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SUPPLÉMENT
A L A
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COLLECTION
DES ŒUVRES
J> E
T.T.ROUSSEAU.
TOME yiNGT- ONQUIEME.
(
4
1
1 -
UPPLÉMENT
A L A
COLLECTION
)E S ŒUVRES
D E
F. J. ROUSSEAU,
Citoyen de Genève.
T-OME PREMIER^
A G E N E V K.
M. DCC. LXXXIT,
M- ^
« •
OBSERVATIONS
Sw U Dîfiours qtà a remporté le Prix de
tAcaàimit de Dijon tn t année 1750 , fm
cttit QueJHon propojeepar la même Acadc*
muSi\& rétabliflemçQt des Sciences & des
Arts a contribué à épurer les mœurs (a).
X^AuTCUR du Difcoiu^ Académique qui
a remporté le Prix à l'Académie de Dijon ,
eft invité par àès perfonnes qui prennent
intérêt au bon & au vrai qiû y réenent ^
à publier ce Traité plus ample, qu'il avoit
projette ^ depuis lupprimé^
On eipere que Iç LaEleur y trouveroît
des ^lairciflèmens &c des modifications à
Elufieurs proportions générales , difcepti»
les d'eicceptions ^ de reftriâions. Tout
(Cela ne pouvoit entrer dans un Dificours
Académique ^ limité ^ }xn, court efpace»
^1 p . . j -
{m) Ces pbferTarions parareçt d^s un ^ voluinçs d«
Menure de France» de Tapi^^ I75X» & M. RotifTeau y ré«
ftondicpAT iiiije lettre à M. PAbbé Raynal, qui étoit alprs'
TAoteur dn Mercure & qui parut dans le deuxième Volui^e
4e Juin de jcette aimée. Cette lettre de M. ^ouflèau là
j|^oi|iYe à la page 90 dn tr^ifieme Voiuiiif des Mélanges*
«^T'A 4p h ÇoUfÇp Tome U A
IF MB P ■ ■ .f
■ f Ti
Observations.
^ ■■
-Cette forte de ftyle non plus n'admet peut-
être pas .de pareils détails ^ &c çç leroit
d'ailleurs paroître fe défier trop des lumiè-
res & de réquité de (es juges,
Cefl ce <jue des perfonnes bien intçfi'
tîonnées ont voulu faire entendre à cer-
tains Leâeurs hériâés de difficultés &c peut-
être de mauvaife humeur de voir le luye
trop vivement attaqué. Us fe ibnt récriés
fur ce que l'Auteur femble » difent - ils >
préférer la fituation où étoit l'Eiyope
avant It renouvellement des fciences , état
pire que Tignorance par le faux fa voir ou
le jargon fcholaftique qui étoit en règne.
Ils ajoutent que l'Auteur préfère la ruf-
jicité à la politeffe^&^u'il feit main baffe
Jiir tous les Savans & les Artiftes. Il au-
roit dû , difent r ils , encore marauer k
. point d'oîi il part pour défign«r Tepoque
.de la décadence , & en teniontont à cette
première époque , faire comparaifon des
mœurs de ce tems-là avec les nôtres. Sans
' cçîa nous ne voyons point jjiifqu'oîi il fau-
diioit remonter , à moins que ce né foit au
tems des Apôtres.
Jls difent de pîus, par rapport au lu3^ç,
qu'en bonjje .poli|iqH?*.o? .(^t. W'i^ ^oïi
Observations.
eue mteidtt dans les petits Etats ^ mais qiie
le cas <l'un Royaiwne tel que la France ,
par exemple , m. tout différent. Les raifbns
^n font connues.
Enfin voici ce qu*on ohjeùe. Quelle
condufion pratique peut - on tirer de là
Thefe que l Auteur foutient ? Quand on
•lui accorderoit tout ce qu'il avance fur le
préjudice du trop grand nombre de .5a*
vans 9 &c principalement de Poètes , Pein-
tres & Miliciens , comme au contraire fur
le trop petit nombre de Laboureurs. Ceft,
dis-je , ce qu'on lui accordera, fans peine.
Mais quel ufage en tirera-t-on î Comment
remédier à c^ défordre , tant du côté de^
Princes que de celui des particuliers? Ceux-
là peuvent- ils gêner la liberté de leurs fu*
jets par rapport aux proférions auxquels
les ils fe deu^ienti Et quant au luxe^ les
loix fomptuair^. qu'ils peuvent faire n'y
r^médiejit jaçii^s à fond ; l'Auteur n'ignore
pas tout ce qu'il y auroit à dire là - oeffus*
Mais ce qui touche de plus près la géné-
ralité des Leûeurs , c'en de ikvoir quel
parti ils en peuvent tirer eux-mêmes en
qualité de fimples p^ïadiers ^ & c'eft en
^çffet .le>point important , puifque fi l'on
Ai*
n
4 OBSERVATIONS,
pouvoit venir à bout de faire concourir
volontairement chaque individu particu*
lier à ce qu'exige le bien piiblic ; ce con«
cours urtapime feroit un total plus com^
plet y 6c uns comparaifon plus (olide , qu9
tous les réglemens imaginables que poui:-»
roient faire les PuiflTances,
Voilà une vafte carrière ouverte au t^y
lent de TAutéur, & puifque la preffe roule
& roulera vraifemblajDlement ( quoi qu'il
cn.puiffe dire) ^ toujours plus au fervice
du frivole & de pis encore qu'à celui de
la vérité, n'eft-il pas jufte que chacun cjui
a de mçillçures vues & le talent requis ^
concoure de fe part à y mettre tout Iç
contrepoids dont il eft capable ï
Il eft d'ailleurs ^es cas oîi l'on çft plus
comptable au Pu)>liç d'un fécond écrit
•qu'on ne l'étoit du premier. Il n'y a pas
beaucoup de Léôpurs à qui l'on puiffe
appliquer ce proverbe. A ton entendeur
dpmi mot. On ne fauroit mettre daiis ufi
trop grand jour 4ès. vérités qui heurtent
autant de front le goût général , & il irai?
porte 4'ôter toute prife a la chicane^
Il eft auffi bien des LeÔeurs qui le§
goftteront flweujç (Ifinç un ^Iç IffHt uni |
ee==sg I ■ r^
Observations. 5
ùn
cet
e fous Cet habit de cérémonie qu*exigeht
es Pifcours Académiques , & l^Autcur ,
qui paroît dédaigner toute; vaine parure 9
le préférera làns doute , libéré qii^il fera
par-là d*une forme toujours gênante.
P. S. On apprend qu*un Académicien
d'une des. bonnes villes de France , pré*
pare lui Difcours en réfiitation de celui
ce FAuteur. Il y fera uns doute entrer un
article contre la fûppreffion totale de Tlm-
prîmerie que bien des gens ont trouvé
extrêmement outré. «
^j
aB SER VA T IQN S
Du MÊME M. Gautier
i
Sur la lettre dt M. Ronjjiau à Mi
Grlmm,^ &ۥ
■ VT i ^
Jyf* Rouffeau trouvé que j'ai tort &
qu'il a raifon. Sa décifxon eft tout-à-^fait
naturelle. Me feroîs-je trpnipé en croyant
que c'eft ^ux vrais philpfopjies ^ ôc non
à mon adverfaii^ , que je ctois m!en rap-
porter ?
Il ô\t qu'il penfe en tout fi différem-
ment de moi , que s'il lui fàlîoit relever
tous les endroits oh nous ne fommes paSs
de même avis , il {eroit.jobligé de me com-
battre , même dans lés cho fes que j*au-
rois dîtes, comme kir. J'avoue que j'ai le
malheur de penfer comme toutes les Aca-
démies de l'Europe. M. Rouffeau devroit
bien avoir un peu d'indulgence pour moi ;
il ne m'eft pas aifé de me défaire tout
d'un coup de l'eftime que j'ai pour les
Auteurs qui font honneur à la Républi-
que des Lettres , & dé me perfuader qu'ils
raifonnent tous de travers, II eft diffi-
DE M. Gautier.
cile d'oublier les logiques qu'on a lues ,
de fe faire une nouvelle manière de juger , '
& de croire que M% Rouffeau eft plus
éclairé , penfe mieux que les Univerutés
& les Académies.
Si je difois , par exemple , d'après cet
orateur y que î il faut ptrmuth à quelques
hommes- de fi livrer à Vctudc des fiiences
& des arts y ce lieft quà ceux qui fi fin*
iiront lafi)rce de marcher fiuls fiir les traces
des VerulamSy des Defiartes & des Newtons ,
& de les devancer ; on me feroit bien des
GuieÔions aiutquelles je ne pourrois répon-
ore fenfément, lï je n'avois pas encore
acquis cette jufleffe d'efprît qu on admire
dans fes répliques. Il n'y aura donc plus ,
me diroit-on y de Théologiens , d*Avocats ,
d'Architeftes , de Médecins , &c ? Non y
répondrois- je , les Sauvages fine des hommes
& ils fen pajfent bien. Eh quoi ! Voulez-
vous donc nous réduire à la condition
des Sauvages y à vivre comme les Hotten-
tcts , les Iroquois »les Patagons , les Ma-^
rocotas ? Pourquoi non ? Y a-t-il quelquun^
de ces noms là qui donne texclujion à la
vertu ? Je pourrois faire plufieurs répon-
fçs femj^ables que me fourniroit M..;
A 4.
8 Observations
^— — — — ■ 1 1 ■ I ■ ■ ■ Il 1 1 1 ■ — — —
RoufTeau ; maïs fi Ton me falfcit des
cbjeftions qu'il n'auroit pas prévues ^ î^
ferois fort embarraffé. Je tacherpis 9 U
eft vrai , de me tirer d'affaire comme lui.
Je me contredirois fouvent , afin de me
ménager des moyens de défenfe. Ceux
qui aimeroient affez le tien puLKc pour
ôfer m^attaquer , )e leur répondrois avec
une politefle femblable à celle des Huron»
bu de$ Illinois. Je changerois tellement
le fens de leurs réponfes , qu'il deviei>-
droit ridicule , ou je leur ferois dire tout
Te contraire de ce qif ils auroient dit. J'en
împoferois par ce moyen à tous ceux qui
feroieitt affez fots pour être les dupes de
mon éloquence , affez pareffeux pour ne
rien examiner par eux - mêmes. Mais il
m'en coûteroit trop pour fuivre les traces
de M. Rouffeau ; nos fentimens font trop
oppofés. Je ne pourrois jamais me réfou*
dre à dire aux Princes : aimez les talens ^
protégez ceux qui les cultivent , à cauie
3ue les Sciences , les Lettres & les Arts éten-
ent des guirlandes de fleurs fur les chaî-
nes de fer dont les peuples font chargés ,
étouffent ^n eux le fentiment de cette li-
berté originelle pour laquelle ils fem*
DE M. .Gautier.
bloient être nés , & leur font aimer leur
•fclavâge. Je croirôis déshonorer tes Prin-
ces y les peuples & mon jugement. Je dois
donc me confoler du malheur que j^sû de
ne pas penfer comme^ M. Rouâeau.
Je remarque cependant qu'il fe rappro-
che peu-à*peu du fentiment des gens de
Lettres. Il y a lieu d'efpérer que ^il com-
pofc encore cinq ou fix brochures pour
prouver qu'on ne l'attaque point , & cju'il
continue de répondre en difant qu'il ne
répond pas 9 il fera parfaitement d'accord
avec eux. Cela eft d'autant plus vraifem-
blable , qu'il emploie tout l'art poffible
pour contenter la plupart de {çs leâeurs.
Quel que foit votre fentiment , vous trou-
verez qu'il Tadopte. Si vous ditps que c'eft
participer en quelque forte à la luprême
intelligence que d^acquérir des connoifTatv-
ces & d'étendre fes lumières , vous pen^
fez comme Monfieur Rouffeau. Préten-
dez-vous qu'acquérir des connoiflances ,
c^dl perdre foji tems ? Monfieur Rouffeau
penfe tout comme vous. Selon lui^ la
fcience eft un remède excellent pour les
maladies de l'ame ; & félon lui , c'eft un
poifon qui corrompt les mœurs. Il coa-
A 5
K) OÉ S-E k V AT là H S^
-' " ' ~ ' - — ■--—■ ■ — .
vient des divers genres d'utilité que
l'homme peut retirer dés Aftyât des Sden-
ces , & il âffure auflî qu'ils font vains,
dans l'objet qu'ils fe prdpofeot. Si un»
homme modéré, dit qu'd eut été à defiren
2u'on fe fïit livré aux. feierices avec moins
'ardeur , & qu'il ne feut pas^les appren-j
dre indiftinftement à tout le indmle , M,
Roufleau. eft dé (on fentiment. Si. vou^
croyez qu'il ne . faut permettre en Europe
qu'a trois ou ^quatre génies du premiec
ordre ^ de fe livrer à l'étude^ vous êtes
de l'avis de M. Rouffeau. Affiirez - voua
qu'il faut retrancher les fciences ^ parc€^
ii'elles font pUis de maî^ aux mœurs que
e bien à la fociété ; c'efl-là du R^uiTeau^
tout pur. Moi , je dis qu'il ne faut pa»
briller les bibliothèques . &; détruire les .
Univerfités &, les Académies , & ce fontr-
là les propres termes d& NI Rouffeau^ .
On ne nniroit point & l'on rapportoît to\\$
les endroits qui., marquent: les précautions .
qu'il prend pour plaire à^tout le mondcw
Il dit que je ne rentends.pas;.on voit,
cependant que j'ai pris fon Difcours dan^ .
le même fens que l'Académie de Dijouj^
les Jûurnaliftçs & les Auteyrs qui l'oiu.
3;
DE M* G A U T I E R. „ 1 1 f
—il——— ■ Il — ■— ■— — 1— — — 1^— »
attaqué. Il feroit fort plaifant qu'il n'eût
efavoyé à cette Académie qw'ùn recueil
d'énigmes dont perfonne n'a la clef, &-
qii'il eût oublié dans fon porte-feuille les -
véritables preuves de la propofition qu'il
vouloit établir. 11 ajoute que je n'ai point
faifi rétat de la queftion r voilà irn.bon.
moyen pour donner le change aiix leç-
tçurs. Montrer que fes raifonnem'ens fôht^-
dès fophifmes , c'eft la feule queftion dont'
il s'agit dans la réfutation. J*ai dit: dahs
l'exorde, que je me bornois à monri^er^
combien là plupart des raifonnemens de"
M. Rouflèau font défeûueux. ^
Si j'avois voiilu prouver qiie leTétîibK??
iement des fciences a contribuera épifrèr
l«s mœurs ; j'aurois établi la propoiïtïotf
par des fiiits , & développé la manière doWt'
elles influent fur' leur pureté, J^a^penfe'
que cette belle matière ne pouvoît être trai-
tée avec* toute la dignité &rélpqiienàë donti
elle eft fufceptible , que p^ les meilleurtii*
glumes dé rèurope.' ^ .' J^ ^
On diroit qu'Omar eft le géhfe qûrdP'
rige celle, de M. RoufTeau. On ne pàîr
voir , fans peino , le vrai qu'on troiiVe dans*
quelques endroits de fon Difcour^ / déîfî-^
12 Observations
juré par les excès où remporte fon zele ;
pour ne pas dire fa fureur de fe diftin*
guer. Ceft George Fox qui prêche , que
c'eft un très -grand, pèche de porter des
boutons & des manchettes.
Voyons comment TAuteur prouve que
je n'ai point iàîfi fon fentiment. Par txem*
pic y M, Gautier prend la peine Je m*appren*
dre qi^ily a des peuples vicieux qui ne font
pas favans. Je crois que cette obferva-
rîqa porte contre le fentiment de M, Rouf-
ieau ;^ car en fuppofant même que les peu-
ples ignorans ne font pas plus corrompus
q^if s'ils étoïent éclaires , ii eft évident que
les ,yjices qui régnent parmi nous , poinrant
^voir les mêmes cauies que ceux des na«
tions ignorantes , il nV a aucune néceffité
de les rejetter fur la culture des Sciences &
des Lettres. Lorfqu'un eflFet peut avoir
fjlufieurs caufes , on ne peut , avec raifon ,
attribuer à Tune déterminément , qu'on
lirait prouvé qu'il ne provient pas des au-
tres. Ceft ce que M. Roufleau n'a point
f^it , & n'auroit pu faire dans la fuppofition
que les Sciences pourroient être une des
xaufes de la dqjravation des mœurs. Ce
raiiQimement eft fondé fur les règles de I«
DE M. Gautier. ij
logique ; mais cette fcience eft trop fer*
file en mativaifes chofes, félon lui , pour-
qu'il dai^e feire attention à fes préceptes*
J'avois dit , en rapportant fon ienti-!
ment « Eh ! pourquoi n^art-on plus de
H vertu ? Ceft qu'on cultive les Belles-.
» Lettres , les Sciences & les Arts, h U^
rëpond 9 pour cela pricifimtnu II donne •
donc Texclufloii aux caufes connues. Donc
fi Ton n'avoit point cultivé les Lettres en
France , on n'auroit point eu de vices j
quoiqu'il foit certain par l'Jliftoire , qu'oit
eil avoit pour le moins autant dans les
fiecles d'ignorance 9 que dans celui où nous
iommts.
M. Rouffeau auroit bien dû nous dire y
pourquoi il admet diverfes caufes de cor-;
ruption dans les autres parties du Monde,
& qu'il nous accorde le privilège de n'être
corrompus que par les Lettres , les Sciences
& Içs krxs. Voilà un phénomène que per-^
fonne n'avoit remarqué avant lui.
U eft peut-être auffi le feul qui ait lar
gloire d'avoir dit : La Science 9 toute belle i
toute fublime qiLelle éjl^ nefl point faite pouf'
thomnu , û a tefprit trop borne pour y f air t
de grands progris ^ &trop dipajfions déLM,
■ -■ I . —
14. OBSE^YATI ONiSt
« I ■! . — B— — r— r-rrr . . ■ , ' . ,
Is^cœurpo^rti* enflas faire un-mauvais ufagc^f
&ncn,abuf€ tcaucoi^^ on en ahufi toujours.^
, VoUà des Orades plus clairs & aiiiÏL
refpeâabl^s que ceux dç Delphes , de
Dodom & dç TrophoniuSy 'En vérité, je
fuis tenté de croire, que M.' Rouiteau a
rkifon.. Les Mémoires de Meilleurs de
l^Académje desSciences ^ ceux de' la Société]
Royale de Londres , ime infîiiîté^d'Oiivra-'
ges particuliers fur les Sciences, font voir*
pien clairement qu'elles ne font ppint faites.
pour l'homme^, qu'il a Tefprit trop borné
pour y faire de grands progrès , . & qu'il*
« abufe toujours. Les meilleiu*s livres de!
Morale , d'Hiftoire , de Philofôphie , &c.>
ne^ font bons xju'à nous rendre malhonnêtes'
gens.
L'Orateur prononce quelquefois de?
Oracles qui neïont pas fi clairs ; & j'avoue*
^ue fi entendre un Auteur , fîgnifie apper-
eevoir le rapportée toutes les chofes qu'if
dit , je n'entends pas toujours les écrits def
M. Roufleau. Si les. Sciences font vaines
dans leur objet, fi. ce font des occupations
oifeufes, comme il Tafllire, pourguoi^.
dit-il , gu'elles conviennent à quelque^
grands génies. Pour bien ujer de la Science ^^
1 ■'■■ 'J'IM I
I>R M. G AUTLRIU »5r
l*«k
il Jatu avoir de grands tédens \ de: grandes^
ytrtus ;, or Cixjl et qiion peut à peine ejpéreri
de qmlques âmes privilégiées. Une ame pri-'
vilégiée fe livrera-t^elle à des occupations
frivoles ?. Il faut plufieurs fîecles.pour
trouver des Auteurs qui. puiffent .devancer
les Defqartes & les Newtons^; jp confena
Qiême q^e chaque fiecle en prqduife une •
douzaine ^ à qvai ferviront les efforts dé-
cès grands génies, ptûiqvierles N^ons,
à qui Ton n'aura pas permis.de cukiyer
ks Sciences ,. n'entendront point Mxixs
Ouvrages î ^'ailleurs, comment faura-t-»
on fi lin homme a. la^ forc^ dç mârchet '
fêul fiit les. traces. des Defcartes & des
Newtons.,^, & comment le faura-t-il luu
même , fi Ton n'a point cultivé fon efprit >
le pourroisv rapporter beaucoup d'autres .
endroits que je rfentends pas mieux ; ainil
ce a'çft pas tout-à-fait fans fondement qua
M..Rou4eau m'accufe de ne le p^ entendre.
Il dit. que je; lui prefcrks les. Auteurs
qu'il peut citer , & que je récufe ceux
qui depofent pour lui. IL vouloit prouver
que des Peuples ignorans ont par leui^
vertus fait l'exemple des autres Nations, U
ionae .ce fait coname cenain , fur le témaj*-
lâr Observations
gnage de quelques Auteurs : j'en cite d'au-
fres auffi croyables , qui peignent ces mf-
mes Peuples avec des couleurs fort diflFc*
rentes. Je donne leur autorité comme cer-
taine poiu- imiter M. Roufleau , & lui &ire
&ntir cpie des faits tout au moins problé-
matiques^ ne iauroient lui fervir de prei:-
iVes. 11 y a plus; la certitude même de cesl
&its ne Fautoriferoit pas à conclure que la
culture des Sciences déprave les moeurs ?
)^en ai <lit la raifon dans la Critique. Si
yOrateur n -eft pas heureux dans les confé-
quences qu'il tire des faits pofés pour
principes ^ c^^û^ fans doute, la faute des
feîts & non pas la fienne ; pourquoi ne
renferment-ils pas les conclufions qu'il en
Veut déduire ?
Il me reproche de m'être contenté dans
la féconde partie de mon Difcours , de dire
non , par-tout oîi il a dit oui. J'avoue
que j'ai eu tort de n'avoir pas mérité le
reproche qu'il me fait Jettons un coup-
d'œil fur ce qu'il appelle fes preuves. Après
avoir aflîgné une fàuffe origine aux Scien-
ces & aux Arts , il conclut qu'ils la doivent
â nos vices. Ceft avec la même force dé
raisonnement qu'il prouve que les Sciences
DE M. Gautier. 17
font vaines dans l'objet qu'elles fe propo*
lent. Pour montrer miVlies font dangereu*
{es par les effets qu'elles produisent ^ il dit
que la pcru irriparabU du tems tfi It premier
préjudice qil elles caufent nicejfairement à la
Société. C'eft fuppofer que les Sciences
lui font inutiles. Selon lui , tandis qu'elles
le perfeâionnent le courage s'énerve ; àc
3 k>ue la bravoure des François« Il fou-*
haiteroit que nos Troupes euffent plus de
iorce & de viguetu-, je le fouhaite comme
hii. On peut les accoutumer aux travaux
Î>émbles 9 à fupporter la rigueur des Êd«^
ons 9 ians que les Belles^Lettres 9 les Scient
ces & les Arts en fouf&ent aucunement.
Si la culture des Sciences efi nuijihle aux
qualités guerrières ^ elle tejl encore plus aux
qualités morales : en voici la preuve '; iefi
dis nos premières ftnnées qii'une éducation
infenjee orne notre ejprit & corrompt notre
jugement. Voilà le précis des preuves de
M. Roufleau. On voit donc que j'auroîs
été fondé à dire fimplçment non, par-tout
cil il a dit oui ; en forte que loriqti'il me
reproche d'avoir répondu non , C'eft comme
S^Û difoit : je trouve fort mauvais , Mon-
iîeur 9 que vous ayez fait à mon Difçours ^
jÇ Observations
les répoflfes les plus fimples- & les feules
qu'il mérite.
' Pourquoi la nature nous a^i-ille mpoJZ
des travaux nece/faires , / ce nefi pour nous:
iitourner des occupations, oifmjes ? FaufTe
fuppofition. On fait que les Sciences ôc
les Arfô ne font pas uiutiles. Il n^y a pas-
j^cju'au Difcours de M.. Rpuffeau qui
n'ait fon degré i'utilité , puifcjull fait
fentir combien il eft important d'enfeigner
Kart de penièn Peut-être même croira- t'-
en que c'a été le defTein de l'Autçur, &i
qu'il.a voula nous donner des infiruâiônsT'
dans^ le goût dé celles que lès Lacédér"
jnônien*^ donnaient à leurs, ènfens fiir là;
tempérance. . . ; ^
ifcf.. Gautier dèvoii bien nous- dw quel étoît
k Pajys & ^ieméder d^.Catnéadc. Quelle
laéçe^té y avoit-il de dire de (;p.iel Pays
4toitx ce. PhilQfophe ? Né .devois-rjé pas
auiïl rapporter '.ce qu'en difcjat ticéron ,
Pline, Diogene de L^erce ,Àulu- Celle y-
Valere-Maxime , EUçr^, Plutarque ? &c.-,
: j'ai appelle C^rnéade , un des Che6 dé
là troifieme Académie , & on me demande
de quel métier il étoit.
^M, Çlautier^ qui me traite par-tout avec
I N'i' ll ■ I ' 1 ,
9£ M^ G AUTIEE. 19
■•^«
Ui plus grande, poliujft y neparfftt aiuunc
occafion d^ nu fufçiitr des ennemis^ Quel
^gement doit-on porter du Difcoiirs de
M.. Roufleau, fi. montrer qu'il fe trompe j^
c'efi kii rufcttc^ des ennemis ? Tout le mal
qacxje lui jfouhaite^ c'eft qu'il penlè comme
Hos Académies.
' J!ay:ois dit a les:viâoîres que fes Atbë-
if niens .remportèrent fur les Perfes &
*>>fur les tacédémoniens mêmes ;^ font
» voir ijtttfr les Aifts peuvent s'aSocjej:
» aiœcJanwertu militaire, » Jl demandt-jàlt
M; Rouâèau 9 Ji ce n^fi pas là, uut adrêffi
pour rap^tlhr^ Oilqtifi pai^dif de la défaite,
de, J£tr9hsi^ & pour vie faire fçnger au dé^
nouemeot dtla-piçrrz du Péloponnefe. Je
demanda à mon tour,, fi. l'on peu|, fanj
s'infîarirc'etiÀux conteè FHilJ^içe„ psnfei}
queies Athéakns ^fsil iii moins 4^ va^
leur & rciïipori?éji»joins de yiôpî*"®^ , 4çla7
tontes qut-îies, L^é^létaonienS'^iRowp^it-
on, lavoir ijoramea^t ert Auteur a acquis
le droit de . rejetter ; les - feits hiftoriq^es
les^ mieuxr<:onftal€S|^ lorfquïls ibat , con-
traires à fon tUpitùon ? Seroit-cjetf^n prêt
pauu la réfolutipn r de rfavoir p^:>l?ortè
tour moi ^. j -ai prisj.çelte den* 4ir^.iay*
■■ ■ ■ " '"""^ Mlil-^l>
io Observations
^ÊmâÊtéimamt^mtê^
tune chofe où il trouve que j'aye laifon»
fai dit , en parlant des Athéniens,
il leur gouvernement devenu vénal fous
» Periclès , prend une nouvelle face ; l*a*
n mour du plaifir étouffe leur bravoure f
y^ les fondions les plus honoraUes font
n avilies , l^impimite ^nuki{die les mau-
ff vais Citoyens 9 les fonds deâinés à la
f> mètre font employés à nourrir la mol*
n leiTe èc l^oifiveté ^ toutes ces caufes de
9f corruption ^ quel rapport oiit^clles auit
» Sciences? h M.Roufleau veut oue ces
taufes ne foient que de$ ett^% de la cor*
ruption. favoue que différentes caufes
partiaitieres peuvent avoir ime caufe
première & générale , & oue fous cet
àfpeâ on peut les appeller enets ; mais il
n'y a nulle raifon de croire qite la culture
des Sciences eu cette première caufo ;
puifque toutes celles que je viens de tap*
porter fubfiftent dans plufieurs pays où
les Sciences ne fiirent jamais cultivées*
D'ailleurs cette première caufe eft connue.
Periclès fit des changemens qui intro*
duîfirent le relâchement & le défordre.
M. RoufTeau connoît fans doute ce ùàty
i^ il ne laiûe pas de dire : il/. GautUrf
PE M, GaUTI ER, XI
fiim it ignorer ce qtion ne peut pas Juppofir
^liil ignore en effet ^ & ce que tous les HiJ^
piriths difent unanimement ^ que U deprom
ration des mceurs & du gouvernement des
\4thenUnsfiit (ouvrage des Orauurs. M, RouÇ*
4èau me pennettra de ne pas convenir de
i^in^imltç 4es Hiftpriens fiir le fujet doi^t
il eft quêftione J*avo\iera| qu'il y aroit
des Orateurs qui flattolent le peuple 4
fxuds y comme Plutarque V^ remarqué ^ Iç^
athéniens qui pendant la paix trouvoient
^iu plaifir h écouter leurs i^atterie^ , nç
ilûvoient dans les affaires férieufes que
les avis de ceux qui ^ifoient profeilion
de dire la vérité uns aucun reipeâ hum^inf
Platon « qui connoiffoit parfaitement Iç
: gouvernement 8(. les moeurs des Athé?»
niens , reçonnoît quç l'e:i||:cès de leur lir
berté anéantit leur vertu 9 & que cette
liberté eyceflive avoir ia fourçe dans la
iureté où ils croyoient être depnis la
yiâoire de Salgmine. Il dit que la çraintft
étoit un frein néçeffaire à leurs efprits.
Juftin confirme la yéritç d^ cette ré»
flexion , en difant que leur courage ^e
ïuryéput pas à Epaminondas. « Délivrés
22 Observations
^ éveiUëe , ils tonlberent dans une iiido^
♦>v lence léthargique. Le fonds des arme-
» mens de terre -fe confume auffi-tôet en
i> jeux & fêtes. La paye du foldat & du
>f matelot fe difla-ibue au Citoyen oifi£
^ La vie douce & dékcieufe amollit les
^> cœurs , &c. »
En tout cela il n'eft pasqueftion d'Orar
teurs. On fait bien que plufieurs <:aufes
concoururent airx mêmes effets. Le fen-
liment de la focîété des gens ^e Lettres
tjui travaillent à l'Hiftoire univerfelle ,
«ft , Gue la corruption fut amenée chez
les Atnéniens par Populencex[ue leur pro-
curèrent leurs viôoires. Voyez fi Mef-
lieiu-s de Tourreil , Boffuet , Roltin , Len^
glet , Mably & autres <jui ont parlé des
caufes de la dépravation des mœurs •&
du gouvernement des Athéniens , difènt
que ce ftit Touvrage des Oraieurs (*).
. Les défauts , les vices que les gens de
Lettres peuvent avoir de «commun avec
(♦) M.HouiTcau doit 'trouver 1)ien pitoyable cctteTéfle-
iCion de rilliiftre Bofluet : " Ce que fit la Philofi^bie poir
.„ conferver Titat de la Grèce n'eft pas croyâUe. Plus ces
«, Peuples étoient lil)res , j>lus il ^\oit nécefTaire d'y établir
t, par de tonnes 'raifoiis les règles des monits & celhs ^c
»■- » PM^^M»— iiHiPP^— ^— — — i— — 1
DE M. Gautier. ij
. : ^ ; ■ ■■■ w ^
les ignorons , M. Rouffeau les impute aux
;5ciençes. Qh qu'il penfe difFéremmcnt
Au maître à danfer d.e M. Jourdain!
Seloo l'un tous les maux viennent de ce
jqu'on nje cultive pas l'art de la danie^
jèc félon l'aube , de ce qu'on cukive tou$
les Arts.
n jn'apprend qu'il y a dans la gazette
.d'Utrecht, une pçmpeufe expofition de
la réfutation de fon Pifcours , &c* Je
ji'ai aucune part à ce qu'pn en a dit dans
Ja galette, ou dans d'autres ouvrages.
M. Rouffeau jdoit-il trouver jnauvaîs
qu'on rende compte au public d'une diA
pute littéraire , qui eft intéreflante ? Doit-il
5'en prjîndre à nioi de ce qu*on trouve
mon çGfçours plus fplide que le fien ? Si
je yoyois dans la gazette un éloge de
fpn .ouyrage , je ne l'accuferois pas de
Ty avoir fait inférer; je me coritentisrois
de penfer que ceux qui louerçient la juf-
tefle de fes raifonnemi^ns ont Telprît ftux.
«, la Société. Pythagore, Thaïes, Anaxagort^ Socrate, Ar*
„ ebyta», Plaum. Xénophon, Ariftote&.une jnfiaité d'syi-
^, ttes , remplirent la Grèce de ces beaux préceptes. Les
M Poètes Mnêmes , qui étoient dans les mains de tQpt le
„ peuple, les inftrujibieiit p!is>n core^u'il$ n^ les iUvir«
:ii tiSUtPfif» ( Note de l'Auteur des Obfervations ).
%4 Observations
i -
Il ritft pas vrai , ftlon M* Gautier , qu$
et fait des vic^s des hommes que PHifioir$
fire Jon principal intérêt. Je n*ai pas parlé
du principal intérêt de PHiftoire. Ceft
^vec l'Auteur de la galette crue M. Rou£>
/eau doit entrer en Uce. J'aomire Tadrefl^
qu^ilade déterrer dans une gazette unç
réponfe qui n'eft pas de i^oi 9 au lieu d^
répliquer ^ux miennes. Il demandait ce
que açviendroit THifloire , s*il n'y avoit
ni tyrans ^ ni guerres 9 ni cpnfpirateurs^
^la réponfe 9 . qu'il a eu la prudence d^
ne pas relever , a été mife dans un beau
jour par d^x ''Auteurs (*) ^i ont iMi$
parti contre lui^
Il avoit dit ; ^ quoi fervirolt la Jurijr
prudence fans Us injujlicts des hommes }
rzvois repondu , qu^ucun Corps poli^
tique ne pourroit mbfifter fans Ipix^ n^
jSit-il çompofé que d'hompies juftes^
M. Rouleau reçontioît cette vérité ; or
i^ès^que les loix font nécefTaires , il fai4
3u*on en ait 1^ çonnoiffance j la Jurifpni»
ence eft donc néceâaire. On demanda
m^
C*) Lfua acoiQpofé im très4>eauDi£cours» qu'on trouTH
- finns le Mercure de Décembre ; Tautre eft fA, Freroa » ^îi
pourtant
/
gBHEBBBaeasasfii
P£ M. Gautier. ^5
pourtsi9t û ]€ la confonds avec les loix»
^uBpc^iis. qu^U n'yçmt çpie des ^oomc^
juues en Emupe 9 ive iàudrt-tTU pas df(i
lobe de toutes .ei^ces 9 relatives à la v^
fiété des jdSèms ^ m çomi^erçe, à la
navigaiion , a«x «yaiwft^utes , anx î^n-
dî^isr^^iis flrpits des pairtiçu-
'S y axa divecs ^ot^es de Ig natioi^?
^m:. Ces Ipix jaéceiSûr(ment,nom|)reures
{xmr un grand peup^, iecpiu, ,^tf^
-eela 9 fii£:}eptibles de plufieurs i^iarpré-
tations 9 fuivant la diverfité des ôrçQfif-^
tancer : Vétude de ces loix fuâura ^nc
•pour occuper ^elques. cîtoyeQS y doqt
Its luiaieres jaideroDC 4eurs co;npatrjk>te$»
Ia$ LaddimonUns n*avoi$ntniJtfifiqii^,
fulusy ni avocats. Us avoient di^s çsagiî^.
trats & des procédures futidi^^» 0<i
lange ibus ronzîeme table des loix dfi
Lycurcue celles qui, cooeeroie^ntl^ Coiu'^
4e Jui£cei>^' pui(î:îu*il <boit 4ié&ad^ aifîc
^jeunes^os d^aiiAer aux plaidoyers ^ a|>p|i-
ireiiiniem <piW pbidoil; Mais iiippoioiB
âes ishofes tâlts que les: ^ppcMte M« Rqu£-
«•icHÙ r d^lsiiftitutiaGis qui cooyiennent k
-titte:ïpetite:ibçicté de ^ol^ats.,; payent-
ledits iafoipliBu:icbn(B»;ilav^rM X9
^1^///» À A^ ColUc. Tome t &^
%6 Observations
iMlV^BHUWhM^MiM
-m'en ' rapporte là-deffus à {apolitique;
Mais )'ai de très-bonnes raifons pour ne
sm'en Rapporter qii'aus: kâeurs fur ce que
je dis dans h Réfutation. On n'y trou-
vera aucun des taifonnemens faux ott
ridicules que M^ Roufieau a la bonté de
me prêter , pour rappeller fans doute la
(implicite' de ces premiers tems qui don
vent faire honte à notre fiecle^ à ce fiecle
malheureux qui eft aflez corrompu par les
Sciences pour exiger de la bonne foi jui^
-ijues dans la difpute.
Cependant je reconnoîtrai volontiem
cu*fl -rapporte ^dellement quelques ré-
^exiond générales , ou qui préparent mes
'ti'anfitiQns , ou qui font des fuites de
-cmelmtes raiibnnemens. Par exemple ,
f avois dit : fous prétexte 4'épurer les
mœurs ^ efl-il permis d'en renverfer les
appuis } Il répond ifous pràtxu <CicUirir
les^ efpnt» l faudra^i-ïl pervertir iês amçs }
*Çe$ réflexions & d'autres femblablesf»
font peut-être I égalemef^t .-^^^ndées ^ &< il
efl "^rprenant que 'NL Rouflc au qui ^.eit
^éfolu 9 ' comme ii TaUboe phifieurs: foift,
-ft nîè point rébUquer , .réponde à ^es hom
%zk)^%i V^ Cg «aie fto^
D E M. G A u T I E a. 17
veiie ks preuves prétetïdues. H eâ plu5
iufpreivuxt ^encore quç dans la crainte oit
il A de vok les brojchures fe transfbnner
en volumes , il en faiTe une de trente-ime
pages 9 pour dire qu'il ne dira rien.
S'il fe défend inal lorlcpi*on Tattaqne ,
^n revanche il fe ^défend tiÀs-bien quand
on ne l'iittaquie pas. Je me borne .à ua
feul exemple : il dit que je liu reproche
ëVi^ir employé la pompe oratoire dans
un difcours académique ^ & j'ai loué >fon
éloquence en trois ou xruaire endroits. Il
-eft vrm que f ai demande à quor tendoient
fes éloquentes déclamations ; mais il me
iemble qu'il rfeil pas riécefliiire d'être
perverti par/les Belles-Lettres, pourvoir
que ce mot , diclamanons , tombe fur le
idéÊiut de juileffe dans fes nifonnemens%
jk, non fur la forme de fon ftylft. Auflî
M. f r^oii y qui applaudit à l'éloquence
de ion 4ifcQurs^ dit 4ve,c raifon, tjiVIil
eft pbligé 4e ne k . t;j2|;arder que comn^e
.une décuimatk)ii vague ^ appuyée fur jxnf
métapbyfi^u^ fauffe ^ &c fur dé? .^plîcar
rions defaits.hiftbriques ^ qui iie détruifent
jpjir xaillp feits çommi^ ^
' s:x
PISCOURS
M. Le Ri^i 9 Pmfèffkur Ht Èbétori^ au
Collège du Cardinal Le Moine , prononci
le IX Août 175 1 dans les Ecoles de Sor^
bonne j en^prifence de MM. Su Parlement ^^
^ . ^Poccafion de ta. difirihudon des prix
. 'fondés dans J^Umm/hi,
X
TÇracluU en' François p^rÎM. B, Chanoine
Régulier., Pr()cureur-* Général de l'Or-
idre tle Saint* Anceine*
rèiît à h î^^rtu,
MEySIElTRS,
yL Es tettresom teurs phénomènes aînfi
'»quela'Phyfique..Comnie,'àia fàveifr d'un
tems^férein on ^découvre c[iiekjuéfois'dans
^é Ciel de notivrek\ix aïïres ; dont l'édat fur»
jifétiant arrête riàs n^érds, '& dont la mar»
tfhè peu- Connue fixeTartention des.Aftro--
nomes : île'raêmeHorfque les Lettres font
te' mieux cultivées , on vdît de tems en
tems s'élever parmï ^ les 'fe Vans "des - opiip
pipn? ^MiÇi jappantes pgr Içwi: nçi^vçauté
Discours^ %gt
que par leur fingularité ; Se doot leis pro%
grès afflîgeans poiu: ceux qui les confide*
rent , laiflent entrevoir avec peine le firuitî
que l'on en doit attendre. Ceft le cas oîfc
nous nous troiivoas aujourd'hui ^ da|i$ uxk
ûecle oti le$ Sciences & les Art$~<H^été
portés à uiï fi haut degtié de perfe^ioa i)
W effet quoi de pKis inoui, que ce qu^oa
a depuis peu avancé pv^lii^ment; que
ks I«ettr^ font la pmncipale caufe de 1^
corruption des mosurs ?
Ce iit^ point ici , Meneurs, y. uo jeu
d'efpnt , nt lîeffét de quelque jalouiie fe-
€rete. Nos adverfiures combattent à vî*i
fege découvert : ce font des peribnnagèt
graves ; & ce qu'il y a de plus extr^oih
dinaire ce font des hommes très-éloqiiçns*
Bs citent le geni>e-humainà leur tribimal^
& parcourant foo l^ftoire comme s'il ne:
s'agiiToit que de l'hiÉboii» de la vie d'uri
lètil homme , ils remarquent d'abprd 5^
que créé depuis plufieurs filles, après
une longue enfonce , loin de devenir plus
mûr avec l'âge, il renchérit tous. les JOMT^
fur fes auciens vices , qu'il fe plongç. d^
pWs en dbs dans le crmie 9 ic ne cef&f
jm^ oêtre k jouet de quelqwpaïflaQii
B 3
30 Discours.
particulière ou de toutes enfemble. Indi-
gnés à la vue dHme fi étrange dépravai-
lion , & perfuadés d'une part que nos
defirs fom Punique iburce de nos dérégie-
m^ns ; & de Tautre , qu'on ne délire que
ce que l*on connoît; ils ofent conclin-e
que la vertu n*a contre le vice d'alyle
aflliré que dans le fein de Pignorance^
& que les Sciences & les Arts font pour
^efprit qui en eft orné autant de difie*
yens poilons , dont il faut proicrire fuiâge*^
• Nous convîendroit-il d'autorifer ce fen-
timent par notre filence î & ne devons-
nous pas plutôt le fbumettre à la cen»
fure de cette augufte Afiemblée } C'eit
ici , Meilleurs , que les Lettres comparoif*
fent devant vous , non en qualité de iiip-
pliantes ,- comme elles plaident moins pour
leur propre intérêt que pour celui de
rhufnânité , cette pomire les déshonore*
roit ; ni même en qualité de complai*
gnantes , car elles n^orit garde de s'irriter
contre ceux que le feul amour de la vertu
porte à les infulter rmais remjJies d'égards
pour tout le monde , elles vous invitent
îimplement à examiner , fi fous j^étexte
de ven^r la vertu , on ne lui cauferoit
•
P I s C O U R s* 31
■MMB*
^as un extrême préjudice , en Im interr
di/ant tout connnerce avec cUes.
Quel pius jiifte motif de confiance potit
les Lettres, que devoirTélite duRoyaunfie
s'affenibler en foule dans ce lieu ^ qui a
toujours été regardé comme le fanâuaire
des Sciences ? Ici , Meflieurs , même en gar-
dant le filence , vous plaidez éloauemment
kur caufê ; votre préfence feule , qui eft
une preuve de l'attachement que vous avez
pour elles 9 leur répond de la viâoire.
- Chargé ^acquitter le tribut annuel que
mo\is vous devons, je v^is dojic par-
courir les avantages que les Lettres pro-
curent à la vertu , & vous montrer dans
la première partie de ce Difcours , com-
bien ceux qm les^ condanuient les connoif-
fent peu : vous verrez dans la féconde que
Inexpérience & les faits détruifent éga-
lement les rçpifodbcs , dont on veut les
^câbler. Daignez , Meffieurs , prêter à
ce que je vais dire une oreille favorable^
^X D I se OURS.
PREMIERE PARTIE.
' On peut pardofftier aux ignarans Ter-
rtur qui leur fait attribuer aux Lettres
Tabus qu*en font quelquefois ceux qui
fes cultivent ; mais que des favans exer-*
ces dans tous les genres d'érudition rté-
connoifient leur effence & leur deftina-
tion y & les rendent re(pohâibl«s de toiis^
les fnauit qtféprouvé te gettre-î^huttiain ,*
c^eft un 'prodige qui a dJroit de ndu$ fAr-
prendre. H ne manquoît plits ^ut ce d^r-t
nier trait au tableau éeû miferes^ & dcs>
égarenfiens de l'homme que l^on e>fàg^ve
avec tant d'emphafe. Qu'eft-cé que les'
Lettres ^ Sont-elles aiitre chofe qu^itn- pré-i
cieu^ dépôt confervé dans les • Livrés ^
un recueil des préceptes des Sâgés ^ qui'
s'eft formé peu-à-peu: , & qur répandu
dans tout l'Univers fert à éclairer l'efprit ,
à* réformer le cœur , en im mot à per-
feâionner tout l'homme ? Quelle eft
leur origine ? Ne font-elles pas le fruit
de la v'ertu ^ qui infpiroit à jzes fages
autant de tendreffe pour le genre-hu-.
maia que dé zèle &c d'intelligencç }
.Discours. 33
* Mais cette eicellencç propre' aij|x Let-
tres i cette origine divinç , eft précifé^
fnent ce <ju'il s'agît de prouver. Toutes
les Sciences , dit-on , font vaines ou per-
nicieufes : elles naiflent de la fupcrfluité
ou de l'amour du plaifir... Ce n'eft pa,s
ainfi qu'ont penfé tant d*illuibçs auteurs
chez les prcrfanes; les Platoqs , les Xé-
fiôphons 9 les Cicérons ; 6c parmi les
^Ecrivains facrés , les Laâances , les Clé-
mens d'Alexandrie, les Bafiles. Ne per-
dons pas cependant un tems précieux :
laiffons les autorités pour nous appli-
tjuer à connoître ce que les Lettres lon;t
«n eJies-mêmes ; & décidons la <jueftioa
par ce que les Légiflateurs ont ordonné ,
ylutôt que par <fe que les Philofophes
ont écrit.
On Voudroit qîie l'homme n'agît jamais
que par l'infpiration de. la vertu ; & que
tous les habitans de la terre ni^ fôrmaf-
&nt qu'une Cité toute compofée d'hon-
nêtes gens. Le plan eft magnifique ; maïs
comment ^exécuter fans le fecours^ de?
Lettfes^. On répond' que l'exemple iufÇt;,
qne l'i^'orance fupplée aux précepties.
Fort bien : mas quels exemples doit-c^
7
34 Discours.
<■*•
attendre d'une multitude grofliere & iâu-
vage ! Tels étoient (ans contredit les
hommes avant rétablifTement des Lettres :
occupés à. £alrQ la guerre aux animaux
qui leur fervoient de nourriture , & pres-
que femblables à eux , ils n'avoient ni
loix , ni moeurs.. Si quelques-uns doués
d'une raifon fupérieure fe portoient à la
recherche du bien , privés du fecours de
rHiftoire & des agrémens de la Poéfie
& de l'Eloquence , combien leur voyoit-
'on faire, de vains efforts & de fauffes
démarches ? Pouvoîent-ils fe donner pour
modèles à des Baf barps ? Peu ^efficace pour
le bien & trps-puiiTant povu' le mal,
l'exemple eft par lui- même une foible
ireffource. La vertu moc^efte excite l'en-
vie : fon flence même eft un reproche
ianglant qui confond ouvertement & le
crime & l'înjuftice : poiu: fe fisilre aimer
il faut/ qu'elle difparoiffe : quel charme
plus puiflant que celui des Lettres pour
la K^peller & pour la faire goûter ?
L'ignorance , répond-on , tient les paiP-
fions dans un engourdiffement que les
Lettres diffipent. Quelle pitoyable défaite!
jpeft ici que nos adyeriairçs ne peuvent
fll.l . . . U I Jl l , I I ll l llê
P I s c o u K S, ^ 35
dégntfgr la foibleâe de leur c^ufe : ea
voulant pourvoir à la fureté de la vertu , >
ils la lûuent fans défenfe ^ ils la livrent à
fes plus cruels ennemis. L'homme natUf*
Tellement révolté contre la, domination
suira-t-il donc befoin desr Lettres pour ap-
prendre à fe^yer le joug de robeiflTance ^
I/orguejl dont il efiTadicalement ipfeâé,
&.qui le rend ibiu-d aux confeils de la
raifon, ne fufEt- il pas pour le porter à
la réyplte ? £fl-il de maître plus abfohi i
plus adroit & plus féduifant que lui?.
L'hqmoie aura-t-ilbefoin des Lettres pour
i^ livrera dehonteux excès-^ lui qui fe
prête il volontiers à la féduâion des re;i$ l
Et quels Doâeurs que les féns i Com«
bien leurs pièges font-ils fréquens ^ leurs
follicitations éloquentes » leurs flatteries
iniinuantes ! L'homme mura-t-il befoia des
Lettres pour employer la force pu la rufe
^ s'emparer du bien d^autrui î Parlerons^^
nous de Tamour? Quel Protée î Tantôt
fier & brutal <, tantôt doux & rampant 9
toujours fourbe & malin , il prend toutes
les formes qui conviennent k fes vues.
A quQi fert ici Tignorance î Seroit ce
. pour cacher à l'homme le levain de cu^
B 6
36 Discours.
«hflM
pidité qui fermente dans fon coeur ? Maïs
n'eft^ce pm uht chimère de fuppofer
qu'on puiffe^ Tigiiorer? Né vattt-il |>a^
mielix apprendre à iftformer les paflians ?
mais fans r étudie de^ Lettres j^ tortintent s'af^
hûnchtr^t^ùtï de leur tyranhie ? comment
S*appliqllert•^on à d^vehiir A>cile \ chafte^
libéral ; à Sacrifier s'il le âtut fts biens'
te fa vie pour Ife fervice de la Religion
ic de TEtât ? Les Lettres nous donnent
iilt cette ttiatief e dé continuelles leçons ,
^ui ne font jamais inutiles ; car ceux-là*
âiêiites qui irèflifent de s'y confirmer ,
font ibuvent retentis dans le devoîr par
k crailite ou la honte qu'elles leur int»
pirent. On ne feit point aflfez d'attention
aux boAS efkts que ces ièntimens pro-
" 4iulfeût9 & Pon ne réfléchit pascohibient
ils côntpbiient au bonheur de la fociété.
Si dans toutes fes aâions ITiomme n'a-
voit cjue l'honnêteté pour but i s'il la re-
fardoit comme l'unique & le fouverairt
ien , s^l étoit fincérement pénétré dé
l'idée de Tordre , & s'il ne s en écartoit
jamais ; j'avoue que les Lettres ne feroient
(pas alors néceffiures à Ja vertu ; mais oit
•pf peut mer qu'elles ne Itd ferviffenfc
mmmmtmÊi^ÊmmÊmmmmm^mammmmÊmimmÊÊÊmÊmmaiim
Discours. 37
■liâ^WMC
du moins* d*vth grand ornement; Quoi
diB fins beau & de plus agtéâble que
rHiftoirc, la Pocfie & FEloquence ? Mais
enfin liionifme étant plongé ^ns d'épaifles^
ténel^es , et Tiolcmment enclin au mal ,'
pciiFqiioi le priver ^im rajîon de lumière
dbnt il a bèfoln pont' découvrir la vérité^*
divine étinçèlk de feu qui peut Tembiidifer^
de ïanàoiir de la vertu ? La témérité n«
ifera done plus réfrénée par les exemples
cjue "^iH-nit THiftoire ^ les délices pures de
la ckafte^ & divine poéfie tie difliperont
plus les charmes trompeurs d*une 'poéfie
Ikctntkfvtk , les fophifmeS ne feront piuàr
foudroyés par ks ti^aits d'une éloquence
mâle fit folide ? Ainfi Thonnête homme ,'
làns favoif jk ftns avoir de qiioî fe défen*
dre , Teftera ^xpofé mx attentats des von
leurs ? Quelle horrible înhiimanité !' ^
. Qu'on ceffe de vântér l'ignorance , cott-^
rtte fielle âvoît la Iforc^ d*étouffer dani
Vàme le germe des paffions , de même atié
k frmd brûle l'herbe des champs. N'eft-il
pas plus raifonnable de penfer ^ que comme
Iles reptiles les* phis-ténimeux naiflfent dën*
les folitudei âfidèi &^ înèàltes , ^de mêii*
^kkiorancef 4ftà'fot«fée^COhdc*deèph$,
attreux défordres }
i l'Uii ■- 4-
58 D; I S e o y n ^.. .
mu niKJLi . i
Parcovwofls le mdnde «ntier. Eft r il un
pays , un coin de la terri , 9141 n*ait été le
théâtre des ravages de Tignoiance î Corn*
niem vivent auj0urd?hvâlesJîajiiQiisJ>arbar
rps ? Peindrai-j^ la fupei|r àla^ueUç elles t
s-^abandonnfiit pour le plus : yi^ » inrérêt: ^
q^ii les porte à. fe percer tî\^pke]letofifxt*
^yec des flêcheaempoifonijée$ î.Vojis di-^
rai^je, • • Mais il ftroit impqffiblç dç ^dé-
t^ifler tant dTiorreurs. R^pelkz ce que
vous en-avezlujraffeînblezîçe queThi^oirev
i^conte de ces: malh^i^^ux %<;ks, f^ céle-i
îçes par le règne de Tigno^^ce î -v^usnC;
compterez jamais , vous n'in)agii)ef^z p^s^'
»ême toutes les guerres ^ tous les îléaux^r
tous les forfaits que.ce n^onftre a eni^tés^
Le nombre & l'atrocité de ies^ attem^ts»^
échappèrent à toute vptre fagaçité« Je^on^t
vn voile épais fur jant d'in&mies^ doi^
ïj^orance ne fait pas rougir,: mais yous^
fes trîÔes viâim^s > i^oat ks membres dé-p
çhîrés par les Cannibales, <puvr^nt le gem'e-
humain d\in éternel opprol)re » ibrtez
de vps tombeaux jr oonduifez les panégy^
fi&^s de Vigt^rs^çje flan,s, ces; plages' qui
ixe ypiis/ont que trop cpnouçs , oii roii-
^oit m père de faix^Ue aj£s ^ table difbî»
• i
Discours. 3^^,
— — — ^^ ' ■ — ■— ^^.
' Diier de fang - froid de la chair humaine à^
ÛL femme & à fçs enfans 1 A l'afpett de
ces cniels repas , de ces feftins horribles»
qui réalifeiit la fable de Thyefte , ils-appré- .
cieroçt eux-mêmes les obligations que*
nous avons à Tignorante.
La pratique deteftable des Antropopha-.
ges ri'eft pas nouvelle , puifqu'il en efl feit
mention dans Homère , le plus ancien des
Auteurs profanes. Quels exemples dlion-.
nêteté & dliumanite attendra-t-on de ces-
hommes abominables , fur qui la beauté*
& la perfeâîon du corps humain ne foi^
d'autre impreffion , que d'exciter en eux le'
fentiment d'une infâme luxure ou d'une
barbare gourmandife.
Que ieroit-ce du genre-humain , s^î ne
s^étoit pas trouvé des hommes aflez édairéii
pour connoître la noblcffe de leur condit^
tion fi honteuièment avilie ; affez hardîS
pour ofer entreprendre jde- la rétablir dans
fes droits ; affez aimables pour adoucili
l'humeur farouche de leurs^ compatriotes^
& les faire confentir à FétablîfTement des
l^ix ? Mais lorfqu'il a été queflion d'altei?
à la fource du mal ^ .comment a-t-il pu fé
&ire , que les différens Légi^teurs quoi^
-sBS==s=-s=5Bsaas2==a
•^ ^ Discoun*.
V
i5^e féparés les uns de* autres patr rkiter-
valle des tcms & des lieux , fe loicnt tous
accordés à regarder l'ignorance comme la
cauie de la barbarie , & fe foient fervis
des mêmes moyens pour la détniire î Ce
font là des faits qui démontrent évidemment
r«tilité & Ut néceffité des Lettres.
Quel tribut d*amour > de refpeô & de.
reconnoiflànce ne devons^nous pas à ceur
qui les ont &it naître ! Leurs dépouilles
mortelles font depuis long-tems enfermées
dans le- tombeau y mais leur efprit vit
encore pour nous. Quel eft ce vénérable
vieillard que fapperçois à travers les om-
Isres de l'antiquité la plus reculée ? fon
vifage eft plus brillant que le Soleil. O
prodige l Plus il s'éloigne de notre âge ,
plus â paroit grand & lumineu*. Placé
for une montagne élevée il reçoit les
liQmmages de tout ïTJnivers ; d'une maiii
ïï commande mix flots de la mer ; de l'autre
tt porte cefr tabtes fameùfes'^ où la Loi de
Dieu eu gravée. Que les partifans de
l'ignorance jettent les yeux ftir ce redou^
tïble vainqueur ^ i^i apprend aux hommes
les merveilles 4e la 'Création : l'unité de
nSorp Âiprêâki 4es ûriomphes de .ce Dieu
Discours.
Vengeur fur rimpiéjé, & qu'ils reconnoif-t*
iènt dans fe perîbnne le Prince des Onh
teurs , des Philofophes & des Poètes. Uà
peu aii-deffous de Moyfe j'apperçois d'un
côté le Roi Projeté àanfaiit devant Varch^
du Seigneiu" , &( fuivi d^y^n p€?i}pjie ionoair
brable qu'attire la doucelir Si ùi iublimité
de ces cantiques. De l'autre côté je yoi$
dans des. farcUns fleutis ce Monarque à qui
FEi]jrir.Saint dortna U nom de 4ige : plongé
dans ime œéditsftic^ profonde ^^ U.aïfigne
à cfasK^ue âge ^ k cnaque condition ks
der^nrH qui Tes concernent^ iiw^ montra
pa^ mbkis dliabiieté k peindre les hom^
txvss y qo'à percer lès. {ccreU de la nature^
Quelle* eft cet^e augnfle Affemblée qrn
occupe le vaHon^? G'eft kcHœur <fes faiats
PÎFoplieDes^ qui ferootà )axnai$ Fhonneiir ÔC
le foutieu' de rEloquence & de la Poéfiç*
Queilcs vives himi^/e« ibrtent de et
mont facré è travers les téhebres de Tidolâ*
me qui Uenvironnem ! L'aoden Paa^naiTe
s'abaifie devant lui ^ mais SEialgré les faUes
qui le dégradent Se da«^ la iombre nuit du
Pag^nîfme , celiiircî Miffe. échapper de^
traits ' d'tm feu rput & brillant. Combien
de SoWnf ,. de.PompiUus ont fw, guider
L I I II T i f" . I l '.t saagsggaaegS
4% Discours
leurs pas à la lueur di'une laifon épurée ?
& n'ont pas craint de déclarer la guerre à
rignorance.
* Mais fans nous arrêter à des exemples
étrangers, ouvrons notre hiftoire; compa*
rons les iiecles ténébreux avec ceux où les
Sciences ont fleuri ; & voyons en abrégé ce
(jue les grands Princes &c les habiles PoU«
tiques ont penfé fiir cette matière.
^ Cette ^ilcuffion nous fournira de tems
en tems des traits sigréables ; mais quelle
fera notre admiration lorfque nous repide*
rons le rekne.de notre augufle Monarque î
Quel puiflant proteâeur des Lettres! « de
combien de faveurs les a-t-il honorées !
Dès râçe le plus tendre , il ne s'éft pas
contenté de répandre en particulier fes
bienfaits fur lès Mufes qui préfideat à l'é-
ducation de la jeiineiTe ^ il a voulu enfliite
les doter avec ^ne magnificence vraiment
royale. Durant les horreurs de la guerre v
il leur a procuré les douceurs d'un tran-
quille loihr; & dès qu'il a donné la paix
à l'Europe , il s'occupe tout entier du foin
d'augmenter la gloire -du ncm François*
Tandis qu'il parcourt ces monument fuper-
hfSy dpeiTés par ks ancêtres ^ qu'U a lui^
Sf
D I s c o u R s# 41
i^Mfti
même réparés eu embellis ; & qu'il cher-
che les moyens <te laifler à la poftérité des
preuves de foh goût & de fa munificence ;
un heureux génie lui iuggére le plus beau
{>lan qui flit jamais, dont l'exécution glo«
rieufe lui étoit réfervée ? il s'agit d'aiïran-
chir de l'opprobre , de l'ignorance & de la
pauvreté cette jeune nobleffe dont les géné-
reux Pères ont prodigué leur fang & leur
bien pour le fervice de la Patrie. Tel eft
l'objet de laibmlation dé PEcole militaire ;
les Eteyes y feront inftruits en même tems
des jprincipes de la Religioii & des con-
noiuances utiles à la défenfe de l'Etat. Cet
établiflement en procurant un dmible avan-
tage à la Nation affure au Roi à deux dxfS^
rens titres le nom de Père de la Patrie : il
l'acquitte d'une dette juftement contraôée
envers les ayeux de-ces jeunes Héros , &
lui fournit de nouveaux défenfeurs, qiti
lui feront d'autant plus attachés , que leur
éducation fera tout à la fois la preuve authen-
tique de la libéralité du Prince , de leur pro-
pre NQbleffe,& de$ fervicesque leurs parent
ont rendus à l'Etat ; deffein , dont Charle^
magne lui-même, le reftauratôur des Lettres
dans toute l'Europe ^ poiurroit èti^e jatou^i^
44 Discours.
- Acet illuôre nom , l*ignorance pâlit ,
frappée tfun nouveau coup de foudre.
Jamais Prince n'aiiroit fu mieux que lui
ta feire valoir s'il ëtoit vrai qu*on peut
«n tirer parti.; QMelle fut la conduite de
ce /afie Mofiarque î Pour avoir un corps
de i^eièrve » toujours prêt à combattra
cette odieuie ennemie y û établit uaÇoiw
ieii des Comtes de fa Maiibn à <^>il doaaa
le pouvoir de drefler & d'interpj^to? les
loiîÉ , de terminer les procès & de, v^illet
k, Tavancen^ept des Sciences ^ des Artsi
TeUe eâ Torigine de «e célebi^e parknfieat ^
fupérieur à totis nos lélogies. Que ne poui>'
rois-je point en dire î Combien y compte<«
t-on de lumières du Barreau , de Héros à^
Thémis , de modèles d'une confiance in»
vinciWe? U faudaçoit n'en om^re. aucun
pour rendre juftice à tous. Combien d^
Magiflrats fbutiennent dans les Tribunaux
des Provinces Thonneur de cç premier
Corps , dont ils ont été^ tires, & y perpé*
tuenrle 2ele pour la juilice & l'amour de$
Lettres qui lui furent^ jadis infpirés par
Charlemagne.
J'en trouve la preuve dans voûs-mênae,
Monfxeur ^ ce grand Empereur Gonyerfoil
Discours* 45
<mt
femîKérement avec les gens de Lettres , &
leur témoîgnoit autant de borné que vous
len Êihes paroître en prenant place dans
cette AflTeînblée. Il cxcitoit les favans à
ie difHnguer dans la carrière de la Littéra-
ture parles mêmes careffes dont vous hono-
Tez nos jeunes atbletesviôorieux. Par-tout
VOU5 êtes chéri âc confidéré comme îi
rétoit : car il n*eft aucun des parens de
cette floriflante jeuneffe , en quelque lieu
qu'il habite, qui ne tourne dans ce moment
les yeux fur vous , & qui pénétré d'admi*
ration, de zèle &de refpeô ne s'ehorguèilr
liflîî en queiquç forte ôc ne s'attendrifle jufi»
qu'aux larmes , lorÉqu'il vous voit remplit*
û dijgnement lesfonÔions de Père à l'égard
de tes enfens.
Vous avez droit , îlluftres Sénateurs , i
fle pareHs fèntimens de reçonnoîfl&nçe. Ce
rfeft pas fâns peine que vous quittez^ «es
gloricufes ocoîpations , que vo^e reliv
gion , votre prudence ,- votre zèle kiÛAi^
gable pour la^atrie vous rendent fi^çheres;
Ne regrettent pas néanmoins les court*
inilans que vous accordez à nos vœux^
Ge font ^^ ^vertus -mêmes que*j*aî nonw
mée^ ^ui YQu$ çon4tti|rçB| ici ; fV^-^
46 P I S C b U ES,
peuvent que vous bien infpirer. EUes ûuf
Tont vous rendre avec ufure ce peu de
tems aue vous nous facrifiez, Votr« prér
fence a nos exercices va prévenir â^ mamc
auxquels votre fàgefTe auroit été obligée
de remédier ; & vous prépara déjà des
coopérateurs empreffés de mivre vos trat*
ces. lyrique Chârlemagne eut formé votre,
aug^fle Compagnie 9 cet habile Monar<^
vit bientôt qu'il n'étoit pas n^oios nécefliure
d'établir une fociété de Savans, qui flit
jcomme une pépinière de l'I^tat, oîi la
îeunefle la plus diflinguée, honorée de
:votre proteftion apprît à devenir un jour
-digne de vous fuccéder. Affociée à votre
gloire dès fa naiflance, jugez, Meffieiirs,
de la joie de TUniverfité , lorsqu'elle peut
|ouir de la préfence de tant de grands hom-
mes , qui furent auûre&is élevés dans fon
lèin , & qui font maintenant ion plus fer^
me rempart & fes plus zélés Panégyrifles»
$a reconnoiflance^ redouble aujourd'hui
qu'il s'aeit de l'honneur des Lettres : votre
0bfençe;es auroit privées de l'un des plu$
iiu-s & des plus ^orieux moyens qu'elle^
puiffent employer pour la d^fpnfe 4? Içuj
uiscovKS. 4y
Mais û les Rois & Içs Légiflateurs ont
cru $*illiiftrer en ËiYorirant les Lettres , Sc
Vils en ont ôré de puiflans fecours ; pout^
mioi font- elles maintenant traitées d'io»
-én^ fédtiârices , & expofées à la critir
que la plus amere ? N'efl-ce pas attenter
au bien de la fociété, que de vouloir par
d'odieuies imputations détourner les bon-
nêtesigens de l'éttide, tandis que les hom-
mes les plus {âges , ont regardé les Lettres
comme la plus courte 6c prévue la feule
voie qui conduire,à la vertu} Nos adver-
sités rougiÇçnt peut-être de fe voit en
oppofition ^yec oe fi refpeûables autori-
tes : ils avouent qu'ils ont e:xcédé en trai-
tant les Lettres avec f^ peu de ménage-
ment, mais ils n'en veulent, difent-ils,
qu'à l'abus énorme qu'on en Ëiit. Ce^
foi\t
tour*
Mef-
notfe
•éfent
1 lieu
?ieu^
cette
\
4S DfSCOVR^.
mrmtmmmmmmmmmm^tm
tes Lettres condamne fon zek mal enéen*
du <, ^ qu*il r^rvè fes libéralités pour
de plus dignes ob}ets« Il €àvit renfentier
fous le fceau les divines Ecrituf es , parce
qu'un Bayle pourroit les profener ; q«c
Tes Philoiophes rfentreprennMt phis de
nous développer les ^-efforts de la Provî-
Idence , également admirable dans le plw
^nd comme dans le plus petit de fcs ou-
vrages , ni Tefficadté de la Toute • puî^
iance de Dieu , qui fe fait une efpece de
"jeu de la création de ce vafte univers ,
parce qû*un Spinofa pourroit confondre
Ta fubftance divine avec les efprîts -créés
■& la matière , & en feîre un compofé
"mpnftrueux : -que la Jurifpnidence cette de
^nous donner des leçons , pour la^onduke
i^de noti'e vie & la police des ^tats 9 p»ce
-qu'un . Hobbes pourroit abufer des plus
"ij&înes pifttimes : que roratetirMfe le poëte^
que le peintre & Jeilatûaîrè ne trsBifinef*-
'ient plus à la pcrftérité^ la mémcwre des
^belles aâions t ^l'on étouèè.^dans fon
^berjceau Tart prodigieux , fi prôt>^e à îBitf-
^er nbtré patrie & notre fiefcte ,'^è «-
Vrinier fur k toile une^ peinturé pfête ^
rimt &t la fj^fspHvt ftuPIfe Wî^i Bill-
jurg
1>, 1 -s c o u. H s.. 4^
jure des tems. Qu'on interdife aiqc Artif-
tçs diibngués t'ui'^ge-de ces adniiT(â>lef ta-
lens, fbade^ËiU'iolide^Ç Iftir fo|tuae &:
de leuf-fép^i^tion : qiiVtt fitpprime en&i,
t9us Ifs livres ^,<que w^'layans fe taifentr
éc que le!$ Lettres foient cçi^damnées. i,
l'oukbli. L'igaoï^lice trioimphera : fnai$ quel
iien en restera - 1 - ilî Si l'on profcrit les
Sciences tU. les Arts , le m<qide rentier re^
tombe dans, le c^h^. . ; , •
Dan« cette fuppçiitiofi i'Jio^me ferott^
Y^dmt.à -uï]e,cotWÛti9nJ}ien pju^.trifte que
ceUe à laqucUe le; exp&ferent jamais les.
S convenir qu'entraînç l'abus aesiiettres.
ousfcunnies donc redevables aux Lettres,
de pluH^u;^ avantages ineftimables malgré
Içsabus/doot onles accule. [Mais ces abus,
en quoi cpnfiftent-ils^ , & les Lç«;fes en'
fpnt-«llç«_yéritabten|enFi'elpo[^ablesl ?eft'
cc: ^ ootn T^e à. eXfnûneN ;
' ' ' tj -
Discours.
l'autre. Il ne -s'agit donc pas de faroir
s'il eft des gens qui iaflènt fervir les.
Letffês 'Ik de mauvais ufages , inais iuù<
duemteHt fi eUes ^y prêcent d'ellértnêmes,
fi elles font perniéieufes de leur natilre.
Kos adverfaîffe foMtiennent ^affirmative ,
Se nous'ci'-oyons les avoir ruffifamment
réfutés' par l'expdfition île ce principe
certain-! €[ue la Science eît ta Source de
toutes fortes de biens , comme Pignorânce
eft la ibîtrce' de 'tout niai.
■■Oniiolis -côiitéfte cette vérité-, (ju*on"
Teut'-feire pfiflèr pour une' fiibtiUté-Mé-
taphyfique , dont on appelle' à ITiiftoire
& à Texpérience ; on croit pouvoir prou-
ver par les faits que le htxe & l'irréli-
^oiï doivent leur -étàWiffetfieht & leurs
progtès-àitx liettre»,& ne fuWWèhtqiré
par -"eiFes : qltë ite-là élt iortië Cette foul&
de paflîons effi-éhées iquhOntfi -foiivent'
r^nverfé les Empires, S(, pFtfqu'anéantî
le culte de la pivinït'
A cette acçiifâtipn .(
les Cfitrtei" po^blès j -
dent f'fcoTïïmènt ferior
desmaùx- dpht vous w
qui n^çtions bas ençorci
Discours. 51
Îf ont paru ? En effet , quand eft^ce que i
'impiété & la diflblution ( je dis la di A >
folution & non pas le luxe , car cehdf ci
n'eft qu'un léger dédommagement 9 que^
celle - là s'eft adroitement ménagé lor f-
qu'elle a vu fes excès cenfurés & répri-
més par les Lettres, ) quand eft^ce, dii-je,
que ces malheureufes filles de la volupt&i
& de Tignorance fe font emparées de Tem-
pire de l'Univers ? N'ont-elles pas dès lei;
premier âge marché tête levée , & fecoué :
le joug de la pudeur ? Ne vit-on pas dès-
lors édore toutes les paflions , dont Taf^ .
freux débordement couvrit toute la terre
de tant de crimes & d'abominations ^ .
qu'un déluge univerfel n'a pas fuffi pour;
la laver.
Oti en étoient alors les Lettres ? elles
étoient à peine connues dans le fein d'im
petit nombre de bons efprits ; ou fi eHca \
avoient déjà vu le jour , fi^ibles & reoif {
pantes dans cette première enfonce , elles >
n'ofoient encore fortir de l'étroit efpace
qui fervoit de retraite à ces fages. Ce-
fendant à la fuite des infâmes plalfirs ^
irréligion aigrie plutôt que domptée par
ks exemples récens de la ven^^eance çé*
C *
5* Dis ç o V K %
9 «rnv.i ' p
l^e, & devenue d'autant plus audaxri^ufer
que; Dieu la traitoit avec plus d*indul-
^nce , étoit montée à cet excès de fplie ^
œ vouloir détrôner l'Etre fuprême. Vains .
efforts , dpnt Timpiété effaya de fe con-^
foler en rav^nt a Dieu (pn culte ^ {es
adorateurs » par les attraits féduifans de
la volupté. Tous les vices eurent alors
des autels , & l^enœns que Ton refuloit
att' fouverain Maître fot prodigué à ces
nionftres impurs. Qu'y a-t-il en cela qu'on
piriffe imputer aux ^Lettres ? Loin de les
aecufer d'avoir donné naHTance au jcrin^ ,
on. peut dirj? ^ue ce tyran leur déclare
dfSi leur berceau la plus cruelle guerre^
A^peipefortiesder^nrance elles ne favent
oïl fuir. Ici on leur tend des pièges , là jo;i
tâdiè) de 4es exterminer à force ouverte.
xlitgypte leiur offre im afyle. Mais qu'a;> •
rîré-t-il ? On leur feit la récq)ti6n la
plus honorable dans la vue de les féduire.
On* fies ér^een Déêffes inalgrjé çlles^
P<»ir:les empêchet de, publjler l^s louan-
ges du vrai Dieu ôc 4e venger l'injure faite .
à. fon fclint Nom ^ on les .fetiaat captives
atiî.fond des temples , où on Içs lie avec
(:>» ^chaînes, d'or^ ojçnées >de fleurs â^dè_
±
aa3i
Discours. fy
pierreries. Elles ne rendent des oracles
que par la bouche des Mages : leurs pré-
ceptes qui ne devroient fervir qu*à l inf-
tr^âion deviennent un langage énigma-
tique. Cette dure fervitude ne les emp^
che pas néanmoins 4^ ^^ire quelquefois
briller la vérité à tiaver» une infinité de
Êibles & de menfonges , dont de perfides
interprètes ont foin de la voiler. L'Uni-
vers étonné recoimoît quH doit à VEr-
' SyP^^ 9 ^^^^^ mère féconde du Faganifine
- & de la fuperfiition , les Loix les pliis
utiles & les plus fageSr ;>
Parmi les Hébreux , les Lettres n'ont
'point été déshonorées par de femblables
artifices , mais elles ont eflliyé de leulr
'part bien d'autres- indignités. A l'ombre
de la proteftion divine elles ont long-
tems joui de la liberté : mais combien de
fois ont- elles été faîfies d'une frayeur
mortelle en voyant couler te fang de leure
plus chers défenfeurs ? Semblables à Tin-
fortunée Cajffandre des- Poètes ^ jufqu'à
quand ce Peuple ingrat & incrédule les
rejettera-t-il hont^ufement ? Le Juif aveu*
gle a laiflé paffer en des mains étrangè-
res le précieux dép^ de la Religion 5i
54
Discours.
^s Lettres. Il fe repaît des chimères de
la cabale & des rêveries du Talmud : (on
ignorance feit fans doute fon bonheur , il
en eft devenu moins avare , moins bri-
gand ., moins perfide.
. Eô-il néceiïaire::^ Meffieurs , de cher-
cher d'autres prowe^ ; ferai- je le récit en-
nuyeux de ce qui s'eft paffé chex toutes
"les nations ?. Parcourerair je Thiftoire des
héros de la Scélérateffe , pour vous con-
vaincre de ce que vous ne (auriez igno-
rer : que l'homme a un fond de méchan»
ceté qui fe fuffit à lui-même fans le fe-
Iroùrs , des Sciences î Que j)o^irroient-elle$
ajouter à l'ambition de Semisamis , à la
cruauté de Cléopatre , à la perfidie de
Mithridate , ou à l'extrême d^ravation
de tant d'autres ?
Si nos adveriaires veulent s'en raTOor-
ter aux faits & à l'expérience , qu ils fe
tranfportent en Afie. Les Lettres y ont
régné iiir le riyage oppofé à l'Europe i
mais leur lumière n'a pas brillé au-delà 9
ou elle n'y a lancé que de fôibles rayons.
Cependant depuis ce tems-là toute cette
région n'a-t-elle pas été agitée par de vio-
lentes fecouffes ? Combien de fois a-t-elle
D ï s. c o u R s. 5j
■^■— — ^— I ^ > ' . ' , ' ^ ' ,j ^^. — ■— — — — ^— — ^
changé de^ fç^ître , ^^ que de révoUitipiîS
a-t-elie ^pçpuvées ? Qvi!bn den^nde auip
Chaldéens, aux Affyriens^ ,aux Perfes^
aux Macédonieps , aux Romains fi les
Lettres contribueront jamais à ces défkf-
tres. Mais pourquoi recoiurir à des tenis
.fi éloignés ? Lesjej^éditjions modernes des
Sarrafins & dqs Arabes fuffifent pour dé-
ci^r la queftion. Les Sciçnces & les Arts
iurent-ils jaipab plus méprifés &c plus
snaliraités 9 oue ioiis ces barbares vain-
queurs qui it glorifioient de leur igno-
rance } Combien ont-ils faccagé de villes
où les étud^ étoient .floriffantes* Que
dirai -je de c^sJiles autrefois fi renom-
mées , d'Ale;iandrie & d^ fa fameufe Bi-
bliothèque. <pi'Us ont rédidte en cendres 9
enfin de , toute cette côte d'Afrique oîi
les TertuUiens 9 les Cypriens , les Auguf-
tinsont.donne.tant.de preuves de leur
Îréliie .& 4e leur éoudition î Faut-il dater
Ci regoe de la pudeur, de la bonne foi ^
d€^ rfiuiKiaîûté , depuis que la Patrie de
ces fairits perfonnàges tfi. devenue le do-
maine des corfàires & des brigands ?
On ne peut voir fans douleur que des
débris de tarit d'Empires fe foit formé ce-
C4
■ ■ » •
15$ D ^ S c a u R. Si
— ^^■i^i— i*^—
••^
-lui* du libertinagje & de Tirréligion^ O
^oujde impur is*appkudit au milieu de
fBabylone , où il ^ établi fon trône depuîs
tant 4'années. te libertinage confiderse
•avec complaifance cette feule innom-
brable de peuples dévoués à la molleffe r
rimpiété fe glorifie d*avoir affujetti à fesL
ridicules fuperftitiô^s tant de gratlds gé*-
nies. L'un èf, l'aiHare fe réjouiflent d*avoîr
rendue ftérile la plui. «rtite partie dà.
-monde , & de Savoir ^haogée^ en défertfii
affreux. Ceft en défigurant les produc*-
tions de- h nature , en profcrivarit les.
ouvrages de Târt qu'ils ibnt venus à bout
de dégrader Thômme & de ternir la doire
du Grneateur r ils ne pouvoient choiur dts
plus fûrs moyens ; nuûs donnei: fon ap<«>
probation à de pareils attentats n'eû-ce
j>as fè déclarer 1 ennemi: de Dieu &c des
nommes ? Au contrake q«oi de plus propre,
i allumer dans Ie& coèuts le teu de Ita-^
anour divin que de 'par 9 le- monde de
tous les ornemens doBt'il.eft iiifccpnble)
Ceft pour cela que JDieu plaça f homme
dans un jardin délicieux. Ceft dans la
même vue 6<; par l'effet d'une infpiration
célefte que les I^ettres tratailleat de con*
i ,
Discours^ yy
i^.^»— — — ii— III ■ —11— ——■——*—
cert à embellir Europe, oh elles ont
fixé leur féjour. En effet , Meffieurs , c'eft
ëàns cette partîe du monde que , après
vous avoir décrit fes ravages crue Pightf-
rance a caufés dans l'Afie & oans TAfri*
que , je vais vous démontrer les avan-
tages ineftimables cui*ellesnous procurent.
Il eft évident ou il- n'y a point; de pays
où l'éclat de la Divinité & la cUgnité dfe
l?faomme paroiiTent plus fenfiblement qu'en.
Europe. Combien y compte-t-on de pef-
fonnages aufli recommandables pat la pv^^
reté des mœurs que par les çonnoiflances
acquiies l Ne font-ce pas autant de fcleîis
qui portent la chaleur & la- lumîérér dans
le fein de nos villes> dont les rayons
fe répandent fiir nos campagnes & pèj^s»
cent l'obfcurité des plus fbmbres réduits* î
Les befoins de la vie nou^ impçlent
tin travail néceffaire qui par fa continuité
& par l'application qu'il exige , ppurroît
affôiblir les çonnoiflances que iVùûs avons
de la Divinité. Mais remarquez à^ quel
ppint les Lettres forît attentives à adoucir
ce travail. De célèbres Académiciens s'w**
cliquent à perfedionner ragriculture ; 3s
'fi>i^ent eux-mêmes les entraiHeis dé î*:
.58 p I s c o u Jt s.
terre , & la forcent par de favans effiiis
à déclarer jufqu'oil s'étend le terme de
fa fécoivlité ; leurs foins font abondanf
'itnent récompenfés : que de fleurs char-
uits délicieux couvrent
de plantes & d'arbres
es nous foiuiùffent à
: , rutile & l'agréable !
; de fes habitans , VEmt
le l'Univers la plus fer-
ante.
raindre que le lâche &
l'enlevât à la diligente
es travaux i c'eft â quoi
,irvu par rétalîliffement
ciroyens ; & pour re-
nger , oppo&iit la fprce
nt (orme les règles de
quelle des deux de la
le la fcience des armes
tnier rang dans notre
l'il n'eft point facile de
! & l'autre ont été fé-
! illuftres.
Hirs emplois & leurs
itque peu de perfbnnes
grand nombre de ceux
Discours.
59
qui vivent fous leur double proteôîon ^
par ^uel moyen les Lettres ont-elles pré-
venu dans la multitiide ^ Toiiiveté & les
vices qui marchent à fa fuite ? Vous venez ,
Meffieurs , d'admirer leur fàgefle y louez
à préfent leur indufhie, Elles ont inventé
toutes fortes d'Arts , qui concourent en
différentes manières au bien public. Ils
fervent à étendre ou à exercer le génie ,
à conferver ou à rétablir la famé , à
exciter dans tous une noble émiUation. Ce
font eux qui érigent aux aûions ver-
tueufes des monumens étemels ^'qui aug-
mentent réclat du Trône , enrichiffent le
Citoyeo, & fourniffent à chacun félon
jR>n , état . 6c fes talens une occupation
convenable.^
On a raiibn d'admirer ce qiii fe paflfe
dans une ruche 4'abeilles : mais à la vue
de fardeur inexprimable dont nos ou-
vriers font animés , qui leur fait em-
ployer toutes les reffources de Tefprit ,
toute Ja^ (latérite de la main pour pro-*
duire tantj de ehefe-.d'jOeuYre > quel elt
Yhc^mH aflez javwgle a aflez ftupide pour
ne pas r^connoître le premier' auteiur de
ces belles inventions 9 éc potir lui re^fer.
C 6
\
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
60^ D I s c o u Ks. ,
le tribut (te tmiang^s cpiiî^lui eftdû? Awc^
yeux.de tmit hptnine qm fait f#iifer l'Eu—
rope^fl tout enfemble uft jaipëin de dé-
lice$ , &(, Tob^t d^une cpotbiutlle admi*
ration ; car ce n'eft point luie nouveauté,
de la< voir enfanter chaque jour de nou-*<
i^aux miracles.
Au milieu de ce jardin , dira- 1- on ,
comme dans l'ancien Paradis terreftre eft
placé l'Arbue de vie-, auquel il ^ défendu -
de, toucher : c'eft la' Religion; Cependant:
combien d'anioiaux féroces s'efforcent de-
Uû nuire?. Et d'où lui vient cette pro-^
digieufe quantité d'adveriàires , (i Ce n'eft:
de la part des Xjettrçs , que Ton, regirde.
mata-propos ^omme le rempart de la foi h-
Il efl aifé de prouver que les Lettres^
ont efFeûîvenjeni-l^honneut de fervip à,
étendre & à maintenir h'^ReUgion. Elle'
n^ flit jamais en plus ^nd danger que.'
l^fque les études^ flirent- langumantes^ ^
Au cpn^re^elle n'eut point vdejoiirs plu&>,
beaux. & pe remporta p<Mnt -de viâcires^.
plus.fignalées, que lorgne l€?s lettres re--
i^aiflàntes l'accompagnèrent au tcfmh^û .
Faut-il en donner des preuves ? La Oiaire.
même oii je fuis n^'en â>umiroit ^i^ foule ^
Discours. 6n
JDaîs je n*en veux point- d'autre que ce
ârah de FEmpereur felien, le plus danger
reiix comme le plus politiqiie d'entre les
Kérétiqyies>& les apoûats. R comprit que
h Religion pareroit aîfément tous les
coups . qu'il vouloit lui porter y tant que
ks Lettres veilleroient à. ta défenfe. Infpiré
par la malignité de fon génie , il tenta
d'abord de les anéantir.^ Mais I)ieu fttt*
tes venger en les faifant férvir à te ven*
-.■j
g^ance de. fon culte. Il permit que hi.
Lettres détruififfent l'idolâtrie par l'ido-
lâtrie même , dont elles dévoilèrent l*ab-.'
fiirdité , &: firent ainfi* momj^er -la Re^
Bjgion de la manière la ^ùs glorieufe 8ç
la plus éclatante».
Fîdelles à Tobliga^n oîi elles fdnt de-
fiuvre coriftamment la voix^^de la vérité.
& les étendards de la vertu, les Lettres >
n'avouent pour difciples que les jgens de-
Ken qui combattent à. leur cote contré
la licence & l'irt'élîgîomrGeux qui , fédùits-
par les faux attraits de làv volupté Ôç.du^
XRenfongé , abuienf de leur gétlie & de
leurs talens, pour faire tomber les autres
daqs les mêmes pièges , font autant de
déferteurs qu'elles mèconooiflfent y 6c dont
tUes. abhorrent la.perfidie.
^ '9 ■ ■ ■ I <p I ■■ ^g ,
6x Discours.
•M»— I ■ I . I I I ■ ■
Il eH vrai que malgré tous leurs efforts,
elles ne fauroient étouffer le dragon fu-
rieux ^ cet éternel ennemi de la Religion ,
qui précipite du ciel les étoiles j &C dont
la bouche impure vomit fur la terre un
torrent de livres impies : mais faut-il pour
cela , dans Taccès d une douleur aveugle ,
imputer aux Lettres les crimes de ce
monûre } L'ignorance eft - elle donc la
{eule compagne de l'innocence & de la
probité ? Pourquoi charger les Lettres de
nos propres vices , lious qui fevons qu'il
n'eft pas même permis de les flétrir en
les appliquant à d'indignes ufàges ? Les
traiter de féduôr^ces , vouloir les con-
damner à périr , n'eft-ce pas imiter Té-
garement d'un fiurieux , qui prenant fon
iȎdecin pour un. emppifonneur , fe jette
fur lui , & veut lui enfoncer le poignard
(ians le fein ? Quel pronoilic moins
équivoque de cette barbarie ^ dans la^
quelle on craint que nous ne foyons bientôt
'replongés! ,
On nous oppofe l'exemple des Lacédé*^
moniens. Excellens modèles, , Meffieurs !
Achèterons -nous comme eux, par le re*
inoncement aux douceurs & aux comme*
\
Discours. 63
dites de la vie ^ le droit d'être ambitieux ,
injuftes y adultères , ennemis de la liberté
d'autnii , & nous ferons - noxis gloke de
reifembler à de vils gladiateurs ? Si les
loix de Lycurgue contiennent quelaue
chofe de bon , à qui en £iit-on redevable
fi ce n'eft aux Lettres ? Ces anciens Ro^
mains , dont on évoque les ombres ^conune
pour nous Êiii:e rougir en nous confirons
tant avec eux , n*avoient-ils rien empnmté
de Pythagore & des autres Légiflateurs de
la Grèce ? Les Fabricius eux - mêmes , les
Curius 9 les Fabius , puiibient dans les Let-
tres les notions de la vraie vertu. Cet
amour de la Patrie dont on leur £à\t tant
d'honneur , qu'étoit-il chez eux ^ fi vous
en exceptez un très-petit nombre „ finoa
rinjufte confoiration d'im peuple de foldats
qui afpiroit a la conquête de l'Univers j
le fentiment d'une ambition effrénée , qui
enivrée par fes fiiccès donnoît aux nations
vaincues autant, de tyrans ^ que Rome
avoit de citoyens î Auroient-ils été capa?-
blés de ce défintereflement dont notre aa-
fifte Souverain a donné de fi belles leçons
fes alliés & à fes ennemis mêmes ? Si les
Spartiates y ainfî que les Romains avoient
$4 D I s c o u R Sr^
^u autant d'amour que lui pour réquité ;
s*ils avoierit cherché à commander* aux:
hommes pUitôt par la fegeiïe des^4oix que
par la force des armes ; fi leur Sénat s'étoit
conftamment appliqué à devenir pour les»;
autres nations un modèle de modeftîe &
de bonne>foi , nous leur accorderions vo^
lôntîers les éloges que nous refufons au-
mafque de la vertu : mais en fiippofant
qu'ils auroient pris: la vraie vertu pour
guide , il ne faut pas croire qu'ils reufferit.
feit fans le fecours des Lettres.
Ce font les Lettres qui donnent un luf-
tre incomparable à la vertu : -celle-ci a des-
charmes , il eft vrai , qui lui font propres ^
& qu'elle n'emprunte que d'elle - même ;
mais fembiablè à l'aimant qui a befoin
id'être armé pour développer toute fa force,
ta vertu ne peut cueres fe paffer de la
fciençe. Seule SciUAée , elle paroît l'effet
xl\m caraftere dur, on d'un génie fhipide.
Pour emporter tous les fuffraees, il faut
^lier la piété à l'érudition. Cet heiîreu*
accord difîipe le venin dé l'envie , réprimé
ïaudace de l'impiété , chafTé les vaines
terreurs qu'infpire la timidité. Il n'ëft per--
fonne qui n'emhrafTe volontiers le parti de-
Mi^U«i
D I s c o u R s.. €f
h v^rtu gitîdée &- éclairée par la fciencë#-
Qiî iKHiis dt^ je ne feis quel' peuple ,
-mÀ n'exkte peut-être nulle part, fi ce n'éft
dans les <i^criptiens des poètes, dontlcis^
mœurs ^^ dit - on ,. font fi. pures ,. qu'il nie-
connoît pas même le&^paflîons. Hxioît fo|i.
-^innocenceà une ignorance profonde qui
<lui iilter^le5 connoiffances les pdus coxïi-
tâiunes; G^eô un ipeiiple d'ûîfaiis , tant îl
-a de doticeui» /-de^. candeur & de fimpli-
'Cité. En ftippbfarit la y^ité de ce qu*oh
avance ainfi,;jèiroiis dsmai:de,Meflieurs*,
fi rintellige^îce Ai Créateur brille av.et:
Éis (fâVântag^ -dans' les jeux puériles , od-
ocCïiçati^hsfrivolès de ce pleuple îgnc*
iant ^. i|Uëîicfehîi: fe^ pfenfées ât
les €iâ*ons hérdïqi'ies du fàge Â>nt l*efprit
€ft paré des richeffes de la fcience ; noii
^s douté , on ne- connoît point la vertu ^
forfqti'àn n'a Jpâs de notion dii vice. 11
y a plus de gi^rtidëUr, à être vjertueiix jwir
goût & par choix , à réprimer par la forcé
3e rame la vrvacité des paffions,à étendre
F^n^ire de la raifon par fes mœurs & pai*
i^s écrits. , qu'il n*y en auroit à triompher
dû vice par l'ignorance & par Tinaftion^
Le peugle dont on nous parle tient: gijècîr-
t I ■ 1' I ^ . 1 1 ■■'ir"imjjia Mi>
66 Discours.
mm^mm I ■ iiiiiii .1 ''' . . ' ,. ' «^^pi— P— i
féipent le milieu entre l'homme & la
brute ; mais lliomme i^iii fç diilingue par
la vertu jointe à là faence , s*éleve au-
deflus de lui - itiême j &c fe rapproche de
la Divinité.
Puifc^ue telle efl rcxcellence d*un pareil
homme , que lui feul, remportejiu- toiÉt
un peuple > quel bonheur pour tous les
ordres de l'Etat , quelle gloire pour le
Créateur & pour nous - mêmes qui fomr
mes fon ouvrage , û Pefprit & les talens
étoient toujours réunis -aux qualités du
coeur & à l'amour de la religion ! Quel
inagniiiqûe fpeâacle ! quel agréable con-
cert! Un parterre émaïUé de fleurs, le
ciel étincelant de mille feux nous ravif-
ifent &c nous enchantent; mais la terre
parée de tant d'aftres animés qui fe prê*
teroient mutuellement de Téclat n'auroit-
clle pas droit de le di/puter aux Cieux î
Au lieu d'être le marchepied du Très-haut,
elle pourroit devenir fon trône , & aug-
menter la Cour des fublimes intelligences
qui l'environnent.
Cette vuç du bien public a excité en
fcveur des Lettres le zèle d'un homme (*)
Discours. 67
M iw ■ I iitm^mmmmmmmmmmm V
également recômmandable par fa conduite
& par (es ouvrages. Il a affigné les pre-
miers fonds pour la diflribution de nos
prix. Simple particulier , le plan qu^il
forma n'avoit pour but que le progrès de
ouelques Arts ; quelle feroit aujourdliuî
A joie , & combien fe fentiroit - il honoré
de voir le Sénat de la nation , le premier
Parlement du Royaume confacrer à Tuti-
Iké puUique la iburce d'une û louable
émulation, & répandre dans tout le monde
par le moyen de l'Uni verfité & le fruit dn
bienfait & la gloire du bienfaiteur l
Cette fondation s'eft accrue pap la libé»
nlîté d'un homme célèbre (4 1, occupé
pendant im grand nombre d'années, à^'l^'éaâ-
cation de la jeunefTe ^ qui non content
d'avoir formé {es élevés à la vraie élo-
quence & à la belle poéfie dans kfquellés
il excelloit , entretient même après fa mott
le goût des bonnes études. >
On n'eft pas moins redevable à ce zélé
Citoyen (*) , le digne émule des Elzevirs
&c des Etiennes. Epris des charmes de la
Langue & de l'éloquence latine , après
(a) M. COFFIN.
U) M. COIGNARD.
• ei|,"M ' ", ■■ ' , ,' ,.
'6S D I s c o u R s.
^ousavoir donné de magnifiques
de Cioéron & d'autres excellens Auteurs »;
<il retient par un prix conâdérable les muiesi
Romaines prêtes à^ nous quitter. L'étude*
4u latin pe fera plus négligée^ confàcrée
d'une part à Timmortalité dans des livres*
parÊtitement imprimés , ôc cultivée de
l'autre p^ Iès^bouches éloquentes (pi'excite
•la géiiérofité Ai fondateur,.
Tels font les fehtimens de ceux à quB
TOUS devez les couronnes qui parent vos
têtes 9 jeunefle chérie.^ votre fort fait des-
}alou:ic dans les Provinces & au-delà d^
-îiinkes de là France^ Je n^ai pas beibin de
îvous exhorter à ne jamais-ouMier ce^ur
^n>΀« pKisbeaux de vojrevier- It'ardeuf^
& Pempreffement que vous faites paK>îtFej:
ine font de iurs g^arants que vous en con*-
lèrverez précieulement le fouvenir J Mais-
*e que je ne puis aflfèz vous recommander^
c'eft d'avoir fans ceffe devant les yeux-^
quelfë eft là fin qu'on fe propofe en vous
couronnant de tant de gloire ;, pourquoi
cette augufte Cour fufpend fes importantes
fonâions; ce qu'elle attend de vous pour
ion fervice &c pour celui dé la Patrie ; ce
qu'elle exige encore au nom de la Religion!
D 1 s c o u R s, 6^
dont elle eft ki protedrke ; pour€[uoi tant
d'illuftres Citoyens lionorent votre triom-
jdie de leur préfence : enfin , quel eft le
jafte retour que vous devez à l*Univerfité
pour les foins multipliés que votre éduca-
tion lui a i:outé. Que h Science dont cette
tendre mete a dépofé le germe dans voïre.
efprit , n'y dégénère jamais en oftentation
ridicule, Soyez favans fans i>i:gueil , fuyez
une iruriofité téméraire , ayez de la dou-
ceta- , de Taffabilité , & montrez par le
ion emploi de vos veilles , que vous
afpircîz ^ la ^oire $C au titre de bons
Citoyens. Tels font les devoirs que prêt-
ent cette Affemblée par ma bouche ; voilà
ce qii*attendent de vous nos Provinces qui
■ont les yeux fixés fur vous. Prouvez aux
adverfàires que nous avons combattus dans
i:e difcours, non par Tautorité de nos
maximes qu'ils ne veulent point recon-
noître , mais bien par la fageffe de votre
conduite , que fUniverfité ^s fes leçons
ne fe borne point à un vain arrangement
de mots-; mais qu*elle vous a appris à ne
chercher dans les écrits des anciens que ce
qui peut contr&uer à perfeûionner les
^Dioeurs & e/clairçr la niifon j qu'ils jappren-.
70
Discours.
nent enfin de voiis , & que votre exemi^
foit contr'euîc un argument fins répliquCi
qu'au lieu d*être des hommes frivoles ou
dangereux , les gens de Lettres font 1»
plus zélés défenfeurs de la vertu , & qut
leurs connoilTances contribuent infinJAieiil
à l'affermiflemem de ibn empire.
réfutation;',
JDu Difcours qui' à remporte U^Tfix dt
t Académie de Dijon en tannée 1750/
lue dans une Sianu de la Société Royale,
de Nancy ^ par M* Gautier ^ Chanoine
Régulier, & Profejfeur de Mathématique
& d^ffyioire. ( a )
^ETABLISSEMENT qu€ Sa Majefté a
procuré pour Êciliter le développement
des talej3^.& du ^énie , a été indlreftement
attaqué par un ouvrage , oîi Ton tâche de
prouver que nos wies ie font corrompues
a mçûire que nos fciences $C nos arts fe
font perfeâiopnés , & que le même phé-
noîneiîjÇ s'^ft jo^fervç Bans tous les tems
& dans tous les lieux. Ce Pifcours de M*
Roiifleau renferme plufie^urs autres propo-
fiti^ns i dont il jeft'trèsrimportant de mon*
trer la feuffeté , puifcme , ftlon de fi vans
Journalîlles^îl parpit çapa}>le de ftire
luie révolution danl» les idées de nptre
C^y ^^ttouiSreau répdndU à cette réfutation par fa lettrt
à'M. drimm qui d: trouve 4 U' page $7 d« troifien^e volii*
■W»^»"
71 il £ F UT AT I^ N- '' ■*
t - • - *v " ^ , V
^ecle. Je conviens qu'il eft écrit avec une
'iSiâleur peu commune , qu'il offre des ta-
bleaux d!«ûe touche mâle ^ correûe t
;plus la mamere dé i:et ouvr^gp eô grande
^ hardie , plus il eft propre à en impofcr,
ii accréditer des maxime^ perJiiciçufes» Il
ne s'agiî pas ici de ces paradoxes litté-
raires, qiu permettent de foutenir le pour
•ou lé contre; de ces vains fujets d'élo-
quence ^ oh Xji^ïi feit parade de penféesr
iïitiles , iMénieufement contraAéçs; Je
Vais , Memeurs , pkider une cauft 'qiu
întérefle votre bonheur. J'ai prévu qu'en '
ihe bornant à montrer conibien laplnpart
des raifonnemens ( h) de M. Rouffeau font
défeâueux , je tomberois dans la féche-
reffe du^ genre polémique. Cet .inconvé-
nient ne ma pomt arrêté , perfuadé que
la folidité dHme réfutation de cette naiure
fait fon principal mérite. , . . ' ' ' ;
"Si , comme l*A\itéur ie j)i'&6rtd , k$;
(.h) II y wroit 4c llnjiiftîcc à dire que to^s l«s, saifonne,
mens de M. RouiTeau font défeftucux. Cette 4>ro^6fîtfo'ii doit*
^tr p . mndifié e> il «i^Wfp hfan5.ftnp (ci\x\^f^ r^Mrf'ttrt llrrf
avec force contre les abus gui fe gUffent (<*n5 4e$, Am A
««
D E.^M. Gautier. yj.
*
Sciences 4épna vent les mœur^^Staniflas le.
bienùl&nt^ fera donc blâmé par la poûié- .
rite d'avoir fait un établiffement pour lesr
rendre plus floriffante^ ; & fon Miniftre , ,
d*avoir encouragé les taiens & fait é^clater ^
les fiens : fi les Sciences dépravent les.
moeurs , vous devez donc détefter I^édu-
catfOh qu'on vous a donnée", regretter'
amèrement fc . tems qi^e vou» avez em-
ployé à acquérir des connoifTances , 8f
rq>ea^r ' ^
pour voi
.„:eur quej , , p, — ^„,
ignorance : il paroît iauh^kçr qu'on brûle.
\ks bîiJ>lioih4quepî/il\jav(ï^e q^^^
4ç frowt p^v^ fie qui^ fait ^ourd'huiîi'pd^^
iplimtion 'des hommes , éf, q\^'û ne peut
s'atjtemire qu'à iia blâme ^verfel ; maisr
it €Cffl|?te,ffur, les: JMpgefi de*; (m\e$ik
ifenir. If pmm l^rep^pofp^^y, ^e^ ick>ii-r
^on$ point j cfu^ndl'cEiyrODej^efflPïbefîi^n*
4FtÇ tÇ^^# j^i<«fig|i##piït in(Qlepm»«
lîîg»WS»nÇP &î.fefrtte<*té;;. J „; ,,: , . ., .,
.. }ipilf a];^]^ 4^9! iS^A^Çi^ à dii^utf^r j[
lV»;dfc^t,r)>jit«t^,/l^^^^ «Nyiis^exart
«l»nierons,,,^j^%j^H?#;Lei:^^ 4!?ifi%
Ji^//* i/^ Ai C(?//^(;» Tome L O
7i4. Réfutation'
Dîfccrtifs , fi les Scrences & les Arts ont
cîMïtribiié à' corrompre les moeurs ; & dans
1ë -feconde , ce qiii peut réfulter du pro-
grès ' dgs Sciences &c des Arts conlîaérés
en eux'-mêmes : tpl eft le plan de l'ouvrage
que je critique.
• ' P R £ M IB R£, P'J4 RT I É.
A- Vant, dit M. Rouffeâli , que l'art eût
&çonné nos ma'hîerès , &' appris à nos
paffions à j^rler un langage apprêté , nos
itiÂiiir& étôitilt ruAi^ies , mais natiiréRes,
actedi^pOtcé dès pfécedés.iiiarquoit au
plenkitl- icoup-'t^œil'fièttË de9'cartôéI'es^
la nature hamaine 6ii"fbnd n'étoît.pas
ineilteui^^ mai^ les hommes troûvoient
iBurfkàrité'dand le ^lit^ dé le pénétrer
DE' M. G'aut lï K. ^5
«iotreiiecle. NonSa^onsles apparences de
toutes les vertus , fans en avoir aucune.
*' Je réponds qu*en examinant là fource
de cette politeffe qui fait tant d'iîonneur à
jlotre fiecle , éttÉtnt de peine à. M. Rouf-'
fcaii , on décbuvré aifément cèrhbi^n -elle^
ëA eftkhabid Ocïl le^efir <ie plaire xlans*^
la fociété , <j\tt eh'^a feît prendre Te/prit.^
"On 'a'^tudié les hommes ^ leurs humeurs j^
leurs caraâferes , leurs defiirs , leiu^ befoins,*
leur dmbftir*-pr6pre. L'expérience a marque
ce qâi ëéf>laît. On a ànalyfé les agjrémens ^^
dévoilé Jèurà caiifes ,- appré<^ie le -mérite ,
diftingué fes divers degrés. ETune infinité'
cfe' AiîoiW fur le beau, l'hôbèête&Ie
décent , Veft formé \\n art précieux , Fart
<te -vivre apv^ec les hommes , de tourner^
noii befoins en ; pkîfif s , de répandre des*
<âfehiîês^ dans là édriVerfàtion /dé feàgner '
lîefprit t:[af fed^dîfôoftri &^es cœurs par
fér pr4>oédés. tgafds , aftfenîî^ns^, com{^i.
fatlcès^,' ^réyertattcW , tef^tî , autant de*
liens ' <(ttr hotvs ' ■ aftaithent * riiutûeHement.
Plus 4a<pWète(feryeft perfeâiôhhée-, plus'
la foéiété'à'été^tîlé aux hômmeàj on s^eft
pîiéâttj^'bièûféânccs, fonveht^plùs jîîiiflàn-
tt^èfiit ftk iflévteir^ j les ftfclîitatiôns- font
D z
76 RiFUTATlON
devenues plus douces ^ les caraâeres phis
lians 9 les vertus focbdes plus communes.
Combien ne changent de difpofitions que
parce qu*ils font contraints de paroître en .
changer ! Celui qui a des vices eft obliger
de les déguiier : c'eft pour lui un avertit--
fement continuel qu'Û n*eft pas ce qu'il,
doit être ; fes mœurs prennei^ infenfime-
ment la teinte des moeurs reçues. I^a. né-
cef&té de copier fans ceiTe la vertu , ^ rend
enfin vertueux ; ou du moips fe^ Yic^
ne fopt pas conts^ieux , conime ils le fe^-^ .
roient, s*ils fe prefçntoient 4e firon$ avec,
cette nifticitéque regrettf moA adyerfaire.
Il dit que les .honunes tfoyy.oient jf ur,
fécurité dans la facilité de fe pénétrer th-
ciproquement 9 Qcque cet v^antage }eur,
4pargnc^t bien des vices. .|i n's^ pas wpSt-*^
déré que la Nai^ire hnaïaHI^^ ti <^t p^>
meilleure alprs , comn^e il l'avoué « la
fiiilicité n'eiT^pêchp^ paf ,1e dégidf^nant^
On en a foxis les yeux )U9e pr^uv.e iîm$
réplique : on voit des nations dont le$
manières ne ibnt pas Êiçonnées^ ni le
langage apprêté , ufer de 4étQurs , de diA:
iimulatioçsi^d'ar^i^es 5 tromper adroite»
ment ^ ^ qu*9A puifle so, roiuîre
^
t
DE M. Gautier, 77
tables fës Belles -Lettres, lès Sciences &
les Atts. D'ailleurs , fi l'art de fe voiler s'eft
'peffeâionné , cehù de pénétrer les voiles
a feit les mêmes progrfc. On ne juge pas
des hommes fur dé lîmptes apparences;
X>n n'attend pas à.les éprouver , qu'on foit
dans robligatîbn indifpenl^ble de recourir
à le&rs bien&its. On cft convaincu qu'en
'général il ne &utpas'compter fur eux, à
ntoins qu'on ne leur plaife , ou qu'on ne
leur foit utile , qu'ils n'ayent quelcpie in-
lérêt à nous rendre fei-yice. On fai^ évaluer
les bf&es ipécieufes de la polite flè ', & ra-
mener As expreffions à leur fi^ifîcation
ïeçiie. Ce h'èftpas qn'il n'y ait une infi-
nité d'ames nobles , cmi en obligeant ne
WJ
\jBo * RÉPUTATION
pluiieurs autires caitfes qui n'influent pas
moins que l'abondance fHr cette dépra-
vation ; Textrême pauvreté eft la mère
de bien des crimies , & elle peut être jointe
àyec une profonde ignorance. Tous les
* faits donc qu'allègue notre adverfeire , ne
* prouvent point que les Sciences corrom-
pent les mœurs.
Il prétend montrer par ce qui eft arrivé
en Egypte , en Grèce , à Rome , à ConA
tantinople , à la Chine, que les Arts éner-
vent les Peuples qui les cultivent. Quoi-
ijiie cette affertîon fur laquelle il infifte
principalement paroifle étrangère à la quet
tion dont il s'agit , il eft à propos £en
montrer la faufleté. L'Egypte, dit -il,
ylevintla mère de la Philofbphîe & des
Beaux-Arts , & bientôt après la conquête
de Cambyfe ; mais bien des fiedes avant
cette époque , elle avoit été foumife par
*des bergers Arabes , fous le règne de li-
maiis. Leur domination dura plus de cinq
cents ans. Pourquoi les Egyptiens n'eu-
rent-ils pas même alors le courage de fe
défendre ? Etoient-ils énervés par les
Beaux- Arts qu'ils ignoroient ? Sont-ce les
Sciences qui ont efféminé les Afiatiques ,
^^f'
DE M. GkyrijL^R. 8i
& feddu lâdi^ à l^excès tarit de Nations
barbares» de rAFiique- & de VAmérique î
LesvISoîresqiiel^ Athéniens Tctnpor-
tecent fur les Pcrfes Se fur ^ les Lacédé-
moûiens même,, font voir que le^ Arts
peuvent s^^âbci^r avec la vertu tnilitairei
Ijeur Goùvemeaientj' devenu vënaffôus
Periclès, prend «tme nouvelle fece't Ta^
moufidujdaifur étouffe leur bravoure , les
fondions les plus honorables font avilies ,
Kmpunhé multiplie les mauvais citoyens ,
les fo;ids deftinés à la guerre font em-
ployés à iiouh-ir la molleflfé & l^oifivetéi
toutes ces caufes xle corruption , cjifél rap^
port' ont-elles aux Sciences? ;
De quelle gloire militaire les Roniâin*
ne fe wnt-ils pas couverts dans le tems
que la littérature étoit en honneur à Ro-
»e ? Etôieiit-ils énervés paf; tes -^rts , lort
tjue Cicéron^ difoit à Céifat" : vous avez
dompté des Natidns feuvages & féroces ,
irmombrables par leur multitude , répan-
dues au loin^ en divers" lieux ? Comme
un {exA de ces faits fuffit pour détruire les
râifonriemens de mon adver{àirc , il fe-
rok fe^ttile tfinfifter davantage, fur cet ar-
ticlçr'<)n€9JMçft ks-çaufi^' des révoW-
1,1 11^ ni I II IMI ■»
ces ne poiffroient QpinribUer.âb leurddé^
cadence, qu*au cas ^eceiuc qui. fout def-
tinés ^ à ; Ies^ ' d^fendrje ^ s'pcaipevoiértt * xies
^iençe^ ag point ^ oégltgi^t leuf s fooo
lions nûlit^ire^; ;dao$.^cçttç hpço&ion'^
toute occupation: )QtfaBgere knh Jgucrri
guroit ies mêmes . Ànles. L î . j j ^
M^. Roufleau , pour aatO^trer mue Tigno*
rance préferve les mœurs de la corrup-
tion , paffe ; en i«vue les Scythes , lei^
premiers Peifes , les jG^rmaJns ôcles Rot
maii^. dan^r lefi pr^çiier^ tems -d^. leur
JÇépuhUquç; 6f il dit.q^tecçsP^uples.ôat,
pkr leur vertii , fait Jeur propre bonheur
&rex.emple des autres Nations. QnaVôuê
que Juftin a. fait un élog^ magnifique des
Scythes ; mais? Hérodote , & des Auteiw^
.t:ités parStrabon,,^? regi-éfentieritcôijim^
une Nation cfes plpsi^^ces%. 1}^ immo-
loient ail Ûieu Maf^ la i6i}Vîui^m#-|»r$ie
'de leurs prifo'nniers ^ /SÇ: prevQÎ^pt: . Jei
,y€ux aux autres. A TannivierfaiFe d*i|n Roi^
ils étrangloient cinquante de (os, oipi^ers.
Ceux qui habitoient> yers ,1e PontrEiftip
fe naurrifloient delach^,de% 4^5waiger$
;iiui ^arxiyoiént chez etuç^^/jij^^^ft^^
;: '^^
J
I i . I ■ geen
DE Nt -Ga^utieh. 8}
dîverfcs nations Scythes offre par-tont des
traits , ou qui les déshonorent ,* ou qui
font horreur à la nature. Les femmes
étoient communes entre les Maflkgetes ;
les perfonnes âgées étoiemt iihmolées pdr
leufs parens , qui fe régaloitnt'xle leurs
chairs. Les Agatytfiens ne vîvoient- que
de pillage -^ &c àvoient leuis femmes= en
commun. Les ^AJltropophages ' , au ' rapt-
port d'Hérodote, étoient injiifles & in*-
humains* Tels furcpt les Peuples qu'oh
propofe pour exèmpïe aur autres nationf,
A Pégard des anciens Perfes., tout ^
monde convient fans doute avec M.RoUin
•qu'on ne fauroit lire fans horreér jufqubîi
ils avôient porté Poublî & le mépris des
loix les plus communes Au Isl tisture.
Che^ cuxi toutes^ fortes .dSnèeftesifétoicilt
^utcxcifés^ lisais là Tdâotu^ Sacerdotale^ «en
Qconféroit ' piéiquebtQu joiuk les:^ prenâens
-dignités ^à t cemo i^iiirJétoientsoés du i|àa-
râge •d^ohifijç dvEcfii tnere* H ^fettctt
^*ils. iiiifent bien<]cr«els , îpoiir\fti&e
mourir des cbaânSj^dans/.ie .fêov'qstfjjfs^
Oldoroien^ :'';''/•:''-"»:•!:'. :fôj»'/r 1 ^^K uLn
- Ijbs : xoulclirs . idqntî ÎPqmpijnîiii^fîil^a:
:peîiit Us Geriiiàii^f* n^ iemnt/pisi^fiâlp
^4 -R-É FJJT A T I O N .
■ ■ ^ 1
non plus l'envie de leur reffemMer : peuple
naturellement féroce , fauvage jufqu'à
manger de la chair crue , chez qui le vol
n'eft point une chofe honteufe , Se qui ne
Tcconnoît d'autre droit que fa force.
; Que de reproches auroit eu raifon de
&ire aux Romains ^ dans le tçms qu'ils
ji'étoient point encore familiarifés avec
les Lettres 9 un Philofophe éclairé de
-toutes les lumières de la Taifon ? Illuftres
fBarbares , auroit-^il pu leur dire , toute
.votre grandeur n^eft qu'ira grand crime.
•Quelle fureur vous anime & .vous. pOrtê
à ravager fUhivers ? Tigres altères du
fang des hommes, comment ofez-vous
mettre votre gloire à être injuftes , à
, vivre de pillage , à exercer la plus odieufe
mannic ? Qm vous a donné le droit de
iiUfpofer de nos biens & de iioStvies , de
i nous rendre efclaves & malheuareux 9 de
-tépandre par-tout la lierreur 9 .la défola-
^ôn & la mort j Eftroe la gfandeiir d'ame
dont vous , vous piquez niO déteftable
grwdeur , qui fe repaît .de miièrei & de
calamités ! Ivacquérez-voiis d^ prétendues
,veftii^ 9 que pour punir la' terre; de ce
gn'dle» vou$.Dnt cqi^l£â:-tie Ja fotce }
DE M, Gautjer. 4hi
■Ma»«aMMM*«
Les làii dé rfaïunanité n'^n ont donc
plus ? Sa yoix ne fe Êit donc pcdnt enr
tendre à vos coeurs ? Vous méprifez la
volonté des Dieux qui vous ont deftinés,
ainû que nous, à pafTef tranquillement
quelques inftans fur la terre '; mais la
peine eft. toujours à côté du ctim». Voos
avez eu la honte de:paffer fous le )Ottg ,
la* douleur de voir vos armées ^^taiU&s
en pièces 9 &c vous aurez bientôt celle de
voir la République fe. déchirer par fe^
pBopres forces. Qui vous emptèche ée
piller une vie agréable dans le iein de Ja
^paix 9 des arts , ^jdâS' &îettC€S ëc de ^ta
vertu ? Romains, ceflez d'être ihjuftesï;
ceifez de porter en tous lieux les hoi«- »
reuiî de la guerre & les crimes qu'eUe
entraînée, :. j -j yt'-^ ^' -'*
Mais je vçux qu'il jjr ait W des nktiotls
- vertûeufes dans Jei fem de l-ighoràwsc^; |e '
dcniandéÂ^^ tfeftffâS àdestloix ftf^,
- nraûiteniies avec vigueur, Wcepritdiaûèie,
& non pas ià la pçivadon des Art^ ,
qu'elles ont été. redevables de leur bôn-
lieûr<^i£n. vain^piétend-ofl que^Sôcrâle
in^mô fiC:Caton pnt décidé le^tLettrà;
ils m ^fiurent ^àis iie»*<apologifte$ 4ct
- /'
86 . RÉPUTATION
rîghoraBce, Le pliis iàyant éés AthênieiJji^
-avoit raifon de dire que h préfi>mptioii
des hommes d^Etat, des Poètes &c des
.Artiftes d'Athènes , temiflbit leur fa voir
à fes yeux , & qu'ils avoient tort de ie
.croire l€;s phis âges des hommes ;. mais
ta blâmant leur orgueil & en décrédi-
.tant lesî Sophiftes.^ U né iàifoît point re-
loge de l'ignorance , qu'U regardoitconfttie
le plus grand mal/ U aîmoit .à .tirer des
ffons harmonieux de k lyre , avec la
Hmaia.dont il avolt feit îes.flatues des
.' Gràces«} La Rhétorique , la Phy fique y PAJP-
strooçxfùer ^ent Tobjet de fe& études ;. éc
*iielon Dîogeiie Laërc^^ il tra)i^fl]a aux
, ^tr^gédèes d'Euripide, ib -eft-vrai iju'fl s'ap-
tpliqua ^principalement à Êôre une fcience
de iâ morale^ & qu'il ne s'ima^oirpas
;fksif>n <:é> ^iv'ilîine^ lÉaroh /p8SJ^ cÔ^ce là-
- feyouifrr lilgnofenccih fDoifc-elfe, fe; pré»
^ valoir /du dechaîncn^eht de FaïKrîen* Catèa
^ CQ^er ce5} difcçurcucs .artificieux v contre
^eçs/.Gpecs qui apprenôieùt aux Romams
*f art fuoefte de rendre: tioutes les . Vérités-
T douttfufes; Un des^ îchçfs r de la ! troifieme
;A^dé9iie^ Caméade , thontraitt ent|u^
^ I ' i \ n^M\ ^ssssssaeatsm
qtfil avQÎÉ: viétibli, le > j^Fi^^riéeédem ., der
voit natureïïement prévenir. Yefyrit de ce
jdéiHeUrtoi«!îre'lft 'littérature cïeç Ç^ecs»
^tf0. ^i\^€a(^i<5in ^ à là; Yi^té:> :s'^n<Ut
^rop ioib î> alf rea fontit rinjuft;^je, ^ t & in
irépa»^efij:0pj^enirtt\la 'Ja^ç^Ô^^gflUftt
.my>i^tt^aY^0èi e» |2(f ^ilrr Wrt»a ;iî^ %tf?
M 9 &'eriri^it:ie5 ^i^yf^ges^desm^î^es
& de^rfaift qu'il en tm% LJ^ffrlo\\t^re,^
,fe'M^lne)^1'Hiflpil* 4ç >e^?«:c»lpfediW^
itti^ ms(3^re&jBXiei«e«9at.>fo:tpîat?ijr. îCef
.traitfihlbiifefroirr^tfie yl& 50criMîe,& (Catfiô
-^lffe«f éftt?-lefljçfgee^e Jii^l^^ ^ik ffe
-feati , r-qdiv-^ii ?fe^jreufefla^ .cultiva }©
^ftffipaè}||i(^JÎW jg ^W^ ii^0x{86ttî^
•hj ^s^r^jqtfôl ^*5<3St:eiîrf4<Ç/- ^jfti<ii%V
^onnoife^c^ |>âAS to«§ ies'temstott.ja
vj^^^ 4^'A^§^IS décrie? lents fie)d03 .^
€8 'KÈ^Vfr^Â>rroi^i
mé , à bfâinèr et tjyxi eft lôiié j de gran^
tleurr, à âégt^d^t ce qiie le^^hommes lefti*
inent le plus. ' \. -. .
' La- riieilleilfe m^iere ' de' décider ii
toieftiofl de feit dont il 'S^gH, eft d^xa*-
mmtrA'étSit âfhiél'^dei mœicrâ d&^to)ites
Je^ ftâtiortsi Or il réfiike # cet eJcamèn
^iif^ittiparriakhîfent ^ que lé^ Peuples po>-
•lkés>& diflirrgués par bi ciiltute de^ Le*-
4xe$ & des Sciences , ont èrf général- moins
4deî vices q^e ttiix i qui ne le font pas.
-Dàbs^ la -Barbarie ^ dans la plupart xks
^ays OriéWaux^Trég«m dô^'TiCjW qa'tl
«nef côhvieAdroit pas ^mj&me idef t^mïnef.
^i *vous-^ai»60i|rez les divers Etals d'A-
-frique y vowj! 4tes étonné de voif tartrde
fbiipléi feilféànis y fâches ^^^fiMirbes ^ ftraî-
^t^s , a^af ês' ['■ <Jrtéls y ^roteV3a^'-& ^ébau-
^Jthh^'Ùt; f<^f-établ!ir ide« lu^ftgei^înkû-
tîn^rfS ; -ici , ritTiï)udteflSi èft ' ^uforijféé pîar
^«fLoixi Là,' fe Vf îgândâgei 4c:4e iHetiVtre
^fônf' érigés' en ^pi!ofeflîon$ j icty;<^' ^
teitemeht barbare y^ qu'on ie^ ^hoferît de
-chair lîiimaîilêl Ifenë plifReat^'Vqyâ\iittes
•les îmarli vendent léttrs feWHîés & leurs
^enfafts j en ^^îir^ on^ facr^ë^déS 4iom-
DE M, Gautier. 8^
formes pour faire honneur au Ror , lorfr
qu'il paroît en public, ou qu'il vient à
mourir. L'Afie & PAniérique offrent des
tableaux fembl^les (*).
L'ignorance & les mœurs corrompues
des Nations qui habitent ces vafles con-
trées , font voir combien porte à faux
cette réflexion de mon adverfaire : peu*
pies , fâchez une fois que la Nature a
voulu yous préferver de la Science , comme
une mère arrache une arme dangereufe
des mains de fon enfant; que tous les
fecrets qu'elle vous cache font autant de
maux dont elle vous g^antit ^ & que la
peine que vous trouvez à vous infmiire ,
n'eil pas le moindre 4e £e$ bienfaits. J'ai-^
jnerois autant qu'il eût dit : peuples , fâche?
^tïe fois que la Nature ne veut» pas que
vous vous nourrifE_ez des prodttôions de
la terre ; la peine qu'elle a attachée à fà
culture, eu un avertiflement pour vous
de la laifTer en friche. Il finit la première
partie de fon Difcours par cette réilexîoni
que la probité eft fille de l'ignorance , &
■*i^
(*) Les bornes étroites qiieie ne fuis prefcrites , m*o})li*
gent â renvoyer à PHiftoire des voyages , & à THiftoire G^
Béral^ par M. TAbb^ Lambert ( idem. > , ^ , — -
rJSt
•m^^^mmmm^^mi^Êmmmimm^Hrmamm^mmm^m^mimÊ^mi^Êm^^
too Réfutation.
jque la fcience & la yertu font incon^
patible3. Voilà un fentîment bien coiv
traire à ceîui de TEglife > elle regarda
comme la pins dangéreufe des perféciw
;tions la défenfe qite \ l'Empereur Julien
.fit aux Ghrétieps d'enfeigner à leurs ea-
î^ns la Rhétoricpiie ^ ,1a Poétique & I2
JPhiloîbphie. ,
_ ^^WB^ii I I f ' III " - I ' « ■ î i Tx n» » ^^ ' ■' - ■■ I I » ^ ^Sa^^^^
- SECONDE PARTIE.'
JVl. Roiiflêau entreprend de prouver âaA%
la féconde partie de fon Difcoiu*s, "que
l'origine des Sciences eft vieieufé 9 leurs
pfcjèts vains, & leurs effets pernicieux.
C'étoit ^ dit -il, une ancienne tradition
paflfée jcfe l'Egypte en Grèce , qu'un Dieu
ennemi (kl repos des hommes étoit Fin-
yenteur dés Sciences : d'oîi il infère que
les Egyptiens > chez qui eUes, étoient née^ ,
n'en avment pas une opinion favorable.
Comment accorder . fa conclufion avec
ces paroles t ^ Remcchs pour les maladies de
farp€; Infcription flu'aui f^pport de Dio-
dore de Sicile , on-Uj(bit fur le frontifpice
de là! plus ancienne des bibliothèques > de
celle a Ofy médias roi 4'Egypte«
'mv'm^
îl alïure^jque i'Aftropon>ÎQ çû n^'<fc
iâfoperfiition^j. l'Eloquence ^ l^^bitïon ,'
de la Haine^ ^M ^^^^^^ r du menfoiige \
la Géoînetrie^.dp l!avariç€i la Phyfique,
d'une, y^inç -ciuipiîlé; toutes ^& la Morale
inêmê, <J^;rorgucU,iuimaui» D furat'diÇ
î^pportér ^esj i>çll^ j découyertes pour ea
faire coaînoîiré^tQu^^îjimportaM^
qu'ici on ayoît.çru que les S«îences ôc
les Arts dévoient leiu naiffahcé à nos
bèfoîns ; on Tavoit même fait voir, ^ dans
plufîeurv wvraj^^ , ,
•,y.ouç dites ,q^^, le dej&ut de l'origine
iîés Sciences^ 2ç pes/Afts.,i]p^nous eft qu0
ifop retrace c^^.leùrçqïîjets»; Vôu^ de*T
mandez ce qiie noi|S ferlons des Axts fans
te; luxe qui Jès pourrit : tout le monde
• t j "' ' t < * i. (\. ^ CV' C 0«
^ ^evït. vous réppndre'qxi'auam Cqrp»
politique ne j)qiirroît,ful)fi)ttér ^àns Joix ji
^i Ri FUT- xi- 10 S '
WliRoire s'it n'y âvoit ni tyrans , niguer?
res, ni Conlpïrateurs : vous h'ignorez ce-
pendant pas qiie l'Hîftoire univérfelle con^
tient la defcription des pays i la religion ,
le gouvernement', les iriœniî , le coiAmerce
& les coutumes des peuples, les dignités^
les magiftfaturcs , lès vibs des fences
pacifiques , dês'Phiîofopfies' & des Artiiies
célèbres. Tous <;es fujets , qu'ont-ils de
commun avec les ^yrans'i Us guerres , 6t
les Confpirateurs ? •
SQm(nes7noiis donc ■laits, dites- vous ^
pour mourir àttachïç^ furVles bbi'ds du puits
oîi la véfités'dlrét'iré^? Cette fén^ vérité
devroir rebnier dès lés premiers pis tout
homme qiii cherfcHet-bit ' féiieiifemeht â
s'inftriiire par' l'ëfiidé dé !a' phitofophie.
DE Jy^ Ç^UTïi^]!^ 9j
dans un àojg^ réminent , ./ont £20^- douter
bien filions 4'rapp^wdrç , qu'ils ne f^vent^
rien. Us ignofpi:Qieniaui&> ^ma vo\jS;^teî:
^ands daiolgers qiie f^n ;;en£o^tre , 4an$r
nnveftigation/dçs; Sq^ççs* V^5_4J^5y
mie k tàii^.èfl f)i(ç?ptifeif d'^W ipftpita»
<te cpmhii)ai(9^^^ 4^^ .gue > mérité n'^;
qu'une jUian^eyer 4 être ^i^nai;^ ,}i*y |t*-i| ^pdSii
différente^ routes ^ diiÇ'^î'ôntess n^îhode»
pour arrivera la vfi^t^ij Qiui e^-ce 4'ail—
leiurs y ajoufez^youj^i qui 1$ cherche )>iQn
finceremei^tjî A|flueljl(Ç ipjrc^.çûrpniùr
de la recpi)poîti;e } I^s PÙ|o(p{^çs vous
répon^nt ^'iis q'pçit ^y;)pTi^ Ips, ScieiïÇfs ,
du4apport des id&s c le caf aftcrç^iffinfti^
^e . la vérité , ôf qftW s'en tient. 4 ç^ tpi V.
jxEiroît j^^g>îu$ p^c^)ab|e dans: d^ ^n^tîereib
^ ne^tpaf ^eptible&dçtd^ippniU^-f}
tion. V oijdgez-yp.us voir^f pnaîçtç l^ Seôl^'
dé Pyrrp^Ri jd*ÀrcéiiIa;^PVpde Lacyde ?
Conveuez que vousi auriez pu vpus difr
penfer de parlçr de l'origine &s Scieipices,
&: que yo^/^'ave^ ppi^t jitpuyé qiuB leurs
objets font^y^f Çoiriçiep^ rftUripzrfrpuj:
RU ûiï«> fli*(gî^^tt»to«fe|î>4
^ ï^iir u T ATTI-O^.-
tbnnenous datle «tjHfivënr iJe$ Stiences'
& des Afts ? HàbiltemèfïS , tnet^Ies, bâti-
iheas , biWiiithéques^ , - prôditÔions des
pays étrangers dues à là nàylgadoh dirigée
par i^A&^homîé/ Là ^ Its^/Vhs ibéchatii-^
ijiiesi fnett^h* ' nos- bîèfts en ^yâleur i les
progrès dé PAnaîtomiè affwre/Ar fceitx de la
€3rirk|iè i'ia Ch;]^miev la Byt*îi(jiie nous-'
préparenlfdes rémedés : lé^ liÛs îibéralix ,
deS' plaifips inftni^fs ^ Hs s'bcèupent ; à
tifanfinettre ^ W poftérité^ k fouvenir des
belles a^bife^>fiekntnortali(ekMes ^t*ls
homm^^ nâëe réècînhoiflkrice'^ôiir lés'
jr€m(:^''^u*ils 'rioùs'ôiit renàisVIidi'i^ la
Géoniétrife ,'^^j>uyéeàéTAlgebîte ^pr4^^
àf la plupart des Stiehces ; ^llé donne des
leçons* à> rAftrortbmiè^,- à là^NaVlgatibh ,
^rîA^merie,^^â Ph;^fi^ie; Qttoi'!' tou$-
Rèiififeàu^>tm\s^^eui'qii^.yéh Ôècilpenr
fWit -^iP eîtiôyétfs înùlîfes ';*&' i^' conclut'
jmfted^^idetf À^dâohi^9''des9^ât^s > del
DE M. Gautier. ^f
— ^— i»— Il ' I I I !■! Il I ■ Il Bip— ^
» t •
Mtificîens ^ des Peintres , nous n'âvoris
pliis de' citôjrens ; ous^il rions en refte
«hcore , diipérfés dans nos Campagnes
abandonnées , ils y périilent indîgens &c
méprifésp Ainfi , Meffieàrs ,^ ceffez' donc
de vous regarder comme des citoyens»
Quoique ^bus confieriez vô$ joprs au
fervicede Ik focîété , quoique vous rem-
pHffiez dignement lés ^emplois oîi vos talons'
Voui ont appelles , vous n'êtes pas dï'gnes
d'être nommés citoyens. Ci^tte quarte âfc
le pafirtàge dés'payttns, & ^' faudra 4q[UÇ
vous^cûSiVifez-tous y terré pour h nierir .
ifér. X^mfnent of<^^oh linfultelr ^înft une^
jfâtf ôh^i pi^dùit taht xPexcelleny crtt)yens*
dans tous lèi? éîtets ? ' r i ^ /
O Loiiis le Grand lequel feroit Votre
étonnenieiit , fi rendu aux vœux de laf
Frahce^^^^^ ^çèfet- dû ' Monarqufe ''x^V%
^o^jfeibiéén^miéémt ftfr^ vos tildes M^
àaoi lélir- objet-, i^ttWciafes-danS'fea^s
i^kta i JgHé'telix qul^î ciiltiveîit Viç font
RÉ F U T A T lO N
p.Qur ayoir 4pnné un afyle aux. Mufes j-
et^li des Académies , rendu là vie aux
Beaux-Àrts ; pour avoir envoyé des Aftro-
liûmes dans %s pays 1er puu éloignés »
recompenfé les lalens & les découvertes,
attii'é les Sayans 4>rès du Trône ! Quoi ï
nu gloire pour , avoir £ù.t
ixiteles & des Sy lippes , des
^ AriAidçs^ des Âmphions Sc-
! Que tardez-vous de brifer
is -des Arts Sc des Sciences ,
s préçieufes. dépouilles des
lomains, toutes les Archives
du génie } ^eploiigez-yous
brês ^aiff^s de la wi;l??ne ,
, , iges. qu'elle CQoiaCHe fous les
ifunefles aulpices.deirignorance & de la
&perftîtion. Reiioncç?: aux li^mierea de
yoîre fieclp; -que dpf aJïjLj^.aijKiçîis .uiiir-
pçat les, 4roits de'J'egi^tfti ^ét^bifffezrdes
V>ix civiles cpptr^res,^Ja.l(^ natoj^lle ;
çie rionç^^nt qji'gqçj^ïfi' KènjufeV» <9'^
Obligé, pipjiriejuilifieî;, à^Jexpç^er àpexiE
par Peau oupar lejfpi^-; m^ des peuples
^lent encore içajftjcrerj tfïMp'Éft .p^yplçi
JQUslepanteaM deia;rdig.pni qu'oflj^e .
|p plus Itrapds ffl^:i^e(là;n)|fne tta-
,■«<*.
D E M, G A U T I E R. 97
qiiillité de confcience , qu'on éprouve à
^lire les plus grands biens : telles & plus
déplorables encore feront les fuites de cette
ignorance oîi vous voulez rentrer,.
Non, grand Roi , l'Académie de Dijon
n'eft point cenfée adopter tous les fenti-
mens de l'Auteur qu'elle ^ coiiromlé. Elle
ne penfe point , comme lui , que les tra-»
vaux des plus éclairés de nos Savans &C
de nos meilleurs Citoyens ne, font pres-
que d'aucyne utilité. Elle ne confond point
coiBme lui les découvertes véritablement
utiles au genre-humain , avec celles dont
on n'a pu encore tirer des fervices , feute
de connoître tous leur,s rapports Se Ven^
femble des parties de la Nature ; mais elle
penfe , ainfi que toutes les Académies 4e
l'Europe, qu'il eft important d'étendre de
toutes parts les branches de notre favoir ;
d'en creufer les analogies , d'en fuivre tou-
tes les ramifications. Elle fait que telk con*
i^oiifance qui paroît (lérile pendant un
lems , peut ceuer de l'être par des ap*-
plications dues au génie , à des reeher-
dies laborieufes , peut-être même au ha^
fcrd. Elle fait que pour élever un édifice,
ça faiTenible de$ matériaux de toute ef^
SuppL de laCoU^f Tome I| E
^— — " ■ ■ I i I I W ■ Il IM
9S RÉFUTATION
pece': cçs pièces brutes , amas informe,'
ont leur deftination ; Tart lès dégroffit &
les arrange : il en forme des cheft-d'œu»
vre dWhiteôure & de bon goût.
On peut dire qu'il en eft , en quelque
forte , de certaines vérités détachées du
corps de celles dont Tutilité eft reconnue ,
comme de ces glaçons errans au gré du
hafard fur la fùrface des fleuves ; ils fe
réimiffent , ils fe fortifient ixiutuellement
& fervent à les traverfer.
Si TAuteuf a avancé fans fondement
ijue cultiver les Sciences eft abufer du
tems, il n'a pas eu moins de tort d'attri-r
buer le luxe aux Lettres & aux Arts. Le
luxe eft une fomptuofité que font naître
les biens partagés inégalement. La vam^
ter, à l'aide de Fabondance , cherche à
fe diftinguer & procure k quelques Arts
les > moyens de lui fournir ^ le fuperflu;
mais ce qui eft fuperflu par rapport à
certains états , eft néceftaire à d'autres ,
pour entretenir les diftinôions qui carac*-
térifent les rangs divers de la fociété* La
Religion même ne condamne point les
dépenfcs qu'exige la décence de chaque
condition. Ce qui eft: hixe pour F^rtiiàn ^
4 - -
. D £ M. Gautier. 99
peut ne pas Tétre pour Thomme de robe
ou rhomme d'épée. Dira- 1- on que des.
meuUes ou des habillemens d'un grand
prix dégradent Phonnête honune & lui
tianfinettent les fentimens de l'homme
vicieux } Caton le grand , folliciteur des
loix fomptuaires , luivant la remarque
d'un politique , nous eft dépeint avare &C
intempérant , même uj^rier &c ivrogne ;
aii-4ieu que le fomptueux Luaillus , en-
core plus grand Capitaine & aufli jufte
que lui , mt toujours libéral & bienfai-
Êmt. Condamnons la fomptuoiité de Lu-,
cullus & de fes imitateurs ; mais ne con-
cluons pas qu'il faille chafTer de nos murs
les Savans &c les Ârtiftes. Les paflions^
peuvent abufer des Arts ; ce font elles
<|u'il feut réprimer. Les Arts font le fou-
tien des Etats ; ils réparent continuelle-
ment l'inégalité des fortunes , & procu-,
rent le néceflaire phyfique à la plupart.
des citoyens. Les terres^ la guerre ne
peuvent occuper qu'une partie dé la Na-
tion : comment pourront fubfifter les au-,
très fujets , files riches craignent de dé-
penfer , fi la circulation des efpeces eft'
iufpendue par \me économie fatale à cçux^
^^■^ . i ^ 1 , ' i > i
lOO RÉFUTATION
*■«•
qui ne peuvent vivre que du travail de
leurs mains ? *
Tandis , ajoute TAuteur , que les com^
modités de la vie fe multiplient , que les
Arts fe perfectionnent & que le luxe s'é*
tend , le vrai courage s'énerve , les ver-
tus militaires s'évanouMTent , & c'eft en-
core Touvrage des Sciences & de tous ces
Arts qui s'exercent dans Tombre du ca-
binet. Ne diroit-on pas , Meffieurs , que
tous nos foldats font occupés à cultiver
les Sciences & que tous leiu*s officiers
font des Maupertuis & des Réaumur?
S'eft on apperçu fous les règnes de Louis
XIV & de Louis XV que les vertus
militaires fe foient évanouies ? Si on veut
parler des Sciences qui n'ont aucun rap-
port à la guçrre, on ne voit pas ce que
e$ Académies ont de commun avec les
troupes ; & s'il s'agit des fciences mili-
à
i
-^; ^ — .7 ^" --*' -— |~— - — ^ .— -^cf-^
vantage dans les armées Fijinçoifes , que
4urant le cours de leurs vittoires. Com-J^
ipeht peutK)n s^unaginer que deis foldats
deviendront, plus vaiHans , parce qu'ils
feront mal' vétus & mal nourris i
DE M. G A U T 1ER. roi
M. Rouffeau eû-il mieux fondé à fou-
tenir que la culture des Sciences eft nui-
lible aux qualités morales } Ceft , dit-il ^
dès nos premières années , qu'une édu-
cation inienfée orne notre efprit & cor-
rompt, notre jugement. Je vois de toutes
parts des établiuemens immenfes , oîi Ton
élevé à grands frais la Jeuneffe pour lui
apprendre toutes chofes , excepté f€;$
devoirs.
Peut -on attaquer de la ibrte tant de
Corps refpeftabies , uniquement dévoués
à rinftruftion des jeunes gens , à qui ils
inailquent uns ceffe les principes de Thon-
fieur , de la probité & du Ghriftianifme ?
La fcience 9 les mœurs 9 la religion , voilà
les objets que s'eft toujoiu-s propofé TUni-
verfité de Paris , conformément aux ré-
glemens qui lui oixt été- donnés par les
rois de France. Dans tous les éti<blifle-
mens. faits pour Téducation des jeunet
gens , on emploie tous les moyens poA
imles pour leur infpîrer ramour de la
vertu & rhorreur du vice , pour en fôVr
mer d*€xcellens citoyens ; on met con-
tinuellement fous leurs yeux les maxi-
mes &c les exemples de$ grands hommes
E 3
IJOl RÉFUTATION
de l'antiquité. LTuftolre facrée & profene
leur donne des leçons foutenues par les
faits & Texpérience, & forme daiK leur
cfprit une impreffion qu'on attendroit en
vain de Taridité des préceptes. Comment
les Sciences pburroient- elles nuire aux
qualités morales ? Un de kiu-s premiers
effets eft de retirer de Toifiveté , & par
confëquent du jeu & de la débauche qui
çn font les fuites. Séneque, que M. Rouf^
feau cite pour appuyer fon fentiment,
convient que les Belles-Lettres préparent
à la vertu. {^Smec. Epijt. 88.)^
Que veulent dire ces traits fàtyriques
lancés contre notre fiede? Que Teffet le
plus évident de toutes nos études eft Pa-
viliffement des vertus ; qu*on ne demaide
plus d^un homme s'il a de ta probité ,
mais- s'il a des talens*; que la vertu reftc
fans honneur ; qu'il y g mille prix pour
les beaux difcours ^ aucuns pour lès bell»
aâions. Comment peut-on ignorer qu'un
homme qui paffe pour manquer de pro-
bité eft méprifé univerfellement î La pu-
nition du vice n'eft-elle pas déjà la pre-
mière récompenfe de la vertu ? L'eftime ,
Tàmitié de les concitoyens « des diftÎAC-
I? I ■ ' ■ I gaasBBBBgi
DE M. Gautier. ioj
lions honorables , voilà des prix bien fii-«
Î)érieurs à des lauriers Académiques. D^ail*
eurs celui qui fert fes amis , qui foulaee
de pauvres ramilles , ira* t- il pubUer fes
bien&its ? ce feroit en anéantir le méritent
Rien <le plus beau que les aôions ver-
tueufes 9 fi ce n'eft le foin même de le»
cachen
M. Rouiteaû parle de nos Philofbphes
avec mépris ; il cite les dangereufes rê«
veries des Hobbes & des Spinofa , & les
met fiir une même ligne avec toutes les
produftions de la Philofophie. Pôiwquoi
confondre ainfi avec les ouvrages de nos
vrais Philofophes , des fyftêmes que nous
abhorrons} Doit -on rejetter fur l'étude
des Belles «^ Lettres les opinions infenfées
de quelques Ecrivains , tandis qu'un grand
nombre de Peuples font in&tués de fyf-
têmes abfurdes , fruit de leur ignorance
& de leur crédulité ? L'efprit humain n'a
pas befoin d'être cidtivé poiur enfenter
des opinions monftrueufes. C'eft en s'é*
levant avec tout Teffor dont elle eft ca-
pable , que la raifon fe met au - deffus
des chimères. La vraie Philofophie nous
apprend à déchirer le voile des préjugée
Ê4
XP4 KiFUTATION
& de la fuperflition. Parce que quelques
Auteurs ont abufé de leurs lumières j
feudra-t-il profcrire la culture de la raifon ?
Eh! de quoi ne peut- on pas abufer?
Pouvoir , Loix , Religion ^ tout ce qu'il
y a de plus utile , ne peut-il pas être dé-
tourné à des ufages nuifibles ? Tel eft
celui qu'a fait M. Rouffeau de fa puiiTante
éloquence pour infpirer le mépris des
Sciences , des Lettres & des Philofophes#
Au tSblèau qu'il préfente de ces hommes
ikvans , oppofons celui du vrai Philo-
fophe. Je vais le tracer , Meflîeurs , d'après
les modèles que j'ai l'honneur de con-
noître parmi vous. Qu'eft-ce qu'un vrai
Philofophe ? C'eft un homme très-rai-
fonnable & très - éclairé. Sous quelque
point de vue qu'on le confidere, on ne
peut s'empêcher de lui accorder toute fon
eftime , & l'on n'eft content de foi-même
que lorfqu'on mérite la fienne. Il ne
connoît ni les foupleffes rampantes de la
flatterie , ni les intrigues artifîciéufes de
la jalouiie , ni la baiTeffe d'une haine pro-
duite par la vanité , ni le malheureux
talent d'obfcurcir celui des autres ; car
l'envie , qui ne pardonne ni les fuccès >
D Ê M. Gautier. iôj
ni {es propres înjuftices , eft toujours le
partage de rinfériorité. On ne le volt
]amais avilir fes maximes en les contre-
<liÊint par fes aâions , jamais acceflîble
à la licence que condamnent la religion
qu'elle attaque , les loix qu'elle élude ,
la vertuqu'elle foule aux pieds. On doute "
il fon caraôere a plus de nobleffe que de
force , plus d'élévation que de vérité.
Son eîprit eft toujours l'organe de fon
cœur & fon expreflion l'image de fes fen-
timens. La franclrife, qui eft~\m défaut
ouand elle n'eft pas un mérite, donne à
tes difcoiu^ cet air aimable de fincérité ^
qui ne vaut beaucoup , que lorfqu^îl ne
coûte rien. Quand il oblige ,' vous diriez
qu'il fe charge de la reconnoîflance , & ,
3u'il reçoit le bienfait qu'il accorde ; &
paroît toujours qu^l oblîee , parce qu'il
délire toujours d'obliger. Il niet fa gloire
à fervir fe Patrie qull honore , à travailler
au bonheur des hommes qu'il éclaire.
Jamais il ne porta dans la fociété cette
raifon farouche , qui ne fait pas fe relâ-
cher de fa (lipériorité ; cette inflexibilité
de fentiment, qui fous le nom de fer-»-
meté bnifque les égards & les condei^
I06 RÉFUTATION, &C
qui
éit
cendances ; cet efprit de contradiâion i
i fecouant le )pug des bîenieances fe
it un jeu de heurter les opinions qu*il
n'a pas adoptées ^ également haïflable fbit
qu'il défende les droits de la vérité 5^ ou
les prétentions de fon orgueiL Le vrai
Phîlofophe s'enveloppe dans fa modeftie,
&.poiu- faire valoir les qualités des au-
tres , il n'héfîte pas à cacher l'éclat des
£ennes. D'un commerce aufli fur qu'utile,
il ne cherche dans les fautes que le moyen
de les exaifer, & dans la converfàdon
que celui d'affocier les autres à fon propre
mérite. Il fait qu'un des plus folides appuis
de la jufliceque nous nous flattons d'ob-
tenir , eft celle que nous rendons aii mé-
rite d^autrui ; & quand il l'ignôreroit , il
ne monteroit pas la conduite fur des prior
cipes difiérens de ceux que nous venons
d'expofer 1 perfiiadé que le cœur Êdt
l'homme ; l'indulgence , les vrais amis ;
la modeftie , des citoyens aimables* Je
iàis bien , que par ces traits je ne rends
pas tout le mérite du Philofophe & fur-
tout du Philofophe Chrétien ; mon def-
fein a été feulement d'en donner une 1er
gère efquiflè.
RÉFUTATION
Du Difcours qui a remporté le Prix a tAca^
dému de Dijon en tannée i^So , par un
Académicien de Dijon qui lui a refiijefon
Suffrage {a).
JP JEL JE Jf ^ CjÉ
DE L^ ÉDITEUR
D U D I s C O U R S^ ,
Avec les Remarques cRiTiQtrBs.
JL A Littérature a fes comètes comme I«
Ciel. Le Difcours du Citoyen de Genève
doit être mis au rang de ces phénomènes
finguliers » & même finiftres pour les
Obfervatenrs crédules. J'ai lu , comme
tout le monde , ce célèbre Ouvrage»
mmm
(4) Cette Réfutation parut imprimée ei» I7SI en un v(^
kime in-8^. de 132 pages en deux colonnes, dont l'une coit>
«enoit le Difcours de Rouflèau , & l'autre la RéfnNtion. M;
RouiTeauy répondit par une Lettre qurife trouve è= Ptipage
7,^S dutroiiieme volume des Mélanges. Cet Académicien de
Dijon ToppoOi fis trouva êtK M. Le Cat Secrétaire perpétuel
ée TAcadémie de Rouen » & c'eft ce %ui occaGonna le déftfveli
io8 PRÉFACE
Comme tout le monde, j'ai été charmé du
ftyle & de l'éloquence de l'Auteur ; mais
j'ai cru trouver dans cette Pièce plus d^art
que de naturel , plus de vraifemblance que
de réalité , plus d'agrément que de foli-
dite ; en un mot , j'ai foupçonné cpe ce^
Difcours étoit lui-même une preuve qu'on
peut abufer des talens , & qu'on peut Êiire
dégénérer l'art de développer la vérité , &
de la rendre aimable , en celui de féduire
& de feire paffer pour vraies les propofi-
tioh$ les plus paradoxes & même les plus
faufTes.
Jl n^ejl point deferpent^ ni de monfirc odieux j
f^ui part art embelli ne puijfe plaire aux yeux.
Boil. Art Poët. Ch. 5.
Mais en même tems j'ai cru m'apperco
r-
— TM —^11 in ... . ^^^—^—^-M^ . -
de PAcadémie df Diioii • que Ton trouvera ci-après. Cette
Jftéfiit^tion pou plus que les deux pièces ruhrantes n'ont été
inféries dans aucun Recueil des Ecrits de M« Roufièau : mais
•
tl^s nous ont paru ii efiëntielles pour réclaircifTemen^ de
cette famenfe difpute , que nous avons iagé convenable de la
joindre 4 toutea les autres pièces qui parurent lUs c^tte
DE L' É D I T E U R. 109
voir que cet abus de l'art n*a pas tout le
fuccès que lui promettent les apparences ;
Terreur fe découvre à Tefprit attentif, fous
les ibphifmes par lefquels on s'eflforce de
la revêtir du mafque de la vérité ^ comme
les mœurs artifîcieufes fe trahiflent elles-
mêmes dans la contenance Se les difcours
des hypocrites qu'on foupçonne & qu'on
étudie. Néanmoins la grande défiance que
j'aL de mes propres lumières , fit que la
leûure de l'éloquent Difcours me mit dans
une forte de perplexité : quel parti prendre^
me fuis-je dit ? L'efpérance de contribuer
au bonheur général de la fociété , comme
au mien propre , d'être plus utile & plus
agréable aux autres & à moi-même ; d'être
enfin meilleur que la nature feule ne m'a«»
voit formé , eft le motif qui m'a foutenu
jufqu'ici dans l'étude des Sciences & des
Arts ; un projet fi louable m'auroit-il feit
illufion ? Avec le deflein de chercher le
mieux être , aurois*je pris exaâement-Ie
chemin oppofé ? Tant de travaux ne me.
y
-- - - --
110 PRÉFACE
condiriroient-ils qu'à dégrader les talens &
les inclinations que là fimple nature m'avoit
donnés. Si cela eft f j'apprends tous les
jours , & je travaille par-là tous les jours
à me rendre pire que je n'étois. Si celaeft^
jfe nœ propoie de donner de l'éducation à
mes enfans , & par-là jetrame une confpînh
lion contre la fociété , contre la Patrie ^
en formant un projet qui tend à la corrup-
tion de fes fujets* Grand Dieu ! qu'ai-je
feit, & dans quel abyme allois-je préci-
piter les miensr Malheur à ceux fui ont
brijt la porte des Sciences l Allons , brûlons
ks livres , oublions jufiju'à l'art de lire ,
& gardons-nous de l'apprendre aux autres.
Ce nouveau deflein mérite quelques
réflexions ; il a tout Tair d'une extrava-
gance. Quoi î de propos délibéré , nous
nous replongerions dans les ténèbres & la
barbarie ? Cette adion feule feroit, ce me
femble j le chef-d'œuvre de IVveuglement,
& de la barbarie même
Barbams kic ego ptniy
m
■ j
DE L' É D I T E U R. nr
Mais l'Auteiir couronné par la refpeâa*-
Ible Académie de Dijon , m'aflure que
^ette barbarie n'eu, qu'apparente , que je
ne la crois telle , que parce que je n'enn
tends* pas la queitiom.
quia non inuttigor iUïsi
Tavoue que j'avois déjà été fort fiirpris
que ce Corps célèbre eut propofé cette
queAion ; car toute queftion propofée eft
' cenfée problématique ; maïs l'homrfiage
pendu aujourd'hui au Dlfcoùrs par Ik
même fociété , met îe comble à moïi
étonnement , & m'en impofè ; à peine
i^i-je examiner. Il eftun moyen d'éclaircÎT
mes doutes, plus décent, plus iur, plus
conforme â la jufté défiance que j'ai dfe
mes- lumières. J'ai l'honneur d'être lié
d'amitié avec l^un des Membres du fevant
Aréopage de Dijon , avec l'un dès Jugés
qui a du concourir au triomphe de l'Ora?-
teur Genevois. Confultons-le. 11 eft homme
-à ne rien feire à la légère; il nous^fem
part des raifons qui ont emporté fon fiif*
m PRÉFACE
■ I l ' ■ ^ ■ ' ' ' ' ■
jfrage , & elles décideront fans doute le
mien. J'ai fiiivi ce projet, & j'ai reçu de
mon illuftre Correspondant la lettre fui-
vante.
. « Oui , Moniieur , j'ai été Pun des
>> Juges du Difcours qui a remporté le
9> Prix en 1750 ; mais non pas im de
^ ceux qui lui ont donné fon fufTrage.
ff Loin d'avoir pris ce dernier paru, j'ai
» été le zélé défenfeiu* de l'opinion con-
» traire , parce que je penfe que celle-ci
if a la vérité de fon côté , & que le vrai
» feul a droit de prétendre à nos Lau-
» riers. J'ai même pouffé le zèle juiqu'à
9> apoftiUer le Difcours par xles Notes
» critiques , dont ta colleâion eft plus
» confidérable que le texte même; j'ai
^ cru que rhonneiu* de la vérité , celui
>» de toutes les Académies , &: de la nôtre
fp particulièrement , l'exîgeoient de nioi :
ff ces mêmes motifs m'engagent à vous
*f en envoyer la copie , & à vous per-
^ mettre de les rendre publiques. Dans
p> cette vue , j'ai lu l'édition que l'Au-
D E L' É D I T E U R. 115
»f teur en a faite , &c j'ai ajouté à mon
n manuicrit quelques remarques nouvelles,
H auxquelles tes additions ont donné lieu«
>9 Ne perdez point de vue , s'il vous
M plaît , M onfieur , que ce ne font que
» des apoftiUes, des notes que je vous
^ envoyé , & non un difcours fleuri i
H que mon deflein ji'a jamais été tfop-
H pofer éloquence. à éloquence , paradoxe
n à paradoxe ; j'aurois peut-être tenté le
H premier eh vain , & le dernier n'auroît
if pas été de . mon goût ; j'expofè natu*
M tellement à mes Confrères ce que je
M penfe d'ime Pièce, dont je fuis exami-
H nateur, en oppofant, félon mes foi-
» blés lumières , le raifonnement juflè
*> aux figures oratoires, la vérité claire
H au paradoxe. J'applaudis avec le Public
» au génie & aux talens de notre Auteur ;
» mais j'ofe penfer que fa Pièce n'eft
» qu'un élégant badinage, un jeu d'efprit,
f> & que fa thefe eft fàuffe. Si je puis
» vous en convaincre , j'ai gagné ma
>f caufe. Je préférerai toujoiurs l'art d'é-
114 P R É F A C E, &e.
mm
f> clairer & d'inftriiire à celui d'amufer &
V de plaire ^ quand il né me fera pas
»> poffible de les réunir^ J'ai Thonneur
y> d'être ^ &c. »
urf Dijon , ^e /3 -^o^/ /^ii*
La générofité de M ***. combla mes^
Vœux } je m'applaudis du parti que j'avois
pris f je dévorai fes notes ; je m'y re-
trouvai , pour ainfi dire , par-tout. Pouif
fentir combien cette conformité me flatte,
îl faudroit fsivoir tout ce que vaut M ***.
Jfe fuis perfuadé que tous les amateurs des
Sciences & des Arts , fe trouveront aufli
flattés que moi , & par les mêmes raifbns ^
de la leâure de fes réflexions. J'uferai
donc dans toute fon étendue , du pouf
voir qu'il me donne de les publier ;. iês
motifs me paroifTent auili juftes que (es
remarques. Elles nous confervent enfin
le droit fi doux , fi flatteur de penfer avec
Horace y que^#. U Philofopkc ri a dans touu
la nature que Us Dieux au-dejfus de lui\ . • «
Jtd fuMmuM , fapiens uno minor eft Jove , iivu ;
RËFUTATION.
iMil
Dedpimur {pecie re&î,
, , . /unt certi demque finef^
JQ9BS ultra 9 citrÀqut n€pût eanjtfiere re&mm, (*)
— — I ■ Il > Il I ■ I I ■ ' ■■ m , i.—— — — i^
jLjE rétahlijcmcnt^ qui ne scn cJHmc pas
moins. L'Auteur eft très-fevant^ & joue
par conféquent ici un perfonnage feint &
accommodé à la fçener Mais en général,
fur quel fondement im honnête homme
qui ne feuroit rien , ne s'en eftimeroit-il
pas moins ? Qui peut difconvenir que fi
cet honnête homme etoit favant , il air-
roît toujours un talent de plus , & mi'ainfi
il en feroît d'autant plus eûimable t Mais
cfi-il bien vrai qu'on puifle être parfaite-
ment honnête homme & parâitement
( ♦ ) L'Epigraphe , Decifimur /fecie reéii . . . choifie par
PAiiteur de.ce Dilboars, pour noits annoncer que notre pri»
wendon en. £aveur des Sciences, eft une erreur i cette Epigr».
f he» dis-jé, eft la feule excufe qu'où puifiè lui prêter à lui.
même , encore n'eft-elle pas fort bonn« ; car on^ peut être
quelquefois- trompé par les apparences & s'égarer; mais il-
.faut pourtant conyeiiiir que le chemin du vrai a des marqutfi
dilUnaives, des limites» des bornes, certi denique fines \ qu'il
'y ades^ règles pour s'y eoadirire: & en vérttéelles me paroif
Ibnt fi évidentes dans l'opinion contraire à celle de l'Auteus»
que je foupçonne qu'il a moins été féduit par les fimples ap-
parences du vrai » que par l'e^eir de les réalit» à nos yeux
i force db gâûe;.
Il6 RÉFUTATION
ignorant tout ênfemble ? Ne faut -il pas
au moins connoître fes devoirs pour les
remplir ? Ne faut-il pas les avoir appris
I)ar une éducation qui nous ait inculqué
es principes d'une faine morale ? Unt
fcience aufli eflentielle que celle-ci vaut
bien , ce me femble , qu'on ne la compte
pas pour rien , & que celui qui la pof-
îede , ne fe regarde pas comme un homme
qui ne fait rien. Si l'auteur entend par ne
Javoir rien , n'être point Géomètre , Aftro-
nome , Phyficien , Médecin , Jurifcon-
fulte , &c. Je conviendrai qu'on peut être
honnête homme fans tous ces talens ; mais
n'eft-on engagé dans la Société qu'à être
honnête homme ? Et qu'eft - ce qu*uii
honnête homme ignorant & fans talens?
un fardeau inutile y à charge même à la
terre, dont il confume les produâions
fans les mériter , im de ces hommes aux-
quels Horace fiait dire. . . .
Vos numerusfumus , &fruges confumere natL
Il y a bien loin de cet honnête homme-
là , à l'homme de bien vrai citoyen , qui
pénétré de fes devoirs envers les autres
hommes , envers l'Etat , cultive dès l'en-
il , I. gg
DU Discours. 117
• ■ ■ I t "■ ■■ ■ ■■* » i m
^Lîïcç toutes les Sciences , tous les Arts
par lefquels il peut les fervîr , & par
fefquels il les fert en effet, dès qu'il lui'
d!t poflible.
, . , Quodjî
Frigida cur arum fomenta relinquere pqffes ^
Quà te cœlejtis fapientia ducçret s ires.
Hoc opusj hocjiudiiim^ parvi properemus ê^.
amplU
Sipatriœ volumus , Ji nobis vivere çarL
Horat. Epift. \, 1. i. y. 2ç.
Il fera difficiU ^r^nc nùont point rebute.
La folution de ce problème eft rendue
très-curieufe & tiès-intéreflante par le gé-
nie fupé rieur 6f le ftyle féduifant de l'Au-
teur ; mais il n'a point concilié les con-
trariétés qu'il fent lui-même.
Ce rCeJi point la Science — devant des hom-^
mes vertueux. Défendre la vertu contre
la Science qu'on regarde comme incom-
patible' avec 'la première , n'^-ce point
maltraiter cettç Science ? Et cjuand tout le
Diicours d^ l'Auteur tend À prouver l*in«
compatibilité de ces deux qualités , la ver-
tu âc la Science , comment pçut-il com*
poier chaque Académicien de Dijon de
deux hommes , l'un Vertueux ôc l'autr^
Ïl8 RÉFUTATION
— I l ! ■ "I l I ■ \ " I I ■ ■ I I ■*— — »
DoSe } Cette diiHnâion fubtile , par Ia«
quelle il a cni échapper aux contrarié-
tés qu'il a lui-même remarquées dans fon
procédé , n'eft-elle pas des plus frivoles?
La probité efi-^-^pour Ufentimtnt de ti)-*
rattur. Le fentiment de l'Orateur , fi je ne
me trompe , fait la pièce principale de la
conftitution du Difcours. Si le premier
n'eft point jufle , Fautre ne fauroit être
iblide ; & un difcours fans juftefie & fans
folidité a beau être féduifant , il n'aura
point mon fuffrage.
Lti Souverains --juge en fa propre cauji.
L'Auteur convient donc qu'il attaque les
Sciences , & que par -là nous devenons
ies parties. Il ne nous regarde plus ici
que comme Savans ; mais nous nous ibu-
viendrons d'une chofe qu'il a déjà ou-
bliée ^ qui efl que nous ibmmes gens de
bien 9 oi par-là nous ferons fes partifàns
contre la Science , & des premiers à y
renoncer^ s'il prouve bien que celle-ci eft
contraire à la'rertu.
^ *
DU Discours. 119;
0=
PRE MI^RJE PARTIE.
L^^E/i un grand & beau fpiBacU '^depuis
peu dp générations. Voilà iâns doute ce
oue l'Auteur appelle le renouvellement
des Sciences & des Arts. Il a raifon de
trouver ce fpeâacle grand, beau 9 mer*»
veilleux ; on peut ajouter hardiment fur
cette ièùle defcription , que cette adml*
rable révolution , le triomphe , Tapothéofe
de Tefprit hiunain efl; encore de la plus
fi;rande utilité pour les mœurs , pour le
bien de la Société , 'puifque notre Ora-
teur reconnoît luirmême qu'une partie de
ces Sciences renferme la connoifiance d^
thommt^ dtfa nature ^ de fes devoir^ & dt^
fa fin.
V Europe ^ que t ignorance. L ignorance
eft donc déjà un état bien pitoyable ; c'eft
poiutant là le fujet des éloges de ce
Pifcours , la bafe de la probité ôc le.
grand feflbit de U félicité 9 félon notre
Auteur.
Je ne Jais quel Jargon r- au fens com^
mm. La barbariç; r^ fauvage^ ^W^
■OHb
ÏIO RÉFUTATION
ration des Sciences & des Arts met donc
les hommes hors du fens comniun , puiP
que cette merveilleufe révolution les y
a ramenés.
Elit vint enfin du côté — naturelle. D
tiy a ici rien d'étrange qu'une petite tour-
nure énigmatique dans le ftyle ; dé&ut
qui rfeft peut-être auifi que tn^ naturd
aux Ecrivains de notre fiecle. lÂs Sciences
fidvirent Us Lettres ; cela eft très-paturel ,
ce me femble : on apprend les langues ;
on apprend à les parler , à les écrire po-
timent avant de pénétrer dans les Sciences.
A tan <£ écrire fe joignit îart de penfer.
Gomment! ne penferpit-on qu*à l'Aca-
démie des Sciences ? Et celle des Belles-
Lettres feroit-elle compofée et Ecrivains
amomates ? L'Auteur eft trop intéreffé à
n'être pas de cet avis. Il veut dire feu-
lement que la fcience des Belles-Lettres
qui ne demande qii\ine contention d'ef-
prit médiocre j que. des réflexions fuper-
ficielles & légères , a été fuivie de l'étude
des Sciences abftraites , profondes ^ oit
les génies les plus tranfcendans trouvent
de quoi épuiler leurs efforts ; & il a
aùeux aimé exprimer cette iiiâEérence dat
Belles-Lettres
■' JWf'!ll>
vv Discours. tait
BeHes- Lettres aux ^ienoes d'^ne ûêsoïv
fine que pifte. .. . ,
Et ton commença'^ laur approiaàonniw^
tudlt. Cet avantage du commerce les
Mufès eâ très^réely Se très «^ important*,
{nfoirer le plaifir^de plake^iux hooMiies^
c'eft coDOPurir^an fqoid lotuvre de la fë^.
iîcité . oHiumine:; car avec ceri dtfpofr-^ ^
tiîoiis 9 non-ieiÂement on lAt ^drde ^t ri(m> '
&ire qui leur isni contraire ^ mais encore
on emploie tous fes tal^ns^ à leur être
utïe &c agrédble^ Scmgez < à tous les re£-
foÊrts qu'un amant iait ^ouçr^jxmr plaire
à fa maîtrefle^ & fbuyenesHvous dans \m
Élite deicè" Difcotirs :q^rj^Aule)ir coi^
^eient que ,; par le ^commerce des Mufès ^
f homme (^viem Pâmant de la fociété ^
& celle-ci ia maîtreffe^ Je jprois qu*il aura
de la peine À concilier fa thefe avec ces
principes qui font tnè54>ons.
c U^ffrU^^^jts ttfoiks y — dont Us Jhat^
théttfgU. Cêç jiore-aits^ fpnt plus^^lip que
Jliftes. H^én^^feirt Wen qtie tes Sciesnces.
&'les Art$ Jb^t de pur a^imcm. Leuci^
HtUités font (ârt&'HrtOfhbre^ Il i^eft point
tvan m:^é$i|ie^Mefit}queeoùvnr de fleurs.
^ âiailiëtP^ifei^{^Ciïei:^les çlwnes^
Si^fU d^ Ul ColUç^ Tome L IT
Tx% Réfutation
m ■ i t ■ ■ ■■ •
partout oàieUes iè. trouvent , mettent des
entraves au génie &C éteignent le^ Sciences
Étouffent en eux.'-'. des\FeupUs policès.\
Loin que les Sciences étouffent en . tioiis
1^ fenioment de là libei^:k)(rigjnelle9 c'eft
dles au contraire . qui nous apfnrennent
eite 'la'/ nstnre a . £iit^ tpuï . les *b»nimes
égaux , âc-queiTaerdavage^eft le fruit d'une
tyrannie établir ipar ha violence 9 pat 1â
taifofi du plus fàn , i fuite inévitable de*
k barbar'u. Maîs.c'eftdéshokiorer la vraie
idée ^vin.PtupU policé , que de nous le
Kpréfentervxccanme ung bête &rocé' à
ëemi-appnvoifée:4rc(»imiciilQ e&lave ians
:(bntiiiiéns ^ jpoHr. 1 fa . Ubtrai - miginclic ^ &c
affîijétti' à 'im joug hdntoux qu'il chérie
«icore', tant 6 flupidité eUt extrême.
L'homme policé efl celui que les. lumières
de la raifon Sc^de lâmoralis oot coeyaincu
Sue hs\ loix:^ Ifi /li}^c^d^^tk>n l «^^es
ans uiioiptat conticpowf. piincipe l'équinéV
&: peut hàt )ifo» pr/<^re.ffélie^T^j 6c. celle
de les pareflsç.»rer(uadéï.il^ 'ces yérités^i
il èft Le preitier àLwiputeil^ jà.èiimeiî,i
défendre. ces loke> fqiwirïftjlt -enlevé, fç»
iiiffiai^e.^ &'qm'^9tr^ikofui^^ ^
DU Discours. 1 1 j
bonheur. Une fodété d'hommes qui pen-
iènt & qui agîffent ainfi , forme ce qu'on
appelle vraiment un Peuple policé.
- U y a toujours d^ns les fociétés des;
individus pervers , qiii n'ont ni les lumie-.
res, ni la raifon, ni l'éducation nécef&ires
pour reffembler à l'homme ibciablé que
je viens dé décrire; ce fopl là ceux <{Hpn.
ne tient dans l'ordre d'un peuple poltcé
que par des chaînes , que fous im joug ^
mais on voit que ces hommes féroces,
font ceux de notfe efpece qu'an n'a pu|
apprivoifer ; c'eft la partie nqn policée,
du peuple, & celle que le rçfte ^^ jL?-
fociété eft intéreffée à retenir dans une-
£%
R é FUT * T I O N
lice , tant fur le Souverain que fur les
fiijets,
Puijfances de la Tfm — Heureux efçlaves,
UAuteur facrifie toujours la jiifteffe àragré-
ïhent & à la nouveauté. \.e trôn£ d^mj
peuple policé n'en feil point des efçlaves ,
mais des papilles heyreiix fous la tytelle
d'un Père tçndre,
■P^ous leur deve^^de toutes les vertus fans
pt avoir aucune' Ceft ici que notre Ora-
ttur commence à lever le mafque,. Il veut
que la douceur du caraflere , l'urbanité des
liiOeurs, le copimerce liaiit & facile ne
foieht qu^ des appas pour tromper les
hbnimés. Il nous a dçpeint , occupés du
i mêmes hommes. Ici
ft de les trorppér ; là ,
juis de la fociété \ îçi
; ïifnanS luborneurs &c
d'anr'atft que les apjiar
eur fc^feràt n'a d*autre'
ôrer infortunée aflè^
fia dupe. Le portrait
nalseftril vrai: c'eft
examiner en luivanf
e 4f folifeff-fv/t cornu
DU D^ î,s c 9 u R s. 12.5
^
mefce du motidt*, La décence eft déjà une
efpece de vertu ^ ou tout au moins un
ornement à la véritable vertu quand on la
pofiedè , & un grand acheniinement vers
elle quand on n a point encofé atteint fk
perfeôion.
Si nos maximes nous firvoïtfit dt règles»
On veut dire fi notre conduite étoit con*
formel nos maximes & à nos règles. H
arrive foir^ent fans doute , qu'elle r/y eit
fias conforme; mais Combien plu4 fbuvent
ce défordre tfarrivera-t-il pas à ceiii qîfi
tfont-ni re^le ni maxime , aux ignoi^s^
aux ruftres , atilt barbares ?
Si ta véritMe Philù/cfpkk^du tilrt de
Philofophe ! Pât la même raifort il y a bieh
des PhilofopHes qui n*eft ont qtte le ndm ;
mais qu'il y âuroit encore bi^ riioihs^ de
l^hiloiôphes , s'iï nV avôit ttÂtst du tô\it
de Philofophîe 1
Mais tant de qualités — en fi ^fdnde pàffipe.
S'il y a de là pompe ici , C'éft dans fe ï>if-
cours de notre. Otateùf, & norf pas daïïi
la décence & dans le titfe de Pfutofofke *
qui décorent rhomme fage , vertueux &
nmple tout enftmble.
3
la^ RÉFUTATION
4
D'ailleurs • .-. . aut virtus nomen inarte tfi^
Aut decut 6f prttium reéfè petit experiens
vir. Horat. Epîft.
L'Auteur du Difcours Youdroit-il qu'on
crût qu'il renonce, à la vertu , parce qu'il
afpire au titre de grand Orateur, & à
ïa pompé d'une viâoire fur tous fes xortr
currens.
La richcfft M U parure — yS reconnoit à
^^ autres marques. Le fage y comme l'hom-
me robufte, fe reconnoît à fes aâions;
mais Tun & Tautre peut être paré &c élé-
kant, &ns que cette circonftance dégrade
leur mérite 9 au contraire elle le relèverai
fi la décence préfide à leur panire.
Cefi fous t habit ruJUquc-^Ia rigueur du
€orps. Cela n'eft pas toujours vrai à la lettre.
M. le Maréchal de Saxe , & tant d'autres
auroient Êiit mal pafTer leur tèms aux plus
rufHques Laboureurs: la dorure des habits
h*ôte ni la fanté ni la force , elle ne peut
qu'en relever l'éclat.
La parure^ qui fe plaît à combattre nui.
L'homme de bien eft un brave prêt à
combattre fous toutes les formes que le
hafard ou le fort le forceront de prendre >
m
D \r J> 1 se o V R iS. vi 17
nud , bien paré ^ toeX équipé ; tous ces
acceffoires lui font indiflférens*
// miptifcious us y Us omemtns^qmt^r
^ut diffbrm'uL il efi desr Dhiemons & de^
'arràes <(iti tendent à rendre la' Viâoire '&
^iu^ fôi^ & plus bnUante. Le âge ne lef
néglige pâs contre le vice & Terreur ; il
ie plie au% circoiiâances ^ aux tems , pout
-en fupporter oa en reâifier les.événe;-
Inens ; it s^accomntode à ceqoë les mœurs
île iôB fietle ont! dé décent i pour mio^upc
yéùffif*4<c>rri^enee qu*dki^^9k de défec-f
te^^'} >it fe fait aiiû.âesih^»pimês pour les
rendii^ scmis de la.T«rttti
•».■,'
Omnis Ariflippum decuit Cotçr , ^Jiatùt 6f Tes.
- . Jivàm qw^M^tf càf^Jp^rguou bien d^s
fétti. JanMÛs^ iHHn^es n'ont été moins^
vicieux ^çi'îls' le> font r^ par la r^iibn que
}amais les Sqtc^ces èf IfS Art^ n^ont'été
tant cultivés. La nature abandonnée à
elle- même , fait de l'homme un affem-
blagede tant.de yk;çs, que le foibfe
germe de vertu ^vie foo Autour y a vcl}$^
fe. trouve bientôt ^tourfé., La terre n^a pas
plutôt vu deiEt hpmmes fur, fa iurfaçe ^
ôc encore d^ux frères , . feu^ maîtres de .
F4
*ja8 .Réjftjt xTiaN^
yUmvefs i qu'elle à vu auffi l'un dès deux
maflacrer l'autre par un principe de )aloiifie«
£a vam im Dieu prâide à la première
peuphde, ViaiAnik , l'exhorte , la îneoace ^
• ieSe cominuè xôoime. elle a débuté ; le
criiSMT fe multipbe avec les hommes ; ils
lé portent i ^ tct comUe dliorreur ^ que
Yixre fouveninement .bon ^ iafiniment
iàge, fe repent dfayoœ orée ime raee auffi
perrerie ^ & ne &k de meitte\ir rj^nie^?
aux abomînati^frs: qu'il fan ;^roit (^oiaMiefr
tre^ ^ue de rexterimoen II n'^drifts:îf
monde ^ieri^dite ièi^iàmilk Vemieuit
& exceptée du fupdke»' Voilà un^ édiaiH
tiUoi^de; ce dont eu capable la nature hu-
maine, abandonnée à elïe-même , à fes pa^
iSons , fans le frein- c(es to^ , énr les lu-
mières des Lettres y des Sciences &r àts Arts;
* Reprenons l'hifioirê de cette race ; guel-»
qties fiecles après ce châtiment terrible ,
nous la retrouverons bîfemôf attflSL crimi-
nelle qu'auparavant ; nous la trouverons
éfcaladant le Ciel n^me, & fe révoltant
en mielque forte contre fon Auteur. Dif-
peries enfin ^ par une ieconde punition ,
dans toutes les parties dé la terre , ils y
portent tous leurs vices. Bientôt l'adroit
DU Discours. 119
& robxifte Nembrod levé l'éiendard de la
tyrannie , & feit de tous ceux de ces frè-
res , qui ne font ni fi forts ni 11 médians
3ue lui , autant d'efclaves & de miniftres
e fes paflions & de là violence. Soiis
cette troupe affemblée par le crime & pour
le crime , fuccombent des Nations entières y .
que ces malheurs n'inftniilent que poiir les
porter à leur tour dans d'autres climats, le
vois la terre entière livrée à ces leçons de
baibarie ; chaque particulier devient un
Nembrod , s'il le peut ; les Nations con?-
jurées contre les Nations s'entr'égorgei^t
ou fe chargent de chaînes ; elles forment
au'iourd'hui des Empires qui s'écroulent
d'eux-mêmes le lendemain; ils cèdent aà
tumulte & au torrent fougueux des même»
palEons qui les ont élevés. Que peulTO»
attendre de durable d'un printàpe plus dé-
réglé & plus impétueux qu'une mer en
Au-eur ? Dieu Tout-puif&ntj,, quand vous
laflerez-vous de voir la nature entière en
F 5
IJO RÉFUTATION
intîniQ pour donner une face nouvelle i
l'Univers ? Elle fait naître ces hommes
rares , avec lefaaels elle femble partager
Ton effence intffable. Source de lumière,
vous ouvrez vos tréfors à ces amcs çhoi-?
fies; lès Sciences, les Arts, l'urbanité, la
raifon & la juftice, fortent du fein de ces
'génies créateurs , & k répandent Air la
terre. Les hommes s'aiment, s'uniflent,.
& font des lobe pour contenir ceux que le
■fort prive de ces lumières , & que les
■paffiors gouvernent encore. La terre jouk
^d'une" félicité qu'elle ne connoifloir point:
"elle eft étonnée elle-même de ce prodige ;
elle en déï£e les Auteurs , & attribue à
miracle l'effet naturel de la culture des
Sciences & des Ans. Apollon eft adoré
■^comme un Dieu. Orphée eft un homme
'divin dont les accords înfpirent aux lions,
aux ti^es la douceur de l'agneau , dont
Tàrt ertchanteur anime & donne des fentir
mens d'adiniration & de concoi-de aux
arbres , an* rochers mêmes. Amphîon
1 Orateur fàvant & profond
ni par la force de fon éloquea-
e les Thébains féroces & bar-
1 Peuple doux, fociable $
S9E
I T I i g *
D,U DlBÇ OV R& I3.ÏÏ
^^ffMWWNM^
policé. Ceft un demi-Dieu ^ 'qui par>Ie«
accens magiques de (a t lyre donne aux
pierres mêmes le fncHiYement jÇc fintelli-
geoçie ^néceââires pQ^i: s'^rrang^er elles^mè**
mes^^ 8^ fet!«f ^ TjÇlKieiitettfuoe Ville (fV
Ce qup les jn-emiers^g^i^es de i'Arahie^ de
l*Egypte & de la Grèce ont fait jadi^; ceux
qu ont vu naître les' règnes des Auguftës ,
oes Medicis, des François!, des Louis
XIV, Tqnt |-épété c^nsl^s.fiedcs poâé-'
rieiu-s. De-Jà font fortis.çes grands refiorta
de la Tage politique , ces atUfulces raifon-^
nées & .(al\itaires 3 cette iftiance de l'Eu--'
rqpe , le foiiitien . des ,Et4ts qui. la compCH
fent. Enfin tes feges de l'Orient n'avoient
(*) ^va^t Que ,1^ mfo|i,^'fxp|iqvftiit par la voix» - )
Eût inftruit les humains, eût eof^ign^ desLoix ;
Tous les hommes luivoien( la groffiere' nature i ^
Dirperfés dans \ps bois cousoient. à.la jftt«te. - I
La force tenoit lieu de|dr<^it & 4'^ui^ '< «-^ i-
Le meurtce s'execçoit avec impunité.
Mais au aifcours enfin rharmonieufe adrefl^
De ces fimya^s neeurs adoucit 1^ rùdeiïè « '^^
RaiTembla les. Hi^malns dans les forêts épars'^ - ^
Enferma lesv Cités de «mors ft de remparts ;
De rafpeâ,dil fupplibt «flErafst l^lblence , ' '
Et fous Tapi^tti .des LoU min H Ibible ùinoeent^. '
Cet ordre futi,4it^oi», le fhâifr déspr^eH ytt^ ^
D^HomXM^^Q^htMits re^us dans rUnivers»
riMMM
«31: RjÈFVTATlON
été que des LégtflateUfs des Peuples; ceux
de ^Occident ont poiiflé les pnroprès de
la fagefle jufqu^à devenir les Légiflateurs.
des Souverains mêmes, parce qu'aucun
fiecle n'a poujfê fi loin les Sciences Se
les Arts , & par conséquent la raifon &
h fagefTe.
Dans tous les fiecles néanmoins ces
chaînes fi falutaires & fi raifonnables éta«
l^fies ei^e tes Rois , entre les Peuples ,
fc font fouvent trOuvéeis rompues. Ces
iRalheurs n'atrivéroient point , fi tout un
Peuple étoit iavant , fi tous les Rois
étoient Philofophes» Quelque éclairé ,
^^anx acteiis dont Otpbée emplit les monts Qt Thraca»
Xes Tigres a.nolHs déponilloieot leur audace :
Qja*aax accor>i« d^Alsphion les pierres té mmivoient »
Et fur les m«rs Thélmins en o^ré s'â<?vof«nt.
X«*luu:nioiiie en- BatfOmt produifit ces miracles. (*>
Y*) Sihfijhes lumiêui fmotr 9 kdmrpt^f^ I>§9nm
Cmdilms er vi&t^fmtU dtUrfuit Orpktm.
JDiÛHs oh h0c Imirt» tégriit.fékûitfyM km»9».
XHihu €7* Am^hûm Tbtkmts 9»mUtm mtcià »
ésxéktmverêfinê t^/hnUtds^ V fmê hhuuU
DU Discours. i>|
quelque policé que foxt un Etat j le Phi-»
loibphe y eft beaucoup plus rare y que ne
font dans une digue les pilotis de cei
boulevards qui s!oppofent au déborde-r
ment d'un fleuve lapâe , aux fureurs d'une
;ner agîtée : les Peuples font ces flots
impétueux qui renverfent quelquefois &C
les pilotis &c la digue qu'ils foutiennent i
& snalheureufement les Rois eux-mêmes -
font c]^lque£>is peuple en cette partie*
Mais avons -nous befoin de remonter
aux premiers iiedes du monde y 6c d'e^
parcourir tous les âges 9 pour prouver
que les hommes inâruits, polices , font
meilleurs î N'avons-nous pas aSuellement
iiir la terre y dans nos climats même , des^
échantillons des hommes de toutes les
efpeces. Dites-moi , )e vous prie , Uluftre
Otateur ^ eâ-ce dans des Royaumes ok
fleuriflem les Univerfités & tes Acadé^
mies 9 qu'on rencontre la galante Nation
des Antropophages y ce peinte plein d'hu^
manité & ' de fentimént y chez lequel le&
en&ns font honorés pour avoir bien
battu leurs mères 9 & oii Ton regarde
comme ime loi d^tat, & un devoir en-
vers fes parens chargés d'années ^ de 1«$
134 RÉFUTATION
laiffer mourir de fiiim (*) î N'allons pas
chercher -fi loin des exemples.de la bar-
barie &c du vice attaché aux ténèbres de
l'ignorance r parcourons feulement les
campagnes jde France les moins cultivées
— — — ' — ; . ' ' ■ ' ■ !
* (*) ^ous ire voyoïis poîit la galante' nation dés Antro*
9ophage&» dinut^Mi; mais sous atons celle des Cftrtoiicbes «
de$ Nivets, des Raffiats, &e. Pillons plus noblemept ,
nous voyons celle des braves qui s^égorgent pour on léger
kffîront , malgré la lai & la religion.
. La. loi & la religion font donc contraires à ces trimes «
•& en empêchent fans doute un grand nombre; tandis que
de maifacrer & de manger des hommes eft une coutume ,
une loi de la nation dont Je vieiis de parler. H y a ^uelque^
'Cartouches parmi nous ; la férotité eA un vice à rumilbn
<hez tous les Antropophages : nos £c4lérats font abhorrés^
on les faiiit dès qu^on les connoit » & ils expirent dans les
i\ipplices. Xes Antropophages font toute leur vie l*horribl5c
^commerce: dont ils [portent 4e nom > & font applaudis dfc
leurs compa^ote& . . i ' .
Le duel en particulier e(l un accident dépendait de la fé.
rocité guerrière , & il ne^ fufiiiileroit point ndn >Ius qu'e
ibn prift&ipe , fi rempiit des Lettres & de^ fieaiix*Art!k
Jkùit plus éten4u» fi tous.^ lu>raniés étofent Phîtofiï^fac^
Nais dans la fuppofition ^ue cette férocité fbit un mal né-
'teflTarre , quelque éunefte t ^Q^nc Âlâmable que ibit 1t
-duel ,. on peut en quelle for^ Pexcufer^par la dâicaCeflb
des (èntimens qu'il (Uppofo &. quUl entretient dans notse
jeuneiTe guerrière, par* la décence & le refpeâ réciproque
' qu*U leur infphre. îV réiftiltedonc àe te dèfi^rd^e ntême Urife
retpfice d»pnfare^ Se (irtnirmonie^ Wkn de femfatable fte petit
Ctre allégué en faveut des> Antrcf^oph^es & des.Hi^ef-
tots, peuples cruels tans néccflité, par haWtudc, & par le
•^Nilpkiifif d'eue* cnieli» — , ' ' . --
. t
DU Dis cours. 135
par les Arts , les moins policées , & com-
parons leurs mœurs avec celles des habi-
tans des grandes villes. Que trente )eunes
payfans de difFérens villages de la Thie-
rache , ou de la Bretagne, ècc.fe trouvent
raffemblés à une fête de village pour I*
danfe , vous aurez plus de combats , plus
de bleffures y plus de meurtres de la. groC-
fiéreté pafllonnée & farouche de ces
trente ruôres , que vous n'en aurez dans
cent bab de POpéra qui raffembleropt
cinq cents perfonnes ; que vous n'en aurex
en trois mois dans luie ville peuplée d'u^j
milEon d^hahitans. Avez- vous une ferme ^
ime terre dans ces cantons policés? votrç
fermier en eft autant propriétaire quç
vous-même. Il vous paye , il eft. vral^
le contenu de votre bail , m^ais il ne vous
laiffe pas la liberté d'être encore ^nieux
payé par un autre. Vos biens paflent de
père en fils aux defcendans du fermier
comme à ceux du propriétaire,, & fi vous
vous avifez de trouver que vous êtes le
maître d'en dlfppfer en ^veur (Tune autre
race , ou celle-ci ne fera pa^ affez hardi^
pom- l'accepter y ou vous verrez bieotôt
votre terre réduite en cendres ^ & VQtJ^
136 RÉFUTATION
nouveau fermier affafliné. Vous êtes cri
Ffance , les loix vous vengeront ; elles
vous prouveront , comme moi , que la
vertu ne réfide & ne trouve de défenfe
que dan^ un Etat bien policé , & que
vous feriez perdu fans reffources , fi
Votre terre étoit placée dans des climats
où les loix font inconnues ^ excepté celles
des paflions & de la violence ; fi enfin
vous étiez dans ces premiers fiecles oh
la natin-e feule gouvemoit les hommes;
vrais fiecles de fer , mioiqu'en difent la
Faible & les Poètes fes Miniftres.
Teleft Tabrégé très-fuccinâ des preuves
Sue rhiftoire des fiecles paflés , & celle
u nôtre même, nous fi^umit de Punioa
intime du crime avec l'a barbarie / avec
1%*
Ignorance , & au contraire de la liaifon
neceffeire de la vertu , dé la raifon avec
les Sciences , les Arts , Turbanité : mais
quand Thiftoire n'en diroit pas un mot,
n'avons- nous pas dans les principes
phyfiques de ces chofes mêmes , dans
leur nature , de quoi prouver ce que ces
éVénemens viennent de nous apprendre ?
'La propre conftitution de l'homme le
Tend fujet à mille befoins. Il a des feus
D xr D/iJS cou KS. 137
qui Ten avertiflent^ & chacune de fes
ienfations de befoins eft accompagnée
d'une aâion de .la volonté , d'un defir
d'autaot plus viokàt que le beibin en eu
plus grande ou Torgané qui en înôruit,
plus fenûble. Ce même aâe de la vo^
lonté iaxt jouer tous les reSorts du mou«-
vement de la machine propres à fatisfàire
les befoins ^ à remplir les defir^. Voilà
la marçbe naturelle de la nature humaine ^
& une fuite d'eiE?ts suffi attachés à foa
méchanifine ^ que Feâ à celui cTuiie pen«
dule le partage - du î^ur en 14 heures.
Par die -même, b bien- être de Tindi*
TÎdu eâ fim uniqne^ ob^et , Tunique Un à
laquelle cet individu .rapporte toutes fes
;imans. S'iî hy Adroit qur'un homme dans
rUnîvers ,: il teifoit à même, de fe. con-*
t^itér y KÛm le faire aux dépens d'aucun
être qui pût s'y bppofèr ou s'en plàin-»
dre; mais dès que l'objet de fes defirs
fc trouve partagé entre plufieurs hommes ,
il arrive fouvent qu'il feut qu'il apprenne
à s'en pafler , ou qu'il lé raviffe à celui
qui le poflëde. Qu'eft-ce que lui diôe la
nature en pareil cas ? Elle ne balance pas ;
elle n'a rien de plus cher qu'elle-même^
^s
138 ,R.ÉP U T Alt ION
% ' ' ■ ■ ■ ■ ■
& dt phis preflié que de fe £a6sùurei
elle lui dit très-çofitivement que , fi le
■poflfeffeur de Pobjet defiré «ft plus^ foîble^
al faut le lui ravir iàns façon ; fie que
^'il eft capable d!uae Téfiûancei qui rende
Tacquifition douteufe , il -feut y fuppléer
par Part, hii tendre xxne en^ufcade^ ou
imaginer un arc & une flèche qui Tav^
t^ne de loin, fie qui nous déâfle de
rinquiétude où nous met ce defir , on la
crainte d'être . troublé ' dans la ^poSefRoà
de l'objet^ quand m>us:fa^;/wis iK^^piis;
Ainfi parle la nature; ainfi a-t*ette conduit
les premiers hommes; ainfi. >a*t-elIe-pro-i
duit ces fiedes ^orreiirs que nous ayons
ci-^levant parcourus.
. Qu'a fait la culture des Sciences fie des
Arts ? Qu'a fait, bi iiatui-e ; perfeflaoa-
née par la rçflexion h Qu'a fait la raifoif
enfin pour fan ver à la nature humaine
toute brute, le . déshonneur oh elle fe
plongeoit ? Ecoute ^ a*t-elle dit à cet indi-
vidu , tu veux enlever à ton voifin un
bien qui eft à hii ; mais que penfercMS-^
ni, s'il te raviflbit le tien? Pourquoi te
crois-tu autorifé à faire contre lui ce que
tu ferois bien fâché qu'il fît contre toi }
DU Discours. 139
Et qui fa dit qiie fon autr« voifin ne fe
joindra point à. lui pour te punir de ta
violence ? Réprune donc un defir injufte ^
& qui peut avoir des foites fiinefteij pont
toi-même. Ne ,défire que ce qui t'appar-î
tient , ou que tu peux obtenir légitime*
ment. Tu es adroit & vigoureux , em-
ployé tes talens à te défendre & non à
attaquer z employé -les à défendre tes
voiuns : ik t'aimeront ; ils te re^deront
comme leur proteSeur , leur chef ; & tu
auras d'eux , par cette voie généreufe^
& leur amitié & tout ce que tu n'auroisj
pu kur ravir qu'avec injuftice , & en"
effuyant des dangers. Réponds^moi , dit-
elle , à un fécond ; toi qui joins au génie
un caraftere laborieux , je t'ai vu conjP;
tniire ta cabane avec plus d'adreffe te
plus d'art qu'aucun autre ; que n'en feîs-"^
tu une pareille , ou une. plus belle mêiri©
à ton voifin , qui n'a pas l'adreife de'
s'en conftruire une ? Il eft meilleur chaf^>
feur que toi , il' fournira abondamment à»
des befoins que tu as peine à fatisfkire ,t
& il te payera çncore de fa reconnoi't^
fance & de fon amitié. Tu dors, ditHelle>
à un troifieme y & tu imites toa troupeaui
m 1 1 ■ ■ g=
140 RÉFt^TATION
■^âha— -ti*»^— *— I I > ■*<■— ^— rtfclfciMi^aMfc
taflafié & fàt^ué des pâturages oii tu fas
promené tout le )out i je te connois ca-
|)able des plus vaftes réflexions ; peux-tu
ne pas lever les yeux fur ces aftres bril-
lans dont le Ciel eft paré dans cette belle
suit } Rcconnois - les , obferve leurs
4Kiivrs , tires - en les moyens de cônnoître
Us régions de la terre , le jdan de Tuni-
vers ^ & de détenhiner l'année , fcs (àî-
&mss Tu deviendras l'admiration des au^
irt s hommes ^ & Tobpet de leurs hcm^
9)dges & de leurs tributs. Que fàb-ta
parefleux , di^elk à un quatrième ? tu es
mgéûieux , & tù pafles les journées en*
éeres dans Poifivete & la rêverie. Prend*-
j!K>i ce rofeau ^ vuides - enr la moelle ,
pw'ces- y des trous , fouffle contre le pre-
mier ^ oc renme avec art les doig^ for
les autres 9 tu vas produire des fons qui
fe'ont accourir autour de toi tous les
humains de la contrée ; ravis de t'enten-
dre j ils t^eftimeront par-defliis les autres ^
& il n'y a point de préfehs qu'ils ne te
faffent pour t'engager à leur procurer ce
pkiiin Vois-tu , dit-elle à un cinquième,
ce que viennent de faire tes voifins poinr
le bien général de Thabitation } Quelle
Vu DisçopRs. 141/
émulation , ^ qi^elle eftime réciproque a
mis parmi eux le g^nie inventiif ? Quelle^
union réfulte ies lervices mutuels qU*ils*
fe rendent , ou des plaifirs^*ib fe font
par-là ? Quelle fureté produit dans cette
union cettç efHme , cette âipitié récipro-*
que , 8f l'équité dont fe pi<^ent h plu-
part de fes membres ? ToVqui fens tniwx
qu'un autr^ , l'utilité ôf le b<Mîheur d'un-
pareil état , ^ qui es uA des pl^s fage$
& des plus é^oquens de rhabitatipn ^
perftiade-leur à tous de fe faire une \oi^
de vivre toujours, comme le font les"
meilleurs d'enfr^eux , de pupir ceux qui
s^en écarteront , 8f d'e?:ç}tér par d^s hom-!^
mages 6f des récompenses les homme$
vertueax & habiles 9 auxquels il? doiyent'^
ces précieux avantages , k les porter çn^
core à imç plus cr^nde perfeâion,
Ainû parla h m(on ; ainfi le génie , en
prensmt Teffor /développa fe germe de'
réquité & de rurb^nifté , étoufté par la*
barbarie. Mais ùx^çeixe raiibn, premieir^
effort du génie \ que 4ey enoit la yertu }
SsLtis l'éducation , uns la culture des*
Sciences & des Arts ^ qujp deviennent leç ^
t^Tf RÉFUTATION
m - >■ ut
de cette é4u(»tion ? Que mon Orateur
me fuive ici , & qu'il n'élude pas h ques-
tion par le brillant de fes fophifmes ; ne
font- ce pas. nos devoirs envers l'Etre
fuprême & envers le prochain ? Ceft
à des enfans qu'on inculque ces devoirs ,
c'eft fur de la cire molle qu'on en im-
prime : l'obligation : ils croîtront donc ,
i^n-fe^lement bien inftruits , mais encore
<;onvaincus de la néceffité de ces devoirs.
Comment ne les rempliroient- ils pas,
dès qu'ils en font bien convaincus? Com- '
ijient feroient-ils faux-bond à la vertu ,
à U probité qu'ils efiiment , qu'ils aiment
& qu'ils révèrent? Et s'il. en eft encore
quelquç^uns , dont la nature perverfè ,
malgré tant de circonftances propres à
les r^ng^r fous l'étendard de l'honneur ,
les engage, à fe dégrader , à fe livrer au
yice , qvie rfeuffent-ils pas feit ,. & en com-
bien, plus grand nombre n'euflent-ils pas
été y s'ils euffent manqué de. tous ces fe- •
cours p de l'éducation & des Lettres (*) ?
*<*)Voas faites faire, dira quelqu'un.... aux Sciences ,
a{ix ArtSf à la raifon, cequ'^toujpimfaitlaloi natovcSe,
pjiifque vous leur attribuez même ce prçmiçr principe fi finui
pic, alterine feceris quoi tiltifieri non vis. " . i
%^*«iitMiOAP««i»loi jutufelk? SAtft-!lK leBinftijiftsJ
DU DISCOURS. t4f
i^MMMaaaMMMMMMI^^^HMiMh
AujoufiThui -^jtttis dam un mênit mouU.
Tant mieux fi la forme eft bonne. .
' Sam ' ctfji la pelitejfe ^^propre giniè. Otv
fait fort bien de ne pas fuivre fon propre
génie , quand il eft conforme à une nature
penrerfe ; alors on doit prendre pour ré-'
gles les réformes .qu'y ont feit faire les
réflexibiîs des fages ; mais quand on pof-
féde lin bon génie , on peut hardiment
ie donner carrière : on fe fera tout à la foil
& admirer & aimer«
les mouvemens que tous li^ hommes re<;oiveiit dt la nature
toute brute? Dans ceca(s4ài'edis que la loi naturelle ne nous
di£le que tiefatisfttirè no'sBefirs, quelque effrénés qu'ils foient,
quf'clledl'lejjriricîpé-dè'la »à*bîaric, & qu'elle ne fait rien
âè ce que notfsvettons^^tie faire à Id raifon', aux Sciences &
aux Arts,' àiM! que^ je'yieni de le prouver. Vetit-onappdler
loi natul^Ué 'celle qui ordonne ^ux hommes de fe chérir
réciproquèthent ? alors je foutiens que cette loi eft une fuite
delà réflexion- & de l'expérience I que c^eft une loi naturelle
réduite en Art, en Science, par des raifonnemens-qui nous'
font voir «ue Pett^iriEr fur nos jj^ffié^, la privation deplu-
fiiiri de nbs dëfl^Vnous fbnt ^fourënf tiluii avantageux qué)«
jouiflknte illé|itiitie dès biens' Mirés $ te que quand même
ikots rff. trouverions pas ifOtré propre aVatatage^ la juftiotf
esHgerôit de ndus que néufrâgiflîotai aiiifi: G* , «îes progrès def
la raifon 1rè^héqùité>'{bat les 'premiers fondemens'qu^Ue
a' jettâ dé la Morale , ils ibnt ^ déjà un - edmmence^ent du
i^rand att defe conduire parnki les âutre$' hommes ; mais
cett^ Icienùe-qfti tend au bien ^ de la fooiété , clmtrarîe'eA
jnêlÀe -teiiis iliès moiiveméfls Naturels du pMtkuHen
144 RÉFUTATION
l|pn*n"Nma«nnMP<
. On fiùfi plusp4roître u qt^.on tfl. Ohf
nous y voilà ; on eft natureBement mé-
chant ; réducation nous a appris qu'il ne
&ut point fêtre. Nous fommes honteiuc
de fentir en nous que cette éducation n'a
pas encore dértcsne ces vices ; nous nous
efforçons au moins de paroître vertueux*
Cet effort eft un premier pas à la. vatu ; mi-
tium japuntin timor Dt>mini ; & la-preuve
!Vertu, tant d'admiratioa à. ces gâtons ^énéréufes, par leC
quelles des particuliers fe font ikcri#és pour Icars amift**
poiu: leurs conçitoyMS ? C'eft que tout« cei bellc$ aftio^t
ne fout pas dans la limple natpire; c*£(| que pour eu former
le projet , le fyftlin^ * il a fallu de« efforts de génie, & pour
les exécuter , de plii$ firand^ J^t^P^ encoce de la part d»
rame, peut-êti« mèaie d'«a peu d'un certain enthoufiaÛB^
pour renoncer 4 fes propre intérêts & leur préférer ^ui de
Sf£ amis, de les citoyens, df4à patrie. Qp'e^^cc que la g^
aéroflté , finon ce, fkcri^cç de ibn bien p^irticulier A celvir
des autres? Or , tou^ çeç procédés font Cupét^eurs à la loi
purement niiturelle, fupérleurs à ces iaftinOs dont no«$
liarlions toutrà-rheucei p\a(k inêoiep^ cette ^aifea & pa^
L^iatéràt partiçvlipr ftipt 9011^ avov que les antres homm e»
fy£Bin$. ïf^ttcoiip (If f^reî^ja^ns, que nous leur nccos-
4oBs taiit d'élogfif . Ai»^ , oiaM op dit communément qnp
qe prin^^^t >9^fm * <««*'f»» ^jMf <v «»* l|» V9¥drêis f»*«s t0
fk , «ft «ne }p\ notupelL» 1 ^ f ufanid qn« o*eft U premiece
^nfié^encfi que la raifiio a tir^e de lies réflfxiûm « & d»
Inexpérience « U pf emier principe enfin de la ibieacc de M^
«lorale naturelle t de)a morale ét^bUe indépendamment des
^mi^e9 4« \% r^ation i n^is cf|te mi^nA^ eH Yraimes^
un de ce^.Ajm, unede çfs SfÎMicçs i^xauffUm*^ a$ttîb«t
tfu
D.v Discours. 1451
^ — ' >
du bien qu'a fait chez Jôous l'éducâtiohi^
Sans elle cet homme4à àurôit été méchant
fpns honte & fort ouvertement, Pki9 lip
fera honteux d'être vicieux y moins il flnw
combexa ;- 6c plus il aura eu d'éducation;^
tQutçs .H:fao&s égales d'ailleurs ^ plus Odttd
honte fera grande ^ £c moins il ofèra étt^
vicieux. L'Auteur convient par4à y mal-*^
r'iui 9 de futilité des Sciences 9 des ÂrtiJ
féducation* i * • ^^
. On peut rapporter au même wîmufie
Céque.nous appelions l'iionneur^tel^n^
d'honneur , ce tyran magnanime 4bftt> W-
pouvoir defpotique & fouvent falut^ire^
goirveme tous les Peuples: civilifes, ctf>
grand mobile des aâlons de toiis le$ hoitî^^
mes 9 de ceux mêmes quln^ont ni religkAI'
ni vertus réelles. Or , ce freiit le plus puiPi^
iànt , le plus univerfel contre les * aiûiôft^ »
haSos y honteufe^ , vicieufes , tf ot^ rîo\is
vient-il, finon de l'éducation ? Poiîrc[uoî ^
une Sauvage fe proftitue-t- elle publixp«^fci
ment & {zns façon , tandis que ce que àé^d
appelions une femme d'honneur , per<î^c8* -
la vie plutôt que la réputation qiii''lui •'
f^ domier cette épithete , & que cedlc^-'
qnîi l'ont IpSEsrdu^;, cachent^ encore àveé^^
SupfU de U CqÛcc^ Tome L G
I4â RâFUTATlON
>«4I
foin' leurs fbiblefles ? Ceft que la Sauva*
|e fuit, le ieul inâinâ: de la nature ^ 6c
jii'oa' tt lui a jamais dit qu'il y avoit du
mal à fe laifler aller au torrent de fesr
Daifiôns : au lieu qu^on a inculqué dès^ren*
6neo à nos femmes des regks de morale
éîvine & humaine fur cet arucie » & qu*on
ks a petfuadées qu'il eft honteux de s'a-
r donner aux vices contre les lumieresi
les préceptes de cette morale.
• ^: point -^d'honneur , ce frein plus
oéhénjU t|ue la Religion même , & qui
W oft^uvent fort utile , fera donc d'au-
l^t plus puiflant , qu'on aura mieux in-^
culq\iélces vérités y ces préceptes' de mo«
rale.^ & qu'on aura donné plus d'éduca*-
tiioii.^ Les hommes feront donc d'autant
moins vicieux 9 qu'ils, feront moins igno^
r9n9)i^:imeux inflruits.
Ec : d^ns cette çontrainu -^ûotit eui été
)effimiel dt le connoitre. Qui cô-ce ^qui eft
laedi^e des politefles que l'ufàge a étsK
b|ies 9 «& qui les confoadra avec les .o&
frfô -ànceres de fervices que vous fait
u4 ami ? La fimple iuî)anité & l'urbanité
écàwiuiFée par une amitié vive âcânceret
OQt des tons £1 (lifféren$ > qut le moins
D Dis c'o ur s."
■vetfé dans le cotnmerce du inonde 'ne
s'y méprend pas. Le fourbe même , qui
s^tudie à jouer le perîbnnâge de celul-
ri , n'eft gueres plus dîiîidle A pénétrer,
qu^ln'eft embarraflànt de diflingiier Une
coquette d'une véritable Hmante. Aii relie,
fi les hommes fe trahifîent dans im fieclc
où l'éducation , l'honneur & les fentimens
148 R É F U T A ■IQ I p N,
ques aiillî fines que cette matière eft Ail>-
tile; celui-là même n'a plus vis-à-vis
d'une femme , d'un homme du monde ,
qu'une timidité ■» une ingénuité ^ftique.
qui fe trouve [»iméé par la frivolïté
même. L'Aigle des Académies devient le
. butor des cercles. Ce fera bien pis, s'il eâ
queftion de l'art de pénétrer les petits dé-
tails d'intérêt , d'affaires de commerce, les.
fineffes , les ftratagêmes qui font partie
de cet art H connu du commun des homr.
mes. J'ofe avancer uns crainte d'être cpn-
ttedit par aucun homme raïfonnable, qu'en
cette partie , une douzaine de ces porn-r
mes tranfcendans , va être le Jouet d'un ruf-
tre Bas-Normand ou Manceau , & la rai-
DÛ Di se b u R s.
M^
'mdride , de iVs maniérés , de fes rjifes.t'
de fes inlérêcs à la fcience dé la 'Nature
& des Beaux- Arts ; & pourquoi dfins
cette Société , la partie la plus aimable
^i
JÎO
RâFUTATION
Quel coruçe de vices — eux Jumftrts tfy
'notre èêcle. Nous venons de répondre à
cette déclamation. \
On ne profanira plus — on -h calomniera
avec' adrejfe. Notre Auteur convient que
gens polis^
s -tfoairager
is,'qii*en re^
a .calomnié
partage de
qu'un homme aH
le vol , le meurt
tant dans la Ue Ài
&C^' fe fera un {<
fourbe î Ce fom
pour des fcëlérai
leurs mains dans 1
nons'donc que
hommes de ce fit
kge pour la
ettirpé ies
LUfeur croit
ans fe font
[ipenfation,
le perfonne
1 perfuader
DU Discour S. nfi
civilifée, à demi baii>are , eft la plus mo-
chante ; & nous concevrons que quand
tout le çenre-humain étoit Êiuvage ^ haii-
bare y pire encore que la groiCere efpece
dont nous venons de pàu^ler^ tous les
hommes étoient beaucoup plus méchans
qu'ils ne font aujourd'hui.
Les haines natUnales s^ éteindront ^-^ que
leur artificuuft JimplUki. Notre Orateur
copie ici le Mifanthrope de Molière ': il ne
lui manque plus que de dire avec lui. • • •
X entre en une humeur noire ^ en ujti chagrin.
. profond ,
f^uandje vois vivre entr'euxks hommes comme
Us font $
Je ne trouoe partout que lâche flatterie ^ . '-.
flu^injujiice ^ intérêt^ tr ahif on ^ fourberie ^
Je n^y puis plus tenir ^f enrage , 6? mon dejfein
Eft de rompre en vijîere à tout te genre-humain
Nous lui répondrons avec Àtifle. . • •
Ce chagrin phUqfophe eft un peu trop fauxufige ^
Je ris des noirs accès oi^je vous envifage*
Telle eft la pureté — . devmtroite^^^Qm^Ài
de nos mœurs le contmm dp(à\qiieHes\f^nik
Un Sauvage, fans doute,) qui prendc^lt
A la kttre toutes no^ politefiçi ^ &! qui
P4
115a . il jLf ujt a t? I o n
•<«M
•croîfoît bonnement ^ue tout lé monde eft
Ton ftrviuur , parce que tout le monde le
4uii 4it>^ feroit fort étbnné de ne trouver
, îwjqltt laquais à {t% gages parmi its hon-
enêtes fen^itejtn. Mais quand il compare-
;roit €nfuite Iç fond de là vie & des -mœurs
de nos peuples avec ce qui fe pafle dans
;£i^ nation barbare i ^and îl ferôit en état
de coàiparer les prodiges que les Scien-
•4:es:& les Arts ont inventés poiu- la fureté^
les -befoins/ 6c~ les x:omipodités de la vie^
jpour ^amufemçnt ^ l|s^ bonhe\ir des hon^
mes , avec la pauvreté & la mifere affi-eu-
fe de fes compatriotes expofés aux injures
de toutes les laifdns , vivans de chaffe , de
pêche^ôc de.xe que la terre donne d'elle-
mêpie , & mojurâns de feim^ de froid , ou
des maladies ïes plus^i/ées à guérir, quand
Iç liaj&rfi^ & ja nature ^ leufs feules reA
fources , leuf* planquent au befoîn ; quand
il ferolf àflez inflriiît pour comparer no-
tre liirifpnideiîcei cette police admirable
âui met le fôible & Torphelin à Tabri
^ vixriences'^rplus fort â( du plus mé-
cbÉity^ii fait vWi^e^Qnfemble des millions
^timinçs âvêc.di>ucéiir,politefle, égards,
ifefvices ;récrproqups,-comme le dit.fi élé-
«
DU Discours.
Mî
famment notre Orateur ; quand il feroit ,
is-je , en état de comparer dette harmo-
nie admirable avec les "défordres affreux
annexés à la barbarie , aux mœurs (àuva-
ges , alors il fe croiroit traniporté dans le
féjour des Dieux , & il le feroit en efFet ,
par comparaifon avec fon premier état.
Où il rt jy a nul efet -^ nos Arts fe font,
avancés à la petfecîion. On dit aller à la
perfeftion', & rton pas iavancir'à laptrfec~
tion , maïs bien s'avancer vtrs Ta perfec-
tion : comme on dit, alUr à Paris , & non
pas s*avanctrà Paris, mais I
vtrs Paris ; 8c la raifon en ei
que celui qui va à un lieu ,
' teindre , afler jufques-Ià ; ai
lliî qui s'avàrice vers quelqfi:
fort bien ne faire — i— -- _ _ *
elle , & en refter ]
Jfe n'y regarderois
fie volontiers la' |
expreffion |ihis nei
Prieur doit être
Dira-t-onqùe <?
tous Us lieux. Vo
formelle du par;
lButeiûr;i'fùlv0n!
*■ ' ■■li n I * « * ■■■i.
154 RÉFUTATION
m " ■' ■ ■ ■ ■ I II ■ I I I
preuves qu'il va donner de propoiitions
âuffi révoltantes & auffi fauffes* ,
' • f^oye^ tEgypu — & enfin des Turcs. Ces
faits biftor ques prouvent -ils le moins du
monde que l'Egypte polie par les Sciences
& les Arts en fut devenue moins ver-
tlieufe pour être devenue plus foible»
Cette preuve au contraire ramenée à la
vérité nous apprend que l'Egypte conqué-
rante eft l'Egypte barbare ^teroce ; que
l'Egypte conquife efl l'Egypte favante ,
cîviliiéè , vertucufe , aflaillie par des peu-
f)les auffi barbares & auiîî féroces > qu'elle
'étoit elle-même autrefois» Q^V. ^'^"^^ ^
Gui ne /bit conforme à la nature & à notre
tnefe ? N*eû-iî pas dans le cours ordi-
naire de cette natiure ^ toutes cbofes égales
d'ailleurs, ...
Que laSérodté terrajjc la vertu,
ybye^ la Grèce — que le luxe & les Arts
avaient inervi. Enervé , pafle ^ mais de
mœurs corrompues ^ c'eû une queftion que
notre Orateur n'a pas même elHeurée ^ &
que j'pfe le défier de prouver.
Ceji au tems des Ennius — le titre (Farbi»
ire du bon goût. Tout le monde fait que
Rome doit fon origine à iine projiipe 4^ m^
(
k..
DU Discours. ijfj
•i^
gands raflemblés par le privilège de Tiih^
punité, dans l'enceinte formée par foa
fondateur. Voilà le germe des Conquérans
de la terre , objet des éloges de ce diicows ^
en voilà l'échantillon ; &s 'fcélératis réunis
par le crime & pour le crime* Je confeille à
notre Orateur de placer ces Héit>s que
nous verrions aujourd'hui expirer par di-
vers fupplices bien mérités ^ de les placer^
dis-je , vis-à-vis des Ovides &. des Catul^^»
les, &c ->
Qf^ dirairje d^ âtMU^ Métropole ' — peup^
être par fagéffe qii pmr ' barbarie. Voilà un
peut-être bien prudent , & bien néceflkire
à cette phrafe ; car conmient croire que
les. peuples de TEurope encore barbare i,
ayent refufé avec connoifiànce ^e ïcaufe
d admettre les Sciences chez eux ? Us nV
voient pas lu le diicaurs de notre Orateur.
Tout te que la débauche -^^les lumieuae
dont Twirefiede fe glorifie. Toutes ces^ hor-
reurs prouveat que dans l^mpire le mieux
policé 9 le pkis iavant, il y a des ignorans>
il y a des barbares. Tout un Peuple peiH-
il être Êivant dans le Royaume ^ où les
Sdences fom le plus cultivée ? Tons les
iiommc^ oïdHls des ^too^urs «tai^s les Età<i;
G é
lf6 •R É T U T AT I O N
■*w
OÙ la mon^ la çlni pure règne avec le
plus de vjçueur} La pKis nombreiife par-
tie des fujets d'un pareil Etat > eft tou-
jours privée de la belle éducation v & il
eft, fans doute,' encore parnû l'autre, des»
nstfures aflfez rebelles pour çonferver leurs
paflions, leiur méchanceté ^ malgré le pou-
voir des Scieflces & dès Arts. Un fiecle-
flairé , policé ^ eft plu5 frappé qu'un au-
tre, dis? cci anecdotes hpnteiifes au geûre*
humain. U eft fécond en hiftbriens^ qui ne
«na^^ouént -^pas de lim iraAfmeltré à la poi^
tériie; /tnais combien ffe n>ille volumes^ '
«àntDDim^jî^auroit-onpfas rempli des noir*»
«eur» qufcfe font paflées dansks fiedes
^arhaces^^ , dans les fiedes de fer , s'ils-
oî'y Tavoient pas été trop communs pour
«lériter attention , ou s'il s'y éto^t trouvé
^esiipeûatetus, genr de pj^obâté 9 & ea
létot décrite^
- . àfais pourquoi cheHhtr r-r, libres. 6r U^
imincibki. M^ttrcr ks maurs ^ ^ donner ç^
3ue fc'Airteur entend ici par courage ^ font
atx dioiès totilhà-iait diâ^eates, ëcpeuK
:^tre même oppoTéeS.
2 \ L» Valeur . guerciere eft de^deuiç fortfts;.
ai'unieaq[b6^j|'at>pdlexmMveç i'M^M^m^^^fft>
DU DisxauRS. 157
•i-^W*^i*^iW«i-"iW
a. fou principe dans ks j^ffions vives: cte**
Tamç ,. & un peu dansia forée du corps ;J
celle-ci flOus eft donnée par la nature, c'eft>
^Ue qui diftingue le dogue d'Angleterre Avb
barbet & de Tépagneul ; le propre nom»
de ce courage eft la firocui , & il eft par
conféquent un vice^ La valeur cerner©
de la deuxième efpece , & celle qui mé^'
rite vraiment le nom de valeur^ éft^ la^
vertu d'une ame grande & éclairée ixmek
enfenible , qui pénétrée de la )uftice<l'ime
caufe , de la néceffité , & de la poffibilité
de la défendre y & la croyant iiipérkure
aux avantages de j(a vie particulière , e»^
pofe celle-ci pour ol^nir Tautre , en f^^
^t fervir toutes ies lumières au choix dés
moyens prudens qui conduifeni à ion but^
Le courage féroce «ft la valeur ordinaire
du fbldat ; c'eft un laouvement impétueux
& aveugle que donne la «atjuije^jâc: quî
fera d'autant pli« violent:^ d'autant:, plus
pinftànt 5, quç les paffionsfftront plus vives,
.plus, mutines ^ qu'elles . ^lurwt' ^ rmoins
.domptées; ee immbt^ moini l'iodiyidH
aura eu d'éducation , plus il ièra barbare^
Voilà pourquoi k^ ruflres des Province
^éloignées du cf^^re.jijip^Ç^t.î^ilis^.^.âP
158' - RâFUTJLT ION
\ts montagnards font plus courageicc que
les artifans des grandes villes. Il eft hors
de doute que la culture des Sciences &
des Arts éteint cette efpece de courage ,
cette férocité ; parce que la foumiflion ,
h fufaordinàtion perpétuelle qu'impofe l*ëK
ducàtion , la morale qui dompte les paf-«
fions j les accoutument au )oug , en étouf-
fent le feu 9 ies incaidies. De-là ndît k
douceiu* des mœurs , Téquité , la vertu ;
mais aux dépens de la férocité qui ^t le
bon foldat. L*art de raifonner , peut de-
venir un très-grand jnal dans celui qui ne
doit avoir que le talent d'agir. Que devien-
droient la plupart des expéditions guer-
rières 9 il le foldat y raifonnoit auffi jùile
que Fane de la Fable..*.
Et que m'importe à qui je fois ?
Battez - vous , & me laîffez paître :
iSettc ennemi , c'eft notre maitre ,
Je vous le dis en bon Franqois.
La Fontaine ^ FabL i. L VI.
• Rois de là terre , dont la fageflfe doit em-
ployer utilement jûfqu'aux vices , ne tra-
vaillez pas à conterver à vos peuples la
férocité , mais choifiiTez les bras de vos
9rméé$da0s la partie 4« yos fujets la mc^
DU Discours. i y^
pdtie ^ la {>}us l»ïi>are ^ là moins ircrlueu*^i
fe , vous rfâlirez» encore que trop à cfapî*;
fir 9 , queli|ue proteôion q\^ vous accor-
diez aux Sciences & aux Arts ; mais cher«
che^ la tête qui 4oit conduire ces bras^
chérchez-la au temple de Minerve ,. Déefle.
des armes & de la iageiSe tout enfemble ^
parmi ces fiijets dont l'ame auili éclairée
Sue forte ^ ne connoît phis les grandes pat
ons que pour lès transformer en grandes
vertus, ne reflent plus ces mouvemens
impétueitx de la nature , que pour les em»
ployer à entreprendre & à exécuter le^ plus
grandes chofes.
Des notions ^te je viens de donner du
courage, & je les crois très-faînes , ôi; pri-
fes dans la nature ; il rçfulte qu'une ar-
ihée toute faite d*un Peuple policé^ > une
armée toute compofée de Bourgeois , d'Ar-
tifàns, de Gr^mçiairiens , de Rhéteurs,
de Muficiehs, de Peintres, de Sculpteurs,
d'Académiciens du premier mérito mèàie ,
& de la vertu la plus pure , f^roît une
armée fort peu redoutable. Telle étoitap«*
paremment en partie ceUe que les Chinois ,
les Egyptiens , très-favaris & très-policés,
•Ht oppofée aux inçurfions des Barbares|
t60 RÉFUTATION
mmmÊmÊmiae''
fnsûs cette armée , toute pUôyaSle qit'elle*
eft, n'eft telle que parce qu'elle eft com-
pofée d'un trop grand nombre d'honnêtes
gens y d'un trop grand nombre de gens
humains 6c raifonnaUes ^ de gens qui
difent.*...
Eft un gi;and fou qui de la vie ^ ,
Fait lé plus petit de fes fo^hs ,
Auffi-tôt qu'on nous la ravie >» ,
Nous en valons de moitié moins.
Par ma foi c'eft bien peu de chofe
Qp'u" demi-Dieu quand il eft mortr
.Du moment que U fierç parque \
• Kous à fait entrer dans la barque ,
Où Ton ne reqoit point le corps ;
Et la gloire & la renommée
Me font que fonge & que fumée ,
Et ne vont point jufques au&^ morts.
' Voiture^y tom^ 2: '
r • ' • -
c . Au moins aous ferons en.droitdecroire^
3ue ces guerriers devenus lâches à ibrœ
e avoir & de politefie 9 n'en étoient
pas moins remplis de raifon^ d'humanitë
& de vertu y jufqu'à ce que l'Autei» du
jE^ifcours m)us\ait biea prouvé c^uVm; nr
IX u :Disx:ov rs. i^t
MWMl
peut être à là fois honnête homme &
poltroru ^
Mais s* il ri y a point de vice *-^pourfafidi^
dite que t exemple rCapn corrompre. ^ L'Ait-
/teur confond par- tout la vertu guerrière
<lu foldat , la férocité avec la véritable
orertu , la probité ^ la jiiftice.rEn fuivant fefc
principes , on croiroit les foldats phis Veii-
tueux qu^ leurs Officiers ; les pay fans plus
gens de bien que leurs Seigneurs y $c Toa
crieroit à Tinjuftice , de voir qué^%js f ri-
bitnaux ne font occupés qtrè de là ptini-
tion de ces plus hortnôtes^ geft5*lL' Je
ne préfume paè que le Difcodrs ÙQ-hotti^
Orateur feffe réformer ces d^âbmifiationi
Uniyerfellement reçues, & vraifemblafcle^
ment bien fondées, par Iefquelle« on difj»
tîngue comtnunément les hommes de ki
fociété en dieux ■ claffes ; Fane ianfr^ft^if^
fence, fens éducation , & qu^ea <:oiîfé-^
quence on défigne par des» épith^te^ 'qui
maà-quent qu'elle a peu de fentimens^ l>eà
d'hoilncur & de probité ; fautré bien née
& inftniite de toutes les parties des Sdeh-^
ces & des Arts qui éntrçnt^dans^ la* bella»
éducation, &L que potir cette raifort» ort(
regarde comme k clafie des honnétps gpmi-
tig — -^ ■»■.-« f- .
^64 Wà ï? u t A r î o r^
Miit^r
lélagifer 1 les éfïiondei' dé éeitàiiies fuper-
iluités ^ de certaine parties huifiblés;
donner à la terre qiii les éhVironiïe une
certaine préparation , une certaine façon ^
dans Certaines ikiiofis. Je ne crois pas qu'î
fc .trouve de mortel cpii ofedire que tomes
ces parties de FagricuUure ûé (onlt pas^tiles,
néceffeires à 4a produâioti & à 1* perfec-
tion de$ fnriti ae ^ h' tetrfe (*) ; comment
donc powroii^ii Verfti-ouver d'aâez peu
raifdnnabies pour avancer que cet Art,
loin d'être tttile à ces^uifs, tend au com
traire à les ^^ rendre 'moins abondsms &
moms bons} Voiià pourtant eÉ^âement
)e cas de ceu^ qui £cmrîe<inehf (pië les Sdeitr
tés & les Arts, ht «mlttire d^ IWprit & do
co^r , introduisent che2. nous la déprava-
^i;ion.des mœvu-s.
i On peut penfer qu-il y ^ide$ hommes
nés.:av!ec t^nt de lumières, tai^t de tâléns,
une fi belle 3»xie , qiié '^ cultiWi leiir de-
vient imitile.iSi; vous» y ^réflcchiflfez^ v^u-
Et fêniti^ terrebis a.'pes SJ* rurû fipacd
Falce fremes ttmlrdf, voitfqnf vocat^erit im^rétm ^ I
Virgil. georg. 1. i- ▼. if ç*
DU Discours. 1,6%,
>nviendrez que les plus h^rerux naturels jt
'S honnies mêmes qu^ondoU choifir pouf'
cffer fur les autres, fi l'on peut dire ; ceux;*
, disrje, ont encore beiQÏn de CMltiire ,'
I au moins on ne faiiroitnier, qi^'its n»
viennent encore pluf , vertueux , plii»-
pableSj plus utiles , s''ils font cultiYé*
r les' Sciences & les Arts , comme l'arbra
I meilleur ijcai// devient" plus fertile êb
LIS excélleo^ encore » s'il eil placé danft
terrajtjiqùiluieïl: plus^convenable, dan*
(pâlîerlë mieux èxpofé, &s'ileft, po>tc.
m dire , traite par' le jardinier le p1yi>
bile. , ; , . : , '..,'■'>.'
Fortes çreantur- foitibos & bonis.
Art
mt ;
Cici
J'ai:
par
nati
ié& R é F U T A T I O N ^
H^«réttffi^iie ftFfinence fans un bon naturel;
>^*mcds je ibiitîens auffi , que quand à un
ir-'éJcCellcht naturel on joint la fcience,h
H-ctikure, if:en réftilte ordinaif ement tin
R hiMHxie d\th triérîte tout-à-fkit flipérieur.
M ^pls^ ohtété , ^oùte^t^il , Scipion FAiH-
9f ttâSn'i-' télîus , "les très - Érvant Caton
¥k ifenciehv'ôcfc/ qui ne fe feroient point
Ml aviifes dé développer leurs vertus parla
^ Culture des Sciences , s*iïs n'avoient été
1^ bïen periuadés qu'elle les cpnduifoit à
p^ ctftte fin louable (f). »
* é''L - . . . . * Alterius Jtc
Altéra pofcit opem res , Êf conjurât ahnci
Horat. aift'poct. Vi 409.
(*) Ego multot hominn^ exçtllfnfi a^itnr ac virtmti ^%
^Jtne do&rina^ naturà i0us habiiuffpf divino , fer fiif^*
tr moderatos'^ gr^ere^ètHi^efàeàtl^^àm'iUmd s^*
fspsHs a^ Uudèfn ^«e -^f^^ mttàeam fine dmOrinM,^
fine ndhtrÀ vafmffc dêOriym. A^qw^i^m i^« r^«^, «■
éid natu/a^. eximtam aiqu'e iUuftrep» accèffeftt raHé JM^»
' evnfirm^tt^èydùOr^i tum^ ilttid nif^ quid frMclgnm^
Jmgi^art fiittf «(ifierf^ J^ *^ «4* A««c »ttoi»#f», pttmf^*
mfiri vïdemd divinum h»mnm ^friicénum^ exh^cC Ldlà0>
L.,Furium, mderattj^oà homrU.s.'^ cônféuUiffàmi : « **
fwHjgmwn virum^ -^ illi»têmpârMnu jUSHjjlzmiÊm M. €*••
Ultpf ffftemi 9» t^ff^yfiniiii mdfftcifwfdâm . <»W^
f »f vsrtHtem Utterif /^junarpitur ^ .jfutipfm^fi M
ffium contuHiffetit/ '* ^ . • ^y
r> u Di s c o u RS. iS^
. Ce nefi point par Jlupiditl — à dédaigner
^ domine. On eft tenté de croire que;
l'Auteur plaifante quand il donne ces anec-
dotes hiftoriques pour des traits de fageffe».
Celle des Romains^ qui diaflent les Méde-»;
uns eft bonne à joindre aa Médecin mak
pé lui 3 & aux autres badinagçsde Mqliere!
contre la Faculté. Si les Dieux mêmes*
fi'appeUoient pas du Trilninal intégré des
Athéniens ; ç*étoit donc dans fes accès. de.
folie que ce peuple s*en éçartoit* On â'a
jamais rapporté férieufement, pour dé-;
crier des chofes regardées .comme excel-
lentes , divines ^ les incartades & les ihful--
t?s d'un peuple plus tumultueux &iplus
orageux qife la nier* Paflèroit-on pour^
raitonnabie , fi l'on vouloit prouver qu'AU
cibiade & Tljémiftocle les, plus grands
hommes de la Greceétoient des lâdbes 6c
des traîtres , parce, que les Athéniens les
ont exilés & conàimnés à mort ? Qu' Aris-
tide ^ fumommé le Jupe ^ Uplus homme, dt
tien que la République ait jamais eu y dit.
Valere Maxime, aft été un infâme, parce
que cette même République la banni ? Ces
trames iéidkiëufes» xe&bourafqueisi dii peu- 1
fie ^ ùont k jsdouûe , l'iaconftançe |. S^>
t6dr^ .RÉFUTATION
Pétoùrderie font les feiib mpbiles , ^ne
prouvent-elles pas plutôt le mérite Supé-
rieur & l-exceUence de Pobjet de leur
fureur ? Que t'a fait Arîftide , dit ce fage
lui-même à un Athénien ide Taffemblée quî
le condamnoit } Rien 9' lui répond lé ootw
juré,, je ne. le connois pas même, maist
je œ?0nnuie de Ventendre toujours appellera
lejujh. Voilà de ces gens raifonnabfes fui*
lefquels notre Orateur fonde fes preuves.
.' UubUcroisJc que et fut — & Us Artijlcs ,
UkScUncts or Us 5'^Ji«5, Le but de Lycur-
gue étoit.mouK de &ii:e der honnêtes gens
que 'des foldats dtuiS'Un ^ ays qui en avoit
grand befoin , parce qu'il étoit peu étendu ,*
peu pei^lé« P^ cette raifon toutes les loix'
de Sparte vîfoient à la barbarie , à la férocité
plutôt qu'à la vertiu C'eft pour arriver à
C23 but qu^eUes éteignoient dans les pères ^
mères les' germes de la tendrefle naturelle,
en les açièciitun^rit à faire périr, leurs pro-
pt^sen&ns, s'iliavoie^t le malheur d être-
nés n^ai^faits , foibles ou in^iuesè Que^ de '
grands hommes ^ nous aurions perdus ^ iî
nous étions aiiifî barbares ^e les Spar-
tifltes;} C'eft pour le même^deifein <{u'ik'
#tie v^ent les en&qs. à j leuf s^piârens ^ & :
les
DU Discours. i6^
les feifoient élever dans les Ecoles publi-
ques oii ils les inûruiibient à être voleurs
oc à expirer fous les coups de fouets , fans
donner le moindre figne <le repentir, d^
crainte ou de douleur. Ne croiroit-on pas
voir rilluûre Cartouche , ce Lycurgue des
fcélérats de Paris, donn^çr â les fujets des
leçons d'adreiTe dans fon art, & de patience
clans les tortures tjui les attendent? O
Sparte ! o opprobre éumet ^ ^'humanité J
Pourquoi t'occupes -tu à transformer les
hommes en tigres ? Ta politique digne
des Titans tes fondateurs (*) , te donn^
des foldats 1 D'oîi vient donc les Athéniens
tes ypifins fi humains, fi policés t'ont-ik
battu taAt de fois ? D'où vient as-tu recours
à eux dans les incurfious des Perfes ? D'où
vient les Oracles te forçent-ils à leur de^
mander un Général ? Infenfée , tu met$"
tout le Corps de ta République en bras ,
& ne lui donnes pobtde têtç* Tiji ne fàu-
rois mettre tes Cnefs en parallèle ^vec lej
deux Ariftomenes , les Alcibiades , les
AriiUdes , lès Thémiftoçles \ le;5 Çimons ,
&c» enfans d'Athènes , enfans des Beau^n
^9
l*y Selon le Père Pfzron. •
Suppl^ di la CoUfÇn Jom^ I» ^
170 RÉFUTA -ri ON
Arts , & les principaux auteurs des plus
éclatantes viôoires qu*ait jamais remporté
la Grèce. Tu ignoi'es donc que c*eft du
conduôeur d\ine armée que dépendent
principaleiçent fes exploits , que le Général
fait le foldat , & que le hafard feul a pu
rendre quelquefois heureux des Généraux
barbares , contre des nations ïlu-prifes &
ûins difcipline (a). Mais ce héros immortel
qui vous a tous effacés 9 qui vous a tous
nibjugués, & avec vous ces Perfes , ces
peuples de l'Orient qui vous avoient tant
de fois fait trembler , ceux mêmes que
vous ne connoifliez pas ^ & jufques aux
Scythes fi renommés pour leur ignorance ,
leur rufticité & leur bravoure ; ce conqué-
rant auilî magnanime que courageux étoit-
il un barbare comme vous ? étoit-il un
difciple de Lycurgue ; non , certes 9 la
^rocité n'efl pas capable d'une û grande
élévation d'âme , elle eu réfervée à l'élevé
d'Homère & d'Âriftote , au protefteur des
'Appelles &c^ des Phidias ; pomme on volt
'dans notre fiecle qu'elle ei^errcore annexée
aux Princes élevés des Defcartes , des
(«) Le Czar Pierre I eft «ne preuve récente 4e ct^
férité. T
tf
D u Disc o u R s. 171
Nevtons , des Volfe ; aux Princes fonda-
teurs & protefteurs des Académies ; aux
Princes amis des Savans , ôc favans eux-
mêmes* Toute l'Europe m'entend , & Je
ne crains pas qu'elle defavoue ces preuves
récentes , aftuelles même , de l'union înti-
îïie & naturelle du fevoir , de la vraie
valeur & de l'équité,
Vtvcnement marqua cette differenu^^
qi^ Athènes nous a laijfes ? Il fied bien à
Socrate fils de Sculpteur , grand Sculpteur
lui-même , & plus grand Philofophe en-
core , de dire que perfonne n'ignore plus
les Arts que lui , de faire Téloge de l'igno-
rance , de fe plaindre que tous les gens à
talens ne font rien moins que fages. N'eft-
il pas lui-même une preuve du contraire ?
Prêcheroit-il fi bien la vertu , auroit-il été
le père de la Philofophie , & un des plus
iàges d'entre les hommes , au jugement de
rOracle même, s'il avoit été un ignorant?
Socrate feit ici le perfonnage de nos Pré-
dicateurs , qui trouvent leur fiecle le plus
corrompu de tous ceux qui l'ont précédé ,
6 tempora , 6 mores , & qui par zèle pour
les progrès de la vertu , exagèrent & les
vîtes du tems, & l'opinion modefte qu'ils^
ont d'eux-mêmçs^ ]tl \
IJX Rif U T AT lO^ .
l ' .i I I I 1 1 j
Croit'On que s^il rtffufcitoU'^ Cejl ainfi
quil ejl beau JHfjfiruirc Uà hommes 1 Nous
convenons qiie les Beaux-Arts amoUiffent
cette efpece de courage qui dépend de la
férocité, mais ils nous rendent d'aiitan|
plus vertueux , d'autant plus humains.
Mais Us Sciences ^^ & on oublia la P^»
trie. Rome a tort de négliger la difcipline
militaire & dé méprifer 1 agriailture , &
notrp Orateur d'attribuer ce malhe^ir aux
Sciences & aux Arts. Uignorance & la
pareffe en font des caufes bien natiu-elles.
Çaton avoir raifon de fe déchaîner con-
tre des Grecs artificieux , fubtils , corrup-
teurs des bonnes mœurs ; mais les Scien-
ces & ks Arts n'ont aucune part , ni à
c^\X.t corruption, , ni à la colère de Caton*
qui lui - même étoit très-favant , & aum
diftingué par fon ardeur pour les Lettres
& les Sciences , que par (a vertu auftere ,
félonie témoignage de Cicéron cité.
Aux noms f acres de liberté -^ de conque^
rir le monde 6* J^y faire régner la vertu.
Le talent de Rome a été dans les commen-
cemens d'affembler des gens fans mœurs >
des fcélérats , de tendre des embûches
aux Peuples yoifins par des ikx^% & dçs
^m
tm
DÛ Discours. 17J
céfëmonies felîgieufes qiie tous ces hon-
nêtes gens ont toujours fait fervir à leurs
vues , & de perpétuer par-là Tefpece &
les maximes de ces brigands. Devenus plus
célèbres & plus connus dans le monde,
il a fellu fe montrer fur ce théâtre avec
des couleurs plus féduifantes , fous les
apparences au moins de Thonneur & de
la vertu. Le Peuple Romain fe donna
donc pour le prote^eur de tous les Peu-
ples qui recherchoient fon alliance , &
unploroient fon fecours; mais le traître
fe fit bientôt le maître de ceux qui ne
Tavoient voulu que pour ami» Voilà Ut
vertu de Rome & de Caton. Qui dît con-
quérant, dit pour l'ordinaire injuûe &
barbare; cette maxime eu fur-tout vraie
pour Rome ; & fi cette &meufe ville â
produit de grands hommes ^ a montré des
vertus rares , elle les a dégradées en les
employant à commettre les injuftices &
lés cruautés fans nombre, par lefquellear
elle a défolé & envahi Tuaivers.
Quand Cynias prit notre Sénat — de com^ •
mander à Rome & de gouverner la terre* On
vient de voir de quelle efpece étoit cette
vertu. Quant au partiailier , s'il y avpit
174 RiFUTATION
des hommes vertueux , on a vu ^ au rap-
port de Cicéron même , que cette vertu
4toit due , au moins en partie , à la cul-
ture des Lettres & des Sciences, prài^
C[u'il donne le nom de très-favant à Ca-
ton l'ancien , & qu'il cite Scipion l'Afri-
cain^, LéJius, Funus , &c. les Sages de
Rome, comme gens diftingués dans les
Sciences.
Mais franchisons la dijlanu dtsluiix — &
h mépris pin uni fois que la moru Cela
eft bon pour le difcours. Il n'y a rien
de pire que la ciguë , & il n'eft crue de
vivre. On feit l'éloge de notre èecle ^
en le croyant affez humain pour ne point
faire avaler ce breuvage mortel à Socrate ;
mais on ne lui rend pas juftice en ne le
croyant pas affez raifonnable pour ne
point méprifer Socrate. Au moins on peut
être fur que le mépris n'auroit pas été
général.
Voilà comment le luxe — s^iU avoient eu
le malheur de naître [avons. Ils feroient ,
nés tels gu'ils fe font rendus à force de
travail ; ils feroient nés en même tems
humains , compatifians , polis & vertueux.
Que ces réflexions font humiliantes '^ être
Œ?
DU Discours. 17J
mortifié ! Je ne vois pas ce qui doit nous
hunulier ou mortifier notre orgueil , en
penfant , félon les principes de l'Auteur ^
que nous fommes nés dans une heureufe
& innocente ignorance , par laquelle feule
nous pouvons être vertueux; qu'il ne
tient Qu'à nous de refier dans cet état
fortune ^ & que la natiure même a pris
des mefures pour nous y conferver. Il
me femble au contraire qu'une fi belle pré-
rogative que celle d'être naturellement
vertueux , qu'une fi grande attention de
la part de la nature à nous la confer-
ver, doivent extrêmement flatter notre
orgueil ; mais fi nous penfons que nous
fommes nés brutes , que nous fommes
nés barbares , méchans , injuftes , coupa-
bles, & que nous avons befoin d'unç
étude & d'un travail de plufieurs années ,
de toute notre vie même , pour nous
rendre bons , juftes , humains. Oh ! c'eft
alors que nous devons être humiliés de
voir que par nous - mêmes nous fommes
fi pervers , & de ne pouvoir parvenir à
être des hommes , que par un travail tou*
jours pénible & io\ivent douteux.
Quoi ! la probité-^ de ces prijugis^ De?
H 4
\tj6 R É F V T A T I O K^
confëquences très-défavantageufes à l'Aii-
teur même & à toutes nos Académties ;
mais heiireufement les prémices du rai-
fonnement font très-fàitffes.
Mais pour concilier ces comrariiiis — avtc
tes inductions hijioriques, Aihfi l'Aiiteur,
pour concilier des contrariétés apparen-
tes entre la fcience & la vertu , va prou-
ver que la 'contrariété eft réelle y ou que
ces deux qualités font incompatibles. Voilà
une finguliere conciliation».
SECONDE PARTIE.
C^ ^Étoit une ancienne — C inventeur des Sciert-
ces.*ljà Science eft ennemie du repos y fans
doute; c'eft par-là qu'elle eft amude tltom'
me que le repos corrompt; c'eft par-là
?u'elle eft la iource dé la vertu , puifque
oifiveté eft- la mère de tous lés vices.
^ On voit aifément t allégorie de la fatale —
c\Jl le fujet du fiontifpke. Dans la fiable
dont parle rAuteur, Jupiter jalofux des
lumières & dies talens de Prométhée , Tat-
tache fur le Caucafè. Ce feit allégorique
loin de défigner rhorreur des Grecs pour
' e
DU Discours. 177
le (avoir , eft au contraire une preuve de
reftime infinie qu'ils faifoient des Scien-
ces & du génie inventif, puifau'ils éga-
lent en ç[uelque forte Promethee à Jupi-
ter, en rendant celui-ci jaloux de cet
homme divin , auteur apparemment des
premiers Arts , de l'ébauche des Sciences ,
FefFet du génie , de ce feu qu'il femble
que jTiqmme ait dérobé aux Dieux. Les
Romains mêmes , ces enfàns de Mars 9
n'ont pu s'empêcher de rendre aux Beaux-
Arts les hommages qui leur font dûs , Si
le prince de leurs Poètes défère aux hom-
mes qui s'y font diftingués , les premiers
honneurs dans les champs Elifées^
Quiquepii vates ^ Phœbo digna locatif
Inventas aut qui vitam excoluere per artes ,
Omnibus bis niveâ cihgiintur tempora vittâ,
Virgii. ffineid L VI. v. 6^1.
A l'égard du frontifpice , je ne vois pas
la fînefle de cette allégorie. Il eft tout
fimple que le feu brûle la barbe. L'Au-
teur veùt-il dire qu'il ne faut pas plus fe
fier à l'homine qu au feu ? mais il le repré-
sente nud & fortànt des maïns de Prome-
thee ^ de la riatiure > & c'eft , félon lui^ le
H s
4
178 RÉFUTATION
P ■ ■ » M il 11^
feul état dans lequel on puiffe s'y fier.
Veut-il dire qu'on ne connoît pas toute la
iînefle de fa thefe » de fon Difcours , qu'il
^ut le refpefter comme le feu ? Ne pour-
roit - on pas par une allégorie beaucoup
plus naturelle , faire dire à Hiomme célefte
3ui approche une torche allumée de la tête
e rhbmme ftatue i fatyre , tu Tadmires ,
tu en es épris 9 parce aue tu ne le connois
pas ; apprends imbéciUe ^ que Tobjet de
tes tranfports n'eft qu'une vaine idole que
ce flambeau va réduire en cendres.
Quelle opinion fatloit-il — • quon aimi i
itn former, faurois confeillé à l'Orateur
de fubilituer un autre mot à' celui de
ftuilltttt.
VAjlronomU ejl nie de ta fuptrfiition.
L'Aftronomie eft fille de l'oifiveté & du
defir de connoître ce qu efl dans l'uni-
vers le plus digne de notre airiofité. Cette
£mple curiofité déjà bien noble par elle-
même , & capable de préferver l*homnie
de tous les vices attachés à l'oifiveté , a
encore produit dans la fociété mille avan-
tages que nos calendriers 9 nos cartes eéo-
raphiques & l'art de naviguer atteSent
quiconque ne veut pas fermer les yeux,
MHM
DU Discours. 17^
^— — ^— — » Il 1 II ■ I— — — il— —
Voyez (ur rutilité de toutes les Sciences
la célèbre préface que M. de Fontenelle a
mis ^ la tête de Thiftoire de TAcadémie.
V éloquence — du mmfonge. Eft-ce à
ïbutenir tous ces vices que Démofthene
& Cicéron ont employé leur éloquence ?
Eft-ce à ce déteftable ufage que nos Ora-
teurs , nos Prédicateiu-s l'emploient ? H en
efl qui en abufent, fen croirai TAuteur
du Difcours fur fa parole ; mais combien
plus s'en trouvent-ils qui la font fervir à
éclairer Pefprit & à diriger les mouve-
mens du cœur à la vertu ? Au moins ,
cf eft ainfi qu'en penfoit TOrateur Romain.
H s'y connbiffoit un peu. Ecoutons -le
un moriient fur cette matière. Il a exa-
miné à fond la queAion qui eil agitée
dans ce Difcours , par rapport à 1 élo-
quence. 11 a aufli reconnu qu'on en pou-
voit faire un très-mauvais ufage ; mais ,
tout bien pcfé , il conclut que , de quel-
cme côté qu'on confidere le principe de
1 éloquence , on trouvera qu'elle doit fon
origine aux motifs les plus honnêtes , aux
railonnemens les plus fàges. ( * ) « Quant
■ I II I III— il— Il _ i I I ^ I I II .
(*) S^pi & muitum hoe mihi cêgitavi , l^oni »« éui mali fb^t
éttttUtrit hÊmnihus ^ sfyitatibut c9fU dicendi f, ac {ufmvit
H 6
l8a RÉFUTATION
i^ à fe» effets ; cjuoi de plus noble , dit-il,
» de plus généreux, de plus grand qpe
>> de leccHirir Tinnocent , que de relever
» Toppirinié ;, que d'être le falut ,. le libé*
H rateur des honnêtes gens , de leiur £iu«
>f ver Texil l Quel autre pouvoir que Te*
» loqueoce a été capable de raflembler
. H les hommes jadis difperfés dans les fo-
» rets y. & les ramener de leur genre de
» vie fiéroce fif faavage à ces moeurs
» humaines & policées qu'ils ont aujour-
» d'hui ? Car il a été un tems oîi les
» hommes étoient comme difperfés &:
>> vagabonds dans les champs , & y vi-
>f voient comme les bêtes féroces. Alors
H ce n'ctoit point la rai/on qui régloit
» leur- conduite y, mais prefque toujours.
>> la force , la violence^ U n*ëtoit point
H <{Ueûion de religion ^ ni de devoirs en-
H vers les autres/nommes;,on aV con-
H noifibit point l'utilité, de la juftice , de
1^ l'équité. Ainfi /p^r ttrnimÇf Cignoranuy
ëlûfuentfm fiudsum » » ,*fi v^lunta^ hujw rei, qiu v»catur tU^
•^entia, fivt artis , Jîve ftudti , Jive ejUrcitationis cuju/Hém ^,
fvt facnltiaù à naturâ frùfeRd confldtrdtt frincipium ; rtf»^
ritmm id ex honeftiffimit caufis nutum, dtque oftimis ratiêiûr
DU Discours, iS^t
» les payions aveugks & téméraires étoieni
» feules devinantes ^ & ahufo'unt , pour
H s*affauvtr , des forces du corps , dange*
» reux mimflres de leurs violences. Enfin ,
» il s'éleva des hommes fages , grands ,
>¥ dont réloquence gagna ces hommes fan-
>¥ vages , & de fefoces & cruels qu'ils
>> étoîent , les rendit doux & vraiment
n humains ». (*) Voilà une origine & une
fin de réloquence bien différente de celle
que leur donne notre Orateur François..
La Glomitrïe , de t avarice. Fixer le^
bornes de fon champ, lè diftinguer d'avec
celui du voîfîn \ faire 3^ en un mot , une
i *) Xiuid Um forro' regium^ taw libérait y tammunificum ^
fii4j» 0£em ferre fi^jtlicibus , excitart affliUosy dare falutem ,
liberare fericiUis ^ retinere haminei in civitaUl Xluét vir aiik
§otwt Mit. difperfps» homines- unwn in Ucum congregare , mU^ k
fera- agrefiiqiu vitâ ad hune htmuinwn etUtum ,. civilemque de»
duceret Cicero de Qratore p^l4. Nom fuit quoddam temput,
mm in agris hominet fafpm beftiarum more vagahantur y &
fii viÛu ferinû vitam ppepagabanti nec ràtiene animi quid-^
quam , fed pUréque viribus cwrpori$. adminijirabant. Nêndum.
divinék religitmis ,. non kwnani ojfuii rai ta calèbatur , . ,, Non
jus aqùahile quod utilitatis kaberet , atcepernt. Uà preptet
errârem & infcisiam caca ae temtraria dominatrix anùni.cupi»>
diUu rodfe explejidum viribus corporis, abutebatur , p^rnicio*
fijjhnis fatellitibus. . -, . Deinde firapter rationem atque orationem
fiudhfms audientesy ey ftrts ^ immanibus' mites reddidit-Qt
matifuetds (vit. quidankjnagfms. $S' féipifnt)^.Ç^cexJOi A^lsatt^
«LQAe jym^ p. €. 7. Edition de GlaTgow»
ï82 R É F U T AT ION
m ■ ■ ■ m il! ■ — — —— ^
diflribution exaûe de la terre à ceux à
qui elle appartient ; voilà les fonûions &
1 origine de la Géométrie ordinaire & pra-
tique , & il n*y a là rien que de très*
jufte , &c que nos tribunaux n'ordonnent
tous les jours pour remédier à l'ava-
rice & à Tuforpatiou. Ceft donc de l'é-
quité & de la droiture qu'eft née la Géo-
métrie.
La Vhyjiqut , d^unt vaine cunojîté. La
Phyfique eft née de la curiofité , foit;
mais que cette curiofité foit vaine , c'eft ce
que je ne crois pas que l'Auteur penfe.
La fociété eft redevable à cette fcience de
l'invention & de la. perfeôion de prefque
tous les Arts qui foiu-niffent à ks befoins
& à fes commodités 9 & , ce qui ne doit
pas être oiiblié , en étalant aux yeux des
nommes les merveilles de la nature , elle
élevé leur ame'^ufqu'à fon Auteur.
Tomes , & la morale même , de t orgueil
humain. Etoit-ce dont par orgueil que
les Sages de la Grèce , les Gâtons , & ce
3ue j'aurois dû nommer avant tous , les
ivins Miffionnaires de la morale chré-
tienne , prêchoient l'humilité , la vertu?
Les Science & les Arts «-« dévoient à nos
DU Discours. 183
venus. Comme il n'y a point de doute fur
Torigine des Sciences & des Arts , dont la
plupart font des aftes ou de vertu , ou
tenaans à la vertu ^ leurs avantages font
auffi évidens.
Le défaut de leur origine — fans le luxe
qui les nourrit f Le luxe eft un abus des
Arts , comme un difcours fait pour per-
fuader le faux , eft un abus de Téloquënce ,
comme l'ivrognerie efl un abus du vin.
Ces déÊiuts ne font pas dans la chofe ^
mais dans ceux qui s^en fervent mal.
Sans Us injuflices des hommes ^ à quoi
ferviroit la Jurîjprudence ? C'eft-à-dire , fi
\ts hommes étoient nés jufles 9 les loix
auroient été inutiles ; s ils étoient nés
vertueux , on n'auroit pas eu befoin des
règles de la morale. L'Auteur convient
donc que toutes ces Sciences ont été
imaginées pour corriger l'homme né per-
vers , pour le rendre meilleur.
Que deviendrait tHifloire — ni confpi^
rateurs ? Elle en feroit bien plus belle &
bien plus honorable à l'humanité ; elle fe-
roit remplie de la fagefTe des rois ^ & des
vertus des fujets ; des grandes & belles
aâions des uns 6c des autres ^ ôc ne
i**"
184 RÉFUTATION
contenant (jue des faits dignes d'être ad-
mirés 9 & imités des leâeiirs , jamais de
crimes , jamais d'horreurs , elle ne pour-
roit jamais que plaire & conduire à la
vertu , véritable but de PHiôoire,
Qui roudroit en un mot — pour les mal-
heureux & pour fis amis ? Il rfeft aucune
fcience de contemplation flérile ; toutes ont
leur utilité , foit par rapport i celui qui
les cultive , foit à Tégard de la fociété.
Sommes-nous donc faits ■ — par t étude de
la Philofophie. Il ne faut point refter fur
le bord du pmts oh s*eft retirée la vérité ,
il faut y defcendre & Ten tirer , comme
ont fait tant de grands hommes ; ce qu'ils
ont fait y un autre le peut faire. Cette
réflexion doit encourager quiconque en a
ferieufement envie.
Que de dangers f — Finveftigatîon des
Sciences ? Invepigation. Je ne faurois pafTer
à lui Orateur auifi châtié & auffi pou que
le nôtre un terme latin de Clénaixl fran*
cifé, Invcjligatio tkematis.
Par combien d^ erreurs , — qui de nous en
faura faire un bon ufagt. Si tant de diffi-
cultés & d'erreurs environnent ceux qui
perchent la vérité avec les fecours que
D-u Discours. t8ç
leur prêtent les Sciences '& les Arts, mie
deviendront ceux qui ne la cherchent point
du tout ? L*Auteur nous perfuadera-t-it
Qu'elle va chercher qui la fuit , & qu elle
fuit qui la cherche ? Ceft tout ce qu'on
pouroit croire de Taveugle fortune» A
regard du bon ufagé de la vérité , il n'eft
pas , ee me femble , beaucoup plus embar-
raffant que le bon ufàge de la vertu ; mais
une chofe qui me paroît phis embamf
fente , c'eft le moyen de faire un bon
ufage de Terreur St du vice où nous fom«
mes plongés fans les lumières des ^ciences
& les inftruôions de la morale.
Si nos Sciences font vaines — comme un
homme pernicieux. Quoi de plus laborieux
qu'un fayant ? La première utilité des
Sciences eft donc d'éviter l'oifiveté, l'en-
nui & les vices qui ' en font inféparables*
îTeuflent-elles que cet ufage, elles devien-
nent néceflairës , puifqu'elles font la fource
à^ vertus & du bonheur de celui qui
les exerce. « Quand les Sdences ne le-
» roient pas auflî utiles qu elles le font ^
>> dit Ciceron , & qu'on ne s^ applique»
» roît que pour fon plaifîr ; Vous penfe-
I» rez , je crois y qu'il n'y a point de dét
^ " ■ ■ " I I I»
186 RIfutation
)^ lafTement plus noble & plus digne de
» Thomme ; car les autres plaihrs ne
» font pas de tous les tems , de tous les
n âges , de tous les lieux ; celui de Té-
^ tude fait l'aliment de la jeuneiTe 9 la
» joie des vieillards , Tornement de ceux
» qui font dans la profpcrité, la reffource
>> éc la confolatïon de ceux qui font dans
» Tadverfité ; il fait nos délices à la mai«
H fon, ne nous embarraffe point quand
n nous fommes dehors , pafle la nuit avec
n nous y & ne nous qpiitte point en voyage ^
>> à la campagne (*) ».
Voilà la première & pourtant la moin-
dre utilité des Sciences ; point d'oifiveté ^
point d'ennui , un plaifir doux & tran-
quille , mais perpétuel ; je dis que c'eft-
là leur moindre utilité , car celle-<i ne re-
garde que celui qui s'y applique , & nous
avons fait voir que les Sciences font Tame
(*) Xiuodjt Mn hic tdntusfru&us oftenderetur j ^ fi ex bis
Jhtdiis deUÛatio fila feteretur : tâmen, tUfinêt., hém€ âmmi
remijjiontm hftmanijftmam ^ liberûliffmam jndicaretis i lum
émter* neque tetnpofum fimt ^ neque dUtum omnium, nequêUtê»
rum. Htte ftudia adûtefeentium dlunt , fine&utem êhle&sat «
ffcundas res êrnant^ Adverfis perfugsum ac filatium prêtent »
deleQant demi , nen impediunt firis , perneUant nobifinm, p^
nirinantur, rufiicântur.
Ciccro, pro Arc Poët. p. la.
DU Discours, 18^7
de tous les Arts utiles à la fociété , &
qu*aînfi le favant le plus contemplatif en
apparence eft occupé du bien public.
Répondts^'inoi donc , — moins florijfans
ou plus pervers ? Oui , fans doute. L'aftro-
nomie cultivée par les Géomètres rend la
géographie & la navigation plus fures ; ôa
tire à^s infeûes des fecrets pour les Axts 9
pour nos befoins. L'anatomie des animaux
nous conduit à une plus parfaite connoif^
fance du corps humain, & par conféquent
à des principes plus fûrs pour le guérir ou
pour le conferver en fanté. I^ fcience de
la Phyfique & de la Morale feit que nous
fommes mieux gouvernés & moins per-
vers , & rharmonie d'un gouvernement
où brillent toutes ces Sciences , tous ces
Arts j efl ce qui le rend floriflant & re-
doutable. "
Rcvenc[ donc fur t importances'^ lafuhf
tance de VEtat. Il efl: naturel que nous en
penfions encore moins mal que de ceux.
qui ocaipent leur loifir à décrier des lu-
mières & des talens auxquels la France a
peut-être encore plus d'obligation qu'à fes
armes.
Que dis'je , oijifs ? •— O fureur de Je
^
l88 RÉFUTATION
dîjllngutr ! que ru pouvc[ - vous point ?
L Auteur s'attache encore ici à l\bus que
des fujets pervers font d'une excellente
chofe. Mais s'il y a quelques -uns de ces
jlîalheureux , quelle foule d'ouvrages di-
vins n'a-t-on pas à leur oppofer , par lef-
miels on a renverfé les idoles des Payens ,
aémontré le vrai Dieu , & la pureté de
la morale chrétienne, anéanti les fophit
ifaes des génies dépravés dont parle l'O-
rateur ? Peut-on citer férieufement , coi^
tre l'utilité des Sciences , les extravagan-
ces de quelques écervelés oui en abufent?
Et feudra-t-il renoncer à bâtir des maifons ^
parce qu'il y a des gens afiez fous pour fe
jetter par les fenêtres ?
Cejl un grand mal — jamais ils ne voni
fans lui. Le luxe & la Science ne vont
point du tout enfemble. C'eft toujours la
{>artie ignorante d'un Etat qui affèûe le
uxe ; celui'-ci eft l'enfant des richeffes , &
fon correftif eft le favoir , la Philofophie ,
qui montrent le néant de ces bagatelles.
Je fais qut>notre Philofophie , — . /^5 no*
très ne parlent que de commerce & it argent»
Le luxe eft un abus des richeffes que cor-
rigent les Sciences & la raifon ; mais il
•4
DU Discours. 189
ne faut pas confondre cet abus , comme
le fait FAuteur , avec le commerce , par-
tie des Arts la plus propre à rendre un Etat
puifTant & floriffant , & qui n'entraîne pas
néceffairement le luxe après elle , comme
le croit l'Auteur ; nous en avons la preuve
dans nos illuftrcs voifins. L'Angleterre &
la Hollande ont un commerce beaucoup
plus étendu & plus riche ^ue le nôtre ;
gortent-ils le luxe aufli loin que noivs ?
ourquoi ? C'efl que le commerce ^ loin
de favorifer le luxe comme le croit notre
Orateur , le* réprime au contraire. Qui-
conque eu livré à l'art de s'enrichir & d'a-
grandir fa fortune, fe garde bien de la
perdre en folles dépenfes. D'ailleurs cette
paflion de s'enrichir par le commerce n'eflt
pas incompatible avec la vertu. Quelle
probité , quelle fidélité admirables régnent
parmi les négocians qui , fans s'être jamais
vus, ôf, qui étant fitués quelquefois aux
extrémités dç l'univers , fe gardent une foi
inviolable dans l^urs engagemens ! Com-
parez cette conduite avec les rufes, les
fourberies , les fcélératefTes des Sauvages f^
entré les mains defquels il$ tombent auçl^
jjuçfpiîi dans leurs vojrages, ^ ^
190 RÉFUTATION
Vun vous dira qiiun homme — Jit trafi"
hier VA fit. On convient avec PAuteur que
les ricKeffes , dont Tufage eft perverti par
le luxe & la molleffe , corrompent le cou-
rage. Mais tous ces défeuts n'ont auciui rap-
port aux Sciences & aux Arts; ils n*en font
pas les fuites , ainfi que nous l'avons mon-
tré ci-devant. Alexandre qui fubjugua tout
rOrient avec trente mille hommes , étoit
le Prince le plus favant & le mieux inilruit
dans les Beaux- Arts de tout fon fiecle , &
c'eft avec ce favoir fupérieur qu'il a vaincu
res Scythes fi vantés , qui avoient réfifté
tant de fois aux incurfions des Perfes ,
lors même que leurs armées étoient auffi
nombreufes que féroces 9 lors même qu'el-
les étoient commandées par ce Cyrus le
héros de cette Monarchie.
V Empire Romain — hormis des moeurs
& des citoyens. L^Auteur confond par-
tout là barbarie , la férocité avec la valeur
& la verm ; c'étoit apparemment de bien
iionnêtes gens que ces Goths y ces Vanda-
les , ces Normands ^ &c. qui ont défolé
toute l'Europe qui ne leur difoit mot?
On voudroit nous Êiire entendre ici que
ç'ç& par leurs boanes moeurs & par leurs
DU Discours.
191
vertus qiie ces peuples ont vaincu les
peuples policés ; mais toutes les hiftoires
attellent que C'étoîent des brigands , des
fcélérats , qui fe faifoient un jeu , une
gloire du crime, pour lefquels il n'y
avoit rien de ûcré , & qui ont profité
des divifions , des révoltes élevées au cen-
tre de ces Royaumes polis , dont le moin*
^rf/éuni & prévenu auroit écrafé ces
mifërables.
^ Dt quoi s^ agit-il donc — avec celui de
r honnête. Eft-ce qu'il rfeft pas poflîble
d'être honnête homme fous un habit galon-
né ? Et feudra-t-^ en porter un de toile
pour obtenir cette qualité ? N'ayez donc
peur dans nos forêts , que quand vous y
rencontrerez un homme bien doré , biea
inonté , muni d'armes brillantes, & fuivi
d'un domeftique en aufli bon équipage,
tremblez alors pour votre vie ; vous voilà
au pouvoir d'un homme de l'efpece la plus
corrompue , abandonné au luxe , aux vi-
ces de toutes les efpeccs; mais quand vous
^' trouverez feul à feul un ruitre vêtu dé
ure , chargé d'un mauvais fiifil , & fortant
des broufîailles où il fembloit cacher &
miferej alors îic çraignei rienj cette j>au^
191 R £ F U T AT ION
vreté évidente vous eft un figne affuré
que vous rencontrez la vertu même.
Non , U ncji pas poffibU — le courage leur
manqiurolt. Sont-ce les Savans qui s'occu-
pent àe foins futiles} Sont-ce les gens ocaw
pés aux Arts ? non cQïlts , ce font les riches
ignorans* Cet argument prouve donc coi^
tre fon Auteur.
Tout Artijlcveut être applaudi. — entraîna
à fon tour la corruption du goût. Je connois
une infinité de gens qui font paffionnés
pour les deffeins raroques , pour la difficul-
tueufe mufique Italienne qui eft du même
genre ; pour les ouvrages connus fous le
nom de gentillefles , & ^i font néanmoins
les plus honnêtes gens du monde. Leurs
mœurs ne fe reflentent point du tout de
leur mauvais goût ? Il me femble même
que je ne vois aucune liaifon entre le goiit
& les mœurs ^ parce que les objets en ionX
tout différens.
Le goût fe porrompt ^ parce que vly
ayant qu^une bonne façon de penfer 61
d'écrire^ de peindre, de chanter , &c &
le fiecle précèdent l'ayant, pour ainfi dire,
ëpuifée, on ne veut ni le copier , ni rîmi*
|£r i U par la fiireur de fe dlûingucr , oxi
m
l l l>B I | - r é . I ■ Il I II - l l i^
DU Discours. 19 j
^-i •*— *■
s'écarte de la belle nature , on tombe dan»
le ridicule & dans le baroque.
Vefprit qu'on veut avoir gâte celui qu^on a.
Du cœur^ de la nature^ on perd r heureux langige^
Pour rabfurde talent d'un triflc perjifiagt.
G R E S S E T.
Pans un genre plus férieux 9 les génie*,
tranfcendans du fieçle paffé ayant enfanté ,
& exécuté le fublime , le hardi projet de.
ruiner les folles imaginations des Péripaté-^
ticiens , leurs facultés , leurs vertus occultes
de toutes les efpeces ; on a paffé un demi-
lîecle à établir la çonnoiffance des t^t\.%
phyfiques fur les propriétés connues &
évidentes de la matière , fur lein-s caufes
méchaniques ; comment fe didinguer par
du nouveau après Tétabliffement de prin-
cipes auffi folides , aufli univerfels ? Il
faut dire qu'ils font trop fîmples & abfolu-
ment infuffifans ; que ces grands hommes
étoient de bonnes gens 9 un peu timbrés ,
& auiÇ méchaniques' que leurs principes ;
^ quç notre fiecle fpirituçl voit , ou au
moins foupçonne dans la matière des pro-
priétés nouvelles qu'il feut toujours pofer
pour bafe de 1^ phyfiquç , en attendant
SvpfU de la Collcct Tome L I
194
RÉFUTATION
•^
qu'on les conçoive : propriétés qui ne
dépendent ni de l'étendue , ni de Timpéné-
trabilité , ni de la figure , ni du mouve-
ment , ni d'aucune autre vieille modifica-
tion de la nîiatiere ; propriétés , non pas
occultes 9 mais cachées , qui élèvent cette
matière à quelque chofe d'un peu au-defTus
de la matière , qu'on n'ofe dire tout haut,
& qui , dans le vrai , abaiffent le Phyfi-
cien beaucoup au-deffous de cette qualité.
Enfin 9 nos aïeux étoient gothiques, nos
pères amis de^la nature , nous fommes fin-
guliers & baroques ; • nous n'avions que
ce parti à prendre pour ne reffemblér à
aucun des deux.
Mais la morale n'a auame part à ce
défordre ; on fe fait un plaiiir & un hon-
neur de copier, d'imiter les vertus des
grands hommes de tous les iiecles ; plus
il s'en fera écoulé , plus nous en aurons
d'exemples , & tant que l'art de les incul-
quer , c'eft-à-dire , tant que les Sciences &
les Beaux^ Arts feront en vigueur , les âedes
les plus reculés feront toujours les plus
vertueux.
* Je fuis bien éloigné de penfer^^& Je dé»,
fendre uruji grande caufe, L^Auteur fe con^.
DU D IS C O U RS» 195»
■■«•■
tredît étrangement. Il v^ut qu'on donne
de Péducation aux femmes ; il veut qu'on
les Êiffe fortir de Tignorance. Il a raifôn ^
fens doute ; mais c'eft contre {es principes ,
&lon lefijuels , inftrtiire quelqu'^un , & le
rendre plus méchant , ibnt des expreffîons
fynonymes.
Qiu fip<ir hafard^xm il faudra qiitllé
dtmturt oifiv€^ Les ouvrages admirables des
Le Moine, des Bouchardons , des Adams^
des Slodtz pour perpétuer la mémoire de»
plus grands hommes , pour décorer ies
places publiques , les palais hc les jardins
qui lés accompagnent , font des monument
qui nous raiTurent contre les vaines décla^
mations de notre Orateur.
On ne peut rifiéchir — ertfin pour i y Itahlir
tux'-fnémts* Ceft un joli conte dé Fée que
ce fiecle d'or , & ce mélange ài^s dieux
j& des hommes , mais il n'y a plus eueres
que les ehfans & les Rhéteurs plus fleuris
<[ue folides qui s'en amufent. -' •
Ou du moins Us temples des ^eux^^des*
chapiteaux Cofiruhiens. Les anciens n'avoient
garde de penferque la culture dès Sciences
&, des Arts , dépravât les mosmrs ; que le
talem de bâtir des^illeS'i d!élever d^ texxh^
^ I 2
2c"
196 RÉFUTATION
pies & des palais » mît le comblç aiuc vices';
quand il$ nous ont répréfenté Amphion
çonftruifant les nturs de Thebes par les
feuls accords de ùl lyre ; quand ils nous
parlent avec tant de vénération des peuples
ui élèvent des temples aux immortels ,
des palai$ à la majef^é des Souverains
légitimes.
Tandis que les commodités --^dans F ombré
du cabinet. Que les Science^ & les Arts
énervent le courage féroce , nous en çoih
venons avec TAuteur, & c'eft autant de
gagné pour Phumanité & la vertu, Mais
que la vraie valeur s'éteigne par les lumie.
K% des Sciences 6c la culture des Arts 9 c'eil
ce qu'on a réfuté amplement.
Quand U$ Ooths — qu^à Us affermir &Us
dnimen Cefl>à-dire , ^ les rendre moin^
£éroces ^ à la bonne heure 9 filais en mèm^
ttms plus humains & plu^ vertueux,
; Les Romains ont avoué — il y a qj^Lpus
ptcles. L'Auteur remet ici fur le tapis ^
réciiemeiit Ips mêmes preuves rapportées
la pri^miere partie* NoûS renvoyons
donc le Leâeur à la réi^t^tion que poys y
avQhs placée. Nous y ajouterons feulement
^le le$ Génois oq^ biepi^it voir dan^ W
I L ■■ • ■ ' 'J
DX7 Discours. 197
•dernière guerre que la valeiir n'étok pas
û éteinte en Italie aue fe l'image TOra-
; leur , & qu'il ne faut à ces peuples que
des occafions 6c de grands Capitaines pour
feûre^voir à toute TEurope qu'ils font tou-
jours capables des plus grandes chofes.
Les ancUnnes Républiques -— la vigueur ds
tome. Ceft-à-dire, lafcrocité»
De iptel aU^^la fone de 'voyager à cheval ?
Et quel rapport cette vigueur du corps
a-^ette avec la^vertu K Ne peutMQivpas être
ibibie^ délicat, peu propre à la fatigitt^
. à^la guerre , & vertueux tout enfemble* *
Quon ne nC objecte point .— ^ ta màUeure
• '4t nos armées^ -Tout' ce que dit là liotré
Auteur , eft très* vrai , à un peu d'exagé-
ration près qui eft une licence de l'éloquen-
ce comme de la poéfie. Il eft certain qu'on
négligie trop Texerdce du corps en France ,
: & qiron y aime trop fes aifes. On n'y voit
/ plus de coinrfes'de chevaux , on n*y donne
plus de prix aux phis adroits à différens
exercices 9 on y détruit tous les jeux de
paume ; èc c'eft»là l'époque des vapeurs
3ui ont gagné tes hommes , & les ont mis
e niveau avec, les femmes , parce qu'ils
ont commencé par s'y mettre par la nature
I 3
m^mÊÊi
198 RÉFUTATION
. ée leurs occupations. Oh I que notre OnK
teiu* fn^pe {\\t cet endroit là de notre &çoii
de. vivre , jè l'appuyerai de mon ûiffirage;
.anaîs qii'il prétende en conclure que ce»
liommes -y pour être auffi foibles ^ auffi
vaporeux qu<e àes femmes , en font plus
v<léprayés9 plus viideux; c'eô ce que je ne
' lui accorderai pas ;. &C fuflent - ib femmes
toiUrà-&it| pourvu que ce foit 'de la bonne
^efyscQ^ ipû.eft la pks commune ^ ians
^ âoute % îe: «!en . aurois. que. meiUeure o^-
^ liion de leur vertu^ Qiii ne .fait {ms.qike
c^ fexe eâ le déviât âc, k vertueux par
GuerritrJi intrjpid^s y.^f^ fue t autre iût
^:ifainçu vos akux. Par n^heur pour notre
.rOrateur cette petite exâgériation vient vttk
lîpfeU) trop, *près de. nôdre derniete guene
^ e Italie 9 pii tout le monde &it. (fie nos
îJ troupes, fous M* le Princet.de Conti, ont
-jtraverfé les Alpe^s^ après j^^pir fc^rcé fiu-la
f cime de ces montagnes un-emiemi puiflànt
commandé par l'un des plus braves Rois
^ du monde ; & il eft plus que vraifemUa-
f ble €|ue les Alpes y du tetns d'Annibal »
, n'étoient pas plus efcarpées , qu'elles le
iont aujourd'hui.
DU Discours. 199
■ •
■^iii^— — **— i^— — — — ^^^mmm^m^^m
Les combats ne font pas toujours — par
le fer de C ennemi. Oh ! T Auteur a raifon;
nous ne iotamt^ pasafler robuftes, Qu'o»
renouvelle les jeux Olympiques de tou-
tes les efpeces , qu'on renouveUe les cour*
Tes de chevaux , les couriès à pied v ^^^
combats d'une lutte un peu plus humaine
que l'ancienne ^ les jeux de paume , \ts
jeux de Tare s de l'arbalète , de l'arque-
bufe , du fiifil ; qu'on les protège , qu'on
les ordonne , qu'on y attache des privi*
leges, des récompenfes. Qu'on ajoute à
cela des loix poiu: la fobriété; nous au-
rons des citoyens , des foldats auffi ro-
bufles que courageux; & ii l'on conti^
nue , avec ces réformes , la ailture des
Sciences & des Arts , toutes chofes fort
compatibles , nous aurons des Officiers
capables de commander à de bons foldats ;
deux parties eflentielles à une bonne
armée.
Si la culture des Sciences — au moins le
corps en feroitplus difpos. Fort bien. J^ap-
plaudis à la cenfure de l'Orateur contre
la plupart des éducations mal dirigées.
Mais gardons-nous de regarder un abus
particulier, comme une dépravation gé-
I 4
200 RÉ F U T A T I O N
nérale & annexée aux Sciences. La eut-
:iure des Sciences ejt nuUibU aux quaUtcs
^morales ?. Quelle abfurdité ! J*ai démon-
tré dans pliifieiirs notes ci-de^tant placées.
Que la perfection des mœurs étoit le prin-
cipal enet de cette culture des Sciences;
•malheur aux Direûeurs de l'éducation de
la Jeuneffe qui perdent de vue cet objet;
je crois que . ce défordre eft très-rare :
mais fut-il encore plus commim, ce rfeft
pas la faute des Sciences ^ mais celle des
perfonnes deftinées à les montrer. Les
langues mêmes, la partie la moins utile
de l'éducation , ne doivent jamais nous
écarter, de ce but. Les mots étrangers
qu'on apprend , expriment {zxi% doute
à!^% chofes ; ces chofes doivent être des
Sciences folides , & avant tout , celle
de la morale ; c'eft ce qu'on a grand foin
de faire dans, tous les collèges , dans tou-
tes les peniions , & ce qu'on a fait dans
tous les iiecles policés. • • • •
Adjecere honapaiild plus artis Athenét ,
Scilicet ut pojjtm curvo dlgnojcere reSum ,
Atquc interfylvas Academl quarere verum.
Horat, Epit. z. L. I.
DU D I S c o u k S. ^-• 2011
tr- I Pi
Je fais quil faut occèper-^& non ce
quils doivent oublier.* L'Auteur a raîfon ,
& c'eft ce que font auffi les maîtres^ è^
fur-tout les pères & les mères qui ont
à cœur , comme ils le doivent , Tédu-
cation de leurs enfans. Maïs fi notre fic-
elé n'eft pas encore auifi parfeit qu'il pour-
roit être; s'il eft encore parmi nous des
caufes de la corruption des mœurs , de
la foiblefle du corps , de la moUeffe ; ca-^
tes deft la paffion qui y règne jtour les
jeux fédentaires ; paffiqn , que nous te-
nons principalement de la n-équentation
des femmes frivoles qui font heureufe-
ment le pUis petit nombre , & qui naît
de notre complaifance pour ce fexe en-
chanteur ; paffion , qui eft fille de l'oifi-
veté & de 1 avarice , & affez amie de tou-
tes les autres , qui renjplit la tête de
trente mots baroques, & vuides de fens ,
& pouf l*or^aîre aux dépens de la Scien-
ce, de THiftoire, delà Morale 8f delà
Nature, qii'on fe feit là im honneur d'igno-
rer. Des efprits fi mal nourris n^ont rien
à fe dire , que , bajte , ponte y manille , co-
mete ^ ôcc. Les converlations en cercle
fi en ufage, fi eftimées èhel nos pères
I 5
"■""Il Illlll , .
;jW1 , RJÈFPTATION
_ ■ LL ' -„ ' L ' tf ■ . J «U ' " ■''' - ' ' -' ' ' ' ■ ' ^
& fi pi^pre? à faire paroître les talens^
les bonnes tnoçiirs ^ ^ kits former chez
ks jeiines perfonnes , font dans cks jo-
lies affemblées , ou muettes ^ ou enw
- ployées à hife d^s réflexions ûir tous
' .les colifichets jgui dçjcorent ces Dames ^
-jfur tputef les babioles rares que pof-
, fédent ceSî- MefïiejLirs ^ à coûter de jo«
Ues aventuras , ou inventées 9 ou au
. moins biea brodées ûxr le compte de foa
, prochain^
' ta vous tTOiWt^è toujours dts gcm diverHffan»
' Des fommes' qui jamais n*ont pu former Ut
bouche 9
' St qui fur k prochain vous tirent à cartouche ^
' Des oijîfs de métier , ^ qui toujours chez eta»
Portent de tout Paris le lardon Jcandaleuxi.
' Le Joueur de RegnMti.
On fâçrifiie à ce plaifir perfide les fpec*^
' tacles les mieux ordonnas , les^ plus châ-
tiés , & les ^us prppres à ii^irer des
.mœurs &c du goût ; on yfâcrine même
quelquefois fes devoirs « fa fortune. Et
quelle eft l'origine de ce reffe de poifoa
que les Ipix trop peji féveres fouffi^eot
^piçQtç daQ& la {joùètéî Les exercices ijji
DU Discours. loj
corps trop négligés, les Sciences & les
Arts trop peu cultivés encore,
* TilU étoit r éducation des Spartiates ^^^
it le rendre bon^aucim à U rendre favant.
L'Auteur ne met donc pas au nombre des
Sciences celle de la Religion & de la Mo-
rale ; car voilà ce qu'on enfeignoit aux
• enÊiùs des rois de Perfe , & qu'on ne
néglige pas d'apprendre en France aux
derniers des payfans mêmes.
AJlyage , en Xénophoh\ demande à Cy'^
ms^-quil me perfuaddt que fon école vaut
celle-là. Le bon Montagne radotoit , quand
il nous donnoit cette niftoire comme une
grande merveille. On donne tous les jours
le fouet dans nos écoles aux jeunes gens
qui fe font entr'eux de plus petites injui^
îices que celles-là , & l'on n'en fait pas
tant de bruit , l'on ne s'avife pas d'en
i&ire une hiftoire mémorable, & digne
de trouver place dans un livre aufli re-
levé que celui de Xénophon.
Nos jardins font omis — avant même que
defavoir lire. Tout ceci eft encore exagéré..
Les grands hommes de la Grèce & de
Rome , leurs aâions vertueufes , telles
que la piété d'Ënée • la chafteté de Lu^
204 RÉFUTATION
crece , font partie des ornemens de nos
jardins & de nos galeries , aufH bien que
les Métamorphofes d'Ovide ; dans celles-d
mêmes , combien d'allégories de la meil-
leure morale , & ce font pour Tordinaîre
ces fujets qu'on choiût pour expofer ea
public.
D'ailleurs ce^ décorations des jardins &
des galeries ne 'font pas Eûtes pour les
engins. Leurs galeries ordinaires font les
£gures de la Bible , & il y a là une abon-
dante colle£fion d'exemples de vertus.
D^^où naiffcnt tous ces abus^ — itun li^
vrt s^il efl utile , mais iil tjt hitn écrit. Ce
texte eit une pure déclamation. On ne
fait point de cas d^un homme de talent
cjui n'eft pas honnête homme ^ ni d'un
livre bien écrit, fi l'objet en eft frivole.
On n'eflimeroit point , par exemple , ce
Difcours , quelque féduifant qu'il foit , fi
l'on ne fentoit que le véritable but de
l'Auteur efi, non pas d'anéantir la cul-
ture des Sciences & des Arts , mais d'ob-
tenir de ceux qui s'y appliquent, de ne
point en abufer , & d être encore plus
vertueux que favans.
Les ricomfenfis'^r^ aucun pour ^Us hclUs
DU Discours. 105
aSions. La propofition n'eft pas exac-
tement vraie. Il y a en France beaucoup /
de récompeniès , beaucoup de croix de
Chevaliers , de peniions , de titres de no-
blefle 9 &c. pour les belles aâions ; mal-
gré cela je trouve , comme TAuteur , qu'il
n*y en a pas encore affez , & qu'il de-
vroit y avoir réellement des prix de Mo-
rale pratique , comme il y a des prix de
Phyfique , d'Eloquence , &c. Pourquoi
ne pas faire marcher toutes ces Sciences
enfemble , comme elles y vont naturelle-
ment 9 & comme on le pratique dans les
petites écoles , dans l'éducation donnée
chez les parens. On dira à l'honneur de
ce fiecle , que la vertu eft plus commune
que les talens ; que tout le monde' a de
la probité , &i: ne fait en cela que ce qu'tl -
doit. Ce que je fais , c'eft que tout le
monde s'en pique.
Qiion mt dijt ^^^ le renouvellement des
Sciences & des Arts. L'Auteur manque
encore ici d'exaftitude. Nous convenons
qu'on careffe un peu trop en France les ta-
lens agréables ; qu'une jolie voix de TO-
péra , par exemple , y fera fouvent plus
fêtée qu'un Phyficien de l'Académie. J'ir.
206 RÉFUTATION
Toue qu'on y a trop d'égards pour une
autre efpece d'hommes agréables ^ beau-
coup moios utiles encore , pour ne pas
dire , tout-à-fait inutiles , nuifibles même
à la Société* Je veux parler de cette partie
du beau monde y oiCve y inappliquée ,
ignorante y dont le mérite copfiâe dans
la fcieiKe de la bonne grâce, des airs y
des manières & des façons y qui fe croiroit
déshonorée d'approfondir quelque Science
utile , férieufe , qui fait confluer l'efprit
À voltiger fur les madères y dom elle ne prend
^ue la fieur ; qui met toute fon étude à
|Ouer le rôle d'homme aimable , vif y léger ,
enjoué y amufant y les délices de la fociétéy
un beau parleur y un railleur agréable y &c»
( * ) & jamais celui d'homme occupé du
bien public, de bon citoyen, d'ami eflen-
tiel Si l'on ne regardoit'le François que
de ce mauvais côté , comme ont la bonté
de le &ire quelqu)e£bis^ nos voifins , on
poiu-roit dire avec M/Greflfet. . . . .
Qùt nos ojts^ nos pîaijrrs^ nos efprits font pitié^
QiiHl ne nous refle plus que des fuperficies ,
Des pointes T du jargon , de trifles facéties ,
DU Discours. 207
£t qu'à force .(fejprit êf de petits talcnf ,
Ikmsj)€u nous pourrions bien n'avoir plus dt
bonjinsw
Le Méchant, Comédie de M. Greflet.
- Mais îl fettt avouer qne ces hommes fiw
- tiles , & qni ne font tels que parce qu'ifo
négligent la culture des Sciences , font
beaucoup plus rares en France , que ne
• le croyent les Nations rivales de la nôtre ^
& qu'ien général ils y font peix eftimés • . • «.
Sans ami y fans repos yf^fp^^ &f dangereux
L'homme frivole & vague eji déjà mallieureux^
Dit lie même M. Greffet. Enfin toute
FEurope rend cette juflice à la France^
/qu'on y voit tous les jours honorer par
des récompenfes éclatantes les talens utilçs,^
néceffaires.. La remarque précédente lé
rouve déjà; mais quoi de plus propre
convaincre là-deffiis les incrédules , que
ces biep&its du Roi répandus fur les mem-^
.Bres les plus laborieux de l'i^cadémie d^
Sciences de Paris , ces Ecoles publiques ,.
ces démonÔrations d'Anatomie & de Chir-
nirgie fondées dans les principales ville»
.ée France H Ces titres de Nobleffe donnéii.
à des perfonnes diûinguées dans l'art de
y
ao8 RÉFUTATION
giiérir ? Eft - il quelque pays dans Pum-
vers dont le fouveram marque plus d'at-
tention à récompenfer & encourager les
hommes utiles & vertueux ?
Nous avons des Phy^UftS ^^ nous /rV
vons plus de citoyens ; il y a là un peu
de mauvaife humeun Peut- il y avoir de
meilleurs citoyens que des hommes qui
pafTent leiu- vie , & altèrent même quel-
quefois leur iànté à des recherches utiles
à la Société , tels que font les Phyficiens,
les Géomètres , les Agronomes ? L^s Poètes
& les Peintres rappellent aux hommes la
mémoire de k vertu & de fes héros ; &
expofent les préceptes de la Morale, ceux
des Arts & des Sciences utiles d'une façon
plus propre à les faire goûter ....
Bientôt reflufcitant les Héros dès vieux âges ,
Homère aux grands exploits anima les courtes.
Héfiode à fon tour , par d'utiles leçons ^
Des champs trop parefleux vint hâter les moiflbss.
£n mille Ecrits fsimeux la fagefle tracée ^
Fut, à Taide des vers, aux mortels annoncée ;
Et par-tout des efpritsfes préceptes vainqueurs , ^
Introduits par l'oreilk entrèrent dans les cœurs.
DU Discours. 109
Le MujCcîen nous délaffe de nos tra-
vaux , pour que nous y retournions avec
plus d'ardeur , & fouvent il célèbre où
-les grandeiu-s de TEtre fuprême, ou les
Ji>elles aâions des grands hommes ; an
moins voilà fbn véritable. objet. Tous ces
Arts concourent donc au bien public 6c
à nous rendre plus vertueux & meilleurs.
Ou s* il ne nous rejie encore , — qui don^
ncnt du lait à nos enfansé II eâ fans doute
un grand nombre d%onnêtes gens à la
campagne : mais il eft pourtant vriEÛ de
dire que c'eft-là oîi Ton trouve en phiS
grand nombre le 6ux témoin , le rufé
chicaneur , le fourbe , le voleur , le meur-
trier. Nos prifons en contiennent des preu-*
ves fans réplique.
Je t avoue y cependant --^& du dépôt fa^
cri des mœurs. La politique de ces Souve-
rains feroit bien mauvaife , fi la thefe de
notre Auteur étoit bonne , d'aller choifir
des Savans pour former une fociété des-
tinée à remédier aux déréglemens des
moeurs caufés par les Sciences. Cétoit des
ignorans » des niftres , des pay fans , qu'if
âloit compofer ces Académies^
Par r attention — qx^ elles reçoivent. Les
V
i9
ilO RÉFUTATION
Académies ont cela de commun avec tous
les Corps d*un Etat policé , & elles ont
certainement peu befoin de ces précaû^
tions ; tant les Sciences & les basses
moeurs ont coutume d'aller de compagnie.
Ami do bien , de l'ordre & de Thumanité >
Le véritable efprit marche avec la bontés
M. Gr effet , ibid.
Ces /âges injlructions — meus aujjl da "
inJlruHions falutaires. Les gens de Lettres
& les Académies doivent bien des renrer-
cîemens à l'Auteur , de la bonne opinion
qu'il a des uns , & des avis ciu'il donne
iiux autres/ Mais il me femme que s'il
raifonnoit conféquemment à fes principes ,
le véritable tVein des gens de Lettres , des
gens appliqués à Aos Arts qui dépravent
les mœurs , ne doit pas être l'efpoir d'en-
trer dans une Académie qui augmentera
encore leur ardeur pour ces fources de
leur dépravation ; mais que ce doit être
au contraire l'ignorance & l'abandon des
Lettres & des Académies. En indiquant à
ces Sociétés les objets de morale dont ils
doivent feire le fujet de leur prix, l'Au-
teur convient tacitement que c'eft-là un
DU Discours. xii
.Wi . ■ ,. I * ■—W— — T— i II I I II»
de^ principaux irfjjets des Lettres; qa'ainfî
a ne . s'en déchaîné jufqu'ici qiie contre
-des abus qui font étrangers à la véritable
^eilination ^ & à IWage ordinaire des-
ËellesTLettres-"
Qui)n TU $rfoppafc donc — « a des maux:
qui ritxittmt pa$. Celî eft un peu énigma-
. tique* S^lon moi , les maux qui exiflent
:ibat l'ignorance & les paillons déréglées ,.
avec lesquelles les hommes naiffent. Les
remèdes employés font tes infbuâions^
lies Ecoles, les Académid^^
. , Pourquoi faut^il :— de tourner les efprîts
À leur culture. Que devient donc le conk-
'^pliment fait dans la page précédente à nos
Académies ? Je me doutois bien que notre
Orateur y auroit regret : il n'étoit pas
, dans, fes principes.
// fernhU > aux précautions — de man^
fuer de Philofopkesé II eft un peu rare de
voir les pay fans paffer dans nos Acade*-
rmies. Il €K plus conunun dé le$ voir
quitter la charrue pour venir être laquais
dans les villes , & y augmenter le nomr
bre des ignorans inutiles , &c des efdaves
du luxe*
, Je, nt yeux point hafarder •— U fuppoi^
:rF T— ■ " ' ■ " wii^>
212 RÉFUTATION
■ ■ -■- - ■ ■-
uroitpas. On la (upporteroit à merveille,
mais elle ne feroit pas favorable à i'Au^
teur. L'Agriculture n'eft pas plus nécef-
iàire pour tirer de la terre dexcellemes
produâions ^ que la Philofophie pour feirc
Eure à l'homme de bonnes aaions , &
pour le rendre vertueux.
Jt itmandcrai ftuUmtnt 9 — » dxais lis
noms qiulqilun de vos ftclatiurs. Notre
Auteiu: appelle ici de grands Philofophcs^
ce que tout le monde appelle des mont
très. Si h thefe a befoin d'une pareilk
;reflburce , je ne puis que plaindre celui
-qui la foutient.
yoilà donc Us hommes — FimmortaliU
riferyée apris teur trépas. Voilà les hommes
qui ont été en exécration parmi leurs
concitoyens , & qui n'ont échappé à k
vigilance des tribunaux, que par leur fuite
& par leur retraite dans des climats oà
règne ime licence effrénée.
yoilà Us fages maximes *— en âge à nos
defccndans. J'ai' trop bonne opinion de no-
tre Orateur pour croire qu'il penfe ce qu'il
dit ici.
Le Paganifme , — extravagances de tef-
prit Jiftmain. On n'avoit pas non plus éter*
"WlfT^^^ff^^^tlff^T O
DU PiSÇpUH.S, »I|
•^n^-m
wfé fa fegeffe j ^ comme les bonnes cho»
(es que perpétue Tlpiprimeriç furpaflfent
infiniment les fnguyaifes, il efl hors.de
tout doute que cette invention eil une
4es plus bellies &(. des plus. utiles que V^t»
prit humain ^it /aniai$ enfantées,
Mais , grâce aux caraScrcs — Hobbes ^
des Spinofd nfitront à jamais. Et leurs ré^
flitations aum , lefquelles font aufli foli-
des & aufli écUfii^nte^ q^ie les monfirueu^
Tes erreur^ fie ces écrivains font folles âc
4ignes du nom de rêveries.
* A cçnjîdérer Us défordref — ^ cp feroi$
peut-être le ptifs beau trait df la vie de ce(
iUuJlre Pontife. J-e parti qu'ont pris les
TTurcs eft digne de$ feâateurs de M^hoînet
& de fon Alcoran. Un^ religion auffi ri^
dicule ne peut^ f^n$ doute , fe foutenii?
que par ^ignorance, !,§ favoir çft le ^riqnv»
phe 4e 1? viaie Religion. Origene 1'^ bien
fait voir aux Payens ; & les Arnauld ^
les BpJTuet ^lutç. hérétiques, L'Evangile eft
le premier de tous les livre? , fjins Boute j;
mais ce n'eil p^s le feul nécei^iîre , ti
Grégoire le Grand auroit perdu fon npm »
s'il eût été capable d'une pareille fottifei
- ^/^^j ^^^ Ç/iUl^r^ -T? (orrftftm d^
> t
H4 RÉFUTATION
mœurs de notre JiecU; Oa a vu d^devant
que les fiecles anciens étoient beaucoup
plus corrompu&i II eft vrai qu'ils n'en di-
ient rien à la poftérité ; mais la pr^ique
prefque génétafe des vices paflbit de racé
en race comme par tradition. Peut-oa
comparer ce torrent débordé & univerfel
éts paffions déréglées , des fiedes barba-
res , avec quelques Poètes libertins , que
laifle encore échapper notre fiede.
Et portei cnfemblt — quifount précieux
devant toL Que le Dieu Tout-puiffant ôte
ks lumières & les talens à ceux qui en
abufent , qu'il anéantiffe les j4rts funefies
à la vertu ; qu'il donne la pauvreté à ceux
qui font un mauvais iifage des richeffes,
niais qu'il répande, abon^mment les lu-
mières , lés talens & les richeffes fur ceux
qui ikvem les employer utilement* Voilà la
prière d'un bon citoyen , & d'un hooune
raiibnnable.
Mais fi le progris, des Sciences — des
forces de ceux qui feroient tentés de Jkvoir ?
Comme la majeure de cet argument eft
faufle , CCS Auteurs font dignes de toute
ia reconnoifl^ce du public , & de fAu-
ieur même du Difcours > qui a mieux pro^
fité qu'un autre de leurs travaiu^
D U D I s C O U R s. II 5
Que penferons-nous — populace indigne*
Jtm approcher. Le mot de Sanctuaire con*
vient- il à un lieu oii , félon l'Auteur , on
va corrompre fes mœurs & fon goût ;
je me ferois attendu à toute autre expref-^
fion ; & en ce cas-là qu'eft-ce que l'Au-
teur entend par cette populace indigne £en
approcher ? Les plus indignes d'approcher
d'un lieu de corruption, font ceux qui
font les plus capables de porter fort loin
cette corruption ; ceux qvî font les plus
capables de fe difîinguer dans ce prétendu
Sanôuaire ; par exemple , ceux qui ont-
plus d'aptitude aux Sciences , plus de faga-
cité , plus dç génie ; car tous ces gens-là
en deviendront cl'autant plus mauvais ^
d'autant plus dangereux au refie de la fo^
ciété , felon les principes de l'Auteur ; à
moins qu'ici la vérité ne lui échappe malgré
lui , & qu'il ne rende aux ScieiaesThonv-
mage qu'il leur doit à tant d'égards. Cette '
dernière conjeâure eft très-vraifemblable.
Tandis qtiïl feroit à fouhaiter — que la
nature defiinoit à faire des difciples. Oh !
ma conieâure devient ici plus que vrai-^
femblable. L'Auteur reconnoît formelle-
ment la dignité U TexceUenccL des Sci^n^
ll6 RÉFUTATION
mm^K^
l
€^ i il n'y veut admettre que ceux qui y
font réellement propre^ , & il a raifon au
fpnd ; cet. abus dans les vocations eft réel
4ans les bons principes & dans les pria*
cipes ordinaires. Mai^ i^, le Citoyen de
Cenev^ ne raifonne pas conféquemment
à 6 thefe ; car puifque les Sciences font
)ernicieufe$ ^ux mœiurs^ plus ceux qui
fs ailtiveront feront fpirituels , fobtils ,
plus ils feront méchans & à craindre ; &
dans ce cas , pour le bien 4^ la iociété , les
ftupides feuis doivent être deftinés aux
Sciences, %?. Cet Auteur a oublié ici qu'il
enveloppe les Arts aufli bien que les
Sciences dans fon anathêmç , & que ce
f^ricateur d'étoffe eft un minidftre du luxe.
Qu'il aille donc labourer la terre. A quoi
bon les étoffes ? Vhommc de bien eft un
Athleu qui fc plaît à combattre à nud.jiovs
en reffemJ'ylerons mieux à la vertu dans
cette lîmplicité ; & pourquoi tout le reftç
4u corps ne fiipporteroit-il pas les inju*
res des ikifons , auffi bien que le vi&ge &
l^s mains ? Ce feroit le moyen d'avoir de^
guerriers capables de Supporter textes du trOf^
%ail & de réfifler \ la rigueur de^ Jaifons
fy diu» immpiries d^ Pair, j
«M
DU DmcoVrs. 217
Les yirulams , U^ Defcarus & les New'*
tons — tefpact imminfe qiiils ont parcouru.
' Premièrement , il n*eft point vrai que
les Verulams , les Defcartes , les Névtons
n'aient point eu de maîtres ; ces gr^ds
hommes en ont d^'abord eu comme tous les
autres , & ont commenc^ par apprendre
tout ce qii*on favoit de leuf tems. En fe*
cond lieu , de ce que des génies tranfcen-
dans , tels que ceux-ci, & tant d'autres
' que l'antiquité n'a point nommés , ont été
capables d'inventer les Sciences & les
Arts , l'Auteur veut que tous les hommes
apprénnemd'euxrmêmes , & fans maîtres ,
afin de rebuter ceux qui ne feront pds
tranicendans comme ces premiers ;* mais
ce qui eft poffible à des génies de. cette
trempe , ne Teft pas pour tout autre ; 8c
fi les Sciences forft bonnes , ces .grands
hommes ont très - bien mérité , de ia fch
^ciéfcé de lui avoir communiqué leurs lu-
mières, & ceux qui en éclairent les au-
tres hommes participent à cette a£K(^n; iÇî
' au contraire les Sciences font periiicieiT-
fes , ces hommes ne font pUis dignes dfe
l'admiration de l'Auteur/ Ce font des
■*monftres qu'il feUoit étouffer cfès'^les pr<^,
■ SuppU de la ColUc. Tome U - K^ •
irS RÉFUTATION
i^pi
miers efforts ,qu*ils 6ht faits pour fian^
' ch^r Vcjpaçç immcnfc quils ont parcounu
Or , ce dernier parti auroit mis le comble
à rçxtravagance Sc à la barbarie , $c TAu-
. teur a raîfon de regarder ces hommes di*-
vins comme les dignes Précepteurs du
genrer-humairi* On çft charmé de voir que
la vérité perce ici , comme à Tinfçu de
rOrateur;il eft fâcheux feulement ou'elle
ne foit point d*açcord avec le refte du
Difcours.
S* il faut permettre à quelques hommes — ♦
à la .gloire de tefprit humain. Les Scien*-
ces & les Arts font donc des momimens éle»
>é§ à lîi gloire de refprit humain ; l'Auteur
ne penfe donc plus qu'ils font l^ fource de
la dépravatipn dp nos mœurs ; car affuré-
ment il$ mériterolent , ^ns ce cas ,, d'être
^regardés comme le? monum^ns de fa honte,
Jk il$ n'arrachent d^ l'Auteur un aveu
tout oppofé que p^ce qu'ik fo^t le^s four-
]ces^e% lumière & de la droiture qui
faiilç parfeit Konnêjç homme if le vrai
^çitoyen.
Mffis Ji t!qn veut que -r- efj^cour^igtmau
Jipfit^ i(s ont befomp V6Ilà> ce isi^ femble »
r>u Discours.
21
veur des génies deflinés à perdre notrç in-
nocence , notre probitjé.
Vamefc proportionne — ChançelUrJ'An-
glcurr^. L'iloquence , félon l'Auteur , tire
ion origine dç Tanitition , dç la haine , de
la flatterie & du menfbnge, La Phyfiq le
d'une vaine curiofité, la Morale même dfe
TorgMeil humain , toutes les Sçiencçs &lés
Arts de nos vices. Voilà dé belles fourçes
pour àQS Confuls & dès Chancelier^ , ac-
tuellement les objets d^ Tadmiration de
l'Auteur ; ou Rome & l'Angleterre étoierit
là dans de bien mauvfiifes mains , ou les
principes de l'Orateur font bien étranges^.
Croit-on que fi tun n\ut occupé — Cart
de conduire Us Peuples efi plus difficile que
celui de le^ éclairer ; towit ciîtte page eft
de la plus ^raîide beauté , comme de te plus
^ exaâe vérité , & elle eft malheureufemeht
wne contradiôion perpétuelle du r^fte 4e
l'ouvrage.
Comme iil itoit plus aifè — les Peuples'
continueront (fêtn vils , corrompus & maU
h^reupc. Voiî^ donc l'Auteur revenu aux
vérités que nous avons établies dans nos
. premières remarques. Les lumières & la
; iâgeffe yoût jdpnc enfemjjlie ^ les favans ppÇ;
* K *
210 RÉFUTATION
fédent l'un & l'autre , puîfqu'il n'eft plus
queftion que de leur donner du pouvoir,
pour qu'ils entreprennent & raflent de
grandes chofes. Donc la fcience . ne dé-
grade pas les mœurs & le goût. Donc le
parti qu€ l'Orateur a pris n'eft pas jufte ,
ni fon Difcours folide.
Pour nous\ hommes vulgaires j -r- nous
Tt^avons pas befoin itn favoir davantage.
^ Les foins que coûte l'éducation des enfens ,
. ne prouvent que trop les peines & l'ap-
pareil , & j'ajoute les ftratagêmes qu'il 6ut
mettre en ufage pour inculquer aux hom-
' mes les principes de la morale , & for-
mér leurs mœiir^. Non pas que la théo-
rie de cette morale , de cette éducation
foit fi épineufe ; mais c'eft que la pratique
. en eft des plus pénibles , & qu'on échoue
' encore fouventlur certains carafteres, avec
tout l'art que ce fiede éclairé a ima^né
pour y réuflîr.
Tes principes ne font- ils pas gravés — .
dans le Jîlmce des pajjîons ? La fiippofition
^ du filence des paflions eft charmante ; mais
Gui leur impofera filence à ces pai&ons ?
iinon des lumières bien vives fiir leur per*
veifité , fiir leurs ftiitei fimeftçs , fur les
» 'iT
DU Discours. izi
moyens de les dompter , bu même de les.
éviter ^ en élevant Tame à des objets plus
dignes d'elle ; enfin en devenant Philofo-
phes & fayans.
yoiià la vérUàbU PhilùfophU 9 — que
tunfavoit bien dire ^ & ï" autre ^ bien foin* ^
Pourquoi feroit-il défendu de mériter ces
deux couronnes à la fois ?. Bien faire &
bien penfer font inféparables , & il rfeft,
pas difficile de bien dire à q. • penfe bien ;.
mais comme on n'agit pas {ans penfer ,
iàs^ réfléchir ^ l'art de bien penier doit,
précéder celui de bien feire,:. Celui qui af-
pire; donc à bien faire, > doit^^ pour être
phi j^ fur du fuccès 9 avoir Us. lumières &
la fageffe de fon côté , ce que la culture
des Saences j de la Philofophie peut feule
lui donner. « Si vous voulez , dit Cicé-
>f ron , vous former 'des règles d'une
>> vertu folide ; c'eft de l'étude de la Phi-
» lofophie que vous d^vez les attendre ,
>» ou il n'y a point d*art capaWe de vous
» les procurer. Or , ce feroit une erreur
» capitale , & un manque de réflexion , de
» dire qu'U n'y a point d'art pour acqué-
>» rir les talens les plus fublimes » les plus
^ eflentiels , pendant qu'il y en a pour les
K3
air RÉFUTATION, &-C.
>i plus fubalternes. Si donc il y a quel-
>> que fcience qui'enfeigne h vertu , oîi
if la chercherez-vous , finon dans la Phi-
» lofophie? >>
' Sivc ratio cànjtantia , virtuiifqut ducîtur:
ant haè ars efi {Phihfophia) aut nulla cm"
hin^ y ptr quant tas aff^quamur.HutUun Sr'
ctrt maximamm rtmm ariem tffe^ cùm mi-
nhnamm fint ant n^lla fit ; hominunt c^
pantm confideratï loqutntium y atquc in
maximis rtbus errantiiim. Si qtddem ejt
ai^'ua difciplifta virtutis , ubi ca qtutr^
tur^ càMal^hôc dijccndi gcnêh difitScriSi:
Cicero de OÊc Un. p» lo* de f^diu
de Gb^\r.
> <
ê
- <
A D DIT ION
RÉFUTATION PRÉCÉDENTE.
A Dijon ^ ce 1$ OSobrt 17^1.
Mo N SIEUR ,
J E viens de recevoir de Paris une Bro^
churt j où M* Roujfeau relique à une ré--
ponje faite à fon Difcours par la voie du
Mercure» Cette reponfe a pluReùrs chefs com^
miins avec nos Remarques , o* par conféqiunt
ia réplique nous intérejje. Notre Réfutation
du Difcours en deviendra complète ^ en y
joignant celle de cette réplique que je vous
envoie y &j^efpere qtielle arrivera encore ajfe[
à tems pour être placée a la fuite de nos
Remarques.
J*aî l'honneur 'd'être , &ç.
P. S. Fous ave:^^ trouvé fihgulîet quon
ait mis en queftion .', . Si k rétâbliflement
des Sciences &V(ies Arts a* contribué à
épurer les mœurs../. V Académie Ftafiçoifé
confirme authentiquement votre opinion^ Mon-'"
fieur , en propofant pour le fujet du prix
d éloquence de tannée 175 2 cette vérité à
K4
114 Addition^ &c.
éiahlir.... L'-atnour àe^ Belles-Lettirs înfbire
l*amour de la venu... Ce^ U droit & U
dtvoir des CoKTS fouver^aes y Monjîiur, Je
Ttdrcjfer Us dictons haj'ardits par Us autrts
Jurifdiclions. M. Roujfeau a Jeatl totut la
force detaûlorité de et Programma pitilU par
la première académie du monde -, en fiût
de Belles-Lettres ; il a tâché de t affaiblir, ea
difant que cette fâge Con^pagnie a doublé
dans cette occafion le tems qu'elle accordoit
ci-devant aux Auteurs .
Aijets les plus djfiiciles^.
tanct ^infirme en rien Uj
iunalfupréme porte contre
de. Genève ; elle peut fei
^ue ce Jiijet exige heauco ^
ZeSurt, & par conféqucnt de tems; ce qui ef
vrai. D'ailleurs , cette Cige Compagme JlîuV
tufa^e de toutes Us Académies ^ ^uaitd elU
propoft en 1751 le fuj et, des prix- qt^ elle doit
donneren ly^t. lien tfi même plufieurs qui
mettent deux ans, itintervalU entre ta publi'
eation du Programme & la difiribuiiou du
fHxt
RÉFUTATION
Dis Obfcf valions de M. J* J. Roî{Jfca^ de ,
. Genève y fur une Réponfe qui^a ^téfaitç ■
à ion Dîfcours dans k Mercure de Sep- .
tembre 1751. (^ ) ^
JV O u s fommes d'accord avec Pîlluftfe
Auteur de /ia Réftitàtion inférée au Mer-
cure y en ce que nous avons trouvé comme *
lui • • . • I. Que M. Rouffeau , favant ,
éloquent ^ & hom'me dé bien tout à la
fois , fait un contrafte fingulief avec k *
-ckoyen de Genève i Poiratéur de Tigno-
i^nce , l'ennemi des Sciences & «dès Arts ^
3u'il regarde comme iine fource tonflahte
e la corruption -des moeurs. -^
a. Comme k refpeôabk anonyme, npui ,
avons penfé que k Difcoùrs , couronna, i
par r Académie, de Dijon eft un tiffu de •
contradiôipns qui décèlent, malgr^'Tçu> '
Auteur , la yér|té qu,'îl s'efforce eniVaîa
de trahir-' *•*"".'. ; -'*"^''" •
\. Comme le Prince phîlofôplie , auffi
piuiTant à protéger les Lett^-es qu'à défen» .
ttt« Ton (rouv«ra ci-après* * «x • 4c
Kl
aid ',. ÎRÉ PUT A T ION
I
dfe leur caufe (*) ; nous avons dit que
rOrateur Genevois avoit prononcé un
anadiême trop général contre les Sciences
& Tes Arts , & cju'il confondoit quelques
abus qu'on en fait , avec leurs effets natu-
rels ÔC'leurs ufàges légitimes.
L
r . An premier article , M. Roufliràu répond;
qvi'il a étudié les Belles - Lettres , (ans les
connoître ; que dès qu'il s'eft appcrçu du
troubfe ^i^clUsjiUoiem dans fou amcy il Us
a abandonnées. ^
. Comment cet Auteur ne fent- il point
qu'on va lui répliquer que ce n'eft point
les ayoir abandonnées 9 ou au moins Ta-
( ^ ) , Voifii comme r Auteur anonyme de la réponlè. am
Secours da Citoyen de Geoeve le trouve défî^né tfans le
>I«rciire de Septembre, p. 62. ^ Nous Ibmmes mch€s, quMl
„ «e nous &it pas permis de nomifier TAuteor 4e INmvrafe
», fui^aat. Anffi capable d*^lairer que de getutemer lespe»^
9, ptei , & àu(fi attentif à leur procurer Tabondance des
„ hïmi n^CéfTatres i laf rie , qur les lumières ft les con-
,, noiâknces qui forment à la vertu, il a voul» ^rendit t»
,, ^naia la d:é&nfe' des.Sciencct , dont il éoaoott le prix, les
„ gran^ Itabliflêméns qu'il vient de faire en lei^ fiavevr
„ Soient déjà co>mnlke une réponfe fens ^épli^ne aii Difcours
y, du Citoyen de ^eoeye^ à qui il a'a.]uis tenu de «légradet
„ tous. les BeauX'Ârts. PuiiTeia l«f V^sm^^ vt«ii;, îwm
M in pareil exemple I &ç. M
,■11 I t .i.»i m wp
D E S O BS ER V A T I O N S. llj
voir fait bien tard , que dç les ^voir por-
tées au degré où :il y eft parvenu , que^
c'eft même les cultiver /plus que jamaisr
3ue de fe produire fur le .théâtre des Aca-
émies pour y difputer , y remporter les^
prix qu'elles propofent. Le perfonnage que
jfoue M jRoufleau dans û. réplique j» n eil
donc pas^plus férieiix q^^e çf lui gu'jl affeôc;
dans fon Difcours. ^^ *
Je me fers , dit-il, des BeUes-jLettres
pour cpmb^ttre leur culture , comme les
Saints Per^ss fe feryoient des Sciences mori'^
daines contre Us Payensi'Jiquelqu un , ajoii-
te-t-il , yenoit pour inetmr\ & iue feujfe U
bonh^u^ demejaijîr de fon arme^meferoii-il
défendu ^ aya^t que.de .lajeuçr,^ de ni en
fervir pour le chaffer'd^ che[ moi?
Les Pères de llkglife -fe font fervis utile-
ment des Sciences mondaines pour . com-
battre, les Payens^ Donc ces Sciences font
bonnes , & ce n eit p(>int elles ^e ces dé-
feijfeurs dé la ReCgioç méprifoiçnt , bîâ-^
moient ; car ils n'auroient ni voulu s'en
•^ -A .. • ,./C'r •
feryir , ni piv le faire fi utilement : mai?
c'eft le mauvais uiage. qu'en feifoient ces
Phijiofophes profanes qu'ils reprengie^t
av-ec raifon. . • ,,,.,' • ;• ^ , *- >
ax8 RjÉFUTATlON
^ I ■ ' ■ ■ ' ■
Céft une très-belle a£Kon que de dé&r*
mer fon ennemi ^ & de le chafTer avec fes
propres armes : mais M. Rotifleau n'eft
nullement dans ce cas-là ; il n'a. défarmé
perfonne ; les armes dont il fe fert font
bien i lui : il les a acqiiifes par fes travaux ^
par fes veilles; il femble par leur choix
êc leur éclat , xfc^ilî les ait reçues de Mi-
nerve même ^ & par une ingratitude manî-
fefté y il s*en fert pour outrager cette dîvi-
nitéi)ieniaîârice ; il s'en fert pour anéantir ,
autant qull eft en lui > ce qu'il v a de plus
refpeâaWe^de plus utile, de plus aimable
parmi les hommes qui penfent ; h Philo-
ibphie , Tétude de la iageife , Tamoùr &
la culture des Sciences & des Arts ;* iï n'y
a donc point de yu&efk dans ^application
des exemples que M. Rouflea^^ cite en fa
fevcur, & il eft toujours fingulier que
l'homme Êivant, éloquent, qui a confervé
toute fa probité i toutes iès vertus , à la
teconnoiffance près , en acquérant ces
talens, les employé à s'efiorcer dç prouver
qu'ils dépravent les mœurs des autres.
J'ajoute qu'il y a un contrafte fi nécet-
^dre entre la caufe foutenue par M. Rouf-
ieau I U Içj moyens qu'il employé pouiç
DES Observations. 21.9
la défendre , qu^en la gagnant même , par'
fûppofition j il la perdroit encore ; car
dans oçtte hypothefe , & félon fes princi-
pes,' foh éloquence , fon favoir , en nous
fn}>)uguant ^ nous conduiroient à la vertu ,
nous ' rendroiéttt meîIIeuï^V ^P^^ consé-
quent d«iiôritreroîent, contre fôn ^ Auteur
même , 'c|ue tous cestdens font de Ja plus
grande Utilité» '^ ^*
'I t • • , •
Que les côntradiftîons foîc^t trèsrfré-
quente^ dans 4e I)ifcoûrs du Citoyen" dé
Genève , ori Vient de s'en convaincre par?
latleftiure de mes retiia^rquei. M. Roiifl^eair
prétend queces^côntradiôions ne font
qu'apparentes ; que s'il loue les Sciences
en piufieiu'S ei^oits y il le feit fincérement
Se de bon coeur, parce du'alors il les cpuf
fidëre en elles-mêmes , iPles regardé cohimc'
une e(pete dé pârtiéit)at}ôn à Xz ftiprùni
intelligence ^ & par conféquent çoniine
excellentes ; tandis que dans tout lê'refe
de fon Difcoursil traite des Sciences; rela*
tivemènt au'génie, à la capiacitë de ITiomme;
celm-ciétanttrop hQxnépouryJairedegnmds
progrès ^ trop fajffîonnéjftmrn^wpas'fam um
130 RéfVT*'''^ **/">
mauvais ufage; il doit , pour fon Iweii &
celui des autres , s'en abftenir v.el^^s ne
fontpoint proportionnées à fa nature , elles
ne font point f^tes poiu lui, (*) , il doit
Us éviter toutes con
Comment 1, Les î
feroientyj£)io£_^«i pi
feàu y a-t-^1 bien j
"" oublie les prodiges ■
fur l'homme même
' le vrai , le rétabliflemenl des Sciences &
des Arts a feît fonir Chompu , tn gueiqut
manière f du néant,; îl idijlipt Us ténèbres
dans lefquelles ^a naturt ^ajioit enveloppé,,^
il l'a éUvé au-deffus de l^-^n^aïf ^il L'a porté
par lejpr'u jujques dan^je^^fglons cêlejles \
• & ce qui ejî plus grand o-plus difficile^ il l'a
£lit rentrer tn foi-même^ pour y étudier,
rkommCf & confloUrt-fa nature, jf s dtyoip,.
Çrfafin. Zi'£w-cy«; continue çAJtfeQifttauri
etoit retombée dans ia iarbarff^ /U^.jfrefniers
âges, ' Les peuples di( cfiu partie du monde
aujourtthuijî éclairée y vivaient, îLya-quelr-
. (*) les chiffres nlnfi apoQilIfs itUsiuMt Ici pagti de*
Ob&nations de M. Rouflêaii en rCplique A la rfpnnic ia(ï-
rfe >u Mcicure de Sepumbrc: les cltilTMi Gmpln bM M
DES ObSERVATIOî^S. 13 1,
qiusJùcUs , dans un état pire que C ignorant
ce... Il falloh une révolution pour ramener
les hommes aufens commun. Le Citoyen de
Genève exhorte les Roîs à appeUer les
favans à leurs confeïls; il regarde comme,
compagnes les lumières & U fageffe^ & les
favans comme propres à enfeiffier la der>
niere aux peuples. Les lumières, les Scien-
ces , ce^ étincelles de la Divinité , font ;
donc faites pour l'homme \ & le fruit qu'ils
en retirent , eft la vertu.
Eh ! pourquoi ex.
fagefle fuprême ne. ci
l'homme r Pourquo
nuifible? Avons-ncu
plus grand, plus fubl
Pouvons-nous nous é]
tant que nous nous
fcience de la religipr
celle de la nature , ■
quer celleTci aux befc
tes de la yîe ? Trpii
lances déftlnées à l'homme parfon Auteur^
même. Commeat donc ofer dire qu'elles
ne font pas feites pour lui , quand l'Auteur
de toutes chofes a décidé le contraire î //
a fifpTÏt trop ^vtfié pour jf foire de grands^
^3
RÉPUTATION
progrès ; ce qu'il y en fera , fera toujours
autant d'eifecé de fes imperfeâions , autant
d'avancé dans le chemin glorieux que lui
trace fon Créateur* // a trop de paffions
dans h cœur pour n^ en pas faire un mauvais
ufage. Plus rhomme a de paffions , plus la
feience de la Morale & de la Philofophie
lui eft néceffaire pour les dompter ; plus
il doit auffi s'amufer , s'en dîftraire par l'étu-
de & l'exercice des Sciences & des Arts.
Plus l'homme a de paffions , plus il a de
ce feu qm le rend propre à fiiire les décou-
vertes les plus grandes , les plus utiles ; plus
il à de ce feu , principe du grand homme,
du héros , qui le Tend propre aux vaftes
entreprifes , aux àftions les plus fublimes.
Donc plus les hommes ont de paffions ,
plus il eft néceffaire , avantageux pour les
autres , & pour eux-mêmes qu'ils cultivent
les Sciences & les Arts,;
* Mais plus il a de paffions, plus il eft
expofé à abufer de fes tàlens , ' replicpiera
l'àdverfeire.
Plus il aura de fav oîr , moinsil en abufera.
Les grandes lumières montrent trop claire-
ment les erreurs , les abus j leurs principes ,
jh hciite attachée- à'tous ks trayers, poiu-
9S
DES Observations, ajj
Il I r^ , Il ' . r " Il
^iie le favant qui les voit fi diftinôêment
ofe s'y livrer. Monfieur Roufleau dans fes
Obferyations convient que les vrais favans'
n'abufçnt point des Sciences ; puifque , de
fon aveu , elles font fans danger quand on
les pofféde vraiment , & qu'il ri^y a que
Ceux qui ne les poffédent pas bien , qui en
abufent , on ne fatiroit xlonc les cultiver
avec trop d*ardeur ; & ce n'eft pas la culture
des Sciences .qui eft à craindre , félon M.
Rouflbau même y mais au contraire le défaut
de cette culture, la culture imparfaite , Ta-
ius de cette culturiî. Voilà où fe réduit la'
défenfe dé cet Auteur lorfqu'bn Panalyfe ,*
& Pbn voit que la diôinôion imaginée pour'
iauvÊr les contradiûions- de fon Difcours^
eô frivole y & que ni cette Pièce , ni les
Obfervations oui viennent à Tappui, ne
ddhnent point la moindf e atteinte à Tutilité \
fi généralement reconnue des Sciences &C '
des' Arts, tant pour nous ^ procurer hos'
befoins , nos commodités y que pour nous '
rendre plus gens de bien.
m.
Le Otoyen de Genève exdut dé fe^
ibciété toutes les Sciences > tous les Arts^'i
«»
a34 RÉFUTATION
t^ns exception ; il regarde Tignorance la
plus complète comme le plus grand bien
4e Thomme , comme le leul afyle de la
Srobité & de la vertu ; & en conféquencé
oppofe à notre fiede poli par les Scien-
ces & les Arts , les mœurs 4^s Sauyages
de rAmërique , les mœurs des peuples
livrés à la feule nature , au feul inftirft. M.'
RoufTeau dans fes Obfervations déclare
qu'il n'a garde de tomber dans ce dé&ut ;
Qu'il admet la théologie » la morale, là
içlence du ialut enfin ; mais il n'admet que
celles-là , porr^ unum cfi ntujfarium , & il
regarde toutes les autres Sciences 9 tous 1^
alitres Arts, comme inutiles, comme per-
nicieux au genre-humaii^, non pas en eux-
mêmes ) maïs par l'abus qu'on en fait , &
parce qu'on en ahufc toujours, 11 paroît.
dans fon difcours , qrfil met le luxe au
nombre de ces abus : ici, c'eftau contraire
le luxç qui enfante les Aits , & la prcmurc
fourct du mal iJÉt inégalité des conditions ,
la diftinôiôii de pauvre & de ricke»^
5. 1. Je me garderai bien d'établir férieu-
fement I9 néceffifé àe^ cette inégalité des
cpnditiQn^^ , qui çfl; Je lieA le plus fqrt ^ 4e
plu$ effentiel qe la foclété. Cette vérité tri-
■^r^
viale faute aux yeiix dû Lefteur le moins
ijjtelligeht. Je fuis feulement fâché dé voir
ici comme dans le difcours du Citoyen de
Genève , qu'un Orateur de la volée de M.
Roufleau , ofe porter au fanfti^ire des
Académies , des paradoxes aue Molière &
Delifle ont eu la prudence oe ne produire
que par la bouche du Mifanthropc écd'jirle*
quin fauvage^ & comme des travers où
des iingularités propres à nous faire rire«
Revenons au férieux.que mérite le fiijét
qqi nous occupe.
L'excej^on quç Eut ici Mojûiîenr.Rotif-
fcau en, ^veur de la théologie , de la
morale. Sec, eft déjà une demi-rétraâation'
de fa part; car lafciepce de la théologie ^
celles de la morale & du iklut y font des;
plus fublimç^ , des pkis étendues ; elles >
font . incopn^içs aux Sauvages, & l'on ne:
s'ayi^pr?i,, j^m^is 4ç regarder comm^ un;
ignorant ce|ui <p^ j;n iefa par^itiemQnt :
inflruit. L§s Atlwnafes , l^s Chiyfoftônjes ,
lés Auffuftins font encore Tadmiration de
notre uecle p^r ce feul endroit. Nous
venons de vqir;, il n'y a qu'un moi^ent ,
que M. Rouileau attribue au f enouyeUe» j
ment ; des Scie/ices 6e des A|t$la fçiçQ^j
»j6 RÉFUTATION
de la morale ; car celle-ci efl Part de rtmnr
m foh-mémc pour y étudier t homme & cen^
noîtrc fa ndttm , fes devoirs & fa fin ; mer^
veilles qui y de fon ?LYÇViyfefont renouvtlUes
avec Us Sciences. Or , cette partie des Arts
étant efTentieUe à tous les hommes , il en
refaite que notre Orateur fera forcé dV
Youer que le rétabliiTement des Sciences a
procuré à toute la race humaine , cette
utilité fi importante qu'il s'efforce ici de
riendre.indépend^dtr 9 & uès-féparée de ce$
Sciences , incompatible même avec elles.
- Quant à ta icienae du âlut prife dans
fon fenSf le plus étendu , dans ceux qui
font dêftlnés à fenfeignef aux autres , à'
la défendre , & telle que la poffédoient
les grands hommes que )e viens de citer,
dignes modèles po^u• ceux de notre fiede ;
tout le monde fait qu^eDe fuppofe la con-
noifTai^e des langues favantes , celle de
là Philofophje, celle de PEloqueiice, cette
enfin de toutes les fciences humaines ,
puifque ce font des hommes qu'il eô quef-
tion de fàuver, & que l'art de leur incul-
quer les vérités neceffaîres à ce iliblime
projet, doit employer tous les moyens
donmis d'affi^êr leurs fens & de convaiiH
cre teiu* raifon.
DES Observations. 237
Sont-ce des favans , dit M. Rouffeau.,
;[ue Jéfus-Chrift a choifis pour répandre
a doârine dans Tvinivers ? Ne font -ce
pas des pêcheurs 5 des artifàns ^ des ignor
rans?
Les Apôtres étolent réellement des igno-
rans 5 quand Dieu les a choifîs pour mi^^
fioonaires de ia Loi , & il Içs a choifis
tels exprès poiu- faire éclater davantage
ÛL puid^uu:e } mais quand ils ont annonce »
prêché cette doârine du falut, peut -on
dire qu'ils étoient des ignorans ? Ne font-
ils pas au contraire i^n exemple authen-
tique 9 par lequel Dieu déclare à l'uni-
vers que la fcience du fàlut fuppofe les
connoii&nces , même les connoiifances
humaines les plus univerfelles 9 les plus
profondes ? L'Etre fuprême veut faire d'un
artîÊui f d'un pêcheur 9 un chrétien , un
feâateiu- & un prédicateur de l'Evan-
gile ; voilà que 1 Efprit Saint anime cet
artUàn » & le p-ansforme en un homme
extraordinaire 9 cpii parle d'abord les lan-
gues connues 9 &i qui par la force de fon
éloquence 9 convertit dans un feul fermon
> trois mille am^s. On fait ce que fuppofe
une éloquence fi.per(\i«6ve ^ û viftoneu^t
X38 RÉFUTATION
au milieu (Tun peuple endurci au po'mt
tfêtre encore aujourd'hui dans les ténè-
bres à cet égard; Téloquence de nos jours,
ne ^mérite vraiment ce nom qu'autant
qu'elle raffemble Tordre & la /olidîté du
Géomètre , avec la jufteffe & là liaifon
exaâe des argumehs du Logicien , &
qu'elle les couvre de fleurs; qu'autant
qu'elle remplit cet excellent canevas de
nxatériaux bien affortis , pris dans lliif-
toire dçs liommes , dans cell$ dej Scien-
ces 9 dans ceUe des Arts , donc les détails
^ les plus circonft^ciés deviennent nécef-
^ faites à un Orateiu-. Qui a jamais douté
<^ue l'art oratoire fôt celui de tous qui
Hippofe, cpii exige les plus vaftes coa*
• noiffances ? Et qui croira que l'éloquence
fortie des mains de Dieu , & donnée aux
* Apôtres pour la plus grande , la plus né-
~ ceflaire de toutes les expéditions 9 ait été
•inférieure à celle de nos Rhéteurs ; h
gracè , & les prodiges J dUra^-t-on , oat
%^ ^luppléé à l'éloquence.* |ja grâce & les pro-
diges Ont , fans doute , la principale part
' à un ouvrage que jamais la feule élo-
quence humaine n'eut été capable d'exé^
t (uter i mm il n'eft pas moini^'.conilaDt|
PIS Observations. 139
H^"^"""»^
par l'Ecriture , que les iaints Miflionnaîres
ce TEvangile animés de Tefprit de' Dieu
poffédoient cette éloquence divine , fu-
périeure à toute faculté humaine , digne
' enfin de Teiprit qiii eft la fourcé de toutçjs
les lumières. Toutes les nations étoient
frappées d'étonnement (*) de voir & à^en^
tendre dç fimples artifans Ifraëlites , non-
feulement parler toutes les langues , mais
encore ppfléder tout-à-çoup la fcience de
l'Ecriture fainte , TçxpUquer $c l'appliquer
d'une façon frappante au fujet de leur
million , difcourir çnfîn avec le favoir ,
* le feu & Tenthoufiafme des Prophètes (**),
En^ppofaht donc qu'il fïft eiaôemeht
vrai que |a fcience du falut fût l'unique
qui dût nous occupçr , on voit que cette
iciençe renferme , exige toutes les autres
connoiffanoes humaines. Les favans Pères
dé PEglife nous en ont donné l'exeniple,
■& feint' Auguftih nous dit exprefTément ,
ifi^iB fcroît honteux & dt dangcnuft confia
^îuncc , quun Chrétiçn , fç croyant fondé Jïir
T^azttorité des^faintes Ecritures y raifonndt fi
n . I I 1 1 i I ■ Il ■ I I
(f) Stupçbant autem omnes & i|i!rabantur.
Ç** ) Effundàm cle (piritu meb Tuper omnem carne0i|. ff
Z40 REFUTATION
phoyabUme^t fur les- chofis naùttUlu y quil
en fut txpofé à U (Urifion 6* a^ mépris des
M^dcUes ( * ).
Mais quoique la fcience du ialut ibit h
première 9 la plus eiTentielle de toutes »
les plus rigoureux caTuiftes conviendroitt
SuMle n'eu pas Tunique nécef&ire. Et qi|e
. eriendroit la fcfciété ? que deviendroit
. même chaque homme en particulier y fi
tout le monde fe faifoit chartreux , her-
mite ? Que deviendroit le petit nombre
qu'il y a aujourd'hui de ces foliaires uni-
quement occupés de leur fàlut, ii d'autres
. nommes ne travailloient à les loger , à les
meubler ^ à les nourrir , à les guérir de
. leurs maladies h C'efl donc pour eux ,
comme pour nous , que travaillent les la*
boureurs , les architeôes , les menuifiers,
, femiriers » &c» Ceft donc pour eux ,
^ comme ppur naus , que les mamiÊiâiures
d'étoffes, de verres, d^ fayance, s'éle-
!vent & produifent . leurs ouvrages ^ que
- - - — - —
<«) Tiirpe eft iiutem 8c nimis perniciofbm, ac maxime
' careiidoni , ut Chriftianum 4e his rébus ( Phyflcis ) quafi
(écuadum chriftianas litteiss loquentem » ita delirare qui*
libet iiifidelis audiat , ut ( quemadmodum dicitur , ) tôt*
^œlo errarc confpicîens rifum tenere tîx poffit* X># anus*
i
DES Observations. 241
les mines de fer, de cuivie , (Pétain , d'oi^
& d'argent , {ont fouillées &c exploitées^
G'eft donc pour eux , comme pour nous 9
2tte le pêcheur jette (es filets ; que le cai-
nier s inftruit de Tart d'apprê^r les.aii-
mens ; que le navigateur va dans les diffé-
rentes parties de la terre chercher le poi^
yre, le clou de gerofle , la cafle , la manne^
la rhubarbe , le quinquina. Mous m^mque^
rions donc tous des chofes les plus nécef^
ûdres à la vie , & à ia- cohfervadon , it
nous n'étions uniquement occupés que de
Ta&îre de notre ^ut , & nous retombe^
rions dans un état pire que celui des pre*^
miers hommes , des Sauvages ; dmisun état
pin ççxe cette barbarie que le Citoyen 4^
Genève trouve déjà pirt que f ignorance.
Le peuple heureux eft celui qui rcffcm*-
ble à la république des fourmis ^ dont tous
les fujets laborieux s'empreflent ^lement^
à &îre le bien commun de la ibciété.^ Le
travail eft. ami de la vertu , & le peuple ej
plus laborieux dpijt âtrç te moins vicieur».
l^ plus vafte 9 le plus noble , le plus utile'
des travaux , le plus digne d'un grand Etat»
eft le commerce de mer qui nous débar-
tafte de notre iuperflu . &c n^ l'échange
• \
14% RÉFUTÂT lOl^
pour du néceflaîre ; qui ncnis met à même
de ce que tous les peuples du monde ont
de beau 9 de bon , d'excellent ; qui nous
inftruit de leurs vices & de leurs ridicules
pour les éviter , dç leurs vertus & de leurs
&ges coutumes pour les adopter : les Scieti-
ces mêmes &c les Arts doivent les plus
grandes découvertes à la navigation ^ qui
feur rend avec ufure cç> qu'elle en em^
prunté. Dans la guerre » comme dans la
paix, la marine eil uti des plus grands
refforts de la puiflance d'im peuple. Ses
dépenfes font imme^nfes ^ mais elles ne for-
tenr point de l'Etat , elles y rentrent dans
la circulation générale ; elles n'apporfepnt
donc aucune din^intmon réelle dans (es
finances. Que nos voifins Tentent bien tou-
tes ces vérités ^ & qu'ils fàvent en faire
un bon ufage ! France , fi avàntageufement
fituée pour j ccmmumqiier avec toutes les
mers , avec toutes ies. parties du monde ,
cet objet'iefl dijgçe de tes regar<b. Fais des
conquêtes fior.lJeptime y par ton habileté
à dompter féS; caprices ; elles te refteront^
ainfi que les fbmmes immenft^s dont tes
armées nombrèuiès enrichirent fouvent les
peuples étrangers ^ ^elquefois tespifopies
cnnemisa . t; .. '^ ' ' *i. ^
DES Observations, 145
Je fais bien , dit M. Roufleau , que la
politique d'un Etat , que les commodités ^
(il n*a ofé ajouter) & les befoins de la
vie , demandent la culture des Sciences &
des Arts , mais je foutiens qu'en même
tems ils nous rendent malhonnêtes gens.
Nous, avons amplement prouvé le con-
traire dans le cours de cette Réfiitation :
nous ajouterons ici que loin que la pro*
bité , l'affaire du falut aient de Tincom-
patibilité avec la culture des Sciences , des
Arts , du commerce , avec une ardeur poiir
le travail répandue fur tous les fiijetsr
d'un Etat ; je penfe au contraire , que Thon*
nête homme , le chrétien eft obligé de fe
livrer à tous ces talens.
Peut-on Étire fon falut fans remplir tous
{es devoirs ? Et les devoirs de Thomme
en fociété fe bornent-ils à la méditation , à
la leâure des livres faints, & à quelques
exercices de piété ? Un boulanger qui paA
feroit la journée en prières , & me laiflie*
roît manquer de pain , feroit-il bien fou
falut? Un chirurgien qui iroit entendre
un fermon , plutôt guc de me remettre
une jambe caflëe , feroit- il une aâion
bien méritoire devant Dieu ? Les devoîrst
L 2
\
244 RÉFUTATION
de notre état font donc partie de ceux qui
font effentiels à Tàfeire de notre falut , &
la néceflité de tous r s états eft démons
trée par les befoins pour lefquels ils ont
été inventés.
Je conviendrai de la néceflité & de
Texcellence de tous ces Arts utiles , dira
M. Roufleau , mais à quoi bon les Bel--
les-Lettres } à quoi bon la Philofophie ,
qu'à flatter , qu'à fomenter l'orgueil des
hommes ?
Dès que vous admettez la néceflité des
manufeâures de toutes efpeces ^ pour nos
vêtemens , nos logemens , nos amcublc-
mens; dès que vous recevez les Arts qui
travaillent les métaux , les minéraux , las
végétaux néceflaires à mille & mille be-»
foins ; ceux qui s'occupent du foin de
conferver , de réparer notre fanté , vous
ne fauriez plus vous pafler de la Mécani*
que , de la Chimie , dé la Phyfique qui
renferment les principes de tous ces Arts ,
qui les enfantent , les dirigent & les enri*
chiflent chaque jour; dès que vous con.
venez de la néceflité de la navigation , il
vous faut des Géographes , des Géomètres ,
f)es Aflrpnomes. Eh ! comment pourrezp
m ■ ' I
DES Observations. 145
r I .1 " ■
VOUS dîfconvenir de la néccffité de tous ces
Arts , de toutes ces Sciences , de leur liai-
fon naturelle , & de la force réciproque
qu'ils fe prêtent ? Dès que vous vouiez
bien que les hommes vivent en fociété , &
qu'ils fuivent des loix , il vous faut des
Oratexu's qui leur annoncent & leur pen-
iliadent cette loi ; des Poètes moraux mê-
me , qui ajoutent à la perfuafion de Télo-
ouence les charmes de Tharmonie plus puii«
iante encore.
$. IL Nous avons défendu la nécef&té ,
l'utilité de toutes les Sciences frondées par
lé ^Citoyen de Genève , réprouvées avec
Guelques exceptions par les obiërvations
Je M. Roufieau. Examinons maintenant
rabus qu'il prétend qu'on en fait.
Nous convenons qu'on abufe quelque-
fois des Sciences. M. Rouflfeau ajoute
quon en abufe beaucoup y &C même qu^on en
abufc toujours.
Il fufKroit de s'appercevoîr que M. Rouf^
feau efl réduit , dans fa juflifîcation , à fou-
tenir que les Sciences font toujours du
mal , qu'on en abufe toujours , pour fen-
tir combien fa caufe efl défefperée. Vis-
à-vis de tout autre j la feule citation de
246 .RÉFUrTATION
t— — — i— i— <fc— — «■ ■ II" ■ ■ ■ ■■ ■ 1 — —^»
cette propofition en feroit la réfotation ;
mais les talens de M. Rouffeaii donnent de
la vraifemblance & du crédit à ce qui en eft
le moins iiifceptible , & il mérite qu'on lui
marque {es égards , en étayant de preuves
les vérités mêmes qui n'en ont pas befbin^
Un abus confiant & général des Scien-
ces doit fe démontrer ; i®. par le feit ; x\
par la nature même des Sciences confédé-
rées en elles-mêmes, ou prifès relative*
ment à notre génie , à nos talens 5 à nos
mœurs. Or, l'Auteur convient que les
Sciences font excellentes en elles-mêmes ,
êc nous avons prouvé , art. II , que relati-
vement à nous-mêmes, elles n'ont rien
d*incompatible avec les bonnes mœurs ,
qu'elles tendent au contraire à nous rendre
meilleurs : il ne nous refte donc qu'à exa*
miner la queflion de fait.
Pour démontrer que les Sciences & les
Arts dépravent les mœurs, ce n'efl pas afTez
Sue de nous citer des mœurs dépravées
ans un fiecle favant ; ce ne feroit même
pas afTez que de nous citer des favans fans
probité ; il faut prouver que c'efl de la
Science même que vient la dépravation ,
& j'ofe avancer qu'on ne le fera jamaisr
DES ObSEEYATIONS. 247
I®. Parce que la plupart des exemples
^ de difiblution des mœurs qu'on peut citer),
n'ont aucune Uaifon avec les Sciences &
4es. Arts, quelque familiers qu'ils aient été
<lans les ûecles , ou aux perfonnes , objets
-de ces citations. i°. Parce aue ceux.mê»-
mes qui ont abufé de choies au£i excet
lentes , n'ont eu ce malheur que par la
dépravation qu'ils avoient dans le cœur,
4>ien aVant qu'ils fiffent fervir leurs talens
^acquis à la maiiifefter au dehors.
- Quoî-de pUis méchant & de plus éclairé
tout à la tois que Néron ? Quel fiede
plus poli que le fien ? Ce doit être ici ou
jamais , le triomphe de l'induftion du Ci-
toyen de Genève. Mais quoi ! ofera-t-il
dire que c'eft aux lumières , aux talens de
Néron , ou de fon fieele , que font dues tour-
tes les horreurs dont ce monftre a épou-
vanté les Romains ? Qu'il nous faffe donc
remarquer quelques traits de ces rares ta*
lens , dans l'art de faire égorger fes amis ,
fon précepteur , fa mère : qu'il nous faflè
donc appercevoir quelque liaiibn entre
cette barbarie qui éteignit en lui tous les
ièntimens de la nature , de l'humanité , de
la reconnoiflance , &c ces lumières fubU*
L4
048 • RÉFUTATION
mes & préçi^ufes qu'il tenoît des leçons
du Philofopfaé le plus fpirituel , & le plus
hcmme de bien de fon iiecle. il eft trop
évident que Néron , dans fes beaux jours 9
efi un jeune tigre que Téducation^ les
•Sciences, & les Beaux^Arts tiennent en-
chaîné > & apprivoifent en quelque Tc^rte^
Eiaîsque fa férocité trop naturelle, n'étant
qu'à demi éteinte par tant de fecours , fc
mlume avec l'âge , les pafliow & le pour-
voir abfblu } le tigre rompt ia chaîne , &
libre alors .comme dans ks forêts, il fe li-
vre au cstinage pour lequel la nature l'a
formé. Néron tyran & cruel eft donc le
feul ouvrage d'une nature barbare & in-
domptable ^ & non celui des Sciences &C
des Arts , qui n'ont fait que retarder ,
& peut-être même diminuer les ftmeftes
ravages de fà férooté* Ce que je dis ici de
Néron eft général, Pom: être méchant , il
n'y a qu'à laiffer agir la nature , iiiivre
ks inftinâs : pour être bon ^ bienfaifant ,
vertueux ^il faut fe replier fur foi-même ; il
iàut penfer , réfléchir ; & c'eft ce que nous
font faire les Sciences & les Beaux- Arts*
Que ceux qui ont abufé réellement des
Sciences & des Art$ ne l'aient fait que
DES Observations, 249
par une dépravation qu'Us tenoient déjà de
la nature , & qui ne vient point du tout de
cette culture; c*eft ce qui eft évident à
quiconque fait attention au but des Scien-
ces & des Arts qu'on nous permettra de
rappeller ici. Le premier de tous, objet de
la Icience , de la religion & des mœurs ,
eft <le régler les mouvemens du cœur à'
regard de Dieu &c du prochain : le fé-
cond , qui efl l'objet de la fcience de la
nature , eft de donner à l'efprit la jufteffe
& la fagacité néceflaires dans les recher-
ches & les raifonnemens qu'exige cette
fcience , qui en elle-même eft l'étude des
ouvrages du Créateur ,. & nous^ repré-
fente lans ceffe fa grandeur ,& piiiffance ,
fa fagefle ; en hiême tems qu'elle nous ol^
fre les fonds oîi nous puifons de quoi
pourvoir à nos néceflités. Enfin , le troi-
ûeme but , objet particulier des Ans , eft
de réduire en pratique la théorie précé-
dente , & de travailler à nous procurer
lés befoins & les commodités de la vie.
Comment prouvera -t- on que des ta-
lens faits pour former le cœur âu bien,^
à la- verni , diriger l'efprit à la vérité , &5
exercer les forces du corps à deîs 'travau:^
L 5
2^0 RÉFUTATION^
»i II III ———1 II II ■■———>
néce^ires & utiles , fàfTent tout le con*
traire de leur deftination ? Sans une na-
ture dépravée à Texcès , comment abuièr
de moyens fi précieux & &its exprès
^our nous conduire à des fins fi louables ?
\t n*eft-il pas vifible que c*eft cette dépra-
vation antécédente ^ & non ces moyens »
qui font les caufes de ces abus quand ils
arrivent î Qu*enfin , ce ne font pas les
Sciences & les Arts qui ont dépravé les
mœurs de ces malheureux^ mais au con-
traire leurs mœurs naturellement perver-
fes , qui ont corrompu leur (avoir ^ leurs
talens , ou leurs ufages légitimes.
M. Roufleau convient de l'utilité de la
icience de la religion & des nioeiu-s : c'efi
donc contre ceUe de la nature , & des
Arts 9 qui en font l'application , que por-
tent ces déclamations.
En vain oppofe-t-on à M. RoufTeau que
la nature développée nous of&e de tou-
tes parts les merveilles opérées par le
Créateur , nous élevé vers ce principe de
toutes chofes , & en particulier de la re-
ligion &c des bonnes mœurs. En vain les
fSià&es compilations des Niuventyt , de$
Perham ^ des Pluche ^ Sec, ont rçuiû, çç
X
3
DES Observations. ï^i
— — —— i 1 .1 1 I I '~'' Il I — —— ^— »—i— ■<
tableau fous un feul coup-d*œil , & nous
ont fait voir que la nature eft le pluà
grand livre de morale , le plus pathétique
comme le plus fublime dont nous puif»
itons nous occuper. M; Rouffeau eft fur-
pris qu'il faille étudier l'univers pour en
admirer les beautés : proposition de la part
d'un homme aulîi inftruit , prefqu'aulîî fur*
prenante, que Tunivers même bien étu-
dié ; il ne veut pas voir que l'Ecriture
ui célèbre le Créateur par les merveille?
e {es ouvrages , qui nous dit d'adorer fa
puiftance, fa grandeur & fa bonté dani
fes oeuvres , nous feit par-là un précepte
d'étudier ces merveilles. Il prétend quurt
laboureur qui voit la pluie & le foleil tour
à tour fertilifer fon champ , en fait afïez pour
admirer y louer & bénir la main dont il re"
çoit ces gracesi Mais Çi ces pluies n'oyent
fes grains , fi le foleil les confume & les
anéantit , en faura-t-il aflTez pour fe ga-
rantir des murmures & de la fuperftition i
Y penfè-t-on, quand on borne les merveil-
les de la nature à ce qu'elles ont de plus
commun , de moins touchant, pour qui
ks voit tous les jours ; à ce qu'elles ont de
plus équivoque à la gloire de fon Auteur ?
• L 6
ajl RÉFUTATION
Qu'on tranfporte ce laboureur ignoi*ant
dans les fpheres céleftes dont Copernic ,
Kepler , Defcartes & Nevton , nous ont
expofé rimmenfité & Tharmonie admira-
ble; qu'on rintroduife enfuite dans cet
autre univers en miniature » dans Técoiio*
mie animale, & qu'on lui développe cet
artifice au-deffus de toute expreffion , avec
lequel font conflruits & combinés tous les
organes des fens & du mouvement :c'eft-là
où il fe trouvera faifi de Tenthoufiafine de
St. Paul élevé au troiûeme Ciel ; c'eû-là
3u'il s'écriera avec lui , ô richefles infinies
e l'Etre fuprême ! ô profondeur de ia
fageffe ibeffable , que vous rendez vifiblc
Pexiftence &c la puiflance de votre Auteur 1
que vous me pénétrez des vérités qu'il m'a
révélées, de la reconnoiiTance ^ de l'adora*
tion & de la fidélité que je lui dois !
J'avoue , dit M. RoufTeau , qsu tiuuU
de tunivtrs devtoit clcvtr thommt à fon
- Créateur ; mais ellt ri élevé qiu la vanui
humaine.n. Elle fomente fon incrédulul^ font
impiété. Jamais le mot impie itAlpkonfe X
ne tombera dans tef^rit de t homme vulgaire ^
c^ejl à une bpi^che favantè qui C4 Uafphimt
itoit réferyi. ■ ,
DES Observations. 15J
Le mot d'AjIphonfe X furûommé U Sagc^
n'a du blafphême que Tapparence ; c'eft
une plaifanterie très-déplacée , à la vérité ,
par la tournure de Pex^eflion : mais le
fond de la penfée , qui eft la feule chofe
que Dieu eicamine , & on'il &ut feule exa«
miner quand il eft quettion de Dieu , n'eft
uniouement qu'une cenfure énergique du
fyfteme abfurde de Ptofomée , & par con*
lequent Téloge du vtai plan de l'Univers
& de fon Auteur , dont Alphonfc U Sage
étoit trop ikicere adorateur pour conce-
voir le defTein extravagant de Toutrageri
Les vaftes lumières découvrent les abiur-»
dites que Fimagination des hommes prête
à la nature , mais cette découverte eft toute
à la honte des hommes qui fe font trom-
pés 9 elle ne peut pas réjaillir fur les œu-
vres du Tout-puiffant ; fa fageffe fuprême
eft le garant de leur perfettion , elle eft
à l'épreuve de tous les examens. Que les
Sciences s'épuiftnt à les mettre au creufet;
les vaines opinions des hommes s'y diffi-
peront en ftimëe comme les marcaflites ;
les vérités divines y deviendront de plus
en plus brillante? comme l'or le plus pur \
parce ^e les Sciences font autant d^
254 RÉFUTATION
rayons de la Divinité. Malheur donc aux
religions qui n'en peuvent fupporter leis
épreuves , & auxquelles elles font contrai-
res ! La vraie en reçoit une fplendeur
nouvelle , & n'en diffère que parce qu'elle
les furpaffe , comme le foleil même e&
fiipérieur à un petit nombre de rayons qœ
en émanent entre les nuages (jui nous en-
vironnent. Nous ne difconviendrons pas
néanmoins qu*on ne puifleen^abufer; les
héréfies , les fchifmes fans nombre le prou-
vent affez; ces preuves n'ont point échappé
à M. Rouffeau, elles s'offrent d'elles-mêmes
k un citoyen de Genève , & un homme
Hiiffi verfe dans les Belles-Lettres n'eft pas
moins inflruit des déforàtts qui fuivent
une littérature licencieufe.
Mais M. Rouffeau ne veut pas s'apper-
cevoir qu'il retombe toujoiu-s fur l'abus
des Sciences , fur ce qu'elles font quelque-
fois entre les mains des méchans , & non
pas fur ce quelles doivent faire , & fur ce
qu'elles font en eflfet, qusmd leur but
cft fuivi , quand il n'y a qu'elles qui ont
part à Paâion , quand elles ne font pas
Surmontées par une natiu"e dépravée , {vx
le compte de laquelle l'équité demafidc
qu'on mette ces abus^
DES Observations. 255
»■ I I M I I
Pour rhonneur de rhumanité , efforçons*
nous encore de diminuer , s'il eft poflible ^
le nombre de ces méchans , de ces maU
heureux , qui abufent de talens auffi pré-
cieux. Difons que la plupart de ceux-mê-
mes qui ont abufé de leur plume , ont plu^
donné dans le libertinage de Pefprit que
dans celui du cœur , ou qu'au moins ce
dernier dérèglement n'a pas été jufqu'à
détruire leur probité. Epicure étoit le phi^
lofophe le plus fobre & le plus fage de
fon fiecle ; Ovide & Tibulle n'en étoient
pas moins honnêtes gens pour être amoiv-
reux. On n'a jamais taxé de mœurs infâ*-
mes les Spinofa , les Bayle , quoique leiir
religion fut ou monftrueufe ou lufpeâe.
Le Citoyen de Genève conviendra fans
doute , qu'il eft une probité commune à
toutes les religions,, à toutes les feues,
& il a bien compris que c'eft de celle-là
qu'il eft queftion dans le fujet propofé par
notre Académie ; faas quoi il n'auroit p^
été décent d'introduire fur la fcene les
Romains & les Grecs ,* les Scythes , les
Perfes & les Chinois , &c. Dira-t-on que
ces écrits licencieux produiront plus de
4éfordj:ç idws ceux qui tes Ufent que ds^m
' «
Xjé RÉFUTATION
■' #" '' . ' ' ' '
leurs propres Auteurs ? Ce paradoxe n*eft
pas vraifemblable. La corruption n'eft jar
mais pire qu'à fa fource , & ne peut que
s'affoiblir en s'en éloignant. Or , fi les
ouvrages cités ne doivent pas leur naîi&nce
à une dépravation capable de détruire la
j)rpl?ité , vraifemblablement ils ne là por-
teront pas aillçur^ à de plus grands excès,
ou bien ils y trouveront déjà dans la jga-
ture le fond de ces défordres.
Mais nous revenons volontiers à une
rigueur plus fage , plus judicieufe , plus
conforme à la doârine la plus faine : nous
convenons qu'il vaudroit beaucoup mieux
que tous ces Auteurs ne fyffent jamais
nés ; que la vraie probité eft inféparable
de la vraie religion , & de la morale la
plus pure ; & qu'enfin leurs ousTages font
des femences à étouffer par de fages pré-
cautions , & par la multitude des livres
excellens qui font les antidotes de ces
poifons , enfantés par ime nature dépravée,
& préparés par des talens pervertis. Heu-
reufemem les antidotes ne nous manquent
point ^ & font en nombre beaucoup fiipé-
rieurs aux poifons. Ne perdons point dt
yue notre preuve de fait contré l'abus que
DES Observations. 1^7
■•^pp""»— — «ii*»»
M. Rouffeau prétend qu'on fait toujours
des Sciences.
Perfonne ne reconnoît k favant au por-
trait odieux qu'en fait M. Roufleau. Ce
caraâere d'orgueil & de vanité qu'il lui
prête me rappelle ces pieux fpéculatifs qiiî
le regardant comme les élus du Très-haut ,
jettent for tout le refte de la terre y crimi-
nelle à leurs yeux , des regards de mépris
& d'indignation ; mais je ne reconnoîs
point là le favant.
Peut-être cette peinture iroît-elîe encore
9Skz bien à ces prétendus philofophes de
l'ancienne école , dont toute la fcience con-
fiftoit en mots y la plupart vuides de ïeit^ ,
& qui paffant leur vie dans les difputes
les plus frivoles , mettoient leur gloire &
leur orgueil à terraffer un adverfaire , où
à éluder fes argumens par des diftinâions
fcholafliques auffi vaines que ceux qui les
imaginoient. Mais peut - on appliquer à
notre fiecle tous les défordres , toutes les
extravagances de ces anciennes feÔes ?
Peut- on accufer d'orgueil , de vanité , nos
Phyficiens , nos Géomètres uniquement
occupés à pénétrer dans le fanôuaire de
la nature î La candeur & l'ingénuité des
m I "^1 1 ^ ' I ' ' ' I fll ^SSSBTSSBSSÊk
258 RÉFUTATION
mœurs , eft une vertu qui leur eft comme
annexée. Notre Pbyfique ramenée à fes
vrais principes par Defcartes 9 étayée de
la Géométrie par le même Phyficien , par
Nevton , Hughens , Leibnitz, de Mairan^
& par une foule de grands honmies qrn
les ont fuivis , eft devenue une fci^icê
fage & folide. Pourquoi nour oppoièr id
le dénombrement des U&,ts ridicules des
anciens Philofophes ? Pourquoi nous citer
les orgueilleux raifonneurs de ces fiecle$
reculés , puïfqu*il s*agit ici du renouveile-
ment des Lettres , puifqu'il s*agit de notre
fiede , de nous ennn ? Qu'cm ouvre cette
Phyfimie , ce tréfor littéraire auffi immenfè
qu irrejprochable ; ces annales de l'Acadé*
mie des Sciences & des Belles -Lettres de
Paris , de celle de Londres ; c'eft - là qu'il
fàwt nous montrer qu'on abufe toujoiuis
des Sciences , propontion réfervée à NL
iRoufleau & à notre fiede ciurieux: de fe
£ngiilarifer. Qu'on exanme la conduite
des hpmmes favans qui ont compofé &
qui compofent ces Corps célèbres ; les
Nevtons , les Mariottes , les de l'Hôpital ,
les Duhamel , les Régis , les Caffini , les
Morin^ les Mallebrancke ^ les Parent^ les
Bfe
DES Observations. 159
Varignon , les Fontenelle , les Réaumur ,
les Defpreaux, les Corneille, les Racine ,
les Boffuet , les Fénelon , lés Peliffon ,
les La Bniyere j'&c. Que feroit - ce , fi
nous joignions à ces honunes illuftres les
membres & les ouvrages diftingués de ces^
Sociétés refpeftables qui ont produit les
Riccioli , les Kircher , les Petau , les Forée ,
les Mabillon , les Dacheris , les Lami , les
Regnault? &c. Si nous y ajoutions Jes
grands hommes qui , fans ra^ d'aucime fo^
ciété , n'en étoient iâ moins illuftres paf
leur favoir, ni moins refpeâables par letwr
probité , tels que les Kepler , les Grotius ^
les Gaftendi , les Alexandre , les Dupins ,
les Pafcal , les Nicole , les Arnaud , &ccé
Qu'on nous montre dans la foule de ces
fàvansy & en particulier dans celle des
Académiciens qui fe font fuccédés Tef-
pace de près d*un fiecle , les mœurs déré-
glées , l'orgueil & tous les défordres , que
M. RouiTeau prétend qui fuivent la cul-
ture des Sciences , & qui la fuivent tou-
jours. Si fa propofition eft vraie , les vo-
lumes & les hommes que je viens de citer ^
fourniront à cet Orateur une ample moif-
fon de preuves & de lauriers i mais-^
i l ■■■
aéO RÉFUTATION
^es livres font les produâiohs les plus
précîeufes , les plus utiles qu'iyent en-
fanté tous les iiecles précédens ; mais £
tous ces favans font de tout le fiede où
ils ont vécu , les moins orgueilleux ^ les
plus vertueux , les plu^ gens de bien ; il
Ikut avouer que la caufe de notre adver-
faire eu h plus abfurde qu'on ait jamais
ofé foutenir.^
Si nous n'appréhendions pas que M«
RoviiTeau n'imputât les cifôitions niftori-
ques à étalace d'érudition , & ne fe réfer-
vât cette elpece de preuve , comme un
privilège qui lui eft propre , nous fouille^
rions à notre tour , dans ce dixième fiecle ,
& les fuivans 9 où te flambeau des Sciences
cejfa d^iclairer la terre ^ où le Clergé lui*
même demeura plonge dans tignoranu ;
nous y verrions la diffolution des mœurs
Îjagner jufqu'à ce Clergé , qui doit être
a lumière & Pexemple du monde chré-
tien , de l'univers vertueux ; nous y ver-
rions le libertinage égaler l'ignorance ;
nous verrions auiîi que le changement
hçureux qu'opéra le renouvellement des
Lettres fur les efprîts , porta également
fur les cœurs , & que la réforme ' des
y
DE$ Observations, i6t
^ ■ »>■
mœurs fuivit celle des façons, de penfe'r
& d'écrire ; d*oti nous ferions en droit
de conclure que Itis lumières ôc les bon-»
nés mcgurs vont naturellement de corn-*
pagnie , & que tout peuple ignorant &
corrompu qui reçoit cette lumière . falu-»
tau-e , revient en même tenis à la ver*
tu , malgré l'arrêt prononcé par M,
Rouleau,
Cet Auteur , qui , il y a deux mois ^ «e
comptoit qu'un favant qui fût à fon gré ,
& qui en -admet aiijourd'hui trois ou qua^
tre; qui n'exçeptoit aucun Art^ aucune
Science de ranâthême qii'il leur avoit
lancé ; qui défendoit tout fon terrain avec
tant dWiirançe ( ^ ) , $ç qui aujourd'hui
s'^eft retranché derrière le boulevard de la
' ! >' >
(*) On reprochoit avec raifi>ii à M. Ronfl^au dans Iq
Sferciirç de Ji|i|i p. 65* de faire inain-baiTe fur tous les fa/-
vans 8c les artifies. Çoit , répond • il , p. 99- puifqu'on le
Teut ainfi , je cotifens de fupprimer toutes les diilin£tions
qjre j'y avois mifes. St p. ip^. il menace de ne pas mçttre
d^ns fe^ réponfts les modifications qu'on efpere y trouver.
Ce ton haut bien foutenu eft celui d'un brave; mais quand
on le prend pour une mauvais caufe , il eft enoose phts •
grand ET flm difficile ^ dès qu'on s'en apperçoit, de reninr
tnfti-ioitne. Se de fe radoucir ; comme le fait M. Ro^eai| f
dans quelques endroits de fes Obfervations , où , fur if çhiV*
fltre de; modifica^iom , il % paiT^ nos eff^ranoçs.
%6l RÉFUTATION
théologie, de la morale, de la fcience
du falut ; cet Orateur fe trouveroit-il en-
core aflez preffé pour étendre les faveurs
de (ts exceptions jufques fur les Sciences
qui font l'objet des travaux de nos Acadé-
mies, & fur les Arts utiles qui font fous
leur proteôion ; pour fe faire enfin un
dernier mur des Arts & des Sciences qu'il
appellera frivoles , afin de n'imputer qu'au*
fav^ns & aux artiftes de cette efpece , tous
les abus, tous les défordres qu*il dit accom-
pagner toujours la culture des Sciences &
des Arts.
Dans ce cas-là nous lui demanderons le
dénombrement précis de ces Sciences , de
ces Arts , objet de ces imputations. Nous
efpérons qu'il ne mettra point dans fa lifte
la mufique , que les cenfeurs des Arts re-
gardent comme une fcience des plus fit-
tiles. Nous ayons fait voir qu'elle fàifbit
un délafiement aulli charmant qu'honnête;
qu'elle célébroit les grands hommes , les
vertus, l'Auteur de toutes les vertus ;
M» RoufTeau connoît mieux qu'un autre
iès utilités , {es avantages , puifqu'il en fait
ibn étude , puifqu'il s'eft chargé de remplir
cett€ bril^nte partie des travaux Encyçlo^
i^>M^ ^iMi^ai^^ta
DES Observations. 16}
Pâques ; il n*y a pas d'apparence qii*il
ajoute cette nouvelle contmdiaion entre
fa conduite & fes difcours. La mufique
fera donc un de ces Arts exceptés , un de
ces Arts qui ne dépravera point les
mœurs. • * •
Et tàiis ces lieux communs de morale liÀrique i
Que Lulâ réchauffa des fons de fa rmijtqiie.
Bpileau. Satyr. x.^
Seront fîmplement des abus d'une chpfe
bonne en elle-même, mais d'une chpfe
dont .on riahufe pas htaucoup ^ dont on
rLabufi pas toujours; car autrement je fuis
fur que M, Rouffeaiuie voudroit pas être
l'apôtre d'une pareille dodrine.
^ . Notre Auteur sliiimanifera , à ce qjie
j'efpere , à l'égard cks autres Arts , en J&-
veur de ITiarmoftie qu'il cultive , & qui eft .
fi. propre à adoucir les humeurs les plus
lauvag^s. L'àf&îre eft déjà plus d'à moi-
tié feite. Nous croyons avoir bien prouvé
eue. les Sciences & les Arts ont une in-
nnité d'utilités , qu'ils fourniflent à mil}e
& mille befoins. Nous avons ajouté à ces
avantages efTentiels , qu'ils rendent les hom-
mes plus hiunains > plus fociables , moin^
5*^
\
X64 RÉFUTATION, &C.
féroces , moins méchans , qu'ils les auvent
de Toifiveté , mère de tous les vices. Ni
RouiTeau convient de tous ces che6 ; il
blâme ^ignorance /eroec , brutale , qui rend
tfiommc ftmblahU aux bêteiS ; &: il eft conP
tant que telle eft l'ignorance de l'homme
abandojiné à la {impie nature. Il avoue mie
Us Sciences , Us Ans , adoucijjint la /cfth
cité des hommes ; qu'ils font une divtrfion
à leurs pajjions ; que les lumières du mi*
chant font encore moins à craindre que fa br»
taie flupiditi ; qtielles le rendent au moins
plus circoiffpeâ fur le mal quil pourroit foi»
re y par la^connoiffance de celui qi^il en re^
cevroit. lui-même. Donc nous fonunes meit
*
leurs dans ce fiecle éclairé , que dans les
fiecles d'ignorance & de barbarie. Telle
i(k la doârin^ que j'ai fout^enue dans tou*
tes les iiote;s précédentes. M. Roufleau en
convient enfin* Habcmus confitentem reum^
Et le procès me" paroit abfolument ta>
miné ; au moins l'efpere qu'il fera regardé
comme tel parl^ public iquitabl€ & ç<m»
iioifleur.
' N.
Kg)t
V
\
PESAVEU
DESAVEU
Xfc t Académie de Dijon , au fujct de la,
Réfutation attribuée fàiijfcment à tun de
Jes Membres ., tire du Mercure de France ^
Août lySz.
XJk c AD E M lE de Dijon a vii avec fur-
prife dans une l^tre imprimée de M. Rouf-
îeau , qu'il paroiffoit une brochure inti-
tulée : D if cours qui a remporté le Prix de
f Académie de Dijon en lySo , accompagné
2tune réfutation de ce Difcours par un Aca^
démicien de Dijon qui iui a rïfufe fon fujf^
fiage.
L'Académie fait parfaiteit\gnt que fes dé-
cifîons j ainfi que celles des autres Acadé-
mies du Royaume reffortiffent au tribunal
du publie , elle n'auroit pas relevé la réfit-
tation qu'elle défavoue , fi fon Auteur ,
plus occupé du plaifir de critiquer que du
foin de faire une bonne critique , n'avoit
cm , en fe dégiiifant fous ime dénomina-
tion qui ne lui eft pas due , intérdTer le
public dans une querelle qui n*a que trop
duré 9 ou tout au moins lui laiffer entre-
voir quelque femence de divifion dans,
SuppL de la Collée. Tome I«; M
l66 D E s A V E u.
cette Société , tandis que ceux qui la corn-
pofent , uniquement occupés à la recher-
che du vrai , le difcutent fans aigreur &
fans fe livrer à ces haines de parti qui font
ordinaiiement U réfultat des diiputes lit-^
téraires.
Ils favent tous le refpeû qui eft du aux
chofes jugées , la force qu'elles doivent
avoir parmi eux , & combien il feroit in-
décent que dans une alffemblée de gens de
Lettres , un particulier s'avifat de réfuter
par écrit une décifion qui auroit pafTé con-
tre fonavis.
Il paroît par la lettre de M. Rouffeau ,
que ce prétendu Académicien de Dijon n'a
pas les premftres notions du local d'une
Académie oii il prétend qu'il occupe une
place , lorfqu'il parle de fa terre & de fes
fermiers de Picardie , puifque en feit il efl
faux qu'aucun Académicien de Dijon pof-
fede .un pouce de terre dans cette province.
L'Académie défavoue donc formellement
l'Auteur pftudonymt , & fa réfutation attri-
buée à l'un de fës membres par une feiif^
fêté indigne d'un homme qui feit profef-
fion des Lettres , ô( que rien n'obligeoit à
fe mafquert
D E s A V E U,
267
Maïs de quelque plume que parte cet
ouvrage , & quel ^qu'ait pu être le deffein
le celui qui l'a compofé., il fora toujours
bonnevir au Difcours de M. Rouffeau, qui
jfant de la liberté des problêmes ( la feule
vroie propre à éclaircir k vérité) a eu aflfez
le cour^^e pojior en foutenir le parti, & à
l'Académie qui à eu affez de lx>nne foi
;K)ur la couronnen
A Dijon k 22 Juin 175 su
F £ T I T , Secrétaire de rAcademie dcft
Sciences de Dijon*
ij
* . **
M»
i OBSERVATIONS
(f jD^ M. Le Cat , Sure faire perpétuel h M-
cadémU des. Science^ de Rouen y pK
dé/aveu de P Académie de Dijon , /^
tAuteyr de U Réfmation du Jlf cours i^
. Citoyen de Genève j&c. ^<i)
i
L'Intérêt feul dés Sciences» te
Beaux - Arts m'a fait entreprendre la réw-
tation du difcourfclu Citoyen de Genève,
ui les regarde ^comme un des principe
e Ta corruption des mœurs.
J'ai eu pour compagnons dans cette c^*
rîere des favans en affez bon nombre *
affez illuftres , tous aiiimés du mêmemj^
tif. Comme quelques-uns d'entr'euxj)^
d'abord cache mon nom pour des raifo^
dont je ne dois compte à perfonne. D^
Su'elles ont cefle je me fuis montré; )*
onné l'ouvrage à mes proteôeurs > à ^
amis , au libraire fous mon nom , » J
preuve en eft l'annonce qu'en a to*
( 4 ) Dans ces Obfervatidns qui parurent dans i* ^
chure 8^. fous le titre de Londres chez Kilmonek.^'
fiât & tecoiaplt }' Avtçur des deux pièces piic^dom^
DE M. ^. L È C A. T. 16^
L. '> 1 * " ■ - ■ "• . ■ Il I ■! ' il
lercure même , qui contient le défaveu
e Meffieurs de Dijon. Ce défaveu étoit .
onc fort inutile , fi Ton ne vouloit quô
tire favoir au public que je fuis l'Auteur ♦
e cette réfutation ; mais on eft en colère^
i plus occupé du defir de fe venger , que
u/oin d'examiner fi ee defïr eft jiifte , St
les moyens qu^on emploie pour lé fatis-
ire font raifonnables* Je rie me niêleraî
as de deviner les véritable$ motifs de
-tte animolité de Meflieurs de Dijoa*
' pourrôis , fans rien accorder à mom
liour-propre , fans me fier à mon juge-
ment , penfer que cette Académie qui af-
•âe de me croire plus occupé du plaijirdè
lùquet y qiudufoin de faire une bonne cri"
î«« y ne me fait ce reproche plutôt qu'à
)us ceux qui ont attaqué le Citoyen de
rené ve , que parce qu'elle n'a trouvQ
-tte critique que trop . borgne. Je pourr
^^ citer en preuve de cette opinion ^ le^
iffrages de pkifieurs favans,ôc eritr 'autres
e TAuteur du Mercure , mois de Juiq
75 i» y qui dit, en annonçant mon ouvrage ^
• \7i. ^ De toutes les, critiques qu'on a
faites de l'ouvrage de M'. Ftouiteau , c'eft
la plus détaillée & la plus propre , par
M j *
27Ô OBiSEltTATlONS
■^■late
M la méthode qui y eô obfervée , à fiure
M découvrir la vétjté ». Ai - je profité de
, cçtte méthode & de ces détails, pour mon-
* trer que cette vérité parle en ma faveur ï
J'ai , pour prouver Taffirmative , phis de
vingt lettres écrites fur mon ouvrage, qui
toutes s^accordent à le reconnoître pour
' une critique des plus complètes & des plus
fondes qu'on ait feites du dîfcours de M»
. Rouffeau.. J'afFoiblis encore Texpreffion du
jplus grand nombre , & de ceux de la plus
grande autorité. Il n'a point échappé à ces
kfteurs , que non- feulement j'ai rétorqué
comme mes confédérés ^ toutes les preu-
ves hiftoriques ou de fait contre notre ad*
verfaîre ; mais que j'ai employé des preu*
yes à priori , des preuves phyfiques tirées
ile la propre cQnftitutiorl de Fhoinme , de
ïa nature & de celle des fciences; preuves
qui font des détnônilration^ en ce genre
d'éa ire , & qui caradérifent jpartîculiére-
ment notre Di"0chure. Je ftîs qu'il entre
de la complaifance dans lei lettres écrites
à un Auteur; mais la flatterie n*a pas^ilft
ton fi ur iforme. Voici ce que m'écrit de
Paris le 8 Mars un Académicien que je n'ai
^ pas la permifïiori de nommer; perfonnage
' i' ' ■ ■ , '
DE M. Le C a t. tjx
^mia^i*
qiii eft trop refpeûable , & qui m'eft trop
uipérieur pour être foupçonné de facrifier
la vérité à cette baffe politeffe.
« J'ai lu avec un trèsr grand plaifir & k
» plus grande édification, me dit-il, votrô
» réfutation auffi pieufe que forte contre
n Théréfie de M. Rouffeau. Il me femble
» qu'il ne tc&q pierre en place de ce monA
» trueiix édifice. Vous avei: pris la défenfô
** de la vérité & du goût avec les armes
» du goût même. Je fuis fâché feulement
» que vous n'ayez pas combattu cet ennemi
y> des Lettres pendant cm'il étoit debout...»
» n eft vrai que vous l'empêcherez de fe
>* relever , & que vous l'écraferez , &c.
Un (avant attaché au Prince , qui s'eft
le premier fignalé pour la défenfe des
Beaux-Arts , m'écrivit le 1 8 Mai fur le
même fujet, des chofes plus fortes encore.
Je fuis obligé d'en fupprimer la plus grande
partie , par cette feule raifon qu'elle m'eft
trop honorable. ... « Vous n'abandonnez
» point , me dit-il , cet ennemi du fa voir
>* (M. Rouffeau), & vous le préffez fi
y> vivement, qu'il perd à tout moment de
» fon terrain , lans rien gagner fur le vôtre ;
n nous avons tous intérêt d'apolaudir à
M 4
aji Obs ervations
1— i— —— 1 ■■ ■■ I I I 1^— — — — ^— i— M^— ^M^M^^I^B^
if votre triomphe ; votre gloire augmente
» la nôtre. Tous les littérateurs vous
» doivent des couronnes comme on en
» donnoit autrefois aux libérateurs à&s
y> nations. Je ne crains plus qu'après une
» telle réplique , on'ofe déformais attaquer^
p> les Sciences & les Arts, Vous les aver
» vengés des reproches d'un ingrat qui^
H après s'être heureufement façonné par
n leur culture ^ a voulu les foire tomber
» dans le plus grand mépris , &c » Je
ftipplie mes leâeurs de croire que c'eft
avec la plus grande répugnance que je me
détermine à publier de* pareilles citations j
mais je ne fàurois oppofer au3£ traits fàtÎTi-
ques de mes ennemis , que 1|îs fentimens
contraires des iavans qui m'honorent de-
kur fiiffrag-e.
Enfin , je renonce ait plaifir de penfer
que Meffieurs de Dijon ne m'honorent de
là préférence dans la fortie qu'ils viennent
d^ faire , que parce que j'ai fait à leurs,
remparts la plus large brèche ; je veux
bien m'en tenir aux motifs apparens qu'ils
citent eux-mêmes de l'indignation qu'ils
me témoignent , & je leur demande la
permifllon de leur prouver que je ne la
^j^ÊmÊÊammmmmm m mmmmmÊm
D E Mr L E C A T. 27 J
mmtk
Ihérite pômt>Si Ton donne les noms de
fermeté , <te courage , à là défçnfe obftinée
de C ennemi des Lettres & dufavoir^ j'efpere
qu'on ne qualifi«ra point, )3ar des épithetes
j)his (jdîeùfes , le zèle qui riie porte à dé-
fendré & \t^ Bël!ês-Lcttt-eisf , & Ppuvrage
que fai foit^en'feUf^'ftvèur. -^
Je me fois dégiiifê fous lè nom dMn
Académicien de; Dijon, dénomination qid
ne nitji point due , dit cet Académicien :
favoue que ife n'ai pds l'honneur^ d'être
Académicien de Dijon ; j'ajoute que je n*aii
fiiême jamais penlé à foUiciter cette plîcè';
mais Mv Pkfcâl n^a pas été plus tenté d^êtrfc
jéfuite; M. l'Abbé Saas d'être bénédiftîn;
M. Qiiefnay d'être chirurgien dé Roiien.
Cette circonftance* n'a point empêché ces
illuftres & refpeâables aukûirs de. fe dé-
guiier fous ces dinorhinàtioHs -qui ne leàr
font poim dâe^^i^^y ^ = ^'' \'\ ' . .
C*") AL Pafcal dans Ict Lettite Provinciales fait parler tfo^
Jéfuite. . > ^
M. Saas feint ingénieufement ui^e défenfe des titres jdc
4ts droits de T Abbaye de St OUen,, &c. contre lé Mémoire'
de M. Térffflê , p#Ur réfuter âr tourner en ridicule destlti^es
Se ces droits. ...... T i''> ' { * ^-'j
M. Q.uefnay a faitW livra cojytre les Médecins ,,^u% !•'
Bom dnm Chirurgien* dV Rotren; * \ " a:'' V
M 5,
ggs=ags ai i ' , !■ ■ .' , ! '. ■
^74 P B SE ft,V /L T I O N S>
L'Académie dé Dijon foutient que ce
déguifemeqt eft Vine Jauffite indignt dum
fiomme qui fait pmftjj^on des Leures , & qut^
rien nohligfoit à fi nuifqucr*-
On ne doit plus être, étonné de voit
cette Académie avancer 'des propoâtions.
bn fardées ; mais il me^ iêhible qu\>n doit
rêtre un peu au*ua Corp^ refpeâable s'exr-
prime dfiine i^çoa aitffitpieu mefurée..
Commençons par obferver que Meiïieurs^
.de Dijon Jie font pas conf^iensxians leurs»
principes. Qu'ils fe ibiiviennent que , félon
eux f, la culture de? Sciences & des Arts.
corrompt les mœuçs., ék qu'aiiifi ils doivent
penfer que tous les vices font annexés aux
gens de Lettres. De quelle grace s'avifçiit-
ils donc aujourd'hui de trouver indigne
d'un homme de Leftijes^ un <iéguifemeut^
.ime feintç , jjr^e rufe dejgiverre.qui na tour
au plus que l'ombre d\i vic^ } ^fais applau-
•dîuons à: k délicattfle '' de MeiScurs^ G*e
JDijon ; /patdonnoQSpleur une oootri.diftioa
inévitable dans le perfonnage qul^s font^
une contrad.éiîort que leur arrache la vérité
j^!^\a caufc des Beïles^Lettres que je défends,
& Qu'ils ont trahie : oui , fans doute , la.
^f(tè^€ti ejl indimt ^urk Korjipic qui fait £rg^
DE M. Le C a t. 27Ç
feffion des Lettres ; la vérité , la vertu la
plus pure étant Tappanage ordinaire de cette
yrofejjion ^ & le principal but de tous fes
exercices : mais comment l'Académie de
Dijon a -t- elle pu caraftériler par cette
expreflîon indécente un ftratagême permis ,
ufîté dans toutes les efpeces de guerres ?
Ainfi donc les Turenne , les Catinat , ces
hommes plus dignes encore du titre de
feges que de celui de héros , feront taxés
d'avoir fait des fauffetés^ des fourberies ^
parce qu'ils auront trompé nos ennemis j
6c qu'en rufes y en ftratagemes , ils l'auront
emporté fur les plus vieux renards (*) mili-
taires. Ainfi donc , pour rentrer dans nos
propres camps , les Pafcal , les Saas , les
Quefnay , ces Auteurs déeuifés que je viens
dé citer , & qui ont fait oc font tant d'hon-
neur à la République des Lettres , tant par
leur favoir que par leur probité, font dé-
clarés par l'Académie de Dijon indignes de
la profejfïon des Lettres. Ainfi le fameux
Jean Le Clerc , qui a écrit fous le nom des
théologiens d'Hollande , fans leur aveu 9
( * ) Exprdfion 4c At 4e Tuscnne , en pariant de Mopt»
M 6
%y6 ObSE R V AXIONS.
»■«■
& pour foutenir dès fentimens oppofésauîÉ
leurs , recevra, de ces Meflîeurs la même
flctriffure ;, auffi bien que Jean Caflien ^
auteur du cinquième fiecle , qui s'èft dé-
guifé fous le nom dès Provinces Belgîques ;;
M. de Sacy y fous celui dés GLeligieux Domi-
nicains , Ml Richard-ftmon^ fous le nomi
des Rabbins d*Amfterdam, &c. Pour conf-
tater im ufage qui n'efl inconnu à aucuns,
favans, je pourrois accumider iciime&ule^
des plus grands hommes, ,& des pliisdignes*
• d^être nos modèles à tous égards qui'fe font:
déguifés j. non - feulemenf fous des noms*
de Compagnies comme les précédens ,, &
qui n'en ont reçu aucuns reproches;; mais-
tncore fous des noms de particuliers con—
lîus & des plus refpeftabîes , fous dés noms.
de Souverains même. Ceux d'Arlftote^.dè'
Cicéron , de Virgile , ont fervi de mafque
à des Axiteurs ; on a emprunté ceux de
iaint Athanafe ,. de faint Auguftin & des.
autres Pères de ^glife ; on s'eft déguifé
fous ceux d'Alexandre , de Céfar , de Char-
îemagne & de Louis XIV. Eft-ce faire dés-
honneur à Meilleurs de Dijon de les mettre
à la fuite de ces noms fameux ? Et ces dé-
Huifraiens^j^ le répète^, ayant été aâeôé»'
B E M.. L £ G A T. iqy
^— — — *— I II I I ■ I II ■ I — »— g— I ■>— J— ^^^
par les. plus-grands hx)mmes de tous lesî
fiecleSy ne m eft-il pas bien doux de parta--
ger avec eux & avec les Sciences & les;
Arts-r dont ils font- l'honneur ,^ Tànathê-
me émané du TxibiimaL de l'Académie de^
Dijon h
Je conviens» quim Auteur' qui* mettroîC
fouS: le compte d'un autre des infamies ,^
feroit une fàuffeté indigne d'un homme
de Lettres*- Mais bien loin que l'Académie
de Dijon? puiffê rien me reprocher dé
pareil y elle ne fauroât défa vouer que de
tous les illuûres? Auteurs déguifés , pas uai
feul n'a. eu: un but plus louable & pluf^
honnête que celui que je me fuis-propofé
dans^cet innocent ftratagême; car, malgré^
là colère qui. anime ces^ Meflîèurs ^^ quels •
reproches me font-ils ? Pai cm , félon
eux ,- imirtjftr le public dans uru querellé'
qui n^ a que trop duré. *y c'eft-à-dire, j^ai crcti
intéreffer le public en faveur dès Sciences '
& des J^ts dans la guerre que leur a;
déclaré l'Académie de T)ï\on'y guerre qui ri^ai
que trop duré '^ fans doute, parce qu'elle a du
donner à ces Meffiëurs des regrets de l'avoir*
fufcitée. J'ai cru lâijfer entrevoir à ce public:
quelque J^ençe de divi^on dans la Cociété-'
^?
%y}^ Observations
. de Dijon ; & qu'il y avoît parmi ces
Meflîeiirs quclqu\in d'alTez peu fournis à
kur décifion pour croire que ces Scien-
ces & ces Beaux- Arts, loin de corrompre
les mœurs > les rendent plus pures & plus
parfaites.
J'avoue que l'Académie de Dijon a
deviné jufte ; oui , j'ai commis tous les
for&its dont elle vient de m'accufer ; &
j'ajoute rimpénitence au crime ; je Tai
6it, j'ai cru devoir le faire , & le ferois
encore fi f avois à recommencer* Qu 'elle
ne me reproche donc plus , par une con-
tradiftion manifefte , que rUn ne m^obli-
geoit à mt mafquer ^ car ces motifs nje pa-
Toiffent auffi preflàns que juftes^ Oui , j'ai
cru devoir intérejfer le public à la gloire ,
à l'honneur , aux progrès des Beaux- Arts,
l'ornement & le foutien des Etats , &
Pappanage le plus flatteur & le plus bril-
lant que l'homme ait reçu de fon Au-«
teur. J'ai cru que je devois laiffir tntrt^
voir au public qu'il y avoit au moins quel*
3u'un dans une Société qui fait profeffion
e cultiver les Sciences & les Arts , qui
^toit conféquent dans fa conduite^ & qui
penfoit que ces Sciences & ces Arts ne font
Z> E M. L £ C A T. 27^
pas des corrupteurs des bonnes mœurs , &
en cela même j*ai cru faire honneur à
Mei&eurs de Dijon , j'ai cru diminuer ua
peu dans le public Tidée défavantageuie
qu'en a donné le problême fingulier pro-
pofé par cette Académie , & le triomphe
encore plus fingulier décerné au Citoyen
dé Genève. Il étoit permis à M. Roul^
feau dfuier de la VAcrtc des problèmes^ pui{^
qu'ion avoît eu l'imprudence d'en propo-
ter un die cette efpece; mais il étoit con-
tre la fegefle qu'ion doit attendre d\ine
fociété de gens de Lettres, de mettre en
problême une queflion dont r2ffirmative
a toujours pafle pour confiante, & qui
doit mr-tottt feire loi dans une Académie ^
comme le prouve bien ce fujet propofé
encore tout récemment par TAcadémie
-Françoife^ C amour d^s Belles-Lcnres inf^
pin- C^amow de la vertu. S'il eft fcanda-
leux qvfune Académie rende cette qiiet
tion problématique , de quelle dénomina--
tion caraHériferons - nous fa décifîon ea
faveur de la négative , & fon ôbftination.
à foutenir , à défendre cette décifion l
Nous avons pu couronner le Citoyen-
' j^ Cewve , diront cçs Mcflieurs, &»»
C » w« .1.
l8a Q»SERVAtIONS
■Wi««
adopter fon fentiment; c'efffon éloquence
feulement qtié nous avons récompenfée,
Gette raifon eft feufle & dans le faU
&; dan^ le droit lAzxts le drohj lorfqu'U
s*agit de la folution d'un j^roblê me , ou de
décider d'une queftion de conféquence qui
admet deim propofitions- contraires. Tune
vraie & Tautre fauffe y. c'eft à la bonne
folution du problême , c'eft-à-dire , au feul
"j^rai qu'on doit accorder la couronne pro-
mife; jamais on n'eft en droit de cou-
wnner le faux^ quelque paré qu'il foit des
.plus- belles couleurs ; & l'Académie qui
enfreindroit cette règle , feroit auffi cou-
pable que le Juge qui iàcrifieroit l'inno^
cence & le bon droit des cliens à Pélo-
Guence des Avocats. Je dis éloquence , en
uippofant qu'on puiffe prodiguer ce titre
. julqu'à le donner à de ponvpeux fophiA
VCi^ 9 en fuppofknt qu'il puiile y av^ir de
. véritable éloquence fans là vérité;
Il eft donc démpntré que la conce^
fion du prix au Di (cours du'Gtoyen de
Genève emporte de droit l'adoption du
fentiment foutenu par ce Difcours.
Il n'eft pas moins vrai dans- le fou que
', ^Académie de Dijpn Tait adopté^ & que
DE M. Le C a t. iS'i
pour cette fois au moins elle ait été con*-
iequentô dans {es principes* On étoit déjà
fur, quand elle a propofé ce problème,
ÏLi'elle doutoit que ...Le ntablijfcmtnt Jes
cienus & des Arts tût contribué à ipurcr
Us mœurs \ . . . mais dans le défaveu^ ob-
jet de ces réflexions , elle levé toute équi-
voque r.*.M. Rouleau , dit-elle , a ufe dà
la liberté des problèmes , la feule voie pro'^
pre à éclaircir la vérité ; il a eu ajfe[ de cou^
rage pour en fouienir le parti , 6* CAcadé-^.
mie (de Dijon) a eu âjfe^ de bonne fol
pour la couronner. Cela^ eft clair ; ce n'eft
donc point l'éloquence du difcours qu'oa
a couronnée , c*eft la proportion que TA- •
cadémie de Dijon regarde comme une ve-
rite. Ainfi cette Académie^ penfe que le
rétabliffement des Sciences & des Arts a.
contribué à corrompre les mœurs. Que ré-»
pondroit-elle maintenant à fon Souverain,^
s'il lui difoit. « Vous m'avez trompé dans
>^ les repréfentations que vous m'avez fai-
» tes pour me déterminer à vous établir j
» vous ne m'avez montré que des utili-^
H tés dans ce projet; vous m'avez difli-
>► mule qu'il détruifoit le plus précieiw
» de tous les avantages que je puiffe pro-
i8i Observations
t,^— — .«— ^— — i>^ I II l u i « ■ Il ■ ■ Il . I — — >
H curer à tous, mes fujets , la probité , la
n pureté des inœurs. Je n'ai garde de fouf-
» frir dans mes Etats une Société qui eft
» perfuadée elle- même que Tobjet de fes
» travaux eft la perverfion des mœurs, &
^ qui en fait une profeffion publique. Vc
n on tuo tijudlco , ôcc. Rentrez donc dans
^ le néant que méritent, félon vous-mêmes,
» les Arts que vous exercez. Je ne veux
f>' protéger & laifler décorer du titre d'Arts
» libéraux , de beaiix Arts , que ceux qiii
H conduifant à la vertu, n Quel efl TA-
cadémicien & le patriote qui , pénétré de
ces dangereufes conféquences , ne croira
Î)as obliger au fond & très^effentiellement
'Académie de Dijon , en laijfant entrevoir
au public qu^l y a quelqu'un dans cette So-
ciété qui penfe comme elle penfoit , quand
elle a loUicité fon établiffement , qui penfe
comme l'Académie Françoife de Paris , &
je crois pouvoir dire hardiment , comme
toutes les autres Académies de l'Europe.
Ce bon office déplaît à celle de Dijon ;
elle s'en ofienfe ; eUe la paye par des in-
veâives ; elle ne veut pas abfolument
qi^'on croye qu'il y ait un feul homme
chez, elle qui fefle des Sciences le cas qu^en
DE M. L E C A T, x8j
•i-^
font tous les favans^de l'Europe révoltés
contre fon problême. Non ejt quifaciat
honum y non tft ufyue ad unûm. Après la
déclaration formelle de ces Meflîeurs,je
me garderai bien de les contredire.
On trouvera peut-être que je fors de
la queftion. On dira qu'il peut y avoir
queîqu*iin des Académiciens de Dijon qui
ne foit pas de Tavis dominant , mais qu'il
n^ en a point qui foit capable de com*^
mettre t indécence de réfuter^ par un écrit ^
imt déciSon qui auroit pajfc contre fon avis^
Voila , fans doute , le grand argument
de Mefficurs de Dijon ; mais qu'ils fe dé-^
pouiUent pour un moment de leur pré-
jugé , & que dans ce moment ils regar-
dent avec toutes les Académies de TÉu-
Tope leur problême comme une confpî-
ration contre la république des Lettres ;
alors fls fentiront que cet Académicien ,
affez brave pour les contredire en face
& par écrit , loin d'être im traître , comme
ils le penfent , feroît un digne citoyen ^
qui , en fe faifant leur délateur , ne reroit
qu'obéir aux loîx les plus pofitives ^ un
héros de cette république , qui en affron*
tant les reffentimens des conjurés > méri»
184 Observations
teroit, dans Dijon même, les titres de père
& de libérateur de la patrie*
Puifquç r Académicien réel de Dijon
feroit fi louable , celui qui a emprunté fon
titre rut iàuroit être criminel ; auffi le fen^
timent contraire eft-il encore réiervé à la
feule Académie de Dijon.
L'illuftre Secrétaire d'une Académie dé-
jà célelM-e , qvioique naiflante , n'ignoroit
pas mon déguifement , quand il m'écri*'
voit ces traits que j'ai rapportés ci-devant.
a Nous avons tous intérêt d'applaudir à
» votre triomphe. Votre gloire augmente
^ la nôtre : tous les Littérateurs vous doi*
n vent des couronnes , comme on en
» donnoit autrefois aux libérateurs des
fp nations. »
Enfin, MefiSeurs de Dijon reconnoit
fent le tribunal du public , c'eft à lui qu'il
appartient de décider qui des deux procé-
dés eft indigne de gens de Lettres , de
celui qui tend à faire regarder ces Lettres
comme les corruptrices des bonnes mœurs
& le poifon de la fociété , ou de celui
qui a pour but de leur conferver le pré-
cieux avantage d'être le lien le plus doux.
& le plus pur de cette fociété , le flambeau
DE M. Le C a t, 185
qiii rend refprit jufte , la règle qui rend le
c<3eiir droit , le grand art enfin de reéH^
fier une nature perverfe & de former
riiomme de bien. Ceft à lui qu'il appar-
tient de décider qui des deux eft indigne
de la profe£îon des Lettres , de celui qui
s'efforce de dégrader , d'anéantir ces Let- '
très , & de leur fubftituer Tignorance &
la barbarie , ou de celui qui fe confacre
à la défenfe de leur honneur & de leurs
avantages, qui a pour but de les faire
triompher & fleurir chez tous les peu-
ples , de les rendre Tobjet de l^eftinie &
de rhonneur des Nations. Cefl ce der-
nier perfonnage que fait & fera toute
fà vie,
LE CAT.
A Rouen ^ ce 15 Août 1752.
P. S. Il paroît par le défaveu de Mef-
fleurs de Dijon , que M. Rouffeau a im-
primé une reponfe à la réfutation que j*ai
faite de fon difcours. U y a quatre ou
cinq 'mois que j'ai entendu parler de
cette reponfe , qui a , dit-on , cinq ou fîx
|)àges. Je ne Tai point encore vue , & je
jie penfe pas qu'il foit néceflaire que je
Byoye.' "'- - ^
±86 Observations
Si M. Roufleau me chicane , comme
Meffieurs de Dijon ^ fur mon déguifement ,
je viens de répliquer à fa réponfe ; s'il
€Û oueftion du fond de notre dilpute^ mon
illultre adverfaire a donné affez de preu-
ves de la fécondité de fon génie à fou-,
tenir des propofitions fauffes , pour devi-
ner aifément qu'il ne reftera jamais court ,
quelque démontré que foit fon tort. Le
feul fentiment que m'infpire fon cAfti-
nation, eft de gémir fur cette fécondité
fatale , fur cet abus manifefte des talens ^
des Sciences & des Arts , qui , indépendam-
ment de rinjure qu'il feit à la vérité , du
découragement qu il peut caufer aux ama-
teurs, & de TobUacle quHl peut appor-
ter aux prcJgrès des Lettres , ne produit à
fon Auteur même d'autre avantage , finon ,
dit le grand Defcartes 9 que peui-étre il en
tirera a autant plus de vanité^ que fes fpê^
dilations feront plus éloignées du fens corn*
mun , à caufe quU aura dû employer plus
^efprit & JC artifice à, tâcher de les rendre
vraifemblables. Le Citoyen de Genève a
cultivé les Lettres avec tant de diftinftion ,
que nouç avons lieu d'efpérer qu'elles lui
auront élevé Famé au-deflus de cette foi-:
J
.DE M, Le C a t. 187
blefle. Malgré cette fécondité de M. Rouf-
feau , on ne voit cepehdant paroître de
lui qiie ces premières raifons tournées de
différentes feçons, ainii qu'il Tavoue dans
cette riponft au difcours de Lyon qu*H
annonçoit comme la demitn. Je fuis donc
perAïadé qu'il n'y a pas une des raifons
employées dans cette réponfe de M. RouC
ièau à notre ouvrage , qui ne foit déjà ré-
fiitée dans ce même ouvragé auquel il ré-
pond. Or ceux qui ont lu Tun & l'autre ,
les y trouveront aufli bien que moi : ainfi
je me pafferai fort bien de voir cette ré-
ponfe ; & quand je la verroîs , je n'y ré-
pliquerons point. Je me ferois un crime
vis-à-vis du public de pouffer plus loin ce
démêlé littéraire , accoutumé que je fuis
de n'en avoir jamais que pour venger mon
honneiu- offenfé , ou pour défendre la vie
des hommes contre des pratiques diôées
par l'erreur & la témérité.
*«»i
RÉPONSE
Au Difcours qui a remporté le prix de tAcd'
demie de Dijon jpar le Roi de Pologne, (a)
X-i E Difcours du Citoyen de Genève a
de quoi furprendre ; & Ton feràspeut-être
également lurpris de le voir couronné par
une Académie célèbre.
Eft-ce fon fentiment particulier que l'Au-
teur a voulu établir ? N'eft-ce qu'un para-
doxe dont il a voulu amufer le public?
Quoi qu'il en foit , pour réfuter ton opi-
nion 5 il ne feut qu'en examiner les preu-
ves , remettre l'anonyme vis-à-vis des vé^
rites qu'il a adoptées , & l'oppofer lui-
même à lui-même. Puifle-je , en le com-
battant par (es principes , le vaincre par fes
armes , & le faire triompher par ùl propre
défaite ?
(4) Cette Réponfe parut dans le Mercure de Septembre
i7Sr, fans nom d'auteur; ms^îs on reconnut bientôt que
f'étoit le Roi de Pologne, duc de Lorraine, qui avoit £ot
l'honneur à M. RoulTeau d'entrer en lice avec lui : aaffi
Bouiieau dans fa réponfe qui ■& trouve à la page I2i dtf
troifieme volume des Mélanges y parle avec bien plus de
modéiîiUoA qu'à fes autres adveràires«
:a
DU Roi de Pologne. 189
Sa façon de penfer annonce un cœur
^rtuetix. Sa manière d'écrire décelé un
efprit cultivé ; mais s'il réunit effeftive-
ment la fcience à la vertu , & que Tu le
(comme il s'efforce de le prouver) foit
incompatible avec l'autre , comment (a
doârine n'a -t- elle pas corrompu ia fa-
geffe ? ou comment la fagefle ne l'a-t-elle
pas déterminé à refter dans l'ignora^ice ?
A-t-il donné à la vertu la préférence fur
la fcience ? Pourquoi donc nous étaler
avec tant d'afFeftation une énidition fi vafte
& fi recherchée ? A-t-il préféré , au con-
traire, la fcience à la vertu? Pourquoi
donc nous préciser avec tant d'éloquence
celle-ci au préjudièe de celle-là ? Qu'il com-
mence par concilier des contradiûions fi
fingulieres, avant que de combattre les
notions communes ; avant que d'attaquer
1^ autres , qu'il s'accorde avec lui-même.
, N'auroit-il prétendu qu'exercer fon ef-
irit & faire briller fon imagination ? Nô
ui envions pas le frivole avantage d'y
avoir réuifi. Mais que conclure en ce cas
ée fon Difcours? Ce que Ton conclut
après la leâure d'un roman ingénieux ; en
yain un Auteiur prite à des fables les
^f^ppl* de la ColUc% Tome It N
i
X^O R É.P ON SE
■ ' — — ^*.
couleurs de la vérité , on voit fort biçn
qu^il ne croit pas- ce qu'il feint de vouloir
perfuader.
Pour moi , qui ne me flatte , ni d'avoir
aflez de capacité pour en appréhender
quelque chofe au préjudice de mes mœurs ^
ni d*avoir aflez de vertu pour pouvoir en
&ire beaucoup d'honneur à mon igno-
rance, en m'élevant contre une opinion fi
peu foutenable , je n'ai d'autre intérêt que
de foutenir cejui de la vérité. L'Auteur
trouvera en moi un adverfaire impartial. Je
cherche même à me faire un mérite auprès
cle lui en l'attaquant ; tous mes efforts »
dans ce combat , n'ayant d'autre but que
de réconcilier fon efprit avec fon cœur ^
& de procurer la fàtisfaftion de voir réu-
nies , dans fon ame , les fciences que j'ad-
mire avec les vertus qu'il aime.
L
PREMIERE PARTIE.
Es Sciences fervent à faire conaoître
le vrai , le bon , l'utile en tout genre :
connoiffance précieufe qui, en éclairant,
les efprits , doit nàtiurellement contribuer
à épurer le$ mœjurs.
DU Roi de Pologne. 191
La vérité de cette propofition n'a be-
foin que d'être préfentée pour être crue :
auflî ne m*arrêterai-je pas à la prouver ;;
je m'attache feulement à réftiter les fo-
phifmes ingénieux de celui qui ofè la
combattre.
Dès l'entrée de fon difcours , TAuteuf
offre à nos yeux le plus beau fpeâacle ;
il nous repréfente l'homme aux prifes >
pour ainii dire , avec lui-même , fortant
en quelque manière du néant de fon îgno-
fance ; diflipant par les efforts de fa raifon
les ténèbres dans lefquellesla nature Ta voit
enveloppé ; s'élevant par Tefprit jufques
dans les plus hautes fpheres des régions^
céleftes ; affervifl^nt à ion calcul les mour
vemens des aftres , & mefurant de foii
compas la vafte étendue de l'univers ; ren- .
trant enfuite d le fond de fon cœur &c
fe rendant ce e à lui-même de la na^:
ture de fon , de fon excellence y.de:
Ùl haute def) lOn.
Qu'un par^.i avei^ arraché à la vérité ,V
eft honor^le aux Sciences ! Qu'il en mon*»
tre bien ta néceilité & les avantages ! Qu'il
en a du coûter à l'Auteur d'être forcé à
Iç Eure > U encore plus à le rétracter i ^
2^1 RÉPONSE
> • I ■ ■ ■ ■. „ ■■. 1 , 4
La nature, dit -il, eft affez belle par
dle-même , elle ne peut que perdre à être
ornée. Heureux les hommes , ajoute-t-il ,
cjui favent profiter de ces dons fans les
cônnoître ! Ceft à la fimplicité de leiur
eiprlt qu'ils doivent l'innocence de leurs
mœurs. La belle morale que nous débite
ici le cenfeur des Sciences & l'apologifte
des mœurs ! Qui fe feroit attendu que de
pareilles réflexions duflent être la fuite des
principes qu'il vient d'établir?
La nature d'elle-même eft belle , fans
doute ; mais n'eft'^ce pas à en découvrir
les beautés , à en pénétrer les feçrets , à
eh dévoiler les opérations , que les Êivans
employent leurs recherches ? Pourquoi un
fi vafte champ eft-il offert à nos regards ?
L'efprit fait pour le parcourir , & qui ac*»
quiert dans cet exercice , fi digne de fon
aôivité , plus de force & d'étendue , doit-r
il fe réduire à quelques peroèptions pafia^
gères , ou à une ftupide a<hniration > Le$
inœurs fercmt- files moins pures, parce
gué la raifbn fera plus éclairée ? JÇt à me^
iure que le flambeau qiii nous eA dona4
pour nous conduire ^ augmentera de lu^
flûetes, nptre rgutç dwiendr^^t-^Uç moins
DU Roi de PoIogne. 1^3
■ I t ' ■ 1 1 II ■■■■■■ I II I I ■ m
aifée à trouver ,g& plus difficile à tenir?
A quoi aboutiroient tous les dons que le
Créateur a feits à Thomme, fi , borné aux
fonâions organiques de fes fens , il ne
poiivoit feulement examiner ce qif il voit,
réfléchir fur ce qu'il entend , difcerner par
J'odorat les rapports qu'ont avec lui les
objets , fiippker par le taâ: au défaut de
la vue , & juger par le goût de ce qui.
lui eft avantageux ou nwifiblc ? Sans la
raifon qui nous éclaire & nous dirige ,
confondus avec les bêtes , gouvernés par
Finftina, ne deviendrion^nous pîfô bien^
tôt auiîi fembkbles à elles par nos aftions,
que nous le fommes déjà par nos bcfoins ?
Ce n'eft que par le fc cours de la .réflexion
& de rétude , que nous pouvons parve-
nir à régler Pufage des chofes fenfibles qui
font à notre portée , à corriger les er*
reurs de nos fens , à foumettre le corps
à Tempire de Tefprit , à conduire Tame ,
cette fubftance fpirituelle & immortelle,
à la connoiffance de ks devoirs & de
fa fin.
Comme c'eft principalement par leiu3
effets fur les mœurs , que TAuteur s'at-
tache à décrier les Sciences ; pour les
N 3
194
RÉPONSE
venger d'une fi hwfk imputation , je n'au^
rois qu'à rapporter ici le)s avantages que
Jeur doit la Société ; mais qui pourroit
détailler les biens fans nombre qu'elles y
apportent , & les agrémens infinis qu'elles
y répandent ? Plus elles font cultivées dans
un État, plus TEtat eft floriflknt; tout y
languiroit fans elles.
Que ne leur doit pas l'artifan , poir
tout ce qui contribue à la beauté , à la
folidité y à la proportion , à la perfeâioA
de (es ouvrages ? Le laboureur , pour les
différentes feçons de forcer la terre à payer
à (es travaux les tributs qu'il en attend ?
Le médecin , pour découvrir la nature des
maladies , & la propriété des remèdes ?
Le jurifconfulte , pour difcerner l'efpril
^des loix & la diverfité des devoirs? Le
juge , pour démêler les artifices de la cu-
pidité d'avec la fimplicité de l'innocence f
& décider avec équité des biens & de
la vie des hommes ? Tout citoyen , de
quelque profeffion , de quelque condition
qu'il foit,a des devoirs à remplir ; & com-
ment les remplir fans les connoître ? Sans
la connoiffance de î'hiftoire , de la poli-
tique ^ de la religion , coaunent ceux qui
DU Roi de Pologne, x^y
font prépofés au gouvernement des Etats ^
fauroient-ils y maintenir Tordre , la fu-.
bordination , la fureté, l'abondance î
La curiofité , naturelle à Phomme , lui
înfpire Tenvie d'apprendre ; fes befoins lui
en font fentir la néceflité ; fes emplois lui
en impofent Tobligation ; fes progrès lui
en font goûter le plaiiir. Ses premières
découvertes augmentent Tavidité qu'il a
de favoir ; plus il connoît , plus il fent
qu'il a de connoif&nces à acquérir ; 6C
plus il a de connoiflances acquifes , plus
il a de facilité à bien faire.
Le Citoyen de Genève ne l'auroit-il pas
éprouvé ? Gardons - nous d'en croire fa
modeflie. Il prétend qu'on feroit plus ver»
tueux , fi Ton étoit moins favant : ce font
les Sciences , dit - il , qui nous font con«
lioître le mal. Que de crimes , s'écrie- 1- il,
tioûs ignorerions fans elles ! Mais l'igno-
rance du vice eft - elle donc Une vertu ?
Eft-ce faire le bien que d'ignorer le mal ?
Et fi , s^en abftenir parce qu'on ne le con-
noît pas , c'eft-là ce qu'il appelle être
vertueux , qu'il convienne du moins que
ce n'efl: pas l'être avec beaucoup de mé-
rite : c'efl: s'expofer à ne pas Têtre long-
N 4
2.96 Réponse
» ■! ■! ■■ Il ■! Il ■ I II — — — ^
tems : c'eil ne Têtre que jufqu'à ce que
quelque objet vienne folliciter les penchans
naturels , ou quelque occafion vienne ré-
veiller des pâmons endormies. Il me fem-
ble voir un faux-brave , qui ne fait mon*
tre de fa valeur que quand il ne le pré-
fente point d*ennemis : im ennemi vient-il
à paroître , faut -il fe mettre en défenfê ;
le courage manque , & la vertu s'évanouit.
Si les Sciences rious font connoître le mal,
elles nous eil font connoître auffi le re-
mtde. Un botânifle habile fait démêler
les plantes falutaires d'avec les herbes vé-
nimeufes ; tandis que le vulgaire , qui
ignore également la vertu des unes & le;
poîlon des autres , les foule aux pieds fans
diftinâion , ou les cueille fans choix. Un
homme éclairé par les Sciences , diftingue
dans le grand nombre d'objets qui s'offirent
à fes connoiflances , ceux qui méritent foa
averfion , ou i^^ recherches : il trouve
dans la difformité du vice & dans le trou-
ble qui le fuit, dans les charmes de la
vertu & dans la paix qui l'accompagne j
de quoi fixer fon eftime & fon coût pour
l*une , fon horreur & fçs mépris pour.
l'autre '; il efl fage par choix , il efl foli-
dement vertueux.
■w«^
DU Roi de Pologne. 297
Mais , dit - on , il y a des pays , oîi fans
{cience , làns étude , fans connoître eil
détail les principes de la morale , on la
pratique mieux que dans d'autres où elle
eft plus connue , plus louée , plus haute-
ment enfeignée. Sans examiner ici , à là
rigueur , ces parallèles qu'on fait fi fouvent
de nos mœurs avec celles des anciens ou
des étrangers , parallèles odieux , oii il en-
tre moins de zèle & d'équité 9 que d'envie
contre fes compatriotes & dliumeur con-
tre fes contemporains : n'efl - ce point au
climat , au tempérament , au manque d'oc»
cafion , au défaut d'objet , à l'économie
du gouvernement , aux coutumes , aux
k)ix , à toute autre caufè qu'aux fciences 9
qu'on doit attribuer cette différence qu'on
remarqué quelquefois dans les mœurs , eil
différens pays & en différens tems ? Rap-^
^elkr fans cefTe cette fimplicité primitive
dont on fait tant d'éloges , fe la repréfen-
ter toujours comme la compagne mfépa-
rable de l'innocence , n'efl-ce point tracer
un portrait en idée pour fe faire illufion ?
Oii vit-on jamais des hommes fans défauts*,
fens defirs , fans paffîons ? Ne portons-»
nous^ pas en nom^* mêmes le gerftie dé
N5.
jm
a9S RÉPONSE
m * ■ *
tous ks vices î Et s'il fiit des temS , s'il
«ft encore des climats oà certains crimes
ibient ignorés , n'y voit - on pas d'autres
Jéfordres ? N'en voit - on pas encore de
plus monftrueux chez ces peuples dont on
vante la fhipîditë ? Parce que l'or ne tente
pas leur cupidité , parce que les honneiu-s
n'excitent pas leur ambition . en connoif-
fent-ils moins Porgueil & rinjuftice ? Y
font-ils moins livrés aux bafieiies de l'en-
vie , moins remportés par la fureur de la
vengeance ^ . leurs fens groffiers font - ils
jnacceffibles à l'attrait des plaifirs ? Et à
quels excès ne fe porte pas une volupté
qui n'a point de règles , & qui ne connoît
point de freins ? Mais quand même dans
ces contrées iauvages il y aiuroit moins
4e crimes que dans certames nations po-^
licées , y a-t-il autant de vertus î Y voit-
on fur - tout ces yertus fublimes , cette
pureté de moeurs , ce défintérefiement
magnanime, ces aâi<His furnaturelles qu'en-
&nte la religion ?
Tant de grands hommes qui Font dé-^
fendue par leurs ouvrages , qui l'ont Eut
^dmirer par leurs mœurs , n*avoient-ils pas
puifé dans l'étude çe$ lumierç^ fupérieujre^
DU Roi de Pologne. Z99
m\i ont triomphé des erreurs & des vices ?
C*eft le feux bel-efprit , c'eft Tignorance
préfomptiiewfe qui font éclore les doutes
& les préjugés ; c'eft l'orgueil , c'eft ToblH-
hation qui produifent les fchifmes & les
héréfies ; c*eft le pyrrhonifme , c'êft Pin-
crédulité qui fevonfeht l'indépendance , la
révolte , les paffions , tous les forfeits*
De tels adverfeires font honneur à la reli-
gion. Pour les vaincre j elle n'a qu'à paroî-
tre ; feule , elle a de quoi les confondre
tous ; elle ne craint que de n'être pas aflez
connue , elle n'a befoin que d'être appro-
fondie pour fe faire refpefter ; on 1 aime
dès qu'on fa connoît; à mefiire qu'on
l'approfondit davantage , on trouve de
nouveaux motifs pour la croire^ & de nou-
veaux nioyens pour la pratiquer ; plus le
Chrétien examine l'authenticité de fes titres,
plus il fe raffure dans la poffeffion de ià
croyance; plus il étudie la révélation,
plus il fe fortifie dans la foi. C'eft dans les
divines Ecritures qu'il en découvre l'ori-
gine & l'excellence ; c'eft dans les doues
écrits des Pères de l'Eglife qu'il en fuit de
fiecle en fiecle le développement; <?eft
dans leii livres d$ morale & les asuiale?
300 RÉPONSE
tîntes 9 qu'il en voit les exemples , &
qu'il s'en lait l'application.
Quoi ! l'ignorance enlèvera à la religion
& à la vertu des lumières fi pures , des
appuis fi puifians ; & ce fera à cette même
religion qu'un dofteiu" de Genève enfei-
gnera hautement qu'on doit l'irrégularité
des mœurs ! On s'étonneroit davantage
d'entendre un fi étrange paradoxe , fi on
ne favoit que la fingularité d'un fyftême f
quelque dangereux qu'il foit , n'eu qu'une
raifon de plus pour qui n'a pour règle que
l'efprit particulier. La religion étudiée eft
poiu: tous les hommes la règle infaillible
des bonnes mœurs. Je dis plus : Pétude
même de la nature contribue à élever les
fentimens , à régler la conduite ; elle
ramené naturellement à l'admiration , à
Famour , à la reconnoifiance , à la fou-
mifiion que toute ame raifonnable fent
être dues au Tout-puiflant. Dans le cours
régulier de ces globes immenfes qui rou-
lent fur nos têtes , l'Aftronome découvre
une Pui&nce infinie. Dans la proportion
exade de toutes les parties qui compofent
l'univers , le Géomètre apperçoit l'effet
id'uixe intelligence iàns bornes. Dans l4
f .
DU Roi de Pologne. 301
fucceffion des tems , l'enchaînement des
caiifes aux effets , la végétation des plantes ,
Forganifation des animaux, la confiante
uniformité & la variété étonnante des difi-
ierens phénomènes de la nature , le Phy-
ficien n*en peut méconnoîtré TAuteur , le
Confervateur, l'Arbitre & le Maître,
De ces réflexions le vrai Philofophe def^
cendant à des conféquences pratiques , &C
rentrant en lui-même , après avoir vaine^
ment cherché dans tous les objets qui Ten^
vironnent , ce bonheur parfeit après lequel
il foupire fans cefTe , & ne trouvant rien
ici-bas <jui réponde à l'immenfité de fes
defirs ; il fent qu'il efl fait pour quelque
chofe de plus grand que tout ce qui ef^
créé; il Je retourne naturellement vers
fon prçmier principe & fa dernière fin.
Heureux , fl docile à la grâce , il apprend
à ne chercher la félicité de fon cœur que
dans la pofTeffion de fon Dieu 1
" ■ ' " ' '■* ' -i
501 R É P O N S«£
SECONDE PARTIE.
1 C I TAuteur anonyme donne lui-même
l'exemple de l'abus qu'on peut feire de
l'érudition , & de l'alcendant qu'ont ïiur
l'efprit les préjugés. U va fouiller dans les
fiecles les plus reculés. Il remonte à la
plus haute antiquité. Il s'épuife en raifon-
fiemens & en recherches pour trouver des
ilif&ages qui accréditent fon opinion. H
cite des témoins qui attribuent à la culture
des Sciences & des Arts , la décadence
des Royaumes & des Empires, il impute
aux favans & aux artiiles le luxe & la
molleire , fources ordinaires des plus étranr
ges^ révolutions.
Mais FEgypte , la Grèce , la républi-
iqiie de Rome , l'empire de la Chine , qu'il
ofe appeller en témoignage en faveur de
l'ignorance , au mépris des Sciences & au
préjudice de^ mœurs , auroient dû rappel-
ler à fon fouvenir cts Légiflateurs fameux ,
qui ont éclairé par l'étendue de leurs lumiè-
re? , & réglé par la fageffe de leurs loix ^
fes grands Etats dont ils avoient pofé le$
DU Roi de Pologne. joj
« ' I ■ ■ Il I ■»
premiers fondemens : ces Orateurs célè-
bres qiii les ont foutenus fur le penchant
de leur ruine , par la force viftorieufe de
leur fublime éloquence : ces Philofophes,
ces Sages 9 qui par leurs doôes écrits, &
leurs vertus morales , ont illuftré leur
Patrie , & immortalifc leur nom.
Quelle foule d'exemples éclatans ne pour-
rois-je pas oppofer au petit nombre d'Au-
teurs hardis qu'il a cités ! Je n'iaurois qu'à
ouvrir les annales du monde. Par com-
bien de témoignages inconteftat>les , d'au*
guftes monumens , d'ouvrages immortels ,
l'hiftoire n'attefte-t-elle pas que les Scien-
ces ont contribué par-tout au bonheur de^
hommes ^ à la gloire des Empires » au.
triomphe de la vertu ?
Non , ce n'eft pas des Sciences , ç'eft du
fein des richefles que font nés de tout tems
la moUefle & le hixe ; & dans aucun tems
les richefles n*ont été Tappanage ordinaire
des favans. Pour un Platon dans Topu^
lence y un Arlftippe accrédité à la Cour ^
combien de Philofophes réduits au man-
teau & à la beface , enveloppés dans leur
propre vertu & ignorés dans leur fditude !
combien .4Homeres U de IXogenes ^
JO4 RÉPONSE
d'Epiûetes & d'Efopes dans Tindigence l
Les favans n'ont ni le goût ni le loifir
d'amaffer de grands biens. Ils aiment Té-
tude ; ils virent dans la médiocrité y &
une vie bborieufe & modérée , paflee
dans le filence de la retraite , occupée de
la ledure & du travail , n'eft pas affuré-
ment ime vie voluptueufe &c criminelle.
Les conunodités de la vie , poiu- être four
vent le fruit des Arts , n'en font pas da-
vantage le partage des artifles ; ils ne
travaillent que pour les riches , & ce font
les riches oififs qui profitent & abufent des
fruits de leur induftrie.
L'effet le plus vanté des Sciences & des
Arts , c'eft , continue TAuteur , cette poli-
teffe introduite parmi les hommes , qu'il
lui plaît de confondre avec l'artifice &
l'hypocrifie. Politeffe , félon lui , qui ne
iert qu'à cacher les défeuts & à mafqucr
les vices. Voudroit-il donc que le vice
parût à découvert ; que l'indécence fut
jointe au défordre , & le fcandale au crime ?
Quand , effeâivement , cette politeffe dans
les manières ne feroit qu'un rafinement
d^ l'amour - propre poiur voiler les foi-
Weffes 9 ne feroit-ce pas encore ua ^vao*
DU Roi, DE Pologne. 305
'- — ■ • r- ■ . . . - ■ --. ■■■_■■
tage pour la fociété , que le vicieux n'o-
iàt s'y montrer tel qu'il eft , & qu'il £ut
forcé d'emprunter les livrées de la bien-
féance & de la modeftie ? On Ta dit , &
il eft vrai; lliypocrifie , toute odieufe
qu'elle eft en elle-même , eft pourtant un '
hommage que le vice rend à la vertu ; elle
garantit du moins les âmes foibles de la
contagion du mauvais exemple.
Mais c'eft mal connoître les ÙL\^ns > que
de s^ea prendre à eux du. crédit qii'a dans
le monde cette prétendue politeffe qu'on
taxe de diftiniulation : on peut être poli
fans être diflimulé ; on peut affurément être
i'un & l'autre fans être bien favant; &C
plus communément encore on peut être
bien favant ikns être fort poli.
L'amoiu- de la folitude , le eoût des li-
vres , le peu d'envie de paroitre dans ce
Su'on appelle le beau-monde , le peu de
iipofition à s'y préfenter avec grâce ; le
peu d'efpoir d y plaire , d'y briller , l'en*
nui inféparable des converfations frivoles
& prefque infupportables pour des efpritSi.
accoutumés à penfer ; tout concourt à ren-^
dre les belles compagnies aufti étrangères^
pour le ùyant , qu'il csft lui-tnêm« étran-» "'
3o6 RÉPONSE
ger pour elles. Quelle figure feroit - il
dans les cercles î Voyez-le avec fon air
rêveur , fes fréquentes diftraûions , fou
cfprit occupé , fes expreffions étudiées ^
{es difcours fentencieux , fon ignorance
profonde des modes les plus reçues &
des uiàges les plus commiuis ; bientôt par
le ridicule qu'il y porte & qu'il y trouve ,
par la contrainte qu'il y éprouve & qu*il
y caufe , il ennuyé , il eft ennuyé. Il fort
peu fatisÊût, on eà fort content de le
voir fortir. U cenfure intérieurement tous
ceux qu'il quitte : on raille hautement
celui qui part ; & tandis que celui-ci gé-
mit fur leurs vices , ceux-là rient de fes
défauts. Mais tous ces défauts , après tout f
font aflez indifférens pour les moeurs ; &C
c'efl à ces défauts , que plus d'un iavant ,
peut-être , a l'obligation de n'être pas auffi
vicieux que ceux qui le critiquent.
Mais avant le règne des Sciences & des
Arts , on voyoit , ajoute l'Auteur , des
Empires plus étendus , des conquêtes plus
rapides , des guerriers plus Êimeux. S'il
avoit parlé moins en Orateur & plus en
Philofophe, il auroit dît qu'on voyoit
(lus alors de ces hommes audacieux ^ qui ^
DU Roi de Pologne. 307
•^•^
tranfportés par des paffions violentes &
traînant à leur fuite une troupe d'efcla ves ^
alloient attaquer des nations tranquilles ,
fubjuguoient des peuples qui ignoroient le
métier de la guerre , affujettiflbient des
pays où les Arts n'avoient élevé aucune
barrière à leurs fubites excurfions ; leur
valeur n*étoit que férocité , leur courage
que cruauté , leurs conquêtes qu^nhuma-
nité ; c'étoient des torrens impétueux qui
faifoient d'autant plus de ravages 9 qu'ils
j-encontroient moins d'obftades. Auffi à
peine étoient-ils paffés , qu'il ne reftoit
fur leurs traces que celles de leur fureur ;
nulle forme 'de gouvernement , nulle loi ,
nulle police , nul lien ne retenoit & n'u-
BÎ/Toit à eux les peuples vainais.
Que Ton compare à ces tems d*igno-^
rance & de barbarie , ces fiecles heureux ,
où les Sciences ont répandu par-tout l'ef-
prit d'ordre & de jullice. On voit de no5
Jours des guerres moins fréquentes , mais
plus juftes ; des aftions moins étonnantes ^
mais plus héroïques ; des vidoines moin$
fenglantes , mais plus glorieufes ; des con*
uêtes moins rapides , mais plus affurées ;
es guerriers moins viokns , mais plus
2
I ■ .u
308 RÉPONSE
redoutés , fâchant vaincre avec modéra-
tion y traitant les vaincus avec humanité :
Vhonneur eft leur guide ; la gloire , leur
récompenfe. Cependant , dit l^^uteur , oa
remarque dans les combats une grande
différence entre les nations pauvres , qu'on
appelle barbares , & les peuples riches ,
qu'on appelle policés. Il paroît bien que
le Citoyen de Genève ne s'eft jamais
trouvé à portée de remarquer de près ce
qui fe patte ordinairement dans les cora-
Mts. Ett-il furprenant que des barbares
fe ménager^t moins & s'expofent davan-
tajge ? Qu'ils vainquent ou qu'ils foient
vaincus , ils ne peuvent que gagner s'iU
furvivent à leurs défaites. Mais ce que Tef-
pérance d'un vil intérêt, ou plutôt ce
qu'un défefpojr brutal infpire à ces hom-
mes fanguinaires , les fentimens , le de-
voir l'excitent dans ces âmes généreufes
3ui fe dévouent à la Patrie ; avec cette
ifFérence que n'a pu obferver l'Auteur,
que la valeur de ceux-ci , plus froide , plus
réfléchie , plus modérée , plus favamment
conduite, eu par-là même toujours plus
fure du fuccès.
Mais enfin Socrate , le fameux Socrate
•w^
pv Roi de Pqlqgne. 309^
^eft lui-même récrié contre les Sciences
de fon tems. FauMl s'en étonner? L'or-
gueil indomptable des Stoïciens , la mol-
ifeffe efféminée des Epicuriens , les raifon-
nemens abfurdes des ryrrhoniens , le goût
de la difpute , de vaines fubtilités, des er-
reurs fans nombre , des vices monftnieiuc
îhfcâoient pour lors la Philofophie, ÔÇ
déshonoroient les Philofophes. Cétoit
Fabus des Sciences 9 non les Science^
elles-mêmes, que condamnoit ce grand
homme , &c nous le condamnons après
lui. Mais Pabus qu'on fait 4*une chofe
fuppofe le bon ufage qu'on en peut faire.
De quoi n'abufe-t-on pas ? Et parce qu'un
Auteur anonyme , par exemple , pour dé*
fendre une m^uvaife caufe 9 aura abufé
une fois de la fécondité de fon efprit 8ç
de la légèreté de fa plume , fàudra-t-il lui
en interdire Tufage en d'autre^ oçcai^ons^
& pour d'autres liijets plus dignes de fon
génie } Pour corriger quelques excès d'in^»
tempérance , faut 1- il ayr^cher toutes les
Vignes ? L'ivrefTe de Yefpnt a précipité
quelques favans dans 4'étranges égare»
mens : j'en conviens , j'en çéxnis. Par les
difçour$ de quçl({ae$-uns | cum» ks écrits
JIO RÉPONSE
de quelques autres , la religion a dégénéré
en hypocrifie , la piété en fuperftition ,
la tRéologie en erreur, la jurifprudence
en chicane , raftronomie en aftrologie
judiciaire , la phyfique en athéifme. Jouet
des préjugés les plus bizarres y attaché aux
opinions les plus abfurdes 9 entêté des
^ftêmes les plus infenfés , dans quels
écarts ne donne pas refprit humain , quand ,
livré à une curiofité préfomptueufe , il
veut franchir les limites que lui a mar-
quées la mêm^ main qui a donné des bor-
nes à la mer ! Mais en vain les flots mu-»
giflent , fe foulevent , s'élancent avec fo-
reur fur les côtes oppofées ; contraints de
fe replier bientôt fur eux-mêmes , ils ren-
trent dans le fein de l'océan, & ne laif-.
fent fur fes bords qu'une écume légère qui
s'évapore à Tinftant , ou qu'un fable mou-
vant qui fuit fous nos pas.
Image naturelle des vains efforts de
l'efprit , quand , échauffé par les faillies
d'une imagination dominante, fe laiflant
emporter à tout vent de doftrine , d'un
vol audacieux il veut s'élever au-delà de
fa fphere, & s'efforce de pénétrer ce qu'il
se lui eft pas donné de comprendre*
uu Roi de Pologne. 311
Mais les Sciences , bien loin d'autorifer
de pareils excès , font pleines de maxi-
mes qui les réprouvent : & le vrai fa-
nant , qui ne perd jamais de vue le flam-
beau "de la révélation , qui fuit toujours
le guide infeillible de l'autorité légitime, -
procède avec fureté , marche avec con-
fiance j avance à grands pas dans la carrière
des Sciences , fe rend utile à la focicté ,
honore fii Patrie , fournit fa courfe dans
l'innocence , & la termine avec gloire.
DISCOURS
SUR
LES AVANTAGES
DES SCIENCES ET DES ARTS;
Prononce dans t A jjemblic publique de tAcOf-
démi<e des Sciences & Belles '^Lettres de
Lyon j le zz Juin ijSu
Par m* Borbe. (a)
O N eft défàbufé depuis long-tems de la
chimère de l'âge d*ort par-tout la barbarie
a précédé rétabliffement des fociétés ; c'eft
une vérité prouvée par les annales de tous
Jes peuples» Par-tout les befoins & les cri-»
mes forcèrent les hommes à fe réunir y i
s'imppfer des loix , à s'enfermer dans des
remparts. Les premiers pieux ^ les pre»
mîers Rois furent des bienfeiteurs ou des
tyrans ; la reconnoifiance Se la crainte
^levèrent les trônes ëc les ^utçls. La
C/i) MI Roufièaii répliqi^à c^ difcours par on Xtt\%
Intitulé : Dernière Ri^onfe qui £e trouve à la page 173 d»
luperUidoii
Avantages des Sciences , &c. 3 4 j
m ^ ^ Il , Il ■ I K
fuperflitlon & le defpotifme vinrent alors
couvrir la face de la terre : de nouveaux
malheurs y de nouveaux crimes fuccéde-
rent j les révolutions fe multiplièrent.
A travers ce vafte fpeftacle des paffions
& des m iferes des hommes , nous apper-»
cevon$ à peine quelques contirëes plus luges
rcfpe etoit fauvage
GxQce penfa , & s'éleva par refprit à tout
ce qui peut rendre im peuple recommanda-
ble. Des Philofophes formèrent fes mœurs
& lui donnèrent des loix..
Si l'on refufe d'ajouter foi aux tradi-
tions qui nolis difent que les Orphée ôf
les Amphion attirèrent les hommes du
fond des forçts par la douceur de leurs
efl forcé '^. pair Vhiftoire , de
chants, on
convenir que cette heureufe révolution efl:
due aux Artsutile^.&ç^uxSçienceSf Quels
ho^imes étoient-ce que ces i^repiiers Légi ^
lateurs de la Grèce ?.,. Peut-on nier qu'ils
ne fuflent les p3^ vertueux & les plus
fav^uîs de leur iîec^ç î Ils avoient acquis
tout ce que l'étude & la réflexion peu-
vent ddni^r de lumière à Refprit , & il»
fSufpl* de U ColUc/ 'toïiçit t O
314 PiSCpURS SUR L£S
y avoient joint lè$ feccmrs de rexpérîencé
par les voyages qu'ils avoient entrepris
en Crète, en Egypte , chez toutes les
nations oh ils javpient cru trouver à is'int-
truire^
Tandis qu'ils établiflbient leurs Avers
fyftêmes de politique, par qui lès paifions
partiçjiilierf s dëvenpient ie plus iur înÀru»
ment du bien public , & >qiu Ëtifoient
germer la vçrtu du fein même de Pamour-
propre ; d'autres Philofophes écrîvoient
^ur fci iTior5ile ^ remontoient aii;5c premiers
principes des chofts , obfervoîent la nature
. & {e,s eStt^ Lar gloirç de Tefprit & celle
jdes armes avançoipnt 4'pn pas &al ; les
fages & lès héros naiffçîent en foule ; à
côt^ des MiUiade 8c des Thémiftoçle., on
^rouvoit les jAriftide & i^ Socrate.- La
fupetbe Afie y^t brifer fei forces mnom-
brahlps , contre iine poignée d'hommes ^
que la Philofopltie condiiifoit à la gloire,
^el eft rinfanlible e^ (des connoiffances
^e l'efpnt ; les mcpurs & les loix font la
feule fpurîce du y^içzfljlp héroïfine. En
im mot, la Grepe ^ut tout aux Sciences^
^ le refte du monde dut tout à la Gjrece.
C)ppoliei3sjt-an â ce J^çrUlai^ tableau les
Ay/lstages DE5 Sciences , &c. j 1 5
mœurs groffieres des Perfes & des Scythas ?
J!admirei:ai , fi Ton veut, des peuples qui
Eaffem leur vie à la guerre ou dans les
ois , qui couçheat fur la terre , & vivent
de légumes. Mais eft-ce oarini eux qu'on
ira chercher le bonheur) Quel fpeftacle
nous préfenteroit le genre-Humain, çom-
pofé uniqu^nent de labo)Lireurs , de fol-
fiats , de ctefleurs & de bergers ? Faut-il
donc , pour être digne du noiji dTiOTime,
vivre comme les lions & les oius ? Eri^
gera-tron «n vertus ^ les fecultçs de l'irjt
tinô pQiu: fc nourrir, fe perpétuer & fe
défendre? Je ne vois là.que.de.s vertus
/immaies ^ pieu conformes a la jdiçiité de
notre être ; le corps eft exprcé, mais Tacne
^fclave ne i&it que ramper & languir.
Les Perfes n'eurent pas plutôt fait Igi con-
quête de TAfie , qu'ils perdirent leurs
mœurs; les Scythes dégenérer^ent auffi ,
quoique pks tard ; des vertus fi feuvages
font ttop contraires à r.humanité , pour
^tre durcies ; fe priver de tout ^ -ne di-
iirer rien , eft -un état trop violent ; ijiae
ignorance fi groiïiere ne fauroijt être qu*ua
mtde paffage. Il n'y a que la ftupidité & la
jnifere qui puiffent y affujettir les homiues»
i6 Discours sur les
■^— ^f— ■— ^■■^f I '
Sparte, ce phénomène politique, cette
république de foldats vertueux , eft le feul-
peuple qui ait eu la gloire d'être pauvre
par inftitution & par choix. Ses loix fi
admirées avoient pourtant de grands dé-
fauts. La dureté des maîtres & des pères ,
rexpofition des enfàns , le vol autorifé , la
pudeur violée dans l'éducatiofi & les maria*
ges , une oifiveté éternelle , les exercices
du corps recommandés uniquement , ceux
de Pefprit proferits & méprifés , Tauftérité
& la férocité des mœurs qui en étoient la
fuite , & qui aliénèrent bientôt tous les
alliés de la république, font déjà d'affez
juftes reproches : peut-être ne fe borner
roient-ils pas là , fi les particularités de
fon hiftoire intérieure nous étoient miemf
conhues. Elle fe fit une vertu artificielle
en fe privant de Tufage de Tor , mais q\ie
devenoient les vertus de fes citoyens ,
fi-tôt qu^ils s'éloignoient de leur Patrie }
Lyfanàre & Paufanias n'en fiirent que plus
^ifés à corrompre. Cette nation qui né
reipiroit que la guerre , s'eft-elle fait une
gloire plus grande dans les armes que i^
rivale , qui avoit réuni toutes les fortes dé
gloire? Athçnes nç fufpas moins guerrierç
r» ■ ■ • ■ i' ■ '*■ >
Avantages des Sciences, &c 317
qiie Sparte; elleflit de plus iàvante, ingé-
nieiife & magnifique ; elle enfanta tous les
.Arts & tous les talens; & dans le fein
même de la corruption qu'on lui reproche ,
elle donna le jour au plus fage des Grecs.
Après avoir été plufieurs foi$ iiir le point
de vaincre, elle fut vaincue, il eftvraî,
& il eft furprenant qu'elle ne Teùt pas été
plutôt , puifque rÂttique étoit un j)ays
tout ouvert , & qui ne pouvoit fe defen*
* dre que par une très-grande liipériorité de
^fuccès. La gloire des Lacédémom^ns fut
peu folide ; la profpérité corrompit leufi
inâitutions, trop bizarres pour pouvoir
ie cooferver long^tems : la fiere Sparte
perdit fes moeurs comme la favante Athè-
nes. Elle ne fit plus rien depuis qui fiit
digne de fa réputation.: & tandis que les
Athéniens & plufieurs autres villes lut-
toient contre la Macédoine , pour la liberté
delà Grèce, Sparte feule languiffoit dans
le repos, & voyoit préparer de loin fa
deftniftion, fans fonger à la prévenir.
Mais enfin je fuppofe que tous les Etats
dont la Grèce étoit compofée, euflent fuivi
les mêmes loix que Sparte , que nous
rçfteroit-il de cette contrée fi célèbre ? A
03
g= =- . =
318 Discours sur les
peir e fon nom feroît parvenu jufqu'à nôiis.
Elle auroit dédaigné de former des hifto-
riers, pour tranfmettre fa gloire à la pofié-
rité ; le fpeftacle de {es farouches vertus
^iit été perdu pour nous : il nous ièroft
indifférent par conféquent qu'elles euifent
exifté ou non. Ces nombreux fyftêmes
de Philofophie qui ont épuiië toutes les
combinaifons poffibles de nos idées , 6c
qui y s'ils n'ont pas étendu beaucoup les
limites de notre efprit , nous ont appris
du moins où elles étoient ûxées ; ces chefs-
d'œuvre d'éloquence & de poéfie qui nous
ont enfeigné toutes les routes du cœur ;
les arts utiles ou agréables , qui confen-
vent ou embelliffent la vie ; enfin l'ineûi-
mable tradition des penfées & des aâions
de tous les grands nommes y qui ont fait
la gloire ou le bonheur de Thumanité :
toutes ces précîeufes richeffes de l'efprit
euifent été perdues pour jamais. Les fiecles
fe feroient accumulés , les générations des
hommes fe feroient fuccédécs comme celles
des ahimaux , fans aucun fiint pour leur
poflérité , & n'auroient laiffé après elles
qu'un fouvenir confiis de leu;* exiflence ;
le monde auroit vieilli^ &c les hommes
Wt ^ *' r ' ' ' ^ *À
Avantages des Sciences , 6cc. 3 19
Wll « ' *
/eroient demeurés dans une enfence éter-
nelle.
Que prétendent enfin les ennemis de la
fcience r .Quoi ! le don de penfer feroit
un prefent funefte tle la Divinité ! Les
connoiiTances & les mœurs feroient in-
, compatibles ! La vertu feroit un vain
fentome produit par un inftinÔ aveugle,';
& le flambeau de h raifon la feroit éva-
nouir , en voulpt rédaircir ! Quelle
étrange idée vouaroit-on nous donner &
de la raifon & de la vertu !
' Comment prouve -t* on de fi bizarres
paradoxes ? On objeÔe que les Sciences
& les Arts ont porté un coup mortel aux
mœurs anciennes , aux inftitutions primi-
tives des Çtats : on cite pour exemple
Athènes &Rome« Euripide ôcDémoilhene
ont vu Athènes livrée aux Spartiates & aux
Macédoniens : Horace , Virgile & Cicéron
ont été contemporains de la ruine de la
liberté Romaine ; les uns & les autres ont
été témoins des malheurs de leur pays :
ils en ont donc été la caufe. Conféquenoe
peu fondée , puifqu*on en pourroit dire
autant de Socrate ci de Caton.
En accordant que l'altération des ioix
O 4
310 ' Discours sur les
'& la corruption des mœurs ayent beau-
coup influé fur ces grands événemens, me
forcera-t-on de convenir que les Sciences
& les Arts y ayent contribué- } ' La cor-
ruption fuit de près la profpérité ; les
Sciences font pour l'ordinaire leurs plus
rapides progrès dans le même tems : des
thofes fi diverfes peuvent naître enfemble
& fe rencontrer : mais c'eft fans aucune
relation cntr'elles de catjfe & d*effet.
Athènes & Rome étoient petites & pau-
vres dans leurs cômmencemens ; tous leurs
citoyens étoient foldats, toutes leurs vertus
étoient néceiTaires , les occafions même de
corrompre leurs mœurs n'exiftoient pas.
Peu après elles acquirent des richefles &
de la puiflànce. Une partie des citoyens
ne fut plus employée à la guerre ; on
apprit à jouir & à penfer. Dans le feîn de
leur opulence ou de leur loifîr , les uns
perfeûionnerent le luxe , qui âiit la plus
ordinaire occupation des gens heureux ;
d'autres ayant reçu de la nature de plus
favorables difpofitions , étendirent les luni-
tes de Fefprit, & créèrent une gloire nou-
velle. ,
' Ainfi tandis que les uns ^ par le fpeôade
^■ 1 I I' I t I 1 I I I I . 1 »i
Avantages des Sciences , &c.« 3 x i
des richeffes & des voluptés , profa-
noient les loix 6c les mœurs ; les autres
allumolent le flambeau de la Philofophle
& des Arts , inftruifoient , ou célébroient
les vertus , & donnoient naîflànce à ces
noms (i chers aux gens qui fkvent penfer ,
Tatticifine & Ptirbanité. Des occupations
fi oppofées peuvent- elles donc mériter les
mêmes qualifications ? Pouvoient-elleà pro-
duire les mêmes effets ?
Je ne nierai pas que la corruption gé-
nérale ne fe foit répandue quelquefois juf^
ques fur les Lettres , & qu'elle n'ait pro-
Quit des excès dangereux ; mais doit-on
confondre la noble deftination des Scien-
ces avec Tabus criminel qu'on en a pu
faire î Mettra-t-on dans la balance quel-
<|ues épigrammes de Catulle ou de Mar-
tial, contre les noinbreux volumes phi-
lofophiques » politiques & moraux de Ci-
céron , contre le fàge poëme de Virgile ?
D'ailleurs, les ouvrages licencieux font
ordinairement le fruit de l'imagination , &
non celui de la icience & du travaiL Les
hommes dans tous les tems & dans tpu^
les pays ont eu des paiîions ;vils les ont
chantées. La France avoit des romanciers
05
321 Discours sur les
— — 1— — — ^— — — p— — — ■■ ■ I ii—^— ^
ôç des Troubadours , long-tems avant
qu'elle eût des favans & des philofophes.
En fuppofant donc que les Sciences &c les
Arts euffent été étouffés dans leur ber-
ceau , toutes les idées infpirées par les
paffions n'en auroient pas moins été réa-
lîfées en profe & en vers ; avec cette dif-
férence I que nous aurions eu de moins
tout ce que les philofophes , les poètes
& les hiftoriens ont feit pour nous plaire
pu pour nous inftniire.
Athènes fiit enfin forcée de céder à la
fortune de la Macédoine ; mais elle ne
céda qu'avec l'univers. C'étoit un torrent
rapide qui entraînoit tout : & c'eft perdre
le tems que de chercher des caufes par-
ticulières f où l'on voit une force fupé-
jrieure fi marquée.
Rome 9 maitreffe du monde , ne trou-
voit plus d'ennemis; il s'en forma dans
fon fein. Sa grandeur fit là perte. Les loix
d'une petite ville n'étoient pas faites pour
gouverner le monde e:nîer ; elles ave ient
pu fuffire contre les factions dts ManUus »
des Caffius & des Gracques : elles fuccooH
berent fous les armées de Sylla , de Céfar
& d'Oâave : Rome perdit fa liberté^ mais
Avantages des Sciences, &c. 323
elle conferva fa puiffanoe. Opprimée par
les foldats qu'elle payoit , elle etoit encore
la terreur des nations. Ses tyrans étoient
tour-à-tour déclarés pères de la Patrie &
snaiTacrés. Un monftre indigne du nom
d*homme fe fàifoit proclamer Empereur ;
& raugufte Corps du Sénat a*avoît plus
d'autres fonftions que celle de le mettre
au rang des Dieux. Etranges alternatives
d'efclavage & de tyrannie , mais telles
qu'on les a vues dans tous les Etats où
la milice difpofoît du trône. Enfin de nom-
breufes irruptions des Barbares vinrent
renverfer & foxiler aux pieds ce vieux
coloffe ébranlé de toutes parts ; & de fes
débris fe formèrent tous les Empires qui
ont fubfiilé depuis*
Ces fangtantés révolutions 'Ont- elles
donc quelque' chofe de commuftayec les
progrès des Lettres ? Par-tout je vois des
cau^ jmremetit politiques» Si Rome eut
encore xjuelques beaux joi^rs, ce fiit fous
des Empereurs Philofophes. Séneque a-t-il
donc été le corrupteur de Néron ? Eft-ce
l'étude de la Philofopbie & des Arts qui
Ht autant de monfires , des Calg ik , des
Domhien^ des Héliogabale? Les Lettres
O 6
324 Discours sur les
qui s'étoient élevées avec la gloire de
Rome ne tombèrent- elles pas fous ces
règnes cruels ? Elles s'affoiblirent ainfi par
degrés avec le vafte Empire auquel la des-
tinée du monde iembloit être attachée.
Leurs ruines furent commîmes , & Kff^o-
rance envahit Tunivers une féconde fois,
avec la barbarie & la fervitude , fes com-
pagnes fidelles.
Difons donc que les Mufes aiment la
liberté j la gloire & le bonheur. Par-tout
je les vois prodiguer leurs bienfaits fur
les nations , au moment oîi elles font les
phis floriffiintés. Elles n*ont plus redouté
les glaces de la Ruffie , fi-tôt qu'elles ont
été attirées dans ce puiiTant Empire par
le héros' fingulier , qui en a été , pour
ainfi dire , le cré&teur : le légiflatetu: de
Berlin ^ le conquérant de la Siléfie , les
iîxe aujourd'hui dai^ le nord de rAllema:-
gne , qii'cUes font retentir de leurs chants.
S'il eft arrivé quelquefois que la gloire
^es Empires n*a pas* furvécu long-tems à
celle des Lettres , c'eft qu'elle étoit à fon
comble, lorfq\ie les Lettres ont été cul-
tivées, & que le fort des chofes humai»
Dçs €& de ne pas durer long-tems dans ^
Avantages DES Sciences , &c, J25
même état. Mais bien loin que les Scien-
ces y contribuent , elles périffent infailli-
blement frappées des mêmes coups ; ta
forte que l'on peut obferver j^ue les pro-
grès des Lettres & leur déclin font ordij
nairement dans ime jufte proportion avec
la fortune & Tabaiflement des ^Empires.
Cette vérité fe confirme encore par
l'expérience des derniers tems. L'efprit
humain , après une éclipfe de plufieurs
fiecles , fembla s'éveiller d'un profond
fommeil. On fouilla dans les cendres art-
tiques, & le feu facré fe ralluma de toutes .
parts. Nous devons encore aux Grecs cette
féconde génération des Sciences- Mais dans
quel tems reprirent- elles cette nouvelle
vie ? Ce fut lorfque l'Europe ^ après tant
4e convulfions violentes 9 eut enfin pris
ime pofition affurée,, & une forme plus
heureufe.
Ici fe développe un nouvel ordi^ de
chofes. Il ne s'agit plus ctc c^s^ petits
Royaumes domeftiqués, renfermés dans
Fenceinte d'une ville : de ces peuples con-
damnés à combattre pour leurs héritages
,& leurs maifons , tremblans fans cefle
pour Une Patrie toujours prête à leur.
3^6 Discours sur les
■— ^M— ^— — — — ■ I I ■ I ■ 1^—.— l I — ■— —— ^—
échapper : c'eft une monarchie vafte &
pumante , combinée dans toutes fcs par-
ties par une légiflation profonde. Tandis
que cent mille foîdats combattent gaîment
pour la fureté de l'Etat, vingt millions
de citoyens, heureux & tranquilles, oc-
Cupés à fa profpérité intérieure , cultivent
&ns alarmes les immenfes campagnes ,
font fleurir les loix , le commerce , les
Arts & les Lettres dans l'enceinte des vil-
les : toutes les profeflions diverfes , ap-
pliquées uniquement à leiur objet , font
maintenues ctans un )ufle équilibre , Sc
dirigées au bien général par la main puif^
fante qui les conduit & les anime. Telle
eft la foible image du beau règne de Louis
XIV , & de celui fous lequel nous avons le
bonheur de vivre : la France riche , guer-
rière & iavante , eft devenue le modèle
& l'arbitre de TEurope ; elle fait vaincre
& chanter ûs viâoires: fes Philofophes
jnefurent la terre , & fon Roi la pacifie.
Qui ofera foutenir que le courage des
François ait dégénéré depuis qu'ils ont
cultivé les Lettres ? Dans quel ficcle a-t-U
éwlaté plus glorîeufemem qu'à Montalban ,
LsLifkk, 6c dans^ taxa d'autres occaûoos
Avantages DES Sciences , &c. 327
qiie je pourroîs citer î Ont-ils jamais feit
paroître plus de conftance que dans les
retraites de Prague & de Bavière î Qu'y
a-t-il enfin de Uipérieur dans l'antiquité
au fiége de Berg-op-Zoom , & à ces bra-
ves grenadiers renouv-ôllés tant de fois,
qui voloient avec ardeur aux mêmes pot-
tes , 011 ils venaient de voir foudroyer
ou engloutir les héros qui les précédoient.
En vain veut-on nous perfuader^que le
rétabliffement des Sciences a gâté les
mœurs. On eft d'abord obligé de con*
venir que ks vices groflîers de nos an^-
cêtres font prefqu'entiérement profcrits
parmi nous*
Ceft déjà un grand avantage pour la
caufe des Lettres , que cet aveu qu'on eft
forcé de faire. En eftet , les débauches , les
querelles & les combats qui en étoicnt
les fuites^ les violences des grands, la
tyrannie des pères > la bizarrerie de la
vîeilleffe , . les égaremens impétueux, des
jeunes gens , tous ces excès fi commims
autrefois , funeftes effets de l'ignorance &C
de I,*oifiveté,n'exiftent plus depuis que nos
mœurs ont été adoucies par les connoif»
fances dont tous les efprits font occupée du
jtmufés.
3i8 Discours sur les
On nous reproche des vices rafinés &
-délicats ; c'eft que par-tout où il y a des
hommes , il y aura des vices. Mais les
voiles ou la parure dont ils fe couvrent,
font du moins Taveu de leur honte , 6c
un témoignage du refpeâ public pour la
vertu.
S'il y a des modes de folie , de ridi-
cule & de corruption , elles ne fe trou-
vent que dans la capitale feulement , 6c
ce n'efi même que dans un tourbillon
d'hommes perdus par les rîcheffes & Toi-
fiveté. Les Provinces entières & la plus
grande partie de Paris, ignorent ces excès,
ou ne les connoillent que de nom. Ju-
gera-t-on toute la nation fur les travers
aun petit nombre d'hommes ? Des écrits
ingénieux réclament cependant contre ces
abus ; la cormption ne jouit de {es pré-
tendus fiiccès que dans des têtes ignoran-
tes ; les Sciences & les Lettres ne ceffent
point de dépofer contre elle; la morale
la démarque , la philofophie humilie fes
petits triomphes ; la comédie , la fatire,
l'épigramme la percent de mille traits.
Les bons livres font la feule défenfe
ikf efpnts foibles , ip'eft*à-dire ^ des trois
If ' I*
E
Avantages des Sciences, &c. '319
^ ■ ■ ■ I ■ I I . I I I .1 m
3 watts des hommes , contre la contagion
e l'exemple. Il n'appartient qu'à eux de
conferver fidellement le dépôt des mœurs.
Nos excellens ouvrages de morale furvi-
vront éternellement à ces brochures lî-
cencieufes | qui difparoiffent rapidement
avec le goût de mode qui les a fait naître.
Ceft outrager injuftement les Sciences &
les Arts, que de leur imputer ces pro-
duâions honteufes. L'eiprit feul , échauffé
arlespaffionsy fuffit pour les enfanter.
.es Savans , les Philofophes 9 les grands
Orateurs & les grands Poètes , bien loin
d'en être les auteurs , les méprifent, ou
inême ignorent leur exigence : il y a plus,
dans le nombre infini des grands Ecri-
vains en tout genre qui ont ifiuftré le der-
nier règne , à peine en trouve-t-ôn deux
ou trois qui aient abufé de leurs talens.
Quelle proportion entre les reproches
qu'on peut leur feire , & les avantages im-
mortels que le genre- humain a retirés des
Sciertces cuhivées ? Des Ecrivains , la plu-
part obfcurs , fe font jettes de nos jours
dans de plus grands excès ; heureufement
cette corruption a peu duré ; elle paroît
prèfque entièrement éteinte' ou épuifée.
s
^mt
330 . Discours sur le*
■ki*Mta
point
reproches à faire aux Lettres.
Je pourrois me difpenfer de parler du
luxe 5 puifqu'il naît immédiatement des
richefles , & non des Sciences & des Arts^
Et quel rapport peut avoir avec Ws Let-
tres le luxe du fafte & de la molleffe ,
aui eft le feul que la morde puiffe goûx
amner ovi reôreîndre } ,
Il eft, à b vérité, une forte de lux^
ingénieux & favant qui anime les Arts 8»
les élevé à la perfeaion. Ceftlui qui muti
tiplie les prodeiâïôns de la peinture^ de
la fculpture & de la mufique. Les cho-
fcs \^^ plus louables en elles-mêmes doi-
vent avoir leurs bi^rnes \ & une natioii
feroit juftement méprifçe , qui , pour aug-.
menter le nombre des peintres & des m«"
iiciens , fe laifferoit manquer de labou«
reurs & de foldats. Mais lorfque les ar-
mées font complètes , & la terre culti-
vée , à quoi employer le loifir du refie
des citoyens ? Je ne vois pas pourquoi
ils ne pourroient pas fe donner des
bleaux, des fiatues& des fpeâades.
Avantages des Sciences , &c. 331
Vouloir rappeller les grands Etats aux
petites vertus des petites Républiques , deft
vouloir contraindre un homme fort &
robufte à bégayer dans un berceau ; c etoit
la folie de Caton : avec l'humeur & les .
préjugés héréditaires dans ù famille , il
déclama toute fe vie , combattit , & mour
fut enfin fans avoir rien feit d'utile pour
fe Patrie. Les anciens Romains labouroient
d'une main & combattoient de Fautre.
Cétoient de grands hommes , je le crois ,
quoiqu'ils ne fiffentque d« petite chofes:
ils fe confecroient tout entiers à leur Pa-
trie , parce qu'eUe étoit éterneUement en
danger. Dans ces premiers tems on ne
favoit qu'exifter ; la tempérance & le cou-
rage ne pouvoient être de vraies vertus , ce
n'Itoit que des qualités forcées : on etoit
alors dans une impoffibilité phyfique d être
voluptueux ; & qui voidoit être Isiche ,
devoitfe réfoudre à être efclave. Les Etats
s'accrurent : l'inégalité des biens s intro-
duifit néceffairement : un Proconlul d AUe
pouvoit-il être aufli pauvre que ces Con-
fuls anciens, demi - bourgeois & demi-
payfens , qui ravageoient un jour les
champs dçs Fidénates, 6c revenoient 1«
Itt
531 Discours sur les
i*i^faK^BMmriibMtaHBa*ABi^MaCa
lendemain cultiver les leurs î Les circonl*-
tances feules ont fait ces différence» : la
pauvreté ni la ridieAe ne font point la
vertu ; elle eft uniquement dans le bon
ou le mauvais ufage des biens ou des
maux que nous avons reçus de la nature
&de la foTtunei
Après avoir jiîftifié les Lettres fur l*ar-
ticle du luxe , il me refte à faire voir que
la politefle qu'elles ont introduite dans nos
mœiu-s 9 efl un des plus utiles préfens
qu'elles puâènt faire aux hommes* Sup«
pofons que la politeffe n'eft qu'un ma£>
que trompeur qui voile tous les vices 5
£*eA préfenter l'exception au lieu de la
règle , Se l'abus de la chofe à la place de
la chofe même.
Mais que deviendront ces acaifations,
û la pohtefTe n'efl en effet que l'cxpret
fion aune ame douce & bienfaifante ?
L'habitude d'une fi louable imitation fe-
roit feule capable de neus élever jufqu'à
la vertu même ; tel efl le mépris de la
coutume. Nous devenons enfin ce que
nous feignons d'être. Il entre dans lapo*
litefTe des inœurs, plus de philofophie
qu'on ne penfe ; elle refpeûe le nom &
f ■'! }* "1 , 'I ')', ■ ,' M'I ' J!l ■ , I i I '. I, ili
Avantages PES Sciences, &c. 33}^
* ^ 1 ■■■ ■ I I ■ I
la qualité d'homme ; elle feule conferve
cntreux une forte d'égalité fiâive; foi-^
bie , mais précieux refte de leur ancien
droit naturel, Entre égaux , elle devient
la médiatrice de leur amouri-propre ; elle
eft le fecrifice perpétuel de Thumeur ÔC
de Tefprit de fingularité.
Dira-t-on que tout un peuple qui exerce
habituellement ces démonftrations de dou-
ceur , de bienveillance , n'eft compofé qu^
de périodes & de dupes ? Croira-t-on que
tous foient en jnêmç tems & trompeiurs
& trompés?.
Nos cœurs ne font point affcz parfaits
pour fe montrer fans voile : la politeffe
eft un vernis qui adoucit les teintes tran*
chantes des caraôeres ; elle rapprochç les
hommes , & les engage à s^aimer par le$
reffemblances générales qu'elle répand fur
eux ç fans elle , la fociété n'offriroit qwç
des-difparatçs & des chocs ; on fe haïroit
par les petites chofes ; & avec cette dit
pofition , il f(?roit difficile de s'aimer mên>4
pour les plus grandes qualités. On a pîu$
fouvent befoin de çojnpîaiiànce que dç
fervices ; l'ami le plus généreux m'obligera
jpeiitltre fout au plus vinç fois dans^fe viç>
336 Discours sur les
regardées d'abord que comme l'objet de.
k curiofité la plus vaine, eft devenue une
des fciences la plus utile, La propriété fin.
guUere de Taimant , qui n'étoit pour nos
pères qu'ime énigme nrivole de la nature,
nous a conduits comme par la maiu à tta*
yers rimmenfité des mers.
Deux verres placés & taillés rfune cer-
taine ^uuiiere > nous ont montré une nou»
velle fçéne de merveilles , que nos yeux
ne foupçonnoient pas.
Les expériences du tube éle£bifé fem*_
bîoient tfêtre qu'un jeu : peut-être leur
devra- 1- on un jour la çonnoiflEmce du
règne univçrfel de la nature.
Après h découverte de ces rapports fi
imprévus , fi majeftueux , entre les plu$
petites & les plus grandes çhofes , quelles
çonnoiflances oferions - nous dédaigner ?
En favons - nous a0ez pour mépnier çr
que nou? ne fevons pa3 ? Bien loin d'e-»
touffer la. curiofité , ne femble-t-il pas ,
au contraire , que TEtre fiiprême ait
voulu la' réveiller par des découvertes
finguUeres ,. qu'aucune analogiie n'avçit
jpnoncéej^ }
^ ^ ^ l'étude
Avantages des Sciences , &c. 337
f^tiide de la vérité ? Quelle audace , nous
dit-on , ou plutôt quelle témérité de s'en-
gager dans des routes trompeufes , oîi tant
d'autres fe font égarés ? Sur ces princi-
^s 9 il n'y aura plus rien que nous o lions
entreprendre ; la crainte étemelle des
maux nous privera de tous les biens ôh
nous aurions pu ' afpirer , puîfcju'ii n*cn
€ft point Êms mélange. La véritable fa-
-gefl^ 9 du contraire , confiée feidement à
tes épurer 9 autant que notre condition le
permet
Tous les reproches , oue Ton fait à
la Philorophie , attaquent 1 efprit humain^
ou plutôt l'Auteur de la nature , qui nous
a fiuts tels que nous fommes. «Les Philo*
A>phes étoient des hommes ; ils fe font
trompés* Doit-on s*en étonner ? Plaignons-
tes 9 proékons de leurs Êiutes , & corri-
geons-nous; fongeons que c'eft à leurs
erreurs multipliées que nous devons la
pofleflion des vérités dont nous jouiiT^ns»
Il falloit épuiier les combinaifons de tous
ces diveiis fyftêmes , la plupart fi répré-
heniibles & fi outrés ^ pour parvenir à
, quelque chofe de raifcnnable. Mille rou-
tes conduiront à f erreur ; une feule mène
$uriU de U CoUw. Tome h P^
33* DlSCX>URS SUR LES
à la yérité. Faut -il être furpris qu'on ft
foit mépris û fouvent fur celle - ci , &
qu'elle ait été découverte fi tard ?
. L'efprit humain étoit trop borné pour
embraner d'abord la totalité des choies.
Chacun de ces Philofophes ne voyoit
i|u'une Êice : ceux-là rafTembloient les mo«
tifs de douter : ceux-ci réduifoient tout en
dogmes : chacun d'eux avoit fon principe
Êivori , fon objet dominant auquel il rap-
portoit toutes les idées. Les uns faifoient
entrer la vertu dans la compofition du
bonheur , qui étoit la fin de leurs recher-
ches ; les autres fe propofoient la vertu
même , conune leur unique objet , & iê
jQattoient d'y rencontrer le bonheur. ïl y
en avoit qui regardoient la folitude éc h
pauvreté , comniç l'afyle des mœurs :
d'autres uf oient des richefies comme d'ua
infiiaim wt de leur félicité &. de celle d'au-
trui : quelqueS'^ims fréquentoient les Cours
& les afTembléçs publiques ^ pour rendre
leur fegeffe utile aux Rois & aux peuples.
Un feul homme p'e,il paç tous : un feul
efprit , un feul fyftême n'e^iferme pa$
toute la fcience , c'êft par la bomparaifoa
4es extrêmes y que l'on faifit enfii^ le juft«
Avantages ot s Sciei^ces , &c. 3 3 jf
mÊmm
milieu ; c'eil par le comL^t des erreur^
qui s'entre-^létruifent , que la vérité triom*
phe : ces diverfes parties fe modifient ^
s'élèvent & fe perfeûionnent mutuelle-»
inent ; elles fe rapprochent enfin , pour
former la chaîne des vérités ; les nuages
fe diffipent, & la iumiere de 4'évidençc *
fe levé.
Je ne diflimulérai cependant pas que \t$^
Sciences ont rarement atteint Tobjet qu*èlle&
s'étoient propofé. La méthaphyfique vou-^
loit connoître la i^atiue des efprits ^ & noa
pioins utile , peut-êtjçe ^ elle n'a fait que .
nous développçr^ leurs, opérations : le pny-^
fidea a entrepris Thiftoi^e de la nature , oÇ*
tfs^ imaginé que des romans ^ mais en pour-
fuivant un opjet chimérique ^ combien n'a-
t-il pas fait de découvertes admirables h
La cKymie n'a pu nous donner de l'or ^
& ùl folie nous a valu d'autres, miracle^'
d^ X^^ , analyfes & fes mélanges. - Les
Sclendes font donc utiles j^fques danis leurs
4çarts &c leurs dérégleméns ; il n*y a ^ue
l'ignorance qui n'eu jamais bonne à rien,
Pçut-çtre. ^t-elles trop/ékvé leurs pré-
tentions. Les- anciens à ^cet égard paroiC-
ÛMWt plu^.iàgb gue Qops : nous ayon(
■*»"
340 Discours sur les
^rr^'^r^r^^
la manie dç vouloir procéder toujours par
'démonftrations ; il n'y a fi petit profçfleiir
qui n'^it fes argumens & tes dogmes , &
par çonféquent fçs erreurs ^ Tes abfurdi»
téSf Cic^ron $ç Platon traitoient la Phir
, ïofophiç en dialogues ; chacun des inter»
locuteurs fàiifoit valoir fon opinion ; oct
difputoit 9 on cherclicât 9,. & on ne fe pî»
«JjiQjt point de prononcer. Nous n'avons
peut-être que trop écrit fur l'évidence ;
elle eft plus propre à être fentie qu'à être
îdéfime : ipais nous avons prefque perdu
r^rt die comparer Içs probabilité^ 4c les
yraifemblançes , 6c de calculer le degré
de confentement au^on leur dpit. Qu'il y
a peu 4p chofeç démontrées ! 6ç combien
p'y en a-tril pas , qyi ne font que profea*
blés ! Ce feroit rendre un grand ierviçf zxnç,
hopimes quç de doiiner imp méthode pour
Fopinion, ^
[ Lteforit de (y&ème qiTÎ s^eft ionjg-temç
jattaché à des objets oji nt\e pouvpit prêt
que que ndu$ égarer ^^vroit régler 1 W
quîfirion , rençtoîiiemen|: §ç le progrès
4e nos idées ; nouf avpns be/bin d'un
prdrè entre le^^^verfes ^ïences , pour
fcou^ Cpnd\^ç dç$ plus fenplç5 aux pluji
Avantages des Science^ , Sec. 341
compofées 9 & parvenir ainû à confiruire
une efpece d'orner vatoire fpirituel , d*oii
nous puHHons contempler toutes nos con-
noifTances ; ce qui eft le plus haut degré
de refprit.
La plupart des iciences ont été faites
au hafard ; chaque Auteur a fuivi l'idée
qui le dominoit , fouvent fans favoîr oii
«lie devoit le conduire : un jour viendra
où tous les livras feront extraits & re-
fondus y conformément à un certain fyf-
tême qjs?on fe fera formé ; alors les efprits
ne feront plus de pas inutiles , hors de la
route & fouvent en arrière. Mais quel efl
le génie en état d'embrafler toutes les con-
noiflances humaines , de choifir le meil-
leur ordre pour les préfenter à l'efprit ?
Sommes -nous aifez avancés pour cela ?
11 efl du moins glorieux de le tenter :
la nouvelle Encyclopédie doit former
une époque métnorable dans Fhiiloii-e des
Lettres.
Le temple des Sciences efl un édifice
immenfe , qui ne peut s'achever que dans
la durée des fiecles. Le travail de chaque
homme eft peu de cho{e dans un ouvrage
it yafle ; niaiS^le travail de chaque homme
p j
I '■■•'■—
341 Discûbits SUR tES
y eft nécefhxiél Le nnfletu qiii porte (ci
eaux à la mer , doit - il s^arrêter dans fâ
courfe , en confîdéraiit la petiteflè de fon
tribut } Quels éloges ne doit-on pas à ces
hommes . généreux , qui oat perce & éfcrit
pour la poôérité ? Ne bornons point nos
idées à notre vie propre ; étendons-les fur
la vie totale du genre-humain ; méritons
d*y participer , & que llnflant rapide où
nous aurons vécu y foit digne d'être mar-
qué dans fon hiftûire.
Pour bien jtiger de Télévation d'imphi-
lofophe , ou d'un homme de Lettres ^ au-
deÏTus du commun des hommes , il ne
faut que confidérer le fort de leurs pen-
fées : celles de Pun , utiles à la fbciété gé*
nérale , font immortelles , & confacrées à
Fadmîratio;! de tous les fiecles ; tandis
que Us autres voient difparoître toutes
leurs idées avec le jour , la cîrconftance ,
le moment qui les a vu naître : chez les
trois quarts des hommes , le lendemain ef-
fece la veille , fans qu^il en refte la moin^
dre trace.
Je ne parlerai point de Taftrologie judi-
daire ^ de la cabale ^ & de toutes les
iciences qu^on appeUoit occukes : çltçs
Avantages des Sciences , &c. 34;
fc*i^^t—— I I 1— —ifc^—i———p— —————— ^iW^——^
n'ont fervi qu'à prouver que la cuHofité
eft lui penchant invincible ; 6c quand les
vraies Sciences n'auroient Eut que nous
délivrer de celles qui en ufut^ient fi hon^
teufement le nom , nous leur devrions déjà
beaucoup.
^ On nous ôppofe un jugement de Socrate i
Gui porta non fur les favans y mais fur les
fopmiles ; non fur les Sciences ^ mais fur
l'abus qu'on en peut faire : Socrate étoit
chef d'une feâe qui enfeignoit à douter ,
& il cenfuroit , avec juftice , l'orgueil de
ceux qui prétendoient tout favoir. La
vraie fcience eft bien éloignée de cette
âfFeâation. Socrate eft ici témoin contre
lui-même ; le plus iavant des Grecs ne
rougifToit point de fon ignorance. Les
Sciences n'ont donc pas leurs fources dans
nos vices ; elles ne font donc pas toutes
nées de l'orgueil humain ; déclamation
vaine , qui ne peut faire illufîon qu'à des
efprits prévenus.
On demande^ , par exemple , ce que
deviendroit l'hiftoire , s'il n'y avoit nî
guerriers , ni tyrans , ni confpirateurs. Je
réponds , qu'elle feroit l'hiftoire des ver*
tus des hommes. Je dirai plus ; fi les hom«
P4
■ ■' ■ ' ' - ■ " ■■
344 DiSCOVRS SUR LES
mes étoient tous vertueux , ils n*auroient
plus befoin ^ ni de )uges y ni de magiilrats ,
m de fokiats. A quoi s'occuperozent-ils ?
Il ne leur refteroit que les Sciences &c les
Arts» La contemplation des chofes , natu-
relles j l'exercice de l'efpnt font donc la
1>lus nol)lé & la plus pure ibnâion de
liomme*
Dire crue les Sciences font nées de Toi-
£veté > c eil abu&r viûblement des termes.
Elles naiflent du loiiir ^ il eft vrai ; mais
elles earantiflent de Toifiveté. Le ' citoyen
<nie ^s befi>ins attachent à la charrue ,
neû pas {dus occupé que le géomètre
ou l'anatomiile ; j'avoue que fon travail
eft de première néceflité : mais fous pré«
texte X]ue le pain e& néceflaire , &ut-il que
tout le monde fe mette à labourer la terre }
& parce qu'il eft plus néceffaire que les
loix , le UuK>ureur fera-t-il élevé au-deflus
du magiftrat ou du miniflre ? Il n*y a point
d'abfurdités où de pareils principes ne put
fent nous conduire.
Il femble» nous ditron, qu'on ait trop
de laboureurs y & qu'on craigne de man-
quer 4c Philofophes. Je demanderai à mon
tour y û l'on craint que les profeffioiis lu-
Avantages des Sciences , &c. 345
■ - - - - ■- - - ^ — I —
cratives ne manquent de fujets pour les
exercer. Ceft bien mal connoître Tem-
pire de la cupidité ; tout nous jette dès
notre enfance dans les conditions utiles ;
& quels préjugés nVt-on pas à vaincre^
quel courage ne faut-^l pas , pour ofer
n'être qu'un DefcaJrtes , unNevton, im
Locke î
Sur quel fondement peut-on reprocher
aux Sciences d'être nuifibles aux quaTités
morales î Quoi ! l'exercice du raifonne-
ment , qui nous a été donné pour guide ;
les Scientes^ mathémàtiqueé , qiii, en ren-
fermant tant d'utilités relatives à nos be-
foins préfens^ , tiennent l'efpritfi éloigné
àçs idées infpirées par les ftns & par la
cupidité ; l'étiide de l'antiquité , qui fait
partie de l'expérience , la première .fciente
de Fhpmme ; les obfervations de la nature,
û néceffiaiires à la confervatîon 4e notre
&trc , & qui nous élèvent jufqu'à fon Aa-^
teur : toutes ces connoiffatices contribue-'
roii^nt à détruire les mœurs ! Par quel pro-
dige opéreroient-ellés un effet li contraire
aux objets qu'elles fe propofent f Et cm ofe
traiter d'éducation infenfée celle qui oc-
* cuf)e la jeuriefTe de tout ce qu'îly a jamais
p 5
34^ Discours sur les
eu de noble & dVtik dans Te^rit des
boflimes ! Quoî^ les miniâres d\ine re*
lieion pure & iainte , à qui la ^eunefle
clt ordinairement confiée panni nous ^ lui
laifferoient ignorer les devoirs de ïboîmnc
& du citoyen !: Suffit- il d^avancer une im-
putation u injufte , pour la perfiiader t
On prétend nous ^re regretter Téducar
lioa des Perfes ^ cette édUicatioa fondée
j^r des principes barjxures j qui donnoit
un gouveftieur pour apprendre à ne rien
craindre ^ un autre pour la tempérance ^
un a;itre edfia ppur enseigner à ne point
.mentir; c(>jaàmt ù les vertus étoient di*
vifées., &., de voient former chacune un
art réparé, ^a vertu eft un être unique ,
indivifible : il s'agit de Tinipirer > non de
renfejgner ; d^en faire aimer la pratique y
&c non d'en démontrer la théorie*.
On (e , livre eni\iite à de nouvelles dé*
ctam^tions contre les Arts & les Scien^
. ces y fous prétexte que le luxe va rare*
ment ians. elles, & qu'elles ne vont ja«
mais iàns lui. Q^iaod ^'accorderons cette
proportion , que pourroit-on en condu-
. re / La plupart des Sciences me paroit
Jknt d'abord parâûtement d^teiefiSses
Ammmmm
Avantages des Sciences , &c. 3 47
dans cette prétendue objeôion : le Géo-
ilietre , rAftronome , le Phyficien ne font
pas fufpeâs affurément, A l'égard des Arts ,
s^ils ont en effet quelque rapport avec le
luxe 9 c*eft un côté louable de ce luxe
même 9 contre lequel on déclame tant,
fans le bien connoître. Quoique cette quet
tion doive être regardée comme étran-
gère à mon fujet , je ne puis m'empê-
cher de dire , que tant qu'on ne voudra
raifonner fur cette matière que par com-
paraifon du paffé au préfent, on en ti-
rera les plus mauvaifes conféquences du
monde. Lorfque les hommes marchoient
tout nuds , celui qui s'avifa le premier de
porter des fabots paffa pour un volup-
tueux : de iiecle en fiecle , on n'a jamais
cefle de crier à la corruption , fans com-
prendre ce qu'on vouloit dire ; le préjugé
toujours vamcu y ren^flbit fîdellement à
chaque nouveauté.
Le commerce & le luxe font devenus
les liens des nations. La terre avant eux
n*étoit qu'un champ de bataille , la guerre
im brigandage ^ & les hommes des bar-
bares , qui ne fe croyoient nés que pour
s'affervir • fe piller , & fc maffacrer mu-
y 6
348 Discours svr les
tucUement. Tels étoîent ces fiecles anciens
que Ton veut nous faire regretter.
La terre ne fuffifoit ni à la nourriture ,
ni au travail de fes habitans ; les Aijets
devenoientià charge à l*Etat ; fi-tôt qu'ils
étoient àéfarmés , il falloit les ramener à
la guerre pour Te foulager d*un poids in*
commode. Ces émigrations effroyables des
peuples du nord , la honte de rhumanité ,
3ui détniifirent l'Empire Romain , & qui
éfolerent le neuvième fiecle^ n'avoient
d'autres foi*rces que la mlfere d'un peu-
ple oifif. Au défaut de Té^alité des biens ,
qui a été long-tems la chimère de la po-
litique , & qui eft impoflible * dans les
grands Etats ^ le luxe feul peut nourrir
& occuper les fujets. Us ne deviennent pas
moins utiles clans la paix que dans la guer-
re ; leur induftrie fert autant que leur cou-
rage. Le travail du pauvre eft payé du
fuperflu 4^1 riche. Tous les ordres des ci-
toyens s'attachent au Gouvernement par
les avantages qu'ils en retirent.
Tandis qu*iin petit nombre d'hommes
jouit avec modération dé ce qu'on nomme
luxe , & qu'un nombre infiniment plus
petit en ^ufe , parce qu'il feut que les
Avantages des Sciences, &c. 349
hommes abufent de tout ; il fait refpoîr^
rémulation & la fubfiftance d'un million
de citoyens , qui languiroient fans lui
dans les horreurs de la mendicité. Tel eft
en France l'état de la Capitale. Parcourez:
les Provinces : les, proportions y font en-
core plus favorables. Vous y trouverez
peu d'excès ; le néceffaire commode affez
rare , Tartifan , le laboureur , c'eft-à-dire ,
le corps de la nation , borné à la fimple
cxiftence : en forte qu'on peut regardj^r le
luxe comme une humeur jettée fiu* une
très -petite partie du Corps politique , qui
fait la force & la fanté du refte.
Mais , nous dit-on , les Arts amolliffent
le courage : on cite quelques peuples let-
trés quï ont été peu belliqueux , tels que
l'ancienne Egypte 9 les Chinois, & les
Italiens modernes. Quelle injuftice d'en
accufer les Sciences ! Il feroit trop long
d'en rechercher ici les caufes. Il fuffira de
citer , pour l'honneur des Lettres , l'exem-
ple des Grecs & des Romains , de l'Efpa-
gne, de l'Angleterre & de la France,
c'eft-à-dire , des nations les plus guerriè-
res Se les plus favantes*
Des barbares ont feit de grandes con--
350 Discours sur les
quêtes ; c*cft qii*ils étoient très - injufles ;
ils ont vaincu qmelcjuefois des peuples po-
licés. Vtn condurai , û foir veut ^ qu un
peuple n'cft pas invincible pour être &-
vant. A toutes ces révolutions , f oppofe-
rai feulement la plus vafte & la plus ÛLcUe
conquête qui ait jamais été &ite ; c'eft
telle de ^Amérique que les Arts 8c les
Sciences de TEurope ont fubjuguée avec
une poignée de foldats ; preuve ikns répli-
que de la diâférence qu'elles peuvent met-
tre entre les hommes.
J'ajouterai, que c'eft enfin une barbarie
pafTée de mode , de fuppofer que les hom-
mes ne font nés que pour fe détruire. Les
talens & les vertus militaires méritent fans
doute un rane diilin^ié dans Tordre de la
niceffité : mais la philofophie a épuré nos
idées fur la gloire : l'ambition des Rois
n'eft à (es yeux^ que le plus monftrueux
des crimes : grâces aux vertus du Prince
qui nous gouverne , nous ofons célébrer
la modération & l'humanité*
Que quelques nations au fein de ÏÏgno-
tance ayent eu des idées de la gloire & de
la vertu , ce font des exceptions fi fingu-
lieres , qu'tUes ne peuvent former aucun
Avantages des Sciences , &c. 351
préjugé contre les fciences : pour nous ett
convaincre, jettons les yeux fur Hnimenfe
continent de l'Afrique , oii mx\ mortel n'eft
affez hardi pour pénétrer , ou affez heu-
reux pour 1 avoir tenté impunément. Un
bras de mer fépare à peine les contrées
favantes & heureufe^ de l'Europe , de ces
régions funeftes , où FhomW eft ennemi
hé de l'homme , oîi les Souverains ne font
que les affafEns privilégiés d'un peuple
cfclavé. D'oîi naiffent ces différences &
prodigieufes entre des climats fi yoifins ,
oii foqt ces beaux rivages que l'on nous
peint parés par les mains de la nature î
L'Amérique ne nous offre pas des fpeâa^
des moins honteux pour l'èfpece humainer
Pour un peuple vertueux dans l'ignorance,
on en compter^ cent barbares ou fauva*
ges. Par-tout je vois l'ignorance enfanter
P erreur , les préjugés >. les violences , le»
paffions & les crimes. La terre abandon.-
née fans culture n'eft point oîfive ; elle
produit des épines & des poifons , elle
nourrit des monftres*
J'admire les Brutus , les Décîus , les^
Lucrèce , les Virginius , les Scévola ; mais
l'admirerai plus encore un Etat puiâant âc
3SX Discours sur les
bien gouverné , oh les citoyens ne feront
point condamnés à des vertus il cruelles.
Cincinnatiis vainqueur retournoît à &
charrue : dans un fiecle plus heureux ,
Scipion triomphant revenoit gonter avec
Lélius & Térence lej charmes de la phi-
lorophie & des lettres , & ceux de l'amitié
plus précieux encore. Nous célébrons Fa-
brtcius , qui avec fes raves cuites fous ta
cendre , méprife l'or de Pyrrhus : mais
Titus , dans la fompluofité de fes palais ,
meilirant fon bonheur fur celui qu il pro-
cure au morde p^r fes bienfaits & par fes
loix, devient le héros de r i
lieu de cet antique héroïûni j
ruftique ou barbare , que i
frémiffant ; j'adore une v ,
heiireufe & bienfaifante ; n
exiftence s'embellit : j'apprends à honorer
& à chérir l'humanité.
Qui pourroit être affez ;
afTez injufte , pour n'être [
ces différences ? Le plus beai
la nature , c'eft l'upion de \i
bonheur v les Scîenc<;s Ôc li
vent feuls élever la raifon
fubljme. C'eft die leur fècours- qu'elle em*-
Avantages des Sciences , Sec. 35}
prunte des forces pour vaincre les paA
fions , des lumières pour .diflîper leurs
preftiges, de Félévation poiu: apprécier
leurs petitefTes , des attraits enfin &c des
dédommagemens pour fe diilraire de leurs
ieduôions.
On a dit que le crime n'étoit qu'un
feux jugement (^). Les Sciences , dont le
j)remier objet efl l'exercice & la perfec-
tion du raifonnement y font donc les gui«
des les plus afTurés des mœurs. L'inno-
cei^ce fans prmcipes &c fans lumières ^ n'efl
qu'ime qualité de tempérament , auflî fra-
gile que lui. La fagefle éclairée connoît
ûs ennemis & fes forces. Au moyen de
fon point de vue fixe , elle purifie les
biens matériels , & en extrait le bonheur :
elle fait tour- à- tour s'abflenir &c jouir
dans les bornes qu'elle s'efl prefcrites.
Il n'efl pas plus difficile de faire voir
l'utilité des Arts pour la perfeftion des
mœurs. On comptera les abus que les
paflions en ont tait quelquefois : mais
qui poiura compter les biens qu'ils ont
produits ?
■ M ■ ^ »
{*) Cênfidérations /Ur Us nuturs.
L
554 Discours sur les
: Otez les Arts du monde : que refte-t^il ?
les exercices du corps & les paflîons. L'efr
i)rit n*eft plus qu'un agent matériel , ou
'inilrument du vice. On ne fe délivre de
fes paffions que par des goûts : les Arts
font néceffaires à une nation heureufe :
^*ils font l'occafion de quelques défor-
dres , n'en accufons que rimperfèâion
même de notre nature : de quoi n^abufe-
t-elle pas ? Ils ont donné Twe aux plai*-
firs de Tame y les felils qui foient dignes
de nous : nous devons à leiu^ féduâions
utiles Tamour de la vérité & des vertus ,
que la plupart des hommes auroient haïes
& redoutées , fi elles n'euffent été parées
de leurs mains.
Ceft à tort qu'on afFeûe de regarder
leurs produâions comme fiivoles. La
fculpture , la peinture flattent la tendrefle ,
confolent les regrets , immortalifent les
Vertus & les talens ; elles font des fources
vivantes de l'émulation ; Céfar verfbit des
larmes en contemplant la ilatue d'A*
lexandre.
L'harmonie a fur nous des droits natu-
rels , que nous voudrions en vain mécon-
noître ; la Fable a dit , qu'elle arrêtoit le
Avantages dés Sciences ,' &c. 3 y y
cours des flots. Elle fait plus ; elle fufpend
la penfée :. elle calme nos agitations ^ &C
nos troubles les plus cruels : elle anime
la ^yale\u' , ,&c préfîde aux plaifirs.
Ne fenxble-t-il pas que la divine Poéfié
ait d'érbbe le \feu du Ciel pour animer
toute fa> nature ?- Quelle ame peut être
inacçeâible à {a touchante magie ? Elle
acioucit le maintien févere de la vérité ,
elle fait fourire la fageffe ; les chefs-d'oeu-
vres du. théâtre doivent être confidérés
comme de favantes expériences du cœur
humain. : : \
Ceft aux Arts enfin <nic nous devons
le beau choix des idées , les grâces de TeC-
prit & Tenjouement ingénieux qui knt
tes charmes de la fociété ; ils ont doré
les liens qui nous unifient , orné la fcene
du monde ; 6c multiplié les bienfaits ^dc;-
ia Natutet
#4
ARRÊT
DE lui COUR
DE PARLEMENT.
Qui condamne un Imprimé ayant pour titre f
Emile ^ ou de TEducatîon \ par J. J. Roui*
feau 9 imprimé à la Haye* 4 « • M.DCC.Lxn«
k être lacéré & brûlé par C Exécuteur de la
Haute • JuJlicCé
Extrait des Registwês du Parlement;
Du 9 Juin ij&i.
C E jour > les gens du Roi font entrés ;
& M«. Orner - )o\y de Fleury , Avocat
iludit Seigneur Roi , portant la parole y
ont dit :
Qu'ils déférolent à la Cour im Imprimé
en quatre volumes in - oclavo , intitulé :
EmiUy ou de t Education , parJ. /. Roujfeau^
Citoyen de Genève , dit imprimé à la Haye
en M. Dec. LXII.
Que cet ouvrage ne paroît compofé ^ue
dans la vue de ramener tout à la religion
DE Parlement. 357
4 1 ,
na^relle ^ & que TAuteitr j'occupe dans
Ife plan de Téducation qu'il prétend don-
«et à fon Elevé , à développer çç fyftêmé
criminel.
Qu'il ne prétend înftruîre cet Elevé que
id'après ia naturç qui eft fon uniqi^e guide ,
pour former çn lui l*Homme moral ; qu'il
regarde toutes lc« religions comme éga-
lement bonnes 6(. comme pouv;aiiit toutefi
avoir leurs raifons dans le çlin^t , dans le
gouvernement , dans le génie du peuple 9
ou dans qudqu'autre cauie locale , qui rcn4
l'une préférable a l'autre , félon Iè5 t^WM
3ç les lieux,
Qu'il borne l'h^iinie aiiic connoîffancef
que l'inAinà porte à chercher , flatte les
pafl^ons çomnie les principaux inftrumens
ae notre conff rvatîon , avance qu'on peut
être fauve (suis croire en Dieu , parce qu'il
admet une ignorance invincible de la Di*
vinitç» q>ii peut exçufer l'homme ; que
félon fe$ principe^ , U fe»le raîfo'n eft juge
dans le çhôi::^ d'unie religion , ipiflant à fa
4ifpofitiôn la nature du ciilté qite l'homme
doit ren4re à TEtre fuprême qde cet Au-
f ejir croit hoffprer , en parlant pvec îm-
jpi^ du «ultç çattériçur <^u'il ^ étabU dan|
J58 A^iRÊT DE LA Cour
• ^ » * _ - ^ » *
ja religion , ou cme TEglife a^preicrit fous
la direâion de rEfprit Saint qui la gour
verne. ,.
Que conféquemment à ce fyftême , de
n^admettre que la religion naturelle, c^ielle
qu'elle foit chez les différens peuples , il ofe
eflayer de détruire la vérité de TEcriture
Sainte & des Prophéties , la certitude des
miiracles énoncés dans les Livres Saints ,
rinfaillibilité de la révélation , Tautorité
de TEglife ; & que ramenant tout à cette
religion naturelle , dans laquelle il n'admet
c]u*un culte & des loix arbitraires, il entre*
Êrend de juûifier non - feulement toutes
^ )s religions , prétendant qu'on s'y fauve
jndiilinâement, mais même l'infidélité &
la réfiâance de tout homme à qui l'oa
voudroit prouver la divinité de Jéfus-
Chriû & Texiftence de la religion chré^
tienne , qui feule, a Dieu pour auteiur, &
à l'égard de laquelle il po|te le blafphême
îufques à la donner po^r ridicule , pour
çontradiôpire^ & à inifpirer. wie inqiffe-
rence facrilege pOur {es myfter^s &^pour
ies dogmes qu'il voudroit pouvoir anéantir^
, Que tels font les principes imjpies &C
-^-^-Hq% que fe propofe d'étgJp: dans
DE Parlement. 55 j
____
fon ouvrage cet Ecrivain qui foumet la
religion à l'examen de la raifon, qui
n'établit qu'une foi purement humaine ,
& qui n'admet de vérités & de dogmes en
matière de religion , qu'autant qu il plaît
à refprit livré a (es propres lumières , ou
plutôt à (es égaremens , de les recevoir
ou de les rejettej.
Qu'à ces impiétés il ajoute des détails
indécens , des explications qui bleflent 1^
bienféance & la pudeur , des propofitions
qui tendent à donner un caraâere feux &
odieux à Tautorité fouyeraine , à détruire
le principe de robéiffaiipe qiii lui eft due ,
& affoiblir le refpeû & l'amour des peu-
ples pour leurs Rpis.
Qu'ils croyent que ces -traits fufEfent
pour donner à la Cotjr une idée de l'our
vrage qu'ils lui dénoncent ; que les maxi!^
mes qui y font répandues forment par levif
réunion un fyftême chimérique , auffi im-»
praticable 4ans fon exécution , qu'abfurdp
& condaipna^l^ daï?s fpn prpjpt* Que fe^
roient d'ailleurs des fu jets élevés. dans de
pareilles maximes , finon des hommes pré*
occupés du fcepticifme ê< de la tolérance ,
•ibandomiéft à Jeui
••, * - - ^
^6o Arrêt d£ la Cour
plaifirs des fens ^ concentrés en eux-mêmes
par Tamour-propre , qui ne connoîtroient
d'autre voix que ceUe de la nature , & qui
eu noble defir de la foiide gloire , fubm-
tueroient la pernicieufe manie de la iingu-*
larité ? Quelles règles pour les mœurs !
Quels hommes pour la religion &c pour
r£tat, que des enfans élevés dans des prin-
cipes qui font également horreur au chr^
tien & au citoyen i
Que l'Auteur de ce livre n'ayant point
craint de fe nommer lui - même , ne fai^
roit être trop promptement pourTuivi ;
qu'il eft important t puiiqu'il s'eft fait
connoître, que la juftice fe mette à portée
de &ire un exemple , tant fur l'Auteur que
fur ceux qu'on pourra découvrir avoir
concouru , foit à Fimpreffion ^ foit à h
diffaribution d'un pareil ouvraçe , digne
comme eux de toute fa févérite.
Que c'eft l'objet des conduûons par
écrit qu'ils laiffent à la Cour avec un exem?-
plaire du livre ; â( fe font les Gens du
Roi retirés»
Eux retirés:
u le livrç en quatre
tulé;
DE Parlement. 361
tulé : Etnilc , ou de V Education , /r^ /. /*
Roujjtau , Ckoytn dt Gtncvt. Sanabilibus
^egrotamus malis ; îpfàque nos in rectum
natura genitos , fi emendari velimus , juvat»
Senec de Ira , Lib. XL cap. XIII. tom*
I, i,3&4. ^/tf Haye , cAej Jean
NcauUnt , Libraire , tf vec Privilège de Nos
Seigneurs les Etais de Hollande & Wejlfrife.
Conclufions du Procureur-Général du Roi ;
xniï le rapport de M^. Pierre - François
Lenoir , Confeiller ; la matière miie ea
délibération :
La cour ordonne qiie ledit livre im-
primé fera lacéré & brûlé en la Cour dit
Palais 9 au pied dii grand efcalier d'icelui ,,
rir FExécuteyx delà Haute- Juftice; enjoint
tous ceiix qui en ont des Exemplaires de
les apporter au Greffe de la Cour , pour
y être fupprimés ; feit très-expreffes inhibi-
tions & défcnfes à tous Libraires d'impri-
inter , vendre & débiter ledit livre , & à
tous colporteurs > diftributeurs ou autres
dé le Colporter où diftribuer , à peine d'être
pourfuivis extraordinaireaient , & punis
iuivant la rigueur des ordonnances. Orcten-
ne qu'à la Requête du Procureur-Général
lia Hôiv/Uitra^ kformé* piyr-devant It
Suppl. de la ÇqUcç^ Tqois L Q
|6* Arrêt de la Cour
Confeiller-Rapporteur ^ pour les témoins
qui fe trouveront à Paris, & par-devant
les Lieutenants-Criminels des Bailliages &
Sénéchauffées du Reffort , pour les témoins
qui feroient hors de ladite ville , contre
les Auteurs , Imprimeiws ou Diftributeurs
dudit livre; pour, les informations faîtes,
rapportées & communiquées au Procureur-
Général du Roi , être par lui requis &
par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ;
& cependant ordonne que le nommé J. J.
Roufleau , dénommé au frontifpice dudit
livre , fera pris & appréhendé au corps ,
& amené es prifons de la Conciergerie du
Palais , pour être ouï & interrogé par-
devant ledit Confeiller-Rapporteur, fur
les faits dudit livre , &c répondre aux
concluilons que le Procureur-Général en-
tend prench-e contre lui ; & où ledit J» J.
Rouffeau ne pourroit être pris &l appré*
hendé , après perquifition faite de fa per-
fonrie, aillgné. à quinzaine, fes biens raifis
& annotés , & à içeux Cbij^nifTaires établis^
jufqu'à ce qu'il ait obéi fuivantrOrdonnan*
.ce ; & à cet effet orçionoe qu'un exem*^
plaire dudit livre fera dépofé ^u Greffe de
Ja Cour» poiur ferv^f à iWlru^aii du
v>
TSC!
* D E *Pa RLEMENT.* 365
Procès. Ordonne en outre que le préfent
A«[êt fer^ imprimé y piîMié & affidié par-
tout oîi bêfoin fera. Fait en Parlement, le
9 Juin mil fept cent foÎKaate-deux*
^ . •._ • Si^né , BUFBMfC^ . i
Et le Vendredi 1 1 Juin 1761 , ledit' Ecrit
mentionné ci^dcjjiisa été , lacéré & brfiUaU
pied du grand Efcalier du Palais y par tExé*
tuteur de la Haute- Jujlice ^ eri prefcncè de
moi Etienne D-agobert Yfabeau , Ihin^ des
trois principaux Commis pour la GrandUCham-*^
tre , ttffijié de deux HuiJJiers de là Cour.
'■■■'' sMii i YSAmm. : ^^
' •
A-f A m s , (Sbn P.\ 6. SIMON ^ Imprimeur du Pari«mài|i
... me ïeiftHnse, k l*aercule. 1759.
Si
MANDEMENT
O E Mo N S El GN È 1/ i^
L* A R C H E V Ê Q U E
D E F A R I S,
parlant condamnation iun livre qui a jfow,
• tltn : E M IL £ 9 ou de IfEducation , par
}. J. Roufleau ^ Citoyen de Gtaç^v^^ A
\ Amjlcrdam ^ che^ Jean Héaulmt » L,ibrairc ^
1762.
. ..4 j
OHRfSTOPKE DE BeAUMONT i
par laMifériGorde Divine , & par la grâce
du Saint Siège Apoftolique , Archevêque
de Paris ^ Duc de Saint Cloud , Pair de
France , Commandeur de POrdre du Saint-*
Efprit , Provifeur de Sorbonne , &Lc A
tous les Fidèles de notre Dioçefe : Salut
ET BÉNÉDICTION.
I. Saint Paul a prédit, mes TRàs-CHERs
Frères , qu'il viendroit des jours périlleux
oitr il y aurait des gens amoHurs d! eux-mêmes ,
fj^Sjtfuperkes^ kla/phinnUêurs^inq^ieSyCalom^,,
niaieurSf enfles d orgueil^ amateurs Ja voluptés^
^
»»
I il
' ~ 9
Mandement/ ^S'j
pltaôt que de DUu : dts hotfimti ^têtt efpni
corrompu & pervertis dans la Foi ( a ). Et
dans quels tems malheureux cette prédic-
tion s*eft-elle accomplie plus à la lettre que
dans les nôtres ! L'incrédulité 9 enhairdie
par toutes les pâffions 9 fe préfente fou9î
toutes les formes, afin de fe proportion- .
ner , en quelque forte ^ à tous les âges %
à tous les caraâeres, à tous les états. Tann
tôt , pour s'infinuer dans des efprits qu'elle
ti:ouve déjà tnforceléspar la bagatelle Ç^ ),
elle emprunte un fty le léger , agréable-^c,
frivole : de -là tant de romans écalement
obfcenes & impies, dont le but eft d'amu*
fçr l'imagination , pqur féduire refpritôc
corrompre le cœur. Tantôt , afFeâant uo
air de profondeur & de fublimité dans fes
vues , elle feint de remonter aux premiers .
principes de nos connoiiTances , ^ prétend ,
s'en autorifer , pour fecouer un joug qui , j
félon elle , déshonore l'humanité , la Divi- ;
nité même. Tantôt elle déclame en furieufe •
( 4 ) In noviffimis diebus inftabunt tempora periculofa ; - '
erunt homines feipfos amantes ... elatiy fuperbi , blafphçmi... ,
fcelefti... criminatores . . tumidi & voluptatum amatores <
xnagis quam Dei . . . homines corrupti mente & reprobi.circà
fidem. a. Tim. C. 3. t/. i. 4. S. *
^b) Farcinaûo nugacitatls obCcurat bona. Saf^ C, 4. vi l%*
Q3
VSSSSSSSSSSSSSSSSÊOSSSSasSSSSSSA
»^iMi
jfi^ MtA N I> E M £ N T.*
contre le zèle de là Religion , & prêche la
tolérance iinivèrfèlle avec emportement.
Tantôt enfin , réuniffant tous ces dirers
langages , elle mêle le férieiix à Tenjoue-
lîiM^i des^ maximes pures à des obfçéni*
tés; de grandes vérités à de grandes er^.
jçuî^ , là foi àil blafpKême ; elle entr^rend>
en un mot , d^accoi^er les lumières avec
les ténèbres , Jéfus - Ghrift avec BéliaL Et
tel eft fpécialement , M. T. C. F. Fobjet
qu'on paroît s^être pfopofé dans un ou-
vrage' récent , qui a pour titre : EMILE ou
OÊ LÏbuCATiON. Du feîn de Terreur il
s*eft élevé un homme plein du langage de
la phllofophie , fans être véritablement phi* ^
lolbphe ; efprit doué d'une itiultitude de
connoifl&nces qui ne l'ont pas éclairé , &
qui ont répandu des ténèbres dans les au-
tres efprits. : caraftere livré aux paradoxes
d'p^ihipns v& de condiîîte ; aUiant la fim-
plîcité des mœurs avec le fafte des pen-
fées ; le zèle des maximes antiques avec la
fureur d'établir des nouveautés , robfcurité
de la retraite avec le defir d'être connu de
tolit le monde : on Fa vu inveôiver contre
les ^ciendes qu'il cultivoit; préconifer l'ex-
<cellence de l'Evangile , dont il détniifoit
'*•
Mandement. 367
■ ■ Il ■ ' . t -' ■ I 1..1 . ' II. . I I IIM
les dojgmes ; peindre la beauté des vertii$
qu'il eteignoit dans Pâme de fes Leâeurs,
Il s*eft fait le précepteur du genre-humain
pour le tromper , le moniteur public pour
égarer tout le monde , Toracle du fieclé
pour achever de' le perdre. Dans un ou-
vrage fur Tinégalité des conditions , il avoit
abaiffé l'homme jufqu*au rang des bêtes ;
da^is une autre produftion plus récente ,
il avoit infmué le poifon de la volupté en
paroiflant le profcrire : dans celui - ci , il
s'empare des J)rèmïer^ momens de Thom-
me , afin d'établir l'empire de l'irréligion.
ÏL Quelle entreprife , M. T. C. F. ! L'é-
ducation de la jeuneffe eft un des objets
les plus importans de la follicitude & du
zèle des Pafteurs. Nous favons que, pour
réformer le monde, autant que le per-
mettent la foibleffe & la corruption de
hotre nature , il fuffiroit d'obferver fous
la direftion & Timpreflion de la grâce les
premiers rayons de la raifon humaine ,
de les faifir avec foin & de les diriger
vers la route qui conduit à la vérité. Par
là ces efprits , encore exempts de préju-»
gés , feroient pour toujours en garde con-
tre l'erreur ; ces cœurs , encore exempts
Q4
568 Mandement.
de grandes paiHons , prendroient^ks i»w
preffions de toutes les vertus. Mais à qui
convient -il mieux qu'à nous & à nos
coopérateurs^ dans le iàint Miniâere, de
veiller ainfî fiur les premiers momens de
la jeuneffe chrétienne ; de lui diftribuer
le lait fpirituel de la Religion , afin qi^U
croijfc pour le falut ( c ) ; de préparer de
bonne heure , par de ialutaires leçons , des
adorateurs iinceres au vrai Dieu , des fu*
l^ts fidelles au Souverain , des hommes
dignes d'être la reflburce & l'ornement
de la Patrie ?
III. Or , M. T. C. F. , l'Auteur d'EMiLE
propofe im plan d'éducation qid , loin de
s'accorder avec le Chrlftianifme y n'eft pas
même propre à former des citoyens , ni
des hommes. Sous le vain prétexte de
rendre Thomme à lui-même ^ & de feire
de fon Elevé l'Elevé de la nature , il met
en principe une aflertion démentie , non-
feulement par la Religion , mais encore
par l'expérience de roits les peuples & de
tous les tems. PafonSy dit-il , pour maxime
' (c) Siciit mode geniti infantes, rationabile fine dolo lac
concupilicite : ut ia eo ci<;lcads in falnteni. I* PiU (• 2*
Mandement. 369
«te
ioconttJlabU y que Us premiers mouvtmcns de
la nature font toujours droits : il ri y a point ,
de perverjiti originelle dans le cœur humain.
A ce langage on ne reconnoît point la .
doftrine des faintes Ecritures & de TE-,
glife , touchant la révolution qui s'eft feite
dans notre nature. On perd de vue le
rayon de lumière qui nous fait connoître
le myftere de notre propre cœur. Oui ,
M. T. C. F. , il fe trouve en nous un mé-
lange frappant de grandeur & de baiTeiTe ,
d'ardeur pour la vérité & de goût pour
l'erreur , d'inclination pour la . vertu &
de penchant pour le vice : étonnant con-
trafte y qui ^ en déconcertant la Phi^ofo-
phie payenne , la laiflTe errer dans de vai-
nes fpéculatipns f contracte dont la rêvé*
lation nous découvre 1^ fource d^ns la
chute déplorable de notre premier pjM-e |
L*homm^ fe fent entraîné par une pente [
funçfle , & cpmment fe roldiroit-il conti>e
elle y fi fon enfonce n'étoit dirigée par des
maîtres pleins de vertu , de fegeffe ,^dfi\
vigilance ; & fi , durant tout le cour^ de
fa vie , il ne foifoit lui - tçÀjaxt ^ fous la ^
proteâion , & av^c les grâces de fon Dieif ^
^0$ ei£;>rts puHan^ & continuels ? Hélas I'
^J0\ M AN D E'M E N Ti.
- - - •
W. T. C. F. , malgré leis principes de Tédii-
cation la plus famé & la plus vertueufe ,
malgré les promeffes les plus magni£qHes
cle la religion , il les menaces les plus
terribles , les écarts de la jeuneflfe ne font
encore que trop^fréqiiens ^ trop multi-
pliés; dans quelles erreiu's, dans quels
excès , abandonnée à elle-même , ne fe
précipiteroit-elle donc pas ? Ceô un tor-
rent qui fe déborde malgré tes digues puif-
iântes qu'on hii avoit oppofées : que fe-
roit-ce donc fi nul obftacle ne fofpendoit
fes flots , & né rompoit fes eflforts V
ÏV* L^Auteur d*EMlLE , qui ne recon-
Boît aucune religion , indique néanmoins ,
<àns y penfer , la voie qui conduit infeil-
fiblèment à îa vraie religion. Naus j dit*
ï, qui nt 'Voulons rien donner à taïuoritt^
nous y qui nt voulons rien ehfeigner à notre'
"EjfAîLZ^'qà^il rie put comprendra de bd^niémc*
par tout pays ^ dans quelle religion' FiU^-
verons-nous ? à quelle *Jick aggrégerons-nous -
rJSleve de la nature ^ N&us ne t abrège-
rôns ^ ni à celles ci\ ni à celle-là; nous le
fheterons en état de choijir celle où le meit-
leur u/agé dé la rdifon doit U conduira. Plût :
à- Dieu, M. T. C; F., que cet objet eût
Mandement. 371
été bien rempli ! Si FAuteur eût réelle-
ment mis fofi' Elevé en état de choijir ,' entre
tautes les- religions , celle où Je meilleur
ufage de la r'aifon doit conduire , il Teût
immanquabljement préparé aux leçons du
chriftianifine.- Car , M. T. G. F/, la lumière
naturelle conduit à la lumière évangéli-
qu€ ; & le cidte chrétien eft effentielle-
ment un culte raifonnable {d). En effet , Ji
le meilleur ufage de notre raifon ne devoît
pas nous conduire à la révélation chré-'
tienne , notre foi feroit vaine , nos efpé-
rances féroient chimériques. Mais com-
ment ce meilleur ufage de la raifon nous'
conduit-il au bien ineûimable de la foi ^
& de-là au terme précieux du falut ? Ceft
à la raifon elle-même que nous en appel-
ions. Dès C|ii*on reconnoît un Dieu , il
ne s*agit plus que de^favoir s*il a daigné
parier aux hommes , autrement que • par
les impreflk>ns de la nature. Il faut donc'
examiner fi leS faits , qui conftatent la ré-'
vélation, ne font pas fupérieurs à tous
les efforts de la chicane la plus artifi-
cieufL Cent fois l^ncréduUté a. lâché àg^
T-*-
ii) RAtioimbU^ el>f€^iiiu)ii vtftnim. Rom* Ç. xa. v. %*:
37^ Mandement.
ditniire ces faks y on au moin» d'en affoi-
hlir les preuves ; & cent fois fà critique
a été convaincue d'împui&nce. Dieu ^
rr la révélation y, s'eil renda témoignage
lui-mên^e , & ce témoignage eft évi-
demment tris^digne de fol {^e^.- Que refte-
tril donc à l'homme qiii fait U mtUlcur
nfagc de fa. raifhn , &M>ti d'acquiefcer à ce
témoignage ? Ceâ votre grâce , ô- mon.
Dieu r qui conibmme cette oeuvre de lu*
miere ; c'eft elle qui détermine la volonté ^
qui forme Tame chrétienne ; mais le déve-
loppement des* preuves , & la force des*
motifs y. ont préalablement occupé, épuré:
la raifon ;. & c'eil dans ce travail , auffi^
noble qu'indifpenfable , que confifle ce*^
meilleur ufage de la raifon y dont l'Auteur
^Emile entreprend.de parler ijuis en avoir
ime notioa fixe & véritable.
V. Pour trouver la jeuneffe plus docile*
aux leçons qu'il lui prépare , cet Auteuf
veut qu'elle foit dénuée de tout principe
de religion. Et voilà pourquoi, ielon lui ,.
CûTUioitre U bien & U mal-y fmiir la ruifofu
(r) TeltûuoAia tni crcdibîlia fgOa ftmtniiiiii; h[éU 92;
Mandement^ 37}
m ,
des devoirs de t homme , rfeji' pas P affaire
£un enfant . • • Taimerois autam , ajoute-'
t-il , exiger qu^un enfant eût cinq pieds d€
haut 9 que du jugement à dix ans,
VL Sans doute ^ M. T. C. F. , qiïc le ju-,
gement humain a ie$^ progrès 9 & ne fe
forme que par degrés. Mais s'enfuit -it
donc qu'à Page de dix ans un enfant ne
connoifie point la différence du bien àc
du mal , qu'il confonde la fageiTe avec lat
folie , la bonté avec la barbarie y la vertu
avec le vice ? Quoi ! à cet âge 'A ne fen-
tira pas qu'obéir à ion père eu un bien ^
que Uii deibbéir eâ im maL Le prétendre ^.
M. T. Ç. F. , c'eft calomnier la nature hu'
inaine , en lui attribuant une fiupiditi
qu'elle n'a pointr
VIL « Toul: enfant qui croit en Dieu ^
^ dit encore ut Aiueur , eft idolâtre ou an-
ff tropomorphite >k Mais s'il eft idolâtre ^
il croit donc pluûeurs Dieux ; il attribue
donc la nature divine à des fimulacres in-^
iénfibles ï S'il n'eft qu^antropomorphite ^
en reconnoiflant le vrai Dieu ^ il lui donne
un corps,. Or , on ne peut fuppofer ni J'un^
ni l'autre dans un enfent qui a reçu iinr;
éducation chrétienne^ Que £1 réduçatioa^
374 Mandement.
>■ ' ' " ' ' " ■ ' > — — —
a été vicieufe à cet égard , il éft fouve-
rainement injufte d*iinputer à la religion
ce qui n'eft que la faute de ceux qui Ten-
feignent mal. Au furplus , Tâge de dix
ans n'eft point l'âge d'un Philoiophe : un
enfant , quoique Ken inftniit y peut s'ex-
pliquer mal ; mais en hit inculquant que
la Divinité n'eft rien de ce qui tombe ,
ou de ce qui peut tomber fous les fens ;
3 lie c'eft une intelligence infinie , qui ,
ouée d'une puiffance fuprêmê, e:xécute
tout ce qui lui plaît , on lui donne de
Dieu une notion affortie à la portée de
fon jugement. Il n'eft pas douteux qu'un
athée, par fes fophifmes , viendra faci-
lement à ^ bout de troubler lei idées^ de ce
jeune croyant : mais toute l'adreffe du
fophlfte ne fera certainement pas que cet
enfant, lorfqu'il croit en Dieu , foit ido^'
Idtre ou antropomofphîtc ; c'eft- à- dire ,
qu'il ne croie que l'exiftence d'une diimere,
• VIII. L'Auteur va plus loin , M. T. C.
F. , il TL accorde pas même à «n jeune homme
de quinze ans^ la capacité de croire en Dieu*
L'homme ne faura donc pas même à cet
âge \ s'il y a un Dieu , ou s'il n'y en à
point : toute la nature aura beau annoncer
M'nk WD E M ^E N Ti ' )7y
lâ gloire de fon Crèatear ^ il n'entendra
rien à fon langage î II exiôera , fans iàvoir '
à quoi il doit fon éxiftence ï Et ce fera la
iaine raifon eHe-même qiii le plongera dans
ces ténèbres: î C^eft ainfi , M, T. C. F. ^
que Faveiigle impiété voudroît pouvoir
obfaircir de fts noires vapeurs , le flambeau
que la religion préfénte à tous les âges de
la vie humaine» Saint Auguftin raifonnoit
bien fur d'autres principes , quand il difoit ,
en parlant des premières années de fa ;eu-
neife. « Je tombai dès ce tems-là , Sei-
y^ gneur , entre les mains de quelque^uns
» de ceux qui ont foin de vous invoquer j,
>> & je compris par ce qu'ils me difoient
n de vous • & félon les idées que j'étois
» capable de m'en former à cet âge-là ^
y> que vous étiez quelque ehoié de grand ,
H & qu'encore que vous fiiflîez invifible ^
» & hors de là portée de nos fens ^ vous
» pouviez -nous exaucer & noua* fecourir^
h AuflGi c6mmençai-}e dès mon enfonce à *
» vous prier, & vous regarder comme ^
» mon recours & mon appui ; & à me*
» fure que ma langue fe denouoit, j'em-
n ployois fes premiers mouvemens à vous '
376 MaND£M£NT«
IX. Contkiuons ^ M. T. C. F, , de rele*
ver les paradoxes étranges de TAutettr
d'ËMiLE^ Après avoir réduit les jeunes
gens à une ignorance fi profonde par
rapport aux attributs & aux droits de la
'Ùivimtéy leur accordera*- 1- il du moins
l'avantage de fe connoître eux-nnêmes }
Sauront - ils fi leur ame eft une fiibfiance
abfolument difilnguée de la matière ) ou
fe regarderont - ils comme des êtres pure-
ment matériels &c foumis aux feules loix
du mécanifine ? L'Auteur d'ËMiix doute
ou'à dix-huit ans , il foit encore t^nns que
fon Elevé apprenne s'il a une ame : il
penfe que , s*il Vapprtni plutôt y il court
rifjue de nt h f avoir jamais : ne veut-il pas
du moins (jue la jeunefle ibit fufceptible
de la connoiflknce de fes devoirs ? Non. A
Ven croire, il ny a qm dis objets phyfiqtus
quipuijfent interejfcr Us tnfans^ fur-tout ceux
dont on ri a pas éveillé la vanité , & ation
lia pas corrompus d^ avance par le poifon de ,
t opinion. Il veut y en conféouence, que tous
les foins de la première éducation foient
applîcjués à ce qu'il y a dans iTiomme dé
matériel & de terreftre : exercei , dit-il y fon
fioij^Sy fes organes, fes fensj fes jforc^'^ mds
Mandement. 377^
1,
une [f on éCme oijîve , autant qiiilft fourra,
C'elt que cette oifiveté lui a para nécefiaire
pour difpofer Tame aux erreurs qu'il fe
propofoit de lui inculquer. Mais ne vou--
loir enfeigner la fageffe à lliomme que dans .
le tems oii il fera dominé par la fopguc des ^
paf&ons naiflantes , n'eft-ce pas la lui pré- ;
fenter dans le deffein qu'il la rejette )
X. Qu'une fembîable éducation , M. T»
C, F. , eft oppofée à celle queprefcrivent , ^
de concert , U^ vraie religion & la faine ,
raifon ? Toutes deux veulent qu'up Maître ;
fage & vigilant épie en quelque forte da\ns
Ion Elevé les premières lueiu's de l'intel-
ligence , pour l'occuper des attraits de la ;
vérité , les premiers mouvemens du cœur , -
pour le fixer par les cHarmes de la vertu, ;
Combien en eiFet n'eû-il pas plus avanta- f
feux de prévenir les obftacles , que d'avoir v
les furmonter? Combien n'eû-il pas à
craindre que , fi les impreflions du vice
précèdent les leçons de la vertu , Thomme
parvenu â un certain âge y ne manque de
courage , ou de volonté pour réfifter au
vice ? Une heureufe expérience ne prouve-
t-elle pas tous les jours, qu'après les déré-
glemens d'une jeunefie impnidente ÔC em- .
378 Mandement.
portée , on revient enfin aux bons princi-
pes qu'on a reçus dans l'enfance ?
XI. Au refte , M. T. C. F. , ne foyons
point fui^pris que l'Auteur d'EMiLE remette ^
à un tems fi reculé la connoiffance de l'exit-
tence de Dieu : il ne la croit pas néceffaire
anialut. // cfitlair^ dit-il , par l'organe d'un
perfonnage chimérique ^ il tjl clair que tel
homme parvenu jufquà la vieïlleffe , fans
croire en- Dieu , ne fera pas pour cela privé
de fa prifence dans f autre , Ji foh ai^euglc'-
ment rCa point été volontaire , & je dis quil
ne téjl pas toujours. Remarquez , M. T,
CF., qu'il ne s'agit point ici d'un homme
qui feroit dépourvu de l'uiàge de fa raifon ,
mais uni^^uement de celui dont la raifon ne
feroit pomt aidée de l'inftniftion. Or , une
telle prétention eft fouverainemènt abfurde ,*
fur-tout dans le fyftême d'un Ecrivain qui
foutient que là raifon eft abfolument fkine.
Saint Paul aflure, qu'entre les Philofophes
Païens i plufieurs font parvenus , par les
feules forces de la raifon, à la conooifiknce
du vrai Dieu. Ce qui peut être connu de Dieu ,
dit cet Apôtre , leur a été manifefie , Dieu U
leur ayant fait connoUre : la confidération des
(hofes qui ont été faites dis la création du
ilia
Mandement* 379»
monde leur ayant rendu viJibU ce qui ejt
invijible en Dieu ^ fa puijfanee même éter*
nelUy -& fa divinité, tri forte qitils font
fans excuje i puifqi^ ayant connu Dieu y ilj^
ne Vont point glorifie coriime Dieu y & ne
lui ont point rendu grâces ; mais ils fe font
perdus dans la vanité de leur raifonnement ,
6* leur efprit infenfé a été ohfcurci : en fc
difant fages , Us font devenus fous (^/).
XII. Or, fi tel à été le crinle de ces
hommes, lefquels bien qu'afFujettis par
les préjugés de leur édiication au culte
des idoles . n'ont pa^ laiffé d'atteindre à'
la connoiflànce de Dieu : comment ceux .
qui n'ont point de pareils obftacles à
vaincre y feroient-ils innocens & }ufles >
au point de mériter de jouir de la préfence
de Dieu dans l'autre vie ? Comment fe-.
roient-ils excufables (avec une râifon faine
telle que TAuteur la llippofe) d'avoir jpuî '
^ " ■ ! J I I II. - •
( / ) Quod notam eft Dei manifeftum eft in illis : Deuà
coim illis matiifefiavit Inviiibîlia enim ipfîus , à creatiîrl
mundi , per èa quse fa6la rimtintelle£la, conIpiQuiitur : fent*
piterna quo^ne e}us virtus & divinîtas , ita ut fînt inexciw
fabiles ; quia cûm cognoviflent Deum, no» ficutDeum glo»
lificaverunt, aut gratias egerunt, fed evanuerunt in cogita-^
tionibusfuis, & obfcuratum eft infîpiens cor eorum} dicen-
teseninife elTe faf ientes » ftulti faOîAmt. R»m, C. |..«^^i
19. X^'
^80 Mandement*
durant cette vie du grand fpeôade de la
nature , &c dWoir cependant méconnu
celui qui l'a créée > qui la conferve &c la
gouverne ?
* XIII. Le même Ecrivain , M. T. C. F. ;
embraite ouvertement le fcepticifme ^ par
rapport à la création & à Timité de Dieu«
Je Jais j fciit-il dire encore au perfonnage
fuppofé qui lui fert d*organe ^ Je fais que
U monde eji gouverné par une volonti puij^
fante &faec ; je le vois , ou plutôt je le fena^
& cela m importe à /avoir : mais ce même
monde eji^il étemel, ou créé} Y a^t-il un
principe unique des chofes} Y en ^•t-il deux
ou plufieurs ^ 6* quelle efl leur nature ? Je
rien fais rien & que m^itnporte } .... Je re^
nonce à des queflions oifeufes qui peuvent
inquiéter mon amour-propre ^ mais quifone
inutiles à ma conduiu , &fupérieures a ma
raifon. Que veut donc dire cet Auteur
téméraire ? Il croît que le monde eft gou-
verné par une volonté puiflknte & fage : il
avoue que cela lui importe à favoir: & ce-
pendant , Une fait y dit-il , ^il n^y a qilun
feul principe des chofes , ou s'il y en a plu-
^fieurs ; & il prétend qu'il lui importe peu de
ie i^ywt. S'il y a une volonté puiflante &
Mandemei^t. 3St
iàgr qui gouyerne le moqde , eft-U conce-
vable qli elle ne foit pas IHiniqye principe
devchofes? il^tpeuMl être plus important
de avoir Pun que Tautre? Quel langage
contradiâoire 1 II ne fait quelle ejl la naturô
ée Dieu , & bientôt après il reconnoît que
cet Etre fuprême eft doué d'intelligence , de
puiflknce , de volonté &j; de bonté ; n'eft-ce
donc pas là avoir une idée de la nature
divine? L'unité de Die^ lui paroît une
quefiîon oifeufe & fupérieure ^ f^ raifon ,
commç fila multiplicité dçç pieux nMtoit
pa$ < la plus grande de toutes les abfurdi-<
tés. l>a ^lumlifé des Dieux 9 dit énergique^
nient Tertùllien, efi une nullité de Dieu (*)^
admettre un Dieu , ç'eft admetû^e un Etre
fuprêîîie & indépendant auquel touç les
autres Etres foient fubordonnés, H irnpU-»
que donc qu'il y ait plufieurs Dieuxl
XIV. Il n'eft pas étonnant, M. T.C. F.,
2u*an homme qiii donne dans de pareils
çarts touchant la Divinité , s'élève con*
tre la religion qu'elle nous a révélée.^ A
l^entendre, toutes les révélations en gé*
•m
.(*) Deus cùm fumraum magnum ût, re^t^ veiitas noftr^
|»ronuntiavit': Deus ii nop UAUf k^ » aoa eit* ' Ter^ui, ^vcrfi
381 Mandement.
oéral ne font que dégrader Dieu^ er^ ffuidon^
nani des pa.£ions humaines. Loin ^écldi'rcir
ks notions , du grand Etre , pourfuit-il , Je
vois que Us dogmes particuliers les embrouUn
lent ; que loin de les ennàbRr ^ ils les avi'^
lijfent: qu!aux myfieres inconcevables qui les
environnent ^ ils ajoutent des contradiBions
^bfiitdes^ C'eft bien plutôt à cet 'Auteur ,
M. T. C F., qu'on peut -reprocher Tin-
conféqueiîce & rabfurdité. Ceft bien lui
<ïiii dégrade Dieu , qui eûibrouille , &
qui avilit les notions du grand Etre , puis-
qu'il attaque dircÔement ion effence , en
révoquant .«n doute fon unité.
, Xy. Il a fehti que la vérité de la ré-
vélation chrétienne étoit prouvée par des
feits ; mais les miracles tonnant une des
principales preuves de cette révélation,
& ces miracles nous ayant été tranfmis
par la .voie des témoignages, il s'écrie:
quoi ! toujours des témoignages humains !
iouj'ours des hommes qui me rapportent ce
que ii autres hommes ont rapporté} Que ^hom:
mes entre Dieu & moi ! Pour que cette
plainte fut fenfée , M. T, CF., il feu-
droit pouvoir conclure quç lâ révélation
l^ft fauiFé dès qu'elle n'a pqvtf été faitq
» .1 fc.
Mandement, 385
à chaque homme en pardculier; il fau-
droit pouvoir dire : Dieu ne peut exiger
de moi que je croie ce qu*on m'affure
qu'il a dit , dès que ce n'eft pas direde-
ment à moi qu'il a adreffé fa parole.
Mais n'eft -il donc pas une infinité de
£aixs 9 même antérieurs à celui de la
révélation chrétienne , dont il feroit ab-
furde de douter } Par quelle autre voie
?ue par celle des témoignages humains ,
Auteur lui-même a-t-il donc connu cette
Sparte , cette Athènes , cette Rome dont il
vante fi fouvent & avec tant d'îiflurance
les loix , le? mœurs , & les héros î Que
d'hommes ^ntre lui ÔC les événemen^î qui
concernent les origines ôcJa fçrtunç de
ces, anciennes Répu})liques^ ! Que d^hom-»
mes entre lui & les Hifloriens qui ont
confervé la mémoire de ces: événemens !
Son fcepticifine n'çft donc ici. fondé que
fur l'intérêt de, foo incrédulité. -
XVI. Qdun hwnmtji ajoute -t- il plus
loin , vUi^iJ^ nous tmir^ et tangage : mop'
t$ls ^ je vous anHonccUsyalcntés duTriS'^
H(^ut r ftconnoijjc^ à m^ voix celui qui
m'envoie, pardonne au /qIcU d^ ch4ngtrfa
tmi^'^i f^i^Xfi ài^fmtj mlif^i Hfii
3^4 Mandement.
fangemtnt , aux montâmes de sapplanîr 9
aux flou de s^ élever ^ a la terre de prendre
un autre aJpeS : à ces merveilles qui ne r^
connoîtra pas à Binflant le Maître de la na^»
ture ? Qui ne croiroit , M. T. C* F. ,
3ue celut qui s'exprime de la forte , ne
emande qu'à voir ài^s miracles , pour être
diréticn ? Écoutez toutefois ce qu'ail ajoute :
nfle enfin , dit-il , t examen le plus impor--
tant dans la doBrine annoncée. . . • Aprïs
avoir prouvé la doctrine par le miracle , il
faut prouver le miracle par la doSnne.. • • •
Or , que faire tn pareil cas ? Une feuU
çhoje ! revenir au raifonnement , & laiffer
là les miracles. Mieux eAt'il valu ri y pas
recourir , c'eft (Ere : qu'on me montre des
miracles , & )e croirai ; qu'on me mon-
tre des miracles , & je refiiferai encore
de croire. Quelle inconséquence ^ quelle
abiùrdité ! Mais apprenez donc une bonne
fois , M, T. C. F* , que dans la queftioa
Ses miracles , on nfe fe permet point le
fophlfin^ réprocihé ^ l'Atitôïtf eu livre
de FEpucATiOK. Quand une doârine eft
reconnue .vraie , divine , fondée /iir «ne
révélation cenaike , on s'en fert pour juger
é^ jûiiittdes ^ ^eft^-dire^ poiur i^j ettec les
prétendus
Mandement. 385.
— — M m — — — 1^
prétendus prodiges que des impofteurs
voudroient oppoler à cette doûrine, Quan4
il s'agit d'une doârine nouvelle qu'on an-
nonce comme émanée du £eîn de Dieu,
les miracles font produits en preuves j
cVfl-à-dire , que celui qui prend la quîi-
lîté d'envoyé du Très-Haut , confirme fa
miffîon , ùi prédication par des miracles
qui font le témoignage même de la Divi-
nité. Ainfi la doôrine & les miracles font
des argumens refpeûifs dont on fait ufa^e ,
ieLon les divers points de vue oîi Ton f€
place dans l'étude & dans Tenfeignement
de la religion. Il ne fe trouve là , ni
abus du raifonnement , ni fophifme ridi-
cule , ni cercle vicieux. Ceft ce qu'on ^
démontré cent fois ; & il eft probaole que
l'Auteur d'pmile n'ignore point ces dé*
monfbations ; mais d;ins le plan çpa?il s'eil
feit d'envelopper de nuages , toute religion
révélée , toute opération furnaturelle , il
nous impute malignement des procédé^
oui déshonorent la raifon ; il nous repré^
fente comme des enthoufiaftçs , qu*uii fau^ç
zèle aveugle au point de prouver deu:!ç
principes , l'un par Pautre , ùais diverfité
d^bjets , ni de méthode. Oîi eft donCj'
Suffi, dt Id ÇolUc. Tome L R
jS6 Mandement.
^«
M. T. C. F. , la bonne foi philosophique
dont fe pare cet Ecrivain.
XVII. On croiroit qu'après les plus
grands efforts pour décréditer les témoi-
gnages humains qui atteftent la révélation
chrétienne , le même Auteur y défera ce*»
pendant de la manière la plus pofitive , la
plus folemnelle. Il feut 9 pour vous en
Convaincre , M. T. C. F, , & en même tems
pour vous édifier , mettre fous vos yeux
cet endroit de fon ouvrage : /avoue que
la majejte de f Ecriture rr^ étonne } la foin*
tetl de t Ecriture parle à mon coeur. f^oye[
les livres des Philofophes ^ avec toute leur
pompe ; qu^ils font petits auprès de celui-là ?
Se peut' il quun livre à la fois Ji fublime &
fi fitnple , foit t ouvrage des hommes ? Si
peùt-il que celui dont il fait Chijloire ^ ne
foit qu'un homme lui-même ? Eft-ce là U ton
J!un enthoufiajie 9 ou et un ambitieux fec^
taire ? Quelle douceur! Quelle putfcti dans
fes mœurs ! Quelle graçe touchanu dans f es
infiruclions ! Qiulle ilévation dans fes
maximes ! Quelle profonde fagejfe dans fes
'difcours ! Quelle prifençe £efprit , qtulU
fnejfe & quelle jujleffe dans fes reponfes !
Quel fmpire fur fes pajjîons ! Oà ejl thomme^
Mandement. 387
oùtJlUfage qui /ail agir , /oiiffrir & mourir
JansfoibUje , & fans oflencation ? , -, ., .',. .
Oui , fi la -yie & la mort de Socrau font
£tm Jhge , la vie &■ la mort de Jtfus fonr
dtm Dieu. Dirom-nous qiu tlufioire de l'E-
Vangilt ejl invtniét à plaifir ? Ce
iCtA pas ainfi qiion invente ; & les fiits
de Secratt doru perfonne ne doute , font
moins atteflés que ceux de Jlfus-XJhrifl, . . . ,
Il ferait plus incancevaite que plufieurs hom-
mes Raccord eufeni fabriqué ce livre , • qu^il
pe Ctfi , qu^un feul en aie Journi Ce fujet-
f ornais les Auteurs Juifs r^eufflnt trouvé ee
ion , ai cette morale; & t Evangile a des ca-
raSeres à
parfaitem
feroii plu
«liffidle,
bel hom:
gjle. Cei
jju'en ce
ma^. C
lui rappi
«jnt rapp
^.luiÎJ
en contT
coaTondt
î.««
Mandement.
(étrange aveuglement a-tril donc pu ajou^
ter : avec tout cela ce même EvangiU e/l
plein de chofes incroyables , de chofes qui
répugnerai à la raifon ^ é* qu*il ejl impoJJîbU
ç, tài^t homme fenji de concevoir^ ni Sad^
fneure. Que faire au milieu de toutes cci'
contradictions ? Etre toujours modeJU & cir^,
fonfpeS . . . ^ ReJpeSer enjilençe ce qilon ni
faiiroit^ ni tejetttr y fti comprendre ^ & fku^
pùlier devant le grand Efre qui feul fait la
vérité.' Voila le Jcepticifme i^oïonfaire où
je fuis rejlé. Mais le fcepticîfme , M. T.
C F, , peut - il donc être involontaire ,
Iorfqu*on refiife de fe foumettre à la doc*
trine d'un livrfe qui ne Ikuroit être inr
venté p^r les hpnunes ? Lorfque ce livre
porte des çaraûeres de vérité, fi grands,
|i frappans , fi parËûtement inimitables ^.
ique 1 inventeur en feroit phis étonnant que
le héros } Ceft bien ici qu'on peut dire
que Viniquité a pienn cor^trâ elle-même (g)f
XVlit II femble , M. T. C F. , quç
cet Auteur n'a fe jette la révélation v qtiè
jpoùf s'en tenir 4 la religion naturelle ; ce
gue Dieu vi^ut qi^n homme fajfe , dit-il , H
j c .
ip Mpi^^ji^ ç^ u^ix^m mu Pfii* %4* r. i^
Mandement. 389
iie lui fait pas dire par un autre homme i
il te lui dit à lui-même , il Cécrit au fond
iie fin cctur. Quoi donc! Dieu n'a-t-îl
pas écrit au fond de nos cœurs l'obligation
de fe foumettre à lui , dès que nous font»
ries fûrs que c'efl: lui qui a parlé î Or',
quelle certitude n'avons -nous pas de la
divine parole ! Les faits deSocrate dont
'ferfonne ne doute , font de l'aveu même
de l'Auteur d'EMiLE , moins atteftés que
ceux de Jéfus-Chridi La religion natu-
relle conduit donc elle-ipême à la reli- -
gion révélée. Mais eft-il bien certain qu'il
admette même la religion naturelle ^ bu
que du moins il en reconnoiffe la nécef-»
iiié ? Non , M. T. C. F. , Si je me trompe j
dit- il, c'eji de bonne foi. Cela me fuffit,,
fûUT qut mon erreur mime ne me- fou pas
^imputie à ctime. Quand vous vous trompe-
riez de mêmet il^
x'eft-à-dire que ,
perfuader qu'on
rite ; que cette p
pagnée des plus
peut jamais êtri
qu'on doit touji
homme iàge & r
390 Mandement»
r ^ ■
tant les erreurs, même de Pathéîfme , dira
qu'il eft de hoff.M foi. Or , n'eft-ce pas là
ouvrir la porte à toutes les fuperûitions ,
k toiis les fyfl'êmes fanatîaues , à toiis les
délires de Peiprit humain? N'eu -ce pas
permettre gu'rr y art dans le monde autant
'de religions,,, de adtes divins^ qu'on if^
compte dTiâbîtâns ? Ah f M. T. C. F. ^
ne brenez; point le change fur ce point»
ta bonne foi n'eft eftmxabîe , que quand
elle eil éclairée' & docile. Il nous eft
ordonné d'étudier notre religion , & de
croire avec {implicite. Nous avons pour
garant des promefles , Tautorîté de TEi*
Çllfe : apprenons à la bien connoître , 3t
jettons-ndiis enfuite darts fon fein. Alors
nous pourrons compter fur notre- borinfe
foi , vivre dans la paix , & attendï'e ^
fans trouble , te moment de la lumière
éternelle.
XIX. Quelle înfîgne mauvaîfe foi n'é*
cîaf ê pWs encore dans la manière dont Fii>-
crédiiîe , que notis réfiitons , fait raiibnner
le chrétien & ' le catholique ! Quels di A
cours pleins d^nepties ne prête -t- il pas
k l'un & à l'autre , pour les rendre mé*»
prifables ! Il imagine \m dialogue ^ entre
•»' ■ ■ Il
i
Mandement. 391
«^
un chrétien , qu'il traite d^injpiré , & Tinr
crédule , qu'il qualifie de raifonncur ; &
voici comme il fait parler le premier : la
raifort vous apprend que le tout ejl plus
grand que fa partie .; mai^ moi , Je vous
apprends de la part de^Dieu que £ejl la
partie qui ejl plus grande que le tout} à quoi
l'Incrédule répond : & qui êtes - rous pour
n!ofer dire que Dieufe contredit; & a qui
croirai-'Je par prefirence , de lui qui niap^
prend par la raifon des vérités étemelles , ou
de vous qui rnannonce[ de fa part unz
abfurditi ?
XX. Mais de quel front , M. T. C. F. ^
ofe-t-ôn prêter au chrétiep un pareil lan-
gage ? Le Dieu de la raifon , difons-nous ,
efl auffi le Dieu de la révélation. La rai-
fon & la révélation font les deux orga-
nes par lefquels il lui a plu de fe faire en-
tendre aux hommes , loit pour les inf-
truire de la vérité , foit pour leur intimer
fes ordres* Si l\m de ces deux organes
étoit oppofé à l'autre , il efl confiant que
Dieu feroit en contradiftion avec liû-
même. Mais Dieu fe contredit-il , parce
qu'il commande de croire des vérités in-
compréhenfibles î Vous dites , ô impies ^
591 MandeMent.
Il il 11 II. ■■ I I II n ^
que les dogmes ^ que nous regardons
comme révélés , combattent les vérités
éternelles : mais il ne fufHt pas de le dire.
S'il vous étoit poflible de le prouver,
il y a long-tems que vous l'auriez fait,
& que vous auriez poufie des cris de
viôoire.
XXL La mauvaife foi de TAuteur d*E-
MiLE , n>il pas moins révoltante dans le
langage qu'il feit tenir à un catholique
prétendu. Nos catholiqucÉ ^ \m ùtt-ïl dire,
/ont grand bruit dt r autorité de PEglife /
mais que gagnent^ils à cela ? S^il leur foui
un aujjli grand appareil dt preuves pour ita-^
Hir cette autorité ^ quaux autres fecUs pour
établir direSement leur doSrine. VEgliJe di"
tide que FEglife a droit de décider : ne voilâ^
t-il pas une autorité bien prouvée ? Qui ne
croiroit , M. T. C. F. , à entendre cet im-
pofteuf , que Fautorité de TEdife n'eft
prouvée que par (ts propres décifions ,
& qu'elle procède aînu : Je décide que je
Juis infaillible , d^nc je le fuis : imputation
calomnieufe , M. T. C. F, La conftitution
du chriftianifme , l'efprit de l'Evangile ,
les erreurs même & la foibleffe de l'ef-
prit humain , tendent à démontrer que
é*
Mandement. 39 j
> »
»W^—— — — > ■ I I I I II I m I
TEglUe , établie par Jéilis-Chrift , eft une
Eglife infaillible. Nous aflurpns que ,
comme ce divin Légiflateur a toujours
enfeigné là vérité, ion Eglife Tenfeicne^
auflî toujours. Nous prouvons donc 1 au-
torité de l'Eglife , non par Tautorité de
TEglife , mais par celle de Jéfus-Chrift ,
procédé non moins exaâ , que celui qu'on
nous reproche eft ridicule & infenfé.
XXII. Ce n'eft pas d'aujourd'hui ,'
M. T. C. F. , que l'elprit d'irrélig: on eft
im efprit d'indépendance & de révolte,,
Et comment , en effet , ces hommes au-
dacieux , qui refufent de fe foumettre à
l'autorité de Dieu même , refpeâeroient-
ils celle des Rois qui font les images dej
Dieu , ou celk des Magiftrats qui font
les images des Rois ? Songe , dit l'Auteur
d'EMiLE à fon Elevé , quelle ( l'efpece
humaine) ejl compofée ejfentielletnent de la,
colleclion des peuples ; que quand tous les
Rois .... en feraient ôtes , il ny paroîtroit
gueres , & que les chofes rien iraient pas
plus maL... Toujours ^ dit -il plus loin ^
la multitude fera facrifiée au petit nombre ,
& C intérêt public À C intérêt particulier :
toujours ces noms fpécieux de jujllcè & d€
R5
J94 Mandement.
» ■ ■ ■ I ■ M mt
fuhordination fcrviroru d'injltumcnt à Iol
rJolcnce 9 & d* armes à Piniquicé. D^où W
Juh , continue-t-il , que les ordrts^ diliin^
gués y qui fe prétendent utiles aux autres ,;
ne font en effet utiles quk eux-mêmes aux:
élépens des autres^ Par où juger de la con^
fidiràiion qui leur efi due félon la jufice on-
la raifon ! Ainfi donc , M. T. CF.., rim—
piété ofe critiquer les. intentions de celut
far qui régnent les Rois (S) ; ainfi. elle fèi
{)laît à empoifbnner les fôurces de la fé*
icité publique , en fpufflant des maximes;
<^ui ne tendent qu^à produire Tanarchie ,
& tous les malheurs qui ea font la fiiite^
ïlaîs , que vous dit la religion ? Craigne^
Dieu: refpecles^ l'e.Roi..,.(j^ que tout\
homme foit fournis aux Ptàjjances fupéricU'-
Tes :■ car il riy <r point de ruijfaàce qui ne:
vienne de Dieu ; 6* cejl lui qui a habll.
toutes celUs qui font dans le monde. Qui'-
conque réfjle donc aux Puijfances ^ ri
tordre de Ùiew^ & ceux qui y réjijtent ^
attirent la condamnation fur eux-mêmes QC)»,
f
■il ■ ■ ,...,,■., , . I II ■
<A) Ferme reges régnant Pr^v. C, 8; v, rç.
f i) Dtttmtimete : Regem honoriflcate* i. P^C.i^v* 1%.
ih) Omnii anima poteftatibus fublimioribus fubdita fit:-
non tg cmm fotefiasjùfi à Deo : ^u» autentfuBt » à.IH»
Mandeme NT. 395
XXIII. Oui , M. T. C. F. , dans tout ce
qui eft de Tordre civil , vous devez obéir
au Prince , & à ceux qui exercent fon
autorité , comme à Dieu même. Les feuls
intérêts de TEtre fuprême peuvent mettre
des bornes à votre foumiffion ; & fi on
vouloit vous punir de votre fidélité à {es
ordres , vous devriez encore foufFrir avec
patience & fans murmure. Les Néron ,
les Domitien eux-mêmes , qui aimèrent
mieux être les fléaux de la terre , que
les pères de leurs peuples , n'étoient comp-
tables qu'à Dieu de Tabus cle leur puif-
fance. Les Chrétiens , dit Saint Auguflîn ,
leur obéiffoUnt dans le Ums à caufe du Dieu
de létermté (/).
XXIV. Nous ne vous avons expofé ;
M. T. C. F. , qu'une partie des impiétés
contenues dans ce traité de TEducation,
ouvrage également digne des anathêmes
de TEglife , & de la fé vérité des loix : &
que faut-il de plus poiu- vous en infpirer
ordinatae finit. Itaque, qui reGftlt poteftati « Dei oràinatiôni
refiftit. Qui auteiu relUbint ipfi fibi damnadontm ac^uiiunu .
JRm». c. (3. V. 1. 2.
(/} Subditi erant propter Demimiin atternimiy ctiarnOo»'
Aino temporaU. Aug. EiymM»^ in PfâL 124*
R6
SE
396 Mandement.
uiie jufte horreur î Malheur à vous , mal-
heur à la fociété , fi vos enfens étoîent
élevés d'après les principes de l'Auteur
d'EMiLE ! Comme il n'y a que la religion
qui nous ait appris à connoître l'homme ,
fa grandeur ^ la mifere , fa deflinée future ^
il n'appartient aufli au'à elle feule de for-
mer la raifon , de perfeâionner fes moeurs f
de lui procurer un honheur folide dans
cette vie & dans l'autre. Nous Êivons , M.
T, G. F. , combien une éducation vraiment
chrétienne eft délicate & laborieufe : que
de lumière & de prudence n'exige-t-elle
pas ! Quel admirable mélange de douceur
& de fermeté ! Quelle fagacité pour fe
proportionner à la difiérence des condi*
tîons , des âges , des tempéramens & des
caraâeres , ians s'écarter jamais en rien
des règles du devoir l Quel zèle & quelle
patience pour faire fruâifier , dans de
jeynes cœurs , le germe précieux de l'in-
nocence , pour en déraciner , autant qu'il
cft pçffible , ces penchans vicieux qui
font les trilles effets de notre corruption
héréditaire ; en un mot , pour leur appren-
dre , fuivant la morale de Saint Paul , à
firrc m ce monde avtç umpirancc j félon la
Mandement. 597
jufiice^ & avec pute j en attendant la béati^
tude que nous efpérons (/»). Nous difons
donc , à tous ceux qui Ibnt chargés du *
foin également pénible & honorable d'éle-
ver la jeuneffie : plantez & arrofez , dans Is
ferme efpérance que le Seigneiu* , fecon*
dant votre travail , donnera Taccroiffe-
ment; injifle[ à tems & à contre-temSy félon
le confeil du même Apôtre ; ufe^ de repris
mande , dUxkoriation , de paroles fiveres ^
fans perdre patience & fans cejfer d^inf^-
truire (n); fur-tout, joignez l'exemple à
l'inftruûion : Tinllruftion fans l'exemple eft
un opprobre pour celui qui la donne , &
un uijet de fcandale pour celui qui la
reçoit. Que le pieux & charitable Tobie
foit votre modèle ; recommande^ avec foin
à vos enfqns de faire des oeuvres de jujlice
& des aumônes , de fe foûvenir de Dieu , Gf
de le bénir en tout tems dans la vérité , &"
de toutes leurs forces (o) ; & votre pofté-.
(m) Erudietis nos, ut abnegantes impietatem & fseculari»
deiiderfk , fobriè & juftè & piè vîvamus in hoc faeculo ex*
pédantes beatam fpem. Tit. C. 2. t/. 12. 13.
(n) Inlla opportune, importuné : argue , obiècra, increp»
in otnni patientiâ & doârinà. 2. Ttjhot. C, 4. v, t^ 2.
( ) Filiis veftris mandate ut faciant juftitîas & eleemoft* '
nas , ut iint memores Dei & benedicant eum in omni tenr*
f ore f in veriutc Si in XQXk virtute fuk 7>^- C. x^* v. lU
398 Mandement.
rite , comme celle de ce faint Patriarche i
fera aimée de Dieu $• des hommes (/^).
XXV. Mais en qiiel tems Téducation
doit-elle commencer } Dès les premiers
rayons de Tintelligence : & ces rayons
font ijuelquefois prématurés, Forme[ ten-
fant à Ventrée de fa voie y dit le Sage, dans
fa vieillejfe même il ne s en écartera point (^q).
Tel jeft en effet le coiifs ordinaire de la vie
humaine : au milieu du délire des paffions^
& dans le fein du libertinage , les principes
d'une éducation chrétienne font une lumière
qui fe ranime par intervalle pour découvrir .
au pécheur toute Thorreur de Tabyme où
il eft plongé , & lui en montrer les iffues»
Combien , encore une fois , qui , après
les écarts d'une jeuneffe licencieufe , font
rentrés , par Timpreffion de cette liuniere >
dans les routes de la fagefle , &c ont honoré >
par des vertus tardives , mais finceres >.
rhumanité y la Patrie & la religion !
XX VI. Il nous refte , en finiflànt , M*;
(/> ) Omnis autem cognatio ejiis , & omnis generatio ejus
in bonâ vitâ & in ianâà convesfatîone permai^Gt, ita ut
accepti efleiittam fieo', quim hominibus & cunOis habitar .
toribus in tertâ. Ibid. v. 17.
(q) Adolefcens juxta viam fuam, etiam cum leiMietit »
Ma n d e m e n t. 39^
T. C. F. , à vous conjurer , par les en-^
brailles de la mîféricorde de Dieu, de vous^
attacher înviolablement à cette religion
fainte dans laquelle vous avez eu le bon-
heur d'être élevés ; de vous foutenir cofttre
le débordement d'une Philofopbie infenfée ^
qui ne fe propofe rien de moins que d'en-
vahir l'héritage de Jéfus-Chrift, de rendre {c^
prômeffes vaîaes , & de le mettre au rang
de ces fondateurs de religion , dont la
doârîne frivole ou pernicieufe a prouvé
Pimpofture. La foi n'eft tnéprifée , aban-
donfiée ^ infultée > que par ceux mii ne
la connoiffent pas ^ ou dont elle gène les
défordres. Mais les portes de l'enfer ne
prévaudront jamais contre elle. L'Eglife
Chrétienne & Catholique eft le commen-
cement de l'Empire éternel de Jéfus-Chrift^
Rien de plus fort (p!eUe\ s^écrie Saint Jeai»
Damafcene, c^efi un rocher que les fiots ne
tenverfent point ^ cUJtune montagne que rient
ne peut détruire (j).
XXVtl. A ces caufes , vu le livre quî
z pour titre r Emile , ou de l'Education ^
• /
'(r) Nih il Scella valentius:, rupe fortior eft. . . .femper
^get ; cur eam Scriptura montem appellavit ? Utique %yàs^
^^a^SSB^
400 Mandement,
^tm
par J. J. Roujfeau , Citoyen de Genève. A
Amftetdam , cht\^ Jean Néaulme y Libraire y
1761. Après avoir pris l'avis de pliiûeurs
perfonnes diftinguées par leur piété & par
kur favoir , le iaint Nom de Dieu invo-
qué , Nous condamnons ledit livre , comme
contenant une doftrine abominable , pro-
pre à renverfer la loi naturelle , & à dé-
truire les fondemens de la religion chré-
tienne ; établiflant des maximes contraires
à la morale évangélique ; tendant à trou*
bler la paix des Etats, à révolter les fujets
contre l'autorité de leur Souverain ; comme
contenant un très-grand nombre de propo-
rtions refpeâivement ÊtufTes, fcandaleu-
fes , pleines de haine contre l'Eelife & fes
Miniures, dérogeantes au refneû dû à
l'Ecriture Sainte & à la tradition de TEçlife ,
erronées , impies , blafphématoires & Héré-
tiques. En conféquence Nous défendons
très-expreflement à toutes perfonnes de
notre Diocefe de lire ou retenir ledit livre ,
fous les peines de droit. Et fera notre pré-
fent Mandement lu au Prône des Meffes
Paroiâiales des Eglifes de la ville ^ faux-
bourgs & Diocefe de Paris , publié &
affiché par-tout où befoin fera. Donné à
Mandement. j^i
Paris en notre Palais Archiépifcopal , le
vingtième jour d'Août mil fept ccntfoixan*
te-deux.
Signe, t CHRISTOPHE , Archev. de Paris,
PJR MONSEIGNEUR ,
DE LA TOUCHE.
Fin du premier F^ùlumct
m
A PART' , Chez C. F. SIMON, Imprimeur 4e la Reine 8c
de Konfeigneur TÂrcbevêquc , rue des Mathurint, I76V
' i' *IÎÎT,
T A B Ï4 E
DES MA T IB R ES
Contenues dans ce Volume^
Observations fur U JKfcours qtd a
remporté U Prix de rAcadimiê dé Dijon
en tannit lyioé « • « • Page i
Observations de M» Gautier fur la Lettre
de M. Roujfeau à M. Grimm. • • 6
Discours de M. Le Roi Profejfeur de Rhé"
torique; prononce le it Août 175 i dan^
les Ecoles de Sorbonru. • • . . aS
RÉFUTATION du Dijcours qui a remporte
le Prix de t Académie de Dijon , lue dans
une fiance de la Société Royale de Nancy ^
par iW# Gautier. •••••• 71
RÉFUTATION du Difcours qui a remporté
le Prix à t Académie de Dijon en lySo y
par un Académicien de Dijon qui lui a
refufe fon fuffrage. ^ 107
Addition à la Réfutation précédente. 223
TABLE, 4^1
lÉFUTATION des Obfervotîons de M. /. /.
Roujfcau de Genève y &Cr • • aiç
)£SAVEU de t Académie de Dijon , au
fujet de la Rotation atmbitée fauffement
à t un de fes membres* • • • • 265
OBSERVATIONS de M. Le Cot ^ Secrétaire
perpétuel de l^ Académie des Sciences de
Rouen y fur te Défaveu de r Académie de
Dijon. »» •••••• idS
lÉPONSE au Difcours qui a remporté te prix
de f Académie de Dijon , par le Roi de
Pologne. .•..•♦ r . 1 8 8
)lSCOURS fur les avantages des Sciences &
des Arts y par M. Borde. . . . 3ix
iiRRÊT de la Cour de Parlement qui con^
\ damne un Imprimé ayant pour titre EMILE,
Handement de Monfeigneur t Archevêque
de Paris , portant condamnation y &c. 3 64
Fin de la Table.
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