IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
1.0
l.l
U6 1^ 1122
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2.0
m
1.25 ||U 1.6
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Photographie
Sdenœs
Corporation
23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N. Y. US80
(716) 872-4503
^^
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V^o
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHIVI/ICMH
Collection de
microfiches.
Canadien Institute for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The instituts has attempted to obtain the best
original copy avaiiabie for fiiming. Features of this
copy which may be bibliographicaiiy unique,
wliich may aiter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of fiiming, are checiced beiow.
D
D
D
D
D
D
Coioured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover title missing/
Le titre de couverture manque
Coioured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coioured ink (Le. other than biue or biacit)/
Encre de couleur (Le. autre que bleue ou noire)
Coioured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Sound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La re Hure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
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appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from fiiming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
Additional commenta:/
Commentaires supplémentaires:
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une imag» raproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
I Coioured pages/
D
D
0
D
0
n
Pages de couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
I I Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaire
Only édition avaiiabie/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues. etc.. hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
Th
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req
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This item is fllmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
10X
14X
18X
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2IX
30X
y
12X
16X
20X
24X
28X
32X
The copy filmed hare has baan raproducad thanks
to tha ganerosity of :
Library of tha Public
Archivas of Canada
Tha imagas appaaring hara ara tha bast quailty
possibla considaring tha condition and lagibility
of tha original copy and in kaaping with tha
filming contract spacifications.
Original copias in printad papar covars ara filmad
baginning with tha front covar and anding on
tha last paga with a printad or illustratad impras-
sion. or tha back covar whan appropriata. AH
other original copias ara filmad baginning on tha
first paga with a printad or illustratad impras-
sion. and anding on tha last paga with a printad
or illustratad impression.
The last racorded frame on each microfiche
shall contain tha symbol — ^> (maaning "CON-
TINUED"). or tha symbol V (maaning "END"),
whichaver applias.
IVIaps. plates, charte, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
L'exemplaire filmé fut reproduit grAce à la
générosité de:
La bibliothèque des Archives
publiques du Canada
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de ia condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par la premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par la second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — ► signifie "A SUIVRE ", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé A partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche è droite,
et de haut en bas. en prenant la nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1 2 3
32X
1
2
3
4
5
•
6
Ih
<..- À
Ave
» N
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MEMOIRES
PHILOSOPHIQUES.
HISTORIQUES, PHYSIQUES',
Concernant la découverte de rAmérique, fes
anciens Habicans^ leurs mœurs, leurs ufages,
leur connexion avec les nouveaux Habicans »
leur religion ancienne & moderne , les produits
ÀQS trois règnes de la Nature, & en particulier*
les mines , leur exploitation , leur immenfe
produit 'gnoré jufqu'ici ^
*«•"
>.*«^>r-
Par Don ULLOA,
► V
Lieutenant- Général des Armées navales de VEf-
pagne^ Commandant au Pérou ^ de l'Académie
Royale de Madrid _, de Stockolm , de Berlin ^
de la Société Royale de Londres y &c» _, , ^^
Avec des Obrervations & Additions fur toutes les matièr^ ^
dont il eft parlé dans l'Ouvrage.
Traduit ?AR M, ***
TOME PREMIER.
I. i
j ?^
A P A R 1 Sy
Chez Buisson, Libraire , Hôtel de Mergrigny» ^
rue des Poitevins, N'. rj.
*>>!..
787.
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■>i .y
PRÉFACE.
U
Ous devons quelques lignes d*Aver-
tifïcment au Lecteur fur la traduction de
cet Ouvrage , &C les notes qui l'accompa-
gnent. Nous n'ignorions pas, avant de le
traduire, qu'il en exi{loitdeuxTradu£tions
Françoifes manufcrites, plus ou moins
complettes ; mais nous favions aufll que
les difficultés de rcntrcprife avoient arrêté
ces Interprêtes en nombre de détails. De
l'aveu même des Efpagnols, le texte de
D. Ulloft cft CtCr^T rliflRrilf» à rulvrf? , OU,
pour mieux dire, il fe laiflè plus fouvent
deviner qu'il ne s'explique , parce qu'il
fuppofe par- tout des Lecteurs déjà inf-
truits. Malgré ces difficultés, nous avons
cru devoir procurer au Public la le£lure
de cet Ouvrage , dans lequel on trouve ,
outre le réfumé du Voyage de l'Auteur,
nombre de fujets nouveaux, que llntérêc
national, dit-on, lui avoit fait fupprimer.
Mais nous n'avons pu appercevoir ces
a ij
"il
y-À
i
II
..Il
i
iV PRÉFACE.
rAlfons d'intérêt. Seroit-ce rarticle très-
circonftancié qu'il préfente ici fur Tex-
ploitation des mines du Pérou, & leurs
inimenfes produits ? Mais plus une Na-
tion fait connoître fes reiïburces, plus
elle mérite de confiance de la part de
celles avec lefquelles elle eft à portée de
trafiquer.
Les extraits que les Journaux Anglois
ont préfente de cet Ouvrage , n*en ont
que trop fait fentir .l'importance à l'An-
gleterre; & c'eft depuis la ledure de ces
extraits que le Gouvernement Anglois
a tourné ^cs vues du côté du Pérou.
L'Allemagne jouit aufïî de la le£ture de
ces Mémoires dans la tradudlion qu'en a
donné depuis peu M. Dicz , Profeffeur
d'Hiftoire à Goctingue. Cette Verfion
Allemande eft devenue d'autant plus in-
tér<?fïante , qu'elle eft accompagnée àçs
Obfervations d'un homme très-inftruit;
Obfcrvations qui font prefque plus con-
fia érables que le Texte : nous nous fom-
nics procurés cette Verfion ôc les Notes,
^
'^•»'u-,iis
PRÉFACE. V
dont ncHis avons eu connoiflTance, lorfquc
notre travail étoit déjà fort avancé.
Nous avons vu avec plaifir que TExem-
plaire Efpagnol que nous avions, étoit
infiniment plus cxa6"b que ccluide M. Dicz,
fur- tout dans les nombres : quoique le
fien ait été corrigé à la main comme les
autres, il paroît qu*on l'avoit fait avec
peu de foin. Quant aux Obfcrvations ôC
aux Additions de l'Edition Allemande ,'
nous avons lieu de croire qu'elles ont été
imprimées telles que l'Auteur les avoit
précipitamment jettées fur le papier pen-
dant le cours de Timpreffion du Texte;
voilà pourquoi tout y cft fans fuite & fans
ordre, ce qui nous a donné allez d'embar-
ras. Nous avons donc fëparé les trois règnes
comme ils dévoient l'être, relevant même
ça & là quelques erreurs dans lefquelles
& TAuteur & fes Interprêtes étoicnt
tombés. La partie des mines fe trouve
très - éclaircie par les détails que nous
avons été obligés de joindre à ceux de
l'Edition Allemande , afin d'en lier les
/
1
I
I
■ i
i-
II
I
I
' l
vj PRÉFACE.
ciifFërcns articles préfentés fans cohé-
rence, ou plutôt avec une très- grande
confufion.
Quant h la partie purement hiftoriqu?,
aux ufagcs , aux mœurs, à la reigion
des anciens Habitans dis Coionics tf-
pagnolcs, nous n'avons rien négligé de
ce qui pouvoir jetrer un nouveau jour
fur ces difFérens articles ; nous avons tâ-
ché de montrer que les ufagcs de as con*
trées éloignées fe rapprochoient de ceux
des nôtres, &: que l'Amérique avoir été
peuplée beaucoup plus ancicrnemcnt que
le célèbre de BuiTon & d'autres l'ont pré-
tendu. Quant à l'Auteur des Notes, nous
avons cru devoir nous en rapporter k Ces
citations, n'ayant pas letems de collation-
ncr fes Originaux : mais nous n'en avons
pas moins confulté en nombre d'endroits
les premiers Voyageurs 6c les plus nou-
veaux, fur- tout ceux qui fc font occupés
des diflérenccs branches de l'Hiftoire Na-
turelle. Nous avons fupprimé quelques
articles des Notes Allemandes, parce qiie
iKï'-^.^ir'*
^C\n
s cohé-
1- grande
rc i';:ion
nies tf-
L^ligé de
?au jour
vons ta-
CCS con»
de ceux
ivoic été
icnr que
ont pré-
:s, nous
rer à fcs
>llarion-
n avons
:ndroits
is nou-
ccupés
ire Na-
iclqucs
ce que
PRÉFACE. vîj
VAuteur ne nous y préfcntoic rien d'inf-
truîflif. Ce qu'il dit, par exemple , fur
la Langue du Pérou eft fort inutile ; nous
en fa vons plus que lui à cet égard , &
cependant nous avons gardé le filence.
Lorfqu'il s'agit de comparer les Langues,
il faut favoir les parler, ou au moins être
en état de lire les Ouvrages écrits dans ces
Langues ; autrement on ne fait qu'accu-
muler erreur fur erreur, comme l'a fait
un Ecrivain qui a de la célébrité , & qui
n'a jamais connu les mots que dans les
Dictionnaires.
Nous confeillonsau Le£beurqui entend
l'Allemand & l'Italien, de joindre à la
lecture de cet Ouvrage -ci celui que
M. Reinhold Forfter a écrit fur les dé-
couvertes faites dans le Nord par les
Anciens, & les Lettres du Comte Carlo
Carli fur l' Amérique; il verra dans ces
deux Ecrivains que les Antilles & le Nord
de l'Amérique n'étoient pas un problême
long-tems avant Colomb. Le monument
,1
■V:
v/
û
'V
If
t
II"
vîîj PRÉFACE.
publié en Anglois par M. Ovcn (i) lui
prouvera auiïî la vérité des Voyages de
Madoc, Princede Galles, en Amérique,
au douzième fiècle, & confirmera ce que
M. Filfon a avancé ( i ) comme une con-
jcdlure fur Texiftcnce de la Colonie Gal-
loife que la Reine Elifabeth avoir fait
chercher, & dont le célèbre Cook a vu
un démembrement. Nous ne dirons rien
des Lettres de Paw fur l'Amérique; c*efl:
un tifTu d'erreurs & de menfonges. ^
Nous fînifTbns , en afTurant au Le£lcur
que la phyfique , le commerce , trouveront
beaucoup ^ jraojnrr à la le£turc de cet
Ouvrage-ci; car on y verra une mafle
affez confiderable de faits importans
réunis , & qu'on chercheroit en vain dans
nombre de volumes , qn'il n*eft pas donné
atout le monde de le procurer. ' '' -
à
Ji
•;^
H
( I )CoHe€lwndeMomiimeos-Bi;et9nsvIci, T,'//,.^. 474,
(1) Dans l^Hï^uc'.àQ^JC^rafike, chez BiuiToii. ... „ ;
MÉMOIRES
.-UJU.
'\]
MÉMOIRES
PHILOSOPHIQUES,
HISTORIQUES , PHYSIQUES.
DISCOURS PREMIER.
Des différentes pojlùons des Terreins fur la furfacc
du GM'c y f,ffets qui en rejuUent dans les tem-
pératures & les produits,
J_j A Nature eft admirable dans fes ouvrages ;
mais ce merveilleux qui nous frappe en géné-
ral, fe Elit fur-tout appercevoir dans l'ordre avec
lequel elle a diftribué les différens terreins qui
couvrent la furface du Globe , fuppléant par une
extrême variété , aux avantages qu'elle n'a pu
leur accorder à tous également dans le local
qu'elle leur a aflîgné. Par ce moyen elle a (i gé-
néralement réparti fes précieux avantages , qu'en
s'efForçant , pour-ainû-dire , de montrer toute fa
. Tome I, * A
r.
p»i
é
1 " Discours
icconditc dans les cèrrcins les plus fertiles, elle
n'en a pas moins montré fes merveilles dans
ceux qu'elle fembloit avoir peu favorifés : tan-
tôt c'eil par la fituation avantageuL' du local >
tantôt par les circonftances accidentelles , qu'elle
fait concourir à fon but. Accoutumes dès l'en-
fance au pays qui nous a vus naître , nous pou-
vons à peine comprendre dans le premier âge,
ôc mcme plus tard , que les pays que nous ne
connoiflons pas font diflférens de notre fol natal j
ou que , s'ils le font , ils participent , à certain
point , aux avantages particuliers à celui que
nous habitons. Ces doutes font mêmes commulis
aux g.?ns les plus inftruits & les plus curieux j à
ceux qui fcrutent même avec la plus grande appli-
cation les fecrcis Je lii NiULiiu liane la Spéculation,
C'eft une erreur inévitable & une fuite nécef-
faire de la foiblefle & des limites de notre pé-
nétration. Tout ce qui n'efl: que la conféquence
du raifonnemenr , ne nous affede jamais autant
que ce qui nous eft tranfmis par le canal des fens,
qui font l'unique moyen de porter la lumière ôc
la conviction dans l'ame. Il y a long-tems que
nous fommespeifuadés que la ZoneTortide a (es
habitans comme les autres régions du Globe ;
mais on ne fait que depuis peu qu'il y a dans
cette Zone de trcs-vaftes pays , où l'on éprouve
tous les effets des Zones tempérées ou des Zones
glaciales ^ cedont les hommes les plus inftruits ^
r^m
2v..
\%;'
Y
|!'
PREMIER.; I
les Phyfîciens confommés , n'avoient même point
connoiflance. On n'ignoroic pas qu'il y avoir de
très-hautes montagnes fous la Ligne , ôc dans les
régions adjacentes j mais on ne fe doutoit mcme
point que la denfité de l'air, étant moindre, modc-
roit les effets des rayons du foleil , perpendiculai-
res fur le Globe , au point de fuppléer à l'obliquité
de CQS mêmes rayons , lorfque cet aftre eft beau-
coup plus éloigné du Zénith ; & qu'il en réful-
toit des neiges , du froid , des glaces , comme
ion en voit dans les régions qui avoifinent les Pô-
les. On concevoit aufli peu qu'il pût y avoir dts
créatures vivantes dans des régions où l'air eft li
confîdérablement raréfié , qu'en prenant même
le moindre terme de la différence , il n*a pas la
lOltlé de la denfité qu'on y rmnvp fur le refte
le la fuperficie de la Terre , confidérée comme
l^uflî plane que la Mer. On ne favoit pas non
4)lus qu'il y eût; des parages où l'on éprouve con-
■|inuellement les effets des quatre fiifbns de l'an-
lée , fans qu'il y ait une variation fenfible dans
la longueur des jours & des nuits. Ceux qui ha-
)itent les régions où l'on ne fent ni trop de froid
li trop de chaleur, pouvoient auflî peu compren-
ne qu'il fût poflîble de réfifter à l'alternative
tontinuelle des froids exceflifs d'un hiver rigou-
reux , & des chaleurs extrêmes de l'été. Les uns
[toient étonnés de l'égalité des jours & des nuits.
Al
1
4 Discours
fans cependant ignorer la caufe de ce phénomène.
Les autres , qui favoient pareillement la caufe dt;
l'inégalité des jours & des miits dans d'autres cli«
mats , ne pou voient fe figurer qu'on pût vivre
dans des pays où les nuits devenoient très-lon-
gues , Se pafler enfuite , fans être vivement af-
fedé , dans d'autres climats où elles devenoicnr
plus courtes que n'étoient les jours du climat où
on s'étoit arrêté.
Je laifle de côté nombre d'autres phénomè-
nes , qui ne répugnent pas moins dès l'abord à
la raifon que l'expérience n'a point éclairée. 11
n'appartient qu'à l'expérience de lever les doutes
8c les contradiâions apparentes des phénomènes de
la Nature. Toujours prévoyante & fage dans ies
opérations , «lU ^ copAnUu Tes merveilles dans le
monde, fans s'alTujertir aux limites de notre ehten-
dément. Il n'y a qu'elle qui puifTe faire compren- ;
dre aifément l'accord charmant qu'elle a mis
dans tous fes ouvrages , diftribuant tout de ma-
nière , que ce qui paroît rare dans telles parties
fe montre plus communément dans d'autres. C'eft
pourquoi toutes ces parties fe rapprochent mu-
tuellement par les proportions des avantages ,
fans que l'une puifle porter envie à l'autre :
ainfî les créatures vivent pareillement dans les
unes 6c dans les autres contrées. En effet , la
vie , cette prérogative inappréciable , accordée
, P
'à
€ ai
I
I
3
^1
I
t phénomène.
it la caufe du
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vivement af-
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lire compren-
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tout de ma-
telles parties
'autres. C'eft
rochent mu-
avantages ,
e à l'autre :
nt dans le$|
;n effet , la
, accordée^;
PREMIER, I
aux créatures douées de mouvement progredif ôc
fpontané , n*eft pas plus avantageufc dans les
pays ou règne un printems continuel , que dans
celui oii l'été , l'automne & l'hiver, font les trois
autres parties de l'année. L'homme & les animaux
vivent par-tout , & les doux climats n*ont pas le
privilège de rendre la vie plus longue que ceux
où les animaux 8c l'homme ont à foutenir la
température la plus rigoureufe , Se une vie in-
finiment plus pénible. Les chaleurs les plus gran-
des fotu en effet aufli naturelles pour ceux qui
y font accoutumés , dans des climats brûlans ,'
que le froid exceflîf l'efl pour l'habitant qui
brave la rigueur de fon climat polaire. Quel-
quefois la nature femble fe faire un jeu de fes
phénomènes ,, en réuniflant dans une même région
les CQtiipcracurcs des cUiiiai:» le» ^lus contraires
d< les plus éloignés ; les chaleurs brûlantes de
de la Zone torride , & le froid de la Zone gla-
ciale. Cette circonftance efl feule fufïîfante pour
faire difparoicre l'incompatibilité des chofes qui
paroiffent le moins fe rapprocher : or cette réu-
nion des extrêmes > fert à nous prouver la po(^
fibilité de tout le refte. En effet , Ci l'expérience
ne le démontroit pas , on auroit peine à fe
persuader quon vît fe réunir dans une même
çoiicrée , la chaleur, le froid , le feu , la glace,
hs pluies les plus abondantes , des nuées qui
A,
M
y
t.
•\
o n I •; ( o iT n ^
!ic vcifciit pu une LV'iirtc ilcui ; tS: f.iiis .mtrc
ituctv.tilo (jito I.) (lilicKiitc h.uitcur ijui en tait
1.1 «lill.iiuc. M.iis 1,1 N.ituic , toujours fcioiulc
en |Moilit',os , .ijMi jMi «Icsmoycns li r.u;cs ,(]ircllc
fait U'imit tDiiN ics pliciuimCncs.
les pays les plus (.'li»i!Mic's , (m tout les ïiulcs
oiiitlcMU.ilcs , piérciitcm lies objet*, tic^s -tares , (&:
<]ui an j»u;cnieiu de eeiix i]iii les eondilèrent tic
loin , patoîttv>ieiit lîngiilièrcment oppofés les uns
aux autres «S^ inetnes iiu royaMes , lî la Nature ne
nowi ptouvoit elle-même la jH>llil>ilité île leurs
rapports & île leur rappuKhement. Nous appelle-
rons ec pays, le Aouvciia- Miaule y \HM\r \c ilif-
tinguer îles autres parties eonnues avant qu'on
l'eût iléiouvett.
En ertet , quoique les parties orientales de TA-
fie , iSc le midi de TAfriquc ayent été eoimus
allez tard des Européens , on a cependant des
preuves que les anciens navii;ateurs y avoicnt
Gif quelt|ue commerce. II ctoit d'ailleurs fort
naturel que les Nations qui fe trouvoient con-
tic;uè's, ou réunies fur un m*nrc continent, p6-
nétrallent plutôt ou plus tard les uu'^s chez les au-
tres , jnfqu'aux contrées lucme les plus éloignées.
Mais la même chofc ne p<nivoit pas arriver à re-
gard de l'Amérique. Ce continent eft féparc de la
partie occideiualc de l'Afrique & de l'Europe , par
une vaftc mer. I'HC autre non lîioins étendue ,
■^
\i
\^
fans nntic
ijui en fait
vs réioiulc
;cs , ijn'cllc
lit les îiulcs
^s- tares , &
ilulcrciu de
Mes les uns
i Nature ne
:c tic leurs
nis appelle-
pour le ilif-
ivant qu'on
aies de l'A-
cte connus
endant des
y avoicnt
illcurs fort
oient con-
mcnt , pe-
lez les au-
cloi^nccs.
river a l c-
:paré de h
ropc, par
étendue y
i'<i
r II I M I n n. y
la fcparc «le la partie oiienrale tle l'A lie. Mie
n'cioit tloni pa'! avec ces parties de rancicn nu)ii-
de , dans le nKiiic rapport où ces parties font
cntr'elles. Aucun monument ne nous appreiul avec
alîeE de certitude la communication (juc l'Amé-
rique a pu avoir avec l'Ancien Moiule , (jueKjuc
recherche qu'on ait fait tians l'antiquité la j^li^s
reculée. Vod.l pourquoi tout ce qu'on y voit a
un air de nouveauté ; (<»: l'on y efl: aufli étonné,
que Cl l'on étoit réellement pallé dans un autre
monde. (>'eft donc avec raifon qu'on a appelle
ce continent /c Nouveau-Monde, 11 étoit réelle-
ment tel pour ceux qui habitoient les anciens
continents. Mais il l'ctoit encore plus par les par-
ticularités qu'il renferme en tout genre. 11 ne faut ,
pour en être étonné , que jetter les yeux fur la
forme extérieure & la fituation àc^ tcrreins ;
fur les diverfes produdlionsdesdiffcrens climats;
fur ladifFctenceque les températures ontentr'ellcs;
fur les animaux quadrupèdes & volatils des diffé-
rentes contrées : enfin fur toutes les autres chofes
qu'on y apperçoit. Ce Nouveau -Monde paroît
même fi exrraordinaire, qu'il préfente deux mon-
des , dont l'un eft dans l'autre \ comme on le
voit par deux régions oppofées qui fe trouvent
dans le même efpace \ l'une trcs-chaude , l'autre
très-froide , quoique fous la même dircdion des
rayons de folcil. Il fcmble en effet que ces rc-
A4
I
I
il
f
i :
5 %
1 î
t I 1
8 Discours
gionsfoient fîtuces dans une autre partie du Globe,
tant les phénomènes qu on y apperçoit , les effets
qu'on y éprouve , font contraires. Ici l'on croi-
roit être au milieu de l'Afrique ; là dans les cli-
mats les plus feptentrionaux de l'Europe : phé-
nomènes les plus fînguliers qu on puilfe remar-
quer dans la nature.
Nombre de Savans fe font livrés à leur cu-
riolité , Se ont fait les plus grandes recherches
pour acquérir une connoiflance exade du Globe ,
par l'examen de (qs produits. Ils ont formé des ca-
binets remplis de tout ce qu'on a découvert dans
fes différentes régions , & fes différentes contrées.
Mais cous ces travaux ne nous font connoitre
qu'une partie des raretés de la nature , fans jet-
ter aucun jour fur les particularités principales qui
confiftent dans le phyilque de Técurcc ou de la
croûte externe du Globe , croûte où réfîde la force
première , c'eft-à-dire la vertu génératrice qui
donne naiffance à ces produdions.
Ces productions intéreffent fans doute par leurs
particularités , ceux qui n^en avoient aucune con-
naiflance , mais qui , charmés par leur nouveauté,
n en faififlent point l'origine faute d'en rechercher
les principes & la caufe. Or , cette recherche
exige une très-grande application, fans laquelle il
eft impofîîble deremonteraux caufes d'où dépend
h connoiffante de tout ce qui s'obferve de plu*
i
V.
•ra^w— W
i du Globe,
, les effets
l'on croi-
lans les cli-
rope : phc-
ilfe remar-
à leur cu-
recherches
du Globe ,
rmc des ca-
)uverc dans
es contrées.
: connoître
i , fans jet-
icipales qui
\c ou de la
ide la force
ratrice qui
:e par leurs
ucune con-
louveautc,
ecKercher
recherche
aquelle il
Il dépend
e de pluj
PREMIER. f
étonnant. Les productions de la Nature , que
les Phyficiens ont divifées en trois régnes , ap-
prennent , il eft vrai , ce que peuvent former
les qualités du fol avec le concours du climat :
mais elles ne décèlent point ce qu'il y a d'ef-
fentiel à difcerner , favoir , la matrice qui reçoit
l'influence des différens climats , & qui , par
cette caufe , doit auffi donner des produits dif-
férens. Voilà ce que les Naturaliftes auroienc
dû rechercher ôc nous développer. Le peu de
connoiiïances acquifes jufqu'a ce jour , ne leur a
pas permis de fuivre leurs vues jufqu'à ce terme.
Les Cabinets d'Hiftbire naturelle font , je
l'avoue, les archives de la Nature j archives où
la curiolité configne tout ce qu on voit de rare ,
d'admirable fur les différentes parties du Globe :
mais wctcc /p<îbuIatIon ne pcui encore fatisfaire
pleinement Tefprit qui cherche à connoître à
fond la caufe de cette étonnante variété. En re-
connoiffant que la Nature eft admirable , on ne
la fait pas plus comprendre : en montrer les dif-*
férens effets , ce n'efl pas non plus en décou-
vrir les caufes. Nos fens font même frappés
d'une infinité de merveilles auxquelles l'efprit
ne s'arrête point. Ceft ainfî que la raifon fe fixe
peu fur nombre d'objets ^ parce qu'elle ne peut
faifîr ce qu'ils préfentent de rare ou de par-
ticulier. De ce défaut de co^noiffance , réful^
•|
m
ifl
m
I
"^
« I
Ii1
10 Discours
tent les recherches pénibles des curieux qui
fcrutent la Nature dans tous fes phénomènes j
mais fans jamais la pénétrer i fond.
Le Nouveau-Monde préfente nombre d'objets
étranges aux habitans des autres parties du Globe :
ôc parmi ces objets , il en eft de fi m) (lérieux
pour la raifon , qu il cft impofTible d'en ailigner
la caufe d'une manière fatisfaifante. De ce nom-
bre font les mines d'argent , qu'on peut regarder
comme le patrimoine de ces contrées , tandis
qu'elles font rares dans les autres parties de la
terre. Or ce n'efl: pas parce qu'il y a des mon-
tagnes élevées , ni de la chaleur & du froid , ni
de l'humidité & de la fécherefle, caufes d'où
l'on croiroit peut-être devoir en déduire l'origine :
car les mêmes circonftances fe rencontrent dans
dans les autres parties du Globe , fans que pour
cela les mines de ce métal y foient auflî fré-
quentes & auflî riches que dans le Nouveau-
Monde. 11 faut donc qu'il y ait encore d'autres
propriétés particulières à ce pays ; mais d'un
autre coté il y manque certaines particularités qui
qui fe rencontrent communément dans les autres
parties du Globe , oà en même tems on ne
trouve point ce qui eft particulier à l'Amérique.
Or il n'eft pas poflible d'en donner la raifon ,
qu'en difant que l'Auteur de la Nature l'a ainli
voulu. Ses fecrets feront toujours une énigme
I
»>w
r Tl E M I E R. II
Impénétrable pour rcntcndcment humain. Quand
on parviendroic a combiner les températures ,
les terrcins , les vents & les eaux au point d'en
former le mélange qui répondroit le plus prcci-
fement au but qu'on fe propoferoit , jamais
on ne les combineroit de manière qu'il ne s'y
trouvât point quelque analogie avec les terreins
où l'on ne voit pas ces productions. Or ces pro-
ductions palTent pour rares dans les pays où l'on
en voit ordinairement d'autres très-différentes.
Quelques Phyficiens ont auflî voulu rendre
raifon de la taille de différentes nations comparées
entr'elles ; de la couleur noire de la plupart des
habitans de l'Afrique ; & , par oppofition , de la
blancheur de ceux qui font fitués aux parties les
plus feptentrionales , ou les plus méridionales
du Globe : mais après avoir cru deviner les loix
cachées de la Nature , ils ont été forcés d'avouer
que le phénomène le moins frappant au premier
abord , détruifoit la bafe de leur fyftème : & c'efl:
ainfi que l'expérience a difîîpé la chimère qu'ils
avoient pris pour la réalité la plus certaine. On
voit prefque partout ces méprifes qui en impofent
fi facilement à la raifon , lorfqu'elle n'eft pas gui-
dée par une expérience fufïîfante de faits certains.
11 n'y a donc pas d'autre voie à prendre que celle
où l'expérience précède toujours le raifonnement.
Les caufes primitives de tout ce qui s'obferve
M
4,
' y.i
!*
'\i
Il Discours
fur la terre , peuvent être Tuflirammenc expli-
quées par les règles ordinaires : mais aufîicôt qu'il
fe rencontre une une obfervacion qui les contredit,
les principes reçus doivent totalement changer :
de-id vient que le jugement qui paroît le mieux
fondé , eft fujet a induire en erreur.
La diredion des rayons du foleil fur la terre,
doit fans doute ccre la caufe de la chaleur plus
ou moins grande qu'on y éprouve : nous por-
tons ce jugement , fondés fur la propriété qu'il
a d'échauffer , fur fa manière de pénétrer l'at-
mofphère pour fe faire fentir. Ce principe eft
alTurément inconteftable : cependant il eft fuf-
ceptible de variation , en conféquence des phé-
nomènes d'un fécond ordre, tels que ceux qui
ont lieu dans l'Amérique méridionale. En effet ,
non-feulement la direction perpendiculaire des
•rayons du foleil ne produit point de chaleur en
certains diftridbs; il s'y fait au contraire fentir
un froid vif , ôc tous les effets qui doivent en
réfulter: ainii le principe mentionné , admis
comme vrai par notre jugement , fe trouve con-
tredit avec vérité par une caufe accidentelle ,
qui en modiBe l'extenfion. Il en eft de même
à l'égard de toutes les efpèces d'animaux , de
végétaux , ôc des minéraux. On voit donc que
pour ne point errer dans fes jugcmens , il faut
fe conduire uniquement d*après l'ôbfervation ,
r 'i
V
lenc expli-
iiTicôc qu'il
concrediCy
changer :
; le mieux
tria terre,
aleur plus
nous por-
»riecc qu il
étrer l'at-
incipe eft
1 eft fuf-
des phé-
ceux qui
En effet ,
claire des
haleur en
re fentir
oivent en
admis
uve con-
lentelle ,
e même
X , de
onc que
,il faut
rvatiQn ,
PREMIER.
ll
fans s'arrêter à des principes de théorie qui ne
déterminent que ce qui doit arriver d'après les
loix générales , & fans avoir égard aux effets
réfultans des caufes accidentelles qui peuvent
intervenir.
On éprouve les plus grandes chaleurs , dans
les régions qui font hors de la Zone Torride ,
lorfque le foleil eft au plus haut point du Zé-
nith : par une raifon contraire on fent le froid ,
on voit de la glace lorfqu'il eft le plus éloigné du
même point. Ce principe eft inconceftable , mais
en même tems la circonftance du contraire qui
arrive dans le climat où l'on devroit fentir la
plus grande chaleur , prouve de la manière la
plus déciHve qu'il y a d'autres caufes qui dé-
rangent Tordre général de la Nature \ ôc que
fon Auteur a voulu ûiboidoiinci la raifoii de
l'homme , en limitant fon intelligence , & en
l'empêchant même par les phénomènes les plus
fenHbles, de pénétrer les fecrets de la Provi-
dence.
On peut remarquer ici que les plus fublimes
Génies , après avoir fait pendant toute leur vie
les efforts les plus grands , fe trouvent ainfî
arrêtés dans leurs fpéculations par ces phéno-
mènes extraordinaires qui fe préfentent inopi-
nément , fans que la raifon accoutumée à ré-
fléchir fur les propriétés des chofes naturelles,
f
if'
Ml
1(
!■(
I
14 Discours
fourniHe la moindre lumière qui leur falFe a|>-
percevoir la vcritc. Combien de fois , en effer j
ces Génies cra .endans , s'imaginanc avoir la
clef du fyftcm de ce monde , ne fe font
pas trouvés dans l'erreur , fans pouvoir mcir.e
comprendre ce qu'il y avoir de plus fimple!
PluHeurs Savans du premier ordre n'ont-ils pas
été étonnes qu'on pût vivre fans la moindre
incommodité dans un atmofphère dont l'air
jéioit n léger , qu'il différoit en pefanteur de plus
de moitié de ce qu'il eft en général fur la fur-
face du Globe ? Ils avoient pour fondement les
régies ordinaires de la phyfique, & de diffé-
xentes expériences. Mais ils ne fe repréfentoient
pas que la Nature emploie , pour manifefter
fes effets , des moyens bien différens de ceux
qui font à la portée <lc rcfpru humain. On n'a
pas moins été furpris , 6c non fans jufte rai-
fon , qu'il y eut dans quelques Parages de
la Zone Torride , & diredement fous la Ligne ,
des Nations d'une blancheur qui pourroit la dif-
puter aux teints les plus clairs de l'Europe 6c
de l'Afie : qu'ainfi les accidens de la température
n'ont aucune influence fur la carnation de ces
Nationaux , comme on le remarque en d'au-
tres parties où les habitans font moins blancs.
'Les accidens qui fe manifeftent dans les uns ,
ibnc varier la régie générale à l'égard des au«
h
mm
'-t^
P R E M t 6 n.
M
très': telle cft la marche admimble cUî la Na-
ture. On remarque encore da- ^ ces Parages
nombre d'autres objets , non m< s étranges nue
I les prccédens j & fi > jufqu'à prcfen , ou n'en a pas
! eu 'une connoilTance cxadle , c'eft que perfunne
ne s'cft appliqué à les obfcrvcr ôc X les com-
muniquer avec les détails qu'ils mcritoicnc.
D'ailleurs, cette connoifTance intérelTe peu dans
ces Parages , où l'attention eft particulièrement
attirée par des charmes & des plaiHrs qui Hac-
tent & iéduifent le penchant des habitans.
v^
DISCOURS SECOND.
' i <
De la pojîùon des Terreins de l'Amérique ^ & dâ
la variété étonnante qu'on y obferve,
ij E s particularités qu'on remarque dans les
effets , font en général connoître les propriétés
des caufes. C*eft ce qui arrive aufliî dans la
Nature : fes ouvrages manifeftent la fagelfe des
difFérens moyens qu'elle emploie. On ne les
apperçoit pas moin*: par la variété qui y règne,
fans qu'ils s'écartent même des loix fixes qui
font necelTaires pour les maintenir. Si toutes
les chofes fe reHembloient parfaitement , on
nauroit, en les confidérant, aucune raifon de
les admirer, ni de les comparer entr 'elles. Les
fens font ordinairement peu frappés de l'uni-
formité j car ils n'y trouvent rien de faillant ni
qui fixe l'attention. La variété , au contraire ,
fixe l'attention au premier afpedt des objets ,
qui , fans êtres femblables , ont relnrivement les
mêmes degrés de perfedion , &: ne laifieji pa>
difceiner lequel eft le plus p;\î.£uL daiis ïy:)n cl-
DCCÔ
Discours second.' 171
pèce. Une montagne , une vallée, font deux
objets difTcrens : mais fi l'on admire dans la
première la maflTe & les irrégularités de fa forme
externe , ToBil ne s'arrête pas avec moins de
plaiiîr fur la fuperficie plane & uniforme de la
féconde. Néanmoins une plaine à perte de vue
fatigue autant l'attention , qu'une chaîne con-
tinuelle de montagnes. L'oeil n'apperçoit ni dans
l'une , ni dans l'autre , cette variété qui diver-
fifie les objets & y répand l'agrément par leur
différence même. La Nature ne voulant pas que
la fuperHcie du Globe préfentât un feul & même
objet, y a élevé des montagnes , étendu des
plaines , ouvert des vallées , foulevé des roches
altières , creufé des lacs , répandu des Heuves ,
des ruiffeaux , fait fourdre des fontaines , &
a donné aux terreins des couleurs diflérentes j
de manière que le contrafte des divers objets
qui en forment l'enfemble rendit fon ouvrage
plus majeftueux & plus parfait. Dans ces vues ,
elle ne donna pas à la terre une parfaite éga-
lité dans toutes fes parties : mais elle leur déter-
mina à chacune une forme différente dans leur
I ftru6ture : elle leur afîîgna des produits différens ,
lafin qu'on put diftinguer chaque partie du tout,
|& des parties corrélatives. Cependant elle le
fît fans s'écarter des règles générales qu'elle ob-
jfetva pour toutes & pour chacune prife fcpa^
Tome L B
i
r
1 '■«
! M:
f t Discours
rément : circonftance qui rend encore fes opc<^
rations plus admirables.
La partie méridionale des Indes occidentales ^
connue fous le nom A* Amérique méridionale ^ fe
diftingue fenfiblement de toutes les autres par fes
vaftes plaines , & par fes terreins élevés , connus
fous le nom de Cordillères, Ces monts font fi
étendus , qu'il femble que ce foit le fragment
d*un monde qui s'élève fur un autre , à- une
hauteur prodigieufe. Ces monts font , outre cela ,
fi difFérens entr'eux , qu'on n'y apperçoit pref-
que aucune relTemblance. En effet , le matériel
du fol , l'ordre , l'arrangement des parties , les
faifons de l'année , les températures , les pro-
duâions , les animaux , tout , en un mot , y
préfente , dans chaque objet , les différences les
plus étonnantes , ou plutôt un contraire inex-
primable. Ici c'eft le plus beau printems j a peu
de diftance règne un hiver rigoureux fur le même
continent. Le même terrein y -produit des ar-
bres dont les uns fembleroient n'avoir dû croî-
tre qu'à des centaines de lieues des autres. Les
fruits , les quadrupèdes , les oifcaux offrent le
même contraire. On peut comprendre par ces
phénomènes , pourquoi j'ai dit qu'il fe préfen-
toit la un monde dans un autre monde , &
l'un & l'autre diftingués par les propriétés &
les phénomènes les plus particuliers.
y-..
î fcs opc-i .
cidentales y
dionaUf le
xces par fe$
es, connus
onts font fi
le fragment
ce , à- une
, outre cela ,
)erçoit ptef-
le matériel
parties , les
es , les pro-
un mot , y
ifférences les
mtrafte inex-
items j a peu
fur le Hième
(duit des ar-
voir dû ctoî-
|s autres. Les
,ux offrent le
indre par ces
il fe préfen-
londe } &
•ropiiétcs &
s I c o N p. x^
La Zone Torride , qui , dans fa largeur , s'é-
tend d'un Tropique à l'autre , renferme Tifle de
Cuba, où fe trouve la Ha vanne , prefque fou$
le tropique du Cancer ^ l'ifle de S. Domingue ,
& quelques autres. Elle s etepd aulfi le long des
côtes de la mer du Sud , & des provinces du
royaume du Pérou, jufqu'â Morro - îyloreno ,
% vers la baie de Mexillones., à un degré envi-
I ron du port de Cobija. On remarque dans l'ef-
i pace de ces quarance-fept dégrés de latitude ,
nombre de climats difFérens , & des terreins
<iont les propriétés n'ont aucune analogiei Les
produ<5fcions fuivent auffi les mêmes rapports dif-
yérencielsj fans cependant qu'il y ait un ordre
arqué , en conféquence duquel les pays plus
rès de la ligne équinoxiale f oient les plus
hauds , & les plus éloignés vers les Tropiques
Ifoient moins expofés à l'influence des rayons du
bleil. La Phyûque fpéculative , fans l'expérience
u local , ne peut abfolument rendre raifon d$
es écarts apparent. Selon l'ordre naturel , il
àudroit fans douce que les chaleurs fuifent plus
Igrandes au milieu de l'efpace où fe trouve di«
Ireâement le ibleil dans ion cours annuel , ic
pnodérées a proportion. que les terreins s'éloignent
^e ce milieu. Mais il ïïqw eft pas ainfî. On
^fe fent naturellement porté à rechercher la caufe
^e cette efpèce de concradid^ion. En effet , pour-
i;
m
■i '■
Ih^
10 D I s C O V R s
cjuoi la Nature s'écaite-t-elle ici du cours or-
dinaire des chofes ? Quelles raifons fecrettes a-
c-elle eu pour enfreindre les loix générales qui
conduifent fes opérations.
J'ai déjà, remarqué que tous les terreins du
Globe ne font pas dans les mêmes rapports ,
tant à l'égard de leur pofition , qu'à l'égard du
matériel de leur fol. Il eft des contrées plus
bafles , d'autres plus élevées , & quelques-unes
trcsélevées en comparaifon de ces premières.
De ces gradations différentes , ré fuite la va-
riété des températures qui font la caufe acciden-
telle ou fecondairedes différences qu'on remarque
dans ces contrées. Les côtes de l'ifle de Cuba
font en grande partie fort bafles , au point même
que dans certains parages elles femblent être
au niveau de la mer , fur-tout du côté qu'on
appelle les Caies, On voit dans fon intérieur des
éminences Se des montagnes , mais dont la hau-
teur ne peut entrer en comparaifon avec celle
de nombre de montagnes qu'on obferve ail-
leurs fur la furface du Globe. La Jamaïque , peu
diftante de Cuba , vers le fud , s'élève en forme
de montagne depuis les bords de la mer juf-
qu'à fon intérieur. Cette difparité eft d'autant
plus frappante , que cas deux ifles ne font fé-
parées que par un petit intervalle. En effet , dans
les. jours fereins on découvre la Jamaïque de
l'ille de Cuba. 1.q% côtes de l'Amérique mérit
cours or-
îcrettes a-
lérales qui
;erreins du
; rapports ,
l'égard du
urées plus
îlques-unes
premières,
ake la va-
ife acciden-
1 remarque
e de Cuba
point même
[nblent être
côté qu'on
itérieur des
[ont la hau-
avec celle
(bferve ail-
laïque , peu
e en forme
la mer juf-
;ft d'autant
e font fc-
effet , dans
aïque de
:ique méri-
► SECOND.^ *<"
dionale qui s'étendent vers le nord, font en gé-
néral d'une hauteur régulière. On y découvre
jufques dans les contrées intérieures des monts de
moyenne hauteur , mais en certains cantons des
montagnes (î élevées , qu'on les apperçoit à uii
très grand éloignement. Elles font même fi hau-
tes que , fous l'équateur les cnnes en font
couvertes de neige j car ces cimes furpalfenc
le point de l'atmofphère où les vapeurs aqueufes
fe congèlent. Dans les parties occidentales de
l'Amérique méridionale , dont nous devons prin-
cipalement nous occuper , on remarque tous les
phénomènes polîibles. Mais les terreins bas' qu'on
y voit , ne le font pas tant que ceux de l'ifle de
Cuba , & les côtes du golfe Mexique. Les cô-
res qui courent à l'occident de la mer de Car-r
thagène , depuis Honduras.. & bordent le Yu-
catan , le golfe du Mexique , en fe portant en-
fuite vers la Louifiane , la Floride , de même que
celles qui s'étendent le long du canal de Ba-
hama jufqu'à la nouvelle Angleterre , font toutes
également baffes & applaties au point qu'elles
paroiffent au niveau de la mpr , comme les Caies
de l'ifle de Cuba.
C'eft principalement dans cette partie de
l'Amérique méridionale & occidentale , qu'on
remarque le fingulier phénomène de l'inégali-
té des terreins , 6: , en conféquence , celui de la
i'I
\
m
à
I ■ il
;!/
I I
11 Discours
difparicé dans les climats &dans les productions:
de forte qu'on a comme deux contrées à confi-
dérer dans une feule. Tout le pays qui regar-
de la mer du Sud eft bas , formant une ef-
pèce de zone qui s'étend depuis Choco , à 7 ou
8 degrés au nord de l'Equateur , jufqù*au i6
ou 28^ degré au fud du même : de forte quf
fa largeur eft de 8 à 10 lieues , fe rétreciflant
plus dans certains parages que dans d'autres.
Au point où finiflTéitt ces plats pays , commen-
cent lés Cordillères ; montagnes dont les cimes
font fi hautes , qu'elles femblent fe perdre dans
les nues. Elles forment comme une féconde con-
trée fUr leur hauteurs, itoais coupée dans fon
érendue par différens monts & par des profon-
•deurs. Cette contrée fupérieure aux autres ter-
rems , s'ccend <lans toute la longueur de cettC
partie de l'Amérique fir trente à cinquante
lieues de largeur. Cette chaîne de montagnes
s'abaiiTe enfin pour former un autre bas pays qui
s'étend du pied de ces monts jufques vers les
côtes orientales de cette même partie de l'Anic-
lique dans le Btéfil» C'eft là qu'on lui donne le
nom de montacjne des Andes. On donne deux
raifons de cette dénôminarion. La première c'tft
que ce pays , quoique bas , a auflî fes monta-
gnes & fes inégalités dans différentes parties :
la féconde , c'eft qu'il eft couvert de beaucoup
I d
I
^;i
duftîons:
î à confi-
[ui regar-
c une ef-
> , à 7 ou
'(qù*au i6
forte que
étreciflant
d'autres.
commen-
les cimes
îtdre dans
:onde con-
dans fon
es profon-
autres tcr-
Ir de cette
cinquante
montagnes
is pays qui
vers les
e l'Amc-
donne le
)nne deux
rère c'eft
es monta-
5 parties :
beaucoup)
::l
, 5 ï C O N ©.' 25
de forets cpalfTes , que l'on y appelle montagnes^
quoique la fuperficie du fol foit plane & uni-
forme. On voit par la que cette partie de l'A-
mérique a une bande de terrein fenfiblement
plus élevée que tout le refte, & même que toutes
les autres contrées habitées du Globe. Cette grande
élévation a été conftatée par des expériences , &
par les mefures que l'on a prifes pour en véri-
fier la réalité.
On voit auflî dans cette partie haute de l'A-
mérique , d'autres éminences qui s'élèvent à des
hauteurs confidérables , comme on le remarque
dans les pays les plus connus de l'Europe. Mais
s'il y a dans la partie haute habitée , qui leur
fert de bafe , des royaumts très étendus , &
des provinces fort peuplées , il s'y voit auflî de
vaftes contrées déferres. Or ces pays font (i dif-
férens des contrées inférieures , que rien , pour
ainfi dire , ne s y reflemble : ce qui doit être
de toute néceflîté , puifque la différence des
climats & de la température fait varier toute
les produdions du fol.
Pour éviter de jetter mes lefteurs dans quel-
que méprife au fujet de cette terre fupérieure,
& ne point caufer d'équivoque avec la partie
haute habitée & la plus grande hauteur des monts,
ou mêmes des chaînes de montagnes qui s'y
'lèvent, j obferverai ici qu'il faut mettre en fait
B4
"T
14 D f S C 0 V R S
que la partie habitée eft à 4 5 3 <> y varas au-
deflus des terreins qui avoillneiit immédiatement
la mer : qu'en outre les cimes des montagnes
qui s'élèvent fur cette même plaine élevée , ont
plus de 660Ù varas de haut. Elles furpalTent
donc "les autres de 106^ ^ varas.
On peut établir trois points difFérens de gra-
dation pour les terreins. Le premier eft celui
des terreins bas voifîns de la mer : le fécond ,
celui de la maffe ou du corps des Corditlieres
mêmes : le trolfième , celui des cîmes qui fur-
montent ces montagnes. Si ces cwiijiences n*a-
vcient en elles rien de plus particulier que les
autres montagnes qu'on connoît dans les diffé-
renres parties du Globe , fans doute elles nepré-
fenteroient rien d'étonnant. Maii il n'en ell pas
ainfi. On ne peut abroKuiicnc Ce former une idée
de leur élévation fans l'avoir vue : c'eft en cela
que confifte le merveilleux du phénomène. De là
vient aufliî certe différence de toutes les chofes
extraordinaires qui en réfultent néceffairemenc.
Le fable domine dans les terreins bas , ôc
m*me à des diftances afTez confidérables. On
y voit aufli quelques étendues de terre fangeufe.
Comme ces bafles contrées ont çà &-U leurs
tïiontagnes , il s'y trouve des carrières ôc des
terres de toute efpèce , de même que dans
tous les pays qui ont un peu d!étendue. La
I
¥;
varas au-
diatemcnt
ïiontagnes
gvce , ont
furpalTent
ns de gra-
efl celui
e fécond »
lordillieres
es qui fur-
lences n*a-
ier que les
; les diffé-
lies neprc-
ii*en eft pas
er une idée
l en cela
lène. De là
les chofes
'airemenc.
bas , ôc
\bles. Ou
fangeufe.
k-là leurs
res & des
que dans
lue. La
'Second.' IJ
partie haute , prife en totalité , a pareillement
d'alTez grands terreins fabloneux : d'où Ton doit
conclure que les grands pays fabloneux ne font
pas toujours dus au voiiînage de la mer. Il fem-
ble que la nature ait voulu fe faire un jeu de
{es opérations , en difpofant cette partie du
globe ; & qu'uniquement attentive à l'ordre
des climats , elle ait mis un fragment du globe
fur un autre terrein, fans trop en différencier
la nature. En effet , celui qui domine fur l'autre
à cette hauteur confîdérable , a une analogie alfez
direéle avec celui qui eft au-delTous. '
La terre haute s'étend en fe différenciant peu
de la baffe ; fe portant depuis les parties qui
correfpondent aux côtes de Caracas , Ste. Marte ,
Carthagène , au Choco , jufque près du détroit
de Magellan. Mifis un remarque ici cette cir-
conftance particulière, que comme la partie la
plus large de l'Amérique efl fous l'Equateur & fes
parties adjacentes, de même la partie la plus large
& la plus élevée de la partie haute fe trouve aulîî
dans ceparage. Cette partie de l'Amérique fe ré-
trécit à mefure qu'elle s'avance vers le Sud : il
en eft de même de la partie haute. Il y a
encore une autre particularité à remarquer; c'eft
que depuis le 3 o - degré , en allant au Sud , le
chmat correfpond aux changemens de la Zone
114
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(' I.
té Discours
cem perce , pour la àivifion de l'hiver 8c de t'ctc»
Comme il croit moins nécelTaire, depuis ce degré,
de fuppléer par Télcvation à ce qui manquoic
» la nature du climat, la partie haute y a été
plus inclinée qu'elle ne l'efl fous l'Equateur.
G|e(l pourquoi cette partie-ci peut , depuis cet
intervalle , ctre regardée comme une colline de
pluHeurs centaines de lieues , dans le cours def-
quelles elle fe rétrécit , & s'élève moins , à pro-
portion qu'elle fe porte plus vers le midi. Par
cette pofitiôn elle ell dans le rapport régulier
des autres parries ; au lieu que .dans une podr-
tion différente , elle eût été impraticable pendant
]es froids qui y auroient été exCtCCifs en hiver.
En effet, H la terre qui eft fous l'Equateur eft
toujours froide , à caufe des hautes montagnes
dont la neige éternelle couvre •Us cimes , à plus
forte raifon la Zone Tempérée , où l'on a Tuiver
Se l'été , le feroit-elle , s'il s'y réuniffoic deux
caufes pour produire le froid ; favoir l'élévation
du fol , & l'obliquité des rayons folaires : ce qui
Ja tiendroit continuellement couverte de neige ôc
de frimats. Mais la fage prévoyance de la Na-
ture a tout dirigCi, de manière qu'elle a diminue
ici l'énergie de la caufe accidentelle qu'elle avoit
iproduite dans l'autre partie , afin qu'il n'y eÛ£
point d'excès ni d'un côté ni de l'autre. On n'a
I
» I
de l'étc»
ce degré ,
nanquoit
I y a été
îquaceur.
epuis cet
oUine de
ours def-
, à pro-
midi. Pat
: régulier
une pofif
e pendant
en hiver,
lateur eft
nontagnes
s , à plus
1 a Tniver
(Toit deux
élévation
s : ce qui
neige Se
e la Na-
diminuc
lie avoic
n'y eût
On n'a
1
S 1 c o M o; "^7
T)oînt fait d*expériences avec le Baromètre dans
cette partie méridionale des Cordillères , comme
on l'a fait fous la Ligne j ainfi l'on ne peut rai-
fonner , à cet égard , que d'après la vue des
lieux , & une vraifemblance fondée fur les degrés
de rintenfité du froid qu'on y éprouve pendant
l'hiver. 11 feroit avantageux de confirmer les
raifonncmens , par l'obfervation formelle.
Je ne parle pas ici des grandes élévations for-
mées par les monts , & même par les chaînes de
montagnes qui couvrent une partie du fol : la
Nature ne les ayant pas faites pour être habitées ,
ne les a pas aflfujetties à la règle qu'elle a éta-
blie pour les fécondes. On voit donc que Ci les
chaînes de montagnes qui fe trouvent dans les
Provinces fituées entre les Tropiques , font pra-
ticables «n roue tcnis » celles qui font au-delA du
trentième degré , ne le font plus en hiver , à
caufé des grandes neiges qui couvrent le fol.
Ces deux terres, la haute & hhajfsj ne peuvent
être mifes en comparaifon avec aucune de celles
qui fe voient dans toutes les autres parties du
Monde. En effet , quoique Von rencontre dans
toutes de vaftes chaînes de montagnes , & qu'il
y ait même* des habirans fur leurs éminences &c
da:ns leurs vallées , malgré les neiges qui y tom-
bent dans la faifon , on n'y voit cependant pas
les grandes plaines qui font fur les Cordillères :
■C
r
lit
ftV Discours
plaines fi étendues , qu'on ne croiroit jamais y
être fur les plus hautes clcvations du Globe.
AuHi les Naturels de ces contrées , qui n'ont ja-
mais forti de leur patrie , pcnfent-ils que toute
la Terre habitable c(l de la même hauteur ou aa
mènie niveau , fans faire attention à la profon-
deur immenfe à laquelle la Mer fe trouve au-
deflbus d'eux. Mais , d'un autre côté , ceux qui
n'ont pas vu ces cimes énormes , ne peuvent ja-
mais fe figurer la difformité du Globe , dont une
partie s'élève ainfi , ôc fe prolonge au-delfus du
plan régulier de la circonférence à plufieurs cen-
taines de lieues , fur autant de large. ' •
Dans cette partie élevée , la Terre eft entre-
coupée de vaftes profondeurs , qu'on y appelle
Quebradas, C'eft l'efpace que laiflent entr'elles
le^ plaines ou les chaînes de n-iontagnes qui fe
réparent les unes des autres. L'aire de ces inter-
valles a quelquefois deux .lieues, & plus, de large :
plus ces Réparations font profondes , plus elles
fe rétrécifient. Le fond fert de lit aux eaux qui y
coulent , & tiennent prefque toujours le milieu.
Ces eaux fuivent les détours & les déviations du
terrein latéral ; de forte que fi les deux rives
étoient rapprochées l'une de l'autte , elles fe
réuniroient exadement , pour ne former qu'une
furface unie 8>c fans interruption. Elles conti-
nuent ainfi leurs cours dans ces profondeurs en*
4
I
'-4-
.1
jamais y
Il Globe.
n'ont ja-
]uc couce
sur ou aa
a profpn-
rouve au-
ceux qui
îuvent ja-
dont une
■deirus du
eurs cen-
eft entre-
y appelle
entr'elles
es qui fe
ces inter-
de large :
plus elles
aux qui y
le milieu,
ations du
leux rives
elles fe
ir qu'une
is conti-
leurs eu*
I
s I C O N D. 19
tre les montagnes , & arrivent enfin dans la par-
tic balTe du terrein , d'où elles fe rendent à U
Mer. Mais la malle d'eau qu'elles forment dans
cette féconde partie , a p-u de protondeur , 6c
5 femblc n'être répandue que fur la furface du fol.
On voit ainfi que plus les Cordillères font éle-
vées , plus les eaux qui y coulent ont de profon-
deur. L'ouverture par où elles fe déchargent
tl.uis la paitie balfe , a plus de largeur. Les fur-
i faces planes que fuit l'eau , font aulîi plus larges
' dans le bas. C'eft ce qu'on appelle la vai/ée j
à l'imitation de ce qui fe fait dans les contrées
de la partie balfe , pour les diftinguer , par cette
dénomination , de la partie haute habitée , qu'on
y appelle Sierra ^ ou chaîne de montagnes.
Entre les différens jeux de la Nature , que l'on
voit dans la Province d'Angaracz , jeux qui font
d'autant plus étonnans ôc variés , que les pays
font plus fpacieux & plus étendus , on remarque
cette particularité intéreflante pour un œil CU"
rieux. Cette Province , qui eft du Département
de Guancavelica , renferme différens diftriéts ,
parmi lefquels eft celui de Conaïca. Il y a une
Bourgade , appellée Fignas ^ diftante de neuf
lieues de Conaïca. A cinq lieues, fur la route de
celui-ci , on trouve un monticule appelle Coro--
funta. Au pied de ce mont on entre dans >ane
ouverture , par laquelle s'écoule le rui(feau qu'oii
I
T
•I
n
)6 Discours
y appelle ChapUancas, Ce ruiffeau fuie fa pente
encre deux parois de roche , éloignées l'une de
Taucre à la diftance de Hx ou huit varas fur une
clévatioti de quarance , ôc fans s'élargir fenfible-
ment plus en haut qu'au fond de l'ouverture.
Lorfque le fond fe refferre un peu , le ruideau
en occupe toute la furface : c'eft néanmoins le
long du cours de cette eau , qu'il faut fuivre le
chemin qui conduit à Conaïca. Mais toutes les
fois que le ruilfeau n'a plus que huit varas de
large , il faut paffer d'un bord à l'autre , ce qui
arrive neuf fois , pour aller chercher le chemin
du coté dé la paroi où il s'en trouve un peu
éloigné. Ces palfages fe font fur-tout aux dé-
viations & aux angles de cette profondeur j
car toutes les fois que le lit eft droit , il n'a de
largeur que ce qu'il en faut pour l'écoulement de
l'eau.
Ce ravin , (î on peut l'appeller ainfî , eft creufé
dans la roche mcme , & avec tant de jufteffe ,
que les côtés-rentrans correfpondent parfaitement
aux côtés faillans. On diroit que cette ouverture
a été pratiquée à dcnfein , avec fes finuofîtés &
fes angles , pour donner paffage i l'eau entre les
deux parois qui la forment. Tout y eA (i égal , (i
uniforme , que fi les deux côtés étoient rappro-
chés , ils s'engrèneroient l'un dans l'autre , de
manière a ii: plus laiffer appercevoir nxicim jour.
:%
é
[ fa pence
; l'une de
s fur une
fenfible-
ouverture,
e ruiiïeau
imoins le
fuivre le
toutes les
varas de
e , ce qui
e chemin
e un peu
c aux dé-
ifondeur .;
il n'a de
ement de
eft creufé
jufteffe ,
faicemenc
mverture
lofîtés ôç
1 entre les
égal , Cl
rappro-
[cre , de
:u4i jour.
'È
.1
Second." 5!
Ce chemin ne préfente aucun danger ; c'eft une
roche folide , dont il ne peut fe détacher aucune
pièce pendant le palTage des voyageurs : d'ail-
leurs l'eau n'y eft pas alTez rapide , pour d«nnec
aucune crainte bien fondée. Malgré cela ©n eft
faifi d'effroi : on friflbnne lorfqu'on fe voit eji-
fermé dans ce ravin étroit , dont les bords s'élè-
vent à cette hauteur en confervant par- tout la
même diredion verticale , ôc la mutuelle corref-
pondance des côtés faillans Se rentrans, de forte
qu'ils femblent vouloir fe rejoindre à chaque
inftant y pour reprendre leur état primitif.
Cette excavation eft , en petit , un modèle dei
vaftes Quebradas ou profondeurs , & fait com-
prendre leur origine : elles ne pouvoient être que
femblables à celle-ci : tout s'y eftpaffé de même,
ou plus tôt ou plus tard. Les flancs en ont été plus
ou moins perpendiculaires , jufqu'tu moment o»
ils fâ font aftailfés , & ont formé des plans incli-
nés , lorfque l'eau faifant de plus profondes ex-
cavations , eut miné la bafe qui les foutenoit. Né
pouvant plus alors perfévérer dans leur premier
état , les terreins ont croulé , & ont pris l'incli-
naifon qu'ils ont confervée depuis. La même
chofe arrivera néceffairement à ce pafTage de
Conaïca j lorfqu'avec le laps du tems , les effets
des pluies , des gelées , des rayons folaires , au-
ront fait tomber en mine ces parois , quoique de
V
I )1
liVJ
■ ^ • \
■i: ■!
)»' i«
•■■), %
|i piscouns
^oche vive j car ces agens puiflans font fentîf
leur énergie aux corps les plus durs. Âiniî les
bords du Chapllancas perdront infenfiblement
la régularité de leur diftance , de leurs côtés ren-
trans & faillans , ^près lavoir peut-êtie confervéc
plus long tems que d'autres excavations , parce
que c'eft une pierre dure , qui n'e# mêlée d'au-
cune veine de lerre movihle. Nous pouvons le
croire fans héfîter j car ce n'eft que le feul frotte-
ment de l'eau qui a excavé ce lit jufqu'à la pro-
fondeur qu 1 a. Mais le tems , qui réduit les
roches les plus dures en fablon , ira toujours en
élargiffant la partie inférieure , par fon action
continuelle ^ infenfible : aufli voit-on ce ruilTeau
rouler de petites pierres qui fe détachent fous
les eaux , comme on en apperçoit dans la plaine
où il les entraîne , en fortant de la montagne »
pour fe décharger dans un terrein plus fpacieux.
Que ce canal ait été excavé à cette profondeur
par l'effet continuel du frottement des eaux , ou
qu'il ait été ouvert par une fecoulTe de tremble-
ment de terre qui fit fendre la montagne , de
forte que le ruifleau qui couloir d'un autre côté ,
fe foit jette de celui-ci, il eft certain que cette ou-
verture profonde eft poftérieure à l'arrangement
que les terreins eurent après le Déluge ; & oue
c'eft ainfi que cqs énormes Qucbradas de la par-
tie méridionale de l'Amérique , fe font formées
avec
%
\à
A
u
%
■(15
•» y
aiit fentîf
Ainfi les
fiblement
côtés ren-
confetvéc
is , parce
lelée d'au-
louvons le
eul fiotte-
Li'à la pro-
réduic les
oujours en
fon aAion
ce riiiiïeaa
chent fous
s la plaine
noncagne »
pacieux.
jrofondeur
eaux , ou
tremble-
agne , de
ut ire côté ,
Wê cette ou-
angement
; & eue
e la par-
formées
avec
SECOND. $t
I avec le tems , par le frottement du cours rapide
des eaux. En etfet ^ on obferve que la force avec
' laquelle s'écoulent toutes les eaux de cette partie
§ du Globe » fufiit pour arracher des roches d'une
I maife extraordinaire. C'eft pourquoi l'on voit en
;^. certains parages des marques évidentes de leurs ex-
^ cavations profondes au milieu même des lits de ces
Seaux. Ce ibilt des cubes d'une grandeur énorme,
|Mqui n'ont pu être détachés avec, la même facilité
jque les parties contigucs. La rivière d'I/cuchaca y
Iqui coule près d'un hameau de mèmefiom j nous
)réfente dans fon lit Une de ces maffes , dont la
forme eft précifément celle d'un cube. Lorfque
l'eau eft balTe , ce cube s'élève à fept ou huit varas
lu-delfus du courant : chaque côté porte douze
0aras de face. Mais ces mailes , & autres moin*-
/ Ijîres de différentes formes , qui fc voient dans
■|es eaux , ne peuvent être arrivées à cet état ,
fins que l'eau les ait dégarnies peu-â peu des
>ierres , des fables qui les enveloppoient , èc
ju'elle a arrachés de tous côtés pour les lailTer
ifolées ; or elles fe maintiendront dans cette pofî-
tion , jufqu'à ce que les eaux , cavant de plus en
)lus , rencontrent enfin à la bafe des veines de
latières friables & dilTolubles , qu'elles pénétre-
ront & qu'elles emporteront, en détruifant l'afliette
fur laquelle pofent ces malfes jufqu'alors inamo-
ibUs» Une crue d'eau confidérable , & qui nji
Tome /, ^{J
's-;\
<-^l^^V
k^^l»V„ „^,-
Xi i
34 Discours
laiiTera plus paroître qu'une varas de cette maHe,
pourra dans ce tems-là l'arracher, & la faire rou-
ler ; mais ce mouvement , & les chocs qu'elle
éprouvera de la part d'autres malTes moins gref-
fes , fuiïiront pour en brifer les parties faillantes ,
ôc la réduire en parties moins volumineufes , qui
rouleront avec pli^s de facilité j & qui par cette
feule caufe dimiiiueront encore. C'eft à cette
caufe qu'on doit attribuer ces quantités prodi-
gieufes de pierres répandues çà & là fur les bords
de ces eaux , de même que ces roches énormes
qu'on y voit détachées , 6c que jamais les for-
ces humaines n'auroient pu mettre en mouve-
ment. , :^
Mais peur donner une idée quelconque de la i
profondeur de ces excavations , relativement au
terreîn ou au fol habitable de la partie haute de
l'Amérique , il eft à propos de rapporter quel-
ques expériences.
Guancavelica eft une Bourgade, ou un Corps
municipal, (itué dans une de ces profondeurs^
formées par différentes fuites d'éminences. Le
mercure du baromètre y defcend , & s'artcte à
«
dix-huit pouces une ligne Ôc demie. Sa plus
grande variation y eft de i ^ à i |. Sa hauteur
eft donc de 1949 toifes , ou 453<> f varas au-
deifus du niveau de la Mer, Au haut du mont
où fe trouve la mine de mercure , mosc qui
. '• .'^y
second; 35
eft habitable par-tout , & qui eft immédiatemenc
furmonté par d'autres , autant qu'il s'élève au-
defTus de Guancavelica , le mercure defcend &
s'arrête d 1 6 pouces C lignes. Sa hauteur eft donc
de 2537 f toifes, ou de 5448 varas au-delfus du
niveau de la Mer. Âinii la haute fuperâcie du
mont où eft la mine , s'élève i 9 1 2 | varas au-
deffus du fol fur lequel eft iitué Guancavelica*
Or cette profondeur a été excavée par les divers
courans d'eau qui defcendent de cette montagne
depuis le déluge , & qui viennent fe réunir avec
celui de Guancavelica , qui fort de l'autre par-
tie que l'on appelle le Ycho*
Le mercure s'arrête à 19 pouces 10 lignes,'
[dans le village d'Ifcuhaca , qui eft à une lieue
Ide Conaïca , ( au diftriâ: duquel il appartient )
à huit lieues de Guancavelica. Or cette hau-
teur du mercure répond à 1575 toifes ou ^66%
/aras refpedivement à la Mer. Mais ce fol eft
ie 857 varas plus bas que celui de Guaucave-
Ifca \ profondeur qui eft l'effet des excavations
le la rivière Ifcuchaca. Cette rivière reçoit la
îuancavelica , mais dans un terrein encore plus
bas que celui du village. Les eaux ont dond
reufé à la profondeur de 17CÏ9 f varas de-
kiis la hauteur du mont , où eft la mine de mer^
lire , outre ce qu'elles ont de plus bas qu'jl
tcuchacâ, ^
C*
II;
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D
1 s C O U R s
Le terrein , ou la fuf erficie plane , où efl:
ilh
)liis d'
les
'élévation que les eaux
de la rivière , lorfque ces eaux font haures de
dix ou douze varas j ce qui en eft la profon-
deur ordinaire : car on verra plus bas que le
cours n'en eft pas régulier. Ainfi les eaux
ont encore fait cette autre excavation comme il eft
facile de le voir par des indijces manifeftes. On
remarque en effet dans la partie voifine de leur
lit , des roches détachées , toutes femblables à
celles qui font au milieu des eaux j ce qui
prouve que les eaux ont été au même niveau
à une époque beaucoup plus ancienne , 6c qu'elles
ont excavé le fol , à force d'en arracher les par-
ties aggrégées.
Ces terreins font ouverts par un fi grand nom*
bre de courans , qu'il n'en eft aucun ou l'on
n'en apperçoive , foit dans des ravins , foit entre
des montagnes. J'ai obfervéque la fuperficie des
terreins cjui en avoillne les lits , eft plus unie aux
confluens , où pluficurs de ces co'irans fe réu-
nifient. Cela vient de ce que l'éminence , qui
fe trouve au confluent , paroît avoir été dimi-
nuée à la partie où elle a du former une pointe .
faiilante , à mefure que les eaux l'ont rongée
de l'un ou de l'autre coté , en continuant leur
excavation. Ces furfices planes font comme par
étages 5 les unes plus hautes que les autres, ôc fe
' i°
■Vil
e , où eft
\Q les eaux
haïues de
la profoii-
bas que le
i les eaux
omme ileft
lifeftes. On
fuie de leur
miblables à
c 'y ce qui
ême niveau
, &c qu'elles
cher les par-
i grand nom*
un où l'on
s , foit entre
iiperhcie des
us unie aux
rans fe réu- '
mence , qui
ir été dimi-
• une pointe ^:
'ont rongée
tinuant leur
comme par
luttes j & fe
SECOND. J7
font infenfiblement formées, félon que leau s'eft
i plus ou moins arictée à différente hauteur , pen-
;|-dant qu'elle creufbit ces lits. On oblerve , au
4 contraire , que les bords élevés dans ces courans,
% n'ont prefque point de largeur dans les endroits
É où l'eau a pu fuivre fon cours très - dirediement,
C'eft cependant fur ces bords étroits ôc efcar-
^pés que fe trouvent pratiqués les chemins par ou
[l'on pade. Le danger y eft très grand : car à
Ipeine un animal peut-il y pofer le pied» Tou-
tes les fois que le courant fait un détour , la
furface des bords a plus de largeur ; cepen-
lant moins que lorfque plufieurs fe réunilTent.
voit facilement pourquoi. L'eau forcée de fe
létourner, s'éloigne plus de la rive que quand
tlle va en ligne droite , & ronge ainfi le côté
lillant fur lequel elle fait fon détour , Sc qui e.n
levient comme le centre.
On peut conclure de ce que je viens de dire ,
quelle élévation eft la partie haute ou monta-
;neufe de l'Amérique , relativement a la par-
tie bafle , 6c qu'il y a des excavations extic-
Imemenr profondes ; car elles ont , comme je l'ai
■déjà dît , 17^9 I varas perpendiculaires , ou
même davantage : cependant elles ont alfez du
furface pour devenir le local de nombre d'habita-
tions fort peuplées , qui entirent tous les produins
iccefiaires à la vie. Parmi cqs Quehradas^û en ett
C 5 -
<H
'( ■ i
lilifi;
ai
^t Discours
de plus étendues ou de moins profondes que
les autres. Or , c'eft en ceci que cette partie
du monde fe diftingue de toutes les autres.
Mais il eH indifférent pour mes vues que ces
vaftes ouvertures foient l'effet des courans d'eau,
ou de toute autre caufe. Ce que je me propofe,
eft uniquement de montrer qu'elles font d'au-
tant plus profondes & plus vaftes, que ces ter-
reins font immenfément hauts : qu'ainH tout ce
que l'on connoît d'analogue dans les montagnes
des autres parties du monde , ne peut entrer ici
en comparaifon ; car ces montagnes excèdent
de plufîeurs lieues , en hauteur Se en largeur ,
les monts les plus fameux qui fe voient ailleurs.
Quittons à préfent les Cordillères de cette
partie de l'Amérique , & confîdérons les con-
trées qui s'approchent de l'Equateur , pour fe
prolonger dans l'hcmifphère du nord. Quoiqu'il
s'y trouve quelque reffemblance avec ce que nous
venons de voir , il y a néanmoins une différence •
aflez confidérable.
Les terres font planes 6c bafles dans la partie
de Guayaquil , fituée à deux degrés onze mi-
nutes vingt -une féconde , latitude Sud. Le fleuve
qui porte le même nom , eft un des plus grands
des côtes Américaines de la Mer du Sud. Danb
le tems des pluies que Ton y appelle l'hiver j
les terreins y font inondés à plufieurs lieues à
jndes que
ette partie
autres,
les que ces
rans d'eau,
le propofe,
font d'au-
^ue ces t^r-
liiifi tout ce
; montagnes
ut entrer ici
es excèdent
en largeur ,
>ient ailleurs,
res de cette
pns les con-
X , pour fe
. Quoiqu'il
ce que nous
le différence
ms la partie
»s onze mi-
id. Le fleuve
plas grands
Sud. Dans
lelle Vhivei'i
1rs lieues à
'( s B C O N D.^ )9
diftancc. Ces inondations commencent en Dé-
cembre, lorfque le foleil eft au tropique du
Capricorne : & c'eft l'abaiflement du pays qui
(Cn la cau{e. Les rivières n'ont pas de pente fen-
^^fible. Groflies par les eaux des pluies , elles for-
^;,tent bientôt de leurs lits ; & pour peu qu'elles
ffurmontent leur rives ou leur niveau ordinaire ,
:ela fuffit pour que la terre foit couverte , comme
je l'ai dit. On eft alors obligé de faire route à
:heval , & de prendre avec foi des guides expcri-
lentés. Mais l'eau n'eft jamais plus haute dans un
' Androit que dans l'autre. La terre eft fangeufe ,
rouverte d'un grand nombre d'arbres , qui , vu
('humidité du fol & la chaleur , y croiftent ra-
pidement , 6c font bientôt garnis de tout leur
feuillage. On ne remarque pas la même égalité
ijans la pence des aunes cerreins bas qui fe por-
tent plus loin vers le Sud. Ils y font auffi un
jpeu plus élevés , ce qui les empêche d'être pa-
îillement inondés. En général , c'eft un fol fa-
)lonneux. Le plus ou le moins d'élévation , &
nature du fol, font donc deux circonftances
lui les différencient.
Les hautes Cordillères fe prolongent prefque
ufques dans le voifinage de la Mer du nord ,
long des côtes qui s'étendent de Cumana à
^ortobelo, & tournent par la baie de Hondu-
ras. Mais dans la contrée où elles fîniffent, juf-
C4
Vf- .
I'
m
m
]
^ lift
II
'il
40 Discours
qu'au bord mcmc de la Mer , le terrcin eft bas
SL une alTez grande diftance , en partie expofc
aux inondations , ôc en partie un peu plus élevé j
ce qui en garantit le pays. Néanmoins les ter-
reins qui avoifinent les grandes rivières , telles
que VOré'noc , la Maddaine , le Sinu y le Choco^
ôc autres , forment des plaines de plufieurs lieues
d'étendue, dont les cotes commencent par des
terres trés-bafTèsj qui gardent, les unes plus que
les autres , la même pofition , fans fortir de ce
niveau. Plufieurs Naturaliftes penfent que les
grandes rivières donnent peu- à-peu plus d'éten-
due au pays avec les limons & autres matières
qu'elles détachent dans leurs cours , & qu'elles
dépofent fur les bords de la mer a leur em-
bouchure : de forte que les eaux de la mer fe trou-
vent de plus en plus éloignées des anciens rivages.
De là vient, félon eux, que la partie la plus proche
de la mer eft la plus baflTe , & que l'intérieur
des terres s'élève un peu au-delfus de ce niveau
à la diftance de quelques lieues. D'autres on:
penfé différemment : mais , quoi qu'il en foit,
il eft conftant que les grands fleures de cettu
partie , traverfcnc , avant d'arriver à la mer , de
vaftes contrées très -plates & très -régulières ,
dont les tcrreins font Ci bas , qu'ils fe trouvciu
bientôt fubmergcs à la moindre crue des eaux.
Il en eft de même des contrées oriemaki
ein cft bas
nie expofc
plus élevé j
ns les ter-
res , telles
, le Choco ,
leurs lieues
îiit par des
les plus que
fortir de ce
nt que les
plus d'écen-
es matières
& qu'elles
à leur em-
mer fe trou-
iens rivages.
:>lus proche
l'intérieur
ce niveau
autres oiu
'il en foir ,
de cette
a mer , de
régulières ,
fe trouvein
:î des eaiix.
orientaki
;s
Second. 4*
de cette partie de l'Amérique ^ depuis l'Oré-
noc jiifqu'à la rivière de /a Plata» La partie
haute , dont il s'agit , ell environnée d'uiie cir-
conférence de terreins bas qui s'étendent même
encore pins loin de ce côté-ci , qu'à l'oueft :
car ils correfpondent diredement aux plaines de
Buenos-Ayres , qui font très-vaftes , a celles du
Paraguai 6c du Tucuman. Mais ces pays étant
fitués loin de la Mer , ne font pas inondés,
parce que le niveau en eft un peu plus élevé.
L'ifle de Cur. jao , qui appartient aux Hol-
landois, s'élève en forme de pain de fucre. Celle
de la Jamaïque eft une chaîne de montagnes
afTez élevées j mais comme elle n'eft pas loin de
Cuba, les terreins qui iîvoifinent la mer, au Sud ,
font abailTés & plats. Auflî font-ils en grande
partie couverrs d'eau , lorfqu'il furvient quel-
que orage qui fond en pluie. Les terreins mon-
ta;_Mieux font à fon centre , fans cependant ctre
d'une extrême hauteur. La partie qui eft au
Nord-Oiieft eftbaiïe : l'ifle s'élève à l'Orient, for-
mant des montagnes qu'on ne peut comparer ,
qu'avec une très-grande différence , à la hau-
teur de celles de l'Amérique méridionale. L'ifle
de S. Domingue eft élevée en grande partie ,
& même efcarpée à l'Oueft. Ainfi l'on voit que
la Nature n'a gardé aucune règle fixe dans la
poHtion qu'elle a donnée aux différens terreins ,
M?.
I
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II
4k
I s C O U R «
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:Li,4
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fans cloute, l'unifo
éviter, laiis cloute, 1 unitormitc, puirqu*àiUs
des diAances peu cloignces , elle a H varié les
chofes d'une même efpèce.
La Floride & les terrcins qui s'ctendeiic de-
puis Tes limites vers le nord , en y comprenant
les contrées de la nouvelle Angleterre jufqu'au
fleuve S. Laurent , font en général des pays plats.
Ils s'étendent de cette manière à plufieurs lieues
dans l'intérieur , jufqu'aux montagnes des Apa-
lâches , qui vont du Sud au Nord , & font fépa-
rées des cotes de la Virginie & de la Caro-
line , d'environ 25 à 50 lieues. Les terreins
qui répondent au golfe du Mexique , dans toute
fa circonférence , font dans une femblable po-
rtion. Les terreins élevés fe trouvent en géné-
ral éloignés de la Mer , de manière que la na-
ture paroîc avoir voulu placer les hauteurs au
centre des terreins , en abaifTant & applatilTant
ceux qui avoifinent la mer : en effet , ils fem-
blent en fortir : il y en a même beaucoup qui fc
trouvent fubmergés à de très - grands efpaces
lorfque la marée monte , & qui ne reftent dé-
couverts que quand la Mer s'eft retirée. C'eft ce
qui arrive aiTez ordinairement à la Havane ,
du côté qu'on appelle les Gaies. Mais ce phé-
nomène fe remarque plus fenfiblement dans la
baie de Penfacola & à la Louiiiane \ circonftance
qui me fait en donner l'explication.
» 'H
ifqu'à lies
varié les
ident de-
mprenanc
; jufqu au
)ays plats,
urs lieues
des Apa-
font fépa-
la Caro-
s terreins
lans toute
jlable po-
en géné-
^ue la Ha-
uteurs au
)plati(rant
, ils fem-
jp qui fc
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eut dc-
C'eft ce
avane ,
ce phé-
dans la
Ion (lance
Les
Minifip
terreins
8 1 e o N d; 41
font Cl bas à rembouchure de
y MiHifipi , qu'il y en a une grande partie fous
*IB Teau : de forte qu'on ne peut mcnie les dif-
cerner que pat les joncs qui s'élèvent au-deflus.
C'eft ce qui rend d'un fi difficile abord toutes
les côtes contigucs. En effet , la Mer les couvre
totalement ; & il eft impoflible de les diftinguet
de loin. D'autres terreins fe trouvent fous l'eau
â marée montante , & au deffus , lorfque la mer
s'eft retirée : ce qui fe remarque jiifqu'à quinze
lieues intérieurement en - deçà de l'embouchure.
Il y a même Ci peu de différence dans le niveau
des terreins, depuis la limite de ces quinze lieues,
en remontant le fleuve plus loin j que les habi-
tans n'empêchent les crues d'eau d'inonder le
pays j que moyennant les digues de terre qu'ils
élèvent à la hauicui la plus haute où les eaux
peuvent monter , félon l'expérience qu'ils en ont.
La même chofe arrive , à peu de différence près ,
dans les pays que ce fleuve parcourt au Nord ,
au-delà des 550 lieues connues de fon cours.
Néanmoins il eft facile de voir que les pays
s'élèvent à proportion qu'ils font loin de la Mer.
D'ailleurs , la pente du fleuve , quelque foible
qu'elle foit j prouve demonftrativement une élé-
vation dans 'les terreins : auflî , à mefure qu'ils
s'éloignent des côtes , ne font-ils pas fî fujcts à
être fubmergés , quoique les eaux s'élèvent , ^
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'44 Discours
mauée montante , prefque à la hauteur des digues,
II en eft de même du vafte efpace qui s'é-
tend à rOueft & au Nord. Ce font de grands pays
plats , entrecoupés de rivières , qui , rtuiiies à
d'autres , vont enfin fe jetter dans le Miilîlïîpi ,
& dojit la furface plane eft interrompue par
quelques monts ifolés , jettes cà & là fur le ter-
rein. Ces plaines s'étendent de la même ma.-
nière au Sud , où elles vont rencontrer les mon-
tagnes de l'Amérique feptentrionale , dont la
chaîne fe porte jufqu'à la mer de Californie,
&: aux pays qui font au Nord de celle-ci. Ainfi ,
il y a plufieurs centaines de lieues de plats pays.,
«Sj unisj depuis les Monts des Apalaches , juC-
qu'à l'endroit où commencent ces montagnes oc-
cidentales. •
En conféqueiTce , on peut confidérer la par-
tie de iV^iiérique ^ qui s'étend depuis le :. 5*=
degré , vers le Nord , comme divifée en deux
parties: favoir , la première qui eft la plus éteu-
due du Sud au Nord , & de l'Eft à l'Ouell ,
renfermant de vaftes terrains plats & bas , en
tiecoupés de nombre de rivières , & interrom-
pus par des monts ifolés : la féconde y^ celle qui
correfpond à la Mer occidentale de la Californie,
renfermant des terreins élevés comme le Pérou,
^' qui font les royaumes de la nouvelle Ei^-
pagne j de la nouvelle Galice &: de la noa-
m
'M
%4
les digues,
î qui s'é-
rands pays
rctuiies à
Miffiifipi ,
»mpue par
fur le ter-
ne me ma-
r les mon-
, dont la
Californie ,
-ci. Ainfi ,
plats pays.,
iches , juf-
itagnes oc-
er la paK-
juis le ?. 5"=
e en deux
plus éteu-
l'Ouell ,
bas , Cil
inrerrom-
celle qui
alifornie,
e Pérou ,
Ivelle Ef-
à.
w
-1
1/
1
a noii-
S E C O î4 O. 4f
vellc Èifcaye. Quoique ces contrées foient fort
étendues , on ne peut cependant les compater
avec la partie qui s'étend depuis leur pente juf-
qu'à la chaîne des montagnes occidentales des
Apaiachesj & depuis la partie orientale de celles-
ci jufques vers l'Océan , le long des côtes de la
nouvelle Angleterre.
On ne connoît pas cette partie de terreins
élevés qui s'étendent jufqu'à la Mer de Califor-
nie : ainlî l'on ne peut déterminer combien elle
s'élève au-deffus du niveau de la Mer , ni fa
largeur de lEft à l'Oueft. Ces hauts pays font
la continuation de l'Amérique méridionale. Après
en avoir occupé le milieu , du Sud au Nord ,
jufques près des côtes de Caracas ,' Ste. Marte ,
d'une partie du Dariel , ils fe relFerrent , fe con-
tinuent dan? Ip Royaume de Terre -ferme ,
rifthme de Panama , où ils fe réduifent à une
chaîne étroite de montagnes qui ne font même pag
fort élevées. En pouffant plus loin dans le Royau-
me de Guatimala , on voit les terreins prendre
plus d'étendue & d'élévation , & fe continuer
ainfi par les Provinces des Royaumes de la Nou-
velle-Efpagne , pour fe perdre enfin dans les
pays du Nord de cette partie de l'Amérique , que
Ton ne connoît pas non plus ; car on n'y a fait
encore aucune découverte.
Il y a dans cette partie de TAmérique beaii-
/
•Vh;
I l/lfli
^6 t)tscouiis
coup plus de terreins bas que de pays élevés ; ce
qui n'a pas^ lieu dans la partie méridionale , not.
obftant les plaines qui s'étendent de fiuenos-
Ayres an Tucuman , „& du côté des rivières nom-
mées ia Grande y Maragnon j Orenoc j & autres ,
très-profondes & fort larges j car les hauts ter-
reins ont toute l'étendue dont j'ai fait mention ,
& occupent la partie intérieure ou le centre de
cette vafte partie du Monde»
On ne connoit ni l'origine du Midîfîpi , ni le
cours qu'il fuit jufqu'au 43* degré. Mais autant
qu'on peut le préfumer des rapports des nations
Indiennes , il eft probable qu'il vient de l'Oueft,
6c prend fa fource dans les chaînes de monta-
gnes qui fe portent vers la Mer au-defTus de la
Californie. Quoique ces pays avoiflnent les Royau-
mes de la Nouvelle-Efpagne , on ne les a pas
encore affez exactement reconnus j ainfi l'on n'en
a que des notions très-obfcures.
Il fe préfente ici une réflexion que je ne puis
omettre \ c'efl: que les pays où l'on a le moins
pouffé les découvertes dans le Pérou , font le»
pays plats qui s'étendent depuis la croupe orien-
tale des Cordillères jufqu'à l'Océan. Mais en
voici la raifon. Entre ces pays & le BréHl , il y
a de vaftes contrées où tout eft encore dans l'état
primitif de la Nature. Les habitans font des peu-
ples fi barbares & fi grofliers , qu'ils vivent com^
U
»'.'■ »
a-
m
I
kf,
SECOND. 47
me des bêtes , & n'en diffèrent qiie par la figure.
Oii connoît , au contraire , les vaftes plaines de
l'Amérique feptentrionale , qui s'étendent depuis
les limites de l'Océan , dans la Nouvelle-Angle-
terre , jufqu'aux montagnes des Apalaches , &
de-là au fleuve Miflifîpi , pour aller former les
Cordillères de la partie occidentale. Mais les au-
tres pays qui confinent à ces plaines 3c à la Nou-
velle-Angleterre , jufqu'à la latitude du Canada ,
ne font pas plus connus que les plaines du Pérou
qui font entre l'Orenoc & le Maragnon. On ne
fait pas encore pour quelles raifons on a négligé ,
ou pourquoi l'on pourroi^ erre curieux de dé-
couvrir les contrées o ■'' font entre ce dernier
fleuve & la rivière i-rri-'-de j en fuivant jufqu'à
Buenos- Ayres & vers le Sud. En effet , fi Ion
alléguou le froid des montagnes qui fe trouvent
dans l'Amérique feptentrionale , depuis le 57*
degré jufqu'au 46* , on verroit., d:'un autre coté »
que les pays inconnus dans la partie méridionale,
commencent près de l'Equateur , ôc vont de-là
jufqu'à Buenos-Ayres & au détroit de Magellan :
^ainfi l'on ne peut alléguer ici le froid ni les
jnonts efcarpés des Cordillères. Il n'y a donc
pas d'autres raifons à donner , que le fort des
chofes humaines qui fe découvrent les unes plus
ipt , les autres plus tard.
Les pays nontagneux des Andes de l'Amérî-
%
-^'jr
■Il '
48 t) I s C O tJ R s
que méridionale étoient habités p-^r des NationJ
policées à certain degré , lorfqu on y entra j voilà
pourquoi la conquête n'en fut pas difficile. Mais
les plaines qui s'étendent depuis ces contrées^là
jufqu'au Brélil , font habitées par des Nations
barbares , qui ne connoilTent aucune civilifationj
c'eft pourquoi il a été difficile d'y pénétrer , de
les bien connoître , ôc de former aucune liaifon
iavec elles. 11 en eft de même des pays monta-
gneux qui font au Nord. Les .uns Se les autres
relieront dans cet état , jufqu'à ce que le tems
ouvre peu-à-peu des voies de communication ,
-& qu'on connoifTe enfin le caraébère national des
habitans , les plantes , les animaux , & autres
chofes particulières , qui ne fe trouvent pas en
général dans les autres parties du Globe.
Il paroît que le fond qui eft fous les eaux eft,
à L'égard de la fuperficie plane ou inégale , dans
ies mêmes rapports que les terres du Continent.
£n effet , on remarque dans ces parages que ,
par-tout où ces terres forment une fuperficie
plane ôc fort étendue , les fonds des eaux qui en
baignent les cotes, ont auffi la même uniformité;
ce qui eft fenfible dans les endroits que les Ma-
rins Efpagnols appellent Sonde j & oii l'on trouve
toujours le fond , à une aflTez grande diftance
même d'où l'on découvre la terre. Enfuite on
remarque que là profondeur de l'eau diminue
toujours
- «v.*aMi .'.»*^ '«*'
,c^S-ii^^^^.-,i''..:. A^i^^ÊkKtat*né^
s NatlonJ
cra j voilà
île. Mais
ontréeS'là
s Nations
vilifacion ^
itrer , de
ne liaifon
ys menta-
les autres
le le tems
unication »
ational des
, & autres
eut pas en
S eaux qQl >
;ale , dans
Continent,
[âges que »
fuperficie
lux qui en
liformicé ;
ie les Mâ-
'on trouve
le diftance
[nfuite on
diminue
toujours
■i
second; 49
©ujours à proportion qu'on approche de la côte :
'eft ce qu'on reconnoîc auflî fur les côtes de la
^loride , dans la Baie de Penfacola , & dans
.itoute la partie connue fous le nom de Golfe du
exique , qui comprend les côtes de Campcche
celles de Honduras.
Mais il n'en eft pas de même ou la Terre s'c-
ève beaucoup près de la mer , ou à peu de dif-
ance : l'eau y eft très-profonde fur les bords
èmes. On ne trouve pas non plus le fond à la
"onde fur les côtes de la mer du JSud ; il faut y
tre d la vue des terres , & même alfez proche ,
•our trouver le fond.
tLes fonds plats que couvrent la mer font auflî
cguliers ôc auflî unis que les plats pays eu Conti-
l^ent : c'eft ce que démontrent lesplacerès ou para-
fes de peu de profondeur. Les vaifleaux traverfent
^elui de la Vivora^ par la partie de l'Oueft de Caf-
jfavelj ôc courent douze lieues du Sud au Nord au-
^efllis d'un fond lî uni , qu'il n'a prefque par-tout
ue douze bralTes , & jamais treize. Mais auflii-tôt
u'on s'éloigne de cette diftance , la profondeur
evient fî confidérable , qu'on ne la trouve plus à
inquanre brafles. On voit par-là , que fi les eaux
ui couvrent cette furface venoient à fe retirer ,
n appercevroit une plaine de douze lieues du
ord au Sud , & qu'elle feroit , dans le rapport
ù les hauts teireins, qui font fur l'une ou l'autre
Tome /. D
n
... M
jô DiscouAs
cime de rAmérique méridionale , fe trouvent
relativement aux profondeurs qui les environ-
nent.
Lorfqu'on pafTe de la Trinité à Batavano ,
l'on fait plus de la moitié de la courfe fur un
haut-fond , qui ne permet qu'aux petits vailFeaux
de s'y expofer. Parmi les diffcrens fonds qu'on
traverfe , il y a une efpèce de langue de terre
prolongée , qu'on appelle le Queùrado de Cayo-
Cacao j & fur laquelle on ne trouve que onze
pieds d'eau. Les vailfeaux qui doivent y palTer ,
n'avancent qu'en labourant avec la quille , pen-
dant environ cinq quarts-d'heure. Or , (i la fu-
perficie n'en étoit pas uniforme , les vaiflTeaux fe
trouveroient bientôt engravés , faute d'eau fuffi-
fante. Sur les côtes on trouve douze a vingt
pieds d'eau , & l'on a ainfi trois ou quatre lieues
a faire ^ fans que la profondeur de l'eau aug-
mente ou diminue. Ces -fonds unis ne peuvent
être mieux comparés qu'aux plats- pays de la Ha-
vane , où les terreins fons (î bas & fi unis , que
lès pluies en couvrent bientôt la furface , parce
qu'il n'y a pas aflTez de pente pour le prompt
écoulement des eaux.
Les hauteurs & les plaines étendues qui font
fur les terreins élevés de l'Amérique , ou de ce
Monde placé au plus haut point du Globe ,
jious donne l'idée des terr^^" qui font couvertes
■ 'm
'. Batavano ,
3urfe fur un
tics vallFeaux
fonds qu'on
^ue de terre
do de Cayo-
ive que onze
ent y palTer ,
quille , pen-
3r , (î la fii-
» vaiffeaux fe
e d'eau fufli-
3uze à vingt
quatre lieues
e l'eau aug-
ne peuvent
ys de la Ha*
[fi unis , que
face , parce
le prompt
second; 5,1
l'une mer îmmenfe , & nous fait en même tems
Imiter la fageffe infinie de l'Être fupr'me
(ans l'ordre & les rapports fenfibles qu'il a établis
\n certaines chofes , tandis que dans d'autres il
ss a dérobés à. notre pénétration , afin que la
iriété ne fût pas une règle confiante qui eût
;s contraires uniformes dans toutes -s ^ ties
le l'univerfalité.
w
Dx
IhM
DISCOURS TROISIEME.
Des températures & des climats des divers Terreins
de cette partie du Monde*
JLL falloic , fans doute , qu'il y eût dans les pat-
ries qui conftituent le Globe certaine harmonie
& un accord général , de manière que les unes
répondiflent aux autres , & que cependant une
variété fenfible les différenciât les une. ' '^ au-
tres. C'eft ainfi qu'on remarque un rapport gé»
néral entre les inégalités des températures , &
celles des contrées de la Terre. Les ardeurs de
la Zone Torride méridionale ne s'y font pas
fentir également par-tout , & Toh obferve aufli
en été ces grandes chaleurs dans pluiîeurs con-
trées de la Zone Tempérée. Les froids & les
gelées , la rigueur des hivers , font des effets
fort naturels dans celle-ci : cependant ces effets ,
qu'on ne foupçonneroit pas avoir lieu dans h
Zone Torride , y font portés au dernier degré,
& très - pénibles pour ceux qui les éprouvent.
Non-feulement ces effets y font naturels , ils y
>ers Terreins
laiis les par-
ie harmonie
jiie les unes
)endant une
une..
"S an-
rapport ge*
racnres , &
ardeurs de
l'y font pas
ibferve auffi
.ifieurs con-
oids & les
It des effets
|t ces effets ,
[eu dans h
ner degré,
éprouvent.
Irels , ils y
j* Discours troisième. 53
''^; font même continuel: , comme dans les pays
éloignes du foleil , fi l'on excepte une très-courte
intermiflîon entre les deux faifons les plus oppofces.
es faifons font généralement en raifon de la pro-
edion plus ou moins direéte des rayons du fo-
il i c'eft pourquoi la terre s'imprcgtie d'une
lus grande partie de molécules ignées dans les
outrées où ils tombent le plus perpendiculaire-
ent. La rciîexion en efc d'autant plus fenfible ,
Iju'elle fe fait avec plus de force , ôc que les
yons réfléchis coïncident plus avec ceux de
incidence. De- là vient qu'ils foiiC plus d'i'm-
IprelHon fur nos corps , & que la chaleur eft plus
nfible , plus incommode , à proportion qu'elle
plus force.
On fait que la divifion des faifons de l'année
pour caufe la dlffcrcnte direiftion des rayons
laires , foit oblique , foit plus rapprochée de la
rpendiculaire. En conféquence de cette règle
^ncrale , la chaleur devroit donc être , fous l'É-
uateur , beaucoup plus grande qu'en toute autre
artie du Globe. C'eft aufîî ce qu'on penfoit an-'
iennement. Il étoit , en effet, fort naturel de
onclure de ce principe , que la chaleur devoit
être beaucoup plus fenfîble que dans les con-
2es qui s'en éloignent. Cependant cette confé-
uence elt faulTe , parce qu'il y a d'autres caufqs
ui font des exceptions à la règle , ^ ne peu-
D3
■m
.«
i ■
I -
^1
^4 Discours
mettent pas qu'elle foit abfolument conftame.
Comme il efl donc des circonftances qui s'y
oppofent , il arrive que près de l'Equateur , &
mcme delTous , il y a des climats où l'on fent un
auflî grand froid que dans les Zones Tempérées
près des Zones Glaciales. Il eft, au cotiiraire, aux
extrémités de la ZoneTorride, & dans les Tem-
pérées , des contrées où l'on éprouve des chaleurs
audi accablantes que fous l'Equateur , ou tout
près.
La première caufe de la chaleur eft afTurémem
Tadivité des rayons folaires j mais il y a encore
d'autres caufes , qu'on peut appeller fecondaires,
& qui en modifient l'effet , l'arrêtent même tota-
lement , ou en font réfulter des influences toutes
contraires. Un nuage qui fe trouve interpofé en-
tre le Soleil & une partie de la Terre , eft
comme un rideau qui s'oppofe à fes rayons , &
ne leur permet plus de paifer outre : d'où il ar-
rive que la contrée fur laquelle ils dévoient
tomber , & qu'ils auroient néceffairement rendu
plus chaude , n'éprouve que des chaleurs d'au-
tant plus modérées , que ce nuage refte plus
long tems interpofé.
D'un autre côté , l'air eft toujours pl^is fubtil
& moins pefant dans une contrée plus élevée:
les rayons du foleil pouvant s'y divifer en faif-
eca«x beaucoup moins volumineux que dans une
'■if.
TROISIEME ^5
Athmofphcre plus denfc , s'y rcfléchiirent aufli
en mcme raifon , & peuvent moins fe réunir. Il
en refaite donc , que le degré de chaleur y fera
moindre que dans un air plus denfe & plus pe-
fanc , qui fait tendre les particules ignées à la
réunion , s'en imprègne , & les refléchit avec
plus d'énergie. Outre cela , l'air eft ordinaire-
ment plus agité dans des contrées très- hautes ,
que dans les pays bas : or, ce mouvement brife ,
difperfe une partie des rayons o\\ des particules
ignées , félon des directions différentes de leur
incidence naturelle ; ce qui en rend auili la réâc'
xion plus oblique. L'élévation des contrées Ôc les
irrégularités de leur furface , ne permettent pas
non plus aux rayons de tomber en gros faifceaux
fur le même centre , comme il arrive fur la fur-
face générale du Globe. Cette divifion des rayons
doit donc autîî en diminuer les effets , c'eft-à-
dire la chaleur , qui ne peut plus y être ex-
ce/Iive.
Outre les caufes précédentes , & dont la réa-
lité eft prouvée piir l'expérience , il en eft en*»
core une plus énergique. Selon les Naturaliftes ,
l'acide nitreux eft le plus léger des trois pre-
miers acides qu'on connoifle dans la nature : il
eft en mème-tems très-volatil. Or c'eft au con-
cours de cet acide qu'on attribue la formation de la
neige, de la grcle , de la glace : effets qu'on ne peut
D4
y
.\t
Il
I
^â Discours
chercher que dans une région un peu plus élcvce
de rAtmofphèrc. Ainfi , plus les terreins fe trou-
veront clcvcs , plus ils feront proches de cette
rcgion , ik plus les effets y feront contraires à
ceux de la chaleur. Voila pourquoi l'on obferve
de la neige fur les hautes cimes des monta-
gncs , au pied defquelles il n'y en pas j & pour-
quoi on y fent au coutraire de la chaleur. Or ce
phénomène eft fi ordinaire , qu'il n'y a pas de
contrée où il ne fe manifefte. Si donc on fe
figure des cîmes d'une hauteur immenfe , telles
que celles qu'on obferve dans les terreins |éle-
vcs de l'Amérique méridionale , & d'une auflî
vafte étendue , on comprendra cjue ce phéno-
mène doit y ctre d'autant plus naturel, quoique
ces cimes foient fous l'Equateur ou auprès j
comme il l'eft dans les hautes' montagnes
de l'Europe. La feule différence qu'il y a ici
c'eft qu'en Europe , cet effet arrive fur des
montagnes de 1500 à 2000 varas , au Heu
qu'en Amérique le concours des circonftances
produit fon effet fur des monts de 40*0 à 5000
varas, & quelquefois plus hauts.
C'eft ainfi que la Nature s'eft fait un jeu Ci
fingulier de fes opérations, qu'elle en a totale-
ment varié les effets par le moyen d'une caufe
accidentelle , & leur a aflîgné un ordre tout dif-
férent que celui qu'ils auroient fuivi, s'ils avoient
IM^
plus élevée
ins fe trou-
5s de cette
^ncraires â
on obferve
es monta-
i y & pour-
sur. Or ce
/ a pas de
onc on fe
nfe , telles
rreins |cle-
d'une aufli
:e phéno-
, quoique
Li auprès ;
nontagnes
1 y a ici
î fur des
au lieu
onftances
> à 5000
TROISIEME. 57
ctc fuborclonncs à la caufe générale. La mcnic
clîofe cil arrivée dans l'ordre oppofc; car les
contrées qui dcvroient être moins chaudes ,
&■ fe rapprocher niane des pays froids par la
pofition du climat, ne font point telles. En eifet,
la continuation de très-vaftes plaines qui font
en même - tems fort balfes , le peu de mour
vement de l'air , la denfité Se la pefantcur de
rAtmofphcre , femblent y concourir de com-
mun accord pour rendre les effets des rayons
; folaires plus fenfibles. Voilà pourquoi l'on éprouve
i dans ces contrées , des chaleurs particulières ,
en général , à la Zone Torride , quoique ces pays
foient fitués dans la Zone Tempérée.
On craint généralement de pafTer la Ligne
^par Mer , a caufe des accidcns qu'on attribue
Idiredcment à l'effet de la chaleur , & à caufe
ides maladies qui en réfultent. On ne peut nier
ices inconvéniens : cependant les chaleurs ne font
pas aiifli grandes qu'on le croit. Si d'ailleurs
il eft certain que les équipages y font attaqués
de fcorbut , il n'eft pas moins vrai que cela n'ar-
rive que quand les vailfeaux ont déjà fait un très-
long voyage. En effet , on éprouve dans les con-
trées qui ne font pas fous l'Equateur , & même
hors de la Zone Torride , des chaleurs beau-
coup plus grandes qu'en mer fous la Ligr.e même :
cependant il n'eft pas ordinaire d'y voir le fcor-
\t
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V
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Un
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58 Discours
but , mais les maladies qui proviennent de la
dilatation extrême & du grand mouvement des
parties des Huides , enBn de la corruption du
fang y ainfi la chaleur exceiîîve peut feulement
contribuer fous la Ligne à ce que le fcorbut s'y
manifefle plus promptement > fans en être la
première caufe.
On doit chercher cette caufe dans l'air qu'on
refpire fur les vaiflTeaux , dans les vaiflèaux,
dans les alimens mal fains dont on ufe , dans
l'eau corrompue, dans l'Atmofphère toute dif-
férente de celle de la terre. Auffi remarque*
t-on dans les voyages de long cours que le froid
excefîîf produit autant le fcorbut que la cha-
leur. Ceci prouve que cette maladie n'eft
pas fi à craindre en paflant la Ligne , lorfqu'il
n'y a pas fi long-tems qu'on eft forti du port,
que quand on navige dans des parages très-
froids ^, comme au cap de Horn , après avoir été
long-tems en mer fans prendre de vivres frais
dans quelque port » & fans rétablir les humeurs
dans leur état naturel par l'air favorable de la
terre.
On palTe fouvent la Ligne dans les Mers du
Sud 5 pour fe rendre de Callao ou de Guaya«
quil à Panama , & pour en revenir , fans néan-
moins épiorver aucun dérangement de fanté.
C'ciî: (àrvo doute parce que ces traverfées fe font
înnent de la
uvement cks
irruption du
it feulement
ï fcorbut s'y
en être la
s l'air qu'on
; vaiilèaux,
i ufe , dans
î toute dif-
remarquC'
que le froid
ue IfL cha-
ladie n*eft
î , lorfqu'il
i du port,
rages très-
s avoir été
/ivrej frais
s humeurs
able de la
Mers du
le Guaya-
^ns néan-
àe fan té.
es fe font
TROISIEME. 59
en peu de jours : car lî elles étoient de plu?;
long cours , les navigateurs en cprouveroient les
mcnies effets fâcheux , que dans tout autre cas
fcmblable. On voit donc que ces effets fonc moins
dûs à la grande chaleur qu'à toutes les autres
caufes qui fe rcunilfent dans les voyages de long
cours.
ALiis pour prouver que la chaleur n'eft pas
fous la Ligne ( en mer ) aufîî grande que dans
des parages qui en font éloignes ^ voici ce qui a
étc obfervé en difit'crens endroits. En paffant la
Ligne en 1758, dans le mois de Mars , tems où
le foleil doit y faire fentir toutes fes ardeurs ,
puifque c'eft alors qu'il y palIe , on obferva le
3 de ce mois que la déclinaifon méridionale
étant de 6 degrés 42 minutes , & le vailfeau
fe trouvant pour lors à une déclinaifon de 7
degrés 47 minutes , nord , le Thermomètre
de Rcaiimur marqua 20 degrés J à deux heures
aprèî midi , & qu'il n'y eut point d'iUigmentatioii
fenfible. Le 14 du même mois, la déclinaifon
méridionale étant de 2 degrés 25 minutes, &
le vailfeau fe trouvant X 3 i minutes , au Nord
de l'Equateur , le Thermomètre , expofé A l'air ,
marqua , à fix heures du matin , 1 3 degrés { ;
25 à deux heures après midi ; & 24 à onze
heures du foir. Le vent cjui ré;.^■loit alors étoic
très-foible 3c venoit du Nord Eà , de force que
.4:^
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r il ■
ùjf
60 Discours
le vaiffeau ne faifoit tout au plus qu'un mille ;
& de tems en tems , un demi mille. Le 1 6 ,
on effuya un calme pendant prefque tout le jour :
carie vaiflTeau ne fit que cinq mille en 24 heures.
Le vaifTeau fe trouvoit alors fous l'Equateur,
comme on l'obferva. La déclinaifon auftrale du
foleil ctoit d'un degré 3 o minutes j Se le Thermo-
mètre marqua conftamment 1 5 degrés à fix heures
du matin , à deux heures après midi , & à onze
heuresdu foir , malgré la variation qu'il y eut au
tems , qui tantôt fe trouva couvert de gros
nuages féparés comme par déchirement , tantôt
devint très-ferein , & fut enfin très-pluvieux à
tieuf heures du foir.
Le 1 7 fut auiîî calme que le 1 6. Le vaifleau fe
trouvoit à 3 5 mumzQsfud^ la déclinaifon auftrale
du foleil étant d'un degré 14 minutes. Le Ther-
momètre marqua 1 5 degrés à fix heures du ma-
tin , 16 X deux heures après midi ; mais 25 à
onze heures du foir. Pendant la journée le fo-
leil fut très -ardent. Il parut quelques nuages
par intervalle. A neuf heures & demie du foir
furvint une grande pluie accompagnée d'éclairs ,
de coups de tonnerre , & de grands coups de
vent. Ce fut le jour le p^us chaud qu'on éprouva
fous la Ligne.
Le 18, la déclinaifon auftrale du foleil étant
de 5© minutes ~ , la latitude un degré 13 mi-
i
. ' y,.
i^
T R O I s I E M 1." ^i
é nutes \ , le Thermomètre marqua 14 degrés ^
deux heures après midi. Le 19 , à d-MX degrés
6 minutes de latitude j le Thermomètre mar-
qua 24 degrés à i heures après midi. Le zo ,
le foleil fe trouvoit prefque dans l'Equateur même j
le vai/Teau étant à 5 degrés 2 minutes , latitude
Sud. Le Thermomètre marqua 257 degrés à
deux heures , le vent ayant toujours tenu £ft
Sud-Eft , & un peu fort comme le jour précé-
dent. La chaleur fe foutint à-peu-près la même
pendant trois ou quatre jours , à la différence
d'un degré , ou d'un demi degré. Mais depuis
le 2<j j à la hauteur de 11 degrés , la chaleur
diminua jufqu'au 23 f degré , & avec autant de
lenteur qu'elle avoit augmenté.
En 17^4, le vaifleau palfant la Ligne le 28
Décembre dans la mer du Sud , & fe trouvant
à 52 minutes de l'Equateur , latitude Sud , le
même Thermomètre marqua 21 degrés à cinq
heures du matin j 23 ^ à deux heures après
midi, & 11 ~ k onze heures du foir. Le vent
fur variable , foible , tantôt Sud, tantôt Sud-Eft,
tantôt Sud-Oueft. L'Atmofphère fut très- chargée
la plus grande partie du jour.
Le 29 , à 5 heures du matin , le Thermo-
mètre marqua 22 degrés; à deux heures après
midi, 24 j & 23 { à onze heures du foir; même
vent , même état de l'Atmofphère que le jour
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i -ïï
€i Discours
précédent : latitude 3 5 minutes , Nord : de force
que le vaiHeau paifa la Ligne dans i'efpace d'un
jour à l'autre. La chaleur fe foutint à ce degré
pendant tout le voyage jufqu'à Panama , fans
paffer 23 degrés a deux heures après midi, &
21 à cinq heures du matin : la plus grande
variation, pendant les calmes ôc les tems obf-
curs , n'éiant que d'un degré : mais cela ne du-
roit même que peu de tems.
Le Thermomètre ne marqua pas plus de cha-
leur à Panama qu'en mer , & pendant le paflage
de la Ligne. Depuis le 4 Décembre , jufqu'au
dix- huit, il marqua 11 dégrés à cinq heures
du matin , & 2 j -j à trois heures après midi :
il monta même , certains jours , jufqu'à 24. Or
ceci arrive quan 1 les vents du Sud ceflent & que
les brîfes commencent à s'élever. Mais ces brifes
n*ont pas lieu tous les jours. 11 n'y a même pas
de tei;._ fixe chaque année. Elles arrivent ou
plus tôt , ou plus tard. Cette année elles com-
mencèrent plutôt -y & elles foufïlèrent depuis le
8 jufqu'au 12 vers les deux heures après midi»
Le 1 3 , la brife fut foible , & le Thern amètre
à. 24 degrés. Le 14 , point de brife ; le Ther-
momètre à 24 4 degrés. Le 1 5 , la brife fouffla ;
le Thermomètre à 23 degrés. C'eft ainfi que fa
paffèreni ces jours là. En 17 3 (j, les 5 & 6 de
Janvier , le thermomètre étoit à 20 ^ à fix heu^
n
I
[ : de force
îfpace d'un
à ce degré
ma , fans
midi , &
us grande
tems obf-
ih ne du-
us de châ-
le partage
, jufqu'au
iq heures
>rès midi :
a 24. Or
snt & que
ces brifes
ême pas
ivent ou
les com-
epuis le
es midi*
amètre
e Ther-
fouffla ;
Il que {9
6 de
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M
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T A O I S r I M I. (^5
res du matins à midi il fut. à 25 J, & à 25
à. trois heures après midi. Cette petite différence ,
qui prife à la rigueur n'eft que d'un demi-de-
gré , vient de ce que cette année la les brifes
tardèrent davantage j ce qu'on n'avoit pas en-
core obfervé. D'ailleurs le Thermomètre dont
on fe fervit alors , n'étoit pas le même que celui
fur lequel on fe régla en 17^4. Une autre caufe
de cette différence , peut aulîî avoir été la dif-
férente expofîtion de l'inftrument à l'une 6c
l'autre époque. Selon les obfervations faites en
173 (î , la latitude de cette ville eft de 8 degrés
58 minutes Nord.
Je pourrois me difpenfer de parler ici de la
chaleur de Portobelo , & de Carthagcne, puif-
qu'il n'y a pas grande différence entre ce qui
a été rapporté dans l'ouvrage imprimé par or-
dre du Roi en 1748. Mais cet ouvrage étant
devenu rare , il ne fera pas inutile d'en rappe-
ler ici les obfervations : ce qui donnera la fuite
dts différens degrés de chaleur , fans qu'on foit
obligé d'aller les obferver fur les lieux.
Depuis le 23 Décembre jufqu'au 29 de la
tnème année 17^4, le Thermomètre fut à 21
degrés à cinq heures du matin dans Portobelo;
il monta à 2 2 ^ à deux heures après midi ;
defcendit à 22 à onze heures du foir. Or , dans
l'ouvrage mentionné, il eft rapporté que le 4
m
l'i
'1.1
i
51
■Il '
i^4 Discours
Décembre 1735 > ^^ Thermomètre fut à il
degrés à fix heures du matin, & à 13 à midi.
La différence n'eft que d'un demi degré j ce
qui peur être arrivé , de ce que les brifes fu-
rent alors phis foibles , & ne rafraîchirent point
tant la terre , que quand elles fe foutiennent da-
vantage. Selon les obfervations de 1735 » ^^ ^^'
litude de cette Ville eft de 9 degrés 347 mi-
nutes , Nord.
Les brifes fe faifoient féntir régulièrement dans
le mois de Janvier à Carrhagène d'Amérique,
&.même avec certaine force. Depuis le i® Dé-
cembre, jufqu'au 14, le Thermomètre marqua
conftamment 21 degrés" à fix heures du ma-
tin , 24 à midi , & 24 ^ a deux heures après
midi. En 1735 , le ^"'Novembre , tems. où les
brifes ne fe faifoient pas encore fentir réguliè-
rement, le Thermomètre marqua 24 à Kj de-
grés : ce qui , à la rigueur , fait un degré &
demi de plus que dans la dernière obfervation.
Selon les obfervations , la latitude de cette ville
eft de 10 degrés, 25 | minutes , Nord. ^.
Nous ne faifons pas encore mention de la tem-
pérature de Lima , ville fit^^ée à 1 2 degrés , 2 {
minutes , latitude Sud , pa^re qu'elle fuit un or-
dre différent que celui des contrées dont nous
parlons , 6: que d'ailleurs nous voulons nous oc-
cuper de celles de la Havane , aux extrémités
de
'^v, C
!
S nous oc-
extrèmitcs
TROISIEME. G^
le la Zane Torridc , Se dans le voifinage cîe la
'one TcMTiperce. On trouvera donc dans ces pa-
hges des etfets tous contraires à l'ordie qu'on
iuroit prcfumc y rencontrer. La chaleur devroit
nturcllement être moindre à la Havane , que
lans les contrées mentionnées , puifqu'elle fe
Irouve plus éloignée de l'Equateur : mais Ci l'oii
hit attention que le Soleil y refte plus long-
niis au Zenith , ou près de ce point, on verra
kie la chaleur doit y être plus grande que dans
îs contrées qui font fous l'Equateur , ou près
le cette Ligne j en fuppofant même élévation
ms les tcrreins ,: or c'ell ce qui eft confirme pat
expérience.
Lorfque le foleil fe trouve au Nord de l'E-
bateur , la chaleur eft plus grande à la Havanei
l'à Panama , Portobelo , Carchagène , ik même
lie fous la Ligne, dans la Mer du Sud ^ elle y eft
lème égale à celle qu'on éprouve dans ces lieux,
Irfqueie foleil parcourt les fix lignes dû l'hé-
lifphère auflrale. La Ville' fe trouve à 2.3 de-
[es , 1 0 minutes , latitude JVofd , & dans la
lis belle iîtuation que puilTe avoir un terreiii.
['un côté elle A la baie , de l'autre la grande
;r. Le refte eft un pays plit j oii il fe trouve
la vérité quelques éminences, mais éloignées
ine de l'autre & peu confidérables : ce qui
împêche pas les vents de parcourir toute U
Tome J, £
' ' I'
y
A'
t il
i; f
es Discours
contrée. Les obfervations qu'on y a faites cou-
cernant la température ^ ont été faites en partit
dans la ville , & en partie à Guanabacoa , h,,-
meau qui en eft dillant de deux lieues. Ct,
endroit eft même moins chaud , & plus faii.
que la Ville , parce qu'il eft fitué à une moyenr.;
hauteur , où il eft expofé au fouffle des veii;
qui modèrent l'ardeur des rayons folaires.
Le 7 Février 17^5 , à 6 heures du matin,,
le Thermomètre étoità 18 f degrés dans la Villftl
A midi & demi, il étoit à 20 degrés. Verslîj
foir il y eut des coups de vent , & une plu:;
confidérable. Cela dura jufqu'au 19 , que k|
chaleur augmenta : de forte qu'à fix heures de]
matin, le Thermomètre étoit à 20 degrés, &j
à 22 ^ à midi j depuis trois jufqu'a quatre heii-l
res après midi le tems changea , devint pluview,
& le vent tomba. A 5 heures , le vent touriiij
au Nord , le tems fe rafraîchit j de forte quJ
le jour fuivant le Thermomètre étoit à • 1 7 dJ
grés à fix heures du matin , & refta à ce poiiï]
le refte du jour & les deux fuivans.
Les grandes chaleurs de l'été y commencée:
en Mai. Le Thermomètre y fut , dans ce mois;;
ci, à 12 ~ degrés j à cinq heures du matin;
à 25 Y à midi j à 22 ^ à onze heures de ij
nuit. Le 25 Juin j il monta à 2^ 7 , & del-
cendit à 25 -- i onze heures de la nuit. Oi.
ilei]
TROISIEME. i-J
)bferva la même chofe en Août & en Sep-
tembre. La chaleur parut modérce en Odlo-
)re , le Thermomètre étant inconftanr. Ccpen-
bnt il efl; des jours où la liqueur monte alors
Z5 degrés. Le point régulier y eft de 23 -^
24. £n Novembre , ce même point efl: de
I f à 23 T ) 'i deux heures après midi. La
nème chofe a lieu en Décembre ôc Janvier,
lui font les mois de l'hiver dans lefquels 011
lit qu'on y fent du froid ; ôc cependant la
[irférence des deux faifons n'eft: que de troif
legrés. 11 eil bon de dire ici que le Ther-
momètre étoit placé en tout tems dans une
Ihambre ouverte , où il étoit expofé à l'im-
neflion de l'air libre , mais non aux rayons
ièmes du foleil. Car lorfqu*on l'y a expofé ,
a monté jufqu'a ^n | degrés.
Les vents foufflent toujours du Nord dans
îs mois d'hiver j ta liqueur du Thermomètre?
condenfe : & c'efl: alors qu'on fent plus de
kîcheur. Dans les mois d'été , quoiqu'il pleuve
[refque continuellement , la chaleur fe foutient
)ujours , parce que la pluie eft en général fuivie
je calme , & qu'alors les vents tournent au Sud :
qui entretient la chaleur. La fmgularité qu'il
a à remarquer ici n'eft pas le degré auquel
lonte la liqueur , mais la conftance avec laquelle
lie s'y mainçienc , & le peu de variation quoi?
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'd8 Discours
y voit d'une faifoii à l'autre. En effet , la li-
queur monte au iiicme degré dans la Zone Tem-
pérée, même dans (qs contrées feptentrionales:
mais cela n'arrive que pendant un mois ou un
peu plus , ôc dans certains jours. Après cela elle
defcend peu-à-peu au point d'où elle étoit mon-
tée. En Décembre , lorfque le foleil eft au Tro-
pique du Capricorne , il fe trouve à 47 degrés
du Zénith de la Havane , à la même diftance
qu'il eft des parties méridionales de l'Efpagne.
Le 20 Octobre j tems où l'été finit , le Ther-
momètre marque 14 ^ degrés à fix heures du
matin , dans Cadix j 1 6 ^ à deux heures après
midi , & 15 à 1 ^ à onze heures du foir. Le
20 Février , tems où l'hiver finit , le Ther-
momètre marque 11 à 13 degrés à 6 heures
du matin j i^ a 15 à deux heures après midi;
& 15 à 14 vers onze heures du foir. Ainfi on
y trouve S à 9 degrés de chaleur de moins
qu'il n'y en a là lorfque le foleil eft éloigné au
même degré du Zénith , que nous avons mar-
qué. On voit donc clairement par ces obferva-
tions, que quoique la Havane foit éloignée de
l'Equateur à la diftance du Tropique , ce n'eft
pas une raifon fuffifante pour que la chaleur s'y
trouve moindre que dans les contrées qui font près
de la Ligne j en fuppofant néanmoins la même
uniformité , quant à la pofition des terreins. £a
ui
ry&,i.
4
T R O I s f E M E. ^9
effet , le fol eft bas , plat ôc près de la Mer dans
les endroits dont j'ai parle.
La caufe de ce phcnomcne, eft, comme je
l'ai dit, la diredion perpendiculaire des rayons
folaires , dlredion qui dure à la Havane plus long-
tems que dans les contrées qui font près de l'Equa-
teur. Car le mouvement du foleil ell rallcnti dans
fa dcclinaifon , lorfqu'il s'approche des Tropi-
ques j au lieu qu'il eft accéléré lorfouc cet
<iftre fe trouve dans le point milieu. Voilà pour»
quoi il refte plus long-tems au voifinnge du Zé-
nith de cette Ville , que dans les autres con-
trées ; & pourquoi il y éclvauffe plus la terre , la
pénètre avec plus d'a-ftivité que dans les con-
trées fur lefquelles il palfe avec célérité , ëc fans
paroître s'y arrêter. Le foleil eft au Zénith de
la Havane , à la différence d'nn degré , depuis
le 2 1 Juin, jufqu'au ii Juillet : ce qui fait
une efpace de 22 jours. Mais dans les deux
faifons oii il pafTe par le Zénith de Panama,
favoir en Avril & Août , il y eft 11 jours en
tout-, c'eft-à-dire 5 jours ôc demi a chaque paf-
fage : ce qui doit s'entendre du moment qu'il
s'approche du point immédiat, jufqu'à ce qu'il
y foit arrivé & qu'il l'ait pafte. Ceci fait donc
la moitié du tems : vient enfuite un intervalle de
fix mois , & c'eft alors que toute la chaleur
répandue fur &dans la terre , pendant les 5 7 pre-
E5
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1. 1^1
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7© Discours
niiers jours , va toujours en diminuant ; poi'
recommencer pendant les 5 { derniers jours. [
s'en fuit donc que la chaleur que le terrcin (i;
Panama reçoit des rayons folaircs eft moini]:i
que celle de la Havane , où elle dure 1 1 joiin
confccutifs. Mais pour mieux comprendre ccu
il faut fappofcr qu'un mtme degré de chalcu
répandu dans la terre qui le reçoit , pendant liiti
fércns jours , devient pendant chacun de ctil
jours , plus fort qu'il n ctoit les jours précédenJ
Or la chaleur frappant la terre , qui la reçoit
déjà imprégnée dos particules ignées qui lui oiJ
^té communiquées les jours préctdens , la trouvj
d'autant plus propre a la retenir , que la coni|
munication d'un degré de chaleur a été pltiil
fouvent répétée. y
Un autre exemple confirmera cette théorie, j
Suppofons qu'on éprouve la plus grande force di;
foleil dans un efpace de dix degrés , avant quel
le foleil foit arrivé au Zénith , de jufqu'à cd
qu'il en foit écarté à un même efpace. Or lifâà
foleil commence à entrer le 20 Avril dans les!
dix degrés prochains du Zénith de la Havane,
& n'en fort que le 21 du mois d'Août, ce qui* "^
fait un eipace de quatre mois confccutifs. A ion ^â
premier paflage par le Zénith de Panama , ilp
emploie un mois & 21 jours, favoir depuis le
xp Juillet jufqu'au 10 Septembre: au fecond>c'e(l-|
!1
T R (3 I S I E M 1. 71
, î'r'"*n venant de l'Hcmifphcrc Auftrale , ilcm-
»loie un purre mois &: 20 jours, favoir , ticpuis le
10 Mars jurqu au 1 o de Mai : ce qui fait trois mois
onze jours pour les deux pallages. Ainli il eft
^ingt jours déplus dans l'efpacc des dix degrés im-
ncdiats du Zcniili dans celui de la Havane , que
lans celui de Panama, puifqu'il y a dans ce dernier
cas une interruption de deux mois S< dix jours ,
)cndant lequel tems le foleil parcourt les Signes
feptentrionaux j tandis qu il fepalTeau contraire (ix
nois , à peu de dift'crcncc près , pendant lefquels
il parcourt ceux de rHémifphcre Auftrale. D'oîi
il réfulte que la chaleur de la Havane , iituce
)rcfque fous le Tropique , doit être plus grande
jue dans les contrées qui s'éloignent de ce Cer-
:1e en fe rapprochant de l'Equateur : donc aulîî
les effets de la Zone Torride doivent y être ,
y font réellement plus fenlibics que dans
[es autres parages.
Pour que la terre perde la chaleur dont elle
été impréj^née pendant quatre mois confécu-
tifs , il faut beaucoup plus de tems qu'il n'eu
faudrait Ci ces quatre mois avoient été interrom-
nis par un efpace de tems , pendant lequel le
foleil feroit refté plus éloigné du Zénith que de
lix degrés. Or voilA pourquoi , lors même que
:et aftre eft. hors de cet elpace , la chaleur fe
fouticnt , comme on le voit , en Septembre Ôc
E4
^1
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«;
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yt Discours
mcme penciaiit plufieurs jours d'Odobre. En
eftet , le Thermomène eft alors au même point
que quand le fdleil eft dans les dix degrés pro-
chains du Zcnidi. Auiîi y remarque-t-on les
effets que les rayons perpendiculaires du foleil
produircnt fur les eaux foucerraines : car elles y
font chaudes , tandis que, par-tout ailleurs, elles fe
troussent fraîches , comparées avec la température
de l'air pendant ces mois-là. C'eft ce qu'on voit
arriver dans les eaux de citernes , Ôc des fources
qui ferrent de la terre. Mais il nen eft pas de
mcme dans celles qui courent à la fuperiicie de
la terre. Elles fe trouvent à la tem.pérature de
l'air extérieur, La caufe n'eft autre que la cha-
leur du foleil , qui étant comme ftationnaire,
échauffe la terre ôc la pénètre d'autant plus qu'il
refte plus à ce point. Or, cette chaleur ne va en
diminuant que peu-à-peu , pendant autant de
tems qu'elle en avoit employé à pénétrer la
terre. Lorfque les eaux fortent du fein de la
terre , elles prennent la température de l'air ex'
térieur j & quoiqu elles paroilfent avec le degré
de chaleur qu'elles ont contradté en terre , elles
le perdent bientôt pour fe mettre au degré de
l'air.
Les vents contribuent auflî plus ou moins au de-
gré de la chaleur, félon le point d'où ils foufflenc.
S'ils viennent du Nord , la chaleur diminue fen-
ns au ae*
T R o I s I E M ï^ 75
fiblement : mais au contraire , elle augmente
confidcrablement fous les vents du Sud. Les .
vents du Nord régnent à la Havane , fans cepen-
dant être continuels, depuis Novembre jufqu'a
Mars , mais ftridement ji;fqu en Févner. On les
appelle hrifes fur les côtes de Carthagène , de
Portobelo , &c à Panama. Us' n'y foufïlent pas
précifément du Nord , mais duNord-Eft, entre
le Nord &: l'Eft. Ils commencent dans ces con-
trées-ci en Décembre , & durent jufqu'en Mai.
Cependant ils font un plus tardifs à Panama ,
comme je l'ai dit.
Le foleil occafîonne auflî une plus grande
chaleur à proportion qu'il a été plus de tems
fur l'horifon. Lorfqu'il eft au Zénith de Pa-
nama, il paroît II heures 12 minutes fur l'ho-
rifon \ ainfi la nuit proprement dite eft de 1 1
heures 48 minutes. Mais quand il eft au Zé-
nith de la Havane , il refte 15 heures x6 mi-
nutes fur l'horifon : ce qui fait 10 heures 34
minutes pour la nuit. Ainfi il y échauffe la terre
pendant i heure & 1 4 minutes de plus qu'à Pa-
nama. Or on s'apperçoit fenfiblement à la Ha-
vane que cette plus longue ftation du Soleil
empêche l'air & la terre de fe rafraîchir autanç
qu'à Panama,
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M'
ma
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u< i
'iil,
DISCOURS QUATRIEME.
Suite des ohfervations fur les rapports & les
différences de la température dans les divers
climats,
OI l'expérience ne fervoit ici de preuve , on
auroit peine à croire qu'il y a de fi grandes dif-
férences dans la température des climats de l'A-
mérique , & indépendamment du plus ou moins
d'éloignement de l'Equateur. La Louifiane eft
une des contrées qui en fournit une des preuves
les plus frappantes. En effet, les chaleurs qu*on
éprouve pendant les quatre mois d'été à la Nou-
velle Orléans , qui en eft la Capitale , favoir de-
puis Juin jufqu'en Septembre , y font plus gran-
des qu'a la Havane , & que dans les autres con-
trées qui fe rapprochent de l'Equateur. Or cette
capitale eft à 50 degrés & demi de latitude,
^ord. Pendant les mois d'hiver, les froids &:
les chaleurs fe fuccèdent fi fouvent , qu'après
trois ou quatre jours de forte gelée , l'oji y
éprouve , pendan; plufieuis autres , des chaleurs
;< i'-
Discours quatrième. 75
prefqu'aulîi fortes que dans les jours rcgulicrs
de l'été. Mais ce qu'il y a de plus remarqua-
ble , c'eft que le vent fous lequel il gèle en lu-
ver , eft celui fous lequel on éprouve les plu«
grandes chaleurs en été. Ces différences qu'on ne
remarque point dans d'autres contrées , font par-
ticulières à celle-ci. Il parcît contraire à l'ordre
de la Nature , qu'on éprouve alternativement ,
pendant les froids , les neiges , de la gelée , des
jours aulîî chauds que fi les rayons du foleil
tomboient perpendiculairement fur la contrée.
Les vents y changent continuellement, ou n'y ref-
tent tout au plus que deux jours au même point.
En hiver , il y pleut fous les vents du Sud-Efi:
Se du Sud y mais à la même heure qu'il cefle
de pleuvoir , ce vent tourne au Nord , Se le
froid fe fait fentir. S'il s'y maintient plus d'un
jour Se qu'il devienne plus fort j on efc sûr
d'avoir de la gelée. Mais s'il n'eft pas confiant.
Se qu'il palTe du Nord à l'Eft , quoique pour
peu de tems , le froid n'eft pas vif. Alors il
ne relie pas U long- tems ; il quitte l'Eft pour
palfer au Sud ou au Sud-Oueft. Auflîtot la pluie
recommence, il tombe de la neige, Se lèvent
fait encore le même tour qu'auparavant.
Les vents Nord Oueft Se Nord y caufent tai t
de froid , qu'il v îjèlc tortement : mais ces me-
qu
/ n
mes vents y produifent Qn été une chaleur mèniç
I
yC Discoure
£ fufFocante , que fi elle duroit deux ou trois
jours , nombre de gens ne pourroient la fuppor-
ter , & périroient infailliblement. La caiife du
froid que les vents produifent en hiver , eft
fa même qu'on a obfervce dans toute l'Hé-
mifphère feptentrionale. Mais celle de la cha-
leur vient de ce que ces vents paflcnt fur de
vaftes plahies , des forêts épaififes , de très-grands
marais qui exhalent des vapeurs ardentes avec
l'humidité qui s'y volatilife par l'effet de la
grande aâiivité des rayons folaires. L'air
échauffé à ce même degré , y devient fuffo-
cant au lieu de rafraîchir la poitrine ; & parcon-
féquent beaucoup plus infoutenable , que quand
la chaleur eft accompagnée d'un grand calme.
Il ne fera pas inutile de confirmer par des
obfervations mécéréologiques , ces différences
iingulières de la température. Les jours où la
chaleur fe fit le plus fentir en 1767 , à la Nou-
velle Orléans , furent les 1 2 , 1 5 '?<: 1 4 d'Aoûr.
Le I z , à cinq heures du matin , le Thermo-
mètre étant dans une falle munie de portes &
de fenêtres, mais toutes ouvertes , marqua 15 ^.
Expofé à l'air dans une galerie fpacieufe &
couverte , il marqua 21 ^. A trois heures après
midi, étant dans la fallc , il marqua 27 , Se
32 dehors. A minuit, il marqua 16^ en de-
dans, &c 16 dehors. Le tems fut très-clair le
IX ou trois
; la fiippor-
■ caiife du
liiver , efl:
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clair le
QUATRIEME. 7/
jour & la nuit : Le matin il n'y eut point de
vent. A trois heures , il fouflfla foiblement de
l'OueftSud Oueftj & futOueft Nord-Oueft pen-
dant la nuit.
Le 15 de ce mois, a cinq heures du matin ^
le Thermomètre marqua 24 en dedans & de*
hors : à deux heures ôc demie , après midi ,
il monta à 17 f , & dehors à 3 3 | : à trois
heures & demie , après midi , il marqua 28
en dedans , & 3 2 ^ dehors î a cinq heures ,
il marqua 28 | en dedans , & 32 ^ dehors:
à minuit , il étoit à 27 j dedans S>c dehors. Le
vent étoit Nord ôc foible.
Le 14, à cinq heures du matin , le Ther-
momètre étoit à 2 5 7 dans la falle , & à 2 5 dans
la galerie ouverte : l'Atmofphère fe trouvoit clai-
re , le vent Nord. Voiri iVtnr du Thermomètre
pendant les heures fuivantes du même jour.
A 9 heures dans la Salle 16 1. Dans la Galerie 3 o £.
à I heure après midi , 27 î 3 2 J.
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28.
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Le Baromètre étoit le même jour,
à 5 heures du matin, à 27 pouces 7 lignes y,'
à 3 i après midi, à 27 7
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y$ Discours
Depuis neuf heures du matin , le vent & la
grande chaleur ccfsèrenc. On fencic feulement
de tems à autre quelque foible vent du Nord-Eft.
L'Atmofphère fut trouble. Il y fit quelques éclairs
pendant la nuit : ce qui venoit de la grande
chaleur.
Le 1 5 , on fentlt dès le matin les effets que la
chaleur du jour précédent avoit produits dans i'At'
mofphère. I>es Thermomètres étoient donc à
16 c.egrés à cinq heures du matin , ainfi plus
hauts qu'à la même heure le jour précédent : ce
qui injuiuoit plus de chaleur. Mais le vent étoit
déjà ';)i.:rné à l'Eft-Sud-Eft par le Nord-Eft ,
c'eft pourquoi le Thermomètre fut :? 27 degrés
dans ia falle a 4 ^ de l'après midi , tems où
l'on fentit la plus grande chaleur ce jour-là. Il
croit à 29 dans la galerie : à minuit il fut à
24 en dedans, & à 24 ^ dehors. Le Baromè-
tre fut aux heures torrefpondantes à 27 p. 7 1. f j
à 27 p. 8 1. j, ôc à 27 p. 9 1. i. Il parut quel-
ques nuages élevés, Se comme déchirés , dans
l'Âtmofphère. Dès cinq heures du matin , le vent
s'étoit fait fcntir avec alfez de force du Sud-Eft.
Suivant les habitans du pnys , k chaleur fut,
pendant ces trois jours , plis grande qu'on ne
réprouve ordinairement dans cette fiifon. En
effet, elle fut moindre en 1766, ij6S: cette
dernière année , le Thermomètre ne monta c|u a
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îtf dans la falle , le i8 Août à 5 heures ~
après midi, & à 30 J dans la galerie. Le vent
ttoit foible, Nord-Ouell , & il y eut quelques
nuages rougeâtres dans rAtmofphère. Le Baro-
mètre fe trouva à 27 p. i 1. ;^.
En 1766 , ce fut depuis le 1 7 Juillet , jufqu'ail
25 , qu'on éprouva la plus grande chaleur. Le
jour le plus chaud fut le 11.. Le Thermo-
mètre monta dans la falle à 27 , & à 51 danJ
la galerie. Le tems étoit clair , le vent foible,
Nord-Oueft. Les autres jours le Thermomètre
Vriiia de 2(j a 2<î j , & dans la galerie de -29
à j I . On ne fentit aucun vent , ou s'il fouffloit ,
c'étoit du Nord-Oueft.
L'été eft ici fort long : car depuis le mois
de Mai , on éprouve de roftes chaleurs. Dans
le plus chaud du jour , le Thermomètre monte
a 23 ^ dans la falle, & à 27 dans la galerie,
non pas cependant tous les jours. En OiStobre
17(17 , il monta les 7 , 8 , 9 , à 24 & 25 dans
la falle, & dans la galerie de 28 à 29 : ce qui
eft le degré de la plus force chaleur eu Efpagne.
Ainfi l'été dure cinq mois complets , & très-
chaud y fans compter les mois qui le précèdent,
favoir depuis Mars jufqa'cn Mai , où l'on com-
mence à fentir de la clialeur , même très- forte
pendant certains jours. Je n'y comprends pas
I tems depuis Ocl:obre iuf-
&t
mJ
plus l'cfpace
m
1^ i <i
À 'if
to Discours
qu'en Novembre , période pendant lequel la cha-
leur diminue pour faire place à l'hiver.
, On y éprouve les effets de cette grande cha-
leur d'une manière peu ordinaire dans les au-
tres contrées. Si Ton fort dans la campagne après
le coucher du foleil , on eft tout furpris d'en-
trer fubitement dans un climat bien plus chaud
que celui qu'on quitte. Cela dure l'efpacc de
vingt ou trente pas , & l'on fort de cette Zone
chaude aufli fubitement qu'on y étoit entré ,
pour rentrer dans une Zone dont la tempéra-
ture eft la même que la première : comme Ci
en effet il y avoit , par intervalles , des Zones
plus chaudes les unes que les autres. Or , on
éprouve ces alternatives trois ou quatre fois dans
un quart de lieue. •
11 n'eft pas facile d'aflîgner la caufe de ces
phénomènes , quoiqu'on en puiiTe fuppofer plu-
Cieins. On feroit mal fondé à prétexter ici que
le feu qu'on met dans les champs après les moif-
fons , eft ce qui échauffe plus l'air dans ces par-
ties-là que dans les autres. D'un autre côté , le
terrein eft femblable, tant pour la qualité que
pour la forme j &: l'on ne peut prérendre que
la chaleur des rayons du foleil fe iixe plus dans
un efpace que dans l'autre. Il paroît donc vrai-
femblable que cela vient de ce que certaines co-
lonnes d'air , confidérées horifontalemeut , ref-
tent
^^■■^
QUATRIÈME. îi
tent trîinquilles après le coucher du folcil , tan-
dis que d'autres font en mouvement & changent
de local. De cette manière , il arrive que les
premières confervenc la chaleur qu'elles avoient
liorfque le foleil les fmppoit^ au lieu que les fé-
condes la perdent par le mouvemenc d'un ait
très-foible qui les agite. Ajoutons à ces reflexions
qae quand on éprouve ces changemens, on ne
Ifent point abfolument de vent.
Les coups de foUU font un autre effet remar-
juable de la chaleur. Ses rayons y agilTent avec
tant de force & de célérité , que ceux qui en
(ont frappés tombent morts fubitement \ mais eu
laitrant appercevoir des lignes non équivoques
le l'énergie des rayons folaires qui leur ont ôté
vie. Ces accidens arrivent plus ordmairement
ceux que des travaux retiennent certain tems
^ir un mcme local : il eft rare qu'il fe paiïe une
Innée fins qu'on en voi-e des exemples.
11 eft donc prouvé par les obfervations précé-
lentes , qu'on éprcnive à la Nouvelle Orléans ,
tuée au delà du ^oe degré de latitude, des cha-
kirs beaucoup plus fortes en été qu'à la Ha-
uie , & que dans les autres contrées qui avoi-
hent l'Equateur. Cependant le foleil n'appro-
ie jamais que de fix degrés & demi le Zénith
cette Capitale de la Louifiane. La raifon de
phénomène eft l'uniformité des plats pays ^
Tome J. F
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Si Discours
couverts d'ailleurs de forêts très-c^'pailfes & tr«-
hautes : or les vents y étant en général trcs-foi-
blés dans cette faifon , ne parviennent point aux
endroits habités. Outre cela , cette ville fc trou-
vant éloignée de la mer, les vents qui régnent
fur celle ci ne fe portent là qu'avec difficulté,
D'où il arrive communément que l'on n'y feiit
aucun courant d'air frais dans le fort de l'été.
Si le vent vient du Nord ou du Nord-Eft , il
fe porte dans les terres , traverfe les vaftes plai»
lies & les bois , en fe chargeant des qualités
des vapeurs qui s'en exhalent.
11 refulte donc de tout ceci que le fbleil eftJ
à une plus grande diftance du Zénith , beaucoup
plus adif dans cette contrée que dans celles qui
en font moins éloignées; ce qui, fans doute,
paroît être contre ''ordre de la Nature.
Quoique la chaleur y foit en été telle que je l'ail
dit, elle ne fe concentre cependant pas en terre
comme à la Havane : & fes effets n'y durent
pas de même dans les parties fouterraines. On
remarque au contraire que les eaux de Miilifipi,
qu'on trouve chaudes à la fuperficie , font fraî-
ches , lorfqu'on les prend au fond du fleuve<
Cela prouve que le foleil n'y pénètre pas jui
qu'au fond de l'eau , qui peut avoir , près de ui
ville , 20 à 25 braffes. La chaleur eft en ce cas
accidentelle, & augmentée par le défaut des vents,
QUATRIEME. 8j
Se par les principes des vapeurs qui s'exhalent
des arbres , des terreins humides , & qui fe
joignent à la chaleur naturelle des rayons folaires.
Dans un pays où la chaleur monte à un tel
degré , &: fe foutient fi long-rems , on auroic
peine A préfumer que les froids & les gelées
fiiflent , pendant l'hiver auflî , fenfibles qu'on l'é-
prouve. Or i 0 phénomène eft particulier à ce
pays.
La tempér .ture du mois de Novembre y eft
rcgulièrement de 17 à 18 degrés, à fix heures
du matin : de 1 9 à 20 à deux heures après midi j
I& de 17 à 18 à onze heures du foir. En cer-
tains jours, le Thermomètre bailTe de 7 à 8
degrés , 8c remonte le jour fuivant au même
Ipoint avec autant de célérité. En 176S , il com-
jmença à geler le 8 Janvier; mais la plus forte
relée eut lieu le ly ou le 18 du mois. Pen-
lant ces jours-ci , le Thermomètre defcendit à
lix heures du matin à 1 degrés ôc demi au-
leflbus de zéro , dans la falle , portes Ôc fenêtres
fermées. Dans la galerie , il defcendit à 7 i. A
leiix heures après midi, il monta à 5 | au-
lelTous de zéro : & à onze heures de la nuit,
AÇq trouva de 2 degrés plus bas que zéro :
fans la galerie , il defcendit de 5 à ^ degrés,
-es bords de Miflifipi furent gelés à la diftance
le 6 à 8 varas de chaque côté. Il cfl inutile
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S4 Discours
de dire que l'eau qui étoit dans les cuvettes ;
dans la pièce où étoic le Thermomètre , fe trouva
totalement gelée. Il gela auflî le 19 «Se le lo du
mois , mais modérément. Le 2 1 , on fencit
quelque chaleur. Le 12, â fix heures du matin ,
le Thermomètre marqua dans la falle 1 2 degrés
de chaleur, & 11 7 dans la galerie. A quatre
heures de l'après midi , il monta à i6 \ y Se
à 17 ^. A onze heures du foir , il étoit à 15 \\
<& à 1 4 7. Le 2 5 il monta à 1 7 - dans la falle |
& à 2 1 J dans la galerie. Ainlî Ton éprouva pen-
dant ce court intervalle de 3 à 4 jours , les tempé-
ratures oppofées,des pays froids & des pays chauds,!
par de fortes gelées & de grandes chaleurs. Ces
alternatives de froid ôc de chaleur y font fort com-
munes ^ mais non toutes aulli fenfibles que celleti
que j'ai rapportées. Le paflTage de la température
froide à la chaleur, y eft régulièrement de 8à|
1 o degrés. Les arbres y annonçoient déjà le prin-
lems dans l'hiver même : car les grands froids 1
avoient celTé en Décembre , & il y fit chaud.
On voyoit des feuilles Ôc des boutons ,' particu-
lièrement aux orangers. Mais cette poufTe hâtive
en Ht la perte : car il furvint des gelées dans!
le plus fori de la végétation , & tout fut brûlél
ou delTéché. Ces accidens n'y font pas rares,!
vu l'irrégularité de la température. Ilréfultedîl
U qu'on n'eft pas sûr que l'hiver ait totalemcnil
QUATRIEME. 8$
cefle , jufqu'à la fin de Mars & même au com-
mencement (f Avril y quoiqu'on y éprouve de
tems à autre les chaleurs de l'été.
En 1766, le 14 Mars à C\\ heures du ma-
tin , le Thermomètre étoit à 2 ^ degrés au-def-
fus de zéro. Le 8 , il avoir été à 16 j à la
même heure. «Le 16 , ( * ) il fut à 16 |. Le
17 , il ne fut qu'à i \ degrés au-delTus de
zéro. Le 12 , il monta à 1 3 | degrés à la mcme
heure : de forte que dans l'efpace de 14 jours
il y eut trois étés & deux hivers. Or ceci ne
vint que de la variation des vents , froids quand
ils furent au Nord , & chauds quand il fe trou-
vèrent au Sud. Ces variations , dont on ne peut
abfolument fe perfuader la réalité , fans l'expé-
rience , font d'autant plus extraordinaires , qu'il
n'y a pas de montagnes dans les montrées voi-
fmes , ni même à plufieurs centaines de lieues ;
ôz que conféquemment il n'y a pas plus de
neige que dans les vaftes plaines où il en tombe ,
mais où elles difparoi(rent entièrement fous le
fouflfle des vents du Sud. La raifon de ces froids
fiibits & de CCS alternatives de chaleur , ne peut
être que les glaces des grands lacs qui font au
Nord de Miflîfipi, en remontant depuis le 42-.
degré. Les vents qui paflTent fur ces glaces y con-
^1 m I <
(*) Mon exemplaire Efpagnol porte, encorreûion faite à la maii^
It 16 1 : ce i^ue n'a pai lu le Traducteur Allemand.
'Ui
( l!|
h.
i\f
8^ Discours
tra fient cette froidure qii ils répandent dans h
Louifiane : cette caufe y rend don<i les froids ac-
cidente/s , & on ne les éprouve que quand les
vents ne font pas Nord-£(l ou Eft ou Sud, dans
lefquels cas ils font chauds , parce qu'ils vien-
nent de la Mer.
Nous venons de voir que dan» le court ef-
pace qu'il y a de Panama & Portobelo , jufqu'à
la LouKiane , il fe trouve des températures tou-
tes différentes , Se qui ne coriefpondent pas à la
diftance où les pays font éloignés de l'Equateur :
en outre , qu'il eft lingulier que les chaleurs
foient , dans ce pays où les rayons du foleil ne
tombent jamais perpendiculairement , plus gran-
des que dans d'autres fituées dans la Zone Tor-
ride ^ enfin , que le froid s'y fait beaucoup plus
fencir que dans d'autres contrées de la Zone Tem-
pérée , où il doit être confîdérable.
Paffôns à préfent dans l'Hémifphère auftrale ,
pour comparer les températures de la Zone Tor-
ride avec celles dont nous avons parlé. Nous y
verrons avec étonnement les phénomènes les plus
fmguliers de la Nature. Car au lieu des froids
Se des chaleurs extrêmes de la Louiiîane , nous
trouverons ici que , contre l'ordre général des cli-
mats, les contrées qui devroient être chaudes fout
fort tempérées , & que celles où Ton devroit
éprouver une chaleur exceflive font extrêmement
froides.
il I
QUATRIEME. §7
La tempcracure de cette bande de bas cerreins ,
qui s'étend le long de l'Amérique méridionale, vWs
la Mer du Sud , a été détaillée avec toute l'exac-
titude nécelTaire , dans le recueil d'Obfervations,
publié par ordre du Gouvernement. Mais il ne
fera pas inutile d'en confirmer la vérité , &
d'en continuer la comparaifon avec les obfer-
vations qui ont été faites depuis. Les conféquen*
ces qui en réfulteront feront d'autant plus cer-
taines , que les unes & les autres ont été faites
avec le même Thermomètre.
On voit au Sud-Eft de Lima, & à 54 ^ lieues
de cette capitale , une longue vallée qui fe pro-
longe entre deux cotes , Se que Ton connoît fous
le nom de /as Capillas, Quoiqu'on n'en ait pas
fixé la latitude , on peut la déterminer par celle
de Lima , & la fixer ainfi à 1 3 degrés , a peu
de différence près. En 1758, le 23 Odobre,
le Thermomètre expofé à Tair marquoit 1 1
degrés, & iB à deux heures après midi. Il faut
obferver ici deux chofes. Premièrement , que le
foleil fe trouvoit prefque au Zénith de cette con-
trée , paffant au Tropique du Capricorne : fe-
condement , que cet endroit efl une vallée bor-
née par deux collines , où la chaleur efl ordi-
nairement plus forte que dans des pays décou-
verts. Néanmoins ces obfervations prouvent la
modération de la température de cette contrée.
F4
[\!
I 'm
8g Discours
En Ï754 , depuis le 8 Odobre jufqu'au 15 ;
le Thermomètre placé à l'ombre, au hameau
de BelU'Vue , près des ruines de Callao , & dans
une falle fpacieufe , marqua conftamment 1 5 à
157 degrés , à cinq heures du matin. La pKis
grande dift'érence fe trouva d'un degré , favoir
depuis onze heures jufqu'à deux heures après
midi. Cette légère différence ne vint que du
tems qui fut nuageux. On éprouva prefque tous
les jours les garuas d'hiver. Ces garuas font des
pluies fines , ou plutôt des brumes qui fe réu-
nilTent & fe précipitent. Le foleil ne fe mon-
troit que par des intervalles très courts , & ref
toit découvert une ou deux heures au plus. Alors
il fe déroboit dans les nuages qui couvroient
uniformément toute l'étendue de l'Atmofphère.
Ce fut pendant que le foleil fe mgntroit , qu'on
fentit un peu plus de chaleur , & qu'il y eut
cette petite différence d'un degré au Thermo-
mètre,
Depuis le 13 Odtohre jufqu'au 5 Novembre,
le Thermomètre monta d'un degré , & même
d'un degré & demi , dans le moment le plus
chaud de la journée : de forte qu'à cinq heures
du matin il fç trouvoit à. 16011 16 { 'y ^ à i^
ou 187 à deux heures après midi, L'Atmof-
phère étoit cependant chargée de nuages élevés
6c contigus , qui cachèrent le foleil pendant la
•v-
Q U A T R I I M i? 89
plus grande partie de la journée. Les nuages ne
fe diflîpoient que depuis 10 heures ou 10 ^
jufqu a 1 i après midi : & 1 on fentoit alors quel-
que chaleur.
Les mois d'Odlobre &c de Novembre y font
le printems : on commence à le fentir dès le
mois de Septembre. Cette différence de faifon
vient de lobfcurité de l'Atmofphère. 11 femble
qu'il y ait alors un voile devant le foleil , & qui
ne permette pas à fes rayons de pénétrer jufques
fur la terre. Cette obfcurité de TAcmofphère per-
fîlhnt toute la journée , Jorfque le voile ne fe
déchire point , '1 en rcfulte le degré de chaleur
mentionné , fans qu'aucune autre caufe le porte
plus haut pendant le jour & la nuit. VoilA pour-
quoi il y a feulement cette petite différence le
matin ; car l'air eft alors plus frais , relativement
à toutes les autres paities du Joui. La chaleur
fe trouvoit un peu plus grande à las Capillas ,
parce que c'efl: une vallée fermée, & que le
Thermomètre y croit plus expofé au foleil.
Le printems commence en Mars à la Nou-
velle Orléans , comme dans l'Hémifphère fep-
tentrionale. Avril & Mai font les mois qui cor-
refpondent à ceux que nous avons mentionnés au
fujet de Bellevue ôc de ias Capillas, En 1768 ,
depuis le 20 Avril , la chaleur fut de 17 de-
grés & au-delà , a la Nouvelle Orléans , vers fix
<:li
\.
%}
<^
$o Discours
heures du matin , & de 21 à crois heures après
midi. Le Thermomètre y étoic dans la^même
expodcion qu'a fiellevue. Or la Nouvelle-Orléans
fe trouve à 30 ^ degrés , & Bellevue à 12 de-
grés , latitude Sud : la chaleur écoit plus grande
de 5 degrés à la nouvelle Orléans , variant
de 4 degrés du matin à midi ^ avec cette dif-
férence , que le foleil fe trouvoic en Avril à 1 8 J
degrés du Zénith de la Nouvelle Orléans -y ôc
en Odobre » à i ^ degré feulement de celui de
Bellevue.
Il faut donc nécerfairement recourir à ces
obfervations , & à l'expérience , pour fe perfua-
der d'une difparité ii remarquable : elle patoîc
en effet très-contraire à Torde régulier de la Na-
ture , & aux régies qui s'y trouvent générale-
ment établies. On peut faire ici cette comparai-
fon : qu'un homme fe trouve près d'un grand
feu mais ayant devant lui un corps interpofé ,
fans doute qu'il en fera moins aSe^é que celui
qui en feroic plus éloigné fans être garanti de fes
effets par un femblable corps : il en eft de même
ici à l'égard des opérations de la Nature. Elle
interpofé dans le tems convenable un voile qui
empêche les rayons du foleil de pénétrer juf-
ques fur la terre , ou d'y faire une trop forte
imprcflion , en modérant ainfi la chaleur au pre-
mier inftant qu'il paffe par le Zénith de cette.
\m >
QUATRIEME. pt
contrée : faveur que la Nature a refufée aux au-
tres. C'eft ainfi que la fage prévoyance de la
Nature arrête l'effet régulier des rayons du fo-
leil , dont la projedlion plus ou moins direde ,
e(l la première caufe de la chaleur plus ou moins
grande. Or, ce phénomène a lieu dans toute
cette bande de terreins bas qui fe prolongent
depuis le 3^ degré de latitude , Sud , jufqu'au
Tropique de la même hcmifphère ; & même
dans toute leur largeur , i peu de différence près.
Après tous ces détails , paffons au Pérou , 6c
voyons la différence qu'il y a entre les hauts
6c bas pays de cette contrée. On y remarque ,
dans ces différentes portions des rerreins , des
phénom"ènes ailfli iîiVguliers que ceux dont nous
avons parlé. Ainfi Ton verra que les froids
exceffifs de la Nouvelle Orléans font analogues
à ceni qu'on éprouvé dans d'autres contrées à
une piàs haute latitude , & les hrêmôs que ceuit
du milieu de là' Zone Totride , ehtré l'Et'i'^-
teur & le Tropique du Capricorne*, tarrdis qu'au
contraire on éproiifve dans ces iiicmes contrées
des chaleurs, lî grandes , qnoneft comWe fuffo*
qué. Tous les pores fe dilatent ,tôittes les forces
%'abattânt j''& tefla dans de H courts intervalles ,
qu'on pou croit les travetfet en nft jour fans foz-
cet s^iicuAément la marche.- Oh y a dçnc pref-
f
V'
91 Discours
qu'en même tems , deux températures toutes
contraires. D'où il refaite que les refforts du
corps , paflfant rapidement par ks degrés inter-
médiaires , fe dilatent & le relferrent néceHai-
rement pour (e mettre à l'cquilibrc qui leur
convient. ; '
Les températures de ces deux contrées oppofées
y font audl dans les mêmes rapports. Le vuU
gaire n'y détermine pas les faifons , en con-
féquence de la position du foleil , mais par des
phénomènes accidentels. Voilà pourquoi on ap-
pelle Tété dans la partie haute , le temps pen-
dant lequel il ne pleut pas , fans s'inquiéter fi
c'efl: pendant qu'il gèle, ou qu'il fait plus froid.
On y appelle, hiver le temps pendant lequel
il pleut, quoique le foleil Aiive fon cours dans
ij ■'.> . )
cette hémifphère. .'c.'.r.w
L'été commence en Mai > dans' la partie haute,
& c*eft alors qu'on eft près de l'entrée de l'hi-r
ver dans la partie bafTe. Il dure jufqu'èn No-
vembre, dans la première ; & dans la féconde
c'eft alors que ceifent les garuas ou brumes, :&
que fe didîpe l'obfcurité qui cachpit le Xoleil^
& y faifoit l'hiver. Cette faifon commence en
Décembre . dans la partie haute \ & c'eft alors
que le foleil dégagé dç J'pbfçurité , communir
que fa chaleur -a la terre 44"$ T^iutre par(i^>
t'v A
QUATRIEME. 95
A'mCi quand la partie haute a l'hiver , la balle
a fou été , 6c réciproquement j fans qu'il y aie
entr'ellcs d'autres diftances intermédiaires quo
l'efpace de tems qu'il faut pour monter à cet
intervalle qui conduit aux PinacUs du Globe.
Il eft à remarquer que dans ces contrées ,
où la chaleur eft H foible qu'on peut même re-
garder la température comme étant à certains de-
grés de gelée , les récoltes y parviennent au de-
gré de maturité convenable , par l'effet même
de ces gelées qui fuppléent au peu de force
des rayons folaires , & complètent ainlî la re-t
produâion. Mais ce fujet fera traité ailleurs :
fuivons ce que nous avons à dire fur les tem-
pératures.
L'été y eft difliingué de l'hiver , en ce que
c'eft dans cette première faifon que les récol-
tes arrivent au dernier degré de maturité , quoi-
que ce foit alors qu'il y gèle, & que le froid
foit le plus conftant. D'ailleurs le» jours y font
clairs , le ' foleil découvert j & il n'eft pas or-
dinaire qu'il y pleuve , ni qu'il y grcle. Les
vents ne font pas violens , & ceux qui y ré-
gnent viennent modérément de la partie de
la cote , tenant un peu du Sud. C'eft tout le
contraire en hiver : les jours y font nuageux ,
fombres : les gelées celfent , & le froid fans y
être fi grand , devient plus pénible en ce qu'il
4
\'^':
Il I
'unti
H
<!.'l
94 Discours
porte dans le corps l'humidité des givres, Bc
qui font alors frcquens. Ces brouillards gelés
tombent quelquefois (;:vi alTcz gros flocons , ou
en particules trcs-iînes qui pénètrent dans les
orifices les plus petits. Quelquefois il gicie , il
pleut , il tonne y le vent foufHe de différent
coté , fans qu'on puilTe s'attendre avec certitude
à l'un ou à l'autre de ces phénomènes. Les vents
font fort variables, Se viennent ordinairement
de terre. Ceux qui viennent de la Mer celfent
totalement. Les pluies font abondantes : il n'eft
pas rare même de voir pleuvoir Ôc grêler en
tncme tems y de forte que les gouttes d'eau font
mêlées avec la grêle.
C'eft une règle générale que toutes les fois
que les gelées celfent deux jours en été , il pleut
immédiatement ; & aufll-tot que la pluie ceife ,
la gelée reprend. Lorfque l'hiver tend vers fa
fin, les pluies font aufli interrompues pendant
quelque temps , ôz auflitôt il gèle : de forte que
les pluies 6c la gelée fe fuccèdenc alternative-
ment y il eft même rare qu'il fe paffe un jour fans
gelée plus ou moins forte, ou fans pluie &
neige , ou fans grêle. On voit donc ici plus
manifeftement qu'en toute autre partie du Globe ,
l'agitation continuelle du tems , occaHonnée par
les fréquens changemens qui arrivent lorfque les
p}uies celfenc , & que U température paffe à
■•'«.*x*--
QUATRIEME. 95
rexcrcmicé oppcfée de la gelce. Les vents de
terre ceffent : ceux de la côte dominent , pcnè*
trent jufques là : ôc a* fi les vents y fuivens
l'ordre des faifons.
Cet état de la température varie très -peu
dans les différentes heures du jour ; fuit en hi-
ver , foit en été. Lt température ne varie que
d un qu^rt ou d'un tiers de degré depuis deux
heures après midi, jufqu'd (ix du matin, uu d onze
du foir. Rarement il fe trouve un demi degré
de difFcreiice. .jlfte fuite dob/ervations faites
pei dant fix al^ environ , depuis Novembre 1758-
jufqu'en Aoit iy6^ , a prouvé cette uniformité,
fans qu^^' eut plus de différence dans une année
que dans l'autre.
L'hiver commence en Décembre , comme je
l'ai dit. La chctleur y efl de 8 ~ degrés à 9 , dans
les chambres ou pièces habitable». Le Thermo-
mètre expofé à l'air , mais a l'ombre , marque
5 ù ^ degrés. Par pièces habitables on doit en-*
tendre celles qui font garnies de vitres ou de
toile qui en ôce la commnicaùon avec l'air ex-
térieur. Cette température dure jufqu'en Avril,
6 l'été commence avec les gelées , comme on
l'a vu. Le point le plus ordinaire où ie fixe
alors le Thermomètre , expofé à l'air , efl celui
de la congélation; il bailfe tout au plus de trois
degrés pendant la gelée. Mais dans Us appar-i
.fi.' r.
5)5 Discours
cemens il fe maintient jufqii a 8 ou ^ 7 , Tans
qu'il y ait du feu pour les échauffer. Ces de-
grés de froid ne l'ont pas confidérables à la vé-
rité : mais comme' ils font prefque continuels ,
& qu'il y a peu d'intervalle de Tété à l'hiver,
il en réfulte que les gelées perfévèrent dans les
contrées où le foleil ne projette pas fes rayons.
Autli n'eft-il pas furprenant que le 7 hermomètre
y foie 15 ou 20 jours au terme de la coiigéla-
tionj & à l'inftant que la liqueur monre, on ne
voir de la
u »■
r i.
fent la gelée interrompue qu«
pluie , comme je l'ai dit.
En comparant donc cette temp -.'• avec, celle
de la Louifiane, on voit la difi •' ippa *
qu'il y a entre l'une & l'autre. D'un .é il n'y a
de différence entre l'hiver & l'été que de t> de-
grés , qui commencent à trois au-deffous de la
congélation, & ^e fixent a fix au-deffus. De
l'autre, il y a 41 i degrés, depuis 7 { plus bas
que le terme de la congélation , jufqu'a 5 5 J.
Dans la Louifiane , l'hiver efl interrompu par à^s
jours de chaleur , & la différence y eft de 7 7 de-
grés de gelée d ii \ de chaleur. Dans la partie
haute du Pérou, l'hiver y eft interrompu par
des jours de froid & de gelée \ & quoique l'été
le foit aufîî par des jours de neige & de pluie,
la différence, prife à la rigueur , y eft à peine de
quatre ou cinq degrés , & ne confifle que dans la
nature
*
! ■ î'
Q TJ A T R I 8 M «; ^^
nature du froid dont l'un eft fec & l'autre hu-
mide.
Il eft à remarquer que l'été arrive , dans la
partie haute , les mêmes mois qu'en Europe^ car
il commence en Mai , & finit en Odobre ou
Novembre j contre ce qui devroit être fi cette
faifon fiiivoit l'ordre déterminé par la plus grande
proximité où le (oÏqH s'avance du Zénith, Mais
on ne fiiit pas cet ordre dans ces contrées j il
faut feulement que le foleil foit découvert , ôc
libre de tout nuage, & qu'il échauffe la terre
par l'adivité des rayons qu'il y ]Qrtc, Or, ceci
n'arrive que dans les mois mentionnés , & non
dans d'autres. Dire q^e le foleil échauffe ici la
terre » ce /*«40it une efpèce de contradi(^ion avec
ce que nous avons vu concernant les froids qu'on
éprouve alors dans ce climac ^ mais cette concra-
didion rt'eft qu'apparente. En effet, le foleil y
échauffe la terre en été , & c'eft lorfqu'il l'é-
chauffé que les gelées font les plus fortes. Cec
été & ces chaleurs n'arrivent pas lorfque le foleil
parcourt les fix Signes de l'Hémifphère Auftrale ,
comme je l'ai dit , mais ceux de l'Hémifphère
Septentrionale , & lo'rfqu^il eft le plus éloigné
du Zénith.
On y appelle ordinairement Soleil de Puna;
celui dont on fent rimpreftion pendant les mois
4'été : tous ceux qui connoifTenC ces pays favenç
Tome L G
5f^
98 Discours
que quand le foleil y donne en plein , il y eft
fi chaud qu'on ne peut en foucenir l'imprellion ,
& qu'il y caufe les plus forces douleurs de têce,
& autres fâcheux accidens. Il y a tant de forces,
qu'il paroît y faire iniîniment plus d'imprellion
que dans les pays qui font naturellement chauds.
£n générai , on dit que le foleil y brûle , ôc que
l'ombre y gèle. On a plufieurs fois éprouvé qu'en
fe tenant dans un efpace fermé des quatre côtés
à une heure après midi , ôc à deux pieds hors
de la ligne de l'ombre, il étoit impoiîîble de
fouteiAc la chaleur, tandis qu'à deux pieds avant
dans l'ombre on foncoit un froid infuportable.
La caufe de ce phénomène eft l'extrême fubtilité
de l'air , qui ne peut retenir les particules ignées
réfléchies dans la partie éclairée par le foleil; au
lieu que 1(1 partie où il ne donne pas e(l vérita-
blement une ombre relativement à la tempéra-
ture, tandis que l'autre femble être un vrai vol-
can. De-là vi.j' t que la terre perd, auflî-tôt que
le foleil fe cache j la chaleur qu'elle avoir con-
tradée de jour, & qui n'y eft que comme acci-
dentelle. A l'inftant il y gèle, parce que Tat-
tnofphère n'y tient pas enchaînées les molécules
ignées comme dans les parties où l'air a plus de
denfité. ■ ." ^ - ,
Il en eft tout autrement en hiver. Les jours
y foQC uuageux^ le foleil n'y paroîc que pe»
ii'M
QUATRIEME» pj
d'heures : les vents foufflent avec force , & font
variables y on a des pluies prefque journalières, &
en général accompagnées de tonnerre. A l'entrée
de cette faifon, qui tient ici lieu de l'automne, le
froid , mcme fans gelée , eft plus fenfîble , parce
qu'il pénètre davantage, ôc que le foleil n'é-
chauffe pas l'atmofphère. Mais , entre toutes les
chofes qui y diftinguent les deux faifons , c'eft
particulièrement la végétation , qui fuit fes pro-
grès , comme en Europe , depuis novembre juf-
qu'en avril j car c'eft alors que les femences &
les plantes fe renouvellent. Vient enfuite l'été
depuis mai jufqu'en odobre, intervalle pendant
lequel tout eft fec de aride. De là réfulte cette
/îngularitd, que les faifons font oppofées à l'ordre
régulier du cours du foleil , & déterminées par
les effets & les circonftances accidentelles , ôc
par l'ordre de la reproduction.
:!|1
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¥":■■
H' \i
DISCOURS CINQUIEME.
JDes difcrentes Températures de la partie hautt
de i* Amérique : effets qu elles produifem :
caujcs de ce quon ohferve de contraire à l'ordn
général des autres parties»
ijEs Teinp.crat«r^s ne font pas cgales dans cette
partie élevée du globe j ou les trouve toutes
Variées , félon la hauteur & la fituatiou des ter- j
r^ins. Proportionnément à cette hauteur , les
gelées y font plus confiantes en été, &z les neiges
ik les grcles plus communes en hiver. Mais pliisl
on defcend , plus la température devient chaude,
& moins les froids font réguliers. Ces vaftesl
profondeurs qu'on y appelle avec raifon Qut-
bradas ^ nom qui les caradtérife bien j ces pro-
fondeurs , dis- je , a'u fond defquelles coulent les
s€aux , font des lieux où 1 on voit tous les rapport:
de la Zone Torride. L*air y a plus de denlitc
qu'ailleurs, la chaleur du foleil s'y imprime avec
pi ILS de force que dans les parties où l'air e.li
plus léger j & l'abri des vaftes éminences qui!
1 ''
£j' *W«
>
Discours cinquième. ici
forment ces profondeurs, contribue à augmenter
l'énergie de la réverbération. Il .éfulte de ces
deux caufes que les chaleurs y font confidérables y
ce que la Terre fait aflez apperccvoir dans toutes
fes productions.
La Quebrada d'Ifcuchaca , dont nous avons
déjà parlé, n'eft pas des plus profondes j c'eft
pourquoi la chaleur n'y eft pas fi grande que
dans d'autres. Le thermomètre placé dans les
appartemens y cft pendant le mois d'été à 1 1
degrés j il 'monte jufqu'à 12 ^ au plus chaud du
jour, ce qui fait une différence de 1 { degré.
Dans l'hiver il monte jufqu'à 14 & i<j : ce qui
eft un point fixe tous les ans. Quoique cette tem-
pérature n© ^oic pas fort différente de -celle de
Gunncdvelica , elle produit des effets fort fen-
fibles fur les animaux & les végétaux ; de forte
que quand on arrive à la moitié de la côte, on
s'apperçoit des mouvemens de la dilatation alfez
fenfiblement. Toutes les parties de l'organifation
ne fe correfpondant pas avec une égale célérité,
on éprouve quelque fuffocation plus ou moins
confidérable , qui s'annonce par des bourdon-
nemens d'oreilles, une dureté de l'ouie, unç
formication aux extrémités du corps, & autres
affedions analogues : or ceci vient fans doute de
ce que le fang fe dilate avec promptitude, fans
que les vaiffeaux aient le tems de fe diftendrç
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loi Discours
aulîitôt dans les mêmes rapports. Les habits avec
lefijucls on vient de l'autre climat font bientôt
plus pefans , incommodes , & l'on croit , à cet
égard , ctr«i forti d'un hiver pour entrer fubite-
ment dans un printems. Ce changement a lieu
dans une efpace de huit lieues , dillance de l'une
de ces cohtrées à l'autre : & l'on peut faire ce
chemin en autant d'heures , même en moins de
tems : ainfî il ne faut que ce tems-là pour pafler
des gelées à la chaleur , ou de l'hiver & des
froids rigoureux à un été dont les chaleurs , réel-
lement modérées , nen font pas moins fenfibles
pour ceux qui fe trouvent habitués au froid clir
mat de l'autre contrée.
Les produdions de la Terre font k thermo-
mètre Se la règle de ces températures. Dans les
contrées fiuidcs , eômnic à Guancavelica , il ne
croît que des papa j ou ce qu'on appelle en
Europe pommes de terre , ou patates d'Irlande.
L'orge y vient, mais feulement en herbe, fans
produire de grains. Aucune efpèce d'arbre frui-
tier n'y réuflit : mais l'orge produit fon grain à
Ifcuchaca j le bled y vient auflî, fans même ex-
cepter le maïs , qui demande plus de chaleur que
le bled. On y voit des faules, àts cèdres & autres
efpèces d'atbres. Les bandes ou les flancs de ces
collines font garnies d'arbrifTèaux qui ne fe voient
point dans les cerreins élevés.
l
w
cinquième; 10}
La chaleur augmente a proportion que les
terreins s'abaifTenc, de forte qu elle y devient (t
confidérable , que la canne à fucre y croît très-
bien : or , cette plante demande beaucoup de
chaleur pour parvenir à fa maturité. Les arbres
des climats chauds y donnent toutes fortes de
fruits. Tels font les Platanos j les Pignas j les
Jouacates ou Paltas , les Guabas , autrement
appelles Pacaës ; & toutes fortes de racines Ôc
de légumes. Les faifons fe trouvent diftinguées
à certain point dans ces profondeurs, mais fans
qu'il y ait beaucoup de différence. Malgré cela , .
l'air eft le matin, avant le Jcver du foleil, plus
froid qu'il ne l'eft ordinairement dans le rapport
d'une température de printems r quelquefois
même on y voit geler en été , ce qui fuffit pouc
nuire aux plantes , quoique c«6 gelées ne foienc
pas fortes.
On y éprouve les quatre températures de
l'année dans le court efpace de quelques lieues.
Ici ce font les froids rigoureux de l'hiver ; là les
délices du printems , fans y fentir les incommo-
dités de l'automne j d'un autre côté ce font les
chaleurs accablantes de l'été; enfin l'on voit
toutes les prodadions de la Zone Torride. Mais
les faifons font ici dans un ordre renverfé; l*on
y a l'été , lorfque le foleil eft le plus éloigné di^
Zenith, comme je l'ai déjà dit : dès qu'il s'en
G4
> I
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"i.r
.v^'i
'*•»:
* , i "1.,
104 Discours
cft le plus approché, l'hiver fe fait fentir. Je
conclue de la que la Nature n'eft pas aniijettie
à des règles fans exceptions , & qu'elle s'eft rc-
fervé des moyens pour s'affranchir de ces règles ,
fans interrompre l'ordre néceffaire de tout le
fyftême.
Nous voyons donc qu*a une diftance de dix
lieues , efpace le plus grand qui fe tfouve entre
les hauts Se bas pays, les faifons font entière-
ment oppofées. Ce phénon^ène eft fingulier fans
doute , & l'on doit le regarder comme une des
chofes les plus extraordinaires de ces contrées.
La différence de hauteur , Se les profondeurs qui
s'y trouvent renfermées, & à l'abri des courans
d'air , peuvent bien être la caufe du plus ou moins
de froid , & d'une chaleur plus fenfible j mais
J'ordre renverfé des faifons eft un phéno-
mènes bien fingulier. L'hiver dure dans les
terreins bas depuis le mois de juin jufqu'en
Novembre , ce qui correfpond au tems où le
foleil parcourt les fignes de l'Hémifphère Sep-
tentrionale : mais que dans le même tems l'été
règne dans les pays hauts , fans qu'il y ait une
plus grande diftance intermédiaire que la pente
rapide des monts fur lefquels on peut fe rendre
en 7 ou 8 heures , c'efl un phénomène auiïi in-
compréhenfible , qu'il l'efl de faifir la raifon pour
laquelle la nature a diftingué ces deu2[ contrées j
t.M
c I N Q r I E M 1. 105
au point qu'on n'y voit rien de femblable. Les
nuages continuels & les bruines amènent l'hiver
dans la partie balTe -y les nuages , les pluies, les
neiges , la grcle le font auOî régner dans la
parue haute \ mais c'eft tout le contraire à 1 e-
gard de l'été. Ainfi , il refaite que quand l'été
c(l clair en bas, il eft obfcur en haut^ ôc de
cette manière , les faifons fe trouvent oppofées
les unes aux autres.
La foiblefTe des vents du Sud , & quelque-
fois leur ceflation totale pendant pluHeurs jours ,
donne lieu à la formation du nuage qui couvre
le foleil dans la partie bafle. Comme il ny a
point de vent qui en agite l'air , les vapeurs
humides qui s'élèvent de la terre s'y arrêtent.
Ce nuage n'eft jamais auflî élevé que la partie
haute de la terre, & fe tient à ame hauteur
moyenne déterminée. Les vents du Sud qui font
continuels dans ces mers (on les appelle ainlî
quoiqu'ils foient S. O. ) , perdent leur force dans
la région balTe de l'Atmofphère , & la confer-
vent dans celle qui eft plus élevée. Comme ils
parcourent un efpace fupérieur aux nuages , ils
fe trouvent au niveau de la partie haute , ôc la
traveçfent fans aucun obftacle : de cette manière,
ils empêchent non-feulement qu'il ne s'y forme
des nuages , mais même ils les diHipent , parce
qu'ils y font conftans, ôc les pouflTent vers la
à
r :t|
il
H "/**'«*«^<..'iH«,
t^r-
^.iiÉw»^^'v3
ïotf Discours
partie oppofce. Quand , au contraire , l'été règne
dans les bas pays , les vents fe portent avec force
immédiatement à leur fuperticie , diliipent les
nuages. Se les jours font clairs. Ces vents ne
s'élèvent plus alors autant qu'il le fliudroit pour
balayer la partie haute. Ceux de terre rcgnem
pour lors de différens côtés , ôc permettent ainfi
aux nuages de s'amalfer Se de s'épaiilir ; d'où
il réfulte des pluies. Mais comme l'air eft fore
délié dans cette contrée , Se qu'en conféquence
il s'y élève à cette hauteur une grande quantité
de particules nitreufes , il en réfulte le froid qui
y eft ordinaire en rout tems ; & de-là vient
que ce qui devroit tombei en eau , n'eft quel-
quefois que de la grêle ou de la neigo. Se fou-
vent de la grèle mèlce avec l'eau.
Les vents du Sud pioduifent dans cette con-
trée les effets qui réfultent des vents du Nord
dans l'Hémifphère feptentrionale. Ils nétoient
l'Atmofphère, Se font froids, parce qu*ils viennent
des parties méridionales » Sz que le foleil eft
alors à la plus grande diftance du Zénith. Toutes
ces caufes fe réunilTent donc pour produire du
froid : voilà auflî pourquoi on fent du froid 1
l'ombre , & de la chaleur quand on eft au
foleil : les gelées y durcififent la terre , en rcf-
ferrant fes pores: la réflexion des rayons folai-
res doit être alors plus forte que quand ils tom-
'■*>.,- J-:
CINQUIEME. IÔ7
bent fur une fupeificie fpongieufe. C'cft à cette
caiife qu'il faut rapporter la plus grande activité
du foleil de Puna : il e(l mc-me plus infupportable
que dans les terreins tempères ou chauds , fur lef-
quels les corps font dilates, & plus poreux que
dans l'autre cas. Le froid retTerrc pareillement
les pores des corps \ l'adivitc des rayons fo-
laires n'excite point de tranfpiration. , & l'efFec
de la chaleur eft beaucoup plus fenfible aux
parties externes qu'elle brûle ou rôtit , que dans
les Zones qui font réellement chaudes. Une autre
propriété du foleil âe Puna , eft que, dans le
tems même qu'il paroît brûler , & qu'il eft im-
poflTible d'en foutenir ladion fi l'on rcfte tran-
quille, il ne fait pas fuer, même lorfquon s*agite
le corps. La caufe naturelle de ceci eft le froid
qui fe maintient dans l'air , & qui reflerre les
pores au point de rendre la tranfpiration très-
difficile: ainfi, l'on fent en même tems la cha-
leur que caufe la réflexion des rayons folaires,
8c le froid qui eft naturel à la légèreté de cette
Atmofphère. Cette contrariété de température
dans le même tems , met les corps dans un état
violent ; & l'on éprouve les incommodités donc
j'ai parlé j incommodités auxquelles on fentiroit
du foulagement , fi l'on pouvoit tranfpirer Id
comme dans les pays chauds.
Il paroît donc qu'il ne faut pas chercher d'au-.
*/■
;
^•^-
'l '
loS Discours
très caufes que les vents du Sud , Ôc la manicre
dont ils régnent dans ces contrées , pour rc*ndre
raifon des faifons renvcrfées de ces pays-là, &
des froids hivers qui Te font fentir au milieu de
la Zone Torride, entre l'équateur ôc le tropique
du Capricorne j hivers qui ne dcvroient point
s'y rencontrer , Ci l'on ne conlldcroit que la
proximité du foleil : mais fon influence eft mo-
dcrce par d'autres caufes, ôc la chaleur eft trcs-
foible, dans les lieux où elle devroit être con-
tinuelle » relativement à celle qu'on éprouve
dans d'autres contrées. Les différentes hauteurs,
& les abris de tos quebradas ou vaftes ouver-
tures, y font caufe de la difparité des tempé-
ratures , quoique les faifons n'y paroiffent pas
dans un ordre renverfc , comme on le voit dans
la partie balfe.
La température de la Louifiane eft beaucoup
plus chaude en été que celle des bas terreins du
Pérou, Se des profondeurs de la partie haute. Malgré
cela ce n'eft qu'avec difficulté que la canne à
fucre y croit , tandis qu'elle réufîit dans ces au-
tres contrées : cela vient de ce qu'elle n'a pas
dans la Louifiane le tems nécelTaire pour arri-
ver à une maturité parfaite pendant l'été, qui
y eft interrompu par les gelées & les froids
alternatifs de l'hiver : elle ne foufFre pas ces al-
temations dans ces autres coiittées, car il n'y
C 1 N Q ^T I E M f. ÎOff
a pas tant de diffcrcnce entre l'ctc & l'hiver.
Comme il n'y faut que rrois ans pour la faire
arriver au terme de maturitc , la température
(d'hiver qui peut furvenir n'y eft point préjudi-
ciable. 11 non ed pas de même dans la Loui-
/îane , car il y furvient entre deux étés des
gelées qui sèchent cette plante , arrêtent les pro-
grès de fa végétation; or, elle ne peut prendre
d'accroilTement Se mûrir qu'en été.
La nature fuit toujours certain ordre régulier
dans fes opérations , en employant des moyens
tout contraires , & femble rapprocher, les uns des
autres , des climats forr éloignés; On éprouve
alternativement à la Louiâane des jours fi, chauds
en hiver , qu'on pourroit les regarder comme
l'été d'autres contrées ; mais on n'y voit pas en
été ces jours alternatifs de gelée j le tems ,
comme je l'ai dit , y eft dans une continuelle
viciflîtudc de froid & de chaleur. Il arrive la même
chofe dans l'été de la partie haute du Pérou : les
jours dégelée, qui y font ceux d'été, font interrom-
pus par des jours d'hiver , félon le ftyle de ce pays;
car dès qu'il ceffe d'y geler on y voit de la
pluie , des neiges , de la grêle , ce qui eft là le
caradlère de l'hiver ; & la température y eft dans
une alternative pareille à celle de ces autres
contrées. Ce qu'il y a ici de particulier, n'eft
pas qu'une température cefTe pour être fuivie
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d'une autre plus modérée en elle-même , maij
c'eft que ces températures paiFcnt fubitement
d'une extrémité à l'autre oppofée.
L'été de la partie haute du Pérou achève la
maturité des fruits j mais s'il vient trop tôt il
les perd totalement. Si après avoir été préparés à
leur maturité par les pluies & un froid modéré,
ils font .atteints de la gelée, la première les
fait rider, & à la troifième ils font deflechés;
car la gelée & le foleil de Puna produifent ici
l'effet qui devoit réfulter de la feule chaleur du
foleil : ainfi , dès que la gelée furvient avant
qu'ils aient atteint leur maturité convenable, ils
fe delTèchent & reftent fans fuc & fans fubf-
rance. Les effets de la gelée font ici plus prompts
que ceux des rayons du foleil j car en un ou
deux jours la gelée opère fur les fruits ce que
le foleil ne feroit pas , par degrés , en plufieurs.
Ce ne font pas les gelées qui font mûrir les
récoltes dans les Quebradas ; en effet , quoiqu'on
envoie quelques-unes , comme je l'ai dit , elles ne
font pas fortes ni durables. Lorfque les gelées fe
font fentir dans les hauts pays & que les jours font
clairs , le foleil étant découvert & dégagé de
tout nuage fait parfaitement mûrir les fruits,
& ce n'eft que par fa chaleur que fe produit
cet effet. On voit donc là que, dans une partie,
Ja maturité des fruits s'opère par les froids feuls ,
CINQUIEME. ni
tandis que dans l'autre c'eft par la chaleur; phé-
nomène fingulier qui fe fait appercevoir dans les
deux contrées en même tems.
Les effets des gelées Se de la fubtilité de l'air
font fi fenfibles , que les corps ëc les métaux
même en font également aifedés. Cet air fec
& fubtil occafionne une telle fécherelTe, que Té-
! piderme , 8: fur-tout la pellicule qui recouvre les
lèvres , fe gerce ôc fe fend ; on y fent de la
douleur , Ôc bientôt le fang y paroît ; les mains
devieunent rudes & fquammeufes : cette afpé-
rité eft fur -tout remarquable aux articulations
des doigts & à leur partie fupérieure : les écailles
; y font plus épaiffes qu'ailleurs , & elles prennent
une couleur noirâtre , qui ne fe dilîipe aucune-
I ment par les lotions. On y appelle ces afFedions
\chugno j terme par lequel les naturels dcfignenc
une chofe ridée & durcie par le froid. L'acti-
vité du froid s'y remarque aufïî , comme je viens
de le dire , fur les métaux , . en ce qu'il fait
fendre les cloches, quoiqu'on les y falTe plus
cpaiffe que d'ordinaire ; mais cette précaution
j devient inutile. Ce phénomène qui ne fe voit
jpas auflî communément dans d'autres endroits
où il fait plus froid, prouve que la fubtilité de
lair , ou fa plus grande rarité concourt à cet effet
avec la gelée. ' ■ •
Le froid de ce climat pendant l'été y garantie
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les corps de la piitrcfadion , au point que les
poilTons qu'on pèche en mer à 50 ou 60 lieues
au-delà , y font apportes & mangés aufli frais
que (î on ctoit fur le bord même de la mer. |
Non-feulement on les mange frais & fains quî»nd ^
ils arrivent, on peut même les garder le tems
' qu'on veut , & on les trouve dans le même état
où ils ctoient à la mer.
Mais il faut quelque précaution. On ne les |
prend en mer que vers le foir : on les vuide aufîitôt f
qu'ils font fur le rivage ^ alors on les arrange
dans des paniers d'ofier , & on les tranfporte la
même nuit par les bas pays, afin d'arriver au
foieil levant aux premières éminences de la Puna.
Dès qu'ils y font , il n'y a plus de rifque qu'ils 1
s'altèrent, car la gelée les faifit dans cette autre
température, & on les garde le tems qu'on juge
à propos. Ce poiflon eft alors endurci. Se quand
on veut s'en fervir on le met une demi - heure
dans l'eau, ce qui fuffit pour le faire dégeler, &
revenir à l'état où il étoit en fortant de la menl
Cette précaution eft fi néceflâire , que fi on Vôii»
loit le cuire fans l'avoir fait dégeler, on né pour-
Boit en enlever les écailles, & il refteroit tou-
jours dur comme pierre : en le mettant dans
l'eau, froide i la température du lieu, les parties
relferrées par la gelée fe réfolvent , Se la chair en |
devient molle & fléxiblé ; mais l'eau tiède on
chaïuie
CINQUIEME. II J
chaude ne le fait pas dégeler ainfi. Il en eft de
niême à l'égard des viandes ôc des fruits j les
premières fe gardent auflilong-tems qu'on veut,
fans rien perdre de leurs qualités. Quant aux fé-
conds , on les apporte des balFes contrées , qu'on
appelle chaudes j & la gelée les conferve égale-
inent. Les hautes contrées où il ne vient pas de
fruits , s'en procurent les meilleurs par ce moyen j
mais ces contrées font privées de cet avantage
en hiver, a caufe des pluies abondantes qui y
tombent fi fréquemment.
Quoiqu'il fe paflTe peu de jours fans pluie pen-
dant l'hiver de ces hauts pays, l'air y eft fec
en tout tems : les murs des maifons font cou-
verts d'eau, qui s'introduit par la porofité des
matériaux, & le fol eft très-hiîmide pendant les
pluies, fans qu'il en réfulte rien de mal pour la fan-
té: les métaux n'en éprouvent non plus aucune al-
tération. 11 en eft tout autrement dans les baflfes
co,ntrées : les pluies y font très fines , & forn^enc
à peine quelques gouttes fenfibles : cependant l'air
y eft très-humide j le fer , l'acier y font promp-
tement attaqués par la rouille , &: tout y eft pro-
portionnément imprégné de cette hiunidité. Les
pays chauds font pluvieux en général y & Ton y
éprouve tous les effets de cette température. Cette
différence qu'il y a entre cette contrée ôc le haut
pays , ne vient que de la différente denfité ds
Tome /. H
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114 Discours
rAtinofphcL'e, qui a toujours plus de dîfponcloiii
réunir les particules aqueufes, à proportion qu'elle
eft plus cpaifle *, & qui les laifTe échapper lorf
qu'elle fe trouve plus légère Se plus rare : or
ceci vient de ce que rAtmofplière n'ayant pas
alFez de corps pour retenir les particules flottan-
tes , elles fe piccipitent converties en pluie , &
laillent ainlî l'air en liberté. Outre cela , comme
la chaleur du foleil fe fait fentir dans ces contrées
tout autrement que dans les bas pays , de mcme
on y éprouve le froid d'une manière toute diffc*
rente que dans les climats naturellement froids,
à caufe de l'obliquité des rayons folaires. Dès
qu'on a quitté les contrées balles pour fe rendre
aux pays élevés , on éprouve une fenfation plus
pénible que le froid même * ucun abri ne peut
en garantir ni en modérer limpreffionj le feu
n*y procure non plus aucun adouciffement j le litle
mieux préparé & le plus mollet devient égale-
ment inutile. Cette pénible fenfation qui dure
plufieurs jours , jufqu'à ce que le corps commence
X s'acclimater, cfl: beaucoup plus pénible pendant
la nuit que dans le jour. Le fentiment de froid
qu'on éprouve malgré tous les moyens poflîbles
de fe réchauft'er , pénètre tout l'intérieur du corps,
de même que le froid qui fe fait fentir à l'accès
d'une fièvre tierce.
I..a raifon de ce fentiment pénible ne peut être
CINQUIEMI. 115
que le pa(Tàge fubit d'une température modérée
à un climat froid. Les pores n'ayant pas eu
le tems de fe reflerrer dans une proportion con-
venable, les particules de cet air froid s'y in-
troduifent librement , & affedtent les fibres dé-
licates des nerfs , en y caufanc une fenfation in-
folite , de laquelle réfulte l'écat pénible du corps :
voilà pourquoi aucune précaution , aucune cha-
leur , ni même le mouvement , ne peuvent en
garantir. Cette incommodité dure 20 ou 50 jours ,
jufqu'à ce qu'elle diminue peu à peu , ôc que le
corps foit fait au climat. Dès qu'on eft accou-
tumé au climat, le froid n'y eft plus fi fenfible^
que dans les contrées dans lefquelles il y a beau-
coup de différence entre l'été & l'hiver ; on y
a peu pcnfé a garantir les maifons du froid. Quant
aux habits , on y porte régulièrement ceux d'hi-
ver, mais fans être doublés, comme fembleroic
l'exiger la dureté de la faifon : on n'y fait point
de feu pour fe chauffer , & l'on vit à cet égard
comme fi l'on étoit au printems , quoiqu'on ait
des preuves évidentes du contraire dans les afpé-
rités des mains , les gerçures des lèvres , ôc dans
la fécherefle de la peau. On voit donc là corn*-
bien la nature s'accommode facilement aux dif-
férentes températures lorfqu'elles font continues.
D'après les détails que nous Venons de voir,
on comprend aifémenc <jue les températures
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doivent varier dans ces contrées A proportion
de la plus grande élévation où fe trouvent les
terreins , ou de leur profondeur ; ôc que dans
cette partie du monde les terreins élevés diffè-
rent totalement du refte. En effet , les règles gé-
nérales diffèrent tellement ici , que les fai-
fons , les températures & les effets fe trouvent
dans un ordre tout contraire : ici l'on a l'hiver
quand ce devroit ctre le printems. Les vents ré-
gnans font contraires à ceux des bas pays j il pleut
beaucoup , & l'air eft fec j il gèle , & c'eft afors
que mûriffent les récoltes : au moins elles y ar-
rivent au dernier degré de leur perfedion , quoi-
qu'il y ait peu de plantes qui y réuflMTent : enfin ,
le froid & la chaleur s'y font fentir d'une toute
autre manière que dans les autres contrées :
celle -c' brûle, tandis que Tautre pénètre tout
l'intérieur du corps.
Ceux qui ne font pas habitués à fréquenter
ces endroits -là , font encore expofés à une
autre incommodité , outre le froid dont nous
venons de parler ; c'eft le JMaréo de la Punax
& il eft rare qu'ils n'en foient pas attaqués.
C'eft une m.aladie toute femblable à celle qu'on
éprouve en fe mettant en Mer :ellè en pré-
fente aufli tous les fymptômes , & fuit le mètne
ordre. La tête tourne j on fent rie f. es- grandes
chaleurs j & il furvient des naufées pénibles , fui-
m
5*
CINQUIEME. H?
vies de vomifTemens bilieux. Les forces tombent,
le corps s abbat : la fièvre s'y joint ; & le feu!
foulagement qu'on y trouve , c'efi: de vomir. Cer-
tains fu;ets y font même C\ abattus , qu'ils ^on-
neroient de l'inquiétude , fi l'on n'étoit certain
que ce n'eft autre chofe que ce maréo. Cela dure
ordinairement un jour ou deux , après quoi la
faute fe rétablit. Cette incommodité eft plus ou
moins confidérable félon la difpofition naturelle
des perfonnes ; mais peu y échappent. Lorfqu'on
l'a une fois éprouvée , il eft extraordinaire qu'on
en foit repris en palTant par Puna ^ ou en y
venant des pays bas , ou de toute contrée dont
la température eft chaude.
On ne peut fans doute attribuer cet accident
au froid \ car s'il en étoit la feule caufe , cette
maladie feroit commune dans tous les pays froids.
Il faut donc que cela vienne de la qualité de l'air,
foit en conféquence de fa légèreté , foit de toute
autre qualité que nous n'y connoiftbns pas. On n'é-
prouve point ce mal dans les hautes contrées de
Quito, contrées auflî élevées que celles du Pérou j
car il eft différent de l'afFedion que nous appelions
paramarfe ; au moins nel'a-ton pas éprouvé quand
on a fait les obfervations , c'eft pourquoi l'on
n'en a pas parlé j au lieu qu'il eft très-ordinaire
dans les pays qui conduifent à ces autres con-
trées. U faut encore obfcrver que ceux qui font
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I
ii8 Discours
dirpofés à vomir en mer, le font audi ^uxPunas,
tandis que ceux fur qui la mer ne fait pas d'im^
prefldon , n'éprouvent pas non plus cette incom- * .
modité fur ces cîmes. On fent quelque chofe
d'analogue fur les hautes montagnes de TEu- ,
rope , & fur d'autres chaînes de montagnes;
ceci eft partiailier aux perfonnes délicates ^ mais
ces effets n'y font pas fi fenfibles & fi graves,
tii thème fi généraux que dans ces contrées de
l'Amérique. Ce qu'on éprouve en Europe ne
vient que de la rarité de l'air , ôc du froid qu'il
fait fur ces hauteurs : deux circonftances qui
doivent produire quelque altération.
On obferve encore dans ces climats un au-^
tre accident auquel les animaux font fujets. De
qu'ils paflfènt des plaines à ces éminences
ou
Punas , comme des pays où il y a des habita-
tions aux cîmes qui les environnent , la refpiration
leur devient fi difficile , que malgré les différentes
paufeâ qu'ils font pour reprendre haleine, ili
tombent, Ôc meurent là. Les habitans de ces con-
trées difent que c'eft parce que ces animam
paffent alors fur des mines ^ car ils prétendes
que les montagnes font pleines de minerais,
d'où il s'exhale , par les pores de la terre , èi
molécules d'antimoine , de foufre „ d'arfenic , &
autres , auxquelles ils attribuent ces accidens.
Mais on peut objeder que fi cette opinioi
i
CINQUIEME. 119
itoit fondée , ceux qui montent ces animaux
éprouveroient la même chofe , & que ces ani-
maux l'éprouveroient aufli lorfqu'ils font arrêtes ,
ce qui n'arrive pas. Il faut donc croire que cela
n'eft dû qu'à l'extrême rarité de l'air , imprégné
d'ailleurs de quelque corps étranger qui s'y trouve
dllféminé, & fans que cette matière étrangère
forte des pores de la terre. On peut encore dire
qu'il n'eft pas probable qu'il y ait des miné-
raux renfermés dans le fein de toutes ces cîmes
où ces accidens arrivent , puifqu'on ne voit au-
cun fignç externe qui les décèle : fi cela étoit ,
il n'y auroit ni mont ni coteau dans ces chaînes
qui ont plufieurs centaines de lieues, où Ton ne
trouvât quelque minéral.
Mais une autre raifon s'oppofe encore a ce
fentiment. Si les minéraux écoient la caufe direde
de ces morts fubites , on devroit éprouver la
même chofe fur les montagnes de l'Europe , qui ,
en nombre de contrées , font pleines de veines
métalliques de toute efpèce > quel que foit le mé-
tal , argent , mercure , ou tout autre y mais cette
opinion confidérée d'un autre côté , devient en-
core moins probable. Ces gens font très-peu inf-
truits fur cette matière, & ne favent ce que c'efl:
que denfité ou légèreté de l'air , ni quels effets il
peut en réfulter : or , ces connoiffances leur man-
quant , ils ne font pas en état de déterminer la
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110 Discours
caufe qu'ils alléguenc : ils l'imaginent fuivant
leur intelligence. Se fc pcrfiiadent que ce font les
minéraux, parce qu'ils cioyenc qu'on ne peut ou-
vrir la terre fans en rencontixr. Quoique ces gens
foient fouvent occupes aux travaux des mines,
ils ont il peu de connoillanre de la phyfique fou-
terraine , qu'en i^énéral ii-i en ignorent jufqu'aux
premiers princij. ss : voilà pourquoi l'air des hau*
tes contrées efl: pour eux le même que celui des
bafles, fans qu'ils penfent plus loin. Us ignortm
ce que c'eft c\\xélafùcké , denjicé , pefanceur.
Les hommes qui arrivent nouvellement dans
ces climats, éprouvent aufii quelque chofe d'a-
nalogue à ce que j'ai dit des animaux; ils fen-
tent en marchant une fatigue, comme fuffocante
& très-pénible, qui les oblige de fe repofer long-
tems ; cela leur arrive même dans le plat pays: or,
il ne peut y avoir d'autre car.fe de ce phénomène
que la fubtilité de l'air ; mais à mefure que les pou-
mons fe font à cette Atmofphère , la gène devient
moindre. Cependant on y éprouve toujours quel-
que difficulté de refpirer lorfqu'on veut monter
quelque côte; ce qui eft inévitable , mais ce qu'on
ne fent point dans les autres contrées où l'At-
mofphère a une denfité régulière.
Cette légèreté de l'air devient favorable aux
afthmatiques devenus tels dans un air plus épais.
Cet afthme y eft connu fous le nom de aho-
l'n
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CINQUIEME. m
pos ou fuffocation \ il y eft même a(Tez com-
mun : c'eft pourquoi ceux qui en font atta-
qués dans les baffes contrées , fe rendent dans
les hautes j quoiqu'ils n'y gucrilfent pas entière-
ment, ils y vivent cependant fans peine : ceux
au contraire qui font devenus tels dans les hauts
pays , fe trouvent bien dans les bas ; ainfi , le
changement d'air devient un foulagement alfiirc
dans cette efpècc d'incommodité. La médecine
pourroit tirer parti de ces expériences , en envoyant
les malades d'une contrée dans une autre , quoi-
qu'il n'y eût pas ailleurs une auflî grande diffé-
rence dans l'élévation des ter reins.
On remarque auflî à certain point cette dif-
ficulté de refpirer dans les hautes contrées de la
province de Quito, mais elle y eft: moins péni-
ble : cela vient fans doute de ce que l'une de
ces contrées eft fous l'équateur, ou très -près,
tandis que l'autre en eft éloignée. On en a conclu
que les Punas ou cîmes du Pérou font moins
froides & l'air moins âpre que dans les autres
contrées. Mais il eft bon d'obfervcr que ce qui a
été dit de Guancavelica eft général pour tous les
terreins qui fe prolongent vers le Sud.
Pour mieux faire comprendre cqs détails , j'ob-
ferverai ici que ce qu'on appelle Punas an Pérou,
fe nomme Paramo au Royaume de Quito j &
que tout ce pays froid & défcrt où il n'y a au-
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111 Discours cinquième.
cune habitation , a le même nom , quoiqu'il s'y
trouve des Punas y ou cimes , plus hautes les unes
que les autres , félon l'élévation des ter reins :
de-U vient qu'on appelle le foleil brûlant , fokii
dt Punas ; & que les vents froids , après & in-
éommodes ont aulTi la même dénomination.
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DISCOURS SIXIEME.
Des Produclions végétales des différens Terroirs,
Aj E s produdions de la terre doivent ctre fans
^oute difFcrentes dans des climats anilî varies ,
& où \qs températures prcfentent tant de difpa-
rité. La chaleur & le principe aqueux font les
deux premières caufes de la végétation j & celle-ci
cft toujours plus ou moins adive & prompte,
à proportion que ces deux caufes co-opcrent par
leur concours mutuel, avec un plus grand degré
de force , dans les elpcces qui le demandent. Il
en eft de même , quant à la végétation, à l'é-
gard ^QS efpèces qui demandent moins de cha-
leur , & même certain degré de froid. Ces ef-
pèces végètent avec force dans les contrées où
elles éprouvent ce froid \ mais on ne les rencontre
pas dans les pays plus chauds , ni dans ceux qili
font très-humides. Ainfi , le froid, plus ou moins
fort, eft auiîi favorable aux unes, que la chaleur,
même confidérable , l'cft aux autres : il en eft
aufli de même des rapports de la fécheielTe &c
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114 Discours
de l'humidité. Néanmoins il eft plus ordinaire
de voir les campagnes couvertes déroutes fortes de
plantes dans les pays chauds & humides , que dans
les pays froids. Outre que les plantes des pays
chauds font plus nombreufes, elles font narurelie-
ment vigoureufes, très-garnies de feuillages, tandis
que celles des pays froids font comme arides & fans
fuc. On voit dans les unes la Nature fe renouveller
prefque à chaque inftant j au lieu que dans les pays
froids la terre paroît pour ainii dire nue , cx ne
donner que quelques foibles marques qu'elle n'eft
pas entièrement ftérile. Ce rapport diffcrenciel
dQS températures & des climats , efl .nf-tcflaire
pour la variété qui fait la beauté <le Ir- ?lature.
Par ce moyen les efpèces fe multipliei!: à rir.iini,
& la grande étude qu'il faut pour connoîcre ces
efpèces infinies n'en a que plus d'actiaits , intme
dans l'examen des efpèces les plus communes.
La Nature toujours libérale dans la ûiftribu-
tion de fes dons , a fu les accorder dans les jufies
jproportions des climats , des terreins , ôc des qua-
lités de l'Atmofphère. Mais en répandant fes fa-
veurs dans toutes , ou dans prefque toutes les
parties du Globe , elle en a en même tems ré-
fervé d'autres pour les climats feuls qu'elle vou-
loir favorifer.
Entre les hauts & les bas pays du Pérou,
entre ces contrées ôc celles qui font près de l'E-
1 -la
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s I X I E M s: 115
|c[U.iceur, entre les unes ôc les autres & celles
qui font fous le Tropique j on remarque une fi
grande différence dans les productions & dans le
fol , que la Nature femble n'y être pas la même j
car on voit dans les unes ce qui ne fe trouve
nulle part dans les autres. Cependant il eft re-
marquable que Ton trouve dans la Louifiane cer-
taines chofes qui font communes près de l'Equa-
teur, ôc d'autres toutes différentes ôc femblables
à celles qu'on voit en Europe : on y rencontre
même des chofes étrangères aux unes 6c aux
autres contrées. Les parties bafTes du Pérou , qu'on
appelles Vallées , & qui forment des vaftes plai-,
nés prolongées du Nord au Sud, ne produtfent
naturellement que peu de chofes , parce que ce
font des fables j mais à l'aide de l'art & des eaux i
ces terreins nourriffent des plantes vigoureufes ,
analogues au climat. Cependant ret avantage n'eft
que pour les terreins où il court quelque ruiifeau ,
[une rivière : ces terreins font fufceptibles de cul-
iture, il y vient des arbres. Comme on y a le
degré de chaleur requis , il ne s'agit plus que
I d'y faire des faignces , de petits canaux , pour
conduire l'eau où elle eft nécefTaire : ainfi, ^
tetreins itériles on en fait des campagnes , donc
la fertilité ne le cède pas aux terres les plus
gralTes : on y voit croître le maïs , les patates ,
qu ou y appelle camotes. Dans d'autres parties on
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il(S D I s C O U R »
voit les moniatosy ks yucasy & différentes ef-
pèces de femences , graines j racines , & la canne
à fucre. Les mêmes efpèces d'arbres à fruit y
croiflent comme dans l'autre contrée , tels font
les Chirimoyos j Aguacaus ou Paltas j les Gua-
has ou Pacaës ^ les Nifpcros j les Guayabos^
les Lucumos j les P aimas j & les Platanes ^
outre plusieurs autres qui ne donnent pas de fruits
bien délicats , comme les Algarrobosy , les Gua.-
rangos , les Sapotes fauvages , & autres. Les
fruits d'Europe y réuflîlfent très -bien, comme
les orangers , les limons , les citrons , les pom-
mes , les noix , les figues ; les fruits à noyau ,
comme les duracines , les pretfes , les mirlico-
tons ou pavies jaunes , les prunes , les olives j
mais on n'y voit pas le chêne verd , le liège ,
le châtaignier \ s'il s'en trouve , c'eft vers le
Royaume du Chili , dont le climat eft abfolu-
ment le même que celui de l'Efpagne, & où les
quatre faifons font diftinguées l'une de l'autre.
Il faut ici faire une diftindion néceffaire quant
à la partie baffe , non à l'égard du plus près voi-
fmage de l'Equateur, mais à l'égard des vents
qui y régnent. Dans ce vafte efpace où les vents
du Sud font continuels, fa voir depuis le iO-\
ou 27®. degré, latitude Sud ^ jufqu'au 3^. | de
gré du même coté où fe trouve le village de
Tumbes , les plantes & les arbres dont j'ai parlé
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SIXIEME. 117
croifTent en plus ou moins grande quantité : on
y voie auflî des vignobles , des treilles , des ceps
de vigne ifolés. Mais depuis ce 3*. 7 degré
jufcju'au-delà de la Ligne , tout le vafte efpace
de terrein qui atteint le Tropique du Cancer,
ne produit que des arbres fruitiers fauvages. Quant
aux plantes plus petites , on n'y voit que celles
qui croiflent dans les pays où il y a beaucoup de
chaleur &c d'humidité. On y trouve auflî des cèdres
de différentes efpèces, l'acajou , le ceibo, l'arbre-
marie , l'ébène , le granadiUo , plufîeurs efpèces
de palmiers , & autres : ces arbres y font mêmes
fi touffus, il gros &c fi grands, que les rayons
du foleil ne peuvent s'y faire jour : une infinité
de plantes grimpantes plus ou moins fortes y
forment un tilFu fi épais , qu'on peut à peine s*en
tirer.
L'a partie des bas pays, où les vents du Sud
font continuels , manque de pluie \ ainfi , le
terrein n'a pas Thumidité requife pour la végé-
tation , quoique la chaleur y foit à un degré
convenable pour les arbres mentionnés. Dans les
pays où les faignées faites aux rivières , & les
canaux procurent de Teau aux campagnes , la
vcgctation va bien j mais on n'y voit que des
arbres plantés de la main des hommes , &c non
produits naturellement fans travail oi culture ,
comme dans les autres contrées.
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128 D I s C O U R «
Depuis la partie baffe jufqu'à la haute , dont
les températures font diamétralement oppofées,
on s apperçoit par degrés de la différence des
produirions. La canne à fucre croît avec force
ôc maturité dan: les Quebradas & les pays moins
élevés -y ce qui efl moins dû aux eaux dérivées ,
6c aux arrofemens qu'aux pluies abondantes : à
cet égard les arbres & les fruits qui y croilfent,
font ceux du climat de la partie baffe. Mais
TAtmofphère n'ayant pas dans les deux parties
le même degré de denlité , plus Tair fe trouve
léger , moins la végétation eft prompte , quoi-
que les fruits ne foient pas d'une qualité infé-
rieure.
On voit dans les terreins , où il n'y pas de
ces vaftes profondeurs , ni de ces cimes C\ élevées ,
pludeurs productions ordinaires en Europe, &
qui demandent du froid , comme le bled , l'orge
& autres graines ; mais on n'y trouve pas de
pin , de chêne verd , de châtaignier , de liège;
ces arbres y font inconnus à la réferve du pin,
qui , dit-on , fé rencontre dans la partie méri-
dionale vers le Chili : néanmoins on ne voit
pas cet arbre dans le refte des cordillières /depuis
l'Equateur jufqu'au 13 ou 14 degré de latitude.
Les faules font plus communs dans ces tempe-
ratures moyennes j le cèdre y croît auflî, quoique
lentem&nt.
Les
8 I X I 1 M E. « 115
Les contrées élevées, & qui font véritable-
ment froides, produi lent trois fortes d'arbres qui
leur font particuliers , comme les Quinalts ^
Efpecias Ôc Cq^s. Tous ces arbres montrent dans
leur ftrudure & dans le coloris de leurs feuilles ,
la dureté du climat. Les i^umales y autrement
Quifnalesy font d'une hauteur & d'une force or-
dinaire , aflfez garnis de branchage ^ & fe divi-
fent en deux maîtreffes branches , à la hauteur
de deux varas environ : la feuille en eft petite
& épaiife comme celle du chêne , ou plutôt
comme celle des carrafcas : la couleur en tft
fombre, d'un verd obfcur ôc peu chargé: l'écorce
eft remarquable pat le grand nombre des couches
qui la compofent^ comme fî la Nature avoit
voulu en couvrir le tnonc par autant d'enveloppes,
pour le munir contre la dureté des climats où il
croit. Cette écorce a un peu plus d'un pouce j
elle eft formée d'un çrjo.nd nombre de couches
appliquées les unes fur les autres j mais on les
fépare afilz facilement : j'en voulus favoir le
nombre^ mais après en avoir déjà détaché plus
de 1 504 je perdis patience, voyant que je n'écois
pas encore arrivé à la moitié de l'épailfeur. Ces
couches font très-déliées, plus fines même que
le papier , UflTes , douces au ta6t , & d'une cou-
leur qui tire fur le rouge clair. Si l'en arrache
du tronc un morceau de fon écorce , ces couches
Tome I, I
150 D I s C O U K s
commencent à fe féparer fpontanémenr. Lorf-
qu'on croie appercevoir le tronc, qui fembic avoir
été caché fous ce morceau , on eft étonne de
pouvoir encore arracher un morceau d'écorcc
formé pat des couches innombrables , plus fines,
plus polies , & plus molles que les externes.
Au-dedans de toutes ces enveloppes eft une tige,
dont le bois eft d'une couleur obfcure : il fe
trouve dur compade , & fort pefant. Lé fruit
eft une efpèce de petites baies en forme de grap-
pes de raifins , \k dont ou ne connoît aucun
ufage.
A ne confidérer qu'en pafHint l'arbre qu'on
appelle Efpecia , on pourroit facilement le con- 1
fondre avec le Quinuai y fi l'écorce n'en était
différente à tous égards. L'écorce de /' Efpecia a
deux ou trois lignes d'épais ; elle eft aiTez dure
& généralement unie, nonobftant quelques pe-
tits nœuds : elle eft fi adhérente au tronc , qu'on
ne l'en fépare pas facilement : la feuille en eft
un peij plus grande que celle du Quinual , mais
de la même couleur : le petit fruit qu'il porte
eft aufli un peu plus volumineux , la fleur de ces
arbres reflemble à celle de l'olivier , mais elle eft
de couleur obfcure j de forte qu'il faut la confi-
dérer attentivemeint pour ladiftinguer dès feuilles.
Les Cq/is croilTent dans des terreins plus hauts,
& d'une lempéraciire plus froide que celle où
sixième; 151,
font les arbres préccdens j le tronc en eft pro-
portionnément moins gros. Cet arbre fait auflî
connoître la dureté de fon climat , ^' celle de l'hi-
ver continuel auquel il réfifte par la denfité de fa
texture: le bois en eft de couleur obfcure, l'c-
corce externe très-fine , fort adhérente au tronc ,
ce bois eft très-dur & pefant ; comme il n'eft
pas calTant , on le préfère à tout autre pour les tra-
vaux de l'intérieur des mines.
On ne voit donc la que ces trois efpèces d'ar-
bres j ce qui eft une conféquence de la rareté
des produdions naturelles qui croifTenc dans cette
contrée, comme je l'ai dit.
Il y a aufllî une différence frappante à remar-
quer dans les plantes ou les herbes. Dès qu'on
paffe de-ià. dans un climat encore plus élevé , on
commence à voir des Pajoualès , ou , félon le
nom du pays , Ichalls j parce que la paille qui
croît là s'appelle Icho. Ceux qui croiflent dans
un climat un peu moins froid , font plus longs
que ceux d'un climat plus froid , plus épais ; la
feuille en eft.aufli plus forte, femblable au fpar-
te , & ne s'en diftingue que parce qu'elle eft
plus foible. . , -m
Le gramen ou chiendent eft une herbe com-
mune dans la partie balTe , oii l'on ne voit point
VJcho ; de forte que chaque étage de terrein a.
une herbe commune , différente de celle des autres.
I2
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131 Discours
Outre ces herbes qui s'y trouvent en quantité,
il y en a de différentes autres efpèces dans le voi-
fînage des ruiHeaux , des rivières , ou le froid fe
fait moins fentir , ôc dans les Quebradas. Le
trèfle ell une des (^us communes , dans les ter-
reins où il ne croît pas à'Icho,
On trouve dans les endroits où le froid n'eft
pas exceflif, une plante qui s'élève avec une
tige d'environ une vara de haut , ou d'une vara
& demie \ elle fe termine par une efpèce de
panache. La grofleur de cette tige eft d*un pouce
ôc demi de diamètre environ : il s'y introdui[
certains vers de deux pouces de long , & un
peu moins gros que le petit doigt. Lorfque h
tige eft fèche ces vers fe trouvent dans leur plus
grande force , & de couleur cendrée. Si les
femmes mangent de ces vers , ils leur font ve-
nir du lait , quand elles ne feroient pas dans 1
le cas d'en avoir : on les mange bouillis , ou frirs
dans une poëlc \ ils n'ont rien qui caufe du dé-
goût : la chair en eft denfe comme le lard. Cette
expérience faite différente fois, & non au ha-
fard , mais avec un but fixe , n'a jamais man-
qué de réuffir. On aura fans doute peine à croire !
ces effets finguliersj mais c'eft une chofe qui
eft là fî commune » que fi l'on y demande des
vers pour le lait , on vous les apporte dans la
tige même , qui reffemble à un lofeau \ Sç les
,.>
t
SIXIEME. 153
femmes y ont recours fans répugnance dans le
befoin. L'herbe appeliée Nugnu-Quthua a auflî
la mcme vertu : le mot Nugnu fignifie le jdn ,
& de-U vient le nom de Nugnu ou nourrice c]ui
donne le fein.
On y trouve auflî une autre plante d'une rare
vertu, pour guérir & cicatrifer toutes fortes de
plaies : on l'appelle herbe de Maladuras , & dans
la langue des Indiens Huallhua. , parce que c'eft
avec cela qu'ils guériflenc les plaies des animaux;
elle eft H efficace qu'elle les guérit en peu de
jours. On la pile pour la réduire en poudre , &
on l'applique ainH fur la partie aAeâée , que ce
foit une grande ou une petite blclTure , ou une
plaie. Cette plante produit en peu de tems , &
fans autre préparation , les effets avantageux qu'on
auroit en vain attendu long-tems de tous ies re-
mèdes compofés de la chirurgie : il ne faut même
y joindre aucune autre fimple.
S'il n'y a pas beaucoup d'efpcces différentes
de plantes , grandes ou petites , dans ce pays ,
elles ont au moins l'avantage d'être les unes &:
les autres douées de quelques excellentes pro-
priétés : il n'en efl pas de même de celles des
climats chauds. La Cajcarille ou Quïna demande
un climat froid » & efl particulière aux terreins
élevés du Pérou : on la trouve non - feulement
dans le |ays de Loxa^ ell<^ c^ît encore en beau-.
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154 Discours
coup d*autres : on connoît très -bien fes vertus
mcdicinales , & les av«ini'.ges qui en réfultent
pour le récabliirement de la fanté. Les climats
chauds de la Zone Torride font infiniment plus
fertiles en diverfes efpcces, & les arbres y font
beaucoup plus beaux j mais il s'en trouve aufli
de trcs-nuifibles parmi le grand nombre de très-
bons, &c dont les bois font très- beaux j tel eft
le mancenilier, fon ombre feule fait enfler le
ventre de ceux qui s'y repofent , ôc cherchent i
s*y garantir de la chaleur qui y règne.
Le Guao ou Guau eft une plante en forme
d'arbufte , dont la qualité maligne paroît ne pas
permettre que la plante s'élève à la hauteirr des
autics : fon poifon eft: fi adtif, qu'il fait enfler
la partie du corps que la plante touche, 6c, l'af-
fette au point qu'il faut un traitement fuivi pour
en guérir le mal. Cette mauvaife qualité des
pliures n'empêche pas que dans le grand nom-
bre il ne s'en trouve qui aient quelque vertus
particulières , &.■ qui , appliquées avec connoiftance
de caufe, deviennent utiles dans plufieurs ma-
ladies. Parmi celles qui croifient dans l'île de
Cuba , l'on en trouve une qui mérite , avec rai-
fon , d'être plus connue qu'elle ne l'eft : c'eft
un arbre qu'on y appelle Ocuge , Se dont il dé-
coule une réfine t»ès-efficace pour le relâchement
des membres , qu elle laffermic totalement. Les
ï< ''■ I
SIXIEME. , 135
Iiabirans «(Turent mcme , J'apics rexpcriciKC ,
que fi on l'applique en forme d'emplâtre fur
une articulation j elle la confolide au point d'en
faire ceiTer tout le mouvement : c'eft pourquoi ,
Jorfqu'on s'en fert, il faut avoir foin qu'elle n»
touche que la partie affcdce ; autrement , il en
rcfulterolt des inconvcniens. Ils difent encore
qu'elle eft également utile pour les relâchemens
anciens, tant dans les vieillards, que dans les
jeunes fujets. ,
Cette réfine ne fuifit pas feule pour la cure,
elle ne fait qu'une partie du médicament : on
le complète avec la poudre de Mates , qu'on
répand fur l'emplâtre lorfque la réfine eft étendue.
Ces hhites font de petits noyaux de la grandeur
d'une noifette , mais applatis des deux côtés ,
durs , polis , rouges , de fort beaux : un des cotés
externes eft marqué d'une raie noire, c'eft le
produit d'un petit arbufte , dont les montagnes
font remplies : ils font fi communs , qu'on les
donne aux enfans pour jouer. *On devroit bien
répandre Tufage d'un médicament auflî impor-
tant pour un genre d'accident , qui rend un grand
nombre de fujets incapables d'agir, & qui mec
même leur vie en danger : les perfonnes du plus
haut rang y font également expofées.
Parmi les plantes nombreufes de ce climat chaud
& humide , il s'en trouve une particulière ,, qui
If
1'
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I< 'I'
15^ Discours
eft des efpèces de Solanum , & connue par le
nom de Fraylecillo : les feuilles font un purgatif
efficace , Se qui ne trouble point la nature j elles
font aufïî cinétiques. Quant à leur opciation dif-
férente , on croit communément dans le pays
que cela dépend de la manière dont on les arra-
che. Si on les arrache , dit on , de haut en bas , on
prétend qu'elles opèrent par les felles , en préci-
pitant les humeurs qu'elles fondent j au lieu que
il on les arrache de bas en haut , elles font
vomir : on les regarde comme un défobfliruant
efficace : on dit mcme qu'elles rendent fécondes
les femmes qui , jufque-U , avoient été ftériles;
ce dont on rapporte pluiieurs exemples. Ceux
qui en ont ufé comme purgatif, difent qu'ils
n'eil pas befoin de s'allreindre à certains jours,
comme l'exigent d'autres purgatifs •, & que l'effet
en eff: conHdérable. On en fait bouillir deux
ou trois feuilles , dont on boit la décoélion , ou
Ion mange les feuilles : on les prend auffi en
conferve , ou en poudre. Ces feuilles opèrent plus
lentement lorfqu'elles font sèches : c'eft pourquoi
on les prend alors le foir , pour en attendre l'effet
le jour fuivant.
Cette plante donne un j^etit fruit <le la gran-
deur d'une noifette, divifé en trois loges, dans
lefquelles on trouve trois amandes longues ôc
xondes» au haut defquelles on voit une efpèce
***\'.
.^^^f*^ ^
SIXIEME.' 137
de couronne femblable à celle des Moines : c'cft
de-là que lui vient le nom de Frayiccillo ou
Petit-Moine. Cette plante eft aullî commune dans
plufieurs contrées chaudes de ces parties-là, hors
de l'Ifle.
Les P'ignoncUlos j plantes auflî commmunes
dans les climats chauds , font un purgatif très-
adif ; mais leur vertu dra(li(^ue e(l fujette à de
mauvaifes fuites.
Las campagnes de cette I(le , fur-tout dans la
contrée de la Havane, produifent ÏAgnil ou Indigo
en abondance. Les habitans du pays ne tirent au-
cune utilité de cet indigo ^ quoiqu'ils n'ignorent
pas l'avantage dont il peut être j car ils favenc
qu'un Étranger établi dans cette Ville, & plus
attentif que les Naturels, y avoit établi, dan-
un endroit qui n'avoit pas de maîrr- » ""^ "^*'
nufadure avec laquelle il «-'-'inchit beaucoup!
ÏAguil y étoit fauv-é^ > ^^ le faifoit couper dans
les champs. Cette plante eft là de meilleure qua-
lité que celui de la Louifiane , où elle eft ce-,
pendant cultivée avec le plus grand foin , Se où
l'on en fait trois récoltes par an , pendant l'été.
L'Indigo fauvage de la Havane fe sèche durant
les chaleurs , & reprend vigueur pendant les
pluies.
La Calaguala ou Canch^iagua , plus connue
actuellement en Europe pour fes vertus, qu'il
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138 Discours
n'y a vingt ans , eft une des produfbîons de ces
hautes cimes inhabitabies des Cordillères , où k
neige laifle rarement voir la terre dans le cours
de Tannée. Il y a une autre plante appellée Culén^
qui croît fur les hauteurs du Royaume de Chili ,
& dont les vertus ne font pas moins recom-
mandables que les précédentes j les feuilles en
font découpées comme celles du perfil , d'un
verd obfcur : {qs vertus font fi étendues , qu'on
en fait ufage , avec fuccès , dans différentes ma-
ladies : elle eft ftomachique , fudorifique j mais
elle eft fur- tout avantageufe pour les maladies
ordinaires des femmes j favoir , dans le cas de
fuppreflîons de règles , de vapeurs , & autres
fymptômes hyftériques j qu'elle guérit merveil-
Uufemcnt : auiîî en fait -on là le plus 2;rand cas.
T • i o
^ !>»--. liqQg ^ fjiii; une grande perte dans
le retard du retou. ^e M. Jofeph de Julfieu en
Europe. Cet habile Botama,. avoit paflTé en 1735
au Pérou, avec les Académiciens <1es deux Na-
tions , pour examiner \qs plantes particulières a
cette partie du Globe. Il auroit enrichi l'Hiftoire
Naturelle de nouvelles découvertes très -utiles:
car il avoit parcouru, avec la plus grande* ap-
plication , les vaftes pays du Pérou , d'un bout à
l'autre. Un événement inattendu fit évanouie
toutes les efpérances qu'on avoit de fes travaux,
de fon extrême attention, & de fa grande ca-
SIXIEME. 139]
pacité. L'envie de multiplier fes obfervations ,
& la circonftaiice de la guerre qui furvinc
en 1740 avec l'Angleterre, le déterminèrent à
fe rendre de Lima , 011 il fe trouvoit , a Buenos-
Ayres , pour pafler de-là au BicTil , & retournée
en Europe fur un vaifleau dont le pavillon le
mît en sûreté : il avoit déjà fait la plus grande
partie du voyage , lorfque fon domelHque , quî
ctoit depuis long-tems à fon fervice j & en qui
il avoit toute confiance , lui vola fon argent Se
tout ce qu'il avoit de plus précieux. Ce domef-,
tique profitant de l'occafion qu'il crut favorable ,
difparut avec le coffre, qui renfermoit le fruit
le plus précieux du travail de fon Maître j favoir,
les herbiers que celui-ci avoit formés, & les
papiers qui contenoient les defcriptions des n'-^-
tes , ik autres obfervations précie'^'^^*
Quelque diligence que 1- '^'ouverneurs & les
Juges des Provinc-^-» aient faites pour découvrir
cet homme, *i tiit impoffible d'en rien apprendre:
on préfuma feulement qu'il avoit, pris la route
du Bréfil. Juflîeu fe voyant ainfi dépouillé de
tout le fruit de fes fatigues , & qu'il étoit hon-
teux pour lui de revenir en Europe fans les
inftrudions qu'on attendoit de luij que d'ail-
leurs fa fanté fe trouvoit affoiblie, incapable de
foutenir les mêmes travaux, pour recommencer
fes détails fur l'Hiftoire Naturelle 5 il réfolut ds
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140 Discours
retourner à Lima, où il vécut en (Impie parti-
culier , s occupant à lire ôc à examiner >£[uelqiies
plantes qui fe préiiçntoient à fes yeux. Comme
je fuis occupé à écrire cet Ouvrage-ci , j'apprends
qu'il a pafle à la Havane , & qu'il eft arrivé à
Madrid : ainfî , l'on peut efpérer qu'il publiera
quelques obfervations fur ce qu'il a eu lieu d'e-
xaminer pendant fon dernier féjour.
La Coca eft une plante fort commune dans
les hauts terreins de cette partie : on s'en fert
avec une efpèce de terre appellée Toccra ou
Uipta, qui eft une pâte compofée en manière
de tablettes de chocolat , mais un peu plus grandes
& de la même couleur. On prépare ces tablettes
avec les cendres des épis du maïs dépouillés de
leurs grains, ôc celles de quelques autres plantes
auvagt^ , "Sondantes en principes falins j qi.and
on a bien pétri c, matières enfemble , on les
laifTe fécher & durcir.
Les Coqueras ou celles qui vendant la Coca ,
font ordinairement des Indiennes , qui donnent
volontiers de la Toccra en proportion de ce
qu'on leur achète de Coca-^ ôc fans cela^ cette
plante feroit privée de ce qui lui donne fa meil-
leure faveur. Les Indiens font le plus grand cas
de cette plante, & ne travaillcroient jamais vo-
lontiers (î elle leur manquoit. Avant de com-
mencer, il s'aflTéient pour la préparer j ce qu'ils
M
■yi): - «
SIXIEME. 141
appellent AcuUicar : ils en prennent un bon
morceau dans la bouche, avec un peu de Toccra^.
l'humeilent , & réduifent le tout en une boule :
quand ils l'ont bien pétrie , ils la jettent dans
une petite bourfe ou un fachet , où ils gardent
ia Coca j & ils continuent ainfi juiqu a ce qu'ils
aient fait cinq ou fix boules ^ ce qui efl; la quan^
tité qu'ils confomment dans un travail de deux
ou trois heures : dès qu'ils n'en ont plus , ils re-
commencent leur AcuUicar^ pour fuivre après
cela leur travail : ils tiennent chaque boule dans
la bouche tant qu'ils fentent la faveur âpre &
poignante de la feuille, & en prennent une
rai»^? dès qu'ils ne fentent plus rien.
ourfes dont ils fe fervent font faites de
c
la peau entière d'un petit animal , refTemblant
à un renardeau , ou autre analogue : c eft avec
cela qu'ils tiennent la Coca Se la Toccra à leur
ceinture.
La plante qu'on appelle Hedionda ou Puante ,
eft très-commune dans cette contrée : fon n'oni
annonce fa qualité 5 car l'odeur qu'elle répand
lorfqu'on la touche eft très-nauféabonde & rebu-
tante : c'eft une des efpèces nombreufes de Sola^
num qu'on y trouve. Celle dont il s'agit ici eft
un arbufte afîez grand *, on l'emploie pour diffé-
rentes maladies j elle fert avec fuccès de vermi-
fuge dans la Louifiane. Elle ne vient pas dans
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1141 Discours
les climats froids j mais elle eft fort commune
dans les températures chaudes ou modérées.
L'expérience femble prouver que l'ail . eft un
produit des climats froids ^ on ne le cultive pas
dans ces hautes contrées : c'eft une des plantes
nuifibles qui préjudicient au fol j car ceux qui
commencent à y croître , s'y multiplient au point
que la terre devient incapable d'y produire autre
chofe : d'ailleurs le voifinage en eft incommode,
Q. caufe de l'odeur forte qui s'en exhale : on n'y a
d'autre peine que de les cueillir.
J'ai dit que la Nature fe réfcrve toujours quel-
ques avantages particuliers pour les accorder à
certaines contrées, fans vouloir que d'autres y
participent. Les vignes croiflTent naturellement
au milieu de la Louifiane, & avec autant de
beauté Ôc de perfedion que fi elles avoient été
plantées à la main , & cultivées avec le plus
grand foin. C'eft ce qu'on voit dans un terrein
de quarante lieues , entre les Opdujas ik les
Natchkocas : les vignes s'y élèvent en forme de
ceps , & jettent leurs brins avec une extrême
vigueur. Dès le commencement de Mai je les
yis chargées de grappes j elles promettoient de
donner de bon fruit j ôc en abondance j mais
le raifin n'y vient pas à parfaite maturité , à
caufe des cerfs , des chamois ôc des ours qui la
dévorent avant qu'il foit mûr. » ^
SIXIEME^ 143^
Les fraifes font pareillement naturelles dan«
ce pays , & la qualité en*eft aulîi bonne que celles
des fraifes qui font cultivées dans nos jar-
dins avec le plus grand foin. Ces plantes croif-
fent auffi naturellement , & font répandues ci
ôc H dans le Royaume du Chili , & dans les
campagnes voifines de la Ville de la Concep-
tion : ces campagnes font un peu plus élevées
que celles de la Louifiane , dont je viens de
parler. On voit , par ce moyen , le rapport qu'il
y a entre ces deux contrées , malgré le grand
intervalle qui les fépare.
Mais on ne voit pas ces plantes dans la partie
haute du Pérou , où règne une température froide,
ni dans les climats plus tempérés, où l'Atmof-
phère ne s'écarte pas de ces deux extrêmes j d'où
l'on doit conclure que ces plantes ont alternati-
vement befoin d'un degré de chaleur modérée
après le froid de l'hiver , & les grandes chaleurs
de l'été ; 6c que d'ailleurs il leur fiut une At-
mofphère d'une denfité proportionnée , où l'air.
ne foit ni auflî fubtil , ni auffi léger qiie dans
ces contrées du Pérou.
Les champs de la Louifiane font fort fertiles
ôc fore abondans en plantes j ce qui eft une con-
féquence nécelTaire du climat qui leur eft favo-
rable , ôc où elles ont alternativement les rayons
du foleil ôc les pluies. Elles y font indigènes ,
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144 Discours
croitTent fans culture j & avec la plus grande
vigueur.
Le SalTafras y e(l Tarbre le plus commun,
C*eft un des arbres qui contribuent à rendre les
bois épais & impénétrables. Le Capillaire , que
nous appelions Culantrilo , y croît abondamment
jufqu aux hauts pays du Midilipi , dans celui
des Ilinois , & encore plus vers le Nord. Cette
plante indigène eft la plus eftimée entre les
mêmes efpèces , à caufe de fon efficacité.
Dans les contrées qui s'étendent plus au Nord,
jufqu'à l'intérieur du fleuve Mifuri , qui va con-
finer A Santd'Fé^ dans la nouvelle Efpagne, au
Nord même de cette Province, on trouve la
plante appellée Mandragore chez les Anciens , &
donc les Hifloriens de ces tems-là ont parlé avec
beaucoup d'éloges. Les Marchands en gros de
cette même partie de la Louifiane , qui font des
courfes dans ces contrées , difent que non-feule-
ment on y apperçoic la figure humaine , mais
qu on y diftingue même les deux fexes. Quoi*
qu'ils en puiffent dire, on n'y voit pas cette
lelTemblance dans les morceaux qu'ils apportent.
Quelques Auteurs alTurenc qu'elle fe trouve
auin en .Canada^ ce qui n'eft; pas impoflible,
puifque ces deux contrées fe touchent j & que
d'ailleurs fi elle fe trouve dans Tune ou dans
l'autre > i' eft fort naturel qu'elle croifie aufll
. dans
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lians le pays contigu. On la trouve auflî en Chine,
dans la province de Pékin j mais félon l'opinion
la plus accrcdicée , elle y eft apportée par les
Tartares , ôc n'y croit pas. Les Chinois l'appel-
lent Ginfcng^ faifant allufion à la figure humaine
qu'elle a. Lés Taftares l'appellent Orhota , ce
Cj^m (ïgn\(\Q la prem ' ; plantes; ils lui don-
nent ce nom à caufe de *>-s excellentes ."'tjs,
&i lui attribuent tant d'efficacité pour nombre
de circonftances, qu'ils y attachent le plus grand
prix. La principale confil^e à rétablir les elptits
vitaux , èc a ranimer les forcés abattues par
quelque fatigue du corps j mais ils prétendent,
enïre autres chofes , qu'elle prolonge la vie des
vieillards , &r la renouvelle en ceux qui ont été
abattus par quelques maladies. Quoiqu'elle fe
vende au poids de l'argent dans les endroits ou
elle fe trouve , ce prix ne répond pas encore
aux grandes vertus qu'on lui prête. Ce fut
en i7<j8 qu'on la découvrit la première fois dans
la Loliiiîane. Quoiqu'on n'ajoute pas foi à tous
les rapports des Chinois & des Tartares , il feroit
bon d'en recueillir certaine quantité pour l'é-
prouver en médecine. Quand on ne feroit qiis
conftater d'abord une partie de ce qu'on en dit ,
ce feroit une raifon de la ranger parmi les chofes
les plus précieufes.
Ce qui manque en arbres dans les hauts pays
Tome I. K
i n
¥
\ïi
i^S D 1 s c o 0 n. s
du Pérou , fe trouve en abondance dans la L/nl»
fîane , où ii ;n croît nombre d'efpcces : le fol
en eft fi couvert, qu'il n'eft pas pofllble d'v
padcr : ils font très -hauts , &c il n*y a pas un
efpace , le lon^ de Miflifipi , qui n'en foit
couvert , même à une grande diftance dans les
terres. Cohime c'eft fur les bords dos rivières,
Se dans les terres voifines , & que d'ailleurs il
y a beaucoup de fleuves qui traverfent ces vaftes
pays pour fe jetter dans le Miflifipi , les bois
s'étendent en proportion ; de forte qu'on n;
trouve de campagnes découvertes qu'à ceruin
^loignement des fleuves : & ce font autant à 1
prairies très-étendu^^s.
Les arbres les plu: vonimunâ font ceux qu'oit 1
appelle^i/7/<^j ; le bois en eft fort reiremblami
celui du Pin du Nord : c'eft pourquoi on en fai; ]
des planches Se des pièces de charpente : on y
voit auflî communément le laurier, le rouvre,
lé peuplier, le faule Se le pin. Outre que ces
arbres fe divifent encore en plufieurs efpèces,
on y trouve deux autres efpèces d*arbres , qui
femblent être particulières à ce pays j l'une eft
le Pacanos : c'eft uiiê efpèce de noyer, au moins
cft-il fort femblable quant au bois & aux feuilles,
quoiqu'il ait plus de corps î le fruit a une faveur
Analogue à celle de la noix , plus fine , plus de-
licate , niais moins huileufe : la figure en ell
B î X î E M E.* l4f
di^crente , & reflemble aux dattes ; la groffeur
e(l ou égale ou un peu moindre ^ la coquille eft
plus fine & plus lilTe, & ne préfente pas les
afpcrités de la noix» L'autre arbre eft celui de
Cire: il eft de moyenne grandeur : fa tcte eft
formée d'un feuillage fort épais : il donne une
femence en forme de grappes de raifîns, d'oi\
Ton tire la cire : lorfqu'elle eft bien mûre , on
la fa:: bouillir dans l'eau -y elle y décharge une
matière grafle qu'on en tire , & qui fe coagule:
c'cft la cire : la couleur en eft d'un verd obfcur î
elle n'a en brûla .t ni l'éclat , ni la beauté de la
lumière de la cire des mouches , ou du blanc de
baleine, qu'on emploie beaucoup en bougies
dans la Nouvel le- Angleterre : on lui donne le
nom de cire , à caufe de la confiftance qu'elle
prend : car une chaleur modérée ne la fait ni
mollir , ni fondre comme fait le fuif. Ce n'eft
proprement pas de la cire , mais une matière hui-
leufe épaiiïe , qui prend confiftance & forme un
corps dur j ce en quoi elle eft différenciée des
autres huiles qu'on exprime de plufieurs graines j
comme le lin, le chanvre, le navet , le colfat ,
& autres. On purifie cette cire , en la dégageant
de fes parties les plus groffières par différentes
manipulations ; ce qui lui ote fa couleur verte
en grande partie j mais il eft toujours très-vifible
que c'eft un produit végétal.
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Quelque épais feuillage qu'on remarque aux
arbres du Miflîlîipi, le branchage le plus denfe
cft toujours garni d'une plante parafite , qu'on
apperçoit en ctc à la chute des feuilles. Cette
plante leur donne une étrange difformité : on les
croiroit au dernier période de leur décadence.
On connoît cette production végétale fous le
nom de Barl^e Efyngnole. Elle forme un alfem-
blage de filamens minces , de couleur cendrée,
& fe fubdivife en une infinité de ramifications
flexibles; elles relfemblentà un écheveau de fil;
les brins couvrent toutes les branches d'où ils
pendent. On apperçoit moins cette plante, quand
les arbres ont leur feuillage & leur verdure;
mais à peine eft-il tombé , que tous ces filamens
répandent fur les arbres un air trifte, & défigu-
rent même jufqu au tronc. Cette plante s'attache
à l'écorce des .arbres , <8c y végète j les femences
en font emportées par le vent, & jettées fur
d'autres arbres : c'eft ainfi qu'elle fe multiplie ,
& gagne tous les bois. On l'emploie pour faire
des matelas , & autres chofes femblables , après
l'avoir laiflee fécher & l'avoir battue : elle ell
alors dégagée de fon écorce, & il ne refteqiie
le cœur, qui eft d'une couleur noire : on ne la
reçonnoît même plus , car elle refiemble dans cet
état à du crin ou du poil frifé , tant en cou-
leur qu'en épaifieurj & ceux qui ne l'ont pas
SIXIEME.' 14^
encore vue habituellement , s'y laifTent tromper.
Ou reconnoît dans cette production , ik aucres
particulières , les jeux de la Nature , qui , en dif-
tribuant fes dons de la manière la plus diffé-
rente & la plus variée , fait rapprocher les chofes
qui fembleroient les plus éloignées &: les plus
contradidoires. L'arbre qu'on appelle Ceibo , Se
qu'on trouve en différentes parties des pays
chauds de l'Amérique , imite par fon fruit la
laine des animaux , & fert aux^ mêmes ufages
en nombre de circonftances. Le Fromager fournie
une efpèce de foie très-fine , & des plus fuuple.
VAnanas reffemble par fa forme externe au
fruit du Pin , mais il en difîcre totalement par
fa fubflance. L'arbre de cire produit une matière
femblable à la cire des mouches j & la Bathe
Efpaotiok eft une fubftance végétale, qui fe prend
pour les crins ou les poils des animaux.
Dans le grand nombre des plantes communes
de ce climat , on doit regarder la Vipérine
comme y étant particulière \ elle eft de la ciaffe
des plus petites , & fe trouve vers les hauts pays
du Miiîîfipi; On y connoît généralement les
vertus
qu
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expofées les femmes après leurs couches : auflî
l'emploie- 1- on avec fuccès dans ces cas-la. Elle
utile pour purifier le fane, & l'a-
n'efl
pas moins
pour pur
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méliorer , & dans les cas où le lait s'écarte de fon-
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150 Discours
cours naturel. On s'en ferc encore en nombre
d'autres circonftances connues des Indigènes;
elle guérit rncme les maladies les plus dangc-
reufes & ks plus rebelles. 11 feroit bien avan-
tageux que Ton tît dans chaque contrée un ca-
talogue des plantes qui y croilFent , & qu'on y
indiquât la manière de s'çn fcrvir j on les feroit
ainfi connoître dans celles où elles ne croilfeiu
pas , & Ton apprendroit à s'en fervir.
On y trouve encore une autre plante plus
petite , & auilî utile que les précédentes. Lorf<
qu'elle eft en fleur , elle a la propriété de coa*
guler l'eau , comme la fleur du chardon fait
cailler le laitj ôc de lui donner la même confif-
tance ; mais l'eau dans cet état n'eft aucuiitmem
préjudiciable a la fanté. Cette plante eft for:
commune dans les campagnes,
YSAgnil ou Indigo, eft une des plantes qu'on
cultive dans les terrcins de \^ LouiHane, de même
que le tabac , la canne à fucre. L\4g/iii y réu/Iît
mieux que le tabac, quoique cet indigo n'ai:
pas autant de qualité que celui de Cuba : il n'a
pas non plus ni la force , ni l'odeur de celui
d'Efpaniola. Le fucre y eft auflî de qualité infé-
rieure j vu l'humidité du fol : d'ailleurs, les cha-
leurs s'y font fentir trop fubitementj c'eft ce qui
çmpèche le fuc de la canne de prendre toute la
<;*;)nijftanc€ donc elle ferçic fufceptible. On y
SIXIEME. *r5t
fcme la canne à fucre d'une année à l'autre , &
l'on n'y fait qu'une récolte , parce que les froids
s'y font fcntir , lorfqu'elle eft parvenue à fa ma-
turité relative. 11 en eft tout autrement dans la
partie baiïe du Pérou, appcllée FtilUs ^ ou les
vallées; & dans les Q^e^rti^/i/j de la haute contréct
En effet, depuis le moment qu'on la fèmc dans
cts deux contrées , elle refte balfe , pendant deux ou
trois ans, Jufqu'à ce qu'elle arrive à fa maturité,
tems où Ion fait la première récolte j ap. js quoi
l'on en fait deux autres dans les années conf"?-
cutives : ce qiie l'on recueille la troifièmc année
s'appelle foca , & fert à faire le nouveau plant :
de-là vient que dans les fucrerics , ( que l'on
appelle Trapichès ou Ingenîos , félon les diffé-
rentes machines qu'on emploie ) on voit quatre
efpèces de cannes que l'on plante en des années
différentes j de forte qu'on peut faire mie récolte
chaque année, félon l'âge & la maturité des
cannes. Ainfî, les moulins font toujours occupés,
&z Ja fabrique du fucre ijie cefle point. Le peu
de différence qu'il y a U entre la r'^mpérature
de l'hiver & de l'été, procure cet av.ii:.age : car
l'une & l'autre faifon fgi); jï^alement favorables
à la concrétion du fuc.
Il n'en eft pas de mcme dans la Louyfiane ,
à la Havane, ni dans les autres parages où ces
deux faifons font très-différentes , ni où il reçue
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1 5 1 Discours sixième.
une chaleur excelîîvej car le fucre ne forme pa5
alors un corps concret avec perfedionj & l'on
n'occupe les moulins, que quand le tems fe
trouve favorable.
Quoique le tabac n'y ait pas la meilleure qua-
lité , il n'eft cependant pas mauvais. On met en
carottes celui qui doit être râpé , & on lailfe en
feuilles le tabac à fumer : mais comme la traite
ncn eft pas confidérable, on ne le cultive pas en
grande quantité. 11 eft cependant meilleur quç
celui de la Virginie Se de la Nouvelle Angleterre;
il eft auflî préférable à celui qu'on cultive en
Hollande, & dans le Nord de l'Allemagne : c'eft
pourquoi , fi on pouvoir en faire l'exportation
de manière ou d'autre , il deviendroit une des
branches confidérables de commerce pour ce
pays , comme l'eft le tabac de la Virginie , d\\
Bïéfil, & d'autres contrées.
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s'il; (,.
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DISCOURS SEPTIEME.
Des Anuiiaux ^ & de leurs panîcularués\
A
Près avoir détaillé ce qui concerne le plus
parcrailicrement les plantes , il efl: naturel de
nous entretenir des animaux. La matière nous
fûiirniroit un vafte champ , fi nous voulions en-
trer dans tous les détails dont elle eft fufceptible :
mais nous nous bornerons à la connoifiTance de
ce qu'il y a de plus particulièrement digne d'être
fu, & qui peut fervir à compléter, à certain
point, ce que l'on ne doit pas ignorer dans les
objets que la Nature nous préfente.
La curiofité ne fe contente pas toujours de
fimples rapports relatifs aux objets qui font au-
delà ^Qs bornes de la vue; on veut encore en
favoir tous les détails particuliers , çonnoitre la
manière dont ils peuvenrètre utiles , & les ufages
auxquels l'induftrie les applique dans le pays.
Mieux on les connoît, plus on ell farisfait a ces
différens égards , & mieux on peut contempler
les opérations de la Nature,
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154 Discours
Parmi les animaux parriculiers à la partie haute
du Pérou , Ton peuc regarder les Vigognes ^ les
Alpaqucs & les Llamas y comme les plus com-
muns. Ce fo;it crois efpèces peu différentes ,
quant à la ftruéfcure du corps, mais'.diftinguées
par la grandeur , les propriétés , la couleur & la
longueur de la laine. Nous avons donc des chofes
particulières à dire fur chacun de ces animaux.
Les Alpaques font femblables aux Guunacos
quant à l'efpèce \ la plus grande différence con-
lîfte dans la laine : celle de ces derniers eft grof-
fière, de couleur brune , & de peu d'ufagej ce
qui ne fe peut dire de celle des Alpaques, Ceux-
ci , & les Llamas , qu'on appelle moutons de la
terre y ou carneros de la tierraj s'apprivoifent ,
ce à quoi l'on ne parvient pas avec les Vigognes,
Cet animal-ci eft le plus petit & le mieux fait
de ces trois efpèees. Outre fon caradère fau-
vage , il garde toujours fon penchant pour la
liberté j on en tient quelques-uns dans les mai-
fons , par pure curiofité : comme c'eft un animal
iimocent , on n'a rien de mal à en craindre j mais
il ne s'aifujettit point , comme les autres , à
porter des fardeaux , & n'oublie jamais les champs
que la Nature lui a départis pour courir fans au-
cune ftiiction.
Cet animal va toujours par trpupeaux , plus
ou moins nombreux j mais rarement on en voit
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SEPTIEME. I5J
plus de vingt ou trente enfemble. l\ fe fixe or-
dinairement fur !« ■ punasy ou cimes très-hautes,
déferres & froides, où croît Vichu on pajonj qui
lui fert d'aliment. C'eft un animal rufé , qui ne
fe laifTe pas approcher j il court avec autant , ik
même plus de légèreté que les Chamois j s'il n'eft
pas pourfuivi, il marche la plus grande partie
du jour très-tranquillement, & ne fonge qu'à fa
pâture : le fon de fa voix eft aigu , femblable à
un fifflement , & ne répond point a la forme de
fon corps : dans l'état de liberté , il réitère fou-
vent fon fifflement, qu'on pr endroit plutôt pour,
celui d'un oifeau que pour celui d'un quadrupède.
11 eft fort difficilf^ de le tirer , ou de le fuivre avec
des chiens , tant il court avec légèreté. Cet ani-
mal a beaucoup de noblelTe dans fon port, fur-
tout s'il eft en liberté j il a toujours la tète levée,
avec une efpèce de fierté , fur un col qui forme
la lettre S , lors même qu'il court avec le plus
de rapidité j ^ il ne la dérange pas. L'avantage
qu'on en tire eft une laine très - fine ôc très-
molle j fi elle n'a voit pas le défaut d'être fi foible,
on en tireroit encore plus d'utilité , pour faire
des chapeaux , &. autres vètemens j mais cette foi-
blelTe lui ôte une partie de fa valeur. ^
Comme il eft difficile de le tirer , ou de Iç
chaffer avec des chiens, on a trouvé un autre
moyen de le tuer : c'eû de faire des chacos j moc
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15^ Discours
qui, dans la langue des Indiens ou des Incas^
iîgnifie reunion j ou compagnie de plufieurs per-
fonnes raiTemblées pour exécuter quelque chofe.
La Vigogne, animal timide , s'effraie facilement
au moindre bruit j c'eft ce qu'on n'ignore pas :
en conféquence, on fait tourner une corde tout
le long d'une colline fermée , lailfant cependant
un efpace libre , affez grand pour entrer fans fe
baiflfer j on fixe cette corde à une moyenne hau-
teur , de forte qu'elle touche le milieu du col
de l'animal lorfqu'il en approche j on met à de
petits intervalles quelques guenilles rouges , ou
de toute autre couleur, qui voltigent au gré da
vent. Avant de former ce cercle , on examine
bien le local où l'on voit paître quelques bandes
de CQS animaux , & on le fait le plus près d'eux
qu'il eft poflible. Après ces préparatifs , on fait
une efpèce de battue, & l'on y joint de petits
chiens , formés aux manèges nécelfaires dans ces
circonftances. Ils pourfuivent ces animaux jufqu'à
ce qu'ils foient parvenus à les faire entrer dans
le cercle. Lorfque les Vigognes fe voyent ren-
fermées, elles cherchent à s'échnpperj mais ef-
frayées par les haillons qu'elles voyent s'agiter ,
elles ne fa vent ni fauter par-defTiis la corde , ni
balfier le col pour palTer deflous. Alors les chaf-
fe;irs entrent dans l'enceinte , les tuent , & en
enlèvent la peau avec la laine.
SEPTIEME. 157
Ce font ordinairement des Indiens ou des
Métifs qui s'occupent de cette chaflTe; elle eft
fort pénible , parce qu'elle ne peut fe taire que
fur des cimes glaciales , où il n'y a aucune ha-
bitation^ de forte que, ni près, ni à la diftance
de plusieurs lieues , on ne rencontre ni maifon >
ni auberge pour fe retirer. Cette chalTe doit
quelquefois durer des mois entiers, fi on veut la
faire avec un avantage réel. La chair de ces ani-
maux & le maïs que ces gens portent avec eux,
leur fervent de nourriture. Si le tems devient
mauvais , qu'il neige ou que les vents foient
violens , ils s'adoflent contre le flant de quelque
roche oppofée , ou fe retirent à l'abri d'une col-
line fermée.
Il fe rencontre auHI quelques Alpaques dans
les troupes de Vigognes-^ on en vpit même des
troupes, mais non en aufli grand nonibre. Ces
chafleurs vendent les peaux garnies de leur laine j
car on ne leur acheteroit pas la laine féparée de
la peau , à caufe de la fraude par laquelle on
mêle alfez ordinairement la laine d'Alpaque avec
l'autre : or, rien de plus facile , puifque la cou-
leur eft la même : elles ne différent qu'en ce que
celle è^Alpaque eft plus longue , mais non auflî
fine ni auflî molle. Les marchands qui l'achè-
tent fur la peau même , la font tondre , & l'em-
balent , pour la faire pafler en Efpagne.
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i^S Discours
L'appât de ce gain fait tuer indiftindtement
tout ce qui tombe dans les mains de ces chaf-
ieurs réunis , mâle ou femelle j de-la rcfulte la
diminution de l'efpèce^ mais rien ne force i
tuer les femelles. On pourroit facilement tondre
(belles qui fé trouvent prifes , & diminuer le nom-
bre des mâles, qu'on n'cpavgneroit pas. C'eft
ùinCi qu'on en ufoit du tems des Incasj l'efpiLce
fe multiplioit par cette attention : on auroit cha-
que fois beaucoup plus de cette laine , qui
coûte à préfent tant de fatigues à obtenir.
Les Alpaques 8c les Guanacos font la plus
grande à^s trois efpcces, & n'ont pas la mcme
beauté , quoiqu'ils aient quelque reflemblance
avec la Vigogne. Ces animaux-là ont le cou long
et gros , iîon en S comme celle-ci j mais il s'c-
lève verticalement fur les épaules : la tête & la
haute partie du cou font couvertes d'une laine Ion-
ique & épaifle \ ce qu'on ne voit pas a la Vigognci
Là laine Ul , outre cela , aflez longue aux autres
parties dii ' corps , fur-tour aux épaules & au
ventre; ces animaux fe laiflTent appriVoifer comme
Tes Llamas; l'Alpaque s'accoutume même a por-
ter quelque fardeau , plus pefant que fon propre
corps, ce que ne fait pas le Guanaco,
L'animal lé pliis iitile pour les Indiens de cti
contrées, èc qui fe tait mieux à leur caradère,
cft le Llama. Ils s'en fervent pour porter toutes
eu comme
S É P T I B M B. 159
fortes de charges , non- feulement dans les mines,
mais mtnic pour trahfporter tout ce qui fe pré-
rente , d'un endroit à l'autre, La confidération
qu'ils ont pour cet animal palTe toutes les bornes
dti ia railun , &c découvre bien leur ignorance*
Ils ont pour tous les animaux domeftiques ,
mais lur-tout pour leurs Llamas , un genre d'af-
fedion qui ne fe voit chez aucunpeuple de
la terre j toutes leurs démonftrations extérieures
le manifeftent allez.
Avant de le mettre au fervice, ils font une
efpèce de fête, telle qu'ils en pourroient faire
pour un nouveau compagnon. Ils le font entrer
dans l'enceinte où efl: leur cabane j ils le parent,
lui mettent nombre de bandes de foie ou de
laine , & des houpes à la tête : ils fo'nt Une provi-
fion de chica, d'eau- de- vie & dé 'thaïs rôti,
invitent les Indiens qui leur font âhiis. Tous ar-
rivent avec leurs fdimmes, leUrs ènfans, dans la
cour fermée où eft l'animal. Ils battent de leurs
tambourins , joU^nt dé leurs flûtes : la danfe com-
mence, ôc dure deux jours , allant fon train, par
intervalles, là nuit comme le jour j ils l'inter-
rompent quand ils font fatigués. Dè^ qu'ils ont
repris haleine , oU que la vapeur des bôi^fTons leur
monte à la tête, ils reviennent a tous les plai-
firs. De tems en tems ils fê rendent auprès de
l'animal , qui , pour l'ordinaire , fé trouve retiré
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160 Discours
dans un coin de la cour , l'embrafTent , lui font
mille Garelfes, & lui préfentcnt leurs Totumas , ou
calebafles de chica & d'eau-de-vie. Quoiqu'il n'en
boive pas, ils lui mettent cela fous le nez, k
font contens quand ils ont fait cette démonftra-
lionj ils lui parlent en leur langue, lui din\nt ce
qu'ils peuvent de plus amical, comme s'ils pm-*
loient aune perfonne avec laquelle ils entreroicnt
dans une forte de liaifon. Après cette fcte, qr,i
cft comme une déclaration d'amitié , ils com-
mencent à s'en fervir , mais fans lui ôter la pa-
rure & les ornemens qu'ils lui ont mis.
Avant de l'avoir mis au fervice , ils l'ont en
général traité avec tant de modération, que ja-
mais f ou liirement ) par la fuite ils ne le traitent
durement en route j au contraire, ils s'afllijettii^
fent abfojument a fa marche^ & fe fervent d'i»n
fîfflet pour le guider. Cet animal fe fa,it, aifc-
ment à la charge, quoiqu'il sqw trouve , qiiol-
ques-uns qui s'y refufentj mais cette réfiftance
lie manifeftc jamai^ aucune iiKlination de fiire
du mal : l'animal fe refufe feulement à porter le
fardeau dont on veut le charger. Il ne mange
que l'herbe qu'il trouve dans les champs j il peut
paflTer deux jours fans manger, & même plus,
quand il ne travaille pas.
S'il arrive qu'il fe fente fatigué , & fe couche
à terre , foir parce qu'il a fait tiop de chemin,
foit
septième: i€t
folt faute d'aliment , ou parce qu'on Ta furchargé >
jamais il ne fe relève, Se toutes les tentatives
dQS Indiens ont jufqu'ici été inutiles ^ ils n'ont
pu le remettre fur pied> de forte qu'il meurt où
il s'eft ainfi couché» Cette particularité fi éton-
nante, fur-tout dans un animal apprivoifé avec
tant de familiarité, & qui ne mange que de l'herbe
qu'il broute , ne fe voit dans aucun autre animal.
Les Llamas vont jour & nuit, broutant l'herbe
qui leur convient le long des chemins qu'ils
fuivent : néanmoins , on les laiflTe repofer plu-
fieurs heures. Quand ils ont pris aifez d'aliment >
ils fe couchent & ruminent, reprennent de nou-
velles forces , levant toujours verticalement le
col 8c la tète. Leur manière de fe coucher eft
dlfFérente de celle de tous les autres animaux : d'a-
bord ils s'agenouillent, enfuite courbent de chaque
côté les jambes de derrière fous le Ventre* Dans
cette pofition , le corps conferve une direélioti
; très- droite , dont l'épine du dos fait exademeni
le milieu , comm« fî l'animal étoit levé , & l'on
jne voit plus ni_ jambe de devant ni de derrière^
le corps les cache totalement.
Quand ils commencent à fe fatiguer, ou qu'ils
Ife fâchent, ils jettent un cri aigUj différent de
celui des Vigognes j c'eftune efpèce de ton pJain-
Itif , mais il eft différent lorfque l'animal eft fa-
jtigué ou irrité. Il a toujours la tète en mouvement
Tome /♦ L
S'
M
mi
i(>i Discours
quand il marche , éc fans ccre fatigué ; il regarde
avec une erpèce de fierté de l'un 6c de l'autre
côté du chemin , comme pour contempler la
campagne. Sa laine eft grodîère en comparai-
fon de celle des Vigognes Se des Alpaques; on
l'applique à des ufages pour lefquels il ne faut
pas de laine fine. Il y a quelque variété dans la
couleur : on en voit de tachetée de blanc ëc d'un
brun canelle , ou de blanche ôc noire , comme
celle des Guariûcos ; mais la plus ordinaire eil
celle de la couleur canelle , quoique moins vive
que celle de la Vigogne.
On ne voit plus à préfent de Llamas fauvages;
les troupeaux qu'on en rencontre fur les mon-
tagnes font domeiliques \ les propriétaires les y
tiennent pour les laifTer fe reproduire en liberté,
dans des climats & des pâturages qui leur font
propres \ ainli, ils ne deviennent jamais farouches i
comme les Vigognes , quoiqu^'ils ne foient ni j
enfermés , ni même gênés d'aucune manière.
Comme les plantes ont chacune leur fol pai*
tîculier pour végéter j fans fe propager auffi gé-
néralement dans un endroit que dans l'amire, del
même les animaux ont les lieux de leurs habita»
tiens affignés par" la Nature, pour y reproduire
' & maintenir leur efpèce, & ne paffent point
dans des terreins différensde ceux-là. Les Llamas
font des animaux également communs dans I0I
8 1 P T I 1 M i; l6f
royaume de Quito: les V'igogncii au contraiic ne
fe trouvent que dans celui du P;'rija, <^uoique
ces deux royaumes ne ioienc ([u'uii tncnie con-
tinent , Ik où le cliniac cit le inèmc , quant à la
fubiilitc de l'air ik aux pâturages. En tfl'et , on
voit dans Tan cc l'autre royaurne des cimes très-
élevées, ou punas ^ fur lefq utiles règ'jt un froid
auili vif; 1 ichu y efl: aulu cominiui j l'air y a la
même qualité, aurant qu'on j»eui en juger par
les ftiifations : ainiî iî y a l'eu àe croire qu'il
doit fe trouver quelque caufc particulière, quoi-
qu'infenlible poumons, qui diftingne les Punas^
la partie haute de cette contrée-là fous l'Equateur,
& les terreins qui l'avoifinent , de l'autre qui en
eft plus éloignée j de forte que ce doit ccie la
véritable raifon pour laquelle les animaux par-
ticuliers à Tune , ne peuvent vivre dans l'autre.
Cela vient peut être du principe qui occa-
fionne fur les Punas du Pérou ces naufées & ces
vomiiTemens qu'on n'éprouve pas fur celles du
royaume de Quito : ainfi il y auroit entre ces
deux climats une différence ellentielle, nonobf-
tant la parité que femblent y établir le même degré
de fubtilité dans l'air , le froid ôc les plantes.
Mais on voit le contraire par l'efpèce des la-
pins fauvages; il y en a en quantité dans le
royaume de Quito , & de la même efpèce que
ceux d'Europe, dans tous les rapports poffibles.
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I ^4 D I s c o t^ 5
tels que la grandeur, la forme, la couleur ôc le
goCic. Il n'y en a pas un dans le Pérou , lî l'on
excepte cette erpcce de lapins prives, très diffc-
rens des premiers. On n'en voit même que dans
quelques maifons , où l'on en nourrit par pure
curiofité. En dédommagement de cette efpèce de
lapins qui manquent au Pérou , l'on y trouve
d'autres animaux que l'on appelle f^ifcachas j &
qu'on chercheroit en vain dans le royaume de
Quito : ils ont la même figure Se le poil de la
même couleur que les lapins : ce qui les en dif-
tingue efl: leur queue longue, très- garnie de poil
touffu , comme celle des écureuils , mais feule-
ment à fon extrémité \ car le poil cft clair-femé
à l'origine de cette queue. Cet animal ne la
porte pas recourbée vers la tête , comme l'écureuil,
mais rendue horilbntalement ; les articulations
^n font minces & cartilagineufe::.
Cet .inimal fe cache ^ans les trous des rochers,
& y a fon terrier, au lieu de le faire en terre
comme le lapin. Il s'en réunit un grand nom-
bre : la plupart du tems on \qs voit aflîs fans
manger •, ils fe nourrilfent d'herbes & d'arbuftej
qui croiflent fur ces roches; ils font fort vifs:
s'ils fe fauvent , ce n'eft pas pour courir , &
éviter ainfi le danger, mais pour chercher uii
trou où ils puilfent fe jetter; ils s'y retirent mcme
lorfqu'ils font blelfcs ; c'eft pourquoi il faut kî
SEPTIEME. 1^5
tirer à la tcte fi on veut les avoir j car, en qucl-
qu'aiitre endroit qu'on les bleflTe , ils fe traînent,
^ vont mourir dans le fond de leur terrier, s'ils
en ont encore la force. Cet animal a ceci de par-
ticulier, que, des qu'il eft mort , fon poil tombe
delà peau : ainfi fa peau ne peut fcrvir à nombre
de befoins ordinaires , comme celle du lapin ,
quoiqu'elle foit plus molle, un peu plus longue
6c plus fine. La chair en eft blanche, mais non
de bon goût, ou plutôt d'une faveur dcfagréablej
en certains tems même , elle ne peut fe manger.
La race du Lapin eft une de celles qui font
.es plus répandues fur la terre j il eft rare qu'on
n'en rencontre pas dans un pays quelconque.
On en voie dans la Louyfiaiie de la même ef-
pèce qu'en Europe, mais un peu plus grands ,
tenant le milieu entre le Lièvre de le Lapin j ils
n'y font pas de terriers , mais ils cherchent de
vieux arbres dont le cœur foit pourri : s'ils y
trouvent un creux, ils s'y logent', en grimpant
auffî haut qu'il leur eft poflible de monter ; c'eft
pourquoi la manière de les prendre eft de les
enfumer par le bas de l'arbre, en bouchant route
ilTue : ils tombent alors fuffoqués, ne pouvant plus
s'accrocher à rien. Les chiens avec lefquels on les
chalTe, s'arrêtent aux arbres ou ces animaux fe
retirent. On peut conclure de ces détails que
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rinftiiiâ: de faire des terriers n'eft pas général
dans les Lapins de tous les pays , & que cela
varie félon les circonftances.
Il fe tiouve dans les vafles forêts de la Louy-
iïane une grande quantité d'arbres très-vieux &
creux ; cet animal en profite pour y faire fa de-
meure, & éviter ainfi Thumidité du fol & les
inondations qui y font ordinaires , dans des
plaines fi étendues & fi balfes, proportionnément
a la hauteur des rivières.
Il n'y a dans la partie haute de l'Amérique
méridionale que très -peu d'efpèces d'animaux
fauvagesj mais on ne trouve pas les mêmes, que
celles qui y font, dans les autres parties du Monde*
On ne voit pas de Llamas , de Vigognes , d'Al-
paques dans la Louyfiane , ni dans toute l'éten-
due des royaumes de la Nouvelle-Efpagne , ni
hors de l'Amérique y mais on ne trouve pas de
Ciboroy de Marte ^ de Cajlor ^ ni autres animaux
à poil fin dans le Pérou. Il y a dans les deux
pays des Lapins, des Poules- d'Inde fauvages,
des Chevreuils, des Chamois, des Ours : ainfi
l'on voit des animaux communs à toutes les con-
trées , malgré certaines différences qui réfuirent
du climat , tandis que d'autres font particuliers à
chaque contrée , & fans qu'on ait aucune preuve
fuffifante qui puiffe convaincre que les races qui
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manquent daiis un pays s'y foienc éteintes par le
laps du tems , le climat ayant toutes les pro~
priétés néceHaires à leur entretien.
Le Ciboro eft un animal particulier à la Louy-
/iane & aux parties feptentrionales de la Nou-
velle-Efpagne : on l'appelle communément Bœuf
fauvage. Quant à fa Hgure , fa grandeur & à la
faveur de fa chair, il reiïemble au taureau ou
aubœuf domeftiquej il n'en diffère qu'en ce qu'il
a une laine fine, frifée, au lieu de poil :on fait
un grand ufage de fa chair : on la fale y car on
ne peut la tranfporter autrement , vu qu'il faut
aller très-loin pour le prendre à la chafTe.
On voit nombre de troupeaux de bœufs fau-
vages dans les contrées de Bucnos-jiyres j dont
les vaftes plaines font abondantes en pâturages.
Ces animaux n'ont d'autres propriétaires que
celui qui en tue, pour f^ les approprier; mais
ils font de la même efpèce que ceux d'Europe :
on n'y voit au contraire aucun Ciboro, mais fî
ces animaux-ci y manquent, on ne peut l'attri-
buer à la qualité vicieufe des pâturages ou de
l'air, puifque les bœufs de l'autre efpèce s*y
maintiennent en ii grand nombre depuis la con-
quête. Les Ciboros devroient donc s'y trouver
auiïî , comme dans les contrées feptentrionales.
Il faut admirer en ceci , comme en d'autres
chofçs , la fage économie de l'Etre fi^rème, q';i
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n'a pas voulu que les mêmes produdions fuflem
communes dans toutes les parties de la terre, afin
que chaque pays eût , dans celles qui lui font
particulières , une richeflTe qui lui fut propre ^ de
forte que cette variété fût pour toutes les parties
de la terre un attrait qui fît rechercher par l'une
ce que l'autre pouvoir lui communiquer, ôc qui
étendît ainfi les rapports de la fociété , en confé-
quence des befoins réciproques.
L'Ours eft un des animaux communs par-tout;
on le trouve fur les hautes cimes du Pérou , dans
l'Amérique feptentrionale , & en nombre d'autres
contrées des anciens continens. Mais l'efpèce en
eft beaucoup plus nombreufe dans la Louyfiane
qu'ailleurs On en tue en très-grand nombre, &
l'huile qu'on tire de fa graifTe fert à préparer le
manger j on tire auflî parti de fa chair , fur-tout
de [qs cuifles & de fes épaules, & l'on en fait
des jambons comme du porc,
L'Ecureil n'eft pas rare dans ces forêts : on le
trouve dans les montagnes de l'Amérique, Ôc
même dans la plupart des contrées de ce conti-
nent. 11 y en a d'une efpèce noire dans la
I-o.tTfiane, mais de même grolfeur que l'efpèce
ordin'.ui'e. Celle-ci fe voit dans les hauts pays du
Miiiilipi , & n'eft pas fort commune. Les plus
remarquables fotit ks voltigeurs : ils s'élancent &
Yolçnt à la diftance de vingt varas^ fe fervant;
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SEPTIEME. 1^9
pour cet effer, de deux membranes qui naiflent
aux deux côtés de le'ir bas-ventre , &: qui s'unif-
fent aux pattes de derrière & de devant : quand
ils veulent s'élancer , ils tendent ces deux mem-
branes , & paiïentd'un arbre à l'autre, mcfurant
il bien la diftance à laquelle ils peuvent fe fou-
tenir, qu'ils ne tombent jamais entre les deux
limites. Ils font un peu plus petits que refpèce
ordinaire : du refte , ils lui reflemblent par la
touffe poilue que forme la queue, par la forme
de la tcte ôc du corps , ôc par cette extrême a^'.^
lire qui les tient, pour-ainfi-dire , touj jurs en
mouvement.
On ne voit ni infedtes, ni animal venimeux
dans la partie baffe de l'Amérique, connue fous le
nom de Vallès ou Vallées^ ni dans la partie haute.
Les chaleurs de l'été font modérées dans la pre-
mière, & il ny pleut pas. Dans la féconde, au
contraire, on éprouve un froid plus ou moins
fenfible, & il y pleut beaucoup. Mais tr cer-
taines provinces intermédiaires, où Ion n, fenc
point de très-grandes chaleurs , de où il ne pleut
pas, comme dans la partie haute , il ; a nombre
de reptiles venimeux, fur-rout des vipères; le ve-
nin en eft fî aâiif qu'il caufe une mort infaillible,
comme en Europe. C'eft ce qu'on a lieu d'ob--
ferver dans les vallées & dans les gorges qui
font aux pieds de la chaîne de montagnes , fa voir
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1^6 Discours
entre cette chaîne & les bas pays qui s*étendeiu
vers la mer. On rencontre beaucoup de vipères
à 34 lieues de Lima, i, la partie du Sud & de
l'Eft , où font les vallées de Las CapUlas^ de
Huaquinaj Huancaconachi j ôc du Topara; ces
vallées correfpondent les unes aux autres : mais
fi l'on monte cette chaîne de montagnes , ou fi Ton
tourne vers le pUt pays , on n'en voit plus. Il n'en
eft pas de même dans la vallée de Luna^Guana,
dont la pofîtion eft la même que celle des précé-
dentes , au pied de la chaîne des monts , & diftante
d'environ 1 1 lieues : on n'y trouve point de tels
reptiles : d'où l'on peut conclure qu'il y a dans cer-
tains terreins des qualités particulières qui don-
nent lieu a la propagation de ces animaux., tandis
que d'autres font contraires à leur exiftence.
Mais quelle eft cette qualité du fol dans les
pays qui ne font pas montagneux & humides?
comme ceux de Guayaquil, Panama, Cartha-
gènej c'eft ce qu'on ne peut déterminer au jufte.
Cependant il y a lieu de préfumer que , s'il fe
trouve des vipères, &: autres reptiles venimeux
dans certains pays , cela vient de ce que le fol
eft un peu pierreux , & non un fable pur , tel
qu'eft celui des vallées en général.
La Nature montre par-tout fes merveilles dans
la variété étonnante avec laquelle elle a diftribué
ôc placé toutes les chofes , fans nous laiiTer ap-
SEPTIEME. 171
percevoir les règles de fa fage économie. On
voit nombre de couleuvres dans Tille de Cuba ,
& dont la morfure ne caufe point de grand dan-
ger, comme il en réfulte de celle des couleuvres
des autres climats chauds & pluvieux de l'Amé-
rique j mais on n'y voit ni Coraies ^ ni Cafca-^
helès y quoiqu'on en trouve beaucoup près de
Carthagène , en Terre-ferme ^ dans la Louyfiane ,
où même ces reptiles font d'une grandeur ef-
frayante. Outre ces deux efpèces , il y en a en-
core ici nombre d'autres.. Les plus ordinaires font
de couleur noire : or , on en rencontre rarement
qui ne foient pas venimeufes, & extrêmement
dangereufes. Ces reptiles difparoifTent pendant les
froids de l'hiver. L'opinion la plus probable eft
qu'ils dorment enterrés dans la fange, & que
quand la chaleur fe fait fentir , ils fortent de
ces bourbiers j le nombre en eft même alors (î
confidcrable , qu'il eft fort dangereux de marcher
où il y a des herbes.
Je ne vois pas qu'on foit fuififamment fondé
à dire r|ii il n'y a pas d'animaux venimeux dans
Cuba & dans les autres Ifles voifînes , parce que
ce font des Ifles j car cela feul n'empècheroit pas
qu'ils ne s'y fulTent propagés , comme les autres
animaux qui ne le font pas. En effet , on y
trouve ce ferpent appelle BoBa, d'une grandeur
extraordinaire, & analogue à celui qui fe voit
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172 Discours
près de l'Orénoque , du Maragnon , & antres
fleuves de l'Amérique. On ne connoîc pas datù
la Louyfîane cet infedte , fi commun en Améri-
que , appelle Nigua ou Pique ^ 6c qui caufe tant
d'incommodité dans l'Ifle de Cuba , où il y a même
le plus grand danger à fe mouiller je pied après
en avoir tiré l'infedte : maison le trouve dans la
province de Quito , dont l'air efl: fi pur , qu'il
ne foufFre aucun animal venimeux , ni d'infedles
incommodes.
La partie haute du Pérou n'eft pas non plus
expofée à cet inconvénient : s'il irrive nicme que
quelques-uns de ces infedtes y foient tranfporccs
fans qu'on s*en apptrçoive , ils y meurent aulli tôt;
Se la Nature les fait fortir elle-même des chairs
où ils fe font logés , fans employer oucun moyeu
étranger. Il feioit poflîble qu'il y en eût dans le
Quebradas j où la température efl: chaude*, mais
fi on les tranfporte avec foi fur les hauteurs, ils
y périfTent. Les grands froids qu'il fait dans la
Louyliane pendant l'hiver, font peut être caufe
que le Nigua n'y peut fubfifter, quoiqu'il y en
ait un autre aulîî grand, ou même plus petit,
mais non moins incommode.
A niefure que les herbes de cette contrée s'c-
lèvent ôc fe multiplient, il s'y multiplie aiifiî un
infede des plus incommodes. Il fuffit de marcher
deffus pour qu'il s'attache dux pieds j on l'appelle
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SEPTIEME." 175'
Bcte'rouge. Cet infedle eft fi petit , qu'il faut la
vue la plus aiguë pour l'appercevoir, A l'aide
du microfcope, on le trouve de la forme d'un
crabe, ôc rouge j il s'introduit fous l'épiderme,
ôc y caufe une fenfation fi brûlante, qu'on croi-
roic que c'eft ie feu même : Ci par hafard on pé-
nètre dans cet endroit, il eft impoflible de l'en
tirer , parce qu'alors il s'enfonce dans la peau
même. Comme on fait cela , on fouffre patiem-
ment, & on le tire avec la pointe d'une aiguille:
dès qu'il eft dehors , la chaleur cefTe. Cette pi-
quure occafionne des ampoules qui fe remplif-
fent d'eau j il s'y forme une matière féreufe ,
comme dans les brûlures ou dans les cautères ,
ce qui prouve l'activité de la piqûre. Il paroîc
prefque impolTible qu'un infede auiîî petit que la
pointe d'une aiguille , caufe un mal fi fenfible :
il s'introduit non-feulement dans les pieds, mais
encore par- tout le corps. Le moyen d'adoucir la
douleur eft d'hume(5ler la partie piquée avec du,
vinaigre j en réitérant cela, il meurt, mais ce
n'eft qu'au bout de quelques jours.
Ce pays eft un de ceux où l'on eft le plus ex-
pofc à des infedtes incommodes. Les cantharides,
ks poux de bois, s'y rencontrent communément,
Se il eft difficile d'entrer dans les forêts fans en
être affailli ôc couvert. Ces poux de bois iiy font
pas aulli grar-ds que ciux qu*on connoît ail-
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174 Discours
leurs : ils font gros comme le quart d'un graiti
de bled , mais les effets n'en font pas moindres
que ceux des prccédens. Avant de les arracher de
la peau , il faut oindre la partie avec de l'huile
& du fiiif, ou autre corps gras, pour leur faire
lâcher prife , autrement ils fe rompent à leur col,
6c la tcce qui refte dans la peau , caufe autant de
mal que fi l'animal y étoit entier : cette tête y
refte mcme plufieurs jours, & ne fort qu'après
avoir perdu fa force par la continuation des
chofes ondtneufes qu'on y applique. On fent de
tems en tems cette tête mordre, d'où l'on peut
conclure qu'elle n'cft pas encore morte, & qu'elle
n'a pas mênje encore perdu fon adivité : ce qui
s'obferve aitlî au polype d'eau.
Parmi les divers infedes que l'on trouve en
grand noinbre dans la Louyfiane , il y des Mof-
cuites de différentes efpèces, & aufli incommo-
des qu'on puifle en rencontrer le long des ri-
vières , & dans les climats les plus chauds & les
plus humides : il eft prefque impolîible de fe
garantir en aucun endroit de leurs piqûres dou-
loureufes. Outres les infeétes ordinaires, tels que
les Mofquites ou Zancudos ^ 8c les Gegenèsj on
en voit encore d'autres , comme les Frappe-d'a-
bord y les Demoifdles ^ les Mofconhy ou Taons y
dont la piqûre ne caufe point d'ardeur, mais
fait forcir le fang. Ils font innombrables tant en
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efpèce qu'en quantité , ^'eft ce qui rend le mof-
quitero de linge, ou garde-mouche j d'un ufage
indirpenfable. En général , on porte de longs
caleçons qui couvrent toute la jambe & le pied,
mais la face & les mains ne peuvent en être ga-
ranties , & s'enflent par l'effet du venin qiu s'eft
introduit dans les piqûres : on en eft particuliè-
rement incommodé en voguant fur les rivières ;
or, c'ed la manière la plus ordinaire de pafFer
par ces contrées.
L'humidité exceflîve de ce pays, les marécages
& les Lagunes qui fe forment dans la plaine ,
la grande chaleur de l'été , font des caufes bien
fufïifantes pour produire la quantité csnfidérable
de crapauds qu'on y voit. Portobelo , où ils font
Çi communs, n'eft cependant pas comparable, à
cet égard , à la Louyfiane. Il y en a d'efpèce Ôc
de groflTeur différentes : on en voit dont le corps
feul, fans y comprendre les cui/fes, a, de diamè-
tre, plus du tiers d'un vara, & , de longueur, les
trois quarts. Le bruit qu'ils font égale le mu-
giflTement d'une géniffe d'un an , tant il eft
raiique & fort. Comme cqs animaux fe tiennent
continuellement dans l'eau, le vulgaire les prend
pour des grenouilles , mais leur coulçur qui eft
d'un verd obfcur, & la rondeur de leur corps,
prouvent le contraire. Quand ils crient en grand
nombre , ils furpalfent la voix des autres efpèces :
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on croirolt entendre une bafle, dont le fon de-
vient trjs-i'atiguanr.
On voit fur-tout, parmi ces nombreux infcdcs,
quantité de cerfs - volans , dum les cornes' font
fort longues £< branchues comme les bois d'un
Cerf- ils font fort dangereux pour les yeux, car
ils fe lancent dans le vifage wec violence : la
couleur en cft noire , le corps a la grolfeu du
grand Scarabée
Les Cucarachas ^ connus à la Havane & dans
les autres climats chauds , ne le font pas moins
à la Louyliane , il y font mcnie plus dangereux:
on les y nomme Ravers. Ils font plus grands
que ceux de Carthagcne ou de Cuba ; l'odeur en
efl rebutante. Les rats ne font pas plus de dégât,
car ils rongent tout avec une extrême prompn-
tude , c'ell pourquoi il fiut avoir le plus grand
foin pour en garantir le papier, & même les
habits : cet infede efl: fort rufé , & fuit très-vîte
au moindre bruit qu'il entend.
Parmi les efpèces de petits animaux qui em-
bellifliènt la terre en diverfes contrées, on doit
admirer comme une chofe très-curieufe les Cu-
cuyos , qu'on trouve dans Cuba, & en plus grand
nombre que dans les llîes voifines. Ils font de la
clafTe des vers-luifans ^ ( Lucernas ) que l'on voit
voltiger de nuit, mais fort différens de l'efpèce
commune : ils en font fur-touc diftingués par !a
vivacité
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luit très-vue
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1fîvacîté& l'cclflt fingulierde leur lumière , Ôc ne
tiennent rien de l'efpèce des vers aîlés en ma-
nière des papillons. Cet, infede a la forme des
Curianas ou des Cucarachasj ayant quatre aîles ,
qu'il fort de la conque ou croûte teftacée qui le
couvre à la partie fupcrieure. Vers le milieu &
à chaque cote du bas- ventre , il a deux taches
ou magafins lumineux , de la grandeur de deux
petites lentilles : c'eft par- là qu'il fait rémiflîon
de fa première lumière. On voit à ^te deux
autres taches femblables , à l'endrou où doivent
Être les yeux , mais un peu moindres que les prc-
cédentes. C'eft de ces quatre .points qu*il répand
une clarté aflez confidérable & bien vive. L'a-
nimal peut à fon gré répandre ou fupprimer cet
éclat, & l'entretenir long-tems. Il fe ranime,
prend une nouvelle vivacité lorfqu'on le met dans
l'eau. S'il dort , ou qu'il ne jette point de lu-
mière, il fuffit de le remuer pour le forcer a le
faire.
On voit aflfez pat ces etfets que l'animal abonde
en matière phofphorique. Il faut remarquer que
les points d'où part la lumière font jaunes quand
l'animal eft mort, ou n'éclaire pas. On en voie
fur-tout en été j tems des pluies ôc des chaleurs,
une très-grande quantité , on n'en apperçoit pas
en hiver. Cet infede fe nourrit du jus des cannes
à fucre qui croifFenc & mûiiffent en été -y aufli en
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crouve-t-on le plus grand nombre dans les plan*
tations de fucre. On n'en trouve pas dans li
Louyûane, quoique crès- proche , & malgré li
culture du fucre. Il n'y en a pas non plus dans les
autres pays où croît cette plante. On peut les con*
ferver deux mois environ , dans de petites boctes
â jour, faites pour cet effet. On leur donne de
petits morceaux de fucre , dont ils fucent la fubf-
tance , ce qui leur va bien , puifque c'ed un
extrait de la canne.
Comme c'eft de nuit que cet infede répand fa
lumière en volant, 6c fe laifTe appercevoir, il
ne feroit pas facile de le prendre , fi , flatté lui-
même de la beauté de fon éclat , il ne fe laifloit
tromper avec des charbons ardens qu'on porte
alors , & auxquels il vient dès qu'on les lui pré-
fente, feroit-il même à une diftance éloignée:
c'eft ainfi qu'on s'en faifit. Cette impulfion qui
l'amène, paroît venir de ce qu'il croit voir dans
ce charbon ardent un autre animal de fon efpèce,
vers lequel il vient à l'inftant : audi tous les vers
femblables , qui font dans les environs , fe ren-
dent-ils vers ce charbon dès qu'ils l'apperçoivent.
Mais la même chofe ne réufllt pas avec une lu-
mière , telle que feroit celle d'une bougie ou
d'une chandelle.
Lorfque la lune ne luit pas , 6c que les Cucuyos
paroiirenty c'eft un fpedtacle des plus beaux que
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s E P T I E M C; 17^
Je voir la campagne remplie de ces lumières bril-
laiires. Les habicaiis s'amufeiu à- les prendre pour
en tenir en cagej ils en lâchent quelques-uns
dans une chambre non éclairée, qui fe remplit
aufli-tôc de lumière , & prennent beauco up de
plaifir à voir voltiger cet éclat dans tout le con-
roiir de la pièce. Quand les femmes fortent le
foir pour prendre le frais , elles en ont ordinai-
rement la tête parée j elles en mettent des col-
liers & des bracelets , qu'elles arrangent de di-
verfes manières , & marchent ainfi tout écla-
tantes, comme fi elles avoient fur elles des cou-
ronnes & des colliers de lumières naturelles.
Il y a audi des vers luifans dans d'autres pays
chauds où croît la canne à fucre, & où elle ne
croît point : mais ils font de Tefpèce des papillons
de nuit. La lumière qu'ils jettent n'eft pas à
comparer avec celle des Cucuyos ; car, avec un
Cucuyo dans la main, on lit très-bien quelque
I lettte que ce foit.
Il paroît que cet animal fe fert de fa propre
I lumière, pour diriger fon vol, & s*élever do
manière à didinguer les têtes de cannes à fucre»
d'où il doit tirer fon aliment. Il dort de jour &
ne jette point d'éclat j la nuit il voltige & brille.
Le Mucamuca , ou Chyca , eft pareiljemenc
[commun à la Louyfiane : on l'appelle Rat-de-boîs,
11 a les principales proptiétés des rats des autres
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pays : auffi eft-ce un des animaux qui fe trouvent
répandus dans les d«ux iiémifphères de TAmé-
rique.
Il femble que la rigueur du froid & les ge
lées de l'hiver n'y devroient pas fouffrir cer-
tains animaux , qui font comme indigènes des
pays chauds. Parmi ces animaux font le Caïman,
ou le Crocodile d'Amérique j mais on en voit
un n grand nombre ici dans les rivières , qu'on I
auroit peine à en trouver davantage dans les con-
trées de la Zone torride j il y en a d'une grandeur 1
prodigieufe : ils diffèrent aufli de cqu\ du Guaya-l
qu'il , du Ckagres , & d'autres rivières , en ce que
leur couleur eH: terne, tirant fur le noir ^ au lieu
que les autres font d'un gris-fombre : on lej]
appelle Crocodiles, Ils font également dange-
reux pour les hommes & pour les autres animauii
lorsqu'ils ont faim ; ils ont la gorge fi grande,
qu'après avoir faifi un pieu avec l'appât , ils l'ava-
lent jufques dans le ventre même; Ôc au ino-i
ment où ils font tirés tout près du rivage, ili
vomiflent ce pieu qui a une demi-vara de long,
& fe dégagent, en emportant l'appât : ce donil
on fait de fréquentes expériences.
Les animaux qu'on regarde comme nuifibles,
en ce qu'ils ont une inclination naturelle à vivrel
aux dépens du travail des hommes , ont auiH
quelques proptiécés par lefquelles ils indemnij
f à
s 1 P T I E M t. 181
fent du dommage qu'ils caufent : les Fourmis
font, fans contredit, de ce nombre. En effet,
elles enlèvent «ne partie des femences nouvelle-
ment mifes en terre , pour en pourvoir leurs ma-
gafîns : les plantes les plus utiles & les mieux
foignées font détruites par les ravages que ces
infedes y font : ils en rongent les racines & les
écorces , & font mcme fort redoutables quand
ils viennent en grand nombre , fur-tout les ef-
pèces qui fe font remarquer par leur grandeur.
Les Fourmis ne font pas moins à craindre dans
les maifons ; car elles y pourvoient à leurs ber
foins , en y caufant beaucoup de dommages.
Mais, fi cet infedeeft d'un côté fi deftrudeur,
il efl: de l'autre de la plus grande utilité dans les
Indes du Pérou , contre les reptifes venimeuir.
Il faut obferver que , nonobftant le nom de
Cordillère royale des Andes ^ qu on donne à la
panie haute de ce vafte pays , on entend-Ià pat
montagnes àcs Andes , les pays montagneux de la
côte orientale des CordillcTes , dont le climat
eft chaud & humide -y car il y pleut beaucoup.
Or, ces terreins font d'une hauteur anal^ogue à
la partie baflfe occidentate , appellée Valès oii
Vallées , & où il ne pleut pas. Ce pays eft donc
rempli die ferpens des plus venimeux : tels font
les Corales j Càfcabeles , ceux a deux têtes , les
Bejuquillos de autres. Oh y trouve auflî les CiefH^
M 3
1, '
l8l D I s C O U R. »
tofùès y les Scorpions , & nombres d'autres cf.
pcces communes.
Mais ces pays abondent audî en Fourmis d'une
cfpèce beaucoup plus groiïes que les Fourmis or-
dinaires ^ 6c ils feroient inhabitables , (î ces Fourmis
fe jettoient fur les hommes avec la même vora-
cité que fur les reptiles. Comme elles ne peu-
vent vivre de même que l'efpèce ordinaire , elles
fuivent un tout autre train de vie. Elles voyagent
en troupe dans les campagnes , & chalTent ainfi
aux reptiles , en grimpant fur les arbres , les
cherchant fur terre, & dévorant tout animal qui
fc rencontre : elles parcourent les bois , les vallées,
fe jettent dans les maifons éparfes ça 8c là fui
les bords des rivières & dans les champs , &
ne quittent aucun lieu fans l'avoir vifité , & en
avoir dévoré les infeâes. Les ferpens les plus
gros £z les plus venimeux , les Cientopiès , Scor-
pions , Lézards , Crapauds , animaux qui fe
multiplient moyennant l'humidité & la chaleur,
ne peuvent réiilter â l'attaque de ces groffes Four-
mis , ni fe fauver. Dès qu'elles ont nettoyé une
maifon , elles la quittent , & continuent leur
, . marche , cherchant leur pâture dans un autre
pays. Elles fe jettent en (î grand nombre fur un
animal quelconque , que fans lui donner le
tems d'échapper , elles le dévorent malgré tous
, les efforts qu'il fait pour éviter leur pourfuiie:
SEPTÎIME. ]S|
ce qui prouve que le grand nombre triomphe
facilemenr de la force , delà vîtelTe, & de l'ac-
liviié du venin des animaux qu'elles accaquent.
On y appelle Chacos ces troupes de Fourmis.
Elles font un H grand bruit fur les feuilles fèches
qui font tombées , qu'on les entend à certaine
diftance : les gens avertis par ce fignal , fortent
de leurs maifons , les abandonnent , & ne re-
viennent que quand cet infede vorace s'eft retiré :
ils les trouvent bien nettoyées , & font alors tran-
quilles à l'égard du Chaco , dont le retour régu-
lier, n'eft plus à craindre que dans certain tems
fixe. Ces Fourmis ont , fans doute , l'inftind de
fentir & de trouver les pays où les infedes ve»
nimeux fe font multipliés.
La Nature , qui a donné un inftin^t particulier
l chaque animal , a audi donné à ces Fourmis ^
celui de fe nourrir des animaux les plus veni-
meux , & les a placées en même tems dans
les contrées oiî l'on en trouve le plus grand nom-
bre. AinH , l'on ne doit pas être furpris qu'elles
n'attaquent ni les hommes , ni d'autres animaux ,
que ceux qui font dangereux & nuiflbles par
leur venin. J'ai déjà dit , en parlant de la challè
de la Vigogne , que le mot Chaco fignifie une
compagnie ou réunion.
Malgré le grand froid des hauts pays du Pérou y
le dimat n'eft pas exemc des fléaux qu'on éprouve
M4
y I
,r.)
W
I 1
t84 Discours
en Europe ; car on y voit quelquefois des nuées
de Sauterelles qui font beaucoup de dégât, il en
parut , en Décembre 1761 , dans la province
d'Angarae\ , qui eft des dépendances du Gou-
vernement de Guancavelica. Les Quebradas yAoni
les unes y font d'une demi-lieue de large, & d'au»
très plus fpacieufes , furent couvertes d'une éton-
nante quantité de ces infedes. Lorfqu'ils voloient,
ils formoient les nuées les plus épailfes, & con-
tinuoient aind â voler pluHeurs }ours fans inter-
miilîon j de forte que la vue fe fatiguoit & fe
troubloit , par le mouveiu«nc rapide & continuel
de ces nuées.
Tous les terreins où tombent ces fauterelles
fouffient beaucoup de dommage , fur-tout quai^d
elles trouvent les fruits de la campagne dans l&ur
premier^ végétation. On obferva , en 1761, que
ces Sauterelles dirigèrent leur vol contre le cours
des fleuves , ôc qu'au lieu de s'élever dans les
hauts pays , elles fe maintinrent dans la partie
baffe , entre les Cordillères qui bornent les deux
cotes.
Ce fléau n*y paroît pas fouvent , malgré le peu
de peine qu'on prend pour l'anéantir : dès qu'il
a celTé , il fe palfe plufleurs années fans qu'on
en voye le moindre figne. Le dommage que ces
Sauterelles font aux femences , n'efl; pas (î conn«
^érable que celui qu'on en épcouve en Europe )
i> I
M"-
ï .
fe E P T X 1 M I. *f ÎJf
fcla vient peut-être de ce que la température
«d différente. Ces Sauterelles paroKTent en £u'
rope dans le plus fort de l'été ^ mais la tempé-
rature de la Quehradas j d*Ifcuckaca , ôc d'au-
tres Semblables ,' eft analogue à celle du printems.
Je ne dois point palfer fous (îlence , que les
elTainis d'abeilles domediques fe font beaucoup
multipliés à l'Ifle de Cuba , dans le voifuinge de
la Havane , pendant le court efpace de tems
qui s'eft écoulé depuis 1 7 <^4 , après que la Paix
eut été conclue avec l'Angleterre. Il n'y en avoir
pas auparavant ; car relies qu'on y voyoit étoienc
fauvages & d'une efpèce différente. Les familles
qui jufqu'alors avoient demeuré à Saint-Auguf-
tiii de Floride , s'étant rendues dans l'Ide de
Cuba, après qu'on eut évacué ces lieux , ap-
portèrent avec elles quelques ruches, qu'elles pla-
cèrent a Guanavacoa Ôc en d'autres lieux , par
pure curiofité. Ces Mouches fe multiplièrent au
pgint qu'il s'en répandit dans les montagnes ^ &
l'on comment^a à s'appercevoir qu'elles devenoienc
nuifibles aux cannes à fucre , dont elles fe nour-
riiToient. Leur fécondité fut fi grande , qu'une
ruche donnoit un effaim , & quelquefois deux »
par mois ^ l'un ordinaire , l'autre moindre , en
les châtrant tous les mois : on ne les foignoit
même pas avec toute l'attention qu'on y apporte
en Europe. Elles reudoienc autant de miel (Se
111
■. fi
s8(> Discours siptiemi.
de cire que dans les endtoics où l'on n'a foin de
les châtrer qu'une ou deux fois par an ; la cir«
eil des plus blanches , 6c le miel audl clair &
d'aufld bon goût qu'on en puiife trouver. D'après
ces faits , il eft évident que la cire & le nniel
pourroient devenir une des branches avanta-
geufes du commerce pour cette lilc , fans mcme
s'occuper trop foigneufement des Mouches , ni
négliger la canne à fucre, qui feroic toujours
I objet principal.
m
DISCOURS HUITIEME.
Des particularités relatives aux Volatils,
J^A partie haute du Pérou n'o/Tie pas beaucoup
d'efpèces doifeaux , fur-tout de ceux qui fe font
remarquer par la beauf<^ de leur plumage &
l'harmonie agréable de leurs chants : il paroît que
c'eft le froid qui en eft la caufe. On remarque
le contraire dans les climats chauds de la Zone
torride. La Louyfîane , qui participe de Tune &
de l'autre température , ne préfente pas cette
variété de beaux oifeaux qu'on voit â la Havane,
à Carthagène , & dans d'autres contrées fembla-
bles; cependant il y a quelques efpèces d'oifeaux
d'un plumage agréablement nuancé , & dont le
goder a fes charmes & une belle mélodie.
Le Sinfonte , ou VOifeau moqueur , n'a rien
de bien particulier dans fon plumage*, mais quand
il eft en liberté , il charme par l'harmonie de fou
ch^nt , & par les roulemens & la modulation
infiniment variée de fon gofier. 11 ne s'arrête pas
pour chanter, mais il chante en voltigeant, &
fait mille jeux de U,% aîles dans lair, felai^fanc
!.''•
ilils*.^
i '
iS8 Discours
tomber en apparence fur une branche d'arbre où
il fe pofe , ôc pour s'élever auilî-tôc à la hauteur
de cinq ou Cix varas. Pendant qu'il s'amufe à
voltiger ainfî , il ne celTe de chanter -y il change
mcme de chant avec autant de vîtelTe que de
pofition. Dès qu'il s'arrête fur une branche il
garde le filence : Voilà pourquoi on ne jouit pas
de tous les agrémens de fa mélodie lorfqu il eft
enfermé. Comme il contrefait tous les animaux
qu'il entend , on l'a appelle Moqueur. Sa vivacité
& fa légèreté naturelles font peintes dans la va-
riété de fon chant ; mais des qu'il eft enfermé ,
il s'attrifte ôc meurt promptement ^ d'ailleurs il
eft trop'délicat pour être nourri en cage : on peut,
fans contredit , le regarder comme le roi des ui-
féaux , pour le chant. Il vit de mofquites , mou-
ches, & autres infedles : aullî la Nature lui a donné
tin bec long Ôc affilé , propre pour les attaquer.
On voit encore dans ces contrées trois autres
efpcces d'oifeaux qui ont un chant fort agréable
Se fingulier. Les François , faifant attention aux
nuances différentes de leur plumage , ont nommé
les uns Papgs , les autres Cardinaux , & les
iroifièmes, Evêques, Nous appelions Maripofas
ou Papillons , les Papes , faifant allufîon à la
beauté raviffante du coloris que prennent leurs
plumes , dont les nuances changent félon le jour
& la pofuion. Les Eveques font ceux que nom
. i
H u I T r I M i; 189
nommons A^uUjos : ces deux efpèces font plus
petites que celles Ats Cardinaux \ mais toutes
Uî trois font trop délicates pour vivre en cage :
on en voit mourir un grand nombre avant de
pouvoir en garder un feul.
Les Cardinaux ont tout le plumage rouge*, mats
il fe trouve d'autres oifeaux de la même taille,
qui ont une partie du col jaune , & les extrc'
mités des ailes noires : on les nomme Turpianh ^
le chant en eft fort amufant. Il y en a aufli de
belle couleur de rofe : à cet égard il y a beaucoup
de variété. Ce font autant d 'oifeaux de paiTage ;
car ils difparoilfpnc en hiver, & vont fans doute.
cherrHer des climats plus doux , convenables 1
leur conftkution.
Les oifeaux plus particuliers à la haute panie
du Pérou , font les Fiches , qu'on trouve com-
munément dans toutes les contrées de TAmcri-
que ; le chant en e(V agréable. Il y auili des Char-
donnerets. Les Periquitos , ou Cotorritas , de la
petite efpèce , ne font pas rares dans les Quebra-
dus. On voit beaucoup de Cotarras , de l'efpècé
ordinaire des pays chauds , dans les gorges qui
font au pied de la chaîne de montagnes , & qui
s'ouvrent dans les vallès ou vallées ^ tandis qu'on
n'en rencontre point dans la contrée même ap-
peilée Vallès : ce qui eft fort remarquable; mais il
eil encore plus iîngulier que l'on voye dans l'Iile
'l'i,
■"•■.'■.■;. ^<-
: :— i,.^-*'^? — ^«,11
i
lu
190 Discours
de Cuba , & fur la côte de Campêclic des oi-
feaux de grand plumage, Se nuancés des couleurs
les plus vives, tels que les Guacamayos de diver-
(ts efpèces , les Coton as : arj refte ces oifeaux ,
ni \qs Periquitos ne fe trouvent point dans la
Louyfiane. La raifon qu'on en peut donner , eft
que ces oifeaux ont néceilairement befoin d'une
température toujours chaude , n'étant pas en état
de rélîfter aux froids de l'hiver : d'ailleurs n'é-
tant pas oifeaux. de paffage, & capables de tra-
verfer la mer, comme d'autres , ils ne fe fixent
pas non plus daiis des poys où le froid les dc-
iruiroit infailliblement.
Le bas pays du Pérou a auiîî fon hiver , quoi-
que modéré \ car le foleil y refte caché pendant
plufîeurs mois , & c'eft alors qu'on y éprouve les
garuas ^ ces garuas ne font pas Ci durables dans
les hautes gorges des Quebradas , éloignées de la
mer ; aufti le froid y eft proportionnément plus
modéré. De-là il réfulte que l'on voit d'un côté
les oifeaux particuliers aux températures chaudes,
& non de l'autre.
Les Cotorras Se les Guacamayos fe perchent
ordinairement en grand nombre fur les palmiers,
ou fur d'autres arbres. On les tire alors , & il
en tombe autant que le coup peut en tuer ^ mais
il y en a toujours parmi les morts quelques-uns
qui ne font que blelTés : incapables de prendre
vv'^'- ^^ -
ft O I T 1 I M «• 19»
lear vol , ils crient fans celfer, Ôc ceux qui avoient
dirparu au bruit du coup , reviennent , voltigent
autour des bleifcs : on les tue alors comme les
autres. De cette manière on en tue beaucoup ;
ce qui eft un grand plaifir pour le chaffeur.
Il paroît que les oi féaux aquatiques font ceux
qui s'accommodent le mieux de toutes les tem-
pératures. On trouve différentes efpèces de Patos^
& même en quantité , dans les rivières de la
haute partie du Pérou , & àa.u^ ÏQS Lagunes
qui font fur les monts les plus élevés , où le
froid eft fort fenfible. ^es plus communs font
ceux qu'on zp^clio Patos réaies ^ ( c'eft la plus
grolTe efpèce j ) les Labancos , PatUlos , Gallo'
retas. On rencontre ces mêmes efpèces dans les
Fallès , à Guayaquil » & dans tous les pays de
la Zone Torride ^ a la Havane , dans la LouU
liane ; dans les parties les plus au Nord de l'A«
mcrique feprentrionale ; de forte que ce font les
volatils les plus répandus 8c les plus abondans.
On obfervâ la même chofe dans les parties les
plus froides du Sud 'y ce qui en prouve la géné-
ralité.
On en tue beaucoup dans la LouyHane : tous
les jours les chafTeurs reviennent audi chargés
qu'il leur eft podible d'en porter : c eft la viande
qu'on mange le plus ordinairement depuis Nc-
Vembre jufqu'en Mars. Chaque famille a corn-
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munément fon chaflTeur qui eft Indien ou Métif ;
ces gens forcent de grand matin , & reviennent
avec la provifion nécedaire pour la journée.
On trouve une efpèce femblable à la Gai-
lareca , dans la partie haute du Pérou : on l'ap*
pelle Jujui, Cet oifeau a le plumage noir ; il
imite fi bien certaines fyllabes de la parole ,
que les chafleurs y font trompés , Se croyent que
ce font leurs compagnons qui les appellent. Il
ne peut s'élevei fur fes ailes j fa feule défenfe eft
de plonger dès qu'il entend le mouvement de la
platine du fufil. 11 en eft ^e même des Zambul-
lidores^ qui font une efpèce difFéionre des Patos,
& s'élèvent auflî peu : leur grolTeur égale celle
des pigeons : le plumage en eft blanc , prefque
femblable à du poil j le bec eft aigu , & non en
cuiller. Les Gallarctas font de tous les c^mats ,
& fe rencontrent en quantité dans les lacs où il
y a beaucoup d'oifeaux aquatiques. *
Les Perionas font remarquables entre tous les
oifeaux aquatiques par la beauté de leur couleur.
Le col , la poitrine , jufqu'au milieu du dos ,
font d'un beau rofe très-avivé , qui charme la
vue j il s'éteint peu-à-peu , & fe termine en
blanc vers le croupion ; le col eft long , courbe
comme celui des Gari^ettes ou Hérons blancs,
Cet oifeau eft de la grolTeur d'une Outarde : il vole
ep bandes , & vit des animalcules qu'il trouve
dan(
VI
_. ..«.•"A''.
^_.:••-»A.
tf U I T I E M I. 19 J'
flans Teau , & des racines des plantes qui y croif-
fent j lorfqu'il eft mort fon plumage perd la vi-
vacité de (es couleurs t ainil , c'ed l'oifeau doni
on reconnoît particulièrement la fraîcheur ou
l'ancienneté du plumage. On trouve de ces oifeaux
dans la Louyaane Se dans d'autres parties de l'A-
mérique , comme aux Cayes > vers. le Nord de
l'ifîe de Cuba : on les appelle Flamencos j ils
ont une forte odeur de coquillages , qui les rend
jinfupportables j il fuffît de les toucher pour en
ctre inftdé ; le bec en eft long & gros , & propre
j à couper les racines des rofeaux & dcji joncSé
Les Gardas font en plus grand nombre dans
lies vallées de la partie balfe du Pérou , que
dans la haute : les efpèces en font variées : on
en voit beaucoup plus dans l'Ifle de Cuba &
[dans la Louyfiane. Cette claflTft d'oifeanx offre
jne efpèce qui fe voit dans la partie balTe du
^éroii , Se non dans la haute : on l'appelle Spa-
tule , parce que fon bec en a la forme : il eft,
long de trois à quatre pouces , fur un pouce de
large , ou un peu moins ^ fon extrémité fe ter-
mine en forme circulaire , étant plus large que le
refte ; elle eft en même tems plus mince , ne
confiftant qu'en deux feuilles fines & lilTesjde
forte qu'elle ne diffère pas d'une fpatuU. Cet
3ifeau pêche fingulièrement j il fait autour de
\x\ , de côté Se d'autre , un demi-cercle avec
Tome L N
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LU)
'A. \ il' hl
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V If
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li!
«94 Discours
fa fpatule, & s'en fert avec tant d'adrefle , qu'au-
Cun petit poiflbn , vers lequel il dirige fon bec,
ne peut lui échapper. Quant à la grandeur du
corps & â la couleur , cet oifeau refTemble aux 1
Hérons gris de la petite efpèce. La LouyGane
abonde plus en oifeaux aquatiques que tous les
autres pays : les Oies fauvages y font en très-
grand nombre: les Grues & les Outardes n'yi
font pas moins communes ^ la chair en eft même
i»lus favoureufe que celle des Patos , & n'en a
pas l'amertume marécageufe , que ceux-ci ont |
fur- tout depuis le mois de Février j ce qui em-
pêche d'en manger alors , tant cette amertume |
éft forte.
Ces oifeaux aquatiques y font pafTagersj ilsl
viennent des grands marécages de la partie du
Nor<:l. On n'en voit point dans l'été j c'eft dans
le tems des gelées que les volées en font plus
fréquentes. Si le froid eft accompagné de quel-
que brouillard ou de vent , ils volent plus prèl
de terre , & l'on tire delTus plus facilement.]
Ils paiïent de cette côte de la Louyiîane à Cuba,
& dans les autres Ifles ^ & jamais on ne les voitl
prendre du côté du Nord dans les tems chauàl
Il y a dans la partie haute du Pérou des oil
féaux qui n entrent pas dans l'eau , mais qui vonti
toujours côtoyant les marais 5 ils font dé la grof*
feur d'une poule > de couleur obfcure cixaiit m
huitième; 195
le noir , & hauts fur pattes j le bec en eft long ,
courbé, mince, comme celui des poules d'eau;
ils volent ordinairement , & ont une chair alTea
bonne. Cette efpèce ne fe voit pas dans la partie
bafle, ni dans la Louyfiane, parce qu'elle a befoin
d'une température froide.
Les Sarapicos & les Courlis font du nombre
des efpèces volatiles communes dans des climats
différens. On en voit en aufli grande quantité
dans ceux de la partie haute du Pérou , que dans
la bafle : il n'y en a pas moins dans la Louy-
fiane.
Il en eft de même d'ime autre efpèce que l'on;
appelle Fraylètes ^ ou félon quelques-uns Gri-
tadores op crieursj ils reflTemblent un peu aujt
vanneaux {^Aves frias)\ ils fe tiennent ordinaire-
ment dans les contrées humides. Ils nuifent
beaucoup aux chaflTeurs , car dès qu'ils les apper-
çoivent, ils s'envolent en jettant des cris aigus,
& qui fe portent très -loin; de forte que cela
devient un avertilTement pour les autres difeaux :
ceux-ci s'envolent auflî-tôt effrayés , par les cris :
\ peine le chaffeur peut il en tirer.
La partie haute du Pérou , étant très-froide ,
& la partie baffe , manquant de pluie , diffèrent
des contrées chaudes & de celles où il pleut :
elles ne font pas moins différentes de la Louyfiane.
En effet, les terreins de ces parties du Pérou
Hi'
V. I
l
IVf'ï,
< .:' '
19^ Discours
font nuds , on n'y voit des arbres que çà & li,
excepté dans les terreins des Quebradas où la
température varie, comme les autres circonf-
lances. Mais les autres contrées font couvertes
d'arbres qui invitent les oifeaux à faire leurs nié
dans leurs feuillages épais, & à s'y nourrir de
leurs diverfes produdions : voilà pourquoi il s'y
trouve des volatils qui font particuliers aux mon*
tagnes.
Les Pabas monte/as ^ ou poules- d'Inde fau-
vages, font une des efpèces qui s'y reproduifent
en grande quantité^ elles font plus grofles que
dans les autres parties , &c même que l'efpèce
domeftique 5 la chair en eft favoureufe. Il y a
Cl peu de différence entre les unes Se les autres,
qu'on s^y trompe \ elles volent aufli légèrement
que les autres oifeaux, & c'eft ce qui les dif-
tingue fur-tout des domeftiques.
On voit dans la partie haute du Pérou des
perdrix , des faucons très -beaux , avec lefquels
on fait une des chaffes les plus agréables qu'on
puiffe voir. Les perdrix s'y accommodent de la
température froide des Ichalès , où elles fe trou-
vent j mais on n'en voit point dans les Quebradai
où la température eft plus modérée : elles ne
vont pas en bande comme en Europe , mais par
paires ou feules : c'eft ce qui en rend la chalîe
fort pénible. Le pays eft montagneux , couverr
i^
n u I T I E M t; i«)7
de halliers. Ce qu on y appelle plaine font des
éminences plus ou moins inclinées , Se des vallées
qui , par la fréquence de leurs côtes , & la diffi-
culté de refpirer qu'y caufe la fubtilité de l'air ,
ne permettent pas de chafTer au fuHl : voilà
pourquoi l'on emploie des faucons drelfés par les
Indiens. Les perdrix qui s'envolent pour éviter
les chiens , tombent dans les griffes du Êiucon
qui fond fur elles : il y en a beaucoup plus que
dans le royaume de Quito. On en voit aufïi fur
les monts dans la partie baffe , quoique le climat
y foit réellement prefque aufîî froid que dans
la haute. 11 s'en trouve aufîî dans Vide de Cuba,'
dont la température efl chaude y mais elles font
un peu différentes.
Les bccafïïnes ne font point rares fur les ter-;
reins des cimes glaciales de la partie haute , ni
dans la Louyfiane. On en voit aufli çà & là dans
la partie baffe du Pérou , quoique moins fré-
quemment.
Les Condors , dont les fîngularités ne doivent
pas être paffées fous le fîlence , font , de tous
les oifeaux qui volent , les plus grands que l'on
connoiffe. Je dis des oifeaux qui volent pour les
diftinguer de l'autruche , qui ne fe fert de fts
petites ailes que pour fe foulever , & non pour
voler j car ces ailes ne feroient pas f^iffifantes pour 1q
N5.
Î1
i-
\>
f" ,
1 S'
198 Discours
vol. Le condor, au contraire, eft un des ci féaux
qui s'élèvent le plus dans cette atmofphère, ou,
certainement, Tair n'a que la moitié de la deniîié
de celui qui eft au niveau de la Mer. Cet oifeau
n'ert pas plus particulier aux climats froids qu'aux
climats chauds j on le trouve fur la cime des
Punas j comme dans les baflTes contrées appeilces
F'allées ; mais on n'en voit pas dans les contrées
couvertes d'arbres ou montagneufes , comme I
Guayaquil, Panama, & dans d'autres femblables.
Son plumage forme un tilTu li denfe, que la balle
d'un fufil ne fauroit le percer : l'animal ne change
même pas de pofition s'il en eft frappé , on a
tiré fur le même jufqu'à huit ou dix coups , fans
qu'il en ait éprouvé le moindre mal : on avoit
entendu la balle le frapper. Quoiqu'on ait ainfi
réitéré ces tentatives dans la partie haute du
Pérou, fans avoir réuflî une feule fois à l'abattre,
on ne doit pas fuppofer qu'il en feroit de même
dans d'autres contrées. La peau de cet oifeau eft
fans doute plus denfe fur cqs cimes glaciales,
& ne cède pas au coup qui la frappe; d'ailleurs,
le tiffu épais de fon plumage eft encore un autre
obftacle. On en voit auflî beaucoup fur la plage
des mers du Sud 014 commencent les F'allées,
à quatre degrés environ de l'Equateur j il affouvit
fa voracité avec les poiffoni morts que h My
f": U I T r E M I.' 1(>5
j jette : on dit qu'il eft dangereux de fe trouver
à fa rencontre , car il tueroic infailliblement
celui qui oferoic l'attaquer. >
On voie à chaque pas l'étonnante variation de
la Nature : ce qu'on a remarqué dans tel écac
en certain tems , fe trouve tout changé dans un
autre. Le Chagres eft adkuellemenc très-différent
de ce qu'il croit il y a vingt ans : les arbres qui
le bordoient , les animaux nombreux particuliers
au climat , ces oifeaux dont le plumage préfentoit
de fi belles nuances, félon les différentes efpèces,
& qui venoient nicher dans le branchage de ces
arbres , & y formoient des concerts 'y la verdure
brillante & variée du terreinj tous ces objets ont
difparu. Le fol n'offre plus que des maifons de
bois , bâties à certaines dlftances les unes des
autres , pour les familles qui s^y font établies \
elles s'étendent depuis les bords du fleuve jufques
dans l'intérieur ^ts terres qu'elles ont cultivées,
& en ont aind chalfé cette quantité prodigieufe
d'oifeaux & d'animaux qui peuploicnt les bords
de ces eaux.
Ces changemens nous donnent lieu de croire;'
qu'avec le tems , la furface de ces royaumes chan-
gera entièrement, & deviendra femblable aur
contrées de l'Europe. Malgré toutes ces nouveau-
tés, certaines efpèces de quadrupèdes & d'oi-
feaux s'y maintiennent conftamment : la feule
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'%Qà Discours
différence qu'il y a, eft qu'ils fe retirent d'une
partie pour aller dans une autre, où ils trouvent
plus de sûreté, Ôc de facilité à faire leurs petits,
& à fe nourrir. Mais, d'un autre coté, on voit
diminuer infenfiblement quelques autres efpèces,
telles que la Vigogne , que Ton pourfuit Se qu'on
^ue par-touc, fans aucun niénagemenÇt
W .!
DISCOURS NEUVIEME.
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Des Pùijfons les plus remarquables del*AmL. . juei
J_/Es eaux ne font pas moins abondantes en
poiflTons, que la terre l'eft en quadrupèdes, vo-
latils, & autres animaux , qui s'y nourrirent
des produ(5tions du pays où ils vivent, & qui
font variés en proportion de la température , de
Li denfité ou de la légèreté de l'air : ainfi il n'eft
pas étonnant qu'il fe trouve dans une contrée des
efpèces qui ne font pas communes dans les au<^
très. Il femble qu'on ne devroit pas obferver la
nit'ine variété dans les efpèces qui vivent dans
les eaux, puifque cqs eaux ne font pas formées
des mêmes parties conftitutives que la terre.
Cependant , l'expérience prouve que les cfpcces
d'animaux aquatiques ne diffèrent pas moins
entre elles , 8c qu'il fe trouva en certaines mers
des efpèces qui ne font pas communes dans les
autres , tandis que d'autres efpèces le font. On
doit conclure de-la que c'eft non«feulement l'effet
dç la çcmpérature ^ des pÂturagQs qui nouriif^
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101 DisceuRi
feue ces poiHons , mais encore celui du frai,
plus ou moins gcncralemenc rcpaiidu. La mer du
Sud abonde en poilfons.ll n'en eft pas de même
àcs rivières & des lacs de la partie haute du
Pérou. Les eaux de Quito font encore moins
poidônneufes , fans qu'on puilTe l'attribuer à ce
que les eaux font moins froides ou plus rapides
dons un de ces pays que dans l'autre, car elles
le font autant. Mais , avant d'entrer dans aucun
détail à cet égard , il ne fera pas inutile de ra-
conter quelques particularités de ces mers-là.
Les Baleines font alTez communes dans la mer
du Sud , non- feulement dans la baie de la Con-
ception , & de-là jufqu'à une plus grande hau-
teur, mais encore dans les Parages qui font entre
les Tropiques , jufqu*au 1 1 & 1 3 degré de lari-
tiide. Ceux qui s'occupent de cette pèche en
Europe vont la faire dans les froids climats du
Nord, & il ell rare qu*on pèche ce poilTon
entre le 40 degré de l'Equateur.
Il n'efl; pas facile d'aflîgner la caufe de cette
différence j car H c'étoit parce que les Baleines
cherchent les mers où il y a beaucoup de Sar-
dines, les côtes de la Galice, qui en font rem-
plies, devroient les attirer; on n'y en voit ce-
pendant pas comme dans la mer du Sud. Quoi
qu'il en foit , on voit des Anchois en grande
quantité fur les côtes de cette mer; aulli la pèche
NEUVIEME. 10 J
en cil- elle très-copieufe. Les Baleines attirées par
cette pâture y viennent en grand nombre ; quel-
ques-unes mêmes échouent fur la plage en pour-
fuivant ces poiffons , & y meuiciit après avoir
fait beaucoup d'efforts inutiles pour fe remettre
à riot.
Il n'eO; pas facile de dire H celles qui fré-
quentent les côtes peu profondes font précifc-
ment au(1i grandes que celles qu'on prend dans
les mers de l'Europe; ce qu'il y a de certain,
c'eft qu'elles ont la mcme forme , & font très-
groffes. En effet , une de ces Baleines mife à côté
d'un vailTeau de 700 tonneaux, faifoit les trois
quarts de la longueur du vaiffeau , mefurée de-
puis le commencement de la tête jufqu'à rextré-
mité de la queue : ainfî on peut eflimer qu'elle
avoir vingt-cinq varas de long. Comme il y en
a de plus ou moins grandes, cette mefure ne
peut fervir de règle fixe pour toutes celles de ces
mers. Leur tête, femblable à une roche contre
laquelle la mer vient battre , eft couverte de
coquillages de diverfes efpèces qui s'y attachent
& s'y multiplient; on y voit aufîî une couche de
limon verdâtre, tel que celui qui s'engendre fur
les roches , ou aux parties externes du navire ,
qui font dans l'eau , & qu'on n'a pas lavé depuis
long-tems.
Ce poiffon énorme fe nourrit d'Anchois : or
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104 D I s c ô u A s
la manière dont il les prend eft digne d'être con-
nue. 11 approche des parages où les Anchois
viennent par troupes pour chercher leur pâture j
là, il bat l'eau de fa queue à grands coups réitérés,
ôr , par ce moyen , tue tous les Anchois qu'il
peut atteindre : or fa queue eft très- dilatée &
très-longue. 11 continue ce manège jufqua ce
que la troupe fe divife , ôc cherche à fe fauve'r
parla fuite jaulîî- tôt il avale ceux qui font morts,
& pourfuit les fuyards , pour rcnouveller enfuite
fon attaque.
On remarque dans les poifTons ce qui a lieu
parmi les animaux terreftres^ les uns vont feu'>j
les autres en troupes. La Sardine & les Anchois
font du nombre de ces derniers ; les parages où
ils viennent pâturer en font fi remplis , qu'on n'y
voit pas autre chofej ainfi la Baleine peut en tuer
autant qu'il lui en faut pour fe nourrir.
La Baleine eft à fon tour pourfuivie par
d'autres poiftbns qui eh font les ennemis, mais
particulièrement par les poiftbns appelles VEpée
Se la Scie, La meilleure défenfe de la Baleine
eft fa queue; comme elle a une grandeur con-
fidérable , elle devient fon arme la plus sûre. Le
combat que la Baleine foutient contre ces ennemis
eft des plus curieux , vu les grands mouvemens
qu'elle eft obligée de faire avec fa tète & fa queue :
tantôt elle fort de l'eau fa t^:e , qui paroîc s'clAvei:
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nis, mais
KEUViEMï. 105
fomme un promontoire , tantôt elle fort la queue ,
qui femble être une voile de vaifleau , fur la-
quelle le foleil fe réfléchit comme fur la glace
d'un miroir j bientôt elle la lailfe replonger avec
fureur fur fon ennemi, bat l'onde avec violence,
& la fait élever en gros bouillons. La Baleine eft
alors toute en furie , elle le manifefte , tant par
la manière dont elle flotte & s'agite , que par
un mugiflement rauque qu'elle fait entendre
jufqu'à une lieue de la plage.
On fait que ce poiflbn eft de la clafle de ceux
qui lancent au-dehors , par les deux trous qu'ils
ont fur la tcte , l'eau qu'ils ont infpirée par les
ouies ou branchies; c'eft ce que fait la Baleine
lorfqu'elle nage à la furface de l'eau : elle.en lance
même une aflez grande quantité en forme de
gerbes quand elle s'amufe de ce jeuj mais fi
c'eft en combattant qu'elle levé la tête , elle n'en
jette pas tant , ni fi haut , a caufe de l'agitation
où elle fe trouve. Quand , au contraire , elle n'ell
occupée ni à combattre, ni à chercher fa proie,
il femble qu'elle s'amufe; elle montre fa tête
tranquillement avec un air majeftueux fur les
eaux , & fait jaillir ces gerbes, qui fe divifenc
en l'air, & forment un fpedacletrès-divertiifant,
fur- tout quand les rayons du foleil s'y réflé-
chiflfent.
Si la Baleine a des enneQiis à combattre ôc
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des poilTons à poiirfuivre pour fe nourrir, elle
fait aufli jouer quelquefois avec les poiifons de
foii efpèce : alors, elles fe rapprochent les unes des
autres , forçant la tcte de l'eau en même tems , &c fe
préfentant la gueule béante comme pour fe faifir
réciproquement : mais auflî-tot elles s'éloignent
Tune de l'autre , & celle qui fuit femble fe
moquer de celle qui la pourfuit. Quelquefois
elles s'entortillent par la queue , & fortent dans
ces mouvemens une grande partie du corps hors
de l'eau avec beaucoup de légèreté , comme fi
elles avoient eu deflein de faire un faut.
Ces exercices durent ordinairement aiTez long-
tems. Le combat de la Baleine dure une matinée
entière : & les jeux auflî long -tems. Quant
à la pêche , elle y emploie tout le tems que de-»
mande fa faim , ou la prife àes poiflbns nécef*
faires pour l'alTouvir. C'eft en général dans les
jours fereins , lorfque le foleil eft le plus vif,
quelle paroît s'occuper du jeu , mais elle ne paroît
pas quand le tems eft fombre & agité. Pour
lancer l'eau, lorfqu'elle nage à la fuperficie, elle
élevé la queue au-dehors, après avoir plongé la
tète , & fait autant tournoyer l'onde qu'un vaif-
feau en pleines voiles avec fa poupe.
La Baleine ne lance point cette eau fans ré-
pandre en même tems de fon intérieur und
exhalaifon fi fétide , qu'elle infecte l'air au loin.
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KITTVIÏMI. lOf
Cette exKalaifon eft infoucenable , lorfque la Ba-
leine réitère fouvent ce jeu. C'eft un eftet de la
ponion excrémenticielle , ou des matières indi-
geHes qu elle renferme dans fon eftomac.
Les Européens vont pêcher la Baleine dans les
froides régions du Nord avec des vailTeaux qu'on
équipe exprès. On en convertit les graifTes en huile,
& Ton tire parti de ce qu'on appelle communé-
ment barbe de baleine. On en fait auffi la pêche
fur les côtes de la Nouvelle- Angleterre avec aflez
de profit. On y emploie le fperme ou le blanc^
pour faire des bougies ou chandelles qui durenc-
plus que celles de cire, & qui ont l'avantage
d'être plus blanches, tranfparentes , de ne pas
couler , & de ne donner aucune odeur. La lu-
mière en eft très-claire, & il ne stïi évapore
rien qui porte à la tête.
Ce que l'on tire de ce poifTon fournit pluHeurs
chofes utiles pour l'ufage ordinaire de la vie , &
pour le commerce. On n'a pas encore penfé â
«s avantages dans les parages de la mer du Sud,
où l'on auroit pu établir c^s pêcheries de même
que dans la baiej on feroit cette pêche fans fa-
tigue & fans équiper de vaifTeaux exprès, &
même fans s'écarter des côtes. On y néglige des
avantages qui deviendroient confidérables , non-
feulement pour ces parages , mais pour l'Efpagne
même 3 cai il eâ incroyable combien l'Efpagne
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fait fortir d'argent pour avoir de la baleine &
cle la cire des pays du Nord , tant pour foi que
pour les deux Indes. On n'eftime en Amcriqus
que ce qui eft or eu argent j ce qui efi: caufc du
peu d'attention qu'on fait à ce commerce, &' à
toute autre opération niercantillc. On ne fe re-
préfente pas que l'argent difparoît comme toutes
les vapeurs de la terre, lorfqu'on manque des
chofes nécelTaires à la vie, & que c'eft une fui-
gulière illufion que de craindre de manquer
d'argent, quand on ne prend pas le moyen cis
fe le conferver. On pourroit donc faire dans ces
parages les pcches les plus copieufes , fans autre
.préparatif que de côtoyer la plage fur des cha-
loupes avec les inftrumens nécelTaires. On feroic
de l'huile le même ufage qu'on en fait r - d'au-
tres contrées j les barbes, les os, la graille, pro-
duiroient nombre de quintaux de fperme , comme
dans la Nouvelle- Angleterre , où ces matières
jnercantiles font les mèn»es qui y procurent les
richeflTes qu'on y acquiert.
Le ChUa eft un des poilïbns les plus abondans
qu'on trouve dans ces mers , il eft fort délicat, &
fe transporte fins fel jufques dans la partie haute,
où il fe confomme. Il a une demi-vara de long,
ôc environ un tiers de large j la forme en eft
prefque ovale , la chair eft par feuillets fort blancs ,
comme celle du Çorbina* La grande quantité qui
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s'en confomme , tant falé que frais, en fait entre-
tenir l'abondance , ce qui a également lieu 4
l'égard d'autres efpèces communes.
Quant aux poilTons qu'on prend dans les ri-
vières , ceux de la partie haute du Pérou fe ré-
diiifent en général à deux efpèces , favoir les
Pregnadil/as Se les Bagres : la feule différence
qu'il y a , eft que les premiers font petits ,
n'ayant pas plus d'un pouce & demi, au lieu que
parmi les autres, il y en a qui ont plus d'un tiers
de varà. Ces deux efpèces ont la tête platte &
ronde, la peau de couleur terne, fans écaille,
enduite de matière vifqueufe, qu'il faut enlever
pour les manger. On le frotte très-fort pour cet
effet avec de la cendre , fans quoi cette matière
leur communique une odeur & une faveur dé-
goûtantes. La chair efl: blanche, délicate, favou-
reufe , & n'a d'autre arcte que celle du milieu.
On en voit très -peu dans les rivières qui traver-
fent les Quebradas. Il n'y a pas de Bagres dans
la plupart des rivières du royaume de Quito ,
quoiqu'on y trouve des Prégnadillas : cependant
ces eaux font à la même température, & cou-
lent avec une égale rapidité. On apperçoit çà ôc
là quelques Bagres j du côté de Cuença j dont la
température eft de 13 à 15 degrés de chaleur
pendant toute l'année, & ainfi de deux degrés
plus chaude qu'à Ifcuchaca en hiver, & d'un
Tome /♦• O
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2IO Discours
degré de moins en été. Mais, fans aller dans
cette contrée , il y a près de la ville de Quito
nombre de Quebrudas ^ où croît la canne à fucre,
qui demande un climat plus chaud que celui de
Cuença : or, il ny a pas de ces poifFons , ce qui
prouve que c'eft l'efpèce qui manque, & non pas
la nature du climat.
On trouve encore dans les rivières des Que-
bradas de la partie haute du Pérou , un animal am-
phybie qu'on y appelle Zaramagullon; il eft tout
noir, ayant un long cou , un bec comme celui des
Patos , mais plus étroit. Il eft de la taille ordinaire
de ceux-ci j fes plumes font li petites qu'elles tien-
nent un milieu entre la plume & le poil : fa
chair à un goût fort de marécage , d'où l'on pré-
fume qu'il fe nourrit de Pregnadiilas ^ ou de
jeunes Bagres.
Il n'y a aucune efpèce de poifTons dans les lacs
des pays froids , fitués au-delà des terreins ha-
bités y ce qui fait croire que le climat s'y refufe,
à. caufe du grand froid.
Il femble que les plus grands poifïbns devroient
plus réfifter au froid que les petits , Se que l'on
devroit reconnoître par ceux qui font les p!us
gros , le climat où l'on commence à voir les
moyens nécelTaires à leur fubfiftance , eu égard à
la quantité d'eau qu'il leur faut dans les livières
four pouvoir y nager : cependant il n'en eft pai
NEUVIEME. m
aîiifi , car ce font les plus petics qui s'y trouvent.
11 y a un petit poilTon dont la longueur n'égale
pas une demi ligne, dans les rivières dont la tem-
pérature eft plus froide , que celle des Quebiadas,
d'environ cinq à fîx degrés. On y ap^^cllc ce
poiflon Chiche ; il a la forme de ceux qu'on ap-
pelle en Efpagne Befuguito ; la quantité en eft
infinie : il nage à la furface de l'eau. Les In-
diens le pèchent avec des efpèces de tamis, ou
des paniers de jonc, qu'ils plongent dans l'eau
pour en enlever l'écume, lis font de ces poifTons
de petites tablettes de la longueur d'un huitième
de varas , & de quatre doigts de large fur un
demi-doigt d'épailfeur. Us les preflent enfcmble
pour \qs unir & les incorporer, enfuite ils en
achèvent la préparation à la fumée. Ces poilfons,
ainfi préparcs, leur fervent pour affaifonner leur
manger j cela y donne une faveur marécageufe ,
qui plaît au palais de ces gens. On en fait une
grande confommation à Lima & dans tout le
Pérou. Cet ingrédient y eft compté parmi les
épices. On n'en trouve point dans toutes les ri-
vières, mais on les apperçoit bientôt dans celles
où il y en a : on les pèche dans les endroits où
ils s'arrêtent : jamais ils ne deviennent plus grands.
Ils fe trouvent auflî dans les eaux d'une tempé-
rature un peu chaude. Comme ils fe tiennent à
la furface de l'eau , oh préfume qu'ils fe nour-
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riirenc des infedes imperceptibles qui vivent pa-
reillement dans ces eaux.
Les anciens Indiens ufoientau(îî de C/^icAt: pouf
airailFonner leurs mets j c'efl: d'eux que les Efpa-
gnols ont appris à s'en fervir. Le petit panier de
jonc qu'ils employenc pour cette pèche eft fem.
blable à ceux dont ils fe fervent pour d'autres
cliofes. Ce font les Indiens qui s'occupent de
cette pèche, qui demande beaucoup de patience;
car il faut qu'ils reftent long tems dans l'eau
jufqu'aux genoux , en fuivant ain(i le bord du
fleuve, & en écumant pourainfi dire l'eau, comme
on l'a vu. Ces poiffons donnent quelques figues
de mouvement quand ils font en vie, fans ce- 1
pendant fauter : leur petitefîe les en emptche
peut-être.
• On ne connoît pas d'autres efpèces de poilTons i
dans ces rivières : cela vient fans doute de ce
qu'il n'y a pas de frai nécelTaire ; mais ceux ci
s'y trouvant , il peut pareillement y en avoir
d'autres des mêmes efpèces qu'on voit dans les
rivières des climats froids , ôc dont le cours eli|
fort rapide.
Quittons les contrées du midi, pour donner 1
quelques détails fur certaines particularités de
îa partie du Nord, au-delà de l'Equateur. Nous
remarquerons d'abord à la Havane, la Ciguatera,
maladie contagieufe , qui fe communique par ksi
NEUVIEME. 213
poilTons qui en font attaqués j fur-tout par certaine
efpèce qui y eft plus fujette que les autres j car
il fufïit de manger une fois de ces poilfons pour
c:re attaqué de la maladie.
On l'attribue à un fruit qu'on y appelle Man:^a'
nilla. Ce fruit croît dans les campagnes , ik. eft
regardé comme vénéneux , ce que les effets fem-
blent démontrer : voilà pourquoi il eft défendu
de vendre de ces poillons qu'on appelle Cigua^
m. On s'apperçoit de la maladie dont ils font
attaques, à la couleur jaune de leurs dents : 611
dit même qu'en leur mettant de l'argent dans
la gueule, ce métal y prend alors une couleur
I jaune.
Les effets de cette maladie font un afFailfe-
ment total \ le teint devient pâle j on a l'air trifte j
le corps maigrit j on fent des douleurs dans les
jointures & dans tous les os \ peu-à-peu l'on
tombe dans une foiblelfe extrême , on n'a plus
I d'appétit , &: l'on eft enfin dégoûté de tout : Ci
il'on n'y porte du remède, le mal conduit infail-
liblement à la mort. On y remédie en buvant de
l'eau-de-vie , & avec quelques topiques qu'on ap-
plique pour adoucir les (fouleurs. Le principe fpi-
ïitiieux de cette liqueur ranime les efprits , mer
le fang en mouvement , & il fe purifie de l'hu-
meur maligne qui l'avoir altéré j la nature reprend
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114 'Discours
fes forces ; mais ce n'eft qu'au bout de quelques
jours ik même d'un mois.
On ne connoîc pas cette qualité nuifible des
poiflbns fur les Côtes de Cartagcne , de Tcnc'
firme , ni dans les autres parties de ces contrées,
quoiqu'on y voye beaucoup de ManccnUiers , k
qu'on y croye fon fruit fiufli vénéneux que celui
de la Havane : on craint même de fe repofer fous
fon ombre. Il eft à remarquer que les poilfoiii
attaqués de la maladie mentionnée , ne pr/ifen-
tent aucun figne de poifon , & qu pn ne lt:> voit
ni endommagés, ni malades.
, Les Tortues font fort communes dans cetre
Ille j l'on en vend la chair comme celle de boeuf;
on en fait une pèche confidérable à l'Oueft, dans
les hauts-fonds de Sainte-lfabelle » & en d'autres
parages où la mer eft peu profonde. Les pécheurs
fe jettent à l'eau pour cet effet , & cmbralleii!
celle qu'ils rencontrent , la retournent , lui mer-
tent la bouche en haut , & lui otent ainfi la fa-
culté de nager : c'eft aufîî dans cette pofition qu ils i
les mettent dans leurs vai fléaux , pour les tranf-
porter à la Havane : ils les y jettent dans des
viviers qu'ils tiennent IBus l'eau, pour les gardei
vivantes jufqu'à ce qu'ils les tuent pour les vendrd
La chair en eft blanche comme celle de li
poule , mais plus ferme. Cet animal cherche en I
NIUVIEME. 115
t'tc les pLiges fablonncLifes pour y pondre , i}C
il a l'inflind de choifit celles où il fe trouve
moins de danger de la part des poilfons qui re-
cherchent fes œufs. Les Ifles des Caïmans font
celles où la Tortue peuple le plus : des que
leurs petits peuvent ramper, elles les amènent aux
endroits où elles vivent habituellement.
On voit aufll beaucoup de Careis fur ces Côtes.
Quoique cet animal rcllcmble à la Tortue , puif-
qu'il en eft une cfpèce , la chair en eft bien dif-
fcrente 5 elle eft en effet très-nuifible A la fantcj
au lieu que celle de Tortue n'expofe à aucun in-»
convénient. Les Tortues font en fort grand nom-
bre fur les Côtes & dans les autres Ifles de cette
Mer , fur-tout entre l'Equateur & le Tropique
du Cancer. Quant aux Cweis, on en voit peu
dans les contrées éloignées de la Havane. Les
Tortues ne font pas fi communes dans la Mer
du Sud , & l'on en voit très- rarement dans la
Louyfiane : il y en a , au contraire , de la gran-
deur d'une demi-vara dans les rivières qui fe
jettent dans le Miflîfipi j mais ce font de petites
Tortues , en comparaifon de celles qu'il y a dans
la Mer, fur- tout depuis la Havane jufcp'à Car-
thagène & Terre-Ferme, . : .
Quoique le Mifiîfipi foit un àss plus grands
fleuves de l'Amérique , ôc aufli profond que je
l'ai dit , il s'y trouve peu de poiflbns : ceux qu'on
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11^ Discours
y prend font mcme de peu de valeur. On y trouve
des Barhudos 'y'iU relTemblcntau^fz^rtf ; quelijues-
uns de ces poiflbns font fort grands , 6c ont fous
le ventre certain rapport avec les Tahurones \ la
chair en eft flafque , d'une faveur infipide : c'eft
ce qui le fait lailfer pour les Pauvres de pour les
Nègres.
Les lacs qui forment au Nord l'Iile où e(l U
Nouvelle - Orléans , & qui réfultent de l'en-
trée de la Mer entre la Côte du Continent
de la Mobile & l'Ifle , abondent en poiflons :
c'eft de-là que la ville s'en procure. Les eaux des
rivières font froides en tout tems : ce qui peut
ctre caufe de la rareté des poiiTbns.
Il n'en eft pas ainiyies Camarons 6c des Lan-
gouftins : il femble que leurs œufs ont été ré-
pandus par-tout , tant ils fe multiplient : cha-
cune de ces efpèces a fon temps propre j mais
on en voit une fi grande quantité , qu'on l'ap-
pelle la manne du pays j en effet , les peuplades
en font leur nourriture & leurs plaifirs. Les ter-
reins inégaux fe remplilTent des eaux de pluie
qui tombent en été ; de forte que les folTés , ou
les trous qu'on a pu faire çà & là , font pleins de
Langouftins ; mais lorfqu'il a ceflTé de pleuvoir ,
& que les terreins font déflechés , on ne voit
plus aucun de ces animaux. Il paroît qu'on ne
peut attribuer la grande quantité de ces Lan-
H
^1^* ''-V '■--- v^
NEUVIEME. 217
gouftlns qu*aux débortlemcns des rivières qui en
charient alors les œufs , ou aux canaux qu on
fait pour les moulins. Ces œufs répandus de tous
côtés, fe raffemblep-c en partie dans les eaux
ftagnantes , 3< y multiplient ainfi l'efpcce en peu
de tems.
C'cft toujours vers le foir qu'on pcclie la pro-
vifion des Langouftins dont on a befoin pour le
fouper. Chaque famille envoyé un de fes Efda-
ves qui prend cette provifion j Ôc l'on n'en trouve
pas moins tous les jours , tant que dure la faifon
oii l'on en peut avoir ; mais après cela on n'en
voit plus que l'année fuivante.
Quand le tems des Langouftins eftpafTc, celui
des Camarons commence , & ceux-ci font enaudî
grande quantité que les autres. Quoiqu'on trouve
de ces deux efpèces dans d'autres provinces , &
dans les rivières du Pérou , il n'y en a pas tant
que dans la Louyfiane.
Les autres poiffons qui font ordinaires dans les
Mers & fur les Côtes , s'y voient auflî en quantité
confidérable ^ mais Tlfle de Cuba abonde en co-
quillages de diverfes efpèces , & en plantes ma-
rines : ces efpèces font lî variées qu'il faudroic
écrire un traité particulier pouf les faire connoître.
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«*LJf^
(1^
t.
DISCOURS DIXIEME.
Des Lacs j des Rivières ; & nonces fur ce qu'il
y a de particulier,
XjEs pays où les Rivières font en plus grand
nombre , & dont les terreins font inégaux &. en-
foncés çà & là , doivent aulîî renfermer beau-
coup plus de Lacs ; car c'eft de ces Lacs que
fortent ces Rivières. Les Lacs font formés par
la réunion de l'eau qui afflue dans les vallées ou
dans les plats -pays un peu enfoncés. Montée à
certaine hauteur , l'eau fe décharge par le côté le
moins élevé , & fe divife ainfi en différens fleuves ,
ou n'en forme qu'un , félon les bouches par lèf-
quelles elle peut fuivre fa pente. La même chofe
arrive dans les plaines , par les mêmes caufes.
Mais fi les Rivières n'y font pas en (î grand nom-
bre , elles y ont régulièrement plus d'étendue.
. On voit au Sud & à l'Oueft du Canada dif-
férens Lacs , dont les uns ont foixante à quatre-
vingt lieues de long , fur une largeur proportionnée.
Or , ce pays eft plat & bas : circonftance qui y
Discours dixième. ïif
contribue. En effet, les eaux qui fe réiiniflfenc
dans ce vafte efpace , rencontrant des terreins
bas ôc inférieurs au refte des plaines par où elles
coulent , les rempliflent jufqu'au niveau : ce qui
leur procure un libre paiïage vers la Mer.
C'eft ainfi qu'eft formé le fleuve Saint- Laurent,
auquel le Lac Ontario fournit fes eaux. Ce Lac-
ci ks reçoit du Lac Erie , dans lequel le Lac
Huron fe décharge , après avoir été rempli par
le Lzc Supérieur : celui-ci eft au quaranre-fixitnie
degré, latitude Nord : ils occupent enfemble une
étendue d'environ quatre cents Jieues , entre
l'Eft & l'Oueft.
Ces Lacs reçoivent , non - feulement de celui
qui les précède , l'eau qui les entretient , mais
encore des Ruilfeaux & des Rivières qui s'y jettent:
c'eft ainfi qu'ils deviennent des efpèces de Mers
au milieu du Continent ,. vu leur extrême éten-
due. Il arrive la même chofe en Eurooe , & dans
à. *
les autres parties du Globe. Les' hautes contrées
de l'Amérique méridionale étant des terreins
très-inégaux , vu le grand nombre & la proximité
réciproque des montagnes y ne peuvent préfenter
d'aufli vaftes plaines que les pays précédens.
On donne aulîî improprement le nom de Lac
à quelques Baies que la Mer forme , entre deux
terres où elle s'imrodiiit, ou avec lefquelles elle
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120 Discours
a une communication par une embouchure quel-
conque : tels font le Lac Borgne , de Pontchar-
train ôc de Maurepas , qui font Atués au Sud
de rifle de la Nouvelle-Orléans. Si l'on ne peut
les appelles Baies , vu leurs hauts-fonds , on peut
les regarder comme des efpèces de Golfes que
forme la Mer ; & par ce moyen on les diftin-
guera des autres.
11 y a encore d'autres amas d'eaux que forment
les Rivières , quand leurs eaux ne font pas affez
fortes en arrivant près du bord de la Mer. En
effet , Cl les grands Fleuves forment ce que nous
appelions èarre , les petits , au contraire , n'ayant
pas aflez de force pour rompre l'obftacle que
leur oppofent les flots de la Mer , font refoulés ,
fe répandent , & forment des amas d'eaux , qui
fe font jour par les interftices & les cavités des
pierres , & à travers les fables qui les arrètoient :
quelquefois même ces eaux s'élèvent jufqu'à des
hauteurs où la violence des flots n'atteindroit pas.
Ou voit donc , par ce que je viens de dire ,
qu'il y a trois efpèces de Lacs. Les premiers font
deplufieurs lieues d'étendue, ôc comme des
Mers j les féconds , beaucoup moindres ; les
tvoifièmes , ceux qui fe trouvent fur les bords de
la Mer. Les premiers ne fe voient que dans des
plaines très-valles ^ les féconds dans les hautes
Èm^-
D I X I E M Er lit
contrées des chaînes de montagnes j les troifièmes
enïiii , dans les endroits où les Rivières vont fa
décharger a la mer.
Si les RiiiiTeaux & les petites Rivières fe ren-
contrent dans les terreins bas & plats , mais pro-
portionnés à leur maiïe d'eau , ils y forment
un petit Lac , & la décharge de celui-ci devient
une Rivière , qui , groflie par celles qui s'y jettent
dans fon cours, porte fes eaux à la Mer. Dans
les pays montagneux , les eaux fe réuniflTent , de
tous les monts , dans la vallée que ces pays forment;
& ces eaux s'y rendent comme fi réellement elles
tomboient dans le lit d'un étang. Cet amas forme ,
par fa décharge , l'une ou l'autre rivière , qui a
pour conduit la première ouverture qu'elle fe
pratique elle-même fur terre. La Rivière & le
Canal font peu de chofe d'abord j mais à me-
fure que l'une va groflîiTant {qs eaux , l'autre de-
vient de plus en plus profond; de forte qu'à deux
ou trois lieues de diftance , c'eft un lit formé
pour un fleuve. Dans les profondeurs où il coule,
& entre les éminences qui le renferment , fes
eaux s'accroiflTent à mefure qu'elles s'éloignent
de leur origine. C'eft ainfî qu'on voit comment
fe font ouvertes ces Quebradas : peu confidéra-
bles à leur commencement , elles ont acquis Se
acquièrent tous les jours une plus grande étendue,
^ plus de profondeur.
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La partie haute du Pérou eft partagée de tous
côtés par de femblables Quebradas , dans lefquelles
circulent autant de Ruilfeaux , qui doivent leur
origine à des Lacs , comme je l'ai expofc. Il
n'eft donc pas étrange qu'il y en ait là plus
qu'ailleurs , ôc qu'ils ne foient qu'a une , deux
ou trois lieues l'un de l'autre y mais régulière-
ment ils n'ont pas plus d'un quart-de lieue de
long. On voit fur les bords , ou dans les Iflots
qui s'y forment , des cannes , des rofeaux , des
joncs ; mais en général on les trouve dans les
endroits fupérieurs aux habitations j & même en
grande partie dans des lieux où le climat froid
ne permet pas à l'icho de croître.
Ces Rivières , qui defcendent des Cordillères ,
fuivent leurs cours à travers le plat-pays , ôc per-
dent une partie de leurs eaux , tant en fournif-
fant ce qu'il en faut pour fertilifer les terres
que la pluie n'arrofe pas , qu^en fe divifant lorf-
qu'elles font arrêtées , fans pouvoir fe rendre à
la Mer , ou parce que les terreins n'ont pas allez
de pente pour leur écoulement. Ces Lacs ou
Lagunes fe déchargent en fe filtrant , comme je
l'ai dit , à travers les pierres , ou en furmontant
leurs bords.
. En général, les Rivières de la partie occidentale
du Pérou, qui vont à la mer, ne font pas Ci
grofles que celles de la partie de l'Eft, ôc qui
D I X T F. M E. 225
vont fe jetter a la mer de ce même côte , parce
que l'elpace confidcraWe que celles-ci ont d par-
courir, leur donne le tems de s'accroicrc pac
celles qui s'y déchargent dans leurs cours.
On ne voit point d'animaux dans les lacs où
le froid du climat eft exceflîf, & rend la terre
ftérile : les oifeaux y font mcme rares, excepté
les aquatiques; mais il y a d'autres eaux où les
oifeaux font en fi grande quantité , qu'ils en
couvrent la furfacej ce font de ceux qui fe fixent
dans les contrées les plus découvertes, où les
montagnes font plus éloignées les unes des autres:
ils s'y tiennent fur les lieux les plus élevés, & les
moins proches des hautes punas ^ d'où la neige ne
difparoît jamais. On voit par-là que ces oifeaux
cherchent les lieux les plus libres , fans s'inquiéter
du froid.
L'origine des fources qu*on y voit, eft la même
que celles des ruifleaux & des rivières. Les ré-
fervoirs d'eau en laifient beaucoup filtrer par les
porofités du fol. Comme elle s'échappe de lieux
très - hauts , elle coule par les conduits fouter-
reins, jufqu'àce qu'elle arrive dans d'autres lieux
où elle trouve moins de réhftance. Voilà pour-
quoi l'on rencontre prefque à chaque pas de pe-
tites fources. Il y en a d'alTéz confidérables pour
fjrmer un ruifieau à la fortie même; ce ruifcu
va fe joindre avec la rivière la plus proche, &
r)
Il '••
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I~jp ;
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3,14 Discours
le concours de plufieurs courans femblables en
rolfilTent les eaux.
C'eft aiiilî que celle qui déborde des lacs,
quoique peu confidérable d'abord , s'accroît par le
grand nombre des fources qu'elle rencontre j four-
ces dont les unes viennent du Lac mcme , les autres
d'ailleurs , ôc toutes s'écoulent du coté où e(l le
bras principal. 11 réfulte de-la que cette contrée
cft coupée par nombre de ruifleaux & de ri-
vières , de quelque côté qu'on la confidère. Ceci
nous donne une idée des eaux fouterreines : en
eftet le nombre des veines aqueufes , ou des ca-
naux internes qui pénètrent la terre , correfpond
à celui des fources.
Les rivières des terreins bas & plats fe portent
lentement & fans fracas vers le centre du pays:
les détours de les finuofités qu'elles font en al-
longent le cours , mais c'eft toujours a l'avan-
tage des campagnes, qui font fertilifées par ce
moyen. Ain(î les fources & les ruilTeaux fup-
pléent dans le Pérou aux pluies qui y manquent
dans des efpaces de plufieurs lieues.
Les eaux des hauts pays font en général lé-
gères, cryftallines, très-pures, toujours fraîchesj
qualité qu'elles tiennent du climat d'où elles def-
cendent : mais il n'eft pas rare de les voir al-
térées par d'autres veines qui les gâtent. On ap-
pelle ces eaux colpalès : ce font proprement des
eaux
DIXIEME. 215
eaitx vitriollqiies : elles prennent cette qualiié
des minéraux fur lerquels elles palFent^ de là il
arrive , qu'autant les premières font falutaires avant
le mélange, autant efles deviennent nuifibles
après cette combinaifon. On les reconnoît non-
feulement au goût , mais encore a la couleur
qu'elles donnent aux roches qu'elles baignent , &
aux rives j elles les rendent d'un rouge orangé ,
qui y forme comme une croûte.
La quantité de ces eaux indique qu'il y a
beaucoup de vitriol Ôc de bitume dans ces ter-
reins 'y voilà pourquoi plufîeurs grandes rivières ,
dont les eaux font très-bonnes en remontant a
leur fource , n'en préfentent plus que de mau-
vaifes, & d'une faveur faline. Mais ces mêmes
rivières réunies à d'autres auflî grolTes , & même
davantage , mais bonnes , avant de defcendre
dans les balTes contrées , fe corrigent & devien-
nent falubres j elles fe corrigent encore en dépo-
fant leur fédiment fur les terres où elles paflTént ,
& la matière de cette croûte qu'il forme fur les
roches. Voilà pourquoi on ne fent aucun mau-
vais goût aux eaux qui coulent dans les bas pays;
elles font bonnes , tant pour arrofer la terre ,
que pour boire.
On y voit certaines eaux qui pétrifient les
fubftances qui y tombent, comme les feuilles
d'arbres , le bois, les os , ôc autres chofes, mais
Tome /. P
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21^ Discours
particulièrement celles qui font très - poreufes :
cela vient d'un limon très- atténué , & de quelque
acide minéral. A mefure que ce limon s'en fé-
pare , il fe fixe , fe durcit , & s'arrête fur les
bords où l'eau eft la plus tranquille , ou fur le fol
même qui fert de Ht aux fleuves. Mais il eft fin-
gulier que cette eau perde fa fluidité, (car c'eft
une de fes propriétés eflentielles ) fe fixe , & qu'il
s'en forme des pierres comme dans une carrière
quelconque. L'opinion de ce pays eft que le bourg
de Guancavelica eft bâti de ces pierres qu'on tire
de l'eau, & que l'eau de plusieurs fources des
environs fe convertit en piètres , donton fe fen
pour les édifices , après les avoir taillées.
Mais , fi ce fait eft fingulier , il n'eft pas moins
furprénant de voir que l'eau dont fe forment ces
pierres eft fi claire Se û l'impide, qu'elle ne pa-
roît aucunement contenir de corps étrangers. Ce
bourg eft donc environné de pareilles fources,
dan*s lefquelles on trouve de ces pierres. L'eau
eft , outre cela , fi chaude , qu'elle fume conti-
nuellement, mais fur-tout en fortant de la fource.
Quoiqu'elle ne foit pa^ au degré d'ébuUition , on
ne peut y tenir long-tems la main : cette eau ne
forme cependant alicune incruftation fur les côtés,
ni fur le fond d'un grand réfervoir fait des mêmes
pierres : elle ne perd rien de fa profondeur,
quoique ce réfervoir foit près d'une de ces mêmes
-poreufes:
de quelque
ion s'en fé-
rète fur les
ou fur le fol
ais il eft fin-
é,(car c'eft
fixe , & qu'il
une carrière
que le bourg
es qu'on tire
fources des
3nton fe fert
liées,
eft pas moins
i forment ces
ju'elle ne pa-
étrangers. Ce
lies fources,
)ierres. L'eau
fume conti-
de la foutce.
[bullition , on
cette eau ne
fur les cotés,
lit des mêmes
profondeur ,
e ces mêmes
» I X I £ M Ek 127
fources. On y voit croître les efpèces d'herbes
qui viennent fpontanément dans toutes les eaux
ftagnantes. Mais les eaux qui s'écoulent de cec
étang , & baignent les terreins fur lefquels elles
palfent fans perdre leur chaleur, lailTent par-tout
une croûte mince de couleur jaune , & qui de-
vient plus épaifle , plus grofle , avec le rems :
elle n'eft pas dure d'abord, mais à mefure qu'elle
prend du volume , elle prend plus de confiftance.
Les herbes qui ne font pas fur leurs racDies , les
branchages, les feuillts qui s'arrêtent dans les
endroits où l'eau eft moins rapide , fe pétrifient
également , & s'incorporent avec les mêmes croû-
tes. Cette pierre eft légère, mais moins que l'eau:
elle a beaucoup de porofité, & fe laifle tailler
facilement j elle conferve même ces propriétés
après avoir été long-tems à l'air. 11 y en a de deux
efpèces j l'une d'un gris cendré clair, l'autre oran-
gée. La première a plus de confiftance que la fé-
conde, & vient d'une carrière différente; d'où
l'on doit conclure que les différences de la pierre
viennent de la terre différente que l'eau baigne.
La faveur de cette eau eft très-mauvaife , ce
I qui vient du fel qu'elle contient; mais les effets
en font encore pires. Les animaux ne veulent pas
en boire, quelque altérés qu'ils foient : elle n*a
pas d'odeur défagréable; c'eft pourquoi on s'en
|fert pour les bains, ôc l'on n'a pas remarque
Pi
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'ïW*
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0
2i8 Discours
qu'elle eût jamais produit de mauvais effets.
Près & vis-à vis de Guancavelica fe prcfcnte
un mont de hauteur ordinaire, que l'on appelle
Potocchc» Il fort au pied de ce mont différentts
fources , dont les unes font trcs-falubres, & d'une
faveur agréable, Se les autres extrêmement nui-
fibles , quoiqu'à peu de dilhince des premières.
Celles-ci fortent avec le degré de température
du climat, mais les autres font couvertes d'une
fumée qui , dans les tems froids , y forme comme
un nuage , tant elle eft épailTe. 11 n'y a cependant
qu'une diftance d'un demi-quart de lieuedesunes
aux autres. Les fources chaudes font, comme je
l'ai dit, celles qui forment des pétrifications. On
voit donc par-là que ces eaux n'ont aucune com-
munication entr'elles dans leurs canaux internes,
quoiqu'elles fortent de la même montagne, &
qu'on en voie ahernativement de chaudes & de
froides au-dehors.
Les eaux chaudes font fort ordinaires dans la
partie haute du Pérou , & fe rencontrent en
nombre de pays ; mais elles font plus abondantes
du côté de Guancavelica.
Il fe préfenre une reflexion fur la formation de
ces pierres. Ox\ ne s'appcrçoit pas que les endroits
où l'eau forme des incruftations , foient devepus
fenfiblement plus hauts que les terres contigues, iii
;iiveau defqueiles ils font mèmereftés: d'ailleurs,
DIXIEME. ÎI9
les carrières d'où l'on tire ces pierres ont ctc
txavccs en deflbus, ^' plus bas que la fiipcrlicic,
lie forte qu'il en eft réfuUc des crevalTes, des
.iflailfenicns & des folFes profondes, comme il
iiirive dans toutes les carrières étendues : or, on
1 eut penfer , d'après cela , que ce n'cft pas Tcaii
qai fe convertit en pierres , comme on le croit
vulgairement , par une efpèce de coagulation ,
niais que l'eau a la propriété d'unir les molécules
de terre, 6c de leur faire prendre la confiftance
qu'on trouve à -es pierres. S'il en étoit autrement,
l'étang dont j'ai parlé dcvroit ne plus former
qu'un maflîf de pierre , depuis des années qu'il
exifte-la : les terreins que les eaux baignent fe
feroient auHî élevée fenllblement , comparaifon
faite avec les autres que l'eau ne baigne pas. Les
i'ources, qui fe trouvent toujours dans la même
jnopcrtion , fe feroient aufli obftruées çà & là , &
les eaux auroient été forcées de guigner des terreins
plus hauts dans la montagne. Mais on n'a pas
ùitqKe cela fut jamais arrivé j ainfi l'on n'a p.is
àe preuves que l'ean fe convertiffe en pierre ,
malgré les i«icrufl:ations qu'on y remarque.
11 y a très-peu de fources dans la partie baffe;
celles qu'on y voit font même fur les flancs des
collines de la partie haute. Comme il n'y pleut
ni n'y gèle , il ne peut s'y faire aucun amas
fou. La furface plane du pays efl encore un
^l'Mil
15» Discours
autre obftacle j c'eft donc une autre circonftance
par laquelle ces parties fe diftinguent Tune de
l'autre : ce qui abonde le plus dans la haute tft
juftement ce qu'il y a de plus rare dans la balle j
& celle-ci ne feroit pas habitable , Ci l'autre ne
lui fourniiToit ce grand nombre de rivières ué-
ceifaircs à fa fertilifation.
Les fources ne font pas fréquentes dans les
terreins chauds 6c bas , tels que celui de Panama,
de Carthagènc^ celles qu'on y voit fourniirent de
l'eau qui efl: à la même température que l'air ,
fans être devenue plus fraîche après avoir couru
dans l'intérieur de la terre : cela vient de ce que
les veines aqueufes ne font pas fort profondes,
& qu'ainfi la chaleur du foleil s'y fait fentir. Je
l'ai déjà dit en parlant de la température de la
Havane.
Portobelo eft environné de montagnes fort
élevées : car ce font des branches des Cordillères
qui fe prolongent dans l'ifthme. On y voit beau-,
coup deruilTeaux, dont les eaux fcnt très-légères,
6c limpides comme un cryftal : on les trouve feu-
lement un peu plus fraîches que la température
de Tair. La même caufe qui contribue à ce que
les eaux foient à la température du climat dans
les fources des bas pays , produit un effet con-
traire à Portobelo, de forte que les eaux y ont
plus de fraîcheur que dans les moncagnes un peu
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DIXIIMI. Ijl
butes, parce que la chaleur n'y fait pas tant d'im-
prelllon que dans les plaines des bas pays. Les
veines aqueufcs font plus profondes en propor-
tion de la hauteur des terrcins. Se la chaleur
s'y fait moins fentir. Ces eaux ont en fortanc
certaine fraîcheur, mais qui ne tient pas du
froid.
Les eaux duMiflinpi paroiifent les plus im-
pures & les plus nuifibles, Ci on les juge à la vue^.
cependant elles ne le font pas , quoique toujours
troubles , & fi chargées de limon , qu'elles font
un dépôt dès qu'on en. mec dans un baflin : on
y voit même les particules terreufes s'agiter en fi
grande quantité, qu'elles déplaifentd la vue. Dans.
le tems des grolfes eaux , ce fleuve arrache quan-
tité de bois qu'il charie des contrées les plus
éloignées : on y voit des arbres avec toute leur
verdure, des troncs énormes, fecs,. & en partie,
pourris. Ce. grand nombre d'arbres & de troncs
doivent nécefiairement imprégner l'eau des prin-
cipes qu'ils contiennent. On ne s'en apperçoit
cependant pas : l'expérience prouve au contraire
que cette eau eft très-falubre & bienfaifante pour
U corps : il eft vrai qu'il s'y jette un très-grand
nombre de ruifleaux Se de rivières dont las eaux
font chargées de matières étrangères , plus ou
moins falubres j néanmoins la partie des eaux.
de ce fliÉUve l'emportant de beaucoup fur celle
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131 Discours
des autres , celles • ci ne peuvent y porter aucune
mauvaife qualité , fur laquelle la bonne qualité
du fleuve ne prédomine. En été , tems où les
eaux de ce fleuve font les plus bafles, elles font
claires, limpides, mais moins falubres , ce qui
vient de ce que celles de la mer y entrent très-
avant avec les marées , & font rebrouffer les eaux
douces. Malgré cela , elles ne font pas préjudi-
ciables à la fauté; on les trouve alors chaudes
à la furfice, de fraîches au fond.
Quelque limonneufe que foit l'eau de ce fleuve,
elle n'engendre pas la pierre : il eft bon d'ajouter
que , quelque clarifiée qu'elle foit, elle décèle
toujours un limon. On en emplit ordinairement
plufieurs vafes pour lui donner le tems de s'é-
ciaircir , Se l'on boit celle qui s'eft clarifiée la
première : c'eft toujours la première qu'on a pui-
ice. Après avoir repofé , fut-ce même pendant
lui an, on n'y apperçoit réellement aucun figne
de corps étranger, tant elle eft diaphane & cryf-
talline : mais , tranfvafée dans un autre verre , elle
décèle , un ou deux jours après , un fédiment li-
monneux très-fin, femblable à du favon, & que
l'on voit aufli furnager dans les grands vafes oiï
on la met pour la laiflTer éclaircir. Le peuple,
& ceux qui trafiquent le long du fleuve, la
boivent trouble, comme elle fe préfente natu-
rellement j mais Ton n'a pas d'exemple qui
D 1 X 1 E M 1. ' 25 J
prouve qu'elle foit riuirible,.mênie lorfqu'on la
boit tout en fueur, & après avoir été fatigué à
ramer. . . .', -;••.. , ■ ■ ■- < ■■
Sa fraîcheur provient fans doute de ce que le
fleuve defcend du Nord, & de la quantité des eaux
de neige.qui s'y jettent : en outre, il eft probable
que c'eft aux neiges qu'il doit fon origine. Il reçoit
enfuite dans fon cours celles qui s'y rendent des
vaftes plaines qui s étendent à l'Oueft ^ au Nord,
depuis le 47^ degré ôc au-de là. Dans ce long
cours , il fe charge de la partie limonneufe des
terrains qu'il parcourt , & de celle des rivières
qu'il reçoit. Le grand mouvement dans lequel il
les tient pendant un fi long trajet, les divife, les
atténue au point mentionné. En effet , lorfqu on
met de cette eau dans un verre , ces molécules
paroiflent comme une fumée qui en remplit
toute la capacité. Il eft probable que c'eft ce
limon très- atténué qui donne à l'eau la qua-
lité avantageufe qu'elle a de faciliter la digef-
tion , d'aiguifer l'appétit , &c de maintenir la
fanté à l'abri de ces alternatives, qui réfultent
de l'ufage de celles qui ne font pas fi falubres.
On obferve ici une fingularité dans les eaux
de pluie , & qui ne fe voit pas ^n d'autres con-
trées : c'eft une peau jaunâtre qu'on prendroit
pour du foufre , & qu'on appcrçoit en certains
lems de pluie. Cette peau couvre l'eau des
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marais , êc les vaifTeaux de bois dans lefqiiels od
reçoit la pluie : elle y eft en affez grande quan-
iité , & s'étend jufqu aux bords des vaifTeaux y
dans celle qu'on y tient.
Il paroît que l'atmofphère de cette contrée eft
chargée de particules fulfureufes : c'eft ce que
donnent lieu de croire les grands orages qu'on
y voit; car il eft très- rare qu'il pleuve fans des
coups de tonnerre horribles qui font trembler les
maifons. On doit préfumer , d'après l'expérience,
que ces particules viennent des /orêts épaiifes
qui abondent en réfine, dont les molécules les
plus fubtiles s'exhalent au loin , & vont fe mêler
avec des parties fulfureufes très - déliées , très-
abondantes , de forte qu'après s'être incorporées
avec la nuée , elles fe précipitent en même tems
que la pluie & la tempête. Cette pellicule , ou ce
foufre,eft fi. ordinaire, qu'on l'apperçoitaufli-tôtj
elle eft tantôt plus , tantôt moins, répandue : de-là
vient l'opinion comniune de cette contrée , « qu'il
pleut de l'eau Se du foufre » quoique ce phéno-
mène n'en foit que la partie huileufe la plus
fubtile.
Ce fleuve , dont les eaux s'élèvent dans fes
crues , au - deftus des terreins voifins , 6c les.
inondent où elles ne font pas retenues par àes
levées ou des digues, eft d'un grand avantage
aux différens pays. On en cire pac des faignéô«
M E^
DIXIEME. 23^
Tôau dont on a befoin pour les moulins à fcier
du bois , ce qui fait la principale partie de
rinduftrie des Riverains, ou de ceux qui ha-
bitent dans le voifinage. Quoique le Miflîfipi foit
vafle & profond , il eft certain qu'il ne fait pas
tant de ravages fur fes bords que d'autres fleuves
en font ordinairement. On attribue cet avantage à
fa profondeur : toute la plus grande force de fon
cours fe développe particulièrement au fond ,
où le poids de fa maffe & la 'rapidité femblent
fe réunir. Voilà pourquoi les levées ou les digues
qu'on y fait pour arrêter (es épanchemens ne
font point larges * & n'ont de hauteur que celle
àlaquelle l'ea ■ «nonce ordinairement dans les plus
grandes crue..
Ces eaux , qu'on tire du fleuve , & celles qui
s'amaflent parles pluies, vont fe rendre aux lacs
dans toute l'étendue de l'Ifle où eft fituée la
Nouvelle -Orléans , étendue qui comprend 68
lieues, depuis l'embouchure du fleuve jufqu'au
canal , qu'on appelle improprement rivière d^lber-
ville : c'eft- à-dire , du S. E. au N. O. en comp-
tant les (iniiofitcs que fait le fleuve.
La pente qu'ont les terreins, & qui favorife la
décharge des eaux du côté des lacs , fait voir
qr«€ le limon que le fleuve dépofe, élève peu-à-
peu les terres qu*il baigne, & qu'en même tems
il ^haufle fon ï\i j de-là vient cette pente^ du
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. ,iV^. -.»■•
15^ Discours
coté qui en efl: plus éloigné. On volt, en outre,
que le lit s'élève de même que les terres qui
l'avoifinent : c'eft ce que prouve la néceflîté où
Ton eft d'élever continuellement des digues pour
l'empêcher d'inonder les habitations & les lieux
que l'on défriche pour la culture. On ne connoît
pas la différence qu'il y a entre la hauteur qu'a-
voient autrefois les eaux , & celle qu'elles ont
adtuellement.
- On s'apperçoif au(îî à fon embouchure que le
lit du fleuve eft rehaufle : en effet , il avoit 24
pieds d'eau à la barre il y a 5 o ans , & il n'eu
a plus que 1 1 dans les plaiites marées : mais ,
dans l'intérieur du pays , il confervc fa même
profondeur. Il pourroit fe faire aufli que la barre
s'élevât aux différentes embouchures , fans que le
lit s'élevât : mais le volume d'eau étant le même
qu'autrefois, Se conféquemment laréfîftance qu'il
oppofe aux flots de la mer étant auflî forte, il
p.iroît que ce ne font pas les fables qui s'y amaf-
fent à préfent en plus grande quantité, au-defTus
de ce niveau, mais que c'eft le lit qui s'eft élevé,
& a fait prendre plus d'étendue aux eaux : d'où
il réfulte qu'elles agifTent avec moins de force
que quand elles fe déchargeoient par des bouches
plus étroi tes & plus profondes.
L'attention avec laquelle nous venons de dé-
tailler ce qui concerne l'origine ôc la qualité des
e connoit
;s : mais
DIXIEME. 157
eaux dont nous avons parlé , nous donne lieu d'y
con? parer les eaux chaude;: de la partie haute du
Pérou , & particulièrement celles du Gouverne-
ment de Guancavelica. Celles-ci font cryftallines,
pures à la vue , & , malgré cette apparence , elles
forment les carrières des terreins qu'elles bai-
gnent , pétrifiant même les chofes qui y tombent.
Celles-là , au contraire , font troubles , furchargées
de limon, de terres, ôc de la partie mucilagi-
neufe des arbres, fans cependant engendrer la
pierre dans ceux qui en boivent , ni caufer aucun
mal : nous avons dit qu'elles étoient même boa-
nes ôc falubres. Ces deux propriétés oppofées,
qui réfultent de deux caufes contraires, ne peu-
vent avoir lieu que parce que les premières con-
tiennent dans des parties imperceptibles , des prin-
cipes propres à unir & à endurcir la terre aufïî-
tôt qu'ils fe trouvent interpofés dans fes interf-
tices j tandis que les fécondes ne contiennent
qu'un limon dont les molécules font très -atté-
nuées , flottantes , & incapables de fe réunir de
manière à former une concrétion, parce qu'elles
ne contiennent pas les principes qui font dans les
premières. Malgré cela, l'illufion que les unes&
les autres font à la vue , a quelque chofe de
fiiigulier.
Les lacs. Borgne j Ponchartrain j Maurepas ^^
qui environnent la partie du Nord & de lïft de
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£58 Discours
rifle de la Nouvelle-Orléans , font formées par
l'entrée de la mer qui s'y porte entre cette lilc
& le continent. Ce palfage s'appelle ia Rigole.
11 eft alTez large pour admettre toutes fortes de
vaifleaux ; il a i(> à 1 8 pieds d'eau du côté de
la mer, & dans toute fa longueur 11 braflTes de
profondeur. Mais l'eau décroît enfuite jufqu'à
il i ou II pieds j c'eft la profondeur qu'elle a au
lac Ponchartrain. En fortant de ce lac, on entre
dans celui de Maurepas , de forte que la diftance
de ce canal , dont la longueur eft de trois lieues ,
fait une étendue d'eau qui a au moins cinquante
pieds de profondeur à fon entrée & à fa fortie.
Le premier de ces trois lacs , appelle le Borgne ^
eft moins profond que les deux autres , & n'a
que fix à huit pieds d'eau du côté de l'Eft. Cette
eau eft épailTe , lourde , de mauvaife faveur , &
d'une odeur rebutante : la couleur en eft verdâtre
comme celle des mares ; mais depuis le milieu
jufqu'a rOueft , la (Couleur eft la même que celle
du fleuve , & l'eau eft bonne à boire. Cette dif-
férence vient de ce qu'il n'y entre de ce côté-ci
aucun canal , ni lagunes qui altère les épan-
chemens du Miflifipi, comme de Tautre côté.
On arrive de ce lac à la mer j la rigole fe trouve
près de fon embouchure : or , cette rigole eft
l'entrée des deux autres lacs, favoir de Pont-
chartfain 6c de Mautw. \s : les eaux en font falées ,
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D I X I 1 M 2. l$f
^ fe mêlent avec les eaux douces qui s*y rendent
par difFérens canaux 6c étangs , où Ton va pren-
dre celle dont on ufe dans Tlfle de la Nouvelle-
Orléans. '
Tout PHorîfon fe découvre fur ces trois lacs.
Quoique les eaux n'y foient pas fort profondes,
elles font cependant très-agité , qu'il s'élève
un vent impétueux. On ne peut y vo^^uer que fur
des barques couvertes; les baifes ôc les bancs
de fable qui font dans les canaux de S, Jean
Tiguyu ÔC autres , qui fe rencontrent près de la
Nouvelle-Orléans, n'admettent pas déplus grands
bâtimens : en effet l'eau n'a fur ces derniers qu'un
pied ôc demi à deux pieds de profondeur. Il y a
beaucoup de bons poilfons de différentes efpèces,
fur-tout des Dorades fort grandes j ce font ces
lacs qui appavifîonnent la Nouvelle-Orléans, &
les habitans des bords du MiHiHpi.
Chaque pays y a (es ufages & fes coutumes ,
félon la différence des Nations. Les habitans de la
Nouvelle- Orléans, fatigués des grandes chaleurs,
& invités par les commodités que leur offrent le
fond folide des lacs , ôc le peu de profondeur
de leurs bords , fe font un divertiffement des
bains & de la pèche. Ils s'y rendent dans des
barques , fe jettent à l'eau avec les habits , & y
jouent, y fautent, y font mille tours, de même
(^ue s'ils étoient à terre : les vètemens très-minces
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M^O DiSÇOVaSpIXIEME.
qu'ils porteht ne les embarrafTenc pas. On peut
même avancer loin du h^rd de l'eau, fans eu
avoir plus hauc que la ceinture , vu Tcgalicé du
fond. Plus loin , on s'apperçoit que l'eau devient
plus profonde. Les pêcheurs tendent ki,irs filets ,
& les perfonnes qui font dans l'eau fe divertilTent
à les tirer au bord, & à voir fauter le poiffon
qu'on jette fur la rive. On réitère ces jeux alTez
fouvent, & pendant des matinées entières, fans
qu'il en réfulte aucun inconvénient. Après les
divertifTemens , on fe retire aux maifons des
pécheurs , pour y changer d'habit , & terminer
les plaifirs par un bon repas qu'on fait , en
grande partie, avec les poilTons qu'on a pris. Le
lac Pontchartrain eft fort commoc ^ our ces jeux
Se ces courfes , qui ne demandent qu'un jour : car
ce tems fuffit pour y paflTet par le canal de S, Jean.
DISCOURS
DISCOURS ONZIEME.
Des Maladies particulières aux climats j &
comparai/on de ces Maladies,
Il eft naturel que les différentes qualités des
dimats influent fur la conftitution de l'homme èc
des animaux , & que cette influence en difpofe
plus ou moins les humeurs aux maladies qui y
prédominent. On ne voit pas dans les climats
froids les maladies qui régnent dans les climats
chauds , & réciproquement celles de ces climats-
ci n'ont point lieu dans les températures oppofées.
Les maladies des climats froids ont pour caufe
l'aftridion de tous les folides , le défaut de tranf-
piration, l'épaiflilTement des humeurs, la roideuc
& la tuméfadion des fibres. Dans les autres , au
contraire , elles viennent de trop de relâchement
& de l'ex-trême dillipation des humeurs , de la
grande agitation des fluides. On peut dire que,
dans ce premier c\s , la Nature fouffre trop de
coittpreflion^ & dans le fécond, qu'elle pèche
par trop de relâchement : deux caufes qui doivent
néceffairement l'altéreti
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241 Discours
Les contrées qui font hors de la Zone Tor-
ride participent des d^u% intempéries dans un
degré éminent , en ce que la température y palFe
de l'un a l'autre extrême : on y éprouve dans
l'été tous les effets des grandes chaleurs , ôc dans
l'hiver ceux des froids. Le pnntems & l'automne
font deux faifons intermédiaires , qui y préparent
à CCS deux extrêmes.
Il y a peu de différence entre l'hiver & l'cté
dans les contrées voifines de l'Equateur , ôc dans
rétendue dé la Zone Torride. On remarque la
même chofe dans les hauts Ôc bas pays du Pérou;
de -là vient que les alternatives qu'y éprouve la
fanté , font prefque les mêmes en toute faifon ,
Se feulement plus fréquentes dans une faifon que
dans l'autre. Mais la Nature y fouffre moins ,
parce qu'elle n'éprouve pas le paflage d'un ex-
trême à l'autre. La jeuneîie eft plus fujette aux
révolutions dans les climats chauds, étant natu-
rellement difpofée à la fermentation des hu-
meurs. La vieillefle s'y foutient bien, y acquiert
même des forces bien différentes de celles qu'elle
auroit dans des climats variables. Les jeunes
gens & les vieillards vivent fans éprouver de plus
grandes incommodités dans Jes climats froids,
parce que dès qu'on y eft habitué , on s'accom-
mode fans peine à l'extrême différence des deux
faifons oppofées.
ONZIEME. 141
On die vulgairement , dans la partie haute du
Pérou , que celui qui a naturellement un^e conl-
titution faine , s'y maintifnt dans le même ctatj
mais que celui qui y vient malade , le devient
encore plus qu'il n'ctoit dans le pays où il a pris
fa maladie. Cependant cela n'eft pas général ;
car il y a telles maladies qui s'y guéiilTent par
le feul changement de climat. Il n'en t(i pas de
même dans la partie balTe : les fujets bien puitans
y font pris de maladie pendant les grandes cha-
leurs, de même que ceux qui y loufFrent des
incommodités habituelles.
11 y a néanmoins de la différence à obferver
dans les effets qui réfultent des climais chauds,
& de ceux où la température pafTe de l'un à
l'autre extrême : c'eft qu'on devient moins ex-
pofé à reffentir l'influence des climats chauds ,
lorfqu'on s'y eft accoutumé par une longue ré-
fidence : on y brave tous les inconvcniens j &:
jamais les dérangemens de fanté n'y font auHî
fenfibles que ceux qu'on éprouve en fortant d'un^
hiver très- rude, pour entrer bientôt dans un été
fort chaud , & fe voir ainfî expofé à braver des
maux & des épidémies d'une nature contraire^,
qui mettent toutes les forces du corps à l'é-
preuve. >
Les maladies ordinaires de la partie haute du
Pérou , font les effets réfultans d'obftru^lions ,
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144 D I S c o V R s
des maux de poitrine, des pleuréfies, Sc qneîqnes
rhiimacirmes. Ces maux y font plus' ou moins
grands , félon la nature des individus : rarement
on en eft attaqué , quand on a les humeiurs d'un
bon caradère. On n'y voit ni fièvres intermit-
tentes, ni putrides. On obferve cependant que
les individus qui y viennent de la partie bailè ,
en apportent le foyer avec «ux , Se qu'ils ne
tardent pas à en être attaqués^ qu'elles font chez
eux accompagnées de fâcheux fymptomes , qitel-
quefois même dangereux : mais ces fièvres ne
font pas contagieufes, & ne ie communiquent
pas à ceux qui font accoutumés au pays.
11 arrive tout le contraire dans les Quebradas
profondes, où croît la canne à fucre. Les fièvres
intermittentes y font communes , & y font tant
de ravages , qu'elles dépeuplent quelquefois les
contrées, parla mortalité qu'elles caufent parmi
les Indiens & les autres habitans. Cette maladie
y a un caradtère réel de malignité , ce qui la
tdiflingue des fièvres de la partie balTe, cù ces
fièvres ne font point dahgereufes, quoique lon-
gues & très-fatiguant€s. Le changement de cli-
mat n'en eft pas toujours le remède , car fi quel-
ques individus guérifïènt «n paifant dans les di*
mats froids , les autres n'en éprouvent aucun
avantage.
11 y a quelque rapport «ntre c«cte maladie &
O N* Z I E M i; 245
h mauvaife température de plu Heurs parties de
l'Italie , où 1 on eft prompcement attaque de ces
fièvres , qui y régnent en certains tems , & non
dans d'autres. Quand ces fièvres régnent dans les
Quebradas, il fuffit d'y féjourner pour en ctre
pris j qu'on y dorme de nuit ou de jour , on ne
ks évite pas : c'ed pourquoi les voyageurs aiment
mieux faire nn détour pour arriver , après quel-
ques lieues , i l'ouverture d'une Quebradas , que
de la traverfer : ceux qui rifquent d'y pafTer , le
font fans s'arrêter y 6c i des heures pendant lef-
quelles il y 3 le moins de danger.
Ces maladies font continuelles dans ces pays-,
mais non toujours auHI dangereufes : quelquefois
elles y paroiifent pour un an ou deux, ôc même
davantage. Pendant ce tems elles dépeuplent tout;
ou ceux qui ont échappé a la mortalité fe fau-
vent en voyant le défaftre général & l'opiniâtreté
du mal ; de forte que ces gens font très-tard ce
qu'ils auroient dû faire d'abord. Après certain
tems , les pays redeviennent habitables , les fu<-
gitifs y reparoiffent , d'autres fe joignent à eux ,
mais ces gens ne font jamais bien fains ; ce donc
ils s'inquiètent peu.
La caufe de ces maladies eft fort nfiraielle :
les pays font des lieux profonds j que les vents
ne balaient jamais. Tantôt ces yents font croifés
dans un fens , tantôt dans l'autre , par les flancs
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1^6 D I s c o u n. s
des montagnes j ainfi les vapeurs qui s'élèvent de
la rivière qui y coule , celles qui s'exhalent de la
terre humide, & remuée pour la culture des
cannes à fucre, celles de la plante même, la ré-
verbération des rayons du fbleil, tout enfin s'y
réunit pour infeder l'air, & répandre le germe
des maladies dans le climat.
Das que les habitans ont pris la fuite , toute
culture cefTe j on ne plante plus j la fumée ne
s'élève plus des moulins; les débris de cannes
écrafées , les fèces du fucre qui fe corrompoient,
ne contribuent plus à infecter l'air. Il fe palTe
quelque tems, l'air reprend certain degré de pu-
reté après ces dévaftations , & le climat n'a plus
que fa température chaude , telle qu'elle y doit
€tre, mais toujours- propre à occafionner les ma-
ladies qui y font ordinaires.
Les afthmes font les maladies ordinaires de la
partie haute ; mais on vit long - tems avec ces
incommodités ; on les y appelle ahogidos 3 ou
fiffocations. L'expérience a prouvé que le remède
étoit de defcendre dans la partie bafle, & que
ceux qui en étoient atraqués dans cette partie-ci,
fe trouvoient mieux en pafTant à la partie haute.
Le mal vient de ce que , dans les uns , le relfort
des fibres fe trouve trop comprimé , & de la fub-
tilité de l'air; dans les autres , la.çaufe eft la den-
fi:é , la pefanteur de l'air , & la foiblefle des fibres.
'M
ONZIEME." 247
Voila pourquoi , en palfant d'un air très-fubtil
dans un air plus denfe, plus épais & chaud, ou
de celui-ci dans un air fubcil ik froid , les uns
& les autres éprouvent du mieux, & font moins
farïgués des accès de ce mal.
Il y a dans cette partie deux caufes qui afFoi-
bliflTent la conftitution des habitans , & qui les
empêchent de jouir de l'avantage du climat.
L'une eft la maladie vénérienne, qui y eft trcs-
répandue; l'autre l'ufage immodéré des boiifons
fpiritueufes. Sans ces deux inconvéniens, les gens
y vivroient avec la plus grande robufticité , & n'y
cprouveroient jamais les indifpofitions , ni les
maux auxquels ils font toujours expofés. Aufli re-
marque-t- on que les pleuréfies , l'afthme, les
Huxions de poitrine attaquent ordinairement ceux
qui font atteints du mal vénérien, & ceux qui
boivent immodérément de ces liqueurs.
C'eft ce qu'on a lieu d'obferver dans le tems
des froids , & ce qui fut confirmé en 1759, pen-
dant une épidémie générale, dans laquelle on
vit mourir tous ceux qui avoient quelques mau-
vais levains dans les humeurs ; ceux , au con-
traire , qui étoient fains , ou qui ne s'ccoient pas
adonnés à la boilfon, effuyèrent la maladie fans
aucun danger.
Le ravage que cette épidémie fit en Amérique
fut confidérable j mais l'excès de la boilTon y
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148 Discours
contribua beaucoup. Les buveurs croient atraqués
mortellement dès Tabord , ôc ne vivoient plus
que peu de jours. Dès qu'on fe fut apperçu de
cette caufe, on défendit de vendre de l'eau-de-
vie , & fur le champ on en vit les avantages : la
mortalité ceflTa, & l'épidémie ne fut plus fi fatale,
quoiqu'elle ait encore continué quelque tems.
Il parut dans ce tems-là une comète, que le
peuple prendroit fans doute pour le préfage de
cette funefte maladie, fi l'on s'anêtoit aux an-
ciennes idées : elle précéda le mal de quelques
mois. On l'apperçut le 1 5 avril : elle alloit du
Sud au Nord. L'épidémie fe manifefta vers la
fin de Juillet à Guancavelica , & parcourut la
plus grande partie de cette vafte contrée : elle
parut auflî dans les pays du Sud , & f e porta vers
les provinces du Nord. Cette maladie fembloit
fuivre fon cours par {tarions marquées , paûTant
d'une ville à l'autre; de forte qu'a la feule dif-
tance des^ lieux , on pouvoir déterminer le tems
qu'elle tarderoit à venir d'un lieu a l'autre.
Elle commença , comme je l'ai dit, dans les
pays du Sud ; mais ces pays étant fort étendus ,
on n'eût connoiflfance de la maladie près de
l'Equateur, que quand elle étoit dans le Potofi
& à Chuquifaca. De-là elle pafia à la Pa:( j à
Oruro , Chucuito j au Cwi^co j à Guamanga j
Guancavelica i Xauja^ Lima y &, par les hauts
o N z I E M i; 245
& bas pays, jufqua Quito ^ & dans les autres
provinces. Les progrès en fr-r^nt très-rapides : (î
la malignité avoir été proportionnée A fon étenr
due, elle eût pu enlever tous les habitans des
provinces où elle régna. En cinq ou fix jours , elle
avoit attaqué les vieillards Ôc les jeunes gens in-;
différemment , avec plus ou moins de violence;
Les rues étoient déferres ; rarement on y voyoic
du monde; les maifons étoient devenues autant
de folitudes, où étoient alités ceux qui les habi-r
toient. On ne voyoit dans aucun marché ni ven-
deur ni acheteur. Dans ces fâcheufescirconftances,'
on n'avoir de fecours de perfonne , car tout le
monde en avoit également befoin. Cependant on
fut aidé à certain point , par ceux qui avoient na-
turellement une forte conftitutioh. La maladie ne
dura chez eux , avec toute fa force , que pendant
deux ou trois jours : cependant ils étoient dans
un état bien débile , & ne pouvoient fecourir que
très-peu les plus malades.
La maladie confiftoit dans un grand étourdif-
fement , une pefanteur de tête , une foiblefTe dans
tous les fens , de fortes douleurs par-tout le corps,
une fièvre affez modérée, une laflîtude générale,
une hémorragie par la bouche & les narines ,
une furdité & une grande proftration , avec perte
totale d'appétit. Les fymptômes des maladies
s aggravoient dans les individus fujets à des maux
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250 Discours
habituels, fur-cout chez les poicrinaires ; & h
maladie, devenue- plus conndérable, les empor>
toic. Ceux qui n'écoienc affedés d'aucun mal an-
térieur , fe trouvoienc mieux en ufanc de fudo-
rifiques , &: en fe tenant chaudement pour exciter
Ja tranfpiration. Après avoir foutenu le fort de
Ja maladie, on en reHeiltoit les effets dans la
convalef.ence, qui étoit fort longue & pénible;
on avoit la vue trouble, l'air tride, l'efprit
abattu , de forte qu'il falloit aux convalefcens plus
d'un mois pour être quittes des reliquats.
On remarqua que les chiens furent auflî atta-
qués de cette épidémie j on les voyoit étendus
dans les rues fans pouvoir fe foutenir : il en
mourut certain nombre; cependant le mal ne fut
pas dangereux pour ces animaux.
La maladie fut auflî prompte à fe terminer
qu'elle avoit été rapide dans fon commencement,
Se fes progrès dans le voifinage des habitations:
elle n'y régnoit que pendant un mois. Mais
ce furent les provinces où elle commença qui
elTuyèrent la plus grande mortalité , parce qu'on
en ignoroit le remède. On obferva d'abord que
la faignée y devenoit dangeieufe , & mcme mor-
telle : ainli on y renonça, de même qu'à tout
autre moyen curatif , pour s'en tenir à ceux donc
j ai parle.
La pelle elt une maladie inconnue dans ces
ne me mor-
ONZIEME. 151
contrées-Ià : on n'en a pas même l'idée. Ce défaut
de connoiflance fit donner à cette épidémie le
nom de pefte , comme on l'y donne à toutes les
maladies épidémiques qu'on y éprouve de tems
à autre , & qui font plus communes dans la
partie baife que dans la haute.
La caufe de cette épidémie fut fans doute une
altération de l'air. Ce qui femble 1 2 faire croire,
c'eft que pendant ce mois - la , & vers la fin
d'Avril , les vents du Sud régnent dans ces
contrées j & que l'épidémie pafTa, félon le cours
de ces vents , du Sud au Nord. S'il étoit vrai
qu'elle vînt de toute autre caufe, par commu-
nication d'une feule perfonne malade à une autre,
& de celle-ci à une troifième, &c. , elle ne fe
feroit pas répandue fi généralement , & les ani-
maux mentionnés n'en auroient pas été attaqués.
Les maladies communes qui fe répandent dans
les parages chauds des bas pays , font les fièvres
tierces, ou d'accès : elles durent très-long- tems
dans ceux qui en font pris , mais fans cette ma-
lignité qu'elles ont dans les Quebradas de la
part''; haute. S'il en meurt quelques individus,
c'eft ou par la complication de ces fièvres avec
d'autres maux antérieurs, ou parce qu'elles ont
duré un tems confidgrable , fans qu'on y ait ap-
porté le remède capable de les dompter. C'eft ce
qui arrive à nombre d'individus qui vivent épars
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•iji Discours
^à ôc là dans les campagnes , loin des grandes
habitations , & qui manquent ainû des fecours
nécefTaires.
Ces fortes de maladies font, fans contredit;
les plus communes dans les contrées chaudes pas
leur poHtion , ou qui ont des étés très- chauds.
Elles font fort difficiles à guérir dans ces pre-
mières.
Les campagnards de Tlfle de Cuba tiennent
pour certain , que quand ils elTuyent de la pluie,
chemin faifant , ils feront infailliblement pris
d'une fièvre tierce , fi leurs habits viennent à être
mouillés; Se qu'ils ne rifquent rien fi la pluie
leur tombe fur le corps même , fur-tout fi la
pluie eft très - forte. C'eft pourquoi , dès qu'il
pleur , ils otent leurs habits , qui font fort légers,
Se reftent nuds, de U tète à la ceinture. Us difenc
que c'eft la même chofe que de fe baigner, ôc
que quand leur corps a été ainfi mouillé , ils n'en
éprouvent pas les inconvéniens qu'ils ont à crain-
dre de l'humidité de leurs habits mouillés pen^
dant le chemin , ôc de la chaleur qu'ils leur
caufent en marchant.
La Louyfiane eft auflî fuje:te à ces mêmes
maladies pendant l'été : elles deviennent quel-
quefois malignes pendant les grandes chaleurs,
& lorfque les pluies tombent par orages , & avec
des tempêtes : il meurt alors beaucoup de monde.
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«ONZIEME. l$f
Mais cela peut venir audi d'une caufe accenbire :
favoir, faute de traitement convenable. Mais,
dès que le froid fe fait fentir aux premiers vents
du Nord, en Novembre, les fièvres ceflTent. La
plupart des malades guériifent fans autre remède
que le changement de la faifon.
Le mal , <[u'on appelle la maladie de fept
jours y & qui attaque les enfans nouvellement
nés, n'efl: pas moins dangereux dans la partie
haute que dans la bafife. La plupart de ces en-
fans en meurent, fans qu'on appcrçoive aucun
(igné antécédent qui puifTe la faire foupçonner ;
car ils font en apparence fains & robuftes. L'c-^
pilepfîe s'y joint ordinairement, & il eft rare
qu'il en réchappe un feul.
Quoique cette maladie foit connue en Europe,
elle n'y eft ni fi générale , ni fi dangereufe. Les
Américains ont grand foin de garantir leurs
enfans du vent, jufqu'à ce que ce terme foie
palfc : après quoi ils ne courent plus de rifque.
Voilà pourquoi ils l'appellent le mal de fept
jours, tems auquel le danger eft toujours borné,
Les enfans font encore fujets à une autre ma-
ladie fort fingulicre. Délivrés du danger des fept
jours, ils vont ordinairement bien jufqu'à trois
ou quatre mois : alors ils font pris d'une toux
& d'une affeftion de poitrine , qu'on y appelle
pechuguera* La maladie va toujours en augmen-
'km
tau
r-i,i
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154 Discours
tant , malgré cous les fecours : ils n'opèrent aucun
effet falucaire. Alors , ces enfans enflent , 6c ne
tardent pas à mourir. Les feuls enfans des blancs
( Efpagnols ) font expofés à ces ravages , qu'on
ne voit pas parmi les Indiens ou les Mctifs j dont
la confticucion oppofe plus de réfiftance. Le
moyen de garantir les enfans eft de les enlever
de- là avant deux mois , & de les tranfportec
dans l'un des climats plus favorables de ces
QuehradaSj qui n'en font pas éloignées.
Le vulgaire croit que la caufe du mal vient de
ce que ces enfans font d'une conditution trop
foible pour rcfifter au froid 6c à l'intempérie du
climat j il eft sûr qu'elle peut y contribuer, mais
d'autres caufes peuvent aulïî y concourir. Les
pères 6c mères y ont les humeurs mal faines. Les
vapeurs fulfureufes qu'on y refpire continuelle-
ment 5 6c qui fe répandent des fourneaux où l'on
extrait le mercure, y font fi abondantes, qu'en
été elles fe condenfent par l'effet des gelées , &
forment une nuée cpailfe , qui couvre toute l'é-
tendue de la peuplade.
Rien de fi commun à la Louyfiane que de voir
des perfonnes de tout âge attaqués de vers de
toute efpèce , fans en excepter le vers folitaire.
La grande humidité de cette contrée, les fe-
mences abondantes d'infecftes & de reptiles, la
qualités des alimens , en font autant de caufes.
'i;i
ONZIEME. 155
On obferve même que les fruits, fur-tout ceux
à noyaux , ^' à ^.oulfe^ ne s'y gardent pasj ils fe
gâtent au bout de deux jours qii'oi; les a cueillis,
& pourriniiu : ce qui vient de la qualité marc-
cageufe du fol , ôc de l'humidité de l'Atmof-
phère. A cette incommodité fui viennent de
fortes fièvres , déperdition de fubftance , des lan-
gueurs, une mélancolie. Le remède le plus en vo-
gue eft le fuc de V-icdionda^ dont il a été parle.
On employé aufli l'huile de noix, qui réuflit danj
quelques individus : mais on remarque qu'elle
ne guérit pas radicalement le mal , & qu'on en .
éprouve des récidives quelque tems après.
La petite vérole, maladie connue par toute
la terre , y pa'^oît à certains périodes , & noa
tous les ans comme en Europe : mais quand elle
s'eft manifeftée , elle fait de grands ravages , tant
parmi les blancs , qu'on y appelle Efpagnoh , que
parmi ' s Indiens & les Nègres. Elle parut dans
la partie balTe en 176^. 11 en périt beaucoup
de monde de tout âge , particulièrement dans les
premières familles du Pérou. Quoiqu'il y aie
une très-grande différence entre les climats de la
partie haute & ceux de la balfe , on n'a pas eu
lieu de croire qu'elle fût plus mauvaife dans la
haute : car le nombre des morts fut aufli confi-
dérable dans l'une que dans l'autre partie.
On a , dans la partie haute, une métliode cura-
f
\'\M
i^S Discours
live bien différente de celle de l'Europe : on n'y
connoîc pas toutes ces précautions fcrupulcufes.
Les femmes Indiennes tiennent leurs cnfans à
côté d'elles fur une peau de brebis , & ne les
couvreur pas plus qu'à l'ordinaire, fans s'inquiéter
de les garantir de l'impreflion de l'air. Malgré
le grand froid du climat, il ncn meurt pas plus
que parmi ceux pour lefquels on prend les plus
grandes précautions. D'ailleurs, ces gens n'ont
recours ni aux médecins, ni aux médicamens;
tout eft abandonné à la nature. On s'y fert, tout
au plus , de quelques herbes , dont la vertu eft
connue par l'expérience : ces herbes font là des
panacées y qu'on y employé pour tous les maux.
Les adultes qui font pris de cette maladie en
réchappent rarement, vu la denfité de la peau
qui empêche l'humeur variolique de fe faire jour
au-dehors d'une manière régulière; c'eft ce qui
rend cette maladie beaucoup plus dangereufe
dans ces contrées que chez les autres nations :
elle y fait des ravages confidérables. Elle feroit
moins redoutable fi elle y paroilloit toiF les ans,
les habitans l'efliiieroient dans leur jeuneffe , &
il en périroit moins , comme l'expérience le
prouve à l'égard des enfans.
Feu de la Condamine écrivit à ce fujet plufieurs
lettres au dodeur Maty, de Londres, & l'inf-
truifit de l'état où fe trouvoit la queftion fur
l'utilité
■.-•^
,,...y...
i l
Ô N Z I B M ir ' 157
rutilité de rinoculacion dans cette Capitale, &
lui expofa les raifons fur lefquelles il fondoic
fon opinion : il dillipa ainfi les craintes qu'on
avoir du danger auquel on croyoit s'expofer vo-
lontairement en fe faifant inoculer, & raifura
fut celles qu'on avoit de n'ctre pas garantis de
la contagion. Ce font les mêmes raifons qui ont
déterminé à introduire l'inoculation dans la Nou-
velle-Angleterre, où elle eft aufli en vogue que
dans l'Ancienne.
Cette maladie n'ed pas fi dangereufe dans les
pays chauds de la Zone Torride, quoiqu'elle y
faffe aufli d'aflez grands ravages, quand elle a
rté quelques années fans rep^roître. On obferve
la même chofe à l'égard de la Louyfiane : d'où
l'on peut conclure que ce n'eft pas un grand bon-
■heur pour le pays , que cette maladie foit dix â
douze ans à reparoître, puifqu'elle devient alors
fi funefte. Ces confidérations ont fans doute con-
tribué à introduire l'inoculation dans les Co-
lonies delà Nouvelle-Angleterre : par ce moyen ,
ofl eft ga».Anti de la crainte pendant la jeunelTe,
& du danger de la contagion dans un âge plus
avancé. . . •. ■ ,
L'inoculation y éft fi commune, qiion y a
bâti des maifons publiques & des hôpitaux , où
l'on reçoit pour cet effet des perfonues de toutes
conditions & de tout âge j & les fuites en font
Tome L R
■H:
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25$ D I s e o V n •
des plus heiireufej. Il y vient fe faire . ;û'aier
des gens de plufieiirs autres provinces : on y a
nicme reçu plusieurs habicansde la LouyHane, qui
ont fubi ce traitement dans un âge fait. 11 feroit
fort avantageux pour l'humanitc, qu'on envoyât,
des provinces où l'on n'eft pas encore convaincu
de l'utilité de cette opération , des médecins
éclaires , pour obferver tous les fymptômes qui
fe manifelUnt dans les fujets aduellement ino-
cules , ôc pour s'aiïurer par le nombre de ceux
qui l'ont été , (i l'on eft encore expofé a être at-
taqué de la maladie , lors des grandes épidémies;
f\ y en cas d'attaque , la maladie fera bénigne ou
maligne^ Ci , par la précaution de l'inoculation,
ou générale , ou pratiquée fur le grand nombre
des individus , on anéantit la caufe de l'épidémie.
Ces médecins s'informeroient audl de la ma-
nière dont il faut s'y prendre pour en avoir le
germe. Se l'inoculer; du choix qu'il faut en faire,
des précautions à garder pendant fes effets , de la
faifon Se de la température la plus favorable;
cnHn de toutes les autres circonftances qui peu-
vent fournir des connoifîanccs fur cet objet. Par
ce moyen , ou on empccheroit peut-être de périr
la moitié , ou le tiers des individus de tout âge j
Se de tout état; mais ce qu'il y a de plus impor-
tant, c'eft qu'on garantiroit du danger les Sou*
verains : on aifureroic à cet égard les fucceflions
lire . 4û'aier
ces : on y a
)uyrune , qui
fait. U feroii
l'on envoyât,
)re convaincu
les médecins
mptômes qui
îllement ino-
nbre de ceux
ofé à être at-
ies épidémies;
a bénigne ou
l'inoculation,
grand nombre
de répidémie.
iiHI de la ma-
ir en avoir le
l faut en faire,
es effets , de la
us favorable;
.nces qui peu-
cet objet. Par
t-être de périr 1
us de tout âge |
de plus impor-
mger les Soû-
les fucceflionJ
onzième; 159
aux trônes. Toutes ces obfervations faites pac
(les gens inftruits , Se doués du difcernement né-
celfaire, diHiperoient les doutes que fait natu-
rellement naître la pratique nouvelle de l'inocu-
lation , à laquelle on fe refufe , pour s'expofer à
une maladie dont les conféquences font fi fatales
pour un grand nombre de fujets.
Si les affeélions de poitrine font communes dans
la partie haute , les crachemens de fang ne font
pas moins ordinaires dans les pays les plus froids»
C'eft ce que l'on voit fouvent à Guancavelica :
cependant on vit quelques années avec cette in-
commodité. La plupart de ceux qui en font atta-
qués , guériffenc totalement en paffant dans un
climat moins dur : mais d'autres y meurent , ôc
il n'y a point de terme fixe pour la durée du mal.
On ne voit pas U de phthifîe , malgré les maux
de poitrine dont il s'agit j ou ces phthifies font
bien rares. Elles font, au contraire, alfez fréy
quentes dans la partie baflfè , où Ion ne voit pas
de crachemens de fang : mais ces deux maladies
font fort fréquentes dans la Louyfiane.
Le tétanos eft redoutable dans la partie balTe
du Pérou , vu la facilité avec laquelle on en clV
attaqué, 6c que d'ailleurs il y eft décidément mor-
tel. La moindre caufe peut y donner lieu. U eil
[impoflible d'être toujours alfez attentif à s'en ga-
i rantir : il fuffit de fortir , ayant chaud j _ dtf la
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chambre ou de l'appartement, ôc de s*expofet à
l'air , pour en être pris. C'eft au moins une des
caufes de ce fpafme, quoiqu'il n'en réfulte pas
toujours. On rifque encore d'en être pris en
s'expofant â un courant d'air après avoir bu le
mate j qui eft une efpèce de thé, & fe boit de
même. On ne connoît pas ce mal dans la partie
haute. On en eft encore attaqué fi, par inad-
vertence , on vient à mouiller ou à mettre dans
l'eau l'un ou l'autre pied où l'on aura été piqué
ou légèrement biefFé : ce qui n'a pas lieu dans
l'autre partie du Pérou.
Cet accident eft également dangereux dans
rifle de Cuba , ôc dans les autres climats chauds :
on n'y connoît même pas de remède , ce qui fait
que peu de perfonnes en réchappent. On a ce-
{>endant à la Havane quelques exemples de gué-
îifon ^ mais le traitement ou le remède eft fi in-
certain , t]u'il laitfe toujours les individus expoféj
au plus grand danger. Une piquure expofe aullî
à cet accident dans la Louyfianej mais on n'en
voir pas d'exemples fans cette caufe.
La partie haute du Pérou expofe rarement aux
paralyfies qu'on y appelle ^yre : ati moins ces
maladies n'y font-elles pas fi communes que dans
la baffe. Cela vient de ce que la température y
eft toujours égale 6c froide, fans aucune alter-
native d'hiver & d'été j & que les pores Ju
onzième; 1^1
corps, fort refferrés y soppofent à rintromiffion
de l'air. Aiiflî n'y voit-on cette maladie que dans
les individus d'un âge fort avancé, & déjà in-
difpofés.
L'apoplexie y eft extrêmement rare dans l'une
Se l'autre partie, de forte qu'à peine en entend-
on parler pendant le cours de nombre d'années.
Cet avantage eft dû fans doute au peu de diffé-
rence de température dans les deux faifons op-
pofées : les humeurs s'y maintiennent par ce
moyen dans le même état, les alimens n'y varient
poijit , ôc l'air y eft prefque toujours le même.
D'après ces faits , on ne peut déterminer la
caufe du tétanos , ou fpafme général , qu'en fup-
pbfant dans ratmofphère des corps inconnus,
imperceptibles, qui le produifent^ autrement il
ne réfulteroit, de quelques légères inadvertences,
qu'une foible aftridion , mais non une contradlion
aufii terrible que celle du tétanos > Ôc la motc
peu de jours après.
Quoique les pleuréHes foient la maladie dan*
gereufe des climats froids de la partie haute, il
eft rare néanmoins que les individus d'une com-
plexioh bien faine en foient attaqués. £lles ne
font communes que parmi ceux qui ont dans
leurs humeurs un vice vénérien , ou qui font
adonnés aux liqueurs fpiritueufes. Le remède
aftiiré eft, dans cette contrée > le foie du Zorillo^
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2^1 Discours
qu'on prend par la bouche , & l'on en voie des
cures merveilleufes. 11 n'importe qu*il foit récent
ou vieux : on y compte avec alTurance fur fes
effets , ôc l'on eft perfuadé que quand on en a
une fois pris, on n'eft jamais expofé à une ré-
cidive.
On a remarqué que les pleuréfies Se les autres
maladies de poitrine étoient inconnues parmi les
Indiens , quoique ces gens mènent une vie dé-
réglée, ôc que leur penchant à s'ennivrer leur
falFe boire de l'eau-de vie avec excès. Mais cela
vient de la force de leur conftitution , & de ce
que les maladies vénériennes font rares parmi
eux.
La lèpre eft un mal très-commun dans les
pays chauds. Elle eft inconnue dans la partie
haute du Pérou, ôc peu répandue dans la baffe,
cù l'on en voit quelques exemples. Elle gagne
beaucoup fur les côtes feptentrionales de Terre^
ferme : mais fa contagion devient des plus funeftes
"dans quelques parties de la Havane. On croit que
cela eft dû à la viande de porc , dont on ufe beau-
coup , ôc que cette viande en devient la caufe par
la qualité que lui donne le fruit d'une efpèce de
palmier, diftingué parle nom dQ Reai ou Pal'
miche j dont cet animal mange beaucoup : au
moins , cette viande y contribue-t-elle en grande
parcie. ' ■' •• -■-' '•'' ; • • =
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O M Z I E M Ef Z^5
La chair des porcs qui s'en font nourris eft
plus glanduleufe que d'autre : les glandes ont unie
teinte noirâtre j on les apperçoic facilement dans
toute l'étendue du cou de l'animal. Quoique
cette opinion y paroiflTe bien fondée , on doit
en rapporter la première caufe aux Nègres de
l'Afrique qu'on tranfporte en Amérique j car
cett(^ maladie eft fort répandue, & comme na-
turelle dans leurs contrées. On devroit prendre
les plus grandes précautions pour empêcher les
progrès de cette horrible maladie , ou plutôt pour
la détruire dans les Colonies. Elle étoit autrefois
inconnue dans la Louydane j mais , depuis quel-
que tems ^ elle comn^ençè à s'y manifefter.
La maladie appellée CulébrïUc y très-connue
dans ces climats chauds , a auJi été appcKttéc par
les Nègres , a ce qu'on penfe. On éprouve au
Port-àu-Prince, &: dans les pays voifins, les effets
de ce mal, beaucoup plus généralement qu'ail-
leurs , & n)ème . qae dans l'ifle de Cuba. Dès
qu'on fe fût alTuré qu'il étoit contagieux, on p)?c
les précautions néceifaires pour l'arrêter : ce î\}l
de brûler les linges employés dans la cure*,Oii
remarqua que quand ces linges étoient {^cs.^ i\
en fortoit une quantité prodigieufe de petits in-
fedes qui.fe répandoient dans l'aii, & coihmu-
nlquoient le mal aux individus qui ne l'avoienc
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pas. Avec ces feules précautions , .& celle de guérir
iles Nègres infedés arrivais de lear pays , on à
^au moins empêché que le mal ne fûc aullî
commun. .. ; .
On fait généralement dans ces contrées que les
chiens & les autres animaux n'y font pas fujets
-â la rage, non- feulement dans l'Amérique mé-
ridionale, mais encore dans tout le continent:
-cependant ils y font attaqués d'une autre efpèce de
maladie quieft générale parmi ces animaux; elle
en détruit un grand nombre. C'eft une-^efpèce de
pefte : il n'en réfulte aucune envie de mordre;
la maladie ne fe communique pas non plus de
cette manière ; elle eft , en quelque forte-, pour
les chiens, ce-qu'eft la petite vérole pour rhom-
■me. Slle fe manifefte ainfî : lanimâl devient
trifte, ne mange plus, maigrit , lailfe aller fa
têt&v tombe, & ne peut plus marcher : il refte
-idahs cet état quinze à vingt jours : les uns réfiftem
plus que les autres, mais à la fin la plupart en
'meurent : ils en font ordinairement attaques dans
leurs premières années , & n'en éprouvent plus
de récidive quand ils en ont réchappé.
.1 Les chiens de chalTefont plus foignés que les
autres ; c'eft pourquoi on en guérit un plus grand
nombre que. des autres. Le moyen qu'on employé
•eft de leur couper le bout de la queue ôc les
• "V.
^ ON Z I E ME. 2(j5
oreilles, afin de les faire faigner: on leur donne
enfuite à manger -du foie de brebis cuit, & mêlé
avec une bonne dofe de fleur de foufre. On leur
frotte lapine du dos^ avec de la graifle de porc,
jufqu'à la queue : moyennant ces foins , on leur
voit jetter aux endroits coupés une matière puru-
lente, en efpèce de filamens, laquelle paroît être
la caufe du mal. Il fe répandit une pareille épi-
démie en iy6y dans la Louyfiane j elle y détruific
prefque tous les chiens.
Les Mules y font fujettes à une autre maladie ,
qu'on appelle mal del vafo j ou du fabot : elle
fait périr un! nombre prodigieux de ces animaux
dans les milliers qu'on en fait pafTer tous les ans
du Tucùman au Pérou. Le mal eft dans le fabot
même de l'animal , & n'a rien de femblable à la
teigne qui furvient a la couronne. Le fabot fe
gonfle, le mal monte dans la janibe, & la mort
en eft la fuite. La contagion en eft fi adive,
qiie ceux qui font ce trafic, aflTurent qu'ujie
mule en eft attaquée en pofant feulement le pied
fur un endroit où a marché celle qui cccît ma-
lade : cela vient fans doute de quelques in fedes
qui fe nichent dans les herbes.
Ce grand nombre de mules fort du territoire
deTucuman, en troupes de deux à trois mille,
à certains çems fixes , pour faire un voyage de
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iîx cens Se même de mille lieues , & fe rendre
de-li à la Tabtada de Tucle , dans le gouverne-
ment de Guancavelica , où fe tient la foire ou
le marché de cqs animaux : il en paiTe même
dans le royaume de Quito.
Les conduâeurs préfèrent , pour cette longue
route » de paiTer par Uspunas les moins froides,
afin d'y trouver des pâturages. Us vont régu-
lièrement les uns après les autres , à certains in-
tervalles , ayant foin de s'infprmer fi les troupes
précédentes n'étoient pas attaquées du mal , aHn
de fe détourner, & de ne pas faire aller leurs
bêtes fur les pas des autres , qui pourroienc le
leur communiquer. Chaque condudeur a ce foin,
& fépare de fa troupe celles qui font malades,
les faifant aller par d'autres routes pour éviter
cette contagion.
Toutes ces troupes n'arrivent pas à la Tablada.
de Tucle ; car, avant de fortir de Tucuman, les
marchands ont fait leurs marchés avec les Corré-
gidors des provinces par lefquelles ils palfent , pour
la quantité qui y eft néceflaire, & ils y laiflent
ce nombre de bêtes. Ainfi , il ne paffe outre que
celles qui ne font pas vendues : ce font celles
qui vont enfiite dans les provinces des Vallées^
à Caxamarca ^ Se jufqu*à Quito.
Les femmes font affez fréquemment attaquées
O H 2 1 E M !• iKy
du cancer au Pérou : ropiiiion commune eft qu'il
s'y répand par communication. Ce mal terrible
y va toujours en croîiTant, & y devient pliis
commun que jamais. Ceft ainfi qu'il s'eft mani-
fefté dans la partie haute, où il étoit inconnu il
y a vingt ou vingt- cinq ans. Quelques obferva-
tions femblent donner lieu de croire qu'il eil:
venu de l'Afrique ^ car il eft plus commun parmi
les Négreflès & leurs enfans. Comme ces fem-
mes y fervent de nourrices , elles en donnent le
principe aux enfans des blancs qu'elles allaitent.
Mais cette opinion foufFre deux difïicultés. La
première, c'cft qu'on ne le voit pas ordinaire^
ment dans les autres contrées de l'Amérique,
ou la plupart des habitations font compofées de
Nègres , & de gens de races mélangées. La fé-
conde , c'eft que les femmes Européennes qui y
partent en font auflî attaquées : ce dont on a des
exemples inconteftables. Ce qu'on fait de certain
à cet égard , c'eft que le mal vient d'une trif-
telTe pénible , de chagrin très-fenfible qui trouble
l'ame , & la tient dans une apathie continuelle.
Mais ce mal n'eft pas ordinaire parmi les filles
comme il l'eft parmi les femmes mariées : on
en arrête les progrès au commencement , par le
moyen des bains , des humedans ôc des dé-
layansj de la diflipation Ôc à'vn peu d'exercice.
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i^9 DlSCOVRS 0N2IEM1.'
Néanmoins , il eft rare que le mal s'arrête dès
qu'il s'efl; une fois manifefté^ les fuites en font
les plus affligeantes , & il fe termine par les
■douleurs les plus cruelles , qui mènent enHn
Tindividu à U more
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f,
DISCOURS DOUZIEME.
Des Minéraux^ fur -tout de l* argent, & de ia
manière de le cirer,
L'Homme forti de Tétat de nature, & devenu
Fadice, a toujours eu la paflTion des richefTes, &
le defir de fe pro(^urer les métaux précieux , qui
font le moyen d'avoir toutes les autres chofes.
L'or & l'argent ont naturellement quelque chofe
de fi attrayant, que, fans même avoir une va-
leur déterminée , ces métaux font \es plus confî-
dérés parmi les Nations qui en ont le moins
befoin pour leur commerce ou leurs échanges.
Ces métaux donnent la loi à toute la terre j &
les Princes , dans l'état a<5tuel des chofes , ne
pourroient plus fe rendre refpecflables les uns aux
autres^ s'ils n'avoient des tréfors aflez confidé-
rables pour les dépenfes qu'exigent leur fouve-
raineté. En donnant la loi, l'or & l'argent ré-
glentauflTi la valeur des autres chofes, félon qu'ils
font plus ou moins communs. C'eft donc la ba-
lance générale des néceffités de la vie , nécefîîtés
qui deviennent plus ou moins urgences félon la
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lyo Discours
quantité de ces mctaiix. Parmi ces befoins , les
principaux font les travaux de l'homme , travaux
qui, depuis le plus ordinaire jufqu'à 1 indufttie
la plus recherchée, font payés par ces i jétaux ,
devenus la récompenfe du mérite & des calens
particuliers de chaque individu.
Les Chinois travaillent continuellement pour
acquérir l'argent j qui ne fe trouve pas dans
leur pays : c'efl: cependant une des Nations cjui
en ont le moins befoin. Les Européens n'épar-
gnent ni peine ni travail pour s'en procurer auflî ,
afin d'en fournir aux Chinois. Les Maures d'A-
frique exercent des pirateries continuelles , tou-
jours avides d'argent, & cherchant à réduire les
autres Nations dans l'efclavage , afin de fe pro-
curer de l'argent par la rançon de ces captifs,
tandis que du refte ces Nations Africaines font
les plui barbares & les moins occupées du com-
fnerce. Les Européens qui vont chercher ces mé-
taux en bravant tous les dangers , & avec une cu-
pidité infatiable , fe détruifent réciproquement le
fer à la main dans les guerres qu'ils fe déclarent,
pour en polfédcr les uns plus que les autres.
Les Américains ouvrent & fouillent les en-
trailles de la terre , defcendent jufques dans {es
profonds abymes , dans le delfein de fe rendre
plus heureux avec de femblables idoles. Mais ce
font eux qui en jouiffent le moins : ces métaux
-^™,_T ^^
DOUZIEME* 271
dirparoilfcnc biencoc de leurs mains : en peu de
tems ils fe trouvent avoir palTé i l'autre extré-
mité de rhémifphcre fans s'être arrêté chez ceux
qui les polTédoient. La puidànce de l'or 6c de
l'argent commande a toutes les facultés intellec-
tuelles de l'homme, l'oblige de devenir fociable»
de traiter avec fes femblables. En effet , fans cet
utrait une Nation ne fongeroit qu'à vivre de fon
fol, dédaigneroit les autres peuples, & fe foii-
cieroit peu de prendre tant de peines pour a'
découvrir les pays éloignés & les moins connue.
Le prix imaginaire d'une parcelle d'or détermine
la volonté de celui à qui on la fait entrevoir.
Les difficultés ne font qu'irriter l'appétit , les
chemins s'applaniffent , les palTages s'ouvrent,
les dangers difparoilfent, & tout devient facile.
L'or & l'argent font donc aduellement des
matières qui font les liens de l'intérêt réciproque
chez toutes les Nations. Le tems , le travail , les
foins , les veilles , le repos , la vie , la more
même, tout eft réglé, eftimé par le prix de ces
métaux. 11 femble que la Nature y concourt elle*
même, en ce qu'elle n'a pas rendu ces métaux
fi communs , qu'on puifle fe les procurer aifé-
ment. Si cela étoit , ils n'auroient plus la même
valeur j mais on n'en trouve pas par- tout : c'eft
pourquoi , les habitans des divers pays qui n'en
produifent pas , font obligés d'employer toutes
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(716) 873-4503
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les reffources de leur iiiduftrie pour en acquérin
11 paroîc cependant que ces métaux fe décèlent
par toute la terre par certains (îgnes affez (an»
(Ibles; mais la petite quantité qu'on en tireroic
de quelques fols , ou les grandes difficulcés qu'on
auroit à vaincre , obligent de fe tourner du coté
de l'induftrie , ' afin d'obtenir par d'autres voies
ce que le fort n'a pas également réparti , 6<: ce
qui n'en devient que plus précieux.
Les Indes occidentales , qui ont l'avantage de
renfermer des mines d'or & d'argent , infiniment
plus nombreufes ôc plus riches que toutes les
très parties du globe. Elles font peuplées par des
Indiens, Nations les plus parelïeufes 6c les moins
occupées d'aucun genre de travail. Si quelques-
uns de ces peuples , qu'on regarde comme plus
civilifés , fe mettent à des travaux , ce n'eu qu'à
force de les y pouiTer , & même avec contrainte :
Cl on les laifToit faire à leur gré , ils pafferoient
les jours entiers fans quitter une place , comme
le font ceux qui ne font pas aflujettis. Aufli l'or
& l'argent, dont ils font les premiers poiïeifeurs,
ne font que paroitre dans leurs mains & dif*-
pardître , palTant auflî-tct d'un maître à l'autre.
Non-feulement ces métaux ne fe tirent des
entrailles de la terre qu'avec les plus grands tra-
vaux , il femble encore que l'Auteur de la Na-
ture ait voulu que le$ parties où ils font en plus
grande
t)i O V Z I E M E; 273f
grande quantité, fnffent fépaiés des autres pat
de vaftes mers : il y a élevé des cimes altières >
qui prédominent fur toutes les hauteurs du globe,
comme s'il eût eu defTein d'indiquer certaine
analogie entre le phyHque ôc le moral. En effet,
fi le Globe ne foutient pas d'autres montagnes
auilî hautes , 6c qui puifïent être mifes en pa-
rallèle, on peut, d'un autre côté, a^Turer qu'oa
en tire, plus que d'aucune partie, ces matières
dont le pouvoir , la dignité , Téclat , les attraits ,
influent tant fur les divers états de l'homme ,
depuis le plus haut degré jufqu'au plus bas étage
de la fociété, dans toutes les Nations civilifées.
L'hifloire nous apprend que, dès les tems les
plus anciens , l'or Ôc l'argent avoient été employés
àlufage dont je viens de parler : mais depuis la dér^
couverte de l'Amérique, ces métaux ont été comme
le reffort qui a mis toutes les Nations en mou-
vement , & qui entretient leur adivité , 6c la paflion
qu'elles ont de s'en procurer. Le commerce ré-
ciproque qu'ils ont fait naître a civilifé nombre
de Nations barbares , a couvert la mer de flottes
qui font devenues comme autant de Républiques
fur les ondes. Les arts ont été pouffes plus loin^
rinduflrie s'efl pcrfedionnée par une nouvelle
impulfîon ; les peuples fe font éclairés , la terre
a été plus connue , fes produdbions plus exami-
nées , mieux apper^ues , appliquées à des ufages
Tome /. S
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274 Discouns
plus avantageux, d'après les expériences 6c les
analyfes qu'on a faites de leurs propriétés par-
ticulières.
Mais, fi ces avantages font aujourd'hui incon-
cevables , on peut dire , que d'un autre coté , la dé-
couverte de ces tréfors a été fuivie des plus mal-
heureufes conféquences , fur-tout pour la Nation
chez laquelle ils croient renfermés. Les vexations,
la barbarie même qu'on a exercées contr'elle,
l'ont prefque fait difparoitre de defTas la furface
du Globe. Les guerres que l'envie, la cupidité
ont fufcitées , ne ceflfent de tems d autre , qu'en
lailTant fous la cendre un feu caché , qui les ral-
lume bientôt pour difputer ôc s'approprier ces
tréfors. Ce n'eft pas qu'il n'y ait jamais eu de
guerre auparavant entre les différentes Nations
qui rampent fur le Globe : car le coeur de l'homme
ne fait jamais s'arrêter dans les bornes du befoin,
iii même de l'aifance & des plaifirs. Mais on ne 1
fe fixa plus que fur ces richelfes fadices, qui
deviennent la ruine des Etats où elles fe trouvent
actuellement en plus grande abondance.
Le royaume du Pérou eft un des vaftes dé-
pots où la Nature a renfermé cette riche produc-
tion , 6c tous les autres métaux. On y trouve du
plomb , du cuivre , de l'étain , du mercure , outre
i'argenc & l'or qu'on en tira d'abord en fi grande
quantité. Les demi-métaux ^ le fel^ le foufre> Us
9 O V 2 I B M E.' 271
bitumes , 6cc, y font pareiliemenc répandus çà ôc
U : mais on y cherche particuhèremenc l'or 3c
1 argent, comme les deux chofes les plus pré-*
cieufes, & aulB deHrées d'une Nation que des
autres. Quoique les autres produâions n'y fuienc
point négligées, & qu'on en tire quelqu'avantage^
on y fait beaucoup moins d'attention.
Il femble que cette contrée élevée ait été def-
tinée par la Nature a fervir de réceptacle à l'ar-
gent 'y car c'eil-là fur- tout que fonc les mines de
ce métal. S'il s'en trouve aux gorges des monta*
gnes qui s'ouvrent dans les bas pays , ce n'efl;
qu'en petit nombre , & le produit en eft peu de
chofe. L'expérience a prouvé que ce métal gît
particulièrement dans les pays les plus froids «
comme l'or gît dans les contrées les plus chaudes ^
quoiqu'on en voie dans des climats plus tem-
pérés. La mine d'argent n'eft pas auill répandue
que le croyenc les habitans des campagnes ; car ces
gens s'imaginent qu'il n'y a qu'à ouvrir un monc
pour en avoir : mais cette erreur a fon avantagée
Ces gens animés , quoique fouvent trompés , pae
refpoir du gain , cherchent par - tout ce métal ;
& (i les uns font dupes de leurs travaux , les
autres ne perdent pas leur peine.
La même prévention qui leur fait fuppofer des
mines par-tout, leur donne auflî lieu de croire
que ces mines font toutes riches. Ce fécond abus
Si
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m
iM
-f.i
ij4 Discours
n'eft pas non plus fans utilité. En cherchant , avec
Tefpoir de trouver une abondante moiflbn, ils
ne laiiTent pas de tirer quelque argent , quoiqu'il
revienne au double & au triple de fa valeur.
Mais dans ces cas-ci la perte eft pour celui qui
a voulu courir les rifjues de fes frais. La mafTe
de l'argent n'en eft pas moins augmentée. Il nj
a pas d^occupation plus attrayante pour le peuple
qui s'y livre, ni d'entreprife à laquelle il facriiie
plus volontiers Tes dépenfes , fans s'inquiéter s'il
aura lieu de s'en repentir.
Séduits par les indices des Gangues j à propor-
tion qu'ils ont avancé leurs fouilles , par les qua-
lités des terres qu'ils renconnent, par les efpèces
de minerais qu'ils tirent, par la vue même de
l'argent qu'ils apperçoivent d-e tems en tems,
animés d'ailleurs par les récits de ceux qui fe
livrent aux mêmes travaux, l'unique regret qu'ils
ont, lorfqu'ils ne peuvent plus faire de dépenfe,
c*eft de ne pouvoir en faire encore autant pour
continuer leur entreprife. Ainfi, en retirant peu,
après avoir beaucoup dépenfé , ils ne regardent
pas leurs frais comme perdus, perfuadés que la
tnine leur produira davantage dans un autre tems.
Quelques-uns , il eft vrai , ne font pas trompés :
l'exemple de ceux-ci foutient la paflion des autres,
qui facrifient leurs fonds , féduits par l'appas du
tréfor qu'ils cherchent. Cette paûion eft A forte
f>t
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ms en tems,
D O V Z I E M E^ 17^
chez ces gens , que celui qui fe met i ces tra-
vaux , ne fut-ce même que pour elTayer, fe lailFe
gagner par la cupidité , ôc fait bientôt le fac ritice
de tout ce qu'il polïède , dans le deffein de jouir
du tréfor qu'il fe promet. C'ed la feule occupa-
tion pour laquelle on ne connoît-là ni économie,
ni léfîne. En effet, préoccu|^s d'arriver à l'en-
droit le plus riche de la mine, ou ils efpèreni
couper l'argent natif au cifeau , & trouver un
bloc pur, ils prodiguent leurs fonds fans réHexion,
tant qu'ils durent, quelques grandes que foient
les dépenfes.
Ce qu'il y a de remarquable en ceci , n'eft pas
qu'ils prodiguent leurs fonds pour des mines ,
qui donnent de l'efpoir d'après l'expérience ,
mais pour celles qui ont été la ruine des gens
qui en avoient ouvert les fouilles , Se qu'ils avoienc
abandonnés. N'importe : ces gens s'aveuglent aa
point d'en continuer les travaux , ou bien ils
font d'autres ouvertures dans la montagne , guidés
par certains indices qu'ils croyent appercevoir , &
par l'idée qu'ils ont d'avoir rencontré jufte. Le
premier point fur lequel ils s'arrêtent , c'eft que
ces richeffes font des dépôts que Dieu n'a mis
en réferve que pour ceux à qui il les a deftinés :
que fi nombre d'autres perfonnes les ont cher-
chées fans les trouver, c'eft que le tems où ces
tréfors dévoient être découverts n'étoit pas encore
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17S Discours:
arrivé. Le fécond motif qui les encourage eft
certaine forme qu'ils apperçoivenc aux rochers de
la montagne, la dirtdfcion qu'elle fuit : la pod-
tion de fes couches, leur largeur, enfin la forme
totale du mont , fa grandeur , & les plantes qui
y croilfenr.
Cette préoccupation , fondée fur ces (îgnes
externes, fe fortifie encore par le jugement que
portent ceux qui parlent pour inftruits : chaque
circonftance devient un pronoftic infaillible , &
l'on regarde comme une vérité fans réplique,
ridée avantageufe qu'on fe fait du tréfor qui eft
caché dans les entrailles de ce mont. Cette per-
fuafion s'infinue par un langage particulier à ces
mineurs j langage qui écarte de l'imagination
toute autre idée , & qui s'en empare totalement.
D'après cette détermination , l'homme le moins
libéral devient prodigue, le plus indifférent fe
laiife gagner. Perfuadés qu'ils vont au premier
infiant être maîtres d'immenfes richeffes, ces
gens s'abandonnent à leurs idées avec tant d'ar-
deur, qu'ils travaillent fans penfer, fans réfléchir
à aucune autre affaire ; ce feul objet les occupe,
Se ils ne parlent plus d'autre chofe.
La paflion de l'argent devient fi grande, que
les gens les plus mûrs ôc les plus réfléchis s'y
laiffent entraîner , fans que rien puiffe les dif-
fuader. Dès qu'une fois ils fe font livrés à ces
s O U Z I E M i; 179
entreprifes , ils ne parlent plus que de mines ,
d'exploitation , des difficultés déjà furmontées ,
ou qui reftent i vaincre , des indices qui font
efpérer les plus grands avantages , des moyens
de mettre ces mines dans la plus grande valeur ,
des exemples de ceux qui fe font Ci fort enrichis
par ce genre de travail , & de leurs heureufes
découvertes.
Ce ne font pas toujours , ni même ordinaire-
ment, les gens riches ôc pécunieux qui entre-
prennent ces travaux : la plupart font de pauvres
individus fans aucun moyen, & des marchands
qui ont perdu leur fortune. Ces gens font fo-
ciété avec un Cateador^ ôc vont déclarer la mine
qu'ils ont découverte , ou vont demander au
Gouvernement de leur adjuger pour certain prix
une des mines abandonnées, 6c dont l'objet eH:
de peu d'importance. Ils traitent auilî avec les
po^TefTeurs d'autres mines en valeur , pour avoir
la propriété de Tune ou l'autre veine. Ainti, de
manière ou d'autre, ils en acquièrent la pof-
Ibniion, & fe font infcrire au Bureau de la
Caifle Royale de leur reflbrt , pour y payer le
dixième de l'argent qu'ils tireront, & le mon*
tant du mercure dont ils auront befoin pour
leur exploitation. Tel eft le premier pas qu'ils
font, au hafard de perdre ce qu'ils ont, pour
commencer des travaux confidérables , pour ou-
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vrir rintérieur des moiuagnes, 6c en tirer de
l'argent. Mais la polTefllion de ces mines n'eft pas
un avantage ^uand le principal ou l'argent maii*
que dans ces fortes de travaux : c'ed alors qu'on
zemarque combien l'induftrie, la perfuafion Ôc
l'influence des richeffes ont de force pour gagner
& entraîner les gens les plus fins Ôc les plus
prudens.
Ces mineurs fe procurent quelques cchantiU
Ions de riche minerai , qu'ils foutiennent être pris
de leur mine, en s'adrefTant à l'un ou l'autre
homme pccunieux : il femble qu'ils lui font même
un myftère de ce qu'ils ne lui montrent qu'avec
une efpcce de crainte apparente : ils lui font re-
marquer les veines d'argent qui le traverfent,
appuient fortement fur la richeffe du minerai ,
fur les morceaux de métal natif qui s'y trouve ,
enfin fur tous les autres indices favorables > don-
nant même à entendre que ce n'efl; encore qu'un
morceau des déblais de la mine , & que Ci l'on
veut on découvrira bientôt le métal , en fuivant
avec foin les fouilles précédentes , qui n'ont été
abandonnées, difent-ils, qu'à caufe des ébou-
lemens^ qu'il ne s'agit que d'en déblayer les
ruines pour avoir la liberté de fouiller. D'ailleurs ,
ajoutent-ils , il ne faut que peu de dépenfe pour
y parvenir. Ils lui détaillent le plan des opéra-
tions à fui vie, ôc le font enfin entrer dans leurs
D O TJ 2 I B M ■; l9l'
Vues , en le décerminanc par le récit exagéré de
ce qu'on tiroir de la mine avant l'cboulemenc
ou rafFaifTement des terres. La dépenfe, fuivant
eux, ne fêta, que de cinq cent, ou au plus de
mille pe/osj ôc tout pourra s'exécuter avec cette
foinme modique! ils lui promettent entin que
toute la plgna fera pour lui , & qu'ils ne de-
mandent que des habits, de l'eau -de- vie , du
fer, de l'acier, ôc les*autres outils 6c inftrumens
nécefïàires pour ces travaux. Si leur première
tentative ne réudit pas > ils ont au moins fondé
le gué , & fufcité l'envie de l'entreprife : ils
laiHent mûrir la chofe, perfuadés de la léuflite
en revenant i la charge.
C'eft ainfi que ces gens fondent différens par-
ticuliers , mais en les prévenant de garder le plus
grand fecret. Par cette rufe, ils fe ménagent cer-
tain nombre de perfonnes en différens endroits,
comme a Lima , dans Guamanga , ou dans le
Cuzco, à la Paz, à Guancavelica , ôc autres Villes
ou Bourgades de ces contrées. Ces propositions ôc
l'appas qui les accompagnent v fe font plus goûter
de quelques particuliers que des autres. Il fe
réunit deux , trois alTocics , qui offrent de faire les
fonds nécelfaires. • Dès que les premiers fondi
font employés, il faut abfolument en avancer
d'autres pour ne pas perdre le fruit des premiers;
car ces afTociés, qu'on appelle Avladores^ n'ont
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iSi Discours
droit de rien précendre avanc que la mine foir
en valeur réelle. Les mineurs, toujours attentifs
à faire entrevoir que les dépenfes vont devenir
moindres, leur montrent de nouveaux indices
par lefquelles ils les perfuadent qu'on va bientôt
arriver au but ; ils leur apportent même quelque
Pignoncillo d'argent d'un ou deux marcs pour les
en convaincre. C'eft ainH qu'on s'engage infen-
(îblement dans une dépenfe de 50 a 60 mille
pefos j fans réuflîte marquée.
Ces dépenfes confidérables , qui n'ont de
bornes que quand les fonds manquent , i moins
que la fortune ne foit favorable, nous offrent
ici deux circonftances dignes d'être remarquées.
Premièrement ^ ceux qui les font en font (\ con-
tensj qu'ils ne s'apperçoivent pas de la fauife
démarche qu'ils ont faite, & n'ont aucun reflen-
timent contre ceux qui les y ont engagés , s'ils ne
léuflifTent pas. Elles nous apprennent en outre,
que des gens qui feroient des moins prodigues
en toute autre circonftance , n'ont plus cette re-
tenue dans ce cas-ci^ & l'on en peut produire
nombre d'exemples. D'ailleurs ; les travailleurs ,
qui fe donnent tant de peines pour ces exploita-
tions, fans en tirer que peu -de fruit, fe per-
fuadent qu'il ne leur faut plus qu'un jour pour
rencontrer la riche veine qu'ils cherchent : mais
ce terme , qui leur paroîc fi proche , n'arrive
* '
» O 0 Z t f M tr lS|
lamaîs, vu les difficultés qui fe fuccèdcnt fans
cédé i & c'eft aiiiH qu'ils pafTenc beaucoup de
tems , ôc même des années , fans arriver au bue
que l'imagination leur préfente.
Que ces travaux s'exécutent dans une ancienne
mine abandonnée , ou dans une. veine de mine
courante , on en tire toujours un peu d'argent :
mais c'eft H peu de chofe^ que le proHt ne peut
être comparé aux dépenfes, & que le marc
revient au triple ou au quadruple de fa valeur.
f Si au contraire , après bien des travaux 6c des
peines , on donne dans un riclîe Hlon , les dé-
penfes font bientôt recouvrées , Ôc tous les coo-
pérateurs deviennent opulens. L'Aviador , le Mi-
jieur , le Cateador , qui en eft ordinairement le
faéfceur , ôc le direâeur , font au comble de leurs
defirs.
Les heureux fuccès qu'ont eu pluHeurs de ces
entreprifes , animent les autres , & y font perfc-
vérer avec confiance : mais tout ceci n'étant que
l'effee du hafard» il y a toujours plus de lifque
de perdre, que 'de sûreté de gagner.
C'efl aufli pour cette raifon que les mineurs
difent ordinairement , que ce font eux qui ren-
dent au Roi un fervice des plus (îgnalés , puifquc
s'ils n'entreprenoient pas avec tant de facilité &
de dépenfes les travaux des mines , en rifquanc
des fortunes confidérables , on n'auroit pas i'ar-
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184 DlSCOVRS
genc qui fait la richeffe de la Monarchie. A cer-
tains égards ils ont raifon -y car ce qu'ils difenc
de leurs travaux & de leurs rifques eft vrai :
mais , fl l'on conHdère ieur but , on verra que
ce n'eft pas pour enrichir l'Etat , mais pour pof-
féder la plus grande quantité d'argent poilible,
qu'ils s'expofent i ces liafards»
Il y a ordinairement près des mines aban-
données des morceaux de déblais qu'on a jette-
là. Ceux qui reprennent les travaux de ces mines »
y font chercher les morceaux de gangue qui ont
quelque apparence avantageufe j ils en. cirent fou-
vent plus d'argent que des nouvelles fouilles
Qu'ils font : ils appellent ces morceaux pallacos ,
& l'opération par laquelle ils en tirent le métal ,
pallaquear ; de-U vient qu'on s'eft imaginé que
l'argent recroiifoit avec le tems , & que les gan-
gues étoient le lit où le germe de ce métal fe
répandoit , & mûriffoit à mefure que les dif-
férens principes qui le conftituent achèvent de
fe combiner intimement. Âinfi ces gens fuppofent
que fî ces mines ont été abandonnées , c'eft parce
que l'argent n'y étoit pas encore formé ^ qu'au-
trement on n^y auroit pas renoncé.
Mais on peut répondre à cela y que quand on
a laiiïé-là ces minerais , c'eil; qu'on les regardoit
comme de peu de valeur, en comparaifon de la
lichelTe de celui qui a été mis en œuvre. Ce*.
D O V Z I t M E. 185
l^ndant il eft H ordinaire de trouver de Targeac
en afTez grande quantité dans ces paliacos anciens,
que l'idée de ces gens ne paroîc pas tout- à- fait
mal fondée. £n effet, on remarque la même
chofe dans les minerais de mercure : plus de
foixante ans après qu'ils ont été abandonnés ,
ils ont fourni la même quantité de mercure
qu'auparavant.
Ce qui confirme encore cette opinion , c*eft
que l'on n'abandonne jamais une mine d'ar-
gent, tant qu'on y voit des indices de ce métal,
6c que les dépenfes font continuées ; parce qu'on
a toujours l'efpérance de rencontrer le grand
dépôt que l'on cherche. Si donc ces mines n*onc
pas été abandonnées lorfqu'elles rendoient avan-
cageufement, on peut dire audî qu'elles ne l'onc
pas été étant très- pauvres j car, pour peu qu'elles
rendent , on y a toujours du gain. On ne peuc
fuppofer , d'après cela, que ces minerais anciens
contenoient de largent lorfqu'on les tira de la
fouille, ôc qu'on les a rejettes pour en garder
d'autres qui rendoient davantage.
Lorfqu'on fouille des mines qui ne décèlent
pas d'argent , ou qui en rendent très-peu , on
met en œuvre les déblais , s'il s'en trouve auprès.
Outre qu'on en tire de quoi faciliter les dépenfes,
les pignons 6c les pierres tenant afgent , que les
travailleurs montrem aux Aviadores , fervent à
H
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4 ff
«{'viàÉlêS.
'■ita-_^'vï_^
î
i96 Discours douziemi;
maintenir ceux-ci dans l'idée avantageufe qu*oni
leur a donnée de l'entreprife, à prouver les pro«
gtès qu.3 l'on fait, ôc i fortifier l'efpoir de la
réuflite. Les Aviadorcs convaincus par ces preuves,
ouvrent leurs bourfes, ôc fournifTenc aux frais
néceiTaires pour pouiTer les travaux jufqu'au bouc.
Il n'eit pas de plaific égal àceluid'un Aviador,
ou maître d'une mine , a qui le direâeur par
lequel il la fait exploiter fait préfenc de quelque
pignon j ou p'gna, d'une ou de plufieurs pierres
dans lefquelles on apper^oît des filets d'argenr.
Ce plaiflr lui fait oublier toutes les dépenfes,
tandis que chaque marc lui revient fouvent i
quelques milliers de pe/bs. Ce contentement
qu'il paie H cher , diflipe chez lui jufqu'au moin-
dre fouci , lui fait efpérer le plus grand tréfor.
Le métal qu'il a fous les yeux , & qu'il regards
comme le commencement de fon triomphe, efl
mis avec foin dans fon logis en perfpe^iive , de
forte qu'il le fait voir a tous ceux qui entrent chez
lui , afin que chacun le félicite de fon bonheur ,
& prenne part à fa joie y alors il rend les détails
que les mineurs , le diredeur lui ont donnés , Se
n'en omet pas un mot. Devenu le jouet de fon
imagination , il fe promet avec confiance de voit
les lingots 9 lespignas fe multiplier â fon grc.
lu IV
:i
DISCOURS TREIZIEME.
Continuation des détails relatifs aux métaux ^
& des Caijfes oà Von dijlribue le mercure,
^\ Ou s avons vu dans le Difcours précédent fur
quels légers fondemens on eutreprenoic dans ces
contrées les travaux des mines ^ que, d'ailleurs ,
ceux qui ofoient les entreprendre étoient prefque
tous des gens qui n*avoient même pas de quoi
fublîfter , & qui , malgré cela , trouvoient le
moyen de ruiner nombre de perfonnes par l'ef-
poir qu*ils leur donnoient de les enrichir. Je vais
continuer le même fujet, & détailler ce qui re-
garde les minéraux mêmes , les procédés qu'on
employé pour les traiter. Or , cet objet demande
autant d'induftrie & d'habileté que de fonds né-
ceHaires « quand on eft décfdé à fui>^e la vaine
idée qu'on fe forme de la plus abondante récolte*
Il faut donc connoître d'abord comment on fe
procure le mercure \ car c'eft le principal agent
qui facilite l'exploiçatifin des mines.
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i88 Discours '
Le mercure devient la mefure de l'argent J
ou la preuve la moins équivoque du gain qu on
peut faire dans Texploitation d'une mine. Comme
l'exploitation ne fe fait en général que par le
moyen de lamalgame, on ne peut féparer le
métal du minerai qu a Taide du mercure. 11 y a
cependant quelques mines dont les travaux s'a-
chèvent par le moyen du feu , mais c*eft le plus
petit nombre. Elites font encore expofées à un
autre inconvénient : le bois n*y eft pas en aflez
grande quantité , non plus que Ticho qui pour-
roit y fuppléer. C'eft pourquoi plufieurs mines ,
qui rendroient davantage par le moyen du feu,
ne font pas prati quables de cette manière , par
le manque de combuftibles. Comme il eft donc
confiant que la plupart des mines fe traitent avec
le mercure , la quantité qu'on en employé donne
en même tems, à peu de différence près^ la
quantité d'argent qu'on doit en tirer.
On penfe généralement en Amérique , que les
anciennes mines qui rendoient abondamment,
fe font en partie épuifées. C'eft ce qui efi arrivé
à celles du Potofi ^ car il s'en faut bien qu'elles
rendent à^préfent 1^ même quantité de métal
qu'on en tiroir autrefois. Dçux caufes y ont con-
tribué. La première efi que les veines métalliques
en font devenues lî profondes j que pour en ôter
l'eau > ôc pour les maintenir à fec afin d'en tirer
le
u ■ ^
5 Targent;
gain quon
lie. Comme
que par le
c réparer le
rcure. Il y a
travaux s*a-
c'eft le plus
pofées à un
pas en aHez
lo qui pour-
eurs mines ,
)yen du feu,
lanière, par
eil eftdonc
traitent avec
iploye donne
ice prèsj la
que , que les
ndaniment ,
qui eft arrive
jien qu'elles
ité de métal
!S y ont con- »
métalliques
pour- en oter
in d'en tirer
k
T B. £ I Z X E M 2, iS^
le métal > il faudroit des dépenfes qui excède^
roient de beaucoup le profit. La féconde tH qu'on
en a ciré le métal le plus flbo;idanf , Ôc qu'ai n(l
elles ne peuvent plus être de même rapport.
Quoique ceci fouffre quelques exceptions , c'eft
cependant ce qu'on a rematqué dans la plupart
de ces mines, fur- tout depuis le commencement
de ce (iècle-ci : mais il paroit que (1 les rapports
diminuent dans les unes , on découvre dans d'au-
très des veines très-riches. Âuflî l'on peut dire
qu'on tire encore de ces terreins autant d'argent
qu'il y a 70 ou 8 o ans, avec cette différence .
que c'eft dans d'autres lieux.
Le mont du PotoH doit ^re conndéré comme
l'intérieur d'une ruche à miel, vu le nombre des
percemens , des galeries ^ des fouilles qu'on y re-
marque. C'eft ce qu'on fe figurera facilement,
en fe repréfentant la quantité prodigieufe de ma-
tières qu'on a tirées de fon intérieur , pour ob"
tenir les minerais qui s'y trouvent répandus par-
tout, & defquels on extrait l'argent. S'il étoic
donc polUble de le découvrir totalement de fa
croûte externe , on y appercevroit un nombre
infini de routes fouterréines percées fans fuite ,
& comme au hafard , félon la diredion des
veines métalliques.
Les minerais , qu'on y appelle vulgairement
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150 Discours
métaux ^ ont toujours moins rendu depuis l'é-
poque de la découverte de ce continent, époque
à laquelle ils étoient très-riches. Sans la facilité
avec laquelle on les tire de la montagne , & avec
laquelle ils fe laiifent traiter, il auroit fallu les
abandonner : ainfi, cette facilité dédommage de
la richeiïe qu*on n'y trouve pas en proportion de
la mafle. On découvre aufll dans plufieurs con-
trées d'autres minerais, plus riches en argent,
mais que leur dureté rend plus difficile à traiter,
plus difpendieuxj d'ailleurs ils font mêlés avec
certaine potrion d'antimoine, de diverfes autres
matières qui ne permettent pas de les difpofet
à l'amalgame du mercure. Nonobftant ces iii-
convéniens , il fe trouve àts gens que l'appas
de CQS minerais détermine à les elïàyer, fans
s*inquiéter de leur peu de valeur, de leur du-
reté, & de la difficulté du découvrir le vrai
moyen d'en tirer de profit.
Les mines d'argent ont été reparties p^ la 1
Nature en différentes provinces \ il femble même
qu'à cet égard elle a obfervée le même ordre
que pour les animaux & pour les plantes, ne les
rendant pas communes dans tous les pays, ni
même dans toutes les parties d'un même con-
tinent. C'eft ce qui paroît, en ce que les Pumi\
étant prefqae de même hauteur & d'une tempe*
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TREIZIEME. 191
rature également froide, depuis le Nord de Lima
jufqu'au parallèle du Potofi , & de-lâ jufqu'au
Chili , c'eft dans l'étendue qu'il y a de Lima au
Potofi , que l'on trouve le plus de mines , tandis
qu'elles font bien moins fréquentes depuis le
même parallèle de Lima jufqu'à l'Equateur : ce
qui eft prouvé , par le peu qu'on en voit dans
le royaume de Quito, & de-là jufqu'à Santa-Fé ;
efpace dans lequel on trouve plus ordinairemenc
des mines d'or , quoique ces mines ne fe ren-
contrent guères que dans les pays chauds. On
obferye la même chofe depuis le Potoiî jufqu'au
Sud, efpace conHdérable, oii par hafard il s'en
trouve quelqu'une. Mais la phydque générale
n'ed: pas fufïîfante pour expliquer d'une manière
avantageufe ce phénomène (îngulier : car il
paroît qu'il fe réunit pluiieurs circonftances iden^
tiques dans tous ces pays.
Les mines d'agent devant fe traiter avec le
I mercure, le Gouvernement s'eft chargé de le
fournir, afin que ce moyen principal , fans lequel
toutes les autres opérations feroientinfrudueufes,
ne fût pas expôfé à des hafards, & que les mi-
neurs pufiTent fe livrer aux travaux avec la cer-
titude d'avoir le mercure dont ils ont befoin.
Pour cet effet, on a établi, dans les pays où il y
|a le plus de mines , différentes Caijfes , qui font
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»
291 Discours
autant de dépôts de mercure. C'eft aufli U qu'on
doit apporter l'argent qu'on a tiré , pous y être j
fondu , 6c payer au Roi le dixième de ce métal , |
6c le prix du mercure qui fe diftribue i chaque |
particulier pendant l'année.
Parmi tous ces dépots , il y en a un principal 1
qui fournit tous les autres du mercure néceifaiie.
Dans la pvtie du Nord, il y a ceux de JaujaA
Pafcoj Limaj TruglUo ; dans celle du Sud,
ceux de Cu:(co , Chucuieo j la Pa\^ CayilomaA
Carangas j Oruro j Potojij ce qui fait en tout
douze dépôts royaux. 11 n'y a cependant pas M
mines riches dans chacun de ces diftridbs ^ on en
voit même à peine des indices dans quelqite^-l
uns. C'eft à ces dépôts que les mineurs de touted
les jurifdidions vont prendre leur provifîon del
mercure. On le leur livre fans débourfé pour
an , afin de leur faciliter les travaux ; car le mer-|
cure eft pour eux une des plus grandes dépenfesl
La marche qui fe fuit â cet égard , eft que lesT
mineurs fe rendent au Bureau ou Caiife royale]
où le metcure leur eft délivré pour un an , felo^
la quantité qu'ils en ont befoin dans le traite
ment des mines, mais moyennant une ccdula
obligatoire qu'ils lailfent , & en vertu de laquelfl
ils font tenus de le payer au bout de l'an. Cd
terme commence , (j-iivant un ancien ufage,
TREIZIEME. 195
i** Mai , & finit le i" Avril. Ce terme eft facré,
non-feulement pour ce qui regarde le paiement
du mercure , mais même pour toutes les parties
du département des finances du Roi y car c'eft à
ce terme qu'on règle tous les comptes des Cailfes
royales , pour en commencer de nouveaux : Se
c'eft ce qu'on appelle apurer les comptes ^ &
dorre les regîtres,
C'eft, fans doute, un grand avantage pour les
mineurs que d'avoir le mercure avec cette facilite,
fans en payer fur le champ la valeur, & d'avoir
un an de terme pour répondre à leur engagement,
avec l'argent même que ce mercure leur a pro-
curé. Mais fouvent cette facilité , loin de tourner
à leur avantage, ne peut les foutenir afTez dans
leurs opérations : il n'eft pas rare qu'ils fe trou-
vent au bout de l'année fans avoir les fonds
ncceffaires pour répondre à kur engagement,
foit par le peu de qualité du minerai , foit par
la multiplication des ^iéperfes inattendues, f*'
parce que la gangue s'eft trouvé trop dure.*^"^
en tirer le métal , foit enfin par le furc»'*^ "^
travail & d'ouvrages que ces gens ont ^^ "^^ç^
de fiiire dans rintérieur. Voilà pourqn-* ®" aban-
donne les mines qui ne fourniiïe»- P^^ de quoi
faire face aux dépenfes , lor<5u' *es prop«étaire$
n'ont pas par ettX-mème-«*^^on^5 fuf^ans, oa
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194 Discours
d'Aviadors qui les leur falTent. Une mine doit
être confidérée comme un de ces jeux par ief-
quels la fortune enrichie fes favoris, & ruine
ceux à qui elle e(b contraire.
Celui qui ne paie pas fon mercure au terme,
ne doit pas en efpcrcr pour l'année fuivante.
Privé de ce moyen eflentiel , celui qui l'avoit
ouvertd l'abandonne , &c elle revient à l'état où
elle étoit auparavant. Il s'y fait des ébouiemens,
des affailTemens confidérables : l'eau gagne par-
tout, fans fourdre en grande quantité j les galeries
s'obftruent : fi quelqu'un la reprend long-tem$
après , il a les mêmes travaux à faire que fon
devancier, 6c autant de dépenfes.
A voir la quantité confidérable d'argent qui
paiïe tous les ans de l'Amérique en Efpagne,
on ne croiroic jamais qu'il coûte tant de peines,
qu'il faut tant de dépenfes, & fur-tout unepaf-
fion auill avide que l'ont ceux qui fe livrent à
^s travaux , comme on Ta vu dans le Difcours
P'^4dent , pour ne pas les abandonner, tant
qu'ils >nç efpérance d'avoir du mercure, quelque
lôible q^t foit la quantité d'argent qu'ils tirent:
âifli neft-t qye ^ette fage prévoyance du Gou-
vernement qiufovjtient particulièrement les tra-
vaux ies mines.
Ge fuvfaus doute u ^otif qui détermina le
TKIIZIIKCI. 295
Gouvernement à fl\irc ces difpofitions dans ces
royaumes , & à donner le mercure à crcdic, au
prix même qu'il coûte, vu qu'il y eft encore
kaucoup plus cher qu'il ne l'eft en Efpagne. Ce-
pendant le prix n'en elt pas le même dans toutes
ces contrées- U^ cela dépend de la diftance des
lieux. Il vaut dans Guancavelica 79 pe^'^s ill;
dans Jauia 8 5 JLÎ ; à Pafco 84 il ; à Lima
' . ''100' ' I «o '
84 Zjï ; à Truxillo , il augmente de prix en
raifon du furplus que coûte le tranfport depuis
Limaj au Guzco 95 llï j a Caylloma S6 -^^y
à Carangas 94 r^j à Oruro 97 '^y ^ Potofi
59 Hj. Le tranfport , depuis les difFérens Bu-
reaux ou Caiflfes jufqu'aux mines, eft aux frais
des mineurs.
Le tréfor royal jouilïbit autrefois de deux
droits : l'un étoit le cinquième du mercure que
l'on tiroit , l'autre celui de l'argent que rendoient
les mines. Ce dernier fut rabaiffé au dixième en
1757, en conféquence des repréfentations réi-
térées que Hrent les mineurs , & des preuves juf'
tificatives les* plus exactes. On vit en effet que
l'étçit de ces mines ne comportoit pas cette con-
tribution , qui en avoit déjà fait abamlonner plu-
Tieuss^c l'Etat en fouffroit une grande perte. Co
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19^ Discours
fut au/Tî par des motifs aufll bien fondés , qu on
affranchit ( en 1 7^1 , & pour deux ans feulement)
les mineurs , de la contribution du cinquième de
mercure^ Sa Majefté fe rcfervant d'agir d'après
l'expérience , foie pour annuler ce droit par la
fuite , foie pour le rétablir après ce terme. Mais
il paroîc que les chofes font reftées dans le
mcme état, ce qui prouve fuffifamment que les
npports de ces mines vont en décroifTane, & que
le Gouvernement y ayant fait attention comme
au point le plus elîentiel pour maintenir les tra-
vaux des mines d'argent , a mieux aimé factifier
cette rétribution que de rétablir le droit, au rif-
que de voir abandonner les mines en valeur.
Aind le tréfor ne perçoit plus que le dixième
de l'argent qu'on retire, & même pas tota-
lement.
Tant qu'on exploite les mines , elles font bien
entretenues. A mefure qu'on avance en longusuc
i^ en profondeur , on en atfure l'intérieur avec
ùt's pièces boutantes» des fupports de place en
)>lace pour tout maintenir, & cela même en vertu
iles ordonnances ôc des loix qui le prefcrivent.
Mais fi les eaux gagnent, ôc qu'il n'y ait pas
moyen de pratiquer des puifards & des cgoiits,
il faut de toute néceflité les abando'nner .quel-
que près qu'on foie d'une gangue trè$<Yiche.
' L
4.
TREIZTIMI. 197
Jour & nuic on travaille fans celTe dans les
mines : coûtes les parties des opérations qu'exige
le traitement du minerai font dans une égale
adVivité. Ici on broyé le nutiérai jufqu'à le té-
duire en poudre très-Hne j là on prépare les ma*
tières deftinées à l'amalgame , Se on lave celles
qui en ont befoin. On voie par-là que le mer-
cure doit toujours être prêt & fous la main , fans
quoi on fouffriroic des pertes conHdérables. La
principale réfulteroic de l'interruption des ma-
nipulations : aind tous ces travaux doivent ^tre
considérés comme une chaîne dont les chaînons
tiennent les uns aux autres, 6c dont le mercure
réunit les deux bouts : fans quoi , ils fe trouve*
roient féparés.
Plus le minerai eft riche , plus il demande de
mercure pour être amalgamé; de même, plus les
veines font groffes & abondent en minerai , plus
auflî Ton en tire : or , c'cft ce que demandent
les propriétaires; car ils retrouvent parla quan-
tité , la qualité qui n'y eft pas en proportion de
la maife. C*eft pour cette raifon que Temploi du
mercure ne peut être également fixé par^tout, Se
qu'on ne peut en régler la diftriburion : mais
chacun fait, à peu dechofe près, par les veines
qu'il fouille , par l'épaiffeur ôc la richelTe du
minerai» ce qu'il lui faut de meraire pourcraitet
' i]
>}f
2^8 Dt SGOURS
les matières pendant le cours de l'année : au(Tt
chacun a foin de s'en pourvoir toujours d avance.
On peut avoir une connoiifance aifez exade
de l'état adiiel des mines d'argent de ce royaume-
là , par la quantité de mercure qui a été dif-
tribué dans onze des CaiiTes ou Dépots men-
tionnés, fans y comprendre celui de Lima : or,
ces Dépots font les principaux; mettons -les ici
par ordre, afin de mieux faire comprendre les
détails.
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'^03 Discovus
L'état de la diftribution du premier Dépôt
eft incomplet j il y manque celui des Dépots de
Truxillo & de Caylloma. Les états du fécond &
du troidème Dépôt ne préfentent pas non plus
celle de Truxillo : fi l'on y ajoute Tétat du cor-
refpondant pour celui des années iy6i 6c 17^5 ,
on les complétera, & la femme fera pour 1759
de 5155 quintaux, 5; 4 livres, 2 onces; pour
17^0, de 5503 quintaux, 65 livres, 9 onces;
pour 17^1 , de 5424 quintaux, 18 livres, 8 onces.
Si pour lors on prend un moyen terme entre tous
les cinq ans, on aura 5 304 quintaux & 84 livres.
Les opinions font partagées relativement à la
quantité de mercure qui fe confomme pour l'a-
malgame de l'argent : les uns la fixent à 1 4 onces
par marc y d'autres à 12 : d'autres penfent qu'il s'en
.confomme moins : mais en général on convient
que le poids du mercure égale celui de l'argent
que l'on tire; ainfi le marc d'argent doit con-
fommer une demi-livre de mercure : le furplus
du mercure confomme eft regardé comme une
perte.
Selon l'opinion des mineurs , il eft des miné'
rais qui en confomment une plus grande partie
que d'autres , c'eft-à-dire qu'ils caufent plus de
perte ; car le mercure confomme dont le poids
excède celui de l'argent , eft en pure perte , fui-
vant eux : ainfi le nSnérai qui demande par marc
T K. E I Z I fi M I.' 301
treize onces de mercure , fans qu'on en recouvre ,
perd cinq onces j celui qui en demande quatorze
onces , perd fix onces. D'après ce rapport , il y a
des minerais qui perdent plus , d'autres moins ;
mais on ne connoît aucun minerai qui ne perde
plus ou moins.
Sans s'arrêter à des calculs imaginaires , on
peut eftimer la confommation & la perte du
total des mines, prifes Tune dans l'autre, à 12
onces par marc : c'eft l'opinion la plus reçue
Cela fuppofé, les 5 304 quintaux & 84 livres de
mercure qui s'employent dans une année, doi-
vent produire 7075 1 1 marcs d'argent de Pigna,
qui font ^C^^^^C onces du même argent. Il
faudroit ajouter à cette fomme celle qui corref-
pond à la confommation de mercure moindre
que douze onces par marc, & ce qu'on tire
d'argent par la fonte j mais il n'eft pas poflîble
d'engager les mineurs à dire (încèrement à quoi
fe monte la confommation & la perte réelle.
La quantité fix€ de marcs d'argent que les
mineurs tirent du mercure qu'ils employent, eft
un myftère impénétrable , même pour l'homme
le plus clair- voyant. Néanmoins, d'après les états
du plusgtand nombre des Dépots, on peut avoir
une idée de la fomme d'argent que ces gens
tirent, & de ce qui manque pour compléter
celle qui doit correfpondre au mercure employé.
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joi Discouns
£n 17^5 , le Dépôt de Guancavelica compta
1 3 448 livres de mercure employé , ce qui écoit
moins que ce qui avoic été délivré. On fondit
18011 marcs d'argent , & Ton paya pour les
droits royaux de dixième & de cobos ^ *7743
pcfos & 3 réaux. Selon la régie des dou:^c onces ^
on nauroit dû fondre que 17930 j marcs :
ainfi il y eût un furcroît de 90 ^ marcs : ce qui
eil peu de chofe fur la quantité totale. Il eft bon
d obferver que la quantité de mercure confommé
pour ce nombre de marcs , n*eft pas égale à la
diftribution de cette année-là 'y mais cela vient
quelquefois de ce que tous les mineurs ne fon-
dent pas la pigna qu'ils tirent pendant l'année
dans laquelle ils ont reçu le mercure , & qu'ils
augmentent dans une autre année 1 fontes , de
ce qu'ils n'avoient pas fondu la précédente.
Le Dépôt de Jauja confomma 2^741 livres
de mercure , ce qui excédoit la quantité difttibuée.
On fondit 145 <> 5 marcs ^ pour lefquels on ne
paya de droits que 14340 /^e/ôj & 5 réaux. On
auroit dû fondre 35^5^ marcs j & payer 35105
pefis & 4 î réaux. Il y a donc eu de moins
21 091 marcs ^ & Ton paya de moins 20765 pefos.
Le Dépôt de Chucuito confomma 4ij^<»2 li-
vres de mercure : on fondit 480(^3 marcs , 3 onces
d*argent. On paya de droit 47322 pefos ôc 5
réaux : la fonte d'argent auroit dû monter à
t h: \ i
TRIXZIIMI. 503
57182 j marcs : il y en eût donc de moins
î;ii9 & 5 onces ; & l'on paya de moins 50^5
pefos Se 3 réaux.
Celui de la Pa:^ confomma 3025 livres de
mercure : on fondit 1601 marcs ^ pour lefquels
on paya de droit 1571 pefos & 5 reû^Ar, On au-
roit dû y avoir fondu 4034 fwîdrc/. La fonte
fut donc moindre de 2.43 2 f marcs ^ & la con-
tribution moindre de 2395 pefos 2 réaux.
Le Dépôt de Caylloma confomma 49059
livres de mercure, & l'on fondit 28029 ^ marcs.
On paya de droits 27 $^6 pefos, & 7 î réaux.
Mais la fonte auroit dû être de 65412 marcs; ii
y eût donc de moins 37 3 82 1 marcs ^ & de droits
de moins 36805 pefos 5 | revittAr,
Celui de Carangas confomma 1 5 004 — /ivr^J
de mercure : on fondit 22304 /Tz^rw i once
d'argent, pour lefquels on paya de droits 22076
pefos. Cette fonte, eu égard à. la règle des ii
onces y excéda de 2199 marcs ^ i once.
Celui d'Oruro confomma 125463 j/ivr^^de
mercure : on fondit 121856 marcs 4f onces d'ar-
gent , pour lesquels on paya de droit 1 19975
pefos j 7 J féaux : mais , félon la quantité du
mercure, on auroit dû avoir de fonte 167284
marcs j quantité qui excède de ^^^ij^ marcs ^
qu'on n'a pas eus , & dont les droits font de
44726 pefos i y { réaux.
\;\ ('■
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504 D f s C O V R s
Maïs voici le tableau de ce qu'il y a eu de
moins dans les cinq Dépôts , cane en fonce qu'en
concribucion pour les droits royaux.
TABLEAU.
CAISSES
ou Moins en fonte. Moins en contribution.'
DÉPOTS.
AJauja,.., 11091 marcs,
ji Chucuito • 9*-J^9
A ia Pai,., a4ji^.....
A Càytloma, 37) St ^
A Oruro, . . . 47417 t
xoj€^ pcfos, % riaux,
906s 5
*J9» 5
5"oî J^....
447*^ 7t
Mçins total, xi;;;&| ^"^MSS 7k
4*
La Totiime des droits que le Roi perçue des
xnines du relTorc des fepc Dépôts ou CaiiTes dont
j'ai parlé , fe monta :
»
Pour celles de Guancaveiica t h tlf^'^pêfos, ^ riaux.
— — JauJAt ^ I4340 j
— — — Chucuito,. . . h 47 î 11 3
— . Im pa:ir , . , . ^ 1 y7'i . . . . . $
*" Caylloma, . . h X7S96 7 1 • • .
..— .— , CarangaSf., à zxo-y6
————— Oruro» h. 119975 7t. . .
Total , 1^0616 pefos» j 5 r.
On
fos.
1 réaux.
• • •
3
• • •
5
• • •
Ji....
• • •
7f....
ro^.
J r/tfttx.
J
3
5
7|...
7t. ..
^^^.
TREIZIEME. 505
On voit donc que le Trcfor royal reçut des
contributions fournies par les fept Cailfes, le
quart d*un million de pcjos environ j &c qu'il y
eut de paye le dixième d'un million de moins que
ce qui auroit dû l'être.
Les quatre autres Caiifes foiît : Pafco , dans
la province de Tarma, &c qui eft alfez confidé-
dérable : celle de Cu:^co, où l'on ne fond point
d'argent : celle de Truxillo j qui eft aflez mé-
diocre : ôc celle de Potojl , qui eft la plus forte ;
car on y a confommé 54 mille livres de mercure de
plus qu'à Oruro, D'après une exaéle eltimatioîi ,
l'on peut alTurer que le Roi ne tire pas un demi-
million de pefos par an des mines qui fe trai-
tent avec le mercure.
La quantité de marcs qui ne foiît pas fondus
dans les caiftes rerpe<fVives où l'on diftiibue le
mercure, l'excédent du bénéfice que l'on fait
quand la confommation & la perte du mercure
ne vont pas à 12 onces par marc ^ l'argent qui
fe tire par le moyen du feu , font autant de
pertes pour les CailTes refpectives. \h-\Q partie eft
fouftraite adroitement , & emportée \ une autre
fe convertit en vaijfellej & en ujlenjllcs j & la
troifième eft tranfportée à Lima, par une faveur
particulière, pour y être fondue. A la rigueur,
elle devroit fe fondre à la Caifle qui fournit le
Tome /, V
i.a
5)
V^
}o6 Discours treizième.
mercure, & qui cft celle du rellbrc : d'ailleurs,
c'cft la plus proche. C'eft-là qu'on devroit aufii
payer les droits , 6c rendre compte de l'untgc
qu'on a fait du mercure que cette CaitFe a
fourni.
DISCOURS QUATORZIEME.
De l'état acluel des Mines ^ & du traitement
par le feu ou par le mercure,
JLE reflbrt de Cuzco eft fort borné j il n'y a
point de mines dans ce diftriâ: , c'eft pourquoi
l'on n'y fond pas d'argent. Le peu de mercure
qu'on y confomme fert aux manufactures : elles
font en aflez grand nombre en cette ville , dans
les environs de laquelle il y a beaucoup d'ou-
vriers.
La province de Caflro-Virreyna étoit autrefois
fort riche, à caufe des nombreufes mines d'ar-
gent dont le produit étoit confidérable \ ce qui
lui donnoit une grande célébrité : mais les pro-
duits en font tellement déchus , qu'elle efl: ac-
tuellement une des plus pauvres. Il n'y a qu'une
ou deux mines ingrates, auxquelles s'occupent
de miférables ouvriers qui ne font, tout au plus,
que ramaiïer & fondre quelques minerais d'ar-
gent : ce foible butin fait leur fubfiftance. Ce
diftrifl eft de la CailTe de Guancavelica.
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I
il
1
3c8 Discours
La province de Vilcas-Giiamati a quelques
iviines : cependant il u'y en a qu'une où l'on
travaille avec un grand avantage. On en exploi-
tjir autrefois une autre dans la province de
Guanta j mais elle ht la ruine de celui qui la
tJncit pour fon compte : il y employa un capital
confidcrable , retirant de tems à autre quelques
marcs d'argent de p'gfid j qui fuffifoient pour
foutenir {qs erpcrances, mais non pour le dé-
frayer entièrement.
On en voit plufieurs d'abandonnrps dans la
province d'Angaraëz. Un homme riche en avoir
entrepris une des plus avantageufes en apparence,
pour £oii propre compte : mais il y perdit tout
{on bien , n'en retirant que quelques pignons
de peu de valeur, & quelques pierres de platû'
timca ( argent blanc ) que l'on appelle auflî ma-
chacado. Ces apparences fpccieufes lui firent il-
lufion; de forte qu'il regarda comme bien placés
les tonds qu'il confacroit aux travaux, efpéram
rencontrer tn^n le dépôt d'où il attendoit ksi
plus grandes riclielfes.
Le mercure qui fe diftribue à la CaifTe de]
Gunncavelica , pafle prefque tout dans la pro-
vince de Saint -Juan de Lucanas , où il y a
quelques mines alFez avantageufes. Une de cti\
mines acte fort renommée j mais les hauts k\
l'js bas qui y font ordinaires ont fait déchoir
h"":
niîrfs dans la
DCiic en avoïc
QUATORZIEME. 509
cette mine , au point qu'elle ne rend plus
les frais. Maigre cela , l'ancien renom que lui
a donné fa richelfe palfée, en a fait continuer
les travaux avec confiance, dans rcfpoir qu'on
avoir que le minerai rcdevicndroir auill riche
qu'auparavant.
La CailTe de Pafco fe trouve dans la province
de Tarma; mais non dans le principal endroit.
On a voulu qu'elle fût à la portée des miner. ,
pour ficiliter la diftribution du mercure, «Se le
tranfport à^^s pignas qu'on doit (ondre. Depuis
quelques années , le produit de ces mines a
augmente , & l'on croit pouvoir en efpérer les
minerais les plus abondans du Royaume. 11 y a
plufieurs mines qu'on y exploite avec un avan-
tage réel & bien coimu j comme on le voit aufiî
par la confommation du mercure, donc la quan-
tité fe monte , année prife l'une dans l'autre ,
à 500 quintaux environ.
Les mines du diftrid de Chucuito fe main-
tiennent dans le même état. La confommation
du mercure fe monta, il eft: vrai, dans les deux
premières années comparées, à 733 ^ & 74.)
quintaux j au lieu que dans les trois fuivantes ,
prifes Tune dans l'autre , elle ne fut que de
450 quintaux, ce qui fait une diminution d.
300 environ. Ceci ne vient pas de l'appauvril-
fement des mines, dont le produit auroir d
•'lit
'il-
A i
V'
jio Discours
niimic à ce point en Ci peu d'années ; mais d'une
caufe plus ancienne : c'efl: a-dire de rexrrcme
profondeur des unes , dos obftacles qu'on ren-
contre dans les autres , pour parvenir à un mi-
nerai de bonne qualité.
. C eft de la Caille de Trugillo que tirent le
mercure ceux qui exploitent les mines gid'antcs
dans 11 chaîne des montagnes qui courent depuis
les limites des jurifdidtions de Jauja ôc de
Tarma , vers le Nord , & fe portent jufqu'aii
royaume de Quito , où font les CailTes de Caxa-
marca, ChachapoyaS, ôc autres. On peut juger
que ces mines font pauvres, par le peu de mer-
cure qu'elles confomment tous les ans; car cciX
à ces Caifles que les mineurs vont fe pourvoir
de mercure , pour traiter les mines qui fe voyenc
dans un efpace de plus de deux cens lieues ,
jufqu'aux limites des CaifTes de Piura ôc de
Cuenca , où l'on ne fait point de remife de
mercure.
On fait que la Cailfe de Carangas a fondu
Î199 marcs d'argent de plus qu'elle n'auroit dû,
félon la proportion du mercure qu'elle a diftri-
bué. On croiroit peut-être de -là qu'il y a eu
moins de perce dans les minerais de fon diftrid
que dans ceux des autres Gai (Tes ; mais on fe
tromperoit : la perte y eft même quelquefois plus
grande , & l'on pti a des preuves non équivoques.
;nir a un nii-
QUATORZIEME. ^ I 1
C'cft dans les dcpendancos de cette Cailfe que
fe trouvent les faineufes mines de Hu^mtjj.iyj,
Les métaux fe traitent par le feu , tant dans ces
mines que dans la plupart de celles de f;\ j -
rifdidlion , & fans cju'on foit oblige d'employer
de mercure. Or, les mines qui confoniment les
150004 Y^ livres de ce métal, étant les moins
nombreufes & les moins riches , il faudroit i.é-
celTairemcnt que la fonte rendit beaucoup plus
de marcs \ ce qui peut être facilement prouvé.
Parmi les grandes découvertes qu'on a fiircs
de mines d'argent au Pérou, celle de la mine
de Huantajaya a été la plus fameufe dans les
tems modernes. Le filon étoit d'argent mndU-"
dans toute fa largeur , & on le coupoit au ci-
feau. C'étoit avec raifon qu'on l'appelloit mine
d'argent ; car ce métal fe préfentoit à la vue
par-tout oii les travailleurs en déblayoient les
terres. Le filon formoit même en plulieurs en-
droits des nœuds métalliques, qui fournilToient
des morceaux très- gros. Cette fameufe mine,
comme toutes les autres , a eu (qs variations : on
en continue toujours les travaux, quoique l'on
n'en tire plus cette quantité prodigieufe de mé-
tal : au moyen du travail continuel , elle fe fcu-
tient, & produit toujours un afTez bon bénéfice.
Cette mine prouve avec quelle fîngulnrir.'- la
Nature a voulu répandre les métaux pricieux ,
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511 Discours
en les plaçant en terre dans des endroits auxquels
on n'a fongé que par hafard , vu leur cloignement ;
de forte qu'il n'efl: pas pollible de les en tirer
qu'avec les peines & les dcpenfes les plus
grandes. En effet, fi ces métaux font là trcs-
abondans , ils exicîent des frais exceflfifs. La Na-
ture a donc choili le pays le plus foliraire , le
plus ftérile de toutes ces contrées pour y faire
ce précieux dépôt. On ne voit-là aucune peu-
plade ; on y eft éloigné de la mer à une alfez
grande diftance : c'cft un terrein fablonneux, où
il ne croît rien : il faut s'y rendre par des gorges
peu praticables, des monts efcarpés , des fables
mouvans, fans rencontrer rien de ce qui eft né-
cefifaire à la vie j jufqu'A l'eau même, il faut en
porter fi Ton veut boire , car il n'y en a pas , ni
dans le voifinage. A plus forte raifon doit-on fe
pourvoir de vivres , tant pour foi que pour les
animaux. Ces vivres font apportés par des vaif-
feaux , & déchargés fur la côte de la mer , la plus
proche , d'où on les tranfporte à travers ce pays
pénible jufqu'au giifement & à l'ouverture de
la mine.
D'après ces détails , on fent à quel prix doit
revenir le métal qu'on en tire : mais une autre
circonftance l'augmente encore : c'eft qu'il n'y a
pas de bois pour faire cuire les alimens & autres
befoins joiinuHers j il faut s'en procurer de trcs-
Ô
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)its auxquels
loignement;
les en tirer
es les plus
ont là tics-
(fifs. La Na-
folitaire , le
>our y faire
ucune peu-
à une aifez
lonneux , où
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, des fables
- qui eft né-
° y il faut en
en a pas, ni
n doit-on fe
^le pour les
ar des vaif-
iierjaplus
/ers ce pays
■ivercure de
1 prix doit
une autre
qu'il n'y à
is & autres
er de rrcs-
QUATORZIEME. |I}
loin. Tout fe diftribue-là comme dans les longues
navigations , par portions égales. Ceux qui y ont
été alfurent qu'on y eft quelquefois dans une
telle difette, qu'une bouteille d'eau ordinaire y
coûte un pefo.
On y a ouvert beaucoup de puits; on a fondé
& reconnu le pays ; mais nulle part on n'a trouvé
d'eau, ni apperçu le moindre indice d'un ruif-
feau. On n'a vu aucune plante qu'on pût fubfti-
tuer au bois pour la confommation qui s'en fait
dans la préparation des alimens , & dans le trai-
tement des métaux. Ce pays fe trouve dans la
province d'Arica : le port le plus proche qu'il y
ait pour l'exportation 6c l'importation de tout,
eft celui d'iquique,
Ainfi l'extrême richefTe de ces veines prc-
cieufes eft en grande partie abforbée par les dc-
penfes. Cet inconvénient eft donc caufe quelle
n'eft pas plus lucrative pour les propriétaires que
celle des autres , puifqu'il faut payer en propor-
tion de (es produits. 11 y a donc un égal avan-
tage pour ceux qui, fans avoir à elTuyer cet in-
convénient , exploitent des mines moins richcv.
Tout eft égal de part & d'autre au moyen de
ces compenfations , &: c'eft ce qui maintient iiu
jufte équilibre d^dis la valeur de l'argent. Dans
les unes, le défavantage vient des grands travaux
qu'on eft oblige de faire, des peines qu'il ïv^t
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514 Discours
prendre; dans les autres, de la dureté de la
gangue où le métal fe trouve incorporé ; ici c'eft
un autre inconvénient , la profondeur eft ex-
trême j là, ce font les eaux qui gagnent ôc rem-
pliffent les percemens; ailleurs, ce font des mé-
taux étrangers qui font entremêles avec le bon
minerai : enfin , la difficulté , l'éloignement des
lieux, comme à la mine de Huantajaya.
Il eft arrivé dans les mines du Potofi, fameufes
autrefois, le contraire de ce qu'on remarque dans
les précédentes : le minerai y eft fi pauvre , qu'on
n'en tireroit aucun avantage , fi la facilité avec
laquelle il fe laifie traiter ne devenoit une in-
demnité : il eft aifé a tirer & à broyer , & fe
prête également bien à toutes les opérations qu'on
lui fait fubir pour en tirer la pigna.
On y a l'avantage du fameux lac qu'on a forme
à grands frais , & 011 fe raftemblent les eaux de
pluie , dans l'efpace qui fe trouve enfermé entre
dîfférens monts : de-Ià il fort une rivière qui fait
agir les machines dans lefquelles le minerai eft
broyé j l'épargne qu'on fait par ce moyen , in-
demnife en grande partie de ce qu'on tire de
métal de inc ins.
Cette montagne étoit devenue fimeufe par la
richelfe confidcrable de cqs mines ^ on y voit en-
core de tems en tems quelques veines analo;:!ues
aux anciennes , & d'où l'on tire beaucoup d'ar-
,\ '^
QUATORZIEME. JIJ
geiit : mais en général celles qu'on exploite ne
donnent qu'un minerai de qualité très-inférieure.
Outre les veines nombreufes qui font répandues
dans toute l'étendue de cette montagne, il y en
a encore d'autres dans les provinces d'alentour.
Elles étoient même autrefois fort renommées ,
mais les produits en font à préfent diminués ,
comme ceux de cette montagne. Ceux qui exploi-
tent ces mines fe pourvoient de mercure aux
mêmes CaiiTes , & font obligés d'y faire leurs
fontes particulières : or , ces fontes étoient an-
ciennement les plus considérables de tout le
Pérou.
On douteroit avec raifon de l'ancienne ri-
chelTe des mines de cette montagne, fi l'on en
jugeoit par leur état aduel, & fi l'on n'avoit pas
d'Ecrivains contemporains dignes de foi pour la
prouver. La différence eft aujourd'hui fi grande ,
qu'il n'eft pas poflîble de les comparer. Il en eft
de même de toutes les mines fi renommées au-
trefois dans les diverfes parties de ce royaume ;
mais je vais en donner une idée , d'après l'Ou-
vrage intitulé : Pretentiones dd Potofi; Ouvrage
que fit imprimer , en 1^34, D. Sébaftien de
/ Sandoval y Guzman , Procureur-Général de cette
' Bourgade- là. D'après les détails qu'il nous a laifies
fur la confommation qu'on faifoit du mercure,
& ce que nous avons vu concernant là confom-
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}i^ Discours
tnation aéfcuelle de ce demi -métal, on pourra
faire quelque comparaifon.
La découverte de ces mines fe fit en 1 545 ,
peu de tems après la conquête j car il ne s'étoic
paflTé que dix -neuf ans depuis l'entrée des Ef-
pagncls dans ce pays-là , c'eft-à-dire depuis 152.^;
ce qui prouve fuffifamment que les monts n'a-
voient pas été ouverts avant cette époque : or,
l'argent y étoit répandu de tous côtés , comme
par ramifications. La mine fe traitoit alors par
la fonte , vu fa grande richefTe \ car on tiroir
toujours d'un quintal de minerai cinquante livres
d'argent. Un appas aullî attrayant y fit établir
plus de fix mille guairas j ou fourneaux pour les
fontes. Cette abondance de métal ne fe foutint
pas long-tems ; car en 1571 , c'eft-à-dire 16 ans
après , il y avoir déjà une affez grande diminution.
Le traitement par la fonte n'étant pas fufïifant
pour extraire tout le métal, Pedro Fernandez de
Velafco introduisit l'ufage de l'amalgame , quoi-
qii'avec moins de perfe6tion qu'on le pratique
aujourd'hui ; car on a été forcé de chercher des
moyens plus avantageux pour tirer des minerais
tout ce qu'il étoit poflible d'en avoir, à mefiire
qu'ils font devenus moins riches. Voilà comme
on s'eft enfin inftruit des traitemens particuliers
que les matières de chaque mine exigeoient.
J'ai déjà dit que le quintal de minerai rendoir
Vit
M'- '
'rVs
il ne s etoit
QUATORZIEME. 5I7
clors 5 o livres de métal , qui font cent marcs y
ainfi l'on avoir un marc d'argent par livre de mi-
nerai : mais â préfent, les inftrudions les plus
sures nous montrent que les mines de cette mon-
tagne ne rendent que quatre marcs d'argent
par caxon de minerai, ce qui eft encore fort
avantageux pour ceux qui les exploitent; car il
y en a plufieurs qui ne rendent pas cela. On re-
garde comme riches celles dont le produit pafle
les quatre marcs.
Le caxon de minerai eft de cinquante quintaux
dans les mines d'argent. La proportion de métal
eft donc comme i~ adarmes d'argent à une arrobe
de minerai, c'eft-à-dire, comme i à 1250 : ce
qui fait voir qu'après avoir tiré anciennement
1250 marcs d'argent d'une quantité donnée de
minerai, on n'en rire plus aujourd'hui qu'un
marc. Cette énorme diminution feroit prefque
incroyable , fi elle n'étoit prouvée par la véracité
du livre mentionné , & qui fut même écrit pour
être prcfenté àfa Majefté Catholique. Néanmoins,
il n'y a pas la même proportion dans la dimi-
nution des quintos i ou cinquièmes.
Denuis l'année 1 545 :« époque delà découverte
de cette mine , jufqu'à 1 5(^4 , cette montagne a
produit de droit de quint ^ -jG millions de pefos
enfiiyados , chacun de 1 5 7 réaux d'argent ; ce
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518 Discours
qui fait, pendiiic 1 ^ a.ns , quatre minions de pcfos
par an.
Depuis 15^4 jufqu'à 1585 , le droit de quint
s'eft monté 435 millions j ce qui donne , pen-
dant 21 ans , 1666666 pefos enfayados & |
par an.
Depuis 1585 jufqu a 1^24, ce droit s'eft monté
à 52 millions, pendant les trente-neuf années ^
ce qui donne 1333353 pcfos enfayados \ par an.
Depuis 1^24 jufqu'en 1^33, année qui pré-
céda l'Ouvrage de D. Sandoval, le droit s'eft
monté à 6 millions pendant les neuf années j ce
qui donne par an 66666 j pefos enfayados.
En 176^ j Potofi confomma dans les mines
de fa montagne, & dans celles des provinces de
fon relïôrt , 17^166 ^ livres de mercure. Or,
félon la règle des 1 2 onces de confommation par
marc y on doit y avoir tiré 239049 marcs y pour
lefquels il étoit dû de droit de quint ôc de coho^
environ ^i6j^6^ p^fos de huit réaux , qui , réduits
aux pefos enfayados de 1 3 ^ réaux ^ en font
2 -^ 27 1 5 j ce qui donne un rapport de i à 1 5 i.
Cette grande différence qu'il y a entre la pro-
portion d« ce qui fe paie de droits , & celle qui ré-
f ulce de ralloiou de la qualité du minerai , vient de
deux caufes. Premièrement , de ce que l'on trouve
coi^pris dans k nombre des marcs qui fe fondent
QUATORZIEME
5'9
à picfciit , ceux qui viennent de toutes les autres
mines qui fe pourvoient de mercure à cette même
Cai(îe-là. Secondement, de ce que le bas alloi
du minerai oblige de tirer infiniment plus de
minerai que quand il étoit riche en argent , &
c'eft ainfi qu'on fupplée en partie par le travail
à ce qu'il y a de qualité de moins.
Ceci ell confirmé par le nombre des marcs
qu'on auroit dû tirer pendant chacune des dix-
neuf années , & de ceux que l'on tire adtuelle-
nient. Les quatre millions de pefos enfayados de
droit de quint ^ que ces mines ont payés par an
au Roi , pendant les premières années de l'exploi-
tation , répondent à 20 millions des mhxnQs pefos
du produit total de l'argent j ce qui fait 3 3 ,7 5 0,000
pefos de huit réaux , ou autant d'onces d'argent.
Or, cette quantité faifant la moitié du minerai
que l'on tiroir, il falloir qu'il y eût 4,218,750
livres de celui-ci j ce qui monte à 421S7X
quintaux,
Suppofé , en prenant un moyen terme , que
Talloi du minerai foit de quatre marcs par ca-
xon , on ne pourra avoir les 239049 marcs
qu'avec 597<>i J caxons , qui font 2,988,100
quintaux, Ox , autrefois on avoir la même quan-
tité d'argent avec 2390 quintaux de minerai.
On voit donc l'extrême différence qu'il y a entre
le tems préfent & le pa0e. Si l'on joint à ceci la
V>!
'fi^lr
510 Discours
tiuantité des déblais qu'il faut enlever à prcfent
pour avoir les $9/61 caxons de minerai , ce
compte monteroit infiniment plus haut ^ car
il ne faut pas perdre de vue que ce nombre
de caxon comprend tous ceux des mines du
reflbrt de cette CailTe , comme je l'ai dit ci-
devant.
Depuis i(Î5 3 jufqu'à ce tems-ci, c'eft-à-dire
en 130 ans, la malFe d'argent qu'on tiroit de ce
mont feu) , a diminuée de plus des deux tierb :
Il cette diminution fuit la même progreflion par
la fuite , ces mines deviendront inutiles dans le
même efpace de tems , ou même plutôt : c'eît
pourquoi il faut chercher tous les moyens de
porter les Ilabitans de ces contrées à faire de
nouvelles découvertes, qui puilfent indemnifer
de l'épuifement ou de la décadence confidcrablc
des mines anciennes.
L'argent que les Indiens tiroient des mines,
& le procédé fmiple qu'ils fui voient, font une
preuve de la richefle de ces mines anciennes;
ils ne connoiffoient d'autre manière d'en tirer ce
métal qu'en mettant le minerai fur le feu avec
un teft" , encore ne prenoient-ils que le minerai
oi\ l'argent étoit vifible & abondant. Ils ramaf
foient le métal à mefure qu'il couloir : ils ne
pouvoient donc fondre par ce procédé que celui
qui n'étoit pas mélangé de minerais étrangers.
C'eft
q U A T O R Z I I M f. Jll
Cèft de cet ufage que les fourneaux faits pour
la fonte de la Pigna ont corfervé, dans ces con-
trées j le nom de cayana , qui , dans la langue
des Incas^ fignifie ua fç/?. On a joui de ces avan-
tages au tems de la conquête : l'argent eft même
encore vifible dans quelques mines que \qs In-
diens ont connues par les récits de leurs ancê-
tres, & qu'ils indiquent aux Efpagnols, lorfqu'ils
ont quelque affedlion pour eux j ce qui eft afless
rare : de-là on peut juger de leur richelTe.
On a vu que la Caifle de la Pa\ ne diftribue
que peu de mercure \ une partie en eft confom-.
mée dans les mines de Larecaxa , Jaraca , Qc
autres de Ton diftrid. On va de celle-ci payer
le quint aux CaifTes de Lima, en obtenant cette
permiflîon du Vice-Roi. Il n'y a pas-là plus de
mines qu'anciennement, & celles qu'on y ex-
ploite ne font pas fi riches qu'elles l'ont été.
Les minerais de Caylloma ont toujours le
même alloi , fans être des plus abondans : cepen-
dant on penfe qu'il a plutôt augmenté que di-
minué. Les minerais d'Oruro font les plus riches
de tous ceux des contrées de ces vaftes royaumes^
il femble que c'eft-là que fe font tranfportées les
richeiïes qu'on tiroir autrefois du Poto(î. On peut
eftimer leur produit , à peu de chofe près , par
l'emploi qui s'y fait du mercure. 11 s'y eft con-
fommé tous les ans, pris l'un dans l'autre, en-.
Tome /, * X
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environ 1 3 00 quintaux de ce demi - mctal , &
plufieurs perfonnes , auflî intelligentes que cll;;nes
de foi , aflTurent que i'alloi du minerai s'eft tou-
jours trouvé bon dans la plupart de ces mines,
en comparaifon de celui des autres , & qu'il va
plutôt en augmentant infenfiblement.
Ces détails nous montrent donc que les mines
d'argent de ces royaumes rendent aduellement
prefqu'autant qu'au commencement de ce fiècle-
ci , ou à la fin du précédent j s'il y a eu de la
diminution dans les unes, il y a eu de l'avantage
dans les autres , comme il eft arrivé à Pafco j
Oruro y Carangas, On peut en donner pour
preuve la régularité avec laquelle les mineurs
paient le mercure au bouc de l'année j au lieu
que ceux qui ne fe font occupés que de mines
pauvres , ne paient non plus que par les contrain-
tes qu'on exerce contr'eux & leur caution, afin
de faire bons les fonds de la Caifle avec laquelle
ils ont contradé cette dette.
En i-j6o , les habitans de la province de Tu-
cuman demandèrent certaine quantité de mer-
cure , vu l'efpérance que leur donnoient quelques
mines qu'on commencoit à découvrir j fans quoi
il leur étoit impoflible de les traiter, & même de
voir quel feroit le produit des premiers elTais. Les
mines d'or & d'argent étant un des objets ef-
fentiel de ces contrées , ils obtinrent 5 o quintaus
QUATORZIEME, JlJ
de mercure : mais il paroîc que l'efpoir de ces
gens fut trompé j car , en i7(>3 , ils n'avoienc
encore rien montré. La même chofe arriva anfli
au Chili , où l'on croyoit avoir découvert des
mines de ce même métal , & qui promettoienc
beaucoup : mais les mines qu'on y a trouvées n'ont
ni la valeur , ni la continuité de celles du Pérou;
ce ne font que des mines de tranfport fuperfi-
cielles , qui ceilent bientôt dès qu'on fouille un
peu. Il n'en eft pas de même de celles dont les
liions fe prolongent dans une gangue continue.
Cependant il y en a plufieurs qui jettent quel-
ques ramifications en profondeur , quoique la
plus grande richelTe qu'on en tire fe prenne â
lafuperficie. Les mines profondes, au contraire,
ne décèlent point leur qualité , à moins qu'on
ne foit arrivé alTez bas pour appercevoir quel-
ques fources d'eau.
La pigna d'argent , & les texos d'or, dont on
n'a pas payé le quint , & qui n'ont pas été
marqués du poinçon de la CailTe refpedive ,
font contrebandes dans tout le Pérou. On a feu-
lement la permiflion de les porter directement
de la mine à la CailTe du reflbrt , pour les y
fondre , & payer les droits du Roi , tant pour
le dixième que pour le don gratuit ou col>o.
Mais rien de plus facile dans ces pays que de
fe fouftraire a cette obligation , 6c de paffer ces
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)t4 Discours
métaux plus loin , vu les vafbs pays inhabités i
travers lefquels on mène les bediaux pour les
faire pâturer. AmCi l'on ne fond pas à la Cailfc
tout l'or & l'argent qu'on tire des mines.
J'ai déjà die que les CailTes royales écoienc
les lieux rcfervés pour les fontes , & que les four-
naux s'appelloient caynas. Les métaux s'y fon-
dent en ^arr^j j dont on tient compte depuis le
premier jour de l'année jufqu'au dernier , 6c l'on
irecommence le compie avec le nouvel an , mar-
quant fur les barres l'année de la fonte , le poids
en marcs j onces , adarmesj & Vai/oi : ce qui cft
confirmé par le poinçon du Roi. Par ce moyen
on les convertit en une monnoie , dont la valeur
monte à deux ou crois mille pefis j Ôc même
davantage. On peut alors les répandre par-tout
le royaume, parce qu'elles onc le fceau requis
pour la sûreté publique, & pour prouver que les
droits en ont été payés au tréfor royal.
Les barres d'argent & les cexos d'or parvien-
nent enfin à l'Hôtel des monnoies de Lima ; on
en examine le poids , l'alloi , pour fa voir fi l'on
n*a pas commis d'erreur ou de négligence dans
la fonte : ce qui fe fait en préfence des intéreffésj
après quoi on les convertit en monnoie. Ceci ne
fe pratique pas au Potofi, parce que ces mines
étant les plus anciennes ôc les plus renommées
du royaume , on y a établi un Hôtel des monj
QUÀTORZIEMI." jlf
noies. On en a fait autant depuis peu à Santiago
de Chili , d Oruro , pour éviter l'incommodité
du tranfport jufqu'à Lima.
L'argent fe tire des mines aux dépens du tra-
vail des mineurs , comme je l'ai dit : de-U il
pafTe aux premières CaiiTes royales , quand il
n'eft pas détourné en fraude , ou n'eft pas con-
verti en vailTelle : il parvient enfin aux Hotels
des monnoies , où l'on en fait des pefos duros j
qui paffent enfin en Efpagne. C'eft de ce
toyaume qu'il fe répand dans toutes les parties
du Globe , fans avoir befoin du fceau dont il .
cft marqué que jufqu'en Efpagne : car après on
le reçoit fans y faire aucune attention , unique-
ment par l'appât de la matière.
Ce ne font pas toujours les mineurs qui ren-
dent à leurs frais les pignas aux Caiffes royales »
pour y être fondues & en payer les droits. Ceci
ne fe pratique que par les plus aifés , qui tra-
vaillent fans aucun engagemsnt. Mais ceux qui
ne font pas dans ce cas -là, payent avec ces
pignas les Aviadores qui les entretiennent , ou
les donnent aux Refcatadores en paiement des
marchandifes qu'ils apportent aux mines pour la
confommation des travailleurs , & autres befoins
journaliers : ce font ceux-ci qui les portent
aux CailTes pour y être fondues. Parmi ces be-
foins , il faut comprendre le mercure dont les
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51^. Discours
Aviadores ou les Refcatadjres les fournilTent
foigneufement pour ne pas faire cefTer les tra-
vaux & l'extradion du métal j car c'cft dans
cette continuation non interrompue que confifte
tout l'avantage. On appelle refcatar y acheter la
pigna k la mine : de -là eft venu le nom de
Refcatadores , qu'on a donné à ceux qui y ap-
portent quelques marchandifes à vendre.
Les mineurs que ces travaux ont mis à leur*
aife , n'y relient pas continuellement : les uns y
paroiffent de rems en tems le foir ; d'autres n'y
vont pas , & fe repofent fur la probité de leurs
fadeurs ou capataces ^ chargés de conduire les
travaux , & de faire les dépenfes. Ils s'abfentent
ainfî pour éviter les froids & l'intempérie de ces
pays découverts : mais ils en font tranfporter les
minerais à la fonderie où il doit être traité. De
cette manière, ils ne le perdent pas de vue, &
afliftent aux lavages , qui font la dernière opé-
ration par laquelle on extrait l'argent du mi-
nerai.
Les minerais font tranfponés à ce bâtiment
par des Llamas & des Alpaques ^ animaux plus
propres à faire cette route dans des chemins
raboteux & difficiles, que toute autre efpèce,
qui , far s contredit j n'y palTeroit pas , au moins
fans dommage. Ces animaux font -là d'une aufli
grande relTource que les Rênes en Laponie pour
Q tr À T 0 H Z I E M i: JI7
traverfer les montagnes ôc les glaces. Le minerai
fc charge dans des facs bien affurés fur ce»
animaux. Ces facs ôc les cordages nécelTaires
font le commerce le plus lucratif des Indiens
de Jull j dans le Gouvernement de Chucuiro :
c'eft-là qu'on les fait , pour les diftribuer enfuite
dans la plupart des mines du royaume du Pérou.
Cependant les mines qui non-feulement dé-
fraient des dépenfes , mais qui deviennent même
du plus grand avantage, font fujettes à des in-
convéniens qui en interrompent les progrès. En
effet , on perd quelquefois les filons qui fe divi-
fent en nombre de ramifications très-fines, Ôc
dont les extrémités ne préfentent plus aucune
apparence de métal. Or, il faut en ces cas -ci
beaucoup d'induftrie & de bonheur pour re-
trouver le vrai filon , en travaillant fans aucune
autre utilité que les recherches & les fouilles que
l'on fait, dans l'incertitude même de retrouver
le bon minerai. Les bancs que l'on rencontre,
& qui fouvent font des roches très-dures par
lefquelles le filon eft coupé, jettent dans la plus
grande incertitude fur le parti qu'on doit pren»^
dre , vu qu'on n'en connoît pas l'étendue ; de
forte qu'on ne fait fi on doit les percer pour
fuivre les fouilles diredement, ou continuer en
les côtoyant de droite ou de gauche. L'expé-
rience a appris que quand on a paflfé ces bancs^.
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3i8 D I s e o u R s
le filon reprend avec autant de richefTe, & mêm^
davantage. Les couches de terre fujettes à s'ébou-
1er ou à s'afFaiiTer , & qui conféquemment exigent
beaucoup de pièces boutantes , de fupports pour
être maintenues j les eaux qui gagnent en quan-
tité , lorfque les fouilles font profondes , font au-
tant d'obftacles qui contrebalancent la richeffe
qui s'y préfente : il faut alors pratiquer des égoûts,
des pui fards à grands frais pour chafTer les eaux :
mais ces opératio^is ne fe trouvent pas toujours
praticables. Ces inconvéniens , & nombre d'au-
tres , diminuent dv>nc beaucoup le proHt , au
point même que les entrepreneurs font le plus
Ibuvent plus près de perdre que de gagner.
Le travail eft exécuté par des Indiens & des
Métifs, foit de gré, foit de force. La différence
qu'il y a entre ces deux clafTes ,eft que les premiers
ne font pas permanens , au lieu qu'on peut
compter fur les autres. Quant au falaire , il eft
égal pour ces deux claffes , & même avantageux.
11 efl: réglé par le tarif public a quatre réaux , de
la monnoie du pays ^ quoiqu'il y ait des mines ,
à Potofi par exemple, oii ces gens gagnent un
pefo chaque jour qu'ils travaillent. On fe trompe
généralement, lorfqu'on s'imagine que ce travail
des mines eft des plus durs, & qu'il dépeuple
ces nations : cela eft très- faux; car on voit les
i^idiens qui ne font pas de la Mita^ ou donc ce
Q V A T O H 2 X B XI e: Jlr*^
h^eft pas le tour à venir travailler , s'offrir volon-
tairement; & que les Mitayos^ après avoir fini
leurs heures de travail , demandent à le doubler ,
c'eft-à-dire de travailler jour & nuit pour gagner
davantage : ils demandent même de continuer
les jours fuivans. Les travaux qui s'y préfentent
font ou fous terre, ou delTus. Ces derniers con-
fiftent à conduire le minerais au lieu où on le
broie, & les matières nécefTaires aux diverfes
manipulations du traitement. On ne s'apperçoit
chez ces Indiens d'aucune maladie, ni même
d'aucune incommodité fenfîble. Ils ont pour ces
occupations le falaire le plus avantageux & le
plus ;)oi ^uellement payé : aucun autre ouvrage
ne \ev ic^iendroit fi lucratif. Voilà pourquoi
certain nombre de Mitayos refient aux travaux
comme les volontaires , lorfqu'ils ont achevé
leur tems d obligation.
Cette corvée , ou Mita , cfl de fîx mois , après
quoi on les relève par d'autres , pour les renvoyer
à leur peuplade & cultiver la terre. Ils font alors
difpenfés de ces travaux pendant deux ou trois
ans , & même davantage , à proportion que les
aidées , ou villages , fe font multipliés dans leur
diflriâ. Mais on a toujours befoin de gens libres
aux mines , outre ces Mitayos ; car une mine
qui peut occuper fîx ou huit Mitayos , en pour-
coit bien occuper quinze ou vingt, & plus , félon
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r^jo Discours
la nature des terreins que Ton fouille. Le froîdt
de CQS contrées ne permet pas d'y employer les
Nègres : ils y meurent promptement. Il n'en eft
pas de même des Indiens, dont la conftitution
eft faite à ces climats : auflTi y tiennent-ils fans
aucun dérangement de fanté.
J'ai dit plus haut que la confommation du mer-
cure étoit la quantité proportionnée à l'argent que
Ton tire , & que ce qui exccdoit , étoit ce qu'on
appelloit perte. Selon cette règle, on peut tirer
de l'argent fans perte, mais non fans confom-
mation : ainfi, en tirant cent marcs d'argent, oti
doit confommer cinquante livres de mercure,
au moins. De-là eft venue l'opinion qu'une par-
tie de ce demi-métal fe convertilfoit en argent j
& l'on prétend la foutenir , en difant qu'on ne
voit pas l'argent dans la plupart des minerais ,
comme on le voit dans \qs pacos ^ qui font de
couleur de tabac , & les plus riches en métal.
On fuppofe que le minerai contient des prin-
cipes propres à fixer le mercure , & à le purifier
de toute matière étrangère j que les gangues où
Targent eft vifible , & qu'on appelle machacados y
fe trouvent fous cette forme, parce que leur
mine renfermoit les matières primitives du mer-
cure en quantité proportionnée à leur richeflej
qu'outre cette richefle actuelle , les matières qui
yreftent mMées fe combinant avec le mercure.
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quatorzième; $^1
s*y incorporent au point de le fixer & de le ré-
duire en argent.
Mais cette opinion efl: regardée par les gens
inftruits comme hafardée, ou plutôt comme une
fuite de l'ignorance de ceux qui la foutiennent j
car la perte du mercure eft due à d'autres caufes ,
fans qu'il foit befoin de fuppofer fa tranfmuta-
lion , en raifon de fon mélange avec les parti-
cules métalliques de la mine. On peut même
conclure que iî l'on favoit d'autres procédés, on
retireroit tout le mercure qui s'incorpore dans
les amalgames. En effet , les favans Métallurgiftes
de l'Europe , & qui ont à cet égard àes connoif-
fances pratiques certaines , font furpris de la
perte que l'on fait du mercure dans les mines
de l'Amérique, & ne l'attribuent qu'au défaut
de procédés plus direds & plus réfléchis pour
le traitement de ces mines.
On a réellement lieu d'être furpris que, depuis
fi long-tems que les mines d'argent & d'or de
l'Amérique font la plus grande richefie de
l'Efpagne, on n'ait pas encore établi des labora-
toires pour faire des effais , au moyen defquels
on auroit acquis des connoiiïànces pratiques dont
on auroit fait l'application pour traiter plus avan-
tageufement les mines p?r le moyen du mercure;
car on fait dans toutes les exploitations quel-*
conques des pertes confidérables , faute de favoir
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yji Discour*
réparer direAemenc les corps étrangers mêles avecj
le minerai. Tels font le vitriol , lantimoine «
l'alun , le foiifre , l'orpiment , &c. , qui fe trou-
vent d ordinaire unis à la mine d'argent, &
qu'on eft obligé d'en féparer avant de l'amal-
gamer avec le mercure. De ce défaut d'intelli-
gence & d'ordre dans les procédés, réfultent
toutes les pertes. D'abord, on ne lire pas du
minerai tout l'argent , vu la matière étrangère
qui y eft incerpofée ou mêlée , & comme en-
chaînée j ce qui empêche l'amalguame exade ,
& l'extraûion totale des particules qui fe join-
droient au mercure. Secondement , il ne fe fais
même pas de véritable amalgame j ainH les ma-
tières qui dévoient la faire s'échappent; le mer-
cure divifé en particules . extrêmement fines &
fugaces , s'écoule avec l'eau j Targent , qui ne le
tencontre pas pour s'y joindre , difparoît en
même tems.
Si donc l'on parvenoit à purger le minerai
d'argent des matières étrangères qui y préjudi-
cient , & à opérer une véritable amalgame fans
les opérations réitérées qu'on pratique, on évi-
teroit cette grande confommation de mercure,
& l'argent reviendroit à beaucoup moins , â
proportion qu*on gagneroit par cette épargne j
les mineurs n'elTuieroient plus ces frais , & nom-
bre de mines qu'oi. Handonne > faute de favoi^
QUATORZIEME. 55 f
en tirer quelqu'avantage , deviendroienc d'une
utilité réelle , parce qu'on fauroit en tirer la
qualité néceAaire , non-feulement pour l'indem-
nite des frais , mais encore pour bénéficier : c'eft
ce qu'on ignore : car, fuppofé que la confom-
mation du mercure foit de douze onces par
marc, ce font déjr. x ux de dépenfes pour
cet objet, eu égard au prix qu'il coiue à i' tolî.
Mais on auroit encore l'avanjage de ne pas
tant dépendre du mercure pour obtenir l'argent;
car toutes les fois qu'il manque, on eft obligé
<le cefler les travaux , & d'abandonner les mines.
£n diminuant donc la confommation du mer-
cure , une quantité modérée fuffiroit pour plu-
sieurs années , & rarement on feroit dans le casi
ds ne pas en avoir affez.
11 eft poflible que le produit des mines d'Al-
maden décroifle : on n'a que trop d'exemples de
ces inconvéniens dans les mines ^ or , ce rifque
devient commun aux mines d'argent. Les guerres
inattendues qui peuvent furvenir , expofent en-
core à d'autres rifques ; mais on obvie à tout
avec les précautions dont je viens de parler.
Les mineurs s'appliquent le plus qu'ils peu-
vent à connoître les minerais, & les meilleurs
moyens de les traiter : mais lorfque ces mines
tombent entre les mains de gens qui n'ont au-
cune connoilTance préliminaire de la nature des
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'354 Discours
mines & des minerais; qui ne fe chargent de
ces entreprifes qu'au ût auc d'autres occupations ;
qui s'imaginent enfin que pour exploiter des
mines il ne s'agit que de retourner la terre, lit
fouiller, faire des percemens de coté & d'autre»
jamais ces mines ne deviendront avantageufes ,
ou ce n'eft qu'après de grandes pertes pour les
entrepreneurs j vu les procédés imparfaits dont
ils ufent au hafard Se fans principes. Ceux qui
s'occupent particulièrement de traiter le minerai
ne font non plus que des gens de peu de talcns
uniquement guidés par ce qu'ils voient faire à.
d'autres plus verfés qu'eux dans ces travaux
mais fans être capables d'en f^i'-e davantage, ni
de raifonner par eux-mêmes , ^ encore moins
de changer de procédés dans leur opération. S'ils
connoiffent le minerai tenant argent, ils igno-
rent les moyens de féparer exaûement & parfai-
tement le métal des matières auxquelles il eft
uni : or, c'eft-U, comme je l'ai dit, le point le
plus important. Un Auteur refpedable de ce
royaume, ôc habile mineur, n'ignoroit pas ces
inconvénieiK : il prétendoit même avant moi
qu'on pouvoir traiter les mines d'argent fans
confommer , ni perdre aucun atome de mercure.
Si l'on trouvoit le moyen de procéder ainfî ,
l'objet du mercure deviendroit auflî confîdérable
pour la Monarchie , qu« l'argent qu'elle tire des
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quatorzième; 5JJ
mines qu elle podede y & elle s'alTureroit ces
richelfes pour l'avenir, en fe les procurant flins
aucune perce. Pour rendre ceci plus fenfible , je
dois dire que certaines mines rendent confidé-
rablemenc dans les effais en petit , tandis que
le minerai traité en grand ne rend pas l'équi-
valent des frais , & que d'autres mines ne ren-«
dent que très-peu , en comparaifon des graiides
dépenfes vju'elles exigent.
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DISCOURS QUINZIEME.
Des matières nécejfaires pour traiter la mine
d'argent : /avoir du mercure & du fel ; & des
mines de ces deux matières,
XjE traitement des minerais cl*argent demande
deux matières efTentielles , qui font le mercure
& le fel. Sans ces matières il n'y auroit point
d'amalgame. Le mercure les réunit, &c'eftde-là
que réfulte ce que nous appelions incorporation.
Le fel les difpofe à recevoir i'impreilion du mer-*
cure, en les purifiant de nombre de particules
étrangères qu'ils tiennent. Outre le fel , on em-
ploie encore d'autres matières pour le même
effet , félon que l'exigent les différentes fubf-
tances qui s'y trouvent mêîées. Ce travail n'eft
pas néceffaire pour les minerais qui fe traitent
par le feuj mais il y a peu de mines qui fe
prêtent à cette opération.
Le royaume du Pérou a fur celui de la Nou-
velle-Efpagne l'avantage de poiTéder une mine
abondante de mercure. A vèt égard, il n'a jamais
dépendu
->c..o
I ■
Discours quinzième; 337
(dépendu de i'Efpagne pour fes provinons nccef-
iàires : en quelques occurrences il a même fourni
laucre royaume de certaine quantité de ce demi-
métal : ce fecours y étoit de (i grande impor-
tance , que } fans cela , l'exploitation des mines
y auroit confidérablement fouffert.
La mine de mercure fe trouve dans le diftridb
de Guancavelica , nom formé de Huanca vilca ^
mots particuliers à la langue des Indiens , & qui
ibnt les noms de quelques-unes de leurs nations.
Le mont où fe trouve la mine n'eft qu'à une lieue
& demi du fiourg du même nom , qui fe trouve
au pied : ceux qui l'ont vu & examiné , alTurenc
qu'il a beaucoup de relTemblance ivec celui de
Potofi.
Mais la difpoHtion intérieure eil différente :
celui de PotoH a certain nombre de bouches qui
font les entrées d'autant de mines appartenantes
a des propriétaires difFérens \ car les veines mé-
talliques y font répandues par- tout , comme par
ramiâcations. Celui de Guancavelica, au con-
traire, n'a que quatre bouches du coté le plus
haut , où s'élève la cime du mont , & trois ga-
leries pour donner de l'air, & favorifcr l'écou-
lement des eaux : non qu'il y ait des fources ,
mais il y entre des eaux en affez grande quantité
par les écoulemens externes.
Cette mine a peu d'étendue en longueur j elle
Tome /, Y
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))8 DfscovRS
confifte en un puits profond fans bure d'airage ;
il n'a d'ucres ouvertures latérales que les bouches
d'entrée dont j'ai parlé : il peut avoir 180 varas
de tour , fur 60 de diamètre ^ la profondeur eft
de 5 1 5 varas. C'eft dans cet efpace qu'étoient les
minerais d'où Ton a tiré le mercure qm fit , dès
l'abord » la proviitoA de ce royaume : on n'en
trouve pas hors de ce puits. Il étoit autrefois
très -abondant; mais, comme il a peu de di-
menfion , il eft devenu une efpèce d'échafaudage
intérieurement , vu le nombre des ais » des
bandes , & des arc-boutans nécefTaires pour main-
tenir la fpulle des terres, prévenir ainfi la ruine
de la mine ; 6c qui ont pu échapper â l'aftuce
des mineurs. Mais toutes ces parties boutantes
diminuent de jour en jour, parce que c'eft de U
qu'on tire principalement le mercure pour l'ufage
ordinaire. Ce puits appartient à la Couronne. Ce
qui contribue beaucoup au détriment de la mine,
c'eft qu'elle a été cédée i des gens qui l'exploi'
tentpar compagnie, la plupart deftitués de fonds;
6c à des étrangers qui fe retirent là pour rentet
fortune , mais fans connoître le moindre prin-
cipe nécefTaire à l'exécution de ces fortes de
travaux. Le Roi leur paie tant , pour chaque
quintal de mercure qu'ils livrent, & leur avance
les frais nécefTaires pour commencer les travaux.
La capacité de ce .puits, autrefois rempli , en
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QUINZIEME. 539
grande partie , de mercure, ccoic alors un riche
tréfor , ôc la mine n'en foufFroic aucune alté-
ration : mais il n'en ell pas ainH aduellement ;
le minerai n'a plus cette même richelTe. Le
Bourg , qui eft alTez grand , fe foutient par les
avantages qu'y procurent le mercure ôc le trcfoc
royal.
Les travaux s'y exécutent, comme dans les
mines d'argent , par des Indiens m'uayos j ou
obligés à leur tour, ôc par des gens libres ôc de
bonne volonté, dont le nombre eft encore plus
grand dans les deux claiïes. Le minerai eft au-
jourd'hui très - pauvre , ôc ne rend par caxon
que depuis une livre environ , jurqu'â a ^ ou )
livres , en réglant le caxon à (ix arrobes , ce
qui fait une mefure différente de celle des
caxons employés dans les mines d'argent. Les
foibles rcdes qu'on apperçoit dans ce qui fub'
(ifte des parties boutantes , rendent jufqu'à huit
ou dix livres : mais lorfque la mine écoit dans
toute fa richefle , on en tiroit jufqu'è vingt ,
trente livres par caxon. On appelloit cela métal
d'Apunchao , c'eft-à'dire, félon l'Ijidien^ mi"
nérai riche»
On remarque encore ici la même circonftance
dont nous avons fait mention , concernant la
Ikproduâion du métal. On voit eni effet, à 1%
fupecficie des endroits abandonnés depuis èo ou
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540 Discours
80 ans, que l'on veut exploiter de nouveau, une
croûte ou couche plus ou moins épailTe, dont la
partie métallique eft très -riche : lorfqu'on a en-
levé cette croûte , il ne refte qu'une pierre d'iin«
nature métallique , mais qui ne contient pas de
mercure, ou le peu qu'il y en a ne mérite aucune
attention. Ceci donne lieu de croire que la qua-
lité qui ie retrouve eft poftérieure à l'époque a
laquelle on avoit abandonné la mine ; car ii on
a quitté cette mine , ce n'a été fans doute qu'à
caufe du peu de qualité qu'elle avoit alors. En
efFet l'avidité du gain a toujours prédominé, Se
l'on n'a jamais renoncé aux travaux tant qu'ils
n'ont pas été infrudueux ": d'ailleurs , on n'aban-
donne jamais une fouille quand la veine de
minerai n'auroit que l'épaiffeur d'urie vara , ou
environ ; & l'on a fait des fouilles très-profondes
pour en tirer des minerais, qui, fans contredit,
ti'avoient pas la qualité de ceux qu'on y ren-
contre aâuellement. Si ce phénomène n'avoir
lieu qu'en une partie de terrein , on pourroit
regarder cela comme un effet de pur hafard :
mais on l'apperçoit dans tous les lieux où Ton
travailla autrefois , ôc même à des époques dont
on fe fouvient a peine. On a donc droit de pré-
fumer que la qualité eft poftérieure à ces tems-là,
&' de nouvelle produdion ^ ce qui femble aufH
prouvé par le peu d'épaiffeur des croûtes.
Q V I N Z I s M s.' 341'
La gangue où le mercuie fe fixe» efl: une pierre
qui a un œil 6c un grain particulier. Lorfque
cette gangue ne tient point de mercure y elle
apprend au moins qu'en fouillant plus avant,
ou en levant quelques croûtes , on rencontrera
le cinabre naturel , qui eft cette même gangue
dans laquelle le mercure & le foufre fe font
réunis & incorporés. C'eft ce que nous appelions
minerai de mercure > pour la diftinguer. de toute
autre gangue qui n'en contient pas,& que nous ap-
pelions de/monte j ou gangue Jlérile j femblable au
fchite. D'après ceci , on peut conclure que quand
le métal utile eût été tiré du minerai mentionné
Cî-devant, celui-ci fut jette & abandonné avec
les déblais qu'on jetta là des endroits voiHns.
Les particules métalliques primitives qui confti«
tuent le mercure s'élevant comme en vapeur du
fond des fouilles , pénètrent les pores de la
gangue abandonnée, qui eft naturellement dif-
pofée à les recevoir , & s'arrêtent ainfî à la fu-
perficie , n'ayant plus d'autre matière où elles
puilfent continuer leur circulation. En s'uniiTant
avec la pierre , elles en changent la couleur
fombre, & lui en donnent une rouge plus ou
moins vive , proportionnément aux molécules
mercurielles & fulfureufes qui s'y réuniffent;
de forte que la gangue ftérile fe furcharge de ces
principes , & le cinabre s'y forme. Il réfulte de
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54* D I s c o V R s
ces obfervations , que plus il s'eft écoulé de tenis
depuis que ces déblais ont été abandonnés , plus
la croûte que Ton rencontre tient de mercure.
Les molécules mercurielles font quelquefois fî
abondantes à Tune ou à l'autre partie de la gan-
gue métallique, qu'elles n*ont pu y refter fixes
& s*y incorporer : c*eft pourquoi on les trouve
fous leur propre forme ^ de forte qu'en frappant
cette gangue contre un corps dur , le mercure
en tombe en petits globules , comme de la pigna
d*argent lorfqu elle ed en pâte , & qu'on la
prefTe, fans même y faire autre chofe. Les pierres
€|ui contiennent du mercure fous fa propre forme ,
ont une couleur de plomb brillant , qui tire fur
le rouge , & l'on y apperçoit des filamens fem-
blables aux cryftallifations fines qu'on rencontre
ordinairement dans les mines.
On trouve parmi les déblais qui ont été fournis
à l'aâîon du feu lors des anciennes exploitations ,
plufîeurs pierres qui contiennent du mercure.
Cette circonftance a fût préfumer que la pierre
où il fe trouve eft naturellement la matière ou
le mercure fe fixe, comme on l'a dit à l'é-
gard des mines d'argent. On compare , donc
cette pierre avec l'éponge qui reçoit l'eau dans
fes pores : l'air, dit -on, y dépofant les molé-
cules fulfureufes & celles qui conftituent le
uiercure, ces deux fubftances y contradent cette
Q V I K Z I E M E.* 54)
forte d'union qu'ils ont dans le minéral. Que
cette opinion foit ^ lal, , ou que cela vienne de
ce que la pierre n'avoit pas été totalement
épuifée lorfqu'on en fit le traitement ,' il n'eft
pas moins vrai que pludeurs mineurs ne s'oc-
cupent qu'à recueillir Se à traiter ces déblais ,
Içrfque les fouilles ne répondent pas à leur ef-
poir, & qu'ils tirent du mercure de ces ma-
tières abandonnées.
Si Ton ouvre les folfes profondes des mines
^qui s'étoient bouchées depuis long-tems avec les
déblais, il en fort un air mortel qui tue fur. le
champ ceux qui le refpirent. Cette vapeur préfente
pluHeurs particularités remarquables : on l'appelle
umpe. On ne peut reconnoître dans fa péfanteur &
fon élafti^té, d'où lui vient cette funefte propriété.
£n introdqifant avec art un baromètre dans une
des foffes où il y avoit de cet air , on n*y apper-*
çut aucune variation fenfîble; le metcure refta
où il étoit , auparavant , dans une fôfle qui ne
contenoit pas la même vapeur, & à la même
profondeur. Cette vapeur méphitique agit fi
promptement, qu'en y préfentant trois chan«
délies , qui , jointes enfemble Se allumées , don-
noient une grande lumière , elles s'éteignirent
audi-tôt qu'elles furent approchées de la vapeur >
fans même qu'on apperçut à la mèche qu'elles
euffent été allumées : on n'apperçut pas plus d«
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variation au thermomètre ni aux autres Qualités
de l'air, comme la féchereiTe , Thumidité , &
autres , dont lodorat peut être afTeâé. Malgré
cela, loifque les travailleurs ouvrent par hafard
une ancienne fouille obftruée , ils tombent morts,
Se la plus grande diligence ne peut les fauver. .
Il ne faut même pas faire une grande ouver-
ture pour être expofé à cet accident^ il fuffit de
donner jour à la vapeur avec un coup de pic
ou de pince en travaillant. Les ouvriers ont foin
de ne pas refpirer en frappant ou piquant , lorf-^
qu'ils préfument être près de faire quelque
ouverture. S'ils en ont fait une , ils y introduifent
une lumière avec une perche , aufli ayant qu'ils
peuvent j fi elle ne s'éteint pas , c eft une marque
qu*il n'y a pas de méphitifme : mais s'il y en
a, elle s'éteint, & la vapeur fe répand auiïi-tot
dans tout l'efpace où cela arrive.
Il eft fort difficile de rendre ralfon de cette
qualité de l'air, laquelle ne paroît pas dépendre
de fa pefanteiir ni de fon étafticité ^ mais on fait
que cette vapeur fe reproduit , & a un mouve-
ment par lequel elle pafle d'un lieu à un autre
dans ce même air ; ce qui eft prouvé , en ce
qu'elle fe manifefte inopinément où on ne l'avoit
pas reconnue auparavant. On voit, au moment
où Ion y penfe le moins , que les lumières s'é-
teignent y mais alfez fîngulièrement. La âamme
- < y.
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QUINZIEME. 54{
fe répare d'abord de la mèche avec beaucoup
de vîcefTe , & , après s'être élevée , retombe fur
cette mèche, ce qui arrive pludeurs fois de fuite;
enfin elle en difparoît entièrement. La diftance
à laquelle la flamme s'élève eft d'environ un
huitième de varaj fans lailïer aucune marque de
combuftion à la mèche ^ mais lorfqu'elle s'élève
plus haut, c'efl: une marque qu'il y a beaucoup
de méphitifme dans le local , & elle s'éteint au
fécond ou troisième faut. Dès que la vapeur eft
répandue à ce point, il eft impoflible de refler,
fans rifque , dans cet efpace ; mais fi elle s'y ré-
pand fubitement, on y tombe mort fur le champ.
On apperçoit la propriété que cette vapeur a
de fe mouvoir, en ce que tantôt elle fe tient
dans les cavités où on la découvre, tantôt elle
fe jette dans la galerie par où l'on eft entré, &
s'y répand tous les jours de plus en plus. On
obferve encore que fi l'on tient à la main une
lumière dans un efpace où n'eft pas cette vapeur,
ôc qu'on porte le bras dans l'efpace où elle eft
répandue , la lumière s'éteint autant de fois qu'on
l'y porte , après l'avoir rallumée avec une chan-
delle que l'on tient de l'autre , mais dans un ef-
pace qui n'eft pas méphitifé. '
Ceux qui fe font trouvés , fans y penfer , dans
un efpace où s'étoit répandue cette vapeur à un
degré fupportable , ont éprouvé une formication
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)|4(^ Discours
f onfidérable par tout le corps , fur-tout aux extré*
xnicés, à la face> à la tète^ de la furdité, des
tintemens d*oreilles, une boufiffure aux yeux , qui
fembloient leur fortir des orbites. Or , ce font-U.
les mêmes effets qu'éprouvent les animaux dans
la machine pneumatique.
Comme on a voulu s'affurer (î les effets de
cette vapeur avoient pour caufe une femblable
rarcfaâion de l'air, voici les expériences qut
ont été faites dans deux endroits différens, oh
elle étoit répandue au point d'éteindre les lu^
mières. On mit donc un linge devant la bouche
Se les narines d'un homme qui fe décida à y
defcendre , & il alla y pofer le baromètre en re^
tenanc fon haleine : auflî-tôt il remonta. L'inflru-
ment étoit a quatre varas en avant dans la vapeur.
Cet homme alloit voir fî l'inftrument varioit ; ce
qu'il pouvoit faire à la faveur d'une lumière qui
étoit éloignée latéralement de deux varas de la
vapeur. II obferva que Je mercure reftoit fixe i
17 pouces, une ligne & demie. L'inftrument re-
tiré de-lâ , Ôc placé à l'air au même niveau , fît
voir le mercure fixe à 17 pouces & demi, ce qui
ne diffère que d'une demi-ligns. Or , cette dif*
férence ne peut être affurément la caufe de la
propriété meurtrière de cette vapeur.
On fît la féconde expérience dans un endroic
où la vapeur éteignoit pareillement toute liH
QUINZIEME. '^J^f
tnlère , dans la cavité la plus profonde de la
mine appellée le Trou- noir. ( Hoyo negro ) Le
mercure y refta Hxe à 1 7 pouces , deux lignes un
quart : on y introduifit en même-tems un ther-
momètre, & il ne varia pas du point où il ctoit
fixe au- dehors. On voit donc que la qualité nui-
(îble de cet air ne vient pas d'une grande raré-
faction , ni de moins de pefanteur que celles de
lair atmofphérique de cette hauteur : il n'y avoit
xlans ces lieux-ci qu'une entrée, fans aucune autre
communication.
La manière dont on peut faire ufage pour
difliiper ce gaz , efl: de pratiquer une autre ou-
verture dans l'endroit où il réHde, de manière
que l'air puilTe être mis en mouvement , car on
a lieu de croire que cette propriété nuiHble ne
vient que du trop long repos dans lequel il eft
refté. Il n'eft pas facile de déterminer H ce défaut
de mouvement eft ce qui lai ote fon élafticité
totale ou partielle j mais cela nous apprend au
moins que l'air contraâe dans cet état de repos
abfolu, une qualité nuifîble a la vie^ &: lu promp-
titude avec laquelle on la perd dans cet air en
cft la preuve.
Cette propriété fingulière de l'air n'eft pas in-
connue en plufieurs endroits de l'Europe j on l'a
reconnue dans des puits peu profonds , dans la
Grotte du chien , en Italie. Mais la clôture ab«
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54^ Discours
fol lie des foifes n'eft pas ce qui peut feul donnéf
cccce qualité a l'air, car il eft rare de trouver des
puits où l'air ait cette propriété dangereufe : ce
qu'on peut dire audi à l'égard des mines. Les
endroits où ce phénomène fe fait fur-tout remar-
quer, font ceux d'où l'on tire quelques riches mi-
nerais , ou bien d'où l'on en a tiré. Il eft donc
probable que les molécules des métaux qui y font
contenus , donnent cette funefte qualité à l'air
dans lequel elles s'exhalent. Il ne feroit pas im-
poHible que la matière ignée , ou la matière
cleârique , dont les molécules fe répandent dans
Tair , foient abforbés dans les minerais , & que
la lumière ne puifTe, pour cette raifon, fe main-
tenir dans l'air de ces mines , où elle eft privée
des particules nécefTaires pour l'entretenir 6c l'a-
nimer : pour lors , les effets dont je parle auroient
lieu fans dépendre d'aucun changement, ni dans
la pefanreur , ni dans l'élafticité de l'air.
On n'a pas remarqué que les travailleuçs
fe trouvaifent attaqués du mercure dans cette
mine, comme on le croit communément. Cet
accident étoit plus ordinaire autrefois ^ on l'attri-
buoit à deux caufes : premièrement à la plus
grande richefTe de la mine; fecondement a la
méthode de tirer le minerai de la fouille avec le
pic ; la pouilîère ne pouvoir manquer de s'in-
troduire dans le fang par la refpirationj & rea-
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Q U I N Z I 1 M E. 54^
doti ces gens malades. Ceux que le mercure at-
taque aujourd'hui font en petit nombre , & ce
n'eft qu*aux fourneaux , dans le tems qu'ils les
chargent; car ils y entrent lorfque tout eft extrê-
mement chaud : mais le minerai n'ayant plus
cette richeffe ancienne, il e(l rar^ que les tra-
vailleurs éprou>rent ces accidens.
Quand l'un ou l'autre en eft pris , il a recours
si un remède fort facile a faire, Se il eft bientôt
quitte du tremblement de tous fes membres. Il
pafTe, tout épuifé & extrêmement maigre, dans
Tune ou l'autre des Quebradas d'une tempéra-
cure chaude j là , il s'occupe à cultiver la terre
proportionnément à fes forces; il fue beaucoup,
& par le moyen de cette fueur , il poufle au-
dehors le mercure dont il eft imprégné, 8c fe
rétablit : bientôt il revient aux travaux en pleine
fanté, fans même y être contraint.
On a cru pendant certain tems que les mines
de mercure étoient audi communes au Pérou que
les mines d'argent. 11 parut en conféquence une
Ordonnance , qui défendoit à qui que ce fût d'ou-
vrir aucune fouille dani les endroits où les appa-
rences faifoient préfumer qu'il y avoir du mer-
cure ; le but étoit de maintenir les droits du Roi :
mais au moment où l'on avoir le plus befoin de
ces nouvelles exploitations , par le décroilTemenc
de la mine de Guancavelica, on reconnue l'erreur.
41
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$$e Discours.
ôc le peu d'intelligence avec laquelle on avoit jugé
de ces prétendues mines. Quelques peines que
Ton ait prifes , en cédant à l'impulHon de la cu-
pidité & à lappât de la matière , on a été trompé
par-touc , & enfin convaincu que ce qu'on avoic
pris autrefois pour des mines de mercure, étoic
des mines de fer & d'autres matières analogues ,
dont la couleur étoit rougeâtre : ce qui fut prouvé
par les efTais les plus exadfcs que l'on en fit.
Les mines qu'on vint déclarer avoir été trou-
vées en différentes provinces , celles du royaume
de Chili, n'ont pas plus donné de marques de
la préfence du mercure que les autres.
La providence fe fait fans doute reconnoître
vifiblemenc à cette rareté des mines de mercure.
Cette matière , moins utile (|tie les autres fubf-
tances métalliques par fa fiuidité & fon inftabi-
iité , ne fe trouve qu'en peu d'endroits , en corn-
paraifon des mines d'or & d'argent qui font ré-
parties dans les différentes parties du globe. L'A-
mérique a été la plus favorifée à cet égard ,
tandis qu'au contraire la mine de mercure s'y
réduit a une feule ; elle fîiit la troisième de celles
qu'on connoît fur le Globe j les deux autres font
celle d'Almaden , en Efpagne, & celle de-Triefte
dans le Frioul j s'il s'en trouve d'autres, elles font
prefque inconnues , & de peu de confidération.
Il n'y en a pas dans l'Amérique feptentrionale ,
»^
quinziimC )5r
cù les mines d'argent ne font pas moins riches
que celles du Pérou, comme le prouve la quantité
qu'on en tire tous les ans.
Le mercure s'emploie pareillement pour le
traitement des mines d'or, quand ce métal eft
en Cl petites parties qu'on ne peut l'avoir par la
fonte, ou par le lavage. Depuis quelque tcms on
s*en fert X Portobelo , où l'on a découvert des
mines d'or, dans les montagnes voifmes. Selon
l'opinion de gens intelligens , ces mines promet-
tent de plus grands avantages , à mefure qu'on
en poulie les travaux : mais, comme on n*y em-
ploie pas de mercure, ces mines rendent peu,
au grand détriment de ceux qui en font les
maîtres.
Les mines font pourvues de fel dont elles ont
befoin, ou par celui qu'on tire de la mer, ou
pat celui qu'on tire des mines mêmes de cette
matière, félon qu'elles rendent plus ou moins ,
& félon le giflement des couches. Le fel eft pour
ces ouvrages d'une très-grande épargne dans les
dépenfes; au lieu qu'il coûte beaucoup à celles
qui fe trouvent Fort éloignées. Il y a dans ce pays
un avantage conHdérable à l'égard du fel : c'eft
qu'il ne demande aucun travail ni aucune In-
duftrie; il fe forme de hii-mème, ou la Nature
le fait cryftallifer fpontanément , & l'on n'a d'autre
peine que d'aller le prendre. La mer voiiîne da
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J51 Discours
diftrid du Bourg de Chilca , dc'pe. aant du
Corréa'idorac de Cagnète j baigne , 1 marée mon-
tante, des vallées formées par des éminences peu
élevées , ôc laiiTc dans les fonds plufieurs lagunes
dont l'eau e(l continuellement renouvellée. La
qualité du fol donne lieu à la crydallifation du
fcl qui y eft contenu j il y eil même fi abondant,
qu'une grande partie du pays s'en fournit j mais
perfonne n'a permiilion d'en tirer que les Indiens
de ce Village , & ce font eux qui s'occupent de
le tranfporter où il en faut. On trouve encore
d'autres falines naturelles le long de ces cotes.
La partie haute du Pérou , qui paroît être
comme un dépôt de minéraux formé par la
Providence , a aufli des mines de Tel où l'on
obferve la même difpoHtion , la même ilruâure
que dans les mines des métaux ^ on y a pratiqué
des entrées régulières , & l'on y trouve le fel en
blocs durs. Se continus comme la roche. On le
décache avec des pics , en ma(Ies de certaine grof-
feur , proportionnée à la force des animaux qui
doivent le tranfporter aux villages & aux fon-
deries. La forme extérieure de ce fel en impofe
au premier afpeéb^ car il reifemble à une pierre
de couleur violette fombre, parfemée de rayons
jafpés. On ne le vend pas au poids ni à la me-
fure, mais par maffes : or, ces maifes diffèrent
peu entcelles. On trouve de ces mines de fel
prefque
Mi
e encore
quinzième; 55^
prefque par-couc ces pays : ce qu'il y a de plus
iingulier à remarquer, c'efl: fon excrème dureté ,
fa couleur, & qu'il foie dans ces monts, auHi hauts
que ceux ou gilTent l'argent où le mercure : ce
qui ell fans doute crès-furprenant.
Il ne faut pas omettre ici que les richefTes , ôc
fur-tout l'or dont on tira une Ci grande quantité
de rifle de Saint-Domingue & de Cuba, dans
les tems voiiins de la conquête, ne fe trouvent
plus que très -rarement : on ne voit plus dans
Cuba que des vertiges d'anciennes mines , qu'on
ne connoît aâuellement que de nom.
Il y a près de la Havane , du côté de fiacuranao ,
des monts peu élevés , où l'on rencontre un
endroit qu'on appelle la mine. Il y en a réelle-
ment une , mais elle n'eft pas en valeur , 6c ne
paroît pas l'avoir été depuis long - tems j ce qui
eft commun aux autres. Cependant on fait qu'on
trouve de l'or en pondre -Ôc en paillettes , en la-
vant les fables du petit ruifleau à' tfcambray ^
qui eft à trois lieues de Sainte-Claire j dans flT
Commune de Manicaragua, On en dit autant
de quelques autres ruiffeaux de la Jurifdidfcion
de la Trinité i & de ceux qui font du côté de la
Ville de Holguin, Mais tout ceci n'eft rien en
comparaifon de ce qu'on rapporte dQS richefles
anciennes. Ce qu'on en trouve adluellement à
Saint Domingue n'eft pas plus confidcrable , &
Tome I, Z
jf:
i
f
?54 Discours quinzième.
Ton peut en dire autant de tous les lieux d'où
l'on tira tant d'or, à l'époque de la découverte
de ces vaftes contrées.
Les François préfumant que la Louyfiane avoit
le même fol que celui de la Nouvelle-Efpâgne ,
s'y tranfportèrent pour y former des habitations ,
aux dépens de la vie d'un grand nombre de per-
fonnes qui y périrent dès l'abord : mais l'efpoir
qu'ils avoient d'y trouver des mines d'or ik. d'ai-
gent fut trompé j & , malgré les reines incroyables
qu'ils prirent , ils .ne trouvèrent que quelques
mines de plomb & de cuivre du côté des Ilinois,
I V
i!
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E M B.
les lieux d'où
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: mais l'efpoir
is d'or & d'ai-
les incroyables
que quelques
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i'.
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DISCOURS SEIZIEME.
Des Fojjiles ^ & particulièrement des
Pétrifications,
L
iEs hommes ont toujours regardé comme une
de leurs principales occupations , la connoif-
fance du pafFé , fondée fur les témoignages les
plus fenfibles : plus las objets leur ont paru éloi-
t^nés dans l'antiquité , plus ils ont fait d'efforts
'<. de recherches pour arriver au but. Animes
par ce defir , ils n'ont omis aucuns foins , & leur
confiance a le plus fouvent triomphé à^s obftacles.
De nos jours, ne voyons-nous pas des gens de
différentes nations parcourir \qs deux hémifphères,
pour examiner d'abord les faits confacrés dans
l'hiftoire des tem.s connus, & ne négliger en-
fuite aucune région pour y faire de nouvelles
découvertes , & augmenter la maffe de nos con-
noiffances. On a mis à contribution tous les mo-
numens de tous les genres : roches , cippes , co-
lonnes, ruines , médailles , entrailles de la terre,
débris d'animaux, de végétaux j couches de terre,
Z 1
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ï,l
55<> Discours
leurs efpèces, leur varictc , leurs rapports, leurs
diflcrences dans legiffement, la couleur, le mé-
lange , tout enfin a fetvi à étendre la fphère de
la raifon humaine , & à lui donner au moins
quelques apperçus concernant la ftrudure , l'an-
tiquité ôc les révolutions du Globe.
Peifonne n'ignore que les chbfes font dans une
révolution continuelle , & qu'elles ne montent
au plus haut point que pour en defcendre alter-
nativement avec autant de célérité , & arriver
enHn au terme de leur ruine. Ces révolutions en
prouvent fans doute alfez l'inftabilité. Les em-
pires les plus fameux ont difparu , comme une
fumée qui fe diiîipe dans l'air : il ne refte plus
rien de ces villes immenfcs Se faftueufes de l'an-
tiquité : leurs marbres , leuis bronzes mêmes fe
font anéantis , leurs fondemens femblent n'avoir
été qu'un jeu de l'imagination, une pureillufion.
Les Nations qui les habiroicnt font encore moins
connues actuellement fur la furEice du Globe :
ce Globe ne préfente pas plus de ftabilité dans
fes parties individuelles j tout y travaille, tout y
agit; une matière attaque l'autre, la fibjugue,
fe l'approprie , l'abforbe totalement. Ces monts
énormes , dont la mafle effraie , & qui paroilfent
hors de toute atteintes, n'éprouvent pas moins
le pouvoir des années , des altérations infeniib^es,
ôc quelquefois très-fubites : leurs cimes, ou s*é-
\"i
SEIZIEME. 557
croulent par parties , ou r.'afFaiflent fur leur propre
bafe. Les rivières changenc de cours , ou difpa-
roilfent, deviennenc moins profondes , forteiic de
leur lit , couvrent des plaines , y forment des
lacs. La mer même quitte une contrée pour fe
jettcr dans une autre , où elle engloutit tout ,
abforbe tout. C'efl: ce que prouvent lei plages
abandonnées , le3 golfes , les promontoires ac-
tuellement éloignés de Ka merj les Ifles, dont les
unes difparoiiïent foit en tout, foit en partie, ou
qui paroiiïenten s'élevant fubitement du fein des
ondes j ces côtes immenfes , où les arbres pétri-
fiés, les oflemens innombrables d'hommes &
d'animaux , attellent les anciennes révolutions.
Tel eft donc le cours ordinaiie des chofes , le
pouvoir du tems , & l'effet des vicilîitudes con-
tinuelles de la terre.
Ces révolutions , qui fe préfentèrent par-roiit ,
ont porté l'homme curieux à connoître ce <]iû
s'eft paflc de plus remarquable dans le !iionc\^ ,
afin de s'inftruire exadtement de fon état pri-.
mitif, & de fuivre , s'il éroit poûiblc , depuis
cette époque jufqu'n nos jours , la chaine des
évènemens qui ont laiffé le Globe dans fon état
actuel, après avoir paflfé fuccefîi/ement d'un de-
gré à l'autre. La raifon n'a pas ttc fatisfaice des
détails que l'antiquité nous a tranfmis, foi»- que
Tenfemble en fût trop borné, foit qu'on n' • vit
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358 Discours
pas îifTez de clarté, foit enfin qu'on ait eu lien
de prcfumer que les traditions ;ûent été altérées
par des récits fabuleux , dans lefquels le faits
véritables ont été obfcurcis. D'ailleurs, on veut
être convaincu par des preuves fenfibles, qui dif-
fipent les doutes réfultans de ces anciennes tra-
ditions. On a donc cru devoii s'en tenir aux
traces qu'on appercevoit fur le Globe , & qui
pouvoient devenir une route aflurée pour ne pas
s'égarer au milieu de ces révolutions.
Je ne parlerai qu'en palfant de la générofîté
avec laquelle le Roi de Danemarc a envoyé plu-
fieurs favans de fon royaume en Afie, pour pafTer
enfuite en Afrique, ôc s'iiiftruire dans ces parties
de la terre , des diflrérens points d'antiquité qu'il
leur avoir été prefcrit d'examiner. C^ articles
formoientun volume i/2-4"., même aflezconfidé-
rable. Pour augmenter ces richelTes, ôc lès rendre
plus importantes, on avoir invité les académies
& les fociétés favantes de l'Europe à propofer les
queftions qui leur paroiffoient mériter d'être
éclaircies , pour être remifes a l'examen des
voyageurs. Cette expédition , dont tcus les favans
attendoient la réuflîte, n'a malheureufement pas
été conduite à fon but, par la mort des favans
voyageurs : un feul échappa au danger , à l'in-
tempérie des climats , ôc foutint avec fuccès les
fatigues du voyage. Malgré ce contretems fi
il '
SEIZIEME. 359
fâcheux , on a été fatisfait , à certain point , des
réfultats qu'on a eus , quoiqu'il y ait lieu de croire
qu'on n'ait pas acquis tous les éclaircilîemens
qu'on defiroit.
Plufieurs particuliers ont entrepris d'eux-mêmes
de faire des recherches dans l'antiquité , & les
ont communiquées au Public. L'envie de s'inf-
truire leur a fait braver les peines , les incom-
modités , les dangers des voyages.
Les Indes Efpagnoles n'ont pas été dans le
même cas que les autres parties du Globe , &
cela pour deux raifons : la première , c'eft -que
ce font des contrées connues depuis peu j la
féconde , c'eft qu'on n'en avoir abfolument au-
cune connoiflance avant la découverte du quin-
zième fiècle , & qu'on ne peut citer aucun Au-
teur ancien qui fourniire le moindre éclaircifTe-
mentfur les particularités de ces contrées. Comme
elles font totalement féparées des trois autres
parties du Globe, au moins, félon ce cu'on en
a fu jufqu'ici , elles n'eurent ai.cune part aux
grands évènemens qui fe pafsèrent fur les autres,
depuis le renouvellement total de la terre après
l'époque du déluge, ôc elles reftèrent abfolument
libres pendant une longue fuite de ficelés.
L'époque la plus reculée qu'on connoifle des
évènemens qui s'y font patTés , ne remonte pas
plus haut qu'au premier des treize Incas , à l'égard
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f<5'o Discours
du Pérou , où cette famille régnoit au tems de la
découverte. En donnant donc 30 ans de règne à
chacun de ces Rois , lepoque ne remonteroic pas
à 400 ans, mais à 590. Si l'on déduit cette
fomme de 1525, année de la conquête, on aura
1135 pour l'année de l'Ere chrétienne, à laquelle
jremonteroit la première date des évènemens
connus dans le Pérou, c'eft-à-dire actuellement
à fix fiècles & demi environ.
On voit donc que tout a fubfifté dans ce pays
comme dans un cahos , où l'on ignore abfolu-
nient ce qui s'eft paffé parmi les habitar'?, pen-
dant le long efpace de plus de quatre mille ans,
11 faut encore obferver que ce qu'on dit des
quatre premiers Incas n'eft fondé que fur la tra-
dition des Quipos. On n'a donc que très-peu de
connoilfance fur ces pays, ni aucun indice qui
puilTe en faire appercevoir même confu£ement
les anciennes révolutions,
La réforme totale de l'ancien monde , & fon
renouvellement complet opéré par le déluge
univerfel , fut comme une féconde création : à
peine exifte-t-il une Nation qui n'en ait confervé
certaine idée , quelque confondue qu'y foit la
vérité avec le menfortge. Les peuples les plus
barbares que l'on connoiife , en ont une notion
obfcure. Quant aux Indiens de l'Amérique, plu-
sieurs Auteurs aiTiirent qu'au tems de la conquête ,
11
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SEIZIEME. ^6l
il fe trouvoit encore chez eux quelque tradition
de ce grand événement, quoique très- altérée &
très-obfcure j mais il ne refte plus à préfent chez
eux la moindre idée qui puifle donner lieu de
croire que cette tradition y exiftoit alors. Conquis
ou non conquis , civilifés ou fauvagcs , ils n'en
ont pas la moindre notion; c'eft fans doute l'effet
de rindifîérence avec laquelle ils envifagent le
cours de la vie, comme je le dirai ailleurs. Ainft
ils ne favent ce que c'eft que ce déluge , quels
en ont été les horribles effets ; ils ne font même
pas capables d'y rien comprendre , quand on le
leur expliqueroit. Ceci n'eft pas étonnant dans
des peuples qui n'ont d'autres notions que celles
de la vie purement animale , & le fouvenir feul
des Incas leurs anciens Souverains ; époque la
plus reculée à laquelle remontent les idées qu'ils
peuvent fe former àes anciens tems.
Les Hifloriens & les Antiquaires fe font parti-
culièrement occupés des recherches relatives aux
preuves qu'on pouvoir avoir du déluge, de ma-
nière qu'on ne pût les confondre avec les fignes
des révolutions poftérieures à cet événement. Or,
ces preuves fe font préfentées en fi grand nom-
bre , qu'il n'elt plus po/Tible de les compter. On
a tire des cimes les plus hautes du Globe , &
même de leurs roches les plus dures, des poifTons
matins qui y étoient enclavés & pétrifies dans
f.
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VÏI-tifvJ
5^1 Discours
la maffe du rocher : pluHeurs de ces poifTons
étoient confervés dans un état où l'on remarqiioit
l'épine du dos & la têtej le refte du corps & les
écailles y paroKfoient encore dilliiidtement, même
avec le poli qu'elles ont fur l'animal vivant. On
a de même trouvé dans ces montagnes des co-
quilles pétrifiées de diverfes efpèces , les mêmes
que celles qui croifiTent dans la mer, & diffé-
rentes en tout des coquilles des limaçons de
terre & de moules de rivières. Ces roches ont
aufli préfenté des madrépores , des coraux rouges
& blancs , & toutes les efpèces de plantes cou-
nues comme des produits du fond des mers. Or ,
ces produits difFérens étoient renfermés dans le
cœur de ces pierres : il faut donc c]u'ils y aient été
portés dans des circonftances bien différentes de
l'état aduel du Globe.
Les montagnes de la partie haute du Pérou
furpaflent , comme je l'ai dit dans le fécond
Difcours, toutes les cimes les plus élevées du
Globe. On n'a pas examiné ces premières comme
les autres , c'eft pourquoi l'on doute encore li
l'on y trouveroit les mêmes lignes de la préfence
des mers , vu que ces monts font d'ailleurs peu
fréquentés par des perfonnes inftruites. On re-
connut la partie qui s'étend dans le royaume de
Quito , lorfqu'on mefura les degrés du méridien ,
pour déterminer la figure de la terre. Mav;
SEIZIEME. 36 J
quoique ces montagiu ; aient été parcourues à
cette occafion, l'on n'y découvrit aucun veftige
qui pût faire juger que les eaux s'y étoient por-
tées. Comme l'efpace que l'on traverfa eft de
c)o lieues d'étendue, en commençant un peu au
Nord de l'Equateur , pour fe rendre au Sud de
la ville de Cuenca , on préfuma que la haute
partie qui s'étend dans le Pérou ne préfenteroit
non plus aucun figne de la réfidence des eaux
dans ces contrées. Si cette conjecture fe trouvoit
bien fondée, ce feroit une circonftance particu-
lière à un pays d'autant plus remarquable , que
ces hautes cimes qui fe prolongent depuis l'ifthme
de Panama jufqu'au détroit de Magellan, com-
prennent un efpace de 60 degrés du Nord au
Sud , c'eft-à-dire la fixième partie d'un grand
cercle de la fphère.
On a trouvé des mines , ou autrement des
amas prodigieux de coquilles , dans des monts un
peu hauts des contrées voifine.? de la Conception,
au royaume de Chili ; mais ces monts ont à
peine la feptième partie de l'élévation des hauts
terreins du Pérou. Les coquilles trouvées à cette
hauteur médiocre ne prouveroient fans doute pas
qu'il y en a dans les autres cimes. D'ailleurs,
celles qui fe voyent au Ciiili ne font ni pétrifiées,
ni unies aux roches de manière à ne faire qu'un
corps avec la pierre. Elles font détachées dans les
I
i
H
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I
I
v m
^^4 Discours
couches qu'elles compofent, & qu'enferment de
tous côtés des terres, différentes entr'elles ftlon
la qualité du fol.
Mais CQS doutes ont été entièrement dllTipcs
par les pétrifications de la partie haute , & qu'on
a obfervées dans les monts voifins de Guanc.\-
velica, même dans celui où efl: la mine de mer-
cure. On en voit U en quantité, & de diverfes
efpèces. Ces coquilles prouvent donc qu'il doit
y en avoir dans les autres parties hautes de cos
vaftes contrées.
On voit dans ces montagnes-là des coquilles
entières pétrifiées & enfermées au milieu de la
roche , que les eaux de pluie mettent à découvert.
Ces coquilles font corps avec la pierre : mais ,
malgré cela, on remarque que la partie qui fut
coquille fe diftirigue par la couleur , la ftrudure ,
la quûiité de la matière , de tout autre corps pier-
reux qui l'enferme , & du maflîf qui s'eft fixé
entre les deux écailles. Auffi reconnoît-on chaque
chofe diftinârement, en rompant ces pétrifica-
tions , fans pouvoir même fe tromper , fii fe faire
la moindre illufion. La plupart de ces coquilles
font de l'efpèce df.s hlvalves. Quant à la grandeur,
elles varient : on en trouve qui n'ont pas un pouce
de long, d'autres qui ont depuis un pouce jufqu'à
quatre dans leur plus grande longueur, fur trois
& demi de large j d'autres tiennent un milieu
rment de
lies fclon
t dilîîpés
& qu'on
Giianca-
de nier-
diverfes
[u'il doit
s de cos
coquilles
eu de la
kouvert.
: mais ,
) qui fut
rudure,
rps pier-
eft fixe
chaque
étri fi ca-
fé faire
Dquilles
mdeur,
pouce
jufqua
iir trois
milieu
SEIZIEME. ^6$
encre ces dimcnfions. Les plus petites ont , en
général, une figure convexe, fans aucune diffé-
ren.e entre les deux écailles. Les autres font de
l'elpèce qu'on appelle communément coquille du
pèlerin , ayant une écaille convexe & l'autre
plane : toutes ont des ftries , 6c même droites ,
qui s'eiigrainent les unes dans les autres au bord
des deux écailles.
Ces coquilles nous montrent qu'elle 'nt fouf-
fert du mouvement ou de la violei. agitation
des eaux qui les ont fait heurter les unes contre
les autres j car on en trouve dont les deux écailles
n'étoient plus exadtement articulées , quoiqu'elles
fe trouvent clofes j l'une furpaflTe les bords de
l'autre , les ftries ne fe rapportent pas. On voit
donc par -là que l'attache lendineufe, qui les
joignoit à leur articulation , a éprouvé un relâ-
chement d'où eft venue cette irrégularité ; la
preilîon inégale qu'elles éprouvèrent delà matière
avec laquelle elles s'incorporèrent en durciffant
après la mort de l'animal , obligea une écaille à
glilTer un peu fur le bord de l'autre, autant que
le tendon relâché put le permettre.
Mais les deux écailles fe trouvant complettes,
on peut en conclure que l'animal étoit vivant
lorfque la matière qui les enveloppoit s'eft durcie j
car il eft naturel que la coquille s'ouvre dès que
l'animal eft mort , pviifqu'ii ne pencplus les tenir
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^66 Discours
ferrées l'une contre l'autre. Elles ont donc ctc
enlevées des abymes de la mer, de jettées fur
CCS hautes éminences lorfque l'animal étoit vi-
vant : or , il eft refté tel , tant que la matière de
la roche a fubfiftédans un état de liquidité j mais
aufli-tôt quelle a commencé à fe durcir, l'ani-
mal mourut, parce qu'il fe trouva privé de la
nourriture dont il avoir befoin j d'ailleurs , il ne
put ouvrir fa coquille prelfée de toutes parts : il
s'eft donc pétrifié avec tout ce qui l'environnoit,
fans pouvoir fe dégager.
La matière lapïdifiquc où fe trouvent cqs co-
quilles n'eft pas la même par-tout : on en voit
de couleur noire, d'un grain très -fin, dure &
pefinte à proportion : l'autre eft d'un gris cendré
obfcur j moins dure & moins pefante que la
première. Qn remarque aulîî une pierre blan-
châtre , poreufe j variétés qui réfultent de la na-
ture des roches , ou des montagnes au centre
defquelles elles giffenr. 11 s'en trouve encore dans
des rochers (idurs, qu'ils réfiftentà l'acier : voilà
pourquoi on ne peut les avoir entières. Mais on
voit , en entamant la roche , que la coquille SiC
la pierre n'ont pas formé d'union parfaite j en
effet, après des coup de pics réitérés, la pierre
fe fépare, pai:oîc avec fes ftries dont elle laiife
rempreint« dans Tenveloppe qui l'enfermoit.
Outre.ks efpèces de coquilles dont je viens
donc ctc
nées fur
aoit vi-
atière de
itcj mais
ir, l'ani-
vé de la
rs 5 il ne
parts : il
ronnoic,
t ces co-
I en voie
dure ôc
is cendré
e que la
re blan-
ie la na<
II centre
ore dans
;r : voilà
Mais on
[uille Se
airej en
a pierre
le laiUe
moic.
e viens
SEIZIEME. 5^7
de parler, il s'en trouve encore nombre d'autres :
ce font des univalve^ planes , de la clalfe des
fongusy ou champignons. Les ftries partent d'un
ponu qui n'eft pas précifément au centre du
contour j elles font trois ou quatre courbures op-
pofées les unes aux autres , & qui arrivent ainfi
jufqu'au bord , formant la figure S rcitcrce plu'
Heurs fois.
La grandeur de ce.s coquilles varie : les plus
grandes ont cinq pouces de diamètre dans leur
plus grande dimentîon, & forment une efpèce
d'ovale : l'cpailTeur eft d'une ligne environ. Elles
font , comme les autres , diftinguées de la pierre
où elles giflent , & s'en féparent lorfqu'on la
brife, laiflantles marques de leurs ftries entières,
comme n'ayant jamais fait corps, ni formé une
linion parfaite avec la roche.
Si l'on fait attention à la hauteur extrême à
laquelle ces montagnes s'élèvent au-deflus du ni-
veau de la mer, & au giflement de ces coquilles
qu'on trouve dans les roches dont le centre de
ces monts eft formé , on doit en conclure que
ces mafles n'étoicnt point pierres^ lorfque les
eaux y déposèrent les coquilles, & que la dureté
en eft bien poftérieure \ car la matière a dû être
très-liquide pour pénétrer fans obftacle dans l'in-
térieur des coquilles. Or , la matière qui eft ac-
tuellement la plus dure , la plus pefante & la plus
■ l
t - '
U
I '
56S Discours
compare ayant été fluide, il faut que les parties
qui font moins dures & les plus légères, aient
au (Il été fluides , & que par une conféquence
nécoifaire , tous ces hauts terreins fe foient aufli
trouvés dans le même état.
Mais il fe préfente une diflîculcé aflez Hngu-
lière, fur l'état fluide de la matière de ces mon-
tagnes pendant les premiers tems qui ont fuivi
le déluge. Ces montagnes ont- elles pu prendre
alors cette pofîtioii élevée , au lieu de fe rabaifler
au niveau des autres parties applanies fur lef-
quelles elles dominent ? On peut répondre à cette
objection, en difant que l'intérieur , ou ce qui
forme le noyau de ces monts énormes, n'a pas
éprouvé les grands changemens qui font arrivés
aux parties les plus proches de la fuperficie, aux-
quels elles fervirent de bafe pendant leur fluidité;
qu'enfuite ces n<^yaux ne firent plus qu'une mafle
folide avec les couches fuperpofées ; enfin que
ces parties fluides ne furent pas forcées de s'ap-
planir au niveau des bas pays. On ajouteroit que
ces hautes éminences ne fe font divifées en Que^
bradas d'une vafte pro(pndeur , qu'après avoir été
long-tems des terreins à-peu-près applanis , & avec
certaine uniformité dans laquelle fe font main-
tenus les terreins qui forment aduellement des
cimes , ifolées par ces profondeurs, qu'on doit
regarder comme l'ouvrage du tems ôc des dégra-
dations.
les parties
tes y aient
nféquence
oient audi
(Tez fingu-
ces mon-
I ont fuivi
m prendre
e rabaifler
îs fur hf"
dre à cette
>u ce qui
s, n'a pas
•nt arrivés
ficie, aux-
r fluidité;
une madè
enfin que
de s'ap-
eroit que
en Que'
avoir été
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>nt main-
nent des
u on doit
es dégra-
dations.
\^
s B I Z t E M E-." 1(5"$
dations. C'eft ainfi qu'on peut entrevoir , avec quel-
que probabilité , comment les coquilles marines
fe font enclavées dans les roches , & comment la
matière fluide s'eft foutenue fur les noyaux qui
ont fervi de bafe à ces monts énormes , dont la
chaîne s'étend à plufieurs centaines de lieues dans
la partie élevée de l'Amérique Méridionale.
Il étoit naturel qu'il s'arrêtât beaucoup de co-
quilles dans les couches qui font à la fupecfîcte
de ces montagnes , comme il s'en étoit fixé dans
les couches intérieures : mais celles de la fuper-
ficie étant moins retenues , furent les premières à
revenir à leur centre , c'eft à- dire à la mer : voilà
pourquoi l'on n'en voit prefque pas d'ifolées ou de
répandues çà & là fur la furface de la terre , & fans
cire pétrifiées. Les coquilles pétrifiées qu'on trouve
dans les rivières où elles font entraînées par les
terreins, prouvent que les monter es fouffrent des
diminutions , malgré la dureté «ie leurs mafles.
On trouve ces coquilles ou totalement f parées
de la roche qui les renfermoit , & avec toutes leurs
ftries intaâies ; ou avec un fragment de pierre qui
montre en quelle roche ^lies fe font pétrifiées.
Ces dégradations des montagnes font les effets
des pluies , de l'aftion des rayons folaires , des
gelées, des neiges; effets qui divifent les bancs
de pierre , 8c en détachent ces coquilles plus ou
moins facilement, à proportion, que'Ues y fpi^c
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370 Discours
moins retenues. Elles fuivent les eaux qui les cha<^
rienc jufques dans les rivières, fans lailfer Aucune
trace de leur première rcddence , à moins qu'elles
n'aient été d'abord fixées comme on le voit à la Con-
ception, dans le Chili, où elles giflent fous une
couche épaiife de terre. L'on peut déterminer quelle
en étoit la maffe dans les tems voifins du déluge.
Une autre preuve auffi fenfible de la préfence
des eaux fur ces vaftes éminences , & de la Huidité
de la matière extérieure de la terre , eft ce nombre
confidérable de concrétions de diverfes efpèces de
pierres qu'on trouve dans les ban<?s de ces monta-
gnes. Ces pierres font de petits cailloux' (pierres à
fufii ) ou pierres cornées , unis par l'intermède d'une
matière lapidifique avec laquelle elles forment un
ciment ou madif extraordinairement dur , analo-
gue à la nature de la matière qui a incorporé ces
cailloux. Â mefure que la couche ou croûte exté-
rieure de la montagne fe dégrade, diminue, &
que les bancs confîdérables de pierre fe décou-
vrent, on apperçoit auHî des bancs de cailloux fort
étendus ; car on en voit qui fe prolongent â plus
d'un quart de lieue. Les cailloux renfermés dans
ces maflifs font les uns petits , les autres gros
comme urie noix *, la forme en eft différente : il
y en a de plats , d'ovales & de plus ronds que longs.
La matière qui les unit eft de couleur cendrée,
\in'peu blanche, gréhtie, pefante & très-dure.
Il en cft^e ces cailloux comme des coquilles
\
qui les cha-i
ii(rer aucune
ains qu'elles
oit à la Con-
tnt fous une
niner quelle
s du déluge,
la préfence
ie la Huidité
ce nombre
i efpèces de
ces monta-
x'( pierres à
mède d'une
forment un
ur, analo-
orporé ces
route exté-
minue, &
fe décou-
lilloux fort
;ent à plus
rmés dans
utres gros
Férence : il
que longs.
cendrée,
rès - dure.
coquilles
SEIZIEME. )7X
antérieures au déluge j la concrétion s'en eft for-
mée de même : c'eft- à-dire qu'il falloit que la
matière qui les unit fût fluide, afin de remplir
les interftices des amas qu'ils formoient^ autre-
ment la concrétion n'auroit été parfaite qu'exté-
rieurement , & les cailloux n'auroient été que
rama^Tés les uns près des autrei intérieurement
par la feule prellîon. Ceci eft d'autant plus vrai ,
qu'au lieu de trouver du fable fur le lit de la
mer ou de la vafe , on n'y rencontre que de
femblables cailloux dans une étendue depludeurs
lieues; de forte qu'au lieu du fable qui fe voie
dans les autres parages, il y a feulement ici de
ces fortes de cailloux , fans aucun mélange ni
aucune concrétion de fable. L'énorme agitation
des eaux du déluge , qui ont porté les coquilles fur
ces éminences, y a auiii fans doute amalTé ces
cailloux , mêlant , confondant les chofes les plus
érrangères les unes aux autres; c*eft-à-dire ce qui
étoit particulier ou à la terre ou à la mer. Ce fut
ainfî que ces matières dépofées & fixées enfemble
s'incorporèrent dans une autre matière encore li-
quide. Celles qui fe trouvèrent dans une fubftance
lapidifiante , formèrent ces concrétions , & les
autres reftèrent ifolées. Voilà pourquoi l'on ren-
contre auffi des couches où les cailloux ne font pas
adhérens les uns aux autres, & où ils font reftés
confondus avec différentes efpèces de rerre. Mais
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fi
•*«,:«
V,
X. .
j7i Discours
ceux cîe cette clatfe étant plus expofcs à rouler avec
les eaux , ne reftent plus en place lorfqu'une fois
ils font dégagés de la croûte qui les arrètoit ; car
il faut obferver , à l'égard des concrécions ou pé-
trifications qu'on tire de la terre, qu'elles s'en dé-
tachent en fortant comme les pointes de toutes
les roches , à mefure que la terre en efl: enlevée.
On voit dans ces concrétions , comme dans les
coquilles , deux matières diftindles , incorporées ou
unies l'une avec l'autre. Cette circonftance nous ap-
prend que l'une eft de formation antérieure à celle
de l'autre, & quecellequifit l'union fe trouvoit li-
quide quand elle s'interpo fa dans les interftices de
l'autre : opération qui ne pût être faite que dans la
révolution qui répandit les eaux fur toute lafurface
du Globe , & y produifit le plus grand changement.
Les rochers , oii l'on trouve des coquilles ,
contiennent auflî d'autres fubftances, parmi lef-
quelles il eft facile de reconnoître des bois. Les
fibres ligneufes , les pores qui diftinguent encore
l'écorce dus autres parties du bois, en font la
preuve. Cette circonftance efl: auflî une particula-
rité bien remarquable , en ce qu'on ne voit ni grand
ni petit arbre fur ces éminences, quoiqu'il y en
ait à quelque diftance dans les parties moins froi-
des : tels font les Cq/îs j Epecias ^ Quinuales j .
dont j'ai parlé. Ainfi l'on voit dans la même roche
lés produits de la mer & de la terre antérieure
au déluge. On ne peut cependant pas' en conjec-
<»*tC3
SEIZIEME. 57^
turer que ces hauts pays fuîTent autrefois plus fer-
tiles en grandes produdlions végétales qu'elles ne
le funt adiuellement. Mais un peut nirurer, fans
craindre rcrrc-ur, que fi cela eût lieu f^ins que
Tordre de la Nature fut interverti , il falloit que
le climat fût alors plus doux» plus favorable, que
conféquemment cette partie du monde n'eut pas
la même élévation au-defTus des plaines j car plus
elles font élevées, plus l'air y eft raréhé, plus il
doit y faire froid & s'y trouver de glaces.
L'extrême élévation de ces cimes, comparées
avec le refte du Globe, doit nécelfairement faire
conclure que ce pays , qu'on appelle le Nouveau-
monde , à caufe de fa découverte moderne faite
par les Européens , eft réellement le plus ancien
Monde , puifqu'il a dû fortir le premier des eaux du
déluge. Quand on fuppoferoit même qu'il n'y eût
que peu de tems entre l'apparition de ces hautes
cimes & des pays inférieurs , il feroit toujours
vrai qu'elles ont forti des eaux les premières.
Le hafard nous pré fente cjuelquefois a- 3 objets
qui embarraflent la raifon, fans qu'on puilTe ctre
entièrement fatisfait de l'interprétation qu'on
peut leur donner , de manière à n'avoir plus
aucun doute. Telles font les pyramides qui fe
voyent dans la plaine de Paucara ; d'un côté on
les croiroit l'ouvrage de la Nature , de l'autre on
peut à peine tenir à cette opinion , à caufe fi<is
circonftances qui femblent s'y oppofer.
\
■It
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4
'>»,
374 Discours
La peuplade de Paucara cH une de celles de la
paroiife d'Acobamba, dans la province d'Anga-
racz , qui reffortii; à Guancavelica. Le climat eO:
un des plus froids de ces contrées j car il n'y vient
aucun grain. Les grandes chaînes de montagnes
s'y divifent, & lailfent entr'elles un efpace alfez
étendu pour former une plaine, où l'on voit des
terrcins inclinés en forme de baffes collines. C'efl;
dans cette plaine qu'on rencontre des pierres
cparfcs de ditfcrens côtés , en forme de pyramides
rondes, taillées en perfection, & toutes d'une
pièce. La hauteur varie : il y en a de dix varas ,
de huit, & de moins hautes j la fupcrhcie en cft
bien égale, polie-, elles fe terminent en pointe :
un très- petit nombre fe trouve tronqué à la bafej
ce qui , fans doute, eft dû à l'aâion du tems. On
ne peut guères en alligner le nombre y elles font
reparties fur la pente de ces collines, fans qu'on
apperçolve aucure autre pierre dans leur voifi-
nage. l a couleur en eft blanchâtre j mais on n'y
voit ni éclat ni fente : quelques perfonnes ont
penfé que c'étcit un ouvrage des Indiens , ne pou-
vant pas fe perfuader que ce fut celui de la Na-
ture , tant cela leur parut fingulier. Il eft réelle-
ment bien difficile de concevoir quelcbjet la Na-
ture s'eft propofée d'imiter , pour avoir laiffé dans
l'cTpace de cette plaine des ouvrages (î admirables,
& dont la forme eft fi parfaire, & que d'ailleurs
elle ait eu delTein d'y dépofer les modèles que
les de la
d'Anga-
limat eft
l'y vient
3ncagnes
ice aifez
voie des
es. C'eft
pierres
ramides
îs d'une
c varas,
ie en cfl:
pointe :
la bafe ^
^ms. On
les font
is qu'on
r voifi-
on n'y
nés ont
ne pou-
la Na^
; réelle-
la Na-
fé dans
râbles ,
ailleurs
es que
SEIZIEME. 37 J
l'art auroit à imiter un jour dans les pyramides
que les Egyptiens ont élevées pour s'immorcahfer.
D'un autre côté, le grand nombre de ces
pyramides fait croire que c'eft l'ouvrage de la
Nature : comme elles font toutes d'une feule
pièce ôc d'une pierre très-dure, on en peut pren-
dre occafion de réfléchir fur celles que les Egyp-
tiens ont élevées , & dont l'idée pourroit avoir
été héréditaire parmi les premières familles qui
ont vécu peu après le déluge. Si au contraire on
les croit faites de main d'hommes , on eft obligé
<le convenir que les Auteurs en avoient eu l'idée
de la même fource que les Egyptiens. Dans ce
cas-ci, on voit fe déchirer une partie du voile
qui nous dérobe l'origine de la population de
l'Amérique , & la manière dont cela s'eft fait.
Or, que n'a-t-on pas avancé fur cet objet, fans
parvenir à rien dire qui fatisfaife ?
On voit dans le royaume de Quito les Guacas
qui fervoient de tombeaux aux Indiens. Quoique
CQS monumens n'aient pas exaâement la forme
pyramidale , elles en ont une audi analogue que
le permet la terre qui en fait la matière, & la
pente dont elles étoient fufceptibles pour fe fou-
tenir. On n'obferve pas cette efpèce de monu-
ment du côté de Guancavelica , ni dans les pays
qui s'étendent au-delà : chaque pays à fes ufages,
quoiqu'on remarque en général que les habitans
ayent eu l'intention de perpétuer leur mémoire.
I'
57^ Discours sp. izieme."
Mais il s'elt confcrvc une tradicioii qui nous
apprend que la plaine de Paucara ctuit l'endroit
ou l'on inhumoit les Caracas ou Caciques , les
plus diftingucs des pays voifins; ainfi l'on n'au-
roit plus lieu d'être fiirpris qu'ils aient fait élever
les pyramides qu'on voit là & dans le royaume
de Quito. Les guacas ctoient des ouvrages aulli
confidérables , vu la quantité de terre qu'on y
employoit \ ce qui Formoit une efpèce de tertre
en pain de fucre , & alfez élevé. Ces guacas
étoient auflil d'un ufagc commun dans les autres
provinces du Pérou , comme on le voit dans la
partie baflTe où ces monumcns font fort fréquens,
& où cette dénomination eftgcnéralemeiu connue.
Les pierres énormes de la forterelFe de Cuzco
ont donné lieu de douter qu'on ait jamais pu les
élever à la portion où elles fe trouvent. On a
préfumé que les Indiens pou voient avoir connu
l'art de les fondre, comme on fuppofe que les
anciens l'ont eu. Si on le leur accorde , on peut
au(îl-tôt rendre raifon de la manière dont les
pyramides ont été faites : il n'efl- pas polîîble de
l'expliquer autrement. En accordant cet art aux
Indiens de l'Amérique, on pourra diieauflî qu'ils
l'ont eue de la uiême fource que les Egyptiens j
car c'eft le même ouvrage : d'ailleurs les mêmes
difficultés fe préfentent de part & d'autre.
Fin du premier Volume»
m* tm
\
TABLE
Des Chapitres contenus dans ce premier
yolume.
{Nota.) Voyc^ dans \c fécond Volume ^ des Obferv crions
& Additions importantes fur chacun des Difcours fuivans ;
la Table du fécond Volume indique ces Obfervations ôc
Additions , qui font fupplcment.
Discours Premier.
XJ tls différentes pofitions des ter rein s fur la
furface du Globe ; effets qui en réfulter.t dans
les températures j & les produits j Pnge i
Disc. II. De la pofition des terreins de CAmé^
tique j & de la variété étonnante qu'on y ob"
ferve , 1 6
Disc. III. Des températures & des climats des
divers terreins de cette partie du monde j 51
Disc. IV. Suite des obfervations fur les rapports
& les dijfférences de la température dans les
divers climats , 74
Disc. V. Des différents températures de la partie
haute de l'Amérique ; eff^ets qu elles produifcnt ;
caufes de ce qu'on ob ferve de contraire à l'ordre
général des autres parties , ico
Tome /. B b
Y
'm
l«
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I
■1-
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M
•}
ij TABLE DES CHAPITRES.
Disc. VI. Des productions végétales des d'iffé-
rens ter reins , 115
Disc. VIL Des animaux 3 & de leurs particula-
rités j ' M 5
Disc. VIIL Des particularités relatives aux vo-
latils ^ 187
Disc. IX. Des Poijfons les plus remarquables de
l'Amérique ^ loi
Disc. X. Des Lacs ^ des Rivières ^ & Notice
fur ce quil y a de particulier ^ 218
Disc. XL Des Maladies particulières aux cl^
mats , & comparai/on de ces Maladies j 240
Disc. XIL Des Minéraux , fur-tout de l* argent
& de la manière de le tirer ^ i6^
Disc. XIII. Continuation des détails relatifs aux
métaux j & des caijfes où l'on diftribue le Mer"
cure j 28^
Disc. XIV. De Vétat actuel des Mines y & du
traitement par le feu ou par le Mercure , 307
Disc. XV. Des matières néceffaires pour traiter
la Mine d'argent : /avoir , du Mercure & du
Sel ; & des Mines de ces deux matières , 3 3 (>
Disc. XVI. Des fojfîles j & particulièrement
des pétrifications, 355
Ë R R A T A.
Çag. % t lign. dernièie » ce font , lifct ce dont^
les dijfe''
lanicu/a-
y aux vc-
187
juables de
loi
& Notice
218
i^5 j 240
de l'argent
i6()
elatifs aux
me le Mer-
lU
& du
307
our traiter
xure & du
ères ,35^
ulièrement
355
es ,
ure ,
e dont*
îlJ
r
TABLE
Des principales matitres contenues dans ce
premier Volume,
A
BriLLEa : leur multiplication dans Cuba, P. i8<
Âfccllon tic poitrine , particiiliàc aux cnfans des Blancs ,
pendant les premiers mois , z; j
Air : Ci dcnfîté modère l'effet des rayons folairoî , j
I» ' fcs qualités particulières , félon les conrjx'cr , ^^-6^
■■ « effet de fa fubtilité & des gelées au Pérou fur tous
les corps, 1 1 1--1 1 Ç
A/oi d'or & d'arjçcnt ; comment on le fixe aux caiffes
les, • . 314
Alpac y 154-1^8
Amérique Méridionale : fon étendue , pofition de fes ter-
reins , différences de fes produits, 19-2.J
■I Méridionale : fa partie haute habitée j grada-
tions de fes terrcins , ^ij-ij
■■ Méridionale : comment fes parties haute & baffe
fe différencient des autres parties du globe ,
— — Méridionale ; élévation de fa partie haute ,
. divifion de fes terrcins en deux parties ,
Anchois ,
Andes ,
Angarae:^ : ( Province de ) état de fes Mines ,
I I fingularitc de cette Province ,
Animaux du Pérbu , & leurs particularités ,
Apolaehes ,
Apoplexie rare au ^érou ,
17
37
44
47
}08
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47
161
1
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iV TABLE
Argent : cft comme le patrimoine du Nouvcau-MonJe ;
l'o
■ lieux particuliers ou giflent fes Mines, %-j$
•—- . droit qu'il doit au Trcfor Royal , 195
■ ccat aducl des Mines du Pérou , 198
» tire par le moyen du feu , devient une perte pour
les caiflcs refpcftivcs , }c;
■ procédés des anciens Indiens pour en extraire le
Minerai, }io
■ fes Mines aé^uellcmenc aufll abondantes qu'à la
fin du fiècle précédent , 311
». aux dépens de qui il fe tire des Mines , 315
j4Jihme fréquent dans la partie haute du Pérou , z^6
Aviador , 315
Bagrc : PoiiTon , 10 j
Baleine commune dans la mer du Sud & entre les Tropi>
ques , 101
Barbudos : Poiflbns , 116
m m. fa grofleur , 103
■ ■■ fa tcte couverte de coquillages j comment elle
prend fa pâture ; fes ennemis j fon combat j fes jeux j
fon haleine fétide - fes produits, zoi^ioS
Barbe Efpagnole : 148
Bête rouge : 173
BécaJ/tne : oiCeAn , 197
Boba : gros ferpent, 171
Bœuf fauvage , 1 67
Bois pétrifié , & autres concrétions dans les roches du Pé-
rou , 371
Borgne: Pont-Chartrain , Maurepas , lacs, zio
Caijfes Royales : lieux réfcrvés pour les fontes j ce iment
on y procède, 324
Californie , 44-45
V
«MfclLU
u-Mon<le ,
lt>
19J
perte pour
JCJ
extraite le
}io
es qu'à la
312.
Z4tf
109
: les Tropi-
xot
Xl6
liment elle
fes jeux j
148
I7Î
197
171
167
lesdu Pé-
37^
ce imcnt
5^4
44-45
D E S M A T I E R E S. v
Commaron , x\6
Carangas : Sa caifTe ; argent qu*on y a fondu , j 10
Cjftro-yerreyna : (Province de) décadence de fes Mi-
nes, 307
Caxamalca : Chacapoïas j leurs caifTes j état des Mines
de leurs diflrids , 310
Caxon de Minerai : difproportions de ce qu'il rend au-
jourd'hui , 317
Caylloma : fes Minerais 3 311
Cayna , ou fourneau des anciens Indiens » 311
Cafcabeles : cfpècc de Serpent , 1 7 1
Cardinaux : Oifeaux , 188-18^
Chagre : Rivière j changemens arrivés fur fes bords, 19^
CAa/ifwr ; fa première caiife , ^4
Chapllancas : ruiffeau ; fingularitc de fon cours j comment
il fe l'eft formé , 30
Chiche : poiffon „ 211
Chita : poiffon , 208
Chiens , non fujcts à l'a rage dans toute l'Amérique j ma-
ladie qui les attaque ^ 2^4
Ckucuito : état des fes Mines , 309
Cire : ( arbre de ) 1 47
Ciboro , ou Bœuf fauvagc , I67
Ciguatera : maladie communiquée par les Poiflbns ; effets
de cette maladie , 112 & fuiv'
Ciguatos : Voyez Ciguattia,
Cobo : ou don gratuit , 32)
Coquillages : leur état dans les terreins Méridionaux , 30^3
Conaïca : ( diftrift de ) 29
Condor y ou Contar y i^-j
Corales : efpèce de Couleuvre, 171
Cordillieres : leur afped j leur température j leurs pro-
ëudions , 1 8
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leurs pro'iongenicns ,
Ê
^9
Royuli des Andes : fcs reptiles venimeux ,
10»
195
189 & fuiv»
Corbina. : Pollfon ,
Corofunta : Monticule ,
Courlis : Oifcaux ,
Cotorras & Cotorr'itas : Oifcaux ,
Couleurs des habitans des différentes parties du Globe : la
caufc de ces vaiiétés inconnue , 1 1
Criards : Oifeaux , 19$
Crachemcns de fung , fréquens dans les hauts pays froids ,
Cuba : ( ïfle ) Fièvre-tierce qu'y caufent les pluies , z$t
Cuba : cccanos dangereux dans cette lilc,. ^6o
Cucaruchas ^ ij6
Cucnca , fa caifTc , 3 1 0
Curaçao : Iflc i fa pofition , 41
Cu:i[CO i pierres énormes de fa fortcreflc , jytf
Crapaud : nombreux à la Louifîanne \ leur gro/Teur extrc-
niej bruit <]u'ils font , 175
Crocodiles : ou Caiman , . , 180
Dannemarck : Savans que le Roi de Danneraarck envoyé
en Afie & en Afrique , j 5 8-
Déblais avaritageux des anciennes Mines : l'argent s'y
cft-il formé de nouveau ? z&4 ^ fuiv»
Droits Royaux perçus fur les Mines du Potofi , depuis
tan 15455 diminution de ces droits , j 17-5 il
Déluge : tradition de ce grand événement confervée eii
Amérique, . "360
■i I preuve qu'en prcfentent les différentes parties du
globe , & particulièrement le Pérou & les autres parties
de l'Amérique Méridionale , 561 £^ fuiv.
Eaux de la mer ,- leurs profondeurs différentes félon les
tcrreias « 49'
I**"^ .— Ii»r,,»«
D E 5 M A T I E R E S, vfj
— des hauts pays : kgcrcs , pures ,. fraîches j différen-
tes circulations des eaux,. 115-114.
•"^ pétrifiantes y iij-117
— vitrioliqueSy 11 j
-— converties en pierres , iz6. Reflexions fur ce phé-
nomène
11 S
■ de pluie couverte de pellicules fulphureufes ,
de Guancavelica , comparées avec celles de Mîjjtjftpi ,
Lacs Borgne , Pont-Chartrain , Maurcpas , 237
■ I preuve de leur préfcncc fur toute la furfacc de
l'Amérique. Voyc^ Coquilles , Montagnes , 370
Ecureuil de la Louifianne , 168
Epidémies de 1759 , en Amérique: liés ravages j fymp-
tômes de la maladie , 147-251
Eue : Lac , • ii^
Evêques : Oifeaux , 1 8 &
Faveurs y ou Capatas 3 l'i-d
Faucon : OiCziM y 196
Fièvres-tierces dans les pays chauds des hajfes contrées du
Pérou , 151
jF/jozâ« ; Oifeau , 19^
Floride: pofition de fes terreins, 41
Fojftles & pétrifications , 355^
Fromager: Arbre, 149
Fruits : comment ils mûrilTent dans la partie haute du Pé-
rou > lia
Gallareta : OïCtZM y iji
Gacetta : Oifeau , ipi
Gar7[as : Oifeau , »^j
Ginfeng : 14 y
Globe : fes révolutions continucltes , ^$6
■ ■ terreftre : fes parties fe rapprochent par des avanta-
ges réciproques, 4
Bb 4
:}
^ a^^
viij TABLE
Guanacos. Voyez Alpaque,
Guacamayos : Oifcaux , i$%
Guancavelica : fa podtion , 34
Il I comment on y exploite le Mercure ; riche/Te
de cette Mine , 3 37-341
Guayaquil : portion de fes terrcins , 3 8
' Guacas y ou Tombeaux, 37 tf
Grande : Rivière , 4^"47
Havanne : (la) fes tcrreins fouvent couverts en partie par
les eaux , 41
<fy-7i.
3"
ZI9
»5T
(la) Or que l'on en tire,
degré de fa chaleur ,
Huantajnya : richcffe excefllve de fes Mines ,
Huron : Lac ,
Jcho , Ichu , ou Pajon j
Ir.ficies : ne vivent point dans la partie haure du Pérou ,
171
Incas : époque la plus reculée de leurs Règnes, 330
Lides EfpagnoUs : connues depuis peu , 35^
Inde Occidentale : fin<»ulaiités de fes contrées , 6
Indigo , I jo
Irfeâes venimeux ; ne fe voient point dans la partie balTc
de l'Air.érique , ou Vallées , 169
Iquique : Port ^ 313
Lahancos : Oifcaux , 1 9 1
Lacs & Rivières y au Sud & à rOucft du Canada, ii8
■ leurs formations , leurs différentes efpèces , iio-zii
I des climats très - froids , ne renferment pas d' ani-
maux, Z13
Llama : i j 8
Langouftins : ±l6 & fuiv^
JLj;:/;: ; d'Amérique , 1$^
Lépn : fes progus dangereux 5 fes caufcs , i6i &fuiv.
r
1^«
34
richelTc
ÎÎ7-J4I
38
4<;-47
partie par
4i
6^-72.
3"
a Pérou ,
171
350
359
6
150
rtie balTc
169
313
Z18
.10-111
is d'ani-
158
& fuh^
D E S M A T I E R E S. ix
Ligne : Habitans très-blancs , fous la ligne , 14
Lima : fa podtion , 64
Louifianne : fa températures variété qu'y caufentics vents,
74-8tf
■ fa température en Eté , 108
•— — ^— • fes produélions végétales , 1^6
■ abonde en Oifeaux , comeftibles , 191
I fcs fièvres dangcreufcs en Eté, 25*
■ ■ ■ Maladies vermineufcs de cette contrée , 254
I tétanos dangereux dans cette contrée , x6o
•— — — faulTcs cfpéranccs qu'on eut d'y trouver des
Mines d'or Se d'argent , 3 54
Maladie , de l'Amérique Méridionale , 141 & fuiv,
■ ■ de poitrine , Inconnue parmi les Indiens j i6t
—Il II de J'ept jours , particulière aux enfans , 255
I vénériennes , fréquentes dans la partie baffe du
Pérou, 147
I ordinaires de la partie haute du Pérou ; celle
des Québradas , i^j & fuiv.
Mancen Hier , 114
Mandragore , 144
Maragnon : Rivière , 46
Mercure: Voyez Baromètre , 34-35
«— — devient la mefurc de l'argent ou du gain de
l'exploitation d'une'Mine , x88
■ diflribué à différentes Caiffcs ou Bureaux ; con-
ditions auxquelles on le diftribue , 191-194
-■ fon prix aux différentes Cai(fes , ' ijj
I droit qu'il doit au Trc for-Royal , 19 j
■■ fa quantité relative , félon la richeffc du Mi-
nerai d'argent qu'il faut traiter , ^97
— rapport de fa confommation & de fa perte au
produit des Mines d'argent, 3«x
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1; i
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I,
-.-TteEl^Os..
%
t TABLE
Mireure : fc convertit-il en argent dans le ti a; cernent dcj
Mines î Sa perte ou fa confommnation , :< 30 d" fuiv,
' Il nccefiairc pour traiter les Minc^ d'argent, j}^
^itêmcnt de fa mine , jj/
I comment il fe rcgcncrc dur.s la gangue, 341-
J4J
■■ ■ ■ Tes Mines font-elles communes au Pérou î 545)-
■, fes Mines connues, jjo
Mméruux : fur-tout l'argent , & la manière de le tirer des
Mines,
Minerais j moins riches qu'autrefois ,
^imaux cjui le portent à la fonderie ,
f"^
169
190
175-184.
188
191
Mines : leqr appas trompeur ,
caufe de leur décadence ,
' contrée où elles font plus fréquentes ,
profondes : comment elles décèlent leurs qualités,
325
iaçonvéniens qui en interrompent les progrès ,
517
I ■ I ■ comment éviter les pertes dans leurs traitcmcns,
531-335
■ tt argent : comment on en aÏÏure l'intérieur j tra-
vaux néceffaires Sa continuels dans ces Mines, 19a &
fuiv.
m I ([argent : matière néccffaire pour les traiter, 33^
■ ■ d'argent : contrées où elles gilfent , 3 cy
■ et argent : leur traitement par le feu & par le Mer-
cure , 307
Mineurs: qui font- ils, & quel eft leur falaire? 318
■. leurs défauts d'expérience dans le traitement
des Mines , 3 3 3^ yît'V.
Mijpjftpi ; terseins bas à fon embouchure ^ pente de
^- 7"
^.. -.♦ ......v.-^ —
NI
desmatiek.es, ' *)
Tes eaux , 4)
Mijftjfipi : fcs bords couverts de forêts^ 14*
III peu poitronncux , 115
■ falubritc de fcs eaux j Hmon qu'elles dépofent,
1}!
III II tranquillité de Ton cours ; rehaufTe Ton lit par
le limon qu'il dépofc i fcs crues; fcs digues , ij4-zj^
Mitas : ou corvées faites aux Mines par les Indiens , 315
Montagnes du Pérou : leur état fluide anciennement ,
} 67 & fuh,
Mophete , ou air mortel des fouilles dans la mine de Mer-
cure ; phénomènes fingulierfi dp cette vapeur, 343-349
Mofquites , & leurs efpèces, 174
Mules : leurs maladies; commerce de ces animaux, 1^5-
- ■ -' x6S
Nature : variété admirable de fes ouvrages , l
m. ne s'aflujcttii pas à notre entendement, 4
■ I caufes qui dérangent fon ordre générât , z )
Nouveau-Monde , préfente comme deux Mondes , l'un
dans l'autre , 7
Nouvelle -Or/éans , ^ zjS&fuh.
Oifeau moqueur , ott Sinfonte , 187
Or y 8c argent deviennent la balance des néceflltés de la
vie, xtfj)-X7i
Or: grande quantité qu'on en tira de S.-Domingue 9c de
Cuba ,
3Si
Orenoc , c ■' •■•'
'. r 4^
Orîiota : ( Voyez ) Mandragore , .
144
Ontario : Lac , , - •• ., . . u
%t9
Omro { fes Minerais ,
3"
Ours y
168
Outarde : Oifeau ,
194
Oye fauvage >
194-
{
l
r
i.
S9 TABLE
Panama : ( iHlmie de ) cccuduc de fcs tcrrcins, 4y
Pape : Oifcau , 1 8 S
Pafio : {jL Caini' j eut de fcs Mines , 309
PatiUos : Oifcaux , 191
PatofreaUs : Oifcaux , 19 1
Para/yjîe : rare dans la partie hante du Pérou , ^6o
Pêcht , à la Noiivcllc-Orlcâiis ^ 139
Ptréix : OxÇcixxx , 194
Perionas : OiCcaax » 19%
Pérou : fcs plats pays les moins connus , 4<f
■ température différente dans fcs hautes & baffes
contrées, 91-99
-— fa partie Occidentale n'a pas de groffcs Rivières ,
il*
■ ■ effet du climat de fes hauts pays fur le corps hu-
main , 24)
■■ I époque la plus reculée qu'on en connoiifo, ^55
■ vafle dépôt des métaux précieux 3 minéraux qu'on
en tire, Z74
Pejàsduros ; 315
Petite vérole j fes ravages au Pérou , ^55-^59
Phénomènes extraordinaires , incxplic abics ,, 1 j
Phihî^e , fréquente dans la partie baffe du Pérou & à la
Lonifianne , 159
PUaréfie , daits la partie haute du Pérou > fon remède ,
l6l
Pîckes ; Oifeaux , i ^9
Piura; fa Cailfe , M©
P ignés d* argent , non quintées , contrebande, jzj
-I ' aux dépens de qui elles fe tsanfportent aux CaifTcs
Royales , j 1 5
Poijfons , les plus remarquables de l'Amérique Méridio-
•nale, zoi & fuiv^
V
D E s M A T I E R E s. xu]
Portobelo 'y fa fituation ; fcs eaux, 130-1)1
Pûio/i : forme de ce mont j fcs fouilles , 289
— ^- pauvrctc de fcs Minerais ; richclTc ancicunc de ce
Mont, iH']if
Poule d'Inde \ i p^
Prégnaditlas : PoilTons , aoj
Pyramides de la plaine de Paucaras j leur origine vient-
elle d'Egypte? 373-37*
ProduSlions du Globe , leurs caufes premières inconnues ;
recherches qu'elles exigent , • 8 6» 9
Quéèradas : ce que c'eft , al
■ comment elles fe font formrs, 3^-3i
■ formées par des ruifTeaux , an
Rayons folâtres ■ exception cjue le climat de l'Amérique
produit dans leurs effets , ix
Refcat adores y 3^J
Refcatar : ce que c'cfl: , 3 zé
Reptiles venimeux : lieux où ils fc trouvent dans PAmérh-
que Méridionale , i6$-i-jt
Rigolle (la) Voyez lac Borgne , 137
Sauterelles : fur les hauts pays du Pérou , i8}-i8y
Sel : requis pour traiter les Mines d'argent ; lieux d'où
on le tire , 3516' fuiv,
Sierra : ce que c'cfl: au Pérou, i>
Soleil de Pana : fes effets , 107
Suffocation , caufée par l'air trop raréfié fur les hautes cî-
mesduPérou, ii8-iit
Sources chaudes du Pérou » ng
■ peu fréquentes dans les terreins chauds & bas ;
150
Spatule: Oifeau , ' loi
Sucre : fa récolte & fcs qualités au Pérou, i;o
Supérieur : I.HC y . , ' ai^
ki
i
i I
I
I
h
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■>'
tif TABLE
Sarapicos : OiCcAUX , t^f
S.-Juan de Lucanas : (fut de fcs Mines « 308
Sens : unique moyen de bien juger des chofes , 1
Tabac : fa qualité au Pérou , i^%
Tableau du déficit dans les Droits Royaux , J04
Températures : îeurs effets relatifs fur le corps de l'hom-
me en différentes contrées , ^
m^mmmm^ & climats dcs différentes parties du Globe ,
— ■— — ■ des terreins de l'Amérique Méridionale , vers
la mer du Sud , 87-pI
■ de la partie haute de l'Amérique Méridio-
nale i fes effets fur les végétaux, 100-105
Terre : but de la nature dans les variétés de fa furface ,
17
■ I "ferme : ( Royaume de ) 4^
Terreins de l'Amérique ; variété dans leurs pofuions ,
16
m ■ I planes : leur caufe incertaine , 40
■ ■ ■■ élevés : prcfquc toujours éloignés de la Mer ,
.'j. : " . 4%
Tétanos , ou Spafme : mortel dans la partie baffe du
Pérou, 1J9
Texos , non quintes , contrebande , 315
Tkermomhre : Voyez Difcours, $%
Tortue , 4146' fuiv,
Trugillo ; fa Caiffe ; Mines auxquelles elle fournit le
Mercure > état de ces Mines , 310
Tucuman : fauffes efpérances qu'y ont donné quelques
Mines « 312
Volatils : leurs efpèces; leurs variétés dans l'Amérique
Méridionale , J 87 6* fuiv.
Vallée : ce que c'çft au Pérou ^ »!
1;
*M
\'
^9S
t X
5 de l'hom-
S
dit Globe,
nalc , vers
87-5)1
Mcridio-
lOO-IOJ
1 Airface ,
4;
pofitions ,
!<;
40
la Mer,
41
bafTe du
3*5
. & /uiv,
)urnic le
310
quelques
mcriquc
& fuiv.
DES MATIERES, xf
Végétaux des Jjffcrcntcs contrées de rAmiiriquc Méri«iio-
iialc , »ij-i4f
yents : leur influence fur les degrés de chaleur, 71
— </« 5tt^.' kiu ffet dans Ji partie baile du Téiou,
Verd-lulfant ^ ou Lucuyos , ly^n
Vignas : Bourgade , ly
Vigogne, i^^
Viicas-Guaman : ( Province de ) état de fcs Mines ,
301
yifcachas , 1 64
Voltigeur, ou Ecureuil » i^f
Vomijfement caufé par l'air fur les hautes cîmcs du P2-
rou, IÏ6-11»
Zaramagullon : amphibie , uo
Zy/îe Torride : Tes liabitans , x
Fin de la Table du premier Volume,
• .-..y,.. .-