur Mogol ;
que les Hollandois n'ont encore pu fe procurer par toutes leurs oflfres. Les
Anglois en ont jouï pendant quelques années ; mais diverfes révolutions les
ont déterminés à l'abandonner. M. Dumas obtint cette grâce, en 1736,
par des Lettres Patentes de Mahomet-Scha , Empereur Mogol , addrefl'ées à
Jly-Daoujî-Kan, Nabab ou Viceroi de la Province d'Arcatte (b). Elles
• ' • • '^ étoienc
'y^ Ibid. pag. 252 & précédentes.
*2l Ibidem.
'a) Ibid. pag. 253.
1^ b ) L'Auteur rapporte ces Lettres , qui fe
nomment Firman. La date eft le {^icr. du
mois Rabala Sany , l'an] 19 du rcgnc de
Mahonict-Scha , c'eft-à-dire, le ier.de la Lu-
ne d'Août 1736.
Nota. Il ne rapporte que les Lettres du
Nabab , qui fe nomment Paravana. Le mot
de Firman cfl pour celles de l'Empereur
Mogol. R. d. E.
le quai
par le (
Oue toi
U^ocs
MJicièrt
PDlifeni
Mgode
iffemer
ft>us.
fus , qu
île man
(iix livr
douze f
ODurbés
Éçmmes
mèces
Venife.
Iiniidéi
)it de
idiens
ihandin
'en tir
lofcov
li von
ians leu
Il coi
Ifage
pnt; n
liiéces d
freinte
(01
PRESQU'^SLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 23
: ordinaire-
i Ibnc labo-
de la Mer,
ieds. C'ed
Jn employé
ù la diflan-
où rien ne
c à très -vil
en poiflbn.
pe, le Pays
que les nu-
cheval, en
jeur Capital-
i, compofee
verfcs fonc-
leftion de rc-
iinaire, tout
folemnelles ,
& de répon-
, fur un Par
& de glands
mvient àfon
idichery cent
La Ville a
i ou Baftions ,
autres pièces
; conduite de
inélion, M.
^nir , de plu-
préférences,
e cette efpe-
reur Mogol;
offres. Les
volutions les
, en 1736,
addreflees à
(è). Elles
étoienc
le ier.de laLu-
les Lettres du
ravana. Le mot
de l'Empereur
éfcnt
:e
étoient accompagnées d'un éléphant avec fon"harnois; ^
' fait, chez les Orientaux , qu'aux Rois & aux plus puilTans Princes. M.Du-
mas', comprenant les avantages (^u'il en pouvoit tirer pour la Compagnie,
fit frapper tous les ans, depuis I année 1737 jufqu'en 1741, qui fut celle
de fon retour en France , pour cinq ài\\ millions de roupies. Cette mon-
noyc efl une pièce d'argent, qui porte l'empreinte du Mogol, un peu plus
large que nos pièces de douze fous , Ck trois fois plus épaille. Une roupie
,\aut quarante-huit fous.
Pour comprendre de quelle utilité ce nouveau privilège fut à la Com-
• pagnie, il faut favoir que le Gouverneur fe conformant au titre des rou-
pies du Mogol, mit dans celles de Pondichery la même quantité d'alliage,
Ce qu'il établit le même droit de fept pour cent. Par une évaluation faci-
jk, on a trouvé que dans la marque de ces cinq à lix millions, valant en
Pfpjce plus de douze millions délivres, la Compagnie tiroit un avantage
|le quatre cens mille livres par an. Ce produit augmente de jour en jour,
par le cours étonnant des roupies de Pondichery , qui font mieux reçues
Mue toutes les autres monnoyes de l'Inde. Non-feulement elles fe font des
lillgocs que la Compagnie envoyé; mais toutes les Nations y portent leurs
Igitières, fur lefquelles l'Hôtel die la Monnoye profite, fuivant la auantité
àl l'alliage. Il n'y aura déformais que les pagodes & les fequins (c) qui
pDiflent le difputer , dans le Commerce , à la monnoye de Pondichery. La
nigode efl: fancienne monnoye de» Indes. C'eft une pièce d'or , qui a pré-
Jllement la forme d'un petit bouton de verte, «Se «jui vaut huit livres dix
Aus. Ledeflbus, qui eft plat, repréfente une Idole du Pays j & le def-
J^s, qui efl rond, eft marqué de petits grains, comme certains boutons
ie manche. Le fequin efl une véritable pièce d'or très-rafiné, qui vaut
iix livres de nôtre monnoye. Il efl un peu plus large qu'une pièce de
douze fous, mais moins épais; ce qui fait que tous les fequins font un peu
fourbes. 11 s'en trouve même de percés ; ce qui vient de fufage que les
jfcmmes Indiennes ont de les porter an cou , comme des médailles : ces
pèces font extrêmement communes dans le Pays , & ne fe frappent qu'à
Venife. Elles viennent par les Vénitiens , qui font un Commerce très-
^nfidérableà BafTora, dans le fond du Golfe Perfique , à Mocka, au Dé-
)it de Babcl-Mandel , & à Gedda , qui efl le Port de la Mecque. Les
idiens y portent, tous les ans, une bien plus grande quantité de mar-
{handifes que les François, les Ilollandois, les Anglois & les Portugal»
'en tirent. Ils les vendent aux Pcrfans, aux Egyptiens, aux Turcs, aux
(lofcovites , aux Polonois , aux ^t .dois , aux Allemands & aux Génois ,
tpi vont les acheter dans quelqu'un de ces trois Ports, pour les faire pafTer,
ans leurs Pays, par la Méditerrarie^. & par terre.
^J II convient à cet Article, défaire connoître les monnoyes qui font en
ifage à Pondichery. Après les pagodes , l'Auteur place les roupies d'ar-
tent; monnoye affez grofTiére, qui n'ont pas tout- à-fait la largeur de nos
Jièces de vingt-quatre fous, mais qui font plus épaiiTes du double. L'em-
j^reinte efl ordinairement la même , fur toute la Côte de Coromandel. Une
face
(c) M. l'Abbé Guyon écrit Sebins; ce qui paroit contraire à l'ufaèe.
Ftadi.isïr*
MENT Fran-
çois DF. Pow-
UlCHEUT.
Pi oit qui m
e(l rc'vcmi A
des IikLa.
Tonne de
la monnoye
qui fc nomme
pagode.
ScquiiT; qui
p'ifTcnt de \'e-
nife aux liidcs^
Autre; mon-
noyes de Pon-
didiery.
24
DESCRIPTION DE LA
Et AVILISSE-
MENT Fran-
çois n.;PoN-
DICUEIiy. •
Ponis 6c
Coiis du Ben-
gïilc.
Accroiiïc-
nicns de l'Eta-
bliirement de
Pondichery.
1738.
face porte ces mots: Lan..... du résine pilori eux de Mahomet; & l'autre .♦
Cette roupie a Cl é frappée à Celles de Pundichery & de Madras portent
égaiijment le nom d'Arcatte, parceqne la penniiion de les frapper ell ve-
nue du Nabab de cette Province : mais on diftingue celles de Pondichery
par un croiflant qui eft au -bas de^ki féconde face, & celles de Madras
par une étoile.
Les Fanons font de petites pièces d'argent , dont fept & demi valent une
roupie, & vingt- quatre une pagode. Par conféquent, le fanon vaut un peu
moins de fix fous.
On appelle Cack une petite monnoye de cuivre, dont foixante-quatre
valent un fanon. Ainfi la cache vaut un peu plus d'un denier.
Ces monnoyes, quoiqu'en ufage dans flnde entière, n'y ont pas la mê-
me valeur par-tout ; & la caufe de cette différence eft que les unes font un
peu plus ou moins fortes , & plus ou moins parfaites pour le titre.
D A N s le Bengale , on compte encore par Ponis , qui ne font pas des
pièces, mais une fomme arbitraire; comme nous diibns, en France, une
pillole. Il faut trente-fix. à trente- fept ponis, pour une roupie d'argent
d'Arcatte. Ainfi le ponis van.t environ cinq liards de nôtre monnoye.
Au-deflbus font les petits coquillages dont on a parlé dans les Relations
d'Afrique & dans celle des Maldives, qui portent le nom de Coris , & dont
quatre-vingt font le ponis. 'hn
L'Etablissement François de Pondichery s'efl: accru, dans quel-
ques occafions fi glorieufes pour les Officiers de la Compagnie des Indes &
pour toute la Nation , qu'elles ne doivent pas moins intérefler la curiofitc
que la defcription même des lieux.
En 1738, Cidogy^ Roi de Tanjour, laifla la Couronne , par fa mort, à
Sahagy-Maha-Rajou , fon neveu, jeune Prince de vingt-fix ou vingt-fept
ans. Un fils naturel du feu Roi , qui avoit eu beaucoup de part au Gou-
vernement pendant la vie de fon père, s'étant fait un parti confidérable à
la Cour, s'empara du Palais & des Portes de Tanjour (d). Sahagy , forcé
de fuir à cheval , avec quelques-uns de fes amis, pafla le CoJdram (e),,&
fe retira dans Chalambron (/) , grande Pagode fortifiée , qui efl: a vingt
lieues au Nord de la Ville de Tanjour, & huit lieues au Sud de Pondi-
chery. Il y fut joint par quelques Troupes : mais comme il manquoit
d'armes & de munitions , le Gouverneur Maure lui confeilla de fe lier avec
les François, dont il leur vanta le courage & la générofité. Ce Prince,
;vt;.i: -■:,-.!. : . :- ,-. , .a ,-,vî; , -
( d ) Il efl: aflez difficile de concilier ce ré-
cit avec celui des Miflîonnaires Danois. Cido-
gy, doit être Tuccofi, qui mourut en 1735,
iSc Sahagy, fora le même que le Prétendant
Sawafadi , qui étoit en effet neveu de ce
Prince. (Voyez ci-deffus , pag. 5 & 6.) Mais on
ne fait point mention ici de fon fils , Baba-Sça-
înh, ou Ecofi-Maba-Raja, qui régna enfuite
l'efpace d'une année, & iprès lui fu femme
deux années. Le fils naturel du feu Roi,
(Tuccofi) efl: apparemment Sittfifi, nom qui
revient à celui qu'on donne ici à fon Père.
'/ r
ni
qui
La fin tragique de ce Premier Minidrc, quoi-
que rapportée un peu différemment , le con-
firme. Ces fuppofitions admifes , le relie n'a
plus rien qui embarrafle. R. d. F],
( ï ) Grand Fleuve de la Qite de Coro-
mandel , qui fépare les Etats de Tanjour de
ceux du Grand Mogo'.
(/') Cette Pagode, qui eft entourrée de
murs fort épais & fort élevés, appartient aux
Maures. Ils y ont uu Gouvctneur & une
G".inifon.
; & l'autre •
idras portent
ipper e<l ve-
; Pondichcry
; de Madras
ni valent une
i vaut un peu
ixante-quatre
int pas la mê-
unes font un
titre.
font pas des
France, une
npio d'argent
re monno^e.
les Relations
7ow, &donc
i, dans quel-
edes Indes &
;r la curiofité
ir fa mort, à
ou vingt-fept
part au Gou-
confidérable à
iahagy, forcé
Jdram ('c),,&
ji efl a vingt
ud de Pondi-
il manquoit
e fe lier avec
Ce Prince,
;# -.lii qui
r Miniflrc.quoi-
eminent , le con-
lifes , le refte n'a
d. E.
Q^te de Coro-
de Tanjour de
efl entourrée de
appartient aux
uvwineur & une
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. s<
qui avoit befoin de fe faire des amis de ce caraftère , pour l'aider à re-
monter fur le Trône, envoya, au Gouverneur général de l'Inde Françoife,
quelques perfonnes de confiance, chargées de lui demander du fecours &
de lui offrir, en reconnoiffance, la Ville de Karical^ le Fort de Karcangery
& quelques Villages voifins, avec toutes les terres de leur -dépendance.
Il y avoit long-tems que la Compagnie & fes Gouverneurs aux Indes ,
avoient reconnu l'utilité d'un Etablilfement fur les terres du Roi de Tan-
jour. Leurs tentatives avoient été traverfées par les Hollandois de Nega-
fatam (^g). Cette Nation avoit même eu radrefle d'engager le Roi de
Tanjour à chaffer les François d'un Etabliffement , nommé Cancrypatuam (h) ,
que l'ancienne Compagnie avoit formé en 1688, dans les Etats de ce Prin-
ce, fur la Côte de Coromandel. Le Gouverneur de Pondichery, faififlant
l'occafion , fit un Traité avec les Envoyés de Sahagy , par lequel il s'obli-
gea de lui fournir environ deux cens mille livres de nôtre monnoye , en
argent & en munitions de guerre , avec tous les autres fecours qui dépen-
doient de fon autorité. Le Roi, de foncôté, lui envoya l'Afte formel
de la ceflîon qu'il lui avoit fait offrir (i). Deux grands Vaiffeaux de la
ICompagnie , le Bourbon , de foixante pièces de canon , & le Saint-Geran , de
*' uarante-fix pièces, furent équipés auffi-tôt, & l'on y embarqua des Trou-
les, de l'Artillerie, & toutes fortes de Munitions de guerre, autant pour
ecourir le Roi que pour fe mettre en pofleffion de Karical : mais lorfque
cet armement fut achevé , Sahagy-Maha-Rajou ayant fait entrer dans fe»
I intérêts les principaux Partifans de fon Ennemi, cet ufurpateur fut ar-
^Ifrêté dans fon Palais, & Sahagy, s'étant rendu à Tanjour, y fut recon-
^§f nu fans oppofition. Le fils de Cidogy, qui eut le malheur de tomber en-
l* tre fes mains , fut coupé en quatre quartiers , dont chacun fut expofé fur
;^|iine des portes de la Ville.
*; Cette révolution fut fi fubite, que les François mirent à la voile fans
4 en être informés , & mouillèrent au commencement du mois d'Août de-
. vant KariceJ. Auifi-tôt que les H »ilandois de Negapatam les eurent apper-
,^us, & qu'ils furent informés de leur Traité avec le Roi, ils fe hâtèrent
* d'envoyer leurs Miniflres à Tanjour, avec des préfens , pour engager
e Prince & fon Confeil à le rompre. Ils y joignirent les menaces. Sa-
agy , pour qui le fecours des François devenoit inutile , non-feulement
difi^éra fous de vains prétextes de faire remettre la Fortereffe & la Ville
de Karical au Commandant des Vaiffeaux , mais donna vraifemblablement
^ des ordres fecrets pour s'oppofer au débarquement. Un de fes Généraux,
' qui commandoit , dans ce Canton , un Corps de trois ou quatre mille hom-
mes, s'approcha du bord de la Mer, & fit déclarer aux Officiers François
3ue s'ils touchoient au rivage il ne balanceroit pas à les faire charger. Les
eux Vaifleaux, après avoir paffé deux mois à la vue de Karical, reçurent
ordre du Gouverneur de retourner à Pondichery. Il leur auroit été facile
d'exécuter leur commiflion, malgré la rçfiflance des Indiens : mais n'ayant
en
Etabltssk*
MENT FrAN«
çois on PoM-
OICHRRT.
1738-
(g) Fort Hollandois, &; grande Ville In-
dienne, à quatre lieues au Sud de Karical,
XIK Fan.
(b) Ceû Caveripattum. R. d.E.
( t ) Cet Âfte eA du «ois de Juillet ;738|t
%^
DESCRIPTION DE LA
Etablisse-
liiBKT Fran-
çois DE PoN.
DICIIEKY.
17 39-
en vûfi qu'un Etabliflement de Commerce, la prudence ne leur pfi;^mettoic
pas de fe rendre odieux par des violences (k).
Cependant le Roi, fans avoir ouvertement rompu fon Traité, re-
mettoit à l'exécuter après une guerre dans laquelle il fe trouvoit engagé ,
contre Sander-Saheb , Nabab de Trichenapaly. Ce Seigneur, ami particu-
lier du Gouverneur, & plein d'eftime pour la Nation, a^ant appris par
quelles promefles le Roi de Tanjour s'étoit li« aux François » & comment
il en éludoit l'exécution , écrivit au Gouverneur, pour lui offrir de s'empa-
rer de Karical & de Karcangery , & de remettre ces Places entre fes mains.
Ses oflPres furent acceptées. Ce Général Mogol , qui s'étoit déjà fait une
grande réputation de courage & d'honneur, ne tarda point à les remplir.
Quatre mille chevaux, commandés par Francifco Pereiro^ Efpagnol (/)
& l'un de fes principaux Officiers , qui étoit attaché depuis long-tems aux
François , diflîpèrent les Troupes de Tanjour & fe faifirent de Karical &
de Karcangery. Pereiro fe rendit lui-même à Pondichery , pour annoncer
cette nouvelle au Gouverneur. On y fit équiper, fur le champ, un pe-
tit Bâtiment de cent cinquante tonneaux, qui fe trouvoit dans la Rade-
JLes François fe rendirent en vingt-quatre heures à Karical , où Pereiro ,
fuivant l'ordre du Nabab , leur ouvrit les Portes de la Ville & celles du
Fort de Karcangery (/«), Quatre jours après, on y envoya, fur un
gros Vaifleau , tout ce qui étoit nécelTaire pour la fureté de ce nouvel
EtabliiTement.
Le Roi de Tanjour s'aflligea peu de cette nouvelle. 11 n'éludoit l'exé-
cution du Traité qu'à la follicitation des Hollandois , dont il avoit tiré des
femmes confidérables j & fa feule crainte étant que les François ne fûflent
plus difpofés à lui payey celle dont ils étoient convenus, il fe hâta d'é-
crire au Gouverneur de Pondichery , pour lui reprocher d'avoir emjrioyé
le fecours des Maures , fes Ennemis , à fe rendre maître d'une Place
qu'il lui avoit donnée , & que fon intention avoit toujours été de lui re-
mettre après la guerre. En même-tems , il lui envoyoit la ratification
du Traité ile Chalambron , avec un ordre aux Habitans de Karical & de
fes dépendances, de reconnoître à l'avenir les François pour leurs Sou-
verains (n).
Mais à peine eut-il expédié ce nouvel A6le , que fe& deux Oncles, qui
l'avoient rétabli fur le Trône , mécontens de fa reconnoiflance ou de Ion
adminiflration , l'arrêtèrent dauis fon Palais , & mirent la Couronne fur la tête
de Pradapjtngue t un de fes coufîns, qui, peu de jours après, fit étouflfer
ce Prince infortuné dans un bain de lait tiède ( o ).
{k) L'Auteur fait remarquer la différen-
ce des titres , auxquels nous devons nos pof-
ièffîons dans les Indes, & de celui auquel
tous les autres Peuples de l'Europe doivent
ce qu'ils y polTèdent. Les autres ont em-
ployé la violence, l'expulfion, l'effufion du
îang , & nous devons tout à des concevions
volontaires. Ubifuprà, pag. ziz.
O) Oiî vena ù. fortune dans une Note,
ci-deiTous.
Le
( w ) L'Afte de prife de poUèflion eft du
14 Février 1739.
(n) Du 20 Avril 1739.
(0; Suivant les Mliîîonnaircs Danois, la
ForterelTe de Tanjour avoit été de nouveau
bloquée par les deux fils de Daouft-Aly-Kan i
Nabab d'Arcatte. Ils étoient venus a la re-
guiflti n du Commandant Sfaidu, qui avoie
arrêté le Roi Sawâfadi, le 16 Juillet de cette
année , & établi Partupujtnga à fa place. Ce
nou-
étoiles (
i quatre
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Értile
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fcal, a\
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^Tuccofi,
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lus, pag,
lent poin
raité, re-
i engagé,
li particu-
ippris par
; comment
de s* empa-
res nuins.
ï fait une
s remplir,
agnoi (/;
r-tems aux
Karical &
ir annoncer
ip, un pe-
is la Rade.
)ù Pereiro,
Se celles du
ya
fur un
ce nouvel
udoit l'exé-
oit tiré des
is ne fûflent
fe hâta d'é-
)ir employé
d'une Place
té de lui re-
ratification
irical & de
leurs Sou-
Oncles , qui
f
fo
ou de ion
le fur la tête
fit étouffer
Le
flêfllon eft du
es Danois, la
té de nouveau
louft-Alv-Kan,
venus a la re-
idu, qui avoit
uillet de cette
l fa place. Ce
nou-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. ir
Le nouveau Roi s'étant réconcilié avec les Maures (p), envoya prefqu'auffi-
tôt, au Gouverneur de Pondichery, la ratification du Traité conclu avec
fon Prédécefleur. Il accorda même aux François un ' train plus étendu,
pour quelques préfens , qu'ils joignirent à la fomme qu'ils avoient pro-
mife. Ils font demeurés paifibles poflefleurs de Karical , où ils n ont
pas négligé de fe fortifier. Pradapfingue leur rendit vifite dans cette Pla-
ce, avec toute fa Cour, au commencement de l'année 1741, & prit cet-
te occafion pour confirmer tous leurs privilèges.
L'Etablissement de Karical eft fitué fur la Côte de Coromandel, à
quatre lieues au Nord de Negapatan , à deux lieues au Sud de Tranque-
bar, Etabliflement Danois, & vingt-cinq lieues au Sud de Pondichery. Il
renferme la Ville de Karical , qui ell fort ancienne, & qui paroît avoir été
I très confidérable. Il y relie encore fix cens trente-huit maifons de pierre
pou de brique, fans parler d'un grand nombre qui ne font que de terre glai-
% fc , & couvertes de paille. On y compte cinq Mofquées , cinq grandes
Pagodes, neuf petites, & plus de cinq mille Habitans. Cette Ville eft fi-
tuée fur un des bras du Colram , qui reçoit des Champanes de deux à trois
•itens tonneaux. Les Chaloupes des Vaiffeaux de cinquante canons n'y en-
ent pas moins facilement.
La Forterefle de Karcangery paroît auffi fort ancienne. Elle eft flanquée
e huit grofles tours , dans le goût du Pays , à la portée du canon de Ka-
rical , & fituée à un demi-quart de lieue du rivage de la Mer, Les François
'#cn ont fait fauter une partie , pour s'établir à l'entrée & fur le bord du bras
f de la Rivière qui paffe par la Ville.
'I'iroumale-Rayen-Patnam eft un Bourg très-confidérable , de la dépen-
\ dance & au Sud de Karical , qui en eft éloigné d'une lieue , à douze cens
! toifes du bord de la Mer. Il eft compofé de cinq cens Maifons de brique,
Quatre Mofquées, quatre grandes Pagodes, vingt-huit petites, & vingt-
Icinq Chaudriers, pour le logement des Voyageurs. On y comptoit deux
^ille cinq cens hommes, à la prife de pcfTefTioii.
i Le refte du Domaine de Karical confifte en neuf Bourgs ou Villages,
dans une circonférence de cinq ou fîx Keues. Le terrain en eft excellent ,
iertile en riz, en cotton, en indigo & d'autres grains. On y fabrique quan-
lité de toiles de cotton & de toiles peintes. Le revenu des terres de Kari-
fcal, avec les Fermes du tabac &da bétel, & les droits d'entrée, montent
fannuellement à dix mille pagodes d'or, qui font environ cent mille livres de
^; f nôtre monnoye {q).
D' a u T R E s événemens ont contribué , avec le fecours de la prudence
'' & de la fortune, à l'accroiffement de la Colonie Françoife. Celui qui a
t fignalé le Gouvernement du Chevalier Dumas , mérite ici d'autant plus de
.^ confidcration , qu'il peut fervir à jetter beaucoup de jour fur la Géogra-
phie
â nouveau Roi, alors â^^é d'environ dix-Iiuit
'l|ans, étoit le plus jeune des quatre fils du Roi
; j Tuccofi , Oncle de Sawâftdi , dont on a rap-
I)ort(i l'origine & la fortune. (Voyez ci-dcf-
ius , pog. 6.) Les Miffionnaires Danois ne par-
lent point du genre de mort de ce Prince,
qu'on verra au contraire reparoltre dans la
fuite. Sçaidu fut dépofé en 1740. R. d. E.
(p) Moyennant une fomme confidérable,
à prendre des revenus de trois Provinces.
R. d. E.
(y) Uii, pag. 274. & précédentes»
D 2
Etakussf.-
MBNT PraK-
ÇOIS DE PON-
UICHBUY.
I74I.
Dcfcription
de lEtablille-
nicnt François
de Karical.
Ville de
Karical.
Fort de Kilt'
cangery.
Domaine
de Kaiicak
28
DESCRIPTION DE LA
Etablisse*
MENT Fran-
çois DB PoN-
dichery.
Origine d'u-
ne guerre dans
la Prefqu'Iflc
de l'Inde.
Le Nabab
d'Arcntte veut
former deux
Royaumes
tour fcs en-
tns.
Armée qu'il
lève dans cet-
te vue.
Ses premières
Conquêtes.
phie intérieure de cette Contrée: mais il m'oblige de remonter à l'année
1736, c'eÂ-à-dire, à la fin des cruelles guerres que Tbamas-Kouli-Kan y ou
Nadir-Scha, -Roi de Perfe, porta dans l'Indouftaa (r).
Après l'infortune duMogol, qui avoit été fait prifonnier dans fa Ca-
pitale, & dont les immenfes trefors étoient pafles entre les mains du Vain-
queur, quelques Nababs, ou Vicerois de la Prefqu'Ifle de l'Inde, jugèrent
l'occalion d'autant plus favorable pour s'ériger eux-mêmes en Souverains,
qu'il n'y avoit aucune apparence que le Roi de Perfe , déjà trop éloigné de
fes propres Etats , & fi bien récompenfé de fon entreprife , penfât à les ve-
attaquer , dans une Région qu'il connoiflbit aufli peu que les environs
nir
du Cap deComorin. Daoufl Aly-Kan, Nabab d'Arcatte,le même qui avoit
accordé aux François la permiflion de battre monnoye , fe flatta de pou-
voir former deux Royaumes ; l'un pour Sabder- Aly-Kan , fon fils aîné ; l'au-
tre, pour Sander-Saheb, fon gendre; jeunes gens, qui n'avoient que de
l'ambition , fans aucun talent pour foûtenir un fi grand projet. Arcatte eft
une grande Ville, à trente lieues de Pondichery (j), auNord-Ouefl(t);
la plus mal propre qu'il y aît au Monde.
Les Mogols, qui avoient étendu leurs Conquêtes dans cette partie de
l'Inde, fous le rè^ne du fameux Aureng-Zeb, avoient laifl'é fubfiflier les
Royaumes de ïanjour, de Trichenapaly, deMaduré («), deMaiflbur&
de Marava. Ces Etats étoient gouvernés par des Princes Gentils , tribu-
taires à la vérité de l'Empereur Mogol, mai» fiero & lents dans leur dépen-
dance , qui fe difpenfoient quelquefois de payer le tribut , ou qui atten-
doient que l'Empereur fît marcher £es Armées pour les y contraindre. La
plupart dévoient, à la Cour de Dehly, de très-grofles fommes, qu'on avoit
bdifé accumuler par la molleiïe de Mahomet-Scha , plus occupé des plaifirs
de fon Serrail que de l'adminillration , dont il fe repofoit fur des Minières
auflGl voluptueux que lui. Daouft- Aly-Kan faifit cette occafîon pour attaquer
les Princes voifîns de fon Gouvernement. Il aflembla une Armée de vingt-
cinq à trente mille chevaux , avec un nombre proportionné d'infanterie,
dont il donna le commandement i Sabder-Aly-Kan & à Sander-Saheb.
Leur premier exploit fut la prife de Trichenapaly , grande Ville fort peu-
plée, a trente-cinq lieues au Sud-Oueft de Pondichery. Cette Capitale, in-
vefliepar l'Armée des Maures, le 6 Mars 1736, fut emportée d'aÎTaut le
26 du mois fuivant (a;). Sabder-Aly-Kan en abandonna le Gouvernement
à Sander-Saheb, fon beau-frère, qui prit aulfi-tôt la qualité de Nabab.
Après avoir fournis le refle de cette Contrée, ils tournèrent leurs armes
(f) L'irruption de Thamas-Kouli-Kan n'ar-
riva qu'en 1739. Voyez l'hiftoire de ce mé-
morable événement , au Tome XIU. R. d. E.
(f) L'Auteur ne la met, dans une autre
page , qu'à quinze lieues de Pondichery ,
fag. 277.
Nota. Suivant le P, Saignes & les Miflîon-
uaires Danois, la didance e(l de trois jour-
nées , comptées à cinq lieues dans l'Indei:
fi. d. £.
CO M. Prevoft, gui copie toutes les faw-
_. :; > - ,■:-,_-.,■. .. ,. , vers
tes de fon Original , avoit mis Arcatte au Sud-
Oueft de Pondichery. R. d. E.
(w) Trichenapaly &.Maduré ne faifoienî
qu'un même Royaume. Voyez les Defcrip-
tions. R. d. E.
(x) Par une conféquence dé l'erreur de
datte que nous avons relevée , M. l'Abbé
Gv.yon a dû fe tromper , en repréfentant ces
événeir.cn" comme arrivés après l'irruptioa
du Chah Nadir dans l'Indoultan.. fi.. d.£..
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Sahag]
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environs
; qui avoit
i de pou-
liné ; l'au-
nt que de
Arcatte eil
Oueft(Oi
partie de
ibfifter les
Vlaiflbur &
;ils, tribu-
;eur dépen-
qui atten-
indre. La
ju'on avoit
des plaifirs
s Miniftres
»ur attaquer
e de vingt-
infanterie ,
ider-Saheb.
e fort peu-
apitale , in-
d'aflaut le
ivernement
Nabab,
leurs armes
vers
rcatte au Sui-
vie faifoienï
les Defcrip-
le
l'erreur de
M. TAbbé
préfentant ces
rès l'irruption
1
PRESQU'ISLE en DEÇA DU GANGE, Liv. III. 29
ver» le Royaume de Tanjour, dont ils afliégèrent la Capitale. Le Roi
Sahagy (y) s'y étdit renfermé, avec' toutes les Troupes qu'il avoit pu
raflembler. Cette Place eft ^i bien fortifiée, qu'après avoir inutilement^
pouffé leurs attaques , pendant près de fix mois , ils furent obligés de chan-'
ger le fiège en blocus. Tandis que Sander-Saheb demeura pour y com-
mander, Bara-Saheb, un de fes frères, s'avançant au Sud, avec un Déta-
iChement de quinze mille chevaux , fe rendit maître de tout le Pays de Ma-
irava, duMaduré & des environs du Cap de Comorin. Enfuite, remon-
^tant le long de la Côte de Malabar, il pouffa fes conquêtes jufqu'à la Pro-
vince de Travancor. Ce fut dans ces circonftances que Sander-Saheb mit
ks François en poffeffion de la Terre de Karical (2).
Tous les Princes Gentils, allarmés d'une inv^afion fi rapide, imploré-
int le fecours du Roi des Marattes. Ils lui repréfentèrent que leur Reli-
gion n'étoit pas moins menacée que leui's Etats; & les principaux Mi-
liftres de ce Prince , dont la plupart font Bramines , lui firent un de-
[oir indifpenfable de s'armer pour une caufe fi preffante. Il fe nomme
ylaha-Raja (a). Ses Etats font d'une grande étendue. On l'a vu fou-
ille mettre en campagne cent cinquante mille chevaux & le même nom-
de gens de pied, à la tête defquels il ravageoit les Etats du Mogol,
t il tiroit d'immenfes contributions. Les Marattes, ks Sujets, font
u connus de nos Géographes. La guerre fait leur principale occupation;
habitent au Sud-Eft des montagnes qui font derrière Goa, vers la Côte
Malabar. La Capitale de leur Pays eft une Ville très-confidérable, qui
nomme Saîara (b).
[Ces Marattes, que d'autres nomment Ganimes, (c) font les Sujets des
jpefcendans du fameux Sevagy , qui après avoir été dépouillés de leurs con-
jjuêtes, par les Mogols, comme on la vu, ne ceffoient de faire des in-
<urfîons dans le Pays, pour exiger de groffes contributions des Habitansi
Ce fut fous le prétexte de réprimer ces brigandages , que Nizam-uI-Mulk,
f|]i tenoit le Gouvernement du Decan , contre le gré de la Cour Mogole ,.
fexcufa d'accepter la Charge de Vizir, que l'Empereur Muhammed-Chah
iii avoit offerte, à fon avènement au Trône. Cependant la nonchalance
) Vizir Kamer-Eddin-Kan, força ce Prince, au bout de quelques années,
I. rappeller à fa Cour Nizam-ul-Mulk , comme le feul homme capable de
tablir l'ordre. Ce Miniftre n'eut pas plutôt reçu les ordres de l'Empe*
ur, que iaiffantle Gouvernement du Decan à fon fils, Gazi-Eddin-Kan,
, il
( y ) M. l'Abbé Guyon a confondu le pre-
aier Siège de Tanjour avec le fécond , dont
[eft feulement queftion ici. Voyez ci-defllis,
|^g.5.&26. R. d. E.
(2) Ibid. pag. 279.
(a) C'eft le titre queprenoient les Princes
i cette Famille. Il fignifie grand Roi. Le
brnier Roi des Marattes, dont' il s'agit [ici,
Tnommoit Sawu, ou félon d'autres Saiott-
aja, Sonda-gy &Sito-gyi mais il mourut ea
*739- Voyez ci-deflus, pag, 7. R,d.E,
ETABtTSSB-
MENT Fran-
çois DE PON-
OICHERY.
1738.
Les Prince»
Gentils appel-
lent les Ma-
rattes à leur
fccours.
(b) Ibid. pag. 280. Oh ignore ia pofî-
tion de cette Ville ; Tout ce que M. d'Anville
en a pu apprendre , des Portugais , c'eft que
Satara eft dans les Gattes, à huit journées
de Goa, & à-peu-près en même diftance à
l'égard de Bombay; en-forte que ces trois po-
fitions faflent le triangle. R. d.E.
( c) Suivant M. Otter ce font deux Peu-
ples difFérens, du Decan. Il nomme les premiers
Merebais; mais on devroit ce femble plutôt
étrire Moba-rMfn,
I>3
y
3°
DESCRIPTION DE LA
r-i ç.
Etablisse-
ment Fran-
çorsDKPoN-
DICHERY.
17 39-
Armée du
Roi des Ma-
rattcs.
il fe rendit en diligence à la Capitale , & fut admis à l'audience de l'Empe.
reur , qui lui conféra la dignité de f^diil Mutlak («/), c'eft-à-dire Lieutenant
abfûlu, qualité qui le mettoit au-deflus du Grand Vizir: Mais les defagré-
*mens auxquels ce nouveau rang l'expofa bien-tôt, de la part de fes ennemis,
dans une Cour où règnoient le defordre & l'indépendance, lui firent pren-
dre la réfolution de retourner au Decan, où fa préfence étoit néceliaire,
difoit-il, pour contenir les Rajas , prêts à fe révolter. A fon arrivée, il
fongea aux moyens de fe vanger de fes ennemis , en ouvrant les yeux à
Muliammed-Chah fur leur conduite. Dans cette vue , il s'addreffa à Sabou-
Raja , à Badgira , & à d'autres Chefs des Marattes du Decan , qu'il excita
à la révolte. Ces Peuples portant la défolation dans diverfes parties de
l'Empire, menaçoient de faccager la Capitale, en 1739, lorfqu'ils furent
défaits par l'Armée du Vizir , qui loin de profiter de fa viétoire fit un
lâche accommodement avec les Rebelles. Comme Muhammed-Chah n'i-
gnoroit pas que Nizam-ul-Mulk étoit le véritable Auteur des defordres que les
Marattes çommettoient . & qu'il n'étoit pas poffible de les faire cefler , qu'en
rappellant ce Miniftre à la Cour , il prit une féconde fois le parti de lui faire
écrire , dans les termes les plus gracieux , & l'invita à fe rendre auprès de
lui , avec promeffe d'une entière fureté pour fa perfonne , & de toutes
fortes d'agrémens. Nizam-ul-Mulk partit auflî-tôt pour Dehly ; mais trou-
vant les chofes, à la Cour, dans le même état qu'il les avoit laifFées, les
infukes des Courtifans , qui traverfoient tous fes defleins , lui infpirèrent
celui d'engager Nadir-Chah , qui afliégeoit alors Candahar, à entrer dans
l'Inde (c). Les circonflances de cette grande révolution ont été rappor-
tées dans le Volume précèdent, & l'Article que nous ajoutons ici, ne fert
que d'introduélion aux détails qu'on y trouve fur l'état de la Cour du Mo-
gol , depuis le départ du Conquérant Perfan , jufqu'à i'invafion dont on va
faire l'hiftoire (/).]
Les foUicitations du Roi deTanjour & des Princes du même culte,
jointes à l'efpérance de piller un Pays où depuis long-tems toutes les Nations
du Monde venoient échanger leur or & leur argent pour des marchandi-
fes , déteroainèrent enfin le Roi des Marattes à faire partir une Armée de
foixante mille chevaux ,& de cent cinquante mille hommes d'infanterie (g),
dont il donna le commandement à fon fils aîné , Ragogi-Boufola-Sena-Sahcb-
Sûula (h). Elle fe mit en marche au mois d'Ôétobre 1739. Daouft-AIy-
Kan,
(rf) On y ajoute le titre A'AJof-jâb, dont
les Auteurs oat fait Azefii , nom fous lequel
Nizam-ul-Mulk étoit plus connu depuis.
(e) Voyage de M. Otter, Tom. I. pag.
337- ^ fuiv.
(/) Voyez le Tom. XIII. pag. 328. &f/tii».
La lefture de ces détails eft néceliaire ici,
pour fe former ime idée fuivie des mouve-
mens des Marattes , qui après avoir pouffé
leurs courfes jufques fur les bords du Gange ,
ne rentrèrent dans leur Pays, que pour
tourner auflî-tôt leurs armes contre les Mau-
res , vers les Parties méridionales , fur l'invi-
tation des Princes Gentils , qui étoient d'in-
telligence avec eux , pour fecouer le Joug des
Mahometans.
(^) Le P. Saignes & les Miflîonnrires Da-
nois dlfent cinquante mille chevaux. Ua
Auteur Anglois , quatre-vingt-dix mille ; mais
fans faire mention d'infanterie, dont les In-
diens fe fervent peu, & qui eft prefqw
comptée pour rien dans toute i'Afie. R. d. \i.
(6) Ceci eft contraire à la Rcmarqtie des
Miffionnaires Danois , qui difent que Sawu-
Raja mourut fans enfans la mêuie anniie.
Suivant M. Otter, le Raja Badgira mouiui
aiUlî
Kan,
noien
quefti
nérau:
quêtej
fur foi
pes,a
fuflî envir
pas du
les Aut
rautre. R.
(0 C'é
de l'Empc-
Lieutenant
es defagré-
:s ennemis,
firent pren-
nécelfaire,
i arrivée, il
: les yeux à
efla à SaboU'
qu'il excita
s parties de
qu'ils furent
aoire fit un
ed-Chah n'i-
>rclres que les
ceffer , qu'en
ti de lui faire
re auprès de
& de toutes
jr; mais trou*
i laifFées, les
ù infpirèrent
i entrer dans
t été rappor-
s ici, ne fert
Cour du Mo-
m dont on va
même culte,
:es les Nations
marchandi-
me Armée de
nfanterie(g),
'a-Sena-Sahcb-
Daouft-Aly-
Kan,
qui étoient cVin-
couer le joug des
Miflîonnrires Da-
2 chevaux. Un
;t-dix mille ; mais
rie, dont les 1r.-
qui eft preftiue
te l'Afie. R. d. E.
la Rcmarqtie des
fent que Sawu-
|a raêuie année.
Badgira mourut
aiilli
1
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 31
Kan, informé de fon approche, rappella fon fils & fon gendre, qui tc-
noient encore le Roi de Tanjour blocqué dans fa Capitale (i). Il ctoit
queftion de mettre leurs propres Etats à couvert. Cependant ces deux Gé-
néraux ne fe déterminèrent pas tout-d'un-coup à s]éloigner de leurs con-
' quêtes, & laiflerent avancer l'Ennemi, qui répandoit le ravage & la terreur
fur fon palîage. Daouft fe hâta de raflembler tout ce qui lui refloit de Trou-
pes, avec lefquelles il allafe faifir des gorges de la montagne à^Canamay ((■),
f vingt-cinq lieues à l'Oueft d'Arcatte i défilés très-difficiles, & qu'un petit
nombre de Troupes peut défendre contr'une nombreuse Armée.
Les Marattes y arrivèrent au mois de Mai , 1740. Après avoir recon-
nu qu'il leur étoit impolfiblede forcer le Nabab d'Arcatte dans fon pofte,
Îb campèrent à l'entrée des gorges , d'où ils firent tenter fecrétement la
^éiité d'un Prince Gentil , qui gardoit un autre paflTage avec cinq ou lix
faille hommes, & que Daouft avoit crû digne de fa confiance. Ce Prince
fut bien-tôt corrompu par les promefFos & par l'argent des Marattes. Les
Bramines levèrent fes difficultés , en lui repréfentant que le fuccès de cette
guerre pouvoit ruiner le Mahométifme , & rétablir la Religion de leurs pè-
mi. 11 confentit à livrer le paflage. Les Marattes , continuant d'amu-
1^
le Nabab par de légères attaques , y firent marcher leurs Troupes , &
faifirent le 19 de Mai. De-là, ils trouvèrent fi peu d'obftacles
au
IfiTein de le furprendre par derrière , qu'ils s'approchèrent à deux portées
j|è canon, avant qu'il fe défiât de fon malheur. Lorfqu'on vint l'infor-
Ifter qu'il paroiflbit du côté d'Arcatte un Corps de Cavalerie , qui s'a-
fançoit vers le Camp, il s'imagina que c'étoient les Troupes de fon gen-
re qui venoient le joindre. Mais il entendit auffi-tôt de furieufes dé-
charges de moufqueterie, & la préfence du danger lui fit ouvrir les yeux
|ur la trahilbn.
'i Daoust-Aly-kan, fon fécond fils (/),& tous fesOfficiers Généraux, mon-
,nt auffi-tôt fur leurs éléphans , fe défendirent avec autant d'habileté que
^ valeur. Mais ils furent accablés d'tm fi grand feu , & d'une fi terrible
Icharge de frondes , que tout ce qu'il y avoit de gens autour d'eux périt
leurs pieds ou prit la fuite. Le Nabab & fon fils , blefi'és de plufieurs
ips , tombèrent morts de leurs éléphans , & leur chute répandit tant de
yeur dans l'Armée, que la déroute 'devint générale. La plupart desOffi-
irs furent tués , ou foulés aux pies par les éléphans , qui enfonçoient dans
boue jufqu'à la moitié des jambes. Il étoit tombé , la nuit précédente,
e grande pluye , qui avoit détrempé la terre. Plufieurs guerriers , qui
oient de ce combat , afllirèrent que jamais champ de bataille n'avoit pré-
nté un plus affreux fpeélacle de chevaux , de chameaux & d'éléphans ,
|>lefles & furieux , mêlés , renverfés avec les Officiers & les Soldats , jet-
Utant d'horribles cris , faifant de vains efforts pour fe dégager des bourbiers
: ' : v; .r'\: •• , '"' ' langlans
iffi environ ce tems; mais comme il ne par-
pas du décès du premier , on eft en doute
les Auteurs ne prennent- point l'un pour
l'autre. R.d.E.
; 40 C'étoit pQur la féconde fois. R. d. ^
(k) Ce font les gorges qui s'aprellent
Camvotrj, dans le pays. La bauillc fe donna
prés de Cadapa- Nattam. R.d.E.
( / ) Le Père Saignes le dit l'aîné ; mais il
y A apparence qu'il fe trompe. R. d, E.
FTAnT.IJSE-
liIlî.NT l'"ltAN-
ÇOIS PK PON-
DICHEitY.
Coir.nicnt
elle pafl'c les
Sori^cs dt'
Canamay.
Le Nabab
d'Arcutte eft
furpris.
II eft tué
dans une fan-
glantc batail-
le.
0''
DESCRIPTION DE LA
Etablimï-
MENT Fran-
çois DE PON-
PICHERy.
1740.
Mort de fon
Oénéral.
Pillage du
Camp.
Azyle que
les Peuples"
cherchent à
Pondichery.
Situation
des François.
fanglans oîi ils étoienc enfoncés, achevant d'étouffer ou d'écrafer les Sol-
dats qui n'avoient pas la force de fe retirer (wi).
Cityzor-Kan, General de l'Armée Mogole, qui avoit rendu d'im-
portans fervices à la Compagnie, fut blelTé de cinq coups de fufi!, & d'un
coup de fronde, qui lui creva un œil & le renverfa de deflus fon éléphant.
On doit faire obferver qu'une décharge de frondes , par le bras des Marat-
tes, efl auffi redoutable que la plus violente moufqueterie. Les Domelli-
ques de Cityzor , l'ayant vu tomber , l'emportèrent avant la fin du combat
dans un bois voifin , & ne penférent qu'à s'éloigner de l'Ennemi. Après
d'x ou douze jours de marche, ils arrivèrent à Alamparvé, (jui fe nomme
auflî Jorobandelf à fept ou huit lieues de Pondichery. Les prmcipales bief-
fures de leur Maître étoientun coup de fufil, qui lui avoit coupé la moitié
de la langue & fracafTé la mâchoire ; un autre , qui pénétroit dans la poi-
trine, 5c trois coups dans le dos, avec un œil crevë. On lui envoya le
Chirurgien Major de la Compagnie, qui pafFa près de lui vingt-cinq jours,
fans le pouvoir fauver.
Liv datte de cette aifreufe bataille efl; le 20 de Mai 1740. Les Marâtres
y firent un grîuid nombre de prifonniers , dont les principaux furent Taqua-
Saheb, Grand Divan, un des gendres de Daouft, & le Nabab Eras-Kan-
Alirzoutouy Commandant général de la Cavalerie. Dans le pillage du Camp,
ils enlevèrent la caifle militaire, l'étendart de Mahomet, & celui de l'Em-
pereur. Ils emmenèrent quarante ëléphans , avec un grand nombre de
chevaux. Le corps de Daouft- Aly-Kan fut trouvé parmi les morts: mais
on ne put reconnoitre celui de fon fils, qui avoit été fans doute écrafé,
comme un grand nombre d'autres , fous les pieds des éléphans ( n ).
Le bruit de ce grand événement jetta dans toute la prefou'Ifle de l'Inde
une épouvante qui ne peut être repréfentée. On ne put fe le perfuader,
dans Pondichery, qu'à la vue d'une prodigieufe multitude de fugitifs , Mau-
res & Gentils, qui vinrent demander un azvle avec des cris & des larmes,
comme dans le lieu de toute la Côte où ils ie fiattoient de trouver plus de
recours & d'humanité. Bien-tôt le nombre en devînt (1 grand, que la pru-
dence obligea de fermer les portes de la Ville. Le Gouverneur y étoit jour
& nuit , pour y donner fes ordres. Les maifons & les rues fe trouvèrent
remplies de grains & de bajgages. Tous les Marchands Indiens de la Vil-
le & des Lieux voifins , qui avoient des effets confidérables à Arcatte &
dans les terres, s'emprefloient de les mettre à couvert fous la prote^ion
des François. Le 25 de Mai , qui étoit le cinquième jour après la batail-
le, la veuve du Nabab Daouft- Aly-Kan , toutes les femmes de fa famille
& leurs enfans , fe préfentèrent à la porte de Valdaour , avec des»~inftances
pour être reçues dans la Ville , où elles apportoient tout ce qu'elles avûient
ramafféd'or, d'argent, de {pierreries ,& d'autres richeffes (0).
Cette pofition étoit délicate pour les François. Bs avoient à craindre
que les Marattes , informés du lieu où toute la famille du Nabab s'étoit re-
tirée avec tous ^es tréfors , ne vinflent attaquer Pondichery. D'un autre
côté, ils fe feroient perdus d'honneur dans les Indes, s'ils avoient fermé
... ■ leurs
■1
ïii
(m) Pag. 2Ss & précédentes.
(n) /JW, i>ag. a88.
(0) Ibid. pag. 2B9.
ér les Sol-
endu d'im-
fil, &d'uii
n éléphant,
des Marat-
2S Domefli-
du combat
:mi. Après
L fe nomme
cipales bief-
ipé la moitié
dans la poi-
li envoya le
t-cinq jours,
Les Marattes
furent Taqm-
ab EraS'Kan-
âge du Camp,
elui de l'Em-
d nombre de
morts: mais
doute écrafé ,
ms(n).
^'IHe de l'Inde
le perfuader,
fugitifs, Mau-
[& des larmes,
buver plus de
h, quelapru-
ury étoitjout
fe trouvèrent
Lcns de la Vil-
à Arcatte &
. la proteélion
iprès la batail-
de fa famille
, des^inftances
lu'elles avôient
o).
ient à craindre
ibab s'étoitre-
r. D'un autre
avoient fermé
leurs
Ibid. pag. 229-
(i-. «» ■ «.
V - ' I
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Princesse Mejie de Nabab b'Arcatte,
De Princes Koeder des Nababs van Arcatte
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. (i) Le
■4
I
ITE.
PRESQiriSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. jj
leurs portes à cette famille fugitive, qui commandoit depuis lon^-temi
dans ^Province, & qui n'avoit jamais cefTé de les fâvoriler. Afoûtons
que la moindre révolution pouvant changer la face des affaires, & faire
reprendre aux NIarattes le chemin de leur Pays, Sabder- Aly-Kan , & toute
fa race feroient devenus ennemis irréconciliables de ce^x qui kur auroient
tourné le dos avec la fortune, & n'^auroient penfé qu'a la vengeance. Le
Gouverneur aflembla fon Confeil. Il n'y déguifa pas les raifons qui ren-
doient la générofité dangereufe; mais il fit voir, avec la même force, que
l'humanité , l'honneur, la reconnoiflance, & tous les fentimens qui diftin-
cuent la Nation Françoife, ne permettoient pas de rejetter une famille fi,
refpeftable, & tant de malheureux qui venoient fe jetter entre fes bras.
■;'avis qu'il propofa, comme le fien, fut de les recevoir, & de leur accor-
er la proteSion de la Fronce. Ce parti fut généralement approuvé du
lonfeil , & confirmé par les applaudiflemens de tout ce qu'il y avoit de
rançois à Pondichery (f )i ^' --
On fe hâta d'aller, avec beaucoup de pompe, au-devant de la veuve du
abab. Toute la garnifon fut mile fous les armes & borda les remparts.
Gouvexoeur^ accompB(mé de fes sardes à pied &. à cheval, & porté
. un fuperbe MlanqirinyTe rëfadit « la porte dé Valdaour, où la Frin-
fie attendoit la déclaration [de fon fort. Elle étoit, avec fes filles ^
neveux, fiur vingt>deuxp2dahquint,fiiivis' d'un Détachement de quin-
cens Cavaliers (9), de quatre- vingt éléphans, de trois cens chameaux»
..plus de deux cens voitures , traînées par deé. bcsaft, dans lefquelles é-'
oient les gens de leur ihite ; enfin de deux mille bétel de «harge. Après
ui avoir fait connoître combieh la Nation s'elltmoit héureufe de pouvoir
fervir, on la faliia par une dédiarge du canon de la Citadelle. Elle fut
.enée, avec les mêmes honneurs , aux logemens ^u'on avoit déjà pr^urés
our elle &. pour toute fa fuite. Il ne n^ianqua rien à la civilité xiés Fran-
ois, & tous les Officiers Mogols en témoignèrent (rVme extrême fatl8«>
Âion. Jamais^ fuivapo^c j'obfenration de T'A«d:c«tv4H<Natioa F{|jUlfoi(^
s'étoic ac^triv plus de gloire aux Indes. Les apparences fembloient pro-
ttre bien plus de fûrété, à la veuve du Nabab, dans les Ëtabliflemens
iglois, Hollandois, Danois, tels aue Porto-No vo, Tranquebar, ouNe-;.
patan, qui étoient plus proches oc plus puîfTans que le nôtre. Mais»
enir d'elle-même & fans aucune convention fe jetter fous la proteâion
es François, c'étoit déclarer hautement qu'elle avoit pour eux plus d'efti-
e & de confiance que pour toutes les autres Nations de l'Europe.
Cependant Sabder- Aly-Kan , fils aîné du malheureux Daouft, arriva
rès d'Arcatte, deux jours après la bataille, avec un Corps de fept ou huit
ens chevaux. Mais, à la première nouvelle de ce defordre, il fe vit
ibandonné de fes Troupes , & réduit à fe fauver, avec quatre de fes gens,
ans la FortereflTe de Velour. Sander-Sahéb , fon beau-frère , qui étoit forti
e Trichenapaly avec quatre cens chevaux, apprit auffi cette funefte nou«
velle
CpJ Ibii. pag. 289. certes de fept mille hommes de CaTaleiitt
(?) Le Père Saignes dit qu'ils étoient ef- R.d.E. (r) Pag. apOé
ETAtLint-
MIMT FkAII-
ÇOII DB POK-
DICHUY.
1740.
Us reçoi-
vent la veuve
& la famille
du Nabab
d'Àrutte.
Accueil
au'ils lui font f
& remarque
fur cet évéAC'
ment.
■•«y
Arcatteefl
piUée & brû-
lée.
"'^'K'
XIK Pan,
J^
ïï
1*
1"«
DESCRIPTION DE LA
Btab!.issi-
MBNT FrAN»
{OIS DB PoN-
UICHERY.
1740.
velle en chemin , & trouva tout le Pays foulevë contre les Maures. Plu.
fleurs petits Princes , qui portent le titre de Pjliagares , fe déclarèrent pour
les Marattes ," jufqu'à tenter de l'enlever pour le livrer entre leurs mains.
Il n'eut pas d'autre reflburce que de retourner à Trichenapaly & de s'y ren-
fermer dans^ la For^reflè. Le Général des Marattes prit fa marche vers
Arcatte, dont il fe rendit maître fans oppoHtion. La Ville fut abandon-
née au pillage & confumée en partie par le feu (s). Divers Détache-
mens, qui furent envoyés pour mettre tout le Pays à contribution, firent
éprouver de toutes parts l'avarice & la cruauté du Vainqueur. C'eft un
• ancien ufage, parmi ces Barbares, que la moitié du butin appartienne à
leurs Chefs. Ils exercèrent toutes fortes de violences , non-feulement con-
tre les Mahométans , mais contre les Gentils mêmes , qui avoient imploré
leur fecours, & qui les regardoient comme les Proteéleurs de leur Religion.
Ils portent avec eux des chaifes de fer, fur lefquelles ils attachent nuds,
avec des chaînes , ceux dont ils veulent découvrir les trefors ; & mettant
le feu delfous , ils jes brûlent jufqu'à -ce qu'ils ayent donné tout leur bien.
Oh ne s'imagineroit point combien ils firent périr d'Habitans par ce cruei
fupplice , ou par le poignard , qui les vengeoit de ceux qui n'àvoient rien
à leur offrir. Tous les lieux qui effuyèrent leur fureur ont été prefqu'en-
tièrement détruits ; ce qui a fait un tort extrême aux Manufaélures de
toile , dans un Pays où la plupart des Gentils exercent le métier de TiiFe-
rands , dans lequel ils excellent.
' [D'Arcatte les Marattes allèrent fe préfenter devant Velour, Ville
confidérable , défendue par une Citadelle très - forte , bâtie de pierres de
taille avec une double enceinte. Ses baftions font dispofés régulièrement ,
& elle ell environnée d'un large fofFé plein d'eau & de crocodiles; de- forte
Sue fans canon elle ell imprenable. Comme les Marattes avoient laifle leur
artillerie au-delà des montagnes, ils ne s'y arrêtèrent pas , mais ils mar-
chèrent du côté de Pobur, petite Ville qui eft le fejour d'un Nabab. Ils
Ju prirent & la pillèrent. Ils en firent autant à Gingama^ à Tirounamalei y
à Cangibouram^ & dans tous les Bourgs & les Villages où ils s'iétendoient.
Cependant ils ne mirent le feu qu'en peu d'endroits, & ils ne tuoient d'Ha-
bitans que ceux qui leur offroient de la réfiftance , à l'exception de quel-
ques Chefs de Villages, qui expirèrent fous les coups de fouet qu'on leur
appliquoit, pour les forcer à découvrir où étoient cachés les trefors ou au-
ti-es effets. Quelquefois les Marattes n'àvoient pas la patience d'attendre
que les femmes tiraffent leurs anneaux d'or; ils les leur arrachoient, en
leur déchirant le nez & les oreilles, où elles ont coutume de porter ces
ortiemens. A Tirounamalei, ils firent d'un feul coup un butin trés-confi-
dérable. Les Indieris croyant que les Marattes n'oferoient approcher du
Temple de leur Dieu Routren , ou Ishuren, y avoient tpanlporté toutes
leurs richeiles. Mais les pieux Ganimes ne fe contentant pas d'emporter
tout ce qui s'y trouva d'effets, enlevèrent encore les Danfeufes confa-
crées
{s) Les Marattes , qui après leur viftoire,
s'étoicnt amufés à partager les dépouilles des
vaincus j arrivèrent trop tard à Arcatte, pour
y faire un grand butin. La gamifon de h
Ville ne penfa point à fe défendre, dans la
crainte d'être paÎTée au fil de l'épée. R. d.£>
■K
.!*ll
f:s
ri
lures. Plu<
Itèrent pour
leurs mains.
: de s'y ren-
narche vers
'Ut abandon*
rs Détache-
ution, firent
r. C'eft un
ppartienne à
ufement con-
fient imploré
eur Religion,
ïchent nuds,
; & mettant
lUt leur bien,
par ce cruel
l'àvoient rieti
té prefqu'en-
nufaélures de
tier de TiflTe-
Velour, Ville
le pierres de
égulièrement,
iles; de -forte
ient laifle leur
mais ils mar-
i Nabab. Ils
Tirounatnaki,
s'iétendoient.
tuoient d'Ha-
)tion de quel-
let qu'on leur
trefors ou au-
ice d'attendre
rachoient, en
de porter ces
itin très-confi*
approcher du
ilporté toutes
as d'emporter
nfeufes confa-
crées
,a garnifon de Iî
défendre, dans la
del'épée. R, d.E.
PRESQU'ISLE EN DEçA DU GANGE, Liv. III. 35
crdes à la Pagode. On peut bien juger qu'ils ne refpcftèrent pas plus les
Eglifesdcs Catholiques Romains, que les MilTionnaires* abandonnèrent à
leur fureur , en prenant la fuite.
Le Roi de MaiflTour tâcha vainement de défendre fes^ frontières , avec
une puiflante Armée. Les Marattes la défirent, & pénétrèrent dans les
Etats de ce Prince , où ils exercèrent toutes fortes de brigandages. Les
SHabitans qui étoient dans le voifmage des bois & des montagnes, s'y
' réfugièrent , mais les Paliaçares leur firent payer chèrement cet afi-
' le , fous prétexte de pourvoir à leur défenfe par de nouvelles Troupes.
Le plus grand mal que firent les Marattes, ce fut l'enlèvement des trou-
)eaux & des petits enfans des deux fexes, qu'ils tranfportèrcnt dans leur
Tandis qu'ils répandoient la défolation dans la Province d'Arçatte &
lans les Lieux voifins, Sabder- Ah-Kan , renfermé dans fa Fortefefle de
^elour, leur fit faire des propofitions d'accommodement. Après quel-
jues négociations, le Traité fut conclu à des conditions fort humilian-
^||es. Sabder devcit fuccéder à fon père dans la dignité de Nabab d'Ar-
%itte (^v)i mais il s'obligeoit à payer, aux Vainqueurs, cent laques, ou
. dbq millions de roupies ^ a* ) ; à reAituer toutes les Terres de Irichena-
jgiàly & de Tanjour; à joindre fes Troupes aux Marattes, pour en chafTer
lIBhnder-Saheb , qui étoit encore en poflefTion de la Ville, de* la ForterelTe
jlc de tout l'Etat de Trichenapaly ; enfin à fervir lui-même d'indrument ,
)our rétablir tous les Princes de la Côte de Coroma[idel dans les Domaines
juils pofledoient avant la guerre! Quoique le Général Maratte n'eût
tÏQïï de plus favorable à defirer , une autre raifon l'avoit fait confentir à
' èe Traité. Le Roi de Golkonde commençoit à s'allarmer des ravages
:i[ui- s'étoient commis dans le Carnate (y). Il avoit réfolu d'en arrêter
Jes progrès. Nazerzingue, Souba de Golkonde & fils de Nifam-El-Mouk^
Tremier Miniftre du Mogol, s'étoit mis en marche avec une Armée de
foixante mille chevaux & de cent cinquante mille hommes d'infanterie. En
irrivant fur les bords du Quicbena, qui n'eft qu'à douze journées d'Arçatte,
'avoit été arrêté par le débordement de ce Fleuve: mais le Général Ma-
tte, informé de fon approche, & du deflein qu'il avoit de continuer fa
iarche après la retraite des eaux , craignit de perdre tous fes avantages à
Parrivée d'un Ennemi fi redoutable ; & cette réflexion le difpofa plus faci-
;ment à conclure avec Sabder- Aly-Kan (z).
La réfîftance des François acheva de le déterminer. Avant cette incur-
fion , un Maure , diftingué par fon rang , en avoit donné avis au Gouver-
leur de Pondichery , fon ami particulier. On ignore comment il s'étoit
pro-
J r
(t) Lettre du P. Saignes, ap. Lettres édif. doute une faute d'impreflîon. R. d. E.
(y) Il n'y. avoit plus de Roi à Golkonde,
Voyez au Tome XIII. la dernière révolution
de cet Etat, qui étoit gouverné par un Souba^
ou Lieutenant Général Mogol. R. d. E.
(s) /6W. pag. 295. „ ,,;i,..
lec. XXVI. pag. 257.
(vj Le Traité fut figné à Arcatte, fur la
d'Août 1740.
(x) Un laque fait cent mille; ainfi ce fe-
'»oit dix millions de roupies. M. l'Abbé
Cnyon écrit cent millims, mais c'ell fans
ETABtîlSt-
mentFuan-.
Ç<)t!i DE POR-
1740.
Humiliant
Traité de Sab-
der-AIy-Kaa.
Diverfioij
du Roi de
Golkonde.
Prépîitatifs
de défenfe à
Pondichery.
£2
.y. %j
s<î
.111
DESCRIPTION DELA
l-îîl
Etablis»-
MENT Fran-
çois DE PoN
OICHERY.
1740.
1741-
Demandes
que les Ma-
rattes font
aux François.
procuré ces lumières, dans un fi grand ëloignement (a). Mais, à Iz
nouvelle du premier mouvement des Maractes, le Gouverneur François
avoit pris toutes les mefures de la prudence pour fe mettre à couvert.
L'enceinte de la Ville n'étant point encore acnevée du côté de la Mer , il
avoit fait élever une forte muraille, pour fermer l'intervalle de quarante à
cinquante toifes qui font entre les maifons & le rivage. Il avoit rétabli
les anciennes fortifications ; il en avoit conflruit de nouvelles. La Place
avoit été fournie de vivres & de munitions de guerre. £nBn, lorfque les
Marattes étoient entrés dans la Province, il avoit fait prendre les armes,
non-feulement à la Garnifon, mais encore à tous les Habitans de la Ville
qui étoient en état de les porter. Les polies & les fonctions avoient été
diflribués : & ces préparatifs n'avoient pas peu contribué à lui attirer tous
les Habitans des Lieux voiHns, qui l'avoient regardé comme leur Défenfeur
après la' Bataille de Canamay.
L* ÉVÉNEMENT jufUfia fes précautions. Après avoir pris ppiTeilion
d'Arcatte, le Vainqueur menaça d'attaquer Pondichery avec toutes fes for-
ces, il Jes François ne fe hâtoient de l'appaifer par des fommes confidéra^
blés (b). Il leur déclara fes intentions par une Lettre du 20 Janvier i74t,
où.l'adrefFe & la fierté étoient également employées. N'ayant reçu, dir
foit-il, aucune réponfe à plufieurs Lettres qu'il avoit écrites au Gouver-
neur, il étoit porté à le croire ingrat & du nombre de fes Ennemis; ce
qui le déterminoit à faire marcher fon Armée contre la Ville. Les Fran-
çois dévoient fe fouvenir qu'il leS avoit anciennement placés dans le lieu
où ils étoient, & qu'il leur avoit donné la Ville de Pondichery. Auffi fe
ilattoit-il encore que le Gouverneur, ouvrant les yeux à la jultice, lui sn-
verroit des Députés, pour convenir du payement d'une fomme; & dans
cette efpérance il vouloit bien fufpendre les hoililités pendant quelques
jours. Suivant l'ufage des Marattes & de la plupart des Gentils , qui n'é-
crivent jamais qu'en termes obfcurs, pour ne pas donner occafion de les
prendre par leurs paroles (c), il ajoutoit que le Porteur de fa Lettre avoit
ordre de s'expliquer plus nettement. En effet , cet Envoyé , qui it un
homme du Pays , dont le Gouverneur connoiflbit la perfidie , par ■ Let-
tres interceptées qu'il avoit écrites à fon père » demanda au nom .es Ma-
rattes
,., .-.^.. ,
(a) On a vu que les Gentils de Tanjour-,
& de quelques autres Etats , avoient follicité
depuis long-tems les Marattes de venir s'em-
parer de leur Pays , pour les délivrer du joug
des Maures. Les Bramines fe âattoient que les
premiers yrameneroient leurs Dieux. R. d.E.
(ft) Dans le même-tems le Général des
Marattes envoya au Gouverneur Anglois de
Madras, une Lettre ^ qui lui fut apportée
par deux Cavaliers, pour lui annoncer qu'il
avoit de grandes pretenfions à' la charge de
la Compagnie, & qu'en attendant qu'il les
fit valoir , il demandoit aux Anglois trente
mille pagodes à compte , pour le payement.
de ton Axipie, La piéfence de deux ûmple»
Cavaliers n'embarraffa pas le Gouverneur
Anglois , comme auroit pu faire un Déta-
chement tant foit peu confidérable ; Car la
Ville étoit prefque fans défenfe ; ce que le»
Marattes ne favoient apparemment pas. D'aiU
leurs leur plan étoit de le rendre d'abord maî-
tres des 'Parties méridionales, & de revenir
enfuite au Nord le long de la Côte, pour
détruire en paflant tous les Etabliffemens des
Européens ; mais ils furent prévenus dans
l'exécution de cette partie de leur projet,
par la diverfion que fit le fils d'Afof-Jâh, oii
Nifam-ul-Mulk, dans leur propre Pay5>
pendant leur abfence. R» d. £> .
(c) Ibidr pag. 299» f .
I»»
M Ctl
^:
Mais, à \z
ir François
à couvert.
,e la Mer , il
quarante à
ivoit rétabli
. La Place
, lorfque les
t: les armes,
s de la Ville
avoient été
i attirer tous
ur Défenfeur
ris poflelTion
outes fes for-
ss conOdéra^
Janvier X741,
ant reçu, dir
au Gouver-
Ennemis; ce
;. Les Fran-
:s dans le lieu
ry. Auffi fe
itice, lui sn-
ime; & dans
lant quelques
tils, quin'é-
afion de les
Lettre avoit
qui it un
par ■ Let-
inom .es Ma-
lattes
le Gouverneur
i faire un Déta-
lidérable; Car la
enfe; ce que le»
[iment pas. D'ailt
ire d'abord maî-
I, & de revenir
; la Côte , pour
itabliffemens des
J)révenus dans
e leur projet,
pd'Afof-Jâh.ou
propre Pay5>
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 37
rattes une fomme de cinq cens mille roupies; & de plus, le payement d'un
tribut annuel, dont le Général prétendoit, fans aucune ap{)arence de veri-
Lté que les François étoient redevables à fa Nation depuis cinquante ans.
' Le Gouverneur crût devoir une réponfe civile à Cette Lettre. Mais il
4ie parla point des droits chimériques, que les Marattes s'attribuoienfr fur
7ondichery , ni du tribut & de l'intérêt, ni des cinq cens mille roupies,
lu'ils demandoient avant toutes fortes de traités, & qui feroient montées
, plus de quinze millions de nôtre monnoye ( à). Le filence, fur des pré-
întions fi ridicules , lui parut plus conforme aux maximes des Indiens. Peu
lé jours après, le Général infifta fur fes demandes par une nouvelle Let-
,tte, qui paroît mériter, comme la féconde réponfe du Gouverneur Fran-
g^is, d'obtenir place dans le récit de cette narration.
f„ Au Gouverneur de Pondichery, vôtre ami Ragogy-Boufola-Sena-Sa-
heb-Souba: Ram Ram (e).
.^ „ Je fuis en bonne fante. Il faut me mander l'état de la vôtre.
m J u s Q.U ' À préfent je n'avois pas reçu de vos nouvelles ; mais" Gapa! CaŒ
^ir|& Atmarampantoulou viennent d'arriver ici,, qui m'en ont dit, &j'en
^i^jU appris d'eux. „ ÎL
On croit devoir placer ici cette réponfe,
faire honneur aux principes de la Corti-
lie&à la noble fermeté des Officiers.
Le , Gouverneur Général de Pondichery
Ragogy-Boufola, Général de l'Armée des
. ilarattes ; Salut ;
i, J'ai reçu la Lettre que vous m'avez fait
y honneur de m'écrire, & je m'en fuis fait
expliquer le contenu. Vous me dites que
^ous m'avez écrit plulîeurs fois , & que je
ne vous ai fait aucune réponfe. Je fais
fïop ce que je dois à un Seigneur tel que
^ous , pour avoir commis cette faute. A-
S'eut la Lettre à laquelle je réponds au-
urd'hui, je n'en ai reçu aucune autre de
itre Seigneurie; & fî elle m'a écrit, il
»t que ceux à qui elle a remis fes Lettres
^nt jugé à propos de les garder, poux
ndifpofer contre moi & contre ma Na-
Bon , en m'ôtant le pouvoir de lui faire
éponfe.
Vôtre Seigneurie me déclare qu'elle
Itoit dans l'intention de faire marcher fon
^IfArinée contre nous. Quel fujet avez-vous
^3e vous plaindre des François? En quelle
|yk>ccafîon vous oi}t-ils oiFenfé? Au contrav-
!^e, ils ont confervé jufqu'à préfent une re-
'^.connoiflance parfaite des faveurs qu'ils ont
.reçues des Princes vos ancêtres; & quoi-
|que vous fuillez très -éloigné de nous,
lous n'avons pas difcontinué un inftant
J'exécuter ce que nous vous avions pro-
tiis, en protégeant les gens de vôtre Na-
îon qui ont ici des Temples , & leur Re- .
igion , qu'ils exercent avec liberté & tran-
^■"quiUté. Voue Seigneurie doit aulfi favoir
Etablisse-
MEIiT FpaM-
ÇOIS DK POK-
OICflEllY.
1741.
Réponfe dtt
Gouverneur
de Pondichc-
Nouvelles
dL'inandcs des
Maiiittcs.
„ que nous rendons à tout le monde la plus
„ exafte juftice; qu'on vit dans Pondichery
,,, à l'abri de toute opprefllon ;- ique le Roi de
i, France, nôtre. Maître , dont la juftice & la
>, puiîîance font connues de toute la Terre,
„ nous puniroi»- , fl nous étions capables àa
„ faire la moindre chofe contre fe gloire &
„ fes intentions.
„ Ainfî quelle raifon vôtre Seigneurie
„ pourroit-efle avoir de nous faire la guer-
„ re, & que peut-elle attendre de nous? La
„ France, nôtre Patrie, ne produit ni or ni
„ argent. Celui que nous apportons dans ce
„ Pays, pou y acheter des marchandifes ,
„ nous vient des Pays étrangers. On ne tire
„ du noue que du fer fit des Soldats , que
„ nous employons ccrtre ceux qui nous at-
,, taqucnt mjuftement.
„ Nous fouhaitons de tout nôtre cœur dé
„ vivre en bonne amitié avec vous; JSt, 11
„ nous pouvons vous fervir en quelque chot
f, fe , nous le ferons avec plaifir. Vous de-
„ vez donc regarder nôtre Ville comme la
„ votre. Si vôtre Seigneurie veut m'addrefle^
,, un PaiTeport, j'enverrai une peribnne de
„ confiance , \wm vous faluer de ma part»
„ Mais je vous prie de me difpenfer de me
„ fervir de l'entremife d'^pagi - Vittel , fife
„ de Vittel-Naeanadou , qui ne cherche qu'à
„ nous trahir & à tromper vôtre Seigneurie,
„ Je prie le Dieu Tout - puilTant de vou»
„ combler de fes faveurs, & de' vous donner
„ la viftoire fur tous vos Ennemis".
( e ) Nom du Dieu ïlama , deux fôi's répé-
té. Ces trois Lettres foiit tirées des Atchi»
,vés de la Coinpagpier • -,
Ej
W/
i8
1 vt D E S C R I P T I O N DE L A --'^"l
Il y a préfentement quarante ans que nôtre grand Roi vous a accor-
DtCHERY.
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I74I.
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•'■.' -,i ï: :
»»
• .
J»
nô.
feule
ETABUSfE-' >» , . - , . , .
mentFran- ^^ dé la permiflion de vous établir à Pondichery: cependant, quoique
Ç*^ïs^^E PoN- ^^ j.yg Armée fe foit approchée de vous , nous n'avons pas reçu une f
Lettre de vôtre part.
„• NÔTRE grand Roi, perfuadé que vous méritiez fon amitié, que les
François étoient des gens de parole, & qui jamais n'auroient manqué en-
vers lui, a remis en vôtre pouvoir une Place confidérable. Vous êtes
convenus de lui payer annuellement un tribut que vous n'avez jamais
„ acquitté. Enfin, après un fi long tems, l'Armée des Marattes eft ve-
nue dans ces Cantons. Les Maures étoient enflés d'orgueil ; nous les
avons châtiés. Nous avons tiré de l'argent d'eux. Vous n'êtes pas à
fçavoir cette nouvelle. '
„ Nous avons ordre de Maha-Raja, nôtre Roi, de nous emparer des
Forterefles de Tricheriapaly & de Gingy, & d'y mettre garnifon. Nous
avons ordre àuffi de prendre les tributs qui nous font dûs depuis qua-
rante ans par les Villes Européennes du bord de la Mer. Je fuis obli-
gé d'obéir à ces ordres. Quand nous confidérons vôtre conduite & h
manière dont le Roi vous a fait la faveur de vous donner un Etabliffe-
ment dans.fes Terres, je ne puis m'empêcher de dire que vous vous êtes
fait tort en ne lui payant pas ce tribut. Nous avions des égards pour
vous, & vous avez agi contre ^nous. Vouis avez donné retraite aux
Mogois dans vôtre Ville. Avez-^us bien fait? De plus , Sander-Kan
a laiffé, fous vôtre prote£lioÀ,les cafenas deTrichenapàly& deTanjoùr,
des pierreries, des eléphans, des chevaux, & d'autres chofes dont il
s'eft emparé dans ces Royaumes, ainfi que fa famille: cela eft-il bien
auffi? Si vous voulez que nous foyons amie , il faut que vous nous re-
mettiez ces cafenas, ces pierreries, ces eléphans, ces chevaux, la fem-
me & le fils de Sander-Kan. J'enverrai de mes Cavaliers , & vous leur
remettrez tout. Si vops différez de le faire, nous ferons obligés d'al-
ler nous-mêmes, pour vous y forcer; de même qu'au tribut que vous
nous devez depuis quarante ans.
„ Vous favez auffi ce qui eft arrivé dans ce Pays, à la Ville de BaJ-
•) yî« (/)• M°^ Armée eft fort nombreufe. Il faut de l'argent pour fes
„ dépenfes. Si vous ne vous conformez point à ce que je vous demande,
„ je faurai tirer, de vous , dequoi payer la folde de toute l'Armée. Nos
Vaifleaux arriveront auffi dans peu de jours. Il faut donc que nôtre
aflFaire foit terminée au plutôt.
„ J E compte que pour vous conformer à ma Lettre , vous m'enverrez
la feinme & le fils de Sander-Kan , avec fe» eléphans , fes chevaux , fes
pierreries & fes cafenas. .
„ Le 15 du mois de Ranjam. Je n'ai point autre chofe à vous mander".
Loin d'être effrayé de ces menaces , le Gouverneur François y répondit
en ces termes.
„ A Ragogy-Boufola &c. '" ■"' ""
„ Depuis la dernière Lettre que i'ai eu l'honneur de vous écrii'e,j'enai
■ -^ ' ■ ■ ■ . \:rv » «^^s"
(/) Ceft %a!m. R. d. E. " • -^ '"
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Seconde ré-
ponfeduGou-
T«roeur.
*■!>
f
J»
}>
0U8 a accof.
quoique nô-
içu une feule
itié , que les
t manqué en-
Vous êtes
L*avez jamais
rattes eft ve-
eil ; nous les
i n'êtes pas à
emparer des
rnifon. Nous
s depuis qua-
Je fuis obli-
cônduite ôc la
un Etabliffe-
'ous vous êtes
I égards pour
i retraite aux
, Sander-Kan
& de Tanjoiir,
:hofes dont il
;là eft-il bien
vous nousre-
aux, la fem-
& vous leui
obligés d'aï-
but que vous
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III.
39
Ville de BaJ.
;ent pour fes
ous demande,
Armée. Nos
me que nôtre
us m'enverrez
chevaux, fes
)us mander".
jis y répondit
écrire,] en ai
„ reju
reçu une autre d-î vous. Vos Alcaras m'ont dit qu'ils avoient employé
" vingt-deux jours en chemin, & qu'avant que de venir ici, ils avoient
"• été à Tanrelour. Pendant que v.ous étiez près d'Arcatte , j'ai envoyé
* deux François pour vous faluer de ma part. Mais ils ont été arrêtés
! & dépouillés en chemin ; ce qui ne leur a pas permis de continuer
leur route. Enfuite la nouvelle à'eft répandue que vous étiez retourné
L dans vôtre Pays. .. , a „ • , • •
I „ Vous me dites que nous devons un tribut a vôtre Roi depuis qua-
I rante ans. Jamais la Nation Françoife n'a été aflujettie à aucun tribut.
S II m'en couteroit la tête, fi le Roi de France , mon Maître, étoit infor-
ii.mé que j'y eufle confenti. Quand les Princes du Pays ont donné aux
François un terrain fur, les fables du bord de la Mer, pour y bâtir une
Forterefle & une Ville , ils n'ont point exigé d'autres conditions que de
laifTer fubfifter les Pagodes & la Religion des Gentils. Quoique vos
Armées n'ayent point paru de ce côté-ci, nous avons toujours obfervé
de bonne foi ces conditions.
VÔTRE Seigneurie eft fans doute informée de ce que nous venons
ire dans ce» Contrées fi éloignées de nôtre Patrie. Nos VaiiTeaux ,
_)rès huit à neuf mois de navigation , y apportent tous les ans de Tar-
ent , pour acheter des toiles de cotton , dont nous avons befoin dans
ôtre Pays. Ils y reftent quelques mois , & s'en retournent lorfqu'ils font
hargés. . Tout l'or & l'argent , répandus dans ces Royaumes , vien-
nent des François. Il n'en croît point dans l'Inde. Sans eux , vous
n'auriez pas tiré un fou de toute la Contrée, que vous avez trouvée,
au contraire, enrichie par nôtre Commerce. Sur quel fondement vô-
tre Seigneurie peut-elle donc nous demander de l'argent ; & où le pren-
drions-nous? Nos VâifTeaux n'en apportent que ce qu'il en faut pour
les charger. Nous fommes même obligés fouvent, après leur départ^
d'en emprunter pour nos dépenfes.
„ VÔTRE Seigneurie me dit que vôtre Roi nous a donné une Place
^iconfidérable. Mais elle devroit favoir que quand nous nous fommes éta-
,y^blis à Pondichery , ce n'étoit qu'un emplacement de fable qui ne ren-
"oit aucun revenu. Si d'un Village qu'il étoit alors, nous en avons fait
ne Ville, c'eft par nos pvnnes & nos travaux; c'eft avec les fommes
immenfes que nous avons dépenfées , pour la bâtir & la fortifier , dans
la feule vue de nous défendre contre ceux qui viendroient injuftem^'nt
nous attaquer.
„ Vous dites que vous avez ordre de vous emparer des Fortereflec de
Trichenapaly & de Gingy. A la bonne heure, fi cette proximité n'efl
pas pour vous une occafion de devenir nôtre ennemi. Tant que les
Mogols ont été maîtres de ces Contrées , ils ont toujours traité les Fran-
çois avec autant d'amitië que- de diftinftion , & nous n'avons reçu d'eux
, que des faveurs. C'eft en vertu de cette union que nous avons recueilli
, la veuve du Nabab Aly-Daouft-Kan , avec toute la famille, que la frayeur
„ a conduite ici , après la bataille où la fortune a fécondé vôtre valeur..
* „ Devions -nous lui fermer nos portes, & les laifler expofés aux injures
i „ de l'air ? Des gens d'honneur ne font pas capables de cette lâcheté.
•La
kkENxFpAN-,
ÇOIS DE POM-
OICMERY.
I74I.
»"
40
DESCRIPTION DE LA
m
ETABLISSE'
j^iENT Fran-
çois DE PoN-
DICIIERY.
1741.
Pondichery
s'attend à être
allîégtie.
Trichenapa-
lycft empor-
tée par les
Marattes.
La femme de Sander-Saheb, fille d'Aly-Daouft*Kan, & foeur de Sab.
der-Aly-Kan , y eft auffi venue avec fa mère & fon frère ; & les autres
ont repris le chemin d'Arcatte. Elle vouloit pafler à Trichenapaly :
mais ayant appris que vous en faifiez le iiège avec vôtre Armée, elle eil
demeurée ici.
„ VÔTRE Seigneurie m'écrit de remettre aux Cavaliers que vous enver-
rez, cette Dame, fon fils, & les richefTes qu'ils ont apportées dans cette
Ville. Vous qui êtes rempli de bravoure & de sénérofité , que penferiez-
_ vous de moi , fi j'étois capable de cette bafleÏÏe? La femme de Sander-
„ Saheb, efl:, dans Pondichery,* fous la proteélion du Roi mon Maître;
„ & tout ce qu'il y a de François aux Indes perdront la vie avant que de
„ vous la livrer. Vous me dites qu'elle a ici les.trefors de Tanjour & de
„ Trichenapaly: je ne le crois pas, &je n'y vois aucune apparence, puif>
„ que j'ai même été obligé de lui fournir de l'argent pour vivre & pour
payer fes domefliques.
„ Enfin, vous me menacez, il je ne me conforme pas à vos demandes,
d'envoyer vôtre Armée contre nous & d'y venir vous-même. Je me pré-
pare de mon mieux à vous recevoir , & à mériter vôtre eftime , en vous
faifant connoître que j'ai l'honneur de commander à la plus brave des Na-
tions de la Terre, & qui fe défend avec le plus d'intrépidité contre une
injufte attaque. ,
„ Je mets au reile ma confiance dans le Dieu Toat-puifTant, devant le<
quel les plus formidables Armées font comme de la paille légère, que le
vent emporte & diflipe de tout côté. J'efpère qu'il favorifera la jufldce
de nôtre caufe. J'avois déjà entendu parler de ce qui efl arrivé à Baffin;
mais cette Place n'écoit pas défendue par des François.
„ S'il y a quelque chofe en quoi je puifTe vous fervir, je le ferai avec
plaifir".
Les précautions que cette Lettre annonçoit au Général des Marattes,
n'étoient pas une faufTe menace. La Ville étoit bien fournie de munitions
de guerre & de bouche , & l'on n'y comptoit pas moins de quatre à cinq
cens pièces d'artillerie. Le Gouverneur avoit fait defceadre tous les équi-
pages des VaifTeaux, qui fe trouvoient dans la Rade. Il avoit armé les
Employés de la Compagnie & tous les Habitans François, dont il avoit
formé un Corps d'Inianterie , qu'on exerçoit tous les jours au fervice du
canon & de la moufqueterie. Enfin il avoit choifi , parmi les Indiens , ceux
qui étoient en état de porter les armes ; ce qui lui fit environ douze cens
Européens, & quatre à cinq mille Pions (^), Malabares ou Mahomëtaus.
Quoique dans l'occafion il y aît peu de fond à faire fur ces Troupes Indien-
nes , la garde qu'on leur faifoit monter fur les baflions & fur les courtines,
foulageoit beaucoup la Garnifon.
On demeura ainfi fous les armes jufqu'au mois d'Avril 1741. Le Gé-
néral des Marattes employa ce tems à ravager ou à fubjuguer tous les Pays
voifins; plus occupé néanmoins à faire du butin, qu'à prendre des Pla-
ces pour les conferver. Trichenapaly fut celle qui lui oppofa le plus de
..i .,. wi réfîftance.
(fi ) Nom qu'on donne à l'Infanterie Indienne, '::!-';- ...
a
'¥
»»
n
>i
»
mr de Sab*
k les autres
ichenapaly:
lée, elleeli
vous enver-
I dans cette
e penferiez-
deSander*
on Maître;
vant que de
anjour & de
rence, puif-
ivre & pour
>s demandes.
Je me pré-
ne, en vous
rave des Na-
i contre une
:,. devant le*
fgère, que le
era lajuilice
rivéàBaflîn;
le ferai avec
îs Marattes,
de munitions
uatre à cinq
ous les équi-
roit armé les
dont il avoit
u fervice du
ndiens , ceux
douze cens
Vlahomëtans.
)upes Indien-
es courtines,
I. Le Gé-
tous les Pays
idre des Pla*
a le plus de
rémtance.
PRESQtnSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. fï
téfiftance. C'efl: une Ville forte pour les Indes. Elle eft environnée d'un
•bon mur, qui efl: flanqué d'un grand nombre de tours, avec une faufle
f braye, ou double enceinte, & un large folTé plein d'eau. Les Marattes,
! après l'avoir entièrement invertie, ouvrirent la tranchée le^5 de Décem*
' bre, & formèrent quatre attaques, qu'ils pouflbient vigoureufement , en
happant les murailles fous des galeries fort bien conftruites. Sander-Saheb
commençoit à s'y trouver extrêmement preffé. Bara-Saheb Ton frère, qui
Méfendoit le Maduré avec quelques Troupes, partit à la tête de fept ou
ihuit mille chevaux, pour fe jetter dans la Ville ; & ce fecours auroit çû
forcer les Barbares de lever le Siège. Mais ayant appris fa marche, ils
envoyèrent au-devant de lui un Corps de vingt mille Cavaliers & de dix
"lille Pions, qui taillèrent en pièces fa petite Armée (h). 11 périt lui-
fême, après s'être glorieufement défendu. Son corps fut apporté au Gè-
lerai des Marattes , qui parut touché de la perte d un homme extrême-
lent bien fait , & qui s'étoit fignalé par une rare valeur. Il l'envoya cou-
vert de riches étoflFes, à Sander-Saheb fon frère, pour lui rendre les hon-
îurs de la fépulture. Ce trifte éirénement découragea les Affiégés. Ils
iinquoienc depuis loog-tems d'argent , de vivres & de munitions. San-
4|ar-Saheb réduit à l'extrémité, prit le parti de fe rendre; & le Vainqueur,
' htent de fa foumiflion , lui laifla la vie & la liberté , moyennant une forte
içon(;); mais ayant pris pofFeflion de la Place, le dernier jour d'A-
jfil 1741 (*), il en abandonna le pillage à fon Armée (l).
■Pendant le Siège, il avoit fait marcher , du côté de la Mer , un Dé-
Ichement de quinze ou feize mille hommes, qui attaquèrent Portonovo, à
spt lieues au Sud de Pondichery ; & qui fe rendirent facilement maîtres
fune Ville qui n'étoit pas fermée. Ils y enlevèrent tout ce qui fe trou-
)it de marchandifes dans les Magafîns Hollandois , Anglois & François.
îpendant , par le foin qu'on avoit eu de faire tranfporter , à Pondichery, la
us grande partie des effets de la Compagnie de France , elle ne perdit
ie trois ou quatre mille pagodes , en toiles bleues , qui étoient encore en-
B les mains des Tiflerands & des Teinturiers. De Porto-novo , les Ma-
ttes paflerent kGoudelour^ Etabliffement Anglois à quatre lieues au Sud
fPondichery, qu'ils pillèrent malgré le canon du Fort Saint-David (;«).
' vinrent camper enfuite près A' Archiouac , à une lieue .& demie de Pondi-
iery ; mais n'ayant ofé s'approcher de la Ville , ils allèrent fe jetter fur
\nii,ymer & Sadras^ deux EtabliiFemens des HpUandois, dont ils pillèrent
\s Magafms («).
"Tilî - fît)
"î ' Enfin
'(i) Il avoit pris à fa'folde quelques Trou-
es du Marava, Nation perfide, dont il fut
liii, & pour iinfi dire vendu aux Marattes.
;tte Bataille fe donna le i8Mars.R.d.E.
(/) Les MilTîorinaires Dnnois difent, qu'il
|t fait prifonnicr, sétant rendu lui -munie
ns le Cnnip des AflÎL'geans pour compofer
rec eux. Voyez ci-detîbus. R. d. E.
sî' (*) Le 25 Mars, fuivant les mêmes Mif-
f ;!Jponnaires. R. d.E.
% (i) Ubijuprà. pag. 3x8 & précédentes.
- JC//^ Fart,
Etablisse»
MENT Frak*
ÇOIS DE POK«
DICHBRT.
I74I.
«t
HO ,
.■îr
Us ravagent
les Colonies
Européennes,
(m) Les Anglois de Cudelur en furent quit-
tes alors pour la peur; mais les Marattes y
revinrent deux fois de fuite un mois après,
& pillèrent quelques Villages des envirors.
Le canon du Fort les empêcha cependant t'e
tomber fur la Ville , & leur tua même beau-
coup de monde. Ils emportèrent leurs morts
& les brûlèrent la nuit fuivante, pour qu'on
n'en pût pas favoir le nombre. R. d. E.
( « ) Ibid. pag. 320. Les Hollandois de Sa.
dras défendirent fi bien leur Loge, que les
F , M*-
4^
DESCRIPTION DE LA
;• H
Etablisse-
ment Fran-
çois os PON*
OICHERT.
I74I-
Sommations
qu'ils font aux
François.
Evénement
fingulier, qui
fauve Pondi>
cbery,
En?zn les Chefs du Détachement écrivirent au Gouverneur Françoij,
Ils lui envoyèrent même un Officier de diftinélion , pour lui renouveller
les demandes de leur Général , & lui déclarer que, fur Ton refus , ilsavoient
ordre d'arréteï" tous les vivres qu'on tranfporteroit à Pondichery, jufqu'aa
moment où le refte de leur Armée, après la prife de Trichenapaly , qui ne
pouvoit tenir plus de quinze jours , viendroit atiaquer régulièrement la Pla.
ce. !«e Gouverneur reçut fort civilement cet Envoyé. Il lui fit voir l'é.
tat de la Ville & de l'artillerie, la force de la Citadelle, qu'on pouvoit faire
fauter d'un moment à l'autre, par les mines qu'on y avoit difpofées, &la
quantité de vivres dont la Place étoit munie. Il l'anura qu'il étoit dans la
réfolution de fe défendre jufqu'à la dernière extrémité, & qu'il ne confen-
droit jamais à des demandes qu'il n'avoit pas le pouvoir d'accorder. Il
ajouta qu'il avoit fait embarquer , fur les VaifTeaux qu'il avoit dans la Ra*
de , les marchandifes & les meilleurs effets de fa Nation ; & que (i par
une fuite d'événemens fâcheux , il voyoit fes reflburces épuifées , il lui
feroit facile de monter lui-même à bord, avec tout ce qui lui refteroit de
François , & de retourner dans fa Patrie: d'où les Marattes dévoient con-
clure qu'il y avoic peu à gagner pour eux , & beaucoup à perdre. L'Officier
qui n'avoit jamais vu de Ville fi bien munie , ne pût déguifer fon admira-
tion, & fe retira fort fatisfait des politefles qu'il avoit reçues (o\
Mais une circonflance fort légère contribua plus que toutes les fortifi.
cations de Pondichery à terminer cette guerre. Comme c'eft l'ufage aux
Indes de faire quelque préfent aux Etrangers de confidération , le Gouver-
neur offrit à l'Envoyé des Marattes, dix bouteilles de différentes liqueurs
de Nancy. Cet Officier en fit goûter au Général, qui les trouva excellen-
tes. Le Général en fit boire à fa maîtrefle, qui les trouvant encore meil-
leures, le preffa de lui en procurer à toutes fortes de prix. Ragogy-Bou-
fola, fort embarrafle par les inftances continuelles d'une femme qu'il ai-
moit uniquement, ne s'addrefla pomt direélement au Gouverneur , dans la
crainte de fe commettre , ou de lui avoir obligation. Il le fit tenter par des
voyes détournées , & les offres de fes Agens montèrent jufqu'à cent rou-
pies pour chaque bouteille. Le Gouverneur, heureufement informé de
la caufe de cet empreffement , feignit d'ignorer d'où venoient des propofi.
tions fi fingulières, & témoigna froidement qu'il ne penfoit point à ven-
dre des liqueurs qui n'étoient que pour fon ufage. Enfin Ragcîgy - Boufo-
|a, ne pouvant foûtenir la mauvaife humeur de fa maîtrefle, les fit deman-
der en fon nom, avec promefle de reconnoître avantageufement un il
Îrrand fervice. On parut regréter , à Pondichery , d'avoir ignoré jufqu'alors
es defirs du Prince des Marattes ; & le Gouverneur fe hâtant de lui en-
voyer trente bouteilles de fes plus fines liqueurs , lui fit dire qu'il étoit char-
mé d'avoir quelque chofe qui pût lui plaire. Ce préfent fut accepté avec
'-■;" ■■• ''■''■'' ' '" une
î
Marattes, après l'avoir aflîégée» pendant deux
jours, furent obligés de fe retirer avec perte.
Ce fut en partant de-!à qu'ils fe replièrent fur
Cudelur , dont ils tentèrent vainement l'atta-
que poui; la féconds fois. Us n'étoient ^u'au
nombre d'environ trois mille Cavaliers. Qu-tf
à Congymer, ou ConimeHu, les Anglois &
les Hollandois y avoient des Loges qu'ils oat
abandonnées depuis. R,d.£.
(o) IM, pag. 3zi^ :
r François,
renouveller
, ils avoient
•y, jufqu'au
>aly, qui ne
iment la Pla-
fit voir l'é.
)ouvoit faire
jofées, &la
^toic dans la
l ne confen*
iccorder. 11
: dans la Ra-
Se que fi par
uifées, il lui
1 refteroic de
e voient con-
;. L'Officier
fon adnaira-
(o\
es les fortifi-
[l l'ufage aui
1 , le Gouver-
^ntes liqueurs
luva excellen-
• encore mcil-
Ragogy-Bou-
nme qu'il ai-
neur , dans la
tenter par des
[u'à cent rou*
informé de
des propcfi*
point à ven-
jcîgy - Boufo-
es fit deman*
ufement un fi
are jufqu'alorj
ant de lui en-
u'il étoit char-
accepté avec
une
Cavaliers. Qunt
, les Anglois &
Loges qu'ils ont
î
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 43
one vive joye. Le Gouverneur en reçut auffi'tôt des remercimens , accom-
pagnés d'un pafllport , par lequel on le prioit d'envoyer deux de Tes Offi-
ciers , pour traiter d'accommodement. Cette palfion , que le Général avoit
de fatisfaire famaîtrefle, l'avoit déjà porté à défendre toutes fortes d'in-
fultes contre la Ville & les François.
. Deux Bramines, gens d'efprit & folidement attachés à la Nation Fran-
âoife, furent députés furie champ, au Camp des Marattes, avec des in-
firuftions & le pouvoir de négocier la paix. Ils y apportèrent tant d'à-
ïlrefle & d'habileté, que Ragogy«Boufola promit de fe retirer au commen-
cement du mois de Mai; &7oin de rien exiger des François , il envoya au
Qouverneur , avant fon départ , un Serpau (/)) , qui eft dans les Cours Indien-
ts , le témoignage le plus authenti<^ue d'une fincère amitié.
Bien-tôt , une conduite fi fage & (1 généreufe attira , au Gouverneur do
)ndichery , des remercimens & des diltinélions fort honorables , de la Cour
ème du Grand Mogol. Il reçut une Lettre de remercir- ns de Nizam-
-Mouk, Premier Miniftre de ce grand Empire, avec m Sv -pau, & des
iirances d'une confiante faveur pour la Nation. Sa réponiè ne dément
" M l'opinion qu'il avoit donnée de fon caraélère.
Le Gouverneur de Pondichery, à Ajjféf JaNizam El Mouk Bahader^
Tabab, Premier Miniflxe de l'Empereur Mouhamet-Scha , très-magnifi-
\\jit Seigneur : Salut.
, J'ai reçu la Lettre «Se le Serpau , que vôtre Seigneurie m'a fait la
fgrace de m'envoyer. Ce jour a été un jour de fête & de léjouïflance
dans Pondichery.
„ L'Empereur Mouhamet-Scha ayant toujours, fur l'exemple de fes
Ancêtres, honoré la Nation Françoife d'une eftime & d'une proteélion
par-
I»
^ /) ) Le Serpau ne confifte que dans un ha-
Btfort ample, d étoffe de foye &or, plu»
mT moins riche, fuivant la condition des pcr-
fonnes auxquelles il eft addreflë.
lit, dans le même Auteur, une Lettre
nfeil de Pondichery à la Compagnie en
ce, qui contient l'éloge de la conduite
M. Dumas, & quelques circonftances cu-
^^. fes du départ des Marattes. „ Les An-
l^glois, nos voifins, ont été auifi dans de
l|l vives allarmes pour Madras & Goudelour.
'^llls ont fait abbattre un grand nombre de
libelles maifons trop proches de Madras,
^dans la vue d'en dégager les défenfes. Ils
ont envoyé des préfens d'environ trois
mille cinq cens pagodes aux Généraux
Marattes, au(îi-tôt qu'ils ont vu Triche-
napaly pris , & ils ont été quelques jours
à leur Camp fans être acceptés. La con-
duite de M. Dumas a été plus prudente.
^ Nous avons fait abbattre quelques arbres
^ & cafés Malabarcs , trop proches de nos
^ murs : mais nous n'avons donné aux Ma-
rattes que quelques préfens d'oranges &
EtahliH»!*
MENT [''«*?»-
cors DR Pow-
OICHl'RV.
I74I.
Retraite de»
Marattes.
Honneurs
rendus au
Gouverneur
François p*f
la Cour du
Mogol.
t±l
„ autres fruits venus de l'Ifle de Bourbon ,
„ le tout par politeiTe Cependant quand
„ nous eûmes reçu le Serpau, nous ne pû-
„ mes nous difpenfer, par bienféance & par
„ honneur pour la Compagnie, de recon-
„ noître ce préfent flateur & honorable par
„ un autre , puifqu'ils nous avoient préve-
„ nus & diftingués de toutes les autres Na-
„ tions. Nous délibérâmes donc, le 2 de
„ Mal, d'envoyer remercier les principaux
„ Officiers Marattes , & de leur faire un
„ préfent d'environ deux mille quatre cens
„ pagodes. Nos Députés & les deux Bra-
„ mines, que nous chargeâmes de les porter,
„ trouvèrent que toute l'Armée avoit repaffé
„ la Rivière de Quichena, dont ils appré-
„ hendoient un prochain débordement, &
„ qu'elle étoit partie en toute diligence pour
„ retourner dans fon Pays. Les Députés
„ revinrent avec Jes préfens , qui font ren-
„ très dans vos Magafins, & il ne vous en
„ coûte que les fraix du voyage".
Nota. Cette Note confirme que les EtablifTe-
rnens Anglois ne furent pas pillés. R. d. £.
F a
^
1 1
DESCRIPTION DE LA "^^'T
BtABLIIIK'
MENT Fran-
çois ue PoN-
DICJUAY.
.•■.'>v/ ;
Terres &
préfens qu-.
reçoit de Sab-
der-Âly-Kan.
particulière ; & le Nabab d' Arcatte nous ayant donné aufïï des marque!
continuelles d'amitié & de bienveillance , j'ai cru devoir en témoisnet
ma reconnoiflance à la première occaiion qui s'ed prcfentée, pour faire
connoître à toute la Terre que nous méritons une fi glorieufe faveur.
La prodigieufe multitude de Barbares & de Marattes , qui font defcendua
des montagnes , ne nous a point effrayés , ni empêchés de recevoir dans
nôtre Ville toute la famille du Nabab Baoud-Aly-Kan , & les autres
Seigneurs ou Officiers de l'Empereur qui s'y font réfugiés après la perte
de la bataille. Les menaces des Généraux Marattes , qui nous ont fom<
mes de les leur livrer, ne nous ont point intimidés, & nous étions réfo*
lus d'employer pour les défendre jufqu'à la dernière goutte de nôtre fang.
Il ed heureux pour nous d'avoir pu, dans cette occafîon, vous prouver
nôtre zèle & nôtre attachement. Soyez perfuadé, très-magnifique Sei*
gneur, que vous nous trouverez toujours dans la même difpofition (q)".
Sabder-Aly-Kan, infiiruitpar la renommée, autant que par les Lettres
de fa mère 5 des carefies &, des honneurs que toute fa famille ne cefibit pas
de recevoir àPondichery,fe crut obligé de fignaler fa reconnoifl'ance. Non-
feulement il fe hâta d'écrire au Gouverneur , pour lui marquer ce fentiment
par des exprefiions fort nobles & fort touchantes; mais il joignit à fes Lettres
unP<îr<iT>a«a,c'efl:-à-dire, un Afte formel, par lequel il lui cédoit perfonnelle-
ment , & non à la Compagnie , les Aidées ou les l 'erres d'/lrchiouac , de Tedouva-
natam,denilanour,2Lvec trois autres Villages qui bordent au Sud le territoire
des François, & qui produifent un revenu annuel de vingt-cinq mille livres (r).
.11
il
»»
it
s»
»
(O ^*W' pag* 534 & précédentes. Le nom
de Mahomet fe trouve écrit diverfement.
(f) On croit devoir joindre ici IcParava-
na, pour donner une idée du ftyle & de la
procédure dés Princes du Pays.
Paravana de donation. „ Tous les De-
chouinoucous & Dechapoudias , (c; foia les
Secrétaires du Prince,) les Moucadamas,
{ce font les Chefs des Habitans,) les Habi-
tans , & ceux qui travaillent aux Varges ,
{Champs de riz.) dans les terres d'Aydra-
dabat, de la dépendance de Valdaour, doi-
vent favoir , que depuis long-tems le très-
valeureux Seigneur , M. Dumas , Gouver-
neur de Pondichery, entretient avec moi
une forte amitié , & continue avec un cœur
très-fincère d'en agir avec moi de toutes
les façons qu'il convient; que ces façons
font toutes gravées dans mon cœur; &
qu'en reconnoiflànce de fon afFeftion je
lui ai donné l'Aidée d'Archipacou , qui çft
une des Aidées dépendantes de Valdaour ,
ainli qu'il eft (pécifîé ci-delTous, à com-
mencer de l'année 1 1 50 , {de l'Egire, ) pour
qu'elle (bit à lui à perpétuité , & qu'il en
perçoive tous les revenus. C'efl: pour-
3uoi , il faut que vous remettiez cette Al-
, ée audit très-valeureux Seigneur. Donné
„ le 9 du mois de JamadalalTany, Tan 23
„ du règne de Mouhamct-Scha". Signé pit
It Nahab.
Déclaration du Paravana. „ J'ai donné
„ en préfent, à commencer de l'an 11 50,
„ l'Aidée appellée Archipacou , qui eft fituée
,, dans les Terres d'Aydradabat, de la dé-
„ pendance de Valdaour, au très-valeureui
„ Seigneur M. Dumas, Gouverneur de Pon-
„ dichery , pour être à lui à pcipétuité;
„ conformément à l'ordre que j'en ai donné
„ fous ma fignature , ainfi qu'on le voit au
„ bas de ce Paravana ".
Déclaration de l'Ordre. „ Ecrivez ce
„ Paravana, en le dattant de l'an 1150",
Acte du Secrétaire. „ yoici la déchu
„ tion de l'ordre que nous avons reçu : En cou-
„ fidération de la bonne amitié avec laquelle
„ le très -valeureux Seigneur M. Dumas,
„ Gouverneur de Pondichery , a toujours
„ vécu avec moi , ainfi qu'il convenoit , j'ai
„ donné ordre qu'il foit fait un Paravana,
„ par lequel l'Aidée d'Archipacou lui foit
„ donnée en prefent. Sur cela , quel orin
„ vous refte-t'il à nous donner?"
Ordre du Nabab pour l'expédition & l'en-
regiftrement. „ Dreflez ce Paravana , & le
„ dattezde l'an 1150; eny fpécifjant, comr
»1M
lent
^ dans
. lîlrel-Gad
» „
^ii
des marque!
1 témoiener
, pour faire
eufe faveur,
ne defcendus
■ecevoir dans
& ks autres
près la perte
ous ont foni'
étions réfo-
e nôtre fang.
vous prouver
ignifique Sei<
jfition (?)".
ir les Lettres
ne ceiToit pas
flance. Non-
ce fentiment
D à fes Lettres
t perfonnelle*
icdsTedouva'
d le territoire
lille livres (r).
ii il
ilaflany, l'an 23
;cha". Signé pu
NA. „ J'ai donné
: de l'an 1150,
)u , qui eft fitiiéî
dabat, de la dé-
u très-valeureui
iverneur de Pon-
ui à pctpétuité;
jue j'en ai donné
qu'on le voit au
E. „ Ecrivez ce
e l'an 1150".
yoici la décku
ms repu : En con-
itié avec laquelle
2ur M, Dumas,
.Ty , a toujours
convenoit , j'ai
it un Paravana,
:hipacou lui foit
cela, quel otdn
?"
ixpédition &]'en-
Paravana , & 1«
■fpéciiiant, com-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 45
I! fe rendit enfuite à Pondichery, avec Sander-Saheb, fon beuu-frère (/).
Sur l'avis qu'on y reçut, le i de Septembre [17J0J, que es deux Prin-
ces y dévoient arriver le foir, le Gouverneur fit dreflcr une tente à la por-
te de Valdaour. Il envoya au-devant d'eux trois de fes principaux Offi-
ciers, à la tête d'une Compagnie des Pions de fa garde , avec des Danfeu-
fes & des Tamtams , qui font toujours l'ornement de ces fêtes. Le Nabab
ftant arrivé à la tente , y fut reçu par le Gouverneur même , qui s'y étoit
endu avec toute la pompe de fa dignité. II entra dans la Ville , pour fe
Irendre d'abord au Jardin de la Compagnie , où fa mère & fa fœur étoient
logées. Les deux premiers jours furent donnés, fuivant l'ufage des Mau-
jîs , aux pleurs & aux gémilfcmens. Dans la vifite que le Prince fit enfui-
lau Gouverneur, il fut reçu avec tous les honneurs dûs ^ fon rang, c'eft-
^dire , au bruit du canon , entre deux hayes de la Garnifon , qui étoit en
ataille fur la place. Après avoir pafle quelques momens dans la falle d'af-
emblée, il fouhaita d'entretenir en particulier le Gouverneur, qui le fit
itrer dans une autre chambre avec quelques Seigneurs de fa fuite , &Fran-
fco Pereyro, ce même Efpagnol (f) qu'on a déjà nommé & qui lui fer-
Ile d'Interprète. Sabder-Aly-Kan employa les termes les plus vifs & les
S affeélueux pour exprimer fa reconnoiflance , en protefEant qu'il n'ou-
sroit jamais l'important fervice qu'il avoit reçu du Gouverneur & des
mçois. Lorfqu'il fut rentré dans la falle commune, on lui offrit le be-
I; & fuivant l'ufage , à l'égard de ceux qu'on veut honorer fingulière-
lent , on lui verfa un peu d eau rofe fur la tête, & fur fes habits. Mais
' ■ . .: 'V' ,,.. • M • . de
me il refl cl-deflus, une Aidée, & cinq au-
tres Aidées de la dépendance de la premiè-
jre". Ici eft la cbappe,ou le fçeau du Nabab.
^iËnregistrement du Pabavana. „ Le 9
|l<du mois de Jamadalaflany , l'an 23 du règne
^de Mahmet-Scha, j'ai enregiftré ceParava-
jlni". Signé Cakinaviflfe.
,, Le 9 du mois de Jamadalaflany, l'an 23
^.«u règne de Mahmet-Scha, j'ai pris une
^! copie de ce Paravana, & l'ai enregiftré
S'dans le Protocole". Signé Sodefladar-Na-
*^ireI-Gadal.
L, Le 10 du mois de Jamadalaflany , l'an 23
! du règne de Mahmet-Scha, j'ai enregiftré
. ce Paravana". Signé Daftervora. ,. J'ai pris
une copie de ce Paravana , & l'ai porté
duns mon livre". Signe Canougoy.
Cette donation fut confirmée par un Fir-
■^an, c'eft-à-dire, par des Lettres Patentes du
|jrand Mogol. M. Dumas , après fon retour
jUm France, a cédé à la Compagnie des Indes
^^Tan droit fur toutes ces Terres , moyennant
le juftcs compenfations.
Nota. Moyennant vingt- cinq mille livres
le rente. R. d. E.
J (j) Voici, à la vérité, Sander-Saheb à
tPondichery; mais remarquez que cette vifite
^|>réce(b de fept ou huit mois le Siège de Triche-
ETAni-use-
ment fuan-
^oisdePox-
oiciieky.
Vifite que
ce Nahab
rend au Gou-
verneur de
Pondichery.
napaly, où l'on a dit qu'il fut fait prifonnîer
par les Marattes. Cela fe prouve par la datte
de la réception de la Lettre d'avis du Nabab
Sabder-Aly-Kan, le i de Septembre 1740. Voyez
Hift. des Indes, Part. III. pag. 342. 343.
R. d. E.
(t) Italien , fuivant le célèbre Mémoire
de M. de la Bourdonnais. On y lit auflî qu'il
avoit été Chirurgien du Nabab d'Arcatte ,
dont il étoit infiniment aimé , & pour qui , de
fon côté , Pereyro avoit toujours marqué un
attachement inviolable, iufqu'à facrifier fes
biens, qui étoient confidérables , pour lui
procurer des fecours dans la guerre dont on
vient de faire le récit. Se trouvant ruiné,
il fe réfugia dans Pondichery , où il fut con-
iîderé de tout le monde, & rerirdé comme
un illuftre malheureux, qui ne dtvoit fon in-
fortune qu'à la noblelTe de fes fcntimena.
Enfuite il fe retira dans une petite maifon de
campagne , fituée aux portes de Madras , qui
fut pillée pendant le Siège de 1746; & Pe-
reyro mourut très-vieux & très-pauvre , peu
de tems après laprife de cette Ville. Mémoi-
re pour M. de la Bourdonnais , pag. 257 & 258.
Nota. Il eft parlé de ce Pereyro dans les Re-
lations duCarnate,auTomeXm, pag. 47(1.
R.d.E.
4<5
DESCRIPTION DE LA
Btabt.tsik<
MENT Fran-
çois DE PuN-
DICHERY.
Derniers
témoignages
de la recon-
noiiTancc de
Sabdcr-Aiy-
Kan.
Le Chcvnlier
Dumas efl fuit
Nabab &
Manfoupdar.
de tous lespréfens qui lui furent oflfercs, il n^* voulut accepter que deux
petits vafes, en filigrane de vermeil; & partant fort facisfait des honneurs
& des politeflus qu'il avoit reçus, il envoya, dès !e ménle jour, au Gouver-
neur, un ferpau, avec le plus beau de les éléphans (v).
L'année fuivante, iorfque le Chevalier Dumas {x) quitta les Indes
f)our retourner en France, toute la rt^connoiflTance du Nabab parut fe raN
umer, avec le chagrin de perdre Ton Bienfaiéleur & Ton Ami. Il lui en*
voya, pour monument d'une immortelle amitié, Thabillement & l'armure
de Ton père Daouft-Aly-Kan; préfent également rirhe & honorable, dont
nous avons eu le plaifir d'admirer toutes les pièces à Paris (y).
Enfin, cette faveur fut couronnée par une autre; ce fût la dignité de
Nabab & de Manfoupdar , qui donnoit au Chevalier Dumas le commande-
ment de quatre Âzary & demi, c'efl: à-dire, de quatre mille cinq cens Ca-
valiers Mogols , dont il lui étoit libre de conferver deux mille pour fa garde,
fans être chargé de leur entretien. Elle lui vint de la Cour du Mogol,
mais
(v) Ubifuprà. pag. 342.
(*) M.Dumas avoit reçu du Roi la Croix
ie l'Ordre de Saint-Michel , avec des Lettres
«le Noblefle , qui furent confirmées en 1 742 ,
après Ton retour à Paris , dans les termes les
})lus glorieux pour fa perfonnc & pour fes
ervices.
(y) M. l'Abbé Guyon les a décrites: &
les Curieux peuvent encore s'en procurer la
vue:
I. Un fort beau turban de Macachy, à
fleurs d'or. 2. Une aigrette, formée d'une
pièce d'orfèvrerie d'or , d'environ cina à fix
pouces de long, fur deux ou trois de large,
ornée de filigranes, & de deux rangs de dia-
mans , de rubis & d'émeraudes. Derrière efl:
le bout d'une plume blanche d'autruche, &
le haut eft une véritable aigrette. 3. Un
ferpeche ou diadème. C'eft une pièce d'or-
fèvrerie d'or , en quarré long de deux pou-
ces , dont le tour efl: orné de perles : au mi-
lieu, c'eft un fort gros diamant jaune, &
au defliis pend une perle fine, en poire,
auffi grofle qu'on en pûiffe voir. Ce diadè-
me fe porte fur le front & s'attache derrière
la tête. 4. Cinq pièces de toile deMahome-
dy, & une robbe à la Maurefque, des plus
magnifiques. C'eft ce qui tenoit lieu de fer-
pau, qui donne, fuivant les idées du Pays ,
tout le mérite au préfent, quoique fouvent
il n'en falTe '"'e la moindre partie. $. Une
ceinture , d- e feul travail eft fans prix.
Elle eft tifTue , ou comme tricottée , d'un fil
d'or maflif , à cinq ou fix rangs de chaînons
au moins, mais (1 bien liés les uns dans les
autres', qu'on ne peut en appercevoir h tif-
fiire , & que l'eau ne pafleroit point au tra-
vers. Cependant elle fe plie trè»-aiiëmeQt , &
les chatnon« ne Ce nouent jamais. Sa largeur
eft d'un pouce, fur deux lignes d'épaiflcur;
mais elle eft polie dans fes quatre laces , &
auflî douce que l'émail le plus fin. Elle pefe
environ qu' tre mires. Au bout eft une agra-
fe d'or, garnie de dlamans & de rubis. 6. Un
premier Cattry , ou poignard , dont la lame
a huit pouces de long, fur deux de large. Kl.
le a la figure d'une lancette , • & n'eft pas
moi !S polie. La poignée eft d'or, enrichie
de diamans & d'émeraudes, 7. Un fécond
Catary, dont la lame eft femblable au prc.
mier; mais on peut dire que la poignée eft
d'un prix ineftimable. C'eft un morceau d'a-
gathe recourbé, l'un des plus gros & des plu»
parfaits qu'il y ait peut-être au Monde. Elle
eft damafquinée en or & en émail , légère-
ment & avec tout l'nrt polîible. 8. Deux
grands cimeterres fort recourbés, & d'une
trempe admirable , dont l'un eft à poig ée
d'or, garnie de diamans & d'éncraudcs , &
l'autre à poignée d'acier, damafquince d'or,
& ornée de mômes pierres précieufes. 9. Un
ceinturon de cuir, brodé en or. 10. Un
bouclier, garni de fix fleurs en or. ir.Un
arc, avec deux pacquets de flèches dans un
carquois. 12. Une lance , dont le fer eft
garni d'or, avec quelques lettres d'or. Ce
beau préfent étoit accompagné de trois élé-
phans & de plufieurs chevaux de main. La
Lettre de Sabder-Aly-Kan ne feit pas moins
d'honneur à fon caraâère reconnoiflànt. 11
conjure M. Dumas, „ de lui conferver éter-
„ nellement fon amitié. Pour la f itisfadlion
„ de mon cœur, dit-il, ne cefTez jamais de
„ me donner de vos liouvellet". UUJuf»
pag. 35 1 & précédente*.
que deux
i honneurs
lu Gouver-
i les Indes
irut fe raN
Il hii en-
& l'armure
•able, dont
, dignité de
commande-
iq cens Ca«
ur fa garde,
du Mogol,
mais
aïs. Sa largeur
es d'épaifTcur;
latre faces, &
fin. Elle pefe
ut eftune agra-
le rubis. 6. Un
, dont la lame
IX de large. KI«
I , • & n'efl; pas
d'or , enrichie
7. Un fécond
iblable aîi prc-
; la poignée cft
n morceau d'a-
gros & des plu»
u Monde. Elle
émail , legère-
ble. 8. Deux
irbés, & d'une
eft à poig ée
'éneraudcs, &
lafquintie d'or,
icieufes. 9. Un
or. 10. Un
en or. 11. Un
éches dans un
ont le fer eft
ttres d'or. Ce
é de trois éié-
de main. La
fait pas moins
lonnoiffant. U
conferver éter-
. la f tisfaftion
îflez jamais de
e«". UëijMt»
FRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 47
?; maïs fans doute à la recommandation du Nabab d'Arcatte. Jamais aiicun
I Européen n'avoit obtenu cet honneur dans les Indes. Outre l'éclat d'une
: diflinftion fans exemple, il en revenoit un extrême avantage à la Compa-
gnie l'rançoife , qui alloit fe trouver défendue par les Troupes de Plndouf-
tan, & par les Généraux Mogols, Collègues du Gouverneur de Pondichery.
Mais It* Chevalier Dumas , qui follicitoit depuis deux ans fon retour en
France, étoit prefqu'à la veille de fon départ. Son zèle pour les intérêts
Ide la Compagnie lui fit fentir de quelle importance il étoit de faire pafler
Ton titre a les fondions , aux Gouverneurs qui dévoient lui fuccéder. il
tourna tous Ces foins à cette entreprife; &les mêmes raifons,qui luiavoient
fiit obtenir la première grâce, diffiofèrent les Mogols à lui accorder la fe-
"tonde. Il en reçut lel-irman, qui fut expédié au nom du Grand- Vifir,
fcnéralilTime des Troupes de l'Enipire (z). En réfignant le Gouverne-
' ;nt de Pondichery , à fon Succefleur , dans le cours du mois d'Oftobre
741 , il le mit en pofleffion du titre de Nabab, & le fit reconnoître , en
Ijùalité de Manfoupdar, par les quatre mille cinq cens Cavaliers, donc le
Hpmmandement eft attaché à cette dignité {a).
"I^PN peut remarquer , avec l'Auteur dont on emprunte ce récit , que la
***tnpagnie a d'autant plus d'obligation au Chevalier Dumas, qu'il eft évi-
it que la réputation , le crédit , & la puifTance des François , aux Indes ,
luent efiTentiellement fur leur Commerce. C'efI: en partie le défaut de
fecours, qui fit tomber l'ancienne Compagnie des Indes Orientales. Elle
pofledoit que le petit fond de Pondichery , dont la Ville , ou plutôt le
Village , ne comprenoit que ce qui eft entre le petit ruiiïeau & la Mer. El-
I avoit peu de relation avec les Princes du Pays. Elle étoit continuelle-
lîent traverfée , dans fes ventes & dans fes achats , par les Hollandois &
Anglois , qui trafiquoient à perte , dans la feule vue de la ruiner. Com-
înt fe feroit-elle foûtenue? Elle fe vit forcée décéder fon Commerce à
A'srs particuliers; & dans fes derniers tems, aux Négocians de Saint-
lio, en fe réfervanc certains droits ^ qu'ils lui payèrent en vertu de fon
ivilège.
.Elle étoit réduite à cette extrémité, Jorfque M. le Régent entreprît
Irele ver le Commerce des Indes, en réuniflant toutes les Compagnies,
c'eft-
Etadltk»
M! NTl'KAtr»
çoi* nr PoK»
OICUMT.
Il obtient que
cette dignité
foit tranfnnf«
à fcs SucccC-
feurs.
Obrcrvatioh»
fur le Com-
merce des
François aui
Indes.
[(2) Ubi fuptà, pag. 355 & fuivantes.
Auteur cite les Archives de la Compagnie
Indes , cotté D. Ces Lettres Patentes font
ittées l'an 23 du règne de Mouhamet-Scha ,
de l'Egire iiS3i le 8 du mois de Fara-
rd/. Comuic la qualité de Nabab & de
anfoupdar donne ertr'autres droits celui
'avoir diH'éiens pavillons, & de fiiifc jouer
\^ timbale plufieurs fois le jour , fur un
u éminent ; on a chCHÛ pour cela la porte
Valduour , qui eft celle de Pondichery où
paflTe le plus de monde. Voyez le Plan de
te Ville.
(») Hiftoire des Ind.s anciennes & moder-
nes, Tom. III. pag. 361 & précéd.ntes.
On apprend par les deinièies nouvelles.
oue M. Dupteix, Gouverneur de Pondichery
depuis M. Dumas , vient d'augmenter encore
la gloire & le Domaine de la Compagnie.
Mouzaferzingue , qu'il a rétabli dans fes Ë-
tats , par la mort de Nazemngue , tué dans
une bataille le 16 Décembre 1750, a prié le
Gouverneur François , par reconnoilTance
pour fes fcrviccs , auxquels il doit cette vic-
toire, d'accepter le Commandement général
de la partie de fes terres , qui eft entre la Rj>
vière de Quichena & Pondichery, & lui a
donné la ForterelTe de Vadaour & fes dé-
pendances, avec un Jaguir de cent mille rou-
pies & les plus grandes marques de diftinétion.^
^ota. On palte ici fur les evénemens de dix
ans. Voyez BÔueSuppléiQentci'deilous.R^d. Et.
48
DESCRIPTION DE LA
Etadi,
MENT l'
DICiUAV
!SJE. c'eft-à-dire, celles de la Chine, des Indes Orientales, du Sénégal, & de
liuN- l'Amérique ou de l'Occident. Cette réunion fut déclarée par l'Editdu mois
de Mars 17 19. Mais comme elle ne donnoit pas les fonds néceffaires pour
. le Commerce, on créa, le 20 de Juin fuivant, pour vingt-cinq millions de
nouvelles allions, de quinze cens livres chacune, à dix pour cent d'inté»
rét; de même nature que celles qu'on avoit déjà créées pour cent millions,
au mois d'Août 1717, & qui compolbient le fond de la Compagnie d'Occi-
dent , celle qui étoit alors la plus puiiTante. Malgré cette augmentation
de fond, le Commerce de la Compagnie des Indes ne cefla pomt de lan-
guir pendant plufieurs années; foit à caufe des dettes immcnies dont celle
d'Orient s'étoit trouvée chargée dans le Royaume &aux Indes, où elle avoit
emprunté à des intérêts énormes, auflfi long-tems que fon crédic avoit du*
ré; foit parcequ'elle n'avoit plus de Vaifleaux en état de faire voile; foie
enfin parcequ'elle ne tiroit aucun avantage de fes EtablifTemens de TIHe de
Bourbon & de celle de France ; ce qui obligea même de fupprimer leConfeil
fouverain de Surate.
Dans ces circonftances , il fe préfenta une reflburce dont l'éclat fit tout
^ efpérer ; mais qui femblable à un éclair , n'en eut que le brillant & la rapi-
dité. On parle du fatal fyftéme de 1720, où toute la France s'emprefla de
' courir à fa ruine par une route chimérique. Alors , la nouvelle Compagnie,
enrichie, pour quelques momens, d'une partie des dépouilles du Royaume,
envoya aux Indes trois VailTeaux richement chargés , non-feulement de mar-
chandifes du Royaume, mais encore d'efpèccs d'or ôr d'argent. Les Di-
refteurs de Pondichery , ignorant ce qui fe paflbit en France , furent extrê-
mement furpris , après un fi grand affoibliflement du Commerce, de rece-
voir tout d'un coup des fommes immenfes en écus & en louis; ce qui étoic
fans exemple & qui n'efl: point arrivé depuis. Mais ces belles efpérances
de rétabliUement s'évanouirent prefqu'auUi-tôt qu'elles s'étoient annoncées.
La plus grande partie de l'argent qu on reçut aux Indes , fut employée à
payer les dettes prefTantes que l'ancienne Compagnie avoit contraftées à
Surate, à Camboye, au Bengale & dans d'autres lieux. Les nouveaux Di-
refteurs reçurent une fort raauvaife cargaifon , pour les prodigieufes fem-
mes qu'ils avoienc envoyées.
La reflburce du fyftéme ayant difparu , & les billets que la Compagnie
avoit en abondance ayant été totalement fupprimés, avant la fin de 1720,
elle fe trouva fans fond pour continuer fes envois aux Indes. Ainfi, en
1721, & 1722, elle ne fit partir aucun Vaiffeau; ce qui nous attira les
railleries & les infultes de toutes les Nations, & jetta les Officiers de la
Compagnie dans une fituation d'aur-.nt plus trifte, qu'ils fe voyoient fans
effets, fans argent, & fans crédit. La Compagnie fit des efforts; & le
Roi lui procura des facilités qui la relevèrent infenfiblement , mais avec
lenteur. En 1723, elle équipa deux Vaifleaux, qui fervirent plus à faire
fubfifter fes Officiers & à payer leurs dettes, anciennes & nouvelles, qu'à
l'enrichir par le retour. Mais depuis 1724 jufqu'en 1726, elle en fit par-
tir trois ou quatre chaque année , qui commencèrent à la rétablir. Pendant
les années fuivantes , fes progrès ne firent qu'augmenter , fur-tout depuis
1737, fous radminifl;ration de M. Orry [<& de Fulvy] , pendant une partie
de
ffal , & de
dit du mois
Paires puur
millions de
ent d'inté-
it millions,
;nie d'Occi-
gmentation
)inc de lan*
\ donc celle
>ù elle avoit
it avoit du*
voile; Toit
I de riOe de
erieConfeil
éclat fit tout
t & la rupi-
'emprefla de
Compagnie,
u Royaume,
tient de mar-
nt. Les Di«
furent extrê-
:e, de rece-
ce qui étoic
s efpérances
t annoncées.
employée à
ontraftées à
louveaux Di-
jieufes fom-
Compagnie
fin de 1720,
Ainfi, en
us attira les
officiers de la
oyoient fans
fforts ; & le
, mais avec
plus à faire
uvelles, qu'à
le en fit par-
ir. Pendant
tout depuis
,nt une partie
de
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 49
de laquelle perfonne n'ignore que le Commerce s'eft accru du triple ; & le ETAiLtMi.
même Auteur rend cet accroiflement fenfible, par un état des Vaiflcaux qui "■'•'^ j*'"*""
font partis de Pondich^'-v , & par le prix de leur cargaifon, depuis 1727
lufquen 1741. Il fautobferver qu'il part, tous les ans, autant de Vail-
Jeaux du Bengale que de Pondichcry ; & par conféquent , qu'il faut doubler
Je nombre de ceux qui font dans cette lilte.
i
ÇOtl 01 VOM'
DTrMRKY.
é En 1727, Oaobre, &1728, Janvier ^ fur trois Vaifleaux, pour 24S265
fjNgodes de marchandifes (^).
'\ En 172% t Septembre, & 1729, Janvier, fur trois Vaifleaux, pour 210032
Pagodes (c).
vEn 1729, Septembre, & 1730, Janvier, fur trois Vaifleaux, pour 248083
"^çodes.
!^N 1730, OEtobre, & 1731 , Janvier, fur quatre Vaifleaux, pour 600711
;odes.
LN 1731, O&iibre, & 17 z'^, Janvier, fur quatre Vaifleaux, pour 302006
rodes.
tN 17^%, Septembre, & 1733, yflwvw, fur quatre Vaifleaux, pour 260640
^des.
^733» Septembre, & 1734, Février, fur quatre Vaifl*eaux, pour 392987
jdes.
^N 17 3^, Septembre, & 1735, Janvier, fui quatre Vaifleaux, pour 375341
^odes.
ï-N 1735» Septembre, & 1736, Janvier, fur trois VaiflTeaux, pour 223484
codes.
iw 1736, Octobre, & 1737, Janvier, fur cinq Vaifl'eaux, pour 351691
iodes.
iî.N 1737, OEiobre, & 1738, Janvier, fur cinq Vaifl'eaux, pour 522315
iodes.
'N 1738, octobre , & 1739, Janvier, fur cinq Vaifl'eaux , pour 5861^6
odes.
1739, OStobre, & 1740, Janvier, fur quatre Vaifleaux, pour 48573a
ies.
1740, octobre, & 1741, Janvier, fur quatre Vaifl'eaux, pour 555643
jdes.
Dn 1741, octobre, & 1742, Janvier, fur fept Vaifleaux, pour 954376
^odes.
^A vente qui fe fit au Port de l'Orient , dans le cours de cette dernière
fiée, montoicà vingt-quatre millions de marchandifes , qu'on laifla ex*
ïs dans les Magafms , pour n'en pas jetter dans le Commerce une trop
Mide quantité, qui les auroit avilies. Les deux premiers VaiflTeaux, qui
livèrent en 1743 , étoient chargés chacun de la valeur de huit cens mille
'ïpies, c'efl-à-dire, d'environ deux millions d'achat de marchandifes. On
: poufle pas plus loin cette énumération , pour ne pas toucher à des tems
plus
Jt) Les Pagodes , mifes en fomme , font le Ce) L'Auteur ne met que 20032 Pagodes ;
p que les cargaiibns ont coûté. Une Page- mais il y a fans doute erreur, la fomme nepa-
ivaut environ neuf livres de nôtre aïonnoye. roiflànt pas aÎB» coaûdérable. R. d. &
JC/r. Par^ G
y»
DESCRIPTION DE LA
Etablisse-
ment Fran-
çois DE PoN-
* DICIIERY.
plus fâcheux , qui ne font pas encore aflez éloignés pour être rappelle's avec
la liberté qui convient à l'Hiftoire; quoiqu'il n'en relie heureufement que le
fouvenir.
Les affaires de la Compagnie ayant repris le cours que la dernière guer-
re avoit interrompu, il eftaifé de conclure quelle eft: aftuellement l'éten-
due de fon Commerce & la folidité de fes Aaions. L'Auteur en apporte
les preuves , qui regardoient à la vérité le tems auquel il écrivoit ; mais une
fage adminiftration nous remettant dans le même point de vue, il paroît
qu'elles ont aujourd'hui la même force , & qu'elles peuvent faire la conclu-
fion de cet Article.
De 56000 Aftions auxquelles le Roi fixa la Compagnie en 1723 , qui for-
moient un fond de cent douze piillions , & huit millions quatre cens mille
livres de dividendes, elle en a retiré 5000, qui ont été annullées & brû-
lées publiquement par Arrêt en 1725. Les dividendes des 51000 Aftions
reliantes , font payées par huit millions , que les Fermiers Généraux rendent
tous les ans à la Compagnie pour la Ferme du tabac, dont le privilège eX'
clufif, perpétuel & irrévocable, lui a été accordé fpécialement pour cette
dellination, en 1723 & 1725; & par le caftordii Canada. Ainii loin d'ê-
tre embarraflee de l'acquit de fes dividendes , elle en trouve le fond fixe
& certain dans celui même des Fermes Générales, auquel perfonne ne peut
refufer fa confiance. Le Commerce des Indes devient donc un furcroit ai
fureté, dont le profit demeure en-mafle, & forme un accroiflement de
fonds qui s'employent à l'augmentation annuelle des cargaifons , pour aflii-
rer celui des Aélions ; à-peu-près comme un Négociant met fucceiîivement
fes profits dans le Commerce.
QU01Q.UE le premier fond de l'Aélion, qui n'étoit que de quinze cens
livres , doive être payé fur le pied de dix pour cent d'intérêt , ce qui n'a '
point d'autre exemple licite dan? !e Commerce & dans l'Etat, les Aftion- *
naires ont encore l'efpérance & le droit de participer à l'excédent que la
Compagnie tirera de fon Commerce (rf). Si, jufqu'à préfent, il ne leur
en eft rien revenu, on leur apprend que fon Commerce a langui long- tems;
qu'elle a reparé le naufrage de quelques gros Bâtimens , acquitté fes ancien-
nes dettes , payé les rentes viagères dont elle efl chargée & qui ne s'étei-
gnent que lentement , relevé fes Etabliflemens , qui étoient en fort mauvais
état, achevé de conftruire & d'équiper des Vaifleaux, racheté des Loges
& des Comptoirs , bâti des Magafms , employé plus de quinze millions i
la Louifiane , formé le fuperbe Port de l'Orient avec toutes fes dépendan-
ces; en un mot, qu'elle a fait des fraix immenfes pour fon Commerce, h
Marine , fes Troupes & Fortifications. Mais l'Auteur eil autorifé,
dit-il (c), à déclarer, qu'auffi-tôt que ces dépenfes feront finies, & que
les fonds feront parvenus au point qu'elle fe propofe , elle augmentera le
revenu des dividendes , en y ajoutant chaque année l'excédent de fon bé- '
•I
.i.y- l'j-.i
:à „.ir;, J 1 :.A-
néfice,
(d) Ceft ce que porte la Déclaration de
.168s.
( ff ) M. l'Abbt^ Guyoti avoit apparemment
•çttte commiifion de la Compagnie, qui lui
avoit accordé la communication de fes Ar-
chives , & tous les Mémoires fur lefquels fon
récit & fes réflexions font fondés.
fous le
flaires,
Vi-a Cor
fitti moi
l'admir
Ufoicn
lend<
n'ef
V* COI
lit odiet
^lepl
^f*r, toi
Ifitaffo
Mi, &
. (Oïl
'iM. Dup
ppèllés avec
iment que le
rnière guer-
ment l'éten-
en apporte '
Lt ; mais une
ie, il paroît
re la conclu-
23 , qui for-
re cens mille
liées & brfi-
1000 Aélions
faux rendeni
privilège eX-
Ht pour cette
^inli loin d'é-
le fond fixe
bnne ne peut
in furcroit de
roiflement de
is, pour aflu-
icceilivement
£ quinze cens
t, ce qui n'a
; , les Aélion- '
édent que la
nt, il ne leur
ni long-tems;
té fes ancien-
qui ne s'étei-
fort mauvais
té des Loges
ze millions à
es dépendan-
bmmerce , fa
eft autorifé,
mies, & que
ugmentera le
nt de fon bé-
néfice,
ation de fesAr-
i fur lefquels fou
>ndés.
PRESQO'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. St
.léfice , dont le fond appartient réellement aux Aâionnairei : d'où il croit
[pouvoir conditre qu'il eft ihdifférent , pour les Aâionnaires, que les Aftions
Imontent ou baiflent, puifque ce caprice du public ne change rien à la foli-
fidité du fond , ni au payement des dividendes.
' Il y auroit donc de l'injuftice à s'imaginer que le Roi fafle le Commerce
fous le nom de la Compagnie; qu'il donne une partie du profit aux Aftion-
^liaires, & que le refte paife dans fes coffres ou dans ceux des Direéleurs.
'i^Ca Compagnie des Indes n'eft que la Société de ceux qui ont contribué plus
rim moins à l'établiflement de fcn Commefce , fous la proteélion du Roi &
l<adminiftration d'un nombre connu d'Officiers. De quel côté fes Aftions
ioroient-elles donc expofées à quelque danger? Ce n'eft pas de celui des dî-
Rendes, dont le payement eft fondé fur I produit de la Ferme du tabac.
n'eft pas du côté du Roi, qui n'ira pas envahir k patrimoine des A6tionnai-
JTJ, comme il s'exprime dans l'Edit de 1725; qui a prévenu lui-même cet-
#r odieufe crainte, par fes Déclarations; qui eu d'ailleurs intérefle à foûte-
Jifar le plus grand Commerce de fon Royaume, fans lequel il faudroit por-
plHr, tous les ans, plus de douzj millions à l'Etranger; <& plus encore à ne
|>|fkafîoibUr un fond de cent millions, qui circule continuellement dans l'E-
•"^j & qui équivaut à une même fomme d'argent. Enfin la chute des Ac-
is , ne peut venir du côté des Etrangers , ou de la pofition des François
k Indes, plus avantageufe qu'on ne T'auroit jamais efpérée, puifqu'ils y
liflent d'une conadération particulière, dans l'alliance & l'amitié du Mo-
^1 & des Princes Indiens (/). a
(/) Ubi fuprà. pag. 378 & précédentes. L'Auteur finit j^n'm Mémoire cuxieux fut l'orir
le, la culture & le commerce du caIFé.
S- H.
^^[^Dcrnières Guerres de Vlnde, m Continuation des Troubles ^ depuis ly^i.
^.îj^ . Supplément.
ï le feul motif de plaire à fa Nation, eût dîngé M, Prevoft, dans le
I récit des derniers '['roubles de l'Iiide, jamais il ne pouvoic le 'terminer
\x un endroit plus glorieux pour elie , que celui des diftinàions qui furent
r prix de fa générofité en faveur de la fimille infortunée du Nabab d'Ar-
liitte ; La fuite de cette Hiftoire ne lui auroit peut-être pas fourni des dé-
ils aulTi incéreflans du côté des fentimens.
A peine Sabder-Aly-Kan eût - il rendu les derniers témoignages de fa re-
]^nnoiflance au Chevalier Dumas, qui étoit fur le point de retourner en
france (a), que ce nouveau Nabab d'Arcatte vint à Madras, pour fe
Illettré fous la protedion des Anglois, avec tous fes trefors, qui étoient
^es plus confidérables. Sa mère, fa femme & quelques autres perfonnes
|e fa famille, y arrivèrent le 2 d'Oftobre, au bruit de l' Artillerie des rem-
'tvȎ.: parts
A iil'X}^ f"''*- ^"^ "^°^^ >'.'Oaobre I74X , après avoir rcrni* k Gouvernement de Pondichery
G 2 * . ■
mentFraw-
çoisdePon-
DXCIIERV.
DERNlfeRES
GUEHKES ni
l'Inde.
Supplément.
Introdudion.
Sabcicr-AIy-
Kan f(; met
fous la pro-
teélion des
Anglois de
Madras.
I»
DESCRIPTION DE LA
DCBNifcRM
guerrbs ob
l'Indb.
SorPLBMSNT.
I74I.
Caraftère de
Clwin-Baha-
thir, defigné
Nabab d'Ar-
catte.
1742.
Sabder-Aly-
Kan efl:
aflaflîné par
fon beau-
frère.
parts de la Ville. Le Nabab les fuivit lur-mêtne le lendemain , accompagncf
d'un nombreux cortège. Toutes les rues de la Ville-Noire & les Fauxbourgs
étoient remplis de chameaux & d'éléphans , dont la marche n'avoit pas oc>
cafionné le moindre defordre. Les Anglois n'oublièrent rien pour relever
l'éclat d'une vifite qui flattoit leurs efpérances , & le Nabab repartit quinze
jours après, extrêmement fatisfait de leurs attentions.
Les MinHonnaires Danois, fans entrer dans les raifons politiques de cet-
te vifite, qui doit paroitre aflez extraordinaire (6), fe contentent d'ob*
ferver, que beaucoup d'autres Maures de diftinftion avoient choifi Pondi.
chery pour leur afile. De la famille du Nabab, ils nomment feulement fa
fœur, femme de Sander-Saheb (c), avec fa fille, mariée à Chatn-Bahadur ^
defigné Nabab d'Arcatte, du vivant même de Daouft-Aly-Kan, tué dans
la bataille contre les Marattes. Ce jeune Seigneur , qui n'avoit que l'âge
de vingt-deux ans, étoit entièrement livré à Tétude, & fans ambition, il
foufFroit volontiers qu'un autre gouvernât à fa place. Son zèle pour le
culte de Mahomet, ne l'empêchoic point de s'inftruire des principes de la
Foi Chrétienne. Le Miffionnaire Sckultz, qui fe trou voit alors à Ma-
dras, ayant appris qu'il faifoit copiera fes fraix, les quatre Evangeliftes,
en Langue Perlane, lui envoya à Meliapur, ou Saint- Thomé, un Nouveau-
Teftament Arabe, qu'il reçut fort gracieufement , & promit ^une vifite au
Miffionnaire. Il vint en effet le voir, le 15 Décembre de cette année.
Leur entretien ne roula que fur la Théologie. Outre rindoufl:an , qui étoit
fa langue maternelle, il parloit le Perfan oc f Arabe , mais fort lentement,
&. avec la gravité ordinaire aux Maures. Il étoit Perfan d'origine, & auffi
Wanc qu'un Européen. Trois mois après, M. Schultz eut encore occafion
de le faluer deux fois, & de lui préfenter un exemplaire de la Réfutation de
l'Alcoran , qu'il voulut bien lire d'un bout à l'autre. De retour à Pondiche-
ry , Cham-Bahadur écrivit au Millionnaire, une Lettre pleine de témoigna-
ges d'amitié & de bienveillance.
Av mois de May 1742, Sabder-Aly-Kan fit une féconde vifite aux An-
glois de Madras , qui s'empreflerent de lui rendre les mêmes honneurs que
la première fois. Le 16 d'Oftobre, on reçut avis d'Arcatte, que ce Na-
bab avoit été maflacré, deux jours auparavant, par fon beau-frère, que le»
Miffionnaires Danois de Macfras ne nomment pas. Ceux de Tranquebar
difent feulement qu'il fut tué par fes propres gens. Suivant M. Green , ou
l'Auteur qu'il cite, ce fut par Muley Aly-Kariy Nabab de Velour, & cela,
comme il le fuppofe, en faveur de Chinda^ ou Chuenda-Saheb , fon beau-
frère, qui obtint depuis le Gouvernement d'Arcatte (rf). Quoiqu'il ea
foit,
( 6 ) Il etl vrai que le Confeil dé Pondîche-
fy avoue, dans fa Lettre du ler. Oftobre 1741,
,, que le Nabab Sabder-i\ly-Kan , n'avoit ni
„ argent, ni troupes, ni autorité pour fe
„ faire refpefter & obéïr , chacun aes Sei-
„ gneurs Maures tranchant du Souverain
„ dans fa Forterefle , ou dans fes Terres ".
Le Nabab étoit apparemment réduit à cher-
cher chez les Anglois, ce qu'il ne pouvoit
trouver auprès des François,
(c) On a vu dans la féconde Lettre de
M. Dumas au Général des Marattes , que la
femme de Sander-Saheb étoit reliée à Fon-
dichery, tandis que fa mère & fon frère ar
voient repris le chemin d'Arcatte. Ces deux
Dames fe trouvoient à Madras , lorfque lêi
François eh firent le Siège, en 1746.
{d) Explication de la Carte du Tbeatre dtl*
Guerre &ç. pag. 2j.
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1, tué dans
it que rage
ambition, il
'à\q pour le
icipes de la
lors à Ma-
Ivangeliftes,
in Nouveau-
ine vifite au
cette année,
ui , qui étoit
; lentement ,
;ine, &auffi
x)re occafion
:efutation de
à Pondiche-
ie témoigna-
[ite aux An-
onneurs que
que ce Na-
cre, que les
Iranquebar
.Green, ou
ur, & cela,
fon beau-
Quoiqu'il en
foit,
ide Lettre de
axattes , que la
reliée à Pon-
& fon frère a-;
tte. Ces deux
s, lorfque Ièi
1746.
iuTbeatredil*
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 53
)it, il eft important de remarquer, que ce Chuenda, qui femble offrir ici
1 nouveau pcrfonnage fur lafcène, eft le même que Sander-Saheb (e),
je les Miflionnaires Danois font revenir, quelques années après, avec les
barattes; Mais il étoit alors leur prifonnier, & abfent du Pays: Ainli
Ipmme Sander-Saheb ne parvint au Gouvernement d'Arcatte, qu'en 1751 ,
fl eft plus apparw-nt, que Muley - Aly - Kan , délivré d'un de fes beaux-
' res, voulut.auifi fe défaire de l'autre, pour s'établir fur leurs ruines (/).
n'eft pas qu'il n'y eût probablement de la mésintelligence entre la fa-
lie de Sander-Saheb, & Sabder-Aly-Kan fon beau-frère (g), puifque le
îmier fût toujours protégé dans la fuite, par les François, & que le der-
nier s'étoit tourné du côté des Anglois, qui regrettèrent vivement fa per-
tÀdh). S'il eût vécu , ils auroient pu s'en promettre de grands avantages ;
l^oitdoux, affable» bienfaifant, & la générofité formoit fon 'principal
liî^A mort parut ranimer les troubles & rappeller les Marattcs. Les Mo-
g(^ fe mirent aulfi-tôt en mouvement pour appaifer les uns & reprimer les
atélKs (i). Après avoir établi un nouveau Nabab d'Arcatte , nommé,
]fyfi^a-/ibdula-Kany iU marchèrent contre Tirichinapaly , qui étoit enco-
féciiî pouvoir des Marattes. La Garnifon fe défendit avec be^.ucoup d'o-
treté , dans l'efpérance de recevoir de puiiTans fecours , qu'on lui avoic
ïis pour faire lever le Siège ; Mais ennn elle fut obligée de capituler ,
>ut de quelques mois , & de rendre la Ville. Les Mogols y laiiFèrent une
le Garnifon, & le gros de l'Armée reprit la route du Nord pour aller à la
pontre des Marattes , qui s'étclent de nouveau répandus dans le Pays.
Jurant tout le tems que les Marattes étoient reftés les maîtres de
(chinapaly, ils avoient été prefque continuellement aux prifes avec les
ipes du Roi de Tanjour, à qui le Prince des Marattes avoit permis de
Ittaquer, & même de s'emparer de la Forterefle , parceque le Gouver-
refufoit d'obéïr à fes ordres , & que fes Troupes commettoient toutes
PSÈês d'excès dans le Pays. Ces hoftilités avoient obligé le Roi de Tan-
|i>ui^^e fe retirer de devant Negapatnam , dont il voulut faire le Siège en
--'■— à l'occafion d'un mur que les Hollandois avoienr conftruit autour de
le. ils firent aulli quelques forties vigoureufes dans leiquelles les
jpcs de Tanjour eurent toujours du pire.
EUX ans après, ce Prince fe voyant délivré des Marattes & des Mau*-
attaqua les François de Karical, qui avoient refufé de lui payer une
fom.»
que dans le Firmaii dfe l'Empereur Mogol,
qu'il rapporte, il foit nommé le deffuntSade-
TouUa-Kan , ci-devant Divan (^ Faujfedar de
Cnrnate.
( 0 L'Armée Mogole étoit fous le Com-
mandement de Nijan-Sfabibu , fîl»de Ciriliscb ,
Cirneiis , Cigliscb , ou Kiriliscb-Cban , le ma-
rne que Nilam-ul-Muliv , dont il eft fouvcnt
fait mention ci-deffus. Gazi-Eddin-Kan étoit.
le nom de fon âls, fuivantM. Ottcr &d'aUo
très.
DEKKikrv7.s
L'I^DB.
Supplément.
1742.
Non-feulement les Miflionnaires Da-
e difent : mais le Mémoire de M. de la
'muais lui. donne aufll ces deux noms,
leurs peu difFérens entr'eux.
") L'Auteur du Genuine Account , &c. a-
, qu'il égorgea de même le fils de Sab-
dans la rue d'Arcatte.
) C'eft ce que les détails précédens in-
nt afTez. D'ailleurs tous ces Seigneurs
es étoient divifés entr'eux.
) 11 cil étonnant que l'Abbé Guyon ne
pas le.mot de la mort de ce Nabab; quoi-
^ 1743'
Nouvciiu
Nabab d'Ar-
catte.
Prife de
Tirichinapaly.
par les Mo-
gols.
Guerres du
Roi de Tan-
jour avec les
Marattes &
les Hollan-
dois.
Il attaque
les François
deKarical.
54
M
DESCRIPTION DE LA
Dernières
GunRBKS DE
l'Indr.
SuiU'I.EMIiNT.
1744. *
M
poiiJ
lllUtJ
igalin à
ïc qui
en l'air.
1745-
Nuavdlcs
jnriirlions dos
Ncutralitii
fiitaL' aux
i'nnçois.
Pfifes que
les An^lois
fo:it fur eux.
. -* • • ■ rr
1745.
Armement
de M. de la
Bourdonnais
ixa Ilks.
fomme d'argent qu'on exigeoit d'eux, outre le tribut ordinaire. Ses Trou,
pes pillèrent la Ville, & quelques Villages de fa dépendance. Comme le
Foit étoic trop éloigné du côté de la Mer , les François prirent porte danj
une grande Pagode &y drelîerent quelques liatteries, dont ils fe fervirent
avec tant de ruccès,qu'à une nouvelle attaque, les Troupes de Tanjourfe
retirèrent en defordre. Ce (ju'il y eût de plus malheureux , c'eft que dant
le méme-tems un Magafin à poudre , où les François faifoi^nt emplir des
grenades, fauta en Tair, avec un" fracas épouvantable. Le Commandant,
un Capitaine de la Milice, & quelques Soldats Européens y perdirent mife.
rablement la vie. LEpoufe du Commandant eut le même lort ; mais fon en-
fant fut confervé d'une manière rairaculeufe. En ôtant les ruines, on le
trouva vivant, &. le ris à la bouche, entre deux pans de muraille qui s'é-
toient appuyés par le haut en tombant. Les pierres qui voloient de touta
parts hors du Fort , bleflerent quantité de monde , & caufèrent un dommj.
ge confidérabie dans la Ville. Le coup fut fi violent que toutes les mi-
ions de Tranquebar en furent ébranlées.
L' AN N É E lui van te , les Marattes firent d^ nouveaux efforts pour repra
dre Tirichinapaly fur les Maures. Un Détachement de leur Armée tomba,
au mois de Mars, dans les Etats de Tanjour, dont il ravagea quelque!
Places. Peu de jours après, un autre Corps s'avança le long du Coloran
jufqu'à Taiijour , pillant & faccageant tout ce qui fe trouvoit fur fa route
Mais le Roi ayant rappelle fa Cavalerie, qui failbic la Guerre au Tondawai
Prétendant du Marava, mit i^s Etats à couvert de ces incurfîons. L'Arme;
des Marattes fe retira dans leMailfour, à l'approche desMogols.
La guerre qui fu*- déclarée, en 1744, entre la France & fAngleterre,
laiflbit encore la Compagnie de France dans l'illufion , que la neutralité fe
roit obfervée aux Indes , contre toute vraifemblance , lorfqu'après beau-
coup de négociations entre M. Dupleix & les Gouverneurs des EtablilTc
mens Anglois , le Confeil de Madras , n'ayant pu promettre la neutralis
xiw'autmt qu'il étoit en lui , fans vouloir fe rendre refponfable du fait des Vall
féaux du Roi d'Angleterre, les François reconnurent, mais trop tard, qui
étoient les dupes de ce demi Traité. En effet , tous leurs Vaiffeaux Maschan.
fe trouvèrent par-là expofés à être pris par les Vaifleaux de guerre Anglois
qui n'entroient point dans la neutralité, pendant que tous les Vailfeaii
Marchands Anglois étoient en fureté de la part de ceux de la Compagri;
Françoife , les feuls que cette Nation eut dans l'Inde. Auiîi en perdit-el
d'abord plufieurs en très-peu de tems.
Ce fut dans ces circonflances fatales, que M. de la Bourdonnait ^ Go'
verneur Général des Illes de France & de Bourbon , reçut au commence
ment de l'^mnée fuivante , des Lettres de M. M. du Confeil de Pondicher
qui l'appelloient à leur fecours , pour arrêter les entreprifes des Fnnemii
Cinq ou lix Vaiffeaux, qu'il s'agiffoit d'armer, dans un lieu où l'on manquai
prefque de tout, ne caufèrent pas peu d'embarras au Sr. de la Bourdonnai!
Cependant à force de foins, de mouvemens & d'induflrie, il fut alfezhet
reux pour voir, au mois de May, fon Efcadre prête à recevoir des ordres
Elle étoit fur le point de mettre à la voile, quand, le 28 "Juillet, on lej^
avis de France , que cinq Vaiffeaux de guerre dévoient arriver aux Hl^'
{I ■
^Én Sept<
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Comme le
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2 Tanjourfe
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; mais fon en-
ruines , on le
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lUtes les mi.-
s pour reprcii-
Vrmée tomba,
igea quelque!
g du Colorait
[ fur fa route
au Tondmm.
ins. L'Armc;
3ls.
: l'Angleterre,
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ju'après beaa-
des Etabliiîe
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rop tard , qu i
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uerre Angiois
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en perdit-tl
\r donnait^ Goî
au coramena
de Pondicher
des Knnemii
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a Bourdonnai!
il fut aflezhet
TOir des ordrei
uillet,on reçc
iver aux 1^^'
(1
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. SS
Septembre. Mais malheureufement ces Valfleaux ne parurent qu'en
jnvier 1746; & ce retardement çroduifit de nouveaux inconveniens , qui
donnèrent encore beaucoup de peines & d'inquiétudes au Sr. de la Bour-
vjlonnais. Son induftrie & fon aftivité vinrent néanmoins à bout de faire
ikecuter à propos ce qui fembloit inipoflîblc à tout le monde.
*; Enfin M. de la Bourdonnais ne hit pas plutôt arrivé , le 6 de Juillet,
Côte de Coromandel , qu'on apperçut les Angiois, qui ayant l'avanta-
du vent , venoient à toutes voiles fur l'Efcadre. Elle fe mit en ligne
ir les attendre. A quatre heures & demie ils engagèrent le combat.
iiéur Efcadre étoit compofée d'un Navire de foixante-quatre canons, deux
, de^cinquante-fix , un de cinquante, un de quarante , & une Frégate de
viifet. Le Sr. de la Bourdonnais avoit dans la ficnne un Vaiflcau de ibixan-
anons , un de trente-fix, trois de trente-quatre, un de trente, deux
vingt-huit , & un de vingt-fix. Les Vailieaux Angiois étoient tous
is de canons de vingt-quatre livres de balle. Un feul Vaifleau Fran-
en avoit du dix-huit , haut & bas ; les autres n'avoient que du douze
huit. Comme fur Mer la fupériorité de TArtillerie décide de tout ,
tflÉides Vaiffeaux François furent d'abord mis hors de combat. Pour lors
iéf,#iglois, qui avoient forcé de voiles, auroient ccrafé le feul qui reftoit à
Kgarde , fi le Sr. de la Bourdonnais ne l'eut devancé ; Dans ce moment
imbat devint plus férieux que jamais; le Vaifleau du Sr. de la Bour*
Jais effuya, pendant un quart-d'heurc, tout le feu des Ennemis. Enfin
ités de la refiftance des François , à fept^heures & demie ils fe retirè-
& quoique le lendemain le vent n'eut pas changé . ils ne jugèrent
[à propos de recommencer le combat.
ÏE fut avec un extrême regret que le Sr. de la Bourdonnais vit les An-
lui échapper, parceque les Equipages François étant les plus forts,
ipromettoit un avantage décifif, s'ils avoient pu en venir à l'abordage,
grand but étoit de commencer par détruire l'Efcadre Angloife, &pour
^ un coup fi important, il avoit réfolu d'attendre le moment favorable
aiÉi^longtems qu'il lui feroit poffîble; Mais les Angiois ayant l'avantage
dfti^nt & de la marée, & d'un autre côté l'Efcadre Françoife fe trouvant
"^^■^irivres , avec beaucoup de malades & de gros fonds, qu'il falloit re-
re à terre, il fut contraint de renoncer à la pourfuite des Angiois &
imener fes Vaiffeaux à Pondichery, où il arriva deux jours après.
,ES chagrins qu'il eut. à elfuyer, de la part du Confeil de cette Ville,
ifpofèrent généralement tous les Officiers de l'ICfcadre, & leurs mécon-
temens forent portés au point de faire craindre qu'il n'arrivât quelque
le fâcheufe entre les Troupes des Ifles & la Garnifon de Pondichery;
lis M. de la Bourdonnais, occupé d'objets plus importans que ceux des
jpgs & des prérogatives , crut devoir tenter l'expédition de Madras , dont
'Ivoit formé le projet dès 1740. Comme cette entreprife, de l'aveu même
Dupleix, ne pouvoit fe faire qu'après la ruine ou la déroute de l'Ef-
|re Angloife, il n'y avoit point d'autre parti à prendre que d'aller chercher
Icadre ennemie pour la combattre. M. de la Bonirdonnais mit à la voile
Ir^Aout, fans avoir toute l'Artillerie dont il avoit befoin, ni la moitié de»
iltonitions de guerre qui lui étoient nécelîaires. D'ailleurs on lui avoit
*• fourni
Guerres ue *
l'Inde.
St'PPLLMENT.
I74<5'
Combat r.a-
v;i.l entre Ls
Angiois & les
Fiançois.
L'Efcadr-
Fiançoife
mouille à
Pondichery.
Prdpnrr.tifs
pour une ex-
pédition con-
tre Madras.
> ,
5<5
DESCRIPTION DE LA
DenNiàcEs
* Guerres du
l'Inde. -
SurPLEMENT.
1746.
fourni de fi mauvaife eau , à Pondichery , qu'elle donna le flux de fang à
Tes liquipages. Le Sr. de la Bourdonnais tomba lui-même malade; ce qui
ne l'empêcha pas de continuer fa courfe , réfolu de faire tout ce t^ui dépen.
droit de lui pour achever, dans un combat décilif, la ruine de l'Ëicadre An*
gloife. Les vents lui furent fi contraires, qu'il employa treize jours à
gagner Negapatnam. Il y étoit occupé à négocier avec les Hollandois , pour
le faire rendre une prife Françoife , qu'ils avoient achetée des Anglois , lorf.
qu'il fut averti qu il paroiflbit ûx Vaifleaux au vent de cette Ville. II
monta auffi-tôt fur une découverte d'où il reconnut l'Efcadre Angloife.
Dans l'inftant il courut à fon VaiiTeau , & trouva toute fon Efcadre prête
à lever l'ancre, après avoir arboré pavillon Hollandois pour attirer les En-
nemis. Un moment après tous fes VailFeaux furent fous voile & en ligne,
& firent route pour joindre les Anglois ; mais ceux-ci n'étant pas les du-
pes du changement de pavillon, profilèrent de l'avantage du vent & s'é-
loignèrent à toutes voiles. M. de la Bourdonnais les pourfuivit pendant
lerefte de la journée, & comme on eft obligé', dans cette Mer, de mouil-
ler la nuit, pour attendre les vents de terre, il comptoit , le lendemain,
de les furprendre à l'ancre; mais ils coupèrent leurs cables. M. de la Bour-
donnais les pourfuivit encore, & devança fon Efcadre de deux lieues; Il
alloit attaquer feul, quand touc-à coup le vent changea & devint favorableà
l'Ennemi , qu'il perdit bien-tôt de vue.
D E retour à Pondichery , M. de la Bourdonnais fe concerta avec M.
Dupleix fur ce qui reftoit à faire. Ils convinrent que le projet d'aller par
terre aflîéger Madras , wtoit d'une exécution trop difficile, par la fatigue
que donneroit. aux Troupes une marche de trente lieues dans des fables
brûîans. D'un autre côté , en conduifant l'Efcadre à Madras , on rifquoit de
tout perdre, parceque les Vaifleaux Anglois pouvoient tomber deflus,
pendant que la moitié des Troupes feroient occupées à faire le Siège par
terre. En un mot , les mêmes raifons qui avoient fait reconnoitre au Sr.
Dupleix lui - même , un mois auparavant, la nécefllîté de détruire l'Efca-
dre Angloife, avant que de penfer au Siège de Madras, fubfiftoient enco-
re. Non-feulement cette Efcadre ennemie n'étoit' point détruite, mais
elle devoit même être augmentée de quatre Vaifleaux. Ainfi la prudence
ne permettoit pas de tenter une entreprife fur Madras dans de pareilles
circonfl:ances. D'ailleurs les ordres du Minifl:re, à M. de la Bourdonnais,
portoient exprefl^ement , de ne rien hazarder contre les Etabliflemens An-
§lois , qu'avec une efpèce de certitude de fuccés. Cependant ce fut dans
es conjonftures auflî embarraffantes , que M. M. de Pondichery, fan.^ vou-
loir fe décider, lui firent, dans les formes, une fommation de prendre
l'un de ces deux partis, ou de faire le Siège de Madras, ou d'aller battre
l'Efcadre ennemie, à peine d'être refponfable, en fon propre & privé nom,,
de tout ce qui pourroit arriver dans la fuite.
Quoiqu'aussi rebuté par cet étrange procédé , qu'accablé par la mala-
die, le Sr. de la Bourdonnais prit fon parti ; & en attendant qu'il pûtiui-
même fe mettre en Mer, il réfolut d'envoyer fes Vaifleaux dans la Rade
de Madras. Son but dans cette courfe étoit , non- feulement de prendre les
Bâtimens Anglois, qui étoient alors occupés à charger les eifets précieux
: *
m
if
qu
OQ
IX de fang à
lade; ce qui
e t^ui dépen.
'El cadre An«
reize jours à
landois , pour
inglois, lorf-
te Ville. li
Ire Angloife.
îfcadre prête
ttirer les En-
2 & en ligne,
pas les du-
vent & s'é-
iivit pendani
îr , de mouil-
e lendemain,
A. delaBour-
iVLX lieues; 11
nt favorable à
/^
rerta avec M.
et d'aller par
)ar la fatigue
.ns des fables
on rifquoit de
jmber deflus,
le Siège par
inoitre au Sr.
truire l'Efca-
fifloient enco-
létruite, mais
î la prudence
is de pareilles
Bourdonnais,
iliflemens An-
nt ce fut dans
ery, fan>^ vou-
n de prendre
1 d'aller battre
& privé nom,,
i par la maia-
qu'il pût lui-
dans la Rade
de prendre les
;iFets précieux
r".
.»'?
.•/'-
pp*'
. ' ■ / ;
(
lOrjXa^yta
j^zAJv j^E ^M^DJ^hmT S!" George S,
1
iv^y^ci'
EXPLICATION
Pag. 57'
Des Renvois duPlan de M A DR A S &diiFort Saint-Georges
/\. Fort S. Georges.
1j. Gouvernemenc. ••
C. Les Capucins.
D. Eglife des Anglois.
E. La Douane. "*
F. Magafin à poudre.
G. Porte Royale.
H. Porte de S. Thom'é.
l. Porte de la Chaudière.
K. Porte de la Mer.
L. Batterie de la Mer , faite à neuf
par les François.
M. Ville Noire, entièrement détrui-
te & les Fofles comblés par les
ordres de M. Dupleix.
N. Enceinte de la Ville Noire.
O. Contregarde bâtie à neuf par les
François.
P. Batterie & Courtines bâties à neuf
par les François.
Q. Ballions , dont les Embrafures &
les Parapets ont été refaits à neuf
parles François.
R. Contrefcarpe & FoflTé fait à neuf
fur le terrain des maifons détrui-
tes.
S. Projet des Anglois , exécuté par
eux jufqu'au niveau du terrain.
T. Fofle fait à neuf par les François.
V. Maifons des Habitans.
X. Magafms de la Compagnie.
Y. Maifons brûlées parles Anglois,
à l'arrivée des François.
Z. Rivière de Montaron.
a. Plaine de Gafon.
b. Sables.
.c. Hôpital détruit par les -Fran-
çois.
à. Poudrière détruite par les Fran-.
çois.
e. Maifons brûlées par les Anglois
à l'arrivée des François.
/. Efpèce de Lac.
g. Premier Camp des François.
h. Second Camp, qui étoit aupara-
vant un Marché.
i. Maifon de plaifance & Jardin du
Gouverneur, où l'on avoit pla-
cé une Batterie de fix mortiers.
k. Autre Batterie de quatre mor-
tiers , dans un Fauxbourg détruit
par les François.
/. Batterie de deux mortiers fur le
rivage.
m. Maifons de Campagne des Ha-
bitans de Madras.
n. Etang.
0. Grand Pagode.
p. Retranchement pour recevoir
les Munitions des Afliégeans.
q. Lieu où fe fit la defcente.
r. Trois Vai/Teaux François, le
Phénix, l'Achille & le Bour-
bon.
s. M. de la Porte-Barré Comman-
dant en l'abfence de M. de la
Bourdonnais.
t. VaiiTeaux' qui fourniffoient ce
dont on avoit befoin pour le
Siège.
V. Petites Embarcations.
X. Chelingues , ou petits Bâtimens
du Pays.
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door de Franien iiipeiioomen den ^j î>eptember ^y/<>.
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epteml
Deux
ku-delà I
fauve
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ïés de c
4efcente
: xir.
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Lrv. III. ai
Gl'EHKUS Ofi
l'Inuu.
sui-plemunt.
3u'on cherchoit à fauver de Madras, mais encore plus de s'aflurer des
eflcins de l'Ennemi , & de fçavoir fi leur Efcadre règloit fes mouvcmens
fur ceux de la lienne. Mais au moment que M. Duplcix fut inftruit de ce
deflfein, il redemanda au Sr. de la Bourdonnais les Troupes qu'il lui avoit
prêtées, fous prétexte qu'il ne pouvoit dégarnir fa HIace, fans la mettre
!n danger. 1 outes les rcpréfentations du Sr. de la Bourdonnais étant in-
tuftueufes, il fe détermina à renvoyer ces Troupes, après que pour l'y
forcer , on lui eut ôté toute communication avec fes VailTeaux.
L'Escadre partit le même jour, 27 Août, fous les ordres du Sr. de la
J^orte-bairi, que le Confcil avoit jugé capable d'exécuter celui des deux
oartis que M. de la Bourdonnais choiiiroit , fi fa maladie l'cmpêchoit d'agic
même. Sa fanté fe rétabliflant de jour en jour, il fc trouva prefqu'en-
rement ^ueri, lorfque,le5 Septembre , fes VaifTeaux revinrent avec deux
tites priles, eftimées environ deux cens mille livres. Le peu de fuccès
cette courfe, & la manière dont elle fut exécutée , firent bien voir qu'on
devoit fe flatter d'aucune réuflite, tant que les entreprifes ne feroient
^^ i conduites par le Sr. de la Bourdonnais en perfonne. Au-refle il fe
çonfola de la mauvaife manœuvre de fon Efcadre , par les aflurances qu'el-
loilui donna , que celle des Ennemis n'avoit point paru. Il jugea , dès ce
■* "ment, que les Anglois n'avoient pas jufques-là réglé leur marche fur la
ne; & cette découverte lui faifant entrevoir quelque apparence de
ces , il ne penfa plus qu'à difpofer tout pour le Siège de Madras,
ais avant que de partir, il prit les précautions qu'il crut néceflaires , pour
évenir tout ce qui pouvoit donner matière aux foupçons. Quoiqu'il eut
tmmé un Commiflaire fur fon Efcadre, il en demanda un fécond àM.Du-
eix, qui lui donna le Sr. Dejprémefnil fon gendre. Non content de cela,
Sr. de la Bourdonnais fouhaita de fçavoir quelles conditions il pourroit im-
fer aux Anglois , s'ils vouloient, à prix d'argent, garantir Madras d'un
mbardement & des événemens d'un Siège. Il ne lui avoit pas caché
\'\\ comptoit rançonner cette Ville. M. Dupleix lui donna là-defiTus une
pte , fuivant laquelle il devoit tirer de Madras un million de pagodes pour
'Compagnie, & trois cens trente-deux mille, cent vingt-cinq pagodes en
iommagement des prifes faites par les Anglois fur les François. Il eft
(ortant de remarquer ici, qu'avant fon départ pour Madras, le Sr. de la
ordonnais devoit, de l'aveu de M. M. de Pondichery , fe regarder com-
; maître de fes opérations , avec tout pouvoir de rançonner & d'accor-
r à l'Ennemi telle Capitulation qu'il jugeroit à propos. Ce ne fut qu'après
us ces éclairciflemens qu'il partit de Pondichery, la nuit du 12 au 13
ptembre , avec neuf VaifTeaux & deux Galiotes à bombes.
Deux de fes VailTeaux eurent ordre de prendre le large, & de poufTer siège de
-delà de Madras , pour couper le paflage au.; Bâtimens qui pourroient cette Ville.
fauver de la Rade, pendant que deux autres VaifTeaux avoient ordre de
[onner droit dans la Rade; les autres fuivoient avec toutes les Troupes
débarquement. Le 14 , fe trouvant à quatre lieues de Madras , M. de la
urdonnais mit à terre cinq ou fix cens hommes, avec deux petites piè-
ésde campagne, dans la crainte que les Ennemis ne lui disputafTent la
i^fcente , qui eft. très-difficile, & qui d'ailleurs ne peut fe faire que dan»
t X/r. Fart, H • -" des
58
DESCRIPTION DE LA
DcRNlfeRES
Guerres de
i.'Inde.
SL'rrLEMENT.
174.6.
des Bateaux du Pays, conduits par les Indiens, qui font les hommes ]es pluj
poltrons du monde. Le lendemain, il fit route le long de la Côte, à me-
fure que fes Troupes avançoient par terre. A midi elles étoient déjà fur
le terrain ennemi , & les Vaiffeaux à. une grande portée de canon de la
Ville. M. de la Bourdonnais fit alors un fécond débarquement, &defccndit
avec le refte des Soldats deftinés à faire le Siège. L^ tout confifl-oit en
mille ou onze cens Européens, quatre cens Cipnyes, Soldats du Pays, éc
trois ou quatre cens Caffres des Illes. Il reftoit à bord des Vaiffeaux en*
viron dix-fept à dix-huit cens hommes.
Comme les Troupes du premier débarquement fe trouvoient extrême-
ment fatiguées , M. de la Bourdonnais fit faire alte , & campa auprès d'une
Pagode, dans une place environnée de maifons. Dés qu'il eut donné fes
ordres pour la feureté de ce Camp , il envoya un Capitaine d'Artillerie
& un Ingénieur, avec un Détachement de cent hommes , pour reconnoi.
tre , pendant qu'il defcendit fur le rivage , où il fit faire un petit Camp
paliffadé pour dépofer toutes les munitions de guerre & de bouche dont
on auroit befoin pour le Siège. Enfin fur le rapport des deux Officiers
qui avoient examiné les environs de la Place, il fe tranfporta fur une hau-
teur avancée en Mer, qui lui parut d'autant plus propre à monter une
Batterie de mortiers, qu'elle pouvoit battre en méme-tems la Ville, &
protéger les Vaiffeaux de l'Efcadre. Cette Batterie fut faite par le fe-
cours des Nègres, foutenus de cent cinquante hommes.
Le foir , on vit arriver dans le Camp , un Anglois nommé Bàrmval, gen-
dre du Sr. Dupleix , qui venoit de la part du Gouverneur de Madras , prier
M. de la Bourdonnais de laiffer fortir les femmes de la Ville. Cette per-
miffion lui fut accordée uniquement pour fa femme & pour celle du Gou-
verneur , qui ne jugèrent pas à propos d'en faire ufage feules.
Le 16, on s'approcha de la Ville, & le Camp fut transféré dans* un
Village, qui en étoit éloigné d'une demie portée de canon. Toute la
journée fut employée à transporter l'Artillerie , & à former les Batteries.
Le lendemain , les Soldats du Pays , à la folde des Anglois , firent quelque»
décharges de mousqueterie fur le dernier Camp ; mais ils furent fi promp.
tementrepouffés, qu'au-lieu de rentrer dans la Ville, ils s'enfuirent pref-
que tous dans les terres. Le même jour on s'empara d'un Fauxbourg, &
de la Maifon de Campagne du Gouverneur, à demie portée de carabine des
murs de la Ville, «& l'on s'y fortifia. Le 18, la Ville fut battue de dou-
ze mortiers du côté de la terre , & à l'entrée de la nuit , les trois plus forts
Vaiffeaux de l'Efcadre commencèrent à la canoner.
Dans la nuit , le Sr. de la Bourdonnais reçut des Lettres qui le mirent
dans la plus grande perplexité. M. Dupleix lui mandoit, qu'il avoitparu
des Vaiffeaux, & qu'il en avoit vus lui-même. Il étoit naturel de pen-
fer que c'étoit l'Efcadre Angloife qui venoit au fecours de la Place. Le
îeul parti qu'il y eut à prendre, étoit de pouffer le Siège avec la dernière
vigueur, parceque Madras pris, tous les dangers s'évanouïffoient. M. de
la Bourdonnais ne fongea donc qu'à faire au plus vite toutes fes difpofitions
pour donner l'affaut.
L£ feu contiuua k ip, avec tant de vivacité, que les Anglois jugé-
r
■liè^-
3mmes les pîai
1 Côte, à me-
toient déjà fur i
le canon de la
it, àdefccndit
t confiftoit en
s du Pays, &
Vaifleaux en*
oient extrême-
pa auprès d'une
eut donné fes
ine d'Artillerie
pour reconnoi-
un petit Camp
le bouche dont
deux Officiers
rta fur une hau«
à monter une
ms la Ville, &
faite par le fe-
! Bàrnavaî, gen-
e Madras , prier
lie. Cette per-
r celle du Gou-
les.
nsferé dans* un
non. Toute la
les Batteries.
firent quelques
urent fi promp-
"enfuirent prcf-
Fauxbourg , &
de carabine des
battue de dou-
trois plus forts
s qui le mirent
qu'il avoit paru
naturel de pen-
; la Place. Le
vec la dernière
ïflbient. M. de
5 fes difpofitions
s Anglois jugè-
rent
;r
fions avec lo'
PRCSQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE. Liv. III. 5^
■rent à propos d'entrer en compofition ; & fur les huit heures du foir, le DenNikMs
Sr. delà Bourdonnais reçut une Lettre de la Dame Barnaval, fille de la ^""^Jp^"''
Dame Dupleix , qui lui demandoic, de la part du Gouverneur, s'il vouloit Supplemevi
entendre a un accommodement. M. de la Bourdonnais menacé de l'arri- 1746.
vée d'une Efcadre , faifit avec emprefl^ement l'occafion qu'on lui préfen-
toit de mettre la fienne en feureté. * Il répondit fur le champ , que fi on ,
juloit lui 'envoyer des Députés le lendemain , fa Lettre leur ferviroit de
ifleport, & que le feu cefleroit depuis fix heures du matin jufqu'à huit,
)ur leur donner le t^ms de venir le trouver.
Le 20 au matin, les Srs. Mon/on & Hally-Burton^ Députés de Madras',
fe rendirent dans fon Camp. Lorfqu'il leur eut communiqué fes pouvoirs,
voulurent lui perfuader, qu'étant fur les terres du Mogol, leur Ville
j^oit être en feureté; mais il leur repréfenta qu'il ne faifoit que rc-
^ufler leurs hofl;ilités j qu'ils avoient pris un Vaifl^eau François , dans une
ide neutre ; brûlé un autre Navire fous la Fortereffe de Tranquebar , ôc
Ivoyé des Détachemens jufqu'à vingt lieues dans les terres des Maures ,
_ |ur pourfuivre des Prifonniers François qui fe fauvoient. Les Députés
ttft purent répliquer à des faits fi précis, & ils fe contentèrent de rejetter
tcKUC le tort fur les Vaifleaux du Roi d'Angleterre, qui n'étoient point tenus
à la neutralité conclue entre les deux Compagnies. M. de la Bourdonnais
l0fg[ répondit, qu'il s'étoit d'abord addreflTé à ces Vaifleaux; mais que
^"'isqu'ils avoient trouvé , à la faveur du vent, le moyen de lui échaper,
idras luirépondroit de tout. Les Députés comprirent à ce discours qu il
iloit entrer en négociation d'une manière plus férieufe. Après un mo-
lÉent de réflexion , ils lui demandèrent quelle contribution il vouloit exi-
fr pour fe retirer de devant la Ville. Sa réponfe fut , „ qu'il ne vendoit
point l'honneur ; que le Pavillon de fon Roi feroit arboré Air Madras , ou
^^u'il mourroit au pied de fes murs ".
I^ÎCette propofition parut d'abord révolter les Députés , qui lui repliquè-
l^t , que s'ils perdoient l'efpérance de racheter leur Ville , ils fe défen-
déèâent jufqu'à la dernière extrémité, plutôt que de fe rendre honteufe-
1010^ à fa difcretion. Pour lors le Sr. de la Bourdonnais leur dit, que s'ils
ii^oient la Ville & tout ce qui étoit dedans , il leur promettoit fur fon
hneur de la leur remettre moyennant une rançon raifonnable. Les Dé-
tés infifl:èrent pour que tous les articles du rachat fufl'ent arrêtés, &
E le prix en fut fixé , avant que d'entrer dans la Ville. L'artifice étoit
)irier. Un pareil Traité demandoit nécefl^airement bien des contefhations
bien des conférences. L'Efcadre Angloife pouvoit arriver & changer
Itièrement la face des afi'aires. D'un autre côté , le bruit fe répandoit
le les AflTîégés follicitoient le Nabab d'Arcatte de venir à leur fecours.
hinze ou vingt mille Maures poiivoie'it harceler cette poignée de Fran-
cis qui étoient devant Madras , & les forcer peut-être à regagner leurs
àifl^aux, pour n'être pas aflaillis de tous côtés. Enfin tous les hazards
|oient pour les Anglois & contre le Sr. de la Bourdonnais. Aufll tint-il
rme à exiger qu'il falloit rendre la Ville, ou fe réfoudre aux plus afl^reu-
- extrémités. Les Députés voyant qu'il étoit inébranlable , retournèrent à
H 2 Madras
6o
DESCRIPTION DE LA
Dernières Madras chargés d'une Lettre menaçante du Sr. de la Bourdonnais au Gou»
GuEUREs DE verneur Anglois.
Supplément. ^^^^ '^ moment le feu recommença jufqu'à trois heures , qu'il cefla en-
1746. * core, comme on en étoit convenu, pour laiflcr aux Députés la liberté du
retour. M. de la Bourdonnais profitant de cet infiant , voulut s'aflurer
, Jui-même de la hauteur des murs de là Ville-Noire, pour faire couper les
échelles, & marquer les endroits où les Chefs de l'attaque dévoient efca-
lader. En meme-tems il fit demander à bord des VaifTcaux , des gens de
bonne volonté pour monter à l'aflaut , fi l'on écoit obligé d'en venir à cet»
te extrémité. Aufli-tôt quatre cens hommes defcendirent à terre , avec
des Officiers de Marine à leur tête. Enfin tous les ordres étoient don-
nés pour exécuter l'attaque générale la nuit du 21 au 22.
Le foir, fur les fix heures, on vit arriver dans le Camp, Francifco Pe-
reyro, autrefois Chirurgien du Nabab d'Arcatte (^), qui ayant beaucoup
d'habitudes dans Madras , avoit demandé la permilîîon d'y entrer , fous
promeflTe de rendre de bons fervices aux François. A fon retour il apprit
a M. de la Bourdonnais, qu'il venoit de la part du Gouverneur, lui faire
fçavoir, que n'ayant encore rien décidé, les Députés n'avoient pu reve-
nir, & qu'il le prioit de prolonger la trêve pendant toute la nuit, pour
donner aux Afliégés le tems de fe déterminer. Pereyro ajouta qu'il les
, avoit aflTurés que cette grâce ne leur feroit pas refufée. Le Sr. de la Bour-
donnais, auffi furpris du mefl^age que du choix que l'on avoit fait d'une
perfonne fans caraftère, le reprima fortement, & le renvoya fur le champ
avec une Lettre qui annonçoit au Gouverneur, que le feu ne cefleroit que
le lendemain matin depuis fix heures jufqu'à huit, àTafluroit, que fi les
Députés n'apportoient pas alors une réponfe décifive, il n'écouteroit plus
aucune proportion. En effet , à huit heures du foir , le feu recommença
avec plus de violence que jamais , & il fut continuel toute la nuit , tant
fur les Vaiffeaux que dans les Batteries.
Capitulation Le lendemain 21, les Députés revinrent pour la féconde fois, & con-
.^c Madras. vinrent enfin de fe rendre, moyennant la faculté de racheter leur Ville.
Les Articles de la Capitulation furent dreffés & portés au Gouverneur, qui
les renvoya, en demandant que lui& le Confeil nefuffentpas Prifonniers
de guerre dans le tems qu'on traiteroit des conditions du rachat. M. de la
Bourdonnais s'y engagea par un nouvel Article. Les Députés reportèrent
la Capitulation au Gouverneur, qui la figna; & en la recevant des mains
des Députés, le Sr. de la Bourdonnais leur réitéra, „ fur fa parole d'hon-
„ neur , la promefTe qu'il leur avoit faite de leur rendre la Ville , moyen-
„ nant une rançon dont on conviendroit à l'amiable ,. & d'être raifonnable
„ fur les conditions (/) ".
Sua
(k) 11 en cl\ parle ci-delTus , pag. 45.
(i) Capitulation du Fort Saint - Georges
& de la Ville de Madras. „ Le Fort Saint'^
„ Georges , & la Ville de Madras , avec
„ leurs dépendances , feront remis aujour'hui
•T 21 Septembre, à deux heures après midi,
à M. de la Bourdonnais. Toute la Car-
nifon , Officiers , Soldats , le Confeil , &
généralement tous les Anglois qui (bnt
dans le Fort & la Ville , demeureront Pri-
fonniers de guerre. Tous les Confeillcrs,
Officiers, Employés & autres Meiricuu
.. An-
n leor j
„ Çémbl
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„ la Fra
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is au Gcih
•
l'il cefla en-
1 liberté du
ut s'aflurer
couper les
voient efca-
les gens de
venir à cet-
terre, avec
îtoient don-
rancifco Pe-
nt beaucoup
entrer, fous
:our il apprit
ur, lui faire
;nt pu révé-
la nuit, pour
3Uta qu'il les
r. de la Bour-
it fait d'une
fur le champ
; cefferoit que
it , que fi les
:outeroit plus
recommença
la nuit, tant
OIS, & con-
;r leur Ville,
iverneur , qui
as Prifonniers
at. M. de la
s reportèrent
nt des mains
parole d'hon-
^ille , moyen-
re raifonnable
Sua
Toute la Car-
ie Confeil , &
inglois qui M
demeureront Pri-
s les ConfciUiTS,
autres Meiricms
„ M-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 6i
DEBNlfeRBS
Guerres dc
l'Ivde.
Sltplement.
17*46.
Les François
Cl' prennent
:| Sur le champ , le Sr. de la Boordonnais ordonna de battre la générale.
■ ■' Les Troupes affemblées , il fit défendre, fous peine de Ja vie, de rien pil-
ler dins la Place; & il marcha pour en prendre pofleflion. Lorfqu'il fut
arrivé à dix pas du pont - levis , le Gouverneur avança à l'extrémité , & lui
prélenca fon épée, que le Sr. de la Bourdonnais lui rendit aulVi-tôt, & il
entra dans Madras. Dans le moment , le Pavillon Anglois fut amené, ce- .
M de France arboré «& falué de vingt-un coups de canon. Les Vaifieaux 1 o^^'i'"'^"'
le l'Efcadre amarinérent en méme-tems, & nalléreni; au large un Navire
l^nglois, qui fe trouvoit, fans charge, dans la Rade.
(' Lhs Anglois s'étoient rt-ndus arec tant de précipitation, que la Capitula-
^n, qu'ils avoient fignée, étoit leftéeàM. de la Bourdonnais,. fans qu'ils
e^lLnt fongé à lui en demander un double. Le Gouverneur ne tarda ce-
idant pas à s'appercevoir d'une négligence, que lui avoit fait commet-
le trouble qui régnoit dans fa Garnifon, au moment que les François
ioient aux portes de la Ville. Il vint trouver le Sr. de la Bourdonnais ,
: le pria de vouloir bien reparer cette imprudence , en lui remettant un
>uble de la Capitulation, qui lui fut accordé tout de fuite (w)*
Le
„ Anglois d'Etat -Major, feront libres, fur
„ leur parole , d'aller & venir où bon leur
„ femblera, même un Europe; à condition
■yt qu'ils ne porteront point les armes contre
„ h France ofFenfivcment & defFenfivemcnt ,
j, {qu'ils n'ayent été échangés aux termes
i^'^rcfcrits à nos François , par M. Barnet.
ji^rour faciliter à Mrs. les Anglois le rachat
ii'de leur Place, & rendre valides les aéles
j, qui feront palfés en confequence , M. le
,( Gouverneur & fon Confeil céderont d'être
^ Prif nniers de guerre, au moment qu'ils
j, entreront en négociation , & M. de la Bour-
„ donnais s'oblige de leur en donner un afte
.„autencique vingt-quatre heures avant la
Memièrc fôance.
.,„ Les Articles de la Capitulation fignés,
»|;WUx du rachat de la Place feront rè^; es
lé^Tamiable, par M. de la Bourdonnais, &
M Ml M. le Gouverneur Anglois, ou f s
«Députés, qui s'engageront de livrer de
j» bonne- foi aux François tous les effets,
W marchandifes reçues des Marchands, ou
j»^ à iccevoir , les Livres de compte , la Ma-
, ,|| gafms,, ks Arfenaux, 'Vaideaux, Provi-
nt fions de gULtre & de bouche, & tous les
,> biens appartjnans à la Conragnie d'An-
,» glct.rre, fans qu'il leur foit permis de
j,iricn rélerv.r; en outre les nu:t ères d'or
& d'argent, r.iarchandifes, ineujles &. au-
tres effets r^aelconques , renfermés dans la
I Ville, le Fort &, les Fauxb>..urgs , à quel-
^qucs perfonnes qu'ils ."ppartiei.ncnt, fans
|en rieii ex.epter, ainli qu'il dt du droit
rt'de la i^uerre.
„ La Garnifon fera conduite au^rtS'iint-
i» David prifojuiièrc dc guerre ; Si, li par
„ rachat on rend la Ville de Madras , Mrs.
,, les Anglois feront les maîtres de répren-
„ dre leur Garnifon pour fe défendre contre
„ les gens du Pays. Pour cet effet, il fera
„ remis aux François , par Mrs. les Anglois ,
„ une quantité égale de Prifonniers; & s'ils
,, n'en ont pas affez à préfent, les premiers
„ François qui feront faits Prifonniers, depuis
„ la Capitulation , feront libres jufqu'au nomr
„ bre de leur Garnifon complettée. Le»
„ Matelots feront envoyés à Goudelour; l'é-
„ change en commencera par ceux qui font
„ aftuellenient à Pondichery , & le refle paf^
„ fera fur leurs "Vaiflêaux en Angleterre.
„ Mais ils ne pourront point porter les ar-
„ .mes contre la France , qut' l'échange n'ait
„ été fait de pareil nombre de Matelots,
„ foit aux Indes, foit en i.urope, & fur-
„ tout aux Indes par préférence.
„ A ces. conditions, la Porte de fVatre-
„ Quel fera livrée à M. de la Bourdonnais
„ à deux heures après midi. Les Polies de
„ !a Place feront relevés par fes Troupes.
„ On fera à M. de la Bourdonnais la ilécla-
„ ration des mines, conuemineb & autres
„ fouterrains chargés de poudre.
„ Fait & arrêté au Camp François le 21
„ S ptembre 1746.
(jw) Il ell alfez fingulier que les ennemiâ-
de M. de la Bourdonnais fe foyent avifés de
lui faire un crime d'une chofe auiïi jufte.
D'ailleurs il s'étoit engagé par la parole don-
née aux Anglois , autant que par la Capitu-
lation; Ainfi la fupreflion de cet afte n'au-
roit fait que deshonorer la Nation , fans
détruire ni aiioiliUr fcs cngagcnicus.
H3 ■
62
DESCRIPTION DE LA
DERNlkRES
Gl'krkes de
l'I.voe.
SoPri. EMENT.
1746.
Dofordre
dans la Ville.
Bonnes me-
fures de M. de
la Bourdon-
uais.
Ses vaflcs
projets.
Le Gouverneur , de Ton côté , eût l'attention d'avertir M. de la Bour-
donnais du defordre qui règnoit dans la Ville. Quelques Soldats yvres
s'étoient mutinés, & couroient comme des furieux, en criant, qu'il fal.
loit plutôt périr que de fe rendre, & qu'ils ne fe foucioient pas de mourir,
pourvu qu'ils tuafTent le Général François. Cet avis engagea dix ou dou-
ze Officiers de JMarine à accompagner par-touc M. de la Bourdonnais, qui
donna fes premiers foins à s'alTurer fa Conquête, en polant lui-même les
Gardes autour de la Place.
Ces précautions prifes, M. de la Bourdonnais fe rendit à l'Eglife des
Capucins, où toutes les Dames s'étoient réfugiées, & attendoient leur fort
avec des frayeurs inexprimables. Lair étonnement fut égal à leur crainte,
lorfqu'en les abordant, M. de la Bourdonnais les pria fort poliment de re-
tourrxer chez elles , en les affurant qu'elles ne feroient expofées à aucune
forte d'infulte; & pour leur ôter tout fujet d'inquiétude, de !a part des
Soldats, il diflribua les Officiers de manière qu'il y en eut un de logé dans
chaque maifon. Enfuite ayant pris poiTeffion du Gouvernement, dont i\
fit remettre les clefs aux Commiflaires , on alla à l'Eglife des Capucins,
oîi le Te Deum fut chanté au bruit de tout le canon de la Ville & des Vaif-
féaux. Comme on n'avoit pas eu le tems de faire arrêter tous les Prifon-
niers , M. de la Bourdonnais ordonna qu'on fit des patrouilles toute la
nuit ; & pour être plus feur de l'exécution de ^q^ ordres , il fit lui-même
plufieurs rondes.
Il reftoit à rétablir dans Madras , l'ordre & l'abondance. Dès le lende-
main même de l'entrée de M. de la Bourdonnais , la Police y fut auffi bien
obfervée que dans aucune Ville de l'Europe. Les Habitans furent desar-
més, & les Soldats & Matelots Anglois envoyés Prifonniers à bord des
VailTeaux. Débarrafle de ces premiers foins , voici le plan de conduite
que forma le Sr. de la Bourdonnais , pour tirer un parti avantageux de fa
Conquête , & pour profiter de la fupériorité que fon Efcadre lui donnoit
dans l'Inde.
Comme la Mouçon l'obligeoit de quitter la Côte à la mi-Oftobre, &
qu'il ne pouvoit plus relier qu'environ vingt ou vingt - cinq jours à Ma-
dfas, il confidéra, que dans ce court efpace de tems, il lui étoit impoffi-
ble d'enlever toutes les marchandifes , & tous les effets que renfermoit cet-
te Ville. Il crut donc qu'il lui fuffifoit d'emporter en nature ce qui ap-
partenoic à la Compagnie d'Angleterre; il efpéroit y trouver dequoi char-
ger deux ou trois Vaifleaux , & il comptoit comprendre tout le r.fle
dans le rançonnement. Il fe propofoit d'envoyer aux Ifles deux Vaif-
féaux avec les effets de Madras ; deux chargés , à Pondichery , de mar-
chandifes pour TEurope , & deux autres deftinés à porter des vivres. Ces
fix Vaiffeaux rendus aux Illes y dévoient attendre au Port l'arrivée du
Sr. de k Bourdonnais , & leurs Equipages auroient fervi à défendre les
Ifles en cas d'attaque. Pendant ce tems M. de la Bourdonnais projettoit de
relier dans l'Inde avec fept gros Vaiffeaux , auxquels dévoient fe joindre
trois Bâtimens qu'il avoit fait armer aux Ifles, & qui arrivèrent, en effet,
à Pondichery, au commencement d'06lobre. Il avoit encore une prife,
qui
de la Bour-
oldats yvres
ut, qu'il fal-
; de mourir,
dix ou dou-
donnais , qui
ui-même les
l'Eglife des
ent leur fort
leur crainte,
ment de re-
ics à aucune
la part des
de logé daw5
ent, dont i\
:s Capucins,
& des Vaif-
is les Prifon-
illes toute la
fit lui-même
Dès le Icnde-
"ut auffi bien
'urent desar-
5 à bord des
de conduite
ageux de fa
: lui donnoit
O6lobre, &
ours à Ma-
toit impoflî-
^ermoit cet-
ce qui ap-
cquoi char-
out le refte
deux Vaif-
1^, de mar-
ivres. Ces
'arrivée du
éfendre les
jrojettoit de
fe joindre
t, en effet,
une prife.
DcRNlfeRES
guekres db
l'Indl-.
.Sltpi.ement.
1746.
.PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 65
'qui pouvoit lui fcrvir de découverte. Tous ces Vaifleaux auroient formé
une Efcadre formidable , avec laquelle il comptoit quitter la Côte au plu?
tard à la mi-Oftobre, pour aller chercher les Vaineaux Anglois. L'évé-
liement a fait connoitre, qu'il auroit trouvé à Achem , le Capitaine Griffin
tvec deux Valifeaux de guerre, qu'if ne lui auroit pas été difficile de pren-
fe. De-là il avoit d'.fL'in de revenir, en Jarkvier, à la Côte de Coroman- •
il, ^; de tomber fur le Fort Saint-David. Alors profitant de la Mouçon,
'pouvoit en huit jours fe rendre à la Côte de Malabar, où les Anglois
"ayant point de forces capables de lui refifter, il mettoit à contribution
tous leurs Comptoirs , s'en revenoit à Pondichery prendre les cargailbns
deftinces pour l'Europe , & en partoit en Oélobre 1747, pour aller chér-
ir, aux Ifles, les fix Vaifleaux chargés qui l'y attendoicnt. C'eft ainfi
^p la fin de 1748, il feroit arrivé en France avec quatorze ou quinze
■ipifleaux richement charges des dépouilles des Anglois . & tout au
l^ins de trente millions de rançon. On ne pouvoit guères concevoir •
vÊ projet de Campagne , plus beau , mieux combiné , & dont le fuccés
và moins douteux. Tel efl le jugement qu'en ont porté tous les Marins.
Au-refte la réulTite de ce grand projet dépendant de la célérité avec la-
quelle l'affaire de Madras feroit terminée, c'efl: à ce point unique que
tendirent tous les foins & toute l'aplication du Sr. de la Bourdonnais , qui
comptoit de rançonner & d'évacuer la Ville du 10 au ijOélobre, après
quoi il fe propofoit de conduire fes Vaifleaux par-tout où les Mouçons au-
"înt pu le favorifer.
^E Gouverneur de Pondichery, au contraire, ne vouloit point qu'on Projet de
lacuât Madras, ni que les Vaifleaux s'éloignaflent de Pondichery. Son M.Dupleix.
feet étoit de ne tenir aucune Capitulation, &de garder Madras, foit pour
jouter à fon Gouvernement , foit pour dispofer à fon gré des effets ren-
piés dans cette Place. A l'égavd des Vaiffeaux , il fe mettoit fort peu
, . peine des Conquêtes éloignées qu'ils pouvoient faire à la Côte de Ma-
îl&ar ou ailleurs , pourvu qu'il tint ces Vaifleaux aux environs de Pondi-
chery, toujours à portée de protéger Je Commerce de cette Ville. L'in-
térêt général de l'Etat & de lu Compagnie fembloit demander beaucoup
-*'-ï (f étendue , & fi l'on doit juger des deffeins de M. Dupleix, parleur
:ès , on fe confirmera encore plus dans l'idée que M. de la Bourdonnais
donne.
;;e dernier, après avoir commencé dans Madras , les opérations nécef- II ne veut
1res pour former un compte général de tout ce qui s'y trouvoit d'effets , ^^ rançonner
S fongeoit plus qu'a entrer en négociation avec les Anglois , pour régler *"
ibord les articles du Traité de rançon , lorfqu'il reçut une Lettre de Mr.
Lipleix qui ne paroiffoit guères s'accorder avec tous ces arrangemens. En
ffet, par cette Lettr?, qui étoit datée du 21 Septembre, le Sr. Dupleix
ii marquoit pofitivement, qu'il avoit promis au Nabab de lui remettre
ladras, dès que les François en feroient les maîtres; & comme au mo-
ment où il écrivoit cette Lettre, il ignoroit la prife de la Ville, il ajoutoit;
i^ Cet avis doit vous engager à preffcr vivement cette Place, & à ne point
I, écouter ks propofitions qu'on pourroit vous faire pour la rançonner,
„ après
«4
DESCRIPTION DE LA
Drrnièrbs
Gui'l'RES DE
l'Inde,
supii.emgnt.
1746.
Abfiirdité
do cette con-
duite.
»»
^romcfle de
M. Diipleix
de livrer Ma-
dras au Nabab
d'Arcatte.
Quelles é-
toient fes
viles.
Lettre du
Nabab à M. de
' la Bourdon-
tmig.
Réponfc du
Général Fraii-
{ois.
, après fa prife ; car ce feroit tromper le Nabab , & l'engager à fe joindre
à nos Ennemis («)".
Le Sr. de la Bourdonnais avoue que cette Lettre lui parut incompréhen-
fibie. Il ne pouvoit pas concevoir, dit il, que le Sr. Dupleix tranchât
du Souverain , en donnant à une Nation les Places conquifes fur une autre.
Il ne comprenoit pas mieux^ qu'il eftt eu l'imprudence de s'engager à Ij.
vrer au Nabab une Ville dont il ignoroit le fort , ai à laquelle Te Sr. de la
Bourdonnais pouvoit déjà avoir accordé une Capitulation incompatible
avec cette dispofition, comme il étoit arrivé en efFet D'ailleurs ce projet
étoit 11 évidemment contraire aux intérêts de l'Etat, & fi fort au-deiïus
des pouvoirs du Sr. Dupleix, & même de ceux du Sr. de la Bourdonnais,
qu'il n'étoit pas croyable que le premier propofat férieùfement une pa-
reille idée. Auffi n'étoit-ce qu'un artificç alTez grolTlèrement imaginé pour
tromper à la fois le Nabab & le Sr. de la Bourdonnais. Voici en eflfet quel
étoit l'objet du Sr. Dupleix.
Il eft d'abord certain , qu'il avoit réellement promis Madras au Nabab ;
mais fi l'on juge delà fincérité de cette promefle par l'événement, il cil
également certain qu'il la lui avoit faite , fans avoir aucune envie de l'ef-
feéluer, puifqu'il ne lui a pas remis Madras, lorfqu'il en a été le maître.
Ainfi il trompoit le Nabab , qui dans la fuite s'en efl: vangé par une Guerre
qui a coûté beaucoup d'hommes à l'Etat & d'argent à la Compagnie.
Mais il ne trompoit le Nabab que pour mieux tromper le Sr. de la
Bourdonnais, qu'il comptoit par-là mettre dans la néceifité de rejetter tou-
tes les propofitions de rançon que les Anglois pourroient lui faire. En
fuivant ce dernier parti, il falioit abfolument qtie le Sr. de la Bourdonnais,
obligé par la Mouçon de quitter la Côte en Oélobre, lailVât au Sr. Duplei?
le foin de piller Madras , & d'en enlever généralement tous les effets , &
que pour cela il lui abandonnât des Vaifleaux (0).
Q u o I Q.u' I L en foit , dans le tems que le Sr. Dupleix annonçoit au Sr.
de la Bourdonnais ces anangemens -politiques , ce dernier reçut du Nabab
la Lettre fuivante.
„ Ju Grand Commandant François , que Dieu garde de tout mal £3* lui donnt
„ profpérité.
„ Je fçais que tu es un grand Guerrier, que les Villes ne ''auroientte-
„ nir devant toi; mais ce qui m'a paru plus étonnant, c'efl: que tu ayes
abordé fur mes terres, fans m'cnvoyer un homme, comme il faut,
pour me faire part de tes deflTeins. J'excufe ta conduite ; mais à la ré-
ception de cette Lettre, auffi-tôt embarque-toi avec tout ton monde, d
cefle d'affiéger Madras, finon je pars avec mon Armée Royale, pour te
faire exécuter ce que je te commande. Au furplus , je fouhaite que
tes armes profpèrent, & que ton bonheur foit aufli grand que ton nom".
La Réponfe que lui fit le Sr. de la Bourdonnais étoit conçue en ces
termes. „ Seigncui
( n ) Il faut fe fouvenir que M. Dupleix
n'avoic pas toujours été de cet avis. Voyez
ci-deflus, pa|. 57.
5J
( 0 ) On ne change pas un mot ici aux eï-
prenions du Mémoire de M. de la Bourdon-
mis.
à fe joindre
•
icompréhen-
leix tranchât
ur une autre.
engager à li-
e le Sr. de la
incompatible
:urs ce projet
ort au-delTus
Bourdonnais,
lent une pa-
imaginé pour
en eflFet quel
as au Nabab;
lement, il cil
envie de l'cf-
hé le iiiaître.
ar une Guerre
ipagnie.
r le Sr. de la
e rejetter ton-
lui faire. En
Bourdonnais,
au Sr. Duplti?
les effets, &
nonçoit au Sr.
jut du Nabab
al 6f lui donnt
'■^auroient te-
t que tu ayes
mme il faut,
mais à la re'
on monde , &
)yale, pour te
: fouhaite que
que ton nom".
:onçue en ces
„ Seigncti
n mot ici aux ex-
. de la Bourdon-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 6s
„ Seigneur Nabab Mafouz-Kan (p). Comme la Ville de Madras ap-
|„ partient en Souveraineté aux Anglois, Ennemis de ma Nation, j'ai crû
i^ que fans blelTer aucun Pouvoir Souverain , il m'étoit permis de chercher
■^ mes Ennemis jufques chez eux , pour tirer vengeance de tout ce qu'ils
„ nous ont fait depuis cette Guerre, dont Pondichery doit vous avoir in-
iu ftruit. Ils ont arrêté , fous vos yeux & dans vos terres , des François ,
pour en faire des Priibnniers. Ce font donc eux qui ont blefle le refpeél
qui vous efl: dû. Pour moi, quoique je fois Marin , & que je ne fâche
point vos coutumes, depuis que mes Soldats font à terre, j'ai confcrvé
DERKlàRr»
GUCRKIiS VS.
l'Inde.
Suri'LEMENT,
17 4(5.
jjjilver mauvais , puifque j'ai refpeélé tout ce qui vous appartient. Quant
^ à l'ordre que vous me donnez de me rembarquer, je n'en reçois que de
^ mon Roi. Si cela m'attire vôtre vifite, j'aurai foin de vous recevoir,
^ fans oublier que je fuis François, & fans manquer au rcfpeft avec lequel
^îie fuis , &c".
X.ES menaces du Nabab , & les projets fmguliers du Sr. Dupleix four-
twflbient au Sr. de la Bourdonnais de nouvelles raifons pour accélérer la
coBclufion de fon Traité de rachat. Ce fut le fujet de plufieurs conferen-
çoil qu'il eut avec le Gouverneur & le Confeil Anglois. Après avoir long-
tcms difputé fur le prix de la rançon , il fut enfin fixé , le 26 Septembre au
matin , à onze laks de pagodes , tant pour la Ville-Noire que pour la Ville-
tBanche, outre l'Artillerie, les Agrès, & les différens effets dont M. de
fo Bourdonnais chargeoit fes Vaifleaux. C'étoit le plus beau coup que
Fon put faire dans les Indes , & le plus avantageux à la Compagnie.
1.. Ces conventions ainfi arrêtées entre les deux Nations, le Sr. de la Bour-
bonnais reçut le même jour trois Lettres du Confeil de Pondichery, & trois
lia Sr. Dupleix , qui lui annonçoient d'abord une Députation que lui faifoic
le Confeil, fous prétexte de le féliciter fur la Conquête qu'il venoit de
feire. On le prioit en même-tems de s'expliquer fur la manière dont il
Î)f4tendoit traiter avec le Confeil Supérieur , & l'on ne manquoit pas de
tti' faire obferver, que Madras, depuis que le Pavillon du Roi y avoit
été arboré , étoit devenu une dépendance du Gouvernement & du Con-
|(il de Pondichery , & que le Sr. de la Bourdonnais lui - même , quoi-
pe chargé , par le Roi , du Commandement général des Vaifleaux , n'en
)it pas moins fournis à l'autorité de M. Dupleix & du Confeil. On
loûtoit, que s'il doutoit de leur droit, il ne devoit pas trouver mau-
lis qu'ils n'entrafll-nt pour rien dans tout ce qui concernoit la Ville de
[adras. Enfin , on lui difoit nettement , qu'il ne falloit pas penfer à
.jfançonner Madras ; qu'on devoit au contraire employer l'hyver à rui-
ner
(/)) Ou Mahaplis-Cban y fuivant les Mif-
Dnnaires Danois. Il étoit Seigneur de la
kf, & fils aîné du Nabab d'Arcatte, Am-
trcii-Kan, fans doute le même qui cft nom-
Iflé Kojbala-Abdula-Kan, ci-deffus, Pag. 53.
Xl^. Part.
Du moins on ne trouve nulle part qu'il eut
été changé depuis , & l'on fçait que la dif-
férence des noms, n'eft pas, dans l'Inde,
ni dans les Auteurs, une raifon fuffifante pour
faire fuppofer le contraiie.
Traite de
rançon poui
la Ville.
Contradic-
tions, du Con-
feil de Pondi"
chery.
66
DESCRIPTION DE LA
DesmÈRBS
Guerres ob
i.'Inde.
SurPLliMENT.
1746.
Raifonsqu'y
oppofe M. de
lu Bourdon-
nai.
Trois partis
à l'égard de
Madras.
La garder»
' k.
>»
»»
î>
«
»>
»
»
>»
La rafcr.
La rançonner.
ner cette Place & à la démolir, fauf à la remettre enfuite aux Maures, qui
difoit-on, ne la rendroient aux Anglois qtià beaux deniers comptans.
Ces Lettres ne permirent plus au Sr. de la Bourdonnais de douter des
vues de M. Dupleix , dont tout le but étoit de relier maître de Madras &
des Vaifleaux, & dispofer de tout à Ton gré. Dans la Réponfe que le pre-
mier fit à M. M. du Confeil de Pondichery , il leur rappclloit , que le Roi
& le Miniftre , en lui donnant le Commandement fur toute la Marine,
l'avoient laifFé le maître de fes opérations. Madras, „ ajoûtoit-il, n'efl;
certainement pas une Colonie Françoife , mais c'eft une Conquête que je
viens de faire, Ainfi perfonne n'a droit d'y commander que moi. Je
fais tout le cas que je dois de vos avis. C'eft pourquoi j'ai eu l'honneur
de vous les demander; j'aurois crû que pour le bien du fervice, vous
n'auriez pas dû me lesrefufer; mais puifque vous ne pouvez confeiiler
fans ordonner, il eft tout naturel que j'aille chercher ailleurs 'des avis,
qui me confervent l'indépendance dont le Roi & la Compagnie m'ho-
norent depuis douze ans. Comme la faifon prefle, je vais confommer
le mieux que je pourrai l'affaire de Madras. Si je manque dans le fond
ou dans la forme, ce ne fera pas faute de vous avoir demandé confeil".
A l'égard de Madras, M. de la Bourdonnais avoit trois partis à prendre;
d'en faire une Colonie Françoife, de rafer cette Flace, ou de traiter de fa
rançon. Il ne lui paroiflbit ni convenable, ni avantageux pour la Corn-
pagnie , d'avoir à la même Côte deux ËtablifTemcns aufTi forts que Pondiche*
ry & Madras^ Ses ordres lui défendoient de garder aucune Place conquife.
11 confidéroit déplus, qu'à la paix, le Roi rendroit Madras, & que la
Compagnie n'en auroit rien. Toutes les Troupes Françoifes de l'Incie n'é-
toient pas capables de réfiller aux entreprifes qiî'on pouvoit faire fur cette
acquifition. D'ailleurs M. de la Bourdonnais étoit rappelle auxlfles, pour
mettre ces Etabliffemens en fureté contre les repréfailles des Anglois. Ain-
fl , le parti de garder Madras étoit , félon lui , une chimère à laquelle on
ne devoit point penfer.
La deftruftion de cette Place, n'ôtoit point, aux Anglois, les neuf ou
dix belles Aidées qui forment leur territoire , ni ce nombre infini de Mar-
chands & de Tifferands qui en font la principale richeffe. Les Anglois
pouvoient fe camper dans la plaine, & y continuer leur Commerce, ou
bâtir une nouvelle Fortereffe , peut - être avec moins de dépenfe qu'il ne
leur en devoit coûter pour racheter Madras, qui n'étoit pas bonne. En
un mot, la démolition de cette Ville auroit été également infruftueufe
& pénible, parceque c'étoic ne rien détruire; & d'ailleurs M. de la Bour-
donnois n'en avoit pas le tems , preffé d'un côté par la Mouçon , & de
l'autre par l'enchainement de fes projets de Campagne (q).
La rançon de Madras , étoit , à fon avis , ce qui convenoit le mieux à
la fituation des affaires : mais ce parti demandoit de l'ordre. M. de la
Bourdonnais comptoit charger d'abord fur deux ou trois de f^sVaiffeaux,
toutes les marchandifes propres au Commerce de l'Europe. Enfuite il fe
propo*
(î) Voyez ci-deffu- , pag. 62 & 63.
i^m
Iaures,quî»
ns.
douter des
: Madras &
e que le pre-
que le Roi ,
la Marine,
:oit-il, n'efl;
quête que je
le moi. Je
îû l'honneur
Tvice, vous
ez confeiller
rs'des avis,
agnie m'ho-
confommcr
dans le fond
é confeil".
is à prendre;
traiter de fa
»our la Coni'
|ue Pondiche-
ace conquife.
s , & que la
de l'Inde n'é-
lire fur cette
X Ifles, pour
^nglois. Ain-
laquelle on
les neuf ou
nfini deMar-
Les Anglois
|)mmerce, ou
enfe qu'il ne
bonne. En
infruftueufe
de la Bout-
uçon
&de
t le mieux à
e. M. de la
^sVaifleaux,
Enfuite il fe
progo-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III, '67
propofoit de tirer de cette Colonie, l'artillerie & les uflenciles dont Pon-
dichery & les Ifles pouvoient avoir befoin , enfin , de s'accorder avec les
Anglois pour le rachat de leur Ville, & de ce qu'il leur laifleroit. Cette
preiTiière contribution étoit 1 droit de la Compagnie. M. de la Bourdon-
nais en vouloit faire une fec nde pour le pillage de la Ville-Noire , qu'il
mvoit empêché, & dont le j roduit devoit être dillribuc aux Equipages. Il
fi trouvoit une grande difficulté à l'exécution de ce projet. Les Angloi»
avoient point d'argent pour racheter leur Ville , & c'eft ce qu'il falloit à la
iîompagnie de France. M. de la Bourdonnais avoit imaginé l'expédient de
recevoir des Billets du Gouverneur , payables à termes, moyennant qu'on
lui donnât huit à dix Otages à choix. „ Par ces mefures , marquoit-il à
,/M. Dupleix, vous vous trouverez des fonds confidérables ; & au -lieu
„ d'employer beaucoup de tem^ & de monde à embarquer les uftenciles
^Idont vous avez befoin, je fl:ipulerai dans le Traité les canons & les bou-
1^ lecs qu'il vous faut , & que les Anglois feront tenus de vous remettre à
i^*^erme fixe. Après le mois de Janvier pafle, il ne me reftera plus qu'à
„ *penfer auxllles. Je ferai embarquer jufqu'au 15 ou 20 d'Oftobre (r),
„ tout ce que je croirai néceflaire furies VaifTeaux que j'ai a6tuellement
„ ici. Il m'en reliera aflezpour me montrer à la Côte de Malabar (f),
„ en état d'y faire la loi. Te compte cependant mener à la Compagnie
j^ffcuit à dix Navires bien chi."rgés".
- ©N retrace ici avec compiaifance des defTeins , qui paroifTent extrême-
nitnt bien concertés , quoiqu'ils n'ayent jamais été exécutés. Les Députés
"^on envoyoit à M. de la Bourdonnais, lui répétèrent tout ce cjue conte-
BÔîent les Lettres du Confeil de Pondichery; ajoutant, „ qu'ils protes-
„ toient au nom du Roi & de la Compagnie, contre toute Capitulation,
,1 qu'il pourroit faire ou avoir faite, & qu'ils s'oppofoient formellement,
Jl % ce que la Ville de Madras fut rendue aux Anglois ". Bientôt ces
Députés travaillèrent à attirer dans leur parti les principaux Officiers des
Troupes. Les deux CommilTaircs abandonnèrent leurs fonélions, fans en
avertir M. de la Bourdonnais , qui fe vit obligé de mettre l'un d'eux aux'
arrêts. A leur exemple beaucoup d'autres Employés refufoient d'obeïr ,
de ^forte que les travaux n'avançoient plus. M. de la Bourdonnais s'en
oignit à M. Dupleix , & lui demanda , avec les plus vives infiances , de
¥èA envoyer des fecours pour accélérer fes travaux ', mais toutes fes démar-
tittes étoient infruftueufes.
"Enfin, voyant d'un côté, que fans fecours il ne pouvoit pas fe flatter
^évacuer Madras avant la fin de la Mouçon, & d'un autre côté, qu'il n'a-
1»it rien à efpérer de M. M. de Pondichery , qui paroilToient opiniâtres à
fpmpre le Traité , il voulut fonder les difpofitions des Anglois ; mais loin
4t lui rendre fa parole, qu'il leur avoit redemandée (t), ils le fonimè-
':i ' rent
L h\DE.
Sui'PLEMEN'r.
1746.
de ce dernier
parti.
Protcflation
des Députés
de Pondiche-
ry.
Sommation
des Anglois,
4(r) On verra ci-deflbus tp'il s'étoit ar-
Rgé , peu de jours après , pour être à
idichery le lo, ou le 12, & par confè-
rent qu'il évitoit le coup de vent du 13.
(s) Voilà une preuve bien claire des
projets de M. de la Bourdonnais fur la Côte
de Malabar, c'eft-à-dire fur Bombay, qui y
eil fi tuée.
( t ) Gîinme les Anglois n'avoient confenti
qu'avec une peine exuême à la fixation du
[ a pris
es
DESCRIPTION DE LA
DenNiknES
Guerres de
T.'l.vnE.
Supplément.
J746.
Ordres vio-
le;) ulonnés
ix;y M.Dll-
pkix.
Conduite
turbulente
'ks Députés.
rent au nom des deux Rois de la leur tenir. Ils drelTèrcnt même alorj
une fommation en Forme, qu'ils n'auroicnt pas manqué de lui faire figniticr
fur le ehamp, s'il avoic paru infifter fur fa proporition. M. de la Bourdon-
nais ne pouvoic mieux marquer à M. M. de Pondicliery l'envie qu'il avuu
de les fatisfaire, tS: ce mit feul dcvoit les convaincre que s'il ne laiffoit pas
Madras à leur difcrétion, comme ils le défiroient, c'étoit uniquement par-
cequ'il n'étoit plus en l'on pouvoir d'anéantir des engagemens contraélcs
de bonne-foi & à la face des Nations.
Dans ces entrefaites, M. Dupleix s'étoit fait préfenter une efpèce de
Requête de la part de la Colonie de Pondichery, qui après beaucoup d'in-
jures contre M. de la Bourdonnais, & de grands éloges de M. Dupleix,
traçoit à ce dernier la conduite qu'il Jevoit tenir, conformément à fes vues
particulières. En confequence de cette Requête, il fit drefler une nouvelle
proteflation contre le Traité , avec des Lettres d'établiifement d'un Con-
leil Provincial à Madras , & une Commiflion de Commanaant & Direftcui
dans cette Ville, pour le Sr. Defprcmefnil. Il donna en méme-tems auSr.
deBury^ Major, &. à ceux qui l'accompagnoient, l'ordre précis „ de le-
t, vir à toute rigueur contre tous ceux qui oferoient foûtenir le Sr. de la
„ Bourdonnais", & pour engager les Troupes qui étoient à Madras, à
appuyer de tout leur pouvoir l'exécution de ces ordres, il écrivit aux prin-
cipaux Officiers une Lettre circulaire, dans laquelle il excitoit cliacun d'eux
à la révolte, en les exhortant à donner les premiers l'exemple à tous les bom
François.
Comme cet étrange projet étoit vraifemblablement concerté avec les
Députés de Pondichery , qui fe trouvoient déjà à Madras , ils fe retiré-
rent à Saint - Thomé , pour y attendre le Sr. de Bury, & les autres Offi-
ciers chargés de l'exécution des ordres de M. Dupleix. Après s'être
concertés ilir le plan de leur conduite , ils arrivèrent enfemble à Ma-
dras le 2 d'Odlobre. La façon dont ces Meilleurs s'acquitèrent de leur
Commiflion fut des plus turbulentes. Le Sr. de la Bourdonnais , voyant
la fureur de ce petit nombre, que d'un mot il pouvoit faire arrêter, leur
dit d'un ton ironique: „ Vous venez donc exciter la guerre civile ; Aver-
„ tifiez-nous, nous battrons la Générale ". Voulant enfuite leur parler plus
férieufement , il offrit ae leur faire voir les Ordres du Roi & ceux du iVJi.
niftre, dont il étoit porteur; mais ils refufèrent d'en prendre lefture, à
l'un d'eux les traita même de chiffons de papier. Dans le moment quelques-
uns des principaux Officiers des Ifles , indignés de tant d'infolence , ne
purent s'empêcher de dire à M. de la Bourdonnais , qu'il devroit arrêter iur
le champ ces Députés. Cependant il fe modéra allez pour fe réduire à leur
repréfenter qu'ils deshonoroient la Nation par cet éclat fcandaleux, &
qu'au
prix de la rançon à onze cens mille pago-
des, que ce prix leur avoit paru exceflif,
qu'ils avoient même déclaré plus d'une fois
que cette femme excedoit de beaucoup la
valeur de leur Ville , & qu'en confequence
ils avoient été fur le point de l'abandonner,
plutôt que de foufcrire à des conditions li
exorbitantes, M. de la Bourdonnais s'étoit
imaginé qu'ils pourroient confentir à fa de-
mande. On fçiit qu'en Angleterre les Di-
refteurs fembloient fe féliciter que les Fran-
çois culTent rompu la Capitulation , & M, Du-
pleix étoit fouvent appelle le Libérateur ds
la Compagnie»,
t
I
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III.
€9
même alors
faire fignitîcc
i la Hourtlun-
ie qu'il avuic
le laiObit pas
quement par-
us contrariés
ne efpcce de
;aucoup cl'in-
M. Dupleix,
ent à Tes vues
une nouvelle
;nt d'un Con-
& Direftcui
,e-tems auSr.
ccis „ de IV
ir le Sr. de la
à Madras, à
•ivit aux prin-
cliacun d'eux
à tous les bom
erté avec les
, ils fe retire-
ps autres Offi-
Après s'être
emble à Ma-
èrent de leur
mais , voyant
arrêter, leur
civile; Aver-
eur parler plus
k ceux du Mi-
re lefture, à
lent quelques-
infolence , ne
oit arrêter fur
réduire à leur
:andaleux, &
qu'au
lurdonnais s'ctoit
onfentir à fa de-
igletcrre les Di-
:cr que les Fran-
atioii , & M. Du-
[e Libérateur ds
Modération
de M. de la
riourdounaii.
gufrues ob
i.'Indk,
•Us "lui répondirent tous d'une voix; „ V" '' Y ^'^^^^^ manquer, ot que e t- Supi'tf ment.
•,. toit le feiKimcnt de tout Pondichery ". . , ^, , i746.
Ce fut alors que le Conseil Anglois fe Tentant mterelle dans cette que- Déciilonda
«lie éleva fa voix, & reclama le droit des gens, qu'on prétendoit, di- Coni.ilde
t'nl-ils, violer en leurs perfonnes; & ils crurent que c'étoit-la le rao- '^"^"^•
nt de fignifier leur fommation à M. de la Bourdonnais, qui fur l'heure
•ilfcme aflembla le Confeil de Guerre , pour fçavoir s'il jugeoit qu'il dût te-
nir la parole aux Anglois. Le réfultat fut unanime pour 1 affirmative. Cet
ASe étoit (igné de trente Officiers.
■ jLes Envoyés de Pondichery parurent extrêmement déconcertés à la vue
4ft(Cectc unanimité de fuffrages ; Ils s'y attendoient d'autant moins , qu'ils
«iéient compté, que quelques Officiers, mécontens de M. de la Bourdon-
Mis, faifiroient volontiers cette occafion de fe vanger , en fe rangeant de
lear coté. Au contraire, s'il eut voulu les en croire, il auroit arrêté tout
le prétendu Confeil Provincial. Mais, malgré la chaleur de la difpute, il
ncîbngeoit qu'à lu dérober l'indécence aux yeux des Nations étrangères;
&,pour tdcher de leur perfuader que les François foûterioicnt entr'eux leurs
prctenfions , fans animofité , il pria à diner ceux - mêmes qui venoient de
manquer û fenfiblement au polie qu'il occupoit. C'étoit pour eux un
^BOyen honnête de rouvrir leur confulion ; mais comme ils n'agiffoient que
paurj)airion , aucun d eux n'accepta cette offre, «Se quoiqu'ils fuflent entrés
j8ll..Corps , ils s'échapèrent à la dérobée les uns après les autres.
-:vi>A chaleur & l'animofité qui éclatoient dans toute leur conduite, obli-
^nt M. de la Bourdonnais à prendre des mefures , pour prévenir la guer- ^,^,^ .
■fecivile qu'ils tàchoient d'e:» citer dans Madras, D réfolut de faire embar- {^ guerre "'''
ùûgt une partie de fes Troupes, fiir-tout celles qui avoient été détachées dv'ilc.
deiPondichery ; & fous le prétexte J'uu bruit qui fe répandoit, qu'on avoit
V4 paroître de gros Vaifleaux près îles montagnes de Paliacate, il ordon-
na fur le champ de faire paiTer cinquante hommes à bord de chaque Vaif-
feau» ce qui fut exécuté, le 4 Oftobre, fans la moindre oppofition, fi ce
n'^ de la part d'un firnpie Lieutenant , qui ayant été arrête fur l'heure mê"
■ma, tout le monde demeura tranquille.
, Ce trait de prudence embarraffa fort Meilleurs de Pondichery, qui a-
yoient compté fur les Troupes de cette Vi'le , & qui fe flattoient , par ce
fabyen, d'être en état de Ibûtenir leurs prétenfions, les armes à la main, fi
M. de la Bourdonnais refufoit de les reconnoître. C'étoit fur la foi de ces
f^érances que le Sr. de Bury avoit été chargé de le mettre aux arrêts. Mais
quoique le fuccés n'eût pas répondu à leur attente, cet Officier ne fe crut
pas dispenfé d'exécuter les ordres de M. Dupleix. Le même jour, il fe
îfenta avec deux Capitaines dans la chambre de M. de la Bourdonnais,
lui ordonna les arrêts. Ce dernier les regardant en pitié , leur dit avec
ucoup de iang froid; „ C'eft moi , Meffieurs , qui vous arrête. Mettez»
^Ilà vos épées , & reftez tranquilles au Gouvernement. Croyez-moi , je eux-mOmes.
„ vous confeille d'obéir", lis obéirent en effet; mais un inilant après, les
©éputés , ayant appris ce qui fe paffoit , détachèrent M. Paradis pour
i 3 . ejtv
Mefures
qu'il pixiid
Les Dcpu-
tés lui ordon-
nent les ar-
rêts.
II les y met:
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23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N.Y. 14S80
(716)872-4503
70
DESCRIPTION DE LA
Dernières
Guerres db
l'Inde.
Supplément.
1746.
Vaincs in-
flances qu'il
fait pour avoir
des iecours.
Nouveaux
traits de fu-
reur de M.
Pupkix.
en aller demander raiion au Sr. de la Bourdonnais , qui lui ordonna les ar-
rêts avec les autres. Le foir, il les renvoya, avec défenfe de fortir de la
Ville fans fa permiflîon. Enfin ces Meffieurs voyant toutes leurs mefu.
res rompues , formèrent le projet d'enlever M. de la Bourdonnais , & de le
conduire prifonnier à Pondichery. Son Mémoire ajoute , qu'il y avoit ordre
de le prendre mort ou vif, & que quarante Cipayes étoient chargés de
faire feu fur lui, en cas de réfiftance.
A la vue d'une pareille conduite que M. M. de Pondichery tenoient a-
vec leSr. delà Bourdonnais, on conçoit qu'il écoit bien difpenfé d'avoir
quelques ménagemens pour eux. Cependant la crainte de nuire aux aifai.
res générales , & le mépris qu'il faifoit de tout ce qui lui étoit perfonnel
dans ces démêlés, l'engagèrent à écrire le même jour au Sr. Dupleix, avec
la modération qui convient dans les grandes alaires. „ Si ce que j'ai fait,
„ lui difoit-il, ne vous paroit pas auili avantageux que je l'ai cru, re-
„ gardez ce qui fe paflë ici comme un naufrage caufé par l'ignorance à
,f Pilote; fauvez-en les débris, ils vous touchent autant que moi; nou
„ fommes également întéreffés à ramaffer ces reflcs toujours glorieux de
„ nôtre vicloire. Le chargement des Vaifleaux, pour Jequel je n'ai que
„ deux hommes de bonne volonté , tout vous crie que j'ai befoin d'aide. Au
„ nom du Roi & de la Compagnie, donnez-moi ces fecours qui dépendent
„ de vous-; nommez des Commiflkires qui prennent foin de ce qui revient
„ à la Compagnie de France , & laiflez au Roi , mon Maître & le vôtre,
„ le foin de me punir du prétendu crime qu'on m'impute ".
Le Sr. Dupleix ne répondit à une Lettre fi mefurée,que par de nouveaux
traits de fureur ; Il avertit les Capitaines des Vaifleaux de ne plus refpec-
ter les ordres de M. de la Bourdonnais , qui , difoit - il , prenoit , avec Jes
Anglois , des mefures qui attaquoient dire^ement la Majejîé du Roi , l'hon-
neur de la Nation fg* l'intérêt de la Compagnie. On doit obierver qu'alors M.
Dupleix n'étoit pas encore informé de la précaution qu'avoit eue M. de la
Bourdonnais de faire embarquer les Troupes de Pondichery. Il s'attendoit
à tous momens d'apprendre l'exécution des ordres qu'il avoit donnés dî
l'enlever mort ou vif, & il y comptoit fi bien, que le 5 Octobre il écrivi:
à M. de la Bourdonnais : „ Les Troupes de Pondichery qui pourroieni
fuivre vos ordres, fi vous le vouliez, pendant vôtre féjour à Madras, ne
les fuivront pas lorfqu'il faudra évacuer cette Ville, oc vous répondrez
„ devant Dieu & les hommes du fang François que vous voulez y répan-
„ dre". Cétoit aflez clairement convenir des ordres qu'il avoit donna
d'en répandre. C'efl aufll ce que M. de la Bourdonnais lui fit remarquer dani
fa Réponfe. „ Il faut , lui difoit-il, que vous ayiez des moyens bien (un
„ pour faire répandre le fang à Madras. Pour moi qui l'ai pris fans perdr«
„ un homme, je ferois bien fâché de gâter une fi belle viéloire, & je ferai
„ tout ce que je pourrai , pour faire échouer ce projet". Enfin, le Con-
feil de Pondichery , qui fecondoit toutes les mefures du Gouverneur , ofa
écrire au Sr. de la Bourdonnais en ces termes : „ Nous confirmons l'ordre
„ à M. M. du Confeil de Madras, aux Officiers & aux Troupes de Pondi-
„ chery, de ne pas évacuer la Place de Madras, & de ne point s'embar-
„ quer à bord des Vaifleaux, à moins que vous ne les y forciez les armes à li
„ main"» Mais
j»
m.
fol
f)Parl
ee.
,M
donna les ar-
le fortir de la
i leurs mefu-
lais, &dele
y avoit ordre
c chargés de
y tenoient a>
penfé d'avoir
lire aux afFai-
toit perfonnel
Dupleix , avec
; que j'ai fait,
; l'ai cru, re-
'ignorance ài
[ue moi ; nou
s glorieux dt
lel je n'ai que
3in d'aide. Au
qui dépendent
ce qui revient
e & le vôtre,
T de nouveaux
le plus refpec-
moit , avec les
du Roi, rbn-
;r qu'alors M.
t eue M. de la
Il s'attendoit
}ic donnés d:
obre il écrivit
[ui pourroient
à Madras, ne
lous répondrez
toulez y répan-
avoit donnéi
lemarquer dans
lyens bien fûrs
is fans perdre
■e, & je ferai
infin, le Con-
iverneur, ofi
irmons l'ordre
les de Pondi-
loint s'embar-
lies armes à li
Mais
PRESQiriSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. UI. 71
;l|l Mais fi M. de la Bourdonnais fut aflez heureux pour contenir toutes
Js Troupes dans le devoir, malgré les défenfes faitei aux Officiers de lui
Séir ; s'il fçut éviter les coups qu'on méditoit de lui porter à lui-même,
Hfauverles François d'une guerre civile , qu'on vouloit exciter entr'eux:
Un , s'il réulFit à maintenir Tordre dans une Ville, oîi tant de raonde s'em-
JToit & avoit intérêt d'augmenter le trouble & le defordrç , il lui reftoit
juleur de fe voir dans une impoflibilité prefqu'affurée de fortir de Ma-
aflez tôt pour exécuter les projet» qu'il avoit formés. Les défenfes de
)béir, tant de fois réitérées , avoient fait impreflion fur une infinité de
Tous les travaux languiflbienc, &le tems de la Monçon fe paflbit.
:ommiiraires, les Employés ,les Ouvriers, les Bateliers & autres qui de-
it travailler aux inventaires, aux emballages, & aux embarquemens ,
|nt retenus par les menaces des Députés de Pondichery , & craignoient
ittirer la colère de M. Dupleix & du Confeil. Les chofes étoient mê-
oufle.s au point, que le Sr. Defprémefnil , en fa prétendue qualité
jmmandant à Madras, avoit donné ordre aux deux Commiffaires qui
lifoient alors feuls tous les travaux, de fe recirer à Pondichery, afin
i reliât perfonne au Sr. de la Bourdonnais , pour fe mettre en état
1er la Place.
LLE écoit la fituation de M. de la Bourdonnais, lorfque le hazard fem-
préfenter un moyen de concilier les vues de M. M. de Pondichery,
engagemens pris avec les Anglois. Un Officier lui fit oiïverture d'un
lient qu'il croyoit propre à contenter tout le monde. C'étoit de tenir
ipitulation , mais de garder Madras jufqu'en Janvier , afin que les Fran-
eulÎTent le tems d'en tirer, fans conteftation , tous les effets en nature
louvoient leur appartenir, fuivant les conventions arrêtées entre les deux
Ions. M. de la Bourdonnais, trop impatient de quitter Madras, pour
is faifir d'abord cette idée, promit même d'y laiiTer cent cinquante
nés de fes Troupes. Il chargea fur le champ M. Paradis d'en écrire
5 Dupleix, pendant que de Ton côté il en feroit la propofition aux
is. Il la leur fit en effet; mais ils la rejettérent unanimement, &
rent M. de la Bourdonnais , qu'ils ne l'accepteroient pas , quand mê-
confentiroit de refier en perfonne à Madras , jufqu'au moment de l'é-
ition de la Ville , tant ils craignoient de tomber entre les mains de
l. de Pondichery. A l'égard de M. Dupleix & de fon Confeil , ils fe
^rent volontiers à un parti qui les auroit enfin rendus maîtres de Ma-
; & dans les Lettres qu'ils écrivirent au Sr. de la Bourdonnais , ils l'au-
(erent bien expreffément, à régler tous les Atticles du Traité de rançon^
^ e ilîejugeroit comertable-, & ils s'engagèrent bien formellement, -4 exé-
ce qu il mmiit réglé S arrêté avec les /anglais.
étoit queftion de faire accepter ces nouvelles conditions aux Anglois ,-
^s qu'on leur avoit déjà promis d'évacuer la Place du 10 au ijOftobre (d)*.
Sique difficile qu'il fut de leur faire agréer un changement fi important ,.
l'étoit pas ce qui embarraiToit le plus M. de la Bourdonnais. Le grand
fujet
v) Par les Articles arrêtés dès les 26 & 27 Septembre, mais dont là lîgnatare avoit été
Dernikrbs
Guerres db
i.'Inde.
SurPLEMEKT.
174(5.
Embarras
do M. de la
Bourdonnais.
Projet de
conciliation
avec les An-
glois , qui le
rejettent.
Confénte-
ment de M.
M. de Pon*-
dicbery.
>.i
72
DESCRIPTION DE LA «';^»q«
>'
DBRNlbRES
guerrbj de
l'Inob.
Supplément,
1746.
Incoinc-
nicns de cet
anangemcnt.
M. de h
Bourdonnais
cù. forcé do
s'y prct.r.
Fatnlitc de
ces dcluis
Ëoiir fon
rendre.
Ouragan fu-
rieux qu'elle
cffuye;
fujet de Tes inquiétudes étoit l'exécution même du projet , qui, bien confi.
déré, lui paroiflbit aulfi inutile que dangereux. En effet, s'ilne s'agiflbic
que d'aflurer , à la Compagnie de France, ce qui lui revenoit aux termes dei
conventions, M. de la Bourdonnais propofoit d'enlever d'abord tout ce
qu'on pourroit tranfporter fur les Vaiffeaux , & de laifler à Madras des
Commiflaires pour avoir foin du refte. Les François , en gardant la Ville
jufqu'en Janvier.^ couroient le rifque de s'en voir chaffés, après le retour
de l'Efcadre Angloife & le départ de celle de M. de la Bourdonnais, qui
ne croyoit pas qu'un Corps de cinq à fix cens hommes , partagé dans Pon-
dichery & Madras , put fuffire pour défendre deux Villes auili grandes , con-
tre toutes les forces des Ennemis.
Enfin , malgré le regret qu'avoit M. de la Bourdonnais , de fe voir réduit
à facrifier des confédérations H importantes à l'entêtement de M. Dupleix,
il prit fon parti , & réfolut de terminer , fuivant les defirs de Pondichery,
faute de pouvoir faire mieux. Dans cette vue il envoya, le 11 Oftobre,
à M. Dupleix , une copie des Articles du Traité de rançon , & exigea qui
lui donnât fa parole d'honneur de tenir tous ces Articles. Cependant il lui
faifoit encore de nouvelles repréfentations fur les inconveniens de cet ar
rangement; mais toutes fes propofitions furent inutiles, & M. Dupleii
vouloit abfolument refier maître de Madras. Ainfi M. de la Bourdonnais
fe vit forcé d'ajouter cinq Articles aux dix-fept qui avoient été provifion-
nellement arrêtés , & il les addreffa à M. Dupleix , en l'avertiffant , que s'il
y faifoit quelque changement, il ne lui répondoit pas qu'ils feroient ac-
ceptés. A ces conditions M. de la Bourdonnais promettoit de lui remet-
tre Madras.
Après les engagemens pris par le Confeil de Pondichery , de lui laifTer h
liberté de régler ces Articles comme il le jugeroit convenable; après kw
parole donnée par écrit, d'exécuter ce qu'il auroit réglé avec les Anglois,
il ne fembloit pas qu'il y eut lieu de craindre que ces Meilleurs fîffent de
nouvelles difficultés , fur - tout dans un tems critique , où le moindre retar
dément expofoit l'Efcadre aux plus grands dangers. C'eflce que M. de'.
Bourdonnais ne cefToit de leur reprélenter dans toutes fes Lettres. On ec
dit qu'il avoit un preffentiment du malheur qui devoit lui arriver, & qu';
auroit infailliblement évité , fans toutes les mauvaifes chicanes qu'il euti
effuyer de la part de M. M. de Pondichery. Ce malheur efl fans contre!;
un des plus grands que la Compagnie de France ait jamais éprouvés. Et
effet, quoique le 13, il fit le plus beau tems du monde, il s éleva dansli
nuit un Ouragan furieux , qui difperfa tous fes Vaiffeaux , & en fracalTa !j
plus grande partie. V Achille étoit à une lieue de terre , démâté de toci
mâts, & chargé en côte par un vent d'Efl, qui le mettoit à la veille depé
rif' avec tout fon Equipage; le Bourbon étoit encore plus maltraité & e:
plus grand danger ; le Phénix ne paroiffoit plus ; la Marie-Gertrude ctoit c-
chouée , & il ne s'en étoit fauve que quatorze hommes ; le Duc d'Orkun
avoit entièrement péri, corps & biens, à fix lieues au large ; le Neptund
une Prife Angloife étoient démâtés de tous mâts; deux Bots, un Briganti:
Anglois , qui avoit été pris la veille par les François , un Navire Hollandois,
qui partoit pour Batavia , deux Navires Anglois , qui avoient paru au iargei
i, bien confi.
il ne s'agilToit
ux termes dei
bord tout ce
à Madras des
irdant la Ville
iprés le retour
irdonnais, qui
âgé dans Pon-
grandes , con-
: fe voir réduit
e M. Dupleix,
e Pondicherj,
le 1 1 Oftobre,
& exigea qui
spendant il ki
sns de cet ai'
& M. Dupleiî
la Bourdonnais
été provifion-
tiflant, qaes'il
ils feroient ao
i de lui remet-
de lui laifler li
ble ; après \eu.'
les Anglois,
leurs fiflent à
moindre retar
:eque M. de!;
ttres. On et
rriver , & qui
mes qu'il eut;
fans contredi:
éprouvés. E:
s éleva dans ï
t en fracafla !i
émâté de m
la veille de p
nal traité & e
^rtrude ctoit (■
Duc dVrkJi
; \e Neptune t
, un Briganti:
ire Hollandoiî,
PRESQtnSLE EIVTDEÇA DU GANGE, Iiv. III. 73-
% vin'-r ou vingt -cinq Embarcations du Pays, étoient péris à la Côte,
rps & biens; enfin preHjue toutes les Chelingues qui étoient dans la Ka-,
croient brifées. M. de la Bourdonnais fit voir, en cette occafion , le cou-
'c & la confiance d'un Chef, qui ne fe laifle point abattre par l'adver-
, & qui , dans le fein des malheurs , ne s'occupe que du foin de les
larer.
m
/abord ayant rar.-.afte quelques Chelingues échapées au naufrage, il
lut eflliyer de les mettre en Mer, pour porter fes ordres aux Capitaines
,^p. Vaifleaux qui paroifToient. Mais la Mer étant trop mauvaife, il ne
ti"6uva perfonne aflez hardi pour s'y cxpofer. Enfin à force d'argent , il
■""igea quelques Bateliers à porter, fur des Catimarons (.v) des Lettres
Capitaines de quelques Vaîfleaux. Il les exhortoit de fan mieux à
orter toute l'horreur de leur fituation, & il leur promettoit des fecours
attendoit lui-même de Pondichery, & qu'on s'obftinoit à lui refufer,
ré fes prières & fes proteftations. M. Dupleix ne voulut lui envoyer
Vaifleau, & qui plus eft, il défendit, le 14, aux Capitaines des
es qui étoient dans la Rade de Pondichery,^ & fous les ordres de M.
"ourdonnais , d'aller le joindre, quoique jufques-là Meflîeurs du Con-
; lui enflent jamais conteflé le Commandement de tous les Vaif-
' de la Compagnie. Le nouveau droit qu'ils s'arrogeoicnt, étoit fon-
r une prétendue Lettre de la Compagnie, qu'on difoit avoir été ap-
e par trois Vaifleaux arrivés de France, & dont toutes les circonllan-
rendoient l'autenticité infiniment fufpefte.
uoKyj'iL en foit , les Vaifleaux de Madras étoient dans un état fi
■peré, que les plus hardis Marins ne croyoient pas pouvoir y refl:er,
s'expofer à une mort prefque certaine. Âufll les Capitaifles étoient-ils
us d'abandonner leurs VaiflTeaux , fi on ne leur envoyoit du fecours.
e la Bourdonnais épuifa toutes les reflbur-ces & tous les expédiens ima-
les pour prévenir les inconveniens de ce refus , & il parvint à faire
;ndre la Mer à deux des Navires délabrés. C'eft dans cet état qu'il
ït, à M. M. de Pondichery , une Lettre pour fe plaindre de l'abandon où
' laiflbit , & il ne leur cacha pas qu'il pénetroit aflez les motifs de
onduite.
effet, la politique de M. Dupleix ne tendoit, comme on l'a dit, qu'à
fins; la première de s'emparer de Madras, pour en difpofer à fon
& la féconde de garder les VaiflTeaux , pour refter feul maître de tou-
forces de la Compagnie. A l'égard de Madras , fes defirs furent bien-
'atisfaits. Voici comment l'affaire fut terminée. On a déjà remarqué
M. Dupleix , & le Confeil de Pondichery , s'étoient expreffement enga-
, par leurs Lettres, d'exécuter les Articles du Traité, tels qu'ils fe-
t arrêtés par M. de la Bourdonnais , qui en conféquence avoit dref-
s Articles , & en avoit envoyé copie à M. M. de Pondichery , en les
rtiffant , que s'ils y faifoient quelques changemens , il ne leur répondoit
DERNlkKCS
GUKl'RCS DE
L'I^DE.
SvrPLEMBNT.
1746.
On lui rc-
fufe toutes
fortes de fis
cours.
les
paru au large. #Ai^ Fart.
* ) Un Catimaron eft un compofé de cinq
?fix morceaux dç bois , de quinze à vingt
M. de la
Bourdonnais
prévient fa
iiiinc totale.
De quelle
façon i! ter-
mine l'affaire
de Madras.
l' ^ >. > ,,' ■ -I pas
pieds de long, attachés enfcmble, fur lef-'
quels un homme eft aiCs avec deux, rames. •
K
H
DESCRIPTION DE LA
l'Inde.
Supplément,
174(5.
G^nditions
cki Traité de
rançon.
DERRikREj pas qu'ils fufTent acceptés. Ces Meflîeurs oubliant bientôt tous leurs en»
Guerres DE gagemens, lui renvoyèrent ces Articles , avec des changemens qui détrui-
Ibient toute l'œconomie du Traité, & qui le chargeoient de conditions
abfurdes & impraticables. Mais pour fe former une idée jufte de l'afFaire,
il paroit indifpenfablement néceflaire de rapporter en fubftance ces diffé-
rens Articles.
Le premier confervoit aux Catholiques Romains les mêmes droits &
privilèges dont ils avoient joui auparavant. Le fécond flipuloit, en faveur
des François, la moitié de l'artillerie & des munitions de guerre , dont on
feroit un recenfement jufte, pour être livrées de bonne foi, en Janvier,
fans que les Anglois puflent s'en fervir en aucune façon contre les Fran*
çois. En vertu du troifième Article , les agrès & apparaux dévoient ap-
partenir en entier à ces derniers, qui après en avoir pris ce qui feroit né-
ceflaire à leur Efcadre , étoient néanmoins convenus de partager le re/le
par égale moitié , avec le Gouverneur de Madras , pour en fournir les Vaif.
féaux Marchands Anglois. Le quatrième laiflbit toutes les munitions de
bouche à la difpofition de M. de la Bourdonnais , autant qu'il en voudroit
charger fur fon Efcadre, le furplus revenant aux Anglois; bien entendu
encore qu'il n'en feroit pas livré la moindre chofe à leurs Vaifleaux de
guerre. Par l'Article cinquième , toutes les marchandifes de la Compagnie
d'Angleterre appartiendroient à celle de France, & feroient eniîbarquéej
foit d'abord , foit en Janvier , fuivant l'Inventaire , le tout à déclarer de
bonne foi par le Confeil Anglois. Le fixième portoit, outre la neutralité
de la Rade , jufqu'à l'évacuation de la Place , que fi après le départ de M. de
la Bourdonnais, il y reftoit un Vaifleau François, il feroit en fureté juf-
qu'à-ce qu'il auroit joint fon Efcadre; &le Gouverneur promettoit auffi des
pafleports pour les Vaifleaux qu'on enverroit en Janvier, charger le refte
des effets. On étoit convenu, par le feptième Article, de laifller à Madras
trois CommifTaires pour y faire le recenfement général des effets appar-
tenant à la Compagnie. Le huitième règloit le payement de la rançon de
Madras, fixée à la fomme d'onze cens mille pagodes, avec promefl'e de re-
mettre la Ville aux François, fi la Compagnie d'Angleterre manquoit d'y
fatisfaire. On nommoit dans le neuvième Article, les Otages à donner
^ar les Anglois pour la fureté de ces payemens. Le dixième accordoit
;a liberté à tous les Prifonniers faits à Madras , fous certaines conditions,
& moyennant que les Anglois en rendiiTent le même nombre aux François.
On promettoit, par les trois Articles fuivans, la reddition tant du Fort Saint-
Georges & de la Ville de Madras , que de toutes les marchandifes apparte-
nant aux Anglois & aux Habitans de la Ville -Noire, à l'exception des
Articles précedens; fans comprendre dans le rachat, les meubles, les effets
& lc3 maifons des Anglois, qui avoient été exemptés du pillage par pure
générofité & politeffe. Il étoit dit dans le quatorzième Article , que fi le
Fort & la Ville de Madras étoient repris par les François, les engagemens
des Anglois feroient nuls, félon les Loix de la Guerre. Par le quinzième
©n évacueroit la Place du lo au 15 Oftobre, &les Otages feroient livrés
la veille. Enfin, par les deux derniers Articles, les Anglois dévoient rati-
fier
g
)us leurs en*
qui détrui-
: conditions
de l'affaire ,
:e ces diffé-
lès droits âc
it, en faveur
rre, dont on
en Janvier,
tre les Fran«
dévoient ap-
qui feroit né-
ager le refît
rnir les Vaif-
munitions de
il en voudroit
bien entendu
Vaifleaux de
la Compagnie
t enjbarquées
à déclarer à
; la neutralité
part de M. de
en fureté juf-
pttoit auflî des
arger le refte
lifer à Madras
effets appar-
ia rançon de
omelTe de re-
manquoit d'y
;es à donner
me accordoit
conditions,
lux François,
du Fort Saint-
ifes apparte-
xception des
es, les effets
âge par pure
e, que fi le
engagemens
e quinzième
roient livrés
evoient rati-
fier
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 7j^
-fier encore cette Capitulation à la fortie des François, & ils s'engageoient
de leur remettre les Déierteurs qu'ils pourroient arrêter, à condition de leur
accorder leur grâce.
Les cinq nouveaux Articles ajoutés en conféquence du nouvel arrange-
«nent, portoient ; i". Que le Confeil de Pondichery donnoit fa parole de te-
iiir les Articles du Traité dont M. de la Bourdonnais lui avoit envoyé copie,
autant que les Anglois tiendroient la leur. 2°. Qu'on s'engageoit a évacuer
[adras , dès que les effets de la Compagnie de France en feroient dehors , au
lus tard à la fin dejanvier,& qu'on lailferoit les Fortifications dans le même
_tat. 3^. Que le Gouverneur & tous les Employés & Habitans y pour-
feent faire leurs affaires & leur Commerce, tant par Terre que par Mer.
^ Que M. Dupleix & fon Confeil recevroient les Otages, ainfi que les
llets de fix cens mille pagodes , payables à Pondichery , par le Confeil
Madras , & les Lettres de change de cinq cens mille pagodes fur la
)mpagnie des Indes d'Angleterre, s'*. Que la Rade de Madras feroit
re jufqu'à l'évacuation de la Place, pour les Marchands des deux Nations.
Il fufïira d'obferver , par rapport aux Articles que demandoient M. M.
cfeïPondichery , qu'ils fe rendoienc maîtres de ne jamais évacuer la Place ,
td^ipulant, fans fixer de terme, quelle ne pouvait être évacuée, que larfque
ifiMtrtage feroit entièrement fini y ^m((nx"ûs pouvoientle faire durer autant qu'ils
Idroient. Une féconde condition du même Article portoit , que la Rade
ladras ne pourrait être fréquentée , par les FaiJJèaux anglais , qu'après r évacua'
, ce qui ôtoit aux Anglois la liberté de leur Commerce , & en même-
is le feul moyen de faire les fonds néceffaires pour payer la rançon,
ins un autre Article, M. M. de Pondichery déclaroient, qu'ils ne rece-
lient ni Billets ni Otages, 6f que le Sr. de la Bourdonnais s'en cbargeroit fur
FaiJJeaux ; Mais cette propofition étoit impraticable , puifque les Ota-
^s & les Billets ne pouvoient être délivrés qu au moment de l'évacuation ;
is auquel M. de la Bourdonnais ne devoit plus être à Madras pour les
:evoir. Enfin l'Article qui le révolta le plus étoic , que le Confeil préten-
ne rien figner avec les Anglais, ^ ne s'engager qu'avec le Sr. de la Bourdon-
lUiH';. Ce dernier fentit que ces Meffieurs étoient dans la perfuafion qu'il
teroit pour qu'ils fignaffent les Articles ; qu'il naîtroit de-Ià de longues
Tputes , & qu'il feroit forcé de quitter Madras , fans avoir mis le fceau
[Traité. Alors, fuivant leur fyftème, ils fe croyoient en droit de
l^mpre la Capitulation, après les proteflations qu'ils avoient faites; &
ir ce moyen , ils comptoient fe ménager une efpèce de liberté de traiter
[adrasà difcrétion, lorfqu'ils en feroient en poflefîion.
Mais pour rendre leurs fineffes vaines, M. de la Bourdonnais réfolut de
?en tenir aux engagemens qu'ils prenoient avec lui, & qui dévoient nér
|Eeffairement les rendre garans de l'exécution du Traité. C'efl l'objet ca-
?|f>ital qu'il le propofbit , & cet objet fe trouvoit pleinement rempli , fbit
|*>ar les Lettres de M. M. de Pondichery , foit par le premier des Articles
•||u'ils lui addreffoient , & qui étoit conçu en ces termes: „ Le Confeil s'en-
j„ gage & donne fa parole, de tenir les Articles dont M. de la Bourdonnais
lui a envoyé Copie, autant que M^ M. les Anglois tiendront la leur".
Cl'erkls de
l'Inde.
Supplément.
1746.
Nouveaux
Articles qu'oa
y ajoute.
Demandes
abfurdcs de
M. M. de
Pondichery.
M, de 1.1
Bourdonnais
s'en tient à
leurs engage-
mens prc-
cedens.
.»»
K 2
Après
I
7t?
DESCICIPTION DE LA
gueurëj de
l'Inde.
Supplément.
1746.
Repriifcnti-
tions qu'il fait
aux Aiigloii.
Il leur fait
accepter les
nouveaux
Articles.
Signature
aiii Traité.
i^près Jei engagemens fi l'récis, il ctoic aflez indifférent que M. M. de
Pondicheiy iignaflcnc ou non le 1 ité avec les Anglois.
Le Sr. delà Bourdonnai? ne penfa donc plus qu'à terminer au plus vitï
avec les derniers. Comme i' !eur avoit donné, dès le 9 Oftobre, 1 Afte (1(.
liberté qui avoit été convei'i' par la Capitulation , & que tous les princi-
paux Articles du Traité avoient été arrêtés entr'eux,dés le 26 Septembre,
il ne s'agiflbit plus que de leur faire accepter l'Article important qui it-
mettoit l'évacuation de la Place en Janvier. Pour les déterminer à en paf.
fer par-là, M. de la Bourdonnais profita de la circonftance du malheur ar-
rivé à fes Vaifleaiix. Il leur repréfenta l'impolTibilité où fe trouvoient les
François , depuis cet accident , d'évacuer la Place en Oftobre , la nécelTit;
où il étoit de fiiivre les débris de fon Efcadre, & d'aller chercher les
moyens de la reparer ; enfin ,. il leur fit fentir que , s'ils refufoient de
conclure à ces conditions devenues indifpenfables par les circonftances, il
feroit contraint de 'es abandonner, fans Traité, à la difcrétion de M. M.
de Pondichery.
Ces confidératioKS firent toute l'impreffion que M. de la Bourdonnais
en pouvoit attendre. Les Anglois fentirent bien que c'étoit un parti forcé,
& après avoir mûrement examiné \qs cinq Articles que ce changement
obligeoit d'ajouter au Traité, ils les approuvèrent. Alors M. de la Bour-
donnais ayant afl!emblé les deux Nations au Gouvernement , le 2 : Ofto-
bre , il fit à haute voix la lefture du Traité , tant en François qu'en Anglois.
Il exhorta enfui te le Confeil & la Colonie, à réfléchir fur l'engagement qu'ils
alloient contrafter. „ Meffieurs, leur dit-il, vous êtes libres d'accepter Is
„ Traité, ou de le rejetter; mais fi vous êtes déterminés à le figner,
„ jurez-moi que vous en remplirez toutes les conditions, autant qu'il fera
„ en vôtre pouvoir ; & que fi vos promeffes ne font pas acquittées par la
„ Compagnie d'Angleterre, vous remettrez vous-mêmes Madras aux Fran-
„ çois'. Tous s'écrièrent qu'ils s'y foumettoient ; & leSr.5/r^on, Con-
feiller, addreflànt la parole à M. de la Bourdonnais, lui dit, qu'il ne s'étoit
déterminé à fe livrer en otage , avec fa femme & fes enfans , que parce-
qu'il connoiflbit fa Nation; „ Il n'eft aucun de nous, ajoûta-t'il, qui ne
„ vendît jufqu'à fes derniers effets , pour dégager une parole fi folemnelle;
„ & nous ferions indignes du nom Anglois fi nous penfions autrement (y)".
Ce discours fut approuvé d'une voix unanime; & le Confeil , le Corps de
la Juilice, celui des Officiers, & les principaux Habitans, jurèrent d'ob-
îerver inviolablement toutes les conditions du Traité, qui fut figné aufli-
tôt, de même que les Lettres de change fur la Compagnie d'Angleterre,
montant à cinq cens mille pagodes, & les Billets defix cens mille pago-
des, payables aux termes convenus, & à l'ordre du Confeil de Pondichery.
Le
(y) La principale objeftion de M. M. de avec tout ce qui s'y trouve. Se peut-il d'ail-
Pondichery contre ce Traité, étoit fondée leurs rien de plus injurieux à celle des Na-
fiir l'extravagance qu'il y auroit , difoient-ils , tions qui le mérite le moins ? M. M. de Pon-
â fe contenter d'une rançon en papier , com- diciiery jugeoient apparemment de la bonne-
me s'il y avoit d'autres moyens de racheter foi des Anglois , par leurs propres fentimeni
une Ville, qui eft au pouvoir du Vainqueur, * • .
*emc
capa
fMAIS
ent to
zèle<S
lins ,
xl'eni
.kf-
t7
le M. M. de
au plus viu
ire , 1 Afte de
is les princi-
5 Septembre,
rtant qui rc-
1er à en paf-
malheur ar-
irouvoient les
, la nécelTiu
chercher les
refufoient de
:onflances, il
on de M. M.
Bourdonnais
n parti force,
: changement
[. de la Bour*
, le 2: Ofto-
ju'en Anglois.
agement qu'ils
5 d'accepter le
; à le figner,
itant qu'il fera
quittées parla
iras aux Fran-
Straton^ Gon-
qu'il ne s'étoit
s, que parce-
:a-t'il, qui ne
fi folemnelle;
trementC)/)".
, le Corps de
urèrent d'ob-
jt figné aufli-
d'Angleterre,
mille pago-
Pondichery.
Le
Se peut-il d'ail-
à celle des Na-
? M. M. dépon-
ent de la bonne-
Iropres fentimen*
DEiiNîkus
GurRRLS DE
l'Lndf..
Surn.EMENT.
1746.
Dv*p:irt de
M. lie la
Bourdonnais.
Suites fu-
neftcs de fa
mcsiiuclligcn-
PRESQD'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III.
.e mené jour M. de la Bourdonnais envoya le Traité à M. M. de Pondi-
hery , en leur marquant, qu'ils répoîidroient,cn leur propre Ck privé nom,
les contraventions qui y feroicnt faites par les François.
-,i Enfin, après avoir donné toutes les inftruftions aux CommifTaircs &
%ix Capitaines; après avoir remis tous les Comptes & tous les Papiers de
^ ladras au Sr. Defprémefnil , M. de la Bourdonnais le fit reconnoitre pour
pmmandant ; & comme la crainte d'un nouvel Ouragan avoit obligé ^on
hifieau d'appareiller & de prendre le large, il fe jetta dans une Chelmgue,
Tfut le joindre feul à quatre lieues en Mer, par un tems affreux, laiflant à
re tous Ces bagages, qui lui furent renvoyés le lendemain, & il fit route
jr Pondichery.
fut rencontré deux jours après , par les cinq VaiffLaux que M. Du-
avoit retenus dans la Rade de Pondichery , fans vouloir ks envoyer ^
j*ecours de ceux qui étoient en perdition devant Madras. Après lésa- ccavccM?M.
r expreffément promis à M. de la Bourdonnais , M. M. du Confeil lui de Poiidkhe-
[rquoient nettement le 22, qu'ils ne lui tiendroient point parole, & qu'ils ^V-
Soient le parti d'envoyer ces mêmes Vaiffeaux hyverner à Merguy,
jn qu'ils leur avoient donné ordre de fe rendre à Achem , qui eft éloigné
3^I||lerguy de plus de deux cens lieues. L'effet néceffaire de cet ordre
* '^t être d'achever la ruine entière de l'Efcadre, & de faire périr M. de
^urdonnais dan.s un faux rendez-vous. Mais les Capitaines des cinq
féaux , à qui l'on avoit ôté une partie de leurs Equipages, ne jugèrent
propos d'obéir; & connoiffant les ordres du Roi, dont M. de la Sour-
iais étoit porteur, ils réfolurent d'aller le trouver, fans fe laiffer ef-
fer par les menaces de M. M. de Pondichery, à qui ils avoient inutile-
it repréfenté que leurs Vaiffeaux n'étoient pas en état de réfifter à l'Ef-
re Angloife. Ce fut auffi la décifion du Confeil de guerre , qui fe tint
jréfence de M. de la Bourdonnais , dans la Rade de Pondichery , où
''aiffeaux mouillèrent le 27 Oftobre. Conformément à cet avis des
ins, M. de la Bourdonuais fit fentir au Sr. Dupleix, le danger qu'il
Jroit d'expofer ces cinq Vaiffeaux, qui faifoient la dernière reffource
i^é* Colonies Francoifes. Il y détailla tous les rifques qu'ils courroient,
icommodité du fien Je riettoit dans l'impoffibilité de les accom-
ler; & pour parer ? ?s inconveniens , il propofa d'augmenter les
^pages des cinq Vaille x, & fur -tout de leur donner une partie du
k)n qu'il pouvoit tirer de deux Navires, qui étant hors d'état de fervir,
jicient dans la Rade de Pondichery. Son deffein étoit d'aller à Goa ,
pendant qu'une partie des Vaiffeaux auroit travaillé dans cette Rade
itre , à fe caréner, l'autre auroit fait la courfe à la Côte de Malabar. En-
te réuniffant tous ces Vaiffeaux, il formoit en peu de tems une Efcar
i capable pour le moins de balancer les forces Angloifes.
[Mais l'opmiâtreté de M. M. de Pondichery étoit invincible. Ils rejec-
rent tous les partis que M. de la Bourdonnais leur propofoit avec tant
zèle & de fageffe. Enfin , malgré Ion oppofition & celle de tous le«
irins, il fallut céder, crainte qu'on ne lui imputât d'avoir fait man-
;r l'envoi de quatre ou cinq belles cargaifons , dgnt la Compagnie avoit
K a . • gran4
7«
DESCRIPTION DE LA
r
DRRN'lfeRES
CuCItUES DE
l'Inbl'.
Suri'LEMENT.
1746.
Di\ îfîon de
l'Elcadrc.
Sort fntal
de pluficiirs
grand befoin dans les circonftances afluelles. M de la Bourdonnais divifa
donc Ton ECcadre en deux. Les quatre bons Vailfeaux , dont il augmenta
les Equipages de cent cinquante hommes de Ton propre Navire, dévoient
fe rendre feuls à Achem , en cas que les trois autres , qui étoient eftro.
pies , ne puiïent gagner cetce Rade i & ceux-ci dévoient dans ce ca$ tour-
ner vers les Ules.
Les 'ept Vaillcaux mirent à la voile le 29 Le Centaure ^ le Mars, le
Brillanty&. IcSaint-Louis^ eurent bien-tôt perdu de vue M. de la Bourdonnais,
qui fit avec fes trois mauvais Navires, des efforts inutiles pour les fut
vre. Il fut enfin obligé de céder au vent, qui lui étoit contraire, &dc
prendre le parti de faire route pour les Illes , où il arriva le 10 de Dé-
cembre.
A l'égard des quatre autres VailTeaux , ils mouillèrent heureufement à
Achem, le 6 du même mois. A leur retour, ils dévoient être- chargés de
marchandifes pour les Ifles, & de-là pdiFer en Europe, comme M. M. de
Pondichery l'avoient afluré à M. de la Bourdonnais. Cependant M. Dï-
pleix aima mieux faire manquer les envois que la Compagnie attendoit, que
de fe défaifir des VaiiTeaux , & de les envoyer aux Ifles fous les ordres de
M. de la Bourdonnais. C'étoit même l'avis du Confeil , mais M. Duplcix
fçut le détourner; & pour éviter les Anglois, ces VailFeaux parcourant le»
Mers, fans vues & fans projet, fe délabrèrent, ruinèrent leurs Equipages,
& confumèrent la Compagnie en fraix inutiles , pendant qu'entre les raa'mj
d'un Chef expérimenté , qui auroit réuni toutes les forces de la Compagnie,
ils pouvoient balancer celles des Anglois , faire des diverfions avantagea-
fes & des entreprifes utiles, ou du moins tranfporter en Europe les car-
gaifons néceflaires pour foûtenir le crédit de la Compagnie. Auflî quel
a été le fort de la plupart des Vaifleaux reftés aux ordres de M. M. dt
Pondichery? L'un a été forcé de s'échouer; un fécond a péri, faute de
réparations ; un troifième a été brûlé fous le canon de Madras , & les au-
tres ne fe font fauves que par la fermeté des Capitaines, qui après une dé-
libération fur rimpoflîbilité où ils étoient de tenir la Mer plus long-tems,
îe déterminèrent, malgré le Sr. Dupleix, à faire route pour les Ifles, oj
ils fe radoubèrent & rafraîchirent leurs Equipages (2).
Pendant ce tems , la prédi6lion de M. de la Bourdonnais s'accomplit;
Toutes les forces Angloifes fe réunirent dans l'Inde. Huit VaifTeaux entn
autres établirent une croifière du Fort Saint-David à Madras , & par ci
moyen Pondichery & Madras fe virent bloqués du côté de la Mer , tandi)'
que les Maures les bloquoient par Terre. C'efl: ici que F Auteur du Mémoi*
re fait confidérer toute la fageffe des projets de M. de la Bourdonnais, i
tout le faux des vues de M. Dupleix , qui avec cinq cens quatre- vingi
fix Européens fe flattoit de mettre en fureté ces deux grandes Places,
dans un tems où il ne pouvoit pas fe diffimuler, qu'elles étoient menacée
d'çtre afliégées par les Maures , & par les Anglois , & que fept à huit cetf
Européens, bien conduits & fournis d'artillerie, fuffifoient pour les preu
■•...„-... ^ dti
(8) Ces mêmes Vaifleaux furent employés utaementdans la faite, pour porter des fecoiu'
«i Pondichery.
eiemy
mnais divifa
il augmenta
e, dévoient
toient eftro-
ce ca$ tour-
le Mars , le
Bourdonnais,
pour les fuif
traire, &de
e 10 de Dé-
ureufement i
:e- chargés de
le M. M. de
idant M. Dï-
ittendoit , que
les ordres de
s M. Dupleix
parcourant le»
rs Equipages,
ntreles mains
la Compagnie,
)ns avantageu-
Europe les car-
ie. Aufli que
de M. M. de
péri, faute de
iras, & les au-
i après une dé-
lus long-tems,
les liles, o«
lis s'accomplit;
/aifleaux cntr;
ras , & par c;
la Mer , tandi
;eur duMémoi*
ourdonnais, i
s quatre-vingt'
irandes Places.
oient menaceii
"ept à huit cet»
pour les pre^
porter des fecoaJ
DER:îI^n^.î
GnF.nur.s de
i.'lNnE.
SlTl'LEMlNT.
I74<3.
Giicncavcc
les Maures
pour Madras^
PRESQITISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 79
kre l'une après l'autre; & ces Villes prifes, toutes les Colonies Françoi-
les étoient perdues fans reflburce. Ce qui a fauve ces EtabUlRmcns , c'cfl:
coup de vent du 13 Oftobre, qui ruina l'Efcadre Françoife devant Ma-
as. Comme M. de la Bourdonnais n'avoit plus alors de VaifTeaux , il lui
^t impoflîble d'emmener les Troupes qu'il avoit conduites pour fon ex-
pédition. Il fut donc obligé de laifler a Madras plus de douze cens Eu-
Sbéens bien difciplinés, & qui joints avec les Equipages de quelques Vaif-
jCux, ont fervi à la garde de Madras & à la défenl^de Pondichery; ce
Si a formé, pour ces deux Places, une Garnifon de près de trois niiile
'Kinçois, au-Iieu de cinq cens quatre- vingt-fix à quoi elles auroient été ré-
' ;s , fans la perte des Vaiffeaux.
Aïs après avoir vu quel ufage M. Dupleix a fait des VaifTeaux , dont il
t ôté le Commandement à M. de la Bourdonnais, il faut préfentement
connoitre comment il s'eft conduit à Madras, lorfqu'il s'eft vu maître
cette Ville. On fe rappelle qu'il avoit promis au Nabab de la lui re-
re. Ce fut pour le forcer de remplir cet engagement , que les Mau-
rirent les armes. Us avoient déjà fait avancar beaucoup de Troupes
les environs de Madras , avant que M. de la Bourdonnais en partit,
tint qu'ils fçurent qu'il commandoit dans cette Place, ils n'ofèrent en
cher, ni faire le moindre afte d'hoflilité. Dès qu'ils apprirent qu'il
it de s'embarquer , rien ne les retint plus. Madras étant bloqué , le Sr.
rémefnil , qui y commandoit , envoya, le 27 Oftobre, des Députés au
ib , pour fçavoir les raifons qui le portoient à faire la guerre aux François.
Députés ne furent pas plutôt arrivés à la Rivière du Mont, qu'ils furent
& dépouillés, avec les cinquante Cipayes dont ils étoient accompa-
Après que les Maures eurent bien maltraité les Cipayes , ils les ren-
rent, & menèrent les Députés à Saint-Thomé, pour les préfentcr au
1 ^nâ/</or du Nabab, qui leur dit que ces traitemens ne leur étoient
que pour fe vanger au peu d'égards que M. Defprémcfnil avoit eii
le Député «ju'il avoit envoyé à Madras, quelques jours auparavant, &
l on n'avoit point fait de politefles. En même - tcms ce Chef des
ts déclara que M. Dupleix leur avoit promis Madras, & qu'ils vou-
l'avoir ; que le fils du Nabab étoit attendu à tout moment , & qu'il ,
it avec un grand train d'artillerie pour reprendre cette Place fur les
çois, degré ou de force. «".vb
>. Sr. Deiprémefnil , qui ne tarda point à fçavoir ce qui fe paflbit à ih font
-Thomé , jugeant que tous ces préparatifs de guerre exigeoient fa ^"cceffive-
ite, prit le même jour le parti d'abandonner le Commandement de Ma- "^^'"°^""^
, & fe rendit par Mer à Pondichery , fous prétexte de maladie. Il fut
placé par le Sr. Barthélémy , qui en faifant faire des forties fur les Mau-
, trouva le moyen de les écarter, & de rendre la liberté à la Place,
qu'il y avoit de particulier, c'eft que les ordres qu'il recevoit de Pondi-
xy , ne l'autorifoient point à repouffer les infultes des Maures ; mais il
it "contraint par une nécelfité indifpenfable. Les Maures s'étoient faifis
ieul endroit d'où la Garnifon pouvoit tirer de l'eau, & ils avoient en-
ré enmême-tems du monde, pour déboucher la Rivière , que -M. Bar-
lemy tenait fermée, & qui inondojt les environs de la Ville. Le Com-
ftiau-
Sab,
Ites
«Il
îo-
DESCRIPTION DE LA
i»;
GUKRRRl HR
I. iNflB.
Stf PM MENT.
1746.
mandant averti de ces dcmarchcs, ordonna aulVi-tôt qu'on tiritt deux cniipj
de canon à poudre fur \cs Travailleurs, comptant que cJà fulHroit pour
les faire retirer. A peine le dernier fut parti, que toutes les iiatterics,
comme de concert, firent un feu terrible, & obligèrent les Maures à Ib
retirer précipitamm.nt hors de la portée. Les hollilités commencées, il
n'y avoit plus à balancer, d'autant moins que laGarnifon fouffroit extrême-
ment , faute d'eau. Le 2 de Novembre , M. Barthélémy , à la demanJi;
de tous les Officiers, fit fortir un Détachement de quatre cens hommes,
avec deux pièces de Campagne, fous les ordres de M. dc/<ï Tour^ Capital,
ne, pour chalfer les Maures du Nord de la Ville. Cette expédition eut
tout le luccés polîible. M. de la Tour fe rendit maître de divers rctran-
chemens des ennemis, leur brûla cinq à fix tentes, encloua deux pièces
de canon , prit plulîeurs chevaux , & leur tua environ foixante-dix hom-
mes. La déroute fut totale du côté des ennemis , qui ne cherchèrent
leur falut que dans la fuite. ' v
Les Maures, qui s'étoient campés à l'Ouefl de la Ville, à une demie lieue
dans les terres , ayant eu avis de la marche d'un Détachement de quatre
cens hommes, que M. Paradis amenoit de Pondichery contre eux, quittè-
rent-les environs de Madras, & le rendirent à Saint -Thomé, pour lui
difputer le pafl'age de la Rivière. Dés que M. Barthélémy en eut été in-
formé, il commanda encore M. de la Tour, avec un autre Ddtachemrat
de quatre cens hommes, pour aller à la rencontre des Troupes de Pondi-
chery , & battre enfemble les Maures. Le projet étoit bien conyu ; mais
il fut mal exécuté , faute d'aélivité , & pour avoir fait partir trop tard le
Détachement de Madras , qui n'arriva à Saint-Thomé qu'après l'aaion : car
M. Paradis s'étant trouvé, à la pointe du jour, au paflage de la Rivière, &
comptant fur le fecours, avança vers les Maures, qui étoient rangés en
bataille , & qui , après avoir tiré fur lui leurs mauvais canons , commencè-
rent à s'ébranler aux premières décharges de fa moufqueterie. M. Para-
dis s'en étant apperçu , fit foncer fa troupe. Les Maures , peu accoutu-
més à fe battre de fi près, prirent la fuite. On en tua plufieurs, &>même
quelques-uns de remarque. Il y eut aulfi beaucoup de blefles qui fe fauve-
rent. Le fils du Nabab commandoit cette Armée, & fut un des premiers
à décamper avec fon éléphant & fon grand étendart.
ApRr-s la fuite des Maures, le Détachement de M. Paradis entra viflo-
rieux dans Saint-Thomé, pourfuivant toujours les fuyards. C'efl: là qu'il
rencontra le Détachement de Madras. M. Paradis y laiiTa M. de la Tour,
& fe rendit à Madras en triomphe. 11 amenoit une quantité de cha-
meaux, de boeufs & de chevaux, qu'il avoit pris fur les Maures. M. de ^
la Tour fe chargea de faire enclouer toutes leurs pièces de canon, &
brûler leurs affûts; mais il ne put contenir fes Soldats, qui pillèrent
Saint - Thomé , enfoncèrent les portes de toutes les maifons , tuèrent
encore beaucoup de Maures, & firent un ravage affreux, dont les Por-
tugais d" cet endroit, les Arméniens & autres, ont bien profité, après la
retraite des François. M. de la Tour s'étant apperçu trop tard de a .
defordre, fit raffembler, fa troupe, & ramena fon Détachement à Ma-
dras, où il conduifit encore beaucoup de chevaux (Se de belliaux desJVIau-
•...;. res,
•
l'RESQU'iSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. Sï
; deux cmip!
uliiroit puut •
s Batteries,
Maures à lo
îmencccs, il
■oit cxircmc.
la dcmunJo
;ns hommes,
o«r. Capital'
ipédition eut
livers rciran-
deux picots
inte-dix liom- •
; chcrchcrcnt
le demie lieue
-nt de quatre
; eux, quitte-
amé y pour lui
en eue été in-
; Détachement
ipes de Pond'i-
n conçu; mais
il- trop tard le
es l'aftion : car
i la Rivière, &
ient rangés en
is, commencé-
Irie. M. Para-
peu accoutu-
purs, «Si-même
s qui fc fauve-
n des premitii
iis entra vifto'
C'eftlà qu'il
SI. de la Tour,
mtité de cha-
laures. M. de
de canon, &
, qui pillèrent
Lifons , tuèrent
] dont les Por-
Lrofité, après 11
jp tard de ce
liement à Ma-
liaux des Mau-
res I
es, qui furent reçus avec joye, dans une Place où les vivres n'étoient
as en abondance.
L'arrivée de M. Paradis à Madras annonça à tout le inonde, au*il ve-
^jit dans cette Ville pour changer en général tout ce que M. de la Bour-
Sonnais avoit fait & conclu. On de fcs premiers foins fut d'expulfer les
^t. de h rtllebague <& Desjardins (a), Membres du Confeil de Madras,
t'un prétendu ordre de M. M. de Pondichery, & pour des motifs auffi
IX. Bien-tôt M. Barthélémy dut également céder fa place à M. Paradis,
omme de confiance de M. Dupleix , & le feul qui convint à fes vues.
I fut alors qu'on vit éclorre le projet qae le Gouvernement de Pondichery
litoit depuis fi longtems.
ES ordres qui arrivèrent à Madras , portoient, „ que le Confeil afTem-
Je, ayant mûrement réfléchi fur l'avis donné par les principaux de la
'olonie & des Vaifleaux , avoit délibéré de faire déclarer aux Anglois
e Madras, que le Traité de rançon qu'ils avoient fait avec le Sr.Mahé
le la Bourdonnais, demeuroit nul, & que la Nation Francoifc fe trou-
foit, envers eux, dans le même état que lejour de la prile de la Ville".
^iordres furent lignifiés aux Anglois, le lo Novembre, & publiés dans
' ras à la tête des Troupes, avec un A£le qui expliquoit les nouvelles
itions qu'il plaifoii à M. M. de Pondichery d'impofer aux Anglois.
conditions étoient ; „ I. Que les Anglois feroient tenus de remettre
utes les clefs des Magaflns , pour que les François puÛent s'emparer
e tous les effets qui y étoient renfermés. II. Que les premiers au-
oient la permidlon d'emporter les meubles & habits , avec les hardes &
lijoux de leurs femmes ; mais qu'à l'égard des marchandifes, argenterie,
hevaux , &c. , tout refteroit aux François. III. Que les Anglois fe re-
ireroient où bon leur fembleroit , fous parole de ne pas fervir contre la
"rance jufqu'à l'échange. IV. Que ceux qui voudroient refcer dansMa-
ras preteroient ferment de fidélité au Roi entre les mains du St. Paradis.
'. Que le Gouverneur & le Confeil s'obligeroient aufli de ne point fervir
utre la France; & que, s'ils refufoient d'en donner leur parole, ils fe-
ent conduits prifonniers à Pondichery".
n'efl pas poflible d'exprimer l'indignation qu'excita la publication
pareil Afte, ni le trouble & le defordre qu'entraina fon exécution,
plupart des Officiers Anglois fe fauvérent la nuit avec leurs femmes
eurs familles , & abandonnèrent la plus grande partie de leurs effets.
X qui relièrent avec le Gouverneur turent conduits avec lui en triomphe
'ondicliery, & donnés en fpeélacle à tout le peuple, à la tête duquel
ut M. Dupleix , avec tout l'appareil d'un Souveram , & tout l'éclat d'un
linqueur. Les Juifs & les Arméniens eurent le choix , ou de voir piller
is leurs effets , ou d'aller demeurer à Pondichery. A l'égard des Natu-
!s du Pays, on les réduifit à la néceflTité de fe fauver, en rafant la Ville-
ire, qu'ils habitoient, &qui étoit le centre du .Commerce. Enfin, ce
qui
DeANikRss
GUBRRCS Dt
l'Indi.
SurPLBMBNT.
i74<5.
Changement
total que M.
Paradis fHik
Madras. ^,
La Capitu-
lation ell caf.
fce&annul*
lée.
r
-.*.
Dëfolation
dans cette
Ville.
(a) Le premier étoit frère de M. de la
urdonnais, & tous ks deux, après avoir
lucoup fouffert des perfécutions de fes
XIK Part,
ennemis , font morts enmême-tems, dans leur
traverfée pour repalTer en France, oi)M< Pu*
pleix les envoyoit prifonniers. „ ,. ■. -^
Guerres dC
l'Indk.
Supplément.
1746.
Protcfta-
tionsdesAn-
Départ de
M. Paradis ,
avec un Dé-
ikacbcment.
Les Maures
vontàfaren-
.sontre»
11 efl battu.
%i M - D ES CRIPT I ON DE L A ^
qui doit encore paroiçre plus incomprétienfible, dans la politique de M.D».
pleix, c'efl: qu'après avoir entièrement détruit la Ville-Noire, qui powvoit
Ttrulc intéreïrer 4 caufe d<i Commerce, il fit des dépenfes énormes pour
fortifier la Ville-Blanche, qui n'étoit plus qu'une Place inutile, & dontli
confervation n'avoit aucun objet depuis la dénK)lition de la Ville -Noire.
Le Gouverneur Angiois & Ton Confeil firent leur proteflation autenti.
que, qu'ils fignifièrent à M. Paradis, au nom du Roi d'Angleterre, contre
1 infraftion du Traité de rançon ; Ils refufèrent en méme-tems de donner
les clefs de leurs Magafmâ particuliers ; mais le Gouverneur François lei
fit enfoncer par autoritév Nouvelles protedations de la part de ces Mef»
heurs (b). Enfin tout fe paflbit , & on ne faifoit plus rien dans la Ville que
par ordre du Roi t& par prot&ftations, ce qui a duré jufqu'à-ce qu'on eut
chafiTé entièrement tous les Angiois de la Place. M. Barthélémy, qui n'é<
toit plus Gouverneur, aiyant été fommé par M. Paradis, de figner l'Aéle
de la caÔation du Traité de rançon , il le refufa , „ en déclarant qu'il n'avoît
„ quitté le Gouvernement, qae pour m'être pas obligé de prêter les maiiu
^, à des injuflices criances".
Après que M. Paradis fe fut acquité de fa commifHon , & qu'il «ut fak
fortir de Madras tous ceux qui pouvoient s'oppofer à fes delFeins, M
Dupleix le rappella à Pondichery , dans la vue de le charger d'une entre»
pril'e plus difficile; & comme il étoit à propos d'envoyer t«i autre Gou»
verneur à Madras , on jetta de nouveau les yeux fur M. Defprémefnil,
qui accepta entbre la commiflion, à la follicitation de fon Beau-père. Il
ne fut pas plutôt arrivé à fon ancien Gouvernement , que M. Paradis fe mit
en route, à la tête d'un Détachement de trois c^s hommes pour joindre
la petite Armée qui étoit deftinée à, faire le Siège de Qoudelour , où la
plupart des Angiois de Madras s'étoient retirés.
Ces derniers, attientifs aux démarches des François, ayant fçu fans dou>
te qu'on devoit faire défiler des Troupes de Madras à Pondichery, ea
donnèrent avis à JVfofouz-Kan , fils du Nabab , le même qui avoit été bat<
tu depuis peu par les François, & qui avoit juré de le faire plutôt Fakir,
que de ne pas fe vanger d'eux. Il étoit brouillé avec fon frère, que h
Angiois avcàent engagé , à force d'argent, de venir fe camper proche de Gou-
delour, avec toutes fes Troupes, pom- couvrir leur Place i mais on avoi:
aufli trouvé moyen de gagner le premier, & de le faire marcher d'Arcattt
à Goudelour, avec fes Troupes, pour fe joindre à fon frère. Ce Généra!
Maure, averti que M. Paradis étoit en route de Madras à Pondichery, en-
voya une partie de fes Troupes lui couper le chemin. Il fut rencontré par
la Cavalerie Maure, trois lieues au Nord deSadras,ou Sadraspatnam. Les
Maures attaquèrent le Détachement , & M. Paradis fe battit en retraite,
faifanc de tems à autre volte face. Enfin , ils harcelèrent les François juf
qu'à la vue de Sadras, augmentant toujours en nombre, par les TroupeJ
qu'ils reoevoient 4e tous côtés. M. Paradis, qui voyoit l'afi^aire devenir
férieufe, craignant que ces mêmes Maures , qu'il avoit battus àSaint-Tho*
né,
(6) Dans leurs jprateftations ils etnplQyoient toujours ces t&tmsi mcettainnMif^ i^
faradis , ]u> Je dit Gouvtmiur 4e Maint.
îi
.J
ledeM.Du.
quipouvoit
lormes pour
>, & dont 11
lie -Noire,
ûon autentl.
erre, contre
is de donnet
François les
de ces Mef^
s la Ville que
ce qu'on eut
my, qui n'é-
figner l'Aftè
t qu'il n'avoît
êter les maiiu
qu'il «ut fak
defFeins, M.
d'une entre*
m autre Goû*
Oefprémernil,
Seau-père, l
F^:iaais fe mit
i pour joindre
idelour , où k
Çgn fans dou>
>ndichery, ea
avoit été bat'
plutôt Fakir,
ière, que les
roche de Con-
nais on avoi;
ler d'Arcatt!
Ce Généra
ndichery , en-
rencontré par
natnam. Lei
en retraite,
François jut
les TroupeJ
Faire devenir
àSaint-Tho-
né,
•ftnin nmai ^
PRESQiriSLÎf ÏN DffÇA DUT GANGE^, txv. III. $5
'ihé n'eufltnt cette fois leur revanche, çagna prudemment la tôtç de fon
r)étachement,&laiira l'arrière-garde fous le commandement de M. de A/a;nr
'\ilk brave Officier , qui fe battoit toujours par reprife contre les Mau-
%es '& qui envoyoic continuellement avertir M. Paradis de faire alte; mais
Inutilement, parceque celui-ci ne cherchoit qu'à mettre en fureté une cin-
lantaine decailfes d'effets qu'il apportôit de Madras pour fon compte,
ïflî dès qu'il pût atteindre la Ville de Sadraa, il fut fe camper à la Loge
)llandoife, où il entra avecaflez de monde pour en être maître. Les
)llandois, peu contens de lui accorder retraite , au rifque de fe brouiller
;c les Maures, fe firent comme forcer, par M. Paradis, pour confentir
'i les principaux de fon Détachement auroient l'entrée de leur Loge,
jue fcs Troupes feroient campées à leur porte.
.ylAiNviLLE , que lesMaures preflerent plufieurs fois vivement, eût toutes
peines du monde à fe tirer d'affaire avec l'arrière-gardc , qui étoit preO-
abandonnée par la tête du Détachement ; Enfin il gagna auffi Sadras ,
\ en colère contre M. Paradis , à qui il en fit de fanglans reproches , juf-
le menacer de lui faire fauter la cervelle. Les François eurent , dans
feoccafion, quelques blefl"és, & quatorze hommes pris par les Maures,
ft^aff^res des Ifles s'étoierit battus en defefpérés. Ils fervircnt bien auflî
Bver lés bagages deM< Paradis, qui fe ctpt obligé, par recoiUioiû*ance,
procurer la liberté aux plus braves. "T-^- '"-'-^ ^nr«v-!5^:ïoin^ to j^'/^'.i
*Es Maures firent fonner fort haut l'aviantage qu'ils crurent avoîr rem-
té fur les François , en faifant fuir devant eux leur Détachement , dont
^n'auroient pas eu fi bon compte, fans les bagages qu'on craignoit d'ex-
• au fort d'un combat opiriiâtre. Le Général Mafouz-Kan fe rendit
fes Troupes à Gbtiddour, auprès dés'Anglois, qui n'épargnoient
pour entretenir ces Maures dans des difpofitions fi favorables.
:. Paradis doniia àPôndiehery avis de fon Combat, & de -la fituation
fe trouvoit, bien retranché à k faveur deiaLoge Hollandoife. On ex-
ia vite tin Détachement pour le fecourir , ôc pour dégager fes caifles , qui
^rent dans Pondichery , fans être fujettes à aucune vifite. A l'arrivée
[. Paradis en cette Ville, on penfa' férieufcment au Siège de Goudelour ;
; préparatifs fe firent avec fi peu de fecret, que les «nnemis ne purent
ler d'en être parfaitement infliruits. Quand tout fut prêt pour ce Siège,
Dupleix proposa de jonner le Commandement de l'Armée à M. Para-
I ; mais tout le Militaire en Corps refufti de martyr fous fes ordres. En-
, après bien des conteftations fur cet Article, M. Dupleix, qui ne
ïyoit pas pouvoir aller faire la guerre lui-même , à quatre lieues de fon
)uvern€ment, fut obligé déplier, & fuivant les règles du fervice, de
)nner le Commandement de l'Armée à M. de Bury , tandis qu'il fe contenta
^1^ faire la guerre de fon cabinet , d'où il difpofa toutes les marches & les
ttaques.
Les Efpions ayant rapporté qu'il n'y avoit pas à Goudelour plus de
kuinze cens Maures , on le hâta de faire défiler les Troupes qui étoient
eftinées au Siège de cette Place. Celles de Pondichery partirent, le i8
décembre, avec fept pièces de Campagne. Le lendemain , toutes lesTrou-
i^es fe joignirent au Pofte d'Arian-Ccupm^ rendez-vous géoéval de l'Ar-
L 2, mée.
gverrks db
l'Indr.
SUPPtEMRNT.
I74<5.
Rcprochci
que Ç[\ niau-
vaife conduite
lui attire.
lar
LcsMaoref
vont au re-
cours deGou*
delo.iEt
Préparatifs
pour le Siège
de cette Place.
Départ de»
Troupes de
Pondichery.
Première
aftion contre
la Cavalerie
Maure.
.Ordres don-
nés pour la
retraite, &
perte 4çs ba-
gages.
Defordres
J«; la retraite.
84
DESCRIPTION DE LA •n^'^
Guerres db,
L'iwne.
Supplément.
174(5.
Porte qu'el-
les emportent
d'emblée.
qui dcdît compofée de dix-fept cens hommes^f ^. L'ordre portoit de
arer d'abord du Jardin de la Compagnie Angloire, qui eft au Nord*
mëe,
s'emparer
Ouefl; du Fore Saine-David , à la portée d'un canon de trënte-fix , où il y
avoic une Batterie de fix canons.
Le 20 ((/), toutes les Troupes paflerent, à la pointe du jour, une Ri.
viére à un petit quart de lieue du Jardin, ibus le feu de quelques canons,
foûcenu de quatre à cinq cens Maures, appuyés contre un petit Village,
mafqué par des brouflailles ; Ce Pofte fut emporté d'emblée. En ap.
prociiant du Jardin , on apperçut fous Ces murs , un Corps d'environ trois
mille hommes , qu on débufqua à coups de canon ; mais tandis que les
François fe mettoient en devoir de s'emparer de ce Pofte , un gros Corps
de Cavalerie Portant des bois de haute futaye , le fabre à la main , vint fe
ranger en bataille dans la plaine, ce qui obligea les François d'en faire au<
tant , & de le préparer a l'attaque.
Le feu commença de parc & d'autre à cinq heures du matin. Les Fian*
çois a voient en tête cinq à fix mille hommes de Cavalerie, & trois ou qu^
tre mille d'Infanterie Maure, avec une cinquantaine de Cavaliers Anglois,
qui animoienc cette multitude de gens peu aguerris. On fit fur eux ui^
feu fi vif de l'Artillerie, que ne pouvant refter en bataille, ils fe répandi-
rent par pelotons, & vinrent prendre les François, par devant & par der-
ce qui occafionna une dépenfe confidérable de munitions.
riere ;
Après s'être battus de pied ferme pendant trois l^eures, la crainte defe
voir couper la communication avec Pondichery , en s'établilfant dans le
Jardin, où les munitions manqueroient bien-tôt, détermina les François à
fe retirer ; & en conféquence l'ordre fut donné de faire revenir les bagages,
vivres, munitions de guerre, &les Troupes qui étaient dans l'avant-cour
delà Maifon du Jardin, prêtes à s'emparer de la Batterie des ennemis;
Mais lorfque ces l'roupes en furent forties, les Maures, au nombre de
quatre à cinq cens, entrèrent dans l'avant-cour, & fe rendirent maîtres de
tous les bagages & de toutes les munitions des Français. Il n'y eut de
fauve que ce qui n'étoit point encore arrivé au Jardin, au moment quel'ap*
parition fubite des Maures empêcha les premiers d'y tous prendre pofte.
Les François fe retirèrent en bon ordre jufqu'à la Rivière de Mariquiche'
na, à un quart de lieue du Jardin, où, harcelés de fort prés par les ennemis,
quin'avoient cefle de les pourfuivre, ils fe jettèrent daiiS cette Rivière
fans fçavoir fi elle étoit guéable. Leur bonheur voulut que les Maures,
dans cet inftant favorable , ne foncèrent pas fur eux à propos; autrement
c'en étoit fait de cette petite Armée, parcequ'il y avoit quatre pieds d'eau
dans la Rivière , & que les bords en étoient efcarpés à la hauteur d'un hom-
me. Les Troupes qui paflbient à la débandade , fe formèrent en arrivant
de l'autre côté de la Rivière; & gagnant le bord de la Mer, elles pouffèren;
leur route jufqu'au Fort d'Arian-Coupan , où elles arrivèrent à fept heures
njDit.-'
'({î
(<r) Les Miflîonnaires Danois de Goude-
lour, ouCudeIur,difent fept cens Européens
& treize cens Noirs.
( i) Le Mémoiie dé M.<delaBourd<»inais
porte le lo Mars; mais c'cfl: une fautCf
comme la fuite le fait voir , ainfî que le Joitf*
nal des Millionnaires Danois.
lent
; ■ j^f
e portoit de
ift au Nord-
fix , où il y
lur, une Ri.
}ues canons }
etit Village,
ée. En aç.
environ trois
ndis que les
gros Corps
lain, vint fe
l'en faire au»
I. ' Les Fran.
trois ou quar
iers Anglois,
ît fur eux un
Is fe répand!-
nt & par der-
>ns.
L crainte de fe
illant dans le
les François à
ir les bagages,
s favant-cour
des ennemis;
u nombre de
;nt maîtres de
Il n'y eut de
nent quel'ap»
mdre pofte.
de Mariquicht'
r les ennemis,
cette Rivière
: les Maures,
is; autrement
:e pieds d'eau
2ur d'un hora-
t en arrivant
es pouffèrent
fept heures
dtt
,.■:'.■ '■•-■ •> 'il
l'cfl: une faute»
linfi qiie le Joui»
PRESQO'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. faf
lu foir, fans prefque avoir eu le tems de boire & de manger de toute la
>urnee.
Malgré le combat du matin, &les différentes attaques de la route, les
Srançois n'eurent qu'environ douze hommes de tués ; mais le nombre de
jfurs bleffés fe montoit à près de cent trente. On comptoit que la perte
^ Maures pouvoit aller à fix cens hommes de tués, & quantité de bleffés,
fmi lefquels fe trouvoient plufieurs de leurs Chefs.
Cette aftion, qui ne fit pas beaucoup d'honneur aux François, étoit
)ellée dans l'Inde , la fameufe journée de Mariquichena. On rioit fur-
; des ordres donnés par M. Dupleix, de pajjerjur le ventre aux Maures
^s'oppofoient à leur paffage(tf ). M. deBury & les autres Officiers firent
tndant tout ce qu'on pouvoit attendre d'eux , dans de pareilles circon-
:es ; mais ils avoient été trompés fur le nombre des Maures , & for-
l'obéir aux ordres de M. Dupleix, qui regardoit l'entreprife comme
illible.
îs Troupes revenues à Arian-Coupan y campèrent fans rentrer à Pon-
ery. On fit dans le refte du mois de Décembre, plufieurs courfes avec
|Kts Détachemens du côté de Goudelour , pour tenir toujours les An-
i<É|i& les Maures en crainte de quelque nouvelle attaque. Ces courfes
foient jufqu'à la vue de Goudelour; mais les Troupes, haraffées de
les &de fatigues, partageoient fi bien la peur avec les ennemis , queU
retiroient le plus fouvent en defordre fur de fauffes allarmes.
dernier jour de l'an fut marqué encore par une autre entreprife, auffi
îxécutée que concertée. On envoya beaucoup de Chelingues à Arian-
)an, fous le prétexte de rapporter à Pondichery les reftes des bagages
fArmée. Ces Chelingues eurent ordre de fe tenir au commencement
nuit à l'entrée de la Rivière, du côté du Sud. Si-tôt qu'il fut nuit,
|t défiler d' Arian-Coupan , en fecret, un Détachement de cinq cens
les , qui s'embarquèrent dans ces Chelingues , pour être tranfportés
idelour, où fe trouvant à la pointe du jour, ils dévoient mettre le
quatre coins de cette petite Ville. Mais les vents étant devenus
tcpgiiires, & foufflant avec beaucoup de violence, rendirent la Mer fi
.jlIP, que les Chelingues , furchargées de Troupes , ne purent pour la
jHHlirt fortir en dehors de la Barre; & plufieurs s'étant défoncées, les
""lats , pour fe fauver , abandonnèrent tous leurs armes , & revinrent à A-
^Coupan fort fatigués & bien mouillés. Telle fut la réuffite de cette
eprife. On en conçut une autre dans le même goût ; mais toujours
auffi peu de fuccès ; tandis que les Maures , loin de quitter GoudQ-
, fortifièrent leur Camp, par le confeil & à l'aide des Anglois, qui ne
;p«||vant leur donner tout l'argent qu'ils demandoient , cherchoient à les ccn-
>ter de belles paroles , pour les retenir dans leurs intérêts.
"La douleur de voir toujours fes Troupes battues & i .pouffées honteu-
lent par les Maures, joints aux Anglois, infpira à M. Dupleix,
. .... ■■ ■• - - - ,- ■•.■.;\.^ ■ ■■ ' i ; 3. .: . une
gubrkes db
l'Ikde.
Supplément.
174-6.
Perte de
part & d'au*
trc.
lllufion de
M. Dupleix.
On fe réduii
à la petite
gueiie.
e) C'efl: ce qui occafionna un bon mot
Officier d'Artillerie, qui dit L Arian-
ipan, en revenant du combat; „ M. Du-
Seconde
tentative fuf
Goudelour.
Ce projet
échoue enco*
re.
1747.
„ pleix devoit bien écrire aux Maures de fe
„ coucher fur le dos , pour que nous puflions
„ exécuter fes ordres ",
L3
Cruelle ven-
geance qu'on
tire des Mau-
res.
■■-m
'«a
«5
DESCRIPTION DE LA
Dernières
Guerres dk
l'Inhe.
sufi'lement.
1747-
Paix raineu-
fe qu'on eft
obl'gc de faire
avec eux.
Nouvelle
entrcprife
infruftueufe
contre Gou-
delour.
Force de
l'Efcadre An-
gloife qui ar-
rive à propos.
Trahifon
découverte à
<70udelour.
une aélîon de vengeance, qui a coûte cher à ia Compagnie. En eflfet, î;
fit partir de Madras un gros Détachement, pour aller ravager les terrej
des Maures. La dévaluation fut portée aux derniers excès : on brûla quin.
ZQ Aidées^ ou grands Villages Maures (/), avec une quantité prodigieufe
de grains & d'effets qui y étoient renfermés; on tua tout ce qui fe pri
Tenta ; enfin , cette terrible exécution fut accompagnée de toutes les hor-
reurs imaginables. ' '' - '
Une expédition , fi cruelle en elle-même , & fi dangereufe dans fes con-
féquences , révolta tous les François qui étoient à Madras. On accabla de
reproches l'Officier qui commandoit le Détachement (/?); & il ne put
«'excufer qu'en répandant par tout des copies de l'ordre qu'il avoit reçu,
A l'égard des Maures, ils fe difpofoient à une vengeance éclatante, lorf.
que le Sr. Dupleix , voyant le danger de plus prés , fe tourna du côté do
négociations, & acheta la Paix à force d'argent (A); enlorte que cem
Guerre & cette Paix ont été également deshonorantes pour la Nation, $
ruineufès pour la Compagnie.
Au commencement du mois de Mars de cette année , les François am
quèrent de nouveau Goudelour (i), dont ils étoient fur le point de s'em-
parer, lorfque l'Efcadre Angloife, commandée par M. Griffin, parut, le 13,
devant la Rade ; ce qui le» obligea encore de fe replier fur Pondichery,
avec armes & bagages. Ils avoient mis deux VaiiTeaux en Mer pour fe rendre
maîtres d'un Navire Anglois arrivé à Goudelour , depuis peu de jours. Ut
autre Vaiffeau de cette Nation, nommé la PrinceJJe Jtrulie, ignorant la prif:
de Madras, étoit entré , en dernier lieu, dans le Port de cette Ville, avec
de grandes richelTes, qui tombèrent en partage aux François. L'Efa
dre Angloife étoit forte de huit VaiiTeaux de guerre, un Brigantin & uni
Chaloupe. Ce fecours venoit d'autant plus à propos, que les François, e
faifant leur paix avec les Maures , les avoient difpofés à abandonner le
Anglois , & à fe retirer du côté d'Arcatte.
Vers^ la fin du mois d'OÛobre, on découvrît une' grande trahifon, doi
le but étoit de faire tomber Goudelour entre les mains des François. L
Chef des Siepas, ou Soldats Noirs , qui entretenoit correfpondance avecl
Gouverneur de Pondichery , & qui en avoit déjà reçu une bonne fo nia
d'argent , devoit, fous promeflTe d'une recompenfe plus confidérable, fe j«
ter , avec fes Soldats , du côté des François , lorfqu'ils feroient à port»
d'entrer dans la Place. On fçavoit depuis quelques jours, qu'ils faiioidi
marcher des Troupes , & qu'ils fe préparoient à une nouvelle entreprife
mais la découverte d'une perfidie^ fur laquelle ils avoient compté (k).i
'' : ' ■■ ■ . ••;"-■> reçoit
maïs fuivant les Miflîonrmires Danois, c
doit avoir été dans une autre occafion.
■ (/) Les Maures font Souverains du Pays;
mais les maifons & tout ce qu'elles reiifer-
jnent appartiennent aux Malabares & aux Pa-
rias, Natiotis neutres, qui n'avoient rien à
démêler drins cette Guerre.
{g^ C'ctoit le Sr. de Mainville.
\hS l\ en a coûté ceijt mille roupies en mar-
chanaifcs, & cintjuante mille en argent.
(i ) Le Mémoire de M. de la Bourdonnais
dit que M. Dupleix s'f trouvoiten perfonne;
(k) M. de la Bourdonnais n'aura ap''
remmert rien fçu de cette trahifon , dontit
Millionnaires Danois rapportent les 0
confiances. Ils ajoutent, qu'un Doineftif
de l'ancien Gouverneur de Madrr.s , fut tr*
vé coupable du môme crime , & qu'il eiiavo;
été puni, ainfî qu'un autte de fes Compiicfi'
En effet, i!
ger le» terres
3n brûla quin-
é prodigieufe
i qui fe pri
)utes les hor<
dans Tes con<
On accabla de
; & il ne put
'il avoit reçu,
datante, lorf.
la du côté dei
»rte que cette
la Nation, *
} François attj
point de s'era-
i, parut, le 13,
iir Pondichery,
rpour fe rendre
L de jours. Ut
gnorant la prift
ette Ville, ava
inçois. L'Efa
îrigantin & uni
es François,©
abandonner le
trahiron,doi
François. L
)ndance aveci
bonne fonin
ldérable,rejei
Iroient à porte
qu'ils faiibicD
elle entreprife
:ompté (/:)••
retoii
mires Danois, t
litre occafion.
muais n'aura ap:i
jtraliifon, dont*
apportent les fi
qu'un Doineftil'
e Madrr.Sjfuttrs
nie, & qu'il tnavs-
de fesCoDiplic"'
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 9^
tour des Vaifleauxde guerre Anglois, qui étoient en croifière, & Tarri-
ie des pluyes , les contraignirent à renvoyer ce projet à une occafion plus
!Vorable.
Au mois de Janvier de l'année fuivante, ils firent encore une tentative;
MÛ n'eut pas plus de fuccés que Iqs autres. Leurs Troupes fe mirent en '
BHmvement, le 16, de Pondichery &de Karical, dans le defleîn d'atta-
Goudelour de deux côtés à la fois. Celles de Pondichery s'avancè-
jufqu'à Pattampakam, quin'eft qu'à quatre miles Angloifes à l'Oued
2'ripaplur ( /) ; & celles de Karical arrivèrent en même-tems à Porto-
linM j mais les deux Détachemens ne purent pouffer plus loin leur marche «
|Mgéi mauvaife volonté d'une partie des Troupes, qui refufèrent d'obéir
Smrdres de M. Dupleix , tandis que d'autres , ne cherchant que l'occa-
ie prendre la fuite, l'obligèrent à donner tous fts foins pour contenir
te, à l'aide de ceux qui lui étoient attachés. Les Indiens qui por-
|t le bagage, lui furent auffî infidèles & abandonnèrent leurs charges,
idemain, à la pointe du jour, la Garnifon de Pondichery ayant vu pa«
quatre Vaifleaux de guerre Anglois, on tira trois coups de canon
sq^eller les Troupes, qui fur ce fignal, fe retirèrent bien vice, après
i|ii«lp4nis le feu aux bagages que les Soldats ne purent emporter. Oa
i^'*%H[t que cette expédition avoit coûté aux François, plus de quiniw
roupies.
iT de mauvais fuccés ne rebutoienc point encore M. Dupleix. Le
lin, le Gouverneur de Goudelour reçut avis, qu'un gros Corps de
ipes étoitde nouveau en marche, de Pondichery , pour venir améger
Place. Il fe trouvoit dans la Ville deux Compagnies qui eurent
d'yrefler, &de redoubler tous les pofles. Cette petite Garnifon
Renforcée le foir par une troifîème Compagnie, détachée du Fort Saint-
où chacun fe hâta d'envoyer fes plus précieux effets. A neuf
les ennemis parurent, & firent tout de fuite une attaque contre
;mière Batterie extérieure de la Ville , du côté du Sud , auprès de la
pe. L'attaque ne dura qu'un bon quart-d'heure. Les Anglois n'y
' pas un feul homme rfe bleiTé ; mais la perte des François , au râp-
es Prifonniers & Déferteurs, devoit bien fe monter à trois cens
es. On n'en trouva cependant que douze qui avoient été tués fur
e: Le nombre de leurs blefTés étoit beaucoup plus confidérable. On
itoit, parmi ces derniers , l'Officier commandant, & un autre Officier de
ion , qui mourut peu de tems après de fes bleflures. Comme d'ua
, le Commandeur Griffin étoit à la pourfuite de quelques Navires Fran-
& que de l'autre côté, l'on croyoit être bien informé à Pondichery,
avoit pris, à bord de fes VaifTeaux de guerre, deux cens cinquante hom-
de la Garnifon de Goudelour , c'eft ce qui avoit engagé les François
tte entreprife. D'ailleurs ils s'étoient imaginé, qu'on auroit encore
toutes les Troupes dans la ForterefTe. Auffi étoient-ils venus fais
lerie, &prefquefans provifions, parcequ'ils fe regardoient déjà com-
.3" me
O) On iugeoit par lesrand détour que ce Détachement avoit pris du côt«i de l'OccidonU
M le deffcin étoit de détruire Trinaplur & Goudelour en mêine-tems.
DERMlfcltet
cucrres db
l'Inde.
suppl£mknt«
1748.
Autre ten-
tative inutile
contre cette
Place.
DemiéfA
entreprife
malheuieufe,
.«•-. t
^
DESCRIPTION DE LA
j^ i
DBRNibBES
Guerres ds
l'Inde.
Supplément.
1748.
Les Fran-
çois font tra-
his par un de
leurs EC^nons.
Siège de
Çondichery.
LesAnglols
font obligés
de le lever.
me les maîtres de la Ville. Les Dëferceurs dirent que M. Dupleix lem
avoic donné ordre d'en paflertous les Habitans, hommes, femmes âcen»
fans, au fil de Tépée, oc que cet ordre leur avoit été lû, en plufieun
Langues , près d'un grand Chaudrier à deux lieues de la Ville.
A ce récit que nous fournifTent les Miilionnaires Danois de Goudeloiir
le Mémoire de M. de la Bourdonnais ajoute une circonflance aflez remar»
quable. Lorfque les Anglois, dit-il, s apprêtoient à adléger Pondichery,
un Efpion Noir y vint dire, qu'ils avoient tiré prefque toute la Garnifon de
Goudelour, pour faire ce Siège, & que la prile en écoit d'autant plus fa.
cile , qu'il y avoit une brèche confîdérable , par laquelle les François pou.
voient entrer fans difficulté. Le Sr. de Mainvillc , à la tête de quinze ou
feize cens hommes , fut chargé de l'expédition, avec ordre de fuivre
exaélement les avis du Noir, qui fervoit de guide. Cet homme menj
les François par des détours qui les firent marcher vingt-quatre heures,
quoique les deux Villes ne foient éloignées que de quatre lieues. Ils arri.
vèrent enfin la nuit fuivante , & defcendirent dans le fofTé , fans qu'il pv
rut aucun mouvement dans la Place; mais dans le tems qu'ils cherchoieii!
la prétendue brèche, & qu'ils comptoient entrer fîns réfiftance, ils furent
îalués d'environ deux mille coups de fufil, qui partirent tout à la fois, à,
qui , grâces à l'obfcurité , ne firent pas le carnage qu'ils dévoient faire. Ct-
pendant les Soldats jugeant bien qu'on avoit été trompé par le Noir , ^
qu'on les menoit à la boucherie, fe mirent auffi-tôt à fuir en defordre , juf. •
qu'à Arian-Coupan , où la troupe fe raflembla dans la matinée, Liflaa'
aux Anglois fes bleffés & une bonne partie de fes armes (m).
L'arrivée de la Flotte Angloife, commandée, par M. ^o/Zra'ZWffn, qui mouilla
à Goudelour le 6 Août, interrompit à Pondichery toute autre affaire, poui
fe préparer à foûtenir le Siège dont la Ville étoit menacée. Aufli les Angloii
vinrent-ils en effet le former bien-tôt après. Mais malgré tout l'efFort de
leurs bombes & de leurs canons, voyant qu'ils ne pouvoient réduire laPlaw
avant la.fin de la Mouçon , ils levèrent le Siège, le lôOftcbre, après quj
rante jours de tranchée ouverte. Cette entreprife leur coûta beaucou;
de monde, quantité d'Officiers, & entr'autres leur Capitaine de Grenj'
diers, qui fut tué à l'attaque du Fort d'Arian • Coupan , qu'ils ne pureni
enlever. M. Hally-Burton , qui avoit été Membre du Confeil de Madraj,
fut tué auffi, mais par leurs jpropres Cipayes. Leur Major Général, m
Capitaine, quelques autres Officiers, & un grand nombre de Soldats furem
faits prifonniers. On leur enleva 'encore deux canons de vingt-quatre,
avec les trinquebalies , qui les tranfportoient du bord de la Mer à leur Canip^
Les François firent différentes forties vigoureufes fur eux, où ils eurent pb
fleurs Officiers blef/és. M. Paradis fut tué dans une de ces forties. Sam
un accident arrivé à deux chariots chargés de poudre, qui prit feu,li
perte des François auroit été peu confîdérable, quoique leurs Troupes ft
fuffent trouvées expofées fur toutes les Batteries de Pondichery, qui dût foi
. falut,'
( m ) Cette dernière tentative n'eft que la
<\uatrièine dont le Mémoire de M. de la Bour-
donnais falTe mention. CeUe qui l'avoit pré*
cédée, au mois de Janvier, étoit fansdoiitl.
alors ignorée en France,
Dupleix lent
emmes &en>
, en plufieuri
e.
e Goudeloiir,
; aflez retnar»
Pondichery,
la Garnifon de
Litant plus fa-
François pou*
î de quinze ou
dre de fuivre
homme mena
[uatre heures,
:ues. Ilsani-
, fans qu'il pv
ils cherchoieii!
nce, ilsfuren;
c à la fois, &
)ient faire. Ce-
ar le Noir , 3[
idefordre,juf.
atinée, Liflk
(m).
)en , qui mouilk
•e affaire, poui
!\uflilesAng\oii
tout l'effort de
réduire laPlaci
jre, après qui'
outa beaucou}
ine de Greni'
l'ils ne purent
dl de Madras,
)r Général, ic
; Soldats furent
vingt-quatre,
sr à leur Camp.
i ils eurent plii'
forties. Sam
ui prit feu, li
rs Troupes ft
;ry, qui dût foi
falut,
r, étoit fansdoW
PRESQiri'SLE EN DEÇA DU GANGE, Lïv. III. 89
falut , dans cette occafion , au monde que l'Efcadre délabrée de M. de [a
Kourdonnais avoit laiffé en arrière, & à ies Troupes des Ides.
1 On a encore une longue Relation de ce Siège, envoyée, par l'Amiral
Ds&NikRes
GuEitRES DK
l'Inde.
Suri'LEMENT.
1749.
sfles. On affuroit , fuivant cette Relation , que la perte des Affiégés pou-
it bien aller à cinq cens Européens. Le Fort d'Arian-Coupan tut auffi
is & démoli par les Anglois. >'
OÎ-ES premiers afpefts de l'année 1749, furent ceux de la Paix, qui ayant
conclue l'année précédente, à Aix-la-Chapelle, fut annoncée, au mois
?'évrier, par une fufpenfion d'armes entre les Anglois & les François, qui
dant quelaue-tems n'eurent plus à combattre que les vents & les fîots.
Ouragan furieux, qui s'éleva le 25 Avril, caufa un dommage inexpri-
le fur toute la Côte. Les Anglois perdirent, à cette occafion, une
taine de Vaifîeaux, de différentes grandeurs ; les François dix de leurs
rires, & les Hollandois plufieurs Chaloupes & Bâtimens du Pays. On
;BQi|pyoit dans les Villes & a la Campagne, quejmaifons renverfées ou dé-
''ertes, qu'arbres déracinés & dépouillés de toute verdure. En un mot,
olation étoit générale , depuis le Cap Callamedu jufqu'au Bengale , &
la Prefqu'Iile avoit reflenti les triftes effets de cette tempête. Sur la
de Malabar on comptoit qu'il étoit péri plus de trois cens Bâtimens.
N trouve dans les nouvelles publiques de ce tems-là, une Relation dif-
nte de ces defaflres. Les Anglois avoient perdu, dans la Rade du Fort
t-David, le Vaiffeau le iVflWMr, de foixante & quatorze canons, avec
cens vingt hommes; du VailTeau le Pembroke, de foixante canons, qui
briféfur le rivage, il ne s'étoit fauve que douze hommes, & plus de
cens trente avoient été noyés. Un grand Navire, qui fervoit d'Hô-
, nommé Y Apollon , de quarante pièces de canon , fit naufrage entre
elour & le Fort Saint -David, avec trois cens cinquante hommes.
^aiffeauxde la Compagnie le IVinchelfea^ le Lincoln , la PrinceJJè Au-
i& le Fanzy, furent jettes fur la Côte; mais la plupart des Equipages
lèrent la Terre. Il y périt encore un Vaiffeau Portugais de Macao , qui
: déjà les deux tiers de fa charge , & vingt-quatre, tant Brigantins que
oupes & autres moindres Bâtimens. Dans H Rade de Pondichery,
TailTeau de Guerre François de foixante - quatre canons fut pouffé fur le
ige, fans avoir perdu que trois hommes. Deux autres Vaiffeaux, &
"rigantin y étoient éclioués, & le Vaiffeau de la Compagnie VEdgehaf-
fe trouvoit à l'ancre près de cette Rade, démâté de tous mâts.
égard des Hollandois , les Dire6leurs de la Compagnie des Indes furent
brmés depuis , qu'ils n'avoient perdu aucun Vaiffeau dans cette tempête.
*ladras , il étoit péri deux Vaiffeaux François & plufieurs Bâtimens char-
de grains.
N travailloit , en attendant , à exécuter les conditions de la Paix (w). Ma-
-, ' :: ' ■ -■ ■" '-■ . - dras
M. Dupleix avoit reçu depuis long-temsles ordres du Roi pour évacuer Madras; mais
Hoir cnrnra «oiiv A.^ In r<i-.m^«.«,:o *
f attendoit encore ceux de la Compagnie,
' Xir. Part, M
Conclufiou
de la Paix.
Ouragan
furieux.
Evacuation
de Madras.
v*^
'M
DESCRIPTION î>t LA
■ I. ■!
OUERRfcS OS
l'Inde,
supplemekt.
1749.
Remarque
fat les nou-
veaux trou-
bles de l'Ind«.
Les Ânglois
tentent en
vain de réta-
blir le vieux
Roi de Tan-
j'our.
Ils prennent
Tivu-Kôdtey
au Roi ré-
gnant.
drai,queM.DupleiXàvoic fait fortifier avec des dèpenfet confldérablef,
fut enfin évacué , âc l'Amiral Bofcawen en prit pofleuion le ler Septembre.
La perte de cette fameufe Ville avoit coûté cher aux Anglois , & bien loin
que les François en euflent profité « on a vu jufqu'ici quelles ont été les
fuites funedes de l'étonnante conduite de M. M. de Pondichery , dans la
rupture d'u:^ Traité folemnel, juré Àfigné entre les deux Nations; tandis
qu'il eil prouvé , qu'en marchandifes , agrès & apparaux , M. de la Bourdon*
tiais , indépendamment des onze cens mille pagodes de rançon , tiroit de
Madras au moins quatre millions en nature; ce qui auroit formé, pour la
Compagnie, un bénéfice de quinze millions de livres , fans compter tous les
avantages des nouvelles entreprifes qu'on a fait manquer à ce digne
Olficier, dont les ferviccsont été aufli éclacansque mal-rccompenfés (0).
Malgré le rétabliiTiment de la Paix entre les Anglois & ks François,
la Guerre avoit déjà recommencé à les engager les uns contre les autres
dans des intérêts étrangers. On n'a jamais bien compris, en Kurope, ler
véritables caufes de ces nouveaux démêlés, qui ont eu des fuites fi mtéref-
fantes. £n effet , quoiqu'on fçut en général , que ce« deux Nations riva*
les n'étoient en concurrence qu'à titre d'auxiliaires des Princes du Pays,
on étoit cependant fort éloigné de pouvoir déterminer, au jufte, la natu-
re des prétendons qui divifoient ces derniers; ce qui empêchoit en méme-
tems déjuger, fi les fecours qu'on leur accordoit étoient légitimes, nécef-
faires ou avantageux ; Mais à l'aide des éclaircifTemens qu'on a déjà don*
nés , l'ordre hiftorique des faits récens , dont l'origine s'y rapporte , fuffira
pour mettre le LeÊleur en état de s'en former une idée plus diftinéle.
On fe rappelle que dix ans auparavant, Sawâfadi, ou Sahagy-Mahou*
Raja, Roi de Tanjour, fut chafTé de fes Etats par un de fes Coufins, qui
s'établit à fa place (p). Ce Prince s'écoit retiré à Tripaplur, gros Bourg
fort peuplé , au Nord-Oued de Goudelour , dans le voifinage des Anglois.
II voulut cette année fe fervir d'eux pour cencer de remonter fur le Trône ;
mais fon delTein éclata trop-tôt , & fon Adverfaire eut tout le tems de fe
mettre en bon état de deffenfe. Ainfi il fut obligé de s'en retourner, avec
moins d'efpérance que jamais , de retrouver une occafion favorable à fes vues.
Les Anglois, à qui ce Prince avoit promis, pour recompenfe, la Forte*
reffe de Tivu-Kôdtcy (j), ne laiiTèrent pas de s'emparer de cette Place, le
croyables, tous ces defaftrcsnepouvoient pas
lui fuire efpérer de jouïr long-tems de fa vic-
toire. Aufli eft-il mort vers la fin de 1753,
âgé de cinquante-quatre ans.
(p) Voycg ci-tlemis,/)-jf. 5.6.24. &fulv.
Ils iitoient fils de deux frères , qui avoient
fuccoflivemcnt régné à Tanjour ; mais le Père
d«j Sawâfadi étant l'aîné , celui-ci avoit plus
de droit à la fucceflîon que l'autre. Sa ■^ âfadi
eft le même que les François difbfit avoir été
étouffé dans un bain de lait tiède, pag. 26.
Note (0).
(g) Çleft ùneFortfereflTe frontière de l'Etat
de Tanjour, fiMé« à cùq miks an Mord dt
Tim-
(e) Ceft dans fon Mémoire même qu'il
faut prendre une idée complette des perfécu-
tions inouïes auxquelles il a été en bute , juf-
qu'au moment que lâ CommilHôn nommée
pour l'indruélion de- fon procès, a été en
état de faire éclater fon innocence 6f la noir-
teur des Calemnies dmt m a vaulu le rendre la
viSime. M. de la Bourdonnais , qui à fou ar-
rivée en France, en 1748, avoit été mis à
la Baftille , en fbrtit avec honneUr , le 5 Fé-
vrier 1751 ; Mais les longueurs de fa captivi-
té , la pi.rte de fes plus précieufes années , le
^rtui^^ement de Ik ftmié & d'une fortune qui
étoit le fruit de quarante ans de travaux in-
< "ià
PRESQUISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. pr
19 Jui^» »P'è« quelques jour» de réfiftance. Le Roi régnant en fut fi cha-
grin . qu'il refufa de manger pendant deux jours ; & dans la crainte que les
Anglois ne poullaflent plus loin leurs conquêtes, il fe hâta de leur offrir la
Paix. Ils I acceptèrent, à condition qu'ils refleroient en polTcflîon du Fort
ôi des terres de fa dépendance, & que tous les fraix de cette expédition
leur feroient rembourrés. On voit, par ce récit, que les Anglois avoient
d'abord pris les armes pour une jufte caufe, qui s'accordoit avec leurs inté-
rêts j & que n'ayant pu remplir leur premier objet, ils ont du moins voulu
remplir le fécond, en faifant leur Paix avec le Roi régnant de l'anjour, à
des conditions avantageufes. C'eft-ià le principal fondement de» fecours
qu'ils lui ont donné dans la fuite.
Cette même année, il arriva de grands changemens dan» la Province
d'Arcatte. Sandcr Saljeb, que les iMaratte» avoient emmené prifonnier,
en 1741 (r), étoit revenu à la tète d'une Armée de cette Nation, qui
ne cherchoit qu'à s'enrichir encore par le pillage. Le» François, qui a-
voient toujours été dans les intérêts de Sander-Saheb , lui envoyèrent un
renfort de deux mille Cipayes, foixante Caffres, & quatre cens vingt Sol-
dats Européens, fous les ordres du Cumce d'^iteuil, pour l'aider à fe met-
tre en poiTeOion du Gouvernement d'Arcatte (0«
Aha-
DcRNikin
GueRRfcs 01
L'l^nlî
1749-
Ce Princo
fai( la Paix
avec dO.
Snnder-
Saheb & les
François font
la Guerre au
Nabab cfÂt'
catte.
Tranauebar, fur une do«^le Ifle formée par
le Coloran; d'où lui vient Ton nom, qui
fignifîc Fortereffe de l'iflt. L'Awteur de nô-
tre Carte du Thtatre 4e la Guerre, avoit cru
devoir reftifier ce nom , en écrivant Tiru-
Koney , apparenimcnt fur ce que l'Adjeftif
Tiru , oui Veut dire Sai'it , e(l joint aux noms
de pluneurs autres Pinces de ce Pays.
(f) Vo3'e2 ci-deffus, pag 41.&53. On a
déjà fait remarquer , que fuiv: nt h$ Milfîon-
naircs Danois, & le Mémoire de M. de la
Bourdonnais , c'eft le môme que les Ang'ois
nomment Cï«N(ifl , ou Cbuenda-Sabeb. Voici
les propres termes du Mémoire. „ Le Nabab
„ Siiider-ilabeb . OU Cbandu-Sabeb , yCtJlle
„ même que le Sr. Dupleix a voulu dejuis
„ rétablir, i^ pour lequel on apprend qu'il a
y fait la Guerre ) ajnnt été défait avec tou-
„ tes fes Troupes , chaffé de fes Etats, 6?
„ pris par ii-s Marottes , fa mère & fes fem-
„ mes s'étoient retirées à Madras, avec tous
„ jjuts effets". Tom. 1. pag. 364. Durant
le. Siège de cotte Place, en 1746, M. de la
Bourdonr.ais leur permit d'en fortir , fur ce
que M. Dupleix lui avoit expreflement re-
commandé d'avoir beaucoup d'égards pour
cette Famille. Tout cela prouve que Sander-
Saheb étoit alors Prifonnier des Marattes.
Les nouvelles pulJique» de 1751 , annonçoient
auift , qu'il avoit obtenu fa liberté à la folli-
citation de M. Dupleix; de-forte qu'on ne
Îicut p;is fuppofer, avec M. Green, que ce
&t UB autre, ni qu'il eut ^té fait Nabab
d'Arcatte, après la mort de Sabder-AIf-
Kan, fon beau-frôre, & dépoflfedé enfuite
par Nazerzingue , Souba de GolKonde, qui
établit Anavcrdl-Kan à fa place. Ci-deJ}'us,pag~,
53. Quoiqu'il en foit, ce dernier, qu'on vt
voir périr fous les armes des Frinçois , étoit,
fans contredit, le léj'itime Nabab d'Arcatts,
par une paifible pofleffion de fept ans: & co
qui prouve que M. Dupleix lui-iiiême le re-
connoiiToit pour tel , ceft la promelfe qu'il
lui avoit fatttf, ou A Ton fils, de lui remet»
tre Madras après fa prifw-, /"j^r 63; f-ffM^ef-
fe, dont l'inexécution autor:foit les M'^ur-s
à fe décirer coi tre les Franc jis, pag 79.
Mas ayant fiit leur Paix, d.'pu s peu, tivec
eux, [>ng 86, ceux-ci étoi.nc encore moins
en droit de reco.nmenccr la Gu rrj , & de
prendre le parti d'un Rebelle; tt;e fous le-
quel Sniider-Saheb eft CQnftammcnt délijj,né
par les Millionnaires Danois.
(x) Explanution of tbe Mao tac. L'Auteur
A\x Genuine j4f<ount &c., dit que ce fut en
conféquence d'un projet qu'on prêt ndoit
avoir éti formé entre Couewt t-Sii'', (Sinder-
Saheb) Moznfferfing , & M. Dupleix; Mai»
M. Gr:en efl embarraffé de déterminer com-
ment MozalFer-Jing, Ntveu de Nâfr-Jing,
étoit venu joindre Sandcr Salieb ; & il fe
plant, avec raifon,de la négligence de l'Au-
tjur en queftion , qui n'explique point quel-
les étoient les principales parties , ni les cau-
fes de cette Guerre ; ce qui étoit néanmoins
fort nécelTaire, puifqu'eiitre dix mille pcr-
M 2 fo»^-
DerViLres
GUBRRES Dl
l'Inob.
Surpt.nMBNT.
1749.
Ia' Nabab
cQ tué dans
une action.
Les François
établilTont
Sandcr-Saheb
i fa place.
niftrift con-
fidérable qu'il
leur ccdc.
Un Jdfuite ,
3ui s'empare
L- S.Tliomé,
eft enlevé
par les An-
glois.
9^ -^'DESCRIPTION DE LA '"*
Anaverdi-Kan, informé des defleins de Sander-Saheb, fe mît en marche
de cette Ville, avec fept mille hommes de Cavalerie, fix mille d'Infante*
rie & vingt pièces de canon , {)Our aller à là rencontre : Mais ayant eu avis
de l'arrivée du fecours François, qui avoit joint l'Armée ennemie, il fe
retira immédiatement dans un Camp retranché , entre une Montagne inac*
cefTible & une Rivière profonde, qui formoit un marais de difficile appro-
che. Cependant les François, après avoir été repoufTés jufqu'à trois tois,
forcèrent enBn les retranchemens. Anaverdi-Kan & les principaux de fon
Armée furent tués dans cette aélion , qui ne dura pas plus d'une heure.
Ënfuite les François tombant fur fa Cavalerie, qui étoit engagée avec cel*
le deSander-Saheb, la chargèrent (i vivement qu'ils la mirent bien-tôt en
déroute. Ils n'eurent qu'un Officier & dix Dragons tués , outre foixante-
dix hommes blefTés. Le Comte d'Auteuil étoit du nombre de ces derniers (r).
Après une viftoire fi complette, les François établirent Sander-Saheb (v)
en qualité de Nabab d'Arcatte. Ce coup d'autorité de leur part ne put être
frappé, fans qu'il en coûtât la liberté ou la vie à tous les Gouverneurs Mau-
res entre Pondichery & cette Ville. Outre le butin immenfe que le» Fran*
çois firent dans le Pays , le nouveau Nabab , en reconnoiflance de l'im-
portant fervice qu'ils lui avoient rendu , leur accorda la propriété de qua-
rante-deux (x) Bourgs & Village», fitués à l'Oueft & au Nord de Pondi-
chery, dont le Diftirict s'étendoit ainfi, depuis les frontières du Fort Saint-
David jufqu'à Pàliacate; ce qui formoic un bel arrondiflement de domaine
pour la Compagnie (y).
D'un autre côté Saint-Thomé étoit au pouvoir d'un Jéfuite Portugais ,
Parent de M. Dnpleix. Après s'être faifi du Gouverneur Maure, qu'il li-
vra
fonnes, à peine s'en trouve-t'il une qui en
fok indruite. Suivant les Miirionnaires Da-
nois, Illadi'Cban'Modin,qai dévoie ôtre pro-
che parent de Nazerzingue , étoit Général en
Cher de la Cavalerie Maure , & il avoit été
engagé , par Sander-Saheb , à fe joindre à lui
pour faire un riche butin , & exiger de
grofles contributions du Pays. Une Lettre
de Pondichery, inférée dans le Mercure Hijl,
Êf Polit. May 1752, pag. 590, ajoute au
nom de Mouzafcrzingue , ceux à'Idayet-Mo-
di-Kan ; ce qui nous fait croire que c'étoit la
même perfonne. Les François difent que
Nazerzingue étoit fils naturel de Nizam-ul-
Mulk, & qu'il avoit fuccedé à fon Père, au
Î)réjudice de Mouzafcrzingue fon petit-iils
égitime. M. Green juge au contraire, par
le nom & le titre de Nazerzingue , qu'il étoit
le fécond fils à'4fof-Jâb, ou Nizam-ul-MuIk.
Nâjr-Jing étoit fon titre , & Gbâzi-oldin fon
nom. Le premier fignifiè FiSorieux en Guerr
re; le îccond Champion de Religion, Frafei,
IJiftoire de NadirShdb, pag. 44. De ma-
nière ou d'autre , que Nazerzingue eut ufur-
pé. fon pouvoir ou non , il n'appartenoit pas
aux François de s'en mêler, comme ils ont
fuit. depuis, tandis que la Cour Mogole le
laiflbit en place. Mais veut-on quelque chofc
de décifif fur cette prétendue ufurpation dont
ils fe prévalent pour juftifier leur conduite ?
Qu'on life les détails qu'ils nous fourniflent eux-
mêmes, touchant la fameufe Guerre des Ma-
rattes. Ci-dejfus, pag. 29 fif 35. On y verra, que
dès l'année 1 740, Nazerzingue étoit Soubadi-
Golkondc ,& qu'il rendit alors un bon fervice,
tant aux Mogols qu'aux François. Nous lait-
fons aux Leftcurs à en tirer la conféquence.
Au-refle il eft fort apparent, que la mort Mu
Grand Mogol,Mahomet-Schah,arrivée au mois
de SeptenAre 1 748 , n'ayant pu que changer
entièrement la face des aiFaires en cette Cour ,
les François auront cm devoir aufli changer
de fiftème , & prendre les mefures qui conve-
noient à leurs intérêts.
(t) Explanation of the Map , &c.
( t ) On a dit ci - deflus , qu'il ne parvint
au Gouvernement d'Arcatte qu'en 1751. En
effet, ce fut feulement alors , aue Mouzafcr-
zingue le confirma dqns ce poue.
(*) Ailleurs 40 & 48. M. Green dit 4S
Villages , outre la Ville de Filnur. La celîion de
Sabder-AIy-Kan avoit été confirmée par le
Grand Mogol; mais celle-ci ne le futjamais.
C7) MilEonnaiies Danois.
I toit an
I autour
' dre la
^ueles
tion, j
tiens d
ifau feco
ÎSoIdats
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Cumba{
tbuvoie
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^Kan, fi
j quelle fi
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I d'homm
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proche]
lanterie,
jours, 1
fecours
ffe Tivu
attaque,
François
Ville, fa
une brê(
la Place
fés avec
: en marche
; d'Infante'
^ant eu avis
emie, il fe
cagne inac>
kiie appro-
a trois tois ,
paux de fon
'une heure.
ie avec cel-
bien-tôt en
"2 foixante-
iernier8(f).
;r-Salieb (v)
ne put être
•neurs Mau-
ue le» Fran*
ce de l'im-
iété de qua*
d de Pondi*
, Fort Saint-
de domaine
: Portugais y
ire, qu'il li*
vra
quelque chofc
furpation donc
leur œnduite ?
burniflent eux-
ruerre des Ma-
)n y verra, que
étoitSoubadc
inbonfervice,
>is. Nous lail-
conféquence.
ue la mort Ma
irrivée au mois
que changer
en cette Cour,
auffi changer
res qui convc'
|»RESQO'IffLE EN DEÇA DtT GANCÎE, Ov. III. gf
vra aux François, ce Père avoit commencé de bâtir un Fort dans la Ville,
où il commandoit en maître depuis quelques mois, lorfque les Ançlois,
outrés de tant d'infolcncc, prirent fi bien leurs mefurcs, que la nuit du
15 Oélobre, l'Amiral Bofcawen le fit enlever & tranfporter à bord de fa
Flotte, qui mit à la voile pour l'Europe peu de jours après (z).
Le départ de la Flotte Angloife , laifla les Peuples de cette Côte dans de
grandes inquiétudes, à la nouvelle de la marche de Sander-Saheb , qui s'é-
toit arrêté a Pondichery pendant quelque-tems. Il avoit dans fon Armée
autour de cinq cens François. Ces Troupes ne tardèrent pas de répan-
dre la défolation du côté de Goudelour , dont elles faccagèrenc les environs,
que les Ilabitans avoient abandonnés. Sander-Saheb s'avança, fans oppôfi'
tion , jufqu'aux bords du Coloram , exigeant par-tout de grofies contribua
tiens des Garde-frontières. Les Anglois de Tivu-Kôdtey avoient envoyé ,
Ènu fecours du Roi de Tanjour , un Détachement de quelques centaines de
iSoldacs, qui s'étoient campés prés de Tirichinapaly , pour difputer aux Mau-
hres le paflage de ce Fleuve. En attendant, la plupart des Habitans de
Cumbagonam, de Majaburam & d'autres lieux de FEtat de Tanjour, fe
Ikuvoient en foule , avec leurs effets , dans les Places Européennes le long
die la Côte. Tous les Villages du Diilriél de Tranquebar étoienc rempli»
de ces fugitifs (a).
Les ennemis avoient deflein d'aflîéger Tirichinapaly , où Mahomet- Aly-
Kan, fils du dernier Nabab d'Arcatte, s'étoit retiré après la Bataille dans la-
quelle fon Père perdit la vie (b). Mais comme cette Place paflbit pour
extrêmement forte, & que les Anglois venoient d'y envoyer un fecours
d'hommes & de munitions de guerre , ils jugèrent à propos de tourner
vers Tanjour, dont ils fe promettoient moins de réfiflance (c).
Ce fut le 17 Décembre, que leur Armée parut devant la Ville. Le Chef
Jde la Cavalerie Maure fe nommoit IVadi-Chan-Modin (rf), qu'on difoit être
PI proche parent de Nazerzingue. Sander-Saheb commandoit fous lui l'In-
fanterie. Dans la première attaque, qui fut très -vive pendant quelques
jours , les Aflîégés n'eurent que dix hommes tués. Enfuite ayant reçu un
fecours de deux cens hommes des Troupes Angloifes qui étoient marchées
ffe Tivu Kôdtey à Tirichinapaly, ils foûtinrent vigoureufement la dernière
attaque, du 10 au 23 Février, faifant un feu terrible fur les Batteries des
François, qui ne celfoient nuit & jour de bombarder & de canonner la
Ville , fans y caufer beaucoup de dommage. Ces derniers , après avoir fait
une brèche à la muraille, tentèrent même quatre ou cinq fois de prendre
la Place d'aflaut,. à la faveur des ténèbres; mais ils furent toujours repouf-
fés avec perte , entr'autres de trois de leurs Officier». Celle des Aflîégés ,
au contraire, ne fut que d'environ vingt hommes, la plupart Travailleurs,
& d'un Sergent Anglois,. qui commandoit le fecours. Pendant les treize
jours que dura cette attaque , Sander-Saheb avoit envoyé jufqu'à cinq fois
des Députés au Roi de Tanjour, pour lui faire des propofitions de Paix,.
aux>
(2) Miffiônnaires Danois. . . . qu'il lut aufïï tué dans la même aftion. ' \'
U^ Ibidem. s; r ■:■?«'. a r c ^ Genuine Account &c. "' "^
(b) Comme il n'eft plus parlé de Mafouz- (d) Ce doit être le môme que Mouzafer-
Kan, fils aîné du Nabab, il y a apparence zingue. Voyez la Note(j) précédente.- •'
M 3
gurrrbs us
l'Inde.
Supplément.
1749.
• L'Année de
Sandcr-S'.ilieb
marclie vcv»
la Côte. ,,^
Elle fait le
Siège de Tan-
jour.
^750-
94
DESCRIPTION DE LA
Ditvikiu
OuitiiBBs ni
l'Indk.
SurrLIMBNT.
1750.
Capituintion
Aiivic de la
levée du
Siège.
Excès com-
mis dans la
tettaite.
lendemain , abandonnant d.-ux pièces de canon , quelques munitions de
guerre , tentes , timbales & autres effets.
Tel efk le rapport que les Miflîonnaires Danois de Tranquebar reçurent
d'un de leurs Catcchiftes , qui s'titoit trouvé prcfent à ce Sicj^e. Les Mif.
fionnaires ajoutent, dans un autre endroit , que le Roi de 'lanjour , pour
obtenir la Paix , s'étoit vu obligé de promettre aux Maures , foixantc mil-
lions de roupies, & aux François, quatre Diilrifls de Ton Pays autour de |
Karical, où l'on comptoit environ quatre-vingt Villages; mais qu'un puif. "
fant Nabab du Nord , nommé Nafir-Singa-Sçaibhu , qui étoit en marche avcc
une nombreufe Armée, lui ayant fait fçavoir, (ju'il efpéroit d'être bien-tôt
à portée de le délivrer, ce Prince s'étoit déterminé à rompre la Capitulation
?iu'il venoit de faire avec les Alfiégeans; <& ceux-ci, craignant l'arrivée des
ecours , avoient pris le parti de retourner du côté de Pondichery (/l.
Après leur départ, le Roi de'J'anjour fit reparer eri diligence les murailles ac
fa Ville; &ckns le bcfoin qu'un avoic de pierres, on alla même jufqiu
ftb^tre quelques Pagodes, pour employer les matériaux à cet ufage nécef-
faire. Le Faiixbourg de Schwneien-pa'eiam^ fut aufli rafé, & l'on afligna
aux Chrétiens qui y demeuroient , un autre Quartier plus éloigné de la f or<
terefle (g).
Les 'l' roupes de Sander-Saheb commirent des cruautés inouïes dans leur
retraite. Le viol , le meurtre & le pillage furent exercés tour à tour par
les Maures & par les François ; mais on fe plaignoit particulièrement des;
Soldats Portugais , qui étoient à la fol Je de ces derniers. Leur brutalité '
ne refpeéla pas une feule femme de toutes celles qui eurent le malheur de
tomber entre leurs mains. Quelques -unes même en moururent peu de
jours après. En un mot, les européens pouflercnt l'impiété à un point fi,
boiribie, que les Indiens, Catholiques-Romains, avouoicnt leur fcrupule'
fur
(e) Comme le Roi de Tanjour efl VaflTal
du Grand Mogol , le ftul refpLft pour le nom
de fon Souverain étoit capable do lui faire
mettre bas les armes. Cotte manière de con-
jurer quelqu'un , dont on trouve des traces
■aême dans l'Ecriture Sainte ( Voyez Ger.efe
42, is), efl d'un ufage fingulier pnrmi ces
Peuples. Un Débiteur, que fon Crénncier
conjure, par leur Souverain commun, de le
Fayer, n'oferoit bou;;er de fa place qu'il ne
ait fat sfit de manière ou d'autre; oc s'il le
refufe, il ell tiré devant le Prince môme, qui
fe crojrant ofFenfé du mépris de fon nom , ne
manque pas de condamner le coupable à un
châtiment riwureux.
(/) ^.' Auteur du Genuine Aeetunt fe con-
tente de dire , qu'après la brèche faite à la
muraille de la Ville, le Roi s'étoit accom-
oodé, moyçonant uoe foiQiae coiiCdénblç»
& la ceflion de quelques Villages dans le
voifina>i;c de Karical, en faveur des François.
Cependant il ne paroit pas que la Capitu a-
tion ait jamais été exécutée , en tout ni en
partie, & les fept Miflionna res de Tranque-
bar, dans une Lettre ad-lreTée au Roi de
Dannemarc , en datte du 5 Janvier 1751 , con-
firment „ que l'année précédente, le Nab;ib
„ de Golkonde, Nazir-Singa-Sçaibhu, n'avoit !
„ pas rendu un petit fervice au Roi de Tan-
„ jour, en obligeant, par fa marche, la
„ François & le Pardfan Maure Sander-
„ Sçaibhu, de lever le Siège de Tanjour,
„ avec une perte aflez confidérable".
(^) Miflîonnaires Danois. Ces mefurej
confirment encore la Remarque précédente.
Aufli verra-t on que les François rcviareo; ^
Tanjom Vannée uàvante.
Air la
capabi
Cep
trois c
]e l'ayi
viron
prés d(
nance
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JDn fut
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U •> Ibiu
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! Oncle l'avo
I JdilCooaair
lar reçurent
^ Les Mif.
ijour , pour
oixantc mil
s autour de
qu'un puif-
narche avcc
tre bien-tôt
Capitulation
l'arrivce dcj
lichery (/J.
murailles de
kéme jufqiu
ufage néc<^f>
i l'on afligna
né de la (or*
i'es dans leur
r à tour par
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;ur brutalité
malheur de
rent peu de
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eur fcrupule
fut
'illages dans le
ir des Franço's.
le la Capitua-
en tout ni en
îfî de Tranqufr
pée au Roi de
'ier lysi.con-
;nte , le Nabab
Içaîbhu, n'avoit
m Roi de Tan-
la marche, lei
[aure Sunder-
de Tanjour,
jable".
Ces mefurc!
le préciîdente.
>I$ rcviureot ^
PRESQirïSLÏ BN DEÇA DU GANGE, Liv. III. pg
fUr la vérité d'une Religion , dont ceux qui en faifoient profeflion étoient
capables de s'abandonner à de pareils excès '(/;).
Cependant l'Armée de Nazcrzingue, qu'on difoit être forte de plus de
trois cens mille hommes, mais mal difciplinée, s'avançoit à grands pas dans
le Pays. Ses premières Troupes , compofées de Marattes , au nombre d'en-
viron vingt-mille, hommes à cheval, attaquèrent celles de Sander-Saheb,
prés de Smmbaram,^ &. en firent un grand carnage ; mais la bonne conte-
nance des François, qtii formoient l'arriére-garde, ayant mis les Marattes
en déroute, toute I Armée gagna les murs de Pondichery, fous Icfquels
elle campoit au commencement du mois de Mars de cette année (t).
Vers la fin du même mois , Nazcrzingue étant arrivé avec fon Armée , à
vingt miles de Pondichery , les Anglois du Fort Saint - David réfolurent de
tui envoyer une Ambaflade ; mais avant que les préfens puflent être prêts ,
Dn fut informé que toute la Garnifon de Pondichery étoit fortie de cette
Place, pour joindre Mouzaferzingue & Sander Saheb , dans le defiein de
livrer bataille à Nazerzingue. Sur cet avis , une partie de la Garnifon de
SiincDavid fut détachée, fous les ordres du Major Laurence ^ pour aller au
cours du Nabab. Dans le même-tems, Mahomet-Aly-Kan vint le join-
dre avec les Anglois quil amenoit de Tirichinapaly, & un Corps de fes
teropres Troupes. Le 4 Avril , les deux Armées ie trouvant fort proche
I l'une de l'autre , les François commencèrent l'attaque par quelques coups de
canon qui ne portèrent pas. Mais le lendemain, à trois heures du matin,
tun Détachement de Cavalerie Maratte, qu'on envoya contre eux, répan-
dit une fi grande terreur dans le Camp des ennemis, qu'après deux ou
;trois décharges, ils prirent la fuite, abandonnant la plus grande partie
!de leur artillerie & de leurs munitions. Comme ils ne furent pas pour-
fuivis , ils firent alte à moitié chemiq de Pondichery , ^ y campèrent pen-
dant quelques femaines. Sur ces entrefaites, Mouzaferzingue fe rendit,
de fon propre mouvement, auprès de fon Onde, qui le retint prifon-
Bier (*).
Dans le même-tems les Députés du Fort Saint -David arrivèrent au
Camp de Nazerzingue. Ils furent reçus avec de grandes protellations
<jpamitié , &. beaucoup de belles promefles, qui n'aboutirent cependant à rien ;
ce qu'on attribuoit à l'influence de Shah Najaz • Kan ^ Premier Miniflire
Me Nazerzingue, qui traliiflbit fon Maître. L'objet de cette Ambafla-
e étoit de demander la conceflîon de quelques revenus , pour bonifier
;s dépenfeS des fecours que les Anglois donnoient au S'trkan, ou Gou-
^ ernemenc du Pays; Mais cette grâce .leur ayant été refufée, les Dépu-
tés revinrent avec les 'Jroupes, au Fort Saint- David, le i May, tarmis
que l'Armée de Nazerzingue fe retira à Arcatte, où elle s'arrêta jufqu'au
■^ois de Juillet. Dans cet intervalle, les François & leurs Alliés fe ren-
dirent
ih) MJflîonnaireS Danois. ' "
(i I IHu & (Jenuine iccoUnt.
{k Gt'tuine Account. Les Lettres dePon-
didiery reçues en Europb , port nt que fon
Oncîo l'avo.t engigé dans une (jutr^Vûc Les
Miifiooaaiies Danois difent fiinpkmeut ^u'il
le fit prifonnier. Qui fçait fi ce ne fut point
une politique de la part des Fra.jÇois, poiur
mieux affurtr le fuccès d'une conf,)ir^tion
'^u on verra bicn-t6t éciorie contre Naaex-
ziogue ?
DlRMïfcRfl
CUBRREI Dl
i.Indr.
StrrLrMBNT.
1750.
Arrivée de
Nazcrzlnf^e
tvcc une puif-
fantc Armée.
Le» Angloig
lui envoyant
dci fccuurii.
Les ennemis
prennent la
fuite.
Demnnde de»
Députés An-
glois à Nazcr-
zin^juc.
Refus qui
leur fait reti-
rer leurs
Troupes.
Conquête»
des François.
« o
o o
0 0
o o a
' ^. . » /
g6
DESCRIPTION D3E LA
^^
l'Inde
sui'plement.
1750.
MHhomet-
Aly-Kan eft
AiTiM par les
ilnglois.
DEHNifenEs dirent maîtres des Forterefles de Gingy (/), de Faïdaour («), de Tre.
Guerres de vedy («), & de quelques autres Places moins confidérables dans l'étendue
de vingt miles de Pondichery.
Mahomet- Aly-Kan, que Nazerzingueavoit confirmé, quelque-tems au-
paravant, dans le Gouvernement d'Àrcatte , & qui prenoit depuis le nom
de Ton Père Anaverdi-Kan , réveillé par ces progrès des ennemis , vint s m
Saint-David pour implorer l'affiflance des Anglois, dans la defFenfe d'une
caufe qu'il difoit leur être commune. On comprenoit, en efi^et, que fi on
laiflbit faire les ennemis , ils feroient bien-tôt les maîtres de toute la Pro-
vince , & qu'alors les François ne raanqueroient pas de tenter les derniers
efforts pour chafler les Anglois de la Cote. Ainfi , fe flattant peut-être de
trouver en même-tems l'occafîon de vanger l'affaire de Madras, ceux-ci en-
voyèrent une féconde fois leurs Troupes , fous les ordres du Capitaine Cope,
avec l'artillerie & les munitions neceffaires. Après avoir joint l'Armée
de Mahomet- Aly-Kan , vers la fin du mois de Juillei , toutes les Troupe
marchèrent droit au Fort de Trevedy , où l'étendart leur fit reconnoitre
qu'il y avoit Garnifon Françoife, & qu'on feroit obligé de l'aflîéger dans les
formes. Mais les Maures étant peu difpofés à prêter la main aux travaux,
& les Anglois ne fe fouciant pas de paroitre feuls à pouffer i'entreprife, il
ne fe fit rien pendant trois femaines. On propofa enfuite, au Nabab, de
s'avancer, avec une partie defes Troupes, plus près de Pondichery, pour
couper la communication entre cette Ville & les ennemis, qui étoient re-
tranchés fous les murs de Trevedy, & pour les obliger de livrer un combat'
' defavantageux , ou de mourir de faim dans leur Camp, faute de provifionsil
Mais la crainte prévalant fur les Troupes du Nabab, qui ne voulut point»'''
entendre à ce projet , les Troupes Angloifes prirent de nouveau le parti '
de retourner au Fort Saint -David, où elles arrivèrent fur Ja fin du mois
d'Août.
Ils fe répa-
rent auffi de
lui.
Son Année
eft mife en
déroute.
Nazerzingue
faille blocus
de Gingy.
Les ennemis , informés de leur départ & de l'imprudence du Nabab, qui '
ne s'étoit retiré qu'à quelques miles de cette Place, l'attaquèrent d-ins fon-
Camp, pendant la nuit, & mirent en déroute fon Armée, ccmpofée de
quinze à vingt mille hommes. Mahomet - Aly - Kan , qui n'eut que le terni
de fe fauver avec un petit nombre de chevaux, &la plupart des fuyards,
joignirent Nazerzingue à Arcatte, laiffant derrière eux tous leurs bagages.
Cependant Nazerzingue ayant réfolu de reprendre la Campagne, mar-
■■!.... ro:-^ -y ii -iil": CJM
( / ) Cette fameufe Forterefle fut emportée,
par efcalade, feulement le 11 de Septembre.
Les François y firent un butin confidérablej
parceque tous les Habitans des environs y
avoient envoyé leurs effets.
(m) L'Auteur du Genuine Account, que
M. Green a fuivi dans l'Explication de fa
Carte i remarque , par une Note, que cette Pla-
ce paifoit pour imprenable, à caufe de fa fi-
tuation avantageufe, fur une fort haute mon-
tagne ; & qu'on la regardoit comme une des
clefs de la Province d'Arcatte. A'iais ne fe-
Toit-il point ici queftion de Gingy, plutôt que
^ de Valdaour? S'il y a erreur en cela, com-
me nous le foupçonnons , elle peut aifément
être provenue d'une tranfpofition du renvoi.
M. d'Anville , qui fait une longue Defcriptioa
de Gingy, fe contente de dire, qu'il y a un
Fort à Valdaour.
(n) Trivudy, ou Tiru-vidy, Fort impor-
tant, îîtué à vingt miles au Sud-Oueft de Pon-
dichery. L'Auteur du Genuine Account le met
au Nord-Oueji de cette Ville ; mais c'eft uk
faute, que M. Green a corrigée. Suivant
les Miflîonnaires Danois , les François avoient
planté du canon fur une Pagode de Tiru-vidy,
qui leur fervoit de Fort, & qui comoiandoiî
toute la Campagne. , . ,
i
cha av<
vite à
Place I
& d'au
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ment de 1
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fait prifon
Carrupe &
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pleix; que
zingue avo
pables, jufi^
rattes, qui
XI F.
'*,'
;f î<T
ue-tems au-
)uis le nom
nis, vint à
ïenfe d'une
c , que fi en
oute la Pro.
les derniers
peut-être de
, ceux-ci en-
)itaine Cope,
int l'Armée
les Troupe
reconnoiiïe
^ger dans les
aux travaux,
ntreprife, il
i Nabab, de
Lchery, pour
i étoient re-
X un combat
î provifionsi
voulut point
i^^eau le parti
fin du mois
u Nabab, qui
nt d-ins lon-
Lmpofée de
que le tenu
des fuyards,
irs bagages.
)agne, mar-
chi
peut aifément
tion du renvoi j
gue Defcriptioij
e, qu'il y a ml
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. sT
cha avec fon Armée du côté deOingy , où les François fe retirèrent au plus
vite à fon approche. Comme il ne pouvoit fe flatter d emporter cette
Place par aflaut, il fe détermina à en faire le blocus. On refta de part
& d'autre dans cet état , jufqu'au milieu du mois de Décembre, lorf-
que la Garnifon, réduite à la dernière extrémité, trouva le moyen
de fe fauver , à la faveur de fes intrigues contre Nazerzingue, qui fut
aflaffiné le i6 Décembre, par les Nababs de Cundapah & de Cundamôr,
qu'on difoit en avoir formé le plan, de concert avec Shah-Navaz-
jKan, Mouzaferzingue, Sander-Saheb & les François. - Voici de quel-
Sle façon l'entreprile fîit exécutée. Les François, inltruits oîi ils dé-
voient faire feu à balles, ou feulement à poudre, attaquèrent, à trois
heures du matin, un Quartier particulier du Camp (o)> dont il ne leur
fiit pas difficile de fe rendre maîtres. Enfuite continuant leur marche »
éc brûlant tout ce qu'ils trouvoient devant eux, ils arrivèrent près des
Quartiers de Nazerzingue. Comme fon Armée étoit fort étendue, &
yqu'elle occupoit un grand efpace de terrein , fuivant la mauvaife métho-
de de camper des Maures , le jour étoit déjà bien avancé , lorfque le
Viceroi apprit que les François étoient entres dans fon Camp. A pei-
«e eût-il monté fon éléphant, que rencontrant les Nababs de Cundapah
ce de Cundamôr, dont les Quartiers étoient voiflns du lien, il les acca-
bla de reproches , pour s'être lî lâchement laifle furprendre par les en-
îïiemis. Mais les deux Nababs répondirent, qu'ils n'avoient point d'autre
ennemi que lui: & à Tindant même ils lâchèrent leurs piflolets contre
Nazerzingue, qui tomba mort à terre (p) ; après quoi lui ayant coupé la tête,
elle fut expofée fur une lance, à la vue de toute l'Armée {q), Auffi-tôt
on cefla les hoftilités. Mouzaferzingue fut proclamé Prince de l'Empire ,
& reçut l'hommage de plufieurs des Nababs préfens. Un événement fi
imprévu & fi frappant à tous égards , fembloit devoir caufer une grande
confufîon parmi les Troupes ; mais , ce qu'on trouvera peut-être étrange en
Europe, quoique, dans l'Orient, les exemples en foyent aflez fréquens, c'eft
qu'au bout de quelques heures, le Camp parut tout aufli tranquille que fi
irien ne fut arrivé. Au premier bruit de la mort de Nazerzingue , Mahomet-
: Aly-
DlRNIÈdM
gubhres oc
l'Indk.
Supplément.
1750.
IleRaflaf.
fine par fcs
Minidres.
ï (0) C'étoit apparemment le Quartier de
ceux que les Confpirateurs regardbicnt com-
me leurs ennemis.
(p) Les Miflîonnaires Danois rapportent
le fait différemment, mais avec beaucoup
moins de vraifemblance. Ils difent que les
Maures ayant taillé en pièces un Détache-
ment de Troupes Françoifcs , qui conduifoit
des munitions de Pondichery à Gingy, trou-
vèrent, fur l'Officier commandant, qui fut
fait prifonnier, une Lettre des Nababs de
Carrupe & de Candtnour , oîi l'on avoit dé-
couvert leur correfpondance avec M. Du-
pleix; que malgré cette conviftion, Nazer-
zingue avoit voulu diiFérer le fupplice des Cou-
pables, jufqu'à l'arrivée de quarante mille Ma-
rattes, qui dévoient être en marche pour ve-
XI F. Part,
Mouzafer-
zingue eft
proclamé à f;»
placcv
nir joindre fon Armée; mais qu'en attendant,
les deux Traîtres, qui ne fe promettoient
rien de bon de leur affaire , avoient pris leur
tems , & maffacré Nazerzingue ; après quoi
Mujiapba • Singa , ou Mouzaferzingue, avoit
été proclamé à fa place. Cependant i) eft
bien plus naturel de croire que Nazerzingue
étoit fans défiance; car autrement tombe-t'il
fous le fens qu'il fe fût laiffé furprendre par
les François , & encore moins aflafliner par
des Miniftres dont la perfidie lui auroit été
connue? Quant au Détachement , les moines
Millionnaires confirment , dans un autre en-
droit, fon malheur. 11 n'étoit compofé que de
quarante hommes.
( î ) C'eft ce que les François appellent tué
dam une Bataille; Voyez ci-delTuâ, pa^<47.
N ■
98
DESCRIPTIOlSr DE LA
ÙERNltnES
CUEKKSS DE
L'iNniC.
Supplément.
1750.
D<iputés &
préfcns que
lui envoyj
M. Dupieix.
Entrée du
Nabab dans
Pondichcry.
Aly-Kan fe fauva à Tirichinapaly. Divers Nababs , de ceux qui avoient
eu part à la confpiration , retirèrent leurs Troupes , & fe réparèrent de
Mouziiferzingue, qui ne jugea pas à propos de. les contraindre (r).
Une Relation circunftunciée, en forme de Journal, envoyée de Pondi-
chery à la Compagnie des Indes de France , apprendra au Lcfteur ce qui
fe palfa dans cette Ville, depuis la défaite de Nazerzingue & l'élévation de
Mouzaferzingue.
„ Le 16 Décembre 1750 , on reçut ici la nouvelle de la Vi6loire fignalce
„ que l'Armée Françoife avoit remportée, le même jour, fur celle de Na-
„ zerzingue. Cet événement parut fi furprenant , qu'on eut d'abord de la
„ peine à le croire (5); mais il fut confirmé, peu après, par Sander-Sa-
„ heb, qui étoit venu en donner part à M. Dupieix. Il le fut encore, le
„ jour fui vant , par des Lettres de Mouzaferzingue , qui en détailloient les
particularités. Surquoi M. Dupieix jugea à propos de députer, auprès
de ce dernier, M. M. de St. Paul, Friely Goupil & Brenier, pour le félici-
ter fur cette Victoire, qui lui avoit rendu l'héritage de fes Ancêtres (t^
Après quoi, l'on chanta le Te Deura dans i'Eglife du Fort, au bruit delà
Mousquetterie & de l'Artillerie.
„ Les quatre Députés arrivèrent , le rp , au Camp de Mouzaferzingue , qui
les reçut avec toute la diftindlion poiîible , & leur fit des careffes infi«
nies. Le 22, ils préfentèrent à ce Seigneur, au nom du Roi de France,
fix Serpaux , ou préfens des plus magnifiques , que M. Dupieix lui en*
„ voyoit, avec le Drapeau blanc, qui étoit porté fur un éléphant à la tête
du cortège. Mouzaferzingue reçut ces préfens avec une affeftion peu
ordinaire , & il ordonna que le Drapeau fut toujours placé au milieu de
fes Marques d'honneur.
„ Ce Nabab, qui s'étoit approché de Pondichery avec fon Arn.ëe, y
fit fon entrée le 26 du même mois. Dès qu'il apperçut M. Dupieix,
qui étoit allé à fa rencontre, hors d'une dts Portes de la Ville, il defcen«
dit de fon éléphant, fe jetta au cou du Gouverneur, & le tint embrafTé
pendant.un demi quart d'heure, fans pouvoir proférer une parole, tant
il étoit pénétré du fervice qu'il lui avoit rendu; les larmes feules de ce
Seigneur expliquant les fentimens de reconnoiflance qu'il renfermoit dans
fon cœur. 11 lui dit enfin , que comme c'étoit de lui qu'il tenoit la place
qu'il occupoit, il le prioit d'en difpofer. Après ce petit compliment , on
entra dans la Ville, au bruit de l'Artillerie des remparts. Arrivé au Gou-
vernement, Mouzaferzingue dit à M. Dupieix , que n'ayant pris aucun
„ arran-
j>
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it
a
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'»>
»>
(f) Genuine Account.
( j) En effet, ceux qui ignoroient la con-
fpiration , ne dévoient y trouver aucune
vraif Jinblance : mais c'eft ce dont l'Auteur de
la Relation ne parle pas.
(t) Comment peut-on appeller héritage,
une dignité qui eft à la difpofition de la Cour
du Grand Mogol? D'ailleurs les Ancêtres de
Mouzaferzingue étoicnt en mémc-tems ceux
de Nazerzingue. Que celui-ci fût iils natu-
jel de Nizam-uI-Muik, c'eft ce <iue nous ne
contefterons point , faute d'en être informés.
Mais cette diftinftion n'eft-elle pas ridicule
dans la Loi de Mahomet , qui permet la po-
iigamie ? Aufli trouvons - nous , dans les
Relations des Anglois , que Nazerzingue
avoit trois frères, qui furent faits prifonnicrs
par Mouzaferzingue, ainfi que fa femme &
fes enfans. On n'en dit pas le mot dans la Re-
lation de Pondichery , qui écarte ou détourne
adroitement tout ce qui pourroit fixer l'atten-
tion fur ia jullice des motifs de cette GuenOi
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A. Dupleix,
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être informés,
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Nazerzingue
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e fa femme &
not dnns laRe-
te ou détourne
ait fixer l'atten-
e cette Gueiie.
„ arrangement pour le Gouvernement de fa Province, il 1
„ le tout de la façon qu'il le jugeroit convenable, & de
il le prioit de régler
terminer en par-
7, ticulier les prétenfions des Soubdars de Calapet , Cauoul & Sarandour , Tes
Alliés: Après quoi il alla voir fa Mère& fon Epoufe, qui étoicnt reflces
à Pondichcry depuis le mois de Mars dernier.
„ Ces trois Soubdars arrivèrent le 27. Ils allèrent faluer d'abord M. Du-
pleix , & lui dirent qu'ils étoicnt convenus , avec le Nabab Mouzaferzin-
gue,de fe conformer à ce que M. le Gouverneur décideroit touchant leurs
prétenfions. Le lendemain , ce dernier entra avec eux en conférence
„ à ce fujet; mais trouvant leurs prétenfions injuftes & exorbitantes , il
leur dit qu'il ne vouloit pas s'en mêler, à moins qu'ils ne changeaflcnt
d'avis ; furquoi ils lui déclarèrent qu'ils en pafleroient par tout ce qu'il
voudroit , oc qu'ils remettoient leurs intérêts entre fes mains.
„ Le 30, M. Dupleix informa le Nabab Mouzaferzingue de la confé-
„ rence qu'il avoit eue avec les trois Soubdars ; & fur ce que ce Seigneur
„ lui déclara qu'il s'en remettoit pareillement à ce qu'il jugeroit à propos,
„ M. le Gouverneur propofa , le foir , aux Soubdars , les conditions fuivan-
1,, tes : Qu'il leur feroit donné quelques Fort^refles , avec des Terres à ren-
tes plus qu'ils n'avoient eu ci-devant, ainfi qu'une augmentation de digni-
té , avec promefle de leur faire accorder la moitié du Cazena , ou Tré-
for, trouvé dans le Camp de Nazerzingue.
„ Ces conditions ayant été acceptées par les trois Soubdars, après bien
„ des difficultés, on en drefla un A6le, qui fut figné le lendemain par
"Mouzaferzingue ôc les trois Soubdars. Ceux-ci jurèrent fur l'Alcoran
d'être fidèles au Nabab , qui de fon côté jura aufli de les conferver dans
leurs dignités & dans leurs biens. C'eft ainfi que finit cette affaire , d'au-
tant plus glorieufe pour M. Dupleix, que le Prédécefleur de Mouzafer-
zingue n'avoit jamais pu engager ces Soubdars à fe foûmettre. Enfuite
le Gouverneur préfenta Sander-Saheb au Nabab, & demanda pour lui
ai la place de Soubdar du Carnate (v). Mouzaferzingue répondit à M.Du-
„ pleix, que comme il lui donnoit le Commandement général de toutes
„ les Terres depuis la Rivière de (^uichena jufqu'au bord de la Mer, &
„ que le Carnate en dépendoit, c'étoit à lui à nommer la perfonne qu'il ju-
„ geroit à propos. Surquoi Sander-Saheb prêta aulîl , en cette qualité , le
lèrment de fidélité au Nabab.
„ Le 31 , jour defliné pour la cérémonie de l'inftallation du Nabab Mou-
„ zaferzingue, ce Seigneur, revêtu d'une robbe à la Maure, coëffé de mê-
„ me, «Se accompagné de M. Dupleix, fe rendit dans une grande tente, fous
„ laquelle on avoit fait dreflfer un fuperbe Dais; & après s'y être alTis, M.
„ le Gouverneur lui préfenta le Salamy, de vingt-une roupies d'or, le re-
connut pour Soubdar du Dekan, & l'ayant embrafle, il s'aHit à côté de
• ■ • ' „ lui
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(v) M. Dupleix n'avoit clor.c aucun droit,
en 1749, d'établir Sandtr-Sheb dans le Gou-
vernement de cette Province ; & Sander-Sn-
heb n'étoit par conféquent pus plus autorilu
à lui ccdcr desDiltricts. On en peut direau-
Dernières
guekkes oe
1,'Inde.
Supplément.
1751.
Négocia-
tions avec
trois Soub-
dars fes Alliés.
Accomodc-
ment fait
cntr'eux.
Sander-Sa-
heb efl nom-
mé Nabab
d'Arcatte.
Cérémonie
de l'inflalla-
tion de Mou-
zaferzingue.
tant de Mouzaferzin,:;uc, qui difpofoit des Ter-
res de l'Enipereur Mogol à la fantaifio de M.
Dupleix. Tout cela relTcmble^ bien à une
véritable Comédie.
N
100
DESCRIPTION DE LA
Derniîires
CUEiftRCS DE
l'Inde.
Supplément.
1750.
Dignités
qu'il confère
à M. DupIeU.
175I.
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Il lui fait di-
Ters préfens.
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lui fous le même Dais (x); ce qui fe fit au bruit d'une décharge gdnéra.
le de l'Artillerie. Ënfuite, tous les Seigneurs de la Cour du Nabab,
ainil que les trois Soubdars Patanes, s'empreflerent auifi à lui préfenter
leur falamy, & à le reconnoître pour leur Maître.
„ Après cette cérémonie, le Nabab fe tourna du côté du Gouverneur, &
le pria de vouloir bien accepter la Charge de Commandant Général de tou-
tes les Terres comprifes depuis le Quichena jufqu'au bord de la Mer,
qu'il lui mettoit en fon pouvoir , fe contentant de gouverner de l'autre
côté de cette Rivière, & il ordonna en même-tems au Backeby du De-
kan , & au Giran^ de lui en délivrer les Patentes. Enfuite il le pria de vou-
loir bien accepter la Dignité de Manfebdar de fept mille Cavaliers ; après
quoi le Nabab lui préfentale Maby de Maratel, ou le Poiflbn, marque
d'honneur que l'on n'accorde qu'aux Seigneurs de la première diftinftion;
& comme c'eft la coutume de donner un Jaguîr & une Forterefle aux
Manfebdars , il le pria de vouloir bien accepter celle de Valdaour avec fes
dépendances, & un Jaguir de cent mille roupies (y). L'Affemblée fut
ce jour-là des plus nombreufes. Elle étoit compofee de plufieurs des
anciens Seigneurs, tant de la Cour de Nizam-ul-Mouk {z), que de
celle de Nazerzingue. Tous les Soubdars Chefs, tant MogDls, que Fa-
tanes, Marattes & autres , s'y trouvèrent aufli; & jamais on n'avoit vu
tant de Nations différentes réunies ; la jaloufie les empêchant de fe trou>
ver enfemble dans une même Aflemblée.
„ Le premier Janvier 1751, le Nabab, après avoir été chez M. Du*
pleix, pour lui fouhaiterles bonnes Fêtes du jour de l'an (a), lui en-
voya, par fon Premier Miniflre, un ferpau, ou préfent, compofé d'une
robbe à la Maure, d'une tocque & d'une ceinture, avec le fabre, la
rondache & le poignard , qui avoit été donné par Brenfch , à fon Grand-
Père Nizam-ul-Mouk, en lui faifant dire qu'il n'y avoit que M. le Gou.
verneur qui put porter & fe fervir de pareilles armes. M. Dupleix,
pour faire voir le cas qu'il faifoit de ce préfent, fe revêtit tout de fuite
de la rdbbe, de la tocque & de la ceinture.
Çx) Autant vaudrolt-il dire que M< Dupleix
accorda l'inveftiture à Mouzaferzingue.
( > ) Ne diroit-on pas que M. Dupleix fe
faifoit bien prier pour accepter toutes ces fa-
veurs ? Peut-être étoit-ce un peu au-deflbus
de ia dignité , de les recevoir des mains de
fa propre Créature; lui qui fe trouvoit déjà
revêtu , par la Cour Mogole , de la qualité
héréditaire de Manfebdar, qui donne le titre
de Nabab , Raja , ou Prince. ( Voyez ci-deflus^
pag. 46 & 47.) Quoiqu'il en foit, il eftaflez
«ngulier de remarquer , que , fuivant l'Abbé
Guyon , „ il n'y a que le Grand Mogol qui
), nomme aux Commandemens au-delà à'vtn
„ demi ^zary , ou cinq cens chevaux". Ce
Prince , par une diftinftion unique pour des
Européens, avoit accordé, aux Gouverneurs
4e Pondichery, le titre de quatre Azary &
demi, ou quatre mille cinq cens Cavaliers ; &
ici Mouzaferzingue, fans qu'il eut été recon-
nu lui-même, par la Cour Mogole, élève
M. Dupleix jufqu'à fept Azary, ou fept mille
chevaux, tandis que cet Abbé nous apprend
encore , „ qu'il n'y a que les fils du Grand
„ Mogol , qui foyent dix Azary , & que c'cfl
„ la plus éminente qualité où l'on puifle par-
„ venir dans cet Empire". Encore une foij,
n'eft-ce pas-là proprement un beau jeu à
théâtre?
( 2 ) On ne doit pas fuppofer qu'ils étoient
venus de Dehiy.
(a) Voilà un Maure bien francifé. Il
étoit, &il faifoit tout ce qu'on vouloit. W.
Dupleix va l'imiter, & paroitre à fon WW
dans tout l'équipage d'ua Maure*
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PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. lox
M. du BouJJet psiTtit ce jour-là, avec nn des Seigneurs delà Cour du
Nabab, pour fe rendre à la Forterefle de Chettaputte^ afin d'en amener
ici Shah-Navaz Kan , ci-devant Premier Minillre de Nazerzingue, qui
s'y étoit retiré après la mort de ce Prince , & qui n'avoit pas encore re-
connu Mouzaferzingue ; ce Seigneur ayant déclaré qu'il étoit prêt à le
faire, & qu'il fe conformeroit à ce que M. Dupleix jugeroit à propos de
régler pour procurer fon accommodement avec le Nabab (b).
„ Mahomet-Aly-Kan , Gouverneur de la Forterefle de Trichinapaly ,
ayant offert de rendre cette Place, moyennant qu'on lui accordât les de-
mandes qu'il avoit fait faire par Maharas Javogy^ Général Maratte; fça-
voir , qu'on ne lui feroit point rendre compte de la geftion de fon Père ,
Anaverdi-Kan , Soubdar duCarnate, qu'on lui continueroit fes honneurs,
& qu'on ne toucheroit point à ^qs biens (c). Comme il importoit de
fe rendre maître de cette Forterefle , afin d'aflurer la tranquillité de la
Province de Carnate (rf), on accorda, à Mahomet-Aly-Kan , toutes fes
demandes, & l'Afte en fut figné le 2 de ce mois (<?).
„ Le 5 , le Premier Mimflire du Nabab remit à M. Dupleix les Patentes
par lefquelles ce Prince lui donnoit le Gouvernement de tout le Pays ,
fitué entre le Quichena & le Cap Comorin, & confirmoit la dona-
tion faite de Mafulipatnam , de l'Ifle deDi^i, & de toutes i^i dépen-
dances. '.V ,' ,- ; 'K.-
,, Le 7, Mouzaferzingue prit con^é de M, le Gouverneur, après l'avoir
afluré de nouveau qu'il conferveroit une éternelle reconnoiflance du fer-
vice impoirtant qu'il lui avoit rendu; & partit enîuite, pour aller cam-
per hors des limites de la Ville de Pondichery, où il avoit fait drefïer
fes tentes.
„ Le 8, m. Dupleix alla au Camp pour rendre vifîte au Nabab. Shah-
Navaz-Kan, ci-devant Premier Miniftre de Nazerzingue, y arriva en
même-tems. M. le Gouverneur Je préfenta à Mouzaferzingue, qui le
reçut avec diftin£lion, l'embraflâ, & le fit affeoir au rang de fa Cour.
Après une converfation d'environ un quart d'heure, M. Dupleix pria le
Nabab de faire quelque chofe en faveur de ce Seigneur. Mouzaferzin-
gue y confentit, & à fa confidération il le nomma Manfebdar de deux
,..- . ..... .. ..... .... ... .... j, mille
(6) Cela n'empêche pas qu'il ne pût avoir
eu part à l'aflaffinat, de Nazerzingue; & l'on
a vu , par la fin de l'Article qui précède
= cette Relation, que les Conjurés s'étoient
brouillés entr'eux. C'efl: l'efFct ordinaire de
pareilles entrcprifes ; Mais Shah-Navaz-Kan
avoit trop bien fcrvi les François, pour qu'ils ne
s'employaffent pas à le reconcilier avec Mou-
zaferzingue. Un fidèle Miniflre ne s'y feroit
point montré fi facile, d'autant moins qu'il
Tcfioit encore un parti formidable , qui fe
préparoit à vanger la mort de fon Maître.
( c ) Les François avouent ici qu'Anaverdî-
Kan étoit Soubdar du Carnate, ou Nabab d'Ar-
DBRNiEfttar
guerhes ob
l'Indb.
Supplément.
1751-
-Donation
du Didria d&
Mafulipat-
nam.
Départ de|-
Mouzafer-
zingue.
Vifites d9
congé.
catte ; Cependant ils le coriteftent ailleurs , &
par toute leur conduite. Mais comment
Mahomét-Aly-Kân pouvoit-il craindre qu'on
ne lui fit rendre compte de la geflion de fon
Père, qui avoit été tué, & dont tou. les
tréfors étoient tombés au pouvoir de fes en-
nemis ?
(rf) Ou plutôt afin de foûmettre tout ic
Pays a la domination des François.
(*) La fuite fera voir que ceci eft faux,
ou, ce qui eft plus vraifeiriblablé , qu'on
manqua de parole à Mahomet-Aly-Kan , puif-
qu'il fe vit bien-tôt obligé de fe deffeadïC
contre Sander-Sabeb & les François.
•N 3
102
DESCRIPTION DE LA
DERNltURS
Guerres oe
l'Inor.
Supplément.
I75I-
„ mille cinq cens chevaux , &liii donna un Jaguir proportionné à fa dignité
„ avec le fcrpau accoutume (/).
„ M. le Gouverneur retourna le foir à Pondichery. Shali-Navaz-Kan
s'y rendit aulfi le lendemain, pour le faluer , & le remercier de la pro-
teélion qu'il avoit bien voulu lui accorder ; lui difant qu'il en feroit ro-
connoiflant route fa vie , & que Mouzaferzingut; étoit bien heureux d'a-
voir un Proteéleur comme lui ; qu'il ne doutoit nullement que ce Prince
ne réulfit à fe mettre en poflelîîon du Dekan, guidé par fes conieils,(S;
aidé par Çqs forces (g). M. Dupleix le remercia de les politelTts, &le
pria à diner chez lui.
„ Le io , M. le Gouverneur alla rendre Une féconde vifite au Nabab,
qui étoit toujours campé hors des limites , pour attendre nos Troupes,
qui fe préparoient à le joindre. Il étoit accompagné des trois Soubdars
Patanes , & de Sander-Saheb , qu'il préfenta au Nabab. Ce Prince re-
mercia M. Dupleix de fon attention , & fit beaucoup de politefles à ces
Seigneurs , en les priant de refter à l'Armée, puifqu'il comptoit de fawe
une marche le jour fuivant. Ces derniers s'en excufèrent , en l'afluran;
néanmoins qu'ils viendroient le joindre, après avoir pris congé de M. It
Gouverneur.
„ Le 12, M. Dupleix eut dans fon Cabinet, une conférence particu-
lière avec Shah - Navaz - Kan , ci -devant Premier Miniftre de Nazer-
zingue. Il lui repréfenta combien il importoit au bien général des
affaires, qu'à l'exemple de tous les autres Seigneurs de la fuite du Na-
bab, il prêtât le ferment de fidélité à. ce Prince. Shah-Navaz-Kan lui
répondit, que du jour qu'il s'étoit déterminé à venir joindre le Nabab,'
il avoit réfolu d'en paifer par tout ce que M. le Gouverneur voudroit ;
qu'il étoit prêt à faire le ferment, & qu'on n' avoit qu'à faire appoitc:
un Alcoran ; ce qui fut exécuté fur le champ , & la cérémonie fe fit 2
la manière accoutumée (h). Enfuite M. Dupleix lui promit de le pro-
téger auprès du Nabab , & lui recommanda d'être toujours attaché à
ce Prince , comme il l'avoit été à Nazerzingue fon Prédécelfeur ( i ).
„ Le foir, M. le Gouverneur partit pour aller faire la dernière vifite aa
Nabab, qui avoit déjà fait une marche, & étoit campé à une lieue à
la Ville. Aufli-tôt qu'il y fut arrivé, on le revêtit à la Maure, aiiii;
que cela s'étoit fait le jour de l'inflallation de Mouzaferzingue. Enfuite,
ce Prince l'arma lui-même de fon fabre, de fon poignard, de fon car-
quois & de fa rondache, ce qui fe fit en préfence de tous les Seigneur;
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(/) Encore un Manfcbdar de l'cfpèce de
cciix qu'il n'iipparticnt qu'au Grand Mogol
de faire! Qu'il lied bien à M. Dupleix &à
IWouzaferzingue de reconipcnfer les fidèles
fervices que ce IVliniflre avoit rendu'' à Ton
Maître, leur ennemi commun! v.'v (l-roit
le comble de la générofité , fi op i exerçoit
à ce titre.
(g) Remarquez qu'il falloit encore conque-
xir ce prétendu Patrimoine de fes Ancêtres.
(b) "Voilà un Gouverneur Chrétien q
préfente lui-même l'AIcoran à un Mahoin
tan pour le faire jurer fur ce Livre : car r
marquez que c'étoit dans une conférence f Jf
ticulière. Cela n'a-t'il pas bonne grâce ? ^"
Maure fe feroit fans doute plus de fcrui.i«
de préfenter l'Evangile à un Chrétien.
(i) Cej dernières paroles ne font 1"^
pour l'ar: ondiffemcnt de la période.
Prîn
part
&d
ȕ
^, merc
s>
Mafi
O) t
lura fans
kss iViim
vois en
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François
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fol ides qi
les HoU:
On fe la
roitre pi
fuppofe,
Mouzr.fc
Souba di
ftant, pa
n'étoit p(
qu'elle m
tion de la
foûtcnir
difpofer
on autre
à fa dignité,
i-Navaz-Kan
;r de la pro.
în feroit rc-
heureux d'à-
ue ce Prince
s conieils,&
litefles, &le
:e au Nabab,
îos Troupes,
rois Soubdars
Ce Prince rc-
lolitefles à ces
iptoit de hwt
, en l'afluran;
ongé de M. k
•ence particu-
:re de Nazer
i général des
, fuite duNi-
^îavaz-Kan lui
dre le Nabab,
2ur voudroit;
faire apporte:
onie fe fit 3
|mit de le pro-
lurs attaché à
ceireur(i).
nière vifiteas;
une lieue è
Maure, aiiil;
ue. Enfuite,
, de fon car-
ies Seigneurs
PRESQU'ISLE EN DEçA DU GANGE, Liv. III. 163
de fa Cour. Après cette cérémonie, Mouzaferzingue fit préfent à M.
Dupleix , d'un éléphant & d'un cheval qui avoient été donnés à fon
** Grand-Père, Nifam-ul-Mouk , par Thamas-Kouli-Kan , Roi de Perfe.
M. le Gouverneur prit enfuite congé du Nabab, lui fouhaita un bon
", voyage, & en fortant du Camp, il fit jetter aux peuples plufieurs piè-
„ ces (Targent.
DEimikRCf
Guii.RI(BS DE
l'Inde.
SuPPLnMP.NT.
1751.
Le 13, les Soubdars Patanes prirent congé de M. le Gouverneur pour
fè rendre à l'Armée: Ils parurent très-fatisfaits des politefles qu'ils a-
voient reçues pendant leur féjour en cette Ville : ils afliirèrent M. Du-
pleix, qu'ils n oublieroient jamais les fervices qu'il leur avoit rendus
auprès du Nabab , & qu'ils feroient toujours fidèles ferviteurs de ce
Pnnce.
>»
L". 15, le Détachement de Troupes Françoifes, que le Nabab atten-
doit pour fe mettre en marche, & aller prendre pofl'eflion du Dekan,
1^ partit pour joindre fon Armée. Il étoit compofé de trois mille Blancs (i* ),
|, & d'environ deux mille Cipayes.
■' „ La libéralité de Mouzaferzingue s'efl: étendue fur tout le monde pen-
^â dant le féjour que ce Prince a fait ici. Il a donné aux Troupes quaran-
i^ te mille roupies. Il a accordé aux principauxOfficiers&Confeillers, des
,, penfions fur les Tréfors de la Province, & les Eglifes, ainfi que les
Pauvres, fe font refl!entis de fa générofîté. Cet événement, dont on
ne connoitra toute l'importance que par la fuite, a procuré, aux Habitans
de Pondichery, des richefles immenfes , dont cette Ville fe refllntira
longtems. Les avantages préfens de la Compagnie, pour fon Com*
merce, fe trouvent folidement appuyés fur la donation de la Ville de
Mafulipatnam, de l'ifle de Divi, & de leurs dépendances (/) (m)".
Tant
( k ■) Ce nombre paroît on peu fort. On fa naiflànce. Car dans ces deux cas il auroit
tura fans doute mis un zéro de trop ; du moins été Souverain abfolu & héréditaire. Mais ft
iû iVl iflîonnaires Danois ne parlent mie de quoi bon s'nppuycr d'une donation, qui,
»ois c.ns Européens , fous les ordres de huit après la prife de poîTeffion , devcnoit d'ellc-
■Officiers, Lus les Troupes du Pays, qu'on même une formalité fuperflue? Les Rela-
Le Nabab
efl joint par
xin Détache-
ment Fran-
çois.
Avantages àt
fon féjour à
Pondichery.
lur Chrétien q-
à un MahoiTii!
ce Livre
ne conférence fi^
carr. +**
lonne grâce
n'i
dIus de fcrui>'>
Chrétien. ^^^
.'S ne font quî rP|
[période.
%e met guères en ligne de coinpte. L'Au
Jeur du Uenuine Account dit aum trois cens
François, avec neuf pièces de campagne, &
i-^es provifions néceflaircs.
(i) Si ces avantages n'étoicnt pas plus
folides que la dontit.on même , les Anglois &.
'jes Hollandois auroient tort de fe plaindre.
ÎOn fe lafle de répeter que rien no doit pa-
roitre plus frivole que ce t.tre. En effet ,
fuppofe, ce qu'on contcfte ailleurs, que
Mouzr.fcrzingue eut été légitimement établi
Souba de Golkonde, il reftc toujours con-
ftant, [.at l'exemple de Sabdcr-Aly-Ean , qu'il
n'étoit point autorifé à faire cette celîîon , &
qu'elle ne pouvoit être valable fans la ratifica-
tion de la CourMogoIe. C'eft un paradoxe de
foûtcnir que fon pofte lui donnoit le droit de
difpofer des Terres de l'Empire. C'en eft
un autre de prétendre que ce ^oùc fut dû à
tions , publiées par les François , nous appren-
nent ,, que d:ins le tcnis que Nazcrzingue
étoit campé près de Pondichery, il avoit
>»
„ envoyé ordre aux Gouverneurs particu-
„ liers de Mnfulipatnam & de Taiiaon, d'en
>»
chaiTcr les !■ rançois , & de mettre le fcellé
„ fur leurs Lo^jes; .Viais que M. Dupleix en
„ étunt inforné, avoit fait partir fecré*>
„ ment , par Mer , un Déttichement de deux
„ cens hommes , qui s'étoient rendus maîtres
„ de ces deux Places fans la moindre réfiftan-
„ ce". Les Hollandois, pour qui les François
n'eurent pas la même complaifance que les
Maures , furent obligés de fe retirer ail-
leurs. Ce fait nous eft auffi confirmé par
les Miffionnalres Danois, dans fes principales
circonftances.
(jb) Mercure Hift. & Polit., Nov, 1751.
pag. 541 & fuiv.
ïo4
DESCRIPTIONDE LA
DRRNikRCS
gukrres ps
l'Inoe.
Supplément.
1751.
Ville fondée
prir M. Du-
pldx, cil mé-
moii'c de fes
victoires.
Mouzafer-
aingue eft tué
en chemin par
fes Alliés.
Tant d'avantages que les François retiroient de leur Viéloîre, ença^
gèrent M. Dupleix à la célébrer dignement, parla fondation d'une Ville
dans l'endroit même où Nazerzingue avoit perdu la vie. La Ville fut a-
lignée d'une manière fort régulière. On y bâtit deux magnifiques Chau-
driers , ou maifons à l'ufage des Voyageurs : & M. Dujîleix donna trois
mille roupies pour être diftribuécs entre Ces nouveaux Sujets, à qui il ac-
cordoit pluiieurs beaux privilèges pendant un certain nombre d'années (n),
Enfin , pour perpétuer la mémoire de ce grand événement, on devoit éle-
ver un fuperbe Monument , avec une Infcription en diverfes Langues ; Mais
malheurcufement pour la vanité du Fondateur, la Ville fut détruite par
les Troupes ennemies , avant que l'Infcription fut entièrement achevée. Les
Anglois ont cependant eu foin de nous la conferver , en François , dans leurs
Ecrits (0).
INSCRIPTION.
»»
»>
a
)}
„ Cette Ville, nommée Dupleix, (mot Perfan qui lignifie P^iHa-
rieux en Guerre) a été fondée en mémoire de la Bataille gagnée par les
François, par le Commandant Monf. le Prevojl de la Touche^ fur l'Ar-
mée de Nazir-zingue, où il a été tué. Cet événement eH: arrivé le 16
Décembre, l'An 1750., la gdme Année du Règne de Louis Xt^, & la
gme de celui de Hamet-Sha (p), fous le Gouvernement de Monf. jfo^
Jepb François Dupleix , Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire de
„ St. Louis, Chevalier de St. Michel , 6c Commandant Général de la Nation
„ Françoife dans l'Inde, la 8'pe Année de fon Gouvernement".
Après cette petite digrelT^on, qui ne doit pas paroitre hors de pro-
pos, fuivons le grand Héros des François jufqu'au bout de fa brillante,
mais courte carrière. Une autre Relation apportée par leVaiffeauV Achille,
Î)arti de Pondichery vers le milieu du mois d'Oftobre 1751, nous apprend
es circonftances de fon defaftre.
„ Idayèt-Modikan-Mouzaferzingûe, étant en marche pour aller pren-
dre polfelFion de fes Etats, les Patanes, un des Peuples fes Alliés, pil-!^^
lèrent une partie de fon équipage & de fes bagages. Non contens de"'
cette infulte, ils parurent vouloir abandonner tout-à-fait fon parti, &
quitter l'Armée. Le Nabab fondit fur eux , pour en tirer vengeance;
mais dans la mêlée, il fut atteint d'une fléihe, qui le fit tomber fansj
vie de defTus fon éléphant. Les François, qui accompagnoient ce mal-
heureux
51
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»
1>
^n
»
(fl) Les heureux fuccès du Gouverneur
de Pondichery, ont été célébrés, en 1749,
d'une façon auflî fingulière , par M. Dupleix
fon Frère , Fermier Général , qui dota &
maria douze filles des plus pauvres de fes
Paroifles du SitiJlfonnois , en leur affignant des
prix , dont le montant devoit augmenter à
proportion du prompt & nombreux accroifle-
ment de leurs familles. Ces arrangemens ga-
lons de M. Dupleix méritent d'autant plus
d'être rappelles , qu'ils paroiflènt avoir four
ni l'idée des mariages de cette nature, qu'ona j
vu faire en France , deux ans après , à l'oc-
cafion de la nailFance de M. le Duc de Bour-
gogne.
Genuine Account.
0\i Achmet-Scbàb , Grand Mogol,!
unique & Succefleur de Mahomet -Schah,
mort en 174Ç, après un règne de trente
années.
loire, enga.
d'une Ville
Ville fut a-
ifiques Chau-
donna trois
, à qui il ac-
d'années («).
m devoit éle-
angues ; Mais
détruite par
achevée. Les
DIS , dans leurs
1
lignifie riffo-
gagnée par les
uche^ fur l'Ar-
l arrivé le i6
.ouis XF, & la
de Monf. Je-
& Militaire de
•al de la Nation
it".
I hors de pro-
' fa brillante,
ireaul'A6î//f,
nous apprend
our aller pren-
es Alliés, pil-f
Dn contens de
fon parti, &
vengeance;
tomber fans
loient ce mal-
heureux!
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liffent avoir fout'
te nature, qu'on a ]
ns après,
à l'oc-
le Duc de Boui-
randMogol.Filj'
Mahomet -Schah,
règne de trente
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91
99
»»
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I»
DlRVlkRIl
GUKRRIS DC
L'iNDB.
SuPPLBMBNTk
I75I-
Salabetzin-
gue, frère de
PRESQiriSLE EN DEÇA DU GANGE, Lxv. III. tôjf
^ heureux Prince pour le foûtenir au befoin , appercevanc du defordre
„ dans fes Troupes, attaquèrent les Pacanes, & les obligèrent de prendre
ff la fuite.
„ Aussi-tôt que la nouvelle de la more de Mouzaferzingue fut répan*
due, tous les Chefs des Alliés s'aiTemblèrent , & fentanc de quelle «npor-
tance il étoit , de ne pas laifler long-tems fans Maître , une Armée fî nom
breufe & compofée de tant de différentes Nations , ils fe réunirent tous ^**f,"i!\sue ,
en faveur de Sayet-Mohamet-Kan-Bakatlour-Salabetzingue , frère de feu Na- J^Scc.
zerzingue. Il fut préféré au fils de Mouzaferzingue, parceque ce jeune
Prince étoit â^é feulement de trois ou quatre ansTf); mais on lui aiTu-
ra une forte penfion, de même qu'à fa Mère, fur les revenus d'un vafte
domaine.
- „ Lorsque le nouveau Nabab, Salabetzingue, eut été 'reconnu, en n recherche
fw cette qualité, par toute l'Armée , il envoya chercher M. de 5a/7y , Com- l_amitié dei
|.,, mandant du Détachement des Troupes Françoifes;& l'ayant fait aff^^^^ coSJ'le,
#„ entre lui & fes frères, il lui demanda 1 amitié des François (r). Il lui donations de
j, dit qu'il confirmoit toutes les donations que fon PrédécefTeur leur avoit fon Prcd^icef-
i» faites ; & il ajouta , que rien ne borneroit l'étendue de fa reconnoifTance , ^^^'' ■ ,
■^ (i les François vouloient l'accompagner jufques dans fes Etats , ainfi qu'ils
y, y écoient difpofés pour Mouzaferzingue. Comme il n'y avoit point de
,, parti plus avantageux à prendre, que d'entrer dans les vues du nouveau
I, Nabab , on fe mit en marche pour le fuivre. Pendant la route , il
„ envoya, à Pondichery, les Paravanoy ou Titres de propriété, de Ma-
fulipatnam & de fes dépendances, & de l'Ille de Divi, qui avoient été
concédées par fon Prédécefleur (s). Le Gouverneur du Fort de Canouï,
fitué fur le chemin de Pondichery à Golkonde, voulut faire quelque
réfiflance ; mais un petit nombre de François, commandés par lesSrs.
le Normand & Kerjean , emporta le Fort d'afTaut. Quelques jours a- AHiance
», près cette expédition, on reçut avis, qu'un Chef des Marattes, nom- qu'il fait avec
„ mé Bajiro (t ), à la tête de Vingt-cinq mille hommes, fe préparoit à ,^«6 ^^'
^, attaquer Salabetzingue. Sei menaces, qui ne tendoient qu'à tirer de
^ luiunefommeconfidérable, s'évanouirent à l'approche de l'Armée. Ram-
», des-Pendety Premier Miniftre de Mouzaferzingue, & qui avoit pafTé, en
i, cette qualité, auprès du nouveau Prince (vj, fut chargé d'aller traiter
avec
99
i»
{q) L'Auteur du Nederl. GeJenkboek , a mal
traduit ce paflàge, en mettant le frère de Na*
zerzingue pour le fils de Mouzaferzingue.
(r) On a remarqué queNazerzingue avcit
encore trois frères, qui furent faits p-.ifon-
niers par Mouzaferzingue, &ceci le couenne.
S'il doit paroitre fort naturel , que Salabetzin-
gue, inffruit par le malhaur de fon frère, re-
cherchât l'amitié des François ; il n'cft pas fi
facile à comprendre, comment ceux-ci pou-
voient la lui accorder, au pr4/u<^iV« du légitime
héritier, pour parler comme eux ; mais ils lèvent
çncore eux -mêmes la difficulté, en ajoutant,
„ ^u'il n'y avoit point depa{ti^iti/4vartfd|£«ttx
JC/r. Paru .
})
n à prendre, que d'entrer dans fes vues".
(j) G:tte confirmation efl tout auffi de-
feétueufe que la donation même, parceque
le nouveau Nabab n'avoitpas été reconnu par
la Cour^ogole.
(('
que
Voyez nôtre Note (i), ci-defliis, pag.^o.
( V ) Pourquoi ne pas prendre plutôt Shah-
[t) C'eft'peut être encore leRajaflarfgj'ra,
: M. Otter dit être mort environ l'an 1739.
Navaz-Kan , qui avoit été Ji fidèle à Nazer
zingue fon frère?. Il ne paroit pas que la
recommandation de M. Dupleix, en faveur
de ce Minidre, ait eu beaucoup de poi!dt
aupfë» des deux demexs Nababs. , / -4.
lod
ttr
DESCRIPTION DE LA
'T f! T
DncsfkKSi
cuerrbi ob
l'Inds.
I7SI.
Son entrée
dans les duiix
Capitales ilc
fiesËCiti.
n avec Bajiro, & ilrëuflic ù bien, que celui-ci demanda ramicié du Na>^
,» bab & dis Françoii.
II eft confir-
mé par le
Grand ^JogoI.
Richcf?és
que rapporte
le Détache-
ment Fran-
çois.
I»
„ Ce fut vers le milieu d'Avril, que Salabetzingue , dont l'Amide f©
„ grolliflbic tous le» jours, par la }on6lion de fe« Alliés, entra dans Jy.
„ der'abady grande Ville, aujourd'hui Capitale du Royaume de Golkon*
„ de; l'ancienne néunt pKis qu'une fimple Forterefie (x). i>alabetzjngue
„ y renouvcUa , aux b^ran^ois , toutes les marques d'eftune & de recon*
„ noiûancc qu'il leur avoit déjà données. Après un féjour de près d'ua
« mois dans Ayder-abad , le Nabab , avec le Détalchexnent des Troupes
,y Françoifes , marcha du côté à' Aureiie>-abëd ^ Gq>itale du Rovaume de
„ ce nom (y). En y allant, i) reçut, de la Cour de Dehiy , le Firmaa
, du Grand Mogol , qui lui donnoit toute autorité fur le Dekan(a;).
„ Dans cette marche, les François n'ont perdu, par maladie ou ddfer»
„ tion, que quinze hommes, & n'en ont eu que trois de tués {a)".
D'autres avis ajoûtoicm , que tous ceux qui campofoient œ Détachement
étoient revenus chargés de perles & de diamans ; que M. de Bufiy, qui
le commandoit, avuic des millions pour la part; & que les Officiers &
les Soldats étoient partagés à proportion (^). Ainfî l' Auteur Anglois, qui
nous a déjà fourni pluûeurs ééi-a\\% curieux , n'avoit pas tort de dire „ qu ils
„ alloient moins pour accompagner Mouzaferzingue que pour fahre leuc
„ boarre(ff) ". Mais il eft étoni^ant, que dans une narration fuivie des der-
nières Guerres de i'inde, le même Auteur fe foit borné à cette (Impie re*
marque, fans nous apprendre ce qui s'étoic palTé depuis le départ jufqu'au
retour du Détachement François {à). Cependant les Mifllonnaires Da*
nois nous confirment la mort de Mouzaferzingue, quoiqu'avec quelque
différence par rapport aux circonflances» donc iU ne fe crouvoient pas à
portée d'être eataûement informés (;). ï,y ,\ l; ç :l' >;; .
Il
Officier qui ne flk ûY\é i Monfiew ou i
Madame Dupleix.
( J ) M. Green n'en &it non plusaucune men«
tion , & là fin de fon Mémoire prouve qu'il "
ignoroit même la mort de Mouzaferzingue
ardevation de Salabettingue, oa qu'il ne
aojroit pas cei deux événemens bien confiâtes.
(*> Ces Millionnaires marquofent, dés le
23 Février de cette année, qu'on avoit dej
avis duNord, oue le parti de feu Naflà-Singa,
qui g'étoit conlicférablement renforcé , ayant
rencontré l'autre dans les montagnes d'Arcat-
te, Muftapha-Singa & les François qui ]'ac<
compagnoient , avotent été taillés en pièces.
lis ajoutent, que fur cette nouvelle, le fils de
Sander-Saheb, que les François venorent d'é*
tablir en qualité de Nsbab d!Arcatte, s'étoit
retiré è Pondicherjr. C'eft ainfi qu'ils nonv
ment, dans d'autres endroits, tantdt Sander*
Saheb, tantôt fôn fils, là ils difent que le
dernier avoit embraflë ta Religion Romaine,
un an auparavant, & qu'il étolt alors occupé
à faire bâtir ime Èglifë à Arcatte. Mais 08
doit s'en tenir stnc Relations des Ftan^ois»
{xy AJ^^e^aib«d, ou Hoffir^tbai, dtaufll
le nom que les PerCins <Sc les Mc^ls don-
DOJent anciennement à la Ville de Golkonde
môine. Voyez le Tome XIII. pa£.4i4.
( y ) On ne défigne jamais !e Dekan fous le
nom de cette Capittle, qui Teft en'méme-
tems de Golkonde; ces deux Etats ne forment
plus qu'un Gouvernement , dont Aurcng-
sbad eu comme le centre , où le Viceroi Mogoi
fait fa réfidencc.
( 3 > Si l'on admet l'hérédité , où cftle droit
â& priniogéniture dans la foccefllon du Gou<
vcmetnent de Golkonde, dont relevoit celui
d* Arcatte; & que pcot-on aReguet pour jufti-
fier les entreptifes d'une I*fation étrangère
contre Anavadi-Kan & Nazerzingue? A la
Vérité la Cour Mogole n'avoit pas beaucoup
i dire dans tous ces démêlés; mais fafoiblefle
éft-eQe on dtre l^itime pour empiéter fur
fes droits ?
Merctite, May 1752» P^- i9o.
Ibid. pag. sZi.
Genuine Jcctunt. Il remarcîue, â cet-
te ôccafion, (pei pdne f avoit- 1! oa ftul
iOueftd
(k)L
qui alfafl
lieaufrèr(
Itté an Na^ '
rArméc fe ;
la dans Ay-
de Golkon-
ilabetzingue
Je de recon»
te près d'ua
des Troupes
loyaume de
, U Firmaa
n(x).
lie oa ddfef'
! tués (a)".
Détachement
e BuiTy, <\vâ
Officiers &
Aiiglois,quI
'. dire „ qu iU
ur faire leur
ivie des der-
te fimple re«
jpart jufqu'au
onnaires Da«
ivec quelque
voient pas à
II
Monfiewr ou k
pluftaucunemen*
Ȕre prouve qu'il "',
Moozaferzfngue
le,. oa qa'il ne
isbienconftatés.
quotent, dés le
u'on avoit des
eu Nafla-Singa.
renforcé, ayant
ntagnes d'Arcat-
ançois qui rac< '
lillés en pièces.
rvel!e,le fihde
s venotent d'^
Arcatte, s'étoit
nfi qu'ils noiU'
tantôt Sander- ,
j difcnt que le
gion Romaine,
ait àlofi occupô
atte. Mais oS
desFtançpiv
PRESQiriSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. IH. tùf
Il cft tcms de rejoindre nos premiers Gaidet, pour lei ftùvre dans des
routes qui leur font mieux connues, en continuant de fuppléer aux omif-
fions de l'un , par les obfervations de l'autre. Après le départ de Moum-
ferzingue, les François A leurs Alliés ne cardèrent pas de re répandre dans
l'Etat de Tanjour, dont ils menaçoient la Capitale d'un nouveau Siège.
Au commencement du mois de Février , ils étoient déjà maîtres des Diftrifts
de Tirwmàlury de Marmar-covil & de Cumbagonamj où ils n'avoient point
trouvé de réfiftance. Mais lesAnelois ayant envoyé, de leur côté, des
lècours à Tanjour & à Tirichinapaîy , il ne fe pafla rien de remarquable en-
tre les deux partis pendant quelques mois (/).
Sander-Saheb , qui avoit affemblé un Corps confidérable de Troupes,
Profitant de cette diverfion , partit dePondicherj , vers la fin du mois de
(/) Mlflionnaîrcs Danois. L'Auteur du
f^ Cmuine Accouta ne dit rien de cette iava-
■ fion dans l'Etat de Tanjour; mais il fait le
récit des progrès de Sander-Saheb du côté du
Nord , dont les Miflionnaires ne parlent pas.
(^) Ou aniipettaby & félon M. <i'An-
ville , Sbettam-pettu , à trente ou quarante miles
;.:, au Sud d' Arcatte.
' (b) Oa Armât fuivant le même Géogra-
phe, à dix miles au Sud d' Arcatte.
( i ) Fortereflè à environ quinze miles i
l'Oueft d'Arcatte.
■ ( * ) L'Auteur remarque que c'efl le même ,
^ qui alTaflina, en 1742, Sabder-Aly-Kan , fon
Beaufrère, Nabab d'Arcatte. (Voyez ci-deffus.
( l ") Genuine Account.
(m) Officier Suiflè de beaucoup de bra-
voure , qui avoit été au Siège de Madras.
(n) Ou Tirivandi-puram , Bourg fitué im-
médiatement liors deis Unetites du Fort Saint-
David.
(0) Fortereflè éloignée de foixante-dix
miles au Sud-Ouefl de Saint-David; M. Green
la nomme aufll Ulatwodi ■ latu, d'après M.
d'Anville. Voyez nôtre Carte.
O 2
DnmkiKi
GiMRRU n
l'Indb.
suppluumt.
1751-
Invafîon
des François
éuis l'Etat 4c
Tanjour.
Progrès de
Sander-Saheb
du côté dti
Nord.
Ile Gouverneur, Muley-Aly-Kan, fon Beaufrère, compofa avec lui pour
une fomme d'argent (*), Après quoi Sander-Saheb fe rendit à Arcatte ,
où il fie quelque féjour, & de-ià il revint devant Tirichinapaîy avec la plus
to-ande partie de fon Armée ( /).
" Dans cet intervalle, Mahomet- Aly-Kan conclut un Traité d'alliance avec
les Anglois, à qui il accorda enfin les conceflions qu'on leur avoit refuféeis
depuis fi longteras; & ceux-ci, de leur côté, s'^ngageoient d'aflifter le
^^ Nabab de toutes leurs forces. En venu de cette Convention, on déta--
^'cha, le 4. Avril , un Corps de quatre cens Européens , avec un train d'Ar-
'«tillerie, fous le Commandement du Capitaine <riii^« (m), pourobferver
viles mouvemens des ennemis, & empêcher qu'ils ne fe jettaffent dans Tiri-
L^chinapaly, où le Capitaine Cope fut envoyé en même-tems pour mettre
H cette Ville en bon état de deifenfe. Les ennemis s'étam avancés jufqu'à
W Trevedy , y reftèrent près de fix femaines , tandis que les Anglois étoient
poftés à Travendaparum ( î' ) , entre les deux Places. Enfin , les uns & les
«utres marchèrent du càié àiC Volkonda (0) ^ où Mahomet- Aly-Kan joignit
les Anglois avec toutes fes Troupes. Les deux Armées campèrent «1 cet
endroit pendant trois femaines, a peu de diftance l'une de l'autre , mais de
chaque
tAfr. 52 & 53-) On le difoit extrêmement
riche, & quoiqu'il pafl&t en général pour
l'Ami de Sander-Saheb, il avoit toujours
évité avec foin de le paroitre.
Traité d'al-
liance entre
Mahomct-
Aiy-Kan &lcs
Anglois.
Ceux-ci en-
voyentdcs fc»
cours au
Nabab.
Marches &
Campement.
DeiNiNti
ouirrrk de
l'Inob
Supplëmunt.
I75I.
DIverfes
cfcarmouche*
avec les Fran-
co!!!.
Les deux
Armées paf-
fcnt le Colo-
ruin.
Diverfioi
des Ançlois
du côté d'Ar-
catte.
PriTe de
cette Place.
lot in. DISCRIPTION Dï L A^'^.'îT
chaaue côté de ]a Ville. Enfuice le Capitaine Gingen ayan. eçu quclqoei
renforts d'Angleterre, eut ordre de faire tout Ton pofuble pour livrer U
combat aux ennemis.
Dans cette vue le Gouverneur, qui fe reconnoiflbit Sujet & Ami de Ma*
homct-Aly-Kan, fut fommé, au nom du Nabab, de donner entrée aux
Troupes, dans la Forterefle; mais fur Ton refus, on réfolut le i*-/ Juillet,
de mettre le feu à la Ville. Le Gouverneur, pour fe vanger, ouvrit fcs
portes aux François , qui commencèrent auflI*tot l'attaque avec quatre piè-
ces de campagne, tandis que le f^'os de leur Armée vint prendre en flanc
le Nabab, &Te chargea fi vivement qu'il fut obligé de fe retirer avec pré*
cipitation à Utatûr (p), lailfant en arrière la plupart de fes munitions ^
de fes bagages. Les ennemis le pourfuivirent , & s'étant campés à cinq
miles de diltance de fon Armée, ils firent, peu de jours après, une nou-
velle attaque contre fon avant-garde , commandée par le Capitaine Dalton,
Î^ui les repoulTa avec une perte confidérable. Mais la défertion s'étant mj.
e dans les Troupes du r*^bab, qui manquoient d'ailleurs de provifions,
l'Armée isafla leColoram, qui efl un des bras du Fleuve Caveri, & vint
camper fous les murs de Tirichinapaly- Les ennemis fui virent de prés,
& traverfant aufTi le Coloram , ils s emparèrent du fameux Pagode de
Siringam (g), quatre miles au Nord des Alliés. Les premiers n'avoient
pas des forces fuffifantes pour entreprendre le Siège de cette Ville , mais
comme ils en recevoient journellement de nouvelles, on jugea à propos de
détacher autant de Troupes dont on pourroit fe paiTer, pour faire une di-
verfion dans la Province d'Arcatte.
M. C/iw, jeune homme, qui étoit Pqurvoyeur de l'Armée, fe fentant
plus d'inclination pour le fervice militaire, offrit de fe mettre à la tête
des Troupes qu'on dedinoit à cette expédition. Après en ayoir reçu la
commilHon, en qualité de Volontaire , fans paye, iJ partit pour Madras,
le 2 de Septembre, à bord d'un Vaifleau de la Compagnie des Indes,
avec cent trente Européens , qui furem renforcés par quatre-vingts autres
de la Garnifon du Fort Saint-George, d'où il marcha. droit àArcatte, dont
il s'empara fans réfiftance (r). Les Habitans, craignant le pillage, lui of-
frirent une rançon confidérable; Mais le généreux Clive, loin de l'accep.
ter, fit publier, que ceux qui voudroient refter dans la Place, n'y feroien:
expofés à aucune infulte; & que ceux qui préféreroient d'en fortir, au-
loient la liberté de partir avec tous leurs effets, à l'exception des.vivres,
dont on leur payeroit le jufle prix. Une fi fage conduite lui acquit la ctasi-
fiance & l'aifedlion des Peuples , au point que , dans la fuite, ceux d'entr;
les Habitans qui s'étoient retirés de la ForterefTe , fe crurent obligés , par
reconnoilTance, d'avertir Clive de tous les defTeins des ennemis; ce qui
• ■iii ..u:^ !'t;j! i\ .^"L^\i\'i~]^',■•^
(p) Fort à vingt miles de Volkonda, & à
moitié chemin de Tiriciiinapaly. Ce lieu ne
fe trouve point dans la Carte de M. d'An-
ville , non plus que la route ftir laquelle M.
Grecn ]e met dans la fienne.
(f ) Ou Sbiraagam ,. fitué dans une Ifle
formée par les devx principaux bras du grand
: •)
Caverl. Voyez ci-defTus, pag. is^
(r) Le 12 Septembre , futvant les Miflion.*
naires, Danois. Ils ajoutent, que la Garni-
fon de la ForterelTe , confinant en cinq cent
hommes de Cavalerie & mille d'Infanterie,
avoit pris la fuite à l'approche de ce petit
PtitachemcntAnglois». .
Erob
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le, fe Tentant
ttre à la tête
[avoir reçu la
our Madras,
|ie des Indes,
vingts autres
Arcatte,dont
illage, luiof-
in de l'accep-
, n'y feroient
n fortir, au-
n deavivrea,
[acquit la coic-
ceux d'entre
obligés, par
lemis; ce qui
pro«
Ivant les Miffion*
1, que la Garni*
tnt en cinq ceni
fille d'Infanterie,
che de ce peii
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. i«9
probablement fauva la Place; Car peu de tems après, le fils de Sander-Sa-
htb parut devant Arcatte avec de grandes forces , qu'il avoit amenées de
Tirichinapaly (0- Clive renfermé dans fa Forterclfc, fit de 11 fréquen-
tes forties fur les ennemis, que le 4 d'Oélobre , il n'étoic pas encore en-
tièrement inverti ; & quoique le Siège fut conduit par les François , il le
pafla encore plus de quinze jours avant qu'ils euflent fait aucune brèche.
,Au bout de ce tems, ils en firent deux très-conlidérables ; mais négli-
geant de donner l'alfaut tout de fuite. Clive profita de ce délai, pour re-
{parer fa muraille, & la mettre en m.eilleur état de defl?"enfe que les autres
''parties de la Citadelle. Cependant, le 25 Novembre (»)» ^ ''o" iieures
^du matin, les Aflîégeans firent une attaque contre les deux brèches, &
voulurent forcer une des portes avec des éléphans. Mais Clive , qui avoit
'"ité averti de leurs delîêins, fe trouva fi bien préparé, à la faveur de quel-
jues Batteries mafquées, qu'il les repoufla de tous côtés, & en fit un cer-
■ible carnage , principalement aux deux brèches , d'où il ne fe fauva pas
_/ingt hommes , de tous ceux qui y formoient l'attaque. Le lendemain , un
Xorpsde Soldats Européens, avec deux mille Marattes , détachés de Ti-
jpchmajpaly , fous les ordres du Capitaine Kilpatrkk , avant paru , les en-
nemis re retirèrent avec la plus grande précipitation , abandonnant leur ar»
tlllerie & uiic partie de leurs bagages (v).
,,, Après avoir lailTé à Arcatte une Oarnifon fuffifante , fous le» ordres
ti^u Capitaine Lilpatrick , Clive en partit , avec les Marattes , pour
GueHRKii un
L'iNOt.
Strpr.t MRNT.
175 ï.
Le fils Je
Sandcr-Siihcb
en fait le
Siciic.
Il eil obTif;^
de fe retirer
avec une pc r-
te coniidtiar
ble.
réduire Timery (»), Kâveri-pâkkam (y) & d'autres Forts dans les environs,
,dont il confia la garde à quelques Soldats Européens.. Çnfuite il réfoluc
l'aller chercher les ennemis , qui avoient alors reçu des renforts confidérai*
les. Le 14 Décembre, Clive rencontra leur Armée dans les plaines d'Arani ,
' vers le midi , il donna les ordres pour l'attaque. Le combat dura cinq
ares, & les ennemis furent entièrement défaits, avec perte > du côté de
pClive, de vingt deux hommes, tant tués que blefles. C etoient des Eu-
ropéens ; car pour les autres , dit l'Auteur , il eft rare qu'on en fafle le
l^mpte. Aum néglige- t'il de marquer à combien fe montoit celle des en-
.|emis (2).. . tft.
, , ( j ) M. Green remarque ,- qu'il paroit par
'"ieette circonftance, que Sandcr-Saheb avoit
ffTiégé Tirichinapaly. Les Millionnaires Da-
oi& difcnt, que les Anglois, qui campoient
ux environs de la même Ville , fe trou-
^voient ferrés de fort près par les ennemis ;
t?& que Sander - Sahcb , fur l'avis de la prife
!d' Arcatte, ayant voulu partir, les premiers
^ étoient tombés fur fon arrière-garde, & lui
" avoient enlevé une partie de fes bagages.
I ({) Dansl'Original, on lit Juillet. M. Green
;; a mis OAobre; mais les Millionnaires Danois di
. fent que ce fut vers la fin de Novembre , comme
l'article fuivant femble. l'indiquer ; ce qui eft
1 d'autant plus honorable pour les Affiégés.
- (t)) Genuine Jccount. Ce récit eft con.
• firme par lès Milfionnaires Danois. Ils ajod-
. I tent que les Aflîégeans laiflercnt trois cens
Les Angle ii.
prennent di-
vers Torts.
Les Maure»
font défaits
dans une
Bataille.
morts fur la place , & que le nombre de leurs
bleffés fe montoit à environ quatre cens. Se-
lon eux , les Anglois n'eurent que neuf hoia-
mes tués & trois blelTés.
(x) C'eft un Fort peu éloigné d'Arcatta
Suivant les M ifllonnaires Danois, les Anglois
y firent un butin confidérable. Outre une
femme de douze mille roupies en cfpèccs.ilai
Îr trouvèrent la tente de Nazerzingue , dont
es piliers étoient d'argent , & une caifle con.
tenant fa vaiflelle, &c. Sander-Salicb, à qui
ces effets étoient tombés en partage, les avoit
fait tranfportcr à Timery» où il les croyoit
en iïkreté.
f y ^ L'Auteur le nomirte mal Covery-pauk. ■
(z) Genuvie Account. Le rapport des Mi^
(îonnaires Danois p^ut fuppié r a cette négli-
gence, qui eft d'un ufa^c. ridicule dans l'Inde;.
ô 3 i>'-'lttu
-■■%
ÏÏO
DESCRIPTION DR LA
'-[ •i'i-
GuBKREs ns
L'Inde,
suwlemeht.
175?-
Autres con-
quôtes des
Ari»l.>is.
1752»
Les ennemis
Dillent leurs
liïbicatioQS.
Ils font de
nouveau bat-
tus.
Le lendemain, Clive fit fommer le Gouverneur d'Aranf , ^1, Tam
héficer, le déclara fujet du Nabab Mahomet- Aly-Kan, & offrit de tt
cevoir telle Garnifon qu'on voudroit envoyer dans fa Forterefle. De-lj
Clive marcha à Cangibmram (a), Pagode fortifié, d'où les ennemis étoient
à portée d'intercepter toutes les providons qu'on faifoit pafler à Arcatte.
Il y arriva le 25 Décembre, & ayant fait une brèche à la muraille, la Gat!
nifon qui avoit refufé de fe rendre, prévint l'aflaut, en abandonnant la
Place, à la faveur des ténèbres (b).
Lbs ennemis ne paroilTant plus, le Capitaine Clive retourna avec fesTroa-
pes à Madras , d'où il fe rendit au Fort Saint- David; mais à peine y avoit-
il été un mois, que raffemblant un Corps confidérable , àChettam'pettu,
ils marchèrent au Mont^ Lieu éloigné de neuf miles de Madras, où les
principaux de la Nation Angloife ont leurs maifons de campagne, qu'ils
pillèrent, lànsyrien laifler de tout ce qu'ils purent arracher, jufqu'aux
ferrures des portes , & aux barreaux des fenêtres. Ils emportèrent de méoit
les provifions qu'ils trouvèrent en diff'érens endroits, & le tout fut envoyé
3 Pondichery.
Sur cet avis , le Capitaine Clive fut renvoyé avec un Détachement i
Madras, où ayant reçu un renfort de cent foixante hommes du Bengale,
quelques Cipayes , & un petit nombre de chevaux , il fe mit en marche,
au mois de Mars 1752, & trouva les ennemis fortement retranchés dans
leur Camp à ^endalur. Place éloignée de Madras d'environ quinze miles
A la nouvelle de fon approche, ils décampèrent pendant la nuit, &
©rirent la route d' Arcatte, qu'ils croyoient trouver fans Garnifon, M,
P
camper
quinze miles de-là, près du Fort de Kâveri-pâkkam , dans une pofition
extrêmement avantageufe. Clive, qui ne penfoit pas qu'ils fuffent fi pro-
che, fut encore plus furpris de les voir dans une fituation où il n'étoit
guères poffible de les forcer. Cependant ayant apperçu un grand fofliii
fec avec une haute levée de terre, fur leur aîle droite, il fe hâta d'y faire;
entrer fon monde. Les ennemis, trompés par l'avis que M. Dupleix leu;
avoit donné de la foiblefle de Clive , quittèrent leur Pofte & marchèren:
à lui avec toute la confiance que leur infpiroit la fupériorité de leur nom--
bre. Ils avoient quinze cens Cipayes, & cent François en front, hé{
pièces de canon, avec cinquante Européens polies fur une éminence, qoi"
for-
r! .,1.
Selon eux, les Maares eurent quatre cens honv-
mes tués fur le champ de bataille. La perte des
François fut de vingt hommes, y compris leurs
•CafFres. Quatre cens de leurs Cipayes mirent
bas les armes &fe rendirent à difcrétion. Les
Marattes, qui s'étoient joints aux Anglois,
«urent pour leur part du butin , trois cens
chevaux , deux éléphans & cinq chameaux ; les
Anglois, trente -deux chevaux "& deux cha-
meaux , outre les munitions & le bagage. Ces
Miffioiîhfeircs ajo^Vtent, que le fis de Sander-
Saheb eut à peine le tems de fe fauver avec
une vingtaine de Cavaliers.
(a) Ou Canje-varam , grande Ville 4
célèbre Univerfité des Bramines , à quarante
ou cinquante miles de Madras.
(A) Genuine accouru. Les Miflionnairei
Danois difent que la Garnifon étoit compo'
fée en partie de François , & que les ^gloi»
y avoient trouvé quatre grofles pièces a%
tilicrie.
int , toi
Les autn
tmrde 1
lans,
;ais du
lés à pa
ifceaux
n'eut
tiÉt Noin
clf^Mars.
'^Es eni
fc^Capitaii
"^-arriva U
Ville na
ice étan
oupes,
veC/),
lyes. Il
ions poi
)d- addi ,
it point
T avani
très de 1
léchera
qui obli
«& d'à
ennemi;
mtinua fa
Camp (
•ppbfer à
bagage
(c)Onaur
inombre des
jlols, {mii
Ht bien met
I fe former i
ion.
(</) Voyez
^1, faoi
BFrit de r«.
(Te. De-lï
mis étoiene
à Arcatte.
[le, laGar.
(donnant la
X fesTroa.
ine y avoh. î
tam-pettu, ■
ras, où les
igne, qu'ils
-, jufqu'am
nt de même
t fot envoyé
:achement ii
lu Bengale,
en marche,
anches dans
uinze miles
la nuit, &
arnifon, M.
•huit à vingt
irent oHigà
e camper ï
ine pofition
flent fi pro-
lù il n'étoit
grand foifé
ita d'y faire
lupleix leuî
marchèrent ^j,,^
le leur nom-
front, huit
inence, ({ih
for-
fe fauver avec
tande Ville *
es, à quarante
Miflionnairet
étoit compo-
bue les Angloii .
|;s piècçs à% \
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. m
)rmoient leur atle gauche. La droite ëtoic compofëe de dix-fept cens
chevaux. Clive , qui ne demandoit pas mieux que de ks attirer hors de leur
amp, alla fièrement à leur rencontre, & s'avançant à la portée de la
lyonnette, il les contraignit bien-tôt de fe retirer dans leurs retranche-
„iens; mais comme il faifoit déjà obfcur, & que la plupart de fes Trou-
pes étoient fans expérience, la Viftoire relia indédfe pour quelques mo-
ibens, jufqu'à-ce qu'ayant envoyé un Détachement, qui devoit faire un
""l-and détour pour tomber fur l'arrière de leur Batterie , ce projet lui
iudit fi bien, qu'à la première décharge que fit le Détachement, en arri-
ant, tous les François mirent bas les armes & fe rendirent prifonniers;
Les autres Troupes , principalement la Cavalerie , fe fauvèrent à la fa-
ir de la nuit. Dans cette aétion , Clive fit prifonniers , deux Lieu-
lans, quarante-huit Soldats Européens, vingt-quatre Topafles ou For-
ais du Pays, outre les morts & les bleifés, qui fe montoient à-peu-
s à pareil nombre. Il prit aufli huit pièces de canon , deux cens
fceaux d'armes , & huit tombereaux de poudre. De fon côté , Cli-
n'eut que deux Bas -Officiers blefies , & vingt -cinq Soldats»
it Noirs que Blancs, tués ou blelTés (c). Cet événement arriva le I2
ck^Mars.
l^BS ennemis ainfi chafTés une féconde fois de la Province d* Arcatte,
k^ Capitaine Clive eut ordre de marcher incontinent à &iint- David, où
""arriva le 22 de ce mois. Chemin faifant, du côté deGingy, il détruifit
Ville naiffante de M. Dupleix (d\ Dans le méme-tems le Major Lau-
nce étant revenu d'Angleterre (*), on lui défera le Commandement des
oupes, qu'il avoit demandé. Ce Major partit le a8, avec le Capitaine
ve(/), à la tête d'un Corps de quatre cens Européens, & de mille Ci-
yes. Il menoit avec lui un convoi confidérable de provifîons & de mu-
tions pour Tirichinapaly. Il arriva, le 8 Avril, près deCo^/Z-A/^^i, on
é-addiy à feize miles au Nord-Efi: de cette Ville; & jufques-là il n'a-
ât point été inquiété dans fa marche j mais alors l'ennemi tâchant de
ijier avantage de fa fituation , détacha un gros Parti de Troupes Fran-
«âifes de l'Armée de Sander-Saheb , pour aller élever un retranchement
fe le chemin des Anglois, & interrompre leurpaiTage à coups de canon 5.
^* qui obligea le Major Laurence d'en faire autant. On fe canonna de
I & d'autre, &il y eût des deux côtés quelques hommes tués: mais
ennemis ne s'étant point avancés, le Major partit le jour fuivant, &
ntinua fa marche vers Tirichinap^y. Comme le ciiemin étoit à la vue
Camp des ennemis , ils fortirent avec toutes^ leurs forces pour venir
ppoferàfon paflage. Le*Major marcha droit à eux, afin de couvrir
m bagage ; il eiTuya le feu de leur Artillerie, qui ne lui fit pas grand mal ,.
publics , qai ont donné cette Relation , ont
fait une grande faute, en écrivant, que che-
min foifant, Clive prit Saint-David.
( « ) Il étoit parti des Indes au mois dr
Septembre 1750.
(/) Gcmiine Accoufit.
DumiBCi
gubkrbs dk
l'Inob.
SwrLKMgîiT.
1752.
^r^h.:'
CR
( c ) On auroît dû informer anfll le Lefteur ,
nombre des Naturels qui étoicot joints auK
Jois, poifque ceux de l'Armée ennemie
it bien mentionnés. Ce feroit le moyen
fe former unejufte idée du mérite de cette
ion.
{d} Voyez ci-deflus, pag. 104. LesPapier».
Avantages
remportés par
lesAnglois,
du côté de Ti»
lichinapaly.
iii
DESCRIPTION DE LA
Guerres de
l'Inde.
SvPrLEMENT.
1752-
Ils s'empa-
rent de divers
Pofles aux
environs.
Derntèrbs aa-lieuque la (lenne les incommoda fî fort, qu'ils furent obligés deferei
tirer dans un terrain plus bas . Le Major Laurence profitant de ce répit,
pafTa avec tout Ton monde , & joignit l'Armée cette même nuit. Les en*
nemis perdirent, dans cette aflion, plus de trois cens chevaux, oatKjltn. \
Kan^ homme de grande importance dans ce Pays (g).
Le Major Laurence ayant joint le Capitaine Gingen, qui étoit tou-
jours campé près de Tirichinapaly , Clive fut détaché avec quatre cent
Européens, quelques Cipayes & Cavaliers Marattes, pour couper aux
ennemis la retraite à Pondichery , au cas qu'ils vouluJSent l'entrepren-
dre. Comme ils avoient un bon Fort , nommé Samea-veram , qui étoit uq
Pagode, fîtué au bord du Coloram, fur la route d'Utatûr, Clive fe propo-
foitde les en déloger, lorfqu'il tût avis que le Capitaine d'Auteuil étoit ar-
rivé de Pondichery à Utatûr, avec de l'argent & des provifions pour l'Ar-
mée. AulTi-tôt il fe mit en marche, le 26 d Avril, dans le deiTein d'aller i
là rencontre ; mais l'ayant manqué, il revint, la même nuit, fort fatigué , pri
de Samea-veram, dont il inveftit, au point du jour, le Fort ou Pagode.
L'Officier qui y commandoit, ayant fait une fortie, dans laquelle il fut
tué, avec la plupart de ceux qui l'accompa^oient, le refte, confiftantei
foixantc-fîx Européens, fe rendit à difcrétion, après quelque réfîlfcince
Les Cipayes voulant s'échaper , furent tous taillés er. pièces. La perte
des Anglois fut d'un Enfeigne tué , & de huit hommes tant morts que bief-
fés. Sur cette nouvelle, Sander*Saheb , qui campoit fous les murs de Shi<
rangam, fe retira dans le Pagode même.
Les ,ennemis étoient encore maîtres d'un autre Pagode fortifié, nommé
Acheveram(h) , à la faveur duquel ils fourrageoient la campagne. On avanji
contre ce Fort, par de régulières approches, à la diftance de cent toiles,
d'où l'on battit la muraille en brèche. Après y avoir fait une ouverture
jufqu'aux fonderaens. Clive fe préparoit à monter l'aflaut, lorfque les Affié
gés arborèrent le IXrapeau blanc, pour demander à capituler ; mais les G
payes, qui fe préfentèrent les premiers devant la brèche, ne comprenan:
pomt ce- lignai, n'en pouffèrent pas moins vivement l'attaque; ce qui intiml'
da fi fort les ennemis , que vingt-,cinq François fe jettèrent dans la Rivière,
pu ils périrent tous à la referve de quatre. Trois Officiers & foixante^
douze hommes , qui forraoient le refte de la Garnifon , furent faits prifof
niers. Les Officiers fe plaignirent amèrement de ce qu'on n'avoit eu au-
cun égard pour leur Drapeav. Cependant il efl certain que fi Clive n'eu'
retenu les Cipayes , les François auroient été taillée en pièces. A ce grief,
le Gouverneur de Pondichery en ajoûtoit un autre, au fujet du mépris ii-f
jurieux que cet Officier avoit marqué pour fa Nation ; mais cette invec
Plaintes
mal-fondées
des François.
-Il
tiït ..
(g) Tout ceci, depuis la Note précéden-
te, a été omis par l'Auteur du Genuine Ac-
eount, qui dit feulement que les Anglois a-
voient eu quelques petites efcarmouches de
peu .de conféquence , dans leur marche de
Saint-David. Ces circondances font tirées
d'une Lettre du Fort Saint-George, en datte
.du s Juillet Le Major L.%urence marquoic
aufTi.dans fa Lettre du 12 Juin, qu'il avcii
été attaqué deux fois, & la féconde partouKi
l'Armée ennemie.
( &) C'ed apparemment ce Pagode qui pi
roit, fans nom, dans nAtre Carte, au-delM
de celui de Samea-veram, fur le bord du Qt
loram.
ris, au:
deux:
Le mi
)pelloit
Kraite (
^umé 1(
ivirons
: plus d
}1S. I
-mêmt
Nè|
^le, &
fabab le
silité qi
lettre e
i\\iés(i]
igagé
fctta dan5
Roid(
irdonns
igés cle fe rei f^
: de ce répit,
uic Les en»
:, oatK Alm
ui étoit toû. ■;
: quatre ceni
r couper aux
t 1 entrepren.
, qui école ua
ive fe propo.
iceuil écoic ai. -
ons pourl'Ar.
iffein d'aller i
c fatigué, prà
rc ou Pagode,
laquelle il fut
, conHllanteii
)ue rénfliance
;es. La pertt
norts que bief ,
i murs de Shi<
rtifié, nommé
le. On avança
ic cent toifes, ;
line ouvertuK/;
fque les Aflîé-
; mais les G
le comprenant
ce qui intimi'
ins la Rivière,
rs & foixante-
it faits prifoi!'
n'avoit euau-
fi Clive n'ec'
. A ce grief,
L du mépris 11'.
s cette invËcî
tiï
Juin, qu'il ave»'
féconde par tous
ce Pagode qui pi
î Carte, au-dellfl
rurleboidduC»
PRESQiriSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. IIL 113
bve doit être plutôt regardée comme l'effet du reffentiraent perfonnel de
Vl. Dupleix contre le Capitaine Clive, à qui il ne pardonnera jamais d'a-
roir détruit fa nouvelle Ville.
Après la réduction d'Acheveram, où les Anglois trouvèrent une gran-
de quantité de grains, quelques canons & autres munitions de guerre, le
.■^Capitaine Clive ayant reçu avis, que M. d'Auteuil s'étoit retiré d'Utatûr,
& campoic fous les murs de Volkonda , p|artit le 10 Juin pour s'y rendre.
palTa cette nuit à Utatûr, & le lendemain de bon matin, il détacha un
jrti de Marattes , pour amufer l'ennemi jufqu'à fon arrivée. Clive fuirit
,ji-même vers le midi, avec le refte de fes Troupes, & commençant auffi-
î|t l'attaque, ilchafla les François du Village où ils étoient campés, &
^npara de leur artillerie. Ils tentèrent delejetter dans le Fort; mais le
mverneur, qui craignoit le reflentiment des Anglois, ayant fermé fes
i^rtes , ils furent forcés d'efcalader la muraille pour les ouvrir , & tandis
l'ils y étoient occupés , Clive en fit un grand carnage; Cependant ne
,julant pas les détruire tous, il leur fit offrir une fufpenfion d'armes, qu'ils
||ceptèrent fur le champ. On convint d'une Capitulation , fuivant laquel-
le Capitaine d'Auteuil & trois autres Oifficiers dévoient relier pri-
liers , fur leur parole, l'efpace d'une année, &les Soldats jufqu'à l'é-
mge. L'argent & les provifions de toutes efpèces tombèrent en par-
l||^e au Nabab , qui fit un butin confidérable à cette occafion. On avoic
ris, aux François, quarante-huit mille roupies, quatre pièces de canon
deux mortiers, outre une prodigieufe quantité de munitions de guerre.
Le même jour que Clive s'empara de Volkonda, Sander-Saheb, qu'on
>pelloit le Nabab François, fut fait prifonnier par les Alliés. Depuis fa
kraite dans le Pagode de Shirangam, la fortune lui avoit conflamment
^umé le dos. Les Anglois s'étant rendus maîtres de tous les Polies aux
ivirons, il ne pût tirer ni argent , ni provifions; & fon Armée, qui étoit
plus de trente mille hommes, fut difperfée & fondue en moins de deux
}is. La plupart de Tes TrouDes paflTèrent du côté de fes ennemis. Sander
-même , avec les François o: un petit nombre de Cipayes & de Cava-
rs Nègres, qui lui refl:oient, fe trouva bien-tôt dans l'état le plus déplo-
Sle, & dépourvu de tout moyen de fubfifl:er. Dans cette extrémité, le
fabab les fit fommer de fe rendre tous prifonniers ; Sander , voyant l'impof-
bilité qu'il y avoit de tenir plus longtems, s'échapa de nuit, & alla fe re-
lettre entre les mains de Mona-Gy^ Général du Roi de Tanjour, un des
[lliés (1). On dit que ce Général en avoit reçu de l'argent, & qu'il s'étoit
ngagé de favorifer fon évafion; mais dès qu'il l'eut en fon pouvoir, il le
ttta dans une étroite prifon ; & comme les Alliés prétèndoient tous l'avoir ,
î Roi de Tanjour, pour conferver fon droit, lui fit trancher la tête , &
ordonna qu'elle futexpofée dan« le Camp {k),
' .; ..,;;.-,,...*.,c. SaNDER-
' ( »'") On apprend dçs Miflîonnaires Danois
i<|uc les Rois de Maduré & de Maiflbur s'é-
lent déclarés depuis peu pour les Anglois ,
-^u'i's leur avoient envoyé des Troupes.
*) Ces dernières circonftances font rap-
Jf /^. Fart,
'7^
portées un peu difFéremment par les Mif-
iionnaires Danois. Selon eux, Sander-Saheb
fut arrêté par les Troupes de Tanjour , qui
l'ayant reconnu le matin , le conduidrent en
prifon, le II Juin; Après trois jours de con-
P feil.
DERMlfeRIf
Guerres db
l'Ikdc.
Supplément.
1752-
Un de leur»
convois eft
pris dans
Volkonda.
■f
Butin COR'
fîdérable.
Défaite t*<
tule de San-
dei-Sahebk
Il eft déca.
pité.
114
DESCRIPTION DELA
A"^
Dbrni^bcs
Guerres d£
l'Inde.
Su'rPLEMENT.
1752-
Conditions
que IcsAn-
glois accor-
dent aux
François.
Portes de
•e< derniers.
!^I. Diipkix
demande la
faix.
Il continue
néanmoins la
Guerre. ,
Sander-Saheb étant mort, M. Law, qui commandoit les Troupes dao}
le Pagode de Shirangam, n'ayant plus de riz que pour deux jours, & fans
efpérance d'aucun fecours , prit enfin le parti de le rendre, le 14 Juin, j
condition que les Officiers François auroient la liberté , fur leur parole d'hon.
neur, de ne jamais plus fervir contre le Nabab ni fes Allié», & que lei
Soldats demeureroient prifonniers de guerre; que les Déferteurs Anglois
feroient pardonnes , & qu'on livreroit aux Vainqueurs les deux Pagodes
avec tous les effets qui y étoient enfermés. On y trouva fix cens trente-cino
François , y compris les Officiers & Volontaires ; vingt pièces de canon,
quelques mortiers & autres munitions de guerre (/).
Durant le cours de cette Guerre, les Anglois ont défait une Armée
beaucoup plus nombreufe que la leur , & fe font emparés de toute fon Ai.
tillerie , qui fe montoit à environ quarante pièces de canon & dix mortiers.
Parmi leurs Prifonniers, on comptoit une trentaine d'Officiers François,
outre fix tués , & plus de huit ce-is Soldats. Les François agiflbient c\
qualité d'Alliés des Rebelles , qui avoient prefque ruiné le Pays ; tandis que les
Anglois aflifl:oient le légitime Prince , ou Gouverneur (m), qui, fehfiblej
cette générofité , leur faifoit efpérer ies plus grands avantages pour leiu
Commerce. En un mot 1 toute cette Guerre s'étoit pafTée en quelque
Sièges & Efcarmouches , où les Anglois n'avoient fouvent pas perdu ui
homme j de-forte que la rédudlion des Noirs fous l'obéiflânce du Nabab , d
la capture de mille Soldats Européens, ne leur avoient coûté tout au plus qi;;
cinquante hommes tués (w).
La Guerre ainfi terminée, d'une façon fi contraire aux vues &â
l'attente de M. Dupleix , ce Gouverneur , pour fe conformer aux defirs de!
Salabetzingue (0), demanda la Paix, à laquelle le Nab.ib Mahomet- Aly-
Kan confentit, pourvu. qu'elle fe fit à la fatisfaftion des Anglois, qui lui
avoient rendu àc fi grands fervices (p ).
Cependant la Paix ne fe fit point encore , & s'il y eut une Trêve, elle
i^-**
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* Lettre t
fcil, toute l'Armée alliée prit la réfolution
unanime de le faire décapiter; ce qui fut exé-
cuté fecrétement dans l'Armée de Tanjour.
Ça tête ayant été mife au bout d'une lance ,
l'ut promenée autour du Camp , par un hom-
me aflîs fur un chameau ; & l'on parloit de
l'envoyer enfuitc à la Mère de Nazerzingue.
Les Mifllonnaires remercient Dieu d'avoir
délivré le Pays d'un Partifan aulfi turbu-
lent, & qui depuis quinze ans avoit tant
caufé de maux fur cette Côte. On fe rappel-
le qu'en 1736, le même Sander-Saheb com-
mença à fe faire connoitre par la prife de Ti-
ricliinapaly. Voyez ci-defliis, pag. 28.
, (/) Genuine Account, & Lettre de Madras
du 5 Juillet, Mercure, Janv. i753-f<»g'-93-
( m ) Les Mifllonnaires Danois répètent la
même chofe en plufieurs endroits de leurs Re-
lations. „ Ce que les Anglois font aftuel-
„ lement, difent-ils, eu par ordre du Grand
„ Mogol, qui ne veut pas que Sander-SaheJ
„ mais Mahomet-Aly-Kan, foit Nabab d'Aij
„ catte. Le premier eft un Partifan , & uni
„ Rebelle : Le fécond ell le légitime Succef 1
„ feur, & Jufqu'ici Gouverneur de Tirichil
„ napaly". 1
(«) Explanation of the Map, &c. Lettn|
de Madras , ubi fuprà. [
( 0) M. Green remarque bien ici que Sala-
betzingue étoit probablement un des tioii
frères de Nazerzingue , conduits prifonniers 1
Pondichery par Mouzaferzingue ; mais il na-l
joute pas qu'il eut fuccedé à ce dernier dacil
le porte de Souba de Goikonde, quoiqu'on [
puiflè l'inférer de cette feule circonflancc,
Car , de quel poids auroient été les inftaiiçes
d'un Prifonnier, pour porter M. Dupleix i
demander la Paix?
(p) Explanation of the Map, &c. Lettr«j
de Madras , ubi fuprà. . - .- ^ '
. (f ) Si
lieu nome
IDanois .
I bord vou
c'eft peut
Relation
eés de fe
été battu:
(0 l-î
bre des F
des prifor
dix homn
attribue
Capitaine
du Mnjoi
que les
hommes ,
toit renti
dats £ur
m- ■ ^
Troupes danj
jours, & fans ^
le 14 Juin, à ^
parole d'hon."
;», & quelejj
teurs Angloiî
eux Pagodes,
us trente-cini]
es de canon,
t une Armée
toute fon Ai.
dix mortiers,
iers François,
agiiToient c\
tandis que ks
lui, fehfibleà
ges pour km
en quelque
pas perdu ui
du Nabab, d
ut au plus qu
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aux defirs à
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glois, qui la
! Trêve, elle
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iieSander-SaheJ
bit Nabab d'Aï j
Partifan, & r
égitime Succel |
leur de Tiriti'
lap, &c. Lettr!«
ien ici que Sa!!' i
it un des tioiij
its prifonniersij
ue; mais il na-l
ce dernier danij
ide, quoiqu'on!
e circonftance, I
ïté les inftançes
M. Duplcizi
ap, &c. Lettre
PRESQITISLE EN DEÇA DU GANGE, Lxv. III. 115
ne fut pas de longue durée. Les François ayant reçu des renforts de l'Eu- D««hiàiM
Vope, continuèrent, fous le nom du fils de Sander-Saheb , de faire la Guer- "Joif
te aux Anglois, à qui ils enlevèrent^ dans le cours du mois d'Août, une Supplément.
haloupe avec quatre-vingts hommes des deux Compagnies SuiiTes nouvel- 1752.
[ement arrivées, qu'on envoyoit de Madras au Fort Saint-David, pour Capture
[oindre l'Armée alliée, qui fe trouvoit afiemblée, depuis quelques femaines, qu'il ^'t
^ cinq lieues de cette Place (q). Après la Viftoire de Shirangam, les An- rÏÏfie sUife,
Jlois "étant féparésde Mahomet- Aly-Kan, ce Nabab avoit efluyé un échec *"*
iSe la part des ennemis, & s'étoit vu obligé de leur abandonner le champ
^de bataille (r). Les François , animés car ce fuccés, firent avancer de gran-
des forces vers les frontières des Anglois. A leur approche, M.Starcke^ qui
' fenoit de remplacer feu M. Cockell, dans le Gouvernement du Fort Saint-
)avid , donna d'abord les ordres néceflaires pour la jonâion de l'Armée a-
ec celle du Nabab , qui étoit campée près du Fort de Trevedy , à feize miles
e la première. Cette opération fut exécutée fi heureufement , que le foir,les
lliés ne fe trouvoient pas plus éloignés de deux miles du Camp des François.
Dans le méme-tems le Major Laurence arriva de Madras, pour fe mettre à
tête de l'Armée. Dès que les François en furent informés , ils fe retirèrent
u côté de leurs EtablilTemens. On les pourfuivit , dans l'efpérance de les en-
ager à une aélion générale & décifive ; mais inutilement : Ainfi changeant p^^^"^'
les difpofitions , on fit femblant de prendre la fuite pour les attirer de nou-
eau en pleine campagne. L'artifice ayant réuffi à fouhait , on réfolut , dans
ne conférence tenue entre le Gouverneur, le Nabab, & le Major Laurence,
d'attaquer leur Armée le lendemain, 6 de Septembre, à la pointe du jour ; ce
qui fe fit avec tant de fuccès, que plus de la moitié des François furent tués,
blefles, ou faits prifonniers (f ). Cette aflion coûta aufii beaucoup de mon-
de aux Anglois; mais en échange ils s'emparèrent de toute l'artillerie, ainii ..< :: !,r-
^ue des munitions & bagages des ennemÎ8.%^ ", ,. vi-r-r^V-i «,
Les particularités dé cette aâion font rapportées différemment dans une
Lettre de Pondichery, du io Février 1 753. „ Ces jours pqffSs (t) , y eft-U dit , un
„ Con-
Les François
font battus &
chaires de
(• ) Sur la route de Pondichery, près d'un
ïieu nommé IVawûr, fuivantles Miffionnaires
! Danois .
( f ) Il paroit que les Anglois avoient d'a-
bord voulu conduire le Nabab à Arcatte; &
c'eft peut-être à cette occafion , qu'une autre
Relation deTranquebar dit, qu'ils furent obli-
gés de fe retirer de devant Gingy, après avoir
été battus par les François.
(j) l, a même Relation fait monter le nom-
bre des François tués , à deux cens , & celui
des prifonniers de cette Nation , à quatre-vingt-
dix hommes , outre quatorze Officiers. On y
attribue encore l'honneur de la Viftoire au
Capitaine Clive; mais il fervoit fous les ordres
du Mnjor Laurence. Une autie Relation dit
que les François avoient perdu trois cens
hommes , avec trente Officiers , & qu'il n'é-
toit rentré, dans Pondichery, que cent Sol-
dats Européens.
(t) Malgré ces mots, & la datte même de
la Lettre , l'aftion dont elle parle ne peut
être que celle du 6 Septembre 1752, puifque
les Relations poflérieures des Miffionnaires
Danois ne font aucune mention d'une nou-
velle rencontre de cette importance , au com-
mencement d? l'année fuivante , comme on le
verra ci-deiTous ; Mais les circonftances , que
la Lettre de Pondichery ajoute à la première
Relation , peuvent néanmoins être véritables :
Du moins il eil certain que le Sr. de Kerjeaa
étoit Neveu de M. Dupleix, & qu'il com-
mandoit l'Armée Françoife, dont le Chef,
fans ie nommer, avoit été mortellement blef-
fé, fuivunt d'autres avis. Le nombre des
Officiers fait: prifonniers efl: aufli le même
dans la Relation précédente. Cette Lettre
contient encore une réflexion judicieufc fut
la conduite de M. Dupleix , qui après la dé-
faite de Nazerzingue avoit divifé fon Armée
P 2 poui
■/T
li6
DESCRIPTION DE LA
^.:^il
gubrrbs ob
l'Inde.
Supplément.
1752-
Ravages des
Maiattes.
Ils fe joi-
gnent aux
François.
Convoi confidérable de munitions de guerre, que M.Dupleix envoyoît an
Sr. de ^(fr/wn, fous l'efcorte d'un Officier & de cinquante nommes , tomba,
par la faute* du Guide, dans une eii\t>ufcade de cent cinquante hommes de
Troupes Angloifes, qui furprirent enfuite l'Armée de Kerjean , &péné.
trèrent jufqu'au milieu du Camp, fans rencontrer une feule Sentinelle. Ce
Détachement fut foûtenu de près par le relie des Troupes Angloifes, qui
s'avançoient au centre, avec la Cavalerie Maratte fur 1 aîle gauche, & la
Cavalerie Maure fur la droite. Les François , accablés tout à coup par tant
d'ennemis, furent battus à platte couture, les Indiens de leur parti taillés
en pièces , & plus de deux mille hommes , tant Payfans François queCaf-
fres&Cipayes, faits prifonniers. Kerjean lui-même, jeune homme fans ex-
périence, & Neveu de M.Dupleix, fut dangereufement blefle, & les Ma-
rattes coupèrent le nez &les oreilles à quatorze Officiers François, qui a-
voient violé leur parole donnée aux Anglois , de ne point fervir contr'eui
l'efpace d'une année. M.Dupleix envoya là-deflus quelques palanquins pour
faire transporter ces Officiers à Pondichery ; mais les Marattes refufèrem
de les laifler partir, & tout ce que le Gouverneur put faire, en faveur de
ces infortunés, fut de leur procurer des Chirurgiens, pour panfer leurs
playes , où les vers s'étoient déjà mis".
Le 19, les Anglois fe rendirent maîtres de Cobalao Çv), dont ils détruifi-
rent les fortifications , après en avoir chafle les François; & leierd'Oftobre,
ils prirent Sengili-pottey {x) '^ Forterefle importante, (Ituée dans les terre;.
Cette dernière expédition fut faite par un Détachement de Troupes qu'on 7
avoit envoyé fous les ordres du Capitaine Clive. L'Armée Angloife occupoit
encore fon même Camp à la tn du mois de Décembre; ce qui rendoit les vi-
vres d'une cherté énorme dans cette Place.
D'un autre côté, les Marattes n'avoient cefle de ravager le Pays depuis
le commencement de l'année. Au mois de Janvier, ils pillèrent plufieurs
Habitations dans les environs de Shidambaram. Un gros Parti de ces Peu-
ples étoit venu, au mois d'Août, deTirichinapaly près de Cudelur, pour fai«
re éprouver le même fort à divers Villages , dont les malheureux Habitans
fe fauvèrent fur la Côte, ou <'.ans les Bois. Comme les Marattes enlèvent
ou violent les femmes qui leur plaifent , plufieurs de ces infortunées fe pré-
cipitèrent dans la Mer pour fe délivrer de leurs mains. On fut longtems
fans fçavoir quel parti prenoient ces Brigands; mais au mois de Décembre,
on fut informé qu'ils s'étoient joints aux François, & qu'ils continuoient leurs
çourfes fur les frontières des Anglois (y).
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pour conduire Mouzaferzingue dans les Etats
dont il vouloit le mettre en pofleflîon;au-lieu
d'affiéger premièrement Tiricliinapaly , qu'il
f)Ouvoit emporter à coup fur , & marcher en-
ùite du côté deGolkondc,oùron auroit fait
un butin immenfe. Nederl. Gedenkboek. Janv.
1754- pflff- 18.
(«) On écrit ce nom de différentes maniè-
les. C'efl une petite Ville à fix miles au Nord
de Sadras. Voyez la Carte, où elle eft mar-
Mal-
quée comme appartenant aux HoUandois.
( X ) Ou Sbenhei - pettey , fuivant nôtre Carte
& celle de M. d'Anville, fur le bord du Pak-
ru, ou Rivière de lait, qui fe jette dans la
Mer , au-deifous de Sadras.
( y ) Ces cinq derniers articles , qui ne fe
trouvent pas dans le Mémoie de M. Green,
font tirés de différentes Relations qu'on croit
authentiques , & principalement de celles des
MifGonnaires Danois.
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M. Green,
qu'on croit
Ide celles des
PRESQO'ISLÊ EN DETÇA DU GANGE, Liv. III. 117
Malgré les avantages remportés fur les François , M. Dupleix ne vouloit
point encol'e entendre à la Paix ; mais on fe tenoit de part & d'autre fur la
défenfive, dans l'attente des fecours: Ainfi la tranquillité étant en quelque
forte rétablie, le Capitaine Clive s'embarqua pour revenir en Angleterre.
Suivant le rapport qu'il fit à la Compagnie des Indes, de l'état ou il avoit laif-
Té les affaires fui la Côte de Coromandel, à la fin de cette année, „ les An-
, glois fe maintenoient avec avantage dans les Portes dont ils étoient de-
, meures polTefleurs, depuis les dernières aftions qui s'étoient palTées en-
tr'eiix& les François. Ceux-ci avoient fait, à la vérité, de nouveaux mou-
vemens , comme s'ils avoient eu deflein de former quelque entreprife d'é-
clat; mais on jugeoitque leur unioue but étoit d'inquiéter les Anglois,
& ils paroifFoient plutôt difpofés à le tenir fur la défenfive, qu'à agir of-
fenfivément, vu les pertes confidérables qu'ils avoient faites dans les ac-
tions précédentes , & qui avoient caufé beaucoup de découragement aux
Nababs leurs Alliés. M. Dupleix avoit fait revenir, à Pondichery, toutes
^ les Troupes réglées qui étoient jointes avec les Indiens. Il n'avoit laifl*é
m auprès d eux , qu'un Corps de Nationaux nouvellement levé , & difcipliné
M à la manière des Troupes Européennes.. La difette devoit être grande à
p Pondichery , attendu que les fubfidances étoient fort rares dans Tes envi-
J^ rons de cette Place, & que les Vaifleaux de l'Europe n'y avoient pas ap-
1^ porté des provifions fuffifantes. Les Anglois , au contraire , en étoient a-
bondamment fournis par les Indiens leurs Alliés , & ils avoient encore aflTez
de munitions pour fe défendre , au cas qu'ils vinflent à être attaqués ( z )".
Les affaires parurent entièrement changer de face au commencement de
année fuivante. Des Lettres du Fort Saint-David marquoient, au mois de
évrier, qu'un Chef desMarattes, appelle Moraro, avoit abandonné le parti
le Mahomet- Aly-Kan pour prendre celui des François, & s'étoit joint à leur
rmée , qui fe trouvoit à peu de difhmce de celle des Anglois , actuellement
mpée & retranchée à Tirivedv, où les vivres n'étoient pas en abondance,
rceque lesMarattes avoient devafté toute la campagne aux environs. Les
„ roupes Noires de Mahomet- Aly-Kan défertoient par bandes, faute de fub-
ilftance, & le Nabab ne retirant prefque rien de fa Province, qui étoit en
ande partie occupée & ruinée par les ennemis, tout le poids de la dépenfe
cette Guerre retomboit fur les Anglois. D'un autre côté, le Roi deMaif-
ur, qui étoit marché au fecours de Mahomet-Aly-Kan , pendant le Siège
eTirichinapaly , venoit de fe déclarer fon ennemi, fous prétexte qu'il lui a-
oit manqué de parole; & ce Roi tenoit alors fa Ville bloquée (a). Les
iflionnaires Danois , dans une Lettre du 16 de ce mois, confirment, en
eu de mots , lajonftion des Marattes avec les François, & la diverfion du
oide MaifTour du côté de Tirichinapaly ; Ils ajoutent, à cette dernière
irconflance , que le Capitaine Anglais , qu'on y avoit laiffé , & qui après
|in premier avantage s'étoit hazardé trop témérairement en campagne , con-
tre des forces de beaucoup fupérieures aux fiennes , devoit avoir été battu
"epuis peu, avec une perte afl'ez confîdérable.
Enfin, ce qui devoit caufer le plus dejaloufieaux Anglois, c'efl la cef-
on que le Nabab Salabetzingue venoit encore de faire aux François , de la
DEnNlËREl
Guerres dz
l'Inpe.
SurrLEMENT.
1752.
Inafliou
des deux
Partis.
Rapport du
Capitaine Cli-
ve.
J753-
Mauvais
état des An-
glois, au
commence-
ment de cette
année.
w C 2 ) Explanation of the Map , &c.
P3
(0) Mercure jfévÛQX 1754.635. 225.
Nouvelles
acquifitions
que font Ic:;
Françoi"-.
rf • -
Ilg
î T
DESCRIPTION DE LA:)5H/n
cucrrei db
l'Inde.
Supplément.
Ï7J3-
Viftoiredes
Anglois prés
de Tirichina-
paly.
Province de Condavir; ceflion d'autant plus avanugeufe qu'elle eft entié<
remenc à leur bienféance, & qu'elle renferme les plus belles fabriques du
Pays , particulièrement celles des mouchoirs. La Compagnie de France y
profitoit d'ailleurs de cinq cens mille écus de revenu en fond de terre. Uoe
acquifltion fi importante , jointe à celle de Mafulipatnam & de l'Ide de
Divi, qui lui e£t limitrophe, devenoit un ob(lacle prcfqu'inrurmontable i
la Paix (b).
La Guerre continuoit donc toujours ; mais on ne trouve plus de dëcaili
fur les affaires de cette Côte, jufqu'à la fin de Septembre; & de deux Let<
très écrites par le Major Laurence, aux Direéleurs de la Compagnie des In-
des, en datte du 14 oc 15 de ce mois, on n'a publié que la féconde, qui ne
peut être que fort imparfaite fans la première (c). Tout ce qu'on y ap>
prend, c'eft que les Anglois étoient alors campés à Tirichinapaly , «x que
l'approche delà MoufTon, joint à la (ituation de l'ennemi, qui en leur cou
pant les vivres fe feroit bien-tôt rendu matcre de cette Place, déterminé*
rent le Major Laurence à Tattaquer, après avoir été renforcé par un Déta*
chement de plus de deux cens Européens, que lui avoit amené le Capitaine.
Ridge. Les ennemis occupoient deux larges Rochers , éloignés l'un de l'au-
tre d'environ un mile. Comme il étoit néceflaire de gagner l'une de cei
hauteurs, le Major prit d'abord les mefures les plus propres pour cacher
ïbn deiTein, & le 21, à quatre heures du matin, ayant difpofé les Ëura
péens fur trois lignes , les Cipayes fur les aîles , & la Cavalerie à l'arrière
garde, il attaqua le Rocher de la gauche, sippeUé le Rocher d'Or ^ dont on»
s'empara fans la moindre perte. L'ennemi, après une foible réfiftance, fef'
retira, en abandonnant deux pièces de canon. Ce fuccès encourageant beau-'\
coup» les Troupes, le Major réfolut de pouffer jufqu'au gros de l'Armée eii'
nemie ; ainfi , fans perdre de tems , il nt enclouer les deux canons , & mai'
cha vers l'autre Rocher, nommé le Pain de Sucre; le jour commençoit jufle^
ment à paroître. Les ennemis s'étant portés tout proche de ce Rocher-, def'
rière un parapet, qui couvroit leur front, on jugea qu'il falloit s'empare:
d'abord du Camp de leurs Noirs, afin de tomber fur leur arriére-garde; «
qui fut exécuté fans beaucoup de p^iine. Enfuite les Anglois avançant toû^
jours, malgré le feu continuel de neuf pièces de canon, qui tiroient fui'
eux, attaquèrent une ligne qui leur étoit très-fupérieure en nombre d'honi'
mes , & dans l'efpace de dix ou douze minutes , délogèrent les ennemis di;
leurs retranchemens. Ceux-ci néanmoins fe rallièrent & firent même qudl;
que réfiflance, fbûtenus par les Marattes, qui combattoient en defefpérés;;:;
mais le feu vif & terrible que les premiers faifoient de toutes parts fur eux, la ■
obligea bien-tôt de prendre la fuite, laifFant les Vainqueurs maîtres du Chariji
de Bataille, de leur Camp, des Bagages, des Munitions, & de dix piéca|;
Ràïrs-iiâ*,:i&,,Wliîi.,Ji5vii '-.■^o'aij ^mt^aA -. î */; ^j;_p ,'-f d'Arti-l
(ftj Ces circonftances du commencement
de l'année 1753, font encore tirées en partie
des Millionnaires Danois, & en partie des
Journaux publics.
(c ) On doit néanmoins croire qu'il ne fe
palTa rien d'important dans cet intervalle,
puifque les Miflîonnaircs Danois ne nous
fournUTent pas d'autres parcicularltés que cel-
les que nous avons rapportées; Ils ajo
feulement, qu'au mois d'Avril, l'Année An- S
gloife étoit marchée de ïirivedy au fecoursdt î
Tlrichinapaly; mais M. Green, qui faitcetttiJ
remarque, trouvoit ici un vuide de quin«p"
mois, qu'il ne lui étoit guères poflîbieifcl
remplir avec le limple fecours des Nouvelle (
publiques.
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Or^ dont on
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oris , & vaX'
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vançant toû|
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Imbre d'hoittl
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même quel
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les; Ils ajoûtertl
>il, l'Armée Afr
;dy au fecoutsi
m, qui fait cetts
mide de quiii«
lères poflible,*
>s des Nouvel I
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. n^
d'Artillerie. Les débris de leur Armée fe retirèrent , partie vers ^Z-
tûra (c) & Syringbam, ou Shirangam, partie vers le Dlftrift de Tonda'
imonld), ôc le refte du côté de ïanjour. Mais les Polligars («)& les
Cipayes, qui s'étoient misa leur pourfuite, amenèrent une grande quan-
r 'f^ tité de Prifonniers. L'aftion avoit duré près de deux heures. Les An-
glois y firent prifonniers, huit Officiers, & cent Soldats, fans compter
|Éh j^s morts, dont le nombre montoit au-delà de foixante. La perte des
P^ ennemis eut été plus confidérable, Ci les Marattes , qui étoient de beau-
I" coup fupérieurs en nombre aux Indiens de Mona-Gy, Général de Tan-
" k)ur , n'avoient empêché ceux-ci de pourfuivre les Fuyards. Les Anglois
eurent lix Officiers bleffés , outre plufieurs Soldats tués & bleflTés. Le
ajor Laurence reçut au bras un coup de fufil , qui ne l'empêcha point
vaquer aux devoirs de fon emploi.
Ce qu'il y eut de plus malheureux , fut ce qui arriva au Capitaine
afe, que le Major avoit laifle, avec un petit Détachement, dans le Vil-
ge de Tirivedy , & qui fut attaqué par toutes les Forces Françoifes.^ Ce
ave Officier , oppofant un courage extraordinaire à la fupériorité des
^légeans , fit de nuit une fortie , dans laquelle il perdit deux Officiers &
quelques Indiens. Le lendemain, il ne voulut écouter aucune des pro-
lldfitions qui lui furient faites de rendre fon Porte. Mais les Indiens qu'il
'Smmandoit s'étant mutinés, & refufant de défendre la brèche , ils furent
us faits prifonniers de guerre ; On conduifit le Capitaine Chafe à Pondi-
cry, où deux jours après fon arrivée, il mourut autant de chagrin que
fes blefTures. Il n'étoit âgé que de vingt-huit ans, & il avoit déjà don-
, en plufieurs rencontres , des preuves de fon intrépidité.
L A Relation que les François ont faite de cette aâion , s'accorde affez
ec celle du Major Laurence. Ils avouent qu'ils ont perdu en tout cent
iquante Blancs y compris fept Officiers, & dix pièces de canon. Ils
DÛtent, que le nombre des mort» & des blefTës de part & d'autre fe mon-
't à huit cens homities ; que la féconde aélion , ou l'attaque du Rocher
JPain de Sucre,' fut beaucoup plus vive que la première; & que comme
Iles Maiflburiens, ni les Marattes, n'avoient point été aux prifes avec les
'"émis, on foupçonnoit quelque trahifon de leur part, puifque fans cela,
les
DiRMkRES
Guerres de
l'Indk.
SuPPLtMBNT.
1753-
Perte de
part & d'au-
tre.
Infortune
du Capitaine
Chafc à Tiri-
vedy.
|( e ) Ce premier lieu ne nous eft pas con-
* ; mais nous jugeons que ce doit être cette
tite Ifle qui paroit entre. Tiricliinapaly &
Jirangam. Elle eft nommée Maletaur dans
; Carte de M.d'Anville.
'( d ) M. 6reen remarque ici , que par Ton-
' non , l'on doit fans doute entendre Tonda-
tndalum , dont nous parlons au commence-
ent de ce Volume. Mais malgré la grande
Èinité de ces deux noms , outre que le der-
ler n'cft guères en ufage parmi les Euro-
Éens de la Côte, nous apprenons des Mif-
jnnaires Danois, que le Roi de Tanjour
^oit fait la Guerre , en 1 744 , à un Garde-
sntière rebelle, nommé Tondamdn, Pré-
tndant du Marava , & qui , à l'exemple do
Relation de|
François.
tant d'autres Gouverneurs de Provinces , s'é- •
toit rendu maître abfolu d'un certain Diftrift ,
auquel on donnoit fon nom, ou plutôt fun
titre. Voyez çi-defliis , pag. 54.
(e) Ce nom, comme M.Green le fuppofe
encore , paroit être , en effet , une corruption
de celui de Pallidgars , ou Paleydgars , efpèce
de Gouverneurs Gentils , entre lesquels le
Pays eft divifé , & qui font Vaffaux du Prin-
ce, mais abfolus dans leurs propres Terres.
Cependant, corruption pour corruption, il
eft plus probable que ce font les Fouliatst
nom qu'on donne quelquefois aux Parreas\
la plus vile Cafte des Indiens. On en fait
aufli des Soldats , des Porte- faix, &c. Voyc*
kTom.XlU. /(o^. 394 0^478. - ^
OUBKRES 01
l'Inde.
SuPPLEMUfT.
*753-
Nouvelle
tentative
qu'ils funl
contre Tiri-
ciiiaapaly.
Ils s'empa-
rent d'une
Satterie.
La Garni fon
les en déloge ,
avec une perte
confidérable.
,1754'
Les Ânglois
ont à leur tour
du delTous.
120 D E S C R I P T I O N D E L A :
lesMarattes feuls, difent-ils, auroient dû tailler en pièces toute leur Âr<
mée. Mais ce foupçon eft éclairci par le Rapport- du Major Laurence.
Celui des François dit encore, qu'ils avoient dans l'Inde, trois Corps d'Ar.
mée, compofés de différentes Nations de ce Pays; que lu Guerre entre les
Anglois & les François étoit plus animée que jamais , depuis que les deux
parties agiffoient comme principales ; & quennn, malgré les deux derniers
échecs , les François n'avoient que peu ou point perdu de terrein (/). AulTi
ne tardèrent- ils pas de chercher à prendre leur revanche.
Le 28 Novembre, les François tentèrent de nouveau de s'emparer par
furprife de Tirichinapalv , où il y avoit une Garnifoa commandée par le
Capitaine Kilpatrick. A 4 heures du matin, ils attaquèrent cette Ville avec
huit cens Européens. Les Naturels du Pays dévoient les féconder,
par de fauffes attaques faites en même-tems en divers endroits. A la fa-
veur de la nuit, & par la négligence de la Garde, les François paffent le
Foffé, drellent leurs échelles, & fix cens d'entr'eux montent à l'efcalade,
& s'emparent , fans coupferir , d'une Batterie du mur extérieur , nommée la
Batterie de Dahon: Malheureufement pour l'ennemi, un ou deux coups
de fufil , tirés cafuellement , firent manquer le fuccès d'une entreprife qu il
avoit fi bien commencée. Au bruit de cette décharge, la Garnifon pre-
nant fallarme, accourut fur le champ à fes pofl:es, & attaqua les fix cens
hommes , qui s'étoient rendus maîtres de la Batterie. Ceux-ci fe défend!'
rent quelque-tems avec vigueur ; ils tâchèrent même, àplufieurs reprifes,
d'efcalader la muraille intérieure &;de pétarder la porte; mais la Garni-
fon rendit tous leurs efforts inutiles. Lorfque le iour commença à paroî-
tre, ceux d'entr'eux, qui n'avoient ofé fauter de la Batterie dans le Foffé,
pour fe fauver, demandèrent quartier , & on le leur accorda. Le nombre
des Européens faits prifonniers fur la Batterie , montoit à deux cens qua*
tre- vingts dix-fept , outre foixante-cinq bleffés. On leur tua neuf Officiers,
& quarante -deux Soldats dans le Foffé. Cette expédition devoit avoir
coûté plus cher aux François; mais on ne put fçavoir'en quoi confifiioit le^
refte de leur perte. Celle de la Garnifon fnt peu confidérable.
Depuis cette action , il ne fe paffa rien d'effentiel jufqu'au mois de Fé- \
vrier fuivant. Le 12 de ce mois, le Colonel Laurence, qui campoit alors [
SrèsdeTirichinapaly, envoya, fuivant la coutume, un Détachement de
eux cens trente Européens aux ordres de huit Officiers , avec cinq cens
Cipayes , & quatre pièces de canon , pour efcorter des provifions au Camp.
Le 15, ce Détachement fut attaqué à fon retour, par un autre beaucoup
plus confidérable, qui étoit compofé de cent vingt François, de deus
Compagnies d'Etrangers, d'unEfcadron de cent Cavaliers, de mille To-
paffes, de fix mille Cipayes, ^ de toute la Cavalerie Noire, faifant en-
îemble un Corps de huit mille hommes, avec fept pièces de canon. Ce
Corps marcha pendant la nuit, & tomba, à la pointe du jour, fur le Déta-
chement du Colonel Laurence. Tout ce que de braves gens peuvent faire
en pareille occafion , les Anglois le firent ; mais l'Officier qui les comman»
doit,
(/) Explanation ef tle Map , &c. Ce Mémoire ne s'étend pas plus loin fur les affaires d«
Anglois & des François aux Indes Orientales.
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mille To-
faifant en-
canon. Ce
fur le Déta-
iuVent faire
es comman*
doit,
es affaires ^^
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 121
doit, craignant pour fon bagage, s'avifa de partager fa troupe, dans
J'efptirance de le (auvcr ; & par cette faulfe manœuvre , il perdit tout. Car
i'enntmi fe jctta d'abord entre les deux divifions, & malgré leur réfiftancc,
qui lui coûta cher, à la vérité, tout le Détachement fut tué ou fait pri-
ionnier.
Sur la nouvelle de cette dernière aftion , le Gouverneur & le Confeil
du Fort St. George firent partir deux Vaiffeaux, qui arrivèrent le 15 Mars
QU Fort St. David , chargés de Troupes qu'on envoyoit joindre le Colonel
Laurence. Cet Officier mandoit que fon Armée étoit en bon état, & que
tous les Soldats témoignoient un vif defir de pouvoir bientôt vanger la mort
de leurs Compatriotes (g).
Ces nouvelles , qui furent apportées en Angleterre par le Vaiflcau le
Dorringtorty appartenant à la Compagnie des Indes, avoient déjà été an-
noncées, en général, dans les Lettres particulières , plus d'un mois avant
qu'on jugeât à propos de les rendre publiques. Ces Lettres ajoûtoient la
circonftance , qu'après le combat du 28 Novembre, on étoit convenu de
tenir un Congrès à Sadras , & que les deux partis y avoient effeélivement
envoyé des Députés : mais que l'on n'avoit pu tomber d'accord fur aucune
des propofitions qui y avoient été faites ^ parceque M. Dupleix avoit fait
monter li haut fes prétenfions , qu'elles avoient paru abfolument inaccepta-
bles. Qu'il avoit demandé entr'autres, que les Anglois le reconnuflent en
qualité de Gouverneur Général de la Côte de Coromandel ; qu'ils reconnuf-
fent de même tous les Nababs attachés au parti des François , & qu'ils fuf-
îent compris dans les conditions du Traité; Qu'outre ces prétenfions, il
en avoit encore formé diverfes autres , qui n'avoient pas été trouvées plus
[acceptables que les précédentes; Qu'on lui avoit fait connoître , que cette
façon de traiter ne convenoit point à l'égard d'une Nation refpeftable , qui
iferoit toujours en état de reprendre fa revanche fur lui; en un mot, que
[l'on rcjetteroit, en tout tems, des conditions qui lui donneroient la princi-
fpale autorité dans le Pays , & qui tendroienc à la ruine de la Compagnie
Angloife, ou à l'aflujettir , en quelque façon , à celle de France (A).
. On marquoit dans d'autres Lettres , que le Nabab de Bengale (ijs'étant
emparé, depuis quatorze ans, de deux ou trois Provinces del'Indoftan,
qu'il retenoit fous fa dépendance, M. Dupleix avoit propofé , au Grand
Mogol, de prendre, de concert avec lui , les mefures nécefTaires pour rédui-
re ce Nabab, qui, quoique Vaflal de l'Empereur, s'étoit arrogé un pou-
voir fouverain dans fon Gouvernement; que M. Dupleix, avoit demandé
au Mogol cinquante mille Indiens , qu'il jugeoit fuffifans, avec un Corps de
Troupes Françoifes , pour mettre le Nabab à la raifon , attendu qu'il ne
•:/N^ ,-rr.i '-^T •^;; ■ nr:" ' ,•• prétcn-
grands honneurs des Chefs des trois Nations
Européennes. Les bons fervices qu'il rendit
alors aux François , fuivant leurs propres
Relations , dévoient lui promettre plus de
reconnoiffance de la part de M. Dupleix.
Voyez le Mercure Iliji. £? Polit. , Juillet &
Août 1753. pag. 106 & 228..
GUERRfcS DC
l'Indr.
SurCLEMENT.
1754.
On leur en-
voyé des
renforts.
,!>.._
.'.."i . -(.i''''>
(g) Mercure, Novembre 1754. pag. 560.
{b) Ibid. Oftobre 1754. pag. 438.
( » ) Il fe nouinioit Araverdi-Kan , ou félon
pes Anglois, AU • Verdi - Kan , & avoit ré-
nigné, en 1752, fon Gouvernement en fa-
jvcur de Sarajet-Douillack , fon Petit -fils.
L'infiallation de ce Succefleur fe fit avec
beaucoup de pompe à Ougiy, où il reçut de
XIF. Part.
Congrès
infruftueux
tenu à Sadras.
Vfles &
proiets de M.
Dupleix.
112
DESCRIPTION DE LA
DtRirifcRES
gukrhks ob
l'Inde.
supp1.1^mi£nt.
*754.
Ce qui les
dérange.
Grande ré-
volution dans
lladoUoQ.
prétendoic point le dëporcr, mais feulement l'obliger de rcconnoitre Te
Grand Mogol pour Ton Souverain, & de lui payer un tribut annuel, ouuc
une fomme proportionnée au montant des arrérages dont il étoit redevable
depuis quatorze ans; que comme M. Dupleix pafToit, chez les Anglais,
pour être extrêmement adroit & fubtil , & pour avoir une habileté toute
particulière à colorer Tes démarches des prétextes les plus otiicieux, ils
avoient envifagé , dans ce prétendu fervice, un deiFein formé d'uâfoiblir leur
crédit dans le Bengale, & de le détruire enfuite peu à peu; à quoi il comp-
toit de réulitr, en empêchant le Nabab de faire ulagc de Ton autorité dans
la même Province , & d'y favorifer le Comnierce des Anglois , pour lef.
quels il avoit toujours marqué de la préférence fur les autres Nations Eu-
ropéennes ; que le Mogol , flatté de la propofition de M. Dupleix , paroii-
foit aflfezdifpofé d'y prêter l'oreille; que l'on doutoit cependant que la cho.
fe put être effeéluée, parceque le bruit couroit que ce (louvemeur devoit
retourner dans peu en France ; que les Anglois fouhaitoient fort que a
bruit fe vérifiât , & qu'ils en verroient l'accompliflement avec la plus gran-
de joye, pour n'avoir plus à redouter iM. Dupleix, contre les vues oc lei
projets duquel ils dévoient fe tenir continuellement en garde; à quoi con-
tribuoient encore fes liaifons intinies avec les Nababs qu il avoit gagnés par
toutes fortes de moyens conformes à leur génie ât à leur cara£i:ère (k).
La grande révolution arrivée dans l'indollan , Ôc le départ de M. Du-
pleix, dont elle fut fuivie la même année, firent évanouir ces beam
projets.
Le Grand Mogot avoit été forcé , deux ans auparavant, défaire, avec
lesMarattes, un Traité, par lequel il fe reconnoifFoit , en quelque façon,
leur Tributaire (/). En vertu de ce Traité , il leur avoit cédé tous les re-
venus du Dekan, dont ils n'ëtoient pas exaélement payés; ce qui leur
fournit un prétexte pour prendre les armes, excités d'ailleurs par la foiblef-
fe du Gouvernement. Leur Chef, de concert SLvec Cazendi-Kan ^ Neveu
de Salabetzingue, ancien Allié des François O»), prie la route de Dehl\,
rcfidence ordinaire de l'Empereur , & s'y avança à la tête d'une aflez grolli
Armée. Le Mogol ne fe trouvoit point dans fa Capitale , & campoit avec
fon Armée, nombreufe à la vérité, mais dont les Troupes étoient mal
aguerries, ou peut-être même gagnées par des intrigues. Les Maratta
^attaquèrent & forcèrent fon Camp. Cependant, comme ils vouloieu:
conferver quelque apparence de foûmiflîon , ils lui rendirent hommage.
Leur Chef demanda refpeélueufement d'être admis à fon audience. Il ;
it Viii'
• ■ i
exigea,
(k) Mercure, Novembre 1754, pag. 563.
(i) C'eft apparemment la tentative dont
M. Green parle, & qui avoit été faite pour
détrôner le Grand Mogol; mais laquelle é-
choua par l'afTiftance que ce Prince reçut de
quelques-uns de fes Nababs. S'il a raifon d'at-
tribuer ces convulfions , dans l'Empire , à la
fbiblefle du Gouvernement , il le trompe
lorfqu'il nomm'e encore Mohammed - S: âh,
(|[ui etoit mort depuis plus de flx ans. Voyez
ci-deflTus , pag. 104.
( wi ) Il feroit curieux de fçavoir fi Cazer-
di-Kan étott ami de fon Oncle , & par ce'
féquent auffi des François. Tout ce qiion
f)eut dire, c'eft que les Marattes avoient pris
e parti de ces derniers , & que SalabctziiisM
nous étant toujours repréfenté comme Maî-
tre du Dekan, c'eft peut-être à lui, &."^
Marattes fes Alliés , que le Grand Mogol avoit
cédé les revenus de cette Province.
km
exigea
de les
Ka>i.
qu'il re
avoit
repugn.
fus fcm
■ chcfles
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étroite
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jtna Caz(
MïEmp'm
là qui le
4JLmper
Îmt le c
éil. A
inanda
!,y n'avo
,4 „ verair
\i^ L'Empei
'" „ né. ,
„ malhc
Il fit aloi
une pale
conduit
avec le ]
Ces ]
Emperei
Presqu'l;
Bière ré^
gtois.
Jeur Coi
la Paix,
jufqu'à \i
cément c
pleix, la
rêtée eni
Les p
otmoitre le
nuel, ou Lie
it redevable
;8 Anglais,
bileté toute
itficieux, ilj
iffoiblir leur
uoi il comp.
lutoritc dans
18, pour lef-
Nations Eu.
leix, paroif-
L que la cho-
•neuf devoit
fort que a
la plus gran-
ds vues oc les
à quoi con-
ic gagnés pji
aère (*).
de M. Du-
r ces beaui
e faire, avec
elque façon,
é tous les re-
ce qui lem
)ar la foiblef
Kan^ Neveu
te de Dehl^,
aflez grolle
ampoit avec
étoient mal'
es Marattet
vouloieD:
hommage,
lence. Il î
exigea,
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Lxv. III. lag
ils
c
L
qu'il reformât l'adminiftration de l'Etat, fur un tout autre plan que celui quJil
avoit fuivi pendant fon règne. L'Kmpereur y témoignant beaucoup de
répugnance, les Marattes levèrent le mafque , ariétérent IcMogolavec
fe$ femmes & fes favoris, <& pillèrent fon Camp, où il y avoit des ri-
chcfles immenfes. Après cet attentat , ils entrèrent dans Dehiy. Leur Chef
y prit pcfTeffion du Palais Impérial, & fit renfermer le Prince dans une
étroite prifon. Ils en tirèrent enfuite un Prince du fang des Mogols , &
le mirent fur le Trône.
Le nouvel Empereur ddpofa les Miniftres de fon PrédéceflTeur , & nom-
ma Cazendi-Kan Cîrand Vizir. Celui-ci, revêtu de la première Dignité de
l'Empire, fe ilatta d'\ pouvoir régler toutes chofes fur le ton d'un Miniftre
& qui le Souverain eft redevable de fa Couronne. Il demanda la tête de
l'Empereur détrôné , en punition de Ces injuflices. Le nouveau Mogol ne
put ic dirpcnfer de faire comparoître ce Prince infortuné devant fon Con-
leil. Au-lieu de le facrifier néanmoins à la haine de fon Miniflre, il de-
manda quel étoit fon crime. Le Grand Vizir répondit: „ Que ce Prince
„ n'avoit pas fait régner avec lui la Juilice, ainfi qu'il convenoit à un Sou-
verain , & qu'on devoit apçaifer les cris de fes Sujets par fon fang".
'Empereur répliqua; „ Ses Sujets ont été des traitres, qui l'ont abandon-
né. Son crime efl; d'avoir été trop foible. Il en eft aflez puni par fon
malheur; mais puifqu'il faut verfer fon fang, je veux bien qu'il coule".
Il fit alors appeller un Chirurgien , & à la vue de rAflemblée,il lui fit tirer
une palette de fang. Après quoi, il ordonna que le vieux Empere'îr fût
conduit au Palais , oi!i il lui fit donner un bel appartement, pour y être fervi
avec le refpeft convenable (w).
Ces particularités, qui forment un curieux Supplément à l'Hiftoire des
Empereurs Mogols (o), ne font d'ailleurs pas étrangères aux aflfaires de la
Presqu'lfle de l'Inde; mais il n'eft guères poffible de dire encore, h la der-
nière révolution de l'Indoflan fera plus favorable aux François \ju'aux An-
glois. Enfin, lafTes de fe faire l'une à l'autre une Guerre ruineufe pour
ieur Commerce, ces deux Nations reprirent bientôt les négociations de
la Paix. La Trêve, qui n'avoit d'abord été faite que pour troij mois,
jufqu'à la fin de cette année, fut prolongée à dix - huit mois , au commen-
cement de la fuivante (p); &M. Godbeu^ qui venoit de remplacer M. Du-
pleix, la rendit illimitée, par une nouvelle Convention provifionnelle, ar-
rêtée entre lui & le Gouvernement de Madras.
Les principaux Articles de cette Convention portoient, en fubftance;
„ i^. Qu'il y auroit Sufpenfion d'armes, & Paix, entre les Troupes des
„ deux Compagnies , fur la Côte de Coromandei , jufqu'à-ce'que les Direc-
„ leurs de l'une & de l'autre euffent fait fçavoir leurs intentions à cet
„ égard. 2°. Que les Troupes des deux Coiùpagnies ne fe mèleroient des
; . i . :.. i. f - -* -• . „ difpU'
(n) Mercure, May 1755. pag. 57-?- (a) Voyez le Tome précédent
{p) Millionnaires Danois.
Q2
DRRNlfcRIl
Gbkrbs nt
l'Indb.
Si'rn.EMïNT.
1754.
TréVe entre
les Anglois &
les François.
1755-
Articles de
la Convention
provifion-
nelle.
, «
DSRNIERES
guerhes de
l'Inde.
Supplément.
nss-
Rupture
des négocia-
tions en Eu-
rope.
I75<5.
124 ^ DESCRIPTIONDELA ' *-^
„ difputes qui pourroient s'élever entre les Naturels du Pays , que lorfqu'fl
,. s'agiroit de la dcffenfe de leurs Pofleffions refpeftives. 3°. Que fi les
„ Indiens venoient à attaquer quelqu'un des Etabliflemens de l'une ou de
„. l'autre Compagnie, les Troupes Angloifes & Françoifes fe réuniroient
„ pour repoulTer les Aggrefleurs , & protéger l'Etabliflement attaqué.
„ 4°. Qu'on fe fourniroit, de part & d'autre, les provifions dont on auroit
„ befoin, & que le payement de ces fournitures fe feroit en argent, ou
„ par troc. 5^. Que les Troupes refpeftives feroient reparties dans les
„ Places dont leurs Compagnies étoient en poireflion. 6°. Qu'enfin les
„ chofes deraeureroient dans l'état où elles fe trouvoient à la conclufion
„ de cette Convention, jufqu'à- ce qu'il en fût autrement difpofé par les
„ Direfteurs en Europe (î)".
Depuis longtems les deux Compagnies travailloient , en Europe, à ud
Accommodement pour terminer leurs diflferends fur la Côte de Coroman-
del , & régler définitivement les prétenfions de part & d'autre. L'articit
des nouvelles acquifitions à échanger , y fut toujours le plus grand obfta-
cle- Enfin , après bien des négociations , où chaque partie .vouloit con-
ferver fes principaux avantages, les chofes font reftées, à cet égard,
dans le même état indécis, jufqu'à la rupture que ces difputes de l'Afie,
jointes à celles de l'Amérique, viennent de produire entre la France &
l'Angleterre»
DescRiPTioi»
DE LA CÔTE
DE COROMAN-
DEL.
Remarque
préliminaire.
Situation de
Pondichery.
(f) Mercure, jH:ilet 1755. pag. s?.
S-
•i.S'
..■■'j :
III.
\«.>
1 j. at^
'•A
i.-: >' .i.j' .. .- Dcjcr'iptm de la Côte de Coromandel. ,»,.-. -^ -
IL n'efl: queflion , dans cet Article , que de faire connoître , plus parti-
culièrement, les Places ' aritimes, & quelques autres Lieux qui peu-
vent n'avoir pas paru dans Jefcription de la Prefqu'Ifle de l'Inde. On
fe place d'abord à Pondichr , parcequ'en rapportant les obfervations qui
ont été faites par les Miflioniiaires Jéfuites , il efl plus aifé de connoître la
Longitude des autres Villes de la Côte , qui va en plufieurs endroits pref-
que Nord & Sud , excepté vers l'embouchure du Gange & le Cap de Co-
morin, qu'elle décline à l'Efl: & à fOueft.
Suivant les obfervations rapportées par le Père Bouchet (a), la La-
titude de Pondichery efl: à onze degrés , cinquante-fix minutes , vingt-huit
fécondes, & fa Longitude de foixante - dix - huit degrés, à l'Efl: de Pa-
ris. C'efl: la pofition qui a été adoptée par l'Académie Royale des Scien-
ces, & par tous les Géographes François, excepté M. d'Anville, qui fuit
la dernière détermination du Père ^o««l/>r, lequel met Pondichery à onze
degrés, cinquante-cinq minutes, trente fécondes de Latitude , & à foixan-
te-dix-fept degrés, vingt-cinq "minutes de Longitude, déduite de diverfes
obfervations exaéles ; ce qui fait trente-cinq minutes de moins. M. d'An-
ville
(a) Voyez le XV. Recueil des Lettres édifiantes-
ville tr
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jufqu'à
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cet égard,
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i France &
plus parti-
IX qui peu-
1 l'Inde. On
•vations qui
ronnoître la
(droits pref-
ICap de Cû-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 125
ville trouve ce réfultat plus conforme à la largeur de la Prefqu'Ifle, évaluée
fur des mefures itinéraires. Sa Carte de l'Irde fournit en droiture , & à
l'ouverture du compas, entre Pondichery & Mahé^ quatre-vingt-fix lieues
marines, ou de vingt au degré, tandis que d'autres Géographes donnent
jufqu'à cent lieues à cet intervalle.
Mah^, eftun Etabliflement François , fitué fur la Côte de Malabar,
Itntre Cananor & Calicut, à l'entrée d'une Rivière, qui fe navige quelques
[lieues dans les terres, à l'aide de la marée. Les montagnes ne font éloi-
nées de la Mer que de cinq ou fix lieues , & le Pays , qui efl: nommé Car-
enattu j obéit à un Seigneur, appelle Bayanor^ qui reconnoit le Roi de
ananor pour fon Souverain.
La Compagnie des Indes de France doit cet Etabliflement à la valeur
le M. Mahé de la Bourdonnais. A fon arrivée dans l'Inde, en 1724, il
ouva, à Pondichery, les Vaiffeaux prêts à partir pour enlever cette Pla-
e aux Habitans du Pays. L'Efcadre , qui devoit l'attaquer , étoit comman-
de par M. de ParJaillan. Quoique M. de la Bourdonnais ne fut que fe-
ind Capitaine, il fut charge, dans cette occafion , du détail de prefque
utes les opérations de guerre & de régie. Il imagina une nouvelle co.n-
Ûruélion de radeaux, qui procura aux Troupes la facilité de defcendre à
pied fec en ordre de Bataille. La Guerre dura jufqu'à l'année fuivante, &
pile finit par la prife de Mahé , qui fut fuivie d'un Traité de Paix , au mo-
■tient même où M. de la Bourdonnais étoit armé pour brCder toutes les Ha-
|)itations des ennemis le lon^ de la Côte.
Dans la fuite, c'eft-à-dire en 1741, M. de la Bourdonnais eut Tocca-
on de fauver fa conquête. Le Comptoir de Mahé étant bloqué depuis
ix-huit mois , par les gens du Pays , le Gouverneur & le Confeil de Pon-
ichery lui propofèrent d'y porter du fecours. Il ne balança pas , & mit
la voile le 22 d'Oftobre. L'exercice de fes Equipages , peu in-
_ ruits des évolutions militaires , l'occupa tout entier pendant la route.
Keureufement la connoiflance qu'il avoit du terrain , lui fit imaginer de les
irefTer à combattre par pelotons , & à fe rallier toujours derrière leurs
Chefs.
a Les ennemis, à qui il avoit à faire, habitent un terrain montagneux,
oupé par tout de foffés , de quinze à dix-huit pieds de profondeur , qu'on
eut regarder comme autant de coupe-gorges pour les Européens , qui au-
oient 1 imprudence de s'y engager. Ce font de grands hommes bafanés ,
gers & vigoureux: On les nomme Naïres (b). Ils n'ont point d'autre
rofeflTion que celle des armes , & ils feroient fort bons Soldats s'ils étoient
ifciplinés. Comme ils combattent fans ordre, ils prennent la fuite, dès
u on les ferre de près avec quelque fupériorité ; mais s'ils fe voyent pouf-
'és avec vigueur, & qu'ils fe croyent en danger , ils reviennent , fe bât-
ent en furieux jufqu'à la dernière goûte de leur fang, & ne fe rendent ja-
ais. '
Ces Naïres , campés devant MahéJ, dévoient le lendemain faire une at-
taque
C*) Voyez la Dcfcription de la Côte de Malabar, au Tome précédent. , • «• -*
^3
Descbiptton
delaCAte
d£ coroman-
DEL.
Largeur de
la Prefqu'Ifle.
Mahé,
Comptoir
François.
M. de h
Bourdonnais
en fait la con-
quête.
%
Seconde
expédition
qui fauve
cette Place,
^
126
DESCRIPTION DELA
OE LA CÔTE
Ue CORUMAN
OfiU
DEscaiPTio» taque générale , lorfque M. de la Bourdonnais arriva avec deux VaiiTeauj
"" ■ * ^^"" Le débarquement de Tes Troupes les arrêta. Comme il n'y avoit point {je
proportion entre le nombre des ennemis , & la poignée de monde qu'avoit
M. de la Bourdonnais , il n'eut garde de rifquer d'abord une affaire géné-
rale. Il crut qu'il ne pouvoit réulfir , qu'en oppofant beaucoup d'ordre ^
de prudence , à des gens (jui n'étoient point habitués à Te conduire par ré-
gies , & qui ne connoifToient que leur impétuofité naturelle. Dans cecct
vue, il commença par ouvrir une tranchée vis-à-vis d'une Batterie des en-
nemis , qui incommodoit furieufement la Ville. L'Ouvrage fut conduit
avec tant de vivacité , que le troifième jour il parvint jufqu'a trente toifei
du Fortin , où cette Batterie étoit établie ; mais un terrain marécagouj
l'empêchant de pénétrer plus avant , il fe réJuifit à faire une parallèle,
pour loger une quantité de IVoupes capables de foûtenir la tête de i'Ouvr}.
ge. Son deifein étoit de batailler dans ce pofte , jufqu'à l'arrivée è
derniers VaiflTeaux qu'il attendoit encore. A mefure qu'il recevoir de no'^
velles Troupes, il les envoyoit à la tranchée pour les accoutumer au feu,
qui étoit continuel; & trois ou quatre jours futtifoienc pour apprendre ai
Soldat à faire bonne contenance. Réfolu d'en profiter, dès qu'il vit toui
}es Vaiileaux arrivés, il fe difpofa à une action générale, & la fixa auj
Décembre.
L À nuit du 3 , il forma une Batterie , qui fut attaquée le matin par k
ennemis; mais il les repoufia vivement, à la tête de huit cens hommej,
Les François demandant avec empreflement la liberté de les pourAiivie,
M. de la Bourdonnais ne manqua pas ce premier mouvement ; jl rangea
promptement ks Troupes fur deux colonnes , & marcha droit à l'enne-
jni , qui étoit retranché fous deux Forts , peu éloignés l'un de l'autre. L'at
taque de ces deux Forts fe fit en même - tems , & le premier fut emporQ
d'emblée: mais M. de la Bourdonnais s'étant apperçu, que fes Troupes»
toient vi\^ement repouHees à l'attaque de l'autre, il y courut. Après avoi
vainement efluyé de les ramener, il fit avancer en dfiligence la Compagni
d'Artillerie qui gardoit la nouvelle Batterie, qu'il avoit fait faire pendami
nuit, & comme elle étoit fraiche & commandée par de bons Officiers, eli
fit des merveilles. La colonne repouflee la fuivit , & le Fort fut empori;
tout d'un coup. Les ennemis furent même chargés & pourfuivis de:
bonne grâce , que la peur les faifit , & qu'ils abandonnèrent tous Im
Softes; en-forte qu'ils iailfèrent les François maîtres des quatre Fortins,
e tous leurs retranchemens , & de huit pièces de canon. L'aftion duii
cinq heures; M. de la Bourdonnais y perdit cinquante-fix hommes , &j
eut cent vingt blcffés. Il en coûta à l'ennemi environ cinq cens (c).
Il faut avouer que les expéditions de JVI. de la Bourdonnais offres
toujours d'excellentes leçons militaires, & de- grands exemples de bravo»
re. L'intérêt qu'on a dû prendre jufqu'ici aux delaftres de ce fameux Uf-
ficiert
<c) Mémoire pour le Sr. de la Bourdon- tion de Mahé, quoiqu'elle att recompînli
nais, lome I II fe plaint que la G)mpagnie tous les Officiers fur fes repréfentatipns. &
Be lui a jamais dit ua mot de cette expédi-
lery,
OU côté
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Defcript.
(0 Le
les Portug
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mot
Defcnptio
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L'aftion dia
lommes , &i
cens (c).
onnais offres
es de bravûn-
ce fameux ut'
ficiei,?
le att recompi
spiéfenutions.
DF.L,
Pondichciy.
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 12/
ficier, qu'on verra encore reparoître dans un des Articles fuivans (/f), ne DescBimoîc
nous a pas permis de fupprimer cette partie de Ton Mémoire, quand mê- d^'cû^komaL
me on auroit pu pafTer fur l'origine d'un nouvel EtablifTement, dont on
n'n point parlé dans la Defcription de la Côte de Malabar, & qui , dépen-
dant de Pondichery, eft non-feulement fitué fous le même parallèle, à-
peu-prés, mais fert encore à fixer la largeur de la Prefqu'Ifle entre ces
deux points ; Revenons à celui d'où nous étions partis , pour fuivre la
: Côte , jufqu'au Cap de Comorin.
I La Ville de Pondichery (f ), remarque M. d'Anville , s'eft accrue &
I embellie , au point de le difputer à tout autre Etabliffement Européen dans
' flnde. Sa Citadelle, qui fut achevée en 1706, occupe le milieu d'un ef-
ace d'environ fept cens toifes , que la Ville u d'étendue fur le rivage,
'efl: un pentagone régulier, & ce qu'il y a de meilleur en ce genre dans
ute l'Inde. L'enceinte de la Ville , fortifiée de dix - fept Baftions (/) ,
t commencée en 1723; & le fofle, qui y manquoit, eft maintenant ajoû-
, & rempli d'eau par la Rivière de Gingy , qui entre en même- tems
s la Place , & y forme plufieurs canaux & baffins. La circonférence
la Ville , prife en dedans , eil de deux mille huit cens toifes , plus que
ioins.
Un Voyageur François, qui avoit examiné attentivement la fituatioii
ie Pondichery , ne comprend point , dit-il , à quel deflein les premiers de
•'a Nation , qui y font venus, s'étoient fixés dans un endroit de fi difficile
ccés du côté de la Mer, fi ouvert du côté de la Terre, & fi incommode-
our la vie, puifque c eft le terroir le plus ftérile & le plus mauvais de tou-
e la Côte. On fçait que les Vaifleaux font obligés de mouiller à plus d'une
emie lieue du rivage, à caufe des brifans. Les Chelingues qu'on employé"
charger & décharger les Navires, coûtent beaucoup, & l'eau y entre de
outes parts en fi grande quantité , qu'on eft toujours en rifque de fe
oyer , & que les marchandifes font toujours mouillées. Ce Voyageur
^Toit qu'il ne feroic pas impoflible d'y faire un Quai , pour remédier à ces
tronveniens (g). Mais on feroit fans doute moins en /ûreté à Pondi-
ery , fi les VaifFeaux pouvoient s'en approcher davantage. Le défaut
du côté de la Terre , eft aujourd'hui luftlamraent reparé par les fortifi-
a^eations qu'on y a ajoutées ^ &. les acquifitions que la Compagnie a faites
~'epuis dans les environs (h}.
Après Pondichery & le Fort à' Arïan-cupam y qui en eft à une lieue,
au
Arian-cU'
pam.
( î) Voyez ci-dcflbus le Suppli5menl à la
[ Defcript. cLes Ifles de France & de Bourbon,
(e) Les Indiens la nomment PudutjcJeri,.
^ les Portugais, Fondicberi, & les Danois Po-
iiceiro.
(/) On n'en a compté que onze dans la,
Defcription précédente , quoique le Pian en
offre dix- fept Dans .'Explic;;tion des
Renvois du Plan, pag. 20 & 21 , il s'eft glif-
fé une faute d'impreilion , au N''. 8, où' on
ht l^Hôpital, f OUI l'Hôtel de lu Compagnie.
il
Eno-e la Lettre If, & Perte de Valiaour,
ne falloit point mettre de ligne.
(ff) Journal d'un Voyage aux Indes
Orient., en 1691. Tom. II.
(û) Les principales Aidées autour de Pon-
dichery , & dans fa dépendance , font Arian-
cui^am, Aij'btviak, Vilenut & Vàldaûr, Il y
au.) Fort à Valdaûr, & ce lieu conduit à
Gingy, éloigné de Pondichery d'environ on-
ze litucs Françpifes,
128
DESCRIPTION DE'LA
ai
D INSCRIPTION
DE l-A CÔTE
DJi COIIOMAN-
DEI..
Tcvciiepat-
nnii) , Fort
S-.Unt-David
& Cudclur.
Poito-Novo.
au Sud , on vient à Tevenepainam , ou Tegenepatnam , que les Indiens nom. *
ment Devanapntnam , c'eft-à-dire Fille à'AJ]cmb}ée\ Bourg, ou petite Ville -
peu confidérable , qui n'eft habitée que par des Malabares. Les Hoilan- j
dois y ont pourtant une belle Loge. A cin:j cens pas au-delà, efl le Fort |
Saint-David, & huit cens toifes plus loin, Gojdclour, ou Cudelur^ que les ;
Indiens nomment Courraloer; Ville aflez grande, fituéeau bord delà Mer, '
& éloignée de Pondichery d'environ treize miles, de foixante au degré,
autrement de cinq lieues Françoifes. Ces trois Places , quoique féparées,
ne font qu'une même jurifdiélion (i), & appartiennent aux Anglois. Ils
les achetèrent , en 1 690 , de Rama- Raja , fils du fameux Sevagy, pour la fom-
me de vingt-fept mille trois cens quatre-vingt-treize pagodes , fans comp.
ter les préfens aux Miniftres. C'eft un des plus confidérables EtabliiTemens i
qu'ils ayent dans les Indes. On y refpire un air fain, & le terroir y eft
fort fertile. Une Rivière, nommée Cudelam, fe rend dans la Mer fous le
Fort Saint-David , groffie d'une autre Rivière dans le voifinage, & don'
le nonj eft Tiru-paû-palur {k). La Rivière Panna (/) a fon embouchurt
dans la Mer à Tevenepatnam. Ce Diftri6l contient plufieurs Bourgs & '
Villages, dont on trouve les noms répan4us dans les Relacions aes Mif-
fionnaires Danois.
A environ cinq lieues du Fort Saint-David, en continuant de fuivre la Côte,
au Sud , on trouve une Ville Indienne , nommée Porto-Novo par les Européens,
Mahmud-Bender p^iTlesMaares t &.Paranghi-Potteyip2ir les Indiens (w). Elle d
fituée à l'embouchure de la Rivière Fal-arru, ou ^<?//ar«;c'ell-à-dire Rivière
blanche. C'eft une grande Place, mais toute ouverte, fans murailles, & envi-
ronnée feulement de palmiers. Six rues la traverfent du Sud à l'Oueft, &
neuf de l'Eft au Nord. Son Gouverneur eft ordinairement un Bramine ,
qui a encore quelques lieux voifin-^ fous fa dépendance. La moitié des
îlabitans de Porto-Novo font Maures, & l'autre moitié Gentils. On y
voit une Eglife , un grand Maufolée Maure , un Chantier , & quantité de
belles maifons. Les Anglois, les François & les Danois y ont dès Loges. '
Celle des Hollandois eft revçtue d'une muraille, & fon entrée à été forti-
fiée
(») On les défigne indifféremment fous
les trois noms; quoique les Indiens difcnt
plutôt Devanapatnam , les Anglois Fort Saint-
David, & les autres Européens Goudclour,
ou Cudelur ; mais ces trois lieux ne font
qu'autant de parties d'une feule & même
Ville.
(fe) Ou Tripaplur. C'eft aulîî le nom
d'un Bourg voifin , le même que firepoplier,
ou Tiere-Popliere, dans les Relations Hollan-
doifes. On y voit un grand & fiimeux Pa;^o-
de, de hautes Tours & des Edifices confidé-
rables. Ce Bourg eft fitué fur les terres de
la Compagnie Angloife. Tiruwaniiipuram ,
qu'on trouve au-delà, prefqu'à moitié clie-
min de Tiruvidi au iort S. David, eft im-
médiatement hors de fes limites, mais pa-
role fans nom dans nôtre Carte. Remarquons
encore qu'on y lit Tiru-vicb , pour Tiru-vidi,
ce qui eft une faute des Graveurs.
( / ) Environ fix lieues de Cudelur , les
Milîîonnaires Danois nomment la Ville de Fit
leijur , qui eft d'une grandeur extraordinaire,
C'eft peut-être celle qui paroit, dans nôtre
Carte , fous lo nom de Babur , au Nord-Oueil,
fur cette Rivière.
( »n ) Ce n'étoit anciennement qu'une efpèct
de Métairie, qu'on nommoit Wdllâri-collei;
mais les Portugais trouvant ce lieu fort com-
mode , y bâtirent une Loge , & l'appellèrent
Forto-Novo; comme les Malabares Farâiigi-
Pôdtey. c'eft-à-dire Fillage des Francs, ou
Européens. Le nom de Mabmud-Render, qui
fignitie Port de Mabmud, Ini vient d'un grand
Seigneur du Vifapour.
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nelevas , ou 7
tion-corromp
COEilee
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.>4 i
iens nom.
etite Ville
es Hollan-
eft le Fort
r, que les
de la Mer,
au degré,
; réparées,
[iglois. Ils
)our la fom-
(ans comp.|
abliffemens f
îrroir y eft
Vier fous le
je, & don'
;mbouchurt
i Bourgs &
is aes Mif-
ivre la Côte,
; Européens,
m). Elleell
-dire Rivièn
les , & envi-
rOueft.à
n Bramine,
moitié des
itils. On y
quantité de
dès Loges.'
à été forti-
fiée
)our rif«-tirfi,
lurs.
Cudelur , les
j la Ville de Pa-
[extraordinaire,
It, dans nôtre
juNord-Ouell,
: qu'une efpèce
VSlldri-collci\
jlieu fort corn-
l'appellèrent
tares Farànp-
Francs, ou
:nt d'un grand
I)E COROMAH*
OF.L.
Pagode ds
SWdam-ba-
ram.
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 129
fiée de deux Batteries de canons en 1749. Le Commerce de cette Place Descbtption
étoit autrefois aflez confidérabJe ; mais il eft entièrement tombé pendant ne tA Côtb
les derniers troubles , fur-tout par les incurfions des Marattes.
Dans l'éloignement à l'égard du bord de la Mer, & à environ trois
lieues au Sud-Oueft de Porto-Novo, eft le fameux Pagode de Shidàm-ba-
ram y qu'ordinairement on nomme Chalanbron Çn) i Temple d'une grande
[antiquité , & bâti avec magnificence. En un mot, c'eft un Chef-d'œuvre
de l'Art. L'Edifice eft quarré, & tout conftruit de pierres de taille. Du
milieu de fes quatre murailles s'élèvent autant de tours parfaitement égales,
à neuf étages, d'une hauteur prodigieufe, & qu'on découvre de fort loin
fur la Côte. L'intérieur du Pagode eft. compofé de vaftes appartemens , de
l^elles chapelles , de voûtes , de galeries , de colonnes & de poutres d'une
kule pièce de roc, de cours, d'étangs & de fontaines. On y voit par*
)ut une infinité d'idoles, fous dififérentes figures. Les colonnes font or-
nées de fculpture , & les pierres chargées d'infcriptions à la louange des
lux Dieux. Les Miftionnaires Danois , qui ont eu plufieurs fois la curiofité
Ae vifiter ce Temple , nous en donnent de fçavantes defcriptions j mais ils
ivouent eux-mêmes, qu'ils n'ont fait qu'éfleurer une matière fi abondante.
Ce Pagode fert à préfent de FortereflTe aux Maures. Le Gouverneur , qui
dépend du Nabab d'Arcatte , laifFe cependant aux Payens la liberté d'y
-Ixercer leur culte, parcequ'il en retire de grands avantages.
rJh Cinq, lieues au deflbus de Porto-Novo, on vient à l'embouchure de la
#>lus feptentrionale & la plus confidérable branche du Caveri, nommée Col-
If^dhanif Colh-ram^ on Colorant y qui termine l'Etat de Tanjour du côté du
!<Jord. Près de cette embouchure , les Anglois occupent un Château ren-
fermé par un bras de Rivière , & nommé Tivucotteyt c'eft-à-dire Fortereffè Tivu-cottey,
fijle (0). La Côte n'oflPre point d'endroit remarquable dans une éten-
lifie Forte de la
. & Caveri'pat'
%m (q), Vïlle fituée trois miles plus bas, aufli à l'embouchure d'un autre
l^ras du même Fleuve, nommé Fudu- Caveri. Cette dernière Ville eft un
adroit célèbre parrni les Indiens, qui croyent s'y purifier par le bain, fur-
tH^ut au tems des éclipfes. M. d'Anville, qui a fait, dans l'ancienne Géo-
raphie des Indes , de plus grandes découvertes que tous ceux qui l'ont pré-
idé, fuppofe que c'eft la Cbaberis de Ptolemée (r). Un autre endroit fort
meux, mais plus éloigné dans les Terres, eft Sbîarhi^ ou Tfcbiali, gran-
e Ville, où il y a plus de foixante Pagodes. On en a parle ailleurs (s).
A une demie journée de Caveri-patnam , fe voit Tirangher.i-badi ( t ) , que
les
Fleuve Co-
loram.
Tiru-malci-
vâfel.
Caveri-pat-
nam.
Shiarhi.
Tranqucbar,
(n) Auffi Silam-baram , Sbelmerm & Cbi-
\umbrun. Le Temple eft dédié à EJivara , ou
Jfburen , en l'honneur à'Akajem , ou de l'Air.
(0) Voyez ci-dcfliis, pag. go. _ Les an-
licnnes Relations appellent ce lieu Colderon ,
lu nom du Fleuve.
(p) C'eft le même que Triminivas, Tri-
Mlevas , ou Trinilivaas , fuivant la prononcia-
lon corrompue des Européens. '
( î ) Elle eft nommée dans les Cartes Lan-
Xir, Part.
apparemment par er-
re, ou Lowre-patnam,
• zur pour Kowri.
(rj Les François y ont eu autrefois une
Loge. Voyez ci-dertui, pag.is. LeP.Bou-
chet dit qu'ils y étoient encore en 1719.
( s ) Ci-dcHus , pag. 4 On nommoit an-
ciennement ce lieu l(s quatre Pagodes,
(t) Suivant le Père Bouchet , Tarangan-
bouri, qui fignifie Hlle des On.ies d-: la Mer.
Les MiffioQjiPircs Danois écrivent l'aragen-
R itiiSibj,
130
DESC R rPTIO N D E L A
DESCttlPTTOK
DE LA CÔTE
DB COROliAN"
SSk.
:'n
.f;:
les Européens nomment par corruption Tranquebar, Trangobar & Trankenu
baft au-delsi de Tonzième degré de Latitude (v). Cette Ville appartient
aux Danois. Avant leur arrivée, en 1620, ce n'étoit qu'un petit Bourg,
que l'Amiral Gule de Gede acheta du Naï^ de Taojour, pour le Roi de Ûan-
nemarc. L'année fuivante il y fit conllruire le Château de Danf bourg (a,],
dont la forme efl quadrangulaire. Son afpeéi: eft fort agréable du côté de la
Mer, qui efl; celui de l'Orient. On en donne ici les quatre Vue*; & le Plan
de cette Fortereffe , diftinftement gravé avec celui de la Ville, nous épargne
une defcription qui najoûteroit rien aux explications des renvois. LaConi.
pagnie devenant tous les jours plus floriflantc, un Gouverneur Danois, nom-
mé Magnus , fit environner la Ville de murailles & de remparts. Mais
dans la fuite plufieurs riches Marchands en fortirent pour aller s'établir ail-
leurs 3 ce qui diminua le nombre des Habitans. La crainte d'être enfeve-
lis dans les vagues , en détermina d'autres à fe retirer à la Campa-
gne. Tranquebar n'étant aujourd'hui éloigné de la Mer que d'un peii
quart de lieue, fe trouve ^rt expofé aux inondations. Les terres font
bafles & entrecoupées de Rivières. Malgré ce« inconveniens » la Ville ne
laifle pas d'être allez peuplée, & de renfermer dans fon enceinte environ
quinze miUe Habitans , prefque tous étrangers,. & que le Commerce y 2
attirés. Le plus grand nombre eft compofé d'Européens , & le rede en
partie deMalabares, ^ en partie de Mahométaos. Ceux-ci y ont m
Mofquée, & les Malabares^ fept Pagodes. Il y a une Eglife pour les Catho'
liques Romains ; une poux les Danois , &, deux qui font aux MilUonnairej
Luthériens^ ,
Outre les Fauxbourgs de Tranquebar , la Ville ? un reflbrt d'une ving"
taine de Villages. On peut le voir dans la Carte de ce Diftrift, qui poui
être bien particulière , n'en eft pas moins efliimable par fon exaâitude; é
ilferoità fouhaiter que toutes les Colonies Européennes s'appliquafient à nom
en donner de paieilles de leurs ËcabJiiTemeas aux Indes. Les deux lieui
le? plus notabjes du Diftrift de Tranquebar , fonc Forrejar , ou Porrejan
Bourg fort peuplé, & donc les Habitans font prefqu'en auflî grand nom
bre qu'à Tranquebar même, qui n'en efl éloigné que d'une lieue & de
mie. Ttlhjaliy autre Bourg des plus confidérables ,. ûtué k l'Occident, ap
partient aulTi à la Compagnie.
La Ville de Tranquebar eft fous les ordres d^un Gouverneur Danoii
Elle a un Confeil de Régence, auquel il préfide. La garde de la Ville ei
compofée de la Milice du Pays, dont une partie efl: habillée à la maniés
des Malabares , & l'autre à la Portugaife. Ces derniers , qui font de ver:
tables Soldats, font tous Chrétiens. Outre cette Milice, le Ramanaike à
Porrejar, qui exerce l'emploi de Garde-frontière furies terres de la Coni
pagnie, efl: tenu d'en défendre l'entrée aux Vagabonds, d'arrêter lesE.^
daves fugitifs , & généralement d'empêcher le defordre.
Le; Commerce n'efl: pas ce qui rend Tranquebar plus recommandabi
.,»««
wâdbi, Tdjangtnbâdbi , & Tadhangamhâdbi ;
mais plus communément TarangenMdbi.
(«) M. d'Anviilç la met autant en deçà ,
^^les &ua«» Géographes au-delà, ,
Uij
( X ) Les Habitans du Pays ne rappelloieii
autrefois que le Château du feu, ou du t»
'nerre , à caufe du bruit de canon dont ils ^ |
loient effrayés.
Si*
' & Trankeni'
le appartient
petit Bourg,
Roi de Dan-
tn/bourg (a;),
du côté de la
e$;& le Plan!
nous épargne
ois. La Coni'
Danois, nom-
parts. Mai!
r s'établir ail-
l'être enfeve-
i U Campa-
ue d'un pei\
s terres font
8 » la Ville ne
îinte environ
ammerce y 2
St. le refte en
ci y ont wt
»ur les Catho-
MiHionnaires
t d'one ving
£lf qui poui
taétitudë; d
jaiTent à noiD
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ou Porrejari
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: lieue & è
)ccideQt, ap
neuf Danoiif
le la Ville eii
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ommandablej
ne l'appelloiett
■eu, ou rftt '»
mon dpnt ils ^
Pag. 130
EXPLICATION
Des Renvois du Plan de la Ville de Tranq^uebar, 6c du Fort
Danois de Dansbourg.
A. Fort Dansbourg. à. Eglifedes Catholiques Romains,
B. Bailion du Roi. & Logement du Père Vicaire.
C. - - - - de la Reine. ^ Mofquée des Mahomctans.
D. - - - - du Prince Chriftian. /. Sept Pagodes des Malabares.
E. - - - - du Prince Frédéric. g. Maifon des Prédicateurs Danois.
F. Porte de la Citadelle. h. Maifon & Ecole des Miflionnai-
G. Porte de derrière. res. i •' :'. • " -
H. Le Magafin à poudre. î. Ecole Danoife & Maifon desOr-
I. L'Arfenal. phelins.
K. Baftion du Prince George. r'H^*!: *. L'Hôpital. ^r;. LV „
L. - - - - Guldenlôw. r."}^- '• Cimetière Danois. -^'!ii [>i?^^
M. - - - - Dannemarc. / "" ^ w;. Maifon de Ville.
N. - - - - Norwegue. ' . «. Maifon du Gouverneur dans la
O. Holfteïn. Ville. > .-vii;^-;*: kJ.^ -
P. - - - - Lolland. ^ /> ;. 0. Premier Fort bâti par les Danois,
Q. - - - - Seeland. /i :. ■ u.- nommé k pré fent jardin de r^mî-
R. - - - - Prince Charle». . ., , . rai y où efl lu Poudrerie.
S. Redoute Delmenhorft. p. Magafins. . '1^'%
T.- -Oldenbourg. q. La Forge.
U. Ravelin. ^ ,, km^ "^ ■^'- ^ogemens pour les Ouvriers du
V. Porte de la Campagne. .;.:v t,:: " Holm. -v-^j ; f-it^i;^ -^ ,
W. du Feu, J.:i 'f>,' s. Digue , ou Levée de terre. '
X. Petite Porte des Pêcheurs» ^!^- t. Le Bazar , ou Marché.
Y, du Pagode. ^ u. La Poiflbnnerie,
Z. Divers Corps-de-Garde. v. La Corderie.
a. Eglife Danoife de Sion. w. Etang.
b. Eglife des Miffions , la Nouvelle x. La Rivière.
Jerufalem. y. Rue du Roi.
c. la Vieille Je- ». Rue de la Reine.
rufalem.
I3C
I
.r^.ScMlU JUV.!
Ville de Tranquebar, et fort
Danois de DaNSBOURG .
De
tD]
1
. t
Fort
De Stad TRANKENBAR, en
tDeensche Kasteel DANSBURG.
'f !
\
^v.
I »
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fag. 130
EXPLICATION
Des Renvois de la Carte du Diflriâ de Tranq.ueb>r.
A. Pareitfchêri , ou Village de Parreias , ordinairement féparés des autres
Malabares. ' ^:-
B. Petits Fauxbourgs de Wolipaleiam.
C. Jardins , la plupart aux Européens.
D. Etang , au milieu duquel la Compagnie a fait bâtir une Maifon. A cô-
té l'on voit de grands Chars d'Idoles , qui appartiennent au Pagode,
fous les marques A A A.
E. Jardin de la Compagnie.
F. Fours à briques.
G. Fours à chaux.
H. Lieu où les Payens brûlent leurs Morts.
I. Sources d'eau douce.
K. Eglifes pour les Parreias Catholiques Romains'.
L. Sauneries , où il fe fait beauLuup de fel.
M. Mofquée des Mahométans.
N. Maifon de la Miffion à Borreiar.
O. Jardin , Maifon & Cimetière de la Miflion à Borreiar,
P. Cimetière de la Miflion hors de la Ville.
Q. Douane de Borreiar.
Nota. Depuis qu'on a drelTé cette Carte, le Roi de Tanjoura cédé , à
la Compagnie, les Villages de Mânikka-pongel ^ Peria-Mânikka-pon-
gely &. Aneicowil, au Nord, qui doivent encore entrer dans fes
limites.
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au Pagode,
a cédé , à
Mnikka-pon-
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™ Ssiuyzen aan de
'■RWieren en Grachten.
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/Jarhti.Btt^pms fjpineux
^w . \à lonmtts Jèiui/ts,
n '^ *" *■ ) Tarfiei, dooma^^ He«ft«i|
( ^Hms met iai>^ Uaadei»)
iZi'tu oit l'on pa/Ie us Ht
yiiTe,f û aut ,
IVaadbau'e plaatg in de
■Rivieren.
I "t. Cocotitr, Coku»-Boom.
4L- ?afmitr, Talm-Boqjn.
â. ^rvoT-t df-raii.
.^ffe/«rt dt inilU Pas cotmmms.
Vont van du^rent jj^ocrae Sclnreclen^ / :
\Chemin mu ment à .yfCadatri^adtnmi ï-W^tSi 44
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PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. tgt
Un avantage particulier, dont cette Ville peut fe glorifier, c'eft d'avoir
vu s'établir , dans fon fein, une Miflîon Evangelique, qui par les foins &
la libéralité de 'Frédéric IK , Roi de Dannemarc , a fait des progrès d'au-
tant plus étonnans & plus admirables , que fes commencemens ont été foi-
bles. Ziegenbalg & Plutfchau furent les premiers Ouvriers oui jettèrent,
«n 1706, les fondemens d'une fi fainte efltreptife. „ Ces Miffionn^ires,
„ dit M. Franche i prêchèrent l'Evangile aux Payens, avec un zèle ^ui n'a-
„ voit point encore eu d'exemple dans les Indes , & leurs prédications
„ eurent un fuccès très - heureux. Le nombre d'Indiens Qu'ils converti-
j, rent , les Eglifes qu'ils fondèrent en divers lieux , la traduftion de l'E-
„ criture iSainte en plufieurs Langues , la façon dont ils s'y prirent,
,, pour répandre de côté & d'autre la Doftrine de l'Evangile , 1 établif:
, fementdes Ecoles pour l'éducation de la Jeunefle, la manière de pré-
, parer & d'inftruire ceux des Néophites , qui avoient le plus de ta-
, lens , à être les uns Régens d'Ecole & les autres Doreurs de l'Eglife ;
„ enfin, les fruits qu'ils ont retiré de leurs travaux, en faveur du Chrif-
,î, tianifme, font autant d'événemens qui doivent intérefler les Chrétiens ".
Xi'Hiftoire Ecclefiaftique n'étant pas celle des Voyages , on fe borne à cet-
|e idée générale que nous donne l'Editeur des pieufes & fçavantes Relations
èes Millionnaires Luthériens établis à Tranquebar, Madras & Cudelur (y).
Nous y ajouterons feulement, qu'à la fin de l'année 1753, ceux de Tran-
quebar comptoient, depuis le commencement de la Million , neuf mille
huit cens vingt-cinq , ceux de Madras , mille cent trente - trois , & ceux
de Cudelur, lept cens foixante-huit Perfonnes, qui avoient embrafl^é la Re-
ligion Chrétienne.
L'Etablissement François de Karical^ ou Karekaîy qui fuit Tranque-
bar, deux lieues au Sud; fa Forterefl'e , nommée Karcangery (2), & le
'Bourg dé Tirumak-rayen-patnam (a) , font fuffifamment connus par les Rela^
tiens précédentes ( é}. Près de ce dernier Bourg, qui peut paflTer pour
une Ville afl*ez conlidérable, on trouve Naou;', onNagur^ autre Ville mari-
time, où les Mahométans, qui compofent plus des trois quarts de fes Ha-
t>itans , ont une belle Mofquée , avec quatre tours , dans laquelle ils célè-
brent une grande fête à l'honneur de leur Prophète. Ces trois Places font *
: Situées fur autant de bras du Caveri , dont les noms fe voyent dans la
Carte.
Après l'embouchure deNaour, vient celle de Negapatnam (r), Port Negapatnam.
de Mer à quatre lieues de Karical. Cette Ville exifl:oit à l'arrivée des Por-
tugais fur la Côte de Coromandel, & ils s'y étoient fortifiés , lorfque les
i Hollandois l'enlevèrent en 1658. C'eft à préfent leur principal Comp-
toir (^), & en méme-tems un des plus conlidérables Etabjiflemens de la
Knrical ,
Karcangery,
& Tiruniale-
raycn-patnam.
Naour.
(y) Voyez VHiJloire de la MiJJitn Danoi-
Je, &c. à Genève, 1745.
( 2 X Ou Karbuklâtjêris , vulgairement Cal-
calacbéris. Les Hollandois y ont eu autre-
fois une Loge , avant que leur principal
Comptoir fut établi à Negapatnam.
(a) Vulgairement Irumananpatnam.
Côte.
(b) Voyez ci-defTus , pag. 26 & 27.
(c) Ou N'igapatiwm ; c'cdidire Hlle aux
ferpens. A dix degrés trente-cinq minutes de
Latitude.
( d) C'étoit auparavant Palliacate. Ils en
transfcrèient ici leur Gouvemement'en 1690,
R 2
131
t DESCRIPTION DE LA
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Deicri'tiom
ue la côte
dkCoroman-
oxu
Cap Calla-
nicdu.
Golfe de
Toudi.
Pont mer-
veilleux qu'on
voit à Ou-
tlar.
Font d'Adam, »»
Côte. On y a bâti une bonne FortcrclTe , dont les cinq angles portent Ict
noms des cinq fens. Les rues de Negapatnam font larges , les maifons af-
fez grandes, quoique vieilles , & l'on y voit plufieurs bellos Eglifes. Les
environs font remplis de Pagodes , quelques - uns richement ornés , mais
fans goût; d'autrev obfcurs , fales, mal -bâtis & fcmblables à des* fours à
briques. La Compagnie Hollandoife compte , dans fonDi(lri6l, douze à
treize Villages.
A fept lieues plus que moins (e) au Sud de Negapatnam, fe préfente le
Cap Calla-medu^ Caillamere, ou Ca:\lhvnera (/), où finit proprement la Cô-
te de Coromandel , dans la Partie Méridionale. Elle prend ici un nouveau
rhiimb de vent,& va d'abord droit à l'Oueft; cnfuite elle fe détourne peu
à peu vers le Sud jufqu'au Cap de Comorin. Le premier enfoncement
iju'elle forme fe nomme Golfe /le Tmli (g)^ 6c le fécond Côte de la Pêche-
rie. Dans cette étendue l'on ne trouve que deux endroits un peu ccmfidé'
rabics; Outiar & Tutuc >rin.
„ On voit à Outiar, dit le Père Bouchet, une des chofes les plus mer-
„ veilleufes qui foyent peut-é:re clans le relie du Monde: c'eft un Pont qui
„ a environ un quart de lieue» & qui joint à la terre ferme l'ifle de Rama-
nancor(A). Ce Pont n'efl pas compofé d'arcades comme les autres:
ce font des rochers, ou de grolfes pierres, qui s'élèvent deux ou trois pieds
„ au-deifus de la furface de la Mer , qui efl: fort baffe en cet endroit. Ces
„ pierres ne font pas unies les unes aux autres,, mais elles font féparées
„ pour donner la liberté à l'eau de couler. Les pierres font énormes à
„ l'endroit des courans. 11 y en a qui ont jufqu'à dix-huit pieds de diamè-
tre & davantage. On voit des endroits où ces pierres font féparées
par des intervalles de trois pieds jufqu'à dix; & aux lieux où les Barques
paflent , la largeur efl encore plus grande. Il n'efl pas aifé d'imaginer
que ce Pont foit l'ouvrage de l'Art ; car on ne voit pas d'où l'on auroit
pu tirer ces raaffes énormes , & encore moins comment on auroit pu les
y tranfporter : Mais C\ c'eft un ouvrage de la Nature , il faut avouer que
c'efl un des plus furprenans qu'on ait jamais vu. Les Idolâtres difent
que ce Pont fut fabriqué par les Dieux (i) , quand ils allèrent attaquer la
Capitale de fille de Ceylan. Le Prince de Marava avoit coutume de fe
retirer dans l'ifle de Ramanancor , lorfqu'il étoit pourfuivi par les P^ois
de Maduré : il faifoit mettre de grolfes poutres fur ces rochers , qui font
comme autant de platte-formes , & il y faifoit paffer fes Eléphans , fon
Artillerie & fon Armée". De Ramanancor, une chaîne d'autres rochers
&. de bancs de iàble s'étend jufqu'à l'ifle de Manaar, fur la Côte Occiden-
tale
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(e) Suivant M. d'Anville. Le P. Bou-
chet met environ dix lieues,
(/^ Son véritable nom t^.CalH-midu',
c'elt-a-dire Promontoire de Calli , efpèce de
tithymale , qui croit dans fes environs. On
voit près de-Ià un grand Pagode , qu'on nom-
me le Pagode des Canarins. M. d'Anville,
£our faire trouver ce Cap dans Ptolemée &
léla, dérive les noms de Cory & CqHs du
terme Indien Kotl , qui fîgnifie Temple.
(^) Il y a une petite Place de ce nom,
3ui fournit beaucoup de bétail aux Hollan-
ois de Jaffanapatnam.
(é) Voyez la Defcription de cette Ifle,
& celle du Marava , ci-aeflus , pag. 8.
(i) Ou plutôt les finges, fuivant d'attUïS
récits de la mcuic fable*. , . ,
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le ce nom,
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cette Ifle,
iïA d'autres
m
'-e-
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 133
talc de Ceylan; &c'efl: ce qu'on nomme le Pont d'.-hlam (/■). Comme la
Mer, dans fa plus grande hauteur, n'a que quatre à cinq pieds d'eau en
cet endroit, il n'y a que des Chaloupes, ou des Bâtimcns du Pays, qui
puiffent palTer entre les intervalles de ces rochers.
TuTUcuRiN, quieftlc lieu le plus confulcrable de la Côte de la Pê-
cherie, a été obfervé, par le Père iV«^/ , à huit degrés, cinquante-deux mi-
nutes de Latitude. Sa fituation efl prefque à une égale dillance du PaflTa-
Îre de Ramanancor & du Cap de Comorin. Cette Place paroît une fort jo-
ie Ville à ceux qui y arrivent par Mer. On voit divers Bâtimens alfez
lélevés dans les deux Ifîes qui couvrent fa Rade , une petite Forterefle que
les Hollandois ont conftruite (/), pour le mettre à l'abri des infultes des
encils qui viennent des terres , & plufieurs grands Magafins bâtis fur le
>rd de feau , qui font un aflez bel afpeft. Mais dès qu'on a mis pied à
erre , toute cette beauté difparoit ; & l'on ne trouve plus qu'une groflc
ourgade ouverte, prefque toute bâtie de Palhotes.
Les Hollandois tirent de Tutucurin des revenus- confidérables , quoi-
'ils n'y foyent pas abfolument les maîtres. On a déjà remarqué , que tou-
la Côte de la Pêcherie appartient au Roi de Maduré , & en partie au
nce de Marava , qui a fecoué le joug de Maduré , dont il étoit autre-
is-tribucaire. Les Hollandois ont fouvent voulu s'accommoder avec le
ince de Marava, de fes droits fur la Côte , mais inutilement; & les pré-
ns magnifiques qu'ils lui ont fait, n'ont produit jufqu'ici que de belles ef-
^rances. Cependant , fans être maîtres du Pays , ils n'ont pas laifPé de s'y
ablir à-peu-près comme s'ils l'étoient (w). Pour ce qui regarde leur
ommerce , outre les toiles qu'on leur apporte du Maduré , & qu'ils échan-
fdient avec le cuir du Japon & les épiceries des Moluques, ils tirent un im-
enfe profit de deux fortes de Pêches , qui fe font ici ; celle des Perles &
lie des Xanxus (n). Les Xanxus font de gros coquillages , femblables à
ux avec lefquels on a coutume de peindre les Tritons. Les Hollandois
nt il jaloux de ce Commerce, qu'il iroit de la vie pour un Indien , qui ofe-
l^t en vendre à d'autres qu'à la Compagnie. Elle les achète à vil prix, &
]0B envoyé au Bengale, où ils fe vendent fort cher. On fjie ces coquilla-
gis félon leur largeur, pour en faire des braflelets , qui ont autant de Uif-
l^que l'y voire. Ceux qu'on pêche fur cette Côte, dans une quantité ex-
'aordinaire, ont tous leurs volutes de droite à gauche. S'il s'en trouvoit
i les euflent de gauche à droite, ce feroit un trefor que les Gentils efti-
eroient des millions ; parcequ'ils s'imaginent qu'un de leurs Dieux fut
irt>ligé de fe cacher dans un Xanxus de cette efpèce, pour éviter la fiireur
1^ fes ennemis.
4 La Pèche des Perles enrichit la Compagnie de Hollande d'une autre ma-
li^ère. Elle ne fait pas pécher pour fon compte; mais elle permet à cha-
jue Habitant du Pays , Chrétiens, Gentils, ou Mahométans, d'avoir, pour la
^éche, autant de bateaux que bon iuifemble; & chaque bateau lui paye
foixan-
(k) Voyez le Tome XI. pag. 171. (m) Ils ont un Traité avec ce Prince,
I (i) Us s'en rendirent maîtres en 1658. qu'ils nomment le Teuver.
* (n) Baldasus écrit CbvikQs,
R3 .
description
deCoroman-
DBL.
Cote do la
Pêcherie.
Tutucurin.
Commerce
des Hollan-
dois.
Pécbc des
Xanxus.
Poche des
Perks.
134
DESCRIPTION DE LA
Drscripttoi»
delaCAtr
deCoroman-
UCL.
3 I
foixante ëcus, & Quelquefois davantage (o). Ce droit fait une fomniî
confidérable ; car il le prdfcnte fouvent julqu'à fix ou fept cens bateaux, oj
arrivoit fouvent, que la faifon, ou le lieu marqué , n'étoit pas favorable, &
que les huîtres manquoitnt , ce qui caufoit un préjudice notable après lei
grandes avances qu'il avoit fallu faire, on a changé de méthode, & vers le
commencement de l'année, la Compagnie envoyé dix ou douze bateaux au
lieu où l'on a dcflein de pécher. Ces bateaux le féparcnt en divcrfes Ra.
des, & les Plongeurs pèchent chacun quelques milliers d'huitres, qu'ils ap.
portent fur le rivage. On ouvre chaque millier à part, & on met auflii
part les Perles qu'on en tire: Si le prix qui fe trouve dans un millier motitt
a un écu ou au-delà, c'eft une marque que la pêche fera en ce lieu-là trèi.
riche & très-abondante; mais fi ce qu'on peut tirer d'un millier n'alloit cjy;
trente fols, comme le profit ne palferoit pas les fraix qu'on feroit obligé c,
fiiire , il n'y auroit point de pêche cette année-là. Lorfquc l'épreuve rcu
fit, & qu'on a publié qu'il y aura pèche, il fe rend de toutes parts fur :
Côte, au tems marqué, une afîîuence extraordinaire de peuple <& de bâteaui
qui apportent toute forte de marchandifes. Les Commiflaires Hollande:
viennent de Colombo de l'Hle de Ceylan, pour préfider à la pèche. L
jour qu'elle doit commencer , l'ouverture s'en fait de grand matin par i:
coup de canon. Dans ce moment tous les bateaux partent & s'avancec;
dans la Mer, précédés de deux groffes Chaloupes Hollandoifes , qui mou^
lent l'une à droite & l'autre à gauche, pour marquer les limites du lieue,
la pêche, & aufiî-tôt les Plongeurs de chaque bateau fe jettent à la hautec
de trois , quatre &i. cinq brafles. Un bateau a plufieurs Plongeurs qui voe
à l'eau tour à toiu': Auflî-tôt que l'un revient l'autre s'enfonce. Ils font ai
taches à une corde, dont le bout tient à la vergue du petit bâtiment, <S:q
eil tellement difpofée , que les Matelots du bateau , par le moyen d'une po
lie, la peuvent aifément lâcher ou tirer, félon le befoin quon en a. Cei.
qui plonge a une grofle pierre attachée au pied, afin d'enfoncer plus vîîi
& une elpèce de fac à fa ceinture pour mettre les huîtres qu'il pêche. Di
qu'il eft au fond de la Mer, il ramafle promptement ce qu'il trouve fouj:
main , àc !e met dans fon fac. Qumd il trouve plus d'huîtres qu'il n;
peut emporter, il en fait un monceau, & revenant fur l'eau pour prenif
haleine, il retourne enfuite, ou envoyé un de fes Compagnons le ramalfel
Pour revenir à l'air il n'a qu'à tirer fortement une petite corde difFéreicj
de celle qui lui tient le corps; un Matelot, qui eft dans le bateau, &fj
tient l'autre bout de la même corde, pour en obferver le mouvement, m
ne aulfi-tôt le fignal aux autres, & dans ce moment on tire en haut lePte
geur, qui pour revenir plus promptement détache, s'il peut , la pierre fi
avo;l|
( o) Suivant d'autris , on paye ce droit des
pierres, dont les Pêcheurs fe fervent; & c'eft
ce que les Hollandois appellent Steengelden.
En échangera Compagnie eft engagée à main-
tenir les Pôcheurs , en cas d'attaque, if'
faire reparer leurs bâtimens , s'il leur af"- 1
quelque accident. Toy. de Gautier 5fi»«'*j
une fomni:
Diteaux. On
:s le mois de
lie devoit fe
lis comme il
favorable , &
ible après lei
le , & vers le
ze bateaux au [
divcrfes Ra.]
es , qu'ils ap-
)n met aufli i|
millier mont! '
ce lieu-là m
er n'alloit vfi\
iroit oblige c.
l'épreuve n.u
;s parts fur :
& de bâteau!
res llollando:,
la pêche, i;
1 matin par :
: & s'avancd
fes , qui moui
lites du lieu c
•nt à la hautes
îgeurs qui voiî
:e. Ils font ai
âtlment, &q
)yen d'une po
i on en a. Cei
mcer plus vis
l'il pèche. Dv
1 trouve foui:
lîtres qu'il n:
1 pour pren:
ons le ramallr
orde diffère"
bâteau, &.-
uvement, ti-
en haut le F! ■
, la pierre "-:
cas d'attaque,
cns, s'il leur atii^
ie Gautier Sci*^\
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 135
■flf avoit au pied. "Les bateaux ne font pas fi éloignés les uns des autres, que Dr«cRTrTioii
M Jcs Plongeurs ne fe battent affez fouvcnt fous !cs .«aux, pour s'enlever les ^g'-tlif^^^^N.
monceaux d'huîtres qu'ils ont ramulltis. On a des exemples qu'ils Je font
quelquefois poignardés. Ces Mers font remplies de ré [uicns 11 forts & (i
terribles qu'ils emportent quehjuefois les Plon^^eurs. Comme les Habitans
de cette Cote s'accoutument dès l'enfance à plonger & à retenir leur halci-
oiu
ne, ils s'y rendent habiles, & c'efl: fuivant leur habileté qu'ils font payés (p).
lÂvec tout cela le métier eft l\ fatigant qu'ils ne peuvent plonger que fcpt
fignal, ils feroicnt bien -tôt étouffés, fi ceux qui font dans le bateau n'a-
foienc foin de les retirer, lorfqu'ils demeurent trop long-tems fous l'eau.
;e travail dure jufqu'à midi, & alors tous les bateaux regagnent le rivage.
Quand on v\\ arrivé, le maître du bâteau fait traniporter, dans une
%pècc de parc, les huîtres qui lui appartiennent, & les y laiffe deux ou trois
trs, afin qu'elles s'ouvrent, & qu'on en puiffe tirer les Perles. Les Per-
étant tirées & bien lavées, on a cinq ou fix petits badins de cuivre, per-
comme des cribles, qui s'enchaflent les uns dans les autres, enforte
éu'il refile quelque efpace entre ceux de deffus & ceux de deflbus. Les
pous de chaque ballm font différent pour la grandeur; le fécond balTln les a
élus petits que le premier, le troifiéme plus que le fécond , &a.\nl\ des autres.
In jette dans le premier bailin les Perles groffes & menues, après qu'on les
t bien lavées. S'il y en a quelqu'une qui ne paffe point , elle elt cenfée du
jpremier ordre; celles qui refilent dans le fécond balïin font du fécond ordre,
"j& de même jufqu'au dernier balîm, lequel n'étant point percé reçoit les fe-
lences de Perles. Ces différens ordres font la différence des Perles , &
îur donnent ordinairement le prix, à moins que la rondeur, plus ou moins
)arfaite, ou l'eau plus ou moins belle, n'en augmente ou diminiaë la valeur.
Les Hollandois fe refervent toujours le droit d'acheter les plus grofles; ii
^lui, à qui elles appartiennent, ne veut pas les donner pour le prix qu'ils
|p offrent , on ne lui fait aucune violence, & il lui efi; permis de les vendre
fqui il lui plaît. Toutes les Perles qu'on pêche le premier jour appartien-
ent au Roi de Maduré, ou au Prince de Marava, fuivant la Rade où fe
Vfiait la pêche. Les Hollandois n'ont point la pêche du fécond jour, comme
-on l'a quelquefois publié; ils ont aflez d'autres moyens de s'enrichir par
le Commerce des Perles. Le plus court & le plus leur efi: d'avoir de l'ar-
j:gent comptant; car pourvu qu'on paye fur le champ, on a tout ici à fort
Égrand marche. Il fe commet une quantité de vols & de fupercheries dans
«cette pêche. Pendant qu'elle dure, il règne pour l'ordinaire de grandes
piialadies fiir la Côte, foit à caufe delà multitude innombrable dépeuple
[qu s'y rend de toutes parts, & qui n'habite pas fort àl'aife; foit à caufe
[que plufieurs fe nourriflent delà chair des huîtres, qui ell indigefie & mal.
."''■;. ,■■- i •'., ■ fair
( p ) Le P. Martin , Auteur de cette Rcla- che ,. ou d'une efpèce de cloche de verre ,
, tion , traite de contes ce que l'on dit de l'iiui- dans laquelle ils fc renferment poui plou-
le que les Plongeurs mettent dans kar bou- ger.
i3<5
DESCRIPTION DE LA
■^i î'
Description
dela côte
de coroman-
D%1,
Autreii
lieux de cette
Côte.
faifante ; foit enfin à caufe de l'infeftion de l'air : car la chair des huîtres
étant expofée à l'ardeur du Soleil, fe corrompt en peu de jours, & exhale
une puanteur , qui peut feule occafionner des maladies contagieufes.
Depuis bien des années , la vente des Perles fe fait autrement , aux en-
droits de cette Côte. On remplit d'abord des tonneaux d'égale grandeur ,
d'huîtres que produit la pêche de chaque jour ; enfuite on les ferme, & à
mefure qu'il s'en trouve un certain nombre , on en fait la vente l'un après
l'autre , au plus offrant , dans le Camp même , en préfence de.« Commiflaires
de la Compagnie Hollandoife & du Souverain du Pays. Les Marchands,
qui ont acheté de ces tonneaux , les font tranfporter chacun chez eux ; les
Huîtres ayant été enfermées quelques jours s'ouvrent en partie d'elles-mê-
mes , ou facilement avec des couteaux. Pour chercher les Perles , on pré-
pare des cuvettes remplies à moitié d'eau , & après avoir ouvert un ton-
neau, ce qui fe fait en plein air, à caufe de la puanteur, qui eft horrible,
l'eau épaifle, que les huîtres ont rendue, eft vuidée par portions, & avec
prudence , dans les différentes cuvettes qu'on a mis à fes côtés , & à cha-
cune desquelles il y a deux ou trois perfonnes, qui ouvrent les huîtres, &
les nettoyent,en cherchant au-delTus d'un crible fait exprès, pour découvrir
s'il y a des Perles. On eft quelquefois long-tems fans en trouver. Enfin , on
vifite toutes les pièces, &Yon pafTe toute l'eau, & ce qui refte au fond,
par des cribles d'une cuvette à l'autre. Le prix d'un tonneau eft ordinaire-
ment de dix risdales , argent de Hollande , plus ou moins , fuivant l'opinion
qu'on fe forme de la pêche. Il arrive foiivent qu'un tonneau ne donne pas
la moitié , ni le quart en Perles , de la valeur de ce qu'il a coûté. Quelque-
fois il en donne dix fois plus. On peut comparer le bonheur à cet égard,
à celui des Lotteries (q).
L A Côte de la Pêcherie , qui forme une efpèce de Baye entre la Pointe
de Ramanancor & le Cap de Comorin , a environ quarante lieues , plus ou
moins , en droite ligne ( r ). Toute cetce Côte eft inabordable aux VaifTeaux
de l'Europe, parceque les brifans y font furieux, & que Tutucurin eft le
feul endroit oii ils puiflent paflfer l'Hyver ; cette Rade étant couverte,
comme on l'a dit, par deux Ifles , qiii en font la fureté. On y voyoit autre-
fois un grand nombre de grolTes & riches Bourgades ; mais depuis la dé-
cadence des Portugais, tout ce qui s'y trouvoit de confidérable a été aban-
donné & détruit. A l'exception de Tutucurin , qui contient plus de cin-
quante mille liabitans. Chrétiens & Gentils, il ne refte aujourd'hui que
de miférables Villages, dont les principaux font Pitnkael (j), Alandakj^
Manapar ( r ) , Tala , & quelques autres. La liberté , que les Paravas , qui
■ i ■ . • : ■ ' - '■ fon:
( q) Ce dernier article eVi tiré du Dift. de
Commerce.
( r ) Il y a des Cartes qui retendent juf-
qu"à quarante-huit rour le moins.
Çs) Ou comme les Indiens l'appellent,
Pounnei-cayct; Lieu fitué à huit dcgnis trente-
huit minutes de Latitude. On fe rend
d'ici aifément par eau à Tutucurin , (Ims être
obligé de rano^er la Côte. Comme Punicael
c(l fur le bord d'une petite Rivière, qui a
deux embouchures , on remonte la première
avec le flux , jufqu'au confluent des aeux brai
de la Rivière , & au reflux on defcend jufqu'i
la féconde embouchure , où fe trouve Tutu-
curin. P'ntre cette 'Ville & Punicael , eft un
autre Bourg, que les Millionnaires DMoiî
nomment Killey , ou Kilevrin , fuivant b
Carte de M. de la Croze, & Callipatmm Jéoa
Schoutcn. Les Hollandois yontauHiuncLogc.
( t ) Après Tutucurin , Manapar eft l'i^"-
droit
:re la Pointe
les, plus ou
IX Vajfleaux
icurin eft le
it couverte,
^oyoit autre-
epuis la dé-
; a été aban-
plus de cin-
(urd'hui que
, Jlandalej,
Paravas , qui
font
te la première
t des deux brai
iefcend jufqu'i
; trouve Tutu-
micael , eft un
inaires DarrXi
in , fuivant li
lipatnam , (àow
auinuncLOf;e,
lapar eft 1'^'"'
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 137
font les Habitans de la Côte, avoient fous les Portugais, de trafiquer avec
leurs voifins , les rendoit riches & puiflans ; mais depuis que cette protec-
tion leur a manqué , ils fe font vus bien-tôt opprimés & réduits à une
extrême pauvreté. Leur plus grand Commerce aujourd'hui, vient de la
pêche du poiflbn , qu'ils tranfportent dans les terres , & qu'ils échangent
avec le riz & les autres provifions néceflaires à la vie, dont cette Côte
eft prefque entièrement dépourvue , n'étant couverte que de ronces & de fa-
bles brûlans; c'eft tout ce que l'on trouve, dans l'efpace de douze lieues,
depuis Tala jufqu'au Cap de Comorin , avec fept ou huit Bourgades , qui
ont chacune une Eglife dépendante de celle de Tala. Plus avant dans les
terres, ce ne font que grands Bois infeftés de tigres, qui caufeht beaucoup
de dommage dans les environs. La crainte que ces cruels animaux infpi-
rent , fait que les Habitans font extrêmement fur leurs gardes ; ils allument
de grands feux dans les Villages , & perfonne ne fort de fa maifon , durant
la nuit , s'il n'eft efcorté par quelques hommes : les uns portent des torches
allumées, & les autres battent le tambour, dont le bruit épouvante les tigres
& les met en fuite. .
Le Cap de ComcAn eft fitué à environ huit degrés & quelques minutes de
Latitude ( u). C'eft à ce Cap que fe terminent les hautes montagnes de Gatte ,
qui le rendent fameux , pour les merveilles qu'on en raconte. „ On aflU-
re, dit le Père Tachard, que dans cette langue de terre, qui n'a pas plus
de trois lieues d'étendue, on trouve en méme-tems les deux faifons de
l'année les plus oppofces , l'Hyver & l'Ecé , & que quelquefois , dans un
même Jardin de cinq cens pas en quarré , on peut avoir le plaifir de voir
ces deux faifons réunies, les arbres étant chargés de fleurs & de fruits
d'un côté, pendant que de l'autre ils font dépouillés de toutes leurs feuil-
les". Quoiqu'il en foit , il eft certain , que des deux côtés du Cap , les
vents font toujours oppof^'s , & que quand ils viennent de l'Oueft à la Côte
Occidentale, ils foufflenr rl*> l'Eft à la Côte Orientale i de -forte que cette
diverfité des vents , fur-tout lorfquelle eft durable, contribuant infiniment
à celle des faifons, il n'eft pas incroyable, que vers la pointe du Cap, il
puiflt y avoir, dans un aflez petit efpace de terrain , des endroits tellement
expofés à l'un des vents , & tellement à couvert de l'autre , que le froid
ouïe chaud, &les impreflions qui les fuivent, fe faflent auffî-bien fentir
dans des lieux peu éloignés, que dans d'autres qui le feroient beaucoup
davantage.
Sur la pointe méridionale du Cap de Comorin fe voit une Eglife, bâtie en
. l'hon-
j»
a
i>
a
5»
droit le plus confidérable de cette Côte.
Suivant l'obfervation qu'on y a faite, la
hauteur du Pôle eft de huit degrés vingt-
fept minutes. Pour la Longitude , le P. Bou-
chet trouve, qu'elle eft aflez régulièrement
marquée à quatre-vingt dix-huit degrés qua-
rante-cinq minutes.
(v ) On a deux obfervations ; l'une du P.
Thomas , faite fur un tertre , qui s'élève fur
le Cap même, & qui porte un Temple Li-
Xlf^. Fart,
dien, & l'autre par le P. Bouchct, fur la
baffe terre, & au pied de la montagne. La
première indique huit degrés cinq munîtes,
la féconde fept degrés cinquante-huit minu-
tes. Wr. d'Ânville croit, qu'en pronaut un
lieu moyen dans l'intervalle des doux indica-
tions, on peut conclure huit degrés & quelque
chofe de plus>. Les Cartes diffèrent extrôlûe-
ment fur cette poliiion importante.
Deschiption
de la côte
de corom ab-
DEL.
Cap de
Comorin.
Ce qu'on
voie.
-U
I3S
DESCRIPTION DE LA
DKscmPTioii
D£ LA CÔTE
D£ COROMAN-
PJtl»
Royaume
de Travan-
cor.
Ville de
Cotate.
Eslifes des
Jéfuites.
Révolutions
ic cet £tac
l'honneur de la S. Vierge, & au-deflbus de cecce pointe, un rocher, qui
s'avance dans la Mer, & forme une efpèce d'Ifle. Ce Heu feryit autrefoij
d'azile , pendant plufieurs mois , aux Chrétiens de la Côte , ^ui fuyoient la fureur
des Maures. On a planté, fur le rocher , une grande croix, qui fe découvre
de fort loin. Un peu plus avant dans les terres que TEglife, quoique fur
la même pointe, on remarque un grand Pagode fitué Nord & Sud, à une
lieue & demie des montagnes qui féparent le Royaume de Maduré de celui
de Travancor^ lequel s'étend au-delà du Cap de Comorin, le long de la Côte
Occident^e. Comme ce Royaume n'appartient pas proprement au Mala-
bar , & qu'il n'en a point été fait mention dans la Defcription de cette
Côte, nous recueillirons encore, avec foin, les édairciffemens que nous
fourniflent Mrs. les Jéfuites, fur une Contrée peu connue des Voya«
geurs.
Ce Pays eft extrêmement peuple , & l'on ne fait prefque pas deux lieues
terre à terre, fans trouver des Villes & de grandes Habitations; mais le
Père Tachard , qui a eu le tems d'examiner la véritable fituation de cej
Places, témoigne que toutes nos Cartes de Géographie & de Marine les
défigurent d'une étrange manière. Elles marquent,, dit-il , des liles fur la
Côte de Travancor , qu'il a inutilement cherchées. Ce Royaume eft ter.
miné, du côté du Sud, par une affez grande Ville, nommée Cotate, iituéeaii
pied des montagnes du Cap de Com^orin , qui n'en eft éloigné que d'envi-
ron quatre lieues. On nous la repréfente comme fort peuplée ; mais fans
foifés ni murailles. L'Eglife des Catholiques Romains, qu'on y a conftruice,
eft dédiée à S. François Xavier , & l'opinion que les Jéfuites font prendre
des miracles qui s'y opèrent, la rend fameufe dans tout le Pays» Le Topù
eft comme le Collège de Travancor , où le Provincial fait ordinairement
fa demeure , à une lieue de Periepatan, C'eft une des plus petites Bourga-
des de la Côte. Les Jéfuites y ont un grand nombre d'EgUfes , dont Jej
principales font, du Sud au Nord, Cuvalan, C/ihfi/tatjm, Cetlteby (a;), Pouéu-
îorejt Reytùuraf & MampouU (}'), fans compter {dufieurs autres qui en dé'
pendent , & qui font comme des fuccurfales. En général la plupart des Ha-
bitans des Côtes de la Pêcherie & de Travancor font Chrétiens ; mais c'eft
beaucoup que de leur donner ce nom , malgré les éloges magnifiques que
la ferveur de ces Peuples ignorans & fuperftitieux, a mérité de leurs Pè-
res fpirituels.
Tout l'Etat de Travancor eft ouvert aux courfes des Badages, qui vien-
nent prefque annuellement , du Maduré , faire le dégât dans les terrei
du Roi, qui en eft tributaire; mais comme il ne paye ce tribut que
malgré lui , les Badages font obligés d'entrer quelquefois , à main armée , pour
l'exiger, quoiqu'il lui feroit facile de fe mettre à couvert de leurs incur*
fions, fi l'on fermoit, par une bonne muraille, le défilé des montagnes
qu'ils font obligés de pafler , & qu'on y poftât un petit Corps de Troupes.
Sans cela, le Roi de Travancor ne lauroit tenir tête à tant d'ennemis >
qu'il
(x) Ou Colefbei', la Compagnie des Indes
de France s' eft établie dans ce lieu depuis
quelques années.
(y) A cln(| ou fis fieues de Cottlan, ou
Coylan.
9, par
,> avo
„ que
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dinairement
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s , dont lej
x), Poudou"
s qui en dé*
m des Ha-
mais c'efl
nifîques que
e leurs Fè-
, qui vieil'
s les terret
tribut que
,rmée , pour
eurs ineur-
montagnes
Troupes.
d'ennemist
qu'il
^
»i
>»
PRESQiriSLE EN DEÇA DU GANGE, tiv. III. 130
qu'il n'a jamais vaincus qu'une feule fois par leur imprudence,
re Martin en rapporte les circonftances , qui font aflez finguliéres.
„ Les Badages , dit-il , avoient pénétré ju%i'à Corculain , ou Carcolan , qui eft
„ la Capitale & la principale Forterefle de Travancor, & le Roi lui-même,
„ par un trait de politique, qui n'a peut-être jamais eu d'exemple, leur en
avoit livré la Citadelle. Ç? Prince fe fentant plus d'efprit & de courage
que n'en ont d'ordinaire les Indiens, étoit audefefpoir de voir fon Royau-
me entre les mains de huit Miniflres, qui de tems immémorial laiiTant au
Prince le titre de Souverain, en ufurpoient toute l'autorité, & parta-
,, geoient entr*eux tous fes revenus. Pour fe défaire de ces Sujets impé-
,) rieux, devenus fes maîtres, il fît un traité fecret avec les Badages, par
„ lequel il devoit leur livrer quelques-unes de fes terres , & leur remettre
„ fa Forterefle, pourvu qu'ils. le délivraflent de ces Minifl:res, qui le te-
„ noient en tutelle. Il y aaroit eu en lui de la folie, de recevoir ainll l'en-
)» nemi dans le cœur de fes Etats , & de vouloir , en rompant huit petites
M chaînes, s'en mettre une au col infiniment plus pefante, s'il n'eût pris
„ en même-tems de» mefures juftes, pour chafier les Badages de fon Ro-
§, yaume, après qu'ils l'auroient aidé à devenir véritablement Roi. Les
„ Badages entrèrent à l'ordinaire fur les terres, fans trouver prefque au-
„ cune réfifhnce, & pénétrèrent jufqu'à la Ville Capitale. Là le Prin-
„ ce, avec des Troupes qu'il avoit gagnées , fe joint à eux& les met
„ en pcfFeAion de la Place. On fait mourir un ou deux des huit
„ Minifh-es qni le chagrinoient ; les autres prennent la fuite , ou fau-
„ vent leur vie à force d'areent. Le Prince feit aufTi femblant d'avoir
„ peur; mais au-lieu de fe cacher, il ramalTe les Troupes, qui s'étoient dif-
„ perfées, & vient fondre tout d'un coup fur la Forterefle de Corciilam.
„ Les Badages, qui ne s'attendoient point à être attaqués, font forcé j;
„ on en tuë un grand nombre dans la Ville , & le refte gagne en defordre
„ le chemin par où n» et«îx.n« vf-nuï. Le Prince fes pouribit, le Peuple
,, s'unit à lui, & l'on fait main bafle de tous côtés fur les Barbares, avant
„ qu'ils euffent le tems de fe réconnoître, en-forte qu'il n'y en eut qu'un
„ très-petit nombre qui purent retourner chez eux. Après cette viftoire
„ le Roi de Travancor r'entra triomphant dans fa Capitale, & prit en mairî
le Gouvernement du Royaume. Il commençoit à fe rendre redoutable
à fes voifins, lorfque ceux de fes anciens Miniflres, auxquels il avoit
épargné le dernier fupplice , & laiffé du bien, pour vivre honnêtement,
conjurèrent contre lui , & le firent aflaflîner un jour qu'il fortoit de fon
Palais. Ce vaillantPrincevendit chèrement fa vie. Il tua deux de fes aflaf-
„ fins ;& en blelTa un troifième grièvement; mais à la fin il fuccomba percé
„ de mille coups, & mourut fort regretté de tous fes Sujets ,& particuliè-
„ reraent des Chrétiens , qu'il aimoit & qu'il favorifoit eL tout. Cette
„ tragédie arriva environ l'an 1697.
,, Les Miniflres, qui avoient été les auteurs ée la conlpiration , fe
„ faifirent de nouveau du Gouvernement, &pour conferver quelque idée
„ de la Royauté , mirent fur le Trône une fœur du Roi, dont ils fi-
,, rent un phantôme de Reine, fans crédit & fans puiflance". Le Père
Bouchet ecrivoit, en 1719, que l'Etat de Travancor étoit, il n'y avoit pas
S 2 long-
Le Pé- Dbscriwioi»
DB T. A CdTE
SS COROMA*-
DEL.
»»
î»
v;
Description
de la côte
DE COROMAN-
DEL.
Suite de la
Côte au Nord
de Pondiche-
ry-
Congi-medu.
Aalem-parvé.
Sadras-
patMin.
Mâbali-pu-
rain.
Cabelon.
140
DESCRIPTION DE LA
longtems , fous la domination d'une Reine , qui fe gouvernoit entièremeiK
au gré de fes Miniftres.
Reprenons la fuite de la Côte de Coromandel, au Nord de Pondi-
chery. Le premier endroit de remarque efl Congi-medu^ vulgairement Con.
gimer (2), à quatre lieues marines de cette Ville. C'eft un grand Bourg,
dont les maifons font fort écartées. Les Anglois & les Hollandois y ont
eu autrefois des Loges, qu'ils ont abandonnées. Aalem-parvé ^ ou Alanl'
para,iJ,è , communément Lamparave , nouvelle ForterefTe occupée par les
Maures, vient enfuitc (^), & à la même diflance à l'égard de Congi-me-
du. Les Hollandois , à la requifition du Divan , y ont établi une Loge.
Cinq lieues au-delà efl un Temple nommé, Connymere, par les Anglois, qui y ont
un Comptoir (Z>); & fix miles plus loin, Sadiranga-patnam y qui fignifie ^/7.
k quarrêc , communément Sadras & Sadras-patnam , que M. d'Anville trou-
ve, dans fes Mémoires, n'être qu'à quinze lieues marines de Pondichery,
quoique d'autres en marquent feize à dix-fept. Cette Ville, qui efl: petite,
ouverte & fans défenfe , appartient aux Hollandois , qui y ont une Loge
confidérable (c). Elle efl fituée au Nord de la dernière branche du Pal-
arru, ou Paler, qui fe jette dans la Mer par quatre embouchures. On
teint à Sadras quantité de toiles bleues.
L A dillance de Sadras à St. Thomé efl: de douze à treize lieues marines.
Dans cet efpace on trouve deux Places remarquables. La première 'efl Ma-
hali-puram , ou Maveli-puram & Maveli-varam , à trois lieues de Sadras , où
l'on voit plufieurs figures grotefques & curieufes , taillées dans le roc , des
Pagodes de moyenne grandeur , & même un Chaudrier avec dix-huit piliers
tout d'une feule pièce ; mais ce qui s'attire la principale admiration des
Speftateurs , c'eft une énorme mafle de rocher , de forme prefque ovale ,
?[ui porte diagonalement fur un autre rocher , & fe foûtient fur une baze
ort étroite , dans une fituation qui paroit des plus chancellantes ; & ce-
pendant douze cIcphaiM n'ont pu la renverfer . nu rapport des Bramines.
Mâbali-puram eft nommé comniuacment les Sept Pagodes ^ parcequ'on yen
compte autant; & ce lieu n'eft prefque habité que par des Bramines. Le
fécond endroit de remarque eft Cabelon y Côbaîam, Cobalao, ou Covelam (d),
petite Ville avec un Château appartenant au Grand Mogol , mais dont les
Anglois détruifirent les Fortifications en 1752 (tf). Onpaffe un grand Fleu-
ve avant que d'arriver à la Ville. „ ^ . . ,
Saint-
(2) Les Anglois dîfent CoÏÏamorye ; îes
Miflîonnaires Danois Conimeri, Kumm5du&
Kunimori.
( a ) Au-delà d'un grand Fleuve , qui pa-
roit , dans nos Cartes , fous le nom de Marka-
na, ou plutôt Mareykdnam; mais les Mif-
fionnaircs Danois donnent ce nom à un Vil-
lage voifin , & celui de Cafbiei au Fleuve.
( 6 ) Du moins fuivant la Carte & le Mé-
moire de M. Green , qui efl: le feul qui nous
apprenne cette circonftanee.
(c) M. Cxeen ajoute un Fort; mais il fe
liompe^
(d) Convelland dans le Journal de M. de!i
Haye , qui y ajoute quelques circonftancei.
Voyez le Tom. XL pag. 284.
(e) Ci-deffus, pag. ïi6. La Carte & le
Mémoire de M. Green en font, par erreur,
une Loge HoUandoiffc. La Compagnie d'O'
ftende, qui s'étoit établie dans ce lieu, le
nommoit Sadras-patnam, au rapport des Mil-
lionnaires Danois, De-là vient que quelques
Hidoriens, entr'autres l'Abbé Guyon, l'on'
confondu avec la Place du même nom, où
il y a un Comptoir Hollandois.
întièremeis
l de Pondi-
rement Cori'
and Bourg,
idois y ont
, ou Jlani-
pée par les
Congi-me-
une Loge.
)is,quiyont
, fignifie Fil-
nville trou-
'ondichery,
i efl petite,
t une Loge
Ae du Fal-
Jiures. On
les marines,
ière 'efl Ma-
Sadras, où
le roc, des
:-huit piliers
niration des
fque ovale,
ir une baze
ites; & ce-
s Bramines.
equ'on y en
mines. Le
ovelam (d),
ais dont les
grand Fleu-
Saint-
lalde M.dcli
circonftancei.
.a Carte & le
t, par erreur,
)mpagnie d'O'
s ce lieu, le
pport des Mif-
t que quelques
Guyon, l'on;
}me nom, o'^
"Ia
■\r\
Cl
■^^
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■r*r!ttfî:
r'.r-.
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x
j,i0frijW-»TWr5''
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Mont.
PRESQU'ISLE EN DEÇA t)U GANGE, Liv. III. 14.1
Saint-Thomé, fix lieues au-delà, tient la place d'une Ville Indien- Drschiptioii
ne, qui étoit autrefois très-puiflante, Ibus le nom de Maila-bouram ^ Me- "Vq^^an-
liâpury ou Mailapur ; c'eft-à-dire faille des Paons , parceque les anciens Prin- °" bel.
ces de cette Contrée portoient un Paon dans leurs armes (/). Les Por- s. Thomé,
tugais, qui s'en emparèrent en 1547, l'appellérent S. Thomé, fur la
tradition, qui veut que l'Apôtre S. Thomas y ait prêché la foi & fouffert
le martyre, bien que les légendes des Orientaux donnent le nom de Cala-
mina, dont on ne retrouve plus de vertiges, à la Ville de l'Inde, où il ter-
mina par fa mort Tes travaux Apolloliques. Quoiqu'il en foit, les Portugais
bâtirent une Egiife près de Meliapur , & inventèrent une infinité de mira-
cles , que Gouvea , Tachard & d'autres Jéfuites , n'ont pas eu honte de confir-
mer dans leurs Relations. On a vu ailleurs les diverfes révolutions que
cette Ville a efluyées, jufqu'à l'année 1674, où elle fut prife fur les Fran-
çois (g). Le Roi de Golkonde la fit démolir peu de tems après. Les
Portugais n'ont pas laifle de s'y conferver , dans un quartier plus éloigné , où
ils s'étoient retirés. C'efl: dans ces environs où l'on voit le graiJ Mont &
le petit Mont ; deux endroits affez fameux , pour mériter une defcription
particulière , mais dégagée de prodiges.
Le petit Mont eft un rocher fort efcarpé de trois côtés; ce n'eft que
vers le Sud-Oucft qu'il a une pente aifée. On y voit deux Eglifes , l'une
qui regarde le Nord vers Madras , 6l qui cft fituée au milieu de la monta-
^gne; on y monte par un degré dt pierre fort fpacieux, où fe trouvent
deux ou trois détours qui aboutiflent à une efplanade de terre, qu'on a fai-
te fur le rocher. De cette efplanade on entre dans l'Eglife de Nôtre -Da-
me. Sous l'Autel, qui efl: élevé de fept à huit marches, efl une caverne,
d'environ quatorze pieds de largeur, & quinze à feize de profondeur; ainfi
ril n'y a que l'extrémité occidentale de la caverne qui foit fous l'Autel.
:ette grotte, ou naturelle, ou taillée dans le roc, n'a pas plus de fept
pieds dans fa plus grande hauteur, on «'y alifli» avec aflez de peine, par une
crevalle du rocher, haute de cinq pieds & large d'un peu plus d'un pied
«Se demi. Les Miflionnaires Jéfuites ont drefle un Autel vers l'extrémité
orientale de la grotte. Une efpèce de fenêtre , d'environ deux pieds &
demi, qui efl: au Sud, donne un jour fort obfcur à toute la grotte. De
î'Eglife de Nôtre-Dame, on monte fur le haut de la montagne, où les Jé-
fuites ont élevé un petit Bâtiment. Il efl fondé fur le rocher , qu'on a eu
bien de la peine à applanir, pour rendre ce petit Hermitage tant foit peu
commode. Vers le Sud du logis, ^ui eft bâti en équerre, eft l'Eglife de
la Rejuneëtion. On y voit une Croix, d'un pied de hauteur, dans un pe-
tit enfoncement pratiqué dans le roc, fur lequel eft pofé l'Autel de l'Egli-
fe. Cette petite Croix , qui eft en relief, & gravée dans le trou du rocher,
à la grandeur près , reflemble parfaitement à la Croix du grand Mont ,
dont il fera parlé ci-deflbus. On monte à l'Eglife de la Rellirreélion par
un grand efcalier de pierre, d'une pente fort roide, qui prend depuis le
pied
(/) On voit auiîî quantité de ces oifeaux
dans les forets voifînes.
■,«■
■»*.
{g) Journal de la Haye, au Tom. XI-
Mrs. d'Anville ât Creen ne parlent pas de
ce dernier Siège. ^. .î
S 3
â
I4«
DESCRIPTION DE LA
OIU
Le grand
Mont.
DnoKi»Tioii pied occidental de la montagne jufqu'à une efplanade quarr^ qu'on a pf}.
DB LA CÔTE tiquée devant la porte de ï'Eglife. A côté de l'Autel, vers le Sud, on
©«CoROMAN- ^J.g^yg une ouverture de rocher , qui a quatre ou cinq pieds de longueur,
un pied & demi de largeur , & cinq à fix pieds de profondeur. Au pjej
du petit Mont pafTe un Ruifleau, oui ne parut qu'au commencement duSiè-
cle dernier: il fe forma par le débordement des eaux d\in étang éloigne
dans les terres, qu'une forte pluye fit crever; ce qui produifit ce petit a-
nal, qui dans des tems de féchereiTe n'eil rempli que d'une eau faumache,
parcequ'à deux lieues du petit Mont il communique avec la Mer. Ce fu;
vers l'an 1551, que le petit Mont, qui n'étoit auparavant qu'une éminen
ce efcarpée de rochers , commença à être défriche & applani pour la coir.
modité des Pèlerins , ainfî qu'il eft marqué fur une grofle pierre qu'on a mé-
nagée dans le roc» au haut de l'efcalier, vers le Nord de la montagne
L'Egiife de Nôtre-Dame y fut bâtie , & on la donna aux Jéfuites Portu
gais. Ceux'Ci bâtirent enfuite le petit Hermitage, qui eil au haut du lo^
cher, & Ï'Eglife de la Refurreélion. >.
Le grand Mont n'eft éloigné du petit que d'une demie lieue. A v«
d'oeil il paroît trois ou quatre fois plus élevé & plus étendu que l'autre, h
171 li il n'y avoit pas plus de cinquante ans qu'il étoit auili défère quel:
petit Mont, où il n'y a que deux maifons au bas de ta montagne. Mai»
préfcnc les avenues du grand MonL font toutes pleines de maifons foit
agréables, qui appartiennent aux Malabares, aux Portugais, aux Arat'
mens » ôl fur-tout aux An^ois. Quand les Vaifleaux d'Europe font pani
de Madras , prefque la moitié du beau mcNide de cette grande ViUe , n
palier des mois entiers dans ce lieu champêtre. L'Egli^ de Nôtre-Dain
eft bâtie au fommet de la montagne. C'ed le monument le plus célébn
des Indes, i!^ Croix taillée dans le roc, eft au-defTus du ^rand Autel k
l'ancienne Eglife, qui a été depuis fort embellie par les Arméniens, & quoi
appelle maintenant Nàirg-Damm du M«nt. AuiS'tOc que les Vaifleaux Pu'
tugais ou Arméniens Tapperçoivent en Mer, & quils fe voyent par fd
travers , ~ ils ne manquent pas de faire une falve de leur artilLerie. Ceot
Croix a environ deux pieds en quarré; les ouatre branches en font ég»
les (Ji)'' elle peut avoir un pouce de relief, ot elle n'a pas plus de quao
pouces d'étendue. Kircher dit qu'elle a des paons aux quatre extrêmitâi
mais Tachard, qui l'examina de près, fut convaincu que c^étoit effeâii» : |
ment des pigeons (i). On prétend que cette Croix eft Touvrage de Se \
Thomas. Elle eft d'un roc grolîîer & mal poli, d'un gris noirâtre, abi»!
lument femblable au rocher auquel elle tient de tous côtés. La Croix i |
entourée de quelques lettres anciennes, dont Gouvea & le P. Kindieratl
donné une explication , que les Miffionnah'es Danois déclarent être fauft f
dans toutes les circonfbnces j mais ce n'eft pas ici le lieu à die pareille> \
difculTions.
A une lieue de S. Thomé, & un peu au-delà du grand Mont, eft le e^
,_ , , _ . jébre
(i) La Figure que les MilConnaire Da- (t) Qn a'ço. wit ()a'UD> (hur Ib 'Sist
mois en donnent, fait une branche béas oup Figure,
plus longue.
Madras.
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qu'on a pn.
I le Sud, 01
de longueur,
ir. Au pied
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Mer. Ce fut
l'une éminen-
pour la coin.
e qu'on a mé- "
la montagne
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A haut duiO'
lieue. A vôt
le l'autre. Et
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niens , & qu'on
(Taiftcaux Pû^
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uvrage deSt
oirâtre, abf»
La Croix é
Kircher on ,
:nt être hé ■
à die paxêa
iébre
i. «hnr U> initf
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 143
fébre Ecabiiflement Anglois de Madras-patnim ^ ou Mairas (^), autrement
ie Fort Su GeorgtSy dont on fe difpenfe de faire la defcriptiou, après avoir
donné déjà un Plan exa6):, & une longue Relation du Siège de cette Ville.
Sa iituation e(l à treize degrés & environ quatorze minutes de Latitude.
On ne s'arrêtera pas davantage à Palliacate ( /) , où eft ie Fort de Gutldre ,
[qui appartient aux Hollandois , parce qu'il en a été aflez parlé ailleurs (m).
Mais quelques remarque^ fur l'intérieur des Terres , figurées dans nôtre Car*
te entre S. Thomé & Palliacate , ne doivent pas être négligées.
La Rivière qui fe jette dans la Mer, au Sud de la première de ces Villes,
fort d'un Lac fameux , nommé Shemedu-vakkam , ou Sembaram-pakkan , qu'on dit
ivoir été creufé par ordre du Roi Cborerty ou de fa fceur, & qui eu à qua-
nre ou cinq lieues de la Côte. De Madras à Palliacate , dont la diftance
fil de huit lieues marines , un Canal fépare le continent du rivage , fur lequel
^n prétend que la Mer travaille & le dégrade. Ce Canal reçoit deux Ri-
fières , dont la première, nommée Corteher^ vient du Lac de Kâweri-pakkam ,
aom d'une Ville fituée à un mile de fon bout méridional, & à fix d'Arcat-
Wè, Le Cortelaer traverfe la langue de terre, environ par le milieu, & fe
jMte dans le Golfe de Bengale. La féconde Rivière ne paffe point le Canal;
iHdsl'on n'en marque ni le nom, ni la fource, qui efl fort éloignée de
ilatre.
Air Nord de Palliacate , un grand Lac de hait lieues de longueur, qu'on
)mme Frikans, de même que la petite Ifle qu'il renferme, décharge fes
iljftiux dans la Mer tout près de cette Ville. Ce Lac , obferve M. d' Anville ,
- yavoit point paru dan» les Cartes avant celles qu'il a publiées,* défaut que
".. Green attribue a l'indolence des Hollandois, qui, uniquement occupés
; leur Commerce, ne s'embarraiTent guères de cultiver les Sciences. Ce*
tndant Havart & Valentyn parlent des JJies Erikan , comme appartenant
la Compagnie ; mais la Carte du dernier les place , par erreur , dans le Gol-
j. Dès l'année 1726, les Mimonnaircs Danois avoient fait connoître le
,ac & l'Ifle, qu'ils nomment Enikam, & qui efl: remplie de ronces & de
rpens. Les Hollandois y ont un Village,- ils font cette promenade dan»
:s Chaloupes. Le Lac reçoit plulîeurs Rivières, dont on ne connoit pas
jt cours.
On ne faurok s'emj^êcher de dire un mot du Pagode de Tiru-petiCn)y
tué à-peu-près vis-à-vis de Palliacate, quoique la difliance foit d'environ
rente lieues Françoifes. C'efl: un Temple des plus fameux, en un mot la
Mette de cette partie dé l'Inde (0). L'emplacement de Tiru-peti connu,
le indication pofîtive, qui ne le met qu'à une lieue de Chandegri , a décou-
vert , en dernier lieu , à M. d' Anville , la véritable fituation de cette ancienne
îapit^e du Royaume de Bifnagar, ou Narjingue, ignorée jufques-là des
-r— Géo-
DlKscRirTioir
dblaC^^tb
Dl COROMAN*
UBL.
Palliacate.
■1
(Ik) Les IncUens la nommoient ancienne-
aent Cbinne-patmm.
(1) Selon les Millionnaires Danois, fon
}in Indien eft Parrey-Takkaru; mais lesHol-
llandols éctivent Pdleam-fVedam'Caddou;
7«! c'eft-i-dire FieUle FortereJJe.
**" (m) Voyez le Tome XUI. pag. 27. & le
I.flc de
Sheincdu* '
vakkain.
Canal entre
Mail 1:1?; Se.
PuUiacatc.
Lac de Kâ<
wcri-pakkam.
Lac & Ifle
Erikan.
Fameux
Pagode de
Tiru-peU.
Plan du Fort de Gueldre qui s'y trouve. On
a remarqué que c'étoit autrefois le Siège du.
Gouvernement des Hollandois fur cette Côtuv
(n) Les Millionnaires Danois écrivent Tint-
padi, qu'on nomme communément Tripeti.
(oj Voyez fur Tiru-peti le Tome XIIR
pag. 460.
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Mafulipat
nanu
Ï44 ^ D E S C R I P T I O N D E L A ' ^^
Descriptio» Géographes, &même de M. de Lifle, qui l'en éloigne d'environ vînçt-
-TLA CÔTE cinq lieues (p). Mais en reftifiant ce point important de Géographie,
CoROMAM. ^ d'Anville eft accufé d'être tombé dans d'autres erreurs, dont la princi-
pale vient de l'idée diftinfte qu'il s'eft formée de deux Royaumes, lun de
Bifnagar & l'autre de Narfingue, qu'on confond, dit-il, fans fondement j
tandis que M. Green foûtient le contraire, & tire de fes autorités plufieurj
conféquences,qui fervent àéclaircir l'Hiftoirecurjeufe, mais fort obfcuie,
des révolutions de ce fameux Empire (g).
C'est à Palliacate que finit nôtre Carte; mais Mafuîtpatnam ferme
la partie Septentrionale de la Côte de Coromandel, par la hauteur de
feize degrés & demi (r). Cette Ville eft à l'entrée d'un Canal forti
d'un bras du Krishna , & un autre bras du même Fleuve la couvre da 1
côté du Nord. Elle eft Capitale d'un Sercar , ou d'une Province, qui
comprend plulieurs ParaganéSy ou Diftrifts particuliers. CeSercar, coin-f
pofé de fept Paraganés, du nombre defquels eft celui de Narfapur,A
été accru du Sercar de Nifampatnam ^ & de trois Paraganés détachés duSerl
car de Kondé-pali. . Les principales Nations de l'Europe, avoient autrefoiij
des Comptoirs à Mafulipatnam ; mais on a vu , dans l'Article précédent, qœ;
les François ont pris polFeAGon de cette Ville, en 1750, en vertu deii|
conceflîon qui leur en a été faite par le Souba de Golkondc. Sa fituatioii'
eft fort avantageufe pour le Commcice. Les toiles peintes qu'on y m-
vaille, font les plus eftimées de toutes celles qui fe fabriquent aux Indei
Oh voit à Mafulipatnam , un pont de bois , le plus long , qui foit peuts
être au Monde ; jl eft inutile dans les grandes marées , ou la Mer couvie;
beaucoup de terrain (f). On y refpire un air mauvais. Ce qu'on appel'
le rifle deDiïJi, eft le terrain renfermé entre le bras de Sipeler, émané ds
Krishna, &la Côte tendante à Mafulipatnam {t).
Côte d'Orixa. Ceux qui teiminent la Côte de Coromandel k Mafulipatnam , notnv
mei
C p') D^ns la Carte des Côtes de Malabar
& de Coromandel , où il a tracé au hazard
la route de Taveimer , qui après avoir paflë
Kaman (^Cambara'), Emelipata (apparemment
HomaiapaUam ) , & Doupar (Dupara) , arrive à
un Pagode qu'il nomme Ttipanté, & lequel
ne peut guères être que celui de Mafierla,
en deçà de Tala-pili, dont Havart donne une
defcription affez convenable. A la vérité
Tavcrnicr met Mafierla feize lieues plus loin ;
mais il efl bien permis de fuppofer qu'il y a ,
en cet endroit, .quelque confufion dans fa
route. Les Géographes connoilîent fon
inexaftitude. Quoiqu'il en foit, fon Tripanté
n'a rien de commun avec ïiru-peti , dont il
eft ici qucftion , & M. d'Anville a eu raifon
de les regarder comme deux Pagodes difFé-
rens. Voyez à ce fujct nôtre ïom. XIII.
fag. 34. Havart. II. Part. pag. 145. , & les
Eciaircijfemens uC M. d'Anville avec fes
Cartes.
Cî) Sa principale remarque tombe fur un
anachronifme tiès-confidérable de cette £
toire, dont nous nous femmes apperçus,|s;
d'autres rapports , qu'on peut voir au Toe
XIII. pag. 424. La fçavante dilTertation a
M. Green y ajoute dé nouveaux arguinas
qui rendent l'erreur encore plus palpabi,
mais ces fortes de difcuffions n'étant pas i
goût de tous les Lefleurs, nous ne touches
ici qu'en paflant cet important article. Voya
les Eclairciiïemens de M. d'Anville, pag.i^
à 128, SiVExplanation oftbe Map&c. deU
Green, pag. 11 à 18.
( r ) Suivant le F. Bouchet. M. d'Anvili
range cette Ville par feize degrés enviria
dix -neuf minutes, fans indication précife.
(j) On a donné une belle Vue de Mafi
patnam, au Tome XI. pag. 285.
( t ) Quinze miles au Sud deMafuIipatnao,
les HoUandois ont eu une Loge, à Petapiuii,
ou Peta-pili , & NiJ'am-patnam , fuivant ks
Indiens. M. d'Anville croit que ce fontd«tf
lieux dlfférens.
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„ Quoique les Indiens foyent fuperflitieux à l'excès , & qu'ils ayent
sulleursun grand nombre de Pagodes, on n'en voit néanmoins qu'un à
Ganjam.
PRESQD'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 145
ment Côte d'Orùvi, celle qui continue jufqu'au Bengale (c). Quoiqu'il y Dmcrimpio»
aitplufieurs Ports, ils font tous fi mauvais que les Européens n'y fontprei- dsCoromam'
qu'aucun Ccmmorce. La Compagnie HoUandoife ne laifibit pas d'y avoir del.
2uelques petites Loges, comme Palicolf à dix-huit miles de Mafulipatnam ; Divers pe»
>aatzerott,k douze lieues de Palicol , & Bimilipatnam , quatre lieues au- tits Couip-
delà de Fifiagapatnatn^ où les Anglois font aâuellement établis. C'eft un ^^^'
Bour^ d'environ fix mille Habitans Gentils, mais la plupart pauvres. La
Province d'Orixa ne commence proprement qu après Bimilipatnam.
Voici ce que le Père Tactiard nous apprend de fes principales Places.
„ Ganjam {x) eft une des Villes les plus marchandes qu'on trouve de-
puis Madras juiqu'à Bengale. Tout y abonde, & le Port efl très-com-
mode. Dans les plus bafles marées , fon entrée a toujours cinq ou fix
pieds d'eau , & neuf ou dix dans les eaux vives. On y bâtit des Vaif-
lêaux en grand nombre & à peu de firaix. Tachard y vit quatre-vingt-
I s. huit Vai^eaux à trois mâts échoués fur le rivage, & environ dix -huit
fur le Chantier qu'on conflruifoit tout à la fois. La facilité & l'abondan-
ce du Commerce y auroient fans doute attiré les Nations Européennes,
fi la ialoufie des Habitans ne s'étoit oppofée à leur établiffement. Ces
Peuples, quoique foûmis aux Mogols, s'imaginent conferver leur liberté,
Sarvcqu'iU font en poifeffion de n'avoir aucun Maure pour Gouverneur
ans leur Ville. UepeuUant ils permettent aux Maures d'y fixer leur
_ demeure; mais ils font fort en garde contre eux, & bien plus encore
\y contre les Européens. % ne veulent pas fouffrir qu'ils renferment leurs
„ maifons de murailles , dans la crainte qu'ils n'en fiflent bien-tôt des For-
„ tereffes. Auffi n'y a-t-il, dans toute la Ville, ^u'un .grand Pasode & là
,y Maifon du Gouverneur Gentil, qui foyent de brigue. Toutesles autres
maifons ibnt conftruites d'une terre graife, enduite de diaux par dedans
&par dehors; elles ne font couvertes que de paille & de joncs, & il eh
faut changer de deux en^u« ans; ce qui efl aflTez incommode. La Vil-
le efl d'une grandeur médiocre, les rues font étrokes ôl mal difpofées; le
peuple y efl fort nombreux. Elle eft fituée fur une petite élévation le
long de la Rivière, à un quart de lieue de fon embouchure. Douze ans au-
paravant, en 171 1, elle étoit plus confidérable par fes richelFes & par le
nombre de fes Habitans ; elle étoit alors beaucoup plus proche de la Mer *
mais un vent d'Eil des plus violens, qui s'éleva vers le foir , fit déborder
les eaux de la Mer, qui fubmergèrent la Ville. Peu de fes Habitans
échappèrent au naufrage.
9>
Gan-
(o) Quelques Auteurs donnent à la Côte,
depuis la Pointe de Divi à celle de Gaudt-
wart, le nom de Côte àsGergelini mais on
«ppelle plus communément Côte d'Orixa , tou-
te l'étendue de celle qui cft entre Coroman-
del & le Gange.
iCi^. Porr.
(x) Sa fituation, fuivant le P. Tachard,
e(t par dix-neuf degrés & demi de Latitude;
trois degrés de variation Ncrd-Eft. M. d'An-
ville témoigne quelque incertitude fur fa po-
fItion,parcequ'il la trouve, dit-il, autre paît
confondue avec Srnmvm,
m. .
■'H:
X40
DE5CRIPT ION DE LÀ
'i »:t tft
Descstmoir
dblaC^te
M COROMAir*
Barampour.
Jagrenal
fameux Fa-
„ Ganjain, qù'oo avok commence à Ij&ck Ceulement depuis vingt us. C^
Pagode o'efl; qu'une tour de pierre maflive, & et fi^ce polygone, haoïe
d'environ ouacre-^ingt pieds, fur trente à xjuarante de faaîe. A cette
mafTe de pierre efl jointe «ne efpéce de faUe, où devoit feçoifer Tldoie
Co^, quand l'Edince feroit fini. En attendaizti: on Tavoit mis dans
une maifbn voifme , où elk étoit ièrviie par de8)Saenficaseyirs<& des De-
vadachi, ou filles proftkuées. ^..j «j . liiaTr/us
,, La Ville de Bmmpow, ëk encore ^ns oonndérad>Ie queoelle de Gan-
„ jam , {bit par la multitude & la dcheuè de (es Habitaas^ iok par ie grand
„ Commerce qu'on y fait 'de toiles & de folies. Cetce VuUe lé^nt iituée
„ entre la Côte de CevgelÎR & celle d'Orixa, oo ^ parle cpmmuaément les
„ langues de ces deux Provinces. Barampour eu: a «fiiatneliaiM de Gaojam;
la ForterefTe y eft remarquable. £He conlide en >deux eodiers de txkéàioza
iiauteur, tqui font envtnxiné» d'une muraiHe de pierre ps^u'auffi duie
que le maiÂire. Elle 9. bien mille pas 4e circuit; fes mus Vicrs le Nord
font bîâgnés d'une petite Rivière , <}ui va fe jetter dans la idcr ime iieue
au-de0ôus. On dit à Ta<fh»-d qiï'il 7 avoit , fax ia. porte, une infiariptioo
{i ancienne, que pei^nne «'en conn&tlSok. <let cattaâèces ; nais les Mait
„ res ne veulent pas penaMCtre aux Eiin»éens >d'esi appnachfir^ toam
„ tjU'ils ne s*en emparent , ce -qui foroit facile, pujfqu'il n'y a pcdènue
„ pour la défendre. Oa^'âflUra qvCH nV av«iic ^éôes .que faixante ans,
qu'un 'homme du P^^^ avec cent 4e ws Compatiiotes, 7 avoitleuitê'
te, pendant 4euK ass, à une Avnée fornâdaUe de Miumea, ^ 9f^<£^
te poignée 4e cens -n'avoit pu Être réduite -que par la ÊMOsiae. Tant le
plat Pays eft 'bien cidtiyé, Kir-tout auprès dos «oatagnes, où le xtz &
U bled viennent en aibohâance dcus Ibis •l'^année, <de méine cjit'Att JBeQ-
^le ; mais t'air 7 ^'beaucoup pku fsMi , <& letiteS&mK y font plus gro}
<x plus -vigoureux.
„ XacK ARD ne pttt décoHVFÎr te anainâm» ^4Ai^4LeiChaà0ia,mfmB^ si^
dans la Ville de Gat^am, ^i dans cdle 4e Saranpoisr. >Cef£S^sest: i
croit que t'Evangîle /y établirent 'aifêment, û iUna j^tairofoift 4es Miy
fionnaires* Ces Peuides font d'^m natwd -dopile , ^ si'iMt ^'mi . médio*
cre atCftcihemenc-pottr leurs Idoles, fiHr-tout à Bacampour^ où les Pago-
des font fort «érigés. Néanmoins il règne & Owajtm on jdéi^^ciiMitt (^
moeurs ^i li'a nen de femblable dans toute l^nde. Le libartinrge y d
fi public , &'û effréné , ^e le Père Taduffd 4it atroir oÉtendn ^iv i
fon de trompe, qu'il y avoit du péril à aller diex les Devadadu mû id^
meuroieot dans là Ville; mais e^^on pouvoic voir enjtoute fuoett celfô
qui dellervoienc le Temple de Coppal. Les Peuples de i'Onca &j&
moins difTolus. Quelques Brames du Pays affurèrent le Miffionnaire,
qu'il elï rare d'y trouver un Ourias qui ait deux femmes, & que c'ell
',1 pacmi fi^ m Jil^tin^e defappiiouvé;, fuaod imliomne en ^poufe degx,
itir^ouciii ^p^iid^Ec n*^ pas ibérile.
*>
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j, Q'U'i.Mze à fe^ ^eues au Nord detGanjam., «0«2|MBf 4«JaJBiXQrtM
trouve la Ville de ^^renët, dont le ^gede, qui eft-à'iMe diaiie dam
les terres, eft fans contreait le plus célèbre & le plr — '^^ j~ .--*
ridw de tout*
ilade:
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Hiftoire de
fon origine.
PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. f47
ÏIndez l'Edifice en eft magnifiqae» fort ëtevë, & d'me ttfëv-vafb en- T^taeumm
ceinte. Ce Pagode eft encore confîdérabte par le nombre de Péterin» qui -JVI^JJÎL
s'y rendent de tontes parts, par VoBy les perle» & ks pierreries donc
il eft orné ; il donne fon nom a ht grande Ville mi Fenvironney & à tout
le Kojzmac. On le découvre en Mer de: dix a douze lieaeSy quand le
teras efl feteia. Tachard auroit fort foufaaitéde s'inftmire par lui^oxême
det particularités qu'on en raconte ; moi» on lui dit (|ae Fencrée n'en écoic
permife qu'aux Idolâtres, Le» MÛires mêaies of ofent en approcher -, on
efl: fur-tout en garde contre les François. Il pafTe pour confliant^ di&il,
çi'oo François dégutfé, trente ans aiqDaravanty a'étant glifCé dans le
n Temple, ^r enleva, pendant la nuit, un gros subi», d'ans prix ineflittiable,
„ qui ronnoitua des yeux de l'Idole;.
„ Cx Temple efl: fier • tout célèbre jrar fbm ancienneté. L'hiflx^ire de
,f ion origine eft ÛBguiiére. La tradition du Pays sq^end, qu'après un
r, ouragan de» ^Uff farieux , qoelques* Pidieurs Ourlas trouvèrent fur la
,r place f qui eft fore: baflè , une poutre, que lai Mer y avoit jettée; elle
étoit d'un bois pardeulieT , <& perfonne nfen avoit vu. de femblabfe : elle
fut deflônëe à un ouvrée publie^ & ce ocr fat pas fimS' peine qu'on la
tvalna jw^u'^à la première Peuœdade, oit Too! bâtit enfoite k Ville de J[a-
grenat. Au, pKPmi«>r mup de nadie quW kû donna^ il en fortic un ruif-
feau de fanç. Le Cftarpenti»» interdir ^ r»ia aufli-tôt au prodige;, le
_ Peuple y aceourat dfe tou» côtés , & les Brames, encore plus interefles
n que fupcrftîtieax, ne manquèrent pas dv pnbfier que c'étoit un Dieu ,
„ qui devOTC être adoré daiisi le Paysv On>Toit au Pega & à Tenafibrim
quantité d'arbres d^un bois< rouge. Quand its^eft pa&- coiçé dans la bon-
ne faifoir,^ (il on te laifle longtèms aw Soleil, Une manque pas d'être ron-
gé endedanrpar les^vers', qui creufent jufqu'au cosuf du. bois. Qu-on
le' jeooe en&itè dui»i l'eau , il en eft bien-tôt ^brsuvé;^ il s'y ^t des* ré-
fervoirs, &. l'eau» eavan en ab«tk4laiuie' lorfqucb la hadas pénétre un peu
arraxic Ainfî il tt?y aurait rien que «te naturel dans cette eau rougie; mais
les Idolâtre», abulîés parleurs &ames, étoient ravis d'y trouver du pro-
dige. On en fit donc une ftatue de cinq à Cm pieds <te hauteur , mais
très-informe & qui- rspréfente plutôt la figure dfuni finge que cdle d'un
homme t^lès bras (bno étendus & tronçonnai un peu plu» bas que le cou-
de; apparemment parce qu^otta' voulu ùâce^h. ftàme d'une feule pièce ;
car on ne voit point de flacues mutilées dans;rûRie, &.eiles pafllent dans
l'èfprit de ces. Peuples pour monflïueuièsi
„. OiN- ne fauroit croire la, foule & le concours des Pélerin&qui viennent
à Jagrenat de toute l'Inde , foit en- disçàî r Ibit en/- delà, dui Gange. Le
tribut qu'on tire de ces Pèlerins eft un des plus grands revenus du Raja
de cette Ville. Eay entrant on paye pour lui trois, roupies aux Gardes
de la porte. Avant que de mettre le piedi dans l'enceinte du Temple,
il faut préfènter une roupie au prinoipali Brame j c'eft la moindre taxe
ape lesplus pauvres ne peuvent pas fe dÏÏpenfer dfe payer. Les riches
donnent des Tommes confidérables , &. il y, en, a. eu. q^i.ont payé plus de
huit mille roupies. Les Gentils de3> Côtes diî: GèEgeliBi ^dOwai ont
T 2 .. con-
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I4«
DESCRIPTION DE LA
DncstmoM
dilaCôti
SI CoROlf AN-
OIU
Catek» Réfi'
dcnce du Ra-
ja du Pays.
Pointe des
Palmiers.
.^îi<^', .>; 1.1.
Bancs de
^ fable, à l'em-
bouchure du
Gange.
Qiambre
éa Diable.
„ continuellement Jagrenat dans la bouche: ils l'invoquent en toute ren«
„ contre ; & c'eft en prononçant ce nom , qui leur eil vénérable , <ni'ils font
fûrement tous leurs marches, ou qu'ils prêtent leurs fermens (V).
„ Le Raja du Pays eft en apparence tributaire du Grand Mogol, ^
prend même le titre d'Officier de l'Empire. Tout l'hommage qu'oa
eiige de hii , c'ed <^ue la première année qu'il pend pofleflion de Ton
Gouvernement, il vifite en perfonne le Nabab de d^ek^ Ville confidé-
rable entre Jagrenat & Babj/jor. Le Raja ne fait fa vifite que bien ef<
corté.
„ Dans la petite traverfée de Ganjam à la Pointe des Palmiers, on paf-
fe la fauffi Pointe , qui efl très-dangereufe dans la faifon des vents da
Sud, parceque l'enfoncement qu'elle fait eft entièrement femblable à ce-
lui de la véritable, & tous les jours en s'y trompe , au dango: de faire
naufrage : car quand on y eil une fois entré , il n'efi: pas facile de s'en
„ retirer. On peut cependant reconnoitre la faufTe Pomte aux bords da
rivage, qui font fort efcarpés, &aux terres blanches qu'on apperçoit par
intervalles. Si l'on fait attention à ces remarques, on n'y fera pas fur-
pris. La véritable Pointe des Palmiers eft une terre bafle & noyée, où
il paroit des arbres éloignés les uns des autres, bien avant dans la Mer^
fans qu'on puifle voir le rivage que d'une xaBjiî^rp- ronfiife.
„ Après avoirpafW la Pnînrf do« Palmiers, & avant que d'arriver à
la Rade de Balaflor, qui en efl éloigné de quinze lieues , les marées vio-
lentes font fouvent dériver les Vaifieaux jufques près de Canaca, nom
d'une Rivière au Sud-Ouefl de l'enfoncement de la Pointe des Palmiers.
Ces Habitans ont la réputation d'être de grands Voleurs.
„ Toute l'embouchure du Gange efl occupée par un «rand Banc,
qu'on appelle les Braffès; elles ne font que du côté cte l'pucS:: à l'Efl oa i
peut entrer & fortir du Gange, fans pafTer fur aucun Banc. Nul Vaif-
l^au n'entre jamais par la PaXled« l'Eft, quoique tous y pafTent en /br-
tant. Une infinité de Bancs cachés qui l'environnent, Ôc qui s'étendent !
fort loin dans la Mer , rendent cette PafTe très-dangereufe. Ces Bancs
forment un Canal fort étroit à l'embouchure du Gange, qu'on découvre
aifëment' en fortant, parceque le Garai efl près des terres ; mais on ne
peut le connoitre quand on vient du lajj^e. Les grands Vaiffeaux attendent
Te demi flot pour paiTer les deux BrïUles, & vont mouiller dans un en-
droit où il y a toujours cinq ou fix brafTes d'eau : on l'appelle la Cbamèrt
au Diable f parceque la Mer y efl extrêmement haute, quand le vent eil
violent , & que les Vaiffeaux y font en danger. Les BrafTes ne changent
jamais: les petits Vaiffeaux pafTent la première Braflb, qui n'a pas pliu
de
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( 3f ) Nos Voyageurs , ftu-rtout Thevenot &
Tavernier, difent des merveilles de ce Pa-
gode; mais le Pète Bouchet avoue que la
plupart des cho'fes qu'on en rapporte lui
paroiiTent aflëz fufpeétes. G)mment Theve-
not aurolt-il bien connu Jagrenat, lui oui le
met dans le Bengale, uupdis. qu'il eft fur la.
cote d'Orixa, tout près de celle de Coro-
mandél, à vingt- fépt lieues au Sud delà
Ptinte dit Palmiers, à la Latitude de viflgç
d^rés»ou félon d'autres, dix minutes moins;
erreur que M. Lenglct 4u Frtfwy a fuivil
dans fa Géographie^
i.a
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Plan
GROlSfD - TEKENINC
HOLLANDSK LOCIE
H O E G L Y
A* lyai.
HhjnUmlIr JtoejLm
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iiiiiiiinifi
mi
^"X ScAlt^ Jirtai .
P»g- 149
EXPLICATION
Des Renvois du Plan de la Loge Hollandoifc d'O u g l y.
A. Porte d'eau de la Loge.
B. Porte de la Campagne.
C. Chemin qui conduit à la Maifon
du Maître d'Hôtel.
,D. Logement du Direéleur.
E. Logement du Second.
F. Lieu où l'on villte les Toiles.
G. Cuifmes de Vivandiers.
H. Magafm de cables & cordages.
I. Lieu où l'on tient les ancres.
K. Manufa£lure de toiles à voiles.
L. Logement du Confolateur des
Malades.
M. La Forge.
N. La Prifon.
O. Maifon du Fiscal.
P. Ecuries de chevaux & d'éléphans.
Q. L'Hôpital.
R. Jardin du Village.
S. La Corderie.
T. Baflins, ou Refervoirs.
V. Jardin du Fiscal.
W. Maifon & Jardin de là Com-
pagnie.
X. Maifon du Maître des Equipa-
ges.
Y. Jardin du Direéleur.
Z. Jardin du Second.
a. Chemin qui conduit à la Rivière.
b. Bazar , ou Marché.
d. e. f. Muraille du Jardin de la
Compagnie.
g. h. Allées du Jardin.
y. Cabinet , Jet-d'eau & Labyrinthe.
/. Chemin le long de la Rivière.
m. L^emens des AnTiflans & autres
Officiers.
n. Logement du Caifïïer,
0. Logement de l'Enfeigne.
p. Logement del'InfpeéteurdesMa-
fauns. î I '
-e Chantier. ' "
r. Logement des Canoniers.
s. La Tonnelerie.
t. Greniers.
V. Cimetière.
TO. Corps- de-Garde.
X. La Sécretairie.
Nota, La Lettre A, qui manque dans le Plan, doit être placée au bout
de l'allée qui va de a, ou dii Rivage, à la Loge. On a pallë
le ff & le *; le ^ eft deux fois pour A, au Jardin; & Y y tient la
place de Vi ; mais ces fautes , qu'il eft trop tard de corriger , ne font
d'aucune importance.
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PRESQU'ISLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 149
„ de deux lieues, & fe rendent dans le Canal le lonz de la terre. On efl ORieiimoir
„ fouvent piufieurs jours à remonter le Gange jufquà Cbandtrnagor ^ & ce "«'-aÇôti
„ n'efi pas fans des périls continuels. On ne fauroit croire combien de °* del?***'
„ Vaifleaux pdrifTent fur cette Rivière; les plus grands y navigent jufqu'à ^
„ Ougli'j c'eit à-dire, plus de quatre-vingt lieues depuis l'embouchure du
„ Gange. Le riche Commerce qu'on fait à Bengale ne permet pas de fai-
„ re attention à ces pertes fréquentes. Toutes les Nations y apportent de o
„ l'argent, & elles n'en rapportent que des effets. Les Anglois feuls y a-
„ voient apporté, cette année 171 1 , plus de fix millions d'écus".
Ou A NO on efl à la Rade deBalailbr, où les Anglois , les François & le»
Holtandois ont des Loges, on envoyé à terre chercher un Pilote Côtier,
pour pafler les Bancs de fable avec la marée. On remonte la Rivière en-
viron foixante lieues (z^; les vingt premières fe font à travers des forêts
immenfes ; enfuite on découvre un Pays aflcz peuplé. Les Européens de
différentes Nations y ont ménagé piufieurs endroits propres à recevoir le»
Vaiffeaux. Coulpy eft un aflez bon mouillage. Les Vaiffeaux François &
Anglois y reftent d'ordinaire. Les Hollandois montent jufqu'à Folta^
quinze lieues plus haut ; les uns & les autres , lorfque la faifon & le cou-
rant le permettent , conduifent leurs Vaifleaux jufques devant leurs
Loges.
CoLLiCATA efl une des plus conddérabîes ' .lonies que la Compa-
gnie d'Angleterre ait dans les Indes. Huit lieues plus haut , on trouve
Chandernagor , Comptoir de la Compagnie de France. Tous ces lieux font
fort connus par les Relations précédentes; mais on a, fur l'Etabliflemenc
Hollandois de Beneale, des éclairciflemens très-curieux , qu'on cherchcroit
en vain dans les Voyageurs.
„ Leur principale Loge, dit M. G<ir««, efl: kChincborat très-beau &
„ très-grand Village, qui appartient en propre à la Compagnie. Il porte
le nom à'Ougli , qui eft celui d'une méchante Forecrerfc du Grand Mo-
gol , fituée fur le Gange , à une lieue plus haut , où les Hollandois
avoient déjà demeuré. Comme Chinchora leur convenoit mieux à tous
égards, ils obtinrent du Souverain ce lieu commode fur le Gange, &
bâtirent la belle Loge qu'ils y ont. Ils lui donnèrent le nom dOugli,
pour ne point changer le titre de leur demeure au Bengale. Cette Loge
efl: entourée d'une grande muraille fort épaifl^e, formant un quarré long
de cent vingt toifes de front , & de foixante-quinze de largeur. Elle elt
très-haute, & fait partie des Magafins, qui y régnent tout autour inté-
rieurement. Au-defllis de ces Magafins, eft une forte Terrafle, à la
„ manière des Orientaux , larj^e de huit toifes, comme le font les Maga-
fms. Le tout eft bâti de pierres ou de briques. Cette Terraffe, trés-
EtabKlTe-
mcns Euro*
péens.
DcfcriptioD
d'Oiigli.
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„ unie
(2) On navige fur le Gange dans des Ba-
zaras, efpèce de Barque à Rameurs, de dif-
tiérentes grandeurs, avec une ou deux cham-
bres fur l'arrière. Cette manière de naviger
au le Gange , eft abfoluinent néceOkire, à caufe
i îi'î
des inondations , qui viennent régulièrement
en certains mois de l'année, & qui forment
enfuite une multitude prodigieufe de Canaux .
dont tout le Pays eft entrecoupé.
T3
tS<3
DESCRIPTION DELA
DKtACÔTZ
DB COROMAU*
M uiÛQ &. muimfiQue, eft U plus belle promenade qu^on puifle voir} on
„ découvre de^là le ViUage, une bonne partie de la Rivière, & de» allées
„ d'arbres , oui fervent d avenues à la Loge. On y peut placer du canon
„ dans le beloin. Il y a un Baftion à un des angles , du côté du Village ,
M pour y mettre aufli du canon. La Loge a trois portes , deffendnes dia-
^ cune par une avance quarrée, (^ lient lieu d'un BafUoa. Les Magaiins
„ forment deux belles rues fur le grajkd côcé de devant. Il y a plus loin,
,» dans le milieu» deux belles cours» grandes >quarrées, un peu, longues, &
fort régulières. Sur le derrière eft un beau Bâtiment, de quaranie- cinq
toifes de long, ^ de huit à neuf de large» orné d'un bel eicalier par-de-
vant, qu'on voit au fond d'une des grandes cours. Cette Maifon eit pour
le Dir^eur, que la Compagtûe tient toujours au Bengale. Les autres
cècés. des cours font rempUs d'appartemens très - commodes , pour loger
les Officiers. Les cours & les apparfemesna n'occupent qu'un peu plus
d'un tiers du terrain de lai Loge. Ua Jardin, avec des nouveaux Maga-
fms , occupent les deux autres tiers. Enfin , derrière la Loge , il y a uo
Jardin potager & fruitier» trèsrfpacieux, «^ au milieu, une belle allée
d'arbres, qui fert d'avenue à la porte de^ de»'ciére de la Loge; chaque
porte a fon avenue pareilk» c'eft-à-dire» ornée de beaux arbres. Ce
Jardin , qui eft entouré d'une belle muraille contigue à la Loge , & qui
aauÛi trois portes» a cent quatre-vingt-cinq toiles de longueur, cem
trente dan^ la plus grande largeuf, «Sk quatre- vingt dans la moindre; Il
y a encore deux ou trois allée» de cocotiers. On y voit deux beaux
réfervoi;& pleins d'eau, u£ie belle maiibn» & un petit bâtiment, le tout
^ pour la récréation » un petit boijs , un labyrônthe d'arbrifleaux formés eo
„ efpaliers. Plus loin, dehors ce Jardin, après avoir traverfé une large
„ rue, on voit un autres Jairdin magnifique,, qu'un Dire£teur a fait faire^
il y a quelques années, à fes dépens, avec une maifon^ de plaifance au
milieu du terrain» dont la vue d4Mine fuF la Ktvière., II eft garni, au bout,
d'un petit parc » qui renferme des biches & quelques, cerre.
,» Les goutières des Terraflês de la Loge font de giros tuyaux, faiçpn-
nés comme des pièces d'Artilljerie, qui avancent en dehors, & que les
Etrangers ont toujours, pris pour des canons. Il y a» dans une des cours,
huit ou dix pièces de campagne de bronze, montées iiur leurs, ajouts, &
deux Batteries de casons de ieii dehors de la Loge, aune portée de fu-
fil près le bord du Gange , au pied d'un mât qui porte le pavillon, de la
Compagnie. Ces canons font çouchési fùx des blocs; ils; ne fervent que
pour faire le falut aux VaiiTeaux.
„ Il y a, en Hollande, unbeau.Plan de cette Loge, queM. F<wi3'^-
hoeht Confeiller des Indes, fit faine». loriq^'ilétoit Dïreéteur de Benga-
le (a). Ce Plan eft affez jufte; mais le Jardin y eft un peu plus accour-
ci qu'il ne doit être. Il ne comprend que la Loge & fes avenues,
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fréfente. ,
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PRESQmSLE EN DEÇA DU GANGE, Liv. III. 151
jufques au Gange, le Jardin du Directeur , la Corderie, où l'on fait
les cables & les voiles, & une partie du Cimetière, qui appartient à
la Compagnie.
», Le Village méritoît bien d'v être mis, à caufe de fa grandeur , &
des belles parties qui le compofent. Sa plu$ grande longueur eft de trei-
ze cens dix toifes, & fa plus grande largeur de fept cens dix toifes pié
de Roi, le tout en ligne droite. Cette étendue renferme cent foixante-
une rues, petites ou grandes, fans y comprendre les traverfes, ni les
culs-de-fac , qui ferolent bien le même nombre. Il y a beaucoup de Jar-
dins , aflez mal cultiva , & des coins du terrain perdu. Il y a un nombre
„ incroyable de haflins , ou réfervoirs d'eau de pluye , de toutes fortes de
'„ grandeurs & de formes , de publics & de particuliers. Leur ufage eA
„ pour s'y laver, comme font les Orientaux. Les particuliers font dans
„ des cours & des jardins, qu*on en arrofe.
„ Il y a, dans dninchora, plulleurs fortes de Nations, que le Commerce
y attire. La moitié du Village a des maifons bâties de Sriaues, & quel-
ques-unes très-belles» Celles des principaux Officiers de la Compagnie
mrpajffent toutes les autres^ avec de beaux jardins ou parterres. La
rue la plfis grande di de qumze toifes de large, & de deux cens dix de
long; il règne, dans toute fa longueur , une belle allée d'arbres, qui fert
d'omî>rage au Marché , qu'on y tient tous les jours. Cette rue eH: la
plus proche de la Loge. On voit des cocotiers, parfemés dans ce iieu,
qui font un bel effet par leurs hautes tiges & leurs agréables bouquets
4e feuillages.
4, Cet T fi Direction efl: la plus confidérable que la Compagnie ait aux
Indes , par ion Commerce. Ceft par cette confédération , qu'on a cru la
defcription de cette Loge néceflairc, d'autant plus qu'elle etoit peu con-
nue jufqu'ici des Géographes, qui, û plupart, & entr'autres M. LengUt
au Frefnoy, difent, qu'Ougli eft la Capitafe de Bengale (^). Enfin Ou-
gli, eft fitué fur une des branches du Gange, qui ne fait que le tiers de
cette grande Rivière, & à foixante lieues de la Mer, ou quarante-cinq
miles d'Allemagne, de quinze au degré, bien mefurés, par de bonnes
obfervations. Il eft étonnant que ce Pays de» Indes , qui eft le plus fré-
quenté des Européens, foit 0 peu «Hmu, puifque nous n'avons aucune
bonne Carte de ce Royaume (tf)".]
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3i
(i) La Capitale eft proprement Cazembar
»ar, où eft la Cour du Nabab, ou Vice-
roi, à environ quatre -vingt lieues d'Ougli,
en remontant le Gange.
(c) Thevenot dit que le Gange fe déchar-
ge, dans le Golfe de Bengale, à la hauteur de
vingt-trois degrés, au-lieu de vingt-un de-
grés quinze minutes. Ceft de-là, faos doute ,
que prcfque toutes les Cartes repréfentent
cette fauflè Latitude, & qu'on y voit tou-
jours Ougli fur l'embouchure. Celle que nous
avons inférée , dans le Volume précédent , eft
exempte de ces défauts : On peut la confulter
avec affez de confiance. Voyez les Relations
du Bengale, ibid. Ces nouveaux éclaircifTe-
mens font tirés du DiS, de Commerce.
I'. il '
Ter-
Ï52 DESCRIPTION DE LA PRESQU'ISLE etc. I
DescRirrioN
DE LA CÔTE
DE COROMAN-
D£L.
Les Mogols
ont l'ufage dv
Caffé.
Tranfition
à l'article fui-
<vant.
« « «
f^ i'M
.îtac!-/ *,„
Terminons un fî long Article, par une obfervatîon d'Edouard Ter-
ri (a). „ Les perfonnes de rindouflan , dit-il, à qui leur Religion ne per-
„ met pas de boire du vin, fe fervent d'une liqueur plus faine qu'agréable,
„ qui porte, parmi eux, le nom de Cahua. Elle efl: compofée d'une fève
„ noirâtre, qu'on fait bouillir dans l'eau, & qui lui donne peu de goût;
,; quoiqu'elle ait beaucoup de vertu pour aider à la digeilion , pour réveil-
„• 1er les efprits, &pour purifier le fang". Terri parle de la fève, que
nous connoifibns aujourd'hui fous le nom de Caffé. Le voiflnage de l'A-
rabie heureufe procure à peu de fraix ce dédommagement, aux Mogols, pour
les liqueurs fortes, dont le Mahométifme leur apprend à fe priver; & les
Vaifleaux annuels, qu'ils envoyent régulièrement de Surate à Mocka, leur
apportent cette marchandife en échange, pour les produélions de l'Inde.
On a fouvent demandé comment une Contrée , d'auui peu d'étendue que
l'Arabie, pouvoit fournir duCaffe, non-feulement à la Perfe & à la Tur-
quie, qui en ont depuis long-tems l'ufage, mais encore à la plus grande par-
tie de l'Europe, où le même goût s'elt établi depuis près d'un fiécle (b).
Ici la difficulté augmente, puisqu'il ne règne pas moins dans les Indes. Aui
n'a-t-on remis l'obfervation de Terri à la fin de cet Article , que pour fe
procurer l'occafîon de l'édaircir, en le faifant fervir comme de tranfitioo
au Voyage fuivant (ff).
^'î''*rl ■;■:-
. -.î'j IIm'
i'.n -i'
(a) Terri, pag. 13.
b ) Vers l'année 1660. Il y étoit connu
dès 1644.
(c) Ce dernier article finiiTott la Defcrip-
tion de l'Indouftan, qui fait partie de nôtre
précédent Volume, & nous l'en avions dé-
taché pour des raifons d'ordre faciles i coni'
prendre ; mais il eft également bien ici , puis
qu'on fe retrouve dans les Etats du Mogol,
oc que le Caffé y elt par- tout en ufage.
R. d. E.
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H| critique d
Mrmo
H[ Traité de
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A Y O 'V
153
;..T )r:y 7
Premier Foyage des François^ dans T Arabie heureufe^
par rOcean Oriental
.'iûj'j
OUTRE le deffein qu'on vient d'expliquer, il fembleque, dans la vue Inthoodc*
qu'on s'efl: propoiee, de renvoyer tout ce qui regarde la Perfe & la ^^*^'''
Turquie , au Recueil des Voyages par Terre (a), rien n'eft plus convena-
ble ici que cette Relation , pour fermer la Partie Occidentale de l'Inde. Il
n'efl plus quelUon de conduire le Leéleur, par des routes qu'on lui a fait
mille fois traverfer. Madagafcar, llfle de Socotora, & quelques Plages
de rAbyffinie, feuls endroits où l'Auteur prit terre jufqu'au Port d'Aden,
n'offriroient rien qui n'ait déjà paru , fous mille formes , dans un grand
nombre de Journaux. Obfervons feulement , pour ne laifler aucune obfcu- Motifs de
rite dans un nouveau récit, que les François, dont on donne' le Voyage (/&), ce Voyage.
étoient employés par une Compagnie de Négocians de Saint Malo , les pre-
miers de leur Nation (c), qui s'étoient aviles de faire, directement & fans
l'entremifed autrui, un Commerce dans l'Arabie; particulièrement le Com-
merce du CafFé (rf) , que les François jufqu'alors avoient acheté des Turcs ,
& quelquefois d-^s Anglois & des HoUandois. Deux Vaifleaux, nommés
le Curieux & le Diligent y armés, dans cette vue, pour la Courfe & le Com-
merce, & chacun de cinquante pièces de canon, fortirent de Breft le 6
Janvier 1708. On ne nous apprend pas le nom (* ) du Commandant, qui
joignoit , à cette qualité , celle de Direfteur de la Compagnie , & qui mon-
toit le Curieux. Le Diligent avoit pour Capitaine un Officier d'expérience,
nommé Champîoret le Brun,
Tratwportons'Novs vers l'entrée de la Mer rouge, au Port d'Aden, où
les deux Vaifleaux arrivèrent , la même année , dans le cours du mois de
Décembre. L'Auteur décrit l'état préfent de cette Ville (/). Elle eft aflife
au pied de plufieurs hautes montagnes , qui l'environnent prefque de toutes
parts , & qui ont , fur leurs fommets , cinq ou fix Forts , avec des Cour-
tines, & d'autres ouvrages en grand nombre, aux gorges qui les féparent.
• •■■ ^ -■• •■ - ■ — - t • De.
1708.
Etat pr<ifcni
d'Aden.
\ .t. «.
(0) Voyez fur cette promefle l'Avertifle-
ment du Tome précédent. R. d. E.
(6) Publié à Paris en 1 716, chez Cat //eau ,
12. [EtàAmfterdam la mêmeannécjchcz
m
Steenbouwer & Uytwerf.]
( c ) L'Auteur dit , d'entre tous les Euro-
fiens. Il ignoroit apparemment que les An-
glois s'étoient ouvert, depuis long-tems , cette
route. Voyez les Relations du premier & du
fécond Tome de ce Recueil.
(i) Cette explication femble prévenir la
critique de la Note précédente. R. d. R.
( e ) 11 eft nommé de la Merveille , dans le
Traité de ft^ocka. L'omiflîon de fon nom ,
au Titre & dans la Préface, eft d'auunt plus
Xir. Part.
furprenante, que M. de la Roque, à qui l'on
doit l'Edition du Voyage, fait profeffion d'en
avoir reçu les Mémoires de ce Commandant
même, &de les avoir rédigés avec lui. Ceux
qui ont connu M. de la Roque , ne le foup-
çonneront pas d'infidélité. C'eft le même à
qui l'on doit un fort bon Voyage au Mont-
Liban, frère aîné du Chevalier de la Roque»
long-tems Auteur du Mercure François.
(/) Soixante-dix degrés de longitude, &
douze de latitude du Nord, fuivant les Ta-
bles d'Abulfeda. En approchant de l'Oued,
on prendroit le Cap d'Aden pour plufieurs
Ifles enfemble, à caufe des diverfes cxôtes de
montagnes qui le forment,
V
VOTAOE DE
l'Arabie
heureuse.
1708.
Sa fituation.
Ses fortifi-
cations.
Son Port.
Intérieur de
la Ville.
Les Fran-
çois defcen-
dent àAden.
154 VOYAGES DES FRANÇOIS,
De-là, un bel aqueduc conduit la meilleure eau du Monde,' dans un eratij
réfervoirj.qui neftguères à plus d'un quart de lieue de la Ville, & quj
fournit avec abondance aux befoins des Ilabitans. C'efb mal- à-propos que
nos Géographes font pafler une Rivière au travers d'Aden. Ils ont mal
pris le fens d'Abulfeda , qui met fimplement une porte du côté de la terre
nommée la porte des Porteurs-d'eau ^ parceque c'cll eflfeélivement par cette
porte qu'on y fait entrer de l'eau douce (^g).
La Place efl entourée de murailles, qui font aujourd'hui en aflez mau.
vais état, fur-tout du côté de la Mer, où l'on voit néanmoins, par inter.
valles, quelques Plates-formes , avec cincj ou fix Batteries de canon defon-
te, dont quelques-uns font de foixante livres de baie. On croit que c'ell
l'artillerie que Soliman fécond y laiffa, après avoir pris la Ville & conquis
prefque tout le Pays , que les Turcs furent depuis contraints d'abandonner
aux Princes Arabes. Pour s'approcher d'Aden , du côté de la Terre, il n'y
a qu'un feul chemin, pratique fur un terrain aflez étroit, & qui s'avance
dans la Mer en forme de Peninfuie. La tête de ce chemin efl commandée
par un Fort , avec des Corps-de-garde d'efpace en efpace. Une portée de
canon plus bas , on trouve un autre Fort , en pâté , avec quarante pièces
de gros canon en plufieurs Batteries , & une Garnifon confiante. Il fe^oit
impolTible de tenter une defcente de ce côté ; d'autant plus qu'entre la Ville
& ce dernier Fort , on rencontre Encore, fur le chemin de communication,
un autre Fort de douze pièces de canon , avec une Garnifon.
A l'égard de la Mer, par où cette Ville efl: fort acceffible,c'efl; une Baye
de huit a neuf lieues d'ouverture, qui çù: comme divifée en deux Rades;
l'une, aflfez éloignée de la Ville; l'autre, moins grande & plus proche, qu'oQ
nomme le Port. Cependant celle-ci n'a pas moins d'une lieue de largeur,
à la prendre depuis la Citadelle , qui la commande avec cinquante pièces àe
canon , jufqu'à la pointe avancée où font les Forts. On mouille par-tout,
à dix-huit, vingt & vingt-deux brafles. Aden eft une aflez grande Ville.
On y voit encore plufieurs belles maifons, à deux étages, & en terrafTesj
mais elle offîre aufli beaucoup de ruines & de mazures, qui, joint aux avan-
tages de fa fituation, font comprendre que c'étoit autrefois une Place im-
portante, & le principal boulevard de l'Arabie heureufe. Son territoire eil
affez étroit, mais fort agréable , & revêtu de beaucoup de verdure au bas
des montagnes (h).
Quoique les François n'attendiffent rien du Gouverneur d'Aden, la
curiofité de voir cette Ville , & l'envie de preflentir ce qu'ils avoient à fe
promettre de la civilité des Arabes, porta les deux Cpmmandans à mouil-
ler dans la Rade. Chaque VaifTeau falua la Citadelle de fept coups de ca-
non, qui leur furent rendus au même nombre, avec des complimens &(les
Invitations à defcendre au rivage. Cet accueil , foûtenu par l'offre de tou-
tes fortes de râfraîchifiemens , leur infpira tant de confiance, que s'étant
fait conduire à terre, ils ne firent pas difficulté de fuivre quelques gens
armés, qui les menèrent à la porte qu'on appelle Majeure de la Mer, parce-
qu'elle eft fort grande & qu'elle regarde le Port. lis
( g ") Voyage de l'Arabie heureufe , pag. (52 & précédentes.
(*) Ibid. pas- 63-
I
■s
1
I
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Lxv. III. tS5
Ils remarquèrent qu'elle e(l d'une épaifleur prodigieufe» garnie de doux ,
ou plutôt degrofles chevilles de fer, & munie, pour furcroît de fûretë,
d'une barre dont la grofleur répond à celle des doux. On les fie entrer ,
J}ar cette porte, dans un lieu bien voûté, long d'environ ouinze pas; après
equel ils trouvèrent une efpèce de cabinet, voûté auITi , oc terminé en an-
Î;le. Un Officier de confidération , nommé V Emir- tlBar (i), c'eft-à-dire,
e Prince de la Mer y mais proprement le Capitaine du Port , les y reçût
fort civilement , & les fit affeoir dans des fauteuils d'une figure flngulièrc.
La converfation fut courte , parceque le Gouverneur , déjà informé de leur
defcente, envoya ordre de les conduire chez lui. Ils fortirent d'abord par
une porte de fer, qui efl à la pointe de l'angle, & qui conduit à une autre
porte de fimples barreaux de bois. Leur marche fe fit entre deux rangs de
Soldats, l'Emir-el-Bar à leur gauche. En arrivant au Palais du Gouverneur,
on les fit monter par un fort bel efcalicr, dans le principal appartement,
où ils le trouvèrent aiTis au fond d'une falle , fur une edrade couverte do
magnifiques tapis , s'appuyant fur des couffins d'une étoffe brodée d'or.
Sa Compagnie étoit rangée des deux côtés , fur d'autres tapis ; & le refle
de la falle paroifToit couvert de nattes très - fines. Ils s'approchèrent de
l'eftrade , fans avoir ôté leurs fouliers ; faveur qui ne s'accorde ordinaire-
ment à perfonne. Le refl;e de cette audience n'eut rien de plus remarqua-
ble (*) que l'occafion qu'ils eurent, à leur tour, de faire une grâce beau-
coup plus précieufe au Gouverneur, en lui accordant le fecours d'un de
leurs Chirurgiens, qui ne fut pas moins utile à fa famille qu*à lui. Ils ob-
tinrent, de fa reconnoiflance, une Lettre de recommandation, pour le
Gouverneur de Mocka, avec laquelle ils remirent à la voile, le 27 de Dé-
cembre. Mais, dans la liberté qu'on leur avoit laiflTée de vifiter la Ville,
ils emportèrent une vive admiration pour les bains publics. Ils font revê-
tus de marbre, ou de jafpe, & couronnés d'un beau dôme à jour, qui efl
orné en dedans de diverfes galleries, foûtenues par des colomnes magnifi-
ques. Tout l'édifice eft parfaitement diftribue en chambres & autres pièces
voûtées, qui aboutifTent à la principale falle du dôme (/).
On avoit averti les deux Commandans, qu'en Ibrtant de la Rade, ils
avoient befoin de beaucoup de précautions pour fe garder des courans. En
eflFet, du côté du Cap d'Aden , ils portent fur fa pointe avec beaucoup de ra-
pidité ; & malgré tous les efforts des Pilotes , les deux VaifFeaux ne pafle-
rent qu'à un quart de lieue de ce Cap , qui paroit avoir le tiers d'une lieue
d'élévation. Il efl: fort droit & fort efcarpé. On y découvre deux tours,
avec leurs Sentinelles. Ces tours font vues d'un Château, qui n'efî qu'à
demie lieue de la Ville , fur lequel les Habitans découvrent les pavillons &
les fignaux qu'on y met , pour avertir dans l'occafion ; ce qu'ils imitent
dans la Ville, & dans la Citadelle, qui a la même vue. On affure que du
haut de ce Cap , on décoiivre dix lieues à la ronde , & qu'on apperçoit
le Cap même de quinze ou vingt lieues en Mer. Cette Côte, en général,
paroic
VOYAflE PB
l'Axabik
IIEURSliSE.
1708.
Defcription
df la porte.
( i ) Les Européens , par corruption , l'ap-
pellent le Mirebar.
(*) On leur demanda ou ils alloient, &
on leur préfcnta du Caffé à la Sultane.
(/) Ibid. pag. 57 & précédentes.
V 2
Faveurs
qu'ils reçot-
vcnt du Gou-
verneur &
qu'ils lui fonu
Obfervations
nautiques.
IToVAOE DE
l'Arabie
veuabuse.
1708.
Erreur qui
jette les Fran-
çois à Tagora.
Ils reçoivent
«ne Lettre du
Roi.
1 1
is6 VOYAGES DES FRANÇOIS,?
paroit féche & fabloneufe; mais, un peu plus loin dans les terfes, le Payf
efl: plein de bois & de marécages.
On avoit fort recommandé aux François de ne gouverner que par Ouell,
& même quart de Nord-Ouefl. Mais le Pilote du Diligent , faifant trop de
fond fur fes Journaux, s'obftina toujours à fuivre l'Ouefl: quart deSud-Oueft;
& le Curieux y qui étoit à larrière, fe vit nécefTairement entraîné dans foQ
erreur. Cependant , on découvrit , le lendemain au matin , la fameufe
montagne de Bab-el- Mandela qui efl: à l'entrée de la Mer rouge, du côté de
l'Afrique ; mais on ne la reconnut pas. Le Diligent n'ayant pas cefle de
continuer fa route , on fe trouva bien-tôt à l'entrée d'une Baye d'environ
fix lieues d'ouverture , dont le centre efl: occupé par une Ifle. En corn.
parant cette Baye & fon Ifle avec les Cartes , on fe crut facilement à l'en-
trée de la Mer rouge ; & comme le tems étoit favorable , on prit le parti
de s'y engager. Après y avoir fait deux lieues , on vit paroître une Bar-
que , chargée de vingt hommes , avec un Interprête Banian & deux Pilo-
tes, de qui l'on apprit bien-tôt que la Baye étoit celle de Tagora, Ville
d'Afrique, dans le Royaume dUAdel & doZeila, qui étoit autrefois compris
dans l'Empire des Abyfllins. Ils remirent en même-tems , au Commandant
François , une Lettre , en Arabe , de la part du Roi ; car les Habitans de
la Côte avoient apperçu les deux Vaiffeaux dès le jour précédent , & s'é-
toient hâtés d'en donner avis à ce Prince , qui , n'ayant pas douté qu'ils ne
cherchaflent l'occafion du Commerce , ou qu'ils n'euflent befoin de rafraî-
chiffemens, leur faifoit offrir civilement cette double faveur (w).
j't'l ,'i'.f .;; • f^; ;v ••( Ils
„ vous êtes préfentement. Nous fommcs
„ gens de bonne-foi , & nous croyons en
„ Dieu & en fon Prophiôte; car nôtre pio-
„ feflîon de foi eft telle : Je témoigne qu'il
n'y a point d'autre Dieu que Dieu , & que
Mahomet eft fon Prophète. Dieu lui don-
ne fa bénédiftion , & le comble d'un grand
nombre de faluts de paix , agrciables *^ bénis
-j\iîb-.
'■. i...Kt f \-' r;. -) ^i-iiû'j-'-.î
(m) Sa Lettre mérite d'ôtre confervée,
non-feulement par le caraftùre de bonne-foi
qu'elle refpire , mais encore , pour entrer
dans les vues de M. Ockley, Profcflcur en
Arabe , à Cambridge , qui dans fa Relation
de Barbarie, publiée en 1713, invite tout
le monde à lui communiquer les pièces de
cette nature, parceque repréllntant le génie
& le ftyle des,Orientaux , elles peuvent fcrvir
i jettcr du jour fur l'Ecriture Sainte. ^4ver-
tijjement , pag. 6. „ Du Port bien gardé de
„ Tagbioura. Au nom de Dieu clément, mi-
„ féricordieux. Louange à Dieu, telle qu'elle
j, lui elî dite. Dieu donne (à bénédiftion à
„ celui après lequel il n'y aura plus de Pro-
„ phête, &. à fa Famille, &àfes Amis, avec
„ la paix. L'Ecriture de cette Lettre eft de
„ nôtre Mnître le Sultan Mebemed, fih du
„ Sultan Dainy, que Dieu très-haut conferve.
y, Ainfi Joit-il.
„ Nous vous faifons favoir, ô Capitaine
„ de Navire, que vous avez fiireté &garan-
„ tie entière dans ce Port de Taghioura,
„ pour faire de l'eau & du bo's » car nous
„ fomuics ob]ij;és de vous en fournir, ec
„ nous vous donnerons un Raban pour vous
„ introduire darts la Ville où vous defire^
„ defcendre. Si vous, voulez aller au Port
., de Z«i!a, il eft plus proche du lieu où
>>
»»
„ jufqu'au jour du Jugement. Et louange i
„ Dieu, Seigneur des deux vies. Vous avez
„ la fureté de Dieu, & la fureté de Sultan
„ Mehemed, fils duSultanDeiny: ôclefalut
„ foit fur vous, la miféricorde de Dieu &fes
„ bénédiftions". A côté étoit le Sceau àx
Roi , avec ces mots : „ Celui qui fe confie mi
„ Roi célefte. Sultan Mehemed , fils de
„ Deiny, 1117, (de l'Hcgirc, qui répond à
1705 de nôtre Ere, année [de l'avenemcntl
la Couronne du Roi dAdel , &] en laquelle
le Sceaa avoit été gravé). De l'autre côw
du Sceau, on lifoit, après la foufcription , le
mot Catmir ; nom du Chien , qui , fuivant
l'Alcoran , a gardé les Frères donnans pen-
dant leur fommeil de trois cens neuf ans.
Noîa. L'Auteur ajoute , que les Mahom^i-
tans regardent le Catmir comme une fiuvc-
garde,ou une efpècc de talisman; ce qui fait
qu'ils écrivent ordinairement ce mot i'iir lej
Lcures qui doivent paûlx la Mer. R- d. £.
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. III.
tS7
Ils l'acceptèrent d'autant plus volontiers , qu'il ne leur reftoit qu'une de-
mie lieue à Faire jufqu'à Tagora , & que le Pays leur paroiflbit cliarniant:
mais, s'étant fait précéder de leur Chaloupe, avec le plomb & la fonde,
parceque la nuit s'appro>,iioit , ils trouvèrent bien-tôt un banc de roche , fur
lequel il falloic paflTer néceflairement , & qui n'étoit couvert que de trois
brafles d'eau; ce qui les força d'abandonner leur deflein. Ils prirent les deux
Pilotes fur le Curieux; & renvoyant l'Interprète, avec un préfent & des ex-
cufes pour fes Maîtres , ils lui promirent de récompenfer les deux homme»
qu'ils retenoient à leur fervice. L'Auteur des Mémoires regretta les con-
noiflances qu'il auroitpû recueillir à Tagora. Elles n'auroient pas été moin»
utiles à la Géographie qu'au Commerce, dans un Pays fi peu connu de no»
Voyageurs (m).
Mais ces idées firent prefqu'auflî-tôt place à la plus vive crainte , lorf-
qu'après avoir apperçu de l'écume, qui lui fit preflentir quelque danger, il
fe trouva, tout-d'un-coup , fur le bord d'un banc redoutable, où fon Vaif-
feau battit plufîeurs fois, par le jeu d'une petite vague qui le foulevoit, &
qui le faifoit tomber fur le fond , lorfqu'elle venoit à fe retirer. Ce fond
étoit de fable , femé de grolTes roches , qui firent fortir plufieurs morceaux
de la quille. Cependant le fecours du Ciel , & la diligence du travail mi-
rent heureufement le Curieux au large. Il ne reftoit qu'à fortir tout-à- fait
de la Baye. Les deux Pilotes de Tagora confeillèrent de pafler à bas-bord
de rille, qui eft à fon entrée, quoiqu'on n'y puifle mouiller, faute de
fond. Enfin, les deux Vaifleaux ayant achevé de fe dégager, s'éloignè-
rent de la Côte , environ d'une lieue. Un calme les arrêta pendant toute
la nuit fuivante ; & le matin , prolongeant la terre avec un petit vent , ils
entrèrent, vers le fuir, dans le fameux Détroit de la Mer rouge, ou du
Golfe Arabique. .• , .a jo • [;, i t:M\ .( ;,-,i .;
Ace récit, que l'intérêt de la Navigation n'a pas permis de fupprimer,
on doit joindre les obfervations de l'Auteur fur la difpofition du Détroit
même. Le Cap de GardafUy dit-il, qui eft dans le Royaume d'Adel, en
regarde un autre qui lui eft oppofé , & qui fe nomme Cap de Fartach , dans
un Royaume de ce nom, fur les Côtes d'Arabie. La diftance de l'un à l'au-
tre, n'eftque d'environ cinquante lieues. Mais l'Océan, renfermé entre
ces deux Terres , pendant plus de cent cinquante lieues d'étendue , eft en-
fin fi relTerré par le rapprochement des Côtes , qu'il ne refte plus qu'envi-
ron quatre lieues d'ouverture ou de diftance d'un rivage à l'autre. Cette
ouverture forme le petit Canal qu'on nomme proprement le Détroit. En-
fuite la Mer recommence à s'élargir, & s'étend fur plufieurs Côtes de diffé-
rens noms , l'efpace d'environ deux cens lieues , du Sud-Eft au Nord-Oueft.
A l'entrée du Détroit, eft une anfe de fable, fur dix brafles d'eau, où les
deux Vaifleaux mouillèrent tranquillement, à la vue d'une Mofquée & de
plufieurs huttes de Pêcheurs. Vis-à-vis de cette anfe, c'eft-à-dire, à la
droite de l'entrée, on voit l'Ifle de Bab-el-Mandel , qui donne fon nom au
Détroit, ou qui le reçoit de lui.. Sa longueur eft d'environ deux lieues,
fui*.
>
(«) lUitm, pas. 75. Voyez le Journal de Caftro, au Tome I. de ce Recueil,. i'
V3
VOTAOK DE
L'ARAniB
HEUKEUSE.
1709-
Dangers de
la Baye do
Tagora.
ObfenMtions
de l'Auteur
fur le Détroit
de la Mer
roug*;.
153
votaob db
l'Akabie
JiEVKEUSK.
170p.
Route juf-
Ïu'àMocUa,
: fcs dangers.
VOYAGES DES FRANÇOIS,
fur un peu moins de largeur. Elle offre quelque verdure en certains en.
droits, quoique le refte ne foit guères qu'un rocher ftérile, battu des ventr
& des vagues, & brûlé par l'ardeur du Soleil. L'Auteur la trouve fort mal
placée dans la plupart des Cartes ordinaires, qui la mettent au milieu du
Détroit, tandis qu'elle eft tout-à-fait du côté de l'Arabie, &Ci proche,
qu'entre l'Ifle & la Terre -ferme, il n'y a qu'un paffage fort étroit pour
les petits Bdtimens. Dès l'entrée du Détroit , &fous la hauteur de l'ille,
le mouillage eft très-bon. On y trouve une autre anfe que celle où les
deux Vaineaux avoient mouillé , d'un quart de lieue de largeur , avec dej
terres bafles au milieu, où l'on découvre de petites maifons couvertes de
nattes. C'eft dans cette retraite que les Pyrates viennent jetter l'ancre, à
couvert des vents du Sud-Oueft (0). Sur la haute montagne, qui pone
auflî le nom de Bab-el-Mandel (p) , & dont le pied forme le Détroit , du côté
de l'Afrique oppofé à celui de la Terre- ferme d'Aden en Afie, il y avok
autrefois un Fort , qui défendoit le mouillage de l'entrée ; mais il n'en refte
aujourd'hui que les ruines. On peut ranger cette Côte d'aufli près que l'on
veut. Les deux Vaiiïeaux n'en paflerent point à plus d'un quart de lieue,
11 feroit aifé d'en tirer des rafraîchiflemens , de l'encens, des gommes,
& d'autres marchandifes. C'eft - là qu'on envoyé de Mocka, pour obfer.
ver fi les Vaifleaux Arabes & Indiens peuvent fortir en fureté. . Les Py.
raies ont coutume, en fortant du Décroit, de ranger la Terre & le Cap
d'Aden, que fon élévation, de quelque côté qu'on s'approche, fait croi-
re à plus de quinze lieues. Aufli ce paffage eft-il redouté de tous les Vaif-
féaux de l'Aiie.
Les François levèrent l'ancre , de grand matin , avec un vent frais , pour
gouverner vers Mocka, qui eft fitué dans le Golfe Arabique, à vingt lieues
du Détroit. Depuis l'Ifle de Bab-el-Mandel , on trouve des terres baiïcs |
dans toute l'étendue de la vue, qui eft bornée par de hautes montagnes.
Des deux VaiiTeaux , on ne ceflbit pas de voir la Terre d'Arabie , à la di-
ftancededeux lieues; & par intervalles, on y diftinguoit quelques boca-
ges. Enfin, defix lieues en Mer, les François découvrirent la Ville de
Mocka , dont les hautes Tours & les Mofquées blanchies en dehors , for-
ment une très-agréable perfpeftive. Ils fe crurent payés de toutes les fa-
tigues d'une longue navigation, lorfqu'ils eurent commencé à voir quand-
té de palmiers & d'autres arbres verds , qui leur paroiffoient border le riva-
ge jufqu à la Ville. La crainte des bancs , qui font fur cette Côte, les obli-
gea de ne plus avancer que la fonde à la main. Ils trouvèrent, tantôt huit
braffes, tantôt moins, jufqu'à fix & cinq. Le Pilote du Diligent ^ toujours
aveuglé par fa préfomption , faillit de périr fur un banc de petit fable mêlé de
vafe, pour avoir voulu fuivre une autre route. Cependant la force du vent
le fit heureufement traîner fur le fable ; & le troifîème jour de Janvier
1709.
(0) I&irfem.pag, 83. dernier mot fignifie lieu ries pleurs, delara-
(p) C'eft proprement cette montagne qui c'me AnheNidaba, flevitfuper mortmm: Les
donne le nom au Détroit & à l'iHe de Bab- Arabes lui donnèrent anciennement ce nom,
el-Mandel. Abulfeda l'appelle y^/moniowft , & parcequ'ils pleuroient comme morts ceux qui
il nomme le Détroit Bab-al-Mondoub ; c'eft-à- paflbient ce dangereux Détroit pour entier
dire la porte de la montagne Mondoub. Ce dans l'Océan. Ibid. pag. 70. R. d. £.
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. Ut. 15^,
1705, les deux.VaifTcaux mouillùrent près d'une pointe avancée, qui for-
me, du coté du Nord, la moitié du i'ort de Mocka. Elle efl: dcfendi'.c par
un Fort , au-deflbus duquel on trouve fix braflbs d'eau , fond de fable & peu
de rocaille. Le Port ell formé par deux langues de terre, qui ic recour-
bent en manière d'arc, repréfentant parfaitement une demie -lune. Sur
les deux pointes font fituésdeux Forts, qui en défendent l'entrée; vie cette
entrée, qui n'a pas moins d'une lieue de large, d'un Fort à l'autre, forme
une forte de Rade , où les grands Vaifleaux îbnt obligés de mouiller , par-
ceque le refte du Port manque de profondeur.
Aussi-tôt que le$ François eurent jette leurs ancres, ils virent arborer,
fur chacun des deux Forts, un Pavillon rouge en pointe, chargé de trois
croiflans, & d'une figure en fautoir (q). Quoique fort éloignés de la Vil-
le, ils remarquèrent auffi le Pavillon Hollandois, que le Direfteur de cette
Nation avoit fait élever fur une terrafle , pour faire honneur à la France ;
& un autre Pavillon , femblable à ceux des Forts , fur une Batterie de ca-
non, qui eft près de laMaifon du Gouverneur. Ils faluôrent de fept coups
de canon, auxquels on répondit de cinq coups, de la Batterie de la Ville.
Une Barque, avec Pavillon & flamme, amena aufli-tôt abord l'Emir-el-
Bar, ouïe Capitaine du Port, vêtu d'une étoffe verte, pliffée, à larges
manches pendantes , de la forme d'un froc monaftique , avec une efpèce de
foutane par-deflbus. Il étoit accompagné d'un Interprête Banian , qui par-
loit la langue Portugaife, & qui étoit vêtu de blanc, avec une belle cein-
ture brodée & une écharpe de foye fur l'épaule ; & d'un Hollandois du
Comptoir, vêtu à la Turque, qui parloit la langue Franque. L'Emir-el-
Bar étoit chargé d'une Lettre <lu Gouverneur, qui invitoit les François à
defcendre avec confiance. Deux Miflîonnaires Récolets , Italiens, qui
étoieut fouiFerts dans la Ville, leur écrivirent en Latin, pour les féliciter
de leur arrivée. Enfin, lout paroifTant fi favorable à leur defcente, que le
Gouverneur propofoit même de leur faire une entrée folemnelle , comme
aux premiers Officiers de leur Nation qui fuflent arrivés dans fon Gouver-
nement, les deux Commandans fe rendirent au Quai du Port, où ils trou-
vèrent douze chevaux bien équipés , & deux cens Soldats avec des 'linilTa-
liers à leur tête. Ils furent conduits au Palais du Gouverneur; & les expli-
cations fe firent de fi bonne grâce, que dès les premiers jours, on conclut
un Traité, par lequel toutes les conditions & les droits du Commerce fu-
rent réglés à trois pour cent (r).
Les Hollandois étoient la feule Nation de l'Europe, qui fut alors établie
à Mocka. Ils y avoient un riche Comptoir, où leur Compagnie envoyoit,
tous les ans , un Navire de fept cens tonneaux , pour charger du Caffé &
d'autres marchandifes de l'Arabie , qu'ils tranfportoient dans leur Magafin
général de Batavia, & de-là, en Europe , ou dans l'Inde même. La Ville
de Mocka (;) n'eft pas fi confidérable que celle d'Aden j mais elle efl: de-
«u:-: u'-x^'i •;:."■ • .•.:,":?":.'...•. venue
{q) Cette figure efl: celle delà fameufeépéc (s) A qiiatre-vingtrhuit degrés trente mi-
d'Aly , gendre de Mahomet ; épée à deux lames,
qui fe nomme Zulficar.
( r ) L" Auteur en rEpportc tous les articles,
faS' 99 & Suivantes.
mîtes de longitude, & quatorze degrés de
latitude, fuivant Ptolomée.
Nota. Le même Géographe fait mention'
d'une autre Ville de l'Arabie pétrée , connue
fous
i.'An.MîiR
i-op.
RLTcpt'on
s riiii'.çuisà
>)ck.i.
LeurTiaitd
avec le Gou-
verneur.
Defcription
de Mocka.
l6o
VOYAGES DES FRANÇOIS,
VOVAOR DE
L'AllAIirB
JIEUREUJB.
1709.
Quelques
uriigfs des
Habitons.
Climat &
propriétés du
Pays.
venue plus marchande. On n'y compte qu'environ dix mille Habitans J
prefquc tous Mahométans, avec quelques Arméniens, & beaucoup de pau.
vres Juifs , qui demeurent dans un Quartier féparé , ou dans une efpéce de
Fauxbourg. Elle efl entourée de murs à l'antique, moitié de pierre, Se
moitié de terre battue avec de la paille. Elle a quatre portes, fans fofTé;
& pour uniaue défenfe, plufieurs Tours, avec du canon fur quelques-unes.
Ces Tours fervent de Cazerncs à des Soldats, qui font des patrouilles pen-
dant la nuit, & qui, pendant le jour, fe tiennent fur le Port & dans I2
Bazar , pour veiller à la tranquillité publique. Ils font au nombre de cinq
ou fix cens , oui s'ademblent, tous les jours, dans la grande place, depuis
rnidijufqu'à deux heures, pour conduire, avec beaucoup de pompe, le
Gouverneur & fon cortège, à laMofquée. Après la prière, l'ufage de cette
Infanterie efl de faire une décharge à baie ; ce qui expofe quelquefois les £•
trangers à de fâcheux accidens (*)•
Les femmes de Mocka, qui refpeflent un peu la bien-féance , ne fe mon-
trent jamais dans les rues, pendant le jour. Elles ont, le foir, un peu plus
de liberté , qu'elles employent à s'entrevifîter. On les rencontre quelquefois,
au milieu de la nuit, allant d'une maifon à l'autre, fuivies de leurs efclaves,
à la lumière d'un feul flambeau. Lorfqu'elles trouvent des hommes en che-
min, elles fe rangent contre les maifons, avec une Hneulière modeflie.
Leur habillement diffère peu de celui des autres animes de l'Orient; mais
elles ont , fur le tout, un grand voile, qui cache leur vifage , & qui efl d'une toile
li fine , qu'il ne les empêche point de voir au travers. Elles portent de pe-
tites bottines de marroquin. (Quelques exemples , dont l'Auteur fut témoin,
prouvent qu'elles n'ont pas d'eloignement pour la galanterie («).
Les environs de la Ville n'oflfrent qu'un Pays fec, dont les eaux font ni-
treufes & prefque falées. Tous les bords de la Mer rouge fe refTentent de
cette fécherefle; mais le territoire de Mocka, pafle, avecraifon, pour le
pire. La chaleur y efl: exceflîve. IJ n'y tombe prefque jamais de pluye;
& l'Auteur apprit à fon arrivée, qu'il n'y en étoit pas tombé depuis deux
ans. Il y faifoit aufTi chaud, pendant le mois de Janvier, qu'il fait ordi-
nairement à Paris , dans celui de Juillet. Mais les Habitans , accoutumés
à des chaleurs beaucoup plus ardentes , vers Juin & les mois fuivans , lorf-
que W vent du Sud fe fait fentir , fe plaignoient du froid , & prenoient la
vefte de drap, pour ne la quitter qu'au mois de Mars. Il plut deux fois,
pendant le féjour des François. Ils remarquèrent aufTi que, vers neuf ou
dix heures du matin, un vent de bife, qui vient de la Mer, rafraîchit
beaucoup l'air ; fans quoi , il feroit diflScile de réfifler à l'excès d'une cha-
leur, qui efl capable de faire fuer fans aucun exercice (x).
Les fables , qui [environnent la Ville , ne laifîent pas d'être plantésr de
quelques palmiers , qu'on prend foin d'arrofer avec le fecours d'un grand
nombre de puits, & qui portent des dattes fort communes. Quelques
endroits produifent une forte de millet blanc, plus gros trois fois que le
nôtre,
fous le nom de Mocka. Elle efl à foixante- (t) Ibid. pag.- 105.
fcpt degrés cinquante minutes de longitude , ( w ) Pag. 1 1 1 & fuivantes,
& à trente degrés dix minutes de latitude, (x) Pag. 118.
DANS L*ARABIE HEUREUSE, Liv. III.
i6i
pôtre. Après les pluyes, la terre fe couvre d'une croûte de fel. Auflî
celui qu'on employé dans le Pays, fe fait-il prefque fans travail, par le
moyen des folles & des rigoles qui reçoivent 1 eau de la Mer. Il y devient
ù dur, qu'on ne peut l'en tirer qu'à coups de pic.
Ici l'Auteur, étendant fes obfervations , entreprend de faire mieux con-
noîtreunPays d'où vient le CalFé; cette plante fi chérie, dit-il, & ^ue
l'on y vient chercher de fi loin. Perfonne n'ignore que l'Arabie en général
VOTACE DB
L'AlUBII
HEUREUSE.
1709.
Obfervations
f;énéralc8 fut
■Arabie.
Pétrée &'Heureufc. Mais il efl: partagé, d'ailleurs, en divers Royaumes,
dont les noms nous font moins familiers , & pofTédés jufqu'aujourd'hui par
des Rois ou des Princes particuliers , qui ne dépendent , ni du Grand
Seigneur, ni du Roi de Perfe. Le plus confidérable eft celui d'Temen. 11
comprend la plus grande partie de l'Arabie heureufe. Ce Royaume s'é-
tend , du côté de 1 Orient , le long de l'Océan , depuis Aden jufqu'au Cap
de Rafalgatt. c'efl: - à - dire , d'un Golfe à l'autre. Une partie de la Mer
rouge le borne du côté du Couchant & du Midi; & fes limites, au Nord,
font le Royaume de Hidgias, qui appartient au Cherif de la Mecque.
Le feul Yemen, à l'exclufion de toutes les autres Régions de l'Arabie/
produit l'arbre duCaffé. Encore ne fe trouve-t'il en grande abondance que
dans trois Cantons principaux; ceux de Betelfaguy^ Senan ou Sanaa^ &
Galbany , qui tirent leurs noms de trois Villes des montagnes. Tout ce qui
s'étend le long de la Mer n'efl: qu'une mauvaife Plage , féche & ftérile, qui
a, dans quelques endroits, jufqu'à dix ou douze lieues de largeur, mais
qui eft bordée en revanche par ces mêmes montagnes , où l'on trouve ,
avec le CafFc , quantité d'autres arbres , diverfes fortes de fruits , & de l'eau
fort faine, avec une fraîcheur agréable & un printems prefque continuel.
On peut charger , au Port d' Aden , du Cafté de Sanaa & de Galbany , qui
n'en font pas fort éloignés: mais il eft moins eftimé que celui deBetelfaguy,
Cette raifon , joint à 1 efpérance de le trouver moins cher à Mocka , n'avoit
pas permis aux François de s'arrêter dans le premier de ces deux Ports. A
peine eurent - ils conclu leur Traité avec le Gouverneur du fécond , qu'ils
allèrent établir, à Betelfaguy, une Loge pour leur Commerce, & pour
faire tranfporter le CafFé , par Terre, de cette Ville à Mocka. Betelfaguy
eft éloigné de ce Port, d'environ trente-cinq lieues, en tirant vers le fond
de la Mer rouge, dont il n'cft qu'à dix lieues (y). On fait le Voyage en deux
petites journées , pendant Icfquelles on ne celfe point de côtoyer les mon-
tagnes; & vers les deux tiers du chemin, on rencontre une Ville, nommée
Zebit^ ou Zebida, qui paroît avoir été confidérable, mais qui eft fort dé-
pourvue d'eau , quoique plufieurs Géographes y placent une Rivière. Ce-
pendant, il eft vrai que fur toute cette route, on trouve divers petits ponts,
qui fervent à pafler le? ruifleaux, ou plutôt les torrens, qui defcendent en
certains
(y) C'efl-à-dire l'enfoncement ou le golfe que la Mer rouge forme fur cette Cote, R.d.E.
XIK Fart, X
Yemen ,
Jtule partie ds
l'Arabie qui
produifc le
CafFé.
Différence
de bonté daiK
le Caffé.
Ville de Be-
telfaguy & la
dcfcriptioa.
l62
VOYAGES DES FRANÇOIS,
VoYAOS M
l'Ahauis
HECHEUISi
I70i?.
Grand Mar-
chi un CaiTti.
Trnnrport
du CafFé en
Turquie &
dans riade.
certains tcms des montagnes, mais qui fe perdant dans les fables brûhns de
cette Cote, n'arrivent prclquc jamais jiifqu'à la Mer.
La Ville de Betelfaguy, quoique plus grande que celle dp Mocka, cft
du même Gouvernement. Elle ell nrncc (le fort belles Mofquées, dont les
tours ou les minarets , font blanches en dehors , & en dedans. Les mai»
fonsy font de brique, la plupart à deux étages, avec des terrafles. La
Ville n'a point de murailles ; mais elle efl; défendue par un aflez bon Chà-
teau , qui tire fon eau d'un puits extrêmement profond, par le travail con-
tinuel d'un chameau. Elle fort fi chaude & fi fumante, qu'il eft impoflible
d'en boire d'abord. On la laifle repofer pendant une nuit , qui la rend fraî>
che & délicieufe. On voit , dans Betelfaguy , un fort grand Bazar, ou Mar-
ché au CaiFé , qui occupe deux grandes cours , environnées de galeries cou-
vertes. C'clî-là que les Arabes de la campagne apportent leur CafFé , dans
de grands facs de nattes, dont ils mettent deux fur un chameau. LesMar>
chands l'achètent par l'entremifc des Banians, qui font en Arabie, comme
aux Indes, les principaux Courtiers du Commerce. Au fond du Bazar, on
voie une eflracle, de la hauteur de quatre pieds, où fe placent, fur des ta-
Îiis , les Officiers de la Douane , & quelquefois le Gouverneur en perfonne.
Is tiennent compte du poids, qui fe fait en leur préfence, & du prix de
tout le Caffé qui efl vendu , pour en faire payer les droits au Roi. LesPe-
feurs fe fervent de grandes balances ; & pour poids , de groffes pierres en*
^eloppées dans de la toile. Le Vendeur paye feul le droit de vente, qui
efl la valeur d'un fol par piallre. Tout fe paye en piaflres Mexicanes ; car
depuis quelques faufTetés , que les Habitans du Pays reprochent aux Portu-
gais , les piaflres du Pérou & les Sevillanes n'ont prefqu' aucun cours. Ils
reçoivent auffi l'or en fequins. On porte journellement du CafFé à Betelfa-
guy, de la montagne, qui n'en efl qu'à trois lieues de diflance. Le Mar-
ché s'y tient tous les jours, à l'exception du Vendredi, que le Gouverneur
& les Douaniers vont l'aprés-midi à la Mofquée, accompagnés de leurs Offi-
ciers & des Soldats , avec les drapeaux du Prophète & ceux du Roi.
C'est à Betelfaguy que fe fait la vente du CafFé pour toute la Turquie,
l'Egypte & les Indes. Les Marchands d'Egypte & de Turquie en chargent
une grande quantité fur des chameaux, qui en portent chacun deux balles,
du poids d'environ deux cens foixante-dix livres , jufqu'à un petit Port de
la Mer rouge , qui n'efl qu'à dix lieues de cette Ville. Là , ils le chargent
fur de petits Bâtimens , qui le tranfportent cent cinquante lieues plus loin
dans le Golfe, à Gedda^ qui efl proprement le Port de la Mecque. De
Gedda, il efl rechargé fur des VaifTeaux Turcs, qui le portent jufqu'à S'Mfz;
dernier Port du fond de la Mer rouge, qui appartient au Grand Seigneur:
d'où, étant encore chargé fur des chameaux, il fe tranfporte en Egypte
& dans les autres Provinces de l'Empire Ottoman, par les Caravanes, ou
par la Mer Méditerranée. Enfin, c'efl de l'Egypte qu'efl venu tout le
CafFé qui s'efl confommé en France jufqu'au Voyage dont on donne la
Relation {%).
On remet au Voyaf? fuivant, ^'autres éclairciiTemens fur le Royaume
• ' d'Yemen,
(a) iWrf«w. pag, 128 5c précédentes. .
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Lir. III,
1^3
dTemen , pour conduire les deux premiers VaifTcaux à la fin de leur cour*
fe. Pendant qu'ils tutoient à Mocka, l'Auteur vit dans cette Ville un des
Cherifs de la Mecque, delà race du Prophète Mahomet , qui étoit venu
chercher un azile à la Cour du Roi d'Yemen, après avoir été vaincu par
un autre Cherif , Ton proche parent , qui étoit demeuré Maître du Pays.
Le Roi lui avoit atligné cent ecus par jour , pour Ton entretien , &, la Ville
de Mocka pour demeure. Ce Prince dépouillé n'avoit à fa fuite que vingt
hommes bien montés. Il étoit vêtu de arap vcrd , avec un turban de mê*
me couleur, dont les bouts étoient brochet d'or. On le voyoit fouvent al*
1er à laMofauée, avec Ton peeit cortège, précédé de l'étendart deMaho*
mec. Il vintoit quelquefois auiTi une efpéce de Chapelle, qui efl à peu de
didance de Mocka , ou l'on prétend que pluficurs Prophètes ont eu leur fé-
pulture. Le Peuple fait ce petit pèlerinage avec beaucoup de dévotion , &
s'arrête , en chemin , à prier fur les tombeaux qui font hors de la Ville. Le
Cherif étoit depuis cinq mois à Mocka , lorfque fon Concurrent fit déclarer
au Roi d' Yemen , que s'il continuoit de donner retraite à fqn Ennemi , il
porteroic la Guerre dans Cet Etats. Cette menace obligea le Roi de con*
gédier le Prince fugitif. Les François le virent partir , accompagné de
{>lurieurs perfonnes de diIlin6tion , pour aller chercher un azile plus é*
oiené (a).
A l'occafion de ce malheureux Cherif, l'Auteur fait deux obfervations,
3ui ne doivent pas être négligées. C'eft une erreur, dit-il, delà plupart
es Européens , & qui s'cfl gliflee dans quelques bons Livres , de s imagi-
ner que le Grand Seigneur efl Souverain de la Mecque & de Medine, &
que les Cherifs , c'ell-à*dire , les Princes de la race de Mahomet qui y com-
mandent, ne font que des Gouverneurs ou des VaiTaux tributaires. Il efl
vrai que les Turcs ayant détruit l'Empire des Califes , & leur ayant fucce-
dé par droit de conquête , le Grand Seigneur a fuccedé aufTi , non-feule-
ment à la dignité, mais à toute l'autorité des anciens Califes, premiers
SuccefTeurs de Mahomet; qualité fort éminente, qui le conftitue Chef de
la Religion & de l'Empire, & qui efl reconnue par les quatre principales
Seules du Mahométifme.
Mais il n'efl pas moins vrai que dans la décadence & la divifion de cet
Empire, la race du Prophète s'efl confervé la pofTelTion & la fouveraineté
de ces deux Villes & du Pays où elles font fituées , fans oppofition de la
part des Princes Mahométans , & fans aucune ombre de dépendance. Au
contraire, les plus puilTans d'entre ces Princes ont une extrême vénération
pour les Cherifs & pour les lieux qu'ils pofTèdent. Ils leur envoyent fou-
vent des offrandes & des préfens confidcrables. D'ailleurs, dans leurs
titres les plus faftueux , ils ne prennent que l'humble qualité de Serviteurs
des deux faintes Villes de la Mecque oc de Medine; fur-tout le Grand
Seigneur, qui prend auffi la qualité de Proteéleur de Jerufalem, dont il
efl véritablement le Souverain Maître; ce qui marque affez la différence
qu'il met entre ces Villes (Z>).
On fçaitquela race de ces Cherifs tire fon origine de Fatimey fille de
Mahomet,
(a) Pag. 141 & précédentes. (J) Pag. 143,
X 2
VoTAor nf
l'Araiir
MltRIUlB.
1709.
Hiftolrcd'un
Chérir chalTé
de la Mecque.
II perd la
proteflion du
kol d'Ycmcn.
Deux erreur»
communes en
Europe.
Indépendan-
ce des Cherifs
de la Mecque.
Leur origine.
1^4
VOYAGES DES FRANÇOIS,
Voyage i5e
l'Arabib
heureuse.
1709.
Retour des
François au
Port de Breft.
17II.
Autres lu-
iniëFcs fur ie
Royaume
ë'VeineH»
Mahomet, qui eut d*Aly, deux fils, nommés Haffan & Hujfein, Fonda-
teurs de deux grandes Maifons, & Pères de tous les Cherifs qui font au
Monde. La Maifon d'Haflan s'eft divifée en deux branches principales ,
dont la première a donné des Princes Souverains à la Mecque & à Medine!
La féconde, étant paflTée en Afrique , a fait la fource des Rois de Maroc,
& des autres Cherifs de cette Contrée. La branche aînée s'eft fubdivifée
en quatre familles , celles de Beni-Cayder , ou Kader , de Beni-MouJJaîam^
nommée auffi Beni-Hqffan, de Beni-Hachem^ & de Beni-Kitada (t). Le
Chcrif,qui règnoit à la Mecque en 1710, étoit de la dernière branche, qui
occupe, dit-on, cette Principauté depuis plus de cinq cens ans; & celui
qui règnoit à Medine étoit de celle deBeni-Hachem, qui a régné à la Mec-
que avant celle de Beni-Kitada. Mais celle-ci fe trouvant encore multi-
pliée & divifée en plufieurs autres branches , le lien du fang devient fbuvent
un fujet de difcorde entre tous les Cherifs d'une même Maifon. Ils s'ar-
ment les uns contre les autres , pour fe difputer la Souveraineté par de
cruelles Guerres. Quelquefois , la divifîon naiffant auflTi entre les deux
Cherifs de la Mecque & de Medine, ils fe pourfuivent avec une animofi-
té qui répand la confufion dans leurs Etats. Alors , le Grand Seigneur ,
en qualité de Calife, ne manque guères de prendre connoifîance de leurs
différends, & d'employer quelquefois la force pour établir un Cherifàl»
place d'un autre: mais celui qu'il favorife, doit toujours être de la Maifon
régnante, & toute l'autorité du Sultan le plus abfolu- ne peut interrompre
cet ordre (à),
L'Auteur renfermant fon fujet dans l'Arabie, fe contente de remar-
Î|uer, à l'égard des Defcendans de Huifein, fécond fils de Fatime, que,
uivant les Orientaux, ce font les Rois de Perfe, qui règnoient alors, & les
autres Cherifs de l'Afie.
Le Voyage des deux Vaifleaux François n'eut rien de plus remarquable à
Jeur retour , que dans, la navigation qui les avoit conduits à Mocka. Ils
relâchèrent aux Mes de France & de Bourbon, que l'Auteur prend plaifir à
décrire, après en avoir ea beaucoup à les vifiter; & le i2r de Mai 1710,
ils arrivèrent heureufement au Port deBreft (^e).
(c) Cet Article fe trouve fi fort, embrouîl- fuite par une Note, qui jte fait que répéter
lé, dans l'Edition de Taris, que la branche le Texte pour le relie. Kouj avons foignea-
qu'on fait pafTer en Afrique , eft précifé- fement corrigé ces erreurs. R. d. E..
ment celle dont M. Prevoft tire les Cherifs (d^ Pag. 143 & fuivantes.
ck l'Axabie,. quoiqu'il fe contredife tout da (^e^ Pag. 221^ ■-
^ V .■ g... IL , ^ 'V'" . ^'^:n •
Voyage à Mouab , Cour Royale ^Tement
ON a d'autres lumières à tirer, fur le Royaume d'Yemen, d'un Journal'
publié dans le même Volume, qui contient une féconde expédition
delà Compagnie de Saint Maio , en 1711. Deux de fes Vaifleaux, fous
les Capitaines de la Lande ^ & deBrifelaine^ ayant abordé au Port de Mocka,
le 2 de Décembre, y trouvèrent, pour Gouverneur, celui qui l'étoit d'Aden
. '. . an
DANS L»ARABIE HEUREUSE, Liv. Ut
16S
au premier Voyage. Il avoit fiiccedé à fon frère Cheik - Saleb , que le Roi
d'Yemen avoit élevé à la dignité de Vifir , ou de fon Premier Miniftre. Ce
nouveau Gouverneur fit un accueil extrêmement favorable aux François , &
leur accorda même quelque diftinftion pour les droits. Pendant leur féjour
àMocka, le Roi dTemen étant tombé malade, fon nouveau Miniftre lui
vanta l'habileté des Médecins de leur Nation , & lui confeilla d'en faire
venir quelqu'un , des Navires arrivés dans fon Port. Les deux Capitai-
nes reçurent auffi-tôt des Députés de la Cour, avec une Lettre fort civile,
qui leur demandoit cette faveur au nom du Roi : & pour donner un air
d'importance à la députation, elle avoit pour Chef Sidy-Jbedil y premier Se-
crétaire du Roi. Cet Officier portoit , pour marque de fon autorité , une
petite hache d'armes à manche d'argent ^ pendue à fa ceinture ou à la fclle
de fon cheval. ,
Les Capitaines prirent un peu trop à la rigueur le terme de Médecin ,
qui fe trouvoit plufieurs fois répété dans la Lettre. Ils répondirent , „ *n
„ vraii Marins y qu'ils n'avoient point de Médecins fur leurs VaifTeaux,
„ mais qu'ils avoient des gens habiles à couper des bras & des jambes , &
„ à panfer des playes , qui fe mêloient auflli de traiter les malades , & qui
„ quelquefois les guériflbient (fl)". Sidy-Abedil les afluraque c'étoit de
cette efpèce de Médecins que fon Maître avoit befoin , parcequ'il avoit un
abcès fâcheux dans l'oreille. Ils réfolurent alors de faifir une û belle occa-
fion pour faire connoître la Nation Françoife au Roi d'Yemen, & pour
acquérir eux-mêmes la connoiflance d'un Pays , dont il y avoit tant d'utili-
té a tirer pour le Commerce. Dans cette vue, ils firent au Roi une dé-
putation dans les formes , dont ils chargèrent un Officier Angevin , nommé
de la Grelaudierey Ancien Major de la Garnifon de Pondichery , qui étoit ve-
nu joindre les deux VaifTeaux pour repafler en France. 11 étoit homme
d'efprit. Il fçavoit aflez l'Arabe pour n'être pas la dupe d'un Interprête
Portugais. On lui donna le Chirurgien du lecond VaifTeau , & quelques
préfens pour le Roi, La principale pièce étoit une fort belle glace , de cinq
a fix pieds de hauteur, avec une paire de piftolets d'un travail curieux, &
quelques pièces de nos plus beaux draps. 5*3 *
Les Députés François partirent avec ceux du Roî d'Yemen, le 14 de
Février 1712, montés fur de fort beaux chevaux. Cette Caravane étoit
d'environ vingt perfonncs, efcortée par une Compagnie de Cavalerie, &
fuivie de plufieurs bêtes de charge pour le tranfport des provifions. Elle
fe rendit d'abord, par une marche d« dix lieues, à Mofa^ petite Ville
champêtre, qui fournit prefque toute la volaille qu'on apporte à Mockai
C'eft auffi l'entrepôt & le pafTage des fruits , qui viennent des montagnes.
Le lendemain, on fit quinze lieues, pour aller coucher à Manzery, Hameau
de cinq ou fix maifons, où l'on pafla la nuit fous- des palmiers & des peu-
pliers. Le troifièmejour, on partit de grand matin, pour arriver à Ta^e,
qui eft à dix lieues de Manzery. Le chemin ell fort beau, dans une plai-
ne prefque continuelle.
Tage, eft une grande Ville, fermée de belles murailles, qui parent pour
. , ; . i'ouvrage
C«)iiW«w,pag. 225 & fulvaHtes. . ; ^ . • ^ ;., , .
X
VotAdî DB
l'Akaoik
hcuheuse.
I7H.
T 7 I 2.
Route de
Mocka à la
Cour du Roi
d'Yemen.
Mofa.
Manzeryv
Tage & f*.
defcription^
i66
VOYAGES DES FRANÇOIS,
votaôb dx
l'Araoii!
heukbusb.
171 2.
Manzuel.
Premiers ar-
bres de Caffé.
Gabala.
Yrame.
Grandes mon-
tagnes.
IDamar.
Mouab , ré-
fidcnce du
Roi d'Yemen.
l'ouvrage des Turcs , avec un bon Château fur une montagne qui comman-
de la Place. Le Fort , qu'on découvre de fix lieues , eft muni de trente groi
canons de fonte , & fert de prifon aux Criminels d'Etat. On a pratiqué,
fur le penchant de la montagne , plufieurs Jardins qui en rendent la vue
fort agréable , & qui procurent diverfes commodités à la Ville. Le Gou-
verueur étoit fils du Roi, qui avoit précédé fur le Trône celui quiroccu.
poit alors. Les François, n'ayant pas manqué de l'aller faluer dans le
Château, y furent reçus avec beaucoup de civilités. Ils vifitèrent en*
fuite une partie de la Ville, dont ils admirèrent particulièrement lesMof-
quées (b).
Le lendemain, ayant continué leur marche vers Manzuel ^ ils eurent le
plaifir de voir pour la première fois , à fix lieues de Tage , des arbres qui
portent le CafFé. Ce Cantoh produit les plus beaux & les mieux cultivés
de l'Yemen. On y voit aufli beaucoup d'arbres fruitiers. Manzuel a deux
Châteaux fort antiques , dont l'un fervoit de demeure aux anciens Rois du
Pays , pendant leurs Guerres avec les Turcs.
De Manzuel , la Caravane entreprit de fe rendre en deux jours à Trame,
Ville qui en efl: éloignée de plus de trente lieues. On trouve en chemin Ga-
bala , petite Ville murée d'un feul côté , mais dont les Mofquées fe font
remarquer par la beauté de leurs tours , ou de leurs minarets. On pafTa \i
nuit fous des arbres ; & le jour fuivant , on arriva fans peine à Yrame,
grande Ville fans murailles. C'eft à la fortie de cette Place qu'on trouve
des montagnes , les plus hautes peut-être de l'Yemen. Le Pays , qui paroit
jufqu'alors aflez agréable , quoiqu'entrecoupé par des hauteurs , commence
a devenir fec & ftérile. On cefle d'y voir des arbres , & des vallées rem-
plies de plantations de CafFé. La terre n'y efl: plus arrofée par les eauxi
des montagnes, comme dans la route précédente, où elles forment de fcé<
quens ruiflfeaux , fans faire néanmoins aucune Ri viére. 1
On fe rendit à Damar , autre Ville confîdérable à quinze lieues d'Yrame.
Les chemins font fort difficiles , dans des montagnes d'une élévation ex-
traordinaire, où pendant tout le jour on'fent une chaleur brûlante, fan»
prefqu'aucun vent , & fans autre fraîcheur, jufqu'au coucher du Soleil
Mais , en arrivant à Damar , on efl délivré de cette fatigue , & l'on com-
mence à refpirer , dans un Pays ouvert qui s'étend en plaines fort agréables.
D'ailleurs , il ne refle qu'un quart de lieue de Damar a Mouab , féjour ordi-
naire du Roi d'Yemen (c).
La Ville de Mouab efl: fituée fur une petite montagne, dont rexpofition
efl au Midi. Elle doit fa naifllince au Roi qui règnoit alors , & qui avoit
fait bâtir aufll, fur une montagne plus élevée, à la même diflance d'un
quart de lieue, un Château du même nom (rf) , pour lui fervir de Maifon
de plaifance. Ainû Damar, la Ville de Mouab, & le Château, forment
un triangle, dont les trois côtés font d'égale grandeur (<?). A deux
• lieues
(h) Ibid. pag. 30 & précédente!,
f f J Ibid. pag. 232.
{ d) L'Auteur des Mémoires vit des Expé-
ditions dattées de ce Château, qui y eft nom*
mé, en Arabe , Hifn al Maouabib, c'cft-à-dire,
Château ou Palais des Grâces,
C«) Ibidem.
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Lrv. III.
167
l'Arabii:
heureuse.
17 12.
lieues & demie de Mouab, le même Prince avoit fait bâtir, fur une pe-
tite montagne, une Citadelle, munie d'une Artillerie nombreufe, & d'une
forte Garnilbn. C'étoit dans cette Forterefle qu'il fe retiroit pendant la
Guerre, icrfqu'il avoic des Ennemis aflez puiûans pour lui faire redouter
leur approche (/).
Les Députés Arabes, qui n'avoient pas cefle d'accompagner les François, Les François
fe féparèrent d'eux à peu de diftance de Mouab, après leur avoir demandé LeurTècep-
le tems néceflaire pour avertir le Roi de leur arrivée. Ce Monarque fe tion.
difpofa auffi-tôt à leur faire une réception diflinguée: mais l'extrême cha-
leur ayant excité leur impatience, ils fe hâtèrent d'avancer vers la Ville, ' <
d'où ils ne laiiTèrent pas de voir fortir quantité de Donde, pour venir au-
devant d'eux. Ils y entrèrent le huitième jour de leur marche, qui avoit
été de plus de fix- vingt lieues. Leurs Mémoires portent que la route , de-
puis Mocka, fut prefque toujours au Nord-Efl: (g). Ils defcendirent dans
la Cour du Palais , après avoir paflTé cinq différentes portes , dont chacune
a fon Corps-de-garde. Ils furent reçus, par un Officier de la Chambre du
Roi, & conduits par un bel efcalier dans l'intérieur de l'Edifice, qui ell
bâti fur deux grandes aîles , chacune de trois étages. On les fit atten-
dre, aflez long-tems, à la porte de l'appartement Royal. Enfiu , rece-
vant la permiflîon d'entrer, après avoir laifle leurs fouliers à la porte,
ils trouvèrent d'abord le Premier Miniftre , Cheik - Saleh , qui fe nom-
ma l'Ami des François, & qui leur fervit d'Introdufteur dans la cham-
bre du Roi.
Ce Prince étoit âgé de quatre- vingt-fept ans , bien fait , d'une phifio-
nomie agréable, & médiocrement bafané. Il étoit aflfis au fond de la cham-
bre, fur une eftrade couverte de tapis, au milieu de plufieurs couflTms fur
lefquels il étoit appuyé. Il avoit, près de lui, les deux Princes, fes fils;
un peu plus loin , fes principaux Officiers ; enfuite , à commencer du pied
de l'eflirade, une partie de fes Courtifans, rangés fur deux lignes, qui laif-
foient un pafl'age aflez large pour ceux qui dévoient s'approcha. La Gre-
laudiere, s'étant avancé, aîloit commencer un petit difcours qu'il avoit
préparé: mais le Roi, preflTé apparemment de fon mal, l'interrompit, &
demanda lequel des François étoit le Médecin. On le lui montra. Il fe
leva aufli-tôt ; & deux de fes Officiers l'ayant aidé à defcendre , il s'ap-
procha d'une fenêtre, où il fit voir fon mal au Chirurgien François. C'é- Sa maladie.
toit effeftivement un abcès dans l'oreille. On ne l'avoit panfé qu'avec
l'application d'un peu déterre faunâtre, dans l'efpérance de le deflecher:
mais ce remède n'avoit fervi , au contraire, qu'à caufer une inflamma-
tion, accompagnée de toutes fes fuites } c'efl:-à-dire, de la fièvre & d'une
fort douloureule infomnie. Les premiers fecours du Chirurgien appaifèrent
la douleur, & d'autres foins rappellèrent bien-tôt le fommeil & l'appétit.
La reconnoiflance du Roi ne lui permettant point de laifler fortir les Fran-
çois du Palais , il voulut qu'ils y fuflent logés & libéralement traités. On
leur donna trois appartemens , mais fort nuds , & prefque fans autres meu-
bles que des tapis de pied, 6c des couflins, fur des eftrades qui dévoient
fervir
(/)Pag. 233. ' U) Pag. 234.
Portrait ai
Roi.
^^
1^8
VOYAGES DES FRANÇOIS,'
votags de
l'Arab:£
imURCUSB.
17 12.
Comment
les François
foiutraiti^-s.
Dcfcrîption
de Mouab.
Terroir de
Mouab & Jar-
din du Roi.
Simplicité
de la Cour
d'Yemen,
fervir de tables, de fièges & de lits. Cet ufage efl commun à prefque touj
les Orientaux (/;).
L'attention du Roi fut fans bornes. Il envoyoit fouvent, à la Grelau-
dicre & au Chirurgien , des plats de fa table. Mais ils ne pouvoient s'ac.
commoder de ces mets, où l'cpicerie, & fur-tout la canelle dominoient
exceflivement. C'étoit de la chair de cabris , de veau & de mouton , cou-
pée par morceaux, & bouillie enfemble avec du riz & quantité de raifin
fec. Quelquefois on leur fervoit du bœuf, fort mal apprêté ; & fouvent,
de la volaille , que les Arabes écorchent immédiatement après l'avoir tuée,
& qu'ils font frire fur le champ. Leur méthode efl: la même pour toutes
les autres viandes , fans leur donner le tems de fe mortifier (f). Leur pain,
qui efl: aflîiz infipide , reffemble à nos galettes de bled farazin. Ils ne fe
permettent point l'ufage du vin, quoiqu'il y ait des vignobles aux environs
de Mouab (*). On ne préfente jamais , chez eux, tfautre boifTon que de
l'eau & du cafFé. Les François demandèrent, enfin , qu'on leur fournît
feulement les viandes néceflaires , & qu'on leur laiffât le foin de les pré-
parer. Cette grâce leur fut accordée (/).
La parfaite guérifon du Roi n'ayant pas demandé moins de trois femai-
nés, ils fortoient fouvent du Palais, pour ^ifiter la Ville & fes dehors.
Mouab n'efl: difl:inguée que par la demeure du Prince. Elle efl: d une gran-
deur médiocre. Ses murailles & la plupart des édifices font de terre. Un
de fes Fauxbourgs efl: entièrement peuplé de Juifs , qui font obligés de s'y
retirer le foir, fans pouvoir obtenir la permiffion de coucher dans la Ville,
L'air efl: fain. Il fait froid , à Mouab , après le coucher duSôîeil , & jufqu à
quatre heures du foir, la chaleur y efl: fort grande (m).
Le terroir paroît fort bon, autour de la Ville. Toutes les plaines é-
toient, alors, fémées de riz & de froment; mais les collines & les vallées
ofFroient de fort belles plantations de Caffe , ou des Vignobles , entre-mê-
lés d'arbres fruitiers. Le Roi, dans un entretien particulier, avoit vanté
aux François , un nouveau Jardin qu'il faifoit aftuellement planter près de
la Ville, & dans lequel il ne vouloit fouffrir que des CafFés d'élite, qui
dévoient porter le nom de Caffés du Roi. Ils ne manquèrent pas d'aller
voir ce Jardin , qui n' avoit de remarquable , que le foin qu'on prenoit de
renfermer , dans un enclos , avec un arrangement particulier, des arbres
fi communs dans le Royaume (m).
l'ouT leur parut de la même fimplicité à la Cour. Ils ne virent point,
ao Roi, d'autre habillement que d'un dra|i aflez fin, de couleur verte, ou
j?,une, fans aucune efpèce d'ornement, avec les jambes & les pieds nuds,
-. •- &
^^]
Pag. 238 & précédentes.
( t) Les Arabes ne mangent jamais de gi-
bier , quoiqu'il foit très-delicat & en abon-
. dance. Ibid. pag. 204. ,R. d. E.
(i) M. Prevoft avoit mis ici MocJta; L'er-
reur efl: d'autant plus groffière , qu'à quinze
lieues aux environs de cette Ville, il ne croit
rien de tout ce qui fe trouve dans le refte de
l'Yemcn. La terre brûlante , aiide & nitrea-
fe , ne produit que des palmiers d'une efpèce
commune; de -forte que fans la bonté du
Port de Mocka, où l'on apporte de tous cô-
tés des denrées & des vivres, la Ville & tout
le Pays d'alentour feroient bien-tôt aftaméj.
Voyez ci-defTus, pag. 160. R.. d. E.
(l) Pag. 240.
(jnVPag. 241.
(n) Pag. 242,
PANS L'ARABIE HEUREUSE, tiv. m.' îtf<>
& des babouches à la Turque. Pour unique diftinftion , il porcoit , deflus
fon turban , un voile de foye blanche, qui lui Couvrant toute la tête, tom-
boit fur le devant, & fe nouoit fous le menton ; à-peu-près comme les fem-
mes, parmi nous, portent leur coeffe de tafFeta.i (o). Sa vie particulière
ëtoit aflez uniforme. Il fe levoit à la pointe du jour. Il dinoit à neuf
heures; pour fe remettre au lit à onze heures du matin, jufqu'à deux heu-
res après midi. Les tambours & les haubois fe faifant entendre tous les
jours à cette heure , leur Chef avoit feul le privilège d'entrer dans l'appar-
tement du Prince, foit qu'il fût alors éveillé, ou qu'il continuât de dormir.
Ce Chef de la mufique militaire étoit un Turc, fort plaifamraent équipé,
qui portoit une ceinture garnie de grandes plaques & de crochpts d'argent ;
avec une palme en broderie , fur le front de fon turban , & une chaîne
d'argent qui en faifoit plufieurs fois le tour, dans un goût fort bizarre.
Aufli-tôt que le réveil du Roi étoit annoncé par cet Oflficier, il étoit vidté
par les Princes & les Grands, qui l'entretenoient jufqu'à l'heure marquée
pour la prière ou les affaires. Ils ne s'approchoienc jamais de lui , fans lui
prendre la main droite, qu'il tenoit fur fon genou, & qu'ils lui baifoient,
avec les plus grandes marques de refpeél. Il y avoit auflî des tems deflinés
à la promenade, & à la vifite des femmes. Enfin, ce Prince terminoit la
journée, en fe couchant à onze heures du foir, après avoir foupé à cin^.
Tous les Vendredis il fe rendoit, avec beaucoup de pompe, dans une plai-
ne voifîne de la Ville, où l'on dreflbit une tente, qui lui fervoit de Mof-
^uée. Il y paflbit une heure entière, à faire les fonélions d'Imam, c'eft-
à-dire, de Prêtre ou Pontife de la Loi de Mahomet, dont il prenoit la qua-
lité dans fes Titres (p). Ces fonftions cônfiftoient à commencer la prière
publique; après quoi, il faifoit le Khotab, efpèce de Prône ou de Sermon,
dans lequel les louanges de Dieu & celles de Mahomet font accompagnées
de prières , pour la profperité de l'Etat. A fon retour, il affifloit aux
exercices de la Cavalerie. Pendant touc ce jour, ceux qui fe trouvoient
fur fa route, avoient le privilège de s'approcher, & de lui baifer la inain,
qu'il ne refufoit à perfonne. L'Auteur eut peine à comprendre, pourquoi
ce Prince, qui avoit fait bâtir une nouvelle Ville, avec un Palais, pour fa
réfidence ordinaire, fans parler du Château, qui n'en eft guères éloigné,
n'avoit pas fait conflruire une feule Mofquée, & fe réduifoit à faire fa
prière en pleine campagne. Cette affeélation venoit, peut-être, de la mê-
me défiance , qui lui avoit fait mettre fa perfonne à couvert des Etrangers ,
par une longue fuite de montagnes, & qui lui faifoit craindre d'être trahi,
dans un Temple, par fes propres Sujets : ce qui n'efl: pas fans exemple,
parmi les Mufulmans , puifque le fameux Aly, Gendre de Mahomet, fut
aflaffîné dans une Mofquée, pendant la prière publique (g). Le Royau-
me d'Yemen n'étant pas héréditaire, le Prince, qui fe fait le plus d'amis,
&quialepIusdeforcs ou d'intrigue, l'emporte prefque toujours fur fes
,' -1 -ft • i .: i< ,- 1] Con-
:'j!.,t
-t-
(o) Cette fimplicité extraordinaire ne doit
^oint paroitrc ilirprenante. Comme ce Prin-
ce prenoit la qualité d'Imam, ou de Prêtre de
la Loi de IViahomet, il devoit imiter les Mouf-
Xir. Part,
tis.Ies gens de la Loi, les Cadis,&affefter,
comme eux , un extérieur modeftc. B,. d. £. •
(p) Pag. 245. & fuivantes.
(q ) Pag. 253.
Voyage ot
l'Akabie
heukbusx.
1712.
Le Roi '
prend le tilTB
de Pontife.
Succcflîon
au Trône
d'Yemen,
t7d VOYAGES DES FRANÇOIS;'
Voyage de
l'Arabib
HEUREUi^B.
1712.
Origine de
i
Concorrens, qu'il fait tuer enfuite , ou renfermer dans une prifon. Cepeij.
dant cette remarque ne doit pas faire fuppofer que la Couronne ne foit pas,
depuis long-tems, dans une même Maifon; mais feulement, que les Aï.
nés en font facilement exclus , lorfc^ue d'autres Princes du même fang
ïe rendent les plus forts. C'efl ce qui étoit arrivé au Roi régnant, qui
avoit fuccedé à fon frère , au préjudice de fon neveu ; & de - là venoient
les précautiohs , avec lefquelles il s*étoit fortifié dans les plus hautes mon*
tagnes (r).
On regrette que les Députés François n'ayent pas eu la curiofité d'éclair*
la Race Roya- cjj. TOrigine de la Maifon Royale d Yemen ; car les grandes Maifons font
*• connues dans le Mahométifme, & l'on y trouve des Hiftoires & des Gé-
néalogies qui paflent pour certaines. Quelques Sçavans ont penfé^ parmi
nous , que ce pouvoit être l'illuflire Maifon de Thabatbeba , dont ils font re-
monter la Souveraineté, en Arabie , jufqu'au tems de Charle- Magne. Il eft
fur, du moins, que cette Dynaftie de Princes, qui defcendoient d'Aly, a
régné dans l'Yemen & dans l'Egypte , dès le dixième Siècle. Mais TEdi*
teur de ce Voyage eft plus porté à Juger , que la Race préfente defcend des
Ajubites, ainfi nommés àiAjub^ ou. 3^obj Chef d'une autre grande Maifon,
qui a donné naiflance au fameux Saladin & à fa poflérité. Une branche
de ces Ajubites règnoit certainement dans l'Yemen, au treizième Siècle.
Son Chef prenoit alors la qualité de Calife, & celle d'Imam i qui en eft in-
féparable ; ce que le Roi d' Yemen fait encore aujourd'hui (s).
Ce Prince, fuivant l'ufage de tous les Monarques de l'Orient, entretient
un grand nombre de femmes , qu'on fait monter jufqu'à fix ou fept cens.
Pendmt le féjour des François , fon grand âge & fes infirmités ne l'empê-
chèrent point d'époufer encore une jeune Turque , qui n'avoit pas plus de
dix-huit ans (t). Son Serrail eft dans le Château de Mouab: mais {es
femmes , qui font de diverfes Nations , & parmi lefqudlco il y a des Géor-
giennes «& des Arabes, d'une grande beauté , viennent du Château, au Pa-
lais de la Ville, où le Roi n'en a pas moins de trente, logées dans un ap-
partement féparé. Leur voiture ordinaire eft un chameau, fur lequel on
met , à travers , une efpèce de berceau , couvert d'écarlate , & bien garni
de couffins , fur lefquels elles font affifes ou couchées. Elles fortent par
une petite ouverture, qui eft fur le devant, le vifage couvert d'un voile.
La plupart des femmes du Pays portent, conmie dans l'Indouftan, un grand
anneau d'or, au bout du nez, qui eft percé pour recevoir cet ornement,
& des cercles , ou des braflelets d'argent ou H'or , aux bras , aux poignets,
& au-deflus de la cheville du pied. EUes font toujours parfumées des odeurs
les plus fortes ; & ne fe bornant point , comme dans d'autres Pays de l'O-
rient, à fe teindre les ongles fort rouges, elles fe noirciiTent le dteflous des
yeux, & fe frottent les mains & les pieds d'une drogue, qui donne, à
ces parties , une couleur fort vive. Elles fe vifitent le foir , comme à Moc-
ka : mais les hommes y étant plus jaloux , elles ont rarement la hberté de
paroître fur 'eur^ terrafles , pour y prendre le frais. Le Chirurgien Fran-
çois, à qui fon Art prociuroit l'occafîon d'eu traiter quelques-unes, les trouva
fort
Femmes du
Aoi.
(r) Pa-. 254.
Qi ) Pag. 255.
(0 Pag. 261.
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Lrv. III.
i?i
Fort blanches pour des Arabes. Mais quelque confiance que leurs maris
eufl'ent pour lui, il ne put parvenir à les voir au vifage (v).
Les François virent arriver, à la Cour, un Ambafladeur Turc, qui étoit
venu de Conftantinople par l'Egypte, & qui fit foii entrée avec un nom-
breux cortège, & beaucoup de fafte. Rien ne marque mieux l'indépen-
dance de la Couronne d'Yemen, puifque perfonne n'ignore combien la Cour
Ottomane eil réfervéedans fes Ambaflades. Ce Miniftre, avec toute fa
fuite, fut entretenu aux dépens du Roi. Il lui offrit divers préfens, entre
lefquels on admira une horloge d'un fort beau travail. Mais le fond de fon
Ambaflade fert à l'explication du Caffé qui fort de l'Arabie. On fe plai-
gnoit, à la Porte, de ce que cette marcnandife étoit devenue moins abon-
dante & beaucoup plus chère en Egypte, depuis que de grands Vaifleaux
étrangers venoient en charger dans la Mer rouge , au préjudice des Sujets
& des Douanes du Grand Seigneur ; fur quoi rAmbaflàdeur devoit faire de
fortes inftances à la Cour crYemen. Mais les François apprirent auffi
Î[ue le Roi n'en avoit pas été fatisfait , parcequ'elles lui avoient paru blef-
er fon autorité fouveraine ; & fa conduite en fut une bonne preuve ,
puifque les deux Vaifleaux de la Compagnie eurent la liberté d'en enlever
autant qu'ils en pourroient contenir. Auffi le Miniftre Turc fut-il prompte-
mentcongédié (x). -j --;...;; S!,-/, a,. >:
Le fuccés ayant ré|)ondu aux foms du Chirurgien, la Grelaudiere ne pen-
fa plus qu'à retourner à Mocka, malgré les inftances du Roi, qui auroit fou-
haité de retenir plus long-tems les François à fa Cour. Après leur avoir
offert cinq cens balles du plus beau Caflfô de fon Royaume, qu'ils refufè-
rent d'accepter (y), il leur fit préfent, à chacun, de deux habits com-
plets, à la manière du Pays, l'un d'une fine écarlate, & l'autre d'un beau
drap couleur de rofe; avec deuxveftes, l'une d'étoffe des Indes, à fleurs
d^or & d'argf^nr, l'autre d'une ferge drapée, garnie de galons d'or. Il y
ajouta, pour chacun , un beau chevi-, trè.-proprcmcnt équipé. Son at-
tention s'étendit jufquaux Capitaines des deux V^ifFeaux, auxquels il en-
voya auffi des habits & des chevaux.
Enfin, les Députés ayant quitté Mouab vers la fin du Carême, tinrent
la même route, à leur retour, avec une efcorte & des Officiers pour les
défrayer. Comme ils n'avoient plus le même motif pour faire de fi grandes
journées, ils pafTèrent, prefque toutes les nuits, dans des logemens com-
modes, fur-tout au commencement du Voyage, où l'on trouve toutes for-
tes de fecours , & des écuries qui contiendroient cinq cens chevaux Cz)
Entraverfant les montagnes, ils eurent plus de liberté qu'à leur premier
pafTage,
voyaob db
l'Arabik
heurilusb.
I 7 I 2.
Arviviîo
d'un Amhatra-
deiir Turc à
Mouab.
Il Ce plaint
du tranf,ort
exceirif du
Odtfé.
Les Françoî»
quittent
Mouab.
Préfens
qu'ils rcçoi-
vent^uRoi,
Leurs ob-
fervations
dans les mon-
tagnes.
r^ Pag. 258. & précédentes.
'x") Pag. 260.
.y)
. . , On a peine à comprendre la taîfon de
te refus. Le Roi lui ofFrit de faire porter les
balles jufques fur les Navires , & fouhaitoit
que ce préfent fût offert de fa part à Louis
le Grand. „ Ils s'excufèrent , dit l'Auteur,
„ fur ce que la cargaifon des Navires étoit
„ trop avancée pour trouver place à un En-
;, voi fi confidérable; mais dans le fond ils
„ ne crurent pas que les Capitaines duflent,
„ de leur chef & fahs la participation de la
„ Cour, accepter un tel préfent". Ibid. pag.
264. Etrange inodeftie, fur -tout lorfque le
Roi d'Yemen demandoit, en retour, l'Hiftoi-
f e de France , avec le» Portraits du Roi & de
la Famille Royale.
(2) Pag. 266v
Y a
VorAOB ni
l'Arabib
heureuse.
1712»
Ohfervations
G<5ogniphi •
ques fur le
icllfdurays.
-a
.th'a.il
|f« lO^ÔYACtlS DES 'IfRANÇOrsî
paffage, pour obferver que la plupart font (Wriles & brûlées par Tardeur
du Soleil , mais qu'on ne laifle pas d'y voir beaucoup de bocages & de ver.
dure, particulièrement fur les coteaux. Us y virent des perdrix rouges
qui font plus grofles que les nôtres , quantité de cailles & de tourterelles'
que les Arabes ne tirent jamais , des renards fi hardis , qu'ils fe laiflent ap-
procher , & des finges lans nombre > de la plus grande efpèce, qui ne font
Î>as plus farouches que les renards. Mais leur principale attention tomba
lir les plantations de Caffé , qu'ils trouvèrent fur leur route. Us examiné-
rent, de prés , l'arbre de ce nom. Ils prirent, des Arabes qui les accom-
pagnoient, toutes les inftruélions qui pouvoient fatisfaire leur curiofité(a).
Outre les arbres de CafFé, ils obfervérent, dans les mêmes plantations, des
arbres fruitiers, de diverfes efpèces, tels que des pêchers, des abricotiers,
des amandiers , des citroniers , des orangers , des grenadiers , des pruniers,
des figuiers mêmes, dont le fruit efl: aigre, & des pommiers en petite
quantité; enfin, un grand nombre de coignaflier», d'où l'on tire une ex-
cellente pâte , qui le vend à très - grand marché dans les Villes. Us ne
furent pasfurpris, en voyant de beaux vignoL^le? , qu'on mange, en Ara-
bie, d'auflî bons raifins qu'en Efpagne (^>.
Ils rapportèrent auffi, cie leur Voyage, quelques lumières Géographi.
ques. On les aflura qu'entre les Villes qu'ils avoient vues, le Royaume en
â d'autres, d'une grandeur confidérable, dont la principale fe nomme Sanaa,
à quinze lieues deMouab , & cent quarante de Mocka. On y voit de beaux
reftes de l'Antiquité. Long-tems avant la naiflance du Mahométifme , elle
étoit la Capitale de toute l'Arabie heureufe, fous la domination des Tobhais,
Rois puiflans qui y tenoîent leur Cour. Le Palais de ces Princes étoit ma-
gnifique, & bâti fur une colline, au milieu de la Ville. Dans la fuite &
toujours avant Mahomet, un Empereur d'Ethiopie, attiré^par les Chrétiens
qui gémiflbient fous la tyrannie des Arabes, ayant oon^ûio l'Arabie heu-
reufe, fit bâtir, dans Sanaa, un Temple magnifique, pour détourner les
Arabes dé leur Idolâtrie. Maif les Ethiopiens ne confervèrent pas long-
tems leur conquête. Quelques Auteurs Orientaux, où l'on trouve ces cir-
confiances, ajoutent que Sanaà efl: uhe Ville fort ancienne, riche & fort
peuplée, & qu'on y fait un plus grand Commerce d'argent que de mar-
chandifes. Ses murailles font fi larges, que huit chevaux y peuvent mar-
cher.de front. Ellereflèmble à Damas, par l'abondance de les eaux &
par fes jardins délicieux. J 'àir y efl: d'une température parfaite; & les
jours & les nuits y font à-peu-près d'une même longueur. La Grelaudiere
apprit encore qu'il y a, dans le Royaume d'Yemen,plufieurs grands chemins,
dont quelques-uns même font pavés , & qui ont plus de cent lieues de lon-
gueur. Le refle du Pays, qui porte le nom d'Arabie heureufe, efl: divifc
en d'autres Royaumes, qui produifent les gommés, les myrrhes & lés aro-
mates. Nos François n'en trouvèrent, aucun arbre dans leur Voyage de
.. . . .;. Mouabj
(a) L'Edfteur a pris foin de les reoieillir, & qui mérite de. trouver place à la fuite <l2
-fur les- écrits- & les entretiens de M. de la cet Article.
Grelaudiere. Il en a fait un Mémoire c\u (b) Pag. 269,-
ricux, qui cft inféré à la f» de f^ IVelatioii, • ' . *» .'t^.,-* .
r;
par l'ardeur
ces & de ver.
drix rouges,
tourterelles,
e laiflent ap-
, qui ne font
ention tomba
Ils examiné-
lï les accom-
curiofité(a).
ntations , des
s abricotiers,
des pruniers,
ers en petite
tire une ex-
illes. Ils ne
ige, en Ara-
! Géographi-
Royaunic en
omme Sanaa,
ï^oit de beaux
nétifme , elle
1 des Tobhais,
ces étoit ma-
ins la fuite &
les Chrétiens
l'Arabie heu-
létourner les
nt pas long-
ouve cescir-
iehe & fort
que de mar-
euvent mar-
fes eaux &
•faite; & les
i Grelaudiere
ids chemins,
eues de Ion-
e, efl: divifti
es & les aro-
' Voyage de
Mouabj
:e à la fuite àa
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J ^ R B RE DIT C A F FE. Dessiné en Arabie.
J. De KoTTY Bo OM, in Arabie af<(etekejît .
A ^ t>A*v/ sec. j 07^//oc rt^ CJ^r/i//. / ^Vo/a/i cw . %>*c c/a <'^^'
^^)rt)oge Vruclit.^ Schaal van de Vrucht.^ KoffjBoon.
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>i^' ,':,*!^Y,
-I. , t
^ «
J.PArtijs et un Mamuau de CAFrÊ.avec JaFzuuk et JeFRV/T.
./.GïDBELTE van een Takje desKoriT-BoOMS metBLOEM enVRFCHT.
^ Koify Blaa'oeren nat ulx r J/y ker ^roote.
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. lU 173
Mouab ; mais on les afllira que d'autres Contrées du même Royaume ont
de l'encens en abondance. Pour les arbres du baume, on fçait qu'ils croif-
fcnt hors de l'Arabie hcureufc, aux environs delà Mecque (c).
[ Les Navires François s'arrêtèrent encore plus de trois mois dans le Por»^
de Mocka , d'où ils mirent à la voile le 10 Juillet , & ne purent arriver à
Saint Malo, qu'un an après. M. de la Grelaudierc vint enfuite à la Cour
pour y rqndre compte cle fon Voyage. C'eft de lui, & de M. de la INIer-
veille, que l'Auteur fait ici profelfion d'avoir reçu les éclairuflemens & les
Mémoires dont il a compoie les deux Relations. ] , ,
VovAae m
l.'ARAUltt
171a.
(c) Pag. Î73 & précédcnt.'S.
4
V "i'. ■, « ••'
5- 1 1 1- u.
'> Il
A
Obfervations Jitr V Arbre ^ le Fruit du Caffé de r Arabie heurcufe.
CES obfervations feroient ddplacdes dans tout autre article qu'une Rela- Forme !c *
tion de l'Arabie. L'arbre qui produit le CafFé s'élève depuis fix juf- ,n"^''^\[[|*^
I qu'à douze pieds de hauteur. Sa grofleur efl: de dix , douze , & iufqu'à q^I^^ù,
quinze pouces de circonférence. Dans fon état de perfection , il renemble
fort, pour la figure, à nos pommiers de huit ou dix ans. Les branches in-
férieures fe courbent ordinairement lorique l'arbre efl un peu âgé ; mais , '
en même-tems elles s'étendent en rond , pour former une forte de parafol.
Le bois en efl fort tendre , & fi pliant , (jue le bout de la plus longue bran-
che peut être amené jufqu'à deux ou trois pieds de terre. L'écorce efl un
peu raboteufe & blanchâtre. La feuille approche fort de celle du citro-
nier, quoique moins ëpaifTe & moins pointue. La couleur en efl aufTi d'un
verd un peu plus foncé. L'arbre du CalTé efl toujours verd ôc ne fe dé-
pouille jamais de toutes les feuilles à la. foi». Elles font rangées des deux
côtés des rameaux à une médiocre diflance , & l'une prefqu'à roppofite de ^
l'autre. Dans prefque toutes les faifons de l'année, on voit un môme ar- '■■
bre porter des fleurs & des fruits , dont les uns font encore verds , & les - ''
autres mûrs ou près de leur maturité. Les fleurs font blanches , & refTem-
blcnt beaucoup à celles du jafmin. Elles ont de même cinq petites feuilles
afTez courtes. L'odeur en efl agréable , avec quelque chofe de balfamique
qui ne fe fent point de l'amertume de leur goût. Elles naillent dans la jonc-
tion de la queue des feuilles avec les branches.
Aussi -TÔT que la fleur efl tombée, il naît, à fa place, un petit fruit Fir.it lio;
fort verd d'abord , mais qui devient rouge en meuriilant , & de la forme , l'-ib^-.
à-peu-près, d'une grofle cerife (a). Il efl; fort bon à manger. 11 nourrit ,
il rafraîchit j. fous fa cli^iir, on trouve, au-Ueudenoiau, la fève (b) ou la
c: •! graine.
:;
•a
f 0) Ce fruit efl d'abord d'un verd clair,
cnluitc d'une couitur rcugcâtrc, puis d'un
t>eau rouge, & cnnu rouge obfcur d;ins
fa parfaite mauirité. i)/»iv;j, dç Çmiime.
(h) On a cm, pendant long-tems, que
le CatFé éloit vérif.iblcmcnt une févc , mais
on cil revenu do cette erreur. Aufll Voit-
on cette faute corrigée dans la dernière édl--
174
VOYAGES DES FRANÇOIS
VOTAOB T)E
l'Akabte
hcurbuset.
17 12.
OÎ! il fe
plnntc & com-
ment il fo
cultive.
■"Singulnrîté
reconnue par
les François.
graine, que nous appelions Caffé , enveloppée d'une pellicule très- fînç.
Cette fève eft alors extrêmement tendre, & le goût en eft aflez defagréai
ble : mais , à mefure que la cerife meurit , fa fève acquiert infenfiblement
de la dureté. Enfin, le Soleil ayant tout-à-fait defleché ce fruit rouge, fa
chair, qu'on mangeoit auparavant, devient une baye, ou goufle, de cou.
leur fort brune , qui fait l'écorce extérieure du Caffé. La fève eft alors fo.
lide , & d'un verd fort clair. Elle nage dans une forte de liqueur épai/Te,
de couleur brune , extrêmement amére. La goufle, qui eft attachée à l'ar-
bre par une petite queue fort courte , eft un peu plus grofle qu'une graine
de laurier ; & chaque goufle ne contient qu'une feule fève , qui fe divife or-
dinairement en deux moitiés. Cette fève eft entourée immédiatement d'une
pellicule très-fine , qui eft la féconde écorce , ou l'écorce intérieure. Les
Arabes font beaucoup de cas de l'une & de l'autre, pour compofer le CaiFé
à la Sultane.
L'Auteur du Journal aflîire que les arbres de Caffe fe fement, & ne
viennent point , comme d'autres l'ont écrit , de bergne , ou de bouture , par les
goufllo, c'eft-à-dire par le fruit entier, mis en terre dans fa parfaite matu-
rité. Le pied des montagnes & les petites collines , dans les cantons les
plus ombragés & les plus humides , font les lieux qu'on choifit pour ks
plantations du Caffe. Leur plus grande culture confîfte à détourner les
eaux de fource, & les petits ruifl*eaux, qui fe trouvent dans les montagnes,
pour les conduire , par de petites rigoles, jufqu'au pied des arbres. Ce fe«
cours eft également néceflTaire pour la fécondité de l'arbre, &pour la matu-
rité Cn fruit. En replantant chaque arbre, les Arabes lui creufent une foffe
de trois pieds de large, & de cinq pieds de profondèiw, qu'ils revêtiffent
de cailloux , & qu'ils rempliflent de terre (c). Ils y entretiennent con*
ftamment la fraîcheur qui convient. Mais, lorfque le fruit eft" mûr, ils
détournent l'eau de cette foffe, afin qu'il puifFe fécher un peu fur les
branches.
On n'a fçuque par les François, qui firent le Voyage de Mouab, une
fingularité' qui étoit ignorée de toute l'Europe : c'eft que dans des lieux ex-
pofés au Midi , ou trop découverts , les arbres du Caffé fe plantent fous
d'autres grands arbres, qui leur fervent d'abri, pour les mettre à couvert
de l'ardeur exceflTive du Soleil. La Grelaudiere prit ces grands arbres pour
une efpèce de peupliers. Ils étendent prodigieufement leurs branches, &
forment, par leur difpofîtion, un cercle parfait , qui couvre tout ce quife
trouve defîbus. On prétend que , fans cet ombrage , la fleur feroit brûlée,
en s'ouvrant, & ne produiroit aucun fruit. Les premiers arbres que les
François virent, près de la Ville de Tage, étoient fortifiés de ce fecours,
parceque le Pays y eft plus ouvert que dans d'autres lieux. Ils obfervè-
rent que chaque peuplier couvre , de fon ombre , une certaine quantité
de Caffiers , qui font plantés , par ordre , dans le même alignement que
nos pommiers. La curiofité d'un des Voyageurs François, qui fe nom-
moii;
( c ) Ceci n'eft pas intelligible. Les Ara-
bes revêtiffent la foffe de cailloux, afin que
l'eau Ht plu» de faolité de f éaçtiçt la terre
qui couvre le pied de l'arbre, & qui eflw*
vjionnée de la folTe. R. d.'E.
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. III.
Î75
moitVw Noyers, lui fit deflîner le plus bel arbre qu'il put choinr. On en
donne ici la Figure d'après fon deifein. [Il avoic eu la curiofité de rap-
porter un rameau entier, chargé de fleurs & de fruits, qui s'étoit parfaite-
ment bien confervé par fcs foins. Ce rameau a été defliné en France d'a-
près le naturel , tel qu'il fe trouve ici repréfenté dans la féconde Figure.]
Dans les lieux moins chauds, ces arbres croifTent à découvert, & rap-
portent avec beaucoup d'abondance. Le même Voyageur, qui avoit fait
le Voyage de Mouab avec la Grelaudiere , fit enfuite exprès celui de Re-
dia, ou Z'^iia, petite Ville dans les montagnes, à douze lieues de Betel-
faguy au Sud-Oueft, (d) pour y voir un grand nombre de ces derniers ar-
bres. Il apprit, du Gouverneur même deRedia, que ce Canton eft un des
meilleurs du Pays. Outre les Caffiers , qui font les plus beaux d'Arabie , on
y voit une quantité furprenante d'autres arbres fruitiers ; plufieurs fortes de
bleds, entre lefquels on diftingue une excellente efpèce de froment; des
melons, des concombres, & diverfes fortes de légumes.
L'arbre qui porte le CafFé étant chargé tout à la fois de fleurs, de
fruits imparfaits & de fruits mûrs , la récolte fe fait ncceflairement à trois
reprifes différentes, qui forment comme autant de faifons. Mais, comme
elles ne font pas fixes & régulières , les Arabes ne donnent proprement le
nom de récolte qu'à celle du mois de Mai, parceque c'efl: la plus abondante
de l'année (f). Pour recueillir le Caffé , ils étendent des pièces de toile fous
les arbres , qu'ils fecouent légèrement , & tout le fruit , qui fe trouve mûr,
tombe avec facilité. On le met dans des facs , pour le tranfporter fur des
nattes. On l'y fait fécher en monceau , jufqu'a-ce que les goulTes foyent
en état de s'ouvrir, à l'aide d'un gros cylindre de pierre ou de bois, qu'on
fait palTer par-deiTus. Lorfque le fruit efl forti de fon écorce, & féparé
en deux petites fèves, ou plutôt en deux moitiés, qui n'en faifoientqu une
auparavant , on le fait fécher , une féconde fois au Soleil , parcequ'il efl: en-
core aflez verd , & qu'étant trop frais , il court rifque de fe corrompre fur
Mer. On le vanne enfuite, pour le nettoyer; car il fe vend beaucoup
moins, s'il eft: mêlé de fes pailles ou de Ces gonfles.
La manière, dont les Arabes préparent leur CafFé, pour le boire, efl: la
même en général que celle de tout If Levant, dont nous avons adopté la
préparation en France; avec cette différence néanmoins, que les Arabes le
prennent ordinairement prefqu'aulTi-côt qu'il eft cuit, fans le faire repofer,
fans y mêler jamais de fucre, & dans de fort petites talTes. Quelques-uns
enveloppent la cafiètière d'un linge mouillé , en la retirant du feu ; ce qui
fait précipiter auflî - tôt le marc , & rend la liqueur beaucoup plus claire.
Cette méthode y forme aufli une petite crème , qui s'élève au-deflus ; &
lorfqu'on le verfe dans les tafles, non-feulement il fume beaucoup davanta-
ge, mais il exhale une efpèce de vapeur grafle, qu'ils fe font un plaifir de
recevoir , parcequ'ils lui attribuent d'excellentes qualités.
LEsperfonnes de diftinélion employent une autre méthode qui leur efl
pro-
(d) Ou plutdt au Sud-£fl:, fulvantla Car- de CaiFé pnr arbre à chaque récolte; ce qui
te. R. à. E. doit contenter ceux qui en ont , parccqu'iî
Ce) OncueiU€,Qidiûai«;incDt, cinqlivies. couic fort peu d'ejitfetiea. R. d.E,
VOYAGti nt
l/AKAniE
HEUREUSK.
1712.
Arbres de
Rciia.
Comîncnt ft
fuit larccuicc.
Pr(iiiarat:fs
de lu liqueur.
CafFé à la
Su'unc,
17^
VOYAGES DES FRANÇOIS
l'A/iabie
iieuiuiuse,
1712.
Ce que les
Turcs rappor-
tent de l'ori-
gine du Ca'Fé
d'.ns leurEm-
pire.
propre. Ils ne fe fervent point de la fève du Caffé , mais feulement de l'é;
corce, qui lui fert d'enveloppe, en y mêlant aaffi la pellicule fine, qui cou.
vre immédiatement la fève (/). Cette boiflbn pafle, en Arabie, pour une
liqueur incomparable, & porte le nom de Ca^é à la Sultane. Nos Fran.
çois , qui n'en prirent point; d'autre à la Cour d'Yemen , & chez les Gou.
verneurs, le trouvèrent fort délicat. On y mêle moins de fucre, parce-
qu'il n'y a point d'amertume à corriger, & qu'on y fent, au contraire , une
douceur modérée , qui a beaucoup d'agrément. Mais cette méthode ne
peut convenir qu'en Arabie. Cette écorce , qui a peu de fubllance pat
elle même, lorfqu'elle eft trop féche , ne peut être tranfportée ou gar-
dée long - tems , fans perdre une grande partie de fa qualité , qui conlille
principalement dans fa fraîcheur.
Les Arabes d'Yemen étoient fort perfuadés que le CafFé ne peut croîtie
dans aucun autre lieu que leur Pays, quoique les Ecrivains Turcs le faflem
venir originairement de l'Ethiopie, L'expérience des Ifles d'Afrique à
d'Amérique a dû les détromper. D'ailleurs, les Hollandois en ont éievî
des plants confidérables , aux environs d'Amllerdam , & nous n'avons pat
réuffi moins heureufement au Jardin Royal de Paris {g).
Les Turcs (6) ont écrit l'hilloire uj l'origine du CafFé, dans Adeni
dans leur Empire. Ils rapportent, que Getnakddïn-Abou-Abdallah^ Muhi-
med-Benfaid, tumommé JÙhabhani y parcequ'il étoit natif de Z)^aiÂa« , peti-
te Ville de l'Arabie heureufe, étant Moufti d'Aden, vers le milieu du neu-
vième Siècle de l'Hegire, & du quinzième de Jefus-Chrift, eut occafion de
faire un Voyage en Perfe. Pendant fon féjour, il y trouva quelques per-
fonnes de fon Pays, qui prenoient du Caflfé. 11 y fit peu d'attention ; mais,!
à ion retour, fa fanté s'étant afFoiblie, & fe fouvenant de la liqueur qu'il
avoit vu prendre en Perfe, il s'en fit apporter, dans l'efpérance d'en tirei
quelque foulagement. Non-feulement fa fanté fut rétablie par cet ufagej
mais il reconnut bien-tôt les autres propriétés du CafFé, fur-tout celle de diC
fiper les péfanteurs, d'égayer i'efprit, & de caufer une infomnie qui n'a ria
d'incommode («)•
(/) On prend l'ikorce du CafFé parfaite-
ment mûr; on la brife; on la met dans une
petite terrine , fur un feu de charbon , en TOur-
nant toujours de-forte qu'elle ne fe brûle pas
comme le Caft'é ordinaire , mais feulement
qu'elle prenne un peu de couleur. En mc-
me-tems on fait bouillir de l'eau dans une
cafFetière ; & quand l'ticorce eft prête , on
la jette dedans , avec un quart au moins de
la pellicule , eu lalflhnt bouillir le tout. La
couleur de cette boilfon eft femblable à celle
de la meilleure bicre d'Angleterre. On gar-
de CCS écorces dans des lieux fort fecs &
bien fermés. La moindre humidité leur don-
ncroit un mauvais goût. Ibidem, pag. 287.
(^) Le Caffier a été apporté en Europe
•par les Hollandois : Mr. Pancrace, Conful
d'Amfterdam , fit préfent à Louis XIV. d'un
petit Caffier haut de cinq pieds. M. de
jfujpeu, célèbre Profeffeur en Botanique, en
a donné une defcription très-cxafte , qui fe
trouve dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences pour l'année 17 13. R. d. E.
(i) Ceci eft tiré d'un Manufcrit Arabe,
qu'on conferve dans la Bibliothèque du Roi
de France. R, d. E.
(0 M. Dufour donne, d'après FaufleM-
♦■071, une autre origine au CafVé. Hditqae
l'Abbé d'un Monaftère ayant été averti, pat
celui qui gardoit les chameaux ou les chè-
vres, que fon bétail vcilloit & fnutcit toute
la nuit , après avoir brouté le Call'é ou iinn-
gé de fon fruit, en lit boire à fcs Moines,
pour les empêcher de dormir pendant les
offices de la nuit. Cette hiftoirc, toute fi'
buleufe qu'elle foit , eft cependant louJ^^
&
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. IIl.
ement de l'é'.
fine, qui cou.
aie, pour une
Nos Fran-
chez les Gou-
fucre, parce-
contraire , ur.e
; méthode ne
fubftance pat
)ortée ou gai-
;, qui conlille
le peut croîtie
:urcs le faffa
s d'Afrique i
s en ont élevi
us n'avons paj
dans Aden &
daîlab^ Muhâw
Dhabhan, peti-
milieu du neii-
eut occafiondî
i quelques per-
ttention; mais,!
i la liqueur qu'il
rance d'en tirei
î par cet ufage,
:out celle de di!^
nnie qui n'a rien '
L'£-
inq pieds. M- «
en Botanique, a
très-cxafte , qui fe
de l'Académie des
11. d. E.
Maiiufcrit Arabe,
ibliothequc du Roi
^77
13
d'après Faujîe^'À-
u CaiFé. Il dit q^^
yant t^té averti, pat
amcaux ou les che-
loit & fr.ut-it toute ,
té le Cail'é ou m»-
boire à fes Moines.
dormir pcndai't les
hilloirc, toute »'
cependant i^W^
L'exemple du Chef de la Loi mit bien-tôt tous les Prêtres & tous les
Religieux Mahométans , dans le goût du CafFé. Enfuite, lesArdfans, qui
avoient befoin de travailler la nuit, les Voyageurs qui vouloient éviter la
chaleur du jour, enfin toute la Ville d'Aden embrafla le même ufage. On
y abandonna celui de toute autre liqueur, fur -tout de celle qui fe faifoit a-
vec les feuilles d'une plante nommée Cat. Avant Gemaleddin , on afliire
que le Caffé écoit dans l'obfcurité, & prefqu'inconnu , même en Arabie,
qui produit le fruit dont on le compofe. Mais d'Aden , étant pafle dans
plufieurs autres lieux voifins , il fut porté à la Mecque , vers la fin du neu-
vième Siècle de l'Hegire. Il y fut d abord adopté, comme dans Aden , par
les Imams & les Derviches. Au-relle il n'étoit pas compofé de la fève ,
mais de la goufl'e. Les Habitans de la Mecque y prirent tant de goût,
qu'ils établirent des maifons où l'on en vendoit publiquement. Ils s y af-
fembloient en foule. On y jouoit aux Echecs & au Mancalah (k). On y
chantoit , on y fonnoit des infl:rumens ; plaifirs que les Mahométans rigides
ont particulièrement en averfion. De la Mecque le Caffé pafla dans plu-
fieurs autres Villes d'Arabie, fur -tout à Medine, d'où, fortant enfin de
cette Contrée, il pénétra dans l'Egypte jufqu'au grand Caire. Il y fut in-
troduit par les Derviches de l' Yemen , qui , étant établis dans un quartier
de cette Ville, prenoient du Caffé dans leur Mofquée, lorfqu'ils vouloient
donner, à la prière, une plus grande partie de la nuit. Ils le tenoient dans
un grand vafe de terre rouge, & le recevoient refpeftueufement de la main
de leur Supérieur , qui leur en verfoit lui-même dans des taffes. On étoit
alors au commencement du dixième Siècle de l'Hegire, & du quinzième de
Jefus-Chrift. L'exemple des Derviches fut d'abord imité par les Dévots du
Caire, & bien-tôt par un grand nombre d'autres Habitans. Ce: ufage ne
fit qu'augmenter, fans contradiftion , jufqu'à l'année 917 de l'Hegire (/);
époque fatale pour le Caffé.
Khair-Beg, Gouverneur de la Mecc[ue, fortant un jourdè la Mof-
quée, après la prière du foir, fut choqué de voir, dans un coin du Temple,
plufieurs perfonnes qui prenoient du Caffé pour fe difpofer à paffer la nuit
en prière. Il s'imcgnia qu'on bûvoit du vin, & fa furpnfe ne diminua point
lorsqu'il eut appris les qualités de cette liqueur. Son zèle pour la Religion ,
qu'il crut fcandaleufement bleffée , le porta , dès le lendemain , à convoquer
une grande affemblée d'Officiers de Juflice & de Doéleurs de la Loi , aux-
quels il expofa gravement le fpe6tacle dont il avoit été témoin. On raifon-
na long-tems lur une matière de cette importance. Quelques Médecins
eftimés ayant pris parti contre le Caffé , le poids de leur autorité , joint
aux fcrupules du Gouverneur , fit publier une défenfe expreffe & folemnelle
de
r- •'•/!!
i" i-'b^jif r ! "!'?•} tr
en quelque façon fur celle de la véritable
origine du Caflé. Cet Abbé & fon Compa-
f^.ion font Gemaleddin &Aldhabhani, & les
Moines font les Derviches qui paflbient la
nuit en prières avec eux. Traité Hift. de
l'orig. du CafFé , pag. i-jg. R. d, E.
( k ) Jeu fort ufité chez les Orientaux. II
XIF. Part.
'e joue à deux, avec foixante- douze petites
coquilles, qu'on met d'abord par fix dans
douze petites folfes rondes, creufées fur
deux lignes , dans un morceau de bois de la
longueur d'un pied, fur cinq pouces de lar-
geur. M. Galland l'a décrit plus au long.
(i) Elle répond à nôtre année 151 1.
VoTAOR OK
i/Arabik
heureuse.
17 12.
"!■ f
Defordres
qu il caufe i,
la Mecque.
ï7^
VOYAGES DÈS fRÀNCOlS
VoYAOE DE
l'Arabib
HtUREUSC.
I7I3.
11 paflb en
Syrie.
Il efl porté à
Conltantino-
J.1C.
Oppofitions
Qu'il y trouve.
Par que's
degrés il Uimi-
nne.
de vendre &de boire du Caifé , fous les peines ordinaires pour ceux quî vio.
lent les préceptes de la Religion. Cette défenfe obligea les Marchands de
fernier les CafFés publics ; & tout le Caffd , qu'on pu*- trouver entre leurs
mains, fut brûlé avec éclat. En vain les Derviches , & ic Moufty même,
réclamèrent contre une décifiôn fi précipitée. Un Particulier, ayant été'
furpris avec une taffe de CafFé à la main , reçut la baftonade & fut prome-
né enfuite, fur un âne, par toutes les places publiques. Le Sultan d'Egyp,
te , qui avoit alors beaucoup d'autorité à la Mecque , condamna ce zèle in.
dîfcret. Après avoir confulté les Dofteurs du Caire, il ordonna au Gouver-
neur de révoquer fa défenfe. Mais il ne put détruire dans la Ville Sainte
une femence de divifîon , qui continua d'y caufer beaucoup de troubles,
& qui fit porter quelquefois 1 animofité jufqu'aux dernières violence» (w).
Ces avantures, loin de retarder les progrès du CafFé , n'avoient fervi
qu'à lui ouvrir le chemin de la Syrie, où il fut reçu fans obflacle à Damas,
à Alep, & par degrés dans toutes les autres Villes de cette grande Provin-
ce. Enfin, vers l'année 962 de l'Hegire, & 1554 de Jefus-Chrift, il fut
porté de Syrie à Conflântinople. Jufqu'alors, il n'y avoit été connu que
par le bruit dés difçraces qu'il avoit eflTuyées à la Mecque. Mais cette mê-
me année, qui était environ la centième de fon inftitution dans Aden, k
fous le règne de Solyman le Grand, fils de Selim I., deux Marchands,
nommés Scbems & Hekem, l'un venu de Damas, l'autre d'Alep , ouvrirent î
Conflântinople , chacun leur Mailbn de CafFé , dans le quartier qui fe nom-
me Takhtacalah , & cûmïtiencèrent à vendre publiquement la liqueur de ce
nom. Ils recevoient les Curieux, fur des fofFas ou des eflrades fort pro-
pres. Les Perfonnes dé Lettres , fur-tout les Poètes , & les Amateurs du
leu , furent les premiers qui fréquentèrent ces deux Maifons. Elles prirent
le noin de Cobveh-Khanéb. La taffe du CaflFé ne s'y payoit qu'un afpre, très-
petite monnoye d'argent, de la valeur d'environ deux liards. Ces Maifots
& ces AfTemblées fe multiplièrent fi promptement, qu'elles excitèrent bien-
tôt l'attention des Officiers publics» On y vovoit les Pachas & les princi-
paux Seig;nieurs de la Porte. Déjà les Imams fe plai^noient que leurs Mof-
quées étoicnt défertes, tandis que les CafFés ne ceffoient pas d'être remplis,
Ils fe déchaînèrent enfin , non-feulement contre les lieux où l'on vendoit le
CafFé , mais contre le CafFé même , dont ils foûtinrent que la défenfe étoit
comprife dans la Loi entre les liqueurs fortes qu'elle interdit. Tous les Dé'
vots réunis formèrent là-defTus une queflion précife, qu'ils préfentèrent au
Moufty, cour fe régler par fa décifiôn. Ce Chef fuprême de la Religion,
fans exammer beaucoup la difficulté , décida hautement que le CafFé étoit
défendu par la Loi de Mahomet.
L'a UTORiTÉ du Moufty efl fi refpeflée des Tuics , qu'il ne leur efl pas
permis de former des doutes fur fes décifions. Ainfi toutes les Maifons de
Caf-
(w) On ajoute que deux Médecins, qui
avoient eu part à la défenfe du Caffé , firent
une malheureufu fin. Méprifés à la Mecque ,
depuis le rétablilTement de cette liqueur, ils
fe retirèrent au Caire-, où ils fureut cfiiVain-
cus d'avoir fait des imprécations contre la
purl'onnc de Selim I. , qui vcnoit de conqué-
rir l'Egypte. On prit ce prétexte pour les
coudaiûncr à mort. Jbid, pag. 339.
PANS L'ARABIE HEUREUSp, Liv. IIL ^79
Câffë furent auffi-tôt fermées; ôf. les Officiers de Police reçurent ordre de
s'oppofer, dans toute la Ville, à l'ufage même de cette liqueur. Cette dc-
fenfe fut renouvellée fous le règne d'Amurath III. Cependant toute la ri-
gueur qi^'on apporta d'abord à l'exécution , ne put arrêter un penchant
déclaré. Les Officiers de Police, fe iaflant enfin d'une vigilance inutile,
prirent le parti de permettre, pour de l'argent, qu'on vendît du Caffé, a-
vec un relie d'attention pour empêcher que cette vente ne fût publique. Ils
fouffrirept qu'on en prît dans des lieux particuliers, la porte fermée, &
chez quelques Marchands dans l'arrière-boutique. Un nouveau Moufty ,
moins fcrijpuleux que fon PrédécefTéur , modéra la défenfe, en déclarant
3u'ell|e n'étoit pas au même degré ^ue celle des liqueurs formellement inter-
ites. Cet adouciflement fut expliqué avec tant de faveur, que les Dévots
mêmes fe crurent autorifés à fe relâcher. Leur exemple devint une règle
pom- la Cour & la Ville. On vit reparoître, en plus grand nombre qu'au-
paravant , les Maifons où le Caffé fe diftribuoit au PuJalic. Cette paffion
alla li loin, que la cupidité des Vifirs ne manqua point l'occafion de s'en
faire un nouveau revenu , en s*àttribuant une autorité particulière fur tous
ces lieux :' Us retirèrent de chacun , dans les différens quartiers de la Ville ,
un droit d'un ou deux fequins par jour. La même raifon leur fit trouver le
raioyen de les multiplier, fans pern^ettfe que le prix fût de plus d'un afpre
pour chaque tafle; ce qui doit faire juger de la grandeur du débit. Ce prix
n'a pas çefle d'être le même à Conftantinople.
Cependant la licence 4esNouvellijfte5, qui formoient la plupart des
Aflenibléeç , fit renaître les _*ncienn.es craintes , fous la minorité de Maho-
met IV. Le Grand- Vifir 'Kupruli^ avec un deïïntéreïjren^ent héréditaire dans
fa famille («), crut devoir facrijfier, à la tranquillité publique, fimmenfe
revenu qu'il tiroit des Caffés. Il prit le parti de les fupprimer tous. On
raconte qu'avant cette réfolution, il avôit eu la curiofîté d'aller, fous quel-
que déguifement, dans les principaux CaflTés de Conftantinople , où il avoit
été furpris d'entendre des gens graves , qui s'entretenoient ierieufement des
affaires de l'Empire, blâmant leMiniûère, & décidant avec hardieffe des
points les plus importans. Ayant vifité de même les Tavernes de la Ville,
il n'y avoit trouyé que des gens gais , qui chantoient , ou qui parloient de
Jeurs amours & de leurs exploits militaires. Les premiers lui avoient paru
dangereux i & n'appréhendant rien des autres , il avoit jugé à propos de
leur laiffer cet amufement (0). ' '
Mais depuis la fupprelfion des Caffés publics, qui dure encore à Con-
ftantinople , on n'en a pas pris moins de Ca,ffé dans cette grande Ville. L'u-
fage efl: de porter, dans les marchés & dans les principales rues, de gran-
des caffetières fur un réchaud , & de diftribuer cette liqueur chérie à ceux
qui en demandent. Les Paffans s'arrêtent , & ne font pas difficulté d'en-
trer dans la première boutique, dont le Maître eft toujours difpofé à les
' i 1 ii-.i;, ».' :jvm^,u'J.:^}:j i-
re-
Ck; Il eut deux fils', qui occupèrent Tue- Médecin de M. le Comte dcTouloufe, npréis
<:clïïvemcnt la môme dignité. l'avoir été du dernier Vifir Kupruli, tué à la
(0) M. Gallnnd rapporte ce trait fur le bataille de Sa/anltf;nffJ.
témoignage de iVI. i'Ucmatige, qu'on a vu
VoYAOR rnr
i,'Ar.ABiii
]iEL'RI::UEll!:,
1 7 I 2.
Tribut exigé
par les Viiirs,
Kupruli fup.
prime encore
une fois les
Caffés.
Ses motifs.
Ufagcs qui
ont fuccedé à
la fupprcffion.
Z 2
)
ï8o
VOYAGES DES FRANCOlé
Voyage de
l'Arabis
heuubuse.
17 12.
Manière
dont les O-
rientaux pren-
nent le Caffé.
Remarques
fur le Caffé
d'Ethiopie.
recevoir. II ne refte qu'un fort petit nombre de Maifons tolérées , en fa-
veur des Matelots, qui viennent y fumer en prenant du CafFé. Au-refte,
cette défenfe n'a jamais regardé que la Capitale de l'Empire. On trouve
des CafFés publics, dans toutes les autres Villes , & jiifques dans les moin-
dres Bourgs. D'ailleurs, outre lufage qui s'efl: établi dans les rues de laCa-
pitale, il n'y a point de famille , riche ou pauvre, Turque, Grecque, Ar-
ménienne ou Juive , qui ne prenne du Caffé plufieurs fois le jour dans l'in-
térieur des maifons. Cette dépenfe , pour chaque famille, égale du moins
celle qu'on fait à Paris pour le vin (p). Elle fe fait jufques dans les Ar-
mées. Une grande partie des Equipages eft compofée d'Artifans , (jui brû-
lent le Caffé ou qui le pilent. Enfin , pour exprimer d'un feul trait l'atta.
chement des Turcs à cet ufage, le refus qu'un mari feroit de laiffer pren-
dre du Caffé à fa femme, ou le degré de pauvreté qui ne lui permettroit
pas d'en fournir, eft une des caufes légitimes du divorce (q). Dans les
grandes Maifons de l'Orient, l'Officier qui prépare le Caffé & qui al'in-
fpeflion de tout ce qui appartient à ce fervice , tient un rang diftingué en-
tre les Domeftiques. Le Serrail du Grand - Seigneur a plufieurs Kahvehgù
Bachï(r)y qui préfident chacun à vingt ou trente Baltagis , employés dans
les différens Offices. Ces Intendans ne quittent leurs fondions que pour ob-
tenir des emplois plus relevés, ou de riches poffeflîons. Ils deviennent
quelquefois Caplgi-Bachî, L'Auteur obferve, non - feulement que dans les
audiences du Grand-Vifir on préfente le Caffé aux Ambaffadeurs , mais que
fi cette cérémonie eft fupprimée à l'égard de quelque Miniftré étranger, c eft
une marque d'aigreur ou dé mécontentement, & comme le premier préfaga
de quelque rupture ( j).
Le Caffé, chez les Orientaux, fe préfente fur des fbucoupes fans pied,
de bois peint & verniffé , comme celles dont nous avons pris l'ufage ; mais
beaucoup plus grandes que les nôtres, puifqu'elles contiennent quinze ou
vingt taffes , que les plus' riches font encnaffer à demi , dans de petits vafej
d'argent. Ces taffes, qui fe nomment F/n^ww, font de la moitié moins
grandes que les nôtres; & jamais on ne les remplit entièrement. On ne
fert point de cuillières, parceque le Caffé fe prend fans fucre, mais tou-
jours très-chaud & très fort. Quelques-uns y mettent une petite goutte
d'effence d'ambre. D'autres le font bouillir avec quelques doux de girofle,
rompus en deux ; d'autres avec un peu d'anis des Indes , & d'autres avec la
graine du petit cardamome.
A l'égard de l'opinion qui fait venir originairement le Caffé de l'Ethio-
pie, d'où l'on fuppofe qu'il fut tranfporté dans l'Arabie heureufe , elle eft
confirmée par la Relation de Charles-Jacques Poncet , qui paffa trois ans en
Ethiopie, H.ans un Voyage qu'il y fit en 1698. Ce Voyageur affure qu'on
y voit encore des arbres de Caffé , quoiqu'on ne les cultive que par curiofi-
té. Il en donne même la defcription : mais elle repréfente un arbre fi dif-
férent de ceux que la Grelaudiere & d'autres François ont vu dans TAra-
bie, qu'on y loup jonne quelque méprife. D'ailleurs
»,
j. ;; ^*1T;
(P) Pag. 355,
( î ) Ibidtm,
,'H^i.
nos anciennes Rela-
tions
(f) Pag. 358.
(j) Pag. 360»
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. III.
18:
VOVAOE HÉ
l'Arabie
heureuse.
171 2.
tîons d'Ethiopie, dont la plus eftimée eft celle du Père TelleZt Jéfuite Por-
tugais , & l'Hiftoire même de Ludo^fe , dont on connoîc l'exaftitude , ne
font aucune mention du CafFé. On en conclut plus naturellement, que s'il
eft vrai, comme divers Hiftoriens l'ont écrit, que les Abyfllns ayent tiré
leur origine de l'Arabie, ils ont pû porter, dans cette tranfmigration , l'ar-
bre du CafFé en Ethiopie; & qu apparemment il ne s'jr eft pas multiplie a-
vec beaucoup de fuccés , puifqu'il paroît même incertain qu il s'y en trouve
aujourd'hui {t). f r rie
Au refte c'eft une prévention, dont on a reconnu la faulTeté , que les cj;J,y|^"J.^Y'ru-
Arabes, jaloux d'un bien dont ils fe croyent feuls en pofleflîon, ne laiflent 5},.,
fortir de leur Pays aucune fève de CafFé qui n'aît pafTé par le feu ou par l'eau
bouillante, dans la vue de faire mourir le germe (îj), pour en arrêter la
propagation. ^ • - ; . •■ ■ •• '^ —
rO Pag. 291.
(«) Il eft furprenant que Ray, un des
plus fameux Botaniftes Ânglois , ait accrédi-
té cette erreur , & qu'il ait ignoré que non-
feulement les Hollandois ont porté ancienne-
ment du CafFé de l'Arabie à Batavia, qu'ils
l'ont femé , replanté , & fort heureufement
élevé , mais que les Anglois mêmes ont imi-
té cette expérience à Madras ; quoique les
uns & les autres n'en ayent pas tiré beau-
coup d'avantages. Ray ne laifle pas d'alTurer,
„ que les Arabes ont trouvé le moyen d'em-
„ pôciier qu'on ne pût avoir, hors de leur
„ Pays , un feu! grain de CatFé capable de ger-
„ mer ". Hiftoire univerfelle des Plantes ; Edi'
tion de Londres , 1686.
5. IV. ^ . .;
[^Nouveïks Obfervattons plus particulières , fur la culture du Caffé. Supplément,
CE n'eft pas dans un premier, ni dans un fécond Voyage, qu'on pou
voit fe flatter d'avoir découvert la véritable culture du CafFé en A-
rabie. Depuis les deux expéditions de Saint-Malo , la nouvelle Compa-
gnie des Indes de France ayant établi, en 1720, un Comptoir à Mocka,
fes Officiers ont eu tout le tems de s'en mieux inftruire fur les lieux mê-
mes. Ainli leurs obfervations ne dévoient pas être négligées , après l'hon-
neur qu'on a fait aux premières, qui étoient beaucoup plus imparfaites.
Ces derniers éclaircifTemens, que nous fuppléerons ici , font tirés d'un Mé-
moire fait pour l'inftruftion des Direéleurs de la Compagnie , par le Sr.
Mirariy qui a réfidé longtems au Comptoir des François a Mocka.
Les Arabes font leurs femis en pépinières , avec les grains préparés des
plus belles coques de CafFés, des arbres qui font dans le meilleur cru de
chaque Pays. Ils recueillent ces goufTes dans leur parfaite maturité ; ils en
font détacher la première écorce , qui eft tendre , en les froifTant légère-
ment avec la main plufieurs enfemble fur un gonis rude. Cette première
écorce étant ufée, les deux grains de la goufTe fe féparent facilement,
chacun reftant couvert d'une féconde écorce , qui eft dure & mince ; ils
font fecher ces grains au vent & à l'ombre , parceque le foleil y eft con-
traire , & ils font confervés pour faire les femis quand la faifon des pluyes
a commencé. Ils ne recueillent les goufTes qu'après deux ou trois jours de
tems ferein, & elles ne feroient plus propres à être préparées pour les fe-
mis, û elles avoient été mouillée» par quelque ondée de pluye,
Z 3 La
Supplément.
1720.
De la culture
du Cafié.
VOYACfE DE
L'AllABir.
IIKUK
Svpv
S8t VOVA G ES DES FRANÇOIS,'
Le tfr'ms des pluyes venu , ils fément chaque grain fûparément , à envi.
KuiausB. ron deux pouces , en bonne terre bien préparée, ordinairement parmi lei
•l'i.fMEjxr. bananiers, à caufe de l'ombre , & ils couvrent l'endroit de quelque feuiJIa.
1720. gc pourri , afin que le terrein conferve mieux l'humidité , & qu'il Toit garan.
ti du foleil quand il vient à paroitre.
Les grains pouflent hors de terre après un mois & demi ou environ ;iJ
arrive quelquefois que l'écorçe mince, qui cnferraoit chaque grain, parolt
hors de terre fur les tiges qui font fort tendres. Si au bout d'un certain
tems, cette écorce ne le détache pas d'elle-même, on la fait tomber , quand
elle obéit facilement fans rien rompre des deux petites feuilles qu'elle ren-
ferme ; il s'en forme des petits arbres , qu'on lailfe en la même place pen-
dant un an, ayant foin de les arrofer quand les pluyes manquent; enfuite
on les tranfplante, & deux ans après ils commencent à donner du fruit,
Les Arabes font perfuadés , que fi en faifant les femis , on ne féparoit point
les deux grains du CafFé, l'arbre qui proviendroit d'une gpufle entière, ne
rëufliroit pas fi bien ; & c'efl pour cette raifon qu'on ne tranfplante guérej
les petits arbres qui pouflent par hazard , où fans culture. Les propriétai-
res des meilleurs crus de chaque Pays , font les femis en pépinières , & en
vendent les petits-arbres au relie des lîabitans du Pays.
Les Arabes fe donnent beaucoup de peine pour arranger leurs plantji
tions , fuivant que la pente du terrein où elles font , efl: plus ou moins ra-
pide, & qu'ils en peuvent tirer parti; ils font des marges par étage en
amphitéatre , larges de quatre , fix , ou fept pies plus ou moins , fur lef-
quelles. ils plantent lés Caffiers à la file. Ces n?arges font retenues par èj
murs de grofles pierres à fec , faits avec beaucoup de travail pour foûte-
nir la terre ; ils font auffi,, pour le même effet, des creux garnis .demurj
d'un même travail, au pié de chaque arbre, lorfque l'endrojt de la planta-
tion efl trop pierreux, & qu'il y a moins de terre; ces creux font à
deux à trois pies de diamètre & auflî profonds fuiv£^^t \a. néceljîté. l'i
•travaillent tous les ans la terre de ces marges & creux , & ils mélenc , fé-
lon le befoin, du fumier avec les feuillages tombés, en remuant la ter-
re jufqu'aux racines des arbres. Ce travail fe fait qudque-.tems après li
récolte. ..i^;. i...,\
Si les pluyes retardent , ou qu'elles manquent dans le tems, comme il
arrive quelquefois , ils coupent l'eau des ruifleaux pour la conduire le long
du haut des plantations, par des canaux, afin d'humefter la pente du ter-
rein; ou bien ils font obligés d'arrofer à la main, & fi ces eaux font trop
éloignées, ou qu'elles viennent à fe tarir, le fruit dépérit à proporticu du
défaut d'eau, a la récolte en efl moins abondante. Les brouillards qui
furviennent quelquefois , fur - tout quand les goulTes font à moitié mûres,
font caufe que les grains de CafFé refient noirs & lèchent. La grande
quantité de finges , qu'il y a dans les montagnes , détruit auffi beaucoup de
CafFé , quand il efl tendre.
Les Caffiers croiflent depuis douze jufqu'à dix - huit pies de hauteur;
les Arabes n'élaguant point pour conduire les arbres à mefure qu'ils croir-
fent; ce qui fait que iouvent'la principale tige d'un Caffier poufTe deux à
trois branches qui groffiffent depuis le rez de terre , «& forment le cep ai
l'arbre
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. Ht î5j
farbre jufaues vers le haut où font les autres branches , qui contiennent
le feuillage & le fruit. Les Arabes n'émondent pas feulement les baguet-
tes qui poiiflent au bas des arbres. Les Caffiers vivent ordinairement de
vingt julqu'à vingt-cinq ans, & même on en a vu qui avoicnt jufqu'à qua-
rante ans.
La diflance des Caffiers dans les plantations eft fort irrégulière, à eau-
fe de la difpofition du terrein , qui fait que les marges & les murailles de
λierre qui retiennent le terrein , le font aufll ; Il paroit que les Arabes ob-
ervent , autant qu'il fe peut , que les branches de chaque Caffier viennent
à fe toucher, quand ils font devenus grands, pour former un égal ombra-
ge où le foleil ne pénétre que peu ; les branches du feuillage de chaque
arbre pancbent toujours vers les autres arbres fitués au bas, prenant ce
pli d'elles-mêmes en croiflant. Cet ombrage égal eft allez épais, ce qui
fait que l'air eft: étouffé au-deffus des arbr«s , dont les grofles branches qui
en compofent le pié , font fales & rouillées ; il n'y croit que très-peu d'her-
be au-defTous , & quelques plantes de flmples entre les pierres.
Les Caffiers ont trois mois de repos , & alors à meîure que les ancien-
nes feuilles tombent , il en fort de nouvelles ; ils pouffent enfuite , fur le
bois des menues branches, de petites fleurs blanches. A leur place, fe
forment lesgoafTes, qui font vertes, tant qu'elles grofliffent , & au neuvième
mois , qu'elles font rouges , on les recueille. La récolte des gouffes a fon
tems dans chaque Pays , jufqu'à environ trois mois de différence du plutôt
au plus tard , qui eft vers la mi-Décembre.
Les Arabes eftiment que les Caffés font dans leur parfaite maturité , lorf-
que les gouffes font devenues d'un rouge vif, dont une partie de la gouflc
eft plus foncée d'un côté par nuances, jufqu'à former une couleur un peu
•^riolette, reftant à l'autre partie oppofée très-peu de nuance verte; &
qu'en touchant ce» gouffes, ou en fecouant l'arbre, elles s'en détachent fa-
cilement.
On fait fecher les gouffes en les cxpofant fur des rerraffes , ou fur des
nattes, au vent & au foleil, & en les remuant pendant autant de jours
qu'il le faut pour les bien fecher, & qu'elles ont pris la couleur de maron.
Avant de les mettre en facs pour les conferver en ma^ fms, on les laiffe
refroidir à l'ombre, & l'on peut auffi les dealer tout de fuite ; mais fi elles
ont été gardées plufieurs mois en magafins . & qu'elles foyent trop feches ,
les Arabes ont la coutume de les humedter, en afperfant de l'eau deffus, &
les remettant dans des facs qu'ils chargent d'un poids, ce qu'ils font la
veille qu'on doit les écaler , pour que les écorces ne foyent point brifées.
Les Arabes n'écalent leur Caffé que lorfqu'ils le veulent vendre. Pour
cet effet, ils fe fervent de petits moulins portatifs, compofés de deux meu-
les d'environ deux pies de diamètre; la meule de deffus tourne avec une
manivelle d'un morceau de bois , établie à l'extrémité , le traverfin & le
pivot au centre font auffi d'un bois dur; il y a environ deux lignes entre
îe plat des deux meules qui font piquées à gros grain , & ont des creux en
canelures qui forment des rayons: de plus, elles font parfemées de, petits
creux ronds à y pouvoir placer le bout du doigt. La meule de deffous eft
un peu convexe, 6t celle de deffus concave. Tout le travail de ces. mou-
lins
VOTAOE D'.
l'Arabib
iikuri.usr.
StTPLEMENT,
1 7 '-I o.
Del" rfcco!-
Sa
tioi).
prépara'
>8j
VOYAGES DES FRANÇOIS,
VoYAOB DE
l'Ahabir
iiburbusr.
Supplément.
1720.
DiTcicncc
des Ciffés.
lins .fl fort fimplement & affez mal conftruit ; cependant les Arabes s'eiï
fervent très-bien ; chaque Ouvrier, aflis à terre dans les magafms , met un
de ces moulins devant lui entre fes jambes, ayant à fon côté les gouffts«i
un panier rempli de petites pierres choifies , de la grofleur de la moitié
d'une fdve & raboteufes. On commence par jettcr dans le trou du milieu
delà meule, fix à fept de ces petites pierres, & le rempliflant enfuitcde
goufles, on tourne la meuîe d'une main, fans le preffer, tandis que delau-
tre main , on continue à mettre des goufles dans le trou , & de tems en
tems quelques petites pierres, quand on fent qu'il eft nécefl^aire, parce-
qu'elles foûtiennent la meule fupérieure , & empêchent que le grain de
Caffé ne s'ccrafe (a).
Les gouflTes fortent de tous côtés d'entre les meules, à moitié mouluej
& entr'ouvertes ; la première écorce épaifle fe fépare le plus de la féconde,
qui efl mince & dure, & qui rcile brilee; quelques goulfes des plus petites
fortent entières , & font repafl!ees au moulin. Il y a d'autres Ouvriers qui
ramaflent tous ces Caffés bruts avec les goufles , fortant d'entre les meules,
& en font meulon ; les uns les froiflent entre les mains, & d'autres les van-
nent avec une efpèce de panier rond, d'environ deux pies de large, à
creux de deux à trois pouces , fait d'un tiflli de rofeau découpé par lattes
minces , ayant un cercle de deux doigts de groflfeur , où le tilfu de roleau
cil coufu ; ce panier ou van eft fort & léger. On continue de froiflcr &
de vanner jufqu'à-cc que le Caffé refte tout-à-fait net. Chaque Ouvrier en
peut écaler par jour environ quatre-vingt-dix livres. Le Cafl:e net eft en*
îuite mis par poids dans des facs pour l'envoyer vendre. Les écalures font
ramaflees , avec foin , fur-tout celles de la première écorce épaifle de la
goufle , qu'on fépare de l'autre , parçequ'on en fait commerce j & c'eft k
raifon pour laquelle on hume6te les goufles avant de les écaler , ce qui par
la fuite ne laiflc pas de faire tore, au grain, donc l'humidité ternit au moins
fa couleur & fon luftre.
Le commerce de ces écalures eft confidérable, parceque les Arabes de
tout le Yèmen en font leur boiflbn ordinaire (^), & ne fe fervent point
du grain même. Il y en a de tout prix comme les Caffés, qui font aulï
fort difFérens tant pour la forme que pour la qualité d'odeur, de couleur,
de force & degrorfeur, où confifte le plus ou moins de bonté. On di-
ftingue encore, les Caffés des plantations des hauts & des bas dans un mê-
me Pays & Quartier. Les Caffés des plantations fituées vers le fommet
des montagnes, font ■d'un grain petit, de couleur plus ouverte, d'odeur ta-
ve & pefans ; Ceux des plantations fituées vers le fommet des montagnes,
font d un gros grain , trop chargé en couleur , d'odeur de verdure. Il pe-
fe, parcequ'il contient trop d'humidité, ayant peine à fecher , & ilfecon-
ferve moins. Les Caffés des plantations du milieu , participent des qualités
des précédens , & le grain en eft plus beau & plus marchand en général.
Suivant la remarque de l'Auteur, le Pays de Renia eft le feul où l'on faflela
récolte en trois tems différens, que les gouffes deviennent rouges fur le mê-
me
(a) C'eft de - là que viennent ces petites
pierres qui font dans le CafFé non trié.
(6) C'eft le CafFé à la Sultane, dont 1»
préparation a été expliquée. . , . . ■ ^ - ■*
DANS L'ARABIE HEUREUSE, Liv. III. 135
me arbre. Les Caffés de la première récolte nommés Jllan , font les meil-
leurs. Les Cetouy viennent après, & les Tamry leur font encore inférieurs.
Mais en général les Caffés de Rema font réputés communs, & ne valent
pas ceux des autres Pays où Ton ne fait qu'une récolte par année. Le Caflfé
à'Ouden eft le plus excellent de tous.
Il arrive quelquefois que les Arabes , qui font riches , gardent une par-
tie de la récolte de leurs Caffés , pour les vendre enfemble à la primeur des
Caffés de la récolte prochaine, ou pour plus lon^-tems , quand ils peuvent
fe flatter qu'ils monteront de prix. Pour cet effet , ils lailfent les meilleurs
en facs dans la pouffe, dans des magafîns bien fecs; les rangs de facs l'un
fur l'autre, font un peu féparés du mur, avec des chantiers au-defTous, en
donnant, de tems fec à autre, de l'air aux magafins. Si après des tems de
pluye on s'apperçoit que les goulfes ayent contraélé de l'humidité, & qu'el-
les fe foyent revêtues d'une cralfe blanche , alors on les expofe à l'air ou
au foleil , s'il le faut , pendant quelques heures ; on obferve toujours , en
tirant les gouffes du foleil , de les laiffer rafraîchir à l'ombre , avant que de
les remettre en facs , fans quoi la chaleur qui s'y conferveroit les feroit
fermenter. Il en eft de même pour le Caffé en grain, qui eft encore plus
fufceptible de l'humidité ; fi par accident le Caffé en grain a été mouillé ,
foit en le tranfportant , ou dans quelque magafin , & qu'on ne s'en foit pas
apperçu, il fermente extrêmement ; étant renfermé, le grain enfle, blan-
chit (X prend une mauvaife odeur ; alors le feul remède pour empêcher qu'il
n'achève de fe gâter, c'efl de le faire bien fecher au foleil, qui diffipe la
mauvaife odeur , & de le faire vanner pour en féparer les grains blancs ou
gâtés. Les Caffés en gouffe, ou en grain, fe confervent mieux dans les mon-
tagnes que dans les plaines, où les chaleurs font exceffives, ce qui fait grand
tort au Caffé quoique bien fec. Les Arabes prétendent que du Cane en
gouffe , bien conditionne à la récolte , & gardé bien fec dans les montagnes ,
Î)ourroitfe conferver dix à quinze ans ou plus, fans perdre entièrement
a qualité.
Tout le Caffé que l'on recueille dans la partie de l'Arabie où l'on en
fait commerce, monte environ à douze mille bars, qui, évalués à fept cens
quarante livres le bar, font huit millions, huit cens quatre- vingt mille
livres pefant , dont les deux tiers ou plus , fortent par Hodeida ôc Lahaya ,
pour être portés à Gedda , d'où on les envoyé en Turquie , & le refte eft
chargé à Mocka fur les Bâtimens du Golfe de Perfe & fur les Vaiffeaux
Européens.
Les Comptoirs Anglois, François & HoUandois établis à Mocka, ont
des maifons de louage à Betelfaguy, (Be'ù-el-Faguil) où leurs Commis
vont faire les emplettes de Caffé dans le tems convenable. Quoique ce
Bourg foit fitué en lieu défert, & que les chaleurs excefïïves, les vents
brûlans, avec la pouflière & le fable, en rendent le féjour très - incommo-
de, les Arabes en ont fait leur Marché principal, àcaufe que fa lituation
eft vers le milieu du front des Pays des montagnes , d'où viennent les Caf-
fés. Dans le tems que les Européens font à Betelfaguy, ils vont quelque;-
fois en promenade , au Quartier à'Hedia , à une journée de chemin , pour
voir les plantations; C'eft-là que les HoUandois & les François ont enle-
Xiy. Part, A a vé
VOTAOB Ot
l'Aradie
neuRKUSE.
SUPPLEMEUT.
I 7 20.
Comment
on confcrve
cette mar-
chandifc.
Produit du
Caffé en An-
bie.
Plants de
cet arlire ,
tranfplaiités
par les Euro-
péens.
VoTAOe DB
L' A R Ail lu
IieUBEUSB.
SuPPLeMBNT.
1720.
r
j8û' voyages des FRANCOIS,&e.
vé leâ planu des arbres du CafFé qu'ils ont porté dans les IHes de Java ^
de Bourbon. Les derniers en onc l'obligation au Sr. Berne, Ecrivain du
VaiHeau que M.dekBousxitre commandoic à Mocica, en i-jiH(c)^ àc\'[[]^
de Bourbon fournie k préfenc du CafTé en abondance. Une llngularité fort
curieufe , qui arriva a cette occafion , c'cil que les François furent bien
étonnes , quand les Naturels de Tlile , qui virent arriver des pieds de Caf.
fier tout verds, les reconnurent, & qu'ils en envoyèrent chercher, fur
une de leurs montagnes, des branches toutes fcmblables , dont lacomparai^
Ton convainquit les François que cet arbre croilTuit ici naturellement, aulfi»
bien qu'en Arabie. C'eit auu> la raifon pourquoi le CafFc de cette IHe n'é<
toit pas bon dans les commencemens ; il venoit en partie de ces plantes
fauvages & naturelles; mais dés qu'on s'efl mis à le cultiver, il efl: devenu
beaucoup meilleur. C'efl: depuis ijaC que les VailTeaux de la Compagnie
fn ont tranlporcé en France Çd).J
( c ) Hidoire des Indes anciennes & modec- (^d) Diflion. de Commerce , au mot Co^,
nés, Tom. III. fur la lin.
A laDf.scrip-
t îs ne I «anI Supplément à la Defiriptim des JJles de Bourbon ^ de France,
CE ET DE
ouBuoN. ^•-^»£sx le propre de cet Ouvrage, de pouvoir être continuellement en«
Introduftion. V-^ richi par de nouvelles additions. Une fucceffion de quelques années
change fouvent la face des lieux, comme celle des événemens. Mais la
fatisiaélion du Leéleur doit augmenter, lorfqu'on lui offre l'occafion de
comparer l'état préfent d'un Pays avec les premières idées qu'on lui en a
fait prendre, c'eft-à-dire, ce qu'il lit avec ce qu'il a déjà lu; & de* là vient
la méthode à laquelle on s'efl: conft:amment auujetti , de marquer les teraj
au fommet des pages. Ici , l'on efl: invité naturellenient, par le fujet qu'on
vient de traiter , a publier quelques nouveaux éclairçiflTemens fur les Idîi
de France & de Bmbon (a). On fera di(^enfé d'en donner fur la perfon-
ne de l'Auteur , qui efl: auflTi connu par l'éclat de fon mérite & de Çqs gran*
des allions , que par les perfécutions de fes ennemis & par le glorieux dé-
noûment qui l'en a fait triompher: homme cher à l'Etat, & dont il eftim*
poflTible que les rares qualités demeurent long-tems enfevelies. On fe
contente d'obferver qu'il fut nommé au Gouvernement des deux Illes, en
1734, après fon retour de Portugal (*).
Le nouveau Gouverneur des Ifles de France & de Bourbon s*étant cm*
barque au commencement de l'année 1735, arriva au mois de Juin dans fon
Gouvernement. L'objet de la Cour, en lui confiant cette Place importan-
te, étoit le rétabliflement général de l'ordre, dans un Pays où règnoientla
Hcçnce, la confufion & l'anarchie.
< • ' Pour
ï
«) Voyeg le Tome XI. de ce Recueil.
ft) Mémoire pour M. delà Jouidonn^t,
imprimé chez Deloguêtti , 1750, w-4«. pa&
9 9, fuivantet.
DESCRIPTIC^J DES ISLÊS DE frtANCE <ftc. Liv. HI. tBy
TôVR âantïcr une îcMe de Vàtdt où M. de la Bourdonnais trouva ces
Ifles, il fiot le rapjreHerque ïlùc de Bourbon fut d'abord habitée (c) par
2aeFqucs François, fauves du maffacre de Madagafcar (</),& par quelaues
luvriers de dfiffcrens Vaiffeaux, qui s'y établirent fuccdTivement. LIfîc
de France n'a commencé à recevoir des Habitans qu'en 1720. Elle en
avoit même fi peu, que jnfqu'en 1730, la Compagnie des Indes a tou-
jours éié rncertame fi elfe devoit la garder on l'abandonner. Eirfin ces deux
Illcs ont été dedinécs, la première à la culture du Caffé, & la féconde à
fervir de relâche aux Vaifleaux de la Nation , dans les Voyages des Indes
& de la Chine. Le terrain de l'Ifle de Bourbon s'étant trouvé propre aux
plantations du Caffé, leur fuccès n'a pas manefiié d'y attirer un grand nom-
bre d'Habitans. L'Ifle de France n'ayant pas It même avantage, ii a fallu
trouver des expédiens pour en former une Colonie , & pour la mettre en
état de fournir, aux Vaiffeaux, des vivres & des rafraîchiflemens.
Ow n'imagina rien de plus eflScace , que d'avancer des vivres, des uflen-
ciles & des Woirs aux Habitans. La Compagnie fit ces avances , mais
cHe eft fort éloignée d'en avoir tiré tout le froit qu'elle s'étoit propofé. Sef
Officier» apportèrent fi peu de difcernement au choix de ceux qu'ils em-
ployèrent, que la phûpart manquoient d'indnftrie & de talens. Auflî, loin!
de trouver dans ïe travail de ces infUlaires lés fecours qu'on en efpéroit pour
fe rafraîchiflement des Vaiffeaux , la Compagnie s'efl prefque toujours vue
dans la nécelîité de les nourrir elle-même, en- leur envoyant à grands frai*
des vivres de France ; & jufqu' à farrivée di* nouveau Gouverneur , cette Ifle
ft'avoit été qu'onereufe a fes Maîtres. L'ordre y manquoit dans toutes les
parties oeconomiques. L'adminiftration de la Juftice, la Police, les affai-
res du Commerce, & k partie de la- Girerrc de de la Mariiie, avoitnt éga-
rement befoin de r«fofmadoit. , '
La Jufliice ëtoit adminiflrée ^f âéùtg Cottïîîi'ft* , dbnt l'un dépehdoit de
l'autre. Le Confeil fupérieur étoit dans rifl* deBbuvbow. Après l'arrivée
du nouveatr Gouverneur, des Lettre» Patente* de Sa Majeflé attribuèrent
fe même ind'ependatice au Confeil de l'Ifle de France, du moins dans tout
ce qui concernoit la Juflice. A l'égard de l'adminiftrati'on , le Confeil où
réfidoit le Goovemeur ne celFa point d'être fupérieuf à l'autre. Ce change-
ïnenc dfevint d'autant plus avantageux, qu'il' arrêta Cous les différends qui
avoient fou vent divifé les Confeilk des deux Pies (e).
La Pblicen'ét>îit pas^urt objet moins ititérefl^àrtt. Il y avoit, dans l'Ifle
de France, des Iffdgres marorts', qui s'y faifoieilt continuellement redouter
par leurs ravages. Le Gouverneur trouva lé fecretdte les détruire, en ar-
mant Nègres contre Nègres, & formant une MaréchaulTée de ceux de Ma-
dagafcar, qui purgèrent enfin l'Me de la plupart de ces Brigands. Il ap-
porta les mêmes foins au Commerce, dont perlbnne ne S''occupoit à fort
V •- ■ ■'■.'''■ ■;*' " ■■' ' -'■': arri-
Svrfi.tmitf
A LA DtSC&tl'-
TION nis lî-
LEi ne. Fran-
ck HT Utt
BouiuioN.
Etat des
Illcs de Fran-
ce & de Hoiir-
l)(>n , avant
1735.
Ol)jct de la
Compagnie
des Indes dang
CCS Kca!)liirt-
inciiii.
Changemcn»
avantageux
qui s'y font
faits en peu
d'années.
Juflice.
Police.
(c) Voye2 les Jeummix de Mondevèrgue
& de la Haye , & la Delcription , au Tome
Jvl.
{d) Voyez la DcfcriptioQ de Madagafcar,
au Tome XI.
(f> Pendant! oHzc ans que M. de la Bouj«-
donnais a gouverné, on n'a, vu qu'un fcnl
Procès dans l'Ifle de France, paice qu'il ter-
minoit les affaires i l'anùable.'
Aa 2
m
DESCRIPTION DES ISLES
StirPLIMCNT
A LA Descrip-
tion DES Is-
LES DE FkAN-
CB £T DE
Bourbon.
arrivée. Ceiï lui qui a formé le premier, des plantations de fucre, & qui
a établi la fabrique du cotton & de l'indigo dans cette Ide. L'un a fon dé«
bouché du côté de Surate, de Mocka & de la Perfe; l'autre du côté de
l'Europe. Ce double Commerce efl: fans doute le plus fur moyen de con-
ferver & d'enrichir nos Colonies , il l'on a foin de foûtenir les Ëtabliflemens
que M. de la Bourdonnais a commencés. La fucrerie de Tlfle de France
produit déjà, fans aucuns fraix ni débourfés, plus de foixante mille livres de
rente à la Compagnie (/).
Agriculture. L'agriculture étoit également négligée dans les deux I(les , & la parel<
fe endormoit les Habitans fur les propriétés du terrain. M. delaBourdoa*
nais les a fait fortir de cette indolence & leur a fait cultiver tous les grains
nécefTaires pour leur fubfiflance; fervice d'autant plus eflentiel, quils é.
toient expofés à de fréquentes difettes , & qu'il n'y avoit prefque pas d'an^
née où ils ne fufleni réduits à fe difperfer dans les bois, pour y chercher à
vivre de chaiTe & de mauvaifes racines. Ils font aujourd'hui dans l'abon»
dance; fur-tout depuis qu'il les a formés à la culture du Manioc, qu'il leur
avoit apporté du Brelil. Mais ce ne fut pas fans peine qu'il leur fit rece*
voir cet ufage. Il eut befoin d'employer l'autorité , pour les affujettir à
planter cinq cens pieds de Manioc par tête d'Ëfclave. La plupart, ridi-
culement attachés a leurs anciennes méthodes, s'efforcèrent de décrediter
cette plante. Quelques-uns mêmes eurent l'audace de détruire les nouvel*
les plantations, en les arrofant avec de Teau bouillante. Mais, l'expérien-
ce ayant détruit le préjugé , iU reconnoilTent aujourd'hui l'utilité d'une pro*
duélion, qui met pour toujours les deux Ides à couvert de la famine. Quand
les ouragans, qui s'y font fouvent fentir , ont anéanti l'^'irs moiffons, oa
quand elles ont été ravagées par les fauterelles, ce qui n'ell pas moins fré<
quent , ils trouvent dans le Manioc un remède à leurs pertes. Outre cet*
te racine, les Ides, qui étoient prefque fans bled, en produifent aftueile*
ment cinq à fix cens muids (g).
Ce n'ét^ t point alFez de pourvoir à la fubfiftance des Habitans par la
culture d ^erres ; il falloit veiller à la fureté des Ides , qui n'avoient ni
Magafinr .i Fortifications, ni Hôpitaux, ni Ouvriers, ni Troupes, ni
Marine. On avoit affuré M. de la Bourdonnais, à fon départ de France,
qu'il y trouveroit quatre ou cinq Ingénieurs François. Il n'y en trouva au-
cun. On y en avoit envoyé; mais il s'étoit élevé, entr'eux & le Confeil,
des difputes & des querelles qui les avoient divifés. Les uns étoient re-
tournés en France, pour y porter leurs plaintes, & les autres s'étoient re-
tirés dans les habitations particulières. Tout le Corps du Génie étoit ré-
duit à un Métif Indien, qui dirigeoit la conflruAion d'un petit moulin à
vent, porté alors à l'élévation de huit pieds. Un Magafin, commencé de*
Suis quatre ans , n'étoit encore élevé qu'à hauteur d'appui. On avoit con-
ruit , à la vérité , une petite maifon pour l'Ingénieur en chef: mais c'eftà
quoi fe réduifoieht toutes les conftruftions de l'Ifle de France. Elles pou-
voient monter à trois censtoifes courantes de maçonnerie, & l'on en compte
Edifices.
(/) tbid, pag. lu
U) Pag. n.
icre, &aui
un a Ton dé-
du côté de
^en de con-
tabliflemens
: de France
ille livres de
& la parel<
îlaBourdoB-
us les grains
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i les nouvel*
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té d'une pro«
mine. Quand
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Outre cet*
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>itans par la
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Troupes, ni
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étoient re-
s'étoient re-
nie étoit ré-
tic moulin à
immencé de-
n avoit con-
mais c'eftà
Elles pou-
>n en compte
à»
DE FRANCE ET DE BOURBON, Liv. III. 189
SupH.K¥iirr
A LA DeSCRIP*
TION UBS II-
LES DE 1''RAN-
CR ET DB
BOUKBOH.
i-peu-près autant dans TlHe de Bourbon: au-lieu qu'en peu d'années, M. de
la Bourdonnais en a fait faire plus d'onze mille toifes (h).
Sans Ingénieur & fans Archite6le, il fut obligé d'exercer lui-même cet-
te double jfonélion. Comme il favoit heureufement les Mathématiques &
les Fortifications, il drefia des plans qu^ furent approuvés de la Com-
pagnie. Mais, pour les exécuter, il fallut former des Ouvriers de toute
efpèce ; en râfiemblant tout ce qu'il put trouver de Nègres , en les met-
tant en apprentiflage fous les Maîtres Ouvriers qu'il avoit en fort petit
nombre. On doit s imaginer combien il lui coûta de peines , pour obliger
ks uns à donner leurs infl:ru6lions , & les autres à les recevoir. L'alTem-
blage des matériaux ne fut pas une opération moins difficile. Il falloit cou-
per du bois, tirer des pierres & les tranfporter; mais il n'y avoit ni che-
mins , ni chevaux , ni voitures. Il fut donc obligé de faire ouvrir des che-
mins , dompter des taureaux , & conftruire des voitures , par des gens
d'autant plus rebutés de ces entreprifes , qu'ils joignoient , a leur pareiTe
naturelle, une extrême infenfibilité pour le bien public. C'eft ainli qu'il
efl parvenu à faire des ouvrages confidérables & d'une utilité reconnue. La
Compagnie n'a pas profité feule du fruit de f^ travaux. Toute la Colonie
a tiré les plus grands avantages de rétabliflement des chemins, & de l'u-
fage des voitures; mais fur -tout, de l'émulation que le fuccès a fait naî-
tre parmi les Habitans. On a bien-tôt vu le prix de la plupart des maté-
riaux, tels que le bois, la chaux, &c. réduit au cinquième de ce qu'ils ...
avoient coûté jufqu'alors (1).
L'IsLE de France n'avoit pas d'autre Hôpital qu'une cabane, conftruite Hôpitaux,
de pieux, en forme de paliflade, qui contenoit à peine trente à trente-
cinq lits. Le nouveau Gouverneur en fit conftruire un, qui peut contenir
environ quatre ou cinq cens lits. L'adminiftration de ces lieux le jetta dans
d'autres peines. Comme on n'avoit pas une quantité de bœufs fuffifante
pour entretenir une boucherie continueUe, il ëtoit fouvent dans la néceflité
de faire nourrir les inalades de tortues & de gibier. Us fe plaignoient de
cette (Economie forcée, comme s'il avoit dépendu de lui de les traiter mieux.
D'ailleurs les inconvéniens de la friponnerie, de la négligence & de l'inca-
pacité, l'obligèrent de changer fouvent la régie des Hôpitaux. Il fe vie
même affujetti, pendant une année entière, à les vifîter journellement dès
huit heures du matin (i).
On parle avec admiration de tout ce qu'il a fait conftruire, en Maga-
fins, en Arfenaux, Batteries, Fortifications , Logemens pour les Officiers ,
Bureaux , Moulins, Aqueducs. Le feul Canal de l'Ifle de France, qui con-
duit les eaux douces au Port & aux Hôpitaux, contient trois mille fix cens
toifes de longueur. Avec la commodité de cet Aqueduc, non-feulement Bel Aqueduc
les Habitans & les Malades ont aôuellement à leur porte l'eau douce , qu'on
étoit obligé d'aller prendre à plus d'une lieue; mais encore les Equipages des
Vaifleaux la trouvent au bord de leurs Chaloupes (/).
On n'admire pas moins les changemens qui regardent la Marine. Avant Marine.
,: l'arrivée ê r.--- '■ 'r
Diverfes
conftruftions.
'-..(- ^
U f'
(i) Ibidem,
(0 Pag. 13. (*) Ibid.
Aa 3
(0 Pag. 14.
A t.A OEbCRIP-
TION DI» IS-
Lifs DE FRAre-
CB ET DB
Machines &
manœuvres
im'cntées par
M. delà
BoucdOnnais.
Obfervations
fur le Caffé
de ride de
Bourbon.
Pamrée de M. de la Bourdonna», on ne favoit pas dans Flfle de Vntnte^
ce que c'étoit que de radcmber cm de carenner an Vaiffeau. Les Habitan»|
qui avoient des Batteaux pour la pêche , n'étant pas i-apables d'y faire les
moindres réparations, étoient obligés d'attendre le fecours des Vaifl^aux
qui relàchoient dans leur Port: étrange ignorance, dans une Ifle que fa fi.
tuation rend propre à devenir une autre Batavia, c'eft-à-dire, l'entrepôt !«
plus commocfe & le plus (Br pour les Vaiffeaax de la Compagnie.
Cet habile & zélé Gouverneur encouragea le» Habitans à le féconder.
H fit chercher, couper, trarrfporter & façomier tous les' bois' convenables à
Isi Marine: Dix-huit mois ou deux ans de travail lui firent voir tou» fes ma»
tériaux préparés. Il commença par £abr?qncr des pontons pour carenner,
d'autres pour la décharge des Vailîeaux , des gabarres & des' chalans pow
la fourniture dte Feau & pour le tranfport des matérramt , tfes canons & dej
rfialoupes pour te fèrvice journalier. Il- fit radouber enfuite les Vaifleaux
de Côte, a ceux delTEurope. En 17^7, iF entreprit unBrigantin, quife
trouva fort bien fait. En i^s-S , il' fit conftruire deux Bâtimen* , & il mit
fiT les chantiers an- Navire de cinq' cens tonneaux. En un mot ilconduiiit
fôn entreprife avec tant defuccès, qu'atijourd*hui Ton conftruit & Ton n-
doube aufli-bien les Vaifleairx auPort de l'HIede France, qu'au Port de lU
rient. Tous les Msirin* conviennent même qne certains ouvrages s'exécD'
tcnt encore plus commocfément à l'Ifle de France, avec le lecours d'une
madrine inveiïcéepar M. die kt bourdonnais, qui fervant à élever & à M-
pendre les gabarres & les pontons, les met en état d'être fort prompte-
ment réparés. B'fit, à ia v<ïe de Flïîe entière, Fexpérience d^^unpontoa
de cent tonneaux, qui venant a fiiire eau-, dans' un moment où Ton étoit
prefle de s'en fervir , fut conduif àf la maehme & ftiipendu, la voye d'eaa
repriie-, & le ponton- remis à- lia Mer, en moins d'une heure (m). Bési'â-I
ge de vingt- cinq- ans-, fërvant au» Inde» en quaJitié- defeccmd Capitaine,
d&ns l'Efcadre- de Mi de Pardhfflatty if avoït imaginé une nouveHè- conllruc-
tion de rats ou de radeaux , pour faciliter' fes dfefëentes; & cette inventici
donna , aux Troupes Françoi^Bs y la fàcîRté de defcendre ic pied' fec en ordre
de bataille (w). Il parle, dîans un autre lie», d'une manœuvre qu'il- avoit
conçue, à la veillb de rencontrer d*es ennemis fùpérieurs en force, pour
feuver le merHëut de fès Vaiffeau», & généralenent tous les Equipages,
Mais n'ayant point eu l'occafion de l'employer, il s'en^eiî réfervé laconnoif-
fance, danst la- feule vâe qu'elle ne ptiilFè tourner à l'avantage de nos enne-
mis (O'); - 'V.- - .'^'''". '■ . ^ '
Ap R ès' ce curieux détail , qui iiié peïMJ être tiré d'une meilleure fource,
on regrettera- de ne pas trouver ici quelque édairciflement fur le progrès de
la culture du Caffe dans l-lflie de Bourbon. C'eft un fecret qui paroîc ren*
fermé entre les principaux Officiers de là Compagnie. Cependant on peut
jtiger par les foins qu-*on apporte à perfeélionner Tes- plants , & par la quan^
tité de Caffé qui nous vient dé cette Iflé-, que le fuccès répond au travail
dbs Habitans.
Ils ont fait obferver , dans uii Mémoire adrefle au Comptoir François de
Mocka,
(m) Ibiim, pag. 15. (n) /iJdb»,pag. Z» (0) A{(/rm,pag. J51.
DE FRANCE ET DE BOURtON, Liv. III. ggt
Mocka, que l'arbre de Caffé, dans leurs terres, jettoic d'abord beaucoup
de branches par le haut; qu'aorés cinq à fix ans, il dépérilToit par fon mi<
lieu; quenfuice les branches au bas s'étendoient beaucoup, & qu'étant fort
menues & fort chargées de fruit, les unes rampoient, & celles de ddTus
cafToient au bas de la cip par le po<ds de fon fruit. Ils demandoient, à ce
fujet, s'il convenoit d'élaguer l'arbre par le pied, pour l'arrêter par le haut;
s'il falloit faire quelque taille aux branches , &c. Le Sieur Miran , qui réCi-
doit alors à Mocka, répondit „ qu'ayant obfervé que l'arbre de Caffé en
Arabie, vivoit plus long-tenis fain & dans un état plus naturel, & que
les Arabes i^noroient la méthode de faire des tailles aux branches d'au«
cun arbre, il croyoit que cela venoit de ce ^ue le fol de l'ifle de Bour-
bon n'étoit pas Ci favorable à cet arbre. Mais, l'année fuivante, ayant
découvert la véritable manière dont les Arabes font leurs /«miV, il crut
dès-lors que le défaut des arbres de Tlfle de Bourbon pouvoit provenir
de ce qu'on y faifoit les femis des gouffes entières , qui contenant deux
grains , & par conféquent deux germes , fun des deux pouvoit avoir
plus de ^orce que l'autre, & qu'apparemment cela caufoit le defordre qui
„ arrivoit à l'arbre de Caffé dans 1 Ifle de Bourbon ".
C'est de-là fans doute ^ue le même Négociant prit occaflon de compo*
fer un Mémoire fur l'origine, la culture & le commerce du Caffé, pour
l'inftruélion de la Compagnie des Indes (p). Sa longueur ne permet pa»
de le rapporter; mais on en détachera quelques obfervations, qui convien-
»
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iffef
nent à cet Article
LORSQ.UE le Caffe fut connu en France (r) , tout ce que les Négocians
en apportèrent y fut reçu avec l'empreflement que la Nation a toujours pour
la nouveauté. Les Particuliers, qui commerçoient pai^ Mer avec la permif-
Con de la Compagnie, en firent veni;- du Golfe Arabique par l'Océan; &
par la Méditerranée, du Caire, & des autres Echelles du Levant. Leur
profit fut confidérable , parcequ'il ne payoit d'entrée , comme les autres
marchandifes, que cent fols pour le cent pefant, fuivant le tarif de 1664.
Mais la liberté de ce Commerce fut fupprimée en 1692. Les Fermiers des
Aides ayant repréfenté à la Cour, que le Caffé étoit devenu fi commun dans
le Royaume, que les droits qu'ils en percevoisnt leur paroiflbient trop mo-
diques , un Particulier nommé François Damante , offrit de leur payer an-
nuellement une fomme très - confidérable , fi le Roi vouloit lui accorder le
Privilège exclufif du Caffé, du Thsi, du Sorbet & du Chocolat. 11 obtint des
Lettres Patc es, en forme d'Arrêt, par lefquelles il lui fut permis de ven-
dre quatre h uics la livre de Caffé; celle du meilleur Thé cent francs, cin-
quante francs le médiocre , & trente , le commun ; le Sorbet fix francs , &
le Chocolat de même; le Cacao quinze francs; & la vanille dix-huit francs
le paquet , compofé de cinquante brias. On lui recorda auffi de fe faire
payer trente livres de droit annuel par tous les Limonadiers de Paris , &
3ix livres par ceux de la Province. Le même Arrêt fixa la prife de Caffé
StmLEMENT
A LA Descrip-
tion nE« I«-
LBs ni£ Fran-
ce ET PK
Remarque^
fur le Cora-
niercc du
CafFé en Fran-
ce.
François
Damame,
premier pri-
vilégié pour
le vendiix
(/)^ Il eft, dans toute fon éten:^uc, à la
fa du Tome III. de l'HiftoIie des Ipdei an-
ciennes & modernes.
) . ■
(î) Voyez auflî nôtre Supplément Â
ticle précédent. R. d. E.
ric«
,5
m
DESCRIPTION DES ÏSLES
A LA DbSCRIP
TIONT DBS l8-
LEs DE Fran-
ce ET DE
fioUROON.
Cette entre-
prife le ruine.
Privilège
accordé à la
Compagnie
des Indes.
DifFérentes
efpèccs de
Café.
à trois fous & demi, celle du Thé au même prix, celle du Chocolat & huit
fous , & celle (jm Sorbet de même. Ce ^u'on nommoit alors Sorbet étoit
une liqueur fraîche, faite de fucre, de citron, d'ambre &c., & plus coin-
pofée que nôtre limonade.
L'avidité de ceux qui avoient obtenu le Privilège exclufif, futprel^
qu'auffitôt punie par elle-même. Le CafFé, qui ne s'étoit vendu julqu'a-
lors que vingt-fept à vingt-huit fous la livre , le Thé & le Chocolat à pra.
portion, fe trouvant porté tout d'un coup au double ou 'au triple, parce
nouveau monopole, la plupart des Particuliers en abandonnèrent Tufage.
Il s'en vendit peu chez les Limonadiers, qui le faifoient même très-foible;
& par conféquent la confommation en devint fort modique. Damame lui.
même demanda que le prix du CafFé fût diminué. On le mit à cinquante
fous la livre. Ce prix paroifTant encore exceflif au Public', Damame fe vit
ruiné dans fon entreprife, & le Privilège fut révoqué. L'année fuivante
1693 , on le convertit en un droit d'entrée de dix fous par livre pefant,
au profit des Fermes du Roi ; après quoi il fut permis à tous les Marchand!
& Négocians d'en faire librement le Commerce.
Cet ordre avoit duré trente ans, lorfqu'en 1723 , Sa Majefté accordais
Privilège exclufif du CafFé, à la Compagnie des Indes, pour afTurer de plus
en plus, aux Aftionnaires de la Compagnie, un revenu fixe, qui pût leur
fournir tous les ans un dividende certain de cent cinquante livres pour cha-
que Aftion» Il falloit que le prix du CafFé eût été porté bien haut les an-
nées précédentes , puifque fujvant le même Arrêt , la conceffion de ce Pri-
vilège , qui n'en augmentait pas le prix , déclaroit qu'il ne pourroit être
porté à plus de cent fous , la livre de feize onces. Mais la Compagnie,
Tentant qu'à fi hait prix, la confommation, & par conféquent le- profit,
en feroient fort modiques 5 s'eft volontairement réduite à la moitié du prix
accordé. *
Lb tranfport du CafFé, dans les Villes du P..oyaume, fît naître une nou-
velle difficulté pour les droits de pafTage. Les Commis des Fermes avoient
commencé à fe les faire payer dans quelques Villes: mais ils furent con-
damnés à rendre l'argent qu'ils avoient exigé. Comme il étoit trop embar-
raflant de pefer toute une cargaifon de Caffé pour prendre dix fols par li-
vre , la Compagnie propofa aux Fermiers Généraux un abonnement général
pour cette partie. Un Arrêt du Confeil régla qu'elle payeroit, chaque an-
née, vingt-cinq mille livres aux Fermes, pendant toute la durée de fon Pri-
vilège; & moyennant cette fomme , le CafFé fut déformais affranchi de
toutes fortes de droits. Enfuite, les Fermiers Généraux ayant reconnu de
la difproportion entre cette fomme & le bénéfice de la Compagnie des In-
des, obtinrent la révocation de cet Arrêt d'abonnement, & le rétablifle-
ment des dix fous pour chaque livre. Mais , en dédommagement, la
Compagnie obtint du Roi cinquante mille livres annuelles fur le Tréfor
Royal Ts).
Les Négocians de Marfeiile firent long-tems valoir la franchife de leur
Port, pour être exempts du Privilège exclufif de la Compagnie, & pour
'" : . ^ ;..;■;. / ; >". • Ob'
(/) Cet Arrêt efl du s Juin. > .r?. •- .
ître une non-
DE FRANCE ET DE BOURBON, Lxv. III. 193
ôhtenlr du moins une diminution des dix fous par livre.. Mais la faveur
qu'on leur accorda fe réduint à la permiflîon de faire venir du Caffi^ d'Ale-
xandrie, du Caire, & des autres Echelles du Levant , à condition de le
vendre à la Compagnie fur le pied qu'il feroit en Hollande au jour .qu'ils en
feroient la vente, a la déduftion des fraix & des droits de la Ferme Géné-
rale, ou de le tranfporter à l'Etranger. Ce qu'on appelle Cûffé de Marfeille,
&que l'on achète des Turcs , fur les Ports de la Méditerranée, n'eft donc
pas différent de celui de Mocka, que la Compagnie vend à l'Orient. L'un
& l'autre viennent également de l'Arabie heureufe, par les Ports de Mocka,
d'Hodeida, & Lahaya. Perfonne n'ignore que celui de Rourbon n'a pas la
même qualité, quoique l'expérience apprenne qu'il fe perfeélionne de jour
en jour.
On en diftingue une troifième efpèce., inférieure encore à la féconde.
C'efl: le Caffé qu'on a commencé à tirer de l'Amérique en 1732. Les Ha-
bitans de la Martinique, de Saint-Domingue, & de quelques autres Ifles
occupées par les François, repréfentèrent au Confeil , qu'ayant perdu de-
puis quelques années tous leurs Cacaoyiers , ils avoient fait , pour le dé-
dommager de cette perte , des plantations de Cafl&ers , qui avoient eu
tant de fuccès , qu'elles produifoient beaucoup plus de Caffé qu'ils n'en pou-
voient confommer. Un Arrêt du 27 de Septembre 1732, leur permit d'en-
voyer leur Caffé en France, dans les Ports du Royaume, à l'exception de
rprient ; à condition néanmoins qu'il y feroit en entrepôt , & qu'il n'en
pourroit fortir que fur la'permiflion de la Compagnie, pour être porté à
f Etranger. Cette première grâce ne fuffifoit pas, pour mettre les Infulai-
res François en état de tirer de leurs plantations tous les avantages qu'ils en
pouvoient efpérer. Ils fupplièrent le Confeil d'y joindre la liberté du com-
merce & de la confommation dans le Royaume : faveur importante, qui
leur fun accordée par un Arrêt du 29 de Mai 1736, à la charge de payer
pour droit d'entrée-, dans les Bureaux des Fermes, dix livres par cent de
poids, fans excepter le Caffé qui provient de la traite des Nègres (r).
(0 Hifloire des Indes anciennes & modernes, Tome HL pages 431 & précédentes.
SumiMBITT
A LA DjîSCBir-
TION DES !$•
LES DE FkAIV*
Cil ET DB
Bouasoir*
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i ■ (*
Xir. Part.
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HIS-
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HISTOIRE
' ■■•- GÉNÉRAL E '^-^'^ ■'• :
DES VOYAGES,
Depuis le commencement du xv?^ Sièci^
- QUATORZIÈME PARTIE. ;
LIVRE H U A T R I k M K ;
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
. PAR LE SUD-OUEST. ....
,. I'
Introduc-
tion.
>■ .|>— i XNTRODUCTIOK -- ■
N le répète à l'honneur des Hollandois ; rien n'efl fi glorieux
pour leur Nation , que l'ardeur & la confiance avec lefquelks
ils furmontérenc les premiers oblvacles qui s'oppofèrent à leur
Commerce. Les Provinces*Unies n'avoient pas encore pris
l'elTor, qui devoit les mettre en état de mefurer leurs forces
maritimes avec celles du Portugal & de l'Efpagne. Leurs
Marchands , loin de s'ouvrir une route aux Indes Orientales par les armes,
ne penfoient qu'à s'y glifler par des entreprifes clandellines & par des voyes
détournées. Après quelques Voyages hafardés fur les traces de leurs En-
nemis, c'eft-à-dire, par le Cap de Bonne-Efpérance (a), ils tournèrent
leurs voiles vers le Nord, fous la conduite de Balthafar Moucheron ^ qui en-
treprit, en 1594, de découvrir, par cette voye , un paflage aux Royaumes
du Cathay & de la Chine (b). Mais ce grand deflein n'ayant pas eu le Aie-
ces qu'ils s'étoient promis , ils réfolurent, fans l'abandonner entièrement (f),
de faire prendre un autre tour à leurs efpérances, par la route que Magellan
" • ' ' avoir
(a) Voyez les premiers Voyages des Hol-
lartdois, au Tome X. de ce Recueil.
(b) C'eft précifément le contraire. Le
Voyage de Houcman, par le Cap de Boniie-
Eipérance, fuivit cette première er.tr:prife.
R. d. E.
(c) Nous avons les Relations des pre-
miers Voyages au Nord, & leur pLice cil
annoncée dans ce Recueil» . - • -
nière entr^priff.
VOYAGES AUX INDES CmtENTALES&c., Lit. IV. 19s
•roic ouverte aux Erpagnoii (d)j & dans laquelle ili fe ilatcérenc du moins
<]ue les difficultés & la longueur feroient avantageufemenc compenfées par
la liberté de la Navigation.
Ou 01 0.1^ E l'infortune de Magellan, qui périt dans le cours de fa glo-
deuTe expédition , nous ait privés du Journal de ce fameux Voyageur, on
trouve l'explication de fes vues dans les Hilloriens Ëfpagnols & Portugais ;
& la plupart des circonilances de Ton Voyage, dans une courte Relation du
Chevalier Pigapbetta , que le feul goût des' avantures extraordinaires avoit
porté à s'embarquer avec lui. Ce petit Ouvrage, publié en Italien , dans le
Kecueil de Ramufio, apafFé dans nôtre langue par une traduélion fort an-
cienne ( <? ) , qui n'en eft même que l'extrait (/). Comme c'efl: l'unique té-
moignage oculaire qu'on ait jamais eu fur un fi grand événement, cette
qualité doit faire obtenir grâce à l'Auteur pour quelques excès de crédulité
ou d'ignorance , & ne permet pas de lui refufer un rang honorable dans
ce Recueil. Cependant on ne le place que dans cette Introduction ,
)arcequ'ii ne donnoit aucune defcription fupportable des découvertes de
ibn Héros.
iNtROOUO-
TION.
. ^. •■< T
' ' .-■-.' i
•• ' t. , ,, i
■Relation du
Chevalier Pi*
gaphctta.
if'.
(rf) La Compagnie des Indes Orientale»
n'en continuoit pas moins fes Voyages par
le Sud-Ell, & ce fut une Société particu-
lière de Marchands de Rotterdam , qui ré-
folut de faire prendre l'autre route à fes
Vaiflcaux. R. d. E.
(e) Le feul Eixemplaire que j'en ai pu
trouver eft de !n Bibliothèque dt,s RR. PP.
Barnabites de Paris, imprimé en Gothiques,
fans datte & fans nom d'Imprimeur, tn-12.
Il commence ainfi : „ Le Voyage & naviga-
j, tion aux Iflcs de Molluquè, defcript &
„ faift de noble homme Anthoine Pigaphet-
„ ta , Vincentin , Chv-valicr de, Rhodes, pre-
„ fcntée à Philippe de Villiers Lille Adam,
„ Grant-Maître cle Rhodes; commence ledit
„ Voyage l'an mîLcinq cens dix-neuf, & de
„ retour mil ccccc xxii , le huitième
„ jour de Septembre ". Au dernier Cha-
pitre, on lit pour conclufion: „ Le hui-
„ tiéinc jour de Septembre mirent l'ancre
„ au Port de Se ville. Et defchargercnt tou-
te l'artillerie, rendirent grâces à Dieu, en
chemife, nuds pieds, oc torches en la
main. Le lendemain Anthoine Pigaphet-
ta alla à Valdoli, où étoit l'Empereur
Charles. Et ne lui preC nta or ne argent ,
ne cliofc préciu'uC. digne d'ung fl grand
Seigneur, mais ung Livre efcrlpt ^e fa
main, où étoient les chofes paflTécsdejour
en jour de leur Voyage. Et dc-Ià fe par-
tit à aller en Portugal , au Roi Jean , &
dift les chofes que avoient vou tant des
Efpaignols que des fiens. Puis par Efpai-
gne vint en France, & nr^fcnta & feit au-
cun don des chofes de l'autre Heinifphere
à la Mère du Très-Chrétien Roi de Fran-
ce, nommé François, Madame la Régen-
te. Puis vint en l'Italie, & prefenta le
Livre de fa fatigue à Philippe de Villiers,
Grant-Maitrc de Rhodes ".
(/) Audi lit -on à la dernière page ; „ ici
finit l'extrait dudit Livre, trajiflaté de Ita-
lien en François ". V, . , • . ;,
î ■ . ' -i » ■.* '4 ■■ ■ • ■' * : .-• , , I ■ , . .. -; 1^ , ►
■\ ■. ' '•' ^ :. ■ .-■ ■ •-'■ - • - t .: . ...
• Foyage de Ferdinand Magalhanes , OU Magellan. ■•'•
QU£LQ.UEs années après la découverte des Ifies Moluques, Magel-
lan, Portugais de Nation, qui avoit porté les armes fous Dom
Alfonfe d'Albuqaerqùe, & qui étoit à Malaca, en 151 1 , lorfque cet
îlluflre Viceroi des Indes en achevoit la conquête, prit le parti de retour-
ner en Europe, dans l'efpérance d'y faire fervir, à fa fortune, les lumiè-
res qu'il devoit à fon expérience. Il étoit parent de Franjois Serrano, qui
Bh 2 corn-
Magellan.
1519-
Origine des
projets de
Magellan.
;^ -»
19^
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Maobllam.
I 519.
Il quitte le
Portugal pour
s'attacher à
J'Efpagne.
Comment il
fait entrer
Cliarles-Quinc
iktns fcs vues.
11 pnrtavec
Une Flotte de
cinq Vaif-
feaux.
Il perd un
Vaméau.
commandoit aux Moluques, après avoir découvert ces Ifles pour le Porta,
gai. Diverfes connoiffances, qu'il avoit recueillies de fes difcours & de
fes écrits, fembloient lui promettre , à la Cour du Roi Emmanuel, des fa.
veurs qu'il eut le chagrin de n'y pas obtenir. Son reflentiment le fit palier
à celle de Cai'lille, où l'Empereur Charles-Quint jugea mieux de l'importan-
ce de fes offres, & rendit plus de juftice à fon mérite (a).
Il eut de profondes conférences avec les Aflronômes & les Géographes
de cette Cour. Le réfultat fut de repréfenter, au Confeil, que fuivant la
décifion du Pape Alexandre VI , entre les Couronnes de Caflille & de Por.
tugal (b)y les Ifles Moluques, dont les Portugais étoient demeurés en pof-
feifion, dévoient pafTer pour des Ifles Occidentales , & par conféquent fe
trouvoient comprifes dans les bornes des conquêtes Cadillanes. Magellan
prouva fon opinion, non-feulement par des raifonnemens mathématiques,
mais par des Lettres même de François Serrano, qui avoit fait la décou-
verte de ces Ifles pour le Roi Emmanuel. Enfuite , il propofa au Confeil
de lui donner quelques Vaiffeaux bien armés , avec lefquels il trouvoit , dans
îes lumières , l'efpérance de découvrir un paflage de l'Amérique Méridio-
nale aux mêmes Ifles. Charles-Quint , qui avoit pris une haute opinion de
fon habileté , & qui voyoit fes raifons appuyées du témoignage d'un Portu-
gais aufli renommé que Serrano , ne balança plus à lui accorder toute fa
confiance. Il fit équiper, dans le Vort de Saint-Lucar , une Flotte de cinq
Vaiffeaux , dont il lui donna le commandement.
Magellan fe rendit d'abord au Bréfil. Il rangea long-tems des Côtes
inconnues, d'où prenant fon cours au Sud, il découvrit l'embouchure d'u-
ne grande Rivière (c) , proche de laquelle il remarqua que la Côte commen-
çoit à s'élever. Enfuite il apperçut des montagnes, dont le fommet fe per-
r .:?, ^ . : i 'r-j • '•''■>" ■ -'■ ,■- doit
n
J»
l-/
(a) Pigaphetta raconte ce qu'il apprit en
partant aux Moluques, en 1521. „ N'y a-
voit point encore fept mois que François
Serran , Po'rtugalois , Capitaine Général du
Roi de Temate , contre le Roi de Tidor,
étoit mort. Et feit tant que contraignit le
Roi de Tidor de donner une fienne fille
pour femme au Roi de Ternate , & quafi
tous les fils des principaux pour otages ,
& depuis la paix faifte entr'eulx , ung jour
François Serran vint en Tidor pour ache-
ter girofle ; & le Roi le fit empoifonner
avec feuilles de betre (^betel apputemment') ,
& ne véquit fi-non quatre jours. Le Roi
le voulut faire enfépulturer félon fa loi;
mais trois Clirétiens , fes ferviteurs , ne le
permirent. Il laiffa ung fils & une lille pe-
tite, d'une femme qu'il print en Java la
grande. Ceftui ètoit grand ami & parent
du Capitaine Général Magalianes, & fut
caufe de le mouvoir à fon entreprinfe. Car
plufieurs fois lui étant Capitaine des Mo-
luques , lui avoit efcript qu'il étoit-là. Et
pour ce que Pom Ëiamauuël, RoideFor<
„ tugal , ne voulut accroître la provifion de
„ Magalianes , feulement d'un teilon , par
„ mois, pour fes bienfaifts, il vint en Ef-
„ paigne , & eut du Roi tout ce que voulut
„ demander ". Pag. 57 ^ 58.
Nota. Valentyn dit que ce furent les Ter-
natois, qui empoifonnèrent François Ser-
ran , après avoir fait mourir leur Roi , nom-
mé Bajang-Ullab , parcequ'il favorifoit trop
les Portugais; quoique divers auteurs de cet-
te Nation prétendent, que ce fut à un feftin
du Roi de Tidor, & par fon ordre, pour pu-
nir ce Prince du mépris qu'il faifoit de l'ami-
tié des Caftillans , que le premier avoit reçus
dans fon Ifle. Quant à Serran, Àrgenfoli
remarque , qu'il s'étoit mis en Mer, pour re-
tourner en Portugal , dans le tenis que Ma-
gellan faifoit voile vers les Manilles, & qu'ils
moururent tous deux en un même jour.
R. d. E.
(t") Voyez la grande Infroduftion, i la
tôte ou Tome I. de ce Recueil.
(c) La Rivière de Saint- Julien, à cin-
quante degrés de Latitude Méridionale.
PAR LE S U D-O U E S T, Lrv. IV:
t97
doit dans les nues, & qui paroiflbient couvertes de neige. Un des cinq
Vaifleaux, qui fut détaché pour reconnoîtrc cette Côte, fit un trifte nau-
frage entre les rochers. L Equipage fut fauve ,* mais cette difgrace & la
rigueur du froid répandirent la conflernation fur les quatre autres Vaifleaux,
dont la plupart des Soldats étoient des Portugais bannis. Elle produillt des
murmures, qui eurent bien-tôt la force de faire élever la voix aux Mutins,
jufqu'à déclarer que le paflage qu'on leur faifoit chercher ctoit irapoflible ,
& qu'ils vouloient retourner en Europe. Magellan , ne fe promettant rien
de la douceur, fut obligé d'en condamner quelques-uns à la mort, & d'en
punir d'autres par la défertion (d). Une rigueur 11 jufte arrêta le defor-
dre. On continua la navigation, l'efpace d'environ cinquante lieues, a-
prés lefquelles on découvrit un enfoncement, qui avoit toutes les apparen-
ces d'un Détroit.
Le Capitaine Général compara toutes Ces lumières. La nature des vents,
celle des courans, & la vue de quelques fanons de baleine j que la Mer a-
voit jettes fur le rivage , furent les premiers fondemens fur lefquels il éta-
blit fes conjeftures (e). Enfuite, tout s'accordant à les confirmer, il ne
douta plus qu'il ne fût à l'entrée d'un Canal de communication, qui joignoit
la Mer du Nord & celle du Sud. Cette agréable idée jetta les quatre Equi-
pages dans des tranf^orts de joye, qui furent célébrés par des fêtes, ils
donnèrent, au Détroit, le nom de Magellan y qu'il ne ceflera jamais de por-
ter. Mais les vivres étoient confidérablement diminués. On ne prévoyoit
aucune reflburce dans une route ignorée. Les plaintes recommencèrent a-
vec tant de violence , qu'elles ne purent être appaifées que par de nouveaux
fupplices. Magellan, fit mettre un de fes Vaifleaux à l'avant, pour cher-
cher le pafl*age. Ce VaiflTeau même, au mépris des ordres du Général, re-
prit, pendant les ténèbres, la route de Seville, d'où l'on avoit fait voile
depuis huit mois. i
Une perfidie fi peu ménagée jetta Magellan dans un mortel chagrin ;
mais elle ne l'empêcha point d'embouquer le Détroit , avec les trois Vaif-
leaux qui lui reft:oient. Il y entra le 21 d'Oftobre 1520 ; & le 28 de No-
vembre, il en fortit, pour taire voile dans la Mer du Sud. Avant que de
repaflerla Ligne, & vers le quinzième degré de Latitude Méridionale, il
découvrit deux Ifles, qu'il nomma les Infortunées ^ parceque dans le befoin
où il étoit de toutes fortes de fecours , il n'y trouva que des oifeaux & des
arbres. Dans l'efpace de trois mois & vingt jours , il fit quatre mille lieues
dans une Mer qu'il nomma Pacifique y parcequ'il n'y efluya aucune tempête,
& qu'il n'y vit pas d'autre terre que ces deux Ifles (/). Le 6 de Mars ,
J. ' i'. Â- J .fl ^■-•i' --^J'i'' -*i ^ /. ï> i /l 'il
( rf ) On a déjà remarqué qu'en Mer, ai-
ftrter un homme , c'efl: l'abandonner fur une
Côte déferte.
(e) Pigaphetta nous apprend que le
Capitaine Général favoit qu'il devoit fairç fa
navigation „par ung Détroièt moult occult,
„ comme avoit vîi en la treforerie du Roi
Maoellan'*
1519-
Comment
il découvre le
Détroit ni!
quel il donne
fon nom.
•îi-
Son courage
pour le pafler.
1520.
Pourquoi il
donne le nom
de Pacifique à
la Mer du
Sud.
„ de Portugal , en une Carte faicte par ung
„ excellent homme , nommé Martin de £o'
i, bemia ". Pag. 11.
(/) Carreri, qui paroît avoir confuicé la
Relation de Pigaphetta , ne lailTe pas de com-
mettre ici autant d'erreurs qu'il écrit do mots.
Tome V. pag. 240 ^ J'uiv. D'autres Ecri-
vains, qui l'ont fuivi, font tombés dans les
mômes fautes. Rien ne m'oblige de les re-
lever. Mais j'en appelle à nôtre fource com-
mune : „ Ils débouchèrent du Détroiifl: le 28
„ de Novembre, an mil cinq cens vingt, 6;
„ furent trois mois & vingt jours fuiis prcn-
Bb 3 „ dre
f
199
VOYAGES AltX INDES OUIEPÏTALES
Masiu.ait.
1521.
Il arrive à
l'Ilk'deSebu.
Sa mort.
Vingt-quatre
i3o fcs Olîîciers
font, aûairincs.
vSes VaifTenux
réduits à deux.
il en dëcouvric deux petites , qui ëtoient du nombre de cdles qu'on a nom.
mées depuis les J^ariames^ & qu'il nomma IJles des Larrons y percequ'ij y
nvoit éprouvé le penchant que les Infulaircs ont pour le vol. Le 10, li
defcendit au rivage d'une terre haute, nommée Zamal, à trente lieues de
rifle des Larrons. On voyoit de-là d'autres Ifles , dont l'une fe nomme
Zuloariy habitée par une Nation douce & fociable. Il s'approcha de celle
d*Humttnu, qu'il nomma Yljle des bons Signes j parcequ'il y avoit trouvé xJcm
fontaines d'eau très-claire , quantité de corail blanc, & divers arbres char,
gés de fruits. Cette Ille, qui cfl voifine du Cap de Guigany porte aujour.
d'hui le nom de la Encantada. Magellan donna cehii de Saint • Lazart à
tout cet Archipel, parcequ'il y étoit arrivé k Samedi avant le Diman-
che de la Pamon, qu'on appelle en Efpagne, Dimanche de Saint -U
zare (g).
En portant le cap aii Nord, il arriva heut-eufement ii SetUf Ifle bien
peuplée, & d'environ douze lieues de circuit, qui n'a ^uères aujourd'hui
d'autre mérite, que celui d'avoir été fon tombeau (*). Le Roi, qui
étoit en guerre contre le Roi de Mathar (î), fon voifin, non-feulement
fit un bon accueil aux trois VailTeaux étrangers , mais embrafla la Religioo
Chrétienne, avec la Reine fa femme, leurs enfans & huit cens de leun
Sujets. La croix fut élevée, le jour de la Pentecôte; on célébra la MelTe,
i& Maçellan prit pofll^îlon de l'Wîe , au ,nom de rinvincible Charles-Quint,
Il battît deux fois les Ennemis du Roi de Sebu : mais il eut le malheur d'ê-
tre tué dans un troifième combat. La plû^jart des Efpagnols & des Portu-
gais, qui l'avoient fuivi, partagèrent fon fort. A peine en refta-t*il quel-
ques-uns, pour porter aux VailTeaux-^ nouvelle de leur perte. Le RoiJ
tjui n'avoit cmbraflîe le Chriftianifme que par une lâche politique, renonça
«uffi-tdt à fes engagemens. Son Ennemi hii offrant la paix , à conJifionl
que tous les Etrangers fufTent maflacrés, il le* flt inviter à un feftin-, ôcl
vingc-quaere dei principaux de la Flotte, qwi Te livrèrent à lui fans défian!
ce, furent alTalTmés dani' la chaleur delajoye. Duarte • Barbofa , Parental
Succefleur de Magellan , fut de ce malheureux nombre. Les Efpagnols at-
tribuent ce defaftre, à un Nègre , mal-traité par BarbQfa,qui avoit fait en-
trer le Roi dans fes projets de vengeance, ^.jy-
Les Equipages des trois Vaifleaux étoienc réduits à cent quatre- vingt
,a^h ir
:{,' ?^lf:l7 i?j 2:ciu" zio'iUt
li
hofli-
dre chofe nucune. Et mai^erent bifcuit.
fw. 10, Pigaphetta dit nettement queMi-
Et quand n'en eurent plus, mangèrent la gellan s'arrêta près de cinq mois au Port de k
l, poudre d'icelui, avec les vers à poignée. Rivière de Saint- Julien. 'Comment Carrai
. j . j_ 1....: j„„ r„.,_:. peut-il ne lui faire employer que trois mois
& douze jours de navigation jufqu'à fa fortie
du Détroit? Mais il confond tout, &met(te'
vant ce qui doit être après.
Nota. Ce n'eft vifiblement qu'un défaut de
ponéluatîon , nui peut autorifer ce reproche.
R.d.E.
(g) Pigaphetta, pag. 19.
(b) Voyez ci-deflous, la Defcription de»
Pliilippines , dans le Volume fuivant.
(0 Ou plutôt M(ttan. R. d. £.
„ puant grandement de l'urine des fouris.
„ Burent eau jaune, jà corrompue de plu-
„ fleurs jours. Et mangèrent certaines peaux,
_„ très dures, pour le foleil, pluie & vent.
„ La fouris fe vendoit demi ducat , ou mig
„ ducat. A aucuns , les gencives croiflbient
„ defllis les dents , tant en hijjJt qu'en bas ;
„ fi que ne pouvoicnt manger , & ainfi mou-
„ roîent. .'. . En ces trois mois & vingt jours ,
^, allèrent quitre mille lieues en un goufFre,
„ par la Mer Pacifique". Pag;. 13. Plus haut,
Inettement qiieMi-
\q mois au Port delJ
'Comment Carrai
wer que trois mois
fon jufqu'à fa fortie
md tout, &met(te'
C^Ji TE x^
DEL' Archipel m S'Lazare
ou LES
ISLES J/AJilANUS
^ io V ■*» 'g fe
Gcmeene Tranic Ifvlcn
r^dnt
UcHiPEiiAGUS S'LAZAHI ot d]B MARIAXE S ElLATSTDEN. |
%a8 de Kaartett en Schriften der Spaaiiiche Zenàelin^en JefuitenDoor denHTBellin. '
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P A R L E S UDOU E S T, tiv. ÏV: ïdO
hommes, qui, ne fe jugeant pas aflfcz forts pour les conduire, prirent le
parti d'en brûler un , & de fe rendre aux Moluqucs avec les deux autres,
fiian de Carvallo^ qu'ils avoient reconnu pour leur Chef, fit voile à l'ElV
Sud-Eft; mais, en arrivant à la pointe de liool&de Panglao, la crainte de
YJJle des Noirs, qu'il crut rcconnoître à fa defcription, fui fit prendre le
parti de tourner vers j^v/p^' , Air la Côte de Mindanao. De-là il fe rendit
t Bornéo y où il prit des Pilotes Moluquois. Enfuite revenant par Los-Ca-
gayanes, Xolo, Taguima^ Mindanao, Sarraganik Sanguil (*), il mouilla le
g de Septembre, à Tidor. Il y fut reçu fort humainement, parceque la
Flotte Portugaife n'étoit point alors aux Moluqucs. Le Roi lui permit
d'y élever un Comptoir , & de charger du girolle. Les deux VailVeaux
remirent en Mer, « firent voile vers l'Efpagne. Mais l'un des deux, qui
le nommoit la Trinité , le trouva fi peu capable de refifter aux flots , qu'il
retourna aux Moluques , où il tomba bien-tôt entre les mains des l'ortu-
§ais. L'autre, nommé h histoire , après avoir reconnu Amboine , les ilK's
e Banda, Solor & Timor, prit la route du Cap de Bonne - Efpérance ,
en s'éloignant toujours de la Côte des Indes , pour éviter les Ennemis de
rEfpagne. Cependant la difette des vivres (/), l'ayant forcé de relâcher
à Saint-Jago , une des Ifles du Cap Verd , il y perdit treize hommes , qui
furent enlevés par les Portugais; ce qui ne l'empêcha point d'arriver à Se-
ville le 8 de Septembre 1522, après une navigation de trois ans ik quel-
Î|ues jours, pendant lefquels il avoit fait quatorze mille quatre cens &
oixante lieues (w).
La découverte du Détroit de Magellan fut regardée, par toutes les Na-
tions de l'Europe , comme un avantage commun , auquel, tous les Naviga-
teurs avoient le même droit; & les efforts, que la Couronne d'Efpagne fit
en divers tems, pour en exclure les Etrangers, n'aboutirent qu'à d'excefli-
ves dépenfes , dont elle reconnue enfin l'inutilité («). On vit les Anglois
tenter cette route , avec d'autant plu* d'audace, qu'aux périls du Détroit,
que l'exemple de Magellan leur avait appris à furmonter, ils avoient à join-
dre les oppolitions dont ils étoient menaces par les Elpagnois. François
Mai.pi.la:»,
I 5^^'
l'.s fj rcn-
ilciii iiix Mo-
luques.
T.'iin y c{\
pris
Retour du
I"autie àSc-
ville.
EfTcts de la
déeouverte du
Diitroit de
Muîjcllun.
(*) La môme Iflc que Sangir. R. d, E.
(/) Pigiiphttta KLt une roni^rque ulllz bi-
zarre,.! l'occafion d'un grand 110111. rc de Ma-
telots qui moururent de faim ou de )iiûladiL'.
„ En ce tcms , dit-il , leur moururent vingt-
„ un hommes; & fi Dieu ue leur eût do!in(i
„ bon tems, euirent ét(i tous morts de faim.
„ Et quand jettent Chrétiens en la Mer , ils
„ vont au fond, le vifage dclïïJs ;& les Indiens
„ vont le vifagc deflbus". Pa};. 75.
(îb) Ibidem. De foixantc hommes, qu'il
avoit en partant des Moluques , il n'en ref-
toit que di)c-buit. Cet hwrcux Vaiffcau fut.
confervé précieufement à Seville, jufqu'à-ee
qu'il périt de vicillelTe. Sebaftien C:mo , qui
le coinmandoit, homme d'une expérience con-
fomniéc dans la Marine, fc tiouvc comme
aflbcié à l'immortalité de Magellan , pour avoir
rapiiorlé, en Elpa-^ne, la nouvelle de fa dé-
couverte, en y ramenant le feul rcfte de fa, '
Flotte. , 11 mourut, en 1526, le 4 d'Août,
dms la Mer du Sud, où il avoit entrepris
un nouveau Voyage avec une Flotte de Ibpt
Vaifleaux, commandée par Dom-Jofre île
Loayfa , Chevalier de Malte. Ce Général
étant mort, le dernier de Juillet, Cano, qui
devoit lui fuccédcr, ne jouit de l'honneur
du commandemejit que pendant quatre jours.
Carreri ; Tom. V. pag. 244. On verra ailleurs
les fuites de la découverte des Philippines,
dans la Defcription de ces Ifles.
(îî) Elle lit bâtir, coimne on le verra dans
la ftiîte , «ne Ville fur le bord dii Détroit , jx)» /
enfermer cp aflagc.
&^•- >-
o
o
200
VOYAGES AUX INDÇS ORIENTALES
Magellan.
1521.
Olivier de
NOORT.
1598»
Introdudion,
Départ de
Kotterdain.
Drake &Jean fFtnter (0) paffèrent heureufement dans la Mer du Sud en
1578. Thomas Candi/h fit le même Voyage en 158(5- André Merrickn^
le fit pas avec moins de bonheur en 1589 (p).
Les Hoilandois ne penfèrent à (iiivre les traces de leurs voifins, qu'apréi
roir tenté d'autres voyes par le Nord ; & ce ne fut pas même la Com-
avoir
pagnie des Indes Orientales , qui leur ouvrit ce chemin. George
l:erg^ & Sebaid deWeert^ les premiers de leur Nation , qui ayent palTé'le
Détroit de Magellan (^), commandoient les Flottes de quelques Mar-
chands particuliers. Olivier de- Noort^ dont on va lire la Relation, ne
tenoit auffi fa Commiflion que d'une Compagnie détachée. Mais on ap.
prendra, dans la Relation de le Maire ^ qui doit fuivre celle de deNoort,
par quelles loix & quels intérêts le Commerce des Provinces - Unies étoit
alors divifé (r).
( 0 ) Hackluyt obferve que Winter , ayant
repaire le Détroit, en 1579, fut le premier
Chrétien qui eût cette gloire , malgré les faux
récits des Efpagnols , qui publioient, qu'il
étoit împollîble de rentrer, de la Mer du Sud
dans celle du Nord , par le Détroit de Ma-
gellan. Recueil de Hackluyt , pag. 748.
(p) On a, dans Hackluyt, les Journaux
de tous ces Voyages; mais les uns ne méri-
tent pas l'honneur de la traduftion , & les
autres trouveront place dans les Voyages au-
tour du Monde.
(î) Les p»-«miers Vaiffeaux Hoilandois
qui àyent palTé ce Détroit, furent ceux de
la Flotte de Jacques Mabu, de Rotterdam , qui
mit à la voile le 27 de Juin 1598. Williams
Adams , fon Pilote , qu'on a vu , dans la fuite,
grand Seigneur au Japon , .a fait la Relation
de ce malheureux Voyige. Elle eft inférée
à la fin de nôtre fécond Volume. Sebaid k
tVeert commandoit un des Vaiflcaux de l'A-
miral Mahu; mais les defaftres qu'il efluyaà
la fottie du Détroit,, l'obligèrent d'y rentrer
& de revenir en Hollande. Enfin, George
Spilberg, loin d'avoir précédé Olivier de Nm,
ne prit la même route que ifeize ans après. M,
Prevoft a évité ces erreurs, dans le Volume
fuivant, où il doime les Extraits des Jour-
naux de de Weert, & de Spilberg. R. d. E.
(r) On préfère ici le Journal de deNoort,
à ceux de Spilberg & de de Weert , parcequ'il
efl: plus inftruftif , & qu'il peut' mieux fervi:
à jetter du jour fur la Relation de Pigaphctta.
Voyage d'Olivier de Noort ^ aux Indes Orientales ^ par
; Je Sud'OueJl,
UNE Compagnie, formée en 1598 (^), équipa, dans les vues qu'on
vient d'expliquer, deux Vailfeaux, \e Maurice & le Frédéric -Henri^
avec deux Yachts nommés la Concorde & VEfpérance , qui portoient enfera»
ble deux cens quarante-huit hommes d'Equipage. Olivier de Noort (Z>), qui
fut choifi pour commander cette petite Flotte, montoit le Maurice j avec
la qualité d'Amiral. Jacques Claafz d'Llpenda, prit celle de Vice- Amiral,
fur le Frédéric- Henri. Pierre de Lint eut le commandement du Yacht la
Concorde; & Jean Huidecooper ^ celui de VEfpérance. ' :., i •...),
On mit à la voile, de Rotterdam, le 13 de Septembre, après avoir fait,
aux
(a) Ses Chefs étoientViQTie Fan Bever en, (6) Il étoit d'Utrecht. >
Hugues C«rnr», & Jean fiMnincIt.
ï
PAR LE S UD-OUES T, Lxv. IV. tôt
aux Equipages, la leélure du fameux Règlement, nommé VJrtykel'Brief^
|ui avoit été confirmé, depuis peu , par l'autorité du Prince Maurice, &
Iir lequel tout le monde prêta ferment. Un Pilote Anglois, qui avoit fait
le même Voyage avec Thomas Candisb, étoit le feul Guide à qui lesHoI-
landois puflent accorder leur confiance. Ils arrivèrent , le lo de Décem-
bre, à la vue de ï'IJÎe du Prince. Le parti qu'ils prirent d'y defcendre, pour
fe procurer quelques rafraîchiflemens , mériteroit peu d'être remarqué , fi
le traitement qu'ils y reçurent des Portugais , & qui fut une des premières
fources de leur haine pour cette Nation , ne devoit fervir d'édairciflement
à des circondances plus importantes.
Ils jettèrent l'ancre fur l'eize braiTes, auNord-Ouefl; de l'Ifle. Daniel
Genits , un des premiers Commis , fut envoyé à terre dans une Ciiaioupe ,
& revint fans avoir découvert aucun Habitant. Sur fon récit , le Général
fit armer deux Chaloupes & un Canot , d'environ quarante hommes , qui
entrèrent ouvertement dans le Port , en arborant les banières de paix. Auifi-
tôt les Infulaires leur dépêchèrent une Barque, avec les mêmes fignes, &
leur firent oflfrir , non-feulement des vivres pour leur argent , mais encore
la liberté de defcendre , & de faire paifiblement leur Traité. Gerrits, qui
portoit le Pavillon blanc, étant defcendu le premier, fut bien reçu de
quelques. Portugais, & ne fit pas difficulté de monter vers le Fort, ac-
compagné de trois autres Officiers. Ils y furent invités à fe rafraîchir,
avec tous les témoignages d'amitié , qui pouvoient leur infpirer de la con-
fiance. On envoya même au rivage , pour folliciter le Commandant des
Chaloupes, de venir prendre part à lajoye. Il s'en défendit, par la feule
fidélité qu'il crut devoir à fes fondions. Les Portugais , perdant l'efpoir
d'attirer un plus grand nombre de viftimes, fe jettèrent fur les quatre Offi-
ciers, qui étoient en leur pouvoir, maflacrèrent , du premier coup, le
Commis , & Melis , ce même Pilote Anglois qui devoit fervir de Guide à
la Flotte. Un autre fut tué en s'efForçant de défendre fa vie. Le qua-
trième s'échappa heureufement par la fuite. Les Hollandois , qui étoient
fur la rive , le voyant courir vers eux avec la dernière précipitation , com-
prirent qu'ils étoient trahis , & fe hâtèrent de rentrer dans leurs Chalou-
pes. Mais ils furent pourfuivis jufques dans l'eau; & les Portugais leur
tuèrent, dans les Chaloupes mêmes, deux hommes, dont l'un étoit Cor-
neille de Noort, frère du Général (c).
Cette funefte nouvelle ne put être portée à la Flotte, fans y exciter
l'indignation & la fureur. On réfolut de faire avancer les quatre Vaifleaux
dans la Baye; & fix vingt hommes , qui defcendirent fans oppofition , mar-
chèrent enfeignes déployées vers le Fort, dans l'efpérance de l'emporter,
& d'y fignalcr leur vengeance. Mais ils apperçurent bien-tôt un grand
nombre de gens armés , qui fe couvrant d'un bocage & d'un ruiileau ,
leur firent craindre de les trouver foûtenus par d'autres forces. Après
quelques i^fcarmouches , dans lefquelles ils eurent feize hommes bleilés
[& un tucj, ils fe virent contraints de retourner triftement à bord: &
de tous leurs projets , ils n'exécutèrent que celui de brûler une partie de«
mou*
(O Voyage d'Olivier de Noort, pag. 5.
XIK Part, Ce
Olivirr ttt
Noort.
1598-
Sources de
haine entre le»
Portugais &
les Hollan-
dois.
HoUandoîi
trnhis &iaaf«
fattés.
I, a nation eft
mal vaiigL'c.
202
voyage: aux indes orientales
Olivibr db
NOOKT.
1598.
Anciens vefi;
tiges des Hol-
landois dans
riHe du Prin-
ce.
1599-
La Flotte
entre dans
llio-Janciro.
lOe de Saint-
Scbaflicn, &
fes rafraîchif-
icmens.
Herbe qui
jiu'jrit le fcor-
moulins àfucre, & quelques maifons difperfées. En ravageant le» Weax
dont ils purent s'approcher, ils reconnurent, à diverfes marques, que d'au,
très Hollandois étoient defcendus dans Tlfle , & qu'ils avoicnt eu defTein
d'y bâtir un Fort. Les folives, la chaux & ks pien-es , qu'ils avoient deftj.
nées à cette entreprife , fubfiftoient encore dans un endroit où les bois
avoient été abbatus. Le Général détacha fes Chaloupes, pour vifiter d'au-
très parties de l'Ifle, où elles trouvèrent de fort bonnes Bayes; mais gar-
dées avec tant de foin, qu'il' leur parut impoflîble d'y prendre des rafraî-
chiflemens malgré les Infulaires. L'Ifle du Prince n'eft qu'à un degré
& demi du Nord (d). Elle produit du fucre, du tabac & du gingem-
bre. On y voyoit un arbre, de vingt-quatre brafles d'épaifleur par le
bas. Ses Habitans naturels vont nuds , & n'ont , pour armes , que de)
rondaches , des picques & de larges épées. Les femmes fe ceignent le
milieu du corps, d'un morceau de toile qui leur pend jufqu'aux genoux.
On ne les rencontre prefque jamais fans un couteau recourbe, qu'elles por.
tent à la main (e).
Le Général de Noort, forcé de fufpendre fa vengeance , remitàlavoi.
le , le 26 de Décembre, pour gouverner vers la Côte du Bréfil. Ses qua-
tre Vaiffeaux entrèrent, le 9 de Février 1599, dans le Rio-Janàro (/).
Il fepromettoit d'y effrayer, du moins, le Fort Portugais. Mais il le
trouva fi bien pourvu pour fa défenfe, qu'après avoir inutilement perdu
voit que cette eft)èce d'arbres. Le 22 ,il reconnut l'Ifle deSaînt-SebaJlien(g)i
entre laquelle « la Terre -ferme, il fe mit à couvert d'une tempête du
Sud, dans une très-grande Rade , qui efl; à l'abri de tous les vents. Cet-
te Ifle, qui efl remplie d'arbres fauvages, lui offrit diverfes fortes den-
fraîchiffemens. Le poiflbn eft en abondance dans les Bayes. On trouve,
dans les bois, un alTez grand nombre de mouettes & de perroquets. Les
Hollandois y découvrirent une herbe, dont la feuille reflemble à celle à
faule, & donne beaucoup de jus; bouillie & mangée au vinaigre, elle de-
vint un excellent remède pour le fcorbut (h). [Le 27, fix hommes étant
defcendus fur le rivage, tombèrent dans une embufcade d'Indiens, gai
étoient venus exprès de Rio -Janeiro pour furprendre les Hollandois. On
leva l'ancre le lendemain , après avoir fait de l'eau , fans emporter beau-
coup d'autres rafraîchiffemens.]
Les tempêtes, qui étoient fréquentes , & l'approche de l'Hyver, faifant
craindre des dangers infurmontables au Détroit de Magellan , il parut né-
celTaire au Confeil de chercher une retraite , jufqu'au retour de la belle
iaifon. On eut les vents fi contraires , qu'après avoir été repouffé fort long-
tems fur la Côte du Bréfil, on fut obligé de mouiller, le premier de Juin,
dans
(i) D'autres la placent à trois degrés.
Nota. Elle elt à deux degrés de Latitude
obrervéc. R. d. E.
(e) Ibid. pag. 6>
(/) A vingt-trois degrés un quart de Lati-
tude du SuJ.
(g ) A vingt-(i»MKre degrés de Latitude du
Sud. R. d. E. (i) Pag. 10.
PAR LE SUD-OUES T, Liv. IV.
S05
dans la Rivière- nommée Rio-Doice^ où l'on eut le malheur de trouver en-
core des Portugais qui s'oppoférent au débarquement. Le lendemain, on
eut la vue de rifle Sainte-Claire, & l'on y porta le cap. Les Chaloupes y
abordèrent; mais à peine y trouvèrent-elles autant d'eau qu'il en ralloit
chaque jour aux Equipages. Elle defcendoit de quelques fentes d'une mon-
tagne. Le Général et porter les Malades à terre. La plupart étoient Q
foibles, qu'il fallut employer les palans pour les enlever avec leurs caba-
nes (i). Quelques-uns moururent en touchant au rivage. L'Ifle n'ofFroit
d'ailleurs que des palmiers, & une herbe verte, qui fe nomme Perjil de
Mer, dont tout le monde fe rempliflbit l'eftomac, avec une extrême avidi-
prunes
rent
qui en étoient attaqués depuis long-tems,&qui ne moururent qu'après beau-
Olivisr v%
NOOUT.
1599.
Ifle de Sain-
te-Claire.
Quels re-
cours on y
trouve.
bignets. Leux qui les y
de Sainte-Claire n'a pas plus d'une lieue de tour , & n'efl éloignée que d'une
lieue de la Terre-ferme. Cette proximité fit craindre au Général d\ être
faroris par les Portugais (k). Ses allarmes continuelles, & la néceflîté où
il fe vit de brûler le Yacht la Concorde, qui manquoit d'hommes pour la
manœuvre (/), le déterminèrent à fe rendre au Port du Defir (m), ain-
fi nomme par Thomas Candish , qui n'y étoit arrivé qu'après de longs
& ardens defirs. Les trois Vaifleaux le découvrirent le 20 de Septem-
bre. Ils y entrèrent à minuit, en obfervant qu'il y entroit & qu'il en for-
toit un courant très-clair, & que la marée y monte & defcend d'environ
deux bralTes.
De Noort avoit lu , dans la Relation de Candish , que ce Port a quel-
ques Ifles , où l'on trouve une multitude de chiens marins , d'une grandeur
extraordinaire & d'une figure fort difforme ; que le devant de leur corps
ne pouvoit être mieux comparé qu'à celui des lions; que leur cou & ute
ta partie inférieure étoient couverts d'un poil long & rude; que leurf p. >,
qui leur fervoient de nageoires, avoient à-peu-près la forme des m:uo.- ,,u-»
maines; qu'ils faifoient des petits tous les mois, & qu'ils les nourr '.oient
de leur lait ; que bouillis ou rôtis , lorfqu'iis font jeunes , ils ont le goût du
mouton on de l'agneau ; que les vieux font li grands & fi robuftes , que
trois ou quatre hommes ont à peine la force de les tuer ; & qu'on ne par-
vient effeftivement à les aflbmmer , qu'en les frappant droit fur la tête ,
avec de gros bâtons ou des crocs.
Toutes ces obfervations furent vérifiées par l'expérience des Hollandois,
qui vifitèrent l'Ifle dont Candish fait la defcription. Leur Général eut plu-
fieurs fois la curiofité de defcendre au rivage de la Terre-ferme. Il n'y
découvrit pas d'hommes: mais il vit, furie Ibmmet du plus haut des ro-
chers ,
La Flotte fe
rend au Porp-
du Dcfir.
Confirma-
tion du té-
moignage de
Candish»
Tombeaux
de Sauvages.
(OPag. T2.
k) Pag. 13.
i) L'Orisinal porte {fii /«(/àft mm en ai-
[
Virs endroits. R. d. E.
(m) A quaranto-fcpt degrés un quart de
Latitude du Sud.
Ce 2
204
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Olivier DE
NOOUT.
IS99'
Autres
Les Hollan*
diiis font fur-
pris pnr des
Barbares.
Cap de la
Vierge & la
Côte.
chers, des tombeaux couverts de pierres peintes de rouge, garnis dehors^
dedans, d'arcs , de flèches & d'autres armes , avec des coquilles aflez fines
fous la tête des Morts. La pointe des flèches étoit armée d'un morceau
de pierre dure& fort aiguë, qui étoit jointe avec beaucoup d'adrelTe auro-
feau dont elles étoient compofées. Les arcs , les flèches , les autres orne.
inens,& les corps mêmes étoient peints de rouge comme les pierres (w).
[Le 25, le Général envoya fes deux Chaloupes à une Ifle qui efl au Sud,
ehviron à une lieue du Port , où ceux qui avoient fait le Voyage avec Tho.
mas Candish difôient qu'il fe trou voit une quantité extraordinaire de pin-
guins & de chiens marins. En effet , les Holiandois vérifièrent qu'on en
pouvoit aifément charger des VailTeaux entiers. On tua un grand nombre
de pinguins à coups de bâtons , & comme ils pondoient alors leurs œufs , les
Matelots enlevèrent, en différentes courfes qu'ils firent dans cette Ifle,pluî
de cinquante mille de ces oifeau::, avec des œufs, qui fervirent beaucoup
à rétablir leurs forces.]
Le 29 , on s'avança plus loin dans le Port , près d'une Ifle qu'on nomma
Yljîe du Roi. Elle parut fort propre pour nettoyer les VaifTeaux , parceqae
la marée n'y monte que foiblement , & qu'on y mouille fur un bon fond
d'argile. Le 5 d'Oftobre , de Noort fe fit conduire par deux Chaloupes
bien armées , pour aller reconnoitre toute l'étendue du Port. Il avança fi
loin, pendant la marée, qu'au retour du flot , les Chaloupes demeurèrent à
fec. On ne vit paroître perfonne ; mais on apperçut encore des tom«
beaux, fur l'un defquels on trouva deux grandes barres de fer, qu'on prit
pour du fer d'Efpagne, & qui furent portées à bord. Le Pays efl: dé-
fert, uni, fans arbres, & n'offre que des traces de cerfs & de bufles.
Les autruches y font en fort grand nombre & très - farouches. On en
découvrit un nid, dans lequel il y avoit dix -neuf œufs , mais dont ïoi'
feau s'envola.
Le 20, on crut voir des hommes vers la partie Septentrionale. De
Noort s'y tranfporta auffi-tôt avec les deux Chaloupes; & s'étant avancé
dans le Pays , il ne rencontra perfonne. 11 n'avoit laiffé que cinq hommes
pour la garde des Chaloupes, avec ordre de demeurer fur le grapin, à quel-
que diftance du rivage. Mais comme le froid étoit fort vif, ils ne laifle-
rent pas de s'approcher de la terre , dans une des Chaloupes , pour trouver
le moyen de fe réchauffer. Une troupe de Sauvages , qui fe tenoit en era*
bufcade, parut tout d'un coup, & tira fur eux quantité de flèches, dont
trois furent tués d'abord. Ces Barbares fe retirèrent auffi-tôt. Ils avoient
la taille fort haute, les cheveux longs, la peau affez blanche, le vifage
peint, & le regard farouche. Le Général ayant fait ouvrir les Morts, on
trauva que les flèches leur avoient traverfé le cœur , le foye&le poumon (o).
Toutes les recherches des Holiandois ne purent lui faire découvrir la trace
de ces hommes cruels.
Après avoir pris tant de pinguins & de chiens marins, qu'ils employé»
rent tout le fel des Vaiffeaux à les faler , ils quittèrent ce Port le 29; & le
foir du 4 de Novembre, ils fe trouvèrent fous le Cap de la Vierge t qui efl:
, blanc
-<w) Pag. i|, {0) Pafi. 18.
-.s...
PAR LE SU D-OUE S T, Liv. n':
'ioU
^jlanc & fort haut. Il reflemble beaucoup à celui de Douvres. Toute la
Côte, depuis le Cap du Defir jufqua ce Cap, eft aulîi blanchâtre. On
mouilla fous le Cap , fur dix brafles , à cinquante-deux degrés quarante mi-
nutes de Latitude du Sud, & l'on obferva que la marée y mente de lept à
dix brafles (/>).
Quatorze mois s'étoient pafles à s'approcher du fameux Détroit de
Magellan ; Ck cette navigation avoit coûté environ cent hommes , entre
lefquels on avoit compté depuis peu Huidecoopcr, Commandant du Yacht
XEfpérance, Lint, qui avoit commandé la Concorde^ fut nommé pour lui
fuccéder ; & fon Bâtiment prit le même nom. Enfin , les dangers qui ref-
toient à craindre paroiflant moins terribles que ceux du retardement, on
réfolut d'embouquer le Détroit, dont l'entrée a fept lieues de large. La pre-
mière tentative réuffit mal, & donna même lieu à de fâcheux démêlés en-
tre deNoort & fon Vice -Amiral {q). Le 13, elle fut recommencée avec
auffî peu de fuccès. Après avoir fait environ quatre lieues , \qs trois Vaif-
feaux trouvèrent le vent fi contraire, qu'ils fe virent forcés de retourner
derrière le Cap de la Vierge, où la Rade efl: aflTez à couvert du vent d'Ouefl-
Nord-Ouefl. Le 15, la Concorde chaiTa fur fes ancres, & fut obligée de
pafler trois jours fous les voiles , courant bord fur bord jufqu'à la Terre de
Feu. Son Capitaine étoit dangereufement attaqué du fcorbut ; & fes ancres
mordoient fi peu , qu'il fembloit que leurs bras fufllent fondus. Un troifiè-
me effort qu'on fit le 21, ne fut pas plus heureux. On le renouvella le
22; & malgré le vent, qui ne ceflbit pas d'être contraire, on parvint, en
louvoyant dans la bouque, à gagner le premier pas, .ou le paflage, qui n'a
qu'une demie lieue de largeur, à quatorze lieues Ouéft-Sud-Oueft & Efl:-
Nord-Efl: du Cap de la Vierge. L'Amiral entra dans ce paflage ; mais il
fut repoufle par la force des courans qui l'empêchèrent de le traverfer. Les
trois Vaifleaux gouvernèrent vers la Côte Méridionale , dans l'efpérance
d'y laifl'er tomber l'ancre. Mais ils furent emportés par la force des cou-
rans. Les cables rompirent comme de fimples fils , & le feu prit aux bit-
tes. On fut contraint de remettre au large , après avoir perdu les ancres.
Pendant la nuit, le tems étant devenu plus calme, on fit de' nouveaux ef-
forts pour embouquers mais avec aufli peu de fuccès.
Ce ne fut que le 24, avec une fatigue incroyable, que l'Amiral & le
Yacht traverférent enfin le premier pas , tandis que le Vice- Amiral demeu-
ra fort loin à l'arrière. Enfuite le Détroit recommençant à s'ouvrir, plu-
fieurs Golfes y forment comme autant de facs, jufqu'au fécond pas, qui
peut avoir une lieue & demie de large , & qui efl: à dix ou onze lieues du
premier. Le 25, ils furent portés par le flot dans ce fécond paflage, où
ils naviguèrent avec un vent frais. Le côté Méridional ofiroit une pointe
de terre , d'où la Côte fuyoit au Sud. Ils la nommèrent le Cap de NaJJ'au {r).
Deux lieues plus loin , à rOueft:-Nord-Ouefl: , on trouve deux Ifles , dans la
plus petite defquelles, & la plus avancée au Nord , ils découvrù'ent des
nommes. Quelques Matelots y furent envoyés dans une Chaloupe. A leur
ap-
(p) Ibidtm,
(f ) Pag. 19.
Ce 3
/r) Pag. 2Î,
0LI7IERDB
NOOHT.
1599-
Difficultés
pour embou-
quer le Dé-
troit,
I.cs Hollan»
dois y entrent.
Cap qu'ils
noniment
Naffau.
tQÔ
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
•Ol.TVtF-n DE
NOORT.
1599-
lis abordent
vn<: lllc.
Femmes 6t.
cnfaiu qu'ils
iroiivcnt dans
■u!ie caverne.
Ce qu'ils
niprcnncr.t
fia Pays & de
iV.s riabitans.
Gcans an-
tro^jophugcs.
Port dj
mftic.
approche, les Sauvages montèrent fur les rochers, & leur jettèrent des
pinguins du fommet j mais ils leur faifoient ligne en même-tems de fe reii-
rer. Les HoUandois, ne laiiTant point d'avancer, reçurent bien -tôt une
nuée de flèches. Cependant ils defcendirent dans l'Ifle, & leur hardieflè
fit difparoître aufli-tôt les Sauvages, lis apperçurent, dans la pente de la
Côte, une caverne, dont l'accès leur parut difficile ; mais ils s'obflinèrent
à s'en approcher par des lieux fort efcarpés , dans l'opinion qu'elle fervoit
de retraite à quelques Infulaires. En effet, ils y en trouvèrent plufieurs, qui
fe défendirent long-tems à coups de flèches , & qui fe firent tuer jufqu'au
dernier. Quoique la plupart des HoUandois fuflent blefl*és , ils entrèrent
alors dans la caverne, où ils trouvèrent des femmes entaflees les unes fur
les autres, & fur leurs enfans, pour les garantir des coups. On prit qua-
,tre garçons & deux filles. Un de ces jeunes Sauvages ayant appris af.
fez proraptement la langue HoUandoife, on fçut de lui l'état & le nom
du Pays (j).
Cette Nation s'appelle Enoo. Elle habite un Pays qui fe nomme ù^i.
La petite Ifle porte le nom de Talke; & l'autre, qui efl: plus grande, celui
de Cajiemme. On y trouve une grande abondance de pinguins , dont les
Habitons font leur nourriture. De la peau de ces oifeaux , ils fe font une
efpèce de manteau qui efl leur imiqu2 habillement. Leurs habitations font
des cavernes , qu'ils creufent dans la terre. De Noort jugea qu'ils avoient
pafFé du Continent dans ces Ifles. Chaque famille habite en particulier;
mais toutes les familles d'une même race '^ "^meurent dans le même lieu, &
forment un petit Peuple qui a peu de r- .âimunication avec les autres. Le
jeune Prifonnier nomma trois autres races ; les Kemenetes, qui habitoient le
Pays de Kari ; les Kennekas , qui occupoient celui de Karamai , & les Karai-
qties, qui étoient en pofTeffion d'un lieu nommé Morine. La taille commune
de tous ces Peuples elfc, à-peu-prés, celle des HoUandois de moyenne gran-
deur. Ils ont la poitrine large & relevée, le front & le vifage peints. Les
hommes laiflent pendre leurs cheveux fur le dos & fur le front. Les fem-
mes fe les' coupent. Les peaux, dont ils fe couvrent, ne feroient pas cou-
fues avec plus d'adrefTe par nos plus habiles Pelletiers. On trouve, plus
loin dans les terres, un autre Peuple , nommé Tirimenen , dont le Pays s'ap-
pelle/i'oi». Les hommes y font d'une grandeur gigantefque, & font fou-
vent la guerre à leurs voifins. L'Auteur leur donne dix à onze pieds de
hauteur, & les croit Antropophages (t).
Le 28, on remit à la voile, pour s'approcher du Continent. Plufieurs
baleines ft firent voir dans cette route. Le refle du Détroit n'offre plus
qu'un bon l'ond pour les ancres. On découvrit, en Terre- ferme, un beau
ruiffeau qui traverfoit le Pays , mais fans pouvoir diflinguer dans quel en-
droit il fe joint à la Mer. Un grand nombre d'arbres , couverts de petits
perroquets, donnent un air très-riant à cette Côte. [Les HoUandois nom-
mèrent ce \ie\i Somer-baay , ou Baye d'Eté.] Le 29, ils levèrent l'ancre,
pour chercher le Port de Famine , où ils vouloient faire de l'eau & du bois.
Ici la Côte s'étend au Nord , avec une grande pointe de terre, au Nord de
la-
(O Pag. 22,
(0 Pag. 24.
PAR LE SUD-OUES T, Liv. IV.
ao^
moyenne gran-
hqa^k on trouve, à deux lieues, un Golfe, où les Hollandois s'engagèv
rent. Ils y prirent terre, dans refpérance d'y trouver PhUippevillt ^ Fort
bâti autrefois par les Efpagnois , qui lui avoient donné le nom de leur Roi.
Mais ils n'en découvrirent aucune trace dans le parage ; le Détroit n'a pas
moins de quatre lieues de largeur. 11 eft bordé, des deux côtés, par de
hautes montagnes, couvertes de neige, qui ne s'y conferve pas moins en
Eté qu'en Hyver. Le rivage eft revêtu de bois , dans lefquels on abbatit
plufîeurs arbres, pour conftruire une Chaloupe. Le Général ayant remarqué
que leur écorce picquoit la langue, autant que les plus fines épiceries , en
prit quelques-uns, pour les porter en Hollande (t>).
C E Fort , que Thomas Candish nomme Famine , du nom qu'il donna lui-
même à fon Havre , étoitfituéà cinquante-trois degrés dix -huit minutes.
Il avoit quatre Baftions, & quatre pièces de fonte, qu'on avoit enterrées,
lorfque les Anglois y arrivèrent en 1578. Candish les fit tirer de terre &
les prit. La fituation du Fort lui parut également avantagenfe & riante ,
proche des bois & de l'eau , dans l'endroit le plu3 commoUe du Décroit.
bn y avoit bâti une Egliie ; & les Efpagnois y avoient exercé une févère
juftice , puifqu'on y trouva au gibet quelques hommes de leur Nation. Us
avoient mis, dans la Place, une Garnifon de quatre cens hommes, pour
fermer le paflage du Détroit à toutes les autres Nations. Mais le fuccés fit
connoître que leur deflein n'étoit pas approuvé du Ciel. Pendant trois ans
qu'ils employèrent à former cette Colonie, ils ne tirèrent aucun fruit de
leurs femences & de leurs piantations, La terre fc refufoit à leur travail,
& les bêtes féroces venoient fouvent les attaquer jufques dans le Fort. En-
fin, manquant de provifions & n'en recevant point d'Efpagne, la plupart
eurent le malheur de périr de faim. Les Anglois trouvèrent encore leur»
cadavres , à demi pourris , & tous vêtus dans les maifons. Ce grand nom-
bre de Morts, qui demeuroient fans fépulture, ayant infefté l'habitation,
ceux qui leur îurvêcurent , fe virent contraints de l'abandonner. Us fe char-
gèrent de toutes les commodités qu'ils avoient la force de porter; & pre-
nant chacun leur fufil , ils allèrent errans fur la Côte , pour y chercher leur
nourriture. Ces Infortunés pafTèrent une année entière dans une fi trille fi-
tuation , vivant de feuilles , de fruits fauvages , de racines , & de quelques
oifeaux, lorfqu'ils en pouvoient tuer. De quatre cens, leur troupe fe trou-
vant réduite à vingt-trois , encre lefquds on comptoit deux femmes , ils ré-
folurent de prendre, à toutes fortes de rifques , le chemin de Rio de la Plata.
Candish apprit ce détail d'un Soldat , nommé Hernandot qui étoit de leur
malheureux nombre, & qui étant refté feul au bord du Détroit, dans ïeC'
pérance d'y voir pafler quelque Vaifl!eau , tomba efFeélivement entre les
mains des Anglois. On a toujours ignoré ce que les autres étoient deve-
nus (a,*).
Le 12 de Décembre, de Noort s'avança fous une pointe efcarpée, que
les Anglois ont nommée Je Cap Forward^ & qui eil la plus Septentrionale
du Détroit. Quatre lieues pIuS loin , il reconnut une grande Baye, où il fit
4e l'eau. Ses gens cueillirent, le long du rivage, une forte d'herbe qui
ref-
OLTVlERDg
JNOORT.
1599'
FortdoPhi-
lippcvillc, u.i
du Fairinc.
Trifle fort de
quatre cens
Efpagnois.
Cnp For-
ward, aUx/C
dOlivi^r.
(f ) Pag. 23.
(jt) Pas. '.17*
208
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Omvier DB
NOORT.
Rencontre
de Scbald de
Wecit.
Cap Galant.
Trois feu-
les lllcs dans
le Détroit.
Le Vice-
Amiral fe
rend coupa-
ble.
Variétés des
marées du
Détroit.
reiïembte au creflbn d'eau , & qui les foulagea beaucoup du fcorbut. Que},
ques Matelots mangèrent imprudemment d'une autre herbe, qui Uur fit
perdre, pendant quelque-tems, l'ufage de la raifon. Toute cette Côte eft
revêtue d'arbres. Le même jour , on reconnut une autre grande Baye , que
le Général nomma la Baye d'Olivier. On s'y arrêta douze jours , à l'an-
cre, pendant lefqiiels le Vice- Amiral, qui étoit demeuré jufqu'alors à l'ar-
rière, vint rejoindre les deux autres Vaifleaux. Mais les Hollandois fu.
rent beaucoup plus étonnés, le 15, de voir paroître une voile étrangère,
qu'ils ne reconnurent que le jour Tuivant. C'étoit un Vaifleau de leur Na-
tion , commandé par Sebald de Weert , qui étant parti de Hollande vers le
tems de leur départ, avoit pénétré dans la Mer du Sud avec trois autresBâ-
timeiis de la même Compagnie , & que le mauvais tems forçoit de rentrer
dans le Détroit, tandis que le refte de fa Flotte continuoit de ternir la Mer (3).
Ils s'avancèrent, le 18, dans la Baye , où il avoit jette l'ancre , à trois
lieues de celL- qu'ils quictoient. De Noort y fit mouiller proche d'un haut
Cap, qui les Anglois ont nommé le Cap Galant. Cette Baye cil la meilleu-
re du Détroit. Elle contient une Ifle, qui en a deux autres fur la même
ligne, au milieu du Détroit. Ces trois Ifles font les feules qu'on rencontre
dans cette route, depuis celles des Pinguins. On les pafle facilement & fans
danger ; la même Baye offre quantité de moules , & de coquillages ronds,
d'un goût plus délicat que les moules. On y trouve aufîi, dans les ronces
qui couvrent le rivage, une forte de grofeilles rouges, qui furent un rafraî-
chiffement délicieux pour les Equipages.
Sebald de Weert s'étant rendu, le 19, à bord du Général, on réfo-
lut, par fon confeil, de profiter du premier vent, pour entrer dans la Mer
du Sud. Les Vailfeaux étoient bien pourvus d'eau & de bois. S'ils ve-
noient à s'écarter dans cette Mer, on nomma, pour Rendez- vous, î'i/îe
de Sainte-Marie f proche de la Côte du ChiJi ; & ceux qui s'y rendroient les
premiers, eurent ordre d'y féjourner jufqu'à deux mois, pour attendre que
toute la Flotte y fût raifemblée. Mais, pendant qu'on tenoit ce Confeil, le
Vice- Amiral, qui en étoit aulTi, fe déroba fecrettement , pour retournera
fon bord ; & mettant à la voile , à la faveur d'un petit vent , il laiffa le Gé-
néral fort étonné de la hardieflTe avec laquelle il partoit fans fon ordre. Les
deux autres VaifTeaux attendirent jufqu'au lendemain à lever l'ancre, avec
Sebald de Weert. La marée leur étant devenue contraire, ils furent for-
cés de mouiller vers la Côte Septentrionale, fort loin de la terre, &dans
un parage fans abri. Ils y paifèrent deux jours à faire des obfervations fur
les marées , qui leur parurent fort variables. Le tems du flot & de l'ebbe
eft également incertain. Quelquefois l'eau continuoit, pendant l'efpace de
douze heures, à monte" ou à defcendre; quelquefois une heure feulement,.
ou deux, ou trois. Enfuite, c'étoit tout le contraire; & dans ces mouvi;-
mens inégaux, il fe formoit des ras de marée fort dangereux. Le 22, on
louvoya jufqu'au deffous d'un Cap, qiii eft à la Côte Méridionale du Détroit,
& qui fait fentrée d'une grande Baye. De Noort y fit jetter l'ancre, du
' ■> \ :■ , .• ■ . .']■""' côté
(y) C'étoit la Flotte de Jacques Maliu. Voyez nôtre Note (?) ci-deflUs, pag. 20?.
R. d. E.
PAR LE S UD-OUES T, Liv. IV.
ftô9
«ôté le plus Occidental, proche d'une petite Ifle, de figure ronde, derriè-
re laquelle on peut être a couvert des vents d'Ouefl, dans une fort bonne
Rade; mais fi profonde, qu'il n'ed pas aifé d'y trouver fond. Sebald de
Weert, n'ayant pu doubler ce Cap, fut contraint de retourner au Cap Ga-
lant. De Noort fit l'honneur, à cette Baye , de lui donner le nom du Prince
Maurice. Le lendemain , il rejoignit le Vice-Ajniral , une demie lisue plus
loin, dans une autre Baye, ^u il nomma Baye de Henri; moins bonne, par-
cequ'elle eft prefque fans abri, contre les vents d'Oueft (25).
Le 28 , on vit un exemple fignalé de la difcipline Hollandoife. Dans un
Confeil de Guerre, qui fut aiTemblé à bord de 1 Amiral , il fut réfolu d'arrê-
ter le Vice- Amiral , & de le foûmettre à la Juftice Militaire , pour divers
attentats qui bleffoient l'ordre établi. Cette réfolution fut exécutée ; on
rédigea par écrit tous les chefs d'accufation , dont de Noort lui fit donner
une copie , en lui accordant trois femaines pour fa défenfe. Dans cet in-
tervalle , les Vaifleaux furent battus d'une rude tempête, qui les obligea de
retourner à la Baye de Maurice. [Le 2 Janvier i(Joo] le Général prit
deux Chaloupes, pour vifiter cette Baye. Elle s'étend au Sud-Ell, par di-
vers canaux. On y trouva beaucoup de glaces j & l'on jugea qu'elles s'y
confervent toujours, parcequ'alors , au milieu même de l'Eté , une ligne de
dix braffes ne pouvoit pénétrer jufqu'au fond. Un canot de la Chaloupe
du Général, s'etant arrêté au rivage, fut attaqué par des Sauvages , qui
tuèrent deux hommes, & qui les emportèrent, apparemment pour les man-
ger. Ces Barbares font armés de grofTes mafTues , qu'ils tiennent attachées
avec une efpèce de bretelle , & d'une forte de za^aies , ou de longues flè-
ches de bois, qu'ils lancent avec la main. Le bois du Nord de la Baye efl
moins propre à la conftruélion que dans la partie Orientale. Les Chalou-
pes avancèrent deux lieues à l'Efl:, jufqu'au pied d'un Cap, qui fe nomme
Boïuto , d'où la vue s'étend fi loin dans les Terres , qu'on croit voir la pleine
Mer droitàrOueft-NordOueft, quoiqu'il y ait environ vingt lieues d'un
chemin fort difficile. Le Détroit n'en a que deux, dans cet endroit. Un
vent impétueux, qui s'éleva le 14 aufoir, força les trois Vaifleaux de re-
culer encore jufqu'à l'entrée d'une Baye, qu'ils nommèrent la Baye Mennif-
tf , parceque le premier Pilote qui la découvrit, étoit un Anabatifte de cet-
te Sefte. Us en fortirent le 17 i mais , après s'être avancés l'efpace de trois
lieues , ils fe retrouvèrent dans la néceliité de chercher une Rade. Celle
qui s'offrit la première, fut nommée la Baye Gueufe, ou des Gueux. Le
mouillage y eft meilleur que dans aucune de celles qu'ils avoient vifitées.
On y voit un grand nombre d'oyes , qui ne peuvent voler qu'à fleur d'eau ,
& les moules y font en abondance.
Enfin le Vice • Amiral ayant paru le 24, pour défendre fa caufe, fut
déclaré coupable, & condamné rigoureufement à être déferté au Détroit de
Magellan. Deux jours après, il fut conduit au rivage dans une Chaloupe,
avec une petite provilion de pain & de vin , qui ne pouvoit fervir à pro-
longer long-tems fa vie. On ne douta point que fon fort ne fût bien-tôt
de mourir de faim, ou d'être pris & mangé par les Sauvages (a). Après
l'exé-
(«) Pag. 30. (a) Pag. 31. ,
XIF. Part, D d
OUVTMOI
Noort.
1599-
Baye de
Maurice & de
Henri.
Le Vice-
Amiral cd ar-
rêté par l'or-
dre du Con-
feil.
1600.
Cap Boluto,
Baye des
Gueux.
Châtiment
du Vice-Ami-
ral.
J 600.
Cnp Dcfi-
rado, qui fait
la p-.inte du
DC'troit.
Longueur
& pofition du
Détroit de
Alagclluii.
EntR'c des
IloilanJois
dans la Mer
du Sud.
Ifle de la
Mocka.
Les Hbllan-
«fols en vifi-
tent les habi-
tations..
510 VOYAGES AUX INDES ORIENTALES '
rexdcution , l'Amiral ordonna des prières publiques , & fit exhorter tous le«
Equipages à profiter de cet exemple. DeLint fut nommé Vice -Amiral; ^
Lambert Biejman prenuer Commis , obtint à fa place , le commandement
du Vaififcau la Concorde.
On remit à la voile, le 27 de Février, avec un vent Ci favorable, que.
tant forti de la Baye des Gueux , on arriva le foir à la vue du Cap que b
Efpagnols ont nommé Defirado (/>) , fur la Côte Méridionale du Détroit. Sa
hauteur ne permet pas de s'y méprendre. On y voit trois petites Ifles, qui
n'en font pas éloignées. La Côte Septentrionale fuit tellement au Nord,
que de ce côté-là on ne le reconnoît pas pour un Cap. Du même côté,
on rencontre , à quatre ou cinq lieues , quelques petites Ifles , que les £f.
pagnols ont nommées les Annegadas , ou les IJlei notées. Depuis le Cap
Defirado jufqu'à la Pointe Septentrionale, la largeur du Détroit efl: d'envi»
ron fept lieues (c). Candish donne de longueur au Détroit, environ qua.
tre-vingt-dix lieues Angloifes , de vingt lieues au degré. De Noort lui don>
ne cent dix lieues d'Allemagne; di^rence furprenante, après des cbfer-
vations dont on vante également la certitude. L'embouchure du Détroit,
dans la Mer du Sud , eft à la même hauteur que celle de la Mer du Nord;
c'efl-à-dire , environ cinquante-deux degrés deux tiers , de Latitude Audra-
le (d).
Ce fut le 29 du mois de Février, que les trois Vaifitaux Hollandofs,
fe trouvant comme dans un nouvel ordre d'idées & d'opérations , gouver-
nèrent au Nord-Queft avec un vent favorable. Le 8 de Mars, on fit Ja r^
vue des Equipages, qui confiftoient encore en cent quarante-fept hommei
Mais, fix jours après, le Vice - Amiral difparut. Le 21, les deux autrei
découvrirent les Terres , qu'ils reconnurent bien - tôt pour le Continent du
Chili. Ce Pays leur parut beau , & dans quelques endroits fort bien culti-
vé. Ils jugèrent qu'une Pointe , qui s'avance dans la Mer , étoit celle d'/j*
pérîak. Ville fituee plus loin dans les Terres. Après s'être éloignés de cet-
te Côte, ils continuèrent d'avancer jufqu'à la vue d'une Ille, qui ne leur
■parut pas à plus de cinq ou fix lieues du Continent. Vers le foir, iljj
laififèrent tomber l'ancre fur quatorze braflTes. C'étoit la Mocka , Ille de
grandeur médiocre , au centre de laquelle , on voit une haute montagne,
qui s'ouvre par le tnilieu , pour faire paflage à une Rivière d'eau douce.
On remarque d'autant mieux cette ouverture , que le refte du Pays eft uni
jufqu'à la Mer. Les Hollandois, ayant fait refier leurs Chaloupes, pour
s'afîurer du caraélère des Habitans , en obtinrent divers rafraîchiffemens par
des échanges. Un commerce de quelques jours les rendit fi familiers avec
plufieurs de ces Infulaires , qu'ils ne firent pas difficulté de les fuivre juf-
qu'à leurs habitations. C'étoit un Village d'environ cinq cens maifons,
compofées de paille, & moins larges que longues, avec une efpèce de pe-
tit veftibule au milieu. Quoique les Habitans y euflfent conduit leurs Hô-
tes, ils ne leur permirent point d'y entrer, ni d'approcher de leurs femmes.
Cependant elles fortirent auflfi-tôt de leurs maifons j & paroiflTant fort doci-
' . -... V, ... le»
(t) C'eft Thomas Candish qui lui a don-
né, ce uoiu. Voi'ez ci-delllw , jfag. 203. R, d. E.
(O
Pag.
Pag.
34-
4P«
PAR LE SU D-OU EST, Liv. IV.'
lit
les à Tordre de leurs marii, elles allèrent fe mettre à genoux dam un lieu
peu éloigné , où elles fc parcagcrenc en deux uu trois bandes. Alors les
hommes invitèrent les Hollandois à s'alfeoir fur d^% blocs de bois, qui é*
toient à terre. Une vieille femme apporta, au milieu de l'aflemblée, une
large cruche , remplie de leur breuvage , qu'ils nommoient Cica. Les Hol-
landois en burent avec plaifir. Cette liqueur qH compoiée d'eau & de mays,
qui eft le feul bled du Pays (e). Elle enivre; & les Infulaires redoutent fl
Eeu l'ivrefle, qu'ils en font la principale folemnité de leurs jours de flte.
fn Elpagnol, qui s'étoit fauve du naufrage d'une Barque, ayant été reçu
dans cette Ide , y vivoit depuis trois ou quatre ans ; mais , lorfque fes Pro»
teéleurs étoient ivres , il prenoit le parti de fe cacher , parcequ'il leur con-
noiiToit un fond de haine pour fa Nation , qui lui faifoit tout craindre
d'eux dans cet état. Il n'y avoit fubfiflé, (i ion^-tems, que par le fe-
cours d'une des principales filles du Pays, donc il s'étoit attiré l'afFec-
tion , & qui le cachoit lorfqu'elle croyoit cette précaution néceflaire à fa
fureté m.
Ces Infulaires prennent autant de femmes qu'ils peuvent en nourrir. Ils
vivent enfemble avec beaucoup de paix & d'union : mais s'il fe commet
quelque meurtre dans l'IOe , les Parens du Mort font en droit de tuer celui
qui 1 a tué, s'il ne les appaife, en s'obligeant de leur fournir annuellement
une certaine quantité de cica. Leurs ufages reflemblent beaucoup à ceux
des Habitans du Chili , qui ne vivent pas fous la domination Efpagnole. Ils
fe font des robbes de la Jaine d'une efpèce de brebis , qui 1 ont fi longue
qu'elle pend prefque jufqu'à terre. Ces animaux leur fervent de bêtes de
charge: mais lorfqu'ils font fatigués, il n'y a point de coups qui puiiFent les
faire marcher. Ils tournent la tfcte vers celui qui les frappe, en exhalant
vers lui une très mauvaife odeur. Les Infulaires n'en voulurent point ven-
dre aux Hollandois. Cependant ils leur en amenèïent d'autres , femblables
aux brebis de l'Europe & fore gralTes. De toutes les marchandifes qu'on
leur préfenta, ils choifirent toujours des haches, des couteaux, & toute»
fortes d'ouvrages de fer , parcequ'ils les vendoient fort cher aux Peuples du
Continent (s)-
Les Hollandois partirent de leur Ifle (A), en bonne intelligence avec
eux, & firent voile vers celle de 5fl/«re-A/aw, qui n'en eft qu'a dix -huit
lieues, lis la reconnurent le même jour; mais ils découvrirent en même-
tems un Vaifleau qui étoit à la Rade, & qu'ils prirent d'abord pour leur
Viie-Amiral. En s'approchant , ils diftinguèrent bien - tôt que c étoit un
Efpagnol , fur-tout aux efforts qu'il fit pour les éviter. Ils fe crurent inté-
relTés à le fuivre, pour empêcher, s'il étoit polTible, qu'il ne portât la nou-
velle de leur arrivée aux Eipagnols des Ports voifins. Cette chafle les écar-
Of.TVIFR Bl
NnOHT.
1 600.
Brciivnge
d'une coinpo-
fition d(igou- .
tante.
Efpaf^ol
Su'on trouve
ans cette
lile.
(e) Voici la manière dont l'Auteur alTurc
qu'elle fe braffe. „ Les vieilles femmes qui
., n'ont prefque plus de dents, mâchent le
5, may,^, & l'ayunt huiiiefté de leur fulive,
„ qu; fert de ferment, le mettent dans des
I, futailles qu'on remplit d'eau. Plus les fein-
ta
„ mes foni vieilles, plus le breuvage eftclti"
j, mé ". Ibidem , pag. 42.
(/) Pag. 44.
[f ] '^'- ''
A tieute-liUit degrés, ou m peu plus.
Brebis qui
fervent de bê-
tes de charge.
LesHoIIaij.
dois prennent
un Vaifleau
Jifpaguol.
Dd 2
M
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES»
Oliviir di
NOORT.
iCoo.
Krrcur des
.incicnnes
Cart.s fur la
filiation de
Sainte-Marie.
Val-ParaHb ,
Port, de Saint-
Fertilité du
Pays.
Baye de
Puerto Lag-
nafco.
Ses e-'Tcel-
Icns friiiis.
ta du rendez-vous qu'ils s'écoient donné dans ride de Sainte- Marie. l^]g^
ayant joint le Bâtiment qu'ils pourfuivoient , ils n'eurent pas de peine à s'en
faiHr. Le Général , qui conçut tous les avantages qu'il pou voit tirer de cet-
te çrife, donna ordre que fes Prifonniers fuflcnt traités avec douceur. Leur
Vaifleau, qui fe nommoit El-buon- Je/us ^ étoit d'environ foixante tonneaux,
& portoit des vivres aux Ifles de la Conception & d'^rauco (i), où leur Na-
tion taifoit la Guerre aux Indiens.
Il devint impoflîble auxllollandois^ de furmonter les vents qui les éloi-
gnoient de Saijitc-Marie. Ils prirent la réfolution de fe rendre au Port de
Saint-Jago^ nommé fal - Paraiju ^ à trente- trois degrés. Cette manœuvre
acheva de les féparer de leur Vice-Amiral , qu'ils ne revirent plus., & dont
ils n'apprirent même aucune nouvelle. Ils jugèrent qu'il n'avoit pu relâcher
non plus à Sainte-Marie, parceque dans les Carte» cette lile étoit placée 3
trente-fix degrés de Latitude du Sud, & que par leurs propres obfervatioM
ils l'avoienc trouvée à trente-fept degrés quinze minutes. En eflfet, leGé»
néral n'auroit pas été plus heureux àla reconnoître, s'il n'avoit eu les écriti
des Anglois pour diriger mieux fa courfe. Un autre Bâtiment Hollandois,
delà même Flotte que Sebald de Weert, s'y étoit trompé; & fon erreur
l'ayoit fait tomber entre les mains des Efpagnols. De Noort apprit de fei
Prifonniers, que ce Vaifleau, nommé le Cer/volant^, & commandé par Dira
Gerritfz , avoit été conduit à Callao , Port ds Lima.
Le 28, les Hollandois s'avancèrent jufqu'à Corona, qui n'ed au'à tiois
lieuea de Val-Paraifo. La Ville de Saint- Jaço , dont ValParaifo efl; le Port,
eft fîtuée dix-huit lieues plus loin dans les 1 erres. Les environs font rem*
plis de vignobles, dont le vin a le goût & la couleur des vins rouges de
France. On y trouve auffi beaucoup de pommes & de coins. Les brebis,
3ui font en très-grand nombre dans ce Canton^ y fourniflent d'excellent fuif,
ont on charge des Vaifleaux entiers. En un mot , le Pays efl; d'une rarj
fertilité. De Noort, s'étant approché du Port, y trouva deux Bâtimens lu*
diens, dont il tira des vivres. Sur le bord du rivage, iL ne vit qu'une féa-
le Loge, qui fervoit de retraite aux marchandifes qu'on vouloit embarquer.
N'ayant pas d'autre avantage à tirer d'un lieu H défert , il leva l'ancre, a-
près y avoir reçu des lettres du Capitaine Dirck Gerritfz , qui lui faifoit uile
vive peinture de la mifèrc où iJ vivoit à Lima (^k). Le premier d'Avril, U
entra dans une grande Baye, nommée Puerto-Lagnafco ^ a vingt-huit degrés
trente minutes du Sud. La Rade en efl: û bonne, qu'il prit le parti d'y
faire de l'eau, quoique tous les Indiens du Pays reconnuflent la. domination
Efpagnole. On voit peu. dç maifons & peu d'arbres fur le rivage ;. mais le
Pays efl: fort habité dans les Terres. Il y croît toutes fortes de fruits, fur-
tout du raifm, des figues, & des melons, de beaucoup meilleur ^oût que
ceux de l'Europe. Les fervices que de Noort avoit reçus de fes Prifonniers
Efpagnols , par des informations qui avoient réglé fa route , le portèrent à
leur rendre ici la liberté, à l'exception du Pilote & de quelques Efclaves
Nègres qu'il retmt dans d'autres vues. En congédiant Dom Franclfco d'/*
vara,
(i) Arauco eft proche la Côte du Chili,
quatre Ucucs au-deûus de Sainte-Maxie.
(*) L'Auteur n'explique pointpar qucUs
Yoye il reçut ces Lettres.
PAR LE S U D - 0 U E S T, Lxv. IV.
arj
Or.miRDi
NOORT.
1600.
Lumières
que les Hol-
laiulois lircnt
d'un Pilote
EclaircifTc-
mens qu'il-
donne fur la
tarât Capitaine du buon-^efus ^ il le combla de carefles & de préfens, pour
l'engager par la rccoimciitance à procurer de meilleurs traitemens au Capi-
«aine Dirclc Gerritfz (/).
Outre ce motif, auquel cet Officier dût la liberté, de Noort croyoic
s'être apperçu que le Pilote Elpagnol dcoit un homme éclairé & naturelle-
ment ouvert; mais que la préience du Capitaine étoit un frein qui retenoit
fa langue. Il fe flatta qu'étant feul à bord , on auroit moins de peine à ti- lifpagnol
rer de lui quantité de lumières, dont la néceflltc augmcntoit de jour en jour,
& pour lelquelles il auroit été trop odieux d'employer la violence. En ef-
fet, ce Pilote, qui fe nommoit Juan de Santaval ^ déclara volontairement
qu'il y avoit à Lima trois Vaifleaux de Guerre, prêts à faire voile aufli-tôt
qu'ils apprendroient l'arrivée de quelques Navires étrangers ; qu'ils avoienc
ordre de les attaquer fans diftinilion ^ pour conferver à 1 Efpagne le Domai-
ne abfolu de cette Mer ; que ces Vaifieaux étoient d'une grandeur confidé-
rable, armés chacun de vingt -quatre pièces de fonte, & de plus de trois
cens hommes d'Equipage ; enfin , qu'il y avoic , dans le même Port , deux au-
tres Bâtimens, dellinés à charger l'argent du Roi (m).
Des informations fî graves déterminèrent auffi-tôt le Général Hollandois
^. tourner fes voiles vers le Cap de Saint- François ^ qui efl à la hauteur d'un
degré & demi de Latitude du Nord, & par où pu lent tous les Vaifleaux côtê"dù"chîu
qui viennent de Lima, de Panama & d'Acapulco. Pendant toute l'année, & du Pérou,
les vents alifés foufflent fur cette Côte. Mais Juan de Santaval , fe croyant
condamné par fon fore à ne rien diflimuler aux Uollandois , joignit à cette
déclaration , des éclaircifTemens fur toutes les Côtes du Chili & du Pérou ,
que de Noort s'attacha lui-même à recueillir, & qui donnent beaucoup de
prix à fa Relation. Ce feroit lui en dérober l'honneur, que de les renvoyer
a la partie de ce Recueil qui doit regarder l'Amérique ; d'autant plus qu'a-
Ïant fervi à régler fa navigation, elles appartiennent nécefTairement à fon
ournal. Il fuffira, au contraire, dans l'Article du Pérou, d'avertir qu'or»
peut trouver ici un fort bon fupplément pour les Relations Efpagnoles. On
s'attache littéralement à fuivre de Noort ,. fans autre changement que celui
de quelques expreflions.
Chibve eftfituée à quarante-quatre degrés de Latitude du Sud, dans un
Golfe tout femé d'Ifles. C'eft une grande Ifle, habitée fur fes bords par les bve.
Efpagnols , qui n'y ont point d'autre Maître qu'un Gouverneur de leur Na-
tion. Il y avoit alors un an, que les Efpagnols du Continent ignoroient ce
ui fe pafloit dans l'Ifle de Chibve. On y trouve beaucoup de brebis , dont
e font les meilleures étoffes du Chili, & cette Ille en efl la dernière
terre.
OsoRNE efl une Ville du Continent, afTez éloignée du rivage , à quaran»
te-deux degrés. On y fabrique des étoffes de laine & des toiles. Les
Efpagnols y ont un Gouverneur.
ViLLA-RiccA eft aulTi dans les Terref, vingt ou trente lieues a l'Efl de
Baldivia. On y fabrique quantité de toil.'^s & d'étoffes à l'Indienne, dont
le
.. i
Ifle de Chi-
?;
Oforne.
Villa-Ricca,
(owg- 5a.
Dd3
(m) ?ag. 52 & 53'
ÎI4
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Or.TVIEK DE
NoORT.
I (5 o o.
Baldivia.
Liipérialc.
Angol.
Taccabel.
Cap de
Lavapie.
La Con-
ception &
Silao.
Coqnînibo.
Moro-Mor-
rcijo.
le commerce s'étend dans tout le Pays , particulièrement à Coquinibo ^
dans les Places voifines. )..-;■ ;
Baldivia eft fituée à quarante degrés, fur le bord d'une Rivière, qui
coule encore refpace de quatre lieues jufqu'à la Mer. Son Canton eft riche
en Mines, d'où l'on tire beaucoup d'or. On y fcie quantité de planches,
qui fe tranfportent à Lima & dans d'autres lieux. Entre Baldivia & Im,
périale , on trouve une efpèce de Sauvageî^ , nommés Toltiins. Lorfque les
Efpagnols entrèrent dans Impériale, cette Ville avoit plus de trente mille (n)
Habitans , dont vingt Efpagnols ne tuèrent pas moins de vingt mille. Ces
Malheureux fe laiflbient tuer , parcequ'ils croyoient que leurs Ennemis é.
toient immortels. Ils-s'étoicnt révoltés depuis plus d'un an, & les Efpagnols
fembloient difpofés à les laifler libres. La Rivière, qui paife dans leur
Ville , eft fi baffe à l'embouchure , qu'elle ne peut recevoir de Vaiffeaux.
Impériale eft à cinq ou lîx lieues dans les Terres, à trente degrés trente mi-
nutes de hauteur.
Angol eft à trente lieues d'Impériale & à douze de la Conception. On
y fabrique des étoffes, & l'on y trouve de l'or; mais la Guerre fermoit alois
l'accès des Mines. :•:
TuccABEL, Ville du Chili, entre les Ifles de la Mocka & de Saint?.
Marie, n'a qu'une fort petite Rade. Mais comme la Cote eft unie, on y
jette l'ancre aifément. Les Indiens, feuls Maîtres d^ cette Place, lagar-
doient fi foigneufement, qu'ils n'en accordoient pas même l'entrée aui
Efpagnols. Sa fituation eft à trente-fept degrés trente minutes.
Le Cap de Lavapie fait face à l'Ille de Sainte - Marie , dont il eft éloigné
d'environ deux lieues. Il eft défert; quoiqu'il renferme une Rade, qui eft
à l'abri des vents du Sud.
La Conception, Place fituée fur le bord de la Mer, eft la réfidence d'un
Gouverneur Efpagnol. On en tire autant d'or que d aucun autre endroit
de l'Amérique. Elle eft à trente lieues de Silao, Ville enfoncée dans les
Terres, -d'où Ton tire peu d'or, mais où le vin & les fruits font en abon-
dance. Les Efpagnols y étoient fort expofés aux infultes des Indiens. Silao
reffemble beaucoup à Saint- Jago , qui eft la principale Place du Chili, &!«
réfidence d'un Evêque. •;i;vn-. ■*: . -
Coquinibo eft une Ville à foixante lieues de Saint- Jago , où les Mm
d'or font en abondance, mais dont le Pays avoit été fi dépeuplé parles
Efpagnols , qu'il ne reftoit plus affez d'Habitans pour y travailler. Il produit
d'ailleurs beaucoup de vin & de fruits. La Ville eft à trente degrés.
MoRO-MoRRENO , Ville maritime à trente- trois degrés (o) étoit alors dé-
ferte. Les Habitans des lieux voifins y venoient pêcher , & vendoient leur
poiffon lec à des Nations plus éloignées. Candish les nomme des gens fim-
pies , qui vivent en vrais Sauvages. Leurs demeures ne font compofées
que de peaux de bêtes , qu'ils étendent fur la terre , & fur lefquelles ils
mettent quelques fourches, avec des perches en travers, pour foûtenir des
feuilles d'arbres qui leur fervent de toîc
Rio-
(n) Il yatrois cens IBÙllc dansTOriginal. (o) Dans l'Original, vingt - trois dcgrÔJ
&. d. £. trente iiunutcs. A. d. £.
o
©
!>AR LE SUD-O UES T,Liv. ÏV. 215*
Rto-LoA, Place fituée à vingt-deux degrés, n'eft connue que par la pê-
che , dont fes Habitans font leur feule occupation. ^ ^ Jîm t *
TerraPaca eft à vingt-un degrés. Son Port fe nomme Icaifa. On y
pêche beaucoup de hareng.
Arica , Ville maritime où fe charge prefque tout l'argent qui v'ent du'
Potofî , & qui fe tranfporte à Lima , efl fituée à -dix-huit degrés quarante
minutes. Elle efl défendue par un Fort Efpagnol.
PuNTA DE HiLO étoit autrefois le Port de Potofi. Il y refte quelques ha-
bitations , d'où l'on tire de la farine & d'autres vivres.
CiLocA eft un Port , dont l'entrée confifte dans un Canal fort étroit. C'eft
le W^vreà'Arequipà, grande Ville & bien peuplée, à dix-fept degrés
trente minutes. On y trouve du vin, du froment, toutes fortes de fruits,
des brebis & des mulets.
Camana, îix lieues plus loin fur la Côte, produit beaucoup de vin & de
fruits. On y fabrique diverfes marchandifes , qui fe tranfportent à Chiloa.
OcoNOE eft une Place maritime, avec une vallée remplie de vignobles.
Los-LoMos de Attico eft une grande colline, derrière laquelle on trouve
une efpèce de Rade. Acari, Ville peuplée, eft fituée fur cette colline.
La Nefca, bon Port, voifin de Puerto San-Nicolas ^ offre une Ville de
même nom, où l'on trouve les meilleurs vins du Peron & du Chili.
Paraco & Pifeo font deux Ports, fort voifins, à trente-un degrés (/>),
trente minutes. Leur\'ille, qui fe nomme Ica, en eft à dix -huit lieues
dans les Terres. On y .-ecueille plus de vin que dans aucun autre Cantoft
du Pérou.
Chinca eft un autre Port fur la même Côte, av.'C une Ville qui fournit
quantité de mercure.
Celle de Cangueta, qui la fuit, fournit, en abondance , du froment , du
fnays , du fromage , & diverfes fortes de fruits.
Callao, ou le Port de Lima, eft une Ville confidérable, à douze degrés
vingt minutes , avec un Port , dont la Rade pafle pour la plus grande &
la plus fûre de toute la Mer du Sud. Elle n'eft qu'à deux lieues de Lima.
Il ne pleut jamais dans ce Canton ; du moins lesEfpagnols ne fe fouvenoient-
ils pas d'y avoir vu pleuvoir , depuis qu'ils y étoient établis ; ce qui n'em-
pêche pomt que la terre n'y foit d une extrême fertilité. Chaque épi de bled
produit deux fois pl's qu'en ETpagne, & l'on y recueille deux moiflbns
chaque année.
Gavre eft un Port, deux lieues au-defîbus des falines de Lima, qui font
fur la Côte, à dix lieues de cette Ville, & où l'on trouve du fel dans une
vallée fans eau.
La Baranqua , autre Port , à onze degrés , fournit beaucoup de froment ;
comme celui de Guarmei, qui en eft voifm, donne du charbon de terre (q).
Santa eft une Ville bien peuplée d'Efpagnols , où l'on trouve du froment ,
du mays, du miel , du fucre &d'ai "^^res marchandifes. Depuis quelques an-
nées, on y avoit découvert une Miie d'argent.
;: 4. 1. ■!'■..:■ '^t;-...,.- • •; •.:•■: Truxil-
Oltvier 01
NOOST.
1600.
Rio-Loa.
Terrapaca.
Arica.
Puntadtllilo.
Qloca.
Arequipa.
Camai:a,
Oconge.
Los-Lomos.
Acari.
La Nefca.
Paraco &-
Pifco..
Chinca.-
Cangucta,
Callao de
Lima.
Gavrc.
La Baranqua'
&Guarmci. -
Santa,
(p) Trente-deux degrés. R.d.E,
(j) L'Original dit du charbon de bois. R. d.E»-
ftl5
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Olivier Di
NOOJIT.
1600.
Truxillo.
Paita.
IiledePiina
& Guaiaquil.
Guaîaquil-
Vechio.
Panama.
Lettres in-
terceptées ,
3ui inflruifent
e Noort de
l'état des
Efpagnols.
Truxillo eft la Capitale de trois ou quatre petites Villes, fituées furia
Côte, dont les Ports font des efpèces de Bayes, où l'on charge du miel,
des conferves, du favon d'Efpagne, «Se du cuir. Coerepe eft celle où l'on
en chatge le plus.
Paita eft une autre Ville, avec un Por: où relâchent les Vaifleaux depj.
nama, dans leur route au Port de Lima. On y fait une pêche confidéra-
ble. Les Anglois, conduits par Candish, brûlèrent cette Place, & toutei
les marchandifes qu'on y avoit raflemblées.
L'IsLE de Puna divife l'embouchure de la Rivière de Guaîaquîl^ qui a,
fur fes bords, une Ville du même nom, où l'on conftruit un aflez grand
nombre de Vaifleaux. Les Efpagnols y entretiennent une Garnifon , pour
la fureté des Ouvriers. On fabrique, dansl'Ifle dePuna, des cordages &
toutes fortes d'agrets. La Rade y eft commode , foit pour le mouillage, ou
pour les exercices du travail. Candish raconte qu'ayant pénétré jufqu'à k
demeure du Cacique^ ou Seigneur de l'Ifle, il fut furpris de trouver uneMaifop.
bien ordonnée , avec de belles cours, & de grands appartemens , accompagnés
jd'agréables galeries, dont la vue donnoit fur la Mer. Le bas contenoit
?jne fpacieufe falle, qui étoit terminée par un vafte magafin, rempli de brai
& de godron. Tous les Habitans de 1 Ille étoient Efclaves de ce Cacique.
II avoit époufé une très-belle Efpagnole , à qui l'on rendoit des honneurs ex-
traordinaires ; & qui avoit converti , à la Foi Chrétienne , fon Mari & tous
fes Sujets. On voyoit, autour de fon Palais, environ deux cens maifons,
& le même nombre à-peu-près dans deux autres Villages de l'Ifle. Candish
la trouva prefqu'auflî grande que l'Ifle Angloife de Wight. À peu de diftaç.
ce, on rencontre une autre Place, nommée Guaiaquil -Fecbio, ou le Vieu-
Guaiaquil , première habitation des Efpagnols au Pérou. Depuis cette an-
cienne Ville jufqu'à Panama, la Côten'eft habitée que par des Indiens, &
n'a point de Port remarquable par fa lltuation ou ion Commerce.
La fameufeVille de Panama ,(r), où viennent paflTer toutes les richefles
du Chili & du Pérou , eft fur la Baye du même nom , à deux lieues de foa
Port. On y conftruifoit alors un grand nombre de Vaifl'eaux.
En générai, le Chili, depuis Saint- Jago jufqu'à Baldivia, eft une des
plus fertiles Parties de la Terre. Tout ce qu'on y plante, croît avec une
fécondité merveilleufe. L'air y eft fi fain, que les m?'- ,1 is y font très-
rares; &fifubtil, qu'une épée mouillée , qu'on remet dw^s Je fourreau, y
féche fans fe rouiller (j).
De Noort, ayant profité de ces inftruftions pour vifiter toute la Côte,
intercepta des Lettres qui contenoient divers éclaiiciflemens fur la Guerre
que les Efpagnols avoient à foûtenir contre les Indiens. Une partie de ces
Peuples avoit fécoué le joug. Ils s'étoient faifis, le 24 de Novembre de
l'année précédente, de la Ville de Baldivia, qu'ils avoient rafée, après y
avoir fait une cruelle boucherie de leurs anciens Vainqueurs. Leur retrai-
tjB avoit laifle aux Efpagnols le tems de s'y rétablir j mais Impériale étoit
■ ' ' alors
(f) C'ed l'ancienne Panama, qui a été
détruite en i<57o. La nouvelle en eft à qua-
tre lieues, à huit degrés quarante minutes c
Latitude,
(x) Pag. 63 & précédentes.
PAR LE S UD-O U E S T, Liv. IV.
217
alors aflîégée par les mêmes Indiens. Les vivres y manquoient. On y
avoit déjà mangé jufqu'aux chevaux, & quantité d'Efpagnols y étoient
morts de faim. Ces trilles nouvelles étant les dernières qu on en avoit re-
çues, il y avoit beaucoup d'apparence que les Indiens étoient Maîtres de
la Place (t),
Santa VAL racontoit que ces Indiens font guerriers. Ils fe fervent , avec
beaucoup d'adrefle , de leurs chevaux & de leurs lances. Leur haine étoit
fi vive pour les Efpagnols , qu'après les avoir tués , ils leur ouvroient l'eflo-
mac & leur mordoient le cœur. Ils ne manquoient pas de leur ôter auflî le
crâne, qu'ils faifoient fervir de tafle pour boire entr'eux. Lorfqu'iis a-
voient pris Baldivia, ils y avoient brûlé les Maifons, les Eglifes & les Ima-
ges; Ils coupoientla tête aux Prêtres, en difant: „ Les Dieux des Ef-
„ pagnols touchent à leur fin". Ils prirent de l'or, dont ils remplirent la
bouche de quelques Officiers ir.aflacrés. „ Nation avare, leur difoient-ils ,
„ rafFafiez - vous à préfent de ce métal , pour lequel vous nous avez tant
„ fait fouflFrir , & dont vous n'avez jamais été raflafiés". Après s'être fou-
levés , & lorfqu'il fut queftion d'élire entr'eux un Chef pour les commander,
ils prirent une grofle poutre, & tour-à-tour chacun la chargea fur Ces épau-
les» Celui qui la foûtint le plus long-teras obtint la préférence. Plufieurs
réfîftèrent au fardeau pendant cinq & fix heures : mais il s'en trouva un qui
foûtint vigoureufement pendant vingt-quatre heures entières, & le choix
tomba fur lui (v).
Entre les événemensles plus fmguliers de ce Voyage, l'Auteur X)bferve
qu'en haute Mer, plus de huit jours après avoir quitté Puerto-Lagnafco ,
les Vailîeaux Hollandois fe trouvèrent dans un air fi épais, qu'on ne pou-
voit voir au-delà d'un jet de pierre; & ce qu'il y eut d'étrange, les habits
des Matelots parurent couverts d'une poudre auffi blanche que de la farine.
Le Pilote Efpagnol lesalTnra que ce phénomène étoit ordinaire dans cette
Mer, & que les lieux, oùilarrivoit, le iiou^moicnt Jtrenales, ou Parases
/abloneux. Il dura tout le jour (a;). ^
Le 25 d'Avril, lorfqu'on croyoit devoir beaucoup de reconnoiflance aux
informations volontaires de Santaval , un des Efclaves Nègres , qu'on avoit
retenus avec lui, déclara que dans le Vaifleau le Buon-Jejus, fur lequel
de Noort avoit mis un Capitaine Hollandois, il y avoit eu trois tonneaux
pleins d'or, qu'il avoit aidé lui-même à charger; & que, pendant qu'on
lui donnoit la chafllï, le Capitaine d'Ivara les avoit fait jetter dans les flots
pour dérober ces précieufes dépouilles à la Flotte Hollandoife. Aufll-tôt
les civilités, qu'on avoit eues pour le Pilote, furent changées en menaces
Il refufa d'abord l'aveu qu'on lui demandoit; mais ayant été mis à la tortu-
re, avec un Efclave Nègre, ils confeflerent tous deux, que le Vaifleau
Efpagnol avoit, abord, cinquante-deux petites cailTes remplies d'or, cha-
cune de quatre Arrobes, avec cinq cens barres d'or, du poids de huit dix
& douze livres, qui faifoient en tout dix mille deux cens livres d'or & que
le Capitaine avoit fait jetter toutes ces richelfes dans la Mer, fans 'aucune
exception.
CO Pag. 64.
:ilV. Part.
'■,;•-
Cv) Pag. 65.
£e
(x) Pag. 66,
Olivier Ds
Noort.
1600.
Poudre
blanche en
haute Mer,
RichefTes
jettées dans la
Mer, pour en
priver les
Hollandois.
Dtîclarations
arrachées par
la torture.
2l8
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Olivter na
No OH T.
l(5oo.
Sort du Pilo-
te Ëfpngnol.
»
>»
Longue na-
vigation des
lloUandois.
exception. DeNoort fe hâta de faire vifiter toutes les parties du VaiflTeau*
mais on ne trouva que dans les habits du Pilote, un petit fac, qui contenoit
une livre d'or (y).
Les tourmens, qu'on fe crut en droit de continuer (2), lui arrachèrent
d'autres explications. Il déclara que le Buon-JeJ'us avoit chargtî cet or dans
rifle de Sainte-Marie , & qu'il devoit y demeurer jufqu'au mois de Mars
pour en recevoir encore ; mais , qu'ayant ordre auffi de mettre à la voile
s'il appercevoit quelque Navire étranger, pour en porter l'avis à Lima, il
avoit eu le malheur , quoiqu'extrêmement léger à la voile , de ne pouvoir
éviter les Hollandois. Il ajouta , qu'au mois de Mars , il devoit fe rendre i
rifle d'Arauco, y lailTer les vivres qu'il avoit à bord , & prendre l'or qu'il
y trouveroit prêt, pour le porter à Lijna.
„ Tous ces defïeins , remarque l'Auteur , furent déconcertés par l'arri.
vée de nos Vaifleaux j mais le defordre qu'elle mit dans les affaires dej
Efpagnols, ne tourna point à nôtre avantage. Nous avions malheureu.
fement ignoré (jue l'Ifle de Sainte-Marie produifit tant d'or. Il n'y avoit
pas plus de trois ans , que les Mines y avoient été découvertes. Cepen-
dant cette Ifle n*avoit qu'un petit nombre d'Efpagnols , qui ne pouvoient
recevoir de fecours que d'environ deux cens Sauvages , fans autres ar-
mes que des arcs & des flèches (a) ".
Le Pilote Efpagnol dit encore, que le même jour, où l'on avoit euJa
générofité de relâcher le Capitaine d'Ivara , ils étoient convenus enfemble,
lui, de confeiller aux Hollandois de prendre la route du Cap S. François,
& le Capitaine , d'avertir les Vaifleaux de Guerre , qui étoient à Lima , de
les pourfuivre fur cette route. Un aveu de cette nature fit perdre aux Hol-
landois tout fentiment de compaflion. Ils réfolurent de jetter le Pilote dans
la Mer (ô), fur-tout, lorfqu'après avoir été traité avec plus de douceur,
il ne laifla pas de fe plaindre, & de fort tenir ouvertement qu'on l'avoitem-
poifonné; fans compter, ajoute l'Auteur , que non-feulement il cherchoit
l'occafion de fe fauver lui-même, mais qu'il foUicitoit les Efclaves Nègres
à l'accortipagner dans fa fuite. Il fut précipité dans les flots, par l'ordre
du Confeil. L'Efclave , qui avoit été mis à la torture avec lui , eut la tê-
te caflee d'un coup de fufil ; & leur Vâifleau même , qui commençoit 3
faire eau, fut abandonné aux vents, après qu'on en eût tiré les vivres &
l'artillerie (c).
Ces événemens firent abandonner le deflein , qu'on avoit eu, d'attendre
les Efpagnols fous le Cap de Saint-François. On prit celui de ranger la Cô-
te jufqu à rifle des Cocos ^ qui efl: à cinq degrés de Latitude du Nord, pour
y prendre des cocos & de l'eau. Mais , après avoir vogué jufqu'au 20 de
Mai , fans pouvoir la reconnoître , de Noort s'arrêta au parti de tourner
fes voiles vers les Philippines , qui font à deux mille quatre cens lieues du
Pérou {d)y dans la réfolution de ne relâcher qu'aux Ifl^ des Larrons,
/^ qu'on
(y) Ihiitm. (b) L'Auteur n'eh apporte que ksdeuî
(2 ) C'cft une fuppofition de M. Prevofi:, raiibns fui vantes. R. d. E.
^ui efl; contraire à l'Original , comme on le ( c ) Pag. 6g & précédcDtes,
voit par ce qui précède. R.d E. (a) Pag. 67. (<^) Vdg. 68.
PAR LE S U D-O U E S T, Liv. IV.
219
I
a'on a nommées depuis les Ifles Marianes (<r). Cette navigation parut
J'une longueur infinie aux Equipages Hollandois , qui n'avoient pas conçu
jufqu'alors l'immenfité de ces Mers. l\& n'arrivèrent qde le 15 de Septem-
bre, à la vue d'une de ces Ifles.
Le matin du 16, ils étoient encore à plus d'une lieue du rivage, lorfqu'ils
virent paroître un grand nombre de Canots , qui leur apportèrent des co-
cos , des bananes , des cannes de fucre & du poiflbn. Toutes ces provi-
fions furent échangées pour du fer, dont les Infulaires étoient fort avi-
des ,& qu'ils nommoient HierrOy comme les Efpagnols, parcegue tous les
ans ils voyoient dans leurs Illes quelque VaiiTeau de cette Nation. Les
deux Navires Hollandois continuèrent de ranger la Côte, & doublèrent le
Cap Méridional , d'où ils apperçurent une pointe fort baiîe, fur laquelle ils
croyoient pouvoir mouiller. Cependant ils ne ceflbient point de voir ap-
procher des Canots. Ils en comptoient déjà plus de deux cens, montés
chacun de trois , quatre , ou cinq hommes , qui s'empreflbient autour d'eux ,
& qui crioient Hierro. Dans cette confufion , les Vaifleaux paflerent fur
deux de ces petits Bâtimens j mais les Infulaires , qui fçavent nager parfai-
tement , y rentrèrent auflî-tôt , & fe préfentèrent avec la même ardeur.
Ces Ifles, fuivant la remarque de l'Auteur, avoient été jufl:ement nom-
mées 7/2w des Larrons f parcequc les Habitans étoient livrés au larcin, &
qu'ils le commettoient avec une adreffe furprenante. Ils trompèrent plu-
lieurs fois les Hollandois. Quelques-uns leur préfentèrent , fur des paniers
de feuilles de cocos , du riz fi bien arrangé, qu'à la première vue, on s'ima-
ginoit qu'il y en eût beaucoup; mais, après l'échange, on trouvoit fous le
riz , des coquilles élevées , ou des feuilles. Cette rufe étoit d'autant plus fû-
re, que, pour commercer d'abord avec eux, il falloit attacher, au bout
d'une corde, le morceau de fer qu'on leur offroit, le laifler pendre dans
leurs Canots , où ila avoient la liberté de l'examiner , & retirer de même
ce qu'ils donnoient en échange, après l'avoir montré à la même diftance.
Deux vinrent a bord. On leur offrit a boire & à manger; mais ils ne pen-
foient qu'à voler tout ce qui fe préfentoit àleurs yeux. Un d'entr'eux , voyant
une épée entre les mains d'un Hollandois, ne fit pas difficulté de la lui arra-
cher; & s'étant jette dans les flots, il eut le bonheur d'échapper en plon-
geant. On tira néanmoins plufieurs coups fur lui & fur plufieurs autres
gui emportèrent aufli divers inftrumens; mais ils faifoient tant de chemin
fous l'eau, qu'ils y étoient à couvert des coups. Ceux qui n'avoient point
encore eu l'occafion d'exercer leuradrefle, demeuroient tranquilles, com-
me s'ils avoient ignoré ce qui fe paflbit à leur vue. On les auroitpris pour
des animaux amphibies , qui pouvoient vivre également fur la terre & dans
l'eau. De Noort fit jetter, devant eux, cinq morceaux de fer à la Mer
pour fe donner le plaifir de les voir plonger librement. Ils ks retirèrent
en fipeudetems, qu'on ne pouvoit leur refufer de l'admiration. Leurs
Canots font fi bien faits, que les Hollandois n'avoient rien vu d'égal dans
,tout leur Voyage. Ce font des troncs d'arbres, de quinze à vingt pieds
de
(«) Du nom de Marie-Aaue d'Autriche, Reine d'Efpagne.
E€ a
OLtVTM fltC
NoORT.
1600.
Ils arrivent
aux Iflcs Ma-
rinncs ou dca
Larron».
Obfcrvfitions
fur les liles &
fur le carac
tère des Infu-
laires.
Olivier de
NOORT.
1600.
.t'^iii
Les Hollan-
dois arrivent
aiixPhilippi-
ncs.
Leurs ob-
fcrvadons.
Ilb le lion-
lient pour des
.Ifrançois.
'22<i VOYAGES AUX INDES ORIENTALES .
de long, fur un pied [àdemi] de largeur, commodes, légers à la voile*;
Au lieu de révirer de bord pour louvoyer, ils mettent le gouvernail où étcit
le cap , fans faire aucun changement a la voile. Elle eft tiflue de rofeaux
& de la forme d'une voile d'artimon. Leurs femmes , dont on reçut aufij
{»!ufieurs.àbord, étoient nues, comme les hommes , à l'exception du mi-
ieu du corps , qu'elles fe couvrent d'une fimple feuille. Elles portent de
longs cheveux. Au contraire , les hommes les ont très-courts. Ils font
bazanés. Ils ont beaucoup d'embonpoint. Leur taille eft plus haute &
mieux fournie que celle des Européens. Mais la plupart ont le vifage dif-
forme. Quelques-uns avoient le nez défiguré par des maladies honteufes;
du moins, c'efl: ce qu'ils faifoient entendre eux-mêmes par leurs fignes.
Leur bouche s'étoit refferrée jufqu'à ne conlîfter que dans un petit trou (/).
Cette lile, que les Hollandois prirent pour celle de Guana (g), leur parut
d'environ vingt lieues de tour. Ils n'en découvrirent pas d autres (A;-
Après y avoir pris des^ rafraîchiflemens, ils recommencèrent à gouver-
ner vers les Philippines. Le 14 d'Oftobre, ils découvrirent la Terre, qui
kur parut fort haute , & que cette apparence leur fit prendre pour le Cap
du Saint'E/prit f à treize degrés de Latitude. A ce compte, une Bouque,
qu'ils apperçurent bien-tôt au côté Méridional , devoit être le Détroit de
Manille. Ils continuèrent d'avancer du même côté ;. & gagniajit la pointe
de terre, ils y mouillèrent au Nord, fur douze brafîes, derrière un rocher.
La Bouque a, dans cet endroit, environ trois lieues de large. Le lende-
main, ils quittèrent cette pointe , qui eft unç Ifle, pour s'avancer l'efpace
de huit lieues , à l'Oueft quart de Nord-Ouefl. Enfuire ils gouvernèrent
vers la. Côte Méridionale. Onvoyoit, du côté oppofé, un Pic fort haut
& fort aigu; mais l'Oueft n'ofFroit que des Terres toffes, fans aucune ou^
verture. On laifla tomber liss ancres. . Une Chaloupe pénétra dans une
belle Rivière , dont les deux rives étoient rouvertes d'aibrcsi Les Hol-
landois y trouvèrent quelques Indiens fort pauvres , auxquels ils firent pré»
fent de quelques couteaux & d'un peu de toile, que ces Barbares parurent
dédaigner.' Cependant ils portèrent des fruits à bord de l'Amiral* Le 16,
on vit approdier^ du même Vaifleau , un grand Canot, dans lequel étoit
un Efpagiîol , qui fit trois décharges defonfufil. On lui répondit de trois
coups. Son incertitude fembloit lui ôter la hîirdiefle d'avancer: mais le
Général ayant fait arborer le Pavillon d'Efpagne , & vêtir un de fes Mate*
lots en Moine, il fut rafluré par cette vue. On lui fit un accueil civil. De
Noort lui dit que fes deux VaiflTeaux étoient François, & qu'ils avoient
commiffion du Roi d'Efpagne, pour fe rendre à Manille ; mais que la Ion*
gueur du Voyage les avoit mis dans un extrême befoin de rafraîchiflemenî.
L'Efpagnol répondit qu'ils étoient dans une grande Baye, qui fe nommoic
la Baya^ à fept ou huit lieues au Nord du Détroit de Manille, & que le
Pays étoit fertile en toutes fortes de vivres. Auffi-tôt il donna ordre aux
Indiens de fon Canot , d'aller prendre au rivage, du riz, des poules, &
des
f/) Pag. 72 & précédentes,
(g) C'efl: apparemment celle que l'Hifl.0-
vitn des lllcs Marianes, noinmc Quaban. ,
(b) Voyez ci-defTous la Defcription des
Ifles MariaQcs, au Volume, fuivant.-
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Kaart der PHILIPPIINTES ElLAlSfDEÎ^,
Geichikt op de SpAAufihe Kaart van Pater TVturillo deVelarde
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I , au'ils apportèrent à bord. Ils exigèrent que toutes ces provi-
fions' leur fuirent payées en argent. Pendant quelques jours , on ne cefla
point de voir régner l'abondance fur les deux Vaiflbaux. La plupart de
ces Indiens étoient nuds. D'autres avoient une robbe de toile. Quelques»
uns même étoient vêtus à l'Ëfpagnoie , avec des hauts-de-chaufles , oc de
petits pourpoints. Les Principaux , qui defcendoient des anciens Princes
du Pays, avoient la peau découpée, ou piquée avec beaucoup d'art. Mais
ces Peuples font d'un naturel timide & fervile. Ils n'ont point d'armes ,
& feiaiflent maîtrifer au gré des Efpagnols, qui leur font payer par tête,
un tribut de trois réaies. De Noort obferve „ que ce n'eft point à la vio-
„ lence, que les Ëfpagnols font obligés de cette docilité. Ils font en petit
„ nombre dans ces Iiies: mais ils ont, dans chaque Quartier, un Prêtre
„ qui efl fort refpeélé des Habitans; & s'ils ne tiennent pas tous ces In-
„ fulaires dans la fervitude, c*eft uniquement faute de Prêtres (i)".
Pendant que les HoUandois fe procuroieiit tranquillement des provî-
fions fous un faux titre, ils virent arriver, à bord de l'Amiral, un Capitai-
ne Efpagnol & un Prêtre. Après les crémiers complimens, le Capitaine
pria de Noort de lui montrer fa Commiflion, parcequ'il. étoit défendu, aux
Habitans de l'Ifle, d'avoir aucun Commerce, avec des Etrangers. Cette
demande caufa de Tembarras au Général HoUandois. Cependant, faifanc
réflexion que la conduite defes gens avoit été fans reproche, il prit le
parti de montrer la Commiflion qu'il avoit du Prince Maurice. Le Capi-
taine, qui croyoit les deux Vaifleaux venus d'Acapulco, donna de fi gran-
des marques d étonnement, que, dans la crainte d'un mauvais fort pour
,-,„,,, . , , . Infulaires a
bord. Le Creneral avoit eo la precautio» d'en retenir deux , qui s'étoient
vantés d'être bons Pilotes, & d'être fort connus à Capul. Le 20, on prit
avec eux la route du Détroit de Manille, qui efl: vers quatorze. degrés.
Les deux Vaifleaux entrèrent heureufement dans la Bouque, où ils trouvè-
rent autant de contre-marées, que fi les bancs de fable y enflent été fort
fréquens , quoiqu'il n'y eût pas même de fond & qu'on n'y pût jetter l'an-
cre. Vers la brune, ils allèrent mouiller fur la Côte Occidentale de l'Kle
de Capul, derrière un Cap , à la vue d'un Village. Mais ils trouvèrent
dans cette Baye, un courant fi rapide, qu'ils palfèrent dans une autre, à
la diftance d'une demie lieue; car le mouillage eft généralement bon autour
de cette ifle, qui a quatre ou cinq lieues de circuit (k),
La frayeur qui s'étoit déjà répandue parmi les Habitans, & robfiination
avec laquelle ils refufèrent de parler aux deux Pilotes de leur Nation, firent
juger a de Noort , qu'il n'avoit plus rien à fe promettre de la rufe. Un de
fes gens (/), qui eut la hardiefle de defcendre au rivage, fur la. foi d'un
des
Ot.TvrER ne •
NoonT.
1600.
Foiblefle
des Infulaires ,
& comment ils
fontmaitriG^s
par les Ef-
pagnols.
La trompe»'
rie des Hoî-
landois eft
reconnue..
Us rè ren-
dent iVrine de
Capul.
Frayeur'
qu'ils y rc^pail-
dent.
aÎ-'^^^^-JÏ * Pf'ScédÉntes. Voyez ci-
dclTous la Defcription des Philippines , au
Volume fiuvant..
(*) Pag. 79,
(/) C'étoitun Anglbis, nommé Coleway,
qui étoit Muflcien& Joueur d'InUruincns*.
Ee a
Ctiviraot
. NOORD.
1600.
Us brûlent
plufieurs
Villages.
Témoignage
de Candish
fur de barba-
res ufages.
Pyrateries
des HoUan-
dois.
Leurs ob-
fcrvations fur
la Baye de
Manille.
^2f VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
des deux Pilotes , dilparuc avec Ton Guide. La nuit fuîvante, Tautre Pî.
lote Indien fe jetta dans les flots, malgré les bons traitemens par lefquelg
on 8*étoit efforcé de le l'attacher. Il fe nommoit François Telloy du nom
du Gouverneur de Manille, qui Tavoit préfenté au Baptême. DeNoort
irrité contre les Infulaires , fit defcendre une partie de Tes gens , avec ordre
de mettre le feu à quelques Villages , dont les Habitans s'étoient retirés
dans les Bois. On ne trouva rien dans leurs maifons, qui font confîrui.
tes de nattes & de paille, & de la hauteur d'un homme. Les arbres
dont elles font environnées, étoient chargés de cocos, qui faifoient, appa-
remment, la plus grande partie de leur nourriture. Cependant quelques
Hollandois découvrirent, dans un endroit écarté, plus de trente mefurcsde
riz: mais n'appercevant perfonne , ils brûlèrent quatre Villages, chacun
de cinquante ou foixante maifons ( m ).
De Noort fe rappella que Thomas Candish , ayant mouillé fur la Côte de
la même Ifle, deux Canots , dont l'un portoit un des fept Seigneurs de l'iile,
étoient venus librement à fon bord. Ce Prince Barbare avoit la peau coupée
en diverfes figures , comme ceux de la Baya. L'Ide Capul efl la dernière
des Ifles Philippines. La plupart des Habitans y font nuds .& fort baza-
nés (n). Ils adorent le Diable, avec lequel Candish raconte fort naïve-
ment qu'ils ont de fréquentes conférences. „ Il fe montre à eux, dit-il,
„ fous la figure de quelque horrible Monflre (0)". ^ r'
Dans le chagrin de fe voir fi mal reçus , les Hollandois continuèrent
d'employer leurs forces, & fe crurent autorifés à commettre ouvertemen:
toutes fortes de brigandages. Ils enlevèrent, fans diftinélion, plufieurs pe-
tits Bâtimens , Indiens, Ëfpagnols & Chinois, dont ils coulèrent quelques-
uns à fond, après en avoir pris les marchandises & les vivres. Enfin, le
fuccès augmentant leur hardieffe, ils s' avancèrent , le i4<|. de Novembre, à la
pointe de la Baye de Manille. Ils y virent une grande Bouque, qui s'étend
au Nord-Eft, & qui n'a pas moins de quatre ou cinq lieues de largeur. Cet-
te Bouque fait l'entrée de la Baye; & dans cette entrée même, on trouve
une Ifle de forme longue, qui fe nomme Mirabilla, ou Merveilleufe. Plos
loin, on découvre une autre Ifle, ronde & de la forme d'un chapeau. La
Ville de Manille efl fituée huit lieues au-delà (p).
Les deux VaifTeaux ne purent s'approcher de l'Ifle Mirabilla. Ils pafle-
rent devant la Bouque, pour aller mouiller à l'Oueft de la Baye, den-iére
une pointe de terre , qui efl à douze lieues de la Ville. Le Pays y étoic
_.,. ■ ^. ., ,.- - :..,.,_ V. .. _, preique
(m) Pag. 81.
(«) L'Auteur parle d'un étrange ufage de
ces Peuples. „ Ils paflent, dit-il, un clou
,. d'éuin dan» le gland de la verge de cha-
„ que enfant mâle. La pointe du clou efl:
„ fendue & rivée, & la tête en efl: comme
„ une petite couronne. La bleffure , que ce
„ clou fait aux enfans, fe guérit fans beau-
„ coup de peine. Ils le retirent ou le re-
„ mettent à leur gré. Pour s'aflurer mieux
„ de la vérité du fait, Candish rapporte que
4, fes gens tirèrent un de ces clouz de fa
„ place & le remirent 4 un petit garçon de
„ dix ans , fils du Prince qui étoit venu 1
„ fon bord. On lui dit que cette invention
„ étoit venue des femmes , qui voyant 1«'
„ hommes fort livrés à h Sodomie, obtinrent
„ que pour arrêter le defordre , on établiroit
„ cet ufage". Pag. 82. Voyez quelque cho-
fe dauin étrange , dans la Defcription du
Pegu , au Tome XII. .
(o^Pag. 83.
(p) Pag. 90.
uES
ante, l'autre K.
oens par lefquelg
is Tello, du nom
ne. De Noort,
Eçens , avec ordre
s'étoient retirés
li font conftrui.
le. Les arbres,
faifoient, appa-
tendant quelques
rente mefures de
Villages, chacun
lié fur la Côte de
signeurs de l'IOe,
it la peau coupée
il eii la dernière
ds .& fort baza-
onte fort naïve-
re à eux, dit-il,
t.- .
lois continuèrent
;tre ouvertement
on, pluileurspe-
ulèrent quelques-
vres. Ênfîn, le
i Novembre, à la
ique, quis'éteai
de largeur. Cet-
lême, on trouve
lerveilleufe. Plus
in chapeau. La
ibilla. Ils palTe-
1 Baye, derrière
Le Pays y étoic
prefque
un petit garçon de
:e qui étoit venui
que cette invention
aes , qui voyant 1«'
i Sodomie, obtinrent
brdre, on établiwit
Voyez quelque ch»
i h Defcription dtt
. >..,«
■J. ). SiAù-v lùrcr
Vi JL JL ^ ^^ H A
PAR LE SUD-OUES T, Liv. IV.
4^3
prefque défert & fans culture. Oq réfolut, au Confeil, de s'arrêter dans
ces Parages, tantôt fous les voiles, tantôt à l'ancre; parceque, dans cette
faifon, les vents de Nord-E(l ne ceflent pas d'y fouffler, fans aucun chan-
gement. *L'Ifle Manille t que fes Habitans nomment Luçotty eft plus grande
que l'Angleterre & l'EcoiFe enfemble. Elle efl: environnée de diverfcs au-
tres Ifles , qui font aufli d'une grandeur confidérable , & qui ne fourniflent
aucunes richefles de leur propre fond ; mais elles font extrêmement fréquen-
tées des Marchands, & célèbres par leur Commerce (q). Entre divers
Bâtimens, dont les HoUandois fe faiHrent, ils traitèrent ceux de la Chine.
& du Japon (r), avec autant de douceur & de civilité, qu'ils marquoient
de rigueur pour les Espagnols. Ils pouffèrent l'infolence, jufqu'à faire re-
mettre, au. Gouverneur de Manille, une Lettre, par laquelle ils lui décla-
roient que leur deffein étoit de le vifiter dans fa Capitale. Ils avoient ap-
Sris, de quelques Prifonniers, qu'il y avoit alors à Cavité, qui eft le Porc
e cette Ville, deux grands VaifTeaux Marchands de la Nouvelle-Efpagne ; &
que les dcuxForterelfes, qui défendent ce Porc, étoient fans Artill^ie & fans
Soldats ( j). Une fi belle proye n'avoit pu manquer d'échauffer leur courage.
M A I s les Efpagnols n'étoienc pas infenfibles à tant d'outrages. Pendant
que leurs Ennemis fe repaiffoienc d'efpérance^ , ils avoienç armé ces deux
mêmes Vaifleaux, qui excicoienc leur avidité. Le Gouverneur de Manille
avoit raffemblé un Corps d'Infulaires, la plupart inftruits çte longue main à
fe fervir du moufquet & des autres armes. Il en avoit mis cinq cens fur
chaque bord , avec des Chefs de fa Ntoion, & dix bonnes pièces de fonte.
Le 14 de Décembre, les HoUandois écoienc à fe rçpofer, après quelque
nouvel exploit, lorsqu'ils virent fortir du Détroit de Manille deux voiles,
qu'ils prirent d'abord pour des Frégates^ mais à leur approche, ils les recon-
nurent pour de grands Vaiffeaiu;, qui fembloient venir dans le deffein de
portée
Amiral Hol-
, ^- .*-.-> o— Une partie
de fon Equipage fauta d un air furieux fur le bord ennemi ((). Les Hol-
landoisdefcendirent alors fous le premier pont, & les Efpagnols fe crurent
déjà Maîtres du Vaifleau; mais ils fe virent bien-tôt fi maltraités, à coups
de picques «S: de moufquets, que leur furie ne fut pas long-tems à fe rallen-
[tir. Un Hiflorien de leur Nation auroit fait apparemment le récit de ce
combat avec plus d'avantage pour leur valeur ( « ). De Noort , après avoir
fait
(0 Pag. 91.
(r) L'Àuteyr çteoâ droit ici de faire une
longue Defcription du Japon , fur le céinoigna-
|e apparemment de tes Prifonniers. Mais
on renvoyé le Leftcur, ci-deffous, à l'Arti-
cle de cet Empire.
(f)Pag. 86.
(t) Pag. III. En criant effropblement,
dit l'Auteur, ^mioa FttQs» Amaitui c'dt-
jk-dire „ amenez chiens, amenez les voiles
M & les pavillons ".
(«) Il eft trop fingulier, pour n'être pas
rapporté du moins en fubftancc. „ L'Ami-
„ rai de Manille demeura, dit -il, accroché
„ tout le jour aux HoUandois, parceque fon
„ ancre s'étoit embarraifée dans le pont de
„ cordes <jui étoit dans le mât de l'autre; &
„ l'aacre lit rompre ce pont en divers en-
droits.
Olivier ds
NoORT.
1600.
Leurs bra
vades.
Vengeance
des Efpa-
gncls.
Elle ne
tourne point
à leur avanu-
■/. ). StAl,^ Mrt^ .
viJL I, I] M JE Manuels
N 11^ X^. III»E Stad MANIJLHA
224
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
NoOBT,
1600.
I.cur Amiral
coule à fond.
Les Ilollan-
duis perdent
un de leurs
deux Vaif.
féaux.
Bornéo , Ca-
pitale de rifle
ds môme
nouu
»»
»*
»»
»i
n
fait remarquer qu'il ne lui reftoit que cinquante-cinq hommes, reprdfente
fes Ennemis , non-feulement vaincus , mais fubmergés en un inftant , & pé.
riflant au milieu des flots. A la vérité , il fait entendre que fon fccond
Vaifleau fut moins heureux : mais cet aveu même n'efl: pas clair dans fej
termes. „ Lorfque les Hollandois, dit-il, furent fous les voiles, ils dé-
„ couvrirent, à plus de deux lieues, le Vice -Amiral de Manille & |e
„ Yacht la Concorde. Jls crurent que les Efpagnols s'en étoient rendus Maî-
très, parcequ'il leur fembla que fon Pavillon, qu'il portoit au mât d'a-
vant, étoitbas, & que celui de Manille demeuroit arboré. D'ailleurs,
ils n'eftimoient pas qu'il eût été poflible au Yacht , qui n'avoit plus que
vingt-cinq hommes d'Equipage, en y comprenant les Moufles (x), J
oui étoit un Bâtiment foible, de réfifter à un Navire du port d'environ
fix cens tonneaux (y) "•
L'Amiral, dans la néceflité de fe radouber, prit fon cours vers Fille
Bornéo, qui efl: à cent quatre-vingt lieues de Manille. Le i(5 de Décembre,
il fe trouva fur la Côte d'une grande Ifle, nommée Boluton , qui n'a pu
moins décent quatre- vingt lieues de long, & qui étoit fous la Domination Ef-
pa^nole. Il fuivit cette Côte, à cinq ou flx lieues de difliance , fous la con-
duite de deux Pilotes Chinois, qu'il avoit à bord. Le 26, il entra dans li
Bave de l'Ifle de Bornéo.
La Capitale, qui porte le même nom, n'étant qu'à trois lieues de la Cô-
te, de Noort choifit un de fes Chinois pour envoyer, par fes mains, m
préfent au Roi de l'Ifle , & lui faire demander la permiflion d'acheter iet
vivres. Aufli-tôt , on vit venir à bord quantité de Pirogues , qui apportè-
rent des fruits , des poules , du poiflbn & de l'eau. Toutes ces provifionj
furent payées en toiles* Les Infulaires avoient beaucoup de paflion pour
la
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»
droits, ce quî laiflà TEquipage Hollan-
dais fort expofé. Les Efpagnols leur cn-
voyoicnt fouvent des bordées , auxquelles
ils ne manquolenc pas de répondre. De
Noort, s'étant apperçu de quelque relâ-
chement, defcendit fous le pont, & me-
naça fes gens de mettre le feu aux pou-
dres , s'ils ne redoublolent leur ardeur à
combattre. Cette menace fit fon effet. Il
y eut même des bleffés qui fe levèrent &
qui retournèrent au combat. D'un autre
côté l'Equipage Efpagnol , au lieu de con-
tinuer fes attaques , ne faifoit plus que des
efforts pour fe déborder ; ouvrage diffici-
le, tandis que les Hollandois faifoient
jouer leur gros canon. Enfin, ils fe dé-
bordèrent; mais, peu après, on les vit
couler à fond; ce qui fe fit fi vîte qu'ils
enfoncèrent prefqu'en un clin d'œil , &
que tout le Vaiffeau difparut Jufqu'aux
mâts. Alors on en vit à-peu-près deux
cens dans les flots , fans compter ceux qui
étoieat déjà noyés ov tués > tâchant de fau-
„ ver leur vie à la nage, & criant mifem
„ dia. Les Hollandois eurent à fe défciirc
„ du feu , qui avoit pris entre les deux bords
„ par la multitude de leurs propres déchu-
„ ges. Lorfqu'ils furent -parvenus à l'éteif
„ dre, ils palTèrent entre leurs Ennemis, qui
„ nâgeoient encore, & dont ils faifoient et-
„ foncer les têtes, qui paroiflbient fur I eau.
„ De Noort n'avoit perau que fept hommes ".
ibidem.
(«) Pag. III & 112.
( jl ) On ne fcait ce qu'étoient devenus les
cent quarante -fept hommes, dont les deux
Equipages étoient encore compofés quelques
mois auparavant, après que le Vai&au de
Lint eût difparu. L'Auteur n'en dit pas ua
mot.
Nota. L'Auteur dit cependant bien expreffé-
ment , que le 8 de Mars, ces cent quarante-fept
hommes compofoient les Equipages des troi?
Vaiffeaux, y compris celui de Lint, qui if
difparut que fix jours après. Voyez ci-clcffus»
tag. ziQ, &, d. £.
PAR LE S U D-OUES T, Lxv. IV.
125
les toiles de la Chine, »*' de Noort en avoit quelques-unes, qu'il avoit enle-
vées devant Manille. Mais ils rejettérent les toiles de Hollande.
Le Pilote Chinois revint le jour fuivant, avec un Officier de la Cour, &
an Chinois de Pacane, cjui avoit beaucoup de crédit auprès du Roi. Il rap-
porta que les Infulaires n étoient pas difpofés à fe fier aux Etrangers, parce-
qu'étant en guerre avec les Ëfpa^nols , ils craignoient d'être furpris par les
Vaifleaux de cette Nation. D'ailleurs, une Barque Portugaife étoit venue
donner avis au Roi, que Ijs Hollandois n'écoient rien moins que des Mar-
chands. Cependant l'Officier de Bornéo reconnut facilement qu'ils n'étoient
point Efpagnols , & promit d'en rendre témoignage au Roi. Mais il les
pria d'envoyer, à ce Prince, un homme de l'Equipage , pour le convain-
cre de la vérité par fçs propres yeux. De Noort y confentit, en retenant
des otages. Le Hollandois , qui fut chargé de cette commiiTion , reçut des
moufquets & d'autres armes, qu'il devoit préfenter au Roi, fuivant l'ufa-
ge de ride , qui oblige les Etrangers de ne pas fe montrer à la Cour, fans y
porter quelque préfent. Le Pilote Chinois fut renvoyé avec lui , pour s'in-
former des Marchands de fa Nation , s'il y avoit quelque efpérance de Com-
merce.
Mais la Nature n'a pas donné d'épiceries à l'Ifle de Bornéo. On n'y
trouve qu'une grande abondance de vivres ; du camphre , qui pafTe pour le
meilleur des Indes Orientales, mais qui ell auffi le plus cher; un peu de
noix & de fleur de mufcade, de la cire, du bois de fapan, qui fert aux
teintures, quelques diamans & beaucoup de bczoar. Les Marchands Chi-
nois, qui fe trouvoient dans l'Ifle, n'étoient pas Sujets de la Chine. Ils
faifoîent leur demeure à Patane, fur la Côte de Siam, où, fans avoir aban-
donné les ufages de leur Pays, ils reconnoifToienc l'autorité du Souverain
qui leur avoit accordé cette retraite. La plupart étoient des Bannis, oa
des Corfaires , qui , en courant le Monde , avoient pris le parti de fixer leur
établifTement dans ce lieu. Quelques-uns vinrent à bord de l'Amiral , & lui
vendirent une aflez grofTe quantité de poivre , qu'ils avoient dans la Rade.
L'En V o Y é Hollandois ne rapporta , de fa commiffion , que des civilités ,
& la permifTion d'acheter librement des vivres. Il avoit appris, par fes in-
formations, que l'Ifle de Bornéo eft une des plus grandes de toutes les Indes
Orientales; qu'elle eft bien peuplée; que, fur les Côtes, la Religion com-
mune eft le Mahométifme, mais que, dans l'intérieur de l'Ifle, tous les Ha-
bitans font Idolâtres. La Ville de Bornéo eft fituée dans un marais , & ne
contient pas plus de trois cens maifons, qui font enfermées d'une bonne
muraille de pierre. Mais on en voit un grand nombre au dehors, la plu-
part accompagnées de jardins. Le Havre eft Ipacieux , à l'abri de tous les
vents , fermé par l'embouchure d'une grande Rivière , & par une partie des
Ifles qu'il contient. II avoit été fous le pouvoir des Efpagnols , qui l'avoient
abandonné, porceque l'air y eft mal fain, & qu'ils en tiroient peu d'avanta-
ges pour leur Commerce (z).
'. . y r,:/ ;. ..r»-; • :•; .;> ,î.Vr., •„.•.•■ Les
(2) Pag. 122 & précédentes. Le Capital- Efpagnol de Manille avoit pris tant de goût
ne Cowley, qui étoit dans cette Mer, en pour les richeffes de Bornéo, qu'il avoit fait
168 5, dit, au contraire, que le Gouverneur une paix perpétuelle avec le Roi, qui l'avoit
XI F. Part, F f har-
Oumi Dc
Noo»T.
1600.
Communica-
tion dos Hol-
landois avec
les Infulaires.
f
Produftioni
de rifle ai
Bornéo.
Caraftcreg
& ufiges des
Habitans.
ÈiS
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES'
OtTVTIX Dt
NooRT.
1600.
Itcurs aunes.
Leurs fem-
mes*
I^urs habits.
Faflc des
Seigneurs.
T)angcr qui
fait lever l'an-
cre aux Hol-
kudois.
LEsHabitans de Bornéo font grands & robuflcs, intclligens, livras au
larcin, fur-tout à la pyraterie, qu ils vont exercer jufques l'ur les Cûtcs du
Pcgu, c'elVà-dire, a quatre cens lieues de leur Illc; leur armes font des é*
pées, une efpècc de bouclier, qu'ils nomment Coffos^ des lances & dcsza«
fraies d'un bois fort dur, qui ne laiffc pas de fc rompre aifément, & dont
es éclats rendent les playes incurables; des arcs, oc des longues lléchcs,
dont la pointe eft arAée de fer. Ils ont ordinairement, dans leurs car-
quois, vmgt à trente de ces flèches, frottées de poifon. Si la blcfiurc,
qu'elles font, eft fanglante, on en meurt ncccflairement. Ces Infulaires
prennent autant de femmes qu'ils en peuvent nourrir. Quoiqu'ils leur laif.
fent beaucoup de liberté , la jaloufie eft une de leurs paflîons les plus violen-
tes. Quelques • unes de ces femmes allèrent fur \c Vaiflfcau de de Noorc,
pour acheter & pour vendre ; mais la moindre liberté que les I lollandois
vouloient prendre avec elles , un fignc fculcmeiic , raettoit les maris en co-
lère. Ils paroiflbienc prêts à leur enfoncer la picque ou le javelot dans le
cœur. Les hommes à les femmes font de couleur brune, comme le relie
des Indiens. Leurs habits n'ont point de forme régulière. Ce font des
pi,èces d'étoffe, qu'ils fe pfjffent diverfement autour du corps; mais ils por-
tent un turban , d'une fine toile de coton. Les Nobles , fur-tout ceux qui
appartiennent au Roi par le fang , ou par les principales dignités , font nu-
gnifîquement vêtus, <x vivent avec beaucoup de fafte. ~Au centre de leurs
Pirogues, qui font aflez couvertes pour les défendre de l'ardeur du Soleil,
ils ont , fur une table , des vaifleaux d'argent , dans 'efquels on entretient
des parfums , & fur-tout du bétel , qu'ils mâchent continuellement. Leurs
palais peuvent pafTerpour de belles maifons, quoiqu'ils foyent de bois, éle-
vés fur des poutres n peu folides , qu'à l'approche d'une tempête , ou de
auelquc autre accident, ils peuvent être facilement trarifportés d'un côti
de la Rivière à l'autre (a). .
Quelques foupçons de perfidie obligèrent les Hollandois de faire ù
garde avec beaucoup de précautions. Un malheureux Chinois , accablé de
det»
harcelé long-tems, & qu'un des articles du
Traité étoit, que le Roi de Bornéo feroit la
guerre à toutes les Nations enneuties de l'Ef-
pagne. Foyage de Cowley, pag. 34. Le mô-
me Voyageur donne l'idée fuivante de l'Ifle
de Bornéo. „ C'eft, dit-il, une grande Ifle,
,> de figure ovale , qui s'étend depuis le qua-
„ triènie degré de Latitude Méridionale juf-
„ qu'au neuvième degré de Latitude du Nord ,
„ & qui comprend environ douze degrés de
„ Longitude. ( Ce témoignage détruit l'opi-
„ nion de ceux qui la font d'une grandeur
„ immenfe , & qui lui donnent jufqu'à deuX
p mille cent lieues de tour). Il y avoit an-
„ ciennement deux Rois , celui du Nord &
„ celui du Sud; mais le premier fut enfin
„ vaincu par l'autre, & toute l'Ifle fe vit
„ réduite en une feule Monarchie. Il y a
„ quantité de vivres & de inarchandifes de
„ valeur. On y peut trouver du girofle i
„ prix raifonnable, parcequ'on y en apporte
„ en fecret des Ifles voilines. L'Ifle a de
„ gros éléphans, des. tigrés, des panthères,
„ des léopards , des antilopes & des fangîiers.
„ Les Naturels du Pays nous apportoientda
„ poiflbn en quantité, des oranges, des 11-
„ mons, des mangues, des plantains & des
„ pommes de pin. On y trouve d'ailleurs
„ d'excellentes pierres de bezoar, du mufc
„ & de la civette ". Ibidem. Quantité de
Voyageurs Anglois & Hollandois ont parlé
de Bornéo; mais ne l'ayant guères connue
que par deux de fes Villes Marchandes, Suc-
cadana & Benjarmaffin , ils ne donnent point
des lumières fur lefquelles on en puilTe pro*
mettre une Defcription.
(a) Pag. 123 & précédentes.
PAR LE S UD-OUES T, Liv. IV.
127
s oranges , des li*
dettes, qui étoic venu les prier de le recevoir à bord, & de l'y tenir cache,
en offrant de le laifler vendre pour Efclave, dans le premier lieu où le Vuif-
feau pourroic aborder , les avertit qu'on aflembloit des Troupes aux envi-
rons de la Ville, ôc que ces préparatifs fembloient les menacer. En effet,
le premier de Janvier lôoi, leurs oblervations leur firent découvrir, der-
rière une pointe de terre, plus de cent Pirogues, dont une vint à bord avec
quelcjues lacs de poivre, fous prétexte de les troquer pour des armes. De
Noort accorda ce qu'on lui demandoi t ; mais il ne laifla paffer que deux hommes
fur fon Vaiffeau. A l'indant, on vit arriver une autre Pirogue, qui portoit
quatre-vingt hommes, la plupart cachés fous des nattes, dont ces Infulaires
fe fervent dans le befoin pour couvrir leurs Bàtimens. Ils apçorr oient un
bœuf & des fruits, qu'ils offrirent à l'Amiral, comme un prélent du Roi.
Auffi-tôt, tous les gens de la Pirogue fe firent voir, & demandèrent à mon-
ter fur le Vaiffeau, pour hiffer le bœuf & recevoir les fruits. De Noort.,
qui jugea ce préfent fufpeél , leur défendit de monter. Leur empreffcment
n'en étant devenu que plus vif, jufqu'à vouloir forcer le paffage, on ne ba-
lança point à préfenter la mèche pour faire feu. Cette menace les arrêta.
Leurs Officiers entreprirent d'expliquer le deffein de leur armement. Ils
proteflèrcnt que l'Oncle du Roi , qui ètoit aulfi fon Tuteur & fon Premier
Miniflre, n'avoit Fait affembler tant de Pirogues, que pour donner une fé-
te à fes femmes. De Noort ne changea rien à fes civilités , & paya leurs
préfens avec ufure j mais le 5, il fortit de la Baye, pour fe mettre au lar-
ge (*).
Un Champan, qui alloit du Japon à Manille, & que la tempête avoit e'-
carté de fa route, vint tomber entre fes mains. 11 fe fit amener le Capi-
taine, qui étoit un Portugais, nommé Emmanuel Louis , établi alors à Nan-
gafackif Port célèbre du Japon. On apprit de lui qu'un grand Navire HoI«
landois, qui s'étoit trouvé dans un état pitoyable, après avoir fait fauffe
route, & qui avoit perdu, de faim & de tnifère, la plus grande partie de
fon Equipage, étoit arrivé au Port de Bungo; qu'il n'y reftoit que quatorze
hommes, auxquels on avoit fait un accueil favorable; qu'ils avoient obte-
nu, non-feulement la liberté, mais encore la permiflîonde conftruire un plus
petit Bâtiment, parcequ'ils n'étoient plus en affez grand nombre, pour gou-
verner celui qui les avoit apportés ; enfin , qu'ils dévoient s'embarquer fur
leur nouveau bord , & faire voile où le Ciel voudroit le conduire. Leur an-
cien Vaiffeau étoit de cinq cens tonneaux , monté d'une nombreufe artille-
rie, & richement chargé, tant en marchandifes qu'en pièces de huit. Cette
defcription fit reconnoître, à de Noort, l'Amiral de la Flotte de Verhagen
& de Sebald de Weert (c). Il traita civilement le Capitaine Portugais. Il
acheta de lui des vivres , qu'il paya libéralement ; dans i'efpérance qu'à fon
retour au Japon , il favoriferoit les quatorze Hollandois . par de bons olfi-
ces. Il lui donna même un Pavillon du Prince Maurice , & un Paffeport.
Mais tous ces foins & les promeffes du Capitaine , ne garantirent pas ce
malheureux refle des Hollandois , du fort dont on a lu le récit dans une au-
tre Relation (rf). "- ^ , De
m Pag. 117. (d) Pag. 143.' Voyez la Relation d'A-
(c) Voyez ci-deflUs uôtre Note (j)» pag- damlz, au Toio. U.
aoo. R. d. E.
. Ff 2
OLivrn tfl
Nl'ORT.
I 60 I.
Nouvelles -
que Noort re<
çoit du iiial-
liciireux fort
d'un VailTcaa
Hollandois.
'iii
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
r~
OUVïtt DK
NOORT.
I60I.
Il fc rend à
Jourtam.
Etat de
cette Ville.
Voluptueu-
fc vieilleirc
d'un grand
Pontife Ido-
lâtre.
Naufrage
d'un très-
gtaud Galion.
Kelour de
lie Noort à
llottcrdaui.
De Noorc eut beaucoup de peine à fe dégager des Canaux d'une infinité
d'Ides , qui font répandues dans cette Mer. II fe faifit heureufemenc d'une
Jonque de Tohor, dont le Pilote étoit fort expérimenté; & par le droit du
plus fort, le retint, lui & fon fils, en leur iaiflant la liberté de fe faire fui-
vre de leur Jonque. Ce fecours le conduifît fans danger jufqu'à l'Ifle de
Java, devant Joartam^ où il jetta l'ancre. On lui doit la Defcription de
cette Ville, qui ne fe trouve dans aucun autre Voyageur (*). Elle n'eft
point enfermée de murailles. Environ mille maifons , dont elle eft com-
pofée , font toutes bâties de bois. Le lloi étoit alors à Pqffaruan , où il
faifoit ordinairement fa réfidence. C'étoit le même Prince , qui , cinq ans
auparavant , tenoit Balambuam affiégée , lorfque les premiers Vallfeaia
Hollandois avoient pénétré dans les Indes (/). Il avoit pris cette Ville,
& détruit toute la race Royale. Ses conquêtes l'avoient rendu Roi de Sur-
baia , Joartam , Paffaruan & Balambuam.
Le Grand Pontife des Idolâtres {g) de l'Ille réfidoit à Joartam. Il avoit
une Maifon de Campagne aflez loin de la Ville. Son âge étoit de cent
vingt ans ; ce qui ne l'empêchoit pas d'entretenir plulieurs femmes , pour
foûtenir fa chaleur, & le nourrir de leur propre lait. Il étoit ennemi des
Chrétiens. Mais le Roi les laiflbit en liberté dans les Terres de fa dépen-
dance , çarcequ'ils y apportoient beaucoup d'avantages. Il ne levoit même
aucun tribut fur eux Çh).
Après avoir palTé quelques jours dans cette Baye, les Hollandois remi-
rent à la voile. Le 5 de Février , ils découvrirent un grand Navire , échoué
fur des rochers. Un Portugais, qu'ils avoient reçu à Joartam , leur dit que
c'étoit le grand Galion de Malaca, du port de mille à douze cens tonneaux,
& de fix à fept cens hommes d'Equipage. On voyoit encore quelques Ma-
telots fur les ponts. Cet énorme Bâtiment avoit été armé pour l'Ifle d'Am-
boine , où les Infulaires avoient rais le Siège devant le Fort Portugais. Il
devoit pafler d'Araboine à Banda, pour fortifier fi parfaitement ces deux
Ifles, qu'elles fuflent inacceflîbles aux Etrangers, & fe rendre enfuite aux
Moluques , pour s'en aiTurer aufiî. Mais le naufrage avoit fait évanouir de
fi grands delFeins (i).
La navigation ae de Noort, jufqu'au26 d'Août, qu*il rentra dans Rot-
terdam (ifej, n'offre que des événemens communs, qui ne diftinguent plus
un Voyage de mémoire immortelle. C'efl la qualité que fon Editeur lui
donne, à titre de troifième Voyage autour du Monde, & de première ten-
tative des Hollandois , pour s'ouvrir un chemin aux Indes Orientales, par
lesMers duSud (/) (ot). .. v.^..-*. .......
(e) Voyez le Tome X. pag.156. Rîd.E.
(/) Voyez le premier Voyage des Hollan-
dois , au Tome X. de ce Recueil.
{g) L'Original dit des Indiens; & en effet
Ton fçait que la plupart des Habitans de l'Ifle
de Java font Mahométans. Voyez le Tome X.
R.d.E.
(6) Pag. 12g. .- .
' (OPag. 12p. :. ,. .
(*) Pag. 130,
(/) On renvoyé ci-deflbus., â l'Article Je
le Maire, des obfervations plus récentes fut
le Détroit de Magellan, pour reftifier celles
de de Noort.
(»n) On peut reftifier ces dernières lignes,
fur quelques-unes de nos Notes précédea-
tes. R. d.£.
Navi0isn
P A R L E s U D-0 U E S T, Liv. IV. 22^
Navigation Jtujlrale^ ou Voyage de Jacques le Maire ^
, pour la découverte d'un ncmveau pajjage ^ au Sud du
Détroit de Magellan.
TANDIS que les Hollahdois ne fe virent difputer le paflage du Détroit
de Magellan , que par les Efpagnols , diverfes Compagnies , formées
dans plufieurs Villes de leurs Provinces , fuivirent heureufement cette rou-
te fur les traces d'Olivier de Noort (a). Mais les Etats mêmes de Hol-
lande (b) ayant accordé, à la Compagnie générale des Indes, de nou-
velles Lettres , qui portoient défenfe à toutes ies autres de pafler par ce
Détroit pour aller aux Indes , ou dans quelque autre Pays qu'on pût décou-
vrir, ou qui fût déjà découvert, un Marchand , nommé Jacques le Maire ic)^
originaire d' Amiterdam , quoiqu'établi dans la petite Ville d'Egmont , em-
ploya toutes fes réflexions à trouver quelque nouvelle voye, fans nuire au
privilège exclufif de la Compagnie générale.
Il avoit eu plufieurs entretiens avec Guillaume CornelifziS'cy&ottf^w, homme
exercé dans la Marine , qui avoit fait trois fois le Voyage des Indes Orienta-
les, & qui en avoit parcouru toutes les Régions , en qualité de Pilote, de Com-
mis & de Capitaine. Schouten , confervant fon ancienne ardeur pour les
Voyages de long cours , fit comprendre à le Maire, qu'il y avoit fans dou-
te une autre voye, que celle de Magellan , pour entrer dans la Mer du Sud ,
& que cette voye n'étant pas comprife dans la défenfe des Etats , il devoit
être permis d'y pafler. D'ailleurs ils fe flattèrent tous deux de pouvoir
découvrir de nouveaux Pays , d'y faire un gros Commerce , & de ramener
leurs Vaifleaux chargés de précieufes marchandifes. Le Maire s'attribua,
ià-deflus , d'importantes connoiflances. Il conclut que fi l'entreprife man-
quoit de fuccés , on pourroit pafler furtivement par l'ancien Détroit, & fe
rendre parla Mer du Sud aux Indes Orientales; Voyage dont il y auroit
toujours beaucoup de profit à tirer. Enfin ces deux fages Marchands réfo-
lurent de pénétrer dans la partie Aufl:rale du Monde, qui étoit encore in-
connue, au Midi du Détroit de Magellan; & de chercher un nouveau paf-
fage dans la Mer du Sud, en fe conduifant par diverfes obfervations qu'oa
avoit faites aux environs de ce Déti-oit. Parleur Charte partie, ou leur
Traité , le Maire devoit fournir la moitié des fraix du Voyage , du Vaif-
feau & de la Cargaifon ; & Schouten , fe chargeant de l'autre moitié avec
le fecours de fes amis , prenoit encore fur lui les foins de l'équipement &
des préparatifs. Bien-tôt on vit entrer dans leurs vues plufieurs perfonnes
d'une
Introduc-
tion.
Le Maire
eft inftruit
par Cornclifjl
Schouten.
%
(0) Depuis Olivier de Noort jufqu'â ce
Voyage, perfonne ne pafla le Détroit que
George Spilberg, en i6i5;& d'ailleurs la réu-
nion de toutes les Compagnies s'éÇoit faite
dès le commencement de 1602; c'eft-à-dire
l'aoïKie après le retour de de Noort en Hol-
lande. R.d.£.
( 6 ) Les Etats Généraux. Voyez le Tome X.
pag. 77. R. d, E.
( c ) Autre erreur ; le projet fut formé par
JJâc, & exécuté par Jacgucj fou fils. R.d.£.
Ff 3
,«30
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Introduc-
tion.
Chercheurs
d'or , ou Com-
pagniL'Auflra-
le.
Le Maire.
1615.
Départ.
Etrange ac-
cident , caufé
par un mon-
tre marin.
d'une confidération diftinguée, qui prirent entr'eux la qualité de Direct
teurs , & dont le crédit leur fit raflembler de grofles fommes ; mais fans
déclarer , à ceux qu'ils aflbcioient , le motif de l'entreprife , & la nature de
leurs efpérances. Ils équipèrent, à Horn, deux Bâtimens, dont le plus
grand , nommé la Concorde , étoit dif port de trois cens foixante tonneaux.
L'autre fut un fimple Yaclit. Schouten, qui entendoit la Navigation , prit
la qualité de Maître ou de Commandant du premier, & le Maire (d) fe
réduifit à celle de Commis. Ils avoiant, à bord, foixante-cinq hommes
d'Equipage , vingt-neuf pièces de petit canon , douze pierriers , des mouf-
quets & des munitions de guerre , deux Chaloupes , l'une à voile , «Se l'au.
tre à rames , une Barque & un Canot , & double provilion de toutes for-
tes d'agrets.
Comme leur deffein ne cefla point d'être un myftère pour le Public, la
principale condition de l'engagement, pour les Officiers & les Matelots, fut
d'aller où le Capitaine jugeroit à propos de les conduire. On parla différetn.
ment d'une fi fingulière entreprife , & le Peuple donna aux Incérefles le
nom de Chercheurs d'or. Mais les Direfteurs s'attribuèrent le titre de Com-
pagnie Aujfrale (e). Rien ne reflembloit mieux à ces premiers Voyages
de Gama & de Magellan , qui avoient été entrepris avec de grands motifs
& beaucoup de confiance, mais fans objet certain, fans clarté dans les
lumières , ians relTource dans les fâcheufes fuppofîtions ; en un mot , com-
me au hafard. Auffi l'agrément de ce Journal ne conliftera-t'il, que dans
une grande variété de nouvelles images. Il fut compofé par Arïs Claefz^
Commis du Yacht, fur fes propres obfervations & fur celles des autres
Chefs.
Ce fut le 14 de Juin 1615, que les deux Bâtimens firent voile duTexel.
Leur route n'eut rien de remarquable jufqu'au 5 d'Oélobre, que fur le mi«
di , à la hauteur de quatre degrés vingt-fept minutes du Nord , on enten-
dit un grand bruit à l'avant de la Concorde. Le Pilote, jettant les yeus
autour de lui , vit l'eau toute rouge de fang. Son étonnement fut extrême.
Mais on découvrit , dans la fuite , que c'étoît un monllre marin , dont la
corne avoit donné dans le bordage , avec tant de violence qu'elle s'y étoit
rompue. Lorfque le Vaifleau fut mis en carène, au Port du Dejir, on vit
à l'avant, fept pieds fous l'eau, une corne fort enfoncée, à-peu-près de la
figure & de l'épaifTeur d'une dent d'éléphant, qui n'étoit pas creuie, mais
parfaitement remplie , & d'un os fort dur. Elle avoit pénétré au travers
des trois bordages, jufques dans l'éguillette, c'efl-à-dire, plus d'un demi-
pied dans l'épaifTeur du Bâtiment (/).' Le fang étoit forti de laplayeavec
affez d'abondance , pour teindre l'eau dans un grand efpace.
Le 20 du même mois, on palFa la Ligne. Les Equipages ignoroient
encore
(i) CcM-iWrc Ja..^u.s. R.d.E.
(e) Journal de h Navigation Auflrale de
Jacques le Mairt & Willem Cornelifz Schou-
ten , dans le Recueil de la Compagnie Hol-
landoife, Tome IV. pag. 570 & précédentes.
(/) L'Auteur obfcrve que ce fut un grand
bonheur, qu'elle eut donné droit dans l'd-
guiliette qui étoit fur le ferrage; car fi elle
étoit paflëe entre deux éguillettes, & qu'elle
n'eût rencontré que les trois bordages , clic
y eût fait apparemment im grand trou, qui
auroit cxpofé le Vaifleau à périr. Pag. 574-
'<■
f A R L E SU D-0 U E S T, Liv. IV.
231
«ricore l'intention 4e leurs Ghefe. Mais le 25, Schoucen fit la ledliire d'un
ordre delà Compagnie, „ portant que les deux Vaifleaux chercheroient
un autre palTage que celui de Magellan, pour entrer dans la Mer du Sud
„ &pour y découvrir certains Pays méridionnaux, dans l'efpérance d'y
„ faire d'immenfes profits ; & que fi le Ciel ne favorifoit pas ce deflcin ,
„ onferendroit par la même Mer aux Indes Orientales (^)". Tout le
inonde reçut cette ouverture avec des tranfports de joye, & chacun fe
flatta de participer aux avantages d'une grande entreprife.
Le 6 Décembre, à la hauteur de quarante-fept degrés trente minutes,
on eut la vue des Terres. C'étoit une Côte blanchâtre, qui paroiflbit peu
élevée, & qu'on reconnut pour celle du Port Defiré, ou du Defir. Après
avoir pafl^é la nuit à l'ancre , on courut le lendemain au Sud jufqu'à midi.
On étoit alors à l'entrée de la pafle ; mais comme on s'avançoit dans le
fort de la marée, les rochers, donc parle Olivier de Noort, & qu'il faut
laiffer au Nord, pour entrer dans ce Havre, fe trouvoient couverts d'eau.
On en découvroit quelques-uns au Sud , qu'on prit mal-à-propos pour les
autres, & l'on courut plus au Sud , pour les éviter. Cette manœuvre écar-
ta ies deux Vaifleaux de la véritable pafle, & les fit entrer dans une Baye
qu'on ne cherchoit pas , où l'on mouilla fur quatre braflcs & demie d'eau ;
mais après la marée , il n'en refta que quatorze pieds ; & la Concorde ayant
touché de l'arrière fur un fond de roches , fon naufrage étoit certain , fi la
Mer n'eût pas été calme , par la faveur d'un vent de l'Ouefl:. On trouva,
dans cette Baye , quantité d'œufs fur les roches , de fort belles moules, &
dive: fes fortes de poiflbn , fur-tout des éperlans de la longueur de douze
pouces , qui firent donner à ce lieu le nom de Baye des Eperlans. Une Cha-
loupe s'étant avancée vers les Ifles des ^inguins, qui font à deux lieues
Efl:-Sud-Efl: du Port Defiré , en apporta deux lions marins & cent cinquante
pinguins. Ces lions , qu'Olivier de Noort a décrits avec admiration , font
ici repréfentés un peu différemment. Leur grandeur efl: celle' d'un petit
cheval. Ils ont la tête d'un lion, avec une crinière épaifl^e & rude. Leurs
femelles font fans crinière, & paroiffent de la moitié moins grofles que les
mâles. On éprouva, comme Olivier de Noort, qu'il n'efl: pas facile de les
tuer. Cent coups de levier & de pinces de fer , qui leur faifoient rendre
le fang par la gueule & par le nez, ne les empèchoient pas de fuir & de fe
fauver dans les flots. Il fallqit les atteindre de plufîeurs balles de moufquet,
foui la gorge ou dans la tête (h).
Le 9, au matin, on s'avança jufqu'à l'Ifle qu'Olivier de Noort avoît nom-
mée lljîe du Roi. Quelques Matelots defcendus au rivage trouvèrent la
terre prefqu'entièrement couverte des œufs d'une efpèce particulière de
mouettes. On pouvoit étendre la main dans quarante-cinq nids , fans chan-
ger de place ; & chaque nid contenoit trois ou quatre œufs , un peu plus
gros que ceux des |vaneaux (f). Le 10, la Chaloupe s'étant rendue de
l'autre côté pour chercher de l'eau , on creufa quatorze pieds fans pouvoir
trouver que de l'eau faumache, fur les montagnes comme dans les vallées.
Oa vit des autruches, & des animaux aflez femblables à des cerfs, qui a-
voient
Le Mairs.
16 15. ,
Les Equi-
pages font in-
fo imcs du
liellcin lies
Cliefs.
On arrive
au Port du
Defir.
On manque
lapaffc.
Baye qu'on
nomme des
Eperlans.
Lions QiaiinSt
Prodigieufe
multitude
d'œufs d'oi-
feaux. ,
U) Pag. 555.
(ft) Pag. 580.
C 0 Pag. 578.
»3a
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Le Maire.
i6i6.
Squelettes
humaips d'on-
ze pieds de
long.
Terres que
les IloUandois
découvrent.
Baleines à
milliers.
Découverte
de la Terre
des Etats & de
celle d" Mau-
rice de NaiTau.
voient le cou prefqu'aufli long que le refte du corps , & qui parurent extrê-
mement farouches. On trouva, fur une montagne, des monceaux de pier-
res, qu'on eut la curiofité de remuer, & fous lefquels on vit des fquelettes
d'hommes , qui avoient dix & onze pieds de long. Pendant qu'on travail-
loit d'un autre côté à caréner les deux Vaifleaux , le feu prit malheureure-
ment au Yacht, & s'étendit fi promptement aux manœuvres, qu'il fut im-
poflible de l'éteindre. Ainfi les Hollandois fe trouvèrent reflerrés, dans le
leul Bâtiment qui leur refloit.
[Le 10 de Janvier 1616 , le Navire remit à la voile ; mais le vent de Mer
l'ayant obligé de revenir mouiller près de l'Ule des Lions, il n'en fortit
que le 13 , pour prendre le large. ]
Le 18, on laifla les Ifles de Sebald à trois lieues au Sud-Eft, & l'on fe
trouva, vers midi, à la hauteur de cinquante-un degrés. La navigation
fut tranquille jufqu'au 24. On avoit gouverné au Sud quart de Sud-Oueft.
Le matin du 24, après avoir vu les Terres du côté droit, à la diftance d'une
lieue, on trouva fond fur quarante brafles. La Côte couroit à l'Efl: quart
de Sud-Efl , & préfentoit de hautes montagnes , couvertes de neige. Vers
midi, on en trouva le bout ; mais on en découvrit une autre à l'Efl, qui
parut aufli fort élevée. On jugea que la diftance, entre ces deux Côtes,
pouvoit être d'environ huit lieues , & qu'il y avoit un paflage entre deui.
Cette opinion fut confirmée par la vue des courans , qui portoient au Sud
dans cet efpace. A midi , on fe trouvoit à cinquante-quatre degrés quaran-
te-fix minutes. Un vent de Nord porta légèrement le Navire Hollandois
vers l'ouverture. Mais fur la brune, il fut pris d'un calme; & pendant
toute la nuit, il ne fut porté que par les courans. On vit des milliers de
baleines , qui mirent l'Equipage dans la nécelTité de courir des bordées &
de faire d'autres manœuvres pour les éviter.
Le matin du 25 , on fe trouva proche de la Côte la plus orientale , qui
étoit fort haute & fort entrecoupée, & qui, du côté feptentrional , couroir
à l'Efl-Sud-Efl, autant que la vue pouvoit s'étendre. On lui donna le nom
de Tene^ des Etats ( * ) ; & celle qui étoit à l'Ouefl , fut nommée Maurkt
de Nqffau. Schouten & le Maire fe flattèrent ici de trouver de bonnes Ra-
des & des Bayes de fable , parceque des deux côtés on voyoit des rivages
fabloneux. Le poifTon , les pingulns , & les chiens marins y font en abon-
dance ; mais on n'y découvre point un arbre. On avança beaucoup au Sud-
Sud-Ouefl:, avec un vent de Nord. On étoit à cinquante- cinq degrés tren.
te-fix minutes; d'où gouvernant au Sud-Oueft, on remarqua que la Côte
méridionale de l'ouverture, depuis l'extrémité occidentale du Pays de Mau-
rice de NafTaii, couroit à rOuen:-Sud-Ouefl& au Sud-Ouefl, & qu'elle ne
cefToit pas d'être haute & entrecoupée (/).
Vers lefoir, lèvent s'étant rangé au Sud-Ouefl, les lames furent très-
grolTes pendant la nuit, & l'eau fort bleue; ce qui fît conclure quecepa-
rage étoit d'une extrême profondeur. On ne douta point que ce ne fût la
grande Mer du Sud, & qu'on n'eût heureufement découvert un paflage
ignoré
(k") Cette Terre a été reconnue depuis (/) Pag. 582. & précédentes,
pour une Ille. R, d. E.
PAR LE SUD-OUEST, Liv. IV.
«31
ignore jufqu'à ce jour (m). Bientôt il ne put en refter aucun doute. On
vit des yeans de Genten d une grandeur extraordinaire , c'efl-à-dire , des mouet-
tes de Mer, qui avoient le corps aufli gros que des cygnes , & dont chaque
aîle étendue n avoit pas moins d'une brafTe de long. Elles venoient fe per-
cher fur le Navire, & fe laiiToient prendre par les Matelots (n).
Le 2(5, à la hauteur de cinquante-fept degrés, on efluya une grofle tem-
pête du Sud, qui dura vingt-quatre heures, pendant lesquelles on mit à la
cape, fans cefler de courir au Sud. La haute Côte fe montroit toujours au
Nord Oued. On y tourna la proue; & le 27, à midi, on étoit à cinquan-
te-fix degrés cinquante-une minutes. Le froid étoit extrême. Il tomba des
nuées de grêle. Le matin du 29, après avoir couru au Sud-Ouefl:-, on dé-
couvrit deux Ifles à l'Oueft-Sud-Oueft. On en approcha vers midi. Ce-
toient des rochers gris & arides , à cinquante-fept degrés de Latitude du
Sud. Ils furent nommés Olden-Bameveîd , du nom du grand Pendonnaire de
Hollande. On fuivit alors rOueft-Nord-Ouefl; & fur le foir on revit les
Terres , au Nord-Oueft & au Nord-Nord-Oueft. C'étoient celles qui font
au Sud du Détroit de Magellan , & qui continuent de s'étendre dans la
même direélion. On n'y appercevoit que de hautes montagnes couvertes
de neige , qui fe terminent par un Cap fort pointu, qu'on nomma le Cap
de HQrn{o), à cinquante-fept degrés quarante-huit minutes. De-là, on
tourna les voiles à l'Oueft, à la faveur d'un courant fort rapide. Le 30,
on fuivit la même route avec les mêmes courans. L'eau étoit bleue , &
la Mer toujours grofle ; ce qui redoubla refpérance de trouver le paflage
qu'on cherchoit. Le refle du jour & le lendemain , les vents furent varia-
bles. A cinquante-huit degrés on avoit doublé le Cap de Horn , & les
Terres avoient difparu. Les lames rouloient de l'Ouefl: , & l'eau conti-
nuoit d'être fort bleue. On fe crut plus certain que jamais d'être entré
dans la Mer du Sud, & de n'avoir plus de Terres à la proue* , « ^î, ^ ;
Le 3 de Février, à midi, on étoit à cinquante-neuf degrés vïngt-cinq
minutes. On ne découvrit point de Terres , & l'on ne vit aucune marque
qu'il y en eut au Sud. Les deux Chefs de cette heureufe expédition ne
"balancèrent plus à faire célébrer leur découverte, par une Fête publique.
Le même jour, après une délibération du Confeil, ce paflage, trouvé avec
tant de bonheur ^ entre le Pays de Maurice de NaflTau & la Terre des E-
tats , fut nommé Détroit de le Afaùr; quoiqu'il y eut peut-être beau-
coup plus de juflûce à lui donner le nom de Schouten , qui étoit revêtu du
Commandement, & dont l'etpérience avoit eu tant de part au fuccès du
Voyage (p).
Pendant le tems qu'on avoit employé au paflage de ce nouveau Détroit,
on avoit eu, prefque fans cefllî, une Mer agitée, des pluyes, d'épais brouil-
lards,
Lb Maiu*
16 16.
Prodigicufel
mouettes.
(m) On trouvera, ci-deflous, dans d'autres
Articles , des obfervations plus récentes fur
ce paffage.
(»j) Pag. 582. . .
( 0 ) Ce mot fignifie Corne. '
Nota. Cette fignificatlon eft Jufte; mais U
XIV, Paru
Ifles de Bar-
neveld.
DtScouverte
du Cap de
Horn.
Les Hollan»
dois croyent
toucher au
nouveau paC-
fage.
Ils le trou-
vent, & le
nomment Dé-
troit de le
Maire.
faut fe fouvenir que les Direfteurs étoient de
Htorn , Ville de la Nord-Hollande , à l'honneur
de laquelle fon nom fut donné à cette extré-
mité de l'Amérique Méridionale. R. d. E.
(p>Pag. 584.
m
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Le MAtRK.
1616,
Iflesdejuan-
Fcriiaiidcz.
Leur
icfcripti(Ç>n.
.:< ., . 1.
Les Hollan-
dois paflent
pour la fccon-
de fois le Tro-
pique du
Capricorne.
Vents alifés
de l'Iift.
lards , & beaucoup de grêle & de neige. Mais la joye du fuccès , & l'efpé*
ranpe d'en recueillir bien- tôt le fruit, infpirèrent aux Hollandois une con«
fiance à l'épreuve.
Les jours fuivans , on courut au Nord jufqu'au 23 , qu'on trouva les vents
alifés du Sud , à quarante-fix degrés trente minutes. On fit beaucoup de
chemin, avec un vent de Sud & de Sud-Sud-Eft. Le 28, de l'avis des
quatre Pilotes, qui aflTiflèrent au Confeil, on prit la réfolgtion d'aller relâ.
cher aux Illçs d& j^mn-fernandez^ pour y rafraîchir l'iîquipage, qui étoit
attaqué du fcorbut ; & le premier de Mars , on eut la vue de ces Ifles au
Nord- Nord- Eft. Elles font au nombre de deux. Leur fituation efl à tren-
te-trois degrés quarante-huit minutes , & leur terrain affez haut (q). La
plus petite , qui eft: la plus occidentale, eft aride & ftérile. On n'y voit
que des rochers & des montagnes fans verdure. La plus grande eft aulj]
montagneufe , mais couverte d'arbres , & .naturellement fertile. On y
trouve beaucoup de bétail , tel que des porcs & des chèvres ; & le long de
la Côte, une prodigieufe quantité de poifTon. L'Auteur ohferve, pour
i'inftruftion de ceux qui feront la même route, qu'on fit une très-grande
faute de mettre le cap fur la Côte occidentale- de l'Jfle, au-lieude courir
fur la Côte orientale pour entrer dans la Rade, qui eft à la Pointe méri-
dionale de la plus grande des deux Ifles. En faifant le tour par l'Oueil,
çn tomba dans le calme, comme il arrive prefque toujours le long d'une
Côte élevée, & l'on fe vit dans TimpolTibilité d'avancer jufqu'au lieu où
l'on avoit efperé de jetter l'ancre. Une Chaloupe, qu'on y envoya, trou-
va, fur trente & quarante brafTes, & fort proche de Terre, un bon fond
de fable, qui change tout-d'un-coup à trois brafTes , & qui fait un mouil-
lage excellent ( r ). Les Matelots rapportèrent qu'ils avoient vu une belle
vallée, couverte de verdure , beaucoup de belles eaux, qui couloient des
hauteurs, quantité de chèvres fur la montagne, âc d'autres bêtes qu'ils n'a-
voient pu diftinguer dans l'éloignement ; & qu'à peine l'hameçon étoit jette
dans la Rade, que le poifTon y mordoit, fur-tout le Corcobado & les Brémtu
On les renvoya dans Tlfle, pour lachafTe & la pêche. La multitude des
buiflbns & des ronces ne leur laifTa que la vue des chèvres «Sf des porcs;
mais ils prirent, en peu de tems, deux tonneaux de poifTon du meilleur
goût ; feul avantage qu'on tira de TIfle , & qui ne confola pas beaucoup
les Malades. Le n, on pafTa, pour la féconde fois, le Tropique duCâ«
pricorne, en gouvernant au Nord-Oueft, avec un bon vent. Enfuite on
trouva les vents alifés del'Eft & de l'Eft-Sud-Eft. Le 15, à dix-huit de-
grés, on changea de route; & courant à l'Ouçft, on apperçut quantité
d'oifeaux, fur-tout des Queues de flèches, qui ont le corps aufli blanc que
la neige, le bec rouge, Ta tête rougeâtre , avec des queues blanches fen-»
dues, d'environ deux pieds de longueur.
Cependant la moitié de l'Equipage fe trouvoit infe6lée du fcorbut; &
le Capitaine du Yacht en étoit mort (s). On faifoit des vœux ardens pour
la
((j) On en verra une Defcription plus agréables. - •(
exafte, & de nouvelles découvertes, ci-def- (r) Pag. 586. ' ' '
fous, dans le Journal à'Anfon, au Volume {s) C'étoit le frère de Schouten, (^
fuivant. Ces comparaifons doivent paioicrc inontoit la Concorde. R. d.£.
TAR LE SUD-OUES T, Lit. IV.
435
Chiens.
]a rflede la Terre. Le 10 d'Avril , on découvrit une Ifle fort bafle & de Li Mai»i»
& de l'eau de 16 1 6,
'une feule bordu-
Chiens, parcequ'on
crut y avoir apperçu trois de ces animaux , qui n'aboyèrent point , & qui
ne jeccérent aucun cri , efl à quinze degrés ; & fuivanc l'etlimation des Pi-
lotes, à neuf cens vingt-cinq lieues de la Côte du Pérou. Les brifans y
font fort impétueux (t).
Le vent ayant commencé à fouffler du Nord, on courut à l'Ouefl:, dans Ifle fans nom.
l'efpérance de rencontrer les Ifles de Salomon. Le 14, on découvrit au
Nord'-Oueft, une grande Ifle fort baffe. Vers le foir on n'étoit pas à plus
d'une lieue de la Terre, lorfqu'on vit venir un Canot monté de quatre In-
diens, nuds & peints de rouge , à l'exception de leurs cheveux , qui étoient
noirs & tort longs. Ils s'approchèrent du Vaiffcau, à la ponée de la voix,
invitant les Hollandois par des cris & des fignes , à "defcendre au rivage.
Mais , comme on ne put les entendre , & qu'en approchant de l'Ifle on ne
trouva point de fond ni de changement d'eau, l'ans compter que la Côte
étoit couverte d'un grand nombre d'Infulaires, dont on ignoroit lesr difpofi-
tions , on prit le parti de s'éloigner. Cette Ifle eft fort longue , mais elle
a peu de largeur. On y voyoït quantité d'arbres, qu'on prit pour des pal-
miers & des cocotiers. Sa hauteur efl de quinze degrés quinze minutes , &
fon rivage parut de fable blanc (v).
Après avoir fait, pendant la nuit, environ dix lieues au Sud-Sud-Ouefl; , Ifle fans fonct
on fut furpris, le matin, de fe trouver fort près d'une Côte, où l'on vit
encore plufieurs, hommes nuds (x). Trois d'entr'eux partirent dans un Ca-
not, & s'approchèrent de la Chaloupe. Ils y furent traités avec tant de -;
douceur, qu'un des trois eut la hardieffe de monter fur le-Vaiffeau : mais , î
au-tieu de prêter l'oreille aux difcours des Hollandois , il fe mit à tirer les '^
doux des petites fenêtres d'une cabane} & fon adreffe parut extrême à ■ '*
les cacher dans fes cheveux. Les deux autres , tournant autour du Vaif- Puîion dc«
feau, tiroient de toute leur force les grandes chevilles, •& s'irritoient de ne ï"f"'^i''es
pouvoir les arracher. On jugea qu'ils n'avoient d'eftime que pour le fer. cloux.'^^*
Ils étoient peints du haut en bas, de diverfes figures, qui fembloient repré-
fenter des ferpens, des dragons, & d'autres objets monftrueux. Le fond
de la couleur étoit bleu , tel que celui qui refl:e d'une brûlure , caufée par
de la poudre à canon. On leur verfa du vin , dans leur Canot ; r^iis , après
l'avoir bû, ils refufèrent de rendre la coupe. Cependant, comme ils n'a-
voient pas donné d'autre marque de férocité , on envoya la Chaloupe au ri-
vage, avec quatorze hommes , dont huit étoient armés de moufquets, &
fix de grands fabres. A peine eurent -ils touché la Terre, que trente de
ces Barbares, fortant d'un bois avec de grolFes maflues, entreprirent de
leur arracher leurs armes , & de tirer la Chaloupe à fec. Ils s'étoient déjà
faitis de deux Hollandois , qu'ils s'efforçoient de traîner dans le bois. Mais
les Moufquétaires tirèrent fur eux trois coups , qui en blefférent quelques-
. ' ■■ uns
(t) Pag. 589 & S90. , ^ Ifle que la précédente, qui eft fort longue.
(v) P. g. 591. " R. d. ii.
(x) Il paroit que c'étoit encore la même
Gg a
Violence
dont ils foni
punis.
. s, 4
as^
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
X.t Mairb.
l 6 i 6.
me de Wa-
terland.
Ide des
Mouches.
Mauvaife
fitttation des
Hollandols.
uns mortellement , & qui firent prendre la fuite aux autres. Avec ienrs
maffues , ils portoient une autre arme, dont le bout paroiflbit garni de
branches, ou d'épines. Ils avoient aufli des frondes, avec lefquelles iU
lançoient d'afTez çrofles pierres, dont ils ne bleflerent néanmoins perfonne.
On ne leur vit i)omt d'arcs & de flèches. Quelques femmes, pouffant dé
crands cris, prirent à la gorge ceux qui paroiflbient difpofés à tenir ferme,
Les Hollandois s'imaginèrent qu'elles vouloient les dérober au péril, <1 jg}
forcer de fe retirer (y).
Cette Ifle fut nommée YJJle fans fond ^ parcequ'on n'en trouve point fur
Tes bords. Sa hauteur efl: de quinze degrés , à cent lieues de 1 ifle des
Chiens. Le rivage étoit planté de palmiers ; mais l'intérieur de l'Ifle pa-
roiflbit couvert d'eau. Une Terre A ingrate &. des Habitans fl fauvages
firent prendre aufli-tôt le large aux HoUandois, malgré les gémiflemens de
leurs Malades. Ils trouvèrent la Mer aflez unie , & fans brifans ; ce qui
leur fit juger qu'il y avoit , aflez proche, d'autres Terres au Sud. Le ma-
tin du i6, ils eurent la vue d'une autre Ifle au Nord, dont ils s'approchè-
rent avec de meilleures efpérances. Us n'y trouvèrent pas plus de fond
3u'à la précédente , & le milieu en étoit aum fubmergé. Elle étoit bordée
'arbres , qui n'étoient ni des palmiers , ni des cocotiers. Les Matelots de
la Chaloupe , ç[ui allèrent fonder jufqu'au rivage , n'apperçurent point
d'hommes; mais ils découvrirent, aflez proche du bord de la Mer, une
mare d'eau douce , d'où les brifans ne leur permirent pas d'emporter plus
de quatre barils. Us fe fournirent, plus heureufement , d'une forte d'herbe
Î[ui avoit le goût du creflbn , & dont on fit cuire une pleine chaudière, qui
oulagea beaucoup les Malades. Cette Ifle efl: à quinze lieues de celle
qu'on venoic de quitter. On lui donna le nom de JVaterland^ ou Pays d'eau.
Le matin du i8, on découvrit encore une Ifle baffe, au Sud-Ouefl , à
vingt lieues de la précédente, & l'on y trouva fond fur vingt, vingt -cin^
& quarante braflTes, près d'une pointe, fous laquelle un banc étroit s'avan*
ce en Mer, & paroît finir à la portée du moufquet. Ceux qui defcendirent
au rivage, n'eurent i)as peu de peine à traverfer les brifans. Us entrèrent
aflez lom' dans un bois , d'où la vue de quelques Sauvages les fit retourner
promptement à bord. Mais ils furent fuivis d'une légion de mouches, qui
s'attachèrent , avec une étrange opiniâtreté, à leurs vifages & à leurs
mains. La Chaloupe même & les rames en étoient couvertes. On ne pue
s'en délivrer pendant quatre jours ; & l'on ne dût la fin de ce tourment ,
qu'à un vent frais , qui les fit difparoître en un inflant. On ne manqua
point de donner, à flfle, le nom aJJle des Mouches.
Outre les ravages du fcorbut, le befoin d'eau commençoit à fe faire
fentir fi vivement, qu'on étoit réduit à tendre des linceuls & des. voiles,
pour raffembler l'eau des moindres pluyes. Le 23 , à quinze degrés qua-
tre minutes, le Vaiffeau eut beaucoup à fouffrir d'une grofïe Mer, dont les
lames rouloient du Sud, quoique les vents fuffent du Nord-£fl, & parti-
culièrement de l'Eft & de l'Efl quart de Sud-Eft. Quelques-uns fe perfua-
dèrent que la Terre Aufl:rale, qu'on çherchoit, étoit encore à deux cens
. cin-
(y) Pàg. S93>.
PAR LE S UD-OU E S T, Liv. IV.
•937
cinquante lieues devant eux. Le jour d'après & le 25, les lames continuè-
rent de rouler du Sud; comme elles roulent ordinairement du Nord-Oueil*
dans la Mer d'Efpagne (z). Le 3 de Mai, en courant à TOuefl:, vers
a uinze degrés trois minutes, on vit, pour la première fois, des dorades
ans la Mqt du Sud. Suivant le calcul des Pilotes , on étoit alors à mille
cinq cens dix lieues des Côtes du Pérou & du Chili; immenfe éloignement,
dans une Mer (1 peu connue. Les Malades fe livroient au defcrpoir. £n>
fin, le 9 à midi, on découvrit une voile, qu'on reconnut bien tôt pour une
fiarque Indienne. Elle venolt du Sud; & portant au Nord , elle paflTa par
le travers du Vaifleau. Schouten fit tirer mutiiement Tes pièces de chaue,
pour la faire amener. Sa légèreté lui fit gagner le vent. Mais la Chalou*
pe, qui étoit encore plus fine de voiles , l'ayant jointe enfin, & n'en étant
plus qu'à la demi-portée du moufquet, lui en tira Quatre coups. AulTi-tôt,
d'unafTez grand nombre de Sauvages, plufieurs le précipitèrent dans les
Hots , & les autres y jettèrent diverfes provifions , telles que des nattes &
des poules. Les Hollandois de la Chaloupe , n'ayant pas trouvé de réfi-
flance dans la Barque , fe hâtèrent de la conduire à bord , pour retourner
au fecours de ceux qui s'étoient jettes dans la Mer. II n'y redoit que deux
hommes & huit femmes, avec trois enfans à la mammelle, & quelç^ues au-
très de neuf ou dix ans. On en fit fortir les deux hommes , qui le jette*
rent aux pieds des Officiers. L'un étoit un vieillard, qui a voit la tête gri-
fe. On ne comprit rien à leur langage; mais on les traita fort humai'
nement. ,^^,M: 0 • > • i • i » -^
La Chaloupe ne put retirer, des flocs, (jue deux hommes , qui fe foûte-
noient encore fur une rame. Us montroient, de la main, le fond de la
Mer , où ils vouloient faire entendre que leurs Compagnons écoient enfe*
veiis. Tous ces Indiens étoient abfolument nuds , & peints de rouge ; les
femmes n'avoient qu'une petite pièce d'étoffe au milieu du corps. Vers le
foir , on fit rentrer les hommes dans leur Barque. Ils y reçurent des em-
braffemens fort affeftueux de leurs femmes , qui les croyoient perdus. Pour
quelques bijoux de verre, dont on leur fit préfent ,- elles donnèrent deux
nattes très-fines, & quelques noix de cocos; les feules qui leur refloient,
comme elles le firent entendre par leurs fignes. En effet, on leur vit boi-
re de l'eau de Mer , dont elles donnèrent auiiî à leurs enfans ; ce que les
Hollandois ne virent pas fans admiration.
L A Barque Indienne étoit d'une fabrique extrêmement finguliére. Elle
étoit compofée de deux longs & beaux Canots , entre lefquels il y avoit
quelque efpace. Au milieu de chaque Canot, règnoient deux larges plan-
ches, d'un hois fort rouge , fur lefquelles l'eau pouvoit couler ; & d'autres
planches les jolgnoient d'un bord à l'autre. Elles étoient fort bien liées
toutes enfemble ; .mais elles n'alloient pas jufqu'aux deux bouts. L'avant
& l'arrière étoient couverts de longues pointes , ou de longs becs , qui n'é-
toient pas moins capables de les garantir de l'eau. Un des Canots avoit un
mât, avec une voile d'artimon & fa vergue. Ce mât étoit terminé par un
taquet. La voile étoit de nattes ; & de quelque côté que vînt le vent, ces
In-
1616,
X quelle
diftance ils
étoient du
Pérou.
Rencontre
d'une Barque
remplie de
Sauvage» in-
connus.
Leur te»,
drefle en-
tr'eux.
Fabrique de
leur Barque,
(8) Pag. (Joo & préçWcntes.
Gg3
' I
23*
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Lb Mairk.
1(5 1(5.
ril vu '
1'" >l J ■,
(lies des
G)cos & des
Traîtres.
■■■. .■.■^iV.
•!' '" ,'■ 1
Effet de la
moufquéterie
fur les Infu-
laiics.
Indiens fçavoiËnc le prendre. Ils pouvoient faire leurs navigatiotii Tant
bouflble, & fans autres indrumens que des hameçons pour la pêche, dont
le haut écoit de bois, & le bas d'un os noir, ou d'écaillé de tortue. Hj
en avoienc même de nacre de perles. Leurs cordages étoient bons, & (j^
répaifl*eur d'un cable; filés ou tiflus, d'une matière qui rcflembloit beau-
coup à celle des cabas de f^ues, qui viennent d'Efpagne. Après avoir
reçu la liberté de s'éloigner du Navire , ils prirent leur route au Sud-
Eft (a).
Le 10, en gouvernant à l'Oueft & au Sud-Oucft, on vit, à la gauche
du Navire, des Terres fort hautes, à la diilancc d'environ huit lieuej.
Leur couleur paroiflbit bleue. On continua d'avancer tout le relie du jour
fans en pouvoir approcher: mais le lendemain, après avoir louvoyé toute'
la nuit, on fe trouva proche d'une Ilk fort élevée, à deux lieues delà-
quelle on en découvroit une autre au Sud. Le Navire pafla fur un banc
où la profondeur de l'eau n'étoit que de quatorze brafles , fond pierreux!
Auffi-tôc qu'on l'eut paflé , on ne trouva plus de fond , quoiqu'on ne fût
qu'à deux lieues de la Terre. La Chaloupe fut mife en Mer. Après quel-
ques rechercihes, ellfe revint annoncer qu'elle avoit trrouvé, à la pointe de
la première Ille, bon fond de fable, llir vingt -cinq braifes. On ne fit
pas difficulté d'y mouiller, à la vue de plulîeurs Canots, qui bordoient le
rivage. Cette lile eft proprement une haute montagne. On y découvrit
un grand nombre de cocotiers , qui relevèrent le courage des Malades, &
qui lui firent donner le nom dljles des Cocos. L'autre, plus longue & pluj
bafle, s'étend de l'Eft à rOuefi:.(*).
LORSQ.UE le Vaifleau fut établi fur fes ancres, trois petits Bâtimenj
Sauvages en vinrent faire le tour , & dix ou douze Canots rabordèrcnt,
Quelques-uns déployèrent de petits pavillons blancs, & les Hollandois en
arborèrent auffi. Les Canots portoient chacun trois ou quatre hommes. Jlj
étoient arrondis à l'avant, aigus à l'arrière, & compofés d'une feule pièce
de fort beau bois rouge. En approchant du Navire , les Indiens fautoient
dans l'eau & venoient à bord à la nage, les mains pleines de noix de cocoj
& de racines d'Ubas , qu'ils troquoient pour des doux & de la verroterie;
deux marchandifes dont ils paroiflbient faire beaucoup de cas. Ils don-
noient quatre ou cinq noix pour un clou , ou pour quelques grains de ter-
re. Mais ils vinrent à bord en fi grand nombre, que t'efpace manquoit pour
s'y tourner. Schouten , regrettant de n'avoir aucun abri à la pointe de
llfle, envoya fonder autour de la Côte, pour en trouver un plus fur. La
Chaloupe ne fut pas plutôt éloignée du Navire , qu'elle fe vit environnée
d'une multitude d'autres Canots. Les Sauvages avoient l'air furieux , &
portoient de gros bâtons d'un bois très-dur, dont la pointe étoit tranchan-
te. Ils abordèrent Id Chaloupe, dans l'intention apparemment de s'enfai-
fir. Alors, lanécdBté de fe défendre força les Hollandois de tirer trois
coups au milieu d'eux. Le bruit & la flamme ne parurent pas les effrayer;
mais, lorfqu'au troifième coup , qui en perça un dans la poitrine, ils virent
fortirlabaliepar ledos, & leur Compagnon tomber fans mouvement, ils
ne
(a) Paj. 600 & précédentes.
(t) Pag. 6ou
\
PAR LE, $V D-O U E S T, Liv. IV.
«39
ne ttenférent qu'à s'éloigner. Cm Infulaires avoicnt beaucoup de penchant
au larcin. Malgré l'effroi, dont ils avoient paru faifis, un d'entr'eux,
plongeant dans la Mer à la vue des Hollandois , déroba fous leau un plomb
de fonde. A bord du Vaiflcau, ils prcnoient tout ce qui tomboit fous leurs
mains, & fe fauvoient à la nage avec leur proye. Les uns volèrent des
oreillers àc des couvertures; d'autres, des couteaux; & leur paflion la plus
vive étant pour le fer , ils faifoient de grands efforts pour arracher les
doux & les chevilles du Bâtiment. On fe crut obligé, le foir, de hàler la
Chaloupe, par précaution pour la nuit. Ils étoient hauts, robufles & bien
proportionnés dans leur taille. Quoique leur nudité fût égale, ils n'a-
voient pas la même reflemblance dans la manière dont ilsportoicnt leurs che-
veux. Les uns les avoient courts ; d'autres , frifés avec art ; d'autres ,
trèfles & liés diverfement. La fituation de leur Ifle ell à feize degrés dix
minutes (<r).
I. E lendemain ,' paroifl*ant avoir tiré quelque fruit de l'expérience , ils ap-
portèrent avec plus de modération , des noix de cocos , des bananes , des
racines d'ubas, quelques petits porcs, & de grandes jarres d'eau douce.
Leur ardeur ne s'exerça qu'entr'eux : chacun voulant être le premier à
bord , fautoit de fon Canot , & plongeoit au travers des autres , ou deflbus ,
pour vendre ce qu'il portoit entre ks dents , ou dans fes mains. Auflîtôt
qu'ils avoient fait leur marché , la plupart retournolent à leurs Canots.
(Quelques-uns ne fe laflbient point d'admirer la force & la grandeur du Na-
vire. Ils fe gliflbient en bas, le long du gouvernail; & frappant fous l'eau
contre le bordage, ils paroiflbient obferver fa force dans \es différentes
parties. Un autre Canot apporta un^fanglier noir, & l'on crut connoître,
a divers flgnes, que c'étoit un préfent de la part du Roi; fur -tout, lorf-
qae ceux qui l'avoient apporté refuférent les préfens qu'on voulut leur faire
aufli. Bien-tôt le Roi vint lui-même, dans une grande Pirogue à voiles,
de la forme des traîneaux dont on fe fert, en Hollande, pourglifler fur la
glace. Il «toit efcorté de vingt-cinq Canots. Le nom de fa dignité , qu'on
entendit répéter plufieurs fois , étoit Latou. On le reçut au fon des trom-
pettes & des tambours. Sa furprife parut aifez vive, pour faire juger qu'il
n'avoit jamais rien entendu d'approchant. Les Indiens de fa fuite firent
beaucoup d'honneurs & de carefles à l'Equipage Hollandois; ou du moins
ils inclinoient fouvent la tête, ils frappoient defllis avec Je poing , ils fai-
foient d'autres poflures qu'on ne pouvoit prendre que pour des civilités. Le
Roi même , s'étant approché du Vaiffeau , pouffa de grands cris , & parut
témoigner fa joye par des agitations de corps , qui furent imitées de tous
fes gens. Il n'avoit rien qui le diflinguât d'eux. Dans fa nudité, qui étoit
la même, on ne s'appercevoit de fon rang qu'à la foumiifion avec laquelle
il étoit obéi. Schouten l'invita, par des fignes, à paffer à bord. Il n'eut
pas la hardieffe de s'y expofer. Son fils y paffa, & fut traité avec diflinc-
tion. Ceux qui montèrent , avec lui , fe jettèrent à genoux , baifèrent les
pieds des Chefs , & marquèrent de l'admiration pour tout ce qui frappoit
leurs yeux. Ils fembloient prefler les Hollandois , par leurs fignes, de def-
cen-
(e) Pag. 604 & précédentes. '•■• •,■"'; '. ■ -:- i- i ;, ^
Li Matki»
16 16.
Leur carac*
turc.
ifi -' 'I
Leurs ob-
fcrvations fui
le Vaiircau.
Forme de
leurs carctTes,
.1. : -, ■ (
■Sx ).
t4ô
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Lt Mairi.
i6i6.
Les Hollan-
dols Tont tra
his par les
Sauvages.
cendre fur leur Côte, &. de prendre confiance à leur amitié. On reçut
d'eux trois hameçons , qui pendoient à des rofeaux, un peu plus gros que
les nôtres, avec des crocs de nacre de perles {d).
Le 13, on fut follicité fi vivement, par d'autres Canots, de s'appro.
cher de la féconde Ifle, qu'enfin l'ancre fut levée par complaifance. Pen.
dant le jour, on vit venir environ quarante-cinq Canots, qui furent fuivjj
d'une Flotte de vingt-trois petits Bâcimens à voile. Ces Bâtimens portoieoc
chacun vingt-cinq hommes, & les Canots quatre ou cinq. Le commerce fe
fit d'abord avec de grandes apparences <ie bonne-foi: mais ce prélude n'é-
toit qu'une préparation à la plus noire perfidie. Le Roi fe trouvoit dans
un des petits Bâtimens. En vain renouvella-t'on les infiances pour le faire
pafTer abord. Son obdination parut d'autant plus fufpe6fce, que toute fa
Flotte environnoit le VaifTeau. Enfin , il quitta fon Bâtiment pour palTer
dans un Canot. Son fils pafTa dans un autre , & tous leurs gens firent aulH*
tôt un grand cri , qui étoit apparemment le fignal de l'afTaut. En effet, le
Bâtiment , que le Roi venoit de quitter , aborda le VaifTeau avec autant de
force, que s'il avoit efperé de le couler à fond, & de palTer par-delTiii
Comment ils Mais ce grand choc n'eut pas le fuccès qu'il s'étoit promis. Les étravei
fe dégagent, des deux Canots , qui foûtenoient la machine du Bâtiment , fe briférent;
&, dans leur furprife, les Indiens, qui les montoient, s'élancèrent dam
les flots. Alors tous les autres commencèrent à jetter une nuée de pierrei,
3ui étoient capables d'effrayer les Hollandois. Schouten fe contenta d'or-
onner une décharge de lamoufc^uécerie, & de trois pierriers chargés de
balles & de vieux doux. Quantité d'Indiens tombèrent fans vie. Le ref-
te, tranfporté de frayeur à la vue d'une fi terrible exécution, fe hâta de
retourner au rivage. Il y avoit beaucoup d'apparence que , pour cette en-
treprife, le Roi avoit rafTemblé toutes fes forces; car on compta plus à
mille hommes dans fa Flotte , entre lefquels on en difUngua un , qui avoit
la blancheur d'un Européen (<). ,.mm ' y
Schouten ne laifTa pas de faire lever l'ancre, pour fe garantir d'unenou-
velle furprife. Tout 1 Equipage, qui n'avoit pas eu le tems de faire allez
d'eau , lui demandoit la permifTion de defcendre , & d'employer la force.
Une iufte prudence lui fit réprimer cette ardeur. La première Ifle, quieft
fort haute, fut nommée la Montagne des Cocos i & la féconde, Yljlt iis
Traîtres (f).
Le 14, on découvrit une autre Ifle, à cinquante lieues des deux der*
nières; & le defîr qu'on eut d'y faire de l'eau , lui fit donner le nom de
VEfpérance. Mais , ne trouvant point de fond , on mit la Chaloupe en Mer,
pour fonder le long du rivage, où l'on trouva quarante brafTes, fond de
petites pierres molles & noires , & quelquefois vingt à trente brafTes; mail
toujours fi proche de l'Ifle , qu'à deux longueurs de la Chaloupe, on cef*
foit abfolument d'en trouver. D'ailleurs , la Mer brifoit avec tant de vio-
lence contre la Côte, qu'il auroit été difficile d'y defcendre. On ne voyoit,
dansTIfle, que des rochers bruns, qui étoient verds au fommet, & des
terres noires, plantées de cocotiers. Quelques maifons s'offroient dansl'é-
loi*
Avanture
dans une au
Ue Ifle.
(d) Pag. 606.
(«) Pag. 608.
(/) Pag. (508.
PAR LE SU D-O U E S T, Liv. IV.
Mi
EmbartM
de leurs Chef»
fur luur roule.
lolgnement , & Ton apperçut même un gros fiourg. En général , cette Li Mathl
Illc ell; montueufc, quoique les montagnes y foycnc d'une hauteur mé- i6iC»
diocre. Pendant que la Chaloupe continuoit de fonder, on vit paroîtrc
dix ou douze Canots , qui s'en approchèrent avec des intentions fulpeéles.
Les Ilollandois, n'étant uu'au nombre de huit, fe crurent obligés, pour
leur fureté , de tirer quelques coups de moufquet , dont ils tuèrent deux
hommes. L'un fut aulîi-tot renverfé ; & l'autre, après avoir efliiyé pen-
dant quelques inflans le fang qui fortoit de fa playe , tomba aulli dans la
Mer. Cet exemple effraya les autres; mais le Vaifleau n'en remit pas
moins à la voile.
Le i8, on étoit à feize degrés cinq minutes, avec des vents de l'Oueft
extrêmement variables. Schouten rcpréfenta au Confeil , qu'on avoit dcji
fait environ feize cens lieues, à l'Efl des Côtes du Pérou & du Chili, fans
avoir découvert la Terre Aullrale qu'on cherchoic , & qu'il n'y avoit aucu-
ne apparence de réufllr plus heureufcment ; qu'on s'étoit même avancé à
rOuelt beaucoup au-delà de fon intention ; qu'en continuant cette route ,
on fe trouveroit infailliblement au Sud de la Nouvelle-Guinée , & que fi
l'on n'y découvroit point de palfage, comme on n'en avoit aucune certitu-
de, ni la moindre connoilTance , le Vaifleau & l'Equipage couroient fans
doute à leur perte , puifqu'U feroit impoffible de retourner à l'Efl:, contre
les vents d'Efl: qui régnent continuellement dans ces Mers : enfin , qu'il
refl:oit fort peu de vivres, & qu'on ne voyoit aucun moyen de s'en procu-
rer; d'où il conclut qu'il étoic néceflaire de changer de route, & de met-
tre le cap au Nord, pour fe rendre aux Moluques par le Nord de la Nou-
velle-Guinée {g).
Cet avis étant approuvé du Confeil, on tourna aufllî-tôc les voiles au
Nord-Nord-Ouefl:, jufqu'au lendemain, qu'avec un vent du Sud on porta
droit au Nord. Le ai , on fe trouva proche d'une Ifle, d'où vingt Canots
vinrent à bord , avec des marques extraordinaires de franchife & de dou-
ceur. Cependant, un des Infulaires, qui étoit armé d'une zagaie fort ai-
guë, menaça un Matelot de l'en frapper. Leurs cris, qui s'élevèrent au
même moment , furent pris pour un fignal d'attaque. On leur tira deux
coups de canon , & quelques coups de moufquet , qui en bleflerent deux &
qui difpoférent les autres à s'éloigner. Enfuite la Chaloupe s'étant appro-
chée de la Terre avec la fonde, les Indiens de fix ou fept Canots, dont el-
le fe vit environnée , s'efforcèrent d'y entrer & d'arracher leurs armes aux
Matelots. Cette violence attira fur eux une décharge de moufquéterie , qui
en tua fix , & qui en biefla un plus grand nombre. Dans une extrémité
moins preffante, fur-tout après tant d'exemples de la barbarie des Infulai-
res , on n'auroit penfé qu'à s'éloigner. Mais le Capitaine fe mit lui-même
dans la Chaloupe, & trouva un fort bon mouillage aflTez proche, dans une
Baye voifine , peu éloignée d'une Rivière. La Mer y étoit fort unie: l'an-
cre y fut jettée devant l'embouchure dsla Rivière; de-forte qu'en defcen-
dant au rivage, fur l'un ou l'autre bord, le canoa mettoit les Matelots à
couvert de i'infulte des Sauvages.
Lb
ig) Pag. 610 & 611. .... . ,
X'/F. Pa^^ Hh
Autres Sau-
vages dont il«
ont à fc dé-
fendre.
S4S
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Xe Maire.
i6i6.
Liaifon
qu'ils font
avec eux.
Forme des
ninilbns de
rille.
Les Sauva-
j^cs devien-
nent traita-
i>:es.
fiii établie.
Le même jour, on vit paroître plufieurs Canots, qui vinrent échanger
paifiblement diverfes provifions pour des doux , des couteaux & des grains
de verre. Ils n'étoient pas moins exercés au vol que les Habitans des au-
tresliles, ni moins adroits à plonger. Leiu-s maifons, qu'on appercevoit
du Vailleau, étoient couvertes & fermées de feuilles d'arbres, de forme
ronde , & terminées prefqu'en pointe. Elles avoient à-peu-près vingt-cinq
pieds de tour, & dix ou douze de hauteur, avec un trou pour porte, par
lequel on ne pouvoit pafler qu'en fe baifTant.jufqu'à terre. On y trouva
pour meubles, quelques herbes aulfi féches que le foin, qui fervent de lit
aux Habitans , avec un ou deux hameçons & leurs verges ; & dans quej.
ques-unes , des maflues de bois.
L'i N Q.U I É T u D E où l'on étoit fans cefle à la vue d'un grand nombre de
Canots , qui s'aflembloit de toutes les parties de l'Ifle , & le refus que les
Infulaires faifoient conftamment de venir à bord, firent prendre au Capital-
ne la réfolution d'envoyer à terre trois de fes gens , pour y demeurer en
otages. On retint, en méme-tems, lix des principaux Sauvages, qu'on
s'efforça d'apprivoifer par la bonne chère & des préfens. Les autres ne
marquoient pas moins d'affeélion aux trois Hollandois. Le Roi mémeleur
rendit toutes fortes d'honneurs. Il tint , près d'une demie-heure , fes deux
mains l'une contre l'autre , & fon vifage defllis , fe baiflant prefqu'à terre,
& demeurant dans cette poflure, pour attendre apparemment que les Hol-
landois lui fiflent la même révérence. Ils s'avifèrent de la faire. AulTi-tot,
il baifa leurs pieds & leurs mains. Un autre Indien , qui étoit afïls prés de
lui , pleuroit à chaudes larmes, & leur tenoit des difcours auxquels ils ne
comprenoient rien. Enfin , le Roi retira fes pieds de defTous fon derrière,
fur lequel il étoit aflîs; & le les palTant fur le cou, il s'humilia & fe roui.,
fuivant l'expreflion de l'Auteur, comme un ver de terre. Les préfens,
qu'on lui fit, parurent lui plaire beaucoup. Cependant il marqua une paf«
lion fi vive pour une chemife blanche, qu'Aris Claafz, un des trois Hollan'
dois , avoit prife le même jour, qu'ils furent obligés d'en envoyer chercher
une autre à bord pour la lui offrir. En revanche, il leur donna trois petia
porcs (h).
Après cette efpèce de Traité, on ne trouva plus de difficulté à fair«
de l'eau. Cependant on y envoya toujours deux Chaloupes , dont l'une
étoit armée , pour défendre celle qui portoit les tonneaux. Il s'y rendit un
fi ^rand nombre de Sauvages , que les Matelots en étoient embarrafles ;
mais tout fe paffa fans defordre. Le Roi s'empreffoit lui - même d'écarter
les importuns , ou les faifoit chaffer par fes Officiers , avec beaucoup de fer-
meté à fe faire obéir. On ne vit pas moins d'Indiens autour du VaifTeau.
Un d'entr'eux , étant monté par l'arrière , entra dans la chambre , d'où il
emporta un fabre, avec lequel il eut l'adreffe de s'échapper à la nage. On
dépêcha fur lui un Canot , qui ne put le joindre. Schouten fit porter fes
plaintes aux Officiers du Roi. Sar le champ, ils cherchèrent le Voleur;
& l'ayant amené, quelque éloigné qu'il fût déjà, ils mirent le fabre aux
jiieds de ceux qui le redemandoient. Ils montroient avec les doigts, qu'il.»
lu*
ib) Tag. 61 s & précédemei.
PAR LE SU D-O U E S T, Liv. IV.
643
lui paAToient fur la gorge , que fi fon crime étoit conriu du Roi, il lui en
coutcroit la tète. Depuis ce jour , on fie s'apperçut pas du moindre vol ,
à bord & fur le rivage.
Les Infulaires redoutoient extrêmement les armes à feu. Une déchar-
ge de moufquéterie ks faifoit fuir en tremblant ; mais on les épouvanta
beaucoup plus , lorfqu'on leur fit entendre , par des fignes , que les groffes
pièces tiroient aulîi. Le Roi parut defirer une fois ce fpedlacle. On eut
cette complaifance pour lui. Sa propre attente, & toutes les aiïlirances
qu'on lui avoit données, ne l'empêchèrent pas lui-même de prendre la fui-
te avec tous fes gens; & lorfqu'il fut revenu avec eux, on eut peine en-
core à les remettre de leur frajeur. Alors Schouten ne fit pas difficulté de
leur renvoyer leurs otages; & les trois Hollandois revinrent librement: à
bord. Le jour fuivant, on fut agréablement furpris d'y voir venir quel-
ques-uns des principaux Sauvages, avec leurs femmes. Ils portoient au
cou des feuilles vertes de cocos , qui étoieut la marque de leur grandeur ,
& dans les mains des branches vertes, avec une banderolle blanche, pour
figne de paix & d'amitié. Ils firent les mêmes révérences qu'on avoit vu
faire au Roi. Schouten les reçut dans fa chambre, où leur admiration tom-
ba particulièrement fur une montre , une fonnette , un miroir & des pifto-
lets. Après leur avoir fait quelques préfens , pour eux-mêmes & pour le
Roi , on prit l'amufement dfi la pêche avec eux. Entre plufieurs poiflbns,
on trouva, dans le filet, diux rayes d'une forme extraordinaire. Outre
qu'elles étoient fort épaifles, elles avoient la tête très-grofle , la peau ta-
chetée comme un épervier, les yeux blancs, deux grandes nageoires, la
queue étroite & fort longue, & deux petites fonnettes aux côtés. En gé-
néral, fi l'on excepte, la queue, elles reflembloient beaucoup aux chauve-
fouris (/).
Les Hollandois fe crurent obligés à des retours de politeiTe. Le Maire
& Aris defcendirent dans l'Ifle, précédés des trompettes, & portant, com-
me en cérén^ jnie, un petit miroir & d'autres bagatelles pour le Roi. lis
trouvèrcRÇ, fur le rivage, un homme courbé fur des pierres, les mains
jointes fur la tête & le vifage contre terre. C'étoit le Roi même, & cette
poliure étoit une révérence. Ils le relevèrent , pour fe rendre avec lui
dans fa maifon, qu'ils trouvèrent remphe de Speélateurs, ou de fes Offii-
ciers. On étendit deux petites nattes , fur lefquelles le Roi s'affît avec
eux. Les trompettes ayant commencé alors à fonner, l'étonnement & la
frayeur fe répandirent également dans l' Alfemblée. Un Seigneur , que les
Hollandois prirent pour un fécond Roi , ou pour la féconde Perfonne de
rifle, entra doucement, le vifage tourné vers les Etrangers , quoiqu'il mar-
chât de côté. Lorfqu'il fut devant eux , il s'élança tout d'un coup derriè-
re leur natte, en prononçant quelques mots d'un ton d'autorité. Enfuiteil
fit un grand faut en l'air, pour retomber aflis, les jambes croifées fous lui.
Comme la chambre étoit pavée de pierres, les Hollandois s'étonnèrent qu'il
ne fe fût pas caifé les jambes. Il fit alors une harangue , ou une prière ,
après laquelle on lervit une forte de limons , à-peu-près du goû^j; des me-
lons
(0 Pag. 617.
Hh 2
Lé Maire.
I 616.
EfTc-t des
armes à feu
fur les Sau-
vages. •
Rayes ir.onf-
trueufcs.
Vifitc fin-
gui ièré & fes
ciiconflanccs.
244
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Le Matre.
l6i6.
Obfcrva-
lions fur l'in-
térieur de
l'JJle.
Ions d'eau. Le breuvage étoit compofé de racines bouillies. Entre les hon-
neurs qu'on fit aux Etrangers , on étendit quantité de nattes, pour les
faire marcher defllis. Les deux Rois leur firent préfent de leurs cou-
tonnes, qu'ils mirent eux-mêmes fur la tête de le Maire & d'Aris,
C'étoit un cercle de plumes blanches , longues & étroites , mêlées , en
quelques endroits, de petites plumes vertes & rouges, qui venoient des
perroquets de l'Ifle. On y voit un autre oifeau, dont l'Auteur juge que les
fnfulaires font beaucoup de cas , parceque tous les Confeillers du Roi en
avoient un perché prés d'eux fur un petit bâton. Ces animaux , qui ont
quelque reflemblance avec le pigeon, font blancs jufqu'aux aîles , & noirs
dans tout le refte du corps , à la réferve de quelques plumes rougeà.
très qu'ils ont fous le ventre. Le Maire offrit aux deux Rois quelques
préfens de peu de valeur, qui devinrent de précieufes richeffes entre leurs
mains.
[ L E 28 , le Capitaine Schouten , alla aufîî à terre avec les trompettes, que
le Roi aimoit à entendre. Le Roi d'une autre Ifle voifine étant venu , le
même jour, vifiter celui-ci, ils fe firent de grandes révérences, & ferc.
galérent de racines ; mais bien - tôt après quelques cris perçans , annoncè-
rent un démêlé des plus vifs entr'eux. Les HoUandois crurent remarquer
que le Roi étranger vouloit qu'on les retint prifonniers , & qu'on tâchât
de s'emparer de leur Navire , à quoi l'autre Roi s'oppofoit de toutes fes
forces. Le Viceroi , ou fils du Roi , ayant paffé à. bord , & vifité le Vaif-
feau , ne fut pas moins furpris qu'il l'avoit été de voir fa forme extérieure.
Le foir on prit à la feine quantité de bon poiflbn , dont on fit préfent d'une
partie au Roi, qui en mangea fur l'heure, de tout crud, tête, entrailles,
queue , avec une voracité étonnante. Au lever de la Lune , les ^Matelots
allèrent danfer fur le rivage avec les Sauvages, qui y prirent un plaifîr ex-
trême. 3
■ Le 29, quelques HoUandois entreprirent de vifiter l'Ifle. Le Roi ^ fou
frère (k), s'étant emprefles de les accompagner, ils montèrent fur un ter-
rain fort élevé , d'où ils ne virent que des lieux fauvages , & quelques val-
lées flériles. Ils trouvèrent une terre rouge, dont les femmes du Pays font
une teinture, qui leur fert à fe frotter la tête & les- joues. En retournant
au rivage , ils paflerent par des lieux plus rians , & plantés de coQOtiers,
qui étoient chargés de noix. Là , tandis qu'ails fe repofoient fous ces ar-
bres, le frère du Roi, fans autre fecours qu'un petiu lien qu'il s'attacha aux
jambes , monta tout d'un coup , avec une agiUté furprenante , jufqu'à la cime
d'un des plus hauts & des plus droits. Il y cueillit des noix , qu'il apporta
aux Etrangers , & qu'il ouvrit très-facilement avec un petit morceau de bois.
Le Roi fit entendre à fes Hôtes qu'il avoit fouvent la guerre contre les Ha-
bitans de la féconde Ifle. Il leur montra des cavernes dans la montagne, &
des bois qui fervoient dé retraite à fes Sujets , ou dans lefquels ils drelfoienc
des embufcades. Le Maire comprit , par fes fignes , qu'il demandoit Je fe-
cours de leur VaifTeau pour attaquer fes Ennemis ; mais on lui fit compren.
dre, àfon tour, que cette faveur ne pouvoit être accordée. L'Auteur ne
difS*
(ik) Apparemment le fécond Roi. . „ ,
PAR LE SUD-OUEST, Liv. IV.
HS
diflîmule pas qu'on y auroit pu confentir, s'il y avoit eu quelque avantage à
fe promettre de cette expédition (/).
[Sur le midi les Hollandois revinrent à bord, amenant avec eux le jeu-
ne Roi & Ton frère, à qui l'on préfenta quelques rafraîchilîemens. Comme
on leur eut fait entendre qu'on comptoit de partir dans deux jours, ils en
témoignèrent une (i vive joye , que le jeune Roi fortant aulfi-tôt de table ,
courut dans la galerie, & cria vers le rivage, pour annoncer cette bonne
nouvelle aux Inmlaires. Le repas fini , le grand Roi , ou le premier Souve-
rain , qui pouvoit être âgé de foixante ans , vint auffî à bord , accompagné
de ieize de fes Confeillers. On leur fit le meilleur accueil qu'il fût poffible.
Le Roi paroiflbit dans l'admiration de tout ce qu'il voyoit , & les Hollan-
dois n'étoient pas moins furpris de fes manières. Après avoir vifité tous
les endroits du VaifTeau, il defîra de s'en retourner promptement. Les
Commis le reconduifirent jufqu'à l'entrée de fa maifon, où il fe tenoit ordi-
nairement affis. Eniuite ils allèrent fe promener avec le jeune Roi jufqu'au
foir qu'ils fe rembarquèrent. Aris ayant fait une bonne pêche au clair de
la Lune , en porta une partie au Roi , auprès de qui il trouva une troupe de
jeunes filles nues , qui danfoient au fon d'un bois Creux qu'elles frappoient
pour marquer la cadence. 3 Uv .
Ces Peuples font d'une taille extraordinaire. La plupart étoient auflS
hauts que les plus grands îlollandois ; & ceux qui étoient diflingués par
leur grandeur, auroient pafle pour des géans en Europe. Ils font vigou-
reux & bien proportionnés , légers à la courfe , excellens Nageurs. Leur
peau eft d'un brun jaunâtre. Ils aiment à fe parer de leur chevelure , qu'ils
difpofent fuivant leur propre goût. Les uns avoient les cheveux crépus ;
d'autres les avoient très - bien frifés ; d'autres , adroitement noués en cinq
ou fix trèfles.; d'autres enfin, hérifles & droits fur la tête. La chevelure
du Roi étoit divifée en une longue trèfle , qui lui pendoit , du côté gauche ,
jufqu'à la hanche; & le refte étoit relevé en deux nœuds. Ses Courtifans
avoient deux trèfles ; c'eil- à-dire, une de chaque côté. Mais tous étoient
nuds, fans difl:in6lion de fexe & de rang, avec une petite feuille au milieu
du corps. Les femmes parurent très-laides aux Hollandois ; mal faites , de
petite taille , & fi luxurieufes qu'elles n'avoient nulle honte de fe mêler pu-
bliquement avec les hommes , fort près même de la perfonne du Roi. El-
les portent les cheveux fort courts : mais , en récompenfe , elles ont de lon-
gues mammelles, qui leur pendent comme des facs de cuir jufqu'au milieu
du ventre (m).
On ne put difl:inguer fi ces Infulaires étoient idolâtres, ni s'ils avoient
quelque autre culte que la prière qu'on croyoit leur avoir vu faire. Mais
on remarqua facilement qu'ils vivoient avec auffi peu de foin que les animaux
des bois. Ils n'avoient aucune idée de commerce. Les préfens , qu'ils fi-
rent aux Hollandois , étoient donnés par boutades ou par faillies , & les
Hollandois règloient leurs libéralités fur celles qu'ils recevoient d'eux. Ils
ne fement ni ne moiflbnnent. Ils ne font aucune forte d'ouvrage. Leurs
alimens fe bornent aux productions naturelles de la Terre, qui ne confifl:ent
. . '• . ■" ..." gi»^"
CO Pag. 62e. (m) Pag. 627.
Hh 3
Le Mairk.
161 0.
Figure k.
caractère des
Infulaircs.
Leur Reli-
gion & leurs
niaiirs.
«46
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
Lk Maire.
l6i6.
Fefliii des
Sauvages.
Ces Ifles
font nommées
Ifles de
Hoorn.
guères qu'en noix de cocos, en ubas , en bananes & peu d'autres fruits.
Les animaux qu'ils mangent, fe multiplient d'eux-mêmes. Une partie dé
leurs femmes cherchent , dans les creux du rivage , les petits poiflbns que
la Mer y laifle en fe retirant. Les autres pèchent avec de petits hameçons.
On prendra quelque idée de leur cuiline, dans la deicription d'un feftin,
auquel le Maire, Aris & quelques autres HoUandois eurent la patience d'af!
fifter. Elle peut trouver place au moins dans une Note ( w). Le Roi de la
féconde Ifle ctoit venu viliter l'autre (o). Il avoit amené feize porcs; &
fon cortège étoit compofé de trois cens hommes, qui avoient, autour de la
ceinture, une provilion d'herbes vertes, dont ils font leur breuvage. Lorf-
qu'il découvrit le Roi , fon voifm , il lui fit un grand nombre d'mclinations
& de révérences. 11 baifTa le vifage jufqu'à terre , en priant d'une voix fort
haute , qui approchoit d'un grand cri. L'autre alla au-devant de lui, & ne
le reçut pas avec moins de geiles & de contorfions. Enfin, s'étant relèves
tous deux, ils entrèrent dans \q Bêlai; c'eft le nom que les Inflilaires don-
nent au logement de leur Roi. L'AiTemblée, qui fe forma autour d'm,
étoit d'environ neuf cens hommes. Ils paflerent enfuite fur le VailFeau
HoUandois, où s'appercevanc qu'on appareilloit pour, remettre à la voile,
ils marquèrent d'autant plus dvi joye, que, malgré les témoignages de con-
fiance , ils avoient toujours paru craindre qu'on ne fe faifit de leurs Illes.
Aulîi cette dernière vifite fut-elle fîgnalée par de nouveaux préfens. Ils se-
toient fait accompagner d'un aflez grand nombre de porcs; & chacun des
deux Rois en porta lui-même un fur fa tète.
En partant, les HoUandois donnèrent , aux deux Ifles, le nom d'Iflesde
Hoorn , de celui de la Ville où le VaifTeau avoit été équipé , & qui étoit
la patrie de la plus grande partie de l'Equipage. La Baye fut noni-
(m) „ Les Habitans de l'Ille apportèrent
quantité des mûmes herbes , dont leurs
voifins venoitnt chargés. Enfuite, ils
commencèrent tous à les mâcher. Après
cet exercice, ils les retirèrent de leurs
bouches ; & mettant tout enfembic dans un
grand vaifllau de bois , ils jettèrent de
l'eau deffus , la mêlèrent & la paîtrirent a-
vcc les herbes, &préfentèrent de cette li-
queur aux deux Rois & à leurs Officiers ,
qui en burent. Ils en offrirent aufli aux
HoUandois, qui crurent avoir fait alfczde
„ s'être trouvés préfens à ce fale fpcctaclc.
„ On fervit nuffi-tôt, devant les Convives,
„ des racines de Cava , qui furent didribuées
„ par rangs. Le Roi étranger s'alfit. Ses
„ femmes & les gens de ti fu.tj fe placèrent
„ derrière lui en cercle. Cliacun fe mit à
„ manger. Après ce premier fervice , on
„ appovtii de grandes civières , de vingt à
„ trente pieds de long, chargées d'ubas &
„ d'autres racines, crues & rôties, qui fu-
„ rcnt auflî diflribuées. Enfin, l'on préfen-
„ ta , aux deux Rois . feize pourceaux , aux-
„ quels , pour tout apprêt , ou avoit tiré les
„ entrailles. N'ayant point été lavés, iisc-
„ toient encore fangfans. On n'en avoit te
„ brûler que la foye dans les flammes; &
„ pour les rôtir , on leur avoit mis des pier-
„ rts ardentes dans le corps. Enfuite ils a-
„ voient été remplis d'herbes, & les foyesy
„ étoient attacliés avec de petites chevilles.
„ (Quatorze de ces animaux furent inangcj
„ fort uvidcii, nt. Tout ce qu'on fervoit de-
„ vaut les Rois y étoit porté fur la tête ,
,. par refp.ét, & l'on fe mettoit à genoux
„ pour \c pofer devant eux. Ils envoyèrent
„ les deax autres pourceaux à bord , par dtJ
„ Officiers qui les portèrent auflî fur leur ce-
„ te, /.c qui les mirent aux pieds des Clitf:
„ Hol'andois. C^ préfent étoit accomp?.-
„ gné d'onze petits pourceaux en vie, &
„ de quelques autres de moyenne grandeur.
„ Schouten & le Maire donnèrent en retour
„ trois petits gobelets de cuivre, quatre cou-
„ teaux, douze vieux doux, & quelque
„ verroterie ". Ibidem, pag. 624 & fuivan*
tes.
(0) C'étoit pour la féconde fois ,^ ikuS
jours après la première vifîtc. R. d. E.
:3
; nom d'ifles de
é , & qui étoit
3aye fut nom-
mée
nt été lavés, ilsé-
On n'en avoltfii:
is les flammes; &
avoit mis des pier-
:)s. Enfuite ils a-
bcs, & les foyesy
petites chevilles.
ux furent mangés
c qu'on fcrvo.'tdc-
.torté fur la tête ,
mettoit à genoux
Ils envoyèrent
.IX à bord, parJts
auffî fur leur ce-
pieds des Chef:
it étoit accoinp?.-
rceaux en vie, &
iioyenne grandeur,
nnèrcnt en retour
uivrc, quatre cou-
eux, & quelque
ag. 624. & f"iv-an«
onde fois , àoH
ite. R. d. E.
PAR LE SUD- OUEST, Liv. IV. H7
fliée Baye de la Concorde ^ du nom du Navire. Elle efl: dans un Golfe, au
côté méridional de la première Ifle. Le fond en efl: fi aigu , qu'on n'eut
pas peu de peine à lever l'ancre. Un banc de fable, qui s'étend d'un côté ,
paroît à découvert dans la bafle marée. De l'autre, c'cft la Côte, qui efl:
fort fale le long du rivage. Ce parage efl: à quatorze degrés cinquante - fix
minutes (p).
L'Eq.u iPAGE Hollandois partit fort content, de s'être rafraîchi avec Ci
peu de danger, & fur-tout d'emporter une grofle provilion d'eau. Après
avoir gouverné tout le jour à l'Ouefl: , on fe trouva , le i de Juin , à la hau-
teur de treize degrés quinze minutes. Le 3 , on fut furpris de n'apperce-
voir aucune Terre , & les Pilotes craignirent de s'être avancés bien loin der-
rière la Nouvelle-Guinée. Pour fortir de cette incertitude , on fit mettre le
cap au Nord. La nuit fuivante, on étoit à douze degrés & demi. Les
principaux Officiers foupçonnèrent qu'on étoit plus à l'Ouefl; qu'on n'avoit
penfé , & que la Nouvelle-Guinée étoit encore à côté d'eux. Ils réfolurent
d'en conférer encore une fois avec les Pilotes , & d'examiner les pointages
depuis la Côte du Pérou. Celui de Schouten marquoit mille fept cens tren-
te lieues; un, mille fix cens foixante-cinq , & toujours en diminuant juf-
qu'à mJMe fix cens dix. En comparant tous les calculs , on conclut que la
courfe avoit été d'environ mille fix cens foixante lieues. Comme on conti-
nuoit de ne découvrir aucune Terre , on prit le parti de changer de route &
de porter à l'Ouefl:. Le 13 à midi, la hauteur fit juger qu'on étoit à cent
cinquante-cinq lieues des Ifles de Hoorn , & la couleur de l'eau parut chan-
gée. Quantité de bonites , beaucoup d'autres poiflx)ns , & quelques oi-
feaux mêmes qui commencèrent à fe montrer, ne laiflerent aucun doute
qu'on ne fût proche des Terres. Cependant on avança jufqu'au 20, fans
rien découvrir. Enfin, vers le foir, on eut la vue d'une Côte, à quatre
degrés cinquante minutes. La prudence obligea de jetter l'ancre, dans la
crainte d'y échouer. Le lendemain, on reconnut cinq ou fix petites Ifles,
qui paroiflbient couvertes d'arbres , & de grands bancs de fable qui s'éten-
doient au Nord-Oueft. [On vit incontinent paroitredeux Canots, à-peu-
près de la forme de ceux des Ifles où l'on avoit été, mais plus grands, &
qui pouvoient contenir cinq, ou fix hommes. Les Sauvages qui les mon-
toient, ne diféroient des autres que par la couleur , un peu plus noire. Ils
étoient armés d'arcs & de flèches. Ce furent les premiers arcs que les Hol-
landois virent dans là Mer du Sud. On leur fit préfent de quel^ -^ verrote-
rie & de doux. Ils montroient l'Ouefl:, où l'on comprit, par leurs fignes,
qu'il y avoit d'autres Ifles , & qu'on pourroit y trouver des rafraîchiflfemens.
AinfiJ le mouillage étant fort mauvais , on remit le cap à l'Ouefl:, en laiflant
les mes à quatre degrés quarante - fept minutes. Le 22, on en découvrit
douze ou treize autres , à quatre degrés quarante - cinq minutes. Elles fu-
rent laiflÀîes à la gauche du Vaifleau. On ne vit aucun courant dans ce pa-
rage (g).
Le 24, on apperçut trois bafles Ifles au Sud-Ouefl:, remplies d'arbres &
couvertes de verdure. Mais les Côtes étoient bordées de rochers, & l'on
n'y
(p) Pag. 629. - (5) Pag, 632.
Lh MAISB4
1(5 1(5.
Différence
des calculs
Hollandois
fur leur route.
£43
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
X.E Maire,
i6i6.
Ifles Vertes.
Ille
Jean.
Saint-
Férocité des
Infulaires.
n'y put trouver aucun mouillage. Elles furent nommées les IJles Vertes. On
découvrit une autre Terre avant la fin du jour, li haute en apparence, qu'é-
tant fuivie au Sud -Oued par d'autres Terres, de la même hauteur, on la
prit pour le Cap de la Nouvelle-Guinée. Cependant on fe crut détrompé
en approchant de la Côte ; & ne reconnoiflant qu'une Ifle , on lui donna Je
nom de Saint- Jean ^ parceque c'étoit le jour de cette Fête qu'elle avoit été
découverte. Après avoir rafé long-tems le rivage, fans y trouver de fond,
on doubla le Cap vers le foir, & l'on entra dans une Baye, où l'on mouilla
fur quarante -cinq braflcs, fond de fable & de cailloux. La Mer y étoit
unie , & l'eau fort bleue. Deux Pirogues s'approchèrent du bord , au clair
de la Lune. Elles portoient quelques hommes noirs , qui parlèrent long-
tems dans une langue inconnue. Pendant toute la nuit, on obferva que
les Habitans failoient la garde fur leurs Côtes, & fur-tout à l'entrée d'une
Rivière , proche de laquelle on étoit à l'ancre. Vers la pointe du jour, le
tems étant fort ferein 6c la Lune très-claire, quelques Pirogues s'avancèrent
jufques fous les galeries. On leur jetta des grains de raflade, en parlant
aux Sauvages d'une voix careifante, & s'efForçant de leur faire entendre,
par des fignes, qu'on leur demandoit des noix de cocos, des pourceaux,
des bœufs, & des boucs. Ils continuèrent, pendant le refte de la nuit, de
pouffer des cris autour du Vaifleau , avec des marques extraordinaires de
férocité. Suivant les calculs des Pilotes, cette Côte étoit à mille huit cens
quarante lieues de celle du Pérou (r). ;
Le matin du 26, on vit paroître huit autres Pirogues , dont l'une por-
toit onze hommes , & les autres , fix ou fept. Ils tournèrent plufieurs fois
autour du Vaiffeau, en montrant leurs zagaies, des pierres, des maffues
de bois , des fabres & des frondes. On leur parla du ton le plus humain,
On leur diftribua quelques merceries. Mais, pour réponfe, ils commei-
cèrent à lancer des pierres & des zagaies. Cette attaque irrita l'Equipage.
On fit jouer tout à la fois le gros canon & la moufquéterie. Leur grande
Pirogue fut coulée à fond , avec trois ou quatre hommes ; & dix ou douze
hommes tombèrent fans vie. On mit aufli-tôt en Mer la Chaloupe à rames,
qui , paflfant au travers de ceux qui fe fauvoient à la nage, en fit encorepé-
rir quelques-uns. Elle en prit trois, qui étoient fort bleffés; & quatre Pi-
rogues, dont elle fe faifit, furent mifes en pièces, pour fervir au chauffage.
Un des trois Prifoiiniers mourut deux heures après.
La Chaloupe retourna au rivage avec les deux autres. Comme on les
avoit bien traités, &, qu'à force de fignes, on leur avoit fait comprendre
qu'on ne demandoit d'eux que des rafraîchifl!emens , ils exhortèrent appa»
remment leurs Compagnons à s'approcher avec des fruits; car un petit Ca-
not fe hâta de venir préfenter deux petits pourceaux & un paquet de bana-
nes. On renvoya un des Prifonniers, qui étoit fort blelfé, & l'autre fut
mis à dix pourceaux de rançon. Celui qu'on venoit de renvoyer, n'ayant
pas la force de quitter le rivage , une troupe armée fortit d'un bois voi-
fin, le vint^ prendre par-delfous les bras, <& l'em^ieru fous quelques
arbres, où s'afleiant autour de lui, ils parurent tous fort empreflesàle
iecourir. Cîî
(0 P^s- «534.
PAR LE SUD-O U E S T, Liv. IV. 249
■ Ces Barbares ont les deux oreilles & les narines percées. Quelques-uns
ont un trou de plus , au diaphragme du nez ; & toutes ces ouvertures fcr-
voient à foûtenir des anneaux. Leur barbe eu. afltz longue, mais fans mou-
ftaches. Ils portoient des bracelets de nacre de perles, au-deflbus des cou-
des & aux poigiiets. Leur unique vêtement eft une feuille d'arbre au mi-
lieu du corps, avec une ceinture d'ccorcc pour la foûtenir. Ils paroil^nt
trés-robuftes , & bien proportionnés dans leur taille. Leurs dents font noi-
res, & leurs cheveux de la même couleur; courts & crépus, mais beau-
coup moins laineux que ceux des Ethiopiens. Ils ont des bonnets d'écorcc
d'arbre peinte, dont ils portent deux ou trois l'un-fur l'autre, joints ou la-
cés par une efpèce de cordon ; ce qui leur donne l'air d'tune coefture de fem-
me. La plupart avoient une petite corbeille de jonc pendue au côté , dans
laquelle ils mettent de la chaux pour faupoudrer, ce que l'Auteur nomme
leur Pimng (s). Leurs civilités conliftent à ôter leur bonnet, à fe mettre
les mains fur la tête , & à s'y mettre aulTi des feuilles d'arbres , qui paroif-
fent un figne particulier d'affeftion. On les prit pour des Papous (t). En
venant abord, ils chantoient enfemble, avec afîez d'harmonie. Les poi-
gnées de leurs fabres ibnt ornées. Mais cette arme, & celles qu'on a. nom-
mées, ne font que pour les Ennemis de leur Nation. Lorfqu'ils font mé-
contens l'un de l'autre, leur ufage eft de fe mordre entr'eux, comme des
chiens. Tous leurs Canots ne font pas égaux. On compta jufqu'à dix-fept
couples de Rameurs fur les grands , & depuis deux couples julqu'à dix fur
les petits. Ils gouvernent également de l'avant & de l'arrière ; & ces pe-
tits Bâtimens ont des châteaux comme les Galions. Cependant leur largeur
ne fuffit que pour deux hommes. On vit une des plus grandes Pirogues ,
dont les pièces étoient jointes enfemble par des coutures bien godronnées ,
ou frottées de térebentine.
L'EauiPAGE fit de l'eau fans obftacle. Mais, le jour fuivant, quel-
ques Canots étant venus à bord fans y rien apporter, & fans vouloir payer
la rançon du Prifonnier, on prit le parti de le mettre à terre, & de ne
prendre aucune confiance à des hommes fi fauvages. De la Côte, on ap-
perçut une autre Ifle au Nord. La nuit du 29 , Schouten fit remettre à la
voile; & dans tout le jour fuivant, on ne put découvrir le bout de la Terre
qu'on quittoit. Elle couroit à l'Oueft-Nord-Oueft , & au Nord-Oueft quart
d'Oueft, avec plufieurs Bayes. Mais le même jour, on eut la vue de deux
hautes Ifles, toutes deux au Nord de la grande; & le 30 au matin; ' on vit
approcher plufieurs Canots , montés d'hommes noirs , qui , en arrivant à
bord, rompirent leurs zagaies fur leurs têtes. C'étoit apparemment un fi-
gne de paix; mais ils n'avoient rien apporté pour la confirmer, quoiqu'ils
demandaflent hardiment tout ce qui s'offroit à le^^rs yeux. On les trouva
néanmoins plus civilifés, que tous ceux qu'on avoit vus jufqu'alors. Ils a-
voient le milieu du corps couvert de plufieurs feuilles. Leurs Canots étoient
mieux conftruits que les autres , & portoient même quelques ornemens de
fculpture à l'avant & à l'arriére. On obferva que ces Infulaires avoient un
(0 C'eft le nom que les Hollandois don-
nent au bétel. R. d, E.
XlF.Fan, . ; ■^•'
Le Maihi.
i6i6.
J.;Hir fij^ure
&.lairsurigcs.
Leurs Piro-
gues. ,,
Autres Ifles
& divers Sim-
vages. , ,^ .
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Pag.
637.
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foin
Quel foin "
ils ont de leur
barbe.
«5«
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
L> Maire.
i6 i 6.
Simplicité
dans leur tra-
hifun.
Sauvage pris
& nommé
Moyfe.
Grand nom-
bre d'Illes.
Erreur des
Pilote? Hol-
foin extraordinaire de leurs barbes & de leurs cheveux , & qu'ils fe les pou-
droient de chaux. Ils étoient venus de trois ou quatre lll^s, qui paroif.
foient remphes de cocoiicrs ; mais tous les lignes , par leCquols on croyojt fe
faire entendre, ne purent en obtenir des vivres. On jujiçea même, le jour
fuivant, que la cérémonie de rompre leurs zagaies, n'avoit été qu'une ru.
fe pour furprendre le Vaifleau. Les courans l'ajant fait dériver, dans un
calme qui dura toute la nuit, il fe trouva, le matin , entre une Ifle de deux
lieues de long & une autre Côte. Vingt -cinq Pirogues, remplies de Sal^
vages, ne tardèrent point à fe préfenter. On crut reconnoître une partie
de ceux qu'on avoit vus la veille, & Schouten ne fit pas difficulté de lei
laifler approcher. Il y avoit, à l'avant du Vaifleau, deux ancresàpic,dc
parées pour mouiller, fur chacune defquelles un Nègre alla s'aflTeoir, la ra-
me à la main, dans l'opinion, fans doute, qu'ils pourroient mener le Navi.
re au rivage. Les autres tournoient à l'entour , & fembloient chercher le
moyen d'y monter. Enfin , fe croyant fûrs de leur conquête , ils commen-
cèrent à lancçr des zagaies & des pierres. Elles étoient poulTées avec tant
de vigueur , que fe rompant contre les mâts & le bordage, elles en fai-
foient voler de petits éclats. Un Matelot fut blefle dans la première fur-
prife, & les autres ne purent demeurer fur le pont. Mais, au fort decp>
te attaque, &.lorfque les Sauvages fe difpofoient à monter à bord, on leur
envoya les bordées du haut pont , & l'on fit feu de la moufquéterie. Une
décharge fi brufque en ayant emporté ou blefle un fort grand nombre , tous
les autres prirent la fuite. La Chaloupe, quiétoit bien armée , les fuivitaulTi'
tôt, & fe faifitd'un Canot, dans lequel il y avoit trois hommes. L'un fut tué,
un autre fauta dans la Mer, & le trcifième demeura prifonnier. C'étoit un
jeune homme de dix-huit ans, auquel on donna le nom de Moyfe ^ qui étoit
celui du Matelot blefl'é; & l'Iile fut nommée auffi Vljle de Moyfe. Ces In-
fulaires vivoient d'une forte de pain , compofée de racines d'arbres.
On s'éloigna de cette race perfide. L'obfervation méridienne fit trouver
trois degrés un tiers de hauteur. Vers le foir, on rangea la Côte au Nord-
Oueft, & l'on découvrît une belle Baye de fable, dans laquelle on ne crut
pas devoir s'engager. Le 2 de Juillet , à trois degrés douze minutes , on
vit, à la -gauche du Vaifl*eau, des Terres bafles, divifées par une grande
Montagne, & une Ifle bafle à la proue. Le 3 , après avoir été forcé parle
vent, de courir à l'Oueft-Nord-Oueft, on apperçut encore de hautes Ter-
res à l'Ouefl, vers deux degrés quarante minutes. Dans les efforts qu'on
fit le 4, pour fe dégager des liles , on en découvrit vingt -deux ou vingt-
trois' autres , grandes oc petites , hautes & bafles , à difi^érentes diflances en-
tre elles, depuis deux degrés vingt-cinq , jufqu'à trente minutes. La nuit
qui furvint , ne permit pojnt d'y chercher une Rade ; & le lendemain à mi-
di , on fut conduit par de meilleures efpérances , vers une fort haute mon-
tagne, qu'on apperçut au Sud-Ouefl:. Les Pilotes avoient fi peu de con-
mviflTance de leur route, que la reflemblance qu'ils trouvèrent à cette mon-
tagne aveœ celle de Gunapi^ dans fille de Banda, & la hauteur, qui étoit
à'peu-prés la même , leur firent juger qu'on étoit à la vue de cette Ifle.
Mais bien -tôt, on découvrit, au Nord, trois ou quatre autres montagnes,
à fix ou fept iieues de la première , qui prouvèrent la fauflîeté de leur con-
• . jedtire.
PARLE S UP-OUES T, Liv. IV.
aji
Le KTaire.
l6l6.
me du Vol-
can.
jeélure. Derrière la première montagne, on vit à l'Efl & à l'Oucft une fi
grande étendue de Pays, partie haut & partie bas, que des deux côtés on
n'en appcrcevoit pas la fin; & comme il s'étendoic à l'Eft-Sud-Efl: , on crut
enfin que c'étoit la Nouvelle-Guinée (v). ict,n;
Le 7 , avant le jour, on porta vers la montagne, qui jettoit des flammes
de fa cime, & qui dirigeoit le Vaifleau par cette lumière, quoiqu'elle fût
mêlée de fumée & de cendres. Le jour fit connoître que c étoit une lilê
bien peuplée & remplie de cocotiers, qu'on nomma VlJJe du Volcan («).
Les Habitans envoyèrent quelques Pirogues, dont chacune portoit cinq ou
fix hommes , avec une efpèce d'échafFaudage élevé fur des bâtons , qui cou*
vroic chaque petit Bâtiment. Cette nouvelle méthode ayant paru fufpcc-
te, on employa le Nègre Moyfe pour prendre langue; mais il ne put fe fai-
re entendre des Sauvages. Ils étoient nuds , à l'exception du milieu du
corps. Les uns avoient les cheveux courts, & d'autres les. avoicnt longs.
Leur couleur étoit plus jaune que celle de Moyfe. On ne put trouver de
mouillage fur leur Côte; & voyant plufieurs autres Ifles au Nord & an
Nord-O'Tefl:, on porta vers un Cap uni, qui faifoit face à la proue. L'eau
étoit de diverfcs couleurs , verte , blanche, jaune; & fe trouvant plus douce
que l'eau commune de Mer, on jugea qu'elle venoit de quelque Rivière qui
avoii; fon embouchure à peu de difrance. On voyoit aulïï flotter des arbrei
& des branches, fur lefquelles on dillinguoit quelquefois des oifeaux & des
écrevifles. Après avoir fait de petites bordées pendant la nuit , on gouver-
na le matin à rOuefl-Sud-Ouelî:, entre une haute Ifle , qu'on avoit à la
droite du Vaifleau , & des Terres moins hautes qu'on laiflbic à gauche. Vers
le foir , on trouva fond fur foixante - dix brafles , à peu de diftance du
rivage , & l'on y laifla tomber l'ancre. Les Canots , qui vinrent à bord ,
étoient conduits par des hommes fort finguliers , qu'on prit encore pour des
Papous. Ils avoient les cheveux courts & frifës, des anntaux pafles dans
le nez & dans les oreilles, de petites plumes fur la tête & fur les bras,
& des dents de porc autour du cou & fur la poitrine. Leurs femmes p^ , .
étoient affreufes. L'Autour compare leurs longues raammelles à de gros dcur Surs
boyaux, qui leur tomboienc jufqu'au nombril, & leur ventre à des ton- femmes.
neaux. Elles avoient les jambes & les bras fort menus , un vifage de
finges , les cheveux courts , le milieu du corps médiocremenr couvert ,
le refl:e nud. Chacune avoit quelque défaut particulier , comme d'être
louche, boiteufe, ou boflue, & quelque marque de mauvaife fanté; co
qui fit juger que l'air du Pays étoit mal fain, d'autant pluS' que les mai-
fons y étoient élevées fur des pieux, à huit ou neuf pieds de terre.
La hauteur de cette Côte efl: de trois degrés" quarante -trois minutes;
Quelques Sauvages, qu'on reçut à bord, apportèrent des' elTais de gin-
gembre; d'où l'on ^conclut qu'ils étoient exercés au Commerce. On al-
la chercher un meilleur mouillage , dans une Baye voifine , oit l'ancre v
fut jettée fur vingt-fix brafles, fond de fable mêlé d'argile. Les Habitans
de deux Villages, qui s'offroientafiTez- proche,, envoyèrent- à bord deux Ca*
nots, avec quelques noix. de cocos j qu'ils voulurent vondre fort cher.
Sauvages
qu'on croit
Papous.
Ils
de-
(■o) Pag. 641,
li 2
-1 :;(.v) Ibidim.
«5»
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES
ht Maire.
l 6 i 6.
L'inquiétude
des llollan-
dois augmen-
te fur leur
ùuu
Ils font à la
Nouvelle-
Guinée '"-'ns le
fuvoir.
■■,>
Ifles de
JMoa, d'In-
fou&d'Ari-
mon.
dcmandoient, pour quatre noix, une brafle de toile; & cYtoit à cette mar-
chandife qu'ils s'attachoient le plus. Un Commerce fi peu avantageux
joint à la rareté des vivres, qui fe réduifoient à quelques pourceaux, n'ar-
rêta pas long-tems les Hollandois. Ils fe retrouvèrent le lendemain à qua.
tre degrés; « dans l'inquiétude de leur fort, les rations furent rè{.^lées. Ils
ignoroient abfolument dans quelle partie du Monde ils étoient, près ou loin
des Ifles des Indes, & fi c'étoit la Nouvelle -Ciiinée dont ils ne cefToicnt
plus d'avoir la vue. Toutes leurs Cartes ne leur offrant aucune Uimière
fur les Pays qu'ils découvroient chaque jour, ils n'avoient plus d'autres rè-
gles que de foibles conjeftures (y). ' '"'•'
La courfe du ii , fut à l'Oueft - Nord - Ouefl , avec peu de changement,
le long de la Côte, qu'ils ne fe laflbient pas de fuivre à moins de trois lieues.
Vers midi, ils doublèrent un haut Cap. Ces Terres, qui étoient en effet
celles de la Nouvelle - Guinée , s'étendent la plupart au Nord • Ouefl: quart-
d'Oueft ; quelquefois un peu plus à l'Oueft , ou un peu plus au Nord. Le
12, à. deux degrés cinquante -huit minutes , ils eurent la faveur des cou-
rans, qui portoient à l'Oueft, fuivant leur direélion ordinaire, le long des
Côtes de la Nouvelle-Guinée. Les 13 & 14, on continua de fuivre la mê-
me Côte; & le 15, trois Ifles bafles & peuplées , qui paroiflbient remplies
de cocotiers, offrant un bon rtiouillage , depuis quara'^te braffes jufqu'à
fept, à demie lieue de la grande Terre, on y mouilla fur un excellent fond.
Les Hollandois auroient trouvé , fur le champ , du remcae à tous leurs be-
foins, s'ils y étoient defcendus avec moins d'imprudence. Mais n'ayant
obfervé aucune précaution pour s'approcher du rivage avec la Chaloupe , les
Infulaires, qui étoient fur leurs gardes , quoique naturellement fort humains,
leur tirèrent une nuée de flèches, dont ils bleflerent feîze hommes [entre
lefquels étoit le Commis Aris , Auteur du Journal , qui eut la main percée
d'une flèche. ] On ne laifla point d'abordef à la plus petite des deux Ifles,
où dans le premier feu de la vengeance , on brûla quelques maifons difper-
fées. Les Sauvages de l'Ifle voifine parurent furieux & pouffèrent d'horri-
bles cris{ mais ils n'ofoient paffer d'une Ifle à l'autre, dans la crainte de
quelques pièces de gros canon , qui battoient le long du rivage & dans !e
bois, où les boulets pénétroient avec un fracas épouvantable. Le foir, ils
envoyèrent demander la paix : après quoi , deux ou trois Canots étant au-
deffus du vent du Vaiffeau, fans ofer s'en approcher, jettèrent des noix de
cocos dans la Mer, afin que le courant les portât vers les Hollandois. On
les preffa de venir à bord , par des fignes qui leur infpirèrent enfin plus de
hardieffe. Ils apportèrent quantité de noix & de bananes , du gingembre
verd, & des racines jaunes qui leur tiennent lieu de faffran, pour lef-
quelles on leur donnoit en échange des grains de verre, des doux &
des couteaux rouilles. Ces Infulaires font abfolument, nuds. On vit en-
tre leurs mains quelques pots de fer, qui dévoient leur être venus des Ef-
pagnols. Ils ne paroiffoient pas furpris de la forme du Navire; & quoi-
qu'effrayés de l'Artillerie , ils n'en craignoient ni le bruit ni la vue. Ils
donnoient à la plus orientale de leurs Ifles, lenomdeiliba, CQhû d'Infon
k
(y) Pag, C43 § précédentes.
,-(' 1 :.\
PAR LE S y D-O UE.S T, Liv. IV.
253
à la féconde, & celui d'Jnmon à la dernière & la plus haute, qui eft à
cinq ou iix lieues de la Nouvelle-Guinée (z). On ne cefla point de trouver
ces Sauvages fore traitables, & d'en recevoir, à vil prix, toutes fortes de
rafraîchiflemens. Ils font du pain & des gaietés de calîave; mais elle n'eft
pas comparablj à celle des Inaes Occidentales.
Le 20, on leva l'ancre, pour continuer de fuivre ia.Côte à l'Oueft-Nord-.
Ouelh On eut, à un degré treize minutes (a), la vue de plufieurs Ifles,
vers lerqucllcs on étoit porté par les courans; ce qai n'empêcha point
qu'ayant trouvé un fort bon fond fur treize à quinze brafles , on ne mouil-
lât, le foir, avec d'autant plus de confiance, qu'on n'avoit point appercu
de feu dans l'Ille voifine. Cependant la pointe du jour fit découvrir fix
grands Canots , avec des aîles & de l'acallillage. Les Sauvages, oui les
montoient, s'approchèrent timidement, quoiqu'armés d'arcs & deliéches.
Ils montroient,. de loin, dupoiflbnfec, des noix de cocos, du tabac, &
un petit fruit , qui reffembloit à nos prunes. On les encouragea par des
lignes de paix & d'amitié. D'autres Canots , qui paroiflbient venir de la
même Ifle, apportèrent des vivres «Se quelques porcelaines de la Chine.
Leur tranquillité, à la vue du Navire & du canon, fit juger qu'ils connoif-
foient les Vaiifeaux de l'Europe. Ces Sauvages avoient la peau plus jaune
&. la taille plus haute que ceux des IHes précédentes. La plupart por-
toient aux oreilles des anneaux de verre, qu'ils ne pouvoient avoir reçus
que des Efpagnols. Toutes ces apparences foûtenoient le courage des
Hollandois ; mais elles ne jettoient pas plus de jour fur leur navigation.
Le 24 , ils fe trouvèrent à la hauteur d'un demi degré. Leur courfe fut
auNord-Oueft & à l'Oueft-Sud-Ouefl: , le long d'une belle & grande Ifle,
qu'ils nommèrent Vljîe de Schouten , du nom de leur Capitaine. Ils donnè-
rent, à fa pointe orientale, le nom de Cap de Bonne- Efpérance^ parceque
trouvant, dans leurs Cartes, des Ifles à l'Eil: de Banda, ils fe flattèrent
que ce Cap pouvoit être une pointe de ces Ifles , & que la route étoit li-
bre pour arriver à Banda , par le Sud. Cependant comme l'Ifle de Schou-
ten s'étendoit jufques fous la Ligne, ils craignirent aulîi que ce ne fût une
de celles qui font marquées dans les Cartes à.l'Ouefl; de la Nouvelle-Guinée
jufqu'à la Ligne. Dans cette fuppofition , ils s'expofoient à tomber dans
quelqu'un des Golfes de Gilolo. Schouten, embarrafle de ce doute, prit
le parti de monter promptement au Sud ou au Nord. Le vent , qui ve-
noit alors de l'Eft, amena, autour du Navire, une prodigieufe quantité
de poiflbn, d'herbes & de feuilles ; maison ne trouva point de fond à la
vue continuelle de la Côte. L'Equipage étoit confolé par l'abondance &
la fraîcheur des vivres. Entre les fruits qu'on avoit tirés des dernières Ifles,
il y en avoit un qui étoit jaune en dedans , ou couleur d'orange , & verd en
dehors; mais creux, rempli de pépins, & plus petit que le melon, auquel
il reffembloit afTez par le goût. On en mangea beaucoup, avec du fel &
du poivre; & les Malades mêmes le trouvèrent fort fain.
Le 25, on découvrit à la gauche du Vaiffeau, une grande étendue de
(2) Pag. 646. grés, ce qui fait une erreur bien confidérable. ■
Ca) L'Edition de Paris pprte itreizf de- R. d. E.
Il, ■■ ,
i %
Lb Mâim.
1616.
Siiuvages
nui connoif-
ioient les Eu-
rupécns. '
Ifle de
Sctioutcn.
Nouveau
Cap de Bonne-
Efpérancc.
'i. :{• I
T.i Makib.
recuiiiuis pur
k's Kollan
dois.
Trcinblc-
' ment de terre
rclil'iui en
Mer.
254 .VOYAGES AUX INDES. ORIENTALES
•
Pays, de hauteur inégale, qu'on laifTa au Sud*Sucl-Ouen;. Le 2(J, on eut
i 6 i 6. la vue de trois llles; & le 27, à la hauteur de vingt-neuf minutes, on vit
Div.Ts l'ays ^y jç^j j^. hautes Terres & d autres bafles , qu'on rangea toujours à l'Oucli.
Nord-Ouell. La nuit du 28 au 29, on fe rcflentit, au milieu des Ilots
d'un grand tremblement de terre. Les Matelots effrayés fautoient hors de
leurs cabanes , fans pouvoir comprendre d'où venoient les terribles fecouf.
fes qui ébranloient le Vaifleaii, (ur-cout dans un paragc où l'on ne trou-
voit pas de fond. Le 30, on entra dans un grand Golfe, qui paroillbic
environné de Terres. Ce jour fut épouvantable, par un ' :>nnerrc & des
éclairs qui fembloient couvrir le Vaiffeau de llammes. Ils furent fuivi$
d'une pluye fi extraordinaire, que les plus anciens Matelots n'avoient rien
vu de femblable (b). Les dangers du climat, & la crainte de ne py
trouver, dans le Golfe, d'autre ouverture que ion entrée, firent mettre le
cap au Nord. Le foir du 31 , on pafla pour la féconde fois fous la Ligne;
& l'on mouilla fur douze brafles, près d'une Ifle déferte, à peu de dittan-
ce du Continent. On fe trouva le lendemain , à quinze minutes de Lati-
tude du Nord. Le 3 Août, un banc de fable fort large, à quarante-cinq
minutes, ôta prefqu'entièrement la vue des Terres. On jugea, par cette
hauteur, qu'on étoic à l'extrémité de la Nouvelle-Guinée, après avoir lait
plus de deux cens quatre-vingt lieues le long des Côtes. Les courans por-
toient à l'Oueft-Sud-Oueft. Excellent fond, néanmoins, depuis quarante
braffes jufqu'à douze. Le même jour, on vit des baleines oc des tortues.
Vers le foir, deux Ules fe préfentèrent à l'Ouefl: (c).
Le 4, on obferva que la direction des courans étoit à l'Ouefl:; & Iî
courfe étant au Sud-ôud-Oiiefl: , on eut la vue de fept ou huit Illes, qui
obligèrent de pafTer toute la nuit au large, dans la crainte de dériver trop
fur les Côtes. On gouverna le lendemain au Sud & au Sud-Eft; mais m
vent contraire força les Pilotes de s'approcher d'une Kle , où la Chaloupe
ne put trouver dé fond que fous le rivage, à quarante-cinq braflTes. Troi;
Pirogues, qui l'abordèrent auffî-tôt avec la baniére blanche, ne firent pas
difficulté de la fùivre jufqu'au Vaiffeau.
Elles portoient des montres de fèves & de pois des Indes , du riz , du
tabac, & trois oiféaux de paradis, dont l'un étoic blanc & jaune. Les
Indiens, qui s'approchoient avec tant de confiance, n'avoient pas laifle de
témoigner quelque frayeur, en reconnoiflant des Hollandois: mais cen'é-
toit plus des Sauvages , dont la barbarie étoit redoutable après les Traités
les plus faints, & jufqu'au milieu de leurs carefles. Ils porloient des cein-
ttircs d'aflez belle toile. Quelques-uns même avoient des caleçons de foye,
des turbans, des bagues d'or & d'argent aux doigts, & les cheveux d'une
admirable noirceur. On étoit embaraffé à difl:mguer leur Nation, lorf-
qu'en prêtant l'oreille à leur'langage, Aris, qui entendoit le Malais, crut
diftinguer plufieurs mois Ternatois , & quelques termes Efpagnols. Quel-
le confolation pour un Equipage languiffant, qui étoit encore compolé de
3uatre-vingt-cinq hommes , mais la plupart épuifés de fatigue ou confumés
e maladies , & tous également confternés de l'incertitude de» leur fort !
; , ,. , .Ils
(6) Pag. 65a ; ^ . -^:^;'- (c) Pag. 651. ■'•'■ '■'" '■ ' ' •
Leurs no'v
vcUcs inccrtl
tudi'S.
Les Hollan-
dois arrivent
aux Molu-
qucs.
PAR LE S U D-0 U ES T, Liv. IV.
255
Ils s cmprefi tirent de demander aux Indiens le nom de leur Ifle A celui de
leur Nation. A la vcritvi, rien ne put leur faire obtenir cet cclaircifTemcnt ;
mais le refus même de ces Inlulaires, joint à d'autres circonllancts , leur fit
juger qu'ils dtoient à l'extrémité orientale de (rilolo, qui s'étend à l'Efl par
trois langues de terre, <& que ceux, oui paroiflbicnt craindre de s'expli-
quer, étoient des Sujets du Roi de Tidor, Ami des Efpagnols. Cette con-
jedure fut vérifiée. On alla mouiller alîlz près du rivage ; & l'on apprit dans
un Bourg, nommé 5oppî, que l'Ifle voifine, nommée Maba^ d'où les trois Pi-
rogues étoient venues, relevoit du Roi de Tidor. Les Matelots d'uhe Pirogue
Ternatoife, qui arriva quatre jours après, dans la Baye de Soppi,s'empreirè-
rent de venir raconter a Schouten , qu'il y avoit «ifluellement près de vingt
VailTeaux , Hollandois & Anglois , autour de Ternate (d)i &peu de jours
après, il fe revit effectivement dans une nombreufe Flotte de la Nation (f).
Le relie du Journal laifle à defirer un peu plus de lumière , fur deux points
fort intérclfans. L'un eft la faifie du Vaiffeau de Schouten , dont le Gouver-
neur Général des Hollandois fe mit en poiïeflion , au nom de la Compagnie
des Indes : mais on trouve heureufement de quoi fuppléer à cette omiflion ,
dans une curieufe remarque de la Relation de Georges Spilberg, qui , s'étant
rendu aux indes Orientales parle Détroit de Magellan, fe trouvoit alors
dans l'Ifle de Java, où il fut chargé par le Gouverneur Général , de conduire
en Hollande le Vaifleau qui avoit été faifi> & de prendre, fur fon bord, le
Maire & Schouten (/). Le fécond point, qu'on regrette de trouver mal
éclairci, regarde la mort de le Maire, qui, étant arrivée dans fon paflage,
le priva des récompenfes auxquelles il venoit d'acquérir de fijufles droits, par
le fuccès de fon entreprife , & ne lui laiffa , dans fes derniers momens , que le
ftérile plaifir d'avoir immortalifé le nom de fon père & le fien. Il efl furprc-
nant que les deux Journaux ne s'accordent pas même fur le jour de fa more.
Celui d'ArisClaefz nomme le 31 de Décembre (g). L'autre, le 22 (b).
A
(rf) Pag. 654 & précédentes.
(») Pag. 658.
(/) „ Le 20 Septembre 1616, nous vl-
, mes arriver , à Jacatra , le Vaiffeau nommé
, la Concotite de Horn , commandé r^r Jic-
, ques le Maire, qui écoit parti de Plollande
, le 14 Juin 161S, & venu par le Sud dcMa-
, gellan. Mais quanti on fçiit qu'il n'étoit
, pas chargé par la Cov,pagr,ie générale &
, qu'il avo t fait lu V 'Vài,c fans fa participa-
, ti.n, le Prélidcnt Je:ur, Pietciiz Cunn, le fit
, confifqu.r au profit d la Compagnie, &
„ dirtribua l'Equipage lur les ;iutrcs Vaif-
„ fc;iux. Pendant leur !un.,ue navigation ,
„ CCS gcns-là n'avoicnt découvert ni de nou-
„ velics Terres, ni de nouvciiux Peuples,
„. avec qui l'on pût trafiquer. Ils difoicnt
„ feulement qu'ils avoient trouvé un nouveau
j, paflage , autre que celui par lequel on paf-
„ foit ordinairement; quoiqu'il n'y eût pas
„ d'apparence , puifqu'ils avoient employé
„ jùftement quinze mois & trois jours dans
,, leur Voyage jufqu'à Ternate, & que de
„ leur aveu ils avoient eu des vents farora-
„ blcs: outre que n'ayant qu'un Vailfeau,
„ ils n'avoicnt pas été fujets aux rctirdc-
„ mens , qu'on ne peut guères éviter en ».om-
„ pgnie, p-.irccqu"il fiut s'attjndre les uns
„ ics autres. Ces prétendus faifeurs de dé-
„ couvertes, qui (e vantoient d'avoir palfô
„ par un nouveau Détroit, étoient fort é-
„ tonnés de ce que la Flotte do l'Amiral
„ Spilberg avoit pris terre à Ternate fi long-
„ tems avant eux". Voyage de Georges Spil-
l'erg, png. 564 6f 56 j.
{g) Pag. 661.
(b) Le 14 de Décembre 1616, l'Amiral
Spilberg , faii^int voile pour retourner en Hol-
lande , prit à bord Jacques le Maire , qui a-
voit été Préfident fur la Concorde de Horn,
VailTcau confifqué. Le Maire mourut, dans
ce Voyage , le 22 du môme mois, 'i'out le
monde fut affligé de fa perte , parceque c'é-
toii im homme d'intelligence & d'expérience
pour la navigation. Ibidem , pag. 5<5<5. ,
I.R Matki,
1616.
Ils y trou-
vent une
Motte de leur
Nation.
Supplément
au Journ;U de
Ciuefz.
Relation du
Vnyiigc de
Georges
Spilberg.
Le Maire.
i6i6.
Remarque
de Claefz fur
la perte que la
Concorde fit
d'un jour.
Fruit de la
découverte du
Détroit de le
Maire.
2S6 VOYAGES AUX INDES ORIENTALES, &c.
A l'occafion de la faille du Vaifleau , Claefz obferve que l'Inventaire de
tout ce qu'il contenoit , fut achevé le Lundi , premier jour de Novembre
fuivant le compte de l'Equipage ; mais que, fuîvant le compte duConfei! des
Indes , il ne le fut que le Mardi , fécond jour du même mois. La caufe de
cette différence venoit , comme on l'a remarqué dans quelques autres occa-
fions , de ce qu'en partant de Hollande , le Vaiffeau la Concorde avoit couru
à rOueft. Après avoir fait, par cette route, le tour de la Terre avec JeSo-
leil , il fe trouvoit certain qu'il avoit été ifne nuit de nioins que ceux qui
étoient venus de l'Oueft à l'Efl , & que ceux-ci au contraire avoient gagné
l'efpace d'un jour. Ce jour gagné d'un oôté, & cette nuit perdue de lau.
tre , faifoient néceffairement une différence de vingt-quatre heures ; & pour
s'accommoder au compte des Hollandois de Java , l'Equipage de la Concorii
perdit un jour, c'eft-à-dire que paffant du Lundi au Mercredi , il n'eut , dans
cette femaine, que fix jours à compter (i).
Ajoutons, pour l'honneur d'Ifaac le Maire & de Jacques fon fils (k)^
que leur Patrie ne tarda pas long tems à recueillir le fruit de leurs travaux!
Six ou fept ans aprèi la découverte du Détroit, p; lequel le nom de le Mai-
re s'eft illuflré, les Etats Généraux & le Prince Maurice de Naflau prirent la
réfçlution de faire vifiter le même paflage, par une Flotte d'onze Vailfeaux,
qu'ils y envoyèrent fous le Commandement de l'Amiral Jacques ÏHcmlte.
Toutes les Obfervations de Jacques le Maire & de Schouten furent véri-
fiées ; & ce fameux Détroit efl; devenu la route commune de tous les Navi-
gateurs qui , connoiffant les dangers de celui de Magellan , veulent fe ren-
dre avec moins de lenteur & plus de fureté dans la Mer du Sud , ou pénétrer
jufqu'aux Indes Orientales par le Sud-Oueft ( /).
mes le
i) Pag. 661.
(k) Remarquez que. le père de Jacqu(
Maire fe noinmoit /faac , & que c'eîl à lui
qu'on doit le projet du Voyage; mais que ce
projet fut exécuté par le fils. NosHiftoriens
& nos Géographes ont fouvent confondu l'un
& l'autre.
Nota. Comme M. Prevoft l'a fait lui-même
au commencement de ce Voyage. R. d. E.
( l ) L'Auteur du Journal de Jacques l'Her ■
mite , qui fe trouve auffi au quatrième Tome
du Recueil de la Compagnie Hollandoife , ne
:(Ç>a{^' 'UuW^k/'^ïlliicr-
déguife point la principale intention des Hol-
landois, dans la recherche & la vérificatioj
de ce paflhge. „ Tous les Politiques, dit-il,
„ ont jugé qu'il n'y avoit pas de meilleur
„ moyen pour réduire l'Efpagne fur l'ancien
„ pied, & pour faire ceffer les tyrannies
„ qu'elle exerçoit en divers endroits dei'Eu'
„ rope , que de lui enlever tout ce qu'elle
„ poffédoit en Amérique, ou du moins de
„ lui en faire perdre les revenus. C'cfldans
„ cette vue qu'on a tenté tous les palTagcs
„ au Nord & au Sud". Pag. 663.
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«57
Foyage d'Engeîbert Kampfer^ au Japon.
TOUS les Voyages de ce Recueil, qui ont eu jufqu'à préfent quelque
rapport au Japon , n'étoient qu'un prélude , pour la Relation dont on
va donner l'Extrait. Quelques peintures , difperfées dans le cours des
premiers Volumes , répondroient mal à l'idée qu on a dû fe former d'une fi
belle & fi riche Contrée. Mais fa fituation , qui appa- àent également aux
Voyages par l'Eft & par l'Oueft, femble demander l'ordre & les gradations
qu'on a pris foin d'obferver. Commençons ici par de juftes éclairciflemens
fur l'Auteur, dont nous allons emprunter les lumières (a).
Son Tradufteur nous apprend qiC Engelbert Kampfer étoit né le i6de
Septembre 1651, à LemgoWj petite Ville du Cercle de Weftphalie , & que
fonpère, Miniflrede cette Ville, n'ayant rien épargné pour fon éduca-
tion , il fe diftingua , dès fa première jeunefle , par fes progrès dans les
Langues étrangères & dans toutes les Sciences. Cependant fon principal
objet fut la Médecine & l'Hiftoire Naturelle. Après avoir paru avec éclat,
dans plufieurs grandes Villes d'Allemagne & de Pologne, il fe rendit en
Suéde , où de plufieurs offres , par lefquelles on s'efforça de l'attacher au
fervice de la Nation , y accepta l'Office de Secrétaire d'une Ambaffade,
que le Roi Charles XI. envoyoit à la Cour de Perfe. Il partit de Stockholm ,
le 10 de Mars 1683, avec M. Fabricius^ Ambaffadeur Suédois; & paffant
par la Ruffie pour s'embarquer fur la Mer Cafpienne, il arriva heureufe-
ment àAV/àW, d'où il fe rendit à Siamachiy Capitale de la Province de
Schirvan. Dans la néceffité d'attendre les ordres de la Cour de Perfe , il
employa cet intervalle à vifîter autour de lui tout ce qui lui parut digne de
fa curiofité. C'efl à ces favantes & laborieufes courfes , que le Public doit
fon Recueil d'obferv^tions (ô) fur ce qu'il nomme \qs fept Merveilles de la
Peninfule à'Okefra ( c). Enfuite, pendant le féjour qu'il fit en Perfe , il fe
mit en état de donner , dans le même Ouvrage , une idée exafte de ce
grand Royaume. L'Ambafladeur Suédois ayant terminé fes négociations
vers la fin de l'année 1685 » Kaempfer , entraîné par fon goût i)our les
Voyages, prit congé de lui, pour entrer au fervice de la Compagnie Hol-
* lan-
.■-«t>:x
Introduc-
tion.
Extrait de
la Vie de
Kaempfer.
( a ) Son Vopge , publié d'abord en Alle-
mand , a été traduit en François , par JVl.
Naitdé, Réfugié François, à Londres, d'a-
près la Traduttion Angloife de M. Scbeucb-
zer, de la Société Royale de Londres, fous
le titre éCHiJioire Naturelle , Civile £? Ecclé-
fiajlique de l'Empire du Japon. Edition de
1732, à la Haye, chez Golfe & Neaulme
trois volumes fn-12.
Nota. M. Prevoft fe trompe, en fuppo-
fant que ce Voyage fut publié d'abord en
Allemand, Le Chevalier Hans Sloaru l'ache-
Xir, Part,
ta en Manufcrit , •& M. Scheuchzer le tra-
duifît de cette Langue en Anglois. R. d. E.
(6) Sous le titre à' Amanitates Exotica ,
Ouvrage publié en 171 2.
( c ) Entr'autres , la Ville de Baku , fur la
Mer Cafpienne; les Monumens de l'Antiqui-
té, qui retient dans le voifinage; les Fon
taines de Naphte; la Campagne brûlante;
le Lac bouillant; la Montagne qui renfer-
me, dans fon fein , une terre fine pour les
Potiers, &c. - -■ .
2SZ
VOYAGE DE K JE M P F E R
Introduc
TION.
landoife à t^tre de Chirurgien, «n e^ef, d'une Flotte de cette Nation , qui
croifoit alors dans le Golfe Perfique ; emploi moins honorable que celui
qu'il abandonnoit , & moins digne aulfi de fa qualité de Médecin ; mais
plus convenable à la paffion qu'il avoit de voyager. Il partit auffi-tôt pour
Bander- A bafli , où que^ues infirmités le retinrent jufqu'à la. fin de Juin
1688. Le tems, qu'il put dérober à la maladie, fut encore employé à de
curieufes recherches (^).
La Flotte, qu'il joignit enfin , ayant ordre de toucher à divers Etablir.
femens Hollandois, dans l'Arabie heureufe, dans les Etats du Grand Mo.
gol , fur la Côte de Malabar , dans l'Ifle de Ceylan , dans le Golfe de Ben*
gale & dans l'Ifle de Sumatra, il faifit avidcmment chaque occafion des'in-
Itruire. Batavia, où il arriva au mois de Septembre i68v lui fournit un
autre champ. Après fon Voyage au Japon, qui fut d'environ deux ans
&demi, il revint en Europe, au mois d'Oftobre 1693. L'année d'après,
il prit le degré de Doéleur en Médecine, dans l'Univerfité de Leyde. Ce
fut à cette occafion qu'il publia dix remarques , des plus fingulières qu'il eût
faites dans fes Voyages (e). Etant retourné dans fa Patrie, il finit fes
courfes, en 1700, par un heureux mariage; & fa conftitution s'étant fort
altérée vers l'année 1715, il mourut à Lemgbw le 2 de Novembre 1716,
âgé d'environ foixante-cinq ans. Son mérite fut célébré par un Difcours
funèbre, imprimé dans la même Ville. -] -/^ •-'*»*
Jugement EMPRUNTONS fon éloge ciritique d'un de nos bons Ecrivains, dont
critiquj fur perfonne ne difconviendra que le jugement doit être particulièrement ref-
fon Ouvrage. pgô;é, fur une matière qui a fait long-tems le fujet de fon travail.
„ On ne peut refufer à Kaempfer, dit le Père de Charlevoix, la Juftice
rt
de
(/{) Il nous a valu, dit le TraduAeur,
fa Defcription de la Montagne Benna, dans
ia Province de Laatj celle de fes Plantes
& de fes Animaux , du Bezoar , de l'ani-
mal dans l'eftomac duquel il fe trouve , des
Ixiins chauds , d'un baume jiarticulier , &
de mille curiofités qu'on obferve fur cette
montagne; celle de la Mumie naturelle, ce
beaume précieux, qui dégoûte d'un rocher
dans la Province de Daar ^ & qu'on re-
cueille une fois l'année avec beaucoup de
pompe & de cérémonie , pour l'ufage du
Roi de Perfe feu!; fes obfervations fur VAf-
fa-Ftttida , ou la plante qui produit cette
drogue, &.fur la manière de la recueillir &
de la préparer ; fes remarques fur la Fena
Medinenjis des Ecrivains Arabes , ou fur ce
qu'il nomme le Dr»cwiculus , vet llngulicr ,
qui £e nourrit dans les intcrftices des mufcles
en différentes parties du corps humain ; fa
defcription du fang de dragon cw-iental , qui
vient, dit-il, d'un palmier conifére; fa cu-
rieufe hiftoire du palmier daftylifére , qui
croît en Pcrfe , de fes différentes efpèces ,
de fa culture , & de fon udige ; enfin un
grand nombre d'autres obfervations , qui
n'ont pas encore vft le Jour. Vie de l'A
teur, pag. 13 & 14.
( e ) Sur le célèbre Agnus-Sc^tbica , ou Bi-
rometz, prétendu Zoophite, qu'il démonw
pour une fiction , occafionnée peut - être par
la relTemblance du mot Borometz , avec le
nom Rulfien Borannetz , à, le nom Polonois
Borannei , qui (îgnifîent une efpèce particu-
lière de moutons , qu'on voit aux environs
de la Mer Cafpienne , dans la Tartarie Bul-
garienneôc dans leKorafan; fur le goût amer
des eaux , dans la Mer Cafpienne ; fur la vé-
ritable Mumie de Perfe, nommée Mwnim-
bii fur la Torpille, poifFon fingulicr, qui
engourdit les doigts de ceux qui le touchent;
fur le &ng de dragon oriental ; fur le Dra-
eunculus , ou Fena Medeni des Ecrivains
Arabes; fur ï'Jndrum, forte d'hydrocele,
DU de rupture aqueufe , & fur le Perical , ul-
cère aux jambes ; deux maladies communes
entre les Malabares ; fur la manière Japonoi-
fe de guérir la colique , par l'acuponclion ;
fur le Moxa , cauftique dont les Cliinois
& les Japonois font un fréquent ufage. /i^-
pag. 17.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
ii9
it. Vie de l'A
11
11
11
11
11
11
11
il
il
11
il
11
11
a
il
de convenir que fei Mémoires font remplit de recherches curîeures, tou-
chant l'origine des Japonois, les richefles de leur Pays, la forme de leur
Gouvernement, la police de leurs Villes; d'avoir débrouillé mieux que
perfonne les difFérens fyftémes de leur Religion ; de nous avoir donné
des Faftes Chronologiques de cet Empire, des Defcriptions qui intéref-
fent, une Hiftoire Naturelle de ces Ifles aflez exafte, & d*4iflez bonnes
obfervations pour la Géographie : mais il s'en faut bien que tout cela
rempliflele titre d' Hijtoire du Japon ^ qu'on a donné à fon Ouvrage, ou
Tonne voit que des traits détachés de l'Hiftoire ancienne & moderne,
en très-petit nombre, & la plupart puifés dans des fources fort peu fû-
res. En un mot , prefque tout ce qui manquoit auK Hiftoires précé-
dentes, fe trouve ici; mais on n'y voit rien de ce qu'elles contiennent.
C'efl: le Journal d'un Voyageur curieux, habile , fincère , qui s'eft ua
peu trop fondé fur des traditions populaires ; mais ce n'eft pas une
Hiftoire.
„ Le Traducteur Anglois amis, à la tête de fa Traduftion , une Pré-
face qui contient des remarques fort fenfées & fort recherchées fur tout
ce qui eft au Nord du Japon ; & la Carte , dont il a pris foin de l'en-
richir, eft la moins imparfaite qu'on ait eue, jufqu'à préfent, de cet
Empire (/)".
Comme le principal reproche du Père Charlevoix regarde les fources de
l'Ouvrage, qu'il traite de peu H^res, & l'excès dé confiance, dont il accu-
fe l'Auteur, pour les traditions populaires , il eft jufte de faire parler un
moment Kaempfer pour fa propre défenfe, avec l'avantage d'être reconnu,
par fon Critique, pour un Voyageur habile & fincère.
„ Je puis protefter, dit -il, dans fa Préface, que la defcription & l'i-
dée, que je donne des-chofes , quoique peut-être imparfaite & fans élé-
gance, eft exaélement conforme à la vérité , fans embelliflTement , & tel-
le que les chofes m'ont paru. Il eft vrai que , quant aux affaires fëcret-
tes de l'Empire, je n'ai pu m'en procurer des informations amples & dé-
taillées. Depuis l'extirpation de la Religion Romaine, les Marchand*
HoUandois & Chinois font comme emprifonnés. L'Empir;; tft fermé à
toute forte de commerce & de communication avec les Etrangers; & Ja
réferve des Naturels doit être extrême , avec ceux qui font tolérés daos
rKmpire. Les Japonois , qui ont le plus de liaifon avec nous , font
obligés, par un ferment folemnel , de ne pas nous entretenir fur les af-
faires d'Etat & de Religion. On les engage , par ce ferment , qui fe re-
nouvelle chaque année , à s'obferver & à fe trahir mutuellement. Mais
quelque grandes que foyent ces difficultés , elles ne font pas infurmonta-
bles. En premier lieu, cette Nation refpefte peu les fermens qu'elle a
prêtés au nom de certains Dieux ou Elprits , que plufieurs n'adorent
„ point, & que la plupart ignorent. La crainte du fupplice eft ordinaire-
* . - .-...; u ,. .. . „ ment
(/) Elle contient auffi un Catalogue des noms de divers Livres Japonois , que lùemp*
Auteurs , qui ont écrit fur le Japon , avec un fer rapporta de foo Voyage,
jugement critique de leurs Ouvrages; & les ■''•' :•
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26o
VOYAGE DE K-flEMPFER.
Imtroduc
TIOV.
,, ment le feul motif qui les arrête. D'un autre côté, û l'on met à patt
l'orgueil & l'humeur guerrière des Japonois, ils font civils» polis, eu-
rieux , autant qu'aucune Nation de l'Univers , aimant le commerce & la
familiarité des Etrangers , & fouhaitant avec paffion d'apprendre leurs
Hiftoires, leurs Arts & leurs Sciences. Mais, comme nous ne femmes
„ que des Marchands , qu'ils placent au dernier rang des hommes , ^
„ que , d'ailleurs , l'extrême contrainte dans laquelle on nous tient , ne
peut guères leur infpirer que de la jaloude & de la défiance , nous ne
pouvons nous concilier leur amitié , que par nôtre libéralité, par nôtre
complaifance , & par tout ce qui efl capable de flatter leur vanité. C'eft
ainfi que j'acquis plus défaveur, auprès de nos Interprêtes & des OÂi-
ciers qui venoient chaque jour chez nous , que perfonne n'avoit pu s'en
flatter, depuis les règlemens auxquels nous fommes aflujettis. En leur
donnant des confeils , des médecines, des leçons d'Afl;ronomie & de
Mathématiques, des cordiaux & des liqueurs de l'Europe, je poiivois
leur faire toutes les queft:ions qui me venoient à l'efprit. Ils ne me re-
fufoient aucune infl:ru61:ion ; jufqu'à me révéler , lorfque nous étions
feuls, les chofes mêmes fur lefquelles ils doivent garder un fecret invio-
lable. Ces informations particulières m'ont été d'un grand ufage, pour
recueillir les matériaux néceflaires à l'Hiflioire du Japon , que je médi-
tois. Cependant, peut-être ne me fcrois-je jamais vu en état d'exécu-
ter mon deffein, il, parmi d'autres occaflons favorables, je n'avois en
le bonheur de rencontrer un jeune homme fage & difcret , par l'entre-
mife duquel je reçus les lumières qui me manquoient encore. Son âge
étoit d'environ vingt-quatre ans. Il entendoit, en perfeélion, le Japo-
nois & le Chinois. A mon arrivée, on me le donna pour me fervir , &
en même-tems pour étudier, fous moi, la Médecine & là Chirur-
gie. . Le bonheur qu'il eut de traiter avec fucçès , fous ma direftion,
YOttona, qui eft le principal Officier de nôtre Ifle, lui fit obtenir la per-
miffion de demeurer à mon fervice, pendant mon féiour au Japon , qui
fut de deux ans. Ce Seigneur fouflTrit même qu'il m accompagnât dans
nos deux Voyages à la Cour; c'eft-à-dire , qu'il allât quatre fois d'une
extrémité de l'Empire à l'autre; faveur qui s'accorde rarement à desper-
fonnes de cet âge, & qu'on n'avoit jamais accordée à qui que ce foit,
pour un tems fi long. Comme je ne çouvois guères parvenir à mon but,
fans lui apprendre le HoUaiidois, je lui enfeignai cette langue avec tant
de foin , qu'en une année il l'écrivoit & la parloit mieux qu'aucun de nos
Interprêtes. J'ajoutai, à ce bienfait, les meilleures leçons d'Anatomie
& de Médecine, dont je fufle capable ; à quoi je joignis encore de gros
gages. En récompenfe, il me fit avoir des infliruélions auffi étendues
qu'il étoit poflible, fur l'état de l'Empire, fur le Gouvernement , fur la
Cour Impériale, fur la Religion établie dans l'Etat ^ fur l'Hiftoire des
premiers âges , & fur ce qui fe paflbit chaque jour de remarquable. H
n'y avoit aucun livre, fur aucune forte de matière, qu'il ne m'apportât
d'abord, & dont il ne m'expliquât ce que je voulois fçavoir. Comme il
étoit fouvent obligé d'emprunter ou d'acheter des uns & des autres , je
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Critic
Trad
d'un
d'Hil
k: JaPAN,
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Ljv. IV. »6i
ne le laiflbis jamais fortir, fans lai •donner de l'argent, pour fe mettre en
" état de me fatisfaire (g)"'
' Il fembie que ces explications, d'un homriie habile &fincère, peuvent
recevoir ici le nom de Défenfe ou d'Apologie, quoiqu'elles ayent précédé
l'accufation. Ajoutons que le Père de Charlevoix n'a pas fait difficulté d'em-
ployer ce qu'il y a de plus utile & de plus curieux dans Kaimpfer, & qu'il
l'a donné tout entier da'r.i un autre ordre. A l'égard de la (qualité d'IIifto-
rien, qu'il lui refufe, c'eft une fimple difficulté de nom, qui ne porte que
fur la torme , ou du moin^ fur un défaut, d'ordre & de plénitude , que le
Critique reproche au fujet. Peut-être ne faut-il l'attribuer qu'aux deux
Tradu^eius ; d'autant plus qu'eifeftivement Kaempfer n'a pris aue le ton
d'un Journal. On ne s en plaindra point ici , puifque lui refuler le titre
d'Hiftorien, c'eft le rendre de plein droit au Recueil des Voyages. „^ , .
Iktkoduc-
TIOK.
(g) Préface de l'Auteur.
fM^'X^i^i^ «--cLV istriw* -M*) M'^tiJ'^t ïi-j^ ■
Kampfer fe téfid de Bâtavtà au yapon. Ctrcmfiances âe JbnarrîvéCé 'ï
c«
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DEPUIS plus d'un fiècle que l'entrée du Japon eft interdite à toutes
les Nations de l'Europe, fans autre exception que les Hollandois ,
auxquels l'Auteur fuppofe qu'on crdit plus de boftne-fbi q l'aux autres Eu-
ropéens (a), la Compagnie HoUandoife des Indes Orientales v envoyé,
tous les ans, une Ambaliade; & dans cette ocç^fion, fes Miniftres ont la
liberté de paroître à là Cour , pour rejriérciét l'EftpfereUr de fes bienfaits (b).
C'eft le feul tems qu'un Voyageur puîffe choifir, pour vifiter un Pays qui
n'eft pas moins inacceffible» par les difficultés naturelles de fa fituatioti , que
par la rigueur des Loix. Kœmpfer, qui fé trçwiyoit à Batavia en i(5po, ac-
cepta l'Office de Chirurgien, qu'on lui offrit, à la fuite de l'Aibbâffade,
L'embarquement fe fit le 7 de Mai, & la navigation fut d'environ quatre
mois. Elle n'eut rien de plus remarquable que celle de divers Voyageurs,
qu'on a déjà repréfentés dans la même route (c). Tranfportons-nous avec
l'Auteur au célèbre Port de Nangafaki. Après avoir découvert, à la gau-
che' du Vaiffeau , les premières Ifles du Japon , qu'on nomme Gotho , &
qui font habitées par des Laboureurs , il entra , le 24 de Septembre, dans
un Havre environné de hautes montagnes, d'ifles & de rochers, qui le
mettent à couvert de la violence des tempêtes & des orages. Sur le fom-
met des montagnes, on a placé des Corps -de -garde, d'où l'on obferve,
avec des lunettes de longue vue , tout ce qui fe palTe fur Mer, pour en don-
ner avis au Magiftrat de la Ville. Auffi vingt Bateaux Japonois, à rames,
vinrent ils le même jour au-devant du Vaiffeau. Ils le remorquèrent, juf-
qu'à
KSMPFBR.
1690.
Seul tcms
où les Euro-
péens puif-
fent entrer au
Japon.
Départ de
Batavia.
Arrivée de
Kaempfer au
Japon.
Port de
Nangafaki.
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A
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(a') Kttmpfer, Tomel. pag. 2.
(6) On verra , dans la Defcription , à
quelles humiliations ils font affujettis.
(e) Nous avons détaché, de cet endroit,
plufieurs circonllances qui regardent le Ro
yaume de Siam ; Voyez le Tome XII. pag.
156 & 195. R. d. E.
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3
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Kaart van het Kei
Do or denHl^Bellin, Ingénieur
T vAi^ HET Kei^erryk JAPAN,
H!^ Bellin, Ingénieur de s Franfen-Zeevaards, \j^^ .
4^2
VOVaCË dé kjEMPFER
K«M>FER. qu'à deux cens pas du Comptoir Hollandois. Le rivage, ^ui eft fermd pat
i(5po. le pied des moncagnes, a, pour défenfe, -l'ufieurs Baftions, de forme
ronde, dont les pahflades font revêtues de peinture rouge; & du côté de
la Ville, aflez prés du rivage , on voit, fur deux éminences, deux Corps-
de-garde entourés de drap, pour dérober, à la vue des Etrangers, le notn^
bre des canons & des hommes qu'on y entretient. ' '
Odicaircs Les Hollandois faluèrent, de douze coups de canon, chacun de ces
formalités à la deux poftes, & jcfttèrent l'ancre, à trois cens pas de la Ville, près de Ôf.
H*^n^''d"^" ^fMfl, quiefl une Ifle formée exprès pour la demeure des Marchands de leur
0 an OIS. jjation. Alors deux Officiers du Gouvernement vinrent à bord , avec leur
Commiflîon par écrit , accompagnés d'un grand nombre de Commis, d'In-
terprêtes & de Soldats. „ Ils appellèrent , fuivant la lifte qu'on mit entre
leurs mains, tous ceux qui éloient nouvellement arrivés; & les faifant
pafler en revue l'un après l'autre, ils les examinèrent depuis lu tête juf-
qu'aux pieds , avec le foin d'écrire leurs noms , leur âge & leurs affaires.
Enfuite cinq ou fix perfonnes du Vaifleau furent interrogées à part , fur
les circonftances du Voyage ; c'eft-à-dire qu'on leur demanda d'où ils ve.
noient, quand ils étoient partis, combien ils avoient employé de tems
dans leur route, & s'ils n'avoient pas abordé à quelque autre Port. On
écrivoit leurs réponi^s.,; On fie aulli diverfes queftions , fur un Officier
du Vaifleau, qui étoit, mort le jour précédent. On obferva foigneufe-
ment fa poitrine & le, re(^c de fa peau , pour s'afFurer qu'il n'y avoit point
de croix ni d'autres marques de la. Religion Rotpaine. Les Hollandois
obtinrent que fon corps fût emporté le même jour; mais on ne permit
à perfonne de l'accompagner,- ni de voir dans- quel lieu on l'avoit en-
terré. Après cette revue , on pofta des Soldats & des Commis à chaque
coin du Vaiffeau, qui pafla, pour ainfî dire, entre les mains des Japo-
nois avec toute fa charge. On laifl^a la Gha'o"pe <5c â'Efquif aujc Mate-
lots Hollandois, mais .feulement pour ce jour-la, & -pour leur donner ie
tems de prendre foin de leurs ancres. Mais on demanda les piftolets,
les CQUtelas & toutes les autres armes , qui furent mifes en lieu de fure-
té ; & le lendemain , on fe fit donner aulfi toute la poudre ". Kœmpfer
avoue qtie, s'il n avoit été prévenu fur de fi bizarres procédés» il auroit
été fort allarpié de fa fituatàon. Il ajortite qiïe la vérité l'oblige de remar-
quer encore, qu'à la première v(^ des» Côtes du J&pon , „ chacun fut obli-
gé, fuivant l'ordre des Supérieurs & r^aneien ufage , de donner, au Ca-
pitaine, fon Livre de Prières -& fes autres Livres de Religion, avec tout
l'argent de l'Europe, qu'il . avoit apporté ; & que le Capitaine, après
^1 avoir fait un Mémoire de ce qui appartenoit à chaque Particulier, mit
, tout dans' un vieux t^ineau> & le cacha aux Japonois jufqu'au départ du
,, Vaifle»u(rf)".: .../,.,
.;, Au s SI-TÔT que ces tyranniques Officiers fe furent retirés , le Comp-
toir Hollandois fit porter, à bord, toutes fortes de rafraîchiflemens ; & les
Dire£le«rs s'y étant rendus le lendemain", firent aflembler tout l'Equipa-
ge, pour entendre lire à quelles humiliantes conditions les Députés delà
Coin*
(rf) Ibid, pag. 91. ' T'
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DANS L^MPÏRE DU JAPON, Hv. IV.
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I (5 9 I.
Prt^paratifs
pour le Voya*
gc de Jcdo.
Obfervntfoni
fur les che-
mins du Ja-
lion.
Compagnie étoient reçiM d»ns ce Port. Le Papier, qui coqtenoitçes, or» K^mfh».
drcs, ftt expofé public^uement , fuivant i'ufagç dujapun, Ka;inpfcr , av^nt 1^9^
fouhaité de defcendre a Defima , fe vit obligé» comme le plus ijmpJe Ma-
telot , de prendre un Paffeport du Vaifleau de garde Japonoia , pour le
montrer aux Gardes de terre. On n'étoit pas plus libre de retourper à
bord , fans un Pafleport des Gaides dç tçrrQ , <jui 4«voiç éLr* .roPOttri m
VailTeau de garde (*). ■ '. t^^ ,..j il .iiiiH L .nû-T'ib .ijfrio .
L>' A MQA^sAOBUR Hollandoîs , qui fe nomrooic Fdin ButetAeim , employa
quelques mois, fuivant l'tjfage établi, à fç difpofer au Voyage de ^^edo^
rélidence ordinaire de l'Empereur du Japon. Kaempfer s'étend beaucoup
fur les préparatifs (/) , & donne'd'abord une idée générale de cette route.
Depuis pluiieurs nécles que l'Empire du Japon eft divifé en fept grandes
Contrées , on a cherché à rendre les Voyages plus commodes , par un srand
chemin, qui borne chacune de ces Contrées; &, comme elles fc font fubdi*
vifées en plufieurs Provinces, on a fait auffi , dans chaque Province,
des routes particulières , qui aboutiflent toutes au grand chemin , com-
me les petites Rivières vont fe perdre dans les grandes* Tous ces che-
mins ont pris leur nom de la Contrée ou de la Province à laquelle ils con»
duifent. > i; ui, .' w '-.jî
Les grands chemins font fi larges, que deux troupes de Voyageurs ,
quelque nombreufes qu'elles foyent , peuvent y pafler en même-tems fans
obtlacle. Celle qui monte, c'efl - à - dire , dans le langage du Pays, celle
qui va vers Meaco, prend le côté gauche du chemin } & celle qui defcend ,
ou qui vient du côté de Meaco , prend le côté droit. Toutes les grandes
routes font divifées , pour l'inflruétion & la facisfaftion des Voyageurs , en
miles géométriques , qui font tous marqués , & qui commencent au grand
pont de Jecb , comme au centre commun de tous les grands chemins. Ce
pont efl: appelle, par prééminence, Nipon-bas; c'oft-à-dire, \q tont du Ja-
port. Ainfi, dans quelque lieu de TEmpire qu'un Voyageur fe trouve, il
peutfçavoir, à toute heure, de combien de mites Japonois il eft éloigné
de la rélidence de l'Empereur. Les miles font marqués par deux petites
hauteurs, placées vis-à-vis l'une de l'autre, de chaque côté du chemin, au
fommet defquelles on a planté un ou plufieurs arbres. A l'extrémité de
chaque Contrée , de chaque Province , & des petits Diftridls, on rencou-
tre un pilier de bois ou de pierre, placé dans le grand chemin , fur le-
quel on a gravé des caraftères , qui font comioître quelles font les Provin-
ces & les Terres qui s'y terminent , & même à qui elles appartiennent.
Les chemins de traverfc ont auffi leurs infcriptions , pour guider les Vo-
yageurs (g).
Dans le Voyage de Nangafaki à la Cour, on fait pafler les Hollandois idc^c p,àié.
par deux de ces grands chemins; & de l'un à l'autre, par eau. Ainfi tou- "le de la
te la route eft divifée en trois parties. Ils fe rendent , d'abord par terre ^outcde Jcdo.
au travers de l'Ifle Kiusju , à la Ville de Kokura ; ce qui demande cinq jours!
DeKokura, ils paffent le Détroit, dans de petits Bateaux, jufqu'à Smono-
' Jeki,
(O Tbid. pag. 92. Defcription générale. i ■ ■• | ,'"''•.
{f) On rejette ces ufagcs Japonois à la (g) KaBiiipfer, Tome IL pag. 304 & 305.
2^4
VOYAGE DE KAMPFER
Kiturr».
itfpi.
Train de
l'Ambaflàdeur
HuUandois.
fekif qui e(l éloigné d'environ deux lieues, & où ili trouvent, à Tancrc
une Barque qui attend leur arrivée. Ce Port e(l également (ùv âc commo!
de. Le chemin de Nangafaki à Kokura, porte au Japon, le nom de^ai.
kaidot qui fignifie Chemin des Terres Occidentales. A Simonofeki, on les fait
embarquer pour Ofacka, où, d'un tems favorable, ils arrivent dans reHjace
de huit jours. Quelquefois le Bâtiment ne va pas plus loin que Fhgo. Olacka
eil éloignée de Fiogo , de treize lieues de Mer Japonoifes. Ils font ce
chemin dans de petits Bateaux, après avoir laifTé leur Barque à Fiogo, Juf.
qu'à leur retour. D'Ofacka, ils traverfent, par terre, le Continent de
la grande Ifle de Nipo», jufqu'àjedo; ce oui prend environ Quatorze jours.
Le chemin d'Ofacka, àjedo, ell nommé Tookaido^ c'efl-à-aire, Cbeminé»
la Côte. Les Hollandois féjournent vingt jours à Jedo ; & revenant à Nan-
gafaki par le même chemin , ils employent , à tout le Voyage , environ trois
mois.^ Il efl au moins de trois cens vingc'âc trois-lieues Japonoifes; cin-
quante-trois ÔL demie, de Nangafaki à Kokura; cent trente-fix, de Kokura
à Ofacka; & cent trente-trois d'Ofacka à Jedo; qui reviennent à deux cens
miles d'Allemagne (*). Dans cette route, on traverfe, ou l'on voit, à
quelque diftance, trente-trois grandes Villes , & cinquante-fept petites, en-
tre un nombre infini de Villages & de Hameaux.
Le train de l'Ambaflàdeur étoit compofé d'un grand nombre d'Officiers,
qui marchoient dans cet ordre: premièrement, un ûojin^ ou Lieutenant
du Bugio. Enfuite Ton propre Lieutenant ; un Bailly de Nangafaki ; l'Ani-
bafl'adeur de la Nation Hollandoife ; le Chef des Interprètes , nommé Jofà-
mon y ou Brafinan-, un Marchand, nommé Abouts ; Kxmpfer, & Dubbù
fon AlTiftant ; tous à cheval. Après eux marchoient l'Interprète en fécond,
nommé Trojemon; fon fils, en qualité d'Elève, & un autre Bailly de Nan-
gafaki; enfin, le yon*ï, ou le Bugio, c'eft-à-dire le Commandant en Chef,
qui fe nommoit Jffàgina-Sandaa-Nq/int porté dans fa voiture, précédé d'un
cheval de main , & fuivi d'un Officier qui portoit fa pique d'Etat , ornée,
au fommet, d'une boule & d'une plaque d'argent, qui font la marque de
fon autorité. Les Cuifmierj, avec la batterie de cuifine, & les deux Se-
crétaires de la route, partoient toujours quelque -tems avant ce cortège;
les premiers , pour tenir des viandes prêtes à l'arrivée de l'Ambaflàdeur;
les autres, pour faire un compte exaft de tous les fraix du Voyage, des meu-
bles Hollandois , du nombre d'hommes & de chevaux qu'on employoit à
les
(b) Les lieues , ou les miles du Japon , ne
font pas d'une égale longueur. Les lieues de
Terre, dans l'Ille de Kiusju, & dans la Pro-
vince à'Isje, font de cinquante ZV/o chacune,
& les autres lieues communes ne font que de
trente-fix. Les premières fe font à cheval en
une heure de marche , & les autres en trois
quarts-d'heure. Le Tsjo eft la mefiire de la
longueur d'une rue. Il contient foixanteifew,
ou nates , qui font environ autant de toifes
Européennes. A l'égard des lieues de Mer,
deux & demie font un mile d'Allemagne,
hors du Fays; mais au -dedans, comme les
Japonois s'expriment, c'eft-à-dire, entre les
Iflcs &aux environs, ils les mefurent fuivant
la longueur des Côtes , fans avoir là-dclfiis de
compte fixe. Kxmpfer ne put juger de leur
proportion avec les lieues de Terre, ou les
miles d'Allemagne, mais il les croit plus
courtes. Ibid. pag. 306. MotUan, dans fon
Ambaflhde du Japon, pag. 104, compte
vingt -cinq miles Japonois, pour un degré,
& trois cens cinquante - quatre de Nangafaki à
Jedo; fçivoir, cfeux cens vingt de Nangafaki
a Olacjia, & cçjit trente-quatre d'OfacKa à Jedo.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
l6s
les porter, de la quantité de miles qu on faifoit chaque jour, du nom des
bôcelleries & de tout ce qui arrivait de remarquable iur la route. Les
Cuifiniers étoicnt fuivis des Valets , des Palefreniers , & de Quelques Por-
teurs, qui doivent fe fucccder tour -à- tour; tous à pied. Les chevaux
de monture portoient, outre leur Cavalier, chacun deux coifies; & les
nattes, fur lefquelles on couchoit la nuit, étendues par-dcHus. Les Ca-
valiers font allis les jambes croifécs , ou dans la pofture qu'ils trouvent la
plus commode.
Le chemin , au travers de Nangafaki , e(l rude & fatiguant , parceciu'on
necefle pas de monter. On trouve, en fortant de la Ville, un Village,
nommé Mangome^ qui n'efk pas éloigné du lieu où l'on exécute les Crimi-
nels. Il n'efl: habité que par des Taneurs, qui exercent, au Japon, l'offi-
ce de Bourreaux. Environ deux lieues plus loin, on arriva au Village d'(/-
rakami. Cinq miles au-delà, les Holiandois virent , pour la première fois ,
une colonne de pierre, d'une toile & demie de hauteur, fur laquelle é-
toient gravés des caraéières , qui marquoient les bornes des territoires de
Nangalaki &.(ÏOmura. Une heure après , ils arrivèrent au Village de 7bc-
Jfe/rz, fur la Baye d'Omura. Ils y dînèrent: mais, quoiqu'ils euffent appor-
té leurs proviiions , & qu'ils fuflent fervis par leurs propres Cuilinicrs , on
leur fit payer une fomme aflez confidérable , pour quelques autres rafraî-
chiflemens auxquels ils n'avoient pas touché. Le chemin de Nangafaki ,
i'ufqu'à ce Village, efl fort inégal, montueux & pierreux, comme tout le
'ays d'alentour. De fertiles vallées s'étendent entre les montagnes; «&,
par l'induflrie des Habitans, les montagnes mêmes font cultivées jufqu'au
ibmmet. Kaempfer ne vit rien de plus remarquable, dans cet elpace, que
l'Idole de Dfijus , qui efl le Dieu des chemins & le Patron des Voyageurs ,
taillée dans le roc, en neuf endroits diiFérens. Il en obferva une autre, de
la méraeerpèce, haute d'environ trois pieds, ornée de fleurs, & placée
fur un pillier de pierre. Cette Idole avoic, devant elle , deux autres petits
f)illiers, creux par le haut, fur lefquels brûloient des'lampes, entretenues par
es libéralités des Voyageurs. A peu de diftance, on voyoit un balfin plein
d'eau, où ceux, qui veulent offrir quelque chofe à l'Idole, doivent d'abord
fe laver les mains. En arrivant à Urakami, les Holiandois furent frappés
par la vue d'un magnifique Tooii^ c'efl-à-dire, d'un grand Portail qui con-
duit à un Temple de Cami , & qui annonce , par une infcription , la demeu-
re de cette Divinité.
A Tockitz, l'Ambafladeur trouva le Maître d'Hôtel du Prince d'Omura,
qui, par refpe6l pour l'Empereur, & fans autre confidération , comme il
le fit déclarer, lui faifoit offrir toutes fortes de fecours pour fon Voyage.
On tenoit prêts deux feifencerSy ou deux Bateaux de plaifance, pour lui
faire traverfer la Baye, jufqu'à Sinongi^ Village qui n'efl qu'à fept miles &
demi de Tockitz. Ces Bateaux font maffifs , mais fort propres. Ils avoient ,
chacun , quatorze Rameurs , vêtus de robes bleues , à rayes blanches. On
avoit arboré, fur la poupe, l'étendart du Prince, avec l'Ecu de fes ar-
mes, qui étoient une rofe à cinq feuilles en champ d'azur. Devant l'éten-
dart étoit placé le fymbole ordinaire de l'autorité fupérieure , qui efl une
touffe de papier découpé, attachée au bout d'un long biiton, auprès du-
XI F. Pan. h\ ^ ^ ^ ^^^^j
1691.
Route de
Kokuru.
Dfir.s,Dieu
Jipon«is des
chemins (5c des
Voyajjcur».
Politcfle
forc(;L' du
Prince d'O-
mura.
i6é
.VOYAGE DE K^BMPFER
169 r.
P-yc!& Ville
d0.aurai
Bninschnuds
dUrifiijino.
Swota &
autres Heux
où fe fait la
fiorcelaine du
apon.
quel le Bugio planta fa pique. Un des Secrétaires du Prince s'aflît d'un
côté , & le Pilote de l'autre. Le Bugio & lAmbafladeur prirent polïelîion
des deux cabanes.
On arriva le foir à Sinongi, après avoir fait dix miles dans tout le jour*
quoique, par Terre, on en compte quinze de Tockitz, parcequ'il faut
faire le tour de la Baye d'Omura. 11 y a fort peu d'eau dans cette Baye.
Elle s'étend à rOueft-Sud-Oueft; & communiquant à la Mer par un petit
Décroit , elle a régulièrement fon flux & fon reflux. Les Hollandois virent
la Ville d'Omura , qui efl: la réfldence du Prince , fituée fur le Havre , à Ij
diftance d'environ deux miles à la droite. Derrière la Ville, ils apperçu,
rent une montagne, qui jettoit de la fumée. On trouve, dans la Baye
d'Omura , des coquilles , qui produifent des perles. Anciennement on y
ramaflbit de très-beau fable d'or , le long des Côtes , qui font préfentement
inondées. Omura dépend de la grande Province de fi/en ^ comme Nan.
gafaki, Firando, Gotbo, Urifigino, Ficaflari & d'autres petits Diftrifts,
qui relevoient autrefois d'un Roi particulier.
On partit de Sinongi , le 14 Février, & traverfant une montagne, onfit
deux miles pour arriver aux frontières d'Omura , où l'on entre dans le petit
Diftriéi à'Urifigino. Dix hommes balaièrent ici le chemin, devant les Hol-
landois , jufqu'au Village qui donne le nom au Diftriél. Aflez proche de
ce Village, fur le bord d'une petite Rivière , qui tombe d'une montagne voi*
fine , on rencontre des bains chauds , fameux par leurs diflFérentes vertus,
Tout l'édifice efl: fermé de baluftres de bambous , travaillés avec beaucoup
d'art. Chaque bain a deux robinets ; un pour l'eau froide, & un pour l'eau
chaude. La fource n'efl: pas profonde ; mais l'eau bouillonne avec tant de
violence, & paroît fi chaude, qu'aucun des Hollandois n'eut la hardieffe
d'y plonger les doigts. Kaempfer, ne lui trouvant pas d'odeur ni de goût,
attribua toute fa vertu à la feule chaleur. Mais , pour le convaincre qu'il
y avoit quelque chofe de plus extraordinaire, un Japonois arracha une bran-
che d'arbre, & l'ayant plongée dans le puits, il lui en donna une feuille à
mâcher ; ,ce qui lui rendit la bouche & la langue , ce ne peintes de verd
& de jaune (i).
Deux miles & demi au-delà des bains » on arri. au Village de Smtn,
après avoir trouvé , fur la gauche du chemin , un grand nombre de mai*
fons. Les Habitans de Swota font une efpèce de grands pots de terre, qui
fervent, au lieu de tonneau, à tenir l'eau fur Mer; aflez. femblables à ceux
que les Européens nommQnt Martabanes ^ d'un Royaume Indien de ce nom,
où l'on en fait une grande quantité, qui fe tranfportent dans toutes les In-
des. Une grande & belle Rivière , qui coule de Swota vers l'Orient , au tra-
vers d'une vafte plaine , va fe jetter dans le Golfe de Simabara. C'eft: dans
le même Village , comme à Urifigino , fur les montagnes voifines , & dans
plufieurs autres lieux de la Province de Fifen , que fe fait la Porcelaine du
Japon , d'une argile blanchâtre, qui s'y trouve en abondance.
En fortant de Swota , les Hollandois eurent à traverfer plufieurs Riviè-
res, dont quelques-unes font navigables; & paflant par les Villages de
... Narifii
(») Pag. 38s & pr«icédentes.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
%6f
Uarijiî & de fFemakiy ils achevèrent une journée d'onze miles à Celui d'0o«
éay où ils dévoient pafTer la nuit. Ils avoient marché, pendant tout le
jour, par des vallées agréables âc fertiles, & dans les plus belles campagnes,
plantées d'arbres, qui portent le thé, à quelques pas du chemin. Ces ar-
brilieaux, qui n'ont pas plus de fix pieds de hauteur, ont fort peu d'appa-
rence , lorfqu'ils font dépouillés de leurs feuilles , comme ils l'étoient dans
cette faifon. Les champs de riz parurent plus beaux , à Kaempfer , que
dans aucun autre Pays du Monde. Toute la Province de Fifen efl; renom-
mée par l'abondance de fon riz, dont on comptejufqu'à fix différentes for-
tes. La meilleure, qui efl celle des environs d'Omura, fe tranfporte à Je-
do pour l'ufage de l'Empereur.
Le jour fuivant , on paffa par Sanga, Capitale de la Province de Fifen ,
pour aller paffer la nuit au Village de Todoroki, après avoir fait dix à on-
ze miles. Tout le Pays de cette marche eft plat , rempli de Rivières , &
de champs femés de riz. Les lieux remarquables , fur le paflage , font pre-
mièrement Torimatz , grand Village , à demi mile d'Ooda. Kaempfer y
vit, pour la première fois, des femmes de Fifen , & ce fpeftacle lui parut
fort étrange. Elles font fi courtes , qu'on les prendroit toutes pour de jeu-
nes filles. Mais avec une fi petite taille, elles font bien proportionnées,
& la plupart fort jolies. Elles fe peignent le vifage , ce qui achève d'en
faire comme autant de poupées ; & lorfqu*elles font mariées , elles s'ar-
rachent les fourcils. Un mile au-delà de Torimatz , on trouve un autre
grand Village, nommé Kongawamas. Une Rivière bourbeufe, qui le tra-
verfe , & qui va fe perdre dans la Mer , quatre ou cinq miles plus bas , offre
un très-beau pont de bois , & n'eft guères fans quelques Barques de plailir ,
qui montent & qui defcendent. Plus loin , d'un quart de mile , on pafle
par le Village à'Utfinfin^ où l'on change de Porteurs & de Voitures; & un
demi-mile au-delà , par celui de ^orac* , après lequel on rencontre, à peu de
diftance, celui de Krnfignomas^ qui eft compofé de trois parties; la pre-
mière, en deçà d'une grande Rivière, qui coule au Sud-Eft, fe nomme
Fooknamaîz\ la féconde, qui communique a:vec la première, par un pont de
cent cinquante pas de longueur, s'appelle Jakimooîz-mas -, & la troifième,
Fajijnomas. Dans les deux premières, on voit des moulins à papier, &plu-
fieurs bonnes Manufaftures d'étoffes de foye. De la même matière que les
Japonois employant pour le papier, ils tirent une efpèce de laine filée, qui
fert à faire des voiles.
Après avoir fait encore un quart de mile , les Hollandois arrivèrent aux
Fauxbourgs d'OnJijmatz, & bientôt à Sanga, réfidence du Prince ou du pe-
tit Roi de la Province de Fifen. Cette Ville eft grande & fort peuplée ,
mais plus longue que large. Elle eft fermée de murailles , autant pour l'or-
nement que pour fa défenfe. Les rues font larges & droites , avec des Ca-
naux & des Rivières qui les traverfent , & qui vont fe perdre dans la Mer
à' Arma , proche d'une Ville du même nom. Les maifons y font baf-
fes, & les boutiques tendues de noir, pour l'ornement. Kaempfer ad-
mira ici plus que jamais la petiteffe & l'agrément des femmes , . qui pa-
roiffent moins, dit -il, des créatures vivantes, que des figures de cire,
quoique la couleur vermeille de leurs lèvres rende témoignage à leur bon-
Ll 2 ne
Kttttntt,
I 69 t.
Riz d'Omu-
ra , réfervé à
l'Empereur.
Femmes
d'une taille &
ë'une figure
extraordinai-
res.
Kbmpfbb.
I69I.
Fertilité de
hi Province
Je Kfen.
Agrémens
Jes chemins.
V'oltures
nommées
Cangos.
Village peu-
plé des en-
fans d'un nic-
nie père.
268 VOYAGEDEKiEMPFER
ne conftitution (/fe). La campagne, à plufieurs miles autour de Satiga, eft
fertile, unie & coupée de Rivières ou de Canaux, bordés d'un grand nom»
bre d'éclufes , qui peuvent fervir à mettre en un moment toute cette éten-
due de Pays fous l'eau. Auffi le riz y croît-il parfaitement. Kaempfer met-
troit cette belle & fertile Province au-deflus de la Medie même (/), s'il
ux fournie de beftiaux & d'arbreS fruitiers. C'efl: d'ail-
qua-
l'avoit trouvée mieux
leurs la plus grande du Saikokf. Le Prince de Fifen n'a pas moins de
rante mille Villages , ou Hameaux , qui dépendent de lui.
Les Hollandois employèrent une heure & demie à traverfer Sanga , quoi-
qu'ils marchaflent aflez vite. Hors de la porte, par laquelle ils Jbrtirent,
ils virent une longue allée de fapins , des cigognes perchées fur les arbres,
mais moins grofles que celles de l'Europe , & plufieurs faucons , que que!-
ques hommes portoient fur leurs mains, fuivant l'ufage du Japon. Après
avoir pafle par le Village de Farnamatz , à un mile de Sanga , & traverfé
quelques Rivières, ils arrivèrent, vers le milieu du jour, au grand Village
de Kanfacki^ à deux miles de Farnamatz. Les chemins étoient propres,
unis , & couverts de fable frais. Quatre miles plus loin , ils achevèrent cet-
te journée dans un autre grand Village , nommé Todoroki ; mais pour y ar-
river, ils avoient pafle quelques Rivières & plufieurs Villages , dont les
principaux font Haddi, ou Faddi, car il n'efl: pas aifé de diftinguer XH de
l'F, dans la prononciation des Japonois , Nittanvah & Magabar. Ils avoient
traverfé un bois de fort grands fapins ; & fur la droite du chemin , à une
lieue de Magabar , ils avoient vu le Château deKurume , Ediiîce magnifique,
où le Prince de TJîkungo fait fa réfidence.
Le 16, ils fe rendirent à Taifero, qui n'eft qu'à un demi mile de Todo
riki. C'efl: un grand Village, que l'Elmpereur avoit ôté, depuis peu d'aU'
nées , au Prince de Fifen , pour le donner au Seigneur de TJujJima & de 5;-
maraba , qui n'avoit pofledé jufqu'alors aucune terre dans le Continent du
Japon , & qui n'étoit maître que des deux Ifles dUlki & de TfuJJtma , fituees
vers la Corée. De Taifero , après avoir pafle quelques Rivières , & ks
Villages d'/fjawaîîs. Farda & Dfufanka , les Hollandois s'arrêtèrent pour
dîner, ij^amaijo^ Village fort peuplé. Près de Dfufanka, le chemin kdi-
vife en deux , dont l'un tourne à droite , du côté de Kurine , & l'autre à gau-
che, le long de quelques montagnes, vers Fakaîto. L'après-midi, ils con-
tinuèrent leur chemin dans des Caw^05 , au travers des montagnes voiilnes,
qu'on ne traverfé point aifément à cheval. Cqs voitures, qui ont la forme
d'un petit panier quarré, ouvert de tous côtés, & fimpleraent couvert d'un
petit toît , foûcenu d'un bâton , font fort incommodes aux Voyageurs. En
raontaiit la montagne de Fiamitz , on rencontre un petit Village fans nom ,
dont tous les Habitans étoient defcendus d'un même homme , qui vivoit
encore. KEempfer fut fur pris de les voir tous, beaux & bien, faits, avec
toute la politefle qui eft: le fruit de la meilleure éducation (m). Le paflage
de la montagne eft d'environ deux miles , après lefquels on defcend , pen*
dant l'efpace d'un mile & demi, à Utjîjino, où l'on reprend des chevaux,
pour arriver le foir au Village d'/f2, qui efl; fitué fur une Rivière. Kaemp-
fer
(*) Pag. 390.
(i) Ibidem»
(») Pag. 333^
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
269
l
fer obferva que les champs étoient environnés d'arbres qui portent le thé.
Les Ilabitans, dit-il, font tant de cas de Ja terre, qu'ils ne veulent don-
ner, à ces arbres mêmes, que les extr^^nités de leurs champs.
On partit le lendemain avant la poir^te du jour, parceque la journée de*
voit être de treize miles. Le Village de Tabukro, deux Rivières profondes,
ui fe joignent près d'un autre Village , nommé KujanoJJ'e , ik. celui de Kuro-
fakiy à un mile & demi duquel on trouve deux pilliers de pierre, qui ré-
parent les territoires de Tfikujen & de Kokura ^ furent les feuls objets qui
s'attirèrent l'attention de Kaempfer, jurq;u'à Kokura même, où l'on n'arriva
qu'après une marche de dix miles. Les Hollandois s'y repoférent , dans
une fort belle hôtellerie. Cette Ville eft fituée dans la Province de Bu/en.
Elle étoit autrefois riche & peuplée : mais depuis que les Cantons voifms
ont été divifés entre plufieurs Princes , elle a. beaucoup perdu de fon an-
cienne fplendeur. Sa longueur eft d'environ un mile Japonois, & fa figure
repréfente un quarré long. EHe eft compofée de quatre parties ; c'ell-à-
dire, d'un grand Château, où le Prince fajt fa demeure; &. de trois Villes,
pu plutôt, trois portions d'une même Ville, féparées l'une de l'autre. Le
Château occupe un grand terrain quarré , qui eft environné de fofles & de
murs ; & chaque partie de la Ville a la même forme. Les maifons font
baffes & petites , les rues larges & régulières. On y voit de grandes hô-
telleries, quantité de rôtifferies, qui ont des foyers élevés, & des grilles
aflez femblables à celles d'Allemagne ; des bains publics, & de beaux jar-
dins pour la promenade. Une Rivière, qui traverfe la Ville,, du Sud au
Nord , fépare fa troifième partie, des deux autres & du Château ; après quoi
elle fe perd dans la Mer. Ses rives étoient alors bordées d'une centaine de
Barques ; car les grands Vaifleaux ne peuvent remonter au-delà de Simono-
feki. Elle n'a qu'un pont, long d'environ deux cens pas,- fur lequel règne,
de chaque côté, une ba.Luftrade 4&,fer„ foûiemie par des pilliers de bois
d'un fort beau travail. - .;■■,
Les Hollandois quittèrent cette Ville, après y avofr pris quelques heures
de repos. On leur fit prendre le chemin de la Côte , pour s'embarquer dans
des Kabttjas, ou de petits Bâtimens de paflage ,, qui dévoient les tranfporter à
Simonofeki. Ils Ibrtirent de Kokura au travers d'une foule de Spe6tateurs , qui
fe tenoient à t'enoux , dans un profond filence. Ksempfer n'ofe alTurer que
ce fût par refpeél pour l' AmbalTade Hollandoife ; Cependant il ajoute; ,»C'efl;
„ ainfi que nous fîmes nos adieux à llfle de Kiusju , ou , comme elle ell nom-
„ mée par le Peuple, Nijijno-Kuniy c'eft-àrdire, le Pays d' \euf, parceq^u'elle
„ efldivifée en neuf grandes Provinces. Elle porte auiîi i. ^oni dtiSaihkf^ ou
„ de Pays Occidental, parcequ'elle eft à l'Ouert de la grande Kle de Nipon ".
SiMONOSEKi n'eft qu'à trois lieues de Kokura. Ce petit trajet, qiu
n'eft qu'un Décroit, formé par une llle,, nommée Kiliji'ma & l'iiiofaniay
& par les Côtes de la Province de Bufen , eft célèbr-e néanmoins par de grande
événemens. Laiflons-en le récit à. Kaempfer:. A nôtre droite, dit-il, fur
les Côtes de la Province de Bufen, dans la JurifdiÊlion;de Kokura, nous vî-
mes une grande Plaine verte,., plantée d'arbres,, qui fe nomme Janu^ima.^
c'eft-à-dire , Vljle dej Perles. Proche de cette Plaine eft un Château , nommé
Daiiif parcequ'ii étoit autrefois la rélidence du Dairi, Empereur Ecclélia-
Ll 3 fti4_Lie
KjSMFPBa.
Dcfcriptioft
de Kokura.
Le Peuple
Hécliit es ge-
noux devant
ks liollan-
dois.
èyo
VOYAGE DE K ^ M ï> F Ë È.
K;rmppxr.
i6pi.
Evénémcns
«jui la rendent
célèbre.
Port de Si-
inonofeki.
Defcription
^e la Ville.
ftlque héréditaire. Entre ce Château & l'Ifle vbirme, qui n'en eft pis k
plus d'un quart de lieue, on découvre un roc qui s'élève au-defllis de la Mer
avec un pillier de pierre bâti au-deffus , que les Naturels du Pays appellent
yorike. Ce Monument fut conflruit en mémoire d'un Pilote du même nom
qui avoit entrepris de conduire un fameux Empereur du Japon, nommé
Taiko, lorfqu'il vint fubjuguer les Provinces Occidentales, & leur impofer
la forme de Gouvernement qui eft aéluellement établie dans tout l'Empire.
Le Pilote Jorike ayant expofé ce Prince au dernier péril, contre ce roc,
{)révint le châtiment qu'il crut avoir mérité. Il s'ouvrit le ventre, à lama-
hière Japonoife; & pour éternifer un fi beat! defefpoir, l'Emperair ordon-
iia qu'on lui érigeât ce Monument. Le même roc eft célèbre encore par la
tnort du fils d'un Empereur, héritier préfomptif de la Couronne. Fegue, ou
Feki, Prince d'un grand courage, fe trouvoic engagé dans une fanglante guer-
re contre Gegs. 11 eut le malneur d'être vaincu , & de fe voir forcé d'aban-
donner Ofacka, la réfidence ordinaire. Ftjmgo^ qu'il prit pour retraite,
ne le mit pas long-tema à couvert. Il eut recours encore à la fuite , & bien-
tôt il perdit la vie. Il n'avoit qu'un fils, à peine âgé de fept ans. La Noiir-
rice de ce jeune Prince entreprit de s'échapper avec lui par la Mer; mais é-
tant arrivée près de ce rocher , & fe voyant pourfuivie de fi près , qu'il lui
parût impoflible d'éviter l'Ennemi, elle embrafla fortement le Prince, &
dans un tranfport de douleur & d'aflfeftion, elle fe jetta dans la Mer avec
Jui. On Ut dans les Hiftoire^i du Japon, que Fegue, jugeant fa, ruine iné-
vitable , envoya fept Navireà chargés d'or & d'argent à la Chine, où l'on
bâtit, après fa mort , un Tethple magnifique à fa mémoire. Les Japonois
en élevèrent un à Simonofeki, pour immoftalifer aufli l'infortune du jeune
Prince (n). ' ....:.... i.. ^^ - -" t;
SiMONosEKi' eft un fameux Port, fitué au pied d'une montagne , dans
la Province de Nagatto , . la plus Occidentale de la grande Ifle de Nipon. La
figure de cette Ifle approchant de celle d'une mâchoire, elle eft coupée par
deux grands chemins , qui s'étendent d'un bout à l'autre. L'un va de l'Oueli
àl'Eft, depuis Simonofeki ; & paflTant par Ofacka &'Meaco, il conduit à
Jedo le long des Côtes. La première partie, c'eft-à-dire, depuis Simono-
feki jufqu'à Ofacka, fe fait par eau, parceque les Côtes font fort monta-
gneufes. L'autre chemin va depuis Jedo, au Nord & au Nord-Eft, juf-
qu'à l'extrémité de la Pr<)vince d'0/î« , pendant l'efpace d'environ quaran-
te lieues.
La Ville de Simonofeki ne contient pas plus de quatre ou cinq cens mai-
fons, bâties la plupart fur les deux côtés d'une rue, qui tait toute fa Ion*
gueur , & qui eft coupée par quelques petites. Elle eft remplie de bouti-
ques, dont les principales marchandifes font des vivres & des provifions
pour les Navireis. C'eft le Port commun de tous les Bâtimens qui vont des
Provinces Occidentales à celles de l'Orient, ou qui en reviennent. Ksemp-
fer en compta plus de deux cens à l'ancre, de toutes fortes de grandeurs.
On fait à Simonofeki, des écritoites, desfaoè'tes, des affiétes, & d'autres
iiftencile . , d'une pierre ferpentine , grift & noirâtre, qui fe tire des carrié-
u,i i
(«) Pag. 400 & précédentes.
■/j^' Il »-'k- •/■* i*-'
DANS L'EMPIRE T>V JAPON, Lïv. IV. 271
reii volfines de la Ville. Les Hollandois y ayant été retenus tout le jour
fuivant, par les vents contraires , paflerent l'après-midi à vifiter les Bouti-
ques, & le Temple di'Amadais^ ce même Monument, qui fut bâti à l'hon-
neur du jeune Prince, fils de l'Empereur Fegue. Ils y furent accompagnés
par deux Officiers de la Ville. Après avoir monté vingt - quatre marches ,
compofdes de pierres afTez mal taillées , ils fe trouvèrent devant trois petits
Temples de bois, derrière lefquels on découvre celui d'Aftiadaïs. Un jeu-
ne Prêtre, qui vint les recevoir à la porte, les mena dans une efpèce d'an-
ti-chambre , ou de falle, tendue de crêpe noir. Le plancher étoit couvert
d'un tapis broché d'argent, au milieu duquel on voyoit, fur un autel, l'i-
mage du jeune Prince ; „ C'étoic un agréable enfint , potelé , avec de longs
„ cheveux noirs. Tous les Japonois de l'aflemblée lui firent des révéren-
j, ces à la manière du Pays, en courbant la tête jufqu'à terre. Chaque
„ côté du tableau ofFroit les images de quelques autres Princes du même
„ fang, de grandeur naturelle & vêtus de noir. Le Prêtre, qui avoit re-
„ çu les Hollandois, alluma une lampe, & leur fit un difcours fort tou-
„ chant fur cette tragique avanture. Enfuite il les conduifit dans une au-
„ tre grande chambre , qui étoit la falle d'audience du Monaftère. Le Su-
„ périeur s'y étoit rendu pour les recevoir. C'étoit un Vieillard fort mai-
^, gre , & d'un air grave. Il étoit vêtu , comme les autres Prêtres , d'une
robbe de crêpe noir , avec un ruban d'argent qui lui defcendoit, en é-
charpe, de l'épaule droite au côté gauche. Derrière ; fa tête , entre les
deux épaules, pendoit une autre pièce quarrée, de la même étoffe. C'é-
toient les marques de fon rang & de fon autorité. Il s'afllt fur le plancher;
& ne voyant pas , aux Hollandois , beaucoup d'empreffement à s'appro-
cher de lui, il fe releva, pour fe retirer dans une des chambres voifines,
qui font de petites cellules, féparées l'une de l'autre par de fimples para-
vents. L'AmbafTadeur laiffa , pour le Monaftère , une pièce d'or , de
, la valeur d'environ deux richedales & demie, ou douze fhellings d'An-
„ gleterre".
On partit le 19, pour Ofacka. Cette route eft de cent trente-fix lieues
marines. Mais la fituation des Havres, où l'on relâche, fait une différen-
ce d'autant plus confidérable , que la fituation des Ifles , grandes & petites ,
qu'on ne ceffe pas de rencontrer, y rend la navigation fort irrégulière.
Pendant tout ce Voyage, on eut les Côtes de la grande Ifle de Nipon, à
bas-bord, c'eft-à-dire, à la gauche du VaifTeau; tandis qu'à ftribord, ou à
la droite, on avoit d'abord celles de la Province de Busjetiy ou de ÈimgOf
& de-là , celles de la petite Ifle & de la Province d'AwadJî.
A deux lieues de Simonofeki , les Hollandois virent , près du Village de
Tannora , un grand Palais , où logent les Princes dans leurs Voyages à la
Cour. Cinq lieues plus loin, ils découvrirent le Village & la ^"meufe Mon-
tagne de Motto-Jamma. Ici le Détroit s'élargit, & les Côtes de Saikokf,
tournant à droite , forment avec celles'de Nipon , une Baye ouverte & fpa-
cieufe. Dix huit lieues au-delà, on perd de vue Saikokf ; & peu après on
découvre une grande Ifle, nommée IwoiJJîma. Un peu plus loin, on arrive
à la vue d'une haute montagne, nommée Cajfada-Jamma, qui eft à dix lieues
de Caminofeki, & l'on découvre , dans l'éloignement. , les hautes montagnes ,
COUî-
î>
5>
»
K«MPrEi*
1691.
Temple
d'Auiadaïc.
•') : ■
Ce q"e le»
Hollandois y
virent.
Route de
Simonofeki à'
Ofacka.
27a
VOYAGE DE KiEMPFERI
Kmmvtru.
I69I.
Idc & Vil-
lage de Garni-
nofcki.
Dfino-Ca-
miro.
IiletkTfu-
\va & fou
Port.
Sciî^ncur de
Fircfimi & fcs
Domaines.
couvertes de neiges , de la Province d'/jo, dans la grande Ifle de Tfiknkg,
Plus loin , on fit apperccvoir, aux Hollandois , des rochers dangereux, qui fj
nomment Sfo-Sine-Kfo , dont quelques - uns font fous l'e^u , & d'autres au-
clelîus. Ils entrèrent enfuite dans un Détroit, qui fépare l'Ifle de Nipon
d'une Ifle voifme. Après l'avoir pafle , ils laiflerent à gauche un Village
nommé MotiizUy qui eft fitué dans l'ille de Nipon, & à droite un autre'
Village nommé Caminofeki^ qui donné fon nom à la féconde lile. Un Farc
de bois , bâti fur un rocher fort élevé , vis-à-vis du Havre , 'porte une Jan.
terne qu'on allume pendant la nuit pour la fureté de la navigation. Kaemp-
fer obferve ici, que la Mer, entre Simonofeki & Caminofeki, porte le nom
dQSuwonada., c'eft-à-dire , Havre de Suwo , parcequ' elle mouille principale-
ment les Côtes de la Province de Suwo.
De Caminofeki, on fit encore fept lieues jufqu'à DJine-Camiro, où l'on
mouilla vers huit heures du foir, après avoir fait, pendant le jour, qua-
rante-cinq lieues marines du Japon. Dfino-Camiro efl: un Village de plus
de cent maifons , dont quelques-unes font bien bâties , fur les Côtes de la
Province d'/^W, au fond d'un Port environné de montagnes. On lui donne
le nom de DJino, qui fignifie Bas^ pour le diftinguer d'un autre Village,
nommé Okino-Camiro on Haut-Camiro, qui n'en ell pas éloigné, fur la mê-
me Côte. Le 20 , un calme, qui dura toute la matinée, ne permit d'avan-
cer qu'à force de rames. On pafTa devant Okino-Camiro, qui contient en-
viron quarante raaifons , fituées à l'extrémité Orientale d'une petite 111^
trè.'i-fercile , dont les collines & les montagnes font cultivées jufqu'au Ibm-
met. L'Ifle de Tfuina fe préfente enfuite à la gauche , avec un fort bon
Port, dont la forme eft en demi cercle, fur la Côte Méridionale, & borJt
d'environ deux cens maifons. Dans le cours de l'après-midi, on eut la vue
d'un Village nommé Camogari^ fur Jeis Côtes de la Province d'Aki. Vers
la nuit, on entra dans le fameux Havre de Mirareiy après avoir fait, pen-
dant tout le jour, dix-huit lieues marines, entre quantité d'iiles , les unes
fertiles & cultivées , mais la plupart ftériles ^ défertes , ou compofées mê-
me de -rochers. On avoit eu à ftribord la Province d'Jjo, dans l'Ilkde
l'fikoko , & de l'autre côté la Province d'Aki , dans l'Ifle de Nipon. Les
plus hautes montagnes de ces deux Provinces étoient couvertes de neiges.
Le 21 , ayant levé l'ancre au commencement du jour, Kaempfer obfer-
va que les Côtes de l'Ifle de Tfikoko , s'approchent fi fort , autour de cel-
les de Nipon, qu'elles forment un Détroit, dont la largeur, en quelques
endroits , n'efl que d'une lieue du Japon. Deux lieues au-delà de Mitarei,
on eut la vue de Ku/riffiind , Place peu confidérable, & fituée à la pointe de
l'Ifle de Tfikoko. C'ell la réfidence du Seigneur de Firefima , dans la Pro-
vince d'Aki , qui poflede aufli neuf petites Ifles voifines. Deux ou trois
lieues plus loin , on paiTa devant la Ville d'Bnabari^ dont le Château efl: un
Edifice magnifique, orné de plufieurs hautes Tours, & demeure ordinaire
de Sijromottofonnoy fils du Prince de Kijnokuni^ qui -avoit époufé la fille de
l'Empereur. On fit enfuite cinq lieues, pour arriver à l'entrée d'un Détroit
fort ferré, qui offre, à bas-bord, un Village nommé Fanaguri^ fitué au
pied de deux montagnes , & célèbre par fes làlines. Plufieurs autres petits
Villages , qui bordent les Côtes , ne font habités que par des Pécheurs. Une
lieue
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 273
lieue au-deflus de Fanaguri , on rencontre une Batterie à fleur -d'eau, qui
défend d'autant mieux Te paflage, que tous les Bâtimens font obligés de s'en
approcher à la portée du piflolet. Quelques lieues plus loin, on voit, à
bas-bord, un autre Village, nommé Iwangi', mais les Terres font fi rom-
pues par la Mer , qu'on ne peut diflinguer s'il efl de l'Ifle de Nipon , ou de
quelque petite Ifle voifine. A peu de dillance , on découvre un Temple ,
litué fur une agréable colline, avec une avant -porte fur le rivage, pour
avertir les Paflans, qu'un long efcalier, qui la fuit, efl: l'avenue d'un Edifi-
ce facré. Plus loin , on paile entre des montagnes , hautes & efcarpées ,
au pied defquelles il y a plufieurs bons Ports & quantité de Hameaux. On
voit, à la droite, dans une Ifle , le grand Village de Swoja , qui efl: renom-
mé par fon fel ; & prés de-là , celui de 3^ugi, ou dlge, qui n'efl; habité que
par de riches Particuliers. .' ;.-:*,
Plus loin , les Hollandois pafle^ ent devant une petite Ifle , remarqua-
ble par fa forme, qui efl: celle d'une haute pyramide. A la droite du Vaif-
feau , ils avoient la Mer à perte de vue. C'eft un grand Golfe, qui s'étend
entre Iko & Sanuki , deux Provinces les plu» G , ntentrionales de l'Ifle deTfi-
koko, & qui s'enfonce fi loin qu'on n'en dt «o! vre pas le fond. De l'autre
côté , la grande Ifle de Nipon offre plufieurs Villages. A quelque diftan-
ce, on entra dans le fameux Havre de Tomu^ qui efl accompagné d'un
Bourg, nommé BingonoTomu , pour le diflinguer d'un Village ae même
nom. Il eft fitué fur une éminence, au pied de la montagne, dans la Pro-
vince de Bingo , qui eft du Continent de l'Ifle de Nipon ; & fa forme re-
préfente un demi cercle. On y fait des nattes très-fines, & des tapis de
pied , qui fe tranfportent dans plufieurs autres Provinces. Outre un beau
Monaftère, qui fe préfente derrière le Bourg, on apperçoit, à quelque dif-
tance , un fameux Temple de l'Idole Jbuto , à laquelle on attribue quantité
de guérifons miraculeules, & le pouvoir d'accorder un vent favorable pour
la Navigation. Les Matelots & les Paflagers attachent quelques pièces de
monnoye , à une planche qu'ils jettent dans les flots, & le Prêtre afllure
que ces offrandes ne manquent jamais d'aller au rivage & de fe rendre entre
fes mains. Cependant, par précaution, dit Ksempfer, il vient, dans un
petit Bateau, demander cette forte de tribut, à tous les Navires qui paf-
fent devant le Temple. On découvre, vis-à-vis, une Ifle couverte de
grands arbres, comme la plupart des montagnes voifines.
A fept lieues de Tomu, on jetta l'ancre, vers le coucher du Soleil , à
Sijreijif Port fitué dans une petite Ifle, à l'extrémité d'une valide charman-
te & bien cultivée. Le Dieu Koboda'is y efl: adoré , dans une caverne , qui
efl au fommet de la montagne. On avoit fait, ce jour-là, dix -huit lieues
marines, à l'Eft & au Nord-Eft. Le 22, après en avoir fait fept entre di-
verfes petites Ifles , on s'arrêta devant 5//?/2ûrs/, ou Sipnotfui^ Ville fit uée
dans la Province de Bitzju, au pied d'une montagne cultivée , avec un
Château voifin ,. nommé Sijwus , qui efl: accompagné d'un petit Village.
Aflez près de-là, on eut la vue de l'Ifle TJufi-'Jamma , vers laquelle on gou-
verna direélement, pour fiiire route à l'Eft. La Mer commence à fe ré-
trécir ici, par le rapprochement mutuel des Côtes de Nipon & de Tfikoko.
A gauche, fur les Côtes de Bitzju, on voit un grand Port, ouvert aux vents
^LF. Part. Mm du
1691.
Batterie qui
défend un
paflage tort
étroit.
Ifle en foi -
me de pyra-
mide.
Temple de
ridolc Abut'j.
Caverne où
Ton ;id ic le
Dieu Kubo
dLiïs.
874
VOYAGE DE K.EMPFER
Kampfir.
i6()i.
Miiru & fa
dcfcripiion.
c
r
Divers lieux
remarquables,
lur la Côte de
Nipon.
du Sud, quia de chaque côcë un Village fur fes bords. Huit lieues plui
loin , fur la même Côce, au Nord, on prouve le grand & beau Village de
Sijnwdo , ou UJijmano^ défemlu par un Fort; & fepc lieues au-delà, le Châ-
teau d'AkOf dont les inuraillcs blanches & ks hautes Tours, avec la Ville
du même nom, qui eft par derrière, forment un puint de vue fort curieux.
Les Côtes voifines ne préfeatent que des rochers. Muru , qu'on rencontré
à trois lieues d'Ako, eftitti Port célèbre, & -des plus fûrs, par l'abri qu'il
reçoit d'une montagne qui s'avance à l'Oueft & qui le couvre. Une bonne
partie du baflln eft entourée d'un mur épais de 'pierre de taille. La Ville,
qui eft bâtie le long de ce mur, dans une fituation jygréable & commode,
appartient à la Province de Bifen. Elle conlifte dan» fane longue rue , qui
règne en demi cercle le long du rivage, & dans quelques autres qui s'cteii'
dent vers la montagne. Outre les provifions , qui s'y vendent en abondan-
ce , elle eft célèbre pai" ime Manufaftuite de cuirs de chevaux, qu'on y tan-
ne à la manière de Ruflle, &dont on relève la coulear par différentes for-
tes de vernis. Les «iGûtagnes voifines font cultivées jufqu'au fommet. Un
Bois, qui eft derrière la Ville, achève de rendre le point de vue fort agréa-
ble, non-feulement par fa verdure, mais encore par quelques Baftions ronds,
dont il eft environné , & par quantité de beaux Edifices qui fervent au lo-
gement des Officiers & des Soldats. La collifie , •ùù le Bois & le Fort font
fitués, eft jointe à la Ville pa^'u-ne petite langue de terre , mais iavec des
murailles & des portes, qui empêchent -la conimunication. Les Hollan-
dois defcendirent à Muru , avec quelques Japonoîs. On leur fit traverfer
la maifon d'un Brafleur de Saki , pour entrer dans la grande rue ; & de-li
on les conduifit chez un Baigneur , où ils eurent la liberté de fe rafraîchir,
A leur retour , ils trouvèrent les rues bordées de Speôlateurs , qui fe met-
tant a ffenoux, fans faire le moindre bruit , les renairent encore incertainj
fi ces témoigniages de refpeél étoienc pour; leur Nation (o).
Ils levèrent l'ahere, le 23; &, pendant tout ie jour, ils laiiTèrent fuc-
ceflîvement, à la gauche du Vaifleàu , fur les Côtes de Nipon, divers
lieux qui s'attirèrent l'attention de Kaempfer. /^bq/î eft une Ville défendue
par quelques Forts, qui contient un grand Magafin Impérial, & qui eft gou-
vernée au nom de l'Empereur. Un Intendant y reçoit les revenus de ce
Monarque. Elle eft fittiée dans le territoire du Prince de Farma. Fimefiif
ou Fimcdji, eft une autre petite Ville, avec un Château fomptueux. Les
Côtes , aux environs de ces deux Places , font pleines de rochers & de fa-
bles. Takafango, ou Takafami, eft encore une petite Ville, à fept lieues
de Muru. Elle domine fur ime grande Plaine, dont elle fait l'entrée, qui
s'étend l'efpace de fept lieues dans l'intérieur du Pays, & de cinq 'j long
des Côtes. Akafi^ qui la termine, eft une Ville ouverte, entourée d'un grand
nombre d'allées d'arbres, & renommée pour fes Manufaftures de Catabks,
qui fout des robbes de femmes d'une toile de chanvre. On découvre, par
derrière, au travers des arbres, un Château défendu par des Tours quar»
rées de trois étages , au miUeu duquel eft le Palais d'un Bugio du Prince de
- r ," -,;- ''^- -■ • '- ». -.. ....... ..i.,.i.,.^. .-, Fa*
(•) II eft hors de doute que les Japonoîs n'honoroient que leurs propres Officiers.
&. d. £.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
275
1691.
f I y-
A quel prix il
fut achevé.
Farîma. Des dcinc côtés de la Ville , lé rivage efl: couvert de plufieufs
•rrands Villages, la plupart habités par des Pécheurs, & par des! Ouvriers
qui tirent du fel de l'eau de la Mer , en la faifant bouillir. Près d'Akafi ,
les Hollandois entrèrent dans un Décroit, formé par les Côtes de Nipon-,
& par celles d'une aflcz grande Ifle , fur laquelle ils virent quelques Villa-
ges & plufieurs '1 emples. Plus loin , ils arrivèrent à la vue des Villages de
Jamatta, Taromif & Sijvoja^ qui font hfabités par des Pêcheurs & des Arti-
îans. Un peu au-delà, on rencontre le V'Ilage de Summa^ ou plutôt trois
Villages , confondus fous le même nom. Pendant les anciennes Guerres
civiles du Japon , quelques Partifans de l'Empereur Feki , fe défendirent
plufieurs années dans cette Place. Summa eft ïiiivi du Village de Kammagu-
t'aj'tjfi, oui contient trois ou quatre cens maifons; après lequel on trouve
la Ville éc le Port de Fhgo, dans la Province de Setz, à cinq lieues d'Akafi. portdeFiogo.
Ce Port efl: défendu au Sud , du côté de la Mer , par une digue de fable qui
s'avance à l'Eft d'environ deux mille pas. Elle à coûté des fommes im-
menfes , «& la vie de plufieurs hommes. Ayant été ruinée plufieurs fois
par les flots & les orages , on defefpéroit de la conduire à fa perfeftion :
Mais, s'il en faut croire les Hifloriens Japonois , un Héros fe fit enterrer
vif fous les fondemens de l'Ouvrage , pour appaifer le courroux des Dieux
de la Mer. Quelques-uns font honneur de cette générofité à trente hom-
mes, qui fe dévouèrent enftfnblepour le bien public. Le Port de Fiogo
n'efl; ouvert qu'à l'Efl:; & de ce côté même, il efl: couvert en partie par
les Côtes de la Province de Setz. C'eft le dernier qui mérite quelque re-
marque , entre Simonofeki & Ofacka. Kaempfer n'y compta pas moins de
trois cens Barques à l'ancre. La Ville n'a point de Château; mais fa gran-
deur efl: prefque égale à celle de Nangafaki , & fa forme efl: en demi cercle
autour dtï Port. On découvre, par derrière , 1 une montagne pelée, qui
renferme de riches Minés d'or.
Le Samedi, 24 de Février, les HoJlandoîs quittèrent leur grande Bar-
que, qui n avoit pu les conduire jufqu'au Havre d'Ofacka, parcequ'il n'a
point aflez de profondeur. Ils louèrent quatre petits Bateaux , dans lefquels
ils fe mirent avec leur bagage. Entre plufieurs Villes confidérables , qu'ils
virent fur la Côte de Nipon, Kaempfer difl:ingùe celle d' j^mangafaki ^ qui
n'efl; qu'à trois lieues d'Olacka, & la Ville Impériale deSakai^ qui fe pré-
fente au Sud-Efl:, en entrant dans la Rivière. Après avoir fait dix lieues,
depuis Fiogo jufqu'à l'embouchure de la Rivière d'Ofacka, les quatre Ba-
teaux entrèrent dans le bras qui efl: navigable, à l'Eft - Sud - Efl:. Deux
magnifiques Barques, qui attendoient l'Ambaflàdeur , le portèrent, au tra-
vers de plufieurs Villages qui bordent les rives , jufqu'aux Fauxbourgs
d'Ofacka, & dans la Ville même. Elle eft féparée des Fauxbourgs, par
deux Corps-de-garde fortifiés; c'eft-à-dire, un de chaque côté de la Riviè-
re. On fit pafiler les Hollandois fous fix beaux ponts de bois ; & lorfqu'ils
eurent enfin la permifllon d'aborder, ils entrèrent dans une rue fort étroite,
par laquelle ils furent conduits au logement ordinaire de leur Nation, dans
un coin qui fait face à la plus grande rue de la Ville.
Ils y arrivèrent vers deux heures après midi. On leur diftribua auflTi-
tôt des chambres , divifées, fuivant l'ufage du Pays, avec des paravents.
Mm 2 Leurs
Villes d"A-
man.^af;iki &
de Sakai.
Entrée d'O
facka.
27(5
VOYAGE DE KjEMPFER
KiBMrrEB.
1(591.
Vifitc que
les II )llaii.
dois HMidcnt
au Gouver-
neur.
Dcfcription
.rOfacka.
Rivière (ie
Jcdogavp
Son origine
&. l'un cours.
Leurs Interprêtes , qu'ils envoyèrent aux deux Gouverneurs de la Ville
avec quelques préfens,pour obtenir la liberté de les voir , rapportèrent bien'
tôt que NoJJî-XemonO'Caini^ un des Gouverneurs, ctoit allé rendre compte,
à la Cour, des affaires qui concernoient Ton adminiftration ; & qu'Orf<jgi>/.
Tajfano-Cami y fécond Gouverneur, qui ctoit occupé pour le refle du jour,
prioit l'Ambaffadeur de remettre fa vifite au lendemain.
En effet, le Dimanche 25 de Février, il fut conduit à l'audience, avec
fon cortège. En defcendant au Palais , qui ell à l'extrémité de la VilJe,
dans une place quarrée, on fit prendre, à tous les HoUandois, un manteau
de foye, à la Japonoife, qui efl: regardé comme l'habit de cérémonie. 11$
traverfèrent un paffage de trente pas , pour entrer dans la falle des Gardes,
où ils furent reçus par deux Gentilshommes du Gouverneur. Quatre Soi.
dats étoient en faétion , au côté gauche de la porte ; & plus loin , huit Of-
ficiers étoient ailis fur leurs genoux & leurs talons. La muraille , à droite,
étoit garnie d'armes fufpendues , & rangées en bon ordre. Kaempfer y
compta quinze hallebardes d'un côté , dix-neuf piques de l'autre, & vingt
lances au milieu. Quatre autres chambres, qu'on fit traverfer fucceirive-
ment à l'Ambaffadeur, n'avoient auffi, pour ornement, que des cris, des
fabres , des cimeterres , & quelques armes à feu , renfermées dans de riches
étuis noirs & verniffés. Enfin , les Hol'landois étant dans la falle d'audien-
ce, deux Secrétaires les y reçurent civilement & leur préfentèrent du thé,
{'ufqu'à l'arrivée du Gouverneur, qui parut accompagné de deux de fes fils.
1 s'aflTit à dix pas de diftance, dans une autre chambre, qu'il ouvrit du cô-
té de la falle d'audience; en déplaçant trois jaloufies , au travers defquelles
il parla. C'étoit un homme de quarante ans, de taille moyenne, mais d'un
air mâle , civil dans fes manières , & s'exprimant avec beaucoup de dou-
ceur & de modeftie. Son habillement étoit fimple , & fans autre marque
de diftindion qu'une robbe grife de cérémonie, par- deffus l'habit commun.
La converfation n'eut rien de plus remarquable. On parla du tems, qui
étoit bien froid ; de la longueur du Voyage ; du bonheur d'être admi.« à li
préfence de l'Empereur , & de la diflinflion des HoUandois , qui , de tou-
tes les Nations du Monde, étoient la feule à qui cette grâce fût accordée.
Après avoir fait leurs préiens , ils fe retirèrent par le même chemin. Quel-
ques jours , dont ils eurent befoin pour obtenir des Paffeports & pour d'au-
tres préparatifs , leur donnèrent le tems de vifiter le Château , & diveriès
parties de la Ville, dont Kœmpfer donne la Defcription.
OsACKA, dit-il, efl une des cinq grandes Villes Impériales. Safitua»
tion eft également agréable & commode, dans la Province de Setzn. Elle
efl dans une Plaine fertile, fur les bords d'une Rivière navigable, à trente-
cinq degrés cinquante minutes de Latitude Septentrionale. Sa longueur,
de rOuefl à l'Efl, c'efl-à-dire depuis les Faqxbourgs jufqu'au Château, efl:
d'environ quatre mille pas communs, fur un peu moins de largeur. La
Rivière de 'Jedogava pafTe au Nord de la Ville, coule de l'Efl à l'Oueft, &
fe jette dans la Mer voifine. Elle apporte d'immenfes richeffes aux Habi-
tans d'Ofacka. Sa fource n'en efl qu'à une journée & demie au Nord-Efl:,
où elle fort d'un Lac, qui efl au centre de l'Ifle , dans la Province d'Oomiy
& qui s'eft formé,, fuivant Je récit des Japonois, dans l'efpace d'une nuit,
par
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
277
KjlMPrF.R.
169 L.
par un tremblement de terre. Elle fort de ce Lac près du Village de TJt-
mtifii^i où elle a un double pont magnifique; double, parccquVIle y cft
divifée par une petite Ille. Elle coule enfuite près des Villes d'LW/i.o: de
Jodo^ dont la dernière lui donne Ton nom. Delà, elle continue Ton cours
versOfacka, où fe partageant en deux bras, l'un entre dans la Ville, &
l'autre va droit à la Mer. * Cette diminution eft réparée par deux autres Ri-
vières, nommées Jamattagava , & Firanofrava , qui It: jettent dans celle d'O-
facka précifément devant la Ville, au Nord du Château, & qu'on traverfe
fur de beaux ponts. Toutes ces eaux réunies , ayant arrofé le tiers de la
Ville, un large Canal en conduit une partie dans les Quartiers du Sud, qui
font les plus grands & la demeure des Habitans les plus riches. On en a
tiré divers petits Canaux, qui pafTent dans les principales rues, & d'autres
qui ramènent les eaux dans le grand. Ils font aflez profonds , pour rece-
voir de petites Barques , qui apportent les marchandifes & les commodités
de la vie, devant la porte des Habitans. Kfcmpfer admira la régularité de
cette multitude de Canaux , fur lefquels on a bâti quantité de ponts , dono
pluiieurs font d'une rare beauté. Un peu au-deflbus du grand Canal , un
autre bras, qui fe fépare de la Rivière, mais qui n'efl: pas navigable, coule
rapidement à l'Ouelt, & va fe rendre dans la Mer d'Ofacka. Mais le prin-
cipal courant, qui demeure entre ce bras & le canal, continue fon cours
dans la Ville, au bout de laquelle il tourne à fOueft, pour arrofcr les Faux-
bourgs & les Villages voifins. Enfuite, fe divifant en pluficurs branches,
il fe jette dans la Mer par différentes embouchures.
Cette Rivière efl étroite, mais d'une profondeur qui la rend très-com-
mode à la navigation. Depuis fon embouchure jufqu'à la Ville, & plus
haut, elle efl: toujours couverte de Barques, qui montent ou defcendent,
les unes chargées de marchandifes, les autres de Princes ou de Seigneurs
de l'Empire. Ses bords font relevés des deux côtés, par des degrés de
pierres de taille, qui, formant des efcaliers continuels, donnent par-tout la
liberté de prendre terre. Tous ces ponts, qui ne font pas entr'eux à plus
de trois ou quatre cens pas de dillance, font bâtis du plus beau cèdre, & PO"'**-
bordés d'une baluflirade , fur laquelle régnent des boules de cuivre jaune. .
Ksempfar en compta dix , également remarquables par leur longueur & leur
beauté. Le premier, & le plus reculé à l'Eft, dans la plus grande largeur
de la Rivière, efl: long de foixante brafles, & foûtenu par trente arches.
Le fécond lui reflTemble dans toutes fes proportions. Le troifième, qui efl:
furies deux bras de la Rivière, dans l'endroit où elle fe partage, a cent
cinquante pas de longueur. Les autres font moins longs , à mefure que la
Rivière s'étrecit.
La plupart des rues d'Ofacka font étroites, mais fi régulières, qu'elles Rues (."se mai-
fe coupent encr'elJes à angles droits; à l'exception, néanmoins, de cette fwisUUuiciu.
partie de la Ville , qui ell du côté de la Mer , où les rues fuivcnt la direc-
tion des diverfes branches de la Rivière. Elles font propres , fans autre
pavé qu'un petit chemin de pierre de taille le long des maifons , pour la
commodité de ceux qui marchent à pied. L'extrémité de chaque rue' efl;
fermée par de bonnes portes , qui le ferment la nuit. Chaque rue offre
aufli, dans, un lieu entouré de balullrades, tous les infl;rumens néceiTaires
Mm 3 pour
Beautij de
fcs bords.
Beauté de
278
VOYAGE DE K M M V T ?. K
Meubles
Fameux
Cliâteau d'O-
facka.
Trois Châ-
teaux l'un
dnjw 1 autre.
pour arrêter les progrès du feu, avec un puits voifin, qui fcrt aint mémej
ulat^cs. Lcsmaifons, fuivant les l.oix tun.iam ntalcs du l'ay«, n'unt pas
plus de deux étages; chacun d'une bralle 6: d^mie, ou de deux brafll-s de
haut. Elles font bâties de bois , de chaux & d'argile. Chaque façade
Îjréfcnte la porte, & une boutique pour les Marchands, ou un attclicr pour
es Artifans. Du haut de chaque boutique, ou 'de chaque attelicr, pend
une pièce de drap noir, foit pour ornemeni , foie pour défenfe contre les
injures de l'air; & l'on y fufpend aulîi des échantillons, ou des modèles de
ce qui fe fabrique ou qui fe vend dans la mailbn. Le toît efl: plat dans les
mailons communes: il n'eft couvert que de bardeaux, ou de coupcauxde
bois; mais le toît des bonnes mailons ell revêtu de toile noire, malticuicj
avec de la chaux. On voit régner, dans toutes les maifons Japonoitls,
une propreté qui fait l'admiration des Etrangers. Elles n'ont ni tables ni
chaifes, ni rien qui reflemble aux meubles de l' Europe. L'efcalier, les ba-
luftrades & les lambris font vernilles. Le plancher efl: couvert de nattes
& de tapis. Les chambres ne font féparées l'une de l'autre que par ila
paravents; deforte qu'il fuffit de lesôter, pour faire une feule pièce de
plulieurs chambres, comme on en fait plufieurs d'une feule, avec cette fa-
cilité à la divifer. Les murs font tapilles de papier fort brillant , dont b
figures reprélentent des tîeurs en argent ; mais, quelques pouces au delTous
du plat -fond, ils font ordinairement enduits d'une argile, couleur d'o-
range, qu'on tire près de la Ville, & que fa beauté fait tranfporter dans
d'autres Provinces. Les nattes, les portes & les paravents font tous de
la même grandeur , qui ell: une bralle de long & la moitié en laigeur.
On bâtit aulfi les mailons & les chambres fur le pied d'un certain nombre
de nattes.
A l'extrémité de la Ville, vers leNord-Efl, on voitj dans une grande
Plaine, le fameux Château d'Ofacka, bâti par l'Empereur Taiko. On ne
connoît, dans tout l'Empire, que le Château de Fingo, qui le furpafleen
étendue, en magnificence & en force. Sa forme ell quarrée. On n'en
peut faire le tour que dans l'elpace d'une heure. Il efl: défendu, au Nord,
par la Rivière de jedogava, qui baigne fes murs, après avoir reçu les deux
autres Rivières ; & quoique toutes ces eaux enfemble pulîent former un
Canal conlidérable, on n'a pas laifle de l'élargir. A l'Eft, les murailles da
Château font baignées par la Rivière de Kqfijvarigava , avant fa joncîion.
Au-delà, vis-à vis du Château, on découvre un grand Jardin qui en dépend.
Les extrémités du Sud ik de l'Oueft: font bornées par la Ville. Kiumpfer
ne croit point exagérer, en donnant fept brafles d'épailleur aux appuis ex-
térieurs du mur. Ces éperons foûtiennent une muraille haute & épailTe,
bordée de pierre de taille, fur laquelle règne une allée de fapins ou de cè-
dres. Les Hollandois ne virent qu'une petite porte étroite , avec un petit
pont, pour entrer au Château; & Kaempfer n'eut pas la liberté de poulït^r
plus loin fes obfervations : mais il apprit, de fes Guides, quelques autres
particularités curieufes. Après avoir pafle la première muraille , on trouve
un fécond Château , plus petit que le premierv mais de la même architec-
ture. Il efl: fuivi d'un troifiéme,qui efl: au centre de tout l'Edifice, & dont
les angles font ornés de belles Tours à plulieurs étages. Dans ce troiiîème
Cnâ"
DANS L'EMPiRE DU JAPON, Liv. IV.
27P
KiRMrrEii.
I 6Ç I.
RidicfTcs Ci
Château, qui efl: aufli le plui élevé des trois, on voit une Tour magnifi-
que, dont le plus haut toît foûtient deux monflrueufcs figures de poillons,
qui, au lieu d écailles , font couverts d'Ubanffs d'or (p) pirfaitemcnt polis.
La porte, qui mène au fécond Château, offre une pierre noire & polie,
qui fait pariie du mur, 6i dont la groflcur efb fi prodi^ieufe, qu'elle pallb
pour la JVIerveille du Pays (q). L Empereur entretienc conflaniment une
grofle Garnifon, dans le Ciidteau d'Ofacka. Deux des principaux Sei-
gneurs de l'Empire y commandent tour à tour, chacun pendant trois ans.
Lorique l'un des deux y vient commencer fes fondions , l'autre doit for-
tir aulfi-tôt, pour aller rendre compte de fa conduite à la Cour. Ils ne
peuvent fe voir, dans cet échange; & celui qui part, laifle par écrit,
dans fon appartement, fes inftruélions à celui qui arrive (;). Ils n'ont
rien à démêler avec les Gouverneurs d'Ofacka, auxquels ils font fupérieurs
par le rang.
La Ville d'Ofacka doit être extrêmement peuplée , s'il eft vrai , comme
les Japonois l'aflurent, qu'on peut lever, de fes feuls Habitàns, une Armée .^'^q,"|^j^^^
de quatre-vingt mille hommes. Sa fituation, qui efl également avantageu-
fe pour le Commerce, par terre & par eau, en fait la Ville du Japon la plus
marchande. Elle eft remplie de riches Négocians , d'Artifans & d'Ouvriers.
Les vivres y font à bon marché, comme tout ce qui fert au luxe, ou à
flatter les fens. Aufli les Japonois la nomment-ils le Théâtre du Plaijir. Ils
s'y rendent de toutes les Provinces de l'Empire, pour y dépcnfer agréable-
ment le fuperflu de leur bien. Tous les Princes & les Seigneurs, qui
pofTédent des terres à l'Oueft, ont leurs maifons dans cette Ville, quoi-
qu'il ne leur foit pas permis de s'y arrêter plus d'une nuit. L'eau , qu'on
y boit, eft un peu fomache; mais on brafle, dans les Villages voifins, le
meilleur Saki du Japon.
Les Hollandois partirent d'Ofacka , le 28 de Février, pour fe rendre»
Meaco , qui n'en eft éloigné que de treize lieues. Ils avoicnt loué , pour
cette route, quarante chevaux & quarante porte-faix. Après avoir pafle
la Rivière fur un pont , qui fe nomme le Kiobas , & qui eft précifément
fous le Château, ils firent une lieue dans des champs de riz fort humides,
fur une chauffée baffe, qui règne le long de la Rivière de Jedogava, & qui
eft plantée d'un grand nombre de TfanaiHls. Ces arbres s'élèvent autant
que nos chênes. Leur écorce eft rude. Ils étoient alors fans feuilles ; mais ,
malgré l'Hyver, leurs branches étoient chargées d'un fruit jaune, dont les
Habitàns tirent de l'huile. Tout ce Pays ell extraordinairement peuplé.
Les Villages y font en fi grand nombre, & fe fuivent de fi près, fur le
grand chemin, qu'ils forment comme une rue continuelle, jufqu'à Meaco.
Inwùtz, Mfirigutz, où l'on prépare Ja meilleure canelle, Sadda ik Dffiidfi^
font ceux qu'on rencontre les premiers. On arrive enfuite à t'iracatta , qui
eft compofé de cinq cens maiîbns , à cinq lieues d'Ofacka. Sur toute la
rou-
Routo cl'O-
fncka à Mea-
co.
(p) Monnoyc J-ponoife.
(q) De cinq brades tlj long, & de lamc-
mc é, aiflfeur.
(r) La raifon que l'Auteur en apporte.
c'efl qu'on ygardclcs tréfors de l'Empereur,
fur-touc les revenus des Provinces Occidenta-
les, qu'on y accumule.
^8©
VOYAGE DE K JE M P F E R
K^MPFRR.
I69I.
Tliéd'Udfij,
le ineillciir du
T:ipon.
route, on reconnoîc facilement les hôtelleries & les maifons publiques, aux
filles fardées qui fe tiennent à la porte , & qui foUicitent les Voyageurs d'y
entrer. Après midi, les Hollandois traverlerent les Villages de Fatzumaé:
de Fajimotto , d'où ils fe rendirent à !j^odo , petite Ville célèbre par la beau-
té de fes édifices & de fes eaux. Son Fauxbourg efl: une longue rue, par
laquelle on arrive à un magqifique pont de bois, qiii. a quatre cens pas de-
longueur , & qui efl: foûtenu par quarante arches , avec des baluftrades or-
nées de boules de cuivre jaune. Les rues de Todo font fort droites. Le
Château , qui fe préfente au côté occidental de la Ville , efl: bâti de bri-
que, au milieu de la Rivière, & forme un beau fpeélacle par la ir^ignifi.
cence de fes Tours. C'efl: la demeure d'un Prince, qui fe nomme Fondai-
fiono. En fortant de Jodo , on pafla encore fur un pont de deux cens pas,
& foûtenu par vingt arches, qui fépare la Ville d'un autre Fauxbourg. On
laifle à droite, de l'autre côté de la Rivière, un gros Bourg nommé Wfij^
fameux par l'excellence du thé qui croît dans fon territoire , & qu'on réfer-
\ ve pour l'ufage* de l'Empereur. Deux heures de marche firent arriver les
* Hollandois kFnfijmi^ petite Ville ouverte, dont la principale rue s'étend
jufqu'à Meaco , & pourroit pafler pour un de fes Fauxbourgs.
On étoit au premier jour du mois, que les Japonois nomment Tfitatz,
& qu'ils célèbrent , comme un jour de Fête , par les vifites qu'ils rendent
aux Temples, & par des promenades ou d'autres amufemens. La rue, que
les Hollandois fuivirent pendant quatre heures entières , avant que d'arri-
ver à leur hôtellerie de Meaco , ne cefla point de leur offrir une foule d'Ha-
bitans, qui prenoient l'air & qui cherchoient à fe réjouir. Les femmes
étoient bien mifes ; avec des robbes de différentes couleurs, à la manière
de Meaco , des voiles de foye pourpre fur le front , & de grands chapeaux
de paille, pour fe défendre de l'ardeur du Soleil. On voyoit des elpéces
particiilières de Mendians, vêtus d'une manière boufonne, ou ridiculement
mafqués. Les una marchoient fur des échaffes de fer ; d'autres porcoient,
fur la tête, de grands pots remplis d'arbriffeaux verds; d'autres chantoientj
d'autres,fiffloient .; d'autres jouoient de la flûte ; & d'autres frappoient fur
de petites cloches. Différentes fortes de Farceurs amufoient le Peuple ,
dans un grand nombre de boutiques ouvertes. Des Temples , bâtis fur le
panchant des collines , étoient illuminés d'une variété de lampes , & les
Prêtres , battant les cloches avec des marteaux de fer , faifoient un hwk ,
qu'on pouvoit entendre de fort loin. Ka;mpfer remarqua fur un Autel ,
dans un Temple qui bordoit la rue , un grand chien blanc. On lui dit que
ce Temple écoit confacré au Patron des chiens. Enfin les Hollandois def-
cendans, à fix heures du foir, dans l'hôtellerie qui appartient à leur Na-
tion (j), firent annoncer leur arrivée aux principaux Officiers de Meaco,
pour les difpofer à recevoir leurs préfens.
Ils furent admis, le jour fuivant, à l'audience du Préfident de Juftice
& des Gouverneurs , mais avec la petite humiliation d'être obligés de quit-
ter leurs voitures , à cinquante pas du Palais du Préfident , pour faire à pied
ce
(j) Quoique cette maifon foit dcftinëe pas A dire qu'elle leur appartienne en pro-
jpour la réception des Hollandes , ce n'tfl pre. On fçait le contraire. R. d. E.
liques, aux
yageurs d'y
: Fatzutna &
)ar la beau-
ue rue, par
cens jpas de •
uftrades or-
Iroites. Le
bâti de bri-
■ la mngnifi.
mme Fondai-
IX cens pas,
ibourg. On
)mmé LW/Î/',
qu'on réfer-
c arriver les
rue s'étend
lent Tfuatz,
Li'ils rendent
La rue, que
: que d'arri-
2 foule d'Ha-
Les femmes
a. la manière
ids chapeaux
des eipèces
ridiculement
s porcoient,
chantoient;
appoient fur
: le Peuple,
bâtis fur le
npes , & les
nt un bruit,
r un Autel ,
n lui dit que
illandois def-
: à leur Na-
de Meaco,
it de Juftice
liges de quit-
r faire à pied
ce
■tienne en pro-
R. d. E.
o
DANS L'EMPIRE DIT JAPON, Liv. ÏV.
aSî
Defaiptioi
de Meaco.
i-;;
te qui leur reftoit de chemin, & d'attendre à la porte du premier Corps- K*M?mi
de-garde, qu'on eût donné avis de leur approche. Le Préfident ne leur fit 1691.
pas même Thonneur de paroître , & reçut leurs préfens par les mains de
quelques Officiers. Us trouvèrent moins de hauteur chez les deux Gouver-
neurs, qui fe firent voir, comme celui d'Ofacka, par desjaloufîes. Ce-
pendant leur patience y fut mife à d'autres épreuves. Apfrès l'audience ,
on les pria de s'arrêter quelque-tems , pour donner la liberté aux Dames , '< j
qui étoient dans une chambre voifîne, derrière un paravent qu'on avoitper- ' ' ,
ce de plulieurs trous , de confidérer leur figure & leur habillement. „ Non-
„ feulement l'Ambafladeur fut obligé de montrer fon chapeau , fon épée ,
„ fa montre , & plulieurs autres chofes qu'il portoit fur lui ; mais on
„ le pria d'ôter fon manteau , pour laiiFer voir fes habits devant & der-
„ rière (t)".
Les Hollandois paflerent quatre jours à Meaco. Cette Ville, dont
Kaempfer joint ici le Plan, copié, dit-il, & réduit d'après une Carte Ja-
ponoife, fe nomme Meaco (v) ou Kio; nom qui lignifie Fille , & qu'on lui
donne par excellence , parcequ'étant la demeure du Dairi , ou de Itmpe-
reur Eccléfîaftique héréditaire, on la regarde comme la Capitale de l'Em-
pire. Elle eil utuée dans la Province de Jamatto, au milieu d'une grande
Plaine. Sa longueur, du JNord au Sud. efl: de trois quarts de lieue d'Al-
lemagne ; & fà largeur, d'une demie lieue de l'Eft à 1 Oueft. D'agréables
collines, dont elle efl environnée, & quelques montagnes, d'où Ibrtent
quantité de petites rivières & de fontaines , rendent fa fituation charman-
te. Du côté de l'Eft, on voit. Air le panchant d'tine de ces montagnes,
un grand nombre de Temples , de Monaftères & de Chapelles. Trois Ri-
vières, qui ont peu de profondeur, entrent dans la Ville du même côté;
& fe réuniflant au centre, on les pafle fur un beau pont, d'environ deux
cens pas de longueur. Enfuite, toutes ces eaux taffemblées coulent àl'Oueft.
Le Palais du Dairi occupe un Quartier feptentrional , compofé de douze ou Palais du
treize rues, qui font féparées du refte de la Ville par des murs & des fof- Dairi-
fés. Dans la partie occidentale de Meaco , on voit un Château de pierres
de taille, & bien fortifié, qui fert de Logement au Cubofama^ ou Monar-
que féculier , lorfqu'il vient vifiter le Dairi Les rues de la Ville font étroi-
tes, mais régulières, & d'une longueur extraordinaire. Les maifons n'ont
que deux étages ; la plupart font de bois & d'argile , avec un réfervoir
d'eau fur le toît, & tous les inftrumens néceiTaires pour arrêter les ravages
du feu {x),
Meaco pafle pour le Magafin général des Manufaétures du Japon & de r
toutes fortes de marchandifes. , C'efl: le centre du Commerce de l'Eppire (y), de SS!^^
i ' t '!'■ r '' .: 1 . •;; : -, t. ' > "' ■■ . ïtt^A ..., *, Dans .
(t) Toine III. pag. ip.
(») Kaempfer écrit toujours Miaeo.
(x) Renvois du Plan de la Ville de Meaco.
A. Quartier du Dairi, ou Empereur Ecdéfia-
ft que hértîditaire.
Palais du Cubofama, ou Empereur fécu-
lier.
Le Temple de Daibods,
X/F. Fart. • ' ' ■
B
D. Le Temple de trente -trois mille trois
cens trente-trois Id.> es. », ,. .j'
E. Le Chemin de Fufiini.
F. Village deFulîmi. . r. \, .^
G. Rivière de Kamagava.
(3/) „ On y ra6ne le cuiyre, on y bat
,, monnoye, on y imprime des Livres, on
„ y fait, au métier, les plus riches étoffes
N n „ à
Flatte - Grond v^
>RONT) VAT^ DE STAB MIACO
282
V O y A G E D E K JE M P F E R
AfTujettine-
ment fingulier
des HoUan
dois.
r./;i'5/ i
Temple Im-
périal dcïfu-
ganiii.
Dans le dernier dénombrement, qui fe nomme j^ratame ^ on avoit compté
àMeaco, quatre cens roixante-dix-fept mille, cinq cens cinquante -fept
Laïques, oc cinquante • deux mille, cent foixante-neuf Eccléfiaîliqvies
fans y comprendre la Cour entière du Dairi , qui eft très - nombreufe *
& les Etrangers qui s'y rendent continuellement de toutes les parties de
l'Empire.
Les Hollandois ne vifitèrent qu'à leur retour plufieurs beaux Temples
qui fe préfentent fur les montagnes voiOnes de Meaco ; mais un article (i
curieux doit ér.re rapproché de cette Defcription , & l'exorde de l'Auteur
mérite d'être rapporté dans Tes termes. „ C'ed une coutume établie de>
„ puis long-tems , qu'à nôtre retour de la Cour , & le dernier jour de nôtre
„ départ de Meaco , on nous accorde la liberté de voir la fplendeur à I3
„ magnificence de les Temples , qui font les Bâtimens Religieux les pliu
„ grands , les plus agréables <Sc les plus magnifiques de l'Empire. On peut
„ dire même que cette coutume a pris, par degrés , une force de Loi. G^
„ nous mène aux Temples , & nous devons les voir , foit que nous le vou»
„ lions ou non ; fans qu'on ait aucun égard au defîr , ni à la volonté de l'Ani'
„ baffadeur & du Direfteur de nôtre Commerce (z)".
C£s Edifices font placés avec beaucoup d'art fur le panchant des mon*
tagnes , qui environnât Meaco. Le premier qu'on ht voir aux Hnllati.
dois , fut le Temple Impérial de Tfuganin. On s'y rend par une fpacieufe
allée, qui règne pendant plus de mille pas le long de la montagne, & dont
la porte ed grande & magnifique , avec un double toit recourbé , commf
celui de tous les Temples & de toutes les l'ours deff Châteaux du Japon.
Cette al'ie, couverte d'un beau fable, eft bordée des deux côtés par de
hautes maifons, qui font celles des Officiers du Temple. On entre, à l'eX'
trêmité, fur une grande terrafle, entourée d'arbres & debuifTons, aprè»
laquelle, paiTant entre deux magnifiques Bâtimens de bois, on monte par
un très-bel efcalier , qui conduit dans un autre Bâtiment fort exhaulfé,
dont le frontifpice a quelque chofe de plus éclatant & de plus inajeftueus
que le Palais même de l'Empereur à Jedo. La galerie en eft verniflee avec
beaucoup d'art, & les chambres font revêtues de nattes très-fines. Au roi*
lieu de la première falle, qui eft fort grande, on voit une Chapelle, ou un
petit Temple , qiui contient une grande Idole , avec des cheveux frifés ,
environnée d'autres Idoles plus petites , & de divers ornemens. Les deux
côtés de la falle offrent plufieurs autres Chapelles , mais plus petites &
moins ornées. De là , on fit entrer les Hollandois dans deux appartemens
„ à fleurs d'or & d'argent. Los meilleures
- „ teiiïturcs & les plus chères , les cifelures
„ les plus exquifes , toutes fortes d'inftru-
„ mens de mulique , de peintures , de cabi-
„ nets vernifTés , toutes fortes d'ouvrages en
„ or , & en autres métaux , fur-tout en acier,
„ comme les lames de la meiUaire tremfTe
„ & autres armes , fe font à Meaco dans la
„ dernière perfcftion ; de^mâme que les plus
„ riches habits, toute forte de bijouterie,-
t, de marionnettes, qui remuent la têted'el*
. - , par-
les-mêmes , & u.ie infinité d'autres curio-
fités. On ne peut rien fouhaiter qui ne fc
trouve dans cette Ville; & l'on n'y peut
rien porter d'écrar.ger que fes Ardues ne
foient capables d'imiter. 11 y a peu de
maifons où il n'y ait quelque chofe i
vendre , & j'avoue que je n'ai pu com-
prendre d'où il peut venir aiTez d'ache-
teurs pour une (1 grande quantité de raar-
chandifes ". Ibidem, pag. 21 & 22.
(z) Ibidem, psg. izQ.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
tSs
particuliert , bâtis pour fervir de Logement à l'Empereur, lorfqu'il y efl:
amené par fa dévotion. Ils font élevés, fuivant le langage du Pays, de
deux nattes au*deifus de la grande falle, & les deux portes donnent pafla-
ge à la vue fur les Chapelles. Prés de ces deux appartemens , qui font au
pied de la montagne, dont la perfpeftive eft charmante par elle-même,
on trouve un petit jardin, où l'art a réuni toutes fortes d'agrémens. Les
allées en font couvertes d'un fable très-pur. Plufîeurs plantes rares , & di-
vers arbriiïeaux de la plus belle forme, entrelaiTés de pierres curieufes, or-
nent les compartimens du parterre. Mais rien n'y eft plus charmant , pour
les yeux , qu'un rang de petites collines , formées à l'imitation de la
Nature, & couvertes des plus belles plantes & des plus belles fleurs du Pays.
Un clair ruifleau les traverfe , avec un agréable murmure. D'efpace en ef-
pace, il eft couvert de petits ponts, qui fervent tout à la fois d'ornement
& de communication pour les différentes parties du jardin. On conduifit
les Holiandois à l'extrémité de ce lieu délicieux, où le point de vue forme
une aucre forte de beauté. Ils fortirent par une porte de derrière , qui les
conduifit dans un petit Temple voifin, plus élevé de trente pas fur la mon-
tagne. C'eft dans ce Temple que fe confervent les noms des Empereurs
morts , écrits en caraélères d'or , fur une table entourée de fièges bas , où
l'on voit divers papiers , ^ui contiennent des fofmules de prières. De-là,
deux Jeunes Moines fort civils , qui fervoient de Guides aux Holiandois,
leur firent prendre le chemin d'un autre Temple, féparé du précédent par
une grande place, dont la principale magnificence confîftè dans fes quatre
to^ a recourbés. Les poteaux , les colonnes , & les corniches , qui fuppor-
. ,iit les toîts , font peints de rouge & de jaune. On y voit , dans des ni-
ches verniffées, plufîeurs Idoles, dont la principale eft diftinguée par un
rideau qu'on tire devant elle, par un miroir rond, qui en eft voifin, & par
quelques troncs , couverts d'un treillis , où l'on reçoit les aumônes du Peu-
pie. A peu de diflance du même Temple, on mena les Holiandois dans
un autre , qui n'en eft pas fort différent , où ils furent reçus par une trou-
pe de jeunes Moines , qui leur fervirent du faki, dès champignons, des
fèves rôties, des gâteaux, des fruits, des racines & des légumes.
Ils retournèrent enfuite à la grande place par laquelle ils étoient entrés,
& dont ils n'avoient vifité qu'une partie, puifqu'on les alTura qu'elle con-
tient vingt-fept Temples dans fon enceinte. Mais de-là, on les conduifit
au Temple de Gibon^ ou des Fleurs, qui eft à plus de mille pas des p^'écé-
dens. Le chemin eft très-agréable. Ce Temple eft entouré de trente ou
quarante Chapelles , régulièrement difpofées. La cour eft plantée de beaux
arbres , entremêlés de boutiques , & d'efpaces vuides où le Peuple s'exerce
à tirer de l'arc. Le Temple même eft un Bâtiment long & étroit , dont le
milieu, qui eft féparé du refte par une galerie, contient une grande Ido-
le, entourée de plufîeurs petites. La grande repréfente une jeune femme,
de deux ou trois braffes de longueur ; & les petites font autant de jeunes
gens qui s'emprefTent autour d'elle. On voit, au même lieu, la repréfen-
tation d'un Navire Holiandois , avec des épées & d'autres armes Européen-
nes. Une longue rue," qui fe nomme Sijwonjafakki ^ ou la rue des Mendians
& des lieux de débaudie, mène de ce Temple à celui de Kiomids, où le
N n 3 • pre-
tÉKftfM.
Î69I.
Délicieux
jardin.
Temple oîi
fe^gardent \eà
noms des Em-
pereurs
mores.
Temple de
Gibon , ou des
Fleurs.
.!.'"■ !
284
VOYAGE DE K -« M P F E R c
I 6p I.
t
Fontaine de
bgclîc..
Temple de
Daibods , ou
des trenie-
trois mille
trois cens
trente-trois
Idoles.
Defcriptioiî
de l'Idole.
premier objet qui fe préfente eft une Tour de fept étages , dont le plus bas
eft élevé de quel4ues marches au defllis du terram. Le Temple eft un peu
)lus loin, appuyé d'un côté par la montagne, & foûtenu de l'autre par de
brt hauts pilliers. On y trouve toujours une grande foule de Peuple. Ua
efcalier de pierre, qui eft aflex proche de l'Edifice, mène par quatre- vingt,
cinq marches, à une fameufe fontaine qui fort du rocher en trois endroits,
& dont on prétend que l'eau a la vertu d'infpirer de la modeftie & de la
prudence. Elle fe nomme Otevantaki. Les Hollandois la trouvèrent fore
pure ; mais , en ayant goûté , ils ne s'apperçurent point qu'elle différât de
l'eau commune. Us continuèrent d'avancer le long de la montagne , fur
une terrafle artificielle; & paflTant par divers petits Temples, ils arrivèrent
à l'entrée d'un grand , d'où la vue eft plus belle & plus curieufe que l'Au*
teur ne peut le repréfenter. Toutes les Idoles de ce Temple font aflifcs,
& fe tiennent par la main.
Enfin les Hollandois furenD conduits au Temple de Daibods ^ un des
plus fameux du Japon , & peu éloigné du grand chemin de Fufimi. Il e(l
bâti fur une éminence: fa cour eft entourée d'une haute muraille de fort
grandes pierres de taille, fur -tout celles de la façade, qui n'ont guères
moins de deux braffes en quarré. Le côté intérieur de cette muraille offre
une grande galerie, ouverte du côté de la cour, & couverte d'un toît qui
eft foûtenu par deux rangs de colonnes* Kaempfer en compta cinquante,
de chaque côté de la porte. La porte même en a plufieurs , avec un dou-
ble toît recourbé pour ornement. Deux ftatues de Héros, qui paroiffent
garder l'entrée , n ont , pour habillement , qu'un morceau de draperie noire
autour de la ceinture. Elles font hautes de quatre brafles , bien propor-
tionnées , & placées fur un piédeftal d'une braife de hauteur. Le Temple
fe préfente au milieu de la cour , vis-à-vis de ces deux ftatues. C'eft le Bâ-
timent le plus exhauïïe que les Hollandois enflent vu jufqu'alors au Japon.
Il eft couvert d'un double toît magnifique , dont le comble s'élève au-def-
fus de tous les Edifices de Meaco. Les pilliers qui le foûtiennent font au
nombre de quatre-vingt-feize. Ses portes forment des allées , ou des gale-
ries, qui' s'élèvent jufques fous le fécond toît. L'intérieur de l'Edifice eft
entièrement ouvert au-delfusdu premier toît; c'eft-à-dire, que le fécond
n'eft porté que par un grand nombre de poutres & de montans , différem-
ment difpoles,, & peints en rouge. Cependant fa hauteur extraordinaire
rend l'efpace fort obfcur. Au-lieu de nattes, & contre l'ufage commun,
le rez - de - chauflee du Temple eft couvert, de grandes pièces quarrées de
marbre. Les pilliers ont au moins une brafle & demie de groffeur, & font
formés de i'aflemblage de plufieurs folives , peintes en rouge comme celles
du fécond toît. Dans un fi vafte efpace, on ne découvre point d'autre
ornement que l'Idole, qui eft toute dorée, & d'une grandeur incroyable.
Trois nattes pourroient être aifément placées dans la paume de fa main.
Elle a de grandes oreilles, les cheveux frifés; & fur la tête, une couron-
ne , qu'on découvre par la fenêtre qui eft fous le premier toît. On lui
voit, fur le front , une grande tache fans dorure, qui produit l'effet d'u-
ne mouche fur le vifage d'une femme. Les épaules font nues, la poi-
trine &. le corps négligemment couverts d'une pièce de drap. Elle tient
la
)i
i>
DANS L'EMPIRE DU JAPON, LîV. IV.
2SS
ns , différem-
extraordinaire
M
»
la main droite levée, & la paume de la gauche appuvée fur le ventre,
„* Elle efl afiTile à l'Indienne, les jambes croifôea.ifur une fleur de Tarate (a),
" foûtenue par une autre fleur cfont les feuilles fe relèvent. Elle a le dos
*! appuyé contre un ovale d'ouvrage branchq, ou de filigrane à pcrfonnages,
orné de diflférentes petites Idoles de forme humaine , aflifes fur autant
de fleurs de Tarate. Cet oval» efl: fi grand , qu'il couvre quatre pilliers ;
& l'Idole a tant de largeur, que fes épaules touchent d'un pillier à l'au-
tre, quoique la diftance foit de quatre brafles. Plus loin, les HolLndois
virent un autre Temple, dont l'Idole a quarante-fix bras. Elle efl: envi-
ronnée de feize Héros , vêtus de noir, plus grands que nature; & der-
rière eux , de deux rangs d'Idoles dorées, à-peu-près de la même taille,
chacune avec vingt bras. Les plus reculées de ces fl:atues ont de longues
houlettes. Les autres portent a la main des guirlandes & d'autres orne-
mens. Elles font fuivies de plufieurs autres rangs d'Idoles, de diflférea-
tes grandeurs , & dans un ordre , qui laifle toujours voir celles qui font
les plus éloignées. On prétend que leur nombre total monte à trente-
trois mille trois cens trente-trois; ce qui a fait donner, à l'Edifice, u»
nom Japonois, qui fignifie Temple des trentt-trois mille trois cens trente-trois-
Idoles (b)".
Les Hollandois partirent de Meaco le 2 de Mars ; & n'ayant pas em-;
ployé moins d'une heure pour ar'river à l'extrémité d'un Fauxbourg qui fe
nomme Avauagus^ ils traverfèrent enfuite, par un fentier fput étroit , une
montagne, après laquelle ils trouvèrent , à une lieue de Meaco, les Villa-
res de Finoka & de J'akodjieja. Le dernier s'étend jufqu'à celui de Jabuno-
^a, dont le terroir produit le meilleur tabac du Japon. A gauche de la rou-
ie, on découvre un Monafl:ère, nommé A/«ro-ï'ai-Z)a/-MoMjw , précédé d'un'
I69I.
n
»
n
»
»»
»»
Route de
Meaco û Fam-
uiatnatz.
I
te
magnifique Portail qui donne entrée dans l'avenue du Temple. Un quart •' : •,
de lieue plus loin, on arrive au Village à!0givakji>y compofé d'une longue
rue, d'environ cinq cens maifons., ^ui oe font habitées que par des Serru-
riers, des Tourneurs en bois &en ivoire, des Cifeleurs , des Tireurs d'or
& d'argent , & fur-tout par des Sculpteurs & des Peintres. A droite , on
voit une haute montagne, qui fe nomme Ottovano-Jamma ^ & qui étoit alors,
couverte de neige. Les Hollandois s'arriêtèrent cette nuit à 0«z., quoique «
dans tout le jour ils n'euflent fait que, trois lieues Japonoifes. Cette Ville Ville & Lac
efl compofée d'une rue, en forme d'arc, où Ton ne compte pas moins de d'Oiu.
mille maifons. Elle efl: fituée au bofd d'un Lac d'eau douce, qui porte fon - »>
nom; & faifant partie du Domaine Impérial , elle efl: gouvernée par uft
Officier de la Cour. Son Lac efl: étroit; mais il s'étepd en longueur , au
Nord, l'efpacede cinquante ou foixante lieues Japonoifes , jufqu'à la Pro-
vince de Canga. l'outes les marchandifes , qui viennent de cette Provin-
ce à Meaco , defcendent par eau jufqu'aux murs d'Oitz; Le Lac fe dé-
charge dans deux Rivières, dont l'une defcend à Meaco, qu'elle traverfe,
& l'autre pafle à Jodo & à Ofacka., pour entrer dans la Mer. On décou-
vre, à peu. de dillance du même Lac, une haute & charmante montagne,
(a) C'efl: la JVympi«a Paluflris maxitna, (*) Pag. 134. & précédente». "'^i -.^Hi
m Faba J^gyptiaca Projp, Alpinù. . . ', ^< •. . r r-ny-n
Nns '
iV.Ï
, 1 )Vi' )
Monrn^^ne
de Jefan & fes
trois mille
Tcniplcii.
âS^
VOYAGE DE K^MPFER
RjlMPFIR.
el
I -.ri'
1 ■: I .
Pont le plus
grand du
Japon.
Rofcaux ,
de la racine'
defquels on
fait les cannes
pour s'ap-
puyer.
nommrfe %yâ«, ou Jif^fan^ qui eft couverte de beaux arbre» & de verdure
jufqu'au fommet. Elle contenoit, dit'on, trois mille Temples ,& par con.
fëquent un prodigieux nombre de Moines. Sa fituation , & Topinion de fa
faintetë , en firent un afyle pour les Habitans de Meaco , pendant la fureur
des Guerres civiles. Cependant l'Empereur Nobunangay qui joignoit, à
beaucoup de haine pour tous les Miniftres de la Religion , le reflentiment;
de quelques infultes qu'il avoit reçues des Habitans de cette montagne, s'en
Tenait maître avec une Armée nombreufe, dëtruifit les trois mille Temples,
& maflacra tous les Moines. Derrière la montagne de Jefan , à deux lieues
du grand chemih , on voit les Firanotakis , autres montagnes qui s'étendent
beaucoup fur la longueur du Lac d'Oitz , & derrière lefquelles il y a deux
chemins, par où quelques Princes de l'Occident du Japon fe rendent à la
Cour. • '> *-' ^' ?'''• ' •'■i- ;. ^- .'u-.;. ., . ■■: jfoo ?..•
L E 9 ^ on fit treîzie lieues , jufqu'au Village de Tfùtfi'Jamma. En fortant
d*Oitz, on arrive bien-tôt à l'agréable Ville de Dfedfie^ réfidence de Fonk-
fijrO'Cami , Prince de Facatta. Ses rues font d une régularité finguliére.
Le Château, qui eft à l'extrémité feptentrionale de la Ville, eft entouré
d'un côté par le Lac d'Oitz. C'eft un vafte & magnifique Bâtiment , orné
de hautes Tours quarrées, dont les toîts, au même nombre que les étages,
font d'un édat- ftirpreaant. Un grand Temple du Dieu Umano-Gongin, qui
eft vôifm du Château , ome encore la perfpeélive. Ici les grands chemins
commencent à fe trouver boi>dës de fapins, qui ne ceflent, jufqu'à Jedo,
que dans quelques endroits cowçés par des rochers, ou par un terrain trop
fabjoneux. Les lieues font mefurées auffi , avec beaucoup de régularité ,
par une butte ronde, & un arbre deflus. On trouve, après Dfedfie, un
Village nommé Tfetta\ SjetPa^ ouSetta^ que la Rivière de Jedogava tra-
vèrfe en fortant du Lac d'Oitz. Le double pont qu'on a bâti fur cette Ri-
vière, dans un endroit où elle eft' féparée par une petite Ifle, eft le pb
grand que l'Auteur ait Vu au Japon. Ij lui donne, dans fa totalité, trois
cens quarante pas de longueur, entre 'deux baluftres^, ornés de boules de
cuivre jaune. Une lieue & demie plus loin , on pafle par le Village de Ku-
fatZf dans le territoire duquel la Nature produit cette célèbre efpèce dero^
feau, ou de bambou, dont les racines fervent à faire des cannes pour s'ap-
puyer en marchant. Elles fe nùiranént Fatjiku^ au Japon , quoiqu'elles foyent
portées en Europle fous le nom de Rôttong. Le prix en eft ordinairement
médiocre; mais elles deviennent quelquefois très -chères, lorfque le Sei-
gneur du Pays défend d'en arracher pendant quelques années, de peur
qu'une trop grande confommation ne foit nuifible à raccrôifTement oe Ja
plante. Il s'en trouve dans d'autres Contrées ; mais la racine en eft fi cour-
te qu'on n'en peut faire des cannes. Id , le Fatfiku , ou le Rottang , jette
des racines fi profondes , c(iie pour les tirer de la terre , on eft obligé de
faire de très-grandes ouvertures. Une partie des Habitans de Kufatz n'a
pas d'autre occupation ni d'autre commerce. L'art de les préparer confi-
fte'à couper ce qu'il y a d'inutile aux deux bouts de la racine, avec un cou-
teau d'une trempe particulière. On coupe aufli les jeunes racines & les fi-
bres autour des jointures , en laiflanc néanmoins leurs marques , qui font de
petits trous roîids autour de chaque jointure. Si les racines font courbées,
on
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
287
KjBMrPKR.
I69I.
Poudre cé-
lèbre par ks
vertus.
Hiftoirc de
fa découverte
& de Ton lu-
on employé le feu pour les redrefler. On les lave enfuice, & Ton apporte
beaucoup de foin aies nettoyer (fj. . :f' .
Un quart de lieue au-delà de Kufacz, on pafTe trois grands Village^ con-
tigus, qui fe nomment Mingavay Tebuira^Ôc Minûki; ou, fi l'on veut,
trois rues confécutives d'un même Village, 'qui font diftin^uëes par difFé-
rens noms. Minoki efl renommé oar une poudre de finguliere vertu , qui
n'a été découverte , & qui ne fe ^ait que dans ce lieu. Les Japonois la
nomment ^«^fran , & la prennent intérieurement pour toutes fortes de
maladies, fur -tout pour une forte de colique, qui eft particulière à leur
Pays (d). Un pauvre Habitant, iqui pafle pour le premier Inventeur de
ce fameux remède, publia que le Dieu J'akufi^ qui eft l'Efculape des Japo-
nois , lui étoit apparu en fonge , & lui avoii offert différentes plantes qui
croilient fur les montagnes voifines, en loi ordonnant d'en faire ufage,pour
le foulagement de fes Compatriotes. Cette hiftoire ayant mis le remède en
honneur il en vendit beaucoup. Ses profits le mirent bien - tôt en état
de faire bâtir une belle maifon pour fa demeure, & vis-à-vis de fa bouti- vcntéûr.'
que, une petite Chapelle, richement ornée , à l'honneur du Dieu qu'il re-
connoifibit pour l'Auteur de fa fortune. Il plaça, dans ce Temple, la fta-
tue de Jakuli, qu'on y voit debout, fur une fleur de Tarate dorée, & fous
une grande coquille de Pétoncle, qui lui fert de couvrechef. La tète eft
entourée d'une couronne de rayons. Il tient, dans la main droite, quel-
que fymbole que les Hollandois ne purent diftinguer , & dans la gauche , un
fceptre, doré, comme toute la figure. Les Japonois, qui panent dans le
Village, manquent rarement de rendre hommage à cette Idole; les uns,
avec une protonde révérence, les autres s'approchant du Temple, tête
nue, dans une pofture humiliée. Deux Parens de l'Inventeur , qui font
leur demeure dans le même lieu, & qui ont continué le même commer-
ce, ne fe font pas moins diftingués par leurs richeffes & par leurs fonda-
tions («). '. •-'
En fortant de Minoki, on perd de vue le Lac d'Oitz, qui eft caché par
des collines ; & l'on arrive , à fix lieues de la Ville du même nom , dans
un grand Village qui fe nomme IJJîbe. A quelques lieues d'Iflibe, on trou-
ve la petite Ville de Minakutz^ compofcîe de trois longues rues fort irré-
guUères, & célèbre par fes Manufaâures de chapeaux, & de paniers de
jonc. C'eft un paffage fort fréquenté par une foule de Pèlerins , les uns à Pèlerins
pied-, d'autres à cheval, & deux ou trois fur la même monture, qui revien- *^'^^J^-"
nent d'Isje , Temple célèbre , à l'extrémité méridionale de la Province du
même nom. La plupart portent le nom de leur pèlerinage , celui du lieu
de
(c) Pag. 32 &33.
( d ) Elle eft faite du Putsju , cfpèce amè-
ic de Coftus , qui , après avoir été fechée
& coupée groiïïéremcnt , eft réduite en pou-
dre. On met cette poudre dans des papiers
de quatre doigts en quarré , fur Icfqujls on
écrit en caradères rou^j^-s èx, noirs , fon nom ,
ki utaijcs & fes vertus. Chaque paquet peu
un peu plus de deux dragmes. On la donne ,
fuivant 'âge & la difpoiition du Malade , en
un.', deux, ou trois dofes, qui fe prennent
dans une tafle d'eau chaude. Dans les mai-
fons, où cette poudre fe fait , on lu vend
préparée & bouillie dans l'eau. Kampftr ,.
ibid. pag. 33.
(0 iM. pag. 34. • ..., .;
288
VOYAGE DE K^MPFERf
Kjbmpprr.
SuperAitions
Japouoifcs.
V.lf
Pèlerines de
JoKaitz.
Elles plai-
fentàKsmp-
fer.
de leur naiPTancc , «Se leur proore nom , écrits fur leur chapeau, pour être
reconnus dans toutes fortes uaccidens. La boetCf qui contient leurs in*
dulgenccs, eft attachée aufTi au bord de leur chapeau, fur leur front; âcdc
1 uucrê côté, ils ont un bouchon de paille, enveloppé dans du papier, pour
tenir la boete dans l'équilibre. ' Djutfi-Jamma fut le Villas;; où les Hollan*
dois paflerent la nuit, après une journée de douze lieues Japonoifes.
Le 4, ils palTércnt la montagne de Dfutftka^ pour arriver par un chemin
fort rude à Sakanojla^ Villagij à deux lieues de Dfutfi'Jamma. La deÀ
cente de cette montagne ne reflemble pas mal à celle d'un efcalier à vis; ce
font de grandes marches, taillées fur le bord d'une profonde vallée, qui
mènent à une autre montagne voifine. On ne laifle pas de rencontrer ,
dans cette route, pluficurs Chapelles fervies par des Moines, (jui préfen-
tent aux Voyageurs quelque relique à baifer. Sakanofla ed un Village d'cn>
viron cent maifpns,, le premier qu*on rencontre dans la Province d'isje,
Frès duquel Qn vend, dans un petit Temple, des planches fort minces, où
on grave des caraélères magiques , qui garantiflcnt de toutes fortes d'infir-
mités & de difgraces. On trouve enfuite le Village de Futzkaki. Plus loin,
trois quarts d'heure de marche firent arriver les Hollandois à Sekinojift. Us
navoient fait, à midi, qu'environ quatre lieues; mais, avant le foir, ils
en firent fept jufqu'à Jokaitz-, où l'on trouve un chemin qui mène au Pèleri-
nage d'isje, éloigné de treize lieuea o u^nifim-:^ '.,"V>
Ils avoient palTé, dans l'après midi, par Kamme-Jamma^ Ville affez
grande , & fituée fur une éminence , où l'inégalité du terrain rend les rues
fort irréguliéres. Une lieue plus loin , ils avoient traverfé le Village de
Munitfaya; & de-là, fucceffivement , ceux de Tsjono^ de Tfijakus^ Ijmjn'
kit Ojevata & Ftnkava ^ dont le moindre. efl: de deux cens maifons. Le
Pays eft fort montagneux, jufqu'à deux lieues de Jokaitz, où il devient plus
plat & plus fertile. Jokaitz eh une afTez grande Ville, où les Etrangers
font d'autant mieux traités , que la plupart des Habitans vivent des fervicej
qu'ils leur rendent. Entre plufieurs Pèlerins, que les Hollandois rencontrè-
rent ce jour-là, ils admirèrent une femme vêtue de foye, fort bien parée,
& le vitage couvert de fard, qui conduifoit un vieillard aveugle, & qui
marchant devant lui , demandoit eflfrontément l'aumône. Ils rencontrèrent
auifi plufieurs jeunes fi/*MmY, efpèce de Religieufes Mendiantes, qui abor-
dent les Voyageurs en chantant , pour tirer d'eux quelques pièces d'argent.
Elles s'arrêtent auflî long-tems qu'on le defire , fans faire payer leurs fa-
veurs trop cher. La plupart font fil es des Prêtres Montagnards , & le
font confacrécs à ce genre de vie en fe rafant la tête. Elles font propres
& bien vêtues. Leur coeflfure eft un voile de foye noire, fur un chapeau
léger, pour défendre leur teint de l'ardeur du Soleil. Ktempfer loue leur
conduite, qui eft,. dit-il, également libre & modefte, & comme partagée
entre l'efFronterie & la pudeur. Il ajoute „ qu'elles ont autant de beauté
„ qu'on en puifle trouver dans les femmes du Pays ; que leur mendicité a
„ moins l'air de l'indigence que d'une fcène deComcJic, que non-feulement
„ elles attaquent la bourfe des Voyageurs, mais qu'elles les attendriflent
„ par leurs charmes ; r-ie pour les diftinguer des autres Mendiantes , on
„ les nomme Kamam-Bikuni , parcequ' elles vont toujours deux à deux;
„ elles
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV
289
„ elles ont leurs portes marqués fur les chemins voiHns de Jokaitz; &
„ cliuque année elles font obligées de porter au Temple d'Isje , en
'! f )rme de tribut , une certaine partie de ce qu'elles ramaflent en ir.en-
„ diunt (/) ".
La route du 5, fut d'abord à Quarto ^ qui n'efl: qu'à trois lieues de Jo-
kaitz; & dans cet efpacc, on traverfe dix Villages & plulieurs Rivières.
Quano, qui le nomme aufli Kwwana & Kfana^ ell une fort grande Ville, la
première de la Province d'Oivari, & lituée fur une Baye de la Mer du Mi-
di. Son Château efl: bâti dans l'eau , du côté méridional , & doit fa fon-
dation à l'Empereur Gengoin^ qui, haïflant les femmes, & fur-tout l'Impé-
ratrice fon Epoufe, y relégua cette Princeffi-, avec toutes les Dames de fa
Cour. La grande R'iviùrc do Saijah fe jette dans la Mer, près d'un Villa-
ge du même nom , à trois lieues de Guano. Quatre lieues & demie plus
loin, on trouve une autre Ville, nommée Mz/ViA, dont le Château fert de Lo-
gement à l'Empereur, lorfqu'il fe rend à Meaco. Une longue rangée de
maifons, qui s étend fefpace de deux lieues, depuis Mijah, finit à Nagai-
j'i , réfidcnce du Seigneur de la Province , dont le Château pafle pour le
troifième de l'Empire, par fa force & fon étendue. Ce Prince efl: fi ref-
pcdtc , que fi les Hollandois le rencontrent en chemin , ils font obliges de
mettre pied à terre, avec toute leur fuite, & d'attendre dans une pofl:ure
humiliée qu'il foit pafll'. On vifite, à Mijah, quelques Temples, où l'on
garde précieufement de vieux cimeterres, dont fe fervoient les Héros Ja-
ponois des anciens tems.
Kassadira, Narimujij Armatfi & ïmokava , font de grands Villages que
les Hollandois traverfèrent le lendciTfain, avant que d'arriver. à T/iva^ ou
Tfiiiu , première Ville de la Province de Mïkava. Okafaki , qu'on rencon-
tre enfuite , efl; une autre Ville de la même Province, arrofée par une Ri-
vière, qui prend fa fource dans les montagnes voifines au Nord-Ouefl;,
d'où elle coule , avec beaucoup de raj)idité, jufqu'àJaMer. Fufikava^ pe-
tite Ville, n'efl; qu'à une lieue & demie d'Okafaki; & trois lieues & demie
plus loin , on arrive dans une longue rue , bordée de belles maifons & de
magnifiques hôtelleries. Cette unique rue compofe une aflez grande Vil-
le, qui fe nomme Akajaka. Le jour fuivant, on fait fept lieues pour arri-
ver au Bourg d'Array, en paflTant par Go/m, Khomra^ Simofij y Jofijda & S'tjro-
Jaka, Jofijda , ou Jojlfijda , efl: une Ville confidérable , fituée fur une émi-
nence , à cinq lieues d'Array, & célèbre par fes Manufa6lures d'ouvrages
d'acier. Sijrofaka efl: un gros Village, bâti fur le bord de la Mer; d'où
l'on commence à découvrir le fommet de la haute montagne de Foofi^ ou
Fujino-Jama i dont la beauté caufe de l'admiration. Array n'efl: qu'une pe-
tite Ville, ouverte & fans murailles, mais importante par le féjour des
Commiflaires Impériaux, qui font établis pour vifiter le bagage des Voya-
geurs, & fur-tout des Princes de l'Empire, auxquels il étoit alors défendu
de faire pafler des femmes & des armes. C'étoit une des maximes politi-
ques de l'Empereur régnant, pour s'afliirer la paifible pofleffion du Trône.
Les femmes & les filles des Princes étoient gardées à Jedo, Capitale de
l'Em-
(/) Ibidem, pag. 39 & 40. , .
XIV, Part. O 0
KAMPriR.
i6yi«
Maine d'un
Fjiipcrciir
f-.iponois pour
les Icinmcs.
Tcmples'de»
cimeterres.
Politique qiii
fait prendre
les femmes !c
les filles pour
cautions des
hommes.
t^o
Kjempfer.
Rivière de
Ten-Rijn.
Hivicrc
.iOjingava,
fi fts lingula.
rites.
Comment
on la paffe.
VOYAGE DE K j: M P F E K
■'t
l'Empire, comme des cautions de la fidélité de leurs maris <Sc de leurs pè-
res (g). A l'égard des armes, il n'étoit permis, dans aucun lieu, d'en
tranrporter une quantité confidérable. Les Hollandois furent affujettis à la
vifite des Commiflaires ; après quoi traverfant, dans une Barque Impériale,
le Havre de Sawo, qui n'a qu'une demie lieue de largeur, & fept lieues &
demie de tour , ils defcendirent à Mijafacka , d'où l'on ne compte que trois
lieues jufqu'à Fammainatz. LePay, qu'ils avoient traverfé, étoit fort a-
gréable, & bien cultivé , mais moins peuplé qu'ils ne s'y étoient attendu,
en approchant de la Capitale. Fammamatz eft une petite Ville, dont les
rues lont très-régulières , & qui eft accompagnée d'un grand Château.
Le jour fuivant, on arriva à deux lieues de cette Ville, fur les bords
de la grande Rivière de Ten-Rijn, qui n'a pas moins d'un quart de lieue de
largeur , & dont la rapidité ne permet pas d'y bâtir des ponts. On trou-
ve enfuite une Ville, nommée Mitzedai, qui eftfuivie de celle de M«2k
Plus loin, on pafle un pont de cinq cens pas, pour entrer dans Fuburoj,
d'où l'on fe rend à Kakinga, ou Kakegava, qui en eft à deux lieues. Kifij-
facka*ei\. à 4a même diftance de Kakinga; & l'on y prend des Cangos pour
traverfer une montagne, jufqu'au Village de Canaja, où l'on reprend des
chevaux. Une lieue plus loin, on rencontre la grande & fameufe Rivière
d'Ojingava, qui defcend des montagnes voifines avec une rapidité furpre-
nante, & fe jette dans la Mer une demie lieue au-deflbus de ce paflage. Il
eft impoffible de la traverfer à gué , après les grandes pluyes ; & , dans
d'autres tems , les grandes pierres qu'elle entraîne des montagnes , la ren-
dent toujours fort dangereufe. Les Habitans des lieux voifins , qui con-
noiflent parfaitement fon lit,, prenneflt un prix réglé pour aider les Voya-
geurs ; & fi quelqu'un a le malheur de périr entre leurs mains , les Loix du
Pays puniflent de mort tous ceux qui s'étoient chargés de fa confervation,
IlsYont payés à proportion de la hauteur de l'eau , qui fé mefure par un po-
teau planté fur la rive. Quoique 1-eau fût alors affez bafle, cinq hommes
furent nommés pour chaque cheval- du cortège Hollandois; deux à chaque
côté, pour lui foûtenir le ventre, & un pour tenir la bride. Dans un tems
plus difficile, on employé fix hommes de chaque côté du cheval; deux pour
le tenir fous le ventre; quatre pour foûtenir ceux de devant & fe foûtenir
l'un l'autre, pendant qu'un treizième mène le cheval par la bride. LesE-
crivains du Japon, fur-tout les Poètes , font fouvent allufîon aux attributs
finguliers de cette Rivière (h).
S I M A D A eft une petite Ville , à peu de diftance , où les Hollandois palTè-
rent la nuit. Le Pays eft montagneux & ftérile. On eut, le lendemain,
les montagnes à gauche ; & l'on découvroit la Mer à droite , au travers de
plufieurs champs , entourés d'arbrifleaux qui portent le thé. Après avoir
pafle plufieurs Villages , on retomba dans les embarras du jour précédent,
pour traverfer une Rivière fort rapide , qui baigne les murs de Fufij-Jek
De-là, paflant à la vue d'un fameux Château, nommé Fanunkajijo, on eut,
pendant deux ou trois lieues , un très-mauvais chemin , par des montagnes
ÔL des rochers, où la Rivière de Fulij-Jedo prend fa fource: mais on retrou-
va
(g) Ibidem, pag. 47.
(I») Ibidem, pag. 51/
DANS L'EMPIRE DU JAPQN, Liv. IV.
29<
Fiente (^e
pigeon (jui
prend feu
d'fllc-mèine.
va la plaine, vers la petite Ville de Muriko; & dans une demie heure de KiBMPFia.
marche, on arriva fur le bord d'une grande Rivière, qui, travcrfant ^W- i(5pi.
kavùt îe^jette dans la Mer, à peu de diftance, par trois embouchures. '
On ne compte pas plus d'un quarc de lieue de cette Rivière à Smuga , ou
Strynga (i). Capitale de la Province du même nom. C'efl une Ville ou-
verte, dont les rues font larges, régulières & remplies de belles boutiques.
On y fait du papier, des étoffes à Heurs, des boetes,, d'autres uftenciles
de rofeaux entrelaffés , & toute forte de vaiffelle verniflee. On y bat mon-
noye, comme à Jedo & à Meaco. Le Château , qui cfl au côté fepten-
trional de la Ville, avoit été confumé par le feu depuis quelques années;
& l'on attribuoit cet accident à la fiente de pigeon , qui s'étant ramaffée
long-tems au plus haut étage de la Tour, y avoit pris feu par fa propre cha-
leur. Ksempfer fe loue de la Jeuneffe de cette Ville, qui lui parut bien
élevée; parcequ'en voyant palier les Hollandois, elle ne leur ft pas d'in-
fultes, comme dans les autres Villes (k).
A trois lieues deSuruga, ils paffèrent dans un Village, nommé ^eferiy
& fitué fur une profonde Rivière , près de la Baye de Totomina. On jette BoisdeTef?rh
fur cette Rivière une grande quantité de bois fort dur, qui s'appelle Bois
dej'eferiy & qui defcend jufqu'à la Mer, d'où il fe transporte dans toutes
les Illes du Japon. L'Empereur. fait entretenir, dans un Port voiiin , quel-
ques Vaifleaux de guerre pour la défenfe de la Baye; Vis-à-vis, fur une
haute montagne , ell la fameufe Fortereffe de Kuno , ou de Kone , que les
Japonois croyent imprenable , & qui fervoit anciennement à garder les
tréfors de l'Empereur. Kaempfer obferva, dans cette route, plufieurs
plantes rares , & différentes fortes d'arbres antés , qui portent de grandes
fleurs. Le grand chemin , fur-tout aux environs de Suruga , étoit couvert
de Bikunis, ou de jeunes Religieufcs Mendiantes , qui divertiffent les
Voyageurs par leurs chanfons; deJammabcs,ou de Prétruis; des Montagnes,
qui adreffent de longues harangues aux Paffans , & qui les terminent par
un bruit effroyable de trompettes & d'anneaux de fer ; & de Pèlerins , qui
vont au Temple d'Isje, ou qui en reviennent.
Le iode Mars, on paffa par Kiomids (/), petite Ville, aune lieue & Kicmids.
demie de Jeferi, & par Jofiivara^ qui en eil à fept lieues & demie, pour
arriver le loir à Miftjma. Cette journée, qui eft de douze lieues, donna
beaucoup d'occupation à la curiofité de Kaempfer. Il vit, à Kiomids, un
exemple de corruption , qu'il croit unique au Monde. Enfuitc , après a-
(f) Quelques-uns la nomment Stimpu; &
tVautres Futiju , du nom de fon Cliâteau.
(k) On crioit api es eux, Toojin, Daî,
Bai. L'Auteur n'ex;^^lique point ces trois
mots.
( / ) Kiomids eft une petite Ville d'environ
il(;ux cens maifons, fituée au pied d'une mon-
tagne couverte de fapins, La Ville tétant peu
tloignée de la Mer, fes Habitans tirent leur
fcl du fable des Côtes, après y avoir verfé
i)c l'eau de Mir ;\ différentes reprifes. On
f'iit le Kiêuie commerce dans les Villages
o
von*
voifins, le long de la Côte, jufqu'à Cambara.
On fait auflî , à Kiomids , un ciment renom-
mé-, dont le principal ingrédient ell laréline,
tirée des fapins qui croiflcnt dans la montagin;
voifine. Il fe vend en petits morceaux , plié»
dans des écorces darbres, ou dans des feuil-
les de rofeaux. On monte de la Ville , par
im cfcaiier de pierre, fur la montagne, où
l'on trouve un Temple , nommé Kiiomijira ,
célèbre par plufieurs Hiftoires fabulcufes;
mais encore plus par ili charmante llturaion.
Jiidem, pag. 55.
0 2
292
VOYAGE DE K ^ M P F Ë' k
K/EMPFER.
169 I.
Rivière Je
Fudriliava.
Dcfcription
de la Mon-
kigne dcFudfi.
Mifijina
voir pafle les Montagnes de Tatai , & la Rivière de Jumatz , pour fe ren-
dre à Cambara , qui n'en eft qu'à une lieue & demie, il fallut quitter la Côte
du Golfe, & tourner au Nord vers la grande Rivière de Fitdftknva, qu'on
rencontre une lieue & demie plus loin, au Village d'Ivabutz, feul endroit
où l'on puifle la traverfer. Elle a fa fource fur la haute Montagne àeFudJî
CMpufi^ qui eft à fept grandes lieues Japonoifes de ce Village, vers le
Nord-Eft; & croiflant, dans fon cours, par la jonélion de pluiieurs autres
Rivières, elle fe divife en deux bras, pour fe jetter dans le Golfe de To-
tomina. On ne la pafle qu'avec beaucoup de peine & de danger , dans des
Bateaux plats , dont le fond eft de planches fi minces , qu'en paflant fur un
banc de fable ou fur un rocher, elles cèdent, & le Bateau glifle defllis. C'efl
de l'autre côté de cette Rivière , qu'après une heure & demie de marche, on
fe rendit à Joftivara ; Ville la plus voifine de la montagne de Fudfi , quoi-
qu'elle en foit à fix lieues. On compte fix autres lieues , du pied de cette
montagne au fommet. Koempfer , prenant la direélion avec fon compas , ob-
ferva qu'elle portoit cinq degrés du Nord à l'Eft. Elle eft d'une hauteur in-
croyable , & les montagnes voifines ne paroiflant que des collines en corn-
paraifon , elle ne reflemble pas mal au Pic de 1 enérife. On la découvre de
li loin, qu'ayant fervi de guide au Voyage des Hollandois, elle ne fut pas
d'un petit fecours à Kaempfer, pour drefler la Carte de leiu- route. Il croit
devoir s'attacher à fa defcription , parcequ'elle pafle, avec juftice , pour une
des plus belles Montagnes du Globe terreftre. Sa bafe eft grande ; & fe ter-
minant en pointe, elle a l'apparence d'un vrai cône. Elle eft revêtue de nei-
ge, pendant la plus grande partie de l'année; & quoique les chaleurs de
l'Eté en faffent fondre la plus grande partie , il en refte toujours afl'ez pour
couvrir entièrement le fommet. On y voit , près de fa cime , un trou fort
profond, qui vomiflbit anciennement des flammes & de la fumée; mais cet-
te éruption a cefle , depuis qu'il s'eft élevé , au-defliis , une efpéce de peti-
te colline ou de butte. A préfent, les endroits plats du fommet font cou-
verts d'eau. Cependant les floccons de neige, que lèvent détache & fait
voler de toutes parts, font juger encore que la montagne eft enveloppée
d'un voile de nuage & de fumée. Comme l'air eft rarement calme dans les
parties fupérieures , la dévotion y conduit le Peuple , pour y rendre hom-
mage au Dieu des Vents. On employé trois jours à monter ; mais on peut
defcendre en moins de trois heures, à l'aide d'un traîneau de paille, avec
lequel on glifle fur la neige en Hyver, & fur le fable dans la belle faifon.
Les Jammabos, eu les Prêtres de la Montagne, font confacrés au culte de
l'Eole Japonois. Leur mot du guet eft Fujîj - J'amma , qu'ils répètent fans
cefle en mendiant. Cette fameufe Montagne exerce fouvent les Poètes &
les Peintres du Japon (m).
M I s I j M A , où les Hollandois paflcrent la nuit , étoit célèbre autrefois
par fes Temples & fes Chapelles , dont on racontoit beaucoup d'IIifloi-
res fabuleufes; mais un incendie, qui confuma la Ville entière, en 1686,
ne lui laiflfe aujourd'hui que l'avantage d'être fituéc fur trois Rivières,
& d'avoir un grand nombre de ponts. On n'avoit rebâti qu'un feul
Tem-
(m) ILfidem, pag. 58 & 59.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
295
l'^MPFEB.
1691.
OU
Pa(r;igc
l'on vllltc les
fcmiiKS.
Puraatoiie
Temple , dont Kaempfer a donné la defcription dans fon fécond Voyage
a la Cour.
Le Dinianche 11 de Mars, on traverfala Montagne àeFukone^ au fom-
in?c de laquelle on trouve une Pyramide, qui fjùt iadivifion des Provinces
d'Idfu &dQ Siigami, à l'entrée des Etats d'Orfw^r^. De-là, de(cendant i'cf- i,nr de
pace d'une heure, on arriva à Togitz, qui fe nomme auiVi Fakone , du nom Fakonc.
de la Montagne. Cette Place eu. fituée fur un Lac, d'une demie lieue de
largeur, & long d'une lieue, du Sud au Nord. Du côté oriental, s'élève
une haute Montagne, terminée en pointe, au pied de laquelle eft le Village
de Motto • Fakone i & plus loin, entre Motto - Fakone & Togitz, celui de
DfoogaJJîma. Le Pays voifin produit quantité de cèdres , les plus beaux du
Japon; mais l'air y cil fi froid àc fipefant, que les Etrangers ne peuvent
s'y arrêter long-tems , fans en reffentir les mauvaifes qualités. A l'extré-
mité de Togitz, dans un lieu où le chemin s'étrecit, on trouve une Garde
Impériale, comme celle d'Array, pour arrêter les femmes & les armes;
avec cette différence , que les recherches font ici plus rigoureufes , parce-
que Togitz ell: comme une clef de la Capitale de l'Empire, & qu'aucun des
Princes occidentaux ne peut éviter ce paflage lorfqu'il fe rend à la Cour.
Si l'on foupçonne qu'entre les Paflans il y ait une femme traveflie en hom-
me, elle eft vifitée rigoureufement ; mais c'efl: à des femmes qu'on aban-
donne ce foin. Aflez près des Corps-de-garde, Kœmpfer fut arrêté par fon
étonnement, à la vue de cinq Chapelles, & d'autant de Prêtres, qui pouf-
foient des hurlemens effroyables , en battant fur de petites cloches plattes.
Mais il fut encore plus furpris , lorfqu'ayant vu tous les Japonois du cortè-
ge jetter des pièces de monnoye dans les Chapelles, & recevoir en échan- des Japonois.
ge un papier, qu'ils portoient refpeftuetifemeiy fur le rivage du Lac, pour
le jetter dans l'eau , après l'avoir attaché à une pierre qui le faifoit aller
fûrement au fond , on lui eût expliqué le motif de cet étrange ufage. Le
Lac de Fakone pafle , au Japon , pour le Purgatoire des enfans qui meu-
rent avant l'âge de fept ans ; & l'on croit qu'ils y font tourmentés , jufqu'à-
ce qu'ils foyent rachetés par la charité des Paflans. Les Prêtres affurenc
qu'ils reçoivent du foulagement, aufli-tô: que les noms des Dieux & des
Saints, qui font écrits fur le papier, qu'on vend dans les Chapelles, com-
mencent à s'effacer; & qu'ils font entièrement délivrés, lorfque feau fait
difparoître ces caraftères. L'endroit particulier , où l'on prétend que
les âmes des enfans font retenues , fe nomme Sainokavara. Il eft mar-
qué par un monceau de pierres : & loin d'accufer les Prêtres d'impofture ,
Kœmpfer paroît perfuadé qu'ils en ont la même opinion que le Peuple, par-
cequ'il en vit plufieurs qui achetoient des papiers, & qui les jettoicnt
d'aiiifi bonne foi («).
Dans une des Chapelles, on montroit plufieurs curiofiltés (0); telles que
des fabres d'anciens Héros, dont on y raconte les glorieux exploits,- deux
belles branches de corail; deux cornes de licorne, d'une merveilleufe gran-
deur; deux pierres trouvées, l'une dans le corps d'une vache, l'autre dans
celui d'un cerf; un habit d'étoffe d'-^/w^ï , comme les Anges en portent au
Ciel,
(n) Ibidem, pag. 6^, (0) Pa^. 66.
Oo 3
Ciiriolltcs
d'un Tciivilc
de Falione.
KfMPFBR.
I (59 I.
Plantes fort
efTimécs des
Médecins du
Jcipon.
Catecliu ou
Qcliou.
Plaine de
Jedo.
294 V O Y A G E D E K iE M P F E R
Ciel , & qui leur donne le pouvoir de voler ; le peigne de Joritom , pre,
mier Monarque féculier du Japon , avec Tes armoiries defllis ; la cloche de
Kobodais, Fondateur d'une Se6te célèbre, & une Lettre écrite de la propre
main de Takimine. Ainfi tous les Peuples du Monde ont leurs chimères ,
dont la fource eft dans la Nature humaine, puifqu'elles fe font trouvées à'
peu-près les mêmes dans des Pays fort éloignés les uns des autres , & qui
n'avoient jamais eu de communication.
De Togitz, les Hollandois continuèrent de defcendre , pendant unelieue,
tantôt fur le penchant, tantôt au pied de la Montagne de Firango, d'où ils
arrivèrent à la vue de la haute & fameufe Montagne de Come-Jamma. Ils
laiiïerent, à gauche, une Cafcade fort remarquable. Le Lac de Fakone,
étant environné de montagnes , n'a point d'autre ifflie que trois ouvertu-
res, qu'il fe fait par celle de Firango; & toutes ces eaux, raflembiées fur
le penchant de cette montagne, forment un fpeélacle fmgulier dans leur
chute. Enfuite fe reflerrant dans un lit commun , avec plulieurs ruilTtaux
qui s'y joignent, elles compofent une grande Rivière, qui, rencontrant des
rochers ik des précipices, traverfe la vallée jufqu'à la Mer, avec un bruit
terrible. On efl dédommagé de la difficulté du chemin, par la beauté des
points de vue. La Mer fe préfente à TEll: , au bout d'une chaîne de mon-
tagnes. Koempfer, toujours ardent à s'inftruire, obferva, dans ces lieux
fauvagcp, une admirable diverfité d'arbres, de plantes (Se de fleurs. Lîs
Médecins du Japon attribuent des vertus fingulières aux plantes de ces
montagnes, & les font recueillir avec foin. Ils ellimcnt beaucoup unefori;
belle efpèce d'adiante ou de capillaire, dont les tiges & les côtes font d'un
pourpre brun, & qui n'ell connue, au Japon, que fous le nom de Farbm-
Kfa, qui fignifie Plante de Fakona. Comme elle croît en abondance, & quj
perfonne n'ignore fes vertus , il n'y a point de Voyageur qui ne s'arre:e
pour en cueillir fa provifion.
Après avoir palfé par 'jwnotîa^ par Ifinada^^ox Katetama, ou Kafanitz,
& devant plufieurs 'i'emples célèbres , les Hollandois arrivèrent à Od'jvm,
pour y p'afler la nuit. Cette Ville efl bien fortifiée. On y prépare le û-
îechu parfumé (p), dont on fait des pilules, de petites idoles, des ileurs,
& d'autres figures. Les femmes en font beaucoup d'ufage, dans laper-
fuafion qu'elle affermit les dents & qu'elle donne de la douceur à l'halei-
ne. Kaempfer obferve que c'effc un jus épaiiîi, que les Hollandois &les
Chinois portent au Japon; & qu'après la préparation qu'il reçoit dans les
Villes de Meaco , d'Odovara , où il eft mêlé avec de l'ambre , du cam-
phre & d'autres ingrediens, ils le rachètent, pour le tranfporter dans d'au-
tres Ueux (q).
Le 12, on paiïa la Rivière dcSakava, qui, fans avoir plus de trois pieds
de profondeur, ell li dangereufe, lorfqu'elle efl enilée par les pluyes,qiic,
pour arrêter fes ravages , on a fait , à grand prix , des digues aufli longues
que fes bords. Sakava , Koojî , Mejigava , Mifava , KoyJ'a , Firatzka & Bnmju
ou Beudsju, font autant de gros Villages, qu'on traverfe avant que d'arri-
ver
(p) Ou Terra Japo^ika, qu'on noiniiie vulgairement Cncboîf,
(q) Ibidem, paj;. 65.
;s, des ikurs,
K^MPFER.
I69I.
lue de K:i-
niakura, exil
des Grands.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 295
ver dans une grande plaine, dont la vue ne peut découvrir les extrémités,
parccqu'elle s'étend jufqu'à Jedo. On trouve enfuite trois autres Villages,
nommés Matzija^ Nango & Kavanda, qui conduifcnt à celui de Jootfuîa.
On voit près des Côtes , vis à- vis de Kavanda, un rocher qui fort de la Mer,
en forme de pyramide; & plus loin, direftement au Sud, la fameufe Ifle
ânKamakura^ dont le nom lignifie Cotes. Elle paroîc ronde, d'une lieue
de tour au plus , & couverte de bois fort hauts. C'efl un lieu d'exil pour
les Seigneurs difgraciés ; & rarement font-ils rappelles, lorfque leur mal-
heur les y condamne. Les Côtes en étant fort efcarpées , on eft oblige
d'employer des grues , pour hâler les Bateaux , dans lefqucls on y tranfpor-
te lesPrifonniers ou des provifions. Une lieue au-delà de Jootfuia, on paf-
fe par Fujifava , Ville arrofée d'une Rivière , où l'on perd la vue de la Mer,
qu'on ne retrouve queiix lieues plus loin, à Fodogai, pour ne la plus perdre
jufqu'à Jedo. Fodogai efl fur le rivage même, à l'embouchure d'une Ri-
vière , qui forme un Port aflez fur. Le Pays , qu'on avoit traverfé pendant
tout le jour, ctoit également fertile & peuplé; il fe termine par un petit
nombre de collines , d'où l'on découvre une fuite continuelle de Villes & de
Villages , & d'où l'on ne compte plus que fix lieues jufqu'à Jedo.
Le Mardi 13 , continuant de marcher par un Pays fort peuplé, dont les
Places les plus remarquables font Tfîfi^ ou Tfifiku^ Kanagava, Kavafaki &
Kokingo,\QS Hollandois arrivèrent à Tfufunomoori ^ lieu célèbre par l'abon-
dance de coquillages & de plantes marines qui s'y trouvent. Kaempfer y
obferva comment les Japonois préparent l'algue de Mer, pour en faire
un aliment. „ Ils choififlent deux plantes principales , qui croifTent fur
les coquilles ; l'une verte & déliée ; l'autre , rougeâcre & plus large. Ils
les mettent en pièces , ils les épluchent ; & chaque efpèce eft jettée dans
une cuve d'eau fraîche, où elle eft bien lavée. Enfuite, étendant la îvicrp'ouria
verte fur une pièce de bois , on la hache en parties fort menues , comme ^''^^^'
du tabac. On la lave encore ; on la met dans un crible de bois , long
de deux pieds , où l'on verfe de l'eau fraîche. Lorfqu'elle y a féjourné
quelque-tems , on l'en retire, avec une efpèce de peigne; & la preflant
de la main, on en fait une pâte épaiiïe, dont on exprime l'eau, pour
la faire fécher plus facilement au Soleil. L'efpèce rouge n'étant pas fi
commune que la verte, on ne la met pas en morceaux; mais la prépa-
ration en eft d'ailleurs la même , & l'on en fait auffi une efpèce de gâ-
teaux, que les Japonois aiment beaucoup (r)".
SiN AGAVA, qui fe préfente une demie lieue au-delà de TfTifunomoori ,
eft un Fauxbourg de Jedo, à deux lieues de cette Ville Impériale, ou tou-
che du moins au véritable Fauxbourg , comme Fufimi touche à celui de
Meaco. En y entrant, la place des exécutions offre un fpeélacle terrible.
C'eft une multitude de têtes humaines & de cadavres , les uns à demi pourris,
les autres à demi dévorés, avec un grand nombre de chiens, de corbeaux,- exccuiiou;..
& d'autres animaux carnaftiers , qui fe repaiflent de ces miferables reftcs. Si-
nagava eft compofé d'une rue longue & irrégulière, qui a la Mer à droite,
& une colline a gauche, fur laquelle on découvre quek]ucs beaux Temples.
Apres
(r) Ibidem, p;ig "3 & 74. '
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Préparation
de l'algue de
Sinai^ava,
premier l'aiix-
bourg 0(.
Lieu de»
A9^
VOYAGE DE K^MPFER
E^MPFgR.
1 6p I.
Les Hnl-
landois arri-
vent à Jedo.
Rigueur
avec laquelle
lis font trai-
tés.
Après avoir fait environ trois quarts de lieue dans cette rue , les Holian-
dois s'arrêtèrent dans une hôtellerie, où la pleine vue de la Ville, & de
fon Havre , qui efl: ordinairement rempli d'une multitude de Bâtimens , de
toutes fortes de grandeur & de figure , offre une des plus belles perfpecU-
ves du Monde. On leur dit que la beauté de ce fpedlacle attiroit fouvent,
dans le même lieu , des perfonnes d'une condition diftinguée. Il leur rcf-
toit un quart de lieue, pour arriver à l'entrée du Fauxbourg de Jedo, qui
n'eft qu'une continuation de Sinagava , dont il efl: féparé par un fimple
Corps-de-garde- La Mer, en cet endroit, s'approche fi fort de lacollî-
qu'il n'y a qu'un rang de maifons entre la colline & le chemin. Il rê-
ne
Leurs pre-
iTi'crcs obfcr-
TiUion:;.
gne quelque - tems le long de la Côte ; mais venant enfûite à s'élargir , il
forme plufieurs rues irrégulières , d'une longueur confidérable. Après une
demie heure de marche , la beauté des rues , qui deviennent plus larges &
plus uniformes, la foule du Peuple , & le tumulce, firent comprendre aux
Hollandois, qu'ils étoient entrés dans la Ville. Ils traverférent un mar-
ché , d'où prenant par une grande rue, qui coupe un peu irrégulièrement
Jedo du Sud au Nord, ils paflTèrent plufieurs ponts magnifiques, entre lef-
quels ils en diflinguèrent un de quarante-deux brafles de longueur, célèbre,
parcequ'il efl le centre commun d'où l'on mefure les chemins & la difl:ance
des lieux dans toute l'étendue de l'Empire. Ils virent plufieurs rues, qui
aboutiflent à la grande ; & leur admiration fut particulièrement excitée par
Ja foule incroyable du Peuple, par le train des Princes & des Grands, qu'ils
ne ceflToient pas de rencontrer , & par la riche parure des Dames , qui paf-
foient continuellement dans leurs chaifes & leurs palanquins. Ils ne fe
laflbient pas de voir auffi , la variété des boutiques qui bordent les rues , &
l'étallage de toutes fortes d'échantillons & de modèles, avec un drap noir
fufpendu , pour la commodité , ou pour le faflie. Ils ne s'apperçurent
point, comme dans les autres Villes, que perfonne eût la curiofité de les
voir pafTer ; „ apparemment , obferve Kaempfer , parcequ'un fi petit train
„ n'avoit rien d'admirable pour les Habitans d'une Ville fi peuplée, féjour
„ d'un puilFant Monarque, où l'on efl: accoutumé à des fpeftacles plus pom-
„ peux '". La marche fut d'une lieue entière, dans la grande rue, jufqu'à
l'hôtellerie ordinaire de la Nation Hollandoife.
L'Ambassadeur fit donner avis de fon arrivée aux Miniflres des affaires
étrangères. Le premier ordre , ,^u'on lui i. fignifier , fut de fe tenir ren-
fermé dans fa chambre, lui & tous fes gens; avec défenfe, au Bugio, de
laifler approcher d'eux d'autres Japonois que leurs Domefl:iques. Kaempfer
murmure un peu de cette rigueur. „ On devoit croire, dit-il, nos appar-
„ temens aflez éloignés de la rue , puifque c'étoit le plus haut étage du der-
„ rière de la maifon, où il n'y avoit d'entrée qu'un paflage étroit, qu'on
auroit pu fermer à la clef, fi cette précaution avoit paru néceflaire. II
y avoit deux portes, l'une en bas & l'autre au haut de l'efcalier; & les
chambres étoient fermées de trois côtés. La mienne n'avoit qu'une feu-
le fenêtre étroite , au travers de laquelle j'avois aflTez de peine à voir le
Soleil en plein midi (s) ".'
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(s) Ibid. pag. 86.
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, muie m; ! ...... ^^ u^:, nui- inrge, tait par les Japonois mêmes, & qui
jis, & qui fe renoiivelia pliifieurs fois a été dépofé entre les mains de M. le Chc^
.dant leur féjour dans la Ville. valicr Hans Sloanc. On le joint ici.
{V) Le 1 raduclcur le donne pour fidèlement
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„ Soleil en plein midi (s) ".
(s) Ibid. pag. 86.
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I le à Vv.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
2P7
Il TepaiTa près de quinze jours avant que rAmbafTadeur pût obtenir fa
nrcmiére Audience f & la captivité des Hollandois diminua h peu dans cet
intervalle, qu'on leur recommanda même de ne pas jetter, de leurs fenê-
tres dans la rue, le moindre papier fur lequel il y eût des caraftères de l'Eu-
rope ( ). Cependant il paroît que Kaempfer eut l'adrefle de ménager allez
les Ci. ies, pour fe procurer la liberté de vifiter la Ville, & d'en faire une
flefcrifition d autant plus curieufe, qu'il y a joint un Plan dont il vante la
fidélitc (v).
Des cinq grandes Villes de Commerce, qui appattiennent au Domaine
Impérial , Jedo pafle pour la première. Elle efl: tout à la fois la Capitale
& fa plus grande Ville de l'Empire. C'eft le féjour d'un grand nombre de
Princes & de Seigneurs , qui compofent la Cour; & la multitude de fes
Habitans eft prefqu'incroyable. Elle eft fituée, fuivant l'obfervation de
Kaempfer , à trente-cinq degrés trente-deux minutes de Latitude , dans une
grancfe Plaine de la Province de Mufaji, au fond d'une Baye fort poiflbn-
neufe, qui a, du côté droit, en allant vers la Mer, Kamakura & la Provin-
ce à'Idfu ', & du côté gauche , les Provinces dCAva & de Kudfu. La face de
Jedo, qui regarde la Mer, a la figure d'un croi'flant. Les Japonois lui don-
nent fept lieues de long , cinq de large , & vingt de circonférence. Elle
u'efl pas entourée de murs ; mais pluiieurs fofTés qui l'environnent , & de
hauts remparts plantés d'arbres , avec des portes capables de réllflancc ,
peuvent fervir avantageufement à la défendre. Une grande Rivière, qui a
fa fource au Couchant , la traverfe & fe jette dans le Port ; tandis qu'un de
fes bras va fervir de foffé au Château , & fe jette auflî dans le Port par cinq
embouchures , dont chacune offre un pont magnifique.
Jedo n'eft pas bâtie avec la régularité des autres Villes du Japon, par-
cequ'elle n'eft arrivée que par degrés à la grandeur qu'on admire aujourd'hui.
Cependant on y trouve, dans plufieurs quartiers, des rues fi régulières qu'el-
les fe coupent a angles droits. Elle doit cet embelliffemenc aux incendies ,
qui y réduifent fouvent en cendre un grand nombre de maifons. Les nou-
velles rues peuvent être difpofées fur le plan des Propriétaires du terrain.
En général , les maifons de Jedo font bafles & petites , comme dans tout
le refte de l'Empire. La plupart font bâties de bois de fapin , avec un lé-
ger enduit d'argile. L'intérieur eft le. même qu'à Meaco; c'eft-à-dire, di-
vifé en appartemens avec des paravents de papier, les murs revêtus de pa-
pier peint , le plancher couvert de nattes , & les toîts couverts de bardeaux
ou de coupeaux de bois. Il n'eft pas furprenant qu'avec des matières fi
combuftibles , le feu y fafle tant de ravage. Chaque maifon doit avoir ,
fous le toît , ou deflus , une cuve pleine d'eau , avec les inftrumens néceflai-
res pour l'employer. Cette précaution fuffit fouvent, pour éteindre le feu
■ f t; <»' »■ 1 ^-1.1 L 1.1 »:i."*' >f' ,1, dans
K/RMprRI<
1691.
Dcfcription
de Jedo, fé-
jour de l'Em-
pereur.
Sa fituation.
Ses FJ.ii'ccs-.
Prccnutions
contre l'in-
cendie.
(t) Pag. 87. Cette défiance venoit peiu-
Btrc d'un incendie , qui avoit brûlé plus de
quatre mille maifons avant l'arrivée des Hol-
.andois, & qui le renouvella plufieurs fois
pendant leur féjour dans la Ville.
(ï)Le Traducteur le donne pour fidglement
XIV. Fart. P p
copié & réduit , d'après un grand Plan de
quatre pieds & demi de long , & d'autant de
larcçe, fait par les Japonois mêmes, & qui
a été dépofé entre les mains de M. le Che-
valier Hans Sloanc, On le joint ici,
e a vc
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I*i^atnte Grokd vAi^ Je D O.
A. 's Keifers-Hof. B. Niponbas, of Brixç van Japaa . C.VoovitacL Sina^ay^a
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298
VOYAGE DE K/EMPFER
Logcmens
des Moines.
Palais des
Grands.
K^MPFER. dans une maifon particulière ; mais elle devient inutile pour arrêter la fu,
1 6g 1, reur d'un incendie, qui a déjà fait du progrès. Les Japonois ne connoif,
fent point alors d'autre remède, que d'abattre les maifons voifines , aux-
quelles le feu n'a point encore touché. Ils ont des Compagnies inftituées
dans cette vûe , qui font la patrouille nuit & jour , avec des habits de cuir
brun pour les défendre de la flamme , & des crocs de fer.
Tous les quartiers de la. Ville font remplis, comme en > .irope, de Moi-
nés, de Monaftéres, de Temples, & d'autres Bâtimens Religieux, qui en
occupent les plus belles parties. Mais les logemens des Moines ne font
difFérens de ceux des Laïques, que par quelques marches pour y monter,
& par le voifinage d'un Temple ou d'une Chapelle , ou du moins , de quel-
que grande falle , ornée de plufieurs Autels avec leurs Idoles. Les Palais
des Grands font de fuperbes Edifices, comme on doit fe l'imaginer de tant
de Princes & de puiflans Seigneurs («0> qui font leur demeure ordinaire
dans la Capitale de l'Empire. Ils font réparés des maifons particulières par
de grandes cours & de magnifiques portes, où l'on monte par quelques mar-
ches fort ornées. Mais ils n'ont qu'un étage , divifé en plufieurs riches ap-
partemens, fans tours, & fans ces autres marques d'autorité , qu'on voit
aux Châteaux des Princes & des Grands dans, leurs Etats héréditaires.
Jedo, fuivant l'expreflion de Kaempfer> eft un Séminaire d'Artiftes,de
Marchands & d'Artifans; ce qui n'empêche point, dit-il, que tout ne s'y
vende plus cher que dans aucun autre lieu de l'Empire. Il en apporte, pour
raifon, le concours infini de Peuple, des Moines oififs, & des Courtilans,
avec la difficulté du tranfport pour les provifions..
Le Château, ou le Palais de l'Empereur, eft fitué prefqu'au milieu de
la Ville. Sa figure eft irrégulière. On lui donne cinq lieues de tour. Il
eft compofé de deux clôtures , qu'on peut nommer deux Châteaux exté-
rieurs. Le troifième, qui fait le centre, & qui eft proprement la demeu-
re du Monarque, eft flanqué de deux autres Châteaux bien fortifiés, mais
plus petits, avec de grands Jardins derrière l'Appartement Impérial. Cha-
cun de ces Châteaux eft entouré de foflTés & de murs. Le premier occupe
un grand terrain , qui environne le fécond , & une partie au Palais Impé-
rial. Il contient tant de rues , de fofl'és & de canaux , qu'il fut difficile à
Kaempfer d'en concevoir le plan , quoiqu'il le donne avec celui de la Ville.
C'eft dans ce Château extérieur que demeurent les Princes de l'Empire,
avec leurs familles. Le fécond Château occupe moins d'efpace & fait face
au troifième; mais il eft féparé des deux autres, par des murs, des fofies,
des pont - levis , & de grofles portes. La Garde en eft plus nombreufe que
celle du premier. Il contient les fuperbes Palais de quelques-uns des plus
puiflans Princes de l'Empire, des Confeillers d'Etat , des premiers Officiers
de la Couronne, enfin de tous les Seigneurs qui font appelles par leurs fonc-
tions à la plus intime familiarité de l'Empereun Le Cnâteau , qui mérite
proprement le nom de Palais Impérial," eft fitué fur un terrain un peu plus
élevé que les deux autres. Il eft entouré d'une épaifle muraille de pierre de
taille, flanquée de Baftions, qui reflTemblent beaucoup à ceux de l'Europe.
Un
(x) Voyez la Defcription, dans l'Article fuivant.
Cherté des
vivres.
Château de
Tedo, ou Pa-
lais de l'Em-
pereur du Ja-
pon.
?;
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. app
Un rempart déterre, élevé du côté intérieur, foûtient plufieurs Bâtimens
longs , oc des guérites ou des tours à plufieurs étages. Rien n'approche de
la ibiidité de l^difice, dans la partie que l'Empereur habite. Ce font des
pierres de taille , d'énorme grandeur , pofées 1 une fur l'autre fans mortier
& fans crampons de fer; afin que dans les tremblemens de terre, qui font
fréquens au Japon , les pierres puiflent céder au choc & ne recevoir aucun
dommage. De l'intérieur du Palais, s'élève une Tour quarrée plus haute
me tout le refledes fiâtimens, divifée en plufîeurs étages, dont chacun a
on toît, & ù richement ornée, que de loin elle donne, à tout le Château,
un air de magnificence qui caufe de l'étonnement. Une multitude de toîcs
recourbés, avec des dragons dorés au fommet & aux angles, qui couvrent
cous les autres fiâtimens, produifent le même effet. Le fécond Château a
peu d'omemens extérieurs; mais il efl entouré, comme le premier, de fof-
fés larges & profonds, & de très-hauts murs, avec une feule porte & un
pont, qui communique au troifième. C'eft dans le premier & le fécond ,
qu'on élève les Enfans de l'Empereur. Tous ces Châteaux , ou ces Palais,
n'ont qu'un étage, & ne laiiTent pas d'être affez hauts. Le troifième a plu-
fieurs longues galeries, & de grandes falles, qui peuvent être divifées avec
des paravents. Chaque appartement a fon nom. Celui qu'on nomme la
SalU des mille Nattes, fert uniquement aux grandes Afiemblées, où l'Empe-
reur reçoit l'hommage & les préfens des Princes de l'Empire, & les Ambaf-
fadeurs des Puiflances étrangères ; mais il y a diverfes autres Salles d'Au-
dience (y). Il ne manque rien à leur beauté, dans le goût d'Architefturc
du Pays. Les plat-fonds , les folives & les colonnes font de bois de ce Jre,
de camphre ou de jefleri , dont les veines forment naturellement des fleurs
& d'autres figures curieufes. Plufieurs appartemens ne font revêtus que
d'un fimple vernis; d'autres ont les plus beaux ornemens de Sculpture. La
plupart des bas reliefs font des oifeaux ou des branches, dorés avec beau-
coup d'art. Le plancher efl: couvert de nattes blanches, avec un galon ou
une frange d'or pour bordure. Au refte, il Y a peu de différence, pour
l'ameublement , entre le Palais de l'Empereur & ceux des Princes. On gar-
de le Trefor Impérial , dans un Bâtiment dont les toîts font de cuivre & les
portes de fer, pour le garantir du feu. La crainte du tonnerre a fait ima-
giner un appartement fouterrain, qui a pour plat -fond un grand réfervoir
d'eau. L'Empereur s'y retire lorfqu'il entend gronder la foudre, parceque
les Japonois font perfuadés que cette barrière eft impénétrable au feu du
Ciel. Mais Kaempfer avertit que ne l'ayant pas vue, il n'en parle que fur
le témoignage d'autrui {z).
Enfin le jour de l'Audience fut marqué au 29 de Mars, qui efl: le der-
nier du fécond mois des Japonois. Quoique ce fut un des jours ordinaires
où l'Empereur étoit accoutumé de la donner, Kaempfer avoue qu'on n'au-
roit pas çenfé fi-tôt à dépêcher \çs Hollandois , fi le Favori de l'Empereur,
qui devoit donner une fête à ce Monarque, & qui avoit befoin de tems
pour fes préparatifs, n'eût été bien aife de fe délivrer d'eux. Ce Seigneur,
qui
(»)Pag. 85. .'".'. ■ I '
Kmwmft.
I 69 I.
Ornemenî
intérieurs.
Appartement
pour fe garan-
tir du tonner-
re.
Comment
les Hollandois
obtiennent
Audience.
(jf) KaBmpfcr parle plus bas de h Salle
4t: cens Nmts.
P 2
300
VOYAGE DE kiEMPFER.
Kamppeb.
1691.
Raifons qui
Relation de
In marche
Ilollandoife.
qui fe nommoit Makino-Bengo , avoit été Gouverneur de l'Empereur, &s'é-
toit maintenu dans le plus haut degré de îaveur. Il fit avertir l'Ambafla.
deur HoUandois de fe tenir prêt pour le 29. Les préparatifs ne marquent
pas une confidération fort diftinguée, puifqu'il lui fit dire fimplement de
fe rendre , de bonne heure , à la Cour , & de fe tenir dans la falle des Gar-
des jufqu'à ce qu'il fût appelle (a). Le récit de cette Audience eft d'au,
la rendent eu- tant plus curieux, que non-feulement il peut fervir à faire juger comment
rieufe. jgs Hollandois font traités au Japon, depuis qu'ils en ont fait exclure Jes
autres Nations de TEurope ; mais que l'Auteur , accufant Montanus de
faufletédans le célèbre Ouvrage qu'il a publié (/>),& paflant lui-même
pour un Obfervateur exafl & fmcére, fon témoignage eft le feul, fur le-
quel on puifle fe former une jufte idée de la Cour & des cérémonies du Ja-
pon. Ne changeons, à fon récit, que ce qui demande un peu de réfor-
mation dans le llyle.
,, Le 29 de Mars, qui étoit un Jeudi, les préfens deftinés pour SaMa-
jefté Impériale furent envoyés à la Cour. Ils y dévoient être rangés fut
des tables de bois, dans la falle des mille nattes, où l'Empereur en de-
voit faire la revue. Nous fuivîmes , aufli-tôt, avec un petit Equipage;
couverts d'un manteau de foye noir. Nous étions accompagnés des trois
Intendans des Gouverneurs de Nangafaki , d'un Commis du Bugio , de
deux Meflagers de Nangafaki , & dun fils de l'Interprète, tous à pied.
Nous étions quatre à cheval , tous à la queue l'un de l'autre ; trois Hol-
landois & nôtre Interprête. Chacun de nos chevaux étoit conduit par
un Valet , qui tenoit la bride , & qui marchoit à la droite. C'eft le côté
par lequel on monte à cheval & l'on en defcend , à la manière du Pays.
Autrefois nous avions deux Valets pour chaque cheval; mais nous avons
4, fupprimé cetufage, comme une dépenfe inutile. Notre AmbaiTadeur,
que les Japonois nomment le Capitaine , vcnoit après nous dans un Nori-
mon, fuivi de nôtre ancien Interprête, qui étoit porté dans un Cango.
Nos Domeftiques fermoient la marche à pied. Ce fut dans cet ordre
que nous nous rendîmes au Château, par une demie heure de marche.
Nous entrâmes dans la première clôture par un grand pont bordé d'une
baluftrade , fur laquelle règne une fuite de boules de cuivre. La Riviè-
re, qui paiTe deiTous, eft large, & coule vers le Nord, autour du Châ-
teau* On y voyoit alors un grand nombre de Bateaux & des Barques.
Nous trouvâmes, aAi bout du pont, deux portes fortifiées, entre lef»
quelles nous vîmes une petite Garde. Après avoir pafTé la féconde por-
te, nous entrâmes dans une grande place, où la Garde étoit plus noniT
breufe. La falle d'armes nous parut tapiffée de drap. Les piques é-
toient debout, à l'entrée; mais le dedans étoit revêtu d'armes dorées,
de fufils vernifles , de boucliers , d'arcs , de flèches & de carquois , ran-
gés avec beaucoup d'ordre & de goût. Les Soldats fe tenoient aflîs à
terre, les jambes croifées, tout vêtus de foye noire, &, chacun avec
„ deux
(a) Pas. 90. Makino-Bengo étoit Préfi- dois aux Empereurs du Japon. Voyez, dans
dent du Confeil d'Etat. la Defcription , l'opinion qu'on en doi"
(6) AjnbalTades jnéujorables des liollan- prendre.
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DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 301
deux fabres à fon ceinturon. On nous fit traverfer entièrement la pre-
mière clôture , entre les Palais des Princes & des Grands de l'Empire ,
qui rempliflent l'intérieur de ce premier Château. Le fécond , où nous
arrivâmes , ne nous parut différent du premiei* , que par la flrufture dt:s
portes & des Palais , qui efl plus magnifique. On nous y fit laiflèr nôtre
Norimon , nôtre Cango , nos chevaux & nos Valets , pour nous con-
duire, par unlongpont de pierre, au Fomnatz, qui efl: la demeure de
l'Empereur. Après avoir paiTé ce pont , nous traveriUmes un double
fiafliion , fuivi de deux portes fortifiées , par lefquelles nous entrâmes
dans une rue irrégulière, bordée, des deux côtés, d'une fort haute mu-
raille. Nous arrivâmes au Fiakninban, c'eft-à-dire à la grande Garde di»
Château, qui eft au bout de cette rue, près de la dernière porte, qui
conduit au Palais. On nous ordonna d'attendre, dans la falle des Gar-
des, que le grand Confeil d'Etat fût aflTemblé; tems auquel nous devions
être introduits. Les deux Capitaines de la Garde nous oflFrirent civile-
ment du thé & du tabac à fumer ; & quelques autres Gentilshommes vin-
rent nous tenir compagnie. Nous n'attendîmes pas moins d'une heure ;
& dans l'intervalle nous vîmes entrer, auPalais, plufieurs Confeillers d'E-
tat, les uns à pied, d'autres portés dans leurs Norimons. Enfin nous
fûmes conduits par deux magnifiques' portes , au travers d'une grande
place quarrée, jufqu'à l'entrée du Palais. L'efpace, entre la féconde por-
tée le frontifpice du Palais, étoit rempli d'une foule de Courtifans &
d'un grand nombre de Gardes. De -là on monte, par deux efcaliers,
dans une fpacieufe falle, qui eft à la droite de l'entrée, où toutes les
perfonnes , qui doivent être admifes à l'Audience de l'Empereur, ou des
Confeillers d'Etat, attendent qu'on les introduife. Cette falle efl: non-
feulement fort grande , mais extrêmement exhauflfée; ce qui n'empêche
pas qu'elle ne foit affez fombre, lorfqu'cm y a mis tous les paravents,
parcequ'elle ne reçoit du jour que des fenêtres d'enhaut d'une chambre
voifine. Elle efl: d'ailleurs richement meublée à la manière du Pays ; &
le mélange de fes pilliers dorés , qui s'élèvent entre les paravents , forme
un coup d'oeil fort agréable. Nous y attendîmes encore , l'efpace d'une
, heure, que l'Empereur fût venu s'alïeoir dans la falle de l'Audience. A-
, lors trois Ofiiciers conduifirent nôtre AmbaflTadeur devant Sa Majefl:é,
& nous JaifTèrent dans la première falle où nous étions. Aufli-tôt qu'il
fut entré, ils crièrent à haute voix, Hollanda Capitain. C'étoit lefignal,
pour l'avertir de rendre l'hommage établi. Il fe traîna , fuivant l'ufage ,
avec les mains & les genoux, à l'endroit qui lui fut montré, entre les
préfens , qui étoient rangés d'un côté , & 1 endroit où l'Enipereur étoic
alTis; là, s'étant mis à genoux, il fe courba vers la terre, jufqu'à la tou-
cher du front. Enfuite il recula comme une écrevifle, c'eîl-à-dire en fc
traînant en arrière fur les mains & fur les pieds , fans avoir ouvert la
bouche pour prononcer un feul mot. Il ne fe pafle rien de plus aux Auf
„ diences que nous obtenons de ce puifl^ant Monarque ; & l'on n'obferve
„ pas plus de cérémonie, dans les Audiences qu'il donne aux plus grands
„ Princes de l'Empire. On les. appelle, à haute voix-, par leur nomj. ils
Pp 3 • . • „ s'a>
KiEurKa.
1691.
302
VOYAGE DE K^MPFERa
Kjempfer.
169 1.
Montanus
acciil'é J'exa-
gération.
Il cft dé-
menti par le
témoignage
ocula'rc de
Ksnipfer.
Qiangemens
fâcheux pour
les Hollan-
dois.
Us font don-
nés en fpeéla-
<le à la Cour
du Japon.
»>
a
,> s'avancent , en rampant i & lorfqu'ils ont frappé la terre du front, ils f^
retirent de même. /j 2,^ • •'
„ La faile d'Audience, nommée autrement la Salle des ctns Nattes ^ ne
reflemble en rien à celFe qui eti décrite & repréfentée par Montanuj. Le
Trône élevé, les degrés, par lefquels ony monte, les tapis, dontijles
fuppofe couverts, les magnifiques colonnes entre lefquelles il dit que les
„ Princes de l'Empire fe prolternent devant le Monarque , & d'autres pein.
„ tures, n'ont de fondement que dans fbn imagination, l'out ce qu'on
,9 voit dans cette falle, eft réellement curieux & riche, mais beaucoup
„ plus fimple qu'il ne le repréfente. Au fécond Voyage que nous fîmes 3
la Cour , on eut la bonté de nous faire voir la fallp ; ce qui me donna oc-
cafion d'en tirer un plan , qui n'étoit pas difficile à compofer. Il fuffi.
foit de fe faire dire le nombre des nattes, des colonnes, des paravents,
& des fenêtres. Son plancher eft couvert en effet de cent nattes, tou-
tes ds la même grandeur ; d'où lui vient le nom de Sen-Sio-Siki. Elle eil
„ ouverte, d'un côté, vers une petite cour, d'où elle reçoit fa lumière.
„ Du côté oppofé, elle fe joint à deux autres chambres j l'une, qui fert
„ aux Audiences des Confeillers d'Etat ; l'autre, plus petite, plus enfoncée
», & plus haute d'une marche, où l'Empereur efl aflis, les jambes croi-
„ fées, fur un petit nombre de tapis. Il n'efl pas aifé de le voir dans cet-
„ te fltuation , parceque le jour ne donne pas jufqu'au lieu qui lui fert de
„ Trône; fans compter que l'Audience eft fort courte, & que ceux, qu'il
„ y admet, font dans une pofture trop humble, pour trouver le moyen de
î'envifager. Cette cérémonie, d'ailleurs, eft d'une majefté qui mfpire
beaucoup de refpedl. Il y règne un filence furprenant , parmi les Con-
feillers (l'Etat, les Princes & les Seigneurs de l'Empire, qui font en grand
nombre , les Gentilshommes de la Chambre Impériale , & d'autres
grands Officiers , qui forment une double haye dans la falle , & fur
toutes les avenues, affis dans un bel ordre, -avec leurs habits de céré<
monie(c)".
AuT'REFois, l'AmbafTadeur Hollandois en étoit quitte pour rendre
l'hommage; & peu de jours après, on lui lifoit certains Réglemens (rf),
qu'il promettoit d'obferver , après quoi il étoit envoyé à Nangafaki. Mais
depuis plus de vingt ans (e) l'AmbafTadeur, & les Hollandois qui l'accom-
pagnent à Jedo, font conduits plus loin dans le Palais , pour donner à 1 Im-
pératrice, aux PrincefTes & aux Dames de la Cour, l'amufement de les voir.
Dans cette féconde Audience, l'Empereur & les Dames fe tiennent derriè-
re des paravents & des jalbudes ; mais les Confeillers d'Etat, & les autres
Officiers de la Cour, font afTis à découvert. Kaempfer peint cette fcène bi-
zarre, avec beaucoup de naïveté.
„ Après la cérémonie de l'hommage, l'Empereur fe retira dans fonAp-
„ partement&nous fûmes appelles avec l'AmbafTadeur. On nous^fit traver-
„ fer plufleurs appartemens , pour nous rendre dans une galerie fort dorée,
»
})
i
c ) Pag. ç6 & précédentes.
rf) Voyez la Defcription.
» OU
(«) A compter de 1691, qui eft la datte
de l'Auteur.
»
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 303
,; où nous attendîmes un quart d'heure; Enfuite, travef fant plufieurs au-
„ très galeries , nous arrivâmes dans une grande chambre , où l'on nous
„ pria de nous afleoir. Plufieurs hommes rafés, qui étoienc les Médecins
„ de l'Empereur, des Officiers de Cuifine & des Eccléfiaftiques , vinrent
„ nous demander nos noms & nôtre âge. Mais on tira bien-tôt des para-
„ vents devant nous, pour nous délivrer de leurs importunités. Nous paf-
„ lUmes une demie heure dans le même lieu. On nous conduifit enluite
„ par d'autres galeries plus obfcures , qui étoient bordées d'une file non in-
„ terrompue de Gardes du corps. Après eux , plus près de l'Appartement
„ de l'Empereur, la file étoit continuée par plufieurs grands Officiers de la
„ Couronne, qui faifoient face à la falle où nous étions attendus. Ces Of-
„ ficiers avoient leurs habits de cérémonie, étoient affis fiir leurs talons, &
„ la tête courbée. La falle confiftoit en divers compartimens . qui regar-
„ doient vers l'efpace du milieu, dont quelques - uns étoient ouverts, & les
„ autres fermés par des paravents & des jaloufies. Les uns étoient de quin-
„ ze nattes , d'autres , de dix-huit , & d'une natte plus hauts ou plus bas ,
„ fuivant la qualité des perfonnes qui les occupoient. L'efpace du milieu
„ étoit fans nattes , & par conféquent le plus bas , parcequ'on les en avoit
ôtées. Ce fut fur le plancher de cet efpace, qu'on nous ordonna de nous
afleoir. L'Empereur & l'Impératrice étoient aflis à nôtre droite, derriè-
j, re des jaloufies. J'eus deux fois l'occafion de voir l'Impératrice , au tra-
„ vers des ouvertures. Elle me parut belle; le teint brun, les yeux noirs
„ & pleins de feu ; fon âge d'environ trente-fix ans ; & la proportion de fa
j,,tête, qui étoit aflfez grofle, me fit juger qu'elle étoit d'une taille fort
„ haute. J'entends, par le nom de jaloufies, une forte de tapiflerie très-
„ fine, compofée de rofeaux fendus & revêtus par derrière d'une foye tranf-
„ parente, avec des ouvertures, de la largeur de la main, qui laiflent un
„ paflage libre aux regards. On les jpeint de diverfes figures, pour l'orne-
ment , ou plutôt , pour mieux cacher ceux qui font derrière : quoiqu'in-
dépendamment des peintures , il foit difficile de voir les perfonnes d'un
peu loin , fur-tout fi le derrière n*efl: point éclairé. -
„ L'Empereur lui-même étoit dans un lieu fi obfcur, que nous aurions
eu peine à l'appercevoir , fi fa voix ne l'eût fait découvrir. 11 parloit
néanmoins fi bas , qu'il fembloit vouloir garder l'incognito. Les Prin-
cefles du fang & les Dames de la Cour étoient vis-à-vis de nous , der-
rière d'autres jaloufies. Je m'apperçus qu'on y avoit mis des cornets de
„ papier, entre les cannes, pour élargir les ouvertures, & rendre le pafla-
„ ge plus libre à la vue. Je comptai environ trente de ces cornets; ce
„ qui me fit juger que les Dames étoient au même nombre. Makino-
„ Bengo étoit alîîs feul , fur une natte élevée., dans un lieu découvert à
,, nôtre droite, c'efl-à-dire du côté de l'Empereur. A nôtre gauche, dans
j, un autre compartiment , étoient aflis les Confeillers d'Etat , du premier
„ & du fécond Ordre. La galerie, derrière nous, s'étoit remplie des
„ principaux Officiers de la Cour &, des Gentilshommes de la Chambre Im-
„ périale. Une autre galerie , qui conduifoit au compartiment de l'Empe-
„ reur, étoit occupée par les enfans des Princes, par les'Pages de Sa Ma-
„ jefté , & par quelques Prêtres , qui fe cachoient pour nous obferver.
„ Telle
5»
J>
V
KsMrvER.
Comment
on les place
dans la fa'.lc
de la féconde
Audience.
Manière
dont rijnpe-
rcur & les
Dames font
plucéfi.
304
VOYAGE DE K 2E M P F E R
Kjempper.
Comment
les Hollan-
dois parlent ;
l'Empereur,
Queftions
qu'on leur
fait, & leurs
répcnfes.
Telle étoic la dirpofition du Théâtre, où nous deviens jouer nôtr*.
rolJe (/).
„ NÔTRE premier Interprête s'aflTit un peu au-deflus de nous, pour en-
tendre plus facilement les demandes & les réponfes; & nous prîmes nos
„ places à fa gauche, tous à la file, après nous être avancés, en nous
traînant & nous proflernant, du côté des jaloufies de r£mpereur. Alorj
Bengonous die, de la part de ce Monarque, qu'ils nous voyoic volon-
tiers. L'Interprète , qui nous répéta ce compliment , rendit aufl] la r^-.
ponfe de nôtre Ambafladeur. Elle confifloit dans un trés-humble remcr
„ ciment, de la bonté que l'Empereur avoit eue, de nous accorder la 11-
„ ber té du Commerce. L'Interprète fe prollernoit à chaque explication,
„ & parloit aflcz haut poui- être entendu de l'Empereur : mais tout ce qi;'
„ fortoit de la bouche du Monarque , pafToit par celle de Bengo ; comir.c
„ fi fes paroles enflent été trop précieufes & trop facrées , pour être reçucj
„ immédiatement par des Officiers inférieurs. Après les premiers compli-
„ mens, l'afte, qui fuivit cette folemnité , devint une vraye farce (g).
„ On nous fit mille queflions ridicules. Premièrement, on voulut fya-
„ voir nôtre âge & nôtre nom : chacun de nous reçut ordre de l'écrire fur
„ un morceau de papier , avec une écritoire d'Europe , que nous avions
„ apporté pour cette occafion. On nous dit enfuite de remettre le papier
„ & l'écritoire à Bengo, qui les mit entre les mains de l'Empereur, par un
„ trou de la Jaloufie. Alors on demanda au Capitaine, ou à l'Ambafladeur,
quelle étoit la diflance de Hollande à Batavia, & de Batavia au Japon;
& lequel avoit le plus de pouvoir, du Direfteur général de la Compagnie
Hollandoife, ou du Prince de Hollande? Voici les queftions qu'on me fit
particulièrement; Quelles étoient les maladies extérieures ou internes,
que je croyois les plus dangereufes & les plus difficiles à guérir? Quelle
étoit ma méthode, pour les ulcères & les apofl:humes intérieures? iJi les
Médecins d'Europe ne cherchoient point quelque remède pour rendre les
hommes irpmortels , comme les Médecins Chinois en faifoient leur étude
depuis plufieurs fiècles? Si nous avions fait quelque progrès dans cette re-
cherche , & quel étoit le meilleur remède de l'Europe pour prolonger la
vie? Je répondis à cette dernière queftion, que nos Médecins avoient dé*
couvert une liqueur fpiritueufe, qui pouvoit entretenir, dans le corps, la
_ fluidité des liqueurs , & donner de la force aux efprits. Cette réponre
',f ayant paru trop vague, on me prefla de faire connoître le nom de cet ex-
cellent remède. Comme je fçavois que tout ce qui efl: en eflime, au Ja-
pon , reçoit des noms fort longs & fort emphatiques , je répondis que*
c'étoit le Saî Volatile Oleofum Sylvii. Ce nom fut écrit derrière la jaloulie,
& l'on me le fit répéter plufieurs fois. On voulut fçavoir, enfuite, quel
étoit l'Inventeur du remède , & de quel Pays il étoit. Je répondis que
c'étoit le Profefleur Sylvius en Hollande. On me demanda auffi-tôt fi je
le pouvois compofer; fur quoi l'Ambafladeur me dit de répondre, non;
mais je répondis affirmativement , en ajoutant néanmoins que Je ne le
pouvois pas au Japon. On me demanda fi je le pouvois à Batavia. Oui,
(/) Pag. 98. ; ^i!-. ,.^ , . (,g) Pag. 99.
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DANS t'EMÏ>IRE DU JAPON, Liv. IV.
305
ices , en nous
,; rJpondîs-je encore; & l'Empereur donna ordre qu'il lui fût cnvoyd, par
„ les premiers Vaifleaux (jui viendroient au Japon.
„ Ce Prince, qui s'étoit tenu jufqu'alors affez loin de nous, s'approcha
vers nôtre droite, & s'affit derrière les jaloufies, auffi près qu'il lui fût
poflible. Il nous fit ordonner fucceflivement de nous tenir debout, de
marcher, de nous arrêter, de nous complimenter les uns les autres, de
fauter , de faire Jes ivrognes , d'écorcher la Langue Japonoife , de lire
enHollandois, dépeindre, de chanter, de danfer, de mettre & d'ôter
nos manteaux. Nous exécutâmes chacun de ces ordres, & je joignis
à ma danfe une chanfon amoureufe en Allemand. Ce, fut de cette ma-
nière, & par quantité d'autres lingeries, que nous eûmes la patience de
„ divertir l'Empereur & toute fa Cour (h).
„ Cependant l'Ambafladeur efl dilpenfé de cette comique repréfen-
„ tation. L'honneur qu'il a de repréfenter fea Maîtres , le met à couvert
de toutes fortes d'indécences & de propofitions injurieufes. D'ailleurs
il fit paroître aflez de gravité, dans fon air & dans fa conduite, pour
faire comprendre aux Japonois , que des ordres fi bouffons lui plairoient
peu (i). Cette fcéne finit par un dîner, qu'on fervit devant chacun de
nous, fur de petites tables couvertes de mets à la Japonoife; avec de
petits bâtons cf'ivoire, qui nous tinrent lieu de couteaux & de fourchet-
tes (k). Enfuite, deux Officiers nous reconduifirent dans la première
anti-chambre , où nous prîmes congé d'eux ".
' VV.:'.!'^^ L'Am-
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i6çi.
Les Hbllan-
dois aniufciit
la Cour par
des fingcric£.
fi») Pag. lôî.
(i) Kœmpfdâhie laiffe pas de convenir,
{pag. 190.) qu'au fécond Voyage de l'Am-
baiwdeur à la Cour, on l'obligea d'ôter auffi
fon manteau & de faire l'exercice dans la
chambre. L'Empereur avoit été fi content
des Hollandois , au premier Voyage , qu'en
les revoyant pour la Iccondc fois , il leur fit
ordonner, fans perdre de tems , „ d'ôter
„ leurs manteaux, de fe tenir debout , de
„ marcher , de toumoier , de danfer , de
„ chsnter, de fe faire des complimens cn-
„ tr'eux, de fc fâcher, de s'inviter à dîner,
„ d'entrer en converfation , de difcourir fa-
,, miiièrement comme un père fait avec fon
„ fils , de montrer comment deux amis , ou
„ un mari & une femme s'entretiennent, ou
,, prennent congé fiin de l'autre; de jouer
^, avec des enfans , de les porter fur leurs
„ bras , d'ôter leurs chapeaux & leurs perru-
„ ques". &'c. Pag. 181 & J'uivantes. On a
vu dans la Relation de Mendez - Pinto , au
douzième Tome de ceReaieil, que les Japo-
nois font eux-mêmes d'affez bons Comédiens,
& que le goût des farces règne parmi les
Grands , qui ne fe croyent pas des - honorés
d'en être les Afteurs. •
(fc) Kcempfer ne paroît pas content de la
bonne chère Impériale. 11 fe plaint, d^yisun
XIF. Part.
autre endroit (pag. 187), que le dincr ne.
répondoit pas à la magnilîcence d'un fi puif-
fant Monarque. A'oici la defcrlption qu'il
fait d'un de ces repas : „ Sur chaque table ,
„ on plaça les mets fuivans: 1°. Deux petit'!
„ pains creux, parfemés de graine de Se/a-
„ me. 2". Un morceau de fucre blanc , ra-
„ fine comme s'il eût Jté rayé. 3». Cinq
„ Kainokis, confits: ce font des noiaux de
„ l'arbre Kai , qui rcflcmblent aflïz à nos
„ amandes. 40. Une tranche de gâteau,
„ quarrée & platte. 5°. Deux gâteaux faits
„ de fleur de farine ,' de miel, en forme
„ d'entonnoir, bis '. ais, mais un peu
„ durs , qui avoient un côté l'empreinte
„ d'un foleil ou d'une rofe, & de l'autre,
„ celle du ZJair/-27<fl/>, c'eft-à-dire, les ar-
„ moiries du Dairi , qui font la feuille & la
„ fleur d'un grand arbre, nommé Kiri. La
„ fleur reflTemble aflîez à celle du Glmteron,
„ & la feuille à celle du Digitalis. 6". Deux
„ tranches quarrées d'un gâteau fait de fine
„ farine de fèves & de fucre , d'un rouge
„ brun & caflTant. 7". Deux autres tranches
„ d'un autre gâteau de fine farine de riz,
„ jaune & dur. 8». Deux tranches d'un au-
„ tre gâteau, dont la mie étoit d'une pâte
„ entièrement dift^érente de celle de la crou-
„ te. 9". Un grand Mangue, bouilli & jem-
Qq n pli
Dlncr ru'on
fert aux Ho'-
landuis.
3o6
VOYAGE DE KJEMPFER
Tmmrn.
1.69 f'
Ils rendent
d'VLiPjs vifi-
tes aux Sel-
ëKurs de la
our.
Ils y font
traités peu fé-
rieufcment.
fi
X
On leur
montre deux
Cartes géo-
graphiques.
Obfervatîons
de Kaempfer
fur ces Car-
tes.
L'Ambassadeur employa les jours fuivans, à faire Tes vifices aux Mi.
niftres & aux principaux Confeillers d'Etat. „ Il fut reçu par • tout avec
beaucoup de civilité, par les Intendans & les Secrétaires (/), qui l^re.
galérent de thé , de ubac tSc de confitures. I^es chambres , où il étuit
admis, étoient remplies , derrière les paravents & les jaloufies, dune
nombreufe aflcmblée , qui fouhaitoit beaucoup de voir faire aux Hollandoii
leur exercice comiaue. Ils n'eurent pas toujours cette cuinplairance;
mais ils chantèrent oc danfèrent dans plufieurs maifous , lorf^u'ils étoient
fatisfaits de l'accueil qu'ils y avoient reçu. Quelquefois les liqueurs for.
tes , qu'on leur faifoit boire avec un peu d'excès , leur montoient trop î
la tête". Cette facilité à fervir comme de jouet chez les Grands, &
l'embarras où ils fe trouvoienc dans les rues , pour fe dégager de la foule
du Peuple, donnent une iin^uliére idée de leur Ambaflade. Cependant ils
témoignoient quelque impatience pour fe recirer, lorfquils croy oient s'ap*
percevoir, qu'ils étoient peu refpeaés. „ Nous nous regardions , dit Kaemp.
„ fer, non comme des Marchands envoyés pour le tranc, mais comme des
„ AmbaiTadeurs , qui dévoient être traités honorablement (m)".
Dans une vifite qu'ils rendirent au Seigneur TfufimanO'Cami^ on leur
fervit un dîner compofé des mets fuivans: du poiffon bouilli dans une fore
bonne fauce ; des huitres bouillies, & fervies dans la coquille, avec du
vinaigre; diverfes petites tranches d'oye rôties; du poifTon frit, éc dei
œufs bouillis. La liqueur qu'on leur fit boire étoit cxquife. Après le fef-
tin , on fouhaita de voir leurs chapeaux , leurs pipes & leurs montres. Oa
apporta deux Cartes géographiques , dont l'une étoit fans les noms des
Pays , mais d'ailleurs afTez bien deflTmée, & fuivant toute apparence, d'a>
près une Carte de l'Europe. L'autre étoit une Carte du Monde entier, de
forme ovale, dont les noms étoient marqués avec les Kattakanna Japonois,
qui font une forte de caraélères. Kaempfer faifîc cette occafion , pour ob-
ferver la manière dont les Japonois repréfentent les Pays qui font au Nord
de leur Empire. Au-delà du Japon, à vis-à vis des deux grands Promon-
toires Septentrionaux dîOsiu , il remarqua l'ifle de Jefogafima. Au-delà de
cette Ifle, il vit un Pays deux fois grand comme la Chine, divifé en diffé-
rentes Provinces, dont un tiers s'avançoit au-delà du Cercle Polaire, &
couroit à i'Efl: beaucoup plus loin que les Côtes les plus Orientales du Japon.
Ce Pays étoit repréfenté avec un grand Golfe fur le rivage Oriental , v'ii-ï-
vis de l'Amérique, & le Golfe étoit à peu-près de forme quarrée. Il n'y
avoit qu'un paflà^e entre le même Pays & l'Amérique; & dans ce paflage,
il y avoit une petite Ifle. Au-delà, tirant vers le Nord , il y avoit une au-
tre Ifle, de forme longue, qui touchant prefque de hi deux extrémités les
deux Continens, c'eft-à-dire, celui de Jeflb, à l'Oueft, & celui de l'Amé-
rique, à I'Efl, formoit ainfl le paflage au Nord. C'étoit à-peu-près de mê-
me,
,, pli de farine de pois, mêlée de fucre,
„ qu'on auroitprife pour de la therlaque. lo**.
„ Deux petits Mangues de la groHèur ordi-
„ naire, apprêtés de la même manière. Les
„ HoUandois goûtèrent un peu de tout; après
«, quoi, l'Interprète eut ordre d'emporter le
„ refte. Il en eut fa charge. On lui don-
„ na, pour la porter, do papier & despISB-
„ ches". Pag. 191 fi? 192.
(/) Pag. 102.
(m)Fag. 106 & frécédentei.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
307
me, qu'on avoic repréfenté v 'tes les Terres inconnues du Pôle Antarfli-
que, qui étoient marquées comme des Ifles (»).
D E quantité d'autres circonfliances , que Kaempfer prit le même foin de
recueillir , dans les deux Voyages de TAmbafTadeur à la Cour , il en refle
une qu'on fe reprocheroit d avoir fupprimée , quoiqu'il ne la rapporte ici
qu'avec beaucoup de ménagement pour les ïlollandois. L'AmbalTadeur,
après avoir reçu Ton Audience de congé , fut appelle devant les Confeillers
dEtat, pour entendre la leélure des ordres qui regardent le Commerce.
Ils portoient , entr'autres Articles (0): „ que les Hollandois n'inquiéte-
„ roient aucun Navire ni Bateau des Chinois , ou des Liquans ; qu'ils n'a*
„ meneroient, au Japon, dans leurs Vaifleaux, aucun Portugais, ou Prê-
„ tre; & qu'à ces conditions on leur accordoit un Commerce Tibre". Après
cette cérémonie, on fit préfent, à l'AmbaflTadeur, de trente robbes , éta-
lées dans le même lieu, fur trois planches. On y joignit ce ^ui fe nom-
me une Lettre de Fortune ^ & qui efl: un témoignage de la prote£lion de l'Em-
pereur. L'AmbaflTadeur fut obligé de fe profterner quatre foisj & pour
marquer fon rcfpeft, il mit le bout d'une cfes robbes fur fa tête.
L'APRès-Mioi du même jour, avant qu'il fût retourné à fon logement,
pludeurs Seigneurs de la Cour lui envoyèrent aulfi un préfent de robbes.
Quelques-uns des MeiTagers laifTèrent leur fardeau à l'hôtellerie Hollandoi-
fe. D'autres attendirent le retour de rAmbaHadeur, pour le remettre en-
tre fes mains. La réception de ces préfens fe fit avec toutes les formali-
tés du cérémonial. Des KouliSy ou des Porteurs , marchoient devant, avec
les robbes , au'ils portoient dans des caifTes. Un d'entr'eux portoit la plan-
che fur laquelle les robbes dévoient être étalées , & la Lettre de Fortune ,
qui eft un affemblage de cordons plats , entrelaflfés par un bout, & renfer-
mes dans un papier entouré d'un nombre impair de liens de foye, de diffé-
rentes couleurs , & quelquefois dorés, ou couleur d'argent. Celui qui de-
voit offrir les robbes étoit introduit dans l'appartement de TAmbafladeur;
& s'affeiant vis-à-vis de lui, à quelque diftance, il lui faifoit ce compli-
ment: „ Un tel Seigneur, mon Maître, vous félicite d'avoir eu vôtre
„ Audience de congé, & un beau tems, ce qui eft Médit be, c*eft-à-dire,
„ fort heureux. Vos préfens lui ayant été fort agréables, il fouhaite que
„ vous acceptiez en échange ce petit nombre de robbes". En finiffant,
il donna, à l'Interprète, une grande feuille de papier, qui contenoit, en
grands caraflères , le nombre des robbes ^ leur couleur. L'Ambaffadeur,
à qui l'Interprète remettoit cette feuille, la tenoit fur fa tête, pour témoi-
gner fon refye&i. Tous les fpeélateurs demeuroient dans un profond filen-
ce, les uns affis, d'autres à çenoux. On avoit appris, à l'Ambaifadeur,
le compliment qu'il devoit faire en réponfe; il le répétoit dans ces termes,
avec une profonde inclination : „ Je remercie très-humblement le Seigneur,
„ vôtre Maître, de fes foins pour nous procurer une Audience prompte &
„ favorable. Je le fupplie de continuer fes bons offices aux Hollandois.
„ Je lui rends grâces aulu de fon précieux préfent, & je ne manquerai point
' ' „ d'en
KaMrrii.
1691.
Articles
qu'on lit i
l'AinbaflÂ'
dcur.
Préfenj de
l'Empereur.
Formalités
pour les vxé-
fens des oci-
gneurs.
Lettre de
Fortune.
>»
Compliment
du MefTager,
& réponfe de
l'Ainbailii-
deur.
(n)Pag. 193.
(0) Cette matière fera plus étendue dans la Defcription.
Qq2
308
VOYAGE DE K -ffi M P F E R
KAMPriR.
Itfpl.
Defcription
«le Nanjjafaki.
Comment
fon Port c(t
devenu Icfcul
ouvert aux
Etrangers.
.4^
Forme &
qualités du
.Pv-Tt.
d'en informer mes Maîtres de Batavia ". Après ces complimen», on ap.
portoit du tabac pour fumer, avec du thé & de l'eau^de-vie (p).
«t
fe paflcrent entre le» deux Voyages , Kœmpfer employa tous fes foins à
prendre une parfaite connoiflancc de la Ville de Nangafaki » dont il donne
une curieufe Defcription.
Cette Ville , une des cintj Places maritimes , ou commerçantes de VEm-
pire Çq ) , ed fituée à l'extrémité occidentale de l'Ille de Kiusju , dans un ter.
rain prefque flérile, entre des rochers efcarpés & de hautes montagnes, é*
joigne de Tlfle de Nipon , qui efl prcfqu'entièrement fermée pour le Coni'
merce à toutes les Nations étrangères. Nangafaki (r) efl médiocrement
f>euplcc de Marchands & de riches Citoyens. La plupart de fes Habitant
ont des Artifans , mêlés d'une populace du plus bas ordre. Cependant fa
fituation commode , & la fureté de fon Port , en font le rendez-vous com-
mun des Nations étrangères , qui ont la liberté de commercer au Tapon.
Dans certains jours de 1 année, les Marchands Japonois s'y rendent dfe tou-
tes les parties de l'Empire. Ce Privilège, ou cette faveur fîngulîére, n'efl
accordé depuis long-tems qu'aux Chinois & aux Hollandois; mais c'efl avec
les plus rigoureufcs reflriflions. Après la perfécution , dui acheva de dé-
truire, en 1638, le Chriflianifme dans toutes ces Ifles, 1 Empereur établit,
entre plufieurs Loix nouvelles , que le Port de Nangafeki ieroit le feul ou-
vert aux Etrangers ; & que fi quelque Navire étoit forcé par les tempêtes,
ou par d'autres accidens , de chercher un abri dans quelque autre endroit
de rEmpire, perfonne n'auroit la permiflîon de defcendre au rivage, mai»
qu'immédiatement après le danger, on continueroit le Voyage jufqu'à Nan-
gafaki , fous une efcorte des Gardes- Côtes du Japon, & qu'en arrivant, dam
ce Port, le Capitaine rendroit compte, au Gouverneur, des raifons qui lia
auroient fait prendre une autre route.
Le Port commence au Nord de la Ville. Son entrée eft fort étroite, &
n'a que peu de braffes de profondeur, fur un fond de fable. La Mer y re-
çoit quelques Rivières , qui defcendent des montagnes. Enfuite s'élargif-
Tant , il devient plus profond ; & lorfque fa largeur eft d'environ une demie
lieue, il tourne au Sud-Oueft pendant l'efpace d'une lieue, le lonç d'une
Côte élevée. Il ne cefle point alors d'avoir environ un quart de lieue de
largeur, jufqu'à l'Ille de Taka-Jama^ ou Taka-Boko^ qui forme une haute
Montagne. Les Hollandois la nomment Papenberg. Tous^les Vaiflèaux de
leur Nation , qui doivent faire voile de Nangafaki à Batavia, jettent l'an-
cre ordinairement près de cette Ifle, pour attendre roccafion de fortir du
Havre, au travers de quantité de bancs de fable, de bas-fonds & de ro-
chers
(P) l'a?
195 & précédentes,
uatre autres font Meaco, dSins
e Jamafijra; Jedo, dans la Pro-
vince de Mufaji ; Ofacka , dans la Province
' iq) Les Quatre autres font Meaco,
la Province d '
de Sitz ; & Sakai , dans la Province de Jaf-
J'umi i t,)Utes quatre diuis là grande Ifle de
Nipon. Voyez la Defcrfptiongénéralc.
(r) On fuit ici l'ufage de nôtre Langue,
qui eft d'écrire Nfuiga^ki , quoique Kœmp-
fcr mfliire qu'il faut écrire Nagajaki, mxs>
que quelquefois , dit il, on prononce K^l-"
gafaki. Tome II. pag. 85%
lens , on ao»
: leur Tccond
jettera point
IX mois, qui
is Tes foins à
iont il donne
ntes de VEm-
, dans un ter.
iontagnes, é.
pour le Corn-
nédiocrement
Tes Habitani
Cependant fa
ez-vous com^
:er au Japon.
ndent de tou-
gulîère, n'eft
nais c'ell avec
cheva de dé>
tereur établit,
)it le feul ou-
ïes tempêtes,
autre endroit
rivage, tnait
; jufqu'à Nan-
arrivant, dans
raifons qui lui
jrt étroite, &
aZ Mer y re-
uite s'élargif*
on une demie
e lonç d'une
t de heue de
ne une haute
Vaifleaux de
jettent l'an*
de fortir du
[ids & de ro-
chers
ingénéralc.
nôtre Langue,
quoique Ksmp-
Nagajaki, maii
proiiouce ^'iii'-"
cherJ,
cile. Il
paflant
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Baftiofts
à Defim
tre, à u
y compr
de, pou:
obtenu 1
Port, oi
voyé de
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compter
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Navires
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. iîur--
h
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
Sop
chers, qui tétide&c le pafTage de 'ce Détroit également dangereux & diffi-
cile. Ils doivent gouverner à rOuefl, laiflant la Ten-e du côté droit, &
paflant entre de petites Ifles pour arriver à la pleine Mer. Kaempfer a fait
remarquer, à Ton arrivée, que toutes les Côtes du Havre font garnies de
Basions, mais la plupart fans Artillerie. Il fut alTuré , pendant fon féjour
à Defima, que les deux Gardes Impériales, qui Ibnt vis-à-vis l'une de l'au-
tre, à une demie lieue de la Ville, font chacune de fept cens hommes, en
y comprenant néanmoins ceux qui font en faélion dans les Barques de gar«
de, pour empêcher les Navires étrangers de jetter l'ancre, fans en avoir
obtenu la permiffion. Ptès de Papenberg, où commence proprement le
Port, on rencontre une petite Ille, où le dernier Navire Portugais, en-
voyé de Macaô au Japon ; fut brûlé avec toutes fes marchandifes. Il fe
trouve rarement moins de cinquante Bâtimens Japonois dans le Port , fans
compter un grand nombre de petites Barque» & de Bateaux pour la pêche.
A l'égard des Vaifleaux étrangers, fi Ton excepte quelques mois de l'Hy-
ver, il eft rare auffi qu'il y en ait moins de trente , la plupart Chinois. Les
Navires Hollandois n'y féjournenc jamais plus de trois mois en Automne,
parcequ'alors le vent de Sud ou d'Oueft , avec lequel ils font venus, tourne
régulièrement au Nord. C'efl la Mouflon du Nord-Eft, à la faveur de la-
quelle ils doivent reeournejr dans leurs Ports. Le lieu ordinaire du mouilla-
ge eft au bout de la Baye , à une portée de moufquet deia Ville. Il eft
commandé paT les deux Gardes Impériales. On y jette l'ancre fur une ar-
gile molle, à fix braflTes de profondeur, dans la haute marée, & à quatre
& demie lorfqu'elle eft bafle (x) (f)^
L A pofition de la Ville eft au trente-deuxième degré trente-fix minutes
de Latitude an Nord, <&à cent cinquante-un degrés de Longitude. Elle
eft placée au fond dp Port> dans Fendroàt oït il a plus de largeur, & où,
tournant au Nord , il ferme un rivage en demi <iercle. Auflî repréfente-t-
montagnes
longueur eft dé trois quarts de lieue, à-peu-près fur la même largeur. La
Tue principale & la plus large, s'étend dans toute la longueur de la vallée.
Les- montagnes^ qui l'environnent, ne font pas fort hautes i mais ia plupart
n-'?it>Vj; itl .i:->iuiJ.'rfi:<j : 'ui nj;';]-^ '! font
■'6
.t..,
(j) Tome. II. pdg. 79,
C »3 Renvois du P[aa du Port & de la Vil-
le de Nangafaki. "
A. Lieu où s'affichent les- Edits de l'Empe-
reur. ........ .. „,..,:• i
B. La Prifon. 1 ^\- r-M:' -: <;•. r- kl 'O
C. Denieiired'un des Gouverneurs.. ,:,q '
D. Demeure dé l'autre Gouverneur. ' "'
E. Temple où le troifième Gouverneur fait
fa demeure quand il eft à' Nangafaki.
F. Maifon des Infpefteurs du Port. • ;■■ t
G. Lieu où fè tient une Garde Impériale de
fept cens hommes.
II. Autre lieu où fe tient pareille Garde.
L Demeure des Hollandois à Defima. \
K. Corpâ-de^Garde.
L. Lieu où fe mettent les. VaiflTeaux Hollan.
dois.
M. Port des Chinois.
N. Demeure des ChinoiSi ; •' '
. O. Entrée du Port.
' P; Lieu deftiné à brûler Içs Vaiflèaux en-
nemis. ■
Q. Tond du Port, où il n'y a que très-pru
d-eau..-
R. Magafins où l'on garde les canons & la
poudre.
S. Montagnes qui font toutes, habitées..
Qq 3.
KaMPPEiu
1691.
Nombre de
Vaiflcuux qui
s'y trouvent»
ff)-j ■ ■
Situr.fîoft
de la Vilic.
Ses environs»
' ' J. y. SMey 'àre.v
K
Tfa.f''-',-^ig*-' ^<«w»- -*.
XHE LA VlI^I^E i:t du Port\
DE JVaivgasaki
Grokd tekening
Ivan de STAD en de HAVEN
VAN Nangasaki.
310
VOYAGE DE KiEMPFE R t
:-t(' «■t-**#'* <*(■■ ■
Kxmrn. font roides; & leur verdure, qui n'eft pas interrompue jufqu*att fommet
1691. forme un point de vue très -agréable. Derrière la Ville, fur le panchant
des montagnes , on voit plulieurs l'emples magnifiques , ornés de beaux
jardins & de terraffes. Au-deflus , on trouve une infinité de Sépultures ■
& la perfpeflive efl fermée, plus loin, par d'autres montagnes beaucoup
plus hautes, mais fertiles âc bien cultivées. Cette difpofuion enchanta les
yeux de Kaempfer (v). Il nomme quelques lieux remarquables aux envi-
rons. Fucafori eft un agréable Village , au Sud-Oueft, à deux petites lieues
d'Allemagne, de la Ville, avec un petit Fort où réfide un Bugio, qui gou.
verne ce Canton pour le Frince de Fifen. Ce lieu fournit du bois de chauf-
fage à la Ville. Affez près du même Village, on trouve un grand Lac,
auquel on attribue cette vertu fingulière, que, tout entouré qu il ell d'ar-
bres, on ne voit jamais, fur l'eau, de feuilles ni d'ordures. Les Japonoit
font honneur de cette propriété , au Génie , Prote£leur du Lac ; oc leur
refpe£l va fi loin , qu'il eft défendu d'y pêcher fous de rigoureufes peines.
Au Nord de Nangafaki eft la Ville à'Omura , Domaine d'un Prince du mê-
me nom, & fituée fur un Golfe qui en tire auffi le fien. Quelques lieues
plus loin, on trouve à l'Eft, fur la Baye de Simara, la Ville d'IJafaiy qui
appartient au Prince de Fifen.
D'ohelle Nangasaki doit fon nom à fes anciens Seigneurs , qui l'ont poiTedéc
tire fon nom, Je père en fils, avec tout fon diftrift, depuis Nangafaki' Kotavit premier de
dle?eT"' ce nom, jufqu'à Nangafaki - Sijn - Seijemon , pendant douze générations,
aggraiidie. On montre encore, derrière la Ville, au fommet d'une colline, les mafures
de leur ancienne demeure. Le dernier Seigneur de cette race étant mort
fans enfans , la Ville &fe8 dépendances tombèrent fous la poOeffion du Prin-
ce d'Omura. Kœmpfer compte environ deux cens ans, depuis cette révo-
lution. Nangafaki n'étoit qu'un miférahle Hameau, qui fervoit de retraite
à quelques Pécheurs : on l'appelloit fuca-Irije , c'eft-à-dire la longue Bayt,
pour le diftinguer du Village de Fucafori , qui fignifie long Etang. Le nou-
veau Seigneur de Fuca-Irije changea ce nom pour celui de Nangafaki, à
l'honneur des anciens Maîtres ; & fes foins en firent infenfiblement un gros
Bourg , jufqu'à la première arrivée des Portugais au Japon. Cette Nation
jouit, pendant quelque«tenis de la liberté du Commerce, aux mêmes con-
ditions que les Chinois , qui négocioient dans ces Ifles. On ne leur avoit
a(Tigné aucun Port particulier. Ils avoient la liberté de s'arrêter dans /es
lieux qu'ils trouvoient les plus commodes. Leurs premiers EtablifTcmens
furent dans la Province de Fifen , kFakuda, Village de l'Ifle de Firando,
vers l'entrée du Havre de Nangafaki , qui étoit alors fous la prote£lion du
• Prince d'Omura. Le fécond fut au Village de Fucafori. Dans ces deux
lieux, &dans plufieurs autres où ils contmuèrent de s'établir, leurs foins
s'étant partagés entre le Commerce & h Propagation de l'Evangile, ils
réuffirent avec tant de bonheur, que le Prince d'Omura fe déclara ouverte-
ment pour la Religion Chrétienne, &les prefia de venir s'établira Nan-
gafaki. Ce Bourg étoit devenu fi confidérable, qu'il contenoit déjà vingt-
trois rues. Elles compofenc aujourd'hui la partie de la Ville, qui fe nom-
me
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
S"
jne UtfimatXf c'eft-à-dire le Ctntre. Aulfi-tôt que les Portugais y furent les
Maîtres, la commodité du Havre y attira, pour le G>mmerce, un grand
KXMPTER.
1691.
nombre de Japonois & de Chinois, qui prirent le parti de s'y arrêterr La LesPortu-
vieille Ville nefuffifant pas pour les contenir, on bâtit de nouvelles rues, ^f^f'^''^'
qui furent diftinguées par les noms des Provinces & des Villes , d'où leurs
principaux Habitans étoient venus. Telles font celles de Bungomatz , J'e-
domatz^ Kabafimamatz, Firandomatz^ Omuramatz & Sitnahgramatz. AinCi Ils en font
Nangafaki devint, par degrés, une Ville fort grande & fort peuplée. Mais viSévient
l'Empereur s'allarma bien-tôt , de voir une Place de cette importance entre un Domaine
les mains des Etrangers; & prenant occaHon de quelques mëcontentemens de l'Empire.
3u'il reçut des Portugais, non-feulement il leur en ôta la polVelTton, mais il
épouillale Prince d'Omura, de fa jurifdiétion & de fes revenus, quifu*
rent annexés au Domaine de l'Empire (x).
La Ville de Nangafaki eft ouverte, comme la plupart des autres Villes Difpofitlon
du Japon. Elle eft fans Château , fans murailles , lans fortifications & fans J5^'''-'Jî'5'*^
aucune défenfe. Trois Rivières , d'une fort belle eau , qui ont leur four- ^"'^*"""-
ce dans les njontagnes voifines , fe réunifient à l'entrée de la Ville , pour |a
traverfer de l'Eft à l'Oueft. Pendant la plus grande partie de l'année, elles
ont à peine aflfez d'eau pour arrofer les champs de riz & pour faire tourner
quelques moulins; mais, dans la faifon des pluyes, elles grofilifient, jufqu'à
devenir capables d'entraîner des maifons. Toute la Ville efl: diviCée en
deux parties; celle d'Ut/imatz, ou la partie intérieure, qui eft compofée
aujourd'hui de vingt-fix rues; & celle qui Ce nomme Sottomatz ^ ou Ville
extérieure, qu'on peut regarder comme les Fauxbourgs, & qui contient
foixante & une rues. La plupart font irrégulières , étroites & mal propres.
Les unes montent, d'autres defcendent. Quelques-unes des plus roides
font compofées de marches de pierre, pour rendre le chemin plus commo- •
de. Elles font féparées, l'une de l'autre, par deux portes de bois , une à
chaque bout, qui fe ferment toutes les nuits , & fouvent pendant le jour,
lorfque cette précaution eft néceflaire. Chacune a , comme Jedo , Meaco
& la plupart des grandes Villes , fon réfervoir d'eau , avec tous les inftru-
mens qui peuvent être employés contre le feu. L'échelle , qui fert à mon-
ter dans ce lieu , eft fous la direÛion de l'Officier qui commande dans la rue.
Jamais les rues du Japo.i ne font d'une exceffive longueur. Elles ne font
pas toutes d'anT/joo Japonois, qui eft la mefure de foixante Kins^ ou braf-
les, quoiqu'elles ayent emprunté leur nom de cette mefure. A l'égard du
nombre des maifons , il eft rarement de plus de foixante dans une rue. Cel-
les du Peuple font de miferàbles bâtimens. Elles font petites , bafles , &
rarement de plus d'un étage. A Nangafaki, l'ameublement eft tel qu'on
Va repréfenté dans la Defcription de Meaco,* c'eft-à-dire un lambris, ta-
pifle de papier peint; des nattes d'un tifiTu fort épais, fur le plancher; des
paravents de papier , qui divifent les chambres ; & peu d'autres uftenciles ,
que ceux qui font nécefiaires pour les befoins journaliers de la cuifine. Cha-
que maifon a, par derrière, une cour de décharge, ordinairement aflez
grande pour contenir quelques plantes agréables i3e curieufes , qu'on y
en-
(x) Pag. 8s & précédentes.
K^MPFfiR.
Edifices pu-
blics, noiH-
inés Janagura.
y':
Môieis des
Seigneurs.
Quartier
dcsEtrangers.
Ille de De-
fima, ou
Quartier des
Hollandois.
SX2 . V O Y A G E D E *K iE M P F E K\a '
entretient avec foin. Les maifons des perfonnes riches font beaucoup
mieux difpofées. Elles ont deux étages , avec une avant-cour, & un jardin
par derrière.
Mais les Edifices remarquables de Nangafaki, font ceux qui portent le
nom de janagura. Ils appartiennent à l'Empereur. On en diftingue cinq
principaux , qui font de grands Bâtimens de bois , dans la partie fepten-
trionalc de la Ville, & près du rivage, où l'on garde trois grandes Jon-
ques Impériales, c'ell-à-dire trois Vailtcaux de Guerre, avec tous leurs
agrets. 2**. hsTen-Sioguray ouleMagafm à poudre, fitué auffî fur le ri-
vage, vis-à-vis de la Ville; mais on en fait peu d'ufage, depuis qu'une
jufte précaution a fait bâtir, fur une colline voifme , de grandes voûtes ou
l'on garde la poudre. 3**. Les Palais des trois Gouverneurs, qui font dans
l'enceinte de la Ville. Ils occupent un terrain confidérable & plus élevé
que celui des autres rues. Les Edifices en font propres , uniformes , & d'é-
gale hauteur. On entre, dans les cours, par des portes fortifiées & bien
gardées. 4". Outre ces Palais , qu'on peut nommer des Bâtimens publics,
la Ville eft embellie d'environ vingt Hôtels, des Dai-Mio & des Sio-Uk
Le premier de ces deux noms efl: celui des Grands du premier Ordre, &
l'autre , de ceux d'un moindre rang. Ce font les Seigneurs des principales
Terres de Kiusju, qu'on nomme auffi Saikokf, où la Ville de Nangafaki ell
fituée. Quoiqu'ils n'y viennent pas fouvent, quelques-uns de leurs Officiers
y réfîdent toujours , pour veiller aux intérêts de leur3 Maîtrçs.
Les Etrangers demeurent hors de la Ville, dans des quartiers féparés,
où ils font obier vés & gardés avec beaucoup de rigueur. . Les Chinois, ou
d'autres Orientaux , qui profefFent la même ReUgipn , & qui négpcient fous
ie même nom , font établis derrière la Ville, fur une éminence. Leur quar-
tier eft entouré d'une muraille, & porte le nom àe Jakuijny c'eft-à-dire
Jardin de Médecine , parcequ'autrefois on y en vpyoit uiv Jl fe nomme auffi
DJîu/ensjUy nom tiré des Obfervateurs qui font employés, fur les collines,
à donner avis, aux Gouverneurs, de^ Vaifleaux étrangers qu'ils voyentar-
riverdans Je Port.
On a déjà fait remarquer que les Hollandois- ont leur habitation dans une
petite Ifle, qui fe nomme Z)^^/«fl , c'eft-à-dire Yljle avancée ^ ou. fituée devant
la Ville. Les Japonois la nomment quelquefois auffi Defimamatz', c'efl-à-
dire Rue de l'IJle de devant ^ parcequ'elle eft comptée au nombre des rues de
Nangafaki , & fujette aux mêmes Réglemens. Elle eft fort proche de la
Ville, entre des rochers & des fables, au milieu defquels elle a été élevée
par art, à la hauteur d'une demie toife au-deiTus de la pleine marée; &
les fondemens , hauts d'environ deux toifes , font de pierre de taille.
Kœmpfer la compare à un éventail, dont on auroit coupé le manche. C'eft
un quarré oblong, dont les deux grands côtés font des fegmens de cercle.
Elle eft jointe à la Ville par un petit pont de pierre, de quelques pas de
longueur, au bout duquel les Japonois ont un bon Corps-de-Garde, avec
des Soldats fans ceiFe en faélion. Au côté feptentrional font deux groffes
portes, qu'on nomme le5 Portes d'eaw, & qu'on n'ouvre jamais, que pour
charger & décharger les Vaifleaux Hollandois, à la vue d'un certain nom-
bre de Commiffaires nommés par les Gouverneurs. Toute l'Ifle eft en-
. tourée
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 3x5
tourée de planches defapin, médiocrement cxhaufTées, & couvertes d'un
petit toît, dont le fommet ell bordé d'un double rang de piques, en forme
de cheval de fri(e;,foibledéfenre, obferve KaBmpfer, dans un cas d'atta-
que. A quelques pas des bords , & dans l'eau , les Japonois ont planté
treize poteaux fort élevés, avec de petites planches au fommer, qui con-
tiennent , en grands caraélères , une défenfe à toutes fortes de Vaifleaux
& de Bateaux , de pafler les poteaux & d'approcher de l'Ifle. Devant le
pont, du côté de la Ville, on voit un autre pillier, de pierre de taille, où
l'on affiche les Edits de l'Empereur , & les Ordres des Gouverneurs. Mais
on lit conftamment , fur deux planches, un Ordre qui concerne la Garde;
avec un autre, qui regarde les Officiers de Defima, & tous ceux que leurs
jiFaires obligent d'entrer dans l'Ifle ou d'en fortir.
On donne, à l'ille de Defima, fix cens pieds de longueur & deux cens
quarante de largeur. Kaempfer a trouvé, dit -il, en la mefurant avec
ibin , que fa largeur efl de quatre-vingt-deux pas communs, & fa plus gran-
de longueur de deux cens trente-fix. Elle ell coupée, dans fa longueur,
par une large rue; mais on en peut faire le tour, par un petit chemin, qui
règne le long des planches, dont elle ell environnée, &qui peut être fer-
mé dans le befoin. Les eaux des goutières s'écoulent dans la Mer par des
tuyaux étroits & recourbés, auxquels on a donné cette forme, pour em-
pêcher que rien ne forte de l'Ifle en cachette. La rue efl: bordée de mai-
Ibns , dans toute fa longueur. Elles ont été bâties aux dépens de quelques
Habitans de Nangafaki, auxquels les Hollandois doivent encore, ou à leurs
Héritiers , en vertu du Contrat primitif, une rente annuelle de fix mille
cinq cens Siumomes; prix qui excède, fuivant Kaempfer, le capital de la
valeur réelle. Elles font bâties de bois , fur-tout de fapin ; à deux étages ,
dont le plus bas fert de Magafin. Les autres Bâtimens de l'Ifle font trois
Corps-de- Garde, un à chaque bout dellfle, & Je troifième au milieu; un
lieu proche de l'entrée , où l'on tient les inllrumens nécelfaires pour étein-
dre le feu ; & de petits puits , qu'on a creufés pour le même ufage. Toute
l'eau, dont on fe fert dans les maifons, vient de la Rivière qui traverfe la
Ville, par des tuyaux de bambous, & fe jette dans un réfervoir commun;
mais cette commodité eft un article que les Hollandois payent à part. La
Compagnie des Indes a fait bâtir à fes fraix, derrière Ja grande rue, une
Màiibn deflinée à la vente de fes marchandifes,^& deux Magafins, à l'é-
preuve du feu ; une grande Cuifine ; une Maifon pour les Direéleurs de fon
Commerce; une Maifon pour les Interprêtes, qui ne font employés que
dans le tems des ventes; un Jardin de plaifance; un Bain & quelques au-
tres commodités. L'Octona, ou le Chef Japonois de la rue, y occupe une
Maifon commode , avec un Jardin. On a laifle une place vuide, où l'on
dève des Boutiques, pendant que les Navires Hollandois font dans lePort^ ■>
KiïMPFER compta foixante-deux Temples dans la Ville & aux dehors;
cinq des Sinjîa, confacrés aux anciennes Idoles du Pays; fept des ^amma-
hos, qui font les Prêtres des montagnes ; & cinquante à l'honneur des Idoles
étrangères , dont le culte s'efl: introduit au Japon. Vingt- neuf des derniers
font hors de la Ville, fur le panchant des collines; & ne fervent pas moins
au divertilfement public qu'aux exercices de la Religion ; ils font accom-
XI F. Fart. Rr pagnes
KiBMPPOk.
SH
VOYAGE DE KiEMPÏ^ER
KMWtE».
1 dp I.
Tcniplrs
Chinois de
^iang;uaki.
Leur ufage.
Singularités
de leur fonda-
tion.
pagnes de jardins agréables, de belles allées, & de grands appartcmens.
Ce font les plus beaux Edifices de Nangafaki , par l'agrément de leur fituai
tion , qui leur donne une vfte libre fur la Ville & fur le Port. Kacmpfcr
s'étend beaucoup fur la defcription de ces Temples & de leur culte ; mais
remettant quelques - unes de les obfervations à l'Article général des Relj.
gions Japonoifes, on ne s'attache ici qu'aux Temples des Chinois, qui
appartiennent à cette Defcription , comme une des principales fingularités
de Nangafaki.
Les Chinois y ont trois Temples, également remarquables par la beau.
té de leur ftruélure , & par le nombre des Prêtres , ou des Moines , qui font
entretenus pour le fervice des Autels. Ils font proprement de la Se6le de
Serif quoiqu'ils foyent ornés d'Idoles & d'Imag'.'S Chinoifes, de grandeur
naturelle. On voit , dans les cours , de beaux arcs de triomphe <k divers
autres ornemens d'une forme étrangère. Les Chinois , & d'autres Mar-
chands qui trafiquent fous leur nom , quoique leur langage foit différent ,
ont fondé ces Temples après l'extirpation totale du Chriltianifme , pour y
exercer librement leur culte , & pour y dépofer les Idoles de leurs Navirej.
Aufli-tôt qu'ils font entrés dans le Port de Nangafaki , les Idoles font por^
tées à terre, & placées dans des Chapelles, qu'on a bâties exprès au vuifi.
nage du grand 'l'emple. Cette cérémonie fe fait avec des formalités fin*
guliéres , au bruit des tymbales & des tambours. Elles font répétées , lorf»
qu'au départ des Jonques , on y reconduit les Idoles.
Ces Temples, ou ces Monaftères, portent le nom du Pays, ou delà
•Province de leurs Fondateurs , avec une épithéte qui exprime leur richeffe.
Le plus grand fe nomme Nankindira^ c'efl-à-dire, Temple de la Ville deNm-
quin^ C'ell le premier qui fut bâti au Japon. On ajoute, à ce nom , celui
de Koofukujif qui fignifie, Temple de l'Opulence établie. 2". Tfiaksjudira é
le Temple du Pays d'^imos, par lequel il faut entendre, fuivànt Kaempfer,
les Provinces Méridionales de l'Empire de la Chine. Les Chinois , qui habi-
tent rifle Formofe , & qui font établis dans d'autres Pays éloignés de la
Chine', dépendent de ce Temple. Le Matfuji^ ou le Monajière fubof'
donnée eft fous la direftion du Supérieur du grand Temple. L'épithéte,
ou le fécond nom de ce Temple, efl: Fukufi^ c'eft-à-dire", Temple des Ri-
ches. 3". Fokfiudira eft le Temple des Pays Septentrionaux. Il fut fondé
par les Chinois des Parties Septentrionales , qui continuent d'en dépen-
dre. Son autre nom eft Fuku-faiji; c'eft-à-dire, Temple des tkhejfes^
des offrandes.
Les trois Monaftères n'étoient anciennement habités que par des
Prêtres Chinois , entretenus aux dépens de leur feule Nation. Mais de-
puis qu'on a fermé l'Empire , & que les Réglemens font devenus fort fé-
vè?es pour les Marchands étrangers , on ne fouflfre , dans chaque Mo-
naftère, que deux Chinois de naiffance, qui tirent leur entretien de la
contribution volontaire de leurs Compatriotes, & des droits qui leur re-
viennent de leurs prières. Si ces libéralités ne fuffifent pas, ils atten-
dent le refte de la bonté de l'Empereur. Les trois Supérieurs relèvent
immédiatement d'un Général pris de leur Corps , dont la réfidence eft près
de Meaco , fur la Montagne d'Obaku. Ce Chef du Paganifrae étranger
prend
^ DANS L'EMPIRE DU JAPON. Liv. IV. 315
prend la qualité de troifiéme Succefleur du Siège d'Ingen , dont Kxmpfcr
raconte rhiftoire.
Incen écoit Souverain Pontife de la Chine, & vingt-huitième Succcf-
feiir de Siaka , Fondateur de fa Religion. Un zèle ardent pour la propaga'
tien de cette Se6le , fa tendreiTe pour les Moines de la même foi , qui de-
meuroient dans les trois Monaltores de Nangafaki, & le defir d'afTurcr
cet Etabliflemcnt contre les attaques des Mukunokokus ^ nom que les Seélai-
rcs donnent aux Chrétiens & à tous les Adverfaires de leurs opinions, To»
bligèrent de réfigner fa Dip;nité entre les mains d'un Succefleur, & de paf-
fer au Japon , pour y établir un premier Siège de cette Doftrine. Il y fut
reçu avec toutes fortes de refpeft. L'Empereur lui offrit, pour fon fé.
jour, la Montagne d'ObaJcu. Quelques miracles, qu'il fit prefqu'cn arri.
vant, augmentèrent l'opinion de fa Sainteté. Cependant il ne put per*
fuader à tout le Clergé Japonois, qui étoit alors divifé, d'embrafler Çc%
principes, &de le reconnoître pour Chef. Il eut, pour Succefleur, un
autre Chinois, nommé Okuffi^ qui fut remplacé par un Japonois, fous le
titre de Supérieur du Couvent dbe la Montage d'Obaku, 6l de Général des
trois Monaftères Chinois de Nangafaki (y).
KiKMPFER imite ici les Japonois , dit-il, en paflTant, des Temples , aux
Lieux de débauche. 11 donne une idée fort finguiière de cet infâme Quar-
tier. C'efl:, de toute la Ville , celui qui contient les plus jolies mailons ;
toutes habitées par des Courtifanes. Il fe nomme Kajieinatz. Sa fituation
cil fur une éminence. Il confifte en deux grandes rues. Dans toute l'Ifle
de Saikokf , on ne compte que deux de ces lieux , que les Japonois nom»
ment Mariam ; l'un , dans la Province de ïfikufen , & celui de Nangafaki.
Cette Ifle produit les plus belles femmes du Japon , à l'exception , néan.
moins , de celles de Meaco , qui les furpaflent encore. Kaempfer aflure que
les Habitans de Nangafaki peuvent placer leurs filles dans le Mariam, lorfr
qu'elles ont quelques agrémens. Elles font achetées fort jeunes par les
Adminiftrateurs de cet étrange commerce, qui peuvent en avoir Jufqu'à
trente dans la même maifon. Elles y font fort bien logées. On les forme
ibigneufement à danfer, à jouer des inflrumens, à faire des billets tendres;
& généralement à tous les exercices qui conviennent à leur profefllon. Le
prix de leurs faveurs ell fixé par les Loix. Celles qui fe diflinguent par
des qualités extraordinaires , font logées &. vêtues avec diftinftion. Une
des plus méprifables doit veiller , pendant la niiit , dans une loge , à la por-
te de chaque maifon , pour la commodité des Palfans ; le payement efl la
plus petite monnoye du Pays. Celles qui fe conduifent mal, font con-
damnées, par punition, à faire cette garde. La plupart de ces filles fe
marient, après le tems de leur fervice. Elles en trouvent d'autant plus
facilement l'occafion , qu'elles ont été bien élevées; & l'opprobre de leur
jeunciTe ne tombe que fur ceux qui les ont achetées pour corrompre leur
innocence. AuflTi rien n'efl:-il fi méprifé que cette efpèce d'hommes. Quoi-
qu'ils amaflent des biens confidérables , ils ne font jamais reçus dans la fo-
ciécé des honnêtes gens. On leur donne l'odieux nom de Katjuva^ qui
fignitie
(y) Tom. II. Pag. 161 & précédentes.
Rr 2
K«MPVEB.
I 691.
Pontife dc«
Chinois au
Japon.
hlics de dé-
bauclie.
8xd
VOYAGE DE K^MPFER
Chrétiens
qui font enco-
re- d;i;is les
piifons de
N'aii.';;\faUi.
ComniciK;
• !s y ibmtrai-
fignifie Yordure du Peuple. lU font mis au rang de« Tanneurs de cuir, c'eft-à-
dire, de ce qu'il y a de plus infâme dans l'idée des Japonois; & dans l'exé-
curion des Criminels , ils font obliges d'envoyer leurs Domefliques, pouj
aflifter les Miniftres de la Juftice (z).
G OKU j A, qui fignifie r£«/i?r , eft le nom de la Prifon publique. CcO:
un Edifice, au centre delà Ville, qui confifte dans un grand nombre de
petites chambres fcparées, où l'on renferme, non-feulement ceux qui ont
commis des crimes , mais encore ceux qui font foupçonncs de profefllr k
Religion Chrétienne. Obfervons, pour relever fimportance de cet Arti.
cle, que cinquante-trois ans après l'extirpation du Chriflianifme au Japon,
Kaimpfer nous apprend qu'il en refte encore d'affez fortes traces , pour s'at-
tirer l'attention du Gouvernement. Pendant qu'il étoit à Nangafaki , on
comptoit plus de cinquante Chrétiens dans cette prifon (a), hommes, fem-
mes & en/ans. De tems en tems, on yen amenoit quelques autres. En 1688,
on en avoit arrêté trois. „ Ces pauvres gens , pour employer les termes
de Kaempfcr , font fort ignorans fur la Religion Chrétienne. Ils n'en
fçavent guères que le .jom de nôtre Sauveur , & celui de fa bienheureu-
fe Mère. Cependant ils y font attachés avec tant de zèle, qu'ils aiment
mieux mourir miférablement en prifon , que de racheter leur liberté par
l'abjuration, à laquelle on les follicite fouvent. Il arriva, pour la pre-
mière fois, en 1692, que trois de ces Prifonniers envoyèrent de j'ar-
gent aux Temples Idolâtres; Les Prêtres ne voulurent point le recevoir,
fans la participation & le confentement du Gouverneur, qui n'ofa déci-
der fur un point fi délicat , avant que d'avoir reçu des inftruftions de la
Cour. Les Chrétiens Japonois ne font pas aujourd'hui condamnés à
mort, avec l'ancienne rigueur. On a quelque égard pour leur fimplicité.
Ils font feulement condamnés à finir leur miférable vie dans cet Enfer
temporel , d'où ils ne fortent que pour être menés , de deux en deux-
mois , au Palais des Gouverneurs ; moins pour y être traités rigoureu-
fement , que pour être prefles de déclarer d'autres Chrétiens. Toute la
confolation, qu'on leur accorde, eft d'être tirés de leurs donjons, deux
fois l'année, pour fe foire appliquer le cauftique du Moxa, fuivantl'ufar
ge du Pays; fix fois , pour fe baigner dans la citerne de la Prifon; & fix
fois encore , pour faire un tour de promenade , dans une grande & fpa-
cieufe cour , qui eft hors de leur enceinte. Ils paffent le refte du tems
à filer de la laine & du chanvre, pour ourler les nattes. Ils raccommo-
dent leurs habits avec des aiguilles de bambous , parcequ'il ne leur efl: pas
permis d'en avoir de fer. Quelques-uns s'exercent à d'autres petits ou-
vrages. L'argent, qu'ils gagnent par leur travail & leur induftrie, ne
leur eft pas ôté. Ils en font part, franchement & fans réfcrve, à leui,^
femmes & à leurs enfans , qui font 'dans la même Prifon, mais dans des
lieux féparés; de ce qui leur. refte, ils compofent une liqueur, nommée
Jiiia-Sakij qui eft une de leurs plus grandes délices. Le Gouverneur leur
don-
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(2) Pag. 89 & précédentes,
(a) On fçait que Nangafaki & le Pays de
Bungo, étoient des lieux où la Foi Chrétien-
ne avoit fait de grands progrès avant Icj
pcrfticutions , & qui furent arrofés par le farg
d'un grand nombie de Martyrs.
»
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 317
donne, tous les ani, une natte pour fe coucher; & depuis peu de tems,
quelques-uns d'entr'eux ont obtenu la permilTion de le fervir d'un pgtit
couteau, pour leurs ouvrages. JIs reçoivent quelquefois iks lubits, de
leurs Amis deBungo; ce Pays confcrve un petit nombre de Chrétiens,
qui l'étant plutôt de nom que de fait, jouiflent là-deflu5 de xjuelque libcr-
" té , mais qui ont à fubir un examen très -rigoureux ik de rudes cenlU-
„ res (0) . '. .'■y:i\.T'f,i -ji- i:
QU01Q.UE tout ce qui concerne l'ordre établi dans les mes, & les au-
tres parties de la Police, foit renvoyé à l'Article général du Gouvernen\ent,
on ne croit pas devoir détacher de cette Def cription , un ufage , qui fe re-
nouvelle tous les ans àNangafaki, depuis plus d'un fiècle, & qui marque
à quel point l'Enfer a foulevé les Japonois contre la Foi Chrétienne. C'cll
une cruelle Inquifition , pour découvrir ceux qui peuvent avoir confervé
quelques fentimens Chrétiens , accompagnée d'une cérémonie déteftable,
& dont l'Hifîoire de l'Eglife ne fournit point d'autre exemple. Elle ne
s'exerce qu'à Nangafaki & dans quelques lieux voifins , où le Chriftianifme
étoit autrefois le plus florillant (c).
Au dernier mois de chaque année, leNitzio-Giofii un des Officiers de
chaque rue, fa.it le Fito-/iratame j c'eft-à-dire, qu'il prend par écrit le nom
de tous les Habitans de chaque maifon, avec la datte & le lieu de leur
naiflance, leur profeflîon & leur religion. Après avoir achevé cette lifte,
qui comprend les deux fexes & tous les âges , on attend le fécond jour de
la nouvelle année , pour commencer ce qu'on nomme le Jefumi. C'eft un
aÊle folemnel d'abjuration du Chriftianifme, dans lequel on foule aux pieds
rimage de Nôtre-Sauveur attaché à la Croix, & celle de fa Sainte Mère ,
ou de quelque autre Saint. Kaempfer en rapporte les circonftances. „ Ceux
„ qui font chargés de cette infernale exécution , commencent , dit - il , de
„ deux côtés différens , & continuent d'aller de maifon en maifon. Ils
„ parcourent ainfi cinq ou fix rues par jour. Les Officiers , qui doivent
„ êtrepréfens, font VOttona, ou le Chef de la rue, ks trois Oogumi-Oja,
„ qui font les Commis, le Fiifia, ou le Greffier, le Nitzi-Joji, ou le Mefla-
„ ger , & deux Monbans^ c'eft-à-dire, deux Archers du Guet, qui por-
„ tent les Images. Ces figures font de cuivre jaune , de la longueur d'un
„ pied, & fe gardent dans une boete pour cet ufage. Voici l'ordre de
,; l'abjxiration. Les Inquifiteurs font affis fur une natte. Ils font appeller ,
„ dans la chambre, toutes les perfonnes dont la lifte contient les noms,
„ c'eft-à-dire, le Chef de Famille , fa Femme, fes Enfans, avec les Do-
„ meftiques de l'un & de l'autre fexe, tous les Locataires de la maifon; &
„ quelquefois auffi les plus proches Voifins , dont les maifons ne font pas
„ aflez grandes pour la cérémonie. On place les Images fur le plancher
„ nud : après quoi le Jefumi - Tfie , qui eft le Secrétaire de flnquifition ,
„ prend la lifte, lit les noms , & fomme chacun fucceflîvement , à mefure
„ qu'il paroît, de mettre le pied fur les Images, Les Enfans, qui ne font
„ pas en état de marcher , font foûtenus par leurs Mères , qui leur font
„ tou-
6) Pag. 90 & pr. . l'Article du Commerce, où l'on rappoitctn
e) Voyez daas la Dcfcription générale, ce qui regarde des Hollaudois.
Rr 3
KXMPFER.
Acle d'aLju-
ration du
Cliriftianifiiu*,
qui fc fait
tous les ans ^
Naji^jalulu.
\
8i8
VOYAGE DE K^MPFERf^
fcffMPVER.
Descriptio»
DU Japon.
Situation &
grandeur du
Japon.
toucher les Images avec les pieds. En fuite, le Chef de Famille met Ton
fccau fur la lifkc, pour fervir de certificat, devant le Gouverneur, que
le Jefumi s*e(l fait dans la maifon. Lorfque les Inquifiteurs ont parcou-
ru toutes les maifons de la Ville, ils foulent eux-mêmes aux pteds Icj
Images; & fc fervant mutuellement de témoins, ils confirment leurs cer-
tificats refpeftifs en y appolant leurs fceaux. Si quelqu'un meurt, danj
le cours de l'année, fa famille doit prier ceux de qui dépend la niaifon,
d'afliftcr à fon lit de mort, pour rendre témoignage, non-fculemcnt qu'il
efl: mort naturellement , mais encore qu'il n'étoit pas Chrétien. Ils exa-
„ minent le corps. Ils cherchent également s'il n'y a point quelque figne
„ de violence, ou quelque maraue de la Religion Chrétienne; & les func'
,, railles ne peuvent fe faire qu après qu'ils ont donné leur certificat , ac*
„ compagne de leur fccau (dy'.
Kmmtfeïl ne nous apprend , de fon retour, que fon embarquement
avec r Amiral Pampus^ qux mit à la voile, du Porc de Nangafaki , le 31 Oc-
tobre 1692 (e), ^ . ■
9t
{d) Pag. ia8 & 129.
(#) Tom. m. pag. 230.^5 îi.,ir..,.
^ '" '- * ;; Befmption des JJles du Japon. , , ,.,
LE grand Empire, que les Européens ont nommé Japon ^ & qui porte,
parmi fea Habitans, le nom de Nipon (a), ou Nipbofiy efl fitué entre
le trente-unième & le ouarante-deuiième à(^é de Latitude Septentrionale;
& fuivant une Carte ailez récente, corrigée fur les Obfervations Aflrono-
miques d'un Jéfuite de la Chine, enirç le cent cinquante -feptième aie
cent foixante-quinzième degré trente minutes de Longitude, depuis le pre-
mier Méridien de l'Ule de Fer. Il s'étend au Nord-E(l & à l'Eft-Nord-Kfl.
Sa largeur efl irrégulière, quoiqu'en général il foit aflez étroit, en compa-
raifon de fa longueur, qui, depuis une des extrémités de la Province de
Fifen, jufqu'aux Côtes Orientales de la Province d'0//w, a, fuivant l'opi-
nion commune, deux cens miles d'Allemagne {b), en droite ligne; r<insy
com-
(fl) M,(îgnific/f«, dedans nn fcns plus
fublime, le Soleil. Pon, fignifie Jo/èou/on-
dement. Les Chinois Méridionaux pronon-
cent Sijpon, ou Gepuan, dont les Portugais
ont formé apparemment Japon, qui s'eft
changé en Japon. Les Japonols , dans leurs
Livres , donnent d'autres noms à leur Empi-
re. Ce font des épithétes , qui en expri-
ment la grandeur & l'excellence. Kttmp/er,
Tom. I. pag. 93.
(b) Kaempfer, ibid. pag. 94 ^ 95. La
longueur du Japon , fuivant le nouv el Hfto-
ïicn de cet Empire , eft Eft «Se Que ft, p re-
nanl un peu de l'Efl-Nord-Eft. Sa longueur
efl Nord & Sud. „ Elle n'efl pas, dit -il,
„ auin inégale que quelques Auteurs l'ont
„ dit, car elle n'eft prcfque jamais moindre
„ 'que de foixante ou foixante-dix iicucs, en
„ comptant par les degrés de Latitudi;, &
„ elle n'eft nulle part de cent. Quant à h
„ longueur, en la prenant depuis l'oxtrêiiii-
„ té occidentale du Figen , jufqu'aux Côtes
„ orientales d'Oxu, ou OJîu, elle efl, fui-
„ vant le Père Briet , d'un peu plus de deux
„ cens foixante lieues communes de Franco"-
Hiftoite du Japon , Tom. 1. pag. 10.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Hv. IV. 31^
comprendre toutes les Côtes & les Ides plus éloignées , qui ne laiHenc pas
d'ccrc Tous la domination de l'Empereur du Japon.
K/cMPFER compare la dilbofition extérieure de cet Empire, à celle de
la (rrande-firetagne, & de l'Irlande. Il ell rompu, dit-il, & coupé de la
mcmc manière, mais beaucoup plus , par des Caps, des Promontoires, des
Bras de Mer, des Anfes & de grandes Bayes , qui avançant plus loin dans
les Terres, forment quantité d'iiles, de Peninfulcs, de Golfes <& de Ha-
vres (c). Mais on dillingue trois grandes liles, dont la principale s'appel*
le Nipun^ & donne Ton nom à tout l'Empire. Elle s'étend en longueur,
de l'Éd à rOucd , dans la forme d'une mâchoire , dont la partie recourbée
fe retourne au Nord. Un Canal étroit , ou un Détroit plein de rochers & de
petites iOes, les unes habitées, d'autres défertes , la fcparc d'une autre, qui
cil: la féconde en grandeur, & que fa fituation au Sud-Ouell de Nipon , fait
nommer Saikokf^ c'eft à-dire Pays de i'OueJt. Elle porte aufli le nom de
Kiujiuj ou Pays des Neufs ^ parceau'elle cft divifée en neuf grandes Provin*
ces. Les Japonois lui donnent, de longueur, cent quarante de leurs miles,
& quarante à cinquante de largeur. Son circuit, fuivnnt Krcmpfcr, ei\ de
cent quarante -huit miles d'Allemagne. La troifiôme IHe, fituée entre la
première & la féconde, & prefque quarrée dans fa forme, fe nomme Sikokff
c'eft-à-dire Pays des quatre Provinces. Ces trois grandes lÙes font environ-
nées d'un très-grand nombre d'autres , dont les unes font petites, flériies,
remplies de rochers ; & les autres , aflez grandes & allez riches pour ètid
gouvernées par de petits Princes. '!?' ui .>. n •'.•y. .»•;»«
(() KaBinpfer> ubifufrà, pag. 95.
.Vy .'"nrtJt' **î>j;
5. L
.■îf,'»
T
Divifion générale de r Empire du Japon»
oVTES les Ifles, qui compofent l'Empire du Japon, furent divifées
vers l'année 590 de l'Ere Chrétienne, par Siujium^ Monarque hé-
réditaire Eccléfiaflique , en iept grandes Contrées , que les Japonois nom-
ment Gokijitzido: En 681 , Ten-Mu divifa ces fept Contrées en foixante-fix
Provinces, à chatL-ne defquelles il donna un Gouverneur. Enfuite deux
liles, nommées /^i& 77^^'"^ » qui ^ppartenoient autrefois à la Corée, ayant
été réunies au Japon , par droit de conquête , le nombre des Provinces fe
trouva compofé de foixante-huit. Cette double dividon , qui fubfide en>
core, n'empêche point que, par diverfes révolutions, ou pour multiplier
les Gouvernemens , les foixante-huit Provinces de l'Empire n'ayent été fubdi-
vifées en Hx cens quatre Jurifdiélions fubalternes.
Outre ces Ifles & ces Provinces, d'autres Pays plus éloignés recon-
noiffent 1 Empereur pour Souverain , ou vivent fous fa proteftion. On met
au premier rang , les ides de Riuku , ou Liquejo , dont les Habitans fe di-
fenc Sujets, non de l'Empereur du Japon, mais du Princ* de Satjuma, qui
les a conquis ; fecondemcnc Tfioftjn , qui eft la troifième & la plus baffe par-
tie de laPeninfule, qu'on nomme Corée ^ & qui eil gouvernée , au nom de
l'Em-
Diiestmot
ou JitroN.
Trois gmn.
des lllvs.
^iipun.
Saikokf.
Sikokf.
Divifîon
Iflcs dont
le Japon eft
cotnpofô.
dea
Autres Ifleî
qui rcconnoif-
fcnf l'Empe-
reur du Japon.
320
VOYAGE DE K^MPFERt
nu Jai'ON.
IIIls cle I.i-
qneio & leurs
liaîjiuins.
Peniiifule
Je la Curtic,
Les Japo- ^
nois en polK-
dent une par-
tie.
Ifle dejcfo,
mi Jefogafi-
ma.
l'Empereur, par le Prince d'Iki & de Tfuflima: troifiémement , riflc de
Jefoj gouvernée au même nom, par le Prince de Matfumai, qui a fes pro-
pres Etats dans la grande Province d'Ofiu.
Les nies de Liquejo, ou Riuku, font auSud-Oueft de la Province de
Satfuma, qui eft lituée dans le Continent de Saikokf, & de l'Ide voifine de
Tana ou Tanugafima ; qui n'en eft pas éloignée. Kaimpfer obferve que
fuivant les Cartes Hollandoifes , elles s'étendent prefque jufqu'au vingt-
fixième degré de Latitude Septentrionale. Si l'on en croit, dit-il, les ja-
ponois, elles produifcnt, chaque année, deux moiflbns de riz. Les îla-
bitans, dont la plupart exercent l'agriculture ou la pêche, ont beaucoup de
douceur & de gaieté. Ils vivent fort contcns, & le réjouilTent, après le
travail, en buvant du vin de riz, & jouant de leurs inftrumens de mufi-
que, qu'ils ne quittent pas même lorlqu'ils vont aux champs.
On juge, à leur langage, qu'ils font Chinois d'origine. Dans la dcrniè-
ve révolution qui fournit la Chine aux Tartares , un grand nombre de Chi-
nois, fortis de cette grande Région, fe difpjrrèrent dans les Indes Orienta-
les. Plufieurs cherchèrent une retraite dans ces Illcs, où s'étant attaches
au Commerce, ils le continuent encore avec Satfuma. Mais, outre le tri-
but qu'ils payent au Prince de ce nom, depuis qu'il a conquis leurs Jlles, ils
lèvent entreux une fomme, qu'ils envoyent tous les ans au Monarque Tar-
lare delà Chine, comme une marque ae leur liJélité & de leur fouraif-
(ion. Ils ont, comme les Japonois & les 'lonquinois, leur Monarque
Eccléfiallique héréditaire , qui réfide à Jajuma , une des principales de
ces Ifles , fituée allez proche de celle à'OJima , qui eft de la féconde
grandeur.
La Corée eft une Peninfule, qui s'étend delà Tartarie vers le Japon,
Vis-à-vis des Côtes de la Chine. Les Japonois racontent qu'elle étoit au-
trefois divifée en trois Provinces, dont ils nomment la plus proche d'eux,
Tfiofijn; celle du milieu, Corey^ & la troifième , qui confine avec la Tarta-
rie, Fakujai. Les Habitans, difent-ils , font originaires de la Chine j oc
s'étant Jaifles fubjuguer, plufieurs fois, par différens Princes, ils devin-
rent Tributaires du Japon. Mais depuis plus d'un ficelé, ils font retom-
bés fous la domination des Tartares; & les Japonois n'ont confervé, de
leurs conquêtes, que les Côtes de la Province de Tfiofijn, dont le Gouver-
nement eft confié au Prince d'Iki & de Tfuifima. Les Côtes de Corée font
éloignées de rUle de Tfuflima, d'env'iron quarante -huit lieues Japonoifes,
ou feize miles d Allemagne; & cette Jfie cl à la même diftance du Conti-
nent du Japon. On trouve, dans l'intervalle, un grand nombre de rochers,
& de petites ifies, la plupart défertes. Les marchandifes , qui viennent
de Tfiofijn au Japon, font d'excellente merludie Ci d'autre poiflbn ililé,
des noix, des plantes médicinales, des fleurs & des racines, particuliè-
rement le ginfcng , qui croît en abondance dans les Provinces de Co-
rée & de Fakufai, comme dans celle de Siamfui^ portion de la Tartarie.
Jeso, ou T(?//o , ou comme les Japonois la nomment, Jefogafvna^ qui figni-
fie Vljle de Jefo , eft la plus Septentrionale qu'ils pofledent hors des limites
du Japon , fous le Gouvernement du Prince de Matfumai , Ifle voifine qui
appartient à la grande Province d'Ofiu. Là fituation de Jefo eft à quarante-
deux
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 311
deux degrés de Latitude Septentrionale, au Nord-Nord-Ell, vis-à-vis cPO-
(iu. Elle s'avance fort loin dans la Mer, par les deux Promontoires de 5m-
gaar & de Taajafaki^ qui forment un Golfe. Les Japonois difent .qu'on a
befoin d'un jour entier pour fe rendre à cette Ifle, quoique le paflage ne foit
que de quarante lieues Japonoifes » & que , dans quelques endroits, les Côtes
du Japon ne foient éloignées que de cinq ou fix miles d'Allemagne; mais les
courans y font très-rap«des , & portent fucceflivement à l'Eft & à l'Ôueft. On
la croit auffi grande que l'Ifle de Kiufiu ; mais , étant remplie de forêts , elle
ne produit, à fes Maîtres, que des fourures, & le fameux poiflbn qu'ils
nomment Karafaki; efpèce de morue qu'ils trouvent exquife, & qui s'y pè-
che en abondance. Kaempfer s'imagine que le Pays décoiivert par de Frics ^
au Nord du Japon, énoit une partie de cette Ifle. Les Cartes Japonoifes
ne s'accordent pas fur fa figure: mais elles donnent le nom de Matjuki à la
partie du Sud-Oueft, qui en efl: la plus grande; & mal deflinées comme
elles font , on n'y diflingue pas aifément fi cette partie ne fait pas une Ifle
féparce. Le langage des Habitans a quelque reflemblance avec celui de la
Corée. Ils font robuftes & fort experts à la pêche; mais fales, fauvages,
portant la barbe & les cheveux fort longs. '{'^ • -ïi^
Derrière cette Ifle, vers le Nord, on trouve le Continent, que les
Japonois nomment 0^«-y^ , c'eft:-à-dire, haut Jefo. Tous les Géographes
conviennent de l'exiftence de ce Pays ; mais on n'a point encore déterminé
s'il touche à la Tartarie ou à l'Amérique, ni par conféquent où il faut pla-
cer le Détroit à'Anian , & le paflage qu'on cherche depuis fi long-tems , de
la Mer du Nord au grand Océan des Indes; fuppofé que ce Pays ne foit pas
joint, fans aucun paflage, à la Tartarie ou à l'Amérique (a). Les Japo-
nois ne font pas mieux informés de l'état & de l'étendue de leur Oku»Jefo.
Ils lui donnent , de longueur, trois cens de leurs miles, fans qu'on puilTe
favoir fur quoi ils fe fondent. Kaempfer raconte qu'une Jonque Japonoife,
envoyée exprès, vers 1684, pour faire des découvertes, rapporta que les
Habitans de cette Contrée étoient en communication avec des Tartares voi-
fins. Un vieux Pilote Japonoif, qui connoiflbit toutes ces Mers , lui con-
firma la môme chofe. Une autre Jonque, qui étoit partie depuis peu d'an-
nées des Côtes Orientales du Japon, pour la même recherche , avoit rap-
porté , à Çon retour, qu'après avoir beaucoup fouffert entre le quarante &
le cinquantième degré de Latitude, elle avoit découvert un très-grand Con-
tinent, qu'on avoit pris pour l'Amérique, où, trouvant un bon Port, elle
avoit paffé ITIyver; mais elle n'avoit pu donner la moindre defcription du
Pays , ni favoir s'il s'étendoit davantage au Nord-Oucft. La Cour du Ja-
pon n'a pas pouffe plus loin fa curiofité; & les Cartes du Pays, qui s'accor-
dent toutes à marquer, derrière Tlfle de Jefo, un grand Continent à la fui-
te de la grande Tartarie, & qui le font avancer à l'Eft d'environ quinze de-
grés de Longitude plus loin que les Côtes du Japon , laiffcnt un grand efpa-
ce vuide entre ce Continent & l'Amérique voifme (Z»). Elles divifent aufli
le
(a) Kœmpfcr rend compte de tous les ef- (6) Voyez, dans la Relation précédente,
forts qu'il a faits inutilement en Mofcovie, l'idée que Kaempfer doni:c d'une C:j;te qu'on
pour fe procurer plus de lumières. Tome /. lui fit voir à Jedo,
pg. 104 ^ juiv. ■ ".'
XIF. Part. .. S s
Dbscrtwioh
DU Jaion.
Sa diflance
du Japon.
Ce qu'c!!ft
produit-
Continent
d'Oku-Jcib.
Entreprises
dos Japonois
pour en dé-
couvrir les
boincs.
DfiSCBIfTION
DU J*POIV.
Province^
tî'Oku-Jefo.
Iflcs de
Ginfiiiia & âc.
Kinfiina, c'cll-
à-dire, d'ar-
gent & d'or.
rcntudvcs
plions pour
les dc'x'ouviir.
Iflc de M-
rrr, ou Bonc-
Tfle de Fat-
É(io, exil des
Soigneurs Ja-
ponois.
A quoi ils
s'ocxui'cnt.
32a VOXAGE DJ5 KiEMPFERc
le Pays d'Oku-Jçfo en cinq Provinces, dont les noms, d'après Kœmpfer
font Kfllierjariy Oraftkaif^ Sit/ij^ FçroJ^n $l Jlnmifu Entre les deux dernières *
elles marquent une Rivière aiïbz grande , qui fe perd dans la Mer au Sud'
Oueil, derrière l'iile de Jcfo. M.^s'\\ ne parok pasqu^^l y ait beaucoup
de fond à faire fur ces Cartes. „^î,. . „. :. , • ..r . j s ., .,
Les Jappnois aomptcnt dan^ leur Empire, deux autres Ifles, qui font c-
loignéesde plus de qent, cinquante miles des Côtes d'Pfiu , à l'Eft & ù \^[\.
Nord-Efl. Ils nomment la plus ftpcentrionale & la plus éloignée du Japon,
Gin/ma y qui fignifie Y IJle ^argent ; & la plus proche, qui eft aufli la plus
grande, liinfima , c'cft à-dlre, !'(/](? </'or; noms magnifiques, dont la richef-
fe a tenté plufieurs fois les Européens. La Cour d'Efpagne, ayant appris
quelles font fituées à l'Oueft de l'Amérique, dans cette Partie du Monde,
3ui lui étoit aflignée par le Pape, comme les dipcouvertes du côté de FEU
evaient appartenir au Portugal, employa, vers l'année 1620 , un très*
habile Pilote à cette recherche. L'entreprife fut fans fuccès. Celle des
Hollanidois ne fut pis plus heureufe en 1639 & en 1643. Deux de leurs
Vaifleaux, le Bresken & le Cajîrkum, qui furent employés au fécond de ces
deux Voyages, eurent beaucoup à fouffrir des tempêtes; & le Bres^n
s'étant hafardé à faire .defcendre quelques hommes de l'Equipage , [ dans
un Port du Japon,] ils furent arrêtés , mis aux fers, & traités cruelle.
ment, comme s'ils enflent été dans le defTein d'envahir ou de trahir l'Em-
pire (c).
Veks 1(575 , le hafard fit découvrir , aux Japon ois , une très - grande
Ifle. Une Barque de l'Ille de Faîfifio , qui en efl éloignée de trois cens mi-
les à rOuefl:, y fut jettée par la tempête. On la trouva déferte, mais na-
turellement fertile, & bien pourvue d'eau. Le bois d'^ra^ , qu'elle produit
en abondance, & qui ne croît que dans les Pays chauds, fait croire à
Kaempfer, qu'elle efl plutôt fituée au Sud qu'à l'Efl du Japon. [Les Japo-
no'-: la nommèrent,, Bunejtma , ou ÏJJle de Bune. Ils virent , fur fes Cô-
tes , une quantité prodigieufe de poiflbn & d'écreviiTes , dont quelques-
unes avoient quatre ou ^ çjnq pieds de lOiiig. ] Cette Ifle de Fatfifio,
d'où les Japonois étoient partis , efl: la plus éloignée de toutes les liles
qu'ils pofledent vers le Sud. Elle efl; fous le même Méridien que je-
do, éloignée d'environ quatre-vingt de leurs miles de Mer, de VIÛq de
Nipon , & la dernière d*une longue rangée de petites Ifles, qui font prcf-
que contigues. Ses Côtes font fi hautes & fi efcarpées , que pour en def-
cendre ou pour y monter, on efl: obligé d'élever les Bateaux avec toute
leur charge, par le moyen d'unp efpèce de grue. Elle efl: d'ailleurs fté-
rile. Aulfi l'Empereur en a-t' il fait fa principale Prifon d'Etat. C'eft-là
qu'il relègue ordinairement les Seigneurs qui tombent dans fa difgrace. Leur
occupation, dans un fi trifl:e féjour, efl d'y faire des étoffes de foye; & la
plupart de ces malheureux Exilés ayant beaucoup d'adrefle & de génie, ils
en font de fi belles & de fi fines, que le tranfport aux étrangers en efl: dé-
fendu fous de rigoureufes peines (</).
En général, l'Empire du Japon étant environné d'une Mer orageufe, &
bor-
((i) Pag. iro.
{c) Pag. 105.
y.-t'
DANS L'EMPIRE DU' JAPON, LïV. IV.
323
borde de montagnes , derochers, ou deiables, qui rendent fes Côtes pref* Dksc«iptio»
qu inacceffibles , ilfemble, fuivant la remarque de Ktempfer, que laNatu* »" Jak^h-
re ait voulu former, de ces Ides, comme un petit Monde féparé, dans le-
quel fes Habitans trouvent, indépendamment de toutes les autres Nations,
de quoi fournir aux befoins, aux commodités,, de même aux délices de la
vie (e). - ,
*î (O Pag. 97.'
iv -i:\':yL'-Mr î"..
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IL) o;i,ir .
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si «
'.r.-X'f.vi -,Uyt>cfcnptton particulier 0, des Prùvinces.
ON ne comprend point, dans la divifion la plus générale, cinq Provin-
ces, que les Japonoîs nomment Gokinai^ ou Gokinai-Goka^Kokf , c'ell-à-
dire , Provinces des revenus Impériaux , parceque tout leur revenu eft parti-
culièrement afligné pour l'entretien de la Cour Impériale (a).
L A première efl celle de Jamafijro ^ qui porte aufli le nom de Sansju.
C'efl un Pays fertile & fort étendu, dont la longueur, du Sud au Nord,
efl de cent iniles du Japon. Il eft divifé en huit ^Diflriébs ; Ôtokurn , Kado-
no, Okongi^ Kij , Uyi, KuJJe, Sakanaka , &Tfukugi; àans lesquels on comp-
te plufieurs bonnes Villes & d'autres Places confidérables, La féconde,
nommée Jamatto , ou fVosj'i , s'étend aufli dtu Sud au Nord , à-peu-prés de
la même longueur que la première, & n'efl: pas un Pays moins fertile. El-
le avoit autrefois quantité de grandes Villes, qui font aujourd'hui en petit
nombre. On ladivifeen quinze Diflriéls; Soono-fami, Sootiojimoy feguri,
Firoky Katfu-DfiJiu^ Katfung^,, Okuno-Umi^ Ûtz, JnfiinOi UdatSikino-Sim,
SikinO'Cami , Takaijdz , Tooidz , & ^ammanvbe: La troil^ème eft celle de lia-
vatzij^ ou Kajiu^ Pays d'une ^onté médiocre , à^d'e'^viro" deux journées
de longueur, qui fe dîvife en quinze Diftrifts-; . A'//?<jri , Ifikava , , Fukâitz ,
JaskabCi Ookake, Tukajatz^ KavatZy Sarara, Ùmbarada, KatannOy Wakaje,
Sibukajay Sicky Tanbokf, & Tannan.- La quatrième fe nomme "AZ/w/ni, ou
Semju. C'eft une fort grande Province, mais peu, fertile. Sa longueur eft
de cent iniles du J^apon , du §ud à l'Oueft. ;■ Elle eft bornée d'un côté pac
la Mer, & de fautre par une chaîne de hautps montagnes. La' Mer lui
fournit du poiflbn en abondaiioe,; & les produ^pns fçnt do- bled noir, des
pois , & des fèves peu eftiraées: On n'y compçe que trois Diftriéts ; Ooto-
ri, Idfume &. Fine. Enfin, la cinquième eft celle de Sitzu, qu'on nomme
autrement Tfinokuniy & Sifju. Cette Province a deux journées & demi-*
de tour. Elle eft fituée fur un grand Golfe, & c'eft le ïjays, du Japoi^
le plus avancé vers l'Oueft. Ses Parties Méridionales font fort chaudes }
mais celles du Nord jouiiîent d'un. air tempéré , qui les rend plus abondan-
..!%.'!)'! .'O !^iri ■raîb':>b (luo-'r.ti-j'j ";' <*■ tes,
Cinq Pro
viiiccs dus re-
venus Impé-
riaux.
Jamafijro ,
ou Sansju
Janiacto ,
ou Wosju.,
Kavatzij f
ou Kaliu.
Idfumi, ou
Sensju.
vSitzu , ou
Tfinok'ini.
X'-'V
(a) L'Auteur parle du revenu en riz, qui
monte, dit^l, à cent quarante-huit Mans,&.
mille deux cens Kokfs. Il faut remarquer,
en général , que tous les revenus du Pays
font réduits à ces deux mefurcz de riz.
Un Màn coritiônt dix mille Kokfs , &
un Kokf trois mille balles ou facs de riz.
Pag. ur.
Ss
8H
VOYAGËDE KiÊMPFÈIlfT
Description
DU Japon.
Les fept
Jurandes Con-
trées de l'Em-
pirc.
TOOXAIDO ,
premicre
Contrée.
Ses Provin-
ics.
T'n
Ifif.
•ti^uua.
Ovaii.
Mikava.
Tootonii. mi.
^ur^.^s;l•
foi.
Lifii,
tes, fur-tout en cinq principales efpèces de pois, qui fe nomment Gokokfs.
Sitzu eft divifé en treize Diftrifts; Sij-^os, ou Simmios, Kutatz, FingaJJl'.
naif Nifijnarij Jaifan^ Simaftmo , Simakami y Tefijina^ Kavanobe, Muko^ A-
vara , Jrima , & Nmje.
Passons à la divif^)n ,de rEmpereur 5i«/ÎMwz , en fept grandes Contrées,
qui forment le corps de TEàipire.
I. La première fe nomme Tookaido, c'efl-à-dirc Contrée du Sud-EJ!,
On a fait obferver que les fept Contrces avoient été fubdivifées en foixantc-
fix Provinces, dans le nombre defquelles il faut compter les cinq qu'on a
nommées ; & que dans la fuite on y en joignit deux autres. Le Tookaido
contient quinze de ces foixante-huit Provinces: i". Iga^ ou IJiju, qui efl
bornée au Midi & au Levant , par la Mer , & féparée des Provinces voill.
nés , au Nord , par une chaîne de hautes montagnes. C'efl: un Pays chaud,
& médiocrement fertile , où Ton trouve quelques plantes , quelques arbres ,
& quantité de bambous. Il eft divifé en quatre Diftrifts; ^(/>, Namaméu^
Iga, & Nalmrf. 2°. T^e, où Sesju, qui a trois journées de longueur, du
Sud au Nord. La Mer en fait une Prefqu'Ifle. Ce Pays eft extrêmement
fertile, enti'èmêré de Plaines &''de Collines,' qui lui dortnent une agréable
variété. 11 fe divife en quinze Diftrifts; Quatia^ Jfaki, Sufukà, Itfifi,
Aankî, Taato, NifikiJJîma , , Ôo/afuma ^ Inabe, Mije^ Ano^ Itaka^ Vataki^
Ino, ècTiiki. 3*. ^);Mi ou iS//fo, eft une petite Province qu'on peut m-
verfer en une demie journée; Pays ftérïïe, .mais abondamment fourni, par
h Mer, d'hùitres & de coquillages. 11 n'y a que trois Diftri6ls; Toofij,
Ako , & Kamefima. 4°. Ouari , ou Bifiu , eft une Province intérieure , en-
tièrement féparée de la Meif, & l'une des plus fertiles & des mieux peu-
plées de l'Empire. 5a longueur; eft de troisjournées, du Sud au Nord,
&fa divifion en neuf Diftriéts; Àmabc^ Nakafftinai Kakuuri^ Nhva^ Kajfm-
gale , Jamàeîa^ Aitfiy TJittà , & TonJîjndJ^ma. 5°*. Mikavûy où Mifiu ; mau-
vais Pays, ftérile, pleiji de Rivières, dW Marécages <& d'Etangs. Il 3,
de l'Eft à rOueft, une journée & deniie de longuelir; & fa divifion eft ea
huitDîftrifts; Avomiy Kamo^ Nukada^ Batz, Fori^ Jana^ Tfuarra, &. Jku-
6°. Tootomty ou J^w/î/m , eft une Province fertile, & des plus belles,
par l'agréable variété de fes Collines & de fes Plaines, de fes Rivières, de
fcs Villages & de fes Villes. On lui donne deux journées & demie de lon-
gueur, de l'Eft à rOueft. Elle fe divife en quatorze Difti'ifts; Fammm,
Fittz, Fuufa, Aratama y Nangakami , NûgaJJîmo y >%tZy ^ainmana y Kikoo,
Faifaruy Tojotay Jamakay Sanm <& Ivàta. 7". Surunga, ou Siusju y fcdif-
tingue aufli par la variété de fes Villes, de Ces Villages, de fes Collines, &
de les Plaines fertiles. Elle a la même longueur que Footomi, s'étendant de
l'Eft à raieft ; & fa divifion eft en fept Diftrifts ; TJla ,, Mofîafii , Udo , [fabe ,
Rofarray Fufij & Suringa. S". La Province de Kai, ou de Kaijîu , & KsjoohUy
eft un Pays plat, abondant en riz, en pâturages, en plantes & en arbres.
Elle produit beaucoup de chevaux. On lui donne deux journées de longueur,
du Sud au Nord , (Se fa divifion eft en quatre Diftricls; JamanaJJlrOy Jaatz-
firoy Coma & Tfw. 9*^. Idfuy 011 Toosjuy eft une longue Peninfule, qui
produit une grande quantité de fel, & qui , étant fort abondante en poif-
fon , paCTe pour une aflez bonne Province. Elle n'a que trois Diftri6ls , fur
le
/
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
325
le Continent de Nipon ; Takato^ NakaScCamo^ auxquels on ajoute deux If-
îes voifines , Oofima^ & Firakajima. 10°. La Province de Sangami^ oaSoo-
fiii^ a trois journées de long; Pays plac & llérile, qui ne fouvnic guères
d'autre fubfillance que du poiflbn, des tortues & des écrevifles de Mer,
mais dont les forêts donnent quantité de bois. 11 eil divifé en huit Dillri6ls ;
Jfikaranno-Cami^ Afikaramo-Simu ^ Oofmij Juringi^ /Jjikoo-Takwgi^ Cama-
kurut Mijura, & Jelïma. ii". Mujaji , ou Bu/iu^ grande Province, qui
a cinq journées & demie de circuit. C'ell un Pays fans bois & fans monta-
gnes, mais très-fertile, abondant en riz, en gokokf , en fruits & en plantes.
Unie divife en vingt - un Dillrifts ; Kiiraggi^ TJ'ukuki^ Tama, Tatfinbana ^
Kaikura^ huma y ToJ'ma^ Fijkîy J'okomiy Saitama, Kodama^ Tfibu-Sima , Fa-
baruy Fajifava, Naka, Kami, Adatz^ TJitfubu, ^ebara, Totejima & Oofato.
12°. Avay ou Foofiu, efl une aflez bonne Province, qui produit du riz &
du bled. Elle eft bien peuplée; & la Mer voifme lui fournit, en abondan-
ce, du poiflbn & des nuitres, dont on employé les coquilles à engraifler
les' terres. Elle n'a qu'une journée & demie de longueur, du Sud au Nord.
On la divife en quatre Diflrifts; Fekuriy Ava^ A/aima y & Nakaba. is*». La
VvoviTiCQ àQ Kadfufa y ou KoosjUy efl longue de trois journées, du Sud au
Nord. Se s montagnes efcarpées n'empêchent point que le terroir n'y foit
bon. Une grande partie de les Habitans s'occupe à faire du Cannib , ou des
toiles de chanvre, qu'ils travaillent fort proprement. Sa divifion eft en
onze Diflriéls ; Sfujjiiy Ainfa, Itfuvaray Umingamiy ToikOy Maokiy JJJlmiy
Fariniby Nagava y JammanobCy & Mujfa. 14'. On donne, à la Province de
Simoofa , ou Seosjuy trois journées de long, du Sud au Nord. Elle eft mon-
tagneufe & peu fertile ; mais elle abonde en volaille & en beftiaux. On la
divife en douze Diftriéls ; Kaddofikay Tfibbay ImbUy Sooinat Sa/jumOy luukiy
Tooday Koofa, Unagatnîy Katoriy Fannibu y & Okanda. 15°. Firatz , ou
Sjooy eft une fort grande Province, dont la forme eft quarrée, & qui n'a
pas moins de trois journées de longueur dans chaque dimenlîon. C'eft un
Pays médiocrement fertile , mais qui abonde en vers à foye , & dont les
Habitans , renommés par leur induftrie, joignent, à leurs Manufaftures
d'étoffes de foye, le Commerce des beftiaux. On compte onze Diftri6ls
dans cette Province ; Nijbariy Makaijey TfekumbUy KavaatZy SJiday Utnba-
rakiy NamingatUy Naka, KuJJty Taka, & Jengoko, qui, fignifiant Pâyj éloi-
gné y eft apparemment le nom de quelque Kle voifme.
Les revenus de ces quinze Provinces , de la Contrée de Tookaido, mon-
tent à quatre cens quatre - vingt - quatorze Mankokfs.
II. La féconde des fept grandes Contrées fe nomme Too sando. Elle
comprend hui*: grandes Provinces, i". Oomiy Pays extrêmement fertile,,
diverfifié par des Montagnes, des Collines, des Rivières, & de vaftes
Champs, qui produifent ég;ilement du riz & du bled. Cette Province a
trois journées & demie de circuit, & fe divife en treize Diftrifts; SingOy
KarimottOy lus y CamniGo, Kanfakiy Inungatniy Sakatta , Jetz y le haut ik bas
AJJaiylmhOy Takajfima, Kookay & Joofitzumi, 2'^. MinOy ou DiofiUy ne
cède à la Province d'Oomi , ni par l'agréable variété des Collines & des
Plaines, ni par la fertilité de fon terroir. Elle a trois journées de lon-
gueur , du Sud au Nord, & fe divife en dix-huit Piftri6ls; Ifijntjli, Fufu^
Ss 3 • Ava:!fi,.
D£ScsirTioif
DU Japon.
Sungaaù.
Mufufi.
Ava.
KaJfula.
Siuioofa.
Firatz.
fcanuij Coii
tic:-.
Si-r, Provin-
ces.
Oonii.
]\Iiao.
32(5
VOYAGE DE KjÊMPFER^
DescniPTiON
DU Japon.
Fida.
Sliuno.
Koûdfuke.
Siaioodfuke.
MutAi.
Deva.
FOKO-IIOXKC-
no , troilicme
Contrée.
Ses Pro\ inccs.
Vackafu.
Jetfurci}.
Avaàfi^ Jkencla, Oono^ Motîos^ MuJJîjroda, KatakatOy Atjumïy Kakumi^ ^a-
viangata, Muggi, Guundsjo^ Camo, Cako^ Tokki^ Jenna^ & Taki. 30. Pi^^^
on /*7j/m, efl: fort inférieure aux deux précédentes, en fertilité, comme en
grandeur. Sa plus grande étendue , du Sud au Nord , n'efl que d'environ
deux journées de chemin. Elle efl: remplie de Bois & de Forêts. On n'y
compte que quatre Dittrifts; Ofarra^ Majîjnda, Ammano & Arak'u 40. l^
Province de »V/Kano, ou Sinsju, & un Pays très-froid, éloigné de la Mer,
& prefque fans beftiaux , parccqu'elle a peu de pâturages. Ses riche/Tes
con(ifl:ent en quantité de mcuriers, de foye & de cannib. Elle a cinq jouv-
nées de longueur, du Sud au Nord. Elle fe divife en onze Difl:n6ls; Ai^-
futz, Takaij ^ FanniJJtna, Tjifagatîa , Sackit^ Ina, Sfum^T/ikumma^ Atfumï^
Sara, & Sijna. 5^. Koodfiikc, ou DJiosjUy a quatre journées de longueur,
de l'Ert à l'Ouefl:. C'efl: un Pays chaud, qui produit quantité de meuriers
& de vers à foye ; mais la foye qu'on en tire ne fert qu'aux étoffes groHié-
rcs. Sa divifion efl: en quatorze Difl;ri6ls ; UJpd , Aajfa , Sfikame , Sfetta , 5ai,
AVfr j , Kaîtaoka , Suora , Gumma , Kanva , Tago , Midnr'mo , Naba , & Jammdit.
6". Smoodfuke ^ ou. jfasju^ a trois journées & demie de longueur, deTEftà
rOueft. C'efl: uneJProvince mêlée de Champs & de Montagnes, qui pro-
duit abondamment de l'herbe, du riz, du bled & du gokokf. Elle a neuf
Diftrifts; Askara^ Janada, Afo, Tfuga^ Taka y Savingava , Suvooja ^ Nafu,&
Mukabe. 7°. Mutfu^ow Oosjuj efl: la plus grande Province du Japon. Sa
longueur efl: de feize journées, du Sud au Nord, & fa fertilité n'y lailTe rien
manquer de néceflaire à la vie. Toutes fes parties étoient autrefois le Do-
maine d'un même Prince, avec la Province voifine de Deva On la divife
en cinquante-cinq Difl:ri6ls; Sijrakava, Kurokava, ^uvaji , Mijaki^ A'itz^ Na-
via^ Oduy Afaka, AdatZySibatta^ Karida, Tooda, Narori^ Sinnobu, Kikkimda,
Sibanne^ AJJonufa , Namingata, Ivjadevoaga , Kavatz, Fitzungi, Takano, Faltari^
Janiadfubiri ^ Oonato, Kami^ Sfida, ICurivara , Jefan^ Je^iy Mifava, Nagaooka,
Tjjojic^ Alonovara, Oofika, Gimki^ Kaddono, b'ajikani ^ Tfimgaru^ Uda^ llu^
Mûtojes, Ishara^ Taidfi, Sikamma ^ Inaga ^ Siiia^ Ivafaki, Kimbara^ Kadfink^
Datte i'Socka, Fei&Kifen. 8°. Deva, ow Us ju^ a cinq journées de longueur.
C'efl: une Province abondante en pâturages, en plantes & en arbres, où l'on
afllire que le Printems efl: plus avancé de quinze jours , que dans les autres
Provinces du Japon. Ella faifoit autrefois partie de celle d'Ofiu ; mais étant
aujourd'hui féparée, elle fe divife en douze Ditlrifts; Akumi, Kavanobe,MH-
rajama,Oita!fia,Ookatz, Firakat TangùrUy Diva, Akindatauriy SenbokuyAh-
gimi , 6i.Jamamottii.
Les revenus de ces huit Provinces montent à cinq cens foixante • trois
Mankokfs , luivant les anciens comptes; mais ils font confidérablement
augmentés.
III. La troifième grande Contrée, qui fe nomme Foku-Rokkudo,
contient fept Provinces, i ^. Fackafa , ou Siakusju , s'étend du Sud au Nord ,
d'une journée & demie de longueur. Cette Province efl: bornée au Nord ,
par la Mer, qui lui fournit abondamment du poiffon, des, .cr.:viflres, des
tortues, &c. Quelques Mines de fer font fes richefles &. fon commerce.
Elle eil divifée en trois Dillrifts ; Oonibii, Oui, & Micatta. 2^. Jetfijfen,
ou Jeetsjuy Province montagneufe, vers le Sud, mais plate, fertile, & riche
en
vis-a-vis c
comme en
d'environ
On n'v
f. 4°. La
e la Mer,
s nchefTcs
cinq jouv-
•ifts; M\è'
I, Atfum'i,
longueur,
2 mem-iers
Fes groiliè-
SJetta , Sa/,
: Jammak.
, dej'Efta
, qui pro-
file a neuf
:, iVa>,&
Japon. Sa
y laiiïe rien
îfois leDo-
3n la divife
, Aitz^ Nrt-
0, Faltûri,
Nas[aooka,
Uda., llu^
Kadfink^
longueur.
s , où l'on
les autres
mais ctani;
anobe , i/«-
bokii^ Alo-
tante -trois
trablement
IKKUDO,
au Nord,
îu Nord,
rifles, des
tommerce.
yetjiph
! , & riche
en
Noto.
Jecujii.
Jctfingo.
Sado.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 327
cnbefliaux vers le Nord, efl: longue de trois journées. Elle produit auflî DEfcniPTioîi
du cannib , des meuriers , de la foye 6: du gokokf en abondance. On la di- i>u Jai'on.
vife en douze Diflricts; Tfuruga^ Nibu^ ImaMitz, Jfijba, Oono, Sakaiy Kit-
rodafIliingamitTakakicia,yoosdJîda, Sagai;ita,6cNaan{lsJG, 3». Kaga ^ om Kasju y Kaga.
a quelques Manufaftures d'étoffes de foye, du vinaigre renommé, du foja,
qu'on porte dans les autres Provinces , & produit aflez de gokokf pour la
jlibiillance des Habitans. Son étendue efl de deux journées c& demie, de
i'Eflà rOueil:, & fa divifion en quatre Diftriéls; Jeme^Nomi^ IJikava,6c
Kanga^ auxquels d'autres ajoutent Kaboku. 4". Nùto^ ou SeosjUy efl: pref-
que environnée de la Mer. Elle a des Mines de fer , mais le terroir efl: peu
fertile, & le gokokf y meurit beaucoup plus tard que dans les autres Pro-
vinces. On lui donne deux journées & demie, de l'Efl: à l'Ouefl:, & qua-
tre Difl:ri6ls ; Bagui , Noto , Fukeefund , & Sfus. 5 ». Jeetsju , ou Jaefsju , a trois
journées de circuit. On en tire du bois pour conftruire des ponts , «Se une
efpèce particulière de vaiflelle de terre, qui fait fon commerce. Elle efl:
divifée en quatre Difl:ri6ls; Tonaini , ImïdfuyMebu & Nijkava. 6"^. Jet fin-
go ^ ou JcesjUy efl; une grande Province , qui a fix journées de circuit, &
qui efl: montagneufe , vers le Sud , mais d'ailleurs aflez fertile. Elle produit
de la foye, du cannib & du gokokf. Sa divifion eflk en fept Difl:ri6ls; Ka-
h'ikiy KofjMiffîma, Ivoodfiy Cambarii , Nutari , & Ivafiwe. y°. Sado^ ou Sasju^
eft une Ille de trois journées & demie de circuit, (ituée au Nord du Japon ,
vis-à-vis des Provinces de Jeetsju & de Jetfingo. On vante fon abondance ,
en riz, en bled, en gokokf, en pâturages & en bois. On y compte trois
Difl:ri6ls; Umo, Soota, & Camo. ' ■ ^
Le revenu annuel de ces fept Provinces monte à deux cens quarante-
trois Mankokfs.
IV. S AN iNDo, quatrième grande Contrée , efl: montagneufe au Nord,
comme fon nom le lignifie , & comprend huit Provinces. 1°. Tanba, ou
Tansjuy dont la longueur efl: de deux journées, & qui produit, avec beau-
coup de riz , plufieurs fortes de pois & d'autres légumes. On la divife en
fix Difl:rifts; Kuvadn, bunaijy Taki , Amada, Fingarni, & Ikarunga. 2^. Tan-
gOy ou Tansjii, large d'une journée & demie, du Sud au Nord, riche en
cannib & en foye , & fort abondante en poiflbn de Mer. Cinq Diftrifts ,
qui la divifent, font Kaki, Joki, Tango, Katano, & Kumano. 3°. Tafiinay
ou Tansju, a deux journées de longueur, de l'Efl: à l'Ouefl:; Pays médio-
cre, qui fe divife en huit Difl:ri6ls; Afami, Jabu, Idfu, Ketta, Kinnofakiy
Flangaka , Sîtzumi , & Mikummi. 4°. Imaba , ou Jnsju , efl: de la même ion- lunba.
gueur , que Tafîma. Cette Province efl: bornée au Nord par la Mer , &
au Sud par une chaîne de Montagnes. Elle a des Manufaftures de foye
grolTière, & fes Difl:ri6ls font au nombre de fept; Togowij Jagami, TJidJ'u,
Uomi , Takagufoy Ketta, &. Konno. 5°. Fooki, ou Fakusju, s'étend en Ion- l'ouki.
gueur, de deux journées & demie du Sud au Nord. Avec un terroir peu
fertile, elle produit, en abondance, de la foye, du cannib & du gokokf.
Ses Manufaftures font renommées. On la divife en fix Difl:ri6ls ; Kavamu-
ra, Kume, Javata^ Aneri, Oomi, & Fino. 6^. I('%no, ou Unsju, qui a deux id^inno.
journées & demie de largeur, de l'Efl: à l'Ouefl:, efl: comme environnée de
la Mer de Corie , qui eu fait une Prefqu'llle. C'efl; un Pays extrêmement
ferti-
Sanindo ,
quatriijine
Contrée.
Ses Provinces.
Tanba.
'l'ango.
Tafiina.
'7
328
VOYAGE DE K MUVVZK
nu Japon.
Ivuni.
Ohi.
Sa.vjodo ,
cinquicmc
ClontràL*.
Sos Provinces.
Farima.
Miaiafuki.
JBuifcn.
Bitsjii.
Bingo.
Aki.
Suvo.
Nagatn,
nom de la cinquième grande Contrée, fignifie, Pays mon.
Il ell compof'é de huic Provinces, i". Fanma , ou Bdin.
fertile, & diviAi en dix Diftrifls; Iju, Nomîy Semane, Akifika^ Tattennt\
JadJ'umOf Kanto^ Ijis, NindOy & Oofara. 7°. Ivami ou Sekisju, longue dé
deux journées du Sud au Nord , produit du cannib & du Tel. Quoique fa
fertilité foit médiocre , elle paye, à fes Princes, le double des autres Fro.
vinces. Cinq Dillrifts, dont elle eft compofce, fe nomment Tfikama, A'^.
ka, OotZyMino, & Canoah. 8°. Oki ou Insju, efl une Ifle érigée en Province,
& ficuée dans la Mer de Corée, devant les Côtes de cette Peninfule. Son
circuit efl: de deux journées.
Le revenu annuel de ces huit Provinces ne monte qu'à cent vingt-trois
Mankokfs.
V. Sanjodo,
tagneux Méridional II efl: compofl:
ju , qui a trois journées & demie de circuit. C'efl une Province très-fertilc,
où l'on trouve, avec tout ce qui eft néceflliire à la vie, des Manuflidurcs
d'étofFes defoye, de draps, & de papier. Elle efl divifée en quatorze
Difl;ri6ts; Akas^ Kata^ Kamo, hanii^ Sikama, ho, Akato, Saijo, Sitz, Kanju.
kiy Taka, MitzubOy IJTai, & Itto. 2*^. Mimafakiy ou SakisjUy a trois jour-
nées de longueur , de l'Eft à l'Ouefl. On remarque, comme une fingularité
de cette Province, qu'elle efl moins fujette aux vents que les autres par-
ties de l'Empire. Un terroir médiocrement fertile y fournit aux Habitans
tout ce qui efl: néceflaire à la vie. Sa divilion efl: en fept Difl:ri6ls ; Alk ,
Katzttnday Tomaniji, Tomnfigajî, Khwne, Goba y & Mafuma. 3°. Bidfcny ou
BisjUy a trois journées de circuit. C'efl un aflez bon Pays, qui produit
beaucoup de foye, & dont les fruits meurilTent plutôt que dans les Provin-
ces voifines. Onze Difl;ri6ls , qui" font fa divilion , fe nomment KfifurnUy JVn-
là y Ivanafi y Oohi , Akofaka y Katidaîz, Mimw, Ooas y Tfirakay Tfïngojtinay &
Kamojima. 4.**. Bitsjuy ou Fifin, de deux journées & demie de longueur,
de l'Efl à rOuefl ; Pays abondamment fourni de tout ce qui efl: nécellaire à
fes Habitans, fur-tout de gokokf & de cannib, & divifé en neuf Difl:ri&,-
UtZy Kabojay Kaija, SimomitZy JJpingutz, Oda y Sitzuki, TetOy & Fanga, aux-
quels 011 ajoute les Ides de Saburoftma & de jorifvna. 5°. BingOy ou Fisjii^
qui s'étend de deux journées en longueur, du Sud au Nord ; bon Pays, ou
le riz & le gokokf, qui y croiflent abondamment, meuriflent plutôt qu'ail-
leurs. Il ell: divifé en quatorze Diftrifts ; ^*e , FutJitZy Kamijfi, y1fuka,Ntt-
vwfimi y Bonîîz y Afijday Kooniy Mikamiy Camidamiy Mitfukiy Jejfoy Sirra, &
Mijimra. 6^. Aki^ ou GesJHy Province montagneufe & flérile, riche en
Forêts, qui produifent une iinguliére abondance de champignons, & en fel,
qui fe fait fur fes Côtes. Elle a deux journées & demie de longueur, du Sud
au Nord, & fa divifion efl en huit Diftrifts; Numaday Tnkatta y Tojoày
Sadûy Cammoy Sabakit, Aki y Takamija, & îkukujjîma y qui efl aufll le nom d'un
lieu très-célèbre dans cette Province. 7°. Suvoy ou ScosjUy abonde particu-
lièrement en plantes & en pâturages. Ses Côtes ne font pas moins riches
en poifTon & en coquillages. Elle a trois journées de l'Eft: à l'Ouefl:. On
la divifé en fix Diftrifts; Oofimay Kiikay Kumadcy TjïinOj Savay & Jooàl
8°. Nagata, ou TJiosjiiy bornée au Sud & à l'Ouefl par la Mer, & au Nord
par une chaîne de Montagnes. Sa longueur efl de deux journées & demie,
de l'Eft à l'Ouefl;. Elle produit toutes les nécefllités de la vie; au double
de
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 329
3e ce qui fuffit pour la fubtlfliance de Tes Habicans. Sa diviHon efl en (Ix
Diftriftsj Àjfiiy Tojora, Mîne^ Ootz^ JmUj & Mijijma.
Le revenu de ces huit Provinces monte annuellement à deux cens foixan-
te-dix Mankokfs. Obfervons qu'elles appartiennent à l'Ifle de Nipon , com-
me toutes les autres Provinces des cinq grandes Contrées qu'on a nommées
juf^u'ici. Celles, qui vont fuivre, ëc les deux grandes Contrées, qui les
contiennent, forment la féconde IQe, qui ell la plus grande après Nipon,
& que les Japonois nomment Kiusju, c'eft-à-dire Pays de rOueJl; ou Saikokfy
qui fignifie Pays des Neuf.
Vi. S A I K A I D o , fixiéme grande Contrée dans l'IIle de Kiusju , ou de Sai-
kokf , tire fon nom de fa fituation à l'Ouefli. Elle efl: corapofée de neuf
grandes Provinces. 1°. Tfikudjen, owTfikufw^ qui a quatre journées de lon-
gueur , (Li Sud au Nord. C'ell un Pays médiocrement bon , qui produit du
riz & du bled , & qui a plufieurs Manufaélures de porcelaine. Il efl: divifé
en vingt-quatre Difl:ri£ls; Stma^ Kama^ J^M^t ^ojima, Mikafa^ Mona^at'
ta y Onka^ Mifiroday Fonanùt Sara y Nakay CaJJtjay SiakOy Mufimay Ito, Mu-
ûjroy Vuiz^ Kuvandey NokoJima,SinotZy KafakurOy Kamitzka y Sakura y Kokufy &
TaJJa'u 2". TjikungOy ou TJikusjUy efl une Province de cinq journées de
longueur, du Sud au Nord, qui produit en abondance du bled, du riz &des
pois. Ses Côtes lui donnent du poiflcn, des écreviiTes, & des coquillages.
On y fait beaucoup de confitures, qui fe tranfportent dans les autres Pro-
vinces. Elle efl divifée en dix Diflrids; Mijwara, Mij, Ikwa^ Mi, MikCy
Kandjima y Simodjima y Jammakando y ^ainmafeta y & Takeno. 30. Budfetïy ou
FoosjUy longue de quatre journées, du Sud au Nord, efl: une Province difliin-
guée par l'excellence de fes plantes médicinales, & par le grand nombre de
fes Manufaftures d'étoffes de foye. Elle efl: divifée en huit Diftrifts; Tan-
gava , Sakku , Mijako , Nakatz , Tfuilr , Kamitzki , Simotzki , & Ufa. 4**. Bungo ,
ou TonsjUy a trois journées de longueur. Avec une fertilité médiocre , elle
produit de la foye, du drap, du chanvre, du gokoJcf, & des plantes d'une
rare vertu. Sa divifion efl: en huit Diftriéls; tira y KceSy Navoriy OonOy A-
mabe y Oa'ata y Faijamiy & Kunifaki. 5°. Fidferiy ou Fisjiy a trois grandes
journées de longueur , du Sud au Nord. Ses richeffes naturelles font du
bled, du riz, beaucoup de poiflbn & de volaille. Elle a quelques Manu-
fadures de drap, & fa divifion efl: en onze Diilrifts; Kiekijy JahUy Mine,
Ouki y Kan/cki , Saaga , Maatfura , KiJJlma , Tufitz , Kadfuraki , & Takaku.
6°. FigOy on Fisjuy Pays aflez fertile, produit en abondance du bois, du
bled , des pois , du poiflbn , des coquillages , & la plupart des néceflités de
la vie. Sa grandeur efl: de cinq journées de circuit. On la divife en qua-
torze Difl:ri6ls ; Tamana , Jamaga , Jamajnatto , Kikutz , /I/o , Takiima , Kumi. ,
Aida y Miifiki , Udo , Jaadfito , Kocs , Aahtfa & /IJJîta. 7". Fiugo , ou Nisju ,
longue d'environ trois journées, efl: une Province moutagneufe, maigre,
qui produit à peine le bled, le riz, & les fruits néceflàires pour la fubfillan-
ce de fes Habitans. Elle efl: divifée en cinq Diftrifts ; Uski , Kviju , Naka ,
Mijafaka , & Morokata. 8'^. Oofumi , ou Kusju , a deux journées de longueur,
derEfl:à rOuefl;; petite Province, mais d'une fertilité extraordinaire pour
tout ce qui regarde les néceflités de la vie. On y iaic une grande quantité
XIF. Pan. ï t de
DcscRiPTioir
DU Japon.
incdeKlu*.
j'u, ouSaikoU:'.
Saikaido*
fîxièmc Coii'
tréc,
ScsProvinccSw
Tûkudlca.
ïfikungo.
Biidfen.
Bungo.
Fidfcn.
Figo.
Fiugo,
Oofumi.
,/
330
V0YA6BDE KiEMPFER
DEtCRirTTON
DU Japon.
Sutzuina.
NANKATnO,
fcpliùuic Con-
trée,
Ses Provinces.
Kijiiokuni.
Avadfi.
Ava.
Sanuki.
îjo.
Tcfa.
de papier, & quelques étoffes defoye. Sa divifion eft en huit Diftriftsj
Oopmiy lufingari, Kuvabara , SoOy Sijra, Kimodfuki, Komadfij, & Kumag^è,
90. Satzunia , ou Satsju , efl; à-peu-près de la même longueur que la prtcéi
dente, & d'une fercilitc médiocre. Elle produit néanmoins beaucoup de
meuriers & de chanvre, & l'on vante fcs Manufaftures de draps. Elfe efl;
divifée en quatorze Diflnrifts ; Idfum^ Takakiy Satzuma^ Teki^ IJa ^ Ala , KaMa»
nobe^Jene^ Jwmaki^ Ftre^Fani, Jamma , Okinohfma ik Kofskifma.
Le revenu annuel de ces neuf Provinces monte à trois cens quarante-
quatre Mankokfs. -^
VII. Nankaido, feptième grande Contrée , dont le nom fignific Pi;vf
des Côtes du Sud, eft compofée d'une Ifle de la troifième grandeur, lîtuée ou-
tre les deux précédentes, & nommée Sikokf, qui lignifie Pays des quatre Pro-
vinces; d'une ifle voifme, qui fe nomme Avadji^ôc qui eft fituée au Nord-E(l
'^e Sikokf, & de la. gi-ande Province de Kijnokuniy cjui s'avance dans le Dé-
..oit de Nipon. Elle eft divifée d'ailleurs en lix Provmces: i©. Kijnokuni , ou
Kisju, qu'on vient dénommer, & qui a quatre journées & demie de lon-
gueur, du Sud au Nord. C'eft un Pays plat & ftérile, qui ne produit ni
bled, ni riz, ni légumes. U eft divifé en fept Diftrifts; Ita, Naka, Na-
gufa, Amabe, Arida, Fitaka, & Muro. 2». Avadji eft une Ifle, d'onc journée
de longueur, que fa ftérilité n'empêche pas de nourrir fes HaSitans. Elle
n'a que deux Diftrifts; Tftna, &.Mijv)ara, auxquels on ajoute^; deux Ifles
voifines , nommées MnJJîma & Jefma. 3®. Ava , ou Asju , dans i*Ifle de Si-
kokf, Province de deux journées de longueur; un peu montagneufe , mais
qui produit abondamment <ùes beftiaux, de la volaille, du poiilbn & des
coquillages. Elle eft« divifée an neuf Diftrifts ; Miofiy Ojen, Nafingaji, Na-
niji, Kat/ura, Naka^Itano, Ava ^ôc Mima. 4f*.Sanuki, ou Sansju, dans la
même Ifle. On lui donne trois journées de longueur , de l'Eft à l'Oueft.
C'eft un Pays médiocrement fertile, montagnem:, arrofé néanmoins par
quantité de Rivières, & dont les parties capables oe culture produifentd»
bled , du riz & des légumes. La Mer le fournit de poiflbn & de coquilla-
ges. Il: eft renommé par le grand nombre de perfonnes célèbres , auxquel-
les il a donné la naiflance. On le divife en onze Diftrids; Ovutfi, Saminga-
va , Miki , Mino , Jamada , Kanda , Ano , Utari , Naka , Tado , & Nako. 50. Ijo^
ou Josiu, dans l'Ifle de Sikokf, a deux journées de longueur. C'eft un mé-
lange de montagnes fl;ériles & de champs , la plupart fabloneux ; quoique
d'autres produilent du riz, du chanvre, des meuriers, de l'herbe & des
plantes. Sa divifion eft en quatorze Diftri6ls; iV//, Sukli , Kuvamira, Oatz^
Kafafaia, Nooma, Tfike^ Otfumi , Kume y Fuke , Jio^ Kita, Uva & Uma. 6\To-
fa y ou TosjUy dernière Province de la même Ifle, eft longue auflî de deux
journées, de l'Eft à l'Oueft. Elle produit abondamment des légumes, du
bois, du fruit, & d'autres fecours pour la vie de fes Habitans. On la
divife en huit Diftriéb; Tofa, Agava ^ Tata, Oka, Fat a, Nanaoka, Katafi'
ma, & Kami.
Le revenu de ces fix Provinces monte annuellement à cent quarante
Mankokfs.
Cette Defcription renfermant les foixante-fix Provinces de l'ancien-
ne
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 331
ne divifîon (&V qui n'a pal ctffé de fubfîder malgré toutei lei révolutions
de rÊmpire, il ne refle, à joindre au compte, que les deux nouvelles Pro-
vinces, ou plutôt les deux liles, auxquelles on a donné ce nom, depuis
qu elles ont été conquifes & réunies à la Monarchie Impériale du Japon ,
dans la dernière Guerre contre la Corée. On a déjà remarqué qu'elles fe
nomment Iki ôc T/uffima. Mais les Japonois fe font accoutumés à joindre
les deux noms enfemble, parcequ'après avoir été autrefois fous la domi-
nation du Prince de Satfuma, elles ont aujourd'hui un Prince particulier,
qui porte le titre de Prince d'Iki-Tfufllma. La première de ces deux Illes ,
qu'on nomme auflî Isju, n'a qu'une journée de longueur; & n'efl divifée
qu'en deux Diftrifts; /*/& Iftda. La féconde, nommée autrement Taisju^
eft un peu plus grande ; & fe divife de même en deux Diftrifts ; /Ikata &
Simoakata^ c'eft-à-dire^ le haut & le bas Jlkata. On ne parle pas avantagcu-
fement de la fertilité de ces deux Provinces ; mais elles font fameufes par le
grand nombre d'Idoles qu'on y adore, & par diverfes curiofités naturelles,
qui attirent les Etrangers. Le revenu annuel de ces deux liles monte à trois
Mans cinq mille Kokfs.
KiEMPFER conclut quc le revenu de toutes les Ifles & les Provinces
du Japon, eft, chaque année, de deux mille trois cens vingt -huit Mans
& fix mille deux cens Kolcfs , du moins fuivant l'opinion établie par le
compte auquel il s'efl attaché ; quoiqu'un Auteur Japonois , qu'il aimoit
à confulter , ne le fit monter qu'à deux mille deux cens cinquante • fepc
Mankokfs (<?).
(6) Ouure les Provinces du revenu Impé-
rial , qui forment proprement le Domaine de
l'Empereur, plufieurs Diftrifts des autres
Provmccs y font annexés, foit parce qu'an-
ciennement ils ont été deftinés pour les be-
s. m.
i '•i>i r--. !.->■
DriCITFTtON
duJapok.
Les deux
Provinces
d'iki & de
TluiTmia.
foins de la Couronne, ou oue dans la fuite
ils ont été enlevés à leurs Propriétaires , en
punition de quelque crime , & réiinis au Do-
maine. Kampfer, pag. 128.
(<r) Ibidem I pag. 126 & précédentes. '•
Origine des Japonois , ^ forme de leur Gouvernement.
CE n'eft pas dans les anciennes Hiftoires des Japonois, qu'il faut cher-
cher la vérité de leur origine. La fierté , qui leur eft naturelle , n'a-
yant pu fouffrir qu'on les fît defcendre d'aucun autre Peuple, ils n'ont pas
trouvé d'expédient plus fur, pour éloigner l'idée de cette efpèce de dépen-
dance , que de fe prétendre fortis du fein même de leur Empire ; non com-
me les infeftes, à l'exemple de quelques autres Nations (<ï), mais en fai-
fant remonter leur naifTance jufqu'à leurs Dieux. Cette imagination leur
eft fi particulière , qu'elle mérite quelque détail en faveur de la fingularité.
On apprend de Kœmpfer, qui s'étoit fait une étude de s'en inftruire, qu'ils
fuppofent un premier Cahos , auquel , tout ce qui exifte doit fa formation ,
& qui a produit leurs Dieux. Ils en établiflent deux diflférentes Généalo-
gies; la première, d'Efprits céleftes, ou d'Etres touc-à-fait dégagés du mé-
lange
(a) Diodore de Sicile. Liv. i.
Tt 2
Total du ïf.
venu des Pro-
vinces du Ja-
pon.
Les Japo-'
nois ne veu-
lent dcfcen-
ilre d'aucun
Peuple.
Idée fingu-
lièro qu'ils ont
de leur ori-
gine.
UMCnifTDtf
DoiiMc fuc-
cc(Tî II iIl'
Dieux &. de
ilani-Dicux.
Origine at-
vribiiéo aux
Japonois.
Tradition
orientale.
S3t VOYAGE DE KJEMPFERi
lange de la matière, qui ont goavernë le Japon pendant une fuite de nécles
dont il eft impolîiblc de déterminer la longueur: la féconde, d'Efprits ter'
rcllres, ou Dieux-Hommes, qui, ayant lucccdé aux premiers, ont rèj»né
aulîi fort long-tcms ; jùftiu'à-ce qu'cnfm , ils engendrèrent la troifièmc Ra.
ce, qui habite aujourd'hui le Japon, <Sc qui ne conferve rien de la pureté
ni des perfections de fes divins Ancêtres.
La manière, dont ils rapportent que ces Dieux & ces demi -Dieux fu-
rent crées, & fe produifirent fuccelVivement, n'ell pas moins extraordinai-
re. Les Dieux, ou les Etres purement fpirituels, furent au nmbre de
fept principaux Gouverneurs (.'»), dont le premier fortit du Chaos, dans
fon premier développement. Il en étoit la partie la plus pure. Son fils
fortit de lui, par le mouvement & le pouvoir aélif des Cieux & des Eleniens
qui font au-deifous. Chacun devint ainfi le Père d'un autre. Mais le der-
nier, s'étant formé des organes fenlibles, pour connoître charnellement fa
femme, engendra la féconde fuccelllon , c ell- à-dire celle des Etres mêlés
qui participoient également de la Nature Divine, & de la Nature Humai-
ne. Cette Race , quoique fort inférieure à la première , ne laifla point
de conferver des qualités fublimes, &fçut les tranfmettre à fes Defcendans,
fîar des voyes encore plus incompréhenfibles. Enfin elle s'éteignit (c) dans
a perfonne âîAvafs-ûju-no^ qui devint le Père de la troifiéme, ,c'efl:-à-dire
de celle qui compofe aujourd'hui les Habitans du Japon (</). .; i, ., ,
Mais paflbns fur des fables, qui ne peuvent trouver de crédit (Jue par-
mi ceux qui fe croyent intérefles à les fan-e valoir. La plupart de nos Géo-
graphes ont fait fortir les J"ponois de la Chine, & fe font fondés fur deux
hiftoires, que les premiers Voyageurs de l'Europe ont rapportées defO-
rient. On y raconte que plufieurs familles Chinoifes ayant été convaincues
d'une confpiration contre leur Souverain , tous les coupables furent con^
damnés à la mort ; mais que le nombre s'en trouva fi grand , que les Bour-
reaux mêmes fe laffèrent de répandre tant de fang ; que l'Empereur confcn-
tit alors à changer fa première fentence en celle du banniflement ; & que
tout ce jqui reftoit de ces Malheureux , ayant été tranfporté dans les Iflcs
du Japon, alor« incultes & défértes, ils les peuplèrent par degrés, & devin-
rent
("6) On les nomme Jans cct'orïlre: i".
Kuni-Toko Dat-Jij-no Mikttto ( Mikotto eftune
épithéce, qui exprime la puiflTance & la féli-
cité). 2". Kuni-Sitzu TJi j -no Mi]iotto, 3".
Tnjo-Kun-Nan-uo Mikotto. Ces trois pre-
miers n'avoient point de femmes; mais les
fjuatre fuivans étoient mariés, & chacun eut
fou fucccireur de fa femme, quoique d'une
manière incompréhenfible. 4". Utjij-Nino
Mikotto. 5". Oa-Tono-Tfino Mikotto. 6°.
Oo-mo-Tamo Mikotto. 7». Jfanagi-no Mi-
kotto. Les Japonois ont une vénération
particulière pour le dernier, & f om Ifanami,
ili femme, comme Ayeux de la fecçnde Ra-
ce , de laquelle eft fortie la troifiêine.
(c) On compte cinq Gouverneurs ou Mo-
narques de la féconde Succeflion: i". Ttnjio
Dai-DJiti, fils a!né d'iranagi, ou yfma-Tiru-
Oon-Gami, en langage populaire. 11 a d>;s
Idoles dans toutes les parties de l'Empire, &
l'on fait des Pèlerinages à fon honneur dans
les lieux oîi l'on prétend qu'il a vécu, 2". Oj-
ftvo-ni-m Mikotto. 3«. Ninikino Mikotto;
4.">. De-mi-no Mikotto. 5». Avafe-DJu-n*
Mikotto, avec lequel finit le fécond âge.
Les Japonois attribuent à coux de la troific-
me Race, qui defcendent en droite ligne du
fils aîné d'Avafe-Dfu-no , ou, au défaut liô
la ligne directe, i leurs pluS' proches héri-
tiers ^ un pouvoir furnaturel, & croyent que
leur Dairi , ou l'Empereur Eccléfiaftique Ké-
réditiire, defcend ce cette Race,
(rf) Pag. 153 & fuiv.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 333
rentles An .êtres de cette puiiïhnte Nation qui les habite aujourd'hui. Les
Orientaux racontent encore qu'un Empereur de la Cliinc, regrettant que la
vie humaine foit fi courte, entreprit Je trouver quelque remède qui pilt le
garantir de la mort ; & qu'il employa d'habiles gens , à cette recher-
che, dans toutes les Parties du Monde: qu'un de les JNIédecins, las de
vivre fous un Maître qui fe faifoit détefter par fa barbarie, profita fort
adroitement de l'occafion, pour s'en délivrer: il fe prétendit bien infor-
me que le remède , dont il ctoit queflion , fe trouvoit dans les Klcs voili-
ncs; mais qu'il confiftoit dans quelques plantes d'une organifution ù ten-
dre, que, pour conferver toute leur vertu, elles demandaient d'être cueil-
lies par des mains pures & délicates. L'Empereur ne fit pas difficulté
de lui accorder trois cens jeune? hommes & autant de jeunes filles, fur
Icfquels il lui remit toute fon autorité ; & cet habile Impofteur s'en
fervit heurcufemcnt pour s'établir dans les liles du Japon , «Se pour les
peupler (c).
K/EMPFER allègue, contre la première de ces deux hiftoires, le filen-
ce des Hiftoriens de la Chine & du Japon ; àc la différence qu'on remar-
que entre les deux Nations , dans les points les plus effentiels , tels que la
Langue, la Religion, le Caraélère & les Ufages (/). Il croit que la fé-
conde eft la plus vraye. Lesjaponois, dii-il , ne la defavouent point. Au
contraire ils montrent, fur leurs Cotes Méridionales , l'endroit où les Chi-
nois abordèrent, le Canton dans lequel ils établirent leur Colonie, & les
relies d'un Temple qui fut élevé à la mémoire de leur Chef, pour avoir
apporté, au Japon , les Sciences , les Arts & la Politelle de la Chine:
mais ils prouvent fort bien , par la Chronologie de leurs propres Monar-
ques, que l'Empereur Chinois, au règne duquel on rapporte cet événement.
DescRiPTton
no JAPON.
Autre tia-
ditton.
qui les dé-
iruiicnt.
que la Langue Japonoife n'ayant aucune reflemblance avec celle des autres
Peuples de l'Orient, & paroilTant d'une pureté fans mélange, c'efl: peut-être
une de ces Langues premières , que la Providence infufa , dit - il , dans l'ef-
prit & la mémoire de ceux qui avoient entrepris de bâtir la Tour de Babel ;
«Se que les premiers Japonois étoient du nombre de ces téméraires Architec-
tes. Il va jufqu'à tracer la route qu'ils doivent avoir fuivie , pour arriver
aux Ifles du Japon (6 u Mais, dans cette fuppofition même, il rcconnoîc
que l'extrême différence , qu'on remarque pour la figure & le caraétére ,
entre les Habitans Japonois de plufieurs Provinces (i), doit faire juger que
différentes Nations ont contribué à peupler ces lîles , foit par des Colo*
nies envoyées exprès , lu^i par des naufrages, qui peuvent avoir été fré-
. i •' ' i ■ ■ ' . quens
Conjcclurc^
lie Kîcuiiiflr.
(e) Pag. 129.
(/) Linfchotcn donne ces différences mô-
8ies pour une preuve de la vériti de l'iiif-
toirc, parcequ'il les croit afFeélées, par les
Japonois, pour déguifcr mieux une origine
4)Ut ils font blelTf^s. Mais ce tatincioeot cil
fans vraifemblance.
(«■) Deux cens neuf'ans avant la Naiffan-
ce vie Jefus-Chrift,
(i) Kasmpfer, ubi fu^rà , p"g. 139. tSt
fuiv.
Ç.i).lbi(i. pag. 151.
334
VOYAGE DE K^MPFERc
Descriptio»
ou Jafo».
Comment
& quand le
Japon fut dé-
couvert.
Zipangri de
Marco Polo.
quens fur une Mer (i orageufe. Quoiqu'on entende aujourd'hui beaucoup
mieux la Navigation , ces accidens ne laiflent pas de fe renouveller en-
core. Les Hiftoires du Japon rendent témoignage que, dans quelques Ifles
voifines , au Sud & au Nord , on a trouvé des Noirs , dont la peinture ne
permet pas de douter que ce ne fût des Marchands Malais , ou des Habi-
tans de quelqu'une des Moluques , qui , s'y voyant jettes par la tempe-
te, s'étoient déterminés à demeurer dans des lieux qu'ils avoient trouvé
déferts. Koempfer fut témoin lui-même, pendant fon féjour au Japon,
de l'infortune de plufieurs Vaiffeaux , qui vinrent échouer fur les Cô-
tes (k) ', & l'on fçait, ajoûte-t'il, que le premier Bâtiment Européen, qui
aborda dans ces Illes, fut un Vaifleau marchand Portugais, pouITé par la
tempête.
Mais, pour emprunter une obfervation de l'IIiflorien moderne, fi quel-
que Peuple voifin a formé le corps de la Nation Japonoife, il y a beau-
coup d'apparence jue ce font les Tartares plutôt que les Chinois. Les An-
nales de la Chine difent formellement, qu'en l'année 1196 avant Jefus-
Chrift, les Tai.^res comraencèrent à peupler les Illes '^e la Mer Orientale.
En effet, outre bien des manières communes aux Tartares & aux Japo-
nois , il y a tant de rapport entre le génie belliqueux & la fermeté dame
de ces deux Peuples, qu'un Japonois feroit bien défini, un Tartare poli&
civilifé (/).
La découverte du Japon, par les Européens, efl: un effet du même ha-
zard, qui fembla prélider aux Navigations du quinzième & du feizième
fiècle. Marco Polo , qui vivoit à la fin du treizième , efl le premier Ecrivain
de l'Europe (w) qui ait parlé de cet Empire fous le nom de Zipangri ^ ou
,*- ..- ... ,,.....'. , ... - . :-.- . Z-
(Jfe) Ibidem, & pag. prcîcédentes. Ne fup-
primons pas quelques exemples , qui con-
viennent à ce Recueil. „ D'un Vaifleau , qui
„ échoua fur les Côtes deSatzuma, pendant
„ que ,Kœ;npfer étoit au Japon , il ne fe
„ fauva que trois Matelots noirs, qui ne
„ pouvoient pas prononcer diftinftement un
„ feul mot, excepté celui de Tibano. Après
„ les avoir gardés quelque -tems en prifon,
„ on les remit aux Hollandois , pour les
„ tranfporter fur leurs Vaiffeaux. On ame-
„ na , à Nangafaki , un Vaifleau qui avoit
„ été jette fur les Côtes Septentrionales du
„ Japon , fans qu'il y eût perfonne à bord.
„ La manière particulière dont il étoit bâti ,
„ & les relies de caraftères qu'on trouva
„ fur la poupe, firent conjefturcr aux Japo-
„ nois qu'il venoit des extrémités de Jefo.
„ Un autre Vaifleau périt, il n'y a pas long-
„ tems , fur les Côtes de l'Ifle Biuku , &
„ deux hommes feulement fe fauvèrent. Ils
„ furent menés d'abord à Satzuma , & enfui-
„ te à Nangafaki , avec une efcorte de huit
„ Barges; ce qui coûta quelques milliers d'é-
„ eus au Prince de Satzuma. Ils avoicnc la
j, taille belle & la phyfionomie agréable , la
tête rafée à la manière des Polonois , point
de barbe & trois trous à chaque oreille.
La civilité de leurs manières & leur con-
tenance libre & modefte, faifoient voir qu'ils
avoient été aflTez bien élevés. Ils donnoient
des marques d'efprit, par la peine qu'ils
prenoient à faire connoître le nombre, la
fituation & la grandeur des Ifles d'où ils
étoient partis , en mettant , fur une table,
des pierres de différentes grandeurs, &
leur donnant à chacune le nom de ces Ifles.
Ils appelloicnt Patan celle de leur demeu-
re. Dans ces occafions , il faut que tout
l'Equipage du Vaiflean , tant ceux qui font
échappés au naufrage, que les corps de
ceux qui fe font noyés & que la Mer ajet-
tés au rivage , aufli bien que les agrêts du
Vaifleau, foycnt conduits & portés à Nan-
gafaki, qui eft le lieu où l'on examine tout
ce qui concerne la Marine. On n'épargne
rien pour découvrir d'où viennent ceux
qui le font fauves. Cet examen fe fait
quelquefois en préfence du Réfident de
Hollande". Ibid. pag. 149.
(l) Hiftoire du Japon, pag. 119.
(m) Le Tradufteur de Kœmpfcr obferve,
4ue
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv, IV.
335
^pangUy fans y avoir pénétré; & non-feulement la comparaifon des particu-
larités naturelles qu'il rapporte, avec celles que l'expérience a fait vérifier,
mais la conformité même de fes récits hifloriques , avec les Annales du Ja-
pon & de la Chine , ne laifFent aucun doute que ce ne foit le Japon qu'il a
nommé Zipangri. On lui fait l'honneur d'avoir contribué (n), par la Re-
lation de cette Ifle, aux conjeftures & aux efpérances de Chriflophe Co-
lomb. En fuppofant, comme on le faifoit alors, quoique fauffement, que
l'Empire de la Chine étoit de quinze heures à l'Orient de l'Europe, & par
conféquent que Zipangri l'étoit encore davantage, Colomb devoit conclure
naturellement , qu'il abrégeroit plus le chemin , en dirigeant ik courfe vers
l'Occident, à fon départ de l'Europe , qu'en allant vers l'Orient , & faifant
le tour de l'Afrique. Peut-être auffi avoit-il été frappé par la vue d'une
Carte Marine, & d'une Mappemonde (o), que Marco Polo avoit appor-
tées en Elurope, & qui repréfentoient divers Pays que les Portugais avoient
découverts depuis. 11 eft vrai du moins qu'en abordant à l'Ille Uifpaniolay
il fe crut dans la véritable Zipangri de Marco Polo.
Les Portugais, qui s'attribuent la gloire d'avoir découvert le Japon, ne
conviennent pas eux-mêmes du tems auquel cet événement doit être rap-
porté. Les uns le font remonter jufqu'à l'année 1535. D'autres le placent
en 1542, d'autres en 1548, & quelques-uns le rapprochent encore plus de
nôtre tems. Dans ç^tte incertitude , le Tradufteur de Kaempfer ne croit
pas qu'on puifle refufer la préférence à l'opinion de Diego de Couto^ Con-
tinuateur des Décades de Barros. Ce Sçavant, qui étoit Hiftoriographe
de Philippe II, Roi d'Efpagne & de Portugal, avoit pafle la meilleure par-
tie de fa vie aux Indes , où les Archives de Goa étoient confiées à fa gar-
de ; & c'étoit de cette fource qu'il avoit tiré des matériaux pour fon grand
Ouvrage des découvertes & des conquêtes des Portugais , qu'il a pouffé
iufqu'à la fin du feizième fiècle. Il nous apprend , dans fa cinquième Déca-
de, qu'en 1542» pendant que Martin- Alphonfe de Soufa gouvernoit \gs In-
des Orientales , trois Portugais, Antoine da Moîa^ François Z?/wofo , &
Antoine Pcixota^ furent jettes par une tempête, fur les Côtes du Japon, à
bord d'une Jonque chargée de cuir , qui alloit de Siam à la Chine (p).
L'embarras n'eft qu'à concilier ce récit avec celui de Fernand-Men-
dez Pinto , qui non-feulement s'attribue l'honneur de cette découverte ,
mais qui compte Zeimoto entre fes Compagnons ; avec cette diflférence ,
qu'au-lieu de François , il le nomme Diego. D'ailleurs Pinto n'étoit pas par-
ti de Siam ; & c'étoit dans la Jonque d'un Corfaire Chinois que faifant voi-
le
DESCRIfTIOÏf
DU jArON.
Fruit qu'en
tira Colomb.
Difficultés
fur le teins &
les Auteurs de
la découverte
du Japon.
Embarras à
les concilier.
que M. de Lifle s'efl; trompé, en prenant,
pour les Ifles du Japon , les trois Infulœ Sa-
fjrorum de Ptoleméc. Cet ancien Géographie
place les Ifles des Satyres au Sud de la Li-
gne, & le Japon ell certainement litué entre
trente-un & quarante-huit degrés de Latitude
du Nord. Dijcours préliminaire du Traduc-
Uur. Pag. 33 & 34.
(n) Le môme, pag. 38.
(o) On trouve encore trois Cartes, dxef-
fées principalement fur fa Relation & fur fes
Obfervations , dans la rare & fameufc Edition
de la Géographie de Ptolemée , publiée à
Lyon, en 1535, par Micbael nilanovauus,
ou Michel Servet , qui fut enfuite brûlé à Ge-
nève en qualité d'Athée.
(p) Le Père de Charlevoix les fait partir
de Dodra, au Royaume de Cion , dans l'Ifle
de Macaflàr. Hijloire du Japon , Tome II,
pag. IS9. Mais ce Royaume n'exUle pas. .
33^
VOYAGE DE K^MPFER
Ol>fcrvation
Air h mturc
des découver-
tes.
DescRiPTioM le pour les Tlles de Lequios , où le vent contraire ne leur permit point d'à.
ouJapow. border, ils tournèrent volontairement vers une lOe du Japon. Des pré.
tentions fi contraires n'ont point empêché le nouvel Hiftorien de cet Em-
pire d'adopter le récit de Pinto , fans avoir éclairci le fond de la difficulté.
Ses réflexions ne marquent néanmoins aucune prévention , en faveur dïiii
Ecrivain, à qui l'on eft redevable d'une partie des lumières qui fervent à
l'Hiftoire de l'Apôtre des Indes (g).
Concluons que , fi l'on ne peut conteder la découverte du Jupon aux
Portugais , le nom de l'Inventeur efl: trop incertain , pour obtenir un rang
dans rHilloirc à ce titre. Mais obfervons aulfi qu'il ne faut pas juger des
découvertes qui regardent les Indes Orientales , comme de celles qui fe fai-
■foient en mème-tems dans un autre Ilemifphère. Les unes, c'eft-à-diro
celles de l'Amérique, avoient, pour objet, des Pays véritablement incon-
nus , que cette raifon a fait nommer juftement un Nouveau Monde ; an-
lieu que , dans les Indes Orientales , on connoiflbit l'exillence & le no:n
même de la plupart des Pays , avant que d'y avoir pénétré. Il efl: impoffi-
ble, par exemple, qu'indépendamment de la Relation de Marco Polo, b
Portugais établis à la Chine n'euflent pas appris, avant l'année 1542, qu'au
Nord d'une Mer, qu'ils fréquentoient , il y avoit, à peu de diftance, de
grandes & puiflantes Ifles, où les Chinois portoient leur Commerce. Ainfi,
pour s'exprimer proprement, la queft;ion n'efl: pas quel fut le Portugais qui
découvrit le Japon , mais quel fut celui que le hazarcl' d'une tempête, ou
d'autres caufes, y firent aborder le premier.
(g) „ Ce qu'il y a de fingulier, dit-il, c'efl:
,, que deux accidcns affez femblables obligè-
j, rcnt deux Navires , l'un Chinois , & l'au-
„ tre Portugais, d" aborder à ces Ifles, la
M même année, à peu près dans le inême-
„ tems , & fans que l'un eût connoiflTance de
„ l'autre; eu-forte que ceux qui les mon-
„ toient fe crurent également en droit de
„ s'attribuer l'honneur de la première décou-
„ verte de ce grand & fameux Arcliipel , &
„ que par le peu de foin qu'ont eu les uns
„ & les autres de marquer les dattes , ou par
„ celui qu'ils prirent de les fupprimer , il n'a
u jamais été polïïble de fçivoir au jufte à qui
u cet honneur appartenoit. Il paroît môme
„ que dans le tems où il étoit aifé de sir,
„ uruirc de ce fait , on ne s'eft pas mis en
„ pjine de s'en informer , par la raifon , Mî
„ doute, que pendant plufîeurs années on ne
,, parla gueres que de la découverte ilu Ja^
„ pon par le Navire Portugais. Il faut m-
„ venir que le filence de prefque tous les
„ Hiflioriens , fur l'avanture du Navire Chi-
„ nois, laquelle femble n'avoir été publiée
„ qu'après que Fernand - Mendez Pinto eut
„ mis au jour fes Mémoires, eft un grand
„ préjugé pour h faire regarder comme un
„ vrai Roman". Ibidem, pag. 122 & 123.
Voyez rintroduftion du Voyage de Pinto,
au Tome douzième de ce Recueil.
Comment le
Japon s'eft
formé en Mo-
narchie.
S. IV.
'Gouvernement général £? particulier au Japon.
LE Gouvernement du Japon a toujours été Monarchique. Si l'on fe
rappelle la divifion des trois Races , fur lefquelles les Japonois font
rouler toute leur Hiflioire, on jugera facilement que \es deux premières font
fabuleufes ; mais le commencement de la troifième efl: l'époque fixe & cer-
taine de cet Empire. Elle commence fix cens foixante ans avant J. C,
avec le règne de Syn-Mu, qui étoit alors âgé de foixante-dix-huit ans. Ce
Mo-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
S37
Monarque eut, fuivant les Annales du Japon, trois frères aînés, qui ré-
gnèrent avant lui ; mais leurs règnes furent fi obfcurs qu'on ne les fait point
entrer dans cette Chronologie (a); c'eft-à-diro , au fond , que l'origine du
Fondateur de la Monarchie Japonoife efl: fort incertaine; & c'efl: apparem-
ment faute de lumières fur ces premiers tems , qu'on lui donne, pour Père,
le dernier des demi-Dieux qui compofent la féconde Race.
Syn-Mu, dont le nom entier efl Syn-Mu-Ten-Oo , fut vraifemblable-
ment le premier qui fit fortir les Japonois , de l'Ordre le plus fimple de la
Nature, c'eft-à-dire de l'indépendance & de la barbarie (b). Son règne
fut long, quoiqu'il eût commence tard à régner (c). II laifla le Trône à
fes Succefleurs , dont la fuite chronologique efl appuyée fur des Annales in-
conteflables , & confirmée par une Tradition conftante. Aufli les Japonois
donnent-ils à ce Prince le titre de Nin-0 , qui fignifie le plus grand de tous
les hommes. Ils lui donnent encore celui deMikaddo (d) , diminutif de M/-
kottOy qui efl le titre fupréme des Empereurs de la première & de la fécon-
de Race. Depuis l'origine de la troifième jufqu'à l'année 1693 , qui efl cel-
le où Koempfer quitta le Japon , on comptait cent quatorze Princes de la
même Maifon, qui avoient occupé fucceffivement le Trône, en ligne droi-
te & par les aînés. De-là vient ce refpeft extraordinaire , qui les fait re-
garder comme des efpèces de Divinités (e}.
Mais, dans la fuite des tems , cet ordre fut interrompu par des révo-
lutions , qui firent voir deux Maîtres dans l'Empire ; & qui , fans renver-
fer du Trône les Mikaddos , ou les Dairis , ne leur laiflerent qu'une ombre de
grandeur & d'autorité, pendant que le véritable pouvoir pafTa, fous un
îiutre titre , entre les mains de leurs Concurrens. C'efl au douzième fiècle
de l'Ere Chrétienne, qu'on rapporte cette violente convulfîon du Gouver-
nement Japonois. Dès les premiers tems de la Monarchie, toute la Milice
étoit commandée par un Chef, qui portoit le nom. de Cubo , auquel on ajou-
ta celui de Sama , qui ûgmfie Seigneitr ; & l'importance de cette Charge, qui
donnoit une autorité prefqu'abfolue dans l'adminiflration militaire, obli-
geoit l'Empereur de ne la confier qu'à des mains fûres. Elle étoit ordinai-
rement l'appanage du fécond de fes Fils , lorfqu'il en avoit plufieuvs. Ce
fut un de ces redoutables Officiers, nommé JorUomo (/) , qui , prenant oc-
'^Tfv/ ;:r)f. 'iV^> Wj"\ ; ;■; ' .(...: '\ j-^-xi , CHli^î ii/S , •>-;!) rsi?:^:''' Cafion
r\> \
(fl) Kxmpfer, Tome I, pag. 250.
(i) Le Japon s'appelloic alors ^kitfuj/i-
ma. Syn-Mu partagea les tems en annexes , en
mois , & en jours. Ibidem.
(c) On le fait régner foixantc- dix -neuf
ans, & mourir par conféquentà l'àgc décent
cinquante-fept.
(ci) Ce titre efl devenu celui de tous fes
SuccefTeurs. On ne les appelle proprement,
dit Kxmpfer , que Mikaddo , Dai , Oo , Kwo ,
& Tai, tous noms qui fignifient Empereur,
Prince & Grand Seigneur. Cependant on Ils
défigne fouvent , dans la converfution ordi-
îwirc, par le nom de Dairi, qui fignllie pro-
prement leur Cour enticrc ; d'où leur vient
XIK l'art.
.nufli le nom de Kintjîufama , c'efl-à-dire ,
Cbef ou Seigneur de la Cour Eccléfiajîique ,
par les raifons qui vont être expliquées. En
parlant d'eux-mêmes, ils prennent le titre de
TJin , ik. ils fignent Maro. ibid. pag, 235.
Le même Auteur fait honneur, aux Chinois,
d'avoir infpiré, aux Habitans du Japon, le
goût du Gouvernement Monarchique. Ibi-
dem.
(e) Ce Voyageur donne une fuite chrono-
logique de tous CCS Princes, avec l'abrcgéde
leur vie. Tom. I. pag. 248 ^ Juiv.
(/) Il n'ed \:d.s certain que ce Joritonio
fut fils d'un Dairi. C'cft de l'on fils, qui por-
toit le même aoni, qu'on commence à coinp-
DESCKIPTrOH
DU Japoîc.
Syn-Mu ,
premier Em-
pereur.
Nombre df
fes SiicccC-
fcur*.
Révolutio»
qui change la
face de l'Em-
pire.
Double Em-
pire des Dai-
ris & des Cu-
bolumaï.
Vv
ter
338
VOYAGE DE K MMVFEK
DlSCRTPTION
DU Japon.
Les Sei-
gneurs s'éri-
j;e,.t cil Sou-
verains.
Meaco efl:
le fc'ioiir du
Daiii.
cafion d'une Guerre civile pour fecouer le joug, jetta les fondemens d'un
nouveau Trône , qui s'efl îbûtenu depuis le même - tems jufqu'aujourd'hui.
Kaempfer nomme trente-fix de ces Empereurs Cubofamas ; car c'eft le titré
qu'ils ont confervé , pour fe diftinguer des Empereurs Mikaddos , ou Dàiris.
La Gutrre dura long-teros entre ces deux Puiliances ; & la variété des ilici
ces devint roccafîon d'un nouveau défordre, de la part des Seigneurs &des
Gouverneurs particulieurs , qui s'érigèrent en Souverains dans leurs Provin-
On les vit régner affez long-tems fous le nom de^akatas, avec autant
CiS
d'indépendance que les Cubofamas en affeftoient à l'égard des Dairis. Cha-
cun d'eux avoit ion Domaine , qui excédoit toujours la moitié de fon Etat
& partageoit le refte entre fes grands Vaflaux , qui fe nommoient Konikus,
& qui étoient obligés de lui rendre des fervices proportionnés aux Terre»
qu'ils avoient reçues. Ces -Konikus fe réfervoient, de même, une partie
de leurs pofTefTions , pour leur entretien, & diftribuoient l'autre à des Sei*
gneurs d'un Ordre inférieur, qui relevoient d'eux. On les nommoitlow;.
Ils avoient , fous eux, aux mêmes conditions, les fimplês Gentilshommes
& tous ceux qui faifoient profeffion des armes. Une fubordination fi bien
établie mettoit chacun de ces petits Rois en état de lever promptement des
Troupes nombreufes ; mais leur chute entraînoit, avec autant de rapidité,
la ruine de tous ceux qui s'étoient attachés à leur fortune, non - feulement
parceque, fuivant les Loîx du Japon, toute la famille d'une perfonne crimi-
nelle, ou difgraciée , participe à fon châtiment , fi le Prince ne lui fait grâ-
ce; mais encore, parceque celui , qui entroit dans les biens, dont un de
ces petits Souverains avoit été dépouillé , n'étoit pas obligé de laiffer , aux
Vaflaux de leurs Prédéeefl'eurs , les Terres qu'ils tenoient de lui. Pendant
cette divifion de toutes les Parties de l'Empire, les Cubofamas ne jouifloient
que des cinq Provinces , qui font l'ancien Domai;ie des Empereurs. Mais,
au commencement du feiziéme liècle, un de ces Monarques fe rendit abib-
lu , par la force des armes; & réduifant les Dairis à la Souveraineté de h
Religion, il établit, entre lui & les Jakatas, la même diftanee qui étoit
entre 'les Jakatas & les Konikus : c'eft- à -dire que tout fut reculé d'un
degré, & qu'aujourd'hui plus de la moitié de l'Empire eft du Domaine
Impérial.
On diftingue donc, au Japon, deux Empereurs ; l'un que nos Voya-
geurs appellent le Monarque Séculier , ou le Cubofama , qui jouit réellement
de toute l'Autorité Temporelle ; l'autre , qu'ils nomment le Monarque
Eccléjîajîique ^ & qui continue la fucceffion des anciens Mikaddos , ou Dai-
ris , avec les apparences de la Souveraineté , mais dont tout le pouvoir
fe réduit à régler les affaires de la Religion , à nommer aux Dignités
Eccléfialliques , & à prononcer fur certains différends qui s'élèvent entre
les Grands.
Meaco eft le féjour fixe de ce Souverain dégradé. Il occupe, dans la
partie Nord-Eft de la Ville, un Palais d'immenfe étendue, dont on a vu la
De-
ter les Empereurs Cnbofamas, dont Kœmp-
fer donne auffi la fucceffion. Ibidem , pag.
309 & fuiv. II dtfclarc qu'il s'efl attaché aiuc
deux Clironiqucs. du Japon les plus exa^C'>
Jbid, pag. 249.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
330
Autorité
qui lui refte.
Honneur»
Oefcrîption dans le Journal de Kaempfer; & fous prétexte de veiller à fa Dmcripttojt
confervation , le Cubofama entretient conftamment, auprès de lui, une ^^h'°»'
grofle Garnifon, pour le garder. Le Dairi n'a proprement aucun Domai-
ne; mais le Cubofama, qui s'efl: emparé du Domaine Impérial, pourvoit
noblement à fa fubfiftance. Il lui abandonne le revenu de Meaco & de fes
dépendances , auquel il ajoute quelque chofe de fon tréfor. Cet argent efl
mis entre les mains du Dairi , qui en prend ce qui efl: néceflaire pour fes
beibins & fes plaifirs , & qui diflribue le refl:e à fes Officiers. Le droit ,
qu'on lui a confervé de nommer aux Dignités Eccléfiafl:iques , & de con-
férer généralement tous les titres d'honneur, efl: une autre reflburce , qui
fait entrer d'immenfes richeffes dans fes coffres. Comme il prononce aulTi
fur les différends des Grands, il a, pour cette fonftion, un Confeil d'Etat,
dont les Officiers fe nomment Kungis ou Kunis. Il les envoyé fouvent , avec
le titre de Commiffaires Souverains , pour faire exécuter fes fentences ; &
ces commifllons lui rapportent de grofJes fommes.
Au-RESTE, la politique des Cubofamas le dédommage de l'obéifTance
qu'on a celle de lui rendre , par un culte Religieux, qui approche des hon- Jg,^j"
neurs Divins. La Nation Japonoife , accoutumée, comme on l'a fait re-
marquer, à le regarder comme un Defcendant des Dieux & des demi-Dieux,
eft entrée, fans peine, dans toutes les vues qu'on s'efl efforcé de lui infpi-
rer. Les Dairis font regardés comme des Pontifes fuprêmes, dont la per-
fonne efl facrée. Ils contribuent eux-mêmes à foûtenir cette opinion , com-
me le feul fondement de grandeur qui leur refle. Kaempfer rapporte quel-
ques exemples de leurs ufages. „ Un Empereur Eccléfiaftique du Japon
„ croiroit profaner fa Sainteté , s'il touchoit la Terre du bout du pied. S'il
„ veuf, aller quelque part , il faut que des hommes l'y portent fur leurs é-
„ pauies. Il ne s'expofe jamais au grand air , ni même à la lumière du So-
„ leil , qu'il ne croit pas digne de luire fur fa tète. Telle efl la Sainteté
5, des moindres parties de fon corps , qu'il n'ofe fe couper, ni les cheveux,
„ ni la barbe , ni les ongles. On lui retranche ces fuperfluités pendant fon
„ fommeil, parceque l'ofiice, qu'on lui rend alors, paffepour un vol. Au-
„ trefois il étoit obligé de fe tenir alfis fur fon Trône , pendant quelques
„ heures de la matinée, avec la Couronne Impériale fur fa tête, & de s'y
„ tenir dans une parfaite immobilité, qui paffoit pour un augure de la tran-
„ quiÏJité de l'Empire. Au contraire, fi par malheur il lui arrivoit de fe
„ remuer, ou de tourner les yeux vers quelque Province,, on s'imaginoit
„ que la guerre , le feu , la famine & d'autres liéaux terribles ne tarde-
„ roient point à défoler l'Empire. On l'a déchargé d'une fi gênante céré-
„ monie; ou peut-être les Dairis eux-mêmes ont-ils fecoué ce joug. On fe
„ contente de laif^er la Couronne Impériale fur le Trône , fous prétexte
„ que dans cette fituation , fon immobilité , qui efl plus fûre, prodiut les
,, mêmes effets. Chaque jour, on apporte la nourriture du Dairi dans des
„ pots neufs. On ne le fert qu'en vaiffelle neuve , & d'une extrême pro-
„ prêté ; mais d'argile commune , afin que fans une dépenfe excefl^ive on
„ puifl'e brifer chaque jour , tout ce qui a paru fur la table. Les Japonois
j, font perfuadés que la bouche & la gorge des Laïques s'enfleroient auffi-
() tôt, s'ils avoient mangé dans cette vaiffelle refpeftable. 11 en cil de
Vv 2 „ même
54-0
VOYAGE DE K iE M P F E R
Descmttîos
DU Japon.
Siiccefllon
au Trône du
Uairi.
jMarlagc du
Dairi,
Son habil-
lement.
Titres qu'il
confère.
„ même des habits facrés du Dairi. Celui qui les porteroit , fans fa per-
„ mifiion exprefle, en feroit puni par une enflure douloureufe ".
Aussi-tôt que le Trône eft devenu vaquant par la mort d'un de ces
Monarques imaginaires , la Cour Eccléfiafbique y élève fon Héritier le plus
proche , fans dilHnélion d'âge ni de fexe. On y a vu fouvent des Princes
mineurs, ou de jeunes PrinceiTes , qui n'étoient pas mariées ; & quelquefois
même , la Veuve de l'Empereur mort s'efl: trouvée aflez proche de fon fang
pour lui fuccédcr. S'il y a plufieurs Prétendans à la Couronne , dont les
droits puiflent être contellés, on ajufte le différend avec beaucoup de dou-
ceur & de juftice , en les faifant régner tour à tour, chacun pendant un
certain nombre d'années , qu'on proportionne au degré du fang. Quelque-
fois le Père réfigne fucceffivement la Couronne à plufieurs de fes cnfans,
pour donner , à chacune de leurs différentes Mères , le plaifir de voir le fien ,
fur un Trône , auquel il n'auroit pas d'autre droit. Ces changemens fe font
avec le plus grand fecret. Un Empercir peut mourir ou abdiquer, fans
que le public en foit inftruit , jufqu'à-te que la fucceffion foit réglée. Ce-
pendant il eft quelquefois arrivé que ceux de la Famille Royale , qui fe
croyoient appelles à la fucceffion, dont on les avoit exclus, ont maintenu
leur droit par la force des armes. De - là font venues des Guerres fanglan-
tes, dans lefquelles tous les Princes du Japon embraffoient différens partis,
& qui ne fe font terminées que par la mort d'un des Concurrens , & par h
deftruélion de toute fa famille (g ).
Le Dairi, fuivant l'ufage de fes Prédeceffeurs , prend douze femmes,
& partage les honneurs du Trône avec celle qui eft Mère du Prince hé-
réditaire. Les cérémonies de fon Mariage , celles de 1' -couchement de
l'Impératrice , & du choix d'une Nourrice , pour f Héritier de la Cou-
ronne, font, dans les termes de Kaempfer, „ d'une fplendeur qui fur-
„ paffe l'imagination ; comme fi la félicité de l'Empire en dépendoit uni-
„ quement (h)".
L'habillement du Dairi efl affez fimple. C'eft une tunique de foye
noire , -fous une robbe rouge ; & par-deffus les deux , une efpéce de cré-
pon de foye, extrêmement fin. li porte, fur la tête, une forte de chapeau,
avec des pendans affez femblables aux fanons d'une mître d'Evêque , ou
de la Tiare du Pape. Mais il affe6le d'ailleurs une magnificence qui
va jufqu'à la profufion. Caron alfure , dans fes Réponds aux Quef-
tions , qu'on lui prépare chaque jour un fomptueux fouper , avec une gran-
de mufique, dans douze appartemens du Pab.is; &qu après qu'il a décla-
ré celui dans lequel il veut manger , tout cet appareil y eft réuni fur une
îeule table. \; •.- „ ,-,
Toutes les perfonnës , qui compofent fa Cour , fe vantent d'être dcf^^
cendus , comme lui , de Ten-Jio-Dfin , le premier des demi-Dieux & le Chef
de la féconde Race Impériale. Quelques - uns d'entr'eux poffédent de ri-
ches Bénéfices, où ils fe retirent pendant une partie de l'année. Cepen-
dant la plupart demeurent enchaînés rcligieufement à la perfonne facrce
de leur Chef, qu'ils fervent dans les dignités dont il lui plaît de les revê-
tir,
ig) f*ag. 238 &préa'dcutcs.
(fc) Ibidem,
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 341
tir. On en diflingue plufieurs Ordres (i). Mais à la réferve de cei tains
titres , auxquels il y a des fonélions attachées , les autres font de fimpies
titres d'honneur , que le Dairi accorde également aux Princes & aux Sei-
gneurs féculiers , foit à la recommandation de l'Empereur Cubofama , foit
à leur propre prière, lorfqu'elle efl accompagnée d'une grofle fomme d'ar-
gent. Kaempfer nomme néanmoins deux de ces titres , que le Cubofama
peut conférer lui-même aux Premiers Miniftres & aux Princes de l'Empire ,
mais avec le confentement du Dairi ; ceux de Makmdairo & de Cami. Le
premier, qui étoit anciennement héréditaire , revient à celui de Duc ou de
Comte. Le fécond fignifie Chevalier {k).
Entre plufieurs marques qui diflinguent les Courtifans Eccléfiaftiques ,
ils ont un habit particulier , qui fait connoître , non-feulement leur profef-
ilon, mais les différences mêmes de leurs Clalles. Ils portent de larges &
longues culottes. Leur robbc ell: auflî d'une longueur & d'une largeur ex-
trêmes, avec une queue traînante, qui s'étend fort loin derrière eux. Ils
fe couvrent la tête d'un bonnet noir, dont la figure défigne leur rang ou
leur emploi. Quelques-uns y attachent une large bande de crépon noir , ou
de foye, qui leur pend fur les épaules; & d'autres,, une pièce en forme
d'éventail , qui tombe devant leurs yeux. D'autres ont une large bande ,
qui defcend des deux côtés fur la poitrine. Les Dames de la Cour du Dai-
ri font vêtues aufli tout différemment des femmes Laïques; fur -tout les
douze femmes de ce Prince, qui portent des robbes fans doublure, & d'u-
ne largeur fi fingulière , qu'elles n'ont pas peu d'embarras à marcher lorf-
qu'elles font en habits de cérémonie (/).
L'Etude & les Sciences font le principal amufement de cette Cour.
Non feulement les Kuges , ou les Courtifans , mais plufieurs de leurs fem-
mes fe font fait un grand nom par divers Ouvrages d'efprit. Les Alma-
nacs'fe faifoient autrefois à la Cour du Dairi. Aujourd'hui, c'efl: un Am-
ple Habitant de Meaco qui les dreffe ; mais ils doivent être approuvés par
un
DfscRiPTioir
ou Japon»
Deux ti-
tres à ht no-
iiiination tlu
Cubofama.
Habits des
Kuf^L's , ou des
Courtifans du
Dairi.
Amufcmcns
de la Cour
Ecciéfiafti-
quc.
(i) Us fe rcduifcnt à fix. Celui de la pre-
micre Claflc cfl: Dai ■ Seo - Dai ■ Sin. 11 con-
facre la pcf fonnc qui en cfl; honorée , & le
rend, à fa mort, Dieu ou Cami. Aulîî le
Dairi fe le réferve-t'il à lui feul , ou le don-
ne-t'il rarement à d'autres. Le titre de Qjian-
btiku appartient aulïï à la première ClalTe ,
& c'cll celui du premic Officier de la Cour
Eccléfiallique. L'Empereur Séculier s'en croit
bonoré lui même, ou le cède à fon Héritier
préfomptif. C'efl. le même quj celui de Qjie-
hcondono, ou Cambacundono , qui fe trouve
fouvent dans les Relatiojis des Jéfiiitcs. 2<*.
Sa - Dai - Sin , U - Dai - Sin , &.]}Jai - Dai - Sin ,
font trois titres qui appartiennent à la fccoji-
(\c Claflc, &. jamais il n'y a plus de trois per-
fonnes , qui en foicnt revêtues. 3°. Les
DaiNagonikksTj'unagon, compolcnt letroi-
fième Ordre. Ces deux titres font toujours
sf'.Khés à certaines foncTiions. 4°. & 5«».
Les
V
quatrième & cinquième Clafles font compofécs
des Seonagon , Tjiunagon , Tjiufeo , &, des Sdid-
fiu. Ces deux Ordres font fort nombreux 6c
fe fubdivifcnt en plufieurs rangs. Cjux qui
en font honorés portent en général le nom de
Tenfio-Bito, qui fignitle Hommes céleflds ; coni-
nie tous lesOlïïciers de la même Cour pren-
nent le titre de /iTM^fj-, c'cft-à-dire, Sdgimtn
Eccléfiaftiques, pour fe dillinguer desGe^ffj,
nom fous lequel font renfermés tous les Laï-
ques. 6^. Les titres de la fixième Claire font ,
Tai , U, Goi, &. d'autres moins confidém-
bles. Ibid. pag. 24.0.
(É) Le même caraftère, qui fignifie une
ame déifiée , fe prononce auHi Cuiii , quoi-
que d'im nature tout-à-fait dill"ér(.nte. En
général, toutes les Divinités du Japon por-
tent le nom de Cami. Ibid. pa;^', 241.
(/) Ibid. pag. 242.
Si
34Î
VOYAGE DE KJEMPFER
DctcniPTioir
ou jArON.
Vifite réglée
que le Cubo-
Kiina rend
Dairi.
au
Puin*rince
de TEmpereur
Cubofama.
un Kuge , qui les fait imprimer à Isje , comme dans un lieu faint. tn,
Mufiqueefl: en honneur aulïï dans cette Cour; & les femmes, fur-tout, v
touchent , avec beaucoup de dclicateffe , plufieurs fortes d'inftrumens. Les
jeunes gens s'y appliquent à tous les exercices , qui conviennent à leur âge.
Kcempër ne put être informé fi l'on y repréfente -des Speftacles ; mais Ja
paiTion générale des Japonois , pour le l'héâtre , lui donne du penchant
à croire que ces graves Eccléfîalliques ne fe privent pas de cet amufe-
ment (w).
Tous les cinq ou fix ans , l'Empereur Cubofama rend une vifite folem-
nelie au Dairi. On employé une année entière aux préparatifs de ce Voya*
ge. Une partie des Seigneurs, qui font nommés pour le cortège', partent
quelques jours avant l'Empereur ; une autre partie quelques jourè après;
mais le Confeil ne quitte point ce Monarque. Le chemin de Jedo à Mea-
co, qui eft de cent vingt - cinq miles, fe partage en vingt -huit logemens,
dans chacun defquels il trouve une nouvelle Cour, de nouveaux Officiers,
de nouveaux Soldats , des chevaux frais , des provifions , & tout ce qui
efl: néceflaire pour la Cour d'un Prince qui va rendre hommage, avec une
Armée, à un Souverain dont il efl: réellement le Maître. Ceux qui font
partis de Jedo avant lui s'arrêtent au premier logement. Ceux qui l'y at-
tendoient, le fuivent jufqu'au fécond; a le même ordre s'obfervant julqu'à
Meaco , chaque troupe ne fuit ce Prince que pendant une demie journée,
car il fait deux logemens par jour. A fon arrivée dans la Capitale Ecclé-
fiafl:ique , les Troupes s'y rendent en fi grand nombre , que cent mille mai-
fons, dont Meaco efl: compofée, ne furafant pas pour les loger, on efl: obli-
gé de drefler des tentes hors de la Ville. Kaîmpfer a remarqué , dans fon
Journal, que le Cubofama y trouve un grand Château, uniquement defliiné
à le recevoir. Les Etrangers ignorent ce qui fe paffe de particulier , dans
l'entrevue des deux Empereurs. Cependant tout le monde fçait que le Cu-
bofama préfente fes refpeéls au Dairi, comme un Vaflal à fon Souverain;
& qu'après lui avoir fait de magnifiques préfens , il en reçoit auflTi de fort
riches.. On raconte que pendant cette vifite, on lui apporte une tafle d'ar-
gent pleine de vin; qu'il boit la liqueur, & qu'il met la tafl'e en pièces,
pour la garder dans cet état. Cette cérémonie pafle pour une preuve écla-
tante de dépendance & de foumiflfion.
Cependant ce n'ell au fond qu'une fcène de Théâtre, qui n'empêche
point que le Cubofama ne jouifle du pouvoir abfolu. On a déjs vu qu'il
tient fa Cour à Jedo , & Kaîmpfer a décrit la magnificence de fon Palais.
Le nouvel Hifl.orien du Japon, dont l'efliime fe déclare continuellement
pour ce Voyageur , par l'ufage qu'il fait de fes lumières , a fort bien raf-
femblé, d'après lui, les principaux traits qui peuvent donner une jufl:e idée
de la Monarchie féculiere du Japon. Il n'eft pas furprenant, dit -il, que
dans un Etat d'une médiocre étendue, l'Empereur Cubofama foit un des plus
riches Monarques de l'Univers. Outre fon Domaine, qu'on fait monter,
depuis le feizième fiècle , à plus de la moitié du Japon, & les droits qui fe lè-
vent en fon nom fur le Commerce étranger (Si fur les Mines, chaque Sei-
gneur
lint. tn,
ir-tout, M
nens. Les
t leur âge.
s ; mais la
penchant
;et amufe-
fite folem-
' ce Voya-
i, partent
ur^ après;
do à Mea-
logemens,
Officiers,
3Ut ce qui
, avec une
X qui font
qui l'y at-
mt jufqu'à
e journée,
:ale Ecclé-
mille mai-
)n eft obli-
, dans Ton
snt defliné
ilier, dans
que le Cu-
souverain;
iffi de fort
! tafle d'ar-
en pièces,
■euve écla-
n'empêche
\s. vu qu'il
fon Palais.
luellement
t bien raf-
; jufte idée
it-il, que
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qui fe lè-
laque Sei-
gneur
AVaPENS van T Ryk
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van Japan .
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Eere-tekeng,'W"elke voor de Prmslèn en Grooten ffe<lraaen worden.
./. y. ^v«<v <«^'*vf
i-'
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lxv. IV.
343
•neur eft obligé de lui entretenir un nombre de Soldats, proportionne au
revenu dont iljouit. Celui, qui a dix mille florins de rente, doit entrete-
nir vingt Fantaflins & deux Cavaliers. La proportion, pour les autres,
cft prife de cette règle. Pendant que les HullanJois avoient leur Comptoir
à l'irando, le Prince, qui commandoit dans ce petit Etat, ayant i'w ce
DrucpirTroW
DU Japow.
ns
mille iîorins de revenu, entretenoit fix cens rantalîins & lix vingts Cava-
liers, fans y comprendre les Valets, lesEfclavcs, 6c tout ce qui doit ac-
compagner une troupe de ce nombre. Enfin, toute fupputation faite, le
nombre total des Soldats que les Princes & les Seigneurs font obligés de
fournir à l'Empereur fccufier, monte à trois cens huit mille Fantaffins, &
trente-huit mille huit cens hommes de Cavalerie. De fon côté, il compte,
à fa propre folde, cent mille hommes de pied, & vingt mille chevaux, qui
compofent les Garnifons de fes Places , fa Maifon & f es Gardes. Les Ca-
valiers font armés de pied en cap. Ils ont des carabines fort courtes , des
javelots, des dards & le fabre. On prétend qu'ils font fort adroits à tirer
de l'arc* Les Fantaffins n'ont pas d'autres armes defFenfives qu'une elpèce
de calque. Pour armes ofFenfives, ils ont chacun deux fabres, une elpèce
de pique & un moufquet. L'Infanterie efl divifée par Compagnies. Cinq
Soldats ont un homme qui les commande ; & cinq de ces Chers , qui avec
leurs gens font trente hommes , en reconnoifTent un autre qui leur efl fupé«
rieur. Une Compagnie de deux cens cinquante homme a deux Chefs prm-
cipaux & dix fubalternes, avec un feul Capitaine qui les commande tous;
& toutes les Compagnies font commandées par un Chef général. La même
gradation s'obferve dans la Cavalerie.
Toutes ces Troupes font plus oue fufïifantes pour faire refpefter un
Prince, qui ne penfe qu'à contenir fes Sujets dans la fonmiffîon, & qui
ne fe propofe point des Conquêtes. Cependant, fi l'Empereur du Japon
avoit befoin de plus grandes forces , il lui feroit facile de rafTembler de
formidables Armées , fans caufer aucun defordre dans le Commerce de fes
Etats , & dans l'exercice des Arts , ni même dans le travail nccefTaire à la
fubfiflance des Peuples. Tous les ans, il efl: exaftement informé du nom-
bre de f^s Sujets; foit de ceux qui habitent les Villes, ou de ceux qui font
établis à la Campagne. Divers Officiers , chargés de cette commilîion , en
rendent direélement compte à la Cour.
Autant qu'il efl facile au Cubofama d'amaffer des tréfors, autant les
Grands trouvent -ils de difficulté à multiplier leurs richefTes. La plûpait
jouifîent d'un revenu confidérable («). La politique du Souverain les en-
gage dans des dépenfes exceffives. Tous les Gouverneurs font obligés de
palier fix mois de l'année à Jedo, & de s'y rendre avec un pompeux cortè-
e. Les autres Seigneurs doivent y aller une fois du moins en deux ans ,
chaque fois qu'ils y font appelles. Le tems efl marqué à chacun pour
Ni'iinluc t!c
fa Milice.
Arnus dcl.i
Caviileiic (<.
de I'Iiif;ititcrie
Japoiioilts.
(n) On a déjà vu que KsBinpfcr fait mon-
ter les revenus de l'Empire à deux mille trois
cens vingt-huit Mans, & fix mille deux cens
Kokfs. Ils font évalués à quatre cens fept mil-
lionj quatre cens dix-neuf mille florins de Hol-
Onlrc d.j
Troupes.
Le Cubo la-
ma peut cti
lc\cr l)cau-
COlip pllli.
T.«''s Sui-
gneiifs ne
peuvent tlic-
iaurilcr.
Dépcnlcs
aiiA-qucilci il>
fo.iL obl;g.'S.
ce»
»,
lande; c'eftà-dire , environ huit cens ciuatorze^
millions huit cens vingt mille livres cîe Fran-*
ce. Caron en donne le détail , dans fes Ké»
ponfes aux Queftions fur le Japon.
34+
VOYAGE DE K ^ M P F E R, if
©ESCRIPTrON
nu Japon.
AflTiiiettiirc.
nient fingiilier
pour leurs
Mailbns.
Politique
tics Cubola-
mas.
Gouverne-
ment particu-
lier.
ces Voyages , qui ne peuvent fe faire qu'à grands fraix. Avant que d'ar-
river à Jedo , leur bagage eft vifité par des Commiflaires Impériaux , aux-
quels il eft expreflement défendu cie laifler paflcr des armes. Dans mille
occafions , ils doivent donner des repas & des fêtes qui leur coûtent beau-
coup. Leurs femmes & leurs enfans demeurent habituellement à Jedo , &
ne peuvent le difpenfer d'y vivre avec fplendeur. Enfin, lorfque l'Em-
pereur forme quelque entreprife confidérablc , il en charge un certain nom-
bre de Seigneurs , qui font obligés de l'exécuter à leurs fraix.
LoRSQ.u'uN Prince, ou un Seigneur , bâtit une maifon , il faut qu'avec
la porte ordinaire il en fafle faire une autre, ornée de bas-reliefs, dortJe (<c
verniflce dans toute fon étendue. On la couvre de planches, pour en con-
ferver la beauté, jufqu'à-ce qu'il plaife à l'Empereur de rendre vilite au
Maître de la maifon, qui lui donne alors un fomptueux feftin. L'invi-
tation fe fait trois ans auparavant , & tout l'intervalle eft employé aux piii-
paratifs. Tout ce qui s'y doit fervir eft marqué aux armes de l'Empereur,
qui a droit feul de pafler par la porte dorée ; après quoi elle eft condam-
née pour toujours. La première fois que ce Prince fait l'honneur , à un
de fes Sujets , de manger chez lui , il lui fait un préfent , digne ordinaire-
ment d'un grand Monarque. Mais ce qu'il donne , n'approche pouu de
ce qu'il fait dépenfer. La moindre faveur , qui vient de fa main , une piè-
ce de gibier de fa chafle, jette le Seigneur qui la reçoit, dans des profufioiis
incroyables.
Ces Monarques veillent, fans relâche , à tenir les Grands dans la dé-
pendance où ils les ont réduits. Ils démembrent leiu's petits Etats, pour
les affoiblir; ils font jouer toutes fortes de refTorts, pour être inftruits de
leurs defleins & pour rompre leurs liaifons. Ils font tous les mariages de
ceux qui compolent leur Cour. Des femmes , que l'on tient ainfi de h
main du Souverain, font traitées avec beaucoup de diftinétion. On Jear
bâtit des Palais , on leur donne une maifon nombreufe. Les filles, que l'on
met auprès d'elles , font choiiies avec un foin extrêm' & fervent avec
beaucoup de modeftie & d'adrelTe. On les divife p3 .roupes de feize,
chacune fous une Dame qui la commande; & ces tr ^.es fervent tour-à-
tour. Elles font diftinguées par la couleur de leurs habits. Les filles, qui
font des meilleures Maifons du Pays , s'engagent pour quinze ou vingt ans,
& plulieurs pour toute leur vie. On les prend ordinairement fort jeunes;
& lorfqu'elles ont rempli leur engagement, on les marie fuivant leur con-
dition. . ! -
Ce détail fera conclure que le Gouvernement général du Japon efl: un
véritable defpotirme , où la politique & la force font également employées,
pour foûtenir un Trône qui leur doit fon établiflement & fa conferva-
tion. ' .ï ,
A l'égard du Gouvernement particulier , chacune des Villes Impéria-
les (o) a deux Gouverneurs, ou Lieutenans Généraux, qui fe nomment
(o) Kœmpfer ;ivcrtit que ce qu'il dit des
Villes Imp6-iales peut donner l'idée du Gou-
vernement établi dans les autres Villes, &
même dans les Bourgs & les Villages; avec
TonO'
cette feule difFércnce, que les JVIagiilrats ,
quoique revêtus du même pouvoir, y o;it
des noms diffcrens. Tome IL pag- 134*
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 345
Tofio-Samasy c'eft-à-dire. Seigneurs ou Princes. Ils commandent tour-à-
tour; & tandis que l'un exerce fes fonélions, l'autre fait fon féjour à la
Cour Impériale de Jedo, jufqu'à- ce qu'il ait reçu l'ordre d'aller relever fun
Collègue. La feule Ville de Nangafaki en a trois, depuis l'année 1688,
pour la fureté d'une Place de cette importance, où le Commerce des E-
trangers demande beaucoup plus de vigilance & de précaution. Les ap-
pointemens des Gouverneurs ne pafTciit jamais dix mille taels ; fomme peu
confidérable , pour la grandeur de leur train & de leur dépenfe : mais les
profits cafuels font immenfes; & l'on s'enrichiroit dans ces emplois, fi les
préfens , qu'on y efl: obligé de faire à l'Empereur & aux Grands de la Cour,
n'emportoient une bonne partie du gain. La Maifon des Gouverneurs eft
compofée, en premier lieu, de deux ou trois Majordomes, ou Intendans,
qui font ordinairement gens de condition; fécondement, de dix J'orikis,
Officiers civils & militaires , tous d'une naiflance dillinguée, dont l'em-
ploi efl: de donner leur avis dans les occafions importantes , & d'exécuter
les ordres qu'ils reçoivent. Ils font employés aulfi pour les députations ,
qui fe font aux Seigneurs des Provinces ; & leur fuite eft alors trés-nom-
breufe. Après eux , les Gouverneurs ont trente autres Officiers , qui fe
nomment Doosju^ d'un Ordre inférieur pour les fonélions & la naiflance,
fuivant leur inftitution: tous ces Officiers font nommés par l'Empereur,
de qui ils reçoivent leurs appointemens , & quelquefois des ordres parti-
culiers , qu'ils exécutent fans la participation des Gouverneurs , auprès def-
quels ils font comme les Surveillans de la Cour. Mais , à Nangafaki , l'a-
bus qu'ils ont fait de cette indépendance, les a fait foûmettre abfolument,
depuis l'année i688, à l'autorité des Gouverneurs, qui les nomment, &
qui payent leurs appointemens ; ce qui a beaucoup diminué leur an*
cienne confidération.
Le nombre des Officiers, quifuivent ces deux Ordres, eft incroyable,
comme celui des Gardes & des Domeftiques. On prendroit le Palais d'un
Gouverneur pour celui d'un Souverain. L'autorité de ceux de Nangafaki
s'étend non-feulement fur les Habitans de la Ville, mais encore fur les E-
trangers que le Commerce y amène, ou qu'il y retient; c'eft-à-dire, fur les
Chinois & les Hollandois. Ce n'eft pas une des moindres fources de leurs
profits. On a vu , dans la Defcription de cette Ville , que les caufes des
Chrétiens font aulîî de leur reflbrt.
Tous les Gouverneurs Impériaux préfident à un Confeil , compofé de
quatre Magiftrats, qu'on nomme To-Sij-Jori-Siu, ou les /inciens; parce
qu'efFe6livement ils étoient autrefois choifis entre les plus vieux Habitans.
Cet Office étoit alors annuel ; mais ils font devenus comme héréditaires , &
l'on nomme, tous les ans, un de ces quatre Magiftrats, fous le titre de
Ninbam, quifignifie Surveillant ou Gardien , pour informer le Gouverneur de
ce qui arrive d'important , & pour faire le rapport des grandes affaires qui
doivent fe traiter au Confeil. S'il s'élève quelque difi^érend entre lui & ies
Collègues, fafl^aire eft portée devant le Tribunal de l'Empereur, qui en re-
met ordinairement la décifion aux Gouverneurs. Autrefois les To-Sij-Jori-
Siu, qui font comme les Maires ou les Confuls de la Ville, dépendoient
immédiatement du Confeil d'Etat , dont ils recevoient leurs provifions. Ils
Xir, Part. X X jouif-
Descriptiow
1)0 Japon.
Gouver-
neurs des Vil-
les.
Deux fortes
de principaux
Officiers»
.l'i
Quntre Mai-
res, noniintn»
To-Sij JorL-
Siu.
34<5
VaYACE DE K^MPFER
Dfiojofis ,
«Subdelegués
des Maires.
Officiers
nommés Nen-
giofisy & dé'
licatelTc Je
leurs fonc-
tions.
Tfîoofino-
lilono, ou
Archers.
Kxéaiteurs
iç h Juflice.
jxttuiffoient du Priivil«g.e de pottei deux cimeterres, comme les Grands de
VEmpire,, & de fe faire précédei d'un Piquier; mais, à mefure que le pou-
voir des Goaverneurs s'efl: accrui,. les Magiftrats ont vu leur autorité dimi-
nuer & leurs diftinéVions s'évanouir. On leur a retranché jufiju'au droit de
choifir les Officiers die la Bourgeoifie , & celui de régler les taxes. Cepen-
dant celui, qui eft revêtu de l'Office annuel de Ninbam, confcrve le droit
d'aller à< la Cour de Jedo,. lorfqu'il a fini fon terme, pour faluer l'Empe-
reur, & pour remettre, au Confeil , le Mémoire de ce qui s'eft palTé dan»
la Ville pendant l'année de Ton adminiilration.
Ces quatre Magiflrats ont leurs Subdelegués, nommés Dfiojojit^ c'eft-à-
dire Officiers perpétuels, parceque leurs emplois font à vie. Ils jugent de
toutes les petites aflEadres civiles. Le falaire de ces Officiers fubalternes eft
une petite Tomme, affignée j»aii l'Empereur. Cependant, comme le Peuple
juge de l'importance d^un Office par la figure qu il voie ^ire à ceux qui en
font revêtus , ils s'efforcent de donner un air de dignité à Iturs Charges,
par de foraptueux dehors qui. fervent de voile à leur pauvreté. Les Nen^io.
fu font quatre autres Officiers, qui fuivent les Dfiojofis, & qui font nom-
més par les Maires , pour repréfenter les Habitans de la Ville , & veiller à
leurs intérêts près des Gouverneurs. Ils font logés dans une petite cham-
bre du Palais , où ils aittendens le moment' de pf éfenter leurs requêtes , n
nom des Particuliers ^ oœ de recevoir les ordre» du Gouverneur. C'eft un
Office délicat & penibk: , qui demande beaAicoup de prudence & d^atten*
tion. Tels font les padncipaox Oi&;iers Municipaux. Ils n'ont pas de lieit
réglé pour s'afien:dbler ;. & s'il eft nécefiàire qu'ils tiennent Confeil , ils fe
rendent chez le Ninbam, qui préfide à toutes les^ Afiemblées où les Gou-
verneurs ne fe trouvent poiot.
On nomme, au Japon, TJîoofmo - Mono ^ ou MeJJagers de FiUey ce que
nous nommons Sergem ou Arditrs. C'eft une Compagnie compofée d'envi-
ron trente familles, qui demeurent dansone même roe, & qui étoient au-
trefois fous les ordres dtt Ninbam; mais elles ne recofmoifiene aujourd'hui
?iue ceyx des Gouverneurs. Leur occupation la plus ordinaire efl: de pour-
uivre & d'arrêter les Criminels. Quelquefois même on les employé pour
les exécutions. Les enlans fuivent la profeflîon des pères. La plupart font
excellens Lutteurs, & d'une adrefle extrême à delàrmer un Inimme. Ht
portent tous fur eux , une corde ; & quoiqu'au fond leur Office fbit raépri-
le, il pafle pour militaire & noble, & leur donne le droit de porter deux
cimeterres comme les Gentilshommes.
On a déjà remarqué qu'il n'y a point d'Office plus vil & plus odieux,
dans les Villes du Japon , que celui des Tanneurs. Il confifl:e non-feule-
ment à écorcher les befl:iaux morts, & à tanner les cuirs, mais encore à
fervir d'Exécuteurs pour toutes les Sentences de la Juftice, telles que d'ap-
pliquer les Criminels à la torture , ou de leur donner la mort par les fuppli-
ces en ufage. Aufll demeurent-ils enfemble dans un Village féparé , & pro-
che du lieu des exécutions, qui eft généralement au bout octtdental de la
Ville, aflèz près du grand chemin (p).
• ' ' ■ La
(i>) Kîwnpfer, pag. 115 & précédente».
DANS L'EAIPIRE DU JAPON, Liv. IV.
U7
Lk Jufliic^CriinmeHe dépend aufTi du Nnibam & des crois autres Maires;
il l'exception de certains cas privilégiés , qui font du reflbrtdes Gouverneurs,
ou qui doivent être portés au Confeil d'Etat. Mais l'adminiflration parti-
culière appartient à la PoKce, dont l'ordre ell adniirfible au Japon.
CHAaiiE rue d'une Ville a fes Officiers & fes Réglemens de Police. Le
prihcipal Officier d'une rue fc nomme ÏOttona. Ses fondions confiftent à
|)i-endre fdin que la garde fe fafle pendant k nuit, & que les ordres des
Gouverneurs & des principaux Magiftrats foie'nt pon6lueWement exécutés.
11 tient écrit, dans un Régiilre, tous les noms de ceux qui occupent une
maifon , ou qui demeurent dans celle d'autrai ; de ceux qui naiflent , qui
meureiit, ou qui fe marient, qui vont en voyage, ou qui changent de quar-
tier, avec leur qualité, leur rang, leur religion & leur métier. S'il s'élè-
ve quelque conceftation entre les Habitans de fa 'rue, il appelle les Parties
pour leur propofer un accommodement ; mais il n'a pas le droit de les f
contraindre. Il punit les fautes légères, en mettant les Coupables aux ar-
rêts ou en prifon. 11 doit obliger les Habitans à prêter main-forte , pour
arrêter les Criminels, qu'il fait mettre aux fers, & dont il ''nftruit l'arfFaire,
pour la porter devant les Magiftrats Supérieurs. En un mot, il eft ref-
«onfable de tout ce qui arrive dans l'étendae de fon autorité. Ce fottt les
liabicans mêmes de la rue, qui le choifîftent; & cette éleébion fe fait à la
pluralité des fufFrages : mais il doit obtenir l'ai^ément des Gouverneurs , a-
vant que de prendre poflèffion de fon emploi. Son falaire eft le dixième
du trëfor de la rue. A Nangafaki , ce tréfor eft ce qui revient d'une fom-
ine qui fe lève fur les roarchandifes étrangères.
Chaq:ue Ottona doit avoir trois Lieutenans, qui fe nomment Oogumî-
Ojas. Tous les Habitans d'une rue font partagés en Compagnies de cinq
hommes, dont chacmne a fon Chef , & dans lelqnelles on ne reçoit néan-
moins que les Propriétaires de maifons; & comme ils ne font pas le plus
grand nombre, une Compagnie de cinq a quelquefois jufqn'â quinze famiK
les qui en dépendent. Les Locataires font exempts auffî des taxes & de^s
autres impofitions, qui fe mettent fur les maifons; mais ils ne font pas dif-
penfés de la garde & de la ronde, qu'ils doivent du moins faire pour eux-
mêmes. Ils n'ont aucune part à Téleftion des Officiers de la rue, & n'en-
trent point en partage de l'argent public. D'ailleurs les loyers font confidé-
rables , & l'eftimation s'en fait fuivant le nombre des nattes qui couvrent
le plancher des apparteniens. Ils fe payent régulièrenienit tous les mois.
Le Greffier, ou le Secrétaire, eft un autre Officier de la ^u fous le titre
de Fîjia. Il écrit & fait publier les ordres de l'Ottona. Il e^tpédie les P«lf-
feports, les Certificats &. les Lettres de Congé. Il tient les Livres & les
Journaux qui contiennent la lifte des Habitans & tous les détails du Quar-
tier.. Un autre Office eft celui du Takura-Kaku , nom qui fignifie Garde des
joyaux. C'eft le Tréforier de la rue, ou le Dépofitaire de l'argent public.
Sa Commiflion eft annuelle, & tous les Habitans l'exercent à leur tour.
Le dernier des Officiers d'une rue eft le Nàfi-^ofiy ou le MeJJager. C'eft à
lui d'informer l'Ottona des naiflances, des morts, des changemens de de-
meure, & de tout ce qui doit venir à la conrtoifFance de ce premier Officier.
Jl lui remet les Requêtes & les Certificats. Il recueille les fommes, dont
Xx 2 cha-
DfiîCRWTrOK
DU Japon.
Ordre de
la Juftice Cri-
minelle.
Police &
fes Officier».
L'Ottona.
Dîflributîon
des Offices
dans chaquô
rue.
348
VOYAGE DE KJIMPFER
Description
DU Jai'ow.
Gardes &
rondes.
Rc^i^lemens
tîtablis dans
diaque rue.
chacun donne fa part pour le préfent qui fe fait aux Gouverneurs & aux
principaux Magiftrats. Il porte les ordres aux Chefs des Compagnies , éc
c'efl lui même qui les publie.
On fait, toutes les nuits, deux rondes dans chaque rue. La première fe
fait par les Habitans mêmes, tour-à-tour, au nombre de trois, qui ont leur
Corps-de-Garde, ou leur retraite, dans une loge, au milieu de la rue. Les
jours folemnels , & tout autre jour où le Magiftrat en donne l'ordre, ce
Guet dure le jour comme la nuit. On le double même, au moindre danger.
C'efl un crime capital d'infulter cette Garde , ou de lui faire la moindre op.
pofition. L'autre ronde eft celle des portes de la rue. Elle eft particulié'
rement établie contre les voleurs & les accidens du feu; mais elle n'eft
compofée que de deux hommes du bas peuple , qui, fe tenant féparément
aux deux extrémités de la rue , marchent de tems en tems l'un vers l'autre.
Dans les Villes maritimes , il y a d'autres Gardes , le long de la Côte , &
même à bord des Navires. Ils font tous obligés , pendant la nuit , de
frapper fouvent fur deux pièces de bois , pour faire connoître leur vi.
gilance ; & ce bruit , qui fert à la fureté des Habitans , nuit beaucoup à
leur repos.
C H A au E rue a des portes qui demeurent fermées toute la nuit , & que
la moindre raifon fait fermer auffi pendant le jour. A Nangafaki, par
exemple, elles fe ferment toujours au départ des Navires étrangers, pour
empêcher les Habitans de fe dérober par la fuite , ou de frauder la Doua-
ne. Cette précaution va fi loin , que , jufqu'à-ce qu'on ait perdu de vue
un Vaifleau qui met à la voile, on fait, dans chaque quartier, de ri-
goureufes recherches , pour s'aflurer qu'il n'y manque perfonne. Le
MeiTager appelle chacun par fon nom , & l'oblige de fe préfenter Dans
les tems fufpefts , fi quelqu'un cfl appelle , pour fes affaires , d'une rue
à une autre, il doit prendre un Pafleport de fon Ottona, & fe faire ac-
compagner d'un homme du Guet. Pour changer de demeure, on doit
s'adrefTer d'abord , par une Requête , à l'Ottona de la rue où l'on veut le
loger , - expofer les raifons qui font defirer ce changement , & joindre an
Placet un plat de poiflbn. L'Ottona ne répond qu'après s'être informé
de la profeiïïon , du caraftère & de la conduite du Suppliant ; & qu'après
avoir fait demander à chaque Habitant de fa propre rue , s'il confent à
recevoir le nouveau Sujet qui fe préfente. Une oppofition grave , fondée
fur quelque vice incommode ou fcandaleux , fait rejetter la demande.
Mais, lorfqu'elle eft accordée, il faut que le Suppliant obtienne, de la
rue qu'il quitte , un Certificat de vie & de mœurs , & des Lettres de
Congé. Il les porte à fon nouvel Ottona, qui, le prenant auflî-tôt fous
fa proteftion, & l'incorporant aux Habitans de fa rue, commence aufîi
à répondre de lui pour l'avenir. Alors le nouvel Habitant doit traiter
la Cornpagnie , dont il efl: devenu Membre. Il vend enfuite fon ancien-
ne maifon , avec le confentement de tous les Habitans de la rue où elle eft
fituée, qui peuvent rejetter un Acheteur inconnu, ou de mauvaife réputa-
tion. Une condition indifpenfable, pour celui qui acheté, eft de payer un
droit de huit pour cent, & quelquefois de douze. Cette fomme pafle dans
le tréfor de la rue, au profit commun des Habitans, entre iefquels on en
diftri'
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. TV. 349
dillribue également une partie. L'autre cit. employée aux fraix communs
du Quartier. '■<(}'
Un Habitant, qui doit faire un Voyage, prend d'abord un Certificat du
Chef de fa Compagnie ; ou , s'il n'efl: pas Propriétaire d'une maifon , il le
prend de celui à qui la fienne appartient. Le Certificat porte qu'un tel fe
difpofe à partir pour des affaires , qui doivent être défignée's , & que fon
Voyage fera de telle durée. Cet Ecrit pafle par les mains de la plupart des
Officiers de la Ville, qui le confirment de leur fceau; & toutes ces formali-
tés fe font gratuitement , à la réferve du papier , qui doit être payé au Mef-
fager , & dont le prix fait une partie de fes appointemens.
S'il s'élève quelque querelle entre les Habitans d'une rue , les Voifins
les plus proches font obligés de féparer les Combattans. Non - feulement
celui des Adverfaires , qui tueroit l'autre, payeroit fon crime de fa tète,
n'eut-il fait que fe défendre ; mais les trois familles les plus voifines du lieu
où le meurtre auroit été commis, feroient obligées de garder leurs maifons,
pendant plufieurs mois : c'eft-à-dire, qu'après leur avoir donné le tems de
faire des provifions pour la durée de leur châtiment , leurs portes & leurs
fenêtres feroient abfolument condamnées. Tous les autres Habitans de la
rue auroient part aulTi à la punition. Ils feroient condamnés à de rudes cor-
vées , plus ou moins longues , à proportion de ce qu'ils auroient pu faire ,
pour arrêter la querelle. Les Chefs de Compagnie font toujours punis avec
plus de rigueur. Ils font refponfables des Membres de leur Compagnie, qui
échappent à la Juftice. Tout Japonois , qui met le fabre ou le poignard à
la main , dans une querelle particulière , quand il n'auroit pas touché fon
Adverfaire , efl; condamné à la mort , s'il eft dénoncé. On a déjà dû re-
marquer , dans le Journal de Kaempfer , qu'à la mort du plus fimple Habi-
tant , les Membres de fa Compagnie font appelles , pour rendre témoigna-
ge qu'il eft mort naturellement. ANangafaki, & dans quelques endroits
du Ximo , l'ufage eft de vifiter les cadavres , dans la double vue de s'alTurer
qu'ils n'ont aucune marque de mort violente & de Chriftianifme.
O N lève peu de taxes fur les Habitans des Villes. Elles ne tombent mê-
me que fur les Propriétaires des maifons ; parceque les autres ne font pas
regardés comme des vrais Citoyens , quoiqu'ils faflént toujours le plus grand
nombre. La première taxe , nommée Djijjî , eft une rente foncière , qui fe
lève au nom de l'Empereur , dans le cours du huitième mois de l'année , fur
toutes les perfonnes qui ont des maifons ou des terrains en propriété , dans
l'enceinte d'une Ville. Elle fe règle fur la longueur. La profondeur n'eft
confidérée que dans les maifons où elle excède quinze brarfes; mais alors,
le furplus ne fût-il prefque pas fenfible, on paye le double. 2''. Une efpè-
ce de contribution volontaire, dont perfonne n'oferoit néanmoins s'exemp-
ter, pour faire un préfent au Gouverneur. Elle fe lève auffi f : les Pro-
priétaires des maifons; mais elle eft particulière à Nangafaki, comme plu-
fieurs autres , dont le produit eft employé à l'honneur des Dieux , & pour
lefquelles on ne force perfonne. Elles ne reviennent que tous les fept ou
huit ans , parcequ'il n'y a , chaque année , qu'un certain nombre de rues
qui doivent y contribuer. On oblige feulement les Propriétaires des lieux
de débauche , à donner tous les ans une certaine fomrae. Ainfi le Japon n'a
Xx 3 pro-
DcSCRIPTIOir
cuJai'on.
Prc-caiitions
pour voyngcr.
Puni lion
des querelles
paiùculières.
Taxes &
impoOtions
publiques.
t0
VOYAGE DE KJEMPFERfT
Goiivcrne-
mens des
Bourgs & des
Vil!;it,vs.
Loix &, fiip
plices.
l>Escn»Tioif proprement qu'une taxe Impériale, qoi fe lève ordinairement chaque année,
DU Japow. j)^^5 igg Villes , qui ne font pas du Domaine , elle fe lève au nom des Prini
ces dont elles dépendent iminédiatement. Meaco feule eft exempte de toute
impofition, par un Privilège de Tayco-Sama Çq).
KitMt FER, donne pour exemple, de la manière dont les Villages^ lei
Bourgs font gouvernés , & des levées qui s'y font , ce qui s'obfierve dans le
Canton de Nangafaki. L'adminiftrauon de ce Pays , qui efl borné par les
montagnes voifines , eft entre les mains d'un Officier qui lève un droit an-
nud fur le froment, le riz, & généralement fur toutes les produClions des
terres cultivées. A l'égard de celles , qui font plantées d'arbres fruitiers, oa
deftinées au jardinage, le droit fe paye en argent, & monte un peu plus
qu'à la moitié de la récolte. Le Fermier doit porter, dans les magafmsde
l'EmpereùT , ce «jai revi«ît à ce Prince , & l'évaluation faite par des Experts,
qui vont examiner les champs avant la moîflbn. Lear eftimation fe fait par
conjefture. Les for^t« <& les bois payent une rente -ftrtMïiére, à proporiioB
de îeur ét?end«e (r).
A l'égard des Loix, elles confiftent dans les Ordonnances de l'Empereur,
& quelques anciennes Gonffcicutions , dont on ne peut appeller d'aucun Tri-
bunal. Mais les Princes <Sc les Grands font ordinairement à couvert de cet-
te extrême févérité. S'ils font c^vâincus de malverlation , la Cour les
bannit dans une des deux Iflès qu'on a nommées ; ou , fi le crime eft capi.
tal, leur fupplice eÀ d'avoir le ventre fendu: & lorfque l'Empereur ne leur
fait pas grâce , toute leuï famille doit mourir avec eux. Quand on veut
favorifer le Coupable, ou permet à fon plus proche parent de l'exécuter
dans fa maifon ; & cette mort , qui n'a rien de honteux pour celui qui la
donne , eft auffi moins déshonorante pour celui qui la reçoit, quoiqu'il y
Uit toujours un peu de honte à mourir de la main d'aatrui. La plupart de«
inandent la permiffion de s'ouvrir le ventre eux-mêmes. Un Criminel , q«{
obtient cette grâce, aflemble fa famille & fes amis, fe pare de fes pilus ri»
ches habits, fait un difcours éloquent fur fa fituation; après quoi, prenant
un air tout-à- fait content , il fe découvre le ventre, & s'y fait une ouver-
ture en croix. Le crime lé plus odieux eft effacé par ce genre de mort.
On met le Criminel au rang des braves. Sa famille ne contrafte aucune ta-
ché , & n'éft pas dépouillée de fes biens. Le fupplice ordinaire du Peuple
èft la croix ou le feu. Quelques-uns ont la tête coupée, ou font taillés en
pièces" à coups de fabre (s). La rigoureufe exaftitude de ces châtimens
a plus de force qu'un long Code , pour contenir tous les Ordres de la Na-
tion. D'aiîleurs lesPrinfces, les Magiftrats & les Pères mêmes de famil-
le, décident fouverainement fur les procès qui naiffent dans l'étendue de
leur Jurifdiélion , & qui n'ont pu fe r^rminer par arbitrage. Si la Loi n'ell
{q') Pag. 130 & fuiv.
(f) Pag. 135.
( s ) Voye2 , att Tecond Tome de ce ïle-
feudl , ime figure des exécutions Japonoifës.
Le fameux fupplice de la foflê , exercé (i
fouvent à l'émrd des Clirétiens, confiftoit à
fufpendre h: Patient par les piccîs, 1h t6tc
dans une foflê , où l'on mettoit quelquefois
un ferpeiu & un chien (hns nourriture.
Kœmpfer a fait obferver , plafieurs fois , que
les Exécuteurs publics font les Tanneurs, ai'
dés des Doineftiques de ceux qui tiennent des
M^ifons de débauche.
Vr^
une ouver*
'DANS LIMPIRE DU JAPON, Lry. IV.
iSt
pas prrf'cife «n faveur de Tune ou l'autre Partie , c'eft le bon fens qui préfî- DMcunr^on
de à ces dëcifions. Les Relcrîcs de TEmpereur font exprimes en peu de »^J*''®*'
mois. Jamais il n'apporte de raifon pour expliquer fes ordres; et fou-
vent même il laifle, aux Juges fubalternes, la détermination de la peine
ou du fupplice. Les Japonois trouvent de la majefté dans ce ftyle concis j
& le moindre doute, fur la juftice «Se le difcernement du Souverain, paiTe-
roit pour un crime. . , '< ',
y^ ;i.:'. 5 ît>r--"-^>i^>î i:;'îl i^î '• •-••••
'(::'.. i
,<f Oi.l i^lj;
5.
:;;ii;'. ■.
Figure, Habillement, Education y Sciences , Arti Êf Cara&ère des j^aponois.
LES Chinois & les Japonois n'ont rien à fe reprocher du côte de la fi-
gure. C'efl l'expreffion d'un Ififlorien qu'on a déjà nommé avec
éloge (a), & dans lequel on trouve ici diverfes recherches, aflez agréa-
blement recueiUies. En général , les Japonois , .u'-il , font fort mal faits.
Es ont le teint olivâtre, les yeux petits, quoi.^ «e moins enfoncés que les
Chinois, les Jambes grofles, la taillé au-deffous de la médiocre, le nez court,
un peu écrafe & relevé en pointe, les fourcils épais, les joues plattes, les
traits groflSers, & très-peu de barbe, qu'ils le raient ou s'arrachent. Mais
cette defcription ne convient pas à toutes les Provinces. D'ailleurs ,. la,
plupart des grands Seigneurs n'ont rien de choquant dans l'air & dans les
traits du vifage. Une fierté noble , qui leur efl naturelle , & qu'ils fçavenc
foûtenii fans affeftation, contribue peut-être à les rendre moins diffbr-
m<îs. A l'égard des femmes, tous lés Voyageurs leur attribuent de la
beauté. Kgempfer regarde celles de la Province de Fifen, comme les plus
belles perfonnes de TAfie (A), mais il les repréfente fort petites i & Tufage
Qu'elles ont, de fe peindre le vifage, peut faire douter que leurs agrément
foient tout-à-fait naturels.
L* H A B I L L E M E N T des Japouois efl: noble & fimple. Les Grands & tous
les Nobles , avec la proportion de leur Ordre , portent des robbes traînan-
tes , de ces belles étoffes de foye , à fleurs d'or & d*argent , qui fe font dans
rifle de Fatfifîo , & dans celle de Kamakura. De petites écharpes , qu'ils
ont au cou , leur font une efpèce de cravate. Une autre , plus large , leur
fert de ceinture fiir la tunique de defllbus , qui efl: aufli d'une étoffe très-ri-
che. Leurs manches font lai-ges & pendantes. Mais les ornemens , dont
ils paroiffent le plus curieux, font le fabre & le poignard, qu'ils paffent dans
leur ceinture , & dont la poignée , & fouvent même le fourreau , font en-
richis de perles & de diamans. Les Bourgeois , dont la plupart font Mar-
chands , Artifans ou Soldats , ont des habits qui ne leur defcendent qu'à la
moitié des jambes , & dont les manches ne paffent point le coude : Le rcflie
du bras efl: nud ; mais ils portent tous des armes , & d'une propreté fort re-
cherchée. Ils diffèrent encore des perfonnes de qualité, par la forme de
leur chevelure, qu'ils ont rafée derrière la tête j au-lieu que les Nobles fe
:if _ '.,. . font
{a) Le Père de Charlevoix, Tome I. pag.
I61 & firir. On s'attache particulièrement à
lui dans cet Article.
(6; Voyez ei-delTus fon Journal,
Portrait dC8
Japonois.
Leur habil)i
lement.
85»
VOYAGE DE KiEMPFER'T
Faftc dans
leur maichc ,
& leurs vifites.
DfifCRiPTio» font rafer le haut du front, & laiflent pendre le refle de leurs cheveux
DvjMfON. par derrière; Ils trouvent tant de grâce a cette parure, qu'ils ont pref^ue
toujours la tête découverte; Cependant ils fe la couvrent, en voyage, d'un
grand chapeau de paille , ou de bambou , très-proprement travaillé , qui s'at-
tache , fous le menton , avec de larges bandes de foye , doublées de coton.
Les femmes en portent comme les hommes. Ils font tranfparens, légers à
lorfqu'unc fois ifs font mouillés , la pluye ne les pénétre point. Ils ne relè-
vent pas beaucoup l'air des hommes , dont la taille courte & ramaflee paioît
cachée de loin par ces larges coëifures: mais ils ne font pas mal aux femmes,
qui en ufent même aflez communément dans les Villes.
Habits & Elles font d'ailleurs plus magnifiquement vêtues que les hommes. Tou-
farure des tes les Japonoifes font coëffées en cheveux , mais différemment , fuivant
femmes. j^yr condition. Les femmes de l'Ordre inférieur fe contentent de les rele-
ver fur le haut de la tête, & de les y retenir avec uhe aiguille, à-peu-prés
comme les Efpagnoles & les Italiennes. Les JDames laiflent tomber ncgli.
gemment leur chevelure fur le derrière de la tète, où elle efl nouée en touf.
fe pendante. Audeffus de l'oreille, elles ont un poinçon, au bout duquel
pend une perle, ou quelque pkrre de prix, avec un petit rond de perles à
chaque oreille, qui leur donne beaucoup de grâce. Leur ceinture eft large,
& femée de fleurs & de figures, dont la beauté répond au refle de l'ajulie-
ment. Sur quantité de longues vefl:es, elles ont une robbe flottante, qui
traîne de quelques pieds. C'efl; par le nombre de ces veftes, qu'on juge de
la qualité d'une femme. On afllire qu'elles montent quelquefois jufqu'à
cent , & qu'elles font fi déliées qu'on en peut mettre plufleurs dans la po-
che. Les Dames de la première qualité ne paroifiTent jamais dans les rues
fans une fuite nombreufe. Une troupe de filles, magnifiquement parées , leur
portent des mules de prix, des mouchoirs, & toutes fortes de confitures
dans de grands baflSns. Ce cortège efl: précédé des femmes de chambre ,
qui environnent leur MaîtrelTe; les unes avec des éventails, d'autres avec
, . un parafol, en forme de dais , dont la crépine efl: très-riche. Les femmes
Chrétiennes avoient fur la tête, en allant à l'Eglife, un voile qui non-feule-
ment leur couvroit le vifage , mais qui leur pendoit jufqu'aux pieds. L'u-
fage oblige les Dames , de ne recevoir aucune viflte fans avoir un linge fur
la tête. Ces vifites ne leur font permifes qu'une fois l'année ; & pour peu
que les lieux foyent éîoighés, elles fe font porter dans des Norimons, avec
toutes les femmes de leur fuite.
Les jeunes gens de l'un & de l'autre fexe changent d'habillement , à me-
fure qu'ils avancent en âge. Ils font tous légèrement couverts , & ne por-
tent ordinairement rien fur la tête. Auflî les accoutume-t'on de bonne
heure au froid. Toute leur cliauflure confifl:e dans une efpcce de fandales,
qui ne s'attachent point & qu'on quitte aifément. Elles font faites indiffé-
remment de peau de cerf, & d'un tiflu de paille, de jonc, ou de bambou,
fort bien travaillé.
Education ^Es Japonois ne négligent rien pour cultiver l'efprit de leurs enfans, &
desjaponoi»v ne mettent aucune différence dans l'éducation des deux fexes. Les fem-
mes fçavantes ne font pas rares au Japon. Ce n'efl: pas du moins le tems
qui leur manque > car elles ne doivent fe mêler d'aucune forte d'affaires.
' • ' ■ ■' - - - ' ' Leur
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liy. IV. 353
Leur inftruftion , comme celle des hommes , commence par le cœur. On
les accoutume de bonne heure à fe conduire par des principes d'honneur &
de raifon. Enfuite on leur apprend leur Langue, c'eft-à-dire, à parler cor-
rcftement, à bien lire, à bien former les caraftères (c). Ils en font une
étude férieufe, qui eft fuivie de celle de leur Religion. A celle-ci fucccde
une bonne Logique, qui leur apprend à difcerner le vrai & à raifonner jufte.
Onpaffe aux leçons d'Eloquence, de Morale, de PoêTie & de Peinture.
Peu de Nations ont plus de génie pour ces be?^ux Arts.
Les Japonois ont l'imagination belle, une grande pénétra Ion pour con-
noître le cœur humain , & un talent rare pour en remuer tous les reflbrts.
Flufieurs Mi.Tionnaires, qui avoient entendu leurs Prédications, ont avoué
que rien ne leur avoit paru plus touchant, plus pathétique, plus conforme
au vrai goût de l'Eloquence, & qu'il eft aflez ordinaire, au Japon, de voir
fondre en larmes un nombreux Auditoire. Ils ajoutent que leur Poëlie a
des grâces finguliéres. Leur principal talent eft pour les pièces de Théâtre.
Elles font diftribuées , comme les nôtres , en Aéles & en Scènes. Un Pro-
logue en expofe le plan; mais fans toucher au dénouement, où. l'on veut
toujours que le Speétateur foit furpris.- Les décorations font belles, &
convenables au fuj et. Les intermèdes font des Ballets, ou quelque Farce
bouffonne}
dignité. Il en eft de môme des plantes, &
d'une infinité d'autres chofes. On les expri-
me par différens caraftèrcs , fuivant leur de-
gré de perfection & leur ufage. Toutes les
Fi'ières oc les Loix anciennes du Japon, fur-tout
celles qui regardent la Religion , font dans un
langage facré & inintelligible. On affure que
ccux-mêmes qui fe donnent pour Interprètes
des Dieux, ne l'entendent pas plus que les au-
tres. Il y a aullî deux fortes d'Alphabet , qui
font ufités par le Peuple, &qui diiFèrentdes
nôtres , en ce que chaque figure fignific , non
une fimple lettre, mais une fyllabe entière
du' langage vulgaire. Les Japonois fe fervjnt
d'un pinceau pour écrire, & le font avec une
vîtefle furprenante. On verra, dans l'Arti-
cle de l'Hiftoire Naturelle, ce qui regarde leur
papier.
Ajoutons ici que rien ne caufe plus de con-
fudon , dans leurs Hifloires , que l'ufage où
ils font de changer fouvent de noms. Ce
changement fe fait régulièrement trois fois.
En fortant de l'adolefcence , .on quitte le
nom qu'on avoit reçu à la naiflance; & ce-
lui qu'on prend , alors change auffi dans la
vieilieiTe. Mais ceux de la Famille, & celui
de la Terre, ou de la Principauté qu'on polTé-
de , demeurent toujours. Lorfqu'on pafle
d'une condition à une autre, on prend encore
d'autres noms , qu'on fubflitue aux premiers.
Ces changemens le font avec de grandes cé-
rémonies.
DESCRTPTtOW
DU Japon.
Langue,
Qu:ilité3 de
leur efprit.
Leur Elo-
quence.
Leur goûr.
pour le 'l'hé*-
Ue.
(c) Ksmpfer aflliro que la Langue Japo-
nolfe eU originale, qu'elle eft nette, articu-
lée , diftinfte , & qu'elle n'a jamais que deux
lettres combinées dans une fyllabe. Les Ja-
ponois ne peuvent donner à ttôtre b; que le
fon de r/. Leurs caraftères font greffiers &
informes. Ils fonc pofés les uns fur les autres
en ligne perpendiculaire , comme ceux des
Chinois ; mais au-lieu que ceux-ci n'ont entre-
deux aucune particule qui les lie, parceque
chaque caraftère eft un mot, le génie de la
Langue Japonoife exige que les caraftères ,
qui font aufli des mots , foycnt quelquefois
tranfpofés , & quelquefois joints cnfemble par
d'autres , ou par des particules inventées pour
cet ufage j ce qui eft fi nécelfaire, que lorf-
qu'on imprime, au Japon, des Livres Chi-
nois , on eft obligé d'ajouter ces mots , bu ces
particules , pour rendre les Japonois capables
de les lire ou de les entendre. A l'égard de
l'Ecriture fçavante , elle eft à-pcu-près la mô-
me à la Chine & au Japon. Elle confîftc en
caraftères fignificatifs. Les idées font atta-
chées à la figure , avant que d'ôtre attachées
au fon par lequel cette figure s'exprime , & de-
là vient que ce genre d'écriture eft compofé
d'un fi grand nombre de caraftères , parceque
chaque caraftère n'eft que l'image de lachofe
qu'il repréfente; méthode plus difficile que la
nôtre, mais moins fujettc aux ambiguïtés. La
précifion des idées eft fi jufte, que l'on chan-
ge ces caraftères en avançant en âge ou en
XIF. Part.
Yy
35*
VOYAGE D% K^MPFER
Comédies
ftSpeihcles
Japonois.
Chaque
quartier fait à
fon tour la dé-
penfe des
Speâacles.
bouiTonne ; mais , d^^ns Içs Tragédies & les ComtMies , to\it eft rapporté k
U Morale. Le (lyle cIqs pr^iviôr&s ^ de Temphafe & de l'énerj^ie. Ëll«a
roulent ordinairemenc fut les allions les plus héroïques.
Les Speftacles put)Ucs fonc çompofé» de plufieurj pièce», qui fe fuccé.
dent les unes aux autres, & donc le Aijet efl pris dans. l'HUloire des Dieux
&des Héros. Leurs avanwres, leurs grand» exploits, leurs intrigues a*
moureufes font mifes qn Ver? , À fe chantent en danfant au fon de toutes
fortes d'inftrumens de Mwfiqim, De petites Farces font le» intermèdes ;
on voit parpître diverfes fortes de 3ouârons , dont les uns difenc mille plai.
fanteries, & d'autres, à la manière des anciens Pantomimes , danfentfant
parler, 4c s'efforcent d'exprimejr en cadence, par leurs actions & par leurs
gelles , les circQnHances du fujet qu'ils repréfencent. La Scène efl: ordi>
nairement formée par dc^ foiuaines, des pojits, des maifons, des jar»
dins, des arbres, oes montagnes, des aninaaux; tout de grandeur natu<
relie, & difpofé de manière, que les changemens peuvent fe faire avec
beaucoup de promptitude. L^s A^^eurs font ordinairement (d) de jeu»
nés Garçons , choifis dans les quartiers qui font la dépenfe du Speéh*
cle, ^ de jeunes Filles qu'on tire des liaux de débauche. Ils font magnU
fiquement vêtus , fuivant la différence de leurs voiles. Les mêmes Scè->
ces ne doivent pas être répétées d'une année à l'autre. Koempfer don*
ne la defcription de la place des Speélacles qu'il vit à Nangafaki. On y
9vpit élevé, dit-^1, ur^ grand Tenqple 4e ba^nbçus, avec des aîles au cô»
té. Le Fvontifpice étoit tourné vers la place. Ce Bâtiment , qui étoic
couvert de paille â( de brandies de 37"^*» reflembloit affez à une grange.
Auffi fe propofoit-on de remettre devant les yeux l'ancienne fimplicité
Japonoife. Un grand fapi« s'élevoic à. côté delà façade, & les trois au»
très côtés de la place étoient difpoles en Loges , où l'on avoic ménagé un
grand nombre de fièffes pour les Speélaceqrs. Les Mipi(hres des Dieux s'af.
firent en bon ordre lur trois bancs , visrà-vis le Frontifpice. On reconnoiÂ
foit les Supérieurs, qui étoient fur le banc le plus élevé , à leur habit noir,
& à un, bâton court qu'ils portoient pour marque de leur autorité. Quacre
Cani^fist d'un rang peu inférieur, étaient fur le fécond banc, vêtus de
robbes blanches , avec un bonnet noir verniffé. Tous les autres étoient
à-peu-près vêtus comme les Canufis. Les Valets du Temple fe tendent
derrière leurs Maîtres , tête nue & debout. De l'autre côté de la place,
vis-à-vis du Clergé, les Lieutenans des Gouverneurs étoient aflds fous
une tente, un peu au-deffus du rez- de- chauffée, avec leurs piques vis*
à - vis d'eux. Leur devoir , dans ces occafions , efl de faire ranger la
foule & de contenir la populace. Ils ont autour d'eux quantité d'Officiers
fubalternes.
On vient d'obferver que ce font les différens quartiers de la Ville, qui
font la dépenfe des grands Speftacles. Ils la font, chacun à leur tour, un
tain nombre de fois chaque année. Kaempfer nous donne une idée pom-
peufe de la manière dont ils amènent, comme en proceffion , leurs Aéleurs
&
(d) Au nombre de huit, douze, ou plus. Kamp/er, Tome II. pag, 14 j,
DANS L'EMPIRÉ DU JAPON, Liv. IV.
^55
fl: lettfi machines. On voit d'abord un dais fort riche, ou unparafol de Diient?TJO!»
foye, fous lequel eft placé un bouclier, qui offre en gros caraftères le nom °" jAfow.
de la rue. Il efl; accompagné d'une Mufique, où dominent les flûtes de
différentes efpèces , quelques tambourins , des tvmbales & des cloches. Ce
charivari , qui plaît beaucoup aux Japonois , eft infupportable aux Etran- '
gers. Parunufage fort contraire au nôtre, c'efl fur les mouvemens du
corps & fur la danfe , que les a;rs & le chant font réglés. Les danfes ne
font pas vives ; mais, d'ailleurs, elles ne cèdent rien aux nôtres. La Mu-
fique eft fuivie des machines , & de tout l'appareil de Scène que le quar-
tier doit fournir. Ce qu'il y a de plus pefant eft porté par des hommes
gagés; & lerefte, par des enfans du quartier, mis fort proprement. En»
fuite viennent les Aéleurs, fuivis des Ilabitans du quartier, tous en ha-
bits de cérémonie. La marche eft fermée par un nombre confidérable de
gens du bas ordre, qui portent des bancs ou des nattes , ôc qui marchent
eux à deux. Les Danfes & les Speé^acles de chaque rue durent ordinai-
rement trois quarts d'heure (e); aorès quoi la procelTion s'en retourne dans
|e même ordre qu'elle eft venue (/). »
'■■■■ '■'•'■' ■■ ' - On
Durée des
Scèucii.
(e) Kxmpfer, Tom. II. pag. 143 & fuiv.
(/) On ne prendroJt pas une jufte idée
du «enie des Japonois , fi l'on ne joignoit
Ici Tes douze Scènes auxquelles KaBtnpfcr
alTifla,
„ Première Seine. On vôyoit huit filles
„ avec des habits de C0u>Wr, brochés de
„ grandes fleure blanches. Elles portotent
„ de grands chapeaux, comme pour les dé-
fendre de 14ttdcur du Soleil, avec des éven-
', tails & des fletirs à la main. Elles dan-
" foient tour-àitoiur, & de tcms entems el-
" les étoient relevées par deux vieilles fem-
„ mes qui danfoient dans un autre équipage.
„ Deuxième Seêne. Un jardin couvert
de belles fleurs; une chaumière au mi-
" lieu, d'où fortirertt, d'un faut, hultjeu-
", nés filles habillées de blanc & de rouge ,
*' danfant avec des éventails , des cannes , &
" des paniers de fleurs. Elles étoient rele-
vées par une fort bonne Aftrice qui dan-
" foit feule.
„ Troijîème Scène. Huit chars de triomphé,
., avec des bœufs au timon , de différentes
;, couleurs, mais rcpréfcntés fort naturclle-
., ment, & traînés par de jeunes garçons
„ richement vêtus. Ces chars portoient un
,, arbre de Tj'ubaki en fleur; une montagne
„ couverte d'arbres; une forôt de bambous,
„ avec un tygre, qu'on y voyoit tapi; un
„ fardeau de paille; un arbre entier, avec
., fcs branches & fes racines; une baleine,
,, fous un rocher, à demi couverte d'eau.
!, On vit , à la fin , une autre montagne ,
„ dont le fommet olfroit un jeune homme
., vivant & magnifiquement mis, fous un abri-
j>
„ cotler couvert de fleurs. Elle étoit traînée
„ aUfli par de jeunes garçons.
,, Quatrième Scène. Des Danfeurs, qui
„ jouoient leur rolle entre fix carreaux de
„ fleurs , avec un arbre verd. Neuf autre»
„ jeunes ^rçons , chacun avec deux épées ft
„ un moufquet. Une dainfe dePayfans.
„ Cinquième Scène. Une montagne, po^
„ tée fur les épaules de quantité (fhommej.
.. Une forttainc & une allée, un grand ton-
neau & une maifon , qui parurent fuccef-
fivemetlt. Deux Géants mafqués , avec des
tètes d'une prodigieufe groflTeur . repréfen-
tant des Divinités Indieflnes. Ils furent s-
bordés par un troificme, d'une taille en-
core plus mortflrueufe, qui fortit de la
montagne , armé d'une épée fort large. Ce-
lui-ci étôit fuivi de fcpt Chinois , qui for-
tirent en ftutant de la même montagne,
& qui danfèrefit avoc les Géants. Après
la darîfe , le Géant monftrueux mit en piè-
ces le tonneau , d'où fortit un jeune gar-
çon fort bien mis , qui fit une belle haran-
gue, & qui fc mit cnfuite à danfcr avec le
Géafit. Cependant trois finges, de gran-
deur naturelle , avec des têtes de poiflbn ,
fortirent adroitement de la fontaine, &
danfèrent autour , contrcfaifant la danfe du
Géant & du jeune garçon.
„ Sixième Scène. Un arc de triomphe
rond , à la Chinoife ; une maifon de cam-
pagne & un jardin; une darife de dix jeu-
nes garçons armés , & vêtus do robbes
doublées de verd , de j^ne , & de bleu ,
avec des hautes-chaufTes d'une forme par-
ticUliète. Un Arlequin , qui fauta par-
a ». mi
Yy
I5à
VOYAGE DE Ki«MPFER-
PU Japon.
Peinture.
Mufiquc.
On attribue aux Peintres du Japon un goût particulier dans lequel on
prétend qu'ils excellent. Leur pinceau eft fort délicat j mais ils s'appli,
qucnt peu aux Portraits. Ils fe bornent aux figures d'oifcaux , de fleurs , &
d'autres procluftiorw de la Nature. C'efl: toujours fur de fimples feuilles de
papier qu'ils les tracent. Elles fe vendent quelquefois jufqu'a trois & qua-
tre mille écus d'or. Quoiqu'on n'ait jamais vu d'eux , en Europe , que des
Ouvrages fort grofliers , il n'en faut pas conclure que ce récit foit exagé-
ré , parccque les peintures de cette perfeélion fe confervent fort foigncufe-
ment dans les Cabinets. On parle de leur Mufique avec moins d'éloges.
Ils ont peu de méthode ; & leurs voix, ni leurs inllrumens, ne méritent
point ^attention. , ^ ^ , ■ i •. ...
- ' ' Ils
»
ml eux, * qui dit mille bouffonneries.
Cette Scène fut terminée par deux Dan-
feurs, en habits étrangers, qui vinrent du
jardin en danfant.
„ Septième Scène. Une montagne couver-
te de bambous & do fapins, avec douze
autres arbres en fleur, chacun de diffé-
rente efpècc. Une fuite nombreufe de gens
magniiiiiuement vôtus. Enfuite deux per-
fonncs habillées de blanc, & huit autres
de jaune , danfant & battant des clo-
ches. Sept autres , qui fuccédèrent , &
qui danfcrent avec des pots de fleurs fur
la tôte.
„ Huitième Scène. Le train pompeux d'un
Prince , voyageant avec fon hls , rcpréfenté
„ fort au naturel par de jeunes garçons.
„ Neuvième Scène. Une mai fon verte , au
travers & tout autour de laquelle dan-
" foient dix jeunes garçons , vôtus de rob-
bes noires; chacun, d'abord, avec deux
'' épées, enfuite avec des fleurs, des flèches,
& de's piques. Ils étoient relevés par des
*' intermèdes de Bouffons. Enfin leurs Va-
*! lets , portant des boëtes fur leurs épaules ,
'l entremêlèrent leurs fauts & leurs danfes
avec celles de leurs Maîtres.
" „ Dixième Scène. Un théâtre placé près
„ d'une colline couverte d'arbres. Un jeune
M homme vêtu de noir & de jaune parut fur
„ le théâtre, parla , & joua un roi le qui
„ dura une demie heure; tandis que huit au-
„ très jeunes garçons , en robbes de diffé-
„ rentes couleurs, exécutèrent une danfe;
„ chacun feul d'abord , enfuite avec un Coin-
„ pagnon, & puis tous enfemble. Un fin^e,
„ qui fauta de la colline , vint finir la Scène
„ par divers tours.
„ Onzième Scène. Un jeune Sauteur , fort
„ bien fait, devant lequel on plaça une ta-
„ bie, en forme d'èchaffaut, avec huit mar-
„ ches pour y monter, & huit de l'autre cô-
„ té 1 our en deftendrc. On mit un bambou
„ creux au travers de l'èchafTaut, & une
»
i, porte, qui avoit un trou rond d'environ
„ deux empans & demi de diamètre. I.c
„ Sauteur lit plufieurs tours qui furprircnt
„ Kajiiipfer. Un des plus étonnans fut ds
,, fauter, de la dillance d'environ trois toi-
•„ fes , au travers du trou de la porte,
„ quoique le diamètre du trou fût beaucoup
„ moins grand que celui du chapeau qu'il
„ portoit.
„ Douzième Scène. Plufieurs machines d'une
" grandeur énorme, exactement femblabks,
" en grandeur & en couleur, à ce qu'on a-
>» voit voulu repréfenter; mais toutes d'une
>> matière fi mince , que chacune étoit por-
}> tée par un feul homme. Outre ce fardeau,
»> chaque Porteur avoit un grand tambour,
» qui lui pendoit par devant , fur lequel d'au-
>» très hommes frappoient avec des cloches.
» Ils traverfèrent ainfi le théâtre en daniiint,
»» mais fans pouvoir fauter bien haut, par-
» ceque leur fardeau, quoique fi léger par
>i fa matière, étoit fi lourd a fi incommode
j» par fa grandeur, qu'ils furent obligés plu-
„ fieurs fois de reprendre haleine. Ce qu'ils
„ portoient fur leur dos, étoit; i". Un puits,
„ avec tous les inllrumens néceflhires pour
„ éteindre le feu. 2". Une grande cloche
,) d'Eglife, avec toute fa charpente, & un
„ dragon deflus, pour ornement. 3'. Une
,, montagne couverte de neige, avec un aigle
„ au fommet. 4". Un canon de fonte, de
„ vingt-quatre livres de balle, avec fon af-
,1 fut & tout fon train, s». Un grand cof-
,) fre de Mer, empacqueté dans douze bai-
„ les de paille, à la manière du Pays.
„ 6°. Une baleine, dans un baflln de gran-
„ dcur proportionnée. 7'. Diverfes charges
„ de coquillages & de fruits, &c. Enfuite,
„ pour former le contralte , d*autres hom-
„ mes fuccèdsient avec ce qu'il y a réelle-
„ ment de plus léger; c'eft-à-dire, l'un avec
„ un fimple coquillage, l'autre avec un fruit ,
„ une fleur, une plume, &c," Kampferf
ubi fuprà, pag. 148.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
ssr
Ils compofcnt beaucoup de Livres, & leurs Bibliothèques font nom- Dsscnrpnoîi
breufes. 1 eus ces Ouvrages regardent la Morale, l'IIillojrc, lu Religion "':' J*"'^: .
& la Médecine. Leur Ilillorien allure qu'ils n'en ont aucun do Jurilpru- J-ôXému.'.s. '
dcncc (^), ^uoiqu'ilieuratcribue quelques conllitucions, en petit nombre,
(g) Ubifuprà, pag. I77- Ccpcndaiu lu
Traduftcur de Kajmpfcr nomme le Sikki-
Moku, qui cft un Traité dts Loix Japonoi-
les, & le KiuJ'ai, qui traite des Coutumes
civiles. Kœmpfer apporta du Jaiiuii v>\\.i
liairs Livres, qu'il donna au Chevalier Ilans
Sloaiie. Leurs Titres feront une Note cu-
rieufe.
Nota. Le Chevalier Mans Sloanc acheta ces
Livres après la mort de KicmplVr, coiiinie
Scheuchzcr nous l'apprend dans fon Difcours
préliminaire. Ce lont feulement ceux que
nous marquons d'un Aaérifque. Lf 'l'ra-
duftcur avoit trouvé les Titres des autres
dans les Mémoires manuferits de l'Auteur.
R- d. E. . . , .
■* Nippon-Odaiki. Ce font les Annales du
Japon, qui contiennent l'origine, les règnes,
& les aftions remarquables des Empereurs ,
depuis Syn-Mu , jufqu'à nôtre tcms.
* Nippon-Okaitlu; c'e(l-à-dirc, mot pour
mot, premiers traits de l'Hiftoire des grandes
cbofes du Japon.
Tai-Fee-Ki. C'eft l'Hiftoirc d'une Guerre
qui dura quarante ans , entre U s Maifons de
t'eeki & de Gendji , & qui iinit oar l'extirpa-
tion de la première. l^'Ouvrage entier eft
divifé en quatre -vingt Parties, qu'on relie
d'ordinaire en quarante Volumes.
Feeki-Mono-Gattari; ou Dijccurs fur les af-
faires de Feeki , qui roule fur le môme fujet
que le précédent.
* Ojacca-Mono-Gattari, ou Dijc ours fur les
affaires d'Ofacca. C'ea l'IIiftoire de plu-
licurs Guerres inteftincs du Japon.
* Simabaraki , ou Simabaraeafen ; c'e(t-à-
dirc , Relation de la Guerre de Simabara , qui
contient les efforts de trente-fept mille Chré-
tiens, pour fc défendre dans une ForterefTe
[ fur le Golfe ] de ce nom , où leur deflruc-
tibn totale acheva celle du Chriftianifme au
Japon. Cet Ouvrage & le précédent ont été
traduits par Ksmpfer, & les Manufcrits font
dans le même lieu.
* [L'Hiftoire à'Mim-Sime, fils de l'Em-
pereur Ahino-Jaffima.'\
Siti-Dai-Ki. Hiftoire des Dieux du Japon ,
qui- y étoient adorés anciennement.
Ten-Sin-Ki. Hiftoire particulière de la
vie & des aftions héroïques de Ten-Sin, qui
eft le Chef des Sintos, Dieux Japonois.
dit-
Nippon-IdfuirJ , ttn Kuni-Oojafijro; c'eft 1-
dire, Guerres dts Dieux t à Oojaftjro , dam
la Province d'Jdfumi.
* l)ai-Fan]a-l''iramitz, ou Traité des Dicux
adorés par la Seéle des tiudfdoïjles.
Le SikkiMûku & le Kiufai , deux Livres
de îuril prudence qu'on a déjà nommés.
6oogakf, C'eft un Traité qui contient les
préceptes de Morale, enfeignés & pratiqués
pur les Siutoïjïes, Sefte de Philofophes Japo-
nois.
Foiitsjo-0-in-Fifi ; c'cft-A-dire , mot pour
mot , Ouvrage de l'ombre du Cerijier Japonois.
C'eft un Traité de l'art de gouverner, qu'/-
takura-Swuono-Cami , ancien Gouverneur de
Meaco, compofa, dans fa vieillelTe, à l'om-
bre d'un grand Cerifier de fon Jardin.
Tfure-Dfure-Jojijdano-Kenko; Ouvrage de
Morale d'un Omeier militaire , qui cmbruftii
la vie monaftique.
Faku-Niun-Isju, c'eft-à-dirc. Fers de cent
Poites. C'eft im Recueil de Poëfies , de la
Cour Eccléfiaftique de Jedo.
Kojogun. Traité du Gouvernement du Ja-
pon.
* Nipponki. Defcription des principales
curlofités du Japon.
'* Sitzi-Jofjù. Defcription géographique
de l'Empire du Japon. C'eft d'après ce Li-
vre , que Kœmpfcr a donné celle qu'on a rap-
portée ici fur fon témoignage.
* [Isje-Mono-Gattari, ou Difcours fur les
affaires d'Isje, par Narifide ^ de la Cour de
l'Empereur Eccléfiaftique. ]
'•' Defcription de la Cour du Dairi , avec
cent habillemens différens des perfonnes qui
la compofent.
* Jedo - Kagami. Defcription de la Cour
de Jedo , avec une lifte de tous les Officiers
du Cuhofama & de leurs revenus.
Sikki. Chronique Chinoife, qui contient
une Defcription des principaux événemens
de l'Hiftoirc de la Chine.
Mannengojomi , c'eft-à-dirc, Almanac pour
dix mille ans , qui contient un calcul des
jours heureux ou malheureux, fulvant l'in-
fluence des Signes célcftes.
■* Dfîookivi. C'eft un Almanac. Ceux du
Japon ont ordinairement huit pouces de hau-
teur & cinq pieds de longueur.
"* Ofasjo. Traité des filcmens, des Mon-
des,
Yy 3
3i<i
VOYAGE DE KMMPrtTL
Description
DU Japon.
Sciences
fpéculatives.
Cilculs des
tcms.
dit -il , maïs bien faites , & fidellement obfervées, parceque la moindre
contravention eft punie avec rigueur.
Si l'on excepte les matières de Religion , qui exercent continuellement
les Miniftres, il ne paroit pas que les Japonois cultivent beaucoup les Scien-
ces fpéculatives. Ils font peu verfés dans ce qui concerne les Mathémati-
ques, la fimple Métaphyfique , & même la Phyfique. Ils ne connoifTent
pas mieux le Ciel. Leurs Epoques , leurs Elemens , la manière dont ils
partagent les heures , & dont ils comptent leurs années , ne donnent pas
une haute idée de leurs combinaifons & de leurs calculs.
Ils ont trois fortes d'Epoques, dont la première commence avec le ré-
gne de Syn-Mu , leur premier Empereur, & précède, comme on l'a déjà
remarqué , l'Ere Chrétienne de fix cens foixante ans. Ils ont reçu les deux
autres des Chinois. L'une, qui fe nomme Nengo, fut inventée à la Chine,
pour mettre plus de certitude dans. la Chronologie, & fut introduite au Ja-
poH , fous le règne du trente-fixième Dairi. Elle comprend un certain nom-
bre d'années, qui eft rarement au-deflus de vingt, & très - fouvent au-def-
fous. C'efl: au Dairi à l'établir, à lui choifîr un nom & une figure, & à la
faire ceffer pour en fubftituer une autre. Il la datte toujours de quelque é-
vénement remarquable, tel qu'un changement d'importance , dans la Reli-
gion ou l'Etat , dont elle fert à conferver le fouvenir. Son plus grand iifa-
ge eft dans les Almanacs, les Ordres des Princes, les Proclamations, les
Journaux & les dattes des Lettres. Elle s'employe auffi dans les Livres im-
primés, fur-tout dans ceux qui ont rapport à l'Hiftoire: mais on y ajoute
l'année courante de la première Epoque. Le nouveau Nengo commence
toû-
des, des Cieux, des Etoiles, des Comètes,
des Météores, &c.
* Kinmodfui. Herbier Japonois, oit l'on
trouve les figures de près de cinq cens Plan-
tes & Arbres qui croiflent au Japon, avec
leurs noms & leurs ufages.
Un Livre des Quadrupèdes, ♦ un Livre
des Oifeaux , & ♦ deux Livres de Poiflbns ,
de Coquillages & d'Infeûes, avec les figures;
* un Traite d'Anatomie, & les figures des
parties du Corps humain; ♦ un Livre de Mi-"
néraux , Pierres foffîles, Coraux, &c.; *deux
Livres des habits Japonois , & [* divers Li-
vres de figure» , qui repréfentent] plus de
quatre cens fortes d'outils , d'armes , & de
meubles.
♦ Kemui-TJîoofo-Ki-Mokurokf, ou Jiijlrtu-^
ttm pour les Familles, qui renferme tout ce
qui appartient aux befoins de la vie.
* Deux Livres concernant l'Architefture ,
où font rcprcfentées plufieurs Fortereffes,
"temples, Maifons , Jardins, Grands-chemins,
Puits, &c.
♦ Un Traité d'Agriculture, avec les figu-
les des infltumens en ufàge au Japon.
♦ I>ûdfutsk{. Livre qui contient divers Rou-
- tiers, pourl'ufage des Voyageurs. On y trou-
ve les diftances des Places , le prix des vivres
& des voitures, & les figures de plufieius
Bâtimens qu'on rencontre fur les routes.
♦ Trois Livres deBlazon, qui contiennent
les Annoiries du Japon , & celles des Princes
& des Grands de l'Empire.
■* Un Diftionnaire, qui contient cinq mil-
le caraétères, & •plufieurs Livres, qui re-
préfentent diverfes figures des caraftères Ja-
ponois fimples & compofés.
♦ Une Mappemànd^ Japonoife, large de
deux pieds, « longue d2 quatre pieds trois
pouces. ♦ Plufieurs Cirtes du Japon, qui
ont deux pieds trois pc>uces de large , & fix
pieds & demi de long. '* Une Carte de la
Chine , divifée en Provinces , [ de quatre
pieth en quarré. ]
'•' Divers Plans , tels que ceux de Jedo , de
Meaco, de Nangafaki, & de fon Territoire,
d'Ofaka, &c.
■•■ Cinquante Vues de plufieurs Tcmplos
fameux, Châteaux, & autres Edifices Japo-
nois.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
559
res , qui re-
toujours avec la nouvelle année, quoiqu'il ait été fouvent inftitué plufieurs Desctwtio»
mois auparavant. Quelquefois auffi, on fe fert encore du Nengo précé- duJaïom.
dent, dans le titre des Livres & des Ecrits; irrégularité qui vient, fuivanc
la conjeâiure de Kaempfer , ou de ce que, les Peuples n'approuvent point la
pouveUe figure , ou de ce que dans un fi grand Empire , elle ne peut être
notifiée tout d'un coup. L'autre Epoque Chinoife, que les Japonois ont a-
doptée, confifte en Cycles ou Périodes, de foixante années, qui fe forment
d'une combinaifon des douze Signes céleftes, avec les lettres de leurs noms.
Les caraâères de ces douze Signes, combinés cinq fois avec ceux des dix
Ëlemens, ou ces dix Elemens lix fois, avec les Signes céleftes, produifenc
foixante figures compofées, ou foixante caraélères, dont chacun fe prend
pour une année. Après l'expiration des foixante années, un nouveau Cy*
de commence. A l'aide de cette Z^oque , les Hiftoires 6i la Chronologie
du Japon s'accordent toujours avec celles de la Chine, avec cette diflféren-
ce, que les Chinois marquent non-feulement l'année, mais le nombre du Cy-
cle, ce qui n'eft point en ufagè au Japon. Kaempfer obferve que cette di-
verfité vient peut-être de l'orgueil des Japonois, qui ne veulent pas avoir
fanscefle, devant les yeux, une longue fuite de Cycles Chinois, écoulés
avant rorigine de leur Monarchie.
Les douze Signes céleftes, fuivant les Japonois, qui les nomment y^N Signes ce-
ta, font; i^. Ne, oula Souris, 2^. Us, le Taureau; 3^ Torra, ou le Ti- ^e^"-
gre; 4**. Ow, ou le Lièvre; 5'. Tats, ouïe Dragon; 6**. Mi, ou le Ser-
pent; 7°. Utna, ouïe Cheval; 8°. Ifitfufe, ou le Mouton; 9". Sar, ou
le Singe; lo". Tz,ri, ou le Coq; ii**. In, ou le Chien; 12°. I, ou le Ver-
rat, lis dornent les mcmes noms, & dans le même ordre, aux douze heu-
res du jour niturel , & aux douze parties , dont ils compofent chaque heu-
re; ce qui les met en état de marquer exaftement, dans leurs Hiftoires,
non-feulement quel jour, mais à quelle heure, & même à quelle partie de
ifeure un fait eft arrivé. Cependant ce qu'ils appellent jour, eft l'ef-
pace de tems qui s'écoule entre le Lever du Soleil & fon Coucher.
Ils le divifent en fix parties égales, comme la nuit en fix autres; d'où
il arrive que , fuivant la faifon , les heures font plus longues ou plus
courtes.
A l'égard des Elemens , ils en comptent dix, parceque ce nombre eft
néceflaire pour faire réfuiter fa combinaifon avec les Signes céleftes , dans
un Cycle de foixante années ; mais ils n'en ont proprement que cinq , qui
font le Bois, le Feu, la Terre, la Mine & l'Eau, oéfignés par deux ibrtes
de caraftères qui les doublent. Le com.nencement de leur année tombe en-
tre le Solftice d'Hy ver & l'Equinoxe du Printems , vers le cinquième jour
de Février. Mais, comme ils font d'une fuperftition extrême à célébrer
le jour de la nouvelle Lune , ils commencent ordinairement l'année, parla
Lune qui précède ou qui fuit immédiatement le cinq de Février. Leur?
mois font Lunaires ; mais de deux en deux , ou de trois en trois ans , ils
ont une année de treize Lunes; de-forte qu'en dix-neuf années communes,
ils en ont fept que Kaempfer nomme Biflextiles (h). Les
(•*) Kaempfer, Toine I, pag. 248 & préct^entes; or le Père Charlcvoix, d'après lui, pa«.
174 & précédentes. .
Divifion du
jour &. de fes
parties.
Elément.
Année, ^
fes différen-
ces.
360
VOYAGE DE K^MPFER
Description
DU Japon.
Aritlunétique.
Académies
pour l'éduca-
tion de la
Jeuneffe.
Premiers
exercices des
jeunes gens.
Fades de
l'Empire.
Médecine
Japonoife.
Les Marchands Japonois ont une Arithmétique aflTez fimple, & qui n'en
eft pas moins fûre. Ils fe fervent d'une table, fur laquelle ils placent des
bâtons, furmontés d'une petite boule, qui leur font trouver tout d'un
coup les quatre preuves de nos opérations; à-peu-près comme les Chi-
nois , defquels il y a beaucoup d'apparence qu'ils ont emprunté cette
méthode.
Les Sçavans du Japon font les Miniftres de la Religion du Pays. Ils
font chargés feuls de l'éducation des jeunes gens , qui demeurent che;^ eux
jufqu'à l'âge de quatorze ans. Ces Académies font en grand nombre. On
lit, dans les Lettres de Saint François Xavier , que, de fon tems, il y en
avoit quatre aux environs de Meaco , dont chacune n'avoit pas moins de
trois ou quatre mille Ecoliers , & qu'elles n'approchoient pas néanmoins de
celle àeBandouej la plus nombreufe de l'Empire. Les Filles font élevées
de même dans des Communautés de leur fexe.
Aussi-TÔT que les jeunes gens font retournés à la Maifon paternelle, on
les forme aux exercices de leur âge. On commence alors à leur donner des
armes ; & cette cérémonie , qui eft une vraye fête , fait <:onnoître que la
Guerre eft la paffion dominante de leur Nation. Ils fe perfeftionnent bien-
tôt dans cette Science. Les premiers Européens, qui leur portèrent
des armes à feu , furent furpris de la facilité avec laquelle ils apprirent à
s'en fervir. Tout Japonois eft né Soldat. Ces Infulaires ne font véritable-
ment jaloux que de leurs armes. Ils ne les quittent que pendant le fom-
meil ; encore les mettent-ils fur le chevet de leur lit. Ils tirent Tépée à la
moindre occafion , quoique rien ne foit plus étroitement défendu dans les
Villes. Ce Règlement , auquel on tient exaétement la main , prévient
quantité de defordres.
Les Faftes de l'Empire font com^ofés dans la Cour du Dairi. C'eft /'oc-
cupation des Princes & des Princeiîes du fang Impérial. On en tire des
copies , qui ne s'impriment qu'après un certain tems , & qui fe gardent
foigneufement dans le Palais. On attribue , à cette réferve , le filence des
Miflionnaires fur l'ancienne Hiftoire d'un Pays , dont ils ne pouvoient dou-
ter que les différentes révolutions n'euifent pu faire le fujet d'un Ouvrage
intérefîant (i).
La Médecine eft plus en honneur, au Japon, que la Chirurgie. Nos
Voyageurs ne parlent même d'aucun Chirurgien de profeflTion. Mais ks
Médecins embraflent toutes les parties de l'Art , qui regarde la vie & la
fanté des hommes, Ils fe font fuivre, par -tout, d'un Valet, avec une
caflette qui a douze tiroirs ,• & dans chacun defquels Ils ont cent quarante-
quatre petits fachets d'herbes & de drogues, dont ils prennent ce qui con-
vient à chaque maladie.. Ils excellent, comme les Chinois, dans la
fcience du poulx. On alTure qu'après avoir examiné, pendant une de-
mie heure , le poulx d'un Malade , ils connoiflent les caufes & tous
les fymptômes du mal. Ils ne font pas fatiguans par la multitude des
re-
■ ■ (»■) Cette réflexion eft de l'Hiftorien du
Japon, Mais elle fuppofe qu'il n'y a de fond
faire que fur les iicrivains de la Cour,
puifque la Nation en a d'ailleurs un grand
nombre.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
3^1
remèdes; maison ne s'accommoderoic point de leur méthode en Europe.
Ils ne tirent jamais de fang aux Malades. Ils ne leur donnent rien à man-
ger qui foit cuit, parçequ'ils fuppofent qu'un eftomac afFoibli ne peut rien
digérer qui ne foit dans fon état naturel. Ils ne leur refufent rien de
ce qu'ils demandent, dans l'opinion que la Nature, toujours fage, mal*
gré les defordres des humeurs , ne defire rien qui puifle lui nuire.
Leur plus grande attention efl à prévenir les maladies , par l'ufage fréquent
du bain.
Celle qui pafTe pour la plus commune au Japon , efl: une efpéce de
colique , particulière à cet Empire. Les Etrangers n'y font pas moins fu-
jets, lorfqu'iJs commencent à boire du Saki, liqueur du Pays, qui a la confi-
ilence du vin d'Efpagne, & qui fe fait avec du riz. Quelques fymptômes
de cette maladie reflemblent beaucoup à ceux de la Pajjion foijlenque. Elle
met fouvent le Malade dans la crainte d'être fufibqué. Toute la région
du bas-ventre, depuis les aînés jufqu'aux côtes, e cruellement tiraillée ;
& quelquefois, après de longues douleurs, il furvient des tumeurs dange-
reufes en divers endroits du corps , fur-tout aux teflicules & aux fondemens.
La méthode , qu'on employé communément , pour la guérifon du mal , n'eft
pas moins fingulière que le mal même. On fe fert de petites aiguilles d'or
ou d'argent fort pur, qu'on enfonce dans la chaii, de la profondeur d'un
demi pouce ; les unes avec un petit marteau , & d'autres en les tournant
comme des vis. Cette opération fe fait fur le ventre , à la région du foye ,
& demande neuf trous en trois rangs , à la diftance d'un demi pouce l'un
de l'autre. Ksempfer, qui s'étend beaucoup fur les circonftances de la ponc-
tion (fe), rend témoignage que les douleurs ceflent prefqu'aufli - tôt , com-
me fi c'étott , dit-il , par enchantement. L'arc de donner aux aiguilles la trem-
Se & le degré de dureté qui conviennent, eft connu de peu de perfonnes,
i fait une profeffion particulière , qui ne peut être exercés qu'avec des
Lettres Patentes de l'Empereur, jf.^;' . / ;j,> ..u§-Muqmi ■.-
Les Japonois ont, pour la même maladie, & pour quantité d'autres , un
cauftique , dont ils font remonter l'origine à la plus haute antiquité. Il n'eft
pas moins eftimé des Chmois , & de toutes les Nations qui font en commer-
ce avec eux. L'ufage en eft 11 fréquent , que l'application s'en faifant d'or-
dinaire le long de l'épine du dos <k des deux côtés, jufqu'aux reins , il n'y
aperfonne, au Japon, qui n'ait le dos cicacrile ; comme s'il avoit été fouet-
té cruellement. Ce cauftique fe nomme Moxa (/). C'eft un duvet doux,
alTez femblable à la filaffe du lin , d'un gris cendré , qui prend feu aifément ,
quoiqu'il brûle avec lenteur, & qui donne une chaleur modérée. Il fe fait
de feuilles féchées de l'armoife ordinaire à grandes feuilles, qu'on arrache
dans la jeunefle de la plante, & qu'on expole long-tems au grand air. Sa
brûlure fe fait à peine fentir. Elle pafle pour un remède fi certain , & pour
un préfervatif i\ puiflant , que toute la Nation Japonoife étant perfuadée
de fa vertu , on accorde , aux Malheureux mêmes qui font condamnés à
une
(•*) Dans l'Appendice ou le Supplémeut à l'Hiftoire du Japon, Tome III. paç. 264 & fuiv,
(/) Ibidem, pag. 282 & fuiv.
Dmcriptiov
DU JaI'ON.
Colique
particii icre
au Japon.
Aiguilles
d'or qu'on
employé pouî
la guérir.
Fameux
cauftique, -
nommé
Moxa.
De quoi il
eft compofé.
Xir. Pan.
Z z
3^»
VOYAGE DE K.lîMPFER
DesCRTPTroN
DD Japon.
Trois for-
tes lie petites
vcrolcs.
Arts mé-
;lianiques.
Caraclère
des japonois.
Kœmpfer
n'a pu le con-
jioitre parfai-
tement.
De quelle
fource on le
tire.
une prifon perpétuelle, la periniflion de fortir une fois en fixmois, pour
le faire appliquer le Moxa.
Les Japonois dillinguent trois fortes de petites verolss; la première,
qui rcflemble à celle de l'Etirope; & la féconde, qui ne diffère pas de la
rougeole; mais la troifième eft particulière au Japon. Elle confifte dans un
grand nombre de pullules aqueufes, qui paroiilcnt venir des boiflbns froi-
des, dont l'ufage efl commun dans ces.Ifles. Mais ces trois maladies font
traitées peu férieufement. Le remède ordinaire eft d'envelopper le Malade
d'un drap rouge. Lorfque les enfans du Sahg Impérial en font attaqués,
non-feulement leur lit & leur chambre doivent être garnis de rouge; mais
ceux qui approchent d eux doivent être en habits de la même couleur.
Les Arts méchaniques font fort cultivés dans toutes les Parties du ja-
pon. Ils y font venus de la Chine; mais Ci les Japonois n'ont prefque rien
inventé , ils font capables de donner la dernière perfeélion à tout ce qui fort
de leurs mains. Ils excellent dans la gravure, la dorure & la ciè;elure. Leur
papier l'emporte beaucoup fur celui des Chinois , qui n'ont jamais égalé
non plus la finefle & la propreté des étofles de Fatjîfto & de Kamakm,
La porcelaine du Japon ell célèbre par fa beauté. Les fabres y font
d'une trempe admirable. Le vernis des Japonois efl au-deffus de tous
les autres , & ne s'applique nulle part avec tant de propreté. Ils fur-
paflent tous les Indiens dans la compofition de leurs hqueurs & dans
l'apprêt des viandes. Mais leur indnflrie & leur application éclatent
particulièrement dans la culture des terres, dont ils ne laifTent pas art
feul pouce inutile.
On n'a repréfenté jufqu'ici les Japonois que par les dehors & par des qua-
lités acquifes , qui ne peuvent fervir à la connoilfance de leur caraélère.
Kaempfer déclare plus d'une fois qu'il le» regarde comme une Nation Ipiri-
tuelle. Mais, fuivant i'obfervation de leur nouvel Hiflorien, c'eften don-
ner une idée fort imparfaite. Ce Voyageur ne s'efl pas étendu fur leur por-
trait , parcequ'il n'avoit pas vécu aflez familièrement avec eux pour les con-
noître 'à fond. Peut-être a-t'-il étudié les produélions du Pays, avec plus
de foin que les Millionnaires. Il fe fait honneur d'avoir trouvé le fecret de
fouiller dans leurs Archives. Il a vu les Grands comme en fpeélacle, c'eft-
à-dire environnés de tout leur fade. Il a traité avec des Officiers publics,
avec àQs Fafileurs & des Commis ; mais il n'a pu pénétrer dans leur cœur,
parceque cette étude fuppofe des ouvertures que les Japonois ne peuvent
plus avoir pour les Etrangers. C'ert donc aux anciens Miffionnaires, à
ceux qui ont mené long-tems une vie paifible au Japon , & qui ont appris
àconnoître les Habitans dans un commerce libre, qu'il faut fe fier unique-
ment de la peinture de leur caraftère. L'Hiftorien que je cite a pris foin
de recueillir, dans ces excellentes fources, de quoi former un parallèle des
Japonois & des Chinois, dont je crois pouvoir détacher ici ce qui regarde
ks premiers. Des couleurs fi tidéles ferviront bien mieux, dit-il, à les fai-
re connoître, que divers traits d'oppofition , dé leurs mœurs avec les nô-
tres, qu'on a ramaffés avec affeftation, & d'où Ton a cru pouvoir conclure
qu'ils dévoient être appelles nos Antipodes moraux. „ Prendre le blanc pour
5, la couleur du deuil, & le noir pour celle qui marque la joye; monter à
che-
»
DANS L'EMPÏRE DU JAPON, Lrv. IV.
S«3
t>
»
» 6^
cheval à droite, par la raifon que dans une aftion fi noble il ne faut point
appuyer fur le pied gauche; fe revêtir de fes habits de cérémonie dans la
maifon , & les quitter quand on en fort , &c. Ce font de purs ufa-
ges , qui n'ont aucun rapport à la manière de penfer , & qui en ont
encore moins aux fentimens du cœur, d'où réfulte le véritable carac«
„ tère (m) ".
L'honneur efl: le principe fur lequel roulent tous les mouvemens des
Japonois. De-là naifTent la plupart de leurs vertus & de leurs défauts, lis
font ouverts, droits, bons amis, fidèles jufqu'au prodige , officieux, gêné*
reux , prévenais , fans attachement pour les richefl^es ;. ce qui leur fait re-
garder le Commerce comme une profeflîon vile: auffi n'y a-t'il point de
Peuple policé , qui foit généralement plus pauvre, mais de cette pauvreté,
que produit l'indépendance, que la vertu rend refpeélable, & qui éleva fi
fort les premiers Romains au-deflus des autres hommes. On ne trouve ,
chez le commun des Japonois , que le pur néceiîaire ; mais tout y eft d'une
propreté charmante, &leur vifage refpire un contentement parfait & un
fouverain mépris du fuperflu. Toutes les richefles de ce puiflant Etat fort
entre les mains des Princes & des Grands , qui fçavent s'en faire honneur.
La magnificence ne va nulle part plus loin ; & l'Hiftoire des plus opulentes
Monarchies n'ofire rien , en ce genre, qui foit aurdefllis de ce qu'on voit
au Japon. Ce qu'il y a de plus merveilleux , c'efl: que le Peuple n'en con-
çoit pas d'envie. S'il arrive même qu'un Seigneur , par quelque accident
funeite, ou pour s'être attiré la difgrace du Prince, tombe dans l'indigen-
ce , il n'efl: ni moins fier , ni moins refpefté que dans fa plus brillante fortu-
ne ; & la mifère ne le portera point à fe mefallier. Le point d'honneur
eft également vif dans toutes les conditions. Un homme de la lie du Peu-
ple s'offence de quelque ternie un peu moins mefiiré , de la part même d'un
Seigneur, & fe croit en droit de faire éclater fon-reilfentiment; d'où il arri-
ve que chacun efl: fur fes gardes , & que le refpëél efl: mutuel dans toutes
les conditions. Il en efl: de même de la grandeur d'ame, de la force d'ef-
prit, de la noblefle des fentimens, du zèle pour la Patrie, du mépris de la
vie , & d'une certaine audace que tout Japonois porte marquée lur fon vi-
fage , & qui fexcite à tout entreprendre («).
"■■•■.■■•"; -- . ■ - --■ -■ ■;, ■■■^ *■ ■ •■•-. ^i*» ;, Les
ou Japon.
QualitL's
communes au
Japon.
Grandeur
d'ame répan-
due dans tou-
tes les condi-
tions.
(m) HIftoire du Japon. Tome I. pag. 125
& fuiv,
(w) L'Auteur en cite des exemples. Un
Gentilhomme du Fingo avoit une femme d'u-
ne beauté rare. L'Empereur le fçut, & lui
fit ôter la vie. Quelques jours après , il fe
fit amener fa veuve, & voulut l'obliger de
demeurer au Palais. Elle parut fcnfible à cet
honneur ; mais elle demanda trente jours ,
pour pleurer fon mari, & la pennilîîon de
régakr fes parens. L'Empereur y confentit,
& voulut être du feflin. En fortant de table ,
la Dame s'approclia d'un balcon ; & feignant
de s'y appuyer, elle fe précipita d'un fort
haut étage où la fête s'étoit célébrée. — Un
Zz.
Seigneur devint éperdftment amoureux d'une
fille , qu'il avoit enlevée à la veuve d'un Sol-
dat. La mère, apprenant la fortune de fa
fille, lui écrivit pour obtenir d'elle quelque
fccours dan? fa mifère. Cet écrit fut décou-
vert entre les mains de la fille, par le Sei-
gneur, qui voulut abfolument le lire. Dans
la néceflité de découvrir la iionte de fli mè-
re , elle prit le parti d'avaller le billet , ma's
avec tant de précipitation , qu'elle en fut é-
touffée. Un mouvement de jaloufic porta le
Seigneur à lui faire ouvrir le gofier. 11 fut
inftruic ; & dans fa douleur , il ne trouva
point d'autre foulagemcnt qvie de faire venir
la mète, qu'il entretint dans l'abendancc juf-
2 t^u'à
3<^4
VOYAGE DE KAMPFER
Drscription
DU JAPUN.
ma? '^^ ^'^^' queftion de défendre ou de Tervir fon ami. Les tortures les plus cruelles ne
forceront pas un Coupable de nommer fes Complices. C^u'un Inconnu mê-
me fe jette entre les bras de quelqu'un & le prie de lui conferver la vie
& l'honneur, celui dont on implore ainfi laproteélion y employé fon fang
& fon bien , fans s'embarrafler dés fuites , ni de ce que fa femme & fgj
^ cnfans peuvent devenir. Les querelleurs, les médifans, les grands par-
leurs , lont au Japon dans un fouverain mépris ; ils y paflent pour gens
fans courage , ou qui penfent peu. On n'y fouiFre point les jeux de
hazard , parcequ'on les regarde comme un trafic fordide & contraire à
l'honneur. Dans les hommages que le Japonois rend à ^es Dieux, Si
dans le refpeél qu'il porte à ceux dent le cara£lère ou le rang exige de k
foumiflion, il n'eft pas aifé de juger lequel des trois grands motifs, delà
religion , du naturel & de l'éducation , y a le plus de part. Il en faut
excepter néanmoins la foumiflion pour fes Princes , dans laquelle il n'elî
retenu ordinairement que par la force & la crainte ; mais on peut dire que
c'efl: bien moins la faute des Sujets que celle des Souverains, qui pren-
nent des airs trop faftueux pour un Peuple naturellement fier & porté
à l'indépendance, quoique capable de âéchir par raifon, & de s'en faire
une de la néceffité. ,^r i,./ , , i.
Autres qua- CEPENDANT la même Nation efl remuante, vindicative à l'excès,
!itt5s du carac- pleine de défiance & d'ombrages. Malgré fa vie dure & fa férocité natu-
tcre Japonois. fgUe, elle porte fart loin la diflblution. Mais il eft facile de ramener un
Japonois de fes égaremens. Il efl: vertueux par fentiment.
Il efl: naturellement religieux & docile. 11 aime la vérité, qui le con*
damne. 11 convient des excès qu'on lui fait reconnoître. Il veut être in-
Uruit de fes obligations & de fes défauts; & l'on aflure que tous les gens de
qualité ont chez eux un Domefl:ique de confiance , dont l'unique foin eft de
les avertir de leurs fautes. Enfin , la mauvaife - foi eft en horreur au Ja-
pon, & le nienfonge le plus léger y eft puni de mort. Chacun y don-
ne, à la Religion , tout ce qu'il croit devoir aux principes de celle dont
il fait profeflion ; il ne lui manque que de bien prendre ion parti ; perfon-
lie n'y fait fervir la Religion à fes intérêts ; & dans ceux - mêmes , qiû
ne croyant pas aux Dieux du Pays , ne laiflent pas de leur rendre un culte
extérieur, c'eft amour de l'ordre, c'eft crainte, de fcandaiifer le Peuple,
auquel ils croyent ce frein néceflaire. On n'a pas d'exemple qu'un Japo^
nois ait blafphéraé fes Dieux. Rarement on l'entend fe plaindre. Dans les
plus grands revers ils confervent prefque tous une fermeté qui tient du
Çrodige. Un père condamne fon fils à la mort fans changer de vifage, &
fans cefler néanmoins de paroître père. Les exemples en font fi communs ,
qu'ils ne s'attirent plus d'attention. Si quelqu'un fçait que fon ennemi le
cherche , il affeile d'aller feul dans tous les lieux, ou il peut le rencontrer.
- . , . Il
tju'à fa mort. — Une fervante, qui Te crut ta, dit l'Auteur, à la bouche, k l'arracha
deshonorée d'avoir donné quelque fujet de avec les dents , & mourut fur l'heure. Wj
lire à fes dépens, fe prit le fein, fe le pot- toire du Japon f Tme l. pag, 130 ^ J31.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
3<55
Commerce
du la vit;.
Il traite en public avec Jui , il en parle bien , il lui rend fervice ; mais il DescKimoar
ne perd pas un moment de vue la réfolution de s'en vanger. Si l'occafîon duJaiov.
lui manque , la dette pafTe à Ton fils ; & toutes ces précautions ne rcgar*
dent que la fureté de la vengeance , car elle s'exerce toujours noblement.
Jamais le Japonois n'ell plus à craindre que lorfqu'il cfl: tranquille & de , ,
fang froid. f. i ' '
Il s'eftime infiniment, & fon mépris efl: fouverain pour les Etrangers;
non - feulement par l'idée qu'il a de fa Nation, mais parceq.u'il n'a be-
foin de perfonne & qu'il ne craint rien, pas même la mort, qu'il fem*
ble regarder avec une gayeté féroce , & cju'il fe donne volontairement
pour le plus léger fujet. Le peu de cas qu'il fait de fa propre vie le rend
cruel à l'égard des autres, fans en excepter fes proches; dur & inhumain
pour les foibles & les infirmes i léger & inconftant par caprice & par çiépris.
On l'a nommé , avec affez de raifon , V/lnglois de l'Âfie.
Le commerce de la vie eft: fort aifé au Japon. Les manières des Japo-
nois , leur tour d'efprit , un certain air libre & naturel les rendent propres
à la fociété , & les rapprochent beaucoup des Nations les plus polies de
l'Europe. Kœmpfer attribue, à la conformité de mœurs & de caraftère,
les progrès furprenans que les Portugais firent d'abord dans cet Empire,
pour l'avantage de leur Commerce. Il fait confifter cette reflemblance dans
beaucoup d'affabilité , & dans un mélange agréable de gravité ^ d'enjoû-
ment. D'ailleurs on voit, dans les Lettres des premiers Miflionnaires du
Japon, que la manière dont ils étoient reçus des Grands & des Petits n'a-
voit nr\ d'étranger ni de gêné.
Ei . IN, pour dernier trait, leur Hiflorieh joint la bonté du naturel à la
noblefife & à l'élévation de leur cœur. Les Seigneurs, les Pères & lesMa^
ris ont droit de vie & de mort fur leurs VaflTaux, leurs Femmes & leurs
Enfans. Il n'en eft pas tout-à-fait de itiètaé pour leurs Doraeftiques. A la
vérité, comme les Maîtres répondent des fautes de' ceux qui les fervent,
ils ont fur eux tant d'autorité , que s'ils les tuent dans un premier mouve-
ment de colère, il leur fuffit, pour être abfous, de prouver la juftiee de leur
emportement. Cependant c'eft bien moins la crainte que !'amour, qui re-
tient chacun dans le devoir. Les fentimeiw du cœur, dans ces Infulaires,
font tout à la fois fi nobles & fi tendres, que Saint François Xavier n'en
parloit qu'avec admiration. „ Je ne fçaurois finir , dit-il^ dans une de fes
,, Lettres, lorfque je parli; des JapOnois , qui font véritablement les délices
„ de mon cœur." Ses SucceflTeurs ont tenu le même langage. Un de ces
anciens Apôtres nous apprend, que les nouveaux Chrétiens étoient extrême-
ment fenlibles aux moindres témoignages d'amitié; que les plus pauvres,,
après avoir travaillé pour eux tout un jour, étoient tranfportés de joye
s'ils les voy oient CQntens ; q,u'au contraire ils étoient affligés des plus finv
pies marques de froideur & d'indifférence ; enfin , que de légers offices, ren-
dus à des Particuliers , àttiroient fouvent , aux Milfionnaires , des remercï-
mens de la part même des Magiftrats Payens. On ajoute qu'un fi beau fond
s'enrichit encore par l'excellence de la culture. Le foin des pères & de*
mères pour l'éducation de leurs enfans-, & rexaftitude des Prêtres pour
iîillruire les Peuples des prmcipes de la Religion &de la Morale ;, ne peuvent
Zz. 3 ,--.-■ ' ' ^j^
Bonté àt
naturel des
w
V o V A'à'È DÉ K ÉûVriA'^
Dfiscn.TVrtoïi' aller plus loin , & n'oht rien d'égal (|uie Tàraoïn", le refoeél & la foumiffion
DU Japon, ^ç^ enfâns pour les Auteurs de l'a naillance, & que la vénération des Peuples
pour les Miniflres des Dieux. La Foi Chrétienne avoit perfeélionné cfc H
vertueux feniimens (o).
Avec un caraétère li aimable, il n'eft pas furprenant que les Japonois
foyent forp fenfibles aux plaifir^ de la fociété. Ils fe donnent mutuelkment
à manger, avec une Ibrte de magnificence, qui ne préjudicie point à la fo-
briété. Ce- juMl y a d'incommode dans leurs Feftins , c'efl; un cérémo-
nial qui lie ffnlt point; mais il s'exerce avec autant d'ordre que de pro-
preté. Dans un grand nombre de Domeftiques , on n'entend pas une pa-
rôle, & l'on ne remarque pas la moindre confulion. Les plats font ormis
de rubans de foye. On ne fert pas un oifeau qui n'ait le bec & les pat-
tes dorées. Tout ïé refte eft orné à proportion. La Fête eft ordinaire-
ment accompagnée de Mufique. En un mot, il ne manque rien à la fa-
t '•-■"•: ■"-•»'.• 4''S-r' ■'.•,;.■ ■ ;'..V',^ , ■ tisfaaion
de la fociété.
non ordre
d:s Veûins.
•it^'t
u.'.
(o) Le Pcrè de Cfiarlevoîx rapporte an
fait qu'il trouve, dit-il, dans un Mémoire
de l'année Ï604, & dont l'Auteur avoit été
témoin oculaire. Une femme étoit raflée
veuvp avec trois garçons, & ne fubfiftoit
que de leur travail. Mqis comme ils ne pou
voient gagner aflez pour entretenir toute
'il ■ai; ipjij «'-•> i/Lv
r;C'î :•'•]:: lu.
la
les înrerrogations; &Ie trouvant ferme à fe
reconnoîtrc coupable , il lui déclare enfin qu'il
n'ignore rien. Après avoir tout éclairci , il
l'embraife tendrement, il fe hâte d'aller faire
fou rapport au Cubofama , qui channé d'une
aftion fi héroïque- , voulut voir les trois frè-
res , les colïibiu de carefTes , aiîîgna au plus
famille, ils prirent une étrange réfolution, ' jeune quinze cens écus de rente, & cinq cens
dans la feule vue de mettre luu nrère à ion
aife. On avoit publié, depuis peu, que qui-
conque livreroit un Voleur à la Tuflice rece-
vroit une fomme affcz confîdéràble. Ils con"
vinrent entr'eux iqù'un des trois paffeioit
pour' Voleur, & que les deux autres lo' n^e-
neroicnt au Juge, ils tirèrent au fort, qui
tomba fiir lé j^Ius jeune. Ses frères le lîé'hf
& le coiidùiient comme • un Ctiminel. Lfe
Magîftrdt l'intt'rroge. Il répond qu'il a volé;
On le jette en prifon; & ceux qui l'ont livré
touchcn't la fomme promifc. Leur cœur s'at-
tendriflànt alors fur le danger d'une fi clière
viftime , ils trouvent le moyen d'emtrer dan*
Ja ptifon, & ne fe proyant vus ùc pe/fonne,
ilç s'abandonnent à toute leur tcpdreife. ,ya
Ofecicr , que Iç hazajd rendit témoin de leurs
emtJralïemens i& de leurs larmèfe , fut extrê-
mement furpris de ce fpeftacle. Il fait fuivre
les deux Délateurs , avec ordre d'^claircir un
fait fi fingulier. On lui rapporjre que , les
deux jeunes gens dtoicnt entrés dans une mai-
son , & qu'on leur avoit entendu faire k récit
de leur; iivpntuté aune femme, qui éctoSt leur
4pèrc;, qu'à cette nouvelle elle avoit jttté dw
cris lamentables, ^ qu'rçlle avoit ordonné à
fes cnfahs de report.T la 'fonune qu'ils avoîcnt
reçue', en protelhmt ' qu'elle 'aimoit mieux
imourir tle faim que de prolonger fcs jour* aux
dépens de ceux de fon fils. Le Juge infor-
à chacun des deux autres. Hijtpire du Japon,
Tomel. pag. 14.,.
Le point d'honneur ne porte pas ce Peu-
ple à des aAlons moins extraordinaires.
Kampfer raconte que deux Gentikhommcj
s'étant rencontrés fur un efcalier du Paiais
luipériaf, lei^rs épées fe frottèrent l'une con-
tre Taùtre. Celui qui defcendoit s'ofFençade
cet îlcbidènt. L'autre s'excufa , en protclbnt
que c'étoU l'efFet du hazard. Il ajouta que le
malheur après tout n'étbit pas grand; que ce
n'étoit que deux épéca qui s'étoient tou-
chées, & que l'une valoit bien l'autre. Je
vais vous niire voir, reprit le premier, la
dift'érenCC' qu'il y a de l'une à l'autre; & fur
)^ .chiimp , il tiire fon poignard & s'en ouvre
le ventJtei Le fécond, fans réplique, monte
en dilîgeh'cè'pour fervir'fur la table de l'Eirt-
pereurj un plat qu'il tenoit en main, revient
enfuite; & trouvant fon Adverfairc, qui ex
piroit, il lui dit qu'il l'auroit prévenu, s'il
n'eût pas été occupé du fervice du Prince,
mais (î(Ci*lt le fuivroîi' de près, pour lui f-'ire
voir que' {bnëpëe valoit bien la fienne. Auilr-
tùt, il ife fendit le ventre, & tomba mort.
Lp Pire de Ch^levqix n'oie décider s'il y a
plus de fureur dans cette aftion, que dans
cette de deux Européens , qui fe coupent la
gorge en duel. Ubifup. pag. 146.
Nota. Cette hiftoire fe trouve rapportée
mé , conçoit autant de pitié qjued'aJuiiratipn. dans la Relation de Caron> publiée par The-
Il fait venir fon Prîfonnièr, il recoihmence veno't. R. d. E.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 3^7
tisfaclion des yeux & des oreilles; mais on a dû remarquer, dans le Jour-
nal de Kaempfcr, qu'il n'y a point d'excès à craindre du côté de lu bon-
ne chère.
L'Historien, dont j'emprunte la plupart de ces traits, ajoute, avec
complaifance, que ce qui relève, dans les Japonois, Téclat d un fi grand
nombre de qualités dillinguées , c'efl: un fentiraent de Religion qui naît avec
eux, & dont la vivacité furpalFc l'opinion qu'on peut s'en former. On a
dû long-tems, à cette heureufe dil'pofition , les merveilleux progrès du
Clmftianifme dans leurs Illes. Elle y a fait autant de Saints que de Chré-
tiens. Leur grandeur d'ame & le mépris qu'ils font dé la vie^ aVoient fait
prendre, à leur zèle pour la Foi , un caraftère héroïque, dont les traits ne
s'effaceront jamais dans les Fartes de l'Eglife. En effet , ces deux qu^ilités
les élèveront toujours au-deffus de toutes les autres Nations de l'Afie. Leurs
Hiftoires font remplies d'événemens qui nous retracent les' plus grandes ac-
tions des Romains. Ils ont eu leurs Décius , leurs Scevolas , 6i leurs Co-
dés (p). Des hommes qui portent fi loin le mépris de la vie, font capa«
blés de tout ofer; & de-là vient aulTi l'acharnement qui paroît dans toutes
leurs Guerres. Cependant on n'en doit pas conclure, avec plufieurs de
nos Ecrivains , que leur Empire eft auflî agité que la Mer qui l'environ-
ne. Il eft vrai , fuivant la remarque de leur Hiftorien, qu'à juger de leurs
difpofitions par ce qui s'y eft paffe depuis la fin du feizième fiècle jufquej
vers le milieu du fuivant, on pourroit croire que, fi leur génie belliqueux
les a toujours garantis d'une Domination étrangère (g), les défauts de leur
Gouvernement expofent l'Etat à de continuelles révolutions. Mais vou-
loir inférer , de ce qui eft arrivé fous deux ou trois règnes , que le Japon
eft mal gouverné , ce feroit prétendre ^ comme s'exprime le même Hifto-
rien, quun homme n'eft pas d'une bonne conftitution, parcequ'il a eiltryé
une longue & fâcheufe maladie. Mais , quand il y auroit quelque défaut
dans la forme de leur Gouvernement, il ne fçauroit être reproché à ceux
qui s'y trouvent affujettis ; & les defordrcs qu'il a caufés ne tombent point
fur une Nation , dont une des principales vertus eft la foiimiffion & la fidé-
lité pour fes Maîtres.
(/)) On a vu, dans le Journal de Kœmp-
fer , qu'à Fiogo , petite Vide de la Province
de Seu , un Japonois fe fit enterrer fous les
fonduni^ns d'un Ouvrage public, qui avoit
été renverfé plufieurs fois par des orages,
pour appaifer les Dieux, à la colère defquels
on attribuoit les obftacles. Quelques Auteurs
en comptent trente, qui fe dévouèrent dans
cette occafion* ..... , _ '
(^) Les Annales du Japon racontent dcuj:
tentatives des Tartares fur cet Empire; &
Marco Polo , qui étoit alors à la Cour de la
Chine, en parle aulîi dans fa Relation. El-
les n'eurent aucun fuccès. Les Japonois fe-
roient plus capables de faire des Conquêtes ,.
s'ils n'étoient perfuadés qu'elles feroient nui-
flbles à leur reposr
^««WfAC ^ Li,
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DnscRiPTro»
BU Japon.
Le caraftère
des Jiiponois
a coiitrilnié
;!UX priyrèi.
du Ciiriflia-
nifmc dnns
leurs llks.
II ne nuit
point à leur
repos, non
plus (jiie leur
Gouverne-
ment.
.i<ui^
5 VL
3<Î3
Description -uM, Sri ..: iv> .-J y u^m" G n; .
DU Japon. .iJorj «i -^n :Jv J * u v-^s-f]. ••'>• .* i J. *'
VOYAGE DE K JE M ? ? E RI
Idée g«:-né-
ralc des Ville.'.
Place & Po-
teaux qui fer-
vent à la pu-
blication des
Ordres.
Dcfcription
des niaifons
Japonoifes.
niUif Bourgs f Villages f Châteaux ^ Jardins ^ Chemins ^ Voitures ^
' . , M t^rb ..],u. . ,«'. Bateaux ài Japon. ., ,, ; ....„.f;.;.
LA plupart des Villes du Japon font bien bûties & fort peuplées. On
en compte, fuivant KîEmpfer, jufqu'à treize mille, dont il eut Toc-
cafion de voir trente-trois dans fon Voyage à la Cour. Les rues en font
généralement régulières. Elles s'étendent en droite ligne & fe coupent î
angles droits. Chaque Ville n a que deux portes , qui ne font pas plus rc-
niarnuables par leur beauté, que celles qui font au bout de chaque rue, ^
qu u ferme régulièrement toutes les nuits , mais aux deux côtes defqucl.
]es on élève, quelquefois, pour l'ornement, des pans de muraille, qui ne
détendent pas bien loin. Dans les grandes Villes , & dans celles qui fonc
la réfidence de quelque Prince, ces deux portes font plus ornées, mieux
entretenues , & foigneufement gardées. Le rcfle eil ordinairement tout ou.
vert, ou quelquefois ceint d'une haye ou d'un fofle. Les Villes frontières
du Domaine Impérial ne font guères mieux fortifiées que les autres ; mais
dans les paiTages étroits qui y conduifent, & qu'il cil difficile d'éviter, elles
font défendues par de bonnes portes , avec une Garde nombreufe , qui n'y
laiHe entrer perfonne fans examen (a).
Toutes les Villes ont une Place fermée de grilles , qui fe nomme Fu-
danoijiujt, d'où Ton annonce, au Peuple, h Volonté f'iprême , comme les Ja-
{)onois s'expriment, c'eft-à-dire , les Edits & les Ordres particuliers de
'Empereur. C'eftle Seigneur, ouïe Gouverneur de la Province, qui les
fait publier en fon propre nom ; & pour l'inllruflion des PafTans , ils /ont,
écrits en gros cara<aère8, fur une planche quarrée, longue d'un pied ou
deux, attachée au-deffus d'un Poteau, qui a pour le moins deux toifcs
de hau4:eur. Les principales de ces planches contiennent l'Edit qui regar-
de le XDliriftianifme ; mais, comme les Seigneurs y placent auffi leurs pro-
pres Ordres, le nombre en efl: quelquefois fi grand, qu'il efl: prefqu'im-
prTible de les voir, & de les lire tous. On place quelquefois, fur le Po-
teau, des pièces de monnoye, qui doivent être la récompenfe de ceux qui
donneront des lumières fur ce qu'on veut découvrir. On trouve de ces Po-
teaux , jufques dans les Villages & fur les grandes Routes.
Le« maifons des Particuliers, dans les Villes, ne doivent point avoir
plus de fix toifes de hauteur; & rarement font-elles Ci hautes , à moins qu'on
n'en veuille faire des magafins. Les Palais même des Empereurs n'ont
qu'un étage , quoiqu'on en voye quelquefois deux , aux maifons particu-
lières. C'efl: la crainte des tremblemens de terre , aiTez fréquens au Ja-
pon, qui affujettit les Habitans à cette méthode. Mais, fi ces Edifices
ne peuvent être comparés aux nôtres, pour la folidité, ni pour l'éleva-
tion, ils ne leur cèdent rien pour la commodité ni pour l'agrément. Pref-
que
' (a) Kaenipfer, Tora.II. pag. 220, 221.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
3^P
AppartemeJis
& meubles.
que toutes les maifons du Japon font bâties de bois. Le premier plan, ou DMCRTmo»
je rez-de-chaufTée, eft élevé de quatre ou cinq pieds, pour le garantir de ""!*'"*•
l'humidité. Il ne paroît pas que Tufage des caves y foit connu. Kaemp-
fer a déjà fait remarquer que, pour précaution contre le feu , chaque mai-
fon doit avoir un endroit féparé , & fermé d'un mur de maçonnerie, où
l'on renferme ce qu'on a de plus précieux. Les autres murailles font
de planches , & couvertes de greffes nattes , qui font jointes avec beau»
coup d'art.
Les maifons des perfonnes de didinftion font divifées en deux appar*
temens; l'un pour les femmes, qui ne fe montre que rarement; l'autre
ouvert , pour les ufages communs de la vie «Se de la fociété. La plus bel-
le porcelaine, ces cabinets, ces coffres fi renommés, ne fervent point dans
les falles où tout le monde eft reçu. On les tient dans des lieux plus fÛrs j
& le refte de la maifon eft orné de porcelaines communes , de pots pleins
de thé, de peintures, d'armes & d'armoiries. Le plancher eft couvert de
nattes doubles & bien rembourrées , dont les bordures font des franges &
des broderies. Chaque natte , fuivant la Loi , doit avoir une toife de lon-
gueur, fur une demie de largeur. La grandeur d'une chambre, comme on
l'a déjà fait obferver, fe mefure par le nombre des nattes.
Les deux appartemens, qui divifent le corps de la maifon, font corn-
pofés de plufieurs chambres, féparées, comme on l'a vu dans le Palais mê*
me de l'Empereur, par de flmples doifons, ou plutôt par des efpéces de
paravents, qu'on peut avancer ou reculer, pour élargir les chambres, ou les
rétrécir, fuivant le befoin. Dans les maifons Jes plus magnifiques, les cloi-
fons & les portes des chambres font couvertes de papier ; mais il eft orné
de fleurs d'or ou d'argent, quelquefois de peintures, dont le platfond eft
toujours embelli. Il n'y a pas un coin qui n'offre quelque chofe de riant.
A la vérité, tous ces agrémens coûtent peu; & l'on n'y; employé que des
matériaux communs. Cependant on obferve (qu'ils contribuent , autant que
la pofition des appartemens , à rendre les maifons fort faines. Première-
ment, tout eft oe fapin & de cèdre. En fécond lieu , les fenêtres font tel-
lement ouvertes, quen faifant changer de place aux doifons, on donne à
l'air un paffage libre. Le toît , qu'on couvre de planches ou de bardeaux ,
eft foûtenu par de groffes poutres ; & fi la maifon a deux étages , le fécond
eft toujours bâci plus folidement que le premier. L'expérience a fait con-
noître qu'un Edifice en réfifte mieux aux tremblemens de terre. Les de-
hors n'ont rien d'agréable pour la conftruéiion; mais les planches, qui for-
ment les murailles , font enduites d'une terre graife & de plufieurs couches
de vernis. Les toits mêmes en font couverts. Ce vernis eft relevé de
dorures & de peintures. Les fenêtres font chargées de pots de fleurs ; &
Tony lupplée par des fleurs artificielles, lorfque la Nature €n refufe d'au-
tres. Dans l'intérieur, le vernis n'eft pas plus épargné. Les portes, les
poteaux, une galerie, qui régne ordinairement fur le derrière de chaque
maifon , & d'où l'on defcend dans le jardin , en font revêtues ; & l\ le bois
eft fi beau qu'on n'en veuille pas cacher Jes veines & les nuances , on fe con-
tente d'une couche légère & d'un vernis tranfparent. On ne trouve, dans
ks chambres , ni bancs, ni chaifes. L'ufage, au Japon, comme dans tout
Xl^". Fart. Aaa le
Ornemen*
extérieurs.
370
VOYAGE DE K iE M P F E Rvr-
DRïcnirTioN
DU JfPOK.
Orncmens
des fallcs de
c«mpagnic.
Meubles
^ainufcmcnt.
Jardins ]a-
jionois, &
leurs fingula-
tités.
le rede de TAfie, efl: de s'aiTeoir à terre ; &, pour ménager les nattei, on
quitte, en entrant dans la maifon , les fandales.qui font la chaulfure du Pays.
Ces mêmes nattes fervent de lit pour le ibmmeil , avec une machine de bois
qui tient lieu d'oreiller. Mais les perfonnes aifées y étendent un riche tapis.
L'oreiller efl: un petit coffre, de forme à-peu-près cubique, compofé de fix
petits ais, joints fort proprement <& vernifles, La plupart des autres ullen-
ciles font d un bois mmce, revêtu d'un vernis épais, dont la couleur efl: un
rouge foncé. Les fonétres font de papier , avec des volets de bois en de-
dans & en dehors ; mais on ne les terme que la nuit , & jamais ils ne pa-
roiflent pendant le jour. Leur unique ufage efl: de fermer la maifon , du
côté de la cour & de la galerie.
La falle, où l'on reçoit compagnie, a toujours une grande armoire vis.
à>vis la porte ; & c'efl contre cette armoire , qu'on place les perfonnes dont
on reçoit la viflte. A côté efl un buffet» fur lequel on met quelques Livres
qui traitent de Religion. La porte efl: accompagnée d'un balcon , par le-
quel, fans fe lever du lieu où l'on efl: alFis, la vue donne fur la campagne,
ou fur la rue , ou fur le jardin. Comme les cheminées ne font pas en ufage
au Japon , on ménage , fous le plancher des plus grandes chambres , un irou
âuarré & muré, qu on remplit de charbons allumés, ou de cendre chaude,
{ qui donne une chaleur fumfante. Quelquefois on met, fur ce foyer, une
table baffe, qu'on couvre d'un tapis, fur lequel on fe tient aîfîs dans ie
grand froid. Si la chambre n'a point de foyer, on y fup];>lée par des pots
e cuivre & de terre, qui produifent le même effet. Au -lieu de pincettes,
on fe fort de barres de fer pour attifer le feu, avec autant d'adreffe qu'on ufe
de deux petits bâtons pour manger.
Dams Içs maifons des Grands, ou des perfonnes fort riches, â( dans ks
grandes hôtelleries, on trouve quantité de chofes curieufos, qui fervenr d'à-
mufement. C'efl premièrement un grand papier, bordé d'un cadre dcbro-
deriefort riche, qui contient la figure d'une Divinité, ou de quelque per-
fonne renommée par fa vertu. Le pinceau en paroît grofUerj mais les
traits'en font hardis, ik fi fidèles, qu'on efl: frappé de la reuemblance. Quel-
quefois, au lieu d'un Portrait ^ on fe contente de tracer, fur le papier, une
Sentence Morale de quelque fameux Philofophe, çn d'un Poëte <^lèbre. On
voit, d'un autre côté, des peintures qui repréfentent de vieux Chinois en
grotefque, des arbres, des. payfages. Qn voit des pots de fleurs, qu'on a
foin de changer , fuivant la faifon , & d't ntrelaffer de brandies , avec un
art S^un goût furprenant; des caffolettes de cuivre, jettées en moule, dans
la forme d'une grue , d'un lion , ou de qielque autre animal , & toujours
d'un travail exquis; des pièces d'un bois rare, dont les veines & les couleurs
fe f(Mit admirer par leur difpofition , foit qu'elles foyent l'ouvrage de la Na-
ture ou de l'Art ; des toilettes de rezeau , ou des étoffes à ramage , parfaite-
ment travaillées, femblables à celles dont on orne \es balcons, les fit-nétres,
le haut des portes <!Jc les paravents; enfin de la vaiffelle, des porcelaines,
& d'autres uflenciles , rangés en fort bel ordre.
Mais ce qu'on trouve de plus curieux dans les grandes mai'bns , c'efl le
jardin , avec fes ornemens. Tous les Voyageurs conviennent qu'on ne fe
laffe point d'en admirçr la magnificence & ie goût. Il occupe tout refpa-
ce,
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 371
ce, qui'cft derrière la maifon. Il efl ordinairement quarré & murt , en ma- Dmcript:ok
niôre de citerne; ce qui fait juger que le corrain eft creufô ù quelque profon- °" J*'"'***
deur. On y defcend par une galerie, qui avance derrière la mailbn , & qui
ell terminée par des bains; car les Japonois ont lufage de fc baigner & de
le faire fuer tous les jours au foir.
Une partie du jardin eft pavée de pierres rondes, de diverfes couleurs,
qu on prend au fond des Rivières , & kir le bord de la Mer. Le rcflc eft
couvert de gravier, qui fe nettoyé foigneufement. Dans toutes les autres
Earties, il régne une apparence de defordre, qui eft d'un agrément infim.
es plus grandes pierres occupent le milieu, oc forment une allée, dans la-
quelle on peut fe promener. Des plantes, qui portent des fleurs, entre
Icfquelles il y en a toujours quelqu'une de rare, font di(])ofées d'efpace en
efpace, & forment la plus agréable variété. A l'un des coin du quarré,
un petit rocher , parfaitement imité de la Nature, orné de figures d'oi-
feaux, ou d'infeétes d'airain, offre une cafcade, formée par un petit ruif-
feau, qui fe précipite avec un doux murmure. Il eft accompagné d'un
petit bois , planté a la main , & compofé d'arbres qui peuvent croître fort
près les uns des autres. Enfin, l'on trouve, dans un autre endroit, un pe-
tit vivier, environné d'arbres & rempli de poiflbn. Si le terrain ne per-
met pas d'y faire un jardin de cette forme , on y fupplée par des arbres à
fruits, tels que des pruniers, des cerifiers , ou des abricotiers. Kaempfer
ajoute qu'on a foin de les greffer, non pour en rendre le fruit meilleur, mais
pour y faire croire les fleurs avec plus d'abondance. Ces arbres font d'au-
tant plus eftimés , qu'ils font plus vieux , plus tortus & plus difformes.
On en laiffe quelquefois croître affez les branches , pour les faire entrer dans
les chambres : mais l'ufage ordinaire eft de les ébrancher , pour leur fai-
re porter des fleurs plus larges & en plus grand nombre. Elles font en
effet d'une grandeur fingulière, fouvent doubles, & d'un très -bel incar-
nat. Dans les petites maifons , qui ne peuvent pas même avoir de ces
arbres, on pratique une ouverture, où l'on entretient, dans une cuve
pleine d'eau , des poiffons qui ont la queue dorée ou argentée. On y ajou-
te quelques pots à fleurs, ou certains arbres nains, qui croïffent aifément
dans le plus mauvais terrain , pourvu que la racine foit toujours dans l'eau.
Le peuple même en plante fouvent de cette efpèce, devant les portes des
maifons.
Les Bourgs & les Villages, dont Kaempfer fait monter le nombre juf- Maifon^dcs
qu'à neuf cens mille huit cens cinquante-huit, & qui font ordinairement Bourgs & des
fituéslelong des grands chemins , paroilTent fort peuplés, fur-tout dans la ^^''"ses.
grande Ifle de Nipon. La plupart ne confiftent que dans une double ran-
gée de maifons, mais fi longue que, d'un Village à l'autre, il n'y a prelP-
?jUe point de féparation. Ainfi toutes les routes un peu fréquentées n'of-
rent, des deux côtés, qu'une fuite continuelle de maifons. Celles de!>
fimples Payfans méritent peu de remarque. Elles font compofées de quatre
murailles baffes, couvertes d'un toît de chaume ou de bardeaux. Sur le
derrière, le plancher eft un peu plus élevé, parceque c'eft la partie du foyer.
Tout le refte eft couvert de nattes affez propres. Derrière la porte de la
rue, qui eft toujours ouverte, on voit pendre une rangée de groffes cordes,
Âaa 2 qui
372
VOYAGE DE KiEMPFER
Description
DU Japon,
Commerce
fur|irenant
dins l'inté-
rieur du Ja-
pon.
Châteaux
des Princes &
dcsScigneuic
Japonois.
Grands che-
mins , & leurs
commodités.
qui forment une efpèce de jaloufie , au travers de laquelle on peut voir fans
être vu. Les apparences ne font pas juger avantageufement de la richelTe
de ces maifons ; mais , avec quelques provifions de riz , de racines & de lé-
gumes , tous les Habitans fubliftent , le portent bien & vivent contens. On
ne cefle pas d'admirer , au Japon , le nombre de iioutiques , qui fe trouvent
dans toutes les Villes , & j'ufques dans les moindres Villages ; & Ton a pei-
ne à comprendre , comment un Pays féparé du refte du Monde , & qui n'a
qu'un fort petit Commerce au - dehors , en peut faire un ù grand dans Ton
propre fein.
On a fait obferver que hors des Villes & des Villages, & toujours à
l'Occident , il y a des places deflinées à l'exécution des Criminels. Il eil
aifé de les reconnoître, aux poteaux & aux inflrumeas qu'on y laifTe, pour
infpirer de la terreur aux Paflans.
Les Châteaux des Princes font ordinairement Htués , ou fur les bords
des grandes Rivières , ou dans quelque endroit élevé ; & la plupart occu-
pent un fort grand terrain, avec trois enceintes, dont chacune a Ton foHe,
une muraille de pierre ou de terre , & une porte fortifiée. Le centre , qui
fert de logement au Maître, eft relevé par une tour blanche & quarrée,à
trois étages , dont le toît forme une forte de couronne ou de guirlande. Les
Gentilshommes, les Intendans , les Secrétaires & les autres Officiers, font
logés dans la féconde enceinte ; les Soldats & les Valets , dans la première.
Tous les efpaces vuides font cultivés , & l'on y fème du riz. La totalité
des Edifices, qui font relevés par une profufion de peintures & de vernis,
les murailles, qui font blanchies, les baflions, les portes, au-defTus def-
quelles il y a toujours quelque petit Bâtiment, & la tour du centre, for>
xnent , de loin , une afTez belle perfpe6tive. Le dehors offre ordinairement
une place , où fe fait la revue des Troupes. Kaempfer obferve que, pour
un Pays, où le canon n'efl: prefque pas en ufage, les ''"ortifications de ces
Châteaux font aflez bonnes. Quoique les Seigneurs foyent obligés de les
entretenir foigneufement , ik ont befoin d'une permiflîon exprefle de l'Em-
pereur, pour faire relever les parties qui toinbent par quelique accident.
Elle s^accorde très - rarement , parce qu'aujpurd'hui la Politique des Mo*
narques J^onois ne fouffre plus qu'on bâtiffe de nouveaux Châteaux.
Du tems de Ksmpfer, le nombre en étoit déjà réduit à cent quarante;-
fix , dans toute l'étendue de l'Empire ; la plupart à la porte dés gran-
des Villes.
On a vu, dans le Journal du même Voyageur, la Defcrîption 'du Chî-
teau Impérial de Jedo.
Ses obfervations , fur les grands chemins, dans fon premier Voyagea
la Cour, ont déjà dû faire prendre une haute idée de cette partie de là
Police du Japon. Il a fait remarquer que non-feulement les Provinces , mais
les Diflriéls particuliers font féparés par de belles routes , dont la plupart
ont tant de largeur , que les plus grands trains des Princes & des Seigneurs
peuvent s'y croifer fans defordre; que, dans les Ifles fréquentées , les dif-^
tances font marquées régulièrement , & que toutes ces marques commencent
à fe compter depuis le grand Pont de Jedo, qui fe nomme par excellence
Nipnbas, ou h Pont duja^oni ^u'à l'extrémité de chaque Province & de
cha-
)tion'duChî-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 373
chaque Diftrift , on apprend , par des infcriptions en gros caraftéres , quel
cfl; le Canton, quelles font les Terres où l'on fe trouve, & de combien de
miles , la Ville , ou le Château le plus proche en eft éloigné. Les moindres
chemins font bordés de fapins ou d'autres arbres , & rafraîchis par des fon-
taines. On y a creufé des fofles & des canaux, pour en faire écouler les
eaux dans les terres baffes. On y a conflruit des digues, pour arrêter cel-
les qui , tombant des lieux élevés , y pourroient caufer des inondations. Il
n'y a que les neiges, auxquelles on n'a pas trouvé le moyen de remédier,
& dont l'abondance efl d'une extrême incommodité pendant l'Hyver. Au-
reile , ce font les Villages les plus voifîns , qui font chargés de ces travaux
publics. Les chemins font nettoyés tous les jours; & lorfqu'une perfonne
de haute diftinélion doit y paffer, des Officiers, qui n'ont pas d'autres fonc-
tions , marchent devant , pour y faire régner l'ordre. De diftance en diflan-
ce, on trouve des monceaux de fable, pour applanir «Se fécher les endroits
qui font rompus par les pluyes. Les Seigneurs & les Gouverneurs des Pro-
vinces font fûrs de rencontrer des cabinets de verdure , dreffés pour eux ,
de trois en trois lieues , avec toutes les commodités qui peuvent diminuer
la fatigue du Voyage. On ne doit pas s'imaginer que ce travail foit d'une
grande dépenfe pour les Payiàns ; au contraire, tout ce qui peut falir les che-
mins , tourne à leur utilité : les branches des arbres leur tiennent lieu de
bois de chauffage, qui efl très-rare dans quelques Provinces; les fruits, qui
ne fe mangent point , & toutes les autres immondices, fervent à engraif^
fer leurs terres. Auffi s'empreffent-ils d'eux-mêmes à les venir enlever. On
a formé des chemins , dans les montagnes les plus efcarpées ; on a bâti des
ponts, fur toutes les Rivières qui peuvent en recevoir; & Kaempfer en dé-
crit un de quarante arches , & de quatre cens pas de longueur. La plupart
font de bois de cèdre, quelques-uns de pierres; & preique tous font ornés
de belles baluftrades , fur lefquelles on voit régner, de chaque côté, une
rangée de groffes boules de cuivre»
Dans leurs Voyages, les Japonois ontrufage d'une forte de haut-de-
chauffes, extrêmement larges jufqu aux genoux, d'où elles vont toujours
en retréciffant jufqu'à la cheville du pied , & fendues des deux côtés pour
recevoir les deux bords de la robbe,. qui rendroient autrement la marche
fort incommode. Les uns portent aulïï une efpèce de jufle-aucorps, ou
de manteau court;. & d'autres, au -lieu de faire defcendre les haut -de-
chauffes aikz bas pour couvrir la jambe , y fuppléent par de larges ru-
bans, dont ils fe couvrent, depuis le^ genoux jufqu'aux pieds. Les Do-
meftiques & les Porte-faix fe trouffent entièrement jufqu'à la ceinture , fans
aucun égard pour la pudeur. Quoiqu'on ne forte jamais , au Japon , fans
un éventail à la main, celui qu'on porte en Voyage efl remarquable par les
noms des routes & des hôtelleries, qui s'y trouvent marquées. On fe mu-
nit auffi de petits livres, qui fe vendent fur la route, & qui contiennent le
prix des vivres (b),
K/EMPFER prend plaifir à repréfenter la manière, dont les Japonois
font
{h) XL n'eft pas permis aux Bollandois du Japon, d'acheter de ces livres, nU, pag. 300.
Aaa 3
DkscriptioR
DU Japum.
Habits ds
Voyage.
Chevaux ,.
ft'llcs,& voi-
tures,
S74
VOYAGE D E K ^ M P F E RI
Description
pu Japon.
font à cheval. La felle eft de bois, toute firapte & toute unie, aflez Tem.
blable, dit-il, aux bâts des chevaux depofte de Suéde; mais, pour ne pas
blefler le cheval , elle eft pofée fur un petit couffin qu'on lui met fur le dos
avec une houffe fur la croupe , qui offre les armes ou la marque du Cava-
lier. Une pièce de drap allez groffier pend des deux côtés ; & fi le tems efl;
mauvais , on en attache les deux bouts fous le ventre de l'animal , pour le
garantir de la crotte. Sa tête eft couverte d'un rezeau , dont les fils font
déliés, maiy capables de la défendre de la pîquûre de» mouches, qui font
fort incommodes au Japon. On lui met des fonnettes au cou, au poitrail,
: & dans plufieurs autres endroits. On pafle , par - deifus la felle , deux cour-
royes , qui , pendant à droite & à gauche , foûtiennent deux porte-man-
teaux en équilibre; & pour les affermir parfaitement, on me', par-deflus,
une petite boete fort mince, qui pofe fur la croupe, & qui eft arrêtée k
la felle avec des làngles. Cette boete, qu'on peut ouvrir fans la détacher,
contient diverfes ehofes qui peuvent fervir aux befoins du Cavalier. Dans
l'efpacè, qui demeure vuide entre les deux porte*manteaux, on place un
couffin, ou quelque chofe de mou; & c'eft-là que le Cavalier eft aifis, les
jambes croifées, comme s'il étoit à terre ibï fa natte; ou pendantes, s'il
aime mieux cette fituation. Il doit être fort attentif à fe tenir affis fur le
milieu; fans quoi il feroit menacé de tomber, ôu de faire tomber le che-
val même , qui n'eft pas fort à l'aife fous Un haf nois de cette forme. Dans
les chemins difficiles , un Valet tient la main fur k. boete , qui fert à fixer
Portrait d'un le ïefte de l'équipage. Un Jâponois, tnonté comme on le décrit, aVec
Japonois à
cheval
un
.T
Norimons
& Cangos.
large chapeau de paille, & un manteau de papier Vei-nifTé qui couvre
l'homme & le cheval , pour les garantir de l'ardeur du Soleil & des autres
injures de l'air , fait une figiite des plus gfotefques^. Le Cavalier ne tou-
che point à la bride de foh cheval. C'eft un V&letqai U tient j & gui
marche au côté droit , près de la tête. Dans les vilités , que les gens de
qualité fe rendent mutuellement, ils tienneflt la bride éuàt-mêmes; mais
le cttêval n'en êfl pas moins conduit par un ou deux Valets , qui le tien-
nent-par le mord. Les étriviéres • étant fort courtes, un large cuir pend
des deux côtés de la felle, à la manière des Taïtafés. Les étrieirs font de
fer, ou d''un métal qnife nomme Ssiuanfa. Ils font épais & pefkns, aflei
femblablcs dan» leur' forme à la plante des Jjieds; ouvefts d'un côté, pour
donner delà facilitié a s'en ctébarrafTer ; ordinairement fort bien travaillés,
& garnis d'argent. Les fèner font de foye, attachées au mord (c). Ort
a déjà remarqué que les Japonois ne montent point à cheval par le côté,
mais par le poitrail à droite ; ce qui eft fort incommode pour cettx qui n'ont
pas beaucoup d'agilité.
Le» Voitures du Japon font une manière de voyager plus magnifique-
ment , mais avec phi» de dépenfe. On s'en fert auffi dans les Villes. Ce
font des efpèce» de litières , qui font portées par des Domeftiques , ou par
des Porteurs de profeffion. On en diftingue deux fortes ; celles des per.
fonnes de qualité s'appellent Norimons, & les autres Cangos (d). Rien
- i n'eft
(c) Pag. 302 & précédentes. . -^ . . ,;.,„. , . . , ^
(d) Nifimon fignifie C*ai/(? ; & Cmgos, Ilote ôu Panier,' '■''>■
, aflezfem.
pour ne pas
: Tur ledos,
e du Cava-
i le tems eft
lal, pour le
les fils font
s, qui font
au poitrail,
deux cour-
porte-man-
par-deflus,
fl; arrêtée à
la détacher,
ilier. Dam
m place uti
eft alîls , les
îdantes, s'il
• aflîs fur le
nber le che-
orme. Dans
fert à fixer
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k des autres
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ientj & gui
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e. cuir pend
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par le côté,
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5 Villes. Ce
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d'une 1
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petites
ment (
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
375
n'eft plus fomptueux & plus éclatant que les beaux Norimotis, fur-tout nsscRiPTio»;
ceux dont on fe fert dans les Villes, pour les vifites ou pour les cérémonies. °" Japon.
Leur forme n'eft pas fort différente de celle des Cangos. Quelques-uns Leurs difié-
même n'en font diftingués , que par les bâtons qui fervent à les porter, rences.
Ceux des Cangos font amples, malTifs , d'une feule pièce, & plus petits.
Ceux des Norimons font plus grands , bien ornés , creux , compofés de
quatre petits ais d'un bois mince, proprement joints, courbés en arc& fort
légers. Leur grofleur & leur longueur font réglées par les Ordonnances
Impériales , & proportionnées à la qualité du Maître ; mais on a plus d'in-
dulgence pour les Dames. Le dedans du Norimon eft un quarré long , aflez
grand pour s'y tenir couché, fermé de bambous proprement entrelafTés,
vernifle, & quelquefois orné des plus belles peintures. Cette voiture n'a
que deux fenêtres collatérales, Lorfqu'il pleut, on la couvre de papier ver-
niffé, qui eft à l'épreuve de la pluye, & de la même fabrique que le man-
teau des Cavaliers. On diftingue encore la qualité de celui qui fe fait porter
dans un Norimon , par le nombre des Porteurs , & par la manière dont ils
prennent leurs bâtons. Si c'efl: un Prince du Sang , ou le Seigneur d'une
Frovince , ils tiennent le bâton fur h paume de la main. Pour les perfon-
nes d'un rang inférieur, ils le portent fur leurs épaules. Ils ont tous la li-
vrée de leur Maître ; dans les Voyages , ils font en affez grand nombre pour
fe relever tour-à-tour.; Il y a des Cangos que les perfonnes même de qua-
lité préfèrent aux Norimons pour les Voyageo , & qu'on eft forcé d'em-
ployer pour palier les montagnes. Ils font petits; & l'on n'y eft pas fort
àl'aife, parcequ'on eft oblige de s'y tenir courbé &d'y croifer les jambes.
Kaempfer les compare à des paniers , comme leur nom le fignifie. Le cou-
vert en eft plat, & le fond concave. Les plus petits ont trois Porteurs,
dans les chemins difficiles. On pafle, avec cesi voitmcs , par des lieux qu'on
ne traverferoit point à cheval.
Pour voyager fur les Rivières, ou pour fuivre les Côtes de la Mer, les Manière de
Taponois ont des Barques, qui reflemblent beaucoup aux Strubes de Ruffie, i^sR^vlèS
avec lefquelles on remonte le Volga , depuis Mofcou jufqu'à Cafan. Les
voiles en font moitié noires & moitié blanches. Mais certaines Rivières,
qui ont peu de profondeur & beaucoup de rapidité, ne fe traverfent qu'a-
vec une forte de Bac , dont le fond eft plat, & fi pliant, qu'il cède au fa-
ble , fur lequel il giifle doucement. En général , tous les Navires & les Ba-
teaux du Japon font de fapin ou de cèdre ; mais leur conftruftion & leur
forme font proportionnées à leur ufage. Les Barques de plaifir ont aulîi la
figure qui leur convient. La plupart ne vont qu'à la rame ; mais ils ont
tous, deux ponts; le premier, fort bas & fort plat; le fécond, divifé en
plufieurs chambres, à l'aide des paravents, avec des fenêtres, & toutes
forces d'ornemens & de commodités.
Les plus grands Bâtimens du Japon font des Navires Marchands, qui Navires t^
ne s'éloignent jamais beaucoup de l'Empire, mais qui fervent à tranfporter B^i'ques du
d'une iile, ou d'une Province à l'autre, des paffans ou des marchandifes. J"P°"-
Cette courte navigation a beaucoup d'agrémens. Quoique la plupart des
petites lOes, qu'on rencontre à chaque inftant fur ces rouces , particulière-
ment celles qui font en fi grand nombre entre Nipon & Xicoco , foyent
mon-
s?<J
VOYAGE DE K ^ M P P Ë RM
Description
DV jArON,
Voiles, ca-
bles & rames.
montagneufes , incultes & ftériles , on ne va jamais bien loin fans en ren-
contrer quelqu'une, où l'on eft fur de trouver un Havre commode , de
l'eau douce , quelques terres aflez bonnes , & par conféquent un certain
nombre d'Habitans. D'ailleurs , elles ne manquent point de bois , & la feu.
le vue de leurs Côtes forme une promenade agréable. Cependant Kaemp-
fer obferve , qu'avec des Bâtimens fi fragiles , & dans une Mer fi redoutable,
il faut être bien l'ûr du tems pour ofer mettre à la voile: mais, depuis prés
d'un fiècle, les Loix de l'Empire ne permettent point d'en conflruire de
plus forts ; quoique les marchandifes n'y foyent pas même à couvert de
l'eau du Ciel , ni de celle des vagues. C'eft une précaution des Empereurs,
pour ôter à leurs Sujets ;ufqu'à la tentation d'entreprendre de longs Voya-
ges. La poupe eft toute ouverte, & la fabrique fi légère, qu'au moindre
vent la prudence oblige de chercher un abri , ou , du moins , de jetter l'an-
cre & d'amener les voiles. En un mot , fuivant la remarque de ï'Hiftorien
du Japon, les Sauvages de la Floride & du Canada donnent moins au hazard,
dans leurs Canots d'écorce & dans leurs moindres Pyrogues , que les Japo-
nois dans leurs plus grands Vaifleaux.
L A longueur ordinaire de ces Bâtimens eft de quatorze toifes , fur qua-
tre de largeur. Depuis le milieu jufqu'à l'éperon , ils vont en pointe, & les
deux bouts de la quille s'élèvent confidérablement fur l'eau. Le corps n'ell
pas convexe, comme celui des Navires Européens; mais la partie, qui
eft dans l'eau, s'étend prefque en droite ligne. La poupe, qui eft large &
plate , a dans le milieu une ouverture qui va jufqu'au fond de cale , & qui
laiffe voir prefque tout le dedans du Navire. Cette ouverture ne fervoic,
dans fon invention , qu'à conduire plus facilement le gouvernail ; mais de-
puis que l'entrée du Japon eft entièrement fermée aux Etrangers , elle ed
ordonnée par une Loi, pour empêcher qu'on ne conduire les Navires en
pleine Mer! Le tillac s'élève un peu vers la poupe, & s'élargit vers les
côtés. Les planches, qui le compofent, ne font ni fermes, ni liées en-
femble ; & lorfque le Bâtiment a toute fa charge , il excède fort peu la fur-
face de l'eau. Une efpèce de cabane, de la hauteur d'un homme, le cou-
vre prefqu'entièrement , & ne laifle qu'un petit efpace vers l'éperon, qui
fert de magafîn pour y ferrer les ancres & les cordages. Elle avance d'en-
viron deux pieds, de chaque côté, hors di Vaifleau, avec des fenêtres
tout au tour. Dans le fond, elle a de petites chambres pour les Paflagers,
divifées par des paravents & des portes ; & les planchers font couverts de
nattes. C'eft toujours la plus reculée, qui paiie pour la plus honorable.
Le defllis, ou le pont le plus élevé, eft un peu plat. Les planches en font
bien jointes. Lorfqu'il pleut, on amène le mât, fur ce pont; &. par-
deilus on étend la voile, ou des nattes de paille, pour couvrir les Ma-
telots.
Les Vaifleaux Japonois n'ont qu'une feule voile, qui eft de chanvre &
fort grande. Ils n'ont auflî qu'un màt , placé à cinq ou fix pieds du milieu,
du côté de la poupe. Il eft de la longufîur du Bâtiment, & fe bailli; ou fe
lève avec des poulies. Les ancres lont de fer, & les cables de p^il'e cor-
donnée, mais plus forts qu'on ne peut fe l'imaginer. Un Vaifleau a de-
puis trente jufqu'à cinquante Rameurs, toujours prêts à fuppléer au vent,
lorf-
. DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 377
lorfqu'il tombe. Ils font aflls fur des bancs, du côté de la poupe, & ra-
ment en cadence fur un air de chanfon , ou fur quelque autre bruit réglé.
Ils n'étendent point leurs rames à la manière des Européens , droit en a-
vant , pour fendre la furface de l'eau ; mais ils les laiflent tomber perpendi-
culairement & les relèvent. Cette méthode eft meilleure & moins pénible
que la nôtre , fur-tout pour un Pays où les Vaifleaux pafTent fort prés les
uns des autres , parceque les Canaux font fort étroits , & où les bancs des
Rameurs font fort élevés. C'efl; par la mêmeraifon, que les rames font un
peu recourbées , avec un joint mobile au milieu , qui cédant à Ja preflion
de l'eau , donne plus de facilité à les relever. Dans tous ces Bâtimens , les
diverfes pièces de la charpente , & les planches , font attachées enfemble
avec des crampons & des bandes de cuivre. L'éperon eft orné d'un nœud
de franges , corapofé de petits cordons noirs. Les perfonnes de qualité
font tendre leurs cabanes d'un pavillon de drap , qui porte leurs armoiries.
Leur pique, qui eft la marque de leur autorité, eft plantée fur l'arrière, à
côté cm gouvernail ; & de l'autre côté , les Pilotes ont une girouette. Auffi-
tôt qu'on a jette l'ancre, on ôte le gouvernail, dont on appuyé le bout fur
le rivage, pour faire une efpèce de pont, qui mène à terre, en paflant
par l'ouverture de la poupe (e).
En faveur de ceux qui voyagent, les principaux Villages ont des Poftes,
qui appartiennent au Seigneur, & qui fe nomment SiukUy où l'on trouve
en tout tems, à des prix réglés, un nombre fuffifant de chevaux, de Por-
teurs , de Valets , & de tout ce qui eft néceflaire pour la diligence ou la
commodité de la route. Leur diftance ordinaire eft d'un mile & demi , &
jamais de plus de quatre miles. Kaempfer en compta cinquante-fix entre
Ofacka & Jedo. Elles font remplies de Clercs & de Teneurs de Livres,
qui tiennent régître de ce qui s'y pafle chaque jour , & de MeiTagers éta-
blis pour les Lettres & les Edits de l'Empereur. Ces Lettres , qui doivent
être portées à la Pofte voifîne , auffi-tôt qu'elles arrivent , font renfermées
dans une petite boete, revêtue d'un vernis noir, avec les Armes Impéria-
les ; & le Meflager les porte fur fon épaule , attachées au bout d'un petit
bâton. Il eft toujours accompagné d'un autre, qui prendroit fa place, s'il
lui arrivoit quelque accident. Tous les Voyageurs , fans exception de
rang & de qualité , doivent fortir du chemin , pour laiiTer le palTage
plus libre à ces Meflagers , qui fe font reconnoître par le fon d'une pe-
tite cloche.
Les Maifons de Pofte ne fervent point de logement ; mais les Hôtelle-
ries font en grand nombre, & fort bonnes fur toutes les routes, particu-
lièrement dans les lieux où la Pofte eft établie. EJles font toutes à deux é-
tages ; mais le plus bas ne peut guères fervir que de magafin. Quoiqu'elles
n ayent pas plus de largeur que les maifons communes , elles ont quelquefois
quarante toifes de profondeur , & la plupart font accompagnées d'un Tfu-
hoOf c'eft-à-dire, d'un jardin fermé de murailles blanches. Ces maifons
font bien percées de fenêtres, avec de fimples jaloufies, qu'on laifle ouver-
tes tout le jour ; & lorfqu'il ne s'y trouve pas quelque perfonne de qualité ,
avec
(e) Kœmpfer, pag. 317 & préddentcs.
XIK Part. Bbb
DESCRTrTIOlf
BU Japow.
Omemcn»
pour les pcr-
îbnnes de
qualité,
Poftes éta-
blies fur les
routes.
Mefliigerî
Impériaux,
Grandes
Hôtelleries,
Leur defcrip-
tion.
378
VOYAGE DE K^MPTER-^
D/tJCRIPTrOM
DU Japon.
Defcription
ries latrines &
des bains Ja-
ponois.
Froo & Cif-
froo.
avec fa fuite , on ôte auflî le» {«iravents qui divifent les chambres ; ce qui
laifle un paflage libre à la vue , de la rue jufqu'au fond du jardin. Le plan-
cher n'eft élevé que d'environ une toife & demie, au-deflus du rez-de-
chauflee; & s'avançant à quelque diflance hors de la muraille, du côté de
la rue, comme de celui du jardin, il forme une efpèce de jpetit banc, ou
de galerie, qui eft couverte d'un toît, fous lequel on peut le promener ou
s'afleoir. Les Voyageurs peuvent auflî monter de -là fur leurs chevaux.
Dans les grandes Hôtelleries , on trouve un pafTage pour la commodité des
perfonnes de diftinftion. Ils peuvent y entrer dans leurs voitures, & fe
rendre à leurs appartemens, fans traverfer le devant de l'Edifice, qui eft
ordinairement mal propre, obfcur, expofé à la fumée de la cuifine , &
dont les chambres ne font féparées que par de mauvais treillis. C'eft le lo-
gement des Domeftiques & de ceux qui voyagent à pied; tandis que les
Voyageurs de quelque apparence font reçus dans les appartemens de dénié-
re, où tout eft d'une propreté charmante. On n'apperçoit pas la moin-
dre tache fur les murs, ni fur les paravents & les planchers. Il n'y a point
d'Hôtellerie qui n'ait fes bains & fes étuves. On y eft fervi, comme les
plus grands Seigneurs le font dans leurs Palais. Aufli n'en fort on point,
fans avoir fait nettoyer l'appartement qu'on occupoit. La plupart des uft.n-
ciles , étant d'un bois fort mince , & revêtus d'un vernis épais , fe lavent
facilement avec de l'eau chaude , & font efluyés avec un linge fort net.
Tous les ornemens , qu'on a repréfentés dans les Palais , fe trouvent
dans les grandes Hôtelleries ; particulièrement les latrines & les bains,
dont on a crû devoir remettre ici la defcription , parcequ'il paroîtra
plus furprenant que les Japonois portent la propreté fi loin dans leurs
logemens publics.
La petite galerie, qui avance de la maifon fur le jardin, conduit aux la-
trines & aux bains. Les latrines font bâties à l'un des côtés du derrière de
la maifon. Elles ont toujours deux portes. On trouve, à l'entrée, de pe-
tites nattes neuves , pour l'uftge de ceux qui ne veulent pas toucher la ter-
re à pieds nuds , quoiqu'on la tienne conftamment fort féche & fort nette.
On s'y affied, à la manière des Afiatiques, fur un trou, qui eft ouvert dans
le plancher , & dont le fond eft rempli de menue paille , où l'ordure fe
ferd fur le champ. A l'arrivée des perfonnes de qualité , on couvre,
d'une feuille de papier net , la planche qui eft vis-à-vis du trou , les ver-
roux des deux portes , & toutes les autres chofes auxquelles on peut
porter la main. A peu de diftance eft un baffin plein d'eau, pour fe
laver. C'eft une pierre inégale , de figure oblongue , dont la partie
fupérieure eft taillée en forme de cuve. Un feau neuf de bambou
pend auprès , couvert d'une belle planche de fapin , ou de cyprès , à
laquelle on attache une nouvelle anfe de bambou , chaque fois qu'on s'en
eft fervi.
Le bain eft ordinairement bâti fur le derrière du jardin, & compofé de
bois de cyprès. Il renferme ce que les Japonois nomment un Fron, c'eft-
h-dire, une étuve; & un Ciffroo^ qui fignihc un bain chaud. On les chauf-
fe & on les difpofe chaque jour au foir, parceque Tufage eft de fe baigner
ou de fe faire fuer à la fin de la journée. Les Japonois peuvent fe desha-
bil-
*
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 379
biller en un infiant; ils n*ont qu'à détacher leur ceinture, oaur faire tom-
ber tous leurs habits à la fois, & demeurer entièrement nuas, à la réferve
d'une petite bande, qu'ils portent fur la chair, & qui leur couvre le milieu
du corps. Le Froo, ou l'étuve, ell une efpèce de coffre, ou de poéîc,
prefque c oique, oui eft élevé de trois ou quatre pieds au-deflus de lu ter-
re, àù bâ.i contre le mur. Il n'a pas tout-à-fait une toife de hauteur; mais
il n'en a pas moins d'une & demie, en longueur & en largeur. Le plan-
cher eft compofé de lattes ou de petites planches applanies, qui font éloi-
gnées de quelques pouces l'une de l'autre, pour donner pailage aux va-
peurs qui s'élèvent, & une iiïue commode à l'eau, dont on fe lave. On
entre, ou plutôt, on fe glilTe dedans par une petite porte. Il y a deux
autres ouvertures, une à chaque côté, pour laifler exhaler l'humidité fu-
perflue. L'efpace vuide, qui fe trouve fous le poêle jufqu'au plancher, eft
fermé d'un mur, pour empêcher que la chaleur ne le répande fur les cô-
tés. La fournaife eft direftement fous l'étuve, & l'ouverture, pour le
feu, en eft fermée du côté du bain, de peur qu'il n'y entre de la fumée;
mais une partie de la fournaife avance dans la cour où l'on met l'eau ôc
les plantes néceflaires. Auflî-tôt que le feu eft allumé, on ferme cette
partie avec une douve , pour faire monter l'humidité & les vapeurs dans
l'étuve , au travers de la partie intérieure , qui eft couverte. Il y a tou-
jours deux cuves pleines ; l'ime d'eau chaude , & l'autre d'eau froide (/).
Outre ces belles Hôtelleries, on en trouve, fur toutes les routes, un
grand nombre de petites , avec une infinité de Cabarets , éi de Boutiques
de RôtifTeurs , de Pâtiffiers , de Confituriers , au milieu même des forêts &
fur ks montagnes, où ceux qui voyagent à pied peuvent fe faire donner,
en tout tems & à vil prix , quelque chofe de chaud à manger , & du thé ,
du faki ou d'autres liqueurs. Les plus pauvres de ces maifons offrent tou-
jours aux PaiTans quelque objet capable de les attirer ; c'eft un jardin ou un
verger, qu'on peut voir de la rue, & dont les belles fîeurs, ou quelque pe-
tit ruifleau d'eau pure, qui tombe d'un rocher voifin, invirent un Voya-
geur à venir s'y repofer à l'ombre : ce font de grands pots , remplis de
branches fleuries, & difpofés dans une forme curieufe: fouvent c'eft une
jolie Servante, ou quelques jeunes Filles bien mifes, qui n'épargnent rien
pour infpirer le goût de leurs rafraîchiflemens. Elles tiennent les vivres
devant le feu, dans un endroit ouvert, attachés à des brochettes de bam-
bou, & prêts fur le champ , pour ceux qui ne veulent pas s'arrêter. Auflî-
tôt qu'elles voyent venir quelqu'un de loin , elles allument le feu , pour
faire juger que tout eft apprêté à l'inftant. On les entend chanter, rire,
vanter leurs marchandifes. Les vivres , qui fe vendent dans les RôtifTe-
ries, font des Mansji, force de gâteaux ronds, dont les Taponois tiennent
l'ufage des Portugais , de la grofîeur d'un œuf de poule, & fouvent remplis
de farine de fèves noires & de fucre: des gâteaux de Kaad, racine qui fe
trouve fur les montagnes, qu'on coupe par tranches rondes, & dont on fait
une
(/) Ksmpfcr, pag. 338 & 339. Il manque quelque chdfe à la netteté de cette defcrip-
lion; peut-être n'eu faut-il accufer que les l'raducleurs,
Bbb2
DwcurpTioif
nu jAron.
Petites IM-
telierics, &
autres rufiat-
chitlemens.
Amorces ,
pour attirer
les Paûans.
Vivres <*<:
ir.eto qui (l'.
vendent da:;5
ces lieux.
38«
VOYAGE DE K JE M P F E R
Descrtptiom
uu Japon.
Thé popu-
laire.
Combien les
grands che-
mins du Jrpori
font peuplés.
Caufes de ce
mouvement.
une gelée , après les avoir fait rôtir ; des efcargots ; des huitres ; diverrej
forces de poiffon, bouilli ou mariné; de la Laxe Chinoife, qui eil une cf-
pèce de bouillie claire , de pâte fine de belle fleur de froment , coupée par
petites tranches longues & minces , & cuite au four: toutes fortes de plan-
tes , de racines & de rejettons que la faifon fournit , proprement nettoyées
& bouillies à l'eau avec du fel; une infinité d'autres mets, particuliers au
Pays, &dont lafimplicité prouve, fuivant l'obfervation de Ksempfer, l'an-
cienne pauvreté des Japonois , & la (lérilité naturelle du Pays , avant cju'u-
ne laborieufe culture l'eut rendu tel qu'il efl à préfent. La fauce ordinai-
re, pour tous ces mets, cil un peu de Soije^ mêlé avec du faki. On orne
le plat de feuilles de Sansjo , ou de tranches de gingembre & d'écorce de li-
mon. Les confitii es font généralement plus agréables à la vue qu'au goût,
& d'une dureté qui les rend difficiles à mâcher. Le thé, qui fe vend à
chaque pas, dans des cabanes qui n'ont pas d'autre ufage, n'eft pas de la
meilleure forte: ce ne fonc que Ls feuilles les plus larges, qui relient fur
l'arbrifleau , pour la troifiéme récolte , après que les plus jeunes & les
plus tendres ont été enlevées deux fois. Âu-lieu d'être roulées & frifées,
comme le meilleur thé , elles font Amplement rôties dans une poêle ; a-
près quoi on les met dans des corbeilles de paille, fous le toîc des maifons,
proche de l'ouverture qui fert de paiTage à la fumée. Le Peuple Japo-
nois croit ce thé plus fain , pour un ufage confiant , que les feuilles jeu-
nes & tendres , qui font le partage des perfonnes riches ; & la manière
de le préparer ne fuppofe pas beaucoup de délicate/Te : on en prend une
bonne poignée, qu'on fait bouillir dans un grand chaudron de fer. Quel-
quefois on le met dans un petit fac , pu dans un petit panier qui fuma-
ge. C'efl: cette décoftion, mêlée d'un peu d'eau froide, qu'on préfente
aux Voyageurs (g).
Avec tant de commodités pour les Voyages, il n'efl pas furprenant que
la plupart des grands chemins foyent aufTi peuplés que les Villes. Kaemp-
fer afiure qu'ayant pafTé quatre fois dans le Tokaido , qui efl à la vérité
une route des plus fréquentées du Japon , il y a vu plus de monde que dans
les rues des plus grandes Villes de l'Europe. Comme tous les Princes & les
Seigneurs de l'Empire font obligés de paroître à la Cour une fois l'année,
ils doivent pafTer deux fois fur les grandes routes; c'efl - à - dire , lorfqu'ils
vont à Jedo & lorfqu'ils en reviennent. Ils font ce Voyage avec toute la
pompe qu'ils croyent convenable à leur rang, & au refpeél qu'ils portent à
leur Maître. La fuite de quelques-uns des premiers Princes de l'Empire efl fi
nombreufe , qu'elle tient quelques journées de chemin. On rencontre or-
dinairement, pendant deux jours confécutifs , le bagage d'un Prince , corn-
pofé des Officiers fubalternes & des Valets , difperfes en plufieurs bandes.
Le Prince même ne paroît que le troifiéme jour, fuivi d'une grofTe Cour,
qui marche dans un ordre admirable. On compte que le cortège d'un des
principaux Daimios ^ efl compofé d'environ vingt mille hommes ; celui d'un
Siomjo, de dix mille; & celui d'un Gouverneur des Villes Impériales, ou
des terres du Domaine , de plufieurs centaines, fuivant fa dillinélion &
fes
(g) Pag. 344 Ôcprécédeotes.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
381
fcs revenus. Quoique les chemins foyenc aflez grand» pour fufSre au
naOage, il eft impoflible qu-- de fi nombreufes troupes ne fe nuifent
beaucoup dans les Siukus ; car Souvent de grands Villages entiers ne peu-
vent contenir le cortège d'un feul Daimio. C'efl pour prévenir cet incon-
vénient, que les Princes & le^ Seigneurs font avertir d avance les Siukus,
& tout s les Hôtelleries par lefauelles ils doivent pafler. Sur cet avis on
inllruit les Villes , les Villages 0£ les Hameaux qui fe trouvent fur leur rou-
te, par des infcriptions élevées fur de petites planches , où le public ap-
prend quel jour tel Seigneur doit dlaer , ou pafler la nuit , dans le lieu qu il
a nommé (h).
Le nombre des PaiTans efl fans cefl'e augmenté par une infinité de Pè-
lerins & de Mendians, de l'un & de l'autre fcxe, la plupart engages dans
des Confréries, ou des Ordres religieux; les uns malades, d'autres fains &
vigoureux, qui demandent la charité en priant, en chantant, en jouant
du violon , de la guitarre , & d'autres inftrumens , ou en faifant divers
tours d'adrefle. Cette foule croît encore par le prodigieux nombre de Mar-
chands en détail, & d'enfans de Payfans, qui courent du matin au foir à
la fuite des Voyageurs» leur offrant différentes efpèces de mauvais vivres,
des livres qui marquent les routes , des fouliers de paille pour les hommes
& les chevaux , des cordes , des courroyes, des curedents , & quantité d'au-
tres bagatelles. Souvent on rencontre auflTi des Cangos & des Palanquins
vuides, & des chevaux de renvoi tout fellés, avec les Valets qui en pren-
DciCRIPTlOSf
DU Japon.
Pèlerins,
Mendians &
petits Mar-
chands , qui
abondent fut
les chemins.
(b) Après un long récit de l'ordre qui rè-
gne dans ces marches, Kaeinpfer ajoute :
„ C'ell une choT,' extrêmement curieufe &
„ digne d'idiniracion , de voir tant de per-
„ fonnes ( excepté feulement les Porteurs
„ de piques, les Valets de Norimon, & les
„ gens de livrée) habillées de fbye noire,
„ marchant avec une gravité qui leur fied
„ bien , & gardant un fi profond filence ,
„ qu'on n'entend pas le moindre bruit , à la
„ réferve de celui du frottement des habits ,
„ & des divers mouvemens des hommes &
„ des chevaux. D'un autre côté, il paroît
„ fort étrange , à un Européen , que tous
„ les Porteurs de piques & les Valets trouf-
„ fent leur habit jufqu'à la ceinture , & qu'ils
„ expofent ainfi leur nudité , n'ayant qu'une
„ bande âe drap pour la couvrir. Ce qui
„ femble plus bifarre encore , & plus comi-
„ que, c'efl une certaine marche , ou danfe
„ bouffonne, que les Pages, les Porteurs de
„ piques, deparafols, de chapeaux, de fuf-
„Janhaks, ou de coffres, & tous les Valets
„ (l(; livrée affeftent, lorfqu'ils paffent au
„ travers de quelque Ville ou Bourg rcmar
„ quable, ou à côté du cortège de quelque
„ autre Prince ou Seigneur. A chaque pas ,
„ ils jettent un pied en arrière, & le relè-
Bb
nent
vent jufqu'à leur dos , étendant le bras
auffi loin qu'ils peuvent du côté oppofé,
comme s'ils vouloient nâjjer dans l'air.
P^n môme-tems, ils brandillent & agitent,
d'une manière fort fingulière, qui répond
aux mouvemens de leur corps, les pi-
ques,-les chapeaux, les parafols, les flif-
(anbaks, & tout ce qu'ils portent. Les
Valets de Norimon retrouffent leurs man-
ches jufqu'aux épaules, & vont les bras
nuds. Ils portent les bâtons du Norimon ,
ou fur leurs épaules , ou fur la paume de
leur main, qu'ils lèvent au-deffus de leur
tête. Pendant qu'ils le foûtienneiit ainfi.,
ils étendent l'autre bras, tenant la main
dans une fituation horizontale , par laquel-
le, aufll-bien que par leur manière de
marcher à petits pas, à pas comptés, &
les genoux roides , ils affeftent une cir-
confpeftion fort ridicule. Si le Prince fort
de fon Norimon , pour entrer dans une
des cabanes de verdure , qu'on a bâties
exprès pour lui, de didance en diftance,
ou dans quelque maifon particulière , il
laiffe toujours , à l'Hôte , un cobang pour
le récompenfer. Mais ce qu'il donne à
dîner & à fouper cft beaucoup plus confl-
dérablç". Pag. 350.
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WEBSTER, N.Y. 145*0
(716)172-4503
Descrïption
DO Japon.
Filles de
joye, & leur
meicnneté au
fapon.
Premier
Commerce
des Euro-
péens avec les
Japonois.
Obftacles
3ui viennent
le la Religion.
38a
voir A CE DE K^MPFER
ncnt foiii; & qui, pour quelque légère gratification, les offrent jufqu'à la
Pofle Vmfinc' à ceux qui marchent à pied.
Enfin, Kœmpfer termine cette Defcription par la multitude furprenan-
te de filles de joye dont les grandes & les petites Hôtelleries, les Cabanes
à thé, & les Rôtifleries, Air-tout dans llfle de Nipon, font remplies àtou-
tes les heures du jôun Mais c'eft particulièrement vers midi, lorfqu'elles
ont achevé de s'habiller fit de fe péihdre, qu'elles Te montrent au Public.
La plèpaYcTe tiennent debout, à la porte de ces maifons , ou alfifes fur k
petite galerie, qui avance dans la rue, d'où elles invitent civilement les
Voyageurs à leur accorder la préférence. Dans les Villages de Pofle, où
l'on trouve ordinairement pluueurs Hôtelleries peu éloignée: l'une de l'au-
tre, toutes ces femmes font un bruit fort incommode. Elles font quelque-
fois (Ix ou fept , <& jamais moins de trois dans chaque maifon. Cet infâme
ufage eft fort ancieïi (r). On fait remonter fa naiffance fous le fameux
Joritomo , premier Monarque féculier du Japon , qui , dans la crainte que Tes
Soldats, fatigués d'une longue Guerre, n'abandonnaflent fon Armée pour
rejoindre leurs femmes & leurs enfans , ne trouva rien de plus propre à les
retenir, que Tétabliflement des maifons publiques de débauche. ^ - j- .
(1) L'Auteur accwfe Caron de s'être trom-
pé , Iprfqu'il a yoùlu donner une jneilleure
idée de la continence des femmes Taponoi-
fes. li le foupçonne , dlt-i!, d'avoir voulu
ménager leur honneur, par refpeft pour fa
propre femme, qui étoit de cette Nation. Il
ajoute que la débauche eft fi ouverte au Ja-
pon , que les Chinois , à qui elle eft défendue
fous des peines très-févères , s'y rendoicnt
exprès pour y trouver plus de îîberté , & que
par cette raifon ils le nommoient le Bordd ds
la Chine, Fag. 362.
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Commerce des Japanots avec les Etrangtrr. ^ox iu
■jï: iVjituj iLUit: >. '/j
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, r.M;jplC{
QCelclue jujgeniehl; qu'on a'ié" porté âe ïa découverte du Japon, par
,1a route des Indes (tf ), on ne peut douter que les Portugais n'ayent
été les premiers dé qui les JapOnoiS ont reçu des marchandifes de
l'Europe, & les lumières du Chriftianirme. L'Empire n'étoit pas encore
formé , & les Seigneurs n'étoient pas dans la dépendance où ils font tom-
bés depuis. Le goût qu'ils prirent pour des iEtrangers , qui leur apportoieni
de fi loin tine nouvelle 'Religion & des richeffes inconnues, iit bien -tôt
monter là fortune des Portugais au coftiblfe. Quelques perfécutiofis , fufci-
tées par la jaloufie des Prêtres du Pays , & par des craintes politiques , n'ar-
rêtèrent pas lesprogrès de l'Evangile. Au contraire , la confiance des iMif-
fionnàires & des hbuvisaux Fidèles , excita la curiofité d'un grand nombre de
Japonois , qui n'avoient pas encore reçu Içs mêmes lumières. Us voulu-
»'j».i
.1; ,; :i;
ZT:\--'f i-\\ gTf! '.%
?. irn^ »(» uo
rent
(0) En 1542, ou 154.9. Voyez, ci-dcflus,
le 5. III. Les Hiftoires Japonoifes difônt que
Te premier Navire d'Europe , qu'on vit fur
leurs Côtes , jetta l'ancre devant j4wa , vis-
à-vis l'Ide de TfikoXf. Les Portugais pr^
tendent qu'il jetta l'ancre dans un Port de
Bungo, une des neuf Provinces de Kiusju.
DANS L'EMfmÇ DU JAFQN; I*ir. I.V.
^3
rent f^avoir quelle étoit cette Deftrine, oui 4<?nnp|if t^iK de jojçjî^à fes
Se£UteuF$, au milieu même d^sfupplicas; dp iojrp^lils ^ Tj^rs^m inÂruits,'
ils marauèrerjt la même ar4eur à TembrafTer (*).
Le uiccès du Commerce crpiflànt avec celui de la Fqi, les Marchands
Portugais époufoient les filles des plus riclies Hajbitajis ; & ceux qui refu-
ibient de s'établir au Japon , eroportoient chaque année d'immenfes tréfors,
Le gain qu'ils faifoient fur les marchandifes de l'Europe étoit de cent pour
cent.- Kaempfer, entrant dans le détail de leurs profits, parle d'un petit
Navire de leur Nation , qui emporta tout d'un coup plus de cent tonnes
d'or (<r). C'eft du même Voyageur qu'il faut apprendre la caufe de leur
chute, & celle de l'accroiflement des HoUandois , qui font parvenus à les
fupplanter. Si fa qualité de Proteilant peut le rendre fufpecl, dans ce qui
touche la Religion Romaine , on fera guéri de ce foupçon , lorfqu'on le
verra traiter les HoUandois avec Ja même Hberté; rare exemple de bonne-
foi , fur-tout dans un point qui avoit pafle pour obfcur jufqu'à lui, & qui
n'a jamais été fi nettement expliqué. • iy> .nî^s-no'j nrf' ^^ii. •-
„ J'ai fouvent entendu raconter, dit-il, par des. Japeools dignes de foi,
que l'orgueil & l'avarice contribuèrent beaucoup à rendre toute la Na-
tion Portugaife odieufe au Japon. Les nouveaux Chrétiens même .étoient
furpris, & fouffroient impatiemment que leurs Pères fpirituels n'euflent
pas feulement en vue le falut de leurs âmes,, mais qu'ils eufTent auffi l'œil
fur l'argent de leurs Profelytes & fur leurs terres; & que les Marchands,
après s'être défaits de leurs marchandifes à très-haut prix , exerçaflent en-
core des ufures infupportables. Les richefles , & le fuccès imprévu
„ de la propagation de l'Evangile , enflèrent d'orgueil les Laïques & le
Clergé. Ceux qui étoient à la tête du Clergé (rf), trouvèrent au-def-
fous de leur dignité d'aller toujours à pied, à l'imitation de Jefus-Chrifl:
& de fes Apôtres : ils n'étoient pas contens s'ils ne fe faifoient porter
dans de magnifiques chaifes , imitant la pompe du Pape & des Cardinaux
à Rome; Non-feulement ils fe mettoient fur le pied des plus Grands de
l'Empire, mais [enflés d'un orgueil éccléfiaftique , ] ils prctendoient à
la fupériorité du rang. Il arriva un jour qu'un Evêque Portugais ren-
con-
»
n
i»
'.O
(b) Voyez la nouvelle Hiftoire du Ja- dant îa pïofpérlté de leurs afFaires, Us poï
pon.
( c ) Une tonne d'or ell cent mille florins
de Hollande. Ksempfer afllire que pendant
fort long-tems ils tiroient chaque année, du
Japon , plus de trois cens tonnes. Dans le
plus grand déclin de leur Commerce , c'eft-
a-dire, en 1636, ils tranfportèrcnt , de Nan-
gafaki à Macao , deux mille trois cens cin-
quante cdifles d'argent , ou deux millions
trois cens cinquante mille taeis. En 1637 ,
ils en tirèrent deux cens millions cent qua-
rante-deux mille trois cens foixante-cinq
taels; &, en 1638, un million deux cens cin-
quante-neuf mille vingt-trois taels. Dans le
tcms de leur déclin , ils n'alloient plus au Ja-
pon qu'avec des Galioces , au - lieu que pen-
DU J««pr(,
Etat florif-
fant des Por-
tugais au Ja-.
pon.
Caufes de
Lui chute.
toient leurs marchandifes dans de grands Na-
vires. Tome II. pag. 168 ^ 169.
(rf) Kaenipfer ne fait tomber fes accufa*
tions que fur les Prélats. Il parle , au con-
traire , avec une vénération furprenante ,
dans un Proteftanc, de Saint François Xa-
vier , premier Apôtre du Japon , & de tous
les Miffionnairvs de la même Compagnie.
Ces Religieux, dit-il, s'accréditoicnt parleur
modeftie exemplaire , leur vie vertucufe , l'af-
fiftance defintereflTée qu'ils donnoient aux
Pauvres & aux Malades [& par la pompe &
la majellé de leur fervicc divin , à quoi les
Japonois prenoient un plaifir finijulicr. ] Ubi
juprà, pag. 165.
384
VOYAGE DE K^MPFER
DMCRTPTTOir „ contra, fur le grand chemin , un des Confeillers d'Etat qui âlloît à la
ou Japon. ^^ Cour. Le fuperbe Prélat ne voulut pas faire arrêter fa chaife , pour
„ mettre pied à terre & rendre fes refpecls à ce Grand , fuivant l'ufage du
' „ Paya. Une conduite fi imprudente, dans un tems où les Portugais étoienc
„ déjà déchus de leur crédit, ne pouvoit être que d'une fort dangereufe
„ conféquence pour leur Nation. Le Confeiller s'en plaignit à lEmpe-
* „ reur, & lui fit un portrait de l'orgueil de ces Etrangers, qui excita vi-
„ vement fon indignation. Cet événement efl: rapporté à l'année 1596.
„ Ce fut dans le cours de l'année fuivante, que la perfécution fut rallumée
contre les Chrétiens.
„ A la vérité les Bonzes , ou les Prêtres du Pays , irrités de voir renver-
fer leurs Temples & brifer leurs Idoles, échauffèrent encore le reflemi-
ment de la Cour; fans compter que l'union & la bonne intelligence qu'on
voyoit régner entre les Chrétiens , donna de l'inquiétude au prudent
Empereur Taico , & à fon Succefleur Jyejas. Le premier ne devoit la
Couronne qu'à fon courage & à fa bonne conduite. L'autre , qui la de-
voit à la trahifon , & à des trames criminelles, appréhendoit avec d'au-
,, tant plus de raifon les progrès du Chriftianifme, que fon pupille Fide-
„ Jori, fils unique de Taico, fur lequel il avoit ufurpé le Trône, & la
plupart des Courtifans , avoient été les uns Chrétiens , les autres portes
à favorifer la Religion Chrétienne. On commença par publier une Dé-
claration Impériale , qui défendoit d'enfeigner plus long-tems la DoStrine
des Pères ; c'eft le nom que les Japonois donnoient alors à la Religion
Catholique Romaine. Enfuite les Gouverneurs , & les Grands des Pro-
vinces, reçurent ordre d'obliger leurs Sujets, par la perfuafion ou la for-
ce, de rentrer dans l'ancienne Religion. Il fut aufîi très-févérement dé-
fendu , aux Dire6leurs du Commerce Portugais , d'amener à bord de leurs
Vailfeaux aucune focte d'Eccléfiaftiques ; & ceux qui étoient difperfés
dans le Pays furent fommés d'en fortir. On n'obéit pas d'abord exac-
tement à ces rigoureufes Loix:. Les Portugais & les Caflillans continuè-
rent d'amener (ecrétement de nouvelles recrues de Miffionnaires. Mais
il arriva , dans les mêmes conjon6lures , un malheureux accident qui hâ-
ta leur ruine".
Quelqlues Religieux de Saint-François, envoyés par le Gouverneur
de I^anille, avec la qualité d'Ambafladeurs à la Cour du Japon, prêchè-
rent publiquement dans les rues de Meaco , & firent bâtir une Eglife, mal-
gré les ordres de l'Empereur , qui venoient d'être publiés , & contre les
avis & les preffantes follicitations des Jéfuites. Cette imprudence, obfer-
ve Kaempfer , ne pouvoit être excufée que par un défir ardent du Martyre
& par le précepte de l'Apôtre , qu'il vaut mieUx obéir à Dieu qu'aux hom-
mes: mais il étoit évident qu'un mépris fi manifefte de l'Autorité Impéria-
le porteroit un coup irréparable au Chriftianifme. AulTi la perfécution , qui
s'éleva auffi-tôt , n'a-t'elle rien d'égal dans l'Hiftoire de l'Eglife. Après un
cruel maflacre de plufîeurs milliers de Chrétiens , qui dura près de quarante
ans, elle finit par fextirpation totale de la Foi Chrétienne, & par le ban-
niflement perpétuel des Portugais.
•Cependant il paroît que l'intention des Empereurs n'étoit pas d'abord
d'en-
Imprudtnce
de quelques
Religieux de
Saint-Fran-
çois, & fes
malheuroufes
fuites.
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»»
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
385
d'envelopper toute la Nation Portugaife dans cette Sentence. Us ne vou-
loient pas fe priver volontairement des marchandifes & des raretés étrangè-
res qu'elle apportoit dans leurs Etats. Vers la fin de cette effroyable per-
fécution, qui fit périr prefque tous les Religieux Portugais & Cadiilans,
les Séculiers & les Marchands furent épargnés, dans la vue de continuer
avec eux les traités de Commerce , qui n'avoient rien de commun avec l'af-
faire de la Religion. En 1635, on jetta les fondemens de l'Ifle de Defi-
ma , que les Hollandois pofledent à préfent , dans le Havre de Nanga-
faki ; & cette demeure fut alTignée aux Portugais. Mais , peu de tems
après , une fatale confpiration contre la perfonne de l'Empereur , dans
laquelle on les accufa d'être entrés , acheva malheureufement de les
perdre.
Il faut fe rappeller iqu'avant la fin du feiziéme fiècle, les Hollandais ex-
cités par l'immenfe profit que les Portugais tiroient du Japon, avoient for-
mé , dans l'enfance de leur Compa^ie des Indes Orientales , le deflein de
s'y procurer un établilTement folide, ou d'y obtenir du moins un lieu fixe,
pour la réception des Vaifleaux & des marchandifes , qu'ils fe propofoient
d'y envoyer tous les ans (e). Leur premier Comptoir fut bâti au commen-
cement du fiècle fuivant, dans une petite Ifle peu éloignée de la Ville de
Firando , à laquelle il communiquoit par un pont. On leur avoit fait un
accueil d'autant plus favorable, qu'ils étoient Ennemis jurés des Portugais ,
dont la Cour de Jedo avoit déjà réfolu defe délivrer. Les Portugais, de leur
côté, n'oublièrent rien, pour traverfer l'entreprife de ces dangereux Ri-
vaux. Ils employèrent, contre eux, le crédit qu'ils confervoient encore
près d'une partie des Grands de l'Empire. Mais tous leurs efforts demeu-
rèrent fans fuccès. L'Empereur Ijejasy qui fut nommé Gongen après fa
mort, accorda, en 161 1, la liberté du Commerce aux Hollandois, dans
toute l'étendue de fes Etats, par un Gosjunim formel, c'eft-à-dire , par
l'Afte le plus folemnel de l'Empire. Après la mojt d'Ijejas , ils s'adrelfè-
rent à la Cour , pour faire renouveller leur Privilège ; démarche que Kaemp-
fer nomme imprudente^ parceque les premières Lettres, qui leur étoient ex*
trêmement favorables, fuffifoient, dans une Nation qui obferve, avec la
dernière fidélité , les engagemens de fes Ancêtres. Cette demande fut ac-
cordée , mais avec des conditions beaucoup moins avantageufes. Cepen-
dant la profpérité des Portugais diminuoit de jour en jour; & les Hollan-
dois commencèrent à ne rien ménager pour s'établir fur leur ruine. Outre
leurs foins & leurs dépenfes à la Cour , pour fe procurer les bonnes grâces
de TEmpereur , & pour engager tous les Grands dans leurs intérêts , ils fi-
rent acheter , dans les Pays étrangers , tout ce qu'il y avoit de rare & d'ex-
quis , pour en faire des préfens. Les animaux les plus finguliers , & les
marchandifes les plus pi écieufes , furent apportés des Parties les plus éloi-
gnées de l'Europe , de la Perfe & des Indes. On obferve que les Japonois
abufoient de cette ardeur à leur plaire , en donnant , à des Alliés fi com-
plaifans&fi foûmis, des figures bizarres, qui ne pouvoient avoir d'exi-
ftaa-
(t) Voyez les Relations du Tome X. de ce Recueil.
X/F. Fart. Ccc
Descrtptior
DU Japon.
Rcfte défa-
veur i^our les
Portugais.
C'eft pour
eux qu'on
forme l'Ifle de
Delima.
Comment
les Hollandois
deviennent
leurs Rivaux.
Efforts fin-
guliers des
Hollandois
pour les fup-
planter.
;
S'SÉP-
^'OYAGË DE k'ASfPFITÉ.
Description
pu Jai'on.
Comment
ils achèvent
tVyréuffir.
ftaiîcè quedans leur iniâginatioti ; comme s'il eût fuffi d'avoir ce» ridicules
modèles , pour trouver des êtres qui leur réflemblaflent. En uti' mot,
l'avidité du profit, qui dépendoit de la faveur d'une Nation capricieufe,
mit les Holiandois dans la difpofition d'obéir aux ordres les plus révoltans.
Telle étoit Itur fituation, lorfqiie s'étant rendus maîtres d'unVaifleau
Portugais, près du Câp de Bonne-Lfpérance , ils trouvèrent, à bord, des
Lettres adrelTéeis au Roi de Portugal, par Moro, Chef des Portugais au Ja-
pon , Japonois de naiflance , & fort attaché à la Religion Chrétienne. Ils
fé hâtèrent d'envoyer ces Lettres au Prince de Firando, leur Protefteur,
qui les communiqua aulTi-tôt au Gouverneur de Nangafaki, Direéleur&Ju-
ge Supérieur des affaires étrangères , qûoiqu'ami des Portugais. Moro fut
arrêté. Il nia l'accufation avec beaucoup de fermeté , & tous les Portugais
de Nangafaki l'imitèrent. Mais ni leur confiance , ni le crédit du Gouver-
neur , ne purent dilfipér la tempête qui étoit prête à fondre fur leurs têtes.
Ils furent convaincus , s'il en faut croire leurs Ennemis , par le caraèlere
& le cachet des Lettres (/ ). Moro fe vit condamné au plus cruel fup-
plice. Kaempfer ne fait pas difficulté d'ajouter , que cette Lettre découvroit
tout le fond du complot que les Chrétiens du Japon avoient formé , avec les
Portugais, contre la vie de l'Empereur & èbntre l'Etat. „ On y voyoit,
„ dit-il, qu'il leur manquôit deà Vàifïeaux & des Soldats, qu'ort leur avoit
,j promis du Portugal j on y voyoit les noms des Prjnces intérefTés dans la
i, confpiration , & refpérarice qu'ils avoient d'obtenir la bénédiâion duPa-
„ pe. Cette découverte , commencée par les Holiandois , fut enfuite con-
„ firmée par une autre Lettre du Capitaine Moro , adreffée au Gouverne-
ment Portugais de Meaco , qui fut interceptée par. un Navire du Japon.
Sur ces deux témoignages , auxquels les Ennemis des Portugais joigni-
rent l'arrivée fecrette d'un grand nombre d'Eccléfîafliqites, l'Empereur
ferma
5»
9i
(/) C'eft fur quoi Kampfer n'apporte
point d'autres preuves. Aufli les Portugais
ont- ils toujours traité ces Lettres de fuppo-
litions calomnieufes. On doit remarquer ici
que le Dircftcur du Commerce Holiandois,
au Japon , étoit alors Caron , qu'on vit paf-
1er enfuite au fervice de France, & Direftcur
de fes Etabliffemens aux Indes - Orientales.
(Voyez ci-deffus les Relations duTomcXI.|)
C'eft le môine qui a publié une courte Rtia
tion du Japon , par Demandes & par Répon-
fts. Quelques-uns l'ont accufé d'avoir fabri-
qué la Lettre, qui caufa le malheur des Por-
Uigais. Kaempfer nous apprend qu'il avoit
d abord fervi d'Aide de cuifine dans un Navi-
re Holiandois , & que fon heureux génie le
conduiflt par degrés à la fortune. Mais lorf-
qu'il ajoute, que fur quelques mécontente-
mens, il partit de Batavia pour aller offrir
fes fcrvices aux Portugais & aux François , &
qu'il fit naufrage à la vue de Lisbomie avait
que d'avoir pu exécuter des defleins qui au-
roîent été defavantagenx à fe Compagnie de
Hollande, il doit avoir ignoré que Caron fer-
vit cfFeftiveinent les François, aux Indes,
pendant plufieurs années , & que ce fut en
revenant de leur Comptoir de Surate, qu'il
fit naufrage fur les Côces de Portugal. Kamp-
fer , ibid. pttg. 236,
Nota. C'eft Tavernier , qui accufe Caron ,
fans cependant le nommer, d'avoir fabriqué
la Lettre qui caufa le malheur des Portugais^,
Mais on l'accufe à fon tour de s'être contre-
dit lui-même dans un autre endroit de fes
Voyages. ( Voyez le Tome XUI. pag. 284.
dernière Note. ) D'ailleurs Tavernier défij,Tie
Caron fous le titre de Préfident, oi Cliet du
Comptoir Holiandois. Or il eft coiiftant
qu'il ne parvint à ce pofte qu'en 1639; an-
née dans laquelle l'entrée du Japon fut fer-
mée aux Etrangers ; & la Perfécution contre
les Chrétiens avo t commencé en 1617. On
peut rapprocher d'ici ce qui a-été dit auTomî
XL pag. 360. R. d. E. :,.■■>, :^-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lriv. IV.
m
»>
,, ferma pour jamais , en 1639, l'ocrée du J?pon;aux£crai^gçr» &ila for- Oc0oitirTi<ur
tie à Tes Sujets naturels (g)". . wJahok.
Malgré la févérité de ces ordres, les Dire£l:eurs Porti^als lutté^ircnc
encore, près de deux ans, contre les dangers dont ils étoient menaces,
dans refpérance d'obtenir du moins la permilTion de demeurer dans \)ki\^ (\q
Ddima, & d'y continuer leur Commerce. L'Empereur parut même in-
certain, lorfqu'ils lui eurent fait repréfenter que cette petite Ifl^;, étant
réparée du Continent de Ion Empire, ils pouvoient l'habiter, fans contre»
venir à fon Edit. Mais la Compagnie HoUandoile l'ayant fait aiTurer, en A quel prix;
mémetems, qu'elle auroit foin clclui fournir toutes les marchandiles que les HollamJois
les Portugais apportoienf. aa Japon , on vit paroître une nouvelle Ordon- '>'"pof^^"^
nance , qui les déclaroit Ennemis de l'Empire, & qui portoit la- rigueur juf-
qu'à défendre l'entrée du Japon aux marchandifes mêmes de leurs Pays , à
l'exception des vins d'Efpagae, pour l'ufage particulier de la Cour. Ils fe
retirèrent alors à Macao. N'ac.^..lo. - pas légèrement les Hollandois d'a-
voir acheté, cette préféreoce, e% deiav puant la qualité d^ Chrétiens (/;).
•:. { ^ :n.Mi6>'if)>1cm.> is-'^o ., .fta Mais
fur les i^oilu-
gnis.
If: '.\
... ' s
l.'U .\
(g) Les principaux Articles de ce fameux
Edit méritent d'être confervés dans leur for-
me originale :
A Sakaki- Barra- Findano- Cami , &i
Babtt-Sabray-Sejimon, Gouver-
• ' - '•--;• neurs de Nangafaki. -• 1
„ Aucun Navire Japonois , ou Bateau , tel
„ qu'il foit , ni aucun Juponois ne pourra
„ fortir du Pays. Celui qui contrevienJra à
„ cet ordre fera mis à mort. Le Navire,
„ avec l'Equipage & les marchandifes, feront
„ mis en fequeftre jufqu'à nouvel ordre.
„ Tout Japonoi^ qui reviendra des Pays é-
„ trangcrs , fera mis à mort.
„ Celui qui découvrira un Prêtre aura une
„ récompenfe , depuis quatre cens jufqu'à
„ cinq cens Scbuits d'argent , & pour chaque
„ Chrétien à proportion. {Un fcbuit pefe
„ environ cinq onces, )
„ Tous ceux qui foîltiendront la Religion
„ des Chrétiens, ou qui porteront ce nom
„ infâme, feront arrêtés &, mis en prifon.
„ Toute la race des Portugais , avec leurs
„ Mères, leurs Nourrices, &. généralement
„ tout ce qui leur appartient , fera banni &
„ renvoyé à Macao.
„ Quiconque ofcra porter une Lettre des
„ Pays étrangers , ou en retourner après fon
„ banniflemcnt , fera mis à mort avec route
„ fa famille. Tous ceux auffi , qui ofcront
„ demander grâce pour lui, feront mis à
„ mort, &c,
V Donné la treizième année de nôtre règne ,
„ Quanja 191, dans le cinquième mois". [Si-
gnés.) Sakkaja-Sanikkem-Cami. Dij-tio-Ojeno-
Cami. Cangano-Cami. Matzcndeyro - /n/fma-
Cami. Abmo - liongono • Cami. Ksmpfcr ,
pag. 176.
\b) On lit, dans quelque» Auteurs, que
lorfqu'on leur demandoit s'ils étoient Chré-
tiens, ils répondoient que non, mais qu'ils
étoient Hollandois. Kèmpfer croit cette im-
putation faufTe. Ce qu'il en dit ett curieux.
„ J'ai pris tous les foins poOIblcs , pour m'in-
„ former de la vérité du fiit, fans aucune
„ partialité. J'ai feuilleté pour cela les Jour-
„ naux & les autres Ecrits , qu'on a gardés ,
I, depuis la première arrivée des HoUanJois
„ au Japon , & je n'y ai rien trouvé de fem-
„ blable. Un Vieillard Japonois , nôtre prc-
„ mier Interprête, m'a allure, au contraire,
„ que les Hollandois ont toujours dit qu'ils
„ faifoient profeffion du Chridianifme , mais
„ qu'ils n'étoient pas de la Sede des Prêtres
„ Portugais. Ce qui probablement donna
„ lieu à ce faux bruit, fut la réponfc d'un Hol-
„ landois , nommé Michel Sandvoort . qui ,
„ ayant fait naufrage fur les Côtes du Japon,
„ s'établit enfuite avec un de fi-s Coinpatrio-
„ tes , à Nangafaki , parmi les Natu. .is du
,, Pays, & hors de la dépendance des Hol-
„ landois. Lors de l'établilLmeiit de l'Iii-
,, quifition du Japon, cet homme, ayant été
„ interrogé s'il étoit Chrétien , répondit,
„ pour fauver fa vie & celle de fon Com-
„ pa^non: Qjioi , Cbrétiens ? Cbrétkns? iVout
„ J'ommes Hollandois. Les Inquifitcurs, à la
„ vérité , parurent fatisfaits de c^tt j confef'
„ fion". Ubifup, pag. 236 & 237.
Nota. Les Japonois n'ignorent pas que le»
Hollandois font Chrétiens. C'efl: ce qui fe
voit par mi Ordre de l'Empereur, oii il eft
Ccc 2 ^'';
388
VOYAGE DE K iE M P F E R
DstCkimoN
DUjArOM.
Ils prêtent
leur fccours
auxjapoiiois
■ pour extcrml
ner quarante
mille Chré-
tiens.
Jugement
des princi-
paux Japonois
fur leur con-
duite.
Tentative
des Portugais,
pour rentrer
au Japon.
Mais Ksmpfer convient qu'ils furent mis à de rudes épreuves. En ï(5^^^
lorfque les affaires des Portugais parurent tout-à-fait defefperées, environ
quarante mille Chrétiens Japonois , réduits au defefpoir par les cruautés
inouïes qu'ils voyoient fouffrir à leurs frères, dont pludeurs milliers avoient
déjà péri dans les fuppliccs , choifirent, pour azile, une vieille ForterelTe,
voifine deSimabara, dans la réfolution d y défendre leur vie jufqu'à l'ex*
trémité. Les Hollandois, en qualité d'Amis & d'Alliés de l'Empereur, fu^
rent priés d'affilier les Troupes Impériales au Siège de cette Place. Koe*
kebackeTf Directeur de \eur Commerce à Firando, ne tarda point à fe ren-
dre à bord du feul Vaifleau Hollandois qui fût alors dans le Havre de cette
Ville; & s'écant approché de la Forterefle de Simabara, il fie tirer contre
les Chrétiens, dans l'efpace de quinze jours, quatre cens vingt-fix coups
de canon, tant du Vaifleau qu'il moncoit que d une Batterie qu'il avoic éle-
vée fur le rivage. Cette attaque diminua beaucoup le nombre des Afïiégés,
& ruina tellement leurs forces, qu'ils furent bien-tôt exterminés jufqu'au
dernier. Kaempfer obferve , avec tout le defintérelTement d'un honète
Hiftorien , „ qu'un emprefTement fi foûmis , pour l'exécution d'un ordre
.. qui entraînoit la deflruftion totale du Chriftianifme , aflura leur établif-
fement au Japon, malgré le defTein que la Cour avoit eu d'en exclure
tous les Etrangers ; mais que les Japonois , les plus didingués par leur
Noblefle & par leurs fentimens, ne portèrent pas un jugement favora-
ble de leur conduite, & du crédit qu'elle leur avoit fait acquérir. Il leur
parut contre la raifon , d'efpérer qu'ils pufTent être fincérement fidèles à
un Monarque étranger, qu'ils regardoient comme un Payen ; tandis qu'ils
avoient montré tant d'ardeur à détruire des gens avec lefquels ils conve-
noient fur les points fondamentaux de leur Foi, comme les Japonois j'4-
,\ voient appris des Religieux Portugais, & qui entrdem dans^ le Ciel par la
„ même porte (i)- Aufîî la complaifance & l'humilité des Hollandois, ajou-
te le môme Voyageur , a-t'elle fi peu contribué à gagner la confiance on
l'amitié d'une Nation fi fière & fi orgueilleufe, qu'au contraire fa jaloufie
& fa défiance ont paru croître, à proportion des preuves qu'elle a re-
çues de leur fidélité. Plus ils fembloient mériter d'égards & d'affeftion,
plus ils fe font attiré de mépris & de haine ( k )".
Mais, avant que de repréfenter leur fituation & leur Commerce, kl-
vons un moment les Portugais & les Caflillans dans leur retraite. Le Gou-
vernement de Macao, qui vit arriver une malheureufe troupe de Fugitifs,
ne put fe perfuader que l'ordre, qui les avoit chafles de leurs établifle-
mens , après un fiécle de pofl!eirion , fût une difgrace irréparable. Il réfa-
lut de ne pas attendre que le fouvenir de leurs anciens fervices fut touc-àr
- . . ■ . r- _ — ■ ^ ■■ ; - . fait
»
a
dit; „ S. M. Imp. eft informée pour cer-
„ tain , que vous tous , ainfi que les Portu-
„ gjis , êtes Ciirétiens ; Vous obfervcz lé
„ Dimanche; Vous avez l'Ere Chrétienne;
„ les dix Commandemcns, l'Oraifon Domî-
„ nicale , le Symbole des Apôtres , &c. En
„ un mot, c'eftun même culte. Le princi-
„. pal fè déiQQQtre; Les. diférends qui foiQt
,. entre vous, nous paroiiTcnt petits. Que
., vous foyez Chrétiens , c'eft ce qu'on fçait
„ depuis long-tems; mais nous avions crû que
„ c'étoit un autre Chrift, &c. R. d. E.
( I ) C'eft une expreflîon des Japonois , que
Kaempfcr a fouvcnt entendue, lorfqu'il eft
tombé avec eux fur ce fujet. Fag. l8S« •
(*) Pag. 185 & i8(S.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lrv. IV.
38P
fait efFacé deTerpric des Japonois, pour faire une tentative à la Cour de
Jedo; (Se dés Tannée i($4o, c'efl-à-dire, l'année d'après celle de leur ex*
})uirion , il envoya deux Ambafladeurs à l'Empereur , avec un cortège de
bixante-treize perfonnes. Le droit des gens, qu'il croyoit refpeélé de tou-
tes les Nations , n'empêcha point que ces deux Miniflres ne fuflcnt arrêtés
à Naii^afaki, avec toutes les perfonnes de leurs fuite; & quoiqu'ils n'euf-
fent point de marchandifes à bord , qui puflent les faire accufer d'être ve*
nus pour le Commerce, un ordre de l'Empereur les condamna tous au der-
nier fupplice , fans autre exception que douze Domediques , du dernier rang,
qui furent renvoyés à Macao , pour porter une (1 fanglante nouvelle à leurs
Compatriotes , avec la ridicule commiflion de les aflurer , que , fi le Roi de
Portugal , ou le Dieu même des Chrétiens , ofoient mettre le pied dans
l'Empire Japonois , ils y recevroient le même traitement. Ces douze hom-
mes n'arrivèrent point a Macao , & l'on n'a jamais appris ce qu'ils étoient
devenus. 11 efi: aflez vraifemblable que, manquant d'habileté dans la Mari-
ne , ils périrent avec le Bâtiment qui les portoit. Les Malheureux, qui fu-
rent exécutés, avoient, fuivant l'ufage du Pays, chacun fon Bourreau à
leur côté; de-forte qu'au premier figne, toutes leurs têtes furent abbatues
dans un infiant.
Une Hiftoire Japonoife raconte un autre événement tragique, qui ar-
riva , peu de mois auparavant , à un grai:d Navire Efpagnol des Philippi-
nes. Les Cailillans (c'efl le nom que les Japonois donnoient à tous les
Efpagnols) avoient pris une Jonque du Japon, près de Manille, & l'a*-
voient coulée à fond , dans l'erpérance d'éteindre la connoiflance d'une ac-
tion fi barbare. Cependant elle parvint aux Japonois. Bien-tôt un Vaif-
fcau Efpagnol, à trois ponts, jetta l'ancre au Port de Nangafaki. Les
Gouverneurs employèrent la dimmulation ; mais ce fut pour fe donner le
tems d'informer la Cour. Aulfi-tôt le Prince d'Arima reçut ordre de faire
périr le Bâtiment, par les flammes, avec tout l'Equipage & les marchan-
difes. Il fe trouva, dans la Ville, quelques perfonnes mieux intention-
nées , qui avertirent fécrétement les Efpagnols : mais l'avidité du gain leur
fit d'abord négliger cette information, & leur perfuada que, s'ils étoient
attaqués, leur Navire étoit en état de fe défendre. Ils travaillèrent nuit
& jour à le charge >^'nr , d'argent , & de marchandifes précieufes. En-
fuite, lorfqu'ouvrani is yeux fur le danger, avec une double inquiétude
pour eux mêmes & pour leurs richeffes, ils fe difpofèrent à partir, un
vent contraire les arrêta. Leurs Ennemis , qui avoient profité de cet in-
tervalle pour exécuter les ordres de l'Empereur, arrivèrent dans un grand
nombre de Barques. Le VailTeau Efpagnol fut invefli; & tous ceux qui
le montoient fe virent réduits , pour unique reffource , à vendre chère-
ment leur vie. En efi^et, les Japonois apprirent, dans cette occafion, à
refpefter la valeur des Européens. Le Prince d'Arima, comptant fur une
viftoire aifée, encouragea d'abord fcs Soldats par l'efpoir du butin; mais,
lorfqu'il les vit eflPrayés d'une réfiflance, à laquelle ils ne s'étoient pas at^
tendus, il fauta le premier à bord du Navire. Son exemple entraîna un fi
grand nombre de Soldats après lui, que le tillac en fut couvert. Les
Efpagnols fe retirèrent fous le pont, avec le foin de fermer leurs écoutilles,
Ccc 3 , Cet-
DifCRirrioif
DU JArOMi
Leurs Ain>
bafladeurs y
font condain«-
nés au fup-
plice.
Hiftoire
tragique d'un
VailTeau
Efpagnol , au
Port de Nan~
gafaki.
390
VOYAGE DE KiEMPFER'
DujAfbN.
n
l
Précautions
des Juponois,
depuis l'ex-
pulfion des
rortugais.
Avantages
que las Hol-
landais ont ti-
res de cette
révolution.
Cette retraite précipitée, dms de» Ennemis fi braves, fit juger au Prince,
qu'elle n ctoit pas fans delTcin; &. foupçonnant de l'artifice, il rentra d'un
aut dans fa Barque, fous le prétexte d'exciter le refte de fei Troupes. Au
même moment, les Efpagnols mirent lu feu à quelques barils de poudre,
u'ils avoicnt fous le tillac, & qui firent fauter tous les Japonois qui étoieni:
eiïus. Le Prince crut le péril a fa fin , & commanda de nouvelles Trou-
es , pour recommencer l'abordage ; mais les Efpagnols , s'étant retirés fous
e fécond pont , le firent fauter comme le premier. Enfuite, étant dcfcen-
dus à fond de cale , ils continuèrent la même manœuvre pour le troifiè-
me. Ainfi la Mer & le Rivage fe trouvèrent couverts de Japonois morts
ou blefles, avant qu'ils puflent attaquer des Ennemis , qui ne parurent cn«
fin que pour fe défendre avec une réfolution furieufe, & pour fe faire tuer
jufqu'au dernier. Il paroît même qu'en périffant, ils trouvèrent le moyen
de faire couler à fond les rcftes de leur Vaifleau ; car on alTura Kaempfer
qu'on avoit pêclié, dans cet endroit, quantice de caiflcs d'argent, & que,
depuis peu d'années, on en avoit encore tire quelques-unes. Cette attaque
coûta la vie à plus de trois mille Japonois ( /).
ApRès l'exécution des Ambalîadeurs de Macao, l'Empereur du Japon,
informé que les Portugais écoient traités favorablement à la Chine, & qu'ils
avoient beaucoup de crédit dans cette Cour, fe crut obligé , pour la fûrctd
de fes Etats , de prendre un grand nombre de précautions , qui durent
encore. On fit bâtir, au fommet des montagnes, des Corps-de-Garde &
des Guérites. On y entretient des Soldats , pour avertir, par des feux &
d'autres fignaux , l'approche des Vaifleaux qui font voile vers le Japon.
S'ils en apperçoivent dix ou plus, ils fe hâtent d'élever leurs feux, qui en
font allumer d'autres, de diftance en diftance, jufqu'à la Ville Impériale de
Jedo; &, dans l'efpace de vingt-quatre heures , la Cour peut être informée
par cette voye. Les ordres font d'autant plus faciles à donner , que par
de fort bons Réglemens, chacun fçait le polie qu'il doit occuper à l'appari-
tion de '^es feux , & ce qu'il doit faire pour la défenfe commune.
Revenons aux Hollandois , qui dévoient s'attendre, après leur triom-
phe & pour prix de leurs fervices (m), à fe voir tout d'un coup en pof-
feffion, noR-feulement de la liberté qu'ils defiroient pour leur Commerce,
mais
(/) Pag. i8i & précédentes. " '
(m) Kaîmpfcr, quoiqu'attrxiîé A leur Com-
pagnie & leur zèié Partifan , parle , avec
moins de modération, des coirplaifanccs
qu'ils ont eues pour les Japonois. ,, L'ava-
„ ricc, dit-il, & l'attrait as l'or du Japon,
•,, ont eu tant de pouvoir fur eux, que p'u-
;„ tôt que d'abandonner un Commerce fi lu-
„ cratiî', ils ont foufFert volontairement une
„ prifon prcfque perpétuelle; car c'elî; la pu-
'„ re vérité , que l'on peut nommer ainfi nô-
,, tre demeure à Defima. Ils ont bien vou-
,, lu cflliyer, pour cela, une infinité de du-
„ retés de la part d'une Nation étr;mgère &
„ paychne; fe relâcher dans la célébration
„ du Service Divin, des Dimanches & des
„ Fêtes folcmnelles; s'abftenir de faire des
,, Prières &, de chanter des Pfeaumes en pu-
„ blic; éviter le fignc do la Croix, & le nom
„ de Jefus-Clirift, en préfence des N;itiirelà
,, du Pays, Ôc en général toutes les marques
„ extérieures du Chriflianifmc ; enfin , en-
,, durer patiemment le procédé impérieux de
,, ces orgueilleux Infidèles , qui efl la cbofc
„ du monde la plus choquante pour uneamc
,, bien née". Pae. i86.
Nota. Il y a effectivement un Ordre de
M. M. les Direfteurs , en datte du 26 Avril
165c , qui défend à leurs Officiers au Japon .
en général toutes marques extérieures du
Chriftianifme. R. d. E. . .
lur triom-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 391
mais encore de tous les avantages dont ils avoietit fait dc^pouiiler leurs Ri-
vaux. Cependant , ils reçurent ordre de démolir le Comptoir & le Maca-
fin qu'ils avoient bâtis depuis peu dans Mlle de Firando ; fans autre railon
que parcequ'if t'toit de pierre de taille, c'ell-à dire, plus beau que les Edi-
fices ordinaires du Pays , & qu'ils avoient gravé , au Frontifpice , l'année
de l'Ere Chrétienne. Enfuite ils fe virent forces d'abandonner entièrement
ce Comptoir, & de fe confiner dans la petite Ille qui avoit été bâtie pour
les Portugais. On en a vu la Defcription dans le Journal de Kacrapfer,
qui la nomme une Prifon. Là, ils font environnés d'une foule d'Officiers,
de Gardes & de Surveillans Japonois , fur - tout à l'arrivée de leurs Vaif-
feaux , & pendant la durée de leur vente, l'ous ces Geôliers & ces Ef-
pions , auxquels ils font obligés de payer eux-mêmes des gages fort confidé-
rables , n'approchent d'eux qu'après s'être engages par un ferment folemnel
à leur réfuter toute forte de communication , de confiance ou d'amitié.
Dans l'Afte de ce ferment , ils attellent les Dieux fuprémcs , ils fe foûmet-
tent à leur vengeance , & à celle des Magiflrats du Pays , eux , leur famil-
le, leurs domeftiques & leurs amis , s'ils n'exécutent pas fidèlement chaque
article. Enfuite ils le lignent de leur cachet, trempé dans de l'encre noi-
re , où ils verfent quelques gouttes de leur fang , qu'ils tirent en piquant
un de leurs doigts derrière l'ongle. Un engagement fi terrible le devient
encore plus , par la rigueur avec laquelle on punit les moindres contraven-
tions («).
Après le départ des Vaifleaux Hollandois , le Direfleur de leur Com-
merce part avec une fuite nombreufe, pour rendre fes refpefts à l'Einoe-
reur & lui porter les préfcns annuels de la Compagnie. Cette Amballade
Îafle pour un hommage , que la Nation Hollandoile rend à l'Ernpereur du
apon , comme à fon Souverain. Auffi prefcrit-on , à l'Ambafladeur , la
conduite qu'il doit tenir dans fa route; & le nom commun qu'on lui donne
e(t celui de Fitozïtz, c'efl-à-dire. Otage. Pendant le Voyage, on ne laif-
fe pas, aux Hollandois de fa fuite, ni à lui-même, plus de liberté qu'à des
Prifonniers. Il ne leur cfl permis de parler à perfonne ; pas même , fans
une permiflion fpéciale, aux Domeftiques des Hôtelleries qui leur fervent
de logement. Lorfqu'ils y arrivent , on fe hâte de les mener au plus haut
étage de la maifon , ou dans les appartemens intérieurs , qui n'ont de vue
ue fur la cour ; & pour s'aflurer d eux , on ferme les portes de la cour avec
jes doux. Leur cortège, quieft compofé d'Interprètes, de Soldats, d'Ar-
chers , de Porteurs & de Valets du Pays , doit être entretenu aux fraix de
la Compagnie des Indes (0).
On a vu, dans le Journal de Kaempfer, avec quel air de dédain ils font
traités à la Cour. Tout Japonois, qui marque pour eux quelque égard ou
quelque amitié, n'eft pas regardé comme un homme d'honneur , qui ait
pour fa Patrie l'attachement qu'il lui doit. De-là vient l'opinion bien éta-
blie, qu'il eft également glorieux & légitime de leur furvendre , de leur
demander un prix exceffif des moindres denrées, de les tromper autant qu'il
eft
DE^cRirTro»
DU Jai'on.
Avec quelle
hniitciir ils
font traluS.
Serment
qu'on piôte
contr'cux.
Combien ils
font obfervés
dans leurs
vi yiigcsàla
Cour.
/•1.
. 1 , ! .
I
Principes
des Japonois.
(n) Tag. 200.
(0) Pag. 205.
39»
VOYAGE DE KJEMPFER
no J*roif.
Diverfes hu-
miliations dc(
Hollandois.
On deman-
de quels font
leurs dedom-
magemens.
e(l poflfiblc, de diminuer leurs Ubercéi^ leurs avantages, & d'inventer do
nouveaux plans pour augmenter leur fervitude.
Celui qui leur dérobe quelque chofe, & qui ell faifi fur le fait, en
eft quitte pour la reditution de ce qu'on trouve fur lui , & pour quel-
Ïues coups de fouet qu'il' reçoit fur le champ des Soldats qui gardent leur
fie. Si le crime efl; confidéri-.'c'e , il efl; quelquefois banni pour un tenis
aiïez court. Mais le châtiment des Hollandois, qui fraudent la Douane,
e(i une mort certaine, foit en leur tranchant la tête, ou par le iupplicc do
la croix.
Aucun Hollandois ne peut envoyer une Lettre hors du Pays, fans en
■avoir donné une copie aux Gouverneurs , qui la font enrégidrer dans un
Livre dediné à cet ufage. Les Lettres , qui viennent de dehors , doivent
être remifes aux mêmes Officiers , avant que d'être ouvertes. Cependant
ils ferment les yeux fur celles qui font pour les Particuliers , quoiqu'elles
foyent comprifes aufli dans la Loi. Autrefois , lorfqu'un Hollandois mou*
roit à Nangafaki , onleju^eoit indigne de la fépulture, & fon corps étoit
jette dans la Mer à la fortie du Port. Depuis quelque - tems , on a oris le
parti de leur afllgner un petit terrain inutile, fur la Montagne d'inajptj ou
ils ont la liberté d'enterrer leurs Morts : mais , après la cérémonie , on y
met une Garde Japonoife ; & quelque jugement qu'on veuille porter des or-
dres qu'elle reçoit, il devient bien -tôt prefqu'impoflible de découvrir le
lieu de la fépulture.
£k général, il efl toujours aifé aux Naturels du Pays, & même aux
Etrangers , de faire valoir leurs prétentions fur les Hollandois. Le Gou-
vernement ne fe fait jamais prelfer , pour accorder des dommages & des
intérêts au Demandeur. Il ne daigne pas confidérer fi la demande re-
garde la Compagnie, ou quelques-uns de fes Officiers, ni s'il eftjuftcde
lui. faire porter la peine des malverfations d'autrui. Au contraire, fi
c'eft d'elle que viennent les plaintes, elle trouve tant de difficultés à fe fai-
re rendre juftice, que fouvent elle ell obligée d'abandonner fes plus julles
droits. ,
Ce détail tfeft qu'un léger extrait de plufieurs Chapitres de Kœmpfer,
qui contiennent les vexations qu'elle eflliie continuellement. Si l'on y joint
lesLoix mortifiantes, qui s'ob fer vent à l'arrivée de fes Vaiiïeaux (p), la
néceffité de livrer toutes fes marchandifes à la bonne ■ foi des Officiers du
Pays, & de les faire décharger par des mains inconnues (</) , celle de fup-
primer jufqu'aux moindres marques de Chrillianifme ; enfin l'étrange con-
trainte, qui tient fes Officiers renfermés dans une Ifle, longue de cent toi-
fes, & large d'environ quarante, dépendans du caprice , des rigueurs, de
■ la
(p) On fe contente de renvoyer ci-delTus
au Journal de Kœmpfcr , lorfqu'il décrit les
circonilances de fon arrivée.
( 9 ) „ Ce ne font pas nos gens , mais les
M Naturels du Pays , qui chargent & déchar-
„ gent nos Navires. Ils font deux fois en
}. plus grand nombre qu'U ne faut; & ne
„ travaillaflcnt-iis qu'une heure , il faut que
„ nous payions la journée entière. Tous
„ ceux qui nous rendent quelques fervices,
„ quoique fouvent inutiles, font payés Uir-
„ gement fur les marchandifes. La plupart
„ de ces Ouvriers font fort adroits àvolei".
Pm. 210.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
m
Marchand?-
fc» qu'ils por-
teoc au Japon.
la haine âc du mépris d'une Nation infidèle; on demandera, fans doute avec DMCiimon
impatience, quels peuvent être les avantages & les profits qui dédomma< ^ JAroM.
gent les Hollandois de tant d'humiliatiops.
K A M p F E R nous apprend quelles foiit les marchandifes qu'ils portent au
Japon. C'ed de la foye crue de la Chine, du Tonquin, du Bengale & de
Pcrfe; toute forte de foyes, d'étoffes de laine & aautres étoffes des mê-
mes Pays, pourvu qu'il n'y ait ni or ni argent; des draps de laine de l'Eu-
rope, oc. d'autres étoffes de foye & de laine, fur-tout des ferges d'Angle-
terre; du bois de teinture, que nous nommons •S<ipân,& bois de firedl; des
peaux de bufHe & de cerf, ou d'autres bêtes fauves, des peaux Ae raye ;
de la cire; des cornes de bufUe de 'iiam & de Camboye,* des cordouans,
& des peaux tannées de Perfe, du Bengale de d'autres Pays, mais non
d'Efpagne & de Manille , fous de rigoureufes peines ; du poivre & du fu-
cre en poudre & candy , de pluôeurs endroits des Indes Orientales ; des
cloux de girofle, & des noix mufcades (on ne demande plus de canelle);
du fandal blanc de Timor; du camphre de Baros, recueilli dans les liles
de Bornéo & de Sumatra ; du mercure , du cinabre & du faffran de Benga-
le; du plomb, du falpêtre, du borax & de l'alun, de Bengale & de Siam;
du mule de Tonquin ; de la gomme de benjouin d'Atidjen ; de la gomme
lacque; de Siam ; des coraux, de l'ambre, du véritable antimoine , dont les
Japonois fe fervent pour donner de la couleur à leur porcelaine; des miroirs
de l'Europe; des fragmensde miroirs, dont ils font des microfcopes & d'au-
tres lunettes; du Mafang de Vaca, qui e(l une pierre médicinale, tirée de
la veflie du fiel des vaches de Mozambique ; du bois de ferpent ; de l'at-
fiaer; des bambous; des mangues & d'autres fruits verds des Indes Orien-
tales , confits avec du poivre de Turquie , de l'ail & du vinaigre ; des cra-
yons de plomb de Mer, & de bol d'Arménie, pour écrire; du mercure
fublimé , & jamais du calomel , ou mercure doux ; des limes fines ; des ai-
guilles ; des lunettes; de grands verres à boire, de la plus belle efpèce; des
coraux contrefaits; des oifeaux rares, <& d'autres curiofités étrangères,
foit de l'Art ou de la Nature. , tii.i . . . , .
Mais de toutes ces marchandifes, celle que les Japonois aiment le
plus, quoique la moins avantageufe pour les Marchands qui l'apportent, fes les plus
c'eft la foye crue , dont les Portugais , par cette raifon , nomnioient la ^ftimées dci
vente Parcado ; & ce nom fe conlerve encore au Japon. Toutes fortes •'*P°"'"*'
d'étoffes & de toiles donnent un profit fur & confidérable. On gagne
beaucoup auffi fur le fapan ^ ou le bois de Brefîl , & fur les cuirs. Les
marchandifes les plus lucratives font le fucre , le catechu , ou cachou , le °
(lorax liquidé, le patsju, le camphre de Bornéo, les miroirs, le corail <&
l'ambre.
Dans les premiers tems de leur Commerce du Japon, les Hollandois
n'y envoyoient pas , chaque année , moins de fept Navires , chargés de tou-
tes ces richeffes. Depuis qu'ils ont été reflerrés dans l'Ide de Dedma , ils
n'en envoyent pas plus de trois ou quatre. Ainfi, l'on peut diflinguer plu-
fieurs états de kur fortune, fuivant le degré de faveur dans lequel ils ont
été à la Cour. Ksempfer les réduit à quatre , qu'il nomme les Périqdes de
Xir. Part. Ddd leur
■f •
•.
■D
Marchandi-
us
des
®
®
Profits clair;
des Hollan-
dois.
®
®
®
®
394
VOYAGE DE K iE M P F E R
i .
9*
»
t>EscRTrTioi» leur Commerce, & dont il donne fidèlement l'Hiftoire (r). Aujourd'hui,
DU jAfoN. par de fâcheufes révolutions» la fomme annuelle, à la valeur de laquelle ils
ont la permiflion de vendre leurs marchandifes , ne revient qu'à la moitié
de celle qu'on accorde aux Chinois , & monte à dix tonnes & demie d'or.
A l'égard du prix des marchandifes , il varie chaque année. Tout dépend
de celui qu'elles ont à Meaco, qui efl: ordinairement réglé par la confom-
mation qui s'en fait dans le Pays. „ Une année portant l'autre, dit Kaemp-
fer, nos profits peuvent monter à foixante pour cent. Cependant, fi
l'on confidère toutes les charges & les dépenfes de nôtre vente (j),
nous n'avons guères plus de quarante ou de quarante-cinq pour cent, de
profit clair: gain peu confidérable, pour une Compagnie, qui a tant de
dépenfes à loûtenir aux Indes Orientales. Aufli cette branche de fon
Commerce ne vaudroit-elle pas la peine d'être entretenue , fi les mar-
chandifes que nous tirons du Japon, fur-tout le cuivre rafiné, ne don-
noient le même profit, & même un peu plus. Ainfî la totalité peut aller
a quatre- vingt ou quatre-vingt-dix pour cent. Ajoutez que les dépenfes
ne font pas les mêmes chaque année (t)". «...^...
Ce qu'ils Les Vaifleaux Hollandois employent donc une partie de la valeur de
raiiportent du leurs marchandifes , à fe procurer du cuivre rafiné , dont ils chargent , par
Jar^"- an, depuis douze mille jufqu'à vingt mille Pics (v). Ce métal ell fondu
en petits bâtons, ou rouleaux, d'un empan de long, & d'enviion l'épaif-
feur d'un pouce. Chaque pic fe met dans une petite boete de fapin, pour
être tranfporté plus facilement ; & les trois ou quatre Navires, qui compo-
fent la Flotte Hollandoife , en font une partie de leur cargaifon. Un de
ces Bâtimens fait voile à Batavia, par le plus court chemin. Les autres
s'arrêtent à Pulo-Timon, Ifle fur les Côtes de Malacca, & continuent de-
- là leur Voyage jufqu'à Malacca même, d'où le Gouverneur Hollandois les
envoyé, tantôt au Bengale, tantôt aux Côtes de Coromandel, ou dans quel-
que autre Place, qui ait befoin de leurs marchandifes.
Le relie de la cargaifon fe fait de cuivre groflîer, fondu en flans ronds
& plats, & quelquefois de casjes de cuivre, efpècede liards ou de bafle
monnoye, qu'on porte au Tonquin. Tout le cuivre efl: vendu aux Mar-
chands Hollandois, par une Compagnie Japonoife, qui jouit feule d'un Pri-
' > ; vilège de l'Empereur pour le rafiner & le vendre aux Etrangers. On char-
' . ge aufli depuis fix mille jufqu'à douze mille livres de camphre du Japon,
renfermé dans des barils de bois; quelques centaines de balles de porcelai-
ne; une boete ou deux de fil d'or, de cent rouleaux h boete ; toutes fortes
de cabinets vernifl^és, de boetes, decaiiTesà tiroirs, & d'autres Ouvrages
de cette efpèce; des parafols, des écrans, divers petits Ouvrages de can-
nes refendues ; des cornes d'animaux ; des peaux de poiflbn , que les Japo-
nois préparent avec beaucoup d'art & de propreté; des pierreries; de l'or;
' àaSomi, qui eftun métal artificiel compofé de cuivre, d'argent & d'or,
&
(r) Pag. 251 & fuivantes. ' (v) Un pic eft cent vingt-cinq livres,
( i ) Elle fe nomme Combmtg , au Japon, poids de Hollaide,
' (t; Pag. 244 & 250.
DANS LTMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
t9S
&donc on ne fait pas moins de cas que de l'argent pur; des rottangs;
du papier peint & coloré en or & en argent ; du papier tranfparenc, qu'on
rend tel avec de l'huile & du vernis; du riz, le plus fin de toute l'A-
fie; du Sakiy efpècede breuvage, oui fe fait avec du riz; du Soge^ ma-
rinade aflez agréable; des fruits confits, dans des barils; du tabac dente-
lé; diverfes fortes de thé & de marmelades, & quelques milliers de co«
bangs en or (x).
Pendant la cargaifon , le foin qu'on apporte à vidter les VaiiTeaux
Hollandois & toutes les Maifons de Dcfima , furpafle encore les précau-
tions qui s'obfervent à l'arrivée de la Flotte. Rien n'échappe aux recher-
ches des Officiers. Toutes les hardes font examinées pièce ^ pièce. En-
tre les marchandifes de contrebande , Ksmpfer nomme tout ce qui a la fi-
gure d'une Idole du Pays , celle d'un Kuge, ou d'un Ëccléfiafiiique de la
Cour du Dairi , tous les Livrent imprimés , tous les papiers , ou les métaux ,
qui portent quelques caraéléres Japonois , l'argent monnoyé , les étoffes
tiflues au Japon ; mais fur-tout les armes & tout ce qui s'y rapporte , com-
me la figure d'une Selle, d'un Navire ou d'un Bateau, d'une Armure, d'un
Arc, d'une Flèche; les Epées & les Sabres. Si l'on trouvoit quelque cho-
fe de cette nature fur un Navire Hollandois , la moindre punition du Capi-
taine feroit un banniffement perpétuel du Pays ; & tous les Officiers fufpeâs
feroient mis à la torture, pour leur faire découvrir le Vendeur & les Com-
plices, dont le fang pourroit expier feul un fi grand crime. Kaempfer en
rapporte quelques-exemples. Les Japonois, dit -il, ont tant de penchant
pour la contrebande , que dans refpace de fix ou fept ans, trois cens per-
fonnes furent condamnées au dernier fupplice, pour avoir fraudé la Doua-
ne avec les Chinois; & que, pendant un féjour de deux ans qu'il fit au
Japon , il en vit exécuter plus de cinquante, dont l'un n'étoit accufé que
d'avoir fait paffer frauduleufement une livre de camphre (y).
A l'occafion des Chinois, il eft tems d'obferver, avec le même Voyageur,
que, depuis l'antiquité la plus éloignée, ils ont porté, dans tout l'Orient,
les marchandifes de leur Pays; fur-tout la foye crue, qui abonde à la Chi-
ne; & d'où les Grecs & les Romains leur avoient donné le nom de Seret,
Leur principal Commerce étoit dans les Royaumes & les Illes fîtuées entre
Sumatra & Malacca, du côté de l'Efl. Après la Conquête de leur Pays par
les Tartares, ceux q'ii refufèrent de fe foûmettre & de fe rafer la tête , à
la manière des Vainqueurs , abandonnèrent leur Patrie , pour aller s'établir
dans les lieux où ils avoient exercé le Commerce. Depuis un tems immé-
morial, les Ifles du Japon étoient de ce nombre. Ils n'y alloient, à la vé-
rité, qu'avec un petit nombre de Jonques, parceque, fous divers règnes
de leurs Empereurs, toute communication leur étoit défendue avec les Na-
tions étrangères ; cet ordre ne pouvoit être violé que par ceux qui habi-
toient les Côtes & les Illes voifines. Mais aufli-tôt que leurs nouveaux
Maîtres eurent établi la liberté du Commerce , ils étendirent leurs corref-
pondances dans la- plupart des Pays de l'Orient, fur-tout au Japon, où di-
•iP ..; .v'" ■ .. -- •■- vers
(r) Pag. 253. Le Cobang cfl une très-grande Monnoye.
des Monnoycs de l'Afie , au Tome XIII.
Ddd 2
Voyez, ci-deffiis, rHilloire
(:y) l'ag. 260»
Dt^CMFTIOir
DU jArON.
Marchandi-
fes ellimées
de contrcbaa-
de.
Coinmercc
des Chinois
au Japon.
Son orii^iV^.
39^
VOYAGE DE K^MPFER
DE«CRT?TtOir
uujiroif.
Ils s'éta-
UifTentàNan-
eafakl
Jaloufie des
japonois.
Satfie de
4)uclqiies Li-
vres Chré-
tiens, qui
l'augmente.
Coups per-
lés au Com-
merce des
Chinoi».
vers rapports entre les deux Nations, tel que celui du Langage fçavant, de
la Religion , des Sciences & des Arts , leur avoient toujours fait obtenir
un accueil favorable.
Anciennement ilsfréquentoient lePort d'Ofacka, qui efl: dangereux
par Tes rochers & fes bas-fonds, & quelques autres lieux qui ne font pas
plus fûrs pour la Navigation. Ènfuite les Portugais leur montrèrent le che-
min du Port de Nangafaki. Ce fut , vers le méme-tems , que l'Empereur
du Japon nomma Nangafaki, pour le feul Port de fes Etats, qui ferôit de*
formais ouvert aux Etrangers. Alors plufieurs Chinois prirent le parti de
s'y fixer; &non-feulement ceux qui n'avoient pas quitté leur Patrie, mais
tous les autr^, qui fe trouvoient difperfés dans les Pays voidns & dans
les Ifles à l'Efl du Gange, y vinrent trafiquer pour leur compte, ou pour
ceux qui les employoient. Ils jouirent pendant quelque -tems d'une heu-
reufe liberté , & leurs Jonques y venoient' en fort grand nombre. Dans
cet intervalle ils bâtirent trois Temples à Nangafaki, pour y exercer libre-
ment leur Religion. Mais la quantité de leurs Jonques , qui le multiplioient
de jour en jour, & dont chacune n'avoit jamais moins de cinquante hom-
mes à bord, excita bien-tôt la défiance des Japonois. Outre le motif du
Commerce, les plus riches perfonnes delà Chine venoient au Japon pour
s'y livrer à la débauche des femmes , qui efl ouvertement permife (z).
On fut furpris d'y voir aborder un jour, des Mandarins Tartares, avec une
petite Flotte de fix Jonques. Le Gouvernement les obligea de mettre à la
voile, après leur avoir fait déclarer qu'on ne vouloit pas, dans le Pays,
d'autres Commandans & d'autres Seigneurs que ceux de la Nation. Des
foupçons (i vifs menaçoient les Chinois de quelque changement. En effet,
après l'expulfion des Portugais, on apprit bien-côt, au Japon, que les Jéfui-
tes avoient été reçus & traités favorablement à la Cour du Monarque Tar-
tare de la Chine; & que ce Prince leur avoit accordé la liberté de prêcher
l'Evangile dans toute l'étendue de fes vafles Etats. En même -tems, les
Japonois faifîrent, à l'entrée de Nangafaki, quelques Livres qui regardoient
le ChrUlianifme, & que les mêmes MifTionnaires avoient fait imprimer à
la Chine, en langage du Pays. Cette découverte leur fit craindre que la
Foi Chrétienne, dont l'extirpation avoit coûté tant de fang, ne rentrât in-
direâement dans leurs Ifles. Ils foupçonnèrent les Marchands , qui avoient
apporté ces Livres entre plufieurs autres , d'avoir du .noins quelque pen-
chant pour la Religion profcrite. Cette raifon , fortifiée par l'arrivée des
Mandarins Tartares & par l'accroifTement continuel des Chinois, fit pen-
fer la Cour à refTerrer leur Commerce dans des bornes plus étroites. Elle
commença par le réduire à la fomme annuelle de fix cens mille taels, ou,
fuivant la manière de compter des Hollandois, à vingt & une tonnes d'or,
qui font àpeu-près le double de celle, où le Commerce Hollandois étoit
déjà réduit. Elle ordonna que les marchandifes , qui dévoient montera
cette fomme, feroient apportées par foixante-dix Jonques au plus, fuivant
la difliribution qu'elle en fit elle-même; dix-fept Jonques de Nankin; cinq
de la Ville & de la Province de Canton ; cinq de Nefa ; quatre de Sintsjeu;
quatre
(«) Voyez , ci-deflfus, le Paragraphe des Mœws,
DANS L'EMPIRE DU JAÎ^ON, Liv. IV.
397
Comment
ils les élu-
dent.
quatre de rifle de Haynan & du Continent voifiri de la Chine; trois de Dmcutwio»
Kootsja ; trMs du Royaume de Siam ; [ deux du Royaume de Tonquin j deux °° !*"**•
de Cammon;] deux de Tayowan , ou Takkafaga, dans l'Ifle Formofe ;
une de Fudafan , Port fitué au-defTus de Raktsju , & célèbre par un fameux '
Temple de Quanwon; une de la Cochinchine; une de Tani, qui efl: une
des plus grandes Ifles d'entre les Riuku, & quelqFies autres, dont Ksemp-
fer ne put être informé. Ainfî , tous les Chinois , difperfés en divers
Pays, etoient compris dans ce partage. Ënfuite on admit encore une Jon-
que de Siakka-Tarra, ou Java, & une autre de Pékin, pour remplacer cel-
les qui pouvoient faire naufrage en chemin. L'obfervation de cet ordre fut
recommandée avec rigueur. Cependant toute l'exaftitude des Officiers Ja-
ponois ne put empêcher les Chinois de les tromper. Plufieurs des mêmes
Jfonques, le hâtant de vendre leur cargaifon, trou voient le moyen de faire
e Voyage deux fois l'année. D'autres faifoient voile à la Province de Sat-
zuma , comme fi le gros tems les y avoit jectées. Elles y vendoient leurs
marchandiies , pour aller prendre une nouvelle cargaifon , qu'elles por-
toient enfuite à Nangafaki. Si le hazard leur faifoit rencontrer les Gardes-
Côtes du Japon, elles prenoient une autre route , en feignant de s'étjre éga-
rées & de chercher le Port de Nangafaki.
Enfin la Cour ne trouva point de voye plus fûre » pour mettre une
barrière éternelle aux nouvelles entreprifes , que de rellerrer les Chinois
dans une Prifon , comme elle avoit enfermé les Hollandois dans celle de
Defima. En 1688, un Jardin, qui avoit appartenu à Séje-Sfugu-Fe/o, In*
tendant des Domaines Impériaux , leur fut afllgné pour demeure.
Ce Jardin étoit agréablement fitué , vers le fond du Port , près du Riva-
ge & de la Ville. Il avoit été foigneufement embelli d'un grand nombre
de belles plantes , domeftiques & étrangères. On bâtit , fur ce terrain ,
plufieurs rangs de petites maifons, chaque rang couvert d'un toît commun.
Tout l'efpace fut environné de fofles , de paliflades & de doubles portes.
Cette opération fut fi prompte , que le même lieu , qui étoit un des plus
agréables Jardins du Monde, au commencement de Février, avoit, à la
fin de Mai , l'odieufe apparence d'une Prifon forte , où les Chinois fe virent
lenfermés fous une bonne Garde. En quelque tems qu'ils arrivent , on ne
leur accorde pas d'autre retraite. Ils y font traités comme les Hollandois
à Defima. Kaempfer y trouve néanmoins quelques différences. Première-
ment, dit-il, les Chinois ne font pas admis à la préfence de l'Empereur;
au-lieu que les Hollandois reçoivent cet honneur une fois tous les ans.
Mais , en récompenfe , les Chinois font difpenfés de la fatigue d'un Voya-
?;ede trois mois, & de la dépenfe d'un grand nombre de préfens , qu'il
aut faire à l'Empereur & à fes Miniftres. En fécond lieu, ils ont des vi-
vres & des provifîons , qu'on leur porte jufqu'à l'entrée de leur Comptoir ;
& les Hollandois n'en obtiennent qu'en faifant la dépenfe d'entretenir une
Compagnie entière de Vivandiers Japonois. Troifièmement , on regarde
les Chinois comme des Marchands particuliers , qui ne forment point un
Corps ; & par cette raifon , ils font traités , de leurs Infpeéleurs & de leurs
Gardes, avec moins de civilité que les Hollandois. Quatrièmement, ils
n'ont pas, comme les Hollandois, un Directeur de leur Commerce, qui
Ddd 3
Ils font
renfermés
comme les
Hollandois.
Defcription
de leur Pri-
fon.
Comparaifoa
de leur traite-
ment & de te
lui des Hol-
landois,
TC-
Leurs Foires
& leurs mar-
chandifes.
398 ,v P Y A G ^i\ P J^ li ^ M R F i: B a
DEscaimo» réûde continu^leraent aia Japop. Losfi^UjÇiJeiir venterieftfinifei la plupart
Dv j APOB. j'gjj rçtpurnent dan» , leiirs Jo^^ies , (8ç Jaiffeat Jeiw4 maifoia» défertes pen-
dant leur. abfence (<ï). ,, !; (■ .0 , firv' • !' t.' x: !' i ;' •
Ils ont trois Combangs, ou trois Foires, dans le cours de Tannée; Tu-
ne au Printems , pendant laquelle ils vendent les marchandifes de vingt Jon-
que?; Tautre en |kéj pour les iparchandifes 4e trente; & la dernière en
Autoinne , pour celles de vingt.; Touçes^lfts Jonques lurnuméraire», & cel-
les qui arriyeiii;aprè^;les vente» lîdoiyei),^ i-einettre fur k champ à la voile,
fans qu'il le^f Toit .même ipqrmis de décharger leurs marchandifes. Ces car-
galions con(iA«Bt<'Ê^ foy^inon ouvrées ». de la Chine & du Tonquin; tou-
tes les étoffes de foye oc de laine, que les Hollandois apportent comme
eux; du fucre de divers. Pays ; des pierres de calamine du Tonquin, pour
donner la teinture auPUÀvr^ ô{. aux. ouvrages qu'on en fait, de la térében-
1,1 ,x>
2v>
l
■I ■■•.■
(«) Pag, 270b C'Qft-â-diïÇii qu'ils, y: ont lews liifi)eftcurs Japonais, & leurs tlégleincns.
On a renvoyé» du 5.,iy. â';la;tin da oilui-ov, pour qpdqucs e;f;enigle& de la Langije commu-
ne du Japon, qui fé trouvent' dans 'Kaîmpfcr. L'un eft un R^gletfrcnt touchant la Contre-
bande, & l'autre en eft un de FHabitttron des HoUandois. ;, - v ' , \ ■ , ..
... . îcM 4 Y-jfî-iVjn'J y:: ...
•jd'! iitiJu' DzioffadamaYÎ. zi:. ^ ^3','OV 3:;; it.. Ordre tiucbaht ia'Centnhanch.
Nippon. SÛi ^ku Sin gofatto SfOinu^i Nwigo
toki jûToffu akufi'vçfo takumi Reimotzuwo ' loi-
fi tonomu.fiton» jltiT* ara^ iskt» Mtofi iiiuhé-
zi Tatto Jeb9^D9ri$it(irUoifatofWt»g9Vto^n-
rusfotKf nei motzno iàfij Go foobi Kwta &•
ruhes moji Samin Kore arwù OittVÊa Sei^uà
Nanbiki. ,' -.
. Mono.Nathi fcJ
. îi; TJt Qm . . . Pi
.îy3J';or;
Si un Japonols,rpu un Etranger, contre lei
Ofdréï, 'tîclie de vendre quel qus marcliandi-
fcde cohtrebande, &.' qu'if foit découvert,
où en informera .les Magiftrats , qui en doi-
vent connoltre. Si quelqu'un des Complices
fe décelé lui-même , & fert de témoin , il aura
fon pardon , & de pliis une récompenfe pro-
.îi»riJ^i'î»à't.portidiihëe au crime. Les Contrevcnans ,
}nin ;;i!f.'3:ç9nyahacius pan: le témoignage de leurs Corn-
, ,, ,, ; ,jir''''rri "i/ Pii?5es;, feronlj pMnls félon la LpÀ. .
■jb aa ïioij ! :f;f >Jii] ■iiitmi si ou;. ..£.*'tioîs'
Vf ,".':ii'!vV' -..b 2n:ïivyj\:iijiiii„t> il'' . Signés.
Cc^là fulHt. ., .
» . t ■ j>iO •
. Le jour . . . S ,
£;•..':
■À) W 1^- ,y3ifjl r.oiiri,ifu'ij.j. Tonnomo. SiuBioje. Setzno Garni.
' ' ' Kinfai Dcflmamats. ■: '
I. Kte Seno Foka mm Iruhotto,
.u
Réglemsns pour h rue de Defima.
2. Kojafijt'ri no Fokajîiike Jammabus Jî-
ki Irtikmo. '"- -'-'j'^.- ;•>- -, '''",.:.''
j ^ i ■ ....
3. So quam fin, no mmo n(»alnm Kotfujlki
Irukotto.
4. Defima Mavoarî foos Kiu Jori utfij ni
fun» Norikomu kotto $ Stiketarri fajji ofia fu-
ne nori tooru ketto.
5. Juje naku Horanda. fiu Defima Jori Id^
furukotto.
Migino dfio kataku limamoru bekL
I. il n'y aura que les femmes de joye qui
ayent la permiflioa d'y encrer.,.
. 2. Les fculs Çccléliaftiqucs de la Monta*
gne de Koja y feront admis. Tous les au-
tres Jammabos en feront exclus.
3. Les Mandians & ceux qui vivent de
charités ne pourront y entrer.
4. Perfonne n'approchera, avec un Vaif-
feau, ou un Bateau, dans les palifliides de
Defima', Perfonne ne pafïèra , avec un Na-
vire,, ou on Bateau, fous le Pont.
'5. Aucun Hollandois ne pourra fortlr de
Defima, que pour des raifons importantes.,
Tous ces ordres feront ponéhiellement exé-
Mono Narif ^c.
.'.>?.{ >"'cutés.
Cela fuffit, &c.
»t "S Vf"
yr
DAl»rs L'EMÎ>IAE »U JAPON, Liv. IV.
■8^9
tine, tirée dés pilïachiers ; de la gomme & de la myrrhe; des agathes;
du bois de calambouc , de Tfiampa, de Camboye , & des Pays voifms} le
précieux camphre de Baros , de Tlfle de Bornéo; la racine de ginfeng qai
vient de Corée; plafieurs drogues & remèdes de la Chine, fimples ou com-
pofés; & quantité de Livres Chinois , qui traitent de Philofophie ou de
Religion. Après la ftifie des Livres Chrétiens,' on ordonna qu'à l'avertir',
tous ceux, qui feroient apbortés par les Chinois, feroient fournis à la cert-
fure de deux hommes de Lettres , établis par la Cour , avec des appointe-
mens conddérables ; l'un, pour les Matières Ëccléfiaftiques i l'autre, pour
la Philofophie , .la Médecine & l'Hiftoire (b). i ' « ' '^^ ^ ^" • ' -^ •^^-"' •
Outre les Hollandois & les Chinois, le Privilège du Commerce cft ac-
cordé aux Marchands des Ifles de Riuku , ou de Liquejo ; mais dans la feu-
le Province de Satzuma. On a déjà remarqué qiie , fous l'un ou l'autre de
ces deux noms, il faut comprendre, cette chaîne d'Ifles qui s'étendent, de-
puis les Côtes Occidentales de Satzuma , jufques vers les Philippines. Leurs
Habitans parlent un Chinois corrompu, qui rend témoignage à leur origine;
& l'on fçait que , de tout tems , les Chinois ont entretenu des relations de
Commerce dans ces Ifles. Il y en pafla un grand nombre, après la Con-
quête de leur Empire. Quelque-tems après, elles furent foûmifes par le
Prince de Satzuma, qu'elles regardent comme leur Conquérant, & qui en
tire un tribut; mais loin de reconnoître l'autorité de l'Empereur du Japon,
elles envoyent chaque année un préfent au Monarque Tartare de la Chine ,
comme une marque de leur foumiffion. Auffi leurs Habitans font-ils traités
comme Etrangers par rapport au Commerce. Tous les Ports de l'Empire
kur font fermés , à l'exception du Havre de Satzuma. La quantité de
marchandifes , qu'ils peuvent y vendre , eft limitée auffi à la fomme annuel-
le de cent vingt-cinq mille taels. Ils y portent toutes fortes d'étoffes de
foye, & d'autres marchandifes de la Chine; quelques denrées de leur pro-
pre Pays, telles que du bled, du riz, des fruits «des légumes; deY^wa-
war», qui eft une forte d'eau-de-vie-, tirée du fuperflu de leur récolte; des
Takaragais &. des Fimagais^ c'eft-à-dire des nacres de perles; & cette efpè-
ce de petites coquilles , qui fe nomment Koris dans les Indes , d'où elles fe
tirent, particulièrement aux Ifles Maldives. Celles de Riuku, que les Ha-
bitans trouvent en abondance fur leurs Côtes, fervent à compofer un fard
blanc, à l'ufage des jeunes garçons & des filles. Ils portent auffi quantité
de grandes coquilles, plattes, polies, & prefque tranfparentes , qui fervent
de vitres aux Japonois pour leurs fenêtres; des fleurs rares, des plantes,
& d'autres produélions de leurs Ifles. , ,_ .,
(t) Pag 272. ■ _
''■: : --'^ ■' ■ §. V I IL '^' -^'-'^H^^''-''''^^'^'^ -•
DESCKT^rxoif
DU Japon.
Deux Ccii-
feurs auj.i-
pon pour les
Livres.
Marchands
des Iflcs de
Riuku ou
Liquej».
i'J^..'.
Leur Com-
merce avec le
Japon efl: bor-
né à Satzuma.
-n ;;.'r.
.1 .
Religions i Seâes f Prêtres y Temples, Pèlerinages, ^Cérémonies du Japon.
LA liberté , qui règnoit dans cet Empire avant la ruine du Chriflianifme, Dlverfiié
y avoit introduit quantité de Seéles étrangères , au préjudice de l'an- de Rcliiiiou ,
cienne Religion du Pays. Quelques Auteurs en comptent jufqu'à douze,
dont
400
V 0 Y AG E DE K :« M P F E R
t)escMPTioir
ou jA?Oli,
1 .1
On /a trou-
vé des traces
du Chridia-
nifine.
D'où elles
lont venues.
,i>.).
Trois prin-
cipales Reli-
gions du Ja-
pon.
Religion du
Sinto , la plus
ancienne.
donc les principes & les pratiquet n'ont prefque rien de commue. Les
unes adorent le Soleil & la Luné , & d'autres offrent leur encens à divers
Animaux. Les Gimix, premiers Souverains du Japon, les Foes, oulesFo-
toques des Indes, tous ceux qui ont contribué à peupler & à policer ces
lîles, qui y ont porté des Loix utilçs, quelque Science, queloue Art, «Se
tous ceux qui y ont établi quelque nouveau Culte , y ont des Temples (Se
des Adorateurs. La plupart des Grands pafTent pour Athées , & croyenc
Tame mortelle, quoiqu'à Textérieur ils faflent profeffion d'une Se6le. En.
fin les Démons mêmes ont des Autels & des Sacrifices au Japon ; mais ils
ne doivent ces honneurs qu'à la crainte. On n'attend d'eux aucune fa-
veur ; mais on les redoute, parcequ'on leur croit le pouvoir de nuire, Se
l'on s'efforce de les appaifer.
C E qu'il y a d'étonnant , obferve le nouvel Hiftorien , c'en: qu'au milieu
de ce cahos de Religions, on a trouvé tant de traces du Chriftianifme,
que nous n'avons prefque pas un myftére , pas un dogme , ni même une
pratique de piété, dont il ne femble que les Japonois ayent eu quelque
connoiffance. On pourroit juger qu'il avoit anciennement pénétré parmi
eux, foit direftement &dans toute fa pureté (a), foit indirectement & déjà
corrompu par les Indiens , les Tartares & les Chinois , qui l'ont reçu , com-
me on ne l'ignore point aujourd'hui , des Syriens , Seflateurs de Neflorius.
Mais comment concevoir que les Japonois enflent confervé la forme exté-
rieure d'une Religion, dont ils avoient entièrement perdu l'idée? L'Hifko-
rien , que je cite, efl plus porCë à fe perfuader que ces pratiques ne font
pas plus anciennes, au Japon, que l'arrivée des premiers Navires Portu-
gais. Une Nation fi libre & fi curieufe ipeut avoir embrafle , à la premiè-
re vue, certains ufages, dont elle fe promit de l'utilité. Tel eft celui du
Signe delà Croix, pour chafler les Démons (b). Si l'on prétend qu'une
origine fi moderne auroic été reconnue à la trace, par les premiers Miflion-
naires, le même Ecrivain répond, qu'avant qu'ils ayent pu tourner leur
attention à ces recherches, il n'efl pas impoffible que la trace fe foit per-
due, dans un Pays où la fuperfiition fait faifir d'abord tout ce qui paroît
merveilleux, fans en examiner trop la fource (c).
A l'arrivée des Portugais, le Japon avoit trois Religions principales.
1°. L'ancienne, nommée Sinto. 2". Le Budfoj ou le Culte des Idoles étran-
gères, apporté du Royaume de Siam, ou de la Chine. 3°. LeSiuto, ou
la Dodlrine des Philofophes & des Moralifles.
Les fondemens de la première font les mêmes que ceux de l'Empire &
des deux premières Races Impériales, tels qu'on les a déjà repréfentés (d)j
c'eft-
(a) Un Evêque Arménien afliira un des
premiers Millionnaires Jéfuites , que les Prê-
tres de fa Nation avoient porté l'Evangile
aux Japonois. Hijloire du japon , Tome I.
pag. 2(52.
(ft) On manda, à Saint-François Xavier,
lorfquil étoit encore aux Indes , qu'une Mai-
fon Japonoife en avoit été délivrée par l'ufa-
ge de ce Signe. Ibid. pag. 263.
Nota. Les Japonois ne prouvent- ils pas
admirablement la vérité de cet avis, par la
haine qu'ils portent au Chriftianifme? Si les
Miracles en étoient encore le caraftère, com-
me Mrs. les Jéfuites le prétendent, ce fe-
roit un avantage qui abrégeroit beaucoui)
leurs travaux, (ur-tout aux Indes Orientales.
R. d. E.
(c) Ibid. ' "" ■
(rf) Voyez, ci-defîUs, JUI.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
40X
DeSCRIPTIOK
DU Jafom.
l
Extrava-
gances du
Sinto.
c'eft-à-dire, qu'ils confident dans l'adoration des fept Efprits Cëleftes, qui
compofent la première Dinaftie des Souverains du Japon & des cinq demi-
Dieux (e) de la féconde, fous le nom de Garnis. Les Empereurs , qui ont Dieux Camis
régné depuis Syn-Mu , Fondateur de la troifième , font admis auffi à ce rang
fuprême. C'eft l'Empereur rèt nant qui fait cet honneur à celui qui l'a pré- '
cédé. La cérémonie de l'Apothéofe fe fait avec beaucoup d'appareil; &
l'on afligne ordinairement, au nouveau Dieu Cami, l'efpcce de pouvoir
u'il doit exercer fur les Mortel?. Ksempfer obferve que tout le fyftême
e la Théologie du Sinto n'ed qu'un ridicule compofé de fables ù extra-
vagantes & u monftrueufes , que ceux, qui en font leur étude, les ca-
chent foigneufement à leurs propres Se6tateurs , & plus encore à ceux
des autres Religions. Cette Sefte, dit-il, n'auroit pas fubfifté long-tems,
fans fon étroite liaifon avec les Loix Civiles du Pays, que les Jajponois
obfervent avec un fcrupuleux attachement ; & c'eft peut-être auffi fon ab-
furdité, qui jette la plupart des Grands & des Beaux-Efprits dans l'Athéif-
me. Ses Dodleurs ne laiflent pas d'enfeigner leurs principes à ceux qui
veulent s'en inftruire; mais c'eft toujours fous le fceau dufecret; fur-tout
lorfqu'ils arrivent au dernier article , qui traite de l'origine des chofes (/).
Ils n'en parlent à leurs Difciples qu'après les avoir engagés par un ferment,
fcellé & figné de leur main, à ne jamais profaner de fi profonds myftères,
en les communiquant aux Incrédules. D'ailleurs il paroît que ce qu'ils ap-
pellent Efprit , n'eft qu'une matière plus fubtile & plus déliée.
Le plus révéré de tous les Camis (g) eft Tenfio-Dai-DJin^ Fondateur de
la féconde Race, & premier des Dieux terreftres. Tous les Japonois fe
croyent defcendus de lui; & ce qui fonde le droit héréditaire des Dai-
ris aii Trône Impérial , c'eft qu'ils viennent de l'aîné de fes Fils. On re-
garde apparemment les fcpt Camis , gui Font précédé , comme trop éle-
vés au-deffus de la Terre, pour s'interelfer à ce qui s'y pafle. Ceux mê-
mes qui ont quitté fancienne Religion , pour embraffer les nouvelles Sec-
tes, rendent une efpèce de culte à ce Père de la Nation Japonoife. Les
Son plus
profond
myftère.
Le plus
révéré des
Camis.
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ancien-
Ce) Ou Ditux terreflres, comme s'expri- quechofe de divin, & dont Mikaddo, qui a
ment les Japonois. C'eft par eux qu'a com- la même fignification que celui de Dairi, eft
mencé le titre de Mikotto , qui fignifie quel- un diminutif.
(/) Kœmpfer le rapporte, tiré d'un Livre que les Japonois nomment OJaiilif. Il donne
le texte original & la traduction:
Kai fakuno fajime Dsjujio Fufo Tatojaba
Jujono fui font ukunga Geroji Tentjijno
utjijni Itji but fu voo J'eofu Katats Igeno go-
tofifenquas Jîefin to nar Kunitokeda^'no Mi-
kotto to goos.
Au commencement de l'ouverture de tou-
tes chofes , le Chaos flottoit , comme les poif-
fons nagent dans l'eau pour leur plaifir. De
ce Chaos fortit quelque cLofe de fcinblublc à
une épine, qui étoit fufceptib'o de mouve-
ment oc de transformation. Cette chofe de-
vint une Ame ou un Efprit; & cet Efprit eft
appelle Kunitokodatjho Mikotto, Kaeinpfer,
Tome II. pag. 8.
U) Cami & Sin, fignifient ^me & Efprit. On leur donne auffi l'épithéte de Miojto,
c eft-à-dire, /«Wimc, illuftrt; & de Gongeiiy qui fignifie jufle , fivère , jaloux.
XIV, Fart.
Eee
♦ot
VOYAGE DE KJEMPFER
DticRimoir
ou Japon.
«
Camls infé-
rieurs.
Chaque
Dieu a Ton
Fuadis.
j .
>• ?ç ■:■
Mias, on
Temples des
Garnis , Dieux
du Sinto.
Avenue.
anciennes Hiftoirei s'étendent beaucoup fur fei miraclei, fur fet aâlom
héroïques ; & TEmpire a peu de Villes où Ton ne trouve un Temple à foQ
honneur.
OuTRS les Empereurs, on accorde le titre de Camis k tous les grandi
hommes qui fe font diilingués pendant leur vie, par leur fainteté, leurs
miracles , Çl par les avantages qu'ils ont procurés a la Nation. Mais cet
Apothéofes ne font que des Dieux inférieurs, qui font placés entre iei
Etoiles. Au>refle chacune de ces Divinités a fon Paradis; les unesdaqi
l'Air, d'autres au fond de la Mer, dans le Soleil, dans la Lune, écdans
tous les Corps lumineux qui éclairent les Cieux. Chaque Adorateur choifit
fon Dieu , fuivant le goût qu'il a pour le Paradis , & ne ménage rien pour lui
marquer fa dévotion. Comme le nombre de ces Dieux auemente tout
les jours , & qu'on n'en reconnoît point un nouveau fans lui ériger uA
Temple, il n'y a point de Ville, où le nombre des Temples & des Cha*
pelles ne foit prefqu'égal à celui des Maifons. Les Empereurs Si. les Prifl.
ces fe difputent la gloire d'en bâtir de magnifiques. Aufli les richeilet
de quelques-uns de ces Monumens ne furprennent- elles pas moins que
leur nombre. Il n'eft pas rare d'y voir quatre -vingt ou cent colonnet
de cèdre, d'une prodigieufe hauteur, & des ftatues colof&lec de bron<
ze. On y en voyoit même autrefois d'or & d'argent, avec quantité de
lampes & d'ornemeas d'un grand prix. Les flatues font ordinairement
couronnées de rayons. Mais Cet ufage n'eil pas Sorn^ au Sinto; & cen'ed
pas non plus dans cet ancien culte, qu'on Cherche à fe diftinguer par la
magnificence.
Ses Temples fe nomment M\as (iJ), c'eft-à-dire, demeure des Ames
immortelles. Ksempfer n'en donne pas moins de vingt-fept mille fept cens,
à tout le Japon. La plupart font fit"*?» *"» ^«a éroinences, à quelque diftan-
ce des terres communes &; fouillée» par l'ufiige. Une allée large & fpa-
cieufe, bordée de deux rangs de cyprès , leur fert d'avenue. L'entrée de
cette allée efl remarquable, par une porte de piarre ou de bois , fur laquel-
le s'élève, entre deux poutres, une planche quarrée, qui porte» en carac-
tères d'or, le nom du Dieu, auauel le Mia efl confacré. Ces dehors fem-
blent annoncer un Temple confidérable ; mais ils /ê fentent pref^ue tous de
l'antique fimplicité des premiers , fur le modèle defquels on conftruit les
autres. Ce ne font le plus fouvent que de miférables Edifices de bois, ca-
chés entr-e des arbres & des bui^ons, avec une feule fenêtre grillée, au
travers de laquelle on peut voir l'elpace intérieur. Il eft ordinairement,
ou tout-à-fait; vuide , ou fans autre ornement qu'un miroir de métal , pla-
cé au centre ; autour duquel pendent des houfles de paille fort bi^i travail-
lées, ou de papier blanc découpé , qui font attachées en forme de fVanget
4 upe lopgue çôrdç. Elles paflîent pour un ^mbole de la pureté Sg. de la
iainteté, de l'Edifice» Oa y monte par un efcalier de pierre, qui conduit
ifUr une efplanade, où l'on entre par une féconde porte, femblable à la
première, & fur laquelle on trouve plufieurs Chapelles, qui accompagnent
le
(ï) On les appelle aufli 7«/ïro, * Siao»-Sinsjii4 mais ce dernier nom s'applique propre-
tn€Dt à la Cour enti^c du Mia, a:vec tous les^ Bàtimens qui en dépendent:
CtÊ aâloiu
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Autre reprjssentatioj^ j>£ CANOJV.
Andere Afbeelding van Canon.
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Xantai Japansche Af g o d
K
DANS L'EMPIRÉ ÙV JAPÔît, UtiV.
'm
le Teirtplé principal. Ce qui fe préfentè d'abord fàr rtfphràâe, élî on
baffm plein d'eau , oà ceu*. qtA vont rth-dre féurs idàtzttàhi à h tW^Wi-
té, peuvent fe laver. LeTeitfpfe, à côtédd^uèlonvôitùn grand éoffrè
pour y recevoir lés aunhônes, eft élevé d^ènviron ùk pieds àti-dettus éh
terre-plein. Sa hautetif n'excéde jamais t^ois bntfïès, & fd largeur eft tott-
jours égale à fa hauteur. Il ^ft environné d*à!ne galerie,, oà l''ôW tÈtônte p^
quelques degrés. C'eft fur cette galerie, ât dèVant ïe frotftilj^ice, dtiat la
fimplicité répond à tout le rètte, ou*oii fe jproffierne pôW adùreil fe Dîétf^
car la porte du Temple 6ft ordinairement femiée ,^ pu tit «*otfvre du itt'oing
que les jours de Fête. La plupart de çfes ïieuX >elî|p:èik oftt ufte antî-charri-
bre, où les Gardiens du Temple fe tierifieût àJ&, ^ItuS de fëtjnr habki dç
cérémonie, qui font trés-riches. Les poïtCf Ôt les fenêtfes de ces ah'tir
chambres font grillées ^& le pavé en dt coti^rt de tiHuei fines. Lé tôît
du Temple , qui eft de tuile, dé t>ierrje, ou de coUpéabx de bois, avan-
ce aflez de chaque Côté poUf cdûxhrit la gàléfié, Se diffère dé tdui des
autres Bâcimeris en ce qu'il eflr rôcbU^bé aVéC plu/ d'art iSt cônlpofô dé
plufieurs côucKes dé belles pouti^ès, dôhtl'arrangeniçWt., a quelque chb-
fe de fort imgulier. A là cime du toît , il y a quelquefois uhè poutre
plus grofle que les autres, & pofée de long, qui en à, vei'S fés ëXti'êniî-
tés, deux autres qui fe croifent, & foUvenc une troilîème derriôi'e, qui eft
en travers. ' : '. ,
Cette ftrufluré éft fur lé modèle du jM'eraîer Teihpl^, t^UÎ fnbfifte en-
core à Isje, où l'on prétend quifanami, dernier dés fept grands Efpritjj
céleftes & Père de Teiifîo-Dâî-Dfiin a fait quelque-tettis fa réfidence. Oùoi-
que très-fimple , elle eft ihgéniëufe Si 9té$iuxé inimiii^le. ^ Le poids oc les
liaifons de toutes ces poutres, entrèlaèée^ Tes uhes aalEi^ îes autres, affer-
miffeiit beaucoup l'Edifice , & lé délféft'déht mieux cbàt/ré lés trembleroens
de terre. On voit pendïé , fur la pbfte du Temple , urie cloche plàttè , fur
laquelle on doit frapper quand on arrive ; comme pour avertir lé Dieu qu oii
vient l'adorer. Le miroir intérieur eft' placé de maniéré, qu'en regardant
par là fenêtre on puifTe s'y voir. Il apprend , fuivant les Japonais , que
comme on y voit diftinélement les traits & les taches du vifage, de même
toutes les louillures & lès dilpofitidris fécretes du cœur paroiflent à décou-
vert aux yeux des Immortels. Il fe trouve rarement des Idoles dans les
Mias, pàrcequ'on n'en faifoit point dans lès premiers tems de la Monarchie.
S'il s'en eft introduit quelqu'une , dep^is^rétabliflemént delà nolivèlle Ido-
lâtrie, elle eft enfermée dans une chàlTe, vis-à-vis de rentrée. On l'en ti-
re le jour de la Fête dû Cami, qui ne fe célèbre qu'une feulé fois dans un
fiécle. L'ufage eft de confervér auflî, dans la même chafle, les oflemens
& les armes du Dieu ^ & les ouvrages qu'il à faits de fes propres mains , pen-
dant fa vie mortelle.
Les Chapelles, qui environnent les Mias, font quarrées, ou hexagones,
ou o6togones , proprement verniflees , ornées au-dehors de corniches do-
rées, & au-dedans de miroirs & de divers colifichets. Elles font ordinai-
rement portatives; &■ dans certains tems on les porte en effet, avec beau-
coup d<; pompe , aux principales folemnités. Quelquefois la Statue du
Cami eft portée auili dans ces Chapelles ; mais ceUx qui font chargés de
Eee 2 ce
oa Japon.
Defcripiio»
derEdlfice.
TWrJ
Quel en eft
leunodéle.
Introdiidip^
des Idoles.
Chapelle*
portative?,
♦04
VOYAGE DE K JE M P F E R
Vummoti
DU Japozt.
Gardiens
des Temples.
Leur habil-
lement.
De qui ils
dépendent.
Principaux
dogmes du
Sinto,
ce poids facré marchent à reculons, après avoir fait retirer le Peuple,
comme indigne de voir la Divinité. Enfin les dehors des Mias, leur
anti-chambre, & d'autres appartemens dont ils font quelquefois accom-
pagnés, font parés de cimeterres bien travail lôs, de modèles de Navires,
de différentes fortes d'Images, & d'autres ornemens de cette nature; ufa*
ge, néanmoins, qui ne s'elt introduit qu'à l'imitation du Budfoïfme.
Les Gardiens de ces Temples font de Hmplcs Laïcs, qui demeurent aux
environs avec leurs familles. Ksmpfer, après les avoir réduits à cette
Qualité , ne laifle pas de leur donner le nom de Prêtres féculiers , qu'il ne
fait tomber apparemment que fur leurs fonftions. On les nomme Negis,
Canujis , & Siannfns j gens d'une fierté furprenante. Ils font entretenus , ou
par des fondations , ou par les libéralités du Dairi , ou par les aumônes des
Fidèles. L'habit de leur profeifion efl une grande robbe, ordinairement
blanche, quelquefois jaune, quelquefois d'autre couleur, & de la même
forme, àpeuprès, que celles de la Cour du Dairi. Cependant ils portent,
fous ces robbes, l'habit commun des Séculiers. Ils fe rafent la barbe,
mais ils laiflent croître leurs cheveux. Leur coeffure efl: un bonnet oblong ,
roide & vernifle , fait en forme de Bateau , qui avance fur le front , &
s'attache fous le menton avec des cordons de foye, & d'où pendent des
nœuds à frange, plus longs ou plus courts, fuivant le rang de celui qui
les porte , & qui n'eft obligé de s'incliner devant les perfonnes d'un or-
dre plus relevé que jufqu'à-ce que le bout de ces nœuds touche la terre.
Les Supérieurs ont les cheveux treffés & relevés fous une gaze noire d'u-
ne forme fingulière, & les oreilles couvertes d'une efpèce d'oreillette, d'un
empan & demi de long & de deux ou trois pouces de large, qui fe re-
lève près des joues , ou qui pend plus ou moins , fuivant les dignités ou les
titres d'honneur qu'ils ont obtenus du Dairi. Dans les affaires éccléfiafti-
ques, ils ne font fournis qu'à ce Monarque j mais, pour le temporel, ils re-
connoiffent, comme tous les Eccléfiaftiques de l'Empire, l'autorité de deux
DJi-Sin-Bugios , ou Juges Impériaux des Temples, nommés.par le Monarque
fécuHep. Lorfqu'ils paroiffent en habit Laïc , ils portent deux cimeterres,
comme les perfonnes de la première qualité.
Les principaux points de la Religion du Sinto fé réduifent à cinq: La
pureté du cœur. L'abfl:inence de tout ce qui peut rendre l'homme impur,
qui .confifl:e à ne pas fe fouiller de fang, à s'abftenir de manger de la
chair (i), à ne pas s'approcher des cor^s morts. Il n'eflf pas permis aux
femmes d'entrer dans les Temples, lorfqu'elles ont leurs infirmités lunaires.
On repréfente les trois fortes d'impuretés contraires à la Loi, par l'emblè-
me de trois finges , affis aux pies de Dfijfa, qui fe bouchent de leurs deux
pattes de devant, l'unies yeux, l'autre les oreilles, & le troifième la bou-
che. Non-feulement on ne trouve rien, dans les Livres facrés» du Sinto,
fur
(i) Pour avoir mangé de ta chair d'un
animal à quatre pies , excepté du daim , on
cft impur pendant trente jours. Pour les vo-
latiles, à l'exception du faifan, de la grue,
& des oifeaux aquatiques, dont oa peut
manger en tout tems , l'Impureté ne dure
qu'une heure. Pour avoir affilié à l'exécution
d'un Criminel, ou s'être trouvé près d'un:
corps mor'., «Ue dure tout un jour, &c.
DUNS L'EMPIRE DU JAPON, Lrv. IV.
405
Diables.
if(t-
'i l
fur'la nature ies Dieux & fur leur pouvoir, mais les expKcations y font I>mc«»tio»
fort obfcures fur l'état des Ames après leur féparation. Elles portent feule- d»*' ]*»<>«•
ment, que les Ames imputes ne font pas reçues d'abord dans le Paradis de
leurs Dieux , & qu'elles demeurent errantes , aufli long-tems qu'il eft nécef-
îaire pour l'expiation de leurs péchés. On ne reconnoît point dans cette
Religion, d'autres Diables que les âmes des renards; animaux qui font beaur
coup de ravages au Japon. Rien n'eft plus fimple que le culte. 11 n'a point
de rites fixes , ni de cérémonies , ni de chapelets , ni aucun formulaire de
prières. On fe lave , pour aller au Temple. On met fes meilleurs habits , Simplicité
fur-tout le- jours de Fête. En arrivant à la cour du Temple , où l'on fe dçi culte.
rend d'un air grave & compofé , on fe lave ordinairement les mains dans
le baiTm qui eft à côté de la porte. Enfuite, s'avançant les yeux baifles,
on monte fur la galerie, pour fe mettre à genoux vis'à-vis de la porte. Dans
cette pofture, on baifle peu à peu la tête jufqu'à. terre , on la relève, & '•."•••■•:•
les yeux tournés fuF le miroir , on adreffe une courte prière au Dieu , pour
lui expofer fesbefoins; on jette quelques pièces d'argent dans le Temple
ou dans le tronc; on frappe trois fois fur la cloche qui pend à la porte,
pour réjouir les Dieux , qui , fuivant les idées des Japonois , prennent un
plaifir extrême au fon des inftrumens de Mufique; après quo: l'on fe retire,
pour aller pafTer le refte du jour en promenades , en jeux & en feftins. L'o-
pinion commune eft que les jours de Fête font inftitués pour fe récréer &
fe délafler du travail ; on les choiût pour les vifites , les feftins & les noces ;
& fouvent les perfonnes publiques n'en prennent point d'autres pour leurs
audiences.
Toutes les Fêtes du Sinto ont leurs jours fixes. Chaque mois en a
trois, qui reviennent conftamment le premier jour, le quinzième & le der- Sinto
nier {k). Cinq autres font réparties dans le cours de 1 année, & fixées à Fêtes an*
certains jours, qui paflent pour les plus malheureux, parcequils font im- nuelles.
{)airs, & qui en ont pris leurs noms» 1°. Songuatz , ou le premier jour de
'an (/). 2°. Sanguatz-SannitZf le troifième jour du troifième mois. 3*». Go-
'z^.i-l guatZ'
ne une boete , qui contient deux on trois
éventails, & un morceau de chair d'/^wabi,
ou de VAuris maurina , féche & attachée aux
éventails, avec le nom de celui qui fait le
préfent,' écrit fur la boëte, afin que la per-'
fonne , à qui on le fait , reconnoUfe d'où il
lui vient, H dans fon abfcnce on le.lailToit
à fa porte. Ce morceau de chair eft deftiné
à leur rappeller la frugalité & la pauvreté
de leurs Ancêtres , qui ne vivoient prefque
que de la chair de ce coquillage. Chez , les
perfonnes de qualité., où il fe fait un très-
grand nombre de vifites , un Officier de la
Maifon fe tient dans une falle baffe, pour
recevoir les complimens & les préfens, &
pour écrire les noms de ceux qui font venus.
Ces vifites ne durent que trois jours ; mais.
on continue de fe réjouir pendant tout le
mois. Kampfer , pag. 25.
Fôtes du
(jk) La première eft plutôt im jour de
complimens, que d«? dévotion. Les Japo-
nois fe lèvent de grand matin , & vont de
maifon en maifon . rendre vifite à leurs Su-
périeurs, à leurs Amis & à leurs Parens. Le
refte du jour fe paffe en promenades & en
amufemens. Dans la féconde Fête , on don-
ne prefque tout le tcms à la vifite des Dieux.
La troifième eft affc» négligée des Speéta-
tcurs du Sinto.
( 1 ) Le Songuatz eft célébré avec toute la
folemnité poflîblè. 11 fe paffe en vifites mu-
tuelles, pour fe complimenter fur l'heureux
commencement de l'année , à manger , à
boire, à vifiter les Temples. Tout le mon-
de fe lève fort matin , met fes plus beaux ha-
bits , & va chez fes Patrons , fes Amis & fes
Parens, à qui l'on fait, .avec une profonde
révérence, le Médita, c'eft-à-dire, un com-
pliment convenable au tems. On- leur don-
":»'!
Eee 3
4oC
VOYAGE DE K iE M P F E t
00 Juo».
Fôtes de
Tenr».EUii-
Dfin.
Fôte d'Ichi-
!u, Neptune
du Jupon.
Patrons des
Marchands.
Pèlerinages
du Japon.
guatz-GonitTi^ le cinquième j'our du cinquième mois. 4". SiifiguatX'Fanuh^
le reptième jour du feptième moit. 4». Kugatx-Kunitz^ le neuvième jour
du neuvième mois. Ces grandes Fêtes annuelles font moins des Inllitutions
religieufes, que politiques j & comme elies font moins confacré&s au cul.
te des Dieux ou'au plaifir , elles font célébrées par tous les Japonois , fani
diflinélion die Se6^e. Ksmpfer fair ) hidoire de leur origine , <& le récit
de leur célébration.
Le fixicme jour de la neuvième Lune cil: particulièrement confacré au
grand ProteÊleur de l'Empire , Tenfio-Dai-Dlîu. On le célèbre dans toutes
les Villes & dans tous les Villages , par des réjouiflances publiques , par
des procelTions A des fpeftacles. Ce Dieu avoit plufieiirs frères, dont quel-
ques-uns ont auffi leur culte; & les Marchands folemnifent fur-tout la Fête
d'Iâiifu, l'un d'entr'eux, qui, s'étant attiré la difgrace de Ton aîné, fut re-
légué dans une Ifle deferte. Il ell regardé comme le Neptune du Japon,
fur une tradition populaire, qu'il pouvoit vivre jufqu'à trois jours dans l'eau.
Les Pêcheurs & les Mariniers l'ont choifi , par la même raifon , pour leur
Protecteur. On le repréfente aiiis fur un rocher, tenant une ligne d'une
main , & de l'autre un poiTon , nommé Tai , qui lui eft particulièrement
confacré. Ce poiflbn,. qu" ^ft très-rare, reflemble à la carpe: il efl agréa-
blement bigarré de rouge ôi. de bleu , & les Japonois lui donnent lé premier
rang entre les poiflbns. J^cii .:.-< -»=){. ^' : ^i:p iw mi :nu
Les Marchands ont trois autres Patrons , entre les Dieux du Pays; fim
nommé Dai-Kofu, qm, par-tout où il frappe de fon- marteau , fait fortir les
chofcs dont il a befoin. On le repréfente alîis fur une balle de riz, fon mar-
teau à la main droite, & près de lui un fa'e, pour' y mettre ce qu'il veut
faire fortir de la Terre. Le fécond, qui fe nomme ToJJî-ICokUy efl: invo-
qué au comm';ncement de l'année, pour obtenir le fliccês de toutes fortes
d'entreprifes. On le repréfente debout; vêtu d'une grande robbe à larges
manches, avec une longue barbe, un fiHMit d'une prodigicufe largeur, de
grandes oreilles, & un éventail à la main. Le troifièrtie elV révéré fous le
nom de Foîey. Sa figure n'a de fingulier qu'un gros ventre. On lui deman-
de de la fanté, des richefles & des enfans. Les Japonois ont un Dieu de
la Médecine, un Dieu des Enfers, ou des renards, & quantité de Saints
ou de Héros, dont ils célèbrent auflî les Fêtes. Celui. qu'ils nomment Su-
cva, & qui efl honoré particulièrement par les ChaiTeurs, reçoit des hon-
neurs folemnels, le neuvième de chaque mois. Kaempfer s'étend beaucoup
fur les Matjitris, c'eft-à-dire fur 1er proccflîons & les fpeélacles, qui fe font,
à l'honneur de Suwa, dans dans la^ Ville de Nangafaki , dont il efl; le Pro»
tûàeur particulier ( m ).
Lx ne s'attache pas moins à décrire les Pèlerinages, qui font un des prin-
çipau2ç objets de l'a pieté des Japonois. Un zélé Seftateur du Sinto ne va
point àd'autres Temples que ceux de fes propres Dieux: mais la plupart ne
prennent, pour règle, que leur inclination ou leur commodité. Le pre-
liiier Pèlerinage eft celui d'Isje, ou Ixo. Le fécond efl: aux trente -trois
Temples de Quamwia^ qui font dans l'étendue de l'Empire. Le troifième,
a
(m) Tome II. pag. 143 & fuiv., après la Defcription de cme Ville. '
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
♦o?
Dcft-riptlon
du Pclcriiiii^e
d'Isjo.
I quelques Temples des principaux Sinst Camis ou Fotoquesj âc des plus re« Dimm^oH
nommés par leurs miracles; tels que Nikâtira » c'eft-à-dire le Tmple de la »«]*»««•
fpUndeur du Soleil ^ dans la Province d'Osju , ou quelques Temples de Fatzo-
nan, & du fameux Légiflateur jfakufi. Mais Kacmpfer fe borne à la def-
cription du Pèlerinage d'Ixo. ^
Le fameux Temple, qu'on vifite dans la Province de ce nom, cft dédié
àTenfio-Dai-Dfm, qui naquit dans cette Province. On le nomme Dai-
Siwgu, c'efl-à-dire, Temple du grand Dieu. Il eft bâti dans une grande Plai-
ne , & n'a rien de refpeâable que fon antiquité. C'efl un mauvais Edifice
de bois, couvert d'un toît de chaume aflez plat. On apporte une extrême
attention à le conferver dans fon premier état , comme une image de l'an-
cienne fimplicité. Il n'offre, dans l'intérieur, qu'un grand miroir de mé-
tal , & du papier découpé autour des murailles. Près de cent petites Cha-
pelles , bâties à l'honneur dc« Dieux inférieurs , environnent le Mia ; la
plupart ù bafl'es , qu'on a peine à s'y tenir debout. Elles ont toutes un Ca-
nuli pour Gardien. Quantité d'Officiers du Temple, qui fe qualifient de
Meilagers des Dieux, habitent aux environs , &. tiennent des logemens
prêts pour les Pèlerins. Affez proche efl un gros Bourg , qui porte le mê-
me nom que le Temple, & dont mefque tous les Habitans font Hôteliers ,
imprimeurs, Faifeurs de papier oc de cabinets. Relieurs, Menuifiers, & ' , .^
Artifans de tous les métiers qui peuvent entrer dans le Commerce permis û .;
près du Temple.
Les vrais Dévots font ce Pèlerinage one fois l'an; & perfonnc ne fe dif*
penfe de le faire , du moins une fois , dans le cours de fa vie. On ed mê-
me perfuadé qu'un Japonois, qui aime fa Patrie, doit rendre ce devoir de
refpeà: & de reconnoiffance à Tenfio-Dai-Dfm, finon en qualité de Dieu
& d'Efprit tutelaire de la Nation , du moins comme à fon Fondateur & fon
premier Père. Se» vrais Adorateurs crayent qu'il y a plufieurs grâces atta-
chées à ce Pèlerinage , telles que l'abfolution des péchés , l'aflurance d'un
état heureux après la mort, lafanté, les richefles , les dignités, une podé-
rité nombreufe ; enfin toutes les bénédiftions de cette vie & de l'autre. Les
Canufif donnent, à chaque Pèlerin , un Aâe autentique de la rèmillion de
fes péchés. Ceux à qui leur âge, leurs infirmités, ouïes devoirs de leurs
emploi*, ne permettent point d'aller au Temple, reçoivent chez eux ces
ablôlucions, qui leur font envoyées pour un certain prix ; & cette rétribu-
tion fait une partie confidérable du revenu des Temples Ôc de leurs Mi-
niftres.
Le Pèlerinage d*Ixo fe fait dans tous les tems de l'année; mais le plus Tems du
grand concours eft aux mois de Mars & d'Avril ; faifon charmante au Ja- Pèlerinage.
pon. On y voit des perfonp^s de toutes fortes d'état, à l'exception des
plus puiffans Princes, qui le font rarement en perfonne. Ils imitent l'Em-
pereur fèculier. Ce Prince fe contente d'y envoyer tous les ans une Am-
baflade, dans le même-tems ^u'il en fait partir une autre pour le Dairi, qui
eft difpenfé de tous les Pèlerinages , par la fupèrioritè de fon rang & par la
fainteté de fa perfonne. On trouve toutes fortes de commodités pour le
Voyage ; car chacun a la liberté de le faire à pied , en litière , ou à che-
val, & même avec une fuite convenable à fa qualité. Les plus pauvres
por-
L'Einp.crciir
& les Piiiia.'S
s'en tiifpcîi-
fcnt
s
40l
VOYAGE DE K iE M P F E R
DlieRTFTtON
OU Jaion.
Comment
les Pauvres le
font.
OfFawaI ,
ou Afte d'ab-
folution qu'ils
leçoivent.
Ordre Reli-
gieux d'Her-
mites, nom-
més Jamnja-
bos.
Leur Fon-
dateur & leur
inllitution.
portent leur Ut fur leur dos, c*e(l*à>dirâ une natte de pai.ic roulce. Ils ont
un bâton à la main , & une (jcuelle de bois pendue à leur ceinture. Ils ten-
dent leur chapeau comme les Pauvres de PLuropc, pour demander l'aumô-
ne. Lorfqu'un Pèlerin quitte fa maifon pour fe mettre en marche, on atta-
che, à fa porte, une corde entoriillce d'un morceau de papir bleu, pour
avertir ceux qui ont contraé):ë quelque impureté légale , de ne point entrer.
Les Pèlerins, pendant leur Voyage, doivent s'abftcnir eux-mêmes d'appro-
cher d'aucune femme, fans en excepter la leur. En arrivant au terme, ils
fc rendent chez le Canufi auquel ils font adrelTés, ou qu'ils connoiflcnt dé-
jà. Ils fe prollernent devant lui , jufqu'à toucher la terre du front. Après
les avoir inftruits, il les mène lui-même devant le Temple, où ils s'éten-
dent de toute leur longueur, le ventre & le vifage contre terre. Dans cet-
te pollure, ils font leur prière au Dieu; & ceux qui ne font pas alfez ri-
ches pour fe loger dans une Hôtellerie, retournent chez le Canufi, qui les
reçoit avec une charité apparente, mais qui ne rifque rien à fe fier à leur
reconnoiflance, parceque, dans l'ardeur de leur dévotion, ils lui donnent
jufqu'au fruit de leur quête. Avant que de partir, ils reçoivent avec ref-
pea l'Aéle d'abfolution , renferme dans une boëte, fur laquelle font écrits
les noms du Temple & celui du Canufi. Cet Afte fe nomme Offawai. Ils fe
l'attachent au front, fous le bord de leur chapeau, pour le tenir à couvert
de la pluye; & ils mettent, du côté oppofè, une autre boëte, ou une poi-
gnée de paille , à - peu - près du même poids. Ils le regardent comme une
Relique fiprécieufe, qu'après l'expiration du terme de fes effets, qui eH
toujours la fin de l'année , ils le placent dans leur plus bel appartement.
Quelques-uns le mettent fous un petit toît, au-deflus des portes de leur
maifon. Les Canufis du Temple d'Ixo font vendre , au premier jour de
l'an , dans toutes les Villes de l'Empire, un prodigieux nombre de ces OfFa-
wais, avec les Almanacs nouveaux qui fe compofent par l'ordre du Dairi.
Ceux qui en achètent une fois , font aflurés que tous les ans , on leur pré-
fentera trois chofes: une quittance du CanuQ, un nouvel Offawai, & un
Almanac de l'année (n).
Oi, a remarqué, en parlant du Dairî, qu'il efl: le Chef fuprême de l'an-
cienne Religion, & qu elle n'a pas proprement de Prêtres, puifqu*elle n'en
a pas d'autres que ce Prince & toute fa Cour , qui ne font d'ailleurs aucune
fonftion écdéfiaftique , & que les Canufis, dont l'Office fe réduit à la gar-
de des Temples. Mais elle a fort anciennement un Ordre Religieux d'Iier-
mites, qui fe nomment Jammabos, c'eft-à-dire 5oWaf j de Montagne \ 6c. qui,
fuivant leur nom & leurs règles , font obligés de combattre pour le fervi-
ce des Garnis, & pour la confervation de leur culte. Ils font profel&Tn 4e
mener une vie très-dure, voyageant fans cefle dans les Montagnes faitu«,
vivant de racines pendant ces voyages, & fe baignant dans l'eau froide,
au cœur même de l'Hyver. On attribue leur inftitution à Gienno-Giqffa ^ dont
on ne connoîc point la naiiTance (o), & qui pafla toute fa vie à parcourir
les
(n) Kajmpfer , Tome II. pag. 42 & pré-
vcédentcs. Il joint, à ce récit, une Relation
Japonoife de l'état préfent des Temples d'Isje
ou d'Ixo.
(0) Ka;mpfer dit qu'il vivoit il y-» pies
d'onze cens ans.
I ,
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lxv. IV. 409
les dëferts , où il découvrit des nouvelles routes pour la commodité des
Voyageurs. Les Jammabos font divifés en deux Congrégations, fous les
noms de Tofanfas èc. de Fonfanfas^ dont la principale diftérence conlifte dans
celle d'un Pèlerinage particulier, qu'ils font obligés de faire tous les ans.
Les uns ont pour terme une Montagne fort haute, nomnieé Fikoofan, dan»
la Province de Jiueen. Les autres vont au tombeau de leur Fondateur, dans
la Province de Jultfijno, fur une autre Montagne, qui n'cll pas moins diffi-
cile, & qui fe nomme Omine. A leur retour, les uns & les autres font obli-
gés d'aller rendre vifite à leur Général, qui réfide à Meaco. Ils lui font
préfent d'une partie de leur quête, pour laquelle ils reçoivent un nouveau
titre de diflinélion, & le droit de faire quelque changement honorable à
leur habit. Ils font vêtus comme les Séculiers, avec quelques ornemens
qu'ils y ajoutent , & qui font réglés par les flatuti de l'Ordre. Leur ci-
meterre, qu'ils portent attache a leur ceinture, du côté gauche, eft un
peu plus court que les cimeterres communs , Ôc le fourreau en ell plat. Ils
ont , à la main , un petit bâton du Dieu Dlifo , avec un pommeau de cui-
vre, où tiennent quatre anneaux du même métal, qui leur fervent à faire
du bruit pendant leurs "prières. A leur ceinture pend une grande coquille,
tournée en trompe, unie, blanche, avec des lignes & des taches rouges,
qui le trouve fur la Côte d' Array , & qui leur fert en eifet de trompette ou
de cor , p ûur demander l'aumône aux Voyageurs qu'ils rencontrent. Ils
ont, autour du cou, une forte d'écharpe, terminée par des franges, qui
fait connoître, par fa longueur & par la difpolition des franges, les titres
qu'ils ont reçus de leurs Supérieurs. Il y en a peu qui portent un bonnet
particulier: mais leurs fandales font faites de paille entrelaflee, ou des tiges
de la fleur de Tarate, plante à laquelle ils attachent une haute opinion de
fainteté. L'ufage de cette chauflure cfl: réfervé, fur-tout, pour leurs Pè-
lerinages aux deux faintes Montagnes. Ils ont fur le dos, un fac, dans le-
quel ils mettent leurs livres, leur argent & leur linge. Jamais ils ne font
ans une efpèce de chapelet, de grains raboteux , fur lequel ils rccitcnc
leurs prières ; mais comme l'invention en eft plus nouvelle que l'inftitution
de l'Ordre, on n'en trouve aucune trace dans les ftatuts. Enfin , ils ont un
gros bâton , dont l'unique ufage eft de les foûtenir dans leur marche. Les
plus diftingués fe font couper les cheveux fort courts , derrière la tête. Les
autres leur laiffent toute leur longueur, & fe contentent de les relever en
les attachant. Plufieurs néanmoins fe les rafent tout-à-fait. Ils font ma-
riés, & leurs enfans fuivent le genre de vie de leurs pères. On ne man^
que point de rencontrer quelques Jammabos , autour des plus célèbres
Mias. Ils demandent l'aumône avec leur trompe, ou d'une voix forte,
au nom du Dieu qu'on y adore. Leurs enfans, qu'ils élèvent dans cet-
te profeflion vagabonde, font fort incommodes aux Voyageurs. Ils vont
les attendre fur le penchant des collines, & dans les paflàges étroits, où il
eft difficile de refufer quelque libéralité à leurs inftances.
On trouve, fur les grands chemins du Japon , d'autres Mendians, qui
marchent ordinairement quatre à quatre , vêtus de toile blanche , comme
on l'eft à Ja Cour du Dairi. Les deux premiers vont d'un pas lent & grave,
mais d'un air réfolu. Lorfqu'ils entrent dans un Village, ou qu'ils voyent
l
DESCitfTtO!»
DU jAfOIf.
I.cur InUit
& Lurs orne-
Comment
ils d'jiirui-
dent i*;'iiiii(V
ne, eux (ik.
leurs ciitaus.
Mcnd.aiji
d'une autre
cfpccc.
Xjr, Part.
Fff
ap-
410
VOYAGE DE KiŒMPFER
Men-.àa) es.
DEscrrîmo» approcher quelque Voyageur, ils s'arrêtent, pour difpofer une grande ci-
Du Japon, ^iqyq qu'ils porteirt avec eux, garnie de branchies de fapin & de papier
blanc découpé, fur laquelle il* mettent une efpèce de cloche de matière lé-
gère, ou un chaudron, ou quelque autre maclùne qui fait allufion à de vieil-
les fables. Letroifième, portant à la itmn un bâton de commandement
orné d'une touffe de papier blanc, marche, ou plutôt, danfe devant la ci-
vière, & chante à voix baffe une chanfon fur le même fujet; tandis que le
Autre efpèce. quatrième demande l'aumône auxPaffans, ou de porte emporte. D'autres,
qui vont auffi par petites troupes & vêtus de blanc, ne demandent pas
l'aumône , mais avancent toujours , en chantent & jouant de la guitarre
ou d'une efpèce de violon , & reçoivent ce qu'on leur offre volontaire-
ment. D'autres encore vont nuds dans le plus grand froid , en vertu
d'un vœu par lequel il» fe propofent d'obtenir quelque grâce de leur Dieu.
Us mènent une vie f&et pauvre , ne reçoivent rien des Paffans , vont
feuls , & counent prefque toûiours , apparemment pouv réfifter mieux
au froid. Enfin ^ les grands chemins de l'Empire offrent use Seéle par-
ticulière de Mendiant, , qui' Goniprendf les d'eux Sexes, & qcti ont tous la
tête rafée. Les filtei f<Mat fous la protedion de certaines Rdîgieufes de
Meaco & de Kamakura, auxquelles cette dépendance les oblige de payer
un tribuj annuel, du profit de leurs quêtes. Plufieurs font auffi àea offran-
des au Temple de Kbièmanô, dans la Province d'ïsje, qui efl leur principale
demeure & le centre de' leor Ordre. K« ;ipfer les- repréfeflte comme les
plus belles perfonnes du Japon. Unfe fi^le n^e de Parens pauvres, & qui
n'a. que la beauté pOi;t partage, embraffe d'autant pdûs volontiers ce genre
de vie, qu'elle eft; fâre de n y manquer de rien : mais fouvenc la Religion
fert de voile à ces beltes Pclerwies, pour couvrir la plus honteufe débauche.
C'eft la reffource commune de toutes les filles des Jammabo»; de la plupart
de ces Hermites Montagnards prennent leurs femmes dans cet Ordre. El-
les demeurent deux oh trois^ènfemble, & chaque jour elles font une cour*»,
de quelques miles. Lorfqu'elles apperçoivent un Voyageur de diftinftion,
elles s'approchent de lui en chantant; & s'il leur fait quelque aumône, el-
les ne font pas difficulté dé l'accompagner aufli long- teras qu'il le defire ,
pour fervir à fon amufement. Comme leur état ks oblige d'avoir la tête
rafée, elles cachent cette difformité par unepetide coeffa noire, qui n'ai-
de pas peu à relever les agrémens^de leur viîage. Kaempfer a déjà peint
leur propreté dans- fon Journal. Elles ont, dit-il, desmitaines aux mains;
&, fur la tête, un grand chapeau, qui les garantit de l'ardeur cki Soleil &
des injuresde l'air. Avqc une contenance & des manières féduifantes, elles
ont une apparence de mod^cftie ; quoiqu'elles ayent la gorge fort découverte.
L'ancienne Religion s'étoit foûtenue dans cette fimplicité, depuis
l'origine de la Monarchie , lorfque l'Idolâtrie étrangère vint di vifer les ef-
prits, par un Schifme qui produifît deux Seftes, entre lefquelles le Sinto
efl: aujourd'hui partagé. L'une, nommée J^'wVa, comprend les véritable»
Orthodoxes , qui n'ont pas voulu fouffrir le moindre changement dans la
Doftrine de leurs Ancêtres. L'autre efl: celle des Riobm , efpèce de Syncré-
tijies^ qui entreprirent de concilier les deux Partis, en imaginant que l'ame
à'Amick t le plus célèbre des Fotoques , s'étoit jointe & confondue avec
celle
Naifiance de
deux Scftcs
du Sinto , les
Juitz & les
iliobus.
Deux Con-
frairies d'A-
veugles.
Les BulTets-
Sato, & leut
origine.
DANS L'EMPIUE DU JAPON, Liv. IV. 411
celle de Tenfio-Dîii-Drm. Cette Sede l'emporte par le nombre. Elle a DEscnifTioif
même trouvé quelque faveur à la Cour du Dairi. Enfin fes progrès font °" jAroî**
tels, qu'à l'approche de la mort, prefquc tous les Japonois implorent les
IJoles étrangères , <Sc demandent que les funérailles fe faflent avec ks ce- •
rémonies du Budfo. Cependant les Camis ont encore de zélés Partifans ,
encre lefquels il paroît qu'on peut mettre diverfes Confrairies ; les unes
écclélîaftiques, d'autres mixtes, & fur-tout deux Sociétés d'Aveugles, qui
font deux Corps nombreux dans l'Etat. K,aempfer rapporte leur origine,
d après les Hilloriens id Japon. Un jeune Prince , nommé Semnmar , fils
d'un Dairi , fe fit aimer d'une Princefle du fang Impérial; mais leur bonheur
ne fut pas de longue durée. La Princeffe mourut , & Semnimar perdit la
vue, à force de pleurer. Pour fe confoler de cette double infortune, il
prit enfin la réfolution d'inftituer une Confrairie, où l'on ne reçût que des
Aveugles. Il en dreifa les ftatuts; il en obtint la confirmation de l'Empe-
reur , fon Père ; & pendant plufieurs fiècles , cette Société fut très - florif-
fante, fous le nom de BuJJitsSato ^ ou Aveugles • Buiîets. Mais elle n'efl:
aujourd'hui compofée que de Gens d'Eglife, dont les règles & les mœurs
ne difl^èrent pas beaucoup de celles des Jammabos. Sa décadence pfl: ve-
nue de l'inftitution d'une autre Société d'Aveugles, pour laquelle plufieurs
Grands de l'Empire, qui avoient perdu la vue, fe déclarèrent avec d'au-
tant plus de zèle , que fa naiffance eut quelque chofe de noble & de militai-
re. L'Empire étoit partagé en deux faaions principales. L'Empereur Fe-
ki avoitpour lui la première; & le Cubofama, nommé Genâz^ étoit à la
tête de la féconde. Chacune prit le nom de fon Chef; & ces divifions
remplirent long-tems le Japon de fang & d'horreurs. Après une longue
variété de fuccès , les Gendzis prirent l'afcendant , par la bonne conduite
de Joritomo, devenu Cubofama , qui gagna une bataille décifive, où l'Em-
pereur fut tué. Ce malheureux Monarque avoit un Général d'une bravou-
re & d'une force, qu'on croyoit furnaturelles. Son nom étoit Kakckigo. Il
s'étoit fauve avec les débris de l'Armée vaincue; mais il fut pris enfuite
par les Troupes viftorieufes. Joritomo l'eftimoit. Il voulut fe l'attacher
par fes offres. Ce brave Guerrier lui répondit. „ J'ai été fidèle Serviteur
„ d'un bon Maître; il ell mort; perfonne ne fe vantera jamais que j'aye eu
„ pour lui la même fidélité & la même affedlion. J'avoue que je vous dois
la vie; mais mon malheur eft tel que je ne puis tourner les yeux fur
„ vous , fans me fentir le defîr de vous ôter la vie , pour vanger mon Maî-
tre. La fortune me réduit à ne pouvoir vous marquer la reconnoiflan-
ce que je dois à vos offres, qu'en ni'arrachant ces deux yeux qui m'exci-
tent à vôtre perte (/))". En achevant cette réponfe, il s'arracha les
yeux, les mit fur une afliette, & les oftVit à Joritomo. Un mélange d'hor-
reur & d'admiration lui ayant fait accorder aulfi-tôt la liberté, il fe retira
dans la Province de Fiunga, où il inftitua la Société d'Aveugles qui porte
le nom de Feki, & qui s'ell extrêmement étendue. Elle ell compofée d'A-
veugles , de toutes fortes de rangs & de profeflions. Comme ils font tous
Séculiers , leur principale diflinftion efl de fe faire rafer la tête comme les
Buf-
(p) Tome II. pag. 57.
Fff 2
Les Fckis.
Hifloire de
leur Fonda-
teur.
»
»
Sinc.ulan'iiîs
des Aveugles
Fekis.
41^
VOYAGE DE KiEMPFER
DESCRirTION
su Japon.
Leur.Gou-
▼erneinent.
Il s'étend
dans les Pro-
vuiccs.
Enmlation
iinguliére
pour les rangs.
Budtb, fe-
«onde Rcli-
jçion du Ja-
pon.
Anciennes
ïdok'?.
Buflets, ou les Aveugles Eccléfiafliques. Dans la manière de fe vêtir, ils
diffèrent peu du commun des Japonois , quoiqu'entr'eux les rangs & les di-
gnités foyent marqués par certaines différences. Les plus pauvres ne re-
çoivent point d'aumônes. Ils s'entretiennent honnêtement par l'exercice
de divers métiers, qui s'accordent avec leur infortune. Plufieurs cultivent
heureufement h Muiique. On les employé, dans les Cours des Princes &
des Grands de l'Empire, aux Solemnités, & aux Fêtes publiques, telles
que les proceffions & les mariages (q). Ils font difperfés dans tout l'Em-
pire; mais leur Général réfide a Meaco. On lui donne le nom d'OJîokf; &
le Dairi lui fait une penfion annuelle de quatre mille trois cens taels , pour
fon entretien. 11 gouverne .1 Société, à la tête d'un Confeil de dix An-
ciens , qui a le pouvoir de vie & de mort ; avec cette reflriflion , néan-
moins , que pour l'exécution d'un Criminel , la fentence doit être approu-
vée & l'ordre expédié par le Préfident de la Juftice Impériale. C'efl; le
Confeil de Dix , qui nomme les Officiers inférieurs qui réfident dans les Pro-
vinces. Les Supérieurs Provinciaux portent le titre de Kengios ; & chaque
Kengio a fes Kotos, ou fes Confeillers, qui gouvernent eux-mêmes des Dif-
triéls particuliers, & qui font diftingués du commun des Aveugles, par la
largeur de leurs culottes. Kaempfer vit à Nangafak» un Kengio & deux
Kotos , dont l'autorité s'étendoit fur tous les Aveugles de la Ville & du
Pays d'alentour. Il leur attribue une fingulière efpèce d'émulation. Ils font
obligés, dit-il, d'acquérir, de cinq en cinq ans, un nouveau Quan^ c'efî-
à-dire , un titre plus confidérable, qui leur eft conféré par le Kengio. Ces
titres coûtent depuis vingt jufqu'à cinquante taels. S'ils négligent de s'a-
vancer , ou fi la fomme leur manque , ils tombent dans un rang infé-
rieur à celui qu'ils occupoient (r).
Passons au culte des Idoles étrangères, qui font venues di/puter,
aux Camis, les adorations des Japonois. Budjb^ ou Budfody nom qu'on
donne à cette Idolâtrie', fignifie proprement Voye des Idoles étrangères,
ou manière de les honorée Quelques Auteurs prétendent qu'elles ne font
pas en effet les premières Idoles que les Japonois ayent reçu des Etrangers,
& que , dès la fondation de l'Empire , il s'en ^toit introduit quelques autres
dans le Khumano. On ne fçait pas trop non plus , obferve le nouvel Hif-
torien (j) , ce qu'il faut penfer d'une Idole nommée Denixy ou Co^/, à la-
quelle
( g ) On ne cefle point de s'attacher ici à
Ksempfcr. Le nouvel Hiftorien du Japon a-
joûte au môme récit , plufieurs traits agréa-
bles , qui relèvent beaucoup la Société des
Fekis : mais il ne fait pas connoître de quel-
le fource il les tire. „ Us font , dit-il , leur
„ principale occupation de l'étude. Us s'ap-
„ pliquent fur-tout à i'Hiftoire , à la Poëfie ,
„ & à la Mufique. Ils font reçus, chez tous
„ les Grands, en qualité de Sçavans & de
„ Bcaux-Efprits. En effet, les Annales de
„ l'Empire, I'Hiftoire des grands hommes,
„ les- anciens titres des Familles , ne font pas
„ des monumcns plus fùrs , que la mémoire
., de ces illuflrcs Aveugles , qui fe coinmu-
» qii
„ de
niquent les uns aux autres. Leurs con-
noiffances forment une Tradition hiflori-
iue, contre laquelle perfonne ne s'avife
e s'infcrire en faux. Ils ont des Acadé-
„ mies , où ils prennent des grades. Ils s'y
„ exercent, non - feulement à cultiver leur
„ mémoire, mais encore à mettre en Vers
„ ce qu'ils favent, à mettre en chant les
„ plus beaux traits de I'Hiftoire, & à leur
„ donner tous les agrémens de la Poëfie &
„ de la Mufique". 2 orne l. pag. 324.
(r) Ksmpfcr, Tomc'II, pag. 59 & pré-
cédentes.
(j) Ubi/uprà, pag. 326.
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J»
J>
»
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 413
quelle il trouve, dit-il, dans de bons Mémoires, que les Japonois don-
noient alors le premier rang parmi leurs Dieux. „ Cependant il paroîc que
c'étoit ..loins une Divinité particulière qu'un Symbole, fous lequel on a
voulu repréfenter un feul Dieu en trois Perfonnes. On lui donne trois
têtes, & quarante mains, pour exprimer, dit -on, la Trinité des Per-
fonnes, & l'univerfalité d'opérations. D'autres ne reconnoiflent, dans
cette figure, qu'un Myftère Philofophique: ils expliquent les trois têtes,
du Soleil, de la Lune & des Elemens; le corps, de la matière pre-
mière ; & les. quarante mains , des qualités céleftes & élémentaires , par
le moyen defquelles la matière première prend toutes fortes de formes.
Peut-être auflî Denix <Jtoit-il le même qu Amida, qu'on repréfente fous
diverfes figures".
QUELQ.UE jugement qu'on en doive porter, il y a tant de reflemblance
entre la nouvelle Religion Japonoife, & celle des Bramines, qui eft l'an-
cienne Religion d'Egypte , & qui règne aujourd'hui-dans toutes les Parties
de r Afie , qu'on peut fe perfuader raifonnablement , à l'exemple de Kaemp-
fcr, que le Siaca^ ou Xaca^ des Chinois (r) & des Japonois , eft le Budha
des Banians de l'Inde; le Badbum des Ceylanois, le Sommona-Kodom des Sia-
mois ; le Sommona-Rhutama des Peguans , &c. ; en un mot , que cette Sec-
te s'eft répandue , comme le Figuier d'Inde , qui fe multiplie de lui-
même , en formant de nouvelles racines de l'extrémité de fes branches {v).
On fera difpenfé par conféquent de s'arrêter à l'explication de fes Princi-
pes, fur lelquels on s'eft aflez étendu dans les Defcriptions de la Chine, de
Siam & de l'Indouftan. Quelques différences , qu'il faut attribuer à celle
des Ufages , des Caraftères & des Langues , n'autoriferoient point d'en-
nuieufes répétitions (a;).
Il fuffira de remarquer, fuivant Koempfer, que les Hiftoires Japonoi-
DESCRIPTI0I9
OU Japo».
(0 Les Chinois l'appellent auflî Fo^ d'oîi
vienf Fotoque. Il n'cft pas nommé autrement
dans l'Article de la Chine.
(v) Ksmpfcr apporte plufieurs raifons,
x\m donnent une parfaite vraifemblance à cet-
te conjefture. Il remarque particulièrement
qu'il y a environ .vingt-trois ficelés que Cam-
byfés dfitruifit la Religion des Egyptiens , tua
leur Apis , ou leur Vache facrée , & maffacra
ou exila leurs Prêtres : Or , fi l'on confidère
que les Siamois comptent leur Soncarad , ou
leur Epoque Ecciéfiaftique , depuis la mort
de Xaca, & que leur année 2233 ou 2234,
revient à l'année 1690, de l'Ere Chrétienne,
on trouvera que cette Epoque s'accorde avec
le tems de l'invafion de l'Egypte , par Cam-
byd's. Si l'on fuppofe donc , que des Prêtres
de Memphis , fous la conduite d'un de leurs
principaux Chefs , le foyent réfugiés dans
les Indes, qu'ils y ayent prêché leur Reli-
gion, & que la réputation du nouvel Apôtre
lui ait fait donner les noms de Budba, de
Xaca, &c. , qui ûgn'iûcnt grand Saint, cette
fuppofition n'aura rien que de fort probable.
D'ailleurs le même Voyageur obferve que
Xaca efl. repréfente avec des cheveux frifés,
& qu'il eft certain qu'aucun Noir de l'Afie
ne les a de cette figure. Koempfer, Tome I.
pag 6q & précédentes.
( X ) Le nouvel Hiftorien ne laifle pas d'at-
tefter plufieurs anciens Miflîonnaires , dont
les uns font naître Xaca mille vingt-fix ans
avant Jcfus-Chrill, oc d'autres rapportent,
après les Dofteurs du Budfo , qu'ils avoient
confultés, qu'il eft né d'une Reine deDehli,
dans l'Indouftan ; quoiqu'en mêine-tems ces
Dofteurs ajoûcallent qu'il eft le Dieu de la
Nature, & qn*^ fou nom figiiifie, ce qui eft
fans commencement. Ubi fuprà , pag. 340
& 346. Mais de telles contradiélions ne pa-
roilfent pas propres à faire prévaloir le té-
moignage de ces Mifllonnaircs , fur l'opinion
à laquelle on croit pouvoir ici s'attacher.
Reflemblan-
ce de la nou-
velle Idolâtrie
des Japonois
avec la Reli-
gion commu-
ne des Indes.
On renvoyé
diverfes ex-
plications pré-
cédentes.
Fff3
V
Descrtption
DU Japon.
Ce que les
Japonois ra-
content de
Xaca, Auteur
du Budfo.
Son princi-
pal Livre,
nommé Foke-
kio.
A'nida ,
Divinité fort
difti23guée.
Comment
& f|uand le
Biicîfo fut in-
troduit au Ja-
pon.
414 VOYAGE DE K .E M P F E R
fes font naître Siaca, on Xaca, dans la Province de Magatta, au Pays de
Ter^fik^ nom fous lequel ils comprennent Ilfle de Ceyian, les Côtes de Ma-
labar & de Coromandel ; & même, en général, tout le Midi de l'Afie. Ils
le font naître la vingt-lîxième année du régne àtSomo^ Empereur de la Chi-
ne; ce qui revient, fuivant le calcul de quelques Auteurs, à 1209 ans'
avant la naiflance de Jefus-Chrift; & fuivant d'autres, à 1207. En fup!
pofant que l'Auteur de la Religion des Siamois fût le même, il ne ftroit
pas né, fuivant leur manière de compter, plus de 542 ans avant Jefus-
Chrilt. Il employa une partie de la vie dans la folitude, à pénétrer les
plus profonds fecrets de la Religion; enfuite, étant forti dé fa retraite , fui-
vi d'une infinité de Difciples, il pafFa k refte de fes jours , à répandre fa
doftrine. Açrès avoir vécu foixante-dix-ncuf ans (y), il lai/Ta fes princi-
pes par écrit à deux de fes plus iilullres Difcipltis, Annan & Kasja, qu'on
place, par cette raifon , fur les mêmes Autels que leur Maître, l'un à fa
droite, l'autre à fa gauche.^ Ils en Tompofèrcnt un Livre, qui fut nommé
Fokekio , ou Livre des belles Fleurs. On l'appelle aulfi par excellence Kio le
Lme-, & c'efl comme la Bible de toutes les Nations Orientales, fituées' au
delà du Gange. Xaca parloit fouvent d un Prophète plus ancien que lui
& qui avoit fait fon féjour dans le Royaume de Bengale, où les Indiens
ont placé leurs Champs-Elifées. Les Chinois le nomment Omito, & les Ja-
ponois Anida. Cette préférence que Xaca fembloit lui donner lui - même
lui attire les plus grands honneurs au Japon. Il a même une Sefte fort é-
tendue, qui lui eft fpécialement dévouée, & dans laquelle on fait profef-
fion de croire, que, de quelques crimes qu'on foit coupable, on eft alTuré
dufalut, fi l'on meurt en l'invoquant, parcequ'il a fa'.t une très-rude péni-
tence pour expier les péchés des hommes. AuiVi les Japonois l'invoquent-
ils continuellement. Il efl; adoré fous différentes formes , la plupart myf-
térieufes ; c'efl-à-dire , fondées fur des fables.
Suivant les Japonois, le premier qui prêcha cette Religion, pafTa de-
là au Japon (2), où il obtint la permiilion de bâtir un Temple, qui porte
encore Ion ancien nom de Fakubafi, c'ell- à-dire. Temple du Cheval blanc,
parceque le Kio y fut porté par un cheval de cette couleur. Pendant quel-
ques fiècles, la do£lrine de Xaca fit des progrès fort lents; mais , vers l'an
518 de l'Ere Chrétienne, un autre Saint, nommé Dama, fon trente- troi-
lième SuceefTeur, fit jetter des fondemens folides au Budfo, dans le vafte
Empire de la Chine, d'où il fe répandit dans le Fakhifai ; c'étoit le nom
qu'on donnoit alors à la Prefqu'Iile de Corée , & qui n'efl: à préfbnt que ce-
lui d'une de fes trois Provinces. Ce fat-là que le premier Euâs^ ou la pre-
mière Idole de Xaca , fut élevé , l'an 543 de Jefus-Chrifl. Le Japon, dont
ks
Ty) Onlit, dans Kœmpfer , quatre cens faute d'imprelTion, elle eft de cinq cens ans
cinquante ans avant Jefus-Chrift. C'cft ap- inoindre. Suivant le calcul de ce Voyageur,
pareni;nent une faute d'imprcffion ; car on
devroit lire mille cent quarante , fuivant fon
propre calcul.
Nota. Kaempfer dit neuf cens cinquante ans
avant Jefus-Chrift ; de-forte que s'il y a une
fi l'on fixe la naiiTance de Siaca , à 1209
ans , on devroit lire , mille cent trente.
R. d. E.
(2) Vers l'an de Jcfus-Chrift, foixantc-
trois.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 415
les Habitans écoient alors partagés entre letir Religion primitive, & quel-
ques Doétrines Philofophiques qui leur étoient venues de Ja Chine , ne ré-
Ijftèrent pas plus long-tems. Ils reçurent le iiudfo , fept ans après fon in-
troduftion dans la Corée , fous le règne de l'Empereur Kiinmai , qui ferma
les yeux fur Ces progrès (a).
L'attrait le plus féduifanc de cette Religion , pour un Peuple du carac-
tère des Japonois , eft l'immortalité qu'elle promet à la vei tu , dans une
plus heureufe vie. De-là, pour emprunter les termes de leur nouvel Hif-
torien, ces fcènes tragiques d'une infinité de perfonnes de tout âge & de
tout fexe, qui courent à la mort de fang froid & même avec joye, dans
l'opinion que le facrifice de leur vie eft agréable à leurs Dieux , & qu'ils fe-
ront admis au bonheur, fans aucune épreuve. Rien n'ell plus commun que
de voir, le long des Côtes de la. Mer, des Barques remplies de ces Fanati-
ques , qui fe précipitent dans l'eau , chargés de pierres , ou qui perçant
leurs Barques, fe laiflent infenfiblement fubnierger, en chantant les louan-
ges du Dieu Canen^ dont ils placent le Paradis au fond des flots. Une mul-
titude infinie de Speftateurs les fuit des yeux, élève leur courage jufqu'au
Ciel , & veut recevoir leur bénédiétion avant qu'ils difparoiflent. Les Sec-
tateurs d'Amida s'enferment & fe font murer dans des cavernes, dont l'ef-
pace leur fuffit à peine pour y demeurer alTis, & où ils ne peuvent refpirer
que par un tuyau, qu'on a foin de leur ménager. Là, ils fe laiflent tran-
quillement mourir de faim, dans l'efpérance qu'Amida lui-même viendra
recevoir leurs âmes. D'autres montent fur des pointes de rochers extrême-
ment élevés, au-deflbus defquels il fe trouve des Mines de fouffre, dont il
fort quelquefois des flammes , & ne celTent point d'invoquer leurs Dieux ,
en les priant d'accepter l'offre de leur vie, jufqu'à-ce qu'ils voyent la flam-
me , qui commence à s'élever. Alors ils la prennent pour une marque que
leur facrifice eft accepté; & fermant les yeux, ils fe jettent, la tête la pre-
mière, au fond de l'abîme. D'autres fe font écrafer fous les roues des
chariots fur lefquels on porte en proceffion leurs Idoles , & fe laiflent fouler
aux pieds , ou étouffer dans la preffe de ceux qui vifitent les Temples.
Comme on ne voit rien d'approchant dans la Religion du Sinto , il n'eft pas
furprenant qu'elle ait été fort obfcurcie par des idées fi conformes au carac-
tère héroïque de fes anciens Seftateurs. La mémoire de ces Martyrs ima-
ginaires eft en vénération , parmi ceux qui adorent les mêmes Dieux. On
leur érige quelquefois des Temples ou des Chapelles , & ces honneurs font
un nouvel aiguillon pour leurs Admirateurs. Ce n'eft pas fans préparation
qu'on fe livre à la mort. Une perfonne, qui a pris la réfolution de quitter
cette vie, pour en obtenir une meilleure, paffe plufieurs jours fans dormir;
& ceux de Cqs Amis , à qui elle communique fon deffein , ne l'abandonnent
plus. Le Martyr futur ne les entretient que du mépris du Monde. Quel-
quefois même il fait des difcours pubHcs, fur le fujet dont il eft rempli.
Tous ceux-qtjrle rencontrent lui font des préfens. Enfin, le jour du facri-
fice, il affemble fes Parens, fes Amis, & ceux que fes exhortations ont en-
gagés à fuivre fon exemple. Il excite fes Imitateurs à la perfévérance. Un
■ —■ ' "^ , ■■• Y ;.'^' ;'-v,'^^' ' feftiu
; (*) K«mpfer, TonieU. pag. (59&7a /' . '•'"''■ ' ,- -i. r..-'
DU J/iroH,
Grnnd at-
trait du Budfo
pour les Jii-
pouois.
A quel ex-
cès de F;ina-
tifmc il les
porte.
Préparp.-
tions de ceux
qui le dé-
vouent à !a
mort.
4i6
VOYAGE D E K ^ M P F E R a
DnSCRTPTION
DU Japon.
Efpric 'le
pénitence qui
règne dans le
Budfo.
Récit d'un
Pélciinage
fort étrange.
feflin termine ces préparatifs, & l'on ne fort de table que pour prendre le
chemin de la mort. Ceux qui vont fe précipiter dans l'eau fe munilTent
d'une faulx, pour couper les herbes, ou pour écarter d'autres obftacles,
qu'ils craignent de rencontrer fur leur paflage.
Tous les Japonois ne pouffent pas fi loin le Fanatifme ; mais l'efprit
de pénitence eft affez commun dans la Religion du Budfo. Un grand nom-
bre de ces Idolâtres commencent le jour, dans les plus rigoureux froids de
l'Hyver, par fe faire verfer, fur la tête & fur tout le corps, jufqu'à deux
cens cruches d'eau glacée, fans qu'on remarque en eux le moindre frémif-
fement. D'autres entreprennent de longs Péleriniges , m'^rchant nuds
pieds par des chemins fort rudes , fur des pointes de cailloux , à travers les
ronces & les épines, la tête découverte, bravant les ardeurs du Soleil, la
pluye, le froid, grimpant au fommet des rochers les plus efcarpés, courant
avec 'Me vîteffe inconcevable dans des lieux où les daims & les chamois paf-
fercient avec moins de hardieffe, & marquant, à ceux qui les fui vent, le
chemin par les traces de leur fang. Quelques-ims font vœu d'invoquer leurs
Dieux des milliers de fois par jour, profternés contre terre, frappant cha-
que fois le pavé de leur front , qui en demeure écorché. Le Pèlerinage
que certains Bonzes, nommés Xamabagis , Difcîples de Xaca, font de teras
en tems, & que leurs plus zélés Seélateurs entreprennent à leur exemple,
peint fi bien les emportemens de leur fuperftition , qu'il mérite d'être
rapporté dans toutes fes circonftances , d'après le nouvel Hifhorien du
Japon , qui les a recueillies de plufieurs Mémoires dont il garantit la
fureté.
Environ deux cens Pèlerins s'affemblent, tous les ans, dans la Ville de
Nara, qui eft a huit lieues de Meaco. Ils fe mettent en marche au jour
marqué. Le voyage qu'ils ont à faire eft de foixante-quinze lieues ; & les
chemins qu'ils choiliffent, par les bois & les déferts, font fi difficiles, qu'à
peine en peuvent-ils faire une par jour. D'ailleurs, ils vont pieds nuds,
& chacun porte fa provifion de riz pour tout le voyage. A la vérité , ce
fardcau.n'efl; pas confidérable, parcequ'on ne mange que le matin & le ioir,
& qu'à chaque fois on ne prend qu'autant de riz grillé qu'il en peut tenir
dans le creux de la main , avec trois verres d'eau. Les huit premiers jours,
on n'en trouve pas une goutte , & chacun doit porter fa provifion pour ce
tems ; mais comme elle manque ou qu'elle s'altère bientôt , plufieurs en
tombent malades. Lorfqu'ils ne peuvent plus marcher , on les abandonne
fans pitié, & la plupart périffent miférablement.
A nuit lieues de Nara , on commence à monter : mais il faut prendre des
Guides. Certains Bonzes, nommés GenguiSt qui fe rendent exprès dans une
Bourgade , nommée Ozhio , font employés à cette fonélion. Ils conduifent
les Pèlerins, l'efpace de htiit autres lieues, jufqu'au Bourg d'Ozaba^ où ils
les remettent à d'autres Bonzes, connus fous le nom de Goguis^ qui font les
Direfteurs de ce Pèlerinage. Ces deux efpèces de Bonzes mènent une vie
extrêmement pénitente. On ignore dans quels lieux ils fe retirent. L'i-
dée qu'on a conçue de ces hommes extraordinaires, leur figure, qui a quel-
que chofe d'affreux, leur air & leur regard farouche, leur ton de voix,
leur démarche, l'agilité avec laquelle ils courent fur le panchant des rochers
bordés
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
417
bordés de précipices, infpirenc une véritable horreur, qui fait frémir les Dbjcrtptto»
plus intrépides. On ajoute que ces Condufteurs ont de fréuuens entretiens duJa'ow.
avec les Démons. Enfin tout ce qu'on en raconte les feroit plutôt re-
garder comme des Efprits infernaux , que comme des hommes. Ils paf-
fent néanmoins pour ks Confidens de Xaca , & pour des Saints d'un Or-
dre didingué.
L'autorité qu'ils prennent fur les Pèlerins ne peut être conçue que par
les effets. Ils commencent par les avertir d'obferver exaftement le jeûne,
le filence, & toutes les règles établies; après quoi, pour la moindre faute,
ils prennent le Coupable, ils le fufpendentjpar les mains au premier arbre,
& l'y laiffent expofé au plus affreux defefpoir. Dans cette fituation, un
Malheureux, à qui la force manque bien -tôt pour fe foûtenir, tombe, &
roule de précipice en précipice. Les Speflateurs n'ofent pouffer la moin-
dre plainte. Un fils qui pleureroit fon père, un père qui donneroit le moin-
dre figne de compaffion pour fon fils , recevroit le même traitement.
Vers la moitié du chemin, on arrive dans un champ où les Bonzes font
affeoir tous les Pèlerins , les mains en croix , & la bouche collée fur leurs
genoux. C'e la pofture ordinaire des Japonois pendant leurs prières. Il
faut demeurer dans cette poflure, l'efpace de vingt -quatre heures. De
grands coups de bâton puniroient le moindre mouvement. Tout ce tems
efl: dëdiné à faire l'examen de fa confcience, pour fe difpofer à laconfeA
fion de tous les péchés où l'on efl: tombé depuis le dernier Pèlerinage. Au-
près jette prépc^ration, toute la troupe fe remet en marche. En appro-
chant avec de nouvelles peines, on découvre un cercle de hautes monta-
gnes, affez proches les unes des autres, au milieu defauelies s'élève un ro-
cher efcarpé , qui femble fe perdre dans les nue». Au fommet de ce rocher,
qui eft le terme du Pèlerinage, les Guoguis ont dreffé une machine, par
laquelle ils font fortir une longue barre de fer , qui foûti«it une balance
fort large. Ils placent les Pèlerins , fun après l'autre , dans un des plats de
la balance, en mettant, dans l'autre, un contrepoids pour l'équilibre. Ils
pouffjnt enfuite la barre en dehors; & le Pèlerin fe trouve fufpendu au-
dcffus d'un profond abîme. Tous les autres font affis fur la croupe des
montagnes d'alentour , d'où ils peuvent voir ce Malheureux pénitent , qui
doit déclarer, à haute voix, tous ^es péchés. Si les Bonzes croyent s'ap-
percevoir qu'il ne s'explique pas nettement , ou qu'il cherche à déguiler
fes fautes , ils fecouent la barre , & ce mouvement le fait tomber dans un
précipice , dont le feul afpeél efl: capable de troubler fa vue & fa raifon.
Auffi-tôt que l'un a fini , un autre prend fa place. Lorfqu'ils ont tous paffé
par une fi dangereufe épreuve , ils font conduits dans un Temple de Xa-
ca, où la Statue de ce Dieu efl: en or maffif, & d'une grandeur extra-
ordinaire; environnée deplufieurs petites Idoles , dont le nombre augmen-
te chaque année. Ils y rendent leurs adorations à Xaca. Enfuite, ils
employent vingt -cinq jours à faire diverfes fl:a:ions autour des monta-
gnes. De-là, prenant congé de leurs Direfteurs, auxquels chacun don-
ne la valeur de quatre écus, ils fe rendent enfemble dans un autre Temple,
qui efl: le terme de leurs dévotions. Ils n'en fortent que pour faire éclater
X/K Fart, Ggg leur
4i3
VOYAGE DE KiEMPFER 'd
priil's de hi
Religion llo-
mamc.
Bon7,os &
Ilicrarcliic du
DEscRimoif leur joye par une fête commune j & chacun prend alors le chemin qui luj
1)0 Jai'on. convient , pour fe retirer.
Pratinucs L £ même Hiftorien obferve que les Sacrifices font à-peu-près les mêmes
qui piirôiilint dans les deux Religions , c'efl-à-dire , qu'ils fe réduifent à brûler des par-
fums fur une table élevée en forme d'Autel, & placée vis-à-vis les Idoles.
On allume auffî des bougies, qui font, dit-il, une efpcce de Sacrifice. A"
l'occalion d'une Idole nommée Qjiemnoa^ à qui l'on s'adrefle, pour obtenir
fa médiation auprès des Dieux, à de certains Efprits d'un Ordre inférieur,
que les Japonois regardent comme les Miniilres des grandes Divinités , il
admire la reffemblance d'un grand nombre de leurs pratiques avec celles de
VEglife Romaine. Il en remarque dix principales, qu'on prendroit pour
autant de Traditions Chrétiennes , fi l'on pouvoit expliquer comment elles
font parvenues au Japon (A). La Hiérarchie du Budfo diffère très-peu
de celle de l'Eglife Catholique. Les Bonzes, qui font les Prêtres de cette
Religion, ont un Grand Pontife , nommé Xaco (e) , dont le pouvoir s'étend
juilques fur l'autre vie. Non-feulement 'i\ peut abréger les peines du Purga-
toire, mais on lui attribue même le pouvoir de tirer les âmes de l'Enfer,
& de les placer dans le Paradis, fans quelles foyent obligées de paflêrpar
de nouvelles métamorphofes. D'ailleurs toutes les Seftes du Budio lui font
foûmifes. On ne peut en former de nouvelle», fans fon approbation. C'eft
kii qui décide fur le fens des Livres de Xaca , & tout le Cérémonial de cette
Religion eft de fon reflbrt. Il érige des Temples, il décerne un culte aux
Saints & aux Martyrs des Seftes de fa dépendance. Il confacre les Tun-
des , qui font comme les Evêques du Budfo. A la vérité l'Empereur Cu-
bofama s'efl attribué le droit de conférer cette Dignité, à laquelle il y a de
grands revenus attachés; mais le Xaco confirme la nomination du Prince,
confacre les Tundes, & leur accorde le pouvoir de difpenfèr dans les cas
ordinaires. Ces Prélats Japonois peuveriÉ appliquer, aux Vivans & aux
Morts, les mérites des Dieux 5e (tes Saints; pouvoir qu'ils ne communi-
quent aux Prêtres, qu'avec de grandes reftriftions. La plupart font, en mê-
me-tems, Supérieurs des Monaftères de Bonzes, avec lefquels ils vivent
en Communauté; car, fuivant la remarque du même Hiftorien, tout le
(6) i". Le Signe de la Croix, comme on
Ta déjà obfervé , mafs en CrOix de Saint- An-
dré, qu'ils font aflez fouvent fur eux, prin-
cipalement le matin , on fe levant. Quand on
leur en a demandé la raifon , ils ont répondu
que c'étoit pour chaflcr le Xlémon. Le Roi
deS.itzuma, qui reçut Saint François Xavier ,
portoit une Groix dans fon Eculîbn , ce qui
eft aflbz furprenant dans un Pays oîi la Croix
eft le plus honteux fupplico. 2". Un Chape-
let conipofé de cent quatre- vingt grains, paf-
fés dans un fil , qu'on laifle d'ans la longueur.
Kaîmpfer, qui a fait graver celui du Sinto,
lui donne la même figure qu'aux nôtres.
3°. L'ufage e fonner une cloche <\ certaines
heures du jour, comme nous faifons pour
i' Angélus, Ils fe mettent alors à genoux, en
invoquant le Dieu qu'ils honorent le plus.
4. Les Pèlerinages, qui ont pour but, dans
les deux Religions , d'obtenir le" pardon des
péchés & la rémiffion* de la peiîie. 5°. Les
Proceffions , oîi l'on porte les Images des Dieux
& leurs Reliques. 6". Les vœux & les priè-
res publiques, pour fléchir le Ciel dans its
grandes calamités. 7°. Le droit dafyle, dont
Tes Temples jouifient. 8**. Des cfpèces de
Canonifations , qu'il ne faut pas confondre
avec les Apotheofes.- 9". L'ordi'e hiérarchi-
que, établi dans la Religion des Fotoqiics.
10^. Les lampes & les bonifies allumées devant
les Idoles. Ubifuprà, pag. 371 &fuiv.
(c) Apparemment parccqu'il eft Vicairo
du grand Xaca.
' ) L
1
I
"jHr-
Prez>ic^ te i/it Japotvois
Japan sche Predikant.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lxv. IV.
^i^
Clergë du Budfo eu Régulier, & peut être regardé comme un Ordre Reli-
gieux , divifé en plufieurs Congrégations , qui reconnoiflent le même Géné-
ral. Il e(i divifé en plulieurs Seélcs, que leur dépendance d'un même Chef
n*empeche pas de fe haïr mutuellement. On ne les diflingue que par la cou^
leur de leurs habits ; car la forme en efl prefque la môme , & relTemble aflez
à celle de nos Moines. Ils ont tous , les cheveux & la barbe raies ; & ja-
mais ils ne fe couvrent la tête. On croit qu'ils ne mangent, ni chair, ni
poiflbn frais. Ils donnent une partie du jour à la prière, & chantent à deux
chœurs. Quelques-uns fe lèvent à minuit, pour leurs exercices de piété.
Ils gardent un profond filence devant les Séculiers, & leur vifage refpirela
modeftie & la pénitence. On en diftingue quatre principales Seftes, qui
ont leurs Monatlères dans les lieux habités, & qui ront répandues dans le
commerce du Monde. La plupart des autres ne fré(|uentent que les bois
& les déferts. Quoique la différence de leurs opinions fafle régner en-
tr'eux une guerre ouverte, cette animofité ne fe communique point à leurs
Seétaceurs ; & la diveriité de cropnce ne trouble jamais le repos des fa<>>
milles. En général le Peuple efl mfatué de la fainteté des Bonzes , & juge
favorablement de ce qu'il refpefte. L'auftérité de leurs dehors , le crédit
qu'on leur fuppofe auprès des Dieux , le foin qu'ils ont d'attirer , dans leur
Corps, déjeune* gens d'une naiflance illuftre, foûtiennentjeur réputation
contre toutes fortes d'attaques. Il n'y a pas de Prince au Japon , qui ne
fe trouve honoré d'avoir un fils Bonze. De-là cette aveugle confiance, pour
tout ce qui fore de leur bouche & de leurs mains. Ils font un débit prodi-
gieux de certaines robbes de papier , dont tous leurs Seilateurs veulent
mourir revêtus. Ils diftribuent des pains bénis , d'une vertu proportion-
née à leur prix. Us vendent jufqu'au mérite de leurs bonnes œuvres, en
fe réfervant le principaL Ils donnent, aux pins intérelTés^ des Lettres dô
Change, payables dans l'autre Monde. Leur» Mondlères font des gouf-
fres , où la moitié des biens de l'Etat va s'abîmer. Une de leurs occupa-
tions eftde prêcher. LeDofteur, revêtu d'habits magnifiques , monte fur
une Eftrade , couverte ordinairement des plus riches tapis de la Chine. I!
a devant lui une table, fur laquelle efl: le Foquekio. Il ouvre ce faint Li-
vre , il en lit quelques lignes , dont il donne une explication aufli obfcure
que le Texte. Enfuite, il tombe fur la Morale ou fur les dernières fins de
l'homme ; mais il conclut toujours que le plus fur moyen d'obtenir la fa-
veur des Dieux, efl: d'orner leurs Temples, oc de faire de grandes libéralités
à leurs Minifl:res.
Les Temples des Fotoques portent le nom de Tiras. La plupart font
beaucoup plus grands, plus élevés, plus riches, & mieux ornés que ceux
des Camis. Il n'y a point de Province, qui n'en ait quelques-uns d'une
beauté furprenante. Rien n'approche fur-tout de la magnificence de leurs
toîts, qui font dorés, ou revêtus du plus beau vernis. Dans les Villes &
les grandes Bourgades, ils font fitués ordinairement fur le terrain le plus
élevé. Ceux de la Campagne fe préfentent , au fommet , ou fur le penchant
des montagnes & des collines. Ils ont tous (d) une vue charmante, une
four-
(rf) Voyez, ci-defliis, la Defcripticm de ceux de Meaco,dans le Journal de Kîeinpfer.
Ggg 2
ru JKfov,
Jurqu'oîi va
raveiigltincnt
dcsjanonoiii
pour les Eoa-
zcs.
.zîI'jTjjS
;af.'
Leurs Tem-
ples fc nom-
ment Tiras.
Idée qu'on en
donne.
420
VOYAGE DE K M M V T E K "f
DtieniPTroN
nu Japok.
Retiglcufes
dufiudfo.
Ses Fêtes.
Fête de
riloinmc.
fource, ou un petit ruifleau d'une eau trés-claire , un bois, & de belles
promenades. Ils font condruits du meilleur bois de cèdre & de fapin, en-
vironnés de colonnes, ornés Je ftatues & de figures en relief. L'Autel
qui s'élève au centre, offre une ou plufieurs Idoles d'or, d'argent, ou de
bois doré; & vis-à-vis, on voit toujours un grand Candélabre ^ couvert de
bougies allumées, qui répandent un^ odeur agréable. Quoique, pour le
fpirituel, les Bonzes & les Temples du Budfo dépendent du Grand Pontife,
qui fait fa réfidence à Meaco , fous l'autorité du Dairi, ils font , pour tout
le refte , comme ceux du Sinto , fous la Jurifdiftion immédiate de deux Offi-
ciers, nommés par l'Empereur Cubofama. Ces deux Surmtendans de l'an-
cienne & de la nouvelle Religion jouïflent d'une confidération fort diftin-
guée, à la Cour de Jedo. Les Jugemens de leur Tribunal font fans appel;
mais, pour l'exécution des Sentence* de more, ils doivent obtenir l'agré-
ment des Supérieurs Ëccléfialliques.
La Religion du Budfo a comme l'ancienne, des Filles rédufes, gui font
chargées de l'éducation des jeunes perfonnes de leur Sexe. Elles le nom-
ment JStVoni^, ouBicunisy quoique la plupart des Relations leur donnent le
nom de Bonzies. Dans plufieurs Provinces, on voit des Monaftéres des
deux Sexes , oui fe touchent ; & des T'emples , où les Bonzes & les Bicu-
nis chantent les louanges de leurs Dieux à deux choeurs. Les Bicunis font
aufTi partagées en plufieurs Congrégations ; ou plutôt chaque Seàe de Bon-
zes a fes Bicunis. Leur habillement reffemble beaucoup à celui de nos Re-
liçieufes, & ne diflfére entr'elles, que par la couleur. Elles s'occupent à
faire les robbes de papier & les autres bagatelles, dont les Bonzes amufenc
la crédulité du Peuple.
Qn remarque du Budfo, comme de l'ancienne Religion, qu'il a laifTé dé-
générer fes Fêtes en fpeftacles (»), quoiqu'elles y confervent une apparen-
ce plus religieufe. Une des plus folemnelles efl celle du quinzième jour
de la feptième Lune, qui porte le nom de Fête de l'Homme. Elle commen-
ce par une procelTioh , où paroifTent d'abord quinze ou vingt Chars de
triomphé, tirés chacun par trente, ou quarante hommes ,& remplis de ma*
chines fymboliques. Des troujpes d'enfans , richement vêtus , accompa-
gnent les machines , & jouent de toutes fortes d'inftrumens» Ceux gui ont
feit la dépenfe des ornemens , ou qui ont préfidé à l'invention, luivent
en bel ordre» D'autres Chars fuccédent en plus grand nombre, ornés de
peintures exquifes , chargés de repréfentations des plus beaux Monumens
de l'Antiquité, avec un cortège de gens armés de toutes pièces. L'Afîem-
blée fe rend au Temple du Dieu , dont on célèbre la Fête. Elle y demeu-
re jufqu'au foir, pour en fortir alors dans le même ordre» L'Idole fuit la
procefTion, portée fur un brancard , par des hommes qui feinblent fuceom-
ber fous le poids de la Majeflé Divine. La MaîtrefTe du Dieu parok en-
fuite, portée auffi fur un brancard. Après quelques tours par la Ville, elle
îe rencontre, comme par hazard , vis-à-vis d'un troifième brancard, où eft
l'Epoufe légitime., dont les Porteurs fe mettent alors à courir de tous côtés,
&
(«) Le goût des Japonois pour la Comédie & les Scènes de Théâtre, fe déclare dans tout
ce qu'ils font. Voyez, ci-defllu, le Jplie des Sciences. ^ ...
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
441
Yùich'v/.utrc
& fanijiantc.
& tâchent d'exprimer, par leur aflion, le chagrin que la DéefTc reflcnt de Dmcrtptioj»
voir la Rivale. Il fe communique bien-tôt à une partie du Peuple, qui fond ^^ Japom,
en larmes. Tout le monde s approche confufément du brancard, comme (1
chacun vouloit prendre parti entre le Dieu , fon Epoufe ôc fa Concubine.
Enfin l'AlTemblee fe fépare en defordrej & les Idoles reprennent le chemin
du Temple.
Dans une autre Fête, qui fe célèbre à Sacay, pendant la fixième Lune, Fête du
on choilît les plus belles &les plus jgrandes rues de la Ville; & toutes les Norimon.
avenues font fermées par des barrières. A l'heure marquée, on voit for-
tir , d'une Maifon de Bonzes , une Idole à cheval , le cimeterre à la main ,
fuivie de deux Pages, dont l'un porte fon arc & fes flèches, & l'autre un
oifeaude proye. Quantité de gens fuccédent , achevai, ou à pied; quel-
ques-uns, avec une grande fuite de Livrée, portant quelque chofc à la main ,
& répétant fans celle, d'un ton joyeux, mille ans de plaifir^ viUle milliers
d'années de joye. Les Bonzes du Monaftère, d'où ce cortège cfl parti,
viennent enfuite; & derrière eux , une nombreufe Nobleffe achevai. Une
troupe de Sorcières, dit l'Hiftorien, vêtues de blanc, fuit en chantant les
louanges de leur Dieu. La marche eft fermée par un magnifique Norimon ,
environné de gens armés, & porté par vingt hommes, qui répètent le mê-
me cri. Le Norimon eft vuide; cependant il reçoit du Peuple les mêmes
refpefts que s'il étoit occupé par le Dieu même. On lui fait diverfes fortes
d'offrandes , qui tournent au profit des Bonzes.
Une troifieme Fête, qui le célèbre dans le cours de la féconde Lune,
paroît peu mériter le nom de Solemnité religieufe. Des Cavaliers bien mon-
tés & bien armés, fe rendent fur une efpèce d'efplanade. Chacun porte,
fur fon dos, la figure du Dieu, dont il fuit la Sefte. En arrivant, ils for-
ment divers efcadrons. C'eft ie prélude d'un combat fanglant, qui com-
mence à coups de pierres; mais dans lequel on employé bien- tôt les flèches,
Jes lances , o: le fabre. On fe traite alors avec toute la fureur de la haine.
Aulli n'eft-ce que le rendez-vous de tous ceux qui ont qutlque querelle à
vuider. Chacun fe vange fous le mafque de la Religion , & fous les aufpi-
ces des Dieux. Le champ de bataille demeure couvert de morts & de blef-
fés, fans que la Juftice ait droit de rechercher les motifs de cette violence.
On juge qu'une Fête fi fingulière a été inftituée, pour décid^^r , par les ar-
mes , la préféance entre les Dieux du même ordre.
KiEMPFER ne nous apprend point en quoi confident les engagemens
du Mariage, & quelles en font les Cérémonies. Cî les trouve dans les
Ambaflcides mémorables de la Compagnie Hollandoife. Mais l'Auteur fe
contredit en quelques endroits. Cependant on ne doit pas être ici plus dif-
ficile que le nouvel Hifl:orien du Japon, qui emprunte de lui ce détail, après
avoir fait la même remarque.
„ Encore que les japonois ayent autant de femmes qu'ils en veulent»
il n'y en a qu'une de légitime & qui mange avec le Mari ; toutes ks au-
tres étant obligées de le fervir : aufll fes enfans héritent-ils de tous les
biens du père , qui donne aux autres très-peu de chofe Toutes cho-
fes étant difpofées, on va de grand matin chez l'un & chez l'autre, qu'on
met chacun dans un carofife, tiré par des bœufs ^ ou par des chevaux;
Ggg 3 » puis
®
Maringes ,
& divorces.
»
»
•■f.
422
V OT A G E 0 Ê K ^ UYft kt
DescninTiON
DU Japon.
puis on les mène horà de la Ville, au fon de plufieurs inftrumens, fui*
une colline, où chacun va par des chemins différens, au milieu d'une
grande foule, d'où ils auroient peine à fortir, fi des Archers ne fendoient
la prefle. Après le carofle du Marié , fuivent quantité de chariots , char-
gés de préfens pour la Mariée, ou plutôt de fon douaire; & au même-
tems qu'elle le reçoit , elle le donne à fes Parens , en reconnoiflance de
la peine qu'ils ont prife à l'élever. Ainfî un père efl: riche (f) , fuivant
le nombre de fes filles , principalement fi elles font belles ; celles-ci étant
mifes à bien plus haut prix que les autres Un peu avant que d'ar-
river à la colline, le Marié fort de fon carofle; & pendant qu'elle y mon-
te feule , le Mari avance feul aufli , l'un & l'autre n'étant efcortés que de
leurs Parens & de quelques Joueurs d'inftrumens , qui les accompagnent;
ce qui fe fait par des montées coupées d'une barrière, qui fépare en
montant les Mariés de leurs proches. Au haut de la colline , tous ces
gens fe féparent, & prennent place, les Parens derrièri; la Mariée, &
tous les Joueurs d'inftrumens derrière le Marié, l'un & l'autre un peu
éloignés. Ces Parens font deux à deux , fous un parafol porté par des
Valets , pendant que de l'autre côté les Joueurs d'inftrumens mettent en
„ pratique tout ce qu'ils favent ; les uns étant alîis à terre , & faifant je ne
fais quel bruit, fur je ne fais quels inftrumens, qui n'ont rien de fembia-
ble aux nôtres. D'autres frappent , avec des lîâtons , fur des boules de
cuivre , lefquelles étant creufes , ik pendues à des chaînes , qui font at-
tachées à deux gros bâtons en travers, font un certain bruit , fur lequel
„ ces gens fe remuent en cadence.
„ Entrai les Parens des Mariés & les Joueurs d'inftrumens, eft une
tente fort éclairée. Tout le dehors eft couvert de papier huilé; mais
le dedans eft tapifle d'une belle étoffe de foye. Sa figure, qui eftofto-
gone, finit infenfiblement par fix pointes, ou pyramides, foûtenues de
quatre piliers. Au ir'Ueu de la tente, eft un fort bel Autel, où eft le
Dieu du Mariage, r éfcnté avec une tête de chien, les bras ouverts,
& un fil de laiton e' les mains. Par la tête de chien , les Japonois
veulent faire entendis que la fidélité & la vigilance font nécelfaires dans
le mariage ; comme par le fil de laiton , ils repréfentent l'union étroite
,, qui doit être entre les Mariés. . . Devant l'Idole, il y a un Prêtre, à la
„ m^in droite duquel eft la Mariée, & à la gauche le Marié, chacun def-
„ (juels tient en main une torche ardente. La Mariée allume la fienne aux
lampes, qui brûlent à l'entour de la tente; pendant que le Prêtre mar-
motte je ne fais quelles paroles. . . . Après, le Marié allume la fienne à
celle de la Mariée, & les Affiftans font un cri de joye, & leur fouhai-
tent tcute forte de profpérités dans la fuite de leur mariage , à quoi le Prê-
tre ajoute fa bénédiftion — . . (g). Pendant que les nouveaux Mariés font
occupés fur la colline à leurs cérémonies , ceux qui font demeurés à pied
„ ne
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(/) Après avoir dit que le mari & la fem-
me ne diffèrent que très-peu en biens, en âge
& en qualité , il aiTure qu'au Japon , non-
fculemcnt un homme époufe une fille fans
bien , mais qu'il eft môme obligé de lui don-
ner un douaire.
( g ) Voyez la Vignette que nous avons fiiit
mettre à la tête de ce Volume, R. d. E.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. ÏV.
42^
il
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»
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,^ ne lé font pas moins ; les uns à jetter dans le feu les babioles de la Ma-
„ riée, lorfqu'elle étoit encore enfant; d'autres à mettre en mille pofliires
„ un rouet, une quenouille; d'autres enfin à faire la ronde à l'entour du
chariot où eft l'argent, qui lui efl donné pour fa dot . . . Pour conclufion,
les Prêtres tuent , au pied de la colline , deux bœufs de Siam & quelques
moutons (A) , qu'ils facrifient au Dieu du Mariage. ... On ramène en-
fuite la Mariée dans fon carofle, parmi les cris de joye du Peuple & l'har-
monie des Muficiens, au logis du Marié, où cependant de jeunes gens
font occupés , les uns à planter des pavillons fur la terrafle , & fur d'au-
tres lieux élevés ; d'autres à fe parer de guirlandes , & à femer des fleurs
dans tous les endroits de la maifon. Cette Fête, dont la dépenfe eft
incroyable , dure ordinairement huit jours,
„ L'ÂGE auquel les Japonois marient leurs filles efl quinze ou feize ans,
„ & rarement pins tard. Il arrive même afTez fouvent qu'on î?s engage dès
,', le Berceau" (f).
Il paroîtparce détail, que les inclinations n'y font guères confultées.
On fe«iarie, au Japon, fans s'être connu. Ce font les Parens , des deux
côtés, qui forment le nœud. A la vérité, cet aveugle Contrat n'eft pas
gênant , puifque la liberté de fe féparer eft égale pour les deux Sexes , &
que les hommes peuvent avoir autant de Concubines qu'il leur plaît. Ce-
pendant l'adultère eft puni de mort , dans les femmes; & quelquefois une
fimple liberté leur coûte la vie. Les Japonois font peut-être les feuls hom-
mes du Monde , qui ayent trouvé l'art de gagner & de fe conferver le
cœur de leurs femmes, par cette rigueur; car on vante leur attachement
& leur fidélité. Les Hiftoires du Japon en offrent de continuels exemples.
On y voit des femmes qui fe laifl^ent mourir de faim , dans le chagrin de
ne pouvoir trouver d'autre voye pour fuivre leurs Maris au tombeau. Il
eft difficile d'accorder ce fond de tendreffe, avec l'ufage qui permet aux
pères & aux mères d'expofer les enfans qu'ils ne font point en état d'élever.
Peut-être croyent-ils faire un aéle d'humanité , en délivrant ces innocentes
créatures, d'une vie qui leur deviendroit à charge. Les perfonnes aifées,
qui n*ont pas d'enfans, adoptent ceux de leurs Parens & de leurs Amis qui
en ont un trop grand nombre.
Dans les Alliances, on ne refpefte que le premier degré de fang , fur
lequel on ne fe relâche jamais. Lorfque les aînés des familles font parve-
nus à fâge viril , les Pères prennent le parti de fe retirer ; & leur abandon-
nant la conduite de leurs biens , ils ne s'en réfervent que ce qui eft nécef-
faire à leur fubfiftance, & à l'entretien de leurs autres enfans. Le parta-
ge des Cadets eft modique. Les Filles ne portent à leurs Maris que ce
qu'elles ont fur elles. ,; ;r
Il paroît que, dans les conditions cô'mmunes, on obferve les mêmes
degrés & les mêmes proportions que parmi IsNoblefTe, mais fans aucune
marque de dépendance, ou de fubordination. Les Marchands compofent
le
Descrtpticm
DU Japon.
(fc) L'Hiftoïien du Jâpô'n, remarque qu'il
n'y a des moutons , dans ces ines , que depuis
que les Portugais y en ont porti5; & que les
tœ.ils, qu'on nommclcs boeufs de Siam, font
d'os buflcs, naturels au Pays. Tom. I. pag. 394.
(i) Hiftoire dfé Japon,. Tom. I. }ag. 395.
& précédentes. - .,1 • i^ .,
Commciu
les Maris s'af-
furent Iccaur
de leurs fem-
mes.
Kxpofition
des enfans.
Alliances &
hérilaj;
'['rnis Or-
dres des con-
ditions com-
VUHICS.
4*4
VOYAGE DE K^MPFER
Funérailles
du Japon.
Description le premier Ordre; les Artifans, le fécond; & les Laboureurs, le troifié-
Du Japon, j^q. ^^[^ ^^^ Laboureur n'efl guères diftingué des Valets de fon Maître;
car tous les Japonois, qjji polTédent des l'erres, font dans l'ufage de les
faire valoir eux-mêmes. Ainfi tous les Domeftiques peuvent être compris
dans le troifième Ordre; & l'idée, qu'on a donnée de la Police, doit faire
juger qu'il comprend même les fimples Soldats.
Les Funérailles du Japon, auxquelles ce récit conduit afTez naturelle-
ment , font plus uniformes qu'on ne doit fe l'imaginer de cette multitude
de Seules , oc de la variété de leurs opinions. Les Miniftres des Temples
vont prendre le corps, & le portent en chantant dans leur Cloître, où ils
l'enterrent, fans autre rétribution que ce qui leur eft: offert à titre d'aumône.
Mais, avant la mort du Malade, ils ont employé tous leurs foins à fe pro-
curer une partie de fon bien. A l'égard des perfonnes de qualité , on nous
repréfente ce qui fe pratique à Meaco , où l'on peut croire que la préfence
du Dairi a fait conferver le plus ancien ufage.
Une heure avant que le corps foit tranfporté, les Amis du Mort fe ren-
dent en cérémonie , & magnifiquement vêtus , au lieu de la fépulture , com-
me pour en prendre pofleffion. A l'heure marquée, le convoi marche dans
cet ordre: i*'. les femmes, parentes ou amies du Mort , vêtues de Wanc,
& la tête couverte d'un voile de différentes couleurs. Elles font accom-
pagnées de leurs Suivantes ; & les plus qualifiées font portées dans leurs
Norimons, dont l'appareil ne fe fent point d'une cérémonie lugubre. 2^. Les
principales perfonnes de la Ville , qui veulent témoigner leur refpeft pour
la mémoire de leur Supérieur , ou de leur égal , & qui font parées comme
s'ils venoient affilier à fa noce. 3°. Après un affez grand intervalle, le Su-
périeur des Bonzes de la Se6le du Mort, tout couvert de foye & d'or, por-
té dans un fuperbe Norimon au milieu d'une troupe de Bonzes, revêtus
d'une forte de furplis, & d'un manteau noir par-deflus. 4^. Un homme
feul, en habit cendré; couleur, qui eft de deuil, comme le blanc ; & por-
tant une torche de pin. 5". Deux cens Bonzes chantant, avec une efpèce
deBede'au, qui frappe fans cefle fur un baffin. 6". Plufieurs autres Offi-
ciers, dont chacun porte au bout d'une longue pique, un grand panier de
carton, plein de feuilles, ou d'autres fllturs artificielles, qui «itant fe-
couées , Forment une forte dj pluye : tandis que le Peuple , aulïï tranfporté
dejoycque fi ces fleurs tomboient véritablement du Ciel, s'écrie que le
Mort eft entré dans fon Paradis. 7°. Huit j'eunes Bonzes, de dix-huit à
vingt ans, portant, fous le bras, de grandes baguettes renverfées, au bout
defquelles on lit, fur de petits drapeaux, le nom du Dieu de la Seéte.
Ce nom eft écrit aulTi fur dix lanternes fermées d'une toile fine, & por-
tées par dix autres Bonzes , qui fuivent immédiatement , & qui font précé-
dés de deux petites torches deftinées à mettre le feu au bûcher. Elles font
portées par un Officier, en habit cendré. 8°. Une troupe de gens, vêtus
de la même couleur, & la tête couverte de chapeaux, de figure triangulai-
re, noués fous le menton. Ces chapeaux font de cuir noir, & luifant
comme l'acier le plus poli. Le nom du Dieu y eft écrit en gros carafté-
res. Il l'eft aufiTi en lettres d'or, fur un grand Ecriceau de toile fine, porté
par un autre homme.
' Après
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 42J
Après ce cortège, le corps paroî:, dans un Norimon extrêmement or-
né, foûtenu par quatre Porteurs ; Il cft vêtu de blanc , & dans la pofture
où l'on efl en priant. Par-deflus Tes habits il porte une robbe de papier ,
où font écrits des caraéléres myftéricux , qui doivent lui faire ouvrir l'entrée
du Ciel. Ses enfans font autour de lui , dans l'ours plus riches habillem^ns ;
& le plus jeune porte une torche allumée , avec laquelle il doit mettre le
feu au bûcher. On y arrive. 11 ell conftruit dans une fofle, au milieu
d'un champ fermé de murailles, qui font tendues de drap noir, & dans
l'enceinte defquelles on entre par deux portes. Aux deux côtés du buchei
s'offrent deux tables , dont l'une efl: chargée de toutes fortes de rafiaîchifle-
mens, & l'autre d'un grand brafier.
Aussi-tôt que le corps efl: entré dans l'enceinte, les Bonzes le placent,
avec le Norimon, au milieu du bûcher. Leur Chef s'approche; & rece-
vant la torche allumée du plus jeune des fils du Mort, il tourne trois fois,
autour du bûcher, en la remuant , comme nos Prêtres remuent l'encenfoir.
Enfuite, après avoir récité quelques prières, il la rend à celui des mains
duquel il l'a reçue, qiî* la jette à l'infliant au milieu du bûcher. Les deux
autres torches, qu'on allume auflî-tôt, fervent admettre le feu en plufieurs
autres endroits du bûcher, où l'on jette en méme-tems de l'huile, des par-
fums, & d'autres matières combufl:ibles. Lorfque le corps efl: confumé, la
famille environne la table du brafier, y répand des parfums, & rend à ge*
noux des adorations au Mort , dont on fuppofe que l'ame efl: admife au
commerce de fes Dieux. On donne enfuite, à chaque Bonze, une rétribu-
tion convenable à fa dignité. Les moindres préfens font de la valeur d'un
ducat ; & les plus confidérables d'environ vingt écus. Le lendemain , les
Parens & les Amis du Mort vont recueillir fes cendres , & les mettent dans
un vafedoré, qu'ils couvrent d'un voile fort riche, & qu'ils placent dans
l'endroit même où étoit le bûcher. Il y demeure fept jours , pendant lef-
quels les Bonzes y vont faire leurs prières. De-là , il efl porté au lieu qui
efl: deft:iné pour fa fituation fixe, & pofé fur une efpèce de piedefl:al, où
le nom du Mort & celui de fa Sefte font gravés. Sept mois après , on re-
commence les mêmes cérémonies. Elles fe renouvellent au bout de fept
années . & quelquefois même de quinze en quinze jours, fuivant la dcpenfc
que la famille y veut faire ; car les Bonzes font toujours prêts , lorfque le
payement efl: certain. Ce cérémonial , obferve fHiilorien , fait connoître
que l'idée de la mort n'a rien de lugubre pour les Japonois , & qu'ils la re-
gardent moins comme ui rai , que comme un paflage qui conduit au bonheur.
Le deuil dure deux a .s, pendant lefquels on doit fe priver de toute forte
de plaifir: c'efl:-à-dire , qu'après avoir commencé par prendre part au bon-
heur du Mort, on pleure enfuite fa perte. La manière, dont on efl; vêtu
dans cette intervalle, paroît capable d'infpirer la trifl:efl'e. Les hommes le
font à -peu -près comme les femmes. On porte pour coeffure, dans les
deux Sexes , une efpèce de bandeau quarré , auquel efl: coufu un grand lin-
ge, qui tombe par derrière comme un crêpe. La robbe de deflus efl: d'une
largeur extraordinaire , & fe ferme fur l'cftomac. Elle doit être tout unie ,
& fans doublure. La ceinture , qui eft fort large & en rezeau . fait ordi-
nairement deux tours j & tout l'habillement doit être de toile crue. Cet-
Xir. Fart. II h h te
Deschiptioî»
duJai'OK.
Forme &
durée (lu
Deuil.
426
VOYAGE DE KiEMPFER
Description
uu Japon.
■ Fdtc du re-
tour des '
Ame;-.
l'é:
t-'r
Comment
les Aines font
congédiées.
Sefte Phi-
lofophiquedu
Siuto.
te fimplicité efl: accompagnée d'une fingulière modeftie. On marche len-
tement , les yeux baifles , & les mains repliées dans les manches.
L'Historien a recueilli des mêmes Mémoires, que dans une Scélc
du Japon , où l'on croit que les Ames employent trois ans à fe rendre au
Paradis de leur Dieu, on ruppcfe aufli que, pendant ce voyage, elles re-
viennent chaque année dahs leur famille; fuppoOtion fort ridicule, puifqae
fe retrouvant toujours au point d'où elles font^parties , elles ne pourroient
jamais arriver à leur terme. On n'a pas lailTé d'établir; pour les recevoir,
une Fête, qui fe célèbre le treizième jour de la feiptiéme Lune. Toutes
les maifons font fort ornées. Le foir, (jui précède là Fête, chaque famille
fort de la Ville avec beaucoup d'appareil.. En arrivant au lieu, où doivent
fe rendre les Ames, chacun leur, fait de grands complimens fur leur retour.
On les invite à fe repofer, .: Qtt leur préfente des rafraîchiflemens , & l'on
commence avec elles "une cbttverlatiohàfTez pTajfante, qui ne dure pas
moins d'une heure. Enfuite une partie de la famille prend congé d'elles ,
pour aller préparer tout ce qui efk liéceiTaire dans la maifon. Les autres
demeurent quelque- tenis encpire à les entretenir : puis, ijs le» invitent à ve-
nir avec eux. La converâition continue pendant le chemin. Un grand
nombre de flambeaux les accompagnent. En entrant dans la Ville, ils la
trouvent éclairée par des illuminations. . L'intérieur des maifons n'eft pas
moins éclatant dei lumières, d^ïes tables y font magnifiquement fervies.
Les Morts ont leurs couverts, i coinmè leà Vivans j «fuivant le principe
des Japohbis, qui croyènt les Ames formées d'une matière extrêmement
fubtile, on ne doute pas qu'elles ne fiicent la plu» pure fubftance de tous
les mets, qu'on leur préféûte. Aiprès le repas , chacun va rendre vifite
aux Ames de fes Ami» 't&iiié îles Voifîns^ Lâîiàît fe pafle à courir ainiî
oans toute la Ville, & la F^te dn|re Jufqu'à h jBndu jour fuivant. Alors
Jes-Amçs, qu'on croie ftïflfciinéïit'd[«àirées« ràfrakhies , font recondui-
tes, avec la même cérémonie, jufqu'au lieu où l'on étoit allé pour les rece-
voir. Les campagnes font encore éclairées cette nuit , afinqu'elles puif-
fent retrouver leur chemin j & dé peur qu'il n'en foit reflé quelques - unes
dans les maifons, & qu'elles h^ayent de l'embarras à rejoindre ks autres,
on jette quantité de pierres fur les toîts, & l'on vîfite avec foin tous les
appartemens, en donnant, de toutes parts, de grands coups de bâton.
La crainte d'être incommodés par les apparitions de ces fâcheux Hôtes,
n'a pas peu de part au dernier A6le (k).
K JE M p F E R efl: le feul Voyageur , qui parle avec quelque étendue d'une
Sefte confidérable, qu'il nomme Siuto ( / ), & qui n'eft compofée que de
iPhilofophes. Elle reconnoît, pour fon Auteur, le célèbre Confucjus, ou
Kooji , dont la mémoire n'eft pas moins refpeftée au Japon qu'à la Chine. II
naquit, fuivant Ksempfer, il y a 2243 ^"s (m). Moofi^ un de fes Difciples,
ayant
■ (k^ Hlftoire du Japon, ubi fuprà, çag. Genrokf. II écrivoit en 1692. Le Père Cou-
389 & précédentes. plet met la naifTance de C mfucius, cinq cens
(i) Ce mot fignifie Foye ou Méthode des cinquante & un ans avant Jefus-Chrilt, &
Pbiîofopbes. cent neuf ans après la fondation de l'Empire
(m) A compter, dit-il, depuis lacinquiè- Japonois.
me année de l'Ere Japonoife, qui fe nomme • " "■
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DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
427
DESCRfPTtOM
DU jAI'Orf.
ayant beaucoup contribué à la propagation de fa Doctrine , par la publica-
tion d'un Livre, qui en contient les principes, elle fe répandit, au Japon,
prefqu'auiri tôt que dans lii Patrie. Il paroît qu'elle porta les premières at-
teintes à l'ancienne Religion du Pays, & qu'elle fut comme la première bar-
rière , qui arrêta l'inondation des nouvelles Seéles venues des Indes. Ses •
Seftateurs ne renoncèrent pas tout d'un coup au culte des Camis; mais ils
ceflerenr de les regarder comme des Dieux , quoiqu'extérieurement ils ie
conformaflent à ce qui étoit établi par les loixou par l'ufage; ce qu'ils
n'avoient jamais fait pour le culte des Fotoques.
K/HMPFRR nous donne une courte expolkion de leur Philofophie. Elle Sa Doéliinr
fe réduit, dit-il, à cinq Articles, qu'ils appellent Dfin^ Gi, Re^ Tft , &
Sin. D(in, leur enfeigne à mener une vie vertueufe; & de-là vient qu'un
homme vertueux efl: honoré du nom de DJinja. G\ donne des leçons de
iuftice; <& Re en donne de politeife. Tfi établit les maximes d'un bon &
fàge Gouvernement. Sin traite de la confcience pure & de la droiture du
cœur. Cette Scfte de Moraliftes ne reconnoît point la tranfmigration des
âmes. Elle admet une ame du Monde , un efprit univerfd , une puifTance
répandue dans l'Univers, qui anime tout, & qui réprend les âmes féparées
des corps , comme la Mer reçoit toutes les rivières & toutes les eaux qui
s'y jettent. Cette ame du Monde efl: le réceptacle commun des âmes ,
d'où elles peuvent fortir pour animer d'autres Créatures. Les Seélateurs
^du Siuto la confondent avec l'Etre Suprême , & lui attribuent toutes les per-
"feftions qui n'appartiennent qu'à Dieu. Ils employent fréquemment le mot
de Ten^ qui fignifie Ciel ou Nature; par exemple , c'eft; le Ciel, ou la Natu-
re, qu'ils remercient de tous les biens fenfîbles qu'ils croyent de recevoir.
Cependant quelques-uns d'entr'eux , avec lefquels Kaempfer s'entretint fa-
milièrement, reconnoifToient un Etre intellectuel, incorporel, gouverneur
& direfteur, non pas Auteur de la Nature («). Ils prétendent même qu'il
efl: une produftion de la Nature, engendrée par In oc ^0^ c'eft-à-dire , Je
Ciel & h Terre; l'un aétif, l'autre paffif; l'un principe de génération , l'au-
tre de corruption. C'efl: de la même manière, difent-ils encore, que les
Puiffances naturelles font des Etres fpirituels. Ils croyent le Monde éter-
nel. Ils fuppofent que les hommes & les animaux ont été produits aufli par
In & Jo. Comme ils n'admettent aucune des Divinités du Pays, ils n'ont,
ni Temples, ni forme de culte. Ils fe conforment aux ufages généraux de
Patrie, en célébrant la mémoire de leurs Parens morts; c'efl - à - dire , que
mettant toutes fortes de viandes fur une table , & faifant brûler des chan-
delles devant leurs Images, ils fe prollernent jufqu'à terre pour leur rendre
ce qu'ils doivent aux loix du fang. Dans cette folemnité , qui s'obferve
tous les mois ou tous les ans, ils prennent leurs plus beaux habits, après
s'être lavés & purifiés l'efpace de trois jours, pendant lefquels ils n'appro-
chent point de leurs femmes, & ne touchent à rien d'impur. Les Mora-
liftes ne brûlent point leurs Morts. Ils gardent les corps pendant trois
jours, après lefquels ils les mettent dans un cercueil , couchés fur le dos ,
&
(n) Voyez, ci-delTus, dans la Defcription de la Chine, les véritables principes de Co;\-
fucius.
Hhh2
Ses Séna-
teurs n'ont ni
'l'einplcs ni
Culte.
428
VOYAGE DE Ki^MPFER
DRJCniPTtON
DU Japon.
I-ctir mé-
pris pour 1.1
mort.
Ciiufc de
îriir diinimi-
tioii.
F.tTorts d'un
FriiiLC pour
relever auc
& la tête élcvtic. Le cercueil efl: rempli de parfums, pour en éloigner h
corruption; & la fcpulcure fc fait fans cérémonie.
Cette Se6le croit la mort non-feulement permife, mais glorieufe &.
louable, lorfqu'elle efl: néceflairc pour éviter une fin honteufe, ou pour fc
dérobber à des Ennemis vainqueurs. On foupçonnoit autrefois les Séna-
teurs du Siuto de favorifer la Religion Chrétienne. Aulîi, lorfqu'elle fut
extirpée par les fupplices , on leur ordonna d'avoir chez eux une Idole, ou
du moins le nom de quelque Divinité du Pays , placé dans un lieu honora-
ble de leurs maifons , avec un vafe rempli de fleurs & un encenfoir devant
cette efpèce d'Autel. Ils choififlent ordinairement l'Idole de Quanwon,
ou celle d'Amida, qu'ils placent derrière leur foyer. On voit , dans leurs
Ecoles publiques, le portrait de Confucius. Il n'y a pas long-tems qu'un
Empereur Cubofama fit bâtir, dans Jedo, deux Temples à l'honneur de
ce Philofophe ; & lorfqu'il les vifita , pour la première fois , il fit , à ceux
qui l'accompagnoient, un fort beau difcours fur le mérite de ce Chef de la
Philofophie Chinoife. Mais ce refte de vénération n'empêche pas que de-
puis la ruine du Chriftianifme , le nombre des Partifans du Siuto ne foit
fort diminué. La rigueur des Edits Impériaux s'efl étendue jufqu'à leurs
Livres , qu'on ne lit point aujourd'hui fans crainte. Ils faifoient autrefois
les délices de tout le monde ; les Arts & les Sciences étoient comme le par-
tage de cette Se6le , & l'on aflure qu'elle comprenoit alors la plus grande
partie de la Nation.
Trente ans avant l'arrivée de Kaempfer, au Japon, le Prince de Si-
fcn & d'Inaba , Protedteur du Siuto & des Sçavans , avoit entrepris de fai-
re revivre , dans fes Etats , cette Philofophie prefqu'éteinte. Il avoit fon-
dé une Univerfité dans cette vue ; & les Sçavans , raflemblés de toutes
parts, y trouvèrent toutes fortes de faveurs & de privilèges. Mais les
Bonzes, qui fe crurent menacés de leur ruine, firent tant de bruit aux
deux Cours Impériales , que le Prince de Sifen auroit payé fon entre-
prife de fa tête, s'il n'eût pris le parti de renoncer aux affaires, après
avoir remis fes Etats entre les mains de fon fils. Cette démarche ap-
paifa fes Ennemis , & lui procura une vie tranquille. Quoiqu'on ne pût
douter que fon Succeffeur ne fût dans les mêmes principes , ce jeune
Prince fe conduifit avec tant de prudence , que du temps de Kaemp-
fer , il jouiffoit paifiblement de fes Etats , dans une parfaite liberté de
penfer (o). -
(o) Kœmpfcr, Tome II. pag. 75 & précédentes.
Climat &
Saifons.
5- IX.
Hijîoîre Naturelle du Japon,
LE nouvel Hiftorien s'efl: attaché avec tant d'exa6litude & de fidélité à
recueillir toutes les obfervations de Kaempfer, que dans un Article Ci
curieux on peut prendre indiflPéremment l'un ou l'autre pour Guide. Les
Japonois, difent-ils tous deux , vantent beaucoup leur climat. 11 doit être
ef-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 429
cfFedllvement fort fain , puifqu'on y vie très-longtèms , que les femmes y Dejcrtption
font très'fccondes (rt), & qu'on y efl fujct à peu de maladies. Le tems "<J Japow.
néanmoins y ell fort inconftant. EnHyver, l'air ell chargé de neige &
produit de fortes gelées. En Eté, fur- tout dans les jours caniculaires, il
efl: d'une chaleur infupportable. Les pluyes font fréquentes pendant toute
l'année; mais les plus grandes tombent aux mois de Juin & de Juillet, que
cette raifon a fait nommer Satfuki, ou les iVJiis d'eau. Cependant la failbn
des pluyes n'a pas , au Japon , cette régularité qu'on obfcrve dans les Con-
trées plus chaudes des Indes Orientales. Le tonnerre &. les éclairs y font
fort fréquens.
L'agitation continuelle de la Mer, qui environne ces Ifles, joint au, Qualités de
grand nombre d'écueils dont elle eft parfemée, en rendent la Navigation '"* ^^^'^ ''" J''*
tort dangereufc. On ne voit, mille parc, tant de ces trompes , ou de ces
colonnes d'eau , dont on a donné plus d'une fois la defcription dans ce Re-
cueil. Les Japonois les prennent pour des dragons d'eau, qui ont une •
longue queue. Aufli les nomment-ils dans leur langue Tatjmaki, c'eft-à-di-
re, Dragons jaïïlijjans. Les Côtes du Japon ont deux fameux tournans, qui
en augmentent le danger. Le premier, nommé baij'aki ^ eft au-deflus de
l'ille d'/hnakufa. 11 n eft jamais plus redoutable que dans les balles marées;
car lorfque la Mer eft haute, il fe trouve de niveau avec la furface des
flots , & le moindre vent aide à s'en tirer : mais aulfi-tôt qu'elle commence
à bailler , on le voit tournoyer d'abord avec violence , & puis tomber tout
d'un coup jufqu'à la profondeur de quinze braftes , entraînant , avec une
extrême rapidité , tout ce qui fe rencontre dans fon courant , & le brifant
contre les rochers qu'il renferme. Les débris demeurent quelquefois abî-
més au fond de l'eau, & quelquefois ils font rejettes à la diftance de plufieurs
miles (/;). Le fécond tournant eft proche des Côtes de la Province de Kij'
wkuni. On \e nomme /^wano Narratto f c'eft-à-dire, Bruiffiment d' J'voa ^ ■p2tx-
ceque cette Province en eft voifine. 11 fe précipite avec tant d'impétuofi-
té autour d'une petite Ifle , composée de rochers , que la violence cfe cette
agitation la fait trembler continuellement. Il ne laifle pas d'être le moins
dangereux, parceque le bruit, qui fe fait entendre de fort loin, excite la
défiance & les précautions. Ce terrible écueil eft un fond inépuifable d'al-
lufions , pour les Poètes & les Prédicateurs Japonois ( c ).
En général, le terroir du Japon eft montagneux , rempli de pierres , &
naturellement peu fertile. Mais l'induftrie & le travail infatigable des Ha-
bitans leur font tirer, des rochers mêmes & des lieux les plus fecs, tout
ce qui eft néceflaire à leur fubfiftance. D'ailleurs la Mer leur fournit abon-
damment du poiflbn , & toutes fortes de coquillages. L'eau douce ne leur
manque pas. Ils ont, de toutes parts, des Lacs, des Fontaines & des Ri-
vières; quelques-unes fi rapides, qu'on ne les pafle point fans danger, &
qu'il n'ert pas poffible d'y conftruire des ponts. Auffi la plupart ont - elles
leur fource fur des montagnes j d'où elles defcendent avec d'autant plus
d'im-
Tcrroir da
Japon.
Ses Riviùrc';.
(a) On a vu, dans le Journal de Kxmp-
fer, un Village du Ximo, dont tous les Ha-
bitans étoicnt fils, petits-fils & arrière petits-
fils d'un foui homme , qui vivoit encore.
(6) Kxmpfer, Tom. I. pag. 162.
(c) Ibidem.
Hhh 3
43Û
VOYAGE DE KilîMPFER
Trcmblc-
iiieiis do ter-
re, communs
au Japon.
Leurs ter-
ribles cllcts.
Di'.scnrrTioN d'impetuofitc , qu'elles font groflies par les grandes pluycs des mois de
v\j J;.poN. Juin & de Juillet. On dillingue,^ entre les plus célèbres; i». Celle d'U/in,
qui eil large d'un quart de lieue d'AlL magne. Elle tombe du fommet (l'une
montagne, avec tant de rapidité, cjue pour la p.iHer à gué, c.ans les tcms
mêmes où l'eau monte à peine aux genoux, un Voyageur efl; oblige de t'ai-
re conduire Ion cheval par cinq liomines robulles, qui connoiflent parfai-
temenc le canal. Les accidcns y font néanmoins allez rares, parceqnc,
faivant la Loi du Pays, les Guides font rcfponiables de la fureté des Paf.
fans. 2°. La Rivière d'0/«/ , qui tire Ion nom de la Province oîi elle prend
fa fource, & qui fe forma dans J'cipace d une nuit, 285 ans avant l'Ere
Chrétienne. 3'*. Celle d'/Ma, remarquable par le changement continuel
de fon lit. Kœmpfer ne nomme aucune Rivière du japon, qui paroillo
d'un long cours & fore navjgable.
On connoît peu de Pays auifi fujets aux trcmblcmens de terre. Ils y font
fi fréquens, que les Habitans s'en allarnunt peu; '.]uoiqu'ils foyent quel-
quefois affez violens pour rcnverfer des Villes entières. Le Peuple attri-
bue ces violentes fecouifes à une grolfe baleine, qui fe remue fc.us terre.
On fait un récit effrayant (d) des delordres qu'elles causèrent en 1586, de-
puis la Province de baeaja julquà Meaco. La Ville de Jedo, rViidcnce
des Empereurs Cubofamas , fut prefqu'entièremenc abîmée en 1703; àc
plus de deux cens mille Japonois furent enfevjlis ious Ces ruines. En 1730,
on publia, dans toutes ks Nouvelles de l'Europe (?), que Meaco, an-
cienne Capitale de fEmpire, & féjour ordinaire des Dairis, avoit été ren-
verfée dans toute fon étendue, avec perte d'un million d'Habitans. Ksemp-
fer nomme quelques parties du Japon , telles que les Ifles de Gotto & Ja pe-
tite lile de Sikubujîma^ qui n'ont jamais fenti la moindre fecoufle. Tous
conviennent du fait, dit-il ; mais les uns attribuent cette exception à la fa-
veur d'un Dieu tutelaire; & d'autres, moins fuperllitieux , prétendent l'ex-
pliquer par les principes d'une fort mauvaife Phyfique. Ils fuppofent que
ces Cantons portent immédiatement fur le centre de la Terre (/). Le
nouvel Hiilorien, rapprochant diverfes obfervations de Kgempfer, trou-
ve une explication fort naturelle dans le grand nombre de Volcans qu'on
voit au Japon. Une petite llle , voiline de Firando , a brûlé pendant
plufieurs fiècles. Une autre, vi^à-vis de Satzuma, jette continuellement
du feu. Dans la Province de Fiaigo , fur la cime d'une haute monta-
gne , on voit une large ouverture , qui étoit autrefois la bouche d'un
Volcan , quoiqu'il n'en forte plus rien depuis quelques années. Dans la
Province de Chicugen , prés d'un lieu nommé Kiijanq(Ja , une Mine de
charbon , qui s'eft entlammée par la né^iij^ence des Ouvriers , n'a pas cef-
fé de brûler depuis. La montagne dQreJi, dans le voifmage de Surunga,
fameufe par fa hauteur, par fa forme, qui repréfente celle d'un chapeau,
Volcans.
(d) Le Père de Froes, dans une Lettre
dattée de Simonofcki , dans la Province de
Nagalla, le 15 d'Oftobre 1586. \'oyez le
Recueil du Père U y , de rébus Japonicis. Le
même Recueil contient le récit d'un autre
accident de la même nature , arrivé dix ans
après.
( f ) Gazette de France , article de Vienne
du premier Novembre 1730.
(/) Ibid. pag. 165.
DANS L'EMPIRE DV JAPON, Liv
IV.
43 ï
DrïCRU'TTOM
iviiix clv:u-
ruks.
& par la neige dont elle efl: toujours couverte , cxhaloit autrefuia des Uam-
mes. Elles ont difparu , depuis que le feu a fait une ouverture au cûté de
la montagne; mais on en voit encore fortir une fumco noire, accompagnée
d'une puanteur inrupportabie. La terre y ell chaude» & même brûlante
en divers endroits, il en fort plufieurs fourccs d'eaux chaudes, dont on
vante la vertu pour les maux vénériens (g). Le Japon a quantité d'au-
tres Volcans , 6c diverfes fortes d'eaux mOdccinales. Caron parle de
plufieurs foiirces, qui paflent par des Mines de cuivre, de falpétre, de
fouffre, de fel, de fer & d'étain. Il en vit une, qui vient d'une Mine
d'étain, & qui fort d'une grotte, dont l'entrée a dix pieds d'ouverture.
Autant que la vue peut s'étendre dans i'obfcurité, on découvre, autour de
cette grotte, des pierres taillées en pointe, comme des dents d'éléphant.
L'eau efl: d'une chaleur tempérée. Il vit une autre fontaine, qui ne coule
ordinairement que deux fois le jour , l'efpacc d'une heure à chaque fois :
mais lorfquc le vent fouffle de l'Jifl: & qu'il efl; violent , elle coule à trois
ou quatre reprifes , dans l'efpace de vingt-quatre heures. Enfin , le mC-me
Voyageur décrit une autre lource , qui a quelque chofe encore de plus fm-
gulier. Elle fort d'une efpèce de puits, dont les côtés font garnis de pier-
res fort grofles & fort pefantes. Elle ne coule qu'à certaines heures ;
mais elle coule avec tant d'abondance & avec un vent fi fort, que les
pierres en font ébranlées. La première eau fort à la hauteur de trois
ou quatre braflcs. Sa chaleur furpafle le degré auquel on peut échauf-
fer l'eau commune, & fe conferve auiTi beaucoup plus long-tems. Le
canal , par lequel cette eau pafle , efl: revêtu de fortes pierres ; précaution
qu'on a crue néceflaire pour empêcher qu'elle ne brûle la terre: (x du grand
canal , on en a tiré plufieurs petits , qui conduifent l'eau jufqu' au logement
des Malades.
Cette multitude de Volcans & de bains chauds prouve aflez que la
ferre du Japon renferme beaucoup de fouffre. Mais on en a beaucoup d'au- ^'^ fouiirc
rres preuves. Kaempfer connoifloit peu de Pays où ce minéral , qui efl: la
fource de tous les métaux, foit en plus grande abondance. On en tire fur-
tout une fi prodigieufc quantité d'une llle de la Province de Satzuma , qu'el-
le en a pris fon nom. Il n'y a pas plus d'un ficelé qu'on a la hardiefle d'y
aborder. Elle paflbit auparavant pour inacceflible , à caufe d'une fumée
noire & épailfe qui en fort continuellement, & qui préfentoit des monrtrcs
horribles à l'imagination des Peuples voifins. Perfonne ne doutoit queTlfle
ne fût habitée par des Efprits infernaux. Un Particulier , moins timide ,
demanda la permilTion d'y entrer. Il choifit cinquante hommes de la mê-
me réfolution , avec lefquels il ofa defcendre au rivage. Après avoir tra-
verfé qu'.'lques bois , il trouva un terrain fort uni , & fi couvert de fouffre ,
que de quelque côté qu'il marchât , il voyoit fortir une épaifle fumée fous
fes pieds. L'ille fut nommée Ivogajima, c'eft:-à-dire , \ IJle de fouffre ; âc
depuis cette découverte , elle rapporte chaque année au Prince de Satzuma
environ vingt caiffes d'argent , outre le produit des arbres , qui n'y croif-
fent
(/t) Le Mal, qu'on nomme en France Mal de NapUs , porte au Japon it nom de Mal
Portugais, parcequ'il n'y étoit pns connu avant l'arrivée des Portugiili,
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Abondance
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432 VOYAGE DE KiEMPFER
DrscRTPTTON fent que fur les Côtes. Le Pays de Ximabara^ où l'on trouve beaucoup de
duJai'on. bains chauds , pourroit fournir aufli quantité de foufFre; mais une fuperfti-
tion, qui n'efl point expliquée dans Kœmpfcr, s'oppofe au travail des Ha-
bitans ; ce qui n'empêche pas qu'en général le fouffre ne foit une des prin-
cipales richt'fles du Japon.
Mines d'or. Il fe trouve de l'or dans plufieurs Provinces de l'Empire. C'efl: une par^
tie confidérable du revenu Impérial, parcequ'on ne peut ouvrir aucune Mi-
ne, fans la pcrmifllon de la Cour, qui fe réferve les deux tiers du produit.
L'or du Japon fe tire ordinairement par la fonte ; mais on en trouve auili
dans le fable , en le levant ; .& le cuivre du Pays en contient tofljours un
peu. Les plus abondantes Mines de ce précieux métal , Scelles, doii'. l'or
paflbit pour le plus pur, ont été long-teras les Mines de Sacloy une des Pro-
vinces Septentrionales de Nipon. On y recueille encore quantité de pou-
dre d'or , fur laquelle il ne fe lève aucun droit pour l'Empereur. Los Mi-
nes de Surunga font auffî très-ellimées ; mais les unes & les autres commen-
cent à s'épuifer. On en a découvert de nouvelles dans la Province de Sat-
zuma, auxquelles il eft rigoureufement délcndu de travailler; dans la vue
apparemment de les réferver pour des néceilités preflantes. Le premier
elfai a fait reconnoître qu'elles rendent fix pour léize. Une montagne H-
tuée fur le Golfe d'Ukus, dans le Diflriél d'Omura, s'étant écroulée dans la
Mer à la fin du fiècle pafle, on trouva que le fable du lieu qu'elle avoit oc-
cupé, étoit mêlé d'or pur. Malheureulement, on ne put tirer beaucoup
d'avantage d'une fi riche découverte: un grand tremblement de terre, fui-
vi de marées extraordinaires, couvrit la Mine de boue ^. uargl'e, à la
hauteur de plufieurs brades, & le travail fut abandonné. Dans la Province
de Chicungo , une autru Mine, qui donnoit beaucoup d'or^, s'efl: tellement
remplie d'eau, qu'il eft devenu impolîîble d'y travailler. On efl: perfuadé
néanmoins qu'en faifant une ouveiLure, dans le rocher qui eft à l'entrée,
.' l'eau pourroit s'écouler; & cette entreprife avoit été formée: mais un ora-
ge, furvenii dans le moment qu'on alloit commencer le travail , fit juger
que la Divinité du lieu ne vouloit pas qu'on déchirât le fein d'une terre qui
étoit fous fa proteélion. De même, un torrent, forci tout d'un coup d'une
montagne, où l'on alloit ouvrir une Mine d'or, dans fille d'Jmakufa^ ré-
pandit l'épouvante parmi les Habitans, & fit prendre la fuite aux Ouvriers.
Aident. La Province de Burgo a des Mines d'argent. Katiami ^ lieu fitué au
Nord du Japon , en a de plus riches encore. On a parlé , dans la Defcrip-
tion Géographique, des deux liks de Ginjîma & de Kinfima^ & de l'opi-
nion qu'on a de leur richelfe. On a déjà remarqué aulTi que l'argent du Ja-
pon pafle pour le meilleur du Monde, & qu'autrefois on l'échangeoit, à la
Chine, poids. pour poids, pour de l'or. Les Japonais ont encore un métal
Sowa , mé- précieux, maiscompofé, qu'ils nomment ^oz'.'di , ou Snouas, dont la cou-
•.?\ précieux, leur tire fur le noir, & qui eft un mélange de cuivre & d'or. Il n'eft pas par-
ticulier au Japon , mais on l'y travaille avec un art , dont on n'approche
point dans les autres Contrées de l'Afie ; & lorfqu'il eft employé , il ne cè-
de rien à l'or pour l'éclat & la couleur.
Cuivre. Après tout, le cuivre eft le plus commun des métaux de ces Ifles, &
fuffiroit fcul pour les enrichir. On le tire principalement des Provinces de
Su-
ve pas <
plats , (
d'étain,
japonoii
On n
ka^ de l
affiné da;
plupart (
font que
pour ks
trent dai
les pots f
vieux foi
le fecret.
dan ce de
ces Septe
Le fel
ce de teri
qu'on laif
fable parc
cuve, do
de Mer,
grands vé
qui en fo
vienne
Le Jat
même leu
de la Chir
fent natui
ne veulen
rare, &
dient d'ur
ulcères ,
rieuremen
(b) Kœm
ces.
(i) Le c
xir.
Airaini,v
Etata
Fer.
Chert<i des
uftencilcb de
fer.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 433
Sanmga^ d'/llfangOy & de Kijmkuni. Le plus fin & le plus malléable efl; ce- DEscarpTio!»
lui de Kijnokuni. Celui d'Alfango efl fi groffier, que pour l'employer faci- °" Japon.
lement, il y faut mêler, fur foixante-dix catis, trente du précédent. Ce-
lui de Surunga efl; non-feulement trés-fin & fans défauts, mais il efl; chargé
de beaucoup d'or; & les Japonois féparant ces métaux infiniment mieux au-
jourd'hui, qu'ils ne faifoient autrefois, les Rafineurs delà Côte de Coro-
xnandel y trouvent moins leur compte. On a vu, dans l'Article du Com-
merce, fous quelle forme il fe vend aux Hollandois. L'airain efl: aflfez
rare au Japon, & beaucoup plus cher que le cuivre, parcequ'il ne s'y trou-
ve pas de calamine , & qu'il faut en faire v^^nir du Tonquin , en gâteaux
plats , qui fe vendent fort cher. La Province de Bungo produit un peu
d'étain, fi blanc & fi fin , qu'il n'efl; guéres inférieur à l'argent; mais les
japonois n'en font prefqu'aucun ufage. j ...:
On ne trouve du fer que fur les confins des trois Provinces de Nincafa-
ka , de Bitsju & de Bijen ; mais on l'y trouve en grande abondance. Il efl;
affiné dans les mêmes lieux , & fe vend prefqu'aufli cher que le cuivre. La
plupart des outils de fer font à plus haut prix , au Japon , que ceux qui ne
font que de cuivre , ou même d'airain. Ces deux métaux ne fervent que
pour les ufl:enciles , les crochets , les crampons , & d'autres pièces qui en-
trent dans la confl:ru6î:ion des Navires & des Edifices. Pour la Cuifine,
les pots font d'une compofition de fer, & de fort peu d'épaiffeur. Les plus
vieux font les plus efliimés, parcequ'il y entre un alliage, dont on a perdu
le fecret. Le charbon de terre ne manque point au Japon. l\ fort en abon-
dance de la Province de TJiku/tn, des environs de KuganiJJut & des Provin-
ces Septentrionales.
Le fel commun fe fait avec l'eau de la Mer. On creufe un grand efpa-
ce de terre, qu'on remplit de fable fin, fur lequel on jette de l'eau de Mer,
qu'on laifle fécher. On recommence la même opération , jufqu'à-ce que le
fable paroifle allez imbibé de fel. Alors on le ramafle; on le met dans une
cuve, dont le fond efl: "percé en trois endroits; on y jette encore de l'eau
de Mer , qu'on laifle filtrer au travers du fable ; on reçoit cette eau dans de
grands vafes, pour la faire bouillir jufqu'à certaine conrifl;ence; & le fel,
q.;! en fort, ell calciné dans de petits pots de terre, jufqu'à-ce qu'il de-
vienne blanc (h).
Le Japon n'a pas d'antimoine ni de fel armoniac. On n'y connoît pas
même leurs qualités , ni leurs ufages. Le vif-argent & le borax y viennent
de la Chine. Kaempfer y trouva néanmoins deux fortes de borax, qui croif-
fent naturellement , mais fi mêlées de parties hétérogènes , que les Japonois
ne veulent pas fe donner la peine de les féparer. Le mercure fublimé efl: Mercure.
rare , & d'un prix exceflTif dans leurs Ifles. Ils en font le principal ingré-
dient d'une eau mercuriale, qu'ils croyent fouveraine pour la guérifon des
ulcères, des cancers & d'autres maux. Le cinabre naturel fe prend inté- Cinabre.
rieurement dans pi ufieurs maladies (i); & l'artificiel s'employe dans les
cou-
Charbon de
terre.
Sel.
(i) Kaempfer, ibid. pag. 174 &préc(iden-
£es.
(i) Le cinabre naturel du Japon cil d'un
XI F. Fan,
rou^e charmant. Il s'en trouve de fi beau ,
qu'il fe vend beaucoup au-delà de fon poids
en argent. Kampfer , pag. 179.
lii
434
VOYAGE DE K^MPFER
Description
lïUjAi'OM.
Plomb.
Agathes.
Cornalines.
Jafpe.
Perles.
Perles pro-
liiiques.
Perles rouges.
Naphte.
Ambre gris.
couleurs: l'un & l'autre leur vient de la Chine. Le Commerce de cette
marchandife eft entre les mains de quelques Particuliers , quijouiflent d'un
Privilège exclufif. Ksempfer ne dit rien du plomb ; mais Caron afliire que
ie Japon en produit beaucoup.
On trouve, dans les montagnes de Tfengaar^ fituées à l'une des extrémi-
tés Septentrionales du Japon , différentes efpéces d'agathes , dont quelques-
unes font d'une rare beauté . bleuâtres, & fort approchant du faphir. On
en tire aufli des cornalines & du j'ifpe. Les Côtes de Saikokf font couver-
tes d'huitres & d'autres coquillages , qui renferment des perles (k). Les
plus grofles & les plus belles fe trouvent dans une huître, nommée /ikofa^
qui reflemble alfcz aux coquilles de Perle. Elle eft à-peu-prés de la largeur
de la main, mince, frêle, unie & luifante au dehors; un peu raboteufeà
inégale en dedans ; d'une couleur blanchâtre, aulïï éclatante que la nacre
ordinaire , & difficile à ouvrir. On ne voie de ces coquilles qu'aux envi-
rons deSatzuma, & dans le Golfe d'Omura. Le profit, qui en revient aux
Princes de Satzuma , les a portés à défendre qu'elles foyent vendues au mar-
ché. Elles font rares. Kaempfer s'en procura quelques-unes. On leur
attribue, dit-il, une propriété fort extraordinaire: fi l'on met quelques-
unes des plus groffes dans une boëte , avec un certain fard du Japon , fait
d'une autre forte de coquille, qui fe nomme Takaruga, on voit naître, à
côté de chacune, une ou deux petites perles , qui fe détachent d'elles-
mêmes, au bout de trois ans; tems auquel on les fuppofe parvenues à leut
maturité. Marco Polo & d'autres Voyageurs afflirent qu'on trouve au Ja-
pon des perles rouges , de figure ronde. Ksempfer décrit cette coquille,
que les Japonois nomment ^waè/ : elle eft d'une feule pièce, prefqu'ovale,
aflez profonde, ouverte d'un côté, par lequel elle s'attache aux rochers
& au fond de la Mer, ornée d'un rang de trous, qui deviennent plus
grands, à mefure qu'ils s'approchent de fa plus grande largeur. La fur-
face extérieure eft rude & gluante. Il s'y attache fouvent des coraux , des
plantes de Mer , & d'autres coquilles. Elle renferme une excellente na-
cre brillante, d'où il s'élève quelquefois des excrefcences de perles blan-
châtres, comme dans les coquilles ordinaires de Perfé. Cependant une
groffe mafle de chair, qui remplit fa cavité, eft le principal attrait qui la
fafle rechercher des Pécheurs. Ils ont des inftrumens faits exprés, pour
la détacher des rochers. Le même Voyageur décric d'autres coquilles moins
précieufes.
Dans une Rivière de la Province de Jetfmgo , on trouve du naphte, de
couleur rougeâtre, que les Japonois nomment Tfutfono- Mm ^ ou Terre rouge.
Il fe tire de quelques endroits, où l'eau eft prefque dormante; & l'on s'en
fert dans les lampes , au lieu d'huile. Les Côtes de Satzuma & des IHes de
Riuku offrent fouvent de l'ambre gris ; mais il s'en trouve encore plus fur
celles de Khumano, ik des Provinces de Kijnokuni & d'isje. Ka&mpfer ra-
conte qu'on le tire principalement des inteftins d'une baleine, affez com-
mime dans la Mer du Japon, & nommée fiakjiro par les Habitans, c'eft-
à-dire,
(*) Les Japonois n'en connoiflbient pas l'ufage & le prbc, & ne l'ont fçu qwc de*
Chinois.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lïv. IV.
435
aux envi-
evienc aux
i€s au mar*
Description
oujAruN.
Où il fc
trouve, &
coniinent il fe
perfeèlionne.
à-dire, PoiJJhn à cent braffes^ parcequ'ils fuppofent que fes inteflins ont cette
longueur. Il y eft mêlé avec les excrémens de l'animal , qui font comme
de la chaux, & prefqu'aulTi durs qu'une pierre. C'efl par leur dureté qu'on
juge, s'il s'y trouvera de l'ambre gris. Auflî le nomme-t'on Kufarano-Fu^
nom qui fignifie excrément de Baleine. Mais ce n'eft pas de-là qu'il tire fon
origine. De quelque manière qu'il croifle au fond de la Mer , ou fur les
Côtes, il paroît qu'il fert de nourriture à ces baleines, & qu'il ne fait que
fe perfectionner dans leurs entrailles. Avant qu'elles l'ayent avallé, ce n'cft
qu'une fubftance affez difforme, plate, gluante, femblable à la boufe de
vache, & d'une odeur très-defagréable. Ceux qui le trouvent dans cet
état, flottant fur l'eau , ou jette furie rivage, le divifent en petits mor-
ceaux, qu'ils preflent, pour lui donner la forme de boule. A mefure qu'il
durcit, il devient plus folide & plu« pefant. D'autres le mêlent & le paî-
triflent avec de Ja farine de colles de riz, qui en augmente la quantité &
relève fa couleur. Il y a d'autres manières de le fallilier : mais , fi l'on en
fait brûler un morceau , le mélange fe découvre aufli-tôt par la couleur ,
fodeur & les autres qualités de la fumée. Les Chinois , pour le mettre à
l'épreuve, en raclent un peu dans de l'eau de thé bouillante. S'il eft véri-
table, ilfe di/^out, &fe répand avec égalité. Les Japonois n'ont appris
que des Chinois & des Hollandois , la valeur de l'ambre gris ( /). A
l'exemple de la plupart des Nations Orientales de l'Afie , ils lui préféroient
l'ambre jaune.
Les Mers du Japon produifent une quantité furprenante de plantes ma-
rines, d'arbrifleaux, de coraux, de pierres fingulières , d'épongés & de
touces fortes de coquillages , qui égalent en beauté ceux d' Amboine & des
Itles Moluques. Mais les Japonois en font peu d'eftime ; ou fi le hazard
en fait tomber dans les filets d'un Pécheur, il les porte au Temple le plus
voifm, pour les offrir à Jebii^ qui eft le Neptune du Japon, comme un
tribut de fElement auquel cette Divinité préfide (w).
Un Voyageur, qui avoit fait un long féjour à la Chine, a prétendu qu'il Porc?'- :
ne fe faifoit point de Porcelaine au Japon , & que celle, qui fe vend parmi
nous à ce titre , fe faifoit à la Chine pour les Japonois , qui l'y venoient
acheter. Il eft vrai qu'ils y en achètent beaucoup; mais il ne feft pas moins,
que celle , qui porte le nom du Japon , fe fabrique dans le Figen , la plus
grande des ntaf Provinces de Saikokf, ouduXimo(«); la matière eft une
argile blanchâtre, qui fe tire en abondance des montagnes voifmes à'Urifijno
& de Suwota, & de quelques autres endroits de la même Province. Quoi-
que cette argile foit naturellement fort nette , elle demande encore d'être > •;
paîtrie & bien lavée, pour devenir tranfpar en te; & ce travail eft fi péni-
ble , qu'il fait dire , comme en Proverbe , que les os humains font un des ingré~
àiensy dont la Porcelaine ejl compofée. On n'a pas d'autres lumières fur la
fabrique de cette précieufe vaiffelle. Perfonne n'ignore que fancienne
■ • , ... Por-
Manière
Chinoife de
l'eflkyer.
Végétaux
des Mers du
Japon.
(/) Kaempfcr donne une defcription parti-
culière de l'ambre gris d'ins l'Appendix, à 11
fin du troifièmc Tome.
(m) Le même, Tom, I. pag. 179 & pré-
cédentes.
(n) Voyez, ci-defllis, îe Journal deKxmp-
fcr,&la Defcription géographique du JapoQ,
lii z
43<5
VOYAGE DE KiEMPFER
DU Japon.
Description Porcelaine du Japon ell plus eftimée que celle de la Chine , & qu'elle pa-
DU lAPON. j.qJj mériter cette préférence ; fur-tout par le blanc de lait qui la diflingue.
Celle d'aujourd'hui n'cfl: pas de la même beauté ; ce qui fait juger que le
fecretdela préparation s'efl: perdu. Celle de Saxe, remarque l'Hiftorien
moderne, approche beaucoup plus de l'ancienne, & celle de Ch^atilly en-
core plus (o). L'une & l'autre la furpafle même par le gros du deuein,
& par la finefle des traits (p). > .^ ..•,,.
(o) La Porcelaine de Chantilly n'a aucune qui a été fondu dans la Porcelaine môoie de
qualité de Porcelaine. C'eft du verre blanc. Saxe. R. d. E.
(p) UbiJ'uprà, pag. 57.
Animaux
chimériques
du Japon.
LcKirin.
vMingii.
Kaitfu.
Tatz,
.■■>if>
'.'1 ■„■,)(= ir\
§. X.
Animaux chimériques 6? réels du Japon.
*.i .1
AU Japon, comme à la Chine, on parle beaucoup de quelques ani-
maux chimériques; & Kaempfer, qui croit ces fidtions empruntées
des Chinois, les juge dignes de quelque remarque, avant que de pafier
aux animaux réels.
Le Kirin efl un des plus monftrueux. Les Japonois le repréfentent avec
le corps d'un cheval, les quatre pieds d'un daim, la tète d'un dragon, deux
aîles; & fur la poitrine, deux cornes recourbées en arriére. Ils lui attri-
buent une vîtelTe incroyable. Qu'il marche ou qu'il coure, c'eft toujours
avec une fi grande légèreté , qu'il ne foule pas l'herbe , & qu'il ne fe fait
pas fentir au plus foible infeéle qui fe trouve fous fes pas. On en fait hon-
neur à fa bonté. Auflî ne peut-il naître q^ue fous certaines conftellations , &
dans le tems que la Nature produit un Sejm ; nom par lequel on entend un
homme d'une intelligence & d'une bonté furnaturelle, tels que Gio & 5ïmw,
deux excellens Empereurs Chinois ; tels que Koofi ou Confucius , Siaca ou
Xaca , Danna , Sokoktais , & d'autres grands Perfonnages , qui fe font figna*
lés par leur mérite & leur vertu.
Le Sungu eil un autre animal imaginaire, auquel les Japonois donnent
la figure d'un léopard, avec deux cornes tendres devant la poitrine, re-
courbées en arrière. Un troifième fe nomme Kaitfu , ou Kaifai. Ils le re-
préfentent fous la forme d'un renard , qui a deux cornes devant la poitri-
ne , & une ai:tre fur le front, avec un rang de pointes fur le dos, comme
le crocodile. Ils donnent le nom de Tats , ou Dria , ou Dfta , à une efpé-
ce de dragon à quatre pieds , dont leurs Chroniques rapportent quantité
d'avantures fabuleufes. On lui donne pour demeure le fond de la Mer.
Sa figure ell celle d'un fort gros ferpent, dont le corps efl: couvert d'é-
cailles , avec des pointes aiguës le long du dos , & une tète monflrueufe ;
la queue fe termine en manière d'épée à deux tranchans. Quelques habits
de l'Empereur , fes armes , fes cimeterres , ïas couteaux , les meubles & les
tapifleries du Palais Impérial, ont pour ornemens des figures de ce dra-
son, tenant un joyau rond, ou une perle, dans fa patte droite de devant.
Le même ufage efl; établi à la Chine , avec cette différence, que le dragon
Chinois
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
437
Chinois a cinq ongles, & que celui du Japon n'en a que trois. Un ajtre,
nommé Tatfmaki, eft ce même dragon d'eau , à longue queue, qui faifant
autfi Ton féjour au fond de la Mer, s'élève quelquefois dans l'air, & forme,
par fon agitation , les trompes marines , qui font fi fréquentes dans les Mers
du Japon. Lefixième efl un oifeau de Paradis, qui fe nomme Foo^ d'une
beauté charmante , «S: d'une grandeur extraordinaire ; en un mot le Phénix
des Anciens. Il habite les plus hautes régions de l'air , dont il ne defcend
jamais qu'à la naiflance do quelque Sefin , ou de quelque Empereur , ou pour
quelque événement de la même importance. Les Chinois ont auffi leur Foo ;
mais ils le repréfentent différemment (a).
1 L femble que toutes ces vaines imaginations viennent de la rareté des
grands animaux réels , dans un Empire de J'étendiie du Japon. Kaîmpfer
remarque en général qu'il y a trop peu de lieux incultes & déferts , pour la
retraite des bêtes fauvages; & que les domeftiques fe réduifent à ceux qui
font abfolument néceifaires pour le fervice de l'homme, c'eft-à-dire, pour
les voitures «Se pour le travail. A la vérité les efpèces domeftiques doivent
multiplier beaucoup , parceque l'opinion de la Métempficofe , qui s'eft ré-
pandue avec le Budfo, fait refpeéler leur vie. Les animaux domeftiques à
quatre pieds, font le cheval, le taureau, le chien & le chat. On ne voit,
au Japon , ni ânes , ni mulets , ni chameaux , ni élephans. Les Portugais y
avcient porté des moutons & dès chèvres , qui avoient aflez multiplié ; mais
les Japonois, ne trouvanc aucune ntiUté à les nourrir , parcequ'ils n'ofent en
manger la chair , de qu'ils ne fçavent pas en travailler le poil & la laine, les
ont lailfé devenir fauvages.
Les chevaux Japonois font petits; mais il s'en trouve qui ne le cè-
dent, ni en beauté, ni en vîtefle, à ceux de Perfe. Les meilleurs vien-
nent des Provinces de Satzuma & d'Oxu. Celle de Rai en produit une ra-
ce , qui eft fort eftimée. Les taureaux & les vaches fervent uniquement
pour l'agriculture & le charroi. On ne connoît, au Japon , ni le beurre, ni
l'ufage du lait. Mais on y trouve deux fortes de taureaux : les premiers
diffèrent peu des nôtres; les féconds font des buffles, d'énorme grofleur,
qui ont une bofle fur le dos, comme les chameaux, & qui ne fervent que
pour le tranfport des marchandifes. On nourrit quelques porcs, dans la Pro-
vince de Figen; m^s uniquement pour les vendre aux Chinois, qui les y
ont portés. Quoique la tranfmigration des âmes foit reçue à la Chine,
comme au Japon , les Chinois en obfervent moins fcrupuleufement les maxi-
mes, & mangent volontiers de la chair de porc. On voit encore, à Firan-
do , quelques chèvres & quelques brebis ; refte de celles que les Portugais
y élevoient en grand nombre.
Depuis le règne de l'Empereur TJînajos, qui occupoii le Trône desCu-
bofamas du tems deKaempfer, il y avoit plus de chiens, au Japon, qu'on
n'en avoit jamais vu dans cet Empire, & peut-être plus que dans aucun
autre Pays du Monde. Quoiqu'ils euflent chacun leur Maître, ils fc te-
noient dans les rues , où ils étoient fort incommodes aux Paflans. Chaque
rue
(a) Kaîmpfer, ubifuprà, pag. 198 & précédentes. Voyez l'Article des Animaux, dans
la Defcription de la Chine.
lii 3
Descriptioi»
pu Japon.
Tatfinaki.
Foo.
Animaux
dom<jiliquc'«,
Clicvaux.
Taurcaiiï
& vaches.
Buffles.
PûVC,^,
Clièvrcs &
brebis.
Cliicns du
Japon.
Leur étran-
ge multiplica-
tion.
IH
438
VOYAGE DE K J: M P F E R
DuSCnTPTTON
ni' J \Pi)y. .
A quelle
occafion ils
fo!it fort con-
fidents.
Chats d'une
rare beauté.
Quadrupèdes
fauvagcs.
Singes.
Ours.
»5
»
rue étoit obligée , par un ordre particulier de l'Empereur, d'entretenir un
certain nombre de ces animaux, & de les nourrir. On y avoit bâti de
petites loges, pour leur fervir de retraite, lorfqu'ils étoient malades, &
pour les y fervir avec beaucoup de foin. Ceux qui venoient à mourir, dé-
voient être portés fur le fommet des montagnes, lieu fixé pour leur fépul."
ture. Il étoit défendu, fous de groffes peines, de les infulter, ou de les
maltraiter. C'étoit un crime capital de leur ôter la vie, quelque defordre
qu'ils puflent caufer. Les plaintes dévoient être portées à leurs Maîtres,
qui avoient droit feuls de les punir. Cette étrange attention , à les con<
ferver, venoit d'une idée faperllitieufe de l'Empereur, qui étoit né fous
un des douze Signes céleftes, auquel les Japonois donnent le nom de Chien.
Kaempfer en raconte un trait agréable. „ Le Maître d'un chien mort le
„ portoit au fommet d'une montagne, pour l'enterrer. Fatigué du poids,
„ il fe mit à maudire le jour de la naiffance de l'Empereur, & le ridicule
„ ordre qui caufoit tant d'embarras à toute la Nation. Son Compagnon
„ lui confeilla de fe taire, quoiqu'il ne condamnât point fon impatience
„ & fes plaintes; mais, dans la néceffité d'obéir à la Loi, il lui dit, qu'au-
lieu de fe livrer aux imprécations, il devoit remercier les Dieux de
ce que l'Empereur n'étoit pas né fous le Signe du Cheval, parceque fon
fardeau eût été bien plus péfant (b)".
Les Japonois n'ont point de lévriers, ni d'épagneuls, ni d'autres races
de chiens pour la chalTe. Cet exercice n'étant pas fort en ufage , dans un
Pays fi rempli d'hommes , & fi mal pourvu de gibier ^eux qui en ont le
goût, n'y employent que des chiens ordinaires.
Ils ont une efpéce particulière de chats, dont on vante beaucoup h
beauté. Leur couleur eft blanchâtre , avec de grandes taches noires &
jaunes, & leur queue fort courte. Ils ne font pas la guerre aux fouris.
Leur unique ufage eft de fervir à l'amufement des femmes , qui fe plaifent à
les carefler.
Les quadrupèdes fauvages du Japon font les lièvres, les daims, les fan-
gliers, 'dont quelques Seftes permettent de manger en certains tems de
r année, lesfinges, les ours, lestanukis, les chiens fauvages , lesitutz,les
tins , les ren?rds , les rats & les fouris. -
L'IsLE de Mijofima, qui fe nomme aufli Ak'mo-Mijofima^ parcequ'elle
eft voifine de la Province d'Aki , eft célèbre par une efpéce particulière de
daims , qui font fort doux & naturellement apprivoifés. Les Loix du Pays
défendent de les tuer, & font un devoir aux Habitans d'enterrer ceux qui
meurent près de leurs n.aifons. Un Japonois, qui manqueroit à cette obli-
gation, feroit condamne à quelques jours de travail, pour \qs Temples ou
pour le Public.
Les finges du Japon font extrêmement dociles; mais le nombre n'en eft
pas grand. Leur couleur eft d'un brun obfcur. Ils ont la queue courte, le
vifage & le dos rouges , & fans poil. Kaempfer en vit un ,. auquel on don-
noit cent fix ans , & qui faifoit quantité de tours , avec une adrelTe furpre-
nante. Les Provinces du Nord ont quelques ours, mais fort petits. On
. . ;,- •,,..■ -.--.: , : , y
(J) Ibidm, pag. 200.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
43i>
Db-CR1PT!0I»
DU Japon.
Cliicns fauva-
gc*.
Tamiki.
ItiiUijcTin.
Fourmis
blanclics , &
leurs propri(!!«
tes.
y voit auffi des chiens fauvages, qui ont le mufeaii grand & ouvert. Le
Tanuki eft un animal d'une efpèce très-finguliére. Sa couleur efl: d'un brun
obfcur , & fon mufeau reflemble à celui du renard. Il n'efl: pas fort gros.
Kaempfer le prend pour une efpèce de loup. VItutz & le Tin font deux a-
nimaux, de couleur roulBtre, qui ne feroient pas difFérens, fi le Tin n'c-
toit plus gros que l'autre. Ils vivent fi familièrement fous le toît des mai-
fons , qu'on peut les mettre au rang des animaux domeftiques. Ils font la
guerre à la volaille & au poiflbn. Toutes ces Ifles font remplies de rats Riitb &fou-
& de fouris. Les Habitans apprivoifent des rats, & leur apprennent à fai- "*•
re divers tours d'adrcife, fur-tout à Ofacka , qui efl: comme le rendez-vous
de tous les Charlatans de l'Empire. Les renards ne font guèrcs moins com- Renards.
muns. Le Peuple les croit animés par le Diable; ce qui n'empêche pas les
ChalTeurs de les tuer, parcequ'on fait, de leur poil, d'excellcns pinceaux
pour écrire & pour peindre. On ne voit , dans aucune Ifle du Japon, ni
tigres, ni lions, ni panthères, ni d'autres efpèces d'animaux carnafliers.
Entre les Infcéles reptiles, celui qu'on nomme Fourmi blanche , paHe
pour le plus nuifible. C'efl: un petit ver délié , & blanc comme la neige , à
l'exception de la tête & de la gorge, qui font d'un brun obfcur. On le
voit toujours en bande comme nos fourmis, dont il ne diffère pas beau-
coup par la grofleur. Les Japonois le nomment DoToos^ c'eft:-à-aire. Per-
ceur i nom qui lui convient parfaitement , car il perce tout ce qu'il rencon-
tre, & s'il peut entrer dans un Magafin, il détruit en peu de tems les meil-
leures raarchandifes. Le feul préfervatif, qu'on ait découvert jufqu'ici con-
tre ces dangereux infeéles , efl: de répandre du fel fur tout ce qu'on veut
dérobber à leurs morfures. Ils font en guerre continuelle avec les autres
fourmis; &lorfqu'une des deux efpèces s'eflb emparée de quelque lieu, il ne
faut pas craindre que l'autre s'y puifle loger. Les fourmis blanches ne peu-
vent fupporter l'air, & pour fe cranfporter d'un endroit dans un autre, el-
les fe bâtiflent, le long des chemins, des voûtes & des arcades qui tiennent
à la terre. Elles marchent avec ime vîtelTe incroyable, & fouvent tout ''
efl: ravagé avant qu'on ait pu s'appercevoir de leur arrivée. Quelques-uns
attribuent des effets fi prompts à l'acrimonie de leurs excrémens ; mais
Kaempfer aflure que quatre pincettes, recourbées & tranchantes , dont leur
mufeau efl: armé, funifent pour caufer tous les defordres dont on les accu-
fe. 11 rapporte que s'étant une fois couché afllez tard , il apperçut le len-
demain , fur fa table, des traces de leurs voûtes; & qu'en y jettant les
yeux de plus près , il découvrit un trou de la grofl'eur du petit doigt , qu'el-
les avoient fait , dans l'efpace de quelques heures, à l'un des pieds mon-
tans de la table, un autre en travers de la table même , & un troilième au
milieu de l'autre pied en defcendant , par lequel elles rentroient dans le
plancher. On ne peut fuppofer que leurs excrémens ayent aflez d'âcreté
pour un effet fi prompt: mais il y a beaucoup d'apparence que c'efl: la ma-
tière dont ces petits animaux compofent leurs voûtes.
L'Insecte, gue les Japonois nomment vulgairement Mukadr, & qui Mukade,
porte le nom de Goko, dans le langage figuré, n'eft pas l'Afellus, ou la owMillepcde.
Cloporte. C'efl: le Millepede des Indes , ver long de deux ou trois pou-
ces, délié, de couleur brune, & qui a de chaque coté un grand nombre de
pieds ,
II
Dfrchtption
DU Japon,
Lcznrds.
Sûrpens.-
Oi féaux
doinelliqucs.
Oifcaux
fauvaj;cs.
Grues , &
leur privilège.
Hérons, ou
Saggi;.
Oyes fau-
vages & leurs
dégâts.
440 VOYAGE DE KiEMPFER
pieds, d'où il a pris fon nom. Il cfl; très venimeux dans les Indes; mais.^
outre qu'il efl rare au Japon , il y caufe moins de mal , & fa morfure ne
demande point d'autre remède que de la falive. Les lézards du Pays, ne
diffèrent pas des nôtres. On y voit peu de Icrpcns. Le lùtakuts, ou t'i-
bakariy qui cCt un des plus remarquables , a la tète plate & les dents aiguës.
Sa couleur cfl verte. Il a pris fon nom de la longueur du jour, ou dcTef-
pace de tcms que le Soleil demeure fur l'horifon, parccque ceux, qui en
font mordus , meurent avant le coucher de cet Aflre. Les Soldats en man-
gent la chair , dans l'opinion qu'elle a la vertu d'échaufï"cr leur courage.
On en fait une poudre, nommée Sjotwatjio, qui pafle pour un rpécifique
contre plufieurs maladies internes, & qui étant placée Ibus les goutières
d'un toîc, produit, dit-orr, de petits ferpens de la même efpéce. Le ;}a-
makajatz, qui fe nomme auSi Uwabami ^ & quelquefois D/'^ c'efl-à-dire.
Dragon i efl une autre efpèce de ferpent , d'une grofTcur nionllrueufe. On
le trouve dans l'eau, ou fur les montagnes; mais il efl très-rare.
Les Japonois n'ont, à paner proprement , aucun oifeau domeflique.
S'ils nournlTent des poules & àcs canards , l'opinion de la Métemp icofe
ne leur permettant point d'en manger, ils n'y cherchent que de raiiuifc-
ment. Cependant le Peuple ne fait pas fcrupule d'en vendre, à ceux ^iii
refpeftent peu la Religion. Dans Ls jours confacrés à la mémoire d'une
Perfonne morte, il n'ell pas permis , à fes Parens ni à fes Amis, de Lu.r
un oifeau, ni le moindre animal. Pendant l'année du deuil de l'Empereur,
il efl défendu, dans tout l'Empire, de tuer ou déporter au Marché aucu-
ne créature vivante. Les coqs font encore plus épargnés que les poules.
On les conferve avec foin, fur-tout dans les Monallères , parcequ'ils mefu-
rent le tems, & qu'ils prédifent les changemens de l'air.
Les oifeaux fauvages font devenus fi familiers, dans les Ifles du Japon,
qu'on en pourroit mettre plufieurs e/pèces, au rang des animaux domefli-
ques. Le principal efl le Tfuriy ou la Grue, qu'une Loi particulière réfer-
ve pour le divertifîement ou l'ulage de l'Empereur. Cet oifeau & la tor-
tue palTent pour des animaux d'heureux augure; opinion fondée fur la Ion-
rue vie qu'on' leur attribue, & fur mille récits fabuleux dont les Hifloires
font remplies. Les Appartemens de l'Empereur & les murailles des Tem-
ples font ornés de leurs figures ; comme on y voit , par la môme raifon ,
celles du fapin & du bambou. Jamais le Peuple ne nomme une grue, fans
y joindre le titre (XO-Tfurifama, qui lignifie Monfeîgneur : on en difÛngue
deux fortes; fune aulTi blanche que l'albâtre; l'autre, grife, ou couleur
de cendre. Les Hero is , ou les Saggis , foruient plufieurs efpèces , qui ne
diffèrent pas moins en couleur qu'en groffeur.
On diflingue deux fortes d'oyes fauvages, qui ne fe mêlent jamais; les
unes, blanches comme la neige, avec les extrémités des aîles fort noires i
les autres, d'un gris cendré ; toutes fi communes & fi familières, qu'elles
fe laiffent facilement approcher. Quoiqu'elles faffent beaucoup de dégât
dans les campagnes , il eft défendu de les tuer , fous peine de mort, pour
affurer le privilège de ceux qui en achètent le droit. Les Payfans font obligés
d'entourer leurs champs de filets, pour les défendre de leurs ravages. En-
tre plufieurs efpèces de canards, le plus commun, qui fe nommQ'jtintnodfui,
efl
retraite e
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 441
efl: d'une beauté fi rare, que les Etrangers , qui ne l'ont vu qu'en peinture,
ne peuvent s'imaginer qu'il exifle réellement. Son plumage forme des
nuances admirables ; mais le rouge domine autour du cou & de la gorge.
Il a la tête couronnée d'une magnifioue aigrette. Sa queue , qu'il élève
obliquement, & Tes ailes , qui font placées régulièrement fur le dos, font
un elFet merveilleux. Le nouvel Hiftorien cil porté à le prendre pour ce
que le Père le Blanc nomme la Poule du Japon , dans fon Hiftoire de la Ré-
volution de Siam; &, fi cette conjefture efl jufle, il faut joindre , à toutes
les perfeétions de ce bel oifeau , une démarctie majeilueufe , qui les relè-
ve encore ^c).
Les Failans du Japon font d'une extrême beauté,* fur -tout une efpèce
particulière , qui fe dillingue par l'éclatante variété de fes couleurs , & par
une admirable queue, qui n'a pas moins de deux ou trois pieds de lon-
gueur. Les Beccalîines font ici fort communes. Quelques Seéles en man-
gent , & fe permettent aufli les Faifans , les Oyes & les Canards. On ne
connoit qu'une efpèce de Pigeons fauvages, qui ont le plumage noir & bleu,
fans aucune beauté , & qu'on éloigne foigneufement des maifons , parceque
l'expérience a fait connoître que leur fiente prend aifément feu. On voit
des Cigognes, au Japon, pendant toute l'année. Les meilleurs Faucons
viennent des Provinces Septentrionales ; mais on les nourrit moins pour le
vol , que par curiofité pour leur grandeur. Les Eperviers ne font pas
ici moins communs que dans toutes les Indes Orientales. C'eft un oi-
feau extrêmement fier. Kaempfer attribue la même qualité à des Cor-
beaux d'une grandeur médiocre, dont l'efpèce efl: venue de la Chine & s'efl:
fort mulripliée au Japon. Il parle d'une autre efpèce, qui efl: venue de
Corée, & qui fe nomme Corcigara. Mais on^ne trouve point , dans ces
Ifles, les Corbeaux qui font communs en Europe, ni des Perroquets & d'au-
tres oifeaux des Indes (rf).
L E Foken , ou , fuivant le langage vulgaire , le Fotetems , efl: un oifeau
nofturne , d'un goût exquis , & qu'on ne fert même , aux tables des Grands,
que dans les occafions extraordinaires. On alTure que fes cendres calci-
nées réiabliflent le Saki , lorfqu'il devient aigre. Le Mifago, ou BifagOy
efl: un oifeau de Mer , du genre de l'Epervier. Il vit de poiflbn. Sa
retraite efl: un trou , dans quelques rochers , où il met fa proye ; & l'on
a remarqué qu'elle s'y conferve aufli parfaitement que le poiflbn mari-
né, où YJtftaar, d'où cet oifeau tire aulTi le nom de Bifagonofufi , oa
d'ÂtJiaar- Bifago. Ceux qui découvrent cette provifion en tirent un pro-
fit confidérable , parceque les Japonois en aiment le goût & qu'elle fe vend
fort cher.
Les Mouettes , les Corbeaux marins , les Pies de Mer , les Moineaux ,
les Hirondelles, & quelques autres efpèces d'oifeaux, fout les mêmes au Ja-
pon qu'en Europe. Les Alouettes y chantent beaucoup mieux. On vante
aulfi le chant des Rofllgnols du Pays , qui ne doivent pas être communs,
puifqu'ils fe vendent quelquefois jufqu'à vingt cobangs {e).
Les
(c) Hijioire du Japon, Torn. VUI. pag. (d) Kaîinpfer, uhi fuprà, pàg. 207.
50 & 91- (e) Kaenipfer, pag. 208. 1 ..4 ; •.
XI F. Part, Kkic
Description
nu Japon.
Canards
d'une mer-
veilleufe beau-
té.
Faifans.
Bcccafllne^.
PiSeons
fauvages.
Cigognes.
Oifeaux dç
proye.
Corbeaux.
Foken.
Mîfago.
Oifeaux ft:
Infcftcs com-
muns uVCC
l'Euiopc-
44»
VOYAGE DE KiEMPFER
DEScnTrrroN
PU Japon.
Erpcccî tl'Iiv
fcé^LS particu-
licres au Ja-
pon.
Efcarbots.
Singulari-
tés du Kuma-
Seb).
. '.;",. I'
Autres Ef-
catbots.
Les Japonols ont des Abeilles , qui font de la cire & du miel, miîj
en petite quantité. Les Abeilles fauvages, Its Guêpes, les Mouches ur*
dinaires, lesCoufins, les Mouches luilantts , les Elcarbots, les Punaills,
les Sauterelles, & la plupart des autres Infcftes de l'Europe, font connus
au Japon. Mais on en nomme quelques elpcces , qui paroiflent propres à
ces Ilies.
Entre les Papillons, on en diftingue un fort grand, nommé Janma-
TJto^ ou Papillon de montagne , qui efl: ou tout-à-fait noir , ou d'une agréable
variété de couleurs. Le Komuri^ eft une grofle Mouche de nuit, très-bel-
le , tachetée de diverfes couleurs , & tout à-fait velue. De plufieurs efpè-
ces d'Efcarbots, d'une rare beauté, on en admire un fort gros, qui reflem-
bie beaucoup à la mouche de fumier. 11 eft: luilant , noir ; il a deux cor-
nes recourbées ôc larges , dont la plus grande e/l placée fur le nez comme
celle du Rhinocéros, 6c la plus petite fort de l'épaule. Cet animal marche
avccpeiiTe, & vit fous terre. On appelle Sebiy & quelquefois Semi^ une
autre efpèce d'Efcarbot de couleur brune , qui fournit aux Naturaliftes la
matière de plufieurs obfervations. On en compte trois fortes: le plus gros,
nommé Kuma-Sebi , a la figure & la grofifeur de ces mouches , qui ne volent
que le foir en Europe,* mais il ell fans aîles. Au Printems, il fort la nuit
de defl!bus terre, où il fe tient pendant tout l'Hyver. Ses jambes déliées
lui fervent à s'attacher aux branches des arbres, aux feuilles , & à tout ce
qu'il peut faifir. Bien-tôt , il crève , & fon dos le fend dans fa longueur ,
pour faire place à une autre mouche, qui s'y trouvoit renfermée & qui ref-
ferable auflî à un Efcarbot , mais qui paroît d'abord plus grande que fa pri-
fon. Quelques heures après, cette mouche s'envole en bourdonnant (/).
Lorfqu'elle rompt l'étui qui l'enfermoit , & qu'en même-tems elle déployé
fes quatre aîles, elle fait un bruit aigu & jperçant, que les Japonois croyent
entendre à la difl:ance d'un mile. Kaempfer affure , du moins, que les bois
& les montagnes retentiflent du bruit de Ces petits animaux. Ils difparoif-
fent dans les jours caniculaires. On prétend qu'ils rentrent dans la terre,
pour y fubir une nouvelle métamorphofe & reparoître l'année d'après. C'efl:
ce que le même Voyageur n'eût pas l'occafion de vérifier ; mais il parle
avec certitude de leur chant , qui commence lentement & d'un ton bas , &
qui augmentant enfuite par degrés , en vîtefle & en force , baiflTe encore en
finiflant. Ce bruit lui parut reflerabler à celui du fufeau d'un Boutonnier.
Il commence au lever du Soleil & finit à midi. La dépouille du Kuma-Se-
bi, ({\n Ce nomme Sem'ino-Mukigar a y efl: employée dans la Médecine , & fe
vend dans les Boutiques du Japon {g).
Vers le tems où cet Efcarbot difparoît , on lui en voit fuccéder un plus
petit, qui fe nomme Ko-Sebiy ou \q petit Sebi. Il chante depuis midi juf-
qu'au coucher du Soleil. Sa vie dure jufqu'à la fin de l'Automne, & fon
chant s'élève moins que celui du premier. Une autre efpèce, qui ne dif-
fère de la féconde, ni par la grofleiu:, ni par la figure, chante du matin
au.
^
/) Gefiier, qui en a donné la dercription, la nomm3 Cicada ou Cigale. .
) Ksempfer, ubifuprà, pag. aop.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
443
DO Japon.
Cantharldci.
Famniio.
Chnrmante
mouche.
Fable dont
elle fait le fu-
jct.
BU foir. Les femelles des trois efpcces font muettes , & reflcmblent d'ail- Discriptiom
leurs aux mâles, excepté qu'elles ont la poitrine fermée.
Les Cantharides du Japon font de la couleur des nôtres; mais plus ron-
des, &prefqu'auni grofles que les Efcarbots communs de l'Europe. Les
Japonois en ignorent abfolument Tufage. Ils en ont une autre efpèce, qu'ils
nomment Fammio ; & qui , étant extrêmement cauftiqucs , font mifes au
rang des poifons. On les trouve fur les épis de riz. Elles font longues ,
déliées , oc plus petites que nos cantharides bleues ou dorées , avec des ta-
ches & des lignes d'un rouge cramoifi ; ce qui leur donne beaucoup d'éclat.
Enfin, parmi les mouches de nuit, on en voit une très-rare, à-pcu-prés de
la longueur du doigt, déliée, ronde, avec quatre ailes, donc deux font
tranfparentes & cachées fous les deux autres , qui font luilantes , comme fi
elles avoient été polies , & embellies d'un charmant mélange de taches &
de lignes bleues & doiées. Cet infeCle ell d'une beauté fi fingulière , qu'on
fe fait un plaifir d'en confervcr entre les bijoux les plus curieux. Elle a fait
naître aux Poëtes Japonois, l'idée d'une afiez jolie fable, qui explique l'ar-
deur inconfidérée , avec laquelle on voit les mouches fe brûler à la chan-
delle. Ils raconrent que toutes les autres mouches de nuit font devenues
amoureufes de cet ornement de leur efpèce ; & que , pour fe délivrer de
leurs importunités , elle leur ordonne malicieufement , fous prétexte de met-
tre leur conllance à l'épreuve , de lui aller quérir du feu. Ses Amans, ne
confultant que leur paffion , lui obéifl'ent aveuglément ; & courant contre
le premier feu qu'ils rencontrent , ils ne manquent pas de s'y brûler. La
femelle n'approche pas de la beauté du mâle.
Les produélions de la Mer ne fourniflcnt pas moins à la fubfiflance des
Japonois , que celles de la Terre ; fi l'on en excepte le riz , qui fait la plus
grande partie de leur nourriture. Les Côtes de chaque Ifle abondent en
toutes fortes de plantes marines, de poiflb.ns, d'écrevifles, & de coquilla-
ges. Il n'y en a prefque point qui ne ferve de nourriture aux Habitans;
& quelques-uns font d'une bonté , qui fait honneur aux meilleures tables.
On comprend , fous le nom général de Kiokais , ou JVokah , les poiflbns , les
écrevifTes & les coquillages.
Le plus utile de tous les poiflbns de ces Mers , efl le Kudfnri^ ou la Ba-
leine. On en pêche fur toutes les Côtes de l'Empire , particulièrement fur
celles de Khumano & de toute la Partie Méridionale de la grande Ille de
Nipon , autour des Ifles de Tfuffima & de Gotto , & fur les Côtes d'Omu-
ra & de Nomo. Elles fe prennent ordinairement avec le harpon , comme
en Groenlande ; mais les îiateaux des Japonois femblent plus propres , à
cette pèche , que les nôtres. Ils font petits , étroits ; un des bouts fe ter-
mine en pointe fort aiguë"; & chacun porte dix Rameurs, qui les font vo-
guer avec une vîtefle incroyable. Vers l'an 1680, un riche Pêcheur de la
Province d'Omura inventa une nouvelle manière de prendre les Baleines,
avec des filets de cordes fortes , d'environ deux pouces d'épailTeur. Cette
méthode fut pratiquée d'abord avec beaucoup de fuccès ; & l'on prétend
qu'aufll-tôt que la Baleine fe lent la tête embavralTée dans le filet , elle na-
ge avec plus de peine, & devient plus facile à tuer. Cependant on trou-
va, dans la fuite, que la dépenfe étoit exceffive pour les Pécheurs ordin^i-
Kkk 2 res,
Coininent
les Japonois
pèchent lu Ba-
leine.
444
VOYAGE DE K .T: M P F E R
DlICRTPTTON
OU Jaion.
DifTcTcntcs
pfpècc's de
Ualciucs.
Utilité de
toutes les par-
ties de la Ba-
leine.
SatHfoko.
res, & Ton revint à l'ancienne manière. La pêche commence au mois de
Décembre. Dans une feule année,' on a pris jufqu'àdciix cens foixantc-
quatorze Baleines, aux Illes de Firando & do Gotto.
Les Japonois en connoilTent plulleurs fortes, qui ne différent pas moins
de nom, que de figure & de grofleur. Celle qui fc nomme Sebio^ efl: hi
plus groffe. On en tire beaucoup plus d'huile que des autre». Sa chair
d'ailleurs cil fi bonne & li faine , t|ue les Pcchcurs attribuent la force de
leur fanté , malgré la rigueur du froid & les fatigues de leur profefTion , ù
l'ufage qu'ils en font continuellement. V/iwo-^angi^ ou le Kokadfura^ eil
une petite Baleine de couleur grife & cendrée , dont la figure ert un peu
différente de celle du Sebio. La Nagajfa. communément depuis vingt juf-
qu'à trente braffes de long. Elle peut demeurer deux ou trois heures fous
l'eau; avantage qu'dle a lUr les autres Baleines, qui font obligées de s'éle-
ver à tous momens fur la furface des flots pour refpirer. Le Sotrokadfura ,
c'eft-à-dire, h Baleine des Aveugles^ a reçu ce nom, parcequ'on lui voit fur
le dos , la figure d'un Bymu , efpéce de Luth , qui efl l'inflrumcnt favori
des Aveugles du Japon. Sa longueur efl rarement de plus de dix braffes.
On prétend que l'ufage de fa chair caufe des toux , des fièvres , des ulcères
flir la peau, & quelquefois la petite vérole. Le ÂUko efl une petite Balei-
ne, qui n'a jamais plus de trois ou quatre braffes de long; & de -là vient
ou'on donne le même nom aux Baleines de toutes les efpèces. Elle fe prenti
fouvent fur les Côtes Orientales du Japon , & fur celles de Kijnokuni cS: de
Satzuoia. On trouve de l'ambre gris dans fes inteflins ; mais on ne tire ,
de fa tête, qu'une médiocre quantité d'huile. V Imafikura y dont le nom
fjgnifie Mangeur de Jardines , reffemble aux poifFons ordinaires par la queue
& les nageoires. Kaempfer raconte que , dans fon Voyage à la Cour de
Jedo , il vit une Baleine de cette efpèce, entre Caminofeki & Simonofeki ;.
& qu'il la prit pour le poifTon que les Hollandois nomment Noord- Caper,
Dans tous ces monflrueux animaux, il n'y a rien qui ne foit de quelque uti-
lité, à l'exception de l'os de l'épaule. La peau, que la plupart ont noire,
la chair , qui efl rouge & femblable à celle du bœuf , les inteflins , que
leur longueur fait nommer F/.i/t/îro, c'efl-à-dire, longs de cent brajjes ^ &
toutes les parties internes fe mangent différemment apprêtées. De la graif-
fe, on tire de l'huile, en la faifant bouillir. On mange même le fédimènt
qui refle , après l'avoir fait bouillir une féconde fois, A l'égard des os ,
on fait bouillir , dans leur fraîcheur, ceux qui font d'une fubftance cartila-
gineufe, pour k*s manger aulB. D'autres les ratiffent, les nettoyent, &
les font fécher p ■>ur la cuillne. Des parties nerveufes & tendineufes , blan-
ches & jaunes, on fait des cordes, qui font principalement d'ufage dans
les Manufactures de coton , & pour les inflrumens de Mufique. On ne
jette pas même les inteflins, qui fe gardent auffi pour la cuifine. Enfin,
des os de la mâchoire , des nageoires , & des autres os d'une fubflance plus
folide, on fait diverfes fortes- de petits ouvrages , particulièrement de bel-
les balances , qui fervent à pefer l'or & l'argent.
L E Satfifoko efl un poifTon de deux , trois , & quelquefois de cinq ou
fix bralTes de longueur , avec deux dents fort longues , qui s'élèvent per-
pendiculairement hors de la bouche , & qu'on fait quelquefois fervir d'or-
nement
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lit. IV.
445
tire,
Iruku.
l'urubç,
poiflbii vcni*
nuiix , & fcs
tvois cfpctc».
nement au fommct des Chitcaux, des Temples, & des Edifices publics. On nr^cnr^TioN
afTurc que ce poifTon cft l'ennemi mortel dc5 Balf^incs, & qu'il les tue, en i^i'i^^i'oi**
fc glilTant dans leur gucuL, & leur dévorant la langue.
L' Iruku cft un poilTon connu dans les Inde«, où il porte le nom de
Tenje. Le Furibe en cft un autre, qui n'eft pas fort gros, & que les Hol-
lanJois nomment Blafer^ c'eftà-dire, Soujjicur^ parccqu'il peut sVnllcr, jul-
qu'ii prendre la forme d'une boule ronde. On le met au rang des poilfuns
venimeux , jufqu'à prétendre qu'il eft mortel pour ceux qui le mangent tout
entier. Le Japon en a trois efpèces, toutes trois fort abondantes. Ceux
de la première, nommés Sufmnebukas , font petits & fort dangereux. La
féconde efpèce, qu'on appelle Mabaku, i'tft à-dire, véritable liakuj pafle
pour un poilibn fort délicat; mais il en fautjetter la tétc, les inteftins ik
les os, laver & nettoyer la chair avec beaucoup de foin, fans quoi il cau-
ieroit infailliblement la mort. On prétend même qu'après les plus grands
foins, il efi toujours venimeux; & les Japonois, qui font las de vivre,
choififfent fouvent ce poiflbn, plutôt qu'une corde ou un poignard. Il cau-
fe d'abord l'évanouiffement , enfuite des convulfions, & un délire qui finit
par un violent crachement de fang , après lequel on expire. 11 ell défendu ,
aux gens de Guerre, de manger du Mabaku, & même d'en acheter. Si
quelqu'un d'eux en meurt , fon fils perd le droit de fuccéder à fon Office.
On ne laifle pas de vendre ce poiflbn fort cher , & d'en manger par frian-
dife, mais il doit du moins être fort frais. La troifiéme eipèce fe nom*
me Kimadura f c'eft-à-dire, CouJJîn Septentrional ; apparemment, parce-
qu'il a la tête ordinairement tournée vers le Nord ; car on nomme de mê-
me ceux qui dorment dans cette fituation. Son poifon cft abfolument
mortel. Auffi n'eft-il recherché que de ceux qui ont pris la réfolution de
mourir (h).
Le Cheval Marin, ou le Chien Marin des Mers du Japon, efl: un poif-
fon très-fmgulier, à-peu-près de la longueur d'un enfant de dix ans, fans
écailles & fans nageoires ; la tête, la bouche & la gorge grandes; le ven-
tre large & plat comme unfac, & qui peut contenir une grande quantité
d'eau. Il a les dents minces & aiguës , comme celles d'un ferpent , & les
parties internes fi petites, qu'à peine font-elles vilibles. On lui voit, fous
le ventre, deux pieds plats & cartilagineux, avec des doigts qui reflem-
blent beaucoup aux mains d'un enfant , & dont il fe fert apparemment pour
marcher au fond de la Mer. Toutes tes parties fe mangent fans exception.
Il fe pêche fouvent dans le Golfe de Jedo, entre la Ville de ce nom &
Kamakura.
Le Tûi, que les HoUandois des Indes nomment Steen-braeffhn y eft regar-
dé, des Japonois , comme le Roi des poiflbns, & pafle, parmi eux, pour
un animal d'heureux augure , parcequ'il eft confacré à J'ebis , Dieu de la Mer.
Rien n'approche de l'éclat de fes couleurs, tandis qu'il efl: dans l'eau. C'eft
un mélange de rouge & de blanc. Sa femelle n'a qu'un petit nombre de
taches rouges. Il a la forme de la carpe. Mais il eft fi rare, qu'il ne fe
vend pas moins de mille cobangs. Un autre poiflfon' de k même efpèce fe
nom-
Ci) Kaenipfer, pag. 215 & précédentes.
Kkk 3;
e
yl
«1
Cheval v3U
chien marin
du Japon.
®
®
Tai.
m
®
®
44<5
VOYAGE DE K .E M P F E R
DascRimoN
DU Japon.
Kharo-Tai.
Siifaki.
Funa.
Najos.
Mebaar.
Koi.
Maar.
Itojori.
Makuts.
Sawara.
Fiiiwo.
Ara.
Kiifana.
Kamas.
Sufuki.
Adfi.
Taka.
Kame &
TakoHuiie.
Jcsje.
Bora.
Katfuwo.
Managat-
ftiwo. Sake.
nomme Kharo-Taiy on Steen-braeJJem «o/>, à caufe de fa couleur. On
l'eftime beaucoup moins.
Le Sufuki en \q même poiflbn, que les Allemands nrmment Kahlkopf^
c'eft-à-dire, Tche chauve. Le F^na" reflembie à la carpe, & fe fait recher-
cher pour fes vertus médicinales , particulièrement contre les vers. On en
diftingue un plus gros, de la même efpèce, qui porte le nom de Najos. Le
Mebaar cil de couleur rouge, à-peu-près de la groffcur & de la figure du
Stecn-braeflem. Ses yeux s'avancent hors de la tête , comme deux balles.
On le pêche par-tout, & c'eft la nourriture ordinaire des Pauvres. Le Koi
ell de la même efpèce, & reflemble auffi à la carpe. Il fe prend, fur-tout,
près des chûtes d'eau , qu'il s'efforce de remonter. On le tranfporte dans
toutes les parties de l'Empire, frais ou mariné. Le Maar, ou le Saumon,
fe prend dans les Rivières & dans les Lacs d'eau douce. \J Itojori ell un
petit Saumon. Le Makuts ell le poiflbn que les Hollandois nomment Har'
der. Le Saimra ell celui qu'ils appellent PoiJJon du Roi. Le Fiuvjo eft leur
Draatvifch ; & VAa , leur Jacoh-Everts. Le Kufana eft le Nez-court. Le
Kamas etl le Brochet. Le Sufuki (i) efl: le Schelvifch (*) des Hollandois;
mais plus long & plus délié. VAdJi efl: leur Maasbanker. On en difliin-
gue plufieurs efpèces , dont la plus groflie fe nomme Oadfi. Le Taka efl;
ce que les Hollandois appellent Kaie. Le Kame & le Takofame font deux
efpèces de jR.ayes, dont la peau, qui efl: fort dure, fert à faire des étuis,
& d'autres curiofités. Il en vient auflfi de Siam , & de plus belles que cel-
les du Japon (/).
L E Jesje ell un poiflfon large & plat , qui a la queue longue , & foiivent
au bout , un aiguillon de corne ou d'os , que les Hollandois des Indes nom-
ment Pyljlaart. Cet aiguillon , lorfqu'il ell ôté au Jesje vivant , pafle pour
un remède infaillible contre la morfure des ferpens. Auffi les Japonois en
portent-ils toujours fur eux. Le Bora reflemble au Brochet. Il a la chair
blanche & délicieufe. On le nomme auffi Songaats , parcequ'il fe prend dans
le mois de ce nom , qui efl: le premier de l'année Japonoife. On le marine
& on le fume^ Ce poiffon, & tous ceux qu'on prépare de même font com-
pris fous le nom général de Karafumi. On les porte de Nangafaki & de
Nomo, où il s'en prend beaucoup, à Jedo & dans les autres parties de
l'Empire , attachés par dixaine à des cordes. Les Hollandois & les Chinois
en tranfportent auffi.
Le Katfuwo efl: un bon poiflfon, dont la meilleure efpèce fe prend aux
environs de Gotto , & que les Hollandois tranfportent auflî fous le nom de
Combloomas. La manière de le préparer efl: de le couper en quatre, & de
le faire fécher par degrés fur la vapeur de l'eau bouillante , pour le manger
à l'eau. Le Managatfwjoo , efl: un poiflfon plat , auquel la Nature a donné
un œil de chaque côté. Le Sake, qui efl: une efpèce de Cabeliau, fe mari-
& reflfemble à la Morue. On le tire du Pays de Jefl!b ; <k fon nom lui
vient
ne
( i ) Ce nom , ' qu'on a lu . quelques lignes un Carlet ; le Schelvifch un Merlan. R. d. E.
plus haut, pour unpoilTon différent, efl: fans (/) Voyez la figure de ces peaux de rayes
doute altéré dans l'un ou l'autre endroit. de Siam, auïomcXI. pag. 238. R. d. E.
(k) L" A\itQU): dit Scbarvijcb. LcScharcfl: • •
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 447
vient de fon odeur, qui approche fort de celle de la bière de Saki. Le Tara
efl une ibrce de Morue, qui vient des Provinces du Nord, & dont la meil-
leure efpèce fe nomme TJioJijn-Tara , parcequ'on la tire de Tfiofijn. Le
Sajori, que les Habitans de Nangafaki appellent Sufomoi'wo, a reçu des Hol-
landois le nom de Naiihhifch, qui fignifie t*o[[fon aiguille. Il n'a pas plus d'un
empan de longueur. Il efl mince, avec un rang de pointes longues & aiguës
le long du dos. Le Toblvoo, que les Hollandois nomment Springer, oupoif-
fon volant, parcequ'il faute hors de l'eau, n'a guères plus d'un pied de lon-
gueur ; mais l'excellence de fa chair fait regretter qu'il foit rare. Les Ja-
ponois ont des Sardines, fous le nom d'/t»aj, & des Eperlans qu'ils nom-
ment Kiffitgos. Le j^ffo, appelle Sandkruiper par les Hollandois , eft un poif-
fon qui tient le milieu entre l'Eperlan & l'Anguille. Le Maquereau porte,
au Japon , le nom de 5fli'<». L'^^/, ou Ai-no-iwo ^ que les Hollandois nomment
Modevifch , eft un poilîbn d'eau douce , d'un empan de long , qui nage avec
une vîtefîe furprenante. Le Sijroiwo y ou le PoiJJon blanc , fe pèche au
Printems, à l'embouchure des Rivières. Le Konojijro, nommé par les Hol-
landois Sajfapy eir une efpèce de Hareng, qui relfemble aux StrobmUngs des
Suédois. Le Kingjo^ ou le PoiJJbn doré, n'excède guères la longueur d'un
doigt: il eft rouge, il a la queue d'un très-beau jaune luifant, ou de cou-
leur d'or; mais, dans fa jeunefle, il eft noirâtre. Au Japon, comme à la
Chine & dans prefque toutes les Indes, il fait l'ornement des viviers, où
on le nourrit de mouches qui n'ont pas encore leurs aîles. Les Japonois
en ont une efpèce , dont la queue eft couleur d'argent. VUnagi eft fAn-
guille commune; mais l'Oounagi en eft une autre efpèce, d'une groifeur
extraordinaire. Le Jaatzme - Unagi , c'eft - à - dire , Y Anguille à neuf yeux ,
eft ce qu'on appelle, en Allemagne , A^^mm - aw^ç , efpèce de grande Lamproie.
l,e Dooiljio, eft le Puyt-Jal des Hollandois, qui eft de la longueur du doigt,
& qui a la tête fort grofle en comparaifon du corps. Il fe trouve dans des
champs de riz couverts d'eau , & dans les étangs bourbeux. On en con-
noît deux efpèces; l'une avec une barbe, & l'autre qui n'en a point. Les
Japonois prétendent qu'on peut former artificiellement des Doodiios , en
coupant de la paille, la mêlant avec de la bourbe, & l'expofant le matin à
la chaleur du Soleil: Le Famtno, que les Hollandois ont nommé Conger-Aal^
eft plus grand que l'Anguille commune, & plus mince, quoiqu'il lui reffem-
ble lorfqu'il eft fous l'eau.
L'Ika eft le Polype ordinaire, que les Japonois & les Chinois regardent
comme un mets fore délicat. Il fe prend avec un appas de fa propre chair.
Le Jako eft uneauLre efpèce de Polype, .qui a de longues queues, ou plu-
tôt une forte de pieds , armés de petits crochets, avec lefquels il s'attache
aux rochers & au fond de la Mer. 11 fe mange frais, bouilH, ou mariné.
heKuragge eft encore un Polype, dont on diftingue deux fortes; l'une nom-
mée Mldfikura, ou Polype blanc, qu'on trouve dans toutes les Mers, «& qui
eft un fort mauvais alim.^nt; l'autre, plus rare, charnue, & qui fe mange
avec goût, loriqu'. Ile ell bi.n apprêtée. Quelques-uns de ces Polypes font
figros, que deux hommes ont |..eine à les loûlever. Leur chair marinéea
la même couleur vi!*: le même goût quj ces nids d'oifeaux, qui fe mangent
en Orient, fur-tout à la Cliine; & Kjempfer paroît perfuadé , fur l'autorité
de
DrscRTPTroK
DL' JAToN.
l'uni.
Sajori.
Tobiwo,
In';is S:
KiU'ujos.
Jcib.
S:iba.
Ai-no-hvo.
S'jioiwo.
Koiiofijro.
Kingjo, ou
poillbn doiv'.
Jaatznie-
Unagi.
DooJfio.
Fammo.
L'Ika, ou
le Polype.
Autres en-
core.
I-csnids-
d'oifeaux qui
fc iiian;;eiit
font de leur
chair.
448
VOYAGE DE K^MPFER
Description
DU Japon.
Namako.
L'Iinori.
Takanoma-
kura.
Tako.
Ki , ou Ca-
me, efpèce
ic Tortue.
Jebîs , ou
Ecreviflcs da
]apon.
Quand les
teflacés "^ les
criifticés font
pleins au Ja-
pon,
de quelques Pêcheurs Chinois, que ces nids prétendus ne font que delà chair
de cj poiflbn, apprêtée apparemment fous une forme trompeuft (w). Le
Niimiko, que les l^ollandois de Batavia nomment KaffeikilL fe mange aulfi.
Vlinoii efl: un petit Lézard d'eau, venimeux, qui a le dos noir & le ventre
rouge. Le Takanomakura ^ efl: ce qu'on appelle l'Om/Zer iw Pc /ypr. h^Tako
ed une Etoile de Mer, que les Japonois ne mangent point.
De tous les animaux à quatre pieds, qui vivent dans l'eau, il n'y en a
point qu'ils eftiment plus que le A'r, ou Came^ c'efl:-à-dire, la Tortue. On
a déjà remarqué qu'ils la regardent comme un emblème particulier du bon-
heur, à caufe de la longue vie qu'on lui attribue. Quoique cette efpèce
particulière, à laquelle ils donnent une large queue, en forme de rondache,
& qui efl: appellée ilfoi/k , dans la langue fçavante, ne foit qu'une chimère
& une fiction , on la voie fouvent parmi les figures emblématiques dont
ils ornent les murailles de leurs Temples, celles de leurs Hôtels, & les Ap-
partemens de l'Empereur & des Princes de l'Empire. Entre les véritables
Tortues, les plus communes font Vljikame^ ou Sanki^ c'eCt-à-dire, la Tor-
tue des pierres , ou de montagne , qui tire ce nom des lieux où elle fe trou-
ve; & ïjQ-Game^ ou Dou-Game, c'efl:-à-dire. Tortue d' eau ^ ou Tortue poif-
fomeufe, parcequ'elle vit dans l'eau. On raconte que fur les Côtes Septen-
trionales & Orientales du Japon, il fe trouve des Tortues aflcz grandes, pour
couvrir un homme de la tête aux pieds.
Les Japonois donnent généralement le nom de J'ebis à toutes fortes d'E-
crevifles & d'Ecrevcttes, quoiqu'ils en ayent plufleurs efpèces particulières.
Le Jehifako efl: cette petite EcrevilTe commune, qu'on voit en abondance
fur les Côtes de la Mer Baltique. Le Sl-Jebi ne diffère pas beaucoup des
Ecrevifl'es ordinaires , non plus que le Dahma-Jebt ; excepté que celle-ci ne
vit que dans l'eau douce , & qu'à l'âge d'un an elJe devient noire. Le Ku-
ruma-Jebi, ou YEcreviJJe à roue ^ tire ce nom de la figure de fa queue. UUini-
Jebi^ c'efl:-à-dire , h grande EcreviJJe , efl: ordinairement longue d'un pied.
Sa queue, qui efl: noire, caufe le mal de ventre , ou même le Choiera Mor-
bus. Le Siknxia a la queue large, & fe prend fouvent avec le petit poiflon.
Il a fi peu de chair, qu'à peine lui en refl:e-t'il dans le tems de la pleine Lu-
ne. Tous les animaux tefliacés & crufl:acés , de ces Mers, font alors plus
pleins & plus charnus qu'au tems des nouvelles Lunes , contre l'expérience
ordinaire des Mers de fEurope. Le Gamina, ou le Koona^ efl: revêtu d'u-
ne coquille charmante. Le Koni, dont le nom fignifie Kcrevijfe de poche, efl
nôtre Ecreviffe de Rivière. Le Kabutogani , on ÏUnkiu, efl: d'une forme fin-
gulière: il lui fort de la tête une forte d'épée, pointue, longue, dentelée,
& fon dos efl: un peu rond & fort lifie. Le Gadfat}ie n'efl: pas plus gros que
l'Ecreviffe de Rivière; mais fon écaille fupérieure fe termine en pointe des
deux côtés ; il a quatre pieds, dont les deux de devant Ibnt plus grands que
ceux
(m) Ubifuprà, pag. 223. CefT: une er- „ pour les ragoflts , &-qul s'y nomment
reur. Ces nids font réels & fort connus. „ Ifetiwi, ou 'Jn'iiku, vulgnirement Gc'îj,
Nota. Voici la remarque que M. Prevofl: a „ font rouvrat;c des hirondelles de Mjr, &
fait, dans un autre endroit, fur cet article. „ compofés de ces Ildothuries, om Poiifons
„ Ka:mpfer nous apprend que les nids d'oi- „ />/«/««, qui funiàgent fur les tlots". R. d. E.
„ feaui du Japon , dont on fait tant de cas
H
pour
nomment
.'tit (hns,
Mji-, &
Priions
.il.d.E.
Coquillngcs
do cjs Mers.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 449
ceux de derrière. LeSamaganifC'e{\:-k-due, ÏEcreviffe de poche caneîée , [pour- Description
roit s'appeller auffi ÏEcrev^e à verrues , parceque fa coquille en efl: couverte , "" Japon.
à l'exception des jambes de derrière , qui font lifles & prefque cylindriques.
Quelques-uns de ces difformes animaux font d'une grofleur incroyable.
Kaempfer en acheta une jambe de derrière, qui étoit auffi longue & auffi
grofle que la jambe d'un homme.
Les Mers du Japon offrent une prodigieufe quantité de toutes " fortes
d'Huîtres, de Moules, & de Coquillages, qui fe mangent crus, marines,
falés, bouillis ou frits. La marée en laifTe tous les jours un grand nombre
fur les Côtes j on les prend d'ailleurs en plongeant , ou dans des filets. Les
plus connus font ÏAiJoabi, dont on a parlé à l'occafiondes Perles. C'eft un
coquillage univalve, ouvert, & de la groffeur d'une médiocre coquillePer-
fienne , mais plus profond. Il fe trouve à beaucoup de profondeur fous l'eau,
attaché ordinairement, Ibic aux rochers, foit au fond de la Mer, où les
femmes des Pêcheurs , qui entendent mieux l'art de plonger que les hom-
mes , vont les prendre , avec la précaution de s'armer d'un grand couteau ,
pour fe défendre des Kaies^on des Marfouins. Lorfqu'elles découvrent un
Awabi, elles doivent l'enlever brufquement, avant qu'il puilTe les voir;
fans quoi , il fe colleroit au rocher avec tant de force, qu'il feroit impoffi-
ble de l'en détacher. La coquille efl; remplie d'une grofle pièce de chair ,
de couleur jaune ou blanchâtre, & trés-coriace , quoiqu'elle n'ait aucune
fibre. Les Japonois racontent que c'étoit la nourriture ordinaire de leurs
Ancêtres. C'efl; pour conferver la mémoire de ce tems d'indigence & de
fimplicité, qu'on en fert dans les feftins. C'efl un ufage, dans toutes les
conditions, d'en joindre une pièce aux préfens que l'on fait , parceque cet-
te chair efl un préfage de boiûieur. On la coupe en petites tranches , qu'on
fait fécher fur des ais. 11 fe trouve quelquefois une perle , dans ce coquil-
lage : mais mal formée , de couleur jaunâtre , & de peu de valeur.
Le Tairagi efl: un bivalve plat, long, mince & fort grand, prefque tranf-
parent, d'une forme qui approche de la triangulaire , & qui, fur une large
face , fe termine en pointe. Le poiflbn efl attaché de chaque côté de la
coquille, par un tendon très-fort. Les meilleurs Tairagis fe trouvent dans
le Golfe d'Orima , & l'on en tire quelquefois des perles. VAkoja efl auffi
un bivalve plat, de la longueur de la main. Sa furface extérieure efl cou-
verte d'écaillés , & d'une figure defagréable. Mais on y trouve une excel-
lence nacre de perle reluifante. Ceux de la meilleure forte, & qui produi-
fent les plus belles perles , fe pèchent dans le Golfe d'Omura. Le Mirakai
eH k Moule noire & commune , d'eau douce , qui n'efl pas rare dans les
Rivières & les Lacs d'Allemagne.
Les Famagurîs font des bivalves de la même figure & de la même grof- Famagun'
feur , mais plus épais , lilTes & blancs dans l'intérieur , & de couleur brune
en dehors. On peint, en dedans, plufieurs figures curieufes; & c'efl: un
des amufemens de la Cour du Dairi. Elles fervent à former une efpèce
de jeu , qui fe joue de cette manière : on jette à terre plufieurs tas de
Famaguris ; chaque Joueur en prend fa part ; le Vainqueur efl celui qui
en produit le plus grand nombre de paires. Chaque paire a des cro-
chets particuliers, par lefquels on peut facilement les difl;inguer &.les
XIF, Paru LU aflTera-
Tairagi,
Ako-a.
+50
VOYAGE DE K^MPFER
Description
DU Japon.
Siclfimi,
Kaifi.
Kiùi.
Niigatakai.
Afari.
Té.
Umi-Fake.
Turankaîi-
gai.
■Safai.
ma.
Fananifis ,
ou Limaçons
de plufieurs
«fpèces.
Les meilleurs de ces
ils fe trouvent en
ou
afTembler, quelque mêlées qu'elles puiflent être,
coquillages ie prennent fur les Côtes de Quanto
abondance.
Le Sidfimi eft un petit bivalve, qui reflemble au Famaguri, mais qui efl
plus mince; on le trouve enfoncé dans la bourbe. Les Kaijis^ ou les Utji.
k'is , font les Huitres. Celles du Japon font difformes , raboteufes , pier-
reufes.' Elles croiilent attachées les unes aux autres, & collées aux rochers.
On en diftingue deux principales fortes; les unes fort grofles, dont les meil-
leures & les plus eftimées font celles du Golfe de Kamakura ; les autres
beaucoup plus petites. Le Kifa , ou VJkagui , eil un autre bivalve , blanc
en dehors, avec des rayes profondes, & prefque parallèles. En dedans,
il efl de couleur rougeâtre. On met un manche à cette coquille, pour la
faire fervir de cuilliére. Le Nagatakai efl une grande coquille noire , dif-
forme , un peu ronde , & canelée. \J Afari en eft une petite , mince , de
couleur grife ou cendrée. Le ÏV, ou \q Maté ^ eft un bivalve oblong,
mince , entr'ouvert à chaque bout , & fon poiflbn pafle pour un mets déli-
cieux. VUmi-Fake eft un autre bivalve, à-peu-près de la même efpéce»
d'un empan de long, & fi gros, qu'à peine peut-on le tenir entre le pouce
& l'index. On en marine la chair. Ce coquillage ne fe trouve que fur les
Cotes de Tfikungo. Il eft défendu d'en pêcher, avant qu'on en ait fait
une provifion fuffifante pour la table de l'Empereur.
Les Tarankangais , qui fe nomment Kowers dans les Indes , font de dif-
férentes efpèces au Japon. On tire les meilleurs , des Ifles Liqueios ; &
les Dames Japonoifes en font le principal ingrédient de leur fard. Le Safai
eft un univalve turbiné, gros, épais, odoriférant, blanc & plein de pi-
quant. Il a la bouche fermée , & une efpèoe de couvercle plat , épais , de
fuhftance pierreufe , raboteux , & femblable en dehors au L,apis Judakus ,
mais plus pointu & plus lilîe. Le Niji eft un autre univalve, àpeu-prés de
la même forme, mais plus gros, & dont la chair n'a pas la même bonté.
Ils fe tiennent , l'un & l'autre , fortement attachés aux rochers & au fond de
la Mer , comme l'A wabi.
Les Fananifis font les Limaçons communs de terre. Ils font noirs au
Japon , & la Nature leur apprend à dierdter leur nourriture dans la bour-
be des champs de riz. fis ont la bouche fermée. Leur coquille eft oblon-
gue & prefque pierreufe. Le Bai eft un Limaçon , renfermé dans une co-
quille blanche & turbinée. Le Ras^ ou le Milva, en eft un autre de la
même efpèce ,, mais noir & plus petit. L'un & l'autre fe trouvent fur le
rivage, en baffe marée. Le Kabuto eft un univalve, petit , oval éc Cabi-
ne. Le Sugai eft plus petit encore, & de la même forme («).
nit pas
Japon.
(fl) Kxmpfcr, »bi/i^i, pag. 291 & précédentes.
■Ai.-
'p-.;
J.XL
DANS L'EMPIRE DU JAPON. Liv. IV.
451
<j:^
;«•:"(. 1
5'
. XI. '■^"•
ïi. )
il : ^.i.ri J'
DHM»»T10ir
ou jArotf.
/Irbres fruitiers ^ Plantes principales du Japon.
y 3
SI l'on confidère les avantages du climat & l'induftrie laborieufe de» Ha-
bitansdu Japon, il ne paroîcrapas furprenant que, malgré les raau-
vaifes qualités du terroir , ces Ifles produifent en abondance toutes fortes de
plantes & de fruits. Les plus fimpfes faifoient la nourriture des anciens Ja-
Fonois , indigens , fimples eux-mêmes , & contens de leur frugalité. Mais
opulence a mis beaucoup de changement dans les mœurs , oc les recher-
ches du goût font devenues plus délicates. Kaempfer a cru cet exorde né-
ceflaire , en commençant la defcription des Plantes , qui font le plus en ufa-
ge au Japon (a).
Il donne le premier rang au Meurier, parmi les arbres. Il fe nomme
Sooj vulgairement iTMwa , & l'on en diflingue deux efpèces, l'une à fruit
blanc, & l'autre à fruit noir. Quoique fon fruit foit infipide dans ces If-
les, ce défaut efl bien compenfé par l'avantage qu'on y tire de fes feuilles,
Jour la nourriture des vers à foye. II croît dans la plus grande partie du
apon , fur-tout dans les Provinces Septentrionales , où quantité de Villes
& de Villages tirent prefque uniquement leur fubfiftance des Manufaftu-
res d'étoffes de foye. Le Sjo-Ri^ vulgairement Kandji - Kaitfi , ou l'arbre
dont on tire le papier , efl une efpèce de Meurier. Quoiqu'il croiiTe fans
culture , on prend foin de le tranfplanter. Il s'élève avec une vîtefTe
furprenante, & fes branches s'étendent fort loin. De fon écorce, on fait
non-feulement du papier , mais des cordes , de la mèche , du drap , di-
verfes fortes d'étoffes & d'autres commodités (£>).
UUruJi i ou l'arbre du vernis, n'efl pas moins admirable par fon utili-
té. Il produit un jus blanchâtre , dont les Japonois fe fervent pour vernir
tous leurs meubles, Jeurs plats & leurs afliettes. A la table même de l'Em-
pereur, la vaiffejle & les uftencile? vernifles obtiennent la préférence fur
les plus précieux métaux. On ctiftingue une autre elpèce d'arbre au vernis,
qui a les feuilles plus étroites, & qui fe nomme Faqfi. Il croît fur les col-
lines & les montagnes; mais fon jus n'a pas la bonté de l'autre, & ne four-
nit pas la même quantité. Le véritable Urufi efl une efpèce particulière au
fapon. Celui de Jaraatto efl le plus eftimé, quoiqu'il croiffe auffi dans les
provinces de Fîgo <k de Tfikoku. Kaempfer obferve que l'arbre du vernis ,
qu'on trouve aux Indes , efl tout-à-£ait différent de rUrufi des Japonois (c).
A Siam, on le nomme l'arbre de Rack (d). Il croît & porte du fruit dans
la plupart des Contrées de l'Orient ; mais on obferve qu'à l'Ouefl du Gan-
ge,
Principale»
P/intes du Ja-
pon.
(a) Ceux qui fouHaitcront un plus grand
jlétail , peuvent confuiter les Amatiitatis
txoticœ. Ouvrage du même Voyageur , ou le
Tome Vill. de la Nouvelle Hijioire du Ja
fon , dont tous les Articles l'ont tirés de cet
Ouvrage.
( b) La manière dont fe fait le papier efl:
«[écrite fort au long dans les deux Ouvrages
qu'on vient de nommer.
Nota. On en a fait un Article particulier,
à la fin de ce Volume. R. d. E.
(c) C'eft le véritable Anacardinus , fui-
vant Kxmpfer.
{d) Il ne faut pas le confondre avec l'Ai-
rak.
LU 2
Meurier.
Kandn-
Kanfi , arbre
à papier.
Urufi, oit
arbre du ver-
nis.
452
VOYAGE DE K i: M P F E R
DlSCRirTION
DU jArON.
Dlvcrfes
efpèces de
Lauriers.
Laurier à
bayes rouges.
Le Na,,ou
Niigi.
§e, fon jus n'eft pas blanchâtre; fans qu'on piiifle juger , fi cette difFërence
oit être attribuée à celle du climat , ou à l'ignorance des Habitans, qui
n'entendent pas la manière de le cultiver. La plus grande quantité de ce
jus des Indes vient des Royaumes de Siam & de Camboye, & fe vend à
très-grand marché. On en porte même au Japon, oî^ les Naturels du Pays
l'employent pour vernir des uftenciles de peu de valeur , & le font entrer
aufli dans la compofîtion de leur plus excellent vernis {e).
Le Japon a plufieurs efpèces de Lauriers, qui portent en général le nom
de TJus-no-Ki (/). Celui qui fe nomme particulièrement Kuro-Tfons^ ou
J5oA-7yô«J, e(l un Laurier à groifes bayes, d'un pourpre obfeur, dont les
feuilles font quelquefois larges , quelquefois étroites & ondées. UAka-
Tfutfu en efl un autre , à feuilles larges & à bayes rouges aflez groffes. Ce
dernier efl une Cannelîfera fpuria i ou plutôt , à caufe de fa vifcofité , une
Caffia lignea. Il rcflemble parfaitement à l'arbre de la canelle , non-feulement
par fa grandeur, mais encore par fa figure & la fubflance des feuilles. Mais
l'écorce n'a pas cette agréable douceur, qui eft particulière à l'écorce de
la véritable canelle; elle tient beaucoup plus de l'âcreté aromatique duCof-
tus; défaut que Kaempfer croit devoir attribuer uniquement à la qualité du
terroir. Il porte le même jugement de la canelle de Malabar, de Sumatra
& de Java , qui n'approche point , dit-il , de celle de Ceylan.
Le Na, qu'on nomme vulgairement f^g-) Nagi & Tjikburajîba , efl: une
efpèce de Laurier fort rare (bj, qui pafle au Japon pour un arbre de bon
augure. Il conferve fes feuilles toute l'année. Des forêts, où la Nature
le produit, on le tranfporte dans. les maifons, & jamais on ne l'expofe â
la pluye. Sa grandeur efl: celle du cèrifier. Le tronc en efl fort droit ; fôn
écorce efl de coureur bai-obfcur. Elle efl molle, charnue, d'un beau verd
dans les petites branches , ôc d*une odeur de fapiii balfamiqiie. Son bois
efl: dur , foible & prefque fans fibres ; fà moelle efl à-peu-çrès de la nature
du champignon ,; & prend la dureté du bois dans ïa vieilleflTe de l'arbre.
Les feuilles nailTent deux à deux , fans pédicules. Elles n'ont point de
nerfs, leur fubflance efl dure; enfin elfes reflfemblent fort à celles du Lau-
rier d'Alexandrie. Les deux côtés font de même couleur, lilTes, d'un
verd obfeur, avec une petite couche de bleu, tirant fbr le rouge, larges
d'un grand pouce , & longues à proportion. Sous chaque feuille, fortent
trois ou quatre étamines blanches , courtes , velues , mêlées de petites
fleurs, quilaifTent, en tombant, une petite graine rarement dure, â-peu-
près de la figure d'une prune fauvage, &d'un noir purpurin dans fa matu-
rité. La chair en efl: infipide & peu épaiffe. Cette baye renferme une
petite, noix ronde , de la groflTeur d'une cerife » dont l'écaillé eft dure & pier-
reu-
( # ) Voyez les defcriptlons de tous ces ar-
bres , dans lies Amanitates exoticœ , pag. 792
& fuiv.
(/) TJus, fignifie unLaiirier; Ki, Plante
eu Arbre; & No efl l'Article. Ainfi TJus-
uQ'Ki veut dire Plante de Laurier.
(g) Il faut fe rappeller que les caraftères
Chinois font en vfage au Japon, parmi les
Lettrés, quoique la forme en foit un peu diffé-
rente. Ainfi , le premier nom eft celui dont
les Lettrés Japonois fe fervent pour expri-
mer le caraftère Chinois , qui marque la
Plante.
(i> Kaempfer. le définit, Laurus, julifer»,
folio Jpesiof) entrvL
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
453
Le Sfio, ■
Camphrier dit
Japon.
reufe, quoique mince & fragile. Elle contient un noyau, couvert d'une DEscRifTift»
petite peau rouge , d'un goût amer & de figure ronde , mais furmonté d'une °" Ja»o»,
pointe , qui a ia racine dans le milieu du noyau même.
Le SJtOy nommé vulgairement Kusno-Ki, ou Nambok^ ell une autre ef-
pèce de Laurier qiii donne du camphre, fur-tout par fes racines. Il efl del'é-
paiiTeur & de la hauteur de nos tilleuls. Les Payfans de la Province de Sat-
zuma & des Ifles de Gotto, où il croît uniquement, en tirent le camphre
par la fimple décoftion des racines & du bois, coupés en petits morceaux.
Mais quoiqu'on le fublime enfuite , il ell plus de quatre- vingt fois à meil-
leur marché que celui de Bornéo , qui fe tire du tronc des vieux Cam-
phriers, par de fimples incifions entre l'écorce & le bois (i). L'arbre Ja-
ponois a peu de tranches. Son écorce ell dure & d'un gris obfcur ; mais
celle des jeunes branches efl: bife, gluante & s'élève aifément. La moelle
en ell dure & ligneufe. Le bois ell naturellement blanc ; mais , en fe fé-
chant , il prend une petite teinture de rouge. Quoique peu ferré , il a des
fibres aflez dures, qui le rendent propre à faire des cabinets ; mais, à
mefure que fa réfirie s'évapore , il devient raboteux. Les plus beaux
cabinets du Japon font de la racine de cet arbre, & de celle du Fatz^
no-Ki. Les veines & les nuances de fune & de l'autre ont beaucoup d'a-
grément.
Suivons l'Auteur dans fa defcription. Les feuilles du Camphrier Ja-
ponois , tiennent à des pédicules aflez longs , qui rougiflent un peu , après
avoir été verds d'abord. Elles font toujours feules , fans ordre , membra-
neufes, de forme tirant fur l'ovale, pointues à l'extrémité, ondées fur les
bords , fans être dentelées ; avec beaucoup de fibres , d'une couleur plus pi-
le. Le deflus ell d'un verd foncé , mais luifant ; le deflbus a la couleur de
l'herbe & la douceur de la foye. Le nerf, qui ell prominent des deux cô-
tés, ell d'un verd blanchâtre, & jette fes rameaux en arc, le long de la
îeuille. De ces rameaux , il en fort d'autres plus déliés. L'extrémité des
fibres forme aflez fouvent de petits poreaux, qui font particuliers à cet arbre.
Lorfqu'il efl: dans toute fa grandeur , il commence à pouffer de petites
fleurs , aux mois de Mai & de Juin. Elles naiflent , aux extrémités des
{letites branches , fous les pédicules des feuilles ; & leurs propres pédicu-
es font d'un tiers plus courts que ceux des feuilles , fort menus , divifés
en petites branches , dont chacune porte une fleur blanche hexapet?'- , -vec
neuf étamines; trois au milieu, & les fix autres difpofées en rr:^u> , autour
des premières. A mefure que le calice augmente, la graine, m-s^arit; &
dans fa maturité, elle ell de la grolTeur d'un pois, luifante & ^'un pourpre
foncé. Sa figure efl: ronde, allongée comnïe une poire, avec uae petite
enveloppe de couleur tirant fur le pourpre, d'un goût de camphre girofle.
Elle renferme un noyau , de la grolTeur d'un grain de poivre , dont l'écor-
ce efl: d'un noir luifant , & qui fe fépare en deux. Il ell de nature huileu-
fe , & d'un goût fade.
Le Tfianoki , ou l'arbrifl'eau du Thé , efl; une des plantes les plus utiles qui Tfianoki,
croiflent au Japon ; quoiqu'elle y foit relevée fur les bords des champs de J^ Ij?^!^*^***
riz, "" ■^'^'»
(0 il'idm,
LU a
454.
VOYAGE DE K J! M P F E R
DU }mPQN.
Trois for-
tes de Fi-
guiers.
L'Imi-Itabu
X ritabu.
L'Ono-Kaki.
Le KiiM^
GakL
riz , & dans d'autres lieux arides , oii elle ne peut recevoir de culture. La
boifTon commune des jnponois efl une infufion des plus grandes feuilles àt
cet arbrifleau. On fait fécher les plus jeunes & les plus tendres; on les
met en poudre, qu'on jette dans une tafle d'eau chaude ; & cet e manière
de préparer le thé eft le partage des perfonnes de qualité (*).
On compte au Japon, trois fortes de Figuiers: i^. Le Si, v .igairement
Kaki^ eft un figuier des jardins, quoiqu'ailez différent du figuier commun.
Il eft fort defagréable à la vue , & fa figure approche de celle d'un vieux
pommier. Ses branches font tortueufes & en petit nombre; fon écorce,
qui eft brune , ou noire dans fa jeuneffe, devient blanche & raboteufe en
vieilliiTant. Ses Heurs fortent de l'aifTeile des feuilles , aux mois de Mai &
de Juin. Elles font en forme de tuyau , de la grofleur d'un pois, un peu
jaunes , environnées d'un calice divifë en plufieurs pièces , avec un piftil
court, & plufieurs étamines. Les feuilles, dont le pédicule eft court,
refTemblent, en couleur & en figure, à celles du poirier, mais font plus
longues , plates & cotoneufes. Le fruit a la forme & la couleur d'une poi-
re rougeâtre : mais fa partie charnue , qui eft tendre , a le goût du miel , ou
d'une figue délicieufe. Il eft rempli de femences dures & prefque pier-
reufes, qui approchent beaucoup de celles de la courge. Elles font rangées
en étoile au milieu du fruit. Cet arbre n'eft pas moins eftimé par l'abon*
dance , que par l'utilité de fes produftions. Son fruit fournit .me nour-
riture exquifè ; fur-tout lorfqu'il eft confit au fucre. La féconde efpèce de
figuier reflemble aflez à celle de l'Europe. Ce figuier, nommé Inu-Itabu^
porte un fruit infipide , & jette des racines , qui tirent fur le roux. Ses
branches font courtes , groiies , courbées , revêtues d'une écorce roufle , ou
d'un verd clair. Ses feuilles , qui durent toute l'année , font fermes , du-
res, épaifles, ovales, & terminées en pointe , longues ordinairement de
trois pouces, unies & brillantes par-defius, & d'un verd clair par le dos,
qui eft garni, dans toute fon étendue, d'une infinité de nervures entrelaf-
fées les unes dans les autres, dune manière fort agréable. Les fleurs ne
fe montrent point. Les fruits, dont le pédicule eft court, gros & li-
gneux , font de la grofleur & de la figure d'une noix , mais quelquefois de
la figure d'une" poire. Leur chair eft blanche , fongueufe , garnie d'un
grand nombre de petites femences blanches & tranfparentes , qui font envi-
ronnées d'une très-petite fleur blanche à quatre pétales. L'arbre croît dans
les endroits pierreux & le long des murs. Uftabu eft un figuier fauvage,
dont le fruit eft de couleur purpurine, & la feuille longue, de quatre ou
cinq doigts, terminée en pointe, & fans découpure. La troifième efpèce
eft le véritable figuier de l'Europe, porté au Japon par les Portugnis. Mars
fon fruit eft plus gros que le nôtre ; & Kaempfer le trouve de meilleur goût.
Cependant on n'y a pas pris foin de le faire beaucoup multiplier.
VOno-Kaki efk une autre forte de figuier, dont les fruits refTemblent
à l'orange. On 'es fait fccher au Soleil , on les couvre de farine & de
fucre, àc c'eft dans cet état qu'ils fe vendent.
Le Kinen-Gaki diffère peu des figuiers précédens par fa figure & celle
de
( k ) Voyez au dernier ^phe d'autres Obfervationis fur le thé du Japon.
nomme a
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
45^
DescjiipTioit
nu J.\pt~N.
Le SfiLu-
Kak:.
sycomore.
Ncflicrs.
de fon fruit ; mais Tes figues ne fe confervenc point , & ne peuvent êcre
mangées que dans leur fraîcheur.
Le Sfibu-Kakif autre figuier, donne un fruit qui ne fc mange point,
mais qu'on enterre dans un pot, pour le faire pourrir & fondre j & dans
lefuc, qu'on pafle foigneufement, on trempe le papier, dont on fait dps
habits, pour le garantn* delà pourriture. On s'en fert aulîi pour teindre
en couleur baye, les toiles d'orties & de chanvre. :
Le Sycomore, qui ne doit palier que pour un figuier fauvage, croit en
abondance au Japon; mais les Japonois n'en mangent pas le fruit. Cepen-
dant Kaempfer l'a jugé digne d'une defcription.
Les Châtaigniers font fort communs dans cet Empire, fur-tout dans la Châtaigniers,
Province de Tlikufen , & leur fruit eft non-feulement beaucoup plus gros ,
mais de meilleur goût que celui des nôtres. Il le nomme Riitz^ vulgaire-
ment ^Mri, & il y en a plusieurs fortes , dont la principale différence cou-
fifte dans la grofleur inégale de leurs châtaignes.
Le 5^, vulgairement /ûr/p/Maj-, eftunNcflier, dont la feuille eft gran-
de, la fleur très-blanche , l'odeur très-agréable, & la forme en tuyau , par-
tagé en fix lèvres , longues , étroites , ik. qui s'ouvrent de la grandeur d'une
rofe. Son fruit , qui eft exagone , & de figure conique , a la poulpe jau-
ne, d'un goût desagréable, oc remplie d'une infinité de petites femences ,
femblables à celles du Sefame. CeLte poulpe fert aux teintures en jaune.
Un autre arbre, de même nom , a la feuille plus petite, & la fleur blanche
& double. Son bouton , lorfqu'il n'eft point ouvert, préfente la figure d'une
belle coque de limaçon, de figure oblongue.
Le Pommier n'eft pas connu des Japonois. Cependant Kaîmpfer en
nomme ailleurs deux efpèces. Le Daiy vulgairement Kara-NaSy eft un
pommier cotonneux, dont le fruit eft de médiocre grofieur, rond, & d'u-
ne chaire denfe. Le Rai-Kin, vulgairement Ruko-Reikin & Reiko, eft un
autre pommier , dont le fruit eft fort petit & d'un goût auftére. Le Kie ,
vulgairement Nallabi , eft le pommier fou.
Les Japonois n'ont qu'une feule efpèce de poires, que nous appelions
Voir es d'Hyver. Les plus petites ne pefent guères moins d'une livre ; mais
elles ne peuvent être mangées crues. L'arbre qui les porte fe nomme /îf , . . \
vulgairement Nas , & croît dans les jardins. On en diftingue plufieurs for-
tes , qui ne doivent pas différer par leurs fruits.
Le SickUt vulgairement Ken, & Kenpocones, eft un Poirier, qui porcç ua
fruit d'une figure extraordinaire, & d'un goût agréable, femblable à celui
de nôtre poire de Bergamotte. Ce fruit, dont le pédicule eft fort long, f«
divife d'abord comme en deux branches, enfuite en plufieurs autres, op*
pofées les unes aux autres, plus grofl'es qu'un tuyau d'orge, tortueure6,<Sf
longues d'un demi pouce , à l'extrémité defquelles font fufpenc^s i ,à une
petite queue , deux grains , de la figure & de la groffeur d'un grain, de poi-
vre, divifés en trois lobes, qui contiennent chacun une fenjencej affea
femblable à celle du lin, par fa couleur, fon brillant (Se fa groffeur. Les
feuilles de l'arbre font ovales , pointues , d'un verd cl»ir , & finement
dentelées.
h'Umbatz, vulgairement Marmur y eft un CoignafTier, dont le fruit eft Coignaffiers,
^ros
Pommiers.
Poiriers,
4S(S
VOYAGE DE K^MPFER
Le Biwa.
Noycri
te Fi.
Description ctos & oblong , prefqu'en forme de poire. Mais ce font les Portugais , qui
DU Japon, font apporté au Japon.
Le Biwa efl: un Arbre don: la feuille reflemble à celle du Mufcadier,
& la fleur à celle du Néflier, ramaflee en épi &. en grappe. Son fruit rcf-
femble au coing. Sa chair, qui efl: pulpeule & d'un goût vineux, contient
plufieurs noyaux , de la figure des châtaignes.
Ln Noyer croît principalement dans les Provinces du Nord. Elles pro-
duifent auflî une cfpèce d'if fort haut , que les Japonois nomment A'fl/a , &
qui porte des noix obiongues, renfermées dans une véritable poulpe. Leur
grofleur & leur forme font celles de lu noix d'Aréka, Elles n'ont pas un
goût fort agréable, lorfqu'ellcs font fraîches; mais elles deviennent meil-
leures en féchant. Leur huile a des qualités purgatives, qui la rendent fort
faine; & le goftt, d'ailleurs, en eft prefque le même que celui des aman-
des douces. Elle fert auflî pour apprêter les viandes. La fumée des
noyaux efl: le principal ingrédient dont on compofe la meilleure encre du
Japon (/).
Le Fij vulgairement Kaja^ efl: une forte d'If, qui porte des noix. C'efl:
une efpèce de Kaja , commun dans les mêmes Provinces , & qui devient
auffi fort grand. Ses branches naifl'ent vis-à-vis l'une de l'autre, & s'éten-
dent prefque fur un même plan. Son écorce efl: noirâtre, grofle, odoran-
te & fort amère. Son bois efl: fec, léger, avec peu de moële. Ses feuil-
les, qui font fans pédicules , refl*emblent beaucoup à celles du romarin, mais
font roides , beaucoup plus dures , terminées par une pointe fort courte ,
d'un verd obfcur par-deflus, & clair par-delfous. Son fruit, aflez fembla-
ble aux noix d'Aréka, croît entre les aiflfelles des feuilles, où il efl: forte-
ment attaché, fans aucun pédicule. 11 naît à l'entrée du Printems, pour
meurir à la fiii de l'Automne. Sa chair, qui efl molle, fibr-^iufc, verte,
d'un goût balfamique & un peu afl:ringent , renferme une noix ovale, garnie
d'une pointe aux deux extrémités, avec une coquille ligneufe, mmce (X:
fragile. Son noyau efl: d'une fubftance douce & huileufe, mais fi fl:ypti-
que, qu'il efl impoflible d'en manger, lorfqu'il efl: un peu vieux. On en
tire une huile, que les Bonzes employent aux ufages de lacuifine.
LeCInkgo. Le Ginkgo, ou Gin-an , vulgairement Itsjo^ qu'on trouve en abondance
dans pf efque toutes les Provinces, efl: un Noyer à feuilles de capillaire,
dont le tronc efl: long, droit, gros & branchu. Son écorce efl: de couleur
cendrée; fon bois, lâche & foible ; fa moelle, tendre & fongueufe. Ses
feuilles, qui naiflent une à une, ou plufieurs enfemble, ont un long pédi-
cule : elles font étroites par le bas, & vont en s'élargiflant comme la feuil-
le de capillaire; leur largeur efl: de trois ou quatre pouces , fur la même lon-
gueur. Le bord fupérieur efl: arrondi , avec des finuofités inégales, & une
profonde entaillure au milieu. Elles font minces, lifles, couleur de verd
de Mer ,■ & en Automne , d'un jaune rougeâtre , fans nervures. Les peti-
tes branches, qui font au fommet de l'arbre, portent des chatons , couverts
d'une efpèce de farine. Un gros pédicule , d'un pouce de long , & forti
de l'aiflelle des feuilles, porte un fruit rond, ou ovale, alTez ^mblable,
eu
(^) /«rfrw, pag. 8x4- •' ' / V . '
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 457
en figure & en couleur, à la prune de damas. Sa fuperfîcie efl indgale, &
d*un jaune pâle. Sa chair, qui efl blanche, pleine de fuc, & d'un goûc
auflère, contient une noix, à laquelle elle tient ù fortement, qu'on ne peut
l'en féparer qu'en la faifant pourrir dans l'eau. Cette noix , qui fe nomme
Cinan , a l'apparence d'une piftache , avec le double de fa grofTeur. Le
noyau qu'elle contient efl: blanc, un peu dur, & fe mange au deflerc, par-
cequ'on le croit favorable à la digeflion. Il rend une huile , qui a aufii di-
vers ufages.
Les Japonois ont abondamment des Pêches, des Abricots & des Prunes.
Le Too, vulgairement A/om« , eft proprement le Pécher , dont on diflin-
?iie plufieurs efpèces ; telles que le yobait vulgairement JammaMomu^ ou
êcherfauvage (m), qui refTemble aflez à l'Arboifier de Gafpar Bauhin; &
le Ri, vulgairement Sfu-Momuy qui eft un Pécher, donc le fruit efl aigre,
& rougit dans fa maturité.
Le Kjoo, efl une efpèce d'Abricotier, dont le fruit efl gros. On le
nomme vulgairement Anfu & Kata-Momu , qui fignifie Momu du Katay.
Le Bai, vulgairement Urne & Urne-Bot ^ efl un Prunier fauvage , dont
le fruit, qui efl gros , fe confit avec de la bière du Japon, & fe tranfporte
à la Chine & aux Indes. Le Muk-No-Ki , efl: un autre Prunier fauvage ,
dont l'écorce efl: noire, le bois pefant & dur, la moelle ligneufe, la feuil-
le dentelée, forte, & très-propre à polir le bois, à la manière des Me-
nuiflers. Son fruit efl d'un pourpre foncé , & fe mange , quoique doux &
vaporeux. Son noyau ne fe détache point. Le Ruko efl: le Prunier com-
mun des jardins , dont on difl:ingue aufli plufieurs efpèces, par la diffé-
rente couleur de leurs fruits , les uns blancs , les autres couleur de pour-
pre ; mais difFérens de nos prunes, l'ous ont de petits grains comme les
mûres , & l'on en fait un vin très-agréable. Ils entrent auiTi dans la com-
pofition de l'Atfiaer. Le Jajjibo efl: un autre Prunier, dont la fleur efl
rouge. Un autre , qu'on nomme Mogotto , a la fleur double. Sa beauté le
fait cultiver dans les jardins; <& plus l'arbre efl: vieux & tortu, plus Ces
fleurs ont d'agrément.
On ne cultive, au Japon, les Ceriflers & quelques autres arbres, que
pour les fleurs. Le Je-Jo-O, vulgairement 5aWra , ell un Cerifîer à fleur
fimple, dont le fruit efl d'un goût auflère. Le Japon a d'autres Cerifiers:
i<>. "Le JammaSakira y ou Cerijier fauvage, dont la fleur efl double & de-
vient aufli large que les rofes , par une foigneufe culture. Rien n'approche
de la beauté des avenues formées de ces arbres, lorfqu'ils font en pleine
fleur au Printems, & Kaempfer en fait une peinture admirable. 2^.ijltoSa-
kira, qui pouflTe des branches dès fa racine. 3^. Le Niwa-Sakira , qui efl un
Cerifler nain , a la fleur blanche & double. Un autre , de même nom , a la
fleur fimple, mais de couleur incarnate. 4". Le Ko-Sjoï-Sakira , qui efl de
médiocre grandeur, & dont la fleur efl incarnate, double, &. de la gran-
deur d'une moyenne rofe.
Le
DKICRTPTTOn
DU jArOMt
Pêches.
Le Too &
fes cfpàccs.
Abricots.
Le Kjoo.
Pmnes.
LeBai(Scfe$
efpèces.
Cerifiers.
Leje-Jo-O
&fes efpèces,
(m) Kaempfer le définit: Malui Perftca fylvejlris , fruSu reslallo granulato, ojje in oWon-
fUm rotundo, nucleo inUgro,
XIF. Fart, M mm
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458
VOYAGE DE K JE M P F E R
DisctTvnoii
ou Japon.
Le Ta.
Le RJugan
& fcs efpcccs.
Limoniers.
Le Kitz.
Le Kin-Kan.
Oranges &
Citrons.
Le Kan.
Le Juu.
Lèse.
Le Ta, ou Sa, vulgairement TV/d, eft un arbre fruitier, dont les bran,
ches pouflenc fans ordre, dès le pied. Ses feuilles deviennent iemblables à
celles du Ceriûer, après avoir reflemblé , dans fa jeunefTe, à celles de l'Evo-
nyme. Sa âeur diffère peu de la rofe des champs. La capfule feminale
Î[ui eil comme ligneufe , s'ouvre dans fa maturité , & donne deux ou trois
èmences, dont chacune contient un feul noysM de la figure d'une châtaigne
& couvert d'une écorce fort fèmblable, mais plus petit.
Le Rjugan, ou Djugan , vulgairement Djugan-Nuki, qui fignifie Oeil de
Serpent, ell un arbrilfeau Chinois d'origine, dont les branches font min-
ces, les feuilles partagées en cinq lobes, la âeur en forme de rofe, & d'une
f)arfaite blancheur. Son fruit , qui efl: ramafie en grappes , eft de la grof-
eur d'une noix, & contient une poulpe noire, molle, douce, avec un noyau
de couleur cendrée, dur, âc d'un goûc fade. La poulpe, que les Japonois
trouvent délicieufe , a le goût d'une cerife féche , qu'on auroit fait cuire aa
vin & au fucre. On diltingue deux autres efpèces du même arl»e, qui fe
nomment Roganna & Ritsji. . '. - 1
On ne voit de Limoniers, au Japon , qne dans les jardins des Curieux.
Le Kitz, vulgairement Tatz-Banna , eà un Limonier, dont lé fruit efl: rond,
petit, & d'une faveur vineufe. Le Kin-Kan ,vii\g9irea^m l^mf-Fstz-Bonna,
«fl; un autre Limonier, dont la poulpe eft fort douce.
Les Oranges âc les Citrons croiifent en abondance au Japon. On en
difbingue plufieurs efpèces. Celle des citrons les plus eflimés fe nomme
Mikan. Ils ont la forme ik la groOeur d'une pêche. L'odeur en efl: excel-
lente. Cefl moins un arbre qu'un arbriflèau, qui les porte. On s'en fert
beaucoup dans l'apprêt des viandes (n).
Le Kan, vulgairement Kummi-To, efl: un Oranger, dont ta feuille eft
alTez grande. Son fruit, ^i fe nomme Îb-M*«», «ft de médiocre groifeur.
Le y«a, vulgairement Aie-Tatz-Barma , eft une autre cfpèce d'Oranger, dont
le fruit eft fort gros, inégal, & plein de foffettes.
Le 5^, vulgairement Karatz-Banm , ou Gus, eft un Oranger fàuvage,
dont le fruit eft de fort mauvais goût (o\ Ses branches font inégales &
tortueufes, garnies d'épines longues , fortes, & très-piquantes. Son bois
n'eft pas dur. L'écorce, qui eft gralle & d'un verd brillant, fe fépare fans
peine. Chacune des feuilles eft compofée de trois petites feuilles , qui fe
réuniflent au centre, fur un pédicule mince, Ibng d'un demi pouce, garni
d'un bord de chaque côté. Ces petites feuilles font ovales , longues d'un
pouce, d'un verd foncé par-defTus & plus clair au revers j celle du milieu
un peu plus longue que les autres. Les f!eurs refTemblent à celles du né-
flier, & croiffent prés des épines , ou jointes aux feuilles, une à une, ou
deux à deux, fans pédicules. Elles ont cinq pétales, d'un demi pouce de
long; elles font blanches, garnies d'un calice, & prefque fans odeur.' Le
piftil eft court , environné de plufieurs étamines courtes & pointues; Le
fruit reifemble à l 'orange par la figure , & n'en diffère intérieurement que
par l'odeur defagréable & le mauvais goût de fa poulpe, qui eft vifqueufe.
On
(n) Amtmitates exoHca, pag. SÔr. ■*„[' ^j.
(o) Kxmpfer le défiait, ^uramia tri/oliafjlveflris, fruUu cUritu, ^''* '
m
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 459
On faîtfécher l'écorce de ce fruit, pour en faire, avec d'autres drogues,
un remède célèbre au Japon , qui fe nomme Ki-Kôlum.
Le Djjakurj9y vulgairement SakurOy cft un Grenadier de jardin: Arbre
rare, & dont le fruit n'eft point agréable.
D E ujc efpèces de Chênes , les feules qui croifTent au Japon , font fort
différentes des nôtres (j»). Les glands de la première, qui cft auffi la plus
grande, fe mangent bouillis. Le fruit du Naatjme (q), autre arbre du Pays,
cft d'une bonté fingulière, & beaucoup plus gros qu'ailleurs. On le mange
confit au fucre. Son noyau eft pointu aux deux extrémités.
Les Japonois plantent peu de Vignes, parcequ'ils ont reconnu que leur
raifin meurit difficilement: Leurs Mûres & leurs Framboifes ont un goût
defagréable. L'infipidité de leurs Fraifes ne leur permet euéres d'y toucher.
Le Foto, vulgairement j>r« & Budo^ eftuneefpèce de Vigne, dont le
raifin eft charnu, & nullement propre à faire du vin. Le GanebUy eft une
autre efpéce de Vigne, à petites grappes, dont les grains font noirs, &
femblables aux bayes du genévrier. Le goÛt en eft doux , & le fuc cou-
leur de pourpre. Le Jamma-BudOy eft une Vigne fauvage, dont les grap-
pes font petites, & les crains delà grofleur des raifîns de Corinthe, fans
pépins. Elle fert à garnir les Berceaux. Le 5o-No-^t, vulgairement Fira
& Firajiy eft un Raifin des bois (r), qui croît de la hauteur d'un pied. Ses
feuilles reflemblent à celles du petit Buis (x). Ses fleurs font à quatne
pétales , garnies d'un calice , & couleur de pourpre. Son fruit eft rouge j
de la grofleur du poivre, d'un goût doux & fade, contenant trois pépins
un peu amers.
Le Fooy ouAfotf, vulgairement ItzîngOt eft la Ronre commune à fruit
noir. Une autre Ronce, nommée Fajjo-Itzingo , porte un fruit rougeâtre ,
qui fe mange. Le Ki-Itzingo, eft une forte de Framboifier à fruit jaune,
d'un goût defagréable. Le Kutz-Nawa-Itzingo , eft le Fraifier commun à
fruit rouge, qui n'eft pas bon à manger dans les Ifles du Japon. LeQuan-
fo-ItzingOy eft un autre Fraifier, dont le fruit eft de la grofleur d'une prune,
& ne fe mange pas non plus. , . ,„
DBKlimOM
DO Jafdw.
LeDQakurjo.
Chênes donc
les glands fe
mangent.
Naatfine.
Vignes,
Mûres, Fram-
boifes & Frai-
fes^
Le Foto.
Le Ganebu.
Lejamma-
Budo.
Le So-No-Ki.
LeFoo, &
différentes
fortes d'Itzin-
gos , ou de,
Fraifiers.
(P) Voyez ci-deflbus
eil le Fttliurus de Frofper Alpinas.
(f) Fitis Idaa.
{s) Cbttnue-Buxm.
IV • '.
» M'
§. XIL
wl»-
Jrbres & Plantes remarquables par la beauté de leurs Fleurs. , [■■>
IL n*y a point de Pays qui l'emporte fur le Japon, pour l'agrément & la fleurs.
variété des fleurs, qui ornent fes champs, fes collines & fes forêts. Les
plus belles fe tranfplantent dans les jardins, où l'art & la culture achèvent
de leur donner une perfeftion inconcevable (a). Entre les principales on
nomme le 5a, ouS/wn, vulgairement T/ubaki^ elpèce d'arbrifleau , dont les LeSa,ou
fleurs reflfemblent aux plus belles rofes. Le fruit eft de figure pyrami- ^J"°*
dale,
(•) Kwnpfer, ^, 188.
Mm m 2
A6o
VOYAGE DE K iE M P E E R
DucniPTroN
DO JaI'ON.
Neuf cens
fortes.
LeSi^-Sa.
LeTo-Ken.
Le Saka-
nandfio.-
Momidlî i
feuilles vio-
lettes.
Le Sjiko»
LeMokkfei.
LeBuke.
Le Teito.
daie, & contient trois femences: 11 croît dans les bois & les hayes. Il refTem»
ble beaucoup à l'arbre du thé. On diflingue le fauvage, qui efl à âeur fim-
ple, & celui des jardins, qui a la fleur double & plus belle. Mais on en
compte tant d'autres efpèces différentes , que s'il en faut croire les Japo-
nois , leur langue a neuf cens mots pour les exprimer.
Le San-SUy vulgûrementyatnma-r/ubakkiy efl un grand arbrifTeau, dont
le tronc efl court , & l'écorce d'un verd-brun. Ses feuilles reffemblent à
celles du cerifier. De leurs aiiFelies, il naît, en Automne, un ou deux
boutons écailleux, de la groffeur d'une balle de fufil, qui venant à s'ou-
vrir font éclore une fleur a fix ou fept grands pétales rouges , en forme
de rofe de la Chine. Une efpéce de couronne, qui fort du fond de la fleur,
produit plus de cent étamines d'un blanc incarnat, courtes & divifées en
deux , avec des pointes jaunes. Cette plante a un grand nombre de va-
riétés dans la couleur & dans la forme double ou flmpie de fes fleurs , qui
lui font donner des noms différens. Celle qu'on nomme Safmqua, pro-
duit un fruit de la groffeur d'une piflache. Ses feuilles préparées fe mêlent
avec celles du thé, pour en rendre l'odeur plus agréable j oc leur décoction
fert aux femmes , pour fe laver les cheveux.
Le To-Ken, vulgairement Sat/uki^ eft un Cytifè qui porte des lys, &
ne fleurit qu'en Automne. Les jardins en ofifrent plus de cent différentes
efpèces; mîûs parmi celles qui viennent fans culture, on en admire deux.
Tune violette ol l'autre incarnate, dont Ksempfer aflure que la beauté ne
peut s'exprimer. Ses fleurs font rares, croifl^nt une à une, & ne fe ref-
femblent point. Les unes font d'un bel incarnat , d'autres d'un écarlate un
peu détrempé, d'autres blanches & doubles , d'autres d'un bel écarlate,
d'autres couleur de pourpre , tirant fur le blanc.
Le Sakanandjio eiî encore un arbriflèau, qui porte aufîi une efpéce de
fleurs de lysi mais beaucoup plus grandes que celles qu'on vient de nom-
mer: il eft plus rare, & l'on en compte trois fortes. Le Moinidjiy efl: une
efpéce d'Erable, qui prend fon nom de la couleur violette de fes feuilles.
On en diflingue deux fortes , dont la différence confifle dans la couleur de
leurs feuilles ; les unes font violettes en Eté , & les autres ne le devien-
nent qu'en Automne; mais elles font d'une égale beauté. Le« feuilles ia
Fajî changent aulTi de couleur, & deviennent violettes en Automne.
Le Sjiko^ vulgairement Rintsjo & Rantsjoge^ efl un arbriffeau de deux
coudées de hauteur, dont la feuille efl pointue, & la fleur ramaffée en om-
belle au fommet des rameaux. Elle efl blanche & d'une très • agréable
odeur. On en diflingue une efpéce, nommée Jamma-Rinijo^ dont hs
feuilles , plus longues & plus étroites , approchent de celles du Cariophyîle
aromatique.
Le Mokkfei efl un arbre, qui fe cultive dans les jardins, & dont Ta feuif-
le reffemble à celle du châtaignier. Ses fleurs , qui naiffent aux aiffelles
des feuilles, font petites, à quatre pétales, d'un blanc jaunâtre, & de l'o-
deur du jafxnin.
Le Buke efl: un petit arbufle, dont la fleiur efl rouge, à cinq- pétales, &
qui reffemble à l'Acacia d'Allemagne.
Le Teilo, vulgairement ^amma-Buki, efl: un arbriffeau fauvage, qui ref-
, . fem-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
4^1
femble au Cytife. Sa fleur efl jaune, à cinq, fix, ou fepc pétales, &
fembjable à la rciv^ncule. On en diftingue qn autre, dont la Ôeur efl jaune
& double.
Le £iom, vulgairement Bijo-Janagiy%îi une efpècede petit Saule, à gran-
des fleurs de renoncule {b).
Le Sini, ou Confufi^ vulgairement Kobus^ efl un arbre fauvage, de la
grandeur du cerifîer. Ses branches font tortueufes. Son écorce fent le
camphre, & fa feuille refTemble à celle du néflier: mais Tes fleurs, qui
naifient à l'entrée du Printems , font des efpèces de tulipes ou de lys
blancs. Leur pidil eil gros, & de figure conique, environné d'un grand nom-
bre d'étamines.
Le Mokviwen efl un arbrifTeau, qui porte des fleurs àpeu-près fembla-
bles aux précédentes , excepté qu'elle» font rouges.
Le Tecki-T/yocku, vulgairement T/ut/uJi, eflleCiftus des Indes, à feuil-
les du Ledum des Alpes, & à grandes fleurs de Paul Herman. C'efl un ar-
brifTeau , couvert d'une écorce verte-brune. Ses fleurs font monopetales , &
refiemblent à celles du Martagon. Leur couleur varie beaucoup. Cet ar-
brifTeau efl fort commun au Japon, & fait l'ornement des campagnes & des
jardins. II efl tantôt à fleurs blanches , marquetées de longues taches rou-
ges; tantôt à fleurs d'un violet blanchâtre, marquées de taches d'un pour-
pre foncé ; tantôt à petites fleurs purpurines , &c.
Le Riuku-TJutfufi y plante qui vient de& Ifles de Liquejos & des Philippi-
nes, porte une fleur d'un jaune pâle, en fleur, de lys , à pétales droits, &
marqués de points d'un jaune foncé. Une autre plante , du même nom , a
la fleur d'un rouge purpurin , tacheté de pourpre foncé.
Le Jedogawa-Tfiitfuji q^ un QyûÇQ îoxt célèbre au Japon. Ses rameaux
font hérifTés de pointes. Sa feuille efl couverte de poils , 6ç de la figure
d'un fer de lance. On en diflingue un à fleurs blanches, un autre à fleufs
purpurines , & un autre à fleurs incarnates.
Le Jamma-Tfutfufi efl un Cytife des campagnes, à fleurs de lys, d'un vif
incarnat, tachetées de points roux. On en diflingue un autre à points rou-
ges ; & un troifième à fleurs de vermillon , tachetées de rouge foncé.
Le Mijamma-Tfutfufi 'efl un Lys des montagnes, dont les fleurs font d'un
rouge incarnat , & nailTent abondamment avant & avec les feuilles. On en
diflingue un , dont la fleur efl purpurine.
Le Kirifma-TJutfufi efl un arbufle fort toufiFu , & fort eflimé. Sa fleur
efl dé couleur écarlate. Il en efl tellement couvert ,^ au mois de Mai, qu'il
paroît tout en fang.
, L?E SijOf vulgairement Mfai & Jàfikiy efl un Sureau aquatique , à feuil-
les d'Hortula Malabar ica , & à fleurs bleues de quatre ou cinq pétales , ramaf-
fées en grappes rondes. Le Fundan , vulgairement Te-Mariqua , eft un Su-
reau dont la feuille efl plus ronde que celle du Sureau aquatique , & garnie
de beaucoup de nervures , avec les bords dentelés. Sa fleur efl blanche , à
cinq pétales , &.ramafTée aulTi en grappe ronde. Le Kade- Manqua, efl un Sureau
DxSCRirTTOIV
DU JaI'O».
Le Biom.
L« Sim.
Le Afek-
wuren.
LeTecki-
Tfyocku.
Le Riultu-
Tfutfufl.
Le Jcdoga-
wa-Triiti*"'*».
Le Jamina'
Tfutlufïv
Le Mij'am-
ma-Tlutfufi.
Le Kirifina-
Tfutfufi.
Divers
Sureaux,
a
{b) Ksmpfei le déSnit: ^ndrofœmumConJlantinopolitanum, flore maximo IVbsUri,
Mmm 3
♦6»
VOYAGE DE KiCMPTER
DegcttiPTiov
ou Japon.
LeNiwa-
Toka , & fes
difFércntes
efpèces.
LeSibi.
Le Kiûcsjo.
Le Kingo bt
le Kos.
Le Too.
Le Saru-
Kabc-Banna.
à feuilles étroites , alternativement oppofées & dentelées. Ses ffeurs reP-
femblent à celles du précédent. Le Joro, vulgairemené'-O^gi'i eft un au-
tre Sureau , qui ne s'élève que de quatre ou cinq pieds. Ses fleurs , qui
naiflent à l'extrémité des rameaux, font en grand nombre, & trés>femb]a<
blés à celles de l'oranger. Ses feuilles font deux à dèu:^', à demi ovales ,
pointues » & très'finement dentelées. De l'écorce du mifieu , on fait de
bonnes emplâtres. Le Fon-Utfugi , a la fleur double & très-blanche. Il fert
à l'ornemenc de» parterres. Le Korai-Uêfugiy o\i Sureau de Corée , ar les feuil-
les de l'Adfai. De longs pédicules , qui naiÂTent au- bout des rairaeaux, &
qui fe partagent en cinq branches , vont embraffer la bafë^ d'une très-belle
fleur monopetale , découpée en cinq grandes lèvres ovales , qui laiffent pa-
roître unpiftil àgrofletête, environnée de cinq étamines en pointé. Cette
fleur efl aune odeur charmante , & d'un blanc incarnat mêlé de rouge.
Le Nippon'Utfugi, eft un Sureau des montagnes, dont la fleur efl; moins grof-
fe & d'un rouge purpurin.
Le Nma'Tûka, ou Ton-ga^ eft le Sureau commun, dont on diftingue
néanmoins plufieurs efpèces : i^. le Tadfu, qui eft un Sureau à grappes;
2*>. le yamma-Tmfimi ^ qui eft le Sureau aquatique, à fleur fimple: fa moelle
fert de mèche pour les chandelles; 3<^. le MUfe, om Jamma-Simira ^ autre
Sureau aquatique, dont les bayes font rouges, de figure conique, & un
peu applaties.
Le 5»^»', vulgairement Fokudjitqm^ Fakufinda & FakuJîtZy eft un arbre
très-rare, delà grandeur d'un grenadier, tortueux , de couleur jaune ,& qu'on
croiroit fans écorce. Ses feuilles font de grandeur inégale. Ses fleurs , ra-
maflees en gros bouquets à l'extrémité des rameaux , ibnt de la grofleur de
l'œillet , & de couleur de chair.
Le RiotsjOf y u\za.[rement NadJen-ICad/ura & Nodsjo, eft un arbrifleau qui
s'étend beaucoup , & dont la feuille reflemble à celle du rofler des jardins. Sa
fleur, qui s'épanouit en cinq lèvres, femblables aux pétales de roîe, eft d'un
très -beau rouge.
Le Kingo ^ vulgairement AJJagaino^ eft un Lifot à grandes fleurs blan-
ches , qui s'ouvrent le matin ; comme le Kos & Kudfi ^ vulgairement Fi-
ragavOi en eft un autre, qui s'épanouit à midi. L'un & l'autre fe cultivent
dans les jardins.
Le ToOi vulgairement Fwr/^ & Ftsjiy eft un arbrifleau des jardins, qui
fert à garnir les Treillages & les Berceaux. Ses feuilles font longues, fans
découpures ; il jette un grand nombre de fleurs , longues d'un empan &
plus, qui durent tout le Printems, & qui étant fufpendues, comme des
crappes de raifin , font un charmant fpeftacle. Elles font en papillons &
fans odeur. De grandes places font quelquefois ombragées, par une feule,
ou par deux ou trois de ces plantes. Les Curieux mettent , au pied , de
]a lie de Saki, qui eft de la bière de riz, pour les engraifler, & leur faire
produire des épis de trois ou quatre empans de long. On vifite ces lieux
par curiofité , & les Poètes font des Vers àileur honneur. La couleur des
fleurs eft toute blanche, ou toute purpurine. Il y a un Too fauvage, dont
les feuilles & les fleurs font moins belles.
L& Saru-Kahe-Banna , eii un arbrifleau, dont les branches font longues &
en
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lit.ïV.
4<5à
en pérît nombre, & les feuilles femblables à celles de la régliffe. Se» Heurs ,
qui viennent en épis, font jaunes à cinq pétales, donc l'un efl plus petit,
marqueté de points rouges, & les autres, difpofés en croix. Les étamines
font au nombre de dix, & ont la pointe rouge.
Le Sui-Sin-Kadjira eft une Clematis à fleur double; & V In-Sin-Kadfura en
efl une autre, à ûnar bUnche deilx pétales } la moitié du calice couleur
de pourpre. ^i^-'K» t^'.vj y-.qzh'S il:, rj ,*.•'>, l 'j.i .i'.v> ^n-injjf: -j
Le Kin^ vulgairement Mukinge^ eft une efpéce de mauve des jardins,
dont la âeur efl fimple & d'un bleu purpurin ; une autre à la fleur double &
bleuâtre. Lq Fupeo efl une efpéce de guimauve , à feuilles de figuier fort
dentelées. Le/fi, vulgairement /^wox, efl lamauve-rofe, dont on diflin-
gue plufieurs efpèces.
Le F«/m, plante célèbre, «^l larofede la Chine, à fJeurs éphémères j
rouge le matin, & tirant au pourpre à midi.
Le foOf vulgairement Kiri , ell un «rand arbre , dont la fleur refTemble à
celle de la Digitale. Son bois , léger & ferme, efl employé à faire des cof-
fres & des tablettes. Ses feuilles Ibnc fort grandes , cotoneufes , avec une
oreillette de chaque côté. Elles refTemblent à celles de la Bardane. Ses
fleurs , qtîi refTemblent à celles du Mufîe de Veau , font d'un bleu purpu-
rin, blanchâtres en dedans, d'une odeur douce, longues de deux pouces,
à cinq lèvres crénelées, & d'une figure très- agréable- ^ On tire de les deux
femences , qui font femblables à ceiles-de la guimauve, & à-peu-prés delà
forme & de la groffenr d'une amande, une huile qui fert à divers ufa>
gesj c'efl la feuille de cet arbre, que les Dairis du Japon ont choifi pour
leurs Armoiries. Elle eft furmontée en chef, dans leur EcufTon, de troi»
épis de fleurs. , ; <
Le Go-Too, vulgairement Fi-Girii efl un arbrifTeau étranger, qui vient
des Philippines & de la Corée. Sa feuille reffemble à celle de la vigne. Sa
fîeur , qui eft très-belle , eft à cinq pétales , en forme de cloche , & d'un pou-»
ce de diamètre, aiî»^ -î^ro ,;r.!îvir-«.i:'i.-.u-,'Ar ■'!>.:;
Le ^aku-JakUy eft une Pivoine femelle à fleurs fimples, couleur de
fai^» Le Botàn^ qui eft la grande Pivoine, a la tige ligneufe & droite,
la feuille branchue & inégalement frangée ; d'autres ont les fleurs pleines ,
ékde couleur incarnate; d'autres ont les pétales longs , droits, & difpofés
en crête.
Le Foo^Seiii ou KinfuGua, vulgairement Ibara, eft nôtre Rofier com-
mun , porté , au ]apon , par les Portugais. Mais les rofes n'y ont pas l'odeur
aufli agréable qu'en Europe & dans l'Afie Occidentale.
Le Kei-Quan^ vulgairement Kei-Foge ^ eft apparemment l'Amaranthe,
dont la fleur a plufîeurs variétés. On eftime particulièrement celle qui eft
à fleurs jaunes , avec des taches rouges , & dont la tige eft rayée de même.
Le fékfant vulgairement Gibboofi^ eft un Glaieul à feuilles de plantain,
dont la tige, qui eft droite & haute d'un pied, pcMrte à fon extrémité dix
ou douze fleurs en lys , d'un pourpre blanchâtre , & longues de trois pou-
ces. Elles viennent au Printems. Une autre efpéce a la feuille étroite &
fleurit en Automne. j ■
• Lb /^n eft une petite Iris, dont la racine eft fibreufe, la feuille fem-
• > blable
DEJCRIPTtOlf
DU Japon.
I.e SiiiSin-
Kadfira &
l'In-Sin-Kad.
fufa.
Le Kin , le
Fupco, &lc
Ki.
Le Fujoo.
Le Foo,
dont la feuille
compofc les
Armoiries
des Dairis.
Le Go-ToO.
LeSaku-Jaku.
Le Botau.
LcFoo-Sem
Le Kei-Qiian.
Lejokfan.»
Le Ran,
4<Î4
VOYAGE DE K iE M P F E R
Uescription
DU Jai'on.
Le No-Ran.
Le Furan.
t
L'Anjurek-
Warna.
Le Katong''
Ging,
f.RSekika.
Variété in-
finie de Lys &
de Matricai-
res.
Les fleurs
•du Japon
n'excellent
que par leur
couleur.
Divers Lys.
blable à celle du rofeau , la tige mince, & la deur comme celle de rOrni-
thogale. Cette fleur a cinq pecales , de trois pouces de diamètre, d'un blanc
jaunâtre , avec des rayes purpurines , & d'une fore agréable odeur.
Le No-Ran f eil une autre Iris, à ûeur jaune. Sa tige eft grofle, droite,
enveloppée de feuilles dés le bas. On en didingue d'autres , couleur de
pourpre & de vermillon; jaunes à petites fleurs; jaunes, avec une raye
purpurine , &c. Le Furan , en efl encore une efpcce, dont les fleurs font
blanches , en mafque , & dont la femence refTemble à de la farine. Les
Japonois fufpendent, au-defTus de leurs portes, les tiges & les feuilles de
cette plante.
V Angurek-fVarna ^ efl: une plante parafite, dont les feuilles font rares &
femblables à celles des rofeaux. Sa fleur , qui efl 1 bûtenue fur un pédicule
mince, reflemble, par la dirpofition de fcs pétales, à un papillon qui vole.
Leur nombre efl: de fix , & leur longueur d'un pouce , avec une raye purpu-
rine à chaque face, & quantité de points de même couleur.
Le Katong-Ging ^ vulgairement /''oM/i-Lacra, efl: une autre plante parafite,
dont la fleur refTemble a un fcorpion. Elle a l'odeur du mufc, fes pétales
au nombre de cinq, font couleur' de citron , variés de belles taches pur-
purines. Ils ont deux pouces dé long , & la largeur d'une plume d'oye. Ils
font roides , gros , plus larges à l'extrémité , (^ un peu recourbés. Celui
du milieu s'étend en droite ligne, comme la queue du fcorpion. Les qua-
tre autres, deux de chaque côté, fe. courbent en forme de croifTant <& re-
préfentent tes pieds. A l'oppofite de la queue, une efpèce de trompe, cour-
te & recourbée , ne repréfente pas mal la tête de cet animal. Ce qu'il y a
de plus lingulier , c'efl que l'odeur de mufc ne réiide qu'à l'extrémité du
pétale, qui refTemble à la queue du fcorpion; & que s'il efl coupé, la fleur
demeure fans odeur.
Le Sekika^ vulgairement Kifinfo, efl une efpêce de Saniale étrangère,
qui refTemble au Cotylédon, ou Nombril de Fenus. Sa feuille, qu'on prendroit
pour celle du Cyclamen y ou Pain-de-Pourceaux ^ offre une agréable variété
de couleurs. Sa tige , haute d'un pied & demi , efl: garnie de plufieurs
fleurs à cinq pétales , qui forment l'apparence d'une guêpe volantes Elles
font couleur de vermillon.
Il efl: impolTible de repréfenter la variété des Matricaires & des Lys
du Japon. Les premières , dont une heureufe culture rend les fleurs aufli
grandes que les rofes , font le principal ornement des maifons & des jar-
dins. Les autres font un jardin naturel des lieux les plus incultes. On n'y
voit pas moins de NarcifTes & de Giroflées ; mais Kaempfer obferve que tou-
tes ces fleurs n'ont l'odeur , ni fi agréable , ni fi vive , que celles de la même
efpèce, qui croifient dans les autres Pays, & qu'elles ne les furpafTent que
par l'éclat de leurs couleurs. Il en efl de même de la plupart des fruitSé
Leur goût n'eft: pas aufli délicieux, auffi aromatique, fuivant l'exprefllion du
même Voyageur, que celui des fruits de la Chine & des autres Contrées
de l'Orient. i iin i:^ jfrn ':;ub n
Le Sjiréy ou Sjiroi^ efl un Lys blanc, à.. feuilles de fouci de marais. Sa
tige efl grofle , & d'une coudée & demie de hauteur. Ses fleurs font au
fommetdela tige, en petit nombre, de trois pouces de .diamètre, & peu
ouvertes,
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
4tf5
rOrnl-
n blanc
droite,
leur de
ne raye
ors font
:. Les
illes de
rares &
pédicule
^ui vole.
e purpu-
parafite,
} pétales
hes pur*
'oye. Ils
I. Celui
L.es qua-
nt & re-
pe,cour-
qu'il y a
êmité du
, la âeur
rangère,
)rendroit
variété
plufîeurs
Elles
des Lys
îurs aufli
des jar-
Onn'y
que tou-
la même
Tent que
;s fruits^
eflion du
entrées
iTzis. Sa
font au
& peu
)uvertes,
Le Santan ,
& autres efpè-
ces de Lys,
Plufieurs
belles Macri-
caires.
ouvertes. Les pétales en font étroits, & mirquetés en dedans de points DEtcRipTion
rouges. Entre plufieurs autres efpèces de Lys, le Jamma'Otfiroî , en efl: dwJa'^^n-
un fauvage, dont les feuilles , partagées en trois grands lobes , ont de longs .- f* ,
pédicules canekis, qui embraifent la tige. l^tBiakko^ vulgairement ^uri,
efl: nôtre Lys blanc commun , qui a la même odeur. Le Saziiriy efl un Lys
à6eur blanche monopetale, partagé en fix lèvres. Le Kentan, vulgaire-
ment Oni-Juri^ qui fignifie Lys du Diable y efl: un Lys Martagon, dont la .
tige efl: grofle, & d'une coudée de haut, la fleur belle, de quatre doigts de
diamètre , garnie de taches & de tubercules d'un rouge purpurin ; fa raci-
ne efl: bulbeufe & fe mange. Le /TâxÂMco, vulgairement iironoiti!:0-7urf, a la
fleur du Sceau de Salomon. Sa tige ed mince ; fa fleur efl magnifique, d'un
blanc incarnat, marqueté de taches couleur de fang, avec les pétales cour-
bés en dehors & terminés en pointe , Ce un pifl:il Tort long , environné de
cinq étamines. he Santan ^ vulgairement /^iOTtf-y«ri, efl un Lys qui paroît
tout couvert de fang , & dont la tige efl environnée de feuilles étroites , en
forme d'épi. Une autre efpèce , nommée Couronne Impériale y a la fleur rouge,
très-petite, marquetée de taches couleur de fang: une autre efl couleur
de feu , & fe nomme Fi-Jùri.
Le Kiky Kikfy ou Kikkuy vulgairement Kaivara-j^amagi y efl une Matrî-
caire, dont on diflingue plufieurs efpèces, fauvages & cultivées. Jamagi
lignifie Jrmoife. Ainfl cette plante tient de lune & de l'autre. Sa beauté
fmgulière, & l'abondance de fes fleurs en font le principal ornement des
campagnes & des jardins ; d'autant plus qu'elles fleurifllent en différentes
laifons. L'une fe nomme No-Gikf; c'efl la Matricaire commune d'Europe,
dont la fleur efl jaune, petite & d'une excellente odeur. Le Keitsjo, vul-
Sairement j^omega-Taji , efl uneMatricaire des bois , qui fleurit pendant l'Eté
cjufqu'àlafin de l'Aucomne. Sa feuille efl graflfe, longue, étroite, un
peu âpre; fa fleur bleue, tirant fur le pourpre, un peu odora.^.e; fa femen-
ce oblongue, ferrée & couverte de poils. Le Ko-Gikf efl uu3 Matricaire
rampante des bois , dont la tige efl mince & courte, & la fleur petite. Une
autre efpèce, à fleur double, de couleur d'or, fleurit en Automne. Le Sfo-
SjOy en efl une autre des jardins, à grandes feuilles Amples, & dont la fleur
tire fur le bleu. Une autre, à fîeurs doubles, efl variée de '. .ne & de rou-
ge. Une autre, variée de même, a les fleurs de trois pou. . ùe diamètre.
Une autre, à larges feuilles odorantes, a la fleur de couleur a or , très-dou-
ble & faiis odeur, femblable en grandeur & en figure à la rofe de Provins,
ou rofe à cent feuilles. Une autre ell à fleurs blanches , de différentes gran-
deurs. Une autre, à fleurs doubles un peu incarnates, & de deux pouces
^e diamètre. Une autre, à fleurs d'un rouge purpurin. Une autre fort
branchue, à fleurs d'un rouge écarlate. Une autre enfin, à fleurs blanches^
avec les extrémités des pétales couleur de pourpre, & de petits tuyaux jau-
nes, mêlés parmi les pétales. Le Sun-Giku, efl une Matricaire de la Corée,
xiont la fleur efl double &. très-belle.
Le Seki-Kany vulgairement 5iMo-5d[«»a , efl: un Narciffe à fleur jaune,
^ufTi éclatante que l'or. L'oignon de cette plante efl: un vrai poifon.
Le Kui-Symira y d\. une Afliodille , dont la tige efl: haute d'un pied , ca-
, XIV» Fart. Nnn nelée,
Le Scki-Kan.
Le Kui-Sy-
tnira.
466
VOYAGE DE KiEMPTER^
DsicDirrioif
ou Japon.
Lejakan.
LcDandoqua.
Pliificurs
fortes d'Iris.
Le Sfifen.
Plufieurs
Lychnis.
LcMokoJif.
Le Kiiifai.
Le Sj«.
LeTfoo-Sju.
Le Dfîo-Gikf.
nelée, & environnée, en forme d'épis, de fleurs à fiz pétales, de couleur
tirant fur le pourpre.
Le Jakafiy vulgairement Karafu-Oogi, Ôc Ft-Oo^i^ efl une plante à fleur
de lys, petite, rouge, & marquetée en dedans de taches couleur de fang.
Une autre efpèce, qui fe nomme Siaga^ croît fur les montagnes, & poric
une fleur blanche, double, quelquefois d'un bleu détrempé.
Le Dandoqua, efl la grande Canne fauvage des Indes, à larges feuilles,
dont la fleur efl: d'un jaune éclatant.
Le Sjigoguja^ eft: l'Iris commune, dont les fleurs ont plufieurs variétés.
Le tarin, vulgairement Buran & Refo-Kjofa, efl: l'Iris blanche des jardins
d'Allemagne. Une autre croît fur les montagnes , & porte une petite fleur.
Le Ken , vulgairement Q^arjh & f'FaJJingufa , eft l'Iris des jardms à larges
feuiHes, & à grandes fleurs doubles de couleur de feu. Le Kaki-Tfubatta ^
eft l'Iris des jardins , à fleurs doubles de couleur violette. Une autre a les
feuilles étroites , doubles & bleues. Une troifième eft à larges feuilles , dont
les fleurs font de couleur d'outremer , tachetées de pointes , couleur de faf-
fran. Le Fennafob eft une Iris , dont la fleur eft d'un rouge purpurin ; & le
SiJJibi en eft une petite , à grandes fleurs doubles.
Le Sfifen y eft un Narcifle blanc des montagnes , qui jette un grand nom-
bre de fleurs. On diflingue la grande & la petite efpèce.
Le Sen-Sjm, eft une Lychnis couronnée, dont la fleur eft d'un verd blan-
châtre , avec des pétales dentelés , & les extrémités couleur de cendre. Une
autre efpèce a la fleur toute blanche. Le Senno en eft une autre , dont les
feuilles oc le calice font remplis de petits poils , la couleur de fang lavé , les
pétales frangés , & les extrémités de couleur violette. Le Fusji-Guro^ autre
Lychnis couronnée , a la tige femée de nœuds d'un pourpre obfcur. Sa fleur
eft petite , couleur de vermillon , & fes pétales entiers.
Le A/o*o*/, eft un arbre à feuilles de Telephium, à fleurs monopetales,
dont le fruit reflemble à la cerife, & dont les femences ont la figure d'un
Kein. Sa grandeur eft moyenne, fon tronc droit, 5c fa grofl'eur à-peu-près
celle de la jambe.' Ses feuilles reflemblent à celles du Telephium commun.
Ses fleurs font monopetales , partagées en cinq lèvres , de couleur pâle , de
l'odeur des giroflées jaunes , garnies d'un grand nombre d'étamines. Chaque
fleur ne dure qu'un jour. Le fruit eft de la grofleur & de la figure d'une ce-
rife, d'un blanc incarnat en dehors, d'une chair blanche , féche & friable,
d'un goût un peu amer & fauvage.
Le Kiufaît vulgairement Sumire^ eft la Penfée, que fes trois couleurs
font nommer aufli Fleur de la Trmité.
Le iS/tt, vulgairement Fagi, eft un Cytife à fleurs d'Anagyrife, couleur
de pourpre , qui croiflTent fur de petits épis canelés. Ses gouflfes, ou fili-
ques , font étroites & fort petites.
Le Tfoo-SjUf vulgairement Sfo-Fagî, eft une herbe des jardins ^ d'une
coudée de hauteur, de la figure de fhyflbpe commune, & fans odeur. Sa
iîear eft à fix pétales , & couleur de pourpre.
Le Dfio'Gikf, eft le Chryfanthême Péruvien deDodGnée,ou le grand He-
lenium des Indes de Gafpard fiauhin.
DANS L'EMPIUE DU JAPON. Lrv. IV.
467
Lb Sekki-Kan^ efl un arbrifieau d'une brafle de hauteur, dont les feuil-
let, qui enveloppent les rameaux de diflance en diflance, font étroites,
longues, épailTes, argentées par-deflbus, pendantes, & fans découpure.
Ses fleurs font incarnates, & ramafTées à l'extrémité, des rameaux par bou>
quets , de dix jufqu'à quinze , qui fortent d'une enveloppe commune. Elles
font monopetales, & découpées en fept grandes lèvres. On en diftingue
deux autres efpèces , l'une a Heur blanche , & l'autre à fleur rouge.
Le Sen-tukUj vulgairement Ogurenna^ efl un Afler jaune, donc la tige efl
branchue, garnie de poils, & haute d'une coudée & demie. Sa fleur ap*
proche de celle de la Ferficaire à filiques.
VObai , ou Robai , efl une forte de jafmin à fleurs doubles. Son écorce efl
brune. Son bois'foible & rempli de moelle. Tes feuilles alternativement:
oppofées , & terminées par une pointe un peu recourbée. Ses Heurs , qui
paroiflentau mois de Février, avant les feuilles, & qui fortent d'un ca-
lice écailleux , font d'un Jaune pâle, & compofées de deux fortes de péta-
les, dont les extérieurs k)nt d'ordinaire au nombre de huit , longs d'un de-
mi pouce en ovale; & les intérieurs, plus petits, de grandeur inégale , au
nombre de huit & plus, marquetés de points couleur de fang. L'odeur de
la fleur tire fur celle de la violette, mais devient dégoûtante à la longue, &
le goût en efl très-desagréable. Cet arbrifTeau , ^u'on croit apporté de
la Chine , efl d'une beauté , qui le fait cultiver loigneufement dans les
jardins.
Le Refit vulgairement Hatjisy efl une plante connue aux Indes fous le
nom de Tarate. C'efl le Nénuphar Indien , & la Fève d'Egypte de Profper
Alpinus. Ses tiges font d'une hauteur extraordinaire, & fe mangent. Sa
racine, qui efl aulfi fort longue, s'étend en travers. Elle efl de la grof-
feur du bras, garnie de nœuds éloignés les uns des autres & Hbreux. Cette
plante pafTe pour facrée , & ks fleurs fervent à l'ornement des Autels. Le
feifo eit un grand Nénuphar, dont la feuille efl pointue comme une épée.
Le SomOf vulgairement /ù'm/ni , & par excellence Fanna, qui Agnifie la
Fleur t efl un arbre fauvage, à feuilles de laurier, & à Heurs de narcifle.
Son écorce efl aromatique. Il efl de la grandeur du cerifler, d'un bois
roux , dur & fragile. Ses feuilles font difpofées en rond , autour de peti-
tes branches, & Tes fleurs font fltuées à leur bout. Les Bonzes de la Chine
& du Japon mettent devant les Idoles & fur les Tombeaux, des feuilles de
cet arbre en bouquets.
Le Fa-Ku^ vulgairement Kc^vKa^QÎi un arbre de grandeur médiocre, dont
les feuilles refTembient à celles de la patience. Ses fleurs font blanches , en
épi , & terminent fes rameaux. Son fruit efl hériffé de pointes.
L E San-Kakfo, efl une Arifloloche, qui monte & s'étend beaucoup , & dont
la fleur efl de diverfes couleurs. Une autre Arifloloche efl le SemïnJJo , dont
la Heur blanche , à quatre pétales , efl: de l'odeur du muguet.
Le TJîo'MeguJa^tù. une Joubarbe à fleurs jaunes, dont la feuille efl
pointue.
Le Tfifu^ vulgairement Fama-Kingt y ou Nma-Gu/Ui ou Fooki-Gu/a^ efl
la Scoparia^ autrement la Belvédère des Italiens, dont on tire, au Japon,
un remède célèbre dans cette Contrée.
Nnn 2 Le
DsiotiMioa
ou jAton.
Le Sckki-
Kati.
Le Scn-Puku.
L'Obai , ou
Robai.
Le Rcii &
IcFcifo.
Le Some.
LcFaKii,
LcSan-Kakfo.
LeScnninfo.
Le 'Ifto-
Mcgufa.
LeTfifii.
^6%
VOYAGE DE K^EMPFER
Diwntrrroir
DU Japon.
Le Fudd-
Dakuuia.
L'Oiuini-
misji.
Le Tobi.
Le Sitfifu-
Sfoo.
Le Tlîofu-
guf:i.
Le Sjukaido.
Le Sasjo, &
IcKoo-S'jki ,
dont on fait le
beau d'Outre-
mer.
Le Gube..
L'Uno-Fanna.
Le Ban tus.
Le Fuâfi-Iiakama y cft une petite plante, fort femblablc à la verveine,
dont elle a la feuille. Sa tige ronde & purpurine luûcient, à fon extrémi-
té, des bouquets de petites Ikurs à cinq petak-s, couleur de pourpre blan-
cliâtre, enveloppées d'un calice rond ik ccaillcux. Sa Icmence cft en
angles, brune, & d'un guûc fort amer. Une autre efpècc a la tige & les
fleurs blanches.
VOininamisji^ autrement Sjiro-Banna ^ qui lignifie Fleur des Femmes ^ tire
ce nom de fa beauté. Elle rellcmblc à la verveine par les feuilles. Sa tige,
ronde & canelée, poulfe plufieurs branches, qui le terminent par des bou>
quets de Heurs rouges , femblables à celles du fureau. Sa graine ell ovale >
oc de la grolTeur de l'anis.
Le lobif vulgairement Taranoo^ eft une plante, qui par l'épaifleur de
fes feuille*, & par fes branches, qui font terminées en épis de fleurs, &.
appliquées contre la tige, reflemble, fuivant la lignification de fon nom,
a une queue de dragon. Les feuilles font étroites, inégalement dentelées.
Ses fleurs font d'un bleu clair , en forme de tuyau , & partagées en qua-
tre lèvres.
Le Sitjifu-Sfoo ^ vu]gaiTcment Sfufu-Kaki^ eft un Marrube, dont la tige
eft droite, haute d'une coudée, & à-peu-près ronde. Ses fleurs, de la grof-
feur de celles de lavande , font d'un bleu clair & fort ferrées les unes con-
tre les autres. Elles naiflent des aiflelles des feuilles. Une autre plante,
de même nom, a l'odeur d'anis, & fa femence en a le goût. Sa rige eft.
quarrce, fa fleur purpurine , faite en tuyau , & fa feuille, terminée par une
pointe , comme celle de la meliflTe.
Le Tfiùfigufay eft une verveine , dont les fleurs font en épis, fort ferrées,.
& femblables à celles de la fause.
Le Sjukaido y eft une efpéce d'Ozeille, haute d'une coudée, & d'un fuc"
fort acre. Sa tige eft grofTe , branchue , garnie de nœuds. Ses feuilles
font épaifles , & finement dentelées. Ses fleurs font à quatre pétales , cou-^
leur de chair , & d'une ftru6lure que Kœmpfer nomme finguliérement ad-
mirable. , > .'
L E Sasjo , vulgairement Katabamî , eft ÏAlleMa à fleurs jaunes de Dodo-
née. Le KoO'Sekif vulgairement Kigu/a^ eft une efpéce d'Ëphemerum à
feuilles de muguet , donc la fleur eft bleue , & reflemble à celle de la Trini-
té ; mais plus élevée , & femblable aux ailes des papillons. Ses feuilles font
fans pédicules. Ses fleurs fervent à faire la couleur bleue , qu'on nomme
Outremer t en les mêlant avec du fon de riz qu'on humeéle. On exprime
enfuite le fuc de cette mafie, & l'on y plonge un papier net qu'on fait fé-
clier , lorfqu'il eft bien imbibé. On réitère plufieurs fois la même opéra-
tion , & ce papier fert alors pour la couleur.
Le Gubey eft une herbe fort haute, dont les branches font foibles,de cou-
leur baye , & les feuilles partagées en cinq lobes. Ses fleurs font en om-
belle,, à cinq pétales, d'un blanc verdâtre. h'Uno-Fannay grand arbrifleau
qui refl!emble au Syringa, a les fleurs ramaflees en grappes, à cinq péta-
les, un peu. odorantes , fans étamines & fans piftil. Le Bantus, eft une forte
de jafraiaà feuilles dentelées, dont les fleurs font. ea épis, jaunes, à troia
pétales. .'îî:^^:^^ ^'^;îi na: .^-^iïiy-î ••:..
,1 Le
DANS L'EMPIRE DU JAPON. Liv. IV.
4<Çp
L t Nonigi , efl la grande Fumetcrre.à racine creufe & à fleur bleue. Le
Keman-S/Of ou Narin^ efl une herbe haute d'un pied, donc les feuilles rcf-
fcmblent à celles de l'Ancolie. Ses fleurs fonc de couleur incarnate, formées
de deux cfpéces de capuchons, qui fe terminent par une longue pointe re-
courbée, Où qui renferment un corps canele , de figure conique , garni d'un
piflil & de fix étamines.
Le Seki'TJiku, efl un Oeillet fimple à grandes fleurs. Le Foofen^ ouAw-
Soq'ia , efl Y admirable Peruviane de Rai , à fleurs blanches & rouges.
Le Koogua, vulgairement Attr«.;i, ik Benim-Fanna ^ efl une herbe à lon-
gue tige À à grun des feuilles , donc on cire la couleur bleue.
Le Reisjun^ vulgairemenc Bidjinfoo, efl une efpèce de Lychnis, qui tient
du pavot, donc elle a la cêce. Sa fleur efl timpie, & bleue, mais \\ belle,
au'on la conferve dans des caifle». Le Nekfj-tanna efl une forte d'Ancmone ,
ont les pétales font couverts de poil, en dehors, & d'un rouge obfcur.
Le J'amma-Kibjot efl une plante, qui refTemble à la Gentiane. Ses tiges
fonc d'un blanc mêlé de verd. Ses fleurs, en forme de tuyau , fonc longues
d'un pouce & demi, bleues en dehors ,& blanches en dedans, avec des lignes
bleues. Elles fe ferment au coucher du Soleil , & fe rouvrenc à fon lever.
Le Furiné , efl un Knicus bleu , qu'on cultive dans les campagnes , parceque
fa fleur fert pour les couleurs.
Le 5/i, vulgairemenc Naraje^ & Sjako-Gufa, efl une efpèce de grand
Bafilic. Le DJtn^ vulgairemenc Je^ & Fakkufo, en efl une autre efpèce,
donc la femence donne une huile célèbre, nommée Jcm-A'jra.
L E GofitZy efl un Tblaspi , dont les feuilles font oppofées encre elles, & fans
découpures. Le Jottei^ vulgairemenc 5/i, en eft un autre, à feuilles de
Îtacience , donc les ciges , comme celles du précédent , fonc garnies de capfu-
es. Le Tenka, vulgairement Kona-Subbi, efl la Morelle des jardins. Le
SeKi efl une herbe de la hauceur d'un pied , branchue &. panchée vers la ter-
re, donc les fleurs reiremblenc à la Nummulaire, & fervenc à la ceinture.
Le Sjaderiy efl un grand Plancain, à larges feuilles, comme le Sanfoo en efl
un à feuilles écoilécs, &.\e Kawa-Sfobu un aucre à feuilles d'Iris, étroites &
longues d'un pied, avec un épi de quatre doigts de long.
DMCITfTtOir
nu Japon.
Le Nonigi.
Le Ktnnan-
Slb.
LcS.ki-Tfi-
ku itlc loo-
fcn.
Le Kooijua.
Le Rciijun.
Le Ncko-
Fan lia,
LcKibjo.
Le l'urine.
LcSfo, &.
le Dlin , Uiili-
lies.
LeGofitz.
Le Joaci.
LeTcnlu.
Le Sen.
Le Sjadcrt.
LeSanToo.
Le Kawa-
Sfobu.
"•i
in-
g. XIIL
<^^ . . Autres Arbres CT Plantes particulières au Japon.
L'Jjikiéa, efl un grand arbrifTeau, dont les rejectons fonc d'un verd LAjikuba.
clair , pleins de nœuds , & d'une fubflance grafîe. Sa feuille efl fem-
blable à celle de l' Yeufe , un peu tournée. Sa fleur , porcée fur un afTez
gros piflil , efl tripetale , d'un pourpre ciranc fur le rouge , & prefque de
la grandeur d'un grain de poivre. Son fruit efl: rouge , oblong , afTez
gros , d'une chair blanche & dou^âtre , qui renferme un noyau dur , & d'un*
goûc acre.
Le TaraijOy vulgairemenc Onimatfi , efl une efpèce de Laurier-cerife ,, LcTàraijo».
donc les fleurs font à quatre pétales, odorantes, d'un jaune pâle, & ramaf-
fées en grand nombre fous les aiiielles des feuilles^ Son fruit, qui con*
n-.î •■ Nnn 3 tient.
470
VOYAGE DE KiEMPFERÎ
DcscRiPTioir
ou Japon.
Le Sankitz.
LeQuackitz.
LcNamlsjokf.
LeNyfimi-
Motfi.
Lejiibeta,
Le Kooki.
Le Fechofatz.
%fi Kembokn.
tient quatre femences, eft rouge , de la groffeur d'une poire, âc de la
figure du poirier. On le cultive dans les jardins > où il conferve toujours
fa beauté.
Le Sankitz y vulgairement Jamma-Tadfi-Banmt eft un petit Chame-Cera-
fus y à feuilles de cerifier fauvage, difpofées en rond. Ses fleurs font pen-
tapetales , & reflemblent à celles du muguet. Son fruit eft un peu rouge,
plus gros qu'un pois, d'un goût doux & ftyptique, avec un noyau blanc,
dur & tranfparent.
Le Quackitz, vulgairement Ttanna-Tadft-Bama , eft un autre Chame-Ce-
rafus, qui ne quitte jamais fes feuilles. Ses fleurs & fon fruit reflemblent
à ceux du Sankitz. Mais on en diftingue une efpèce qui a fes feuilles fem-
blables à celles du faule , excepté qu'elles font femées de petites bulles.
Sa fleur, fembJabJe à celle du Dutcamara, efl: portée fur des pétales re-
courbés en arriére.
Le Nandsjukfy vulgairement Nattin, ou Nandin-Tftkku ^ eft un arbrifleau
d'environ la hauteur d'une coudée , qui de loin a l'apparence d'un rofeau.
Ses branches font difpofées l'une vis^à^vis de l'autre, & s'étendent à an-
gles droits. Ses feuilles font longues d'un pouce & demi, & figurées com-
me celles du faule. Ses fleurs font blanches, à cinq pétales, femblables
à celles du Solanum ligneux , & ne durent qu'un jour. Ses bayes font rou-
ges , de la grofleur d'un pois , & contiennent deux femences de figure
hemifphérique.
Le Nyfmi - Motji t vulgaireraeut Tanua-fVattafi , n'eft que le troefne
commun.
Le JubetUy eft un arbre de la groflîeur du pruuier, dont les fleurs & les
bayes refliemlalent à celles du troelne. Son écorce eft verdâtre. Ses feuil-
les font en grand nombre, difpofées l'une vis-à-vis de l'autre, de figure
ovale, tendres , & fujettes à fe flétrir bien-tôt. Le noyau eft blanc, d'un
goût aftringent & cauftique. Ses bayes paflent pour venimeufes.
Le Kaokty vulgairement Kuko y & Numi-Gujfari y eft un troefne épineux ,
dont les feuilles font en très -grand nombre, ovales & longues d'un
pr^uce, fans aucune découpure. Ses fleurs, qui naiflent une ou deux fur
chaque pédicule, font de couleur purpurine, à cinq pétales, & reflem-
blent à la fleur d'hyacinthe. On fe fert, en Médecine, de fes bayes & de
fes femences, auflibien que de fes feuilles, dont rinfufîon fe boit en ma-
nière de thé.
Le Fechofatz, eft un arbre de grandeur médiocre , & fort branchu, dont
les feuilles, gui naiflent en grand nombre à l'extrémité des petits rameaux,
font longues de deux pouces, pointues à leur commencement, & termi-
nées en ovale, épaifles, dures, .& légèrement crénelées. Ses fleurs font
ramafîees en épis. Ses bayes font rouges , & de la grofleur d'une cerife.
Le goût de leur chair eft fauvage; & celui du noyau, qui eft partagé en
deux, eft aftringent.
Le Kembûku, vulgairement Rumgambokf y ôcSahiki y eft un arbre de gran-
deur médiocre , dont les feuilles & les fleurs reflemblent à celles du Myrthe
Romain de Mathiole. Ses bayes viennent feules , fur un pédicule. Elles
font pointues , & de la grofleur d'un grain de poivre. Les femences refl'em-
blent
DANS LTEMPIRE 0% JAPON, Liv. IV. 471
blent à celles de l'Ancolie. Leur goût eft un peu amer, & fort aftringent.
Cet arbre eft confacré aux Idoles.
Le Fifakaki^ eft un arbrifleau qui reffemble au thé, & qui en a les feuil-
les. Ses fleurs , qui croiflbnt le long des branches, font rouges, à cinq
pétales, & en forme de cloches. Elles font place à des bayes, qu'on
prendroit pour celles du genévrier, & qui contiennent plufieurs femences
dures. Cette plante fe cultive pour fa beauté. On en diftingue une efpè-
ce, dont la fleur eft blanche , & les bayes pleines d'un fuc de couleur
pourpre.
Le SasjebUf eft un arbrifleau dont la 6gure & les feuilles diff^èrent peu
de celles du B'ifakaki. Mais les fleurs font monopetales , de figure conique,
de la grofl^ur d'un grain d'orge, blanches, femées le long des petites bran-
ches , & entremêlées de très-petites feuilles. Ses bayes , qui reflernblent
allez à celles du raifin des bois, font de couleur purpurine, fans envelop-
pe, groflfes comme un grain de poivre, d'un goût vineux, & renferment
plufleurs femences.
VOkamni, vu]gàiremenT. Ifo-Fifakakl ^ eft un arbrifleau , dont les rameaux
font droits , minces & en grand nombre. Ses feuilles font d'un pouce &
demi de long, ovales, épaifles, dures, foiblement dentelées, & quelque-
fois recourbées. Les fleurs qui naiflent des aiflelles des feuilles, deux à
.deux, ou trois à trois, font petites, à quatre pétales , & d'un blanc incar-
nat ; les bayes font rondes , purpurines , pulpeufes , contenant des femences
roufle&& brillantes.
Le Sjiroggif eft un arbrifleau, dont l'écorce eft raboteufe, les feuilles
longues de trois pouces , pointues aux deux extrémités , fans découpure. Ses
fleurs placées fur des pédicules difpofés en ombelle , font en grand nombre ,
petites & pentapetalcs. Ses bayes, en Hyver, après la chute des feuilles,
font d'un beau rouge, moins grofles qu'un pois, d'une chair blanche , pul-
peufe & amère. Ses graines font triangulaires , & de la grofleur de celles
du Carvi. On diftingue un autre Sjiroggi , nommé vulgairement Namome ,
petit arbre dont les feuilles font creufes dans leur longueur , recourbées , &
très-legèrement dentelées à leur bord. Ses bayes font à-peuprès de la grof-
feur d'une cerife; & fes femences, qui font en petit nombre , de celle de
la graine de cumin.
Le Sinfatty vulgairement Mijamma-Skimari (a), eft un giand arbre, dont
les feuilles , difpofées en rond , autour des petites branches , font lon-
gue? d'environ trois pouces, épaifles, pointues, légèrement ondées, fans
découpure à leur bord , d'un goût de Sagapenum , avec une chaleur mor-
dicante. Ses fleurs font à quatre & cinq pétales , petites & rougeâtres. Ses
bayes ont la forme d'une poire & la grofleur de celles de l'aube-épine, ren-
fermant quatre femences blanches, fendues en deux, & femblables à celles
de l'oranger.
Le Come-Goomi, vulgairement MintoJ , eft un arbrifleau qui reflemble au
troefne , & qui a l'apparence du buis. Il eft haut de trois pieds. Ses feuil-
les font ovales, terminées en pointe, ramaflTées par pacquets, <& fentent
les
(^a)Mi-Jamma, fignifie SaKWgtf, .. ■;*, ; i' " --^^ ■
DSSCRTPTTOIV
DU Japon.
LcFifakaki,
LeSflsjcba.
L'OknmnL
LcSjiioggi,'
Le Sinfan.
Le Corne-
Gooini,
472
VOYAGE
K^ MPFÉR
Description
DU Japon.
T.e Jamma-
Go-Goinine.
Pins.
Le Sjo.
Le Kenfin.
LeSin.
LcSui.
LeJo,&le
Mids-Janaji.
Le Koku &
le Kcku.
Le Sin.
Le Sarfio.
les excrémens humains. Ses fleurs ont la figure de celles du jafmîn, &
font découpées en long , avec fix ou fept lèvres , & plus même , fuivant la
bonté du terrêin. Ses fleurs font d'un pourpre foible, & entrelaffées dans
les pacquets de feuilles.
Le Jamma- Go -Gomme, efl: un arbrifleau qui croît fur les montagnes,
& qui efl fort branchu. Ses feuilles , femblables à celles du thé , font op-
pofées entr'elles. Ses fleurs font petites, purpurines, & découpées en
quatre lèvres. Ses bayes font de U groffeur de la coriandre, & renferment
quatre femences.
L E Sjo , vulgairement Maatz , efl: le nom général du Pin. On en diftin-
gue pluGeurs efpèces , qui tirent leur différence du nombre , de la fituation ,
& de la figure de leurs feuilles ,& qui fe nomment, Fusji-MaatZy Aka-Maatz,
0-Maatz, Me-Maatz, Gojmo- Maatz. '"^^■^'"'^'
Le San, vulgairement Sfuji, efl: un petit Pin-Cyprès, qui produit de la
refme, & dont le fruit efl: écailleux, de figure fpherique, & de la grofleur
d'une prune. Ses femences font rares, oblongues, canelées & de couleur
rouge- baye.
Le Kenfin, ouStn-Baku, vulgairement iOTff-5a^a, (b), efl: un arbre , qui
s'élève en cône comme le Cyprès, à la hauteur d'environ trois brafles, &
dont les feuilles reflemblent à celles du Laurier-rofe. Son fruit efl oblong ,
partagé en deux , refifemblant par fa partie fupérieure à un grain de poi-,
vre , & renfermant un noyau.
Le Sin, vulgairement i^bn-Mî*/ (c), efl un grand arbre de même gen-
re que le précédent, & dont le bois efl: fort eftimé , pour en faire des
coffres & d'autres vaifleaux , parcequ'il efl blanc , léger , à l'épreuve des
vers & de la pourriture. Il rend une mauvaife odeur, lorfqu'il efl plon-
gé dans l'eau chaude; ce qui l'a fait nommer aufli KJà-Maki, ou Maki
fétide.
!^.E Sui, vulgairement Sfi-No-Ki, efl: un Hêtre à feuilles de frêne, ou
efpece de chêne, dont la fleur efl hexapetale & ramaffée en épis. Son
fruit eft une noix renfermée dans une coque écailleufe, garnie de pointes,
& de la groffeur d'une aveline.
Le Jo, vulgairement Janangs, efl: une efpèce de Hêtre, qui fert à faire
des coffres; peu différent d'un autre, qui fe nomme Mids-Janaji,
Le Kas-No-Ki, eft proprement le Chêne verd, dont les Japonois diftin-
guent deux efpèces; l'une, nommée Koku, vulgairement Kafjuwa, Boku-Soku,
& Sjirakas, dont le bois eft blanc: l'autre, qui s'appelle Reku, vulgairement
Kunugi, Spira- Kuniigî , & Akakas, dont le bois eft rouflltre & fort dur.
Le Sin, vulgairement Fafi-Bami, & Fa , eft une efpèce de Coudrier,
dont le fruit eft oblong &fans barbes.
Le Sarfio, v\Ag2Î\x&mQnx. Jus-No-Ki , qui fignifie Arbre de fer, eH un ar-
bre d'une grandeur extraordinaire, dont les feuilles , alternativement oppo-
fées, font ovales, pointues , longues de deux pouces, inégales, dures, épaif-
fes, & fans découpures. Son fruit, qui croît fans pédicule, au fommet
des petites branches , eft de figure conique. Il devient ligneux, en fe def-
féchant,
(ft) Ime, fignifie faux, (c) F»n, fignifie trai.
"*\
DANS UEMPIRE DU JAPON, Lïv. IV.
473
f(échant, & fe trouve intérieurement rongé, comme la noix de galle. Il eil
afTez gros , dans fa fraîcheur, pour remplir la main. Les fmges Taiment
beaucoup ,* ce que le nom de Sarfio lignifie.
Le Tjio-Teij vulgairement Fimitz-Baki^ & Fimeri-Baki, efl: un Myrthe
fauvage à longues feuilles; le même, fuivaat Ksempfer, que le myrthe
commun d'Italie de Gafpar Bauhin.
VOjOy vulgairement Tfuge , efl un grand Buis à feuilles ovales, termi-
nées en pointe , & un peu dentelées. Ses âeurs font blanches , à quatre
pétales ronds , garnies d'un calice, & de la grofTeur d'une graine de co-
riandre. Ses bayes font rondes, couleur de pourpre foncé, renfermant
deux , trois , ou quatre femences , qui font grofles & figurées comme cel-
les du carvi. On diflingue unTfuge, qui elt un petit Buis, dont le« feuil-
les fe terminent en pointe par les deux extrémités.
Le Koo-Kûtz, vulgairement Ftraggi, n'eft pas différent de nôtre Houx
commun.
Le Sankîra, vulgairement Quakerat efl le Smikk (d), dont la racine,
connue par fes vertus, eftgroÏÏe, dure, noueufe, inégale , garnie de lon-
gues fibres, rouge ou noire en dehors, blanche au dedans & d'un goût fade.
Cette plante, quand elle ne trouve rien qui la foûtienne, ne s'élève que
d'une ou deux coudées : mais lorfqu'elle rencontre des buiffons , elle devient
beaucoup plus haute. Ses branches font ligneufes , de la groffeur d'un
tuyau d'orge, d'un rouge brun prés de terre, garnies de nœuds d'où for-
tent deux tendrons femblables à ceux de la vigne, par lefquels la plante
s'attache à tout ce qu'elle rencontre. Les feuilles, qui n'ont prefque point
de pédicules, font rondes, terminées par une pointe courte , de trois pou-
ces de diamètre, minces, fans découpures, oc d'un verd clair des deux
côtés. Sur un pédicule très-mince , long d'un pouce , font difpofées en
ombelle , environ dix petites fleurs , de couleur jaunâtre , de la groffeur d'un
grain de coriandre, à fix pétales &nx étamines, dont la pointe efl d'un blanc
qui tire fur le jaune. Le fommet du piflil , qui occupe le milieu de la fleur,
efl couleur de verd de Mer. Après la fleur , il vient un fruit , qui a peu de
chair, & qui reffemble à la cerife par fa figure, fa groffeur & fa couleur;
■mais il eil fec, farineux, &d'un goût audère. Les amenées font au nom-
bre de quatre., cinq , ou fix , de la groffeur d'une lentille , en forme de croif-
fant ; noirâtres en dehors lorfqu'elles font féches ; blanches en dedans ; d'u-
jie fubflance très-dure. Cette plante croît abondamment parmi les ronces
& les fougères.
Le Si/b, vulgairement Murafakkiy efl une plante d'un pied de haut, dont
la racine efl très-fibreufe , la tige branchue , les petits rameaux terminés par
un épi de fleurs , les feuilles ovales, pointues, & difpofées en rond autour
des branches. Cette plante fert à teindre la (oye en pourpre.
Le Fakkubukon^ vulgairement Fekufo-Kadfuray efl une plante rampante,
& femblable au Liferon. Sa feuille efl longue de trois pouces, pointue,
iigurée en cœur , & fans découpures. Sa fleur efl ramaffée en grappe , for-
mée
{d) Kaeinpfer le définit, Smilak minus ffinùfa, fruUu rubUundo , radice virtuofa, Cbi-
na diSê.
XI F. Part, Ooo
Dcsearrrioir
DU Japon.
LeTCo-
Tei.
L'Ojo.
Le Koo-Kptz.
LeSankira.
LeSifo.
Le Fakku-
bukon.
474
VOYAGE DE KiEMPFER
Le Sans-Jo.
Le Kiro.
DtscMYTioir raée en tuyau, & partagée en cinq lèvres, rouge en dedans , blanchâtre en
DU Japon, dehors. Son fruit, femblable à celui du Dulcamara, efl plein d'un fuc très*
fétide, & contient un petit nombre de femences.
LeMuiaCiki. Le •Murafaki commun, efl: une plante à tige ronde, dont les feuilles font
longues de deux pouces, rondes, placées une à une, alternes, épaifles, poin>
tues , & fans découpures. Il fort de leur aiflelle un épi de fleurs , long de
e quatre doi|;ts; & ces fleurs font éloignées Tune de l'autre, fans pédicule,
• de la groffêur d'une graine de coriandre , couleur de pourpre foible , à qua-
tre ou cinq pétales. Elles ne s'ouvrent jamais.
LeNin-Too. Le A7«-Tbc, vulgairement 5Mf-if<«^a, & Kin-Ginqua (e) , efl: lePericly-
menum commun (/) , à bayes purpurines ou noires.
Lt.'îenkoo. Le KenkoOy vxxXgHaQmQm. Sane-Kadfura , & Oreni-Kad/wa , efl: une plante
qui entre dans ia compofltion du Papier, dont il fera parlé ci-defTous.
LeKfe:. Le £/^if, vulgairement yoe/orii^f, ell un Gui à bayes rouges, dont les feuil-
les font femblables à celles du Kenkoo, & viennent une à une, alternative-
ment oppofées. Le nom Japonois fignifie toute plante parafite, & par ex-
cellence le Gui. Kaempfer n'en vit , au Japon , que dans un Bois de Me-
lefe, delà Province de Mkowa. A\0 les Payfans de ce Canton l'appel-
lent-ils Gom-MaaZy c'efl:-à-dire. Guide Melefe.
Le Sans-jo, vulgairement Foo-Dfukki^ efl: le véritable (^) Alkekenjo.
Le KirOi ou Kirjo, vulgairement OmottOy efl: un Pied de veau qui n'eft
point acre, dont la feuille efl: grande, & reflemble à celles du lys. Sa raci-
ne efl: grofle & bngue , charnue, fibreufe , un peu amère. Ses fruits font
rouges , de la g^oflfeur & de la figure d'une petite cUve , & d'un très-mauvais
goût. Cet aib.Vifli'eau fert à garnir les murs des jardins.
Le Konjahi, ouKufako^ vulgairement- Konjakf dama , efl: un DracunculuSy
dont la tige efl: marquée de taches vertes; la feuilJe longue, «& partagée en
lobes inégaux; la racine longue, chaude, & purgative.
Le NanfoOf vulgairement O/ôfii, & Dammakonjakf (h) y efl: un Dracuncu-
lus à grandes feuilles pointues , dont les bayes font très-chaudes.
Le Deriy ou. Lootz iV\i\ga.irement Sendam ,& Kindeis ^ efl: proprement l'ar-
bre que nous nommons Azederacy & le faux Sycomore de Matniole. "ffe"-
Le Kuroggi, eft un grand arbre fauvage, à feuilles ovales, terminées en
pointe, longues de deux pouces , & légèrement dentelées. Ses fleurs font
doubles, d'un jaune pâle, petites, garnies d'un grand nombre d'étamines,
■qui environnent le pifliil. 11 a plufieurs fleurs , fur un feul pédicule. Les
pétales' extérieurs font écaiileux & recourbés. Ses bayes font plus grofles
qu'un pois , oblongues , charnues , & purpurines.
L'Akai- V Akai-Sindjo , ou SîndriOy efl: un arbrifleau d'une coudée de hauteur, qui
,Sindjo. poufle, dès fa racine, des branches garnies de feuilles, & alternes. Ses
bayes font rondes , un peu applaties , moins grofl^es qu'un pois , de couleur
incarnate, d'une chair molle & pleine de fuc, avec un noyau de Ja couleur
& de la grofleur d'une graine de coriandre.
■ '" -Vi' 'J '■ -*••"■-•■'*■■•• '»<-~i-'.,' ,.?-. >y*^v''- ■»•-' 'iil*^,»^' , ...m- .>-u -;;, . Lè
(e) C'efl-à-dirc, Fleur d'or £f d'argent.
(/ ) Autrement , Caprifolium non per/o-
ratum.
Le Konjaku.
Le Nanfoo.
Le Don.
Le Kuroggi.
(g) Sûlanum Feficarium.
(b) Les Médecins l'appellent
Sk.
Ten-Nan-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
475
Le Jefura, eil un arbrifleau d'environ trois coudées de haut, qui ref-
femble au Philirrea. Ses feuilles font garnies de poils, longues de trois pou-
ces, ovales, terminées par une pointe, avec un bord très - découpé. Ses
bayes font de la groifeur d'un pois , rouges & charnues.
Lbf Kotaif vulgairement Gommi y efl un Olivier fauvage, femblable à
rOlivier de Bohême, & qui fleurit au Printems; différent du Sitn-KotM,
ou Jkin-Gommif qui eft un Olivier des montagnes, & qui fleurit en
Automne.
Le Midjikkij vulgairement Urne ' Madakker ^ eil un arbriffeau à feuilles
de prunier fauvage. Ses bayes , qui croiffent en très-petites grappes à l'ex-
trémité des rameaux, font rouges, de la grofleur d'une graine de coriandre,
& renferment pludeurs fwnences ronfles & triangulaires.
VAbrafin,&!t un arbre de médiocre grandeur, & fort touffu, dont le bois
reflemble à celui du faule. Il a beaucoup de moelle. Ses feuilles ont de
longs pédicules , font grandes, & reflemblent à celles de la vigne, ou du
platane. Les unes font entières , les autres profondément découpées en
trois parties , qui fe terminent en pointe. Leur bafe efl ronde , le bord lâ-
che & onde. Les extrémités des rameaux font garnies de longs pédicules,
partagés en deux, ou en trois, qui portent des fleurs blanches, a cinq pé-
tales, de figure ovale, de la forme & de la grandeur d'une rofe. Son fruit
efl de la groifeur d'une aveline, de figure pyramidale, charnu, mou, &
contient des femenccs femblables à celles du Rkin(i), defquelles on tire
une huile pour les lampes.
Le lfaatzde,eiï un arbriffeau à feuilles de Ricin commun. Ses fleurs font
blanches , à cinq pétales. Ses bayes font moins groffes qu'un grain de poi-
vre. Elles ont , a leur fommet , une efpèce d'aigrette , formée par les cinq
ëtamines de la fleur.
Le Fmua, vulgairement rooga^no, ou Karaji,ôc Karagasju, eft le Ricin
commun de Gafpard Bauhin.
Le Modoras, efl exaftement ce qu'on nomme, en François, Bonnet de Prê-
tre (*); & l'^j Kuroggiy en efl une autre efpèce, à larges feuilles.
Le ^iJi-Kingi, eft un arbriffeau qui fe cultive dans les jardins, & dont
le fruit, qui efl rouge, & de la grofleur d'une cerife , croît en grappe, oii
en diftingue une autre efpèce, dont les jeunes gens attachent les fommités,
par galanterie , à la porte de leurs MaîtreiTes.
Le Kuro-Ganni, eft un arbre dont le bois, fui vaut la fignification de fon
nom , approche de la dureté du fer. Ses feuilles , qui font fans poils &
fans découpure, reffemblent à celles du Telephiura commun. Ses bayes
font de la groflTeur des petites prunes fauvages. On en diftingue une efpè-
ce , qui fe nomme Kuro-Kaku
Le Sidom, vulgairement Sidomi-Nottî ^ eft un arbriffeau , qui par fa feuil-
le & fes autres apparences , reffemble au prunier fauvage. Sa fleur efl
rouge, à cinq pétales, avec un calice de figure conique, duquel il fort,
avant la chute des pétales , un fruit charnu.
Le
( i) AMfTi KxmpférVz't-ilnoïmaé, Rieinus jirboreut ^Iceit.
(fe) CeitVEvonimus.
OOO 2
DeicRivTioii
ou JAtOK,
Lejefura.
LeKotai.
Le Midfikki.
L'Abialin.
Le Jaatzde^
Le Finua.
LeModoras.
LeNifî-Kingi.
Le Kuro-
Ganni.
LeSidom.
47«
VOYAGE DE K JE M P P E R
DncRimoit
ou Japon.
te Tobira.
LeKoquan.
«
Le Quai.
LeSokio.
LeKakusju.
Le Scofi.
Genévriers.
Le Moro.
Le Si-Moro.
Le Tobira y grand arbrifTeau, reiTemble par la forme au cerifîer (/); d:
fa fleur , à celle de l'oranger , avec l'odeur de celle du Sagapenum. Ses
branches font longues , & partagées , dans un même endroit , en plufîeurs
rameaux. Son boisefl: mou, fa moè'llâ grafle, Ton écorce raboteufe, d'un
veYdbrun, grafle, fe féparant aifément, & donnant une réiine blanche <&
vifqueufe. Ses feuilles , dont le pédicule efl: court, font difpofées en rond
autour des petites- branches. Elles font longues de deux ou trois pouces,
fermes , grafles , étroites par le bas , rondes , ou ovales à l'extrémité , fans
découpure, & d'un verd foncé par deifous. Ses fleurs, dont le pédicule
a près d'un pouce de long , font ramaffées en bouquets à l'extrémité des ra<*
meaux, & fontparoitre l'arbre, au mois de Mai, comme couvert dénei-
ge. Elles font à cinq pétales, femblables, en figure & en grandeur, à cel-
les de l'oranger, & cTune odeur très-agrdabie j avec cinq étamines , de mê-
me couleur que la fleur, mais roulTes à. leur pointe,, qui efl afTez longue, &
un pidil court. Ses fruits font parfaitement ronds , plus gros qu'une ceri-
fe, rouges, marqués de trois filions, qui en Automne deviennent autant de
fentes profondes , couverts d'une peau forte, bife &. grafTe. Ses femen-
ces , au nombre de trois , font rouges , à plufîeurs angles j & leur fubflance
intérieure efl blanche, dure & d'une odeur très-fétide.
Le Koquatiy vulgairement A/i?//w-No-ifi , c'efl-à- dire , Arbre qui fommeilîe r
efl un arbre, d(rat les feuilles leflèmblent à celles de l'Acacia, & dont les
gouffes font pendantes ; de-là vient ce dernier nom.
Le Quai y vulgairement Jens^^ Quai-Kaku,eiï un arbre dont le tronc eft
extrêmement gros. Ses feuilles font garnies de quatre lobes , & Ces gouffes
articulées. Kœmpfer juge que c'efl: le Tamarin; mais il eft étranger, rare^
& prefque flérile au Japon.
Lr Sokio, eft un très-grand arbre, dont les feuilles font fort longues, &
ont plufîeurs lobes. Ses branches font longues & minces. Il efl étranger,
comme le précédent, & prefque flérile. Kaerapfer efl porté à croire que
c'efl l'arbre de la Cafle.
Le KakusjUf vulgairement A'aœara-Z'î/àgï, ou -<^</j/fl, efl un arbufle à feuil^
les de fiardane , dont la fleur efl monopetale , les filiques longues &. menues ,
la femence petite, en forme de rein, & garnie de poils aux deux extrêt
mités. Il a peu de branches ; mais- elles font fort longues. Le piflil de
fes fleurs , qui font de couleur pâle , <& d'une odeur afTez douce , fe change
en une filique pendante , ronde , & greffe comme un tuyau d'avoine , dont
on fait boire la décoflion aux Afmatiques. Les feuilles, qui ont de cha.-
que côté deux efpèces d'oreillettes, s'appliquent fur les parties douloureu»
fes, & paffent pour être amies des nerfs.
Le Scofî, vulgairement Kara-Maatz-Nomi , efl une Melefe, dont les
fruits ont des noyaux de figure pyramidale. Cet arbre quitte fes feuilles
en Hyver.
, Le MorO'Unigy ou Ssnoro-Maafts , efl un grand Genévrier , dont les bayes
refTemblent à celles de la Sabine. Le Si-Moro, efl un Genévrier barbu, dont
les
(/) Kxmpfer le définit, Frwtexi^rj^orftM, Sagnpcni fatorit , flore Mali jiurmtid , fiuSu^t'.
IjfptmOf Ciraji fade.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 477
les barbes font écailleufes, & les fleurs couleur de fafFran. Ses bayes,
femblables à celles de la Sabine, font à pludeurs angles. Le Nanqui-Sjugif
efl le Genévrier de la fiermude, que fa beauté fait cultiver avec foin. Le
Jtmpak^ efl un Genévrier en arbre, qui a l'apparence du cyprès, & oui jet*
te une très mauvaife odeur.
Le Quaii vulgairement Fi- A/b-^Tf, ell un Cyprès, rempli d'un fucgras,
vifqueux , aromatique , de l'odeur du genévrier. Son fruit efl de la grof-
feur d'un pois, avec un tubercule. Nôtre Cyprès commun, qui croît aufli
au Japon, :y jette par fes feuilles une odeur balfamique j & fon fruit contient
cinq femences, femblables au grain de froment.
Le Tsjooy vulgairement 7y?a, efl; un Lierre, qui monte & s'étend beau-
coup, cjes feuilles, qui reffemblent à celles de la vigne, tombent chaque
année. Ses bayes font oblongues & charnues. Le Fotogi-Tfta, efl le Lierre
commun, qui porte des bayes. Vln-Sfia, efl le Lierre de pierre, ainfi nom-
mé parcequ'il s'attache aux pierres. Sa racine efl ligneufe , & fa feuille
femblable à celle du Lierre nummulaire. Il fe conferve toujours vcrd. Le
Tfia-Mongira, efl un Lierre qui rampe à terre , & dont la feuille reffemble
à celle de la petite Nummulaire. Le Bot , vulgairement Aviu-Kadfira , efl
un grand Lierre flérile. Le Feitori-K/a^ efl un Lierre de terre des mon-
tagnes , à fleurs tachetées en^ dedans. Le Teka-Radfura , en efl un autre , à
feuille oblongue, d'un verd obfcur. Il reffemble au Lierre arbre. Le5a-
kufetZt vulgairement Kakidoro^ efl une plante rampante, fort femblable au-
Lierre. Ses fleurs naiffent parmi les feuilles , dèb le bas de fa tige. El-
les font couleur de pourpre , à fix pétales. Ses femences font rondes , un
peu applaties.
Le Fakkona-Kfa y efl un Capillaire célèbre, qui naît fur la montagne
de Fakkona, & qui ferc aux ufages de la Médecine. Il efl à feuilles de
coriandre.
Le Sin-SiooSy vulgairement jPtru-Mu^ro, efl un Epi d'eau, à feuilles de
lys des vallées.
Le Fibi, efl proprement la petite Lonchytis âpre. Mais on en diflingue
une autre, à feuilles frifées du Polypode.
Le Dsjemmai,: efl une Phyllitis a feuilles branchues, dont la racine fe
mange.
Le Secki-Ji^ vulgairement Ja'osanokawa ^ efl une Hermionite pierreufe,
à feuille fimple , oblongue , affez grande , fort large à fa racine , & fe re-
tréciffant jufqu'à prendre la forme d'un épieu pointu.
Le Tijo, vulgairement 5/ïVo, efl un Chanvre blanc, ou plutôt, n'efl
que la grande ortie commune, qui fleurit au Printems: mais fa tige a des
fils , propres à faire de la toile. Sa femence efl d'un goût très-âcre,. & l'on
en tire une huile cauflique.
Le Rio, vulgairement Tai^, efl la Perficaire acre & brûlante, nommée
autrement Curage^ ou Poivre d'eau. Ses feuilles tiennent lieu de poivre , aux
Japonois.
Le KoOy Ke-Tade , & Inu-Tade , efl une autre Perficaire, dont la tige efl
garnie de poils,, haute de quatre pieds , divifée par articulations, & parta.-
Ooo 3 gée,.
DlSClIPTIOir
uu Japon.
Le Sfug't.
Le Jeinpak.
Le Quai.
Pluficurs
fortes de Lier-
res.
Le FakkO"
na-Kfa.
LeSin-Sioos.
LeFibi.
Le Dsjeramai,
LeSecki-Ji.
Le Tsjo»
Le Rio.
Le Koo^
478
VOYAGE DE KiEMPFER
Description
DU Japoi».
Le Kecquan-
Mokf.
Le Sio &
Sansjo, Poi-
vrier du Ja-
pon.
LcBaibokf.
Le Kioh.
L'Asjebo.
L'Ibutta, &
autres petites
plantes.
gée, à ronfommet, enplufieurs épis de fleurs incarnates. Sa feuille eft
grande, terminée en pointe, & fans découpure.
Le kecquan- Mokf j vulgairement Kaidcy elb un Erable, dont les feuilles
font petites , & variées de pourpre & de jaune.
Lb Sio & Sansjo ^ v\i\g3iirQment Naru-Fatji-Kami , ouKawa-FaJi-Kamiyeîi
proprement le Poivrier du Japon. Ce célèbre arbrifleau s'élève d'environ
deux toifes. Son écorce ellgraiTe, de couleur tannée , garnie de tubercu-
les, & de quelques pointes d'un demi pouce de long. Son bois ell léger,
foible, & fort moelleux. Ses feuilles, dont le pédicule ed très<çourt, font
en forme d'aîles , l'une vis-à-vis de l'autre , longues de quatre à cinq tra>
vers de doigt, femblables, en partie, à celles du frêne , ovales, d'un verd
agréable , avec un bord un peu canelé , & une côte tendre , qui les traver-
fe dans Jeur longueur d un bout à l'autre. Ses fleurs, qui font d'une figure
à-peu-près ronde, & delà grofleur d'un grain de coriandre, nailFent aux
aiUelles des feuilles , & au bout des petits rameaux. Elles ont fept à huit
pétales, & autant d'étamines, dont le fommet efl rond & jaune. Après
la chute de la fleur, il paroît une ou deux capfules feminales, de la grof-
feur d'un grain de poivre, membraneufes, couvertes d'un grand nombre
de petits tubercules , rouflatres dans leur maturité , dures, & qui s'ouvrent
pour lailFer fortir une feule femence, ovale, un peu dure, de la grofleur
d'un grain de cardamome, couverte d'une peau noire âc brillante , fans fa-
veur, mais feulement un peu chaude. Cet arbriffeau a, dans toutes fei
parties, mais principalement dans fon écorce, fes feuilles & fon fruit, un
goût de poivre, & de Pyrethre brûlant & aromatique. Ses feuilles nou*
velles, Ion écorce féche, & fur-tout fes capfules feminales, s'employent
dans les alimens au-lieu de poivre & de gingembre, comme celles du Riches ^
autre arbre aromatique qui croît dans ces Ifles. Les Médecins pilent les
feuilles, dont ils font, avec de la farine de riz, un cataplafme réfolutif,
pour les parties; attaquées de fluxions douloureufes. Il y a un Sjo, ou Sansjo
fauvage, qui a une partie des mêmes vertus. Le Bansja, vulgairement
Toogaras , eft le Poivrier commun des Indes.
Le Baibokff vulgairement Fuji^ efl: un arbre des montagnes , qui a de
grandes & belles feuilles. Ses fleurs font petites, blanches, à cinq pé-
tales , & ramaflTées à l'extrémité des rameaux en épi de forme conique.
Ses feuilles jettent des excrefcences , qui tiennent lieu de noix de galle
aux Japonois.
Le Kiob^ vulgairement JD^ra, efl: un grand arbriffeau fauvage, hérifTé
d'épines, dont les feuilles font grandes, terminées en pointe , & finement
dentelées. Ses fleurs font blanchâtres , à cinq pétales, & difpofées en
ombelle. Sa femence reflemble à celle du lin.
VAsjebo, efl un autre arbriffeau, d'une coudée de haut, & dont les bran-
ches font très-flexibles , les feuilles étroites , fans découpure, d'un goût amer
& flyptique. Leur décoûion fait mourir les mouches & les vers. Ses fleurs
font monopetales, & très-blanches.
Vlbutta , efl un arbriffeau qui a les feuilles & l'apparence du prunier fau-
vage, la fleur blanche & femblable à celle du troefne. Le Taku/tt/u^ vul-
gaire-
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
479
galrement Totaigufat efl la petite Ejule commune. Le Fan-Ru ^ vulgaire- DiscRrpTrojf
ment Fa-Kobiy eft la Morgeline commune. Le Mundo, vulgairement ^a- ou Japok.
mafujey eftlaBentite commune. Le Kakkot \\x\gi\itm&itUtfu-Bogufayt(i
la grande Brunelle, fans découpure. Le Gai^ vulgairement Jamogi^ eft la
Î;rande Armoife commune, qui fe nomme FutZt dans fa jeunefle, & dont
es feuilles fervent au Moxa, fameux remède qu'on a déjà décrit. LeKoo,
eft l'Armoife à petites feuilles. Vlntsjirit vulgairement Fki-Jamogi^ eft VA-
hrotanum, ou l'Aurore mâle des champs. Le Ba, vulgairement Jjfa^ eft un -
Chanvre qui fe feme.. Le A^^i, eft un Chardon des près à larges feuilles.
LeKeif vulgairement i^^o/à » eft l'Acroche des Bois, a grandes découpures.
Le Seit vulgairement Nadnuja , eft le Tabouret, dont les feuilles font aufli
fort découpées.
Le TeffiOy vulgairement Sotitst , Se Sotktz y eft refpèce de Palmier, dont
on fait le Sagu. On prétend que Thumidité fait, fur fon bois, le même ef-
fet que le feu fait fur le parchemin: qu'on lui met, au pied, de la limaille
de fer au-lieu de fumier, & que lorfqu'une de fes branches fe cafTe, on l'at-
tache au tronc, avec un clou, pour la faire reprendre. Le Sjuro, ouSo-
dio , approche beaucoup du Palmier des montagnes de Malabar y mais il eft
ftérile au Japon. Le Soo-TJikUyen eft une petite efpèce , dont les feuilles font
pointues comme celles du rofeaiu
Le Rotjiku, vulgairement Naio-Dacke y eft le Rofeau amer des Indes, qui
forme une efpèce d'arbriiFeau. L'amertume eft dans fa racine. Le Futjikuy
VMlgûrexaent Fuiamma-Tacke y c'eft-à-dire, Rofeau fourchu ^ eft un arbrifTeau
^ont la tige forme deux fourches. Le SJi-TJikuy eft encore un rofeau, qui
croît en arbriiTeau, & dont la tige eft d'un noir purpurin, mince, bien
remplie. Ses feuilles font larges , courtes » pendantes oc pliées. Le ICaan-
fia , vulgairement Satto-Dacke , eft une canne de fucre , rare au Japon , &
cultivée feulement par les Curieux, i^e DfOy vulgairement Safa , eft un petit
Tofeau bas, à feuilles étroites; ou plutôt un petit arbriifeau à feuilles de ro-
feau. Le Come-Safa^ en eft une autre efpèce, dont les feuilles font cane-
lées & plus larges. Le Fackona-Safay eft le même, avec cette différence,
que fes feuilles ont le bord & le nerf du milieu d'un très-beau blanc Le
Fukuy valgaitemenz Tfikkujitz y eft un petit rofeau branchu , en arbufte,dont
on diftingue plufieurs efpèces. L'/, vulgairement Ajjty & yujjty eft le Jonc
commun des marais du Japon. Ses feuilles font larges , fes tuykux fermes ,
& Kaempfer croit qu'on en fait des pinceaux pour écrire. Le Fo, vulgaire-
ment Kamenay eft le Souchet des marais. Le Ktny vulgairement Sikijo^ eft
une efpèce de jonc mince , uni , long , qu'on cultive dans des plaines humi-
des, à la manière du riz , pour en faire des nattes, qui fervent à couvrir le
pavé des chambres. Le Sju , eft un jonc des marais , à fteurs de lys , que ià
beauté fait cultiver dans les jardins. On en diftingue trois autres efpèces,
qui ne diffèrent que par la gr^ideur des feuilles. Le SetZy vulgairement
SugCy eft une herbe des marais, à feuilles de jonc, courtes & roides. On
fes blanchit, pour en faire de très-beaux cliapeaux, dont les femmes fe cou- =
vrent la tête à la promenade.
Le Kjooy vulgairement Âjajay eft une, efpèce de Nénuphar, à fieuilles Ncnuphars,
de
Palmiers du
Japon.
Le Telîio.
Le Sjuro,
Le Soo-Tfikiu
Divers Ro-
fcuux & Junt».
LeNaanfij,
canne de fu-
ae du Japon.
480
.VOYAGE DE K^MPFER
DEfcnwTiOH
ou Japon.
Lentilles.
I.c Kants-
joor , ou le
Wanhom ,
cfpèce de
Plantain.
Arbres
odoriférans.
Le Sin-koo.
LeSindant.
Le Bafo.
LeTobé.
LeTambre-
Noki.
Le Tamu-
ÏTo-Ki.
LcTaabL
dcThora. Le Ken, vulgairement Midfubakif en eft une autre elbéce, à
feuilles de Popuiago. Le Fét vulgairement Ukingufat e(l la Lentille com>
mune des marais. On en didingue une autre, qui a les feuilles quarrées.
Le Wanhom ^ efl: une plante Siamoife, dont Ksempfer croit avoir en<
richi le Japon , & qu'il y cultiva du moins avec fuccés. C'efl: une for-
te de Plantain, dont la fleur e(l blanche, à fix pétales, femblable à celle
de rOrchis, & qui dure fort peu. On attribue, à fa racine, la vertu de
defobflruer les Hypocondres, d'échauffer l'eflomac , de difliper les vents,
dé guérir les tranchées , de fortifier les vifcères & le genre nerveux. Elle
porte le nom de Wanhom parmi les Siamois , qui la cultivent foigneufe-
ment; mais les Etrangers la nomment Kantsjoor.
L E Sin-koo , vulgairement Kawo-Riki , efl un arbre odoriférant , que Kaemp-
fer prend pour l'Aquila , ou Bois d'Aigle, cfoèce d'Aloë, & dont il croit
que ce font les morceaux les plus réfmeux , <x par conféquenc ceux qui ont
le plus d'odeur, auxquels on donne le nom de Caiamba. Son tronc, dit-il,
efl haut d'une coudée, droit, .nince, d'un verd agréable , garni de feuilles
dès le bas, couvert de poil, &. fe partageant en deux branches. Ses
feuilles naifTent une à une, éloignées d'un pouce entr'elles, femblables à
celles du pécher, d'un verd brillant & vif de chaque côté, fans découpu-
re ; mais avec un gros nerf qui règne au milieu fur le dos , dans toute leur
longueur, & qui couvre , des deux côtés , quantité de petits rameaux fins , &
prefqu'imperceptibles. Cette defcription efl d'autant plus curieufe, qu'on
n'avoit qu'une connoiffance imparfaite de cet arbre. On favoit feulement ,
comme fobferve aufli Kaempfer, qu'il ne fe trouve que dans les endroits
les plus reculés des bois & des montagnes. Suivant le rapport des Japo-
nois & des Siamois , il n'acquiert l'odeur qui le rend fi précieux, que lorf-
qu'il efl tout-à-fait vieux.
Le Sinâanty vulgairement TaukOy & Bjaddon, efl l'arbre de Sandal du Ja-
pon. 11 ne s'y trouve que fur les plus hautes montagnes du Bungo. Le
Bafo^ qui eflleAfu/a, nommé Pifang par les Indiens , efl rare & flérile au
Japon. Lq Tobé^ ou KarakatZj efl le 5awiflc* des Arabes , & \eRoux, ou
Rhus, à feuilles d'orme, deBauhin. Le Tambre-Noki , efl un Laurier fau»
vage, de la grandeur du Camphrier; de fes bayes, couleur de pourpre
noir , & plus grofTes qu'un pois , on tire une huile pour les lampes. L'écor-
ce en poudte , mêlée avec des Aromates , fert à faire de petits bâtons parfu-
més, qui fe nomment Sencos. Les Prêtres en brûlent fur les Autels de leurs
Dieux ; & les Chirurgiens , qui appliquent le Cautère Moxa , les employent
pour y mettre le feu.
Le Tamu-No-Ki, efl un arbre, dont les feuilles font droites, ferrées &
d'une beauté bizarre. Ses feuilles font deux à deux, arides, oblongues,
pointues par les deux bouts, d'un verd brillant d'un côté, & blanchâtre de
l'autre. Ses fleurs, à fix pétales, font d'un verd jaunâtre, fbûtenues par
un calice découpé en fix.
i, Le Taabiy efl un arbre dont les feuilles font grandes, dentelées, & les
rameaux garnis d'un épi de fleurs , long de trois pouces , avec plufieurs gouf-
ies g leur çxtrêmité.
Le
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
4Sc
Le Too-Scli
Le Taamu-
Sjibutta.
Le Mante.
Le Rcngj*.
Le Ko-Gom-
mi.
Le Too-Seit eftun arbre de grandeur médiocre, dont les branches font DMcnrmow
fort tortueufes , Ôc fort garnies de feuilles ovales , rudes , fans découpure. °" J*'*"*
On pile fon écorce, pour en faire de la glu.
Le Taamo-Sjibatta, cfl: un arbrifleau dont la fleur eften forme de lys,&
dont les feuilles reilemblent à celles du laurier.
Le Marne y ou Mamehs^ eft un arbrilTeau dont les branches font longues
& droites , le bois dur, mais léger, jaunâtre & plein de moelle. Ses feuiU
les relTemblent à celles du cerilier. Ses fleurs font blanches, pendantes,
fans pédicules, ofLlinairemcnt à huit pétales, qui font joints en forme de cIo<
che, & de longueur inégale.
L B Rengjo , eit un arbriifeau , qui jette des branches dès le bas , & dont
l'écorce elV couverte de tubercules. Ses fleurs font jaunes, tendres, en
forme de cloche, découpée» jufqu'au-delà du milieu, & rayées de rouge
en dedans. Le Ko-Gommi^ ell un autre arbrifleau, qui n'a pas une braf-
fe de haut, dont les feuilles font étroites & couleur de verd de gris;
les fleurs blanches , fans odeur , à cinq pétales , ramaflees en bouquets ,
& environnées de cinq ou fix petites feuilles. Le Ko - Gommt - Sakira , en
efl: une efpèce , dont la fleur ell blanche & pleine , femblable à une belle
marguerite.
Le Rju^ vulgairement /^u%f, efl: un arbre qui approche du faule, du
moins par fes feuilles. Le Kav3a-Janogî , efl: un petit faule noirâtre , dont ,
les chatons font garnis d'un duvet, qui fert de bourre aux Japonois. Le ^
Kurû-Nosji , efl un arbrifl'eau des montagnes , qui efl de la hauteur d'un hom-
me, mais qui a peu de branches, & la feuille du faule. Ses fleurs font pe-
tites , à cinq pétales , & d'un verd mêlé de jaune.
Lb Magubi^tiii un arbrifleau de grande hauteur , garni de nœuds , & dont
l'écorce eft d'un verd brillant. Ses feuilles croiflent trois à trois.
Le Sapin & le Cyprès font les arbres les plus communs dans les Bois &
les Forêts de toutes ces Ifles. On en conftruit les Maifons & les Vaifleaux.
On en tait des cabinets, des co fixes, desboëtes & des cuves. Les bran-
ches fervent de bois de chauffage. D'ailleurs, comme tous les chemins
font bordés de ces arbres , & qu'on en plante dans les lieux fabloneux , donc
on n'a pas d'autre avantage à tirer , le Peuple en ramafl'e foigneufement les
feuilles , avec la double utilité de tenir ks chemins fort nets , & d'a-
voir abondamment de quoi fe chauffer. Il n'eft permis à perfonne de
couper un fapin, ni un cyprès, fans la participation du Magiftrat; & ceux
même , à qui cette grâce eft accordée , doivent toujours en replanter
■ de jeunes à la place; mais cet ordre eft mal obfervé dans les Provinces
éloignées.
Le Bambou eft très-commun au Japon, & d'un aufli grand ufage que
dans tour.es les Indes. Il fe nomme Tjiku , vulgairement Taïke , & t'atsktt. On
en fait plufieurs fortes de meubles, des paniers, des allumettes, & jufqu'à
des gouttières & des murailles. La Province éCOomi produit une efpèce de
bambous , dont les Hollandois tranfportent les racines , fous le nom de Rot-
tangf ou Rattang, & qu'ils vendent pour des cannes à marcher. On a lu,
dans le Journal de Kaempfer, quelle en eft la préparation. Les rejetions de
ces racines fe confifent avec I& vinaigre, le fel, l'ail & le poivre. La ver-
^IF. Part. • Ppp dure
Le Rjn.
Le Kawa-
anogi.
l-c Kuro-
Nosji.
Le Magubi.
Sapins &
Cyprès.
Bambou.
Rouan g.
492
VOYAGE DE KJEMPFER
DescRirrroN
AujArON.
Finoki.
Suggi.
Kfamaki,
Sfinoki.
Jufnoki.
Fatznoki.
dure perpétuelle du fapin & du bambou attire, à ces deux apbre«,un refpe£t
qiû va jufqu'à leur attribuer de l'inBuence fur le bonheur de la vie humai-
ne. ^ On en orne les Temples & les autres Lieux laints , particulièrement
aux Jours de fête âc de réjouiflance. Les Orateurs <Sc les Poè'tes font des
alludons ingcnieufes à leurs propriétés. Ils prétendent aue le bambou vit
plufieurs centaines d'années ; & que le fapin parvient à 1 âge de mille ans ,
après lefquels Tes branches fe courbent d'elles-mêmes vers la terre , parceque
dans cette extrême vieillefTe, la force lui manque pour les foûtenir plus
long-tems. Ktcmpfer avoue qu'il a vu des fapins & des bambous d'une grof-
feur prodigieufe (m).
Le Finoki y & le Suggi, font deux fortes de Cyprès, dont le bois, quoique
léger & blanchâtre, eft d'une fi bonne fubftance, qu'il ne prend jamais
l'eau. Le KJamaAi, le Sfinoki ^ efpéce deChâne, & le yuf'No-Kx^ ou l'arbre
de fer, qui tire ce nom de la dureté extraordinaire de Ion bois, font des
arbres très-communs , dont la plupart des maifons font bâties. On a déjà
remarqué que le Fatznoki , autre arbre qui croît aux environs de la Ville de
Jeferij & fa racine du Camphrier, foumiHent le meilleur bois & le plus
rare pour les cabinets, les bureaux & d'autres ouvrages de cette nature.
Leurs veines font d'une rare beauté. Kîempfer ne parle point des Cèdres ;
quoiqu'on fâche par fon propre témoignage, comme par celui de tous les
autres Voyageurs , qu'ils font en abondance au Japon.
Les Japonois cultivent autant de Chanvre & de Cocon , qu'ils peuvent mé-
nager de terrain pour ces plantes. Le TJjo^ vulgairement SijroyOw le Chan-
vre fauvage , croît abcmdamment dans la plupart des lieux incultes. On en fait
toutes fortes d'étoffes, fines &ffrofl]ères. La femencede plufieurs plantes pro-
duit une huile, qui a diver» ufages, dans la Médecine & pour les befoins
, domeftiaues. Telle efl: celle du /rtri, dont Je Dairi porte la feuille dans fe»
Armes (n). VAbrafin^ dont on tire une huile pour les lampes. On compte
encore, parmi les plantes huileufes, YAfadiracht d'Avicennc,- Ylfubaki^ VU-
rufii X^Faafi^ & le Kaimki, dont on a déjà parlé; rarbrifTeau qui porte le
coton; le Sefamé de deux elpèces, donc les femences font blanches &
noires. De toutes les huiles qu'on tire de la femence de ces plantes , cel>
les du Sefame & du Kiri font les feules qui fervenc à l'apprêt des viandes.
Mais, en général, les Japonois font entrer peu d'huile & de beurre dans ^
leurs alimens (o). _^ ,„, . . ^'
(m) Kaempfer, ubifuprà, pag. 187. (n) Jnmimts ixttiea, pag. 9$»-
(0) Lemême, Tom. I. pag. 190. , . ,.,
r . §. XIV. •
Grains, Légumes, Courges, Mehns, Concombres, Racines y Herbes potagères ,
Champignons ,MouJJes , Se.
. ' ■ . ' , ■ \ UT-' • ■ "• : , !. •■ ■ .
Acricwlture TT -^mpfer doute qu'il y aît quelque Pays au Monde, où Ton entende
JV. fi bien l'Agriculture ; ce qu'il attribue d'un côté à la multitude de»
Habicans, & de l'autre au déffaut de commerce ^de communicatioQ avec
les
Chanvre &
Coton.
Plantes
huileufes.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
483
lei Etrangers , qui les met dans la néceflîté de pourvoir à leurs befoins par DEîcnrpTio.t
leur propre travail. „ Il n'y - - '- " ' '-■'^- '"^ '^'"""'-
n
»>
>»
Engrald
terres.
Jet
[.oix cioc
récoltes.
a pas, dK-il, un pouce de terre en friche "" J^»''*»"*'
au Japon. Non-feuLment le plat -pays, qu'on n'employé jamais en pâ-
turages, mais les montagnes les plus hautes produifent ou bled, du riz^
des légumes, & une infinité d'herbes, ou nourriiTantcs , ou médecinaks.
Les terres baflcs & unies font labourées avec des bœufs. Les hommes
réfervent leurs bras pour la culture des lieux d'un accès difficile. Tout
eft fumé & difpofé avec un art infini. Il ne manque à ces Infulaires, a-
près avoir bien conçu la ncceflité de l'art , & l'avoir porte à fa perfec-
tion, que de l'avoir annobli : mais, au Japon, commo dans tous les
Pays habités par des hommes , on a moins penfé à faire confiller la no-
blefTe dans les exercices utile» , que dans ce qui flatte & ce qui favo-
rife les pallions ".
Les Japonois ont une méthode aflcz fingulière, pour donner de la fer-
tilité à leurs terres. Ils ont toujours de grands amas de fiente & de toutes
fortes d'immondices. Ils brûlent de vieilles nippes, qu'ils y joignent. Ils
y employent même des coquilles d'huitres. Ce mélange produit un excel-
lent engrais. On a déjà remarqué qu'avant que d'enfemencer une terre,
ils la mefurent, & que cette opération fe renouvelle à l'approche de la
moiflbn. Enfuite , ils fupputent ce que la récolte doit leur rapporter. Ces
conjeélures font ordinairement d'une judefiTe furprenante , & garantifTent les
Seigneurs des tromperies de leurs Fermiers. Les Propriétaires ont fix
dixièmes de tous les fruits de leurs terres, & les quatre autres font pour ceux
qui les cultivent. Les Fermiers du Domaine Impérial ne donnent que
quatre dixièmes aux Intendans de l'Empereur ; les deux autres leur appar-
tiennent. Si quelqu'un défriche une terre , qui n'eft point à lui , il jouit de
toute la récolte pendant les deux ou trois premières années : mais dans les
Baux , on a toujours égard à la bonne ou la mauvaife qualité du terroir ; &
la Loi porte que fi quelqu'un laifle paiTer une année fans cultiver fa terre, il
en perd la propriété.
On cultive particulièrement , au Japon, ce qui fe nomme GoM/, ouïes
cinq fruits de la terre. C'étoit anciennement la feule nourriture d'un Pays, *^'"S *^"^* ^^
oii la Religion défend l'ufage de la viande ; mais , foit difpenfe ou relâche- S^nu.
ment , cette règle efl aujourd'hui fort mal obfervée. Les cinq fruits font le
riz, l'orge, le froment, & deux fortes de fèves. Le riz du Japon, porte Riz.ouKomc
en général le nom de Kome , ou ff^afi. On en diftingue deux efpèces , dont
la première, nommée Ab, vulgairement Matzji- Gomme t& Urunjme^ qui efl:
la plus commune dans les Provinces Septentrionales , l'emporte beaucoup
fur celui des Indes. Il efl d'une blancheur de neige, fi gras & fi nourriflanr,
que les Etrangers, qui n'y font pas faits, en doivent ufer avec modération. On
le mange cuit à l'eau ; ce qui relie, au delà des provifions annuelles, efl
employé à faire une bière, qui fe nomme Sakï. L'autre efpèce, plus mai-
gre & plus rougeâtre, fe nomme Da, vulgairement Moîfi-Gomme^ & Moijù
nO'Jome. Le nz fe fème dans la faifon des pluyes ; & ce travail efl le par-
tage des femmes. On le fème dans toutes les terres qui paroiflent propres
9. le recevoir , & dont on n'efl pas forcé de faire un autre ufage. Les plus
convenables à cette femence,font les terres bafles & plates, qui peuvent être
Ppp 2 per-
Gokokf, ru
484
VOYAGE DE K JE M P F E R
Description
duJai'ON.
Orge , ou
Oomuggi.
Froment , ou
Koomuggi.
Fèves.
DiverfeS
fortes de
grains.
Légumes.
percées de canaux pour les arrofer. La Province de Figen efl; une des plus
fertiles en riz , & produit auffi le ^lus excellent. Auifi les campagnes y
font-elles coupées de toutes parts , par des canaux tirés des Rivières; &
quantité d'éclufes donnent la facilité de les inonder entièrement.
Toutes fortes de blés , & l'orge en particulier , portent le nom de Baku ,
vulgairement Muggi, ôcOo-Muggi. Quoique l'orge foit principalement defli-
né à la nourriture des chevaux & du bétail , on ne lailTe pas de l'employer
quelquefois à l'apprêt des viandes , & d'en faire des gâteaux. Les Pauvres
en font même du pain. Il en croît, au Japon, une efpèce, dont les épis
prennent la couleur de pourpre en meurifiant. Le Koomuggi y ou le froment,
efl à vil prix, & ne s' employé qu'à., faire des gâteaux.
Des deux dpèces de fèves, celles qu'on nomme Daidfu^ ou Fèves-Daid,
font de la grofleur des pois de Tiyrquie, & croiflenc comme les lupins.
Après le riz , c'eft l'aliment le plus ordinaire des Japonois. Ils en font une
efpèce de bouillie, qui leur tient lieu de beurre, nommée M^«, avec laquel-
le ils apprêtent leurs viandes; &une forte de Saupiquet, ou d'Embamma,
comme ils l'appellent ; fauce faraeufe, qu'ils mangent à l'entrée du repas, pour
fe mettre en appétit. Elle fe fert avec les viandes rôties. Les HoUandoi»
en apportent en Europe, fous le nom de Soeja (a), qui efl: le terme Japo-
La féconde efpèce de fèves, qui fe nomme /làfuki^ ou Sodfu, efl:
nois.
blanche, & d'une figure aflTez femblable à la lentille. On fait des gâteaux
de fa farine, paîtrie avec dufucre. Outre ces cinq fruits, on comprend
encore, fous le nom deGokokf, ïAvaa^ ou le bled des Indes; le Sioku^
vulgairement ^/3i, & Kimmi-kibi, ou le millet commun à grains jaunes; Se
généralement toutes fortes de grains & de légumes.
L'AwA, nommé autrement DJjeku^ dont on vient déparier, efl: un Panî-
cum à grande gueue pendante, garnie de poils. Le /vw", vulgairement Fi-
je, efl: un Panicum à grain noirf.tre. Le Jenbaku, vulgairement KaraS'
Muggiy efl; le petit bled, ou le feigle. Outre le millet commun, on a en-
core, le Sjokkufoy vulgairement Too-Kîbbi^ millet Chinois, tranfporté au
Japon , depuis plùfieurs fiècles. Sa tige & fes feuilles refTembJent à celles
du rofeau, & fes grains font jaunâtres. Le Kjokufo, vulgairement Nan-
Bankiwi (^), efl: un millet que les Portugais ont porté des Indes au Japon.
Le Kjoy vulgairement Soba, efl: une efpèce de bled farrafîn, qui fe fème.
On en difl;ingue deux autres; l'un qui rampe dans les bois, & qui fe nom-
me SjoOf vulgairement Iwo-Nome; l'autre, qui croit dans l'eau, & dont
l'avoine s'attache aux habits. On le nomme Sut-Roo, vulgairement Mid-
fu . Soba.
Le Koba, vulgairement Gommai efl: le Sefame, dont l'huile s'employe
dans le vernis, dans les alimens, & dans la Médecine. LejfeifokUy vulgai- '
rement Kos, efl: le pavot en général. Le ^okuiy vulgairement Dfudfudamay
eft la larme de Job. Le Wan , vulgairement Nora-Mame , efl: le gros pois
des jardins, dont h fleur & le fruit font blancs. Le Sandfuy vulgairement
Sora-Mame, efl: la fève des champs, dont le fruit eft; noirâtre. Le-fi?»,vul-
gaire-
( d ) uSmmitates exatica , pag. 839. On y trouve la manière dont U fç fait j ^ la ôgaie de
la fève. {b) Ç'eM-iitc, MUlet des Pays Septtntri«Mux%
«
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
485
Description
DO Japon.
gairement MJî- Marne, & Kaadfi-Mame^ efl: le haricot des champs, qui s'é-
tend beaucoup en rampant. Sa fleur eft grêle & purpurine ; Tes gouiles font
courtes & larges ; fa femence efl: rouge & fembiable au pois chiche. Le
Toodfu , efl un haricot à grandes feuilles , dont les goufles font longues d'un
pied, & de la forme d'une épée; ce que fon nom fignifie. Ses fleurs font
d'un blanc purpurin , & longues de deux pouces. La femence eft rouge ,
& plus grofl'e que la fève des jardins. Le Reodfu , eft un autre haricot ,
dont la fleur eft d'un beau pourpre; la goufle reflemble à celle des pois de
jardin. On diftingue pUifieurs autres fortes de haricots , dont les Daidfu ,
ou Fèves-Daid , qu'on a décrites , font la principale.
Les Raves croiflent facilement au Japon , & font d'une'grofleur extraor- Raves &
dinaire. De toutes les produftions de la Terre, c'eft peut-être celle qui leurs quai;t(5s.
fournit le plus à la nourriture des Habitans: mais, comme ils fument la
terre avec les excrémens humains , elles ont une odeur fi forte, que les
Européens ont peine à les foufFrir. Elles fe mangent crues , ou bouillies ,
ou confites au vinaigre. Les raiforts , les carottes , les courges , les melons,
les concombres, le fenouil, & quelques efpèces de laitues , qui ne fe trou-
vent , parmi nous , que dans les jardins , croiflent naturellement dans les Ifles
du Japon. Le panais de jardin n'y eft pas connu ; mais la Nature y ofire
par-tout des panais fauvages. Les Hollandois y fément , avec fuccès , du per-
iil , du cumin , de la chicorée & des laitues communes; à l'exemple des Por-
tugais , qui avoient apporté toutes ces graines.
Le Bufei, vulgairement /^ona , eft la Rave ronde des jardins , oa rave de
Limoufin. Le Reï-Fuku^ vulgairement Daikon^ eft le grand Raifort, qui
fait, au Japon, la principale nourriture du Peuple. Il fe mange, crud ou
cuit , vieux ou nouveau. On le cultive dans les champs , où il croit en abon-
dance. Le Farjo^ eft la petite Rave pyramidale de Bauhin.
Le 5j«, ou5/m, vulgairement AVj/V, Nindftn, ou DJin-D/om, eft une LeSju.ou
efpèce de chervi des montagnes. C'eft le fameux Gin/eng^ que les Chinois leGinfeng.
nomment 5om, & ^esTartares, Soafai. Cette plante, lorfqu'elle eft nou-
velle, n'a qixuù2 racine fimple, qui reflemble à celle du panais , longue de
trois pouces, &dela groflfeur du petit doigt, charnue, blanchâtre, divi-
fée quelquefois en deux jambes , garnies de peu de fibres , d'une odeur ti-
rant fur celle du panais jaune , & du goût de nôtre chervi , mais plus agréa-
ble & plus doux , avec une petite amertume presqu'infenfible. Lorfque la
plante s'eft élevée d'environ un pied , elle prend une ou deux autres racmes ,
femblables à la première; & dans fa force, elle en prend un plus grand
nombre. Sa tige devient haute d'environ deux pieds ; mais elle eft plus
mince que le petit doigt , inégalement ronde , canelée & garnie de nœuds ,
defquels naiflent les branches, alternativement oppofées. Des pédicules,
longs d'un pouce & demi, & fillonnés profondément jufqu'au milieu de
leur longueur, portent des feuilles de figure & de grandeur différentes, fui-
vant l'âge de la plante ; rondes d'abord, longues d'un pouce, & légèrement
dentelées ; mais- qui deviennent enfuite plus grandes , fe partagent en plu-
fieurs lobes & reffemblent entièrement à celles du chervi. Les fleurs difpo-
fées en ombelle, chacune fur un pédicule féparé, font blanches, à cinq pé-
tales, & de la grolTeur d'un grain de coriandre. Les écamines font courtes ,
Ppp 3 &
48(5
VOYAGE DE K Jl M P F E R
DrscRîpTtoM
DU Ja^on.
Diverfes
fortes de
Courgcsi
Melons.
Concombres.
Racines &
autres plan-
tes.
& s'élèvent entre les pétales. Le piftil eft prefque imperceptible. La fe«
menée reflemble à celle de l'anis. Cette plante fe cultive à Meaco; mail
elle y a peu de vertu. Son Pays natal efl: la Corée & la Tartarie. Com-
me fa principale vertu efl: de fortifier les fibres & de faciliter la circulation
des humeurs, elle s'employe dans prefque tous les remèdes & dans tousiei
cordiaux (f).
Le Kofuky. vulgairement Nisji^ & Jabu-'Ninfin , efl le Panais de l'Europe,
comme le Jamma-I^itifin efl: nôtre Panais fauvage.
Le Sadjin, efl: un Lychnis fauvage , à feuilles de giroflée, dont la tige efl:
d'environ un pied de hauteur , & les fleurs blanches à cinq pétales. Sa ra-
cine efl: longue de trois ou quatre pouces , d'un goût fade , qui tire fur ce-
lui du panais. I) fe trouve des Impofleurs. qui la vendent pour du Ginfeng.
Le KeUo, vulgairement /r%o&, Â/ùVa^oo, efl: une Raiponfe, haute d'une
coudée, à feuilles oblongues «S: dentelées, dont la racme efl: longue de
quatre pouces , grofle & laiteufe. C'efl: la plus efl;imée , pour fes vertus ,
après celle du Ginfeng. Ses fleurs , qui croiflent au fommet de la tige ,
font en cloche, d'un pouce & demi de diamètre, bleues, & découpées
affez profondément en cinq parties. On difl;ingue trois efpèces de cette
plante; l'une qui a la fleur blanche & double j l'autre, dont la fleur efl: Am-
ple, d'un pourpre bleu, avec des canelures couleur de pourpre, garnies de
poils dans les intervalles , les pointes jaunâtres , & un pifl:il bleu , revêtu de
poils. La troifième a la fleur double , d'un pourpre bleu.
Les japonois ont différentes fortes de Courges & de Melons. Le Feo,
vulgairement Nari-Trigango , efl: une grande courge, dont le milieu efl: étroit.
Une autre efpèce, de même nom, & de figure ronde, à la poulpe denfe.
Le Ko^ en efl; une autre, dont le fruit efl: oblong, la fleur grande & blanche.
Le Kwa, vulgairement Furi-Uri, Sptoori, Tfke-Uri, & Tfutke-Uri, en efl: une
quatrième efpèce, grande, de figure ronde oblongue, dont la croûte efl:
une chair folide, qui a le goût du concombre. On l'apprête avec le marc
de cerife, & c'efl: un mets des plus ordinaires. Son nom QÏiConnemon.
Le Kwa^ vulgairement rog-œa, &Kamo-Uri, efl: un grand Melon de figu-
re oblongue , dont la chair efl: ferrée. Le Ten - Kioa , efl: le grand melon
commun canelé. LeSjo-Kwaj vulgairement Aino-Uri^ efl: un autre melon
canelé , mais plus petit que le précédent.
UAïaay vulgairement /Larûj-t7ri , efl: le Concombre commun des jardins,
dont on difl:ingueplufieurs efpèces; leKo-K'wa, vulgairement ^ffi/i-C/r», çn
efl: une longue, pleine de verrues & de fentes. Le Si-Kwa, vulgaire-
ment Fifzwa, en efl: une autre, oblongue, canelée, tortue, terminée ea
pointe.
Le Mondoj & Biukf-Mondo^ vulgairement jRjMno-/^^M , efl; un Chien-dent,
dont la fleur efl: hexapetale, en forme d'épi. Sa racine efl: fibreufe & bul-
beufe. Un autre chien-dent , qui porte le même nom , s'étend beaucoup ,
& pouflTe continuellement des rejettons. On fait prendre aux Malades, les
petits tubercules qui terminent la plante, confits au fucre. Le fruit efl;
rond|
(c) DeiTechée & mife en poudre, la dofe eft d'un gros, ou un gros & demi.
,v
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
457
rond, un peu oblong, & renfermé dans un calice dont les bords font cré-
nelés. Le Tetnondoy efl: encore une autre efpéce, commune fur-tout dans la
Province de Lexuma, & dont la racine efl plus grolFe.
Le Boofu y autrement Fofuy & Fumas -Karma, eft le Liguflique vul-
gaire.
On diflingue plufieurs fortes de Perfils. Le San-Bofuy vulgairement
Jamma-Bofu^ efl; le perfil des bords de la Mer, dont les feuilles rellemblent
à celles de l'Ancolie, mais font un peu plus grafles. Le Nada^i-Nadaki , efl:
le perfil des marais de Bauhin. Le Am, vulgairement Seri , efl: le petit
perfil à feuilles de Morgeline. LejQtta/*o, ou Fikio^ vulgairement Kureno-
OmmOf eft l'Anis commun. Le SJiro, vulgairement Tagara-Kinfo ^ eft le
Moutardier des jardins.
Le Doku-Quatz, vulgairement Dosjen, & Udo, eft un arbrifleau annuel ,
dont la racine eft grafle & charnue. Elle fe mange, aufli-bien que les pre-
mières tiges. Ses feuilles font longues d'un pied , & partagées en lo-
bes , difpofées en triangle. Ses fleurs font petites , & blanchâtres , à
cinq pétales.
Le KjoOy vulgairement Sfonja, eft le Gingembre fauvage, à larges feuil-
les, qui fe nomme aufli Fajt-Kamiy & Kureno -Fafi- Kami. On en diftin-
autre ,
pas fort
DEscnirTiov
Le Booru.
Perfils.
LeQuaiko.
Le Sfiro.
Le Doku'
Quatz.
Le Kjoo.
nommé Djooska , & vulgairement Mjoga , dont le goût
, & dont la tige & les feuilles reflfemblent à celles du
eue un
n'eft _
rofeau.
Le San-Djoskay vulgairement Jamma-Mjoga , eft un Orcbis dont la tige
eft haute d'un pied, la feuille étroite, & la fleur difpofée en épi. Sa cap-
fuie feminale , qui eft de la groflfeur d'un pois y contient un grand nombre
de petites femences.
Le T/iofl, eft un ùoronîc , dont la racine eft noueufe, fibreufe, & d'un
mauvais goût. Sa feuille reflemble à celle de l'herbe aux teigneux. Sa
tige eft nue, & haute d'une coudée. Ses fleurs font jaunes, & femblables à
celles du Chryfantheme. Sa femence eft de figure cylindrique , un peu
canelée, argentée, petite, & d'une faveur onftueuie, mais très-mau-
vaife.
Le Sca-KufitZy vulgairement Kufaggi, qui fignifîe Plante fétide y eft un
grand arbrifleau , dont les feuilles , alternativement oppofées , font gran-
des , & reflemblent à celles de la bardane. Elles fe mangent. Ses fleurs
approchent de celles du Ledum.
Le BoJJai y vulgairement Quai y eft un Jonc aquatique, dont on mange
la racine, qui eft fibreufe & garnie de nœuds.
Le Stkoy vulgairement Omodaka, eft le Phleos aquatique de la petite ef-
péce, à cinq feuilles larges. Sa racine, qui reflTemble à la précédente, fe
mange aufli.
Le Kaiy vulgairement Tokoro , eft une herbe des bois, qui monte aux
arbres, & qui approche de la coulevrée blanche. Sa racine reflemble à
celle du gingembre , & fe mange. Ses fleurs , formées en épis , font blan-
ches, hexapetales, & de la grandeur d'une femence de coriandre, avec un
pifliil au milieu.
Le
Le San-
Djoska.
Le Tfwa,
Le Sco-
Kufitz.
Le Boflai,
Le Sikg.
Le Kalr
4S8
VOYAGE DE KiEMPFER
Description
DU Japon.
LeDfojo&
le 'Cfukne-
luio.
L'U&
Spen.
Le Gobo.
Le SjoorL'
ku.
Herbes po-
tagères.
Champi-
gnons.
Le Dfojo, vulgairement yawwa-Effio, eft une herbe des montagnes, qui
monte aux arbres. Sa racine, qui fe mange, eflgrofle, longue, charnue,
fibreufe, de figure inégale, fuivant les lieux où elle fe trouve. Sa feuille
eft membraneufe , & reflemble à celle de la double feuille (d). Ses fleurs
ne diffèrent point de celles du Lychnis ; mais elles s'ouvrent peu , font
très-petites & à fix pétales. Une autre efpèce, nommée Tfukne-Imo, por-
te des bayes; & fes femences croiffent fous l'aiflelle des feuilles.
VU, vulgairement /wo, 6c Satai-Imoy ert: un Phleos des marais, fembla-
ble au grand Phleoj aquatique, à feuilles larges, de Bauhin. Sa racine eft
longue, grofle, charnue, fibreufe, avec des rejettons moufleux. Elle fe
mange , auiTi - bien que la tige. Le Spen , en eft une autre efpèce , dont la
racine fe mange aulîi.
Le Gobo y autrement Umma-Bufaki y eft proprement la grande Bardane,
qu'on cultive, au Japon, dans les terres noirâtres, & dont la racine fe
mange avant qu'elle ait poufle fa tige.
Le SjoorikUy vulgairement Janma-GobOy & Isjuwo - Sikki y eft une plante
fauvage, dont la racine fe mange & reflemble au navet. Elle a l'odeur &
le goût de la bardane. Ses feuilles reffemblent à celles de la patience;
fes fleurs font à cinq pétales, blanches, Ôc difpofées en épi.
Le 5oo, vulgairement y*/ro;«q^, eft lOignon de l'Europe ; comme le 5^»,
vulgairement i^ïr, ou Ninniku, eft le Poireau commun à grofle tète. Mais
le KiUy vulgairement Mijrra-Nijra y eft un poireau fendu a feuilles de jonc;
& le Keiy vulgairement Oi-Nijruy eft un poireau ftndu à larges feuilles. Le
KiOy vulgairement TJifay eft la Laitue commune des jardins , nonpommce.
On en diftingue deux autres efpèces , qui fe nomment Kukio , & Rikio. Le
KantatZy vulgairemenc Fut/u-Ku/oy eft un Chou blanc crêpé, de la Chine,
qui devient haut de trois coudées , & dont la tête fe ferme rarement. Le
Bakin , vulgairement Uma-Biju , & Siberl ■ fiju , eft le Pourpier des jardins
à larges feuilles, Le Fo-Seiy vulgairement Fiafina, Tfugumigufa y & Tam-
popOy eft la Dent-de-lion à larges feuilles. Le Roy vulgairement Fuki-Sabuki,
eft le Petafite commun. Le Ketz , vulgairement Waribi , eft la Fougère ,
dont on mange, au Japon, les tiges nouvelles. Le Singua, vulgairement
Ikingufaj eft la Stratiote commune, qui fe cultive dans des pots. Le Dokî,
eft un Pied - de - veau canelé , dont la feuille eft en forme de dojgt. Le
Kogannegufa , eft un Alléluia , dont la tige eft mince & branchue , les feuil-
les cordées & couvertes de poils. Le Keifon- Kufa y eft une Kermionite à
très-petites feuilles , ondées au bord , & découpées en pointes. Le Mat-
febutZy eft une grande Pilofelle rampante & hériflee , dont les Japonois
font une efpèce d'armoifin , qu'ils nomment Butz.
Le 5f, vulgairement Nakoy eft le Champignon des champs, dont le pé-
dxule eft blanc, & la tête plate & tachetée. Il fe mange. Le Tan y vul-
gairement Takiy eft un autre chainpignon, bon à manger, blanchâtre, à
tête pelée , à bord inégal & fouvent frangé. Un autre , plus petit , & van-
té pour fon excellence, a la tête noire par-deflbus. Le Sjorto, eft la Tru-
(rf) Ou Cramen ParnaJ/i,
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 480
fle du Japon , qui croît fous les fapins. Le Bokudfi^ vulgairement Kikuragi ,
& Ki-No-Mhni ^ eil un champignon, dont la tête efl tachetée de blanc &
de noir , & qui vient fous les vieux arbres. 11 fe mange.
Le Tas y vulgairement Koki, ert: la Moufle en général. Le Si- Fat ,
vulgairement Ama-Nori, & Murûfaki^ efl: une moufl^e de Mer, de couleur
Surpùrine , qui croît fur les rochers, & qui fe mange, quoique d'une fub-
ance dure & membraneufe. Le Sekijif vulgairement linatiigi^ efl une
moufle, qui croît fur les plus hauts rochers. Le Kimpakuy vulgairement
Iwagoki, & liuafiba^ efl: encore une moufle des rochers, qui reflTemble à la
bruyère. Le Toi-Sei , vulgairement Jji-Nori , efl: une moufle de Mer, fem-
blableà la coraline, fendue en plufieurs endroits, dont la feuille efl: très-
menue. Le Sisjoo , vulgairement Miru , efl: une moufle de Mer, branchue ,
en forme de Corralioïde. Le Roku • Kakku , vulgairement Ino-Matta , efl:
encore une moufle, plus grofl'e que la précédente, & qui a la figure de
corne de cerf Le5oo, vulgairement Momubab, efl l'herbe ou l'Algue de
' Mer en général. Le Seki-Qua^ vulgairement Kokuro-Biito ^ & Tokoro-Tengu-
fa , efl: une algue des rochers , capillaire , rameufe & jaunâtre , dont on
fait, au Japon & à la. Chine, une efpèce de Vermicelli , qui fe nomme
Tokororen. Le .noiné, autrement Kombu, efl: un Fucus marin, de la figure
d'une lance , dentelé , & d'environ une toife de longueur. Il croît fur les
rochers baignés de la Mer, & nage fur l'eau. On le mange, après l'a-
voir préparé. Le Kaitei, vulgairement y^ra/Mff, efl: un autre Fucus, delà
même figure, mais qui n'efl: pas dentelé.
On voit croître, fans culture , une infinité d'autres plantes , dans les
champs , fur les montagnes , dans les bois , dans les marais , dans les lieux
les plus ftiériles , & fur les Côtes mêmes de la Mer. Il y en a très-peu ,
dont les racines, les feuilles, les fleurs, ou les fruits, ne fervent de nourri-
ture aux Habitans. Cette facilité à manger tout ce que la Nature prend
foin de leur ofirir , les expofe quelquefois à de fâcheufes méprifes ; mais
ils ont l'art de faire perdre, à plufieurs plantes, leurs qualités venimeufes.
Ainfi , du IConjokf, qui efl: une dangereufe efpèce de Dracunculus , ils font
une bouillie allez douce & de fort bon goût. En faifant infufer les racines
de la fougère, qu'ils nomment fVaribi^ ou Ren^ ou de la fève d'Egypte,
que quelques-uns nomment fleur de Tarate , & d'une autre racine , qu'ils
appellent Kafne^ ils en tirent une farine qui s'employe dans l'apprêt des
viandes , & qu'on mange aufli feule , après Tçivoir fait diflbudre dans l'eau.
De toutes les plantes molles, qui croilfent au fond de la Mer, il n'y en a
prefque pas une que les Japonois ne mangent. Ce font les femmes des Pê-
cheurs , qui les préparent & qui les vendent. Leur adreflTe efl: extrême à
les tirer du fond de la Mer, en plongeant jufqu'à trente & quarante braf-
fes de profondeur (e).
(e) Kaempfcr, Toin, I. pag. 195 & précédentes. -' -.
DtsCRIWIO»
DU Japon.
MouITcs.
Algue de
Mer & de ro-
chers.
Fucus.
Plantes que
les Japonois
dépouillent
de leur vc«
nin.
XIF. Part,
Qqq
s;. XV.
w
VOYAGE DE K iÇ M P F E R
Oascription
ou Japon.
Réflexions
fur l'in.luflrie
Ucs Japonois.
S. XV.
Il
.t'
jiii .. »
M^^W^ ^f^f onfckit le Pa^er ^u yafan, . ' , ,
Manière
dont ils font
du papier,
d'une écorce
d'aïbrc.
QUAND le Japon n'auroit pas reçu tant de préfens de la Nature, il
n'en feroic pas moins un des plus riches Pays du Monde , s'il efl: vrai
que la bonté du climat & l'induHrieufe aélivité dçs Habitans font
les véritables richefles. Les Japonois font devenus riches à force de tra-
vail, fans cefler d'être laborieux. On a déjà obfervé qu'ils doivent un fi
rare avantage, à l'exclufion du Commerce étranger, qui les a mis dans la
néceffité d'attendre tout d'eux-mêmes , c'eft-à-dire , de leur induftrie & de
leurs efforts. Aufli l'Agriculture, qui efl: leur principale reflburce, n'a-t-
elle jamais ét^ pouflee fi loin dans aucune autre Nation. Ils ont trouvé le
moyen de faire naître l'abondance du fein de la fiiérilité; & leur exemple,
fuivant la réflexion de leur Hiftorien moderne, femble prouver, contre
l'opinion commune, que ce n'eft pas tant la rofée du Ciel, que la fueur du
front , qui donne aux campagnes une véritable fécondité.
Outre les richefles qu'ils tirent de leurs terres en toutes fortes de
grains & de légumes, on a vanté leur adrefle à trouver, jufques dans l'é-
corce de leurs arbres , de quoi fournir aux befoins les plus eflentiels de h
vie. On a remarqué que celle d'une efpèce de Meurièr, qu'ils nomment
JCandfit leur fournit tout à la fois du papier, des cordes, diverfes fortes
de mèches , des étoffes , du drap , & piuHeurs autres commodités. Don-
nons un exemple de ces opérations , dans la manière dont ils fabriquent
le papier.
Après la chute des feuilles, c'efl:-à-dire , vers le mois de Décembre,
les rejetions du Kandfi, qui font fort gros, fe coupent de la longueur d'en-
viron trois pieds. On les met en faifceaux , qu'on fait bouillir dans de
l'eau, avec des cendres. S'ils font coupés depuis trop long-tems, & qu'ils
fe foyent féchés, 'on les laifle tremper l'efpace de vingt -quatre heures, a-
vant cette lefcive. Les faifceaux doivent être fort ferrés ; & lorfqu'on les
amis dans la chaudière, on a foin de les couvrir. On les y fait bouillir,
ju(qu'à-ce que les bâtons laiflent voir un demi pouce de bois , dépouillé de
leur écorce. Alors on les tire de l'eau , on les laifle refroidir à l'air ; puis
on les fend en longueur , on les dépouille entièrement de leur écorce , &
l'on jette ce, qui n'cfl utile à rien. On fait enfuite fécher l'écorce ; on la
nettoyé ; on la laifle tremper dans l'eau pendant trois ou quatre heures.
Aufll-tôt qu'elle efl; aflez ramollie , on en racle la furface avec un couteau,
& l'on fépare en méme-tems l'écorce vieille d'une année, de celle qui efl:
plus jeune & plus mince. La première donne le meilleur papier. La fé-
conde en fait un plus noirâtre, mais qui n'en efl: pas moins bon. S'il fe
trouve de l'écorce plus vieille, on la met à part, pour en faire un papie^^
plus groflier que les deux autres.
L0RSQ.UE tOLves ces écorces ont été parfaitement nettoyées, on Us fait
encore bouillir d ins la cuve; mais on y met moins de cendre que la pre-
mière fois j & pendant tout le tems qu'elles font fur le feu, on les remue
avec
DANS L'EMPIRÉ DU JAÎ>ON, LiV. IV.
m
és fait
2 la pre-
remue
avec
tvâc un rofeau , en y verfatit de terni en terni de la nouvelle lercî\^e , mais OticktpTtAi^
dans la quantité feulement qui eft néccflaire pour arrêter la trop grande é- ^" J*'*"**
vaporation , & pour fuppléer à eu qui eft; confumé. Cette opération con-
tinue, jufqu'à-ce que la matière devienne ù déliée, qu'étant légèrement
touchée du bout du doigt , elle fe réduife oU fe fépare comme de la bourre,
ou comme un amas de fibres. Obfervons que la lefcive , dont on fe fert ici ,
fe fait de la manière fuivante. On met en croix deux pièces de bois fur
une cuve. On les couvre de paille, fur laquelle on répand de la cendre
mouillée; puis on vcrfe defliis, de l'eau bouillante, qui à mefure qu'elle
pafle au travers de la paille, pour tomber dans la cuve, s'imbibe des par-
ties falines de la cendre, & fait la lefcive dont on a befoin.
On recommence à laver les écontes, après qu'elles ont bouilli pour la
féconde fois ; mais c ert ce qui demande beaucoup d'attention. Si elles n'é-
taient pas affez lavées, elles ne feroien^ qu'un papier grolïîer; fi elles le
font trop, le papier fera fin & blanc, mais trop pénétrable à l'encre. Or-
dinairement , c'eft dans une Rivière qu'on les lave. On les y trempe dans
une efpcce de van, ou de crible; & tanJis qu'elles y font, on les remue
avec la main, jufqu'à-ce qu'elles foyent réduites à la confiftance de la laine,
ou d'un duvet fort doux. Pour le papier le plus fin , on les lave une troi-
fième fois; ou plutôt, on les laifle tremper, enveloppées dans un linge. On
a foin aufli d'en ôter les nœuds, la bourre, & toutes les parties étrangères
qui pourroient s'y être gliffées. Ces fuperfluités fe mettent à part, avec
les écorces les plus groflières , pour le mauvais papier. Ainfi rien n'eft per-
du dans cette fabrique.
La matière étant lavée autant de fois qu'il eft néceflaire, on la pofe fur
une table de bois, uni & épais, où deux perfonnes la battent avec des bâ-
tons, jufqu'à-ce qu'elle devienne auffi fine qu'on le defire. Dans cet état,
elle reflTemble à du papier qui , à force d'être trempé , n'auroit prefque plus
de confiftance. Enfuite on la met dans une cuve, avec une infufion gluan-
te & glaireufe de riz & de jacine d'Oreni, arbrifleau qiui a les mêmes quali-
tés. Tout eft remué avec un rofeau net & délié, pour aider la matière à
s'imbiber de l'infufion; ce qui fe fait mieux dans une cuve étroite; d'où cet-
te compofition eft tranfvafée dans une plus grande, aflez femblable à celle
qu'on employé dans nos Manufa6lures de papier. On tire, de cette fécon-
de cuve, les feuilles une à une, dans des moules de jonc; &' pour les
faire fécher à propos , on les met en pile fur une table couverte d'une
double natte , en inférant , entre chaque feuille , un rofeau qui avance
par les deux bouts , & qui fert , lorfqu'il le faut , à les foûlever l'une
après l'autre. Chaque pile eft couverte d'un ais fort mince, de la gran-
deur &. de la figure des feuilles; & par-delTus, on met d'abord des poids
aflez légers , de peur que les feuilles humides ne fe preflent trop entr'elles.
Enfuite, on en ajoute déplus pefans, pour exprimer l'eau dont elles font
imbibées. Le jour d'après, on lève les feuilles, fucceifivement , avec le
rofeau qui les fcparoit ; & de la paume de la main, on les jette fur des
planches longues & raboteufes, où le peu d'humidité, qui leur refte en-
core , les fait tf-nir aifément. On les expofe enfuite au Soleil ; & lorf-
Qqq 2 qu'el-
le
Comment
piipicr re-
çoit la forme.
49»
VOYAGE DE K ^ M P F E R
Obscriptiok
DU Japon.
D'où lui
vient fa blan-
cheur & fa
l'onfiilance.
Infufion cîe
la racine d'O-
ïcni.
Papiers
forts, dont
on fait des
habits & des
cordes.
qu'elles l'ont entièrement féches , on les met en morceaux , on les rogne k
1 entour ; & rien ne manque alors à leur perfeflion.
La blancheur de ce papier lui viept de rinfufion de riz; & fa conddan'
ce, d'une glaire vifqueufe , qui fe trouve dans cette infufion & dans celle
de la racine d'Oreni. L'infuiion de riz fe fait dans un pot de terre, qui
ne doit pas être verniHe , où l'on fait tremper les grains de riz dans l'eau.
Enfuite, après avoir agité le pot, d'abord aflez doucement, puis plus for-
tement par degrés , on y verfe , à la fin , de l'eau fraîche. Tout eft pafle
au travers d'un linge. Ce qui demeure dans le linge, après l'avoir laiffé
bien égouter, eft remis dans le pot, où l'on recommence la même opéra-
tion , qui fe répète auffi long-tems qu'il refte trop de vifcofité dans le riz.
Celui du Japon eft d'autant meilleur, pour cet ufage, qu'il eft le. plus blanc
& le plus gros de toute l'Afie. L'infunon de la racine d'Oreni , qu'on joint
à celle de riz , fe fait auffi avec beaucoup de méthode. On coupe la raci-
ne en petits morceaux, qu'on pile, & qu'on jette dans de l'eau fraîche, où
ils n'ont befoin que d'une nuit pour la rendre auffi glaireufe qu'elle doit l'ê-
tre, après avoir été paflee dans un linge. Mais les différentes faifons de
l'année demandent une différente quantité de cette effufion. En Eté , par
exemple , il en faut davantage ; parceque la chaleur diflbut cette efpèce de
colle, & la rend plus fluide. D'ailleurs, une trop grande quantité de li-
queur rendroit le papier trop mince, comme un défaut de quantité le ren-
droit trop épais , inégal & lec. En levant les premières feuilles , on s'ap-
perçoic du mal, s'il eft déjà commis j mais il n'eft plus tems d'y remédier.
Au-lieu de la racine d'Oreni, qui eft quelquefois très-rare , fur-tout au com-
mencement de l'Eté , on fe lert d'un arbrifTeau rampant , nommé Sane-Kad-
fura, dont les feuilles rendent une forte de glue, aflTez femblable à celle de
rOreni ; mais l'infufion n'en eft pas fi bonne.
KuEMPFER obferve encore que les deux nattes, fur lefquclles on pofe en
pile les '^euilles fraîchement levées de leurs moules , font d'une forme diffé-
rente. Celle de defTous doit être épaiffe & groifière ; l'autre plus claire &
compofée de joncs plus minces. Les joncs de celle-ci ne laiiTeroient pas
un paflage libre fur l'eau, s'ils étoient ferrés; ils feroient auffi quelque im-
preffion fur le papier, s'ils n'étoientpas minces.
Les Japonois font une forte de gros papier, pour les enveloppes, de l'é-
corce d'un arbrifTeau , qu'ils nomment Kadfe-Kadfura ; & leur méthode eft
peu différente. On vend à Syriga^ Ville de la Province de Surunga, une
efpèce de papier fort , très-proprement peint , & plié en fi grandes feuilles ,
que d'une feule on peut fe faire un habit. Ce papier , d'ailleurs , a tant de
reffemblance avec une étoffe de laine , qu'on s'y méprend à la vue. En gé»
néral, tout le papier du Japon eft fi fort, qu'il n'y en a point dont on nç
puiffe faire de bonnes cordes (a). _ :
(a) ^manitt^es exoticce, Faftes & Hiftoire du Japon, pag. 132 & précédentes.
§. XVI,
par
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV.
' • • Obfervationi fur le Thé du Japon. , .,
493
ou Japo».
l
Sa ikfcrLjJ-
tion.
ENT RE les obfervations , qui compofent V Appendice ^ ou le Supplément . Obfcrva.
des trois Tomes de Ksempfer , on trouve un Article fort curieux fur [,'JjJ[e;i„ japo-
le Thé du Japon, dont on ne peut fe difpenfer de donner, du moins, quel- ^oj^ qui por-
ue extrait. L'arbrilTeau Japonois , qui porte le Thé , a la feuille du ceri- t« le 'lUc-
ler , & la fleur femblable à la rofe des champs. Son fruit n'a qu'une ou
deux, ou tout au plus, trois coques. Il porte, r la Chine, le nom de
Theh ; au Japon , celui de Tj/afl, ou Tsjanoki , qui fe prononce Tcbaa & Tcba-
noki. Mais on doit obferver que dans la Langue fçavante , il n'a point de
caraftère propre , c'eft-à-dire, qui donne fa véritable idée. On y a fuppléé
par d'autres caraélères, dont quelques-uns expriment fimplement le fon du
mot , & d'autres font allufion aux vertus r^ à la defcriptibn de la Plante. Kaemp-
fer en diftingue un, qui repréfente les paupières de Darma^ vingt-huitième
Succefleur de Siaka , ouXaca, & qui floriflbit , à la Chine, dans le dixiè-
me liècle de l'Ere Chrétienne. La fable de fon origine fuppofe que le Thé
n'étoit pas connu avant Darma , & que les paupières de cet Apôtre des
ÏFotoques furent changées en autant de pieds de cet arbrifleau , dont il re-
connut la vertu en goûtant de lès feuilles.
On a remarqué que l'arbrifleau du Thé {a) n'occupe, au Japon, que
les bordures des champs , & que les lieux les plus ilériles font ceux où il
croît le mieux. Il s'élève lentement , un peu plus qu'à la hauteur d'une
brafle. Sa racine, qui eft noire & ligneufe, jette irrégulièrement fes bran-
ches. Celles de la tige, & fes rejettons, n'ont pas plus de régularité. Il
arrive fouvent qu'on voit fortir enfemble, du même tronc, plufieurs tiges,
fi ferrées l'une contre l'autre, & qui forment une efpèce de buifl^n li épais,
qu'on les prendroit pour le même arbrifleau. Cette confufion vient de plu-
fieurs graines , qu'on met dans la même fofle. On obferve encore , que fi
l'on coupe les vieilles Plantes à la tige, il en fort de nouveaux rangs de
branches & de rejettons , plus touffus & en plus grand nombre. Mais ce
n'efl pas la première année ; car les premiers rejettons font plus rares que
ceux des années fuivantes. En récompenfe, ils font plus grands & mieux
iiourris. Mais , dans tous les tems , ils font courts , & de différentes lon-
gueurs. Ils n'ont pas les anneaux qui marquent l'accroiflement annuel des
arbres. Les premiers , comme ceux qui les fuivent , font environnés d'un
très-grand nombre de feuilles; mais fans ordre. L'écorce efl couverte d'u-
ne peau fort mince, qui fe détache, lorfqu'elle commence à fécher. Sa
couleur ell un châtain ordinaire, plus grilatre à la tige, & tirant même fur
le verd. Son odeur approche beaucoup de celle des feuilles du Noifettier ;
mais elle ell moins agréable. Son goût eft amer, aftringent. Le bois efl
dur , compofé de fibres fortes & épaiffes , d'une couleur verdâtre qui tire
■ ^ — r . . • •• ■ fur
(a) Kœmpfer le définit, Thea frutex, folio Ceraji, flore rofce Sylvejîris , fruttu unicoecOt
lUocco, ut ^ plurimum tricocco,
Qqq 3
494
VOYAGE DE KAMPFËRI
Dejcriptioi» fur le blanc , & d'une odeur trèi- rebutante lorfqu'il eft verd. La moelle efl
DU Jai'on. petite; & fort adhérente au bois. Les feuilles ont leur uucue, ou leur pé-
dicule, court, gros, verd, affezrond, aifez uni au-dellous; mais creux,
du côté oppofé. Elles ne tombent jamais d'elles-mêmes , parce lue l'ar-
brilVeau eft toujours verd. On les arrache de force. Elles Ibiic d'une fub-
ftancc moyenne entre la membraneufe & la charnue, mai? de différentes
grandeurs. Les plus grandes ont deux pouces de long , fur un peu moins
dans leur plus grande largeur. En un mot, lorfqu'il ne manque rien à leur
forme , elles ont parfaitement la fubftance , la figure & la grandeur du Grio-
tier (/>). Elles font dentelées. Un nerf remarquable, qui les traverfe au
milieu, fe partage de chaque côté en fix ou fept côtes de différentes lon-
gueurs, courbées fur le derrière. De petites veines s'étendent près du bord
des feuilles, entre les côtes. Dans leur fraîcheur, ces feuilles n'ont aucu-
ne odcu' , Se ne font pas d'un ^oCit aufli defagréable que l'écorce, quoiqu'elles
foyent aftringentes & qu'elles tirent fur l'amer. Elles dilfèrent beaucoup en
grandeur & en figure; ce qui doit être atyibué à leur liiuation & à la na-
ture du terroir. De-là vient qu'on ne peui juger de leur figure, ni de leur
grandeur, lorfqu'elles font iechées & portées en Europe. Elles affefte-
roient la tête, li on les prenoit fraîches; parcequ'elles ont quelque cho-
fe de narcotique , qui affoupic les efprits animaux , & qui caufe aux
nerfs an tremblement convullif. Mais cette mauvaile qualité fe pc-d
lorfqu'elles font féches.
FlcursduThé. ^^ Automne , les branches font entourées d'un |jrand nombre -de fleurs,
qui continuent de croître pendanc l'Hyver. Elles îortent feules, ou deux
enfemble, des aîles des feuilles, & ne reflemblent pas mal aux rofes fau-
vagcs. Leur diamètre el: d'un pouce, ou d'un peu plus. Elles font com-
potëes de fix pétales , oufeuil'ej, dont une ou deux fe retirent, & n'ap-
prochent pas de la grandeur & de la beauté des autres. Encn font rondes,
crcufes, attachées à des pédicules d'un demi pouce de long, qui s'aggran-
diflent infenfiblement, & qui fe terminent par cinq ou fix enveloppes, pe-
tites & rondes , qui fervent de calice à la fleur. Le goût des fleurs efl
defagréable, & tire fur l'amer. Il atfeéte fur-tout la racine de la langue.
On voit, au fond, un grand nombre d'étamines blanches, extrêmement
petites , comme dans les rofes. Le bout en efl; jaune , & de la forme
d'un cœur. Kœmpfer alTure qu'il en a compté deux cens trente, dans
une feule fleur.
Son fruit, «Aux fleurs fuccédent les fruits, en grande abondance. Ils font d'Une,
de deux, & plus ordinairement de trois coques, femblables à celles qui con-
tiennent la femence du Ricin y &. compofées de trois autres coques rondes,
de la grofleur des prunes fauvages , qui croiflent enfemble attachées.à une
queue commune, comme à un centre, mais diflinguées par trois divifions
afl'cz profondes. Chaque coque contient une gouffe , une noifette & fa grai-
ne. La goufle efl; verte, tirant fur le noir lorfqu'elle eft mure, d'une fub-
ftance graffe , membraneufe, un peu ligneufe, s'cntrouvrant au-deffus de la
furface
(b) Tendres, elles refTemblent plus aux feuilles de ce qu'on appelle Evonymus vulgarisf
fruttu acido, à l'exception de la couleur.
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Lir. IV.
495
furface, après qu'elle a demeuré une année Tur l'arbrifleau, & laiflant voir DiieRimoit
la noifette qui y efl renfermée. Cette noifette ed prefque ronde, mais un °" J*'»».
peu comprimée du côté par lequel les trois coques le joignent. Son écaille
efl mince , un peu durt. , polie , couleur de châtaigne. Etant cafTée , elle
offre un pépin rougeatre, d'une fubflance ferme, comme celle des aveli-
nés, d'un goût douçàtre, alTcz defagréable d'abord , & qui devient, dans
la fuite, plus rude Ck plus amer. Il fait faliver beaucoup. Il efl fort
dégoûtant lorfqu'il tombe dans le gofier; mais ce mauvais goût pafTe vi-
te. Ces noifettes, ou ces pépins, contiennent beaucoup d huile, & ran-
cifTent fort aifément. Aulli n'en voit -on pas germer deux fur dix, lorf-
3u'ils font femés. Les Japonois ne foQt aucun ufage, ni des Heurs, ni
es pépins.
A fept ans, l'arbrifleau du Thé efl de la hauteur d'un homme. L'ufage Première
efl de le couper à la tige , d'où il fort , dès l'année fuivante , de jeunes ï^^",!^.'^ ^^''
branches afTez chargées de feuilles.- La récolte n'en efl pas aifée. On loue ^^^ ''**
des Ouvriers , qui n'ont pas d'autre profelfion , & dont l'adreiTe efl fingu-
lière pour ce travail. Les feuilles ne doivent point être arrachées à plei-
nes mains. On les tire une à une, avec beaucoup de précaution. Elles ne
fe cueillent pas toutes en méme-tems. On s'y prend à deux fois , & fou-
vent à trois. Dans ce dernier cas , la première récolte fe fait vers la fin
du premier mois de l'année Japonoife, c'efl-à-dire , les premiers jours de ,
Mars. Les feuilles n'ont alors que deux ou trois jours. Elles font en petit
nombre, fort tendres, & peu déployées. Ce font les plus eflimées & les
plus rares. Il n'y a que les Princes &. les perfonnes aifées, qui en puifTent
acheter ; & cette raifon leur a fait donner le nom de Thé Impérial. On les
appelle auffî Fleur de Thé; d'où l'on concluroit mal que ce Thé foit la fleur
d'arbrilTeau. Koempfer ajoute , que le Thé Bouy des Chinois appartient à la
même clafTe (c).
La féconde récolte, & la première pour ceux qui n'en font que deux
par an , fe fait au fécond mois ; c'ell-à-dire , vers la fin de Mars , ou au
commencement d'Avril. Quelques-unes des feuilles font alors parvenues à
leur perfeftion. Quoique les autres ne le foyent pas, on les cueille toutes
indifféremment: mais, avant que de leur donner la préparation ordinaire,
on les range dans leurs diverfes clafTes , fuivant leur grandeur & leur bonté.
Celles qui n'ont pas encore toute leur grandeur naturelle , approchent des
feuilles de la première récolte, & fe vendent fur le même pied. La troi-
fième récolte, qui efl toujours la plus abondante, fe fait au troifième mois
de l'année Japonoife, lorfque toutes les feuilles ont leur perfedtion; &
plufieurs n'en font pas d'autre. Cependant on y fépare aufti les feuilles ,
fuivant leur âge & leur grandeur; &«l'on en fait trois clafTes , qui font
diflinguées fous les noms d'itziban , de Niban , & de Sanban , c'efl - à-
-, ■_--■■- dire,
Seconde &
troifiùmc rii-
coltc,
( c ) Il fe trompe , fuivant la remarque de
VHlftorien moderne, s'il entend qu'on ap-
pelle fbé Bouy, à la Cliine, précifément
celui qui s'y cueille, comme le Thé Impé-
rial au Japon; car le Thé Uouy efl; une efpè-
ce de Thé particulier. On compte , à la
Chine, plus de cinquante efpèccs de Tlié,
qui viennent d'autant d'arbrifllaiix différcns.
KiBinpfer paroît l'avoir ignoré.
496
VOYAGE DE K^EMPFER
DRSCRTPTrON
VU jArON.
I.c Japon
n'a que trois
dalles de
Thé.
Priicautions
avec Icfiiiiel-
les il fit cul.
tiyé pour
lEmpcreur.
dire, première ^ féconde & tro'ijième, La dernière contient les feuillei les
plus gronTiùrcs, qui onc deux mois d'âge, & donc le Peuple fait fa boif-
ion ordinaire.
K/RMPFR R afliire qu'on ne connoît pnînt, au Japon, d'autres efpéces
de Thé que ces trois différentes clallli des feuilles d'un même arbriiTeau (d).
Le Thé Impérial, lorfqu'il a toute fa préparation , fe nomme l'icki-Tsjaa,
c'eft-à-dire, Thé moulu; parcequ'on lepr^*nd en poudre, dans de l'eau chau-
de. On lui donne aulîi les noms d'Uti/t-'lsjau, & de Tacke-Sacki-Tsiaa , de
quelques lieux particuliers donc on dillini^ le les plants. Le plus eltimé eft
Thtid'Udiî, celui d'Ly/j, petite Ville affez proche de Meaco. 'l'outleThé, qui fe fert
leplusduné. à la Cour de 1 Empereur & dans la. Famille Impériale, doit être cueilli fur
une montagne voidne de certe Ville'. On le cultive avec des foins & des pré-
cautions incroyables. Un folfé large iic profond environne le plant. Le«
arbriffeaux y lont difpofés en allées, qu'on ne manque pas un leul jour de
balayer. On porte l'attention, jufquà ne fouffrir aucune ordure fur les
feuilles. Lorlque la faifon de les cueillir approche, ceux qui font chargés
de cet office doivent s'abllenir de mang,r du poilTon , & de toute autre vian-
de qui n'eft pas nette; de peur que leur haleine n'y répande quelque infec-
tion. Pendant toute la récolte, il faut qu ils fe lavent dmix ou trois fois
par jour, ou dans un bain chaud, ou dans la Kivière; ik malgré tant d.- pré-
cautions pour fe tenir propres, il ne leur ell pas permis de toueur les f.uil-
les avec les mains nues. Chacun doit avoir des gants. C'eil le principal
Infpeéleur de la Cour Impériale pour 'e Thé, qui commande fur cecte mon-
tagne. Il y entretient des Commis, pour veiller à la culture de l'arbrilleau,
à la récolte & à la préparation des feuilles , & pour garder le paHage du
fbfle , qui eft , d'ailleurs , bordé d'une forte haye. Ce Tiié , après la ré-
colte & les préparations, eft mis dans des facs de papier, qu'on renferme
dans des pots de terre oir de porcelaine; & pour le conferver plus parfaite-
ment, on achève de^i^mplir les pots de Thé commun. Dans cet état, il
eft tranfporté à la Cour , fous une garde nombreufe. De-là vient que le
prix en eft exorbitant. En comptant tous les fraix de la culture, de la
récolte, de la préparation & du tranfport, un Kin, ou un Catti de Thé
Impérial, monte ordinairement à trente ou quarante Siumomes, ou Taels,
c'eft-à dire , à quarante-deux ou quarante-lix onces d'argent. Le Pour-
voyeur , dans les comptes qu';l préfente à la Cour des Finances, le fait
quelquefois monter à un Obani, monnoye d'or de la valeur de cent onces
d'argent. Maison en fera moins furpris, fi l'on confidère qu'un pot de
ce 'fhé, qui ne contient pas pllis de trois ou quatre Cattis, eft quelque-
fois conduit à la Cour par un cortège de deux cens perfonnes. Kaempfer
raconte qu'étant à l'Audience de l'Empereur, avec l'AmbaiTadeur de la
Compagnie Hollandoife, un Gentilhomme de fervice, qui lui préfentoit une
tafle de Thé , lui dit : „ Buvez - le de bon cœur ; en voilà pour un Itfe-
„ bo". C'eft une monnoye quarrée d'or, qui vaut douze ou treize fhellings
d'Angleterre.
(d) C'eft ce qu'il eft difficile de fe pcrfimder, après l'obfervation qu'on vient de faire fiu
la différence des arbriffeaux du Thé à la Chine. . - •
Sa cherté.
D \S L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 497
Lb Thé des feuilles de U féconde dafle fe fubdivife en quatre autres, qui
différent en prix & en bonté. 11 fe nomme Tootsjaa, c'eft-àdirc, Thé Chi-
nois,^ parcequ'on le prépare à la manière Chinoifc. Celui des feuilles de la
troiliéme clalfe s'appelle ^an-rjf/aa. Comme il efl: compofc des feuilles grof-
fes & fortes, qui ne peuvent être préparées à la manière des Chinois, c'cd-
à-dire, fèchées fur des poêles, & friltcs, on l'abandonne au Peuple. Ce-
pendant les vertus de la Plante s'y confervent plus fûrcment que dans les
autres, dont les parties font trop volatiles, pour ne pas s'aftoiblir beau-
coup dans la moindre expofition a l'air, ou dans une fimple dècoèlion.
La préparation du Thé n'eft pas la moins curieule partie de cet Article.
Aurti-tôt que les feuilles font cueillies , on les étend fur le feu, dans une
platine de fer; & lorfqu'elles fr>nt bien chaudes, on Ica roule avec la paul-
me de la main , Air une natte rouge très-fine , julqu a-ce qu'elles foytnt cout-
à-fait ùifées. Le feu leur ôte cette qualité narcotique & maligne, qui
pourroit offenfer la tête. On les roule, non-feulement pour les confervcr
mieux, mais afin qu'elles tiennent moins de place. Il faut leur donner fur
le champ toutes ces façons; parccqu'étant gardées une nuit f'juicnicnt, el-
les fe noirciroient & perdroient beaucoup de leur vertu. On doit éviter
auffi de les laifler long-tems en monceaux , f: l'on ne veut pas qu'elles fe
corrompent en s'échauffant. A la Chine , on commence dit-on , par jettcr
les feuilles de la première récolte dans l'eau chaude , où elles demeurent
l'efpace d'une demie minute; & la chaleur de l'eau fert à les dépouiller plus
facilement de leur qualité narcotique. Mais iJ eft certain que cette pre-
mière préparation demande un foin extrême. On fait chaufi*er d'abord la
S latine dans une efpèce de four, avec un feu modéré; & lorfqa'elle a le
egré de chaleur qui convient, on y jette quelque» livres de feuilles, qu'oa
ne cefle pas de remuer, jufqu'à-ce qu'elles foyent fi chaudes, qu'à peine
y puiffe-t'on tenir la main. Alors on les retire de la platine, & les répan-
dant fur une natte, on commence à les rouler. Cette féconde opération
coûte beaucoup à l'Ouvrier. Il fort des feuilles rôties, un jus de cou-
leur jaune, tirant fur le verd, qui lui brûle les mains. Malgré la dou-
leur qu'il reïïent, il doit continuer ce travail, jufqu'à-ce qu'elles foyent
refroidies , parceque la frifure ne tiendroit pas , li les feuilles n'étoient
J)as chaudes. Il e/l môme obligé de les remettre deux ou trois fois fur,
e feu ; & quelques gen» délicats les y font remettre jufqu'à icpt fois ,
en obfervant néanmoins de diminuer toujours par degrés la forte du feu ;
préparation nécelfaire , p^ jr confcrver aux feuilles une couleur vive,
qui fait une partie de leur ^rix. On ne manque pas non plus de laver,
à chaque fois, la platine, -ivcc de l'eau chaude; parceque le fuc, qui
fort des feuilles , s'attaclie à Jcs bords, & que les feuilles pourroient le
reprendre.
Lorsqu'elles font bien frifées, on les jette fur le plancher, qui efl
couvert d'une natte; & l'on répare celles qui font trop rôties, ou qui n'ont
pas été roulées alTez foigncufciaenc. Les feuilles du Thé Impérial doivent
être plus rôties que les autres, pour devenir pîusaifées à moudre; mais
quelques-unes font fi jeunes & il .endres, qu'on eft obligé de les mettre d'a-
bord dans de l'eau chaude, enluite fur un papier épais; & de les faire fé-
XIF. Fart. Rrr dier.
Deuchiptiom
uujAruN.
CiiricurL-
prc|):iration
des feuilles du
Comment
oiilci) frifc-
Autres nie-
diodes.
495
VOYAGE DE K^MPFER
MaatfuboSi
ou pots qui
fervent à gar-
der le Thé.
DEscRffTrô» cher fur des charbons, fans être roulées, à.caufede leur extrême petîtef-
dw'Japon. fe. Les gens de la campagne ont iinet méthode plus fimple & plus courte ,
qui confiilre à rôtir les 'feuilles dans des chaudières de terre, fans aucune
autre préparation. Leur Thé n'en efl pas moins eftimé des Connoifleurs,
quoiqu'il foit beaucoup moins cher. On lui croit même plus de force qu'au
Thé Impérial , qui , après avoir été gardé quelques mois , efl; encore remis
fur le feu , pour lui Kiire perdre l'humidité qu'il pourroit avoir contrafté
dans la faifon des pluyes. Mais , enfuite , on prétend qu'il peut être gar-
dé long-tems; pourvu qu'on ne lui laiffe pas prendre l'air , qui en diflîpe-
roit aifément les fels volatils. En effet, tout le monde convient que ce
Thé , & les autres efpèces à proportion , les ont perdu prefque tous en ar-
rivant en Europe. Kasmpfer afllirc «j«'ii ne leur a jamais trouvé , hors du
Japon, ni cet agréable goût, ni cetOe vertu de raftaîchir modérément,
qu'on y admire dans le climat qui les produit.
Les Japonois mettent leurs provifions du Thé commun, dans de grands
pots de terre, dont l'ouverture efl fort ctroite. Le Thé Impérial fe garde
ordinairement dans des vafes de porcelaine, particulièrement uans ceux
qu'on appelle Maatfubos. Ils font très-anciens & d'un fort grand prix. On
leur attribue la propriété, non-feulement de conferverJe Thé, ? mais d'en
augmenter les vertus. Le Thé vieux y reprend la force qu'il a perdue. II
'.la: . n'y a point de Seigneurs, qui ne fe procurent, à grand prix ,. quelques-uns
de ces vafes. On a déjà fait remarquer' leur origine. Ils fe faifoient, au-
Lcur origine, trefois, d'une terre de l'Ifle Mauri, voifîne deFormofo. Cette Ifle ayant été
fubmergée, il n'en reflequedes rochers, qu'on apperçoit dant les baffes
marées, & du milieu defquels on tire quelquefois des. v^fes. de porcelaine,
qui fe trouvèrent tout faits, lorfque rlfle fut abîmée. lis. font extrême-
ment défigurés par des coquillages , des coraiix, & d'autres excrefcences ma-
ritimes. Ceux qui les nettoyent, fe gardent bien de les racler entièrement.
Ilslaiffent toujours mi peu de ce mélange étranger, pour faire connoître
Î[u'ils ne font pas contrefaits. Ainfi leur difformité leur fert de luflre. Ils
ont tranfparens , extrêmement minces, d'une couleur blanchâtre , qui tire
fur le vèrd. Leur forme approche de celle des petits barils ; avec un petit
cou fort étroit, qui les rend auffi propres à tenir du Thé , que s'ils avoient
été faits pour cet ufage. On les reçoit, au Japon, de divers Marchands
Chinois, qui les achètent pour les revendre. Les moindres valent environ
cent taels. Les plus grands, & ceux qui font entiers, fe payent trois,
quatre & jufqu'à cinq mille taels ; mais l'Empereur fe réferve le droit d'a-
cheter les plus précieux. On en voit un gra^nd nombre dans fon tréfor.
Il efl rare d'en trouver qui ne foyent ni rompus ni fêlés ; mais on a le fe-
cret d'une compofition de blanc , qui les répare avec tant de propreté
que, pour en découvrir les fentes, il faut les faire bouillir dans l'eau, pen-
dant deux ou trqis jours. Comme le Thé deia troifième récolte n'efl pas
fi fujet que les autres à s'éventer, les Payfans le tiennent dans des cor-
beilles de paille, H 2 la forme de nos tonneaux, qu'ils placent fous le
toît des maifons , à côté de l'ouverture qui fert de cheminée ; car ils
font perfuadés que la fumée conferve la vertu dès feuilles. Ils n'en ufenc
pas autrement pour le Thé de h première & de la féconde récolte, lorf-
, qu'ils
une
dre,
de pa
que
loin
Elle
mêm
l'on
tremi
doit
veau
obflri
DANS L'EMPIRE DU JAPON, Liv. IV. 499
qu'ils peuvent s'en procurer; & cette méthode leur réuffit: peut-être,
obferve l'Auteur, parcequiis ont le goût moins délicat que les Grjands.
Quelques-uns mettent i paP-defllis, des feuilles d'armolie commune, ou
des feuilles tendres d'une plante , nommée Safangua , dans l'opinion qu'el-
les lui communiquent un goût plus agréable. Mais l'expérience a fait re-
connoître que d'autres odeurs , dont on a voulu faire relTal , ne s'allient pas
bien avec les feuilles de The.
L E breuvage , le plus commun au Japon , efl une infufion des grandes
feuilles de cette Plante. •On les fait bouillir dans un chaudron, qui fe met
dès le matin fur le feu; & pour les retenir*au fond, en laiiïL.it la liberté
d'y puifer de l'eau, on met, par-deflus, une corbeille, ou une daye. Quel-
quefois, au-lieu d une claye^on «nfecme les feuilles dans des fachets , qui
demeurent au fond par leur propre poids. On tient, à peu de diftance, un
baflin dVau froide-, pour refroidir tout d'un coup la liqueur , autant qu'on
le defire. Le Thé Impérial ne fe prend guères qu'en poudre. On appor-
te, fur une table, defs taffés, de l'eàu chaude, & du Thé fraîchement mou-
lu (c); on verfe de l'eau dans une tafle; on y jette, avec une petite cuilr
lière , de la poudre de Thé , qu'on remue avec un petit inftrument den-
telé, jufqu'à-ce qu'elle écume; & c'efl: dans cet état qu'on le préfente. Il
a la confiftanee d'une bouillie claire. Auffi l'appelle-t-on communément
Koits-jaa, ou Thé épaisi Quoique toutes ces méthodes n'ayent rien de
fort difficile, on en a fait un art, qui fe nomme Sado, ou Tjianofi-, & les
Japonois ont des Maîtres, qui l'enfeignent aux enfans des deux Sexes. Les
Pauvres , fur-tout dans la Province de Narà^ font quelquefois bouillir leur
riz dans la déco6lion de Thé. Ils aflurent qu'il devient beaucoup plus nour-
riflant par ce mélange. Enfin ce vieux Thé même , dont on ne veut plus
boire, parcequ'il a perdu fa vertu, fert à teindre en brun des étoffes de
foye. On envoyé , tous les ans , pour cet ufage , une grande quantité de
ces vieilles feuilles, à Surate (/). .
Terminons cet Article, par quelques remarques intéreflantes fur les
bonnes & les mauvaifes qualités du Thé. Ses feuilles , dit Ksempfer, ont
une qualité narcotique , qui met les efprits animaux dans un grand defor-
dre, jufqu'à caufer une forte d'ivrefle. Quoiqu'elles perdent la plus gran-
de partie de cette vertu , après les préparations qu'on leur donne, ce n'efl:
que dans l'efpace de dix mois qu'elle s'évapore tout-à-fait. Alors, bieo
loin de troubler les efprits animaux , elle y répand une fraîcheur modérée.
Elle récrée les fens , elle' les fortifie. Ainfi , le Thé , pris dans l'année
même où les feuilles ont été cueillies , efl plus agréable au goût ; mais fi
l'on en fait un trop grand ufage , il attaque la tête , il la rend pefante , & fait
trembler les nerfs. Le meilleur, c'eft-à-dire , le plus délicat & le plus fain,
doit avoir du moins un an. Les Japonois ne le boivent jamais plus nou-
veau , fans y mêler une égale quantité du plus vieux. Alors , il dégage les
obftru6lions, il purifie le fang; il entraîne, fur-tout, la matière terreufe
qui
(«) On le réduit en poudre fubtile par le te opération fe fait ou le jour ou la veille,
moyen d'un moulinet, fait d'une pierre d'un (/ ) Appendice de Kaeinpfer, pag. 255 &
fioir verdâtre, qu'on appelle Serpentine. Cet- précédentes.
Rrr 2
Description
DU Japo».
Comment
les Japonois
prennent le
Thé.
Remarque»
furies quali-
tés du Thé.
500
VOYAGE DE KiEMPFER etc.
DEscBimoN qui caufe la gravelie, la néphrétique & la goutte. Kaempfer rend téraoigna-
duJai'on. gg q^g pendant tout le féjour qu'il fit au Japon, il ne vit perfonne, parmi
ceux qui en faifoient un ufage habituel , qui fût attaqué de la goutte ou de
la pierre: & fi ces maux, dit-il, n'étoient héréditaires en Europe, il efl
fortement perfiiadé que le Thé y produiroit les mêmes effets. Il ajoute que
ceux-là fe trompent beaucoup, qui recommandent l'ufage de la Véronique,
&du Myrtus Brabantia, comme un équivalent pour le Thé. Il ne croit pas
qu'il y ait de plante connue, dont l'infutton , ou la décoftion, pefe fi peu
fur refl:omac, pafleplus vite, rende plus de vigueur aux efprits abbatus,
& ranime plus fÛrement la gayeté. D'un autre côté , il convient , avec les
Japonois , que l'ufage du Thé arrête & trouble l'effet des autres remède ;
qu'il efl particulièrement nuifible dans cette forte de colique, qui efl ordi-
naire au Japon (g) ; & que l'infufion des feuilles trop nouvelles, qui attaque
la tête en général , augmente l'iniîammation des yeux. Il efl perfuadé aufTi,
fur le témoignage des Médecins Chinois , qu'il ne manqua point de conful!
ter, que fi l'on prenoit l'habitude de boire , pendant tout le jour, une infufîoa
forte des feuilles du Thé, on détruiroit le principe radical de la vie, qui
confifte dans un mélange bien conditionné de froid & de chaud, de fec &
d'humide. Le même effet, dit-il, arriveroit, par des raifons contraires,
d'un ufage continuel de viande graffe, fur-tout de chair de^jorc; mais fi
Ton mêle ces deux chofes enfemble, loin de nuire à la fanté, elles y contri*
buent& procurent une longue vie (A). - ,.., . -
{ ^), Voyez, ci-deflus, l'Article des Sciences du Japon,
(i) Kaempfer, ttW/apr<i, pag. 259.
, . ; ^^^ Fm de la Quatorzième Partie.
,": V/.
K
a;,-
■' TABLE
T A B L E
iA^' \ -X
S"^
DES
:'<s 'ivià. i,:.i.
. , 4?
TITRES ET PARAGRAPHES
Contenus dans ce Volume.:
Avertissement de Mr. V Jbbé Prpvoji ,
Avertissement des Editeurs de Hollande.
. Pag. m.
V.
VOYAGES DANS LA PRESCIUISLE EN
DEÇA DU GANGE.
SUITE DU LIVRE TROISIÈME,
DESCRIPTION des Royaumes de
Tanjour, de Marava, de Madu-
r^ de Maiffbur, de Gingî 6f de Car-
note y Pag. i
Parag. I. Origine de VEtabliJJement
des François à Pondicbery , . 15
Parag. II. Dernières Guerres de flnde,
ou Continuation dss Troubles , depuis
1741. Supplément y ... 51
Parag. III. Defcription de la Côte deCo-
romandely 124
Premier Fbyage des François, dans tA-
rabie beureufe, par î Océan Orteraàl,
.... 153
Parag. II. Foyagea Mouab, Cour Ro-
yale d'temen , 164
Parag. III. Obfervations fur V Arbre &
le Fruit du Caffé de î Arabie heureu-
fi» ï73
Parag. IV. Nouvelles Obfervatîons plus
particulières y fur la culture du Caffé,
Supplément y 187
Supplément à la Defcription des IJles de
■ Bourbon ^ de France y . . 18 (5
VOYAGES AUX INDES ORIENTALES PAR
LE SUD-OUEST.
LIVRE Q^UATRIEME,
Introduction, . . Pag. 194 Voyage d'Olivier de Noort, aux Indes
PsLvag. II. Voyage de Ferdinand Magal- Orientales y par le Sud-Oueji y 200
hanes, ou Magellan, . . . 195 Navigation Aufirale y ou Voyage de Jac-
Rrr 3 ques
TABLE DES TITRES ET PARAGRAPHES.
ques le Maire f pour la déebuverte d'un Parag. VU. Commercé des Japonoîs
nouveau pqffage , au Sud du Détroit avec les Etrangers ^ . . . 382
de Magellan t 229 Parag. VIII. Religions^ Seëtes^ Prê-
Foyage à'Engelbert Kampfert au j^apon t très, Temples, Pèlerinages, Cérémo-
. • • • • ; • • • , ?57 .niet du Japon,-. . . . ., 399
Parag. I. Kampfer ff rând de Batavia Tsirag. IX. Hijtoîre Naturelle du Ja-
au Japon, Circonjiances de fon arri- pon, 428
vée, . . .\ . .^' . ;. . 261 Faiag. X.' MimaUx chiméri^es &
Defcriptîon des Ifles dit Japon, \ 311 réels du Japon , . . . , 436
Parag. I. Divijion générale de lEmpi- Parag. XL Arbres fruitiers ^ S Plan-
re du Japon, . .""'.'. 319 tes principales du Japon , . . 457
Parag. IL De/crij>*ié>» fartieuMr*, j^^ ''O'^'^A^yill. Arbresif Plantes remarqua-
Provinces, . . . . . .. 3>a3vi\ 'blesfarlabeaméd0.iffHf^pig^fj^.g
Parag. III. Origine des Japonais , ^ Parag. XIIL Autres Arbres tf PlaSes
forme de leur Qmtaernement , . 331 partieuttètifs au Japon, . . 4C9
Parag. IV. Gouvernement général ^ Parag. XIV. Grains, Ugufnes, Cour-
particulier du Jlapioti, \ • . . 336 g€S, Concombréi î Èacinés, Herbes
Parag. V. Figure, Habillement, ^^u-, , i potagères ,' Champignons , Mouffès ,
cation. Sciences, Arts ^ Ùaraiière ^c. 482
des Japonais, . ..,.,.. 351. .Parag. XV. Manière dont on fait le
Paxag. VL rtlles'f Boutgs , 'Pillages ,• Papier au' Japon 490
Châteaux, Jardins, Chemins, Voi' Parag. XVI. Obfervations fur le Thé
tares ^ Bâteaiit^du Jàpôri, .' 368 -. du^Jap6n,''\'l.^ 7' . . . \, 493
Fin dex«T1b^'e des Titres e.t Paragraphes.
e î
. ' ' •-.■'- ^ • ■ ■ —
De rjmprimèfie de Jac'<ijjzs VÀ.K KAnutl^tiK-^à la HayeJ -
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AVIS
AVIS AU RELIEUR,
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130
PLACER LES CARTES ET LES FIGURES
QUATORZIÈME VOLUME.
♦ JL HÉATRE de la Guerre, fur la Ctt.^ de Côrôïnaiïiîë/, T Pagr i
Plan de Pondic^eçy, en 1741. .- ;, ..^ ,. ,j çj.^i.ip . •. 1 .. ai
Prince/Ie Mère du Nabab d'Arcatte, ,^ , . ;ijp «i^ fi9*<'>rt t«F .—.,.. 33
• Pian de Madras & du ForVSt. Georges, pris par, les. François le 21 . .
Septembre 1746^ .- ". .. . -. - .'■* . "'■ . 57
Avec une Explication des Renvois.
• Ville de Tranquebar, & Fort Danois de Dansbourg, .
■ Jvectmt ^^plicatitm des Renvois, ■" ' — ■"'
* j[j^^ Dansbourg, .,..., •' ^ '-ÀV,^^..v; %j • ,•
• Carte du Diflrift de Tranquebar , . ■. . v. .....
Avec une Explication des Renvois, h "^ ' '' "^ '^
• St. Thoihéi . : ; . , -r •: ^r--";^^- r ;;,
• Ruines de St. Thomé , . - . . ' ' . ' .^ ' ''.-. '
* Plan dilà Loge HoUandoife d'Ougly, A<». 1721. "" .
Avec une Explication des Renvois.
Arbre du CafFé, defliné efl AraHe, . . -,
Partie d'un Rameau de Caffé, avec la Fleur & le Fruit, .
Cartec'el'Archlpel de St.' Lazare, ouïes Mes Marîajies,- . '^
Carte diîsifles Philippines, Jre Feuille, . , '. .
Carte des Ifles Philippines, Ude Feuille, ^.^ -'^
* Ville de ManiUe, . • . . . '; ; ^ ^ ^ 223
Carte de i'Empire du Japon , . 261
Plan de la Ville de Meaco , 281
Plan de Jedo , 297
Plan de la Vili^î & du Port de Nangafaki , 309
Armes de l'Empire & des Gentilshommes. Armes des Princes "j
Japonois,
Monnoies du Japon (a). Marques d'honneur qu'on porte de- ^^^
vant les Princes v^ les Grands, ^
* Chai-
(a) Les trois Monnoies de cette Planche été infçiées dans le Xome précédent, pag»
peuvent être xappio<^ées de cv^Ues qui ont 504.
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141
149
] 173
. ; 198
> 220
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^ï TT AVIS AU R E LIE U R,
•Chaîfe à Porteurs du Japon,
* Pagode de Toranga,
* Toranga , Divinité du Japon , .
* Pagode de Canon, • . . .
* Canon , Divinité du Japon ,
* Autre Repréfentation de Canon,
* Xantai, Divinité du Japon,
* Prédicateur Japonois,
* La Fête des AmejJ. i. Comment elles font reçues ,
* La Fête des Ames. 2. Comment elles font reconduites.
Le Relieur aura encore foin de placer les Explications à côt^ des
quatre Planches auxquelles chacune fe rapporte.
Nota. Les Cartes ^ Figures marquées cCun JJierifque ont été ajoutées
par les Editeurs de Hollande. .
• Ce Quatorzième Volume contient* ' ■ !
. ^>\ ■ Flor. Sols.
66 Feuilles y compris le Titre Rouge,
& les Explications , &c. . . . à i fol , font 3 - 6-0
33 Figures & Cartes Géographiques j à 3 fcls,/o«^.4 - ip - ©
I Vignette, 0-2-0
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. - 8 - 7-0
Et pour le Grand Papier. . . , .12-11-0
Selon les Conditions de Soufcription, ceux qui ont fou- ;
fcrit ne payeront: . • ,
Pour h Petit Papier que 6-18-0
Pour le GrandPapier que 10 - 9 - c
Moyennant qu'ils retirent ce Volume avant le i de Mai 1757.
Fin du Quatorzième Volume.
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