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Full text of "Mémoires philosophiques, historiques, physiques [microforme] : concernant la découverte de l'Amérique, ses anciens habitans, leurs moeurs, leurs usages, leur connexion avec les nouveaux habitans, leur religion ancienne & moderne, les produits des trois règnes de la nature, & en particulier les mines, leur exploitation, leur immense produit ignoré jusqu'ici"

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Photographie 

Sdenœs 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N. Y.  US80 

(716)  872-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHIVI/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadien  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


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et  de  haut  en  bas.  en  prenant  la  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


1  2  3 


32X 


1 

2 

3 

4 

5 

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MEMOIRES 

PHILOSOPHIQUES. 

HISTORIQUES,  PHYSIQUES', 

Concernant  la  découverte  de  rAmérique,  fes 
anciens  Habicans^  leurs  mœurs,  leurs  ufages, 
leur  connexion  avec  les  nouveaux  Habicans  » 
leur  religion  ancienne  &  moderne ,  les  produits 
ÀQS  trois  règnes  de  la  Nature,  &  en  particulier* 
les  mines ,  leur  exploitation ,  leur  immenfe 
produit  'gnoré  jufqu'ici  ^ 


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Par   Don    ULLOA, 


►  V 


Lieutenant-  Général  des  Armées  navales  de  VEf- 
pagne^  Commandant  au  Pérou  ^  de  l'Académie 
Royale  de  Madrid  _,  de  Stockolm ,  de  Berlin  ^ 
de  la  Société  Royale  de  Londres  y  &c»  _,  ,  ^^ 

Avec  des  Obrervations  &  Additions  fur  toutes  les  matièr^   ^ 
dont  il  eft  parlé  dans  l'Ouvrage. 

Traduit    ?AR   M,    *** 

TOME      PREMIER. 
I.  i 


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A     P  A   R  1  Sy 

Chez  Buisson,  Libraire ,  Hôtel  de  Mergrigny»  ^ 
rue  des  Poitevins,  N'.  rj. 


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787. 


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PRÉFACE. 


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Ous  devons  quelques  lignes  d*Aver- 
tifïcment  au  Lecteur  fur  la  traduction  de 
cet  Ouvrage ,  &C  les  notes  qui  l'accompa- 
gnent. Nous  n'ignorions  pas,  avant  de  le 
traduire, qu'il  en  exi{loitdeuxTradu£tions 
Françoifes  manufcrites,  plus  ou  moins 
complettes  ;  mais  nous  favions  aufll  que 
les  difficultés  de  rcntrcprife  avoient  arrêté 
ces  Interprêtes  en  nombre  de  détails.  De 
l'aveu  même  des  Efpagnols,  le  texte  de 

D.  Ulloft  cft  CtCr^T    rliflRrilf»  à    rulvrf?  ,  OU, 

pour  mieux  dire,  il  fe  laiflè  plus  fouvent 
deviner  qu'il  ne  s'explique ,  parce  qu'il 
fuppofe  par- tout  des  Lecteurs  déjà  inf- 
truits.  Malgré  ces  difficultés,  nous  avons 
cru  devoir  procurer  au  Public  la  le£lure 
de  cet  Ouvrage ,  dans  lequel  on  trouve , 
outre  le  réfumé  du  Voyage  de  l'Auteur, 
nombre  de  fujets  nouveaux,  que  llntérêc 
national,  dit-on,  lui  avoit  fait  fupprimer. 
Mais  nous  n'avons  pu  appercevoir  ces 

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iV  PRÉFACE. 

rAlfons  d'intérêt.  Seroit-ce  rarticle  très- 
circonftancié  qu'il  préfente  ici  fur  Tex- 
ploitation  des  mines  du  Pérou,  &  leurs 
inimenfes  produits  ?  Mais  plus  une  Na- 
tion fait  connoître  fes  reiïburces,  plus 
elle  mérite  de  confiance  de  la  part  de 
celles  avec  lefquelles  elle  eft  à  portée  de 
trafiquer. 

Les  extraits  que  les  Journaux  Anglois 
ont  préfente  de  cet  Ouvrage ,  n*en  ont 
que  trop  fait  fentir  .l'importance  à  l'An- 
gleterre; &  c'eft  depuis  la  ledure  de  ces 
extraits  que  le  Gouvernement  Anglois 
a  tourné  ^cs  vues  du  côté  du  Pérou. 
L'Allemagne  jouit  aufïî  de  la  le£ture  de 
ces  Mémoires  dans  la  tradudlion  qu'en  a 
donné  depuis  peu  M.  Dicz ,  Profeffeur 
d'Hiftoire  à  Goctingue.  Cette  Verfion 
Allemande  eft  devenue  d'autant  plus  in- 
tér<?fïante  ,  qu'elle  eft  accompagnée  àçs 
Obfervations  d'un  homme  très-inftruit; 
Obfcrvations  qui  font  prefque  plus  con- 
fia érables  que  le  Texte  :  nous  nous  fom- 
nics  procurés  cette  Verfion  ôc  les  Notes, 


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'^•»'u-,iis 


PRÉFACE.  V 

dont  ncHis  avons  eu  connoiflTance,  lorfquc 
notre  travail  étoit  déjà  fort  avancé. 

Nous  avons  vu  avec  plaifir  que  TExem- 
plaire  Efpagnol  que  nous  avions,  étoit 
infiniment  plus  cxa6"b  que  ccluide  M.  Dicz, 
fur- tout  dans  les  nombres  :  quoique  le 
fien  ait  été  corrigé  à  la  main  comme  les 
autres,  il  paroît  qu*on  l'avoit  fait  avec 
peu  de  foin.  Quant  aux  Obfcrvations  ôC 
aux  Additions  de  l'Edition  Allemande ,' 
nous  avons  lieu  de  croire  qu'elles  ont  été 
imprimées  telles  que  l'Auteur  les  avoit 
précipitamment  jettées  fur  le  papier  pen- 
dant le  cours  de  Timpreffion  du  Texte; 
voilà  pourquoi  tout  y  cft  fans  fuite  &  fans 
ordre,  ce  qui  nous  a  donné  allez  d'embar- 
ras. Nous  avons  donc  fëparé  les  trois  règnes 
comme  ils  dévoient  l'être,  relevant  même 
ça  &  là  quelques  erreurs  dans  lefquelles 
&  TAuteur  &  fes  Interprêtes  étoicnt 
tombés.  La  partie  des  mines  fe  trouve 
très  -  éclaircie  par  les  détails  que  nous 
avons  été  obligés  de  joindre  à  ceux  de 
l'Edition  Allemande ,  afin  d'en  lier  les 


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1 

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II 


I 


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vj  PRÉFACE. 

ciifFërcns  articles  préfentés  fans  cohé- 
rence, ou  plutôt  avec  une  très- grande 
confufion. 

Quant  h  la  partie  purement  hiftoriqu?, 
aux  ufagcs  ,  aux  mœurs,  à  la  reigion 
des  anciens  Habitans  dis  Coionics  tf- 
pagnolcs,  nous  n'avons  rien  négligé  de 
ce  qui  pouvoir  jetrer  un  nouveau  jour 
fur  ces  difFérens  articles  ;  nous  avons  tâ- 
ché de  montrer  que  les  ufagcs  de  as  con* 
trées  éloignées  fe  rapprochoient  de  ceux 
des  nôtres,  &:  que  l'Amérique  avoir  été 
peuplée  beaucoup  plus  ancicrnemcnt  que 
le  célèbre  de  BuiTon  &  d'autres  l'ont  pré- 
tendu. Quant  à  l'Auteur  des  Notes,  nous 
avons  cru  devoir  nous  en  rapporter  k  Ces 
citations,  n'ayant  pas  letems  de  collation- 
ncr  fes  Originaux  :  mais  nous  n'en  avons 
pas  moins  confulté  en  nombre  d'endroits 
les  premiers  Voyageurs  6c  les  plus  nou- 
veaux, fur- tout  ceux  qui  fc  font  occupés 
des  diflérenccs  branches  de  l'Hiftoire  Na- 
turelle. Nous  avons  fupprimé  quelques 
articles  des  Notes  Allemandes,  parce  qiie 


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s  cohé- 
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L^ligé  de 

?au   jour 

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CCS  con» 

de  ceux 

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:s,  nous 

rer  à  fcs 

>llarion- 

n  avons 

:ndroits 

is  nou- 

ccupés 

ire  Na- 

iclqucs 

ce  que 


PRÉFACE.  vîj 

VAuteur  ne  nous  y  préfcntoic  rien  d'inf- 
truîflif.  Ce  qu'il  dit,  par  exemple  ,  fur 
la  Langue  du  Pérou  eft  fort  inutile  ;  nous 
en  fa  vons  plus  que  lui  à  cet  égard ,  & 
cependant  nous  avons  gardé  le  filence. 
Lorfqu'il  s'agit  de  comparer  les  Langues, 
il  faut  favoir  les  parler,  ou  au  moins  être 
en  état  de  lire  les  Ouvrages  écrits  dans  ces 
Langues  ;  autrement  on  ne  fait  qu'accu- 
muler erreur  fur  erreur,  comme  l'a  fait 
un  Ecrivain  qui  a  de  la  célébrité ,  &  qui 
n'a  jamais  connu  les  mots  que  dans  les 
Dictionnaires. 

Nous  confeillonsau  Le£beurqui  entend 
l'Allemand  &  l'Italien,  de  joindre  à  la 
lecture  de  cet  Ouvrage -ci  celui  que 
M.  Reinhold  Forfter  a  écrit  fur  les  dé- 
couvertes faites  dans  le  Nord  par  les 
Anciens,  &  les  Lettres  du  Comte  Carlo 
Carli  fur  l' Amérique;  il  verra  dans  ces 
deux  Ecrivains  que  les  Antilles  &  le  Nord 
de  l'Amérique  n'étoient  pas  un  problême 
long-tems  avant  Colomb.  Le  monument 


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vîîj  PRÉFACE. 

publié  en  Anglois  par  M.  Ovcn  (i)  lui 
prouvera  auiïî  la  vérité  des  Voyages  de 
Madoc,  Princede  Galles,  en  Amérique, 
au  douzième  fiècle,  &  confirmera  ce  que 
M.  Filfon  a  avancé  (  i  )  comme  une  con- 
jcdlure  fur  Texiftcnce  de  la  Colonie  Gal- 
loife  que  la  Reine  Elifabeth  avoir  fait 
chercher,  &  dont  le  célèbre  Cook  a  vu 
un  démembrement.  Nous  ne  dirons  rien 
des  Lettres  de  Paw  fur  l'Amérique;  c*efl: 
un  tifTu  d'erreurs  &  de  menfonges.  ^ 
Nous  fînifTbns ,  en  afTurant  au  Le£lcur 
que  la  phyfique ,  le  commerce ,  trouveront 
beaucoup  ^  jraojnrr  à  la  le£turc  de  cet 
Ouvrage-ci;  car  on  y  verra  une  mafle 
affez  confiderable  de  faits  importans 
réunis ,  &  qu'on  chercheroit  en  vain  dans 
nombre  de  volumes ,  qn'il  n*eft  pas  donné 
atout  le  monde  de  le  procurer.    '     ''  - 


à 


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H 


(  I  )CoHe€lwndeMomiimeos-Bi;et9nsvIci,  T,'//,.^.  474, 
(1)  Dans  l^Hï^uc'.àQ^JC^rafike,  chez  BiuiToii.  ...  „  ; 


MÉMOIRES 


.-UJU. 


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MÉMOIRES 

PHILOSOPHIQUES, 

HISTORIQUES ,  PHYSIQUES. 
DISCOURS   PREMIER. 

Des  différentes  pojlùons  des  Terreins  fur  la  furfacc 
du  GM'c  y  f,ffets  qui  en  rejuUent  dans  les  tem- 
pératures &  les  produits, 

J_j  A  Nature  eft  admirable  dans  fes  ouvrages  ; 
mais  ce  merveilleux  qui  nous  frappe  en  géné- 
ral, fe  Elit  fur-tout  appercevoir  dans  l'ordre  avec 
lequel  elle  a  diftribué  les  différens  terreins  qui 
couvrent  la  furface  du  Globe ,  fuppléant  par  une 
extrême  variété  ,  aux  avantages  qu'elle  n'a  pu 
leur  accorder  à  tous  également  dans  le  local 
qu'elle  leur  a  aflîgné.  Par  ce  moyen  elle  a  (i  gé- 
néralement réparti  fes  précieux  avantages ,  qu'en 
s'efForçant ,  pour-ainû-dire  ,  de  montrer  toute  fa 
.    Tome  I,  *  A 


r. 


p»i 


é 


1         "  Discours 

icconditc  dans  les  cèrrcins  les  plus  fertiles,  elle 
n'en  a  pas  moins  montré  fes  merveilles  dans 
ceux  qu'elle  fembloit  avoir  peu  favorifés  :  tan- 
tôt c'eil  par  la  fituation  avantageuL'  du  local  > 
tantôt  par  les  circonftances  accidentelles ,  qu'elle 
fait  concourir  à  fon  but.  Accoutumes  dès  l'en- 
fance au  pays  qui  nous  a  vus  naître ,  nous  pou- 
vons à  peine  comprendre  dans  le  premier  âge, 
ôc  mcme  plus  tard  ,  que  les  pays  que  nous  ne 
connoiflons  pas  font  diflférens  de  notre  fol  natal  j 
ou  que  ,  s'ils  le  font ,  ils  participent ,  à  certain 
point ,  aux  avantages  particuliers  à  celui  que 
nous  habitons.  Ces  doutes  font  mêmes  commulis 
aux  g.?ns  les  plus  inftruits  &  les  plus  curieux  j  à 
ceux  qui  fcrutent  même  avec  la  plus  grande  appli- 
cation les  fecrcis  Je  lii  NiULiiu  liane  la  Spéculation, 

C'eft  une  erreur  inévitable  &  une  fuite  nécef- 
faire  de  la  foiblefle  &  des  limites  de  notre  pé- 
nétration. Tout  ce  qui  n'efl:  que  la  conféquence 
du  raifonnemenr  ,  ne  nous  affede  jamais  autant 
que  ce  qui  nous  eft  tranfmis  par  le  canal  des  fens, 
qui  font  l'unique  moyen  de  porter  la  lumière  ôc 
la  conviction  dans  l'ame.  Il  y  a  long-tems  que 
nous  fommespeifuadés  que  la  ZoneTortide  a  (es 
habitans  comme  les  autres  régions  du  Globe  ; 
mais  on  ne  fait  que  depuis  peu  qu'il  y  a  dans 
cette  Zone  de  trcs-vaftes  pays  ,  où  l'on  éprouve 
tous  les  effets  des  Zones  tempérées  ou  des  Zones 
glaciales  ^  cedont  les  hommes  les  plus  inftruits  ^ 


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PREMIER.;  I 

les  Phyfîciens  confommés ,  n'avoient  même  point 
connoiflance.  On  n'ignoroic  pas  qu'il  y  avoir  de 
très-hautes  montagnes  fous  la  Ligne ,  ôc  dans  les 
régions  adjacentes  j  mais  on  ne  fe  doutoit  mcme 
point  que  la  denfité  de  l'air,  étant  moindre,  modc- 
roit  les  effets  des  rayons  du  foleil ,  perpendiculai- 
res fur  le  Globe ,  au  point  de  fuppléer  à  l'obliquité 
de  CQS  mêmes  rayons ,  lorfque  cet  aftre  eft  beau- 
coup plus  éloigné  du  Zénith  ;   &  qu'il  en  réful- 
toit  des  neiges  ,  du  froid  ,  des  glaces ,  comme 
ion  en  voit  dans  les  régions  qui  avoifinent  les  Pô- 
les. On  concevoit  aufli  peu  qu'il  pût  y  avoir  dts 
créatures  vivantes  dans  des  régions  où  l'air  eft  li 
confîdérablement   raréfié  ,  qu'en  prenant  même 
le  moindre  terme  de  la  différence  ,  il  n*a  pas  la 
lOltlé  de  la  denfité  qu'on  y  rmnvp  fur   le  refte 
le  la  fuperficie  de  la  Terre  ,  confidérée  comme 
l^uflî  plane  que  la  Mer.    On  ne  favoit  pas  non 
4)lus  qu'il  y  eût;  des  parages  où  l'on  éprouve  con- 
■|inuellement  les  effets  des  quatre  fiifbns  de  l'an- 
lée  ,  fans  qu'il  y  ait  une  variation  fenfible  dans 
la  longueur  des  jours  &  des  nuits.  Ceux  qui  ha- 
)itent  les  régions  où  l'on  ne  fent  ni  trop  de  froid 
li  trop  de  chaleur,  pouvoient  auflî  peu  compren- 
ne qu'il  fût  poflîble  de  réfifter  à  l'alternative 
tontinuelle  des  froids  exceflifs  d'un  hiver  rigou- 
reux ,  &  des  chaleurs  extrêmes  de  l'été.   Les  uns 
[toient  étonnés  de  l'égalité  des  jours  &  des  nuits. 

Al 


1 


4  Discours 

fans  cependant  ignorer  la  caufe  de  ce  phénomène. 
Les  autres ,  qui  favoient  pareillement  la  caufe  dt; 
l'inégalité  des  jours  &  des  miits  dans  d'autres  cli« 
mats  ,  ne  pou  voient  fe  figurer  qu'on  pût  vivre 
dans  des  pays  où  les  nuits  devenoient  très-lon- 
gues ,  Se  pafler  enfuite  ,  fans  être  vivement  af- 
fedé  ,  dans  d'autres  climats  où  elles  devenoicnr 
plus  courtes  que  n'étoient  les  jours  du  climat  où 


on  s'étoit  arrêté. 


Je  laifle  de  côté  nombre  d'autres  phénomè- 
nes ,  qui  ne  répugnent  pas  moins  dès  l'abord  à 
la  raifon  que  l'expérience  n'a  point  éclairée.  11 
n'appartient  qu'à  l'expérience  de  lever  les  doutes 
8c  les  contradiâions  apparentes  des  phénomènes  de 
la  Nature.  Toujours  prévoyante  &  fage  dans  ies 
opérations  ,  «lU  ^  copAnUu  Tes  merveilles  dans  le 
monde,  fans  s'alTujertir  aux  limites  de  notre  ehten- 
dément.  Il  n'y  a  qu'elle  qui  puifTe  faire  compren-  ; 
dre  aifément   l'accord  charmant  qu'elle  a  mis 
dans  tous  fes  ouvrages  ,  diftribuant  tout  de  ma- 
nière ,  que  ce  qui  paroît  rare  dans  telles  parties 
fe  montre  plus  communément  dans  d'autres.  C'eft 
pourquoi  toutes  ces  parties  fe  rapprochent  mu- 
tuellement  par  les  proportions  des  avantages , 
fans    que  l'une  puifle   porter   envie  à  l'autre  : 
ainfî  les  créatures  vivent  pareillement  dans  les 
unes  6c  dans  les  autres  contrées.  En  effet  ,   la 
vie ,  cette  prérogative  inappréciable  ,    accordée 


,  P 

'à 
€  ai 

I 

I 


3 


^1 


I 


t  phénomène. 
it  la  caufe  du 
î  d'autres  cli- 
jn  pût  vivre 
ient  très-lon- 
vivement  af- 
is  devenolcnr 
lu  climat  où 

es  phénomc- 
dès  l'abord  à 
it  éclairée.  H 
ver  les  doutes 
bénomènes  de 
fage  dans  fes 
/eilles  dans  le 
e  notre  ertten- 
lire  compren- 
u'elle   a  mis 
tout  de  ma- 
telles  parties 
'autres.  C'eft 
rochent  mu- 
avantages  , 
e  à  l'autre  : 
nt  dans  le$| 
;n  effet  ,   la 
,    accordée^; 


PREMIER,  I 

aux  créatures  douées  de  mouvement  progredif  ôc 
fpontané  ,  n*eft  pas  plus  avantageufc  dans  les 
pays  ou  règne  un  printems  continuel ,  que  dans 
celui  oii  l'été  ,  l'automne  &  l'hiver,  font  les  trois 
autres  parties  de  l'année.  L'homme  &  les  animaux 
vivent  par-tout ,  &  les  doux  climats  n*ont  pas  le 
privilège  de  rendre  la  vie  plus  longue  que  ceux 
où  les  animaux  8c  l'homme  ont  à  foutenir  la 
température  la  plus  rigoureufe ,  Se  une  vie  in- 
finiment  plus  pénible.  Les  chaleurs  les  plus  gran- 
des fotu  en  effet  aufli  naturelles  pour  ceux  qui 
y  font  accoutumés  ,  dans  des  climats  brûlans ,' 
que  le  froid  exceflîf  l'efl  pour  l'habitant  qui 
brave  la  rigueur  de  fon  climat  polaire.  Quel- 
quefois la  nature  femble  fe  faire  un  jeu  de  fes 
phénomènes ,,  en  réuniflant  dans  une  même  région 
les  CQtiipcracurcs  des  cUiiiai:»  le»  ^lus  contraires 
d<  les  plus  éloignés  ;  les  chaleurs  brûlantes  de 
de  la  Zone  torride ,  &  le  froid  de  la  Zone  gla- 
ciale. Cette  circonftance  efl  feule  fufïîfante  pour 
faire  difparoicre  l'incompatibilité  des  chofes  qui 
paroiffent  le  moins  fe  rapprocher  :  or  cette  réu- 
nion des  extrêmes  >  fert  à  nous  prouver  la  po(^ 
fibilité  de  tout  le  refte.  En  effet ,  Ci  l'expérience 
ne  le  démontroit  pas  ,  on  auroit  peine  à  fe 
persuader  quon  vît  fe  réunir  dans  une  même 
çoiicrée  ,  la  chaleur,  le  froid ,  le  feu  ,  la  glace, 
hs  pluies  les  plus  abondantes  ,  des  nuées  qui 

A, 


M 


y 


t. 


•\ 


o  n  I   •;  (    o   iT  n   ^ 

!ic  vcifciit  pu  une  LV'iirtc  ilcui  ;  tS:  f.iiis  .mtrc 
ituctv.tilo  (jito  I.)  (lilicKiitc  h.uitcur  ijui  en  tait 
1.1  «lill.iiuc.  M.iis  1,1  N.ituic  ,  toujours  fcioiulc 
en  |Moilit',os ,  .ijMi  jMi  «Icsmoycns  li  r.u;cs  ,(]ircllc 
fait  U'imit  tDiiN  ics  pliciuimCncs. 

les  pays  les  plus  (.'li»i!Mic's  ,  (m  tout  les  ïiulcs 
oiiitlcMU.ilcs ,  piérciitcm  lies  objet*,  tic^s -tares  ,  (&: 
<]ui  an  j»u;cnieiu  de  eeiix  i]iii  les  eondilèrent  tic 
loin  ,  patoîttv>ieiit  lîngiilièrcment  oppofés  les  uns 
aux  autres  «S^  inetnes  iiu  royaMes ,  lî  la  Nature  ne 
nowi  ptouvoit  elle-même  la  jH>llil>ilité  île  leurs 
rapports  &  île  leur  rappuKhement.  Nous  appelle- 
rons ec  pays,  le  Aouvciia- Miaule  y  \HM\r  \c  ilif- 
tinguer  îles  autres  parties  eonnues  avant  qu'on 
l'eût  iléiouvett. 

En  ertet ,  quoique  les  parties  orientales  de  TA- 
fie  ,  iSc  le  midi  de  TAfriquc  ayent  été  eoimus 
allez  tard  des  Européens  ,  on  a  cependant  des 
preuves  que  les  anciens  navii;ateurs  y  avoicnt 
Gif  quelt|ue  commerce.  II  ctoit  d'ailleurs  fort 
naturel  que  les  Nations  qui  fe  trouvoient  con- 
tic;uè's,  ou  réunies  fur  un  m*nrc  continent,  p6- 
nétrallent  plutôt  ou  plus  tard  les  uu'^s  chez  les  au- 
tres ,  jnfqu'aux  contrées  lucme  les  plus  éloignées. 
Mais  la  même  chofc  ne  p<nivoit  pas  arriver  à  re- 
gard de  l'Amérique.  Ce  continent  eft  féparc  de  la 
partie  occideiualc  de  l'Afrique  &  de  l'Europe ,  par 
une  vaftc  mer.  I'HC  autre  non  lîioins  étendue  , 


■^ 


\i 


\^ 


fans  nntic 
ijui  en  fait 
vs  réioiulc 
;cs  ,  ijn'cllc 

lit  les  îiulcs 
^s- tares  ,  & 
ilulcrciu  de 
Mes  les  uns 
i  Nature  ne 
:c  tic  leurs 
nis  appelle- 
pour  le  ilif- 
ivant  qu'on 

aies  de  l'A- 
cte connus 
endant  des 
y  avoicnt 
illcurs   fort 
oient  con- 
mcnt ,  pe- 
lez les  au- 
cloi^nccs. 
river  a  l  c- 
:paré  de  h 
ropc,  par 
étendue  y 


i'<i 


r  II   I    M  I  n  n.  y 

la  fcparc  «le    la   partie  oiienrale  tle    l'A  lie.  Mie 
n'cioit  tloni  pa'!  avec  ces  parties  de  rancicn  nu)ii- 
de  ,  dans  le  nKiiic  rapport  où  ces  parties  font 
cntr'elles.  Aucun  monument  ne  nous  appreiul  avec 
alîeE  de  certitude  la  communication  (juc  l'Amé- 
rique a  pu  avoir  avec  l'Ancien  Moiule  ,  (jueKjuc 
recherche  qu'on  ait   fait  tians  l'antiquité  la  j^li^s 
reculée.  Vod.l  pourquoi  tout  ce   qu'on   y  voit  a 
un  air  de  nouveauté  ;   (<»:  l'on  y  efl:  aufli  étonné, 
que  Cl  l'on  étoit  réellement  pallé  dans  un  autre 
monde.  (>'eft  donc  avec  raifon  qu'on  a  appelle 
ce  continent  /c  Nouveau-Monde,   11  étoit  réelle- 
ment tel  pour  ceux    qui  habitoient  les  anciens 
continents.  Mais  il  l'ctoit  encore  plus  par  les  par- 
ticularités qu'il  renferme  en  tout  genre.  11  ne  faut , 
pour  en  être  étonné ,  que  jetter  les  yeux  fur  la 
forme  extérieure    &    la  fituation   àc^  tcrreins  ; 
fur  les  diverfes  produdlionsdesdiffcrens  climats; 
fur  ladifFctenceque  les  températures  ontentr'ellcs; 
fur  les  animaux  quadrupèdes  &  volatils  des  diffé- 
rentes contrées  :  enfin  fur  toutes  les  autres  chofes 
qu'on  y  apperçoit.  Ce  Nouveau -Monde  paroît 
même  fi  exrraordinaire,  qu'il  préfente  deux  mon- 
des ,  dont  l'un   eft  dans  l'autre  \  comme  on  le 
voit  par  deux  régions  oppofées  qui  fe  trouvent 
dans  le  même  efpace  \  l'une  trcs-chaude  ,  l'autre 
très-froide ,  quoique  fous  la  même  dircdion  des 
rayons  de  folcil.  Il  fcmble  en  effet  que  ces  rc- 

A4 


I 

I 

il 

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i  : 


5  % 


1   î 
t  I    1 


8  Discours 

gionsfoient  fîtuces  dans  une  autre  partie  du  Globe, 
tant  les  phénomènes  qu  on  y  apperçoit ,  les  effets 
qu'on  y  éprouve ,  font  contraires.  Ici  l'on  croi- 
roit  être  au  milieu  de  l'Afrique  ;  là  dans  les  cli- 
mats les  plus  feptentrionaux  de  l'Europe  :  phé- 
nomènes les  plus  fînguliers  qu  on  puilfe  remar- 
quer  dans  la  nature. 

Nombre  de  Savans  fe  font  livrés  à  leur  cu- 
riolité ,  Se  ont  fait  les  plus  grandes  recherches 
pour  acquérir  une  connoiflance  exade  du  Globe , 
par  l'examen  de  (qs  produits.  Ils  ont  formé  des  ca- 
binets remplis  de  tout  ce  qu'on  a  découvert  dans 
fes  différentes  régions ,  &  fes  différentes  contrées. 
Mais  cous  ces  travaux  ne  nous  font  connoitre 
qu'une  partie  des  raretés  de  la  nature ,  fans  jet- 
ter  aucun  jour  fur  les  particularités  principales  qui 
confiftent  dans  le  phyilque  de  Técurcc  ou  de  la 
croûte  externe  du  Globe ,  croûte  où  réfîde  la  force 
première  ,  c'eft-à-dire  la  vertu  génératrice  qui 
donne  naiffance  à  ces  produdions. 

Ces  productions  intéreffent  fans  doute  par  leurs 
particularités  ,  ceux  qui  n^en  avoient  aucune  con- 
naiflance  ,  mais  qui ,  charmés  par  leur  nouveauté, 
n  en  faififlent  point  l'origine  faute  d'en  rechercher 
les  principes  &  la  caufe.  Or  ,  cette  recherche 
exige  une  très-grande  application,  fans  laquelle  il 
eft  impofîîble  deremonteraux  caufes  d'où  dépend 
h  connoiffante  de  tout  ce  qui  s'obferve  de  plu* 


i 


V. 


•ra^w— W 


i  du  Globe, 
,  les  effets 
l'on  croi- 
lans  les  cli- 
rope  :  phc- 
ilfe  remar- 

à  leur  cu- 
recherches 
du  Globe , 
rmc  des  ca- 
)uverc  dans 
es  contrées. 
:  connoître 
i ,  fans  jet- 
icipales  qui 
\c  ou  de  la 
ide  la  force 
ratrice  qui 

:e  par  leurs 
ucune  con- 
louveautc, 
ecKercher 
recherche 
aquelle  il 
Il  dépend 
e  de  pluj 


PREMIER.  f 

étonnant.  Les  productions  de   la  Nature  ,  que 
les  Phyficiens  ont  divifées  en  trois  régnes ,  ap- 
prennent ,  il  eft  vrai  ,  ce   que  peuvent  former 
les  qualités  du  fol  avec  le  concours  du  climat  : 
mais  elles  ne  décèlent  point  ce  qu'il  y  a  d'ef- 
fentiel  à  difcerner  ,  favoir ,  la  matrice  qui  reçoit 
l'influence  des   différens  climats  ,  &  qui ,  par 
cette  caufe ,  doit  auffi  donner  des  produits  dif- 
férens. Voilà  ce   que   les  Naturaliftes  auroienc 
dû  rechercher  ôc  nous  développer.  Le  peu  de 
connoiiïances  acquifes  jufqu'a  ce  jour ,  ne  leur  a 
pas  permis  de  fuivre  leurs  vues  jufqu'à  ce  terme. 
Les  Cabinets  d'Hiftbire  naturelle  font  ,   je 
l'avoue,  les  archives  de  la  Nature j  archives  où 
la  curiolité  configne  tout  ce  qu  on  voit  de  rare , 
d'admirable  fur  les  différentes  parties  du  Globe  : 
mais  wctcc  /p<îbuIatIon  ne  pcui  encore  fatisfaire 
pleinement   Tefprit  qui  cherche  à    connoître  à 
fond  la  caufe  de  cette  étonnante  variété.  En  re- 
connoiffant  que  la  Nature  eft  admirable  ,  on  ne 
la  fait  pas  plus  comprendre  :  en  montrer  les  dif-* 
férens  effets  ,  ce  n'efl  pas  non  plus  en  décou- 
vrir les  caufes.    Nos   fens  font  même  frappés 
d'une  infinité  de  merveilles  auxquelles  l'efprit 
ne  s'arrête  point.  Ceft  ainfî  que  la  raifon  fe  fixe 
peu  fur  nombre  d'objets  ^  parce  qu'elle  ne  peut 
faifîr  ce  qu'ils  préfentent  de  rare  ou   de  par- 
ticulier. De  ce  défaut  de  co^noiffance  ,  réful^ 


•| 


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I 


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«  I 


Ii1 


10  Discours 

tent  les  recherches  pénibles  des  curieux  qui 
fcrutent  la  Nature  dans  tous  fes  phénomènes  j 
mais  fans  jamais  la  pénétrer  i  fond. 

Le  Nouveau-Monde  préfente  nombre  d'objets 
étranges  aux  habitans  des  autres  parties  du  Globe  : 
ôc  parmi  ces  objets ,  il  en  eft  de  fi  m)  (lérieux 
pour  la  raifon ,  qu  il  cft  impofTible  d'en  ailigner 
la  caufe  d'une  manière  fatisfaifante.  De  ce  nom- 
bre font  les  mines  d'argent ,  qu'on  peut  regarder 
comme  le  patrimoine  de  ces  contrées ,    tandis 
qu'elles  font  rares  dans  les  autres  parties  de  la 
terre.  Or   ce  n'efl:  pas  parce  qu'il  y  a  des  mon- 
tagnes élevées ,  ni  de  la  chaleur  &  du  froid  ,  ni 
de  l'humidité  &  de  la  fécherefle,  caufes  d'où 
l'on  croiroit  peut-être  devoir  en  déduire  l'origine  : 
car  les  mêmes  circonftances  fe  rencontrent  dans 
dans  les  autres  parties  du  Globe  ,  fans  que  pour 
cela  les  mines  de  ce  métal  y   foient  auflî  fré- 
quentes &  auflî   riches  que  dans   le  Nouveau- 
Monde.  11  faut  donc  qu'il  y  ait  encore  d'autres 
propriétés  particulières  à  ce  pays  ;    mais    d'un 
autre  coté  il  y  manque  certaines  particularités  qui 
qui  fe  rencontrent  communément  dans  les  autres 
parties   du  Globe  ,   oà  en  même  tems  on  ne 
trouve  point  ce  qui  eft  particulier  à  l'Amérique. 
Or  il  n'eft  pas  poflible  d'en  donner  la  raifon , 
qu'en  difant  que  l'Auteur  de  la  Nature  l'a  ainli 
voulu.  Ses  fecrets  feront  toujours  une  énigme 


I 


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r    Tl    E    M    I    E    R.  II 

Impénétrable  pour  rcntcndcment  humain.  Quand 
on  parviendroic  a  combiner  les  températures  , 
les  terrcins ,  les  vents  &  les  eaux  au  point  d'en 
former  le  mélange  qui  répondroit  le  plus  prcci- 
fement  au  but  qu'on  fe  propoferoit  ,  jamais 
on  ne  les  combineroit  de  manière  qu'il  ne  s'y 
trouvât  point  quelque  analogie  avec  les  terreins 
où  l'on  ne  voit  pas  ces  productions.  Or  ces  pro- 
ductions palTent  pour  rares  dans  les  pays  où  l'on 
en  voit  ordinairement  d'autres  très-différentes. 

Quelques  Phyficiens  ont  auflî  voulu  rendre 
raifon  de  la  taille  de  différentes  nations  comparées 
entr'elles  ;  de  la  couleur  noire  de  la  plupart  des 
habitans  de  l'Afrique  ;  & ,  par  oppofition ,  de  la 
blancheur  de  ceux  qui  font  fitués  aux  parties  les 
plus  feptentrionales  ,  ou  les  plus  méridionales 
du  Globe  :  mais  après  avoir  cru  deviner  les  loix 
cachées  de  la  Nature ,  ils  ont  été  forcés  d'avouer 
que  le  phénomène  le  moins  frappant  au  premier 
abord ,  détruifoit  la  bafe  de  leur  fyftème  :  &  c'efl: 
ainfi  que  l'expérience  a  difîîpé  la  chimère  qu'ils 
avoient  pris  pour  la  réalité  la  plus  certaine.  On 
voit  prefque  partout  ces  méprifes  qui  en  impofent 
fi  facilement  à  la  raifon  ,  lorfqu'elle  n'eft  pas  gui- 
dée par  une  expérience  fufïîfante  de  faits  certains. 
11  n'y  a  donc  pas  d'autre  voie  à  prendre  que  celle 
où  l'expérience  précède  toujours  le  raifonnement. 

Les  caufes  primitives  de  tout  ce  qui  s'obferve 


M 


4, 


'  y.i 


!* 


'\i 


Il  Discours 

fur  la  terre ,  peuvent  être  Tuflirammenc  expli- 
quées par  les  règles  ordinaires  :  mais  aufîicôt  qu'il 
fe  rencontre  une  une  obfervacion  qui  les  contredit, 
les  principes  reçus  doivent  totalement  changer  : 
de-id  vient  que  le  jugement  qui  paroît  le  mieux 
fondé ,  eft  fujet  a  induire  en  erreur. 

La  diredion  des  rayons  du  foleil  fur  la  terre, 
doit  fans  doute  ccre  la  caufe  de  la  chaleur  plus 
ou  moins  grande  qu'on  y  éprouve  :  nous  por- 
tons ce  jugement ,  fondés  fur  la  propriété  qu'il 
a  d'échauffer  ,  fur  fa  manière  de  pénétrer  l'at- 
mofphère  pour  fe  faire  fentir.  Ce  principe  eft 
alTurément  inconteftable  :  cependant  il  eft  fuf- 
ceptible  de  variation  ,  en  conféquence  des  phé- 
nomènes d'un  fécond  ordre,  tels  que  ceux  qui 
ont  lieu  dans  l'Amérique  méridionale.  En  effet , 
non-feulement  la  direction  perpendiculaire  des 
•rayons  du  foleil  ne  produit  point  de  chaleur  en 
certains  diftridbs;  il  s'y  fait  au  contraire  fentir 
un  froid  vif ,  ôc  tous  les  effets  qui  doivent  en 
réfulter:  ainii  le  principe  mentionné  ,  admis 
comme  vrai  par  notre  jugement ,  fe  trouve  con- 
tredit avec  vérité  par  une  caufe  accidentelle , 
qui  en  modiBe  l'extenfion.  Il  en  eft  de  même 
à  l'égard  de  toutes  les  efpèces  d'animaux  ,  de 
végétaux ,  ôc  des  minéraux.  On  voit  donc  que 
pour  ne  point  errer  dans  fes  jugcmens ,  il  faut 
fe  conduire  uniquement  d*après  l'ôbfervation , 


r    'i 


V 


lenc  expli- 
iiTicôc  qu'il 
concrediCy 
changer  : 
;  le  mieux 

tria  terre, 
aleur  plus 
nous  por- 
»riecc  qu  il 
étrer  l'at- 
incipe  eft 
1  eft  fuf- 
des  phé- 
ceux  qui 
En  effet , 
claire  des 

haleur  en 
re  fentir 
oivent  en 
admis 
uve  con- 
lentelle , 
e  même 
X  ,  de 
onc  que 
,il  faut 
rvatiQn , 


PREMIER. 


ll 


fans  s'arrêter  à  des  principes  de  théorie  qui  ne 
déterminent  que  ce  qui  doit  arriver  d'après  les 
loix  générales ,  &  fans  avoir  égard  aux  effets 
réfultans  des  caufes  accidentelles  qui  peuvent 
intervenir. 

On  éprouve  les  plus  grandes  chaleurs ,  dans 
les  régions  qui  font  hors  de  la  Zone  Torride , 
lorfque  le  foleil  eft  au  plus  haut  point  du  Zé- 
nith :  par  une  raifon  contraire  on  fent  le  froid , 
on  voit  de  la  glace  lorfqu'il  eft  le  plus  éloigné  du 
même  point.  Ce  principe  eft  inconceftable ,  mais 
en  même  tems  la  circonftance  du  contraire  qui 
arrive  dans  le  climat  où  l'on  devroit  fentir  la 
plus  grande  chaleur  ,  prouve  de  la  manière  la 
plus  déciHve  qu'il  y  a  d'autres  caufes  qui  dé- 
rangent Tordre  général  de  la  Nature  \  ôc  que 
fon  Auteur  a  voulu  ûiboidoiinci  la  raifoii  de 
l'homme  ,  en  limitant  fon  intelligence  ,  &  en 
l'empêchant  même  par  les  phénomènes  les  plus 
fenHbles,  de  pénétrer  les  fecrets  de  la  Provi- 
dence. 

On  peut  remarquer  ici  que  les  plus  fublimes 
Génies ,  après  avoir  fait  pendant  toute  leur  vie 
les  efforts  les  plus  grands  ,  fe  trouvent  ainfî 
arrêtés  dans  leurs  fpéculations  par  ces  phéno- 
mènes extraordinaires  qui  fe  préfentent  inopi- 
nément ,  fans  que  la  raifon  accoutumée  à  ré- 
fléchir fur  les  propriétés  des  chofes  naturelles, 


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14  Discours 

fourniHe  la  moindre  lumière  qui  leur  falFe  a|>- 
percevoir  la  vcritc.  Combien  de  fois  ,  en  effer  j 
ces  Génies  cra  .endans  ,  s'imaginanc  avoir  la 
clef  du  fyftcm  de  ce  monde  ,  ne  fe  font 
pas  trouvés  dans  l'erreur  ,  fans  pouvoir  mcir.e 
comprendre  ce  qu'il  y  avoir  de  plus  fimple! 
PluHeurs  Savans  du  premier  ordre  n'ont-ils  pas 
été  étonnes  qu'on  pût  vivre  fans  la  moindre 
incommodité  dans  un  atmofphère  dont  l'air 
jéioit  n  léger  ,  qu'il  différoit  en  pefanteur  de  plus 
de  moitié  de  ce  qu'il  eft  en  général  fur  la  fur- 
face  du  Globe  ?  Ils  avoient  pour  fondement  les 
régies  ordinaires  de  la  phyfique,  &  de  diffé- 
xentes  expériences.  Mais  ils  ne  fe  repréfentoient 
pas  que  la  Nature  emploie  ,  pour  manifefter 
fes  effets ,  des  moyens  bien  différens  de  ceux 
qui  font  à  la  portée  <lc  rcfpru  humain.    On   n'a 

pas  moins  été  furpris  ,  6c  non  fans  jufte  rai- 
fon  ,  qu'il  y  eut  dans  quelques  Parages  de 
la  Zone  Torride ,  &  diredement  fous  la  Ligne  , 
des  Nations  d'une  blancheur  qui  pourroit  la  dif- 
puter  aux  teints  les  plus  clairs  de  l'Europe  6c 
de  l'Afie  :  qu'ainfi  les  accidens  de  la  température 
n'ont  aucune  influence  fur  la  carnation  de  ces 
Nationaux  ,  comme  on  le  remarque  en  d'au- 
tres parties  où  les  habitans  font  moins  blancs. 
'Les  accidens  qui  fe  manifeftent  dans  les  uns  , 
ibnc  varier  la  régie  générale  à  l'égard  des  au« 


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P  R  E  M  t  6  n. 


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très':  telle  cft  la  marche  admimble  cUî  la  Na- 
ture.  On   remarque  encore   da-  ^    ces   Parages 
nombre  d'autres  objets ,  non  m<     s  étranges  nue 
I     les  prccédens  j  &  fi  >  jufqu'à  prcfen  ,  ou  n'en  a  pas 
!     eu 'une  connoilTance  cxadle  ,  c'eft  que  perfunne 
ne  s'cft   appliqué  à  les  obfcrvcr  ôc  X  les  com- 
muniquer  avec    les   détails    qu'ils    mcritoicnc. 
D'ailleurs,  cette  connoifTance  intérelTe  peu  dans 
ces  Parages ,  où  l'attention  eft  particulièrement 
attirée  par  des  charmes  &  des  plaiHrs  qui  Hac- 
tent  &  iéduifent  le  penchant  des  habitans. 


v^ 


DISCOURS    SECOND. 


'  i  < 


De  la  pojîùon  des  Terreins  de  l'Amérique  ^  &  dâ 
la  variété  étonnante  qu'on  y  obferve, 

ij  E  s  particularités  qu'on  remarque  dans  les 
effets  ,  font  en  général  connoître  les  propriétés 
des  caufes.  C*eft  ce  qui  arrive  aufliî  dans  la 
Nature  :  fes  ouvrages  manifeftent  la  fagelfe  des 
difFérens  moyens  qu'elle  emploie.  On  ne  les 
apperçoit  pas  moin*:  par  la  variété  qui  y  règne, 
fans  qu'ils  s'écartent  même  des  loix  fixes  qui 
font  necelTaires  pour  les  maintenir.  Si  toutes 
les  chofes  fe  reHembloient  parfaitement  ,  on 
nauroit,  en  les  confidérant,  aucune  raifon  de 
les  admirer,  ni  de  les  comparer  entr 'elles.  Les 
fens  font  ordinairement  peu  frappés  de  l'uni- 
formité j  car  ils  n'y  trouvent  rien  de  faillant  ni 
qui  fixe  l'attention.  La  variété  ,  au  contraire  , 
fixe  l'attention  au  premier  afpedt  des  objets , 
qui ,  fans  êtres  femblables  ,  ont  relnrivement  les 
mêmes  degrés  de  perfedion  ,  &:  ne  laifieji  pa> 
difceiner  lequel  eft  le  plus  p;\î.£uL  daiis  ïy:)n  cl- 

DCCÔ 


Discours     second.'  171 

pèce.  Une  montagne  ,  une  vallée,  font  deux 
objets  difTcrens  :  mais  fi  l'on  admire  dans  la 
première  la  maflTe  &  les  irrégularités  de  fa  forme 
externe  ,  ToBil  ne  s'arrête  pas  avec  moins  de 
plaiiîr  fur  la  fuperficie  plane  &  uniforme  de  la 
féconde.  Néanmoins  une  plaine  à  perte  de  vue 
fatigue  autant  l'attention  ,  qu'une  chaîne  con- 
tinuelle de  montagnes.  L'oeil  n'apperçoit  ni  dans 
l'une  ,  ni  dans  l'autre ,  cette  variété  qui  diver- 
fifie  les  objets  &  y  répand  l'agrément  par  leur 
différence  même.  La  Nature  ne  voulant  pas  que 
la  fuperHcie  du  Globe  préfentât  un  feul  &  même 
objet,  y  a  élevé  des  montagnes  ,  étendu  des 
plaines ,  ouvert  des  vallées  ,  foulevé  des  roches 
altières  ,  creufé  des  lacs  ,  répandu  des  Heuves  , 
des  ruiffeaux  ,  fait  fourdre  des  fontaines  ,  & 
a  donné  aux  terreins  des  couleurs  diflérentes  j 
de  manière  que  le  contrafte  des  divers  objets 
qui  en  forment  l'enfemble  rendit  fon  ouvrage 
plus  majeftueux  &  plus  parfait.  Dans  ces  vues , 
elle  ne  donna  pas  à  la  terre  une  parfaite  éga- 
lité dans  toutes  fes  parties  :  mais  elle  leur  déter- 
mina à  chacune  une  forme  différente  dans  leur 
I  ftru6ture  :  elle  leur  afîîgna  des  produits  différens , 
lafin  qu'on  put  diftinguer  chaque  partie  du  tout, 
|&  des  parties  corrélatives.  Cependant  elle  le 
fît  fans  s'écarter  des  règles  générales  qu'elle  ob- 
jfetva  pour  toutes  &  pour  chacune  prife  fcpa^ 
Tome  L  B 


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1  '■« 


!  M: 


f  t  Discours 

rément  :  circonftance  qui  rend  encore  fes  opc<^ 

rations  plus  admirables. 

La  partie  méridionale  des  Indes  occidentales  ^ 
connue  fous  le  nom  A* Amérique  méridionale  ^  fe 
diftingue  fenfiblement  de  toutes  les  autres  par  fes 
vaftes  plaines ,  &  par  fes  terreins  élevés ,  connus 
fous  le  nom  de  Cordillères,  Ces  monts  font  fi 
étendus  ,  qu'il  femble  que  ce  foit  le  fragment 
d*un  monde  qui  s'élève  fur  un  autre  ,  à-  une 
hauteur  prodigieufe.  Ces  monts  font ,  outre  cela , 
fi  difFérens  entr'eux ,  qu'on  n'y  apperçoit  pref- 
que  aucune  relTemblance.  En  effet ,  le  matériel 
du  fol ,  l'ordre  ,  l'arrangement  des  parties  ,  les 
faifons  de  l'année  ,  les  températures ,  les  pro- 
duâions ,  les  animaux ,  tout ,  en  un  mot  ,  y 
préfente ,  dans  chaque  objet ,  les  différences  les 
plus  étonnantes  ,  ou  plutôt  un  contraire  inex- 
primable. Ici  c'eft  le  plus  beau  printems  j  a  peu 
de  diftance  règne  un  hiver  rigoureux  fur  le  même 
continent.  Le  même  terrein  y  -produit  des  ar- 
bres dont  les  uns  fembleroient  n'avoir  dû  croî- 
tre qu'à  des  centaines  de  lieues  des  autres.  Les 
fruits  ,  les  quadrupèdes  ,  les  oifcaux  offrent  le 
même  contraire.  On  peut  comprendre  par  ces 
phénomènes ,  pourquoi  j'ai  dit  qu'il  fe  préfen- 
toit  la  un  monde  dans  un  autre  monde  ,  & 
l'un  &  l'autre  diftingués  par  les  propriétés  & 
les  phénomènes  les  plus  particuliers. 


y-.. 


î  fcs  opc-i     . 

cidentales  y 
dionaUf  le 
xces  par  fe$ 
es,  connus 
onts  font  fi 
le  fragment 
ce  ,    à-  une 
,  outre  cela , 
)erçoit  ptef- 
le  matériel 
parties  ,  les 
es ,  les  pro- 
un  mot  ,   y 
ifférences  les 
mtrafte  inex- 
items  j  a  peu 
fur  le  Hième 
(duit  des  ar- 
voir  dû  ctoî- 
|s  autres.  Les 
,ux  offrent  le 
indre  par  ces 
il  fe  préfen- 
londe  }    & 
•ropiiétcs  & 


s  I  c  o  N  p.  x^ 

La  Zone  Torride ,  qui ,  dans  fa  largeur  ,  s'é- 
tend d'un  Tropique  à  l'autre ,  renferme  Tifle  de 
Cuba,  où  fe  trouve  la  Ha  vanne  ,  prefque  fou$ 
le  tropique  du  Cancer  ^  l'ifle  de  S.  Domingue , 
&  quelques  autres.  Elle  s  etepd  aulfi  le  long  des 
côtes  de  la  mer  du  Sud ,  &  des   provinces  du 
royaume  du  Pérou,    jufqu'â  Morro - îyloreno , 
%  vers  la  baie  de  Mexillones.,  à   un  degré  envi- 
I  ron  du  port  de  Cobija.  On  remarque  dans  l'ef- 
i  pace  de   ces  quarance-fept  dégrés  de  latitude  , 
nombre  de  climats  difFérens  ,   &   des  terreins 
<iont  les  propriétés  n'ont  aucune  analogiei  Les 
produ<5fcions  fuivent  auffi  les  mêmes  rapports  dif- 
yérencielsj  fans  cependant  qu'il  y  ait  un  ordre 
arqué ,   en  conféquence  duquel  les  pays  plus 
rès   de  la   ligne    équinoxiale  f oient   les    plus 
hauds ,  &  les  plus  éloignés  vers  les  Tropiques 
Ifoient  moins  expofés  à  l'influence  des  rayons  du 
bleil.  La  Phyûque  fpéculative ,  fans  l'expérience 
u  local ,  ne  peut  abfolument  rendre  raifon  d$ 
es  écarts  apparent.  Selon  l'ordre  naturel ,   il 
àudroit  fans  douce  que  les  chaleurs  fuifent  plus 
Igrandes  au  milieu  de  l'efpace  où  fe  trouve  di« 
Ireâement  le  ibleil  dans  ion  cours  annuel ,  ic 
pnodérées  a  proportion. que  les  terreins  s'éloignent 
^e  ce  milieu.  Mais  il  ïïqw  eft  pas  ainfî.   On 
^fe  fent  naturellement  porté  à  rechercher  la  caufe 
^e  cette  efpèce  de  concradid^ion.  En  effet ,  pour- 


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10  D  I    s    C   O  V   R   s 

cjuoi  la  Nature  s'écaite-t-elle  ici  du  cours  or- 
dinaire des  chofes  ?  Quelles  raifons  fecrettes  a- 
c-elle  eu  pour  enfreindre  les  loix  générales  qui 
conduifent  fes  opérations. 

J'ai  déjà,  remarqué  que  tous  les  terreins  du 
Globe  ne  font  pas  dans  les  mêmes  rapports  , 
tant  à  l'égard  de  leur  pofition  ,  qu'à  l'égard  du 
matériel  de  leur  fol.  Il  eft  des  contrées  plus 
bafles ,  d'autres  plus  élevées  ,  &  quelques-unes 
trcsélevées  en  comparaifon  de  ces  premières. 
De  ces  gradations  différentes  ,  ré  fuite  la  va- 
riété des  températures  qui  font  la  caufe  acciden- 
telle ou  fecondairedes  différences  qu'on  remarque 
dans  ces  contrées.  Les  côtes  de  l'ifle  de  Cuba 
font  en  grande  partie  fort  bafles  ,  au  point  même 
que  dans  certains  parages  elles  femblent  être 
au  niveau  de  la  mer  ,  fur-tout  du  côté  qu'on 
appelle  les  Caies,  On  voit  dans  fon  intérieur  des 
éminences  Se  des  montagnes  ,  mais  dont  la  hau- 
teur ne  peut  entrer  en  comparaifon  avec  celle 
de  nombre  de  montagnes  qu'on  obferve  ail- 
leurs fur  la  furface  du  Globe.  La  Jamaïque  ,  peu 
diftante  de  Cuba ,  vers  le  fud ,  s'élève  en  forme 
de  montagne  depuis  les  bords  de  la  mer  juf- 
qu'à  fon  intérieur.  Cette  difparité  eft  d'autant 
plus  frappante ,  que  cas  deux  ifles  ne  font  fé- 
parées  que  par  un  petit  intervalle.  En  effet ,  dans 
les. jours  fereins  on  découvre  la  Jamaïque  de 
l'ille  de  Cuba.  1.q%  côtes  de  l'Amérique  mérit 


cours  or- 
îcrettes  a- 
lérales  qui 

;erreins  du 
;  rapports  , 
l'égard  du 
urées  plus 
îlques-unes 
premières, 
ake  la  va- 
ife  acciden- 
1  remarque 
e  de  Cuba 
point  même 
[nblent  être 
côté  qu'on 
itérieur  des 
[ont  la  hau- 
avec  celle 
(bferve  ail- 
laïque ,  peu 
e  en  forme 
la  mer  juf- 
;ft  d'autant 
e  font  fc- 
effet ,  dans 
aïque   de 
:ique  méri- 


►     SECOND.^  *<" 

dionale  qui  s'étendent  vers  le  nord,  font  en  gé- 
néral d'une  hauteur  régulière.  On  y  découvre 
jufques  dans  les  contrées  intérieures  des  monts  de 
moyenne  hauteur  ,  mais  en  certains  cantons  des 
montagnes  (î  élevées ,  qu'on  les  apperçoit  à  uii 
très  grand  éloignement.  Elles  font  même  fi  hau- 
tes que  ,  fous  l'équateur  les  cnnes  en  font 
couvertes  de  neige  j  car  ces  cimes  furpalfenc 
le  point  de  l'atmofphère  où  les  vapeurs  aqueufes 
fe  congèlent.  Dans  les  parties  occidentales  de 
l'Amérique  méridionale  ,  dont  nous  devons  prin- 
cipalement nous  occuper  ,  on  remarque  tous  les 
phénomènes  polîibles.  Mais  les  terreins  bas' qu'on 
y  voit ,  ne  le  font  pas  tant  que  ceux  de  l'ifle  de 
Cuba  ,  &  les  côtes  du  golfe  Mexique.  Les  cô- 
res  qui  courent  à  l'occident  de  la  mer  de  Car-r 
thagène  ,  depuis  Honduras..  &  bordent  le  Yu- 
catan ,  le  golfe  du  Mexique  ,  en  fe  portant  en- 
fuite  vers  la  Louifiane ,  la  Floride ,  de  même  que 
celles  qui  s'étendent  le  long  du  canal  de  Ba- 
hama  jufqu'à  la  nouvelle  Angleterre  ,  font  toutes 
également  baffes  &  applaties  au  point  qu'elles 
paroiffent  au  niveau  de  la  mpr  ,  comme  les  Caies 
de  l'ifle  de  Cuba. 

C'eft  principalement  dans  cette  partie  de 
l'Amérique  méridionale  &  occidentale  ,  qu'on 
remarque  le  fingulier  phénomène  de  l'inégali- 
té des  terreins ,  6: ,  en  conféquence  ,  celui  de  la 


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11  Discours 

difparicé  dans  les  climats  &dans  les  productions: 
de  forte  qu'on  a  comme  deux  contrées  à  confi- 
dérer  dans  une  feule.  Tout  le  pays  qui  regar- 
de la  mer  du  Sud  eft   bas   ,    formant  une  ef- 
pèce  de  zone  qui  s'étend  depuis  Choco  ,  à  7  ou 
8  degrés  au   nord  de   l'Equateur  ,  jufqù*au    i6 
ou  28^  degré  au  fud  du  même  :    de  forte  quf 
fa  largeur  eft  de  8   à  10  lieues ,  fe  rétreciflant 
plus  dans   certains    parages  que  dans  d'autres. 
Au  point  où  finiflTéitt  ces  plats  pays ,  commen- 
cent lés  Cordillères  ;  montagnes  dont  les  cimes 
font  fi  hautes  ,  qu'elles  femblent  fe  perdre  dans 
les  nues.  Elles  forment  comme  une  féconde  con- 
trée fUr  leur  hauteurs,  itoais  coupée   dans  fon 
érendue  par  différens  monts  &  par  des  profon- 
•deurs.  Cette  contrée  fupérieure  aux  autres  ter- 
rems  ,   s'ccend  <lans   toute   la  longueur   de  cettC 
partie   de    l'Amérique   fir  trente  à   cinquante 
lieues  de  largeur.    Cette  chaîne   de  montagnes 
s'abaiiTe  enfin  pour  former  un  autre  bas  pays  qui 
s'étend  du  pied  de  ces  monts  jufques   vers  les 
côtes  orientales  de  cette  même  partie  de  l'Anic- 
lique  dans  le  Btéfil»  C'eft  là  qu'on  lui  donne  le 
nom  de  montacjne  des  Andes.  On  donne  deux 
raifons  de  cette  dénôminarion.  La  première  c'tft 
que  ce  pays  ,   quoique  bas  ,  a  auflî  fes  monta- 
gnes &  fes  inégalités  dans  différentes  parties  : 
la  féconde  ,  c'eft  qu'il  eft  couvert  de  beaucoup 


I  d 


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^;i 


duftîons: 
î  à  confi- 
[ui  regar- 
c  une  ef- 
> ,  à  7  ou 
'(qù*au  i6 
forte  que 
étreciflant 

d'autres. 

commen- 

les  cimes 

îtdre  dans 

:onde  con- 

dans  fon 
es  profon- 
autres  tcr- 
Ir  de  cette 

cinquante 
montagnes 
is  pays  qui 
vers  les 

e  l'Amc- 
donne  le 

)nne  deux 
rère  c'eft 

es  monta- 

5  parties  : 
beaucoup) 


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,    5  ï   C   O   N   ©.'  25 

de  forets  cpalfTes  ,  que  l'on  y  appelle  montagnes^ 
quoique  la  fuperficie  du  fol  foit  plane  &  uni- 
forme. On  voit  par  la  que  cette  partie  de  l'A- 
mérique a  une  bande  de  terrein  fenfiblement 
plus  élevée  que  tout  le  refte,  &  même  que  toutes 
les  autres  contrées  habitées  du  Globe.  Cette  grande 
élévation  a  été  conftatée  par  des  expériences ,  & 
par  les  mefures  que  l'on  a  prifes  pour  en  véri- 
fier la  réalité. 

On  voit  auflî  dans  cette  partie  haute  de  l'A- 
mérique ,  d'autres  éminences  qui  s'élèvent  à  des 
hauteurs  confidérables ,  comme  on  le  remarque 
dans  les  pays  les  plus  connus  de  l'Europe.  Mais 
s'il  y  a  dans  la  partie  haute  habitée ,  qui  leur 
fert  de  bafe  ,  des  royaumts  très  étendus  ,  & 
des  provinces  fort  peuplées ,  il  s'y  voit  auflî  de 
vaftes  contrées  déferres.  Or  ces  pays  font  (i  dif- 
férens  des  contrées  inférieures  ,  que  rien ,  pour 
ainfi  dire ,  ne  s  y  reflemble  :  ce  qui  doit  être 
de  toute  néceflîté  ,  puifque  la  différence  des 
climats  &  de  la  température  fait  varier  toute 
les  produdions  du  fol. 

Pour  éviter  de  jetter  mes  lefteurs  dans  quel- 
que méprife  au  fujet  de  cette  terre  fupérieure, 
&  ne  point  caufer  d'équivoque  avec  la  partie 
haute  habitée  &  la  plus  grande  hauteur  des  monts, 
ou  mêmes  des  chaînes  de  montagnes  qui  s'y 
'lèvent,  j  obferverai  ici  qu'il  faut  mettre  en  fait 

B4 


"T 


14  D  f   S   C  0  V  R   S 

que  la  partie  habitée  eft  à  4  5  3  <>  y  varas  au- 
deflus  des  terreins  qui  avoillneiit  immédiatement 
la  mer  :  qu'en  outre  les  cimes  des  montagnes 
qui  s'élèvent  fur  cette  même  plaine  élevée  ,  ont 
plus  de  660Ù  varas  de  haut.  Elles  furpalTent 
donc  "les  autres  de  106^  ^  varas. 

On  peut  établir  trois  points  difFérens  de  gra- 
dation pour  les  terreins.  Le  premier  eft  celui 
des  terreins  bas  voifîns  de  la  mer  :  le  fécond , 
celui  de  la  maffe  ou  du  corps  des  Corditlieres 
mêmes  :  le  trolfième ,  celui  des  cîmes  qui  fur- 
montent  ces  montagnes.  Si  ces  cwiijiences  n*a- 
vcient  en  elles  rien  de  plus  particulier  que  les 
autres  montagnes  qu'on  connoît  dans  les  diffé- 
renres  parties  du  Globe  ,  fans  doute  elles  nepré- 
fenteroient  rien  d'étonnant.  Maii  il  n'en  ell  pas 
ainfi.  On  ne  peut  abroKuiicnc  Ce  former  une  idée 
de  leur  élévation  fans  l'avoir  vue  :  c'eft  en  cela 
que  confifte  le  merveilleux  du  phénomène.  De  là 
vient  aufliî  certe  différence  de  toutes  les  chofes 
extraordinaires  qui  en  réfultent  néceffairemenc. 

Le  fable  domine  dans  les  terreins  bas  ,  ôc 
m*me  à  des  diftances  afTez  confidérables.  On 
y  voit  aufli  quelques  étendues  de  terre  fangeufe. 
Comme  ces  bafles  contrées  ont  çà  &-U  leurs 
tïiontagnes  ,  il  s'y  trouve  des  carrières  ôc  des 
terres  de  toute  efpèce  ,  de  même  que  dans 
tous  les  pays  qui   ont  un  peu  d!étendue.    La 


I 


¥; 


varas  au- 
diatemcnt 
ïiontagnes 
gvce ,  ont 
furpalTent 

ns  de  gra- 
efl  celui 
e  fécond  » 
lordillieres 
es  qui  fur- 
lences  n*a- 
ier  que  les 
;  les  diffé- 
lies  neprc- 
ii*en  eft  pas 
er  une  idée 
l  en  cela 
lène.  De  là 
les  chofes 
'airemenc. 
bas  ,    ôc 
\bles.   Ou 
fangeufe. 
k-là  leurs 
res  &  des 
que   dans 
lue.    La 


'Second.'  IJ 

partie  haute ,  prife  en  totalité ,  a  pareillement 
d'alTez  grands  terreins  fabloneux  :  d'où  Ton  doit 
conclure  que  les  grands  pays  fabloneux  ne  font 
pas  toujours  dus  au  voiiînage  de  la  mer.  Il  fem- 
ble  que  la  nature  ait  voulu  fe  faire  un  jeu  de 
{es  opérations  ,  en  difpofant  cette  partie  du 
globe  ;  &  qu'uniquement  attentive  à  l'ordre 
des  climats  ,  elle  ait  mis  un  fragment  du  globe 
fur  un  autre  terrein,  fans  trop  en  différencier 
la  nature.  En  effet ,  celui  qui  domine  fur  l'autre 
à  cette  hauteur  confîdérable ,  a  une  analogie  alfez 
direéle  avec  celui  qui  eft  au-delTous.  ' 

La  terre  haute  s'étend  en  fe  différenciant  peu 
de  la  baffe  ;  fe  portant  depuis  les  parties  qui 
correfpondent  aux  côtes  de  Caracas ,  Ste.  Marte , 
Carthagène  ,  au  Choco  ,  jufque  près  du  détroit 
de  Magellan.  Mifis  un  remarque  ici  cette  cir- 
conftance  particulière,  que  comme  la  partie  la 
plus  large  de  l'Amérique  efl  fous  l'Equateur  &  fes 
parties  adjacentes,  de  même  la  partie  la  plus  large 
&  la  plus  élevée  de  la  partie  haute  fe  trouve  aulîî 
dans  ceparage.  Cette  partie  de  l'Amérique  fe  ré- 
trécit à  mefure  qu'elle  s'avance  vers  le  Sud  :  il 
en  eft  de  même  de  la  partie  haute.  Il  y  a 
encore  une  autre  particularité  à  remarquer;  c'eft 
que  depuis  le  3  o  -  degré  ,  en  allant  au  Sud ,  le 
chmat  correfpond  aux  changemens  de  la  Zone 


114 


# 


n: 


;« 


M 


('  I. 


té  Discours 

cem perce  ,  pour  la  àivifion  de  l'hiver  8c  de  t'ctc» 
Comme  il  croit  moins  nécelTaire,  depuis  ce  degré, 
de  fuppléer  par  Télcvation  à  ce  qui  manquoic 
»  la  nature  du  climat,  la  partie  haute  y  a  été 
plus  inclinée  qu'elle  ne  l'efl  fous  l'Equateur. 
G|e(l  pourquoi  cette  partie-ci  peut  ,  depuis  cet 
intervalle  ,  ctre  regardée  comme  une  colline  de 
pluHeurs  centaines  de  lieues ,  dans  le  cours  def- 
quelles  elle  fe  rétrécit ,  &  s'élève  moins  ,  à  pro- 
portion qu'elle  fe  porte  plus  vers  le  midi.  Par 
cette  pofitiôn  elle  ell  dans  le  rapport  régulier 
des  autres  parries  ;  au  lieu  que  .dans  une  podr- 
tion  différente ,  elle  eût  été  impraticable  pendant 
]es  froids  qui  y  auroient  été  exCtCCifs  en  hiver. 
En  effet,  H  la  terre  qui  eft  fous  l'Equateur  eft 
toujours  froide  ,  à  caufe  des  hautes  montagnes 
dont  la  neige  éternelle  couvre  •Us  cimes  ,  à  plus 
forte  raifon  la  Zone  Tempérée  ,  où  l'on  a  Tuiver 
Se  l'été  ,  le  feroit-elle  ,  s'il  s'y  réuniffoic  deux 
caufes  pour  produire  le  froid  ;  favoir  l'élévation 
du  fol ,  &  l'obliquité  des  rayons  folaires  :  ce  qui 
Ja  tiendroit  continuellement  couverte  de  neige  ôc 
de  frimats.  Mais  la  fage  prévoyance  de  la  Na- 
ture a  tout  dirigCi,  de  manière  qu'elle  a  diminue 
ici  l'énergie  de  la  caufe  accidentelle  qu'elle  avoit 
iproduite  dans  l'autre  partie  ,  afin  qu'il  n'y  eÛ£ 
point  d'excès  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre.  On  n'a 


I 


»    I 


de  l'étc» 
ce  degré , 
nanquoit 
I  y  a  été 
îquaceur. 
epuis  cet 
oUine  de 
ours  def- 
,  à  pro- 
midi.  Pat 
:  régulier 
une  pofif 
e  pendant 
en  hiver, 
lateur  eft 
nontagnes 
s ,  à  plus 
1  a  Tniver 
(Toit  deux 
élévation 
s  :  ce  qui 
neige  Se 
e  la  Na- 
diminuc 
lie  avoic 
n'y  eût 
On  n'a 


1 


S  1  c  o  M  o;  "^7 

T)oînt  fait  d*expériences  avec  le  Baromètre  dans 
cette  partie  méridionale  des  Cordillères ,  comme 
on  l'a  fait  fous  la  Ligne  j  ainfi  l'on  ne  peut  rai- 
fonner  ,  à  cet  égard  ,  que  d'après  la  vue  des 
lieux ,  &  une  vraifemblance  fondée  fur  les  degrés 
de  rintenfité  du  froid  qu'on  y  éprouve  pendant 
l'hiver.  11  feroit  avantageux  de  confirmer  les 
raifonncmens ,  par  l'obfervation  formelle. 

Je  ne  parle  pas  ici  des  grandes  élévations  for- 
mées par  les  monts ,  &  même  par  les  chaînes  de 
montagnes  qui  couvrent  une  partie  du  fol  :  la 
Nature  ne  les  ayant  pas  faites  pour  être  habitées , 
ne  les  a  pas  aflfujetties  à  la  règle  qu'elle  a  éta- 
blie pour  les  fécondes.  On  voit  donc  que  Ci  les 
chaînes  de  montagnes  qui  fe  trouvent  dans  les 
Provinces  fituées  entre  les  Tropiques  ,  font  pra- 
ticables «n  roue  tcnis  »  celles  qui  font  au-delA  du 
trentième  degré  ,  ne  le  font  plus  en  hiver  ,  à 
caufé  des  grandes  neiges  qui  couvrent  le  fol. 

Ces  deux  terres,  la  haute  &  hhajfsj  ne  peuvent 
être  mifes  en  comparaifon  avec  aucune  de  celles 
qui  fe  voient  dans  toutes  les  autres  parties  du 
Monde.  En  effet ,  quoique  Von  rencontre  dans 
toutes  de  vaftes  chaînes  de  montagnes  ,  &  qu'il 
y  ait  même*  des  habirans  fur  leurs  éminences  &c 
da:ns  leurs  vallées  ,  malgré  les  neiges  qui  y  tom- 
bent dans  la  faifon  ,  on  n'y  voit  cependant  pas 
les  grandes  plaines  qui  font  fur  les  Cordillères  : 


■C 


r 


lit 


ftV  Discours 

plaines  fi  étendues  ,  qu'on  ne  croiroit  jamais  y 
être  fur  les  plus  hautes  clcvations  du  Globe. 
AuHi  les  Naturels  de  ces  contrées ,  qui  n'ont  ja- 
mais forti  de  leur  patrie  ,  pcnfent-ils  que  toute 
la  Terre  habitable  c(l  de  la  même  hauteur  ou  aa 
mènie  niveau  ,  fans  faire  attention  à  la  profon- 
deur immenfe  à  laquelle  la  Mer  fe  trouve  au- 
deflbus  d'eux.  Mais  ,  d'un  autre  côté  ,  ceux  qui 
n'ont  pas  vu  ces  cimes  énormes  ,  ne  peuvent  ja- 
mais fe  figurer  la  difformité  du  Globe ,  dont  une 
partie  s'élève  ainfi  ,  ôc  fe  prolonge  au-delfus  du 
plan  régulier  de  la  circonférence  à  plufieurs  cen- 
taines de  lieues ,  fur  autant  de  large.  '  • 
Dans  cette  partie  élevée  ,  la  Terre  eft  entre- 
coupée de  vaftes  profondeurs  ,  qu'on  y  appelle 
Quebradas,  C'eft  l'efpace  que  laiflent  entr'elles 
le^  plaines  ou  les  chaînes  de  n-iontagnes  qui  fe 
réparent  les  unes  des  autres.  L'aire  de  ces  inter- 
valles a  quelquefois  deux  .lieues,  &  plus,  de  large  : 
plus  ces  Réparations  font  profondes  ,  plus  elles 
fe  rétrécifient.  Le  fond  fert  de  lit  aux  eaux  qui  y 
coulent  ,  &  tiennent  prefque  toujours  le  milieu. 
Ces  eaux  fuivent  les  détours  &  les  déviations  du 
terrein  latéral  ;  de  forte  que  fi  les  deux  rives 
étoient  rapprochées  l'une  de  l'autte  ,  elles  fe 
réuniroient  exadement ,  pour  ne  former  qu'une 
furface  unie  8>c  fans  interruption.  Elles  conti- 
nuent ainfi  leurs  cours  dans  ces  profondeurs  en* 


4 


I 


'-4- 


.1 


jamais  y 

Il  Globe. 

n'ont  ja- 

]uc  couce 

sur  ou  aa 

a  profpn- 

rouve  au- 

ceux  qui 

îuvent  ja- 

dont  une 

■deirus  du 

eurs  cen- 

eft  entre- 
y  appelle 
entr'elles 
es  qui  fe 
ces  inter- 
de  large  : 
plus  elles 
aux  qui  y 
le  milieu, 
ations  du 
leux  rives 
elles  fe 
ir  qu'une 
is  conti- 
leurs  eu* 


I 


s    I    C    O    N    D.  19 

tre  les  montagnes  ,  &  arrivent  enfin  dans  la  par- 
tic  balTe  du  terrein  ,  d'où  elles  fe  rendent  à  U 
Mer.  Mais  la  malle  d'eau  qu'elles  forment  dans 
cette  féconde  partie ,  a  p-u  de  protondeur  ,  6c 
5  femblc  n'être  répandue  que  fur  la  furface  du  fol. 
On  voit  ainfi  que  plus  les  Cordillères  font  éle- 
vées ,  plus  les  eaux  qui  y  coulent  ont  de  profon- 
deur. L'ouverture  par  où  elles  fe  déchargent 
tl.uis  la  paitie  balfe  ,  a  plus  de  largeur.  Les  fur- 
i  faces  planes  que  fuit  l'eau  ,  font  aulîi  plus  larges 
'  dans  le  bas.  C'eft  ce  qu'on  appelle  la  vai/ée  j 
à  l'imitation  de  ce  qui  fe  fait  dans  les  contrées 
de  la  partie  balfe  ,  pour  les  diftinguer  ,  par  cette 
dénomination  ,  de  la  partie  haute  habitée  ,  qu'on 
y  appelle  Sierra  ^  ou  chaîne  de  montagnes. 

Entre  les  différens  jeux  de  la  Nature ,  que  l'on 
voit  dans  la  Province  d'Angaracz  ,  jeux  qui  font 
d'autant  plus  étonnans  ôc  variés  ,  que  les  pays 
font  plus  fpacieux  &  plus  étendus  ,  on  remarque 
cette  particularité  intéreflante  pour  un  œil  CU" 
rieux.  Cette  Province  ,  qui  eft  du  Département 
de  Guancavelica  ,  renferme  différens  diftriéts , 
parmi  lefquels  eft  celui  de  Conaïca.  Il  y  a  une 
Bourgade ,  appellée  Fignas  ^  diftante  de  neuf 
lieues  de  Conaïca.  A  cinq  lieues,  fur  la  route  de 
celui-ci ,  on  trouve  un  monticule  appelle  Coro-- 
funta.  Au  pied  de  ce  mont  on  entre  dans  >ane 
ouverture  ,  par  laquelle  s'écoule  le  rui(feau  qu'oii 


I 


T 

•I 


n 


)6  Discours 

y  appelle  ChapUancas,  Ce  ruiffeau  fuie  fa  pente 
encre  deux  parois  de  roche ,  éloignées  l'une  de 
Taucre  à  la  diftance  de  Hx  ou  huit  varas  fur  une 
clévatioti  de  quarance ,  ôc  fans  s'élargir  fenfible- 
ment  plus  en  haut  qu'au  fond  de  l'ouverture. 
Lorfque  le  fond  fe  refferre  un  peu  ,  le  ruideau 
en  occupe  toute  la  furface  :  c'eft  néanmoins  le 
long  du  cours  de  cette  eau  ,  qu'il  faut  fuivre  le 
chemin  qui  conduit  à  Conaïca.  Mais  toutes  les 
fois  que  le  ruilfeau  n'a  plus  que  huit  varas  de 
large ,  il  faut  paffer  d'un  bord  à  l'autre  ,  ce  qui 
arrive  neuf  fois  ,  pour  aller  chercher  le  chemin 
du  coté  dé  la  paroi  où  il  s'en  trouve  un  peu 
éloigné.  Ces  palfages  fe  font  fur-tout  aux  dé- 
viations &  aux  angles  de  cette  profondeur  j 
car  toutes  les  fois  que  le  lit  eft  droit  ,  il  n'a  de 
largeur  que  ce  qu'il  en  faut  pour  l'écoulement  de 
l'eau. 

Ce  ravin ,  (î  on  peut  l'appeller  ainfî ,  eft  creufé 
dans  la  roche  mcme  ,  &  avec  tant  de  jufteffe , 
que  les  côtés-rentrans  correfpondent  parfaitement 
aux  côtés  faillans.  On  diroit  que  cette  ouverture 
a  été  pratiquée  à  dcnfein  ,  avec  fes  finuofîtés  & 
fes  angles ,  pour  donner  paffage  i  l'eau  entre  les 
deux  parois  qui  la  forment.  Tout  y  eA  (i  égal ,  (i 
uniforme  ,  que  fi  les  deux  côtés  étoient  rappro- 
chés ,  ils  s'engrèneroient  l'un  dans  l'autre  ,  de 
manière  a  ii:  plus  laiffer  appercevoir  nxicim  jour. 


:% 

é 


[  fa  pence 
;  l'une  de 
s  fur  une 

fenfible- 
ouverture, 
e  ruiiïeau 
imoins  le 

fuivre  le 
toutes  les 

varas  de 
e ,  ce  qui 
e  chemin 
e  un  peu 
c  aux  dé- 
ifondeur  .; 

il  n'a  de 

ement  de 

eft  creufé 
jufteffe , 
faicemenc 
mverture 
lofîtés  ôç 
1  entre  les 
égal ,  Cl 
rappro- 
[cre ,  de 
:u4i  jour. 


'È 
.1 


Second."  5! 

Ce  chemin  ne  préfente  aucun  danger  ;  c'eft  une 
roche  folide ,  dont  il  ne  peut  fe  détacher  aucune 
pièce  pendant  le  palTage  des  voyageurs  :  d'ail- 
leurs l'eau  n'y  eft  pas  alTez  rapide  ,  pour  d«nnec 
aucune  crainte  bien  fondée.  Malgré  cela  ©n  eft 
faifi  d'effroi  :  on  friflbnne  lorfqu'on  fe  voit  eji- 
fermé  dans  ce  ravin  étroit ,  dont  les  bords  s'élè- 
vent à  cette  hauteur  en  confervant  par- tout  la 
même  diredion  verticale ,  ôc  la  mutuelle  corref- 
pondance  des  côtés  faillans  Se  rentrans,  de  forte 
qu'ils  femblent  vouloir  fe  rejoindre  à  chaque 
inftant  y  pour  reprendre  leur  état  primitif. 

Cette  excavation  eft ,  en  petit ,  un  modèle  dei 
vaftes  Quebradas  ou  profondeurs ,  &  fait  com- 
prendre leur  origine  :  elles  ne  pouvoient  être  que 
femblables  à  celle-ci  :  tout  s'y  eftpaffé  de  même, 
ou  plus  tôt  ou  plus  tard.  Les  flancs  en  ont  été  plus 
ou  moins  perpendiculaires ,  jufqu'tu  moment  o» 
ils  fâ  font  aftailfés  ,  &  ont  formé  des  plans  incli- 
nés ,  lorfque  l'eau  faifant  de  plus  profondes  ex- 
cavations ,  eut  miné  la  bafe  qui  les  foutenoit.  Né 
pouvant  plus  alors  perfévérer  dans  leur  premier 
état ,  les  terreins  ont  croulé  ,  &  ont  pris  l'incli- 
naifon  qu'ils  ont  confervée  depuis.  La  même 
chofe  arrivera  néceffairement  à  ce  pafTage  de 
Conaïca  j  lorfqu'avec  le  laps  du  tems  ,  les  effets 
des  pluies  ,  des  gelées  ,  des  rayons  folaires  ,  au- 
ront fait  tomber  en  mine  ces  parois ,  quoique  de 


V 


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|i  piscouns 

^oche  vive  j  car  ces  agens  puiflans  font  fentîf 
leur  énergie  aux  corps  les  plus  durs.  Âiniî  les 
bords  du  Chapllancas  perdront  infenfiblement 
la  régularité  de  leur  diftance ,  de  leurs  côtés  ren- 
trans  &  faillans , ^près  lavoir  peut-êtie  confervéc 
plus  long  tems  que  d'autres  excavations  ,  parce 
que  c'eft  une  pierre  dure  ,  qui  n'e#  mêlée  d'au- 
cune veine  de  lerre  movihle.  Nous  pouvons  le 
croire  fans  héfîter  j  car  ce  n'eft  que  le  feul  frotte- 
ment de  l'eau  qui  a  excavé  ce  lit  jufqu'à  la  pro- 
fondeur qu  1  a.  Mais  le  tems  ,  qui  réduit  les 
roches  les  plus  dures  en  fablon  ,  ira  toujours  en 
élargiffant  la  partie  inférieure  ,  par  fon  action 
continuelle  ^  infenfible  :  aufli  voit-on  ce  ruilTeau 
rouler  de  petites  pierres  qui  fe  détachent  fous 
les  eaux  ,  comme  on  en  apperçoit  dans  la  plaine 
où  il  les  entraîne  ,  en  fortant  de  la  montagne  » 
pour  fe  décharger  dans  un  terrein  plus  fpacieux. 

Que  ce  canal  ait  été  excavé  à  cette  profondeur 
par  l'effet  continuel  du  frottement  des  eaux  ,  ou 
qu'il  ait  été  ouvert  par  une  fecoulTe  de  tremble- 
ment de  terre  qui  fit  fendre  la  montagne ,  de 
forte  que  le  ruifleau  qui  couloir  d'un  autre  côté  , 
fe  foit  jette  de  celui-ci,  il  eft  certain  que  cette  ou- 
verture profonde  eft  poftérieure  à  l'arrangement 
que  les  terreins  eurent  après  le  Déluge  ;  &  oue 
c'eft  ainfi  que  cqs  énormes  Qucbradas  de  la  par- 
tie méridionale  de  l'Amérique  ,  fe  font  formées 

avec 


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aiit  fentîf 
Ainfi  les 
fiblement 
côtés  ren- 
confetvéc 
is  ,  parce 
lelée  d'au- 
louvons  le 
eul  fiotte- 
Li'à  la  pro- 
réduic  les 
oujours  en 
fon  aAion 
ce  riiiiïeaa 
chent  fous 
s  la  plaine 
noncagne  » 

pacieux. 
jrofondeur 

eaux  ,  ou 
tremble- 

agne ,   de 

ut  ire  côté , 
Wê  cette  ou- 

angement 
;  &  eue 
e  la  par- 
formées 
avec 


SECOND.  $t 

I  avec  le  tems  ,  par  le  frottement  du  cours  rapide 
des  eaux.  En  etfet  ^  on  obferve  que  la  force  avec 
'    laquelle  s'écoulent  toutes  les  eaux  de  cette  partie 
§  du  Globe  »  fufiit  pour  arracher  des  roches  d'une 
I  maife  extraordinaire.  C'eft  pourquoi  l'on  voit  en 
;^.  certains  parages  des  marques  évidentes  de  leurs  ex- 
^  cavations  profondes  au  milieu  même  des  lits  de  ces 
Seaux.  Ce  ibilt  des  cubes  d'une  grandeur  énorme, 
|Mqui  n'ont  pu  être  détachés  avec,  la  même  facilité 
jque  les  parties  contigucs.  La  rivière  d'I/cuchaca  y 
Iqui  coule  près  d'un  hameau  de  mèmefiom  j  nous 
)réfente  dans  fon  lit  Une  de  ces  maffes  ,  dont  la 
forme  eft  précifément  celle  d'un  cube.  Lorfque 
l'eau  eft  balTe ,  ce  cube  s'élève  à  fept  ou  huit  varas 
lu-delfus  du  courant  :  chaque  côté  porte  douze 
0aras  de  face.   Mais  ces  mailes  ,  &  autres  moin*- 
/  Ijîres  de  différentes  formes ,  qui  fc  voient  dans 
■|es  eaux  ,  ne  peuvent  être  arrivées  à  cet  état , 
fins  que  l'eau  les  ait  dégarnies  peu-â  peu  des 
>ierres  ,  des  fables  qui  les  enveloppoient  ,    èc 
ju'elle  a  arrachés  de  tous  côtés  pour  les  lailTer 
ifolées  ;  or  elles  fe  maintiendront  dans  cette  pofî- 
tion ,  jufqu'à  ce  que  les  eaux  ,  cavant  de  plus  en 
)lus  ,  rencontrent  enfin  à  la  bafe  des  veines  de 
latières  friables  &  dilTolubles  ,  qu'elles  pénétre- 
ront &  qu'elles  emporteront,  en  détruifant  l'afliette 
fur  laquelle  pofent  ces  malfes  jufqu'alors  inamo- 
ibUs»   Une  crue  d'eau  confidérable ,  &  qui  nji 
Tome  /,  ^{J 


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34  Discours 

laiiTera  plus  paroître  qu'une  varas  de  cette  maHe, 
pourra  dans  ce  tems-là  l'arracher,  &  la  faire  rou- 
ler ;  mais  ce  mouvement ,  &  les  chocs  qu'elle 
éprouvera  de  la  part  d'autres  malTes  moins  gref- 
fes ,  fuiïiront  pour  en  brifer  les  parties  faillantes , 
ôc  la  réduire  en  parties  moins  volumineufes  ,  qui 
rouleront  avec  pli^s  de  facilité  j  &  qui  par  cette 
feule  caufe  dimiiiueront  encore.  C'eft  à  cette 
caufe  qu'on  doit  attribuer  ces  quantités  prodi- 
gieufes  de  pierres  répandues  çà  &  là  fur  les  bords 
de  ces  eaux ,  de  même  que  ces  roches  énormes 
qu'on  y  voit  détachées  ,  6c  que  jamais  les  for- 
ces humaines  n'auroient  pu  mettre  en  mouve- 
ment. ,  :^ 

Mais  peur  donner  une  idée  quelconque  de  la  i 
profondeur  de  ces  excavations  ,  relativement  au 
terreîn  ou  au  fol  habitable  de  la  partie  haute  de 
l'Amérique  ,  il  eft  à  propos  de  rapporter  quel- 
ques expériences. 

Guancavelica  eft  une  Bourgade,  ou  un  Corps 
municipal,  (itué  dans  une  de  ces  profondeurs^ 
formées  par  différentes  fuites   d'éminences.  Le 

mercure  du  baromètre  y  defcend ,   &  s'artcte  à 

« 

dix-huit  pouces  une  ligne  Ôc  demie.  Sa  plus 
grande  variation  y  eft  de  i  ^  à  i  |.  Sa  hauteur 
eft  donc  de  1949  toifes ,  ou  453<>  f  varas  au- 
deifus  du  niveau  de  la  Mer,  Au  haut  du  mont 
où  fe  trouve  la  mine  de  mercure  ,  mosc  qui 


. '•  .'^y 


second;  35 

eft  habitable  par-tout ,  &  qui  eft  immédiatemenc 
furmonté  par  d'autres  ,  autant  qu'il  s'élève  au- 
defTus  de  Guancavelica ,  le  mercure  defcend  & 
s'arrête  d  1 6  pouces  C  lignes.  Sa  hauteur  eft  donc 
de  2537  f  toifes,  ou  de  5448  varas  au-delfus  du 
niveau  de  la  Mer.  Âinii  la  haute  fuperâcie  du 
mont  où  eft  la  mine ,  s'élève  i  9 1 2  |  varas  au- 
deffus  du  fol  fur  lequel  eft  iitué  Guancavelica* 
Or  cette  profondeur  a  été  excavée  par  les  divers 
courans  d'eau  qui  defcendent  de  cette  montagne 
depuis  le  déluge  ,  &  qui  viennent  fe  réunir  avec 
celui  de  Guancavelica ,  qui  fort  de  l'autre  par- 
tie que  l'on  appelle  le  Ycho* 

Le  mercure  s'arrête  à  19   pouces  10  lignes,' 
[dans  le  village  d'Ifcuhaca  ,  qui  eft  à  une  lieue 
Ide  Conaïca  ,  (  au  diftriâ:  duquel  il  appartient  ) 
à  huit  lieues  de  Guancavelica.  Or  cette  hau- 
teur du  mercure  répond  à  1575  toifes  ou  ^66% 
/aras  refpedivement  à  la  Mer.  Mais  ce  fol  eft 
ie  857  varas  plus  bas  que  celui  de  Guaucave- 
Ifca  \  profondeur  qui  eft  l'effet  des  excavations 
le  la  rivière  Ifcuchaca.  Cette  rivière  reçoit  la 
îuancavelica  ,  mais  dans  un  terrein  encore  plus 
bas  que  celui  du  village.    Les  eaux  ont  dond 
reufé  à  la   profondeur  de   17CÏ9  f  varas    de- 
kiis  la  hauteur  du  mont ,  où  eft  la  mine  de  mer^ 
lire ,  outre  ce  qu'elles  ont  de  plus   bas  qu'jl 
tcuchacâ,  ^ 

C* 


II; 


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Le   terrein  ,  ou  la   fuf  erficie  plane  ,  où  efl: 


ilh 


)liis  d' 


les 


'élévation  que  les  eaux 
de  la  rivière  ,  lorfque  ces  eaux  font  haures  de 
dix  ou  douze  varas  j  ce  qui  en  eft  la  profon- 
deur ordinaire  :  car  on  verra  plus  bas  que  le 
cours  n'en  eft  pas  régulier.  Ainfi  les  eaux 
ont  encore  fait  cette  autre  excavation  comme  il  eft 
facile  de  le  voir  par  des  indijces  manifeftes.  On 
remarque  en  effet  dans  la  partie  voifine  de  leur 
lit  ,  des  roches  détachées ,  toutes  femblables  à 
celles  qui  font  au  milieu  des  eaux  j  ce  qui 
prouve  que  les  eaux  ont  été  au  même  niveau 
à  une  époque  beaucoup  plus  ancienne  ,  6c  qu'elles 
ont  excavé  le  fol ,  à  force  d'en  arracher  les  par- 
ties aggrégées. 

Ces  terreins  font  ouverts  par  un  fi  grand  nom* 
bre  de  courans  ,  qu'il  n'en  eft  aucun  ou  l'on 
n'en  apperçoive  ,  foit  dans  des  ravins ,  foit  entre 
des  montagnes.  J'ai  obfervéque  la  fuperficie  des 
terreins  cjui  en  avoillne  les  lits ,  eft  plus  unie  aux 
confluens ,  où  pluficurs  de  ces  co'irans  fe  réu- 
nifient. Cela  vient  de  ce  que  l'éminence  ,  qui 
fe  trouve  au  confluent ,  paroît  avoir  été  dimi- 
nuée à  la  partie  où  elle  a  du  former  une  pointe  . 
faiilante  ,  à  mefure  que  les  eaux  l'ont  rongée 
de  l'un  ou  de  l'autre  coté  ,  en  continuant  leur 
excavation.  Ces  furfices  planes  font  comme  par 
étages  5  les  unes  plus  hautes  que  les  autres,  ôc  fe 


'     i° 


■Vil 


e  ,  où  eft 
\Q  les  eaux 

haïues  de 

la  profoii- 
bas  que  le 
i  les  eaux 
omme  ileft 
lifeftes.  On 
fuie  de  leur 
miblables  à 
c  'y  ce  qui 
ême  niveau 

,  &c  qu'elles 
cher  les  par- 

i  grand  nom* 
un    où   l'on 
s ,  foit  entre 
iiperhcie  des 
us  unie  aux 
rans  fe  réu-  ' 
mence  ,  qui 
ir  été  dimi- 
•  une  pointe  ^: 
'ont  rongée 
tinuant  leur 
comme  par 
luttes  j  &  fe 


SECOND.  J7 

font  infenfiblement  formées,  félon  que  leau  s'eft 
i  plus  ou  moins  arictée  à  différente  hauteur ,  pen- 
;|-dant  qu'elle  creufbit  ces  lits.  On  oblerve  ,  au 
4  contraire ,  que  les  bords  élevés  dans  ces  courans, 
%  n'ont  prefque  point  de  largeur  dans  les  endroits 
É  où  l'eau  a  pu  fuivre  fon  cours  très  -  dirediement, 
C'eft  cependant  fur  ces  bords  étroits  ôc  efcar- 
^pés  que  fe  trouvent  pratiqués  les  chemins  par  ou 
[l'on  pade.  Le  danger  y  eft  très  grand  :  car  à 
Ipeine  un  animal  peut-il  y  pofer  le  pied»  Tou- 
tes les  fois  que  le  courant  fait  un  détour  ,  la 
furface  des  bords  a  plus  de  largeur  ;  cepen- 
lant  moins  que  lorfque  plufieurs  fe  réunilTent. 
voit  facilement  pourquoi.  L'eau  forcée  de  fe 
létourner,  s'éloigne  plus  de  la  rive  que  quand 
tlle  va  en  ligne  droite  ,  &  ronge  ainfi  le  côté 
lillant  fur  lequel  elle  fait  fon  détour ,  Sc  qui  e.n 
levient  comme  le  centre. 
On  peut  conclure  de  ce  que  je  viens  de  dire , 
quelle  élévation  eft  la  partie  haute  ou  monta- 
;neufe  de  l'Amérique  ,  relativement  a  la  par- 
tie bafle  ,  6c  qu'il  y  a  des  excavations  extic- 
Imemenr  profondes  ;  car  elles  ont ,  comme  je  l'ai 
■déjà  dît  ,  17^9  I  varas  perpendiculaires ,  ou 
même  davantage  :  cependant  elles  ont  alfez  du 
furface  pour  devenir  le  local  de  nombre  d'habita- 
tions fort  peuplées ,  qui  entirent  tous  les  produins 
iccefiaires  à  la  vie.  Parmi  cqs  Quehradas^û  en  ett 

C  5  - 


<H 


'(  ■  i 


lilifi; 


ai 


^t  Discours 

de  plus  étendues  ou  de  moins  profondes  que 
les  autres.  Or  ,  c'eft  en  ceci  que  cette  partie 
du  monde  fe  diftingue  de  toutes  les  autres. 

Mais  il  eH  indifférent  pour  mes  vues  que  ces 
vaftes  ouvertures  foient  l'effet  des  courans  d'eau, 
ou  de  toute  autre  caufe.  Ce  que  je  me  propofe, 
eft  uniquement  de  montrer  qu'elles  font  d'au- 
tant plus  profondes  &  plus  vaftes,  que  ces  ter- 
reins  font  immenfément  hauts  :  qu'ainH  tout  ce 
que  l'on  connoît  d'analogue  dans  les  montagnes 
des  autres  parties  du  monde ,  ne  peut  entrer  ici 
en  comparaifon  ;  car  ces  montagnes  excèdent 
de  plufîeurs  lieues  ,  en  hauteur  Se  en  largeur  , 
les  monts  les  plus  fameux  qui  fe  voient  ailleurs. 

Quittons  à  préfent  les  Cordillères  de  cette 
partie  de  l'Amérique ,  &  confîdérons  les  con- 
trées qui  s'approchent  de  l'Equateur  ,  pour  fe 
prolonger  dans  l'hcmifphère  du  nord.  Quoiqu'il 
s'y  trouve  quelque  reffemblance  avec  ce  que  nous 
venons  de  voir ,  il  y  a  néanmoins  une  différence  • 
aflez  confidérable. 

Les  terres  font  planes  6c  bafles  dans  la  partie 
de  Guayaquil  ,  fituée  à  deux  degrés  onze  mi- 
nutes vingt -une  féconde  ,  latitude  Sud.  Le  fleuve 
qui  porte  le  même  nom  ,  eft  un  des  plus  grands 
des  côtes  Américaines  de  la  Mer  du  Sud.  Danb 
le  tems  des  pluies  que  Ton  y  appelle  l'hiver j 
les  terreins  y  font  inondés  à  plufieurs  lieues  à 


jndes  que 
ette  partie 
autres, 
les  que  ces 
rans  d'eau, 
le  propofe, 
font  d'au- 
^ue  ces  t^r- 
liiifi  tout  ce 
;  montagnes 
ut  entrer  ici 
es   excèdent 
en  largeur  , 
>ient  ailleurs, 
res  de  cette 
pns  les  con- 
X  ,  pour   fe 
.  Quoiqu'il 
ce  que  nous 
le  différence 

ms  la  partie 
»s  onze  mi- 
id.  Le  fleuve 
plas  grands 
Sud.  Dans 
lelle  Vhivei'i 
1rs  lieues  à 


'(  s   B   C    O    N   D.^  )9 

diftancc.  Ces  inondations  commencent  en  Dé- 
cembre,  lorfque  le  foleil  eft   au  tropique   du 
Capricorne  :  &  c'eft  l'abaiflement  du  pays  qui 
(Cn  la  cau{e.  Les  rivières  n'ont  pas  de  pente  fen- 
^^fible.  Groflies  par  les  eaux  des  pluies ,  elles  for- 
^;,tent  bientôt  de  leurs  lits  ;   &  pour  peu  qu'elles 
ffurmontent  leur  rives  ou  leur  niveau  ordinaire , 
:ela  fuffit  pour  que  la  terre  foit  couverte ,  comme 
je  l'ai  dit.   On  eft  alors  obligé  de  faire  route  à 
:heval ,  &  de  prendre  avec  foi  des  guides  expcri- 
lentés.  Mais  l'eau  n'eft  jamais  plus  haute  dans  un 
'  Androit  que  dans  l'autre.  La  terre  eft  fangeufe  , 
rouverte  d'un  grand  nombre  d'arbres  ,  qui ,  vu 
('humidité  du  fol  &  la  chaleur  ,  y  croiftent  ra- 
pidement ,  6c  font  bientôt  garnis  de  tout  leur 
feuillage.  On  ne  remarque  pas  la  même  égalité 
ijans  la  pence  des  aunes  cerreins  bas  qui  fe  por- 
tent plus  loin  vers  le  Sud.  Ils  y  font  auffi  un 
jpeu  plus  élevés ,  ce  qui  les  empêche  d'être  pa- 
îillement  inondés.  En  général ,  c'eft  un  fol  fa- 
)lonneux.  Le  plus  ou  le  moins  d'élévation ,  & 
nature  du  fol,  font  donc  deux  circonftances 
lui  les  différencient. 

Les  hautes  Cordillères  fe  prolongent  prefque 
ufques  dans  le  voifinage  de  la  Mer  du  nord  , 
long  des  côtes  qui  s'étendent  de  Cumana  à 
^ortobelo,  &  tournent  par  la  baie  de  Hondu- 
ras. Mais  dans  la  contrée  où  elles  fîniffent,  juf- 

C4 


Vf-       . 

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^  lift 

II 

'il 


40  Discours 

qu'au  bord  mcmc  de  la  Mer ,  le  terrcin  eft  bas 
SL  une  alTez  grande  diftance  ,  en  partie  expofc 
aux  inondations  ,  ôc  en  partie  un  peu  plus  élevé  j 
ce  qui  en  garantit  le  pays.  Néanmoins  les  ter- 
reins  qui  avoifinent  les  grandes  rivières  ,  telles 
que  VOré'noc ,  la  Maddaine  ,  le  Sinu  y  le  Choco^ 
ôc  autres ,  forment  des  plaines  de  plufieurs  lieues 
d'étendue,  dont  les  cotes  commencent  par  des 
terres  trés-bafTèsj  qui  gardent,  les  unes  plus  que 
les  autres  ,  la  même  pofition  ,  fans  fortir  de  ce 
niveau.  Plufieurs  Naturaliftes  penfent  que  les 
grandes  rivières  donnent  peu- à-peu  plus  d'éten- 
due au  pays  avec  les  limons  &  autres  matières 
qu'elles  détachent  dans  leurs  cours  ,  &  qu'elles 
dépofent  fur  les  bords  de  la  mer  a  leur  em- 
bouchure :  de  forte  que  les  eaux  de  la  mer  fe  trou- 
vent de  plus  en  plus  éloignées  des  anciens  rivages. 
De  là  vient,  félon  eux,  que  la  partie  la  plus  proche 
de  la  mer  eft  la  plus  baflTe ,  &  que  l'intérieur 
des  terres  s'élève  un  peu  au-delfus  de  ce  niveau 
à  la  diftance  de  quelques  lieues.  D'autres  on: 
penfé  différemment  :  mais  ,  quoi  qu'il  en  foit, 
il  eft  conftant  que  les  grands  fleures  de  cettu 
partie ,  traverfcnc ,  avant  d'arriver  à  la  mer  ,  de 
vaftes  contrées  très -plates  &  très -régulières , 
dont  les  tcrreins  font  Ci  bas ,  qu'ils  fe  trouvciu 
bientôt  fubmergcs  à  la  moindre  crue  des  eaux. 
Il    en  eft  de  même  des   contrées  oriemaki 


ein  cft  bas 
nie  expofc 
plus  élevé  j 
ns   les  ter- 
res ,   telles 
,  le  Choco , 
leurs  lieues 
îiit  par  des 
les  plus  que 
fortir  de  ce 
nt   que  les 
plus  d'écen- 
es  matières 
&  qu'elles 
à  leur  em- 
mer  fe  trou- 
iens  rivages. 
:>lus  proche 
l'intérieur 
ce  niveau 
autres  oiu 
'il  en  foir , 
de   cette 
a  mer  ,  de 
régulières , 
fe  trouvein 
:î  des  eaiix. 
orientaki 


;s 


Second.  4* 

de  cette  partie  de  l'Amérique  ^  depuis  l'Oré- 
noc  jiifqu'à  la  rivière  de  /a  Plata»  La  partie 
haute  ,  dont  il  s'agit ,  ell  environnée  d'uiie  cir- 
conférence de  terreins  bas  qui  s'étendent  même 
encore  pins  loin  de  ce  côté-ci  ,  qu'à  l'oueft  : 
car  ils  correfpondent  diredement  aux  plaines  de 
Buenos-Ayres ,  qui  font  très-vaftes  ,  a  celles  du 
Paraguai  6c  du  Tucuman.  Mais  ces  pays  étant 
fitués  loin  de  la  Mer  ,  ne  font  pas  inondés, 
parce  que  le  niveau  en  eft  un  peu  plus  élevé. 

L'ifle  de  Cur.  jao ,  qui  appartient  aux  Hol- 
landois,  s'élève  en  forme  de  pain  de  fucre.  Celle 
de  la  Jamaïque  eft  une  chaîne  de  montagnes 
afTez  élevées  j  mais  comme  elle  n'eft  pas  loin  de 
Cuba,  les  terreins  qui  iîvoifinent  la  mer,  au  Sud  , 
font  abailTés  &  plats.  Auflî  font-ils  en  grande 
partie  couverrs  d'eau  ,  lorfqu'il  furvient  quel- 
que orage  qui  fond  en  pluie.  Les  terreins  mon- 
ta;_Mieux  font  à  fon  centre ,  fans  cependant  ctre 
d'une  extrême  hauteur.  La  partie  qui  eft  au 
Nord-Oiieft  eftbaiïe  :  l'ifle  s'élève  à  l'Orient,  for- 
mant des  montagnes  qu'on  ne  peut  comparer , 
qu'avec  une  très-grande  différence  ,  à  la  hau- 
teur de  celles  de  l'Amérique  méridionale.  L'ifle 
de  S.  Domingue  eft  élevée  en  grande  partie  , 
&  même  efcarpée  à  l'Oueft.  Ainfi  l'on  voit  que 
la  Nature  n'a  gardé  aucune  règle  fixe  dans  la 
poHtion  qu'elle  a  donnée  aux  différens  terreins , 


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t    •, 


fans  cloute,  l'unifo 


éviter,  laiis  cloute,  1  unitormitc,  puirqu*àiUs 
des  diAances  peu  cloignces ,  elle  a  H  varié  les 
chofes  d'une  même  efpèce. 

La  Floride  &  les  terrcins  qui  s'ctendeiic  de- 
puis Tes  limites  vers  le  nord ,  en  y  comprenant 
les  contrées  de  la  nouvelle  Angleterre  jufqu'au 
fleuve  S.  Laurent ,  font  en  général  des  pays  plats. 
Ils  s'étendent  de  cette  manière  à  plufieurs  lieues 
dans  l'intérieur ,  jufqu'aux  montagnes  des  Apa- 
lâches ,  qui  vont  du  Sud  au  Nord ,  &  font  fépa- 
rées  des  cotes  de  la  Virginie  &  de  la  Caro- 
line ,  d'environ  25  à  50  lieues.  Les  terreins 
qui  répondent  au  golfe  du  Mexique  ,  dans  toute 
fa  circonférence  ,  font  dans  une  femblable  po- 
rtion. Les  terreins  élevés  fe  trouvent  en  géné- 
ral éloignés  de  la  Mer  ,  de  manière  que  la  na- 
ture paroîc  avoir  voulu  placer  les  hauteurs  au 
centre  des  terreins  ,  en  abaifTant  &  applatilTant 
ceux  qui  avoifinent  la  mer  :  en  effet ,  ils  fem- 
blent  en  fortir  :  il  y  en  a  même  beaucoup  qui  fc 
trouvent  fubmergés  à  de  très  -  grands  efpaces 
lorfque  la  marée  monte  ,  &  qui  ne  reftent  dé- 
couverts que  quand  la  Mer  s'eft  retirée.  C'eft  ce 
qui  arrive  aiTez  ordinairement  à  la  Havane  , 
du  côté  qu'on  appelle  les  Gaies.  Mais  ce  phé- 
nomène fe  remarque  plus  fenfiblement  dans  la 
baie  de  Penfacola  &  à  la  Louiiiane  \  circonftance 
qui  me  fait  en  donner  l'explication. 


»  'H 


ifqu'à  lies 
varié  les 

ident  de- 
mprenanc 
;  jufqu  au 
)ays  plats, 
urs  lieues 
des  Apa- 
font  fépa- 
la  Caro- 
s  terreins 
lans  toute 
jlable  po- 
en  géné- 
^ue  la  Ha- 
uteurs au 
)plati(rant 
,  ils  fem- 
jp  qui  fc 
efpaces 
eut  dc- 
C'eft  ce 
avane  , 
ce  phé- 
dans  la 
Ion  (lance 


Les 

Minifip 


terreins 


8  1  e  o  N  d;  41 

font  Cl  bas   à  rembouchure  de 


y    MiHifipi ,  qu'il  y  en  a  une  grande  partie  fous 
*IB   Teau  :  de  forte  qu'on  ne  peut  mcnie  les   dif- 
cerner  que  pat  les  joncs  qui  s'élèvent  au-deflus. 
C'eft  ce  qui  rend  d'un  fi  difficile  abord  toutes 
les  côtes  contigucs.  En  effet ,  la  Mer  les  couvre 
totalement  ;  &  il  eft  impoflible  de  les  diftinguet 
de  loin.  D'autres  terreins  fe  trouvent  fous  l'eau 
â  marée  montante  ,  &  au  deffus ,  lorfque  la  mer 
s'eft  retirée  :  ce  qui  fe  remarque  jiifqu'à  quinze 
lieues  intérieurement  en  -  deçà  de  l'embouchure. 
Il  y  a  même  Ci  peu  de  différence  dans  le  niveau 
des  terreins,  depuis  la  limite  de  ces  quinze  lieues, 
en  remontant  le  fleuve  plus  loin  j  que  les  habi- 
tans   n'empêchent  les  crues  d'eau  d'inonder  le 
pays  j  que  moyennant  les  digues  de  terre  qu'ils 
élèvent  à   la  hauicui   la  plus  haute  où  les  eaux 
peuvent  monter ,  félon  l'expérience  qu'ils  en  ont. 
La  même  chofe  arrive ,  à  peu  de  différence  près , 
dans  les  pays  que  ce  fleuve  parcourt  au  Nord  , 
au-delà  des   550  lieues  connues  de  fon  cours. 
Néanmoins  il  eft  facile  de  voir  que  les   pays 
s'élèvent  à  proportion  qu'ils  font  loin  de  la  Mer. 
D'ailleurs ,  la  pente  du  fleuve  ,   quelque  foible 
qu'elle  foit  j  prouve  demonftrativement  une  élé- 
vation dans  'les  terreins  :  auflî ,  à  mefure  qu'ils 
s'éloignent  des  côtes  ,  ne  font-ils  pas  fî  fujcts  à 
être  fubmergés  ,   quoique  les  eaux  s'élèvent ,  ^ 


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'44  Discours 

mauée  montante ,  prefque  à  la  hauteur  des  digues, 
II  en  eft  de  même  du  vafte  efpace  qui  s'é- 
tend à  rOueft  &  au  Nord.  Ce  font  de  grands  pays 
plats  ,  entrecoupés  de  rivières  ,  qui  ,  rtuiiies  à 
d'autres ,  vont  enfin  fe  jetter  dans  le  Miilîlïîpi  , 
&  dojit  la  furface  plane  eft  interrompue  par 
quelques  monts  ifolés ,  jettes  cà  &  là  fur  le  ter- 
rein.  Ces  plaines  s'étendent  de  la  même  ma.- 
nière  au  Sud  ,  où  elles  vont  rencontrer  les  mon- 
tagnes de  l'Amérique  feptentrionale  ,  dont  la 
chaîne  fe  porte  jufqu'à  la  mer  de  Californie, 
&:  aux  pays  qui  font  au  Nord  de  celle-ci.  Ainfi , 
il  y  a  plufieurs  centaines  de  lieues  de  plats  pays., 
«Sj  unisj  depuis  les  Monts  des  Apalaches ,  juC- 
qu'à  l'endroit  où  commencent  ces  montagnes  oc- 
cidentales. • 

En  conféqueiTce  ,  on  peut  confidérer  la  par- 
tie de  iV^iiérique  ^  qui  s'étend  depuis  le  :.  5*= 
degré  ,  vers  le  Nord  ,  comme  divifée  en  deux 
parties:  favoir ,  la  première  qui  eft  la  plus  éteu- 
due  du  Sud  au  Nord  ,  &  de  l'Eft  à  l'Ouell  , 
renfermant  de  vaftes  terrains  plats  &  bas  ,  en 
tiecoupés  de  nombre  de  rivières  ,  &  interrom- 
pus par  des  monts  ifolés  :  la  féconde  y^  celle  qui 
correfpond  à  la  Mer  occidentale  de  la  Californie, 
renfermant  des  terreins  élevés  comme  le  Pérou, 
^'  qui  font  les  royaumes  de  la  nouvelle  Ei^- 
pagne  j    de  la   nouvelle  Galice   &:  de  la  noa- 


m 


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%4 


les  digues, 
î  qui  s'é- 
rands  pays 

rctuiies  à 
Miffiifipi  , 
»mpue  par 
fur  le  ter- 
ne me  ma- 
r  les  mon- 

,  dont  la 
Californie , 
-ci.  Ainfi , 
plats  pays., 
iches ,  juf- 
itagnes  oc- 

er  la  paK- 

juis  le  ?.  5"= 

e  en  deux 

plus  éteu- 

l'Ouell , 

bas  ,  Cil 

inrerrom- 

celle  qui 

alifornie, 

e  Pérou , 

Ivelle    Ef- 


à. 

w 


-1 


1/ 


1 


a  noii- 


S    E    C    O    î4    O.  4f 

vellc  Èifcaye.  Quoique  ces  contrées  foient  fort 
étendues ,  on  ne  peut  cependant  les  compater 
avec  la  partie  qui  s'étend  depuis  leur  pente  juf- 
qu'à  la  chaîne  des  montagnes  occidentales  des 
Apaiachesj  &  depuis  la  partie  orientale  de  celles- 
ci  jufques  vers  l'Océan ,  le  long  des  côtes  de  la 
nouvelle  Angleterre. 

On  ne  connoît  pas  cette  partie  de  terreins 
élevés  qui  s'étendent  jufqu'à  la  Mer  de  Califor- 
nie :  ainlî  l'on  ne  peut  déterminer  combien  elle 
s'élève  au-deffus  du  niveau  de  la  Mer  ,  ni  fa 
largeur  de  lEft  à  l'Oueft.  Ces  hauts  pays  font 
la  continuation  de  l'Amérique  méridionale.  Après 
en  avoir  occupé  le  milieu  ,  du  Sud  au  Nord , 
jufques  près  des  côtes  de  Caracas ,'  Ste.  Marte  , 
d'une  partie  du  Dariel  ,  ils  fe  relFerrent  ,  fe  con- 
tinuent dan?  Ip  Royaume  de  Terre  -ferme  , 
rifthme  de  Panama ,  où  ils  fe  réduifent  à  une 
chaîne  étroite  de  montagnes  qui  ne  font  même  pag 
fort  élevées.  En  pouffant  plus  loin  dans  le  Royau- 
me de  Guatimala  ,  on  voit  les  terreins  prendre 
plus  d'étendue  &  d'élévation  ,  &  fe  continuer 
ainfi  par  les  Provinces  des  Royaumes  de  la  Nou- 
velle-Efpagne  ,  pour  fe  perdre  enfin  dans  les 
pays  du  Nord  de  cette  partie  de  l'Amérique ,  que 
Ton  ne  connoît  pas  non  plus  ;  car  on  n'y  a  fait 
encore  aucune  découverte. 

Il  y  a  dans  cette  partie  de  TAmérique  beaii- 


/ 


•Vh; 


I    l/lfli 


^6  t)tscouiis 

coup  plus  de  terreins  bas  que  de  pays  élevés  ;  ce 
qui  n'a  pas^  lieu  dans  la  partie  méridionale ,  not. 
obftant  les  plaines  qui  s'étendent  de  fiuenos- 
Ayres  an  Tucuman ,  „&  du  côté  des  rivières  nom- 
mées ia  Grande  y  Maragnon  j  Orenoc  j  &  autres , 
très-profondes  &  fort  larges  j  car  les  hauts  ter- 
reins  ont  toute  l'étendue  dont  j'ai  fait  mention  , 
&  occupent  la  partie  intérieure  ou  le  centre  de 
cette  vafte  partie  du  Monde» 

On  ne  connoit  ni  l'origine  du  Midîfîpi  ,  ni  le 
cours  qu'il  fuit  jufqu'au  43*  degré.  Mais  autant 
qu'on  peut  le  préfumer  des  rapports  des  nations 
Indiennes  ,  il  eft  probable  qu'il  vient  de  l'Oueft, 
6c  prend  fa  fource  dans  les  chaînes  de  monta- 
gnes qui  fe  portent  vers  la  Mer  au-defTus  de  la 
Californie.  Quoique  ces  pays  avoiflnent  les  Royau- 
mes de  la  Nouvelle-Efpagne  ,  on  ne  les  a  pas 
encore  affez  exactement  reconnus  j  ainfi  l'on  n'en 
a  que  des  notions  très-obfcures. 

Il  fe  préfente  ici  une  réflexion  que  je  ne  puis 
omettre  \  c'efl:  que  les  pays  où  l'on  a  le  moins 
pouffé  les  découvertes  dans  le  Pérou  ,  font  le» 
pays  plats  qui  s'étendent  depuis  la  croupe  orien- 
tale des  Cordillères  jufqu'à  l'Océan.  Mais  en 
voici  la  raifon.  Entre  ces  pays  &  le  BréHl  ,  il  y 
a  de  vaftes  contrées  où  tout  eft  encore  dans  l'état 
primitif  de  la  Nature.  Les  habitans  font  des  peu- 
ples fi  barbares  &  fi  grofliers  ,  qu'ils  vivent  com^ 


U 


»'.'■  » 


a- 


m 


I 


kf, 


SECOND.  47 

me  des  bêtes ,  &  n'en  diffèrent  qiie  par  la  figure. 
Oii  connoît  ,  au  contraire  ,  les  vaftes  plaines  de 
l'Amérique  feptentrionale  ,  qui  s'étendent  depuis 
les  limites  de  l'Océan  ,  dans  la  Nouvelle-Angle- 
terre ,  jufqu'aux  montagnes  des  Apalaches  ,  & 
de-là  au  fleuve  Miflifîpi ,  pour  aller  former  les 
Cordillères  de  la  partie  occidentale.  Mais  les  au- 
tres pays  qui  confinent  à  ces  plaines  3c  à  la  Nou- 
velle-Angleterre ,  jufqu'à  la  latitude  du  Canada , 
ne  font  pas  plus  connus  que  les  plaines  du  Pérou 
qui  font  entre  l'Orenoc  &  le  Maragnon.  On  ne 
fait  pas  encore  pour  quelles  raifons  on  a  négligé  , 
ou  pourquoi  l'on  pourroi^  erre  curieux  de  dé- 
couvrir les  contrées  o  ■''  font  entre  ce  dernier 
fleuve  &  la  rivière  i-rri-'-de  j  en  fuivant  jufqu'à 
Buenos- Ayres  &  vers  le  Sud.  En  effet  ,  fi  Ion 
alléguou  le  froid  des  montagnes  qui  fe  trouvent 
dans  l'Amérique  feptentrionale  ,  depuis  le  57* 
degré  jufqu'au  46*  ,  on  verroit.,  d:'un  autre  coté  » 
que  les  pays  inconnus  dans  la  partie  méridionale, 
commencent  près  de  l'Equateur  ,  ôc  vont  de-là 
jufqu'à  Buenos-Ayres  &  au  détroit  de  Magellan  : 
^ainfi  l'on  ne  peut  alléguer  ici   le  froid  ni  les 
jnonts  efcarpés  des  Cordillères.   Il  n'y  a  donc 
pas  d'autres  raifons  à  donner  ,  que  le  fort  des 
chofes  humaines  qui  fe  découvrent  les  unes  plus 
ipt ,  les  autres  plus  tard. 

Les  pays    nontagneux  des  Andes  de  l'Amérî- 


% 


-^'jr 


■Il  ' 


48  t)    I    s    C    O   tJ    R    s 

que  méridionale  étoient  habités  p-^r  des  NationJ 
policées  à  certain  degré ,  lorfqu  on  y  entra  j  voilà 
pourquoi  la  conquête  n'en  fut  pas  difficile.  Mais 
les  plaines  qui  s'étendent  depuis  ces  contrées^là 
jufqu'au  Brélil  ,  font  habitées  par  des  Nations 
barbares ,  qui  ne  connoilTent  aucune  civilifationj 
c'eft  pourquoi  il  a  été  difficile  d'y  pénétrer  ,  de 
les  bien  connoître  ,  ôc  de  former  aucune  liaifon 
iavec  elles.  11  en  eft  de  même  des  pays  monta- 
gneux qui  font  au  Nord.  Les  .uns  Se  les  autres 
relieront  dans  cet  état  ,  jufqu'à  ce  que  le  tems 
ouvre  peu-à-peu  des  voies  de  communication , 
-&  qu'on  connoifTe  enfin  le  caraébère  national  des 
habitans  ,  les  plantes  ,  les  animaux  ,  &  autres 
chofes  particulières  ,  qui  ne  fe  trouvent  pas  en 
général  dans  les  autres  parties  du  Globe. 

Il  paroît  que  le  fond  qui  eft  fous  les  eaux  eft, 
à  L'égard  de  la  fuperficie  plane  ou  inégale  ,  dans 
ies  mêmes  rapports  que  les  terres  du  Continent. 
£n  effet  ,  on  remarque  dans  ces  parages  que  , 
par-tout  où  ces  terres  forment  une  fuperficie 
plane  ôc  fort  étendue ,  les  fonds  des  eaux  qui  en 
baignent  les  cotes,  ont  auffi  la  même  uniformité; 
ce  qui  eft  fenfible  dans  les  endroits  que  les  Ma- 
rins Efpagnols  appellent  Sonde  j  &  oii  l'on  trouve 
toujours  le  fond  ,  à  une  aflTez  grande  diftance 
même  d'où  l'on  découvre  la  terre.  Enfuite  on 
remarque  que  là  profondeur  de  l'eau  diminue 

toujours 


-  «v.*aMi  .'.»*^ '«*' 


,c^S-ii^^^^.-,i''..:.  A^i^^ÊkKtat*né^ 


s  NatlonJ 
cra  j  voilà 
île.  Mais 
ontréeS'là 
s  Nations 
vilifacion  ^ 
itrer  ,  de 
ne  liaifon 
ys  menta- 
les autres 
le  le  tems 
unication  » 
ational  des 
,  &  autres 
eut  pas  en 

S  eaux  qQl  > 
;ale  ,  dans 

Continent, 
[âges  que  » 

fuperficie 
lux  qui  en 

liformicé  ; 
ie  les  Mâ- 

'on  trouve 
le  diftance 

[nfuite  on 
diminue 
toujours 


■i 


second;  49 

©ujours  à  proportion  qu'on  approche  de  la  côte  : 
'eft  ce  qu'on  reconnoîc  auflî  fur  les  côtes  de  la 
^loride  ,  dans  la  Baie  de  Penfacola  ,  &  dans 
.itoute  la  partie  connue  fous  le  nom  de  Golfe  du 
exique ,  qui  comprend  les  côtes  de  Campcche 
celles  de  Honduras. 

Mais  il  n'en  eft  pas  de  même  ou  la  Terre  s'c- 
ève  beaucoup  près  de  la  mer  ,  ou  à  peu  de  dif- 
ance  :  l'eau  y  eft  très-profonde  fur  les  bords 
èmes.  On  ne  trouve  pas  non  plus  le  fond  à  la 
"onde  fur  les  côtes  de  la  mer  du  JSud  ;  il  faut  y 
tre  d  la  vue  des  terres  ,  &  même  alfez  proche  , 
•our  trouver  le  fond. 

tLes  fonds  plats  que  couvrent  la  mer  font  auflî 
cguliers  ôc  auflî  unis  que  les  plats  pays  eu  Conti- 
l^ent  :  c'eft  ce  que  démontrent  lesplacerès  ou  para- 
fes  de  peu  de  profondeur.  Les  vaifleaux  traverfent 
^elui  de  la  Vivora^  par  la  partie  de  l'Oueft  de  Caf- 
jfavelj  ôc  courent  douze  lieues  du  Sud  au  Nord  au- 
^efllis  d'un  fond  lî  uni ,  qu'il  n'a  prefque  par-tout 
ue  douze  bralTes ,  &  jamais  treize.  Mais  auflii-tôt 
u'on  s'éloigne  de  cette  diftance  ,  la  profondeur 
evient  fî  confidérable  ,  qu'on  ne  la  trouve  plus  à 
inquanre  brafles.  On  voit  par-là  ,  que  fi  les  eaux 
ui  couvrent  cette  furface  venoient  à  fe  retirer , 
n  appercevroit  une  plaine  de  douze  lieues  du 
ord  au  Sud  ,  &  qu'elle  feroit  ,  dans  le  rapport 
ù  les  hauts  teireins,  qui  font  fur  l'une  ou  l'autre 
Tome  /.  D 


n 


...  M 


jô  DiscouAs 

cime  de  rAmérique  méridionale  ,   fe  trouvent 

relativement  aux   profondeurs  qui  les  environ- 

nent. 

Lorfqu'on  pafTe  de  la  Trinité  à  Batavano  , 
l'on  fait  plus  de  la  moitié  de  la  courfe  fur  un 
haut-fond  ,  qui  ne  permet  qu'aux  petits  vailFeaux 
de  s'y  expofer.  Parmi  les  diffcrens  fonds  qu'on 
traverfe  ,  il  y  a  une  efpèce  de  langue  de  terre 
prolongée  ,  qu'on  appelle  le  Queùrado  de  Cayo- 
Cacao  j  &  fur  laquelle  on  ne  trouve  que  onze 
pieds  d'eau.  Les  vailfeaux  qui  doivent  y  palTer , 
n'avancent  qu'en  labourant  avec  la  quille  ,  pen- 
dant environ  cinq  quarts-d'heure.  Or ,  (i  la  fu- 
perficie  n'en  étoit  pas  uniforme ,  les  vaiflTeaux  fe 
trouveroient  bientôt  engravés  ,  faute  d'eau  fuffi- 
fante.  Sur  les  côtes  on  trouve  douze  a  vingt 
pieds  d'eau ,  &  l'on  a  ainfi  trois  ou  quatre  lieues 
a  faire  ^  fans  que  la  profondeur  de  l'eau  aug- 
mente ou  diminue.  Ces  -fonds  unis  ne  peuvent 
être  mieux  comparés  qu'aux  plats- pays  de  la  Ha- 
vane ,  où  les  terreins  fons  (î  bas  &  fi  unis  ,  que 
lès  pluies  en  couvrent  bientôt  la  furface  ,  parce 
qu'il  n'y  a  pas  aflTez  de  pente  pour  le  prompt 
écoulement  des  eaux. 

Les  hauteurs  &  les  plaines  étendues  qui  font 
fur  les  terreins  élevés  de  l'Amérique  ,  ou  de  ce 
Monde  placé  au  plus  haut  point  du  Globe , 
jious  donne  l'idée  des  terr^^"  qui  font  couvertes 


■  'm 


'.  Batavano  , 
3urfe  fur  un 
tics  vallFeaux 
fonds  qu'on 
^ue  de  terre 
do  de  Cayo- 
ive  que  onze 
ent  y  palTer , 
quille  ,  pen- 
3r ,  (î  la  fii- 
»  vaiffeaux  fe 
e  d'eau  fufli- 
3uze  à  vingt 
quatre  lieues 

e  l'eau  aug- 
ne  peuvent 

ys  de  la  Ha* 
[fi  unis  ,  que 

face  ,  parce 
le  prompt 


second;  5,1 

l'une  mer  îmmenfe ,  &  nous  fait  en  même  tems 

Imiter    la   fageffe  infinie  de  l'Être   fupr'me 

(ans  l'ordre  &  les  rapports  fenfibles  qu'il  a  établis 

\n  certaines  chofes  ,  tandis  que  dans  d'autres  il 

ss  a  dérobés  à.  notre  pénétration  ,  afin  que  la 

iriété  ne  fût  pas  une  règle  confiante  qui  eût 
;s  contraires  uniformes  dans  toutes  -s  ^  ties 
le  l'univerfalité. 


w 


Dx 


IhM 


DISCOURS  TROISIEME. 

Des  températures  &  des  climats  des  divers  Terreins 
de  cette  partie  du  Monde* 

JLL  falloic  ,  fans  doute ,  qu'il  y  eût  dans  les  pat- 
ries qui  conftituent  le  Globe  certaine  harmonie 
&  un  accord  général  ,  de  manière  que  les  unes 
répondiflent  aux  autres  ,  &  que  cependant  une 
variété  fenfible  les  différenciât  les  une.  '  '^  au- 
tres. C'eft  ainfi  qu'on  remarque  un  rapport  gé» 
néral  entre  les  inégalités  des  températures  ,  & 
celles  des  contrées  de  la  Terre.  Les  ardeurs  de 
la  Zone  Torride  méridionale  ne  s'y  font  pas 
fentir  également  par-tout ,  &  Toh  obferve  aufli 
en  été  ces  grandes  chaleurs  dans  pluiîeurs  con- 
trées de  la  Zone  Tempérée.  Les  froids  &  les 
gelées  ,  la  rigueur  des  hivers  ,  font  des  effets 
fort  naturels  dans  celle-ci  :  cependant  ces  effets , 
qu'on  ne  foupçonneroit  pas  avoir  lieu  dans  h 
Zone  Torride  ,  y  font  portés  au  dernier  degré, 
&  très  -  pénibles  pour  ceux  qui  les  éprouvent. 
Non-feulement  ces  effets  y  font  naturels ,  ils  y 


>ers  Terreins 


laiis  les  par- 
ie harmonie 
jiie  les  unes 
)endant  une 


une.. 


"S  an- 


rapport  ge* 
racnres  ,  & 

ardeurs  de 

l'y    font  pas 

ibferve  auffi 

.ifieurs  con- 

oids  &  les 
It  des  effets 
|t  ces  effets , 
[eu  dans  h 

ner  degré, 

éprouvent. 

Irels  ,  ils  y 


j*  Discours     troisième.         53 

''^;  font  même  continuel:  ,   comme  dans  les  pays 

éloignes  du  foleil ,  fi  l'on  excepte  une  très-courte 

intermiflîon  entre  les  deux  faifons  les  plus  oppofces. 

es  faifons  font  généralement  en  raifon  de  la  pro- 

edion  plus  ou  moins  direéte  des  rayons  du  fo- 

il  i  c'eft  pourquoi  la  terre  s'imprcgtie  d'une 

lus  grande  partie  de  molécules  ignées  dans  les 

outrées  où  ils  tombent  le  plus  perpendiculaire- 

ent.  La  rciîexion  en  efc  d'autant  plus  fenfible  , 

Iju'elle  fe  fait  avec  plus  de    force  ,  ôc  que  les 

yons    réfléchis  coïncident   plus  avec   ceux  de 

incidence.    De- là  vient  qu'ils  foiiC  plus  d'i'm- 

IprelHon  fur  nos  corps  ,  &  que  la  chaleur  eft  plus 

nfible  ,  plus  incommode  ,  à  proportion  qu'elle 

plus  force. 

On  fait  que  la  divifion  des  faifons  de  l'année 

pour  caufe  la  dlffcrcnte  direiftion  des  rayons 

laires  ,  foit  oblique ,  foit  plus  rapprochée  de  la 

rpendiculaire.   En  conféquence  de  cette  règle 

^ncrale  ,  la  chaleur  devroit  donc  être  ,  fous  l'É- 

uateur ,  beaucoup  plus  grande  qu'en  toute  autre 

artie  du  Globe.  C'eft  aufîî  ce  qu'on  penfoit  an-' 

iennement.   Il  étoit  ,   en  effet,  fort  naturel  de 

onclure  de  ce  principe  ,  que  la  chaleur  devoit 

être  beaucoup  plus  fenfîble  que  dans  les  con- 

2es  qui  s'en  éloignent.  Cependant  cette  confé- 

uence  elt  faulTe  ,  parce  qu'il  y  a  d'autres  caufqs 

ui  font  des  exceptions  à  la  règle  ,    ^  ne  peu- 

D3 


■m 


.« 


i  ■ 
I  - 


^1 


^4  Discours 

mettent  pas  qu'elle  foit  abfolument  conftame. 
Comme  il  efl  donc  des  circonftances  qui  s'y 
oppofent  ,  il  arrive  que  près  de  l'Equateur ,  & 
mcme  delTous ,  il  y  a  des  climats  où  l'on  fent  un 
auflî  grand  froid  que  dans  les  Zones  Tempérées 
près  des  Zones  Glaciales.  Il  eft,  au  cotiiraire,  aux 
extrémités  de  la  ZoneTorride,  &  dans  les  Tem- 
pérées ,  des  contrées  où  l'on  éprouve  des  chaleurs 
audi  accablantes  que  fous  l'Equateur  ,  ou  tout 
près. 

La  première  caufe  de  la  chaleur  eft  afTurémem 
Tadivité  des  rayons  folaires  j  mais  il  y  a  encore 
d'autres  caufes ,  qu'on  peut  appeller  fecondaires, 
&  qui  en  modifient  l'effet ,  l'arrêtent  même  tota- 
lement ,  ou  en  font  réfulter  des  influences  toutes 
contraires.  Un  nuage  qui  fe  trouve  interpofé  en- 
tre le  Soleil  &  une  partie  de  la  Terre  ,  eft 
comme  un  rideau  qui  s'oppofe  à  fes  rayons  ,  & 
ne  leur  permet  plus  de  paifer  outre  :  d'où  il  ar- 
rive que  la  contrée  fur  laquelle  ils  dévoient 
tomber  ,  &  qu'ils  auroient  néceffairement  rendu 
plus  chaude  ,  n'éprouve  que  des  chaleurs  d'au- 
tant plus  modérées  ,  que  ce  nuage  refte  plus 
long  tems  interpofé. 

D'un  autre  côté  ,  l'air  eft  toujours  pl^is  fubtil 
&  moins  pefant  dans  une  contrée  plus  élevée: 
les  rayons  du  foleil  pouvant  s'y  divifer  en  faif- 
eca«x  beaucoup  moins  volumineux  que  dans  une 


'■if. 


TROISIEME  ^5 

Athmofphcre  plus  denfc  ,  s'y  rcfléchiirent  aufli 
en  mcme  raifon  ,  &  peuvent  moins  fe  réunir.  Il 
en  refaite  donc  ,  que  le  degré  de  chaleur  y  fera 
moindre  que  dans  un  air  plus  denfe  &  plus  pe- 
fanc ,  qui  fait  tendre  les  particules  ignées  à  la 
réunion  ,  s'en  imprègne  ,  &  les  refléchit  avec 
plus  d'énergie.  Outre  cela  ,  l'air  eft  ordinaire- 
ment plus  agité  dans  des  contrées  très- hautes  , 
que  dans  les  pays  bas  :  or,  ce  mouvement  brife , 
difperfe  une  partie  des  rayons  o\\  des  particules 
ignées  ,  félon  des  directions  différentes  de  leur 
incidence  naturelle  ;  ce  qui  en  rend  auili  la  réâc' 
xion  plus  oblique.  L'élévation  des  contrées  Ôc  les 
irrégularités  de  leur  furface  ,  ne  permettent  pas 
non  plus  aux  rayons  de  tomber  en  gros  faifceaux 
fur  le  même  centre  ,  comme  il  arrive  fur  la  fur- 
face  générale  du  Globe.  Cette  divifion  des  rayons 
doit  donc  autîî  en  diminuer  les  effets ,  c'eft-à- 
dire  la  chaleur  ,  qui  ne  peut  plus  y  être  ex- 
ce/Iive. 

Outre  les  caufes  précédentes  ,  &  dont  la  réa- 
lité eft  prouvée  piir  l'expérience  ,  il  en  eft  en*» 
core  une  plus  énergique.  Selon  les  Naturaliftes , 
l'acide  nitreux  eft  le  plus  léger  des  trois  pre- 
miers acides  qu'on  connoifle  dans  la  nature  :  il 
eft  en  mème-tems  très-volatil.  Or  c'eft  au  con- 
cours de  cet  acide  qu'on  attribue  la  formation  de  la 
neige,  de  la  grcle ,  de  la  glace  :  effets  qu'on  ne  peut 

D4 


y 


.\t 


Il 


I 


^â  Discours 

chercher  que  dans  une  région  un  peu  plus  élcvce 
de  rAtmofphèrc.  Ainfi  ,  plus  les  terreins  fe  trou- 
veront clcvcs ,  plus  ils  feront  proches  de  cette 
rcgion  ,  ik  plus  les  effets  y  feront  contraires  à 
ceux  de  la  chaleur.  Voila  pourquoi  l'on  obferve 
de  la  neige  fur  les  hautes  cimes  des  monta- 
gncs ,  au  pied  defquelles  il  n'y  en  pas  j  &  pour- 
quoi on  y  fent  au  coutraire  de  la  chaleur.  Or  ce 
phénomène  eft  fi  ordinaire ,  qu'il  n'y  a  pas  de 
contrée  où  il  ne  fe  manifefte.  Si  donc  on  fe 
figure  des  cîmes  d'une  hauteur  immenfe ,  telles 
que  celles  qu'on  obferve  dans  les  terreins  |éle- 
vcs  de  l'Amérique  méridionale ,  &  d'une  auflî 
vafte  étendue  ,  on  comprendra  cjue  ce  phéno- 
mène doit  y  ctre  d'autant  plus  naturel,  quoique 
ces  cimes  foient  fous  l'Equateur  ou  auprès  j 
comme  il  l'eft  dans  les  hautes'  montagnes 
de  l'Europe.  La  feule  différence  qu'il  y  a  ici 
c'eft  qu'en  Europe  ,  cet  effet  arrive  fur  des 
montagnes  de  1500  à  2000  varas  ,  au  Heu 
qu'en  Amérique  le  concours  des  circonftances 
produit  fon  effet  fur  des  monts  de  40*0  à  5000 
varas,  &  quelquefois  plus  hauts. 

C'eft  ainfi  que  la  Nature  s'eft  fait  un  jeu  Ci 
fingulier  de  fes  opérations,  qu'elle  en  a  totale- 
ment varié  les  effets  par  le  moyen  d'une  caufe 
accidentelle  ,  &  leur  a  aflîgné  un  ordre  tout  dif- 
férent que  celui  qu'ils  auroient  fuivi,  s'ils  avoient 


IM^ 


plus  élevée 
ins  fe  trou- 
5s  de  cette 
^ncraires  â 
on  obferve 
es  monta- 
i  y  &  pour- 
sur.  Or  ce 
/  a  pas  de 
onc  on  fe 
nfe ,  telles 
rreins  |cle- 
d'une  aufli 
:e  phéno- 
,  quoique 
Li  auprès  ; 
nontagnes 
1  y  a  ici 
î  fur  des 
au  lieu 
onftances 
>  à  5000 


TROISIEME.  57 

ctc  fuborclonncs  à  la  caufe  générale.  La  mcnic 
clîofe  cil  arrivée  dans  l'ordre  oppofc;  car  les 
contrées  qui  dcvroient  être  moins  chaudes  , 
&■  fe  rapprocher  niane  des  pays  froids  par  la 
pofition  du  climat,  ne  font  point  telles.  En  eifet, 
la  continuation  de  très-vaftes  plaines  qui  font 
en  même  -  tems  fort  balfes  ,  le  peu  de  mour 
vement  de  l'air ,  la  denfité  Se  la  pefantcur  de 
rAtmofphcre  ,  femblent  y  concourir  de  com- 
mun accord  pour  rendre  les  effets  des  rayons 
;  folaires  plus  fenfibles.  Voilà  pourquoi  l'on  éprouve 
i  dans  ces  contrées  ,  des  chaleurs  particulières , 
en  général ,  à  la  Zone  Torride  ,  quoique  ces  pays 
foient  fitués  dans  la  Zone  Tempérée. 

On  craint  généralement  de   pafTer  la  Ligne 
^par  Mer  ,  a  caufe  des  accidcns  qu'on  attribue 
Idiredcment  à  l'effet  de  la  chaleur ,  &  à  caufe 
ides  maladies  qui  en  réfultent.  On  ne  peut  nier 
ices  inconvéniens  :  cependant  les  chaleurs  ne  font 
pas    aiifli   grandes  qu'on  le  croit.  Si    d'ailleurs 
il  eft  certain  que  les  équipages   y  font  attaqués 
de  fcorbut ,  il  n'eft  pas  moins  vrai  que  cela  n'ar- 
rive que  quand  les  vailfeaux  ont  déjà  fait  un  très- 
long  voyage.  En  effet ,  on  éprouve  dans  les  con- 
trées qui  ne  font  pas  fous  l'Equateur ,  &  même 
hors  de  la  Zone  Torride  ,  des  chaleurs   beau- 
coup plus  grandes  qu'en  mer  fous  la  Ligr.e  même  : 
cependant  il  n'eft  pas  ordinaire  d'y  voir  le  fcor- 


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58  Discours 

but ,  mais  les  maladies  qui  proviennent  de  la 
dilatation  extrême  &  du  grand  mouvement  des 
parties  des  Huides  ,  enBn  de  la  corruption  du 
fang  y  ainfi  la  chaleur  exceiîîve  peut  feulement 
contribuer  fous  la  Ligne  à  ce  que  le  fcorbut  s'y 
manifefle  plus  promptement  >  fans  en  être  la 
première  caufe. 

On  doit  chercher  cette  caufe  dans  l'air  qu'on 
refpire  fur  les  vaiflTeaux  ,  dans  les  vaiflèaux, 
dans  les  alimens  mal  fains  dont  on  ufe  ,  dans 
l'eau  corrompue,  dans  l'Atmofphère  toute  dif- 
férente de  celle  de  la  terre.  Auffi  remarque* 
t-on  dans  les  voyages  de  long  cours  que  le  froid 
excefîîf  produit  autant  le  fcorbut  que  la  cha- 
leur. Ceci  prouve  que  cette  maladie  n'eft 
pas  fi  à  craindre  en  paflant  la  Ligne  ,  lorfqu'il 
n'y  a  pas  fi  long-tems  qu'on  eft  forti  du  port, 
que  quand  on  navige  dans  des  parages  très- 
froids  ^,  comme  au  cap  de  Horn  ,  après  avoir  été 
long-tems  en  mer  fans  prendre  de  vivres  frais 
dans  quelque  port  »  &  fans  rétablir  les  humeurs 
dans  leur  état  naturel  par  l'air  favorable  de  la 
terre. 

On  palTe  fouvent  la  Ligne  dans  les  Mers  du 
Sud  5  pour  fe  rendre  de  Callao  ou  de  Guaya« 
quil  à  Panama  ,  &  pour  en  revenir  ,  fans  néan- 
moins épiorver  aucun  dérangement  de  fanté. 
C'ciî:  (àrvo  doute  parce  que  ces  traverfées  fe  font 


înnent  de  la 
uvement  cks 
irruption  du 
it  feulement 
ï  fcorbut  s'y 
en  être  la 

s  l'air  qu'on 
;  vaiilèaux, 
i  ufe ,  dans 
î  toute  dif- 

remarquC' 
que  le  froid 
ue  IfL  cha- 
ladie  n*eft 
î  ,  lorfqu'il 
i  du  port, 
rages   très- 

s  avoir  été 
/ivrej  frais 
s  humeurs 
able  de  la 


Mers  du 
le  Guaya- 
^ns  néan- 
àe  fan  té. 
es  fe  font 


TROISIEME.  59 

en  peu  de  jours  :  car  lî  elles  étoient  de  plu?; 
long  cours  ,  les  navigateurs  en  cprouveroient  les 
mcnies  effets  fâcheux  ,  que  dans  tout  autre  cas 
fcmblable.  On  voit  donc  que  ces  effets  fonc  moins 
dûs  à  la  grande  chaleur  qu'à  toutes  les  autres 
caufes  qui  fe  rcunilfent  dans  les  voyages  de  long 
cours. 

ALiis  pour  prouver  que  la  chaleur  n'eft  pas 
fous  la  Ligne  (  en  mer  )  aufîî  grande  que  dans 
des  parages  qui  en  font  éloignes  ^  voici  ce  qui  a 
étc  obfervé  en  difit'crens  endroits.  En  paffant  la 
Ligne  en  1758,  dans  le  mois  de  Mars ,  tems  où 
le  foleil  doit  y  faire  fentir  toutes  fes  ardeurs  , 
puifque  c'eft  alors  qu'il  y  palIe  ,  on  obferva  le 
3  de  ce  mois  que  la  déclinaifon  méridionale 
étant  de  6  degrés  42  minutes  ,  &  le  vailfeau 
fe  trouvant  pour  lors  à  une  déclinaifon  de  7 
degrés  47  minutes  ,  nord  ,  le  Thermomètre 
de  Rcaiimur  marqua  20  degrés  J  à  deux  heures 
aprèî  midi ,  &  qu'il  n'y  eut  point  d'iUigmentatioii 
fenfible.  Le  14  du  même  mois,  la  déclinaifon 
méridionale  étant  de  2  degrés  25  minutes,  & 
le  vailfeau  fe  trouvant  X  3  i  minutes ,  au  Nord 
de  l'Equateur ,  le  Thermomètre  ,  expofé  A  l'air  , 
marqua ,  à  fix  heures  du  matin  ,  1 3  degrés  {  ; 
25  à  deux  heures  après  midi  ;  &  24  à  onze 
heures  du  foir.  Le  vent  cjui  ré;.^■loit  alors  étoic 
très-foible  3c  venoit  du  Nord  Eà  ,  de  force  que 


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60  Discours 

le  vaiffeau  ne  faifoit  tout  au  plus  qu'un  mille  ; 
&  de  tems  en  tems ,  un  demi  mille.  Le  1 6 , 
on  effuya  un  calme  pendant  prefque  tout  le  jour  : 
carie  vaiflTeau  ne  fit  que  cinq  mille  en  24  heures. 
Le  vaifTeau  fe  trouvoit  alors  fous  l'Equateur, 
comme  on  l'obferva.  La  déclinaifon  auftrale  du 
foleil  ctoit  d'un  degré  3  o  minutes  j  Se  le  Thermo- 
mètre marqua  conftamment  1 5  degrés  à  fix  heures 
du  matin  ,  à  deux  heures  après  midi ,  &  à  onze 
heuresdu  foir ,  malgré  la  variation  qu'il  y  eut  au 
tems  ,  qui  tantôt  fe  trouva  couvert  de  gros 
nuages  féparés  comme  par  déchirement ,  tantôt 
devint  très-ferein  ,  &  fut  enfin  très-pluvieux  à 
tieuf  heures  du  foir. 

Le  1 7  fut  auiîî  calme  que  le  1 6.  Le  vaifleau  fe 
trouvoit  à  3  5  mumzQsfud^  la  déclinaifon  auftrale 
du  foleil  étant  d'un  degré  14  minutes.  Le  Ther- 
momètre marqua  1 5  degrés  à  fix  heures  du  ma- 
tin ,  16  X  deux  heures  après  midi  ;  mais  25  à 
onze  heures  du  foir.  Pendant  la  journée  le  fo- 
leil fut  très -ardent.  Il  parut  quelques  nuages 
par  intervalle.  A  neuf  heures  &  demie  du  foir 
furvint  une  grande  pluie  accompagnée  d'éclairs , 
de  coups  de  tonnerre  ,  &  de  grands  coups  de 
vent.  Ce  fut  le  jour  le  p^us  chaud  qu'on  éprouva 
fous  la  Ligne. 

Le  18,  la  déclinaifon  auftrale  du  foleil  étant 
de  5©  minutes  ~  ,  la  latitude  un  degré  13  mi- 


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T   R   O    I    s    I   E    M   1."  ^i 

é  nutes  \  ,  le  Thermomètre  marqua  14  degrés  ^ 
deux  heures  après  midi.  Le  19  ,  à  d-MX  degrés 
6  minutes  de  latitude  j  le  Thermomètre  mar- 
qua 24  degrés  à  i  heures  après  midi.  Le  zo  , 
le  foleil  fe  trouvoit  prefque  dans  l'Equateur  même  j 
le  vai/Teau  étant  à  5  degrés  2  minutes ,  latitude 
Sud.  Le  Thermomètre  marqua  257  degrés  à 
deux  heures  ,  le  vent  ayant  toujours  tenu  £ft 
Sud-Eft ,  &  un  peu  fort  comme  le  jour  précé- 
dent. La  chaleur  fe  foutint  à-peu-près  la  même 
pendant  trois  ou  quatre  jours  ,  à  la  différence 
d'un  degré ,  ou  d'un  demi  degré.  Mais  depuis 
le  2<j  j  à  la  hauteur  de  11  degrés  ,  la  chaleur 
diminua  jufqu'au  23  f  degré  ,  &  avec  autant  de 
lenteur  qu'elle  avoit  augmenté. 

En  17^4,  le  vaifleau  palfant  la  Ligne  le  28 
Décembre  dans  la  mer  du  Sud  ,  &  fe  trouvant 
à  52  minutes  de  l'Equateur  ,  latitude  Sud  ,  le 
même  Thermomètre  marqua  21  degrés  à  cinq 
heures  du  matin  j  23  ^  à  deux  heures  après 
midi,  &  11  ~  k  onze  heures  du  foir.  Le  vent 
fur  variable  ,  foible  ,  tantôt  Sud,  tantôt  Sud-Eft, 
tantôt  Sud-Oueft.  L'Atmofphère  fut  très- chargée 
la  plus  grande  partie  du  jour. 

Le  29  ,  à  5  heures  du  matin  ,  le  Thermo- 
mètre marqua  22  degrés;  à  deux  heures  après 
midi,  24  j  &  23  {  à  onze  heures  du  foir;  même 
vent ,   même  état  de  l'Atmofphère  que  le  jour 


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€i  Discours 

précédent  :  latitude  3  5  minutes ,  Nord  :  de  force 
que  le  vaiHeau  paifa  la  Ligne  dans  i'efpace  d'un 
jour  à  l'autre.  La  chaleur  fe  foutint  à  ce  degré 
pendant  tout  le  voyage  jufqu'à  Panama  ,  fans 
paffer  23  degrés  a  deux  heures  après  midi,  & 
21  à  cinq  heures  du  matin  :  la  plus  grande 
variation,  pendant  les  calmes  ôc  les  tems  obf- 
curs ,  n'éiant  que  d'un  degré  :  mais  cela  ne  du- 
roit  même  que  peu  de  tems. 

Le  Thermomètre  ne  marqua  pas  plus  de  cha- 
leur à  Panama  qu'en  mer ,  &  pendant  le  paflage 
de  la  Ligne.  Depuis  le  4  Décembre ,  jufqu'au 
dix- huit,  il  marqua  11  dégrés  à  cinq  heures 
du  matin  ,  &  2  j  -j  à  trois  heures  après  midi  : 
il  monta  même ,  certains  jours  ,  jufqu'à  24.  Or 
ceci  arrive  quan  1  les  vents  du  Sud  ceflent  &  que 
les  brîfes  commencent  à  s'élever.  Mais  ces  brifes 
n*ont  pas  lieu  tous  les  jours.  11  n'y  a  même  pas 
de  tei;._  fixe  chaque  année.  Elles  arrivent  ou 
plus  tôt ,  ou  plus  tard.  Cette  année  elles  com- 
mencèrent plutôt  -y  &  elles  foufïlèrent  depuis  le 
8  jufqu'au  12  vers  les  deux  heures  après  midi» 
Le  1 3  ,  la  brife  fut  foible ,  &  le  Thern  amètre 
à.  24  degrés.  Le  14  ,  point  de  brife  ;  le  Ther- 
momètre à  24  4  degrés.  Le  1 5 ,  la  brife  fouffla  ; 
le  Thermomètre  à  23  degrés.  C'eft  ainfi  que  fa 
paffèreni  ces  jours  là.  En  17 3 (j,  les  5  &  6  de 
Janvier ,  le  thermomètre  étoit  à  20  ^  à  fix  heu^ 


n 


I 


[  :  de  force 
îfpace  d'un 
à  ce  degré 
ma  ,  fans 
midi ,  & 
us  grande 
tems  obf- 
ih  ne  du- 

us  de  châ- 
le partage 
,  jufqu'au 
iq  heures 
>rès  midi  : 
a  24.  Or 
snt  &  que 
ces  brifes 
ême  pas 
ivent  ou 
les  com- 
epuis  le 
es  midi* 
amètre 
e  Ther- 
fouffla  ; 
Il  que  {9 
6  de 
\Cix  heU' 


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T  A  O  I   S   r  I   M  I.  (^5 

res  du  matins  à  midi  il  fut. à  25  J,  &  à  25 
à.  trois  heures  après  midi.  Cette  petite  différence  , 
qui  prife  à  la  rigueur  n'eft  que  d'un  demi-de- 
gré ,  vient  de  ce  que  cette  année  la  les  brifes 
tardèrent  davantage  j  ce  qu'on  n'avoit  pas  en- 
core obfervé.  D'ailleurs  le  Thermomètre  dont 
on  fe  fervit  alors  ,  n'étoit  pas  le  même  que  celui 
fur  lequel  on  fe  régla  en  17^4.  Une  autre  caufe 
de  cette  différence ,  peut  aulîî  avoir  été  la  dif- 
férente expofîtion  de  l'inftrument  à  l'une  6c 
l'autre  époque.  Selon  les  obfervations  faites  en 
173 (î ,  la  latitude  de  cette  ville  eft  de  8  degrés 
58  minutes  Nord. 

Je  pourrois  me  difpenfer  de  parler  ici  de  la 
chaleur  de  Portobelo  ,  &  de  Carthagcne,  puif- 
qu'il  n'y  a  pas  grande  différence  entre  ce  qui 
a  été  rapporté  dans  l'ouvrage  imprimé  par  or- 
dre du  Roi  en  1748.  Mais  cet  ouvrage  étant 
devenu  rare ,  il  ne  fera  pas  inutile  d'en  rappe- 
ler ici  les  obfervations  :  ce  qui  donnera  la  fuite 
dts  différens  degrés  de  chaleur ,  fans  qu'on  foit 
obligé  d'aller  les  obferver  fur  les   lieux. 

Depuis  le  23  Décembre  jufqu'au  29  de  la 
tnème  année  17^4,  le  Thermomètre  fut  à  21 
degrés  à  cinq  heures  du  matin  dans  Portobelo; 
il  monta  à  2  2  ^  à  deux  heures  après  midi  ; 
defcendit  à  22  à  onze  heures  du  foir.  Or  ,  dans 
l'ouvrage  mentionné,  il   eft  rapporté  que  le  4 


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51 


■Il    ' 


i^4  Discours 

Décembre  1735  >  ^^  Thermomètre  fut  à  il 
degrés  à  fix  heures  du  matin,  &  à  13  à  midi. 
La  différence  n'eft  que  d'un  demi  degré  j  ce 
qui  peur  être  arrivé ,  de  ce  que  les  brifes  fu- 
rent alors  phis  foibles ,  &  ne  rafraîchirent  point 
tant  la  terre ,  que  quand  elles  fe  foutiennent  da- 
vantage. Selon  les  obfervations  de  1735  »  ^^  ^^' 
litude  de  cette  Ville  eft  de  9  degrés  347  mi- 
nutes ,  Nord. 

Les  brifes  fe  faifoient  féntir  régulièrement  dans 
le  mois  de  Janvier  à  Carrhagène  d'Amérique, 
&.même  avec  certaine  force.  Depuis  le  i®  Dé- 
cembre, jufqu'au  14,  le  Thermomètre  marqua 
conftamment  21  degrés"  à  fix  heures  du  ma- 
tin ,  24  à  midi ,  &  24  ^  a  deux  heures  après 
midi.  En  1735  ,  le  ^"'Novembre  ,  tems.  où  les 
brifes  ne  fe  faifoient  pas  encore  fentir  réguliè- 
rement, le  Thermomètre  marqua  24  à  Kj  de- 
grés :  ce  qui ,  à  la  rigueur ,  fait  un  degré  & 
demi  de  plus  que  dans  la  dernière  obfervation. 
Selon  les  obfervations  ,  la  latitude  de  cette  ville 
eft  de  10  degrés,  25  |  minutes  ,  Nord. ^. 

Nous  ne  faifons  pas  encore  mention  de  la  tem- 
pérature de  Lima  ,  ville  fit^^ée  à  1 2  degrés  ,  2  { 
minutes ,  latitude  Sud ,  pa^re  qu'elle  fuit  un  or- 
dre différent  que  celui  des  contrées  dont  nous 
parlons ,  6:  que  d'ailleurs  nous  voulons  nous  oc- 
cuper de  celles  de  la  Havane  ,   aux   extrémités 

de 


'^v,  C 


! 


S  nous  oc- 
extrèmitcs 


TROISIEME.  G^ 

le  la  Zane  Torridc  ,  Se  dans  le  voifinage  cîe  la 

'one  TcMTiperce.  On  trouvera  donc  dans  ces  pa- 

hges  des  etfets  tous  contraires  à  l'ordie   qu'on 

iuroit  prcfumc  y  rencontrer.  La  chaleur  devroit 

nturcllement  être  moindre  à  la  Havane  ,  que 

lans  les  contrées  mentionnées  ,    puifqu'elle  fe 

Irouve  plus  éloignée  de  l'Equateur  :  mais  Ci  l'oii 

hit  attention  que    le   Soleil   y  refte  plus   long- 

niis  au  Zenith  ,  ou  près  de  ce  point,  on  verra 

kie  la  chaleur  doit  y  être  plus  grande  que  dans 

îs  contrées  qui  font  fous  l'Equateur ,  ou   près 

le  cette  Ligne  j   en   fuppofant  même  élévation 

ms  les  tcrreins ,:  or  c'ell  ce  qui  eft  confirme  pat 

expérience. 

Lorfque  le  foleil  fe  trouve  au  Nord  de  l'E- 
bateur ,  la  chaleur  eft  plus  grande  à  la  Havanei 
l'à  Panama ,  Portobelo ,  Carchagène ,  ik  même 
lie  fous  la  Ligne,  dans  la  Mer  du  Sud  ^  elle  y  eft 
lème égale  à  celle  qu'on  éprouve  dans  ces  lieux, 
Irfqueie  foleil  parcourt  les  fix  lignes  dû  l'hé- 
lifphère  auflrale.  La  Ville'  fe  trouve  à  2.3  de- 
[es ,  1 0  minutes  ,  latitude  JVofd ,  &  dans  la 
lis  belle  iîtuation  que  puilTe  avoir  un  terreiii. 
['un  côté  elle  A  la  baie  ,  de  l'autre  la  grande 
;r.  Le  refte  eft  un  pays  plit  j  oii  il  fe  trouve 
la  vérité  quelques  éminences,  mais  éloignées 
ine  de  l'autre  &  peu  confidérables  :  ce  qui 
împêche  pas  les  vents  de  parcourir  toute  U 
Tome  J,  £ 


'  '  I' 


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i;  f 


es  Discours 

contrée.  Les  obfervations  qu'on  y  a  faites  cou- 
cernant  la  température  ^  ont  été  faites  en  partit 
dans  la  ville ,  &  en  partie  à  Guanabacoa  ,  h,,- 
meau  qui  en  eft  dillant  de  deux  lieues.  Ct, 
endroit  eft  même  moins  chaud  ,  &  plus  faii. 
que  la  Ville  ,  parce  qu'il  eft  fitué  à  une  moyenr.; 
hauteur ,  où  il  eft  expofé  au  fouffle  des  veii; 
qui  modèrent  l'ardeur  des  rayons  folaires. 

Le  7  Février   17^5  ,  à  6  heures  du  matin,, 
le  Thermomètre  étoità  18  f  degrés  dans  la  Villftl 
A  midi  &  demi,  il  étoit  à  20  degrés.   Verslîj 
foir  il  y   eut  des  coups  de  vent ,  &  une  plu:; 
confidérable.   Cela  dura  jufqu'au  19   ,    que  k| 
chaleur  augmenta  :  de  forte  qu'à  fix  heures  de] 
matin,  le  Thermomètre  étoit  à  20  degrés,  &j 
à  22  ^  à  midi  j  depuis  trois  jufqu'a  quatre  heii-l 
res  après  midi  le  tems  changea ,  devint  pluview, 
&  le  vent  tomba.  A  5    heures  ,  le  vent  touriiij 
au  Nord  ,  le  tems  fe  rafraîchit  j  de  forte  quJ 
le  jour  fuivant  le  Thermomètre  étoit  à  •  1 7  dJ 
grés  à  fix  heures  du  matin ,  &  refta  à  ce  poiiï] 
le  refte  du  jour  &  les  deux  fuivans. 

Les  grandes  chaleurs  de  l'été  y  commencée: 
en  Mai.  Le  Thermomètre  y  fut ,  dans  ce  mois;; 
ci,  à  12  ~  degrés  j  à  cinq  heures  du  matin; 
à  25  Y  à  midi  j  à  22  ^  à  onze  heures  de  ij 
nuit.  Le  25  Juin  j  il  monta  à  2^  7  ,  &  del- 
cendit  à  25  --  i  onze  heures  de  la  nuit.  Oi. 


ilei] 


TROISIEME.  i-J 

)bferva  la  même    chofe  en  Août   &    en  Sep- 
tembre. La    chaleur  parut  modérce    en  Odlo- 
)re  ,  le  Thermomètre  étant  inconftanr.    Ccpen- 
bnt   il  efl;  des  jours  où  la  liqueur  monte  alors 
Z5    degrés.  Le  point  régulier  y  eft  de  23   -^ 
24.  £n  Novembre  ,   ce  même  point    efl:   de 
I   f    à   23    T  )  'i  deux  heures  après  midi.  La 
nème  chofe  a  lieu  en   Décembre  ôc  Janvier, 
lui  font   les  mois  de  l'hiver  dans   lefquels  011 
lit  qu'on   y  fent   du  froid  ;     ôc   cependant  la 
[irférence  des  deux    faifons    n'eft:  que  de  troif 
legrés.  11  eil  bon    de   dire  ici  que    le    Ther- 
momètre   étoit   placé    en  tout   tems  dans  une 
Ihambre  ouverte  ,    où  il  étoit  expofé    à   l'im- 
neflion  de  l'air   libre  ,    mais    non   aux   rayons 
ièmes  du   foleil.    Car  lorfqu*on  l'y  a  expofé  , 
a  monté  jufqu'a    ^n   |  degrés. 
Les   vents   foufflent  toujours    du  Nord  dans 
îs  mois  d'hiver  j  ta  liqueur  du  Thermomètre? 
condenfe  :   &  c'efl:   alors  qu'on  fent  plus  de 
kîcheur.  Dans  les  mois  d'été ,  quoiqu'il  pleuve 
[refque  continuellement  ,  la  chaleur  fe  foutient 
)ujours ,  parce  que  la  pluie  eft  en  général  fuivie 
je  calme  ,  &  qu'alors  les  vents  tournent  au  Sud  : 
qui  entretient  la  chaleur.  La  fmgularité  qu'il 
a  à   remarquer  ici  n'eft  pas  le  degré  auquel 
lonte  la  liqueur ,  mais  la  conftance  avec  laquelle 
lie  s'y  mainçienc ,  &  le  peu  de  variation  quoi? 

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'd8  Discours 

y  voit  d'une  faifoii   à  l'autre.  En  effet  ,  la  li- 
queur monte  au  iiicme  degré  dans  la  Zone  Tem- 
pérée, même  dans  (qs  contrées  feptentrionales: 
mais  cela  n'arrive  que  pendant  un  mois  ou  un 
peu  plus ,  ôc  dans  certains  jours.  Après  cela  elle 
defcend  peu-à-peu  au  point  d'où  elle  étoit  mon- 
tée. En  Décembre  ,  lorfque  le  foleil  eft  au  Tro- 
pique du  Capricorne ,  il  fe  trouve  à  47  degrés 
du  Zénith  de  la  Havane ,  à  la  même  diftance 
qu'il  eft  des  parties    méridionales  de  l'Efpagne. 
Le   20  Octobre  j  tems  où  l'été  finit ,  le  Ther- 
momètre marque  14  ^  degrés  à  fix  heures  du 
matin  ,  dans  Cadix  j   1 6  ^  à  deux  heures  après 
midi ,  &   15   à  1  ^  à  onze  heures  du  foir.  Le 
20    Février ,   tems  où  l'hiver  finit   ,    le  Ther- 
momètre  marque    11  à    13    degrés  à  6  heures 
du  matin  j   i^  a  15   à  deux  heures  après  midi; 
&  15  à  14  vers  onze  heures  du  foir.   Ainfi  on 
y   trouve  S  à  9   degrés    de  chaleur   de   moins 
qu'il  n'y  en  a  là  lorfque  le   foleil  eft  éloigné  au 
même  degré  du  Zénith ,  que   nous  avons  mar- 
qué. On  voit  donc  clairement  par  ces  obferva- 
tions,  que  quoique  la  Havane  foit  éloignée  de 
l'Equateur  à   la  diftance  du   Tropique  ,  ce  n'eft 
pas  une  raifon  fuffifante  pour  que  la  chaleur  s'y 
trouve  moindre  que  dans  les  contrées  qui  font  près 
de  la  Ligne  j   en  fuppofant  néanmoins  la  même 
uniformité  ,  quant  à  la  pofition  des  terreins.  £a 


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T    R    O   I    s    f    E    M    E.  ^9 

effet ,  le  fol  eft  bas  ,  plat  ôc  près  de  la  Mer  dans 
les  endroits  dont  j'ai  parle. 

La  caufe  de  ce  phcnomcne,  eft,  comme  je 
l'ai  dit,  la  diredion  perpendiculaire  des  rayons 
folaires ,  dlredion  qui  dure  à  la  Havane  plus  long- 
tems  que  dans  les  contrées  qui  font  près  de  l'Equa- 
teur. Car  le  mouvement  du  foleil  ell  rallcnti  dans 
fa  dcclinaifon  ,  lorfqu'il  s'approche  des  Tropi- 
ques j  au  lieu  qu'il  eft  accéléré  lorfouc  cet 
<iftre  fe  trouve  dans  le  point  milieu.  Voilà  pour» 
quoi  il  refte  plus  long-tems  au  voifinnge  du  Zé- 
nith de  cette  Ville  ,  que  dans  les  autres  con- 
trées ;  &  pourquoi  il  y  éclvauffe  plus  la  terre ,  la 
pénètre  avec  plus  d'a-ftivité  que  dans  les  con- 
trées fur  lefquelles  il  palfe  avec  célérité ,  ëc  fans 
paroître  s'y  arrêter.  Le  foleil  eft  au  Zénith  de 
la  Havane ,  à  la  différence  d'nn  degré  ,  depuis 
le  2  1  Juin,  jufqu'au  ii  Juillet  :  ce  qui  fait 
une  efpace  de  22  jours.  Mais  dans  les  deux 
faifons  oii  il  pafTe  par  le  Zénith  de  Panama, 
favoir  en  Avril  &  Août ,  il  y  eft  11  jours  en 
tout-,  c'eft-à-dire  5  jours  ôc  demi  a  chaque  paf- 
fage  :  ce  qui  doit  s'entendre  du  moment  qu'il 
s'approche  du  point  immédiat,  jufqu'à  ce  qu'il 
y  foit  arrivé  &  qu'il  l'ait  pafte.  Ceci  fait  donc 
la  moitié  du  tems  :  vient  enfuite  un  intervalle  de 
fix  mois  ,  &  c'eft  alors  que  toute  la  chaleur 
répandue  fur  &dans  la  terre ,  pendant  les  5  7  pre- 

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7©  Discours 

niiers  jours  ,  va  toujours  en  diminuant  ;  poi' 
recommencer  pendant  les  5  {  derniers  jours.  [ 
s'en  fuit  donc  que  la  chaleur  que  le  terrcin  (i; 
Panama  reçoit  des  rayons   folaircs  eft  moini]:i 
que  celle   de  la  Havane ,  où  elle  dure  1 1  joiin 
confccutifs.  Mais  pour  mieux  comprendre  ccu 
il   faut  fappofcr  qu'un  mtme  degré  de  chalcu 
répandu  dans  la  terre  qui  le  reçoit ,  pendant  liiti 
fércns  jours  ,    devient  pendant  chacun  de  ctil 
jours  ,  plus  fort  qu'il  n  ctoit  les  jours  précédenJ 
Or  la  chaleur  frappant  la  terre ,  qui  la  reçoit 
déjà  imprégnée  dos  particules  ignées  qui  lui  oiJ 
^té  communiquées  les  jours  préctdens  ,  la  trouvj 
d'autant   plus  propre   a   la  retenir  ,  que  la  coni| 
munication   d'un  degré    de    chaleur  a  été  pltiil 
fouvent  répétée.  y 

Un  autre  exemple  confirmera  cette  théorie, j 
Suppofons  qu'on  éprouve  la  plus  grande  force  di; 
foleil  dans  un  efpace  de  dix  degrés ,  avant  quel 
le  foleil  foit  arrivé  au  Zénith  ,  de  jufqu'à  cd 
qu'il  en  foit  écarté  à  un  même  efpace.  Or  lifâà 
foleil  commence  à  entrer  le  20  Avril  dans  les! 
dix  degrés  prochains  du  Zénith  de  la  Havane, 
&  n'en  fort  que  le  21  du  mois  d'Août,  ce  qui*  "^ 
fait  un  eipace  de  quatre  mois  confccutifs.  A  ion  ^â 
premier  paflage  par  le  Zénith  de  Panama  ,  ilp 
emploie  un  mois  &  21  jours,  favoir  depuis  le 
xp  Juillet  jufqu'au  10  Septembre:  au fecond>c'e(l-| 


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T    R    (3    I    S    I    E    M    1.  71 

,  î'r'"*n  venant  de  l'Hcmifphcrc  Auftrale  ,  ilcm- 
»loie  un  purre  mois  &: 20  jours,  favoir , ticpuis  le 
10  Mars  jurqu  au  1  o  de  Mai  :  ce  qui  fait  trois  mois 

onze  jours  pour  les  deux  pallages.  Ainli  il  eft 
^ingt  jours  déplus  dans  l'efpacc  des  dix  degrés  im- 
ncdiats  du  Zcniili  dans  celui  de  la  Havane  ,  que 
lans  celui  de  Panama,  puifqu'il  y  a  dans  ce  dernier 
cas  une  interruption  de  deux  mois  S<  dix  jours  , 
)cndant  lequel  tems  le  foleil  parcourt  les  Signes 
feptentrionaux  j  tandis  qu  il  fepalTeau  contraire  (ix 
nois ,  à  peu  de  dift'crcncc  près ,  pendant  lefquels 
il  parcourt  ceux  de  rHémifphcre  Auftrale.  D'oîi 
il  réfulte  que  la  chaleur  de  la  Havane  ,  iituce 
)rcfque  fous  le  Tropique ,  doit  être  plus  grande 
jue  dans  les  contrées  qui  s'éloignent  de  ce  Cer- 
:1e  en  fe  rapprochant  de  l'Equateur  :  donc  aulîî 
les  effets  de  la  Zone  Torride   doivent  y  être  , 

y  font   réellement   plus  fenlibics    que    dans 
[es  autres  parages. 

Pour  que  la  terre  perde  la  chaleur  dont  elle 

été  impréj^née  pendant  quatre  mois  confécu- 
tifs  ,  il  faut  beaucoup  plus  de  tems  qu'il  n'eu 
faudrait  Ci  ces  quatre  mois  avoient  été  interrom- 
nis  par  un  efpace  de  tems  ,  pendant  lequel  le 
foleil  feroit  refté  plus  éloigné  du  Zénith  que  de 
lix  degrés.  Or  voilA  pourquoi ,  lors  même  que 
:et  aftre  eft.  hors  de  cet  elpace  ,  la  chaleur  fe 
fouticnt  ,  comme  on  le  voit ,  en  Septembre  Ôc 

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yt  Discours 

mcme   penciaiit   plufieurs  jours    d'Odobre.   En 
eftet  ,  le  Thermomène  eft  alors  au  même  point 
que  quand  le  fdleil  eft  dans  les  dix  degrés  pro- 
chains du  Zcnidi.    Auiîi  y    remarque-t-on   les 
effets  que   les  rayons  perpendiculaires  du  foleil 
produircnt  fur  les  eaux  foucerraines  :  car  elles  y 
font  chaudes ,  tandis  que,  par-tout  ailleurs,  elles  fe 
troussent  fraîches ,  comparées  avec  la  température 
de  l'air  pendant  ces  mois-là.  C'eft  ce  qu'on  voit 
arriver  dans  les  eaux  de  citernes ,  Ôc  des  fources 
qui  ferrent  de  la  terre.   Mais  il  nen  eft  pas  de 
mcme  dans  celles  qui  courent  à  la  fuperiicie  de 
la  terre.   Elles  fe  trouvent  à  la  tem.pérature   de 
l'air  extérieur,  La  caufe  n'eft  autre  que  la  cha- 
leur du  foleil  ,  qui  étant  comme  ftationnaire, 
échauffe  la  terre  ôc  la  pénètre  d'autant  plus  qu'il 
refte  plus  à  ce  point.  Or,  cette  chaleur  ne  va  en 
diminuant  que  peu-à-peu  ,   pendant  autant  de 
tems  qu'elle    en  avoit    employé   à    pénétrer  la 
terre.  Lorfque   les  eaux  fortent   du  fein  de  la 
terre  ,  elles  prennent  la  température  de  l'air  ex' 
térieur  j  &  quoiqu  elles  paroilfent  avec  le  degré 
de    chaleur  qu'elles  ont  contradté  en  terre  ,  elles 
le  perdent  bientôt  pour  fe  mettre  au  degré  de 
l'air. 

Les  vents  contribuent  auflî  plus  ou  moins  au  de- 
gré de  la  chaleur,  félon  le  point  d'où  ils  foufflenc. 
S'ils  viennent  du  Nord  ,  la  chaleur  diminue  fen- 


ns  au  ae* 


T  R  o  I  s  I  E  M  ï^  75 

fiblement  :  mais  au  contraire  ,  elle  augmente 
confidcrablement  fous  les  vents  du  Sud.  Les  . 
vents  du  Nord  régnent  à  la  Havane  ,  fans  cepen- 
dant être  continuels,  depuis  Novembre  jufqu'a 
Mars ,  mais  ftridement  ji;fqu  en  Févner.  On  les 
appelle  hrifes  fur  les  côtes  de  Carthagène  ,  de 
Portobelo  ,  &c  à  Panama.  Us'  n'y  foufïlent  pas 
précifément  du  Nord ,  mais  duNord-Eft,  entre 
le  Nord  &:  l'Eft.  Ils  commencent  dans  ces  con- 
trées-ci en  Décembre  ,  &  durent  jufqu'en  Mai. 
Cependant  ils  font  un  plus  tardifs  à  Panama , 
comme  je  l'ai  dit. 

Le  foleil  occafîonne  auflî  une  plus  grande 
chaleur  à  proportion  qu'il  a  été  plus  de  tems 
fur  l'horifon.  Lorfqu'il  eft  au  Zénith  de  Pa- 
nama, il  paroît  II  heures  12  minutes  fur  l'ho- 
rifon \  ainfi  la  nuit  proprement  dite  eft  de  1 1 
heures  48  minutes.  Mais  quand  il  eft  au  Zé- 
nith de  la  Havane ,  il  refte  15  heures  x6  mi- 
nutes fur  l'horifon  :  ce  qui  fait  10  heures  34 
minutes  pour  la  nuit.  Ainfi  il  y  échauffe  la  terre 
pendant  i  heure  &  1 4  minutes  de  plus  qu'à  Pa- 
nama. Or  on  s'apperçoit  fenfiblement  à  la  Ha- 
vane que  cette  plus  longue  ftation  du  Soleil 
empêche  l'air  &  la  terre  de  fe  rafraîchir  autanç 
qu'à  Panama, 


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DISCOURS  QUATRIEME. 

Suite  des  ohfervations  fur  les  rapports  &  les 
différences  de  la  température  dans  les  divers 
climats, 

OI  l'expérience  ne  fervoit  ici  de  preuve  ,  on 
auroit  peine  à  croire  qu'il  y  a  de  fi  grandes  dif- 
férences dans  la  température  des  climats  de  l'A- 
mérique ,  &  indépendamment  du  plus  ou  moins 
d'éloignement  de  l'Equateur.  La  Louifiane  eft 
une  des  contrées  qui  en  fournit  une  des  preuves 
les  plus  frappantes.  En  effet,  les  chaleurs  qu*on 
éprouve  pendant  les  quatre  mois  d'été  à  la  Nou- 
velle Orléans ,  qui  en  eft  la  Capitale  ,  favoir  de- 
puis Juin  jufqu'en  Septembre  ,  y  font  plus  gran- 
des qu'a  la  Havane ,  &  que  dans  les  autres  con- 
trées qui  fe  rapprochent  de  l'Equateur.  Or  cette 
capitale  eft  à  50  degrés  &  demi  de  latitude, 
^ord.  Pendant  les  mois  d'hiver,  les  froids  &: 
les  chaleurs  fe  fuccèdent  fi  fouvent  ,  qu'après 
trois  ou  quatre  jours  de  forte  gelée  ,  l'oji  y 
éprouve ,  pendan;  plufieuis  autres  ,  des  chaleurs 


;<    i'- 


Discours  quatrième.  75 
prefqu'aulîi  fortes  que  dans  les  jours  rcgulicrs 
de  l'été.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarqua- 
ble ,  c'eft  que  le  vent  fous  lequel  il  gèle  en  lu- 
ver  ,  eft  celui  fous  lequel  on  éprouve  les  plu« 
grandes  chaleurs  en  été.  Ces  différences  qu'on  ne 
remarque  point  dans  d'autres  contrées  ,  font  par- 
ticulières à  celle-ci.  Il  parcît  contraire  à  l'ordre 
de  la  Nature  ,  qu'on  éprouve  alternativement  , 
pendant  les  froids ,  les  neiges ,  de  la  gelée  ,  des 
jours  aulîî  chauds  que  fi  les  rayons  du  foleil 
tomboient  perpendiculairement  fur  la  contrée. 
Les  vents  y  changent  continuellement,  ou  n'y  ref- 
tent  tout  au  plus  que  deux  jours  au  même  point. 
En  hiver  ,  il  y  pleut  fous  les  vents  du  Sud-Efi: 
Se  du  Sud  y  mais  à  la  même  heure  qu'il  cefle 
de  pleuvoir ,  ce  vent  tourne  au  Nord  ,  Se  le 
froid  fe  fait  fentir.  S'il  s'y  maintient  plus  d'un 
jour  Se  qu'il  devienne  plus  fort  j  on  efc  sûr 
d'avoir  de  la  gelée.  Mais  s'il  n'eft  pas  confiant. 
Se  qu'il  palTe  du  Nord  à  l'Eft  ,  quoique  pour 
peu  de  tems  ,  le  froid  n'eft  pas  vif.  Alors  il 
ne  relie  pas  U  long- tems  ;  il  quitte  l'Eft  pour 
palfer  au  Sud  ou  au  Sud-Oueft.  Auflîtot  la  pluie 
recommence,  il  tombe  de  la  neige,  Se  lèvent 
fait  encore  le  même  tour  qu'auparavant. 

Les  vents  Nord  Oueft  Se  Nord  y  caufent  tai  t 
de  froid ,  qu'il  v  îjèlc  tortement  :  mais  ces  me- 


qu 


/  n 


mes  vents  y  produifent  Qn  été  une  chaleur  mèniç 


I 


yC  Discoure 

£  fufFocante  ,  que  fi  elle  duroit  deux  ou  trois 
jours ,  nombre  de  gens  ne  pourroient  la  fuppor- 
ter ,  &  périroient  infailliblement.  La  caiife  du 
froid  que  les  vents  produifent  en  hiver  ,  eft 
fa  même  qu'on  a  obfervce  dans  toute  l'Hé- 
mifphère  feptentrionale.  Mais  celle  de  la  cha- 
leur vient  de  ce  que  ces  vents  paflcnt  fur  de 
vaftes  plahies  ,  des  forêts  épaififes  ,  de  très-grands 
marais  qui  exhalent  des  vapeurs  ardentes  avec 
l'humidité  qui  s'y  volatilife  par  l'effet  de  la 
grande  aâiivité  des  rayons  folaires.  L'air 
échauffé  à  ce  même  degré  ,  y  devient  fuffo- 
cant  au  lieu  de  rafraîchir  la  poitrine  ;  &  parcon- 
féquent  beaucoup  plus  infoutenable  ,  que  quand 
la  chaleur  eft  accompagnée  d'un  grand  calme. 
Il  ne  fera  pas  inutile  de  confirmer  par  des 
obfervations  mécéréologiques  ,  ces  différences 
iingulières  de  la  température.  Les  jours  où  la 
chaleur  fe  fit  le  plus  fentir  en  1767 ,  à  la  Nou- 
velle Orléans ,  furent  les  1 2  ,  1 5  '?<:  1 4  d'Aoûr. 
Le  I  z ,  à  cinq  heures  du  matin  ,  le  Thermo- 
mètre étant  dans  une  falle  munie  de  portes  & 
de  fenêtres,  mais  toutes  ouvertes  ,  marqua  15  ^. 
Expofé  à  l'air  dans  une  galerie  fpacieufe  & 
couverte  ,  il  marqua  21  ^.  A  trois  heures  après 
midi,  étant  dans  la  fallc  ,  il  marqua  27  ,  Se 
32  dehors.  A  minuit,  il  marqua  16^  en  de- 
dans, &c  16  dehors.   Le  tems  fut  très-clair  le 


IX  ou  trois 
;  la  fiippor- 
■   caiife  du 
liiver  ,   efl: 
xite   l'Hé- 
:1e  la  cha- 
nt fur  de 
:rès-grands 
îiites  avec 
ffet  de  la 
es.     L'air 
ent  fufFo- 
k  parcon- 
jiie  quand 
îd  calme. 
:   par  des 
iffcrences 
irs  où  la 
la  Nou- 
d'Aoûr. 
rhermo- 
portes  Se 
;ua  2j  i. 
:ieufe   & 
res  après 

i7  ,   & 

:  en  de- 

clair  le 


QUATRIEME.  7/ 

jour  &  la  nuit  :  Le  matin  il  n'y  eut  point  de 
vent.  A  trois  heures  ,  il  fouflfla  foiblement  de 
l'OueftSud  Oueftj  &  futOueft  Nord-Oueft  pen- 
dant la  nuit. 

Le  15  de  ce  mois,  a  cinq  heures  du  matin ^ 
le  Thermomètre  marqua  24  en  dedans  &  de* 
hors  :  à  deux  heures  ôc  demie  ,  après  midi  , 
il  monta  à  17  f ,  &  dehors  à  3  3  |  :  à  trois 
heures  &  demie  ,  après  midi  ,  il  marqua  28 
en  dedans  ,  &  3  2  ^  dehors  î  a  cinq  heures  , 
il  marqua  28  |  en  dedans  ,  &  32  ^  dehors: 
à  minuit ,  il  étoit  à  27  j  dedans  S>c  dehors.  Le 
vent  étoit  Nord   ôc  foible. 

Le  14,  à  cinq  heures  du  matin  ,  le  Ther- 
momètre étoit  à  2  5  7  dans  la  falle  ,  &  à  2  5  dans 
la  galerie  ouverte  :  l'Atmofphère  fe  trouvoit  clai- 
re ,  le  vent  Nord.  Voiri  iVtnr  du  Thermomètre 
pendant  les  heures  fuivantes  du  même  jour. 

A  9  heures  dans  la  Salle  16 1.  Dans  la  Galerie  3  o  £. 
à  I  heure  après  midi ,    27  î 3  2  J. 


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a  mmuit ,     •     •     •     ^7 1 

Le  Baromètre  étoit  le  même  jour, 
à  5  heures  du  matin,  à  27  pouces  7  lignes  y,' 
à  3  i  après  midi,  à  27  7 

à  5  i  ^27  7 

i  minuit  i^  i  ly  -     j[ 


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y$  Discours 

Depuis  neuf  heures  du  matin ,  le  vent  &  la 
grande  chaleur  ccfsèrenc.  On  fencic  feulement 
de  tems  à  autre  quelque  foible  vent  du  Nord-Eft. 
L'Atmofphère  fut  trouble.  Il  y  fit  quelques  éclairs 
pendant  la  nuit  :  ce  qui  venoit  de  la  grande 
chaleur. 

Le  1 5  ,  on  fentlt  dès  le  matin  les  effets  que  la 
chaleur  du  jour  précédent  avoit  produits  dans  i'At' 
mofphère.  I>es  Thermomètres  étoient  donc  à 
16  c.egrés  à  cinq  heures  du  matin  ,  ainfi  plus 
hauts  qu'à  la  même  heure  le  jour  précédent  :  ce 
qui  injuiuoit  plus  de  chaleur.  Mais  le  vent  étoit 
déjà  ';)i.:rné  à  l'Eft-Sud-Eft  par  le  Nord-Eft  , 
c'eft  pourquoi  le  Thermomètre  fut  :?  27  degrés 
dans  ia  falle  a  4  ^  de  l'après  midi  ,  tems  où 
l'on  fentit  la  plus  grande  chaleur  ce  jour-là.  Il 
croit  à  29  dans  la  galerie  :  à  minuit  il  fut  à 
24  en  dedans,  &  à  24  ^  dehors.  Le  Baromè- 
tre fut  aux  heures  torrefpondantes  à  27  p.  7  1.  f  j 
à  27  p.  8  1.  j,  ôc  à  27  p.  9  1.  i.  Il  parut  quel- 
ques nuages  élevés,  Se  comme  déchirés  ,  dans 
l'Âtmofphère.  Dès  cinq  heures  du  matin  ,  le  vent 
s'étoit  fait  fcntir  avec  alfez  de  force  du  Sud-Eft. 

Suivant  les  habitans  du  pnys  ,  k  chaleur  fut, 
pendant  ces  trois  jours ,  plis  grande  qu'on  ne 
réprouve  ordinairement  dans  cette  fiifon.  En 
effet,  elle  fut  moindre  en  1766,  ij6S:  cette 
dernière  année ,  le  Thermomètre  ne  monta  c|u  a 


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îtf  dans  la  falle  ,  le  i8  Août  à  5  heures  ~ 
après  midi,  &  à  30  J  dans  la  galerie.  Le  vent 
ttoit  foible,  Nord-Ouell ,  &  il  y  eut  quelques 
nuages  rougeâtres  dans  rAtmofphère.  Le  Baro- 
mètre fe  trouva  à   27  p.  i  1.  ;^. 

En  1766 ,  ce  fut  depuis  le  1 7  Juillet ,  jufqu'ail 
25  ,  qu'on  éprouva  la  plus  grande  chaleur.  Le 
jour  le  plus  chaud  fut  le  11..  Le  Thermo- 
mètre monta  dans  la  falle  à  27  ,  &  à  51  danJ 
la  galerie.  Le  tems  étoit  clair  ,  le  vent  foible, 
Nord-Oueft.  Les  autres  jours  le  Thermomètre 
Vriiia  de  2(j  a  2<î  j  ,  &  dans  la  galerie  de -29 
à  j  I .  On  ne  fentit  aucun  vent  ,  ou  s'il  fouffloit , 
c'étoit  du  Nord-Oueft. 

L'été  eft  ici  fort  long  :  car  depuis  le  mois 
de  Mai ,  on  éprouve  de  roftes  chaleurs.  Dans 
le  plus  chaud  du  jour ,  le  Thermomètre  monte 
a  23  ^  dans  la  falle,  &  à  27  dans  la  galerie, 
non  pas  cependant  tous  les  jours.  En  OiStobre 
17(17  ,  il  monta  les  7  ,  8  ,  9  ,  à  24  &  25  dans 
la  falle,  &  dans  la  galerie  de  28  à  29  :  ce  qui 
eft  le  degré  de  la  plus  force  chaleur  eu  Efpagne. 
Ainfi  l'été  dure  cinq  mois  complets  ,  &  très- 
chaud  y  fans  compter  les  mois  qui  le  précèdent, 
favoir  depuis  Mars  jufqa'cn  Mai  ,  où  l'on  com- 
mence à  fentir  de  la  clialeur  ,  même  très- forte 
pendant  certains  jours.  Je    n'y  comprends  pas 

I  tems  depuis  Ocl:obre  iuf- 


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plus  l'cfpace 


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À 'if 


to  Discours 

qu'en  Novembre  ,  période  pendant  lequel  la  cha- 
leur diminue  pour  faire  place  à  l'hiver. 

,  On  y  éprouve  les  effets  de  cette  grande  cha- 
leur d'une  manière  peu  ordinaire  dans  les  au- 
tres contrées.  Si  Ton  fort  dans  la  campagne  après 
le  coucher  du  foleil ,  on  eft  tout  furpris  d'en- 
trer fubitement  dans  un  climat  bien  plus  chaud 
que  celui  qu'on  quitte.  Cela  dure  l'efpacc  de 
vingt  ou  trente  pas ,  &  l'on  fort  de  cette  Zone 
chaude  aufli  fubitement  qu'on  y  étoit  entré  , 
pour  rentrer  dans  une  Zone  dont  la  tempéra- 
ture eft  la  même  que  la  première  :  comme  Ci 
en  effet  il  y  avoit  ,  par  intervalles ,  des  Zones 
plus  chaudes  les  unes  que  les  autres.  Or  ,  on 
éprouve  ces  alternatives  trois  ou  quatre  fois  dans 
un  quart  de  lieue.  • 

11  n'eft  pas  facile  d'aflîgner  la  caufe  de  ces 
phénomènes  ,  quoiqu'on  en  puiiTe  fuppofer  plu- 
Cieins.  On  feroit  mal  fondé  à  prétexter  ici  que 
le  feu  qu'on  met  dans  les  champs  après  les  moif- 
fons ,  eft  ce  qui  échauffe  plus  l'air  dans  ces  par- 
ties-là que  dans  les  autres.  D'un  autre  côté ,  le 
terrein  eft  femblable,  tant  pour  la  qualité  que 
pour  la  forme  j  &:  l'on  ne  peut  prérendre  que 
la  chaleur  des  rayons  du  foleil  fe  iixe  plus  dans 
un  efpace  que  dans  l'autre.  Il  paroît  donc  vrai- 
femblable  que  cela  vient  de  ce  que  certaines  co- 
lonnes d'air ,  confidérées  horifontalemeut  ,  ref- 

tent 


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QUATRIÈME.  îi 

tent  trîinquilles  après  le  coucher  du  folcil ,  tan- 
dis que  d'autres  font  en  mouvement  &  changent 
de  local.  De  cette  manière ,  il  arrive  que  les 
premières  confervenc  la  chaleur  qu'elles  avoient 
liorfque  le  foleil  les  fmppoit^  au  lieu  que  les  fé- 
condes la  perdent  par  le  mouvemenc  d'un  ait 
très-foible  qui  les  agite.  Ajoutons  à  ces  reflexions 
qae  quand  on  éprouve  ces  changemens,  on  ne 
Ifent  point  abfolument  de  vent. 

Les  coups  de  foUU  font  un  autre  effet  remar- 
juable  de  la  chaleur.  Ses  rayons  y  agilTent  avec 
tant  de  force  &  de  célérité ,  que  ceux  qui  en 
(ont  frappés  tombent  morts  fubitement  \  mais  eu 
laitrant  appercevoir  des  lignes  non  équivoques 
le  l'énergie  des  rayons  folaires  qui  leur  ont  ôté 
vie.  Ces  accidens  arrivent  plus  ordmairement 
ceux  que  des  travaux  retiennent  certain  tems 
^ir  un  mcme  local  :  il  eft  rare  qu'il  fe  paiïe  une 
Innée  fins  qu'on  en  voi-e  des  exemples. 

11  eft  donc  prouvé  par  les  obfervations  précé- 
lentes ,  qu'on  éprcnive  à  la  Nouvelle  Orléans  , 
tuée  au  delà  du  ^oe  degré  de  latitude,  des  cha- 
kirs  beaucoup  plus    fortes   en  été   qu'à  la  Ha- 
uie  ,  &  que  dans  les  autres  contrées  qui  avoi- 
hent  l'Equateur.  Cependant  le  foleil   n'appro- 
ie  jamais  que  de  fix  degrés  &  demi  le  Zénith 
cette  Capitale  de  la  Louifiane.  La  raifon  de 
phénomène  eft  l'uniformité  des  plats  pays  ^ 
Tome  J.  F 


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couverts  d'ailleurs  de  forêts  très-c^'pailfes  &  tr«- 
hautes  :  or  les  vents  y  étant  en  général  trcs-foi- 
blés  dans  cette  faifon  ,  ne  parviennent  point  aux 
endroits  habités.  Outre  cela ,  cette  ville  fc  trou- 
vant éloignée  de  la  mer,  les  vents  qui  régnent 
fur  celle  ci  ne  fe  portent  là  qu'avec  difficulté, 
D'où  il  arrive  communément  que  l'on  n'y  feiit 
aucun  courant  d'air  frais  dans  le  fort  de  l'été. 
Si  le  vent  vient  du  Nord  ou  du  Nord-Eft ,  il 
fe  porte  dans  les  terres ,  traverfe  les  vaftes  plai» 
lies  &  les  bois  ,  en  fe  chargeant  des  qualités 
des  vapeurs  qui  s'en  exhalent. 

11  refulte  donc  de  tout  ceci  que  le  fbleil  eftJ 
à  une  plus  grande  diftance  du  Zénith  ,  beaucoup 
plus  adif  dans  cette  contrée  que  dans  celles  qui 
en  font   moins  éloignées;  ce  qui,  fans  doute, 
paroît  être  contre  ''ordre  de  la  Nature. 

Quoique  la  chaleur  y  foit  en  été  telle  que  je  l'ail 
dit,  elle  ne  fe  concentre  cependant  pas  en  terre 
comme  à  la  Havane  :  &  fes  effets  n'y  durent 
pas  de  même  dans  les  parties  fouterraines.  On 
remarque  au  contraire  que  les  eaux  de  Miilifipi, 
qu'on  trouve  chaudes  à  la  fuperficie  ,  font  fraî- 
ches ,  lorfqu'on  les  prend  au  fond  du  fleuve< 
Cela  prouve  que  le  foleil  n'y  pénètre  pas  jui 
qu'au  fond  de  l'eau ,  qui  peut  avoir  ,  près  de  ui 
ville  ,  20  à  25  braffes.  La  chaleur  eft  en  ce  cas 
accidentelle,  &  augmentée  par  le  défaut  des  vents, 


QUATRIEME.  8j 

Se  par  les  principes  des  vapeurs  qui  s'exhalent 
des  arbres  ,  des  terreins  humides  ,  &  qui  fe 
joignent  à  la  chaleur  naturelle  des  rayons  folaires. 

Dans  un  pays  où  la  chaleur  monte  à  un  tel 
degré  ,  &:  fe  foutient  fi  long-rems  ,  on  auroic 
peine  A  préfumer  que  les  froids  &  les  gelées 
fiiflent ,  pendant  l'hiver  auflî ,  fenfibles  qu'on  l'é- 
prouve. Or  i  0  phénomène  eft  particulier  à  ce 
pays. 

La  tempér  .ture  du  mois  de  Novembre   y  eft 
rcgulièrement  de  17   à  18  degrés,  à  fix  heures 
du  matin  :  de  1 9  à  20  à  deux  heures  après  midi  j 
I&  de   17  à   18  à  onze  heures  du  foir.  En  cer- 
tains jours,  le  Thermomètre  bailTe  de  7  à    8 
degrés  ,   8c  remonte  le  jour  fuivant   au  même 
Ipoint  avec  autant  de  célérité.  En  176S  ,  il  com- 
jmença  à  geler  le  8  Janvier;  mais  la  plus  forte 
relée  eut  lieu  le    ly  ou  le  18    du   mois.  Pen- 
lant  ces  jours-ci ,  le  Thermomètre  defcendit  à 
lix  heures   du  matin  à    1  degrés   ôc  demi  au- 
leflbus  de  zéro  ,  dans  la  falle  ,  portes  Ôc  fenêtres 
fermées.  Dans  la  galerie ,  il  defcendit  à  7  i.  A 
leiix  heures  après   midi,  il    monta  à  5    |  au- 
lelTous  de  zéro  :  &  à  onze  heures  de  la  nuit, 
AÇq  trouva  de  2  degrés   plus   bas    que  zéro  : 
fans  la  galerie  ,   il  defcendit  de  5   à  ^  degrés, 
-es  bords  de  Miflifipi  furent  gelés  à  la  diftance 
le  6  à  8  varas  de   chaque  côté.  Il  cfl  inutile 

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(716)  872-4503 


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S4  Discours 

de  dire  que  l'eau  qui   étoit  dans  les  cuvettes  ; 
dans  la  pièce  où  étoic  le  Thermomètre ,  fe  trouva 
totalement  gelée.  Il  gela  auflî  le  19  «Se  le  lo  du 
mois ,    mais   modérément.    Le  2 1   ,  on  fencit 
quelque  chaleur.  Le  12,  â  fix  heures  du  matin , 
le  Thermomètre  marqua  dans  la  falle  1 2  degrés 
de  chaleur,  &  11   7  dans  la  galerie.  A  quatre 
heures  de  l'après  midi ,  il  monta  à    i6  \  y  Se 
à  17  ^.  A  onze  heures  du  foir  ,  il  étoit  à  15  \\ 
<&  à  1 4  7.  Le  2  5  il  monta  à  1 7  -  dans  la  falle  | 
&  à  2 1  J  dans  la  galerie.  Ainlî  Ton  éprouva  pen- 
dant ce  court  intervalle  de  3  à  4  jours  ,  les  tempé- 
ratures oppofées,des  pays  froids  &  des  pays  chauds,! 
par  de  fortes  gelées  &  de  grandes  chaleurs.  Ces 
alternatives  de  froid  ôc  de  chaleur  y  font  fort  com- 
munes ^  mais  non  toutes  aulli  fenfibles  que  celleti 
que  j'ai  rapportées.  Le  paflTage  de  la  température 
froide  à  la  chaleur,  y  eft  régulièrement  de  8à| 
1  o  degrés.  Les  arbres  y  annonçoient  déjà  le  prin- 
lems  dans  l'hiver  même  :  car  les  grands  froids  1 
avoient  celTé  en  Décembre ,  &  il  y  fit  chaud. 
On  voyoit  des  feuilles  Ôc  des  boutons  ,'  particu- 
lièrement aux  orangers.  Mais  cette  poufTe  hâtive 
en  Ht  la  perte  :  car  il  furvint  des  gelées  dans! 
le  plus  fori   de  la  végétation ,  &  tout  fut  brûlél 
ou  delTéché.  Ces  accidens  n'y   font  pas  rares,! 
vu  l'irrégularité  de   la  température.  Ilréfultedîl 
U  qu'on  n'eft  pas  sûr  que  l'hiver  ait  totalemcnil 


QUATRIEME.  8$ 

cefle ,  jufqu'à  la  fin  de  Mars  &  même  au  com- 
mencement (f  Avril  y  quoiqu'on  y  éprouve  de 
tems  à  autre  les  chaleurs  de  l'été. 

En  1766,  le  14  Mars  à  C\\  heures  du  ma- 
tin ,  le  Thermomètre  étoit  à  2  ^  degrés  au-def- 
fus  de  zéro.  Le  8  ,  il  avoir  été  à  16  j  à  la 
même  heure.  «Le  16 ,  (  *  )  il  fut  à  16  |.  Le 
17  ,  il  ne  fut  qu'à  i  \  degrés  au-delTus  de 
zéro.  Le  12  ,  il  monta  à  1 3  |  degrés  à  la  mcme 
heure  :  de  forte  que  dans  l'efpace  de  14  jours 
il  y  eut  trois  étés  &  deux  hivers.  Or  ceci  ne 
vint  que  de  la  variation  des  vents ,  froids  quand 
ils  furent  au  Nord ,  &  chauds  quand  il  fe  trou- 
vèrent au  Sud.  Ces  variations ,  dont  on  ne  peut 
abfolument  fe  perfuader  la  réalité  ,  fans  l'expé- 
rience ,  font  d'autant  plus  extraordinaires ,  qu'il 
n'y  a  pas  de  montagnes  dans  les  montrées  voi- 
fmes  ,  ni  même  à  plufieurs  centaines  de  lieues  ; 
ôz  que  conféquemment  il  n'y  a  pas  plus  de 
neige  que  dans  les  vaftes  plaines  où  il  en  tombe , 
mais  où  elles  difparoi(rent  entièrement  fous  le 
fouflfle  des  vents  du  Sud.  La  raifon  de  ces  froids 
fiibits  &  de  CCS  alternatives  de  chaleur ,  ne  peut 
être  que  les  glaces  des  grands  lacs  qui  font  au 
Nord  de  Miflîfipi,  en  remontant  depuis  le  42-. 
degré.  Les  vents  qui  paflTent  fur  ces  glaces  y  con- 

^1  m  I  < 

(*)  Mon  exemplaire  Efpagnol  porte,  encorreûion  faite  à  la  maii^ 
It  16  1  :  ce  i^ue  n'a  pai  lu  le  Traducteur  Allemand. 


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8^  Discours 

tra fient  cette  froidure  qii  ils  répandent  dans  h 
Louifiane  :  cette  caufe  y  rend  don<i  les  froids  ac- 
cidente/s ,  &  on  ne  les  éprouve  que  quand  les 
vents  ne  font  pas  Nord-£(l  ou  Eft  ou  Sud,  dans 
lefquels  cas  ils  font  chauds  ,  parce  qu'ils  vien- 
nent de  la  Mer. 

Nous  venons  de  voir  que  dan»  le  court  ef- 
pace  qu'il  y  a  de  Panama  &  Portobelo ,  jufqu'à 
la  LouKiane ,  il  fe  trouve  des  températures  tou- 
tes différentes ,  Se  qui  ne  coriefpondent  pas  à  la 
diftance  où  les  pays  font  éloignés  de  l'Equateur  : 
en  outre  ,  qu'il  eft  lingulier  que  les  chaleurs 
foient ,  dans  ce  pays  où  les  rayons  du  foleil  ne 
tombent  jamais  perpendiculairement ,  plus  gran- 
des que  dans  d'autres  fituées  dans  la  Zone  Tor- 
ride  ^  enfin  ,  que  le  froid  s'y  fait  beaucoup  plus 
fencir  que  dans  d'autres  contrées  de  la  Zone  Tem- 
pérée ,  où  il  doit  être  confîdérable. 

Paffôns  à  préfent  dans  l'Hémifphère  auftrale , 
pour  comparer  les  températures  de  la  Zone  Tor- 
ride  avec  celles  dont  nous  avons  parlé.  Nous  y 
verrons  avec  étonnement  les  phénomènes  les  plus 
fmguliers  de  la  Nature.  Car  au  lieu  des  froids 
Se  des  chaleurs  extrêmes  de  la  Louiiîane  ,  nous 
trouverons  ici  que ,  contre  l'ordre  général  des  cli- 
mats, les  contrées  qui  devroient  être  chaudes  fout 
fort  tempérées  ,  &  que  celles  où  Ton  devroit 
éprouver  une  chaleur  exceflive  font  extrêmement 
froides. 


il    I 


QUATRIEME.  §7 

La  tempcracure  de  cette  bande  de  bas  cerreins , 
qui  s'étend  le  long  de  l'Amérique  méridionale,  vWs 
la  Mer  du  Sud ,  a  été  détaillée  avec  toute  l'exac- 
titude nécelTaire  ,  dans  le  recueil  d'Obfervations, 
publié  par  ordre  du  Gouvernement.  Mais  il  ne 
fera  pas  inutile  d'en  confirmer  la  vérité  ,  & 
d'en  continuer  la  comparaifon  avec  les  obfer- 
vations  qui  ont  été  faites  depuis.  Les  conféquen* 
ces  qui  en  réfulteront  feront  d'autant  plus  cer- 
taines ,  que  les  unes  &  les  autres  ont  été  faites 
avec  le  même  Thermomètre. 

On  voit  au  Sud-Eft  de  Lima,  &  à  54  ^  lieues 
de  cette  capitale ,  une  longue  vallée  qui  fe  pro- 
longe entre  deux  cotes ,  Se  que  Ton  connoît  fous 
le  nom  de  /as  Capillas,  Quoiqu'on  n'en  ait  pas 
fixé  la  latitude  ,  on  peut  la  déterminer  par  celle 
de  Lima ,  &  la  fixer  ainfi  à  1 3  degrés  ,  a  peu 
de  différence  près.  En  1758,  le  23  Odobre, 
le  Thermomètre  expofé  à  Tair  marquoit  1 1 
degrés,  &  iB  à  deux  heures  après  midi.  Il  faut 
obferver  ici  deux  chofes.  Premièrement ,  que  le 
foleil  fe  trouvoit  prefque  au  Zénith  de  cette  con- 
trée ,  paffant  au  Tropique  du  Capricorne  :  fe- 
condement ,  que  cet  endroit  efl  une  vallée  bor- 
née par  deux  collines ,  où  la  chaleur  efl  ordi- 
nairement  plus  forte  que  dans  des  pays  décou- 
verts. Néanmoins  ces  obfervations  prouvent  la 
modération  de  la  température  de  cette  contrée. 

F4 


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8g  Discours 

En  Ï754  ,  depuis  le  8  Odobre  jufqu'au  15  ; 
le  Thermomètre  placé  à  l'ombre,  au  hameau 
de  BelU'Vue ,  près  des  ruines  de  Callao ,  &  dans 
une  falle  fpacieufe  ,  marqua  conftamment  1 5  à 
157  degrés  ,  à  cinq  heures  du  matin.  La  pKis 
grande  dift'érence  fe  trouva  d'un  degré  ,  favoir 
depuis  onze  heures  jufqu'à  deux  heures  après 
midi.  Cette  légère  différence  ne  vint  que  du 
tems  qui  fut  nuageux.  On  éprouva  prefque  tous 
les  jours  les  garuas  d'hiver.  Ces  garuas  font  des 
pluies  fines  ,  ou  plutôt  des  brumes  qui  fe  réu- 
nilTent  &  fe  précipitent.  Le  foleil  ne  fe  mon- 
troit  que  par  des  intervalles  très  courts ,  &  ref 
toit  découvert  une  ou  deux  heures  au  plus.  Alors 
il  fe  déroboit  dans  les  nuages  qui  couvroient 
uniformément  toute  l'étendue  de  l'Atmofphère. 
Ce  fut  pendant  que  le  foleil  fe  mgntroit ,  qu'on 
fentit  un  peu  plus  de  chaleur ,  &  qu'il  y  eut 
cette  petite  différence  d'un  degré  au  Thermo- 
mètre, 

Depuis  le  13  Odtohre  jufqu'au  5  Novembre, 
le  Thermomètre  monta  d'un  degré  ,  &  même 
d'un  degré  &  demi ,  dans  le  moment  le  plus 
chaud  de  la  journée  :  de  forte  qu'à  cinq  heures 
du  matin  il  fç  trouvoit  à.  16011  16  { 'y  ^  à  i^ 
ou  187  à  deux  heures  après  midi,  L'Atmof- 
phère étoit  cependant  chargée  de  nuages  élevés 
6c  contigus ,  qui  cachèrent  le  foleil  pendant  la 


•v- 


Q   U    A    T    R   I   I    M   i?  89 

plus  grande  partie  de  la  journée.  Les  nuages  ne 
fe  diflîpoient  que  depuis  10  heures  ou  10  ^ 
jufqu  a  1  i  après  midi  :  &  1  on  fentoit  alors  quel- 
que chaleur. 

Les  mois  d'Odlobre  &c  de  Novembre  y  font 
le  printems  :  on  commence  à  le  fentir  dès  le 
mois  de  Septembre.  Cette  différence  de  faifon 
vient  de  lobfcurité  de  l'Atmofphère.  11  femble 
qu'il  y  ait  alors  un  voile  devant  le  foleil ,  &  qui 
ne  permette  pas  à  fes  rayons  de  pénétrer  jufques 
fur  la  terre.  Cette  obfcurité  de  TAcmofphère  per- 
fîlhnt  toute  la  journée  ,  Jorfque  le  voile  ne  fe 
déchire  point ,  '1  en  rcfulte  le  degré  de  chaleur 
mentionné  ,  fans  qu'aucune  autre  caufe  le  porte 
plus  haut  pendant  le  jour  &  la  nuit.  VoilA  pour- 
quoi il  y  a  feulement  cette  petite  différence  le 
matin  ;  car  l'air  eft  alors  plus  frais ,  relativement 
à  toutes  les  autres  paities  du  Joui.  La  chaleur 
fe  trouvoit  un  peu  plus  grande  à  las  Capillas , 
parce  que  c'efl:  une  vallée  fermée,  &  que  le 
Thermomètre  y  croit  plus  expofé  au  foleil. 

Le  printems  commence  en  Mars  à  la  Nou- 
velle Orléans  ,  comme  dans  l'Hémifphère  fep- 
tentrionale.  Avril  &  Mai  font  les  mois  qui  cor- 
refpondent  à  ceux  que  nous  avons  mentionnés  au 
fujet  de  Bellevue  ôc  de  ias  Capillas,  En  1768  , 
depuis  le  20  Avril  ,  la  chaleur  fut  de  17  de- 
grés &  au-delà ,  a  la  Nouvelle  Orléans ,  vers  fix 


<:li 


\. 


%} 


<^ 


$o  Discours 

heures  du  matin ,  &  de  21  à  crois  heures  après 
midi.  Le  Thermomètre  y  étoic  dans  la^même 
expodcion  qu'a  fiellevue.  Or  la  Nouvelle-Orléans 
fe  trouve  à  30  ^  degrés  ,  &  Bellevue  à  12  de- 
grés ,  latitude  Sud  :  la  chaleur  écoit  plus  grande 
de  5  degrés  à  la  nouvelle  Orléans  ,  variant 
de  4  degrés  du  matin  à  midi  ^  avec  cette  dif- 
férence ,  que  le  foleil  fe  trouvoic  en  Avril  à  1 8  J 
degrés  du  Zénith  de  la  Nouvelle  Orléans  -y  ôc 
en  Odobre  »  à  i  ^  degré  feulement  de  celui  de 
Bellevue. 

Il  faut  donc  nécerfairement  recourir  à  ces 
obfervations ,  &  à  l'expérience ,  pour  fe  perfua- 
der  d'une  difparité  ii  remarquable  :  elle  patoîc 
en  effet  très-contraire  à  Torde  régulier  de  la  Na- 
ture ,  &  aux  régies  qui  s'y  trouvent  générale- 
ment établies.  On  peut  faire  ici  cette  comparai- 
fon  :  qu'un  homme  fe  trouve  près  d'un  grand 
feu  mais  ayant  devant  lui  un  corps  interpofé  , 
fans  doute  qu'il  en  fera  moins  aSe^é  que  celui 
qui  en  feroic  plus  éloigné  fans  être  garanti  de  fes 
effets  par  un  femblable  corps  :  il  en  eft  de  même 
ici  à  l'égard  des  opérations  de  la  Nature.  Elle 
interpofé  dans  le  tems  convenable  un  voile  qui 
empêche  les  rayons  du  foleil  de  pénétrer  juf- 
ques  fur  la  terre ,  ou  d'y  faire  une  trop  forte 
imprcflion  ,  en  modérant  ainfi  la  chaleur  au  pre- 
mier inftant  qu'il  paffe  par  le  Zénith  de  cette. 


\m     > 


QUATRIEME.  pt 

contrée  :  faveur  que  la  Nature  a  refufée  aux  au- 
tres. C'eft  ainfi  que  la  fage  prévoyance  de  la 
Nature  arrête  l'effet  régulier  des  rayons  du  fo- 
leil ,  dont  la  projedlion  plus  ou  moins  direde , 
e(l  la  première  caufe  de  la  chaleur  plus  ou  moins 
grande.  Or,  ce  phénomène  a  lieu  dans    toute 
cette  bande  de  terreins  bas  qui  fe  prolongent 
depuis  le   3^  degré  de  latitude  ,  Sud ,  jufqu'au 
Tropique  de  la  même  hcmifphère  ;  &   même 
dans  toute  leur  largeur ,  i  peu  de  différence  près. 
Après  tous  ces  détails ,  paffons  au  Pérou ,   6c 
voyons  la  différence  qu'il  y  a    entre  les   hauts 
6c  bas  pays  de  cette  contrée.   On  y  remarque , 
dans  ces  différentes  portions  des  rerreins  ,  des 
phénom"ènes  ailfli  iîiVguliers  que  ceux  dont  nous 
avons  parlé.    Ainfi    Ton   verra  que  les   froids 
exceffifs  de  la  Nouvelle  Orléans  font  analogues 
à  ceni  qu'on   éprouvé  dans  d'autres  contrées  à 
une  piàs  haute  latitude  ,   &  les  hrêmôs  que  ceuit 
du  milieu  de  là' Zone  Totride  ,  ehtré  l'Et'i'^- 
teur  &  le  Tropique  du  Capricorne*,  tarrdis  qu'au 
contraire  on  éproiifve  dans  ces  iiicmes  contrées 
des  chaleurs,  lî  grandes  ,  qnoneft  comWe  fuffo* 
qué.  Tous  les  pores  fe  dilatent  ,tôittes  les  forces 
%'abattânt  j''&  tefla  dans  de  H  courts  intervalles  , 
qu'on  pou  croit  les  travetfet  en  nft  jour  fans  foz- 
cet  s^iicuAément  la  marche.-  Oh  y  a  dçnc  pref- 


f 


V' 


91  Discours 

qu'en  même  tems  ,  deux  températures  toutes 
contraires.  D'où  il  refaite  que  les  refforts  du 
corps ,  paflfant  rapidement  par  ks  degrés  inter- 
médiaires ,  fe  dilatent  &  le  relferrent  néceHai- 
rement  pour  (e  mettre  à  l'cquilibrc  qui  leur 
convient.       ;     ' 

Les  températures  de  ces  deux  contrées  oppofées 
y  font  audl  dans  les  mêmes  rapports.  Le  vuU 
gaire  n'y  détermine  pas  les  faifons ,  en  con- 
féquence  de  la  position  du  foleil ,  mais  par  des 
phénomènes  accidentels.  Voilà  pourquoi  on  ap- 
pelle Tété  dans  la  partie  haute ,  le  temps  pen- 
dant lequel  il  ne  pleut  pas ,  fans  s'inquiéter  fi 
c'efl:  pendant  qu'il  gèle,  ou  qu'il  fait  plus  froid. 
On  y  appelle,  hiver  le  temps  pendant  lequel 
il  pleut,  quoique  le  foleil  Aiive  fon  cours  dans 


ij  ■'.> .  ) 


cette  hémifphère.         .'c.'.r.w 

L'été  commence  en  Mai  >  dans' la  partie  haute, 
&  c*eft  alors  qu'on  eft  près  de  l'entrée  de  l'hi-r 
ver  dans  la  partie  bafTe.  Il  dure  jufqu'èn  No- 
vembre, dans  la  première  ;  &  dans  la  féconde 
c'eft  alors  que  ceifent  les  garuas  ou  brumes, :& 
que  fe  didîpe  l'obfcurité  qui  cachpit  le  Xoleil^ 
&  y  faifoit  l'hiver.  Cette  faifon  commence  en 
Décembre .  dans  la  partie  haute  \  &  c'eft  alors 
que  le  foleil  dégagé  dç  J'pbfçurité ,  communir 
que  fa  chaleur  -a  la  terre  44"$  T^iutre  par(i^> 


t'v  A 


QUATRIEME.  95 

A'mCi  quand  la  partie  haute  a  l'hiver  ,  la  balle 
a  fou  été ,  6c  réciproquement  j  fans  qu'il  y  aie 
entr'ellcs  d'autres  diftances  intermédiaires  quo 
l'efpace  de  tems  qu'il  faut  pour  monter  à  cet 
intervalle  qui  conduit  aux  PinacUs  du  Globe. 

Il  eft  à  remarquer  que  dans  ces  contrées  , 
où  la  chaleur  eft  H  foible  qu'on  peut  même  re- 
garder la  température  comme  étant  à  certains  de- 
grés de  gelée ,  les  récoltes  y  parviennent  au  de- 
gré de  maturité  convenable  ,  par  l'effet  même 
de  ces  gelées  qui  fuppléent  au  peu  de  force 
des  rayons  folaires  ,  &  complètent  ainlî  la  re-t 
produâion.  Mais  ce  fujet  fera  traité  ailleurs  : 
fuivons  ce  que  nous  avons  à  dire  fur  les  tem- 
pératures. 

L'été  y  eft  difliingué  de  l'hiver ,  en  ce  que 
c'eft  dans  cette  première  faifon  que  les  récol- 
tes arrivent  au  dernier  degré  de  maturité ,  quoi- 
que ce  foit  alors  qu'il  y  gèle,  &  que  le  froid 
foit  le  plus  conftant.  D'ailleurs  le»  jours  y  font 
clairs ,  le  '  foleil  découvert  j  &  il  n'eft  pas  or- 
dinaire qu'il  y  pleuve  ,  ni  qu'il  y  grcle.  Les 
vents  ne  font  pas  violens  ,  &  ceux  qui  y  ré- 
gnent viennent  modérément  de  la  partie  de 
la  cote  ,  tenant  un  peu  du  Sud.  C'eft  tout  le 
contraire  en  hiver  :  les  jours  y  font  nuageux , 
fombres  :  les  gelées  celfent ,  &  le  froid  fans  y 
être  fi  grand  ,   devient  plus  pénible  en  ce  qu'il 


4 


\'^': 


Il     I 


'unti 


H 


<!.'l 


94  Discours 

porte  dans  le  corps  l'humidité  des  givres,  Bc 
qui  font  alors  frcquens.  Ces  brouillards  gelés 
tombent  quelquefois  (;:vi  alTcz  gros  flocons ,  ou 
en  particules  trcs-iînes  qui  pénètrent  dans  les 
orifices  les  plus  petits.  Quelquefois  il  gicie ,  il 
pleut  ,  il  tonne  y  le  vent  foufHe  de  différent 
coté ,  fans  qu'on  puilTe  s'attendre  avec  certitude 
à  l'un  ou  à  l'autre  de  ces  phénomènes.  Les  vents 
font  fort  variables,  Se  viennent  ordinairement 
de  terre.  Ceux  qui  viennent  de  la  Mer  celfent 
totalement.  Les  pluies  font  abondantes  :  il  n'eft 
pas  rare  même  de  voir  pleuvoir  Ôc  grêler  en 
tncme  tems  y  de  forte  que  les  gouttes  d'eau  font 
mêlées  avec  la  grêle. 

C'eft  une  règle  générale  que  toutes  les  fois 
que  les  gelées  celfent  deux  jours  en  été  ,  il  pleut 
immédiatement  ;  &  aufll-tot  que  la  pluie  ceife , 
la  gelée  reprend.  Lorfque  l'hiver  tend  vers  fa 
fin,  les  pluies  font  aufli  interrompues  pendant 
quelque  temps  ,  ôz  auflitôt  il  gèle  :  de  forte  que 
les  pluies  6c  la  gelée  fe  fuccèdenc  alternative- 
ment y  il  eft  même  rare  qu'il  fe  paffe  un  jour  fans 
gelée  plus  ou  moins  forte,  ou  fans  pluie  & 
neige  ,  ou  fans  grêle.  On  voit  donc  ici  plus 
manifeftement  qu'en  toute  autre  partie  du  Globe , 
l'agitation  continuelle  du  tems ,  occaHonnée  par 
les  fréquens  changemens  qui  arrivent  lorfque  les 
p}uies  celfenc  ,    &  que  U  température  paffe  à 


■•'«.*x*-- 


QUATRIEME.  95 

rexcrcmicé  oppcfée  de  la  gelce.  Les  vents  de 
terre  ceffent  :  ceux  de  la  côte  dominent ,  pcnè* 
trent  jufques  là  :  ôc  a*  fi  les  vents  y  fuivens 
l'ordre  des  faifons. 

Cet  état  de  la  température  varie  très -peu 
dans  les  différentes  heures  du  jour  ;  fuit  en  hi- 
ver ,  foit  en  été.  Lt  température  ne  varie  que 
d  un  qu^rt  ou  d'un  tiers  de  degré  depuis  deux 
heures  après  midi,  jufqu'd  (ix  du  matin,  uu  d  onze 
du  foir.  Rarement  il  fe  trouve  un  demi  degré 
de  difFcreiice.  .jlfte  fuite  dob/ervations  faites 
pei  dant  fix  al^  environ ,  depuis  Novembre  1758- 
jufqu'en  Aoit  iy6^  ,  a  prouvé  cette  uniformité, 
fans  qu^^'  eut  plus  de  différence  dans  une  année 
que  dans  l'autre. 

L'hiver  commence  en  Décembre ,  comme  je 
l'ai  dit.  La  chctleur  y  efl  de  8  ~  degrés  à  9 ,  dans 
les  chambres  ou  pièces  habitable».  Le  Thermo- 
mètre expofé  à  l'air ,  mais  a  l'ombre  ,   marque 

5  ù  ^  degrés.  Par  pièces  habitables  on  doit  en-* 
tendre  celles  qui  font  garnies  de  vitres  ou  de 
toile  qui  en  ôce  la  commnicaùon  avec  l'air  ex- 
térieur. Cette  température  dure  jufqu'en  Avril, 

6  l'été  commence  avec  les  gelées  ,  comme  on 
l'a  vu.  Le  point  le  plus  ordinaire  où  ie  fixe 
alors  le  Thermomètre ,  expofé  à  l'air ,  efl  celui 
de  la  congélation;  il  bailfe  tout  au  plus  de  trois 
degrés  pendant  la  gelée.  Mais  dans  Us  appar-i 


.fi.'  r. 


5)5  Discours 

cemens  il  fe  maintient  jufqii  a  8  ou  ^  7  ,  Tans 
qu'il  y  ait  du  feu  pour  les  échauffer.  Ces  de- 
grés de  froid  ne  l'ont  pas  confidérables  à  la  vé- 
rité :  mais  comme'  ils  font  prefque  continuels , 
&  qu'il  y  a  peu  d'intervalle  de  Tété  à  l'hiver, 
il  en  réfulte  que  les  gelées  perfévèrent  dans  les 
contrées  où  le  foleil  ne  projette  pas  fes  rayons. 
Autli  n'eft-il  pas  furprenant  que  le  7  hermomètre 
y  foie  15  ou  20  jours  au  terme  de  la  coiigéla- 
tionj  &  à  l'inftant  que  la  liqueur  monre,  on  ne 

voir  de  la 


u  »■ 


r  i. 


fent  la  gelée  interrompue  qu« 
pluie ,  comme  je  l'ai  dit. 

En  comparant  donc  cette  temp     -.'•     avec,  celle 
de  la  Louifiane,  on  voit  la  difi  •'  ippa    * 

qu'il  y  a  entre  l'une  &  l'autre.  D'un  .é  il  n'y  a 
de  différence  entre  l'hiver  &  l'été  que  de  t>  de- 
grés ,  qui  commencent  à  trois  au-deffous  de  la 
congélation,  &  ^e  fixent  a  fix  au-deffus.  De 
l'autre,  il  y  a  41  i  degrés,  depuis  7  {  plus  bas 
que  le  terme  de  la  congélation  ,  jufqu'a  5  5  J. 
Dans  la  Louifiane ,  l'hiver  efl  interrompu  par  à^s 
jours  de  chaleur ,  &  la  différence  y  eft  de  7  7  de- 
grés de  gelée  d  ii  \  de  chaleur.  Dans  la  partie 
haute  du  Pérou,  l'hiver  y  eft  interrompu  par 
des  jours  de  froid  &  de  gelée  \  &  quoique  l'été 
le  foit  aufîî  par  des  jours  de  neige  &  de  pluie, 
la  différence,  prife  à  la  rigueur  ,  y  eft  à  peine  de 
quatre  ou  cinq  degrés ,  &  ne  confifle  que  dans  la 

nature 


* 


!  ■  î' 


Q  TJ   A   T  R  I  8  M  «;  ^^ 

nature  du  froid  dont  l'un  eft  fec  &  l'autre  hu- 
mide. 

Il  eft  à  remarquer  que  l'été  arrive ,  dans  la 
partie  haute ,  les  mêmes  mois  qu'en  Europe^  car 
il  commence  en  Mai ,  &  finit  en  Odobre  ou 
Novembre  j  contre  ce  qui  devroit  être  fi  cette 
faifon  fiiivoit  l'ordre  déterminé  par  la  plus  grande 
proximité  où  le  (oÏqH  s'avance  du  Zénith,  Mais 
on  ne  fiiit  pas  cet  ordre  dans  ces  contrées  j  il 
faut  feulement  que  le  foleil  foit  découvert ,  ôc 
libre  de  tout  nuage,  &  qu'il  échauffe  la  terre 
par  l'adivité  des  rayons  qu'il  y  ]Qrtc,  Or,  ceci 
n'arrive  que  dans  les  mois  mentionnés  ,  &  non 
dans  d'autres.  Dire  q^e  le  foleil  échauffe  ici  la 
terre  »  ce  /*«40it  une  efpèce  de  contradi(^ion  avec 
ce  que  nous  avons  vu  concernant  les  froids  qu'on 
éprouve  alors  dans  ce  climac  ^  mais  cette  concra- 
didion  rt'eft  qu'apparente.  En  effet,  le  foleil  y 
échauffe  la  terre  en  été  ,  &  c'eft  lorfqu'il  l'é- 
chauffé que  les  gelées  font  les  plus  fortes.  Cec 
été  &  ces  chaleurs  n'arrivent  pas  lorfque  le  foleil 
parcourt  les  fix  Signes  de  l'Hémifphère  Auftrale , 
comme  je  l'ai  dit ,  mais  ceux  de  l'Hémifphère 
Septentrionale ,  &  lo'rfqu^il  eft  le  plus  éloigné 
du  Zénith. 

On  y  appelle  ordinairement  Soleil  de  Puna; 
celui  dont  on  fent  rimpreftion  pendant  les  mois 
4'été  :  tous  ceux  qui  connoifTenC  ces  pays  favenç 
Tome  L  G 


5f^ 


98  Discours 

que  quand  le  foleil  y  donne  en  plein  ,  il  y  eft 
fi  chaud  qu'on  ne  peut  en  foucenir  l'imprellion , 
&  qu'il  y  caufe  les  plus  forces  douleurs  de  têce, 
&  autres  fâcheux  accidens.  Il  y  a  tant  de  forces, 
qu'il  paroît  y  faire  iniîniment  plus  d'imprellion 
que  dans  les  pays  qui  font  naturellement  chauds. 
£n  générai ,  on  dit  que  le  foleil  y  brûle ,  ôc  que 
l'ombre  y  gèle.  On  a  plufieurs  fois  éprouvé  qu'en 
fe  tenant  dans  un  efpace  fermé  des  quatre  côtés 
à  une  heure  après  midi ,  ôc  à  deux  pieds  hors 
de  la  ligne  de  l'ombre,  il  étoit  impoiîîble  de 
fouteiAc  la  chaleur,  tandis  qu'à  deux  pieds  avant 
dans  l'ombre  on  foncoit  un  froid  infuportable. 
La  caufe  de  ce  phénomène  eft  l'extrême  fubtilité 
de  l'air ,  qui  ne  peut  retenir  les  particules  ignées 
réfléchies  dans  la  partie  éclairée  par  le  foleil;  au 
lieu  que  1(1  partie  où  il  ne  donne  pas  e(l  vérita- 
blement une  ombre  relativement  à  la  tempéra- 
ture, tandis  que  l'autre  femble  être  un  vrai  vol- 
can. De-là  vi.j'  t  que  la  terre  perd,  auflî-tôt  que 
le  foleil  fe  cache  j  la  chaleur  qu'elle  avoir  con- 
tradée  de  jour,  &  qui  n'y  eft  que  comme  acci- 
dentelle. A  l'inftant  il  y  gèle,  parce  que  Tat- 
tnofphère  n'y  tient  pas  enchaînées  les  molécules 
ignées  comme  dans  les  parties  où  l'air  a  plus  de 
denfité.  ■   ."     ^  -    , 

Il  en  eft  tout  autrement  en  hiver.  Les  jours 
y  foQC  uuageux^  le  foleil  n'y  paroîc  que  pe» 


ii'M 


QUATRIEME»  pj 

d'heures  :  les  vents  foufflent  avec  force  ,  &  font 
variables  y  on  a  des  pluies  prefque  journalières,  & 
en  général  accompagnées  de  tonnerre.  A  l'entrée 
de  cette  faifon,  qui  tient  ici  lieu  de  l'automne,  le 
froid ,  mcme  fans  gelée ,  eft  plus  fenfîble ,  parce 
qu'il  pénètre  davantage,    ôc  que  le  foleil  n'é- 
chauffe pas  l'atmofphère.  Mais ,  entre  toutes  les 
chofes  qui  y  diftinguent  les  deux  faifons ,  c'eft 
particulièrement  la  végétation ,  qui  fuit  fes  pro- 
grès ,  comme  en  Europe ,  depuis  novembre  juf- 
qu'en  avril  j  car  c'eft  alors  que  les  femences  & 
les  plantes  fe  renouvellent.  Vient  enfuite  l'été 
depuis  mai  jufqu'en  odobre,  intervalle  pendant 
lequel  tout  eft  fec  de  aride.  De  là  réfulte  cette 
/îngularitd,  que  les  faifons  font  oppofées  à  l'ordre 
régulier  du  cours  du  foleil ,  &  déterminées  par 
les  effets  &  les  circonftances   accidentelles  ,   ôc 
par  l'ordre  de  la  reproduction. 


:!|1 


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H'  \i 


DISCOURS  CINQUIEME. 

JDes  difcrentes  Températures  de  la  partie  hautt 
de  i* Amérique  :  effets  qu  elles  produifem  : 
caujcs  de  ce  quon  ohferve  de  contraire  à  l'ordn 
général  des  autres  parties» 

ijEs  Teinp.crat«r^s  ne  font  pas  cgales  dans  cette 
partie  élevée  du  globe  j  ou  les  trouve  toutes 
Variées ,  félon  la  hauteur  &  la  fituatiou  des  ter-  j 
r^ins.  Proportionnément  à  cette  hauteur  ,  les 
gelées  y  font  plus  confiantes  en  été,  &z  les  neiges 
ik  les  grcles  plus  communes  en  hiver.  Mais  pliisl 
on  defcend ,  plus  la  température  devient  chaude, 
&  moins  les  froids  font  réguliers.  Ces  vaftesl 
profondeurs  qu'on  y  appelle  avec  raifon  Qut- 
bradas  ^  nom  qui  les  caradtérife  bien  j  ces  pro- 
fondeurs ,  dis- je ,  a'u  fond  defquelles  coulent  les 
s€aux ,  font  des  lieux  où  1  on  voit  tous  les  rapport: 
de  la  Zone  Torride.  L*air  y  a  plus  de  denlitc 
qu'ailleurs,  la  chaleur  du  foleil  s'y  imprime  avec 
pi  ILS  de  force  que  dans  les  parties  où  l'air  e.li 
plus  léger  j  &   l'abri  des  vaftes  éminences  qui! 


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Discours  cinquième.  ici 
forment  ces  profondeurs,  contribue  à  augmenter 
l'énergie  de  la  réverbération.  Il  .éfulte  de  ces 
deux  caufes  que  les  chaleurs  y  font  confidérables  y 
ce  que  la  Terre  fait  aflez  apperccvoir  dans  toutes 
fes  productions. 

La  Quebrada  d'Ifcuchaca  ,  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  n'eft  pas  des  plus  profondes j  c'eft 
pourquoi  la  chaleur  n'y  eft  pas  fi  grande  que 
dans  d'autres.  Le  thermomètre  placé  dans  les 
appartemens  y  cft  pendant  le  mois  d'été  à  1 1 
degrés  j  il  'monte  jufqu'à  12  ^  au  plus  chaud  du 
jour,  ce  qui  fait  une  différence  de  1  {  degré. 
Dans  l'hiver  il  monte  jufqu'à  14  &  i<j  :  ce  qui 
eft  un  point  fixe  tous  les  ans.  Quoique  cette  tem- 
pérature n©  ^oic  pas  fort  différente  de  -celle  de 
Gunncdvelica  ,  elle  produit  des  effets  fort  fen- 
fibles  fur  les  animaux  &  les  végétaux  ;  de  forte 
que  quand  on  arrive  à  la  moitié  de  la  côte,  on 
s'apperçoit  des  mouvemens  de  la  dilatation  alfez 
fenfiblement.  Toutes  les  parties  de  l'organifation 
ne  fe  correfpondant  pas  avec  une  égale  célérité, 
on  éprouve  quelque  fuffocation  plus  ou  moins 
confidérable ,  qui  s'annonce  par  des  bourdon- 
nemens  d'oreilles,  une  dureté  de  l'ouie,  unç 
formication  aux  extrémités  du  corps,  &  autres 
affedions  analogues  :  or  ceci  vient  fans  doute  de 
ce  que  le  fang  fe  dilate  avec  promptitude,  fans 
que  les  vaiffeaux  aient  le  tems  de  fe  diftendrç 

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loi  Discours 

aulîitôt  dans  les  mêmes  rapports.  Les  habits  avec 
lefijucls  on  vient  de  l'autre  climat  font  bientôt 
plus  pefans ,  incommodes ,  &  l'on  croit ,  à  cet 
égard ,  ctr«i  forti  d'un  hiver  pour  entrer  fubite- 
ment  dans  un  printems.  Ce  changement  a  lieu 
dans  une  efpace  de  huit  lieues ,  dillance  de  l'une 
de  ces  cohtrées  à  l'autre  :  &  l'on  peut  faire  ce 
chemin  en  autant  d'heures ,  même  en  moins  de 
tems  :  ainfî  il  ne  faut  que  ce  tems-là  pour  pafler 
des  gelées  à  la  chaleur  ,  ou  de  l'hiver  &  des 
froids  rigoureux  à  un  été  dont  les  chaleurs  ,  réel- 
lement modérées ,  nen  font  pas  moins  fenfibles 
pour  ceux  qui  fe  trouvent  habitués  au  froid  clir 
mat  de  l'autre  contrée. 

Les  produdions  de  la  Terre  font  k  thermo- 
mètre Se  la  règle  de  ces  températures.  Dans  les 
contrées  fiuidcs  ,  eômnic  à  Guancavelica ,  il  ne 
croît  que  des  papa  j  ou  ce  qu'on  appelle  en 
Europe  pommes  de  terre ,  ou  patates  d'Irlande. 
L'orge  y  vient,  mais  feulement  en  herbe,  fans 
produire  de  grains.  Aucune  efpèce  d'arbre  frui- 
tier n'y  réuflit  :  mais  l'orge  produit  fon  grain  à 
Ifcuchaca  j  le  bled  y  vient  auflî,  fans  même  ex- 
cepter le  maïs ,  qui  demande  plus  de  chaleur  que 
le  bled.  On  y  voit  des  faules,  àts  cèdres  &  autres 
efpèces  d'atbres.  Les  bandes  ou  les  flancs  de  ces 
collines  font  garnies  d'arbrifTèaux  qui  ne  fe  voient 
point  dans  les  cerreins  élevés. 


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cinquième;  10} 

La  chaleur  augmente  a  proportion  que  les 
terreins  s'abaifTenc,  de  forte  qu  elle  y  devient  (t 
confidérable ,  que  la  canne  à  fucre  y  croît  très- 
bien  :  or ,  cette  plante  demande  beaucoup  de 
chaleur  pour  parvenir  à  fa  maturité.  Les  arbres 
des  climats  chauds  y  donnent  toutes  fortes  de 
fruits.  Tels  font  les  Platanos  j  les  Pignas  j  les 
Jouacates  ou  Paltas ,  les  Guabas  ,  autrement 
appelles  Pacaës  ;  &  toutes  fortes  de  racines  Ôc 
de  légumes.  Les  faifons  fe  trouvent  diftinguées 
à  certain  point  dans  ces  profondeurs,  mais  fans 
qu'il  y  ait  beaucoup  de  différence.  Malgré  cela , . 
l'air  eft  le  matin,  avant  le  Jcver  du  foleil,  plus 
froid  qu'il  ne  l'eft  ordinairement  dans  le  rapport 
d'une  température  de  printems  r  quelquefois 
même  on  y  voit  geler  en  été ,  ce  qui  fuffit  pouc 
nuire  aux  plantes ,  quoique  c«6  gelées  ne  foienc 
pas  fortes. 

On  y  éprouve  les  quatre  températures  de 
l'année  dans  le  court  efpace  de  quelques  lieues. 
Ici  ce  font  les  froids  rigoureux  de  l'hiver  ;  là  les 
délices  du  printems  ,  fans  y  fentir  les  incommo- 
dités de  l'automne  j  d'un  autre  côté  ce  font  les 
chaleurs  accablantes  de  l'été;  enfin  l'on  voit 
toutes  les  prodadions  de  la  Zone  Torride.  Mais 
les  faifons  font  ici  dans  un  ordre  renverfé;  l*on 
y  a  l'été ,  lorfque  le  foleil  eft  le  plus  éloigné  di^ 
Zenith,  comme  je  l'ai  déjà  dit  :  dès  qu'il  s'en 

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104  Discours 

cft  le  plus  approché,  l'hiver  fe  fait  fentir.  Je 

conclue  de  la  que  la  Nature  n'eft  pas  aniijettie 

à  des  règles  fans  exceptions ,  &  qu'elle  s'eft  rc- 

fervé  des  moyens  pour  s'affranchir  de  ces  règles , 

fans  interrompre  l'ordre  néceffaire  de  tout  le 

fyftême. 

Nous  voyons  donc  qu*a  une  diftance  de  dix 
lieues ,  efpace  le  plus  grand  qui  fe  tfouve  entre 
les  hauts  Se  bas  pays,  les  faifons  font  entière- 
ment oppofées.  Ce  phénon^ène  eft  fingulier  fans 
doute ,  &  l'on  doit  le  regarder  comme  une  des 
chofes  les  plus  extraordinaires  de  ces  contrées. 
La  différence  de  hauteur ,  Se  les  profondeurs  qui 
s'y  trouvent  renfermées,  &  à  l'abri  des  courans 
d'air ,  peuvent  bien  être  la  caufe  du  plus  ou  moins 
de  froid ,  &  d'une  chaleur  plus  fenfible  j  mais 
J'ordre  renverfé  des  faifons  eft  un  phéno- 
mènes bien  fingulier.  L'hiver  dure  dans  les 
terreins  bas  depuis  le  mois  de  juin  jufqu'en 
Novembre  ,  ce  qui  correfpond  au  tems  où  le 
foleil  parcourt  les  fignes  de  l'Hémifphère  Sep- 
tentrionale :  mais  que  dans  le  même  tems  l'été 
règne  dans  les  pays  hauts ,  fans  qu'il  y  ait  une 
plus  grande  diftance  intermédiaire  que  la  pente 
rapide  des  monts  fur  lefquels  on  peut  fe  rendre 
en  7  ou  8  heures  ,  c'efl  un  phénomène  auiïi  in- 
compréhenfible ,  qu'il  l'efl  de  faifir  la  raifon  pour 
laquelle  la  nature  a  diftingué  ces  deu2[  contrées  j 


t.M 


c  I  N  Q  r  I  E  M  1.  105 

au  point  qu'on  n'y  voit  rien  de  femblable.  Les 
nuages  continuels  &  les  bruines  amènent  l'hiver 
dans  la  partie  balTe  -y  les  nuages ,  les  pluies,  les 
neiges ,  la  grcle  le  font  auOî  régner  dans  la 
parue  haute  \  mais  c'eft  tout  le  contraire  à  1  e- 
gard  de  l'été.  Ainfi ,  il  refaite  que  quand  l'été 
c(l  clair  en  bas,  il  eft  obfcur  en  haut^  ôc  de 
cette  manière ,  les  faifons  fe  trouvent  oppofées 
les  unes  aux  autres. 

La  foiblefTe  des  vents  du  Sud  ,  &  quelque- 
fois leur  ceflation  totale  pendant  pluHeurs  jours , 
donne  lieu  à  la  formation  du  nuage  qui  couvre 
le  foleil  dans  la  partie  bafle.  Comme  il  ny  a 
point  de  vent  qui  en  agite  l'air ,  les  vapeurs 
humides  qui  s'élèvent  de  la  terre  s'y  arrêtent. 
Ce  nuage  n'eft  jamais  auflî  élevé  que  la  partie 
haute  de  la  terre,  &  fe  tient  à  ame  hauteur 
moyenne  déterminée.  Les  vents  du  Sud  qui  font 
continuels  dans  ces  mers  (on  les  appelle  ainlî 
quoiqu'ils  foient  S.  O.  ) ,  perdent  leur  force  dans 
la  région  balTe  de  l'Atmofphère ,  &  la  confer- 
vent  dans  celle  qui  eft  plus  élevée.  Comme  ils 
parcourent  un  efpace  fupérieur  aux  nuages ,  ils 
fe  trouvent  au  niveau  de  la  partie  haute  ,  ôc  la 
traveçfent  fans  aucun  obftacle  :  de  cette  manière, 
ils  empêchent  non-feulement  qu'il  ne  s'y  forme 
des  nuages ,  mais  même  ils  les  diHipent ,  parce 
qu'ils  y  font  conftans,  ôc  les  pouflTent  vers  la 


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ïotf  Discours 

partie  oppofce.  Quand ,  au  contraire ,  l'été  règne 
dans  les  bas  pays  ,  les  vents  fe  portent  avec  force 
immédiatement  à  leur  fuperticie  ,  diliipent  les 
nuages.  Se  les  jours  font  clairs.  Ces  vents  ne 
s'élèvent  plus  alors  autant  qu'il  le  fliudroit  pour 
balayer  la  partie  haute.  Ceux  de  terre  rcgnem 
pour  lors  de  différens  côtés ,  ôc  permettent  ainfi 
aux  nuages  de  s'amalfer  Se  de  s'épaiilir  ;  d'où 
il  réfulte  des  pluies.  Mais  comme  l'air  eft  fore 
délié  dans  cette  contrée ,  Se  qu'en  conféquence 
il  s'y  élève  à  cette  hauteur  une  grande  quantité 
de  particules  nitreufes ,  il  en  réfulte  le  froid  qui 
y  eft  ordinaire  en  rout  tems  ;  &  de-là  vient 
que  ce  qui  devroit  tombei  en  eau  ,  n'eft  quel- 
quefois que  de  la  grêle  ou  de  la  neigo.  Se  fou- 
vent  de  la  grèle  mèlce  avec  l'eau. 

Les  vents  du  Sud  pioduifent  dans  cette  con- 
trée les  effets  qui  réfultent  des  vents  du  Nord 
dans  l'Hémifphère  feptentrionale.  Ils  nétoient 
l'Atmofphère,  Se  font  froids,  parce  qu*ils  viennent 
des  parties  méridionales  »  Sz  que  le  foleil  eft 
alors  à  la  plus  grande  diftance  du  Zénith.  Toutes 
ces  caufes  fe  réunilTent  donc  pour  produire  du 
froid  :  voilà  auflî  pourquoi  on  fent  du  froid  1 
l'ombre  ,  &  de  la  chaleur  quand  on  eft  au 
foleil  :  les  gelées  y  durcififent  la  terre ,  en  rcf- 
ferrant  fes  pores:  la  réflexion  des  rayons  folai- 
res  doit  être  alors  plus  forte  que  quand  ils  tom- 


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CINQUIEME.  IÔ7 

bent  fur  une  fupeificie  fpongieufe.  C'cft  à  cette 
caiife  qu'il  faut  rapporter  la  plus  grande  activité 
du  foleil  de  Puna  :  il  e(l  mc-me  plus  infupportable 
que  dans  les  terreins  tempères  ou  chauds ,  fur  lef- 
quels  les  corps  font  dilates,  &  plus  poreux  que 
dans  l'autre  cas.   Le  froid  retTerrc  pareillement 
les  pores  des  corps  \  l'adivitc   des  rayons  fo- 
laires  n'excite  point  de  tranfpiration.  ,  &  l'efFec 
de  la  chaleur   eft  beaucoup  plus   fenfible   aux 
parties  externes  qu'elle  brûle  ou  rôtit ,  que  dans 
les  Zones  qui  font  réellement  chaudes.  Une  autre 
propriété  du  foleil  âe  Puna  ,   eft  que,  dans  le 
tems  même  qu'il  paroît  brûler  ,  &  qu'il  eft  im- 
poflTible  d'en  foutenir  ladion  fi  l'on  rcfte  tran- 
quille, il  ne  fait  pas  fuer,  même  lorfquon  s*agite 
le  corps.  La  caufe  naturelle  de  ceci  eft  le  froid 
qui  fe  maintient  dans  l'air ,  &  qui  reflerre  les 
pores  au  point  de  rendre  la  tranfpiration  très- 
difficile:  ainfi,  l'on  fent  en  même  tems  la  cha- 
leur que  caufe  la  réflexion  des  rayons  folaires, 
8c  le  froid  qui  eft  naturel  à  la  légèreté  de  cette 
Atmofphère.  Cette  contrariété  de  température 
dans  le  même  tems ,  met  les  corps  dans  un  état 
violent  ;  &  l'on  éprouve  les  incommodités  donc 
j'ai  parlé  j  incommodités  auxquelles  on  fentiroit 
du  foulagement ,  fi  l'on  pouvoit  tranfpirer  Id 
comme  dans  les  pays  chauds. 
Il  paroît  donc  qu'il  ne  faut  pas  chercher  d'au-. 


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loS  Discours 

très  caufes  que  les  vents  du  Sud ,  Ôc  la  manicre 
dont  ils  régnent  dans  ces  contrées ,  pour  rc*ndre 
raifon  des  faifons  renvcrfées  de  ces  pays-là,  & 
des  froids  hivers  qui  Te  font  fentir  au  milieu  de 
la  Zone  Torride,  entre  l'équateur  ôc  le  tropique 
du  Capricorne  j  hivers  qui  ne  dcvroient  point 
s'y  rencontrer  ,  Ci  l'on  ne  conlldcroit  que  la 
proximité  du  foleil  :  mais  fon  influence  eft  mo- 
dcrce  par  d'autres  caufes,  ôc  la  chaleur  eft  trcs- 
foible,  dans  les  lieux  où  elle  devroit  être  con- 
tinuelle »  relativement  à  celle  qu'on  éprouve 
dans  d'autres  contrées.  Les  différentes  hauteurs, 
&  les  abris  de  tos  quebradas  ou  vaftes  ouver- 
tures, y  font  caufe  de  la  difparité  des  tempé- 
ratures ,  quoique  les  faifons  n'y  paroiffent  pas 
dans  un  ordre  renverfc  ,  comme  on  le  voit  dans 
la  partie  balfe. 

La  température  de  la  Louifiane  eft  beaucoup 
plus  chaude  en  été  que  celle  des  bas  terreins  du 
Pérou,  Se  des  profondeurs  de  la  partie  haute.  Malgré 
cela  ce  n'eft  qu'avec  difficulté  que  la  canne  à 
fucre  y  croit ,  tandis  qu'elle  réufîit  dans  ces  au- 
tres contrées  :  cela  vient  de  ce  qu'elle  n'a  pas 
dans  la  Louifiane  le  tems  nécelTaire  pour  arri- 
ver à  une  maturité  parfaite  pendant  l'été,  qui 
y  eft  interrompu  par  les  gelées  &  les  froids 
alternatifs  de  l'hiver  :  elle  ne  foufFre  pas  ces  al- 
temations  dans  ces  autres  coiittées,  car  il  n'y 


C    1    N    Q   ^T    I    E   M   f.  ÎOff 

a  pas  tant  de  diffcrcnce  entre  l'ctc  &  l'hiver. 
Comme  il  n'y  faut  que  rrois  ans  pour  la  faire 
arriver  au  terme  de  maturitc  ,  la  température 
(d'hiver  qui  peut  furvenir  n'y  eft  point  préjudi- 
ciable. 11  non  ed  pas  de  même  dans  la  Loui- 
/îane  ,  car  il  y  furvient  entre  deux  étés  des 
gelées  qui  sèchent  cette  plante ,  arrêtent  les  pro- 
grès de  fa  végétation;  or,  elle  ne  peut  prendre 
d'accroilTement  Se  mûrir  qu'en  été. 

La  nature  fuit  toujours  certain  ordre  régulier 
dans  fes  opérations  ,  en  employant  des  moyens 
tout  contraires ,  &  femble  rapprocher,  les  uns  des 
autres ,  des  climats  forr  éloignés;  On  éprouve 
alternativement  à  la  Louiâane  des  jours  fi, chauds 
en  hiver ,  qu'on  pourroit  les  regarder  comme 
l'été  d'autres  contrées  ;  mais  on  n'y  voit  pas  en 
été  ces  jours  alternatifs  de  gelée  j  le  tems  , 
comme  je  l'ai  dit ,  y  eft  dans  une  continuelle 
viciflîtudc  de  froid  &  de  chaleur.  Il  arrive  la  même 
chofe  dans  l'été  de  la  partie  haute  du  Pérou  :  les 
jours  dégelée,  qui  y  font  ceux  d'été,  font  interrom- 
pus par  des  jours  d'hiver ,  félon  le  ftyle  de  ce  pays; 
car  dès  qu'il  ceffe  d'y  geler  on  y  voit  de  la 
pluie ,  des  neiges ,  de  la  grêle ,  ce  qui  eft  là  le 
caradlère  de  l'hiver  ;  &  la  température  y  eft  dans 
une  alternative  pareille  à  celle  de  ces  autres 
contrées.  Ce  qu'il  y  a  ici  de  particulier,  n'eft 
pas  qu'une  température  cefTe  pour  être  fuivie 


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d'une  autre  plus  modérée  en  elle-même ,  maij 
c'eft  que  ces  températures  paiFcnt  fubitement 
d'une  extrémité  à  l'autre  oppofée. 

L'été  de  la  partie  haute  du  Pérou  achève  la 
maturité  des  fruits  j  mais  s'il  vient  trop  tôt  il 
les  perd  totalement.  Si  après  avoir  été  préparés  à 
leur  maturité  par  les  pluies  &  un  froid  modéré, 
ils  font  .atteints   de   la   gelée,   la  première  les 
fait  rider,  &  à  la  troifième  ils  font  deflechés; 
car  la  gelée  &  le  foleil  de  Puna  produifent  ici 
l'effet  qui  devoit  réfulter  de  la  feule  chaleur  du 
foleil  :  ainfi  ,  dès  que  la  gelée  furvient  avant 
qu'ils  aient  atteint  leur  maturité  convenable,  ils 
fe  delTèchent  &  reftent  fans  fuc  &  fans  fubf- 
rance.  Les  effets  de  la  gelée  font  ici  plus  prompts 
que  ceux  des  rayons  du  foleil  j  car  en  un  ou 
deux  jours  la  gelée  opère  fur  les  fruits  ce  que 
le  foleil  ne  feroit  pas ,  par  degrés ,  en  plufieurs. 
Ce  ne  font  pas  les  gelées  qui  font  mûrir  les 
récoltes  dans  les  Quebradas  ;  en  effet ,  quoiqu'on 
envoie  quelques-unes  ,  comme  je  l'ai  dit ,  elles  ne 
font  pas  fortes  ni  durables.  Lorfque  les  gelées  fe 
font  fentir  dans  les  hauts  pays  &  que  les  jours  font 
clairs  ,   le  foleil  étant  découvert  &  dégagé  de 
tout  nuage   fait  parfaitement  mûrir  les  fruits, 
&  ce  n'eft  que  par  fa  chaleur  que  fe  produit 
cet  effet.  On  voit  donc  là  que,  dans  une  partie, 
Ja  maturité  des  fruits  s'opère  par  les  froids  feuls , 


CINQUIEME.  ni 

tandis  que  dans  l'autre  c'eft  par  la  chaleur;  phé- 
nomène fingulier  qui  fe  fait  appercevoir  dans  les 
deux  contrées  en  même  tems. 

Les  effets  des  gelées  Se  de  la  fubtilité  de  l'air 
font  fi  fenfibles ,  que  les  corps  ëc   les  métaux 
même  en  font  également  aifedés.  Cet  air  fec 
&  fubtil  occafionne  une  telle  fécherelTe,  que  Té- 
!  piderme ,  8:  fur-tout  la  pellicule  qui  recouvre  les 
lèvres ,  fe  gerce  ôc  fe  fend  ;  on  y  fent  de  la 
douleur ,  Ôc  bientôt  le  fang  y  paroît  ;  les  mains 
devieunent  rudes  &  fquammeufes  :  cette  afpé- 
rité  eft  fur -tout  remarquable  aux  articulations 
des  doigts  &  à  leur  partie  fupérieure  :  les  écailles 
;  y  font  plus  épaiffes  qu'ailleurs  ,  &  elles  prennent 
une  couleur  noirâtre ,  qui  ne  fe  dilîipe  aucune- 
I  ment  par  les  lotions.  On  y  appelle  ces  afFedions 
\chugno  j  terme  par  lequel  les  naturels  dcfignenc 
une  chofe  ridée  &  durcie  par  le  froid.  L'acti- 
vité du  froid  s'y  remarque  aufïî ,  comme  je  viens 
de  le  dire  ,  fur  les  métaux , .  en  ce  qu'il  fait 
fendre  les  cloches,  quoiqu'on  les  y   falTe  plus 
cpaiffe  que  d'ordinaire  ;  mais  cette  précaution 
j  devient  inutile.  Ce  phénomène  qui  ne  fe  voit 
jpas  auflî  communément  dans  d'autres  endroits 
où  il  fait  plus  froid,  prouve  que  la  fubtilité  de 
lair ,  ou  fa  plus  grande  rarité concourt  à  cet  effet 
avec  la  gelée.  '  ■  • 

Le  froid  de  ce  climat  pendant  l'été  y  garantie 


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m  Discovas 

les  corps  de  la  piitrcfadion ,  au  point  que  les 
poilTons  qu'on  pèche  en  mer  à  50  ou  60  lieues 
au-delà  ,  y  font  apportes  &  mangés  aufli  frais 
que  (î  on  ctoit  fur  le  bord  même  de  la  mer.  | 
Non-feulement  on  les  mange  frais  &  fains  quî»nd  ^ 
ils  arrivent,  on  peut  même  les  garder  le  tems 
'  qu'on  veut ,  &  on  les  trouve  dans  le  même  état 
où  ils  ctoient  à  la  mer. 

Mais  il  faut  quelque  précaution.  On  ne  les  | 
prend  en  mer  que  vers  le  foir  :  on  les  vuide  aufîitôt  f 
qu'ils  font  fur  le  rivage  ^  alors  on  les  arrange 
dans  des  paniers  d'ofier ,  &  on  les  tranfporte  la 
même  nuit  par  les  bas  pays,  afin  d'arriver  au 
foieil  levant  aux  premières  éminences  de  la  Puna. 
Dès  qu'ils  y  font  ,  il  n'y  a  plus  de  rifque  qu'ils  1 
s'altèrent,  car  la  gelée  les  faifit  dans  cette  autre 
température,  &  on  les  garde  le  tems  qu'on  juge 
à  propos.  Ce  poiflon  eft  alors  endurci.  Se  quand 
on  veut  s'en  fervir  on  le  met  une  demi  -  heure 
dans  l'eau,  ce  qui  fuffit  pour  le  faire  dégeler,  & 
revenir  à  l'état  où  il  étoit  en  fortant  de  la  menl 
Cette  précaution  eft  fi  néceflâire  ,  que  fi  on  Vôii» 
loit  le  cuire  fans  l'avoir  fait  dégeler,  on  né  pour- 
Boit  en  enlever  les  écailles,  &  il  refteroit  tou- 
jours dur  comme  pierre  :  en  le  mettant  dans 
l'eau,  froide  i  la  température  du  lieu,  les  parties 
relferrées  par  la  gelée  fe  réfolvent ,  Se  la  chair  en  | 
devient  molle  &  fléxiblé  ;  mais  l'eau  tiède  on 

chaïuie 


CINQUIEME.  II J 

chaude  ne  le  fait  pas  dégeler  ainfi.  Il  en  eft  de 
niême  à  l'égard  des  viandes  ôc  des  fruits  j  les 
premières  fe  gardent  auflilong-tems  qu'on  veut, 
fans  rien  perdre  de  leurs  qualités.  Quant  aux  fé- 
conds ,  on  les  apporte  des  balFes  contrées ,  qu'on 
appelle  chaudes  j  &  la  gelée  les  conferve  égale- 
inent.  Les  hautes  contrées  où  il  ne  vient  pas  de 
fruits ,  s'en  procurent  les  meilleurs  par  ce  moyen  j 
mais  ces  contrées  font  privées  de  cet  avantage 
en  hiver,  a  caufe  des  pluies  abondantes  qui  y 
tombent  fi  fréquemment. 

Quoiqu'il  fe  paflTe  peu  de  jours  fans  pluie  pen- 
dant l'hiver  de  ces  hauts  pays,  l'air  y  eft  fec 
en  tout  tems  :  les  murs  des  maifons  font  cou- 
verts d'eau,  qui  s'introduit  par  la  porofité  des 
matériaux,  &  le  fol  eft  très-hiîmide  pendant  les 
pluies,  fans  qu'il  en  réfulte  rien  de  mal  pour  la  fan- 
té:  les  métaux  n'en  éprouvent  non  plus  aucune  al- 
tération. 11  en  eft  tout  autrement  dans  les  baflfes 
co,ntrées  :  les  pluies  y  font  très  fines ,  &  forn^enc 
à  peine  quelques  gouttes  fenfibles  :  cependant  l'air 
y  eft  très-humide  j  le  fer ,  l'acier  y  font  promp- 
tement  attaqués  par  la  rouille ,  &:  tout  y  eft  pro- 
portionnément  imprégné  de  cette  hiunidité.  Les 
pays  chauds  font  pluvieux  en  général  y   &  Ton  y 
éprouve  tous  les  effets  de  cette  température.  Cette 
différence  qu'il  y  a  entre  cette  contrée  ôc  le  haut 
pays ,  ne  vient  que  de  la  différente  denfité  ds 
Tome  /.  H 


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114  Discours 

rAtinofphcL'e,  qui  a  toujours  plus  de  dîfponcloiii 
réunir  les  particules  aqueufes,  à  proportion  qu'elle 
eft  plus  cpaifle  *,  &  qui  les  laifTe  échapper  lorf 
qu'elle  fe  trouve  plus  légère  Se  plus  rare  :  or 
ceci  vient  de  ce  que  rAtmofplière  n'ayant  pas 
alFez  de  corps  pour  retenir  les  particules  flottan- 
tes ,  elles  fe  piccipitent  converties  en  pluie ,  & 
laillent  ainlî  l'air  en  liberté.  Outre  cela ,  comme 
la  chaleur  du  foleil  fe  fait  fentir  dans  ces  contrées 
tout  autrement  que  dans  les  bas  pays ,  de  mcme 
on  y  éprouve  le  froid  d'une  manière  toute  diffc* 
rente  que  dans  les  climats  naturellement  froids, 
à  caufe  de  l'obliquité  des  rayons  folaires.  Dès 
qu'on  a  quitté  les  contrées  balles  pour  fe  rendre 
aux  pays  élevés ,  on  éprouve  une  fenfation  plus 
pénible  que  le  froid  même  *  ucun  abri  ne  peut 
en  garantir  ni  en  modérer  limpreffionj  le  feu 
n*y  procure  non  plus  aucun  adouciffement  j  le  litle 
mieux  préparé  &  le  plus  mollet  devient  égale- 
ment inutile.  Cette  pénible  fenfation  qui  dure 
plufieurs  jours ,  jufqu'à  ce  que  le  corps  commence 
X  s'acclimater,  cfl:  beaucoup  plus  pénible  pendant 
la  nuit  que  dans  le  jour.  Le  fentiment  de  froid 
qu'on  éprouve  malgré  tous  les  moyens  poflîbles 
de  fe  réchauft'er ,  pénètre  tout  l'intérieur  du  corps, 
de  même  que  le  froid  qui  fe  fait  fentir  à  l'accès 
d'une  fièvre  tierce. 
I..a  raifon  de  ce  fentiment  pénible  ne  peut  être 


CINQUIEMI.  115 

que  le  pa(Tàge  fubit  d'une  température  modérée 
à  un  climat  froid.  Les  pores  n'ayant  pas  eu 
le  tems  de  fe  reflerrer  dans  une  proportion  con- 
venable, les  particules  de  cet  air  froid  s'y  in- 
troduifent  librement ,  &  affedtent  les  fibres  dé- 
licates des  nerfs  ,  en  y  caufanc  une  fenfation  in- 
folite ,  de  laquelle  réfulte  l'écat  pénible  du  corps  : 
voilà  pourquoi  aucune  précaution ,  aucune  cha- 
leur ,  ni  même  le  mouvement ,  ne  peuvent  en 
garantir.  Cette  incommodité  dure  20  ou  50  jours , 
jufqu'à  ce  qu'elle  diminue  peu  à  peu ,  ôc  que  le 
corps  foit  fait  au  climat.  Dès  qu'on  eft  accou- 
tumé au  climat,  le  froid  n'y  eft  plus  fi  fenfible^ 
que  dans  les  contrées  dans  lefquelles  il  y  a  beau- 
coup de  différence  entre  l'été  &  l'hiver  ;  on  y 
a  peu  pcnfé  a  garantir  les  maifons  du  froid.  Quant 
aux  habits ,  on  y  porte  régulièrement  ceux  d'hi- 
ver, mais  fans  être  doublés,  comme  fembleroic 
l'exiger  la  dureté  de  la  faifon  :  on  n'y  fait  point 
de  feu  pour  fe  chauffer ,  &  l'on  vit  à  cet  égard 
comme  fi  l'on  étoit  au  printems  ,  quoiqu'on  ait 
des  preuves  évidentes  du  contraire  dans  les  afpé- 
rités  des  mains ,  les  gerçures  des  lèvres ,  ôc  dans 
la  fécherefle  de  la  peau.  On  voit  donc  là  corn*- 
bien  la  nature  s'accommode  facilement  aux  dif- 
férentes températures  lorfqu'elles  font  continues. 
D'après  les  détails  que  nous  Venons  de  voir, 
on  comprend   aifémenc   <jue   les   températures 

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doivent  varier  dans  ces  contrées  A  proportion 
de  la  plus  grande  élévation  où  fe  trouvent  les 
terreins ,  ou  de  leur  profondeur  ;  ôc  que  dans 
cette  partie  du  monde  les  terreins  élevés  diffè- 
rent totalement  du  refte.  En  effet ,  les  règles  gé- 
nérales diffèrent  tellement  ici  ,  que  les  fai- 
fons ,  les  températures  &  les  effets  fe  trouvent 
dans  un  ordre  tout  contraire  :  ici  l'on  a  l'hiver 
quand  ce  devroit  ctre  le  printems.  Les  vents  ré- 
gnans  font  contraires  à  ceux  des  bas  pays  j  il  pleut 
beaucoup ,  &  l'air  eft  fec  j  il  gèle  ,  &  c'eft  afors 
que  mûriffent  les  récoltes  :  au  moins  elles  y  ar- 
rivent au  dernier  degré  de  leur  perfedion ,  quoi- 
qu'il y  ait  peu  de  plantes  qui  y  réuflMTent  :  enfin , 
le  froid  &  la  chaleur  s'y  font  fentir  d'une  toute 
autre  manière  que  dans  les  autres  contrées  : 
celle -c'  brûle,  tandis  que  Tautre  pénètre  tout 
l'intérieur  du  corps. 

Ceux  qui  ne  font  pas  habitués  à  fréquenter 
ces  endroits -là  ,  font  encore  expofés  à  une 
autre  incommodité  ,  outre  le  froid  dont  nous 
venons  de  parler  ;  c'eft  le  JMaréo  de  la  Punax 
&  il  eft  rare  qu'ils  n'en  foient  pas  attaqués. 
C'eft  une  m.aladie  toute  femblable  à  celle  qu'on 
éprouve  en  fe  mettant  en  Mer  :ellè  en  pré- 
fente  aufli  tous  les  fymptômes  ,  &  fuit  le  mètne 
ordre.  La  tête  tourne  j  on  fent  rie  f. es- grandes 
chaleurs  j  &  il  furvient  des  naufées  pénibles ,  fui- 


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5* 


CINQUIEME.  H? 

vies  de  vomifTemens  bilieux.  Les  forces  tombent, 
le  corps  s  abbat  :  la  fièvre  s'y  joint  ;  &  le  feu! 
foulagement  qu'on  y  trouve ,  c'efi:  de  vomir.  Cer- 
tains fu;ets  y  font  même  C\  abattus ,  qu'ils  ^on- 
neroient  de  l'inquiétude ,  fi  l'on  n'étoit  certain 
que  ce  n'eft  autre  chofe  que  ce  maréo.  Cela  dure 
ordinairement  un  jour  ou  deux ,  après  quoi  la 
faute  fe  rétablit.  Cette  incommodité  eft  plus  ou 
moins  confidérable  félon  la  difpofition  naturelle 
des  perfonnes  ;  mais  peu  y  échappent.  Lorfqu'on 
l'a  une  fois  éprouvée ,  il  eft  extraordinaire  qu'on 
en  foit  repris  en  palTant  par  Puna  ^  ou  en  y 
venant  des  pays  bas ,  ou  de  toute  contrée  dont 
la  température  eft  chaude. 

On  ne  peut  fans  doute  attribuer  cet  accident 
au  froid  \  car  s'il  en  étoit  la  feule  caufe ,  cette 
maladie  feroit  commune  dans  tous  les  pays  froids. 
Il  faut  donc  que  cela  vienne  de  la  qualité  de  l'air, 
foit  en  conféquence  de  fa  légèreté ,  foit  de  toute 
autre  qualité  que  nous  n'y  connoiftbns  pas.  On  n'é- 
prouve point  ce  mal  dans  les  hautes  contrées  de 
Quito,  contrées  auflî  élevées  que  celles  du  Pérou  j 
car  il  eft  différent  de  l'afFedion  que  nous  appelions 
paramarfe  ;  au  moins  nel'a-ton  pas  éprouvé  quand 
on  a  fait  les  obfervations  ,  c'eft  pourquoi  l'on 
n'en  a  pas  parlé  j  au  lieu  qu'il  eft  très-ordinaire 
dans  les  pays  qui  conduifent  à  ces  autres  con- 
trées. U  faut  encore  obfcrver  que  ceux  qui  font 


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ii8  Discours 

dirpofés  à  vomir  en  mer,  le  font  audi  ^uxPunas, 
tandis  que  ceux  fur  qui  la  mer  ne  fait  pas  d'im^ 
prefldon ,  n'éprouvent  pas  non  plus  cette  incom-  * . 
modité  fur  ces  cîmes.  On  fent  quelque  chofe 
d'analogue  fur  les  hautes  montagnes  de  TEu-  , 
rope  ,  &  fur  d'autres  chaînes  de  montagnes; 
ceci  eft  partiailier  aux  perfonnes  délicates  ^  mais 
ces  effets  n'y  font  pas  fi  fenfibles  &  fi  graves, 
tii  thème  fi  généraux  que  dans  ces  contrées  de 
l'Amérique.  Ce  qu'on  éprouve  en  Europe  ne 
vient  que  de  la  rarité  de  l'air ,  ôc  du  froid  qu'il 
fait  fur  ces  hauteurs  :  deux  circonftances  qui 
doivent  produire  quelque  altération. 

On  obferve  encore  dans  ces  climats  un  au-^ 
tre  accident  auquel  les  animaux  font  fujets.  De 
qu'ils  paflfènt  des  plaines   à  ces  éminences 


ou 


Punas ,  comme  des  pays  où  il  y  a  des  habita- 
tions aux  cîmes  qui  les  environnent ,  la  refpiration 
leur  devient  fi  difficile ,  que  malgré  les  différentes 
paufeâ  qu'ils  font  pour  reprendre  haleine,  ili 
tombent,  Ôc  meurent  là.  Les  habitans  de  ces  con- 
trées difent  que  c'eft  parce  que  ces  animam 
paffent  alors  fur  des  mines  ^  car  ils  prétendes 
que  les  montagnes  font  pleines  de  minerais, 
d'où  il  s'exhale  ,  par  les  pores  de  la  terre  ,  èi 
molécules  d'antimoine ,  de  foufre  „  d'arfenic ,  & 
autres  ,  auxquelles  ils  attribuent  ces  accidens. 
Mais  on  peut  objeder  que   fi  cette  opinioi 


i 


CINQUIEME.  119 

itoit  fondée  ,  ceux  qui  montent  ces  animaux 
éprouveroient  la  même  chofe ,  &  que  ces  ani- 
maux l'éprouveroient  aufli  lorfqu'ils  font  arrêtes , 
ce  qui  n'arrive  pas.  Il  faut  donc  croire  que  cela 
n'eft  dû  qu'à  l'extrême  rarité  de  l'air  ,  imprégné 
d'ailleurs  de  quelque  corps  étranger  qui  s'y  trouve 
dllféminé,  &  fans  que  cette  matière  étrangère 
forte  des  pores  de  la  terre.  On  peut  encore  dire 
qu'il  n'eft  pas  probable  qu'il  y  ait  des  miné- 
raux renfermés  dans  le  fein  de  toutes  ces  cîmes 
où  ces  accidens  arrivent ,  puifqu'on  ne  voit  au- 
cun fignç  externe  qui  les  décèle  :  fi  cela  étoit , 
il  n'y  auroit  ni  mont  ni  coteau  dans  ces  chaînes 
qui  ont  plufieurs  centaines  de  lieues,  où  Ton  ne 
trouvât  quelque  minéral. 

Mais  une  autre  raifon  s'oppofe  encore  a  ce 
fentiment.  Si  les  minéraux  écoient  la  caufe  direde 
de  ces  morts  fubites  ,  on  devroit  éprouver  la 
même  chofe  fur  les  montagnes  de  l'Europe ,  qui , 
en  nombre  de  contrées  ,  font  pleines  de  veines 
métalliques  de  toute  efpèce  >  quel  que  foit  le  mé- 
tal ,  argent ,  mercure  ,  ou  tout  autre  y  mais  cette 
opinion  confidérée  d'un  autre  côté ,  devient  en- 
core moins  probable.  Ces  gens  font  très-peu  inf- 
truits  fur  cette  matière,  &  ne  favent  ce  que  c'efl: 
que  denfité  ou  légèreté  de  l'air ,  ni  quels  effets  il 
peut  en  réfulter  :  or ,  ces  connoiffances  leur  man- 
quant ,  ils  ne  font  pas  en  état  de  déterminer  la 

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110  Discours 

caufe  qu'ils  alléguenc  :  ils  l'imaginent  fuivant 
leur  intelligence.  Se  fc  pcrfiiadent  que  ce  font  les 
minéraux,  parce  qu'ils  cioyenc  qu'on  ne  peut  ou- 
vrir la  terre  fans  en  rencontixr.  Quoique  ces  gens 
foient  fouvent  occupes  aux  travaux  des  mines, 
ils  ont  il  peu  de  connoillanre  de  la  phyfique  fou- 
terraine ,  qu'en  i^énéral  ii-i  en  ignorent  jufqu'aux 
premiers  princij.  ss  :  voilà  pourquoi  l'air  des  hau* 
tes  contrées  efl:  pour  eux  le  même  que  celui  des 
bafles,  fans  qu'ils  penfent  plus  loin.  Us  ignortm 
ce  que  c'eft  c\\xélafùcké ,  denjicé ,  pefanceur. 

Les  hommes  qui  arrivent  nouvellement  dans 
ces  climats,  éprouvent  aufii  quelque  chofe  d'a- 
nalogue à  ce  que  j'ai  dit  des  animaux;  ils  fen- 
tent  en  marchant  une  fatigue,  comme  fuffocante 
&  très-pénible,  qui  les  oblige  de  fe  repofer  long- 
tems  ;  cela  leur  arrive  même  dans  le  plat  pays:  or, 
il  ne  peut  y  avoir  d'autre  car.fe  de  ce  phénomène 
que  la  fubtilité  de  l'air  ;  mais  à  mefure  que  les  pou- 
mons fe  font  à  cette  Atmofphère ,  la  gène  devient 
moindre.  Cependant  on  y  éprouve  toujours  quel- 
que difficulté  de  refpirer  lorfqu'on  veut  monter 
quelque  côte;  ce  qui  eft  inévitable ,  mais  ce  qu'on 
ne  fent  point  dans  les  autres  contrées  où  l'At- 
mofphère  a  une  denfité  régulière. 

Cette  légèreté  de  l'air  devient  favorable  aux 
afthmatiques  devenus  tels  dans  un  air  plus  épais. 
Cet  afthme  y  eft  connu  fous  le  nom  de  aho- 


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CINQUIEME.  m 

pos  ou  fuffocation  \  il  y  eft  même  a(Tez  com- 
mun :  c'eft  pourquoi  ceux  qui  en  font  atta- 
qués dans  les  baffes  contrées  ,  fe  rendent  dans 
les  hautes  j  quoiqu'ils  n'y  gucrilfent  pas  entière- 
ment, ils  y  vivent  cependant  fans  peine  :  ceux 
au  contraire  qui  font  devenus  tels  dans  les  hauts 
pays ,  fe  trouvent  bien  dans  les  bas  ;  ainfi ,  le 
changement  d'air  devient  un  foulagement  alfiirc 
dans  cette  efpècc  d'incommodité.  La  médecine 
pourroit  tirer  parti  de  ces  expériences ,  en  envoyant 
les  malades  d'une  contrée  dans  une  autre ,  quoi- 
qu'il n'y  eût  pas  ailleurs  une  auflî  grande  diffé- 
rence dans  l'élévation  des  ter  reins. 

On  remarque  auflî  à  certain  point  cette  dif- 
ficulté de  refpirer  dans  les  hautes  contrées  de  la 
province  de  Quito,  mais  elle  y  eft:  moins  péni- 
ble :  cela  vient  fans  doute  de  ce  que  l'une  de 
ces  contrées  eft  fous  l'équateur,  ou  très -près, 
tandis  que  l'autre  en  eft  éloignée.  On  en  a  conclu 
que  les  Punas  ou  cîmes  du  Pérou  font  moins 
froides  &  l'air  moins  âpre  que  dans  les  autres 
contrées.  Mais  il  eft  bon  d'obfervcr  que  ce  qui  a 
été  dit  de  Guancavelica  eft  général  pour  tous  les 
terreins  qui  fe  prolongent  vers  le  Sud. 

Pour  mieux  faire  comprendre  cqs  détails ,  j'ob- 
ferverai  ici  que  ce  qu'on  appelle  Punas  an  Pérou, 
fe  nomme  Paramo  au  Royaume  de  Quito  j  & 
que  tout  ce  pays  froid  &  défcrt  où  il  n'y  a  au- 


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111  Discours  cinquième. 
cune  habitation ,  a  le  même  nom  ,  quoiqu'il  s'y 
trouve  des  Punas  y  ou  cimes ,  plus  hautes  les  unes 
que  les  autres  ,  félon  l'élévation  des  ter  reins  : 
de-U  vient  qu'on  appelle  le  foleil  brûlant ,  fokii 
dt  Punas  ;  &  que  les  vents  froids ,  après  &  in- 
éommodes  ont  aulTi  la  même  dénomination. 


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DISCOURS    SIXIEME. 

Des  Produclions  végétales  des  différens  Terroirs, 

Aj  E  s  produdions  de  la  terre  doivent  ctre  fans 
^oute  difFcrentes  dans  des  climats  anilî  varies , 
&  où  \qs  températures  prcfentent  tant  de  difpa- 
rité.  La  chaleur  &  le  principe  aqueux  font  les 
deux  premières  caufes  de  la  végétation  j  &  celle-ci 
cft  toujours  plus  ou  moins  adive  &  prompte, 
à  proportion  que  ces  deux  caufes  co-opcrent  par 
leur  concours  mutuel,  avec  un  plus  grand  degré 
de  force ,  dans  les  elpcces  qui  le  demandent.  Il 
en  eft  de  même  ,  quant  à  la  végétation,  à  l'é- 
gard ^QS  efpèces  qui  demandent  moins  de  cha- 
leur ,  &  même  certain  degré  de  froid.  Ces  ef- 
pèces végètent  avec  force  dans  les  contrées  où 
elles  éprouvent  ce  froid  \  mais  on  ne  les  rencontre 
pas  dans  les  pays  plus  chauds ,  ni  dans  ceux  qili 
font  très-humides.  Ainfi ,  le  froid,  plus  ou  moins 
fort,  eft  auiîi  favorable  aux  unes,  que  la  chaleur, 
même  confidérable  ,  l'cft  aux  autres  :  il  en  eft 
aufli  de  même  des  rapports  de  la  fécheielTe  &c 


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114  Discours 

de  l'humidité.  Néanmoins  il  eft  plus  ordinaire 
de  voir  les  campagnes  couvertes  déroutes  fortes  de 
plantes  dans  les  pays  chauds  &  humides ,  que  dans 
les  pays  froids.  Outre  que  les  plantes  des  pays 
chauds  font  plus  nombreufes,  elles  font  narurelie- 
ment  vigoureufes,  très-garnies  de  feuillages,  tandis 
que  celles  des  pays  froids  font  comme  arides  &  fans 
fuc.  On  voit  dans  les  unes  la  Nature  fe  renouveller 
prefque  à  chaque  inftant  j  au  lieu  que  dans  les  pays 
froids  la  terre  paroît  pour  ainii  dire  nue ,  cx  ne 
donner  que  quelques  foibles  marques  qu'elle  n'eft 
pas  entièrement  ftérile.  Ce  rapport  diffcrenciel 
dQS  températures  &  des  climats ,  efl  .nf-tcflaire 
pour  la  variété  qui  fait  la  beauté  <le  Ir-  ?lature. 
Par  ce  moyen  les  efpèces  fe  multipliei!:  à  rir.iini, 
&  la  grande  étude  qu'il  faut  pour  connoîcre  ces 
efpèces  infinies  n'en  a  que  plus  d'actiaits ,  intme 
dans  l'examen  des  efpèces  les  plus  communes. 

La  Nature  toujours  libérale  dans  la  ûiftribu- 
tion  de  fes  dons  ,  a  fu  les  accorder  dans  les  jufies 
jproportions  des  climats ,  des  terreins ,  ôc  des  qua- 
lités de  l'Atmofphère.  Mais  en  répandant  fes  fa- 
veurs dans  toutes  ,  ou  dans  prefque  toutes  les 
parties  du  Globe ,  elle  en  a  en  même  tems  ré- 
fervé  d'autres  pour  les  climats  feuls  qu'elle  vou- 
loir favorifer. 

Entre  les  hauts  &  les  bas  pays  du  Pérou, 
entre  ces  contrées  ôc  celles  qui  font  près  de  l'E- 


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|c[U.iceur,  entre  les  unes  ôc  les  autres  &  celles 
qui  font  fous  le  Tropique  j  on  remarque  une  fi 
grande  différence  dans  les  productions  &  dans  le 
fol ,  que  la  Nature  femble  n'y  être  pas  la  même  j 
car  on  voit  dans  les  unes  ce  qui  ne  fe  trouve 
nulle  part  dans  les  autres.  Cependant  il  eft  re- 
marquable que  Ton  trouve  dans  la  Louifiane  cer- 
taines chofes  qui  font  communes  près  de  l'Equa- 
teur, ôc  d'autres  toutes  différentes  ôc  femblables 
à  celles  qu'on  voit  en  Europe  :  on  y  rencontre 
même  des  chofes  étrangères  aux  unes  6c  aux 
autres  contrées.  Les  parties  bafTes  du  Pérou ,  qu'on 
appelles  Vallées  ,  &  qui  forment  des  vaftes  plai-, 
nés  prolongées  du  Nord  au  Sud,  ne  produtfent 
naturellement  que  peu  de  chofes  ,  parce  que  ce 
font  des  fables  j  mais  à  l'aide  de  l'art  &  des  eaux  i 
ces  terreins  nourriffent  des  plantes  vigoureufes  , 
analogues  au  climat.  Cependant  ret  avantage  n'eft 
que  pour  les  terreins  où  il  court  quelque  ruiifeau  , 
[une  rivière  :  ces  terreins  font  fufceptibles  de  cul- 
iture,  il  y  vient  des  arbres.  Comme  on  y  a  le 
degré  de  chaleur  requis  ,  il  ne  s'agit  plus  que 
I  d'y  faire  des  faignces  ,  de  petits  canaux ,  pour 
conduire  l'eau  où  elle  eft  nécefTaire  :  ainfi,  ^ 
tetreins  itériles  on  en  fait  des  campagnes ,  donc 
la  fertilité  ne  le  cède  pas  aux  terres  les  plus 
gralTes  :  on  y  voit  croître  le  maïs ,  les  patates , 
qu  ou  y  appelle  camotes.  Dans  d'autres  parties  on 


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voit  les  moniatosy  ks  yucasy  &  différentes  ef- 
pèces  de  femences ,  graines  j  racines ,  &  la  canne 
à  fucre.  Les  mêmes  efpèces  d'arbres  à  fruit  y 
croiflent  comme  dans  l'autre  contrée ,  tels  font 
les  Chirimoyos  j  Aguacaus  ou  Paltas  j  les  Gua- 
has  ou  Pacaës  ^  les  Nifpcros  j  les  Guayabos^ 
les  Lucumos  j  les  P aimas  j  &  les  Platanes  ^ 
outre  plusieurs  autres  qui  ne  donnent  pas  de  fruits 
bien  délicats  ,  comme  les  Algarrobosy ,  les  Gua.- 
rangos ,  les  Sapotes  fauvages ,  &  autres.  Les 
fruits  d'Europe  y  réuflîlfent  très -bien,  comme 
les  orangers ,  les  limons ,  les  citrons ,  les  pom- 
mes ,  les  noix ,  les  figues  ;  les  fruits  à  noyau , 
comme  les  duracines  ,  les  pretfes ,  les  mirlico- 
tons  ou  pavies  jaunes  ,  les  prunes  ,  les  olives  j 
mais  on  n'y  voit  pas  le  chêne  verd ,  le  liège , 
le  châtaignier  \  s'il  s'en  trouve ,  c'eft  vers  le 
Royaume  du  Chili ,  dont  le  climat  eft  abfolu- 
ment  le  même  que  celui  de  l'Efpagne,  &  où  les 
quatre  faifons  font  diftinguées  l'une  de  l'autre. 
Il  faut  ici  faire  une  diftindion  néceffaire  quant 
à  la  partie  baffe ,  non  à  l'égard  du  plus  près  voi- 
fmage  de  l'Equateur,  mais  à  l'égard  des  vents 
qui  y  régnent.  Dans  ce  vafte  efpace  où  les  vents 
du  Sud  font  continuels,  fa  voir  depuis  le  iO-\ 
ou  27®.  degré,  latitude  Sud  ^  jufqu'au  3^.  |  de 
gré  du  même  coté  où  fe  trouve  le  village  de 
Tumbes  ,  les  plantes  &  les  arbres  dont  j'ai  parlé 


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SIXIEME.  117 

croifTent  en  plus  ou  moins  grande  quantité  :  on 
y  voie  auflî  des  vignobles ,  des  treilles ,  des  ceps 
de  vigne  ifolés.  Mais  depuis  ce  3*.  7  degré 
jufcju'au-delà  de  la  Ligne ,  tout  le  vafte  efpace 
de  terrein  qui  atteint  le  Tropique  du  Cancer, 
ne  produit  que  des  arbres  fruitiers  fauvages.  Quant 
aux  plantes  plus  petites  ,  on  n'y  voit  que  celles 
qui  croiflent  dans  les  pays  où  il  y  a  beaucoup  de 
chaleur  &c  d'humidité.  On  y  trouve  auflî  des  cèdres 
de  différentes  efpèces,  l'acajou ,  le  ceibo,  l'arbre- 
marie ,  l'ébène  ,  le  granadiUo  ,  plufîeurs  efpèces 
de  palmiers ,  &  autres  :  ces  arbres  y  font  mêmes 
fi  touffus,  il  gros  &c  fi  grands,  que  les  rayons 
du  foleil  ne  peuvent  s'y  faire  jour  :  une  infinité 
de  plantes  grimpantes  plus  ou  moins  fortes  y 
forment  un  tilFu  fi  épais ,  qu'on  peut  à  peine  s*en 
tirer. 

L'a  partie  des  bas  pays,  où  les  vents  du  Sud 
font  continuels  ,  manque  de  pluie  \  ainfi ,  le 
terrein  n'a  pas  Thumidité  requife  pour  la  végé- 
tation ,  quoique  la  chaleur  y  foit  à  un  degré 
convenable  pour  les  arbres  mentionnés.  Dans  les 
pays  où  les  faignées  faites  aux  rivières ,  &  les 
canaux  procurent  de  Teau  aux  campagnes  ,  la 
vcgctation  va  bien  j  mais  on  n'y  voit  que  des 
arbres  plantés  de  la  main  des  hommes ,  &c  non 
produits  naturellement  fans  travail  oi  culture , 
comme  dans  les  autres  contrées. 


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128  D  I   s   C   O   U  R  « 

Depuis  la  partie  baffe  jufqu'à  la  haute ,  dont 
les  températures  font  diamétralement  oppofées, 
on  s  apperçoit  par  degrés  de  la  différence  des 
produirions.  La  canne  à  fucre  croît  avec  force 
ôc  maturité  dan:  les  Quebradas  &  les  pays  moins 
élevés  -y  ce  qui  efl  moins  dû  aux  eaux  dérivées , 
6c  aux  arrofemens  qu'aux  pluies  abondantes  :  à 
cet  égard  les  arbres  &  les  fruits  qui  y  croilfent, 
font  ceux  du  climat  de  la  partie  baffe.  Mais 
TAtmofphère  n'ayant  pas  dans  les  deux  parties 
le  même  degré  de  denlité ,  plus  Tair  fe  trouve 
léger ,  moins  la  végétation  eft  prompte ,  quoi- 
que les  fruits  ne  foient  pas  d'une  qualité  infé- 
rieure. 

On  voit  dans  les  terreins ,  où  il  n'y  pas  de 
ces  vaftes  profondeurs ,  ni  de  ces  cimes  C\  élevées , 
pludeurs  productions  ordinaires  en  Europe,  & 
qui  demandent  du  froid ,  comme  le  bled ,  l'orge 
&  autres  graines  ;  mais  on  n'y  trouve  pas  de 
pin ,  de  chêne  verd  ,  de  châtaignier ,  de  liège; 
ces  arbres  y  font  inconnus  à  la  réferve  du  pin, 
qui ,  dit-on  ,  fé  rencontre  dans  la  partie  méri- 
dionale vers  le  Chili  :  néanmoins  on  ne  voit 
pas  cet  arbre  dans  le  refte  des  cordillières /depuis 
l'Equateur  jufqu'au  13  ou  14  degré  de  latitude. 
Les  faules  font  plus  communs  dans  ces  tempe- 
ratures  moyennes  j  le  cèdre  y  croît  auflî,  quoique 
lentem&nt. 

Les 


8    I    X    I    1    M   E.     «  115 

Les  contrées  élevées,  &  qui  font  véritable- 
ment froides,  produi  lent  trois  fortes  d'arbres  qui 
leur  font  particuliers  ,  comme  les  Quinalts  ^ 
Efpecias  Ôc  Cq^s.  Tous  ces  arbres  montrent  dans 
leur  ftrudure  &  dans  le  coloris  de  leurs  feuilles , 
la  dureté  du  climat.  Les  i^umales  y  autrement 
Quifnalesy  font  d'une  hauteur  &  d'une  force  or- 
dinaire ,  aflfez  garnis  de  branchage  ^  &  fe  divi- 
fent  en  deux  maîtreffes  branches ,  à  la  hauteur 
de  deux  varas  environ  :  la  feuille  en  eft  petite 
&  épaiife  comme  celle  du  chêne  ,  ou  plutôt 
comme  celle  des  carrafcas  :  la  couleur  en  tft 
fombre,  d'un  verd  obfcur  ôc  peu  chargé:  l'écorce 
eft  remarquable  pat  le  grand  nombre  des  couches 
qui  la  compofent^  comme  fî  la  Nature  avoit 
voulu  en  couvrir  le  tnonc  par  autant  d'enveloppes, 
pour  le  munir  contre  la  dureté  des  climats  où  il 
croit.  Cette  écorce  a  un  peu  plus  d'un  pouce  j 
elle  eft  formée  d'un  çrjo.nd  nombre  de  couches 
appliquées  les  unes  fur  les  autres  j  mais  on  les 
fépare  afilz  facilement  :  j'en  voulus  favoir  le 
nombre^  mais  après  en  avoir  déjà  détaché  plus 
de  1 504  je  perdis  patience,  voyant  que  je  n'écois 
pas  encore  arrivé  à  la  moitié  de  l'épailfeur.  Ces 
couches  font  très-déliées,  plus  fines  même  que 
le  papier  ,  UflTes ,  douces  au  ta6t ,  &  d'une  cou- 
leur qui  tire  fur  le  rouge  clair.  Si  l'en  arrache 
du  tronc  un  morceau  de  fon  écorce  ,  ces  couches 
Tome  I,  I 


150  D  I  s  C  O  U  K  s 

commencent  à  fe  féparer  fpontanémenr.  Lorf- 
qu'on  croie  appercevoir  le  tronc,  qui  fembic  avoir 
été  caché  fous  ce  morceau  ,  on  eft  étonne  de 
pouvoir  encore  arracher  un  morceau  d'écorcc 
formé  pat  des  couches  innombrables ,  plus  fines, 
plus  polies  ,  &  plus  molles  que  les  externes. 
Au-dedans  de  toutes  ces  enveloppes  eft  une  tige, 
dont  le  bois  eft  d'une  couleur  obfcure  :  il  fe 
trouve  dur  compade ,  &  fort  pefant.  Lé  fruit 
eft  une  efpèce  de  petites  baies  en  forme  de  grap- 
pes de  raifins ,  \k  dont  ou  ne  connoît  aucun 
ufage. 

A  ne  confidérer  qu'en  pafHint  l'arbre  qu'on 
appelle  Efpecia  ,  on  pourroit  facilement  le  con- 1 
fondre  avec  le  Quinuai  y  fi  l'écorce  n'en  était 
différente  à  tous  égards.  L'écorce  de  /' Efpecia  a 
deux  ou  trois  lignes  d'épais  ;  elle  eft  aiTez  dure 
&  généralement  unie,  nonobftant  quelques  pe- 
tits nœuds  :  elle  eft  fi  adhérente  au  tronc ,  qu'on 
ne  l'en  fépare  pas  facilement  :  la  feuille  en  eft 
un  peij  plus  grande  que  celle  du  Quinual ,  mais 
de  la  même  couleur  :  le  petit  fruit  qu'il  porte 
eft  aufli  un  peu  plus  volumineux ,  la  fleur  de  ces 
arbres  reflemble  à  celle  de  l'olivier  ,  mais  elle  eft 
de  couleur  obfcure  j  de  forte  qu'il  faut  la  confi- 
dérer attentivemeint  pour  ladiftinguer  dès  feuilles. 

Les  Cq/is  croilTent  dans  des  terreins  plus  hauts, 
&  d'une  lempéraciire  plus  froide  que  celle  où 


sixième;  151, 

font  les  arbres  préccdens  j  le  tronc  en  eft  pro- 
portionnément  moins  gros.  Cet  arbre  fait  auflî 
connoître  la  dureté  de  fon  climat ,  ^'  celle  de  l'hi- 
ver continuel  auquel  il  réfifte  par  la  denfité  de  fa 
texture:  le  bois  en  eft  de  couleur  obfcure,  l'c- 
corce  externe  très-fine  ,  fort  adhérente  au  tronc , 
ce  bois  eft  très-dur  &  pefant  ;  comme  il  n'eft 
pas  calTant ,  on  le  préfère  à  tout  autre  pour  les  tra- 
vaux de  l'intérieur  des  mines. 

On  ne  voit  donc  la  que  ces  trois  efpèces  d'ar- 
bres j  ce  qui  eft  une  conféquence  de  la  rareté 
des  produdions  naturelles  qui  croifTenc  dans  cette 
contrée,  comme  je  l'ai  dit. 

Il  y  a  aufllî  une  différence  frappante  à  remar- 
quer dans  les  plantes  ou  les  herbes.  Dès  qu'on 
paffe  de-ià.  dans  un  climat  encore  plus  élevé ,  on 
commence  à  voir  des  Pajoualès ,  ou ,  félon  le 
nom  du  pays ,  Ichalls  j  parce  que  la  paille  qui 
croît  là  s'appelle  Icho.  Ceux  qui  croiflent  dans 
un  climat  un  peu  moins  froid ,  font  plus  longs 
que  ceux  d'un  climat  plus  froid ,  plus  épais  ;  la 
feuille  en  eft.aufli  plus  forte,  femblable au fpar- 
te  ,  &  ne  s'en  diftingue  que  parce  qu'elle  eft 
plus  foible.        .         ,  -m 

Le  gramen  ou  chiendent  eft  une  herbe  com- 
mune dans  la  partie  balTe ,  oii  l'on  ne  voit  point 
VJcho ;  de  forte  que  chaque  étage  de  terrein  a. 
une  herbe  commune ,  différente  de  celle  des  autres. 

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131  Discours 

Outre  ces  herbes  qui  s'y  trouvent  en  quantité, 
il  y  en  a  de  différentes  autres  efpèces  dans  le  voi- 
fînage  des  ruiHeaux  ,  des  rivières ,  ou  le  froid  fe 
fait  moins  fentir ,  ôc  dans  les  Quebradas.  Le 
trèfle  ell  une  des  (^us  communes  ,  dans  les  ter- 
reins  où  il  ne  croît  pas  à'Icho, 

On  trouve  dans  les  endroits  où  le  froid  n'eft 
pas  exceflif,  une  plante  qui  s'élève  avec  une 
tige  d'environ  une  vara  de  haut ,  ou  d'une  vara 
&  demie  \  elle  fe  termine  par  une  efpèce  de 
panache.  La  grofleur  de  cette  tige  eft  d*un  pouce 
ôc  demi  de  diamètre  environ  :  il  s'y  introdui[ 
certains  vers  de  deux  pouces  de  long  ,  &  un 
peu  moins  gros  que  le  petit  doigt.  Lorfque  h 
tige  eft  fèche  ces  vers  fe  trouvent  dans  leur  plus 
grande  force  ,  &  de  couleur  cendrée.  Si  les 
femmes  mangent  de  ces  vers ,  ils  leur  font  ve- 
nir du  lait ,  quand  elles  ne  feroient  pas  dans  1 
le  cas  d'en  avoir  :  on  les  mange  bouillis  ,  ou  frirs 
dans  une  poëlc  \  ils  n'ont  rien  qui  caufe  du  dé- 
goût :  la  chair  en  eft  denfe  comme  le  lard.  Cette 
expérience  faite  différente  fois,  &  non  au  ha- 
fard  ,  mais  avec  un  but  fixe ,  n'a  jamais  man- 
qué de  réuffir.  On  aura  fans  doute  peine  à  croire  ! 
ces  effets  finguliersj  mais  c'eft  une  chofe  qui 
eft  là  fî  commune  »  que  fi  l'on  y  demande  des 
vers  pour  le  lait ,  on  vous  les  apporte  dans  la 
tige  même ,  qui  reffemble  à  un  lofeau  \  Sç  les 


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SIXIEME.  153 

femmes  y  ont  recours  fans  répugnance  dans  le 
befoin.  L'herbe  appeliée  Nugnu-Quthua  a  auflî 
la  mcme  vertu  :  le  mot  Nugnu  fignifie  le  jdn , 
&  de-U  vient  le  nom  de  Nugnu  ou  nourrice  c]ui 
donne  le  fein. 

On  y  trouve  auflî  une  autre  plante  d'une  rare 
vertu,  pour  guérir  &  cicatrifer  toutes  fortes  de 
plaies  :  on  l'appelle  herbe  de  Maladuras ,  &  dans 
la  langue  des  Indiens  Huallhua. ,  parce  que  c'eft 
avec  cela  qu'ils  guériflenc  les  plaies  des  animaux; 
elle  eft  H  efficace  qu'elle  les  guérit  en  peu  de 
jours.  On  la  pile  pour  la  réduire  en  poudre  ,  & 
on  l'applique  ainH  fur  la  partie  aAeâée  ,  que  ce 
foit  une  grande  ou  une  petite  blclTure  ,  ou  une 
plaie.  Cette  plante  produit  en  peu  de  tems  ,  & 
fans  autre  préparation ,  les  effets  avantageux  qu'on 
auroit  en  vain  attendu  long-tems  de  tous  ies  re- 
mèdes compofés  de  la  chirurgie  :  il  ne  faut  même 
y  joindre  aucune  autre  fimple. 

S'il  n'y  a  pas  beaucoup  d'efpcces  différentes 
de  plantes  ,  grandes  ou  petites  ,  dans  ce  pays , 
elles  ont  au  moins  l'avantage  d'être  les  unes  &: 
les  autres  douées  de  quelques  excellentes  pro- 
priétés :  il  n'en  efl  pas  de  même  de  celles  des 
climats  chauds.  La  Cajcarille  ou  Quïna  demande 
un  climat  froid  »  &  efl  particulière  aux  terreins 
élevés  du  Pérou  :  on  la  trouve  non  -  feulement 
dans  le  |ays  de  Loxa^  ell<^  c^ît  encore  en  beau-. 


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154  Discours 

coup  d*autres  :  on  connoît  très -bien  fes  vertus 
mcdicinales ,  &  les  av«ini'.ges  qui  en  réfultent 
pour  le  récabliirement  de  la  fanté.  Les  climats 
chauds  de  la  Zone  Torride  font  infiniment  plus 
fertiles  en  diverfes  efpcces,  &  les  arbres  y  font 
beaucoup  plus  beaux  j  mais  il  s'en  trouve  aufli 
de  trcs-nuifibles  parmi  le  grand  nombre  de  très- 
bons,  &c  dont  les  bois  font  très- beaux  j  tel  eft 
le  mancenilier,  fon  ombre  feule  fait  enfler  le 
ventre  de  ceux  qui  s'y  repofent ,  ôc  cherchent  i 
s*y  garantir  de  la  chaleur  qui  y  règne. 

Le  Guao  ou  Guau  eft  une  plante  en  forme 
d'arbufte ,  dont  la  qualité  maligne  paroît  ne  pas 
permettre  que  la  plante  s'élève  à  la  hauteirr  des 
autics  :  fon  poifon  eft:  fi  adtif,  qu'il  fait  enfler 
la  partie  du  corps  que  la  plante  touche,  6c,  l'af- 
fette  au  point  qu'il  faut  un  traitement  fuivi  pour 
en  guérir   le  mal.   Cette   mauvaife  qualité   des 
pliures  n'empêche  pas  que  dans  le  grand  nom- 
bre il  ne  s'en  trouve  qui  aient   quelque  vertus 
particulières ,  &.■  qui ,  appliquées  avec  connoiftance 
de  caufe,  deviennent  utiles  dans  plufieurs  ma- 
ladies. Parmi  celles  qui  croifient  dans  l'île  de 
Cuba  ,  l'on  en  trouve  une  qui  mérite ,  avec  rai- 
fon  ,  d'être  plus  connue  qu'elle  ne  l'eft  :  c'eft 
un  arbre  qu'on  y  appelle  Ocuge ,  Se  dont  il  dé- 
coule une  réfine  t»ès-efficace  pour  le  relâchement 
des  membres ,  qu  elle  laffermic  totalement.  Les 


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SIXIEME.       ,  135 

Iiabirans  «(Turent  mcme  ,  J'apics  rexpcriciKC , 
que  fi  on  l'applique  en  forme  d'emplâtre  fur 
une  articulation  j  elle  la  confolide  au  point  d'en 
faire  ceiTer  tout  le  mouvement  :  c'eft  pourquoi , 
Jorfqu'on  s'en  fert,  il  faut  avoir  foin  qu'elle  n» 
touche  que  la  partie  affcdce  ;  autrement ,  il  en 
rcfulterolt  des  inconvcniens.  Ils  difent  encore 
qu'elle  eft  également  utile  pour  les  relâchemens 
anciens,  tant  dans  les  vieillards,  que  dans  les 
jeunes  fujets.    , 

Cette  réfine  ne  fuifit  pas  feule  pour  la  cure, 
elle  ne  fait  qu'une  partie  du  médicament  :  on 
le  complète  avec  la  poudre  de  Mates ,  qu'on 
répand  fur  l'emplâtre  lorfque  la  réfine  eft  étendue. 
Ces  hhites  font  de  petits  noyaux  de  la  grandeur 
d'une  noifette  ,  mais  applatis  des  deux  côtés  , 
durs ,  polis ,  rouges ,  de  fort  beaux  :  un  des  cotés 
externes  eft  marqué  d'une  raie  noire,  c'eft  le 
produit  d'un  petit  arbufte ,  dont  les  montagnes 
font  remplies  :  ils  font  fi  communs ,  qu'on  les 
donne  aux  enfans  pour  jouer.  *On  devroit  bien 
répandre  Tufage  d'un  médicament  auflî  impor- 
tant pour  un  genre  d'accident ,  qui  rend  un  grand 
nombre  de  fujets  incapables  d'agir,  &  qui  mec 
même  leur  vie  en  danger  :  les  perfonnes  du  plus 
haut  rang  y  font  également  expofées. 

Parmi  les  plantes  nombreufes  de  ce  climat  chaud 
&  humide ,  il  s'en  trouve  une  particulière ,,  qui 

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15^  Discours 

eft  des  efpèces  de  Solanum ,  &  connue  par  le 
nom  de  Fraylecillo  :  les  feuilles  font  un  purgatif 
efficace ,  Se  qui  ne  trouble  point  la  nature  j  elles 
font  aufïî  cinétiques.  Quant  à  leur  opciation  dif- 
férente ,  on  croit  communément  dans  le  pays 
que  cela  dépend  de  la  manière  dont  on  les  arra- 
che. Si  on  les  arrache ,  dit  on ,  de  haut  en  bas ,  on 
prétend  qu'elles  opèrent  par  les  felles ,  en  préci- 
pitant les  humeurs  qu'elles  fondent  j  au  lieu  que 
il  on  les  arrache  de  bas  en  haut ,  elles  font 
vomir  :  on  les  regarde  comme  un  défobfliruant 
efficace  :  on  dit  mcme  qu'elles  rendent  fécondes 
les  femmes  qui ,  jufque-U  ,  avoient  été  ftériles; 
ce  dont  on  rapporte  pluiieurs  exemples.  Ceux 
qui  en  ont  ufé  comme  purgatif,  difent  qu'ils 
n'eil  pas  befoin  de  s'allreindre  à  certains  jours, 
comme  l'exigent  d'autres  purgatifs  •,  &  que  l'effet 
en  eff:  conHdérable.  On  en  fait  bouillir  deux 
ou  trois  feuilles ,  dont  on  boit  la  décoélion  ,  ou 
Ion  mange  les  feuilles  :  on  les  prend  auffi  en 
conferve ,  ou  en  poudre.  Ces  feuilles  opèrent  plus 
lentement  lorfqu'elles  font  sèches  :  c'eft  pourquoi 
on  les  prend  alors  le  foir ,  pour  en  attendre  l'effet 
le  jour  fuivant. 

Cette  plante  donne  un  j^etit  fruit  <le  la  gran- 
deur d'une  noifette,  divifé  en  trois  loges,  dans 
lefquelles  on  trouve  trois  amandes  longues  ôc 
xondes»  au  haut  defquelles  on  voit  une  efpèce 


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SIXIEME.'  137 

de  couronne  femblable  à  celle  des  Moines  :  c'cft 
de-là  que  lui  vient  le  nom  de  Frayiccillo  ou 
Petit-Moine.  Cette  plante  eft  aullî  commune  dans 
plufieurs  contrées  chaudes  de  ces  parties-là,  hors 
de  l'Ifle. 

Les  P'ignoncUlos  j  plantes  auflî  commmunes 
dans  les  climats  chauds ,  font  un  purgatif  très- 
adif  ;  mais  leur  vertu  dra(li(^ue  e(l  fujette  à  de 
mauvaifes  fuites. 

Las  campagnes  de  cette  I(le  ,  fur-tout  dans  la 
contrée  de  la  Havane,  produifent  ÏAgnil  ou  Indigo 
en  abondance.  Les  habitans  du  pays  ne  tirent  au- 
cune  utilité  de  cet  indigo  ^  quoiqu'ils  n'ignorent 
pas  l'avantage  dont  il  peut  être  j  car  ils  favenc 
qu'un  Étranger  établi  dans  cette  Ville,  &  plus 
attentif  que  les  Naturels,  y  avoit  établi,  dan- 
un  endroit  qui  n'avoit  pas  de  maîrr-  »  ""^  "^*' 
nufadure  avec  laquelle  il  «-'-'inchit  beaucoup! 
ÏAguil  y  étoit  fauv-é^  >  ^^  le  faifoit  couper  dans 
les  champs.  Cette  plante  eft  là  de  meilleure  qua- 
lité que  celui  de  la  Louifiane ,  où  elle  eft  ce-, 
pendant  cultivée  avec  le  plus  grand  foin ,  Se  où 
l'on  en  fait  trois  récoltes  par  an ,  pendant  l'été. 
L'Indigo  fauvage  de  la  Havane  fe  sèche  durant 
les  chaleurs ,  &  reprend  vigueur  pendant  les 
pluies. 

La  Calaguala  ou  Canch^iagua ,  plus  connue 
actuellement  en  Europe  pour  fes  vertus,  qu'il 


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138  Discours 

n'y  a  vingt  ans ,  eft  une  des  produfbîons  de  ces 
hautes  cimes  inhabitabies  des  Cordillères ,  où  k 
neige  laifle  rarement  voir  la  terre  dans  le  cours 
de  Tannée.  Il  y  a  une  autre  plante  appellée  Culén^ 
qui  croît  fur  les  hauteurs  du  Royaume  de  Chili , 
&  dont  les  vertus  ne  font  pas  moins  recom- 
mandables  que  les  précédentes  j  les  feuilles  en 
font  découpées  comme  celles  du  perfil ,  d'un 
verd  obfcur  :  {qs  vertus  font  fi  étendues ,  qu'on 
en  fait  ufage  ,  avec  fuccès ,  dans  différentes  ma- 
ladies :  elle  eft  ftomachique  ,  fudorifique  j  mais 
elle  eft  fur- tout  avantageufe  pour  les  maladies 
ordinaires  des  femmes  j  favoir ,  dans  le  cas  de 
fuppreflîons  de  règles  ,  de  vapeurs ,  &  autres 
fymptômes  hyftériques  j  qu'elle  guérit  merveil- 

Uufemcnt  :  auiîî  en  fait -on  là  le  plus  2;rand  cas. 
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^  !>»--. liqQg  ^  fjiii;  une  grande  perte  dans 

le  retard  du  retou.  ^e  M.  Jofeph  de  Julfieu  en 
Europe.  Cet  habile  Botama,.  avoit  paflTé  en  1735 
au  Pérou,  avec  les  Académiciens  <1es  deux  Na- 
tions ,  pour  examiner  \qs  plantes  particulières  a 
cette  partie  du  Globe.  Il  auroit  enrichi  l'Hiftoire 
Naturelle  de  nouvelles  découvertes  très -utiles: 
car  il  avoit  parcouru,  avec  la  plus  grande*  ap- 
plication ,  les  vaftes  pays  du  Pérou ,  d'un  bout  à 
l'autre.  Un  événement  inattendu  fit  évanouie 
toutes  les  efpérances  qu'on  avoit  de  fes  travaux, 
de  fon  extrême  attention,  &  de  fa  grande  ca- 


SIXIEME.  139] 

pacité.  L'envie  de  multiplier  fes  obfervations  , 
&  la  circonftaiice   de    la    guerre   qui    furvinc 
en  1740  avec  l'Angleterre,  le  déterminèrent  à 
fe  rendre  de  Lima ,  011  il  fe  trouvoit ,  a  Buenos- 
Ayres ,  pour  pafler  de-là  au  BicTil ,  &  retournée 
en  Europe  fur  un  vaifleau  dont  le  pavillon  le 
mît  en  sûreté  :  il  avoit  déjà  fait  la  plus  grande 
partie  du  voyage ,  lorfque  fon  domelHque ,  quî 
ctoit  depuis  long-tems  à  fon  fervice  j  &  en  qui 
il  avoit  toute  confiance ,  lui  vola  fon  argent  Se 
tout  ce  qu'il  avoit  de  plus  précieux.  Ce  domef-, 
tique  profitant  de  l'occafion  qu'il  crut  favorable , 
difparut  avec  le  coffre,  qui  renfermoit  le  fruit 
le  plus  précieux  du  travail  de  fon  Maître  j  favoir, 
les  herbiers  que   celui-ci  avoit  formés,  &  les 
papiers  qui  contenoient  les  defcriptions  des  n'-^- 
tes ,  ik  autres  obfervations  précie'^'^^* 

Quelque  diligence  que  1-  '^'ouverneurs  &  les 
Juges  des  Provinc-^-»  aient  faites  pour  découvrir 
cet  homme,  *i  tiit  impoffible  d'en  rien  apprendre: 
on  préfuma  feulement  qu'il  avoit,  pris  la  route 
du  Bréfil.  Juflîeu  fe  voyant  ainfi  dépouillé  de 
tout  le  fruit  de  fes  fatigues ,  &  qu'il  étoit  hon- 
teux pour  lui  de  revenir  en   Europe  fans   les 
inftrudions  qu'on  attendoit  de  luij  que  d'ail- 
leurs fa  fanté  fe  trouvoit  affoiblie,  incapable  de 
foutenir  les  mêmes  travaux,  pour  recommencer 
fes  détails  fur  l'Hiftoire  Naturelle  5  il  réfolut  ds 


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140  Discours 

retourner  à  Lima,  où  il  vécut  en  (Impie  parti- 
culier ,  s  occupant  à  lire  ôc  à  examiner  >£[uelqiies 
plantes  qui  fe  préiiçntoient  à  fes  yeux.  Comme 
je  fuis  occupé  à  écrire  cet  Ouvrage-ci ,  j'apprends 
qu'il  a  pafle  à  la  Havane ,  &  qu'il  eft  arrivé  à 
Madrid  :  ainfî ,  l'on  peut  efpérer  qu'il  publiera 
quelques  obfervations  fur  ce  qu'il  a  eu  lieu  d'e- 
xaminer pendant  fon  dernier  féjour. 

La  Coca  eft  une  plante  fort  commune  dans 
les  hauts  terreins  de  cette  partie  :  on  s'en  fert 
avec  une  efpèce  de  terre  appellée  Toccra  ou 
Uipta,  qui  eft  une  pâte  compofée  en  manière 
de  tablettes  de  chocolat ,  mais  un  peu  plus  grandes 
&  de  la  même  couleur.  On  prépare  ces  tablettes 
avec  les  cendres  des  épis  du  maïs  dépouillés  de 
leurs  grains,  ôc  celles  de  quelques  autres  plantes 
auvagt^ ,  "Sondantes  en  principes  falins  j  qi.and 
on  a  bien  pétri  c,  matières  enfemble ,  on  les 
laifTe  fécher  &  durcir. 

Les  Coqueras  ou  celles  qui  vendant  la  Coca , 
font  ordinairement  des  Indiennes ,  qui  donnent 
volontiers  de  la  Toccra  en  proportion  de  ce 
qu'on  leur  achète  de  Coca-^  ôc  fans  cela^  cette 
plante  feroit  privée  de  ce  qui  lui  donne  fa  meil- 
leure faveur.  Les  Indiens  font  le  plus  grand  cas 
de  cette  plante,  &  ne  travaillcroient  jamais  vo- 
lontiers (î  elle  leur  manquoit.  Avant  de  com- 
mencer, il  s'aflTéient  pour  la  préparer  j  ce  qu'ils 


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SIXIEME.  141 

appellent  AcuUicar  :  ils  en  prennent  un  bon 
morceau  dans  la  bouche,  avec  un  peu  de  Toccra^. 
l'humeilent ,  &  réduifent  le  tout  en  une  boule  : 
quand  ils  l'ont  bien  pétrie ,  ils  la  jettent  dans 
une  petite  bourfe  ou  un  fachet ,  où  ils  gardent 
ia  Coca  j  &  ils  continuent  ainfi  juiqu  a  ce  qu'ils 
aient  fait  cinq  ou  fix  boules  ^  ce  qui  efl;  la  quan^ 
tité  qu'ils  confomment  dans  un  travail  de  deux 
ou  trois  heures  :  dès  qu'ils  n'en  ont  plus ,  ils  re- 
commencent leur  AcuUicar^  pour  fuivre  après 
cela  leur  travail  :  ils  tiennent  chaque  boule  dans 
la  bouche  tant  qu'ils  fentent  la  faveur  âpre  & 
poignante  de  la  feuille,  &  en  prennent  une 
rai»^?    dès  qu'ils  ne  fentent  plus  rien. 

ourfes  dont  ils  fe  fervent  font  faites  de 


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la  peau  entière  d'un  petit  animal ,  refTemblant 
à  un  renardeau  ,  ou  autre  analogue  :  c  eft  avec 
cela  qu'ils  tiennent  la  Coca  Se  la  Toccra  à  leur 
ceinture. 

La  plante  qu'on  appelle  Hedionda  ou  Puante , 
eft  très-commune  dans  cette  contrée  :  fon  n'oni 
annonce  fa  qualité  5  car  l'odeur  qu'elle  répand 
lorfqu'on  la  touche  eft  très-nauféabonde  &  rebu- 
tante :  c'eft  une  des  efpèces  nombreufes  de  Sola^ 
num  qu'on  y  trouve.  Celle  dont  il  s'agit  ici  eft 
un  arbufte  afîez  grand  *,  on  l'emploie  pour  diffé- 
rentes maladies  j  elle  fert  avec  fuccès  de  vermi- 
fuge dans  la  Louifiane.  Elle  ne  vient  pas  dans 


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1141  Discours 

les  climats  froids  j  mais  elle  eft  fort  commune 

dans  les  températures  chaudes  ou  modérées. 

L'expérience  femble  prouver  que  l'ail .  eft  un 
produit  des  climats  froids  ^  on  ne  le  cultive  pas 
dans  ces  hautes  contrées  :  c'eft  une  des  plantes 
nuifibles  qui  préjudicient  au  fol  j  car  ceux  qui 
commencent  à  y  croître ,  s'y  multiplient  au  point 
que  la  terre  devient  incapable  d'y  produire  autre 
chofe  :  d'ailleurs  le  voifinage  en  eft  incommode, 
Q.  caufe  de  l'odeur  forte  qui  s'en  exhale  :  on  n'y  a 
d'autre  peine  que  de  les  cueillir. 

J'ai  dit  que  la  Nature  fe  réfcrve  toujours  quel- 
ques avantages  particuliers  pour  les  accorder  à 
certaines  contrées,  fans  vouloir  que  d'autres  y 
participent.  Les  vignes  croiflTent  naturellement 
au  milieu  de  la  Louifiane,  &  avec  autant  de 
beauté  Ôc  de  perfedion  que  fi  elles  avoient  été 
plantées  à  la  main ,  &  cultivées  avec  le  plus 
grand  foin.  C'eft  ce  qu'on  voit  dans  un  terrein 
de  quarante  lieues ,  entre  les  Opdujas  ik  les 
Natchkocas  :  les  vignes  s'y  élèvent  en  forme  de 
ceps  ,  &  jettent  leurs  brins  avec  une  extrême 
vigueur.  Dès  le  commencement  de  Mai  je  les 
yis  chargées  de  grappes  j  elles  promettoient  de 
donner  de  bon  fruit  j  ôc  en  abondance  j  mais 
le  raifin  n'y  vient  pas  à  parfaite  maturité ,  à 
caufe  des  cerfs ,  des  chamois  ôc  des  ours  qui  la 
dévorent  avant  qu'il  foit  mûr.  »  ^ 


SIXIEME^  143^ 

Les  fraifes  font  pareillement  naturelles  dan« 
ce  pays ,  &  la  qualité  en*eft  aulîi  bonne  que  celles 
des  fraifes  qui  font  cultivées  dans  nos  jar- 
dins avec  le  plus  grand  foin.  Ces  plantes  croif- 
fent  auffi  naturellement ,  &  font  répandues  ci 
ôc  H  dans  le  Royaume  du  Chili ,  &  dans  les 
campagnes  voifines  de  la  Ville  de  la  Concep- 
tion :  ces  campagnes  font  un  peu  plus  élevées 
que  celles  de  la  Louifiane  ,  dont  je  viens  de 
parler.  On  voit ,  par  ce  moyen  ,  le  rapport  qu'il 
y  a  entre  ces  deux  contrées ,  malgré  le  grand 
intervalle  qui  les   fépare. 

Mais  on  ne  voit  pas  ces  plantes  dans  la  partie 
haute  du  Pérou ,  où  règne  une  température  froide, 
ni  dans  les  climats  plus  tempérés,  où  l'Atmof- 
phère  ne  s'écarte  pas  de  ces  deux  extrêmes  j  d'où 
l'on  doit  conclure  que  ces  plantes  ont  alternati- 
vement befoin  d'un  degré  de  chaleur  modérée 
après  le  froid  de  l'hiver ,  &  les  grandes  chaleurs 
de  l'été  ;  6c  que  d'ailleurs  il  leur  fiut  une  At- 
mofphère  d'une  denfité  proportionnée ,  où  l'air. 
ne  foit  ni  auflî  fubtil ,  ni  auffi  léger  qiie  dans 
ces  contrées  du  Pérou. 

Les  champs  de  la  Louifiane  font  fort  fertiles 
ôc  fore  abondans  en  plantes  j  ce  qui  eft  une  con- 
féquence  nécelTaire  du  climat  qui  leur  eft  favo- 
rable ,  ôc  où  elles  ont  alternativement  les  rayons 
du  foleil  ôc  les  pluies.  Elles  y  font  indigènes , 


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144  Discours 

croitTent  fans  culture  j  &  avec  la  plus  grande 
vigueur. 

Le  SalTafras  y  e(l  Tarbre  le  plus  commun, 
C*eft  un  des  arbres  qui  contribuent  à  rendre  les 
bois  épais  &  impénétrables.  Le  Capillaire  ,  que 
nous  appelions  Culantrilo ,  y  croît  abondamment 
jufqu  aux  hauts  pays  du  Midilipi  ,  dans  celui 
des  Ilinois  ,  &  encore  plus  vers  le  Nord.  Cette 
plante  indigène  eft  la  plus  eftimée  entre  les 
mêmes  efpèces ,  à  caufe  de  fon  efficacité. 

Dans  les  contrées  qui  s'étendent  plus  au  Nord, 
jufqu'à  l'intérieur  du  fleuve  Mifuri ,  qui  va  con- 
finer A  Santd'Fé^  dans  la  nouvelle  Efpagne,  au 
Nord  même  de  cette  Province,  on  trouve  la 
plante  appellée  Mandragore  chez  les  Anciens ,  & 
donc  les  Hifloriens  de  ces  tems-là  ont  parlé  avec 
beaucoup  d'éloges.  Les  Marchands  en  gros  de 
cette  même  partie  de  la  Louifiane ,  qui  font  des 
courfes  dans  ces  contrées ,  difent  que  non-feule- 
ment on  y  apperçoic  la  figure  humaine ,  mais 
qu  on  y  diftingue  même  les  deux  fexes.  Quoi* 
qu'ils  en  puiffent  dire,  on  n'y  voit  pas  cette 
lelTemblance  dans  les  morceaux  qu'ils  apportent. 

Quelques  Auteurs  alTurenc  qu'elle  fe  trouve 
auin  en  .Canada^  ce  qui  n'eft;  pas  impoflible, 
puifque  ces  deux  contrées  fe  touchent  j  &  que 
d'ailleurs  fi  elle  fe  trouve  dans  Tune  ou  dans 
l'autre  >  i'  eft  fort  naturel  qu'elle  croifie  aufll 

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lians  le  pays  contigu.  On  la  trouve  auflî  en  Chine, 
dans  la  province  de  Pékin  j  mais  félon  l'opinion 
la  plus  accrcdicée ,  elle  y  eft  apportée  par  les 
Tartares ,  ôc  n'y  croit  pas.  Les  Chinois  l'appel- 
lent Ginfcng^  faifant  allufion  à  la  figure  humaine 
qu'elle  a.  Lés  Taftares  l'appellent  Orhota  ,  ce 
Cj^m  (ïgn\(\Q  la  prem  '  ;  plantes;  ils  lui  don- 
nent ce  nom  à  caufe  de  *>-s  excellentes  ."'tjs, 
&i  lui  attribuent  tant  d'efficacité  pour  nombre 
de  circonftances,  qu'ils  y  attachent  le  plus  grand 
prix.  La  principale  confil^e  à  rétablir  les  elptits 
vitaux ,  èc  a  ranimer  les  forcés  abattues  par 
quelque  fatigue  du  corps  j  mais  ils  prétendent, 
enïre  autres  chofes ,  qu'elle  prolonge  la  vie  des 
vieillards ,  &r  la  renouvelle  en  ceux  qui  ont  été 
abattus  par  quelques  maladies.  Quoiqu'elle  fe 
vende  au  poids  de  l'argent  dans  les  endroits  ou 
elle  fe  trouve  ,  ce  prix  ne  répond  pas  encore 
aux  grandes  vertus  qu'on  lui  prête.  Ce  fut 
en  i7<j8  qu'on  la  découvrit  la  première  fois  dans 
la  Loliiiîane.  Quoiqu'on  n'ajoute  pas  foi  à  tous 
les  rapports  des  Chinois  &  des  Tartares ,  il  feroit 
bon  d'en  recueillir  certaine  quantité  pour  l'é- 
prouver en  médecine.  Quand  on  ne  feroit  qiis 
conftater  d'abord  une  partie  de  ce  qu'on  en  dit , 
ce  feroit  une  raifon  de  la  ranger  parmi  les  chofes 
les  plus  précieufes. 
Ce  qui  manque  en  arbres  dans  les  hauts  pays 
Tome  I.  K 


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du  Pérou  ,  fe  trouve  en  abondance  dans  la  L/nl» 
fîane ,  où  ii  ;n  croît  nombre  d'efpcces  :  le  fol 
en  eft  fi  couvert,  qu'il  n'eft  pas  pofllble  d'v 
padcr  :  ils  font  très -hauts ,  &c  il  n*y  a  pas  un 
efpace ,  le  lon^  de  Miflifipi ,  qui  n'en  foit 
couvert ,  même  à  une  grande  diftance  dans  les 
terres.  Cohime  c'eft  fur  les  bords  dos  rivières, 
Se  dans  les  terres  voifines ,  &  que  d'ailleurs  il 
y  a  beaucoup  de  fleuves  qui  traverfent  ces  vaftes 
pays  pour  fe  jetter  dans  le  Miflifipi  ,  les  bois 
s'étendent  en  proportion  ;  de  forte  qu'on  n; 
trouve  de  campagnes  découvertes  qu'à  ceruin 
^loignement  des  fleuves  :  &  ce  font  autant  à  1 
prairies  très-étendu^^s. 

Les  arbres  les  plu:  vonimunâ  font  ceux  qu'oit  1 
appelle^i/7/<^j  ;  le  bois  en  eft  fort  reiremblami 
celui  du  Pin  du  Nord  :  c'eft  pourquoi  on  en  fai;  ] 
des  planches  Se  des  pièces  de  charpente  :  on  y 
voit  auflî  communément  le  laurier,  le  rouvre, 
lé  peuplier,  le  faule  Se  le  pin.  Outre  que  ces 
arbres  fe  divifent  encore  en  plufieurs  efpèces, 
on  y  trouve  deux  autres  efpèces  d*arbres ,  qui 
femblent  être  particulières  à  ce  pays  j  l'une  eft 
le  Pacanos  :  c'eft  uiiê  efpèce  de  noyer,  au  moins 
cft-il  fort  femblable  quant  au  bois  &  aux  feuilles, 
quoiqu'il  ait  plus  de  corps  î  le  fruit  a  une  faveur 
Analogue  à  celle  de  la  noix ,  plus  fine ,  plus  de- 
licate ,  niais   moins  huileufe  :  la  figure  en  ell 


B   î   X    î   E   M   E.*  l4f 

di^crente ,  &  reflemble  aux  dattes  ;  la  groffeur 
e(l  ou  égale  ou  un  peu  moindre  ^  la  coquille  eft 
plus  fine  &  plus  lilTe,  &  ne  préfente  pas  les 
afpcrités  de  la  noix»  L'autre  arbre  eft  celui  de 
Cire:  il  eft  de  moyenne  grandeur  :  fa  tcte  eft 
formée  d'un  feuillage  fort  épais  :  il  donne  une 
femence  en  forme  de  grappes  de  raifîns,  d'oi\ 
Ton  tire  la  cire  :  lorfqu'elle  eft  bien  mûre ,  on 
la  fa::  bouillir  dans  l'eau  -y  elle  y  décharge  une 
matière  grafle  qu'on  en  tire ,  &  qui  fe  coagule: 
c'cft  la  cire  :  la  couleur  en  eft  d'un  verd  obfcur  î 
elle  n'a  en  brûla  .t  ni  l'éclat ,  ni  la  beauté  de  la 
lumière  de  la  cire  des  mouches ,  ou  du  blanc  de 
baleine,  qu'on  emploie  beaucoup  en  bougies 
dans  la  Nouvel  le- Angleterre  :  on  lui  donne  le 
nom  de  cire ,  à  caufe  de  la  confiftance  qu'elle 
prend  :  car  une  chaleur  modérée  ne  la  fait  ni 
mollir ,  ni  fondre  comme  fait  le  fuif.  Ce  n'eft 
proprement  pas  de  la  cire ,  mais  une  matière  hui- 
leufe  épaiiïe ,  qui  prend  confiftance  &  forme  un 
corps  dur  j  ce  en  quoi  elle  eft  différenciée  des 
autres  huiles  qu'on  exprime  de  plufieurs  graines  j 
comme  le  lin,  le  chanvre,  le  navet ,  le  colfat , 
&  autres.  On  purifie  cette  cire ,  en  la  dégageant 
de  fes  parties  les  plus  groffières  par  différentes 
manipulations  ;  ce  qui  lui  ote  fa  couleur  verte 
en  grande  partie  j  mais  il  eft  toujours  très-vifible 
que  c'eft  un  produit  végétal. 

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Quelque  épais  feuillage  qu'on  remarque  aux 
arbres  du  Miflîlîipi,  le  branchage  le  plus  denfe 
cft  toujours  garni  d'une  plante  parafite ,  qu'on 
apperçoit  en  ctc  à  la  chute  des  feuilles.  Cette 
plante  leur  donne  une  étrange  difformité  :  on  les 
croiroit  au  dernier  période  de  leur  décadence. 
On  connoît  cette  production  végétale  fous  le 
nom  de  Barl^e  Efyngnole.  Elle  forme  un  alfem- 
blage  de  filamens  minces ,  de  couleur  cendrée, 
&  fe  fubdivife  en  une  infinité  de  ramifications 
flexibles;  elles  relfemblentà  un  écheveau  de  fil; 
les  brins  couvrent  toutes  les  branches  d'où  ils 
pendent.  On  apperçoit  moins  cette  plante,  quand 
les  arbres  ont  leur  feuillage  &  leur  verdure; 
mais  à  peine  eft-il  tombé ,  que  tous  ces  filamens 
répandent  fur  les  arbres  un  air  trifte,  &  défigu- 
rent même  jufqu  au  tronc.  Cette  plante  s'attache 
à  l'écorce  des  .arbres  ,  <8c  y  végète  j  les  femences 
en  font  emportées  par  le  vent,  &  jettées  fur 
d'autres  arbres  :  c'eft  ainfi  qu'elle  fe  multiplie , 
&  gagne  tous  les  bois.  On  l'emploie  pour  faire 
des  matelas ,  &  autres  chofes  femblables ,  après 
l'avoir  laiflee  fécher  &  l'avoir  battue  :  elle  ell 
alors  dégagée  de  fon  écorce,  &  il  ne  refteqiie 
le  cœur,  qui  eft  d'une  couleur  noire  :  on  ne  la 
reçonnoît  même  plus ,  car  elle  refiemble  dans  cet 
état  à  du  crin  ou  du  poil  frifé ,  tant  en  cou- 
leur qu'en  épaifieurj   &  ceux  qui  ne  l'ont  pas 


SIXIEME.'  14^ 

encore  vue  habituellement ,  s'y  laifTent  tromper. 

Ou  reconnoît  dans  cette  production ,  ik  aucres 
particulières ,  les  jeux  de  la  Nature ,  qui ,  en  dif- 
tribuant  fes  dons  de  la  manière  la  plus  diffé- 
rente &  la  plus  variée ,  fait  rapprocher  les  chofes 
qui  fembleroient  les  plus  éloignées  &:  les  plus 
contradidoires.  L'arbre  qu'on  appelle  Ceibo ,  Se 
qu'on  trouve  en  différentes  parties  des  pays 
chauds  de  l'Amérique ,  imite  par  fon  fruit  la 
laine  des  animaux ,  &  fert  aux^  mêmes  ufages 
en  nombre  de  circonftances.  Le  Fromager  fournie 
une  efpèce  de  foie  très-fine ,  &  des  plus  fuuple. 
VAnanas  reffemble  par  fa  forme  externe  au 
fruit  du  Pin ,  mais  il  en  difîcre  totalement  par 
fa  fubflance.  L'arbre  de  cire  produit  une  matière 
femblable  à  la  cire  des  mouches  j  &  la  Bathe 
Efpaotiok eft  une fubftance  végétale,  qui fe prend 
pour  les  crins  ou  les  poils  des  animaux. 

Dans  le  grand  nombre  des  plantes  communes 
de  ce  climat ,  on  doit  regarder  la  Vipérine 
comme  y  étant  particulière  \  elle  eft  de  la  ciaffe 
des  plus  petites ,  &  fe  trouve  vers  les  hauts  pays 
du  Miiîîfipi;  On  y  connoît  généralement  les 
vertus 


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expofées  les  femmes  après  leurs  couches  :  auflî 
l'emploie- 1- on  avec  fuccès  dans  ces  cas-la.  Elle 
utile  pour  purifier  le  fane,  &  l'a- 


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pas  moins 


pour  pur 


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méliorer ,  &  dans  les  cas  où  le  lait  s'écarte  de  fon- 

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150  Discours 

cours  naturel.  On  s'en  ferc  encore  en  nombre 
d'autres  circonftances  connues  des  Indigènes; 
elle  guérit  rncme  les  maladies  les  plus  dangc- 
reufes  &  ks  plus  rebelles.  11  feroit  bien  avan- 
tageux  que  Ton  tît  dans  chaque  contrée  un  ca- 
talogue des  plantes  qui  y  croilFent ,  &  qu'on  y 
indiquât  la  manière  de  s'çn  fcrvir  j  on  les  feroit 
ainfi  connoître  dans  celles  où  elles  ne  croilfeiu 
pas ,  &  Ton  apprendroit  à  s'en  fervir. 

On  y  trouve  encore  une  autre  plante  plus 
petite ,  &  auilî  utile  que  les  précédentes.  Lorf< 
qu'elle  eft  en  fleur ,  elle  a  la  propriété  de  coa* 
guler  l'eau ,  comme  la  fleur  du  chardon  fait 
cailler  le  laitj  ôc  de  lui  donner  la  même  confif- 
tance  ;  mais  l'eau  dans  cet  état  n'eft  aucuiitmem 
préjudiciable  a  la  fanté.  Cette  plante  eft  for: 
commune  dans  les  campagnes, 

YSAgnil  ou  Indigo,  eft  une  des  plantes  qu'on 
cultive  dans  les  terrcins  de  \^  LouiHane,  de  même 
que  le  tabac ,  la  canne  à  fucre.  L\4g/iii  y  réu/Iît 
mieux  que  le  tabac,  quoique  cet  indigo  n'ai: 
pas  autant  de  qualité  que  celui  de  Cuba  :  il  n'a 
pas  non  plus  ni  la  force ,  ni  l'odeur  de  celui 
d'Efpaniola.  Le  fucre  y  eft  auflî  de  qualité  infé- 
rieure j  vu  l'humidité  du  fol  :  d'ailleurs,  les  cha- 
leurs s'y  font  fentir  trop  fubitementj  c'eft  ce  qui 
çmpèche  le  fuc  de  la  canne  de  prendre  toute  la 
<;*;)nijftanc€  donc  elle  ferçic  fufceptible.  On  y 


SIXIEME.  *r5t 

fcme  la  canne  à  fucre  d'une  année  à  l'autre ,  & 
l'on  n'y  fait  qu'une  récolte ,  parce  que  les  froids 
s'y  font  fcntir ,  lorfqu'elle  eft  parvenue  à  fa  ma- 
turité relative.  11  en  eft  tout  autrement  dans  la 
partie  baiïe  du  Pérou,  appcllée  FtilUs  ^  ou  les 
vallées;  &  dans  les  Q^e^rti^/i/j  de  la  haute  contréct 
En  effet,  depuis  le  moment  qu'on  la  fèmc  dans 
cts  deux  contrées ,  elle  refte  balfe ,  pendant  deux  ou 
trois  ans,  Jufqu'à  ce  qu'elle  arrive  à  fa  maturité, 
tems  où  Ion  fait  la  première  récolte j  ap.  js  quoi 
l'on  en  fait  deux  autres  dans  les  années  conf"?- 
cutives  :  ce  qiie  l'on  recueille  la  troifièmc  année 
s'appelle  foca  ,  &  fert  à  faire  le  nouveau  plant  : 
de-là  vient  que  dans  les  fucrerics ,  (  que   l'on 
appelle  Trapichès  ou  Ingenîos  ,   félon  les  diffé- 
rentes machines  qu'on  emploie  )  on  voit  quatre 
efpèces  de  cannes  que  l'on  plante  en  des  années 
différentes  j  de  forte  qu'on  peut  faire  mie  récolte 
chaque  année,  félon  l'âge  &  la  maturité    des 
cannes.  Ainfî,  les  moulins  font  toujours  occupés, 
&z  Ja  fabrique  du  fucre  ijie  cefle  point.  Le  peu 
de  différence  qu'il  y  a  U  entre  la   r'^mpérature 
de  l'hiver  &  de  l'été,  procure  cet  av.ii:.age  :  car 
l'une  &  l'autre  faifon  fgi);  jï^alement  favorables 
à  la  concrétion  du  fuc. 

Il  n'en  eft  pas  de  mcme  dans  la  Louyfiane  , 
à  la  Havane,  ni  dans  les  autres  parages  où  ces 
deux  faifons  font  très-différentes ,  ni  où  il  reçue 

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1 5 1       Discours     sixième. 
une  chaleur  excelîîvej  car  le  fucre  ne  forme  pa5 
alors  un  corps  concret  avec  perfedionj  &  l'on 
n'occupe  les    moulins,   que  quand   le  tems  fe 
trouve  favorable. 

Quoique  le  tabac  n'y  ait  pas  la  meilleure  qua- 
lité ,  il  n'eft  cependant  pas  mauvais.  On  met  en 
carottes  celui  qui  doit  être  râpé ,  &  on  lailfe  en 
feuilles  le  tabac  à  fumer  :  mais  comme  la  traite 
ncn  eft  pas  confidérable,  on  ne  le  cultive  pas  en 
grande  quantité.  11  eft  cependant  meilleur  quç 
celui  de  la  Virginie  Se  de  la  Nouvelle  Angleterre; 
il  eft  auflî  préférable  à  celui  qu'on  cultive  en 
Hollande,  &  dans  le  Nord  de  l'Allemagne  :  c'eft 
pourquoi ,  fi  on  pouvoir  en  faire  l'exportation 
de  manière  ou  d'autre ,  il  deviendroit  une  des 
branches  confidérables  de  commerce  pour  ce 
pays  ,  comme  l'eft  le  tabac  de  la  Virginie  ,  d\\ 
Bïéfil,  &  d'autres  contrées. 


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DISCOURS   SEPTIEME. 


Des  Anuiiaux  ^  &  de  leurs panîcularués\ 


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Près  avoir  détaillé  ce  qui  concerne  le  plus 
parcrailicrement  les  plantes  ,  il  efl:  naturel  de 
nous  entretenir  des  animaux.  La  matière  nous 
fûiirniroit  un  vafte  champ ,  fi  nous  voulions  en- 
trer dans  tous  les  détails  dont  elle  eft  fufceptible  : 
mais  nous  nous  bornerons  à  la  connoifiTance  de 
ce  qu'il  y  a  de  plus  particulièrement  digne  d'être 
fu,  &  qui  peut  fervir  à  compléter,  à  certain 
point,  ce  que  l'on  ne  doit  pas  ignorer  dans  les 
objets  que  la  Nature  nous  préfente. 

La  curiofité  ne  fe  contente  pas  toujours  de 
fimples  rapports  relatifs  aux  objets  qui  font  au- 
delà  ^Qs  bornes  de  la  vue;  on  veut  encore  en 
favoir  tous  les  détails  particuliers ,  çonnoitre  la 
manière  dont  ils  peuvenrètre  utiles ,  &  les  ufages 
auxquels  l'induftrie  les  applique  dans  le  pays. 
Mieux  on  les  connoît,  plus  on  ell  farisfait  a  ces 
différens  égards ,  &  mieux  on  peut  contempler 
les  opérations  de  la  Nature, 


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154  Discours 

Parmi  les  animaux  parriculiers  à  la  partie  haute 
du  Pérou ,  Ton  peuc  regarder  les  Vigognes  ^  les 
Alpaqucs  &  les  Llamas  y  comme  les  plus  com- 
muns. Ce  fo;it  crois  efpèces  peu  différentes , 
quant  à  la  ftruéfcure  du  corps,  mais'.diftinguées 
par  la  grandeur ,  les  propriétés  ,  la  couleur  &  la 
longueur  de  la  laine.  Nous  avons  donc  des  chofes 
particulières  à  dire  fur  chacun  de  ces  animaux. 

Les  Alpaques  font  femblables  aux  Guunacos 
quant  à  l'efpèce  \  la  plus  grande  différence  con- 
lîfte  dans  la  laine  :  celle  de  ces  derniers  eft  grof- 
fière,  de  couleur  brune ,  &  de  peu  d'ufagej  ce 
qui  ne  fe  peut  dire  de  celle  des  Alpaques,  Ceux- 
ci ,  &  les  Llamas ,  qu'on  appelle  moutons  de  la 
terre  y  ou  carneros  de  la  tierraj  s'apprivoifent , 
ce  à  quoi  l'on  ne  parvient  pas  avec  les  Vigognes, 
Cet  animal-ci  eft  le  plus  petit  &  le  mieux  fait 
de  ces  trois  efpèees.  Outre  fon  caradère  fau- 
vage  ,  il  garde  toujours  fon  penchant  pour  la 
liberté  j  on  en  tient  quelques-uns  dans  les  mai- 
fons ,  par  pure  curiofité  :  comme  c'eft  un  animal 
iimocent ,  on  n'a  rien  de  mal  à  en  craindre  j  mais 
il  ne  s'aifujettit  point ,  comme  les  autres ,  à 
porter  des  fardeaux ,  &  n'oublie  jamais  les  champs 
que  la  Nature  lui  a  départis  pour  courir  fans  au- 
cune ftiiction. 

Cet  animal  va  toujours  par  trpupeaux  ,  plus 
ou  moins  nombreux  j  mais  rarement  on  en  voit 


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SEPTIEME.  I5J 

plus  de  vingt  ou  trente  enfemble.  l\  fe  fixe  or- 
dinairement fur  !«  ■  punasy  ou  cimes  très-hautes, 
déferres  &  froides,  où  croît  Vichu  on  pajonj  qui 
lui  fert  d'aliment.  C'eft  un  animal  rufé ,  qui  ne 
fe  laifTe  pas  approcher  j  il  court  avec  autant ,  ik 
même  plus  de  légèreté  que  les  Chamois  j  s'il  n'eft 
pas  pourfuivi,  il  marche  la  plus  grande  partie 
du  jour  très-tranquillement,  &  ne  fonge  qu'à  fa 
pâture  :  le  fon  de  fa  voix  eft  aigu ,  femblable  à 
un  fifflement ,  &  ne  répond  point  a  la  forme  de 
fon  corps  :  dans  l'état  de  liberté ,  il  réitère  fou- 
vent  fon  fifflement,  qu'on  pr endroit  plutôt  pour, 
celui  d'un  oifeau  que  pour  celui  d'un  quadrupède. 
11  eft  fort  difficilf^  de  le  tirer ,  ou  de  le  fuivre  avec 
des  chiens ,  tant  il  court  avec  légèreté.  Cet  ani- 
mal a  beaucoup  de  noblelTe  dans  fon  port,  fur- 
tout  s'il  eft  en  liberté  j  il  a  toujours  la  tète  levée, 
avec  une  efpèce  de  fierté ,  fur  un  col  qui  forme 
la  lettre  S ,  lors  même  qu'il  court  avec  le  plus 
de  rapidité  j  ^  il  ne  la  dérange  pas.  L'avantage 
qu'on  en  tire  eft  une  laine  très  -  fine  ôc  très- 
molle  j  fi  elle  n'a  voit  pas  le  défaut  d'être  fi  foible, 
on  en  tireroit  encore  plus  d'utilité ,  pour  faire 
des  chapeaux ,  &.  autres  vètemens  j  mais  cette  foi- 
blelTe  lui  ôte  une  partie  de  fa  valeur.  ^ 

Comme  il  eft  difficile  de  le  tirer ,  ou  de  Iç 
chaffer  avec  des  chiens,  on  a  trouvé  un  autre 
moyen  de  le  tuer  :  c'eû  de  faire  des  chacos  j  moc 


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15^  Discours 

qui,  dans  la  langue  des  Indiens  ou  des  Incas^ 
iîgnifie  reunion  j  ou  compagnie  de  plufieurs  per- 
fonnes  raiTemblées  pour  exécuter  quelque  chofe. 
La  Vigogne,  animal  timide  ,  s'effraie  facilement 
au  moindre  bruit  j  c'eft  ce  qu'on  n'ignore  pas  : 
en  conféquence,  on  fait  tourner  une  corde  tout 
le  long  d'une  colline  fermée ,  lailfant  cependant 
un  efpace  libre ,  affez  grand  pour  entrer  fans  fe 
baiflfer  j  on  fixe  cette  corde  à  une  moyenne  hau- 
teur ,  de  forte  qu'elle  touche  le  milieu  du  col 
de  l'animal  lorfqu'il  en  approche  j  on  met  à  de 
petits  intervalles  quelques  guenilles  rouges ,  ou 
de  toute  autre  couleur,  qui  voltigent  au  gré  da 
vent.  Avant  de  former  ce  cercle  ,  on  examine 
bien  le  local  où  l'on  voit  paître  quelques  bandes 
de  CQS  animaux ,  &  on  le  fait  le  plus  près  d'eux 
qu'il  eft  poflible.  Après  ces  préparatifs ,  on  fait 
une  efpèce  de  battue,  &  l'on  y  joint  de  petits 
chiens ,  formés  aux  manèges  nécelfaires  dans  ces 
circonftances.  Ils  pourfuivent  ces  animaux  jufqu'à 
ce  qu'ils  foient  parvenus  à  les  faire  entrer  dans 
le  cercle.  Lorfque  les  Vigognes  fe  voyent  ren- 
fermées, elles  cherchent  à  s'échnpperj  mais  ef- 
frayées par  les  haillons  qu'elles  voyent  s'agiter , 
elles  ne  fa  vent  ni  fauter  par-defTiis  la  corde  ,  ni 
balfier  le  col  pour  palTer  deflous.  Alors  les  chaf- 
fe;irs  entrent  dans  l'enceinte ,  les  tuent ,   &  en 
enlèvent  la  peau  avec  la  laine. 


SEPTIEME.  157 

Ce  font  ordinairement  des  Indiens  ou  des 
Métifs  qui  s'occupent  de  cette  chaflTe;  elle  eft 
fort  pénible ,  parce  qu'elle  ne  peut  fe  taire  que 
fur  des  cimes  glaciales ,  où  il  n'y  a  aucune  ha- 
bitation^ de  forte  que,  ni  près,  ni  à  la  diftance 
de  plusieurs  lieues ,  on  ne  rencontre  ni  maifon  > 
ni  auberge  pour  fe  retirer.  Cette  chalTe  doit 
quelquefois  durer  des  mois  entiers,  fi  on  veut  la 
faire  avec  un  avantage  réel.  La  chair  de  ces  ani- 
maux &  le  maïs  que  ces  gens  portent  avec  eux, 
leur  fervent  de  nourriture.  Si  le  tems  devient 
mauvais ,  qu'il  neige  ou  que  les  vents  foient 
violens ,  ils  s'adoflent  contre  le  flant  de  quelque 
roche  oppofée ,  ou  fe  retirent  à  l'abri  d'une  col- 
line fermée. 

Il  fe  rencontre  auHI  quelques  Alpaques  dans 
les  troupes  de  Vigognes-^  on  en  vpit  même  des 
troupes,  mais  non  en  aufli  grand  nonibre.  Ces 
chafleurs  vendent  les  peaux  garnies  de  leur  laine  j 
car  on  ne  leur  acheteroit  pas  la  laine  féparée  de 
la  peau  ,  à  caufe  de  la  fraude  par  laquelle  on 
mêle  alfez  ordinairement  la  laine  d'Alpaque  avec 
l'autre  :  or,  rien  de  plus  facile ,  puifque  la  cou- 
leur eft  la  même  :  elles  ne  différent  qu'en  ce  que 
celle  è^Alpaque  eft  plus  longue ,  mais  non  auflî 
fine  ni  auflî  molle.  Les  marchands  qui  l'achè- 
tent fur  la  peau  même ,  la  font  tondre ,  &  l'em- 
balent ,  pour  la  faire  pafler  en  Efpagne. 


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i^S  Discours 

L'appât  de  ce  gain  fait  tuer  indiftindtement 
tout  ce  qui  tombe  dans  les  mains  de  ces  chaf- 
ieurs  réunis ,  mâle  ou  femelle  j  de-la  rcfulte  la 
diminution  de  l'efpèce^  mais  rien  ne  force  i 
tuer  les  femelles.  On  pourroit  facilement  tondre 
(belles  qui  fé  trouvent  prifes ,  &  diminuer  le  nom- 
bre des  mâles,  qu'on  n'cpavgneroit  pas.  C'eft 
ùinCi  qu'on  en  ufoit  du  tems  des  Incasj  l'efpiLce 
fe  multiplioit  par  cette  attention  :  on  auroit  cha- 
que fois  beaucoup  plus  de  cette  laine  ,  qui 
coûte  à  préfent  tant  de  fatigues  à  obtenir. 

Les  Alpaques  8c  les  Guanacos  font  la  plus 
grande  à^s  trois  efpcces,  &  n'ont  pas  la  mcme 
beauté  ,  quoiqu'ils  aient  quelque  reflemblance 
avec  la  Vigogne.  Ces  animaux-là  ont  le  cou  long 
et  gros ,  iîon  en  S  comme  celle-ci  j  mais  il  s'c- 
lève  verticalement  fur  les  épaules  :  la  tête  &  la 
haute  partie  du  cou  font  couvertes  d'une  laine  Ion- 
ique &  épaifle  \  ce  qu'on  ne  voit  pas  a  la  Vigognci 
Là  laine  Ul ,  outre  cela ,  aflez  longue  aux  autres 
parties  dii  '  corps ,  fur-tour  aux  épaules  &  au 
ventre;  ces  animaux  fe  laiflTent  appriVoifer  comme 
Tes  Llamas;  l'Alpaque  s'accoutume  même  a  por- 
ter quelque  fardeau  ,  plus  pefant  que  fon  propre 
corps,  ce  que  ne  fait  pas  le  Guanaco, 

L'animal  lé  pliis  iitile  pour  les  Indiens  de  cti 
contrées,  èc  qui  fe  tait  mieux  à  leur  caradère, 
cft  le  Llama.  Ils  s'en  fervent  pour  porter  toutes 


eu  comme 


S    É    P   T  I   B    M   B.  159 

fortes  de  charges ,  non- feulement  dans  les  mines, 
mais  mtnic  pour  trahfporter  tout  ce  qui  fe  pré- 
rente  ,  d'un  endroit  à  l'autre,  La  confidération 
qu'ils  ont  pour  cet  animal  palTe  toutes  les  bornes 
dti  ia  railun ,  &c  découvre  bien  leur  ignorance* 
Ils  ont  pour  tous  les  animaux  domeftiques , 
mais  lur-tout  pour  leurs  Llamas ,  un  genre  d'af- 
fedion  qui  ne  fe  voit  chez  aucunpeuple  de 
la  terre  j  toutes  leurs  démonftrations  extérieures 
le  manifeftent  allez. 

Avant  de  le  mettre  au  fervice,  ils  font  une 
efpèce  de  fête,  telle  qu'ils  en  pourroient  faire 
pour  un  nouveau  compagnon.  Ils  le  font  entrer 
dans  l'enceinte  où  efl:  leur  cabane j  ils  le  parent, 
lui  mettent  nombre  de  bandes  de  foie  ou  de 
laine ,  &  des  houpes  à  la  tête  :  ils  fo'nt  Une  provi- 
fion  de  chica,  d'eau- de- vie  &  dé 'thaïs  rôti, 
invitent  les  Indiens  qui  leur  font  âhiis.  Tous  ar- 
rivent avec  leurs  fdimmes,  leUrs  ènfans,  dans  la 
cour  fermée  où  eft  l'animal.  Ils  battent  de  leurs 
tambourins ,  joU^nt  dé  leurs  flûtes  :  la  danfe  com- 
mence, ôc  dure  deux  jours ,  allant  fon  train,  par 
intervalles,  là  nuit  comme  le  jour  j  ils  l'inter- 
rompent quand  ils  font  fatigués.  Dè^ qu'ils  ont 
repris  haleine ,  oU  que  la  vapeur  des  bôi^fTons  leur 
monte  à  la  tête,  ils  reviennent  a  tous  les  plai- 
firs.  De  tems  en  tems  ils  fê  rendent  auprès  de 
l'animal ,  qui ,  pour  l'ordinaire ,  fé  trouve  retiré 


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160  Discours 

dans  un  coin  de  la  cour ,  l'embrafTent ,  lui  font 
mille  Garelfes, &  lui  préfentcnt  leurs Totumas ,  ou 
calebafles  de  chica  &  d'eau-de-vie.  Quoiqu'il  n'en 
boive  pas,  ils  lui  mettent  cela  fous  le  nez,  k 
font  contens  quand  ils  ont  fait  cette  démonftra- 
lionj  ils  lui  parlent  en  leur  langue,  lui  din\nt  ce 
qu'ils  peuvent  de  plus  amical,  comme  s'ils  pm-* 
loient  aune  perfonne  avec  laquelle  ils  entreroicnt 
dans  une  forte  de  liaifon.  Après  cette  fcte,  qr,i 
cft  comme  une  déclaration  d'amitié ,  ils  com- 
mencent à  s'en  fervir ,  mais  fans  lui  ôter  la  pa- 
rure &  les  ornemens  qu'ils  lui  ont  mis. 

Avant  de  l'avoir  mis  au  fervice ,  ils  l'ont  en 
général  traité  avec  tant  de  modération,  que  ja- 
mais f  ou  liirement  )  par  la  fuite  ils  ne  le  traitent 
durement  en  route  j  au  contraire,  ils  s'afllijettii^ 
fent  abfojument  a  fa  marche^  &  fe  fervent  d'i»n 
fîfflet  pour  le  guider.  Cet  animal  fe  fa,it,  aifc- 
ment  à  la  charge,  quoiqu'il  sqw  trouve ,  qiiol- 
ques-uns  qui  s'y  refufentj  mais  cette  réfiftance 
lie  manifeftc  jamai^  aucune  iiKlination  de  fiire 
du  mal  :  l'animal  fe  refufe  feulement  à  porter  le 
fardeau  dont  on  veut  le  charger.  Il  ne  mange 
que  l'herbe  qu'il  trouve  dans  les  champs  j  il  peut 
paflTer  deux  jours  fans  manger,  &  même  plus, 
quand  il  ne  travaille  pas. 

S'il  arrive  qu'il  fe  fente  fatigué ,  &  fe  couche 
à  terre  ,  foir  parce  qu'il  a  fait  tiop  de  chemin, 

foit 


septième:  i€t 

folt  faute  d'aliment ,  ou  parce  qu'on  Ta  furchargé  > 
jamais  il  ne  fe  relève,  Se  toutes  les  tentatives 
dQS  Indiens  ont  jufqu'ici  été  inutiles  ^  ils  n'ont 
pu  le  remettre  fur  pied>  de  forte  qu'il  meurt  où 
il  s'eft  ainfi  couché»  Cette  particularité  fi  éton- 
nante, fur-tout  dans  un  animal  apprivoifé  avec 
tant  de  familiarité,  &  qui  ne  mange  que  de  l'herbe 
qu'il  broute ,  ne  fe  voit  dans  aucun  autre  animal. 
Les  Llamas  vont  jour  &  nuit,  broutant  l'herbe 
qui  leur  convient  le  long  des  chemins  qu'ils 
fuivent  :  néanmoins ,  on  les  laiflTe  repofer  plu- 
fieurs  heures.  Quand  ils  ont  pris  aifez  d'aliment  > 
ils  fe  couchent  &  ruminent,  reprennent  de  nou- 
velles forces ,  levant  toujours  verticalement  le 
col  8c  la  tète.  Leur  manière  de  fe  coucher  eft 
dlfFérente  de  celle  de  tous  les  autres  animaux  :  d'a- 
bord ils  s'agenouillent,  enfuite  courbent  de  chaque 
côté  les  jambes  de  derrière  fous  le  Ventre*  Dans 
cette  pofition ,  le  corps  conferve  une  direélioti 
;  très- droite ,  dont  l'épine  du  dos  fait  exademeni 
le  milieu ,  comm«  fî  l'animal  étoit  levé ,  &  l'on 
jne  voit  plus  ni_ jambe  de  devant  ni  de  derrière^ 
le  corps  les  cache  totalement. 

Quand  ils  commencent  à  fe  fatiguer,  ou  qu'ils 

Ife  fâchent,  ils  jettent  un  cri  aigUj  différent  de 

celui  des  Vigognes  j  c'eftune  efpèce  de  ton  pJain- 

Itif ,  mais  il  eft  différent  lorfque  l'animal  eft  fa- 

jtigué  ou  irrité.  Il  a  toujours  la  tète  en  mouvement 

Tome  /♦  L 


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i(>i  Discours 

quand  il  marche ,  éc  fans  ccre  fatigué  ;  il  regarde 
avec  une  erpèce  de  fierté  de  l'un  6c  de  l'autre 
côté  du  chemin ,  comme  pour  contempler  la 
campagne.  Sa  laine  eft  grodîère  en  comparai- 
fon  de  celle  des  Vigognes  Se  des  Alpaques;  on 
l'applique  à  des  ufages  pour  lefquels  il  ne  faut 
pas  de  laine  fine.  Il  y  a  quelque  variété  dans  la 
couleur  :  on  en  voit  de  tachetée  de  blanc  ëc  d'un 
brun  canelle ,  ou  de  blanche  ôc  noire ,  comme 
celle  des  Guariûcos  ;  mais  la  plus  ordinaire  eil 
celle  de  la  couleur  canelle ,  quoique  moins  vive 
que  celle  de  la  Vigogne. 

On  ne  voit  plus  à  préfent  de  Llamas  fauvages; 
les  troupeaux  qu'on  en  rencontre  fur  les  mon- 
tagnes font  domeiliques  \  les  propriétaires  les  y 
tiennent  pour  les  laifTer  fe  reproduire  en  liberté, 
dans  des  climats  &  des  pâturages  qui  leur  font 
propres  \  ainli,  ils  ne  deviennent  jamais  farouches  i 
comme  les  Vigognes ,  quoiqu^'ils  ne  foient  ni  j 
enfermés ,  ni  même  gênés  d'aucune  manière. 

Comme  les  plantes  ont  chacune  leur  fol  pai* 
tîculier  pour  végéter  j  fans  fe  propager  auffi  gé- 
néralement dans  un  endroit  que  dans  l'amire,  del 
même  les  animaux  ont  les  lieux  de  leurs  habita» 
tiens  affignés  par"  la  Nature,  pour  y  reproduire 
'  &  maintenir  leur  efpèce,  &  ne  paffent  point 
dans  des  terreins  différensde  ceux-là.  Les  Llamas 
font  des  animaux  également  communs  dans  I0I 


8    1    P    T   I    1    M   i;  l6f 

royaume  de  Quito:  les  V'igogncii  au  contraiic  ne 
fe  trouvent  que  dans  celui  du  P;'rija,  <^uoique 
ces  deux  royaumes  ne  ioienc  ([u'uii  tncnie  con- 
tinent ,  Ik  où  le  cliniac  cit  le  inèmc  ,  quant  à  la 
fubiilitc  de  l'air  ik  aux  pâturages.  En  tfl'et ,  on 
voit  dans  Tan  cc  l'autre  royaurne  des  cimes  très- 
élevées,  ou  punas ^  fur  lefq utiles  règ'jt  un  froid 
auili  vif;  1  ichu  y  efl:  aulu  cominiui  j  l'air  y  a  la 
même  qualité,  aurant  qu'on  j»eui  en  juger  par 
les  ftiifations  :  ainiî  iî  y  a  l'eu  àe  croire  qu'il 
doit  fe  trouver  quelque  caufc  particulière,  quoi- 
qu'infenlible  poumons,  qui  diftingne  les  Punas^ 
la  partie  haute  de  cette  contrée-là  fous  l'Equateur, 
&  les  terreins  qui  l'avoifinent ,  de  l'autre  qui  en 
eft  plus  éloignée  j  de  forte  que  ce  doit  ccie  la 
véritable  raifon  pour  laquelle  les  animaux  par- 
ticuliers à  Tune ,  ne  peuvent  vivre  dans  l'autre. 

Cela  vient  peut  être  du  principe  qui  occa- 
fionne  fur  les  Punas  du  Pérou  ces  naufées  &  ces 
vomiiTemens  qu'on  n'éprouve  pas  fur  celles  du 
royaume  de  Quito  :  ainfi  il  y  auroit  entre  ces 
deux  climats  une  différence  ellentielle,  nonobf- 
tant  la  parité  que  femblent  y  établir  le  même  degré 
de  fubtilité  dans  l'air ,  le  froid  ôc  les  plantes. 

Mais  on  voit  le  contraire  par  l'efpèce  des  la- 
pins fauvages;  il  y  en  a  en  quantité  dans  le 
royaume  de  Quito ,  &  de  la  même  efpèce  que 
ceux  d'Europe,  dans  tous  les  rapports  poffibles. 


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tels  que  la  grandeur,  la  forme,  la  couleur  ôc  le 
goCic.  Il  n'y  en  a  pas  un  dans  le  Pérou ,  lî  l'on 
excepte  cette  erpcce  de  lapins  prives,  très  diffc- 
rens  des  premiers.  On  n'en  voit  même  que  dans 
quelques  maifons ,  où  l'on  en  nourrit  par  pure 
curiofité.  En  dédommagement  de  cette  efpèce  de 
lapins  qui  manquent  au  Pérou  ,  l'on  y  trouve 
d'autres  animaux  que  l'on  appelle  f^ifcachas  j  & 
qu'on  chercheroit  en  vain  dans  le  royaume  de 
Quito  :  ils  ont  la  même  figure  Se  le  poil  de  la 
même  couleur  que  les  lapins  :  ce  qui  les  en  dif- 
tingue  efl:  leur  queue  longue,  très- garnie  de  poil 
touffu  ,  comme  celle  des  écureuils ,  mais  feule- 
ment à  fon  extrémité  \  car  le  poil  cft  clair-femé 
à  l'origine  de  cette  queue.  Cet  animal  ne  la 
porte  pas  recourbée  vers  la  tête ,  comme  l'écureuil, 
mais  rendue  horilbntalement  ;  les  articulations 
^n  font  minces  &  cartilagineufe::. 

Cet  .inimal  fe  cache ^ans  les  trous  des  rochers, 
&  y  a  fon  terrier,  au  lieu  de  le  faire  en  terre 
comme  le  lapin.  Il  s'en  réunit  un  grand  nom- 
bre :  la  plupart  du  tems  on  \qs  voit  aflîs  fans 
manger  •,  ils  fe  nourrilfent  d'herbes  &  d'arbuftej 
qui  croiflent  fur  ces  roches;  ils  font  fort  vifs: 
s'ils  fe  fauvent ,  ce  n'eft  pas  pour  courir ,  & 
éviter  ainfi  le  danger,  mais  pour  chercher  uii 
trou  où  ils  puilfent  fe  jetter;  ils  s'y  retirent  mcme 
lorfqu'ils  font  blelfcs  ;  c'eft  pourquoi  il  faut  kî 


SEPTIEME.  1^5 

tirer  à  la  tcte  fi  on  veut  les  avoir j  car,  en  qucl- 
qu'aiitre  endroit  qu'on  les  bleflTe  ,  ils  fe  traînent, 
^  vont  mourir  dans  le  fond  de  leur  terrier,  s'ils 
en  ont  encore  la  force.  Cet  animal  a  ceci  de  par- 
ticulier, que,  des  qu'il  eft  mort ,  fon  poil  tombe 
delà  peau  :  ainfi  fa  peau  ne  peut  fcrvir  à  nombre 
de  befoins  ordinaires ,  comme  celle  du  lapin , 
quoiqu'elle  foit  plus  molle,  un  peu  plus  longue 
6c  plus  fine.  La  chair  en  eft  blanche,  mais  non 
de  bon  goût,  ou  plutôt  d'une  faveur  dcfagréablej 
en  certains  tems  même ,  elle  ne  peut  fe  manger. 
La  race  du  Lapin  eft  une  de  celles  qui  font 
.es  plus  répandues  fur  la  terre  j  il  eft  rare  qu'on 
n'en  rencontre  pas   dans   un  pays   quelconque. 
On  en  voie  dans  la  Louyfiaiie  de  la  même  ef- 
pèce  qu'en  Europe,  mais  un  peu  plus   grands , 
tenant  le  milieu  entre  le  Lièvre  de  le  Lapin  j  ils 
n'y  font  pas  de  terriers ,  mais  ils  cherchent  de 
vieux  arbres  dont  le  cœur  foit  pourri  :  s'ils  y 
trouvent  un  creux,  ils  s'y  logent',  en  grimpant 
auffî  haut  qu'il  leur  eft  poflible  de  monter  ;  c'eft 
pourquoi  la  manière  de  les  prendre  eft  de   les 
enfumer  par  le  bas  de  l'arbre,  en  bouchant  route 
ilTue  :  ils  tombent  alors  fuffoqués,  ne  pouvant  plus 
s'accrocher  à  rien.  Les  chiens  avec  lefquels  on  les 
chalTe,  s'arrêtent  aux  arbres  ou  ces  animaux  fe 
retirent.  On  peut  conclure  de  ces   détails  que 


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rinftiiiâ:  de  faire  des  terriers  n'eft  pas  général 
dans  les  Lapins  de  tous  les  pays  ,  &  que  cela 
varie  félon  les  circonftances. 

Il  fe  tiouve  dans  les  vafles  forêts  de  la  Louy- 
iïane  une  grande  quantité  d'arbres  très-vieux  & 
creux  ;  cet  animal  en  profite  pour  y  faire  fa  de- 
meure, &  éviter  ainfi  Thumidité  du  fol  &  les 
inondations  qui  y  font  ordinaires  ,  dans  des 
plaines  fi  étendues  &  fi  balfes,  proportionnément 
a  la  hauteur  des  rivières. 

Il  n'y  a  dans  la  partie  haute  de  l'Amérique 
méridionale  que  très -peu  d'efpèces  d'animaux 
fauvagesj  mais  on  ne  trouve  pas  les  mêmes,  que 
celles  qui  y  font,  dans  les  autres  parties  du  Monde* 
On  ne  voit  pas  de  Llamas ,  de  Vigognes ,  d'Al- 
paques  dans  la  Louyfiane ,  ni  dans  toute  l'éten- 
due des  royaumes  de  la  Nouvelle-Efpagne  ,  ni 
hors  de  l'Amérique  y  mais  on  ne  trouve  pas  de 
Ciboroy  de  Marte  ^  de  Cajlor  ^  ni  autres  animaux 
à  poil  fin  dans  le  Pérou.  Il  y  a  dans  les  deux 
pays  des  Lapins,  des  Poules- d'Inde  fauvages, 
des  Chevreuils,  des  Chamois,  des  Ours  :  ainfi 
l'on  voit  des  animaux  communs  à  toutes  les  con- 
trées ,  malgré  certaines  différences  qui  réfuirent 
du  climat ,  tandis  que  d'autres  font  particuliers  à 
chaque  contrée ,  &  fans  qu'on  ait  aucune  preuve 
fuffifante  qui  puiffe  convaincre  que  les  races  qui 


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manquent  daiis  un  pays  s'y  foienc  éteintes  par  le 
laps  du  tems ,  le  climat  ayant  toutes  les  pro~ 
priétés  néceHaires  à  leur  entretien. 

Le  Ciboro  eft  un  animal  particulier  à  la  Louy- 
/iane  &  aux  parties  feptentrionales  de  la  Nou- 
velle-Efpagne  :  on  l'appelle  communément  Bœuf 
fauvage.  Quant  à  fa  Hgure ,  fa  grandeur  &  à  la 
faveur  de  fa  chair,  il  reiïemble  au  taureau  ou 
aubœuf  domeftiquej  il  n'en  diffère  qu'en  ce  qu'il 
a  une  laine  fine,  frifée,  au  lieu  de  poil  :on  fait 
un  grand  ufage  de  fa  chair  :  on  la  fale  y  car  on 
ne  peut  la  tranfporter  autrement ,  vu  qu'il  faut 
aller  très-loin  pour  le  prendre  à  la  chafTe. 

On  voit  nombre  de  troupeaux  de  bœufs  fau- 
vages  dans  les  contrées  de  Bucnos-jiyres  j  dont 
les  vaftes  plaines  font  abondantes  en  pâturages. 
Ces  animaux  n'ont  d'autres  propriétaires  que 
celui  qui  en  tue,  pour  f^  les  approprier;  mais 
ils  font  de  la  même  efpèce  que  ceux  d'Europe  : 
on  n'y  voit  au  contraire  aucun  Ciboro,  mais  fî 
ces  animaux-ci  y  manquent,  on  ne  peut  l'attri- 
buer à  la  qualité  vicieufe  des  pâturages  ou  de 
l'air,  puifque  les  bœufs  de  l'autre  efpèce  s*y 
maintiennent  en  ii  grand  nombre  depuis  la  con- 
quête. Les  Ciboros  devroient  donc  s'y  trouver 
auiïî ,  comme  dans  les  contrées  feptentrionales. 
Il  faut  admirer  en  ceci ,  comme  en  d'autres 
chofçs ,  la  fage  économie  de  l'Etre  fi^rème,  q';i 

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n'a  pas  voulu  que  les  mêmes  produdions  fuflem 
communes  dans  toutes  les  parties  de  la  terre,  afin 
que  chaque  pays  eût  ,  dans  celles  qui  lui  font 
particulières ,  une  richeflTe  qui  lui  fut  propre  ^  de 
forte  que  cette  variété  fût  pour  toutes  les  parties 
de  la  terre  un  attrait  qui  fît  rechercher  par  l'une 
ce  que  l'autre  pouvoir  lui  communiquer,  ôc  qui 
étendît  ainfi  les  rapports  de  la  fociété ,  en  confé- 
quence  des  befoins  réciproques. 

L'Ours  eft  un  des  animaux  communs  par-tout; 
on  le  trouve  fur  les  hautes  cimes  du  Pérou ,  dans 
l'Amérique  feptentrionale ,  &  en  nombre  d'autres 
contrées  des  anciens  continens.  Mais  l'efpèce  en 
eft  beaucoup  plus  nombreufe  dans  la  Louyfiane 
qu'ailleurs  On  en  tue  en  très-grand  nombre,  & 
l'huile  qu'on  tire  de  fa  graifTe  fert  à  préparer  le 
manger  j  on  tire  auflî  parti  de  fa  chair ,  fur-tout 
de  [qs  cuifles  &  de  fes  épaules,  &  l'on  en  fait 
des  jambons  comme  du  porc, 

L'Ecureil  n'eft  pas  rare  dans  ces  forêts  :  on  le 
trouve  dans  les  montagnes  de  l'Amérique,  Ôc 
même  dans  la  plupart  des  contrées  de  ce  conti- 
nent. 11  y  en  a  d'une  efpèce  noire  dans  la 
I-o.tTfiane,  mais  de  même  grolfeur  que  l'efpèce 
ordin'.ui'e.  Celle-ci  fe  voit  dans  les  hauts  pays  du 
Miiiilipi ,  &  n'eft  pas  fort  commune.  Les  plus 
remarquables  fotit  ks  voltigeurs  :  ils  s'élancent  & 
Yolçnt  à  la  diftance  de  vingt  varas^  fe  fervant; 


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SEPTIEME.  1^9 

pour  cet  effer,  de  deux  membranes  qui  naiflent 
aux  deux  côtés  de  le'ir  bas-ventre ,  &:  qui  s'unif- 
fent  aux  pattes  de  derrière  &  de  devant  :  quand 
ils  veulent  s'élancer  ,  ils  tendent  ces  deux  mem- 
branes ,  &  paiïentd'un  arbre  à  l'autre,  mcfurant 
il  bien  la  diftance  à  laquelle  ils  peuvent  fe  fou- 
tenir,  qu'ils  ne  tombent  jamais  entre  les  deux 
limites.  Ils  font  un  peu  plus  petits  que  refpèce 
ordinaire  :  du  refte  ,  ils  lui  reflemblent  par  la 
touffe  poilue  que  forme  la  queue,  par  la  forme 
de  la  tcte  ôc  du  corps ,  ôc  par  cette  extrême  a^'.^ 
lire  qui  les  tient,  pour-ainfi-dire  ,  touj  jurs  en 
mouvement. 

On  ne  voit  ni  infedtes,  ni  animal  venimeux 
dans  la  partie  baffe  de  l'Amérique,  connue  fous  le 
nom  de  Vallès  ou  Vallées^  ni  dans  la  partie  haute. 
Les  chaleurs  de  l'été  font  modérées  dans  la  pre- 
mière,  &  il  ny  pleut  pas.  Dans  la  féconde,  au 
contraire,  on  éprouve  un  froid  plus  ou  moins 
fenfible,  &  il  y  pleut  beaucoup.  Mais  tr  cer- 
taines provinces  intermédiaires,  où  Ion  n,  fenc 
point  de  très-grandes  chaleurs  ,  de  où  il  ne  pleut 
pas,  comme  dans  la  partie  haute  ,  il  ;  a  nombre 
de  reptiles  venimeux,  fur-rout  des  vipères;  le  ve- 
nin en  eft  fî  aâiif  qu'il  caufe  une  mort  infaillible, 
comme  en  Europe.  C'eft  ce  qu'on  a  lieu  d'ob-- 
ferver  dans  les  vallées  &  dans  les  gorges  qui 
font  aux  pieds  de  la  chaîne  de  montagnes ,  fa  voir 


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1^6  Discours 

entre  cette  chaîne  &  les  bas  pays  qui  s*étendeiu 
vers  la  mer.  On  rencontre  beaucoup  de  vipères 
à  34  lieues  de  Lima,  i,  la  partie  du  Sud  &  de 
l'Eft ,  où  font  les  vallées  de  Las  CapUlas^  de 
Huaquinaj  Huancaconachi  j  ôc  du  Topara;  ces 
vallées  correfpondent  les  unes  aux  autres  :  mais 
fi  l'on  monte  cette  chaîne  de  montagnes ,  ou  fi  Ton 
tourne  vers  le  pUt  pays ,  on  n'en  voit  plus.  Il  n'en 
eft  pas  de  même  dans  la  vallée  de  Luna^Guana, 
dont  la  pofîtion  eft  la  même  que  celle  des  précé- 
dentes ,  au  pied  de  la  chaîne  des  monts ,  &  diftante 
d'environ  1 1  lieues  :  on  n'y  trouve  point  de  tels 
reptiles  :  d'où  l'on  peut  conclure  qu'il  y  a  dans  cer- 
tains terreins  des  qualités  particulières  qui  don- 
nent lieu  a  la  propagation  de  ces  animaux.,  tandis 
que  d'autres  font  contraires  à  leur  exiftence. 

Mais  quelle  eft  cette  qualité  du  fol  dans  les 
pays  qui  ne  font  pas  montagneux  &  humides? 
comme  ceux  de  Guayaquil,  Panama,  Cartha- 
gènej  c'eft  ce  qu'on  ne  peut  déterminer  au  jufte. 
Cependant  il  y  a  lieu  de  préfumer  que ,  s'il  fe 
trouve  des  vipères,  &:  autres  reptiles  venimeux 
dans  certains  pays ,  cela  vient  de  ce  que  le  fol 
eft  un  peu  pierreux ,  &  non  un  fable  pur ,  tel 
qu'eft  celui  des  vallées  en  général. 

La  Nature  montre  par-tout  fes  merveilles  dans 
la  variété  étonnante  avec  laquelle  elle  a  diftribué 
ôc  placé  toutes  les  chofes ,  fans  nous  laiiTer  ap- 


SEPTIEME.  171 

percevoir  les  règles  de  fa  fage  économie.  On 
voit  nombre  de  couleuvres  dans  Tille  de  Cuba  , 
&  dont  la  morfure  ne  caufe  point  de  grand  dan- 
ger, comme  il  en  réfulte  de  celle  des  couleuvres 
des  autres  climats  chauds  &  pluvieux  de  l'Amé- 
rique j  mais  on  n'y  voit  ni  Coraies  ^  ni  Cafca-^ 
helès  y  quoiqu'on  en  trouve  beaucoup  près  de 
Carthagène ,  en  Terre-ferme  ^  dans  la  Louyfiane  , 
où  même  ces  reptiles  font  d'une  grandeur  ef- 
frayante. Outre  ces  deux  efpèces ,  il  y  en  a  en- 
core ici  nombre  d'autres..  Les  plus  ordinaires  font 
de  couleur  noire  :  or ,  on  en  rencontre  rarement 
qui  ne  foient  pas  venimeufes,  &  extrêmement 
dangereufes.  Ces  reptiles  difparoifTent  pendant  les 
froids  de  l'hiver.  L'opinion  la  plus  probable  eft 
qu'ils  dorment  enterrés  dans  la  fange,  &  que 
quand  la  chaleur  fe  fait  fentir ,  ils  fortent  de 
ces  bourbiers  j  le  nombre  en  eft  même  alors  (î 
confidcrable ,  qu'il  eft  fort  dangereux  de  marcher 
où  il  y  a  des  herbes. 

Je  ne  vois  pas  qu'on  foit  fuififamment  fondé 
à  dire  r|ii  il  n'y  a  pas  d'animaux  venimeux  dans 
Cuba  &  dans  les  autres  Ifles  voifînes ,  parce  que 
ce  font  des  Ifles  j  car  cela  feul  n'empècheroit  pas 
qu'ils  ne  s'y  fulTent  propagés ,  comme  les  autres 
animaux  qui  ne  le  font  pas.  En  effet ,  on  y 
trouve  ce  ferpent  appelle  BoBa,  d'une  grandeur 
extraordinaire,  &  analogue  à  celui  qui  fe  voit 


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172  Discours 

près  de  l'Orénoque  ,  du  Maragnon  ,  &  antres 
fleuves  de  l'Amérique.  On  ne  connoîc  pas  datù 
la  Louyfîane  cet  infedte ,  fi  commun  en  Améri- 
que ,  appelle  Nigua  ou  Pique  ^  6c  qui  caufe  tant 
d'incommodité  dans  l'Ifle  de  Cuba ,  où  il  y  a  même 
le  plus  grand  danger  à  fe  mouiller  je  pied  après 
en  avoir  tiré  l'infedte  :  maison  le  trouve  dans  la 
province  de  Quito ,  dont  l'air  efl:  fi  pur ,  qu'il 
ne  foufFre  aucun  animal  venimeux ,  ni  d'infedles 
incommodes. 

La  partie  haute  du  Pérou  n'eft  pas  non  plus 
expofée  à  cet  inconvénient  :  s'il  irrive  nicme  que 
quelques-uns  de  ces  infedtes  y  foient  tranfporccs 
fans  qu'on  s*en  apptrçoive ,  ils  y  meurent  aulli  tôt; 
Se  la  Nature  les  fait  fortir  elle-même  des  chairs 
où  ils  fe  font  logés ,  fans  employer  oucun  moyeu 
étranger.  Il  feioit  poflîble  qu'il  y  en  eût  dans  le 
Quebradas  j  où  la  température  efl:  chaude*,  mais 
fi  on  les  tranfporte  avec  foi  fur  les  hauteurs,  ils 
y  périfTent.  Les  grands  froids  qu'il  fait  dans  la 
Louyliane  pendant  l'hiver,  font  peut  être  caufe 
que  le  Nigua  n'y  peut  fubfifter,  quoiqu'il  y  en 
ait  un  autre  aulîî  grand,  ou  même  plus  petit, 
mais  non  moins  incommode. 

A  niefure  que  les  herbes  de  cette  contrée  s'c- 
lèvent  ôc  fe  multiplient,  il  s'y  multiplie  aiifiî  un 
infede  des  plus  incommodes.  Il  fuffit  de  marcher 
deffus  pour  qu'il  s'attache  dux  pieds  j  on  l'appelle 


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SEPTIEME."  175' 

Bcte'rouge.  Cet  infedle  eft  fi  petit ,  qu'il  faut  la 
vue  la  plus  aiguë  pour  l'appercevoir,  A  l'aide 
du  microfcope,  on  le  trouve  de  la  forme  d'un 
crabe,  ôc  rouge j  il  s'introduit  fous  l'épiderme, 
ôc  y  caufe  une  fenfation  fi  brûlante,  qu'on  croi- 
roic  que  c'eft  ie  feu  même  :  Ci  par  hafard  on  pé- 
nètre dans  cet  endroit,  il  eft  impoflible  de  l'en 
tirer ,  parce  qu'alors  il  s'enfonce  dans  la  peau 
même.  Comme  on  fait  cela ,  on  fouffre  patiem- 
ment, &  on  le  tire  avec  la  pointe  d'une  aiguille: 
dès  qu'il  eft  dehors ,  la  chaleur  cefTe.  Cette  pi- 
quure  occafionne  des  ampoules  qui  fe  remplif- 
fent  d'eau  j  il  s'y  forme  une  matière  féreufe , 
comme  dans  les  brûlures  ou  dans  les  cautères , 
ce  qui  prouve  l'activité  de  la  piqûre.  Il  paroîc 
prefque  impolTible  qu'un  infede  auiîî  petit  que  la 
pointe  d'une  aiguille ,  caufe  un  mal  fi  fenfible  : 
il  s'introduit  non-feulement  dans  les  pieds,  mais 
encore  par- tout  le  corps.  Le  moyen  d'adoucir  la 
douleur  eft  d'hume(5ler  la  partie  piquée  avec  du, 
vinaigre  j  en  réitérant  cela,  il  meurt,  mais  ce 
n'eft  qu'au  bout  de  quelques  jours. 

Ce  pays  eft  un  de  ceux  où  l'on  eft  le  plus  ex- 
pofc  à  des  infedtes  incommodes.  Les  cantharides, 
ks  poux  de  bois,  s'y  rencontrent  communément, 
Se  il  eft  difficile  d'entrer  dans  les  forêts  fans  en 
être  affailli  ôc  couvert.  Ces  poux  de  bois  iiy  font 
pas   aulli  grar-ds  que  ciux  qu*on  connoît  ail- 


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174  Discours 

leurs  :  ils  font  gros  comme  le  quart  d'un  graiti 
de  bled ,  mais  les  effets  n'en  font  pas  moindres 
que  ceux  des  prccédens.  Avant  de  les  arracher  de 
la  peau ,  il  faut  oindre  la  partie  avec  de  l'huile 
&  du  fiiif,  ou  autre  corps  gras,  pour  leur  faire 
lâcher  prife ,  autrement  ils  fe  rompent  à  leur  col, 
6c  la  tcce  qui  refte  dans  la  peau ,  caufe  autant  de 
mal  que  fi  l'animal  y  étoit  entier  :  cette  tête  y 
refte  mcme  plufieurs  jours,  &  ne  fort  qu'après 
avoir  perdu  fa  force  par  la  continuation  des 
chofes  ondtneufes  qu'on  y  applique.  On  fent  de 
tems  en  tems  cette  tête  mordre,  d'où  l'on  peut 
conclure  qu'elle  n'cft  pas  encore  morte,  &  qu'elle 
n'a  pas  mênje  encore  perdu  fon  adivité  :  ce  qui 
s'obferve  aitlî  au  polype  d'eau. 

Parmi  les  divers  infedes  que  l'on  trouve  en 
grand  noinbre  dans  la  Louyfiane  ,  il  y  des  Mof- 
cuites  de  différentes  efpèces,  &  aufli  incommo- 
des qu'on  puifle  en  rencontrer  le  long  des  ri- 
vières ,  &  dans  les  climats  les  plus  chauds  &  les 
plus  humides  :  il  eft  prefque  impolîible  de  fe 
garantir  en  aucun  endroit  de  leurs  piqûres  dou- 
loureufes.  Outres  les  infeétes  ordinaires,  tels  que 
les  Mofquites  ou  Zancudos  ^  8c  les  Gegenèsj  on 
en  voit  encore  d'autres ,  comme  les  Frappe-d'a- 
bord  y  les  Demoifdles  ^  les  Mofconhy  ou  Taons  y 
dont  la  piqûre  ne  caufe  point  d'ardeur,  mais 
fait  forcir  le  fang.  Ils  font  innombrables  tant  en 


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SEPTIEME.  t/f 

efpèce  qu'en  quantité ,  ^'eft  ce  qui  rend  le  mof- 
quitero  de  linge,  ou  garde-mouche j  d'un  ufage 
indirpenfable.  En  général ,  on  porte  de  longs 
caleçons  qui  couvrent  toute  la  jambe  &  le  pied, 
mais  la  face  &  les  mains  ne  peuvent  en  être  ga- 
ranties ,  &  s'enflent  par  l'effet  du  venin  qiu  s'eft 
introduit  dans  les  piqûres  :  on  en  eft  particuliè- 
rement incommodé  en  voguant  fur  les  rivières  ; 
or,  c'ed  la  manière  la  plus  ordinaire  de  pafFer 
par  ces  contrées. 

L'humidité  exceflîve  de  ce  pays,  les  marécages 
&  les  Lagunes  qui  fe  forment  dans  la  plaine , 
la  grande  chaleur  de  l'été ,  font  des  caufes  bien 
fufïifantes  pour  produire  la  quantité  csnfidérable 
de  crapauds  qu'on  y  voit.  Portobelo ,  où  ils  font 
Çi  communs,  n'eft  cependant  pas  comparable,  à 
cet  égard ,  à  la  Louyfiane.  Il  y  en  a  d'efpèce  Ôc 
de  groflTeur  différentes  :  on  en  voit  dont  le  corps 
feul,  fans  y  comprendre  les  cui/fes,  a,  de  diamè- 
tre, plus  du  tiers  d'un  vara,  & ,  de  longueur,  les 
trois  quarts.  Le  bruit  qu'ils  font  égale  le  mu- 
giflTement  d'une  géniffe  d'un  an ,  tant  il  eft 
raiique  &  fort.  Comme  cqs  animaux  fe  tiennent 
continuellement  dans  l'eau,  le  vulgaire  les  prend 
pour  des  grenouilles ,  mais  leur  coulçur  qui  eft 
d'un  verd  obfcur,  &  la  rondeur  de  leur  corps, 
prouvent  le  contraire.  Quand  ils  crient  en  grand 
nombre ,  ils  furpalfent  la  voix  des  autres  efpèces  : 


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on  croirolt  entendre  une  bafle,  dont  le  fon  de- 
vient trjs-i'atiguanr. 

On  voit  fur-tout,  parmi  ces  nombreux  infcdcs, 
quantité  de  cerfs  -  volans ,  dum  les  cornes' font 
fort  longues  £<  branchues  comme  les  bois  d'un 
Cerf-  ils  font  fort  dangereux  pour  les  yeux,  car 
ils  fe  lancent  dans  le  vifage  wec  violence  :  la 
couleur  en  cft  noire ,  le  corps  a  la  grolfeu  du 
grand  Scarabée 

Les  Cucarachas  ^  connus  à  la  Havane  &  dans 
les  autres  climats  chauds ,  ne  le  font  pas  moins 
à  la  Louyliane  ,  il  y  font  mcnie  plus  dangereux: 
on  les  y  nomme  Ravers.  Ils  font  plus  grands 
que  ceux  de  Carthagcne  ou  de  Cuba  ;  l'odeur  en 
efl  rebutante.  Les  rats  ne  font  pas  plus  de  dégât, 
car  ils  rongent  tout  avec  une  extrême  prompn- 
tude ,  c'ell  pourquoi  il  fiut  avoir  le  plus  grand 
foin  pour  en  garantir  le  papier,  &  même  les 
habits  :  cet  infede  efl:  fort  rufé  ,  &  fuit  très-vîte 
au  moindre  bruit  qu'il  entend. 

Parmi  les  efpèces  de  petits  animaux  qui  em- 
bellifliènt  la  terre  en  diverfes  contrées,  on  doit 
admirer  comme  une  chofe  très-curieufe  les  Cu- 
cuyos  ,  qu'on  trouve  dans  Cuba,  &  en  plus  grand 
nombre  que  dans  les  llîes  voifines.  Ils  font  de  la 
clafTe  des  vers-luifans  ^  (  Lucernas  )  que  l'on  voit 
voltiger  de  nuit,  mais  fort  différens  de  l'efpèce 
commune  :  ils  en  font  fur-touc  diftingués  par  !a 

vivacité 


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1fîvacîté&  l'cclflt  fingulierde  leur  lumière  ,  Ôc  ne 
tiennent  rien  de  l'efpèce  des  vers  aîlés  en  ma- 
nière des  papillons.  Cet,  infede  a  la  forme  des 
Curianas  ou  des  Cucarachasj  ayant  quatre  aîles , 
qu'il  fort  de  la  conque  ou  croûte  teftacée  qui  le 
couvre  à  la  partie  fupcrieure.  Vers  le  milieu  & 
à  chaque  cote  du  bas- ventre ,  il  a  deux  taches 
ou  magafins  lumineux  ,  de  la  grandeur  de  deux 
petites  lentilles  :  c'eft  par- là  qu'il  fait  rémiflîon 
de  fa  première  lumière.  On  voit  à  ^te  deux 
autres  taches  femblables ,  à  l'endrou  où  doivent 
Être  les  yeux ,  mais  un  peu  moindres  que  les  prc- 
cédentes.  C'eft  de  ces  quatre  .points  qu*il  répand 
une  clarté  aflez  confidérable  &  bien  vive.  L'a- 
nimal peut  à  fon  gré  répandre  ou  fupprimer  cet 
éclat,  &  l'entretenir  long-tems.  Il  fe  ranime, 
prend  une  nouvelle  vivacité  lorfqu'on  le  met  dans 
l'eau.  S'il  dort ,  ou  qu'il  ne  jette  point  de  lu- 
mière, il  fuffit  de  le  remuer  pour  le  forcer  a  le 
faire. 

On  voit  aflfez  pat  ces  etfets  que  l'animal  abonde 
en  matière  phofphorique.  Il  faut  remarquer  que 
les  points  d'où  part  la  lumière  font  jaunes  quand 
l'animal  eft  mort,  ou  n'éclaire  pas.  On  en  voie 
fur-tout  en  été  j  tems  des  pluies  ôc  des  chaleurs, 
une  très-grande  quantité ,  on  n'en  apperçoit  pas 
en  hiver.  Cet  infede  fe  nourrit  du  jus  des  cannes 
à  fucre  qui  croifFenc  &  mûiiffent  en  été  -y  aufli  en 
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crouve-t-on  le  plus  grand  nombre  dans  les  plan* 
tations  de  fucre.  On  n'en  trouve  pas  dans  li 
Louyûane,  quoique  crès- proche  ,  &  malgré  li 
culture  du  fucre.  Il  n'y  en  a  pas  non  plus  dans  les 
autres  pays  où  croît  cette  plante.  On  peut  les  con* 
ferver  deux  mois  environ ,  dans  de  petites  boctes 
â  jour,  faites  pour  cet  effet.  On  leur  donne  de 
petits  morceaux  de  fucre ,  dont  ils  fucent  la  fubf- 
tance  ,  ce  qui  leur  va  bien  ,  puifque  c'ed  un 
extrait  de  la  canne. 

Comme  c'eft  de  nuit  que  cet  infede  répand  fa 
lumière  en  volant,  6c  fe  laifTe  appercevoir,  il 
ne  feroit  pas  facile  de  le  prendre ,  fi ,  flatté  lui- 
même  de  la  beauté  de  fon  éclat ,  il  ne  fe  laifloit 
tromper  avec  des  charbons  ardens  qu'on  porte 
alors ,  &  auxquels  il  vient  dès  qu'on  les  lui  pré- 
fente, feroit-il  même  à  une  diftance  éloignée: 
c'eft  ainfi  qu'on  s'en  faifit.  Cette  impulfion  qui 
l'amène,  paroît  venir  de  ce  qu'il  croit  voir  dans 
ce  charbon  ardent  un  autre  animal  de  fon  efpèce, 
vers  lequel  il  vient  à  l'inftant  :  audi  tous  les  vers 
femblables ,  qui  font  dans  les  environs ,  fe  ren- 
dent-ils vers  ce  charbon  dès  qu'ils  l'apperçoivent. 
Mais  la  même  chofe  ne  réufllt  pas  avec  une  lu- 
mière ,  telle  que  feroit  celle  d'une  bougie  ou 
d'une  chandelle. 

Lorfque  la  lune  ne  luit  pas ,  6c  que  les  Cucuyos 
paroiirenty  c'eft  un  fpedtacle  des  plus  beaux  que 


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Je  voir  la  campagne  remplie  de  ces  lumières  bril- 
laiires.  Les  habicaiis  s'amufeiu  à-  les  prendre  pour 
en  tenir  en  cagej  ils  en  lâchent  quelques-uns 
dans  une  chambre  non  éclairée,  qui  fe  remplit 
aufli-tôc  de  lumière  ,  &  prennent  beauco  up  de 
plaifir  à  voir  voltiger  cet  éclat  dans  tout  le  con- 
roiir  de  la  pièce.  Quand  les  femmes  fortent  le 
foir  pour  prendre  le  frais ,  elles  en  ont  ordinai- 
rement la  tête  parée  j  elles  en  mettent  des  col- 
liers &  des  bracelets ,  qu'elles  arrangent  de  di- 
verfes  manières  ,  &  marchent  ainfi  tout  écla- 
tantes, comme  fi  elles  avoient  fur  elles  des  cou- 
ronnes &  des  colliers  de  lumières  naturelles. 

Il  y  a  audi  des  vers  luifans  dans  d'autres  pays 
chauds  où  croît  la  canne  à  fucre,  &  où  elle  ne 
croît  point  :  mais  ils  font  de  Tefpèce  des  papillons 
de  nuit.  La  lumière  qu'ils  jettent  n'eft  pas  à 
comparer  avec  celle  des  Cucuyos ;  car,  avec  un 
Cucuyo  dans  la  main,  on  lit  très-bien  quelque 
I  lettte  que  ce  foit. 

Il  paroît  que  cet  animal  fe  fert  de  fa  propre 

I lumière,  pour  diriger  fon  vol,  &  s*élever  do 

manière  à  didinguer  les  têtes  de  cannes  à  fucre» 

d'où  il  doit  tirer  fon  aliment.  Il  dort  de  jour  & 

ne  jette  point  d'éclat  j  la  nuit  il  voltige  &  brille. 

Le  Mucamuca  ,  ou  Chyca  ,  eft  pareiljemenc 
[commun  à  la  Louyfiane  :  on  l'appelle  Rat-de-boîs, 
11  a  les  principales  proptiétés  des  rats  des  autres 

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pays  :  auffi  eft-ce  un  des  animaux  qui  fe  trouvent 
répandus  dans  les  d«ux  iiémifphères  de  TAmé- 
rique. 

Il  femble  que  la  rigueur  du  froid  &  les  ge 
lées   de  l'hiver  n'y  devroient  pas   fouffrir  cer- 
tains animaux ,  qui  font  comme  indigènes  des 
pays  chauds.  Parmi  ces  animaux  font  le  Caïman, 
ou  le  Crocodile  d'Amérique  j  mais  on  en  voit 
un  n  grand  nombre  ici  dans  les  rivières ,  qu'on  I 
auroit  peine  à  en  trouver  davantage  dans  les  con- 
trées de  la  Zone  torride  j  il  y  en  a  d'une  grandeur  1 
prodigieufe  :  ils  diffèrent  aufli  de  cqu\  du  Guaya-l 
qu'il ,  du  Ckagres  ,  &  d'autres  rivières ,  en  ce  que 
leur  couleur  eH:  terne,  tirant  fur  le  noir  ^  au  lieu 
que  les  autres  font  d'un  gris-fombre  :  on  lej] 
appelle    Crocodiles,   Ils  font  également  dange- 
reux pour  les  hommes  &  pour  les  autres  animauii 
lorsqu'ils  ont  faim  ;  ils  ont  la  gorge  fi  grande, 
qu'après  avoir  faifi  un  pieu  avec  l'appât ,  ils  l'ava- 
lent jufques  dans   le  ventre  même;  Ôc  au  ino-i 
ment  où  ils  font  tirés  tout  près  du  rivage,  ili 
vomiflent  ce  pieu  qui  a  une  demi-vara  de  long, 
&  fe  dégagent,  en  emportant  l'appât  :  ce  donil 
on  fait  de  fréquentes  expériences. 

Les  animaux  qu'on  regarde  comme  nuifibles, 
en  ce  qu'ils  ont  une  inclination  naturelle  à  vivrel 
aux  dépens  du  travail  des  hommes  ,   ont  auiH 
quelques  proptiécés  par  lefquelles  ils  indemnij 


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s    1    P   T   I   E    M   t.  181 

fent  du  dommage  qu'ils  caufent  :  les  Fourmis 
font,  fans  contredit,  de  ce  nombre.  En  effet, 
elles  enlèvent  «ne  partie  des  femences  nouvelle- 
ment mifes  en  terre ,  pour  en  pourvoir  leurs  ma- 
gafîns  :  les  plantes  les  plus  utiles  &  les  mieux 
foignées  font  détruites  par  les  ravages  que  ces 
infedes  y  font  :  ils  en  rongent  les  racines  &  les 
écorces  ,  &  font  mcme  fort  redoutables  quand 
ils  viennent  en  grand  nombre ,  fur-tout  les  ef- 
pèces  qui  fe  font  remarquer  par  leur  grandeur. 
Les  Fourmis  ne  font  pas  moins  à  craindre  dans 
les  maifons  ;  car  elles  y  pourvoient  à  leurs  ber 
foins ,  en  y  caufant  beaucoup  de  dommages. 

Mais,  fi  cet  infedeeft  d'un  côté  fi  deftrudeur, 
il  efl:  de  l'autre  de  la  plus  grande  utilité  dans  les 
Indes  du  Pérou ,  contre  les  reptifes  venimeuir. 

Il  faut  obferver  que  ,  nonobftant  le  nom  de 
Cordillère  royale  des  Andes  ^  qu  on  donne  à  la 
panie  haute  de  ce  vafte  pays  ,  on  entend-Ià  pat 
montagnes  àcs  Andes ,  les  pays  montagneux  de  la 
côte  orientale  des  CordillcTes  ,  dont  le  climat 
eft  chaud  &  humide  -y  car  il  y  pleut  beaucoup. 
Or,  ces  terreins  font  d'une  hauteur  anal^ogue  à 
la  partie  baflfe  occidentate  ,  appellée  Valès  oii 
Vallées ,  &  où  il  ne  pleut  pas.  Ce  pays  eft  donc 
rempli  die  ferpens  des  plus  venimeux  :  tels  font 
les  Corales  j  Càfcabeles  ,  ceux  a  deux  têtes ,  les 
Bejuquillos  de  autres.  Oh  y  trouve  auflî  les  CiefH^ 

M  3 


1,  ' 


l8l  D   I    s    C   O   U   R.   » 

tofùès  y  les  Scorpions  ,  &  nombres  d'autres  cf. 
pcces  communes. 

Mais  ces  pays  abondent  audî  en  Fourmis  d'une 
cfpèce  beaucoup  plus  groiïes  que  les  Fourmis  or- 
dinaires ^  6c  ils  feroient  inhabitables ,  (î  ces  Fourmis 
fe  jettoient  fur  les  hommes  avec  la  même  vora- 
cité que  fur  les  reptiles.  Comme  elles  ne  peu- 
vent vivre  de  même  que  l'efpèce  ordinaire  ,  elles 
fuivent  un  tout  autre  train  de  vie.  Elles  voyagent 
en  troupe  dans  les  campagnes  ,  &  chalTent  ainfi 
aux  reptiles  ,  en  grimpant  fur  les  arbres  ,  les 
cherchant  fur  terre,  &  dévorant  tout  animal  qui 
fc  rencontre  :  elles  parcourent  les  bois ,  les  vallées, 
fe  jettent  dans  les  maifons  éparfes  ça  8c  là  fui 
les  bords  des  rivières  &  dans  les  champs  ,  & 
ne  quittent  aucun  lieu  fans  l'avoir  vifité ,  &  en 
avoir  dévoré  les  infeâes.  Les  ferpens  les  plus 
gros  £z  les  plus  venimeux  ,  les  Cientopiès ,  Scor- 
pions ,  Lézards  ,  Crapauds  ,  animaux  qui  fe 
multiplient  moyennant  l'humidité  &  la  chaleur, 
ne  peuvent  réiilter  â  l'attaque  de  ces  groffes  Four- 
mis ,  ni  fe  fauver.  Dès  qu'elles  ont  nettoyé  une 
maifon ,  elles  la  quittent ,   &  continuent  leur 

,  .  marche  ,  cherchant  leur  pâture  dans  un  autre 
pays.  Elles  fe  jettent  en  (î  grand  nombre  fur  un 
animal  quelconque  ,  que  fans  lui  donner  le 
tems  d'échapper  ,    elles  le  dévorent  malgré  tous 

,   les  efforts  qu'il  fait  pour  éviter  leur  pourfuiie: 


SEPTÎIME.  ]S| 

ce  qui  prouve  que  le  grand  nombre  triomphe 
facilemenr  de  la  force  ,  delà  vîtelTe,  &  de  l'ac- 
liviié  du  venin  des  animaux  qu'elles  accaquent. 

On  y  appelle  Chacos  ces  troupes  de  Fourmis. 
Elles  font  un  H  grand  bruit  fur  les  feuilles  fèches 
qui  font  tombées  ,  qu'on  les  entend  à  certaine 
diftance  :  les  gens  avertis  par  ce  fignal ,  fortent 
de  leurs  maifons  ,  les  abandonnent  ,  &  ne  re- 
viennent que  quand  cet  infede  vorace  s'eft  retiré  : 
ils  les  trouvent  bien  nettoyées ,  &  font  alors  tran- 
quilles à  l'égard  du  Chaco  ,  dont  le  retour  régu- 
lier, n'eft  plus  à  craindre  que  dans  certain  tems 
fixe.  Ces  Fourmis  ont ,  fans  doute ,  l'inftind  de 
fentir  &  de  trouver  les  pays  où  les  infedes  ve» 
nimeux  fe  font  multipliés. 

La  Nature ,  qui  a  donné  un  inftin^t  particulier 
l  chaque  animal ,  a  audi  donné  à  ces  Fourmis  ^ 
celui  de  fe  nourrir  des  animaux  les  plus  veni- 
meux ,  &  les  a  placées  en  même  tems  dans 
les  contrées  oiî  l'on  en  trouve  le  plus  grand  nom- 
bre. AinH ,  l'on  ne  doit  pas  être  furpris  qu'elles 
n'attaquent  ni  les  hommes ,  ni  d'autres  animaux , 
que  ceux  qui  font  dangereux  &  nuiflbles  par 
leur  venin.  J'ai  déjà  dit ,  en  parlant  de  la  challè 
de  la  Vigogne ,  que  le  mot  Chaco  fignifie  une 
compagnie  ou  réunion. 

Malgré  le  grand  froid  des  hauts  pays  du  Pérou  y 
le  dimat  n'eft  pas  exemc  des  fléaux  qu'on  éprouve 

M4 


y  I 


,r.) 


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I  1 


t84  Discours 

en  Europe  ;  car  on  y  voit  quelquefois  des  nuées 
de  Sauterelles  qui  font  beaucoup  de  dégât,  il  en 
parut  ,  en  Décembre  1761  ,  dans  la  province 
d'Angarae\ ,  qui  eft  des  dépendances  du  Gou- 
vernement de  Guancavelica.  Les  Quebradas  yAoni 
les  unes  y  font  d'une  demi-lieue  de  large,  &  d'au» 
très  plus  fpacieufes ,  furent  couvertes  d'une  éton- 
nante quantité  de  ces  infedes.  Lorfqu'ils  voloient, 
ils  formoient  les  nuées  les  plus  épailfes,  &  con- 
tinuoient  aind  â  voler  pluHeurs  }ours  fans  inter- 
miilîon  j  de  forte  que  la  vue  fe  fatiguoit  &  fe 
troubloit ,  par  le  mouveiu«nc  rapide  &  continuel 
de  ces  nuées. 

Tous  les  terreins  où  tombent  ces  fauterelles 
fouffient  beaucoup  de  dommage ,  fur-tout  quai^d 
elles  trouvent  les  fruits  de  la  campagne  dans  l&ur 
premier^  végétation.  On  obferva  ,  en  1761,  que 
ces  Sauterelles  dirigèrent  leur  vol  contre  le  cours 
des  fleuves  ,  ôc  qu'au  lieu  de  s'élever  dans  les 
hauts  pays  ,  elles  fe  maintinrent  dans  la  partie 
baffe  ,  entre  les  Cordillères  qui  bornent  les  deux 


cotes. 


Ce  fléau  n*y  paroît  pas  fouvent ,  malgré  le  peu 
de  peine  qu'on  prend  pour  l'anéantir  :  dès  qu'il 
a  celTé ,  il  fe  palfe  plufleurs  années  fans  qu'on 
en  voye  le  moindre  figne.  Le  dommage  que  ces 
Sauterelles  font  aux  femences ,  n'efl;  pas  (î  conn« 
^érable  que  celui  qu'on  en  épcouve  en  Europe  ) 


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fe   E    P  T   X   1   M   I.  *f  ÎJf 

fcla  vient  peut-être  de  ce  que  la  température 
«d  différente.  Ces  Sauterelles  paroKTent  en  £u' 
rope  dans  le  plus  fort  de  l'été  ^  mais  la  tempé- 
rature de  la  Quehradas  j  d*Ifcuckaca  ,  ôc  d'au- 
tres Semblables ,'  eft  analogue  à  celle  du  printems. 
Je  ne  dois  point  palfer  fous  (îlence  ,  que  les 
elTainis  d'abeilles  domediques  fe  font  beaucoup 
multipliés  à  l'Ifle  de  Cuba ,  dans  le  voifuinge  de 
la  Havane  ,  pendant  le  court  efpace  de  tems 
qui  s'eft  écoulé  depuis  1 7  <^4  ,  après  que  la  Paix 
eut  été  conclue  avec  l'Angleterre.  Il  n'y  en  avoir 
pas  auparavant  ;  car  relies  qu'on  y  voyoit  étoienc 
fauvages  &  d'une  efpèce  différente.  Les  familles 
qui  jufqu'alors  avoient  demeuré  à  Saint-Auguf- 
tiii  de  Floride  ,  s'étant  rendues  dans  l'Ide  de 
Cuba,  après  qu'on  eut  évacué  ces  lieux  ,  ap- 
portèrent avec  elles  quelques  ruches,  qu'elles  pla- 
cèrent a  Guanavacoa  Ôc  en  d'autres  lieux  ,  par 
pure  curiofité.  Ces  Mouches  fe  multiplièrent  au 
pgint  qu'il  s'en  répandit  dans  les  montagnes  ^  & 
l'on  comment^a  à  s'appercevoir  qu'elles  devenoienc 
nuifibles  aux  cannes  à  fucre ,  dont  elles  fe  nour- 
riiToient.  Leur  fécondité  fut  fi  grande  ,  qu'une 
ruche  donnoit  un  effaim  ,  &  quelquefois  deux  » 
par  mois  ^  l'un  ordinaire ,  l'autre  moindre ,  en 
les  châtrant  tous  les  mois  :  on  ne  les  foignoit 
même  pas  avec  toute  l'attention  qu'on  y  apporte 
en  Europe.  Elles  reudoienc  autant  de  miel  (Se 


111 


■.  fi 


s8(>  Discours  siptiemi. 
de  cire  que  dans  les  endtoics  où  l'on  n'a  foin  de 
les  châtrer  qu'une  ou  deux  fois  par  an  ;  la  cir« 
eil  des  plus  blanches  ,  6c  le  miel  audl  clair  & 
d'aufld  bon  goût  qu'on  en  puiife  trouver.  D'après 
ces  faits ,  il  eft  évident  que  la  cire  &  le  nniel 
pourroient  devenir  une  des  branches  avanta- 
geufes  du  commerce  pour  cette  lilc ,  fans  mcme 
s'occuper  trop  foigneufement  des  Mouches ,  ni 
négliger  la  canne  à  fucre,  qui  feroic  toujours 
I  objet  principal. 


m 


DISCOURS   HUITIEME. 

Des  particularités  relatives  aux  Volatils, 

J^A  partie  haute  du  Pérou  n'o/Tie  pas  beaucoup 
d'efpèces  doifeaux ,  fur-tout  de  ceux  qui  fe  font 
remarquer  par   la  beauf<^  de   leur  plumage  & 
l'harmonie  agréable  de  leurs  chants  :  il  paroît  que 
c'eft  le  froid  qui  en  eft  la  caufe.  On  remarque 
le  contraire  dans  les  climats  chauds  de  la  Zone 
torride.  La  Louyfîane ,  qui  participe  de  Tune  & 
de  l'autre  température ,  ne   préfente  pas  cette 
variété  de  beaux  oifeaux  qu'on  voit  â  la  Havane, 
à  Carthagène ,  &  dans  d'autres  contrées  fembla- 
bles;  cependant  il  y  a  quelques  efpèces  d'oifeaux 
d'un  plumage  agréablement  nuancé  ,  &  dont  le 
goder  a  fes  charmes  &  une  belle  mélodie. 

Le  Sinfonte  ,  ou  VOifeau  moqueur  ,  n'a  rien 
de  bien  particulier  dans  fon  plumage*,  mais  quand 
il  eft  en  liberté ,  il  charme  par  l'harmonie  de  fou 
ch^nt ,  &  par  les  roulemens  &  la  modulation 
infiniment  variée  de  fon  gofier.  11  ne  s'arrête  pas 
pour  chanter,  mais  il  chante  en  voltigeant,  & 
fait  mille  jeux  de  U,%  aîles  dans  lair,  felai^fanc 


!.''• 


ilils*.^ 


i   ' 


iS8  Discours 

tomber  en  apparence  fur  une  branche  d'arbre  où 
il  fe  pofe  ,  ôc  pour  s'élever  auilî-tôc  à  la  hauteur 
de  cinq  ou  Cix  varas.  Pendant  qu'il  s'amufe  à 
voltiger  ainfî ,  il  ne  celTe  de  chanter  -y  il  change 
mcme  de  chant  avec  autant  de  vîtelTe  que  de 
pofition.  Dès  qu'il  s'arrête  fur  une  branche  il 
garde  le  filence  :  Voilà  pourquoi  on  ne  jouit  pas 
de  tous  les  agrémens  de  fa  mélodie  lorfqu  il  eft 
enfermé.  Comme  il  contrefait  tous  les  animaux 
qu'il  entend ,  on  l'a  appelle  Moqueur.  Sa  vivacité 
&  fa  légèreté  naturelles  font  peintes  dans  la  va- 
riété de  fon  chant  ;  mais  des  qu'il  eft  enfermé , 
il  s'attrifte  ôc  meurt  promptement  ^  d'ailleurs  il 
eft  trop'délicat  pour  être  nourri  en  cage  :  on  peut, 
fans  contredit ,  le  regarder  comme  le  roi  des  ui- 
féaux  ,  pour  le  chant.  Il  vit  de  mofquites ,  mou- 
ches, &  autres  infedles  :  aullî  la  Nature  lui  a  donné 
tin  bec  long  Ôc  affilé  ,  propre  pour  les  attaquer. 
On  voit  encore  dans  ces  contrées  trois  autres 
efpcces  d'oifeaux  qui  ont  un  chant  fort  agréable 
Se  fingulier.  Les  François ,  faifant  attention  aux 
nuances  différentes  de  leur  plumage ,  ont  nommé 
les  uns  Papgs  ,  les  autres  Cardinaux ,  &  les 
iroifièmes,  Evêques,  Nous  appelions  Maripofas 
ou  Papillons ,  les  Papes  ,  faifant  allufîon  à  la 
beauté  raviffante  du  coloris  que  prennent  leurs 
plumes ,  dont  les  nuances  changent  félon  le  jour 
&  la  pofuion.  Les  Eveques  font  ceux  que  nom 


.  i 


H  u  I  T  r  I  M  i;  189 

nommons  A^uUjos  :  ces  deux  efpèces  font  plus 
petites  que  celles  Ats  Cardinaux  \  mais  toutes 
Uî  trois  font  trop  délicates  pour  vivre  en  cage  : 
on  en  voit  mourir  un  grand  nombre  avant  de 
pouvoir  en  garder  un  feul. 

Les  Cardinaux  ont  tout  le  plumage  rouge*,  mats 
il  fe  trouve  d'autres  oifeaux  de  la  même  taille, 
qui  ont  une  partie  du  col  jaune  ,  &  les  extrc' 
mités  des  ailes  noires  :  on  les  nomme  Turpianh  ^ 
le  chant  en  eft  fort  amufant.  Il  y  en  a  aufli  de 
belle  couleur  de  rofe  :  à  cet  égard  il  y  a  beaucoup 
de  variété.  Ce  font  autant  d 'oifeaux  de  paiTage  ; 
car  ils  difparoilfpnc  en  hiver,  &  vont  fans  doute. 
cherrHer  des  climats  plus  doux  ,  convenables  1 
leur  conftkution. 

Les  oifeaux  plus  particuliers  à  la  haute  panie 
du  Pérou ,  font  les  Fiches ,  qu'on  trouve  com- 
munément dans  toutes  les  contrées  de  TAmcri- 
que  ;  le  chant  en  e(V  agréable.  Il  y  auili  des  Char- 
donnerets. Les  Periquitos  ,  ou  Cotorritas  ,  de  la 
petite  efpèce ,  ne  font  pas  rares  dans  les  Quebra- 
dus.  On  voit  beaucoup  de  Cotarras ,  de  l'efpècé 
ordinaire  des  pays  chauds  ,  dans  les  gorges  qui 
font  au  pied  de  la  chaîne  de  montagnes  ,  &  qui 
s'ouvrent  dans  les  vallès  ou  vallées  ^  tandis  qu'on 
n'en  rencontre  point  dans  la  contrée  même  ap- 
peilée  Vallès  :  ce  qui  eft  fort  remarquable;  mais  il 
eil  encore  plus  iîngulier  que  l'on  voye  dans  l'Iile 


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:   :— i,.^-*'^? — ^«,11 


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190  Discours 

de  Cuba ,  &  fur  la  côte  de  Campêclic  des  oi- 
feaux  de  grand  plumage,  Se  nuancés  des  couleurs 
les  plus  vives,  tels  que  les  Guacamayos  de  diver- 
(ts  efpèces ,  les  Coton  as  :  arj  refte  ces  oifeaux  , 
ni  \qs  Periquitos  ne  fe  trouvent  point  dans  la 
Louyfiane.  La  raifon  qu'on  en  peut  donner ,  eft 
que  ces  oifeaux  ont  néceilairement  befoin  d'une 
température  toujours  chaude ,  n'étant  pas  en  état 
de  rélîfter  aux  froids  de  l'hiver  :  d'ailleurs  n'é- 
tant pas  oifeaux.  de  paffage,  &  capables  de  tra- 
verfer  la  mer,  comme  d'autres  ,  ils  ne  fe  fixent 
pas  non  plus  daiis  des  poys  où  le  froid  les  dc- 
iruiroit  infailliblement. 

Le  bas  pays  du  Pérou  a  auiîî  fon  hiver  ,  quoi- 
que modéré  \  car  le  foleil  y  refte  caché  pendant 
plufîeurs  mois ,  &  c'eft  alors  qu'on  y  éprouve  les 
garuas  ^  ces  garuas  ne  font  pas  Ci  durables  dans 
les  hautes  gorges  des  Quebradas ,  éloignées  de  la 
mer  ;  aufti  le  froid  y  eft  proportionnément  plus 
modéré.  De-là  il  réfulte  que  l'on  voit  d'un  côté 
les  oifeaux  particuliers  aux  températures  chaudes, 
&  non  de  l'autre. 

Les  Cotorras  Se  les  Guacamayos  fe  perchent 
ordinairement  en  grand  nombre  fur  les  palmiers, 
ou  fur  d'autres  arbres.  On  les  tire  alors ,  &  il 
en  tombe  autant  que  le  coup  peut  en  tuer  ^  mais 
il  y  en  a  toujours  parmi  les  morts  quelques-uns 
qui  ne  font  que  blelTés  :  incapables  de  prendre 


vv'^'-  ^^  - 


ft  O    I   T  1   I   M  «•  19» 

lear  vol ,  ils  crient  fans  celfer,  Ôc  ceux  qui  avoient 
dirparu  au  bruit  du  coup ,  reviennent ,  voltigent 
autour  des  bleifcs  :  on  les  tue  alors  comme  les 
autres.  De  cette  manière  on  en  tue  beaucoup  ; 
ce  qui  eft  un  grand  plaifir  pour  le  chaffeur. 

Il  paroît  que  les  oi féaux  aquatiques  font  ceux 
qui  s'accommodent  le  mieux  de  toutes  les  tem- 
pératures. On  trouve  différentes  efpèces  de  Patos^ 
&  même  en  quantité  ,  dans  les  rivières  de  la 
haute  partie  du  Pérou  ,  &  àa.u^  ÏQS  Lagunes 
qui  font  fur  les  monts  les  plus  élevés  ,  où  le 
froid  eft  fort  fenfible.  ^es  plus  communs  font 
ceux  qu'on  zp^clio  Patos  réaies  ^  (  c'eft  la  plus 
grolTe  efpèce  j  )  les  Labancos ,  PatUlos  ,  Gallo' 
retas.  On  rencontre  ces  mêmes  efpèces  dans  les 
Fallès ,  à  Guayaquil  »  &  dans  tous  les  pays  de 
la  Zone  Torride  ^  a  la  Havane ,  dans  la  LouU 
liane  ;  dans  les  parties  les  plus  au  Nord  de  l'A« 
mcrique  feprentrionale  ;  de  forte  que  ce  font  les 
volatils  les  plus  répandus  8c  les  plus  abondans. 

On  obfervâ  la  même  chofe  dans  les  parties  les 
plus  froides  du  Sud  'y  ce  qui  en  prouve  la  géné- 
ralité. 

On  en  tue  beaucoup  dans  la  LouyHane  :  tous 
les  jours  les  chafTeurs  reviennent  audi  chargés 
qu'il  leur  eft  podible  d'en  porter  :  c  eft  la  viande 
qu'on  mange  le  plus  ordinairement  depuis  Nc- 
Vembre  jufqu'en  Mars.  Chaque  famille  a  corn- 


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munément  fon  chaflTeur  qui  eft  Indien  ou  Métif  ; 
ces  gens  forcent  de  grand  matin  ,  &  reviennent 
avec  la  provifion  nécedaire  pour  la  journée. 

On  trouve  une  efpèce  femblable  à  la  Gai- 
lareca ,  dans  la  partie  haute  du  Pérou  :  on  l'ap* 
pelle  Jujui,  Cet  oifeau  a  le  plumage  noir  ;  il 
imite  fi  bien  certaines  fyllabes  de  la  parole , 
que  les  chafleurs  y  font  trompés ,  Se  croyent  que 
ce  font  leurs  compagnons  qui  les  appellent.  Il 
ne  peut  s'élevei  fur  fes  ailes  j  fa  feule  défenfe  eft 
de  plonger  dès  qu'il  entend  le  mouvement  de  la 
platine  du  fufil.  11  en  eft  ^e  même  des  Zambul- 
lidores^  qui  font  une  efpèce  difFéionre  des  Patos, 
&  s'élèvent  auflî  peu  :  leur  grolTeur  égale  celle 
des  pigeons  :  le  plumage  en  eft  blanc  ,  prefque 
femblable  à  du  poil  j  le  bec  eft  aigu  ,  &  non  en 
cuiller.  Les  Gallarctas  font  de  tous  les  c^mats , 
&  fe  rencontrent  en  quantité  dans  les  lacs  où  il 
y  a  beaucoup  d'oifeaux  aquatiques.  * 

Les  Perionas  font  remarquables  entre  tous  les 
oifeaux  aquatiques  par  la  beauté  de  leur  couleur. 
Le  col  ,  la  poitrine  ,  jufqu'au  milieu  du  dos , 
font  d'un  beau  rofe  très-avivé  ,  qui  charme  la 
vue  j  il  s'éteint  peu-à-peu  ,  &  fe  termine  en 
blanc  vers  le  croupion  ;  le  col  eft  long  ,  courbe 
comme  celui  des  Gari^ettes  ou  Hérons  blancs, 
Cet  oifeau  eft  de  la  grolTeur  d'une  Outarde  :  il  vole 
ep  bandes ,  &  vit  des  animalcules  qu'il  trouve 

dan( 


VI 


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flans  Teau ,  &  des  racines  des  plantes  qui  y  croif- 
fent  j  lorfqu'il  eft  mort  fon  plumage  perd  la  vi- 
vacité de  (es  couleurs  t  ainil ,  c'ed  l'oifeau  doni 
on  reconnoît  particulièrement  la  fraîcheur  ou 
l'ancienneté  du  plumage.  On  trouve  de  ces  oifeaux 
dans  la  Louyaane  Se  dans  d'autres  parties  de  l'A- 
mérique  ,  comme  aux  Cayes  >  vers. le  Nord  de 
l'ifîe  de  Cuba  :  on  les  appelle  Flamencos  j  ils 
ont  une  forte  odeur  de  coquillages ,  qui  les  rend 

jinfupportables  j  il  fuffît  de  les  toucher  pour  en 
ctre  inftdé  ;  le  bec  en  eft  long  &  gros ,  &  propre 

j  à  couper  les   racines  des  rofeaux  &  dcji  joncSé 
Les  Gardas  font  en  plus  grand  nombre  dans 

lies  vallées  de  la  partie  balfe  du  Pérou  ,  que 
dans  la  haute  :  les  efpèces  en  font  variées  :  on 
en  voit   beaucoup   plus  dans  l'Ifle  de  Cuba  & 

[dans  la  Louyfiane.  Cette  claflTft  d'oifeanx  offre 
jne  efpèce  qui  fe  voit  dans  la  partie  balTe  du 
^éroii ,  Se  non  dans  la  haute  :  on  l'appelle  Spa- 
tule ,  parce  que  fon  bec  en  a  la  forme  :  il  eft, 
long  de  trois  à  quatre  pouces ,  fur  un  pouce  de 
large ,  ou  un  peu  moins  ^  fon  extrémité  fe  ter- 
mine en  forme  circulaire ,  étant  plus  large  que  le 
refte  ;  elle  eft  en  même  tems  plus  mince  ,  ne 
confiftant  qu'en  deux  feuilles  fines  &  lilTesjde 
forte  qu'elle  ne  diffère  pas  d'une  fpatuU.  Cet 
3ifeau  pêche  fingulièrement  j  il  fait  autour  de 
\x\ ,  de  côté  Se  d'autre  ,  un  demi-cercle  avec 
Tome  L  N 


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«94  Discours 

fa  fpatule,  &  s'en  fert  avec  tant  d'adrefle ,  qu'au- 
Cun  petit  poiflbn ,  vers  lequel  il  dirige  fon  bec, 
ne  peut  lui  échapper.   Quant  à  la  grandeur  du 
corps  &  â  la  couleur ,  cet  oifeau  refTemble  aux  1 
Hérons  gris  de  la  petite    efpèce.  La  LouyGane 
abonde  plus  en  oifeaux  aquatiques  que  tous  les 
autres  pays  :  les  Oies  fauvages  y  font  en  très- 
grand  nombre:  les  Grues  &  les  Outardes  n'yi 
font  pas  moins  communes  ^  la  chair  en  eft  même 
i»lus  favoureufe  que  celle  des  Patos  ,  &  n'en  a 
pas  l'amertume  marécageufe  ,  que   ceux-ci  ont | 
fur- tout  depuis  le  mois  de  Février  j  ce  qui  em- 
pêche d'en  manger  alors  ,  tant  cette  amertume  | 
éft  forte. 

Ces  oifeaux  aquatiques  y  font  pafTagersj  ilsl 
viennent  des  grands  marécages  de  la  partie  du 
Nor<:l.  On  n'en  voit  point  dans  l'été  j  c'eft  dans 
le  tems  des  gelées  que  les  volées  en  font  plus 
fréquentes.  Si  le  froid  eft  accompagné  de  quel- 
que brouillard  ou  de  vent ,  ils  volent  plus  prèl 
de  terre ,  &  l'on  tire  delTus  plus  facilement.] 
Ils  paiïent  de  cette  côte  de  la  Louyiîane  à  Cuba, 
&  dans  les  autres  Ifles  ^  &  jamais  on  ne  les  voitl 
prendre  du  côté  du  Nord  dans  les  tems  chauàl 

Il  y  a  dans  la  partie  haute  du  Pérou  des oil 
féaux  qui  n  entrent  pas  dans  l'eau ,  mais  qui  vonti 
toujours  côtoyant  les  marais  5  ils  font  dé  la  grof* 
feur  d'une  poule  >  de  couleur  obfcure  cixaiit  m 


huitième;  195 

le  noir ,  &  hauts  fur  pattes  j  le  bec  en  eft  long , 
courbé,  mince,  comme  celui  des  poules  d'eau; 
ils  volent  ordinairement ,  &  ont  une  chair  alTea 
bonne.  Cette  efpèce  ne  fe  voit  pas  dans  la  partie 
bafle,  ni  dans  la  Louyfiane,  parce  qu'elle  a  befoin 
d'une  température  froide. 

Les  Sarapicos  &  les  Courlis  font  du  nombre 
des  efpèces  volatiles  communes  dans  des  climats 
différens.  On  en  voit  en  aufli  grande  quantité 
dans  ceux  de  la  partie  haute  du  Pérou  ,  que  dans 
la  bafle  :  il  n'y  en  a  pas  moins  dans  la  Louy- 
fiane. 

Il  en  eft  de  même  d'ime  autre  efpèce  que  l'on; 
appelle  Fraylètes  ^  ou  félon  quelques-uns  Gri- 
tadores  op  crieursj  ils  reflTemblent  un  peu  aujt 
vanneaux  {^Aves  frias)\  ils  fe  tiennent  ordinaire- 
ment dans  les  contrées  humides.  Ils  nuifent 
beaucoup  aux  chaflTeurs ,  car  dès  qu'ils  les  apper- 
çoivent,  ils  s'envolent  en  jettant  des  cris  aigus, 
&  qui  fe  portent  très -loin;  de  forte  que  cela 
devient  un  avertilTement  pour  les  autres  difeaux  : 
ceux-ci  s'envolent  auflî-tôt  effrayés ,  par  les  cris  : 
\  peine  le  chaffeur  peut  il  en  tirer. 

La  partie  haute  du  Pérou ,  étant  très-froide , 
&  la  partie  baffe  ,  manquant  de  pluie ,  diffèrent 
des  contrées  chaudes  &  de  celles  où  il  pleut  : 
elles  ne  font  pas  moins  différentes  de  la  Louyfiane. 
En  effet,  les  terreins  de  ces  parties  du  Pérou 


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19^  Discours 

font  nuds ,  on  n'y  voit  des  arbres  que  çà  &  li, 
excepté  dans  les  terreins  des  Quebradas  où  la 
température  varie,  comme  les  autres  circonf- 
lances.  Mais  les  autres  contrées  font  couvertes 
d'arbres  qui  invitent  les  oifeaux  à  faire  leurs  nié 
dans  leurs  feuillages  épais,  &  à  s'y  nourrir  de 
leurs  diverfes  produdions  :  voilà  pourquoi  il  s'y 
trouve  des  volatils  qui  font  particuliers  aux  mon* 
tagnes. 

Les  Pabas  monte/as  ^  ou  poules- d'Inde  fau- 
vages,  font  une  des  efpèces  qui  s'y  reproduifent 
en  grande  quantité^  elles  font  plus  grofles  que 
dans  les  autres  parties  ,  &c  même  que  l'efpèce 
domeftique  5  la  chair  en  eft  favoureufe.  Il  y  a 
Cl  peu  de  différence  entre  les  unes  Se  les  autres, 
qu'on  s^y  trompe  \  elles  volent  aufli  légèrement 
que  les  autres  oifeaux,  &  c'eft  ce  qui  les  dif- 
tingue  fur-tout  des  domeftiques. 

On  voit  dans  la  partie  haute  du  Pérou  des 
perdrix  ,  des  faucons  très -beaux ,  avec  lefquels 
on  fait  une  des  chaffes  les  plus  agréables  qu'on 
puiffe  voir.  Les  perdrix  s'y  accommodent  de  la 
température  froide  des  Ichalès ,  où  elles  fe  trou- 
vent j  mais  on  n'en  voit  point  dans  les  Quebradai 
où  la  température  eft  plus  modérée  :  elles  ne 
vont  pas  en  bande  comme  en  Europe ,  mais  par 
paires  ou  feules  :  c'eft  ce  qui  en  rend  la  chalîe 
fort  pénible.  Le  pays  eft  montagneux ,  couverr 


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n  u  I  T  I  E  M  t;  i«)7 

de  halliers.  Ce  qu  on  y  appelle  plaine  font  des 
éminences  plus  ou  moins  inclinées ,  Se  des  vallées 
qui ,  par  la  fréquence  de  leurs  côtes ,  &  la  diffi- 
culté de  refpirer  qu'y  caufe  la  fubtilité  de  l'air , 
ne  permettent  pas  de  chafTer  au  fuHl  :  voilà 
pourquoi  l'on  emploie  des  faucons  drelfés  par  les 
Indiens.  Les  perdrix  qui  s'envolent  pour  éviter 
les  chiens ,  tombent  dans  les  griffes  du  Êiucon 
qui  fond  fur  elles  :  il  y  en  a  beaucoup  plus  que 
dans  le  royaume  de  Quito.  On  en  voit  aufïi  fur 
les  monts  dans  la  partie  baffe ,  quoique  le  climat 
y  foit  réellement  prefque  aufîî  froid  que  dans 
la  haute.  11  s'en  trouve  aufîî  dans  Vide  de  Cuba,' 
dont  la  température  efl  chaude  y  mais  elles  font 
un  peu  différentes. 

Les  bccafïïnes  ne  font  point  rares  fur  les  ter-; 
reins  des  cimes  glaciales  de  la  partie  haute  ,  ni 
dans  la  Louyfiane.  On  en  voit  aufli  çà  &  là  dans 
la  partie  baffe  du  Pérou ,  quoique  moins  fré- 
quemment. 

Les  Condors ,  dont  les  fîngularités  ne  doivent 
pas  être  paffées  fous  le  fîlence ,  font ,  de  tous 
les  oifeaux  qui  volent ,  les  plus  grands  que  l'on 
connoiffe.  Je  dis  des  oifeaux  qui  volent  pour  les 
diftinguer  de  l'autruche ,  qui  ne  fe  fert  de  fts 
petites  ailes  que  pour  fe  foulever  ,  &  non  pour 
voler  j  car  ces  ailes  ne  feroient  pas  f^iffifantes  pour  1q 

N5. 


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198  Discours 

vol.  Le  condor,  au  contraire,  eft  un  des  ci  féaux 
qui  s'élèvent  le  plus  dans  cette  atmofphère,  ou, 
certainement,  Tair  n'a  que  la  moitié  de  la  deniîié 
de  celui  qui  eft  au  niveau  de  la  Mer.  Cet  oifeau 
n'ert  pas  plus  particulier  aux  climats  froids  qu'aux 
climats  chauds  j  on  le  trouve  fur  la  cime  des 
Punas  j  comme  dans  les  baflTes  contrées  appeilces 
F'allées  ;  mais  on  n'en  voit  pas  dans  les  contrées 
couvertes  d'arbres  ou  montagneufes ,  comme  I 
Guayaquil,  Panama,  &  dans  d'autres  femblables. 
Son  plumage  forme  un  tilTu  li  denfe,  que  la  balle 
d'un  fufil  ne  fauroit  le  percer  :  l'animal  ne  change 
même  pas  de  pofition  s'il  en  eft  frappé ,  on  a 
tiré  fur  le  même  jufqu'à  huit  ou  dix  coups ,  fans 
qu'il  en  ait  éprouvé  le  moindre  mal  :  on  avoit 
entendu  la  balle  le  frapper.  Quoiqu'on  ait  ainfi 
réitéré  ces  tentatives  dans  la  partie  haute  du 
Pérou,  fans  avoir  réuflî  une  feule  fois  à  l'abattre, 
on  ne  doit  pas  fuppofer  qu'il  en  feroit  de  même 
dans  d'autres  contrées.  La  peau  de  cet  oifeau  eft 
fans  doute  plus  denfe  fur  cqs  cimes  glaciales, 
&  ne  cède  pas  au  coup  qui  la  frappe;  d'ailleurs, 
le  tiffu  épais  de  fon  plumage  eft  encore  un  autre 
obftacle.  On  en  voit  auflî  beaucoup  fur  la  plage 
des  mers  du  Sud  014  commencent  les  F'allées, 
à  quatre  degrés  environ  de  l'Equateur  j  il  affouvit 
fa  voracité  avec  les  poiffoni  morts  que  h  My 


f":    U    I   T    r    E    M   I.'  1(>5 

j  jette  :  on  dit  qu'il  eft  dangereux  de  fe  trouver 
à  fa  rencontre  ,  car  il  tueroic  infailliblement 
celui  qui  oferoic  l'attaquer.  > 

On  voie  à  chaque  pas  l'étonnante  variation  de 
la  Nature  :  ce  qu'on  a  remarqué  dans  tel  écac 
en  certain  tems ,  fe  trouve  tout  changé  dans  un 
autre.  Le  Chagres  eft  adkuellemenc  très-différent 
de  ce  qu'il  croit  il  y  a  vingt  ans  :  les  arbres  qui 
le  bordoient ,  les  animaux  nombreux  particuliers 
au  climat ,  ces  oifeaux  dont  le  plumage  préfentoit 
de fi  belles  nuances,  félon  les  différentes  efpèces, 
&  qui  venoient  nicher  dans  le  branchage  de  ces 
arbres  ,  &  y  formoient  des  concerts  'y  la  verdure 
brillante  &  variée  du  terreinj  tous  ces  objets  ont 
difparu.  Le  fol  n'offre  plus  que  des  maifons  de 
bois ,  bâties  à  certaines  dlftances  les  unes  des 
autres ,  pour  les  familles  qui  s^y  font  établies  \ 
elles  s'étendent  depuis  les  bords  du  fleuve  jufques 
dans  l'intérieur  ^ts  terres  qu'elles  ont  cultivées, 
&  en  ont  aind  chalfé  cette  quantité  prodigieufe 
d'oifeaux  &  d'animaux  qui  peuploicnt  les  bords 
de  ces  eaux. 

Ces  changemens  nous  donnent  lieu  de  croire;' 
qu'avec  le  tems ,  la  furface  de  ces  royaumes  chan- 
gera entièrement,  &  deviendra  femblable  aur 
contrées  de  l'Europe.  Malgré  toutes  ces  nouveau- 
tés, certaines  efpèces  de  quadrupèdes  &  d'oi- 
feaux s'y  maintiennent  conftamment  :  la  feule 

N4 


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'%Qà  Discours 

différence  qu'il  y  a,  eft  qu'ils  fe  retirent  d'une 
partie  pour  aller  dans  une  autre,  où  ils  trouvent 
plus  de  sûreté,  Ôc  de  facilité  à  faire  leurs  petits, 
&  à  fe  nourrir.  Mais,  d'un  autre  coté,  on  voit 
diminuer  infenfiblement  quelques  autres  efpèces, 
telles  que  la  Vigogne ,  que  Ton  pourfuit  Se  qu'on 
^ue  par-touc,  fans  aucun  niénagemenÇt 


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DISCOURS    NEUVIEME. 


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Des  Pùijfons  les  plus  remarquables  del*AmL. .  juei 

J_/Es  eaux  ne  font  pas  moins  abondantes  en 
poiflTons,  que  la  terre  l'eft  en  quadrupèdes,  vo- 
latils, &  autres  animaux  ,  qui  s'y  nourrirent 
des  produ(5tions  du  pays  où  ils  vivent,  &  qui 
font  variés  en  proportion  de  la  température ,  de 
Li  denfité  ou  de  la  légèreté  de  l'air  :  ainfi  il  n'eft 
pas  étonnant  qu'il  fe  trouve  dans  une  contrée  des 
efpèces  qui  ne  font  pas  communes  dans  les  au<^ 
très.  Il  femble  qu'on  ne  devroit  pas  obferver  la 
nit'ine  variété  dans  les  efpèces  qui  vivent  dans 
les  eaux,  puifque  cqs  eaux  ne  font  pas  formées 
des  mêmes  parties  conftitutives  que  la  terre. 
Cependant ,  l'expérience  prouve  que  les  cfpcces 
d'animaux  aquatiques  ne  diffèrent  pas  moins 
entre  elles ,  8c  qu'il  fe  trouva  en  certaines  mers 
des  efpèces  qui  ne  font  pas  communes  dans  les 
autres ,  tandis  que  d'autres  efpèces  le  font.  On 
doit  conclure  de-la  que  c'eft  non«feulement  l'effet 
dç  la  çcmpérature  ^  des  pÂturagQs  qui  nouriif^ 


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101  DisceuRi 

feue  ces  poiHons ,  mais  encore  celui  du  frai, 
plus  ou  moins  gcncralemenc  rcpaiidu.  La  mer  du 
Sud  abonde  en  poilfons.ll  n'en  eft  pas  de  même 
àcs  rivières  &  des  lacs  de  la  partie  haute  du 
Pérou.  Les  eaux  de  Quito  font  encore  moins 
poidônneufes ,  fans  qu'on  puilTe  l'attribuer  à  ce 
que  les  eaux  font  moins  froides  ou  plus  rapides 
dons  un  de  ces  pays  que  dans  l'autre,  car  elles 
le  font  autant.  Mais ,  avant  d'entrer  dans  aucun 
détail  à  cet  égard  ,  il  ne  fera  pas  inutile  de  ra- 
conter quelques  particularités  de  ces  mers-là. 

Les  Baleines  font  alTez  communes  dans  la  mer 
du  Sud ,  non-  feulement  dans  la  baie  de  la  Con- 
ception ,  &  de-là  jufqu'à  une  plus  grande  hau- 
teur, mais  encore  dans  les  Parages  qui  font  entre 
les  Tropiques ,  jufqu*au  1 1  &  1 3  degré  de  lari- 
tiide.  Ceux  qui  s'occupent  de  cette  pèche  en 
Europe  vont  la  faire  dans  les  froids  climats  du 
Nord,  &  il  ell  rare  qu*on  pèche  ce  poilTon 
entre  le  40  degré  de  l'Equateur. 

Il  n'efl;  pas  facile  d'aflîgner  la  caufe  de  cette 
différence  j  car  H  c'étoit  parce  que  les  Baleines 
cherchent  les  mers  où  il  y  a  beaucoup  de  Sar- 
dines, les  côtes  de  la  Galice,  qui  en  font  rem- 
plies, devroient  les  attirer;  on  n'y  en  voit  ce- 
pendant pas  comme  dans  la  mer  du  Sud.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  on  voit  des  Anchois  en  grande 
quantité  fur  les  côtes  de  cette  mer;  aulli  la  pèche 


NEUVIEME.  10  J 

en  cil- elle  très-copieufe.  Les  Baleines  attirées  par 
cette  pâture  y  viennent  en  grand  nombre  ;  quel- 
ques-unes mêmes  échouent  fur  la  plage  en  pour- 
fuivant  ces  poiffons ,  &  y  meuiciit  après  avoir 
fait  beaucoup  d'efforts  inutiles  pour  fe  remettre 
à  riot. 

Il  n'eO;  pas  facile  de  dire  H  celles  qui  fré- 
quentent les  côtes  peu  profondes  font  précifc- 
ment  au(1i  grandes  que  celles  qu'on  prend  dans 
les  mers  de  l'Europe;  ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'eft  qu'elles  ont  la  mcme  forme ,  &  font  très- 
groffes.  En  effet ,  une  de  ces  Baleines  mife  à  côté 
d'un  vailTeau  de  700  tonneaux,  faifoit  les  trois 
quarts  de  la  longueur  du  vaiffeau ,  mefurée  de- 
puis le  commencement  de  la  tête  jufqu'à  rextré- 
mité  de  la  queue  :  ainfî  on  peut  eflimer  qu'elle 
avoir  vingt-cinq  varas  de  long.  Comme  il  y  en 
a  de  plus  ou  moins  grandes,  cette  mefure  ne 
peut  fervir  de  règle  fixe  pour  toutes  celles  de  ces 
mers.  Leur  tête,  femblable  à  une  roche  contre 
laquelle  la  mer  vient  battre  ,  eft  couverte  de 
coquillages  de  diverfes  efpèces  qui  s'y  attachent 
&  s'y  multiplient;  on  y  voit  aufîî  une  couche  de 
limon  verdâtre,  tel  que  celui  qui  s'engendre  fur 
les  roches ,  ou  aux  parties  externes  du  navire , 
qui  font  dans  l'eau ,  &  qu'on  n'a  pas  lavé  depuis 
long-tems. 

Ce  poiffon  énorme  fe  nourrit  d'Anchois  :  or 


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la  manière  dont  il  les  prend  eft  digne  d'être  con- 
nue. 11  approche  des  parages  où  les  Anchois 
viennent  par  troupes  pour  chercher  leur  pâture  j 
là,  il  bat  l'eau  de  fa  queue  à  grands  coups  réitérés, 
ôr  ,  par  ce  moyen ,  tue  tous  les  Anchois  qu'il 
peut  atteindre  :  or  fa  queue  eft  très- dilatée  & 
très-longue.  11  continue  ce  manège  jufqua  ce 
que  la  troupe  fe  divife ,  ôc  cherche  à  fe  fauve'r 
parla  fuite  jaulîî- tôt  il  avale  ceux  qui  font  morts, 
&  pourfuit  les  fuyards ,  pour  rcnouveller  enfuite 
fon  attaque. 

On  remarque  dans  les  poifTons  ce  qui  a  lieu 
parmi  les  animaux  terreftres^  les  uns  vont  feu'>j 
les  autres  en  troupes.  La  Sardine  &  les  Anchois 
font  du  nombre  de  ces  derniers  ;  les  parages  où 
ils  viennent  pâturer  en  font  fi  remplis ,  qu'on  n'y 
voit  pas  autre  chofej  ainfi  la  Baleine  peut  en  tuer 
autant  qu'il  lui  en  faut  pour  fe  nourrir. 

La  Baleine  eft  à  fon  tour  pourfuivie  par 
d'autres  poiftbns  qui  eh  font  les  ennemis,  mais 
particulièrement  par  les  poiftbns  appelles  VEpée 
Se  la  Scie,  La  meilleure  défenfe  de  la  Baleine 
eft  fa  queue;  comme  elle  a  une  grandeur  con- 
fidérable  ,  elle  devient  fon  arme  la  plus  sûre.  Le 
combat  que  la  Baleine  foutient  contre  ces  ennemis 
eft  des  plus  curieux ,  vu  les  grands  mouvemens 
qu'elle  eft  obligée  de  faire  avec  fa  tète  &  fa  queue  : 
tantôt  elle  fort  de  l'eau  fa  t^:e ,  qui  paroîc  s'clAvei: 


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nis,  mais 


KEUViEMï.  105 

fomme  un  promontoire ,  tantôt  elle  fort  la  queue , 
qui  femble  être  une  voile  de  vaifleau ,  fur  la- 
quelle le  foleil  fe  réfléchit  comme  fur  la  glace 
d'un  miroir  j  bientôt  elle  la  lailfe  replonger  avec 
fureur  fur  fon  ennemi,  bat  l'onde  avec  violence, 
&  la  fait  élever  en  gros  bouillons.  La  Baleine  eft 
alors  toute  en  furie ,  elle  le  manifefte ,  tant  par 
la  manière  dont  elle  flotte  &  s'agite ,  que  par 
un  mugiflement  rauque  qu'elle  fait  entendre 
jufqu'à  une  lieue  de  la  plage. 

On  fait  que  ce  poiflbn  eft  de  la  clafle  de  ceux 
qui  lancent  au-dehors ,  par  les  deux  trous  qu'ils 
ont  fur  la  tcte ,  l'eau  qu'ils  ont  infpirée  par  les 
ouies  ou  branchies;  c'eft  ce  que  fait  la  Baleine 
lorfqu'elle  nage  à  la  furface  de  l'eau  :  elle.en  lance 
même  une  aflez  grande  quantité  en  forme  de 
gerbes  quand  elle  s'amufe  de  ce  jeuj  mais  fi 
c'eft  en  combattant  qu'elle  levé  la  tête ,  elle  n'en 
jette  pas  tant ,  ni  fi  haut ,  a  caufe  de  l'agitation 
où  elle  fe  trouve.  Quand ,  au  contraire ,  elle  n'ell 
occupée  ni  à  combattre,  ni  à  chercher  fa  proie, 
il  femble  qu'elle  s'amufe;  elle  montre  fa  tête 
tranquillement  avec  un  air  majeftueux  fur  les 
eaux  ,  &  fait  jaillir  ces  gerbes,  qui  fe  divifenc 
en  l'air,  &  forment  un  fpedacletrès-divertiifant, 
fur- tout  quand  les  rayons  du  foleil  s'y  réflé- 
chiflfent. 

Si  la  Baleine  a  des  enneQiis  à  combattre  ôc 


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des  poilTons  à  poiirfuivre  pour  fe  nourrir,  elle 
fait  aufli  jouer  quelquefois  avec  les  poiifons  de 
foii  efpèce  :  alors,  elles  fe  rapprochent  les  unes  des 
autres ,  forçant  la  tcte  de  l'eau  en  même  tems ,  &c  fe 
préfentant  la  gueule  béante  comme  pour  fe  faifir 
réciproquement  :  mais  auflî-tot  elles  s'éloignent 
Tune  de  l'autre  ,  &  celle  qui  fuit  femble  fe 
moquer  de  celle  qui  la  pourfuit.  Quelquefois 
elles  s'entortillent  par  la  queue ,  &  fortent  dans 
ces  mouvemens  une  grande  partie  du  corps  hors 
de  l'eau  avec  beaucoup  de  légèreté  ,  comme  fi 
elles  avoient  eu  deflein  de  faire  un  faut. 

Ces  exercices  durent  ordinairement  aiTez  long- 
tems.  Le  combat  de  la  Baleine  dure  une  matinée 
entière  :  &  les  jeux  auflî  long -tems.  Quant 
à  la  pêche ,  elle  y  emploie  tout  le  tems  que  de-» 
mande  fa  faim ,  ou  la  prife  àes  poiflbns  nécef* 
faires  pour  l'alTouvir.  C'eft  en  général  dans  les 
jours  fereins ,  lorfque  le  foleil  eft  le  plus  vif, 
quelle  paroît  s'occuper  du  jeu ,  mais  elle  ne  paroît 
pas  quand  le  tems  eft  fombre  &  agité.  Pour 
lancer  l'eau,  lorfqu'elle  nage  à  la  fuperficie,  elle 
élevé  la  queue  au-dehors,  après  avoir  plongé  la 
tète ,  &  fait  autant  tournoyer  l'onde  qu'un  vaif- 
feau  en  pleines  voiles  avec  fa  poupe. 

La  Baleine  ne  lance  point  cette  eau  fans  ré- 
pandre en  même  tems  de  fon  intérieur  und 
exhalaifon  fi  fétide ,  qu'elle  infecte  l'air  au  loin. 


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Cette  exKalaifon  eft  infoucenable ,  lorfque  la  Ba- 
leine réitère  fouvent  ce  jeu.  C'eft  un  eftet  de  la 
ponion  excrémenticielle ,  ou  des  matières  indi- 
geHes  qu  elle  renferme  dans  fon  eftomac. 

Les  Européens  vont  pêcher  la  Baleine  dans  les 
froides  régions  du  Nord  avec  des  vailTeaux  qu'on 
équipe  exprès.  On  en  convertit  les  graifTes  en  huile, 
&  Ton  tire  parti  de  ce  qu'on  appelle  communé- 
ment barbe  de  baleine.  On  en  fait  auffi  la  pêche 
fur  les  côtes  de  la  Nouvelle- Angleterre  avec  aflez 
de  profit.  On  y  emploie  le  fperme  ou  le  blanc^ 
pour  faire  des  bougies  ou  chandelles  qui  durenc- 
plus  que  celles  de  cire,  &  qui  ont  l'avantage 
d'être  plus  blanches,  tranfparentes ,  de  ne  pas 
couler ,  &  de  ne  donner  aucune  odeur.  La  lu- 
mière en  eft  très-claire,  &  il  ne  stïi  évapore 
rien  qui  porte  à  la  tête. 

Ce  que  l'on  tire  de  ce  poifTon  fournit  pluHeurs 
chofes  utiles  pour  l'ufage  ordinaire  de  la  vie ,  & 
pour  le  commerce.  On  n'a  pas  encore  penfé  â 
«s  avantages  dans  les  parages  de  la  mer  du  Sud, 
où  l'on  auroit  pu  établir  c^s  pêcheries  de  même 
que  dans  la  baiej  on  feroit  cette  pêche  fans  fa- 
tigue &  fans  équiper  de  vaifTeaux  exprès,  & 
même  fans  s'écarter  des  côtes.  On  y  néglige  des 
avantages  qui  deviendroient  confidérables ,  non- 
feulement  pour  ces  parages ,  mais  pour  l'Efpagne 
même  3  cai  il  eâ  incroyable  combien  l'Efpagne 


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fait  fortir  d'argent  pour  avoir  de  la  baleine  & 
cle  la  cire  des  pays  du  Nord ,  tant  pour  foi  que 
pour  les  deux  Indes.  On  n'eftime  en  Amcriqus 
que  ce  qui  eft  or  eu  argent  j  ce  qui  efi:  caufc  du 
peu  d'attention  qu'on  fait  à  ce  commerce,  &'  à 
toute  autre  opération  niercantillc.  On  ne  fe  re- 
préfente  pas  que  l'argent  difparoît  comme  toutes 
les  vapeurs  de  la  terre,  lorfqu'on  manque  des 
chofes  nécelTaires  à  la  vie,  &  que  c'eft  une  fui- 
gulière  illufion  que  de  craindre  de  manquer 
d'argent,  quand  on  ne  prend  pas  le  moyen  cis 
fe  le  conferver.  On  pourroit  donc  faire  dans  ces 
parages  les  pcches  les  plus  copieufes ,  fans  autre 
.préparatif  que  de  côtoyer  la  plage  fur  des  cha- 
loupes avec  les  inftrumens  nécelTaires.  On  feroic 
de  l'huile  le  même  ufage  qu'on  en  fait  r  -  d'au- 
tres contrées j  les  barbes,  les  os,  la  graille,  pro- 
duiroient  nombre  de  quintaux  de  fperme ,  comme 
dans  la  Nouvelle- Angleterre  ,  où  ces  matières 
jnercantiles  font  les  mèn»es  qui  y  procurent  les 
richeflTes  qu'on  y  acquiert. 

Le  ChUa  eft  un  des  poilïbns  les  plus  abondans 
qu'on  trouve  dans  ces  mers ,  il  eft  fort  délicat,  & 
fe  transporte  fins  fel  jufques  dans  la  partie  haute, 
où  il  fe  confomme.  Il  a  une  demi-vara  de  long, 
ôc  environ  un  tiers  de  large  j  la  forme  en  eft 
prefque  ovale ,  la  chair  eft  par  feuillets  fort  blancs , 
comme  celle  du  Çorbina*  La  grande  quantité  qui 


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s'en  confomme ,  tant  falé  que  frais,  en  fait  entre- 
tenir l'abondance  ,  ce  qui  a  également  lieu  4 
l'égard  d'autres  efpèces  communes. 

Quant  aux  poilTons  qu'on  prend  dans  les  ri- 
vières ,  ceux  de  la  partie  haute  du  Pérou  fe  ré- 
diiifent  en  général  à  deux  efpèces ,  favoir  les 
Pregnadil/as  Se  les  Bagres  :  la  feule  différence 
qu'il  y  a  ,  eft  que  les  premiers  font  petits  , 
n'ayant  pas  plus  d'un  pouce  &  demi,  au  lieu  que 
parmi  les  autres,  il  y  en  a  qui  ont  plus  d'un  tiers 
de  varà.  Ces  deux  efpèces  ont  la  tête  platte  & 
ronde,  la  peau  de  couleur  terne,  fans  écaille, 
enduite  de  matière  vifqueufe,  qu'il  faut  enlever 
pour  les  manger.  On  le  frotte  très-fort  pour  cet 
effet  avec  de  la  cendre ,  fans  quoi  cette  matière 
leur  communique  une  odeur  &  une  faveur  dé- 
goûtantes. La  chair  efl:  blanche,  délicate,  favou- 
reufe ,  &  n'a  d'autre  arcte  que  celle  du  milieu. 
On  en  voit  très -peu  dans  les  rivières  qui  traver- 
fent  les  Quebradas.  Il  n'y  a  pas  de  Bagres  dans 
la  plupart  des  rivières  du  royaume  de  Quito , 
quoiqu'on  y  trouve  des  Prégnadillas  :  cependant 
ces  eaux  font  à  la  même  température,  &  cou- 
lent avec  une  égale  rapidité.  On  apperçoit  çà  ôc 
là  quelques  Bagres  j  du  côté  de  Cuença  j  dont  la 
température  eft  de  13  à  15  degrés  de  chaleur 
pendant  toute  l'année,  &  ainfi  de  deux  degrés 
plus  chaude  qu'à  Ifcuchaca  en  hiver,  &  d'un 
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degré  de  moins  en  été.  Mais,  fans  aller  dans 
cette  contrée ,  il  y  a  près  de  la  ville  de  Quito 
nombre  de  Quebrudas  ^  où  croît  la  canne  à  fucre, 
qui  demande  un  climat  plus  chaud  que  celui  de 
Cuença  :  or,  il  ny  a  pas  de  ces  poifFons ,  ce  qui 
prouve  que  c'eft  l'efpèce  qui  manque,  &  non  pas 
la  nature  du  climat. 

On  trouve  encore  dans  les  rivières  des  Que- 
bradas  de  la  partie  haute  du  Pérou ,  un  animal  am- 
phybie  qu'on  y  appelle  Zaramagullon;  il  eft  tout 
noir,  ayant  un  long  cou ,  un  bec  comme  celui  des 
Patos ,  mais  plus  étroit.  Il  eft  de  la  taille  ordinaire 
de  ceux-ci  j  fes  plumes  font  li  petites  qu'elles  tien- 
nent un  milieu  entre  la  plume  &  le  poil  :  fa 
chair  à  un  goût  fort  de  marécage ,  d'où  l'on  pré- 
fume qu'il  fe  nourrit  de  Pregnadiilas  ^  ou  de 
jeunes  Bagres. 

Il  n'y  a  aucune  efpèce  de  poifTons  dans  les  lacs 
des  pays  froids ,  fitués  au-delà  des  terreins  ha- 
bités y  ce  qui  fait  croire  que  le  climat  s'y  refufe, 
à.  caufe  du  grand  froid. 

Il  femble  que  les  plus  grands  poifïbns  devroient 
plus  réfifter  au  froid  que  les  petits ,  Se  que  l'on 
devroit  reconnoître  par  ceux  qui  font  les  p!us 
gros ,  le  climat  où  l'on  commence  à  voir  les 
moyens  nécelTaires  à  leur  fubfiftance ,  eu  égard  à 
la  quantité  d'eau  qu'il  leur  faut  dans  les  livières 
four  pouvoir  y  nager  :  cependant  il  n'en  eft  pai 


NEUVIEME.  m 

aîiifi ,  car  ce  font  les  plus  petics  qui  s'y  trouvent. 
11  y  a  un  petit  poilTon  dont  la  longueur  n'égale 
pas  une  demi  ligne,  dans  les  rivières  dont  la  tem- 
pérature eft  plus  froide ,  que  celle  des  Quebiadas, 
d'environ  cinq  à  fîx  degrés.  On  y  ap^^cllc  ce 
poiflon  Chiche  ;  il  a  la  forme  de  ceux  qu'on  ap- 
pelle en  Efpagne  Befuguito  ;  la  quantité  en  eft 
infinie  :  il  nage  à  la  furface  de  l'eau.  Les  In- 
diens le  pèchent  avec  des  efpèces  de  tamis,  ou 
des  paniers  de  jonc,  qu'ils  plongent  dans  l'eau 
pour  en  enlever  l'écume,  lis  font  de  ces  poifTons 
de  petites  tablettes  de  la  longueur  d'un  huitième 
de  varas ,  &  de  quatre  doigts  de  large  fur  un 
demi-doigt  d'épailfeur.  Us  les  preflent  enfcmble 
pour  \qs  unir  &  les  incorporer,  enfuite  ils  en 
achèvent  la  préparation  à  la  fumée.  Ces  poilfons, 
ainfi  préparcs,  leur  fervent  pour  affaifonner  leur 
manger  j  cela  y  donne  une  faveur  marécageufe  , 
qui  plaît  au  palais  de  ces  gens.  On  en  fait  une 
grande  confommation  à  Lima  &  dans  tout  le 
Pérou.  Cet  ingrédient  y  eft  compté  parmi  les 
épices.  On  n'en  trouve  point  dans  toutes  les  ri- 
vières, mais  on  les  apperçoit  bientôt  dans  celles 
où  il  y  en  a  :  on  les  pèche  dans  les  endroits  où 
ils  s'arrêtent  :  jamais  ils  ne  deviennent  plus  grands. 
Ils  fe  trouvent  auflî  dans  les  eaux  d'une  tempé- 
rature un  peu  chaude.  Comme  ils  fe  tiennent  à 
la  furface  de  l'eau ,  oh  préfume  qu'ils  fe  nour- 

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riirenc  des  infedes  imperceptibles  qui  vivent  pa- 
reillement  dans  ces  eaux. 

Les  anciens  Indiens  ufoientau(îî  de  C/^icAt:  pouf 

airailFonner  leurs  mets  j  c'efl:  d'eux  que  les  Efpa- 

gnols  ont  appris  à  s'en  fervir.  Le  petit  panier  de 

jonc  qu'ils  employenc  pour  cette  pèche  eft  fem. 

blable  à  ceux  dont  ils  fe  fervent  pour  d'autres 

cliofes.  Ce   font   les  Indiens  qui  s'occupent  de 

cette  pèche,  qui  demande  beaucoup  de  patience; 

car  il  faut  qu'ils  reftent   long  tems  dans  l'eau 

jufqu'aux  genoux ,  en  fuivant  ain(i    le  bord  du 

fleuve,  &  en  écumant  pourainfi  dire  l'eau,  comme 

on  l'a   vu.  Ces  poiffons  donnent  quelques  figues 

de  mouvement  quand  ils  font  en  vie,  fans  ce- 1 

pendant   fauter  :  leur  petitefîe  les  en  emptche 

peut-être. 

•  On  ne  connoît  pas  d'autres  efpèces  de  poilTons  i 
dans  ces  rivières  :  cela  vient  fans  doute  de  ce 
qu'il  n'y  a  pas  de  frai  nécelTaire  ;  mais  ceux  ci 
s'y  trouvant  ,  il  peut  pareillement  y  en  avoir 
d'autres  des  mêmes  efpèces  qu'on  voit  dans  les 
rivières  des  climats  froids  ,  ôc  dont  le  cours  eli| 
fort  rapide. 

Quittons  les  contrées  du  midi,  pour  donner  1 
quelques  détails  fur  certaines  particularités  de 
îa  partie  du  Nord,  au-delà  de  l'Equateur.  Nous 
remarquerons  d'abord  à  la  Havane, la  Ciguatera, 
maladie  contagieufe  ,  qui  fe  communique  par  ksi 


NEUVIEME.  213 

poilTons  qui  en  font  attaqués  j  fur-tout  par  certaine 
efpèce  qui  y  eft  plus  fujette  que  les  autres  j  car 
il  fufïit  de  manger  une  fois  de  ces  poilfons  pour 
c:re  attaqué  de  la  maladie. 

On  l'attribue  à  un  fruit  qu'on  y  appelle  Man:^a' 
nilla.  Ce  fruit  croît  dans  les  campagnes  ,  ik.  eft 
regardé  comme  vénéneux ,  ce  que  les  effets  fem- 
blent  démontrer  :  voilà  pourquoi  il  eft  défendu 
de  vendre  de  ces  poillons  qu'on  appelle  Cigua^ 
m.  On  s'apperçoit  de  la  maladie  dont  ils  font 
attaques,  à  la  couleur  jaune  de  leurs  dents  :  611 
dit  même  qu'en  leur  mettant  de  l'argent  dans 
la  gueule,  ce  métal  y  prend  alors  une  couleur 
I  jaune. 

Les  effets  de  cette  maladie  font  un  afFailfe- 
ment  total  \  le  teint  devient  pâle  j  on  a  l'air  trifte  j 
le  corps  maigrit  j  on  fent  des  douleurs  dans  les 
jointures  &  dans  tous  les  os  \  peu-à-peu  l'on 
tombe  dans  une  foiblelfe  extrême ,  on  n'a  plus 
I  d'appétit ,  &:  l'on  eft  enfin  dégoûté  de  tout  :  Ci 
il'on  n'y  porte  du  remède,  le  mal  conduit  infail- 
liblement à  la  mort.  On  y  remédie  en  buvant  de 
l'eau-de-vie ,  &  avec  quelques  topiques  qu'on  ap- 
plique pour  adoucir  les  (fouleurs.  Le  principe  fpi- 
ïitiieux  de  cette  liqueur  ranime  les  efprits  ,  mer 
le  fang  en  mouvement ,  &  il  fe  purifie  de  l'hu- 
meur maligne  qui  l'avoir  altéré  j  la  nature  reprend 


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114  'Discours 

fes  forces  ;  mais  ce  n'eft  qu'au  bout  de  quelques 
jours  ik  même  d'un  mois. 

On  ne  connoîc  pas  cette  qualité  nuifible  des 
poiflbns  fur  les  Côtes  de  Cartagcne ,  de  Tcnc' 
firme  ,  ni  dans  les  autres  parties  de  ces  contrées, 
quoiqu'on  y  voye  beaucoup  de  ManccnUiers  ,  k 
qu'on  y  croye  fon  fruit  fiufli  vénéneux  que  celui 
de  la  Havane  :  on  craint  même  de  fe  repofer  fous 
fon  ombre.  Il  eft  à  remarquer  que  les  poilfoiii 
attaqués  de  la  maladie  mentionnée ,  ne  pr/ifen- 
tent  aucun  figne  de  poifon ,  &  qu  pn  ne  lt:>  voit 
ni  endommagés,  ni  malades. 
,   Les  Tortues  font  fort  communes  dans  cetre 
Ille  j  l'on  en  vend  la  chair  comme  celle  de  boeuf; 
on  en  fait  une  pèche  confidérable  à  l'Oueft,  dans 
les  hauts-fonds  de  Sainte-lfabelle  »  &  en  d'autres 
parages  où  la  mer  eft  peu  profonde.  Les  pécheurs 
fe  jettent  à  l'eau  pour  cet  effet ,  &  cmbralleii! 
celle  qu'ils  rencontrent ,  la  retournent ,  lui  mer- 
tent  la  bouche  en  haut ,  &  lui  otent  ainfi  la  fa- 
culté de  nager  :  c'eft  aufîî  dans  cette  pofition  qu  ils  i 
les  mettent  dans  leurs  vai fléaux ,  pour  les  tranf- 
porter  à  la  Havane  :  ils  les  y  jettent  dans  des 
viviers  qu'ils  tiennent  IBus  l'eau,  pour  les  gardei 
vivantes  jufqu'à  ce  qu'ils  les  tuent  pour  les  vendrd 

La  chair  en   eft  blanche  comme  celle  de  li 
poule  ,   mais  plus  ferme.  Cet  animal  cherche  en  I 


NIUVIEME.  115 

t'tc  les  pLiges  fablonncLifes  pour  y  pondre ,  i}C 
il  a  l'inflind  de  choifit  celles  où  il  fe  trouve 
moins  de  danger  de  la  part  des  poilfons  qui  re- 
cherchent fes  œufs.  Les  Ifles  des  Caïmans  font 
celles  où  la  Tortue  peuple  le  plus  :  des  que 
leurs  petits  peuvent  ramper,  elles  les  amènent  aux 
endroits  où  elles  vivent  habituellement. 

On  voit  aufll  beaucoup  de  Careis  fur  ces  Côtes. 
Quoique  cet  animal  rcllcmble  à  la  Tortue  ,  puif- 
qu'il  en  eft  une  cfpèce  ,  la  chair  en  eft  bien  dif- 
fcrente  5  elle  eft  en  effet  très-nuifible  A  la  fantcj 
au  lieu  que  celle  de  Tortue  n'expofe  à  aucun  in-» 
convénient.  Les  Tortues  font  en  fort  grand  nom- 
bre fur  les  Côtes  &  dans  les  autres  Ifles  de  cette 
Mer ,  fur-tout  entre  l'Equateur  &  le  Tropique 
du  Cancer.  Quant  aux  Cweis,  on  en  voit  peu 
dans  les  contrées  éloignées  de  la  Havane.  Les 
Tortues  ne  font  pas  fi  communes  dans  la  Mer 
du  Sud ,  &  l'on  en  voit  très-  rarement  dans  la 
Louyfiane  :  il  y  en  a ,  au  contraire ,  de  la  gran- 
deur d'une  demi-vara  dans  les  rivières  qui  fe 
jettent  dans  le  Miflîfipi  j  mais  ce  font  de  petites 
Tortues ,  en  comparaifon  de  celles  qu'il  y  a  dans 
la  Mer,  fur- tout  depuis  la  Havane  jufcp'à  Car- 
thagène  &  Terre-Ferme,     .  :   . 

Quoique  le  Mifiîfipi  foit  un  àss  plus  grands 
fleuves  de  l'Amérique  ,  ôc  aufli  profond  que  je 
l'ai  dit ,  il  s'y  trouve  peu  de  poiflbns  :  ceux  qu'on 

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11^  Discours 

y  prend  font  mcme  de  peu  de  valeur.  On  y  trouve 
des  Barhudos 'y'iU  relTemblcntau^fz^rtf  ;  quelijues- 
uns  de  ces  poiflbns  font  fort  grands  ,  6c  ont  fous 
le  ventre  certain  rapport  avec  les  Tahurones  \  la 
chair  en  eft  flafque ,  d'une  faveur  infipide  :  c'eft 
ce  qui  le  fait  lailfer  pour  les  Pauvres  de  pour  les 
Nègres. 

Les  lacs  qui  forment  au  Nord  l'Iile  où  e(l  U 
Nouvelle  -  Orléans  ,  &  qui  réfultent  de  l'en- 
trée de  la  Mer  entre  la  Côte  du  Continent 
de  la  Mobile  &  l'Ifle ,  abondent  en  poiflons  : 
c'eft  de-là  que  la  ville  s'en  procure.  Les  eaux  des 
rivières  font  froides  en  tout  tems  :  ce  qui  peut 
ctre  caufe  de  la  rareté  des  poiiTbns. 

Il  n'en  eft  pas  ainiyies  Camarons  6c  des  Lan- 
gouftins  :  il  femble  que  leurs  œufs  ont  été  ré- 
pandus par-tout  ,  tant  ils  fe  multiplient  :  cha- 
cune de  ces  efpèces  a  fon  temps  propre  j  mais 
on  en  voit  une  fi  grande  quantité  ,  qu'on  l'ap- 
pelle la  manne  du  pays  j  en  effet ,  les  peuplades 
en  font  leur  nourriture  &  leurs  plaifirs.  Les  ter- 
reins  inégaux  fe  remplilTent  des  eaux  de  pluie 
qui  tombent  en  été  ;  de  forte  que  les  folTés  ,  ou 
les  trous  qu'on  a  pu  faire  çà  &  là ,  font  pleins  de 
Langouftins  ;  mais  lorfqu'il  a  ceflTé  de  pleuvoir , 
&  que  les  terreins  font  déflechés  ,  on  ne  voit 
plus  aucun  de  ces  animaux.  Il  paroît  qu'on  ne 
peut  attribuer  la  grande  quantité  de  ces  Lan- 


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NEUVIEME.  217 

gouftlns  qu*aux  débortlemcns  des  rivières  qui  en 
charient  alors  les  œufs  ,  ou  aux  canaux  qu  on 
fait  pour  les  moulins.  Ces  œufs  répandus  de  tous 
côtés,  fe  raffemblep-c  en  partie  dans  les  eaux 
ftagnantes ,  3<  y  multiplient  ainfi  l'efpcce  en  peu 
de  tems. 

C'cft  toujours  vers  le  foir  qu'on  pcclie  la  pro- 
vifion  des  Langouftins  dont  on  a  befoin  pour  le 
fouper.  Chaque  famille  envoyé  un  de  fes  Efda- 
ves  qui  prend  cette  provifion  j  Ôc  l'on  n'en  trouve 
pas  moins  tous  les  jours ,  tant  que  dure  la  faifon 
oii  l'on  en  peut  avoir  ;  mais  après  cela  on  n'en 
voit  plus  que  l'année  fuivante. 

Quand  le  tems  des  Langouftins  eftpafTc,  celui 
des  Camarons  commence ,  &  ceux-ci  font  enaudî 
grande  quantité  que  les  autres.  Quoiqu'on  trouve 
de  ces  deux  efpèces  dans  d'autres  provinces  ,  & 
dans  les  rivières  du  Pérou ,  il  n'y  en  a  pas  tant 
que  dans  la  Louyfiane. 

Les  autres  poiffons  qui  font  ordinaires  dans  les 
Mers  &  fur  les  Côtes ,  s'y  voient  auflî  en  quantité 
confidérable  ^  mais  Tlfle  de  Cuba  abonde  en  co- 
quillages de  diverfes  efpèces  ,  &  en  plantes  ma- 
rines :  ces  efpèces  font  lî  variées  qu'il  faudroic 
écrire  un  traité  particulier  pouf  les  faire  connoître. 


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DISCOURS    DIXIEME. 

Des  Lacs  j  des  Rivières  ;  &  nonces  fur  ce  qu'il 
y  a  de  particulier, 

XjEs  pays  où  les  Rivières  font  en  plus  grand 
nombre  ,  &  dont  les  terreins  font  inégaux  &.  en- 
foncés çà  &  là  ,  doivent  aulîî  renfermer  beau- 
coup plus  de  Lacs  ;  car  c'eft  de  ces  Lacs  que 
fortent  ces  Rivières.  Les  Lacs  font  formés  par 
la  réunion  de  l'eau  qui  afflue  dans  les  vallées  ou 
dans  les  plats -pays  un  peu  enfoncés.  Montée  à 
certaine  hauteur  ,  l'eau  fe  décharge  par  le  côté  le 
moins  élevé ,  &  fe  divife  ainfi  en  différens  fleuves , 
ou  n'en  forme  qu'un  ,  félon  les  bouches  par  lèf- 
quelles  elle  peut  fuivre  fa  pente.  La  même  chofe 
arrive  dans  les  plaines  ,  par  les  mêmes  caufes. 
Mais  fi  les  Rivières  n'y  font  pas  en  (î  grand  nom- 
bre ,  elles  y  ont  régulièrement  plus  d'étendue. 
.  On  voit  au  Sud  &  à  l'Oueft  du  Canada  dif- 
férens  Lacs ,  dont  les  uns  ont  foixante  à  quatre- 
vingt  lieues  de  long ,  fur  une  largeur  proportionnée. 
Or ,  ce  pays  eft  plat  &  bas  :  circonftance  qui  y 


Discours  dixième.  ïif 
contribue.  En  effet,  les  eaux  qui  fe  réiiniflfenc 
dans  ce  vafte  efpace  ,  rencontrant  des  terreins 
bas  ôc  inférieurs  au  refte  des  plaines  par  où  elles 
coulent ,  les  rempliflent  jufqu'au  niveau  :  ce  qui 
leur  procure  un  libre  paiïage  vers  la  Mer. 

C'eft  ainfi  qu'eft  formé  le  fleuve  Saint-  Laurent, 
auquel  le  Lac  Ontario  fournit  fes  eaux.  Ce  Lac- 
ci  ks  reçoit  du  Lac  Erie  ,  dans  lequel  le  Lac 
Huron  fe  décharge ,  après  avoir  été  rempli  par 
le  Lzc Supérieur  :  celui-ci  eft  au  quaranre-fixitnie 
degré,  latitude  Nord  :  ils  occupent  enfemble  une 
étendue  d'environ  quatre  cents  Jieues  ,  entre 
l'Eft  &  l'Oueft. 

Ces  Lacs  reçoivent ,  non  -  feulement  de  celui 
qui  les  précède ,  l'eau  qui  les  entretient ,  mais 
encore  des  Ruilfeaux  &  des  Rivières  qui  s'y  jettent: 
c'eft  ainfi  qu'ils  deviennent  des  efpèces  de  Mers 
au  milieu  du  Continent ,.  vu  leur  extrême  éten- 
due. Il  arrive  la  même  chofe  en  Eurooe ,  &  dans 

à.        * 

les  autres  parties  du  Globe.  Les' hautes  contrées 
de  l'Amérique  méridionale  étant  des  terreins 
très-inégaux ,  vu  le  grand  nombre  &  la  proximité 
réciproque  des  montagnes  y  ne  peuvent  préfenter 
d'aufli  vaftes  plaines  que  les  pays  précédens. 

On  donne  aulîî  improprement  le  nom  de  Lac 
à  quelques  Baies  que  la  Mer  forme ,  entre  deux 
terres  où  elle  s'imrodiiit,  ou  avec  lefquelles  elle 


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120  Discours 

a  une  communication  par  une  embouchure  quel- 
conque :  tels  font  le  Lac  Borgne ,  de  Pontchar- 
train  ôc  de  Maurepas  ,  qui  font  Atués  au  Sud 
de  rifle  de  la  Nouvelle-Orléans.  Si  l'on  ne  peut 
les  appelles  Baies  ,  vu  leurs  hauts-fonds ,  on  peut 
les  regarder  comme  des  efpèces  de  Golfes  que 
forme  la  Mer  ;  &  par  ce  moyen  on  les  diftin- 
guera  des  autres. 

11  y  a  encore  d'autres  amas  d'eaux  que  forment 
les  Rivières  ,  quand  leurs  eaux  ne  font  pas  affez 
fortes  en  arrivant  près  du  bord  de  la  Mer.  En 
effet ,  Cl  les  grands  Fleuves  forment  ce  que  nous 
appelions  èarre ,  les  petits  ,  au  contraire ,  n'ayant 
pas  aflez  de  force  pour  rompre  l'obftacle   que 
leur  oppofent  les  flots  de  la  Mer ,  font  refoulés , 
fe  répandent ,  &  forment  des  amas  d'eaux ,  qui 
fe  font  jour  par  les  interftices  &  les  cavités  des 
pierres ,  &  à  travers  les  fables  qui  les  arrètoient  : 
quelquefois  même  ces  eaux  s'élèvent  jufqu'à  des 
hauteurs  où  la  violence  des  flots  n'atteindroit  pas. 
Ou  voit  donc  ,  par  ce  que  je  viens  de  dire , 
qu'il  y  a  trois  efpèces  de  Lacs.  Les  premiers  font 
deplufieurs  lieues  d'étendue,  ôc  comme  des 
Mers  j  les  féconds ,  beaucoup    moindres   ;  les 
tvoifièmes ,  ceux  qui  fe  trouvent  fur  les  bords  de 
la  Mer.  Les  premiers  ne  fe  voient  que  dans  des 
plaines  très-valles  ^  les  féconds  dans  les  hautes 


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D   I    X  I    E   M    Er  lit 

contrées  des  chaînes  de  montagnes  j  les  troifièmes 
enïiii ,  dans  les  endroits  où  les  Rivières  vont  fa 
décharger  a  la  mer. 

Si  les  RiiiiTeaux  &  les  petites  Rivières  fe  ren- 
contrent dans  les  terreins  bas  &  plats ,  mais  pro- 
portionnés à  leur  maiïe  d'eau  ,  ils    y  forment 
un  petit  Lac ,  &  la  décharge  de  celui-ci  devient 
une  Rivière ,  qui ,  groflie  par  celles  qui  s'y  jettent 
dans  fon  cours,  porte  fes  eaux  à  la  Mer.  Dans 
les  pays  montagneux ,  les  eaux  fe  réuniflTent ,  de 
tous  les  monts ,  dans  la  vallée  que  ces  pays  forment; 
&  ces  eaux  s'y  rendent  comme  fi  réellement  elles 
tomboient  dans  le  lit  d'un  étang.  Cet  amas  forme  , 
par  fa  décharge  ,  l'une  ou  l'autre  rivière  ,  qui  a 
pour  conduit  la  première   ouverture   qu'elle  fe 
pratique  elle-même  fur  terre.  La  Rivière  &  le 
Canal  font  peu  de  chofe  d'abord  j  mais  à  me- 
fure  que  l'une  va  groflîiTant  {qs  eaux ,  l'autre  de- 
vient de  plus  en  plus  profond;  de  forte  qu'à  deux 
ou  trois  lieues  de  diftance ,  c'eft  un  lit  formé 
pour  un  fleuve.  Dans  les  profondeurs  où  il  coule, 
&  entre  les  éminences  qui  le  renferment ,  fes 
eaux  s'accroiflTent  à   mefure  qu'elles  s'éloignent 
de  leur  origine.  C'eft  ainfî  qu'on  voit  comment 
fe  font  ouvertes  ces  Quebradas  :  peu  confidéra- 
bles  à  leur  commencement ,  elles  ont  acquis  Se 
acquièrent  tous  les  jours  une  plus  grande  étendue, 
^  plus  de  profondeur. 


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zit  Dis   cour< 

La  partie  haute  du  Pérou  eft  partagée  de  tous 
côtés  par  de  femblables  Quebradas ,  dans  lefquelles 
circulent  autant  de  Ruilfeaux  ,  qui  doivent  leur 
origine  à  des  Lacs  ,  comme  je  l'ai  expofc.  Il 
n'eft  donc  pas  étrange  qu'il  y  en  ait  là  plus 
qu'ailleurs  ,  ôc  qu'ils  ne  foient  qu'a  une  ,  deux 
ou  trois  lieues  l'un  de  l'autre  y  mais  régulière- 
ment ils  n'ont  pas  plus  d'un  quart-de  lieue  de 
long.  On  voit  fur  les  bords ,  ou  dans  les  Iflots 
qui  s'y  forment  ,  des  cannes ,  des  rofeaux ,  des 
joncs  ;  mais  en  général  on  les  trouve  dans  les 
endroits  fupérieurs  aux  habitations  j  &  même  en 
grande  partie  dans  des  lieux  où  le  climat  froid 
ne  permet  pas  à  l'icho  de  croître. 

Ces  Rivières ,  qui  defcendent  des  Cordillères , 
fuivent  leurs  cours  à  travers  le  plat-pays ,  ôc  per- 
dent une  partie  de  leurs  eaux ,  tant  en  fournif- 
fant  ce  qu'il  en  faut  pour  fertilifer  les  terres 
que  la  pluie  n'arrofe  pas ,  qu^en  fe  divifant  lorf- 
qu'elles  font  arrêtées  ,  fans  pouvoir  fe  rendre  à 
la  Mer ,  ou  parce  que  les  terreins  n'ont  pas  allez 
de  pente  pour  leur  écoulement.  Ces  Lacs  ou 
Lagunes  fe  déchargent  en  fe  filtrant ,  comme  je 
l'ai  dit ,  à  travers  les  pierres ,  ou  en  furmontant 
leurs  bords. 

.  En  général,  les  Rivières  de  la  partie  occidentale 
du  Pérou,  qui  vont  à  la  mer,  ne  font  pas  Ci 
grofles  que  celles  de  la  partie  de  l'Eft,  ôc  qui 


D    I    X    T    F.    M    E.  225 

vont  fe  jetter  a  la  mer  de  ce  même  côte ,  parce 
que  l'elpace  confidcraWe  que  celles-ci  ont  d  par- 
courir, leur  donne  le  tems  de  s'accroicrc  pac 
celles  qui  s'y  déchargent  dans  leurs  cours. 

On  ne  voit  point  d'animaux  dans  les  lacs  où 
le  froid  du  climat  eft  exceflîf,  &  rend  la  terre 
ftérile  :  les  oifeaux  y  font  mcme  rares,  excepté 
les  aquatiques;  mais  il  y  a  d'autres  eaux  où  les 
oifeaux  font  en  fi  grande  quantité ,  qu'ils  en 
couvrent  la  furfacej  ce  font  de  ceux  qui  fe  fixent 
dans  les  contrées  les  plus  découvertes,  où  les 
montagnes  font  plus  éloignées  les  unes  des  autres: 
ils  s'y  tiennent  fur  les  lieux  les  plus  élevés,  &  les 
moins  proches  des  hautes  punas  ^  d'où  la  neige  ne 
difparoît  jamais.  On  voit  par-là  que  ces  oifeaux 
cherchent  les  lieux  les  plus  libres ,  fans  s'inquiéter 
du  froid. 

L'origine  des fources qu*on  y  voit,  eft  la  même 
que  celles  des  ruifleaux  &  des  rivières.  Les  ré- 
fervoirs  d'eau  en  laifient  beaucoup  filtrer  par  les 
porofités  du  fol.  Comme  elle  s'échappe  de  lieux 
très  -  hauts ,  elle  coule  par  les  conduits  fouter- 
reins,  jufqu'àce  qu'elle  arrive  dans  d'autres  lieux 
où  elle  trouve  moins  de  réhftance.  Voilà  pour- 
quoi l'on  rencontre  prefque  à  chaque  pas  de  pe- 
tites fources.  Il  y  en  a  d'alTéz  confidérables  pour 
fjrmer  un  ruifieau  à  la  fortie  même;  ce  ruifcu 
va  fe  joindre  avec  la  rivière  la  plus  proche,  & 


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3,14  Discours 

le  concours  de  plufieurs  courans  femblables  en 
rolfilTent  les  eaux. 

C'eft  aiiilî  que  celle  qui  déborde  des  lacs, 
quoique  peu  confidérable  d'abord ,  s'accroît  par  le 
grand  nombre  des  fources  qu'elle  rencontre  j  four- 
ces  dont  les  unes  viennent  du  Lac  mcme ,  les  autres 
d'ailleurs ,  ôc  toutes  s'écoulent  du  coté  où  e(l  le 
bras  principal.  11  réfulte  de-la  que  cette  contrée 
cft  coupée  par  nombre  de  ruifleaux  &  de  ri- 
vières ,  de  quelque  côté  qu'on  la  confidère.  Ceci 
nous  donne  une  idée  des  eaux  fouterreines  :  en 
eftet  le  nombre  des  veines  aqueufes ,  ou  des  ca- 
naux internes  qui  pénètrent  la  terre ,  correfpond 
à  celui  des  fources. 

Les  rivières  des  terreins  bas  &  plats  fe  portent 
lentement  &  fans  fracas  vers  le  centre  du  pays: 
les  détours  de  les  finuofités  qu'elles  font  en  al- 
longent le  cours ,  mais  c'eft  toujours  a  l'avan- 
tage des  campagnes,  qui  font  fertilifées  par  ce 
moyen.  Ain(î  les  fources  &  les  ruilTeaux  fup- 
pléent  dans  le  Pérou  aux  pluies  qui  y  manquent 
dans  des  efpaces  de  plufieurs  lieues. 

Les  eaux  des  hauts  pays  font  en  général  lé- 
gères,  cryftallines,  très-pures,  toujours  fraîchesj 
qualité  qu'elles  tiennent  du  climat  d'où  elles  def- 
cendent  :  mais  il  n'eft  pas  rare  de  les  voir  al- 
térées par  d'autres  veines  qui  les  gâtent.  On  ap- 
pelle ces  eaux  colpalès  :  ce  font  proprement  des 

eaux 


DIXIEME.  215 

eaitx  vitriollqiies  :  elles  prennent  cette  qualiié 
des  minéraux  fur  lerquels  elles  palFent^  de  là  il 
arrive ,  qu'autant  les  premières  font  falutaires  avant 
le  mélange,  autant  efles  deviennent  nuifibles 
après  cette  combinaifon.  On  les  reconnoît  non- 
feulement  au  goût ,  mais  encore  a  la  couleur 
qu'elles  donnent  aux  roches  qu'elles  baignent ,  & 
aux  rives  j  elles  les  rendent  d'un  rouge  orangé , 
qui  y  forme  comme  une  croûte. 

La  quantité  de  ces  eaux  indique  qu'il  y  a 
beaucoup  de  vitriol  Ôc  de  bitume  dans  ces  ter- 
reins  'y  voilà  pourquoi  plufîeurs  grandes  rivières , 
dont  les  eaux  font  très-bonnes  en  remontant  a 
leur  fource ,  n'en  préfentent  plus  que  de  mau- 
vaifes,  &  d'une  faveur  faline.  Mais  ces  mêmes 
rivières  réunies  à  d'autres  auflî  grolTes ,  &  même 
davantage ,  mais  bonnes ,  avant  de  defcendre 
dans  les  balTes  contrées ,  fe  corrigent  &  devien- 
nent falubres  j  elles  fe  corrigent  encore  en  dépo- 
fant  leur  fédiment  fur  les  terres  où  elles  paflTént , 
&  la  matière  de  cette  croûte  qu'il  forme  fur  les 
roches.  Voilà  pourquoi  on  ne  fent  aucun  mau- 
vais goût  aux  eaux  qui  coulent  dans  les  bas  pays; 
elles  font  bonnes ,  tant  pour  arrofer  la  terre , 
que  pour  boire. 

On  y  voit  certaines  eaux  qui  pétrifient  les 
fubftances  qui  y  tombent,  comme  les  feuilles 
d'arbres ,  le  bois,  les  os ,  ôc  autres  chofes,  mais 
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21^  Discours 

particulièrement  celles  qui  font  très  -  poreufes  : 
cela  vient  d'un  limon  très- atténué ,  &  de  quelque 
acide  minéral.  A  mefure  que  ce  limon  s'en  fé- 
pare ,  il  fe  fixe ,  fe  durcit ,  &  s'arrête  fur  les 
bords  où  l'eau  eft  la  plus  tranquille ,  ou  fur  le  fol 
même  qui  fert  de  Ht  aux  fleuves.  Mais  il  eft  fin- 
gulier  que  cette  eau  perde  fa  fluidité,  (car  c'eft 
une  de  fes  propriétés  eflentielles  )  fe  fixe ,  &  qu'il 
s'en  forme  des  pierres  comme  dans  une  carrière 
quelconque.  L'opinion  de  ce  pays  eft  que  le  bourg 
de  Guancavelica  eft  bâti  de  ces  pierres  qu'on  tire 
de  l'eau,  &  que  l'eau  de  plusieurs  fources  des 
environs  fe  convertit  en  piètres  ,  donton  fe  fen 
pour  les  édifices ,  après  les  avoir  taillées. 

Mais ,  fi  ce  fait  eft  fingulier ,  il  n'eft  pas  moins 
furprénant  de  voir  que  l'eau  dont  fe  forment  ces 
pierres  eft  fi  claire  Se  û  l'impide,  qu'elle  ne  pa- 
roît  aucunement  contenir  de  corps  étrangers.  Ce 
bourg  eft  donc  environné  de  pareilles  fources, 
dan*s  lefquelles  on  trouve  de  ces  pierres.  L'eau 
eft ,  outre  cela ,  fi  chaude ,  qu'elle  fume  conti- 
nuellement, mais  fur-tout  en  fortant  de  la  fource. 
Quoiqu'elle  ne  foit  pa^  au  degré  d'ébuUition ,  on 
ne  peut  y  tenir  long-tems  la  main  :  cette  eau  ne 
forme  cependant  alicune  incruftation  fur  les  côtés, 
ni  fur  le  fond  d'un  grand  réfervoir  fait  des  mêmes 
pierres  :  elle  ne  perd  rien  de  fa  profondeur, 
quoique  ce  réfervoir  foit  près  d'une  de  ces  mêmes 


-poreufes: 
de  quelque 
ion  s'en  fé- 
rète  fur  les 
ou  fur  le  fol 
ais  il  eft  fin- 
é,(car  c'eft 
fixe ,  &  qu'il 
une  carrière 
que  le  bourg 
es  qu'on  tire 
fources  des 
3nton  fe  fert 
liées, 
eft  pas  moins 
i  forment  ces 
ju'elle  ne  pa- 
étrangers.  Ce 
lies  fources, 
)ierres.  L'eau 
fume  conti- 
de  la  foutce. 
[bullition ,  on 
cette  eau  ne 
fur  les  cotés, 
lit  des  mêmes 
profondeur , 
e  ces  mêmes 


»  I  X  I  £  M  Ek  127 

fources.  On  y  voit  croître  les  efpèces  d'herbes 
qui  viennent  fpontanément  dans  toutes  les  eaux 
ftagnantes.  Mais  les  eaux  qui  s'écoulent  de  cec 
étang ,  &  baignent  les  terreins  fur  lefquels  elles 
palfent  fans  perdre  leur  chaleur,  lailTent  par-tout 
une  croûte  mince  de  couleur  jaune  ,  &  qui  de- 
vient plus  épaifle ,  plus  grofle ,  avec  le  rems  : 
elle  n'eft  pas  dure  d'abord,  mais  à  mefure  qu'elle 
prend  du  volume ,  elle  prend  plus  de  confiftance. 
Les  herbes  qui  ne  font  pas  fur  leurs  racDies ,  les 
branchages,  les  feuillts  qui  s'arrêtent  dans  les 
endroits  où  l'eau  eft  moins  rapide ,  fe  pétrifient 
également ,  &  s'incorporent  avec  les  mêmes  croû- 
tes. Cette  pierre  eft  légère,  mais  moins  que  l'eau: 
elle  a  beaucoup  de  porofité,  &  fe  laifle  tailler 
facilement  j  elle  conferve  même  ces  propriétés 
après  avoir  été  long-tems  à  l'air.  11  y  en  a  de  deux 
efpèces  j  l'une  d'un  gris  cendré  clair,  l'autre  oran- 
gée. La  première  a  plus  de  confiftance  que  la  fé- 
conde, &  vient  d'une  carrière  différente;   d'où 
l'on  doit  conclure  que  les  différences  de  la  pierre 
viennent  de  la  terre  différente  que  l'eau  baigne. 

La  faveur  de  cette  eau  eft  très-mauvaife ,  ce 
I qui  vient  du  fel  qu'elle  contient;  mais  les  effets 
en  font  encore  pires.  Les  animaux  ne  veulent  pas 
en  boire,  quelque  altérés  qu'ils  foient  :  elle  n*a 
pas  d'odeur  défagréable;  c'eft  pourquoi  on  s'en 
|fert  pour   les    bains,  ôc  l'on  n'a  pas  remarque 

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2i8  Discours 

qu'elle   eût  jamais  produit   de  mauvais  effets. 

Près  &  vis-à  vis  de  Guancavelica  fe  prcfcnte 
un  mont  de  hauteur  ordinaire,  que  l'on  appelle 
Potocchc»  Il  fort  au  pied  de  ce  mont  différentts 
fources ,  dont  les  unes  font  trcs-falubres,  &  d'une 
faveur  agréable,  Se  les  autres  extrêmement  nui- 
fibles ,  quoiqu'à  peu  de  dilhince  des  premières. 
Celles-ci  fortent  avec  le  degré  de  température 
du  climat,  mais  les  autres  font  couvertes  d'une 
fumée  qui ,  dans  les  tems  froids ,  y  forme  comme 
un  nuage ,  tant  elle  eft  épailTe.  11  n'y  a  cependant 
qu'une  diftance  d'un  demi-quart  de  lieuedesunes 
aux  autres.  Les  fources  chaudes  font,  comme  je 
l'ai  dit,  celles  qui  forment  des  pétrifications.  On 
voit  donc  par-là  que  ces  eaux  n'ont  aucune  com- 
munication entr'elles  dans  leurs  canaux  internes, 
quoiqu'elles  fortent  de  la  même  montagne,  & 
qu'on  en  voie  ahernativement  de  chaudes  &  de 
froides  au-dehors. 

Les  eaux  chaudes  font  fort  ordinaires  dans  la 
partie  haute  du  Pérou  ,  &  fe  rencontrent  en 
nombre  de  pays  ;  mais  elles  font  plus  abondantes 
du  côté  de  Guancavelica. 

Il  fe  préfenre  une  reflexion  fur  la  formation  de 
ces  pierres.  Ox\  ne  s'appcrçoit  pas  que  les  endroits 
où  l'eau  forme  des  incruftations  ,  foient  devepus 
fenfiblement  plus  hauts  que  les  terres  contigues, iii 
;iiveau  defqueiles  ils  font  mèmereftés:  d'ailleurs, 


DIXIEME.  ÎI9 

les  carrières  d'où  l'on  tire  ces  pierres  ont  ctc 
txavccs  en  deflbus,  ^'  plus  bas  que  la  fiipcrlicic, 
lie  forte  qu'il  en  eft  réfuUc  des  crevalTes,  des 
.iflailfenicns  &  des  folFes  profondes,  comme  il 
iiirive  dans  toutes  les  carrières  étendues  :  or,  on 
1  eut  penfer ,  d'après  cela ,  que  ce  n'cft  pas  Tcaii 
qai  fe  convertit  en  pierres ,  comme  on  le  croit 
vulgairement ,  par  une  efpèce  de  coagulation  , 
niais  que  l'eau  a  la  propriété  d'unir  les  molécules 
de  terre,  6c  de  leur  faire  prendre  la  confiftance 
qu'on  trouve  à  -es  pierres.  S'il  en  étoit  autrement, 
l'étang  dont  j'ai  parlé  dcvroit  ne  plus  former 
qu'un  maflîf  de  pierre  ,  depuis  des  années  qu'il 
exifte-la  :  les  terreins  que  les  eaux  baignent  fe 
feroient  auHî  élevée  fenllblement ,  comparaifon 
faite  avec  les  autres  que  l'eau  ne  baigne  pas.  Les 
i'ources,  qui  fe  trouvent  toujours  dans  la  même 
jnopcrtion ,  fe  feroient  aufli  obftruées  çà  &  là ,  & 
les  eaux  auroient  été  forcées  de  guigner  des  terreins 
plus  hauts  dans  la  montagne.  Mais  on  n'a  pas 
ùitqKe  cela  fut  jamais  arrivé  j  ainfi  l'on  n'a  p.is 
àe  preuves  que  l'ean  fe  convertiffe  en  pierre  , 
malgré  les  i«icrufl:ations  qu'on  y  remarque. 

11  y  a  très-peu  de  fources  dans  la  partie  baffe; 
celles  qu'on  y  voit  font  même  fur  les  flancs  des 
collines  de  la  partie  haute.  Comme  il  n'y  pleut 
ni  n'y  gèle  ,  il  ne  peut  s'y  faire  aucun  amas 
fou.  La  furface  plane  du  pays  efl  encore  un 


^l'Mil 


15»  Discours 

autre  obftacle  j  c'eft  donc  une  autre  circonftance 
par  laquelle  ces  parties  fe  diftinguent  Tune  de 
l'autre  :  ce  qui  abonde  le  plus  dans  la  haute  tft 
juftement  ce  qu'il  y  a  de  plus  rare  dans  la  balle  j 
&  celle-ci  ne  feroit  pas  habitable ,  Ci  l'autre  ne 
lui  fourniiToit  ce  grand  nombre  de  rivières  ué- 
ceifaircs  à  fa  fertilifation. 

Les  fources  ne  font  pas  fréquentes  dans  les 
terreins  chauds  6c  bas ,  tels  que  celui  de  Panama, 
de  Carthagènc^  celles  qu'on  y  voit  fourniirent  de 
l'eau  qui  efl:  à  la  même  température  que  l'air , 
fans  être  devenue  plus  fraîche  après  avoir  couru 
dans  l'intérieur  de  la  terre  :  cela  vient  de  ce  que 
les  veines  aqueufes  ne  font  pas  fort  profondes, 
&  qu'ainfi  la  chaleur  du  foleil  s'y  fait  fentir.  Je 
l'ai  déjà  dit  en  parlant  de  la  température  de  la 
Havane. 

Portobelo  eft  environné  de  montagnes  fort 
élevées  :  car  ce  font  des  branches  des  Cordillères 
qui  fe  prolongent  dans  l'ifthme.  On  y  voit  beau-, 
coup  deruilTeaux,  dont  les  eaux  fcnt  très-légères, 
6c  limpides  comme  un  cryftal  :  on  les  trouve  feu- 
lement un  peu  plus  fraîches  que  la  température 
de  Tair.  La  même  caufe  qui  contribue  à  ce  que 
les  eaux  foient  à  la  température  du  climat  dans 
les  fources  des  bas  pays  ,  produit  un  effet  con- 
traire à  Portobelo,  de  forte  que  les  eaux  y  ont 
plus  de  fraîcheur  que  dans  les  moncagnes  un  peu 


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DIXIIMI.  Ijl 

butes,  parce  que  la  chaleur  n'y  fait  pas  tant  d'im- 
prelllon  que  dans  les  plaines  des  bas  pays.  Les 
veines  aqueufcs  font  plus  profondes  en  propor- 
tion de  la  hauteur  des  terrcins.  Se  la  chaleur 
s'y  fait  moins  fentir.  Ces  eaux  ont  en  fortanc 
certaine  fraîcheur,  mais  qui  ne  tient  pas  du 
froid. 

Les  eaux  duMiflinpi  paroiifent  les  plus  im- 
pures &  les  plus  nuifibles,  Ci  on  les  juge  à  la  vue^. 
cependant  elles  ne  le  font  pas ,  quoique  toujours 
troubles ,  &  fi  chargées  de  limon  ,  qu'elles  font 
un  dépôt  dès  qu'on  en.  mec  dans  un  baflin  :  on 
y  voit  même  les  particules  terreufes  s'agiter  en  fi 
grande  quantité,  qu'elles  déplaifentd  la  vue.  Dans. 
le  tems  des  grolfes  eaux ,  ce  fleuve  arrache  quan- 
tité de  bois  qu'il  charie  des  contrées  les  plus 
éloignées  :  on  y  voit  des  arbres  avec  toute  leur 
verdure,  des  troncs  énormes,  fecs,.  &  en  partie, 
pourris.  Ce.  grand  nombre  d'arbres  &  de  troncs 
doivent  nécefiairement  imprégner  l'eau  des  prin- 
cipes qu'ils  contiennent.  On  ne  s'en  apperçoit 
cependant  pas  :  l'expérience  prouve  au  contraire 
que  cette  eau  eft  très-falubre  &  bienfaifante  pour 
U  corps  :  il  eft  vrai  qu'il  s'y  jette  un  très-grand 
nombre  de  ruifleaux  Se  de  rivières  dont  las  eaux 
font  chargées  de  matières  étrangères ,  plus  ou 
moins  falubres  j  néanmoins  la  partie  des  eaux. 
de  ce  fliÉUve  l'emportant  de  beaucoup  fur  celle 

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131  Discours 

des  autres ,  celles  •  ci  ne  peuvent  y  porter  aucune 
mauvaife  qualité ,  fur  laquelle  la  bonne  qualité 
du  fleuve  ne  prédomine.  En  été  ,  tems  où  les 
eaux  de  ce  fleuve  font  les  plus  bafles,  elles  font 
claires,  limpides,  mais  moins  falubres ,  ce  qui 
vient  de  ce  que  celles  de  la  mer  y  entrent  très- 
avant  avec  les  marées ,  &  font  rebrouffer  les  eaux 
douces.  Malgré  cela ,  elles  ne  font  pas  préjudi- 
ciables à  la  fauté;  on  les  trouve  alors  chaudes 
à  la  furfice,  de  fraîches  au  fond. 

Quelque  limonneufe  que  foit  l'eau  de  ce  fleuve, 
elle  n'engendre  pas  la  pierre  :  il  eft  bon  d'ajouter 
que  ,  quelque  clarifiée  qu'elle  foit,  elle  décèle 
toujours  un  limon.  On  en  emplit  ordinairement 
plufieurs  vafes  pour  lui  donner  le  tems  de  s'é- 
ciaircir  ,  Se  l'on  boit  celle  qui  s'eft  clarifiée  la 
première  :  c'eft  toujours  la  première  qu'on  a  pui- 
ice.  Après  avoir  repofé  ,  fut-ce  même  pendant 
lui  an,  on  n'y  apperçoit  réellement  aucun  figne 
de  corps  étranger,  tant  elle  eft  diaphane  &  cryf- 
talline  :  mais ,  tranfvafée  dans  un  autre  verre ,  elle 
décèle ,  un  ou  deux  jours  après  ,  un  fédiment  li- 
monneux  très-fin,  femblable  à  du  favon,  &  que 
l'on  voit  aufli  furnager  dans  les  grands  vafes  oiï 
on  la  met  pour  la  laiflTer  éclaircir.  Le  peuple, 
&  ceux  qui  trafiquent  le  long  du  fleuve,  la 
boivent  trouble,  comme  elle  fe  préfente  natu- 
rellement j  mais  Ton  n'a    pas  d'exemple   qui 


D  1  X   1   E    M   1.    '  25  J 

prouve  qu'elle  foit  riuirible,.mênie  lorfqu'on  la 
boit  tout  en  fueur,  &  après  avoir  été  fatigué  à 
ramer.      .  .       .',      -;••..      ,  ■        ■      ■-  <    ■■ 

Sa  fraîcheur  provient  fans  doute  de  ce  que  le 
fleuve  defcend  du  Nord,  &  de  la  quantité  des  eaux 
de  neige.qui  s'y  jettent  :  en  outre,  il  eft  probable 
que  c'eft  aux  neiges  qu'il  doit  fon  origine.  Il  reçoit 
enfuite  dans  fon  cours  celles  qui  s'y  rendent  des 
vaftes  plaines  qui  s  étendent  à  l'Oueft  ^  au  Nord, 
depuis  le  47^  degré  ôc  au-de  là.  Dans  ce  long 
cours ,  il  fe  charge  de  la  partie  limonneufe  des 
terrains  qu'il  parcourt ,  &  de  celle  des  rivières 
qu'il  reçoit.  Le  grand  mouvement  dans  lequel  il 
les  tient  pendant  un  fi  long  trajet,  les  divife,  les 
atténue  au  point  mentionné.  En  effet ,  lorfqu  on 
met  de  cette  eau  dans  un  verre ,  ces  molécules 
paroiflent  comme  une  fumée  qui  en  remplit 
toute  la  capacité.  Il  eft  probable  que  c'eft  ce 
limon  très- atténué  qui  donne  à  l'eau  la  qua- 
lité avantageufe  qu'elle  a  de  faciliter  la  digef- 
tion  ,  d'aiguifer  l'appétit ,  &c  de  maintenir  la 
fanté  à  l'abri  de  ces  alternatives,  qui  réfultent 
de  l'ufage  de  celles  qui  ne  font  pas  fi  falubres. 

On  obferve  ici  une  fingularité  dans  les  eaux 
de  pluie  ,  &  qui  ne  fe  voit  pas  ^n  d'autres  con- 
trées :  c'eft  une  peau  jaunâtre  qu'on  prendroit 
pour  du  foufre ,  &  qu'on  appcrçoit  en  certains 
lems   de  pluie.  Cette  peau   couvre  l'eau   des 


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marais ,  êc  les  vaifTeaux  de  bois  dans  lefqiiels  od 
reçoit  la  pluie  :  elle  y  eft  en  affez  grande  quan- 
iité ,  &  s'étend  jufqu  aux  bords  des  vaifTeaux  y 
dans  celle  qu'on  y  tient. 

Il  paroît  que  l'atmofphère  de  cette  contrée  eft 
chargée  de  particules  fulfureufes  :  c'eft  ce  que 
donnent  lieu  de  croire  les  grands  orages  qu'on 
y  voit;  car  il  eft  très- rare  qu'il  pleuve  fans  des 
coups  de  tonnerre  horribles  qui  font  trembler  les 
maifons.  On  doit  préfumer ,  d'après  l'expérience, 
que  ces  particules  viennent  des  /orêts  épaiifes 
qui  abondent  en  réfine,  dont  les  molécules  les 
plus  fubtiles  s'exhalent  au  loin ,  &  vont  fe  mêler 
avec  des  parties  fulfureufes  très  -  déliées ,  très- 
abondantes  ,  de  forte  qu'après  s'être  incorporées 
avec  la  nuée ,  elles  fe  précipitent  en  même  tems 
que  la  pluie  &  la  tempête.  Cette  pellicule ,  ou  ce 
foufre,eft  fi. ordinaire,  qu'on  l'apperçoitaufli-tôtj 
elle  eft  tantôt  plus ,  tantôt  moins,  répandue  :  de-là 
vient  l'opinion  comniune  de  cette  contrée ,  «  qu'il 
pleut  de  l'eau  Se  du  foufre  »  quoique  ce  phéno- 
mène n'en  foit  que  la  partie  huileufe  la  plus 
fubtile. 

Ce  fleuve ,  dont  les  eaux  s'élèvent  dans  fes 
crues  ,  au  -  deftus  des  terreins  voifins ,  6c  les. 
inondent  où  elles  ne  font  pas  retenues  par  àes 
levées  ou  des  digues,  eft  d'un  grand  avantage 
aux  différens  pays.  On  en  cire  pac  des  faignéô« 


M  E^ 


DIXIEME.  23^ 

Tôau  dont  on  a  befoin  pour  les  moulins  à  fcier 
du  bois  ,  ce  qui   fait   la    principale  partie  de 
rinduftrie   des  Riverains,  ou  de  ceux  qui  ha- 
bitent dans  le  voifinage.  Quoique  le  Miflîfipi  foit 
vafle  &  profond ,  il  eft  certain  qu'il  ne  fait  pas 
tant  de  ravages  fur  fes  bords  que  d'autres  fleuves 
en  font  ordinairement.  On  attribue  cet  avantage  à 
fa  profondeur  :  toute  la  plus  grande  force  de  fon 
cours  fe   développe  particulièrement  au  fond  , 
où  le  poids  de  fa  maffe  &  la  'rapidité  femblent 
fe  réunir.  Voilà  pourquoi  les  levées  ou  les  digues 
qu'on  y  fait  pour  arrêter   (es  épanchemens  ne 
font  point  larges  *  &  n'ont  de  hauteur  que  celle 
àlaquelle  l'ea  ■  «nonce  ordinairement  dans  les  plus 
grandes  crue.. 

Ces  eaux ,  qu'on  tire  du  fleuve ,  &  celles  qui 
s'amaflent  parles  pluies,  vont  fe  rendre  aux  lacs 
dans  toute  l'étendue  de  l'Ifle  où  eft  fituée  la 
Nouvelle -Orléans  ,  étendue  qui  comprend  68 
lieues,  depuis  l'embouchure  du  fleuve  jufqu'au 
canal ,  qu'on  appelle  improprement  rivière  d^lber- 
ville  :  c'eft- à-dire ,  du  S.  E.  au  N.  O.  en  comp- 
tant les  (iniiofitcs  que  fait  le  fleuve. 

La  pente  qu'ont  les  terreins,  &  qui  favorife  la 
décharge  des  eaux  du  côté  des  lacs ,  fait  voir 
qr«€  le  limon  que  le  fleuve  dépofe,  élève  peu-à- 
peu  les  terres  qu*il  baigne,  &  qu'en  même  tems 
il    ^haufle  fon  ï\i  j  de-là  vient  cette  pente^  du 


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15^  Discours 

coté  qui  en  efl:  plus  éloigné.  On  volt,  en  outre, 
que  le  lit  s'élève  de  même  que  les  terres  qui 
l'avoifinent  :  c'eft  ce  que  prouve  la  néceflîté  où 
Ton  eft  d'élever  continuellement  des  digues  pour 
l'empêcher  d'inonder  les  habitations  &  les  lieux 
que  l'on  défriche  pour  la  culture.  On  ne  connoît 
pas  la  différence  qu'il  y  a  entre  la  hauteur  qu'a- 
voient  autrefois  les  eaux ,  &  celle  qu'elles  ont 
adtuellement. 

-  On  s'apperçoif  au(îî  à  fon  embouchure  que  le 
lit  du  fleuve  eft  rehaufle  :  en  effet ,  il  avoit  24 
pieds  d'eau  à  la  barre  il  y  a  5  o  ans ,  &  il  n'eu 
a  plus  que  1 1  dans  les  plaiites  marées  :  mais , 
dans  l'intérieur  du  pays  ,  il  confervc  fa  même 
profondeur.  Il  pourroit  fe  faire  aufli  que  la  barre 
s'élevât  aux  différentes  embouchures ,  fans  que  le 
lit  s'élevât  :  mais  le  volume  d'eau  étant  le  même 
qu'autrefois,  Se  conféquemment  laréfîftance  qu'il 
oppofe  aux  flots  de  la  mer  étant  auflî  forte,  il 
p.iroît  que  ce  ne  font  pas  les  fables  qui  s'y  amaf- 
fent  à  préfent  en  plus  grande  quantité,  au-defTus 
de  ce  niveau,  mais  que  c'eft  le  lit  qui  s'eft  élevé, 
&  a  fait  prendre  plus  d'étendue  aux  eaux  :  d'où 
il  réfulte  qu'elles  agifTent  avec  moins  de  force 
que  quand  elles  fe  déchargeoient  par  des  bouches 
plus  étroi  tes  &  plus  profondes. 

L'attention  avec  laquelle  nous  venons  de  dé- 
tailler ce  qui  concerne  l'origine  ôc  la  qualité  des 


e  connoit 


;s  :  mais 


DIXIEME.  157 

eaux  dont  nous  avons  parlé ,  nous  donne  lieu  d'y 
con? parer  les  eaux  chaude;:  de  la  partie  haute  du 
Pérou ,  &  particulièrement  celles  du  Gouverne- 
ment de  Guancavelica.  Celles-ci  font  cryftallines, 
pures  à  la  vue ,  & ,  malgré  cette  apparence ,  elles 
forment  les  carrières  des  terreins  qu'elles  bai- 
gnent ,  pétrifiant  même  les  chofes  qui  y  tombent. 
Celles-là ,  au  contraire ,  font  troubles ,  furchargées 
de  limon,  de  terres,  ôc  de  la  partie  mucilagi- 
neufe  des  arbres,  fans  cependant   engendrer  la 
pierre  dans  ceux  qui  en  boivent ,  ni  caufer  aucun 
mal  :  nous  avons  dit  qu'elles  étoient  même  boa- 
nes  ôc  falubres.  Ces   deux  propriétés  oppofées, 
qui  réfultent  de  deux  caufes  contraires,  ne  peu- 
vent avoir  lieu  que  parce  que  les  premières  con- 
tiennent dans  des  parties  imperceptibles ,  des  prin- 
cipes propres  à  unir  &  à  endurcir  la  terre  aufïî- 
tôt  qu'ils  fe  trouvent  interpofés  dans  fes  interf- 
tices  j    tandis  que  les  fécondes  ne  contiennent 
qu'un  limon  dont  les  molécules  font  très -atté- 
nuées ,  flottantes ,  &  incapables  de  fe  réunir  de 
manière  à  former  une  concrétion,  parce  qu'elles 
ne  contiennent  pas  les  principes  qui  font  dans  les 
premières.  Malgré  cela,  l'illufion  que  les  unes& 
les  autres  font  à  la  vue  ,  a  quelque  chofe  de 
fiiigulier. 

Les  lacs.  Borgne j  Ponchartrain j  Maurepas ^^ 
qui  environnent  la  partie  du  Nord  &  de  lïft  de 


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£58  Discours 

rifle  de  la  Nouvelle-Orléans ,  font  formées  par 
l'entrée  de  la  mer  qui  s'y  porte  entre  cette  lilc 
&  le  continent.  Ce  palfage  s'appelle  ia  Rigole. 
11  eft  alTez  large  pour  admettre  toutes  fortes  de 
vaifleaux ;  il  a  i(>  à  1 8  pieds  d'eau  du  côté  de 
la  mer,  &  dans  toute  fa  longueur  11  braflTes  de 
profondeur.  Mais  l'eau  décroît  enfuite  jufqu'à 
il  i  ou  II  pieds j  c'eft  la  profondeur  qu'elle  a  au 
lac  Ponchartrain.  En  fortant  de  ce  lac,  on  entre 
dans  celui  de  Maurepas ,  de  forte  que  la  diftance 
de  ce  canal ,  dont  la  longueur  eft  de  trois  lieues , 
fait  une  étendue  d'eau  qui  a  au  moins  cinquante 
pieds  de  profondeur  à  fon  entrée  &  à  fa  fortie. 
Le  premier  de  ces  trois  lacs ,  appelle  le  Borgne  ^ 
eft  moins  profond  que  les  deux  autres ,  &  n'a 
que  fix  à  huit  pieds  d'eau  du  côté  de  l'Eft.  Cette 
eau  eft  épailTe  ,  lourde ,  de  mauvaife  faveur ,  & 
d'une  odeur  rebutante  :  la  couleur  en  eft  verdâtre 
comme  celle  des  mares  ;  mais  depuis  le  milieu 
jufqu'a  rOueft ,  la  (Couleur  eft  la  même  que  celle 
du  fleuve  ,  &  l'eau  eft  bonne  à  boire.  Cette  dif- 
férence vient  de  ce  qu'il  n'y  entre  de  ce  côté-ci 
aucun  canal ,  ni  lagunes  qui  altère  les  épan- 
chemens  du  Miflifipi,  comme  de  Tautre  côté. 
On  arrive  de  ce  lac  à  la  mer  j  la  rigole  fe  trouve 
près  de  fon  embouchure  :  or ,  cette  rigole  eft 
l'entrée  des  deux  autres  lacs,  favoir  de  Pont- 
chartfain  6c  de  Mautw.  \s  :  les  eaux  en  font  falées , 


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^  fe  mêlent  avec  les  eaux  douces  qui  s*y  rendent 
par  difFérens  canaux  6c  étangs ,  où  Ton  va  pren- 
dre celle  dont  on  ufe  dans  Tlfle  de  la  Nouvelle- 
Orléans.  ' 

Tout  PHorîfon  fe  découvre  fur  ces  trois  lacs. 
Quoique  les  eaux  n'y  foient  pas  fort  profondes, 
elles  font  cependant  très-agité  ,  qu'il  s'élève 
un  vent  impétueux.  On  ne  peut  y  vo^^uer  que  fur 
des  barques  couvertes;  les  baifes  ôc  les  bancs 
de  fable  qui  font  dans  les  canaux  de  S,  Jean 
Tiguyu  ÔC  autres ,  qui  fe  rencontrent  près  de  la 
Nouvelle-Orléans,  n'admettent  pas  déplus  grands 
bâtimens  :  en  effet  l'eau  n'a  fur  ces  derniers  qu'un 
pied  ôc  demi  à  deux  pieds  de  profondeur.  Il  y  a 
beaucoup  de  bons  poilfons  de  différentes  efpèces, 
fur-tout  des  Dorades  fort  grandes  j  ce  font  ces 
lacs  qui  appavifîonnent  la  Nouvelle-Orléans,  & 
les  habitans  des  bords  du  MiHiHpi. 

Chaque  pays  y  a  (es  ufages  &  fes  coutumes , 
félon  la  différence  des  Nations.  Les  habitans  de  la 
Nouvelle- Orléans,  fatigués  des  grandes  chaleurs, 
&  invités  par  les  commodités  que  leur  offrent  le 
fond  folide  des  lacs ,  ôc  le  peu  de  profondeur 
de  leurs  bords ,  fe  font  un  divertiffement  des 
bains  &  de  la  pèche.  Ils  s'y  rendent  dans  des 
barques ,  fe  jettent  à  l'eau  avec  les  habits ,  &  y 
jouent,  y  fautent,  y  font  mille  tours,  de  même 
(^ue  s'ils  étoient  à  terre  :  les  vètemens  très-minces 


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M^O  DiSÇOVaSpIXIEME. 

qu'ils  porteht  ne  les  embarrafTenc  pas.  On  peut 
même  avancer  loin  du  h^rd  de  l'eau,  fans  eu 
avoir  plus  hauc  que  la  ceinture ,  vu  Tcgalicé  du 
fond.  Plus  loin ,  on  s'apperçoit  que  l'eau  devient 
plus  profonde.  Les  pêcheurs  tendent  ki,irs  filets , 
&  les  perfonnes  qui  font  dans  l'eau  fe  divertilTent 
à  les  tirer  au  bord,  &  à  voir  fauter  le  poiffon 
qu'on  jette  fur  la  rive.  On  réitère  ces  jeux  alTez 
fouvent,  &  pendant  des  matinées  entières,  fans 
qu'il  en  réfulte  aucun  inconvénient.  Après  les 
divertifTemens  ,  on  fe  retire  aux  maifons  des 
pécheurs ,  pour  y  changer  d'habit ,  &  terminer 
les  plaifirs  par  un  bon  repas  qu'on  fait ,  en 
grande  partie,  avec  les  poilTons  qu'on  a  pris.  Le 
lac  Pontchartrain  eft  fort  commoc  ^  our  ces  jeux 
Se  ces  courfes ,  qui  ne  demandent  qu'un  jour  :  car 
ce  tems  fuffit  pour  y  paflTet  par  le  canal  de  S,  Jean. 


DISCOURS 


DISCOURS   ONZIEME. 

Des  Maladies  particulières  aux  climats  j   & 
comparai/on  de  ces  Maladies, 

Il  eft  naturel  que  les  différentes  qualités  des 
dimats  influent  fur  la  conftitution  de  l'homme  èc 
des  animaux ,  &  que  cette  influence  en  difpofe 
plus  ou  moins  les  humeurs  aux  maladies  qui  y 
prédominent.  On  ne  voit   pas  dans  les  climats 
froids  les  maladies  qui  régnent  dans  les  climats 
chauds ,  &  réciproquement  celles  de  ces  climats- 
ci  n'ont  point  lieu  dans  les  températures  oppofées. 
Les  maladies  des  climats  froids  ont  pour  caufe 
l'aftridion  de  tous  les  folides ,  le  défaut  de  tranf- 
piration,  l'épaiflilTement  des  humeurs,  la  roideuc 
&  la  tuméfadion  des  fibres.  Dans  les  autres ,  au 
contraire ,  elles  viennent  de  trop  de  relâchement 
&  de  l'ex-trême  dillipation  des  humeurs ,  de  la 
grande  agitation  des  fluides.  On  peut  dire  que, 
dans  ce  premier  c\s  ,  la  Nature  fouffre  trop  de 
coittpreflion^   &  dans  le  fécond,  qu'elle  pèche 
par  trop  de  relâchement  :  deux  caufes  qui  doivent 
néceffairement  l'altéreti 

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241  Discours 

Les  contrées  qui  font  hors  de  la  Zone  Tor- 
ride  participent  des  d^u%  intempéries  dans  un 
degré  éminent ,  en  ce  que  la  température  y  palFe 
de  l'un  a  l'autre  extrême  :  on  y  éprouve  dans 
l'été  tous  les  effets  des  grandes  chaleurs  ,  ôc  dans 
l'hiver  ceux  des  froids.  Le  pnntems  &  l'automne 
font  deux  faifons  intermédiaires ,  qui  y  préparent 
à  CCS  deux  extrêmes. 

Il  y  a  peu  de  différence  entre  l'hiver  &  l'cté 
dans  les  contrées  voifines  de  l'Equateur ,  ôc  dans 
rétendue  dé  la  Zone  Torride.  On  remarque  la 
même  chofe  dans  les  hauts  Ôc  bas  pays  du  Pérou; 
de -là  vient  que  les  alternatives  qu'y  éprouve  la 
fanté ,  font  prefque  les  mêmes  en  toute  faifon , 
Se  feulement  plus  fréquentes  dans  une  faifon  que 
dans  l'autre.  Mais  la  Nature  y  fouffre  moins , 
parce  qu'elle  n'éprouve  pas  le  paflage  d'un  ex- 
trême à  l'autre.  La  jeuneîie  eft  plus  fujette  aux 
révolutions  dans  les  climats  chauds,  étant  natu- 
rellement difpofée  à  la  fermentation  des  hu- 
meurs. La  vieillefle  s'y  foutient  bien,  y  acquiert 
même  des  forces  bien  différentes  de  celles  qu'elle 
auroit  dans  des  climats  variables.  Les  jeunes 
gens  &  les  vieillards  vivent  fans  éprouver  de  plus 
grandes  incommodités  dans  Jes  climats  froids, 
parce  que  dès  qu'on  y  eft  habitué ,  on  s'accom- 
mode fans  peine  à  l'extrême  différence  des  deux 
faifons  oppofées. 


ONZIEME.  141 

On  die  vulgairement ,  dans  la  partie  haute  du 
Pérou ,  que  celui  qui  a  naturellement  un^e  conl- 
titution  faine ,  s'y  maintifnt  dans  le  même  ctatj 
mais  que  celui  qui  y  vient  malade  ,  le  devient 
encore  plus  qu'il  n'ctoit  dans  le  pays  où  il  a  pris 
fa  maladie.  Cependant  cela  n'eft  pas  général  ; 
car  il  y  a  telles  maladies  qui  s'y  guéiilTent  par 
le  feul  changement  de  climat.  Il  n'en  t(i  pas  de 
même  dans  la  partie  balTe  :  les  fujets  bien  puitans 
y  font  pris  de  maladie  pendant  les  grandes  cha- 
leurs, de  même  que  ceux  qui  y  loufFrent  des 
incommodités  habituelles. 

11  y  a  néanmoins  de  la  différence  à  obferver 
dans  les  effets  qui  réfultent  des  climais  chauds, 
&  de  ceux  où  la  température  pafTe  de  l'un  à 
l'autre  extrême  :  c'eft  qu'on  devient  moins  ex- 
pofé  à  reffentir  l'influence  des  climats  chauds  , 
lorfqu'on  s'y  eft  accoutumé  par  une  longue  ré- 
fidence  :  on  y  brave  tous  les  inconvcniens  j  &: 
jamais  les  dérangemens  de  fanté  n'y  font  auHî 
fenfibles  que  ceux  qu'on  éprouve  en  fortant  d'un^ 
hiver  très- rude,  pour  entrer  bientôt  dans  un  été 
fort  chaud ,  &  fe  voir  ainfî  expofé  à  braver  des 
maux  &  des  épidémies  d'une  nature  contraire^, 
qui  mettent  toutes  les  forces  du  corps  à  l'é- 
preuve. > 

Les  maladies  ordinaires  de  la  partie  haute  du 
Pérou ,  font  les  effets  réfultans  d'obftru^lions , 


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144  D  I  S  c  o  V  R  s 

des  maux  de  poitrine,  des  pleuréfies,  Sc  qneîqnes 
rhiimacirmes.  Ces  maux  y  font  plus'  ou  moins 
grands ,  félon  la  nature  des  individus  :  rarement 
on  en  eft  attaqué  ,  quand  on  a  les  humeiurs  d'un 
bon  caradère.  On  n'y  voit  ni  fièvres  intermit- 
tentes, ni  putrides.  On  obferve  cependant  que 
les  individus  qui  y  viennent  de  la  partie  bailè , 
en  apportent  le  foyer  avec  «ux ,  Se  qu'ils  ne 
tardent  pas  à  en  être  attaqués^  qu'elles  font  chez 
eux  accompagnées  de  fâcheux  fymptomes ,  qitel- 
quefois  même  dangereux  :  mais  ces  fièvres  ne 
font  pas  contagieufes,  &  ne  ie  communiquent 
pas  à  ceux  qui  font  accoutumés  au  pays. 

11  arrive  tout  le  contraire  dans  les  Quebradas 
profondes,  où  croît  la  canne  à  fucre.  Les  fièvres 
intermittentes  y  font  communes ,  &  y  font  tant 
de  ravages ,  qu'elles  dépeuplent  quelquefois  les 
contrées,  parla  mortalité  qu'elles  caufent  parmi 
les  Indiens  &  les  autres  habitans.  Cette  maladie 
y  a  un  caradtère  réel  de  malignité  ,  ce  qui  la 
tdiflingue  des  fièvres  de  la  partie  balTe,  cù  ces 
fièvres  ne  font  point  dahgereufes,  quoique  lon- 
gues &  très-fatiguant€s.  Le  changement  de  cli- 
mat n'en  eft  pas  toujours  le  remède  ,  car  fi  quel- 
ques individus  guérifïènt  «n  paifant  dans  les  di* 
mats  froids ,  les  autres  n'en  éprouvent  aucun 
avantage. 

11  y  a  quelque  rapport  «ntre  c«cte  maladie  & 


O   N*  Z   I   E    M   i;  245 

h  mauvaife  température  de  plu  Heurs  parties  de 
l'Italie ,  où  1  on  eft  prompcement  attaque  de  ces 
fièvres ,  qui  y  régnent  en  certains  tems ,  &  non 
dans  d'autres.  Quand  ces  fièvres  régnent  dans  les 
Quebradas,  il  fuffit  d'y  féjourner  pour  en  ctre 
pris  j  qu'on  y  dorme  de  nuit  ou  de  jour ,  on  ne 
ks  évite  pas  :  c'ed  pourquoi  les  voyageurs  aiment 
mieux  faire  nn  détour  pour  arriver ,  après  quel- 
ques lieues ,  i  l'ouverture  d'une  Quebradas ,  que 
de  la  traverfer  :  ceux  qui  rifquent  d'y  pafTer  ,  le 
font  fans  s'arrêter  y  6c  i  des  heures  pendant  lef- 
quelles  il  y  3  le  moins  de  danger. 

Ces  maladies  font  continuelles  dans  ces  pays-, 
mais  non  toujours  auHI  dangereufes  :  quelquefois 
elles  y  paroiifent  pour  un  an  ou  deux,  ôc  même 
davantage.  Pendant  ce  tems  elles  dépeuplent  tout; 
ou  ceux  qui  ont  échappé  a  la  mortalité  fe  fau- 
vent  en  voyant  le  défaftre  général  &  l'opiniâtreté 
du  mal  ;  de  forte  que  ces  gens  font  très-tard  ce 
qu'ils  auroient  dû  faire  d'abord.  Après  certain 
tems ,  les  pays  redeviennent  habitables ,  les  fu<- 
gitifs  y  reparoiffent ,  d'autres  fe  joignent  à  eux  , 
mais  ces  gens  ne  font  jamais  bien  fains  ;  ce  donc 
ils  s'inquiètent  peu. 

La  caufe  de  ces  maladies  eft  fort  nfiraielle  : 
les  pays  font  des  lieux  profonds  j  que  les  vents 
ne  balaient  jamais.  Tantôt  ces  yents  font  croifés 
dans  un  fens ,  tantôt  dans  l'autre ,  par  les  flancs 


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1^6  D  I  s  c  o  u  n.  s 

des  montagnes  j  ainfi  les  vapeurs  qui  s'élèvent  de 
la  rivière  qui  y  coule  ,  celles  qui  s'exhalent  de  la 
terre  humide,  &  remuée  pour  la  culture  des 
cannes  à  fucre,  celles  de  la  plante  même,  la  ré- 
verbération des  rayons  du  fbleil,  tout  enfin  s'y 
réunit  pour  infeder  l'air,  &  répandre  le  germe 
des  maladies  dans  le  climat. 

Das  que  les  habitans  ont  pris  la  fuite ,  toute 
culture  cefTe  j  on  ne  plante  plus  j  la  fumée  ne 
s'élève  plus  des  moulins;  les  débris  de  cannes 
écrafées ,  les  fèces  du  fucre  qui  fe  corrompoient, 
ne  contribuent  plus  à  infecter  l'air.  Il  fe  palTe 
quelque  tems,  l'air  reprend  certain  degré  de  pu- 
reté après  ces  dévaftations ,  &  le  climat  n'a  plus 
que  fa  température  chaude ,  telle  qu'elle  y  doit 
€tre,  mais  toujours- propre  à  occafionner  les  ma- 
ladies qui  y  font  ordinaires. 

Les  afthmes  font  les  maladies  ordinaires  de  la 
partie  haute  ;  mais  on  vit  long  -  tems  avec  ces 
incommodités  ;  on  les  y  appelle  ahogidos  3  ou 
fiffocations.  L'expérience  a  prouvé  que  le  remède 
étoit  de  defcendre  dans  la  partie  bafle,  &  que 
ceux  qui  en  étoient  atraqués  dans  cette  partie-ci, 
fe  trouvoient  mieux  en  pafTant  à  la  partie  haute. 
Le  mal  vient  de  ce  que ,  dans  les  uns ,  le  relfort 
des  fibres  fe  trouve  trop  comprimé ,  &  de  la  fub- 
tilité  de  l'air;  dans  les  autres ,  la.çaufe  eft  la  den- 
fi:é ,  la  pefanteur  de  l'air ,  &  la  foiblefle  des  fibres. 


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ONZIEME."  247 

Voila  pourquoi ,  en  palfant  d'un  air  très-fubtil 
dans  un  air  plus  denfe,  plus  épais  &  chaud,  ou 
de  celui-ci  dans  un  air  fubcil  ik  froid  ,  les  uns 
&  les  autres  éprouvent  du  mieux,  &  font  moins 
farïgués  des  accès  de  ce  mal. 

Il  y  a  dans  cette  partie  deux  caufes  qui  afFoi- 
bliflTent  la  conftitution  des  habitans ,  &  qui  les 
empêchent  de  jouir  de  l'avantage  du  climat. 
L'une  eft  la  maladie  vénérienne,  qui  y  eft  trcs- 
répandue;  l'autre  l'ufage  immodéré  des  boiifons 
fpiritueufes.  Sans  ces  deux  inconvéniens,  les  gens 
y  vivroient  avec  la  plus  grande  robufticité ,  &  n'y 
cprouveroient  jamais  les  indifpofitions  ,  ni  les 
maux  auxquels  ils  font  toujours  expofés.  Aufli  re- 
marque-t- on  que  les  pleuréfies ,  l'afthme,  les 
Huxions  de  poitrine  attaquent  ordinairement  ceux 
qui  font  atteints  du  mal  vénérien,  &  ceux  qui 
boivent  immodérément  de  ces  liqueurs. 

C'eft  ce  qu'on  a  lieu  d'obferver  dans  le  tems 
des  froids ,  &  ce  qui  fut  confirmé  en  1759,  pen- 
dant une  épidémie  générale,  dans  laquelle  on 
vit  mourir  tous  ceux  qui  avoient  quelques  mau- 
vais levains  dans  les  humeurs  ;  ceux ,  au  con- 
traire ,  qui  étoient  fains  ,  ou  qui  ne  s'ccoient  pas 
adonnés  à  la  boilfon,  effuyèrent  la  maladie  fans 
aucun  danger. 

Le  ravage  que  cette  épidémie  fit  en  Amérique 
fut  confidérable  j   mais  l'excès  de  la  boilTon  y 

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148  Discours 

contribua  beaucoup.  Les  buveurs  croient  atraqués 
mortellement  dès  Tabord  ,  ôc  ne  vivoient  plus 
que  peu  de  jours.  Dès  qu'on  fe  fut  apperçu  de 
cette  caufe,  on  défendit  de  vendre  de  l'eau-de- 
vie ,  &  fur  le  champ  on  en  vit  les  avantages  :  la 
mortalité  ceflTa,  &  l'épidémie  ne  fut  plus  fi  fatale, 
quoiqu'elle  ait  encore  continué  quelque  tems. 

Il  parut  dans  ce  tems-là  une  comète,  que  le 
peuple  prendroit  fans  doute  pour  le  préfage  de 
cette  funefte  maladie,  fi  l'on  s'anêtoit  aux  an- 
ciennes idées  :  elle  précéda  le  mal  de  quelques 
mois.  On  l'apperçut  le  1 5  avril  :  elle  alloit  du 
Sud  au  Nord.  L'épidémie  fe  manifefta  vers  la 
fin  de  Juillet  à  Guancavelica  ,  &  parcourut  la 
plus  grande  partie  de  cette  vafte  contrée  :  elle 
parut  auflî  dans  les  pays  du  Sud ,  &  f e  porta  vers 
les  provinces  du  Nord.  Cette  maladie  fembloit 
fuivre  fon  cours  par  {tarions  marquées  ,  paûTant 
d'une  ville  à  l'autre;  de  forte  qu'a  la  feule  dif- 
tance  des^  lieux ,  on  pouvoir  déterminer  le  tems 
qu'elle  tarderoit  à  venir  d'un  lieu  a  l'autre. 

Elle  commença ,  comme  je  l'ai  dit,  dans  les 
pays  du  Sud  ;  mais  ces  pays  étant  fort  étendus , 
on  n'eût  connoiflfance  de  la  maladie  près  de 
l'Equateur,  que  quand  elle  étoit  dans  le  Potofi 
&  à  Chuquifaca.  De-là  elle  pafia  à  la  Pa:(  j  à 
Oruro  ,  Chucuito  j  au  Cwi^co  j  à  Guamanga  j 
Guancavelica  i  Xauja^  Lima  y  &,  par  les  hauts 


o  N  z  I  E  M  i;  245 

&  bas  pays,  jufqua  Quito ^  &  dans  les  autres 
provinces.  Les  progrès  en  fr-r^nt  très-rapides  :  (î 
la  malignité  avoir  été  proportionnée  A  fon  étenr 
due,  elle  eût  pu  enlever  tous  les  habitans  des 
provinces  où  elle  régna.  En  cinq  ou  fix  jours ,  elle 
avoit  attaqué  les  vieillards  Ôc  les  jeunes  gens  in-; 
différemment ,  avec  plus  ou  moins  de  violence; 
Les  rues  étoient  déferres  ;  rarement  on  y  voyoic 
du  monde;  les  maifons  étoient  devenues  autant 
de  folitudes,  où  étoient  alités  ceux  qui  les  habi-r 
toient.  On  ne  voyoit  dans  aucun  marché  ni  ven- 
deur ni  acheteur.  Dans  ces  fâcheufescirconftances,' 
on  n'avoir  de  fecours  de  perfonne ,  car  tout  le 
monde  en  avoit  également  befoin.  Cependant  on 
fut  aidé  à  certain  point ,  par  ceux  qui  avoient  na- 
turellement une  forte  conftitutioh.  La  maladie  ne 
dura  chez  eux  ,  avec  toute  fa  force  ,  que  pendant 
deux  ou  trois  jours  :  cependant  ils  étoient  dans 
un  état  bien  débile ,  &  ne  pouvoient  fecourir  que 
très-peu  les  plus  malades. 

La  maladie  confiftoit  dans  un  grand  étourdif- 
fement ,  une  pefanteur  de  tête ,  une  foiblefTe  dans 
tous  les  fens ,  de  fortes  douleurs  par-tout  le  corps, 
une  fièvre  affez  modérée,  une  laflîtude  générale, 
une  hémorragie  par  la  bouche  &  les  narines , 
une  furdité  &  une  grande  proftration ,  avec  perte 
totale  d'appétit.  Les  fymptômes  des  maladies 
s  aggravoient  dans  les  individus  fujets  à  des  maux 


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250  Discours 

habituels,  fur-cout  chez  les  poicrinaires ;  &  h 
maladie,  devenue- plus  conndérable,  les  empor> 
toic.  Ceux  qui  n'écoienc  affedés  d'aucun  mal  an- 
térieur ,  fe  trouvoienc  mieux  en  ufanc  de  fudo- 
rifiques ,  &:  en  fe  tenant  chaudement  pour  exciter 
Ja  tranfpiration.  Après  avoir  foutenu  le  fort  de 
Ja  maladie,  on  en  reHeiltoit  les  effets  dans  la 
convalef.ence,  qui  étoit  fort  longue  &  pénible; 
on  avoit  la  vue  trouble,  l'air  tride,  l'efprit 
abattu ,  de  forte  qu'il  falloit  aux  convalefcens  plus 
d'un  mois  pour  être  quittes  des  reliquats. 

On  remarqua  que  les  chiens  furent  auflî  atta- 
qués de  cette  épidémie  j  on  les  voyoit  étendus 
dans  les  rues  fans  pouvoir  fe  foutenir  :  il  en 
mourut  certain  nombre;  cependant  le  mal  ne  fut 
pas  dangereux  pour  ces  animaux. 

La  maladie  fut  auflî  prompte  à  fe  terminer 
qu'elle  avoit  été  rapide  dans  fon  commencement, 
Se  fes  progrès  dans  le  voifinage  des  habitations: 
elle  n'y  régnoit  que  pendant  un  mois.  Mais 
ce  furent  les  provinces  où  elle  commença  qui 
elTuyèrent  la  plus  grande  mortalité  ,  parce  qu'on 
en  ignoroit  le  remède.  On  obferva  d'abord  que 
la  faignée  y  devenoit  dangeieufe ,  &  mcme  mor- 
telle :  ainli  on  y  renonça,  de  même  qu'à  tout 
autre  moyen  curatif ,  pour  s'en  tenir  à  ceux  donc 
j  ai  parle. 

La  pelle  elt  une  maladie  inconnue  dans  ces 


ne  me  mor- 


ONZIEME.  151 

contrées-Ià  :  on  n'en  a  pas  même  l'idée.  Ce  défaut 
de  connoiflance  fit  donner  à  cette  épidémie  le 
nom  de  pefte ,  comme  on  l'y  donne  à  toutes  les 
maladies  épidémiques  qu'on  y  éprouve  de  tems 
à  autre ,  &  qui  font  plus  communes  dans  la 
partie  baife  que  dans  la  haute. 

La  caufe  de  cette  épidémie  fut  fans  doute  une 
altération  de  l'air.  Ce  qui  femble  1 2  faire  croire, 
c'eft  que  pendant  ce  mois  -  la ,  &  vers  la  fin 
d'Avril  ,  les  vents  du  Sud  régnent  dans  ces 
contrées  j  &  que  l'épidémie  pafTa,  félon  le  cours 
de  ces  vents ,  du  Sud  au  Nord.  S'il  étoit  vrai 
qu'elle  vînt  de  toute  autre  caufe,  par  commu- 
nication d'une  feule  perfonne  malade  à  une  autre, 
&  de  celle-ci  à  une  troifième,  &c. ,  elle  ne  fe 
feroit  pas  répandue  fi  généralement ,  &  les  ani- 
maux mentionnés  n'en  auroient  pas  été  attaqués. 

Les  maladies  communes  qui  fe  répandent  dans 
les  parages  chauds  des  bas  pays ,  font  les  fièvres 
tierces,  ou  d'accès  :  elles  durent  très-long- tems 
dans  ceux  qui  en  font  pris ,  mais  fans  cette  ma- 
lignité qu'elles  ont  dans  les  Quebradas  de  la 
part'';  haute.  S'il  en  meurt  quelques  individus, 
c'eft  ou  par  la  complication  de  ces  fièvres  avec 
d'autres  maux  antérieurs,  ou  parce  qu'elles  ont 
duré  un  tems  confidgrable ,  fans  qu'on  y  ait  ap- 
porté le  remède  capable  de  les  dompter.  C'eft  ce 
qui  arrive  à  nombre  d'individus  qui  vivent  épars 


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•iji  Discours 

^à  ôc  là  dans  les  campagnes ,  loin  des  grandes 

habitations ,  &  qui  manquent  ainû  des  fecours 

nécefTaires. 

Ces  fortes  de  maladies  font,  fans  contredit; 
les  plus  communes  dans  les  contrées  chaudes  pas 
leur  poHtion  ,  ou  qui  ont  des  étés  très- chauds. 
Elles  font  fort  difficiles  à  guérir  dans  ces  pre- 
mières. 

Les  campagnards  de  Tlfle  de  Cuba  tiennent 
pour  certain ,  que  quand  ils  elTuyent  de  la  pluie, 
chemin  faifant ,  ils  feront  infailliblement  pris 
d'une  fièvre  tierce ,  fi  leurs  habits  viennent  à  être 
mouillés;  Se  qu'ils  ne  rifquent  rien  fi  la  pluie 
leur  tombe  fur  le  corps  même ,  fur-tout  fi  la 
pluie  eft  très  -  forte.  C'eft  pourquoi ,  dès  qu'il 
pleur ,  ils  otent  leurs  habits ,  qui  font  fort  légers, 
Se  reftent  nuds,  de  U  tète  à  la  ceinture.  Us  difenc 
que  c'eft  la  même  chofe  que  de  fe  baigner,  ôc 
que  quand  leur  corps  a  été  ainfi  mouillé ,  ils  n'en 
éprouvent  pas  les  inconvéniens  qu'ils  ont  à  crain- 
dre de  l'humidité  de  leurs  habits  mouillés  pen^ 
dant  le  chemin  ,  ôc  de  la  chaleur  qu'ils  leur 
caufent  en  marchant. 

La  Louyfiane  eft  auflî  fuje:te  à  ces  mêmes 
maladies  pendant  l'été  :  elles  deviennent  quel- 
quefois malignes  pendant  les  grandes  chaleurs, 
&  lorfque  les  pluies  tombent  par  orages ,  &  avec 
des  tempêtes  :  il  meurt  alors  beaucoup  de  monde. 


;      v^j 


«ONZIEME.  l$f 

Mais  cela  peut  venir  audi  d'une  caufe  accenbire  : 
favoir,  faute  de  traitement  convenable.  Mais, 
dès  que  le  froid  fe  fait  fentir  aux  premiers  vents 
du  Nord,  en  Novembre,  les  fièvres  ceflTent.  La 
plupart  des  malades  guériifent  fans  autre  remède 
que  le  changement  de  la  faifon. 

Le  mal ,  <[u'on  appelle  la  maladie  de  fept 
jours  y  &  qui  attaque  les  enfans  nouvellement 
nés,  n'efl:  pas  moins  dangereux  dans  la  partie 
haute  que  dans  la  bafife.  La  plupart  de  ces  en- 
fans  en  meurent,  fans  qu'on  appcrçoive  aucun 
(igné  antécédent  qui  puifTe  la  faire  foupçonner  ; 
car  ils  font  en  apparence  fains  &  robuftes.  L'c-^ 
pilepfîe  s'y  joint  ordinairement,  &  il  eft  rare 
qu'il  en  réchappe  un  feul. 

Quoique  cette  maladie  foit  connue  en  Europe, 
elle  n'y  eft  ni  fi  générale ,  ni  fi  dangereufe.  Les 
Américains  ont  grand  foin  de  garantir  leurs 
enfans  du  vent,  jufqu'à  ce  que  ce  terme  foie 
palfc  :  après  quoi  ils  ne  courent  plus  de  rifque. 
Voilà  pourquoi  ils  l'appellent  le  mal  de  fept 
jours,  tems  auquel  le  danger  eft  toujours  borné, 

Les  enfans  font  encore  fujets  à  une  autre  ma- 
ladie fort  fingulicre.  Délivrés  du  danger  des  fept 
jours,  ils  vont  ordinairement  bien  jufqu'à  trois 
ou  quatre  mois  :  alors  ils  font  pris  d'une  toux 
&  d'une  affeftion  de  poitrine ,  qu'on  y  appelle 
pechuguera*  La  maladie  va  toujours  en  augmen- 


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154  Discours 

tant ,  malgré  cous  les  fecours  :  ils  n'opèrent  aucun 
effet  falucaire.  Alors ,  ces  enfans  enflent ,  6c  ne 
tardent  pas  à  mourir.  Les  feuls  enfans  des  blancs 
(  Efpagnols  )  font  expofés  à  ces  ravages ,  qu'on 
ne  voit  pas  parmi  les  Indiens  ou  les  Mctifs  j  dont 
la  confticucion  oppofe  plus  de  réfiftance.  Le 
moyen  de  garantir  les  enfans  eft  de  les  enlever 
de- là  avant  deux  mois  ,  &  de  les  tranfportec 
dans  l'un  des  climats  plus  favorables  de  ces 
QuehradaSj  qui  n'en  font  pas  éloignées. 

Le  vulgaire  croit  que  la  caufe  du  mal  vient  de 
ce  que  ces  enfans  font  d'une  conditution  trop 
foible  pour  rcfifter  au  froid  6c  à  l'intempérie  du 
climat  j  il  eft  sûr  qu'elle  peut  y  contribuer,  mais 
d'autres  caufes  peuvent  aulïî  y  concourir.  Les 
pères  6c  mères  y  ont  les  humeurs  mal  faines.  Les 
vapeurs  fulfureufes  qu'on  y  refpire  continuelle- 
ment 5  6c  qui  fe  répandent  des  fourneaux  où  l'on 
extrait  le  mercure,  y  font  fi  abondantes,  qu'en 
été  elles  fe  condenfent  par  l'effet  des  gelées ,  & 
forment  une  nuée  cpailfe ,  qui  couvre  toute  l'é- 
tendue de  la  peuplade. 

Rien  de  fi  commun  à  la  Louyfiane  que  de  voir 
des  perfonnes  de  tout  âge  attaqués  de  vers  de 
toute  efpèce ,  fans  en  excepter  le  vers  folitaire. 
La  grande  humidité  de  cette  contrée,  les  fe- 
mences  abondantes  d'infecftes  &  de  reptiles,  la 
qualités  des  alimens ,  en  font  autant  de  caufes. 


'i;i 


ONZIEME.  155 

On  obferve  même  que  les  fruits,  fur-tout  ceux 
à  noyaux ,  ^'  à  ^.oulfe^  ne  s'y  gardent  pasj  ils  fe 
gâtent  au  bout  de  deux  jours  qii'oi;  les  a  cueillis, 
&  pourriniiu  :  ce  qui  vient  de  la  qualité  marc- 
cageufe  du  fol  ,  ôc  de  l'humidité  de  l'Atmof- 
phère.  A  cette  incommodité  fui  viennent  de 
fortes  fièvres ,  déperdition  de  fubftance ,  des  lan- 
gueurs, une  mélancolie.  Le  remède  le  plus  en  vo- 
gue eft  le  fuc  de  V-icdionda^  dont  il  a  été  parle. 
On  employé  aufli  l'huile  de  noix,  qui  réuflit  danj 
quelques  individus  :  mais  on  remarque  qu'elle 
ne  guérit  pas  radicalement  le  mal ,  &  qu'on  en  . 
éprouve  des  récidives  quelque  tems  après. 

La  petite  vérole,  maladie  connue  par  toute 
la  terre ,  y  pa'^oît  à  certains  périodes ,  &  noa 
tous  les  ans  comme  en  Europe  :  mais  quand  elle 
s'eft  manifeftée ,  elle  fait  de  grands  ravages ,  tant 
parmi  les  blancs ,  qu'on  y  appelle  Efpagnoh ,  que 
parmi  '  s  Indiens  &  les  Nègres.  Elle  parut  dans 
la  partie  balTe  en  176^.  11  en  périt  beaucoup 
de  monde  de  tout  âge ,  particulièrement  dans  les 
premières  familles  du  Pérou.  Quoiqu'il  y  aie 
une  très-grande  différence  entre  les  climats  de  la 
partie  haute  &  ceux  de  la  balfe ,  on  n'a  pas  eu 
lieu  de  croire  qu'elle  fût  plus  mauvaife  dans  la 
haute  :  car  le  nombre  des  morts  fut  aufli  confi- 
dérable  dans  l'une  que  dans  l'autre  partie. 

On  a ,  dans  la  partie  haute,  une métliode  cura- 


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i^S  Discours 

live  bien  différente  de  celle  de  l'Europe  :  on  n'y 
connoîc  pas  toutes  ces  précautions  fcrupulcufes. 
Les  femmes  Indiennes  tiennent  leurs  cnfans  à 
côté  d'elles  fur  une  peau  de  brebis ,  &  ne  les 
couvreur  pas  plus  qu'à  l'ordinaire,  fans  s'inquiéter 
de  les  garantir  de  l'impreflion  de  l'air.  Malgré 
le  grand  froid  du  climat,  il  ncn  meurt  pas  plus 
que  parmi  ceux  pour  lefquels  on  prend  les  plus 
grandes  précautions.  D'ailleurs,  ces  gens  n'ont 
recours  ni  aux  médecins,  ni  aux  médicamens; 
tout  eft  abandonné  à  la  nature.  On  s'y  fert,  tout 
au  plus ,  de  quelques  herbes ,  dont  la  vertu  eft 
connue  par  l'expérience  :  ces  herbes  font  là  des 
panacées  y  qu'on  y  employé  pour  tous  les  maux. 
Les  adultes  qui  font  pris  de  cette  maladie  en 
réchappent  rarement,  vu  la  denfité  de  la  peau 
qui  empêche  l'humeur  variolique  de  fe  faire  jour 
au-dehors  d'une  manière  régulière;  c'eft  ce  qui 
rend  cette  maladie  beaucoup  plus  dangereufe 
dans  ces  contrées  que  chez  les  autres  nations  : 
elle  y  fait  des  ravages  confidérables.  Elle  feroit 
moins  redoutable  fi  elle  y  paroilloit  toiF  les  ans, 
les  habitans  l'efliiieroient  dans  leur  jeuneffe  ,  & 
il  en  périroit  moins ,  comme  l'expérience  le 
prouve  à  l'égard  des  enfans. 

Feu  de  la  Condamine  écrivit  à  ce  fujet  plufieurs 
lettres  au  dodeur  Maty,  de  Londres,  &  l'inf- 
truifit  de  l'état  où  fe  trouvoit  la  queftion  fur 

l'utilité 


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Ô   N    Z   I   B   M   ir  '  157 

rutilité  de  rinoculacion  dans  cette  Capitale,  & 
lui  expofa  les  raifons  fur  lefquelles  il  fondoic 
fon  opinion  :  il  dillipa  ainfi  les  craintes  qu'on 
avoir  du  danger  auquel  on  croyoit  s'expofer  vo- 
lontairement en  fe  faifant  inoculer,  &  raifura 
fut  celles  qu'on  avoit  de  n'ctre  pas  garantis  de 
la  contagion.  Ce  font  les  mêmes  raifons  qui  ont 
déterminé  à  introduire  l'inoculation  dans  la  Nou- 
velle-Angleterre, où  elle  eft  aufli  en  vogue  que 
dans  l'Ancienne. 

Cette  maladie  n'ed  pas  fi  dangereufe  dans  les 
pays  chauds  de  la  Zone  Torride,  quoiqu'elle  y 
faffe  aufli  d'aflez  grands  ravages,  quand  elle  a 
rté  quelques  années  fans  rep^roître.  On  obferve 
la  même  chofe  à  l'égard  de  la  Louyfiane  :  d'où 
l'on  peut  conclure  que  ce  n'eft  pas  un  grand  bon- 
■heur  pour  le  pays ,  que  cette  maladie  foit  dix  â 
douze  ans  à  reparoître,  puifqu'elle  devient  alors 
fi  funefte.  Ces  confidérations  ont  fans  doute  con- 
tribué à  introduire  l'inoculation  dans  les  Co- 
lonies delà  Nouvelle-Angleterre  :  par  ce  moyen  , 
ofl  eft  ga».Anti  de  la  crainte  pendant  la  jeunelTe, 
&  du  danger  de  la  contagion  dans  un  âge  plus 
avancé.  . .  •.     ■  , 

L'inoculation  y  éft  fi  commune,  qiion  y  a 

bâti  des  maifons  publiques  &  des  hôpitaux ,  où 

l'on  reçoit  pour  cet  effet  des  perfonues  de  toutes 

conditions  &  de  tout  âge  j  &  les  fuites  en  font 

Tome  L  R 


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25$  D  I  s  e  o  V  n  • 

des  plus  heiireufej.  Il  y  vient  fe  faire   .  ;û'aier 
des  gens  de  plufieiirs  autres  provinces  :  on  y  a 
nicme  reçu  plusieurs  habicansde  la  LouyHane,  qui 
ont  fubi  ce  traitement  dans  un  âge  fait.  11  feroit 
fort  avantageux  pour  l'humanitc,  qu'on  envoyât, 
des  provinces  où  l'on  n'eft  pas  encore  convaincu 
de  l'utilité  de  cette  opération  ,   des  médecins 
éclaires ,  pour  obferver  tous  les  fymptômes  qui 
fe  manifelUnt  dans  les  fujets  aduellement  ino- 
cules ,  ôc  pour  s'aiïurer  par  le  nombre  de  ceux 
qui  l'ont  été ,  (i  l'on  eft  encore  expofé  a  être  at- 
taqué de  la  maladie ,  lors  des  grandes  épidémies; 
f\  y  en  cas  d'attaque ,  la  maladie  fera  bénigne  ou 
maligne^  Ci ,  par  la  précaution  de  l'inoculation, 
ou  générale ,  ou  pratiquée  fur  le  grand  nombre 
des  individus ,  on  anéantit  la  caufe  de  l'épidémie. 
Ces  médecins  s'informeroient  audl  de  la  ma- 
nière dont  il  faut  s'y  prendre  pour  en  avoir  le 
germe.  Se  l'inoculer;  du  choix  qu'il  faut  en  faire, 
des  précautions  à  garder  pendant  fes  effets ,  de  la 
faifon  Se  de  la  température  la  plus  favorable; 
cnHn  de  toutes  les  autres  circonftances  qui  peu- 
vent fournir  des  connoifîanccs  fur  cet  objet.  Par 
ce  moyen  ,  ou  on  empccheroit  peut-être  de  périr 
la  moitié ,  ou  le  tiers  des  individus  de  tout  âge  j 
Se  de  tout  état;  mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  impor- 
tant, c'eft  qu'on  garantiroit  du  danger  les  Sou* 
verains  :  on  aifureroic  à  cet  égard  les  fucceflions 


lire   .  4û'aier 
ces  :  on  y  a 
)uyrune ,  qui 
fait.  U  feroii 
l'on  envoyât, 
)re  convaincu 
les  médecins 
mptômes  qui 
îllement  ino- 
nbre  de  ceux 
ofé  à  être  at- 
ies  épidémies; 
a  bénigne  ou 
l'inoculation, 
grand  nombre 
de  répidémie. 
iiHI  de  la  ma- 
ir  en  avoir  le 
l  faut  en  faire, 
es  effets ,  de  la 
us  favorable; 
.nces  qui  peu- 
cet  objet.  Par 
t-être  de  périr  1 
us  de  tout  âge  | 
de  plus  impor- 
mger  les  Soû- 
les fucceflionJ 


onzième;  159 

aux  trônes.  Toutes  ces  obfervations  faites  pac 
(les  gens  inftruits ,  Se  doués  du  difcernement  né- 
celfaire,  diHiperoient  les  doutes  que  fait  natu- 
rellement naître  la  pratique  nouvelle  de  l'inocu- 
lation ,  à  laquelle  on  fe  refufe ,  pour  s'expofer  à 
une  maladie  dont  les  conféquences  font  fi  fatales 
pour  un  grand  nombre  de  fujets. 

Si  les  affeélions  de  poitrine  font  communes  dans 
la  partie  haute ,  les  crachemens  de  fang  ne  font 
pas  moins  ordinaires  dans  les  pays  les  plus  froids» 
C'eft  ce  que  l'on  voit  fouvent  à  Guancavelica  : 
cependant  on  vit  quelques  années  avec  cette  in- 
commodité. La  plupart  de  ceux  qui  en  font  atta- 
qués ,  guériffenc  totalement  en  paffant  dans  un 
climat  moins  dur  :  mais  d'autres  y  meurent ,  ôc 
il  n'y  a  point  de  terme  fixe  pour  la  durée  du  mal. 
On  ne  voit  pas  U  de  phthifîe ,  malgré  les  maux 
de  poitrine  dont  il  s'agit  j  ou  ces  phthifies  font 
bien  rares.  Elles  font,  au  contraire,  alfez  fréy 
quentes  dans  la  partie  baflfè ,  où  Ion  ne  voit  pas 
de  crachemens  de  fang  :  mais  ces  deux  maladies 
font  fort  fréquentes  dans  la  Louyfiane. 

Le  tétanos  eft  redoutable  dans  la  partie  balTe 
du  Pérou ,  vu  la  facilité  avec  laquelle  on  en  clV 
attaqué,  6c  que  d'ailleurs  il  y  eft  décidément  mor- 
tel. La  moindre  caufe  peut  y  donner  lieu.  U  eil 
[impoflible  d'être  toujours  alfez  attentif  à  s'en  ga- 
i  rantir  :  il  fuffit  de  fortir  ,  ayant  chaud  j  _  dtf  la 

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chambre  ou  de  l'appartement,  ôc  de  s*expofet  à 
l'air ,  pour  en  être  pris.  C'eft  au  moins  une  des 
caufes  de  ce  fpafme,  quoiqu'il  n'en  réfulte  pas 
toujours.  On  rifque  encore  d'en  être  pris  en 
s'expofant  â  un  courant  d'air  après  avoir  bu  le 
mate  j  qui  eft  une  efpèce  de  thé,  &  fe  boit  de 
même.  On  ne  connoît  pas  ce  mal  dans  la  partie 
haute.  On  en  eft  encore  attaqué  fi,  par  inad- 
vertence ,  on  vient  à  mouiller  ou  à  mettre  dans 
l'eau  l'un  ou  l'autre  pied  où  l'on  aura  été  piqué 
ou  légèrement  biefFé  :  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans 
l'autre  partie  du  Pérou. 

Cet  accident  eft  également  dangereux  dans 
rifle  de  Cuba ,  ôc  dans  les  autres  climats  chauds  : 
on  n'y  connoît  même  pas  de  remède ,  ce  qui  fait 
que  peu  de  perfonnes  en  réchappent.  On  a  ce- 
{>endant  à  la  Havane  quelques  exemples  de  gué- 
îifon  ^  mais  le  traitement  ou  le  remède  eft  fi  in- 
certain ,  t]u'il  laitfe  toujours  les  individus  expoféj 
au  plus  grand  danger.  Une  piquure  expofe  aullî 
à  cet  accident  dans  la  Louyfianej  mais  on  n'en 
voir  pas  d'exemples  fans  cette  caufe. 

La  partie  haute  du  Pérou  expofe  rarement  aux 
paralyfies  qu'on  y  appelle  ^yre  :  ati  moins  ces 
maladies  n'y  font-elles  pas  fi  communes  que  dans 
la  baffe.  Cela  vient  de  ce  que  la  température  y 
eft  toujours  égale  6c  froide,  fans  aucune  alter- 
native d'hiver  &  d'été  j   &  que  les  pores  Ju 


onzième;  1^1 

corps,  fort  refferrés  y  soppofent  à  rintromiffion 
de  l'air.  Aiiflî  n'y  voit-on  cette  maladie  que  dans 
les  individus  d'un  âge  fort  avancé,  &  déjà  in- 
difpofés. 

L'apoplexie  y  eft  extrêmement  rare  dans  l'une 
Se  l'autre  partie,  de  forte  qu'à  peine  en  entend- 
on  parler  pendant  le  cours  de  nombre  d'années. 
Cet  avantage  eft  dû  fans  doute  au  peu  de  diffé- 
rence de  température  dans  les  deux  faifons  op- 
pofées  :  les  humeurs  s'y  maintiennent  par  ce 
moyen  dans  le  même  état,  les  alimens  n'y  varient 
poijit ,  ôc  l'air  y  eft  prefque  toujours  le  même. 

D'après  ces  faits ,  on  ne  peut  déterminer  la 
caufe  du  tétanos ,  ou  fpafme  général ,  qu'en  fup- 
pbfant  dans  ratmofphère  des  corps  inconnus, 
imperceptibles,  qui  le  produifent^  autrement  il 
ne  réfulteroit,  de  quelques  légères  inadvertences, 
qu'une  foible  aftridion ,  mais  non  une  contradlion 
aufii  terrible  que  celle  du  tétanos  >  Ôc  la  motc 
peu  de  jours  après. 

Quoique  les  pleuréHes  foient  la  maladie  dan* 
gereufe  des  climats  froids  de  la  partie  haute,  il 
eft  rare  néanmoins  que  les  individus  d'une  com- 
plexioh  bien  faine  en  foient  attaqués.  £lles  ne 
font  communes  que  parmi  ceux  qui  ont  dans 
leurs  humeurs  un  vice  vénérien  ,  ou  qui  font 
adonnés  aux  liqueurs  fpiritueufes.  Le  remède 
aftiiré  eft,  dans  cette  contrée  >  le  foie  du  Zorillo^ 


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2^1  Discours 

qu'on  prend  par  la  bouche ,  &  l'on  en  voie  des 
cures  merveilleufes.  11  n'importe  qu*il  foit  récent 
ou  vieux  :  on  y  compte  avec  alTurance  fur  fes 
effets ,  ôc  l'on  eft  perfuadé  que  quand  on  en  a 
une  fois  pris,  on  n'eft  jamais  expofé  à  une  ré- 
cidive. 

On  a  remarqué  que  les  pleuréfies  Se  les  autres 
maladies  de  poitrine  étoient  inconnues  parmi  les 
Indiens ,  quoique  ces  gens  mènent  une  vie  dé- 
réglée, ôc  que  leur  penchant  à  s'ennivrer  leur 
falFe  boire  de  l'eau-de  vie  avec  excès.  Mais  cela 
vient  de  la  force  de  leur  conftitution ,  &  de  ce 
que  les  maladies  vénériennes  font  rares  parmi 
eux. 

La  lèpre  eft  un  mal  très-commun  dans  les 
pays   chauds.  Elle  eft  inconnue  dans  la  partie 
haute  du  Pérou,  ôc  peu  répandue  dans  la  baffe, 
cù  l'on  en  voit  quelques  exemples.  Elle  gagne 
beaucoup  fur  les  côtes  feptentrionales  de  Terre^ 
ferme  :  mais  fa  contagion  devient  des  plus  funeftes 
"dans  quelques  parties  de  la  Havane.  On  croit  que 
cela  eft  dû  à  la  viande  de  porc  ,  dont  on  ufe  beau- 
coup ,  ôc  que  cette  viande  en  devient  la  caufe  par 
la  qualité  que  lui  donne  le  fruit  d'une  efpèce  de 
palmier,  diftingué  parle  nom  dQ  Reai  ou  Pal' 
miche  j  dont  cet  animal   mange  beaucoup  :  au 
moins ,  cette  viande  y  contribue-t-elle  en  grande 
parcie.       '  ■'  ••  -■-'    '•''      ;  •  •  = 


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O   M    Z    I    E    M    Ef  Z^5 

La  chair  des  porcs  qui  s'en  font  nourris  eft 
plus  glanduleufe  que  d'autre  :  les  glandes  ont  unie 
teinte  noirâtre  j  on  les  apperçoic  facilement  dans 
toute  l'étendue  du  cou  de  l'animal.  Quoique 
cette  opinion  y  paroiflTe  bien  fondée  ,  on  doit 
en  rapporter  la  première  caufe  aux  Nègres  de 
l'Afrique  qu'on  tranfporte  en  Amérique  j  car 
cett(^  maladie  eft  fort  répandue,  &  comme  na- 
turelle dans  leurs  contrées.  On  devroit  prendre 
les  plus  grandes  précautions  pour  empêcher  les 
progrès  de  cette  horrible  maladie ,  ou  plutôt  pour 
la  détruire  dans  les  Colonies.  Elle  étoit  autrefois 
inconnue  dans  la  Louydane  j  mais ,  depuis  quel- 
que tems  ^  elle  comn^ençè  à  s'y  manifefter. 

La  maladie  appellée  CulébrïUc  y  très-connue 
dans  ces  climats  chauds ,  a  auJi  été  appcKttéc  par 
les  Nègres ,  a  ce  qu'on  penfe.  On  éprouve  au 
Port-àu-Prince,  &:  dans  les  pays  voifins,  les  effets 
de  ce  mal,  beaucoup  plus  généralement  qu'ail- 
leurs ,  &  n)ème .  qae  dans  l'ifle  de  Cuba.  Dès 
qu'on  fe  fût  alTuré  qu'il  étoit  contagieux,  on  p)?c 
les  précautions  néceifaires  pour  l'arrêter  :  ce  î\}l 
de  brûler  les  linges  employés  dans  la  cure*,Oii 
remarqua  que  quand  ces  linges  étoient  {^cs.^  i\ 
en  fortoit  une  quantité  prodigieufe  de  petits  in- 
fedes  qui.fe  répandoient  dans  l'aii,  &  coihmu- 
nlquoient  le  mal  aux  individus  qui  ne  l'avoienc 

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pas.  Avec  ces  feules  précautions ,  .&  celle  de  guérir 
iles  Nègres  infedés  arrivais  de  lear  pays ,  on  à 
^au  moins  empêché  que  le  mal  ne  fûc  aullî 
commun.  ..         ;      . 

On  fait  généralement  dans  ces  contrées  que  les 
chiens  &  les  autres  animaux  n'y  font  pas  fujets 
-â  la  rage,  non- feulement  dans  l'Amérique  mé- 
ridionale,  mais  encore  dans  tout  le  continent: 
-cependant  ils  y  font  attaqués  d'une  autre  efpèce  de 
maladie  quieft  générale  parmi  ces  animaux;  elle 
en  détruit  un  grand  nombre.  C'eft  une-^efpèce  de 
pefte  :  il  n'en  réfulte  aucune  envie  de  mordre; 
la  maladie  ne  fe  communique  pas  non  plus  de 
cette  manière  ;  elle  eft ,  en  quelque  forte-,  pour 
les  chiens,  ce-qu'eft  la  petite  vérole  pour  rhom- 
■me.   Slle  fe  manifefte  ainfî  :  lanimâl  devient 
trifte,  ne  mange  plus,  maigrit  ,  lailfe  aller  fa 
têt&v tombe,  &  ne  peut  plus  marcher  :  il  refte 
-idahs  cet  état  quinze  à  vingt  jours  :  les  uns  réfiftem 
plus  que  les  autres,  mais  à  la  fin  la  plupart  en 
'meurent  :  ils  en  font  ordinairement  attaques  dans 
leurs  premières  années ,  &  n'en  éprouvent  plus 
de   récidive  quand   ils  en  ont  réchappé. 
.1    Les  chiens  de  chalTefont  plus  foignés  que  les 
autres  ;  c'eft  pourquoi  on  en  guérit  un  plus  grand 
nombre  que.  des  autres.  Le  moyen  qu'on  employé 
•eft  de  leur  couper  le  bout  de  la  queue  ôc  les 


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oreilles,  afin  de  les  faire  faigner:  on  leur  donne 
enfuite  à  manger -du  foie  de  brebis  cuit,  &  mêlé 
avec  une  bonne  dofe  de  fleur  de  foufre.  On  leur 
frotte  lapine  du  dos^  avec  de  la  graifle  de  porc, 
jufqu'à  la  queue  :  moyennant  ces  foins ,  on  leur 
voit  jetter  aux  endroits  coupés  une  matière  puru- 
lente, en  efpèce  de  filamens,  laquelle  paroît  être 
la  caufe  du  mal.  Il  fe  répandit  une  pareille  épi- 
démie en  iy6y  dans  la  Louyfiane  j  elle  y  détruific 
prefque  tous  les  chiens. 

Les  Mules  y  font  fujettes  à  une  autre  maladie , 
qu'on  appelle  mal  del  vafo  j  ou  du  fabot  :  elle 
fait  périr  un!  nombre  prodigieux  de  ces  animaux 
dans  les  milliers  qu'on  en  fait  pafTer  tous  les  ans 
du  Tucùman  au  Pérou.  Le  mal  eft  dans  le  fabot 
même  de  l'animal ,  &  n'a  rien  de  femblable  à  la 
teigne  qui  furvient  a  la  couronne.  Le  fabot  fe 
gonfle,  le  mal  monte  dans  la  janibe,  &  la  mort 
en  eft  la  fuite.  La  contagion  en  eft  fi  adive, 
qiie  ceux  qui  font  ce  trafic,  aflTurent  qu'ujie 
mule  en  eft  attaquée  en  pofant  feulement  le  pied 
fur  un  endroit  où  a  marché  celle  qui  cccît  ma- 
lade :  cela  vient  fans  doute  de  quelques  in fedes 
qui  fe  nichent  dans  les  herbes. 

Ce  grand  nombre  de  mules  fort  du  territoire 
deTucuman,  en  troupes  de  deux  à  trois  mille, 
à  certains  çems  fixes  ,  pour  faire  un  voyage  de 


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iîx  cens  Se  même  de  mille  lieues ,  &  fe  rendre 
de-li  à  la  Tabtada  de  Tucle ,  dans  le  gouverne- 
ment de  Guancavelica ,  où  fe  tient  la  foire  ou 
le  marché  de  cqs  animaux  :  il  en  paiTe  même 
dans  le  royaume  de  Quito. 

Les  conduâeurs  préfèrent ,  pour  cette  longue 
route  »  de  paiTer  par  Uspunas  les  moins  froides, 
afin  d'y  trouver  des  pâturages.  Us  vont  régu- 
lièrement les  uns  après  les  autres ,  à  certains  in- 
tervalles ,  ayant  foin  de  s'infprmer  fi  les  troupes 
précédentes  n'étoient  pas  attaquées  du  mal ,  aHn 
de  fe  détourner,  &  de  ne  pas  faire  aller  leurs 
bêtes  fur  les  pas  des  autres ,  qui  pourroienc  le 
leur  communiquer.  Chaque  condudeur  a  ce  foin, 
&  fépare  de  fa  troupe  celles  qui  font  malades, 
les  faifant  aller  par  d'autres  routes  pour  éviter 
cette  contagion. 

Toutes  ces  troupes  n'arrivent  pas  à  la  Tablada. 
de  Tucle  ;  car,  avant  de  fortir  de  Tucuman,  les 
marchands  ont  fait  leurs  marchés  avec  les  Corré- 
gidors  des  provinces  par  lefquelles  ils  palfent ,  pour 
la  quantité  qui  y  eft  néceflaire,  &  ils  y  laiflent 
ce  nombre  de  bêtes.  Ainfi ,  il  ne  paffe  outre  que 
celles  qui  ne  font  pas  vendues  :  ce  font  celles 
qui  vont  enfiite  dans  les  provinces  des  Vallées^ 
à  Caxamarca  ^  Se  jufqu*à  Quito. 

Les  femmes  font  affez  fréquemment  attaquées 


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du  cancer  au  Pérou  :  ropiiiion  commune  eft  qu'il 
s'y  répand  par  communication.  Ce  mal  terrible 
y  va  toujours  en  croîiTant,  &  y  devient  pliis 
commun  que  jamais.  Ceft  ainfi  qu'il  s'eft  mani- 
fefté  dans  la  partie  haute,  où  il  étoit  inconnu  il 
y  a  vingt  ou  vingt- cinq  ans.  Quelques  obferva- 
tions  femblent  donner  lieu  de  croire  qu'il  eil: 
venu  de  l'Afrique  ^  car  il  eft  plus  commun  parmi 
les  Négreflès  &  leurs  enfans.  Comme  ces  fem- 
mes y  fervent  de  nourrices ,  elles  en  donnent  le 
principe  aux  enfans  des  blancs  qu'elles  allaitent. 
Mais  cette  opinion  foufFre  deux  difïicultés.  La 
première,  c'cft  qu'on  ne  le  voit  pas  ordinaire^ 
ment  dans  les  autres  contrées  de  l'Amérique, 
ou  la  plupart  des  habitations  font  compofées  de 
Nègres ,  &  de  gens  de  races  mélangées.  La  fé- 
conde ,  c'eft  que  les  femmes  Européennes  qui  y 
partent  en  font  auflî  attaquées  :  ce  dont  on  a  des 
exemples  inconteftables.  Ce  qu'on  fait  de  certain 
à  cet  égard ,  c'eft  que  le  mal  vient  d'une  trif- 
telTe  pénible  ,  de  chagrin  très-fenfible  qui  trouble 
l'ame ,  &  la  tient  dans  une  apathie  continuelle. 
Mais  ce  mal  n'eft  pas  ordinaire  parmi  les  filles 
comme  il  l'eft  parmi  les  femmes  mariées  :  on 
en  arrête  les  progrès  au  commencement ,  par  le 
moyen  des  bains ,  des  humedans  ôc  des  dé- 
layansj  de  la  diflipation  Ôc  à'vn  peu  d'exercice. 


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Néanmoins ,  il  eft  rare  que  le  mal  s'arrête  dès 
qu'il  s'efl;  une  fois  manifefté^  les  fuites  en  font 
les  plus  affligeantes ,  &  il  fe  termine  par  les 
■douleurs  les  plus  cruelles ,  qui  mènent  enHn 
Tindividu  à  U  more 


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DISCOURS  DOUZIEME. 

Des  Minéraux^  fur -tout  de  l*  argent,  &  de  ia 
manière  de  le  cirer, 

L'Homme  forti  de  Tétat  de  nature,  &  devenu 
Fadice,  a  toujours  eu  la  paflTion  des  richefTes,  & 
le  defir  de  fe  pro(^urer  les  métaux  précieux ,  qui 
font  le  moyen  d'avoir  toutes  les  autres  chofes. 
L'or  &  l'argent  ont  naturellement  quelque  chofe 
de  fi  attrayant,  que,  fans  même  avoir  une  va- 
leur déterminée ,  ces  métaux  font  \es  plus  confî- 
dérés  parmi  les  Nations  qui  en  ont    le  moins 
befoin  pour  leur  commerce  ou  leurs  échanges. 
Ces  métaux  donnent  la  loi  à  toute  la  terre  j  & 
les  Princes ,  dans  l'état   a<5tuel   des  chofes ,    ne 
pourroient  plus  fe  rendre  refpecflables  les  uns  aux 
autres^  s'ils  n'avoient  des  tréfors  aflez  confidé- 
rables  pour  les  dépenfes  qu'exigent  leur  fouve- 
raineté.  En  donnant  la  loi,  l'or  &  l'argent  ré- 
glentauflTi  la  valeur  des  autres  chofes,  félon  qu'ils 
font  plus  ou  moins  communs.  C'eft  donc  la  ba- 
lance générale  des  néceffités  de  la  vie ,  nécefîîtés 
qui  deviennent  plus  ou  moins  urgences  félon  la 


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quantité  de  ces  mctaiix.  Parmi  ces  befoins ,  les 
principaux  font  les  travaux  de  l'homme ,  travaux 
qui,  depuis  le  plus  ordinaire  jufqu'à  1  indufttie 
la  plus  recherchée,  font  payés  par  ces  i  jétaux  , 
devenus  la  récompenfe  du  mérite  &  des  calens 
particuliers  de  chaque  individu. 

Les  Chinois  travaillent  continuellement  pour 
acquérir  l'argent  j  qui  ne  fe  trouve  pas  dans 
leur  pays  :  c'efl:  cependant  une  des  Nations  cjui 
en  ont  le  moins  befoin.  Les  Européens  n'épar- 
gnent ni  peine  ni  travail  pour  s'en  procurer  auflî , 
afin  d'en  fournir  aux  Chinois.  Les  Maures  d'A- 
frique exercent  des  pirateries  continuelles ,  tou- 
jours avides  d'argent,  &  cherchant  à  réduire  les 
autres  Nations  dans  l'efclavage ,  afin  de  fe  pro- 
curer de  l'argent  par  la  rançon  de  ces  captifs, 
tandis  que  du  refte  ces  Nations  Africaines  font 
les  plui  barbares  &  les  moins  occupées  du  com- 
fnerce.  Les  Européens  qui  vont  chercher  ces  mé- 
taux en  bravant  tous  les  dangers ,  &  avec  une  cu- 
pidité infatiable ,  fe  détruifent  réciproquement  le 
fer  à  la  main  dans  les  guerres  qu'ils  fe  déclarent, 
pour  en  polfédcr  les  uns  plus  que  les  autres. 

Les  Américains  ouvrent  &  fouillent  les  en- 
trailles de  la  terre ,  defcendent  jufques  dans  {es 
profonds  abymes ,  dans  le  delfein  de  fe  rendre 
plus  heureux  avec  de  femblables  idoles.  Mais  ce 
font  eux  qui  en  jouiffent  le  moins  :  ces  métaux 


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DOUZIEME*  271 

dirparoilfcnc  biencoc  de  leurs  mains  :  en  peu  de 
tems  ils  fe  trouvent  avoir  palTé  i  l'autre  extré- 
mité de  rhémifphcre  fans  s'être  arrêté  chez  ceux 
qui  les  polTédoient.  La  puidànce  de  l'or  6c  de 
l'argent  commande  a  toutes  les  facultés  intellec- 
tuelles de  l'homme,  l'oblige  de  devenir  fociable» 
de  traiter  avec  fes  femblables.  En  effet ,  fans  cet 
utrait  une  Nation  ne  fongeroit  qu'à  vivre  de  fon 
fol,  dédaigneroit  les  autres  peuples,  &  fe  foii- 
cieroit  peu  de  prendre  tant  de  peines  pour  a' 
découvrir  les  pays  éloignés  &  les  moins  connue. 
Le  prix  imaginaire  d'une  parcelle  d'or  détermine 
la  volonté  de  celui  à  qui  on  la  fait  entrevoir. 
Les  difficultés   ne  font  qu'irriter  l'appétit  ,   les 
chemins  s'applaniffent ,  les  palTages   s'ouvrent, 
les  dangers  difparoilfent,  &  tout  devient  facile. 
L'or  &  l'argent  font  donc  aduellement  des 
matières  qui  font  les  liens  de  l'intérêt  réciproque 
chez  toutes  les  Nations.  Le  tems ,  le  travail ,  les 
foins  ,  les  veilles  ,  le   repos ,  la   vie  ,  la  more 
même,  tout  eft  réglé,  eftimé  par  le  prix  de  ces 
métaux.  11  femble  que  la  Nature  y  concourt  elle* 
même,  en  ce  qu'elle  n'a  pas  rendu  ces  métaux 
fi  communs  ,  qu'on  puifle  fe  les  procurer  aifé- 
ment.  Si  cela  étoit ,  ils  n'auroient  plus  la  même 
valeur  j  mais  on  n'en  trouve  pas  par- tout  :  c'eft 
pourquoi ,  les  habitans  des  divers  pays  qui  n'en 
produifent  pas ,  font  obligés  d'employer  toutes 


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(716)  873-4503 


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xyx  Discours 

les  reffources  de  leur  iiiduftrie  pour  en  acquérin 
11  paroîc  cependant  que  ces  métaux  fe  décèlent 
par  toute  la  terre  par  certains  (îgnes  affez  (an» 
(Ibles;  mais  la  petite  quantité  qu'on  en  tireroic 
de  quelques  fols ,  ou  les  grandes  difficulcés  qu'on 
auroit  à  vaincre ,  obligent  de  fe  tourner  du  coté 
de  l'induftrie ,  '  afin  d'obtenir  par  d'autres  voies 
ce  que  le  fort  n'a  pas  également  réparti ,  6<:  ce 
qui  n'en  devient  que  plus  précieux. 

Les  Indes  occidentales ,  qui  ont  l'avantage  de 
renfermer  des  mines  d'or  &  d'argent ,  infiniment 
plus  nombreufes  ôc  plus  riches  que  toutes  les 
très  parties  du  globe.  Elles  font  peuplées  par  des 
Indiens, Nations  les  plus  parelïeufes  6c  les  moins 
occupées  d'aucun  genre  de  travail.  Si  quelques- 
uns  de  ces  peuples ,  qu'on  regarde  comme  plus 
civilifés ,  fe  mettent  à  des  travaux ,  ce  n'eu  qu'à 
force  de  les  y  pouiTer ,  &  même  avec  contrainte  : 
Cl  on  les  laifToit  faire  à  leur  gré ,  ils  pafferoient 
les  jours  entiers  fans  quitter  une  place ,  comme 
le  font  ceux  qui  ne  font  pas  aflujettis.  Aufli  l'or 
&  l'argent,  dont  ils  font  les  premiers  poiïeifeurs, 
ne  font  que  paroitre  dans  leurs  mains  &  dif*- 
pardître ,  palTant  auflî-tct  d'un  maître  à  l'autre. 

Non-feulement  ces  métaux  ne  fe  tirent  des 
entrailles  de  la  terre  qu'avec  les  plus  grands  tra- 
vaux ,  il  femble  encore  que  l'Auteur  de  la  Na- 
ture ait  voulu  que  le$  parties  où  ils  font  en  plus 

grande 


t)i    O  V   Z   I   E   M   E;  273f 

grande  quantité,  fnffent  fépaiés  des  autres  pat 
de  vaftes  mers  :  il  y  a  élevé  des  cimes  altières  > 
qui  prédominent  fur  toutes  les  hauteurs  du  globe, 
comme  s'il  eût  eu  defTein  d'indiquer  certaine 
analogie  entre  le  phyHque  ôc  le  moral.  En  effet, 
fi  le  Globe  ne  foutient  pas  d'autres  montagnes 
auilî  hautes ,  6c  qui  puifïent  être  mifes  en  pa- 
rallèle, on  peut,  d'un  autre  côté,  a^Turer  qu'oa 
en  tire,  plus  que  d'aucune  partie,  ces  matières 
dont  le  pouvoir ,  la  dignité ,  Téclat ,  les  attraits  , 
influent  tant  fur  les  divers  états  de  l'homme  , 
depuis  le  plus  haut  degré  jufqu'au  plus  bas  étage 
de  la  fociété,  dans  toutes  les  Nations  civilifées. 
L'hifloire  nous  apprend  que,  dès  les  tems  les 
plus  anciens ,  l'or  Ôc  l'argent  avoient  été  employés 
àlufage  dont  je  viens  de  parler  :  mais  depuis  la  dér^ 
couverte  de  l'Amérique,  ces  métaux  ont  été  comme 
le  reffort  qui  a  mis  toutes  les  Nations  en  mou- 
vement ,  &  qui  entretient  leur  adivité ,  6c  la  paflion 
qu'elles  ont  de  s'en  procurer.  Le  commerce  ré- 
ciproque qu'ils  ont  fait  naître  a  civilifé  nombre 
de  Nations  barbares ,  a  couvert  la  mer  de  flottes 
qui  font  devenues  comme  autant  de  Républiques 
fur  les  ondes.  Les  arts  ont  été  pouffes  plus  loin^ 
rinduflrie  s'efl  pcrfedionnée  par  une  nouvelle 
impulfîon  ;  les  peuples  fe  font  éclairés ,  la  terre 
a  été  plus  connue ,  fes  produdbions  plus  exami- 
nées ,  mieux  apper^ues ,  appliquées  à  des  ufages 
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274  Discouns 

plus  avantageux,  d'après  les  expériences  6c  les 

analyfes  qu'on  a  faites  de  leurs  propriétés  par- 

ticulières. 

Mais,  fi  ces  avantages  font  aujourd'hui  incon- 
cevables ,  on  peut  dire ,  que  d'un  autre  coté ,  la  dé- 
couverte de  ces  tréfors  a  été  fuivie  des  plus  mal- 
heureufes  conféquences ,  fur-tout  pour  la  Nation 
chez  laquelle  ils  croient  renfermés.  Les  vexations, 
la  barbarie  même  qu'on  a  exercées  contr'elle, 
l'ont  prefque  fait  difparoitre  de  defTas  la  furface 
du  Globe.  Les  guerres  que  l'envie,  la  cupidité 
ont  fufcitées ,  ne  ceflfent  de  tems  d  autre ,  qu'en 
lailTant  fous  la  cendre  un  feu  caché ,  qui  les  ral- 
lume bientôt  pour  difputer  ôc  s'approprier  ces 
tréfors.  Ce  n'eft  pas  qu'il  n'y  ait  jamais  eu  de 
guerre  auparavant  entre  les  différentes  Nations 
qui  rampent  fur  le  Globe  :  car  le  coeur  de  l'homme 
ne  fait  jamais  s'arrêter  dans  les  bornes  du  befoin, 
iii  même  de  l'aifance  &  des  plaifirs.  Mais  on  ne  1 
fe  fixa  plus  que  fur  ces  richelfes  fadices,  qui 
deviennent  la  ruine  des  Etats  où  elles  fe  trouvent 
actuellement  en  plus  grande  abondance. 

Le  royaume  du  Pérou  eft  un  des  vaftes  dé- 
pots  où  la  Nature  a  renfermé  cette  riche  produc- 
tion ,  6c  tous  les  autres  métaux.  On  y  trouve  du 
plomb ,  du  cuivre  ,  de  l'étain ,  du  mercure ,  outre 
i'argenc  &  l'or  qu'on  en  tira  d'abord  en  fi  grande 
quantité.  Les  demi-métaux  ^  le  fel^  le  foufre>  Us 


9   O  V  2  I  B   M   E.'  271 

bitumes ,  6cc,  y  font  pareiliemenc  répandus  çà  ôc 
U  :  mais  on  y  cherche  particuhèremenc  l'or  3c 
1  argent,  comme  les  deux  chofes  les  plus  pré-* 
cieufes,  &  aulB  deHrées  d'une  Nation  que  des 
autres.  Quoique  les  autres  produâions  n'y  fuienc 
point  négligées,  &  qu'on  en  tire  quelqu'avantage^ 
on  y  fait  beaucoup  moins  d'attention. 

Il  femble  que  cette  contrée  élevée  ait  été  def- 
tinée  par  la  Nature  a  fervir  de  réceptacle  à  l'ar- 
gent 'y  car  c'eil-là  fur- tout  que  fonc  les  mines  de 
ce  métal.  S'il  s'en  trouve  aux  gorges  des  monta* 
gnes  qui  s'ouvrent  dans  les  bas  pays ,  ce  n'efl; 
qu'en  petit  nombre ,  &  le  produit  en  eft  peu  de 
chofe.  L'expérience  a  prouvé  que  ce  métal  gît 
particulièrement  dans  les  pays  les  plus  froids  « 
comme  l'or  gît  dans  les  contrées  les  plus  chaudes  ^ 
quoiqu'on  en  voie  dans  des  climats  plus  tem- 
pérés. La  mine  d'argent  n'eft  pas  auill  répandue 
que  le  croyenc  les  habitans  des  campagnes  ;  car  ces 
gens  s'imaginent  qu'il  n'y  a  qu'à  ouvrir  un  monc 
pour  en  avoir  :  mais  cette  erreur  a  fon  avantagée 
Ces  gens  animés ,  quoique  fouvent  trompés ,  pae 
refpoir  du  gain ,  cherchent  par  -  tout  ce  métal  ; 
&  (i  les  uns  font  dupes  de  leurs  travaux ,  les 
autres  ne  perdent  pas  leur  peine. 

La  même  prévention  qui  leur  fait  fuppofer  des 
mines  par-tout,  leur  donne  auflî  lieu  de  croire 
que  ces  mines  font  toutes  riches.  Ce  fécond  abus 

Si 


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ij4  Discours 

n'eft  pas  non  plus  fans  utilité.  En  cherchant ,  avec 
Tefpoir  de  trouver  une  abondante  moiflbn,  ils 
ne  laiiTent  pas  de  tirer  quelque  argent ,  quoiqu'il 
revienne  au  double  &  au  triple  de  fa  valeur. 
Mais  dans  ces  cas-ci  la  perte  eft  pour  celui  qui 
a  voulu  courir  les  rifjues  de  fes  frais.  La  mafTe 
de  l'argent  n'en  eft  pas  moins  augmentée.  Il  nj 
a  pas  d^occupation  plus  attrayante  pour  le  peuple 
qui  s'y  livre,  ni  d'entreprife  à  laquelle  il  facriiie 
plus  volontiers  Tes  dépenfes ,  fans  s'inquiéter  s'il 
aura  lieu  de  s'en  repentir. 

Séduits  par  les  indices  des  Gangues  j  à  propor- 
tion qu'ils  ont  avancé  leurs  fouilles ,  par  les  qua- 
lités des  terres  qu'ils  renconnent,  par  les  efpèces 
de  minerais  qu'ils  tirent,  par  la  vue  même  de 
l'argent  qu'ils  apperçoivent  d-e  tems  en  tems, 
animés  d'ailleurs  par  les  récits  de  ceux  qui  fe 
livrent  aux  mêmes  travaux,  l'unique  regret  qu'ils 
ont,  lorfqu'ils  ne  peuvent  plus  faire  de  dépenfe, 
c*eft  de  ne  pouvoir  en  faire  encore  autant  pour 
continuer  leur  entreprife.  Ainfi,  en  retirant  peu, 
après  avoir  beaucoup  dépenfé ,  ils  ne  regardent 
pas  leurs  frais  comme  perdus,  perfuadés  que  la 
tnine  leur  produira  davantage  dans  un  autre  tems. 
Quelques-uns ,  il  eft  vrai ,  ne  font  pas  trompés  : 
l'exemple  de  ceux-ci  foutient  la  paflion  des  autres, 
qui  facrifient  leurs  fonds  ,  féduits  par  l'appas  du 
tréfor  qu'ils  cherchent.  Cette  paûion  eft  A  forte 


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ms  en  tems, 


D   O    V    Z    I    E    M    E^  17^ 

chez  ces  gens ,  que  celui  qui  fe  met  i  ces  tra- 
vaux ,  ne  fut-ce  même  que  pour  elTayer,  fe  lailFe 
gagner  par  la  cupidité ,  ôc  fait  bientôt  le  fac  ritice 
de  tout  ce  qu'il  polïède ,  dans  le  deffein  de  jouir 
du  tréfor  qu'il  fe  promet.  C'ed  la  feule  occupa- 
tion pour  laquelle  on  ne  connoît-là  ni  économie, 
ni  léfîne.  En  effet,  préoccu|^s  d'arriver  à  l'en- 
droit le  plus  riche  de  la  mine,  ou  ils  efpèreni 
couper  l'argent  natif  au  cifeau  ,  &  trouver  un 
bloc  pur,  ils  prodiguent  leurs  fonds  fans  réHexion, 
tant  qu'ils  durent,  quelques  grandes  que  foient 
les  dépenfes. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  en  ceci ,  n'eft  pas 
qu'ils  prodiguent  leurs  fonds  pour  des  mines , 
qui  donnent  de  l'efpoir  d'après  l'expérience  , 
mais  pour  celles  qui  ont  été  la  ruine  des  gens 
qui  en  avoient  ouvert  les  fouilles ,  Se  qu'ils  avoienc 
abandonnés.  N'importe  :  ces  gens  s'aveuglent  aa 
point  d'en  continuer  les  travaux  ,  ou  bien  ils 
font  d'autres  ouvertures  dans  la  montagne ,  guidés 
par  certains  indices  qu'ils  croyent  appercevoir ,  & 
par  l'idée  qu'ils  ont  d'avoir  rencontré  jufte.  Le 
premier  point  fur  lequel  ils  s'arrêtent ,  c'eft  que 
ces  richeffes  font  des  dépôts  que  Dieu  n'a  mis 
en  réferve  que  pour  ceux  à  qui  il  les  a  deftinés  : 
que  fi  nombre  d'autres  perfonnes  les  ont  cher- 
chées fans  les  trouver,  c'eft  que  le  tems  où  ces 
tréfors  dévoient  être  découverts  n'étoit  pas  encore 


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17S  Discours: 

arrivé.  Le  fécond  motif  qui  les  encourage  eft 
certaine  forme  qu'ils  apperçoivenc  aux  rochers  de 
la  montagne,  la  dirtdfcion  qu'elle  fuit  :  la  pod- 
tion  de  fes  couches,  leur  largeur,  enfin  la  forme 
totale  du  mont ,  fa  grandeur ,  &  les  plantes  qui 
y  croilfenr. 

Cette  préoccupation  ,  fondée  fur  ces  (îgnes 
externes,  fe  fortifie  encore  par  le  jugement  que 
portent  ceux  qui  parlent  pour  inftruits  :  chaque 
circonftance  devient  un  pronoftic  infaillible ,  & 
l'on  regarde  comme  une  vérité  fans  réplique, 
ridée  avantageufe  qu'on  fe  fait  du  tréfor  qui  eft 
caché  dans  les  entrailles  de  ce  mont.  Cette  per- 
fuafion  s'infinue  par  un  langage  particulier  à  ces 
mineurs  j  langage  qui  écarte  de  l'imagination 
toute  autre  idée ,  &  qui  s'en  empare  totalement. 
D'après  cette  détermination ,  l'homme  le  moins 
libéral  devient  prodigue,  le  plus  indifférent  fe 
laiife  gagner.  Perfuadés  qu'ils  vont  au  premier 
infiant  être  maîtres  d'immenfes  richeffes,  ces 
gens  s'abandonnent  à  leurs  idées  avec  tant  d'ar- 
deur, qu'ils  travaillent  fans  penfer,  fans  réfléchir 
à  aucune  autre  affaire  ;  ce  feul  objet  les  occupe, 
Se  ils  ne  parlent  plus  d'autre  chofe. 

La  paflion  de  l'argent  devient  fi  grande,  que 
les  gens  les  plus  mûrs  ôc  les  plus  réfléchis  s'y 
laiffent  entraîner ,  fans  que  rien  puiffe  les  dif- 
fuader.  Dès  qu'une  fois  ils  fe  font  livrés  à  ces 


s    O    U    Z   I   E   M   i;  179 

entreprifes ,  ils  ne  parlent  plus  que  de  mines , 
d'exploitation ,  des  difficultés  déjà  furmontées  , 
ou  qui  reftent  i  vaincre ,  des  indices  qui  font 
efpérer  les  plus  grands  avantages ,  des  moyens 
de  mettre  ces  mines  dans  la  plus  grande  valeur , 
des  exemples  de  ceux  qui  fe  font  Ci  fort  enrichis 
par  ce  genre  de  travail ,  &  de  leurs  heureufes 
découvertes. 

Ce  ne  font  pas  toujours  ,  ni  même  ordinaire- 
ment, les  gens  riches  ôc  pécunieux  qui  entre- 
prennent ces  travaux  :  la  plupart  font  de  pauvres 
individus  fans  aucun  moyen,  &  des  marchands 
qui  ont  perdu  leur  fortune.  Ces  gens  font  fo- 
ciété  avec  un  Cateador^  ôc  vont  déclarer  la  mine 
qu'ils  ont  découverte  ,  ou  vont  demander  au 
Gouvernement  de  leur  adjuger  pour  certain  prix 
une  des  mines  abandonnées,  6c  dont  l'objet  eH: 
de  peu  d'importance.  Ils  traitent  auilî  avec  les 
po^TefTeurs  d'autres  mines  en  valeur ,  pour  avoir 
la  propriété  de  Tune  ou  l'autre  veine.  Ainti,  de 
manière  ou  d'autre,  ils  en  acquièrent  la  pof- 
Ibniion,  &  fe  font  infcrire  au  Bureau  de  la 
Caifle  Royale  de  leur  reflbrt ,  pour  y  payer  le 
dixième  de  l'argent  qu'ils  tireront,  &  le  mon* 
tant  du  mercure  dont  ils  auront  befoin  pour 
leur  exploitation.  Tel  eft  le  premier  pas  qu'ils 
font,  au  hafard  de  perdre  ce  qu'ils  ont,  pour 
commencer  des  travaux  confidérables ,  pour  ou- 

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vrir  rintérieur  des  moiuagnes,  6c  en  tirer  de 
l'argent.  Mais  la  polTefllion  de  ces  mines  n'eft  pas 
un  avantage  ^uand  le  principal  ou  l'argent  maii* 
que  dans  ces  fortes  de  travaux  :  c'ed  alors  qu'on 
zemarque  combien  l'induftrie,  la  perfuafion  Ôc 
l'influence  des  richeffes  ont  de  force  pour  gagner 
&  entraîner  les  gens  les  plus  fins  Ôc  les  plus 
prudens. 

Ces  mineurs  fe  procurent  quelques  cchantiU 
Ions  de  riche  minerai ,  qu'ils  foutiennent  être  pris 
de  leur  mine,  en  s'adrefTant  à  l'un  ou  l'autre 
homme  pccunieux  :  il  femble  qu'ils  lui  font  même 
un  myftère  de  ce  qu'ils  ne  lui  montrent  qu'avec 
une  efpcce  de  crainte  apparente  :  ils  lui  font  re- 
marquer les  veines  d'argent  qui  le  traverfent, 
appuient  fortement  fur  la  richeffe  du  minerai , 
fur  les  morceaux  de  métal  natif  qui  s'y  trouve , 
enfin  fur  tous  les  autres  indices  favorables  >  don- 
nant même  à  entendre  que  ce  n'efl;  encore  qu'un 
morceau  des  déblais  de  la  mine ,  &  que  Ci  l'on 
veut  on  découvrira  bientôt  le  métal ,  en  fuivant 
avec  foin  les  fouilles  précédentes ,  qui  n'ont  été 
abandonnées,  difent-ils,  qu'à  caufe  des  ébou- 
lemens^  qu'il  ne  s'agit  que  d'en  déblayer  les 
ruines  pour  avoir  la  liberté  de  fouiller.  D'ailleurs , 
ajoutent-ils ,  il  ne  faut  que  peu  de  dépenfe  pour 
y  parvenir.  Ils  lui  détaillent  le  plan  des  opéra- 
tions à  fui  vie,  ôc  le  font  enfin  entrer  dans  leurs 


D   O   TJ    2   I   B    M   ■;  l9l' 

Vues ,  en  le  décerminanc  par  le  récit  exagéré  de 
ce  qu'on  tiroir  de  la  mine  avant  l'cboulemenc 
ou  rafFaifTement  des  terres.  La  dépenfe,  fuivant 
eux,  ne  fêta,  que  de  cinq  cent,  ou  au  plus  de 
mille  pe/osj  ôc  tout  pourra  s'exécuter  avec  cette 
foinme  modique!  ils  lui  promettent  entin  que 
toute  la  plgna  fera  pour  lui ,  &  qu'ils  ne  de- 
mandent que  des  habits,  de  l'eau -de- vie ,  du 
fer,  de  l'acier,  ôc  les*autres  outils  6c  inftrumens 
nécefïàires  pour  ces  travaux.  Si  leur  première 
tentative  ne  réudit  pas  >  ils  ont  au  moins  fondé 
le  gué  ,  &  fufcité  l'envie  de  l'entreprife  :  ils 
laiHent  mûrir  la  chofe,  perfuadés  de  la  léuflite 
en  revenant  i  la  charge. 

C'eft  ainfi  que  ces  gens  fondent  différens  par- 
ticuliers ,  mais  en  les  prévenant  de  garder  le  plus 
grand  fecret.  Par  cette  rufe,  ils  fe  ménagent  cer- 
tain nombre  de  perfonnes  en  différens  endroits, 
comme  a  Lima ,  dans  Guamanga ,  ou  dans  le 
Cuzco,  à  la  Paz,  à  Guancavelica ,  ôc  autres  Villes 
ou  Bourgades  de  ces  contrées.  Ces  propositions  ôc 
l'appas  qui  les  accompagnent  v  fe  font  plus  goûter 
de  quelques  particuliers  que  des  autres.  Il  fe 
réunit  deux ,  trois  alTocics  ,  qui  offrent  de  faire  les 
fonds  nécelfaires.  •  Dès  que  les  premiers  fondi 
font  employés,  il  faut  abfolument  en  avancer 
d'autres  pour  ne  pas  perdre  le  fruit  des  premiers; 
car  ces  afTociés,  qu'on  appelle  Avladores^  n'ont 


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iSi  Discours 

droit  de  rien  précendre  avanc  que  la  mine  foir 
en  valeur  réelle.  Les  mineurs,  toujours  attentifs 
à  faire  entrevoir  que  les  dépenfes  vont  devenir 
moindres,  leur  montrent  de  nouveaux  indices 
par  lefquelles  ils  les  perfuadent  qu'on  va  bientôt 
arriver  au  but  ;  ils  leur  apportent  même  quelque 
Pignoncillo  d'argent  d'un  ou  deux  marcs  pour  les 
en  convaincre.  C'eft  ainH  qu'on  s'engage  infen- 
(îblement  dans  une  dépenfe  de  50  a  60  mille 
pefos  j  fans  réuflîte  marquée. 

Ces  dépenfes  confidérables  ,  qui  n'ont  de 
bornes  que  quand  les  fonds  manquent ,  i  moins 
que  la  fortune  ne  foit  favorable,  nous  offrent 
ici  deux  circonftances  dignes  d'être  remarquées. 
Premièrement  ^  ceux  qui  les  font  en  font  (\  con- 
tensj  qu'ils  ne  s'apperçoivent  pas  de  la  fauife 
démarche  qu'ils  ont  faite,  &  n'ont  aucun  reflen- 
timent  contre  ceux  qui  les  y  ont  engagés ,  s'ils  ne 
léuflifTent  pas.  Elles  nous  apprennent  en  outre, 
que  des  gens  qui  feroient  des  moins  prodigues 
en  toute  autre  circonftance ,  n'ont  plus  cette  re- 
tenue dans  ce  cas-ci^  &  l'on  en  peut  produire 
nombre  d'exemples.  D'ailleurs  ;  les  travailleurs , 
qui  fe  donnent  tant  de  peines  pour  ces  exploita- 
tions, fans  en  tirer  que  peu -de  fruit,  fe  per- 
fuadent qu'il  ne  leur  faut  plus  qu'un  jour  pour 
rencontrer  la  riche  veine  qu'ils  cherchent  :  mais 
ce  terme  ,  qui  leur  paroîc  fi  proche  ,  n'arrive 


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lamaîs,  vu  les  difficultés  qui  fe  fuccèdcnt  fans 
cédé  i  &  c'eft  aiiiH  qu'ils  pafTenc  beaucoup  de 
tems ,  ôc  même  des  années ,  fans  arriver  au  bue 
que  l'imagination  leur  préfente. 

Que  ces  travaux  s'exécutent  dans  une  ancienne 
mine  abandonnée ,  ou  dans  une.  veine  de  mine 
courante ,  on  en  tire  toujours  un  peu  d'argent  : 
mais  c'eft  H  peu  de  chofe^  que  le  proHt  ne  peut 
être  comparé   aux  dépenfes,  &  que   le    marc 
revient  au  triple  ou  au  quadruple  de  fa  valeur. 
f  Si  au  contraire ,  après  bien  des  travaux  6c  des 
peines ,  on  donne  dans  un  riclîe  Hlon ,  les  dé- 
penfes  font  bientôt  recouvrées ,  Ôc  tous  les  coo- 
pérateurs  deviennent  opulens.  L'Aviador ,  le  Mi- 
jieur ,  le  Cateador ,  qui  en  eft  ordinairement  le 
faéfceur ,  ôc  le  direâeur ,  font  au  comble  de  leurs 
defirs. 

Les  heureux  fuccès  qu'ont  eu  pluHeurs  de  ces 
entreprifes ,  animent  les  autres ,  &  y  font  perfc- 
vérer  avec  confiance  :  mais  tout  ceci  n'étant  que 
l'effee  du  hafard»  il  y  a  toujours  plus  de  lifque 
de  perdre,  que 'de  sûreté  de  gagner. 

C'efl  aufli  pour  cette  raifon  que  les  mineurs 
difent  ordinairement ,  que  ce  font  eux  qui  ren- 
dent au  Roi  un  fervice  des  plus  (îgnalés ,  puifquc 
s'ils  n'entreprenoient  pas  avec  tant  de  facilité  & 
de  dépenfes  les  travaux  des  mines ,  en  rifquanc 
des  fortunes  confidérables ,  on  n'auroit  pas  i'ar- 


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184  DlSCOVRS 

genc  qui  fait  la  richeffe  de  la  Monarchie.  A  cer- 
tains égards  ils  ont  raifon  -y  car  ce  qu'ils  difenc 
de  leurs  travaux  &  de  leurs  rifques  eft  vrai  : 
mais  ,  fl  l'on  conHdère  ieur  but ,  on  verra  que 
ce  n'eft  pas  pour  enrichir  l'Etat ,  mais  pour  pof- 
féder  la  plus  grande  quantité  d'argent  poilible, 
qu'ils  s'expofent  i  ces  liafards» 

Il  y  a  ordinairement  près  des  mines  aban- 
données des  morceaux  de  déblais  qu'on  a  jette- 
là.  Ceux  qui  reprennent  les  travaux  de  ces  mines  » 
y  font  chercher  les  morceaux  de  gangue  qui  ont 
quelque  apparence  avantageufe  j  ils  en.  cirent  fou- 
vent  plus  d'argent  que  des  nouvelles  fouilles 
Qu'ils  font  :  ils  appellent  ces  morceaux  pallacos  , 
&  l'opération  par  laquelle  ils  en  tirent  le  métal , 
pallaquear  ;  de-U  vient  qu'on  s'eft  imaginé  que 
l'argent  recroiifoit  avec  le  tems ,  &  que  les  gan- 
gues étoient  le  lit  où  le  germe  de  ce  métal  fe 
répandoit ,  &  mûriffoit  à  mefure  que  les  dif- 
férens  principes  qui  le  conftituent  achèvent  de 
fe  combiner  intimement.  Âinfi  ces  gens  fuppofent 
que  fî  ces  mines  ont  été  abandonnées ,  c'eft  parce 
que  l'argent  n'y  étoit  pas  encore  formé  ^  qu'au- 
trement on  n^y  auroit  pas  renoncé. 

Mais  on  peut  répondre  à  cela  y  que  quand  on 
a  laiiïé-là  ces  minerais ,  c'eil;  qu'on  les  regardoit 
comme  de  peu  de  valeur,  en  comparaifon  de  la 
lichelTe  de  celui  qui  a  été  mis  en  œuvre.  Ce*. 


D    O   V   Z   I    t    M    E.  185 

l^ndant  il  eft  H  ordinaire  de  trouver  de  Targeac 
en  afTez  grande  quantité  dans  ces  paliacos  anciens, 
que  l'idée  de  ces  gens  ne  paroîc  pas  tout- à- fait 
mal  fondée.  £n  effet,  on  remarque  la  même 
chofe  dans  les  minerais  de  mercure  :  plus  de 
foixante  ans  après  qu'ils  ont  été  abandonnés  , 
ils  ont  fourni  la  même  quantité  de  mercure 
qu'auparavant. 

Ce  qui  confirme  encore  cette  opinion  ,  c*eft 
que  l'on  n'abandonne  jamais  une  mine  d'ar- 
gent, tant  qu'on  y  voit  des  indices  de  ce  métal, 
6c  que  les  dépenfes  font  continuées  ;  parce  qu'on 
a  toujours  l'efpérance  de  rencontrer  le  grand 
dépôt  que  l'on  cherche.  Si  donc  ces  mines  n*onc 
pas  été  abandonnées  lorfqu'elles  rendoient  avan- 
cageufement,  on  peut  dire  audî  qu'elles  ne  l'onc 
pas  été  étant  très- pauvres  j  car,  pour  peu  qu'elles 
rendent ,  on  y  a  toujours  du  gain.  On  ne  peuc 
fuppofer ,  d'après  cela,  que  ces  minerais  anciens 
contenoient  de  largent  lorfqu'on  les  tira  de  la 
fouille,  ôc  qu'on  les  a  rejettes  pour  en  garder 
d'autres  qui  rendoient  davantage. 

Lorfqu'on  fouille  des  mines  qui  ne  décèlent 
pas  d'argent ,  ou  qui  en  rendent  très-peu  ,  on 
met  en  œuvre  les  déblais ,  s'il  s'en  trouve  auprès. 
Outre  qu'on  en  tire  de  quoi  faciliter  les  dépenfes, 
les  pignons  6c  les  pierres  tenant  afgent ,  que  les 
travailleurs  montrem  aux  Aviadores ,  fervent  à 


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i96  Discours  douziemi; 
maintenir  ceux-ci  dans  l'idée  avantageufe  qu*oni 
leur  a  donnée  de  l'entreprife,  à  prouver  les  pro« 
gtès  qu.3  l'on  fait,  ôc  i  fortifier  l'efpoir  de  la 
réuflite.  Les  Aviadorcs  convaincus  par  ces  preuves, 
ouvrent  leurs  bourfes,  ôc  fournifTenc  aux  frais 
néceiTaires  pour  pouiTer  les  travaux  jufqu'au  bouc. 
Il  n'eit  pas  de  plaific  égal  àceluid'un  Aviador, 
ou  maître  d'une  mine ,  a  qui  le  direâeur  par 
lequel  il  la  fait  exploiter  fait  préfenc  de  quelque 
pignon  j  ou  p'gna,  d'une  ou  de  plufieurs  pierres 
dans  lefquelles  on  apper^oît  des  filets  d'argenr. 
Ce  plaiflr  lui  fait  oublier  toutes  les  dépenfes, 
tandis  que  chaque  marc  lui  revient  fouvent  i 
quelques  milliers  de  pe/bs.  Ce  contentement 
qu'il  paie  H  cher ,  diflipe  chez  lui  jufqu'au  moin- 
dre fouci  ,  lui  fait  efpérer  le  plus  grand  tréfor. 
Le  métal  qu'il  a  fous  les  yeux ,  &  qu'il  regards 
comme  le  commencement  de  fon  triomphe,  efl 
mis  avec  foin  dans  fon  logis  en  perfpe^iive  ,  de 
forte  qu'il  le  fait  voir  a  tous  ceux  qui  entrent  chez 
lui ,  afin  que  chacun  le  félicite  de  fon  bonheur  , 
&  prenne  part  à  fa  joie  y  alors  il  rend  les  détails 
que  les  mineurs ,  le  diredeur  lui  ont  donnés ,  Se 
n'en  omet  pas  un  mot.  Devenu  le  jouet  de  fon 
imagination ,  il  fe  promet  avec  confiance  de  voit 
les  lingots  9  lespignas  fe  multiplier  â  fon  grc. 


lu   IV 


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DISCOURS   TREIZIEME. 

Continuation  des  détails  relatifs  aux  métaux  ^ 
&  des  Caijfes  oà  Von  dijlribue  le  mercure, 

^\  Ou  s  avons  vu  dans  le  Difcours  précédent  fur 
quels  légers  fondemens  on  eutreprenoic  dans  ces 
contrées  les  travaux  des  mines ^  que,  d'ailleurs , 
ceux  qui  ofoient  les  entreprendre  étoient  prefque 
tous  des  gens  qui  n*avoient  même  pas  de  quoi 
fublîfter  ,  &  qui ,  malgré  cela ,  trouvoient  le 
moyen  de  ruiner  nombre  de  perfonnes  par  l'ef- 
poir  qu*ils  leur  donnoient  de  les  enrichir.  Je  vais 
continuer  le  même  fujet,  &  détailler  ce  qui  re- 
garde les  minéraux  mêmes ,  les  procédés  qu'on 
employé  pour  les  traiter.  Or ,  cet  objet  demande 
autant  d'induftrie  &  d'habileté  que  de  fonds  né- 
ceHaires  «  quand  on  eft  décfdé  à  fui>^e  la  vaine 
idée  qu'on  fe  forme  de  la  plus  abondante  récolte* 
Il  faut  donc  connoître  d'abord  comment  on  fe 
procure  le  mercure  \  car  c'eft  le  principal  agent 
qui  facilite  l'exploiçatifin  des  mines. 


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i88  Discours  ' 

Le  mercure  devient  la  mefure  de  l'argent  J 
ou  la  preuve  la  moins  équivoque  du  gain  qu  on 
peut  faire  dans  Texploitation  d'une  mine.  Comme 
l'exploitation  ne  fe  fait  en  général  que  par  le 
moyen  de  lamalgame,  on  ne  peut  féparer  le 
métal  du  minerai  qu  a  Taide  du  mercure.  11  y  a 
cependant  quelques  mines  dont  les  travaux  s'a- 
chèvent par  le  moyen  du  feu ,  mais  c*eft  le  plus 
petit  nombre.  Elites  font  encore  expofées  à  un 
autre  inconvénient  :  le  bois  n*y  eft  pas  en  aflez 
grande  quantité ,  non  plus  que  Ticho  qui  pour- 
roit  y  fuppléer.  C'eft  pourquoi  plufieurs  mines , 
qui  rendroient  davantage  par  le  moyen  du  feu, 
ne  font  pas  prati  quables  de  cette  manière ,  par 
le  manque  de  combuftibles.  Comme  il  eft  donc 
confiant  que  la  plupart  des  mines  fe  traitent  avec 
le  mercure ,  la  quantité  qu'on  en  employé  donne 
en  même  tems,  à  peu  de  différence  près^  la 
quantité  d'argent  qu'on  doit  en  tirer. 

On  penfe  généralement  en  Amérique ,  que  les 
anciennes  mines  qui  rendoient  abondamment, 
fe  font  en  partie  épuifées.  C'eft  ce  qui  efi  arrivé 
à  celles  du  Potofi  ^  car  il  s'en  faut  bien  qu'elles 
rendent  à^préfent  1^  même  quantité  de  métal 
qu'on  en  tiroir  autrefois.  Dçux  caufes  y  ont  con- 
tribué. La  première  efi  que  les  veines  métalliques 
en  font  devenues  lî  profondes  j  que  pour  en  ôter 
l'eau  >  ôc  pour  les  maintenir  à  fec  afin  d'en  tirer 

le 


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5  Targent; 

gain  quon 
lie.  Comme 

que  par  le 
c  réparer  le 
rcure.  Il  y  a 
travaux  s*a- 

c'eft  le  plus 
pofées  à  un 
pas  en  aHez 
lo  qui  pour- 
eurs  mines , 
)yen  du  feu, 
lanière,  par 
eil  eftdonc 
traitent  avec 
iploye  donne 
ice  prèsj  la 

que ,  que  les 
ndaniment , 
qui  eft  arrive 
jien  qu'elles 
ité  de  métal 
!S  y  ont  con-  » 
métalliques 
pour-  en  oter 
in  d'en  tirer 
k 


T   B.   £    I    Z   X   E   M  2,  iS^ 

le  métal  >  il  faudroit  des  dépenfes  qui  excède^ 
roient  de  beaucoup  le  profit.  La  féconde  tH  qu'on 
en  a  ciré  le  métal  le  plus  flbo;idanf ,  Ôc  qu'ai  n(l 
elles  ne  peuvent  plus  être  de   même  rapport. 
Quoique  ceci  fouffre  quelques  exceptions ,  c'eft 
cependant  ce  qu'on  a  rematqué  dans  la  plupart 
de  ces  mines,  fur- tout  depuis  le  commencement 
de  ce  (iècle-ci  :  mais  il  paroit  que  (1  les  rapports 
diminuent  dans  les  unes ,  on  découvre  dans  d'au- 
très  des  veines  très-riches.   Âuflî  l'on  peut  dire 
qu'on  tire  encore  de  ces  terreins  autant  d'argent 
qu'il  y  a  70  ou  8 o  ans,  avec  cette  différence  . 
que  c'eft  dans  d'autres  lieux. 

Le  mont  du  PotoH  doit  ^re  conndéré  comme 
l'intérieur  d'une  ruche  à  miel,  vu  le  nombre  des 
percemens ,  des  galeries  ^  des  fouilles  qu'on  y  re- 
marque. C'eft  ce  qu'on  fe  figurera  facilement, 
en  fe  repréfentant  la  quantité  prodigieufe  de  ma- 
tières qu'on  a  tirées  de  fon  intérieur ,  pour  ob" 
tenir  les  minerais  qui  s'y  trouvent  répandus  par- 
tout, &  defquels  on  extrait  l'argent.  S'il  étoic 
donc  polUble  de  le  découvrir  totalement  de  fa 
croûte  externe  ,  on  y  appercevroit  un  nombre 
infini  de  routes  fouterréines  percées  fans  fuite , 
&  comme  au  hafard ,  félon  la  diredion  des 
veines  métalliques. 
Les  minerais ,  qu'on  y  appelle  vulgairement 
Tome  I,  T 


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150  Discours 

métaux  ^  ont  toujours  moins  rendu  depuis  l'é- 
poque de  la  découverte  de  ce  continent,  époque 
à  laquelle  ils  étoient  très-riches.  Sans  la  facilité 
avec  laquelle  on  les  tire  de  la  montagne ,  &  avec 
laquelle  ils  fe  laiifent  traiter,  il  auroit  fallu  les 
abandonner  :  ainfi,  cette  facilité  dédommage  de 
la  richeiïe  qu*on  n'y  trouve  pas  en  proportion  de 
la  mafle.  On  découvre  aufll  dans  plufieurs  con- 
trées d'autres  minerais,  plus  riches  en  argent, 
mais  que  leur  dureté  rend  plus  difficile  à  traiter, 
plus  difpendieuxj  d'ailleurs  ils  font  mêlés  avec 
certaine  potrion  d'antimoine,  de  diverfes  autres 
matières  qui  ne  permettent  pas  de  les  difpofet 
à  l'amalgame  du  mercure.  Nonobftant  ces  iii- 
convéniens  ,  il  fe  trouve  àts  gens  que  l'appas 
de  CQS  minerais  détermine  à  les  elïàyer,  fans 
s*inquiéter  de  leur  peu  de  valeur,  de  leur  du- 
reté, &  de  la  difficulté  du  découvrir  le  vrai 
moyen  d'en  tirer  de  profit. 

Les  mines  d'argent  ont  été  reparties  p^  la  1 
Nature  en  différentes  provinces  \  il  femble  même 
qu'à  cet  égard  elle  a  obfervée  le  même  ordre 
que  pour  les  animaux  &  pour  les  plantes,  ne  les 
rendant  pas  communes  dans  tous  les  pays,  ni 
même  dans  toutes  les  parties  d'un  même  con- 
tinent. C'eft  ce  qui  paroît,  en  ce  que  les  Pumi\ 
étant  prefqae  de  même  hauteur  &  d'une  tempe* 


s 


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lu  depuis  l'é- 
inent,  époque 
,ans  la  facilite 
:agne ,  &  avec 
uroit  fallu  les 
édommage  de 
proportion  de 
plufieurs  côn- 
es eu  argent, 
ïicile  à  traiter, 
ont  mêlés  avec 
divetfes  autres 
de  les  difpofei 
lobftant  ces  iii- 
îns  que  l'appasl 
îs  elTayer,  fansl 
r ,  de  leur  du- 
couvrir  le  vrai' 

reparties  pîtr  la 
il  femble  même 
e  même  ordre 
5  plantes,  ne  les I 
is  les  pays ,  ni 
un  même  con-| 
e  que  les  PuMi\ 
de  d'une  tempe- 


TREIZIEME.  191 

rature  également  froide,  depuis  le  Nord  de  Lima 
jufqu'au  parallèle  du  Potofi ,  &  de-lâ  jufqu'au 
Chili ,  c'eft  dans  l'étendue  qu'il  y  a  de  Lima  au 
Potofi ,  que  l'on  trouve  le  plus  de  mines ,  tandis 
qu'elles  font  bien  moins  fréquentes  depuis  le 
même  parallèle  de  Lima  jufqu'à  l'Equateur  :  ce 
qui  eft  prouvé ,  par  le  peu  qu'on  en  voit  dans 
le  royaume  de  Quito,  &  de-là  jufqu'à  Santa-Fé  ; 
efpace  dans  lequel  on  trouve  plus  ordinairemenc 
des  mines  d'or ,  quoique  ces  mines  ne  fe  ren- 
contrent  guères  que  dans  les  pays  chauds.  On 
obferye  la  même  chofe  depuis  le  Potoiî  jufqu'au 
Sud,  efpace  conHdérable,  oii  par  hafard  il  s'en 
trouve  quelqu'une.  Mais  la  phydque  générale 
n'ed:  pas  fufïîfante  pour  expliquer  d'une  manière 
avantageufe  ce  phénomène  (îngulier  :  car  il 
paroît  qu'il  fe  réunit  pluiieurs  circonftances  iden^ 
tiques  dans  tous  ces  pays. 

Les  mines  d'agent  devant  fe  traiter  avec  le 
I mercure,  le  Gouvernement  s'eft  chargé  de  le 
fournir,  afin  que  ce  moyen  principal ,  fans  lequel 
toutes  les  autres  opérations  feroientinfrudueufes, 
ne  fût  pas  expôfé  à  des  hafards,  &  que  les  mi- 
neurs pufiTent  fe  livrer  aux  travaux  avec  la  cer- 
titude d'avoir  le  mercure  dont  ils  ont  befoin. 
Pour  cet  effet,  on  a  établi,  dans  les  pays  où  il  y 
|a  le  plus  de  mines ,  différentes  Caijfes ,  qui  font 

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291  Discours 

autant  de  dépôts  de  mercure.  C'eft  aufli  U  qu'on 
doit  apporter  l'argent  qu'on  a  tiré ,  pous  y  être  j 
fondu ,  6c  payer  au  Roi  le  dixième  de  ce  métal ,  | 
6c  le  prix  du  mercure  qui  fe  diftribue  i  chaque  | 
particulier  pendant  l'année. 

Parmi  tous  ces  dépots ,  il  y  en  a  un  principal  1 
qui  fournit  tous  les  autres  du  mercure  néceifaiie. 
Dans  la  pvtie  du  Nord,  il  y  a  ceux  de  JaujaA 
Pafcoj  Limaj   TruglUo  ;  dans  celle  du  Sud, 
ceux  de  Cu:(co  ,  Chucuieo  j  la  Pa\^  CayilomaA 
Carangas  j  Oruro  j  Potojij  ce  qui  fait  en  tout 
douze  dépôts  royaux.  11  n'y  a  cependant  pas  M 
mines  riches  dans  chacun  de  ces  diftridbs  ^  on  en 
voit  même  à  peine  des  indices  dans  quelqite^-l 
uns.  C'eft  à  ces  dépôts  que  les  mineurs  de  touted 
les  jurifdidions  vont  prendre  leur  provifîon  del 
mercure.  On  le  leur  livre  fans  débourfé  pour 
an ,  afin  de  leur  faciliter  les  travaux  ;  car  le  mer-| 
cure  eft  pour  eux  une  des  plus  grandes  dépenfesl 
La  marche  qui  fe  fuit  â  cet  égard ,  eft  que  lesT 
mineurs  fe  rendent  au  Bureau  ou  Caiife  royale] 
où  le  metcure  leur  eft  délivré  pour  un  an ,  felo^ 
la  quantité  qu'ils  en  ont  befoin  dans  le  traite 
ment  des  mines,  mais   moyennant  une  ccdula 
obligatoire  qu'ils  lailfent ,  &  en  vertu  de  laquelfl 
ils  font  tenus  de  le  payer  au  bout  de  l'an.  Cd 
terme  commence ,  (j-iivant  un  ancien  ufage, 


TREIZIEME.  195 

i**  Mai ,  &  finit  le  i"  Avril.  Ce  terme  eft  facré, 
non-feulement  pour  ce  qui  regarde  le  paiement 
du  mercure ,  mais  même  pour  toutes  les  parties 
du  département  des  finances  du  Roi  y  car  c'eft  à 
ce  terme  qu'on  règle  tous  les  comptes  des  Cailfes 
royales ,  pour  en  commencer  de  nouveaux  :  Se 
c'eft  ce  qu'on  appelle  apurer  les  comptes  ^  & 
dorre  les  regîtres, 

C'eft,  fans  doute,  un  grand  avantage  pour  les 
mineurs  que  d'avoir  le  mercure  avec  cette  facilite, 
fans  en  payer  fur  le  champ  la  valeur,  &  d'avoir 
un  an  de  terme  pour  répondre  à  leur  engagement, 
avec  l'argent  même  que  ce  mercure  leur  a  pro- 
curé. Mais  fouvent  cette  facilité ,  loin  de  tourner 
à  leur  avantage,  ne  peut  les  foutenir  afTez  dans 
leurs  opérations  :  il  n'eft  pas  rare  qu'ils  fe  trou- 
vent au  bout  de    l'année  fans  avoir  les  fonds 
ncceffaires  pour  répondre  à  kur  engagement, 
foit  par  le  peu  de  qualité  du  minerai ,  foit  par 
la  multiplication  des  ^iéperfes  inattendues,  f*' 
parce  que  la  gangue  s'eft  trouvé  trop  dure.*^"^ 
en  tirer  le  métal ,  foit  enfin  par  le  furc»'*^  "^ 
travail  &  d'ouvrages  que  ces  gens  ont  ^^  "^^ç^ 
de  fiiire  dans  rintérieur.  Voilà  pourqn-*  ®"  aban- 
donne les  mines  qui  ne  fourniiïe»-  P^^  de  quoi 
faire  face  aux  dépenfes ,  lor<5u'  *es  prop«étaire$ 
n'ont  pas  par  ettX-mème-«*^^on^5  fuf^ans,  oa 

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194  Discours 

d'Aviadors  qui  les  leur  falTent.  Une  mine  doit 
être  confidérée  comme  un  de  ces  jeux  par  ief- 
quels  la  fortune  enrichie  fes  favoris,  &  ruine 
ceux  à  qui  elle  e(b  contraire. 

Celui  qui  ne  paie  pas  fon  mercure  au  terme, 
ne  doit  pas  en  efpcrcr  pour  l'année  fuivante. 
Privé  de  ce  moyen  eflentiel ,  celui  qui  l'avoit 
ouvertd  l'abandonne ,  &c  elle  revient  à  l'état  où 
elle  étoit  auparavant.  Il  s'y  fait  des  ébouiemens, 
des  affailTemens  confidérables  :  l'eau  gagne  par- 
tout, fans  fourdre  en  grande  quantité  j  les  galeries 
s'obftruent  :  fi  quelqu'un  la  reprend  long-tem$ 
après ,  il  a  les  mêmes  travaux  à  faire  que  fon 
devancier,  6c  autant  de  dépenfes. 

A  voir  la  quantité  confidérable  d'argent  qui 
paiïe  tous  les  ans  de  l'Amérique  en  Efpagne, 
on  ne  croiroic  jamais  qu'il  coûte  tant  de  peines, 
qu'il  faut  tant  de  dépenfes,  &  fur-tout  unepaf- 
fion  auill  avide  que  l'ont  ceux  qui  fe  livrent  à 
^s  travaux ,  comme  on  Ta  vu  dans  le  Difcours 
P'^4dent ,  pour  ne  pas    les  abandonner,  tant 
qu'ils >nç  efpérance  d'avoir  du  mercure,  quelque 
lôible  q^t  foit  la  quantité  d'argent  qu'ils  tirent: 
âifli  neft-t  qye  ^ette  fage  prévoyance  du  Gou- 
vernement qiufovjtient  particulièrement  les  tra- 
vaux ies  mines. 

Ge  fuvfaus  doute  u  ^otif  qui  détermina  le 


TKIIZIIKCI.  295 

Gouvernement  à  fl\irc  ces  difpofitions  dans  ces 
royaumes  ,  &  à  donner  le  mercure  à  crcdic,  au 
prix  même  qu'il  coûte,  vu  qu'il  y  eft  encore 
kaucoup  plus  cher  qu'il  ne  l'eft  en  Efpagne.  Ce- 
pendant le  prix  n'en  elt  pas  le  même  dans  toutes 
ces  contrées- U^  cela  dépend  de  la  diftance  des 

lieux.  Il  vaut  dans  Guancavelica  79  pe^'^s  ill; 

dans  Jauia   8  5  JLÎ  ;  à  Pafco   84  il  ;  à  Lima 

' .  ''100'  '  I  «o     ' 

84  Zjï  ;  à  Truxillo  ,  il  augmente  de  prix  en 
raifon  du  furplus  que  coûte  le  tranfport  depuis 
Limaj  au  Guzco  95  llï  j  a  Caylloma  S6  -^^y 

à  Carangas  94  r^j  à  Oruro  97  '^y  ^  Potofi 

59  Hj.  Le  tranfport ,  depuis  les  difFérens  Bu- 
reaux ou  Caiflfes  jufqu'aux  mines,  eft  aux  frais 
des  mineurs. 

Le  tréfor  royal  jouilïbit  autrefois  de  deux 
droits  :  l'un  étoit  le  cinquième  du  mercure  que 
l'on  tiroit ,  l'autre  celui  de  l'argent  que  rendoient 
les  mines.  Ce  dernier  fut  rabaiffé  au  dixième  en 
1757,  en  conféquence  des  repréfentations  réi- 
térées  que  Hrent  les  mineurs ,  &  des  preuves  juf' 
tificatives  les*  plus  exactes.  On  vit  en  effet  que 
l'étçit  de  ces  mines  ne  comportoit  pas  cette  con- 
tribution ,  qui  en  avoit  déjà  fait  abamlonner  plu- 
Tieuss^c  l'Etat  en  fouffroit  une  grande  perte.  Co 

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19^  Discours 

fut  au/Tî  par  des  motifs  aufll  bien  fondés ,  qu  on 
affranchit  (  en  1 7^1 ,  &  pour  deux  ans  feulement) 
les  mineurs ,  de  la  contribution  du  cinquième  de 
mercure^  Sa  Majefté  fe  rcfervant  d'agir  d'après 
l'expérience ,  foie  pour  annuler  ce  droit  par  la 
fuite ,  foie  pour  le  rétablir  après  ce  terme.  Mais 
il  paroîc  que  les  chofes  font  reftées  dans  le 
mcme  état,  ce  qui  prouve  fuffifamment  que  les 
npports  de  ces  mines  vont  en  décroifTane,  &  que 
le  Gouvernement  y  ayant  fait  attention  comme 
au  point  le  plus  elîentiel  pour  maintenir  les  tra- 
vaux des  mines  d'argent ,  a  mieux  aimé  factifier 
cette  rétribution  que  de  rétablir  le  droit,  au  rif- 
que  de  voir  abandonner  les  mines  en  valeur. 
Aind  le  tréfor  ne  perçoit  plus  que  le  dixième 
de  l'argent  qu'on  retire,  &  même  pas  tota- 
lement. 

Tant  qu'on  exploite  les  mines ,  elles  font  bien 
entretenues.  A  mefure  qu'on  avance  en  longusuc 
i^  en  profondeur ,  on  en  atfure  l'intérieur  avec 
ùt's  pièces  boutantes»  des  fupports  de  place  en 
)>lace  pour  tout  maintenir,  &  cela  même  en  vertu 
iles  ordonnances  ôc  des  loix  qui  le  prefcrivent. 
Mais  fi  les  eaux  gagnent,  ôc  qu'il  n'y  ait  pas 
moyen  de  pratiquer  des  puifards  &  des  cgoiits, 
il  faut  de  toute  néceflité  les  abando'nner .quel- 
que près  qu'on   foie  d'une  gangue  trè$<Yiche. 


'   L 

4. 


TREIZTIMI.  197 

Jour  &  nuic  on  travaille  fans  celTe  dans  les 
mines  :  coûtes  les  parties  des  opérations  qu'exige 
le  traitement  du  minerai  font  dans  une  égale 
adVivité.  Ici  on  broyé  le  nutiérai  jufqu'à  le  té- 
duire  en  poudre  très-Hne  j  là  on  prépare  les  ma* 
tières  deftinées  à  l'amalgame ,  Se  on  lave  celles 
qui  en  ont  befoin.  On  voie  par-là  que  le  mer- 
cure doit  toujours  être  prêt  &  fous  la  main ,  fans 
quoi  on  fouffriroic  des  pertes  conHdérables.  La 
principale  réfulteroic  de  l'interruption  des  ma- 
nipulations :  aind  tous  ces  travaux  doivent  ^tre 
considérés  comme  une  chaîne  dont  les  chaînons 
tiennent  les  uns  aux  autres,  6c  dont  le  mercure 
réunit  les  deux  bouts  :  fans  quoi ,  ils  fe  trouve* 
roient  féparés. 

Plus  le  minerai  eft  riche ,  plus  il  demande  de 
mercure  pour  être  amalgamé;  de  même,  plus  les 
veines  font  groffes  &  abondent  en  minerai ,  plus 
auflî  Ton  en  tire  :  or ,  c'cft  ce  que  demandent 
les  propriétaires;  car  ils  retrouvent  parla  quan- 
tité ,  la  qualité  qui  n'y  eft  pas  en  proportion  de 
la  maife.  C*eft  pour  cette  raifon  que  Temploi  du 
mercure  ne  peut  être  également  fixé  par^tout,  Se 
qu'on  ne  peut  en  régler  la  diftriburion  :  mais 
chacun  fait,  à  peu  dechofe  près,  par  les  veines 
qu'il  fouille  ,  par  l'épaiffeur  ôc  la  richelTe  du 
minerai»  ce  qu'il  lui  faut  de  meraire  pourcraitet 


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2^8  Dt    SGOURS 

les  matières  pendant  le  cours  de  l'année  :  au(Tt 
chacun  a  foin  de  s'en  pourvoir  toujours  d  avance. 
On  peut  avoir  une  connoiifance  aifez  exade 
de  l'état  adiiel  des  mines  d'argent  de  ce  royaume- 
là  ,  par  la  quantité  de  mercure  qui  a  été  dif- 
tribué  dans  onze  des  CaiiTes  ou  Dépots  men- 
tionnés, fans  y  comprendre  celui  de  Lima  :  or, 
ces  Dépots  font  les  principaux;  mettons -les  ici 
par  ordre,  afin  de  mieux  faire  comprendre  les 
détails. 


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'^03  Discovus 

L'état  de  la  diftribution  du  premier  Dépôt 
eft  incomplet  j  il  y  manque  celui  des  Dépots  de 
Truxillo  &  de  Caylloma.  Les  états  du  fécond  & 
du  troidème  Dépôt  ne  préfentent  pas  non  plus 
celle  de  Truxillo  :  fi  l'on  y  ajoute  Tétat  du  cor- 
refpondant  pour  celui  des  années  iy6i  6c  17^5 , 
on  les  complétera,  &  la  femme  fera  pour  1759 
de  5155  quintaux,  5; 4  livres,  2  onces;  pour 
17^0,  de  5503  quintaux,  65  livres,  9  onces; 
pour  17^1 , de  5424 quintaux,  18  livres,  8  onces. 
Si  pour  lors  on  prend  un  moyen  terme  entre  tous 
les  cinq  ans,  on  aura  5  304  quintaux  &  84  livres. 

Les  opinions  font  partagées  relativement  à  la 
quantité  de  mercure  qui  fe  confomme  pour  l'a- 
malgame de  l'argent  :  les  uns  la  fixent  à  1 4  onces 
par  marc  y  d'autres  à  12  :  d'autres  penfent  qu'il  s'en 
.confomme  moins  :  mais  en  général  on  convient 
que  le  poids  du  mercure  égale  celui  de  l'argent 
que  l'on  tire;  ainfi  le  marc  d'argent  doit  con- 
fommer  une  demi-livre  de  mercure  :  le  furplus 
du  mercure  confomme  eft  regardé  comme  une 
perte. 

Selon  l'opinion  des  mineurs ,  il  eft  des  miné' 
rais  qui  en  confomment  une  plus  grande  partie 
que  d'autres ,  c'eft-à-dire  qu'ils  caufent  plus  de 
perte  ;  car  le  mercure  confomme  dont  le  poids 
excède  celui  de  l'argent ,  eft  en  pure  perte ,  fui- 
vant  eux  :  ainfi  le  nSnérai  qui  demande  par  marc 


T    K.    E    I    Z    I   fi   M   I.'  301 

treize  onces  de  mercure ,  fans  qu'on  en  recouvre , 
perd  cinq  onces  j  celui  qui  en  demande  quatorze 
onces ,  perd  fix  onces.  D'après  ce  rapport ,  il  y  a 
des  minerais  qui  perdent  plus ,  d'autres  moins  ; 
mais  on  ne  connoît  aucun  minerai  qui  ne  perde 
plus  ou  moins. 

Sans  s'arrêter  à  des  calculs  imaginaires ,  on 
peut  eftimer  la  confommation  &  la  perte  du 
total  des  mines,  prifes  Tune  dans  l'autre,  à  12 
onces  par  marc  :  c'eft  l'opinion  la  plus  reçue 
Cela  fuppofé,  les  5  304  quintaux  &  84  livres  de 
mercure  qui  s'employent  dans  une  année,  doi- 
vent produire  7075 1 1  marcs  d'argent  de  Pigna, 
qui  font  ^C^^^^C  onces  du  même  argent.  Il 
faudroit  ajouter  à  cette  fomme  celle  qui  corref- 
pond  à  la  confommation  de  mercure  moindre 
que  douze  onces  par  marc,  &  ce  qu'on  tire 
d'argent  par  la  fonte  j  mais  il  n'eft  pas  poflîble 
d'engager  les  mineurs  à  dire  (încèrement  à  quoi 
fe  monte  la  confommation  &  la  perte  réelle. 

La  quantité  fix€  de  marcs  d'argent  que  les 
mineurs  tirent  du  mercure  qu'ils  employent,  eft 
un  myftère  impénétrable ,  même  pour  l'homme 
le  plus  clair- voyant.  Néanmoins,  d'après  les  états 
du  plusgtand  nombre  des  Dépots,  on  peut  avoir 
une  idée  de  la  fomme  d'argent  que  ces  gens 
tirent,  &  de  ce  qui  manque  pour  compléter 
celle  qui  doit  correfpondre  au  mercure  employé. 


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joi  Discouns 

£n  17^5 ,  le  Dépôt  de  Guancavelica  compta 
1 3  448  livres  de  mercure  employé ,  ce  qui  écoit 
moins  que  ce  qui  avoic  été  délivré.  On  fondit 
18011  marcs  d'argent  ,  &  Ton  paya  pour  les 
droits  royaux  de  dixième  &  de  cobos  ^  *7743 
pcfos  &  3  réaux.  Selon  la  régie  des  dou:^c  onces  ^ 
on  nauroit  dû  fondre  que  17930  j  marcs  : 
ainfi  il  y  eût  un  furcroît  de  90  ^  marcs  :  ce  qui 
eil  peu  de  chofe  fur  la  quantité  totale.  Il  eft  bon 
d  obferver  que  la  quantité  de  mercure  confommé 
pour  ce  nombre  de  marcs ,  n*eft  pas  égale  à  la 
diftribution  de  cette  année-là  'y  mais  cela  vient 
quelquefois  de  ce  que  tous  les  mineurs  ne  fon- 
dent pas  la  pigna  qu'ils  tirent  pendant  l'année 
dans  laquelle  ils  ont  reçu  le  mercure ,  &  qu'ils 
augmentent  dans  une  autre  année  1  fontes ,  de 
ce  qu'ils  n'avoient  pas  fondu  la  précédente. 

Le  Dépôt  de  Jauja  confomma  2^741  livres 
de  mercure ,  ce  qui  excédoit  la  quantité  difttibuée. 
On  fondit  145 <> 5  marcs ^  pour  lefquels  on  ne 
paya  de  droits  que  14340 /^e/ôj  &  5  réaux.  On 
auroit  dû  fondre  35^5^  marcs  j  &  payer  35105 
pefis  &  4  î  réaux.  Il  y  a  donc  eu  de  moins 
21 091  marcs ^  &  Ton  paya  de  moins  20765  pefos. 

Le  Dépôt  de  Chucuito  confomma  4ij^<»2  li- 
vres de  mercure  :  on  fondit  480(^3  marcs  ,  3  onces 
d*argent.  On  paya  de  droit  47322  pefos  ôc  5 
réaux  :  la  fonte  d'argent  auroit  dû  monter  à 


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TRIXZIIMI.  503 

57182  j  marcs  :  il  y  en  eût  donc  de  moins 
î;ii9  &  5  onces  ;  &  l'on  paya  de  moins  50^5 
pefos  Se  3  réaux. 

Celui  de  la  Pa:^  confomma  3025  livres  de 
mercure  :  on  fondit  1601  marcs ^  pour  lefquels 
on  paya  de  droit  1571  pefos  &  5  reû^Ar,  On  au- 
roit  dû  y  avoir  fondu  4034  fwîdrc/.  La  fonte 
fut  donc  moindre  de  2.43  2  f  marcs  ^  &  la  con- 
tribution moindre  de  2395  pefos  2  réaux. 

Le  Dépôt  de  Caylloma  confomma  49059 
livres  de  mercure,  &  l'on  fondit  28029  ^  marcs. 
On  paya  de  droits  27  $^6  pefos,  &  7  î  réaux. 
Mais  la  fonte  auroit  dû  être  de  65412  marcs;  ii 
y  eût  donc  de  moins  37  3  82 1  marcs ^  &  de  droits 
de  moins  36805  pefos  5  |  revittAr, 

Celui  de  Carangas  confomma  1 5  004  —  /ivr^J 
de  mercure  :  on  fondit  22304  /Tz^rw  i  once 
d'argent,  pour  lefquels  on  paya  de  droits  22076 
pefos.  Cette  fonte,  eu  égard  à. la  règle  des  ii 
onces  y  excéda  de  2199  marcs  ^  i   once. 

Celui  d'Oruro  confomma  125463  j/ivr^^de 
mercure  :  on  fondit  121856  marcs  4f  onces  d'ar- 
gent ,  pour  lesquels  on  paya  de  droit  1 19975 
pefos  j  7  J  féaux  :  mais  ,  félon  la  quantité  du 
mercure,  on  auroit  dû  avoir  de  fonte  167284 
marcs  j  quantité  qui  excède  de  ^^^ij^  marcs  ^ 
qu'on  n'a  pas  eus  ,  &  dont  les  droits  font  de 
44726  pefos  i  y  {  réaux. 


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504  D  f  s  C  O  V  R  s 

Maïs  voici  le  tableau  de  ce  qu'il  y  a  eu  de 
moins  dans  les  cinq  Dépôts ,  cane  en  fonce  qu'en 
concribucion  pour  les  droits  royaux. 

TABLEAU. 

CAISSES 

ou  Moins  en  fonte.   Moins  en  contribution.' 

DÉPOTS. 


AJauja,..,  11091     marcs, 

ji  Chucuito  •       9*-J^9 

A  ia  Pai,.,  a4ji^..... 

A  Càytloma,     37) St  ^ 

A  Oruro, . . .     47417  t 


xoj€^  pcfos,  %  riaux, 

906s 5 

*J9» 5 

5"oî J^.... 

447*^ 7t 


Mçins  total,  xi;;;&| ^"^MSS 7k 


4* 


La  Totiime  des  droits  que  le  Roi  perçue  des 
xnines  du  relTorc  des  fepc  Dépôts  ou  CaiiTes  dont 
j'ai  parlé ,  fe  monta  : 

» 

Pour  celles  de  Guancaveiica t  h  tlf^'^pêfos,  ^  riaux. 

— — JauJAt ^     I4340 j 

— — — Chucuito,. . .  h     47 î  11 3 

— . Im  pa:ir , . , .  ^       1  y7'i  . . . . .   $ 

*"                         Caylloma,  .  .  h     X7S96 7 1  •  •  . 

..— .—     ,           CarangaSf.,  à     zxo-y6 

—————  Oruro» h.  119975 7t.  .  . 


Total ,     1^0616  pefos»  j  5  r. 


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7t.  .. 

^^^. 

TREIZIEME.  505 

On  voit  donc  que  le  Trcfor  royal  reçut  des 
contributions  fournies  par  les  fept  Cailfes,  le 
quart  d*un  million  de  pcjos  environ  j  &c  qu'il  y 
eut  de  paye  le  dixième  d'un  million  de  moins  que 
ce  qui  auroit  dû  l'être. 

Les  quatre  autres  Caiifes  foiît  :  Pafco ,  dans 
la  province  de  Tarma,  &c  qui  eft  alfez  confidé- 
dérable  :  celle  de  Cu:^co,  où  l'on  ne  fond  point 
d'argent  :  celle  de  Truxillo  j  qui  eft  aflez  mé- 
diocre :  ôc  celle  de  Potojl ,  qui  eft  la  plus  forte  ; 
car  on  y  a  confommé  54  mille  livres  de  mercure  de 
plus  qu'à  Oruro,  D'après  une  exaéle  eltimatioîi , 
l'on  peut  alTurer  que  le  Roi  ne  tire  pas  un  demi- 
million  de  pefos  par  an  des  mines  qui  fe  trai- 
tent avec  le  mercure. 

La  quantité  de  marcs  qui  ne  foiît  pas  fondus 
dans  les  caiftes  rerpe<fVives  où  l'on  diftiibue  le 
mercure,  l'excédent  du  bénéfice  que  l'on  fait 
quand  la  confommation  &  la  perte  du  mercure 
ne  vont  pas  à  12  onces  par  marc  ^  l'argent  qui 
fe  tire  par  le  moyen  du  feu ,  font  autant  de 
pertes  pour  les  CailTes  refpectives.  \h-\Q  partie  eft 
fouftraite  adroitement ,  &  emportée  \  une  autre 
fe  convertit  en  vaijfellej  &  en  ujlenjllcs  j  &  la 
troifième  eft  tranfportée  à  Lima,  par  une  faveur 
particulière,  pour  y  être  fondue.  A  la  rigueur, 
elle  devroit  fe  fondre  à  la  Caifle  qui  fournit  le 
Tome  /,  V 


i.a 


5) 


V^ 


}o6  Discours  treizième. 
mercure,  &  qui  cft  celle  du  rellbrc  :  d'ailleurs, 
c'cft  la  plus  proche.  C'eft-là  qu'on  devroit  aufii 
payer  les  droits ,  6c  rendre  compte  de  l'untgc 
qu'on  a  fait  du  mercure  que  cette  CaitFe  a 
fourni. 


DISCOURS   QUATORZIEME. 

De  l'état  acluel  des  Mines  ^    &  du   traitement 
par  le  feu  ou  par  le  mercure, 

JLE  reflbrt  de  Cuzco  eft  fort  borné  j  il  n'y  a 
point  de  mines  dans  ce  diftriâ: ,  c'eft  pourquoi 
l'on  n'y  fond  pas  d'argent.  Le  peu  de  mercure 
qu'on  y  confomme  fert  aux  manufactures  :  elles 
font  en  aflez  grand  nombre  en  cette  ville ,  dans 
les  environs  de  laquelle  il  y  a  beaucoup  d'ou- 
vriers. 

La  province  de  Caflro-Virreyna  étoit  autrefois 
fort  riche,  à  caufe  des  nombreufes  mines  d'ar- 
gent dont  le  produit  étoit  confidérable  \  ce  qui 
lui  donnoit  une  grande  célébrité  :  mais  les  pro- 
duits en  font  tellement  déchus ,  qu'elle  efl:  ac- 
tuellement une  des  plus  pauvres.  Il  n'y  a  qu'une 
ou  deux  mines  ingrates,  auxquelles  s'occupent 
de  miférables  ouvriers  qui  ne  font,  tout  au  plus, 
que  ramaiïer  &  fondre  quelques  minerais  d'ar- 
gent :  ce  foible  butin  fait  leur  fubfiftance.  Ce 
diftrifl  eft  de  la  CailTe  de  Guancavelica. 

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3c8  Discours 

La  province  de  Vilcas-Giiamati  a  quelques 
iviines  :  cependant  il  u'y  en  a  qu'une  où  l'on 
travaille  avec  un  grand  avantage.  On  en  exploi- 
tjir  autrefois  une  autre  dans  la  province  de 
Guanta  j  mais  elle  ht  la  ruine  de  celui  qui  la 
tJncit  pour  fon  compte  :  il  y  employa  un  capital 
confidcrable ,  retirant  de  tems  à  autre  quelques 
marcs  d'argent  de  p'gfid  j  qui  fuffifoient  pour 
foutenir  {qs  erpcrances,  mais  non  pour  le  dé- 
frayer entièrement. 

On  en  voit  plufieurs  d'abandonnrps  dans  la 
province  d'Angaraëz.  Un  homme  riche  en  avoir 
entrepris  une  des  plus  avantageufes  en  apparence, 
pour  £oii  propre  compte  :  mais  il  y  perdit  tout 
{on  bien  ,  n'en  retirant  que  quelques  pignons 
de  peu  de  valeur,  &  quelques  pierres  de  platû' 
timca  (  argent  blanc  )  que  l'on  appelle  auflî  ma- 
chacado.  Ces  apparences  fpccieufes  lui  firent  il- 
lufion;  de  forte  qu'il  regarda  comme  bien  placés 
les  tonds  qu'il  confacroit  aux  travaux,  efpéram 
rencontrer  tn^n  le  dépôt  d'où  il  attendoit  ksi 
plus  grandes  riclielfes. 

Le  mercure  qui  fe  diftribue  à  la  CaifTe   de] 
Gunncavelica  ,   pafle  prefque  tout  dans  la  pro- 
vince de  Saint -Juan    de  Lucanas  ,  où  il   y  a 
quelques  mines  alFez  avantageufes.  Une  de  cti\ 
mines  acte  fort  renommée j   mais  les  hauts k\ 
l'js   bas  qui   y  font  ordinaires  ont  fait  déchoir 


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niîrfs   dans  la 


DCiic  en  avoïc 


QUATORZIEME.  509 

cette  mine ,  au  point  qu'elle  ne  rend  plus 
les  frais.  Maigre  cela  ,  l'ancien  renom  que  lui 
a  donné  fa  richelfe  palfée,  en  a  fait  continuer 
les  travaux  avec  confiance,  dans  rcfpoir  qu'on 
avoir  que  le  minerai  rcdevicndroir  auill  riche 
qu'auparavant. 

La  CailTe  de  Pafco  fe  trouve  dans  la  province 
de  Tarma;  mais  non  dans  le  principal  endroit. 
On  a  voulu  qu'elle  fût  à  la  portée  des  miner. , 
pour  ficiliter  la  diftribution  du  mercure,  «Se  le 
tranfport  à^^s  pignas  qu'on  doit  (ondre.  Depuis 
quelques  années  ,  le  produit  de  ces  mines  a 
augmente ,  &  l'on  croit  pouvoir  en  efpérer  les 
minerais  les  plus  abondans  du  Royaume.  11  y  a 
plufieurs  mines  qu'on  y  exploite  avec  un  avan- 
tage réel  &  bien  coimu  j  comme  on  le  voit  aufiî 
par  la  confommation  du  mercure,  donc  la  quan- 
tité fe  monte ,  année  prife  l'une  dans  l'autre , 
à  500  quintaux  environ. 

Les  mines  du  diftrid  de  Chucuito  fe  main- 
tiennent dans  le  même  état.  La  confommation 
du  mercure  fe  monta,  il  eft:  vrai,  dans  les  deux 
premières  années  comparées,  à  733  ^  &  74.) 
quintaux  j  au  lieu  que  dans  les  trois  fuivantes , 
prifes  Tune  dans  l'autre  ,  elle  ne  fut  que  de 
450  quintaux,  ce  qui  fait  une  diminution  d. 
300  environ.  Ceci  ne  vient  pas  de  l'appauvril- 
fement  des  mines,  dont  le  produit  auroir  d 


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V' 


jio  Discours 

niimic  à  ce  point  en  Ci  peu  d'années  ;  mais  d'une 
caufe  plus  ancienne  :  c'efl:  a-dire  de  rexrrcme 
profondeur  des  unes ,  dos  obftacles  qu'on  ren- 
contre dans  les  autres ,  pour  parvenir  à  un  mi- 
nerai de  bonne  qualité. 

.  C  eft  de  la  Caille  de  Trugillo  que  tirent  le 
mercure  ceux  qui  exploitent  les  mines  gid'antcs 
dans  11  chaîne  des  montagnes  qui  courent  depuis 
les  limites  des  jurifdidtions  de  Jauja  ôc  de 
Tarma  ,  vers  le  Nord  ,  &  fe  portent  jufqu'aii 
royaume  de  Quito  ,  où  font  les  CailTes  de  Caxa- 
marca,  ChachapoyaS,  ôc  autres.  On  peut  juger 
que  ces  mines  font  pauvres,  par  le  peu  de  mer- 
cure qu'elles  confomment  tous  les  ans;  car  cciX 
à  ces  Caifles  que  les  mineurs  vont  fe  pourvoir 
de  mercure ,  pour  traiter  les  mines  qui  fe  voyenc 
dans  un  efpace  de  plus  de  deux  cens  lieues , 
jufqu'aux  limites  des  CaifTes  de  Piura  ôc  de 
Cuenca  ,  où  l'on  ne  fait  point  de  remife  de 
mercure. 

On  fait  que  la  Cailfe  de  Carangas  a  fondu 
Î199  marcs  d'argent  de  plus  qu'elle  n'auroit  dû, 
félon  la  proportion  du  mercure  qu'elle  a  diftri- 
bué.  On  croiroit  peut-être  de -là  qu'il  y  a  eu 
moins  de  perce  dans  les  minerais  de  fon  diftrid 
que  dans  ceux  des  autres  Gai  (Tes  ;  mais  on  fe 
tromperoit  :  la  perte  y  eft  même  quelquefois  plus 
grande ,  &  l'on  pti  a  des  preuves  non  équivoques. 


;nir  a  un  nii- 


QUATORZIEME.  ^  I  1 

C'cft  dans  les  dcpendancos  de  cette  Cailfe  que 
fe  trouvent  les  faineufes  mines  de  Hu^mtjj.iyj, 
Les  métaux  fe  traitent  par  le  feu ,  tant  dans  ces 
mines  que  dans  la  plupart  de  celles  de  f;\  j  - 
rifdidlion ,  &  fans  cju'on  foit  oblige  d'employer 
de  mercure.  Or,  les  mines  qui  confoniment  les 
150004  Y^  livres  de  ce  métal,  étant  les  moins 
nombreufes  &  les  moins  riches ,  il  faudroit  i.é- 
celTairemcnt  que  la  fonte  rendit  beaucoup  plus 
de  marcs  \  ce  qui  peut  être  facilement  prouvé. 

Parmi  les  grandes  découvertes  qu'on  a  fiircs 
de  mines  d'argent  au  Pérou,  celle  de  la  mine 
de  Huantajaya  a  été  la  plus  fameufe  dans  les 
tems  modernes.  Le  filon  étoit  d'argent  mndU-" 
dans  toute  fa  largeur ,  &  on  le  coupoit  au  ci- 
feau.  C'étoit  avec  raifon  qu'on  l'appelloit  mine 
d'argent  ;  car  ce  métal  fe  préfentoit  à  la  vue 
par-tout  oii  les  travailleurs  en  déblayoient  les 
terres.  Le  filon  formoit  même  en  plulieurs  en- 
droits des  nœuds  métalliques,  qui  fournilToient 
des  morceaux  très- gros.  Cette  fameufe  mine, 
comme  toutes  les  autres ,  a  eu  (qs  variations  :  on 
en  continue  toujours  les  travaux,  quoique  l'on 
n'en  tire  plus  cette  quantité  prodigieufe  de  mé- 
tal :  au  moyen  du  travail  continuel ,  elle  fe  fcu- 
tient,  &  produit  toujours  un  afTez  bon  bénéfice. 

Cette  mine  prouve  avec  quelle  fîngulnrir.'-  la 
Nature  a  voulu  répandre  les  métaux  pricieux , 

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511  Discours 

en  les  plaçant  en  terre  dans  des  endroits  auxquels 
on  n'a  fongé  que  par  hafard ,  vu  leur  cloignement  ; 
de  forte  qu'il  n'efl:  pas  pollible  de  les  en   tirer 
qu'avec   les   peines   &    les    dcpenfes    les    plus 
grandes.  En   effet,  fi  ces   métaux  font  là  trcs- 
abondans ,  ils  exicîent  des  frais  exceflfifs.  La  Na- 
ture  a  donc  choili  le  pays  le  plus  foliraire  ,   le 
plus  ftérile  de  toutes  ces  contrées  pour  y  faire 
ce  précieux  dépôt.  On  ne  voit-là  aucune   peu- 
plade ;  on  y  eft  éloigné  de  la  mer  à  une  alfez 
grande  diftance  :  c'cft  un  terrein  fablonneux,  où 
il  ne  croît  rien  :  il  faut  s'y  rendre  par  des  gorges 
peu  praticables,  des  monts  efcarpés  ,  des  fables 
mouvans,  fans  rencontrer  rien  de  ce  qui  eft  né- 
cefifaire  à  la  vie  j  jufqu'A  l'eau  même,  il  faut  en 
porter  fi  Ton  veut  boire ,  car  il  n'y  en  a  pas ,  ni 
dans  le  voifinage.  A  plus  forte  raifon  doit-on  fe 
pourvoir  de  vivres ,  tant  pour  foi  que  pour  les 
animaux.  Ces  vivres  font  apportés  par  des  vaif- 
feaux  ,  &  déchargés  fur  la  côte  de  la  mer ,  la  plus 
proche ,  d'où  on  les  tranfporte  à  travers  ce  pays 
pénible  jufqu'au   giifement  &  à  l'ouverture  de 
la  mine. 

D'après  ces  détails ,  on  fent  à  quel  prix  doit 
revenir  le  métal  qu'on  en  tire  :  mais  une  autre 
circonftance  l'augmente  encore  :  c'eft  qu'il  n'y  a 
pas  de  bois  pour  faire  cuire  les  alimens  &  autres 
befoins  joiinuHers  j  il  faut  s'en  procurer  de  trcs- 


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)its  auxquels 
loignement; 
les  en   tirer 
es   les    plus 
ont  là  tics- 
(fifs.  La  Na- 
folitaire  ,   le 
>our  y  faire 
ucune  peu- 
à  une  aifez 
lonneux ,  où 
:  des  gorges 
,  des  fables 
-  qui  eft  né- 
°  y  il  faut  en 
en  a  pas,  ni 
n  doit-on  fe 
^le  pour  les 
ar  des  vaif- 
iierjaplus 
/ers  ce  pays 
■ivercure  de 

1  prix  doit 

une  autre 

qu'il  n'y  à 

is  &  autres 

er  de  rrcs- 


QUATORZIEME.  |I} 

loin.  Tout  fe  diftribue-là  comme  dans  les  longues 
navigations ,  par  portions  égales.  Ceux  qui  y  ont 
été  alfurent  qu'on  y  eft  quelquefois  dans  une 
telle  difette,  qu'une  bouteille  d'eau  ordinaire  y 
coûte  un  pefo. 

On  y  a  ouvert  beaucoup  de  puits;  on  a  fondé 
&  reconnu  le  pays  ;  mais  nulle  part  on  n'a  trouvé 
d'eau,  ni  apperçu  le  moindre  indice  d'un  ruif- 
feau.  On  n'a  vu  aucune  plante  qu'on  pût  fubfti- 
tuer  au  bois  pour  la  confommation  qui  s'en  fait 
dans  la  préparation  des  alimens ,  &  dans  le  trai- 
tement des  métaux.  Ce  pays  fe  trouve  dans  la 
province  d'Arica  :  le  port  le  plus  proche  qu'il  y 
ait  pour  l'exportation  6c  l'importation  de  tout, 
eft  celui  d'iquique, 

Ainfi  l'extrême  richefTe  de  ces  veines  prc- 
cieufes  eft  en  grande  partie  abforbée  par  les  dc- 
penfes.  Cet  inconvénient  eft  donc  caufe  quelle 
n'eft  pas  plus  lucrative  pour  les  propriétaires  que 
celle  des  autres ,  puifqu'il  faut  payer  en  propor- 
tion de  (es  produits.  11  y  a  donc  un  égal  avan- 
tage pour  ceux  qui,  fans  avoir  à  elTuyer  cet  in- 
convénient ,  exploitent  des  mines  moins  richcv. 
Tout  eft  égal  de  part  &  d'autre  au  moyen  de 
ces  compenfations ,  &:  c'eft  ce  qui  maintient  iiu 
jufte  équilibre  d^dis  la  valeur  de  l'argent.  Dans 
les  unes,  le  défavantage  vient  des  grands  travaux 
qu'on  eft  oblige  de  faire,  des  peines  qu'il  ïv^t 


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514  Discours 

prendre;  dans  les  autres,  de  la  dureté  de  la 
gangue  où  le  métal  fe  trouve  incorporé  ;  ici  c'eft 
un  autre  inconvénient ,  la  profondeur  eft  ex- 
trême j  là,  ce  font  les  eaux  qui  gagnent  ôc  rem- 
pliffent  les  percemens;  ailleurs,  ce  font  des  mé- 
taux étrangers  qui  font  entremêles  avec  le  bon 
minerai  :  enfin  ,  la  difficulté ,  l'éloignement  des 
lieux,  comme  à  la  mine  de  Huantajaya. 

Il  eft  arrivé  dans  les  mines  du  Potofi,  fameufes 
autrefois,  le  contraire  de  ce  qu'on  remarque  dans 
les  précédentes  :  le  minerai  y  eft  fi  pauvre ,  qu'on 
n'en  tireroit  aucun  avantage ,  fi  la  facilité  avec 
laquelle  il  fe  laifie  traiter  ne  devenoit  une  in- 
demnité :  il  eft  aifé  a  tirer  &  à  broyer ,  &  fe 
prête  également  bien  à  toutes  les  opérations  qu'on 
lui  fait  fubir  pour  en  tirer  la  pigna. 

On  y  a  l'avantage  du  fameux  lac  qu'on  a  forme 
à  grands  frais ,  &  011  fe  raftemblent  les  eaux  de 
pluie ,  dans  l'efpace  qui  fe  trouve  enfermé  entre 
dîfférens  monts  :  de-Ià  il  fort  une  rivière  qui  fait 
agir  les  machines  dans  lefquelles  le  minerai  eft 
broyé  j  l'épargne  qu'on  fait  par  ce  moyen  ,  in- 
demnife  en  grande  partie  de  ce  qu'on  tire  de 
métal  de  inc  ins. 

Cette  montagne  étoit  devenue  fimeufe  par  la 
richelfe  confidcrable  de  cqs  mines ^  on  y  voit  en- 
core de  tems  en  tems  quelques  veines  analo;:!ues 
aux  anciennes ,  &  d'où  l'on  tire  beaucoup  d'ar- 


,\  '^ 


QUATORZIEME.  JIJ 

geiit  :  mais  en  général  celles  qu'on  exploite  ne 
donnent  qu'un  minerai  de  qualité  très-inférieure. 
Outre  les  veines  nombreufes  qui  font  répandues 
dans  toute  l'étendue  de  cette  montagne,  il  y  en 
a  encore  d'autres  dans  les  provinces  d'alentour. 
Elles  étoient  même  autrefois  fort  renommées , 
mais  les  produits  en  font  à  préfent  diminués  , 
comme  ceux  de  cette  montagne.  Ceux  qui  exploi- 
tent ces  mines  fe  pourvoient  de  mercure  aux 
mêmes  CaiiTes ,  &  font  obligés  d'y  faire  leurs 
fontes  particulières  :  or ,  ces  fontes  étoient  an- 
ciennement les  plus  considérables  de  tout  le 
Pérou. 

On  douteroit  avec  raifon  de  l'ancienne  ri- 
chelTe  des  mines  de  cette  montagne,  fi  l'on  en 
jugeoit  par  leur  état  aduel,  &  fi  l'on  n'avoit  pas 
d'Ecrivains  contemporains  dignes  de  foi  pour  la 
prouver.  La  différence  eft  aujourd'hui  fi  grande  , 
qu'il  n'eft  pas  poflîble  de  les  comparer.  Il  en  eft 
de  même  de  toutes  les  mines  fi  renommées  au- 
trefois dans  les  diverfes  parties  de  ce  royaume  ; 
mais  je  vais  en  donner  une  idée ,  d'après  l'Ou- 
vrage intitulé  :  Pretentiones  dd  Potofi;  Ouvrage 
que  fit  imprimer ,  en  1^34,  D.  Sébaftien  de 
/  Sandoval  y  Guzman ,  Procureur-Général  de  cette 
'  Bourgade- là.  D'après  les  détails  qu'il  nous  a  laifies 
fur  la  confommation  qu'on  faifoit  du  mercure, 
&  ce  que  nous  avons  vu  concernant  là  confom- 


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tnation  aéfcuelle  de  ce  demi -métal,  on  pourra 
faire  quelque  comparaifon. 

La  découverte  de  ces  mines  fe  fit  en  1 545  , 
peu  de  tems  après  la  conquête  j  car  il  ne  s'étoic 
paflTé  que   dix -neuf  ans  depuis  l'entrée  des  Ef- 
pagncls  dans  ce  pays-là ,  c'eft-à-dire  depuis  152.^; 
ce  qui  prouve  fuffifamment  que  les  monts  n'a- 
voient  pas  été  ouverts  avant  cette  époque  :  or, 
l'argent  y  étoit  répandu  de  tous  côtés ,  comme 
par  ramifications.  La  mine  fe  traitoit  alors  par 
la  fonte ,  vu  fa  grande  richefTe  \  car   on   tiroir 
toujours  d'un  quintal  de  minerai  cinquante  livres 
d'argent.  Un  appas  aullî  attrayant  y  fit  établir 
plus  de  fix  mille  guairas  j  ou  fourneaux  pour  les 
fontes.  Cette  abondance  de  métal  ne  fe  foutint 
pas  long-tems  ;  car  en  1571 ,  c'eft-à-dire  16  ans 
après ,  il  y  avoir  déjà  une  affez  grande  diminution. 
Le  traitement  par  la  fonte  n'étant  pas  fufïifant 
pour  extraire  tout  le  métal,  Pedro  Fernandez  de 
Velafco  introduisit  l'ufage  de  l'amalgame ,  quoi- 
qii'avec  moins   de  perfe6tion  qu'on  le  pratique 
aujourd'hui  ;  car  on  a  été  forcé  de  chercher  des 
moyens  plus  avantageux  pour  tirer  des  minerais 
tout  ce  qu'il  étoit  poflible  d'en  avoir,  à  mefiire 
qu'ils  font  devenus  moins  riches.  Voilà  comme 
on  s'eft  enfin  inftruit  des  traitemens  particuliers 
que  les  matières  de  chaque  mine  exigeoient. 
J'ai  déjà  dit  que  le  quintal  de  minerai  rendoir 


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il  ne  s  etoit 


QUATORZIEME.  5I7 

clors  5  o  livres  de  métal ,  qui  font  cent  marcs  y 
ainfi  l'on  avoir  un  marc  d'argent  par  livre  de  mi- 
nerai :  mais  â  préfent,  les  inftrudions  les  plus 
sures  nous  montrent  que  les  mines  de  cette  mon- 
tagne ne  rendent  que  quatre  marcs  d'argent 
par  caxon  de  minerai,  ce  qui  eft  encore  fort 
avantageux  pour  ceux  qui  les  exploitent;  car  il 
y  en  a  plufieurs  qui  ne  rendent  pas  cela.  On  re- 
garde comme  riches  celles  dont  le  produit  pafle 
les  quatre  marcs. 

Le  caxon  de  minerai  eft  de  cinquante  quintaux 
dans  les  mines  d'argent.  La  proportion  de  métal 
eft  donc  comme  i~  adarmes  d'argent  à  une  arrobe 
de  minerai,  c'eft-à-dire,  comme  i  à  1250  :  ce 
qui  fait  voir   qu'après  avoir  tiré  anciennement 
1250  marcs  d'argent  d'une  quantité  donnée  de 
minerai,    on   n'en  rire   plus  aujourd'hui  qu'un 
marc.  Cette  énorme  diminution  feroit  prefque 
incroyable ,  fi  elle  n'étoit  prouvée  par  la  véracité 
du  livre  mentionné  ,  &  qui  fut  même  écrit  pour 
être  prcfenté àfa Majefté Catholique.  Néanmoins, 
il  n'y  a  pas  la  même  proportion  dans  la  dimi- 
nution des  quintos  i  ou  cinquièmes. 

Denuis  l'année  1 545  :«  époque  delà  découverte 
de  cette  mine  ,  jufqu'à  1 5(^4  ,  cette  montagne  a 
produit  de  droit  de  quint  ^  -jG  millions  de  pefos 
enfiiyados  ,  chacun  de  1 5  7  réaux  d'argent  ;  ce 


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518  Discours 

qui  fait,  pendiiic  1  ^  a.ns ,  quatre  minions  de  pcfos 

par  an. 

Depuis  15^4  jufqu'à  1585 ,  le  droit  de  quint 
s'eft  monté  435  millions  j  ce  qui  donne ,  pen- 
dant 21  ans  ,  1666666  pefos  enfayados  &  | 
par  an. 

Depuis  1585  jufqu  a  1^24,  ce  droit  s'eft  monté 
à  52  millions,  pendant  les  trente-neuf  années  ^ 
ce  qui  donne  1333353  pcfos  enfayados  \  par  an. 

Depuis  1^24  jufqu'en  1^33,  année  qui  pré- 
céda l'Ouvrage  de  D.  Sandoval,  le  droit  s'eft 
monté  à  6  millions  pendant  les  neuf  années  j  ce 
qui  donne  par  an  66666  j  pefos  enfayados. 

En  176^  j  Potofi  confomma  dans  les  mines 
de  fa  montagne,  &  dans  celles  des  provinces  de 
fon  relïôrt ,  17^166  ^  livres  de  mercure.  Or, 
félon  la  règle  des  1 2  onces  de  confommation  par 
marc  y  on  doit  y  avoir  tiré  239049  marcs  y  pour 
lefquels  il  étoit  dû  de  droit  de  quint  ôc  de  coho^ 
environ  ^i6j^6^  p^fos  de  huit  réaux ,  qui ,  réduits 
aux  pefos  enfayados  de  1 3  ^  réaux  ^  en  font 
2  -^  27 1 5  j  ce  qui  donne  un  rapport  de  i  à  1 5  i. 

Cette  grande  différence  qu'il  y  a  entre  la  pro- 
portion d«  ce  qui  fe  paie  de  droits ,  &  celle  qui  ré- 
f  ulce  de  ralloiou  de  la  qualité  du  minerai ,  vient  de 
deux  caufes.  Premièrement ,  de  ce  que  l'on  trouve 
coi^pris  dans  k  nombre  des  marcs  qui  fe  fondent 


QUATORZIEME 


5'9 


à  picfciit ,  ceux  qui  viennent  de  toutes  les  autres 
mines  qui  fe  pourvoient  de  mercure  à  cette  même 
Cai(îe-là.  Secondement,  de  ce  que  le  bas  alloi 
du  minerai  oblige  de  tirer  infiniment  plus  de 
minerai  que  quand  il  étoit  riche  en  argent ,  & 
c'eft  ainfi  qu'on  fupplée  en  partie  par  le  travail 
à  ce  qu'il  y  a  de  qualité  de  moins. 

Ceci  ell  confirmé  par  le  nombre  des  marcs 
qu'on  auroit  dû  tirer  pendant  chacune  des  dix- 
neuf  années ,  &  de  ceux  que  l'on  tire  adtuelle- 
nient.  Les  quatre  millions  de  pefos  enfayados  de 
droit  de  quint ^  que  ces  mines  ont  payés  par  an 
au  Roi ,  pendant  les  premières  années  de  l'exploi- 
tation ,  répondent  à  20  millions  des  mhxnQs pefos 
du  produit  total  de  l'argent  j  ce  qui  fait  3  3 ,7  5  0,000 
pefos  de  huit  réaux ,  ou  autant  d'onces  d'argent. 
Or,  cette  quantité  faifant  la  moitié  du  minerai 
que  l'on  tiroir,  il  falloir  qu'il  y  eût  4,218,750 
livres  de  celui-ci  j  ce  qui  monte  à  421S7X 
quintaux, 

Suppofé ,  en  prenant  un  moyen  terme ,  que 
Talloi  du  minerai  foit  de  quatre  marcs  par  ca- 
xon  ,  on  ne  pourra  avoir  les  239049  marcs 
qu'avec  597<>i  J  caxons  ,  qui  font  2,988,100 
quintaux,  Ox ,  autrefois  on  avoir  la  même  quan- 
tité d'argent  avec  2390  quintaux  de  minerai. 
On  voit  donc  l'extrême  différence  qu'il  y  a  entre 
le  tems  préfent  &  le  pa0e.  Si  l'on  joint  à  ceci  la 


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510  Discours 

tiuantité  des  déblais  qu'il  faut  enlever  à  prcfent 
pour  avoir  les  $9/61  caxons  de  minerai  ,  ce 
compte  monteroit  infiniment  plus  haut  ^  car 
il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  ce  nombre 
de  caxon  comprend  tous  ceux  des  mines  du 
reflbrt  de  cette  CailTe  ,  comme  je  l'ai  dit  ci- 
devant. 

Depuis  i(Î5  3  jufqu'à  ce  tems-ci,  c'eft-à-dire 
en  130  ans,  la  malFe  d'argent  qu'on  tiroit  de  ce 
mont  feu) ,  a  diminuée  de  plus  des  deux  tierb  : 
Il  cette  diminution  fuit  la  même  progreflion  par 
la  fuite ,  ces  mines  deviendront  inutiles  dans  le 
même  efpace  de  tems ,  ou  même  plutôt  :  c'eît 
pourquoi  il  faut  chercher  tous  les  moyens  de 
porter  les  Ilabitans  de  ces  contrées  à  faire  de 
nouvelles  découvertes,  qui  puilfent  indemnifer 
de  l'épuifement  ou  de  la  décadence  confidcrablc 
des  mines  anciennes. 

L'argent  que  les  Indiens  tiroient  des  mines, 
&  le  procédé  fmiple  qu'ils  fui  voient,  font  une 
preuve  de  la  richefle  de  ces  mines  anciennes; 
ils  ne  connoiffoient  d'autre  manière  d'en  tirer  ce 
métal  qu'en  mettant  le  minerai  fur  le  feu  avec 
un  teft" ,  encore  ne  prenoient-ils  que  le  minerai 
oi\  l'argent  étoit  vifible  &  abondant.  Ils  ramaf 
foient  le  métal  à  mefure  qu'il  couloir  :  ils  ne 
pouvoient  donc  fondre  par  ce  procédé  que  celui 
qui  n'étoit  pas  mélangé  de  minerais  étrangers. 

C'eft 


q   U    A  T    O    R    Z    I   I    M    f.  Jll 

Cèft  de  cet  ufage  que  les  fourneaux  faits  pour 
la  fonte  de  la  Pigna  ont  corfervé,  dans  ces  con- 
trées j  le  nom  de  cayana ,  qui ,  dans  la  langue 
des  Incas^  fignifie  ua  fç/?.  On  a  joui  de  ces  avan- 
tages au  tems  de  la  conquête  :  l'argent  eft  même 
encore  vifible  dans  quelques  mines  que  \qs  In- 
diens ont  connues  par  les  récits  de  leurs  ancê- 
tres, &  qu'ils  indiquent  aux  Efpagnols,  lorfqu'ils 
ont  quelque  affedlion  pour  eux  j  ce  qui  eft  afless 
rare  :  de-là  on  peut  juger  de  leur  richelTe. 

On  a  vu  que  la  Caifle  de  la  Pa\  ne  diftribue 
que  peu  de  mercure  \  une  partie  en  eft  confom-. 
mée  dans  les  mines  de  Larecaxa ,  Jaraca ,  Qc 
autres  de  Ton  diftrid.  On  va  de  celle-ci  payer 
le  quint  aux  CaifTes  de  Lima,  en  obtenant  cette 
permiflîon  du  Vice-Roi.  Il  n'y  a  pas-là  plus  de 
mines  qu'anciennement,  &  celles  qu'on  y  ex- 
ploite ne  font  pas  fi  riches  qu'elles  l'ont  été. 

Les  minerais  de  Caylloma  ont  toujours  le 
même  alloi ,  fans  être  des  plus  abondans  :  cepen- 
dant on  penfe  qu'il  a  plutôt  augmenté  que  di- 
minué. Les  minerais  d'Oruro  font  les  plus  riches 
de  tous  ceux  des  contrées  de  ces  vaftes  royaumes^ 
il  femble  que  c'eft-là  que  fe  font  tranfportées  les 
richeiïes  qu'on  tiroir  autrefois  du  Poto(î.  On  peut 
eftimer  leur  produit ,  à  peu  de  chofe  près ,  par 
l'emploi  qui  s'y  fait  du  mercure.  11  s'y  eft  con- 
fommé  tous  les  ans,  pris  l'un  dans  l'autre,  en-. 
Tome  /,  *  X 


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environ  1 3  00  quintaux  de  ce  demi  -  mctal ,  & 
plufieurs  perfonnes ,  auflî  intelligentes  que  cll;;nes 
de  foi ,  aflTurent  que  i'alloi  du  minerai  s'eft  tou- 
jours trouvé  bon  dans  la  plupart  de  ces  mines, 
en  comparaifon  de  celui  des  autres ,  &  qu'il  va 
plutôt  en  augmentant  infenfiblement. 

Ces  détails  nous  montrent  donc  que  les  mines 
d'argent  de  ces  royaumes  rendent  aduellement 
prefqu'autant  qu'au  commencement  de  ce  fiècle- 
ci ,  ou  à  la  fin  du  précédent  j  s'il  y  a  eu  de  la 
diminution  dans  les  unes,  il  y  a  eu  de  l'avantage 
dans  les  autres ,  comme  il  eft  arrivé  à  Pafco  j 
Oruro  y  Carangas,  On  peut  en  donner  pour 
preuve  la  régularité  avec  laquelle  les  mineurs 
paient  le  mercure  au  bouc  de  l'année  j  au  lieu 
que  ceux  qui  ne  fe  font  occupés  que  de  mines 
pauvres ,  ne  paient  non  plus  que  par  les  contrain- 
tes qu'on  exerce  contr'eux  &  leur  caution,  afin 
de  faire  bons  les  fonds  de  la  Caifle  avec  laquelle 
ils  ont  contradé  cette  dette. 

En  i-j6o ,  les  habitans  de  la  province  de  Tu- 
cuman  demandèrent  certaine  quantité  de  mer- 
cure ,  vu  l'efpérance  que  leur  donnoient  quelques 
mines  qu'on  commencoit  à  découvrir  j  fans  quoi 
il  leur  étoit  impoflible  de  les  traiter,  &  même  de 
voir  quel  feroit  le  produit  des  premiers  elTais.  Les 
mines  d'or  &  d'argent  étant  un  des  objets  ef- 
fentiel  de  ces  contrées ,  ils  obtinrent  5  o  quintaus 


QUATORZIEME,  JlJ 

de  mercure  :  mais  il  paroîc  que  l'efpoir  de  ces 
gens  fut  trompé  j  car  ,  en  i7(>3  ,  ils  n'avoienc 
encore  rien  montré.  La  même  chofe  arriva  anfli 
au  Chili ,  où  l'on  croyoit  avoir  découvert  des 
mines  de  ce  même  métal ,  &  qui  promettoienc 
beaucoup  :  mais  les  mines  qu'on  y  a  trouvées  n'ont 
ni  la  valeur  ,  ni  la  continuité  de  celles  du  Pérou; 
ce  ne  font  que  des  mines  de  tranfport  fuperfi- 
cielles ,  qui  ceilent  bientôt  dès  qu'on  fouille  un 
peu.  Il  n'en  eft  pas  de  même  de  celles  dont  les 
liions  fe  prolongent  dans  une  gangue  continue. 
Cependant  il  y  en  a  plufieurs  qui  jettent  quel- 
ques ramifications  en  profondeur  ,  quoique  la 
plus  grande  richelTe  qu'on  en  tire  fe  prenne  â 
lafuperficie.  Les  mines  profondes,  au  contraire, 
ne  décèlent  point  leur  qualité ,  à  moins  qu'on 
ne  foit  arrivé  alTez  bas  pour  appercevoir  quel- 
ques fources  d'eau. 

La  pigna  d'argent ,  &  les  texos  d'or,  dont  on 
n'a  pas  payé  le  quint  ,  &  qui  n'ont  pas  été 
marqués  du  poinçon  de  la  CailTe  refpedive  , 
font  contrebandes  dans  tout  le  Pérou.  On  a  feu- 
lement la  permiflion  de  les  porter  directement 
de  la  mine  à  la  CailTe  du  reflbrt ,  pour  les  y 
fondre ,  &  payer  les  droits  du  Roi ,  tant  pour 
le  dixième  que  pour  le  don  gratuit  ou  col>o. 
Mais  rien  de  plus  facile  dans  ces  pays  que  de 
fe  fouftraire  a  cette  obligation ,  6c  de  paffer  ces 

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métaux  plus  loin ,  vu  les  vafbs  pays  inhabités  i 
travers  lefquels  on  mène  les  bediaux  pour  les 
faire  pâturer.  AmCi  l'on  ne  fond  pas  à  la  Cailfc 
tout  l'or  &  l'argent  qu'on  tire  des  mines. 

J'ai  déjà  die  que  les  CailTes  royales  écoienc 
les  lieux  rcfervés  pour  les  fontes ,  &  que  les  four- 
naux  s'appelloient  caynas.  Les  métaux  s'y  fon- 
dent en  ^arr^j  j  dont  on  tient  compte  depuis  le 
premier  jour  de  l'année  jufqu'au  dernier ,  6c  l'on 
irecommence  le  compie  avec  le  nouvel  an ,  mar- 
quant fur  les  barres  l'année  de  la  fonte ,  le  poids 
en  marcs  j  onces  ,  adarmesj  &  Vai/oi  :  ce  qui  cft 
confirmé  par  le  poinçon  du  Roi.  Par  ce  moyen 
on  les  convertit  en  une  monnoie ,  dont  la  valeur 
monte  à  deux  ou  crois  mille  pefis  j  Ôc  même 
davantage.  On  peut  alors  les  répandre  par-tout 
le  royaume,  parce  qu'elles  onc  le  fceau  requis 
pour  la  sûreté  publique,  &  pour  prouver  que  les 
droits  en  ont  été  payés  au  tréfor  royal. 

Les  barres  d'argent  &  les  cexos  d'or  parvien- 
nent enfin  à  l'Hôtel  des  monnoies  de  Lima  ;  on 
en  examine  le  poids ,  l'alloi ,  pour  fa  voir  fi  l'on 
n*a  pas  commis  d'erreur  ou  de  négligence  dans 
la  fonte  :  ce  qui  fe  fait  en  préfence  des  intéreffésj 
après  quoi  on  les  convertit  en  monnoie.  Ceci  ne 
fe  pratique  pas  au  Potofi,  parce  que  ces  mines 
étant  les  plus  anciennes  ôc  les  plus  renommées 
du  royaume ,  on  y  a  établi  un  Hôtel  des  monj 


QUÀTORZIEMI."  jlf 

noies.  On  en  a  fait  autant  depuis  peu  à  Santiago 
de  Chili ,  d  Oruro ,  pour  éviter  l'incommodité 
du  tranfport  jufqu'à  Lima. 

L'argent  fe  tire  des  mines  aux  dépens  du  tra- 
vail des  mineurs  ,  comme  je  l'ai  dit  :  de-U  il 
pafTe  aux  premières  CaiiTes  royales ,  quand  il 
n'eft  pas  détourné  en  fraude  ,  ou  n'eft  pas  con- 
verti en  vailTelle  :  il  parvient  enfin  aux  Hotels 
des  monnoies ,  où  l'on  en  fait  des  pefos  duros  j 
qui  paffent  enfin  en  Efpagne.  C'eft  de  ce 
toyaume  qu'il  fe  répand  dans  toutes  les  parties 
du  Globe ,  fans  avoir  befoin  du  fceau  dont  il . 
cft  marqué  que  jufqu'en  Efpagne  :  car  après  on 
le  reçoit  fans  y  faire  aucune  attention ,  unique- 
ment par  l'appât  de  la  matière. 

Ce  ne  font  pas  toujours  les  mineurs  qui  ren- 
dent à  leurs  frais  les  pignas  aux  Caiffes  royales  » 
pour  y  être  fondues  &  en  payer  les  droits.  Ceci 
ne  fe  pratique  que  par  les  plus  aifés ,  qui  tra- 
vaillent fans  aucun  engagemsnt.  Mais  ceux  qui 
ne  font  pas  dans  ce  cas -là,  payent  avec  ces 
pignas  les  Aviadores  qui  les  entretiennent ,  ou 
les  donnent  aux  Refcatadores  en  paiement  des 
marchandifes  qu'ils  apportent  aux  mines  pour  la 
confommation  des  travailleurs ,  &  autres  befoins 
journaliers  :  ce  font  ceux-ci  qui  les  portent 
aux  CailTes  pour  y  être  fondues.  Parmi  ces  be- 
foins ,  il  faut  comprendre  le  mercure  dont  les 


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51^.  Discours 

Aviadores  ou  les  Refcatadjres  les  fournilTent 
foigneufement  pour  ne  pas  faire  cefTer  les  tra- 
vaux &  l'extradion  du  métal  j  car  c'cft  dans 
cette  continuation  non  interrompue  que  confifte 
tout  l'avantage.  On  appelle  refcatar  y  acheter  la 
pigna  k  la  mine  :  de -là  eft  venu  le  nom  de 
Refcatadores ,  qu'on  a  donné  à  ceux  qui  y  ap- 
portent quelques  marchandifes  à  vendre. 

Les  mineurs  que  ces  travaux  ont  mis  à  leur* 
aife ,  n'y  relient  pas  continuellement  :  les  uns  y 
paroiffent  de  rems  en  tems  le  foir  ;  d'autres  n'y 
vont  pas ,  &  fe  repofent  fur  la  probité  de  leurs 
fadeurs  ou  capataces  ^  chargés  de  conduire  les 
travaux  ,  &  de  faire  les  dépenfes.  Ils  s'abfentent 
ainfî  pour  éviter  les  froids  &  l'intempérie  de  ces 
pays  découverts  :  mais  ils  en  font  tranfporter  les 
minerais  à  la  fonderie  où  il  doit  être  traité.  De 
cette  manière,  ils  ne  le  perdent  pas  de  vue,  & 
afliftent  aux  lavages ,  qui  font  la  dernière  opé- 
ration par  laquelle  on  extrait  l'argent  du  mi- 
nerai. 

Les  minerais  font  tranfponés  à  ce  bâtiment 
par  des  Llamas  &  des  Alpaques  ^  animaux  plus 
propres  à  faire  cette  route  dans  des  chemins 
raboteux  &  difficiles,  que  toute  autre  efpèce, 
qui ,  far  s  contredit  j  n'y  palTeroit  pas ,  au  moins 
fans  dommage.  Ces  animaux  font -là  d'une  aufli 
grande  relTource  que  les  Rênes  en  Laponie  pour 


Q  tr   À  T   0   H   Z   I  E    M  i:  JI7 

traverfer  les  montagnes  ôc  les  glaces.  Le  minerai 
fc  charge  dans  des  facs  bien  affurés  fur  ce» 
animaux.  Ces  facs  ôc  les  cordages  nécelTaires 
font  le  commerce  le  plus  lucratif  des  Indiens 
de  Jull  j  dans  le  Gouvernement  de  Chucuiro  : 
c'eft-là  qu'on  les  fait ,  pour  les  diftribuer  enfuite 
dans  la  plupart  des  mines  du  royaume  du  Pérou. 
Cependant  les  mines  qui  non-feulement  dé- 
fraient des  dépenfes ,  mais  qui  deviennent  même 
du  plus  grand  avantage,  font  fujettes  à  des  in- 
convéniens  qui  en  interrompent  les  progrès.  En 
effet ,  on  perd  quelquefois  les  filons  qui  fe  divi- 
fent  en  nombre  de  ramifications  très-fines,  Ôc 
dont  les  extrémités  ne  préfentent  plus  aucune 
apparence  de  métal.  Or,  il  faut  en  ces  cas -ci 
beaucoup  d'induftrie  &  de  bonheur  pour  re- 
trouver le  vrai  filon ,  en  travaillant  fans  aucune 
autre  utilité  que  les  recherches  &  les  fouilles  que 
l'on  fait,  dans  l'incertitude  même  de  retrouver 
le  bon  minerai.  Les  bancs  que  l'on  rencontre, 
&  qui  fouvent  font  des  roches  très-dures  par 
lefquelles  le  filon  eft  coupé,  jettent  dans  la  plus 
grande  incertitude  fur  le  parti  qu'on  doit  pren»^ 
dre ,  vu  qu'on  n'en  connoît  pas  l'étendue  ;  de 
forte  qu'on  ne  fait  fi  on  doit  les  percer  pour 
fuivre  les  fouilles  diredement,  ou  continuer  en 
les  côtoyant  de  droite  ou  de  gauche.  L'expé- 
rience a  appris  que  quand  on  a  paflfé  ces  bancs^. 

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le  filon  reprend  avec  autant  de  richefTe,  &  mêm^ 
davantage.  Les  couches  de  terre  fujettes  à  s'ébou- 
1er  ou  à  s'afFaiiTer ,  &  qui  conféquemment  exigent 
beaucoup  de  pièces  boutantes ,  de  fupports  pour 
être  maintenues  j  les  eaux  qui  gagnent  en  quan- 
tité ,  lorfque  les  fouilles  font  profondes ,  font  au- 
tant d'obftacles  qui  contrebalancent  la  richeffe 
qui  s'y  préfente  :  il  faut  alors  pratiquer  des  égoûts, 
des  pui fards  à  grands  frais  pour  chafTer  les  eaux  : 
mais  ces  opératio^is  ne  fe  trouvent  pas  toujours 
praticables.  Ces  inconvéniens ,  &  nombre  d'au- 
tres ,  diminuent  dv>nc  beaucoup  le  proHt ,  au 
point  même  que  les  entrepreneurs  font  le  plus 
Ibuvent  plus  près  de  perdre  que  de  gagner. 

Le  travail  eft  exécuté  par  des  Indiens  &  des 
Métifs,  foit  de  gré,  foit  de  force.  La  différence 
qu'il  y  a  entre  ces  deux  clafTes  ,eft  que  les  premiers 
ne  font  pas  permanens  ,  au  lieu  qu'on  peut 
compter  fur  les  autres.  Quant  au  falaire ,  il  eft 
égal  pour  ces  deux  claffes ,  &  même  avantageux. 
11  efl:  réglé  par  le  tarif  public  a  quatre  réaux ,  de 
la  monnoie  du  pays  ^  quoiqu'il  y  ait  des  mines , 
à  Potofi  par  exemple,  oii  ces  gens  gagnent  un 
pefo  chaque  jour  qu'ils  travaillent.  On  fe  trompe 
généralement,  lorfqu'on  s'imagine  que  ce  travail 
des  mines  eft  des  plus  durs,  &  qu'il  dépeuple 
ces  nations  :  cela  eft  très- faux;  car  on  voit  les 
i^idiens  qui  ne  font  pas  de  la  Mita^  ou  donc  ce 


Q  V  A  T  O  H   2   X  B   XI  e:  Jlr*^ 

h^eft  pas  le  tour  à  venir  travailler ,  s'offrir  volon- 
tairement; &  que  les  Mitayos^  après  avoir  fini 
leurs  heures  de  travail ,  demandent  à  le  doubler , 
c'eft-à-dire  de  travailler  jour  &  nuit  pour  gagner 
davantage  :  ils  demandent  même  de  continuer 
les  jours  fuivans.  Les  travaux  qui  s'y  préfentent 
font  ou  fous  terre,  ou  delTus.  Ces  derniers  con- 
fiftent  à  conduire  le  minerais  au  lieu  où  on  le 
broie,  &  les  matières  nécefTaires  aux  diverfes 
manipulations  du  traitement.  On  ne  s'apperçoit 
chez  ces  Indiens  d'aucune  maladie,  ni  même 
d'aucune  incommodité  fenfîble.  Ils  ont  pour  ces 
occupations  le  falaire  le  plus  avantageux  &  le 
plus  ;)oi  ^uellement  payé  :  aucun  autre  ouvrage 
ne  \ev  ic^iendroit  fi  lucratif.  Voilà  pourquoi 
certain  nombre  de  Mitayos  refient  aux  travaux 
comme  les  volontaires  ,  lorfqu'ils  ont  achevé 
leur  tems  d  obligation. 

Cette  corvée ,  ou  Mita ,  cfl  de  fîx  mois ,  après 
quoi  on  les  relève  par  d'autres ,  pour  les  renvoyer 
à  leur  peuplade  &  cultiver  la  terre.  Ils  font  alors 
difpenfés  de  ces  travaux  pendant  deux  ou  trois 
ans ,  &  même  davantage ,  à  proportion  que  les 
aidées ,  ou  villages ,  fe  font  multipliés  dans  leur 
diflriâ.  Mais  on  a  toujours  befoin  de  gens  libres 
aux  mines ,  outre  ces  Mitayos  ;  car  une  mine 
qui  peut  occuper  fîx  ou  huit  Mitayos  ,  en  pour- 
coit  bien  occuper  quinze  ou  vingt,  &  plus ,  félon 


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r^jo  Discours 

la  nature  des  terreins  que  Ton  fouille.  Le  froîdt 
de  CQS  contrées  ne  permet  pas  d'y  employer  les 
Nègres  :  ils  y  meurent  promptement.  Il  n'en  eft 
pas  de  même  des  Indiens,  dont  la  conftitution 
eft  faite  à  ces  climats  :  auflTi  y  tiennent-ils  fans 
aucun  dérangement  de  fanté. 

J'ai  dit  plus  haut  que  la  confommation  du  mer- 
cure étoit  la  quantité  proportionnée  à  l'argent  que 
Ton  tire ,  &  que  ce  qui  exccdoit ,  étoit  ce  qu'on 
appelloit  perte.  Selon  cette  règle,  on  peut  tirer 
de  l'argent  fans  perte,  mais  non  fans  confom- 
mation :  ainfi,  en  tirant  cent  marcs  d'argent,  oti 
doit  confommer  cinquante  livres  de  mercure, 
au  moins.  De-là  eft  venue  l'opinion  qu'une  par- 
tie de  ce  demi-métal  fe  convertilfoit  en  argent  j 
&  l'on  prétend  la  foutenir ,  en  difant  qu'on  ne 
voit  pas  l'argent  dans  la  plupart  des  minerais , 
comme  on  le  voit  dans  \qs  pacos  ^  qui  font  de 
couleur  de  tabac ,  &  les  plus  riches  en  métal. 
On  fuppofe  que  le  minerai  contient  des  prin- 
cipes propres  à  fixer  le  mercure  ,  &  à  le  purifier 
de  toute  matière  étrangère  j  que  les  gangues  où 
Targent  eft  vifible ,  &  qu'on  appelle  machacados y 
fe  trouvent  fous  cette  forme,  parce  que  leur 
mine  renfermoit  les  matières  primitives  du  mer- 
cure en  quantité  proportionnée  à  leur  richeflej 
qu'outre  cette  richefle  actuelle ,  les  matières  qui 
yreftent  mMées  fe  combinant  avec  le  mercure. 


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quatorzième;  $^1 

s*y  incorporent  au  point  de  le  fixer  &  de  le  ré- 
duire en  argent. 

Mais  cette  opinion  efl:  regardée  par  les  gens 
inftruits  comme  hafardée,  ou  plutôt  comme  une 
fuite  de  l'ignorance  de  ceux  qui  la  foutiennent  j 
car  la  perte  du  mercure  eft  due  à  d'autres  caufes , 
fans  qu'il  foit  befoin  de  fuppofer  fa  tranfmuta- 
lion ,  en  raifon  de  fon  mélange  avec  les  parti- 
cules métalliques  de  la  mine.  On  peut  même 
conclure  que  iî  l'on  favoit  d'autres  procédés,  on 
retireroit  tout  le  mercure  qui  s'incorpore  dans 
les  amalgames.  En  effet ,  les  favans  Métallurgiftes 
de  l'Europe ,  &  qui  ont  à  cet  égard  àes  connoif- 
fances  pratiques  certaines  ,   font  furpris  de  la 
perte  que  l'on  fait  du  mercure  dans  les  mines 
de  l'Amérique,  &  ne  l'attribuent  qu'au  défaut 
de  procédés  plus  direds  &  plus  réfléchis  pour 
le  traitement  de  ces  mines. 

On  a  réellement  lieu  d'être  furpris  que,  depuis 
fi  long-tems  que  les  mines  d'argent  &  d'or  de 
l'Amérique  font  la  plus  grande  richefie  de 
l'Efpagne,  on  n'ait  pas  encore  établi  des  labora- 
toires pour  faire  des  effais ,  au  moyen  defquels 
on  auroit  acquis  des  connoiiïànces  pratiques  dont 
on  auroit  fait  l'application  pour  traiter  plus  avan- 
tageufement  les  mines p?r  le  moyen  du  mercure; 
car  on  fait  dans  toutes  les  exploitations  quel-* 
conques  des  pertes  confidérables ,  faute  de  favoir 


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yji  Discour* 

réparer  direAemenc  les  corps  étrangers  mêles  avecj 
le  minerai.  Tels  font  le  vitriol ,  lantimoine  « 
l'alun ,  le  foiifre ,  l'orpiment ,  &c. ,  qui  fe  trou- 
vent d ordinaire  unis  à  la  mine  d'argent,  & 
qu'on  eft  obligé  d'en  féparer  avant  de  l'amal- 
gamer avec  le  mercure.  De  ce  défaut  d'intelli- 
gence &  d'ordre  dans  les  procédés,  réfultent 
toutes  les  pertes.  D'abord,  on  ne  lire  pas  du 
minerai  tout  l'argent ,  vu  la  matière  étrangère 
qui  y  eft  incerpofée  ou  mêlée ,  &  comme  en- 
chaînée j  ce  qui  empêche  l'amalguame  exade , 
&  l'extraûion  totale  des  particules  qui  fe  join- 
droient  au  mercure.  Secondement ,  il  ne  fe  fais 
même  pas  de  véritable  amalgame  j  ainH  les  ma- 
tières qui  dévoient  la  faire  s'échappent;  le  mer- 
cure divifé  en  particules .  extrêmement  fines  & 
fugaces  ,  s'écoule  avec  l'eau  j  Targent ,  qui  ne  le 
tencontre  pas  pour  s'y  joindre  ,  difparoît  en 
même  tems. 

Si  donc  l'on  parvenoit  à  purger  le  minerai 
d'argent  des  matières  étrangères  qui  y  préjudi- 
cient ,  &  à  opérer  une  véritable  amalgame  fans 
les  opérations  réitérées  qu'on  pratique,  on  évi- 
teroit  cette  grande  confommation  de  mercure, 
&  l'argent  reviendroit  à  beaucoup  moins  ,  â 
proportion  qu*on  gagneroit  par  cette  épargne  j 
les  mineurs  n'elTuieroient  plus  ces  frais ,  &  nom- 
bre de  mines  qu'oi.   Handonne  >  faute  de  favoi^ 


QUATORZIEME.  55  f 

en  tirer  quelqu'avantage  ,   deviendroienc  d'une 
utilité   réelle  ,   parce  qu'on  fauroit  en  tirer  la 
qualité  néceAaire ,  non-feulement  pour  l'indem- 
nite  des  frais ,  mais  encore  pour  bénéficier  :  c'eft 
ce  qu'on  ignore  :  car,  fuppofé  que  la  confom- 
mation   du  mercure   foit  de  douze  onces  par 
marc,  ce  font  déjr.     x       ux  de  dépenfes  pour 
cet  objet,  eu  égard  au  prix  qu'il  coiue  à  i'  tolî. 
Mais  on  auroit  encore  l'avanjage  de  ne  pas 
tant  dépendre  du  mercure  pour  obtenir  l'argent; 
car  toutes  les  fois  qu'il  manque,  on  eft  obligé 
<le  cefler  les  travaux ,  &  d'abandonner  les  mines. 
£n  diminuant  donc  la  confommation  du  mer- 
cure ,  une  quantité  modérée  fuffiroit  pour  plu- 
sieurs années ,  &  rarement  on  feroit  dans  le  casi 
ds  ne  pas  en  avoir  affez. 

11  eft  poflible  que  le  produit  des  mines  d'Al- 
maden  décroifle  :  on  n'a  que  trop  d'exemples  de 
ces  inconvéniens  dans  les  mines  ^  or ,  ce  rifque 
devient  commun  aux  mines  d'argent.  Les  guerres 
inattendues  qui  peuvent  furvenir ,  expofent  en- 
core à  d'autres  rifques  ;  mais  on  obvie  à  tout 
avec  les  précautions  dont  je  viens  de  parler. 

Les  mineurs  s'appliquent  le  plus  qu'ils  peu- 
vent à  connoître  les  minerais,  &  les  meilleurs 
moyens  de  les  traiter  :  mais  lorfque  ces  mines 
tombent  entre  les  mains  de  gens  qui  n'ont  au- 
cune connoilTance  préliminaire  de  la  nature  des 


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'354  Discours 

mines  &  des  minerais;  qui  ne  fe  chargent  de 
ces  entreprifes  qu'au  ût  auc  d'autres  occupations  ; 
qui  s'imaginent  enfin  que  pour  exploiter  des 
mines  il  ne  s'agit  que  de  retourner  la  terre,  lit 
fouiller,  faire  des  percemens  de  coté  &  d'autre» 
jamais  ces  mines  ne  deviendront  avantageufes , 
ou  ce  n'eft  qu'après  de  grandes  pertes  pour  les 
entrepreneurs  j  vu  les  procédés  imparfaits  dont 
ils  ufent  au  hafard  Se  fans  principes.  Ceux  qui 
s'occupent  particulièrement  de  traiter  le  minerai 
ne  font  non  plus  que  des  gens  de  peu  de  talcns 
uniquement  guidés  par  ce  qu'ils  voient  faire  à. 
d'autres  plus  verfés  qu'eux  dans  ces  travaux 
mais  fans  être  capables  d'en  f^i'-e  davantage,  ni 
de  raifonner  par  eux-mêmes ,  ^  encore  moins 
de  changer  de  procédés  dans  leur  opération.  S'ils 
connoiffent  le  minerai  tenant  argent,  ils  igno- 
rent les  moyens  de  féparer  exaûement  &  parfai- 
tement le  métal  des  matières  auxquelles  il  eft 
uni  :  or,  c'eft-U,  comme  je  l'ai  dit,  le  point  le 
plus  important.  Un  Auteur  refpedable  de  ce 
royaume,  ôc  habile  mineur,  n'ignoroit  pas  ces 
inconvénieiK  :  il  prétendoit  même  avant  moi 
qu'on  pouvoir  traiter  les  mines  d'argent  fans 
confommer ,  ni  perdre  aucun  atome  de  mercure. 
Si  l'on  trouvoit  le  moyen  de  procéder  ainfî , 
l'objet  du  mercure  deviendroit  auflî  confîdérable 
pour  la  Monarchie ,  qu«  l'argent  qu'elle  tire  des 


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quatorzième;  5JJ 

mines  qu  elle  podede  y  &  elle  s'alTureroit  ces 
richelfes  pour  l'avenir,  en  fe  les  procurant  flins 
aucune  perce.  Pour  rendre  ceci  plus  fenfible ,  je 
dois  dire  que  certaines  mines  rendent  confidé- 
rablemenc  dans  les  effais  en  petit ,  tandis  que 
le  minerai  traité  en  grand  ne  rend  pas  l'équi- 
valent des  frais ,  &  que  d'autres  mines  ne  ren-« 
dent  que  très-peu ,  en  comparaifon  des  graiides 
dépenfes  vju'elles  exigent. 


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DISCOURS    QUINZIEME. 

Des  matières  nécejfaires  pour  traiter  la  mine 
d'argent  : /avoir  du  mercure  &  du  fel  ;  &  des 
mines  de  ces  deux  matières, 

XjE  traitement  des  minerais  cl*argent  demande 
deux  matières  efTentielles ,  qui  font  le  mercure 
&  le  fel.  Sans  ces  matières  il  n'y  auroit  point 
d'amalgame.  Le  mercure  les  réunit,  &c'eftde-là 
que  réfulte  ce  que  nous  appelions  incorporation. 
Le  fel  les  difpofe  à  recevoir  i'impreilion  du  mer-* 
cure,  en  les  purifiant  de  nombre  de  particules 
étrangères  qu'ils  tiennent.  Outre  le  fel ,  on  em- 
ploie encore  d'autres  matières  pour  le  même 
effet ,  félon  que  l'exigent  les  différentes  fubf- 
tances  qui  s'y  trouvent  mêîées.  Ce  travail  n'eft 
pas  néceffaire  pour  les  minerais  qui  fe  traitent 
par  le  feuj  mais  il  y  a  peu  de  mines  qui  fe 
prêtent  à  cette  opération. 

Le  royaume  du  Pérou  a  fur  celui  de  la  Nou- 
velle-Efpagne  l'avantage  de  poiTéder  une  mine 
abondante  de  mercure.  A  vèt  égard,  il  n'a  jamais 

dépendu 


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Discours  quinzième;  337 
(dépendu  de  i'Efpagne  pour  fes  provinons  nccef- 
iàires  :  en  quelques  occurrences  il  a  même  fourni 
laucre  royaume  de  certaine  quantité  de  ce  demi- 
métal  :  ce  fecours  y  étoit  de  (i  grande  impor- 
tance ,  que  }  fans  cela ,  l'exploitation  des  mines 
y  auroit  confidérablement  fouffert. 

La  mine  de  mercure  fe  trouve  dans  le  diftridb 
de  Guancavelica ,  nom  formé  de  Huanca  vilca  ^ 
mots  particuliers  à  la  langue  des  Indiens ,  &  qui 
ibnt  les  noms  de  quelques-unes  de  leurs  nations. 
Le  mont  où  fe  trouve  la  mine  n'eft  qu'à  une  lieue 
&  demi  du  fiourg  du  même  nom  ,  qui  fe  trouve 
au  pied  :  ceux  qui  l'ont  vu  &  examiné  ,  alTurenc 
qu'il  a  beaucoup  de  relTemblance  ivec  celui  de 
Potofi. 

Mais  la  difpoHtion  intérieure  eil  différente  : 
celui  de  PotoH  a  certain  nombre  de  bouches  qui 
font  les  entrées  d'autant  de  mines  appartenantes 
a  des  propriétaires  difFérens  \  car  les  veines  mé- 
talliques y  font  répandues  par- tout ,  comme  par 
ramiâcations.  Celui  de  Guancavelica,  au  con- 
traire, n'a  que  quatre  bouches  du  coté  le  plus 
haut ,  où  s'élève  la  cime  du  mont ,  &  trois  ga- 
leries pour  donner  de  l'air,  &  favorifcr  l'écou- 
lement des  eaux  :  non  qu'il  y  ait  des  fources , 
mais  il  y  entre  des  eaux  en  affez  grande  quantité 
par  les  écoulemens  externes. 

Cette  mine  a  peu  d'étendue  en  longueur  j  elle 
Tome  /,  Y 


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confifte  en  un  puits  profond  fans  bure  d'airage  ; 
il  n'a  d'ucres  ouvertures  latérales  que  les  bouches 
d'entrée  dont  j'ai  parlé  :  il  peut  avoir  180  varas 
de  tour ,  fur  60  de  diamètre  ^  la  profondeur  eft 
de  5 1 5  varas.  C'eft  dans  cet  efpace  qu'étoient  les 
minerais  d'où  Ton  a  tiré  le  mercure  qm  fit ,  dès 
l'abord  »  la  proviitoA  de  ce  royaume  :  on  n'en 
trouve  pas  hors  de  ce  puits.  Il  étoit  autrefois 
très -abondant;  mais,  comme  il  a  peu  de  di- 
menfion ,  il  eft  devenu  une  efpèce  d'échafaudage 
intérieurement ,  vu  le  nombre  des  ais  »  des 
bandes ,  &  des  arc-boutans  nécefTaires  pour  main- 
tenir la  fpulle  des  terres,  prévenir  ainfi  la  ruine 
de  la  mine  ;  6c  qui  ont  pu  échapper  â  l'aftuce 
des  mineurs.  Mais  toutes  ces  parties  boutantes 
diminuent  de  jour  en  jour,  parce  que  c'eft  de  U 
qu'on  tire  principalement  le  mercure  pour  l'ufage 
ordinaire.  Ce  puits  appartient  à  la  Couronne.  Ce 
qui  contribue  beaucoup  au  détriment  de  la  mine, 
c'eft  qu'elle  a  été  cédée  i  des  gens  qui  l'exploi' 
tentpar  compagnie,  la  plupart  deftitués  de  fonds; 
6c  à  des  étrangers  qui  fe  retirent  là  pour  rentet 
fortune ,  mais  fans  connoître  le  moindre  prin- 
cipe nécefTaire  à  l'exécution  de  ces  fortes  de 
travaux.  Le  Roi  leur  paie  tant ,  pour  chaque 
quintal  de  mercure  qu'ils  livrent,  &  leur  avance 
les  frais  nécefTaires  pour  commencer  les  travaux. 
La  capacité  de  ce  .puits,  autrefois  rempli ,  en 


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QUINZIEME.  539 

grande  partie ,  de  mercure,  ccoic  alors  un  riche 
tréfor ,  ôc  la  mine  n'en  foufFroic  aucune  alté- 
ration :  mais  il  n'en  ell  pas  ainH  aduellement  ; 
le  minerai  n'a  plus  cette  même  richelTe.  Le 
Bourg ,  qui  eft  alTez  grand ,  fe  foutient  par  les 
avantages  qu'y  procurent  le  mercure  ôc  le  trcfoc 
royal. 

Les  travaux  s'y  exécutent,  comme  dans  les 
mines  d'argent ,  par  des  Indiens  m'uayos  j  ou 
obligés  à  leur  tour,  ôc  par  des  gens  libres  ôc  de 
bonne  volonté,  dont  le  nombre  eft  encore  plus 
grand  dans  les  deux  claiïes.  Le  minerai  eft  au- 
jourd'hui très  -  pauvre ,  ôc  ne  rend  par  caxon 
que  depuis  une  livre  environ ,  jurqu'â  a  ^  ou  ) 
livres  ,  en  réglant  le  caxon  à  (ix  arrobes ,  ce 
qui  fait  une  mefure  différente  de  celle  des 
caxons  employés  dans  les  mines  d'argent.  Les 
foibles  rcdes  qu'on  apperçoit  dans  ce  qui  fub' 
(ifte  des  parties  boutantes ,  rendent  jufqu'à  huit 
ou  dix  livres  :  mais  lorfque  la  mine  écoit  dans 
toute  fa  richefle  ,  on  en  tiroit  jufqu'è  vingt , 
trente  livres  par  caxon.  On  appelloit  cela  métal 
d'Apunchao  ,  c'eft-à'dire,  félon  l'Ijidien^  mi" 
nérai  riche» 

On  remarque  encore  ici  la  même  circonftance 
dont  nous  avons  fait  mention  ,  concernant  la 
Ikproduâion  du  métal.  On  voit  eni  effet,  à  1% 
fupecficie  des  endroits  abandonnés  depuis  èo  ou 

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540  Discours 

80  ans,  que  l'on  veut  exploiter  de  nouveau, une 
croûte  ou  couche  plus  ou  moins  épailTe,  dont  la 
partie  métallique  eft  très -riche  :  lorfqu'on  a  en- 
levé cette  croûte ,  il  ne  refte  qu'une  pierre  d'iin« 
nature  métallique ,  mais  qui  ne  contient  pas  de 
mercure,  ou  le  peu  qu'il  y  en  a  ne  mérite  aucune 
attention.  Ceci  donne  lieu  de  croire  que  la  qua- 
lité qui  ie  retrouve  eft  poftérieure  à  l'époque  a 
laquelle  on  avoit  abandonné  la  mine  ;  car  ii  on 
a  quitté  cette  mine ,  ce  n'a  été  fans  doute  qu'à 
caufe  du  peu  de  qualité  qu'elle  avoit  alors.  En 
efFet  l'avidité  du  gain  a  toujours  prédominé,  Se 
l'on  n'a  jamais  renoncé  aux  travaux  tant  qu'ils 
n'ont  pas  été  infrudueux  ":  d'ailleurs ,  on  n'aban- 
donne jamais  une  fouille  quand  la  veine  de 
minerai  n'auroit  que  l'épaiffeur  d'urie  vara  ,  ou 
environ  ;  &  l'on  a  fait  des  fouilles  très-profondes 
pour  en  tirer  des  minerais,  qui,  fans  contredit, 
ti'avoient  pas  la  qualité  de  ceux  qu'on  y  ren- 
contre aâuellement.  Si  ce  phénomène  n'avoir 
lieu  qu'en  une  partie  de  terrein ,  on  pourroit 
regarder  cela  comme  un  effet  de  pur  hafard  : 
mais  on  l'apperçoit  dans  tous  les  lieux  où  Ton 
travailla  autrefois ,  ôc  même  à  des  époques  dont 
on  fe  fouvient  a  peine.  On  a  donc  droit  de  pré- 
fumer que  la  qualité  eft  poftérieure  à  ces  tems-là, 
&'  de  nouvelle  produdion  ^  ce  qui  femble  aufH 
prouvé  par  le  peu  d'épaiffeur  des  croûtes. 


Q  V   I  N   Z   I   s   M  s.'  341' 

La  gangue  où  le  mercuie  fe  fixe»  efl:  une  pierre 
qui  a  un  œil  6c  un  grain  particulier.  Lorfque 
cette  gangue  ne  tient  point  de  mercure  y  elle 
apprend  au  moins   qu'en  fouillant  plus  avant, 
ou  en  levant  quelques  croûtes ,  on  rencontrera 
le  cinabre  naturel ,  qui  eft  cette  même  gangue 
dans  laquelle  le  mercure  &   le  foufre  fe  font 
réunis  &  incorporés.  C'eft  ce  que  nous  appelions 
minerai  de  mercure  >  pour  la  diftinguer.  de  toute 
autre  gangue  qui  n'en  contient  pas,&  que  nous  ap- 
pelions de/monte  j  ou  gangue  Jlérile  j  femblable  au 
fchite.  D'après  ceci ,  on  peut  conclure  que  quand 
le  métal  utile  eût  été  tiré  du  minerai  mentionné 
Cî-devant,  celui-ci  fut  jette  &  abandonné  avec 
les  déblais   qu'on  jetta  là  des  endroits  voiHns. 
Les  particules  métalliques  primitives  qui  confti« 
tuent  le  mercure  s'élevant  comme  en  vapeur  du 
fond   des  fouilles  ,   pénètrent  les   pores  de   la 
gangue  abandonnée,  qui  eft  naturellement  dif- 
pofée  à  les  recevoir ,  &  s'arrêtent  ainfî  à  la  fu- 
perficie ,  n'ayant  plus  d'autre  matière  où  elles 
puilfent  continuer  leur  circulation.  En  s'uniiTant 
avec  la  pierre ,    elles  en  changent  la  couleur 
fombre,  &  lui  en  donnent  une  rouge  plus  ou 
moins  vive  ,  proportionnément  aux  molécules 
mercurielles  &  fulfureufes  qui   s'y  réuniffent; 
de  forte  que  la  gangue  ftérile  fe  furcharge  de  ces 
principes  ,  &  le  cinabre  s'y  forme.  Il  réfulte  de 

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54*  D  I  s  c  o  V  R  s 

ces  obfervations ,  que  plus  il  s'eft  écoulé  de  tenis 
depuis  que  ces  déblais  ont  été  abandonnés ,  plus 
la  croûte  que  Ton  rencontre  tient  de  mercure. 
Les  molécules  mercurielles  font  quelquefois  fî 
abondantes  à  Tune  ou  à  l'autre  partie  de  la  gan- 
gue métallique,  qu'elles  n*ont  pu  y  refter  fixes 
&  s*y  incorporer  :  c*eft  pourquoi  on  les  trouve 
fous  leur  propre  forme  ^  de  forte  qu'en  frappant 
cette  gangue  contre  un  corps  dur  ,  le  mercure 
en  tombe  en  petits  globules ,  comme  de  la  pigna 
d*argent  lorfqu  elle  ed  en  pâte  ,  &  qu'on  la 
prefTe,  fans  même  y  faire  autre  chofe.  Les  pierres 
€|ui  contiennent  du  mercure  fous  fa  propre  forme , 
ont  une  couleur  de  plomb  brillant ,  qui  tire  fur 
le  rouge ,  &  l'on  y  apperçoit  des  filamens  fem- 
blables  aux  cryftallifations  fines  qu'on  rencontre 
ordinairement  dans  les  mines. 

On  trouve  parmi  les  déblais  qui  ont  été  fournis 
à  l'aâîon  du  feu  lors  des  anciennes  exploitations , 
plufîeurs  pierres  qui  contiennent  du  mercure. 
Cette  circonftance  a  fût  préfumer  que  la  pierre 
où  il  fe  trouve  eft  naturellement  la  matière  ou 
le  mercure  fe  fixe,  comme  on  l'a  dit  à  l'é- 
gard des  mines  d'argent.  On  compare ,  donc 
cette  pierre  avec  l'éponge  qui  reçoit  l'eau  dans 
fes  pores  :  l'air,  dit -on,  y  dépofant  les  molé- 
cules fulfureufes  &  celles  qui  conftituent  le 
uiercure,  ces  deux  fubftances  y  contradent  cette 


Q    V  I   K   Z   I   E   M  E.*  54) 

forte  d'union  qu'ils  ont  dans  le  minéral.  Que 
cette  opinion  foit  ^ lal, ,  ou  que  cela  vienne  de 
ce  que  la  pierre  n'avoit  pas  été  totalement 
épuifée  lorfqu'on  en  fit  le  traitement ,'  il  n'eft 
pas  moins  vrai  que  pludeurs  mineurs  ne  s'oc- 
cupent qu'à  recueillir  Se  à  traiter  ces  déblais , 
Içrfque  les  fouilles  ne  répondent  pas  à  leur  ef- 
poir,  &  qu'ils  tirent  du  mercure  de  ces  ma- 
tières abandonnées. 

Si  Ton  ouvre  les  folfes  profondes  des  mines 
^qui  s'étoient  bouchées  depuis  long-tems  avec  les 
déblais,  il  en  fort  un  air  mortel  qui  tue  fur. le 
champ  ceux  qui  le  refpirent.  Cette  vapeur  préfente 
pluHeurs  particularités  remarquables  :  on  l'appelle 
umpe.  On  ne  peut  reconnoître  dans  fa  péfanteur  & 
fon  élafti^té,  d'où  lui  vient  cette  funefte  propriété. 
£n  introdqifant  avec  art  un  baromètre  dans  une 
des  foffes  où  il  y  avoit  de  cet  air ,  on  n*y  apper-* 
çut  aucune  variation  fenfîble;  le  metcure  refta 
où  il  étoit ,  auparavant ,  dans  une  fôfle  qui  ne 
contenoit  pas  la  même  vapeur,  &  à  la  même 
profondeur.  Cette  vapeur  méphitique  agit  fi 
promptement,  qu'en  y  préfentant  trois  chan« 
délies ,  qui ,  jointes  enfemble  Se  allumées ,  don- 
noient  une  grande  lumière  ,  elles  s'éteignirent 
audi-tôt  qu'elles  furent  approchées  de  la  vapeur  > 
fans  même  qu'on  apperçut  à  la  mèche  qu'elles 
euffent  été  allumées  :  on  n'apperçut  pas  plus  d« 

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f544  .1^  I  s  c  o  u  n  $ 

variation  au  thermomètre  ni  aux  autres  Qualités 
de  l'air,  comme  la  féchereiTe  ,  Thumidité  ,  & 
autres ,  dont  lodorat  peut  être  afTeâé.  Malgré 
cela,  loifque  les  travailleurs  ouvrent  par  hafard 
une  ancienne  fouille  obftruée ,  ils  tombent  morts, 
Se  la  plus  grande  diligence  ne  peut  les  fauver.    . 

Il  ne  faut  même  pas  faire  une  grande  ouver- 
ture pour  être  expofé  à  cet  accident^  il  fuffit  de 
donner  jour  à  la  vapeur  avec  un  coup  de  pic 
ou  de  pince  en  travaillant.  Les  ouvriers  ont  foin 
de  ne  pas  refpirer  en  frappant  ou  piquant ,  lorf-^ 
qu'ils  préfument  être  près  de  faire  quelque 
ouverture.  S'ils  en  ont  fait  une ,  ils  y  introduifent 
une  lumière  avec  une  perche ,  aufli  ayant  qu'ils 
peuvent  j  fi  elle  ne  s'éteint  pas ,  c  eft  une  marque 
qu*il  n'y  a  pas  de  méphitifme  :  mais  s'il  y  en 
a,  elle  s'éteint,  &  la  vapeur  fe  répand  auiïi-tot 
dans  tout  l'efpace  où  cela  arrive. 

Il  eft  fort  difficile  de  rendre  ralfon  de  cette 
qualité  de  l'air,  laquelle  ne  paroît  pas  dépendre 
de  fa  pefanteiir  ni  de  fon  étafticité  ^  mais  on  fait 
que  cette  vapeur  fe  reproduit ,  &  a  un  mouve- 
ment par  lequel  elle  pafle  d'un  lieu  à  un  autre 
dans  ce  même  air  ;  ce  qui  eft  prouvé  ,  en  ce 
qu'elle  fe  manifefte  inopinément  où  on  ne  l'avoit 
pas  reconnue  auparavant.  On  voit,  au  moment 
où  Ion  y  penfe  le  moins ,  que  les  lumières  s'é- 
teignent y  mais  alfez  fîngulièrement.  La  âamme 


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QUINZIEME.  54{ 

fe  répare  d'abord  de  la  mèche  avec  beaucoup 
de  vîcefTe ,  & ,  après  s'être  élevée ,  retombe  fur 
cette  mèche,  ce  qui  arrive  pludeurs  fois  de  fuite; 
enfin  elle  en  difparoît  entièrement.  La  diftance 
à  laquelle  la  flamme  s'élève  eft  d'environ  un 
huitième  de  varaj  fans  lailïer  aucune  marque  de 
combuftion  à  la  mèche  ^  mais  lorfqu'elle  s'élève 
plus  haut,  c'efl:  une  marque  qu'il  y  a  beaucoup 
de  méphitifme  dans  le  local ,  &  elle  s'éteint  au 
fécond  ou  troisième  faut.  Dès  que  la  vapeur  eft 
répandue  à  ce  point,  il  eft  impoflible  de  refler, 
fans  rifque ,  dans  cet  efpace  ;  mais  fi  elle  s'y  ré- 
pand  fubitement,  on  y  tombe  mort  fur  le  champ. 

On  apperçoit  la  propriété  que  cette  vapeur  a 
de  fe  mouvoir,  en  ce  que  tantôt  elle  fe  tient 
dans  les  cavités  où  on  la  découvre,  tantôt  elle 
fe  jette  dans  la  galerie  par  où  l'on  eft  entré,  & 
s'y  répand  tous  les  jours  de  plus  en  plus.  On 
obferve  encore  que  fi  l'on  tient  à  la  main  une 
lumière  dans  un  efpace  où  n'eft  pas  cette  vapeur, 
ôc  qu'on  porte  le  bras  dans  l'efpace  où  elle  eft 
répandue ,  la  lumière  s'éteint  autant  de  fois  qu'on 
l'y  porte ,  après  l'avoir  rallumée  avec  une  chan- 
delle que  l'on  tient  de  l'autre ,  mais  dans  un  ef- 
pace qui  n'eft  pas  méphitifé.  ' 

Ceux  qui  fe  font  trouvés ,  fans  y  penfer ,  dans 
un  efpace  où  s'étoit  répandue  cette  vapeur  à  un 
degré  fupportable ,  ont  éprouvé  une  formication 


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f onfidérable  par  tout  le  corps ,  fur-tout  aux  extré* 
xnicés,  à  la  face>  à  la  tète^  de  la  furdité,  des 
tintemens  d*oreilles,  une  boufiffure  aux  yeux ,  qui 
fembloient  leur  fortir  des  orbites.  Or ,  ce  font-U. 
les  mêmes  effets  qu'éprouvent  les  animaux  dans 
la  machine  pneumatique. 

Comme  on  a  voulu  s'affurer  (î  les  effets  de 
cette  vapeur  avoient  pour  caufe  une  femblable 
rarcfaâion  de  l'air,  voici  les  expériences  qut 
ont  été  faites  dans  deux  endroits  différens,  oh 
elle  étoit  répandue  au  point  d'éteindre  les  lu^ 
mières.  On  mit  donc  un  linge  devant  la  bouche 
Se  les  narines  d'un  homme  qui  fe  décida  à  y 
defcendre ,  &  il  alla  y  pofer  le  baromètre  en  re^ 
tenanc  fon  haleine  :  auflî-tôt  il  remonta.  L'inflru- 
ment  étoit  a  quatre  varas  en  avant  dans  la  vapeur. 
Cet  homme  alloit  voir  fî  l'inftrument  varioit  ;  ce 
qu'il  pouvoit  faire  à  la  faveur  d'une  lumière  qui 
étoit  éloignée  latéralement  de  deux  varas  de  la 
vapeur.  II  obferva  que  Je  mercure  reftoit  fixe  i 
17  pouces,  une  ligne  &  demie.  L'inftrument  re- 
tiré de-lâ ,  Ôc  placé  à  l'air  au  même  niveau ,  fît 
voir  le  mercure  fixe  à  17  pouces  &  demi,  ce  qui 
ne  diffère  que  d'une  demi-ligns.  Or ,  cette  dif* 
férence  ne  peut  être  affurément  la  caufe  de  la 
propriété  meurtrière  de  cette  vapeur. 

On  fît  la  féconde  expérience  dans  un  endroic 
où  la  vapeur  éteignoit  pareillement  toute  liH 


QUINZIEME.  '^J^f 

tnlère ,  dans  la  cavité  la  plus  profonde  de  la 
mine  appellée  le  Trou- noir.  (  Hoyo  negro  )  Le 
mercure  y  refta  Hxe  à  1 7  pouces ,  deux  lignes  un 
quart  :  on  y  introduifit  en  même-tems  un  ther- 
momètre, &  il  ne  varia  pas  du  point  où  il  ctoit 
fixe  au- dehors.  On  voit  donc  que  la  qualité  nui- 
(îble  de  cet  air  ne  vient  pas  d'une  grande  raré- 
faction ,  ni  de  moins  de  pefanteur  que  celles  de 
lair  atmofphérique  de  cette  hauteur  :  il  n'y  avoit 
xlans  ces  lieux-ci  qu'une  entrée,  fans  aucune  autre 
communication. 

La  manière  dont  on  peut  faire  ufage  pour 
difliiper  ce  gaz ,  efl:  de  pratiquer  une  autre  ou- 
verture dans  l'endroit  où  il  réHde,  de  manière 
que  l'air  puilTe  être  mis  en  mouvement ,  car  on 
a  lieu  de  croire  que  cette  propriété  nuiHble  ne 
vient  que  du  trop  long  repos  dans  lequel  il  eft 
refté.  Il  n'eft  pas  facile  de  déterminer  H  ce  défaut 
de  mouvement  eft  ce  qui  lai  ote  fon  élafticité 
totale  ou  partielle  j  mais  cela  nous  apprend  au 
moins  que  l'air  contraâe  dans  cet  état  de  repos 
abfolu,  une  qualité  nuifîble  a  la  vie^  &:  lu  promp- 
titude avec  laquelle  on  la  perd  dans  cet  air  en 
cft  la  preuve. 

Cette  propriété  fingulière  de  l'air  n'eft  pas  in- 
connue en  plufieurs  endroits  de  l'Europe  j  on  l'a 
reconnue  dans  des  puits  peu  profonds ,  dans  la 
Grotte  du  chien  ,  en  Italie.  Mais  la  clôture  ab« 


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54^  Discours 

fol  lie  des  foifes  n'eft  pas  ce  qui  peut  feul  donnéf 
cccce  qualité  a  l'air,  car  il  eft  rare  de  trouver  des 
puits  où  l'air  ait  cette  propriété  dangereufe  :  ce 
qu'on  peut  dire  audi  à  l'égard  des  mines.  Les 
endroits  où  ce  phénomène  fe  fait  fur-tout  remar- 
quer, font  ceux  d'où  l'on  tire  quelques  riches  mi- 
nerais ,  ou  bien  d'où  l'on  en  a  tiré.  Il  eft  donc 
probable  que  les  molécules  des  métaux  qui  y  font 
contenus  ,  donnent  cette  funefte  qualité  à  l'air 
dans  lequel  elles  s'exhalent.  Il  ne  feroit  pas  im- 
poHible  que  la  matière  ignée  ,  ou  la  matière 
cleârique ,  dont  les  molécules  fe  répandent  dans 
Tair ,  foient  abforbés  dans  les  minerais ,  &  que 
la  lumière  ne  puifTe,  pour  cette  raifon,  fe  main- 
tenir dans  l'air  de  ces  mines  ,  où  elle  eft  privée 
des  particules  nécefTaires  pour  l'entretenir  6c  l'a- 
nimer :  pour  lors ,  les  effets  dont  je  parle  auroient 
lieu  fans  dépendre  d'aucun  changement,  ni  dans 
la  pefanreur ,  ni  dans  l'élafticité  de  l'air. 

On  n'a  pas  remarqué  que  les  travailleuçs 
fe  trouvaifent  attaqués  du  mercure  dans  cette 
mine,  comme  on  le  croit  communément.  Cet 
accident  étoit  plus  ordinaire  autrefois  ^  on  l'attri- 
buoit  à  deux  caufes  :  premièrement  à  la  plus 
grande  richefTe  de  la  mine;  fecondement  a  la 
méthode  de  tirer  le  minerai  de  la  fouille  avec  le 
pic  ;  la  pouilîère  ne  pouvoir  manquer  de  s'in- 
troduire dans  le  fang  par  la  refpirationj  &  rea- 


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doti  ces  gens  malades.  Ceux  que  le  mercure  at- 
taque aujourd'hui  font  en  petit  nombre ,  &  ce 
n'eft  qu*aux  fourneaux ,  dans  le  tems  qu'ils  les 
chargent;  car  ils  y  entrent  lorfque  tout  eft  extrê- 
mement chaud  :  mais  le  minerai  n'ayant  plus 
cette  richeffe  ancienne,  il  e(l  rar^  que  les  tra- 
vailleurs éprou>rent  ces  accidens. 

Quand  l'un  ou  l'autre  en  eft  pris ,  il  a  recours 
si  un  remède  fort  facile  a  faire,  Se  il  eft  bientôt 
quitte  du  tremblement  de  tous  fes  membres.  Il 
pafTe,  tout  épuifé  &  extrêmement  maigre,  dans 
Tune  ou  l'autre  des  Quebradas  d'une  tempéra- 
cure  chaude  j  là ,  il  s'occupe  à  cultiver  la  terre 
proportionnément  à  fes  forces;  il  fue  beaucoup, 
&  par  le  moyen  de  cette  fueur  ,  il  poufle  au- 
dehors  le  mercure  dont  il  eft  imprégné,  8c  fe 
rétablit  :  bientôt  il  revient  aux  travaux  en  pleine 
fanté,  fans  même  y  être  contraint. 

On  a  cru  pendant  certain  tems  que  les  mines 
de  mercure  étoient  audi  communes  au  Pérou  que 
les  mines  d'argent.  11  parut  en  conféquence  une 
Ordonnance ,  qui  défendoit  à  qui  que  ce  fût  d'ou- 
vrir aucune  fouille  dani  les  endroits  où  les  appa- 
rences faifoient  préfumer  qu'il  y  avoir  du  mer- 
cure ;  le  but  étoit  de  maintenir  les  droits  du  Roi  : 
mais  au  moment  où  l'on  avoir  le  plus  befoin  de 
ces  nouvelles  exploitations ,  par  le  décroilTemenc 
de  la  mine  de  Guancavelica,  on  reconnue  l'erreur. 


41 

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$$e  Discours. 

ôc  le  peu  d'intelligence  avec  laquelle  on  avoit  jugé 
de  ces  prétendues  mines.  Quelques  peines  que 
Ton  ait  prifes ,  en  cédant  à  l'impulHon  de  la  cu- 
pidité &  à  lappât  de  la  matière ,  on  a  été  trompé 
par-touc ,  &  enfin  convaincu  que  ce  qu'on  avoic 
pris  autrefois  pour  des  mines  de  mercure,  étoic 
des  mines  de  fer  &  d'autres  matières  analogues , 
dont  la  couleur  étoit  rougeâtre  :  ce  qui  fut  prouvé 
par  les  efTais  les  plus  exadfcs  que  l'on  en  fit. 

Les  mines  qu'on  vint  déclarer  avoir  été  trou- 
vées en  différentes  provinces ,  celles  du  royaume 
de  Chili,  n'ont  pas  plus  donné  de  marques  de 
la  préfence  du  mercure  que  les  autres. 

La  providence  fe  fait  fans  doute  reconnoître 
vifiblemenc  à  cette  rareté  des  mines  de  mercure. 
Cette  matière ,  moins  utile  (|tie  les  autres  fubf- 
tances  métalliques  par  fa  fiuidité  &  fon  inftabi- 
iité ,  ne  fe  trouve  qu'en  peu  d'endroits ,  en  corn- 
paraifon  des  mines  d'or  &  d'argent  qui  font  ré- 
parties dans  les  différentes  parties  du  globe.  L'A- 
mérique a  été  la  plus  favorifée  à  cet  égard , 
tandis  qu'au  contraire  la  mine  de  mercure  s'y 
réduit  a  une  feule  ;  elle  fîiit  la  troisième  de  celles 
qu'on  connoît  fur  le  Globe  j  les  deux  autres  font 
celle  d'Almaden ,  en  Efpagne,  &  celle  de-Triefte 
dans  le  Frioul  j  s'il  s'en  trouve  d'autres,  elles  font 
prefque  inconnues ,  &  de  peu  de  confidération. 
Il  n'y  en  a  pas  dans  l'Amérique  feptentrionale , 


»^ 


quinziimC  )5r 

cù  les  mines  d'argent  ne  font  pas  moins  riches 
que  celles  du  Pérou,  comme  le  prouve  la  quantité 
qu'on  en  tire  tous  les  ans. 

Le  mercure  s'emploie  pareillement  pour  le 
traitement  des  mines  d'or,  quand  ce  métal  eft 
en  Cl  petites  parties  qu'on  ne  peut  l'avoir  par  la 
fonte,  ou  par  le  lavage.  Depuis  quelque  tcms  on 
s*en  fert  X  Portobelo ,  où  l'on  a  découvert  des 
mines  d'or,  dans  les  montagnes  voifmes.  Selon 
l'opinion  de  gens  intelligens ,  ces  mines  promet- 
tent de  plus  grands  avantages ,  à  mefure  qu'on 
en  poulie  les  travaux  :  mais,  comme  on  n*y  em- 
ploie pas  de  mercure,  ces  mines  rendent  peu, 
au  grand  détriment  de  ceux  qui  en  font  les 
maîtres. 

Les  mines  font  pourvues  de  fel  dont  elles  ont 
befoin,  ou  par  celui  qu'on  tire  de  la  mer,  ou 
pat  celui  qu'on  tire  des  mines  mêmes  de  cette 
matière,  félon  qu'elles  rendent  plus  ou  moins  , 
&  félon  le  giflement  des  couches.  Le  fel  eft  pour 
ces  ouvrages  d'une  très-grande  épargne  dans  les 
dépenfes;  au  lieu  qu'il  coûte  beaucoup  à  celles 
qui  fe  trouvent  Fort  éloignées.  Il  y  a  dans  ce  pays 
un  avantage  conHdérable  à  l'égard  du  fel  :  c'eft 
qu'il  ne  demande  aucun  travail  ni  aucune  In- 
duftrie;  il  fe  forme  de  hii-mème,  ou  la  Nature 
le  fait  cryftallifer  fpontanément ,  &  l'on  n'a  d'autre 
peine  que  d'aller  le  prendre.  La  mer  voiiîne  da 


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J51  Discours 

diftrid  du  Bourg  de  Chilca  ,  dc'pe.  aant  du 
Corréa'idorac  de  Cagnète  j  baigne ,  1  marée  mon- 
tante, des  vallées  formées  par  des  éminences  peu 
élevées  ,  ôc  laiiTc  dans  les  fonds  plufieurs  lagunes 
dont  l'eau  e(l  continuellement  renouvellée.  La 
qualité  du  fol  donne  lieu  à  la  crydallifation  du 
fcl  qui  y  eft  contenu  j  il  y  eil  même  fi  abondant, 
qu'une  grande  partie  du  pays  s'en  fournit  j  mais 
perfonne  n'a  permiilion  d'en  tirer  que  les  Indiens 
de  ce  Village ,  &  ce  font  eux  qui  s'occupent  de 
le  tranfporter  où  il  en  faut.  On  trouve  encore 
d'autres  falines  naturelles  le  long  de  ces  cotes. 

La  partie  haute  du  Pérou  ,  qui  paroît  être 
comme  un  dépôt  de  minéraux  formé  par  la 
Providence ,  a  aufli  des  mines  de  Tel  où  l'on 
obferve  la  même  difpoHtion ,  la  même  ilruâure 
que  dans  les  mines  des  métaux  ^  on  y  a  pratiqué 
des  entrées  régulières ,  &  l'on  y  trouve  le  fel  en 
blocs  durs.  Se  continus  comme  la  roche.  On  le 
décache  avec  des  pics ,  en  ma(Ies  de  certaine  grof- 
feur ,  proportionnée  à  la  force  des  animaux  qui 
doivent  le  tranfporter  aux  villages  &  aux  fon- 
deries. La  forme  extérieure  de  ce  fel  en  impofe 
au  premier  afpeéb^  car  il  reifemble  à  une  pierre 
de  couleur  violette  fombre,  parfemée  de  rayons 
jafpés.  On  ne  le  vend  pas  au  poids  ni  à  la  me- 
fure,  mais  par  maffes  :  or,  ces  maifes  diffèrent 
peu  entcelles.  On  trouve  de  ces  mines  de  fel 

prefque 


Mi 


e  encore 


quinzième;  55^ 

prefque  par-couc  ces  pays  :  ce  qu'il  y  a  de  plus 
iingulier  à  remarquer,  c'efl:  fon  excrème  dureté , 
fa  couleur,  &  qu'il  foie  dans  ces  monts,  auHi  hauts 
que  ceux  ou  gilTent  l'argent  où  le  mercure  :  ce 
qui  ell  fans  doute  crès-furprenant. 

Il  ne  faut  pas  omettre  ici  que  les  richefTes ,  ôc 
fur-tout  l'or  dont  on  tira  une  Ci  grande  quantité 
de  rifle  de  Saint-Domingue  &  de  Cuba,  dans 
les  tems  voiiins  de  la  conquête,  ne  fe  trouvent 
plus  que  très -rarement  :  on  ne  voit  plus  dans 
Cuba  que  des  vertiges  d'anciennes  mines ,  qu'on 
ne  connoît  aâuellement  que  de  nom. 

Il  y  a  près  de  la  Havane ,  du  côté  de  fiacuranao , 
des  monts  peu  élevés ,  où  l'on  rencontre  un 
endroit  qu'on  appelle  la  mine.  Il  y  en  a  réelle- 
ment une ,  mais  elle  n'eft  pas  en  valeur ,  6c  ne 
paroît  pas  l'avoir  été  depuis  long  -  tems  j  ce  qui 
eft  commun  aux  autres.  Cependant  on  fait  qu'on 
trouve  de  l'or  en  pondre  -Ôc  en  paillettes ,  en  la- 
vant les  fables  du  petit  ruifleau  à'  tfcambray  ^ 
qui  eft  à  trois  lieues  de  Sainte-Claire  j  dans  flT 
Commune  de  Manicaragua,  On  en  dit  autant 
de  quelques  autres  ruiffeaux  de  la  Jurifdidfcion 
de  la  Trinité i  &  de  ceux  qui  font  du  côté  de  la 
Ville  de  Holguin,  Mais  tout  ceci  n'eft  rien  en 
comparaifon  de  ce  qu'on  rapporte  dQS  richefles 
anciennes.  Ce  qu'on  en  trouve  adluellement  à 
Saint  Domingue  n'eft  pas  plus  confidcrable ,  & 
Tome  I,  Z 


jf: 

i 
f 


?54       Discours    quinzième. 
Ton  peut  en  dire  autant  de  tous  les  lieux  d'où 
l'on  tira  tant  d'or,  à  l'époque  de  la  découverte 
de  ces  vaftes  contrées. 

Les  François  préfumant  que  la  Louyfiane  avoit 
le  même  fol  que  celui  de  la  Nouvelle-Efpâgne , 
s'y  tranfportèrent  pour  y  former  des  habitations , 
aux  dépens  de  la  vie  d'un  grand  nombre  de  per- 
fonnes  qui  y  périrent  dès  l'abord  :  mais  l'efpoir 
qu'ils  avoient  d'y  trouver  des  mines  d'or  ik.  d'ai- 
gent  fut  trompé  j  & ,  malgré  les  reines  incroyables 
qu'ils  prirent  ,  ils  .ne  trouvèrent  que  quelques 
mines  de  plomb  &  de  cuivre  du  côté  des  Ilinois, 


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les  lieux  d'où 


la  dé 


ecouverte 


-ouyfiane  avoit  ï 
^elIe-Efpdgne , 
)s  habications, 
)mbre  de  per- 
:  mais  l'efpoir 
is  d'or  &  d'ai- 
les  incroyables 
que  quelques 
)té  des  Ilinois, 


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DISCOURS    SEIZIEME. 


Des   Fojjiles  ^    &    particulièrement    des 
Pétrifications, 


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iEs  hommes  ont  toujours  regardé  comme  une 
de  leurs  principales  occupations ,  la  connoif- 
fance  du  pafFé ,  fondée  fur  les  témoignages  les 
plus  fenfibles  :  plus  las  objets  leur  ont  paru  éloi- 
t^nés  dans  l'antiquité ,  plus  ils  ont  fait  d'efforts 
'<.  de  recherches  pour  arriver  au  but.  Animes 
par  ce  defir ,  ils  n'ont  omis  aucuns  foins ,  &  leur 
confiance  a  le  plus  fouvent  triomphé  à^s  obftacles. 
De  nos  jours,  ne  voyons-nous  pas  des  gens  de 
différentes  nations  parcourir  \qs  deux  hémifphères, 
pour  examiner  d'abord  les  faits  confacrés  dans 
l'hiftoire  des  tem.s  connus,  &  ne  négliger  en- 
fuite  aucune  région  pour  y  faire  de  nouvelles 
découvertes ,  &  augmenter  la  maffe  de  nos  con- 
noiffances.  On  a  mis  à  contribution  tous  les  mo- 
numens  de  tous  les  genres  :  roches ,  cippes ,  co- 
lonnes, ruines ,  médailles ,  entrailles  de  la  terre, 
débris  d'animaux,  de  végétaux  j  couches  de  terre, 

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55<>  Discours 

leurs  efpèces,  leur  varictc  ,  leurs  rapports,  leurs 
diflcrences  dans  legiffement,  la  couleur,  le  mé- 
lange ,  tout  enfin  a  fetvi  à  étendre  la  fphère  de 
la  raifon  humaine  ,  &  à  lui  donner  au  moins 
quelques  apperçus  concernant  la  ftrudure ,  l'an- 
tiquité ôc  les  révolutions  du  Globe. 

Peifonne  n'ignore  que  les  chbfes  font  dans  une 
révolution  continuelle ,  &  qu'elles  ne  montent 
au  plus  haut  point  que  pour  en  defcendre  alter- 
nativement avec  autant  de  célérité ,  &  arriver 
enHn  au  terme  de  leur  ruine.  Ces  révolutions  en 
prouvent  fans  doute  alfez  l'inftabilité.  Les   em- 
pires les  plus  fameux  ont  difparu  ,  comme  une 
fumée  qui  fe  diiîipe  dans  l'air  :  il  ne  refte  plus 
rien  de  ces  villes  immenfcs  Se  faftueufes  de  l'an- 
tiquité :  leurs  marbres ,  leuis  bronzes  mêmes  fe 
font  anéantis ,  leurs  fondemens  femblent  n'avoir 
été  qu'un  jeu  de  l'imagination,  une  pureillufion. 
Les  Nations  qui  les  habiroicnt  font  encore  moins 
connues  actuellement  fur  la  furEice  du  Globe  : 
ce  Globe  ne  préfente  pas  plus  de  ftabilité  dans 
fes  parties  individuelles j  tout  y  travaille,  tout  y 
agit;  une  matière  attaque  l'autre,  la  fibjugue, 
fe  l'approprie ,  l'abforbe  totalement.  Ces  monts 
énormes ,  dont  la  mafle  effraie ,  &  qui  paroilfent 
hors  de  toute  atteintes,  n'éprouvent  pas  moins 
le  pouvoir  des  années ,  des  altérations  infeniib^es, 
ôc  quelquefois  très-fubites  :  leurs  cimes,  ou  s*é- 


\"i 


SEIZIEME.  557 

croulent  par  parties ,  ou  r.'afFaiflent  fur  leur  propre 
bafe.  Les  rivières  changenc  de  cours ,  ou  difpa- 
roilfent,  deviennenc  moins  profondes ,  forteiic  de 
leur  lit ,  couvrent  des  plaines  ,  y  forment  des 
lacs.  La  mer  même  quitte  une  contrée  pour  fe 
jettcr  dans  une  autre  ,  où  elle  engloutit  tout  , 
abforbe  tout.  C'efl:  ce  que  prouvent  lei  plages 
abandonnées ,  le3  golfes ,  les  promontoires  ac- 
tuellement éloignés  de  Ka  merj  les  Ifles,  dont  les 
unes  difparoiiïent  foit  en  tout,  foit  en  partie,  ou 
qui  paroiiïenten  s'élevant  fubitement  du  fein  des 
ondes  j  ces  côtes  immenfes ,  où  les  arbres  pétri- 
fiés, les  oflemens  innombrables  d'hommes  & 
d'animaux  ,  attellent  les  anciennes  révolutions. 
Tel  eft  donc  le  cours  ordinaiie  des  chofes ,  le 
pouvoir  du  tems ,  &  l'effet  des  vicilîitudes  con- 
tinuelles de  la  terre. 

Ces  révolutions ,  qui  fe  préfentèrent  par-roiit , 
ont  porté  l'homme  curieux  à  connoître  ce  <]iû 
s'eft  paflc  de  plus  remarquable  dans  le  !iionc\^ , 
afin  de  s'inftruire  exadtement  de  fon  état  pri-. 
mitif,  &  de  fuivre ,  s'il  éroit  poûiblc  ,  depuis 
cette  époque  jufqu'n  nos  jours  ,  la  chaine  des 
évènemens  qui  ont  laiffé  le  Globe  dans  fon  état 
actuel,  après  avoir  paflfé  fuccefîi/ement  d'un  de- 
gré à  l'autre.  La  raifon  n'a  pas  ttc  fatisfaice  des 
détails  que  l'antiquité  nous  a  tranfmis,  foi»- que 
Tenfemble  en  fût  trop  borné,  foit  qu'on  n'  •  vit 


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358  Discours 

pas  îifTez  de  clarté,  foit  enfin  qu'on  ait  eu  lien 
de  prcfumer  que  les  traditions  ;ûent  été  altérées 
par  des  récits  fabuleux ,  dans  lefquels  le  faits 
véritables  ont  été  obfcurcis.  D'ailleurs,  on  veut 
être  convaincu  par  des  preuves  fenfibles,  qui  dif- 
fipent  les  doutes  réfultans  de  ces  anciennes  tra- 
ditions. On  a  donc  cru  devoii  s'en  tenir  aux 
traces  qu'on  appercevoit  fur  le  Globe  ,  &  qui 
pouvoient  devenir  une  route  aflurée  pour  ne  pas 
s'égarer  au  milieu  de  ces  révolutions. 

Je  ne  parlerai  qu'en  palfant  de  la  générofîté 
avec  laquelle  le  Roi  de  Danemarc  a  envoyé  plu- 
fieurs  favans  de  fon  royaume  en  Afie,  pour  pafTer 
enfuite  en  Afrique,  ôc  s'iiiftruire  dans  ces  parties 
de  la  terre ,  des  diflrérens  points  d'antiquité  qu'il 
leur  avoir  été  prefcrit  d'examiner.  C^   articles 
formoientun  volume  i/2-4".,  même  aflezconfidé- 
rable.  Pour  augmenter  ces  richelTes,  ôc  lès  rendre 
plus  importantes,  on  avoir  invité  les  académies 
&  les  fociétés  favantes  de  l'Europe  à  propofer  les 
queftions    qui   leur   paroiffoient   mériter   d'être 
éclaircies  ,    pour  être  remifes   a   l'examen    des 
voyageurs.  Cette  expédition  ,  dont  tcus  les  favans 
attendoient  la  réuflîte,  n'a  malheureufement  pas 
été  conduite  à  fon  but,  par  la  mort  des  favans 
voyageurs  :  un  feul  échappa  au  danger  ,  à  l'in- 
tempérie des  climats ,  ôc  foutint  avec  fuccès  les 
fatigues   du    voyage.  Malgré   ce  contretems    fi 


il    ' 


SEIZIEME.  359 

fâcheux ,  on  a  été  fatisfait ,  à  certain  point ,  des 
réfultats  qu'on  a  eus ,  quoiqu'il  y  ait  lieu  de  croire 
qu'on  n'ait  pas  acquis  tous  les  éclaircilîemens 
qu'on  defiroit. 

Plufieurs  particuliers  ont  entrepris  d'eux-mêmes 
de  faire  des  recherches  dans  l'antiquité ,  &  les 
ont  communiquées  au  Public.  L'envie  de  s'inf- 
truire  leur  a  fait  braver  les  peines ,  les  incom- 
modités ,  les  dangers  des  voyages. 

Les  Indes  Efpagnoles  n'ont  pas  été  dans  le 
même  cas  que  les  autres  parties  du  Globe ,  & 
cela  pour  deux  raifons  :  la  première ,  c'eft  -que 
ce  font  des  contrées  connues  depuis  peu  j  la 
féconde ,  c'eft  qu'on  n'en  avoir  abfolument  au- 
cune connoiflance  avant  la  découverte  du  quin- 
zième fiècle  ,  &  qu'on  ne  peut  citer  aucun  Au- 
teur ancien  qui  fourniire  le  moindre  éclaircifTe- 
mentfur  les  particularités  de  ces  contrées.  Comme 
elles  font  totalement  féparées  des  trois  autres 
parties  du  Globe,  au  moins,  félon  ce  cu'on  en 
a  fu  jufqu'ici ,  elles  n'eurent  ai.cune  part  aux 
grands  évènemens  qui  fe  pafsèrent  fur  les  autres, 
depuis  le  renouvellement  total  de  la  terre  après 
l'époque  du  déluge,  ôc  elles  reftèrent  abfolument 
libres  pendant  une  longue  fuite  de  ficelés. 

L'époque  la  plus  reculée  qu'on  connoifle  des 
évènemens  qui  s'y  font  patTés ,  ne  remonte  pas 
plus  haut  qu'au  premier  des  treize  Incas ,  à  l'égard 

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du  Pérou ,  où  cette  famille  régnoit  au  tems  de  la 
découverte.  En  donnant  donc  30  ans  de  règne  à 
chacun  de  ces  Rois ,  lepoque  ne  remonteroic  pas 
à  400  ans,  mais  à  590.  Si  l'on  déduit  cette 
fomme  de  1525,  année  de  la  conquête,  on  aura 
1135  pour  l'année  de  l'Ere  chrétienne,  à  laquelle 
jremonteroit  la  première  date  des  évènemens 
connus  dans  le  Pérou,  c'eft-à-dire  actuellement 
à  fix  fiècles  &  demi  environ. 

On  voit  donc  que  tout  a  fubfifté  dans  ce  pays 
comme  dans  un  cahos ,  où  l'on  ignore  abfolu- 
nient  ce  qui  s'eft  paffé  parmi  les  habitar'?,  pen- 
dant le  long  efpace  de  plus  de  quatre  mille  ans, 
11  faut  encore  obferver  que  ce  qu'on  dit  des 
quatre  premiers  Incas  n'eft  fondé  que  fur  la  tra- 
dition des  Quipos.  On  n'a  donc  que  très-peu  de 
connoilfance  fur  ces  pays,  ni  aucun  indice  qui 
puilTe  en  faire  appercevoir  même  confu£ement 
les  anciennes  révolutions, 

La  réforme  totale  de  l'ancien  monde ,  &  fon 
renouvellement  complet  opéré  par  le  déluge 
univerfel ,  fut  comme  une  féconde  création  :  à 
peine  exifte-t-il  une  Nation  qui  n'en  ait  confervé 
certaine  idée ,  quelque  confondue  qu'y  foit  la 
vérité  avec  le  menfortge.  Les  peuples  les  plus 
barbares  que  l'on  connoiife ,  en  ont  une  notion 
obfcure.  Quant  aux  Indiens  de  l'Amérique,  plu- 
sieurs Auteurs  aiTiirent  qu'au  tems  de  la  conquête , 


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SEIZIEME.  ^6l 

il  fe  trouvoit  encore  chez  eux  quelque  tradition 
de  ce  grand  événement,  quoique  très- altérée  & 
très-obfcure  j  mais  il  ne  refte  plus  à  préfent  chez 
eux  la  moindre  idée  qui  puifle  donner  lieu  de 
croire  que  cette  tradition  y  exiftoit  alors.  Conquis 
ou  non  conquis ,  civilifés  ou  fauvagcs ,  ils  n'en 
ont  pas  la  moindre  notion;  c'eft  fans  doute  l'effet 
de  rindifîérence  avec  laquelle  ils  envifagent  le 
cours  de  la  vie,  comme  je  le  dirai  ailleurs.  Ainft 
ils  ne  favent  ce  que  c'eft  que  ce  déluge ,  quels 
en  ont  été  les  horribles  effets  ;  ils  ne  font  même 
pas  capables  d'y  rien  comprendre ,  quand  on  le 
leur  expliqueroit.  Ceci  n'eft  pas  étonnant  dans 
des  peuples  qui  n'ont  d'autres  notions  que  celles 
de  la  vie  purement  animale  ,  &  le  fouvenir  feul 
des  Incas  leurs  anciens  Souverains  ;  époque  la 
plus  reculée  à  laquelle  remontent  les  idées  qu'ils 
peuvent  fe  former  àes  anciens  tems. 

Les  Hifloriens  &  les  Antiquaires  fe  font  parti- 
culièrement occupés  des  recherches  relatives  aux 
preuves  qu'on  pouvoir  avoir  du  déluge,  de  ma- 
nière qu'on  ne  pût  les  confondre  avec  les  fignes 
des  révolutions  poftérieures  à  cet  événement.  Or, 
ces  preuves  fe  font  préfentées  en  fi  grand  nom- 
bre ,  qu'il  n'elt  plus  po/Tible  de  les  compter.  On 
a  tire  des  cimes  les  plus  hautes  du  Globe  ,  & 
même  de  leurs  roches  les  plus  dures,  des  poifTons 
matins  qui  y  étoient  enclavés  &  pétrifies  dans 


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5^1  Discours 

la  maffe  du  rocher  :  pluHeurs  de  ces  poifTons 
étoient  confervés  dans  un  état  où  l'on  remarqiioit 
l'épine  du  dos  &  la  têtej  le  refte  du  corps  &  les 
écailles  y  paroKfoient  encore  dilliiidtement,  même 
avec  le  poli  qu'elles  ont  fur  l'animal  vivant.  On 
a  de  même  trouvé  dans  ces  montagnes  des  co- 
quilles pétrifiées  de  diverfes  efpèces ,  les  mêmes 
que  celles  qui  croifiTent  dans  la  mer,  &  diffé- 
rentes en  tout  des  coquilles  des  limaçons  de 
terre  &  de  moules  de  rivières.  Ces  roches  ont 
aufli  préfenté  des  madrépores  ,  des  coraux  rouges 
&  blancs ,  &  toutes  les  efpèces  de  plantes  cou- 
nues  comme  des  produits  du  fond  des  mers.  Or , 
ces  produits  difFérens  étoient  renfermés  dans  le 
cœur  de  ces  pierres  :  il  faut  donc  c]u'ils  y  aient  été 
portés  dans  des  circonftances  bien  différentes  de 
l'état  aduel  du  Globe. 

Les  montagnes  de  la  partie  haute  du  Pérou 
furpaflent ,  comme  je  l'ai  dit  dans  le  fécond 
Difcours,  toutes  les  cimes  les  plus  élevées  du 
Globe.  On  n'a  pas  examiné  ces  premières  comme 
les  autres  ,  c'eft  pourquoi  l'on  doute  encore  li 
l'on  y  trouveroit  les  mêmes  lignes  de  la  préfence 
des  mers ,  vu  que  ces  monts  font  d'ailleurs  peu 
fréquentés  par  des  perfonnes  inftruites.  On  re- 
connut la  partie  qui  s'étend  dans  le  royaume  de 
Quito ,  lorfqu'on  mefura  les  degrés  du  méridien , 
pour  déterminer  la   figure    de   la   terre.    Mav; 


SEIZIEME.  36  J 

quoique  ces  montagiu  ;  aient  été  parcourues  à 
cette  occafion,  l'on  n'y  découvrit  aucun  veftige 
qui  pût  faire  juger  que  les  eaux  s'y  étoient  por- 
tées. Comme  l'efpace  que  l'on  traverfa  eft  de 
c)o  lieues  d'étendue,  en  commençant  un  peu  au 
Nord  de  l'Equateur ,  pour  fe  rendre  au  Sud  de 
la  ville  de  Cuenca ,  on  préfuma  que  la  haute 
partie  qui  s'étend  dans  le  Pérou  ne  préfenteroit 
non  plus  aucun  figne  de  la  réfidence  des  eaux 
dans  ces  contrées.  Si  cette  conjecture  fe  trouvoit 
bien  fondée,  ce  feroit  une  circonftance  particu- 
lière à  un  pays  d'autant  plus  remarquable ,  que 
ces  hautes  cimes  qui  fe  prolongent  depuis  l'ifthme 
de  Panama  jufqu'au  détroit  de  Magellan,  com- 
prennent un  efpace  de  60  degrés  du  Nord  au 
Sud ,  c'eft-à-dire  la  fixième  partie  d'un  grand 
cercle  de  la  fphère. 

On  a  trouvé  des  mines  ,  ou  autrement  des 
amas  prodigieux  de  coquilles ,  dans  des  monts  un 
peu  hauts  des  contrées  voifine.?  de  la  Conception, 
au  royaume  de  Chili  ;  mais  ces  monts  ont  à 
peine  la  feptième  partie  de  l'élévation  des  hauts 
terreins  du  Pérou.  Les  coquilles  trouvées  à  cette 
hauteur  médiocre  ne  prouveroient  fans  doute  pas 
qu'il  y  en  a  dans  les  autres  cimes.  D'ailleurs, 
celles  qui  fe  voyent  au  Ciiili  ne  font  ni  pétrifiées, 
ni  unies  aux  roches  de  manière  à  ne  faire  qu'un 
corps  avec  la  pierre.  Elles  font  détachées  dans  les 


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^^4  Discours 

couches  qu'elles  compofent,  &  qu'enferment  de 
tous  côtés  des  terres,  différentes  entr'elles  ftlon 
la  qualité  du  fol. 

Mais  CQS  doutes  ont  été  entièrement  dllTipcs 
par  les  pétrifications  de  la  partie  haute ,  &  qu'on 
a  obfervées  dans  les  monts  voifins  de  Guanc.\- 
velica,  même  dans  celui  où  efl:  la  mine  de  mer- 
cure. On  en  voit  U  en  quantité,  &  de  diverfes 
efpèces.  Ces  coquilles  prouvent  donc  qu'il  doit 
y  en  avoir  dans  les  autres  parties  hautes  de  cos 
vaftes  contrées. 

On  voit  dans  ces  montagnes-là  des  coquilles 
entières  pétrifiées  &  enfermées  au  milieu  de  la 
roche ,  que  les  eaux  de  pluie  mettent  à  découvert. 
Ces  coquilles  font  corps  avec  la  pierre  :  mais  , 
malgré  cela,  on  remarque  que  la  partie  qui  fut 
coquille  fe  diftirigue  par  la  couleur ,  la  ftrudure , 
la  quûiité  de  la  matière ,  de  tout  autre  corps  pier- 
reux qui  l'enferme ,  &  du  maflîf  qui  s'eft  fixé 
entre  les  deux  écailles.  Auffi  reconnoît-on  chaque 
chofe  diftinârement,  en  rompant  ces  pétrifica- 
tions ,  fans  pouvoir  même  fe  tromper ,  fii  fe  faire 
la  moindre  illufion.  La  plupart  de  ces  coquilles 
font  de  l'efpèce  df.s  hlvalves.  Quant  à  la  grandeur, 
elles  varient  :  on  en  trouve  qui  n'ont  pas  un  pouce 
de  long,  d'autres  qui  ont  depuis  un  pouce  jufqu'à 
quatre  dans  leur  plus  grande  longueur,  fur  trois 
&  demi  de  large  j  d'autres  tiennent  un  milieu 


rment  de 
lies  fclon 

t  dilîîpés 
&  qu'on 
Giianca- 
de  nier- 
diverfes 
[u'il  doit 
s  de  cos 

coquilles 
eu  de  la 
kouvert. 
:  mais  , 
)  qui  fut 
rudure, 
rps  pier- 
eft  fixe 
chaque 
étri  fi  ca- 
fé faire 
Dquilles 
mdeur, 
pouce 
jufqua 
iir  trois 
milieu 


SEIZIEME.  ^6$ 

encre  ces  dimcnfions.  Les  plus  petites  ont ,  en 
général,  une  figure  convexe,  fans  aucune  diffé- 
ren.e  entre  les  deux  écailles.  Les  autres  font  de 
l'elpèce  qu'on  appelle  communément  coquille  du 
pèlerin ,  ayant  une  écaille  convexe  &  l'autre 
plane  :  toutes  ont  des  ftries ,  6c  même  droites , 
qui  s'eiigrainent  les  unes  dans  les  autres  au  bord 
des  deux  écailles. 

Ces  coquilles  nous  montrent  qu'elle  'nt  fouf- 
fert  du  mouvement  ou  de  la  violei.  agitation 
des  eaux  qui  les  ont  fait  heurter  les  unes  contre 
les  autres  j  car  on  en  trouve  dont  les  deux  écailles 
n'étoient  plus  exadtement  articulées ,  quoiqu'elles 
fe  trouvent  clofes  j  l'une  furpaflTe  les  bords  de 
l'autre ,  les  ftries  ne  fe  rapportent  pas.  On  voit 
donc  par -là  que  l'attache  lendineufe,  qui  les 
joignoit  à  leur  articulation ,  a  éprouvé  un  relâ- 
chement d'où  eft  venue  cette  irrégularité  ;  la 
preilîon  inégale  qu'elles  éprouvèrent  delà  matière 
avec  laquelle  elles  s'incorporèrent  en  durciffant 
après  la  mort  de  l'animal ,  obligea  une  écaille  à 
glilTer  un  peu  fur  le  bord  de  l'autre,  autant  que 
le  tendon  relâché  put  le  permettre. 

Mais  les  deux  écailles  fe  trouvant  complettes, 
on  peut  en  conclure  que  l'animal  étoit  vivant 
lorfque  la  matière  qui  les  enveloppoit  s'eft  durcie  j 
car  il  eft  naturel  que  la  coquille  s'ouvre  dès  que 
l'animal  eft  mort ,  pviifqu'ii  ne  pencplus  les  tenir 


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^66  Discours 

ferrées  l'une  contre  l'autre.  Elles  ont  donc  ctc 
enlevées  des  abymes  de  la  mer,  de  jettées  fur 
CCS  hautes  éminences  lorfque  l'animal  étoit  vi- 
vant :  or ,  il  eft  refté  tel ,  tant  que  la  matière  de 
la  roche  a  fubfiftédans  un  état  de  liquidité  j  mais 
aufli-tôt  quelle  a  commencé  à  fe  durcir,  l'ani- 
mal mourut,  parce  qu'il  fe  trouva  privé  de  la 
nourriture  dont  il  avoir  befoin  j  d'ailleurs ,  il  ne 
put  ouvrir  fa  coquille  prelfée  de  toutes  parts  :  il 
s'eft  donc  pétrifié  avec  tout  ce  qui  l'environnoit, 
fans  pouvoir  fe  dégager. 

La  matière  lapïdifiquc  où  fe  trouvent  cqs  co- 
quilles n'eft  pas  la  même  par-tout  :  on  en  voit 
de  couleur  noire,  d'un  grain  très -fin,  dure  & 
pefinte  à  proportion  :  l'autre  eft  d'un  gris  cendré 
obfcur  j  moins  dure  &  moins  pefante  que  la 
première.  Qn  remarque  aulîî  une  pierre  blan- 
châtre ,  poreufe  j  variétés  qui  réfultent  de  la  na- 
ture des  roches  ,  ou  des  montagnes  au  centre 
defquelles  elles  giffenr.  11  s'en  trouve  encore  dans 
des  rochers  (idurs,  qu'ils  réfiftentà  l'acier  :  voilà 
pourquoi  on  ne  peut  les  avoir  entières.  Mais  on 
voit ,  en  entamant  la  roche ,  que  la  coquille  SiC 
la  pierre  n'ont  pas  formé  d'union  parfaite  j  en 
effet,  après  des  coup  de  pics  réitérés,  la  pierre 
fe  fépare,  pai:oîc  avec  fes  ftries  dont  elle  laiife 
rempreint«  dans  Tenveloppe  qui  l'enfermoit. 

Outre.ks  efpèces  de  coquilles  dont  je  viens 


donc  ctc 
nées  fur 
aoit  vi- 
atière  de 
itcj  mais 
ir,  l'ani- 
vé  de  la 
rs  5  il  ne 
parts  :  il 
ronnoic, 

t  ces  co- 

I  en  voie 
dure  ôc 

is  cendré 
e  que  la 
re  blan- 
ie  la  na< 

II  centre 
ore  dans 
;r  :  voilà 
Mais  on 
[uille  Se 
airej  en 
a  pierre 
le  laiUe 
moic. 

e  viens 


SEIZIEME.  5^7 

de  parler,  il  s'en  trouve  encore  nombre  d'autres  : 
ce  font  des  univalve^  planes ,  de  la  clalfe  des 
fongusy  ou  champignons.  Les  ftries  partent  d'un 
ponu  qui  n'eft  pas  précifément  au  centre  du 
contour  j  elles  font  trois  ou  quatre  courbures  op- 
pofées  les  unes  aux  autres ,  &  qui  arrivent  ainfi 
jufqu'au  bord  ,  formant  la  figure  S  rcitcrce  plu' 
Heurs  fois. 

La  grandeur  de  ce.s  coquilles  varie  :  les  plus 
grandes  ont  cinq  pouces  de  diamètre  dans  leur 
plus  grande  dimentîon,  &  forment  une  efpèce 
d'ovale  :  l'cpailTeur  eft  d'une  ligne  environ.  Elles 
font ,  comme  les  autres ,  diftinguées  de  la  pierre 
où  elles  giflent ,  &  s'en  féparent  lorfqu'on  la 
brife,  laiflantles  marques  de  leurs  ftries  entières, 
comme  n'ayant  jamais  fait  corps,  ni  formé  une 
linion  parfaite  avec  la  roche. 

Si  l'on  fait  attention  à  la  hauteur  extrême  à 
laquelle  ces  montagnes  s'élèvent  au-deflus  du  ni- 
veau  de  la  mer,  &  au  giflement  de  ces  coquilles 
qu'on  trouve  dans  les  roches  dont  le  centre  de 
ces  monts  eft  formé ,  on  doit  en  conclure  que 
ces  mafles  n'étoicnt  point  pierres^  lorfque  les 
eaux  y  déposèrent  les  coquilles,  &  que  la  dureté 
en  eft  bien  poftérieure  \  car  la  matière  a  dû  être 
très-liquide  pour  pénétrer  fans  obftacle  dans  l'in- 
térieur  des  coquilles.  Or ,  la  matière  qui  eft  ac- 
tuellement la  plus  dure ,  la  plus  pefante  &  la  plus 


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56S  Discours 

compare  ayant  été  fluide,  il  faut  que  les  parties 
qui  font  moins  dures  &  les  plus  légères,  aient 
au  (Il  été  fluides ,  &  que  par  une  conféquence 
nécoifaire ,  tous  ces  hauts  terreins  fe  foient  aufli 
trouvés  dans  le  même  état. 

Mais  il  fe  préfente  une  diflîculcé  aflez  Hngu- 
lière,  fur  l'état  fluide  de  la  matière  de  ces  mon- 
tagnes pendant  les  premiers  tems  qui  ont  fuivi 
le  déluge.  Ces  montagnes  ont- elles  pu  prendre 
alors  cette  pofîtioii  élevée ,  au  lieu  de  fe  rabaifler 
au  niveau   des  autres  parties  applanies  fur  lef- 
quelles  elles  dominent  ?  On  peut  répondre  à  cette 
objection,  en  difant  que  l'intérieur ,  ou  ce  qui 
forme  le  noyau  de  ces  monts  énormes,  n'a  pas 
éprouvé  les  grands  changemens  qui  font  arrivés 
aux  parties  les  plus  proches  de  la  fuperficie,  aux- 
quels elles  fervirent  de  bafe  pendant  leur  fluidité; 
qu'enfuite  ces  n<^yaux  ne  firent  plus  qu'une  mafle 
folide  avec  les  couches  fuperpofées  ;   enfin  que 
ces  parties  fluides  ne  furent  pas  forcées  de  s'ap- 
planir  au  niveau  des  bas  pays.  On  ajouteroit  que 
ces  hautes  éminences  ne  fe  font  divifées  en  Que^ 
bradas  d'une  vafte  pro(pndeur ,  qu'après  avoir  été 
long-tems  des  terreins  à-peu-près  applanis ,  &  avec 
certaine  uniformité  dans  laquelle  fe  font  main- 
tenus les  terreins  qui  forment  aduellement  des 
cimes  ,  ifolées  par  ces  profondeurs,  qu'on  doit 
regarder  comme  l'ouvrage  du  tems  ôc  des  dégra- 
dations. 


les  parties 
tes  y  aient 
nféquence 
oient  audi 


(Tez  fingu- 
ces  mon- 
I  ont  fuivi 
m  prendre 
e  rabaifler 
îs  fur  hf" 
dre  à  cette 
>u  ce  qui 
s,  n'a  pas 
•nt  arrivés 
ficie,  aux- 
r  fluidité; 
une  madè 
enfin  que 
de  s'ap- 
eroit  que 
en  Que' 


avoir  été 
s ,  &  avec 
>nt  main- 
nent  des 
u  on  doit 
es  dégra- 
dations. 


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s    B    I   Z    t    E    M    E-."  1(5"$ 

dations.  C'eft  ainfi  qu'on  peut  entrevoir ,  avec  quel- 
que probabilité ,  comment  les  coquilles  marines 
fe  font  enclavées  dans  les  roches ,  &  comment  la 
matière  fluide  s'eft  foutenue  fur  les  noyaux  qui 
ont  fervi  de  bafe  à  ces  monts  énormes ,  dont  la 
chaîne  s'étend  à  plufieurs  centaines  de  lieues  dans 
la  partie  élevée  de  l'Amérique  Méridionale. 

Il  étoit  naturel  qu'il  s'arrêtât  beaucoup  de  co- 
quilles dans  les  couches  qui  font  à  la  fupecfîcte 
de  ces  montagnes ,  comme  il  s'en  étoit  fixé  dans 
les  couches  intérieures  :  mais  celles  de  la  fuper- 
ficie  étant  moins  retenues ,  furent  les  premières  à 
revenir  à  leur  centre ,  c'eft  à- dire  à  la  mer  :  voilà 
pourquoi  l'on  n'en  voit  prefque  pas  d'ifolées  ou  de 
répandues  çà  &  là  fur  la  furface  de  la  terre ,  &  fans 
cire  pétrifiées.  Les  coquilles  pétrifiées  qu'on  trouve 
dans  les  rivières  où  elles  font  entraînées  par  les 
terreins,  prouvent  que  les  monter  es  fouffrent  des 
diminutions ,  malgré  la  dureté  «ie  leurs  mafles. 

On  trouve  ces  coquilles  ou  totalement  f  parées 
de  la  roche  qui  les  renfermoit ,  &  avec  toutes  leurs 
ftries  intaâies  ;  ou  avec  un  fragment  de  pierre  qui 
montre  en  quelle  roche  ^lies  fe  font  pétrifiées. 
Ces  dégradations  des  montagnes  font  les  effets 
des  pluies ,  de  l'aftion  des  rayons  folaires ,  des 
gelées,  des  neiges;  effets  qui  divifent  les  bancs 
de  pierre ,  8c  en  détachent  ces  coquilles  plus  ou 
moins  facilement,  à  proportion, que'Ues  y  fpi^c 
;,:     Tome  J^  :  ..     ...  A  * 


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370  Discours 

moins  retenues.  Elles  fuivent  les  eaux  qui  les  cha<^ 
rienc  jufques  dans  les  rivières,  fans  lailfer  Aucune 
trace  de  leur  première  rcddence ,  à  moins  qu'elles 
n'aient  été  d'abord  fixées  comme  on  le  voit  à  la  Con- 
ception,  dans  le  Chili,  où  elles  giflent  fous  une 
couche  épaiife  de  terre.  L'on  peut  déterminer  quelle 
en  étoit  la  maffe  dans  les  tems  voifins  du  déluge. 

Une  autre  preuve  auffi  fenfible  de  la  préfence 
des  eaux  fur  ces  vaftes  éminences ,  &  de  la  Huidité 
de  la  matière  extérieure  de  la  terre ,  eft  ce  nombre 
confidérable  de  concrétions  de  diverfes  efpèces  de 
pierres  qu'on  trouve  dans  les  ban<?s  de  ces  monta- 
gnes. Ces  pierres  font  de  petits  cailloux' (pierres  à 
fufii  )  ou  pierres  cornées ,  unis  par  l'intermède  d'une 
matière  lapidifique  avec  laquelle  elles  forment  un 
ciment  ou  madif  extraordinairement  dur ,  analo- 
gue à  la  nature  de  la  matière  qui  a  incorporé  ces 
cailloux.  Â  mefure  que  la  couche  ou  croûte  exté- 
rieure de  la  montagne  fe  dégrade,  diminue,  & 
que  les  bancs  confîdérables  de  pierre  fe  décou- 
vrent, on  apperçoit  auHî  des  bancs  de  cailloux  fort 
étendus  ;  car  on  en  voit  qui  fe  prolongent  â  plus 
d'un  quart  de  lieue.  Les  cailloux  renfermés  dans 
ces  maflifs  font  les  uns  petits ,  les  autres  gros 
comme  urie  noix  *,  la  forme  en  eft  différente  :  il 
y  en  a  de  plats ,  d'ovales  &  de  plus  ronds  que  longs. 
La  matière  qui  les  unit  eft  de  couleur  cendrée, 
\in'peu  blanche,  gréhtie,  pefante  &  très-dure. 

Il  en  cft^e  ces  cailloux  comme  des  coquilles 


\ 


qui  les  cha-i 
ii(rer  aucune 
ains  qu'elles 
oit  à  la  Con- 
tnt  fous  une 
niner  quelle 
s  du  déluge, 
la  préfence 
ie  la  Huidité 

ce  nombre 
i  efpèces  de 
ces  monta- 
x'(  pierres  à 
mède  d'une 
forment  un 
ur,  analo- 
orporé  ces 
route  exté- 
minue,  & 

fe  décou- 
lilloux  fort 
;ent  à  plus 
rmés  dans 
utres  gros 
Férence  :  il 
que  longs. 

cendrée, 
rès  -  dure. 

coquilles 


SEIZIEME.  )7X 

antérieures  au  déluge  j  la  concrétion  s'en  eft  for- 
mée de  même  :  c'eft- à-dire  qu'il  falloit  que  la 
matière  qui  les  unit  fût  fluide,  afin  de  remplir 
les  interftices  des  amas  qu'ils  formoient^  autre- 
ment la  concrétion  n'auroit  été  parfaite  qu'exté- 
rieurement ,  &  les  cailloux  n'auroient  été  que 
rama^Tés  les  uns  près  des  autrei  intérieurement 
par  la  feule  prellîon.  Ceci  eft  d'autant  plus  vrai , 
qu'au  lieu  de  trouver  du  fable  fur  le  lit  de  la 
mer  ou  de  la  vafe  ,  on  n'y  rencontre  que  de 
femblables  cailloux  dans  une  étendue  depludeurs 
lieues;  de  forte  qu'au  lieu  du  fable  qui  fe  voie 
dans  les  autres  parages,  il  y  a  feulement  ici  de 
ces  fortes  de  cailloux  ,  fans  aucun  mélange  ni 
aucune  concrétion  de  fable.  L'énorme  agitation 
des  eaux  du  déluge ,  qui  ont  porté  les  coquilles  fur 
ces  éminences,  y  a  auiii  fans  doute  amalTé  ces 
cailloux ,  mêlant ,  confondant  les  chofes  les  plus 
érrangères  les  unes  aux  autres;  c*eft-à-dire  ce  qui 
étoit  particulier  ou  à  la  terre  ou  à  la  mer.  Ce  fut 
ainfî  que  ces  matières  dépofées  &  fixées  enfemble 
s'incorporèrent  dans  une  autre  matière  encore  li- 
quide. Celles  qui  fe  trouvèrent  dans  une  fubftance 
lapidifiante ,  formèrent  ces  concrétions ,  &  les 
autres  reftèrent  ifolées.  Voilà  pourquoi  l'on  ren- 
contre auffi  des  couches  où  les  cailloux  ne  font  pas 
adhérens  les  uns  aux  autres,  &  où  ils  font  reftés 
confondus  avec  différentes  efpèces  de  rerre.  Mais 

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V, 


X.  . 


j7i  Discours 

ceux  cîe  cette  clatfe  étant  plus  expofcs  à  rouler  avec 
les  eaux  ,  ne  reftent  plus  en  place  lorfqu'une  fois 
ils  font  dégagés  de  la  croûte  qui  les  arrètoit  ;  car 
il  faut  obferver ,  à  l'égard  des  concrécions  ou  pé- 
trifications qu'on  tire  de  la  terre,  qu'elles  s'en  dé- 
tachent en  fortant  comme  les  pointes  de  toutes 
les  roches ,  à  mefure  que  la  terre  en  efl:  enlevée. 

On  voit  dans  ces  concrétions ,  comme  dans  les 
coquilles ,  deux  matières  diftindles ,  incorporées  ou 
unies  l'une  avec  l'autre.  Cette  circonftance  nous  ap- 
prend que  l'une  eft  de  formation  antérieure  à  celle 
de  l'autre,  &  quecellequifit  l'union  fe  trouvoit  li- 
quide quand  elle  s'interpo fa  dans  les  interftices  de 
l'autre  :  opération  qui  ne  pût  être  faite  que  dans  la 
révolution  qui  répandit  les  eaux  fur  toute  lafurface 
du  Globe ,  &  y  produifit  le  plus  grand  changement. 

Les  rochers  ,  oii  l'on  trouve  des  coquilles  , 
contiennent  auflî  d'autres  fubftances,  parmi  lef- 
quelles  il  eft  facile  de  reconnoître  des  bois.  Les 
fibres  ligneufes  ,  les  pores  qui  diftinguent  encore 
l'écorce  dus  autres  parties  du  bois,  en  font  la 
preuve.  Cette  circonftance  efl:  auflî  une  particula- 
rité bien  remarquable ,  en  ce  qu'on  ne  voit  ni  grand 
ni  petit  arbre  fur  ces  éminences,  quoiqu'il  y  en 
ait  à  quelque  diftance  dans  les  parties  moins  froi- 
des :  tels  font  les  Cq/îs  j  Epecias  ^  Quinuales  j  . 
dont  j'ai  parlé.  Ainfi  l'on  voit  dans  la  même  roche 
lés  produits  de  la  mer  &  de  la  terre  antérieure 
au  déluge.  On  ne  peut  cependant  pas' en  conjec- 


<»*tC3 


SEIZIEME.  57^ 

turer  que  ces  hauts  pays  fuîTent  autrefois  plus  fer- 
tiles en  grandes  produdlions  végétales  qu'elles  ne 
le  funt  adiuellement.  Mais  un  peut  nirurer,  fans 
craindre  rcrrc-ur,  que  fi  cela  eût  lieu  f^ins  que 
Tordre  de  la  Nature  fut  interverti ,  il  falloit  que 
le  climat  fût  alors  plus  doux»  plus  favorable,  que 
conféquemment  cette  partie  du  monde  n'eut  pas 
la  même  élévation  au-defTus  des  plaines  j  car  plus 
elles  font  élevées,  plus  l'air  y  eft  raréhé,  plus  il 
doit  y  faire  froid  &  s'y  trouver  de  glaces. 

L'extrême  élévation  de  ces  cimes,  comparées 
avec  le  refte  du  Globe,  doit  nécelfairement  faire 
conclure  que  ce  pays ,  qu'on  appelle  le  Nouveau- 
monde  ,  à  caufe  de  fa  découverte  moderne  faite 
par  les  Européens ,  eft  réellement  le  plus  ancien 
Monde ,  puifqu'il  a  dû  fortir  le  premier  des  eaux  du 
déluge.  Quand  on  fuppoferoit  même  qu'il  n'y  eût 
que  peu  de  tems  entre  l'apparition  de  ces  hautes 
cimes  &  des  pays  inférieurs ,  il  feroit  toujours 
vrai  qu'elles  ont  forti  des  eaux  les  premières. 

Le  hafard  nous  pré  fente  cjuelquefois  a- 3  objets 
qui  embarraflent  la  raifon,  fans  qu'on  puilTe  ctre 
entièrement  fatisfait  de  l'interprétation  qu'on 
peut  leur  donner ,  de  manière  à  n'avoir  plus 
aucun  doute.  Telles  font  les  pyramides  qui  fe 
voyent  dans  la  plaine  de  Paucara  ;  d'un  côté  on 
les  croiroit  l'ouvrage  de  la  Nature ,  de  l'autre  on 
peut  à  peine  tenir  à  cette  opinion  ,  à  caufe  fi<is 
circonftances  qui  femblent  s'y  oppofer. 


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374  Discours 

La  peuplade  de  Paucara  cH  une  de  celles  de  la 
paroiife  d'Acobamba,  dans  la  province  d'Anga- 
racz  ,  qui  reffortii;  à  Guancavelica.  Le  climat  eO: 
un  des  plus  froids  de  ces  contrées  j  car  il  n'y  vient 
aucun  grain.  Les  grandes  chaînes  de  montagnes 
s'y  divifent,  &  lailfent  entr'elles  un  efpace  alfez 
étendu  pour  former  une  plaine,  où  l'on  voit  des 
terrcins  inclinés  en  forme  de  baffes  collines.  C'efl; 
dans   cette    plaine  qu'on   rencontre  des   pierres 
cparfcs  de  ditfcrens  côtés  ,  en  forme  de  pyramides 
rondes,  taillées  en   perfection,  &    toutes  d'une 
pièce.  La  hauteur  varie  :  il  y  en  a  de  dix  varas , 
de  huit,  &  de  moins  hautes j  la  fupcrhcie  en  cft 
bien  égale,  polie-,  elles  fe  terminent  en  pointe  : 
un  très- petit  nombre  fe  trouve  tronqué  à  la  bafej 
ce  qui ,  fans  doute,  eft  dû  à  l'aâion  du  tems.  On 
ne  peut  guères  en  alligner  le  nombre  y  elles  font 
reparties  fur  la  pente  de  ces  collines,  fans  qu'on 
apperçolve  aucure  autre  pierre  dans  leur  voifi- 
nage.  l  a  couleur  en  eft  blanchâtre  j  mais  on  n'y 
voit  ni  éclat   ni  fente  :  quelques  perfonnes  ont 
penfé  que  c'étcit  un  ouvrage  des  Indiens ,  ne  pou- 
vant pas  fe  perfuader  que  ce  fut  celui  de  la  Na- 
ture ,  tant  cela  leur  parut  fingulier.  Il  eft  réelle- 
ment bien  difficile  de  concevoir  quelcbjet  la  Na- 
ture s'eft  propofée  d'imiter ,  pour  avoir  laiffé  dans 
l'cTpace  de  cette  plaine  des  ouvrages  (î  admirables, 
&  dont  la  forme  eft  fi  parfaire,  &  que  d'ailleurs 
elle  ait  eu  delTein  d'y  dépofer  les  modèles  que 


les  de  la 
d'Anga- 
limat  eft 
l'y  vient 
3ncagnes 
ice  aifez 
voie  des 
es.  C'eft 
pierres 
ramides 
îs  d'une 
c  varas, 
ie  en  cfl: 
pointe  : 
la  bafe  ^ 
^ms.  On 
les  font 
is  qu'on 
r  voifi- 
on  n'y 
nés  ont 
ne  pou- 
la  Na^ 
;  réelle- 
la  Na- 
fé  dans 
râbles , 
ailleurs 
es  que 


SEIZIEME.  37  J 

l'art  auroit  à  imiter  un  jour  dans  les  pyramides 
que  les  Egyptiens  ont  élevées  pour  s'immorcahfer. 

D'un  autre  côté,  le  grand  nombre  de  ces 
pyramides  fait  croire  que  c'eft  l'ouvrage  de  la 
Nature  :  comme  elles  font  toutes  d'une  feule 
pièce  ôc  d'une  pierre  très-dure,  on  en  peut  pren- 
dre occafion  de  réfléchir  fur  celles  que  les  Egyp- 
tiens ont  élevées ,  &  dont  l'idée  pourroit  avoir 
été  héréditaire  parmi  les  premières  familles  qui 
ont  vécu  peu  après  le  déluge.  Si  au  contraire  on 
les  croit  faites  de  main  d'hommes ,  on  eft  obligé 
<le  convenir  que  les  Auteurs  en  avoient  eu  l'idée 
de  la  même  fource  que  les  Egyptiens.  Dans  ce 
cas-ci,  on  voit  fe  déchirer  une  partie  du  voile 
qui  nous  dérobe  l'origine  de  la  population  de 
l'Amérique ,  &  la  manière  dont  cela  s'eft  fait. 
Or,  que  n'a-t-on  pas  avancé  fur  cet  objet,  fans 
parvenir  à  rien  dire  qui  fatisfaife  ? 

On  voit  dans  le  royaume  de  Quito  les  Guacas 
qui  fervoient  de  tombeaux  aux  Indiens.  Quoique 
CQS  monumens  n'aient  pas  exaâement  la  forme 
pyramidale ,  elles  en  ont  une  audi  analogue  que 
le  permet  la  terre  qui  en  fait  la  matière,  &  la 
pente  dont  elles  étoient  fufceptibles  pour  fe  fou- 
tenir.  On  n'obferve  pas  cette  efpèce  de  monu- 
ment du  côté  de  Guancavelica ,  ni  dans  les  pays 
qui  s'étendent  au-delà  :  chaque  pays  à  fes  ufages, 
quoiqu'on  remarque  en  général  que  les  habitans 
ayent  eu  l'intention  de  perpétuer  leur  mémoire. 


I' 


57^        Discours    sp.  izieme." 

Mais  il  s'elt  confcrvc  une  tradicioii  qui  nous 
apprend  que  la  plaine  de  Paucara  ctuit  l'endroit 
ou  l'on  inhumoit  les  Caracas  ou  Caciques ,  les 
plus  diftingucs  des  pays  voifins;  ainfi  l'on  n'au- 
roit  plus  lieu  d'être  fiirpris  qu'ils  aient  fait  élever 
les  pyramides  qu'on  voit  là  &  dans  le  royaume 
de  Quito.  Les  guacas  ctoient  des  ouvrages  aulli 
confidérables ,  vu  la  quantité  de  terre  qu'on  y 
employoit  \  ce  qui  Formoit  une  efpèce  de  tertre 
en  pain  de  fucre  ,  &  alfez  élevé.  Ces  guacas 
étoient  auflil  d'un  ufagc  commun  dans  les  autres 
provinces  du  Pérou ,  comme  on  le  voit  dans  la 
partie  baflTe  où  ces  monumcns  font  fort  fréquens, 
&  où  cette  dénomination  eftgcnéralemeiu  connue. 
Les  pierres  énormes  de  la  forterelFe  de  Cuzco 
ont  donné  lieu  de  douter  qu'on  ait  jamais  pu  les 
élever  à  la  portion  où  elles  fe  trouvent.  On  a 
préfumé  que  les  Indiens  pou  voient  avoir  connu 
l'art  de  les  fondre,  comme  on  fuppofe  que  les 
anciens  l'ont  eu.  Si  on  le  leur  accorde ,  on  peut 
au(îl-tôt  rendre  raifon  de  la  manière  dont  les 
pyramides  ont  été  faites  :  il  n'efl-  pas  polîîble  de 
l'expliquer  autrement.  En  accordant  cet  art  aux 
Indiens  de  l'Amérique,  on  pourra  diieauflî  qu'ils 
l'ont  eue  de  la  uiême  fource  que  les  Egyptiens  j 
car  c'eft  le  même  ouvrage  :  d'ailleurs  les  mêmes 
difficultés  fe  préfentent  de  part  &  d'autre. 

Fin  du  premier  Volume» 


m*  tm 


\ 


TABLE 

Des   Chapitres   contenus  dans  ce  premier 

yolume. 


{Nota.)  Voyc^  dans  \c  fécond  Volume ^  des  Obferv crions 
&  Additions  importantes  fur  chacun  des  Difcours  fuivans  ; 
la  Table  du  fécond  Volume  indique  ces  Obfervations  ôc 
Additions  ,  qui  font  fupplcment. 


Discours    Premier. 

XJ  tls  différentes  pofitions  des  ter  rein  s  fur  la 
furface  du  Globe  ;  effets  qui  en  réfulter.t  dans 
les  températures  j  &  les  produits  j        Pnge   i 

Disc.  II.  De  la  pofition  des  terreins  de  CAmé^ 
tique  j  &  de  la  variété  étonnante  qu'on  y  ob" 
ferve  ,  1 6 

Disc.  III.  Des  températures  &  des  climats  des 
divers  terreins  de  cette  partie  du  monde  j     51 

Disc.  IV.  Suite  des  obfervations  fur  les  rapports 
&  les  dijfférences  de  la  température  dans  les 
divers  climats  ,  74 

Disc.  V.  Des  différents  températures  de  la  partie 
haute  de  l'Amérique  ;  eff^ets  qu  elles  produifcnt  ; 
caufes  de  ce  qu'on  ob  ferve  de  contraire  à  l'ordre 
général  des  autres  parties  ,  ico 

Tome  /.  B  b 


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ij  TABLE  DES  CHAPITRES. 

Disc.  VI.  Des  productions  végétales  des  d'iffé- 
rens  ter  reins  ,  115 

Disc.  VIL  Des  animaux 3  &  de  leurs  particula- 
rités j      '  M  5 

Disc.  VIIL  Des  particularités  relatives  aux  vo- 
latils ^  187 

Disc.  IX.  Des  Poijfons  les  plus  remarquables  de 
l'Amérique  ^  loi 

Disc.  X.  Des  Lacs  ^  des  Rivières  ^  &  Notice 
fur  ce  quil  y  a  de  particulier  ^  218 

Disc.  XL  Des  Maladies  particulières  aux  cl^ 
mats  ,  &  comparai/on  de  ces  Maladies  j     240 

Disc.  XIL  Des  Minéraux  ,  fur-tout  de  l* argent 
&  de  la  manière  de  le  tirer  ^  i6^ 

Disc.  XIII.  Continuation  des  détails  relatifs  aux 
métaux  j  &  des  caijfes  où  l'on  diftribue  le  Mer" 
cure  j  28^ 

Disc.  XIV.  De  Vétat  actuel  des  Mines  y  &  du 
traitement  par  le  feu  ou  par  le  Mercure  ,     307 

Disc.  XV.  Des  matières  néceffaires  pour  traiter 
la  Mine  d'argent  :  /avoir ,  du  Mercure  &  du 
Sel  ;  &  des  Mines  de  ces  deux  matières ,  3  3  (> 

Disc.  XVI.  Des  fojfîles  j  &  particulièrement 
des  pétrifications,  355 


Ë    R  R  A   T   A. 

Çag.  %  t  lign.  dernièie  »  ce  font ,  lifct  ce  dont^ 


les  dijfe'' 
lanicu/a- 

y  aux  vc- 
187 

juables  de 
loi 

&  Notice 
218 

i^5  j    240 
de  l'argent 
i6() 
elatifs  aux 
me  le  Mer- 
lU 
&  du 
307 
our  traiter 
xure  &  du 
ères  ,35^ 
ulièrement 

355 


es  , 
ure , 


e  dont* 


îlJ 


r 


TABLE 

Des  principales  matitres  contenues  dans  ce 
premier  Volume, 


A 


BriLLEa  :  leur  multiplication  dans  Cuba,      P.  i8< 


Âfccllon  tic  poitrine  ,  particiiliàc  aux  cnfans  des  Blancs  , 
pendant  les  premiers  mois  ,  z;  j 

Air  :  Ci  dcnfîté  modère  l'effet  des  rayons  folairoî ,  j 

I»       '  fcs  qualités  particulières  ,  félon  les  conrjx'cr ,  ^^-6^ 
■■     «  effet  de  fa  fubtilité  &  des  gelées  au  Pérou  fur  tous 
les  corps,  1 1 1--1 1  Ç 

A/oi  d'or  &  d'arjçcnt  ;  comment  on  le  fixe  aux  caiffes 
les,  •       .  314 

Alpac  y  154-1^8 

Amérique  Méridionale  :  fon  étendue  ,  pofition  de  fes  ter- 
reins  ,  différences  de  fes  produits,  19-2.J 
■I            Méridionale  :  fa  partie  haute  habitée  j   grada- 
tions de  fes  terrcins  ,                                              ^ij-ij 
■■             Méridionale  :  comment  fes  parties  haute  &  baffe 


fe  différencient  des  autres  parties  du  globe  , 
— —  Méridionale  ;  élévation  de  fa  partie  haute , 
.  divifion  de  fes  terrcins  en  deux  parties , 


Anchois  , 

Andes  , 

Angarae:^  :  (  Province  de  )  état  de  fes  Mines , 

I     I  fingularitc  de  cette  Province  , 

Animaux  du  Pérbu ,  &  leurs  particularités , 

Apolaehes  , 

Apoplexie  rare  au  ^érou  , 


17 

37 
44 

47 
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^9 

M? 
47 

161 


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iV  TABLE 

Argent  :  cft  comme  le  patrimoine  du  Nouvcau-MonJe  ; 

l'o 

■  lieux  particuliers  ou  giflent  fes  Mines,  %-j$ 
•—- .  droit  qu'il  doit  au  Trcfor  Royal ,                        195 

■  ccat  aducl  des  Mines  du  Pérou ,  198 
»         tire  par  le  moyen  du  feu  ,  devient  une  perte  pour 

les  caiflcs  refpcftivcs ,  }c; 

■  procédés   des  anciens  Indiens  pour  en  extraire  le 
Minerai,  }io 

■  fes  Mines    aé^uellcmenc  aufll  abondantes  qu'à    la 
fin  du  fiècle  précédent ,  311 

».        aux  dépens  de  qui  il  fe  tire  des  Mines ,  315 

j4Jihme  fréquent  dans  la  partie  haute  du  Pérou  ,  z^6 

Aviador ,  315 

Bagrc  :  PoiiTon ,  10  j 

Baleine  commune  dans  la  mer  du  Sud  &  entre  les  Tropi> 
ques ,  101 

Barbudos  :  Poiflbns  ,  116 

m     m.  fa  grofleur ,  103 

■  ■■  fa  tcte  couverte  de  coquillages  j  comment  elle 
prend  fa  pâture  ;  fes  ennemis  j  fon  combat  j  fes  jeux  j 
fon  haleine  fétide  -  fes  produits,  zoi^ioS 

Barbe  Efpagnole  :  148 

Bête  rouge  :  173 

BécaJ/tne  :  oiCeAn  ,  197 

Boba  :  gros  ferpent,  171 

Bœuf  fauvage  ,  1 67 

Bois  pétrifié  ,  &  autres  concrétions  dans  les  roches  du  Pé- 
rou ,  371 
Borgne:  Pont-Chartrain  ,  Maurepas ,  lacs,  zio 
Caijfes  Royales  :  lieux  réfcrvés  pour  les  fontes  j  ce  iment 
on  y  procède,  324 
Californie ,                                                                44-45 


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u-Mon<le  , 
lt> 

19J 
perte  pour 

JCJ 

extraite  le 
}io 

es  qu'à  la 
312. 

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109 

:  les  Tropi- 

xot 

Xl6 

liment  elle 
fes  jeux  j 

148 

I7Î 
197 
171 
167 
lesdu  Pé- 
37^ 

ce  imcnt 

5^4 

44-45 


D  E  S    M  A  T  I  E  R  E  S.  v 

Commaron ,  x\6 

Carangas  :  Sa  caifTe  ;  argent  qu*on  y  a  fondu ,  j  10 

Cjftro-yerreyna  :  (Province  de)  décadence  de  fes  Mi- 
nes, 307 
Caxamalca  :    Chacapoïas  j  leurs  caifTes  j   état  des  Mines 
de  leurs  diflrids  ,  310 
Caxon  de  Minerai  :  difproportions  de  ce  qu'il  rend  au- 
jourd'hui ,  317 
Caylloma  :  fes  Minerais  3  311 
Cayna  ,  ou  fourneau  des  anciens  Indiens  »  311 
Cafcabeles  :  cfpècc  de  Serpent ,  1 7 1 
Cardinaux  :  Oifeaux ,                                              188-18^ 
Chagre  :  Rivière  j  changemens  arrivés  fur  fes  bords,    19^ 
CAa/ifwr  ;  fa  première  caiife  ,  ^4 
Chapllancas  :  ruiffeau  ;  fingularitc  de  fon  cours  j  comment 
il  fe  l'eft  formé  ,                                                           30 
Chiche  :  poiffon  „                                                              211 
Chita  :  poiffon ,                                                             208 
Chiens ,  non  fujcts  à  l'a  rage  dans  toute  l'Amérique  j  ma- 
ladie qui  les  attaque  ^                                                  2^4 
Ckucuito  :  état  des  fes  Mines  ,                                      309 
Cire  :  (  arbre  de  )                                                           1 47 
Ciboro ,  ou  Bœuf  fauvagc  ,                                            I67 
Ciguatera  :  maladie  communiquée  par  les  Poiflbns  ;  effets 
de  cette  maladie  ,                                         112  &  fuiv' 
Ciguatos  :  Voyez  Ciguattia, 

Cobo  :  ou  don  gratuit ,  32) 

Coquillages  :  leur  état  dans  les  terreins  Méridionaux ,  30^3 
Conaïca  :  (  diftrift  de  )  29 

Condor  y  ou  Contar  y  i^-j 

Corales  :  efpèce  de  Couleuvre,  171 

Cordillieres  :  leur  afped  j  leur  température  j  leurs  pro- 
ëudions ,  1 8 

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leurs  pro'iongenicns , 


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Royuli  des  Andes  :  fcs  reptiles  venimeux  , 

10» 

195 

189  &  fuiv» 


Corbina.  :  Pollfon , 
Corofunta  :  Monticule , 
Courlis  :  Oifcaux  , 
Cotorras  &  Cotorr'itas  :  Oifcaux  , 
Couleurs  des  habitans  des  différentes  parties  du  Globe  :  la 
caufc  de  ces  vaiiétés  inconnue  ,  1 1 

Criards  :  Oifeaux ,  19$ 

Crachemcns  de  fung ,  fréquens  dans  les  hauts  pays  froids  , 

Cuba  :  (  ïfle  )  Fièvre-tierce  qu'y  caufent  les  pluies ,    z$t 
Cuba  :  cccanos  dangereux  dans  cette  lilc,.  ^6o 

Cucaruchas  ^  ij6 

Cucnca  ,  fa  caifTc  ,  3 1 0 

Curaçao  :  Iflc  i  fa  pofition  ,  41 

Cu:i[CO  i  pierres  énormes  de  fa  fortcreflc  ,  jytf 

Crapaud  :  nombreux  à  la  Louifîanne  \  leur  gro/Teur  extrc- 

niej  bruit  <]u'ils  font ,  175 

Crocodiles  :  ou  Caiman ,  .  ,         180 

Dannemarck  :  Savans  que  le  Roi  de  Danneraarck  envoyé 

en  Afie  &  en  Afrique  ,  j  5  8- 

Déblais  avaritageux   des   anciennes  Mines  :   l'argent  s'y 

cft-il  formé  de  nouveau  ?  z&4  ^  fuiv» 

Droits  Royaux  perçus  fur  les  Mines   du  Potofi ,  depuis 

tan  15455  diminution  de  ces  droits  ,  j  17-5  il 

Déluge  :  tradition  de  ce  grand  événement  confervée  eii 

Amérique,  .  "360 

■i       I       preuve  qu'en  prcfentent  les  différentes  parties  du 

globe  ,  &  particulièrement  le  Pérou  &  les  autres  parties 

de  l'Amérique  Méridionale  ,  561  £^  fuiv. 

Eaux  de  la  mer ,-  leurs  profondeurs  différentes  félon  les 

tcrreias  «  49' 


I**"^ .— Ii»r,,»« 


D  E  5     M  A  T  I  E  R  E  S,  vfj 

—  des  hauts  pays  :  kgcrcs ,  pures ,.  fraîches  j  différen- 
tes circulations  des  eaux,.  115-114. 

•"^  pétrifiantes  y  iij-117 

—  vitrioliqueSy  11  j 
-—  converties  en  pierres  ,  iz6.  Reflexions  fur  ce  phé- 


nomène 


11 S 


■  de  pluie  couverte  de  pellicules  fulphureufes , 

de  Guancavelica  ,  comparées  avec  celles  de  Mîjjtjftpi  , 

Lacs  Borgne  ,  Pont-Chartrain ,  Maurcpas  ,  237 

■  I      preuve  de  leur    préfcncc  fur  toute    la  furfacc   de 
l'Amérique.  Voyc^  Coquilles ,  Montagnes ,  370 

Ecureuil  de  la  Louifianne ,  168 

Epidémies  de  1759  ,  en  Amérique:  liés  ravages  j  fymp- 
tômes  de  la  maladie  ,  147-251 

Eue  :  Lac ,  •  ii^ 

Evêques  :  Oifeaux ,  1 8  & 

Faveurs  y  ou  Capatas  3  l'i-d 

Faucon  :  OiCziM  y  196 

Fièvres-tierces  dans  les  pays  chauds  des  hajfes  contrées  du 
Pérou ,  151 

jF/jozâ«  ;  Oifeau  ,  19^ 

Floride:  pofition  de  fes  terreins,  41 

Fojftles  &  pétrifications  ,  355^ 

Fromager:  Arbre,  149 

Fruits  :  comment  ils  mûrilTent  dans  la  partie  haute  du  Pé- 
rou >  lia 
Gallareta  :  OïCtZM  y  iji 
Gacetta  :  Oifeau  ,  ipi 
Gar7[as  :  Oifeau  ,  »^j 
Ginfeng  :  14  y 
Globe  :  fes  révolutions  continucltes  ,  ^$6 
■  ■  terreftre  :  fes  parties  fe  rapprochent  par  des  avanta- 
ges réciproques,  4 

Bb  4 


:} 


^     a^^ 


viij  TABLE 

Guanacos.  Voyez  Alpaque, 

Guacamayos  :  Oifcaux  ,  i$% 

Guancavelica  :  fa  podtion ,  34 

Il      I  comment  on  y  exploite  le  Mercure  ;  riche/Te 

de  cette  Mine ,  3  37-341 

Guayaquil  :  portion  de  fes  terrcins  ,  3  8 

' Guacas  y  ou  Tombeaux,  37 tf 

Grande  :  Rivière  ,  4^"47 

Havanne  :  (la)  fes  tcrreins  fouvent  couverts  en  partie  par 

les  eaux ,  41 

<fy-7i. 

3" 

ZI9 

»5T 


(la)  Or  que  l'on  en  tire, 
degré  de  fa  chaleur  , 


Huantajnya  :  richcffe  excefllve  de  fes  Mines  , 
Huron  :  Lac  , 
Jcho  ,  Ichu  ,  ou  Pajon  j 
Ir.ficies  :  ne  vivent  point  dans  la  partie  haure  du  Pérou  , 

171 
Incas  :  époque  la  plus  reculée  de  leurs  Règnes,  330 

Lides  EfpagnoUs  :  connues  depuis  peu ,  35^ 

Inde  Occidentale  :  fin<»ulaiités  de  fes  contrées ,  6 

Indigo  ,  I  jo 

Irfeâes  venimeux  ;  ne  fe  voient  point  dans  la  partie  balTc 
de  l'Air.érique  ,  ou  Vallées ,  169 

Iquique  :  Port  ^  313 

Lahancos  :  Oifcaux ,  1 9 1 

Lacs  &  Rivières  y  au  Sud  &  à  rOucft  du  Canada,      ii8 
■  leurs  formations  ,  leurs  différentes  efpèces  ,  iio-zii 

I  des  climats  très  -  froids ,  ne  renferment  pas  d' ani- 

maux, Z13 

Llama  :  i  j  8 

Langouftins  :  ±l6  &  fuiv^ 

JLj;:/;:  ;  d'Amérique  ,  1$^ 

Lépn  :  fes  progus  dangereux  5  fes  caufcs ,     i6i  &fuiv. 


r 


1^« 

34 
richelTc 

ÎÎ7-J4I 
38 

4<;-47 

partie  par 

4i 

6^-72. 
3" 

a  Pérou  , 

171 

350 
359 
6 

150 
rtie  balTc 
169 
313 

Z18 

.10-111 

is  d'ani- 

158 

&  fuh^ 


D  E  S     M  A  T  I  E  R  E  S.  ix 

Ligne  :  Habitans  très-blancs ,  fous  la  ligne  ,  14 

Lima  :  fa  podtion  ,  64 

Louifianne  :  fa  températures  variété  qu'y  caufentics  vents, 

74-8tf 

■  fa  température  en  Eté ,  108 
•— — ^— •  fes  produélions  végétales ,  1^6 

■  abonde  en  Oifeaux  ,  comeftibles  ,  191 
I                  fcs  fièvres  dangcreufcs  en  Eté,                  25* 

■  ■  ■  Maladies  vermineufcs  de  cette  contrée ,      254 

I  tétanos  dangereux  dans  cette  contrée  ,         x6o 
•— — —  faulTcs  cfpéranccs  qu'on  eut  d'y  trouver   des 
Mines  d'or  Se  d'argent ,  3  54 

Maladie  ,  de  l'Amérique  Méridionale  ,  141  &  fuiv, 

■    ■  de  poitrine  ,  Inconnue  parmi  les  Indiens  j        i6t 
—Il     II      de  J'ept  jours  ,  particulière  aux  enfans  ,  255 

I  vénériennes  ,  fréquentes  dans  la  partie  baffe  du 

Pérou,  147 

I  ordinaires  de  la  partie  haute  du   Pérou  ;    celle 

des  Québradas  ,  i^j  &  fuiv. 

Mancen  Hier ,  114 

Mandragore  ,  144 

Maragnon  :  Rivière  ,  46 

Mercure:  Voyez  Baromètre  ,  34-35 

«— —  devient    la  mefurc  de    l'argent  ou  du  gain  de 
l'exploitation  d'une'Mine ,  x88 

■    diflribué  à  différentes  Caiffcs  ou  Bureaux  ;   con- 
ditions auxquelles  on  le  diftribue  ,  191-194 
-■            fon  prix  aux  différentes  Cai(fes ,               '        ijj 
I   droit  qu'il  doit  au  Trc for-Royal ,  19  j 
■■              fa   quantité  relative  ,    félon  la  richeffc  du  Mi- 
nerai d'argent  qu'il  faut  traiter ,  ^97 
—            rapport  de  fa  confommation   &  de  fa  perte  au 
produit  des  Mines  d'argent,  3«x 


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t  TABLE 

Mireure  :  fc  convertit-il  en  argent  dans  le  ti  a; cernent  dcj 

Mines  î  Sa  perte  ou  fa  confommnation  ,     :<  30  d"  fuiv, 
'       Il      nccefiairc  pour  traiter  les  Minc^  d'argent,    j}^ 

^itêmcnt  de  fa  mine  ,  jj/ 

I  comment  il  fe  rcgcncrc  dur.s  la  gangue,     341- 

J4J 

■■    ■  ■     Tes  Mines  font-elles  communes  au  Pérou  î     545)- 

■,  fes  Mines  connues,  jjo 

Mméruux  :  fur-tout  l'argent ,  &  la  manière  de  le  tirer  des 


Mines, 
Minerais  j  moins  riches  qu'autrefois  , 

^imaux  cjui  le  portent  à  la  fonderie  , 


f"^ 


169 
190 

175-184. 
188 
191 


Mines  :  leqr  appas  trompeur  , 

caufe  de  leur  décadence , 
'  contrée  où  elles  font  plus  fréquentes  , 
profondes  :  comment  elles  décèlent  leurs  qualités, 

325 
iaçonvéniens  qui  en  interrompent  les  progrès  , 

517 

I      ■  I  ■   comment  éviter  les  pertes  dans  leurs  traitcmcns, 

531-335 

■  tt argent  :  comment  on  en  aÏÏure  l'intérieur  j  tra- 
vaux néceffaires  Sa  continuels  dans  ces  Mines,   19a  & 

fuiv. 
m    I         ([argent  :  matière  néccffaire  pour  les  traiter,  33^ 

■  ■        d'argent  :  contrées  où  elles  gilfent ,  3  cy 

■  et  argent  :  leur  traitement  par  le  feu  &  par  le  Mer- 
cure ,  307 

Mineurs:  qui  font- ils,  &  quel  eft  leur  falaire?  318 

■.  leurs  défauts  d'expérience  dans  le  traitement 

des  Mines  ,  3  3  3^  yît'V. 

Mijpjftpi  ;  terseins  bas  à  fon  embouchure  ^  pente  de 


^-  7" 


^..    -.♦  ......v.-^  — 


NI 


desmatiek.es,    '         *) 

Tes  eaux  ,  4) 
Mijftjfipi  :  fcs  bords  couverts  de  forêts^  14* 
III  peu  poitronncux ,  115 
■  falubritc  de  fcs  eaux  j  Hmon  qu'elles  dépofent, 

1}! 

III  II  tranquillité  de  Ton  cours  ;  rehaufTe  Ton  lit  par 

le  limon  qu'il  dépofc  i  fcs  crues;  fcs  digues  ,  ij4-zj^ 

Mitas  :  ou  corvées  faites  aux  Mines  par  les  Indiens  ,  315 

Montagnes  du  Pérou  :  leur  état  fluide  anciennement , 

}  67  &  fuh, 
Mophete  ,  ou  air  mortel  des  fouilles  dans  la  mine  de  Mer- 
cure ;  phénomènes  fingulierfi dp  cette  vapeur,  343-349 
Mofquites ,  &  leurs  efpèces,  174 

Mules  :  leurs  maladies;  commerce  de  ces  animaux,  1^5- 

-     ■  -'        x6S 
Nature  :  variété  admirable  de  fes  ouvrages ,  l 

m.  ne  s'aflujcttii  pas  à  notre  entendement,  4 

■  I  caufes  qui  dérangent  fon  ordre  générât ,  z  ) 

Nouveau-Monde ,  préfente  comme  deux  Mondes ,  l'un 
dans  l'autre ,  7 

Nouvelle -Or/éans ,  ^  zjS&fuh. 

Oifeau  moqueur ,  ott  Sinfonte  ,  187 

Or  y  8c  argent  deviennent  la  balance  des  néceflltés  de  la 
vie,  xtfj)-X7i 

Or:  grande  quantité  qu'on  en  tira  de  S.-Domingue  9c  de 


Cuba , 

3Si 

Orenoc  ,                                                   c  ■' •■•' 

'.     r               4^ 

Orîiota  :  (  Voyez  )  Mandragore  ,          . 

144 

Ontario  :  Lac ,        ,     -     ••               ., .  .  u 

%t9 

Omro  {  fes  Minerais , 

3" 

Ours  y 

168 

Outarde  :  Oifeau , 

194 

Oye  fauvage  > 

194- 

{ 


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i. 


S9  TABLE 

Panama  :  (  iHlmie  de  )  cccuduc  de  fcs  tcrrcins,  4y 

Pape  :  Oifcau  ,  1 8  S 

Pafio  :  {jL  Caini'  j  eut  de  fcs  Mines  ,  309 

PatiUos  :  Oifcaux  ,  191 

PatofreaUs  :  Oifcaux  ,  19 1 

Para/yjîe  :  rare  dans  la  partie  hante  du  Pérou  ,  ^6o 

Pêcht ,  à  la  Noiivcllc-Orlcâiis  ^  139 

Ptréix  :  OxÇcixxx  ,  194 

Perionas  :  OiCcaax  »  19% 

Pérou  :  fcs  plats  pays  les  moins  connus  ,  4<f 

■  température    différente    dans    fcs  hautes  &  baffes 
contrées,  91-99 

-—  fa  partie  Occidentale   n'a  pas  de  groffcs  Rivières , 

il* 

■  ■      effet  du  climat  de  fes  hauts  pays  fur  le   corps  hu- 
main ,  24) 

■■      I  époque  la  plus  reculée  qu'on  en  connoiifo,  ^55 

■  vafle  dépôt  des  métaux  précieux  3  minéraux  qu'on 
en  tire,  Z74 

Pejàsduros  ;  315 

Petite  vérole  j  fes  ravages  au  Pérou  ,  ^55-^59 

Phénomènes  extraordinaires  ,  incxplic  abics  ,,  1  j 

Phihî^e ,  fréquente  dans  la  partie  baffe   du  Pérou  &  à  la 
Lonifianne ,  159 

PUaréfie ,  daits  la  partie  haute  du  Pérou  >  fon  remède  , 

l6l 
Pîckes  ;  Oifeaux  ,  i  ^9 

Piura;  fa  Cailfe  ,  M© 

P  ignés  d* argent ,  non  quintées ,  contrebande,  jzj 

-I    '      aux  dépens  de  qui  elles  fe  tsanfportent  aux  CaifTcs 

Royales  ,  j  1 5 

Poijfons ,  les  plus  remarquables  de  l'Amérique  Méridio- 

•nale,  zoi  &  fuiv^ 


V 


D  E  s    M  A  T  I  E  R  E  s.  xu] 

Portobelo 'y  fa  fituation  ;  fcs  eaux,  130-1)1 

Pûio/i  :  forme  de  ce  mont  j   fcs  fouilles ,  289 

— ^-  pauvrctc  de  fcs  Minerais  ;  richclTc  ancicunc  de  ce 
Mont,  iH']if 

Poule  d'Inde  \  i  p^ 

Prégnaditlas  :  PoilTons ,  aoj 

Pyramides  de  la  plaine  de  Paucaras  j  leur  origine  vient- 
elle  d'Egypte?  373-37* 
ProduSlions  du  Globe  ,  leurs  caufes  premières  inconnues  ; 
recherches  qu'elles  exigent ,                       •  8  6»  9 
Quéèradas  :  ce  que  c'eft  ,  al 

■  comment  elles  fe  font  formrs,  3^-3i 

■  formées  par  des  ruifTeaux ,  an 
Rayons  folâtres  ■  exception  cjue  le  climat  de  l'Amérique 

produit  dans  leurs  effets ,  ix 

Refcat adores  y  3^J 

Refcatar  :  ce  que  c'cfl: ,  3  zé 

Reptiles  venimeux  :  lieux  où  ils  fc  trouvent  dans  PAmérh- 

que  Méridionale ,  i6$-i-jt 

Rigolle  (la)  Voyez  lac  Borgne  ,  137 

Sauterelles  :  fur  les  hauts  pays  du  Pérou  ,  i8}-i8y 

Sel  :  requis  pour  traiter  les  Mines  d'argent  ;  lieux  d'où 

on  le  tire  ,  3516'  fuiv, 

Sierra  :  ce  que  c'cfl:  au  Pérou,  i> 

Soleil  de  Pana  :  fes  effets ,  107 

Suffocation ,  caufée  par  l'air  trop  raréfié  fur  les  hautes  cî- 

mesduPérou,  ii8-iit 

Sources  chaudes  du  Pérou  »  ng 

■  peu  fréquentes    dans   les  terreins  chauds  &  bas  ; 

150 
Spatule:  Oifeau ,  '  loi 

Sucre  :  fa  récolte  &  fcs  qualités  au  Pérou,  i;o 

Supérieur  :  I.HC  y  .  ,    '  ai^ 


ki 


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tif  TABLE 
Sarapicos  :  OiCcAUX  ,  t^f 
S.-Juan  de  Lucanas  :  (fut  de  fcs  Mines  «  308 
Sens  :  unique  moyen  de  bien  juger  des  chofes  ,  1 
Tabac  :  fa  qualité  au  Pérou  ,  i^% 
Tableau  du  déficit  dans  les  Droits  Royaux  ,  J04 
Températures  :  îeurs  effets  relatifs  fur  le  corps  de  l'hom- 
me en  différentes  contrées  ,  ^ 
m^mmmm^  &   climats  dcs  différentes  parties  du  Globe , 

— ■— — ■  des  terreins  de  l'Amérique  Méridionale  ,  vers 
la  mer  du  Sud  ,  87-pI 

■  de   la  partie  haute  de    l'Amérique    Méridio- 
nale i  fes  effets  fur  les  végétaux,  100-105 

Terre  :  but  de  la  nature  dans  les  variétés  de  fa  furface , 

17 

■  I  "ferme  :  (  Royaume  de  )  4^ 

Terreins  de   l'Amérique  ;   variété  dans  leurs  pofuions , 

16 

m       ■  I  planes  :  leur  caufe  incertaine  ,  40 

■  ■       ■■  élevés  :  prcfquc  toujours  éloignés  de  la  Mer  , 

.'j.    :  "    .  4% 

Tétanos ,   ou   Spafme  :  mortel  dans  la  partie  baffe  du 

Pérou,  1J9 

Texos  ,  non  quintes ,  contrebande  ,  315 

Tkermomhre  :  Voyez  Difcours,  $% 

Tortue  ,  4146'  fuiv, 

Trugillo  ;  fa  Caiffe  ;  Mines  auxquelles  elle  fournit  le 

Mercure  >  état  de  ces  Mines  ,  310 

Tucuman  :   fauffes  efpérances  qu'y  ont  donné  quelques 

Mines  «  312 

Volatils  :  leurs  efpèces;  leurs  variétés  dans  l'Amérique 

Méridionale  ,  J  87  6*  fuiv. 

Vallée  :  ce  que  c'çft  au  Pérou  ^  »! 


1; 


*M 


\' 


^9S 

t  X 

5  de  l'hom- 

S 
dit  Globe, 

nalc ,  vers 

87-5)1 

Mcridio- 

lOO-IOJ 

1  Airface , 

4; 

pofitions , 

!<; 

40 
la  Mer, 

41 
bafTe  du 

3*5 

.  &  /uiv, 

)urnic  le 

310 

quelques 

mcriquc 
&  fuiv. 


DES     MATIERES,  xf 

Végétaux  des  Jjffcrcntcs  contrées  de  rAmiiriquc  Méri«iio- 

iialc  ,  »ij-i4f 

yents  :  leur  influence  fur  les  degrés  de  chaleur,         71 

—  </«  5tt^.'  kiu     ffet  dans  Ji  partie  baile  du  Téiou, 

Verd-lulfant  ^  ou  Lucuyos  ,  ly^n 

Vignas  :  Bourgade  ,  ly 

Vigogne,  i^^ 

Viicas-Guaman  :  (  Province  de  )    état   de    fcs   Mines  , 

301 

yifcachas ,  1 64 

Voltigeur,  ou  Ecureuil  »  i^f 

Vomijfement  caufé  par  l'air  fur  les  hautes  cîmcs  du  P2- 

rou,  IÏ6-11» 

Zaramagullon  :  amphibie  ,  uo 

Zy/îe  Torride  :  Tes  liabitans  ,  x 


Fin  de  la  Table  du  premier  Volume, 


•    .-..y,..     .-