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Full text of "La Vraie politesse et le bon ton [microforme] : plus particuliè rement à l'usage des élèves des collèges, pensionnats, etc., etc., et de tous ceux qui entrent dans la société"

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1.6 


Hiotogreçiiic 

Sdences 
Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  K.Y.  M580 

(716)  S72-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


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D 


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The 
tôt 


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de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
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I      I   Coloured  pages/ 


Pages  de  couleur 

Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 


D 
□ 


Pages  restored  and/or  laminated/ 
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Pages  discoloured.  stained  or  foxed/ 
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Pages  detached/ 
Pages  détachées 

Showthrough/ 
Transparence 


The 
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film 


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I      I    Quality  of  print  varies/ 


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Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc..  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
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et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
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illustrent  la  méthode. 


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LA  VRAIE  POLITESSE 


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LE  BON  TON- 


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Imprimatur 
Montrl^al.  2  Mai,  1873 


i  Ig.  Ev.  de  Montréal. 


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ET 


LE  BON  TON, 

Plus  particulièrement  à  l'usage  des  Elèves 

des  Collèges^  Pensionnats^  etc.,  etc.., 

et  de  tous  ceux  qui  entrent 

dans  la  société. 


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MONTREAL: 

EUREBE  SENEGAL,  IMPRIMEUR, 

Nos.  6,  8  et  10,  Rue  Si.  Vincent. 

1873 


*:■*. 


Enregistré,  conformément  à  l'Acte  du  Parlement 
du  Canada,  en  l'année  mil  huit  cent  soixante- 
treize,  par  J.  A.  Langlats,  au  bureau  du 
Ministre  de  l'Agriculture. 


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INTRODUCTIONS^ 


"  Un  homme,   dit  Durosoy,   qui 
ignore  les  règles  de  la  politesse,  peut 

être  homme  de  probité,brave  homme, 
homme  à  talents,  si  Ton  veut,  grand 
homme  même;  mais  il  ne  sera  ja- 
mais un  personnage  agréable.  On 
se  renferme  pour  l'éviter,  et  quand 
on  n'a  pu  réussir,  on  éprouve  une 
sensation  inquiète  :  c'est  oomme  un 
poids  dont  on  voudrait  se  oulager." 
Quel  est  celui  qui,  pour  peu  qu'il 
ait  eu  de  commerce  avec  le  monde, 
n'a  pas  éprouve  toute  la  vérité  de 
ces  paroles  ;  qui,  condamné  à  avoir 
des  rapports  fréquents  avec  certaines 
personnes  incultes,  aux  manières  ru- 
des et  grossières,  n'a  pas  eu  à  pousser 


6 


INTUODI^CTION. 


rabiiogiilioii  jusqu'à  ses  ilornioros  li- 
mites, pour  ne  pas  rompre  avec  elles, 
et  pour  supporter  eu  silence  les  fau- 
tes sans  nombre  que  leur  faisait  com- 
mettre, à  chaque  instant  du  jour, 
leur  mauvaise  éducation  ! 

Il  semble  qu'il  soit  moins  difficile 
d'être  indulgent  envers  ceux  qui 
manquent  aux  règles  de  la  biensé- 
ance et  de  la  politesse  par  ignorance. 
Quoiqu'ils  donnent  aussi  beaucoup  à 
souffrir,  leurs  victimes  sont,  assez 
souvent,  disposées  à  les  prendre  en 
pitié.  Mais  il  est  une  autre  classe 
de  personnes  qui  sont  moins  dignes 
d'indulgence  ;  ce  sont  celles  qui  re- 
gardent la  politesse  comme  une  chose 
futile  ;  qui  semblent  incapables  d'en 
apprécier  le  prix.  Ces  personnes, 
douées  quelquefois  de  certaines  qua- 
lités, paraissent  croire  que  leurs  qua- 
lités les  dispensent  des  formes  polies. 
Il  y  a  là  un  défaut  de  jugement  : 


INTRODUCTION. 


9 


Diiiis  nous  n'en  avoiLS  trouve  aucun 
qui  pût  nous  convenir  en  tous  points. 
La  politesse,  dans  ce  qui  en  fait  l'es- 
sence, est  la  même  partout  ;  mais 
les  usages  varient  selon  les  temps 
et  les  lieux.  Or  nous  avons  les  nô- 
tres, les  usages  de  notre  société  Ca- 
nadienne-française,qui  sont  loin  d'ê- 
tre les  moins  recommandables,  et 
qu'il  importe  de  connaître.  C'est 
pour  faciliter  l'acquisition  de  cette 
connaissance,  pour  propager  parmi 
nous  la  politesse  et  les  bonnes  ma- 
nières, que  nous  avons  réuni,  dang 
un  tout  petit  livre,  les  règles  de  la 
vraie  politesse,  et  les  usages  de  notre 
société,  relatifs  à  la  bienséance  et  au 
bon  ton. 


CHAPITRE  PREMIER. 


DE  LA  POLITESSE  ET  DU  BON  TON. 


Si  l'an  nous  demandait  ce  que  c'est  que 
la  politesse,  nous  n'hésiterions  pas  à  la 
définir  :  Une  vertu  qui  nous  porte  à 
avoir  pour  le  prochain  toute  la  bienveil- 
lance, tous  les  égards,  toutes  les  attentions 
que  Ton  voudrait  qu'il  eût  pour  nous. 

Il  ne  faudrait  pas  confondre  la  politesse 
avec  le  bon  ton.  La  bonne  éducation  fait 
l'homme  poli,  tandis  que  la  simple  con- 
naissance de  l'étiquette,  des  usages  du 
monde,  fait  l'homme  de  bon  ton. 

La  politesse  est  une  vertu  ;  elle  procède 
du  cœur,tandis  que  le  bon  ton  n'est  qu'une 
connaissance  que  l'esprit  acquiert  et  que 
l'on  trouve  dans  l'homme  du  monde. 

Nous  disons  que  la  politesse  est  une 
vertu.  Le  mot  vertu  veut  dire  force  ;  et, 
en  eflet,  on  ne  saurait  pratiquer  une  vertu, 
sans  déployer  une  certaine  force  morale, 
une  certaine  énergie  de  la  volonté  ;  sans 


12 


LA  VRAIE  POLITESSE 


se  faire  violence  à  soi-même  :  et  dès  le 
moment  qu'il  n'y  a  plus  exercice  de  la  vo- 
lonté, que  la  nature  se  porte  d'elle-même 

à  une  chose,  il  n'y  a  plus  vertu. 

Pour  exercer  invariablement  la  poli- 
tesse, il  faut  se  renoncer  soi-même,  faire 
taire  Tégoïsme,  s'oublier  en  quelque  sorte, 
afin  de  se  rendre  agréable  i  tous. 

C'est  si  bien  là  l'idée  que  l'on  se  forme 
de  la  politesse  que  le  sens  naturel  est  cho- 
qué de  rencontrer  de  la  grossièreté,  de  la 
rudesse,  chez  les  personnes  qui,  dans  l'é- 
tat de  vie  qu'elles  ont  embrassé,  sont  cen- 
sées plus  particulièrement  adonnées  h  la 
pratique  de  la  vertu.  Le  bon  sens  dit 
qu'il  y  a  là  une  espèce  d'anomalie. 

La  politesse  n'est  autre  chose  que  l'ap- 
plication, dans  la  société,  des  principes 
de  la  charité  chrétienne,  et  l'on  peut  avan- 
cer, sans  crainte  de  se  tromper,  que  la  véri- 
table politesse  ne  saurait  se  trouver  chez 
ceux  qui  sont  dépourvus  de  l'esprit  de 
charité;  tandis  qu'elle  se  rencontre  infail- 
liblement dans  l'homme  animé  de  cet 
esprit.    '^ 

"Se  peut-il,  disait  un  prùtro  distingué, 
se  peut-il  qu'un  homme,  plein  d'affection 
et  de  déférence  pour  ses  frères,  ne  soit 


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ET  LE  BON  TON. 


13 


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pas  un  homme  social  et  vraiment  aima- 
ble ?  Que  lui  manque-t-il  pour  être  par- 
faitement poli  aux  yeux  du  monde?  Cer- 
taines manières,  certaines  formules,  des 
procédés  et  un  langage  de  convention 
dont  la  connaissance  ne  s'acquiert  que 
dans  la  bonne  société  ?  Mais  qu'est-ce  que 
cela  ?  Des  choses  purement  accessoires  ; 
des  formes  qu'il  faut  savoir  et  respecter, 
sans  doute,  mais  qu'on  ne  peut  mettre  en 
comparaison  avec  cette  politesse  du  cœur, 
qui  est  de  tous  les  temps  et  de  tous  les 
lieux,  et  qui  charmerait  les  hommes  les 
plus  sauvages." 

''Dans  mes  voyages,  dit  madame  la 
comtesse  de  Bradi,je  n'ai  jamais  rencontré 
une  religieuse  qui  eut  de  mauvaises  ma- 
nières ;  et,  parmi  les  paysans  et  les  ou- 
vriers que  j'ai  connus,- j'en  ai  remarqué 
plusieurs  qui  se  distinguaient  prodigieu- 
sement entre  leurs  égaux  par  des  façons 
qui  semblaient  être  le  résultat  d'une  édu- 
cation  soignée,  tandis  qu'elles  étaient  ce- 
lui d'un  excellent  caractère,  formé  et  per- 
fectionné par  la  connaissance  et  la  prati 
que  de  la  charité  évangélique." 

Autant  le  fond  l'emporte  sur  la  forme, 
la  réalité  sur  la  figure,  autant  la  politesse 


14 


LA  VRAIK  POLITESSE 


l'emporte  sur  le  bon  ton.  La  politesse  est 
de  tous  les  temps,  de  tous  les  lieux  ;  elle 
gagne  tous  les  cœurs,  elle  répand  le  char- 
me dans  tous  les  rapports  qu'ont  entre 
eux  les  membres  de  la  société. 

On  pardonne  facilement  à  une  jeune 
personne,  à  un  jeune  homme,  la  timidité, 
l'embarras  dans  une  compagnie  ;  on  les 
excuse  sans  peine,  en  remarquant  qu'ils 
n'ont  pas  encore  l'usage  du  monde  ;  mais 
s'ils  sont  bien  élevés,  s'ils  sont  vraiment 
polis,  on  dira  qu'ils  rachètent  bien  leur 
timidité  un  peu  excessive  parla  modestie, 
la  réserve,  en  un  mot  par  une  bonne  édu- 
cation, à  laquelle  il  ne  manqun  qu'un  peu 
plus  d'usage  du  monde. 

Et  cependant,  disons-le,  aujourd'hui  on 
s'occupe  moins  du  fond  que  de  la  forme. 
Si  l'on  prend  un  livre  qui  traite  de  la  poli- 
tesse et  du  savoir-vivre,  on  passe  rapide- 
ment sur  ce  qui  a  trait  à  l'essence  de  la 
politesse,  sous  prétexte  que  ce  sont  des 
choses  bien  communes,  que  tout  le  monde 
connaît,  et  qui  ne  regardent  guère  les 
fashionables.  Ce  que  l'on  cherche,  ce  que 
l'on  veut  acquérir,  c'est  la  connaissance 
de  certaines  cérémonies,  de  certaines  for 
mes  ou  civilités  qui  doivent  se  rencontrer, 


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ET  LE  BON  TON. 


15 


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sans  doute,  chez  riiomme  du  monde,  mais 
seulement  comme  accessoires  ou  complé- 
ment d*un«  bonne  éducation,  dont  elles 
ne  sauraient  jamais  tenir  la  place. 

Qui  n'a. pas  rencontré,  en  compagnie, 
des  jeunes  gens  parfaitement  à  l'aise  ;  qui 
n'ignorent  aucune  des  règles  de  la  civilité 
et  du  bon  ton  que  l'on  observe  invariable- 
ment dans  la  bonne  société  ;  qui  s'en  ac- 
quittent à  la  lettre,  et  qui  cependant 
manquent  d'éducation  ?  Chez  eux  tout 
cet  étalage  de  savoir-vivre  n'est  qu'une 
contrefaçon.  Suivez-les  en  dehors  du 
salon,  ei  vous  ne  trouverez  chez  eux 
rien  de  délicat,  rien  de  suave  dans  leurs 
rapports,  mais  seulement  de  l'égoïsme  et 
de  l'amour-propre. 

La  politesse  comprend  :  la  morale,  les 
bienséances,  l'iionnôteté,  la  civilité,  et,  en 
un  mot,  toutes  les  douces  vertus  qui  for- 
ment les  liens  les  plus  puissants  de  la  so- 
ciété civilisée  ;  c'est  à  proprement  parler, 
la  morale  en  action. 

La  politesse  consiste  à  être  aussi  bon,  ' 
aussi  aimable  avec  les  autres  que  nous 
voudrions  que  les  autres  le  fussent  pour 
nous. 

Elle  se  reconnaît  à  cette  attention  con- 


10 


LA  VUAIE  POLITESSE. 


liiiuelle,  sans  allectalion,  de  rendre  les 
autres  contents  de  nous  et  d'eux-mêmes. 

La  vraie  politesse  n'est  embarrassante 
pour  personne  ;  elle  met  tout  le  monde  à 
son  aise,  et  laisse  la  liberté  à  chacun. 
Elle  ne  s'offense  de  rien,  pas  même  de  la 
contradiction. 

Une  personne  douée  d'une  grande  bon  té 
ne  peut  jamais  manquer  de  politesse,  car 
la  politesse  n'est  que  Fexpression  de  la 
bonté. 

Avec  la  bonté  du  cœur  vous  pouvez 
manquer  à  l'usage  du  monde  sans  tirer 
à  conséquence  ;  mais  toutes  les  fois  que 
vous  consulterez  votre  bon  coeur,  il  est 
impossible  que  vous  manquiez  à  la  poli- 
tesse. 

Il  ne  faudrait  pas  conclure  de  ce  qui 
précède  que  nous  veuillons  déprécier  la 
civilité,  le  bon  ton,  les  usages  reçus  dans 
la  bonne  société  ;  ou  que  l'on  puisse  de- 
meurer indifférent  à  leur  égard  :  loin  de 
nous  cette  pensée  !  Nous  maintenons  au 
contraire,tou  t  en  rappelant  que  les  formes, 
quelques  gracieuses  et  exquises  qu'elles 
soient,  ne  sauraient  jamais  tenir  lieu  de  la 
vraie  politesse,  qu'il  est  indispensable  à 
un  homme  bien  élevé  de  connaître  les 


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ET  LE  BON  TON. 


17 


usages  du  monde  ;  que  l'on  ne  saurait  ap- 
porter trop  de  soin  à  inspirer  aux  jeunes 
gens  une  haute  idée  de  la  bienséance  ;  à 
leur  faire  connaître  toutes  les  règles  de 
la  civilité.  En  faisant  son  éducation,  avant 
d'entrer  dans  le  monde,  il  est  important  de 
se  bien  familiariser  avec  les  usages  de  la 
bonne  société,  afin  de  s'y  conformer,  en 
autant  qu'ils  n'ont  rien  de  répréhensible. 


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CHAPITRE  SECOND. 


DE  LA  POLITESSE  DANS  LA  FAMILLE 


Piv 


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C'est  au  sein  de  la  famille  que  l'on  puise 
les  premiers  principes  de  la  politesse,  et 
celui-là  est  bien  à  plaindre  qui  ne  reçoit 
pas,  sous  le  toit  paternel,  cette  première 
éducation  ;  car  elle  ne  peut  guère  s'acqué- 
rir plus  tard.  On  se  sent  toujours  de  la 
manière  dont  on  a  été  élevé.  ''  L'homme, 
a  dit  un  célèbre  publiciste,  est  toute  sa 
vie  ce  qu'il  a  été  sur  les  genoux  de  sa 
mère."  Gela  doit  s'entendre  aussi  bien 
de  la  politesse  que  de  toutes  les  vertus 
morales. 

I. 

Il  est  indubitable  que  les  lieux  qu'il  ha- 
bite exercent  une  grande  influence  sur  le 
sujet  de  Téducation.  Un  enfant  élevé 
dans  une  maison  malpropre,  où  tout  est 
négligé,  où  il  n'y  a  que  désordre,  ne  sera 


■  ■  \ 


LA  VRAIE  POLITESSE 


19 


probablemoiit  jamais  un  hoiiimo  soigneux, 
un  homme  d'ordre.  Une  jeune  fille  élevée 
dans  la  somptuosité  et  le  luxe,  au  milieu 
de  tout  ce  qui  peut  flatter  la  mollesse  et 
la  vanitô,aurades  goûts  et  des  dispositions 
en  rapport  avec  son  éducation.  Elle  ne 
rêvera  que  grandeurs  et  richesses  ;  elle 
sera  vaniteuse,  et  dédaignera  la  surveil- 
lance du  ménage  comme  quelque  chose 
indigne  d'elle.  A  ce'  propos  voici  ce  que 
dit  madame  la  comtesse  Drohojowska,  en 
s'adressant  à  une  jeune  personne  : 

*'  Je  trouve  très-avantageux  que  les  mai- 
sons des  plus  simples  particuliers  soient 
devenues  commodes,  gaies,  propres,  élé- 
gantes même  ;  que  les  besoins  de  la  socia- 
bilité, en  nous  forçant  à  nous  produire 
parfois  au  dehors,  nous  aient  mis  aussi 
dans  le  cas  de  recevoir  à  chaque  instant 
une  visite,  et  aient  dès  lors  exigé,  comme 
un  devoir  inspiré  par  la  société,  un  ar- 
rangement et  une  propreté  continuels. 
Mais  ce  que  je  voudrais,  c'est  que  dans 
ces  charmantes  cages,  peintes  et  si  bien 
ornées  où  elle  passe  au  moins  les  trois 
quarts  de  son  existence,  chaque  femme 
sût  introduire  ce  pur  et  céleste  reflet  que 
nos  crrand'mères  savaient  faire   arriver 


I  il 


H 


20 


TA  VRAIE  POLITESSE 


jusqifaii  cuiilre  de  leurs  sombres  et  austè- 
res demeures,  tl'y  voudrais  voir  de  véri- 
tables maUresscs  de  maison^  de  sages  mères 
de  famille  y  et  non  pas  de  ces  brillants  oi- 
seaux qui,  ne  sachant  que  faire  admirer 
leur  voix,  et  vanter  leur  plumage,  osent 
s'ennuyer  dans  le  calme  du  chez  soi,  com- 
me si  Dieu  et  la  famille,  ce  n'était  pas 
assez  pour  remplir  un  cœur  de  femme. 


'*  Que  votre  ameublement  soit  simple 
et  convenable  en  même  temps  ;  que  la 
matière  en  soit  commune,  mais  que  la 
forme  en  soit  gracieuse  et  distinguée;  que 
tout  soit  de  bon  goût,  et  rappelle  Tidée  de 
cet  ordre,  de  cette  harmonie  que  l'esprit 
cherche  en  toutes  choses,  parceque  Dieu 
en  a  fait  un  de  nos  besoins  les  plus  pro 
fonds.  L'homme  doit,  en  un  certain  sens, 
imiter  le  Créateur  qui  a  fait  tout  de  rien, 
et  qui,  avec  les  matières  les  plus  commu- 
nes, produit  chaque  jour  les  effets  les  plus 
merveilleux.  Les  œuvres  de  Dieu  se  dis- 
tinguent toutes  par  la  médiocrité  de  la 
matière  et  la  beauté  de  la  forme.  Ce  n'est 
ni  avec  l'or,  ni  avec  l'argent  qu'il  a  pré- 
paré le  tissu  si  gracieux  du  lis  des  champs, 
dont  les  vêtements  de  Salomon  dans  sa 


IVV  LK  BON  TON. 


n 


î 


gloire  n'ont  jamais  pu  atteindre  la  b(îaulé 
et  l'éclat. 

'^  Imitons  Dien,  et  que  la  principale  va- 
leur (les  objets  dont  nous  nous  servons 
leur  vienne  de  la  perfection  que  vous 
leur  donnerez.  Votre  luxe  n'aura  rien  de 
choquant  pour  les  pauvres,  rien  d'inquié- 
tant pour  votre  conscience,  rien  de  funeste 
pour  votre  esprit  ;  mais  il  tournera,  au 
contraire,  à  l'avantage  des  ouvriers  dont 
le  travail  aura  donné  à  ces  objets  tout 
leur  prix,  et  au  perfectionnement  de  votre 
intelligence,  en  entretenant  en  vous  cette 
pureté,  cette  délicatesse  de  goût,  si  rare 
aujourd'hui,  et  ce  sentiment  du  beau  si 
précieux,  et  dont  on  peut  tirer  tant  de 
profit  pour  la  direction  morale  de  la  vie, 
car  il  y  a  un  rapport  entre  le  beau  et  le 
bien." 

Il  y  a  donc  un  grand  défaut  dans  l'édu- 
cation que  donnent  à  leurs  enfants  ces 
parents  qui  ne  respirent  que  le  luxe  et  la 
somptuosité  ;  qui  consacrent  des  sommes 
immenses  à  orner  leur  salon  ;  qui  ne  trou- 
vent jamais  leur  ameublement  assez  riche; 
qui  ne  peuvent  dissimuler  leurs  senti- 
ments de  jalousie,  si  un  ami  a  une  mai- 
son mieux  montée  que  la  leur;  les  conse- 


il 


00 


LA  VIUIE  POLTTKSSK 


queiices  do  cotte  mauvaise  éducation  sont 
déplorables.  Los  jeunes  personnes  con- 
tractent ce  goût  du  luxe,  et  ne  peuvent  se 
faire  à  l'idée  d'épouser  un  jeune  homme 
qui  n*a  pas  un  château  à  leur  offrir  pour 
demeure.  A  moins  qu'il  ne  possède  une 
belle  fortune,  un  jeune  homme,  aujour- 
d'hui, ne  peut  songer  à  s'établir  sans  des- 
cendre de  sa  condition.  Qu'arrive-t-il  ?  Il 
y  renonce,  et  l'équilibre  est  ainsi  rompu 
dans  la  société. 

II. 


DE  LA  POLITESSE  DES  EPOUX  ENTRE  EUX. 

Rien  de  plus  i)ropre  à  entretenir  l'har- 
monie dans  le  ménage,  les  bons  rapports 
entre  les  époux,  que  le  respect  mutuel. 

Une  femme  prévenante  pour  son  mari, 
toujours  affable,  toujours  complaisante, 
montre  qu'il  y  a  chez  elle  délicatesse  de 
sentiment.  Cette  disposition  lui  gagne 
l'estime  de  son  mari. 

Un  homme  qui  se  llatto  d'avoir  reçu 
une  bonne  éducation  verra  dans  sa  fem- 
me une  noble  compagne  que  Dieu  lui  a 
donnée  pour  l'aider  à  supporter  les  peines 
de  la  vie.  11  sera  donc  pour  elle  rempli 
d'égards. 


ET  LE  BDN  TON. 


23 


Laroiiiiiio,(lo  son  côlé,  si  elle  comprend 
sa  haute  mission,  fera  en  sorte  que  son 
mari  trouve  le  bonheur  an  foyer  domes- 
tique. Le  chef  de  famille  est  exposé  à 
bien  des  soucis;  dans  le  commerce  de  la 
vie,  en  dehors  de  chez  lui,  il  ne  peut  man- 
quer de  rencontrer  souvent  des  incidents 
fâcheux  ;  pour  lui  parfois  l'horison  de  la 
vie  est  bien  sombre.  Il  faut  qu'il  y  ait 
sompensation  ;  qu'en  entrant  chez  lui,  en 
franchissant  le  seuil  de  sa  demeure,  il 
respire  la  pai.v»  et  la  sérénité.  Rien  de 
plus  propre  à  fortifier  un  homme,  à 
l'encourager  au  milieu  ch^s  épreuves  de 
la  vie. 


Les  paroles  blessantes,  entre  l'homme 
et  la  femme,  devraient  être  chose  incon- 
nue. Non-seulement  elles  sont  malséan- 
tes, mais  encore  elles  font  au  cœur  une 
blessure  d'un  caractère  tout  particulier, 
parceque  le  coup  est  porté  par  quelqu'un 
chez  qui  l'on  est  en  droit  de  s'attendre  à 
trouver  invariablement  les  sentiments 
d'une  tendre  affectioa  ;  on  sent  que 
ces  paroles  brisent  un  lien  des  plus  chers. 

Les  convenances  exigent  que  la  femme 
ne  se  présente  jamais  devant  son  mari 


Q4 


LA  VnAll']  POLITKSSl': 


dans  uii  néglige')  qui  pourrait  provoquer 
le  dégoût. 

La  politesse  veut  encore  que  le  langage 
chez  la  femme  soit  toujours  chaste,  n*y 
eût-il  que  son  mari  pour  Tentendrc.  Il 
doit  en  être  aussi  de  mrme  du  mari.  Les 
époux  se  doivent,  l'un  àTautre,  ce  res- 
pect. 

Les  charmes  de  la  jeunesse,  qui  peu- 
vent éblouir  un  instant,  sont  bientôt  pas- 
sés. Et  que  reste-t-il  ensuite  pour  main- 
tenir une  union  cordiale  entre  l'homme 
et  la  femme?  L'estime  qu'ils  ont  l'un 
pour  l'autre  :  cette  estime  trouve  son  ali- 
ment dans  les  qualités  du  cœur  et  les  bons 
procédés. 

in. 


DE  LA  POLITESSE  DES  ENFANTS  ENVERS  LEURS 

PARENTS. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  seulement  d'un  de- 
voir de  convenance,  mais  d'un  précepte 
divin:  *' Tu  honoreras  ton  père  et  ta  mère." 
Ce  respect  doit  s'étendre  aux  grands  pa- 
rents, oncles,  tantes.^  etc. 

La  grossièreté  envers  les  parents,  outre 
qu'elle  attire  la  malédiction  du  ciel,  a  un 
caractère  odieux  tout  particulier. 


ET  LE  ROX  TON. 


25 


• 


Si  vos  parents  ont  des  défauts— ut  qui 
n'en  a  pas — cela  ?i<  vous  dispense  en  rien 
de  les  rcspoctor, 

Ni  votre  âge,  ni  voLro  condition,  quel- 
(|u  élevée  qu'elle  soit,  ne  peut  vous  affran- 
chir de  l'obligation  d'ulre  respectueux  en- 
vers vos  parents. 

Ne  leur  parlez  jamais  que  la  tute  dé- 
couverte. 

N'élevez  jamais  la  voix  en  vous  adre^5- 
sant  à  eux,  mais  prenez  un  ton  modeste 
et  respectueux. 

Est-il  nécessaire  de  signaler  ici  un 
abus  aussi  absurde  que  ridicule,  qui  con- 
siste pour  les  parents  à  se  faire  tuloyer 
par  leurs  enfants.  C'est  pour  le  moins  de 
très-mauvais  goût.  Croirait-on  cependant 
que  quelques  parents  ont  cru  se  donner 
par  là  du  ton,  des  airs  de  grandeurs?... 
Ils  ignorent,  sans  doute,  ces  braves  gens, 
que  c'est  au  temps  lugubre  de  la  révolu- 
tion française  que  cette  mode  insolite  a 
pris  naissance.  C'est  un  fruit  digne  de 
l'arbre  qui  l'a  produit.  Quel  ordre  admi- 
rable dans  la  société  !  toutes  les  condi- 
tions ramenées  au  môme  niveau  !....  l'en 
faut  traitant  d'égal  ;\  égal  avec  son 
père!....   L'exemple  ent  bientôt  des  imi- 


' 


26 


LA  VRATE  POLITESSE 


tateurs.  Voilà  ce  que  dit  à  ce  sujet  M. 
l'abbé  de  Vauxelle  : 

'*  Les  premières  mères  qui  s'avisèrent 
de  se  laisser  tutoyer  par  leurs  enfants  fu- 
rent quelques  femmes  très-vaines,  qui  cru- 
rent se  distinguer  par  une  singularité  ai- 
mable. Leur  exemple  fut  suivi  par  une 
foule  d'autres  plus  passionnées  que  vrai- 
ment tendres  pour  leurs  enfants,  et  par 
quelques  pères  plus  complaisants  que  sa- 
ges. Elles  révèrent  que  le  secret  d'être 
toujours  aimées  par  ces  êtres  si  chers 
était  trouvé,  que  la  familiarité  établirait 
la  confiance  et  n'amènerait  point  l'indé- 
pendance et  le  mépris Mais  l'en- 
fant, enhardi  par  cette  condescendance, 
marche  toujours  plus  avant  dans  la  voie  de 
la  familiarité.  Dès  qu'il  lui  est  permis  de 
tutoyer  son  père,  il  doit  regarder  comme 
tout  naturel  de  l'appeler  son  ami,  et  de 
le  traiter  comme  tel.  Or  l'on  demande 
volontiers  les  conseils  et  les  avis  d'un  ami, 
maiG  on  n'aime  pas  à  recevoir  des  ordres 
de  lui.  Pourtant  il  arrive  souvent  qu'un 
père  pst  obligé  de  donner  des  ordres,  et 
plus  la  familiarité  est  grande,  plus  l'auto- 
rité parait  dure.  r     - 

''Le  père  lie  doit  pas  oublier  qu'il  ne 


ET  LE  BON  TON. 


27 


lui  est  jamais  permis  d'abdiquer  sa  di- 
gnité de  roi.  Il  ne  Tabdique  pas  en  jouant 
souvent  avec  ses  enfants,  en  se  livrant  à 
leur  caresse,  en  se  laissant  môme  surpren- 
dre avec  eux  dans  la  posture  de  Henri  IV; 
mais  il  l'abdique  en  leur  donnant  un 
droit  qu'il  ne  peut  plus  leur  retirer,  s'ils 
s'en  rendent  indignes.  Le  supérieur  s'ho- 
nore et  ne  s'avilit  pas  en  descendant  de 
son  plein  gré,  pour  se  faire  humble,  au 
milieu  des  petits,  mais  il  se  découronne 
en  laissant  l'inférieur  s'asseoir,  quand  bon 
lui  semble,  à  ses  côtés." 

Un  enfant  ne  peut  rien  faire  de  plus 
injurieux  pour  ses  parents,  ni  de  plus 
mé^irisable  pour  lui-mume,  que  de  rougir 
de  leur  condition,de  la  simplicité  de  leurs 
manières,  de  leur  défaut  d'instruction,  de 
l'inexactitude  de  leur  langage,  de  leur 
manque  d'usage.  Souvent  ces  vieux  pa- 
rents, sans  instruction,  ont  beaucoup  plus 
de  véritable  politesse  que  le  jeune  fat 
qu'ils  ont  fait  instruire  au  prix  de 
leurs  sueurs,  et  qui,  avec  un  petit  vernis 
de  savoir,  manque  le  plus  souvent  aux 
W^gles  les  plus  élémentaires  de  la  poli- 
tesse. 

Quand  on  est  avancé  on  âge,  on  devient 


28 


LA  VRAIE  POLITESSE 


très-sensible.  C'est  im  devoir  de  politesse 
pour  les  enfants  d'éviter  avec  le  plus 
grand  soin  tout  ce  qui  pourrait  blesser 
cette  grande  sensibilité  de  leurs  vieux  pa- 
rents. '*  N'ajoutez  pas,  dit  Silvio  Pellico, 
dans  son  livre  des  Devoirs  des  hommes^ 
aux  tristesses  qui  courbent  les  têtes  blan- 
chies autant  que  l'âge.  Que  votre  vue,que 
votre  présence  les  raniment  et  les  réjouis- 
sent I  Chaque  sourire  que  vous  rappelle- 
rez sur  leurs  lèvres,  chaque  mouvement 
de  joie  que  vous  réveillerez  dans  leur 
cœur,  sera  peureux  la  plus  salutaire  des 
jouissances  et  redescendra  sur  vous-même 
comme  une  rosée  bienfaisante:  Dieu  con- 
firme toujours  les  bénédictions  des  pères 
et  des  mères." 

» 

IV. 


DE  LA  CONDUITE  DES  PARENTS  E^^VERS  LEURS 

ENFANTS. 


Personne  n'ignore  l'iniluence  de  l'ex- 
emple :  voulez-vous  que  vos  enfants  pra- 
tiquent la  politesse,donnez-leur  en  l'exem- 
ple. 1/enfant  est  imitateur  par  nature,  et 
se  moule  presqu'invariablement  sur  le 
modèle  que  lui  oflVent  ses  pères  et  mères. 


s 
r 


;? 


ET  LE  BON  TON. 


29 


Donc  grande  circonspection  chez  les 
parents  sur  toutes  leurs  paroles,  sur  toutes 
leurs  actions. 
S'il  s'élève  quelque  différend  entre  le  père 
et  la  mère,  qu'ils  se  gardent  bien  de  s'ex- 
pliquer en  présence  de  leurs  enfants.  Ceux- 
ci  ne  doivent  jamais  être  témoins  de  ce 
genre  de  contestations,  mais  uniquement 
des  bons  procédés  dont  leur  père  et  mère 
usent,  l'un  envers  l'autre. 

Si  vous  voulez  former  vos  enfants  à  des 
habitudes  de  politesse,  soyez  polis  avec 
eux  ;  ne  vous  permettez  jamais,  en  les  re- 
prenant, des  paroles  triviales,  grossières. 

Point  de  despotisme  avec  eux  ;  n'abusez 
pas  de  votre  autorité.  Ils  ne  doivent  pas 
vous  craindre  au  point  de  trembler  tou- 
jours en  votre  présence,  de  perdre  toute 
présence  d'esprit  et  de  ne  pouvoir  rien 
faire  de  bien.  On  a  vu  des  enfants,  d'une 
nature  très-délicate  et  très-sensible,  doués  ^ 
de  beaucoup  d'intelligence,  devenir  hé- 
bétés par  suite  des  secousses  qu'éprouvait 
chez  eux  le  système  nerveux  toutes  les 
fois  qu'ils  entendaient  seulcMiient  la  voix 

de  leur  père. 
'     Il  faut  que,  tout  en  vous  respectant,  vos 

enfants  soient  à  l'aise  devant  vous  ;  qu'ils 


;  1 


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30 


LA  VRAIE  POIilTESSE 


se  sentent,  en  un  mot,  en  présence  d'un 
bon  père,  d'une  bonne  mère,  chez  qui 
toutefois  la  bonté  ne  doit  jamais  dégénérer 
en  faiblesse. 

Tenez  fermement  a  ce  que  vos  enfants 
observent,  les  uns  envers  les  autres,  dans 
l'intérieur  de  la  famille,  toutes  les  règles 
de  la  politesse  et  de  la  bienséance  qu'ils 
doi  v'ont  pratiquer  plus  tard  dans  le  monde. 
La  politesse,  avons-nous  dit,  est  une  vertu  ; 
or  une  vertu  ne  s'acquiert  que  par  l'ha- 
bitude. On  ne  devient  pas  poli  tout  d'un 
coup,  après  avoir  parcouru  un  traité  de 
politesse.  Soyez  certains  que,  en  fait  de 
politesse  et  de  savoir-vivre,  vos  enfants 
seront  plus  tard  ce  qu'ils  sont  aujourd'hui 
dans  votre  maison. 

Nous  ne  pourrions  mieux  terminer  ce 
chapitre  qu'en  disant  avec  un  estimable 
auteur  que  les  membres  d'une  même  fa- 
mille se  doivent  quelque  chose  de  mieux 
que  la  politesse,  c'est-à-dire  qu'aux  égards 
réciproques  et  à  la  douceur  des  relations, 
on  doit  joindre,  une  nuance  de  cordialité, 
si  ce  n'est  d'amitié.  L'amitié,  elle  existe, 
elle  doit  exister  entre  frères  et  sœurs,  et 
la  politesse  du  cœur  en  relèvera  les  char- 
mes; les  attentions  délicates,ramabilité,la 


. 


ET  LE  BOxN  TON. 


31 


confiance  en  éterniseront  la  durée,etpour 
nos  autres  parents,  la  simplicité  affectu- 
euse de  notre  langage,  nos  égards,nos  pré- 
venances leur  prouveront  toujours  que 
nous  ne  les  traitons  pas  en  étrangers. 


I 


. 


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CHAPITRE  TROISIEME 


POLITESSE  DANS  LES  COLLÈGES, 
PENSIONNATS,  &c. 

i 

Si  l'éducation  aue  Ton  reçoit  dans  la 
maison  paternelle  exerce  une  si  grande 
influence  sur  tout  le  reste  de  la  vie,  il  va 
sans  dire  qu'elle  doit  être  continuée  dans 
le  pensionnat. 

Le  temps  que  l'on  consacre  à  inculquer 
dans  l'esprit  des  élèves  les  principes  de  la 
politesse  et  du  savoir-vivre  n'est  pas  un 
temps  perdu,  tant  s'en  faut.  Des  manières 
affables,  des  formes  polies  contribuent 
souvent,  autant  que  la  science,  à  assurer 
à  un  jeune  homme  le  succès  dans  le 
monde.  Or  il  est  placé  dans  un  pension- 
nat pour  apprendre  toutes  ces  choses 

Il  arrive  trop  souvent  que  dt' jeunes 
gens,  doués  de  beaucoup  de  qualités  na- 
turelles, n'ont  reçu  aucune  éducation  de 
leurs  parents.  N'est-il  pas  cruel  de  les 
instruire  uniquement  dans  les  lettres? de 


LA  VRAIE  POLITESSE 


33 


leur  laisser  ignorer  les  règles  de  la  bien- 
séance et  du  savoir-vivre  qu'ils  doivent 
observer  dans  le  monde  ?  de  leur  laisser  la 
tâche  humiliante  d'apprendre  ces  choses, 
qui  pourtant  font  partie  d'une  éducation 
achevée,  eux-mêmes,  et  au  prix  de  plus 
d'une  gaucherie.  , 

En  entrant  au  pensionnat,  on  doit 
prendre,  si  on  ne  les  a  déjà,  et  cela  tout 
de  suite,  des  habitudes  d'ordre  et  de  pro- 
preté. Malheureusement  c'est  là,  le  plus 
souvent,  que  l'on  contracte  les  habitudes 
contraires.  Sous  prétexte  qu'on  n'a  à  sa 
disposition,  pour  sa  toilette,  que  peu  de 
temps,  on  se  néglige  ;  on  laisse  régner  le 
désordre  dans  son  coffre,  son  bureau  de 
toilette,elc.;  le  linge,  les  habits  y  sont  jetés 
pêle-mêle.  La  conséquence  est  que  plus 
tard,  quand  on  aura  embrassé  un  état 
de  vie,  une  profession,  le  même  désordre 
régnera  dans  la  bibliothèque,  dans  les  pa- 
piers les  plus  importants,  suite  d'une 
mauvaise  habitude  contractée  au  collège. 

Pour  ce  qui  regarde  la  propreté,  ne 
craignons  pas,  comme  quelques-uns,  de 
pousser  les  choses  trop  loin  ;  elle  ne  sau- 
rait jamais  être  excessive  ;  jamais  nous 
n'en  dépasserons  les  limites.  Ainsi  grande 


34 


LA  VRAIE  POLITESSE 

f 


propreté  pour  tout  ce  qui  regarde  la  toi- 
lette, le  linge,  les  habits,  et  surtout  sa 
personne. 

L'usage  du  bain,  surtout  en  été,  doit 
être  fréquent;  la  santé  le  réclame  autant 
que  la  propreté. 

Que  la  figure  et  les  mains  soient  toujours 
parfaitement  nettes  ;  lavez- vous  aussi  la 
tête  très-souvent  ;  portez  les  ongles  courts, 
et  veillez  à  ce  que  vos  cheveux  ne  soient 
jamais  en  désordre. 

Il  est  impossible  d'entrer  ici  dans  tous 
les  détails  ;  toutefois  il  est  un  point,  fort 
négligé,  sur  lequel  nous  voulons  insister, 
c'est  le  soin  que  Ton  doit  prendre  de  sa 
bouche. 

Que  l'on  se  persuade  bien  que  rien 
n'indique  autant  la  mauvaise  éducation 
qu'une  bouche  malpropre. 

Les  enfants  doivent  être  accoutumés, 
dès  leurs  premières  années,  à  prendre  un 
soin  tout  particulier  de  leurs  dents  :  c'est 
l'unique  moyen  de  les  conserver  saines, 
et  d'éviter  une  foule  d'inconvénients, 
entre  autres  celui  d'avoir  une  haleine  qui 
est  la  terreur  de  tous  les  voisins. 

On  doit   invariablement  se    laver  la 


'  "n 


ET  LE  BON  TON. 


bouche  et  se  brosser  les  dents  tous  les 
jours. 

Les  élèves  doivent  avoir  un  grand  res- 
pect pour  leurs  maîtres,  se  découvrir 
quand  ils  les  rencontrent  ou  qu'ils  leur 
parlent,  et  observer,  eu  un  mot,  scrupu- 
leusement envers  eux  toutes  les  règles 
de  la  politesse. 

Outre  ces  devoirs  de  bienséance  envers 
leurs  maîtres  et  maîtresses,  les  élèves  en 
ont  aussi  à  observer  entre  eux. 

*'  L'usage  du  tutoiement  entre  élèves 
contribue  beaucoup,  dit  M.  Balme-Frézol, 
à  propager  le  mauvais  ton  dans  les  pen- 
sionnats. Rien  ne  prèle  plus  à  la  gros- 
sièreté et  ne  s'oppose  davantage  aux  for- 
mes délicates  du  langage,  dont  il  importe 
de  faire  contracter  l'habitude  aux  jeunes 
filles. 

"Aujourd'hui,  dans  les  collèges,  où 
Ton  fait  une  large  pai't  à  l'éducation ,  * 


^  D'après  Verardi,  *'c(3  qu'on  appelle  dans  le 
monde  une  bonne  èducalion  n'est  nullement  l'édu- 
cation du  collège  ou  du  pensionnat et  elle  ne 

peut  s'acquérir  que  par  la  fréquentation  de  la 
bonne  compagnie.  " 

Nous  ne  voulons  pas  décider  si  Vérardi  est  dans 
le  vrai  en  appréciant  ainsi  Uéducation  des  collèges 
et  des  pensionnats  dans  $ou  pays  ;  mais,  d'un  autre 


36 


L\  VllAlE  POLITESSE 


011  a  proscrit  le  tutoiement.  Ces  Jeu  lies 
gens  qui  les  eoinposent  n'en  sont  pas 
moins  bons  amis.  Et  lorsque  deux  cama- 
rades d'étude  se  retrouvent,  après  do  lon- 
gues années^  jetés  dans  les  positions  so- 
ciales les  plus  différentes,  ils  n'éprouvent 
aucun  embarras,  et  peuvent  très  bien, 
sans  paraître  rougir  l'un  de  l'autre,  se 
traiter  comme  ils  le  faisaient  au  collège. 

"  Qui  n'a  admiré  la  dignité  que  donne 
au  plus  pauvre  artisan  cette  formule  res- 
pectueuse du  vous  dont  se  sert  le  patron 
en  lui  adressant  la  parole.'* 

On  dira  peut-être  qu'il  n'y  a  pas  grave 


^j 


côlé,  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  la  bonne  éduca 
lion  ne  serait  pas  celle  des  collèges  et  des  pension- 
nats ;  nous  ju^^ons,  au  contraire,  qu'elle  devrait 
l'être.  Il  prétend  que  cette  éducation  ne  peut 
s'acquérir  que  ''  par  la  fréquentation  de  la  bonne 
compagnie".  Nous  nous  demandons  pourquoi  la 
bonne  compagnie  ne  serait-elle  pas  au  collège,  au 
pensionnat.  Si  elle  se  trouve  quelque  part,  il  nous 
semble  que  ce  devrait  être  là.  Pendant  les  années 
que  les  élèves  passent  dans  ces  maisons,  il  y  a  tout 
le  temps  et  tout  le  loisir  nécessaires  pour  les  for- 
mer à  la  vraie  politesse,  pour  leur  apprendre  les 
règles  de  la  bieaséance  et  les  usages  du  monde. 
Les  plus  anciens  élèves,  d'après  nous,  devraient 
être  une  véritable  "  bonne  compagnie"  au  contact 
de  laquelle  les  plus  jeunes,  aidés  des  leçons  do 
leurs  maîtres,  viendraient  se  former  aussi  eux- 
mêmes.  -    V 


ET  LE  BON  TON. 


^7 


incouvénient  à  ce  quo  des  jeunes  gens, 
qui  quelquefois  se  sont  connus  depuis 
leur  enfance,  qui  ont  été  élevés  voisins 
les  uns  des  autres,  se  tutoient  au  collège. 
C'est  vrai  dans  un  sens  ;  mais,  d'un  autre 
côté,  il  est  indubitable  que  l'habitude  que 
Ton  contracte  dans  les  collèges  de  se 
tutoyer  tous  les  uns  les  autres,  comme 
cela  se  pratique-  ici,  favorise  la  camara- 
derie, tend  à  propager  le  mauvais  ton, 
môme  en  dehors  du  pensionnat,  quand  on 
sera  entré  dans  le  monde.  Par  suite  de 
l'habitude,  on  continuera  de  se  tutoyer  ; 
on  tutoiera  les  serviteurs,  les  pauvres  ;  ou 
tutoiera  invariablement  tous  les  enfants, 
et  l'on  s'oubliera  quelquefois  jusqu'à 
tutoyer  des  personnes  à  qui  l'on  doit  le 
respect,  et  l'on  donnera  par  là  une  bien 
triste  idée  de  son  éducation.  Il  suffit 
quelquefois  d'un  écart  de  ce  genre  pour 
faire  perdre  à  un  jeune  homme  de  grands 
avantages  dans  le  monde. 

"  C'est  parcequ'on  ne  réfléchit  pas  aux 
avantages  et  aux  prix  de  la  politesse,  qu'il 
y  a  tant  d'hommes  impolis  et  grossiers, 
dit  l'auteur  de  rEcole  des  mœurs.  Ils  né- 
gligent les  manières  comme  de  petites 

choses,  et  ils  ne  savent  pas  que  les  ma- 

2 


m 


as 


Î.A  VhAîK  fOMlT^SI'] 


R 


nièrcssonl  sonvriU,  ro  qui  fait  que  les 
hommes  tlécidcnl  de  uous  eu  bien  ou  en 
mal.  Ou  ne  peut  [kis  pénétrer  l'intérieur 
et  l'on  en  Ju^^e  par  ce  qu'on  aperroil.  Il 
ne  faut  prcs(|ue  ri(Mi  pour  être  cru  fier, 
incivil,  nïépi'isaul,  il  Tant  encore  moins 
pour  être  estimé  tout  Ut  contraire.  Vou- 
lez-vous ([ue  tout  1(»  nwjudiî  vous  aime  et 
vous  estime  ?  Ay(?z  pour  tout  le  monde 
beaucoup  d'honnêteté,  de  douceur  et  de 
polilesse  :  c'est  ]»ar  là<]ue  vous  gagnerez 
tous  les  cœurs.  U homme  dont  la  société 
est  aimable,  dit  Salomon,  s^n-a  plus  aimé 
que  ne  l'csl  101  frire.'' 

'* Celui  qui  se  fait  aimer  de  tout  le 
monde  entreprend  [»eu  d'atïaires  qui  ne 
lui  réussissent  ;  chacun  s'empresse  de 
l'obliger;  ou  rougirait  de  faire  peine  à 
celui  qui  ne  cherche  qu'à  faire  plaisir 
aux  autres,  qu'à  s'en  faire  aimer." 

On  doit  être  cormplaisant  pour  tous  ses 
condisciples  ;  aimer  à  leur  rendre  ser- 
vice. 

On  ne  doit  jamais  se  permettre  detoni'- 
ner  en  ridicule  ceux  qui  ont  moins  de 
talents  ;  c'est  là  un  grand  manque  de 
charité  et  de  délicatesse.  Leur  séjour  au 
collège  est  assez  pénible,ennuyeux,  et  l'on 


KT  LE  BON  TOiV. 


19 


11 


doit  tâcher  de  le  leur  rendre  ^e  moins 
'  lésagréable  possible. 

Il  faut  bien  se  garder  de  l'impardon- 
nable légèreté  qui  pourrait  nous  porter  à 
rire  des  défauts  naturels  de  quelques 
condisciples. 

C'est  montrer  de  Tétroitesse  d'esprit 
que  de  tirer  gloire  de  sa  naissance,  de  sa 
fortune.  Si  l'on  était  tenté  de  le  faire,  il 
faudrait  se  rappelej'  que,  dans  quelques 
années,  certains  condisciples,  qui  appar- 
tiennent à  des  familles  pauvres,  nous  au- 
ront peut-être  jetés  dans  l'ombre. 

Que  les  élèves  ne  perdent  jamais  de 
vue  la  simplicité  qui  convient  à  leur  âge,  à 
leur  position.  Cet  avis  doit  surtout  s'a- 
dresser aux  jeunes  filles  qui  sont  plus 
exposées  à  aimer  à  poser,  à  prendre  des 
airs  de  grandeur,  à  adopter  une  pronon- 
ciation affectée,  toutes  choses  qui  pour- 
raient les  rendre  ridicules,et  qui,  de  plus, 
sont  opposées  à  la  politesse  et  à  la  bien- 
séance. 

On  conçoit  qu'on  ne  fait  ici  qu'esquisser 
à  grands  traits  quelques-unes  des  princi- 
pales règles  de  bienséance.  On  trouvera 
le  supplément  de  ce  qui  manque  ici  dans 
*le  reste  de  l'ouvrage. 


•    • 


CHAPITRE  QUATRIEME. 


(C 


BIENSÉANCE  A  L^ÉGLISE. 


Si  l'on  peut  dire,  en  toute  vérité,  que 
la  bonne  tenue  est  la  manifestation  des 
qualités  morales,  on  peut  ajouter  qu'elle 
est  surtout  une  marque  de  respect.  A  ce 
titre,  où  devez-vous  mieux  vous  conduire 
qu*à  l'église  ? 

En  vous  sentant  ainsi  plus  spécialement 
en  présence  du  Seigneur,  vous  devez  son- 
ger à  sa  puissance  et  à  votre  néant;  vous 
n'aurez  pas  besoin  alors  de  vous  étudier  à 
baisser  les  yeux,  à  marcher  modestement, 
car  vous  serez  pénétré  d'un  sentiment 
profond  qui  concentrera  sur  un  seul  point 
toutes  vos  facultés,  et  produira  néces- 
sairement une  tenue  respectueuse  et 
recueillie.  En  dehors  de  ce  maintien 
décent,  humble  et  modeste  que  vous  ins- 
pireront vos    pensées,    il  est   quelques^ 


^m^ 


LA  VKAIË  POLITESSE 


41 


K 


t 


règles  de  conduite  dans  Téglise  que  nous 
allons  rappeler  ici.  * 

.  Il  est  contraire  à  Li  bienséance  d'arri- 
ver à  réglise  après  que  roffîcc  est  com- 
mencé. Il  y  a  des  personnes  qui  le  font 
par  négligence  ;  c'est  coupable  et  peu  édi- 
fiant ;  d'autres  arrivent  tard  pour  se  faire 
voir,  c'est  petit  et  ridicule.  Dans  l'un  et 
Tautre  cas,  «î'est  malséant,  car  on  devient 
un  sujet  de  distraction  pour  les  autres  et 
on  trouble  ainsi  le  service  divin. 

Il  faut  ouvrir  et  refermer  la  porte  de 
réglise  le  plus  doucement  possible  ;  se 
garder  de  frapper  du  talon  en  marchant, 
ou  de  faire  le  moindre  bruit,  surtout  si 
Ton  arrive  pendant  le  sermon. 

Si  Ton  accompagne  à  l'église  une  per- 
sonne à  qui  l'on  doit  des  égards,  il  faut 
lui  ouvrir  la  porte,  que  l'on  retient  ou- 
verte pendant  qu'elle  entre  ;  puis  on  la 
précède  au  bénitier;  on  lui  présente, 
après  s'être  déganté,  de  l'eau  bénite,  du 
bout  des  doigts. 

Avant  d'entrer  dans  votre  banc,  ne 
manquez  jamais  de  saluer  le  Saint  Sacre- 
ment, en  faisant  la  génuflexion»  Cet 
usage  établi  ici  est  très  beau,  très  édifiant  ; 
il  est  suivi,  par  les  dames  et  les  messieurs, 


42 


LA  VRAIE  POLITESSE 


aux  Elals-Unis  et  en  Angleterre.  Cette 
génuflexion  ne  doit  jamais  s'omettre  en 
entrant  à  Téglise  et  quand  on  en  sort. 

On  doit  se  conformer  en  tout  au  céré- 
monial de  réglise,soit  pour  se  tenir  de- 
bout, à  genoux,  ou  assis. 

Quelque  soit  le  mérite  ou  la  médiocrité 
du  prédicateur,  n'allez  jamais  vous  aviser 
de  donner  aucune  marque  d'approbation 
ou  de  blâme. 

Ne  saluez  pas,  dans  Téglise,  les  per- 
sonnes de  votre  connaissance.  Si  cela 
devait  se  pratiquer,  Téglise  ressemblerait 
plus  à  un  lieu  de  promenade  publique 
qu'à  une  réunion  des  fidèles  pour  prier 
Dieu.  ' 

A  l'église  on  ne  présente,  ni  on  n'ac- 
cepte le  bras.  • 

Il  va  sans  dire  que  l'on  ne  doit  se  pré- 
senter à  Péglise  qu'avec  une  toilette  con- 
venablement soignée.  Chez  la  femme,  le 
fastg,  l'extravagance  dans  la  toilette,  l'air 
évaporée,  le  désir  d'attirer  l'attention, 
toutes  choses  déplacées  dans  les  assem- 
blées mondaines,  deviennent  coupables  à 
l'église.  Et  cependant  qu'il  est  commun 
de  rencontrer  aujourd'hui^  au  pied  des 
saints    autels,  des    toilettes  où   percent 


! 


ET  LE  BON  TON. 


40 


S 


manifestement  un  désir  effréné  d'attirer 
l'attention  et  de  plaire.  Et  dire  que  la 
femme  ne  devrait  paraître  que  voilée  dans 
le  temple!... 

*^  Je  n'aime  pas,  dit  madame  la  Com- 
tesse de  Drohojowska,  une  toilette  à  effet 
à  réglise  ;  il  me  semble  que  lorsqu'on  va 
s'incliner  aux  pieds  du  Seigneur  pour  y 
reconnaître  sa  faiblesse,  il  est  peu  séant 
de  se  couvrir  des  signes  extérieurs  de  la 
vanité  et  de  l'orgueil. 

Parlant  d'un  office  divin  auquel  elle 
avait  assisté,  madame  la  comtesse  s'ex- 
prime ainsi  : 

"  Si  la  prétentieuse  et  bruyante  dé- 
marche de  quelques  femmes  m'avait  déjà 
si  tristement  frappée,  quel  ne  fut  pas  mon 
chagrin  lorsque,  me  faisant  observatrice 
malgré  la  sainteté  de  la  maison  du  Sei- 
gneur, je  remarquai  l'air  hautain,  pro- 
tecteur, avec  lequel  beaucoup  trop  de 
femmes  gagnaient  leur  place,  dérangeant, 
sans  même  payer  la  politesse  qu'elles  exi- 
geaient d'un  sourire  d'excuse,  dérangeant 
dis-je,  les  gens  modestement  vêtus  sans 
se  préoccuper  des  distractions  et  de  l'hu- 
meur qu'elles  pouvaient  causer.  Mais  du 
moins,  pensai-je,  une  fois  installées,  sur 


ii 


44 


LX  VRAIE  POLITESSE 


i 


leur  prie-Dieu,  ces  belles  dames  vont 
songer  au  but  de  la  visite  qu'elles  font  au 
Seigneur  et  déposer  leurs  arrogantes  ma- 
nières....Mon  charitable  espoir  devait 
encore  être  trompé.  Après  une  légère 
inclination  de  tête,  les  grands  airs  repri- 
rent leurs  cours,  et  vraiment,  à  voir  ces 
têtes  parées  se  promener  sur  Tauditoire, 
ou  se  fixer  sans  fléchir  vers  l'autel,  on 
eût  pu  oublier  aisément  où  l'on  se  trou- 
vait et  se  croire  dans  une  réunion  mon- 
daine, où  le  seul  soin  des  assistantes  était 
de  dominer  et  d'écraser  autrui  du  poids 
de  sa  supériorité.  Et  dans  le  nombre  de 
ces  femmes,  beaucoup,  la  majeure  partie 
même,  étaient  jeunes  ;  il  ne  leur  aurait 
fallu,  pour  paraître  presque  des  enfants, 
qu'un  peu  de  cette  aimable  simplicité  qui 
devient  chaque  jour  plus  rare.  Beaucoup 
'  assurément  n'avaient  pas  dans  le  cœur 
l'orgueil  que  marquait  leur  tenue,  beau- 
coup s'humiliaient  dans  le  fond  de  l'âme 
pendant  que  leur  physionomie  démentait 
leurs  sentiments  et  les  faisait  mal  juger. 
''  Pauvres  jeunes  femmes  !  elles  s'imagi- 
naient prendre  une  apparence  de  dignité^ 
de  comme  ilfaut^  et  elles  offensaient  Dieu 
et  blessaient  le  regard  des  hommes." 


' 


ET  LE  BON  TON. 


45 


On  ne  saurait  mieux  terminer  ce  chapi- 
tre que  par  une  courte  citation,  emprun- 
tée à  un  spirituel,  mais  peu  dévot  critique, 
et  qui  corrobore  tout  ce  qui  précède. 

''  Les  femmes  mondaines,  dit-il,  ont  une 
singulière  religion  :  c'est  le  dimanche, 
en  grande  parure,  qu'elles  font  à  Dieu  une 
visite  de  cérémonie,  à  l'heure  où  tout  le 
monde  y  va  et  où  elles  espèrent  bien  ne  pas 
rencontrer  le  maître  de  la  maison  ;  alors 
chacune,  sous  prétexte  de  prier  Dieu,  ne 
néglige  aucun  moyen  de  le  faire  oublier 
aux  autres  ;  par  la  parure, par  les  attitudes, 
on  s'efforce  d'attirer  l'attention  des  fidèles 
et  de  les  damner,  en  leur  faisant  adorer 
des  idoles.  " 

Nous  ne  voudrions  pas  faire  aux  dames 
de  ce  pays  l'injure  de  dire  que  ces  paroles 
peuvent  avoir  ici  leur  application;  si 
nous  les  citons,  c'est  par  ce  qu'elles  font 
voir,  du  moins,  jusqu'où  peut  conduire 
la  vanité,  le  désir  d'être  admiré.  Cette 
passion  aveugle  et  empêche  de  voir  que 
l'on  se  rend  pour  le  moins  ridicule. 


l 


m 


CHAPITRE  CINQUIEME. 


POLITESSE    DANS  LES  VISITES. 


DE    LA    TOILETTE. 

"""La  simplicité  dans  les  vêtements,  dit 
un  auteur  distingué,  indique  un  esprit 
juste  ;  et,  si  on  examine  avec  une  certaine 
pénétration  la  toilette  d'une  femme,  on 
arrive  très-laciiement  à  déterminer  les 
tendances  de  son  intelligence  et  de  son 
caractère.  La  mollesse  des  vêtements 
montre  celle  de  Tame.'* 

Quant  à  la  toilette,  dans  les  visites  que 
Ton  reçoit  ou  que  Ton  fait,  elle  peut  stric- 
tement se  résumer  en  deux  mots  :  Pi^o- 
prêté  et  simplicité  ;  avec  ces  deux  choses 
on  satisfait  à  la  rigueur  0ux  exigences 
de  la  politesse.  Cela  n'empêche  pas  qu'il 
faille  aller  un  peu  plus  loin  pour  suivre 
les  usages  reçus  dans  le  monde.    Nous 


.< 


t 


LA   VRAlb]  IMjLlTHSSK  ' 


47 


I 


résiiuierioiis  donc  parfaitoinonL  tout  ci; 
qui  reganîo  la  toilello  en  njonlanl  nn  mot 
de  plus  :  Proprrti\  ^iDiplinilc  (4  hon  rjout. 

D'abord  on  doil  se  confornicr  aux  mo- 
des, poni'vn  qu'elles  no  soient  nullement 
contraires  à  la  modeslif»,  el  qu'elles  ne 
soient  point  non  plus  ridicules. 

Madame  Bourdon,  dans  son  petit  traité 
de  politesse,  veut  qu'unie  maîtresse  de 
maison,  lorsqu'elle  reçoit,  soit  habillée 
simplement,  et -ne  l'isqne  pas  d'éclip- 
ser, par  l'éclat  de  sa  parure,  les  personnes 
qui  la  visitent.  Voilà  qui  sent  la  vérita- 
ble politesse  :  s'efTaccn'  soi-même  pour  lais- 
ser à  une  personne,  qui  nous  l'ait  l'hon- 
neur de  nous  visiter,  l'avantage  de  mieux 
paraître.  Profitons  donc  de  cette  excel- 
lente leçon.  MalhtHirensement  ce  n'e^t 
pas  ainsi  que  l'on  comprend  la  chose  ici  ; 
en  quelque  circonstance  que  ce  soit  qu'une 
femme  se  voie  éclipsée  par  la  toilette 
d'une  autre,  elle  e?t  inconsolable,  et  se 
chagrine  comme  si  elle  eût  subi  une 
grande  défaite. 

Pour  la  toilette  des  messieurs,  il  y  a 
trois  choses  pour  lesquelles  on  ne  saurait 
être'  trop  particulier,  savoir  :  le  chapeau, 
les  gants  et  les  bottes.    Sans  doute,  ce 


i 

II 

1 .1. 

w 


ri 


48 


LA.  VRAIE  POLITESSE 


serait  manquer  à  la  politesse  que  de  né- 
gliger,dans  une  visite,les  autres  parties  de 
la  toilette;  mais  enfin,  Tétiquette  est  inex- 
orable pour  les  trois  articles  qu'on  vient 
de  mentionner  ;  et,  au  risque  de  se  brouil- 
ler avec  monsieur  Bon  Ton,  il  faut  qu'il 
n'y  ait  aibsolument  rien  à  reprendre  à  leur 
égard. 

Pour  les  visites,  l'habit  noir  est  de  ri- 
gueur. 

Les  dames  ne  sauraient  être, par  rapport 
à  la  toilette,  trop  en  garde  contre  l'excen- 
tricité. C'est  dans  leur  nature  d'aimer  la 
parure,  et  il  est  si  facile  de  tomber  dans 
les  extrêmes  !  D'un  autre  côté,  il  est 
certain  qu'aujourd'hui  le  goût,  en  ce 
qui  regarde  leur  toilette,  est dépravé,qu'il 
choque  le  bon  sens.  Nous  ne  voulons  pas 
insister  plus  longuement  sur  ce  sujet,nous 
nous  contenterons  d'ajouter  que  toutes  ces 
modes  excentriques  sont  opposées  au  bon 
ton.  On  peut  se  parer  avec  goût,  avec 
élégance  môme,  sans  donner  dans  toutes 
les  exagérations  qui  sont  à  l'ordre  du 
jour. 

Il  est  des  circonstances  dans  la  vie  qui 
exigent,des  personnes  qui  font  des  visites» 
certaines  toilettes  particulières. 


ET  LE  BON  TON. 


49 


Comme  nous  Tavons  déjà  dit,  les  toi- 
lettes brillantes  ne  doivent  pas  être  portées 
à  l'église. 

Il  ne  convient  pas  non  plus  de  s'habil- 
ler trop  richement  quand  on  va  visiter  les 
pauvres;  le  contraste  avec  leur  misère 
serait  trop  saillant.  Nous  leur  devons  cet 
égard,  celte  délicatesse,  de  ne  pas  étaler 
à  leurs  yeux  de  riches  parures,  tandis 
qu'eux  souvent  n'ont  pas  de  quoi  se  ga- 
rantir contre  l'imtempérie  des  saisons. 

Ce  serait  aussi  de  très  mauvais  goût  que 
de  faire  une  visite  de  condoléance  avec 
une  toilette  brillante.  Les  couleurs  som- 
bres sont  plus  en  rapport  avec  la  circons- 
tance. 

11  convient,  au  contraire,  d'apporter  plus 
de  soin  dans  sa  toilette,  pour  les  visites 
de  noces.  C'est  une  des  circonstances  qui 
réclament  une  parure  assez  riche  et  assez 
recherchée. 

II  \ 

VISITES. 

Il  y  a  trois  sortes  de  visites,  celles  de 
bienséance  ou  d'étiquette,  les  visites  d'a- 
mitié et  celles  de  charité. 


i  '1 


50 


LA  VliAlK  POLITESsr: 


L'iioure  des  visites  de  bienséance  o^l  d'une 
lienre  à  cinq  liçiires.  Pour  les  autres,  on 
est  moins  particulier  pour  l'heure  ;  toute- 
fois, comme  la  politesse  consiste  surtout 
à  ne  jamais-  se  rendre  importun,  on  doit 
éviter  d'en  faire  dans  un  temps  où  l'on 
serait  exposé  à  être  à  charge  à  ceux  que 
Ton  visite.  Il  faut  éyiter  de  se  ]3résenter 
à  rheure  des  repas,  du  travail. 

Une  visite  d'étiquette  ne  doit  guère 
durer  plus  de  dix  minutes  ;  dans  tous  les 
cas,  elle  ne  saurait  se  prolonger  au  delà 
d'un  quart  d'heure. 

Les  visites  d'amitié,  d'alFaire,  de  charité 
peuvent  durer  un  peu  plus  longtemps, 
mais  il  faut  toujours  craindre  le  danger 
de  s'imposer;  uiicîux  vaut  se  levei'  un  peu 
trop  tôt  pour  parti  1*,  sauf  aux  personnes 
que  l'on  visite  de  nous  retenir,  si  elles  le 
désirent,  que  de  leur  causer  de  l'ennui. 
Car  c'est  le  défaut  de  savoir-vivre  le  plus 
insupportable,  celui  que  l'on  pardonne  ie 
plus  difficilement,  que  cette  manie  de 
s'imposer  à  ses  amis,  de  les  ennuyer,  et 
de  leur  ûiire  perdre  leur  temps.  Ainsi,  si 
vous  allez  visiter  un  ami  par  pure  poli- 
tesse, par  affaire,  ou  pour  lui  prodiguer 
quelques  consolations  dans  une  épreuve. 


i 


ET  LE  BON  TON. 


51 


.1 


^ 


À 


vous  étant  acquitté  de  votre  devoir,  reti- 
rez-vous. ' 

Les  visites  du  jour-de-ran  se  font  par 
les  messieurs  le  jour  môme  et  les  suivants. 
Les  dames  retardent  jusqu'au  milieu  ou  à 
la  fui  du  mois  de  Janvier. 

On  peut  toutefois  aller,  dès  la  veille  du 
jour-de-l'an,  offrir  ses  hommages  et  ses 
vœux  aux  personnages  les  plus  élevés  en 
dignité. 

Dans  une  visite  ordinaire,  vous  pouvez 
entrer  avec  votre  canne  et  votre  chapeau; 
dans  une  visite  d'étiquette  vous  les  laissez 
dans  le  vestibule.  Toutefois  on  peut,  dans 
l'un  et  l'autre  cas,  sans  manquer  à  la 
bienséance,  laisser  son  chapeau  et  sa 
canne  dans  l'anti-chambre. 

Dans  une  foule  de  livres  sur  la  politesse, 
écrits  pour  d'autres  pays,  on  nous  avertit, 
bien  qu'au  cas  où  l'on  serait  invité  à  dépo- 
ser son  chapeau,  il  faudrait  bien  se  garder 
de  le  placer  sur  un  lit.  L'avis  serait  ici 
inutile,  attendu  que,  dans  le  pays,  on  ne 
reçoit  personne  en  visite  dans  une  chambre  . 
à  coucher,  si  ce  n'est  dans  les  cas  où  une 
personne  est  retenue  au  lit  par  la  mala- 
die, et  alors,  avant  que  de  pénétrer  jus- 
qu'à sa  chambre,  on  a  soin  de  se  débar- 


■'  il 


P,0 


LA  VRAIE  r»OLITESSE 


rasser  de  son  chapeau,  et  de  le  suspendre 
dans  le  corridor  d'entrée. 

Dans  une  visite,  on  garde  ses  gants. 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  dire  que  Ton 
présente  la  main  aux  personnes  que  l'on 
visite.  Toutefois  les  inférieurs  doivent 
attendre  que  les  supérieurs  la  leur  pré- 
sentent. Ceux-ci,  quand  ils  ont  du  savoir- 
vivre,  ne  se  font  pas  attendre,  et  ne  lais- 
sent jamais  leurs  inférieurs  dans  rem- 
barras. 

Règle  générale,  on  ne  présente  jamais 
la  main  aux  Religieuses. 

En  entrant  au  salon,  après  avoir  fait 
vos  salutations,  vous  restez  debout,  jus- 
qu'à ce  qu'on  vous  invite  à  vous  asseoir  ; 
mais  alors  n'attendez  pas  qu'on  vous  ap- 
proche un  siége,t'aites-le  vous-même,  et  ne 
vous  avisez  pas,en  partantjd'aller  remettre 
ce  siège  à  sa  place. 

Si,  pendant  que  vous  êtes  en  visite,  il  se 
présente  quelqu'autre  personne,  restez 
encore  une  minute  ou  deux,  et  retirez- 
vous.  '  • 

Quand  la  personne  que  vous  allez  visi- 
ter est  absente,  vous  laissez  un-^  carte  que 
vous  déposez  dans  un  plateau  qui  vous 
est  présenté  par  la  servante.  L'nsage  corn- 


KT  LE  BON  TDN. 


53 


i 


mence  î\  s'introduire  ici  de  plier,  dans  ce 
cas,  le  coin  de  la  carte,  pour  indiquer 
qu'on  l'a  apportée  soi-même. 

On  doit  toujours  répondre  à  une  lettre 
de  faire  part  par  une  visite. 

On  ne  peut  se  dispenser  d'une  visite 
après  une  invitation  à  un  dîner,  à  une 
grande  soirée,  que  l'on  accepte  ou  non  la 
politesse  qu'on  a  voulu  nous  faire,  et  cette 
visite  doit  se  rendre  dans  la  huitaine,  au 
plus  tard.  Mais  il  ne  faut  pas  l'appeler 
une  v4site  de  digestion.  Nous  ne  compre- 
nons véritablement  pas  que  quelques  au- 
teurs aient  pu  mettre  en  vogue  cette  vici- 
euse locution  qui  donne  tout  bonnement 
à  entendre  que  l'on  va  digérer  ses  repas 
chez  ses  amis. 

On  dit  bien  une  visite  de  condoléance, 
de  politesse,  de  bienséance,  parceque,dans 
ces  visites,  on  offre  ses  condoléances,  ses 
félicitations,  on  s'acquitte  d'un  devoir  de 
bienséance.  Mais  dans  la  visite  dite  de 
digestion^  que  voulez-vous  digérer  ?  si  vous 
n'avez  pas  accepté  l'invitation,  vous  n'avez 
rien  à  digérer  ;  si  vous  l'avez  accepté,  il 
n'est  'guère  possible  que  votre  digestion 
ne  soit  pas  accomplie  au  moment  de  votre 
visite.  Que  si  elle  ne  l'était  pas,  vous  au- 


n 


54 


LA  VRAIE  POLITESSE 


riez  plus  besoin  de  la  visite  du  médecin 
que  de  vous  mettre  en  frais  de  faire  vous- 
même  des  visites. 

"  En  cas  de  maladie  d'un  parent,  d'un 
ami,  dit  madame  Bourdon,  faites  prendre 
soigneusement  de  ses  nouvelles,  et  si  le 
malade  témoigne  quelque  désir  de  vous 
voir,  empressez-vous  de  lui  faire  visite. 
C'est  un  devoir  de  charité  et  de  biensé- 
ance tout  à  la  fois.  Tâchez  d'apporter 
au  chevet  d'un  malade  la  sérénité  et  la 
consolation  ;  ne  le  fatiguez  ni  par  une 
visite  trop  prolongée,  ni  par  des  éclats  de 
voix,  ni  par  des  questions  intempestives, 
ni  par  une  tristesse  inquiétante,  ni  par 
une  gaieté  déplacée.  Qu'un  bien-être  mo- 
ral résulte  de  votre  présence." 

Il  y  a  certains  défauts  que  l'on  rencon- 
tre, même  chez  des  personnes  qui  se  font 
gloire  d'avoir  du  savoir-vivre,  et  contre 
lesquels  les  jeunes  gens  surtout  ont  besoin 
d'être  en  garde. 

Il  ne  faut  pas  s'étendre  nonchalamment 
sur  son  siège,  se  croiser  les  jambes,  ou 
bien  encore  remuer  et  s'agiter  sans  cesse. 

Il  faut  éviter  aussi  de  remuer  les  pieds, 
de  détériorer  les  tapis,  avec  le  talon  des 


1 1 


ET  LE  BON  TON. 


55 


bottes,  comme  nous  l'avons  vu  faire  plus 
d'une  fois. 

C'est  aussi  une  grande  inconvenance 
que  de  s'emparer  d'un  objet  placé  sur  une 
table  dont  on  est  rapproché,et  de  s'amuser 
à  le  tourner  et  retourner  dans  ses  mains. 

Madame  de  Maintenon  fait  ainsi  le 
portrait  d'une  personne  mal  élevée  : 
••*  C'est  une  personne  qui  se  tient  mal, 
qui  est  distraite,  qui  remue  toujours,  qui 
regarde  de  tous"^ côtés,  qui  n'est  point 
occupée  de  ceux  avec  qui  elle  est,  qui  est 
inquiète,  qui  tourne  la  tête  au  moindre 
bruit,  qui  se  met  de  travers,  qui  cherche 
ses  commodités,  qui  prend  des  postures 
messéantes,  et  qui  en  tout  parait  s'aban- 
donner à  ses  mouvements."  ^ 

Quand  le  temps  de  terminer  votre  visite 
est  arrivé,  il  faut  vous  retirer,  après  avoir 
salué  poliment  les  personnes  que  vous 
quittez.  Il  faut  le  faire  avec  grâce,  et 
tout  de  suite,  sans  balancer.  Il  y  a  des 
personnes  qui  semblent  ne  pouvoir  venir 
à  bout  de  trouver  une  formule  pour  se 
retirer  ;  elles  hésitent,  paraissent  fatiguer 
sur  leur  siège,  et  nous  mettent  aussi  mal 
à  l'aise  qu'elles  le  sont  elles-mêmes. 

Il  faut  bien  se  garder  d*entamerconver- 


56 


LA  VRAIE  POLITESSE 


sation  à  la  porte  du  salon,  ou  à  la  porte 
de  dehors,  si  le  maître  de  la  maison  vous 
fait  la  politesse  de  vous  y  accompagner. 

Nous  avons  vu  une  jeune  personne, 
intelligente,  appartenant  à  une  bonne  fa- 
mille, qui  avait  reçu  son  éducation  dans 
une  de  nos  meilleures  maisons,  commet- 
tre rinconvenance  que  nous  signalons 
ici.  Le  maître  de  la  maison,  qui  avait 
trois  fois  son  âge,  lui  avait  fait  Thonneur 
de  descendre  l'escalier,  et  de  raccompa- 
gner jusqu*à  la  porte  d'entrée.  Eh  bien  ! 
elle  le  retint  là,à  lui  dire  des  riens,  pendant 
vingt  minutes,  et  avec  des  éclats  de  voix 
et  de  rire  que  tout  le  monde  entendait 
du  salon.  Sans  doute  que  ce  n'était  pas 
là  ce  qu'on  lui  avait  enseigné,  mais  ce 
fait  démontre  jusqu'où  on  peut  s'oublier 
en  fait  de  bienséances. 

Nous  aurions  du  signaler  plus  tôt  cer- 
taines circonstances  de  la  vie,où  les  visites 
sont  rigoureusement  imposées  par  les  lois 
de  la  bienséance  ;  tel  que  mort,  mariage, 
naissance,  revers,  fortune,  etc.,  etc. 

Pour  ces  visites,la  toilette  et  la  conver- 
sation doivent  être  en  rappoj'tavec  la  cir- 
constance qui  motive  votre  visite. 

'^  De  toutes  les  visites,dit  madame  Droho- 


( 


/ 


"f': 


ET  L^"  BON  TON. 


57 


jowska,  les  visites  de  charité  sont,  sans 
contredit,  les  plus  précieuses,  celles  qui 
laissent  après  elles  le  plus  de  satisfaction 
et  de  joie;  on  peut  dire  qu'elles  sont  faites 
à  Dieu  lui-même. 

''  Parmi  les  visites  de  charité,  il  en  est 
de  bien  des  sortes.  Les  unes,  et  ce  sont 
les  plus  fréquentes,  ont  lieu  dans  de  pau 
vres  chaumières,  dans  de  sombres  man- 
sardes; elles  portent  avec  elles  Taumône 
qui  fait  vivre,  les  soins  matériels  qui  gué- 
rissent les  plaies  du  corps  et  ne  s'occu 
pent  qu'indirectement  et  comme  par  sxir- 
croit  des  souffrances  de  l'âme. 

V 

i 

"D'autres,  au  contraire,  franchissent  le 
seuil  de  marbre  des  palais  et  vont  porter 
la  parole  de  vie  là  où  respire  l'abondance 
de  tous  les  biens  de  la  terre,  mais  où  la 
douleur  ou  rinçrédulilé  ont  néanmoins 
trouvé  accès. 

*' D'autres  fois  encore,  c'est  près  d'un 
ami,  d'un  égal,  que  vous  guide  la  charité, 
qui  se  cache  alors  sous  le  voile  d'une  sim- 
ple amitié  ;  mais  dans  ce  cas,  comme  dans 
les  autres,  il  ne  faut,  pour  bien  faire  des 
visites  de  charité,  ni  fortune,  ni  esprit,  ni 
pouvoir  :  il  ne  faut  que  cette  vertu  par 


58 


LA  VRAIE  POLITESSE 


excellence  du  christianisme,  Vamour  de 
Dieu  et  du  prochain  ! 

'^J'ai  connu  de  i^-iuvres  familles  du 
peuple  qui  faisaient  d'excellentes  visites 
de  charité,  pendant  que  des  personnes 
opulentes  ne  savaient  que  distribuer  de 
l'argent  et  écraser  la  misère  sous  le  poids 
de  leur  méprisante  pitié."  .       * 

111. 


DE   LA    CONVERSATION. 

"•   ^   '"    ■  i  ■      -      ■  ■'.   .' 

Il  faudrait  un  volume  pour  traiter  cour 
venablement  ce  sujet  ;  on  ne  peut  que 
tracer  ici  quelques  règles  et  signaler  quel- 
ques défauts.  ^ 

Dans  la  conversation,  il  faut  avoir  égard 
à  ce  que  Ton  dit  et  à  la  manière  dont  on 
le  dit,  au  ton,  à  l'expression,  etc. 

''Sachez  parler  à  chacun,  dit  madame 
Drohojowska,  le  langage  qui  lui  convient, 
et,  sans  étaler  jamais  des  prétentions  dé- 
^  placées,  et  des  connaissances  trop  éten- 
dues,prouvez  à  ceux  qui  vous  approchent 
que  vous  avez  assez  d'intelligence  et  de 
bon  sens  pour  vous  intéresser  à  toutes 
choses." 

On  n'intéresse  les  autres  qu'en  s'ou- 


ET  LE  BON  TON. 


59 


bliaiit.  ''  Une  des  choses,  dit  la  Roche- 
foucauld, qui  fait  qu'on  trouve  si  peu  de 
gens  agréables  dans  la  conversation,  c'est 
qu'il  n'y  a  presque  personne  qui  ne  pense 
plutôt  à  ce  qu'il  doit  dire  qu'à  répondre 
précisément  à  ce  qu'on  leur  dit.  Les 
plus  habiles  et  les  plus  complaisants  se 
contentent  de  montrer  seulement  une 
mine  attentive,  en  même  temps  que  l'on 
voit  dans  leurs  yeux  et  dans  leur  aspect 
un  égarement  pour  ce  qu'on  leur  dit  et 
une  précipitation  pour  retourner  à  cequ'ils 
veulent  dire. 

Ne  tombez  pas  dans  ce  péril,  surtout 
lorsque  vous  avez  à.faire  les  honneurs  de 
voire  salon  ;  sachez  écouter  avec  attention 
et  politesse  tout  aussi  bien  que  frayer  les 
voies  à  la  causerie,  et.  îf^quelqu'un,  chez 
vous,  manquait  à  ce  simple  devoir  de  po- 
litesse,ayez  soin,  sans  le  blesser  lui-même, 
de  revenir  sur  ce  qui  vient  d'être  dit,  de 
façon  à  ramener  les  esprits  au  sujet  inter- 
rompu ;  car,  soyez-en  convaincu,  s'il  n'ex- 
iste pas  de  conversation  sans  esprit  natu- 
rel et  sans  imagination,  elle  ne  saurait 
surtout  se  passer  de  bienveillance,  de  po- 
litesse et  de  bons  sentiments." 

Les  lignes  qui  suivent  devront  être  lues 


'  60 


LA  VRAIE  POLITESSE 


attentivement.  Elles  feront  éviter  cer- 
taines manières  de  s'exprimer,  certaines 
formules  qui  dénotent,  chez  ceux  qui  s'en 
servent,  un  grand  défaut  d'éducation,  et 
font  juger  du  coup,  malgré  instruction 
qu'ils  ont  pu  recevoir,  dans  quelle  classe 
de  la  société  ils  ont  été  élevés. 

En  parlant  à  quelqu'un,  vous  vous  bor- 
nerez à  dire,  monsieur^  madame^  mademoû 
selle^  sans  ajouter  jamais  ni  le  nom  pro- 
pre, ni  le  nom  de  famille  ;  mais,  au  con- 
traire, si  vous  parlez  à  un  mari,  à  une 
fename,  de  son  mari  ou  de  sa  femme,vous 
aurez  grand  soin  d'ajouter  le  nom  de  fa- 
mille à  la  dénomination  de  monsieur  ou 
de  madarriS'^  qu'on  ne  doit  alors  jamais 
employer  tolft  court.  Les  mots  monsieur, 
madame,  mademoiselle,  sans  autres  dési- 
gnations,ne  se  disent  que  par  les  dcmesti- 
queSjOu  quand  on  leur  parle  de  leur  maî- 
tre, parcequ'alors  ces  mots  sont  pris  dans 
un  sens  absolu. 

Pour  me  résumer:  je  demande  à  un 
domestique  des  nouvelles  de  madame^  de 
monsieur;  à  un  mari,  en  parlant  de  sa 
femme,  des  nouvelles  de  madame  Durand 
et  de  madame  Chevalier;  à  une  femme  on 
dit,  en  parlant  de  son  mari,  monsieur  de 


ET  LB  BON  TON. 


61 


',^_ 


Bizi,  Dans  le  cas  où  la  personne  a  droit 
à  un  titre,  on  en  fait  mention,  mais  sans 
supprimer  pour  cela  le  nom  de  famille  : 
Monsieur  le  Comte  de  Breteuilj  madame  la 
Duchesse  de  Lauzun. 

On  ne  dit  à  personne^  à  moins  d*une 
très  grande  intimité:  votre  mari^  votre 
femme^  votre  p^lle^  votre  père^  etc.;  mais 
mademoiselle  votre  fille,  monsieur  votre 
père,  madame  votre  mère,  etc.;  on  dit 
monsieur ^  votre  mari^  mais  madame  votre 
femme  ne  se  dit  pas. 

Mon  époux^  mon  épouse^  ne  sont  admis  à 
aucun  fitre  parmi  les  gens  de  bon  ton. 
On  dit  simplement  ma  femme,  mon  mari^ 
ou  avec  un  peu  plus  de  cérémonie,  mon- 
sieur ou  madame  suivis  toujours  du  nom 
de  famille  ;  mais  mon  mari,  ma  fem- 
me sont  préférables,  parcequ'ils  sont  plus 
simples. 

En  parlant  à  un  homme,  gardez-vous 
de  cette  locution  votre  dame,  votre  demoi- 
selle   On  dit  une  femme  d'esprit,  de 

,cœur,  d'intelligence,  une  fille  ou  jeune 
personne  modeste,  bien  élevée.  Les  mots 
dames  et  demoiselles  ne  s'emploient  con- 
venablement que  précédés  du  pronom 
démonstratif. — Ces  dames  se  sont  réunies. 


V\ 


lii 


i.i 

w 


62 


LA  YUAIE  POLI  TESSK 


— Ces  demoiselles  organisent  une  loterie. 
.  — Cette  clame  est  malade.— Cotte  demoi 
selle  est  fort  bien. 

La  petite  l)onrg(»oisio  ut^  peut  s'aceou 
tumer  a  cette  simplicité  de  langage,  et 
c'est  peut-être  à  cela  surtout  que  ses  mem- 
bres se  font  immédiatement  reconnaître. 
Aussi  vous  ne  ferez  jamais  comprendre  à 
certaines  gens  qu'il  n'est  pas  de  bon  ton 
de  dire  : — Combien  avez-vons  de  demoi* 
selles? — J'ai  trois  demoiselles.  Les  leçons 
directes  ou  indirectes  passent  pour  eux 
inaperçues  ;  il  leur  semble  si  vulgaire 
de  dire  des  filles. — (^est  bon,  pensent  ils, 
pour  le  peuple,  ^ 

En  s'adressant  aux  Ileligicuses,  on  ne 
doit  jamais  dire  Madame^  k  quelqu'ordre 
ou  à  quelque  congrégation  qu'elles  appar- 
tiennent. On  dit:  ma  Sœur  ou  ma  Révé- 
rende Sœur ina  Mcrr^  ou  ma  Révérende 

Mère^  selon  le  cas.  * 

Il  est  surtout  deux  délaiils,  assez  com- 
muns, et  qu'il  faudrait  éviter  dans  les  cou- 
versations.  Le  premier,  c'est  de  parler 
trop  haut,  de  paraître  supposer  que  les 
interlocuteurs  sont  sourds.  .Parlez  moins 
fort  et  articulez  mieux.  C'est  en  vain  que 
vous  criez  à  vous  fendre  la  poitrine,  si 


ET  Li:  BON  TON. 


63 


vous  n'avez  une  prononciation  claire, 
nette.  Appliquez-vous  donc  à  parler  d'une 
manière  convenable,  à  articuler  parfaite- 
ment tous  l(îs  mo,ts,  toutes  les  syllabes. 

^'  Fidèle  à  cette  loi,  dit  le  Père  Ilugnet, 
n'élevez  jamais  trop  la  voix;  parler  bas 
attire  Tattention  ;  parler  peu  fixe  le  sou- 
venir. Les  paroles  de  rinsensé,  dit  Salo- 
mon,  sont  toujours  précipitées,  elles  sont 
comme  la  roue  d'un  char.  Evitez  la  hau- 
teur compassée,  ou  la  trop  grande  préci- 
pitation dans  vos  paroles,  le  ton  haut,  dé- 
cisif et  dogmatique." 

"  Non-seulement  il  faut  mesurer  son 
ton  aux  différentes  <  onvenances  de  son 
caractère,  de  sou  état,  de  sa  position,  de 
ses  habitudes  et  de  son  âge;  il  faut  presque 
un  ton  différent  avec  chaque  personne, 
d'après  la  diversité  de  ses  rapports  avec 
elle,  et  ce  changement  doit  être  tout  na- 
turel. Le  tact  ou  l'instinct  qui  fait  pren- 
dre l'unisson  de  chaque  société,  de  chaque 
situation,  de  chaque  moment,  peut  seul 
indiquer  le  bon  ton." 

Le  second  défaut  très-grave  qu'il  faut 
éviter,  si  vous  ne  voulez  pas  passer  pour 
très-mal  élevé,  c'est  de  vous  approcher 
trop  près  des  personnes  à  qui  vous  parlez. 


â 


64 


li\  VRAIE  POLITESSE 


Il  n'est  pas  nécessaire  d'être  nez  à  nez 
pour  faire  la  conversation.  Si  vous  avez 
quelque  chose  de  secret  à  communiquer 
aune  personne,  demandez-lui  une  audi- 
ence privée,  et  tenez-vous,  pour  lui  parler, 
à  une  distance  convenable. 

Gardez-vous  d'interrompre  la  personne 
qui  vous  parle.  Ecoutez-la  attentivement, 
et  attendez  qu'elle  ait  exprimé  toute  sa 
pensée  avant  de  reprendre  la  parole. 

N'allez  pas  accaparer  la  conversation. 
En  présence  des  personnes  qui  vous  sont 
supérieures,  par  la  position,  par  le  savoir, 
par  l'âge  ;  parlez  peu  ;  contentez-vous  d'é- 
couter et  de  répondre  avec  politesse  et 
modestie  aux  questions  qui  vous  seront 
faites.  Lors  même  que  vous  seriez  avec 
vos  égaux,  il  serait  très  inconvenant  de 
vouloir  avoir  le  monopole  de  la  conver- 
sation ;  rien  de  plus  fatiguant,  de  plus 
ennuyeux,  de  plus  insignifiant  que  ces 
grands  parleurs. 

Jamais  il  ne  vous  viendra  à  l'esprit  de 
singer  les  défauts  de  quelques  personnes, 
par  exe  nple  de  grasseier,  pour  vous  don- 
ner du  ton.  Car,  après  tout,  grasseier  est 
un  défaut;  et  ce  serait  parlant  avoir  trop 
de  bonhomie  que  de  faire  le  sacrifice 


ET  Lie  BON    TON. 


65 


ri 


1- 


e 
t, 


d'une  bonne  prononciation  pour  adopler 
Tespèce  de  jargon  de  quelques  étrangers, 
et  de  croire  par  là  se  donner  du  relief. 
On  a  toujours  assez  de  ses  propres  dé- 
fauts, sans  encore  adopter  <;ou\  des  au- 
tres. 

Les  règles  de  convenance  à  observer  dans 
la  conversation,  les  défauts  à  éviter  ne 
doivent  pourtant  pas  entraîner  la  gùne,  la 
contrainte,*  la  raideui',  et  bannir  le  natu- 
rel, il  faut  bien  se  garder, — sous  prétexte 
de  connaître  les  règles  de  la  conversation, 
et  de  les  observer  à  la  lettre, — de  devenir 
guindé,  de  prendre  des  airs  de  grandeur, 
de  ne  parler  que  de  science,  de  tomber 
.  dans  l'affectation.  C'est  pour  prémunir 
les  jeunes  filles  contre  ce  danger  que 
madame  la  comtesse  de  Drohojowska  leur 
donne  le  conseil  suivant  dans  la  personne 
d'une  jeune  personne,  qu*elle  veut  former 
aux  bonnes  manières  : — 

''  Vous  devez  être,  ma  chère  enfant, 
femme  d'intérieur,  couturière  au  besoin, 
et  rien  de  ce  qui  se  rattache  aux  diverses 
occupations  des  femmes  ne  doit  vous  être 
étranger.  Je  ne  prétends  donc  pas  que 
vous  affectiez  de  ne  pas  comprendre  ce 
que  peut  vouloir  dire  un  terme  technique. 


^'      V 


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66 


LA  VRAIE  POLITESSE 


— Pardonnez-moi  d'accoler  un  mot  si  sa- 
vant à  des  choses  si  usuelles,  un  terme 
technique  en  fait  de  cuisine,  par  exemple. 


^% 


Mais  ce  que  je  dirai,  c^est  que  vous  devez 
avoir  assez  de  tact  et  d'esprit  pour  ne  pas 
permettre  que  vos  qualités  domestiques 
déteignent  sur  vos  habitudes  de  femme  du 
monde,  de  façon  à  leur  donner  des  allures 
vulgaires.— Je  ne  vous  dirai  pas  :  Soyez 
femme  élégante  avant  tout,  mais  bien  : 
restez  femme  élégante  malgré  tout  I  c'est 
à-dire,  occupez-vous  de  votre  intérieur, 
aimez  et  soignez  les  détails  de  votre  mé- 
nage, c'est  là  l'empire  véritable  de  la  fem- 
me, et  je  ne  sache  pas  que  nos  reines,qui, 
autrefois,  filaient  les  vêtements  de  leur 
mari  et  soignaient  leurs  enfants,  eussent 
moins  de  véritable  dignité  que  les  grandes 
dames  de  nos  jours.  Tout  ce  qui  est  du 
ménage^  et  je  répète  à  dessein  ce  mot,  afin 
de  vous  déshabituer  du  ridicule  respect 
humain  qui  vous  le  rend  trivial  et  ridicule, 
tout  ce  qui  est  du  ménage  rentre  dans  le 
domaine  de  la  femme,  et,  quelque  riche 
qu'elle  soit,  elle  no  peut  et  ne  doit  le  dé- 
daigner, ne  fut-ce  qu'en  prévision  de  ce 
que  peut  amener  un  bouleversement  social 


»*.. 


ET  LE  BON  TON. 


67 


OU  un  revirement  de  fortune  ;  et  certes, 
s'il  fallait  renoncer  à  ôtre  femme  d'inté- 
rieur pour  mériter  le  titre  de  femme 
comme  il  fa^ut,  de  femme  du  monde,  je 
vous  conseillerais,  sans  hésiter,  de  renon- 
cer à  ce  dernier.  Mais,  grâce  à  Dieu,  l'un 
n'est  pas  incompatible  avec  l'autre,  et  la 
môme  femme  peut  être  excellente  ména- 
gère dans  sa  cuisine,  et  femme  fort  élé- 
gante dans  un  salon." 


i  , 


i:j 


CHAPITRE   SIXIEME. 


.y 


■ 


DE  LA  POLITESSE  A  TABLE. 

Quand  on  a  reçu  nne  invitation  à  dîner, 
il  convient  de  répondre  sur  le  champ  si 
l'on  accepte,ou  si  Ton  en  est  empêché  :  ou 
conçoit  que  cela  doit  se  faire  de  la  manière 
la  plus  gracieuse  possible. 

Il  faut  arriver  ni  trop  tôt,  ni  trop  tard  : 
un  quart  d'heure  à  peu  près  avant  l'heure 
fixée  *pour  le  repas. 

Si  Ton  était  invité  à  dîner  dans  une 
famille  où  l'on  ne  serait  jamais  allé,  on 
devrait  faire  visite  auparavant. 

Les  messieurs  doivent  offrir  le  bras  aux 
dames  pour  les  conduire  à  table;  c'est  le 
plus  haut  placé  parmi  les  invités  qui  con- 
duit la  maîtresse  de  la  maison  ;  ils  passent 
les  premiers.  On  attend  un  instant  que 
le  maître  ou  la  maîtresse  de  la  maison  ait 
assigné  les  places,  verbalement,  ou  en 
avertissant  que  chaque  couvert  porte  son 
étiquette. 


. 


LA  VRAIE  POLITESSE. 


69 


D'après  Tasage  qui  a  cours  aujour 
d'hui,  voici  dans  quel  ordre  les  convives 
doiventrêlre  placés.  D'abord  le  maître  et  la 
maîtresse  de  la  maison  occupent  le  centre 
de  la  table,  vis-à-vis  l'un  de  l'autre.  La 
maîtresse  de  la  maison  a  à  sa  droite  le  per 
sonnage  le  plus  distingué,  et  à  sa  gauche 
celui  qui  vient  après,  et  ainsi  de  suite.  Le 
maître  de  la  maison  doit  avoir  à  sa  droite 
la  femme  la  plus  élevée  en  dignité,  celle 
qui  vient  après  à  sa  gauche,  et  ainsi  de 
suite  jusqu'au  bout  de  la  table.  L'essen- 
tiel est  d'avoir  assez  de  tact  pour  ne  bles- 
ser la  délicatesse  de  personne  ;  chose  assez 
difficile. 

En  prenant  votre  soupe  ',  évitez  d'aspi- 
rer avec  trop  de  force  de  manière  à  faire 
du  bruit,  et  ne  vous  servez  pas  du  côté 
de  la  cuiller. 

Ne  vous  appuyez  pas  les  coudes  sur  la 
table  :  n'étendez  pas  les  bras  on  mangeant, 
de  manière  à  gêner  vos  voisins,  f»  les  frap- 
per des  coudes. 

Ne  portez  jamais  votre  couteau  à  la 

l  Que  le  moi  ne  scandjilise  personne,  quoiqu'on 
France  on  en  ait  horreur.  Il  est  fraueais,  c'est  le 
mot  dont  on  se  seit  dans  le  [lays  ;  il  est  synonyme 
de  potage  ;  il  n'y  a  donc  aucune  raison  de  le  chan- 
ger. 


rt? 


70  LA  VRAIE  POLI'ÇESSE 

bouche,  mais  servez-vous  de  la  fourchette, 
avec  la  main  droite  ou  la  main  gauche, 
peu  importe. 

Si  vous  avez  besoin  de  vous  essuyer  la 
bouche,  servez-vous  de  votre  serviette  ; 
mais  rappelez-vous  que  celle-ci  ne  doit 
jamais  remplacer  le  mouchoir  qui,  du 
reste,  doit  paraître  le  moins  possible  à 
table. 

Il  faut  éviter  do  boire  quand  on  a  la 
bouche  remplie;  ne  jamais  vider  son 
verre  de  vin  d'un  seul  trai t. 

Les  carafes  se  placent  sur  la  table,  à 
demi-remplies.  Il  n'y  a  que  les  liquides 
qui  ne  peuvent  se  mettre  dans  les  carafes 
que  les  servantes  doivent  présenter.  Les 
messieurs  servent  le  vin  aux  dames,  et  se 
servent  ensuite  eux-mêmes. 

Ne  tranchez  pas  votre  pain  avec  le  cou- 
teau, mais  rompez -le  avec  les  mains. 

Après  avoir  mangé  la  viande,  ou  un 
mets  quelconque,  n'allez  pas  vous  aviser, 
comme  le  font  quelques-uns,  de  nettoyer 
votre  assiette  avec  un  morceau  de  pain  ; 
c'est  une  propreté  anticipée.  Au  reste  ce 
n'est  pas  à  vous  à  laver  la  vaisselle,  ni  le 
lieu  pour  le  faire:  elle  doit  se  laver  à  grande 
eau  à  la  cuisine.     \ 


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X  - 


la^  LE  JiON  TON, 


n 


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la 


à 


Ne  faites  jamais  allusion  à  la  qualité 
des  mets  ou  des  vi'is  qu'on  vous  sert. 

Pelez  vos  fruits,  mais  no  vous  servez 
pas  pour  cela  du  eonlean  d'acier,  si  Ton 
vous  eu  a  donné  \\\\  à  lame  d'argent. 

Si  le  maître  ou  la  maîtresse  de  la  mai- 
son vous  envoient  un  mets  quelconque, 
quelques  fruits,  etc,  etc.,  ne  les  passez  pas  ^ 
à  un  autre,  ce  serait  impoli. 

Si  l'on  vous  sert  du  Ibéou  du  café,  lais- 
sez-le refroidir  dans  votre  tasse  s'il  est 
trop  chaud,  mais  n(»  1(^  versez  pas  dans 
votre  sou  cou  [H). 

Si  vous  êtes  placé  près  d'une  dame, 
soyez  attentif,  et  voyez  à  ce  qu'elle  ne 
manque  de  rien. 

Si  vous  avez  besoin  de  quelque  chose, 
faites  signe  au  servant  de  table,  et  dites 
lui,  à  voix  bas'se,  ce  que  vous  voulez  avoir. 
Mais  n'allez  jamais,  lois  môme  que  vous 
seriez  très  intime  dans  une  famille,  que 
vous  connaîtriez  les  personnes  qui  servent 
la  table,  lier  aucune  conversation  avec 
elles.  Ceci  est  tout  à  fait  déplacé.  Vous 
ne  devez  leur  parler  que  pour  leur  de- 
mander ce  dont  vous  avez  besoin,  et 
encore  ce  doit  être  à  voix  basse. 

Il  est  une  incongruité  que  nous  devons 


72 


LA  VRAIE  POLITESSE 


signaler  ici,  en  demandant  toutefois  par- 
don au  lecteur  du  dégoût  que  nous  pour- 
rons lui  causer  par-là,  incongruité  qui 
consiste  à  se  nettoyer  les  dents,  avec  une 
plume,  à  table  ou  en  compagnie.  Il  y  a 
des  gens  pour  qui  c*est  toute  une  affaire 
que  ce  ménage  du  dedans  de  la  bouche, 
après  le  repas.  Ils  commencent  par  tirer 
de  leur  poche  une  plume  consacrée  à  cet 
usage  ;  puis,  les  voilà  à  Tœuvre,  avec  une 
ardeur  incroyable;  bientôt  la  langue 
vient  au  secours  oe  In  plume  ;  on  la  pro- 
mène en  tout  sens  ('ans  la  bouche  ;  quel- 
quefois les  doigts  se  mettent  de  la  par- 
tie ;  puis,  ne  vous  en  déplaise,  la  matière 
retirée  de  la  bouche  est  déposée  ou  sur  la 
serviette  ou  sur  la  nappe. 

On  s'excusera  peut-être  sur  l'usage  ; 
mais  cet  usage,  n'existe  pas,  Dieu  merci, 
dans  le  pays  ;  il  ne  se  rencontre  que  quel- 
ques rares  exceptions.  N'allons  pas  de 
grâce  l'y  introduire.  L'usage  des  autres 
pays  ne  saurait,  d'un  autre  côté,  justifier 
une  chose  essentiellement  opposée  à  la 
politesse  qui  consiste,  avant  tout,  à  n'im- 
portuner personne,  et  on  ne  saurait  cer- 
tainement se  permettre  pareille  chose 
sans  produire  le  dégoût  chez  ses  voisins. 


ET  LE  BON  TON. 


Af 


Cette  incongruité  ne  saurait  être  non 
plus  tolérée  en  dehors  de  la  table.  C'est 
dans  sa  chambre  à  toilette  que  Ton  se 
nettoie  la  bouche,  et  non  en  compagnie. 
Que  penserait-on  de  quelqu'un  qui,  en 
pleine  compagnie,  s'aviserait  de  se  net- 
toyer les  ongles,  les  oreilles,  la  tête,  etc. 
Et  pourquoi  pas,  si  Ton  peut  se  nettoyer 
la  bouche?... 

Il  ne  faut  pas  continuer  de  manger 
quand  tous  les  autres  convives  ont  fini. 
Le  maître  de  la  maison  ne  doit  pas  finir 
avant  les  autres,  car  il  y  aurait  là  une 
espèce  de  reproche. 

On  ne  plie  pas  sa  serviette  après  un 
dîner  d'invitation,  car  elle  ne  saurait  ser- 
vir avant  d'avoir  été  envoyée  à  la  blan- 
chisseuse. 

Il  ne  faut  pas  déposer  son  couteau  et  sa 
fourchette  sur  la  nappe,  après  le  repas  - 
on  les  rapproche  l'un  de  l'autre  sur  son 
assiette.  N'allons  pas,  par  distraction,  les 
essuyer  avec  la  serviette  ;  ce  qui  pourrait 
arriver  à  des  jeunes  gens,  môme  de 
bonnes  familles,  par  suite  de  l'habitude 
malheureuse  qu'ils  en  auraient  contrac- 
tée dans  certain  milieu  où  ils  auraient 

habité,  pendant  un  temps,  et  où  ils  au- 

3' 


74 


LA  Vraie  politesse 


raient  été  foifeés  d'en  agir  ainsi  par  néces- 
sité. Nous  avons  été  une  fois  témoin 
d*un  exemple  de  ce  genre,  et,  ma  foi,  c'é- 
tait pénible.  Un  joli  grand  garçon,  après 
avoir  pris  sa  soupe,  à  une  table  où  il  n'y 
avait  pas  moins  de  vingt  convives,  par 
une  malheureuse  distraction,  et  par  suite 
de  l'habitude,  passa,  avec  une  rapidité 
incroyable,  la  langue  sur  sa  cuiller,  et 
l'essuya  ensuite  avec  sa  serviette.  Dans 
le  pays,  ici,  il  n'y  a  pas  de  famille  si 
pauvre  où  les  couteaux,  fourchettes  et 
cuillers  ne  se  lavent  après  chaque  repag. 
Au  reste,  la^chose  est  conforme  à  l'ordre 
et  à  la  propreté.  Evitons  donc  la  mal- 
heureuse distraction  dont  on  vient  de 
parler,si  l'on  ne  veut  pas  donner  \uie  assez 
triste  idée  de  l'éducation  que  l'on  a  reçue. 

L*usàge  commence  aujourd'hui  à  se 
passer,  môme  en  France,  de  placer  de- 
vant chaque  convive  un  vase  pour  se  la- 
ver le  bout  des  doigts  après  le  repas.  On 
préfère  avoir  pour  cela  une  fontaine  pla- 
cée dans  une  pièce  attenante  à  la  salle  à 
diner. 

Mais  ce  pourquoi  nous  bénissons  le 
ciel,  par  dessus  tout,  c'est  que,  s'il  se  ren- 
contre des  gens  qui,  tenant  encore  à  l'an- 


[es 


ET  LE  BON  TON. 


75 


cieii  régime,  font  mettre  (îevant  les  cou- 
vives  des  bols  pour  se  rincer  la  bouche 
après  le  repas,  perso  mie  n'ose  plus  s'en 
servir. 

C'est  peut-être  pour  cela  que  quelques 
uns  se  vengent  sur  le  cure-dents.  Des 
deux  incongruités,  Fune  ne  vaut  pourtant 
pas  mieux  que  l'autre. 

Pour  retourner  au  salon,  après  le  dîner, 
les  messieurs  doivent  offrir  le  bras  aux 
dames.  Le  maître  de  la  maison  passe  le 
premier,  conduisant  la  dame  qui,  à  table, 
était  à  sa  droiie. 

Il  serait  inconvenant  pour  un  convive 
de  se  retirer  aussitôt  après  être  sorti  de 
table.  Il  doit  demeurer  à  faire  la  conver- 
sation au  salon  à  peu  près  une  heure. 


CHAPITRE  SEPTIÈME. 


POLITESSE  DANS  LES  SOIRÉES. 

Il  y  a  deux  sortes  de  soirées,  les  grandes 
et  les  petites. 

Les  invitations  pour  les  dernières  peu- 
vent se  faire  verbalement,  ou  par  billet 
écrit  à  la  main  :  pour  les  premières  on 
envoie  des  invitations  lithograliiées  sur 
grandes  cartes  ou  papier  à  lettre. 

Les  invitations,  pour  grandes  soirées, 
doivent  être  faites  au  moins  huit  jours 
d'avance,  pour  que  les  personnes  invitées 
aient  le  temps  de  préparer  leur  toilette. 
Si  Ton  invite  pour  une  soirée  dansante, 
il  faut  avoir  le  soin  d'en  faire  mention 
dans  le  billet  d'invitation,  car  il  peut  se 
faire  que  l'invité  ait  quelqu'objection  à 
assister  à  cette  espèce  de  soirées.  Le 
meilleur  moyen  de  transmettre  les  invi- 
tations est  de  les  faire  porter  par  un  do- 
mestique. 


LA  VRAIE  POLITESSE. 


77 


Si  vous  acceptez,  vous  n'êtes  pas  tenu 
de  répondre  ;  dans  le  cas  contraire,  répon  - 
dez  de  suite. 

Il  serait  de  mauvais  goût  de  se  présen- 
ter dans  une  soirée  ordinaire  en  grande 
tenue,  avec  toilette  de  bal. 

Dans  ces  petites  soirées,  le  temps  se 
partage  entre  la  conversation,  la  musique, 
le  jeu  de  cartes,  etc,  etc.  L'essentiel  est 
de  faire  en  sorte  que  les  invités  passent  le 
temps  agréablement. 

Si  Ton  vous  invite  à  chanter,  ou  à  jouer 
le  piano,  et  que  vous  puissiez  le  faire  con- 
venablement, ne  vous»faites  pas  prier. 

Dans  les  soirées,  quand  on  ne  passe  pas 
de  rafraîchissements  au  salon,  mais  que 
l'on  se  rend  à  la  salLe  à  diner  pour  le  ré- 
veillon, les  messieurs  doivent  conduire 
les  dames  qui  prennent  place  autour  de 
la  salle.  Ceux-là  se  tiennent  debout  au- 
tour de  la  table,  et  servent  les  dames. 

Ils  ne  doivent  pas  présenter  à  une  dame 
nn  verre  sur  un  plateau,  parcequ'ils  ne 
sont  pas  des  domestiques.  Le  verre  ne 
doit  être  qu'à  moitié  plein  à  peu  près, 
de  crainte  de  répandre  le  contenu  sur  les 
robes.    Dans  les  grandes  soirées  dansan- 


78 


LX  VRAIE  POLITESSE 


S 


tes,  les  messieurs  doivent  ôter  leurs  gants 
seulement  pour  le  réveillon. 

Aujourd'hui  Tusage  s'introduit  dans  le 
pays  d'offrir,  dans  les  grandes  soirées, 
pour  réveillon,  un  repas  à  peu  près  com- 
plet. Tout  lo  monde  se  met  à  table, 
comme  pour  le  diner,  et  on  y  observe  à 
peu  près  le  môme  étiquette.  C'est  un  abus, 
que  l'hygiène  condamne,  de  prendre 
ainsi  un  repas  complet  au  milieu  de  la 
nuit. 

Pour  ce  qui  regarde  le  maintien,  la 
conversation,  etc.,  dans  les  soirées,  obser- 
vez toutes  les  bienséances  dont  on  a -par- 
lé au  chapitre  des  visites. 

Avant  d'aborder  la  question  des  grandes 
soirées  dansantes,  nous  devons  dire  qu'el-. 
les  nous  semblent  peu  en  rapport  avec 
l'esprit  du  christianisme.  On  se  demande 
aussi  en  quoi  elles  peuvent  être  utiles  à  la 
société,  à  la  famille  ;  ce  qu'une  jeune  per- 
sonne,ce  qu'une  mère  de  famille,  peuvent, 
dans  ces  bruyantes  réunions,  recueillir 
pour  l'intelligence  ou  pour  le  cœur  I 
Toutefois,  si  tant  est  qu'il  y  ait  des  per- 
sonnes qui,  eu  égard  à  leur  position,  aux 
usages  que  leur  impose  la  société,  au 
milieu  dans  lequel  elles  vivent,  se  voient 


ET  LE  BON  TON. 


79 


obligées,  bien  à  regret,  de  prendre  part  à 
ces  grandes  réunions  nocturnes,  nous  leur 
dirons  :  mettez-vous  en  garde  contre  la 
passion  de  la  danse  ;  que  ces  réjouissances 
bruyantes  ne  vous  fassent  jamais  perdre 
de  vue  les  principes  de  la  bienséance. 

L'élégance  de  la  toilette  pour  les 
grandes  soirées  ne  peut,  dans  aucune  cir- 
constance, dispenser  des  lois  de  la  décence. 
Les  dames  doivent  être  bien  circonspectes 
sous  ce  rapport,  et  ne  jamais  paraître  en 
soirée  en  robe  trop  décolletée,  ce  qui  n'a 
jamais  sa  raison  d'être,  puisque  c'est  o[i- 
posé  au  savoir-vivre,  à  la  modestie,  qui 
fait  le  plus  bel  ornement  de  la  femme. 
On  peut  être  élégante,  très-élégante,  et 
être  honnêtement  couverte.  Une  dame 
qui  fréquente  ces  réunions  devrait,  ce 
semble,  avoir  assez  d'attraits  pour  se  re- 
commander, sans  être  obligée  de  recou- 
rir à  la  robe  excessivement  décolletée,  car 
ce  serait,  ma  foi,  une  pauvre  recomman- 
dation. 

On  se  recrierait  contre  une  servante 
qui  irait  répondre  à  la  porte  les  bras  nus  : 
on  y  verrait  un  scandale,  un  manque  de 
savoir-vivre  dans  la  maison  où  elle  servi- 
rait.   On  demanderait  si  c'est  là  le  res- 


80 


LA  VRAIE  POLITESSE 


pect  que  l'on  a  pour  les  visiteurs.  Mais, 
mon  Dieu,  si  c'est  une  chose  si  grossière 
pour  cette  fille  de  paraître  ainsi  les  bras 
nus  en  votre  présence,  comment  qualifier 
votre  nudité,  à  vous,  qui  vous  présentez, 
en  pleine  assemblée,  non-seulement  les 
bras  nus,  mais  la  poitrine  découverte  ? 

Et  que  dirons-nous  des  danses  qu'on  est 
convenu  d'appeler  dames  vivcs^  sans 
doute  parcequ'elles  deviennent  le  tom- 
beau de  la  vertu.  Voici  d'abord  le  té- 
moignage qu'eu  porte  un  auteur  sur  le 
savoir-vivre  :  ' 

"  Ne  laissez  jamais  valser  ni  polker  votre 
femme  ni  votre  fille,  si  vous  ne  voulez 
pas  ressembler  à  ce  fou  qui  met  lui-même 
le  feu  à  sa  maison,  et  se  plaint  ensuite  de 
ce  qu'elle  est  brûlée." 

A  ce  témoignage,  ajoutons  celui  de 
l'Abbé  Bautain,  dans  son  ouvrage  intitu- 
lé ''  la  chrùtlenne  de  nos  jours''  C'est  une 
peinture  tellement  vive  que,  à  la  simple 
lecture  qu'en  fait  une  personne  qui  a  le 
sentiment  des  convenances,  elle  sent  la 
rougeur  lui  monter  à  la  figure.  Il  m'en 
coûte  presque  de  présenter  au  lecteur  ce 
hideux  tableau,  dont  il  reconnaîtra  toute- 
fois la  fidélité  : 


ET  LE  BON  TON. 


81 


"  On  court,  on  galoppe,  on  tourbillonne, 
on  saute  et  souvent  hors  de  mesure; 
dans  cette  agitation  dôiordonnée,  dans 
cette  course  échevelée,  dans  ce  galop  dé- 
réglé, dans  ce  tournoiement  vertigineux, 
le  cavalier  prend  sa  danseuse  à  bras-le- 
corps,  lui  étreint  la  taille,  et  la  tient  si 
rapprochée  de  sa  poitrine  que  les  haleines 
se  confondent,  et  qu'il  n'y  a  môme  plus 
de  place  entre  eux  pour  le  bouquet  blanc 
qui  ornait  autrefois  la  ceinture  des  jeunes 
filles.  Elle  ont  été  obligées  d'y  renoncer, 
parce  qu'il  était  fané,  écrasé  dès  la  pre- 
mière danse  ;  triste  et  frappant  symbole 
de  ce  qui  arrive  à  la  fleur  de  leur  inno- 
cence, dès  qu'elles  participent  à  de  pa 
reils  plaisirs  !" 

Au  reste  ce  témoignage  ne  nous  étonne 
nullement,  car,  un  jour,  une  dame  qui 
prenait  part,  bien  à  contre-cœur,  à  ce 
genre  d'amusements,  avouait,  à  notre  con- 
naissance, que  dans  une  danse  tournante, 
son  danseur  lui  avait  fait  faire  trois  tours 
sans  qu'elle  eût  touché  le  plancher  de  ses 
pieds. 

Nous  nous  permettrons  de  poser  ici  une 
question,  que  nous  n'aurions  pas  osé  faire, 
n'eût-ce  été  l'exemple  de  la  liberté  avec 


■ '- .s^ 


82 


LA  VRAIK  POLITESSPJ 


laquelle  s'exprime  l'abbé  Bautaiii  siir  ce 
sujet.' 

Si  un  monsieur,  rencontrant  une  dame 
de  ses  connaissances,  dans  un  corridor 
d'hôtel,  lui  demandait  l'honneur  de  faire 
quelques-unes  des    évolutions  qui    font 
partie  des  danses  vives,  et    que,   vous 
adonnant  à  passer,  vous  fussiez  témoin 
du  spectacle  qu'offrirait  ce  couple,  je  vous 
demande  simplement  quelle  serait  votre 
impression?  quelle  idée  vous  auriez  de 
la  discrétion  et  du  savoii -vivre  de  ce  mon- 
sieur et  de  cette  dame  !  Eh  bien  !  ce  qui 
serait  si  laid  à  vos  yeux,  dans  cette  cir- 
constance, peut-il  être  convenable  au  bal  ? 
Je  réponds  :  Non  ;  ce  qui  est  mauvais  de 
sa  nature  ne  peut  jamais  être  justifié  par 
les  circonstances  de  temps  ou  de  lieu.  Or 
ces  danses  sont  mauvaises  de  leur  nature 
et  on  ne  peut  X3as  changer  la  nature  des 
choses.  Invoquerez-vous  l'usage  ?  je  vous 
fais  la  même  réponse,   l/usage  peut  faire 
admettre  des  modes  exagérées,  ridicules, 
mais  ne  peut  pas  rendre  licite  une  chose 
mauvaise  de  sa  nature.    Et  dire  que  des 
personnes  qui  se  flattei«i  d'avoir  des  prhi- 
cipes  de  morale,  de  savoir-vivre,  se  per- 
mettent ces  danses  ! 


ET  LE  BON  TON. 


83 


La  condition  sociale  ne  peut  non  plus 
excuser  le  mal,conime  on  voudrait  le  faire 
croire.  Si  on  voyait  un  semblable  déver- 
gondage chez  des  pauvres,  des  gens  de 
basse  condition,  on  crierait  au  scandale  î 
mais  ces  choses  se  passent  dans  de  somp- 
tueuses demeures,  au  milieu  de  toutes  les 
splendeurs  et  de  Téclat  du  luxe,  et  on  pré- 
tend pour  cela  les  justifier  î  impossible. 

Il  restera  éternellement  vrai  que  ces 
danses  sont  essentiellement  mauvaises, 
essentiellement  opposées  aux  bonue&  ma- 
nières, au  savoir-vivre  :  que  ceux  qui  sV 
livrent  doivent  consentir  à  sortir  de  la 
classe  des  gens  qui  tiennent  à  la  morale 
et  à  la  bonne  éducation. 

Nous  dirons  un  mot  maintenant  du  cé- 
rémonial à  suivre  dans  les  grandes  soirées . 

D'abord  les  gants  sont  de  rigueur  pour 
les  messieurs  et  pour  les  dames,  et  doi- 
vent être  de  couleur  pâle. 

Pour  ces  grandes  soirées,  vous  devez 
arriver  vers  neuf  heures,  toutefois  vous 
n'êtes  pas  tenu  d'arriver  à  heure  fixe. 
Mais  il  ne  faudrait  pas  imiter  certaines 
personnes  qui  arrivent  toujours  très-tard, 
afin  que  leur  entrée  fasse  plus  d'effet. 
Vous  devez  arriver  dans  un  salon,  dit 


frm. 


LA  VRAIE  POLITESSE 

Madame  la  Comtesse  de  Brandi,  modeste- 
ment, silencieusement,  et  tâcher  de  ne 
pas  attirer  les  regards.  Une  fois  introduit, 
vous  saluez  à  l'entrée  de  chaque  salon,  et 
dans  celui  où  se  trouvt3  la  maîtresse  de  la 
maison,  vous  réitérez  votre  salut,  et  vous 
le  faites  avec  grâce  en  vous  approchant 
d^elle. 

.  Mais  si  vous  ne  connaissez  pas  la  maî- 
tresse de  la  maison,  comment  la  recon- 
naîtrez-vous  au  milieu  souvent  de  tant  de 
dames  réunies  ?  N^lyez  aucune  crainte  à 
ce  sujet,  car,  dès  que  vous  entrez  dans  un 
salon,  elle  se  lève  seule,  se  détache  des 
personnes  avec  lesquelles  elle  s'entrete- 
nait, et  elle  s'avance  de  quelques  pas  vers 
vous.  Vous  ne  pouvez  jamais  vous  mé- 
prendre. 

Après  avoir  salué  la  mrdtresse  de  la 
maison,  vous  adressez  un  salut,  à  droite 
et  à  gauche,  à  tous  ceux  qui  sont  présents. 

Les  hommes  ne  s'asseoient  guère,  dans 
une  grande  soirée,  à  moins  qu'ils  ne  fa^> 
sent  la  partie  de  carte  :  ordinairement  ils 
circulent  dans  les  salons  ;  si,  par  has^ird, 
un  homme  était  assis,  ijne  devrait  jamais 
permettre  qu'une  fennne  restât  debout. 

Dans  It^  salon,  la  dernière  femme  arri- 


ET  LE  BON  TON. 


85 


far-- 
ils 
ard, 

l 
rri- 


I 


vée  occupe  le  fauteuil  placé  près  de  la 
maîtresse  de  la  maison,  et  elle  se  lève 
toujours  pour  le  céder  à  celle  qui  arrive 
après  ;  elle  tâche  alors  de  se  placer  près 
d'une  autre  femme  de  sa  connaissance. 
Si  vous  vous  trouvez  à  côté  de  quelque 
personne  inconnue  et  plus  âgée  que  vous, 
attendez  toujours  qu'elle  vous  parle,  et 
répondez  de  manière  à  montrer  que  vous 
êtes  reconnaissante. 

Si  un  homme  adresse  la  parole  à  voix 
basse  à  une  femme,  elle  doit  répondre  de 
manière  à  ce  que  ceux  qui  sont  près  d'elle 
entendent  sa  réponse. 

Si  on  vous  interroge  sur  les  agréments 
de  la  soirée  à  laquelle  vous  assistez,  trou- 
vez tout  à  votre  goût  ;  c'est  le  moins  qu'on 
puisse  faire  pour  des  maîtres  de  maison 
qui  ont  tant  fait  de  frais  pour  distraire  et 
amuser  leurs  invités. 

Applaudissez  toujours  ce  que  la  maî- 
tresse de  la  maison  applaudit. 

Dans  une  soirée,  si  vous  étiez  mécon- 
tent des  personnes  et  des  choses,  ne  lais- 
sez pas  paraître  votre  mécontentement  ; 
restez  en  repos  et  ne  parlez  à  personne  de 
ceux  qui  vous  ont  reçus. 

Disons  quelques  mots  en  terminant  sur 


8G 


LA   VltAIK  POLITKSSK 


ce  que  doit  faire  la  maîtresse  rie  maison 
dans  ces  réunions. 

Et  d'abord  elle  répond  par  un  salut  ai- 
mable et  quelques  paroles  gracieuses  et 
obligeantes  à  chaque  invité  qui  vient  la 
saluer  ;  elle  prend  soin  que  chaque  femme 
soit  convenablement  placée  ;  elle  va  par- 
fois de  groupe  en  groupe,  afm  que  cha- 
cun ait  P'\  moins  d'elle  un  mot  aimable, 
un  sourire  gracieux  ;  en  un  mot,  dans  une 
soirée,  une  maîtresse  de  maison  doit  avoir 
rœil  sur  tout,  et  s'assurer  que  tout  se 
passe  bien,  afin  que  tous  les  invités  puis- 
sent se  retirer  de  sa  maison  contents  d'elle, 
et  d'eux-mêmes. 

Vous  n*êtes  pas  tenu  de  rester  jusqu'à 
la  fin  d'une  soirée  ;  vous  vous  retirez 
quand  vous  voulez  ;  mais  vous  avez  soin 
de  le  faire  clandestinement  et  sans  même 
prendre  congé  de  la  maîtresse  de  la  mai- 
son. Si  cependant  vous  la  rencontrez  sur 
votre  passage,  contentez-vous  de  la  remer- 
cier rapidement  et  de  manière  à  ce  qu'on 
ne  s'aperçoive  pas  de  votre  re^^*aite. 


ff 


CHAPITRE  HUITIEME. 


F^ROMENADES,  VOYAGES,  SÉJOURS 
A  LA  CAMPAGNE,  &c. 


PROMENADES   EN  VOITURE. 

La  politesse  exige  qu'en  montant  eu  voi- 
ture, on  fasse  monter  les  autres  persoùnes 
avant  soi.  On  offre  la  mani  aux  dames, 
et  on  se  contente  de  soutenir  par  le  bras 
les  vieillards,  les  infirmes  qui  réclament 
du  secours.  ^ 

On  doit  offrir  aux  personnes  les  plus 
dignes,  et  toujours  aux  dames,  le  fond  de 
la  voiture,  et  prendre  le  rebours. 

Si  vous  êtes  en  voiture,  et  que  vous  ren- 
contriez une  personne  de  considération  à 
qui  vous  voulez  parler,  ne  faites  pas  ar- 
rêter votre  voiture  pour  vous  entretenir 
avec  elle,  mais  descendez  et  priez-la  de 


88 


LA  VRAÎE  POLITESSE 


vouloir  bien  prendre  place  avec  vous,  et 
offrez-lui  le  fond  de  la  voilure.  Vous 
devez  alors  reconduire  celte  personne  jus- 
qu'à sa  demeure. 

Si  vous  avez  dans  votre  voiture  une 
personne  qui  vous  soit  supérieure,  ou  une 
dame,  prenez  le  rebours  jusqu'à  ce  qu'on 
vous  ait  invité  à  prendre  place  au  fond. 


Il 


PROMENADES    A   PIED. 

Evitez  de  parler  trop  haut,  de  gesticu- 
ler, de  rire  avec  éclat.  Votre  démarche 
doit  être  grave  et  sans  affectation  :  à  la 
promenade  comme  partout  ailleurs  on 
doit  observer  toutes  les  règles  de  la  con- 
venance. 

Si  vous  conduisez  une  dame  par  le  bras, 
donnez-lui  le  haut  du  pavé,  c'est-à-dire, 
le  côté  des  maisons.  Observez  les  mômes 
règles  dans  la  compagnie  de  toute  per- 
sonne qui  vous  est  supérieure. 

Si,  dans  une  promenade,  il  y  a  plus  de 
dames  que  de  messieurs,  la  politesse  veut 
qu'on  offre  le  bras  d'abord  aux  plus  âgées, 


^ 


KT  ÏA'l  HON  'ION. 


89 


aux  femmes  mariées,  puis  aux  jeunes  per- 
sonnes. Dans  ce  cas  un  monsieur  peut, 
sans  inconvénient,  conduire  deux  dames. 

li  est  inutile  de  dire  que,  dans  ces  pro- 
menades, ce  sont  les  messieurs  qui  paient 
tout,  sièges, 'rafraîchissement,  fruits,  etc. 

Si  vous  voyez  venir  à  vous  un  vieillard 
ou  une  personne  à  qui  vous  croyez  devoir 
de  la  considération,  rangez-vous  immé- 
diatement jjourlui  céder  le  haut  du  pavé, 
c'est-à-dire  le  côté  des  maisons.  Un  hom- 
me hien  élevé  a  toujours  cette  politesse 
pour  une  femme,  quels  que  soient  son 
rang  et  son  âge.  Si  par  hasard  la  rue  ou 
la  promenade  est  emcombrée,  gardez-vous 
de  montrer  une  précipitation  inconve- 
nante, ne  coudoyez  personne 

11  faut,  dit  un  sage  conseiller,  laisser  à 
quelques  étourdis  de  mauvais  ton  le  plaisir 
inconvenant  de  rire  au  nez  des  personnes 
qui  leur  sont  entièrement  inconnues,  ou 
de  faire  sur  leur  compte,  de  manière  à 
être  entendus,  des  observations  indis- 
crètes. Nous  ne  saurions  trop  dire  com- 
bien de  jeunes  personnes— ou  de  jeunes 
femmes — s'exposeraient  à  être  mal  jugées 
si,  en  passant  près  d'un  homme,  elles  se 
tournaient,  Tune  vers  l'autre,  avec  un  air 


\-'-i 


ill'l 

ii! 


(H 


00 


T. A   VHAIi:  POLITESSE 


mystérieux,  laissant  supposer  qu'elles  se 
communiquent,  relativement  à  lui,  des 
réflexions,  soit  en  bonne,  soit  en  mauvaise 
part. 

Un  homme  bien  élevé  salue  une  femme, 
parceque  c'est  une  femme,  ne  l'eutril  ja- 
mais vue  précédemment,  s'il  la  rencontre 
dans  une  situation,  dans  un  endroit  où  il 
est  immanquable  qu'il  la  voie,  et  où  s'é- 
tablit entre  eux  la  plus  passagère,  la  plus 
fugitive,  la  plus  imperceptible  relation, 
telle  que  la  rencontre  dans  un  chemin 
étroit  à  la  campagne,  surtout  si  le  chemin 
est  assez  étroit  qu'il  faille  le  partager  ;  si 
elle  passe  devant  lui  ou  s'il  est  obligé  de 
passer  devant  elle  dans  un  escalier,  pour 
la  même  raison  et  aussi  parceque  c'est 
une  apparence  de  relation  que  d'entrer 
dans  la  même  maison,  ou  d'en  sortir,  et 
qaun  homme  bien  élevé  ne  laisse  échap- 
per ni  une  occasion,  ni  un  prétexte  d'être 
poli  avec  une  femme. 

Vous  accueillerez,  ma  chère  enfant, 
cette  politesse  avec  un  air  de  réserve, 
mais  sans  sauvagerie  affectée,  et  vous  y 
répondrez  par  une  inclination  polie.  Vous 
ne  témoignerez  surtout  aucun  sentiment 
d'étonnement  ou  de  contrariété,  car  il 


Kr  LE  HON  TON. 


tfl 


n'y  a  jamais  de  raison  pour  qu'une  femme 
j?e  montre  surprise  de  la  politesse  d'un 
homme  qui  la  salue  respectueusement. 
C'est  un  hommage  rendu,  en  sa  personne, 
à  la  dignité  de  la  femme. 


III 


VOYAGES. 


L'homme  bien  élevé  ne  se  départit  ja- 
mais des  règles  de  la  bienséance  ;  en  quel- 
que lieu  qu'il  se  trouve,  il  conserve  tou- 
jours ses  bonnes  manières. 

Toutefois  les  voyages  sont  pour  certai- 
nes personnes  un  écueil  relativement  à  ' 
la  politesse.  Sous  prétexte  qu'on  est  en 
pays  étranger,  qu'on  n'est  pas  connu,  on 
est  exposé  à  se  laisser  eutrainer  hors  des 
convenances. 

Nous  allons  donc,  pour  faire  éviter 
ce  danger,  tracer  ici  quelques  règles  k 
suivre  dans  les  voyages,  devenus  si  com- 
muns chez  nous  qu'on  peut  dire  qu'ils 
sont  entrés  dans  nos  mœurs. 

Nous  trouvons,  dans  le  petit  traité  de 
la  politesse  de  madame  Bourdon,  un  cha- 


-^ 


02 


LA  VIUIK  POLITESSK 


pilre  sur  ce  siijnl  qui  résume  si  bien  ce 
que  nous  avions  à  dire  que  nous  ne  pen- 
sons pouvoir  mieux  faire  que  de  le  repro- 
duire en  partie. 

Les  conseils  qu'elle  donne  s'adresse 
surtout  à  une  jeune  personne  ;  ils  peuvent 
toutefois  convenir  à  tout  le  monde,  avec 
cette  exception  que  l'on  exige  moins  de 
réserve  chez  un  homme  que  chez  une 
femme. 

"Je  vous  engage,  avant  tout,  et  quelle 
que  soit  l'amabilité  des  personnes  que 
vous  rencontrerez  en  chemin  de  fer,  ou 
en  bateau  à  vapeur,  à  ne  pas  lier  conver- 
sation avec  elles,  et  à  apporter,  dans  ces 
rapports  éphémères,  la  plus  grande  cir- 
conspection. Si  vous  voyagez  avec  des 
femmes  âgées,  lâchez  de  leur  montrer  des 
égards,  soit  en  leur  cédant  une  bonne 
place,  en  baissant  ou  levant  les  glaces 
selon  leur  désir,  en  les  débarrassant  d'un 
paquet  qui  les  gène,  mais  ne  provoquez 
pas  de  conversation  ;  répondez  poliment 
et  sobrement  si  l'on  vous  parle,  et  tâchez 
de  vous  isoler  dans  la  lecture  de  quelque 
bon  livre  dont  vous  vous  serez  munie.  Je 
vous,  engage  aussi,  si  vous  voyagez  avec 
des  parents,  ou  des  amis,  à  ne  causer  avec 


KT  LE  BON  TON, 


93 


eux  que  de  choses  iiidiiïereutes,  en  n'éle- 
vant pas  la  voix,  car  à  quoi  bon  mettre 
tous  les  habitants  d'un  loa^on  dans  la  con- 
fidence de  vos  alTaires  de  famille?  Soyez 
réservée  là  comme  ailleurs  et  plus  qu'ail- 
leurs. Cependant,  comme  la  réserve  n'ex- 
clut pas  la  politesse,  prenez  congé  de  vos 
compagnons  et  de  vos  compagnes  de  voy- 
age par  un  salut,  et  si  vous  avez  un  peu 
causé,  par  un  mot  d'adieu. 

*'  Dans  les  hôtels,  à  table  d'hôte,  ne 
vous  montrez  pas  trop  difficile,  et  ne  vous 
moquez  pas,  en  présence  des  naturels  du 
pmjs,  de  leurs  habitudes Laissez  tran- 
quillement ce  qui  ne  convient  pas  à  vos 
goûts  et  n'attirez  pas  l'attention  par  des 
exclamations  déplacées. 

<^  A  table  d'hôte  (ceci  s'adresse  à  une 
jeune  personne)  évitez  la  conversation 
avec  les  étrangers.  Je  vous  recommande 
surtout  cette  prudence  si  vous  allez  aux 
bains  de  mer,  aux  eaux.  Vous  serez  ex- 
posée alors  à  vous  trouver  journellement 
avec  des  gens  que  vous  ne  connaissez  pas, 
dont  les  antécédents  sont  peut-être  peu 
honorables  Soyez  sur  vos  gardes,  et  ne 
donnez  aucune  prise  à  la  familiarité. 

Nous  appelons  tout    particulièrement 


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TEST  TARGET  (MT-S) 


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(716)  872-4503 


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94 


LA  VKATE  POLITESSE 


l'attention  du  lecteur  sur  les  avis  qui  sui- 
vent et  qui  s'adressent  à  tous  indistincte- 
ment : — 

"  Ne  vantez  pas  trop  votre  pays  en  pré- 
sence des  étrangers  :  Vous  blesseriez  leurs 
sentiments  sans  faire  triompher  vos  opi- 
nions: profitez  plutôt  de  Toccasion  d'un 
voyage  pour  vous  instruire,  en  question- 
nant les  gens  du  pays  que  vous  visitez,  en 
tâchant  d'apprendre  quelque  chose  sur  la 
géographie,  l'histoire,  les  mœurs  des  con- 
trées étrangères.  En  agissant  ainsi,  vous 
vous  rendrez  agréable  aux  étrangers  avec 
qui  vous  vous  trouverez  en  rapport  et 
vous  retirerez  un  solide  profit  de  vos 
voyages. 

*^  Si  vous  voyagez  avec  des  parents,  des 
amis,  vous  aurez  plus  d'une  occasion  de 
pratiquer  cette  politesse  qui  n'est  autre 
chose  que  l'abnégation  de  soi-même.  Il 
faudra  céder  aux  goûts  des  autres,  suivre 
leur  direction  et  vous  comprendrez  plus 
d'une  fois  la  vérité  du  vieux  proverbe  : 
Qui  a  compagnon  a  maître.  Tâchez  de  faire 
de  bonne  grâce  ces  petits  sacrifices,  d'être 
utile  aux  autres  et  de  n'être  incommode  à 
personne.  Comme  il  se  trouve  souvent 
beaucoup  d'heures  perdues  en  voyage, 


ET  LK  BON  TON. 


95 


11- 

ie- 


n 


je  vous  engage  à  emporter  quelques  li- 
vres,  à  vous  munir  de  tout  ce  qu'il 

faut  pour  écrire,  car  les  meilleurs  hôtels 
sont  d'ordinaire  fort  dépourvus  de  ce 
côté-là.  - 

''  Au  retour  de  votre  voyage,  n'impo- 
sez pas  trop  à  vos  amis  le  récit  de  vos  pé- 
régrinations; ne  fatiguez  pas  leurs  oreil- 
les de  longs  récits,  et  surtout  ne  prenez 
pas  à'airs  anglais  ou  allemands,  parceque 
vous  auriez  visité  Londres  ou  exploré  les 
bords  du  Rhin." 

L'auteur  ajoute  un  avis  d'une  grande 
importance  en  rappelant  que  le  voyage, 
qui  ne  dispense  pas  des  règles  de  la  poli- 
tesse, ne  saurait  non  plus  nous  dispenser 
des  devoirs  que  nous  impose  la  religion 
que  nous  professons.  Ce  serait  bien  petit 
que  de  se  laisser  vaincre  par  le  respect 
humain.  On  se  fait  gloire  d'obéir  aux 
ordres  de  son  souverain,  et  on  rougirait 
d'accomplir  ses  devoirs  religieux,  de  sanc- 
tifier le  dimanche,  d'observer,  dans  un 
hôtel,  la  loi  de  l'abstinence  !  mais  c'est  là 
un  manque  de  courage  qui  rapetisse  un 
homme.  Je  ne  parle  pas  de  ces  voyageurs 
qui  affectent  de  ne  s'occuper  nullement 
des  lois  de  l'église,  et  qui  mettent  complè- 


96 


LA  VRAIE  POLITESSE 


tement  de  côté  la  loi  de  rabstinence.  Cela 
sent  non-seulement  l'impiété,  mais  encore 
la  mauvaise  éducation.  Un  homme  qui 
a  des  sentiments  élevés,  lorsque  la  fatigue 
d'un  long  voyage  l'exempte  de  l'obligation 
d'observer  l'abstinence,  se  décide  difficile- 
ment et  avec  peine  à  user  de  ce  privilège, 
dans  la  crainte  ou  de  mal  édifier,  ou  de 
paraître  céder  au  respect  humain. 


IV 


SÉJOURS  A   LA  CAMPAGNE. 

Aujourd'hui,  il  est  de  mode  d'aller  pas- 
ser le  temps  des  chaleurs  d'été  à  la  cam- 
pagne. Le  plus  souvent  on  loue  quelques 
appartements  ou  bien  on  loge  à  l'hôtel  ; 
mais  il  arrive  aussi  quelquefois  que  l'on 
reçoit  une  invitation  de  quelques  parents 
ou  de  quelques  amis  d'aller  passer  un 
certain  temps  dans  leur  famille.  C'est  ici 
qu'on  doit  redoubler  d'attention  pour 
observer  les  convenances. 

L'impression  assez  générale  est  qu'à  la 
campagne  on  est  moins  particulier  sous 
le    rapport   de    la  bienséance;  que  l«s 


ET  LE  BON  TON. 


97 


mœurs  y  étant  plus  simples,on  y  est  moins 
tenu  de  s'astreindre  aux  règles  de  la  bien- 
séance. En  cela  on  se  trompe  grandement: 
les  mœurs  sont  plus  simples  à  la  campa- 
gne, dit-on  ;  c'est-à-dire  qu'il  y  a  en  géné- 
ral moins  d'affectation  que  dans  les  villes, 
mais  en  revanche  on  y  rencontre  pour  le 
moins  autant  de  vraie  politesse  :  le  sen- 
timent des  convenances  y  est  pour  le 
moins  aussi  délicat. 

Nous  parlons  ici,  bien  entendu,  du  Ca- 
nada: or,  il  est  certain  que  l'éducation, 
les  formes  polies,  l'étiquette  sont  ici  au 
même  niveau,  dans  la  bonne  société,  à  la 
campagne,  comme  à  la  ville. 

C'est  pourquoi,  pendant  son  séjour  à  la 
campagne,  on  doit  s'observer  beaucoup, 
car,  le  manque  d'urbanité,  de  politesse,  de 
convenance  chez  nous  y  serait  remarqué 
plus  qu'on  ne  pense,,  et  on  laisserait 
après  soi  une  mauvaise  impression. 

Voici  quelques  conseils  que  donne  un 
estimable  auteur  à  ceux  qui  séjournent 
ainsi  quelques  temps  à  la  campagne,  chez 
un  parent  ou  un  ami  : — 

"  N'allez  pas  apporter  un  esprit  morose 
chez  vos  hôtes:  trouvez  tout  bien,  tout 
bon  :  la  maison,  le  jardin,  la  ehambre  où 


«8 


L\  VRAIE  POLITESSE 


1*011  VOUS  loge,  les  domestiques  qui  vous 
servent  ;  adoptez  pleinement  les  usages 
de  la  maison,  pour  les  heures  du  réveil, 
des  repas,  du  coucher  :  tâchez  de  donner 
à  ceux  qui  vous  ébergent  le  moins  de 
peine  que  vous  pourrez,  en  vous  confor- 
mant à  toutes  leurs  habitudes.  Épargnez 
même  le  travail  des  domestiques  ;  ne  les 
chargez  pas  de  commissions  mal  à  propos; 
ne  réclamez  pas  à  chaque  instant  leurs 
services;  ne  laissez  pas  votre  appartement 
dans  un  état  de  désordre  qui  les  fasse 
murmurer  ;  salissez  le  moins  possible  et 
les  parquets  et  les  meubles  ;  agissez,  en 
un  mot,  avec  une  réserve  et  une  discré- 
tion plus  grande  qu'à  l'ordinaire,  et  sous 
prétexte  que  vous  êtes  chez  des  gens  riches 
et  que  leurs  gens  sont  payés  pour  vous 
servir,  n'allez  pas  vous  livrer  à  toutes  vos 
fantaisies. 

"Soyez  même  économe  des  objets  que 
Ton  met  à  votre  disposition  : ne  cueil- 
lez ni  fleurs,  ni  fruits  dans  le  jardin,  à 
moins  d'une  invitation  expresse  :  on  peut 
très  bien  jouir  de  la  liberté  et  des  agré- 
ments de  la  campagne,  sans  sortir  des 
bornes  du  savoir-vivre  que  l'on  observe  à 
la  ville. 


ET  LE  BON  TON. 


99 


*'  Il  arrive  parfois  que  les  plaisirs  de  la 
campagne,  renjouenient  communicatif 
des  autres,entrai  nent  les  jeunes  gens  dans 
une  espèce  de  gaieté  toute  eu  dehors  des 
convenances,  et  dont  il  faudra  vous  défier. 
Le  grand  air,  les  rires,  les  courses  pro- 
duisent une  sorte  d^ivresse,  alors  on  se 
livrent  à  des  jeux  trubulents Croyez- 
vous  que  les  maîtres  de  la  maison  approu- 
vent beaucoup  cette  grosse  joie,  qu'ils  se 
plaisent  à  voir  leurs  meubles  dérangés, 
leurs  salons  salis  par  de  Peau  ou  de  la 
poussière,  leurs  plates-bandes  foulées, 
leurs  chevaux  mal  menés  ? 

A  la  campagne,  comme  en  voyage,  em- 
portez d£s  livres,  afin  de  vous  livrer  au 
travail,  à  Tétude,  et  de  n'être  î)as  à  charge 
à  vos  hôtes  et  à  vous-même  les  jours  de 
pluie,  et  pendant  les  heures  que  vous  pas- 
serez dans  votre  chambre. 

Et  le  croiriez-vous,  ici  encore,  renfermé 
dans  votre»  <*-ham.bre.  vous  devez  vous  ob- 
server." aSïl -de  lîe rdas* ihcorhmOdB^  les 
personnels  de  la  maison  ?.*./  *  '  *  *  "  •  ' 

D'ârbQr^  ^uintmarii^ureiiix  ^(>^dt)"ft^lèr 
vous'  avait*  faît  une  *pahé'de'  bôtfe"  Irop 
lourde,  qui  craquent  au  moindre  mouve- 
ment du  pied,  hâtez-vous,  surtout  si  vous 


100 


LA  VRAIE  POLITESSE 


habitez  le  second  étage,  de  les  jeter  au 
feu,  ou  plutôt  de  les  donner  à  quelque 
pauvre  qui  brise  de  la  pierre  pour  le 
macadam:  elle  lui  conviendront  bien 
mieux  qu'à  vous.  Vous  devez  le  faire, 
non-seulement  par  bienséance,mais  encore 
par  charité  pour  ceux  qui  habitent  Tétage 
inférieur  au  vôtre. 

Le  matin,  servez-vous  de  pantoufles  à 
votre  chambre,  afin  de  faire  lo  moins  de 
bruit  possible,  de  ne  pas  éveiller  ceux  qui 
pourraient  être  encore  an  lit,  et  ne  mettez 
vos  bottes  qu'en  sortant  de  votre  cham- 
bre. 

Le  soir,  évitez  de  laisser  tomber  vos 
chaussures  avec  bruit  sur  le  plancher, 
quand  vous  les  ôtez.  Evitez,  quand  vous 
marchez  dans  votre  chambre,  de  le  faire 
lourdement,  d'ébranler  toute  la  maison, 
comme  le  font  les  gens  sans  éducation  ; 
de  même  que,  en  vous  levant  de  votre 
bureau,  vous  ne  devQz  ,pc\t: ,  r.epousser 
voti'ç;si^gé'à.Vjep.fot*cè,-ie*  elî/ayio.rJ;out  le 
mo«de^  xioinmô  's'il  passait  une  tempête 
sruîî  lîb  ili^ifeorî^î  '%'...  r  :  :  :  ;  /  '  ."• 
%.Av:ezî  soîa^iïssi; «d'ouvrir'  ios  portes  et 
de  les  fermer  sans  faire  de  bruit. 

Enfin,  tout  cela  peut  paraître  minutieux. 


.;. 


au 


ET  LE  BON  TON. 


101 


mais  rappelez-vous  que  c'est  par  ces  mille 
et  un  petit  détails  de  bienséance  que  l'on 
reconnaît  Thomme  bien  élevé. 

En  quittant  la  maison  où  vous  avec  lo- 
gé, vous  laissez  quelques  pièces  d'argent 
aux  domestiques,  et  l'usage  veut  que  l'on 
soit  généreux  en  pareil  occasion. 


CHEZ  LE  MARCHAND. 


Il  ne  convient  pas  de  parcourir  les  ma- 
gesins  uniquement  pour  satisfaire  sa  curi- 
osité et  voir  les  marchandises.  Il  y  a  là 
un  manque  de  convenance.  Les  commis 
sont  pour  répondre  aux  acheteurs  et  non 
pas  au  curieuses,  quoique  trt  .ouvent  ils 
y  soient  contraints  bien  à  contre  cœur. 
Songez  à  la  tâche  pénible  que  vous  impo 
s^z  à  un  commis  en  lui  faisant  déplier 
une  foule  de  pièces  d'étoffe  que  vous  n'a- 
vez nullement  l'intention  d'acheter.  Si 
toutes  les  curieuses  restaient,  chez  elles, 
la  besogne  des  commis  serait  réduite  dç 
moitié. 

Voici  quelques  règles  à  suivre  données 


|i 


I 


102 


LA  VRATE  POLITESSE 


par  madame  Drohojowska  à  une  jeune 
personne  : — 

"  Saluez  en  entrant  et  expliquez  de 
suite  ce  que  vous  désirez  ;  songez  que, 
pour  rhomme  qui  travaille,  le  temps  vaut 
de  Tor,  et  que  lui  en  faire  perdre  inutile- 
ment, c'est  commettre  de  tous  les  vols  le 
plus  odieux  ;  car  seul  il  ne  peut  le  répa- 
rer. Soyez  polie  avec  les  commis  comme 
avec  les  chefs  de  la  maison.  Ne  faites 
pas  étaler  cent  pièces  d'étoffes  pour  choi- 
sir une  misère  ;  à  la  perte  de  temps  vous 
ajouteriez  une  fatigue  inutile  ;  ne  faites 
déplier  que  dans  la  qualité  et  le  prix  où 
vous  voulez  réellement  acheter,  et  faites- 
vous  un  point  de  délicatesse  de  ne  pas 
céder,  même  malgré  les  instances  qui  pour- 
raient vous  être  faites,  à  une  vaine  curio- 
sité. 

Ne  vous  avancez  jamais  trop  près  d'un 
étalage  de  bijoux  et  autres  objets  faciles 
à  détourner;  Mais  si,  laissant  à  votre  dis- 
position plusieurs  objets,  le  commis  s'é- 
loigne un  instant,  cessez  de  les  toucher, 
et,  reculant  de  quelques  pas,  attendez  son 
retour  pour  reprendre  votre  examen. 

Tout  cela  est  du  bon  ton  ;  mieux  encore, 
c'est  de  la  discretiQn. — Dans  les  maisons 


V/r  ]M  KON  TON, 


10.1 


s^é- 


où  vous  ii'ùtes  pas  bien  connue,  on  pour- 
rait d'ailleurs  vous  supposer  des  inten- 
tions mauvaises;  il  y  a  tant  d'adroits  fi- 
lous qui  se  servent  du  prétexte  de  regar- 
der de  très  près  pour  escamoter  quelqu'ob- 
jet  précieux,  qu'il  faut  éviter  leurs  al- 
lures. 

Si  l'objet  que  vous  avez  choisi  et  payé 
est  trop  volumineux  pour  que  vous  l'em- 
portiez vous-même, — ^.je  dis  trop  volumi- 
neux, parceque  je  n'approuve  pas  qu'une 
femme,  qui  ne  se  croit  pas  trop  grande 
dame  pour  aller  à  pied  et  seule  faire  des 
emplettes,  trouve  malséant  de  se  charger 
elle-même  d'un  tout  petit  paquet,  et  dé- 
range ainsi  un  marchand  sans  nécessité, 
— laissez  votre  adresse,  et  ne  vous  mon- 
trez pas  trop  exigente  pour  le  moment  où 
on  vous  l'apportera. 

Un  objet  ne  vous  convient  pas,  ne  le 
prenez  pas,  mais  sans  le  dédaigner  ;  vous 
blesseriez  le  marchand,  et  surtout  vous 
seriez  injuste,  car  il  arrive  fréquemment 
que  les  femmes  qui  se  croient  très  con- 
nnisseurs  sont  fort  mauvais  juges. 

Si  vous  avez  des  observations  à  faille  à 
un  marchand  sur  la  qualité  d'une  précé- 
dente fourniture,  attendez  pour  les  faire 


L\  VUAIE  POLITESSE. 


•"î 


que  personne  ne  puisse  vous  entendre. 
Outre  que  vous  ménagerez  ainsi  sa  sus- 
ceptibilité, vous  sauve-gardcrez  ses  inté- 
rêts, qui  pourraient  souffrir  d'un  reproche 
mal  compris  par  un  tiers,  et  vous  le  ren- 
drez plus  disposé  à  reconnaître  la  justice 
de  votre  réclamation  et  a  y  faire  droit. 


;   «iCHAPITRE  NEUVIÈME. 


DE  LA  POLITESSE  EPISTOLAIRË. 


'   I 

il 

I  'I 
'   I 


N'écrivez  jamais  si  vous  n'avez  pas  un 
sujet  pour  écrire,  à  moins  que  ce  soit  à 
un  ami  intime  ou  à  un  parent.  Si  vous 
recevez  une  lettre,  répondez  le  plus  pro- 
chainement, possible.  Toute  lettre  hon- 
nête mérite  et  exige  une  réponse  ;  il  n'y 
a  qu'à  une  lettre  d'injures  que  l'on  doit 
répondre  par  le  silence  et  le  mépris. 

Ecrivez  de  votre  propre  main  aux  per- 
sonnes que  vous  honorez  ou  auxquelles 
vous  devez  du  respect. 

Quand  vous  écrivez  à  un  parent  ou  à 
un  ami,  écrivez-leur  vous  même,  tel  que 
vous  pensez,  et  ne  vous  faites  aider  par 
personne. 

Si  vous  écrivez  à  un  supérieur  pour  lui 
demander  quelque  chose,faites-vous  faire, 
si  vous  en  sentez  le  besoin,  un  brouillon, 
de  lettre,  par  quelqu'un  qui  entend  mieux 


106 


LA  VRAIE  POLITESSE 


que  vous  les  formules  à  suivre,  et  reco- 
piez-le. 

Si  votre  lettre  s'adresse  à  un  chef  d'ad- 
ministration, faites-la  recopier  par  une 
personne  qui  ait  une  belle  écriture. 

Quand  on  écrit  à  une  personne  d'un 
rang  très  élevé,  on  écrit  à  mi-marge,  et 
le  commencement  de  la  lettre  doit  être 
vers  le  milieu  de  la  longueur  du  papier. 
On  doit  alors  se  servir  de  grand  papier. 

Que  votre  style  soit  toujours  approprié 
lo.  à  la  circonstance  ;  2o.  à  la  personne  ; 
3o  à  vos  propres  sentiments  ;  4o  éloignez- 
en  l'emphase,  le  prétentieux,  et  tout  ce  qui 
sent  le  chercheur  d'esprit.  Le  style  le 
plus  simple,  le  plus  naturel  est  le  cachet 
de  l'homme  qui  a  véuitablement  de  l'es- 
prit. - 

Conformez-vous  en  tout  point  aux  règles 
adoptées  par  l'usage  de  la  bonne  société. 

On  écrit  à  un  ami  pour  lui  faire  part 
d'un  événement  heureux  ou  malheureux 
qui  nous  est  arrivé,  pour  s'informer  de 
sa  santé,  etc,  etc.  On  écrit  pour  faire  une 
invitation,  des  remerciments,  des  félicita- 
tions, des  lettres  de  faire  part,  et  dans  une 
foules  d'autres  occasions. 

Quand  on  écrit  à  quelqu'un,  si  ce  n'est 


ET  LE  BON  TON. 


107 


pas  une  lettre  d'affaires,  on  doit  écrire  de 
sa  propre  main,  et  ne  pas  faire  écrire  par 
un  secrétaire  on  toute  autre  personne  en 
se  bornant  à  signer  ;  ce  serait  une  grave 
impolitesse.  .^    , 

Ecrivez  lisibkmcnl,  proprement,  sans 
ratures,  sur  une  feuille  entière  et  non  sur 
une  demi-feuillo.  Ce  que  Ton  dit  de  ré- 
criture lisible  doit  surtout  s'appliquer  aux 
noms  propres  et  à  la  signature.  Il  y  a 
des  gens  qui  signent  leur  nom  d'inie  ma- 
nière indéchiffrable  ;  ce  n'est  plus  une 
écriture,  mais  un  odieux  griffonnage. 

L'année  dernière,  un  monsieur  de  Qué- 
bec écrivait  à  un  imprimeur  de  Montréal 
pour  souscrire  à  une  revue,  et  lui  en- 
voyait en  môme  temps  le  prix  d'une 
année  d'abonnemenl.  La  lettre  était  très 
bien  écrite,  mais  la  signature  affreuse. 
L'imprimeur  s'adresse  à  tous  les  protes  les 
plus  habiles  de  la  ville  ;  pas  un  ne  peut 
déchiffrer  ce  nom.  Force  lui  est  d'atten- 
dre ;  mais  voilà  qu'arrive  une  seconde 
lettre,  conçue  en  termes  assez  sévères, 
dans  laquelle  on  demande  la  cause  du 
retard  à  envoyer  la  revue,  et  en  môme 
temps  compte  de  l'argent  expédié.  La 
lettre  était  encore  bien  écrite,  mais  quelle 


. 


!  il 


108 


LA  VRAIE  POLITESSE 


signature  !...  pas  un  diable  n'y  put  rien 
comprendre.  Il  fallut  recourir  à  la  presse 
et  prier  cet  aimable  monsieur,  qui  avait 
mis  à  répreuve  toute  Thabileté  de  nos 
protes,  de  vouloir  bien  faire  connaître  son 
nom  par  la  voie  de  quelque  journal.  Quel 
tracasserie  à  propos  d'un  nom  !  Cest  pour- 
tant une  manière  comme  une  autre  de 
faire  parler  de  soi  ;  mais,  à  notre  avis, 
mieux  vaudrait  faire  moins  parler  de  soi, 
et  écrire  son  nom  de  manière  à  être  com- 
pris :  c'est  plus  simple  et  c'est  plus  joli. 

Ne  vous  servez  pas  de  papier  avec  vi- 
gnettes, ornements,  &c.,  tel  qu'on  en  fa- 
brique aujourd'hui  ;  c'est  de  mauvais 
goût.  ' 

Les  lettres  aujourd'hui  s'envoient  sous 
enveloppes  ;  c'est  l'usage  général. 

Il  y  a  peu  d'années  encore,  c'était  une 
grave  question  de  savoir  s'il  fallait  affran-  " 
chir  les  lettres,  et  dans  quel  cas  l'affran- 
chissement était  une  politesse  ou  un 
manque  de  savoir  vivre.  Aujourd'hui,  il 
n'y  a  plus  de  difficulté  à  ce  sujet  :  en 
France,  en  Belgique,  en  Angleterre,  com- 
me aux  Etats-Unis  et  au  Canada,  toutes 
les  lettres  se  paient  d'avance.  Les  choses 
se  trouvent  ainsi  bien  simplifiées.    Il  n'y 


ET  LE  BON  TON. 


109 


a  plus  que  quelques  vieux  avares  qui  se 
retranchent  derrière  des  règles  de  bien- 
séance surannées  pour  justifier  leur  mes- 
quinerie et  épargner  quelques  centins. 

Lorsque  vous  écrivez,  servez-vous  de 
votre  esprit  et  jamais  de  Tesprit  des  autres. 
Surtout  gardez-vous  bien  de  copier  une 
lettre  dans  un  formulaire  ou  un  autre 
ouvrage,  car  cela  pourrait  vous  jouer  de 
mauvais  tours.  A  ce  sujet  voilà  ce  qui 
est  arrivé  tout  récemment  à  un  de  nos 
jeunes  citadins  qui  n'avait  pas  mis  en  pra- 
tique le  conseil  que  nous  venons  de  don- 
ner. Il  avait  copié,  dans  un  formulaire, 
une  fort  jolie  lettre  à  une  jeune  fille. 
Malheureusement  pour  lui,  celle-ci  avait 
entre  les  mains  le  même  livre  où  il  avait 
puisé  son  beau  modèle.  Mademoiselle  ne 
voulut  pas  laisser  une  si  belle  lettre  sans 
réponse.  Son  billet  était  ainsi  conçu: 
"Monsieur,  pour  la  réponse  à  votre  char- 
mante lettre,  tournez  la  page." 

Les  négociants,  quand  ils  s'écrivent  en- 
tre eux,  emploient  des, abréviations  dans 
les  mois;  elles  vous  sont  défendues  par 
la  politesse,  surtout  dans  les  titres.  Par 
exemple,  il  serait  impoli  d'écrire  Mr.  ou 

Mme.  pour  Monsieur  ou  Madame;  V.  T. 

4        ^ 


110 


LA  VRAIE  P0LITE8SB 


H,S.,  pour  votre  très-humble  serviteur. 
Lorsque  vous  parlez  d'un  tiers,  si  ce  tiers 
est  un  parent  de  la  personne  à  qui  vous 
écrivez,  vous  mettez  Monsieur  ou  Madame 
en  toutes  lettres  :  Monsieur  votre  père,  Ma- 
dame votre  tante,  &c.  Mais  s'il  s'agit  d'un 
étranger,  vous  pouvez  employer  l'abrévi- 
ation :  Mr.  Fèliz  me  charge,  &c. 

La  date  se  met  en  haut  de  la  page  dans 
les  lettres  d'affaire  et  de  commerce. 
Cependant  quelques  négociants  et  gens 
d'ajffaire  commencent  à  prendre  Thabitude 
de  la  mettre  après  le  corps  de  la  lettre  ; 
elle  se  met  en  bas,  contre  la  marge,  dans 
toutes  les  autres. 

Si  Ton  écrit  à  un  homme  d'un  rang 
élevé,  sur  du  grand  papier,  on  doit  mettre 
en  haut  de  la  page  les  titres  et  le  nom  de 
la  personne  à  qui  Ton  écrit. 

Par  exemple  : 

A  Son  Excellence  Monseigneur  le  Cardinal 
de ...........:...... 

A  Son  Excellence  Monsieur  l'Ambassadeur 


de. 


puis,  laissant  un  certain  espace  blanc, 
vous  écrivez  au  dessous  : 


ET  LE  BON  TON. 


lit 


Monseigneur  ou  Monsieur^  selon  le  rang 
de  la  personne.  Puis,  laissant  encore  un 
blanc  de  môme  espace,  vous  commencez 
le  corps  de  votre  lettre. 

Si  vous  écrivez  à  une  personne  qui  a 
un  titre  honorifique,vous  le  mentionnez  : 
Monsieur  le  baron ^  Monsieur  le  comte.  Si 
c'est  à  un  homme  non  titré,  vous  mettez 
simplement  Monsieur. 

Quand  on  écrit  à  une  femme,  depuis  la 
reine  jusqu'à  la  bergère,  le  titre  de  3ïa- 
dame  ou  Mademoiselle  suffit.  A  un  père 
ou  à  une  mère,  on  dit  :  mon  cher  père^  ma 
.  bonne  mère,  A. une  personne  avec  laquelle 
il  n'y  a  que  commencement  de  familia- 
rité :  Monsieur  et  ami  ;  avec  un  collègue  en 
administration  :  Mon  cher  collègue  ou  Mon- 
sieur et  cher  collègue,  A  un  compagnon 
de  Collège  :  Mon  cher  ami  ;  à  un  camarade 
d'armée  :  Mon  cher  camarade, 

La  suscription  de  la  lettre  est  chose  très- 
importante;  on  doit  se  servir  des  formules 
suivantes: 

Entre  égaux,  dans  les  lettres  ordinaires, 
on  dit  :  Je  suis  votre  très-humble  serviteur.^ 
ou  encore  ;  Je  suis  ou  fai  V honneur  d'être^ 
avec  respect^  ou  avec  le  plus  profond  respect , 
votre  obéissant  serviteur. 


Uî 


LA  VRAIE  POLITESSE 


Quand  une  dame  écrit  une  lettre  d'af- 
faire, la  formule  suivante  répond  à  toutes 
les  exigences  de  cette  sorte  de  corres- 
pondance: 

Je  suîs^  Monsieur^  votre  très-hunihle  ser- 
vante, ' 

Avec  les  supérieurs,  on  emploie  des 
formules  respectueuses  : 

Je  suis  avec  respect^  Madame ^ 

Votre  très-humble  et  tres-ohéissante  ser- 
vante,     ' 
fai  Vhonneur  d'Ure  avec  respect,  Madame, 
Je  vous  prie^  Madame^  d*agréer  Vexpression 
de  mes  sentiments  respectueux, 

A  un  ecclésiastique  on  pourrait  dire  : 
CroyeZy  Monsieur  le  curé,  aux  sentiments  pro- 
fondément respectueux  de 

Votre  tres'humhle  servante. 

Une  jeune  personne,  écrivant  à  une 
dame,  peut  dire,  s'il  y  a  quelque  degré 
d'intimité  : 

Croyez^  chère  Madame,  à  tous  mes  sentiments 
de  sympathie  et  d'affection. 

A  un  ami  de  sa  famille,  une  jeune  fille 
dira  : 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  mes  civilités  res- 
pectueuses et  affectionnées. 


des 


ser- 


ET  LE  BON  TON.   •  113 

A  un  père,  à  une  mère,  on  peut  dire  : 

Croyez^  cher  père^à  la  tendresse  reconnais^ 
santé  de 

Votre  fils. 

Recevez,  chère  maman^  V expression  du  plus 
tendre  attachement  de 

Votre  fille  soumise- 

A  un  frère,  à  une  sœur  :   " 

Adieu j  mon  Ion  frère ^  crois  à  mon  inalté- 
rable attachement. 

Adieu f  chère  petite  sœur^  je  t'embrasse 
comme  je  faime.  * 

A  une  amie  : 

Avons  de  cœur  ;  ou  toute  à  vous  d'affec- 
tion ;  ou  encore  :  Croyez  au  constant  sou- 
venir de 

Votre  amie  dévouée 

Un  jeune  homme  qui  écrit  à  un  vieil- 
lard, à  une  dame  ou  à  un  supérieur  :  Je 
•  suis  avec  considération^  ne  réfléchit  pas  ; 
celui  qui  écrit  :  avec  la  considération  la  plus 
distinguée^  réflécjiit  encore  moins,  à  la  bé- 
vue qu'il  commet.  Un  vieillard,  une 
dame,  un  supérieur  peuvent  fort  bien  se 
passer  de  la  considération  d'un  jeune 
homme. 


114 


LA  VRAIE  POLITESSE. 


Uu  supérieur  qui  écrit  à  un  inférieur 
ne  doit  pas  se  servir  de  cette  formule  : 
Je  suis  avec  la  plus  parfaite  considération  et 
la  plus  haute  estime,  Cest  de  la  condes- 
cendance hors  de  saison,  qui  dénote  chez 
son  auteur  un  défaut  de  jugement.     - 

Pour  les  personnages  d'an  rang  élevé, 
la  suscription  se  coupe  en  deux  parties  ; 
exemple:  . 

Tai  rhonneur  (Vétre^  avec  k  plus  profond 
respecty 

.  Monseigneur 

Votre  très-humble  et  très-obéissant  serviteur. 
On  peut  encore  mettre  ceci  :  r 

fai  rhonneur  d^étre,  avec  le  plus  profond 
respect,  ',  '' 

De  Votre  Gra^ndeur  (ou  De  Votre 
Excellence)  , 

le  très-humble  et  très-ohéissant  serviteur. 

Toute  lettre  cérémonieuse  ne  doit  pas 
avoir  de  Post  Scriptum, 

Vous  ne  pouvez  charger  d'une  commis- 
sion pour  un  tiers  que  les  personnes  avec 
lesquelles  vous  êtes  intimement  lié.  Il 
serait  fort  incivil  d'écrire  à  votre  supé- 
rieur ou  à  toute  autre  personne  dont  la 
position  sociale  est  plus  élevée  que  la 


ET  LE  BON  TON. 


115 


vôtre  :   Veuillez  bien  vous  charger  ^Monsieur  ^ 
le  DuCycTassurer  de  mes  respects  Monsieur,  etc. 

En  résumé,  le  respect,  Vo/fcction  et  l'a- 
mitié  doivent  fournir  le  fond  de  toutes  les 
suscriptions:  le  respect  pour  les  supérieurs, 
les  vieiHards,  les  dames  et  les  parents 
les  plus  proches;  Ya/fectiou  pour  les  pa- 
rents les  moins  proches,  les  pères  aux  en- 
fants, etc.,  Vamitié  pour  les  amis  et  les 
camarades. 

Aujourd'hui  les  lettres  sont  envoyces 
sous  enveloppe.  Avant  de  mettre  l'a- 
dresse, remarquez  que  la  partie  de  l'en- 
veloppe qui  se  replie  sur  l'autre  doit  for- 
mer le  revers  du  haut  et  non  du  bas  de 
l'adresse.  On  se  sert  aussi  aujourd'hui 
d'enveloppes  qui  s'ouvrent  par  une  des 
extrémités  ;  la  remarque  qu'on  vient  de 
faire  ne  peut  s'appliquer  h  ce  genre  d'en- 
veloppes. ^ 

Quant  à  la  manière  d'adresser  les  let- 
tres, voici  les  règles  que  l'on  doit  suivre  : 

QîH'lques-uns  essaient  d'introduire  ici 
l'usage  que  l'on  observe  eu  France,  d'é- 
crire deux  fois  le  mot  Monsieur  :  nous  ne 
voyons  aucun  apropos  à  cette  répétition. 
On  peut  donc,  en  demeurant  parfaitement 


116 


LA  VRAIE  POLITE88E 


poli,  écrire  simplement,  non  au  haut  de 
Tenveloppe,  mais  vers  le  milieu,  Monsieur^ 
et,  à  la  suite,  le  nom  de  la  personne  à 
qui  on  écrit  ;  sur  une  seconde  ligne  à 
droite  vous  mettez  sa  qualité  ;  sur  une 
troisième  ligne  le  numéro  de  la  demeure 
et  le  nom  de  la  rue  ;  enfin  sur  la  quatri- 
ème,  au  milieu^  le  nom  de  la  ville.  Ex- 
emple :     * 

Monsieur  Joseph  Moncey, 

Libraire 
57,  Rue  St.  Victor, 
Joliette. 

Nous  ferons  remarquer  que  le  titre  dV- 
cuier^  si  commun  parmi  nous,  exclut  celui 
de  Monsieur  y  et  qu'il  s'écrit  à  la  suite  du 
nom. 

Il  y  a  des  titres  qui  s'écrivent  avant  le 
nom,  par  exemple  : 

L'Honorable  Pierre  *  *  *  * 
Sir  John  ******* 
Monsieur  le  Marquis  de    *    *    * 

Les  lettres  de  faire  part,  pour  mariage 
ou  enterrement,  sont  toujours  rédigées  à 
la  troisième  personne,  et  écrites  au  nom 
seulement  des  plus  proches  parents. 


de 


CHAPITRE  DIXIEME. 


DBS  CÉRÉMONIES  DE  I/ÉTAT  CIVÎL. 


DU   BAPTEME. 


A  moins  d'avoir  de  légitimes  raisons 
de  refuser,  on  doit  accepter  Tinvitation 
qui  nous  est  faite  d'être  parrain  (ou  mar- 
raine). C'est  un  service  que  l'on  doit 
rendre  de  bonne  grâce. 

Il  est  vrai  que  l'usage  qui  s'introduit 
d'offrir,  dans  cette  circonstance,  des  ca- 
deaux sans  nombre,  et  que  la  vanité  croit 
ne  devoir  jamais  être  d'une  trop  grande 
valeur,  menace  de  faire  de  l'ofiiice  de  par- 
rain une  véritable  charge,  et  encore  uiie 
charge  bien  lourde.  Espérons  que  l'ex- 
emple des  gens  sensés,  qui  évitent  de 
donner  dans  ces  extravagances,  prévau 


118 


LA  VRAIE  POLITESSE 


dra,  et  fera  rentrer  les  choses  dans 
Tordre.  • 

C*est  un  manque  de  convenance  pour 
un  père  et  une  mère  de  demander,  pour 
être  parrain  ou  marraine  de  leur  enfant? 
des  personnes  qui  sont  d*une  condition 
bien  plus  élevée  que  la  leur.  Sans  doute 
que  l'honneur  de  tenir  un  enfant  sur  les 
fonds  du  baptême  n'est  au-dessous  d'au- 
cune position  sociale,  quelque  élevée 
qu'elle  soit;  mais  il  ne  suit  pas  de  là 
qu'on  puisse  s'autoriser  de  cette  circons- 
tance, où  l'on  se  trouve  d'avoir  besoin 
à\\n  parrain  et  d'une  marraine,  pour  se 
mettre  en  rapport  avec  des  personnes 
d'une  toute  autre  condition  que  la  sienne* 
Au  reste  on  ne  doit  demander  pour  cette 
fonction  que  des  personnes  que  Ton  sait 
devoir  s'y  prêter  de  bon  gré.  La  politesse 
consiste,  ne  le  perdons  pas  de  vue,  à  ne 
contrarier  personne. 

Au  jour  et  à  l'heure  fixés  pour  le 
baptême,  le  parrain  se  présente  chez  la 
marraine  qu'il  conduit  chez  le  père  de 
l'enfant.  L'usage,  auquel  il  ne  saurait  à 
aucun  titre  se  soustraire,  exige  qu'il  lui 
offre  en  cadeau  cinq  ou  six  paires  de 
gants. 


ET  LE  BON  TON. 


119 


En  se  rendant  à  l'églis^  le  parrain  et 
la  marraine  occupent  la  première  voiture: 
la  sage-femme  et  l'enfant  viennent  à  la 
suite,  puis  le  père  avec  les  membres  de 
la  famille  qui  doivent  assiste?'  au  bap- 
tême. Assez  souvent  le  père  occupe  la 
même  voiture  que  Tenfant.  . 
•  Ici,  au  pays,  où  les  mendiants  ne  sont 
pas  très  nombreux,  le  parrain,  après  la 
cérémonie,  n*est  pas  exposé  à  être  assiégé 
par  une  foule  d'individus  qui  attendent 
chacun  une  offrande  plus  ou  moins  con- 
sidérable. Il  paie  le  bedeau  pour  faire 
sonner  les  cloches,  et  s'en  tient  à  cela.  On 
n'attend  rien  plus  de  lui.  Cependant  on 
a  vu,  quelquefois,  certains  personnages 
très  riches  offrir  au  prêtre  qui  avait  bap- 
tisé Tenfant  quelques  pièces  d'or  ;  mais 
ce  n'est-là  qu'une  exception. 

Le  parrain,quelques  jours  après  le  bap- 
tême, doit  une  visite  à  la  marraine:  l'un  ei 
l'autre  doivent  aussi  aller  rendre  visite  à 
la  mère  de  l'enfant. 


DU   MARIAGE. 


Le  garçon  d'honneur  va  chercher  chez 
elle  sa  fille  d'honneur  et  la  conduit  chez 
la  fiancée. 


lïT 


120 


LA  VRAIE  POLITESSE 


Oii  se  rend  à  Téglise  dans  l'ordre  sui- 
vant :  la  fiancée  accompagnée  de  son 
père,  le  garçon  et  la  fille  d'honneur.  (Il 
peut  y  avoir  plus  d'un  garçon  et  d'une 
fille  d'honneur  ;  )  le  futur  marié,  accom- 
pagné de  son  père  et  les  invités  à  la 
noce.        ^  ,. 

La  fiancée  est  conduite  au  pied  de  l'au-  • 
tel  par  son  père. 

C'est  à  la  balustreque  s'accomplit,  dans 
le  pays,  la  cérémonie  du  mariage.  Quand 
le  prêtre  s'avance  pour  procéder  à  cette 
cérémonie,  les  époux  doivent  déjà  y  être 
placés,  le  mari  à  gauche  du  prêtre,  l'é- 
pouse à  droite.  Celle-ci  a  à  son  côté  sa 
fille  d'honneur,  l'époux  son  garçon  d'hon 
neur.  Tous  se  tiennent  à  genoux.  Pen- 
dant la  sainte  messe  on  suit  l'usage  pour 
se  tenir  à  genoux  ou  assis. 

Après  la  cérémonie,  le  mari  conduit  sa 
femme  à  la  sacristie  pour  signer  l'acte  «le 
mariage  ;  puis  la  noce  s'en  retourne  dans 
l'ordre  suivant  :  les  époux,  les  garçons  et 
filles  d'honneur,  les  pères  et  mère  des 
époux,  puis  les  parents  et  invités. 

Les  noces  sont  du  temps  passé,  et  on 
doit  en  bénir  le  ciel.  Il  n'y  a  plus  que 
quelques  gens  du  peuple  qui  y  tiennent 


ET  LE  BON  TON. 


m 


encore.  Il  est  certain  que  ces  longs  di- 
vertissements étaient  la  ruine  des  pauvres, 
et  une  source  féconde  d'immoralité  chez 
les  riches  comme  chez  les  pauvres. 

Aujourd'hui,  après  la  célébration  du 
mariage,  on  déjeune  en  famille,  et  il  est 
devenu  tout  à  fait  fashionable  que  les 
époux  partent  aussitôt  pour  une  excursion 
de  quelques  jours 

Au  repas  de  noces,  le  maître  de  la  mai- 
son occupe  le  milieu  de  la  table  ;  il  a  à  sa 
droite  la  mariée  et  à  sa  gauche  le  marié  ; 
puis  viennent,  de  chaque  côté,  les  gar- 
çons et  filles  d'honneur.  La  maîtresse  de 
la  maison  prend  place  devant  lui,  et  elle  a 
à  ses  côtés  les  proches  parents  des  époux. 

Les  nouveaux  mai-iés  pourraient  encore 
très  convenablement  être  placés  en  face 
du  maître  de  la  maison. 

S'il  y  avait  bal  dans  la  soirée,  ce  qui 
est  un  hors  d'œuvre,  ce  serait  à  la  mariée 
à  l'ouvrir  avec  son  mari,  ou  avec  le  per- 
sonnage le  plus  distingué  de  la  réunion. 

Les  invités  à  la  noce,  qu'ils  aient  ac- 
cepté ou  non  l'invitation,  sont  tenus  d'of- 
frir un  cadeau  à  la  future,  la  veille  de 
son  mariage.  Ils  doivent  aussi  faire  vi- 
site aux  nouveaux  mariés  après  que  ceux- 


m 


LA  VRAIE  POLITESSE 


,  ci  ont  paru  en  public,  par  exemple  après 
qu'ils  ont  été  vws  à  l'église.  On  sait  par 
là  qu'ils  reçoivent. 

Les  mariés  doivent  rendre  les  visites 
qu'ils  ont  reçues  à  l'occasion  de  leur  ma- 
riage, mais  ils  ne  sont  pas  tenus  de  re- 
mettre celles  des  jeunes  messieurs  non 
mariés. 

DE   l'enterrement. 

11  ne  doit  pas  être  nécessaire  de  rappe- 
ler que  Ton  ne  saurait,  sans  manquer 
gravement  aux  convenances,  se  dispenser 
d'assister  à  un  enterrement  auquel  on 
aurait  été  invité  par  lettre  spéciale. 

La  toilette  doit  être  sévère.  En  atten- 
dant, dans  la  maison  du  défunt,  que  le 
convoi  se  mette  en  marche,  gardez,  sans 
affectation,  le  silence,  ou,  si  vous  conver- 
sez, que  ce  soit  à  voix  basse  et  avec  un 
maintien  sérieux. 

Vous  devez  vous  observer  tout  autant 
en  suivant  le  corbillard,  et  éviter  toute 
conversation. 

Dans  l'église,  pendant  l'oflice,  confor- 
mez-vous à  toutes  les  cérémonies  du 
culte. 


ET  LE  BON  TON. 


123 


après 

it  par 

visites 
r  ma- 
ie re- 
s  noii 


rappe- 
inquer 
penser 
lel  on 


Si  le  défunt  est  un  parent,  il  va  sans 
dire  que  vous  devez  accompagner  la  dé- 
pouille jusqu'au  cimetière.  Il  doit  en 
être  aussi  de  môme  quand  le  défunt  est 
un  anii,  un  supérieur  ;  quand  on  veut 
donner  à  sa  famille  un  témoignage  de 
sympathie  et  de  l'intérêt  qu'on  lui  porte. 

Après  l'enterrement,  les  amis  doivent 
une  visite  de  condoléance  à  la  famille. 
Inutile  de  rappeler  ici  que  la  toilette  et  la 
conversation  doivent  être  en  rapport  avec 
la  circonstance. 


atten- 
que  le 
z,  sans 
5onver- 
vec  un 


autant 
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SUPPLEMENT. 


I 


La  politesse  exige  que  Ton  parle  le 
moins  possible  de  soi  ;  que  Ton  ne  fasse 
jamais  allusion  aux  bonnes  qualités  que 
l'on  croit  posséder,  aux  œuvres  louables 
que  Ton  a  accomplies. 

Il  ne  convient  même  pas  d'entretenir 
les  autres  des  maux  que  Ton  souffre,  des 
épreuves  qu'on  peut  avoir  à  subir  ;  tout 
cela  sent  tf  op  l'égoïsme.  Dans  la  conversa- 
tion, il  faut,  en  quelque  sorte,  paraître 
s'oublier  soi-même  ;  c'est  là  ce  qui,  aux 
yeux  des  gens  de  bonne  compagnie,  en 
fait  le  mérite  et  le  charme. 

Cependant,  que  de  personnes,  parmi 
celles  même  qui  prétendent  avoir  du  sa- 
voir-vivre, qui  semblent  ne  pouvoir  en- 
tretenir leurs  amis  que  d'elles-mêmes  ! 
Quelques  efforts  que  vous  fassiez  pour  dé- 
tourner leur  ennuyeuse  conversation, 
elles  ont  toujours  l'admirable  talent  de 


LA  VRAIE  POLITESSE 


125 


/ 


savoir  la  ramener  à  leur  sujet  cnéri.  A 
propos  de  tout,  elles  trouvent  moyen  de 
se  mettre  en  scène  ;  de  se  donner  pour 
exemple  ;  de  rappeler  ce  qu'elles  ont  dit 
ou  fait  dans  telle  ou  telle  circonstance. 

Cette  manie  de  parler  sans  cesse  de  soi 
est  l'indice  le  moins  équivoque  d'une  très 
mauvaise  éducation.  • 

Quand  on  appartient  à  une  famille  mar- 
quante; que  quelques-uns  de  ses  mem- 
bres occupent  des  positions  élevées  dans 
la  société,  se  distinguent  par  leur  savoir, 
leurs  talents,  il  ne  convient  pas  de  paraître 
en  tirer  gloire,  d'en  trop  parler.  Il  ne 
vous  appartient  pas  de  faire  ressortir  le 
mérite,  les  belles  qualités  de  votre  fa- 
i  mille  ;  car,  comiçe  il  n'est  guère  probable 
que  vous  renonciez  à  avoir  votre  part  de 
ces  belles  qualités,  il  est  évident  pour 
tous  qu'en  parlant  ainsi  vous  faites  votre 
propre  éloge. 

Il  ne  faut  pas,  non  plus,  faire  allusion 
aux  richesses  que  Ton  possède,  si  ce  n'est 
avec  beaucoup  de  réserve  et  de  délicatesse. 
Ce  défaut  est  commun  chez  les  parvenus 
qui  n'ont  pas  eu  l'avantage  de  recevoir 
une  bonne  éducation.  Pour  eux,  tout  se 
mesure  à  la  bourse  ;  l'homme  qui  n'a  pas 


lii 


: 


i 


1  1 


126 


LA  VRAIE  POLITESSE. 


d*écus,  quelque  soit  d'ailleurs  ses  qualités, 
n'a  qu'une  bien  petite  valeur  à  leurs 
yeux. 

Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  cette 
classe,  dont  Targent  fait  tout  le  mérite, 
ne  saurait  avoir  sa  place  dans  la  bonne 
compagnie.  ^ 


*<>'i 


II 


r^^, 


'est  une  grave  impolitesse  que  de 
rendre  les  personnes  avec  qui  on  est  en, 
rapport  victimes  de  sa  mauvaise  humeur.) 
Cette  mauvaise  humeur  peut  procéder  de 
diverses  causes,  maladie  du  corps,  mau- 
vaise disposition  de  l'esprit,  mauvais  état 
de  la  conscience  :  mais  toutes  ces  causes 
sont  indépendantes  deS  personnes  aveci 
qui  vous  vivez  ;  la  plupart  dépendent  de 
vous  ;  pourquoi  donc  vous  en  prendre  aux 
autres?  pourquoi  porter  le  trouble  et  la 
tristesse  au  milieu  de  gens  qui  ont  à  cœur 
de  vivre  en  paix? 

,  Vous  êtes  malade,  le  sang  vous  fatigue, 
vos  nerfs  sont  d'une  irritabilité  extrême  ; 
à  qui  la  faute?  Vous  ne  voulez  pas  vous 
en  prendre  à  Dieu,  c'est  bien  le  moins. 
Mais  alors  pourquoi  vous  venger  sur  le 


ET  LE  BON  TON. 


1)1 


prochain  ?  pourquoi  trouver  u.'dl  loul  ce 
qu'il  dit,  tout  ce  qu'il  fait? 

Votre  esprit  est  malade,  vous  êtes  mi- 
santhrope, vous  trouvez  que  tout  va  mal 
dans  le  monde,  qu'il  n'y  a  que  vous  de 
parfait;  mais  alors  vous  devez  vous  reti- 
rer de  la  société,  vivre  dans  une  solitude 
absolfe,  et  ne  pas  empoisonner  la  vie 
chez  les  autres. 

Dans  une  compagnie,  une  personne  dit 
une  parole  tout  à  fait  inofFensive,  qui 
trouve  fort  bien  sa  place  ;  mais  vous,  dans 
votre  pauvre  cerveau  malade,  vous  jugez 
cette  parole  déplacée,  elle  vous  déplait  ; 
tout  de  suite,  le  sang  vous  monte  au  vi- 
sage, vous  devenez  taciturne,  sombre  ;  ou 
bien,  vous  répliquez  amèrement,  vous 
mettez  tout  le  monde  mal  à  l'aise  ;  évi- 
demment ce  n'est  pas  cette  parole  inof" 
fensive  qui  est  déplacée,  c'est  vous  qui 
n'êtes  pas  à  votre  place,  c'est  vous  qui  ne 
devriez  pas  être  admis  en  compagnie. 

Et  remarquez  que  vous  n'êtes  pas  aussi 
excusable  que  quelques  personnes  vou- 
draient le  faire  croire.  Il  y  a  dans  votre 
conduite  un  manque  de  bon  sens  qui  ne 
dépend  pas  sans  doute  de  vous  ;  mais  il  y 


128 


Lk  VRAIE  POLITESSE 


a  de  plus  an  défaut  de  vertu  qui  vous  est 
imputable. 

Il  y  a  des  personnes  qui  ont  un  carac- 
tère tellement  bizarre,  qu'elles  ne  peuvent 
pas  s'endurer  elles-mêmes  ;  rien  d'éton- 
nant qu'elles  ne  puissent  pas  endurer  les 
autres.  On  leur  pardonnerait  d'être  en 
guerre  avec  elles-mêmes,  si  seiAment 
elles  voulaient  laisser  les  autres  en  paix. 
Mais  non,  en  proie  à  une  humeur  cha- 
grine qui  ne  les  quitte  presque  pas,  elles 
se  mêlent  de  tout,  des  choses  qui  leur 
sont  le  plus  étrangères,  afin  de  semer 
partout  le  trouble  et  la  division.  Evidem- 
ment ces  personnes  sont  à  charge  à  la  so- 
ciété. 

Comme  c'est  moins  un  traité  de  moral 
que  nous  faisons  ici  qu'un  petit  travail 
sur  la  politesse  et  la  civilité,  nous  ferons 
remarquer  à  ces  personnes  que,  si  elles 
n'ont  pas  assez  de  religion  et  de  vertu 
pour  dominer  leur  caractère,  elles  de- 
vraient, pour  ne  pas  compromettre  leur 
réputation  de  personnes  bien  élevées,  se 
retirer  le  plus  possible  de  la  société  ;  du 
moins  quand  elles  s'aperçoivent  que  leur 
humeur  devient  plus  maussade. 


ET  LE  BON  TON. 


129 


III 

C'est  manquer  à  la  bienséance  qae 
d'engager  des  discussions  en  compagnie, 
et  encore  plus  de  soutenir  opiniâtrement 
son  opinion.  Le  salon  n'est  pas  une  as- 
semblée délibérante,  et  le  bon  ton  exige 
qu'on  en  bannisse  toute  discussion. 

Si  quelqu'un,  en  compagnie,  s'oublie 
j'isqu'à  avancer  quelque  proposition  qui 
doit  être  condamnée,  contentez-vous  d'un 
mot  pour  faire  voir  qu'on  ne  peut  ad- 
mettre une  telle  proposition.  Si  votre  in- 
terlocuteur insiste,  éludez  adroitement  la 
question,  et  les  personnes  bien  élevées 
comprendront  de  suite  que  vous  tenez  à 
la  bienséance,  et  que  vous  ne  voulez  pas 
engager  de  discussion. 

Au  reste,  que  résulte-t-il  de  ces  discus- 
sions en  compagnie?  quels  intérêts  est-on 
appelé  à  défendre  dans  ces  réunions  qui 
ont  un  tout  autre  objet  ?  quel  triomphe 
va-t-on  assurer  à  la  vérité  ?  Le  seul  résul- 
tat est  de  troubler  l'harmonie  et  la  paix 
entre  amis  qui  se  réunissent  pour  passer 
agréablement  quelques  quarts-d'heures. 

Gardons-nous  de  Tesprit  de  contradic- 
tions; rien  de  plus  propre  à  fausser  le 


130 


LA  VRAIE  POLITESSE 


I 


jugement  et  à  faire  commettre,  à  chaque 
instant,  contré  la  bienséance,  des  fautes 
qui  couvrent  leurs  auteurs  d'humiliations 
aux  yeux  des  gens  bien  élevés. 

IV 

•*  Le  tact^  dit  Bourgean,  dans  son  traité 
des  usages  du  monde,  ne  s'acquiert  pas  par 
Tétude  ;  la  fréquentation  de  la  bonne 
compagnie  ne  peut  que  développer  celui 
qu'on  a  :  pour  avoir  du  tact,  il  faut  avoir 
de  l'esprit  et  du  jugement;  aussi  voilà 
pourquoi  les  sots  en  manqueront  tou- 
jours." 

Ces  paroles,  d'une  incontestable  vérité, 
sont  désespérantes  pour  ceux  qui  man- 
quent de  tact.  Et  comment  venir  en  aide 
à  cette  classe  d'hommes  digne,  en  quel- 
que sorte,  de  pitié.  Pour  cela,  il  faudrait 
avant  tout,  faire  qu'ils  se  connussent  eux- 
mêmes  ;  or  personne  ne  se  connaît  si  peu 
que  celui  qui  n'a  pas  de  tact,  et  personne 
n'est  si  peu  capable  d'arriver  à  cette  con- 
naissance de  soi-même.  Le  cas  est  donc  dé- 
sespéré ;  si  ce  n'est  pour  celui  qui  a  l'avan- 
tage d'avoir  un  ami  sincère,  dont  il  subit 
volontiers  l'ascendant  Cet  ami  pourra 
lui  déclarer  franchement  ce  qu'il  y  a  de 


« 


ET  LE  BON  TON. 


131 


défectueux  chez  lui,  TeiigM^er  à  se  défier 
de  lui-môme,  à  parler  peu,  à  ne  jamais 
chercher  à  figurer  dans  los  réunions,  mais 
à  cultiver  la  modestie. 

Ce  n'est  pas  qu'on  puisse  ainsi  donner 
du  tact  à  celui  qui  en  manque,  on  peut 
tout  au  plus  lui  faire  éviter  quelques 
bévues.  • 

.    Y 


On  rencontre  des  gens  qui  veulent  tou- 
jours et  à  propos  de  tout,  même  des  choses 
les  plus  sérieuses,  avoir  le  bon  mot  pour 
faire  rire.  Il  va  sans  dire  que  ces  faiseurs 
d'esprit  ex  professa  manquent  de  tact  et 
blessent  à  la  fois  presque  toutes  les  règles 
de  la  bienséance. 

D*abord  la  bonne  tenue,  la  modestie 
est  chose  inconnue  d'eux  ;  ils  ne  man- 
quent jamais  de  rire  les  premiers  de  leurs 
saillies,  lors  même  que  les  autres  demeu- 
rent sérieux  ;  ce  sont  en  général  de  grands 
parleurs,  qui  ne  se  gênent  pas  d'accaparer 
la  conversation  ;  leurs  discours,  presque 
toujours  entremêlés  d'éclats  de  rire  forcés 
que  réprouve  le  savoir-vivre,  blessent,  le 
plus  souvent,  et  le  bon  sens  et  la  charité. 


132 


LA  VRAIE  POLITESSE 


Il  arrive,  smis  doute  que,  au  milieu  de 
leurs  efforts  incessants  pour  faire  de  l'es- 
prit, il  se  rencontre  parfois  quelques  sail- 
lies heureuses,  mais  le  plus  souvent  leurs 
reparties  ne  sont  que  des  incongruités 
qui  affligent  les  personnes  bien  élevées. 

L'homme  qui  a  du  savoir-vivre,  qui 
tient  à  la  bonne  éducation,  agit  bien  dif- 
féremment. Sans  doute,  dit  un  auteur 
estimable,  qu'il  sourit  volontiers  lorsqu'il 
entend  un  bon  mot  on  une  saillie  spiri- 
tuelle, mais  il  ne  rit  jamais  d'une  manière 
trop  bruyante  :  lorsque  lui-même  paie  son 
tribut  à  la  société,  il  se  garde  bien  de  rire, 
avant  ou  après  le  trait  ingénieux  qu'il 
vient  de  lancer  au  milieu  d'un  cercle  ; 
quand  tout  le  monde  applaudit,  lui  seul 
reste  impassible  et  semble  même  reculer 
humblement  devant  cet  unanime  suffrage; 
on  dirait  qu'il  regrette  presque  d'avoir  de 
l'esprit,  tant  il  y  a  de  modestie,  d'abnéga- 
tion personnelle  sur  sa  physionimie. 


VI 


* 


L'usage,  dans  certains  pays,  demande 
que  ce  soit  au  nouvel  arrivant  dans  un 
endroit  à  commencer  à  faire  visite  dans 


ET  LE  BON  TON. 


133 


les  fciiiiilles  avec  lesquelles  il  désire  avoir 
des  relations.  Si  ou  ne  lui  rend  pas  sa 
visite,  c'est  un  indice  qu'on  ne  veut  pas 
entrer  en  rapport  iivec  lui,  et  il  n'a  plus 
qu'à  rester  chez  lui. 

Ici  c'est  tout  le  contraire  :  quand  une 
personne  va  se  fixer  dans  un  endroit,  ce 
n'est  pas  elle  qui  fait  les  premières  démar- 
ches, mais  ce  sont  les  citoyens  de  la  place, 
qui  veulent  entrer  eu  rapport  avec  elle, 
qui  doivent  aller  lui  faire  visite.  Et  nous 
devons  avouer  qne  la  chose  nous  parait 
bien  plus  convenable  et  bien  plus  natu- 
relle ;  quelqu'un  vient  se  fixer  au  milieu 
de  vous,  sa  qualité  d'étranger  est  toujours 
plus  ou  moins  délicate,  il  a  à  redouter 
l'inconvénient  de  s'imposer  à  ses  nouveaux 
concitoyens  ;  vous  le  dispensez  de  toute 
démarche  ;  vous  allez  lui  souhaiter  la 
bienvenue  ;  c'est  une  attention  toute  cour- 
'  toise. 

De  môme,  au  retour  d'un  voyage,  à 
rencontre  de  ce  qui  se  pratique  ailleurs, 
c'est  à  vos  amis  à  venir  vous  féliciter  de 
votre  heureux  retour. 

Il  y  a  toutefois  une  exception  :  c'est 
quand  un  fonctionnaire  arrive  dans  un 
endroit.    C'est  à  lui  naturellement  à  se 


/ 


134 


LA  VRAIE  POLITESSE 


II! 


présenter  chez  les  chefs  de  son  départe- 
ment. 

-  VII 

L'habitude  de  fumer  n'est  pas  ce  qu'il 
y  a  de  plus  recommandable.  Il  est  bien 
rare  que  cette  habitude  ne  dégénère  pas 
en  servitude.  Dans  tous  les  cas,  les  fu- 
meurs ont  besoin  de  prendre  beaucoup  de 
précautions  s'ils  ne  veulent  pas  manquer 
aux  règles  de  la  bienséance. 

D'abord  on  ne  doit  jamais  se  permettre 
de  fumer  là  où  il  y  a  des  dames  ;  on  doit 
alors  s'interdire  la  chose,  non-seulement  à 
la  maison,  mais  encore  dans  les  voitures 
publiques,  à  la  promenade,  etc. 

Ici,  et  aux  Etats-Unis,  il  y  a,  sur  les 
chemins  de  fer,  des  chars  à  fumer  ;  il 
faut  y  prendre  place,  et  ne  jamais  s'aviser 
de  fumer  ailleurs  par  contrebande,  car 
on  court  le  risque  de  se  faire  mettre  à 
l'ordre,  et  d'être  humilié;  ce  que  les 
fumeurs  de  contrebande  méritent  bien. 

C'est  se  montrer  bien  esclave  de  la  pipe 
que  de  quitter,  en  soirée,  la  compagnie 
des  dames  pour  aller  fumer.  Outre  Pin- 
çon vénient  qu'il  y  a  à  agir  ainsi^  on 
s'expose  de  plus  à  incommoder  les  dames, 


\ 


ET  LE  BON  TON. 


135 


à  son  retour,  par  Todeur  de  la  fumée  du 
tabac  dont  les  habits  boiU  imprégnés. 

Les  fumeurs  sont  généralement  grands 
cracheurs  ;  c'est  encore  une  qualité  qui 
n'est  pas  à  envier.  Oj',  il  n'^st  pas  néces- 
saire de  dire  qu'on  ne  doit  jamais  cracher 
sur  les  planchers,  encore  moins  sur  les 
tapis.  Si  Ton  n'a  pas  de  crachoirs  à  sa 
disposition,  que  Ton  s'abstienne  tout 
simplement  de  fumer.  t 

Au  reste,  quand  on  a  un  peu  de  savoir- 
vivre,  on  ne  fume  que  dans  Tappartemeiit 
destiné  aux  fumeurs,  et  qui  est  toujours 
muni  de  l'appendice  de  la  pipe,  le  crachoir. 

.  Vlli 


a 


Dans  une  visite  d'étiquette,  les  mes- 
sieurs ne  laissent  pas,  comme  l'usage 
l'exige  dans  certains  endroits,  leur  par- 
dessus dans  l'anti-chambre  ;  une  visite  ne 
dure  pas  assez  longtemps  pour  qu'il  vaille 
la  peine  de  le  déposer  pour  le  reprendre 
sitôt.  ^  . 

Nous  croyons  devoir  ajouter  ici  quel- 
ques mots  à  ce  que  nous  avons  dit  déjà  de 
la  toilette  de  la  femme. 


136 


LA  VRAIE  POLITESSE 


Cette  toilette  doit  toujours  être  propre 
et  convenable.  Une  femme,  qui  a  le 
sentiment  des  convenances  et  tant  soit 
peu  d'activité,  évite  dans  sa  toilette  ce 
négligé  qui  indique  la  nonchalance  et  la 
paresse.  - 

"  Avant  le  déjeûner,  dit  Bourgeau  que 
nous  avons  déjà  cité,  ayez  une  tenue  con- 
venable ;  S'il  est  possible,  ne  faites  qu'une 
toilette  par  jgur.  Soyez  dès  le  déjeûner 
ce  que  vous  devez  être  toute  la  journée, 
c'est-à-dire  en  état  de  recevoir  n'importe 
quel  visiteur,  sans  être  prise  au  dépourvu 
et  fâchée  ensuite  du  négligé  dans  lequel 
vous  avez  été  surprise  :  de  cette  façon, 
vous  vous  éviterez  des  ennuis,  et  aux 
visiteurs  un  embarras  ;  car  un  visiteur 
qui  dérange,  s'il  a  du  tact,  est  plus  con- 
trarié que  la  personne  même  qui  a  été 
dérangée." 

La  première  parure  pour  une  femme, 
c'est  la  propreté  :  ne  paraissez  donc  jamais 
mal  peignée,  cachez  plutôt  vos  cheveux. 

La  femme  doit  savoir  que  la  toilette  ne 
consiste  pas  tant  dans  le  vêtement  que 
dans  une  certaine  manière  de  le  porter  ; 
elle  doit  savoir  aussi  que  tout  ce  qui  vise 
à  l'effet*  est  |dej:  mauvais  goût.    Ainsi,  si 


ET  LE  BON  TON. 


137 


ce 


tout  le  monde  vous  regarde,  c'est  que 
vous  n'êtes  pas  mise  convenablement, 
vous  êtes  trop  parée  ou  trop  recherchée  : 
c'est  donc  à  vous  à  consulter  les  regards, 
ils  vous  diront  ce  que  vous  êtes. 

Les  femmes  distinguées  paraissent  dans 
le  monde  avec  toutes  les  élégances  de  la 
mode,  mais  sans  exagération  ;  elles  ne 
ressemblent  en  rien  aux  dames  du  demi- 
monde  ni  aux  femmes  de  bas  étage,  qu'on 
reconnaît  de  suite,  parcequ'elles  visent 
aux  grands  effets. 

La  dame  du  grand  monde  brille  spécia- 
lement par  cette  simplicité  qui  a  tant  de 
charmes  et  qui  niait  plus  que  les  diamants 
qu'elle  met  rarement. 


Quand  on  désire  se  mettre  en  rapport 
avec  quelque  personne,  quelque  famille, 
on  doit  s'y  faire  présenter.  Quelquefois, 
certaines  circonstances  fortuites  établis- 
sent des  rapports  entre  les  personnes  ; 
mais,  en  dehors  de  ces  circonstances,  il 
fautrecourir  à  la.  présentation  ou  introduc- 
tion^ selon  l'expression  reçue  dans  le  pays. 

D'abord,  comme  la  politesse  exige  qu'on 


138 


LA  VRAIE  POLITESSE 


ne  s'impose  jamais  aux  autres,  on  doit, 
avant  de  se  faire  présenter,  être  fondé  à 
croire  que  la  personne,  avec  qui  on  désire 
se  mettre  en  rapport,  aura  la  chose  pour 
agréable,  sans  cela  on  devrait  s'abstenir. 
La  personne  qui  présente  doit  aussi  avoir 
égard  à  la  remarque  que  nous  faisons  ici. 

11  est  inutile  d'ajouter  que  la  présenta- 
tion ne  doit  avoir  lieu  qu'entre  personnes 
qui  sont  à  peu  près  de  la  même  condition. 

Pour  cette  présentation,  il  suffit  de  dire 
en  abordant  la  personne  à  qui  vous  pré- 
sentez votre  ami  ou  votre  connaissance  : 
Monsieur  ou  Madame,  faî  l^ honneur  de  vous 
jjresenter  Monsieur  ou  Madame,  etc.^  etc. 

Dans  une  réunion  de  quelques  person- 
nes, quand  une  circonstance  fortuite 
amène  un  étranger,  la  bienséance  exige 
que  celui  qui  le  connaît  ne  le  laisse  pas 
dans  l'embarras,  mais  qu'il  le  présente  à 
la  compagnie.  En  Angleterre  on  est  très 
particulier  sur  ce  point,  et  d'une  extrême 
prévenance  pour  faire  cette  présentation. 
Et  certainement  que  cela  est  tout  à  la 
gloire  de  la  politesse'  anglaise,  et  con- 
traste fort  avec  la  manière  dont  ailleurs 
on  laisse  une  personne,   quelquefois  fort 


ET  LE  BON  TON. 


139 


lecoaunandable,  dans  une   très-genante 
position. 

On  conçoit  que,  dans  les  grandes  as- 
semblées, il  serait  ennuyeux  et  déplacé 
d'être  présenté  à  un  si  grand  nombre  de 
personnes,  aussi  il  n'y  est  jamais  question 
d'être  introduit.  Mais,  dans  tous  les  cer- 
cles restreints,  Vintroduction  est  de  rigueur. 

■  '   XI    . 


à 


Il  y  a  des  circonstances  où  Ton  est 
obligé  de  se  présenter  chez  des  personnes 
que  l'on  ne  connait  pas,  ou  dont  on  n'est 
pas  connu.  L'usage  et  la  bienséance 
demandent  que  l'on  se  fasse  alors  précéder 
par  sa  carte.    -  •       , 

XII  \ 

Les  dames  doivent  toujours  monter  les 
escaliers  les  dernières,  et  les  descendre 
les  preraièr£is 


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Nous  tëi|mi.tiei'ôiii5.  ]^aT  .«une;  'ï-qmar^jue 
très  importante,  c'est  que 'àah s  lés  réu- 
nions, soirées,  etc.,  les  jeunes  gens  ne 
doivent  pas  perdre  de  vue  toule  la  poli- 


140 


LA.  VRAIE  POLITESSE 


tesse,  toute  la  courtoisie  qu'ils  doivent 
avoir  pour  les  dames  mariées.  Les  jeunes 
gens  bien  élevés  ne  manquent  jamais, 
dans  ces  circonstances,  de  faire  tous  leurs 
efforts  pour  se  rendre  aimables  indistinc- 
tement à  tout  le  monde.  Mais,  si  quelques 
dames  méritent  plus  particulièrement 
leurs  attentions,  ce  sont  bien  certainement 
celles  de  la  maison  où  ils  sont  reçus.  Que 
dire  donc  de  jeunes  gens  qui  reçoivent 
une  gracieuse  invitation  dans  une  famille, 
où  Ton  met  tout  en  œuvre  pour  leur  faire 
passer  une  agréable  soirée,  et  qui  dai- 
gnent à  peine  adresser  la  parole  aux 
dames  de  la  maison  ! 

Il  est  aussi  inconvenant  pour  les  jeunes 
gens  de  se  séquestrer  dans  un  corridor 
ou  dans  une  chambre,  pendant  la  soirée, 
et  de  laisser  les  dames  seules. 

Il  est  certain  que,  sous  ce  rapport,  il  y 
aurait  quelque  réforme  à  opérer  parmi 


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TABLE  DES  MATIERES. 

Page. 
Introduction, , .., 5 

■■""".  "  -  *        ■■■...■-■_        ii-  -, 

CHAPITRE  I. 
De  la  Politesse  et  du  Bon  Ton........  11 

CHAPITRE  II. 

De  la  Politesse  dans  la  Famille, 18 

De  la  Politesse  des  époux  entre 

eux, 22 

De  la  Politesse  des  enfants  envers 

leurs  parents 24 

Delà  conduite  des  parents  envers 

leurs  enfants 28 

CHAPITRE  III. 

Politesse  dans  les  Collèges,  Pension- 
nats, etc  * 32 


142  TABLE  DES  MÂtlÈRES. 

4 

CHAPITRE  IV. 
Bienséance  A  l'Eglise 40 

CHAPITRE  V. 

Politesse  dans  les  Visites  : 

De  la  Toilette 46 

Des  Visites 49 

De  la  Conversation 58 

CHAPITRE  VI 

De  LA  Politesse  a  Table 68 

CHAPITRÉ  VII. 

Politesse  dans  les  Soirées 76 

CHAPITRE  VIU. 

Promenades,  Voyages,  Séjours  a  la 
Campagne  : 

Promenades  en  Voiture 87 

Promenades  à  Pied 88 

Voyages , 91 

Séjours  à  la  campagne 96 

Chez  le  Marchand 101 


46 

49 
58 


68 


TABLB  DES  MATifiRES.  US 

CHAPITRE  IX. 
De  LA  Politesse  Epistolaire 105 

CHAPITRE  X. 

Des  Cérémonies  de  i/État  Civil  : 

Du  Baptême 117 

Du  Mariage 119 

De  rEnterrement 122 

Supplément 124 


76 


-—  Il  II  ^<«i.np_ —- - 


ERRATUM. 

Page  52,  ligne  12,  au  lieu  de  on  ne  présente 
jamais,  lisez  :  on  ne  présente  pas 


» 


ne  présente