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Full text of "Collection complete des œuvres de J.J. Rousseau"

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SUPPLÉMENT 



A L A 



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COLLECTION 

DES ŒUVRES 



J> E 



T.T.ROUSSEAU. 



TOME yiNGT- ONQUIEME. 



( 

4 



1 



1 - 



UPPLÉMENT 

A L A 

COLLECTION 
)E S ŒUVRES 

D E 

F. J. ROUSSEAU, 

Citoyen de Genève. 
T-OME PREMIER^ 



A G E N E V K. 



M. DCC. LXXXIT, 




M- ^ 



« • 



OBSERVATIONS 

Sw U Dîfiours qtà a remporté le Prix de 
tAcaàimit de Dijon tn t année 1750 , fm 
cttit QueJHon propojeepar la même Acadc* 
muSi\& rétabliflemçQt des Sciences & des 
Arts a contribué à épurer les mœurs (a). 



X^AuTCUR du Difcoiu^ Académique qui 
a remporté le Prix à l'Académie de Dijon , 
eft invité par àès perfonnes qui prennent 
intérêt au bon & au vrai qiû y réenent ^ 
à publier ce Traité plus ample, qu'il avoit 
projette ^ depuis lupprimé^ 

On eipere que Iç LaEleur y trouveroît 
des ^lairciflèmens &c des modifications à 

Elufieurs proportions générales , difcepti» 
les d'eicceptions ^ de reftriâions. Tout 
(Cela ne pouvoit entrer dans un Dificours 
Académique ^ limité ^ }xn, court efpace» 



^1 p . . j - 



{m) Ces pbferTarions parareçt d^s un ^ voluinçs d« 
Menure de France» de Tapi^^ I75X» & M. RotifTeau y ré« 
ftondicpAT iiiije lettre à M. PAbbé Raynal, qui étoit alprs' 
TAoteur dn Mercure & qui parut dans le deuxième Volui^e 
4e Juin de jcette aimée. Cette lettre de M. ^ouflèau là 
j|^oi|iYe à la page 90 dn tr^ifieme Voiuiiif des Mélanges* 

«^T'A 4p h ÇoUfÇp Tome U A 



IF MB P ■ ■ .f 



■ f Ti 



Observations. 



^ ■■ 



-Cette forte de ftyle non plus n'admet peut- 
être pas .de pareils détails ^ &c çç leroit 
d'ailleurs paroître fe défier trop des lumiè- 
res & de réquité de (es juges, 

Cefl ce <jue des perfonnes bien intçfi' 
tîonnées ont voulu faire entendre à cer- 
tains Leâeurs hériâés de difficultés &c peut- 
être de mauvaife humeur de voir le luye 
trop vivement attaqué. Us fe ibnt récriés 
fur ce que l'Auteur femble » difent - ils > 
préférer la fituation où étoit l'Eiyope 
avant It renouvellement des fciences , état 
pire que Tignorance par le faux fa voir ou 
le jargon fcholaftique qui étoit en règne. 
Ils ajoutent que l'Auteur préfère la ruf- 
jicité à la politeffe^&^u'il feit main baffe 
Jiir tous les Savans & les Artiftes. Il au- 
roit dû , difent r ils , encore marauer k 
. point d'oîi il part pour défign«r Tepoque 
.de la décadence , & en teniontont à cette 
première époque , faire comparaifon des 
mœurs de ce tems-là avec les nôtres. Sans 
' cçîa nous ne voyons point jjiifqu'oîi il fau- 
diioit remonter , à moins que ce né foit au 
tems des Apôtres. 

Jls difent de pîus, par rapport au lu3^ç, 
qu'en bonjje .poli|iqH?*.o? .(^t. W'i^ ^oïi 



Observations. 



eue mteidtt dans les petits Etats ^ mais qiie 
le cas <l'un Royaiwne tel que la France , 
par exemple , m. tout différent. Les raifbns 
^n font connues. 

Enfin voici ce qu*on ohjeùe. Quelle 
condufion pratique peut - on tirer de là 
Thefe que l Auteur foutient ? Quand on 
•lui accorderoit tout ce qu'il avance fur le 
préjudice du trop grand nombre de .5a* 
vans 9 &c principalement de Poètes , Pein- 
tres & Miliciens , comme au contraire fur 
le trop petit nombre de Laboureurs. Ceft, 
dis-je , ce qu'on lui accordera, fans peine. 
Mais quel ufage en tirera-t-on î Comment 
remédier à c^ défordre , tant du côté de^ 
Princes que de celui des particuliers? Ceux- 
là peuvent- ils gêner la liberté de leurs fu* 
jets par rapport aux proférions auxquels 
les ils fe deu^ienti Et quant au luxe^ les 
loix fomptuair^. qu'ils peuvent faire n'y 
r^médiejit jaçii^s à fond ; l'Auteur n'ignore 
pas tout ce qu'il y auroit à dire là - oeffus* 

Mais ce qui touche de plus près la géné- 
ralité des Leûeurs , c'en de ikvoir quel 
parti ils en peuvent tirer eux-mêmes en 
qualité de fimples p^ïadiers ^ & c'eft en 
^çffet .le>point important , puifque fi l'on 

Ai* 



n 



4 OBSERVATIONS, 

pouvoit venir à bout de faire concourir 
volontairement chaque individu particu* 
lier à ce qu'exige le bien piiblic ; ce con« 
cours urtapime feroit un total plus com^ 
plet y 6c uns comparaifon plus (olide , qu9 
tous les réglemens imaginables que poui:-» 
roient faire les PuiflTances, 

Voilà une vafte carrière ouverte au t^y 
lent de TAutéur, & puifque la preffe roule 
& roulera vraifemblajDlement ( quoi qu'il 
cn.puiffe dire) ^ toujours plus au fervice 
du frivole & de pis encore qu'à celui de 
la vérité, n'eft-il pas jufte que chacun cjui 
a de mçillçures vues & le talent requis ^ 
concoure de fe part à y mettre tout Iç 
contrepoids dont il eft capable ï 

Il eft d'ailleurs ^es cas oîi l'on çft plus 
comptable au Pu)>liç d'un fécond écrit 
•qu'on ne l'étoit du premier. Il n'y a pas 
beaucoup de Léôpurs à qui l'on puiffe 
appliquer ce proverbe. A ton entendeur 
dpmi mot. On ne fauroit mettre daiis ufi 
trop grand jour 4ès. vérités qui heurtent 
autant de front le goût général , & il irai? 
porte 4'ôter toute prife a la chicane^ 

Il eft auffi bien des LeÔeurs qui le§ 
goftteront flweujç (Ifinç un ^Iç IffHt uni | 



ee==sg I ■ r^ 

Observations. 5 



ùn 
cet 



e fous Cet habit de cérémonie qu*exigeht 
es Pifcours Académiques , & l^Autcur , 
qui paroît dédaigner toute; vaine parure 9 
le préférera làns doute , libéré qii^il fera 
par-là d*une forme toujours gênante. 

P. S. On apprend qu*un Académicien 
d'une des. bonnes villes de France , pré* 
pare lui Difcours en réfiitation de celui 
ce FAuteur. Il y fera uns doute entrer un 
article contre la fûppreffion totale de Tlm- 
prîmerie que bien des gens ont trouvé 
extrêmement outré. « 




^j 



aB SER VA T IQN S 

Du MÊME M. Gautier 

i 

Sur la lettre dt M. Ronjjiau à Mi 
Grlmm,^ &ۥ 



■ VT i ^ 



Jyf* Rouffeau trouvé que j'ai tort & 
qu'il a raifon. Sa décifxon eft tout-à-^fait 
naturelle. Me feroîs-je trpnipé en croyant 
que c'eft ^ux vrais philpfopjies ^ ôc non 
à mon adverfaii^ , que je ctois m!en rap- 
porter ? 

Il ô\t qu'il penfe en tout fi différem- 
ment de moi , que s'il lui fàlîoit relever 
tous les endroits oh nous ne fommes paSs 
de même avis , il {eroit.jobligé de me com- 
battre , même dans lés cho fes que j*au- 
rois dîtes, comme kir. J'avoue que j'ai le 
malheur de penfer comme toutes les Aca- 
démies de l'Europe. M. Rouffeau devroit 
bien avoir un peu d'indulgence pour moi ; 
il ne m'eft pas aifé de me défaire tout 
d'un coup de l'eftime que j'ai pour les 
Auteurs qui font honneur à la Républi- 
que des Lettres , & dé me perfuader qu'ils 
raifonnent tous de travers, II eft diffi- 



DE M. Gautier. 



cile d'oublier les logiques qu'on a lues , 
de fe faire une nouvelle manière de juger , ' 
& de croire que M% Rouffeau eft plus 
éclairé , penfe mieux que les Univerutés 
& les Académies. 

Si je difois , par exemple , d'après cet 
orateur y que î il faut ptrmuth à quelques 
hommes- de fi livrer à Vctudc des fiiences 
& des arts y ce lieft quà ceux qui fi fin* 
iiront lafi)rce de marcher fiuls fiir les traces 
des VerulamSy des Defiartes & des Newtons , 
& de les devancer ; on me feroit bien des 
GuieÔions aiutquelles je ne pourrois répon- 
ore fenfément, lï je n'avois pas encore 
acquis cette jufleffe d'efprît qu on admire 
dans fes répliques. Il n'y aura donc plus , 
me diroit-on y de Théologiens , d*Avocats , 
d'Architeftes , de Médecins , &c ? Non y 
répondrois- je , les Sauvages fine des hommes 
& ils fen pajfent bien. Eh quoi ! Voulez- 
vous donc nous réduire à la condition 
des Sauvages y à vivre comme les Hotten- 
tcts , les Iroquois »les Patagons , les Ma-^ 
rocotas ? Pourquoi non ? Y a-t-il quelquun^ 
de ces noms là qui donne texclujion à la 
vertu ? Je pourrois faire plufieurs répon- 
fçs femj^ables que me fourniroit M..; 

A 4. 



8 Observations 

^— — — — ■ 1 1 ■ I ■ ■ ■ Il 1 1 1 ■ — — — 

RoufTeau ; maïs fi Ton me falfcit des 
cbjeftions qu'il n'auroit pas prévues ^ î^ 
ferois fort embarraffé. Je tacherpis 9 U 
eft vrai , de me tirer d'affaire comme lui. 
Je me contredirois fouvent , afin de me 
ménager des moyens de défenfe. Ceux 
qui aimeroient affez le tien puLKc pour 
ôfer m^attaquer , )e leur répondrois avec 
une politefle femblable à celle des Huron» 
bu de$ Illinois. Je changerois tellement 
le fens de leurs réponfes , qu'il deviei>- 
droit ridicule , ou je leur ferois dire tout 
Te contraire de ce qif ils auroient dit. J'en 
împoferois par ce moyen à tous ceux qui 
feroieitt affez fots pour être les dupes de 
mon éloquence , affez pareffeux pour ne 
rien examiner par eux - mêmes. Mais il 
m'en coûteroit trop pour fuivre les traces 
de M. Rouffeau ; nos fentimens font trop 
oppofés. Je ne pourrois jamais me réfou* 
dre à dire aux Princes : aimez les talens ^ 
protégez ceux qui les cultivent , à cauie 

3ue les Sciences , les Lettres & les Arts éten- 
ent des guirlandes de fleurs fur les chaî- 
nes de fer dont les peuples font chargés , 
étouffent ^n eux le fentiment de cette li- 
berté originelle pour laquelle ils fem* 



DE M. .Gautier. 



bloient être nés , & leur font aimer leur 
•fclavâge. Je croirôis déshonorer tes Prin- 
ces y les peuples & mon jugement. Je dois 
donc me confoler du malheur que j^sû de 
ne pas penfer comme^ M. Rouâeau. 

Je remarque cependant qu'il fe rappro- 
che peu-à*peu du fentiment des gens de 
Lettres. Il y a lieu d'efpérer que ^il com- 
pofc encore cinq ou fix brochures pour 
prouver qu'on ne l'attaque point , & cju'il 
continue de répondre en difant qu'il ne 
répond pas 9 il fera parfaitement d'accord 
avec eux. Cela eft d'autant plus vraifem- 
blable , qu'il emploie tout l'art poffible 
pour contenter la plupart de {çs leâeurs. 
Quel que foit votre fentiment , vous trou- 
verez qu'il Tadopte. Si vous ditps que c'eft 
participer en quelque forte à la luprême 
intelligence que d^acquérir des connoifTatv- 
ces & d'étendre fes lumières , vous pen^ 
fez comme Monfieur Rouffeau. Préten- 
dez-vous qu'acquérir des connoiflances , 
c^dl perdre foji tems ? Monfieur Rouffeau 
penfe tout comme vous. Selon lui^ la 
fcience eft un remède excellent pour les 
maladies de l'ame ; & félon lui , c'eft un 
poifon qui corrompt les mœurs. Il coa- 

A 5 



K) OÉ S-E k V AT là H S^ 

-' " ' ~ ' - — ■--—■ ■ — . 

vient des divers genres d'utilité que 
l'homme peut retirer dés Aftyât des Sden- 
ces , & il âffure auflî qu'ils font vains, 
dans l'objet qu'ils fe prdpofeot. Si un» 
homme modéré, dit qu'd eut été à defiren 

2u'on fe fïit livré aux. feierices avec moins 
'ardeur , & qu'il ne feut pas^les appren-j 
dre indiftinftement à tout le indmle , M, 
Roufleau. eft dé (on fentiment. Si. vou^ 
croyez qu'il ne . faut permettre en Europe 
qu'a trois ou ^quatre génies du premiec 
ordre ^ de fe livrer à l'étude^ vous êtes 
de l'avis de M. Rouffeau. Affiirez - voua 
qu'il faut retrancher les fciences ^ parc€^ 
ii'elles font pUis de maî^ aux mœurs que 
e bien à la fociété ; c'efl-là du R^uiTeau^ 
tout pur. Moi , je dis qu'il ne faut pa» 
briller les bibliothèques . &; détruire les . 
Univerfités &, les Académies , & ce fontr- 
là les propres termes d& NI Rouffeau^ . 
On ne nniroit point & l'on rapportoît to\\$ 
les endroits qui., marquent: les précautions . 
qu'il prend pour plaire à^tout le mondcw 
Il dit que je ne rentends.pas;.on voit, 
cependant que j'ai pris fon Difcours dan^ . 
le même fens que l'Académie de Dijouj^ 
les Jûurnaliftçs & les Auteyrs qui l'oiu. 



3; 



DE M* G A U T I E R. „ 1 1 f 

—il——— ■ Il — ■— ■— — 1— — — 1^— » 

attaqué. Il feroit fort plaifant qu'il n'eût 
efavoyé à cette Académie qw'ùn recueil 
d'énigmes dont perfonne n'a la clef, &- 
qii'il eût oublié dans fon porte-feuille les - 
véritables preuves de la propofition qu'il 
vouloit établir. 11 ajoute que je n'ai point 
faifi rétat de la queftion r voilà irn.bon. 
moyen pour donner le change aiix leç- 
tçurs. Montrer que fes raifonnem'ens fôht^- 
dès fophifmes , c'eft la feule queftion dont' 
il s'agit dans la réfutation. J*ai dit: dahs 
l'exorde, que je me bornois à monri^er^ 
combien là plupart des raifonnemens de" 
M. Rouflèau font défeûueux. ^ 

Si j'avois voiilu prouver qiie leTétîibK?? 
iement des fciences a contribuera épifrèr 
l«s mœurs ; j'aurois établi la propoiïtïotf 
par des fiiits , & développé la manière doWt' 
elles influent fur' leur pureté, J^a^penfe' 
que cette belle matière ne pouvoît être trai- 
tée avec* toute la dignité &rélpqiienàë donti 
elle eft fufceptible , que p^ les meilleurtii* 
glumes dé rèurope.' ^ .' J^ ^ 

On diroit qu'Omar eft le géhfe qûrdP' 
rige celle, de M. RoufTeau. On ne pàîr 
voir , fans peino , le vrai qu'on troiiVe dans* 
quelques endroits de fon Difcour^ / déîfî-^ 



12 Observations 



juré par les excès où remporte fon zele ; 
pour ne pas dire fa fureur de fe diftin* 
guer. Ceft George Fox qui prêche , que 
c'eft un très -grand, pèche de porter des 
boutons & des manchettes. 

Voyons comment TAuteur prouve que 
je n'ai point iàîfi fon fentiment. Par txem* 
pic y M, Gautier prend la peine Je m*appren* 
dre qi^ily a des peuples vicieux qui ne font 
pas favans. Je crois que cette obferva- 
rîqa porte contre le fentiment de M, Rouf- 
ieau ;^ car en fuppofant même que les peu- 
ples ignorans ne font pas plus corrompus 
q^if s'ils étoïent éclaires , ii eft évident que 
les ,yjices qui régnent parmi nous , poinrant 
^voir les mêmes cauies que ceux des na« 
tions ignorantes , il nV a aucune néceffité 
de les rejetter fur la culture des Sciences & 
des Lettres. Lorfqu'un eflFet peut avoir 

fjlufieurs caufes , on ne peut , avec raifon , 
attribuer à Tune déterminément , qu'on 
lirait prouvé qu'il ne provient pas des au- 
tres. Ceft ce que M. Roufleau n'a point 
f^it , & n'auroit pu faire dans la fuppofition 
que les Sciences pourroient être une des 
xaufes de la dqjravation des mœurs. Ce 
raiiQimement eft fondé fur les règles de I« 



DE M. Gautier. ij 



logique ; mais cette fcience eft trop fer* 
file en mativaifes chofes, félon lui , pour- 
qu'il dai^e feire attention à fes préceptes* 

J'avois dit , en rapportant fon ienti-! 
ment « Eh ! pourquoi n^art-on plus de 
H vertu ? Ceft qu'on cultive les Belles-. 
» Lettres , les Sciences & les Arts, h U^ 
rëpond 9 pour cela pricifimtnu II donne • 
donc Texclufloii aux caufes connues. Donc 
fi Ton n'avoit point cultivé les Lettres en 
France , on n'auroit point eu de vices j 
quoiqu'il foit certain par l'Jliftoire , qu'oit 
eil avoit pour le moins autant dans les 
fiecles d'ignorance 9 que dans celui où nous 
iommts. 

M. Rouffeau auroit bien dû nous dire y 
pourquoi il admet diverfes caufes de cor-; 
ruption dans les autres parties du Monde, 
& qu'il nous accorde le privilège de n'être 
corrompus que par les Lettres , les Sciences 
& Içs krxs. Voilà un phénomène que per-^ 
fonne n'avoit remarqué avant lui. 

U eft peut-être auffi le feul qui ait lar 
gloire d'avoir dit : La Science 9 toute belle i 
toute fublime qiLelle éjl^ nefl point faite pouf' 
thomnu , û a tefprit trop borne pour y f air t 
de grands progris ^ &trop dipajfions déLM, 



■ -■ I . — 



14. OBSE^YATI ONiSt 

« I ■! . — B— — r— r-rrr . . ■ , ' . , 

Is^cœurpo^rti* enflas faire un-mauvais ufagc^f 
&ncn,abuf€ tcaucoi^^ on en ahufi toujours.^ 
, VoUà des Orades plus clairs & aiiiÏL 
refpeâabl^s que ceux dç Delphes , de 
Dodom & dç TrophoniuSy 'En vérité, je 
fuis tenté de croire, que M.' Rouiteau a 
rkifon.. Les Mémoires de Meilleurs de 
l^Académje desSciences ^ ceux de' la Société] 
Royale de Londres , ime infîiiîté^d'Oiivra-' 
ges particuliers fur les Sciences, font voir* 
pien clairement qu'elles ne font ppint faites. 



pour l'homme^, qu'il a Tefprit trop borné 
pour y faire de grands progrès , . & qu'il* 
« abufe toujours. Les meilleiu*s livres de! 
Morale , d'Hiftoire , de Philofôphie , &c.> 
ne^ font bons xju'à nous rendre malhonnêtes' 
gens. 

L'Orateur prononce quelquefois de? 
Oracles qui neïont pas fi clairs ; & j'avoue* 
^ue fi entendre un Auteur , fîgnifie apper- 
eevoir le rapportée toutes les chofes qu'if 
dit , je n'entends pas toujours les écrits def 
M. Roufleau. Si les. Sciences font vaines 
dans leur objet, fi. ce font des occupations 
oifeufes, comme il Tafllire, pourguoi^. 
dit-il , gu'elles conviennent à quelque^ 
grands génies. Pour bien ujer de la Science ^^ 



1 ■'■■ 'J'IM I 



I>R M. G AUTLRIU »5r 



l*«k 



il Jatu avoir de grands tédens \ de: grandes^ 
ytrtus ;, or Cixjl et qiion peut à peine ejpéreri 
de qmlques âmes privilégiées. Une ame pri-' 
vilégiée fe livrera-t^elle à des occupations 
frivoles ?. Il faut plufieurs fîecles.pour 
trouver des Auteurs qui. puiffent .devancer 
les Defqartes & les Newtons^; jp confena 
Qiême q^e chaque fiecle en prqduife une • 
douzaine ^ à qvai ferviront les efforts dé- 
cès grands génies, ptûiqvierles N^ons, 
à qui Ton n'aura pas permis.de cukiyer 
ks Sciences ,. n'entendront point Mxixs 
Ouvrages î ^'ailleurs, comment faura-t-» 
on fi lin homme a. la^ forc^ dç mârchet ' 
fêul fiit les. traces. des Defcartes & des 
Newtons.,^, & comment le faura-t-il luu 
même , fi Ton n'a point cultivé fon efprit > 
le pourroisv rapporter beaucoup d'autres . 
endroits que je rfentends pas mieux ; ainil 
ce a'çft pas tout-à-fait fans fondement qua 
M..Rou4eau m'accufe de ne le p^ entendre. 
Il dit. que je; lui prefcrks les. Auteurs 
qu'il peut citer , & que je récufe ceux 
qui depofent pour lui. IL vouloit prouver 
que des Peuples ignorans ont par leui^ 
vertus fait l'exemple des autres Nations, U 
ionae .ce fait coname cenain , fur le témaj*- 



lâr Observations 

gnage de quelques Auteurs : j'en cite d'au- 
fres auffi croyables , qui peignent ces mf- 
mes Peuples avec des couleurs fort diflFc* 
rentes. Je donne leur autorité comme cer- 
taine poiu- imiter M. Roufleau , & lui &ire 
&ntir cpie des faits tout au moins problé- 
matiques^ ne iauroient lui fervir de prei:- 
iVes. 11 y a plus; la certitude même de cesl 
&its ne Fautoriferoit pas à conclure que la 
culture des Sciences déprave les moeurs ? 
)^en ai <lit la raifon dans la Critique. Si 
yOrateur n -eft pas heureux dans les confé- 
quences qu'il tire des faits pofés pour 
principes ^ c^^û^ fans doute, la faute des 
feîts & non pas la fienne ; pourquoi ne 
renferment-ils pas les conclufions qu'il en 
Veut déduire ? 

Il me reproche de m'être contenté dans 
la féconde partie de mon Difcours , de dire 
non , par-tout oîi il a dit oui. J'avoue 
que j'ai eu tort de n'avoir pas mérité le 
reproche qu'il me fait Jettons un coup- 
d'œil fur ce qu'il appelle fes preuves. Après 
avoir aflîgné une fàuffe origine aux Scien- 
ces & aux Arts , il conclut qu'ils la doivent 
â nos vices. Ceft avec la même force dé 
raisonnement qu'il prouve que les Sciences 



DE M. Gautier. 17 

font vaines dans l'objet qu'elles fe propo* 
lent. Pour montrer miVlies font dangereu* 
{es par les effets qu'elles produisent ^ il dit 
que la pcru irriparabU du tems tfi It premier 
préjudice qil elles caufent nicejfairement à la 
Société. C'eft fuppofer que les Sciences 
lui font inutiles. Selon lui , tandis qu'elles 
le perfeâionnent le courage s'énerve ; àc 
3 k>ue la bravoure des François« Il fou-* 
haiteroit que nos Troupes euffent plus de 
iorce & de viguetu-, je le fouhaite comme 
hii. On peut les accoutumer aux travaux 

Î>émbles 9 à fupporter la rigueur des Êd«^ 
ons 9 ians que les Belles^Lettres 9 les Scient 
ces & les Arts en fouf&ent aucunement. 
Si la culture des Sciences efi nuijihle aux 
qualités guerrières ^ elle tejl encore plus aux 
qualités morales : en voici la preuve '; iefi 
dis nos premières ftnnées qii'une éducation 
infenjee orne notre ejprit & corrompt notre 
jugement. Voilà le précis des preuves de 
M. Roufleau. On voit donc que j'auroîs 
été fondé à dire fimplçment non, par-tout 
cil il a dit oui ; en forte que loriqti'il me 
reproche d'avoir répondu non , C'eft comme 
S^Û difoit : je trouve fort mauvais , Mon- 
iîeur 9 que vous ayez fait à mon Difçours ^ 



jÇ Observations 



les répoflfes les plus fimples- & les feules 
qu'il mérite. 

' Pourquoi la nature nous a^i-ille mpoJZ 
des travaux nece/faires , / ce nefi pour nous: 
iitourner des occupations, oifmjes ? FaufTe 
fuppofition. On fait que les Sciences ôc 
les Arfô ne font pas uiutiles. Il n^y a pas- 
j^cju'au Difcours de M.. Rpuffeau qui 
n'ait fon degré i'utilité , puifcjull fait 
fentir combien il eft important d'enfeigner 
Kart de penièn Peut-être même croira- t'- 
en que c'a été le defTein de l'Autçur, &i 
qu'il.a voula nous donner des infiruâiônsT' 
dans^ le goût dé celles que lès Lacédér" 
jnônien*^ donnaient à leurs, ènfens fiir là; 

tempérance. . . ; ^ 

ifcf.. Gautier dèvoii bien nous- dw quel étoît 
k Pajys & ^ieméder d^.Catnéadc. Quelle 
laéçe^té y avoit-il de dire de (;p.iel Pays 
4toitx ce. PhilQfophe ? Né .devois-rjé pas 
auiïl rapporter '.ce qu'en difcjat ticéron , 
Pline, Diogene de L^erce ,Àulu- Celle y- 
Valere-Maxime , EUçr^, Plutarque ? &c.-, 
: j'ai appelle C^rnéade , un des Che6 dé 
là troifieme Académie , & on me demande 
de quel métier il étoit. 
^M, Çlautier^ qui me traite par-tout avec 



I N'i' ll ■ I ' 1 , 



9£ M^ G AUTIEE. 19 



■•^« 



Ui plus grande, poliujft y neparfftt aiuunc 
occafion d^ nu fufçiitr des ennemis^ Quel 
^gement doit-on porter du Difcoiirs de 
M.. Roufleau, fi. montrer qu'il fe trompe j^ 
c'efi kii rufcttc^ des ennemis ? Tout le mal 
qacxje lui jfouhaite^ c'eft qu'il penlè comme 
Hos Académies. 

' J!ay:ois dit a les:viâoîres que fes Atbë- 
if niens .remportèrent fur les Perfes & 
*>>fur les tacédémoniens mêmes ;^ font 
» voir ijtttfr les Aifts peuvent s'aSocjej: 
» aiœcJanwertu militaire, » Jl demandt-jàlt 
M; Rouâèau 9 Ji ce n^fi pas là, uut adrêffi 
pour rap^tlhr^ Oilqtifi pai^dif de la défaite, 
de, J£tr9hsi^ & pour vie faire fçnger au dé^ 
nouemeot dtla-piçrrz du Péloponnefe. Je 
demanda à mon tour,, fi. l'on peu|, fanj 
s'infîarirc'etiÀux conteè FHilJ^içe„ psnfei} 
queies Athéakns ^fsil iii moins 4^ va^ 
leur & rciïipori?éji»joins de yiôpî*"®^ , 4çla7 
tontes qut-îies, L^é^létaonienS'^iRowp^it- 
on, lavoir ijoramea^t ert Auteur a acquis 
le droit de . rejetter ; les - feits hiftoriq^es 
les^ mieuxr<:onftal€S|^ lorfquïls ibat , con- 
traires à fon tUpitùon ? Seroit-cjetf^n prêt 
pauu la réfolutipn r de rfavoir p^:>l?ortè 
tour moi ^. j -ai prisj.çelte den* 4ir^.iay* 



■■ ■ ■ " '"""^ Mlil-^l> 



io Observations 



^ÊmâÊtéimamt^mtê^ 



tune chofe où il trouve que j'aye laifon» 
fai dit , en parlant des Athéniens, 
il leur gouvernement devenu vénal fous 
» Periclès , prend une nouvelle face ; l*a* 
n mour du plaifir étouffe leur bravoure f 
y^ les fondions les plus honoraUes font 
n avilies , l^impimite ^nuki{die les mau- 
ff vais Citoyens 9 les fonds deâinés à la 
f> mètre font employés à nourrir la mol* 
n leiTe èc l^oifiveté ^ toutes ces caufes de 
9f corruption ^ quel rapport oiit^clles auit 
» Sciences? h M.Roufleau veut oue ces 
taufes ne foient que de$ ett^% de la cor* 
ruption. favoue que différentes caufes 
partiaitieres peuvent avoir ime caufe 
première & générale , & oue fous cet 
àfpeâ on peut les appeller enets ; mais il 
n'y a nulle raifon de croire qite la culture 
des Sciences eu cette première caufo ; 
puifque toutes celles que je viens de tap* 
porter fubfiftent dans plufieurs pays où 
les Sciences ne fiirent jamais cultivées* 
D'ailleurs cette première caufe eft connue. 
Periclès fit des changemens qui intro* 
duîfirent le relâchement & le défordre. 
M. RoufTeau connoît fans doute ce ùàty 
i^ il ne laiûe pas de dire : il/. GautUrf 



PE M, GaUTI ER, XI 

fiim it ignorer ce qtion ne peut pas Juppofir 
^liil ignore en effet ^ & ce que tous les HiJ^ 
piriths difent unanimement ^ que U deprom 
ration des mceurs & du gouvernement des 
\4thenUnsfiit (ouvrage des Orauurs. M, RouÇ* 
4èau me pennettra de ne pas convenir de 
i^in^imltç 4es Hiftpriens fiir le fujet doi^t 
il eft quêftione J*avo\iera| qu'il y aroit 
des Orateurs qui flattolent le peuple 4 
fxuds y comme Plutarque V^ remarqué ^ Iç^ 
athéniens qui pendant la paix trouvoient 
^iu plaifir h écouter leurs i^atterie^ , nç 
ilûvoient dans les affaires férieufes que 
les avis de ceux qui ^ifoient profeilion 
de dire la vérité uns aucun reipeâ hum^inf 

Platon « qui connoiffoit parfaitement Iç 
: gouvernement 8(. les moeurs des Athé?» 
niens , reçonnoît quç l'e:i||:cès de leur lir 
berté anéantit leur vertu 9 & que cette 
liberté eyceflive avoir ia fourçe dans la 
iureté où ils croyoient être depnis la 
yiâoire de Salgmine. Il dit que la çraintft 
étoit un frein néçeffaire à leurs efprits. 

Juftin confirme la yéritç d^ cette ré» 
flexion , en difant que leur courage ^e 
ïuryéput pas à Epaminondas. « Délivrés 



22 Observations 

^ éveiUëe , ils tonlberent dans une iiido^ 
♦>v lence léthargique. Le fonds des arme- 
» mens de terre -fe confume auffi-tôet en 
i> jeux & fêtes. La paye du foldat & du 
>f matelot fe difla-ibue au Citoyen oifi£ 
^ La vie douce & dékcieufe amollit les 
^> cœurs , &c. » 

En tout cela il n'eft pasqueftion d'Orar 
teurs. On fait bien que plufieurs <:aufes 
concoururent airx mêmes effets. Le fen- 
liment de la focîété des gens ^e Lettres 
tjui travaillent à l'Hiftoire univerfelle , 
«ft , Gue la corruption fut amenée chez 
les Atnéniens par Populencex[ue leur pro- 
curèrent leurs viôoires. Voyez fi Mef- 
lieiu-s de Tourreil , Boffuet , Roltin , Len^ 
glet , Mably & autres <jui ont parlé des 
caufes de la dépravation des mœurs •& 
du gouvernement des Athéniens , difènt 
que ce ftit Touvrage des Oraieurs (*). 
. Les défauts , les vices que les gens de 
Lettres peuvent avoir de «commun avec 



(♦) M.HouiTcau doit 'trouver 1)ien pitoyable cctteTéfle- 
iCion de rilliiftre Bofluet : " Ce que fit la Philofi^bie poir 
.„ conferver Titat de la Grèce n'eft pas croyâUe. Plus ces 
«, Peuples étoient lil)res , j>lus il ^\oit nécefTaire d'y établir 
t, par de tonnes 'raifoiis les règles des monits & celhs ^c 



»■- » PM^^M»— iiHiPP^— ^— — — i— — 1 

DE M. Gautier. ij 

. : ^ ; ■ ■■■ w ^ 

les ignorons , M. Rouffeau les impute aux 
;5ciençes. Qh qu'il penfe difFéremmcnt 
Au maître à danfer d.e M. Jourdain! 
Seloo l'un tous les maux viennent de ce 
jqu'on nje cultive pas l'art de la danie^ 
jèc félon l'aube , de ce qu'on cukive tou$ 
les Arts. 

n jn'apprend qu'il y a dans la gazette 
.d'Utrecht, une pçmpeufe expofition de 
la réfutation de fon Pifcours , &c* Je 
ji'ai aucune part à ce qu'pn en a dit dans 
Ja galette, ou dans d'autres ouvrages. 
M. Rouffeau jdoit-il trouver jnauvaîs 
qu'on rende compte au public d'une diA 
pute littéraire , qui eft intéreflante ? Doit-il 
5'en prjîndre à nioi de ce qu*on trouve 
mon çGfçours plus fplide que le fien ? Si 
je yoyois dans la gazette un éloge de 
fpn .ouyrage , je ne l'accuferois pas de 
Ty avoir fait inférer; je me coritentisrois 
de penfer que ceux qui louerçient la juf- 
tefle de fes raifonnemi^ns ont Telprît ftux. 

«, la Société. Pythagore, Thaïes, Anaxagort^ Socrate, Ar* 
„ ebyta», Plaum. Xénophon, Ariftote&.une jnfiaité d'syi- 
^, ttes , remplirent la Grèce de ces beaux préceptes. Les 
M Poètes Mnêmes , qui étoient dans les mains de tQpt le 
„ peuple, les inftrujibieiit p!is>n core^u'il$ n^ les iUvir« 
:ii tiSUtPfif» ( Note de l'Auteur des Obfervations ). 



%4 Observations 

i - 

Il ritft pas vrai , ftlon M* Gautier , qu$ 
et fait des vic^s des hommes que PHifioir$ 
fire Jon principal intérêt. Je n*ai pas parlé 
du principal intérêt de PHiftoire. Ceft 
^vec l'Auteur de la galette crue M. Rou£> 
/eau doit entrer en Uce. J'aomire Tadrefl^ 
qu^ilade déterrer dans une gazette unç 
réponfe qui n'eft pas de i^oi 9 au lieu d^ 
répliquer ^ux miennes. Il demandait ce 
que açviendroit THifloire , s*il n'y avoit 
ni tyrans ^ ni guerres 9 ni cpnfpirateurs^ 
^la réponfe 9 . qu'il a eu la prudence d^ 
ne pas relever , a été mife dans un beau 
jour par d^x ''Auteurs (*) ^i ont iMi$ 
parti contre lui^ 

Il avoit dit ; ^ quoi fervirolt la Jurijr 
prudence fans Us injujlicts des hommes } 
rzvois repondu , qu^ucun Corps poli^ 
tique ne pourroit mbfifter fans Ipix^ n^ 
jSit-il çompofé que d'hompies juftes^ 
M. Rouleau reçontioît cette vérité ; or 
i^ès^que les loix font nécefTaires , il fai4 

3u*on en ait 1^ çonnoiffance j la Jurifpni» 
ence eft donc néceâaire. On demanda 



m^ 



C*) Lfua acoiQpofé im très4>eauDi£cours» qu'on trouTH 
- finns le Mercure de Décembre ; Tautre eft fA, Freroa » ^îi 

pourtant 



/ 




gBHEBBBaeasasfii 
P£ M. Gautier. ^5 

pourtsi9t û ]€ la confonds avec les loix» 
^uBpc^iis. qu^U n'yçmt çpie des ^oomc^ 
juues en Emupe 9 ive iàudrt-tTU pas df(i 
lobe de toutes .ei^ces 9 relatives à la v^ 
fiété des jdSèms ^ m çomi^erçe, à la 
navigaiion , a«x «yaiwft^utes , anx î^n- 

dî^isr^^iis flrpits des pairtiçu- 

'S y axa divecs ^ot^es de Ig natioi^? 
^m:. Ces Ipix jaéceiSûr(ment,nom|)reures 
{xmr un grand peup^, iecpiu, ,^tf^ 
-eela 9 fii£:}eptibles de plufieurs i^iarpré- 
tations 9 fuivant la diverfité des ôrçQfif-^ 
tancer : Vétude de ces loix fuâura ^nc 
•pour occuper ^elques. cîtoyeQS y doqt 
Its luiaieres jaideroDC 4eurs co;npatrjk>te$» 

Ia$ LaddimonUns n*avoi$ntniJtfifiqii^, 
fulusy ni avocats. Us avoient di^s çsagiî^. 
trats & des procédures futidi^^» 0<i 
lange ibus ronzîeme table des loix dfi 
Lycurcue celles qui, cooeeroie^ntl^ Coiu'^ 
4e Jui£cei>^' pui(î:îu*il <boit 4ié&ad^ aifîc 
^jeunes^os d^aiiAer aux plaidoyers ^ a|>p|i- 
ireiiiniem <piW pbidoil; Mais iiippoioiB 
âes ishofes tâlts que les: ^ppcMte M« Rqu£- 
«•icHÙ r d^lsiiftitutiaGis qui cooyiennent k 
-titte:ïpetite:ibçicté de ^ol^ats.,; payent- 
ledits iafoipliBu:icbn(B»;ilav^rM X9 

^1^///» À A^ ColUc. Tome t &^ 



%6 Observations 



iMlV^BHUWhM^MiM 



-m'en ' rapporte là-deffus à {apolitique; 
Mais )'ai de très-bonnes raifons pour ne 
sm'en Rapporter qii'aus: kâeurs fur ce que 
je dis dans h Réfutation. On n'y trou- 
vera aucun des taifonnemens faux ott 
ridicules que M^ Roufieau a la bonté de 
me prêter , pour rappeller fans doute la 
(implicite' de ces premiers tems qui don 
vent faire honte à notre fiecle^ à ce fiecle 
malheureux qui eft aflez corrompu par les 
Sciences pour exiger de la bonne foi jui^ 
-ijues dans la difpute. 

Cependant je reconnoîtrai volontiem 

cu*fl -rapporte ^dellement quelques ré- 

^exiond générales , ou qui préparent mes 

'ti'anfitiQns , ou qui font des fuites de 

-cmelmtes raiibnnemens. Par exemple , 

f avois dit : fous prétexte 4'épurer les 

mœurs ^ efl-il permis d'en renverfer les 

appuis } Il répond ifous pràtxu <CicUirir 

les^ efpnt» l faudra^i-ïl pervertir iês amçs } 

*Çe$ réflexions & d'autres femblablesf» 

font peut-être I égalemef^t .-^^^ndées ^ &< il 

efl "^rprenant que 'NL Rouflc au qui ^.eit 

^éfolu 9 ' comme ii TaUboe phifieurs: foift, 

-ft nîè point rébUquer , .réponde à ^es hom 

%zk)^%i V^ Cg «aie fto^ 






D E M. G A u T I E a. 17 



veiie ks preuves prétetïdues. H eâ plu5 
iufpreivuxt ^encore quç dans la crainte oit 
il A de vok les brojchures fe transfbnner 
en volumes , il en faiTe une de trente-ime 
pages 9 pour dire qu'il ne dira rien. 

S'il fe défend inal lorlcpi*on Tattaqne , 
^n revanche il fe ^défend tiÀs-bien quand 
on ne l'iittaquie pas. Je me borne .à ua 
feul exemple : il dit que je liu reproche 
ëVi^ir employé la pompe oratoire dans 
un difcours académique ^ & j'ai loué >fon 
éloquence en trois ou xruaire endroits. Il 
-eft vrm que f ai demande à quor tendoient 
fes éloquentes déclamations ; mais il me 
iemble qu'il rfeil pas riécefliiire d'être 
perverti par/les Belles-Lettres, pourvoir 
que ce mot , diclamanons , tombe fur le 
idéÊiut de juileffe dans fes nifonnemens% 
jk, non fur la forme de fon ftylft. Auflî 
M. f r^oii y qui applaudit à l'éloquence 
de ion 4ifcQurs^ dit 4ve,c raifon, tjiVIil 
eft pbligé 4e ne k . t;j2|;arder que comn^e 
.une décuimatk)ii vague ^ appuyée fur jxnf 
métapbyfi^u^ fauffe ^ &c fur dé? .^plîcar 
rions defaits.hiftbriques ^ qui iie détruifent 
jpjir xaillp feits çommi^ ^ 



' s:x 



PISCOURS 

M. Le Ri^i 9 Pmfèffkur Ht Èbétori^ au 
Collège du Cardinal Le Moine , prononci 
le IX Août 175 1 dans les Ecoles de Sor^ 
bonne j en^prifence de MM. Su Parlement ^^ 

^ . ^Poccafion de ta. difirihudon des prix 

. 'fondés dans J^Umm/hi, 

X 

TÇracluU en' François p^rÎM. B, Chanoine 
Régulier., Pr()cureur-* Général de l'Or- 
idre tle Saint* Anceine* 

rèiît à h î^^rtu, 

MEySIElTRS, 

yL Es tettresom teurs phénomènes aînfi 
'»quela'Phyfique..Comnie,'àia fàveifr d'un 
tems^férein on ^découvre c[iiekjuéfois'dans 
^é Ciel de notivrek\ix aïïres ; dont l'édat fur» 
jifétiant arrête riàs n^érds, '& dont la mar» 
tfhè peu- Connue fixeTartention des.Aftro-- 
nomes : île'raêmeHorfque les Lettres font 
te' mieux cultivées , on vdît de tems en 
tems s'élever parmï ^ les 'fe Vans "des - opiip 
pipn? ^MiÇi jappantes pgr Içwi: nçi^vçauté 



Discours^ %gt 

que par leur fingularité ; Se doot leis pro% 
grès afflîgeans poiu: ceux qui les confide* 
rent , laiflent entrevoir avec peine le firuitî 
que l'on en doit attendre. Ceft le cas oîfc 
nous nous troiivoas aujourd'hui ^ da|i$ uxk 
ûecle oti le$ Sciences & les Art$~<H^été 
portés à uiï fi haut degtié de perfe^ioa i) 
W effet quoi de pKis inoui, que ce qu^oa 
a depuis peu avancé pv^lii^ment; que 
ks I«ettr^ font la pmncipale caufe de 1^ 
corruption des mosurs ? 

Ce iit^ point ici , Meneurs, y. uo jeu 
d'efpnt , nt lîeffét de quelque jalouiie fe- 
€rete. Nos adverfiures combattent à vî*i 
fege découvert : ce font des peribnnagèt 
graves ; & ce qu'il y a de plus extr^oih 
dinaire ce font des hommes très-éloqiiçns* 
Bs citent le geni>e-humainà leur tribimal^ 
& parcourant foo l^ftoire comme s'il ne: 
s'agiiToit que de l'hiÉboii» de la vie d'uri 
lètil homme , ils remarquent d'abprd 5^ 
que créé depuis plufieurs filles, après 
une longue enfonce , loin de devenir plus 
mûr avec l'âge, il renchérit tous. les JOMT^ 
fur fes auciens vices , qu'il fe plongç. d^ 
pWs en dbs dans le crmie 9 ic ne cef&f 

jm^ oêtre k jouet de quelqwpaïflaQii 

B 3 



30 Discours. 

particulière ou de toutes enfemble. Indi- 
gnés à la vue dHme fi étrange dépravai- 
lion , & perfuadés d'une part que nos 
defirs fom Punique iburce de nos dérégie- 
m^ns ; & de Tautre , qu'on ne délire que 
ce que l*on connoît; ils ofent conclin-e 
que la vertu n*a contre le vice d'alyle 
aflliré que dans le fein de Pignorance^ 
& que les Sciences & les Arts font pour 
^efprit qui en eft orné autant de difie* 
yens poilons , dont il faut proicrire fuiâge*^ 
• Nous convîendroit-il d'autorifer ce fen- 
timent par notre filence î & ne devons- 
nous pas plutôt le fbumettre à la cen» 
fure de cette augufte Afiemblée } C'eit 
ici , Meilleurs , que les Lettres comparoif* 
fent devant vous , non en qualité de iiip- 
pliantes ,- comme elles plaident moins pour 
leur propre intérêt que pour celui de 
rhufnânité , cette pomire les déshonore* 
roit ; ni même en qualité de complai* 
gnantes , car elles n^orit garde de s'irriter 
contre ceux que le feul amour de la vertu 
porte à les infulter rmais remjJies d'égards 
pour tout le monde , elles vous invitent 
îimplement à examiner , fi fous j^étexte 
de ven^r la vertu , on ne lui cauferoit 



• 

P I s C O U R s* 31 



■MMB* 



^as un extrême préjudice , en Im interr 
di/ant tout connnerce avec cUes. 

Quel pius jiifte motif de confiance potit 
les Lettres, que devoirTélite duRoyaunfie 
s'affenibler en foule dans ce lieu ^ qui a 
toujours été regardé comme le fanâuaire 
des Sciences ? Ici , Meflieurs , même en gar- 
dant le filence , vous plaidez éloauemment 
kur caufê ; votre préfence feule , qui eft 
une preuve de l'attachement que vous avez 
pour elles 9 leur répond de la viâoire. 
- Chargé ^acquitter le tribut annuel que 
mo\is vous devons, je v^is dojic par- 
courir les avantages que les Lettres pro- 
curent à la vertu , & vous montrer dans 
la première partie de ce Difcours , com- 
bien ceux qm les^ condanuient les connoif- 
fent peu : vous verrez dans la féconde que 
Inexpérience & les faits détruifent éga- 
lement les rçpifodbcs , dont on veut les 
^câbler. Daignez , Meffieurs , prêter à 
ce que je vais dire une oreille favorable^ 






^X D I se OURS. 



PREMIERE PARTIE. 

' On peut pardofftier aux ignarans Ter- 
rtur qui leur fait attribuer aux Lettres 
Tabus qu*en font quelquefois ceux qui 
fes cultivent ; mais que des favans exer-* 
ces dans tous les genres d'érudition rté- 
connoifient leur effence & leur deftina- 
tion y & les rendent re(pohâibl«s de toiis^ 
les fnauit qtféprouvé te gettre-î^huttiain ,* 
c^eft un 'prodige qui a dJroit de ndu$ fAr- 
prendre. H ne manquoît plits ^ut ce d^r-t 
nier trait au tableau éeû miferes^ & dcs> 
égarenfiens de l'homme que l^on e>fàg^ve 
avec tant d'emphafe. Qu'eft-cé que les' 
Lettres ^ Sont-elles aiitre chofe qu^itn- pré-i 
cieu^ dépôt confervé dans les • Livrés ^ 
un recueil des préceptes des Sâgés ^ qui' 
s'eft formé peu-à-peu: , & qur répandu 
dans tout l'Univers fert à éclairer l'efprit , 
à* réformer le cœur , en im mot à per- 
feâionner tout l'homme ? Quelle eft 
leur origine ? Ne font-elles pas le fruit 
de la v'ertu ^ qui infpiroit à jzes fages 
autant de tendreffe pour le genre-hu-. 
maia que dé zèle &c d'intelligencç } 



.Discours. 33 

* Mais cette eicellencç propre' aij|x Let- 
tres i cette origine divinç , eft précifé^ 
fnent ce <ju'il s'agît de prouver. Toutes 
les Sciences , dit-on , font vaines ou per- 
nicieufes : elles naiflent de la fupcrfluité 
ou de l'amour du plaifir... Ce n'eft pa,s 
ainfi qu'ont penfé tant d*illuibçs auteurs 
chez les prcrfanes; les Platoqs , les Xé- 
fiôphons 9 les Cicérons ; 6c parmi les 
^Ecrivains facrés , les Laâances , les Clé- 
mens d'Alexandrie, les Bafiles. Ne per- 
dons pas cependant un tems précieux : 
laiffons les autorités pour nous appli- 
tjuer à connoître ce que les Lettres lon;t 
«n eJies-mêmes ; & décidons la <jueftioa 
par ce que les Légiflateurs ont ordonné , 
ylutôt que par <fe que les Philofophes 
ont écrit. 

On Voudroit qîie l'homme n'agît jamais 
que par l'infpiration de. la vertu ; & que 
tous les habitans de la terre ni^ fôrmaf- 
&nt qu'une Cité toute compofée d'hon- 
nêtes gens. Le plan eft magnifique ; maïs 
comment ^exécuter fans le fecours^ de? 
Lettfes^. On répond' que l'exemple iufÇt;, 
qne l'i^'orance fupplée aux précepties. 
Fort bien : mas quels exemples doit-c^ 



7 



34 Discours. 



<■*• 



attendre d'une multitude grofliere & iâu- 
vage ! Tels étoient (ans contredit les 
hommes avant rétablifTement des Lettres : 
occupés à. £alrQ la guerre aux animaux 
qui leur fervoient de nourriture , & pres- 
que femblables à eux , ils n'avoient ni 
loix , ni moeurs.. Si quelques-uns doués 
d'une raifon fupérieure fe portoient à la 
recherche du bien , privés du fecours de 
rHiftoire & des agrémens de la Poéfie 
& de l'Eloquence , combien leur voyoit- 
'on faire, de vains efforts & de fauffes 
démarches ? Pouvoîent-ils fe donner pour 
modèles à des Baf barps ? Peu ^efficace pour 
le bien & trps-puiiTant povu' le mal, 
l'exemple eft par lui- même une foible 
ireffource. La vertu moc^efte excite l'en- 
vie : fon flence même eft un reproche 
ianglant qui confond ouvertement & le 
crime & l'înjuftice : poiu: fe fisilre aimer 
il faut/ qu'elle difparoiffe : quel charme 
plus puiflant que celui des Lettres pour 
la K^peller & pour la faire goûter ? 

L'ignorance , répond-on , tient les paiP- 
fions dans un engourdiffement que les 
Lettres diffipent. Quelle pitoyable défaite! 
jpeft ici que nos adyeriairçs ne peuvent 



fll.l . . . U I Jl l , I I ll l llê 

P I s c o u K S, ^ 35 

dégntfgr la foibleâe de leur c^ufe : ea 
voulant pourvoir à la fureté de la vertu , > 
ils la lûuent fans défenfe ^ ils la livrent à 
fes plus cruels ennemis. L'homme natUf* 
Tellement révolté contre la, domination 
suira-t-il donc befoin desr Lettres pour ap- 
prendre à fe^yer le joug de robeiflTance ^ 
I/orguejl dont il efiTadicalement ipfeâé, 
&.qui le rend ibiu-d aux confeils de la 
raifon, ne fufEt- il pas pour le porter à 
la réyplte ? £fl-il de maître plus abfohi i 
plus adroit & plus féduifant que lui?. 
L'hqmoie aura-t-ilbefoin des Lettres pour 
i^ livrera dehonteux excès-^ lui qui fe 
prête il volontiers à la féduâion des re;i$ l 
Et quels Doâeurs que les féns i Com« 
bien leurs pièges font-ils fréquens ^ leurs 
follicitations éloquentes » leurs flatteries 
iniinuantes ! L'homme mura-t-il befoia des 
Lettres pour employer la force pu la rufe 
^ s'emparer du bien d^autrui î Parlerons^^ 
nous de Tamour? Quel Protée î Tantôt 
fier & brutal <, tantôt doux & rampant 9 
toujours fourbe & malin , il prend toutes 
les formes qui conviennent k fes vues. 
A quQi fert ici Tignorance î Seroit ce 
. pour cacher à l'homme le levain de cu^ 

B 6 



36 Discours. 



«hflM 



pidité qui fermente dans fon coeur ? Maïs 
n'eft^ce pm uht chimère de fuppofer 
qu'on puiffe^ Tigiiorer? Né vattt-il |>a^ 
mielix apprendre à iftformer les paflians ? 
mais fans r étudie de^ Lettres j^ tortintent s'af^ 
hûnchtr^t^ùtï de leur tyranhie ? comment 
S*appliqllert•^on à d^vehiir A>cile \ chafte^ 
libéral ; à Sacrifier s'il le âtut fts biens' 
te fa vie pour Ife fervice de la Religion 
ic de TEtât ? Les Lettres nous donnent 
iilt cette ttiatief e dé continuelles leçons , 
^ui ne font jamais inutiles ; car ceux-là* 
âiêiites qui irèflifent de s'y confirmer , 
font ibuvent retentis dans le devoîr par 
k crailite ou la honte qu'elles leur int» 
pirent. On ne feit point aflfez d'attention 
aux boAS efkts que ces ièntimens pro- 
" 4iulfeût9 & Pon ne réfléchit pascohibient 
ils côntpbiient au bonheur de la fociété. 
Si dans toutes fes aâions ITiomme n'a- 
voit cjue l'honnêteté pour but i s'il la re- 

fardoit comme l'unique & le fouverairt 
ien , s^l étoit fincérement pénétré dé 
l'idée de Tordre , & s'il ne s en écartoit 
jamais ; j'avoue que les Lettres ne feroient 
(pas alors néceffiures à Ja vertu ; mais oit 

•pf peut mer qu'elles ne Itd ferviffenfc 



mmmmtmÊi^ÊmmÊmmmmm^mammmmÊmimmÊÊÊmÊmmaiim 



Discours. 37 



■liâ^WMC 



du moins* d*vth grand ornement; Quoi 
diB fins beau & de plus agtéâble que 
rHiftoirc, la Pocfie & FEloquence ? Mais 
enfin liionifme étant plongé ^ns d'épaifles^ 
ténel^es , et Tiolcmment enclin au mal ,' 
pciiFqiioi le priver ^im rajîon de lumière 
dbnt il a bèfoln pont' découvrir la vérité^* 
divine étinçèlk de feu qui peut Tembiidifer^ 
de ïanàoiir de la vertu ? La témérité n« 
ifera done plus réfrénée par les exemples 
cjue "^iH-nit THiftoire ^ les délices pures de 
la ckafte^ & divine poéfie tie difliperont 
plus les charmes trompeurs d*une 'poéfie 
Ikctntkfvtk , les fophifmeS ne feront piuàr 
foudroyés par ks ti^aits d'une éloquence 
mâle fit folide ? Ainfi Thonnête homme ,' 
làns favoif jk ftns avoir de qiioî fe défen* 
dre , Teftera ^xpofé mx attentats des von 
leurs ? Quelle horrible înhiimanité !' ^ 
. Qu'on ceffe de vântér l'ignorance , cott-^ 
rtte fielle âvoît la Iforc^ d*étouffer dani 
Vàme le germe des paffions , de même atié 
k frmd brûle l'herbe des champs. N'eft-il 
pas plus raifonnable de penfer ^ que comme 
Iles reptiles les* phis-ténimeux naiflfent dën* 
les folitudei âfidèi &^ înèàltes , ^de mêii* 
^kkiorancef 4ftà'fot«fée^COhdc*deèph$, 
attreux défordres } 



i l'Uii ■- 4- 



58 D; I S e o y n ^.. . 



mu niKJLi . i 



Parcovwofls le mdnde «ntier. Eft r il un 
pays , un coin de la terri , 9141 n*ait été le 
théâtre des ravages de Tignoiance î Corn* 
niem vivent auj0urd?hvâlesJîajiiQiisJ>arbar 
rps ? Peindrai-j^ la fupei|r àla^ueUç elles t 
s-^abandonnfiit pour le plus : yi^ » inrérêt: ^ 
q^ii les porte à. fe percer tî\^pke]letofifxt* 
^yec des flêcheaempoifonijée$ î.Vojis di-^ 
rai^je, • • Mais il ftroit impqffiblç dç ^dé- 
t^ifler tant dTiorreurs. R^pelkz ce que 
vous en-avezlujraffeînblezîçe queThi^oirev 
i^conte de ces: malh^i^^ux %<;ks, f^ céle-i 
îçes par le règne de Tigno^^ce î -v^usnC; 
compterez jamais , vous n'in)agii)ef^z p^s^' 
»ême toutes les guerres ^ tous les îléaux^r 
tous les forfaits que.ce n^onftre a eni^tés^ 
Le nombre & l'atrocité de ies^ attem^ts»^ 
échappèrent à toute vptre fagaçité« Je^on^t 
vn voile épais fur jant d'in&mies^ doi^ 
ïj^orance ne fait pas rougir,: mais yous^ 
fes trîÔes viâim^s > i^oat ks membres dé-p 
çhîrés par les Cannibales, <puvr^nt le gem'e- 
humain d\in éternel opprol)re » ibrtez 
de vps tombeaux jr oonduifez les panégy^ 
fi&^s de Vigt^rs^çje flan,s, ces; plages' qui 
ixe ypiis/ont que trop cpnouçs , oii roii- 
^oit m père de faix^Ue aj£s ^ table difbî» 



• i 



Discours. 3^^, 

— — — ^^ ' ■ — ■— ^^. 

' Diier de fang - froid de la chair humaine à^ 
ÛL femme & à fçs enfans 1 A l'afpett de 
ces cniels repas , de ces feftins horribles» 
qui réalifeiit la fable de Thyefte , ils-appré- . 
cieroçt eux-mêmes les obligations que* 
nous avons à Tignorante. 

La pratique deteftable des Antropopha-. 
ges ri'eft pas nouvelle , puifqu'il en efl feit 
mention dans Homère , le plus ancien des 
Auteurs profanes. Quels exemples dlion-. 
nêteté & dliumanite attendra-t-on de ces- 
hommes abominables , fur qui la beauté* 
& la perfeâîon du corps humain ne foi^ 
d'autre impreffion , que d'exciter en eux le' 
fentiment d'une infâme luxure ou d'une 
barbare gourmandife. 

Que ieroit-ce du genre-humain , s^î ne 
s^étoit pas trouvé des hommes aflez édairéii 
pour connoître la noblcffe de leur condit^ 
tion fi honteuièment avilie ; affez hardîS 
pour ofer entreprendre jde- la rétablir dans 
fes droits ; affez aimables pour adoucili 
l'humeur farouche de leurs^ compatriotes^ 
& les faire confentir à FétablîfTement des 
l^ix ? Mais lorfqu'il a été queflion d'altei? 
à la fource du mal ^ .comment a-t-il pu fé 
&ire , que les différens Légi^teurs quoi^ 



-sBS==s=-s=5Bsaas2==a 
•^ ^ Discoun*. 

V 

i5^e féparés les uns de* autres patr rkiter- 
valle des tcms & des lieux , fe loicnt tous 
accordés à regarder l'ignorance comme la 
cauie de la barbarie , & fe foient fervis 
des mêmes moyens pour la détniire î Ce 
font là des faits qui démontrent évidemment 
r«tilité & Ut néceffité des Lettres. 

Quel tribut d*amour > de refpeô & de. 

reconnoiflànce ne devons^nous pas à ceur 

qui les ont &it naître ! Leurs dépouilles 

mortelles font depuis long-tems enfermées 

dans le- tombeau y mais leur efprit vit 

encore pour nous. Quel eft ce vénérable 

vieillard que fapperçois à travers les om- 

Isres de l'antiquité la plus reculée ? fon 

vifage eft plus brillant que le Soleil. O 

prodige l Plus il s'éloigne de notre âge , 

plus â paroit grand & lumineu*. Placé 

for une montagne élevée il reçoit les 

liQmmages de tout ïTJnivers ; d'une maiii 

ïï commande mix flots de la mer ; de l'autre 

tt porte cefr tabtes fameùfes'^ où la Loi de 

Dieu eu gravée. Que les partifans de 

l'ignorance jettent les yeux ftir ce redou^ 

tïble vainqueur ^ i^i apprend aux hommes 

les merveilles 4e la 'Création : l'unité de 



nSorp Âiprêâki 4es ûriomphes de .ce Dieu 



Discours. 



Vengeur fur rimpiéjé, & qu'ils reconnoif-t* 
iènt dans fe perîbnne le Prince des Onh 
teurs , des Philofophes & des Poètes. Uà 
peu aii-deffous de Moyfe j'apperçois d'un 
côté le Roi Projeté àanfaiit devant Varch^ 
du Seigneiu" , &( fuivi d^y^n p€?i}pjie ionoair 
brable qu'attire la doucelir Si ùi iublimité 
de ces cantiques. De l'autre côté je yoi$ 
dans des. farcUns fleutis ce Monarque à qui 
FEi]jrir.Saint dortna U nom de 4ige : plongé 
dans ime œéditsftic^ profonde ^^ U.aïfigne 
à cfasK^ue âge ^ k cnaque condition ks 
der^nrH qui Tes concernent^ iiw^ montra 
pa^ mbkis dliabiieté k peindre les hom^ 
txvss y qo'à percer lès. {ccreU de la nature^ 
Quelle* eft cet^e augnfle Affemblée qrn 
occupe le vaHon^? G'eft kcHœur <fes faiats 
PÎFoplieDes^ qui ferootà )axnai$ Fhonneiir ÔC 
le foutieu' de rEloquence & de la Poéfiç* 

Queilcs vives himi^/e« ibrtent de et 
mont facré è travers les téhebres de Tidolâ* 
me qui Uenvironnem ! L'aoden Paa^naiTe 
s'abaifie devant lui ^ mais SEialgré les faUes 
qui le dégradent Se da«^ la iombre nuit du 
Pag^nîfme , celiiircî Miffe. échapper de^ 
traits ' d'tm feu rput & brillant. Combien 
de SoWnf ,. de.PompiUus ont fw, guider 



L I I II T i f" . I l '.t saagsggaaegS 

4% Discours 

leurs pas à la lueur di'une laifon épurée ? 
& n'ont pas craint de déclarer la guerre à 
rignorance. 

* Mais fans nous arrêter à des exemples 
étrangers, ouvrons notre hiftoire; compa* 
rons les iiecles ténébreux avec ceux où les 
Sciences ont fleuri ; & voyons en abrégé ce 
(jue les grands Princes &c les habiles PoU« 
tiques ont penfé fiir cette matière. 
^ Cette ^ilcuffion nous fournira de tems 
en tems des traits sigréables ; mais quelle 
fera notre admiration lorfque nous repide* 
rons le rekne.de notre augufle Monarque î 
Quel puiflant proteâeur des Lettres! « de 
combien de faveurs les a-t-il honorées ! 
Dès râçe le plus tendre , il ne s'éft pas 
contenté de répandre en particulier fes 
bienfaits fur lès Mufes qui préfideat à l'é- 
ducation de la jeiineiTe ^ il a voulu enfliite 
les doter avec ^ne magnificence vraiment 
royale. Durant les horreurs de la guerre v 
il leur a procuré les douceurs d'un tran- 
quille loihr; & dès qu'il a donné la paix 
à l'Europe , il s'occupe tout entier du foin 
d'augmenter la gloire -du ncm François* 
Tandis qu'il parcourt ces monument fuper- 
hfSy dpeiTés par ks ancêtres ^ qu'U a lui^ 



Sf 



D I s c o u R s# 41 



i^Mfti 



même réparés eu embellis ; & qu'il cher- 
che les moyens <te laifler à la poftérité des 
preuves de foh goût & de fa munificence ; 
un heureux génie lui iuggére le plus beau 
{>lan qui flit jamais, dont l'exécution glo« 
rieufe lui étoit réfervée ? il s'agit d'aiïran- 
chir de l'opprobre , de l'ignorance & de la 
pauvreté cette jeune nobleffe dont les géné- 
reux Pères ont prodigué leur fang & leur 
bien pour le fervice de la Patrie. Tel eft 
l'objet de laibmlation dé PEcole militaire ; 
les Eteyes y feront inftruits en même tems 
des jprincipes de la Religioii & des con- 
noiuances utiles à la défenfe de l'Etat. Cet 
établiflement en procurant un dmible avan- 
tage à la Nation affure au Roi à deux dxfS^ 
rens titres le nom de Père de la Patrie : il 
l'acquitte d'une dette juftement contraôée 
envers les ayeux de-ces jeunes Héros , & 
lui fournit de nouveaux défenfeurs, qiti 
lui feront d'autant plus attachés , que leur 
éducation fera tout à la fois la preuve authen- 
tique de la libéralité du Prince , de leur pro- 
pre NQbleffe,& de$ fervicesque leurs parent 
ont rendus à l'Etat ; deffein , dont Charle^ 
magne lui-même, le reftauratôur des Lettres 
dans toute l'Europe ^ poiurroit èti^e jatou^i^ 



44 Discours. 



- Acet illuôre nom , l*ignorance pâlit , 
frappée tfun nouveau coup de foudre. 
Jamais Prince n'aiiroit fu mieux que lui 
ta feire valoir s'il ëtoit vrai qu*on peut 
«n tirer parti.; QMelle fut la conduite de 
ce /afie Mofiarque î Pour avoir un corps 
de i^eièrve » toujours prêt à combattra 
cette odieuie ennemie y û établit uaÇoiw 
ieii des Comtes de fa Maiibn à <^>il doaaa 
le pouvoir de drefler & d'interpj^to? les 
loiîÉ , de terminer les procès & de, v^illet 
k, Tavancen^ept des Sciences ^ des Artsi 
TeUe eâ Torigine de «e célebi^e parknfieat ^ 
fupérieur à totis nos lélogies. Que ne poui>' 
rois-je point en dire î Combien y compte<« 
t-on de lumières du Barreau , de Héros à^ 
Thémis , de modèles d'une confiance in» 
vinciWe? U faudaçoit n'en om^re. aucun 
pour rendre juftice à tous. Combien d^ 
Magiflrats fbutiennent dans les Tribunaux 
des Provinces Thonneur de cç premier 
Corps , dont ils ont été^ tires, & y perpé* 
tuenrle 2ele pour la juilice & l'amour de$ 
Lettres qui lui furent^ jadis infpirés par 
Charlemagne. 

J'en trouve la preuve dans voûs-mênae, 
Monfxeur ^ ce grand Empereur Gonyerfoil 



Discours* 45 



<mt 



femîKérement avec les gens de Lettres , & 
leur témoîgnoit autant de borné que vous 
len Êihes paroître en prenant place dans 
cette AflTeînblée. Il cxcitoit les favans à 
ie difHnguer dans la carrière de la Littéra- 
ture parles mêmes careffes dont vous hono- 
Tez nos jeunes atbletesviôorieux. Par-tout 
VOU5 êtes chéri âc confidéré comme îi 
rétoit : car il n*eft aucun des parens de 
cette floriflante jeuneffe , en quelque lieu 
qu'il habite, qui ne tourne dans ce moment 
les yeux fur vous , & qui pénétré d'admi* 
ration, de zèle &de refpeô ne s'ehorguèilr 
liflîî en queiquç forte ôc ne s'attendrifle jufi» 
qu'aux larmes , lorÉqu'il vous voit remplit* 
û dijgnement lesfonÔions de Père à l'égard 
de tes enfens. 

Vous avez droit , îlluftres Sénateurs , i 
fle pareHs fèntimens de reçonnoîfl&nçe. Ce 
rfeft pas fâns peine que vous quittez^ «es 
gloricufes ocoîpations , que vo^e reliv 
gion , votre prudence ,- votre zèle kiÛAi^ 
gable pour la^atrie vous rendent fi^çheres; 
Ne regrettent pas néanmoins les court* 
inilans que vous accordez à nos vœux^ 
Ge font ^^ ^vertus -mêmes que*j*aî nonw 

mée^ ^ui YQu$ çon4tti|rçB| ici ; fV^-^ 



46 P I S C b U ES, 

peuvent que vous bien infpirer. EUes ûuf 
Tont vous rendre avec ufure ce peu de 
tems aue vous nous facrifiez, Votr« prér 
fence a nos exercices va prévenir â^ mamc 
auxquels votre fàgefTe auroit été obligée 
de remédier ; & vous prépara déjà des 
coopérateurs empreffés de mivre vos trat* 
ces. lyrique Chârlemagne eut formé votre, 
aug^fle Compagnie 9 cet habile Monar<^ 
vit bientôt qu'il n'étoit pas n^oios nécefliure 
d'établir une fociété de Savans, qui flit 
jcomme une pépinière de l'I^tat, oîi la 
îeunefle la plus diflinguée, honorée de 
:votre proteftion apprît à devenir un jour 
-digne de vous fuccéder. Affociée à votre 
gloire dès fa naiflance, jugez, Meffieiirs, 
de la joie de TUniverfité , lorsqu'elle peut 
|ouir de la préfence de tant de grands hom- 
mes , qui furent auûre&is élevés dans fon 
lèin , & qui font maintenant ion plus fer^ 
me rempart & fes plus zélés Panégyrifles» 
$a reconnoiflance^ redouble aujourd'hui 
qu'il s'aeit de l'honneur des Lettres : votre 
0bfençe;es auroit privées de l'un des plu$ 
iiu-s & des plus ^orieux moyens qu'elle^ 
puiffent employer pour la d^fpnfe 4? Içuj 



uiscovKS. 4y 

Mais û les Rois & Içs Légiflateurs ont 
cru $*illiiftrer en ËiYorirant les Lettres , Sc 
Vils en ont ôré de puiflans fecours ; pout^ 
mioi font- elles maintenant traitées d'io» 
-én^ fédtiârices , & expofées à la critir 
que la plus amere ? N'efl-ce pas attenter 
au bien de la fociété, que de vouloir par 
d'odieuies imputations détourner les bon- 
nêtesigens de l'éttide, tandis que les hom- 
mes les plus {âges , ont regardé les Lettres 
comme la plus courte 6c prévue la feule 
voie qui conduire,à la vertu} Nos adver- 
sités rougiÇçnt peut-être de fe voit en 
oppofition ^yec oe fi refpeûables autori- 
tes : ils avouent qu'ils ont e:xcédé en trai- 
tant les Lettres avec f^ peu de ménage- 
ment, mais ils n'en veulent, difent-ils, 
qu'à l'abus énorme qu'on en Ëiit. Ce^ 
foi\t 
tour* 
Mef- 
notfe 
•éfent 
1 lieu 
?ieu^ 

cette 



\ 



4S DfSCOVR^. 



mrmtmmmmmmmmmm^tm 



tes Lettres condamne fon zek mal enéen* 
du <, ^ qu*il r^rvè fes libéralités pour 
de plus dignes ob}ets« Il €àvit renfentier 
fous le fceau les divines Ecrituf es , parce 
qu'un Bayle pourroit les profener ; q«c 
Tes Philoiophes rfentreprennMt phis de 
nous développer les ^-efforts de la Provî- 
Idence , également admirable dans le plw 
^nd comme dans le plus petit de fcs ou- 
vrages , ni Tefficadté de la Toute • puî^ 
iance de Dieu , qui fe fait une efpece de 
"jeu de la création de ce vafte univers , 
parce qû*un Spinofa pourroit confondre 
Ta fubftance divine avec les efprîts -créés 
■& la matière , & en feîre un compofé 
"mpnftrueux : -que la Jurifpnidence cette de 
^nous donner des leçons , pour la^onduke 
i^de noti'e vie & la police des ^tats 9 p»ce 
-qu'un . Hobbes pourroit abufer des plus 
"ij&înes pifttimes : que roratetirMfe le poëte^ 
que le peintre & Jeilatûaîrè ne trsBifinef*- 
'ient plus à la pcrftérité^ la mémcwre des 
^belles aâions t ^l'on étouèè.^dans fon 
^berjceau Tart prodigieux , fi prôt>^e à îBitf- 
^er nbtré patrie & notre fiefcte ,'^è «- 
Vrinier fur k toile une^ peinturé pfête ^ 

rimt &t la fj^fspHvt ftuPIfe Wî^i Bill- 

jurg 



1>, 1 -s c o u. H s.. 4^ 

jure des tems. Qu'on interdife aiqc Artif- 
tçs diibngués t'ui'^ge-de ces adniiT(â>lef ta- 
lens, fbade^ËiU'iolide^Ç Iftir fo|tuae &: 
de leuf-fép^i^tion : qiiVtt fitpprime en&i, 
t9us Ifs livres ^,<que w^'layans fe taifentr 
éc que le!$ Lettres foient cçi^damnées. i, 
l'oukbli. L'igaoï^lice trioimphera : fnai$ quel 
iien en restera - 1 - ilî Si l'on profcrit les 
Sciences tU. les Arts , le m<qide rentier re^ 
tombe dans, le c^h^. . ; , • 

Dan« cette fuppçiitiofi i'Jio^me ferott^ 
Y^dmt.à -uï]e,cotWÛti9nJ}ien pju^.trifte que 
ceUe à laqucUe le; exp&ferent jamais les. 

S convenir qu'entraînç l'abus aesiiettres. 
ousfcunnies donc redevables aux Lettres, 
de pluH^u;^ avantages ineftimables malgré 
Içsabus/doot onles accule. [Mais ces abus, 
en quoi cpnfiftent-ils^ , & les Lç«;fes en' 
fpnt-«llç«_yéritabten|enFi'elpo[^ablesl ?eft' 
cc: ^ ootn T^e à. eXfnûneN ; 

' ' ' tj - 



Discours. 



l'autre. Il ne -s'agit donc pas de faroir 
s'il eft des gens qui iaflènt fervir les. 
Letffês 'Ik de mauvais ufages , inais iuù< 
duemteHt fi eUes ^y prêcent d'ellértnêmes, 
fi elles font perniéieufes de leur natilre. 
Kos adverfaîffe foMtiennent ^affirmative , 
Se nous'ci'-oyons les avoir ruffifamment 
réfutés' par l'expdfition île ce principe 
certain-! €[ue la Science eît ta Source de 
toutes fortes de biens , comme Pignorânce 
eft la ibîtrce' de 'tout niai. 
■■Oniiolis -côiitéfte cette vérité-, (ju*on" 
Teut'-feire pfiflèr pour une' fiibtiUté-Mé- 
taphyfique , dont on appelle' à ITiiftoire 
& à Texpérience ; on croit pouvoir prou- 
ver par les faits que le htxe & l'irréli- 
^oiï doivent leur -étàWiffetfieht & leurs 
progtès-àitx liettre»,& ne fuWWèhtqiré 
par -"eiFes : qltë ite-là élt iortië Cette foul& 
de paflîons effi-éhées iquhOntfi -foiivent' 
r^nverfé les Empires, S(, pFtfqu'anéantî 
le culte de la pivinït' 
A cette acçiifâtipn .( 
les Cfitrtei" po^blès j - 
dent f'fcoTïïmènt ferior 
desmaùx- dpht vous w 

qui n^çtions bas ençorci 



Discours. 51 

Îf ont paru ? En effet , quand eft^ce que i 
'impiété & la diflblution ( je dis la di A > 
folution & non pas le luxe , car cehdf ci 
n'eft qu'un léger dédommagement 9 que^ 
celle - là s'eft adroitement ménagé lor f- 
qu'elle a vu fes excès cenfurés & répri- 
més par les Lettres, ) quand eft^ce, dii-je, 
que ces malheureufes filles de la volupt&i 
& de Tignorance fe font emparées de Tem- 
pire de l'Univers ? N'ont-elles pas dès lei; 
premier âge marché tête levée , & fecoué : 
le joug de la pudeur ? Ne vit-on pas dès- 
lors édore toutes les paflions , dont Taf^ . 
freux débordement couvrit toute la terre 
de tant de crimes & d'abominations ^ . 
qu'un déluge univerfel n'a pas fuffi pour; 
la laver. 

Oti en étoient alors les Lettres ? elles 
étoient à peine connues dans le fein d'im 
petit nombre de bons efprits ; ou fi eHca \ 
avoient déjà vu le jour , fi^ibles & reoif { 
pantes dans cette première enfonce , elles > 
n'ofoient encore fortir de l'étroit efpace 
qui fervoit de retraite à ces fages. Ce- 

fendant à la fuite des infâmes plalfirs ^ 
irréligion aigrie plutôt que domptée par 
ks exemples récens de la ven^^eance çé* 

C * 



5* Dis ç o V K % 



9 «rnv.i ' p 



l^e, & devenue d'autant plus audaxri^ufer 
que; Dieu la traitoit avec plus d*indul- 
^nce , étoit montée à cet excès de fplie ^ 
œ vouloir détrôner l'Etre fuprême. Vains . 
efforts , dpnt Timpiété effaya de fe con-^ 
foler en rav^nt a Dieu (pn culte ^ {es 
adorateurs » par les attraits féduifans de 
la volupté. Tous les vices eurent alors 
des autels , & l^enœns que Ton refuloit 
att' fouverain Maître fot prodigué à ces 
nionftres impurs. Qu'y a-t-il en cela qu'on 
piriffe imputer aux ^Lettres ? Loin de les 
aecufer d'avoir donné naHTance au jcrin^ , 
on. peut dirj? ^ue ce tyran leur déclare 
dfSi leur berceau la plus cruelle guerre^ 
A^peipefortiesder^nrance elles ne favent 
oïl fuir. Ici on leur tend des pièges , là jo;i 
tâdiè) de 4es exterminer à force ouverte. 
xlitgypte leiur offre im afyle. Mais qu'a;> • 
rîré-t-il ? On leur feit la récq)ti6n la 
plus honorable dans la vue de les féduire. 
On* fies ér^een Déêffes inalgrjé çlles^ 
P<»ir:les empêchet de, publjler l^s louan- 
ges du vrai Dieu ôc 4e venger l'injure faite . 
à. fon fclint Nom ^ on les .fetiaat captives 
atiî.fond des temples , où on Içs lie avec 

(:>» ^chaînes, d'or^ ojçnées >de fleurs â^dè_ 



± 



aa3i 



Discours. fy 

pierreries. Elles ne rendent des oracles 
que par la bouche des Mages : leurs pré- 
ceptes qui ne devroient fervir qu*à l inf- 
tr^âion deviennent un langage énigma- 
tique. Cette dure fervitude ne les emp^ 
che pas néanmoins 4^ ^^ire quelquefois 
briller la vérité à tiaver» une infinité de 
Êibles & de menfonges , dont de perfides 
interprètes ont foin de la voiler. L'Uni- 
vers étonné recoimoît quH doit à VEr- 

' SyP^^ 9 ^^^^^ mère féconde du Faganifine 

- & de la fuperfiition , les Loix les pliis 
utiles & les plus fageSr ;> 

Parmi les Hébreux , les Lettres n'ont 

'point été déshonorées par de femblables 
artifices , mais elles ont eflliyé de leulr 

'part bien d'autres- indignités. A l'ombre 
de la proteftion divine elles ont long- 
tems joui de la liberté : mais combien de 
fois ont- elles été faîfies d'une frayeur 
mortelle en voyant couler te fang de leure 
plus chers défenfeurs ? Semblables à Tin- 
fortunée Cajffandre des- Poètes ^ jufqu'à 
quand ce Peuple ingrat & incrédule les 
rejettera-t-il hont^ufement ? Le Juif aveu* 
gle a laiflé paffer en des mains étrangè- 
res le précieux dép^ de la Religion 5i 



54 



Discours. 



^s Lettres. Il fe repaît des chimères de 
la cabale & des rêveries du Talmud : (on 
ignorance feit fans doute fon bonheur , il 
en eft devenu moins avare , moins bri- 
gand ., moins perfide. 
. Eô-il néceiïaire::^ Meffieurs , de cher- 
cher d'autres prowe^ ; ferai- je le récit en- 
nuyeux de ce qui s'eft paffé chex toutes 
"les nations ?. Parcourerair je Thiftoire des 
héros de la Scélérateffe , pour vous con- 
vaincre de ce que vous ne (auriez igno- 
rer : que l'homme a un fond de méchan» 
ceté qui fe fuffit à lui-même fans le fe- 
Iroùrs , des Sciences î Que j)o^irroient-elle$ 
ajouter à l'ambition de Semisamis , à la 
cruauté de Cléopatre , à la perfidie de 
Mithridate , ou à l'extrême d^ravation 
de tant d'autres ? 

Si nos adveriaires veulent s'en raTOor- 
ter aux faits & à l'expérience , qu ils fe 
tranfportent en Afie. Les Lettres y ont 
régné iiir le riyage oppofé à l'Europe i 
mais leur lumière n'a pas brillé au-delà 9 
ou elle n'y a lancé que de fôibles rayons. 
Cependant depuis ce tems-là toute cette 
région n'a-t-elle pas été agitée par de vio- 
lentes fecouffes ? Combien de fois a-t-elle 



D ï s. c o u R s. 5j 

■^■— — ^— I ^ > ' . ' , ' ^ ' ,j ^^. — ■— — — — ^— — ^ 

changé de^ fç^ître , ^^ que de révoUitipiîS 
a-t-elie ^pçpuvées ? Qvi!bn den^nde auip 
Chaldéens, aux Affyriens^ ,aux Perfes^ 
aux Macédonieps , aux Romains fi les 
Lettres contribueront jamais à ces défkf- 
tres. Mais pourquoi recoiurir à des tenis 
.fi éloignés ? Lesjej^éditjions modernes des 
Sarrafins & dqs Arabes fuffifent pour dé- 
ci^r la queftion. Les Sciçnces & les Arts 
iurent-ils jaipab plus méprifés &c plus 
snaliraités 9 oue ioiis ces barbares vain- 
queurs qui it glorifioient de leur igno- 
rance } Combien ont-ils faccagé de villes 
où les étud^ étoient .floriffantes* Que 
dirai -je de c^sJiles autrefois fi renom- 
mées , d'Ale;iandrie & d^ fa fameufe Bi- 
bliothèque. <pi'Us ont rédidte en cendres 9 
enfin de , toute cette côte d'Afrique oîi 
les TertuUiens 9 les Cypriens , les Auguf- 
tinsont.donne.tant.de preuves de leur 

Îréliie .& 4e leur éoudition î Faut-il dater 
Ci regoe de la pudeur, de la bonne foi ^ 
d€^ rfiuiKiaîûté , depuis que la Patrie de 
ces fairits perfonnàges tfi. devenue le do- 
maine des corfàires & des brigands ? 

On ne peut voir fans douleur que des 
débris de tarit d'Empires fe foit formé ce- 

C4 



■ ■ » • 



15$ D ^ S c a u R. Si 



— ^^■i^i— i*^— 



••^ 



-lui* du libertinagje & de Tirréligion^ O 
^oujde impur is*appkudit au milieu de 
fBabylone , où il ^ établi fon trône depuîs 
tant 4'années. te libertinage confiderse 
•avec complaifance cette feule innom- 
brable de peuples dévoués à la molleffe r 
rimpiété fe glorifie d*avoir affujetti à fesL 
ridicules fuperftitiô^s tant de gratlds gé*- 
nies. L'un èf, l'aiHare fe réjouiflent d*avoîr 
rendue ftérile la plui. «rtite partie dà. 
-monde , & de Savoir ^haogée^ en défertfii 
affreux. Ceft en défigurant les produc*- 
tions de- h nature , en profcrivarit les. 
ouvrages de Târt qu'ils ibnt venus à bout 
de dégrader Thômme & de ternir la doire 
du Grneateur r ils ne pouvoient choiur dts 
plus fûrs moyens ; nuûs donnei: fon ap<«> 
probation à de pareils attentats n'eû-ce 
j>as fè déclarer 1 ennemi: de Dieu &c des 
nommes ? Au contrake q«oi de plus propre, 
i allumer dans Ie& coèuts le teu de Ita-^ 
anour divin que de 'par 9 le- monde de 
tous les ornemens doBt'il.eft iiifccpnble) 
Ceft pour cela que JDieu plaça f homme 
dans un jardin délicieux. Ceft dans la 
même vue 6<; par l'effet d'une infpiration 
célefte que les I^ettres tratailleat de con* 



i , 

Discours^ yy 

i^.^»— — — ii— III ■ —11— ——■——*— 

cert à embellir Europe, oh elles ont 
fixé leur féjour. En effet , Meffieurs , c'eft 
ëàns cette partîe du monde que , après 
vous avoir décrit fes ravages crue Pightf- 
rance a caufés dans l'Afie & oans TAfri* 
que , je vais vous démontrer les avan- 
tages ineftimables cui*ellesnous procurent. 

Il eft évident ou il- n'y a point; de pays 
où l'éclat de la Divinité & la cUgnité dfe 
l?faomme paroiiTent plus fenfiblement qu'en. 
Europe. Combien y compte-t-on de pef- 
fonnages aufli recommandables pat la pv^^ 
reté des mœurs que par les çonnoiflances 
acquiies l Ne font-ce pas autant de fcleîis 
qui portent la chaleur & la- lumîérér dans 
le fein de nos villes> dont les rayons 
fe répandent fiir nos campagnes & pèj^s» 
cent l'obfcurité des plus fbmbres réduits* î 

Les befoins de la vie nou^ impçlent 
tin travail néceffaire qui par fa continuité 
& par l'application qu'il exige , ppurroît 
affôiblir les çonnoiflances que iVùûs avons 
de la Divinité. Mais remarquez à^ quel 
ppint les Lettres forît attentives à adoucir 
ce travail. De célèbres Académiciens s'w** 
cliquent à perfedionner ragriculture ; 3s 
'fi>i^ent eux-mêmes les entraiHeis dé î*: 



.58 p I s c o u Jt s. 

terre , & la forcent par de favans effiiis 

à déclarer jufqu'oil s'étend le terme de 

fa fécoivlité ; leurs foins font abondanf 

'itnent récompenfés : que de fleurs char- 

uits délicieux couvrent 

de plantes & d'arbres 

es nous foiuiùffent à 

: , rutile & l'agréable ! 

; de fes habitans , VEmt 

le l'Univers la plus fer- 

ante. 

raindre que le lâche & 
l'enlevât à la diligente 
es travaux i c'eft â quoi 
,irvu par rétalîliffement 
ciroyens ; & pour re- 
nger , oppo&iit la fprce 
nt (orme les règles de 
quelle des deux de la 
le la fcience des armes 
tnier rang dans notre 
l'il n'eft point facile de 
! & l'autre ont été fé- 
! illuftres. 

Hirs emplois & leurs 
itque peu de perfbnnes 
grand nombre de ceux 



Discours. 



59 



qui vivent fous leur double proteôîon ^ 
par ^uel moyen les Lettres ont-elles pré- 
venu dans la multitiide ^ Toiiiveté & les 
vices qui marchent à fa fuite ? Vous venez , 
Meffieurs , d'admirer leur fàgefle y louez 
à préfent leur indufhie, Elles ont inventé 
toutes fortes d'Arts , qui concourent en 
différentes manières au bien public. Ils 
fervent à étendre ou à exercer le génie , 
à conferver ou à rétablir la famé , à 
exciter dans tous une noble émiUation. Ce 
font eux qui érigent aux aûions ver- 
tueufes des monumens étemels ^'qui aug- 
mentent réclat du Trône , enrichiffent le 
Citoyeo, & fourniffent à chacun félon 
jR>n , état . 6c fes talens une occupation 
convenable.^ 

On a raiibn d'admirer ce qiii fe paflfe 
dans une ruche 4'abeilles : mais à la vue 
de fardeur inexprimable dont nos ou- 
vriers font animés , qui leur fait em- 
ployer toutes les reffources de Tefprit , 
toute Ja^ (latérite de la main pour pro-* 
duire tantj de ehefe-.d'jOeuYre > quel elt 
Yhc^mH aflez javwgle a aflez ftupide pour 
ne pas r^connoître le premier' auteiur de 
ces belles inventions 9 éc potir lui re^fer. 

C 6 



\ 



^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ 



60^ D I s c o u Ks. , 

le tribut (te tmiang^s cpiiî^lui eftdû? Awc^ 
yeux.de tmit hptnine qm fait f#iifer l'Eu— 
rope^fl tout enfemble uft jaipëin de dé- 
lice$ , &(, Tob^t d^une cpotbiutlle admi* 
ration ; car ce n'eft point luie nouveauté, 
de la< voir enfanter chaque jour de nou-*< 
i^aux miracles. 

Au milieu de ce jardin , dira- 1- on , 
comme dans l'ancien Paradis terreftre eft 
placé l'Arbue de vie-, auquel il ^ défendu - 
de, toucher : c'eft la' Religion; Cependant: 
combien d'anioiaux féroces s'efforcent de- 
Uû nuire?. Et d'où lui vient cette pro-^ 
digieufe quantité d'adveriàires , (i Ce n'eft: 
de la part des Xjettrçs , que Ton, regirde. 
mata-propos ^omme le rempart de la foi h- 

Il efl aifé de prouver que les Lettres^ 
ont efFeûîvenjeni-l^honneut de fervip à, 
étendre & à maintenir h'^ReUgion. Elle' 
n^ flit jamais en plus ^nd danger que.' 
l^fque les études^ flirent- langumantes^ ^ 
Au cpn^re^elle n'eut point vdejoiirs plu&>, 
beaux. & pe remporta p<Mnt -de viâcires^. 
plus.fignalées, que lorgne l€?s lettres re-- 
i^aiflàntes l'accompagnèrent au tcfmh^û . 
Faut-il en donner des preuves ? La Oiaire. 
même oii je fuis n^'en â>umiroit ^i^ foule ^ 



Discours. 6n 



JDaîs je n*en veux point- d'autre que ce 
ârah de FEmpereur felien, le plus danger 
reiix comme le plus politiqiie d'entre les 
Kérétiqyies>& les apoûats. R comprit que 
h Religion pareroit aîfément tous les 
coups . qu'il vouloit lui porter y tant que 
ks Lettres veilleroient à. ta défenfe. Infpiré 
par la malignité de fon génie , il tenta 
d'abord de les anéantir.^ Mais I)ieu fttt* 
tes venger en les faifant férvir à te ven* 



-.■j 



g^ance de. fon culte. Il permit que hi. 
Lettres détruififfent l'idolâtrie par l'ido- 
lâtrie même , dont elles dévoilèrent l*ab-.' 
fiirdité , &: firent ainfi* momj^er -la Re^ 
Bjgion de la manière la ^ùs glorieufe 8ç 
la plus éclatante». 

Fîdelles à Tobliga^n oîi elles fdnt de- 
fiuvre coriftamment la voix^^de la vérité. 
& les étendards de la vertu, les Lettres > 
n'avouent pour difciples que les jgens de- 
Ken qui combattent à. leur cote contré 
la licence & l'irt'élîgîomrGeux qui , fédùits- 
par les faux attraits de làv volupté Ôç.du^ 
XRenfongé , abuienf de leur gétlie & de 
leurs talens, pour faire tomber les autres 
daqs les mêmes pièges , font autant de 
déferteurs qu'elles mèconooiflfent y 6c dont 
tUes. abhorrent la.perfidie. 



^ '9 ■ ■ ■ I <p I ■■ ^g , 

6x Discours. 

•M»— I ■ I . I I I ■ ■ 

Il eH vrai que malgré tous leurs efforts, 
elles ne fauroient étouffer le dragon fu- 
rieux ^ cet éternel ennemi de la Religion , 
qui précipite du ciel les étoiles j &C dont 
la bouche impure vomit fur la terre un 
torrent de livres impies : mais faut-il pour 
cela , dans Taccès d une douleur aveugle , 
imputer aux Lettres les crimes de ce 
monûre } L'ignorance eft - elle donc la 
{eule compagne de l'innocence & de la 
probité ? Pourquoi charger les Lettres de 
nos propres vices , lious qui fevons qu'il 
n'eft pas même permis de les flétrir en 
les appliquant à d'indignes ufàges ? Les 
traiter de féduôr^ces , vouloir les con- 
damner à périr , n'eft-ce pas imiter Té- 
garement d'un fiurieux , qui prenant fon 
iȎdecin pour un. emppifonneur , fe jette 
fur lui , & veut lui enfoncer le poignard 
(ians le fein ? Quel pronoilic moins 
équivoque de cette barbarie ^ dans la^ 
quelle on craint que nous ne foyons bientôt 
'replongés! , 

On nous oppofe l'exemple des Lacédé*^ 
moniens. Excellens modèles, , Meffieurs ! 
Achèterons -nous comme eux, par le re* 
inoncement aux douceurs & aux comme* 



\ 



Discours. 63 



dites de la vie ^ le droit d'être ambitieux , 
injuftes y adultères , ennemis de la liberté 
d'autnii , & nous ferons - noxis gloke de 
reifembler à de vils gladiateurs ? Si les 
loix de Lycurgue contiennent quelaue 
chofe de bon , à qui en £iit-on redevable 
fi ce n'eft aux Lettres ? Ces anciens Ro^ 
mains , dont on évoque les ombres ^conune 
pour nous Êiii:e rougir en nous confirons 
tant avec eux , n*avoient-ils rien empnmté 
de Pythagore & des autres Légiflateurs de 
la Grèce ? Les Fabricius eux - mêmes , les 
Curius 9 les Fabius , puiibient dans les Let- 
tres les notions de la vraie vertu. Cet 
amour de la Patrie dont on leur £à\t tant 
d'honneur , qu'étoit-il chez eux ^ fi vous 
en exceptez un très-petit nombre „ finoa 
rinjufte confoiration d'im peuple de foldats 
qui afpiroit a la conquête de l'Univers j 
le fentiment d'une ambition effrénée , qui 
enivrée par fes fiiccès donnoît aux nations 
vaincues autant, de tyrans ^ que Rome 
avoit de citoyens î Auroient-ils été capa?- 
blés de ce défintereflement dont notre aa- 

fifte Souverain a donné de fi belles leçons 
fes alliés & à fes ennemis mêmes ? Si les 
Spartiates y ainfî que les Romains avoient 



$4 D I s c o u R Sr^ 

^u autant d'amour que lui pour réquité ; 
s*ils avoierit cherché à commander* aux: 
hommes pUitôt par la fegeiïe des^4oix que 
par la force des armes ; fi leur Sénat s'étoit 
conftamment appliqué à devenir pour les»; 
autres nations un modèle de modeftîe & 
de bonne>foi , nous leur accorderions vo^ 
lôntîers les éloges que nous refufons au- 
mafque de la vertu : mais en fiippofant 
qu'ils auroient pris: la vraie vertu pour 
guide , il ne faut pas croire qu'ils reufferit. 
feit fans le fecours des Lettres. 

Ce font les Lettres qui donnent un luf- 
tre incomparable à la vertu : -celle-ci a des- 
charmes , il eft vrai , qui lui font propres ^ 
& qu'elle n'emprunte que d'elle - même ; 
mais fembiablè à l'aimant qui a befoin 
id'être armé pour développer toute fa force, 
ta vertu ne peut cueres fe paffer de la 
fciençe. Seule SciUAée , elle paroît l'effet 
xl\m caraftere dur, on d'un génie fhipide. 
Pour emporter tous les fuffraees, il faut 
^lier la piété à l'érudition. Cet heiîreu* 
accord difîipe le venin dé l'envie , réprimé 
ïaudace de l'impiété , chafTé les vaines 
terreurs qu'infpire la timidité. Il n'ëft per-- 
fonne qui n'emhrafTe volontiers le parti de- 



Mi^U«i 



D I s c o u R s.. €f 



h v^rtu gitîdée &- éclairée par la fciencë#- 
Qiî iKHiis dt^ je ne feis quel' peuple , 
-mÀ n'exkte peut-être nulle part, fi ce n'éft 
dans les <i^criptiens des poètes, dontlcis^ 
mœurs ^^ dit - on ,. font fi. pures ,. qu'il nie- 
connoît pas même le&^paflîons. Hxioît fo|i. 
-^innocenceà une ignorance profonde qui 
<lui iilter^le5 connoiffances les pdus coxïi- 
tâiunes; G^eô un ipeiiple d'ûîfaiis , tant îl 
-a de doticeui» /-de^. candeur & de fimpli- 
'Cité. En ftippbfarit la y^ité de ce qu*oh 
avance ainfi,;jèiroiis dsmai:de,Meflieurs*, 
fi rintellige^îce Ai Créateur brille av.et: 

Éis (fâVântag^ -dans' les jeux puériles , od- 
ocCïiçati^hsfrivolès de ce pleuple îgnc* 
iant ^. i|Uëîicfehîi: fe^ pfenfées ât 

les €iâ*ons hérdïqi'ies du fàge Â>nt l*efprit 
€ft paré des richeffes de la fcience ; noii 
^s douté , on ne- connoît point la vertu ^ 
forfqti'àn n'a Jpâs de notion dii vice. 11 
y a plus de gi^rtidëUr, à être vjertueiix jwir 
goût & par choix , à réprimer par la forcé 
3e rame la vrvacité des paffions,à étendre 
F^n^ire de la raifon par fes mœurs & pai* 
i^s écrits. , qu'il n*y en auroit à triompher 
dû vice par l'ignorance & par Tinaftion^ 

Le peugle dont on nous parle tient: gijècîr- 



t I ■ 1' I ^ . 1 1 ■■'ir"imjjia Mi> 

66 Discours. 

mm^mm I ■ iiiiiii .1 ''' . . ' ,. ' «^^pi— P— i 

féipent le milieu entre l'homme & la 
brute ; mais lliomme i^iii fç diilingue par 
la vertu jointe à là faence , s*éleve au- 
deflus de lui - itiême j &c fe rapproche de 
la Divinité. 

Puifc^ue telle efl rcxcellence d*un pareil 
homme , que lui feul, remportejiu- toiÉt 
un peuple > quel bonheur pour tous les 
ordres de l'Etat , quelle gloire pour le 
Créateur & pour nous - mêmes qui fomr 
mes fon ouvrage , û Pefprit & les talens 
étoient toujours réunis -aux qualités du 
coeur & à l'amour de la religion ! Quel 
inagniiiqûe fpeâacle ! quel agréable con- 
cert! Un parterre émaïUé de fleurs, le 
ciel étincelant de mille feux nous ravif- 
ifent &c nous enchantent; mais la terre 
parée de tant d'aftres animés qui fe prê* 
teroient mutuellement de Téclat n'auroit- 
clle pas droit de le di/puter aux Cieux î 
Au lieu d'être le marchepied du Très-haut, 
elle pourroit devenir fon trône , & aug- 
menter la Cour des fublimes intelligences 
qui l'environnent. 

Cette vuç du bien public a excité en 
fcveur des Lettres le zèle d'un homme (*) 



Discours. 67 



M iw ■ I iitm^mmmmmmmmmmm V 



également recômmandable par fa conduite 
& par (es ouvrages. Il a affigné les pre- 
miers fonds pour la diflribution de nos 
prix. Simple particulier , le plan qu^il 
forma n'avoit pour but que le progrès de 
ouelques Arts ; quelle feroit aujourdliuî 
A joie , & combien fe fentiroit - il honoré 
de voir le Sénat de la nation , le premier 
Parlement du Royaume confacrer à Tuti- 
Iké puUique la iburce d'une û louable 
émulation, & répandre dans tout le monde 
par le moyen de l'Uni verfité & le fruit dn 
bienfait & la gloire du bienfaiteur l 

Cette fondation s'eft accrue pap la libé» 
nlîté d'un homme célèbre (4 1, occupé 
pendant im grand nombre d'années, à^'l^'éaâ- 
cation de la jeunefTe ^ qui non content 
d'avoir formé {es élevés à la vraie élo- 
quence & à la belle poéfie dans kfquellés 
il excelloit , entretient même après fa mott 
le goût des bonnes études. > 

On n'eft pas moins redevable à ce zélé 
Citoyen (*) , le digne émule des Elzevirs 
&c des Etiennes. Epris des charmes de la 
Langue & de l'éloquence latine , après 

(a) M. COFFIN. 
U) M. COIGNARD. 



• ei|,"M ' ", ■■ ' , ,' ,. 

'6S D I s c o u R s. 

^ousavoir donné de magnifiques 
de Cioéron & d'autres excellens Auteurs »; 
<il retient par un prix conâdérable les muiesi 
Romaines prêtes à^ nous quitter. L'étude* 
4u latin pe fera plus négligée^ confàcrée 
d'une part à Timmortalité dans des livres* 
parÊtitement imprimés , ôc cultivée de 
l'autre p^ Iès^bouches éloquentes (pi'excite 
•la géiiérofité Ai fondateur,. 

Tels font les fehtimens de ceux à quB 
TOUS devez les couronnes qui parent vos 
têtes 9 jeunefle chérie.^ votre fort fait des- 
}alou:ic dans les Provinces & au-delà d^ 
-îiinkes de là France^ Je n^ai pas beibin de 
îvous exhorter à ne jamais-ouMier ce^ur 
^n>΀« pKisbeaux de vojrevier- It'ardeuf^ 
& Pempreffement que vous faites paK>îtFej: 
ine font de iurs g^arants que vous en con*- 
lèrverez précieulement le fouvenir J Mais- 
*e que je ne puis aflfèz vous recommander^ 
c'eft d'avoir fans ceffe devant les yeux-^ 
quelfë eft là fin qu'on fe propofe en vous 
couronnant de tant de gloire ;, pourquoi 
cette augufte Cour fufpend fes importantes 
fonâions; ce qu'elle attend de vous pour 
ion fervice &c pour celui dé la Patrie ; ce 
qu'elle exige encore au nom de la Religion! 



D 1 s c o u R s, 6^ 



dont elle eft ki protedrke ; pour€[uoi tant 
d'illuftres Citoyens lionorent votre triom- 
jdie de leur préfence : enfin , quel eft le 
jafte retour que vous devez à l*Univerfité 
pour les foins multipliés que votre éduca- 
tion lui a i:outé. Que h Science dont cette 
tendre mete a dépofé le germe dans voïre. 
efprit , n'y dégénère jamais en oftentation 
ridicule, Soyez favans fans i>i:gueil , fuyez 
une iruriofité téméraire , ayez de la dou- 
ceta- , de Taffabilité , & montrez par le 
ion emploi de vos veilles , que vous 
afpircîz ^ la ^oire $C au titre de bons 
Citoyens. Tels font les devoirs que prêt- 
ent cette Affemblée par ma bouche ; voilà 
ce qii*attendent de vous nos Provinces qui 
■ont les yeux fixés fur vous. Prouvez aux 
adverfàires que nous avons combattus dans 
i:e difcours, non par Tautorité de nos 
maximes qu'ils ne veulent point recon- 
noître , mais bien par la fageffe de votre 
conduite , que fUniverfité ^s fes leçons 
ne fe borne point à un vain arrangement 
de mots-; mais qu*elle vous a appris à ne 
chercher dans les écrits des anciens que ce 
qui peut contr&uer à perfeûionner les 
^Dioeurs & e/clairçr la niifon j qu'ils jappren-. 



70 



Discours. 



nent enfin de voiis , & que votre exemi^ 
foit contr'euîc un argument fins répliquCi 
qu'au lieu d*être des hommes frivoles ou 
dangereux , les gens de Lettres font 1» 
plus zélés défenfeurs de la vertu , & qut 
leurs connoilTances contribuent infinJAieiil 
à l'affermiflemem de ibn empire. 



réfutation;', 

JDu Difcours qui' à remporte U^Tfix dt 
t Académie de Dijon en tannée 1750/ 
lue dans une Sianu de la Société Royale, 
de Nancy ^ par M* Gautier ^ Chanoine 
Régulier, & Profejfeur de Mathématique 
& d^ffyioire. ( a ) 

^ETABLISSEMENT qu€ Sa Majefté a 
procuré pour Êciliter le développement 
des talej3^.& du ^énie , a été indlreftement 
attaqué par un ouvrage , oîi Ton tâche de 
prouver que nos wies ie font corrompues 
a mçûire que nos fciences $C nos arts fe 
font perfeâiopnés , & que le même phé- 
noîneiîjÇ s'^ft jo^fervç Bans tous les tems 
& dans tous les lieux. Ce Pifcours de M* 
Roiifleau renferme plufie^urs autres propo- 
fiti^ns i dont il jeft'trèsrimportant de mon* 
trer la feuffeté , puifcme , ftlon de fi vans 
Journalîlles^îl parpit çapa}>le de ftire 
luie révolution danl» les idées de nptre 

C^y ^^ttouiSreau répdndU à cette réfutation par fa lettrt 
à'M. drimm qui d: trouve 4 U' page $7 d« troifien^e volii* 



■W»^»" 




71 il £ F UT AT I^ N- '' ■* 



t - • - *v " ^ , V 

^ecle. Je conviens qu'il eft écrit avec une 
'iSiâleur peu commune , qu'il offre des ta- 
bleaux d!«ûe touche mâle ^ correûe t 
;plus la mamere dé i:et ouvr^gp eô grande 
^ hardie , plus il eft propre à en impofcr, 
ii accréditer des maxime^ perJiiciçufes» Il 
ne s'agiî pas ici de ces paradoxes litté- 
raires, qiu permettent de foutenir le pour 
•ou lé contre; de ces vains fujets d'élo- 
quence ^ oh Xji^ïi feit parade de penféesr 
iïitiles , iMénieufement contraAéçs; Je 
Vais , Memeurs , pkider une cauft 'qiu 
întérefle votre bonheur. J'ai prévu qu'en ' 
ihe bornant à montrer conibien laplnpart 
des raifonnemens ( h) de M. Rouffeau font 
défeâueux , je tomberois dans la féche- 
reffe du^ genre polémique. Cet .inconvé- 
nient ne ma pomt arrêté , perfuadé que 
la folidité dHme réfutation de cette naiure 
fait fon principal mérite. , . . ' ' ' ; 
"Si , comme l*A\itéur ie j)i'&6rtd , k$; 



(.h) II y wroit 4c llnjiiftîcc à dire que to^s l«s, saifonne, 
mens de M. RouiTeau font défeftucux. Cette 4>ro^6fîtfo'ii doit* 
^tr p . mndifié e> il «i^Wfp hfan5.ftnp (ci\x\^f^ r^Mrf'ttrt llrrf 
avec force contre les abus gui fe gUffent (<*n5 4e$, Am A 



«« 



D E.^M. Gautier. yj. 

* 

Sciences 4épna vent les mœur^^Staniflas le. 
bienùl&nt^ fera donc blâmé par la poûié- . 
rite d'avoir fait un établiffement pour lesr 
rendre plus floriffante^ ; & fon Miniftre , , 
d*avoir encouragé les taiens & fait é^clater ^ 
les fiens : fi les Sciences dépravent les. 
moeurs , vous devez donc détefter I^édu- 
catfOh qu'on vous a donnée", regretter' 
amèrement fc . tems qi^e vou» avez em- 
ployé à acquérir des connoifTances , 8f 
rq>ea^r ' ^ 
pour voi 

.„:eur quej , , p, — ^„, 

ignorance : il paroît iauh^kçr qu'on brûle. 
\ks bîiJ>lioih4quepî/il\jav(ï^e q^^^ 
4ç frowt p^v^ fie qui^ fait ^ourd'huiîi'pd^^ 
iplimtion 'des hommes , éf, q\^'û ne peut 
s'atjtemire qu'à iia blâme ^verfel ; maisr 
it €Cffl|?te,ffur, les: JMpgefi de*; (m\e$ik 
ifenir. If pmm l^rep^pofp^^y, ^e^ ick>ii-r 
^on$ point j cfu^ndl'cEiyrODej^efflPïbefîi^n* 

4FtÇ tÇ^^# j^i<«fig|i##piït in(Qlepm»« 
lîîg»WS»nÇP &î.fefrtte<*té;;. J „; ,,: , . ., ., 
.. }ipilf a];^]^ 4^9! iS^A^Çi^ à dii^utf^r j[ 
lV»;dfc^t,r)>jit«t^,/l^^^^ «Nyiis^exart 
«l»nierons,,,^j^%j^H?#;Lei:^^ 4!?ifi% 

Ji^//* i/^ Ai C(?//^(;» Tome L O 



7i4. Réfutation' 

Dîfccrtifs , fi les Scrences & les Arts ont 
cîMïtribiié à' corrompre les moeurs ; & dans 
1ë -feconde , ce qiii peut réfulter du pro- 
grès ' dgs Sciences &c des Arts conlîaérés 
en eux'-mêmes : tpl eft le plan de l'ouvrage 
que je critique. 



• ' P R £ M IB R£, P'J4 RT I É. 

A- Vant, dit M. Rouffeâli , que l'art eût 
&çonné nos ma'hîerès , &' appris à nos 
paffions à j^rler un langage apprêté , nos 
itiÂiiir& étôitilt ruAi^ies , mais natiiréRes, 
actedi^pOtcé dès pfécedés.iiiarquoit au 
plenkitl- icoup-'t^œil'fièttË de9'cartôéI'es^ 
la nature hamaine 6ii"fbnd n'étoît.pas 
ineilteui^^ mai^ les hommes troûvoient 
iBurfkàrité'dand le ^lit^ dé le pénétrer 



DE' M. G'aut lï K. ^5 

«iotreiiecle. NonSa^onsles apparences de 
toutes les vertus , fans en avoir aucune. 
*' Je réponds qu*en examinant là fource 
de cette politeffe qui fait tant d'iîonneur à 
jlotre fiecle , éttÉtnt de peine à. M. Rouf-' 
fcaii , on décbuvré aifément cèrhbi^n -elle^ 
ëA eftkhabid Ocïl le^efir <ie plaire xlans*^ 
la fociété , <j\tt eh'^a feît prendre Te/prit.^ 
"On 'a'^tudié les hommes ^ leurs humeurs j^ 
leurs caraâferes , leurs defiirs , leiu^ befoins,* 
leur dmbftir*-pr6pre. L'expérience a marque 
ce qâi ëéf>laît. On a ànalyfé les agjrémens ^^ 
dévoilé Jèurà caiifes ,- appré<^ie le -mérite , 
diftingué fes divers degrés. ETune infinité' 
cfe' AiîoiW fur le beau, l'hôbèête&Ie 
décent , Veft formé \\n art précieux , Fart 
<te -vivre apv^ec les hommes , de tourner^ 
noii befoins en ; pkîfif s , de répandre des* 
<âfehiîês^ dans là édriVerfàtion /dé feàgner ' 
lîefprit t:[af fed^dîfôoftri &^es cœurs par 
fér pr4>oédés. tgafds , aftfenîî^ns^, com{^i. 
fatlcès^,' ^réyertattcW , tef^tî , autant de* 
liens ' <(ttr hotvs ' ■ aftaithent * riiutûeHement. 
Plus 4a<pWète(feryeft perfeâiôhhée-, plus' 
la foéiété'à'été^tîlé aux hômmeàj on s^eft 
pîiéâttj^'bièûféânccs, fonveht^plùs jîîiiflàn- 
tt^èfiit ftk iflévteir^ j les ftfclîitatiôns- font 

D z 



76 RiFUTATlON 



devenues plus douces ^ les caraâeres phis 
lians 9 les vertus focbdes plus communes. 
Combien ne changent de difpofitions que 
parce qu*ils font contraints de paroître en . 
changer ! Celui qui a des vices eft obliger 
de les déguiier : c'eft pour lui un avertit-- 
fement continuel qu'Û n*eft pas ce qu'il, 
doit être ; fes mœurs prennei^ infenfime- 
ment la teinte des moeurs reçues. I^a. né- 
cef&té de copier fans ceiTe la vertu , ^ rend 
enfin vertueux ; ou du moips fe^ Yic^ 
ne fopt pas conts^ieux , conime ils le fe^-^ . 
roient, s*ils fe prefçntoient 4e firon$ avec, 
cette nifticitéque regrettf moA adyerfaire. 
Il dit que les .honunes tfoyy.oient jf ur, 
fécurité dans la facilité de fe pénétrer th- 
ciproquement 9 Qcque cet v^antage }eur, 
4pargnc^t bien des vices. .|i n's^ pas wpSt-*^ 
déré que la Nai^ire hnaïaHI^^ ti <^t p^> 
meilleure alprs , comn^e il l'avoué « la 
fiiilicité n'eiT^pêchp^ paf ,1e dégidf^nant^ 
On en a foxis les yeux )U9e pr^uv.e iîm$ 
réplique : on voit des nations dont le$ 
manières ne ibnt pas Êiçonnées^ ni le 
langage apprêté , ufer de 4étQurs , de diA: 
iimulatioçsi^d'ar^i^es 5 tromper adroite» 
ment ^ ^ qu*9A puifle so, roiuîre 



^ 
t 



DE M. Gautier, 77 



tables fës Belles -Lettres, lès Sciences & 
les Atts. D'ailleurs , fi l'art de fe voiler s'eft 
'peffeâionné , cehù de pénétrer les voiles 
a feit les mêmes progrfc. On ne juge pas 
des hommes fur dé lîmptes apparences; 
X>n n'attend pas à.les éprouver , qu'on foit 
dans robligatîbn indifpenl^ble de recourir 
à le&rs bien&its. On cft convaincu qu'en 
'général il ne &utpas'compter fur eux, à 
ntoins qu'on ne leur plaife , ou qu'on ne 
leur foit utile , qu'ils n'ayent quelcpie in- 
lérêt à nous rendre fei-yice. On fai^ évaluer 
les bf&es ipécieufes de la polite flè ', & ra- 
mener As expreffions à leur fi^ifîcation 
ïeçiie. Ce h'èftpas qn'il n'y ait une infi- 
nité d'ames nobles , cmi en obligeant ne 



WJ 



\jBo * RÉPUTATION 

pluiieurs autires caitfes qui n'influent pas 
moins que l'abondance fHr cette dépra- 
vation ; Textrême pauvreté eft la mère 
de bien des crimies , & elle peut être jointe 
àyec une profonde ignorance. Tous les 

* faits donc qu'allègue notre adverfeire , ne 

* prouvent point que les Sciences corrom- 
pent les mœurs. 

Il prétend montrer par ce qui eft arrivé 
en Egypte , en Grèce , à Rome , à ConA 
tantinople , à la Chine, que les Arts éner- 
vent les Peuples qui les cultivent. Quoi- 
ijiie cette affertîon fur laquelle il infifte 
principalement paroifle étrangère à la quet 
tion dont il s'agit , il eft à propos £en 
montrer la faufleté. L'Egypte, dit -il, 
ylevintla mère de la Philofbphîe & des 
Beaux-Arts , & bientôt après la conquête 
de Cambyfe ; mais bien des fiedes avant 
cette époque , elle avoit été foumife par 
*des bergers Arabes , fous le règne de li- 
maiis. Leur domination dura plus de cinq 
cents ans. Pourquoi les Egyptiens n'eu- 
rent-ils pas même alors le courage de fe 
défendre ? Etoient-ils énervés par les 
Beaux- Arts qu'ils ignoroient ? Sont-ce les 
Sciences qui ont efféminé les Afiatiques , 



^^f' 



DE M. GkyrijL^R. 8i 



& feddu lâdi^ à l^excès tarit de Nations 
barbares» de rAFiique- & de VAmérique î 
LesvISoîresqiiel^ Athéniens Tctnpor- 
tecent fur les Pcrfes Se fur ^ les Lacédé- 
moûiens même,, font voir que le^ Arts 
peuvent s^^âbci^r avec la vertu tnilitairei 
Ijeur Goùvemeaientj' devenu vënaffôus 
Periclès, prend «tme nouvelle fece't Ta^ 
moufidujdaifur étouffe leur bravoure , les 
fondions les plus honorables font avilies , 
Kmpunhé multiplie les mauvais citoyens , 
les fo;ids deftinés à la guerre font em- 
ployés à iiouh-ir la molleflfé & l^oifivetéi 
toutes ces caufes xle corruption , cjifél rap^ 
port' ont-elles aux Sciences? ; 

De quelle gloire militaire les Roniâin* 
ne fe wnt-ils pas couverts dans le tems 
que la littérature étoit en honneur à Ro- 
»e ? Etôieiit-ils énervés paf; tes -^rts , lort 
tjue Cicéron^ difoit à Céifat" : vous avez 
dompté des Natidns feuvages & féroces , 
irmombrables par leur multitude , répan- 
dues au loin^ en divers" lieux ? Comme 
un {exA de ces faits fuffit pour détruire les 
râifonriemens de mon adver{àirc , il fe- 
rok fe^ttile tfinfifter davantage, fur cet ar- 
ticlçr'<)n€9JMçft ks-çaufi^' des révoW- 



1,1 11^ ni I II IMI ■» 



ces ne poiffroient QpinribUer.âb leurddé^ 
cadence, qu*au cas ^eceiuc qui. fout def- 
tinés ^ à ; Ies^ ' d^fendrje ^ s'pcaipevoiértt * xies 
^iençe^ ag point ^ oégltgi^t leuf s fooo 
lions nûlit^ire^; ;dao$.^cçttç hpço&ion'^ 
toute occupation: )QtfaBgere knh Jgucrri 
guroit ies mêmes . Ànles. L î . j j ^ 
M^. Roufleau , pour aatO^trer mue Tigno* 
rance préferve les mœurs de la corrup- 
tion , paffe ; en i«vue les Scythes , lei^ 
premiers Peifes , les jG^rmaJns ôcles Rot 
maii^. dan^r lefi pr^çiier^ tems -d^. leur 
JÇépuhUquç; 6f il dit.q^tecçsP^uples.ôat, 
pkr leur vertii , fait Jeur propre bonheur 
&rex.emple des autres Nations. QnaVôuê 
que Juftin a. fait un élog^ magnifique des 
Scythes ; mais? Hérodote , & des Auteiw^ 
.t:ités parStrabon,,^? regi-éfentieritcôijim^ 
une Nation cfes plpsi^^ces%. 1}^ immo- 
loient ail Ûieu Maf^ la i6i}Vîui^m#-|»r$ie 
'de leurs prifo'nniers ^ /SÇ: prevQÎ^pt: . Jei 
,y€ux aux autres. A TannivierfaiFe d*i|n Roi^ 
ils étrangloient cinquante de (os, oipi^ers. 
Ceux qui habitoient> yers ,1e PontrEiftip 
fe naurrifloient delach^,de% 4^5waiger$ 

;iiui ^arxiyoiént chez etuç^^/jij^^^ft^^ 



;: '^^ 



J 



I i . I ■ geen 

DE Nt -Ga^utieh. 8} 

dîverfcs nations Scythes offre par-tont des 
traits , ou qui les déshonorent ,* ou qui 
font horreur à la nature. Les femmes 
étoient communes entre les Maflkgetes ; 
les perfonnes âgées étoiemt iihmolées pdr 
leufs parens , qui fe régaloitnt'xle leurs 
chairs. Les Agatytfiens ne vîvoient- que 
de pillage -^ &c àvoient leuis femmes= en 
commun. Les ^AJltropophages ' , au ' rapt- 
port d'Hérodote, étoient injiifles & in*- 
humains* Tels furcpt les Peuples qu'oh 
propofe pour exèmpïe aur autres nationf, 
A Pégard des anciens Perfes., tout ^ 
monde convient fans doute avec M.RoUin 
•qu'on ne fauroit lire fans horreér jufqubîi 
ils avôient porté Poublî & le mépris des 
loix les plus communes Au Isl tisture. 
Che^ cuxi toutes^ fortes .dSnèeftesifétoicilt 
^utcxcifés^ lisais là Tdâotu^ Sacerdotale^ «en 
Qconféroit ' piéiquebtQu joiuk les:^ prenâens 
-dignités ^à t cemo i^iiirJétoientsoés du i|àa- 
râge •d^ohifijç dvEcfii tnere* H ^fettctt 
^*ils. iiiifent bien<]cr«els , îpoiir\fti&e 
mourir des cbaânSj^dans/.ie .fêov'qstfjjfs^ 
Oldoroien^ :'';''/•:''-"»:•!:'. :fôj»'/r 1 ^^K uLn 
- Ijbs : xoulclirs . idqntî ÎPqmpijnîiii^fîil^a: 
:peîiit Us Geriiiàii^f* n^ iemnt/pisi^fiâlp 



^4 -R-É FJJT A T I O N . 



■ ■ ^ 1 



non plus l'envie de leur reffemMer : peuple 

naturellement féroce , fauvage jufqu'à 

manger de la chair crue , chez qui le vol 

n'eft point une chofe honteufe , Se qui ne 

Tcconnoît d'autre droit que fa force. 

; Que de reproches auroit eu raifon de 

&ire aux Romains ^ dans le tçms qu'ils 

ji'étoient point encore familiarifés avec 

les Lettres 9 un Philofophe éclairé de 

-toutes les lumières de la Taifon ? Illuftres 

fBarbares , auroit-^il pu leur dire , toute 

.votre grandeur n^eft qu'ira grand crime. 

•Quelle fureur vous anime & .vous. pOrtê 

à ravager fUhivers ? Tigres altères du 

fang des hommes, comment ofez-vous 

mettre votre gloire à être injuftes , à 

, vivre de pillage , à exercer la plus odieufe 

mannic ? Qm vous a donné le droit de 

iiUfpofer de nos biens & de iioStvies , de 

i nous rendre efclaves & malheuareux 9 de 

-tépandre par-tout la lierreur 9 .la défola- 

^ôn & la mort j Eftroe la gfandeiir d'ame 

dont vous , vous piquez niO déteftable 

grwdeur , qui fe repaît .de miièrei & de 

calamités ! Ivacquérez-voiis d^ prétendues 

,veftii^ 9 que pour punir la' terre; de ce 

gn'dle» vou$.Dnt cqi^l£â:-tie Ja fotce } 






DE M, Gautjer. 4hi 



■Ma»«aMMM*« 



Les làii dé rfaïunanité n'^n ont donc 

plus ? Sa yoix ne fe Êit donc pcdnt enr 

tendre à vos coeurs ? Vous méprifez la 

volonté des Dieux qui vous ont deftinés, 

ainû que nous, à pafTef tranquillement 

quelques inftans fur la terre '; mais la 

peine eft. toujours à côté du ctim». Voos 

avez eu la honte de:paffer fous le )Ottg , 

la* douleur de voir vos armées ^^taiU&s 

en pièces 9 &c vous aurez bientôt celle de 

voir la République fe. déchirer par fe^ 

pBopres forces. Qui vous emptèche ée 

piller une vie agréable dans le iein de Ja 

^paix 9 des arts , ^jdâS' &îettC€S ëc de ^ta 

vertu ? Romains, ceflez d'être ihjuftesï; 

ceifez de porter en tous lieux les hoi«- » 

reuiî de la guerre & les crimes qu'eUe 

entraînée, :. j -j yt'-^ ^' -'* 

Mais je vçux qu'il jjr ait W des nktiotls 

- vertûeufes dans Jei fem de l-ighoràwsc^; |e ' 
dcniandéÂ^^ tfeftffâS àdestloix ftf^, 

- nraûiteniies avec vigueur, Wcepritdiaûèie, 
& non pas ià la pçivadon des Art^ , 
qu'elles ont été. redevables de leur bôn- 
lieûr<^i£n. vain^piétend-ofl que^Sôcrâle 
in^mô fiC:Caton pnt décidé le^tLettrà; 
ils m ^fiurent ^àis iie»*<apologifte$ 4ct 



- /' 



86 . RÉPUTATION 

rîghoraBce, Le pliis iàyant éés AthênieiJji^ 
-avoit raifon de dire que h préfi>mptioii 
des hommes d^Etat, des Poètes &c des 
.Artiftes d'Athènes , temiflbit leur fa voir 
à fes yeux , & qu'ils avoient tort de ie 
.croire l€;s phis âges des hommes ;. mais 
ta blâmant leur orgueil & en décrédi- 
.tant lesî Sophiftes.^ U né iàifoît point re- 
loge de l'ignorance , qu'U regardoitconfttie 
le plus grand mal/ U aîmoit .à .tirer des 
ffons harmonieux de k lyre , avec la 
Hmaia.dont il avolt feit îes.flatues des 
.' Gràces«} La Rhétorique , la Phy fique y PAJP- 
strooçxfùer ^ent Tobjet de fe& études ;. éc 
*iielon Dîogeiie Laërc^^ il tra)i^fl]a aux 
, ^tr^gédèes d'Euripide, ib -eft-vrai iju'fl s'ap- 
tpliqua ^principalement à Êôre une fcience 
de iâ morale^ & qu'il ne s'ima^oirpas 
;fksif>n <:é> ^iv'ilîine^ lÉaroh /p8SJ^ cÔ^ce là- 
- feyouifrr lilgnofenccih fDoifc-elfe, fe; pré» 
^ valoir /du dechaîncn^eht de FaïKrîen* Catèa 
^ CQ^er ce5} difcçurcucs .artificieux v contre 
^eçs/.Gpecs qui apprenôieùt aux Romams 
*f art fuoefte de rendre: tioutes les . Vérités- 
T douttfufes; Un des^ îchçfs r de la ! troifieme 
;A^dé9iie^ Caméade , thontraitt ent|u^ 



^ I ' i \ n^M\ ^ssssssaeatsm 

qtfil avQÎÉ: viétibli, le > j^Fi^^riéeédem ., der 
voit natureïïement prévenir. Yefyrit de ce 
jdéiHeUrtoi«!îre'lft 'littérature cïeç Ç^ecs» 
^tf0. ^i\^€a(^i<5in ^ à là; Yi^té:> :s'^n<Ut 
^rop ioib î> alf rea fontit rinjuft;^je, ^ t & in 
irépa»^efij:0pj^enirtt\la 'Ja^ç^Ô^^gflUftt 
.my>i^tt^aY^0èi e» |2(f ^ilrr Wrt»a ;iî^ %tf? 

M 9 &'eriri^it:ie5 ^i^yf^ges^desm^î^es 
& de^rfaift qu'il en tm% LJ^ffrlo\\t^re,^ 

,fe'M^lne)^1'Hiflpil* 4ç >e^?«:c»lpfediW^ 
itti^ ms(3^re&jBXiei«e«9at.>fo:tpîat?ijr. îCef 
.traitfihlbiifefroirr^tfie yl& 50criMîe,& (Catfiô 
-^lffe«f éftt?-lefljçfgee^e Jii^l^^ ^ik ffe 

-feati , r-qdiv-^ii ?fe^jreufefla^ .cultiva }© 

^ftffipaè}||i(^JÎW jg ^W^ ii^0x{86ttî^ 

•hj ^s^r^jqtfôl ^*5<3St:eiîrf4<Ç/- ^jfti<ii%V 

^onnoife^c^ |>âAS to«§ ies'temstott.ja 
vj^^^ 4^'A^§^IS décrie? lents fie)d03 .^ 



€8 'KÈ^Vfr^Â>rroi^i 

mé , à bfâinèr et tjyxi eft lôiié j de gran^ 
tleurr, à âégt^d^t ce qiie le^^hommes lefti* 
inent le plus. ' \. -. . 

' La- riieilleilfe m^iere ' de' décider ii 
toieftiofl de feit dont il 'S^gH, eft d^xa*- 
mmtrA'étSit âfhiél'^dei mœicrâ d&^to)ites 
Je^ ftâtiortsi Or il réfiike # cet eJcamèn 
^iif^ittiparriakhîfent ^ que lé^ Peuples po>- 
•lkés>& diflirrgués par bi ciiltute de^ Le*- 
4xe$ & des Sciences , ont èrf général- moins 
4deî vices q^e ttiix i qui ne le font pas. 
-Dàbs^ la -Barbarie ^ dans la plupart xks 
^ays OriéWaux^Trég«m dô^'TiCjW qa'tl 
«nef côhvieAdroit pas ^mj&me idef t^mïnef. 
^i *vous-^ai»60i|rez les divers Etals d'A- 
-frique y vowj! 4tes étonné de voif tartrde 
fbiipléi feilféànis y fâches ^^^fiMirbes ^ ftraî- 
^t^s , a^af ês' ['■ <Jrtéls y ^roteV3a^'-& ^ébau- 
^Jthh^'Ùt; f<^f-établ!ir ide« lu^ftgei^înkû- 
tîn^rfS ; -ici , ritTiï)udteflSi èft ' ^uforijféé pîar 
^«fLoixi Là,' fe Vf îgândâgei 4c:4e iHetiVtre 
^fônf' érigés' en ^pi!ofeflîon$ j icty;<^' ^ 
teitemeht barbare y^ qu'on ie^ ^hoferît de 
-chair lîiimaîilêl Ifenë plifReat^'Vqyâ\iittes 
•les îmarli vendent léttrs feWHîés & leurs 
^enfafts j en ^^îir^ on^ facr^ë^déS 4iom- 



DE M, Gautier. 8^ 



formes pour faire honneur au Ror , lorfr 
qu'il paroît en public, ou qu'il vient à 
mourir. L'Afie & PAniérique offrent des 
tableaux fembl^les (*). 

L'ignorance & les mœurs corrompues 
des Nations qui habitent ces vafles con- 
trées , font voir combien porte à faux 
cette réflexion de mon adverfaire : peu* 
pies , fâchez une fois que la Nature a 
voulu yous préferver de la Science , comme 
une mère arrache une arme dangereufe 
des mains de fon enfant; que tous les 
fecrets qu'elle vous cache font autant de 
maux dont elle vous g^antit ^ & que la 
peine que vous trouvez à vous infmiire , 
n'eil pas le moindre 4e £e$ bienfaits. J'ai-^ 
jnerois autant qu'il eût dit : peuples , fâche? 
^tïe fois que la Nature ne veut» pas que 
vous vous nourrifE_ez des prodttôions de 
la terre ; la peine qu'elle a attachée à fà 
culture, eu un avertiflement pour vous 
de la laifTer en friche. Il finit la première 
partie de fon Difcours par cette réilexîoni 
que la probité eft fille de l'ignorance , & 



■*i^ 



(*) Les bornes étroites qiieie ne fuis prefcrites , m*o})li* 
gent â renvoyer à PHiftoire des voyages , & à THiftoire G^ 
Béral^ par M. TAbb^ Lambert ( idem. > , ^ , — - 



rJSt 



•m^^^mmmm^^mi^Êmmmimm^Hrmamm^mmm^m^mimÊ^mi^Êm^^ 



too Réfutation. 

jque la fcience & la yertu font incon^ 
patible3. Voilà un fentîment bien coiv 
traire à ceîui de TEglife > elle regarda 
comme la pins dangéreufe des perféciw 
;tions la défenfe qite \ l'Empereur Julien 
.fit aux Ghrétieps d'enfeigner à leurs ea- 
î^ns la Rhétoricpiie ^ ,1a Poétique & I2 
JPhiloîbphie. , 

_ ^^WB^ii I I f ' III " - I ' « ■ î i Tx n» » ^^ ' ■' - ■■ I I » ^ ^Sa^^^^ 

- SECONDE PARTIE.' 

JVl. Roiiflêau entreprend de prouver âaA% 
la féconde partie de fon Difcoiu*s, "que 
l'origine des Sciences eft vieieufé 9 leurs 
pfcjèts vains, & leurs effets pernicieux. 
C'étoit ^ dit -il, une ancienne tradition 
paflfée jcfe l'Egypte en Grèce , qu'un Dieu 
ennemi (kl repos des hommes étoit Fin- 
yenteur dés Sciences : d'oîi il infère que 
les Egyptiens > chez qui eUes, étoient née^ , 
n'en avment pas une opinion favorable. 
Comment accorder . fa conclufion avec 
ces paroles t ^ Remcchs pour les maladies de 
farp€; Infcription flu'aui f^pport de Dio- 
dore de Sicile , on-Uj(bit fur le frontifpice 
de là! plus ancienne des bibliothèques > de 
celle a Ofy médias roi 4'Egypte« 



'mv'm^ 



îl alïure^jque i'Aftropon>ÎQ çû n^'<fc 
iâfoperfiition^j. l'Eloquence ^ l^^bitïon ,' 
de la Haine^ ^M ^^^^^^ r du menfoiige \ 
la Géoînetrie^.dp l!avariç€i la Phyfique, 
d'une, y^inç -ciuipiîlé; toutes ^& la Morale 
inêmê, <J^;rorgucU,iuimaui» D furat'diÇ 
î^pportér ^esj i>çll^ j découyertes pour ea 
faire coaînoîiré^tQu^^îjimportaM^ 
qu'ici on ayoît.çru que les S«îences ôc 
les Arts dévoient leiu naiffahcé à nos 
bèfoîns ; on Tavoit même fait voir, ^ dans 
plufîeurv wvraj^^ , , 

•,y.ouç dites ,q^^, le dej&ut de l'origine 
iîés Sciences^ 2ç pes/Afts.,i]p^nous eft qu0 
ifop retrace c^^.leùrçqïîjets»; Vôu^ de*T 
mandez ce qiie noi|S ferlons des Axts fans 
te; luxe qui Jès pourrit : tout le monde 

• t j "' ' t < * i. (\. ^ CV' C 0« 




^ ^evït. vous réppndre'qxi'auam Cqrp» 
politique ne j)qiirroît,ful)fi)ttér ^àns Joix ji 



^i Ri FUT- xi- 10 S ' 



WliRoire s'it n'y âvoit ni tyrans , niguer? 
res, ni Conlpïrateurs : vous h'ignorez ce- 
pendant pas qiie l'Hîftoire univérfelle con^ 
tient la defcription des pays i la religion , 
le gouvernement', les iriœniî , le coiAmerce 
& les coutumes des peuples, les dignités^ 
les magiftfaturcs , lès vibs des fences 
pacifiques , dês'Phiîofopfies' & des Artiiies 
célèbres. Tous <;es fujets , qu'ont-ils de 
commun avec les ^yrans'i Us guerres , 6t 
les Confpirateurs ? • 

SQm(nes7noiis donc ■laits, dites- vous ^ 
pour mourir àttachïç^ furVles bbi'ds du puits 
oîi la véfités'dlrét'iré^? Cette fén^ vérité 
devroir rebnier dès lés premiers pis tout 
homme qiii cherfcHet-bit ' féiieiifemeht â 
s'inftriiire par' l'ëfiidé dé !a' phitofophie. 



DE Jy^ Ç^UTïi^]!^ 9j 



dans un àojg^ réminent , ./ont £20^- douter 
bien filions 4'rapp^wdrç , qu'ils ne f^vent^ 
rien. Us ignofpi:Qieniaui&> ^ma vo\jS;^teî: 
^ands daiolgers qiie f^n ;;en£o^tre , 4an$r 
nnveftigation/dçs; Sq^ççs* V^5_4J^5y 
mie k tàii^.èfl f)i(ç?ptifeif d'^W ipftpita» 
<te cpmhii)ai(9^^^ 4^^ .gue > mérité n'^; 
qu'une jUian^eyer 4 être ^i^nai;^ ,}i*y |t*-i| ^pdSii 
différente^ routes ^ diiÇ'^î'ôntess n^îhode» 
pour arrivera la vfi^t^ij Qiui e^-ce 4'ail— 
leiurs y ajoufez^youj^i qui 1$ cherche )>iQn 
finceremei^tjî A|flueljl(Ç ipjrc^.çûrpniùr 
de la recpi)poîti;e } I^s PÙ|o(p{^çs vous 
répon^nt ^'iis q'pçit ^y;)pTi^ Ips, ScieiïÇfs , 




du4apport des id&s c le caf aftcrç^iffinfti^ 
^e . la vérité , ôf qftW s'en tient. 4 ç^ tpi V. 
jxEiroît j^^g>îu$ p^c^)ab|e dans: d^ ^n^tîereib 
^ ne^tpaf ^eptible&dçtd^ippniU^-f} 
tion. V oijdgez-yp.us voir^f pnaîçtç l^ Seôl^' 
dé Pyrrp^Ri jd*ÀrcéiiIa;^PVpde Lacyde ? 

Conveuez que vousi auriez pu vpus difr 
penfer de parlçr de l'origine &s Scieipices, 
&: que yo^/^'ave^ ppi^t jitpuyé qiuB leurs 
objets font^y^f Çoiriçiep^ rftUripzrfrpuj: 

RU ûiï«> fli*(gî^^tt»to«fe|î>4 



^ ï^iir u T ATTI-O^.- 



tbnnenous datle «tjHfivënr iJe$ Stiences' 
& des Afts ? HàbiltemèfïS , tnet^Ies, bâti- 
iheas , biWiiithéques^ , - prôditÔions des 
pays étrangers dues à là nàylgadoh dirigée 
par i^A&^homîé/ Là ^ Its^/Vhs ibéchatii-^ 
ijiiesi fnett^h* ' nos- bîèfts en ^yâleur i les 
progrès dé PAnaîtomiè affwre/Ar fceitx de la 
€3rirk|iè i'ia Ch;]^miev la Byt*îi(jiie nous-' 
préparenlfdes rémedés : lé^ liÛs îibéralix , 
deS' plaifips inftni^fs ^ Hs s'bcèupent ; à 
tifanfinettre ^ W poftérité^ k fouvenir des 
belles a^bife^>fiekntnortali(ekMes ^t*ls 
homm^^ nâëe réècînhoiflkrice'^ôiir lés' 
jr€m(:^''^u*ils 'rioùs'ôiit renàisVIidi'i^ la 
Géoniétrife ,'^^j>uyéeàéTAlgebîte ^pr4^^ 
àf la plupart des Stiehces ; ^llé donne des 
leçons* à> rAftrortbmiè^,- à là^NaVlgatibh , 
^rîA^merie,^^â Ph;^fi^ie; Qttoi'!' tou$- 

Rèiififeàu^>tm\s^^eui'qii^.yéh Ôècilpenr 
fWit -^iP eîtiôyétfs înùlîfes ';*&' i^' conclut' 



jmfted^^idetf À^dâohi^9''des9^ât^s > del 



DE M. Gautier. ^f 

— ^— i»— Il ' I I I !■! Il I ■ Il Bip— ^ 

» t • 

Mtificîens ^ des Peintres , nous n'âvoris 
pliis de' citôjrens ; ous^il rions en refte 
«hcore , diipérfés dans nos Campagnes 
abandonnées , ils y périilent indîgens &c 
méprifésp Ainfi , Meffieàrs ,^ ceffez' donc 
de vous regarder comme des citoyens» 
Quoique ^bus confieriez vô$ joprs au 
fervicede Ik focîété , quoique vous rem- 
pHffiez dignement lés ^emplois oîi vos talons' 
Voui ont appelles , vous n'êtes pas dï'gnes 
d'être nommés citoyens. Ci^tte quarte âfc 
le pafirtàge dés'payttns, & ^' faudra 4q[UÇ 
vous^cûSiVifez-tous y terré pour h nierir . 
ifér. X^mfnent of<^^oh linfultelr ^înft une^ 
jfâtf ôh^i pi^dùit taht xPexcelleny crtt)yens* 
dans tous lèi? éîtets ? ' r i ^ / 

O Loiiis le Grand lequel feroit Votre 
étonnenieiit , fi rendu aux vœux de laf 
Frahce^^^^^ ^çèfet- dû ' Monarqufe ''x^V% 
^o^jfeibiéén^miéémt ftfr^ vos tildes M^ 



àaoi lélir- objet-, i^ttWciafes-danS'fea^s 
i^kta i JgHé'telix qul^î ciiltiveîit Viç font 



RÉ F U T A T lO N 



p.Qur ayoir 4pnné un afyle aux. Mufes j- 

et^li des Académies , rendu là vie aux 

Beaux-Àrts ; pour avoir envoyé des Aftro- 

liûmes dans %s pays 1er puu éloignés » 

recompenfé les lalens & les découvertes, 

attii'é les Sayans 4>rès du Trône ! Quoi ï 

nu gloire pour , avoir £ù.t 

ixiteles & des Sy lippes , des 

^ AriAidçs^ des Âmphions Sc- 

! Que tardez-vous de brifer 

is -des Arts Sc des Sciences , 

s préçieufes. dépouilles des 

lomains, toutes les Archives 

du génie } ^eploiigez-yous 

brês ^aiff^s de la wi;l??ne , 

, , iges. qu'elle CQoiaCHe fous les 

ifunefles aulpices.deirignorance & de la 

&perftîtion. Reiioncç?: aux li^mierea de 

yoîre fieclp; -que dpf aJïjLj^.aijKiçîis .uiiir- 

pçat les, 4roits de'J'egi^tfti ^ét^bifffezrdes 

V>ix civiles cpptr^res,^Ja.l(^ natoj^lle ; 

çie rionç^^nt qji'gqçj^ïfi' KènjufeV» <9'^ 

Obligé, pipjiriejuilifieî;, à^Jexpç^er àpexiE 

par Peau oupar lejfpi^-; m^ des peuples 

^lent encore içajftjcrerj tfïMp'Éft .p^yplçi 

JQUslepanteaM deia;rdig.pni qu'oflj^e . 

|p plus Itrapds ffl^:i^e(là;n)|fne tta- 



,■«<*. 



D E M, G A U T I E R. 97 



qiiillité de confcience , qu'on éprouve à 
^lire les plus grands biens : telles & plus 
déplorables encore feront les fuites de cette 
ignorance oîi vous voulez rentrer,. 

Non, grand Roi , l'Académie de Dijon 
n'eft point cenfée adopter tous les fenti- 
mens de l'Auteur qu'elle ^ coiiromlé. Elle 
ne penfe point , comme lui , que les tra-» 
vaux des plus éclairés de nos Savans &C 
de nos meilleurs Citoyens ne, font pres- 
que d'aucyne utilité. Elle ne confond point 
coiBme lui les découvertes véritablement 
utiles au genre-humain , avec celles dont 
on n'a pu encore tirer des fervices , feute 
de connoître tous leur,s rapports Se Ven^ 
femble des parties de la Nature ; mais elle 
penfe , ainfi que toutes les Académies 4e 
l'Europe, qu'il eft important d'étendre de 
toutes parts les branches de notre favoir ; 
d'en creufer les analogies , d'en fuivre tou- 
tes les ramifications. Elle fait que telk con* 
i^oiifance qui paroît (lérile pendant un 
lems , peut ceuer de l'être par des ap*- 
plications dues au génie , à des reeher- 
dies laborieufes , peut-être même au ha^ 
fcrd. Elle fait que pour élever un édifice, 
ça faiTenible de$ matériaux de toute ef^ 

SuppL de laCoU^f Tome I| E 



^— — " ■ ■ I i I I W ■ Il IM 

9S RÉFUTATION 

pece': cçs pièces brutes , amas informe,' 
ont leur deftination ; Tart lès dégroffit & 
les arrange : il en forme des cheft-d'œu» 
vre dWhiteôure & de bon goût. 

On peut dire qu'il en eft , en quelque 
forte , de certaines vérités détachées du 
corps de celles dont Tutilité eft reconnue , 
comme de ces glaçons errans au gré du 
hafard fur la fùrface des fleuves ; ils fe 
réimiffent , ils fe fortifient ixiutuellement 
& fervent à les traverfer. 

Si TAuteuf a avancé fans fondement 
ijue cultiver les Sciences eft abufer du 
tems, il n'a pas eu moins de tort d'attri-r 
buer le luxe aux Lettres & aux Arts. Le 
luxe eft une fomptuofité que font naître 
les biens partagés inégalement. La vam^ 
ter, à l'aide de Fabondance , cherche à 
fe diftinguer & procure k quelques Arts 
les > moyens de lui fournir ^ le fuperflu; 
mais ce qui eft fuperflu par rapport à 
certains états , eft néceftaire à d'autres , 
pour entretenir les diftinôions qui carac*- 
térifent les rangs divers de la fociété* La 
Religion même ne condamne point les 
dépenfcs qu'exige la décence de chaque 
condition. Ce qui eft: hixe pour F^rtiiàn ^ 



4 - - 



. D £ M. Gautier. 99 

peut ne pas Tétre pour Thomme de robe 
ou rhomme d'épée. Dira- 1- on que des. 
meuUes ou des habillemens d'un grand 
prix dégradent Phonnête honune & lui 
tianfinettent les fentimens de l'homme 
vicieux } Caton le grand , folliciteur des 
loix fomptuaires , luivant la remarque 
d'un politique , nous eft dépeint avare &C 
intempérant , même uj^rier &c ivrogne ; 
aii-4ieu que le fomptueux Luaillus , en- 
core plus grand Capitaine & aufli jufte 
que lui , mt toujours libéral & bienfai- 
Êmt. Condamnons la fomptuoiité de Lu-, 
cullus & de fes imitateurs ; mais ne con- 
cluons pas qu'il faille chafTer de nos murs 
les Savans &c les Ârtiftes. Les paflions^ 
peuvent abufer des Arts ; ce font elles 
<|u'il feut réprimer. Les Arts font le fou- 
tien des Etats ; ils réparent continuelle- 
ment l'inégalité des fortunes , & procu-, 
rent le néceflaire phyfique à la plupart. 
des citoyens. Les terres^ la guerre ne 
peuvent occuper qu'une partie dé la Na- 
tion : comment pourront fubfifter les au-, 
très fujets , files riches craignent de dé- 
penfer , fi la circulation des efpeces eft' 
iufpendue par \me économie fatale à cçux^ 



^^■^ . i ^ 1 , ' i > i 



lOO RÉFUTATION 



*■«• 



qui ne peuvent vivre que du travail de 
leurs mains ? * 

Tandis , ajoute TAuteur , que les com^ 
modités de la vie fe multiplient , que les 
Arts fe perfectionnent & que le luxe s'é* 
tend , le vrai courage s'énerve , les ver- 
tus militaires s'évanouMTent , & c'eft en- 
core Touvrage des Sciences & de tous ces 
Arts qui s'exercent dans Tombre du ca- 
binet. Ne diroit-on pas , Meffieurs , que 
tous nos foldats font occupés à cultiver 
les Sciences & que tous leiu*s officiers 
font des Maupertuis & des Réaumur? 
S'eft on apperçu fous les règnes de Louis 
XIV & de Louis XV que les vertus 
militaires fe foient évanouies ? Si on veut 
parler des Sciences qui n'ont aucun rap- 
port à la guçrre, on ne voit pas ce que 
e$ Académies ont de commun avec les 
troupes ; & s'il s'agit des fciences mili- 

à 



i 



-^; ^ — .7 ^" --*' -— |~— - — ^ .— -^cf-^ 

vantage dans les armées Fijinçoifes , que 
4urant le cours de leurs vittoires. Com-J^ 
ipeht peutK)n s^unaginer que deis foldats 
deviendront, plus vaiHans , parce qu'ils 
feront mal' vétus & mal nourris i 



DE M. G A U T 1ER. roi 



M. Rouffeau eû-il mieux fondé à fou- 
tenir que la culture des Sciences eft nui- 
lible aux qualités morales } Ceft , dit-il ^ 
dès nos premières années , qu'une édu- 
cation inienfée orne notre efprit & cor- 
rompt, notre jugement. Je vois de toutes 
parts des établiuemens immenfes , oîi Ton 
élevé à grands frais la Jeuneffe pour lui 
apprendre toutes chofes , excepté f€;$ 
devoirs. 

Peut -on attaquer de la ibrte tant de 
Corps refpeftabies , uniquement dévoués 
à rinftruftion des jeunes gens , à qui ils 
inailquent uns ceffe les principes de Thon- 
fieur , de la probité & du Ghriftianifme ? 
La fcience 9 les mœurs 9 la religion , voilà 
les objets que s'eft toujoiu-s propofé TUni- 
verfité de Paris , conformément aux ré- 
glemens qui lui oixt été- donnés par les 
rois de France. Dans tous les éti<blifle- 
mens. faits pour Téducation des jeunet 
gens , on emploie tous les moyens poA 
imles pour leur infpîrer ramour de la 
vertu & rhorreur du vice , pour en fôVr 
mer d*€xcellens citoyens ; on met con- 
tinuellement fous leurs yeux les maxi- 
mes &c les exemples de$ grands hommes 

E 3 



IJOl RÉFUTATION 

de l'antiquité. LTuftolre facrée & profene 
leur donne des leçons foutenues par les 
faits & Texpérience, & forme daiK leur 
cfprit une impreffion qu'on attendroit en 
vain de Taridité des préceptes. Comment 
les Sciences pburroient- elles nuire aux 
qualités morales ? Un de kiu-s premiers 
effets eft de retirer de Toifiveté , & par 
confëquent du jeu & de la débauche qui 
çn font les fuites. Séneque, que M. Rouf^ 
feau cite pour appuyer fon fentiment, 
convient que les Belles-Lettres préparent 
à la vertu. {^Smec. Epijt. 88.)^ 

Que veulent dire ces traits fàtyriques 
lancés contre notre fiede? Que Teffet le 
plus évident de toutes nos études eft Pa- 
viliffement des vertus ; qu*on ne demaide 
plus d^un homme s'il a de ta probité , 
mais- s'il a des talens*; que la vertu reftc 
fans honneur ; qu'il y g mille prix pour 
les beaux difcours ^ aucuns pour lès bell» 
aâions. Comment peut-on ignorer qu'un 
homme qui paffe pour manquer de pro- 
bité eft méprifé univerfellement î La pu- 
nition du vice n'eft-elle pas déjà la pre- 
mière récompenfe de la vertu ? L'eftime , 
Tàmitié de les concitoyens « des diftÎAC- 



I? I ■ ' ■ I gaasBBBBgi 

DE M. Gautier. ioj 

lions honorables , voilà des prix bien fii-« 

Î)érieurs à des lauriers Académiques. D^ail* 
eurs celui qui fert fes amis , qui foulaee 
de pauvres ramilles , ira* t- il pubUer fes 
bien&its ? ce feroit en anéantir le méritent 
Rien <le plus beau que les aôions ver- 
tueufes 9 fi ce n'eft le foin même de le» 
cachen 

M. Rouiteaû parle de nos Philofbphes 
avec mépris ; il cite les dangereufes rê« 
veries des Hobbes & des Spinofa , & les 
met fiir une même ligne avec toutes les 
produftions de la Philofophie. Pôiwquoi 
confondre ainfi avec les ouvrages de nos 
vrais Philofophes , des fyftêmes que nous 
abhorrons} Doit -on rejetter fur l'étude 
des Belles «^ Lettres les opinions infenfées 
de quelques Ecrivains , tandis qu'un grand 
nombre de Peuples font in&tués de fyf- 
têmes abfurdes , fruit de leur ignorance 
& de leur crédulité ? L'efprit humain n'a 
pas befoin d'être cidtivé poiur enfenter 
des opinions monftrueufes. C'eft en s'é* 
levant avec tout Teffor dont elle eft ca- 
pable , que la raifon fe met au - deffus 
des chimères. La vraie Philofophie nous 
apprend à déchirer le voile des préjugée 

Ê4 



XP4 KiFUTATION 

& de la fuperflition. Parce que quelques 
Auteurs ont abufé de leurs lumières j 
feudra-t-il profcrire la culture de la raifon ? 
Eh! de quoi ne peut- on pas abufer? 
Pouvoir , Loix , Religion ^ tout ce qu'il 
y a de plus utile , ne peut-il pas être dé- 
tourné à des ufages nuifibles ? Tel eft 
celui qu'a fait M. Rouffeau de fa puiiTante 
éloquence pour infpirer le mépris des 
Sciences , des Lettres & des Philofophes# 
Au tSblèau qu'il préfente de ces hommes 
ikvans , oppofons celui du vrai Philo- 
fophe. Je vais le tracer , Meflîeurs , d'après 
les modèles que j'ai l'honneur de con- 
noître parmi vous. Qu'eft-ce qu'un vrai 
Philofophe ? C'eft un homme très-rai- 
fonnable & très - éclairé. Sous quelque 
point de vue qu'on le confidere, on ne 
peut s'empêcher de lui accorder toute fon 
eftime , & l'on n'eft content de foi-même 
que lorfqu'on mérite la fienne. Il ne 
connoît ni les foupleffes rampantes de la 
flatterie , ni les intrigues artifîciéufes de 
la jalouiie , ni la baiTeffe d'une haine pro- 
duite par la vanité , ni le malheureux 
talent d'obfcurcir celui des autres ; car 
l'envie , qui ne pardonne ni les fuccès > 



D Ê M. Gautier. iôj 

ni {es propres înjuftices , eft toujours le 
partage de rinfériorité. On ne le volt 
]amais avilir fes maximes en les contre- 
<liÊint par fes aâions , jamais acceflîble 
à la licence que condamnent la religion 
qu'elle attaque , les loix qu'elle élude , 
la vertuqu'elle foule aux pieds. On doute " 
il fon caraôere a plus de nobleffe que de 
force , plus d'élévation que de vérité. 
Son eîprit eft toujours l'organe de fon 
cœur & fon expreflion l'image de fes fen- 
timens. La franclrife, qui eft~\m défaut 
ouand elle n'eft pas un mérite, donne à 
tes difcoiu^ cet air aimable de fincérité ^ 
qui ne vaut beaucoup , que lorfqu^îl ne 
coûte rien. Quand il oblige ,' vous diriez 
qu'il fe charge de la reconnoîflance , & , 

3u'il reçoit le bienfait qu'il accorde ; & 
paroît toujours qu^l oblîee , parce qu'il 
délire toujours d'obliger. Il niet fa gloire 
à fervir fe Patrie qull honore , à travailler 
au bonheur des hommes qu'il éclaire. 
Jamais il ne porta dans la fociété cette 
raifon farouche , qui ne fait pas fe relâ- 
cher de fa (lipériorité ; cette inflexibilité 
de fentiment, qui fous le nom de fer-»- 
meté bnifque les égards & les condei^ 



I06 RÉFUTATION, &C 



qui 
éit 



cendances ; cet efprit de contradiâion i 
i fecouant le )pug des bîenieances fe 
it un jeu de heurter les opinions qu*il 
n'a pas adoptées ^ également haïflable fbit 
qu'il défende les droits de la vérité 5^ ou 
les prétentions de fon orgueiL Le vrai 
Phîlofophe s'enveloppe dans fa modeftie, 
&.poiu- faire valoir les qualités des au- 
tres , il n'héfîte pas à cacher l'éclat des 
£ennes. D'un commerce aufli fur qu'utile, 
il ne cherche dans les fautes que le moyen 
de les exaifer, & dans la converfàdon 
que celui d'affocier les autres à fon propre 
mérite. Il fait qu'un des plus folides appuis 
de la jufliceque nous nous flattons d'ob- 
tenir , eft celle que nous rendons aii mé- 
rite d^autrui ; & quand il l'ignôreroit , il 
ne monteroit pas la conduite fur des prior 
cipes difiérens de ceux que nous venons 
d'expofer 1 perfiiadé que le cœur Êdt 
l'homme ; l'indulgence , les vrais amis ; 
la modeftie , des citoyens aimables* Je 
iàis bien , que par ces traits je ne rends 
pas tout le mérite du Philofophe & fur- 
tout du Philofophe Chrétien ; mon def- 
fein a été feulement d'en donner une 1er 
gère efquiflè. 



RÉFUTATION 

Du Difcours qui a remporté le Prix a tAca^ 
dému de Dijon en tannée i^So , par un 
Académicien de Dijon qui lui a refiijefon 
Suffrage {a). 

JP JEL JE Jf ^ CjÉ 
DE L^ ÉDITEUR 

D U D I s C O U R S^ , 

Avec les Remarques cRiTiQtrBs. 

JL A Littérature a fes comètes comme I« 
Ciel. Le Difcours du Citoyen de Genève 
doit être mis au rang de ces phénomènes 
finguliers » & même finiftres pour les 
Obfervatenrs crédules. J'ai lu , comme 
tout le monde , ce célèbre Ouvrage» 



mmm 



(4) Cette Réfutation parut imprimée ei» I7SI en un v(^ 
kime in-8^. de 132 pages en deux colonnes, dont l'une coit> 
«enoit le Difcours de Rouflèau , & l'autre la RéfnNtion. M; 
RouiTeauy répondit par une Lettre qurife trouve è= Ptipage 
7,^S dutroiiieme volume des Mélanges. Cet Académicien de 
Dijon ToppoOi fis trouva êtK M. Le Cat Secrétaire perpétuel 
ée TAcadémie de Rouen » & c'eft ce %ui occaGonna le déftfveli 



io8 PRÉFACE 

Comme tout le monde, j'ai été charmé du 
ftyle & de l'éloquence de l'Auteur ; mais 
j'ai cru trouver dans cette Pièce plus d^art 
que de naturel , plus de vraifemblance que 
de réalité , plus d'agrément que de foli- 
dite ; en un mot , j'ai foupçonné cpe ce^ 
Difcours étoit lui-même une preuve qu'on 
peut abufer des talens , & qu'on peut Êiire 
dégénérer l'art de développer la vérité , & 
de la rendre aimable , en celui de féduire 
& de feire paffer pour vraies les propofi- 
tioh$ les plus paradoxes & même les plus 
faufTes. 

Jl n^ejl point deferpent^ ni de monfirc odieux j 
f^ui part art embelli ne puijfe plaire aux yeux. 

Boil. Art Poët. Ch. 5. 

Mais en même tems j'ai cru m'apperco 

r- 
— TM —^11 in ... . ^^^—^—^-M^ . - 

de PAcadémie df Diioii • que Ton trouvera ci-après. Cette 
Jftéfiit^tion pou plus que les deux pièces ruhrantes n'ont été 
inféries dans aucun Recueil des Ecrits de M« Roufièau : mais 

• 

tl^s nous ont paru ii efiëntielles pour réclaircifTemen^ de 
cette famenfe difpute , que nous avons iagé convenable de la 
joindre 4 toutea les autres pièces qui parurent lUs c^tte 



DE L' É D I T E U R. 109 

voir que cet abus de l'art n*a pas tout le 
fuccès que lui promettent les apparences ; 
Terreur fe découvre à Tefprit attentif, fous 
les ibphifmes par lefquels on s'eflforce de 
la revêtir du mafque de la vérité ^ comme 
les mœurs artifîcieufes fe trahiflent elles- 
mêmes dans la contenance Se les difcours 
des hypocrites qu'on foupçonne & qu'on 
étudie. Néanmoins la grande défiance que 
j'aL de mes propres lumières , fit que la 
leûure de l'éloquent Difcours me mit dans 
une forte de perplexité : quel parti prendre^ 
me fuis-je dit ? L'efpérance de contribuer 
au bonheur général de la fociété , comme 
au mien propre , d'être plus utile & plus 
agréable aux autres & à moi-même ; d'être 
enfin meilleur que la nature feule ne m'a«» 
voit formé , eft le motif qui m'a foutenu 
jufqu'ici dans l'étude des Sciences & des 
Arts ; un projet fi louable m'auroit-il feit 
illufion ? Avec le deflein de chercher le 
mieux être , aurois*je pris exaâement-Ie 
chemin oppofé ? Tant de travaux ne me. 



y 



-- - - -- 



110 PRÉFACE 

condiriroient-ils qu'à dégrader les talens & 
les inclinations que là fimple nature m'avoit 
donnés. Si cela eft f j'apprends tous les 
jours , & je travaille par-là tous les jours 
à me rendre pire que je n'étois. Si celaeft^ 
jfe nœ propoie de donner de l'éducation à 
mes enfans , & par-là jetrame une confpînh 
lion contre la fociété , contre la Patrie ^ 
en formant un projet qui tend à la corrup- 
tion de fes fujets* Grand Dieu ! qu'ai-je 
feit, & dans quel abyme allois-je préci- 
piter les miensr Malheur à ceux fui ont 
brijt la porte des Sciences l Allons , brûlons 
ks livres , oublions jufiju'à l'art de lire , 
& gardons-nous de l'apprendre aux autres. 
Ce nouveau deflein mérite quelques 
réflexions ; il a tout Tair d'une extrava- 
gance. Quoi î de propos délibéré , nous 
nous replongerions dans les ténèbres & la 
barbarie ? Cette adion feule feroit, ce me 
femble j le chef-d'œuvre de IVveuglement, 
& de la barbarie même 

Barbams kic ego ptniy 



m 



■ j 



DE L' É D I T E U R. nr 

Mais l'Auteiir couronné par la refpeâa*- 
Ible Académie de Dijon , m'aflure que 
^ette barbarie n'eu, qu'apparente , que je 
ne la crois telle , que parce que je n'enn 
tends* pas la queitiom. 

quia non inuttigor iUïsi 

Tavoue que j'avois déjà été fort fiirpris 
que ce Corps célèbre eut propofé cette 
queAion ; car toute queftion propofée eft 
' cenfée problématique ; maïs l'homrfiage 
pendu aujourd'hui au Dlfcoùrs par Ik 
même fociété , met îe comble à moïi 
étonnement , & m'en impofè ; à peine 
i^i-je examiner. Il eftun moyen d'éclaircÎT 
mes doutes, plus décent, plus iur, plus 
conforme â la jufté défiance que j'ai dfe 
mes- lumières. J'ai l'honneur d'être lié 
d'amitié avec l^un des Membres du fevant 
Aréopage de Dijon , avec l'un dès Jugés 
qui a du concourir au triomphe de l'Ora?- 
teur Genevois. Confultons-le. 11 eft homme 
-à ne rien feire à la légère; il nous^fem 
part des raifons qui ont emporté fon fiif* 



m PRÉFACE 

■ I l ' ■ ^ ■ ' ' ' ' ■ 

jfrage , & elles décideront fans doute le 
mien. J'ai fiiivi ce projet, & j'ai reçu de 
mon illuftre Correspondant la lettre fui- 
vante. 

. « Oui , Moniieur , j'ai été Pun des 

>> Juges du Difcours qui a remporté le 

9> Prix en 1750 ; mais non pas im de 

^ ceux qui lui ont donné fon fufTrage. 

ff Loin d'avoir pris ce dernier paru, j'ai 

» été le zélé défenfeiu* de l'opinion con- 

» traire , parce que je penfe que celle-ci 

if a la vérité de fon côté , & que le vrai 

» feul a droit de prétendre à nos Lau- 

» riers. J'ai même pouffé le zèle juiqu'à 

9> apoftiUer le Difcours par xles Notes 

» critiques , dont ta colleâion eft plus 

» confidérable que le texte même; j'ai 

^ cru que rhonneiu* de la vérité , celui 

>» de toutes les Académies , &: de la nôtre 

fp particulièrement , l'exîgeoient de nioi : 

ff ces mêmes motifs m'engagent à vous 

*f en envoyer la copie , & à vous per- 

^ mettre de les rendre publiques. Dans 

p> cette vue , j'ai lu l'édition que l'Au- 



D E L' É D I T E U R. 115 

»f teur en a faite , &c j'ai ajouté à mon 

n manuicrit quelques remarques nouvelles, 

H auxquelles tes additions ont donné lieu« 

>9 Ne perdez point de vue , s'il vous 

M plaît , M onfieur , que ce ne font que 

» des apoftiUes, des notes que je vous 

^ envoyé , & non un difcours fleuri i 

H que mon deflein ji'a jamais été tfop- 

H pofer éloquence. à éloquence , paradoxe 

n à paradoxe ; j'aurois peut-être tenté le 

H premier eh vain , & le dernier n'auroît 

if pas été de . mon goût ; j'expofè natu* 

M tellement à mes Confrères ce que je 

M penfe d'ime Pièce, dont je fuis exami- 

H nateur, en oppofant, félon mes foi- 

» blés lumières , le raifonnement juflè 

*> aux figures oratoires, la vérité claire 

H au paradoxe. J'applaudis avec le Public 

» au génie & aux talens de notre Auteur ; 

» mais j'ofe penfer que fa Pièce n'eft 

» qu'un élégant badinage, un jeu d'efprit, 

f> & que fa thefe eft fàuffe. Si je puis 

» vous en convaincre , j'ai gagné ma 

>f caufe. Je préférerai toujoiurs l'art d'é- 



114 P R É F A C E, &e. 



mm 



f> clairer & d'inftriiire à celui d'amufer & 
V de plaire ^ quand il né me fera pas 
»> poffible de les réunir^ J'ai Thonneur 
y> d'être ^ &c. » 

urf Dijon , ^e /3 -^o^/ /^ii* 

La générofité de M ***. combla mes^ 
Vœux } je m'applaudis du parti que j'avois 
pris f je dévorai fes notes ; je m'y re- 
trouvai , pour ainfi dire , par-tout. Pouif 
fentir combien cette conformité me flatte, 
îl faudroit fsivoir tout ce que vaut M ***. 
Jfe fuis perfuadé que tous les amateurs des 
Sciences & des Arts , fe trouveront aufli 
flattés que moi , & par les mêmes raifbns ^ 
de la leâure de fes réflexions. J'uferai 
donc dans toute fon étendue , du pouf 
voir qu'il me donne de les publier ;. iês 
motifs me paroifTent auili juftes que (es 
remarques. Elles nous confervent enfin 
le droit fi doux , fi flatteur de penfer avec 
Horace y que^#. U Philofopkc ri a dans touu 
la nature que Us Dieux au-dejfus de lui\ . • « 

Jtd fuMmuM , fapiens uno minor eft Jove , iivu ; 



RËFUTATION. 



iMil 



Dedpimur {pecie re&î, 

, , . /unt certi demque finef^ 
JQ9BS ultra 9 citrÀqut n€pût eanjtfiere re&mm, (*) 

— — I ■ Il > Il I ■ I I ■ ' ■■ m , i.—— — — i^ 

jLjE rétahlijcmcnt^ qui ne scn cJHmc pas 
moins. L'Auteur eft très-fevant^ & joue 
par conféquent ici un perfonnage feint & 
accommodé à la fçener Mais en général, 
fur quel fondement im honnête homme 
qui ne feuroit rien , ne s'en eftimeroit-il 
pas moins ? Qui peut difconvenir que fi 
cet honnête homme etoit favant , il air- 
roît toujours un talent de plus , & mi'ainfi 
il en feroît d'autant plus eûimable t Mais 
cfi-il bien vrai qu'on puifle être parfaite- 
ment honnête homme & parâitement 



( ♦ ) L'Epigraphe , Decifimur /fecie reéii . . . choifie par 
PAiiteur de.ce Dilboars, pour noits annoncer que notre pri» 
wendon en. £aveur des Sciences, eft une erreur i cette Epigr». 
f he» dis-jé, eft la feule excufe qu'où puifiè lui prêter à lui. 
même , encore n'eft-elle pas fort bonn« ; car on^ peut être 
quelquefois- trompé par les apparences & s'égarer; mais il- 

.faut pourtant conyeiiiir que le chemin du vrai a des marqutfi 
dilUnaives, des limites» des bornes, certi denique fines \ qu'il 

'y ades^ règles pour s'y eoadirire: & en vérttéelles me paroif 
Ibnt fi évidentes dans l'opinion contraire à celle de l'Auteus» 
que je foupçonne qu'il a moins été féduit par les fimples ap- 
parences du vrai » que par l'e^eir de les réalit» à nos yeux 
i force db gâûe;. 



Il6 RÉFUTATION 

ignorant tout ênfemble ? Ne faut -il pas 
au moins connoître fes devoirs pour les 
remplir ? Ne faut-il pas les avoir appris 

I)ar une éducation qui nous ait inculqué 
es principes d'une faine morale ? Unt 
fcience aufli eflentielle que celle-ci vaut 
bien , ce me femble , qu'on ne la compte 
pas pour rien , & que celui qui la pof- 
îede , ne fe regarde pas comme un homme 
qui ne fait rien. Si l'auteur entend par ne 
Javoir rien , n'être point Géomètre , Aftro- 
nome , Phyficien , Médecin , Jurifcon- 
fulte , &c. Je conviendrai qu'on peut être 
honnête homme fans tous ces talens ; mais 
n'eft-on engagé dans la Société qu'à être 
honnête homme ? Et qu'eft - ce qu*uii 
honnête homme ignorant & fans talens? 
un fardeau inutile y à charge même à la 
terre, dont il confume les produâions 
fans les mériter , im de ces hommes aux- 
quels Horace fiait dire. . . . 

Vos numerusfumus , &fruges confumere natL 

Il y a bien loin de cet honnête homme- 
là , à l'homme de bien vrai citoyen , qui 
pénétré de fes devoirs envers les autres 
hommes , envers l'Etat , cultive dès l'en- 



il , I. gg 

DU Discours. 117 

• ■ ■ I t "■ ■■ ■ ■■* » i m 

^Lîïcç toutes les Sciences , tous les Arts 
par lefquels il peut les fervîr , & par 
fefquels il les fert en effet, dès qu'il lui' 
d!t poflible. 

, . , Quodjî 
Frigida cur arum fomenta relinquere pqffes ^ 
Quà te cœlejtis fapientia ducçret s ires. 
Hoc opusj hocjiudiiim^ parvi properemus ê^. 

amplU 
Sipatriœ volumus , Ji nobis vivere çarL 

Horat. Epift. \, 1. i. y. 2ç. 

Il fera difficiU ^r^nc nùont point rebute. 
La folution de ce problème eft rendue 
très-curieufe & tiès-intéreflante par le gé- 
nie fupé rieur 6f le ftyle féduifant de l'Au- 
teur ; mais il n'a point concilié les con- 
trariétés qu'il fent lui-même. 

Ce rCeJi point la Science — devant des hom-^ 
mes vertueux. Défendre la vertu contre 
la Science qu'on regarde comme incom- 
patible' avec 'la première , n'^-ce point 
maltraiter cettç Science ? Et cjuand tout le 
Diicours d^ l'Auteur tend À prouver l*in« 
compatibilité de ces deux qualités , la ver- 
tu âc la Science , comment pçut-il com* 
poier chaque Académicien de Dijon de 
deux hommes , l'un Vertueux ôc l'autr^ 



Ïl8 RÉFUTATION 

— I l ! ■ "I l I ■ \ " I I ■ ■ I I ■*— — » 

DoSe } Cette diiHnâion fubtile , par Ia« 
quelle il a cni échapper aux contrarié- 
tés qu'il a lui-même remarquées dans fon 
procédé , n'eft-elle pas des plus frivoles? 

La probité efi-^-^pour Ufentimtnt de ti)-* 
rattur. Le fentiment de l'Orateur , fi je ne 
me trompe , fait la pièce principale de la 
conftitution du Difcours. Si le premier 
n'eft point jufle , Fautre ne fauroit être 
iblide ; & un difcours fans juftefie & fans 
folidité a beau être féduifant , il n'aura 
point mon fuffrage. 

Lti Souverains --juge en fa propre cauji. 
L'Auteur convient donc qu'il attaque les 
Sciences , & que par -là nous devenons 
ies parties. Il ne nous regarde plus ici 
que comme Savans ; mais nous nous ibu- 
viendrons d'une chofe qu'il a déjà ou- 
bliée ^ qui efl que nous ibmmes gens de 
bien 9 oi par-là nous ferons fes partifàns 
contre la Science , & des premiers à y 
renoncer^ s'il prouve bien que celle-ci eft 
contraire à la'rertu. 



^ * 



DU Discours. 119; 



0= 



PRE MI^RJE PARTIE. 

L^^E/i un grand & beau fpiBacU '^depuis 
peu dp générations. Voilà iâns doute ce 
oue l'Auteur appelle le renouvellement 
des Sciences & des Arts. Il a raifon de 
trouver ce fpeâacle grand, beau 9 mer*» 
veilleux ; on peut ajouter hardiment fur 
cette ièùle defcription , que cette adml* 
rable révolution , le triomphe , Tapothéofe 
de Tefprit hiunain efl; encore de la plus 
fi;rande utilité pour les mœurs , pour le 
bien de la Société , 'puifque notre Ora- 
teur reconnoît luirmême qu'une partie de 
ces Sciences renferme la connoifiance d^ 
thommt^ dtfa nature ^ de fes devoir^ & dt^ 
fa fin. 

V Europe ^ que t ignorance. L ignorance 
eft donc déjà un état bien pitoyable ; c'eft 
poiutant là le fujet des éloges de ce 
Pifcours , la bafe de la probité ôc le. 
grand feflbit de U félicité 9 félon notre 
Auteur. 

Je ne Jais quel Jargon r- au fens com^ 

mm. La barbariç; r^ fauvage^ ^W^ 



■OHb 



ÏIO RÉFUTATION 



ration des Sciences & des Arts met donc 
les hommes hors du fens comniun , puiP 
que cette merveilleufe révolution les y 

a ramenés. 

Elit vint enfin du côté — naturelle. D 
tiy a ici rien d'étrange qu'une petite tour- 
nure énigmatique dans le ftyle ; dé&ut 
qui rfeft peut-être auifi que tn^ naturd 
aux Ecrivains de notre fiecle. lÂs Sciences 
fidvirent Us Lettres ; cela eft très-paturel , 
ce me femble : on apprend les langues ; 
on apprend à les parler , à les écrire po- 
timent avant de pénétrer dans les Sciences. 
A tan <£ écrire fe joignit îart de penfer. 
Gomment! ne penferpit-on qu*à l'Aca- 
démie des Sciences ? Et celle des Belles- 
Lettres feroit-elle compofée et Ecrivains 
amomates ? L'Auteur eft trop intéreffé à 
n'être pas de cet avis. Il veut dire feu- 
lement que la fcience des Belles-Lettres 
qui ne demande qii\ine contention d'ef- 
prit médiocre j que. des réflexions fuper- 
ficielles & légères , a été fuivie de l'étude 
des Sciences abftraites , profondes ^ oit 
les génies les plus tranfcendans trouvent 
de quoi épuiler leurs efforts ; & il a 
aùeux aimé exprimer cette iiiâEérence dat 

Belles-Lettres 



■' JWf'!ll> 



vv Discours. tait 

BeHes- Lettres aux ^ienoes d'^ne ûêsoïv 
fine que pifte. .. . , 

Et ton commença'^ laur approiaàonniw^ 
tudlt. Cet avantage du commerce les 
Mufès eâ très^réely Se très «^ important*, 
{nfoirer le plaifir^de plake^iux hooMiies^ 
c'eft coDOPurir^an fqoid lotuvre de la fë^. 
iîcité . oHiumine:; car avec ceri dtfpofr-^ ^ 
tiîoiis 9 non-ieiÂement on lAt ^drde ^t ri(m> ' 
&ire qui leur isni contraire ^ mais encore 
on emploie tous fes tal^ns^ à leur être 
utïe &c agrédble^ Scmgez < à tous les re£- 
foÊrts qu'un amant iait ^ouçr^jxmr plaire 
à fa maîtrefle^ & fbuyenesHvous dans \m 
Élite deicè" Difcotirs :q^rj^Aule)ir coi^ 
^eient que ,; par le ^commerce des Mufès ^ 
f homme (^viem Pâmant de la fociété ^ 
& celle-ci ia maîtreffe^ Je jprois qu*il aura 
de la peine À concilier fa thefe avec ces 
principes qui font tnè54>ons. 
c U^ffrU^^^jts ttfoiks y — dont Us Jhat^ 
théttfgU. Cêç jiore-aits^ fpnt plus^^lip que 
Jliftes. H^én^^feirt Wen qtie tes Sciesnces. 
&'les Art$ Jb^t de pur a^imcm. Leuci^ 
HtUités font (ârt&'HrtOfhbre^ Il i^eft point 
tvan m:^é$i|ie^Mefit}queeoùvnr de fleurs. 
^ âiailiëtP^ifei^{^Ciïei:^les çlwnes^ 

Si^fU d^ Ul ColUç^ Tome L IT 



Tx% Réfutation 

m ■ i t ■ ■ ■■ • 

partout oàieUes iè. trouvent , mettent des 
entraves au génie &C éteignent le^ Sciences 

Étouffent en eux.'-'. des\FeupUs policès.\ 
Loin que les Sciences étouffent en . tioiis 
1^ fenioment de là libei^:k)(rigjnelle9 c'eft 
dles au contraire . qui nous apfnrennent 
eite 'la'/ nstnre a . £iit^ tpuï . les *b»nimes 
égaux , âc-queiTaerdavage^eft le fruit d'une 
tyrannie établir ipar ha violence 9 pat 1â 
taifofi du plus fàn , i fuite inévitable de* 
k barbar'u. Maîs.c'eftdéshokiorer la vraie 
idée ^vin.PtupU policé , que de nous le 
Kpréfentervxccanme ung bête &rocé' à 
ëemi-appnvoifée:4rc(»imiciilQ e&lave ians 
:(bntiiiiéns ^ jpoHr. 1 fa . Ubtrai - miginclic ^ &c 
affîijétti' à 'im joug hdntoux qu'il chérie 
«icore', tant 6 flupidité eUt extrême. 
L'homme policé efl celui que les. lumières 
de la raifon Sc^de lâmoralis oot coeyaincu 

Sue hs\ loix:^ Ifi /li}^c^d^^tk>n l «^^es 
ans uiioiptat conticpowf. piincipe l'équinéV 
&: peut hàt )ifo» pr/<^re.ffélie^T^j 6c. celle 
de les pareflsç.»rer(uadéï.il^ 'ces yérités^i 
il èft Le preitier àLwiputeil^ jà.èiimeiî,i 
défendre. ces loke> fqiwirïftjlt -enlevé, fç» 
iiiffiai^e.^ &'qm'^9tr^ikofui^^ ^ 



DU Discours. 1 1 j 

bonheur. Une fodété d'hommes qui pen- 
iènt & qui agîffent ainfi , forme ce qu'on 
appelle vraiment un Peuple policé. 
- U y a toujours d^ns les fociétés des; 
individus pervers , qiii n'ont ni les lumie-. 
res, ni la raifon, ni l'éducation nécef&ires 
pour reffembler à l'homme ibciablé que 
je viens dé décrire; ce fopl là ceux <{Hpn. 
ne tient dans l'ordre d'un peuple poltcé 
que par des chaînes , que fous im joug ^ 
mais on voit que ces hommes féroces, 
font ceux de notfe efpece qu'an n'a pu| 
apprivoifer ; c'eft la partie nqn policée, 
du peuple, & celle que le rçfte ^^ jL?- 
fociété eft intéreffée à retenir dans une- 



£% 



R é FUT * T I O N 



lice , tant fur le Souverain que fur les 
fiijets, 

Puijfances de la Tfm — Heureux efçlaves, 
UAuteur facrifie toujours la jiifteffe àragré- 
ïhent & à la nouveauté. \.e trôn£ d^mj 
peuple policé n'en feil point des efçlaves , 
mais des papilles heyreiix fous la tytelle 
d'un Père tçndre, 

■P^ous leur deve^^de toutes les vertus fans 

pt avoir aucune' Ceft ici que notre Ora- 

ttur commence à lever le mafque,. Il veut 

que la douceur du caraflere , l'urbanité des 

liiOeurs, le copimerce liaiit & facile ne 

foieht qu^ des appas pour tromper les 

hbnimés. Il nous a dçpeint , occupés du 

i mêmes hommes. Ici 

ft de les trorppér ; là , 

juis de la fociété \ îçi 

; ïifnanS luborneurs &c 

d'anr'atft que les apjiar 

eur fc^feràt n'a d*autre' 

ôrer infortunée aflè^ 



fia dupe. Le portrait 
nalseftril vrai: c'eft 
examiner en luivanf 

e 4f folifeff-fv/t cornu 



DU D^ î,s c 9 u R s. 12.5 



^ 



mefce du motidt*, La décence eft déjà une 
efpece de vertu ^ ou tout au moins un 
ornement à la véritable vertu quand on la 
pofiedè , & un grand acheniinement vers 
elle quand on n a point encofé atteint fk 
perfeôion. 

Si nos maximes nous firvoïtfit dt règles» 
On veut dire fi notre conduite étoit con* 
formel nos maximes & à nos règles. H 
arrive foir^ent fans doute , qu'elle r/y eit 
fias conforme; mais Combien plu4 fbuvent 
ce défordre tfarrivera-t-il pas à ceiii qîfi 
tfont-ni re^le ni maxime , aux ignoi^s^ 
aux ruftres , atilt barbares ? 

Si ta véritMe Philù/cfpkk^du tilrt de 
Philofophe ! Pât la même raifort il y a bieh 
des PhilofopHes qui n*eft ont qtte le ndm ; 
mais qu'il y âuroit encore bi^ riioihs^ de 
l^hiloiôphes , s'iï nV avôit ttÂtst du tô\it 
de Philofophîe 1 

Mais tant de qualités — en fi ^fdnde pàffipe. 
S'il y a de là pompe ici , C'éft dans fe ï>if- 
cours de notre. Otateùf, & norf pas daïïi 
la décence & dans le titfe de Pfutofofke * 
qui décorent rhomme fage , vertueux & 
nmple tout enftmble. 



3 



la^ RÉFUTATION 



4 

D'ailleurs • .-. . aut virtus nomen inarte tfi^ 
Aut decut 6f prttium reéfè petit experiens 

vir. Horat. Epîft. 

L'Auteur du Difcours Youdroit-il qu'on 
crût qu'il renonce, à la vertu , parce qu'il 
afpire au titre de grand Orateur, & à 
ïa pompé d'une viâoire fur tous fes xortr 
currens. 

La richcfft M U parure — yS reconnoit à 
^^ autres marques. Le fage y comme l'hom- 
me robufte, fe reconnoît à fes aâions; 
mais Tun & Tautre peut être paré &c élé- 
kant, &ns que cette circonftance dégrade 
leur mérite 9 au contraire elle le relèverai 
fi la décence préfide à leur panire. 

Cefi fous t habit ruJUquc-^Ia rigueur du 
€orps. Cela n'eft pas toujours vrai à la lettre. 
M. le Maréchal de Saxe , & tant d'autres 
auroient Êiit mal pafTer leur tèms aux plus 
rufHques Laboureurs: la dorure des habits 
h*ôte ni la fanté ni la force , elle ne peut 
qu'en relever l'éclat. 

La parure^ qui fe plaît à combattre nui. 
L'homme de bien eft un brave prêt à 
combattre fous toutes les formes que le 
hafard ou le fort le forceront de prendre > 



m 



D \r J> 1 se o V R iS. vi 17 



nud , bien paré ^ toeX équipé ; tous ces 
acceffoires lui font indiflférens* 

// miptifcious us y Us omemtns^qmt^r 
^ut diffbrm'uL il efi desr Dhiemons & de^ 
'arràes <(iti tendent à rendre la' Viâoire '& 
^iu^ fôi^ & plus bnUante. Le âge ne lef 
néglige pâs contre le vice & Terreur ; il 
ie plie au% circoiiâances ^ aux tems , pout 
-en fupporter oa en reâifier les.événe;- 
Inens ; it s^accomntode à ceqoë les mœurs 
île iôB fietle ont! dé décent i pour mio^upc 
yéùffif*4<c>rri^enee qu*dki^^9k de défec-f 
te^^'} >it fe fait aiiû.âesih^»pimês pour les 

rendii^ scmis de la.T«rttti 

•».■,' 

Omnis Ariflippum decuit Cotçr , ^Jiatùt 6f Tes. 

- . Jivàm qw^M^tf càf^Jp^rguou bien d^s 
fétti. JanMÛs^ iHHn^es n'ont été moins^ 
vicieux ^çi'îls' le> font r^ par la r^iibn que 
}amais les Sqtc^ces èf IfS Art^ n^ont'été 
tant cultivés. La nature abandonnée à 
elle- même , fait de l'homme un affem- 
blagede tant.de yk;çs, que le foibfe 
germe de vertu ^vie foo Autour y a vcl}$^ 
fe. trouve bientôt ^tourfé., La terre n^a pas 
plutôt vu deiEt hpmmes fur, fa iurfaçe ^ 
ôc encore d^ux frères , . feu^ maîtres de . 

F4 



*ja8 .Réjftjt xTiaN^ 

yUmvefs i qu'elle à vu auffi l'un dès deux 
maflacrer l'autre par un principe de )aloiifie« 
£a vam im Dieu prâide à la première 
peuphde, ViaiAnik , l'exhorte , la îneoace ^ 
• ieSe cominuè xôoime. elle a débuté ; le 
criiSMT fe multipbe avec les hommes ; ils 
lé portent i ^ tct comUe dliorreur ^ que 
Yixre fouveninement .bon ^ iafiniment 
iàge, fe repent dfayoœ orée ime raee auffi 
perrerie ^ & ne &k de meitte\ir rj^nie^? 
aux abomînati^frs: qu'il fan ;^roit (^oiaMiefr 
tre^ ^ue de rexterimoen II n'^drifts:îf 
monde ^ieri^dite ièi^iàmilk Vemieuit 
& exceptée du fupdke»' Voilà un^ édiaiH 
tiUoi^de; ce dont eu capable la nature hu- 
maine, abandonnée à elïe-même , à fes pa^ 
iSons , fans le frein- c(es to^ , énr les lu- 
mières des Lettres y des Sciences &r àts Arts; 
* Reprenons l'hifioirê de cette race ; guel-» 
qties fiecles après ce châtiment terrible , 
nous la retrouverons bîfemôf attflSL crimi- 
nelle qu'auparavant ; nous la trouverons 
éfcaladant le Ciel n^me, & fe révoltant 
en mielque forte contre fon Auteur. Dif- 
peries enfin ^ par une ieconde punition , 
dans toutes les parties dé la terre , ils y 
portent tous leurs vices. Bientôt l'adroit 



DU Discours. 119 

& robxifte Nembrod levé l'éiendard de la 
tyrannie , & feit de tous ceux de ces frè- 
res , qui ne font ni fi forts ni 11 médians 
3ue lui , autant d'efclaves & de miniftres 
e fes paflions & de là violence. Soiis 
cette troupe affemblée par le crime & pour 
le crime , fuccombent des Nations entières y . 
que ces malheurs n'inftniilent que poiir les 
porter à leur tour dans d'autres climats, le 
vois la terre entière livrée à ces leçons de 
baibarie ; chaque particulier devient un 
Nembrod , s'il le peut ; les Nations con?- 
jurées contre les Nations s'entr'égorgei^t 
ou fe chargent de chaînes ; elles forment 
au'iourd'hui des Empires qui s'écroulent 
d'eux-mêmes le lendemain; ils cèdent aà 
tumulte & au torrent fougueux des même» 
palEons qui les ont élevés. Que peulTO» 
attendre de durable d'un printàpe plus dé- 
réglé & plus impétueux qu'une mer en 
Au-eur ? Dieu Tout-puif&ntj,, quand vous 
laflerez-vous de voir la nature entière en 



F 5 



IJO RÉFUTATION 

intîniQ pour donner une face nouvelle i 
l'Univers ? Elle fait naître ces hommes 
rares , avec lefaaels elle femble partager 
Ton effence intffable. Source de lumière, 
vous ouvrez vos tréfors à ces amcs çhoi-? 
fies; lès Sciences, les Arts, l'urbanité, la 
raifon & la juftice, fortent du fein de ces 
'génies créateurs , & k répandent Air la 
terre. Les hommes s'aiment, s'uniflent,. 
& font des lobe pour contenir ceux que le 
■fort prive de ces lumières , & que les 
■paffiors gouvernent encore. La terre jouk 
^d'une" félicité qu'elle ne connoifloir point: 
"elle eft étonnée elle-même de ce prodige ; 
elle en déï£e les Auteurs , & attribue à 
miracle l'effet naturel de la culture des 
Sciences & des Ans. Apollon eft adoré 
■^comme un Dieu. Orphée eft un homme 
'divin dont les accords înfpirent aux lions, 
aux ti^es la douceur de l'agneau , dont 
Tàrt ertchanteur anime & donne des fentir 
mens d'adiniration & de concoi-de aux 
arbres , an* rochers mêmes. Amphîon 
1 Orateur fàvant & profond 
ni par la force de fon éloquea- 
e les Thébains féroces & bar- 
1 Peuple doux, fociable $ 



S9E 



I T I i g * 



D,U DlBÇ OV R& I3.ÏÏ 



^^ffMWWNM^ 



policé. Ceft un demi-Dieu ^ 'qui par>Ie« 
accens magiques de (a t lyre donne aux 
pierres mêmes le fncHiYement jÇc fintelli- 
geoçie ^néceââires pQ^i: s'^rrang^er elles^mè** 

mes^^ 8^ fet!«f ^ TjÇlKieiitettfuoe Ville (fV 
Ce qup les jn-emiers^g^i^es de i'Arahie^ de 
l*Egypte & de la Grèce ont fait jadi^; ceux 
qu ont vu naître les' règnes des Auguftës , 
oes Medicis, des François!, des Louis 
XIV, Tqnt |-épété c^nsl^s.fiedcs poâé-' 
rieiu-s. De-Jà font fortis.çes grands refiorta 
de la Tage politique , ces atUfulces raifon-^ 
nées & .(al\itaires 3 cette iftiance de l'Eu--' 
rqpe , le foiiitien . des ,Et4ts qui. la compCH 
fent. Enfin tes feges de l'Orient n'avoient 



(*) ^va^t Que ,1^ mfo|i,^'fxp|iqvftiit par la voix» - ) 
Eût inftruit les humains, eût eof^ign^ desLoix ; 
Tous les hommes luivoien( la groffiere' nature i ^ 

Dirperfés dans \ps bois cousoient. à.la jftt«te. - I 

La force tenoit lieu de|dr<^it & 4'^ui^ '< «-^ i- 

Le meurtce s'execçoit avec impunité. 

Mais au aifcours enfin rharmonieufe adrefl^ 

De ces fimya^s neeurs adoucit 1^ rùdeiïè « '^^ 

RaiTembla les. Hi^malns dans les forêts épars'^ - ^ 

Enferma lesv Cités de «mors ft de remparts ; 

De rafpeâ,dil fupplibt «flErafst l^lblence , ' ' 

Et fous Tapi^tti .des LoU min H Ibible ùinoeent^. ' 

Cet ordre futi,4it^oi», le fhâifr déspr^eH ytt^ ^ 

D^HomXM^^Q^htMits re^us dans rUnivers» 



riMMM 



«31: RjÈFVTATlON 



été que des LégtflateUfs des Peuples; ceux 
de ^Occident ont poiiflé les pnroprès de 
la fagefle jufqu^à devenir les Légiflateurs. 
des Souverains mêmes, parce qu'aucun 
fiecle n'a poujfê fi loin les Sciences Se 
les Arts , & par conséquent la raifon & 
h fagefTe. 

Dans tous les fiecles néanmoins ces 
chaînes fi falutaires & fi raifonnables éta« 
l^fies ei^e tes Rois , entre les Peuples , 
fc font fouvent trOuvéeis rompues. Ces 
iRalheurs n'atrivéroient point , fi tout un 
Peuple étoit iavant , fi tous les Rois 
étoient Philofophes» Quelque éclairé , 



^^anx acteiis dont Otpbée emplit les monts Qt Thraca» 
Xes Tigres a.nolHs déponilloieot leur audace : 
Qja*aax accor>i« d^Alsphion les pierres té mmivoient » 
Et fur les m«rs Thélmins en o^ré s'â<?vof«nt. 
X«*luu:nioiiie en- BatfOmt produifit ces miracles. (*> 

Y*) Sihfijhes lumiêui fmotr 9 kdmrpt^f^ I>§9nm 
Cmdilms er vi&t^fmtU dtUrfuit Orpktm. 
JDiÛHs oh h0c Imirt» tégriit.fékûitfyM km»9». 
XHihu €7* Am^hûm Tbtkmts 9»mUtm mtcià » 
ésxéktmverêfinê t^/hnUtds^ V fmê hhuuU 



DU Discours. i>| 

quelque policé que foxt un Etat j le Phi-» 
loibphe y eft beaucoup plus rare y que ne 
font dans une digue les pilotis de cei 
boulevards qui s!oppofent au déborde-r 
ment d'un fleuve lapâe , aux fureurs d'une 
;ner agîtée : les Peuples font ces flots 
impétueux qui renverfent quelquefois &C 
les pilotis &c la digue qu'ils foutiennent i 
& snalheureufement les Rois eux-mêmes - 
font c]^lque£>is peuple en cette partie* 
Mais avons -nous befoin de remonter 
aux premiers iiedes du monde y 6c d'e^ 
parcourir tous les âges 9 pour prouver 
que les hommes inâruits, polices , font 
meilleurs î N'avons-nous pas aSuellement 
iiir la terre y dans nos climats même , des^ 
échantillons des hommes de toutes les 
efpeces. Dites-moi , )e vous prie , Uluftre 
Otateur ^ eâ-ce dans des Royaumes ok 
fleuriflem les Univerfités & tes Acadé^ 
mies 9 qu'on rencontre la galante Nation 
des Antropophages y ce peinte plein d'hu^ 
manité & ' de fentimént y chez lequel le& 
en&ns font honorés pour avoir bien 
battu leurs mères 9 & oii Ton regarde 
comme ime loi d^tat, & un devoir en- 
vers fes parens chargés d'années ^ de 1«$ 



134 RÉFUTATION 

laiffer mourir de fiiim (*) î N'allons pas 
chercher -fi loin des exemples.de la bar- 
barie &c du vice attaché aux ténèbres de 
l'ignorance r parcourons feulement les 
campagnes jde France les moins cultivées 

— — — ' — ; . ' ' ■ ' ■ ! 

* (*) ^ous ire voyoïis poîit la galante' nation dés Antro* 

9ophage&» dinut^Mi; mais sous atons celle des Cftrtoiicbes « 

de$ Nivets, des Raffiats, &e. Pillons plus noblemept , 

nous voyons celle des braves qui s^égorgent pour on léger 

kffîront , malgré la lai & la religion. 

. La. loi & la religion font donc contraires à ces trimes « 

•& en empêchent fans doute un grand nombre; tandis que 

de maifacrer & de manger des hommes eft une coutume , 

une loi de la nation dont Je vieiis de parler. H y a ^uelque^ 

'Cartouches parmi nous ; la férotité eA un vice à rumilbn 

<hez tous les Antropophages : nos £c4lérats font abhorrés^ 

on les faiiit dès qu^on les connoit » & ils expirent dans les 

i\ipplices. Xes Antropophages font toute leur vie l*horribl5c 

^commerce: dont ils [portent 4e nom > & font applaudis dfc 

leurs compa^ote& . . i ' . 

Le duel en particulier e(l un accident dépendait de la fé. 

rocité guerrière , & il ne^ fufiiiileroit point ndn >Ius qu'e 

ibn prift&ipe , fi rempiit des Lettres & de^ fieaiix*Art!k 

Jkùit plus éten4u» fi tous.^ lu>raniés étofent Phîtofiï^fac^ 

Nais dans la fuppofition ^ue cette férocité fbit un mal né- 

'teflTarre , quelque éunefte t ^Q^nc Âlâmable que ibit 1t 

-duel ,. on peut en quelle for^ Pexcufer^par la dâicaCeflb 

des (èntimens qu'il (Uppofo &. quUl entretient dans notse 

jeuneiTe guerrière, par* la décence & le refpeâ réciproque 

' qu*U leur infphre. îV réiftiltedonc àe te dèfi^rd^e ntême Urife 

retpfice d»pnfare^ Se (irtnirmonie^ Wkn de femfatable fte petit 

Ctre allégué en faveut des> Antrcf^oph^es & des.Hi^ef- 

tots, peuples cruels tans néccflité, par haWtudc, & par le 

•^Nilpkiifif d'eue* cnieli» — , ' ' . -- 



. t 



DU Dis cours. 135 

par les Arts , les moins policées , & com- 
parons leurs mœurs avec celles des habi- 
tans des grandes villes. Que trente )eunes 
payfans de difFérens villages de la Thie- 
rache , ou de la Bretagne, ècc.fe trouvent 
raffemblés à une fête de village pour I* 
danfe , vous aurez plus de combats , plus 
de bleffures y plus de meurtres de la. groC- 
fiéreté pafllonnée & farouche de ces 
trente ruôres , que vous n'en aurez dans 
cent bab de POpéra qui raffembleropt 
cinq cents perfonnes ; que vous n'en aurex 
en trois mois dans luie ville peuplée d'u^j 
milEon d^hahitans. Avez- vous une ferme ^ 
ime terre dans ces cantons policés? votrç 
fermier en eft autant propriétaire quç 
vous-même. Il vous paye , il eft. vral^ 
le contenu de votre bail , m^ais il ne vous 
laiffe pas la liberté d'être encore ^nieux 
payé par un autre. Vos biens paflent de 
père en fils aux defcendans du fermier 
comme à ceux du propriétaire,, & fi vous 
vous avifez de trouver que vous êtes le 
maître d'en dlfppfer en ^veur (Tune autre 
race , ou celle-ci ne fera pa^ affez hardi^ 
pom- l'accepter y ou vous verrez bieotôt 
votre terre réduite en cendres ^ & VQtJ^ 



136 RÉFUTATION 

nouveau fermier affafliné. Vous êtes cri 
Ffance , les loix vous vengeront ; elles 
vous prouveront , comme moi , que la 
vertu ne réfide & ne trouve de défenfe 
que dan^ un Etat bien policé , & que 
vous feriez perdu fans reffources , fi 
Votre terre étoit placée dans des climats 
où les loix font inconnues ^ excepté celles 
des paflions & de la violence ; fi enfin 
vous étiez dans ces premiers fiecles oh 
la natin-e feule gouvemoit les hommes; 
vrais fiecles de fer , mioiqu'en difent la 
Faible & les Poètes fes Miniftres. 

Teleft Tabrégé très-fuccinâ des preuves 

Sue rhiftoire des fiecles paflés , & celle 
u nôtre même, nous fi^umit de Punioa 
intime du crime avec l'a barbarie / avec 

1%* 
Ignorance , & au contraire de la liaifon 

neceffeire de la vertu , dé la raifon avec 

les Sciences , les Arts , Turbanité : mais 

quand Thiftoire n'en diroit pas un mot, 

n'avons- nous pas dans les principes 

phyfiques de ces chofes mêmes , dans 

leur nature , de quoi prouver ce que ces 

éVénemens viennent de nous apprendre ? 

'La propre conftitution de l'homme le 

Tend fujet à mille befoins. Il a des feus 



D xr D/iJS cou KS. 137 



qui Ten avertiflent^ & chacune de fes 
ienfations de befoins eft accompagnée 
d'une aâion de .la volonté , d'un defir 
d'autaot plus viokàt que le beibin en eu 
plus grande ou Torgané qui en înôruit, 
plus fenûble. Ce même aâe de la vo^ 
lonté iaxt jouer tous les reSorts du mou«- 
vement de la machine propres à fatisfàire 
les befoins ^ à remplir les defir^. Voilà 
la marçbe naturelle de la nature humaine ^ 
& une fuite d'eiE?ts suffi attachés à foa 
méchanifine ^ que Feâ à celui cTuiie pen« 
dule le partage - du î^ur en 14 heures. 
Par die -même, b bien- être de Tindi* 
TÎdu eâ fim uniqne^ ob^et , Tunique Un à 
laquelle cet individu .rapporte toutes fes 
;imans. S'iî hy Adroit qur'un homme dans 
rUnîvers ,: il teifoit à même, de fe. con-* 
t^itér y KÛm le faire aux dépens d'aucun 
être qui pût s'y bppofèr ou s'en plàin-» 
dre; mais dès que l'objet de fes defirs 
fc trouve partagé entre plufieurs hommes , 
il arrive fouvent qu'il feut qu'il apprenne 
à s'en pafler , ou qu'il lé raviffe à celui 
qui le poflëde. Qu'eft-ce que lui diôe la 
nature en pareil cas ? Elle ne balance pas ; 
elle n'a rien de plus cher qu'elle-même^ 



^s 



138 ,R.ÉP U T Alt ION 

% ' ' ■ ■ ■ ■ ■ 

& dt phis preflié que de fe £a6sùurei 
elle lui dit très-çofitivement que , fi le 
■poflfeffeur de Pobjet defiré «ft plus^ foîble^ 
al faut le lui ravir iàns façon ; fie que 
^'il eft capable d!uae Téfiûancei qui rende 
Tacquifition douteufe , il -feut y fuppléer 
par Part, hii tendre xxne en^ufcade^ ou 
imaginer un arc & une flèche qui Tav^ 
t^ne de loin, fie qui nous déâfle de 
rinquiétude où nous met ce defir , on la 
crainte d'être . troublé ' dans la ^poSefRoà 
de l'objet^ quand m>us:fa^;/wis iK^^piis; 
Ainfi parle la nature; ainfi a-t*ette conduit 
les premiers hommes; ainfi. >a*t-elIe-pro-i 
duit ces fiedes ^orreiirs que nous ayons 
ci-^levant parcourus. 

. Qu'a fait la culture des Sciences fie des 
Arts ? Qu'a fait, bi iiatui-e ; perfeflaoa- 
née par la rçflexion h Qu'a fait la raifoif 
enfin pour fan ver à la nature humaine 
toute brute, le . déshonneur oh elle fe 
plongeoit ? Ecoute ^ a*t-elle dit à cet indi- 
vidu , tu veux enlever à ton voifin un 
bien qui eft à hii ; mais que penfercMS-^ 
ni, s'il te raviflbit le tien? Pourquoi te 
crois-tu autorifé à faire contre lui ce que 
tu ferois bien fâché qu'il fît contre toi } 



DU Discours. 139 

Et qui fa dit qiie fon autr« voifin ne fe 
joindra point à. lui pour te punir de ta 
violence ? Réprune donc un defir injufte ^ 
& qui peut avoir des foites fiinefteij pont 
toi-même. Ne ,défire que ce qui t'appar-î 
tient , ou que tu peux obtenir légitime* 
ment. Tu es adroit & vigoureux , em- 
ployé tes talens à te défendre & non à 
attaquer z employé -les à défendre tes 
voiuns : ik t'aimeront ; ils te re^deront 
comme leur proteSeur , leur chef ; & tu 
auras d'eux , par cette voie généreufe^ 
& leur amitié & tout ce que tu n'auroisj 
pu kur ravir qu'avec injuftice , & en" 
effuyant des dangers. Réponds^moi , dit- 
elle , à un fécond ; toi qui joins au génie 
un caraftere laborieux , je t'ai vu conjP; 
tniire ta cabane avec plus d'adreffe te 
plus d'art qu'aucun autre ; que n'en feîs-"^ 
tu une pareille , ou une. plus belle mêiri© 
à ton voifin , qui n'a pas l'adreife de' 
s'en conftruire une ? Il eft meilleur chaf^> 
feur que toi , il' fournira abondamment à» 
des befoins que tu as peine à fatisfkire ,t 
& il te payera çncore de fa reconnoi't^ 
fance & de fon amitié. Tu dors, ditHelle> 
à un troifieme y & tu imites toa troupeaui 



m 1 1 ■ ■ g= 

140 RÉFt^TATION 



■^âha— -ti*»^— *— I I > ■*<■— ^— rtfclfciMi^aMfc 



taflafié & fàt^ué des pâturages oii tu fas 
promené tout le )out i je te connois ca- 
|)able des plus vaftes réflexions ; peux-tu 
ne pas lever les yeux fur ces aftres bril- 
lans dont le Ciel eft paré dans cette belle 
suit } Rcconnois - les , obferve leurs 
4Kiivrs , tires - en les moyens de cônnoître 
Us régions de la terre , le jdan de Tuni- 
vers ^ & de détenhiner l'année , fcs (àî- 
&mss Tu deviendras l'admiration des au^ 
irt s hommes ^ & Tobpet de leurs hcm^ 
9)dges & de leurs tributs. Que fàb-ta 
parefleux , di^elk à un quatrième ? tu es 
mgéûieux , & tù pafles les journées en* 
éeres dans Poifivete & la rêverie. Prend*- 
j!K>i ce rofeau ^ vuides - enr la moelle , 
pw'ces- y des trous , fouffle contre le pre- 
mier ^ oc renme avec art les doig^ for 
les autres 9 tu vas produire des fons qui 
fe'ont accourir autour de toi tous les 
humains de la contrée ; ravis de t'enten- 
dre j ils t^eftimeront par-defliis les autres ^ 
& il n'y a point de préfehs qu'ils ne te 
faffent pour t'engager à leur procurer ce 
pkiiin Vois-tu , dit-elle à un cinquième, 
ce que viennent de faire tes voifins poinr 
le bien général de Thabitation } Quelle 



Vu DisçopRs. 141/ 

émulation , ^ qi^elle eftime réciproque a 
mis parmi eux le g^nie inventiif ? Quelle^ 
union réfulte ies lervices mutuels qU*ils* 
fe rendent , ou des plaifirs^*ib fe font 
par-là ? Quelle fureté produit dans cette 
union cettç efHme , cette âipitié récipro-* 
que , 8f l'équité dont fe pi<^ent h plu- 
part de fes membres ? ToVqui fens tniwx 
qu'un autr^ , l'utilité ôf le b<Mîheur d'un- 
pareil état , ^ qui es uA des pl^s fage$ 
& des plus é^oquens de rhabitatipn ^ 
perftiade-leur à tous de fe faire une \oi^ 
de vivre toujours, comme le font les" 
meilleurs d'enfr^eux , de pupir ceux qui 
s^en écarteront , 8f d'e?:ç}tér par d^s hom-!^ 
mages 6f des récompenses les homme$ 
vertueax & habiles 9 auxquels il? doiyent'^ 
ces précieux avantages , k les porter çn^ 
core à imç plus cr^nde perfeâion, 

Ainû parla h m(on ; ainfi le génie , en 
prensmt Teffor /développa fe germe de' 
réquité & de rurb^nifté , étoufté par la* 
barbarie. Mais ùx^çeixe raiibn, premieir^ 
effort du génie \ que 4ey enoit la yertu } 
SsLtis l'éducation , uns la culture des* 
Sciences & des Arts ^ qujp deviennent leç ^ 



t^Tf RÉFUTATION 



m - >■ ut 



de cette é4u(»tion ? Que mon Orateur 
me fuive ici , & qu'il n'élude pas h ques- 
tion par le brillant de fes fophifmes ; ne 
font- ce pas. nos devoirs envers l'Etre 
fuprême & envers le prochain ? Ceft 
à des enfans qu'on inculque ces devoirs , 
c'eft fur de la cire molle qu'on en im- 
prime : l'obligation : ils croîtront donc , 
i^n-fe^lement bien inftruits , mais encore 
<;onvaincus de la néceffité de ces devoirs. 
Comment ne les rempliroient- ils pas, 
dès qu'ils en font bien convaincus? Com- ' 
ijient feroient-ils faux-bond à la vertu , 
à U probité qu'ils efiiment , qu'ils aiment 
& qu'ils révèrent? Et s'il. en eft encore 
quelquç^uns , dont la nature perverfè , 
malgré tant de circonftances propres à 
les r^ng^r fous l'étendard de l'honneur , 
les engage, à fe dégrader , à fe livrer au 
yice , qvie rfeuffent-ils pas feit ,. & en com- 
bien, plus grand nombre n'euflent-ils pas 
été y s'ils euffent manqué de. tous ces fe- • 
cours p de l'éducation & des Lettres (*) ? 

*<*)Voas faites faire, dira quelqu'un.... aux Sciences , 
a{ix ArtSf à la raifon, cequ'^toujpimfaitlaloi natovcSe, 
pjiifque vous leur attribuez même ce prçmiçr principe fi finui 
pic, alterine feceris quoi tiltifieri non vis. " . i 

%^*«iitMiOAP««i»loi jutufelk? SAtft-!lK leBinftijiftsJ 



DU DISCOURS. t4f 



i^MMMaaaMMMMMMI^^^HMiMh 



AujoufiThui -^jtttis dam un mênit mouU. 
Tant mieux fi la forme eft bonne. . 
' Sam ' ctfji la pelitejfe ^^propre giniè. Otv 
fait fort bien de ne pas fuivre fon propre 
génie , quand il eft conforme à une nature 
penrerfe ; alors on doit prendre pour ré-' 
gles les réformes .qu'y ont feit faire les 
réflexibiîs des fages ; mais quand on pof- 
féde lin bon génie , on peut hardiment 
ie donner carrière : on fe fera tout à la foil 
& admirer & aimer« 

les mouvemens que tous li^ hommes re<;oiveiit dt la nature 

toute brute? Dans ceca(s4ài'edis que la loi naturelle ne nous 

di£le que tiefatisfttirè no'sBefirs, quelque effrénés qu'ils foient, 

quf'clledl'lejjriricîpé-dè'la »à*bîaric, & qu'elle ne fait rien 

âè ce que notfsvettons^^tie faire à Id raifon', aux Sciences & 

aux Arts,' àiM! que^ je'yieni de le prouver. Vetit-onappdler 

loi natul^Ué 'celle qui ordonne ^ux hommes de fe chérir 

réciproquèthent ? alors je foutiens que cette loi eft une fuite 

delà réflexion- & de l'expérience I que c^eft une loi naturelle 

réduite en Art, en Science, par des raifonnemens-qui nous' 

font voir «ue Pett^iriEr fur nos jj^ffié^, la privation deplu- 

fiiiri de nbs dëfl^Vnous fbnt ^fourënf tiluii avantageux qué)« 

jouiflknte illé|itiitie dès biens' Mirés $ te que quand même 

ikots rff. trouverions pas ifOtré propre aVatatage^ la juftiotf 

esHgerôit de ndus que néufrâgiflîotai aiiifi: G* , «îes progrès def 

la raifon 1rè^héqùité>'{bat les 'premiers fondemens'qu^Ue 

a' jettâ dé la Morale , ils ibnt ^ déjà un - edmmence^ent du 

i^rand att defe conduire parnki les âutre$' hommes ; mais 

cett^ Icienùe-qfti tend au bien ^ de la fooiété , clmtrarîe'eA 

jnêlÀe -teiiis iliès moiiveméfls Naturels du pMtkuHen 



144 RÉFUTATION 



l|pn*n"Nma«nnMP< 



. On fiùfi plusp4roître u qt^.on tfl. Ohf 
nous y voilà ; on eft natureBement mé- 
chant ; réducation nous a appris qu'il ne 
&ut point fêtre. Nous fommes honteiuc 
de fentir en nous que cette éducation n'a 
pas encore dértcsne ces vices ; nous nous 
efforçons au moins de paroître vertueux* 
Cet effort eft un premier pas à la. vatu ; mi- 
tium japuntin timor Dt>mini ; & la-preuve 

!Vertu, tant d'admiratioa à. ces gâtons ^énéréufes, par leC 
quelles des particuliers fe font ikcri#és pour Icars amift** 
poiu: leurs conçitoyMS ? C'eft que tout« cei bellc$ aftio^t 
ne fout pas dans la limple natpire; c*£(| que pour eu former 
le projet , le fyftlin^ * il a fallu de« efforts de génie, & pour 
les exécuter , de plii$ firand^ J^t^P^ encoce de la part d» 
rame, peut-êti« mèaie d'«a peu d'un certain enthoufiaÛB^ 
pour renoncer 4 fes propre intérêts & leur préférer ^ui de 
Sf£ amis, de les citoyens, df4à patrie. Qp'e^^cc que la g^ 
aéroflté , finon ce, fkcri^cç de ibn bien p^irticulier A celvir 
des autres? Or , tou^ çeç procédés font Cupét^eurs à la loi 
purement niiturelle, fupérleurs à ces iaftinOs dont no«$ 
liarlions toutrà-rheucei p\a(k inêoiep^ cette ^aifea & pa^ 
L^iatéràt partiçvlipr ftipt 9011^ avov que les antres homm e» 
fy£Bin$. ïf^ttcoiip (If f^reî^ja^ns, que nous leur nccos- 
4oBs taiit d'élogfif . Ai»^ , oiaM op dit communément qnp 
qe prin^^^t >9^fm * <««*'f»» ^jMf <v «»* l|» V9¥drêis f»*«s t0 
fk , «ft «ne }p\ notupelL» 1 ^ f ufanid qn« o*eft U premiece 
^nfié^encfi que la raifiio a tir^e de lies réflfxiûm « & d» 
Inexpérience « U pf emier principe enfin de la ibieacc de M^ 
«lorale naturelle t de)a morale ét^bUe indépendamment des 
^mi^e9 4« \% r^ation i n^is cf|te mi^nA^ eH Yraimes^ 
un de ce^.Ajm, unede çfs SfÎMicçs i^xauffUm*^ a$ttîb«t 

tfu 



D.v Discours. 1451 

^ — ' > 

du bien qu'a fait chez Jôous l'éducâtiohi^ 
Sans elle cet homme4à àurôit été méchant 
fpns honte & fort ouvertement, Pki9 lip 
fera honteux d'être vicieux y moins il flnw 
combexa ;- 6c plus il aura eu d'éducation;^ 
tQutçs .H:fao&s égales d'ailleurs ^ plus Odttd 
honte fera grande ^ £c moins il ofèra étt^ 
vicieux. L'Auteur convient par4à y mal-*^ 

r'iui 9 de futilité des Sciences 9 des ÂrtiJ 
féducation* i * • ^^ 

. On peut rapporter au même wîmufie 
Céque.nous appelions l'iionneur^tel^n^ 
d'honneur , ce tyran magnanime 4bftt> W- 
pouvoir defpotique & fouvent falut^ire^ 
goirveme tous les Peuples: civilifes, ctf> 
grand mobile des aâlons de toiis le$ hoitî^^ 
mes 9 de ceux mêmes quln^ont ni religkAI' 
ni vertus réelles. Or , ce freiit le plus puiPi^ 
iànt , le plus univerfel contre les * aiûiôft^ » 
haSos y honteufe^ , vicieufes , tf ot^ rîo\is 
vient-il, finon de l'éducation ? Poiîrc[uoî ^ 
une Sauvage fe proftitue-t- elle publixp«^fci 
ment & {zns façon , tandis que ce que àé^d 
appelions une femme d'honneur , per<î^c8* - 
la vie plutôt que la réputation qiii''lui •' 
f^ domier cette épithete , & que cedlc^-' 
qnîi l'ont IpSEsrdu^;, cachent^ encore àveé^^ 
SupfU de U CqÛcc^ Tome L G 



I4â RâFUTATlON 



>«4I 



foin' leurs fbiblefles ? Ceft que la Sauva* 
|e fuit, le ieul inâinâ: de la nature ^ 6c 
jii'oa' tt lui a jamais dit qu'il y avoit du 
mal à fe laifler aller au torrent de fesr 
Daifiôns : au lieu qu^on a inculqué dès^ren* 
6neo à nos femmes des regks de morale 
éîvine & humaine fur cet arucie » & qu*on 
ks a petfuadées qu'il eft honteux de s'a- 

r donner aux vices contre les lumieresi 
les préceptes de cette morale. 
• ^: point -^d'honneur , ce frein plus 
oéhénjU t|ue la Religion même , & qui 
W oft^uvent fort utile , fera donc d'au- 
l^t plus puiflant , qu'on aura mieux in-^ 
culq\iélces vérités y ces préceptes' de mo« 
rale.^ & qu'on aura donné plus d'éduca*- 
tiioii.^ Les hommes feront donc d'autant 
moins vicieux 9 qu'ils, feront moins igno^ 
r9n9)i^:imeux inflruits. 

Ec : d^ns cette çontrainu -^ûotit eui été 
)effimiel dt le connoitre. Qui cô-ce ^qui eft 
laedi^e des politefles que l'ufàge a étsK 
b|ies 9 «& qui les confoadra avec les .o& 
frfô -ànceres de fervices que vous fait 
u4 ami ? La fimple iuî)anité & l'urbanité 
écàwiuiFée par une amitié vive âcânceret 

OQt des tons £1 (lifféren$ > qut le moins 



D Dis c'o ur s." 



■vetfé dans le cotnmerce du inonde 'ne 
s'y méprend pas. Le fourbe même , qui 
s^tudie à jouer le perîbnnâge de celul- 
ri , n'eft gueres plus dîiîidle A pénétrer, 
qu^ln'eft embarraflànt de diflingiier Une 
coquette d'une véritable Hmante. Aii relie, 
fi les hommes fe trahifîent dans im fieclc 
où l'éducation , l'honneur & les fentimens 



148 R É F U T A ■IQ I p N, 



ques aiillî fines que cette matière eft Ail>- 
tile; celui-là même n'a plus vis-à-vis 
d'une femme , d'un homme du monde , 
qu'une timidité ■» une ingénuité ^ftique. 
qui fe trouve [»iméé par la frivolïté 
même. L'Aigle des Académies devient le 
. butor des cercles. Ce fera bien pis, s'il eâ 
queftion de l'art de pénétrer les petits dé- 
tails d'intérêt , d'affaires de commerce, les. 
fineffes , les ftratagêmes qui font partie 
de cet art H connu du commun des homr. 
mes. J'ofe avancer uns crainte d'être cpn- 
ttedit par aucun homme raïfonnable, qu'en 
cette partie , une douzaine de ces porn-r 
mes tranfcendans , va être le Jouet d'un ruf- 
tre Bas-Normand ou Manceau , & la rai- 



DÛ Di se b u R s. 



M^ 



'mdride , de iVs maniérés , de fes rjifes.t' 
de fes inlérêcs à la fcience dé la 'Nature 
& des Beaux- Arts ; & pourquoi dfins 
cette Société , la partie la plus aimable 



^i 



JÎO 



RâFUTATION 



Quel coruçe de vices — eux Jumftrts tfy 
'notre èêcle. Nous venons de répondre à 
cette déclamation. \ 

On ne profanira plus — on -h calomniera 
avec' adrejfe. Notre Auteur convient que 
gens polis^ 
s -tfoairager 
is,'qii*en re^ 
a .calomnié 
partage de 



qu'un homme aH 
le vol , le meurt 
tant dans la Ue Ài 
&C^' fe fera un {< 
fourbe î Ce fom 
pour des fcëlérai 
leurs mains dans 1 
nons'donc que 
hommes de ce fit 



kge pour la 
ettirpé ies 
LUfeur croit 
ans fe font 
[ipenfation, 
le perfonne 
1 perfuader 



DU Discour S. nfi 

civilifée, à demi baii>are , eft la plus mo- 
chante ; & nous concevrons que quand 
tout le çenre-humain étoit Êiuvage ^ haii- 
bare y pire encore que la groiCere efpece 
dont nous venons de pàu^ler^ tous les 
hommes étoient beaucoup plus méchans 
qu'ils ne font aujourd'hui. 

Les haines natUnales s^ éteindront ^-^ que 
leur artificuuft JimplUki. Notre Orateur 
copie ici le Mifanthrope de Molière ': il ne 
lui manque plus que de dire avec lui. • • • 

X entre en une humeur noire ^ en ujti chagrin. 

. profond , 
f^uandje vois vivre entr'euxks hommes comme 

Us font $ 
Je ne trouoe partout que lâche flatterie ^ . '-. 
flu^injujiice ^ intérêt^ tr ahif on ^ fourberie ^ 
Je n^y puis plus tenir ^f enrage , 6? mon dejfein 
Eft de rompre en vijîere à tout te genre-humain 

Nous lui répondrons avec Àtifle. . • • 

Ce chagrin phUqfophe eft un peu trop fauxufige ^ 
Je ris des noirs accès oi^je vous envifage* 

Telle eft la pureté — . devmtroite^^^Qm^Ài 
de nos mœurs le contmm dp(à\qiieHes\f^nik 
Un Sauvage, fans doute,) qui prendc^lt 
A la kttre toutes no^ politefiçi ^ &! qui 

P4 



115a . il jLf ujt a t? I o n 



•<«M 



•croîfoît bonnement ^ue tout lé monde eft 
Ton ftrviuur , parce que tout le monde le 
4uii 4it>^ feroit fort étbnné de ne trouver 
, îwjqltt laquais à {t% gages parmi its hon- 
enêtes fen^itejtn. Mais quand il compare- 
;roit €nfuite Iç fond de là vie & des -mœurs 
de nos peuples avec ce qui fe pafle dans 
;£i^ nation barbare i ^and îl ferôit en état 
de coàiparer les prodiges que les Scien- 
•4:es:& les Arts ont inventés poiu- la fureté^ 
les -befoins/ 6c~ les x:omipodités de la vie^ 
jpour ^amufemçnt ^ l|s^ bonhe\ir des hon^ 
mes , avec la pauvreté & la mifere affi-eu- 
fe de fes compatriotes expofés aux injures 
de toutes les laifdns , vivans de chaffe , de 
pêche^ôc de.xe que la terre donne d'elle- 
mêpie , & mojurâns de feim^ de froid , ou 
des maladies ïes plus^i/ées à guérir, quand 
Iç liaj&rfi^ & ja nature ^ leufs feules reA 
fources , leuf* planquent au befoîn ; quand 
il ferolf àflez inflriiît pour comparer no- 
tre liirifpnideiîcei cette police admirable 
âui met le fôible & Torphelin à Tabri 
^ vixriences'^rplus fort â( du plus mé- 
cbÉity^ii fait vWi^e^Qnfemble des millions 
^timinçs âvêc.di>ucéiir,politefle, égards, 
ifefvices ;récrproqups,-comme le dit.fi élé- 



« 



DU Discours. 



Mî 



famment notre Orateur ; quand il feroit , 
is-je , en état de comparer dette harmo- 
nie admirable avec les "défordres affreux 
annexés à la barbarie , aux mœurs (àuva- 
ges , alors il fe croiroit traniporté dans le 
féjour des Dieux , & il le feroit en efFet , 
par comparaifon avec fon premier état. 

Où il rt jy a nul efet -^ nos Arts fe font, 
avancés à la petfecîion. On dit aller à la 
perfeftion', & rton pas iavancir'à laptrfec~ 
tion , maïs bien s'avancer vtrs Ta perfec- 
tion : comme on dit, alUr à Paris , & non 
pas s*avanctrà Paris, mais I 
vtrs Paris ; 8c la raifon en ei 
que celui qui va à un lieu , 
' teindre , afler jufques-Ià ; ai 
lliî qui s'avàrice vers quelqfi: 

fort bien ne faire — i— -- _ _ * 

elle , & en refter ] 
Jfe n'y regarderois 
fie volontiers la' | 
expreffion |ihis nei 

Prieur doit être 
Dira-t-onqùe <? 

tous Us lieux. Vo 
formelle du par; 
lButeiûr;i'fùlv0n! 



*■ ' ■■li n I * « * ■■■i. 



154 RÉFUTATION 

m " ■' ■ ■ ■ ■ I II ■ I I I 

preuves qu'il va donner de propoiitions 
âuffi révoltantes & auffi fauffes* , 
' • f^oye^ tEgypu — & enfin des Turcs. Ces 
faits biftor ques prouvent -ils le moins du 
monde que l'Egypte polie par les Sciences 
& les Arts en fut devenue moins ver- 
tlieufe pour être devenue plus foible» 
Cette preuve au contraire ramenée à la 
vérité nous apprend que l'Egypte conqué- 
rante eft l'Egypte barbare ^teroce ; que 
l'Egypte conquife efl l'Egypte favante , 
cîviliiéè , vertucufe , aflaillie par des peu- 

f)les auffi barbares & auiîî féroces > qu'elle 
'étoit elle-même autrefois» Q^V. ^'^"^^ ^ 
Gui ne /bit conforme à la nature & à notre 
tnefe ? N*eû-iî pas dans le cours ordi- 
naire de cette natiure ^ toutes cbofes égales 
d'ailleurs, ... 

Que laSérodté terrajjc la vertu, 
ybye^ la Grèce — que le luxe & les Arts 
avaient inervi. Enervé , pafle ^ mais de 
mœurs corrompues ^ c'eû une queftion que 
notre Orateur n'a pas même elHeurée ^ & 
que j'pfe le défier de prouver. 

Ceji au tems des Ennius — le titre (Farbi» 
ire du bon goût. Tout le monde fait que 
Rome doit fon origine à iine projiipe 4^ m^ 



( 



k.. 



DU Discours. ijfj 



•i^ 



gands raflemblés par le privilège de Tiih^ 
punité, dans l'enceinte formée par foa 
fondateur. Voilà le germe des Conquérans 
de la terre , objet des éloges de ce diicows ^ 
en voilà l'échantillon ; &s 'fcélératis réunis 
par le crime & pour le crime* Je confeille à 
notre Orateur de placer ces Héit>s que 
nous verrions aujourd'hui expirer par di- 
vers fupplices bien mérités ^ de les placer^ 
dis-je , vis-à-vis des Ovides &. des Catul^^» 
les, &c -> 

Qf^ dirairje d^ âtMU^ Métropole ' — peup^ 
être par fagéffe qii pmr ' barbarie. Voilà un 
peut-être bien prudent , & bien néceflkire 
à cette phrafe ; car conmient croire que 
les. peuples de TEurope encore barbare i, 
ayent refufé avec connoifiànce ^e ïcaufe 
d admettre les Sciences chez eux ? Us nV 
voient pas lu le diicaurs de notre Orateur. 

Tout te que la débauche -^^les lumieuae 
dont Twirefiede fe glorifie. Toutes ces^ hor- 
reurs prouveat que dans l^mpire le mieux 
policé 9 le pkis iavant, il y a des ignorans> 
il y a des barbares. Tout un Peuple peiH- 
il être Êivant dans le Royaume ^ où les 
Sdences fom le plus cultivée ? Tons les 
iiommc^ oïdHls des ^too^urs «tai^s les Età<i; 

G é 






lf6 •R É T U T AT I O N 



■*w 



OÙ la mon^ la çlni pure règne avec le 
plus de vjçueur} La pKis nombreiife par- 
tie des fujets d'un pareil Etat > eft tou- 
jours privée de la belle éducation v & il 
eft, fans doute,' encore parnû l'autre, des» 
nstfures aflfez rebelles pour çonferver leurs 
paflions, leiur méchanceté ^ malgré le pou- 
voir des Scieflces & dès Arts. Un fiecle- 
flairé , policé ^ eft plu5 frappé qu'un au- 
tre, dis? cci anecdotes hpnteiifes au geûre* 
humain. U eft fécond en hiftbriens^ qui ne 
«na^^ouént -^pas de lim iraAfmeltré à la poi^ 
tériie; /tnais combien ffe n>ille volumes^ ' 
«àntDDim^jî^auroit-onpfas rempli des noir*» 
«eur» qufcfe font paflées dansks fiedes 
^arhaces^^ , dans les fiedes de fer , s'ils- 
oî'y Tavoient pas été trop communs pour 
«lériter attention , ou s'il s'y éto^t trouvé 
^esiipeûatetus, genr de pj^obâté 9 & ea 
létot décrite^ 

- . àfais pourquoi cheHhtr r-r, libres. 6r U^ 
imincibki. M^ttrcr ks maurs ^ ^ donner ç^ 

3ue fc'Airteur entend ici par courage ^ font 
atx dioiès totilhà-iait diâ^eates, ëcpeuK 
:^tre même oppoTéeS. 

2 \ L» Valeur . guerciere eft de^deuiç fortfts;. 
ai'unieaq[b6^j|'at>pdlexmMveç i'M^M^m^^^fft> 



DU DisxauRS. 157 



•i-^W*^i*^iW«i-"iW 



a. fou principe dans ks j^ffions vives: cte** 

Tamç ,. & un peu dansia forée du corps ;J 

celle-ci flOus eft donnée par la nature, c'eft> 

^Ue qui diftingue le dogue d'Angleterre Avb 

barbet & de Tépagneul ; le propre nom» 

de ce courage eft la firocui , & il eft par 

conféquent un vice^ La valeur cerner© 

de la deuxième efpece , & celle qui mé^' 

rite vraiment le nom de valeur^ éft^ la^ 

vertu d'une ame grande & éclairée ixmek 

enfenible , qui pénétrée de la )uftice<l'ime 

caufe , de la néceffité , & de la poffibilité 

de la défendre y & la croyant iiipérkure 

aux avantages de j(a vie particulière , e»^ 

pofe celle-ci pour ol^nir Tautre , en f^^ 

^t fervir toutes ies lumières au choix dés 

moyens prudens qui conduifeni à ion but^ 

Le courage féroce «ft la valeur ordinaire 

du fbldat ; c'eft un laouvement impétueux 

& aveugle que donne la «atjuije^jâc: quî 

fera d'autant pli« violent:^ d'autant:, plus 

pinftànt 5, quç les paffionsfftront plus vives, 

.plus, mutines ^ qu'elles . ^lurwt' ^ rmoins 

.domptées; ee immbt^ moini l'iodiyidH 

aura eu d'éducation , plus il ièra barbare^ 

Voilà pourquoi k^ ruflres des Province 

^éloignées du cf^^re.jijip^Ç^t.î^ilis^.^.âP 



158' - RâFUTJLT ION 

\ts montagnards font plus courageicc que 
les artifans des grandes villes. Il eft hors 
de doute que la culture des Sciences & 
des Arts éteint cette efpece de courage , 
cette férocité ; parce que la foumiflion , 
h fufaordinàtion perpétuelle qu'impofe l*ëK 
ducàtion , la morale qui dompte les paf-« 
fions j les accoutument au )oug , en étouf- 
fent le feu 9 ies incaidies. De-là ndît k 
douceiu* des mœurs , Téquité , la vertu ; 
mais aux dépens de la férocité qui ^t le 
bon foldat. L*art de raifonner , peut de- 
venir un très-grand jnal dans celui qui ne 
doit avoir que le talent d'agir. Que devien- 
droient la plupart des expéditions guer- 
rières 9 il le foldat y raifonnoit auffi jùile 
que Fane de la Fable..*. 

Et que m'importe à qui je fois ? 
Battez - vous , & me laîffez paître : 
iSettc ennemi , c'eft notre maitre , 
Je vous le dis en bon Franqois. 

La Fontaine ^ FabL i. L VI. 
• Rois de là terre , dont la fageflfe doit em- 
ployer utilement jûfqu'aux vices , ne tra- 
vaillez pas à conterver à vos peuples la 
férocité , mais choifiiTez les bras de vos 

9rméé$da0s la partie 4« yos fujets la mc^ 



DU Discours. i y^ 

pdtie ^ la {>}us l»ïi>are ^ là moins ircrlueu*^i 
fe , vous rfâlirez» encore que trop à cfapî*; 
fir 9 , queli|ue proteôion q\^ vous accor- 
diez aux Sciences & aux Arts ; mais cher« 
che^ la tête qui 4oit conduire ces bras^ 
chérchez-la au temple de Minerve ,. Déefle. 
des armes & de la iageiSe tout enfemble ^ 
parmi ces fiijets dont l'ame auili éclairée 

Sue forte ^ ne connoît phis les grandes pat 
ons que pour lès transformer en grandes 
vertus, ne reflent plus ces mouvemens 
impétueitx de la nature , que pour les em» 
ployer à entreprendre & à exécuter le^ plus 
grandes chofes. 

Des notions ^te je viens de donner du 
courage, & je les crois très-faînes , ôi; pri- 
fes dans la nature ; il rçfulte qu'une ar- 
ihée toute faite d*un Peuple policé^ > une 
armée toute compofée de Bourgeois , d'Ar- 
tifàns, de Gr^mçiairiens , de Rhéteurs, 
de Muficiehs, de Peintres, de Sculpteurs, 
d'Académiciens du premier mérito mèàie , 
& de la vertu la plus pure , f^roît une 
armée fort peu redoutable. Telle étoitap«* 
paremment en partie ceUe que les Chinois , 
les Egyptiens , très-favaris & très-policés, 
•Ht oppofée aux inçurfions des Barbares| 



t60 RÉFUTATION 



mmmÊmÊmiae'' 



fnsûs cette armée , toute pUôyaSle qit'elle* 
eft, n'eft telle que parce qu'elle eft com- 
pofée d'un trop grand nombre d'honnêtes 
gens y d'un trop grand nombre de gens 
humains 6c raifonnaUes ^ de gens qui 
difent.*... 

Eft un gi;and fou qui de la vie ^ , 
Fait lé plus petit de fes fo^hs , 
Auffi-tôt qu'on nous la ravie >» , 
Nous en valons de moitié moins. 



Par ma foi c'eft bien peu de chofe 
Qp'u" demi-Dieu quand il eft mortr 
.Du moment que U fierç parque \ 

• Kous à fait entrer dans la barque , 
Où Ton ne reqoit point le corps ; 
Et la gloire & la renommée 
Me font que fonge & que fumée , 
Et ne vont point jufques au&^ morts. 

' Voiture^y tom^ 2: ' 

r • ' • - 

c . Au moins aous ferons en.droitdecroire^ 

3ue ces guerriers devenus lâches à ibrœ 
e avoir & de politefie 9 n'en étoient 
pas moins remplis de raifon^ d'humanitë 
& de vertu y jufqu'à ce que l'Autei» du 
jE^ifcours m)us\ait biea prouvé c^uVm; nr 



IX u :Disx:ov rs. i^t 



MWMl 



peut être à là fois honnête homme & 
poltroru ^ 

Mais s* il ri y a point de vice *-^pourfafidi^ 
dite que t exemple rCapn corrompre. ^ L'Ait- 
/teur confond par- tout la vertu guerrière 
<lu foldat , la férocité avec la véritable 
orertu , la probité ^ la jiiftice.rEn fuivant fefc 
principes , on croiroit les foldats phis Veii- 
tueux qu^ leurs Officiers ; les pay fans plus 
gens de bien que leurs Seigneurs y $c Toa 
crieroit à Tinjuftice , de voir qué^%js f ri- 
bitnaux ne font occupés qtrè de là ptini- 
tion de ces plus hortnôtes^ geft5*lL' Je 
ne préfume paè que le Difcodrs ÙQ-hotti^ 
Orateur feffe réformer ces d^âbmifiationi 
Uniyerfellement reçues, & vraifemblafcle^ 
ment bien fondées, par Iefquelle« on difj» 
tîngue comtnunément les hommes de ki 
fociété en dieux ■ claffes ; Fane ianfr^ft^if^ 
fence, fens éducation , & qu^ea <:oiîfé-^ 
quence on défigne par des» épith^te^ 'qui 
maà-quent qu'elle a peu de fentimens^ l>eà 
d'hoilncur & de probité ; fautré bien née 
& inftniite de toutes les parties des Sdeh-^ 
ces & des Arts qui éntrçnt^dans^ la* bella» 
éducation, &L que potir cette raifort» ort( 
regarde comme k clafie des honnétps gpmi- 



tig — -^ ■»■.-« f- . 



^64 Wà ï? u t A r î o r^ 



Miit^r 



lélagifer 1 les éfïiondei' dé éeitàiiies fuper- 
iluités ^ de certaine parties huifiblés; 
donner à la terre qiii les éhVironiïe une 
certaine préparation , une certaine façon ^ 
dans Certaines ikiiofis. Je ne crois pas qu'î 
fc .trouve de mortel cpii ofedire que tomes 
ces parties de FagricuUure ûé (onlt pas^tiles, 
néceffeires à 4a produâioti & à 1* perfec- 
tion de$ fnriti ae ^ h' tetrfe (*) ; comment 
donc powroii^ii Verfti-ouver d'aâez peu 
raifdnnabies pour avancer que cet Art, 
loin d'être tttile à ces^uifs, tend au com 
traire à les ^^ rendre 'moins abondsms & 
moms bons} Voiià pourtant eÉ^âement 
)e cas de ceu^ qui £cmrîe<inehf (pië les Sdeitr 
tés & les Arts, ht «mlttire d^ IWprit & do 
co^r , introduisent che2. nous la déprava- 
^i;ion.des mœvu-s. 

i On peut penfer qu-il y ^ide$ hommes 
nés.:av!ec t^nt de lumières, tai^t de tâléns, 
une fi belle 3»xie , qiié '^ cultiWi leiir de- 
vient imitile.iSi; vous» y ^réflcchiflfez^ v^u- 

Et fêniti^ terrebis a.'pes SJ* rurû fipacd 

Falce fremes ttmlrdf, voitfqnf vocat^erit im^rétm ^ I 

Virgil. georg. 1. i- ▼. if ç* 



DU Discours. 1,6%, 

>nviendrez que les plus h^rerux naturels jt 
'S honnies mêmes qu^ondoU choifir pouf' 
cffer fur les autres, fi l'on peut dire ; ceux;* 
, disrje, ont encore beiQÏn de CMltiire ,' 
I au moins on ne faiiroitnier, qi^'its n» 
viennent encore pluf , vertueux , plii»- 
pableSj plus utiles , s''ils font cultiYé* 
r les' Sciences & les Arts , comme l'arbra 
I meilleur ijcai// devient" plus fertile êb 
LIS excélleo^ encore » s'il eil placé danft 
terrajtjiqùiluieïl: plus^convenable, dan* 
(pâlîerlë mieux èxpofé, &s'ileft, po>tc. 
m dire , traite par' le jardinier le p1yi> 
bile. , ; , . : , '..,'■'>.' 
Fortes çreantur- foitibos & bonis. 



Art 

mt ; 
Cici 
J'ai: 
par 

nati 



ié& R é F U T A T I O N ^ 

H^«réttffi^iie ftFfinence fans un bon naturel; 
>^*mcds je ibiitîens auffi , que quand à un 
ir-'éJcCellcht naturel on joint la fcience,h 
H-ctikure, if:en réftilte ordinaif ement tin 
R hiMHxie d\th triérîte tout-à-fkit flipérieur. 
M ^pls^ ohtété , ^oùte^t^il , Scipion FAiH- 
9f ttâSn'i-' télîus , "les très - Érvant Caton 
¥k ifenciehv'ôcfc/ qui ne fe feroient point 
Ml aviifes dé développer leurs vertus parla 
^ Culture des Sciences , s*iïs n'avoient été 
1^ bïen periuadés qu'elle les cpnduifoit à 
p^ ctftte fin louable (f). » 



* é''L - . . . . * Alterius Jtc 



Altéra pofcit opem res , Êf conjurât ahnci 

Horat. aift'poct. Vi 409. 



(*) Ego multot hominn^ exçtllfnfi a^itnr ac virtmti ^% 

^Jtne do&rina^ naturà i0us habiiuffpf divino , fer fiif^* 

tr moderatos'^ gr^ere^ètHi^efàeàtl^^àm'iUmd s^* 

fspsHs a^ Uudèfn ^«e -^f^^ mttàeam fine dmOrinM,^ 

fine ndhtrÀ vafmffc dêOriym. A^qw^i^m i^« r^«^, «■ 

éid natu/a^. eximtam aiqu'e iUuftrep» accèffeftt raHé JM^» 

' evnfirm^tt^èydùOr^i tum^ ilttid nif^ quid frMclgnm^ 

Jmgi^art fiittf «(ifierf^ J^ *^ «4* A««c »ttoi»#f», pttmf^* 

mfiri vïdemd divinum h»mnm ^friicénum^ exh^cC Ldlà0> 

L.,Furium, mderattj^oà homrU.s.'^ cônféuUiffàmi : « ** 

fwHjgmwn virum^ -^ illi»têmpârMnu jUSHjjlzmiÊm M. €*•• 

Ultpf ffftemi 9» t^ff^yfiniiii mdfftcifwfdâm . <»W^ 

f »f vsrtHtem Utterif /^junarpitur ^ .jfutipfm^fi M 

ffium contuHiffetit/ '* ^ . • ^y 



r> u Di s c o u RS. iS^ 



. Ce nefi point par Jlupiditl — à dédaigner 
^ domine. On eft tenté de croire que; 
l'Auteur plaifante quand il donne ces anec- 
dotes hiftoriques pour des traits de fageffe». 
Celle des Romains^ qui diaflent les Méde-»; 
uns eft bonne à joindre aa Médecin mak 
pé lui 3 & aux autres badinagçsde Mqliere! 
contre la Faculté. Si les Dieux mêmes* 
fi'appeUoient pas du Trilninal intégré des 
Athéniens ; ç*étoit donc dans fes accès. de. 
folie que ce peuple s*en éçartoit* On â'a 
jamais rapporté férieufement, pour dé-; 
crier des chofes regardées .comme excel- 
lentes , divines ^ les incartades & les ihful-- 
t?s d'un peuple plus tumultueux &iplus 
orageux qife la nier* Paflèroit-on pour^ 
raitonnabie , fi l'on vouloit prouver qu'AU 
cibiade & Tljémiftocle les, plus grands 
hommes de la Greceétoient des lâdbes 6c 
des traîtres , parce, que les Athéniens les 
ont exilés & conàimnés à mort ? Qu' Aris- 
tide ^ fumommé le Jupe ^ Uplus homme, dt 
tien que la République ait jamais eu y dit. 
Valere Maxime, aft été un infâme, parce 
que cette même République la banni ? Ces 
trames iéidkiëufes» xe&bourafqueisi dii peu- 1 
fie ^ ùont k jsdouûe , l'iaconftançe |. S^> 



t6dr^ .RÉFUTATION 

Pétoùrderie font les feiib mpbiles , ^ne 
prouvent-elles pas plutôt le mérite Supé- 
rieur & l-exceUence de Pobjet de leur 
fureur ? Que t'a fait Arîftide , dit ce fage 
lui-même à un Athénien ide Taffemblée quî 
le condamnoit } Rien 9' lui répond lé ootw 
juré,, je ne. le connois pas même, maist 
je œ?0nnuie de Ventendre toujours appellera 
lejujh. Voilà de ces gens raifonnabfes fui* 
lefquels notre Orateur fonde fes preuves. 
.' UubUcroisJc que et fut — & Us Artijlcs , 
UkScUncts or Us 5'^Ji«5, Le but de Lycur- 
gue étoit.mouK de &ii:e der honnêtes gens 
que 'des foldats dtuiS'Un ^ ays qui en avoit 
grand befoin , parce qu'il étoit peu étendu ,* 
peu pei^lé« P^ cette raifon toutes les loix' 
de Sparte vîfoient à la barbarie , à la férocité 
plutôt qu'à la vertiu C'eft pour arriver à 
C23 but qu^eUes éteignoient dans les pères ^ 
mères les' germes de la tendrefle naturelle, 
en les açièciitun^rit à faire périr, leurs pro- 
pt^sen&ns, s'iliavoie^t le malheur d être- 
nés n^ai^faits , foibles ou in^iuesè Que^ de ' 
grands hommes ^ nous aurions perdus ^ iî 
nous étions aiiifî barbares ^e les Spar- 
tifltes;} C'eft pour le même^deifein <{u'ik' 
#tie v^ent les en&qs. à j leuf s^piârens ^ & : 

les 



DU Discours. i6^ 

les feifoient élever dans les Ecoles publi- 
ques oii ils les inûruiibient à être voleurs 
oc à expirer fous les coups de fouets , fans 
donner le moindre figne <le repentir, d^ 
crainte ou de douleur. Ne croiroit-on pas 
voir rilluûre Cartouche , ce Lycurgue des 
fcélérats de Paris, donn^çr â les fujets des 
leçons d'adreiTe dans fon art, & de patience 
clans les tortures tjui les attendent? O 
Sparte ! o opprobre éumet ^ ^'humanité J 
Pourquoi t'occupes -tu à transformer les 
hommes en tigres ? Ta politique digne 
des Titans tes fondateurs (*) , te donn^ 
des foldats 1 D'oîi vient donc les Athéniens 
tes ypifins fi humains, fi policés t'ont-ik 
battu taAt de fois ? D'où vient as-tu recours 
à eux dans les incurfious des Perfes ? D'où 
vient les Oracles te forçent-ils à leur de^ 
mander un Général ? Infenfée , tu met$" 
tout le Corps de ta République en bras , 
& ne lui donnes pobtde têtç* Tiji ne fàu- 
rois mettre tes Cnefs en parallèle ^vec lej 
deux Ariftomenes , les Alcibiades , les 
AriiUdes , lès Thémiftoçles \ le;5 Çimons , 
&c» enfans d'Athènes , enfans des Beau^n 



^9 



l*y Selon le Père Pfzron. • 

Suppl^ di la CoUfÇn Jom^ I» ^ 



170 RÉFUTA -ri ON 

Arts , & les principaux auteurs des plus 
éclatantes viôoires qu*ait jamais remporté 
la Grèce. Tu ignoi'es donc que c*eft du 
conduôeur d\ine armée que dépendent 
principaleiçent fes exploits , que le Général 
fait le foldat , & que le hafard feul a pu 
rendre quelquefois heureux des Généraux 
barbares , contre des nations ïlu-prifes & 
ûins difcipline (a). Mais ce héros immortel 
qui vous a tous effacés 9 qui vous a tous 
nibjugués, & avec vous ces Perfes , ces 
peuples de l'Orient qui vous avoient tant 
de fois fait trembler , ceux mêmes que 
vous ne connoifliez pas ^ & jufques aux 
Scythes fi renommés pour leur ignorance , 
leur rufticité & leur bravoure ; ce conqué- 
rant auilî magnanime que courageux étoit- 
il un barbare comme vous ? étoit-il un 
difciple de Lycurgue ; non , certes 9 la 
^rocité n'efl pas capable d'une û grande 
élévation d'âme , elle eu réfervée à l'élevé 
d'Homère & d'Âriftote , au protefteur des 
'Appelles &c^ des Phidias ; pomme on volt 
'dans notre fiecle qu'elle ei^errcore annexée 
aux Princes élevés des Defcartes , des 



(«) Le Czar Pierre I eft «ne preuve récente 4e ct^ 
férité. T 



tf 



D u Disc o u R s. 171 



Nevtons , des Volfe ; aux Princes fonda- 
teurs & protefteurs des Académies ; aux 
Princes amis des Savans , ôc favans eux- 
mêmes* Toute l'Europe m'entend , & Je 
ne crains pas qu'elle defavoue ces preuves 
récentes , aftuelles même , de l'union înti- 
îïie & naturelle du fevoir , de la vraie 
valeur & de l'équité, 

Vtvcnement marqua cette differenu^^ 
qi^ Athènes nous a laijfes ? Il fied bien à 
Socrate fils de Sculpteur , grand Sculpteur 
lui-même , & plus grand Philofophe en- 
core , de dire que perfonne n'ignore plus 
les Arts que lui , de faire Téloge de l'igno- 
rance , de fe plaindre que tous les gens à 
talens ne font rien moins que fages. N'eft- 
il pas lui-même une preuve du contraire ? 
Prêcheroit-il fi bien la vertu , auroit-il été 
le père de la Philofophie , & un des plus 
iàges d'entre les hommes , au jugement de 
rOracle même, s'il avoit été un ignorant? 
Socrate feit ici le perfonnage de nos Pré- 
dicateurs , qui trouvent leur fiecle le plus 
corrompu de tous ceux qui l'ont précédé , 
6 tempora , 6 mores , & qui par zèle pour 
les progrès de la vertu , exagèrent & les 
vîtes du tems, & l'opinion modefte qu'ils^ 
ont d'eux-mêmçs^ ]tl \ 



IJX Rif U T AT lO^ . 



l ' .i I I I 1 1 j 



Croit'On que s^il rtffufcitoU'^ Cejl ainfi 
quil ejl beau JHfjfiruirc Uà hommes 1 Nous 
convenons qiie les Beaux-Arts amoUiffent 
cette efpece de courage qui dépend de la 
férocité, mais ils nous rendent d'aiitan| 
plus vertueux , d'autant plus humains. 

Mais Us Sciences ^^ & on oublia la P^» 
trie. Rome a tort de négliger la difcipline 
militaire & dé méprifer 1 agriailture , & 
notrp Orateur d'attribuer ce malhe^ir aux 
Sciences & aux Arts. Uignorance & la 
pareffe en font des caufes bien natiu-elles. 
Çaton avoir raifon de fe déchaîner con- 
tre des Grecs artificieux , fubtils , corrup- 
teurs des bonnes mœurs ; mais les Scien- 
ces & ks Arts n'ont aucune part , ni à 
c^\X.t corruption, , ni à la colère de Caton* 
qui lui - même étoit très-favant , & aum 
diftingué par fon ardeur pour les Lettres 
& les Sciences , que par (a vertu auftere , 
félonie témoignage de Cicéron cité. 

Aux noms f acres de liberté -^ de conque^ 
rir le monde 6* J^y faire régner la vertu. 
Le talent de Rome a été dans les commen- 
cemens d'affembler des gens fans mœurs > 
des fcélérats , de tendre des embûches 
aux Peuples yoifins par des ikx^% & dçs 



^m 



tm 



DÛ Discours. 17J 

céfëmonies felîgieufes qiie tous ces hon- 
nêtes gens ont toujours fait fervir à leurs 
vues , & de perpétuer par-là Tefpece & 
les maximes de ces brigands. Devenus plus 
célèbres & plus connus dans le monde, 
il a fellu fe montrer fur ce théâtre avec 
des couleurs plus féduifantes , fous les 
apparences au moins de Thonneur & de 
la vertu. Le Peuple Romain fe donna 
donc pour le prote^eur de tous les Peu- 
ples qui recherchoient fon alliance , & 
unploroient fon fecours; mais le traître 
fe fit bientôt le maître de ceux qui ne 
Tavoient voulu que pour ami» Voilà Ut 
vertu de Rome & de Caton. Qui dît con- 
quérant, dit pour l'ordinaire injuûe & 
barbare; cette maxime eu fur-tout vraie 
pour Rome ; & fi cette &meufe ville â 
produit de grands hommes ^ a montré des 
vertus rares , elle les a dégradées en les 
employant à commettre les injuftices & 
lés cruautés fans nombre, par lefquellear 
elle a défolé & envahi Tuaivers. 

Quand Cynias prit notre Sénat — de com^ • 
mander à Rome & de gouverner la terre* On 
vient de voir de quelle efpece étoit cette 
vertu. Quant au partiailier , s'il y avpit 



174 RiFUTATION 



des hommes vertueux , on a vu ^ au rap- 
port de Cicéron même , que cette vertu 
4toit due , au moins en partie , à la cul- 
ture des Lettres & des Sciences, prài^ 
C[u'il donne le nom de très-favant à Ca- 
ton l'ancien , & qu'il cite Scipion l'Afri- 
cain^, LéJius, Funus , &c. les Sages de 
Rome, comme gens diftingués dans les 
Sciences. 

Mais franchisons la dijlanu dtsluiix — & 
h mépris pin uni fois que la moru Cela 
eft bon pour le difcours. Il n'y a rien 
de pire que la ciguë , & il n'eft crue de 
vivre. On feit l'éloge de notre èecle ^ 
en le croyant affez humain pour ne point 
faire avaler ce breuvage mortel à Socrate ; 
mais on ne lui rend pas juftice en ne le 
croyant pas affez raifonnable pour ne 
point méprifer Socrate. Au moins on peut 
être fur que le mépris n'auroit pas été 
général. 

Voilà comment le luxe — s^iU avoient eu 
le malheur de naître [avons. Ils feroient , 
nés tels gu'ils fe font rendus à force de 
travail ; ils feroient nés en même tems 
humains , compatifians , polis & vertueux. 

Que ces réflexions font humiliantes '^ être 



Œ? 



DU Discours. 17J 

mortifié ! Je ne vois pas ce qui doit nous 
hunulier ou mortifier notre orgueil , en 
penfant , félon les principes de l'Auteur ^ 
que nous fommes nés dans une heureufe 
& innocente ignorance , par laquelle feule 
nous pouvons être vertueux; qu'il ne 
tient Qu'à nous de refier dans cet état 
fortune ^ & que la natiure même a pris 
des mefures pour nous y conferver. Il 
me femble au contraire qu'une fi belle pré- 
rogative que celle d'être naturellement 
vertueux , qu'une fi grande attention de 
la part de la nature à nous la confer- 
ver, doivent extrêmement flatter notre 
orgueil ; mais fi nous penfons que nous 
fommes nés brutes , que nous fommes 
nés barbares , méchans , injuftes , coupa- 
bles, & que nous avons befoin d'unç 
étude & d'un travail de plufieurs années , 
de toute notre vie même , pour nous 
rendre bons , juftes , humains. Oh ! c'eft 
alors que nous devons être humiliés de 
voir que par nous - mêmes nous fommes 
fi pervers , & de ne pouvoir parvenir à 
être des hommes , que par un travail tou* 
jours pénible & io\ivent douteux. 
Quoi ! la probité-^ de ces prijugis^ De? 

H 4 



\tj6 R É F V T A T I O K^ 

confëquences très-défavantageufes à l'Aii- 
teur même & à toutes nos Académties ; 
mais heiireufement les prémices du rai- 
fonnement font très-fàitffes. 

Mais pour concilier ces comrariiiis — avtc 
tes inductions hijioriques, Aihfi l'Aiiteur, 
pour concilier des contrariétés apparen- 
tes entre la fcience & la vertu , va prou- 
ver que la 'contrariété eft réelle y ou que 
ces deux qualités font incompatibles. Voilà 
une finguliere conciliation». 



SECONDE PARTIE. 

C^ ^Étoit une ancienne — C inventeur des Sciert- 
ces.*ljà Science eft ennemie du repos y fans 
doute; c'eft par-là qu'elle eft amude tltom' 
me que le repos corrompt; c'eft par-là 

?u'elle eft la iource dé la vertu , puifque 
oifiveté eft- la mère de tous lés vices. 
^ On voit aifément t allégorie de la fatale — 
c\Jl le fujet du fiontifpke. Dans la fiable 
dont parle rAuteur, Jupiter jalofux des 
lumières & dies talens de Prométhée , Tat- 
tache fur le Caucafè. Ce feit allégorique 
loin de défigner rhorreur des Grecs pour 



' e 



DU Discours. 177 

le (avoir , eft au contraire une preuve de 
reftime infinie qu'ils faifoient des Scien- 
ces & du génie inventif, puifau'ils éga- 
lent en ç[uelque forte Promethee à Jupi- 
ter, en rendant celui-ci jaloux de cet 
homme divin , auteur apparemment des 
premiers Arts , de l'ébauche des Sciences , 
FefFet du génie , de ce feu qu'il femble 
que jTiqmme ait dérobé aux Dieux. Les 
Romains mêmes , ces enfàns de Mars 9 
n'ont pu s'empêcher de rendre aux Beaux- 
Arts les hommages qui leur font dûs , Si 
le prince de leurs Poètes défère aux hom- 
mes qui s'y font diftingués , les premiers 
honneurs dans les champs Elifées^ 

Quiquepii vates ^ Phœbo digna locatif 
Inventas aut qui vitam excoluere per artes , 
Omnibus bis niveâ cihgiintur tempora vittâ, 

Virgii. ffineid L VI. v. 6^1. 

A l'égard du frontifpice , je ne vois pas 
la fînefle de cette allégorie. Il eft tout 
fimple que le feu brûle la barbe. L'Au- 
teur veùt-il dire qu'il ne faut pas plus fe 
fier à l'homine qu au feu ? mais il le repré- 
sente nud & fortànt des maïns de Prome- 
thee ^ de la riatiure > & c'eft , félon lui^ le 

H s 



4 

178 RÉFUTATION 

P ■ ■ » M il 11^ 

feul état dans lequel on puiffe s'y fier. 
Veut-il dire qu'on ne connoît pas toute la 
iînefle de fa thefe » de fon Difcours , qu'il 
^ut le refpefter comme le feu ? Ne pour- 
roit - on pas par une allégorie beaucoup 
plus naturelle , faire dire à Hiomme célefte 

3ui approche une torche allumée de la tête 
e rhbmme ftatue i fatyre , tu Tadmires , 
tu en es épris 9 parce aue tu ne le connois 
pas ; apprends imbéciUe ^ que Tobjet de 
tes tranfports n'eft qu'une vaine idole que 
ce flambeau va réduire en cendres. 

Quelle opinion fatloit-il — • quon aimi i 
itn former, faurois confeillé à l'Orateur 
de fubilituer un autre mot à' celui de 
ftuilltttt. 

VAjlronomU ejl nie de ta fuptrfiition. 
L'Aftronomie eft fille de l'oifiveté & du 
defir de connoître ce qu efl dans l'uni- 
vers le plus digne de notre airiofité. Cette 
£mple curiofité déjà bien noble par elle- 
même , & capable de préferver l*homnie 
de tous les vices attachés à l'oifiveté , a 
encore produit dans la fociété mille avan- 
tages que nos calendriers 9 nos cartes eéo- 
raphiques & l'art de naviguer atteSent 
quiconque ne veut pas fermer les yeux, 



MHM 



DU Discours. 17^ 

^— — ^— — » Il 1 II ■ I— — — il— — 

Voyez (ur rutilité de toutes les Sciences 
la célèbre préface que M. de Fontenelle a 
mis ^ la tête de Thiftoire de TAcadémie. 
V éloquence — du mmfonge. Eft-ce à 
ïbutenir tous ces vices que Démofthene 
& Cicéron ont employé leur éloquence ? 
Eft-ce à ce déteftable ufage que nos Ora- 
teurs , nos Prédicateiu-s l'emploient ? H en 
efl qui en abufent, fen croirai TAuteur 
du Difcours fur fa parole ; mais combien 
plus s'en trouvent-ils qui la font fervir à 
éclairer Pefprit & à diriger les mouve- 
mens du cœur à la vertu ? Au moins , 
cf eft ainfi qu'en penfoit TOrateur Romain. 
H s'y connbiffoit un peu. Ecoutons -le 
un moriient fur cette matière. Il a exa- 
miné à fond la queAion qui eil agitée 
dans ce Difcours , par rapport à 1 élo- 
quence. 11 a aufli reconnu qu'on en pou- 
voit faire un très-mauvais ufage ; mais , 
tout bien pcfé , il conclut que , de quel- 
cme côté qu'on confidere le principe de 
1 éloquence , on trouvera qu'elle doit fon 
origine aux motifs les plus honnêtes , aux 
railonnemens les plus fàges. ( * ) « Quant 

■ I II I III— il— Il _ i I I ^ I I II . 

(*) S^pi & muitum hoe mihi cêgitavi , l^oni »« éui mali fb^t 
éttttUtrit hÊmnihus ^ sfyitatibut c9fU dicendi f, ac {ufmvit 

H 6 



l8a RÉFUTATION 

i^ à fe» effets ; cjuoi de plus noble , dit-il, 

» de plus généreux, de plus grand qpe 

>> de leccHirir Tinnocent , que de relever 

» Toppirinié ;, que d'être le falut ,. le libé* 

H rateur des honnêtes gens , de leiur £iu« 

>f ver Texil l Quel autre pouvoir que Te* 

» loqueoce a été capable de raflembler 

. H les hommes jadis difperfés dans les fo- 

» rets y. & les ramener de leur genre de 

» vie fiéroce fif faavage à ces moeurs 

» humaines & policées qu'ils ont aujour- 

» d'hui ? Car il a été un tems oîi les 

» hommes étoient comme difperfés &: 

>> vagabonds dans les champs , & y vi- 

>f voient comme les bêtes féroces. Alors 

H ce n'ctoit point la rai/on qui régloit 

» leur- conduite y, mais prefque toujours. 

>> la force , la violence^ U n*ëtoit point 

H <{Ueûion de religion ^ ni de devoirs en- 

H vers les autres/nommes;,on aV con- 

H noifibit point l'utilité, de la juftice , de 
1^ l'équité. Ainfi /p^r ttrnimÇf Cignoranuy 

ëlûfuentfm fiudsum » » ,*fi v^lunta^ hujw rei, qiu v»catur tU^ 
•^entia, fivt artis , Jîve ftudti , Jive ejUrcitationis cuju/Hém ^, 
fvt facnltiaù à naturâ frùfeRd confldtrdtt frincipium ; rtf»^ 
ritmm id ex honeftiffimit caufis nutum, dtque oftimis ratiêiûr 



DU Discours, iS^t 

» les payions aveugks & téméraires étoieni 
» feules devinantes ^ & ahufo'unt , pour 
H s*affauvtr , des forces du corps , dange* 
» reux mimflres de leurs violences. Enfin , 
» il s'éleva des hommes fages , grands , 
>¥ dont réloquence gagna ces hommes fan- 
>¥ vages , & de fefoces & cruels qu'ils 
>> étoîent , les rendit doux & vraiment 
n humains ». (*) Voilà une origine & une 
fin de réloquence bien différente de celle 
que leur donne notre Orateur François.. 
La Glomitrïe , de t avarice. Fixer le^ 
bornes de fon champ, lè diftinguer d'avec 
celui du voîfîn \ faire 3^ en un mot , une 

i *) Xiuid Um forro' regium^ taw libérait y tammunificum ^ 
fii4j» 0£em ferre fi^jtlicibus , excitart affliUosy dare falutem , 
liberare fericiUis ^ retinere haminei in civitaUl Xluét vir aiik 
§otwt Mit. difperfps» homines- unwn in Ucum congregare , mU^ k 
fera- agrefiiqiu vitâ ad hune htmuinwn etUtum ,. civilemque de» 
duceret Cicero de Qratore p^l4. Nom fuit quoddam temput, 
mm in agris hominet fafpm beftiarum more vagahantur y & 
fii viÛu ferinû vitam ppepagabanti nec ràtiene animi quid-^ 
quam , fed pUréque viribus cwrpori$. adminijirabant. Nêndum. 
divinék religitmis ,. non kwnani ojfuii rai ta calèbatur , . ,, Non 
jus aqùahile quod utilitatis kaberet , atcepernt. Uà preptet 
errârem & infcisiam caca ae temtraria dominatrix anùni.cupi»> 
diUu rodfe explejidum viribus corporis, abutebatur , p^rnicio* 
fijjhnis fatellitibus. . -, . Deinde firapter rationem atque orationem 
fiudhfms audientesy ey ftrts ^ immanibus' mites reddidit-Qt 
matifuetds (vit. quidankjnagfms. $S' féipifnt)^.Ç^cexJOi A^lsatt^ 

«LQAe jym^ p. €. 7. Edition de GlaTgow» 



ï82 R É F U T AT ION 

m ■ ■ ■ m il! ■ — — —— ^ 

diflribution exaûe de la terre à ceux à 
qui elle appartient ; voilà les fonûions & 
1 origine de la Géométrie ordinaire & pra- 
tique , & il n*y a là rien que de très* 
jufte , &c que nos tribunaux n'ordonnent 
tous les jours pour remédier à l'ava- 
rice & à Tuforpatiou. Ceft donc de l'é- 
quité & de la droiture qu'eft née la Géo- 
métrie. 

La Vhyjiqut , d^unt vaine cunojîté. La 
Phyfique eft née de la curiofité , foit; 
mais que cette curiofité foit vaine , c'eft ce 
que je ne crois pas que l'Auteur penfe. 
La fociété eft redevable à cette fcience de 
l'invention & de la. perfeôion de prefque 
tous les Arts qui foiu-niffent à ks befoins 
& à fes commodités 9 & , ce qui ne doit 
pas être oiiblié , en étalant aux yeux des 
nommes les merveilles de la nature , elle 
élevé leur ame'^ufqu'à fon Auteur. 

Tomes , & la morale même , de t orgueil 
humain. Etoit-ce dont par orgueil que 
les Sages de la Grèce , les Gâtons , & ce 

3ue j'aurois dû nommer avant tous , les 
ivins Miffionnaires de la morale chré- 
tienne , prêchoient l'humilité , la vertu? 
Les Science & les Arts «-« dévoient à nos 






DU Discours. 183 

venus. Comme il n'y a point de doute fur 
Torigine des Sciences & des Arts , dont la 
plupart font des aftes ou de vertu , ou 
tenaans à la vertu ^ leurs avantages font 
auffi évidens. 

Le défaut de leur origine — fans le luxe 
qui les nourrit f Le luxe eft un abus des 
Arts , comme un difcours fait pour per- 
fuader le faux , eft un abus de Téloquënce , 
comme l'ivrognerie efl un abus du vin. 
Ces déÊiuts ne font pas dans la chofe ^ 
mais dans ceux qui s^en fervent mal. 

Sans Us injuflices des hommes ^ à quoi 
ferviroit la Jurîjprudence ? C'eft-à-dire , fi 
\ts hommes étoient nés jufles 9 les loix 
auroient été inutiles ; s ils étoient nés 
vertueux , on n'auroit pas eu befoin des 
règles de la morale. L'Auteur convient 
donc que toutes ces Sciences ont été 
imaginées pour corriger l'homme né per- 
vers , pour le rendre meilleur. 

Que deviendrait tHifloire — ni confpi^ 
rateurs ? Elle en feroit bien plus belle & 
bien plus honorable à l'humanité ; elle fe- 
roit remplie de la fagefTe des rois ^ & des 
vertus des fujets ; des grandes & belles 
aâions des uns 6c des autres ^ ôc ne 



i**" 



184 RÉFUTATION 

contenant (jue des faits dignes d'être ad- 
mirés 9 & imités des leâeiirs , jamais de 
crimes , jamais d'horreurs , elle ne pour- 
roit jamais que plaire & conduire à la 
vertu , véritable but de PHiôoire, 

Qui roudroit en un mot — pour les mal- 
heureux & pour fis amis ? Il rfeft aucune 
fcience de contemplation flérile ; toutes ont 
leur utilité , foit par rapport i celui qui 
les cultive , foit à Tégard de la fociété. 

Sommes-nous donc faits ■ — par t étude de 
la Philofophie. Il ne faut point refter fur 
le bord du pmts oh s*eft retirée la vérité , 
il faut y defcendre & Ten tirer , comme 
ont fait tant de grands hommes ; ce qu'ils 
ont fait y un autre le peut faire. Cette 
réflexion doit encourager quiconque en a 
ferieufement envie. 

Que de dangers f — Finveftigatîon des 
Sciences ? Invepigation. Je ne faurois pafTer 
à lui Orateur auifi châtié & auffi pou que 
le nôtre un terme latin de Clénaixl fran* 
cifé, Invcjligatio tkematis. 

Par combien d^ erreurs , — qui de nous en 
faura faire un bon ufagt. Si tant de diffi- 
cultés & d'erreurs environnent ceux qui 
perchent la vérité avec les fecours que 



D-u Discours. t8ç 

leur prêtent les Sciences '& les Arts, mie 
deviendront ceux qui ne la cherchent point 
du tout ? L*Auteur nous perfuadera-t-it 
Qu'elle va chercher qui la fuit , & qu elle 
fuit qui la cherche ? Ceft tout ce qu'on 
pouroit croire de Taveugle fortune» A 
regard du bon ufagé de la vérité , il n'eft 
pas , ee me femble , beaucoup plus embar- 
raffant que le bon ufàge de la vertu ; mais 
une chofe qui me paroît phis embamf 
fente , c'eft le moyen de faire un bon 
ufage de Terreur St du vice où nous fom« 
mes plongés fans les lumières des ^ciences 
& les inftruôions de la morale. 

Si nos Sciences font vaines — comme un 
homme pernicieux. Quoi de plus laborieux 
qu'un fayant ? La première utilité des 
Sciences eft donc d'éviter l'oifiveté, l'en- 
nui & les vices qui ' en font inféparables* 
îTeuflent-elles que cet ufage, elles devien- 
nent néceflairës , puifqu'elles font la fource 
à^ vertus & du bonheur de celui qui 
les exerce. « Quand les Sdences ne le- 
» roient pas auflî utiles qu elles le font ^ 
>> dit Ciceron , & qu'on ne s^ applique» 
» roît que pour fon plaifîr ; Vous penfe- 
I» rez , je crois y qu'il n'y a point de dét 



^ " ■ ■ " I I I» 

186 RIfutation 

)^ lafTement plus noble & plus digne de 
» Thomme ; car les autres plaihrs ne 
» font pas de tous les tems , de tous les 
n âges , de tous les lieux ; celui de Té- 
^ tude fait l'aliment de la jeuneiTe 9 la 
» joie des vieillards , Tornement de ceux 
» qui font dans la profpcrité, la reffource 
>> éc la confolatïon de ceux qui font dans 
» Tadverfité ; il fait nos délices à la mai« 
H fon, ne nous embarraffe point quand 
n nous fommes dehors , pafle la nuit avec 
n nous y & ne nous qpiitte point en voyage ^ 
>> à la campagne (*) ». 

Voilà la première & pourtant la moin- 
dre utilité des Sciences ; point d'oifiveté ^ 
point d'ennui , un plaifir doux & tran- 
quille , mais perpétuel ; je dis que c'eft- 
là leur moindre utilité , car celle-<i ne re- 
garde que celui qui s'y applique , & nous 
avons fait voir que les Sciences font Tame 

(*) Xiuodjt Mn hic tdntusfru&us oftenderetur j ^ fi ex bis 
Jhtdiis deUÛatio fila feteretur : tâmen, tUfinêt., hém€ âmmi 
remijjiontm hftmanijftmam ^ liberûliffmam jndicaretis i lum 
émter* neque tetnpofum fimt ^ neque dUtum omnium, nequêUtê» 
rum. Htte ftudia adûtefeentium dlunt , fine&utem êhle&sat « 
ffcundas res êrnant^ Adverfis perfugsum ac filatium prêtent » 
deleQant demi , nen impediunt firis , perneUant nobifinm, p^ 
nirinantur, rufiicântur. 

Ciccro, pro Arc Poët. p. la. 



DU Discours, 18^7 



de tous les Arts utiles à la fociété , & 
qu*aînfi le favant le plus contemplatif en 
apparence eft occupé du bien public. 

Répondts^'inoi donc , — moins florijfans 
ou plus pervers ? Oui , fans doute. L'aftro- 
nomie cultivée par les Géomètres rend la 
géographie & la navigation plus fures ; ôa 
tire à^s infeûes des fecrets pour les Axts 9 
pour nos befoins. L'anatomie des animaux 
nous conduit à une plus parfaite connoif^ 
fance du corps humain, & par conféquent 
à des principes plus fûrs pour le guérir ou 
pour le conferver en fanté. I^ fcience de 
la Phyfique & de la Morale feit que nous 
fommes mieux gouvernés & moins per- 
vers , & rharmonie d'un gouvernement 
où brillent toutes ces Sciences , tous ces 
Arts j efl ce qui le rend floriflant & re- 
doutable. " 

Rcvenc[ donc fur t importances'^ lafuhf 
tance de VEtat. Il efl: naturel que nous en 
penfions encore moins mal que de ceux. 
qui ocaipent leur loifir à décrier des lu- 
mières & des talens auxquels la France a 
peut-être encore plus d'obligation qu'à fes 
armes. 

Que dis'je , oijifs ? •— O fureur de Je 



^ 



l88 RÉFUTATION 



dîjllngutr ! que ru pouvc[ - vous point ? 
L Auteur s'attache encore ici à l\bus que 
des fujets pervers font d'une excellente 
chofe. Mais s'il y a quelques -uns de ces 
jlîalheureux , quelle foule d'ouvrages di- 
vins n'a-t-on pas à leur oppofer , par lef- 
miels on a renverfé les idoles des Payens , 
aémontré le vrai Dieu , & la pureté de 
la morale chrétienne, anéanti les fophit 
ifaes des génies dépravés dont parle l'O- 
rateur ? Peut-on citer férieufement , coi^ 
tre l'utilité des Sciences , les extravagan- 
ces de quelques écervelés oui en abufent? 
Et feudra-t-il renoncer à bâtir des maifons ^ 
parce qu'il y a des gens afiez fous pour fe 
jetter par les fenêtres ? 

Cejl un grand mal — jamais ils ne voni 
fans lui. Le luxe & la Science ne vont 
point du tout enfemble. C'eft toujours la 

{>artie ignorante d'un Etat qui affèûe le 
uxe ; celui'-ci eft l'enfant des richeffes , & 
fon correftif eft le favoir , la Philofophie , 
qui montrent le néant de ces bagatelles. 

Je fais qut>notre Philofophie , — . /^5 no* 
très ne parlent que de commerce & it argent» 
Le luxe eft un abus des richeffes que cor- 
rigent les Sciences & la raifon ; mais il 



•4 



DU Discours. 189 

ne faut pas confondre cet abus , comme 
le fait FAuteur , avec le commerce , par- 
tie des Arts la plus propre à rendre un Etat 
puifTant & floriffant , & qui n'entraîne pas 
néceffairement le luxe après elle , comme 
le croit l'Auteur ; nous en avons la preuve 
dans nos illuftrcs voifins. L'Angleterre & 
la Hollande ont un commerce beaucoup 
plus étendu & plus riche ^ue le nôtre ; 

gortent-ils le luxe aufli loin que noivs ? 
ourquoi ? C'efl que le commerce ^ loin 
de favorifer le luxe comme le croit notre 
Orateur , le* réprime au contraire. Qui- 
conque eu livré à l'art de s'enrichir & d'a- 
grandir fa fortune, fe garde bien de la 
perdre en folles dépenfes. D'ailleurs cette 
paflion de s'enrichir par le commerce n'eflt 
pas incompatible avec la vertu. Quelle 
probité , quelle fidélité admirables régnent 
parmi les négocians qui , fans s'être jamais 
vus, ôf, qui étant fitués quelquefois aux 
extrémités dç l'univers , fe gardent une foi 
inviolable dans l^urs engagemens ! Com- 
parez cette conduite avec les rufes, les 
fourberies , les fcélératefTes des Sauvages f^ 
entré les mains defquels il$ tombent auçl^ 
jjuçfpiîi dans leurs vojrages, ^ ^ 



190 RÉFUTATION 

Vun vous dira qiiun homme — Jit trafi" 
hier VA fit. On convient avec PAuteur que 
les ricKeffes , dont Tufage eft perverti par 
le luxe & la molleffe , corrompent le cou- 
rage. Mais tous ces défeuts n'ont auciui rap- 
port aux Sciences & aux Arts; ils n*en font 
pas les fuites , ainfi que nous l'avons mon- 
tré ci-devant. Alexandre qui fubjugua tout 
rOrient avec trente mille hommes , étoit 
le Prince le plus favant & le mieux inilruit 
dans les Beaux- Arts de tout fon fiecle , & 
c'eft avec ce favoir fupérieur qu'il a vaincu 
res Scythes fi vantés , qui avoient réfifté 
tant de fois aux incurfions des Perfes , 
lors même que leurs armées étoient auffi 
nombreufes que féroces 9 lors même qu'el- 
les étoient commandées par ce Cyrus le 
héros de cette Monarchie. 

V Empire Romain — hormis des moeurs 
& des citoyens. L^Auteur confond par- 
tout là barbarie , la férocité avec la valeur 
& la verm ; c'étoit apparemment de bien 
iionnêtes gens que ces Goths y ces Vanda- 
les , ces Normands ^ &c. qui ont défolé 
toute l'Europe qui ne leur difoit mot? 
On voudroit nous Êiire entendre ici que 
ç'ç& par leurs boanes moeurs & par leurs 



DU Discours. 



191 



vertus qiie ces peuples ont vaincu les 
peuples policés ; mais toutes les hiftoires 
attellent que C'étoîent des brigands , des 
fcélérats , qui fe faifoient un jeu , une 
gloire du crime, pour lefquels il n'y 
avoit rien de ûcré , & qui ont profité 
des divifions , des révoltes élevées au cen- 
tre de ces Royaumes polis , dont le moin* 
^rf/éuni & prévenu auroit écrafé ces 
mifërables. 

^ Dt quoi s^ agit-il donc — avec celui de 
r honnête. Eft-ce qu'il rfeft pas poflîble 
d'être honnête homme fous un habit galon- 
né ? Et feudra-t-^ en porter un de toile 
pour obtenir cette qualité ? N'ayez donc 
peur dans nos forêts , que quand vous y 
rencontrerez un homme bien doré , biea 
inonté , muni d'armes brillantes, & fuivi 
d'un domeftique en aufli bon équipage, 
tremblez alors pour votre vie ; vous voilà 
au pouvoir d'un homme de l'efpece la plus 
corrompue , abandonné au luxe , aux vi- 
ces de toutes les efpeccs; mais quand vous 
^' trouverez feul à feul un ruitre vêtu dé 
ure , chargé d'un mauvais fiifil , & fortant 
des broufîailles où il fembloit cacher & 

miferej alors îic çraignei rienj cette j>au^ 



191 R £ F U T AT ION 

vreté évidente vous eft un figne affuré 
que vous rencontrez la vertu même. 

Non , U ncji pas poffibU — le courage leur 
manqiurolt. Sont-ce les Savans qui s'occu- 
pent àe foins futiles} Sont-ce les gens ocaw 
pés aux Arts ? non cQïlts , ce font les riches 
ignorans* Cet argument prouve donc coi^ 
tre fon Auteur. 

Tout Artijlcveut être applaudi. — entraîna 
à fon tour la corruption du goût. Je connois 
une infinité de gens qui font paffionnés 
pour les deffeins raroques , pour la difficul- 
tueufe mufique Italienne qui eft du même 
genre ; pour les ouvrages connus fous le 
nom de gentillefles , & ^i font néanmoins 
les plus honnêtes gens du monde. Leurs 
mœurs ne fe reflentent point du tout de 
leur mauvais goût ? Il me femble même 
que je ne vois aucune liaifon entre le goiit 
& les mœurs ^ parce que les objets en ionX 
tout différens. 

Le goût fe porrompt ^ parce que vly 
ayant qu^une bonne façon de penfer 61 
d'écrire^ de peindre, de chanter , &c & 
le fiecle précèdent l'ayant, pour ainfi dire, 
ëpuifée, on ne veut ni le copier , ni rîmi* 
|£r i U par la fiireur de fe dlûingucr , oxi 



m 



l l l>B I | - r é . I ■ Il I II - l l i^ 

DU Discours. 19 j 



^-i •*— *■ 



s'écarte de la belle nature , on tombe dan» 
le ridicule & dans le baroque. 

Vefprit qu'on veut avoir gâte celui qu^on a. 
Du cœur^ de la nature^ on perd r heureux langige^ 
Pour rabfurde talent d'un triflc perjifiagt. 

G R E S S E T. 

Pans un genre plus férieux 9 les génie*, 
tranfcendans du fieçle paffé ayant enfanté , 
& exécuté le fublime , le hardi projet de. 
ruiner les folles imaginations des Péripaté-^ 
ticiens , leurs facultés , leurs vertus occultes 
de toutes les efpeces ; on a paffé un demi- 
lîecle à établir la çonnoiffance des t^t\.% 
phyfiques fur les propriétés connues & 
évidentes de la matière , fur lein-s caufes 
méchaniques ; comment fe didinguer par 
du nouveau après Tétabliffement de prin- 
cipes auffi folides , aufli univerfels ? Il 
faut dire qu'ils font trop fîmples & abfolu- 
ment infuffifans ; que ces grands hommes 
étoient de bonnes gens 9 un peu timbrés , 
& auiÇ méchaniques' que leurs principes ; 
^ quç notre fiecle fpirituçl voit , ou au 
moins foupçonne dans la matière des pro- 
priétés nouvelles qu'il feut toujours pofer 
pour bafe de 1^ phyfiquç , en attendant 

SvpfU de la Collcct Tome L I 



194 



RÉFUTATION 



•^ 



qu'on les conçoive : propriétés qui ne 
dépendent ni de l'étendue , ni de Timpéné- 
trabilité , ni de la figure , ni du mouve- 
ment , ni d'aucune autre vieille modifica- 
tion de la nîiatiere ; propriétés , non pas 
occultes 9 mais cachées , qui élèvent cette 
matière à quelque chofe d'un peu au-defTus 
de la matière , qu'on n'ofe dire tout haut, 
& qui , dans le vrai , abaiffent le Phyfi- 
cien beaucoup au-deffous de cette qualité. 
Enfin 9 nos aïeux étoient gothiques, nos 
pères amis de^la nature , nous fommes fin- 
guliers & baroques ; • nous n'avions que 
ce parti à prendre pour ne reffemblér à 
aucun des deux. 

Mais la morale n'a auame part à ce 
défordre ; on fe fait un plaiiir & un hon- 
neur de copier, d'imiter les vertus des 
grands hommes de tous les iiecles ; plus 
il s'en fera écoulé , plus nous en aurons 
d'exemples , & tant que l'art de les incul- 
quer , c'eft-à-dire , tant que les Sciences & 
les Beaux^ Arts feront en vigueur , les âedes 
les plus reculés feront toujours les plus 
vertueux. 

* Je fuis bien éloigné de penfer^^& Je dé», 

fendre uruji grande caufe, L^Auteur fe con^. 



DU D IS C O U RS» 195» 



■■«•■ 



tredît étrangement. Il v^ut qu'on donne 
de Péducation aux femmes ; il veut qu'on 
les Êiffe fortir de Tignorance. Il a raifôn ^ 
fens doute ; mais c'eft contre {es principes , 
&lon lefijuels , inftrtiire quelqu'^un , & le 
rendre plus méchant , ibnt des expreffîons 
fynonymes. 

Qiu fip<ir hafard^xm il faudra qiitllé 
dtmturt oifiv€^ Les ouvrages admirables des 
Le Moine, des Bouchardons , des Adams^ 
des Slodtz pour perpétuer la mémoire de» 
plus grands hommes , pour décorer ies 
places publiques , les palais hc les jardins 
qui lés accompagnent , font des monument 
qui nous raiTurent contre les vaines décla^ 
mations de notre Orateur. 

On ne peut rifiéchir — ertfin pour i y Itahlir 
tux'-fnémts* Ceft un joli conte dé Fée que 
ce fiecle d'or , & ce mélange ài^s dieux 
j& des hommes , mais il n'y a plus eueres 
que les ehfans & les Rhéteurs plus fleuris 
<[ue folides qui s'en amufent. -' • 

Ou du moins Us temples des ^eux^^des* 
chapiteaux Cofiruhiens. Les anciens n'avoient 
garde de penferque la culture dès Sciences 
&, des Arts , dépravât les mosmrs ; que le 
talem de bâtir des^illeS'i d!élever d^ texxh^ 

^ I 2 



2c" 



196 RÉFUTATION 

pies & des palais » mît le comblç aiuc vices'; 
quand il$ nous ont répréfenté Amphion 
çonftruifant les nturs de Thebes par les 
feuls accords de ùl lyre ; quand ils nous 
parlent avec tant de vénération des peuples 
ui élèvent des temples aux immortels , 

des palai$ à la majef^é des Souverains 
légitimes. 

Tandis que les commodités --^dans F ombré 
du cabinet. Que les Science^ & les Arts 
énervent le courage féroce , nous en çoih 
venons avec TAuteur, & c'eft autant de 
gagné pour Phumanité & la vertu, Mais 
que la vraie valeur s'éteigne par les lumie. 
K% des Sciences 6c la culture des Arts 9 c'eil 
ce qu'on a réfuté amplement. 

Quand U$ Ooths — qu^à Us affermir &Us 
dnimen Cefl>à-dire , ^ les rendre moin^ 
£éroces ^ à la bonne heure 9 filais en mèm^ 
ttms plus humains & plu^ vertueux, 
; Les Romains ont avoué — il y a qj^Lpus 
ptcles. L'Auteur remet ici fur le tapis ^ 

réciiemeiit Ips mêmes preuves rapportées 
la pri^miere partie* NoûS renvoyons 
donc le Leâeur à la réi^t^tion que poys y 
avQhs placée. Nous y ajouterons feulement 

^le le$ Génois oq^ biepi^it voir dan^ W 



I L ■■ • ■ ' 'J 

DX7 Discours. 197 



•dernière guerre que la valeiir n'étok pas 
û éteinte en Italie aue fe l'image TOra- 
; leur , & qu'il ne faut à ces peuples que 
des occafions 6c de grands Capitaines pour 
feûre^voir à toute TEurope qu'ils font tou- 
jours capables des plus grandes chofes. 

Les ancUnnes Républiques -— la vigueur ds 
tome. Ceft-à-dire, lafcrocité» 

De iptel aU^^la fone de 'voyager à cheval ? 

Et quel rapport cette vigueur du corps 

a-^ette avec la^vertu K Ne peutMQivpas être 

ibibie^ délicat, peu propre à la fatigitt^ 

. à^la guerre , & vertueux tout enfemble* * 

Quon ne nC objecte point .— ^ ta màUeure 
• '4t nos armées^ -Tout' ce que dit là liotré 
Auteur , eft très* vrai , à un peu d'exagé- 
ration près qui eft une licence de l'éloquen- 
ce comme de la poéfie. Il eft certain qu'on 
négligie trop Texerdce du corps en France , 
: & qiron y aime trop fes aifes. On n'y voit 
/ plus de coinrfes'de chevaux , on n*y donne 
plus de prix aux phis adroits à différens 
exercices 9 on y détruit tous les jeux de 
paume ; èc c'eft»là l'époque des vapeurs 

3ui ont gagné tes hommes , & les ont mis 
e niveau avec, les femmes , parce qu'ils 
ont commencé par s'y mettre par la nature 

I 3 



m^mÊÊi 



198 RÉFUTATION 



. ée leurs occupations. Oh I que notre OnK 

teiu* fn^pe {\\t cet endroit là de notre &çoii 

de. vivre , jè l'appuyerai de mon ûiffirage; 

.anaîs qii'il prétende en conclure que ce» 

liommes -y pour être auffi foibles ^ auffi 

vaporeux qu<e àes femmes , en font plus 

v<léprayés9 plus viideux; c'eô ce que je ne 

' lui accorderai pas ;. &C fuflent - ib femmes 

toiUrà-&it| pourvu que ce foit 'de la bonne 

^efyscQ^ ipû.eft la pks commune ^ ians 

^ âoute % îe: «!en . aurois. que. meiUeure o^- 

^ liion de leur vertu^ Qiii ne .fait {ms.qike 

c^ fexe eâ le déviât âc, k vertueux par 

GuerritrJi intrjpid^s y.^f^ fue t autre iût 
^:ifainçu vos akux. Par n^heur pour notre 
.rOrateur cette petite exâgériation vient vttk 
lîpfeU) trop, *près de. nôdre derniete guene 
^ e Italie 9 pii tout le monde &it. (fie nos 
îJ troupes, fous M* le Princet.de Conti, ont 
-jtraverfé les Alpe^s^ après j^^pir fc^rcé fiu-la 
f cime de ces montagnes un-emiemi puiflànt 

commandé par l'un des plus braves Rois 
^ du monde ; & il eft plus que vraifemUa- 
f ble €|ue les Alpes y du tetns d'Annibal » 
, n'étoient pas plus efcarpées , qu'elles le 

iont aujourd'hui. 



DU Discours. 199 

■ • 

■^iii^— — **— i^— — — — ^^^mmm^m^^m 

Les combats ne font pas toujours — par 
le fer de C ennemi. Oh ! T Auteur a raifon; 
nous ne iotamt^ pasafler robuftes, Qu'o» 
renouvelle les jeux Olympiques de tou- 
tes les efpeces , qu'on renouveUe les cour* 
Tes de chevaux , les couriès à pied v ^^^ 
combats d'une lutte un peu plus humaine 
que l'ancienne ^ les jeux de paume , \ts 
jeux de Tare s de l'arbalète , de l'arque- 
bufe , du fiifil ; qu'on les protège , qu'on 
les ordonne , qu'on y attache des privi* 
leges, des récompenfes. Qu'on ajoute à 
cela des loix poiu: la fobriété; nous au- 
rons des citoyens , des foldats auffi ro- 
bufles que courageux; & ii l'on conti^ 
nue , avec ces réformes , la ailture des 
Sciences & des Arts , toutes chofes fort 
compatibles , nous aurons des Officiers 
capables de commander à de bons foldats ; 
deux parties eflentielles à une bonne 
armée. 

Si la culture des Sciences — au moins le 
corps en feroitplus difpos. Fort bien. J^ap- 
plaudis à la cenfure de l'Orateur contre 
la plupart des éducations mal dirigées. 
Mais gardons-nous de regarder un abus 
particulier, comme une dépravation gé- 

I 4 



200 RÉ F U T A T I O N 



nérale & annexée aux Sciences. La eut- 
:iure des Sciences ejt nuUibU aux quaUtcs 
^morales ?. Quelle abfurdité ! J*ai démon- 
tré dans pliifieiirs notes ci-de^tant placées. 
Que la perfection des mœurs étoit le prin- 
cipal enet de cette culture des Sciences; 
•malheur aux Direûeurs de l'éducation de 
la Jeuneffe qui perdent de vue cet objet; 
je crois que . ce défordre eft très-rare : 
mais fut-il encore plus commim, ce rfeft 
pas la faute des Sciences ^ mais celle des 
perfonnes deftinées à les montrer. Les 
langues mêmes, la partie la moins utile 
de l'éducation , ne doivent jamais nous 
écarter, de ce but. Les mots étrangers 
qu'on apprend , expriment {zxi% doute 
à!^% chofes ; ces chofes doivent être des 
Sciences folides , & avant tout , celle 
de la morale ; c'eft ce qu'on a grand foin 
de faire dans, tous les collèges , dans tou- 
tes les peniions , & ce qu'on a fait dans 
tous les iiecles policés. • • • • 

Adjecere honapaiild plus artis Athenét , 
Scilicet ut pojjtm curvo dlgnojcere reSum , 
Atquc interfylvas Academl quarere verum. 

Horat, Epit. z. L. I. 



DU D I S c o u k S. ^-• 2011 



tr- I Pi 



Je fais quil faut occèper-^& non ce 
quils doivent oublier.* L'Auteur a raîfon , 
& c'eft ce que font auffi les maîtres^ è^ 
fur-tout les pères & les mères qui ont 
à cœur , comme ils le doivent , Tédu- 
cation de leurs enfans. Maïs fi notre fic- 
elé n'eft pas encore auifi parfeit qu'il pour- 
roit être; s'il eft encore parmi nous des 
caufes de la corruption des mœurs , de 
la foiblefle du corps , de la moUeffe ; ca-^ 
tes deft la paffion qui y règne jtour les 
jeux fédentaires ; paffiqn , que nous te- 
nons principalement de la n-équentation 
des femmes frivoles qui font heureufe- 
ment le pUis petit nombre , & qui naît 
de notre complaifance pour ce fexe en- 
chanteur ; paffion , qui eft fille de l'oifi- 
veté & de 1 avarice , & affez amie de tou- 
tes les autres , qui renjplit la tête de 
trente mots baroques, & vuides de fens , 
& pouf l*or^aîre aux dépens de la Scien- 
ce, de THiftoire, delà Morale 8f delà 
Nature, qii'on fe feit là im honneur d'igno- 
rer. Des efprits fi mal nourris n^ont rien 
à fe dire , que , bajte , ponte y manille , co- 
mete ^ ôcc. Les converlations en cercle 
fi en ufage, fi eftimées èhel nos pères 

I 5 



"■""Il Illlll , . 

;jW1 , RJÈFPTATION 

_ ■ LL ' -„ ' L ' tf ■ . J «U ' " ■''' - ' ' -' ' ' ' ■ ' ^ 

& fi pi^pre? à faire paroître les talens^ 
les bonnes tnoçiirs ^ ^ kits former chez 
ks jeiines perfonnes , font dans cks jo- 
lies affemblées , ou muettes ^ ou enw 

- ployées à hife d^s réflexions ûir tous 
' .les colifichets jgui dçjcorent ces Dames ^ 

-jfur tputef les babioles rares que pof- 

, fédent ceSî- MefïiejLirs ^ à coûter de jo« 
Ues aventuras , ou inventées 9 ou au 

. moins biea brodées ûxr le compte de foa 

, prochain^ 

' ta vous tTOiWt^è toujours dts gcm diverHffan» 
' Des fommes' qui jamais n*ont pu former Ut 

bouche 9 
' St qui fur k prochain vous tirent à cartouche ^ 
' Des oijîfs de métier , ^ qui toujours chez eta» 
Portent de tout Paris le lardon Jcandaleuxi. 

' Le Joueur de RegnMti. 

On fâçrifiie à ce plaifir perfide les fpec*^ 
' tacles les mieux ordonnas , les^ plus châ- 
tiés , & les ^us prppres à ii^irer des 
.mœurs &c du goût ; on yfâcrine même 
quelquefois fes devoirs « fa fortune. Et 
quelle eft l'origine de ce reffe de poifoa 
que les Ipix trop peji féveres fouffi^eot 
^piçQtç daQ& la {joùètéî Les exercices ijji 



DU Discours. loj 

corps trop négligés, les Sciences & les 
Arts trop peu cultivés encore, 

* TilU étoit r éducation des Spartiates ^^^ 
it le rendre bon^aucim à U rendre favant. 
L'Auteur ne met donc pas au nombre des 
Sciences celle de la Religion & de la Mo- 
rale ; car voilà ce qu'on enfeignoit aux 
• enÊiùs des rois de Perfe , & qu'on ne 
néglige pas d'apprendre en France aux 
derniers des payfans mêmes. 

AJlyage , en Xénophoh\ demande à Cy'^ 
ms^-quil me perfuaddt que fon école vaut 
celle-là. Le bon Montagne radotoit , quand 
il nous donnoit cette niftoire comme une 
grande merveille. On donne tous les jours 
le fouet dans nos écoles aux jeunes gens 
qui fe font entr'eux de plus petites injui^ 
îices que celles-là , & l'on n'en fait pas 
tant de bruit , l'on ne s'avife pas d'en 
i&ire une hiftoire mémorable, & digne 
de trouver place dans un livre aufli re- 
levé que celui de Xénophon. 

Nos jardins font omis — avant même que 
defavoir lire. Tout ceci eft encore exagéré.. 
Les grands hommes de la Grèce & de 
Rome , leurs aâions vertueufes , telles 
que la piété d'Ënée • la chafteté de Lu^ 



204 RÉFUTATION 

crece , font partie des ornemens de nos 
jardins & de nos galeries , aufH bien que 
les Métamorphofes d'Ovide ; dans celles-d 
mêmes , combien d'allégories de la meil- 
leure morale , & ce font pour Tordinaîre 
ces fujets qu'on choiût pour expofer ea 
public. 

D'ailleurs ce^ décorations des jardins & 
des galeries ne 'font pas Eûtes pour les 
engins. Leurs galeries ordinaires font les 
£gures de la Bible , & il y a là une abon- 
dante colle£fion d'exemples de vertus. 

D^^où naiffcnt tous ces abus^ — itun li^ 
vrt s^il efl utile , mais iil tjt hitn écrit. Ce 
texte eit une pure déclamation. On ne 
fait point de cas d^un homme de talent 
cjui n'eft pas honnête homme ^ ni d'un 
livre bien écrit, fi l'objet en eft frivole. 
On n'eflimeroit point , par exemple , ce 
Difcours , quelque féduifant qu'il foit , fi 
l'on ne fentoit que le véritable but de 
l'Auteur efi, non pas d'anéantir la cul- 
ture des Sciences & des Arts , mais d'ob- 
tenir de ceux qui s'y appliquent, de ne 
point en abufer , & d être encore plus 
vertueux que favans. 

Les ricomfenfis'^r^ aucun pour ^Us hclUs 



DU Discours. 105 



aSions. La propofition n'eft pas exac- 
tement vraie. Il y a en France beaucoup / 
de récompeniès , beaucoup de croix de 
Chevaliers , de peniions , de titres de no- 
blefle 9 &c. pour les belles aâions ; mal- 
gré cela je trouve , comme TAuteur , qu'il 
n*y en a pas encore affez , & qu'il de- 
vroit y avoir réellement des prix de Mo- 
rale pratique , comme il y a des prix de 
Phyfique , d'Eloquence , &c. Pourquoi 
ne pas faire marcher toutes ces Sciences 
enfemble , comme elles y vont naturelle- 
ment 9 & comme on le pratique dans les 
petites écoles , dans l'éducation donnée 
chez les parens. On dira à l'honneur de 
ce fiecle , que la vertu eft plus commune 
que les talens ; que tout le monde' a de 
la probité , &i: ne fait en cela que ce qu'tl - 
doit. Ce que je fais , c'eft que tout le 
monde s'en pique. 

Qiion mt dijt ^^^ le renouvellement des 
Sciences & des Arts. L'Auteur manque 
encore ici d'exaftitude. Nous convenons 
qu'on careffe un peu trop en France les ta- 
lens agréables ; qu'une jolie voix de TO- 
péra , par exemple , y fera fouvent plus 
fêtée qu'un Phyficien de l'Académie. J'ir. 



206 RÉFUTATION 

Toue qu'on y a trop d'égards pour une 
autre efpece d'hommes agréables ^ beau- 
coup moios utiles encore , pour ne pas 
dire , tout-à-fait inutiles , nuifibles même 
à la Société* Je veux parler de cette partie 
du beau monde y oiCve y inappliquée , 
ignorante y dont le mérite copfiâe dans 
la fcieiKe de la bonne grâce, des airs y 
des manières & des façons y qui fe croiroit 

déshonorée d'approfondir quelque Science 
utile , férieufe , qui fait confluer l'efprit 
À voltiger fur les madères y dom elle ne prend 
^ue la fieur ; qui met toute fon étude à 
|Ouer le rôle d'homme aimable , vif y léger , 
enjoué y amufant y les délices de la fociétéy 
un beau parleur y un railleur agréable y &c» 
( * ) & jamais celui d'homme occupé du 
bien public, de bon citoyen, d'ami eflen- 
tiel Si l'on ne regardoit'le François que 
de ce mauvais côté , comme ont la bonté 
de le &ire quelqu)e£bis^ nos voifins , on 
poiu-roit dire avec M/Greflfet. . . . . 

Qùt nos ojts^ nos pîaijrrs^ nos efprits font pitié^ 
QiiHl ne nous refle plus que des fuperficies , 
Des pointes T du jargon , de trifles facéties , 



DU Discours. 207 



£t qu'à force .(fejprit êf de petits talcnf , 
Ikmsj)€u nous pourrions bien n'avoir plus dt 
bonjinsw 
Le Méchant, Comédie de M. Greflet. 

- Mais îl fettt avouer qne ces hommes fiw 

- tiles , & qni ne font tels que parce qu'ifo 
négligent la culture des Sciences , font 
beaucoup plus rares en France , que ne 

• le croyent les Nations rivales de la nôtre ^ 
& qu'ien général ils y font peix eftimés • . • «. 

Sans ami y fans repos yf^fp^^ &f dangereux 
L'homme frivole & vague eji déjà mallieureux^ 

Dit lie même M. Greffet. Enfin toute 

FEurope rend cette juflice à la France^ 

/qu'on y voit tous les jours honorer par 

des récompenfes éclatantes les talens utilçs,^ 

néceffaires.. La remarque précédente lé 

rouve déjà; mais quoi de plus propre 
convaincre là-deffiis les incrédules , que 
ces biep&its du Roi répandus fur les mem-^ 
.Bres les plus laborieux de l'i^cadémie d^ 
Sciences de Paris , ces Ecoles publiques ,. 
ces démonÔrations d'Anatomie & de Chir- 
nirgie fondées dans les principales ville» 
.ée France H Ces titres de Nobleffe donnéii. 
à des perfonnes diûinguées dans l'art de 



y 



ao8 RÉFUTATION 

giiérir ? Eft - il quelque pays dans Pum- 
vers dont le fouveram marque plus d'at- 
tention à récompenfer & encourager les 
hommes utiles & vertueux ? 

Nous avons des Phy^UftS ^^ nous /rV 
vons plus de citoyens ; il y a là un peu 
de mauvaife humeun Peut- il y avoir de 
meilleurs citoyens que des hommes qui 
pafTent leiu- vie , & altèrent même quel- 
quefois leur iànté à des recherches utiles 
à la Société , tels que font les Phyficiens, 
les Géomètres , les Agronomes ? L^s Poètes 
& les Peintres rappellent aux hommes la 
mémoire de k vertu & de fes héros ; & 
expofent les préceptes de la Morale, ceux 
des Arts & des Sciences utiles d'une façon 
plus propre à les faire goûter .... 

Bientôt reflufcitant les Héros dès vieux âges , 
Homère aux grands exploits anima les courtes. 
Héfiode à fon tour , par d'utiles leçons ^ 
Des champs trop parefleux vint hâter les moiflbss. 
£n mille Ecrits fsimeux la fagefle tracée ^ 
Fut, à Taide des vers, aux mortels annoncée ; 
Et par-tout des efpritsfes préceptes vainqueurs , ^ 
Introduits par l'oreilk entrèrent dans les cœurs. 



DU Discours. 109 

Le MujCcîen nous délaffe de nos tra- 
vaux , pour que nous y retournions avec 
plus d'ardeur , & fouvent il célèbre où 
-les grandeiu-s de TEtre fuprême, ou les 
Ji>elles aâions des grands hommes ; an 
moins voilà fbn véritable. objet. Tous ces 
Arts concourent donc au bien public 6c 
à nous rendre plus vertueux & meilleurs. 

Ou s* il ne nous rejie encore , — qui don^ 
ncnt du lait à nos enfansé II eâ fans doute 
un grand nombre d%onnêtes gens à la 
campagne : mais il eft pourtant vriEÛ de 
dire que c'eft-là oîi Ton trouve en phiS 
grand nombre le 6ux témoin , le rufé 
chicaneur , le fourbe , le voleur , le meur- 
trier. Nos prifons en contiennent des preu-* 
ves fans réplique. 

Je t avoue y cependant --^& du dépôt fa^ 
cri des mœurs. La politique de ces Souve- 
rains feroit bien mauvaife , fi la thefe de 
notre Auteur étoit bonne , d'aller choifir 
des Savans pour former une fociété des- 
tinée à remédier aux déréglemens des 
moeurs caufés par les Sciences. Cétoit des 
ignorans » des niftres , des pay fans , qu'if 
âloit compofer ces Académies^ 

Par r attention — qx^ elles reçoivent. Les 



V 



i9 



ilO RÉFUTATION 



Académies ont cela de commun avec tous 
les Corps d*un Etat policé , & elles ont 
certainement peu befoin de ces précaû^ 
tions ; tant les Sciences & les basses 
moeurs ont coutume d'aller de compagnie. 

Ami do bien , de l'ordre & de Thumanité > 
Le véritable efprit marche avec la bontés 

M. Gr effet , ibid. 

Ces /âges injlructions — meus aujjl da " 
inJlruHions falutaires. Les gens de Lettres 
& les Académies doivent bien des renrer- 
cîemens à l'Auteur , de la bonne opinion 
qu'il a des uns , & des avis ciu'il donne 
iiux autres/ Mais il me femme que s'il 
raifonnoit conféquemment à fes principes , 
le véritable tVein des gens de Lettres , des 
gens appliqués à Aos Arts qui dépravent 
les mœurs , ne doit pas être l'efpoir d'en- 
trer dans une Académie qui augmentera 
encore leur ardeur pour ces fources de 
leur dépravation ; mais que ce doit être 
au contraire l'ignorance & l'abandon des 
Lettres & des Académies. En indiquant à 
ces Sociétés les objets de morale dont ils 
doivent feire le fujet de leur prix, l'Au- 
teur convient tacitement que c'eft-là un 



DU Discours. xii 

.Wi . ■ ,. I * ■—W— — T— i II I I II» 

de^ principaux irfjjets des Lettres; qa'ainfî 
a ne . s'en déchaîné jufqu'ici qiie contre 
-des abus qui font étrangers à la véritable 
^eilination ^ & à IWage ordinaire des- 
ËellesTLettres-" 

Qui)n TU $rfoppafc donc — « a des maux: 

qui ritxittmt pa$. Celî eft un peu énigma- 

. tique* S^lon moi , les maux qui exiflent 

:ibat l'ignorance & les paillons déréglées ,. 

avec lesquelles les hommes naiffent. Les 

remèdes employés font tes infbuâions^ 

lies Ecoles, les Académid^^ 

. , Pourquoi faut^il :— de tourner les efprîts 

À leur culture. Que devient donc le conk- 

'^pliment fait dans la page précédente à nos 

Académies ? Je me doutois bien que notre 

Orateur y auroit regret : il n'étoit pas 

, dans, fes principes. 

// fernhU > aux précautions — de man^ 
fuer de Philofopkesé II eft un peu rare de 
voir les pay fans paffer dans nos Acade*- 
rmies. Il €K plus conunun dé le$ voir 
quitter la charrue pour venir être laquais 
dans les villes , & y augmenter le nomr 
bre des ignorans inutiles , &c des efdaves 
du luxe* 
, Je, nt yeux point hafarder •— U fuppoi^ 



:rF T— ■ " ' ■ " wii^> 

212 RÉFUTATION 

■ ■ -■- - ■ ■- 

uroitpas. On la (upporteroit à merveille, 
mais elle ne feroit pas favorable à i'Au^ 
teur. L'Agriculture n'eft pas plus nécef- 
iàire pour tirer de la terre dexcellemes 
produâions ^ que la Philofophie pour feirc 
Eure à l'homme de bonnes aaions , & 
pour le rendre vertueux. 

Jt itmandcrai ftuUmtnt 9 — » dxais lis 
noms qiulqilun de vos ftclatiurs. Notre 
Auteiu: appelle ici de grands Philofophcs^ 
ce que tout le monde appelle des mont 
très. Si h thefe a befoin d'une pareilk 
;reflburce , je ne puis que plaindre celui 
-qui la foutient. 

yoilà donc Us hommes — FimmortaliU 
riferyée apris teur trépas. Voilà les hommes 
qui ont été en exécration parmi leurs 
concitoyens , & qui n'ont échappé à k 
vigilance des tribunaux, que par leur fuite 
& par leur retraite dans des climats oà 
règne ime licence effrénée. 

yoilà Us fages maximes *— en âge à nos 
defccndans. J'ai' trop bonne opinion de no- 
tre Orateur pour croire qu'il penfe ce qu'il 
dit ici. 

Le Paganifme , — extravagances de tef- 
prit Jiftmain. On n'avoit pas non plus éter* 



"WlfT^^^ff^^^tlff^T O 



DU PiSÇpUH.S, »I| 



•^n^-m 



wfé fa fegeffe j ^ comme les bonnes cho» 
(es que perpétue Tlpiprimeriç furpaflfent 
infiniment les fnguyaifes, il efl hors.de 
tout doute que cette invention eil une 
4es plus bellies &(. des plus. utiles que V^t» 
prit humain ^it /aniai$ enfantées, 

Mais , grâce aux caraScrcs — Hobbes ^ 
des Spinofd nfitront à jamais. Et leurs ré^ 
flitations aum , lefquelles font aufli foli- 
des & aufli écUfii^nte^ q^ie les monfirueu^ 
Tes erreur^ fie ces écrivains font folles âc 
4ignes du nom de rêveries. 

* A cçnjîdérer Us défordref — ^ cp feroi$ 
peut-être le ptifs beau trait df la vie de ce( 
iUuJlre Pontife. J-e parti qu'ont pris les 
TTurcs eft digne de$ feâateurs de M^hoînet 
& de fon Alcoran. Un^ religion auffi ri^ 
dicule ne peut^ f^n$ doute , fe foutenii? 
que par ^ignorance, !,§ favoir çft le ^riqnv» 
phe 4e 1? viaie Religion. Origene 1'^ bien 
fait voir aux Payens ; & les Arnauld ^ 
les BpJTuet ^lutç. hérétiques, L'Evangile eft 
le premier de tous les livre? , fjins Boute j; 
mais ce n'eil p^s le feul nécei^iîre , ti 
Grégoire le Grand auroit perdu fon npm » 
s'il eût été capable d'une pareille fottifei 
- ^/^^j ^^^ Ç/iUl^r^ -T? (orrftftm d^ 



> t 



H4 RÉFUTATION 

mœurs de notre JiecU; Oa a vu d^devant 
que les fiecles anciens étoient beaucoup 
plus corrompu&i II eft vrai qu'ils n'en di- 
ient rien à la poftérité ; mais la pr^ique 
prefque génétafe des vices paflbit de racé 
en race comme par tradition. Peut-oa 
comparer ce torrent débordé & univerfel 
éts paffions déréglées , des fiedes barba- 
res , avec quelques Poètes libertins , que 
laifle encore échapper notre fiede. 

Et portei cnfemblt — quifount précieux 
devant toL Que le Dieu Tout-puiffant ôte 
ks lumières & les talens à ceux qui en 
abufent , qu'il anéantiffe les j4rts funefies 
à la vertu ; qu'il donne la pauvreté à ceux 
qui font un mauvais iifage des richeffes, 
niais qu'il répande, abon^mment les lu- 
mières , lés talens & les richeffes fur ceux 
qui ikvem les employer utilement* Voilà la 
prière d'un bon citoyen , & d'un hooune 
raiibnnable. 

Mais fi le progris, des Sciences — des 
forces de ceux qui feroient tentés de Jkvoir ? 
Comme la majeure de cet argument eft 
faufle , CCS Auteurs font dignes de toute 
ia reconnoifl^ce du public , & de fAu- 
ieur même du Difcours > qui a mieux pro^ 
fité qu'un autre de leurs travaiu^ 



D U D I s C O U R s. II 5 



Que penferons-nous — populace indigne* 
Jtm approcher. Le mot de Sanctuaire con* 
vient- il à un lieu oii , félon l'Auteur , on 
va corrompre fes mœurs & fon goût ; 
je me ferois attendu à toute autre expref-^ 
fion ; & en ce cas-là qu'eft-ce que l'Au- 
teur entend par cette populace indigne £en 
approcher ? Les plus indignes d'approcher 
d'un lieu de corruption, font ceux qui 
font les plus capables de porter fort loin 
cette corruption ; ceux qvî font les plus 
capables de fe difîinguer dans ce prétendu 
Sanôuaire ; par exemple , ceux qui ont- 
plus d'aptitude aux Sciences , plus de faga- 
cité , plus dç génie ; car tous ces gens-là 
en deviendront cl'autant plus mauvais ^ 
d'autant plus dangereux au refie de la fo^ 
ciété , felon les principes de l'Auteur ; à 
moins qu'ici la vérité ne lui échappe malgré 
lui , & qu'il ne rende aux ScieiaesThonv- 
mage qu'il leur doit à tant d'égards. Cette ' 
dernière conjeâure eft très-vraifemblable. 

Tandis qtiïl feroit à fouhaiter — que la 
nature defiinoit à faire des difciples. Oh ! 
ma conieâure devient ici plus que vrai-^ 
femblable. L'Auteur reconnoît formelle- 
ment la dignité U TexceUenccL des Sci^n^ 



ll6 RÉFUTATION 



mm^K^ 



l 



€^ i il n'y veut admettre que ceux qui y 
font réellement propre^ , & il a raifon au 
fpnd ; cet. abus dans les vocations eft réel 
4ans les bons principes & dans les pria* 
cipes ordinaires. Mai^ i^, le Citoyen de 
Cenev^ ne raifonne pas conféquemment 
à 6 thefe ; car puifque les Sciences font 
)ernicieufe$ ^ux mœiurs^ plus ceux qui 
fs ailtiveront feront fpirituels , fobtils , 
plus ils feront méchans & à craindre ; & 
dans ce cas , pour le bien 4^ la iociété , les 
ftupides feuis doivent être deftinés aux 
Sciences, %?. Cet Auteur a oublié ici qu'il 
enveloppe les Arts aufli bien que les 
Sciences dans fon anathêmç , & que ce 
f^ricateur d'étoffe eft un minidftre du luxe. 
Qu'il aille donc labourer la terre. A quoi 
bon les étoffes ? Vhommc de bien eft un 
Athleu qui fc plaît à combattre à nud.jiovs 
en reffemJ'ylerons mieux à la vertu dans 
cette lîmplicité ; & pourquoi tout le reftç 
4u corps ne fiipporteroit-il pas les inju* 
res des ikifons , auffi bien que le vi&ge & 
l^s mains ? Ce feroit le moyen d'avoir de^ 
guerriers capables de Supporter textes du trOf^ 
%ail & de réfifler \ la rigueur de^ Jaifons 
fy diu» immpiries d^ Pair, j 



«M 



DU DmcoVrs. 217 

Les yirulams , U^ Defcarus & les New'* 
tons — tefpact imminfe qiiils ont parcouru. 

' Premièrement , il n*eft point vrai que 
les Verulams , les Defcartes , les Névtons 
n'aient point eu de maîtres ; ces gr^ds 
hommes en ont d^'abord eu comme tous les 
autres , & ont commenc^ par apprendre 
tout ce qii*on favoit de leuf tems. En fe* 
cond lieu , de ce que des génies tranfcen- 
dans , tels que ceux-ci, & tant d'autres 

' que l'antiquité n'a point nommés , ont été 
capables d'inventer les Sciences & les 
Arts , l'Auteur veut que tous les hommes 
apprénnemd'euxrmêmes , & fans maîtres , 
afin de rebuter ceux qui ne feront pds 
tranicendans comme ces premiers ;* mais 
ce qui eft poffible à des génies de. cette 
trempe , ne Teft pas pour tout autre ; 8c 
fi les Sciences forft bonnes , ces .grands 
hommes ont très - bien mérité , de ia fch 

^ciéfcé de lui avoir communiqué leurs lu- 
mières, & ceux qui en éclairent les au- 
tres hommes participent à cette a£K(^n; iÇî 

' au contraire les Sciences font periiicieiT- 
fes , ces hommes ne font pUis dignes dfe 
l'admiration de l'Auteur/ Ce font des 

■*monftres qu'il feUoit étouffer cfès'^les pr<^, 

■ SuppU de la ColUc. Tome U - K^ • 



irS RÉFUTATION 



i^pi 



miers efforts ,qu*ils 6ht faits pour fian^ 
' ch^r Vcjpaçç immcnfc quils ont parcounu 
Or , ce dernier parti auroit mis le comble 
à rçxtravagance Sc à la barbarie , $c TAu- 
. teur a raîfon de regarder ces hommes di*- 
vins comme les dignes Précepteurs du 
genrer-humairi* On çft charmé de voir que 
la vérité perce ici , comme à Tinfçu de 
rOrateur;il eft fâcheux feulement ou'elle 
ne foit point d*açcord avec le refte du 
Difcours. 

S* il faut permettre à quelques hommes — ♦ 

à la .gloire de tefprit humain. Les Scien*- 

ces & les Arts font donc des momimens éle» 

>é§ à lîi gloire de refprit humain ; l'Auteur 

ne penfe donc plus qu'ils font l^ fource de 

la dépravatipn dp nos mœurs ; car affuré- 

ment il$ mériterolent , ^ns ce cas ,, d'être 

^regardés comme le? monum^ns de fa honte, 

Jk il$ n'arrachent d^ l'Auteur un aveu 

tout oppofé que p^ce qu'ik fo^t le^s four- 

]ces^e% lumière & de la droiture qui 

faiilç parfeit Konnêjç homme if le vrai 

^çitoyen. 

Mffis Ji t!qn veut que -r- efj^cour^igtmau 
Jipfit^ i(s ont befomp V6Ilà> ce isi^ femble » 




r>u Discours. 



21 



veur des génies deflinés à perdre notrç in- 
nocence , notre probitjé. 

Vamefc proportionne — ChançelUrJ'An- 
glcurr^. L'iloquence , félon l'Auteur , tire 
ion origine dç Tanitition , dç la haine , de 
la flatterie & du menfbnge, La Phyfiq le 
d'une vaine curiofité, la Morale même dfe 
TorgMeil humain , toutes les Sçiencçs &lés 
Arts de nos vices. Voilà dé belles fourçes 
pour àQS Confuls & dès Chancelier^ , ac- 
tuellement les objets d^ Tadmiration de 
l'Auteur ; ou Rome & l'Angleterre étoierit 
là dans de bien mauvfiifes mains , ou les 
principes de l'Orateur font bien étranges^. 
Croit-on que fi tun n\ut occupé — Cart 
de conduire Us Peuples efi plus difficile que 
celui de le^ éclairer ; towit ciîtte page eft 
de la plus ^raîide beauté , comme de te plus 
^ exaâe vérité , & elle eft malheureufemeht 
wne contradiôion perpétuelle du r^fte 4e 
l'ouvrage. 

Comme iil itoit plus aifè — les Peuples' 

continueront (fêtn vils , corrompus & maU 

h^reupc. Voiî^ donc l'Auteur revenu aux 

vérités que nous avons établies dans nos 

. premières remarques. Les lumières & la 

; iâgeffe yoût jdpnc enfemjjlie ^ les favans ppÇ; 

* K * 



210 RÉFUTATION 

fédent l'un & l'autre , puîfqu'il n'eft plus 
queftion que de leur donner du pouvoir, 
pour qu'ils entreprennent & raflent de 
grandes chofes. Donc la fcience . ne dé- 
grade pas les mœurs & le goût. Donc le 
parti qu€ l'Orateur a pris n'eft pas jufte , 
ni fon Difcours folide. 

Pour nous\ hommes vulgaires j -r- nous 
Tt^avons pas befoin itn favoir davantage. 
^ Les foins que coûte l'éducation des enfens , 
. ne prouvent que trop les peines & l'ap- 
pareil , & j'ajoute les ftratagêmes qu'il 6ut 
mettre en ufage pour inculquer aux hom- 
' mes les principes de la morale , & for- 
mér leurs mœiir^. Non pas que la théo- 
rie de cette morale , de cette éducation 
foit fi épineufe ; mais c'eft que la pratique 
. en eft des plus pénibles , & qu'on échoue 
' encore fouventlur certains carafteres, avec 
tout l'art que ce fiede éclairé a ima^né 
pour y réuflîr. 

Tes principes ne font- ils pas gravés — . 

dans le Jîlmce des pajjîons ? La fiippofition 

^ du filence des paflions eft charmante ; mais 

Gui leur impofera filence à ces pai&ons ? 

iinon des lumières bien vives fiir leur per* 

veifité , fiir leurs ftiitei fimeftçs , fur les 



» 'iT 



DU Discours. izi 



moyens de les dompter , bu même de les. 
éviter ^ en élevant Tame à des objets plus 
dignes d'elle ; enfin en devenant Philofo- 
phes & fayans. 

yoiià la vérUàbU PhilùfophU 9 — que 
tunfavoit bien dire ^ & ï" autre ^ bien foin* ^ 
Pourquoi feroit-il défendu de mériter ces 
deux couronnes à la fois ?. Bien faire & 
bien penfer font inféparables , & il rfeft, 
pas difficile de bien dire à q. • penfe bien ;. 
mais comme on n'agit pas {ans penfer , 
iàs^ réfléchir ^ l'art de bien penier doit, 
précéder celui de bien feire,:. Celui qui af- 
pire; donc à bien faire, > doit^^ pour être 
phi j^ fur du fuccès 9 avoir Us. lumières & 
la fageffe de fon côté , ce que la culture 
des Saences j de la Philofophie peut feule 
lui donner. « Si vous voulez , dit Cicé- 
>f ron , vous former 'des règles d'une 
>> vertu folide ; c'eft de l'étude de la Phi- 
» lofophie que vous d^vez les attendre , 
>» ou il n'y a point d*art capaWe de vous 
» les procurer. Or , ce feroit une erreur 
» capitale , & un manque de réflexion , de 
» dire qu'U n'y a point d'art pour acqué- 
>» rir les talens les plus fublimes » les plus 
^ eflentiels , pendant qu'il y en a pour les 

K3 



air RÉFUTATION, &-C. 



>i plus fubalternes. Si donc il y a quel- 
>> que fcience qui'enfeigne h vertu , oîi 
if la chercherez-vous , finon dans la Phi- 
» lofophie? >> 

' Sivc ratio cànjtantia , virtuiifqut ducîtur: 
ant haè ars efi {Phihfophia) aut nulla cm" 
hin^ y ptr quant tas aff^quamur.HutUun Sr' 
ctrt maximamm rtmm ariem tffe^ cùm mi- 
nhnamm fint ant n^lla fit ; hominunt c^ 
pantm confideratï loqutntium y atquc in 
maximis rtbus errantiiim. Si qtddem ejt 
ai^'ua difciplifta virtutis , ubi ca qtutr^ 
tur^ càMal^hôc dijccndi gcnêh difitScriSi: 

Cicero de OÊc Un. p» lo* de f^diu 
de Gb^\r. 






> < 




ê 



- < 



A D DIT ION 

RÉFUTATION PRÉCÉDENTE. 

A Dijon ^ ce 1$ OSobrt 17^1. 

Mo N SIEUR , 

J E viens de recevoir de Paris une Bro^ 
churt j où M* Roujfeau relique à une ré-- 
ponje faite à fon Difcours par la voie du 
Mercure» Cette reponfe a pluReùrs chefs com^ 
miins avec nos Remarques , o* par conféqiunt 
ia réplique nous intérejje. Notre Réfutation 
du Difcours en deviendra complète ^ en y 
joignant celle de cette réplique que je vous 
envoie y &j^efpere qtielle arrivera encore ajfe[ 
à tems pour être placée a la fuite de nos 
Remarques. 

J*aî l'honneur 'd'être , &ç. 

P. S. Fous ave:^^ trouvé fihgulîet quon 
ait mis en queftion .', . Si k rétâbliflement 
des Sciences &V(ies Arts a* contribué à 
épurer les mœurs../. V Académie Ftafiçoifé 
confirme authentiquement votre opinion^ Mon-'" 
fieur , en propofant pour le fujet du prix 
d éloquence de tannée 175 2 cette vérité à 

K4 



114 Addition^ &c. 

éiahlir.... L'-atnour àe^ Belles-Lettirs înfbire 
l*amour de la venu... Ce^ U droit & U 
dtvoir des CoKTS fouver^aes y Monjîiur, Je 
Ttdrcjfer Us dictons haj'ardits par Us autrts 
Jurifdiclions. M. Roujfeau a Jeatl totut la 
force detaûlorité de et Programma pitilU par 
la première académie du monde -, en fiût 
de Belles-Lettres ; il a tâché de t affaiblir, ea 
difant que cette fâge Con^pagnie a doublé 
dans cette occafion le tems qu'elle accordoit 
ci-devant aux Auteurs . 
Aijets les plus djfiiciles^. 
tanct ^infirme en rien Uj 
iunalfupréme porte contre 
de. Genève ; elle peut fei 
^ue ce Jiijet exige heauco ^ 
ZeSurt, & par conféqucnt de tems; ce qui ef 
vrai. D'ailleurs , cette Cige Compagme JlîuV 
tufa^e de toutes Us Académies ^ ^uaitd elU 
propoft en 1751 le fuj et, des prix- qt^ elle doit 
donneren ly^t. lien tfi même plufieurs qui 
mettent deux ans, itintervalU entre ta publi' 
eation du Programme & la difiribuiiou du 
fHxt 



RÉFUTATION 

Dis Obfcf valions de M. J* J. Roî{Jfca^ de , 

. Genève y fur une Réponfe qui^a ^téfaitç ■ 

à ion Dîfcours dans k Mercure de Sep- . 

tembre 1751. (^ ) ^ 

JV O u s fommes d'accord avec Pîlluftfe 
Auteur de /ia Réftitàtion inférée au Mer- 
cure y en ce que nous avons trouvé comme * 
lui • • . • I. Que M. Rouffeau , favant , 
éloquent ^ & hom'me dé bien tout à la 
fois , fait un contrafte fingulief avec k * 
-ckoyen de Genève i Poiratéur de Tigno- 
i^nce , l'ennemi des Sciences & «dès Arts ^ 

3u'il regarde comme iine fource tonflahte 
e la corruption -des moeurs. -^ 

a. Comme k refpeôabk anonyme, npui , 
avons penfé que k Difcoùrs , couronna, i 
par r Académie, de Dijon eft un tiffu de • 
contradiôipns qui décèlent, malgr^'Tçu> ' 
Auteur , la yér|té qu,'îl s'efforce eniVaîa 

de trahir-' *•*"".'. ; -'*"^''" • 

\. Comme le Prince phîlofôplie , auffi 
piuiTant à protéger les Lett^-es qu'à défen» . 

ttt« Ton (rouv«ra ci-après* * «x • 4c 

Kl 



aid ',. ÎRÉ PUT A T ION 

I 

dfe leur caufe (*) ; nous avons dit que 
rOrateur Genevois avoit prononcé un 
anadiême trop général contre les Sciences 
& Tes Arts , & cju'il confondoit quelques 
abus qu'on en fait , avec leurs effets natu- 
rels ÔC'leurs ufàges légitimes. 

L 

r . An premier article , M. Roufliràu répond; 
qvi'il a étudié les Belles - Lettres , (ans les 
connoître ; que dès qu'il s'eft appcrçu du 
troubfe ^i^clUsjiUoiem dans fou amcy il Us 
a abandonnées. ^ 

. Comment cet Auteur ne fent- il point 
qu'on va lui répliquer que ce n'eft point 
les ayoir abandonnées 9 ou au moins Ta- 



( ^ ) , Voifii comme r Auteur anonyme de la réponlè. am 
Secours da Citoyen de Geoeve le trouve défî^né tfans le 
>I«rciire de Septembre, p. 62. ^ Nous Ibmmes mch€s, quMl 
„ «e nous &it pas permis de nomifier TAuteor 4e INmvrafe 
», fui^aat. Anffi capable d*^lairer que de getutemer lespe»^ 
9, ptei , & àu(fi attentif à leur procurer Tabondance des 
„ hïmi n^CéfTatres i laf rie , qur les lumières ft les con- 
,, noiâknces qui forment à la vertu, il a voul» ^rendit t» 
,, ^naia la d:é&nfe' des.Sciencct , dont il éoaoott le prix, les 
„ gran^ Itabliflêméns qu'il vient de faire en lei^ fiavevr 
„ Soient déjà co>mnlke une réponfe fens ^épli^ne aii Difcours 
y, du Citoyen de ^eoeye^ à qui il a'a.]uis tenu de «légradet 



„ tous. les BeauX'Ârts. PuiiTeia l«f V^sm^^ vt«ii;, îwm 
M in pareil exemple I &ç. M 



,■11 I t .i.»i m wp 



D E S O BS ER V A T I O N S. llj 

voir fait bien tard , que dç les ^voir por- 
tées au degré où :il y eft parvenu , que^ 
c'eft même les cultiver /plus que jamaisr 

3ue de fe produire fur le .théâtre des Aca- 
émies pour y difputer , y remporter les^ 
prix qu'elles propofent. Le perfonnage que 
jfoue M jRoufleau dans û. réplique j» n eil 
donc pas^plus férieiix q^^e çf lui gu'jl affeôc; 
dans fon Difcours. ^^ * 

Je me fers , dit-il, des BeUes-jLettres 
pour cpmb^ttre leur culture , comme les 
Saints Per^ss fe feryoient des Sciences mori'^ 
daines contre Us Payensi'Jiquelqu un , ajoii- 
te-t-il , yenoit pour inetmr\ & iue feujfe U 
bonh^u^ demejaijîr de fon arme^meferoii-il 
défendu ^ aya^t que.de .lajeuçr,^ de ni en 
fervir pour le chaffer'd^ che[ moi? 

Les Pères de llkglife -fe font fervis utile- 
ment des Sciences mondaines pour . com- 
battre, les Payens^ Donc ces Sciences font 
bonnes , & ce n eit p(>int elles ^e ces dé- 
feijfeurs dé la ReCgioç méprifoiçnt , bîâ-^ 
moient ; car ils n'auroient ni voulu s'en 

•^ -A .. • ,./C'r • 

feryir , ni piv le faire fi utilement : mai? 
c'eft le mauvais uiage. qu'en feifoient ces 
Phijiofophes profanes qu'ils reprengie^t 
av-ec raifon. . • ,,,.,' • ;• ^ , *- > 



ax8 RjÉFUTATlON 

^ I ■ ' ■ ■ ' ■ 

Céft une très-belle a£Kon que de dé&r* 
mer fon ennemi ^ & de le chafTer avec fes 
propres armes : mais M. Rotifleau n'eft 
nullement dans ce cas-là ; il n'a. défarmé 
perfonne ; les armes dont il fe fert font 
bien i lui : il les a acqiiifes par fes travaux ^ 
par fes veilles; il femble par leur choix 
êc leur éclat , xfc^ilî les ait reçues de Mi- 
nerve même ^ & par une ingratitude manî- 
fefté y il s*en fert pour outrager cette dîvi- 
nitéi)ieniaîârice ; il s'en fert pour anéantir , 
autant qull eft en lui > ce qu'il v a de plus 
refpeâaWe^de plus utile, de plus aimable 
parmi les hommes qui penfent ; h Philo- 
ibphie , Tétude de la iageife , Tamoùr & 
la culture des Sciences & des Arts ;* iï n'y 
a donc point de yu&efk dans ^application 
des exemples que M. Rouflea^^ cite en fa 
fevcur, & il eft toujours fingulier que 
l'homme Êivant, éloquent, qui a confervé 
toute fa probité i toutes iès vertus , à la 
teconnoiffance près , en acquérant ces 
talens, les employé à s'efiorcer dç prouver 
qu'ils dépravent les mœurs des autres. 

J'ajoute qu'il y a un contrafte fi nécet- 
^dre entre la caufe foutenue par M. Rouf- 

ieau I U Içj moyens qu'il employé pouiç 



DES Observations. 21.9 

la défendre , qu^en la gagnant même , par' 
fûppofition j il la perdroit encore ; car 
dans oçtte hypothefe , & félon fes princi- 
pes,' foh éloquence , fon favoir , en nous 
fn}>)uguant ^ nous conduiroient à la vertu , 

nous ' rendroiéttt meîIIeuï^V ^P^^ consé- 
quent d«iiôritreroîent, contre fôn ^ Auteur 

même , 'c|ue tous cestdens font de Ja plus 

grande Utilité» '^ ^* 

'I t • • , • 

Que les côntradiftîons foîc^t trèsrfré- 
quente^ dans 4e I)ifcoûrs du Citoyen" dé 
Genève , ori Vient de s'en convaincre par? 
latleftiure de mes retiia^rquei. M. Roiifl^eair 
prétend queces^côntradiôions ne font 
qu'apparentes ; que s'il loue les Sciences 
en piufieiu'S ei^oits y il le feit fincérement 
Se de bon coeur, parce du'alors il les cpuf 
fidëre en elles-mêmes , iPles regardé cohimc' 
une e(pete dé pârtiéit)at}ôn à Xz ftiprùni 
intelligence ^ & par conféquent çoniine 
excellentes ; tandis que dans tout lê'refe 
de fon Difcoursil traite des Sciences; rela* 
tivemènt au'génie, à la capiacitë de ITiomme; 
celm-ciétanttrop hQxnépouryJairedegnmds 
progrès ^ trop fajffîonnéjftmrn^wpas'fam um 



130 RéfVT*'''^ **/"> 

mauvais ufage; il doit , pour fon Iweii & 
celui des autres , s'en abftenir v.el^^s ne 
fontpoint proportionnées à fa nature , elles 
ne font point f^tes poiu lui, (*) , il doit 
Us éviter toutes con 
Comment 1, Les î 
feroientyj£)io£_^«i pi 
feàu y a-t-^1 bien j 

"" oublie les prodiges ■ 
fur l'homme même 

' le vrai , le rétabliflemenl des Sciences & 
des Arts a feît fonir Chompu , tn gueiqut 
manière f du néant,; îl idijlipt Us ténèbres 
dans lefquelles ^a naturt ^ajioit enveloppé,,^ 
il l'a éUvé au-deffus de l^-^n^aïf ^il L'a porté 
par lejpr'u jujques dan^je^^fglons cêlejles \ 

• & ce qui ejî plus grand o-plus difficile^ il l'a 
£lit rentrer tn foi-même^ pour y étudier, 
rkommCf & confloUrt-fa nature, jf s dtyoip,. 
Çrfafin. Zi'£w-cy«; continue çAJtfeQifttauri 
etoit retombée dans ia iarbarff^ /U^.jfrefniers 
âges, ' Les peuples di( cfiu partie du monde 
aujourtthuijî éclairée y vivaient, îLya-quelr- 

. (*) les chiffres nlnfi apoQilIfs itUsiuMt Ici pagti de* 
Ob&nations de M. Rouflêaii en rCplique A la rfpnnic ia(ï- 
rfe >u Mcicure de Sepumbrc: les cltilTMi Gmpln bM M 



DES ObSERVATIOî^S. 13 1, 

qiusJùcUs , dans un état pire que C ignorant 
ce... Il falloh une révolution pour ramener 
les hommes aufens commun. Le Citoyen de 
Genève exhorte les Roîs à appeUer les 
favans à leurs confeïls; il regarde comme, 
compagnes les lumières & U fageffe^ & les 
favans comme propres à enfeiffier la der> 
niere aux peuples. Les lumières, les Scien- 
ces , ce^ étincelles de la Divinité , font ; 
donc faites pour l'homme \ & le fruit qu'ils 
en retirent , eft la vertu. 

Eh ! pourquoi ex. 
fagefle fuprême ne. ci 
l'homme r Pourquo 
nuifible? Avons-ncu 
plus grand, plus fubl 
Pouvons-nous nous é] 
tant que nous nous 
fcience de la religipr 
celle de la nature , ■ 
quer celleTci aux befc 
tes de la yîe ? Trpii 

lances déftlnées à l'homme parfon Auteur^ 
même. Commeat donc ofer dire qu'elles 
ne font pas feites pour lui , quand l'Auteur 
de toutes chofes a décidé le contraire î // 
a fifpTÏt trop ^vtfié pour jf foire de grands^ 



^3 



RÉPUTATION 



progrès ; ce qu'il y en fera , fera toujours 
autant d'eifecé de fes imperfeâions , autant 
d'avancé dans le chemin glorieux que lui 
trace fon Créateur* // a trop de paffions 
dans h cœur pour n^ en pas faire un mauvais 
ufage. Plus rhomme a de paffions , plus la 
feience de la Morale & de la Philofophie 
lui eft néceffaire pour les dompter ; plus 
il doit auffi s'amufer , s'en dîftraire par l'étu- 
de & l'exercice des Sciences & des Arts. 
Plus l'homme a de paffions , plus il a de 
ce feu qm le rend propre à fiiire les décou- 
vertes les plus grandes , les plus utiles ; plus 
il à de ce feu , principe du grand homme, 
du héros , qui le Tend propre aux vaftes 
entreprifes , aux àftions les plus fublimes. 
Donc plus les hommes ont de paffions , 
plus il eft néceffaire , avantageux pour les 
autres , & pour eux-mêmes qu'ils cultivent 
les Sciences & les Arts,; 
* Mais plus il a de paffions, plus il eft 
expofé à abufer de fes tàlens , ' replicpiera 
l'àdverfeire. 

Plus il aura de fav oîr , moinsil en abufera. 
Les grandes lumières montrent trop claire- 
ment les erreurs , les abus j leurs principes , 

jh hciite attachée- à'tous ks trayers, poiu- 



9S 



DES Observations, ajj 

Il I r^ , Il ' . r " Il 

^iie le favant qui les voit fi diftinôêment 
ofe s'y livrer. Monfieur Roufleau dans fes 
Obferyations convient que les vrais favans' 
n'abufçnt point des Sciences ; puifque , de 
fon aveu , elles font fans danger quand on 
les pofféde vraiment , & qu'il ri^y a que 
Ceux qui ne les poffédent pas bien , qui en 
abufent , on ne fatiroit xlonc les cultiver 
avec trop d*ardeur ; & ce n'eft pas la culture 
des Sciences .qui eft à craindre , félon M. 
Rouflbau même y mais au contraire le défaut 
de cette culture, la culture imparfaite , Ta- 
ius de cette culturiî. Voilà où fe réduit la' 
défenfe dé cet Auteur lorfqu'bn Panalyfe ,* 
& Pbn voit que la diôinôion imaginée pour' 
iauvÊr les contradiûions- de fon Difcours^ 
eô frivole y & que ni cette Pièce , ni les 
Obfervations oui viennent à Tappui, ne 
ddhnent point la moindf e atteinte à Tutilité \ 
fi généralement reconnue des Sciences &C ' 
des' Arts, tant pour nous ^ procurer hos' 
befoins , nos commodités y que pour nous ' 
rendre plus gens de bien. 

m. 

Le Otoyen de Genève exdut dé fe^ 
ibciété toutes les Sciences > tous les Arts^'i 



«» 



a34 RÉFUTATION 

t^ns exception ; il regarde Tignorance la 
plus complète comme le plus grand bien 
4e Thomme , comme le leul afyle de la 

Srobité & de la vertu ; & en conféquencé 
oppofe à notre fiede poli par les Scien- 
ces & les Arts , les mœurs 4^s Sauyages 
de rAmërique , les mœurs des peuples 
livrés à la feule nature , au feul inftirft. M.' 
RoufTeau dans fes Obfervations déclare 
qu'il n'a garde de tomber dans ce dé&ut ; 
Qu'il admet la théologie » la morale, là 
içlence du ialut enfin ; mais il n'admet que 
celles-là , porr^ unum cfi ntujfarium , & il 
regarde toutes les autres Sciences 9 tous 1^ 
alitres Arts, comme inutiles, comme per- 
nicieux au genre-humaii^, non pas en eux- 
mêmes ) maïs par l'abus qu'on en fait , & 
parce qu'on en ahufc toujours, 11 paroît. 
dans fon difcours , qrfil met le luxe au 
nombre de ces abus : ici, c'eftau contraire 
le luxç qui enfante les Aits , & la prcmurc 
fourct du mal iJÉt inégalité des conditions , 
la diftinôiôii de pauvre & de ricke»^ 

5. 1. Je me garderai bien d'établir férieu- 
fement I9 néceffifé àe^ cette inégalité des 
cpnditiQn^^ , qui çfl; Je lieA le plus fqrt ^ 4e 
plu$ effentiel qe la foclété. Cette vérité tri- 






■^r^ 



viale faute aux yeiix dû Lefteur le moins 
ijjtelligeht. Je fuis feulement fâché dé voir 
ici comme dans le difcours du Citoyen de 
Genève , qu'un Orateur de la volée de M. 
Roufleau , ofe porter au fanfti^ire des 
Académies , des paradoxes aue Molière & 
Delifle ont eu la prudence oe ne produire 
que par la bouche du Mifanthropc écd'jirle* 
quin fauvage^ & comme des travers où 
des iingularités propres à nous faire rire« 
Revenons au férieux.que mérite le fiijét 
qqi nous occupe. 

L'excej^on quç Eut ici Mojûiîenr.Rotif- 
fcau en, ^veur de la théologie , de la 
morale. Sec, eft déjà une demi-rétraâation' 
de fa part; car lafciepce de la théologie ^ 
celles de la morale & du iklut y font des; 
plus fublimç^ , des pkis étendues ; elles > 
font . incopn^içs aux Sauvages, & l'on ne: 
s'ayi^pr?i,, j^m^is 4ç regarder comm^ un; 
ignorant ce|ui <p^ j;n iefa par^itiemQnt : 
inflruit. L§s Atlwnafes , l^s Chiyfoftônjes , 
lés Auffuftins font encore Tadmiration de 
notre uecle p^r ce feul endroit. Nous 
venons de vqir;, il n'y a qu'un moi^ent , 
que M. Rouileau attribue au f enouyeUe» j 
ment ; des Scie/ices 6e des A|t$la fçiçQ^j 



»j6 RÉFUTATION 

de la morale ; car celle-ci efl Part de rtmnr 
m foh-mémc pour y étudier t homme & cen^ 
noîtrc fa ndttm , fes devoirs & fa fin ; mer^ 
veilles qui y de fon ?LYÇViyfefont renouvtlUes 
avec Us Sciences. Or , cette partie des Arts 
étant efTentieUe à tous les hommes , il en 
refaite que notre Orateur fera forcé dV 
Youer que le rétabliiTement des Sciences a 
procuré à toute la race humaine , cette 
utilité fi importante qu'il s'efforce ici de 
riendre.indépend^dtr 9 & uès-féparée de ce$ 
Sciences , incompatible même avec elles. 
- Quant à ta icienae du âlut prife dans 
fon fenSf le plus étendu , dans ceux qui 
font dêftlnés à fenfeignef aux autres , à' 
la défendre , & telle que la poffédoient 
les grands hommes que )e viens de citer, 
dignes modèles po^u• ceux de notre fiede ; 
tout le monde fait qu^eDe fuppofe la con- 
noifTai^e des langues favantes , celle de 
là Philofophje, celle de PEloqueiice, cette 
enfin de toutes les fciences humaines , 
puifque ce font des hommes qu'il eô quef- 
tion de fàuver, & que l'art de leur incul- 
quer les vérités neceffaîres à ce iliblime 
projet, doit employer tous les moyens 
donmis d'affi^êr leurs fens & de convaiiH 
cre teiu* raifon. 



DES Observations. 237 

Sont-ce des favans , dit M. Rouffeau., 

;[ue Jéfus-Chrift a choifis pour répandre 
a doârine dans Tvinivers ? Ne font -ce 
pas des pêcheurs 5 des artifàns ^ des ignor 
rans? 

Les Apôtres étolent réellement des igno- 
rans 5 quand Dieu les a choifîs pour mi^^ 
fioonaires de ia Loi , & il Içs a choifis 
tels exprès poiu- faire éclater davantage 
ÛL puid^uu:e } mais quand ils ont annonce » 
prêché cette doârine du falut, peut -on 
dire qu'ils étoient des ignorans ? Ne font- 
ils pas au contraire i^n exemple authen- 
tique 9 par lequel Dieu déclare à l'uni- 
vers que la fcience du fàlut fuppofe les 
connoii&nces , même les connoiifances 
humaines les plus univerfelles 9 les plus 
profondes ? L'Etre fuprême veut faire d'un 
artîÊui f d'un pêcheur 9 un chrétien , un 
feâateiu- & un prédicateur de l'Evan- 
gile ; voilà que 1 Efprit Saint anime cet 
artUàn » & le p-ansforme en un homme 
extraordinaire 9 cpii parle d'abord les lan- 
gues connues 9 &i qui par la force de fon 
éloquence 9 convertit dans un feul fermon 
> trois mille am^s. On fait ce que fuppofe 
une éloquence fi.per(\i«6ve ^ û viftoneu^t 



X38 RÉFUTATION 

au milieu (Tun peuple endurci au po'mt 
tfêtre encore aujourd'hui dans les ténè- 
bres à cet égard; Téloquence de nos jours, 
ne ^mérite vraiment ce nom qu'autant 
qu'elle raffemble Tordre & la /olidîté du 
Géomètre , avec la jufteffe & là liaifon 
exaâe des argumehs du Logicien , & 
qu'elle les couvre de fleurs; qu'autant 
qu'elle remplit cet excellent canevas de 
nxatériaux bien affortis , pris dans lliif- 
toire dçs liommes , dans cell$ dej Scien- 
ces 9 dans ceUe des Arts , donc les détails 
^ les plus circonft^ciés deviennent nécef- 
^ faites à un Orateiu-. Qui a jamais douté 
<^ue l'art oratoire fôt celui de tous qui 
Hippofe, cpii exige les plus vaftes coa* 

• noiffances ? Et qui croira que l'éloquence 
fortie des mains de Dieu , & donnée aux 

* Apôtres pour la plus grande , la plus né- 
~ ceflaire de toutes les expéditions 9 ait été 
•inférieure à celle de nos Rhéteurs ; h 

gracè , & les prodiges J dUra^-t-on , oat 
%^ ^luppléé à l'éloquence.* |ja grâce & les pro- 

diges Ont , fans doute , la principale part 
' à un ouvrage que jamais la feule élo- 
quence humaine n'eut été capable d'exé^ 
t (uter i mm il n'eft pas moini^'.conilaDt| 



PIS Observations. 139 



H^"^"""»^ 



par l'Ecriture , que les iaints Miflionnaîres 
ce TEvangile animés de Tefprit de' Dieu 
poffédoient cette éloquence divine , fu- 
périeure à toute faculté humaine , digne 
' enfin de Teiprit qiii eft la fourcé de toutçjs 
les lumières. Toutes les nations étoient 
frappées d'étonnement (*) de voir & à^en^ 
tendre dç fimples artifans Ifraëlites , non- 
feulement parler toutes les langues , mais 
encore ppfléder tout-à-çoup la fcience de 
l'Ecriture fainte , TçxpUquer $c l'appliquer 
d'une façon frappante au fujet de leur 
million , difcourir çnfîn avec le favoir , 
* le feu & Tenthoufiafme des Prophètes (**), 
En^ppofaht donc qu'il fïft eiaôemeht 
vrai que |a fcience du falut fût l'unique 
qui dût nous occupçr , on voit que cette 
iciençe renferme , exige toutes les autres 
connoiffanoes humaines. Les favans Pères 
dé PEglife nous en ont donné l'exeniple, 
■& feint' Auguftih nous dit exprefTément , 
ifi^iB fcroît honteux & dt dangcnuft confia 
^îuncc , quun Chrétiçn , fç croyant fondé Jïir 
T^azttorité des^faintes Ecritures y raifonndt fi 

n . I I 1 1 i I ■ Il ■ I I 

(f) Stupçbant autem omnes & i|i!rabantur. 

Ç** ) Effundàm cle (piritu meb Tuper omnem carne0i|. ff 



Z40 REFUTATION 

phoyabUme^t fur les- chofis naùttUlu y quil 
en fut txpofé à U (Urifion 6* a^ mépris des 
M^dcUes ( * ). 

Mais quoique la fcience du ialut ibit h 
première 9 la plus eiTentielle de toutes » 
les plus rigoureux caTuiftes conviendroitt 

SuMle n'eu pas Tunique nécef&ire. Et qi|e 
. eriendroit la fcfciété ? que deviendroit 

. même chaque homme en particulier y fi 
tout le monde fe faifoit chartreux , her- 
mite ? Que deviendroit le petit nombre 
qu'il y a aujourd'hui de ces foliaires uni- 
quement occupés de leur fàlut, ii d'autres 

. nommes ne travailloient à les loger , à les 
meubler ^ à les nourrir , à les guérir de 

. leurs maladies h C'efl donc pour eux , 
comme pour nous , que travaillent les la* 
boureurs , les architeôes , les menuifiers, 

, femiriers » &c» Ceft donc pour eux , 

^ comme ppur naus , que les mamiÊiâiures 
d'étoffes, de verres, d^ fayance, s'éle- 

!vent & produifent . leurs ouvrages ^ que 

- - - — - — 

<«) Tiirpe eft iiutem 8c nimis perniciofbm, ac maxime 

' careiidoni , ut Chriftianum 4e his rébus ( Phyflcis ) quafi 

(écuadum chriftianas litteiss loquentem » ita delirare qui* 

libet iiifidelis audiat , ut ( quemadmodum dicitur , ) tôt* 

^œlo errarc confpicîens rifum tenere tîx poffit* X># anus* 



i 



DES Observations. 241 



les mines de fer, de cuivie , (Pétain , d'oi^ 
& d'argent , {ont fouillées &c exploitées^ 
G'eft donc pour eux , comme pour nous 9 

2tte le pêcheur jette (es filets ; que le cai- 
nier s inftruit de Tart d'apprê^r les.aii- 
mens ; que le navigateur va dans les diffé- 
rentes parties de la terre chercher le poi^ 
yre, le clou de gerofle , la cafle , la manne^ 
la rhubarbe , le quinquina. Mous m^mque^ 
rions donc tous des chofes les plus nécef^ 
ûdres à la vie , & à ia- cohfervadon , it 
nous n'étions uniquement occupés que de 
Ta&îre de notre ^ut , & nous retombe^ 
rions dans un état pire que celui des pre*^ 
miers hommes , des Sauvages ; dmisun état 
pin ççxe cette barbarie que le Citoyen 4^ 
Genève trouve déjà pirt que f ignorance. 

Le peuple heureux eft celui qui rcffcm*- 
ble à la république des fourmis ^ dont tous 
les fujets laborieux s'empreflent ^lement^ 
à &îre le bien commun de la ibciété.^ Le 
travail eft. ami de la vertu , & le peuple ej 
plus laborieux dpijt âtrç te moins vicieur». 
l^ plus vafte 9 le plus noble , le plus utile' 
des travaux , le plus digne d'un grand Etat» 
eft le commerce de mer qui nous débar- 
tafte de notre iuperflu . &c n^ l'échange 



• \ 



14% RÉFUTÂT lOl^ 

pour du néceflaîre ; qui ncnis met à même 
de ce que tous les peuples du monde ont 
de beau 9 de bon , d'excellent ; qui nous 
inftruit de leurs vices & de leurs ridicules 
pour les éviter , dç leurs vertus & de leurs 
&ges coutumes pour les adopter : les Scieti- 
ces mêmes &c les Arts doivent les plus 
grandes découvertes à la navigation ^ qui 
feur rend avec ufure cç> qu'elle en em^ 
prunté. Dans la guerre » comme dans la 
paix, la marine eil uti des plus grands 
refforts de la puiflance d'im peuple. Ses 
dépenfes font imme^nfes ^ mais elles ne for- 
tenr point de l'Etat , elles y rentrent dans 
la circulation générale ; elles n'apporfepnt 
donc aucune din^intmon réelle dans (es 
finances. Que nos voifins Tentent bien tou- 
tes ces vérités ^ & qu'ils fàvent en faire 
un bon ufage ! France , fi avàntageufement 
fituée pour j ccmmumqiier avec toutes les 
mers , avec toutes ies. parties du monde , 
cet objet'iefl dijgçe de tes regar<b. Fais des 
conquêtes fior.lJeptime y par ton habileté 
à dompter féS; caprices ; elles te refteront^ 
ainfi que les fbmmes immenft^s dont tes 
armées nombrèuiès enrichirent fouvent les 
peuples étrangers ^ ^elquefois tespifopies 
cnnemisa . t; .. '^ ' ' *i. ^ 



DES Observations, 145 



Je fais bien , dit M. Roufleau , que la 
politique d'un Etat , que les commodités ^ 
(il n*a ofé ajouter) & les befoins de la 
vie , demandent la culture des Sciences & 
des Arts , mais je foutiens qu'en même 
tems ils nous rendent malhonnêtes gens. 

Nous, avons amplement prouvé le con- 
traire dans le cours de cette Réfiitation : 
nous ajouterons ici que loin que la pro* 
bité , l'affaire du falut aient de Tincom- 
patibilité avec la culture des Sciences , des 
Arts , du commerce , avec une ardeur poiir 
le travail répandue fur tous les fiijetsr 
d'un Etat ; je penfe au contraire , que Thon* 
nête homme , le chrétien eft obligé de fe 
livrer à tous ces talens. 

Peut-on Étire fon falut fans remplir tous 
{es devoirs ? Et les devoirs de Thomme 
en fociété fe bornent-ils à la méditation , à 
la leâure des livres faints, & à quelques 
exercices de piété ? Un boulanger qui paA 
feroit la journée en prières , & me laiflie* 
roît manquer de pain , feroit-il bien fou 
falut? Un chirurgien qui iroit entendre 
un fermon , plutôt guc de me remettre 
une jambe caflëe , feroit- il une aâion 
bien méritoire devant Dieu ? Les devoîrst 

L 2 



\ 



244 RÉFUTATION 



de notre état font donc partie de ceux qui 
font effentiels à Tàfeire de notre falut , & 
la néceflité de tous r s états eft démons 
trée par les befoins pour lefquels ils ont 
été inventés. 

Je conviendrai de la néceflité & de 
Texcellence de tous ces Arts utiles , dira 
M. Roufleau , mais à quoi bon les Bel-- 
les-Lettres } à quoi bon la Philofophie , 
qu'à flatter , qu'à fomenter l'orgueil des 
hommes ? 

Dès que vous admettez la néceflité des 
manufeâures de toutes efpeces ^ pour nos 
vêtemens , nos logemens , nos amcublc- 
mens; dès que vous recevez les Arts qui 
travaillent les métaux , les minéraux , las 
végétaux néceflaires à mille & mille be-» 
foins ; ceux qui s'occupent du foin de 
conferver , de réparer notre fanté , vous 
ne fauriez plus vous pafler de la Mécani* 
que , de la Chimie , dé la Phyfique qui 
renferment les principes de tous ces Arts , 
qui les enfantent , les dirigent & les enri* 
chiflent chaque jour; dès que vous con. 
venez de la néceflité de la navigation , il 
vous faut des Géographes , des Géomètres , 
f)es Aflrpnomes. Eh ! comment pourrezp 



m ■ ' I 

DES Observations. 145 

r I .1 " ■ 

VOUS dîfconvenir de la néccffité de tous ces 
Arts , de toutes ces Sciences , de leur liai- 
fon naturelle , & de la force réciproque 
qu'ils fe prêtent ? Dès que vous vouiez 
bien que les hommes vivent en fociété , & 
qu'ils fuivent des loix , il vous faut des 
Oratexu's qui leur annoncent & leur pen- 
iliadent cette loi ; des Poètes moraux mê- 
me , qui ajoutent à la perfuafion de Télo- 
ouence les charmes de Tharmonie plus puii« 
iante encore. 

$. IL Nous avons défendu la nécef&té , 
l'utilité de toutes les Sciences frondées par 
lé ^Citoyen de Genève , réprouvées avec 
Guelques exceptions par les obiërvations 
Je M. Roufieau. Examinons maintenant 
rabus qu'il prétend qu'on en fait. 

Nous convenons qu'on abufe quelque- 
fois des Sciences. M. Rouflfeau ajoute 
quon en abufe beaucoup y &C même qu^on en 
abufc toujours. 

Il fufKroit de s'appercevoîr que M. Rouf^ 
feau efl réduit , dans fa juflifîcation , à fou- 
tenir que les Sciences font toujours du 
mal , qu'on en abufe toujours , pour fen- 
tir combien fa caufe efl défefperée. Vis- 
à-vis de tout autre j la feule citation de 



246 .RÉFUrTATION 

t— — — i— i— <fc— — «■ ■ II" ■ ■ ■ ■■ ■ 1 — —^» 

cette propofition en feroit la réfotation ; 
mais les talens de M. Rouffeaii donnent de 
la vraifemblance & du crédit à ce qui en eft 
le moins iiifceptible , & il mérite qu'on lui 
marque {es égards , en étayant de preuves 
les vérités mêmes qui n'en ont pas befbin^ 

Un abus confiant & général des Scien- 
ces doit fe démontrer ; i®. par le feit ; x\ 
par la nature même des Sciences confédé- 
rées en elles-mêmes, ou prifès relative* 
ment à notre génie , à nos talens 5 à nos 
mœurs. Or, l'Auteur convient que les 
Sciences font excellentes en elles-mêmes , 
êc nous avons prouvé , art. II , que relati- 
vement à nous-mêmes, elles n'ont rien 
d*incompatible avec les bonnes mœurs , 
qu'elles tendent au contraire à nous rendre 
meilleurs : il ne nous refte donc qu'à exa* 
miner la queflion de fait. 

Pour démontrer que les Sciences & les 
Arts dépravent les mœurs, ce n'efl pas afTez 

Sue de nous citer des mœurs dépravées 
ans un fiecle favant ; ce ne feroit même 
pas afTez que de nous citer des favans fans 
probité ; il faut prouver que c'efl de la 
Science même que vient la dépravation , 
& j'ofe avancer qu'on ne le fera jamaisr 



DES ObSEEYATIONS. 247 

I®. Parce que la plupart des exemples 
^ de difiblution des mœurs qu'on peut citer), 
n'ont aucune Uaifon avec les Sciences & 
4es. Arts, quelque familiers qu'ils aient été 
<lans les ûecles , ou aux perfonnes , objets 
-de ces citations. i°. Parce aue ceux.mê»- 
mes qui ont abufé de choies au£i excet 
lentes , n'ont eu ce malheur que par la 
dépravation qu'ils avoient dans le cœur, 
4>ien aVant qu'ils fiffent fervir leurs talens 
^acquis à la maiiifefter au dehors. 
- Quoî-de pUis méchant & de plus éclairé 
tout à la tois que Néron ? Quel fiede 
plus poli que le fien ? Ce doit être ici ou 
jamais , le triomphe de l'induftion du Ci- 
toyen de Genève. Mais quoi ! ofera-t-il 
dire que c'eft aux lumières , aux talens de 
Néron , ou de fon fieele , que font dues tour- 
tes les horreurs dont ce monftre a épou- 
vanté les Romains ? Qu'il nous faffe donc 
remarquer quelques traits de ces rares ta* 
lens , dans l'art de faire égorger fes amis , 
fon précepteur , fa mère : qu'il nous faflè 
donc appercevoir quelque liaiibn entre 
cette barbarie qui éteignit en lui tous les 
ièntimens de la nature , de l'humanité , de 
la reconnoiflance , &c ces lumières fubU* 

L4 



048 • RÉFUTATION 

mes & préçi^ufes qu'il tenoît des leçons 
du Philofopfaé le plus fpirituel , & le plus 
hcmme de bien de fon iiecle. il eft trop 
évident que Néron , dans fes beaux jours 9 
efi un jeune tigre que Téducation^ les 
•Sciences, & les Beaux^Arts tiennent en- 
chaîné > & apprivoifent en quelque Tc^rte^ 
Eiaîsque fa férocité trop naturelle, n'étant 
qu'à demi éteinte par tant de fecours , fc 
mlume avec l'âge , les pafliow & le pour- 
voir abfblu } le tigre rompt ia chaîne , & 
libre alors .comme dans ks forêts, il fe li- 
vre au cstinage pour lequel la nature l'a 
formé. Néron tyran & cruel eft donc le 
feul ouvrage d'une nature barbare & in- 
domptable ^ & non celui des Sciences &C 
des Arts , qui n'ont fait que retarder , 
& peut-être même diminuer les ftmeftes 
ravages de fà férooté* Ce que je dis ici de 
Néron eft général, Pom: être méchant , il 
n'y a qu'à laiffer agir la nature , iiiivre 
ks inftinâs : pour être bon ^ bienfaifant , 
vertueux ^il faut fe replier fur foi-même ; il 
iàut penfer , réfléchir ; & c'eft ce que nous 
font faire les Sciences & les Beaux- Arts* 
Que ceux qui ont abufé réellement des 
Sciences & des Art$ ne l'aient fait que 



DES Observations, 249 



par une dépravation qu'Us tenoient déjà de 
la nature , & qui ne vient point du tout de 
cette culture; c*eft ce qui eft évident à 
quiconque fait attention au but des Scien- 
ces & des Arts qu'on nous permettra de 
rappeller ici. Le premier de tous, objet de 
la Icience , de la religion & des mœurs , 
eft <le régler les mouvemens du cœur à' 
regard de Dieu &c du prochain : le fé- 
cond , qui efl l'objet de la fcience de la 
nature , eft de donner à l'efprit la jufteffe 
& la fagacité néceflaires dans les recher- 
ches & les raifonnemens qu'exige cette 
fcience , qui en elle-même eft l'étude des 
ouvrages du Créateur ,. & nous^ repré- 
fente lans ceffe fa grandeur ,& piiiffance , 
fa fagefle ; en hiême tems qu'elle nous ol^ 
fre les fonds oîi nous puifons de quoi 
pourvoir à nos néceflités. Enfin , le troi- 
ûeme but , objet particulier des Ans , eft 
de réduire en pratique la théorie précé- 
dente , & de travailler à nous procurer 
lés befoins & les commodités de la vie. 
Comment prouvera -t- on que des ta- 
lens faits pour former le cœur âu bien,^ 
à la- verni , diriger l'efprit à la vérité , &5 
exercer les forces du corps à deîs 'travau:^ 

L 5 



2^0 RÉFUTATION^ 

»i II III ———1 II II ■■———> 

néce^ires & utiles , fàfTent tout le con* 
traire de leur deftination ? Sans une na- 
ture dépravée à Texcès , comment abuièr 
de moyens fi précieux & &its exprès 
^our nous conduire à des fins fi louables ? 
\t n*eft-il pas vifible que c*eft cette dépra- 
vation antécédente ^ & non ces moyens » 
qui font les caufes de ces abus quand ils 
arrivent î Qu*enfin , ce ne font pas les 
Sciences & les Arts qui ont dépravé les 
mœurs de ces malheureux^ mais au con- 
traire leurs mœurs naturellement perver- 
fes , qui ont corrompu leur (avoir ^ leurs 
talens , ou leurs ufages légitimes. 

M. Roufleau convient de l'utilité de la 
icience de la religion & des nioeiu-s : c'efi 
donc contre ceUe de la nature , & des 
Arts 9 qui en font l'application , que por- 
tent ces déclamations. 

En vain oppofe-t-on à M. RoufTeau que 
la nature développée nous of&e de tou- 
tes parts les merveilles opérées par le 
Créateur , nous élevé vers ce principe de 
toutes chofes , & en particulier de la re- 
ligion &c des bonnes mœurs. En vain les 
fSià&es compilations des Niuventyt , de$ 
Perham ^ des Pluche ^ Sec, ont rçuiû, çç 



X 



3 



DES Observations. ï^i 

— — —— i 1 .1 1 I I '~'' Il I — —— ^— »—i— ■< 

tableau fous un feul coup-d*œil , & nous 
ont fait voir que la nature eft le pluà 
grand livre de morale , le plus pathétique 
comme le plus fublime dont nous puif» 
itons nous occuper. M; Rouffeau eft fur- 
pris qu'il faille étudier l'univers pour en 
admirer les beautés : proposition de la part 
d'un homme aulîi inftruit , prefqu'aulîî fur* 
prenante, que Tunivers même bien étu- 
dié ; il ne veut pas voir que l'Ecriture 

ui célèbre le Créateur par les merveille? 

e {es ouvrages , qui nous dit d'adorer fa 
puiftance, fa grandeur & fa bonté dani 
fes oeuvres , nous feit par-là un précepte 
d'étudier ces merveilles. Il prétend quurt 
laboureur qui voit la pluie & le foleil tour 
à tour fertilifer fon champ , en fait afïez pour 
admirer y louer & bénir la main dont il re" 
çoit ces gracesi Mais Çi ces pluies n'oyent 
fes grains , fi le foleil les confume & les 
anéantit , en faura-t-il aflTez pour fe ga- 
rantir des murmures & de la fuperftition i 
Y penfè-t-on, quand on borne les merveil- 
les de la nature à ce qu'elles ont de plus 
commun , de moins touchant, pour qui 
ks voit tous les jours ; à ce qu'elles ont de 

plus équivoque à la gloire de fon Auteur ? 

• L 6 



ajl RÉFUTATION 



Qu'on tranfporte ce laboureur ignoi*ant 
dans les fpheres céleftes dont Copernic , 
Kepler , Defcartes & Nevton , nous ont 
expofé rimmenfité & Tharmonie admira- 
ble; qu'on rintroduife enfuite dans cet 
autre univers en miniature » dans Técoiio* 
mie animale, & qu'on lui développe cet 
artifice au-deffus de toute expreffion , avec 
lequel font conflruits & combinés tous les 
organes des fens & du mouvement :c'eft-là 
où il fe trouvera faifi de Tenthoufiafine de 
St. Paul élevé au troiûeme Ciel ; c'eû-là 

3u'il s'écriera avec lui , ô richefles infinies 
e l'Etre fuprême ! ô profondeur de ia 
fageffe ibeffable , que vous rendez vifiblc 
Pexiftence &c la puiflance de votre Auteur 1 
que vous me pénétrez des vérités qu'il m'a 
révélées, de la reconnoiiTance ^ de l'adora* 
tion & de la fidélité que je lui dois ! 

J'avoue , dit M. RoufTeau , qsu tiuuU 
de tunivtrs devtoit clcvtr thommt à fon 
- Créateur ; mais ellt ri élevé qiu la vanui 
humaine.n. Elle fomente fon incrédulul^ font 
impiété. Jamais le mot impie itAlpkonfe X 
ne tombera dans tef^rit de t homme vulgaire ^ 
c^ejl à une bpi^che favantè qui C4 Uafphimt 
itoit réferyi. ■ , 



DES Observations. 15J 



Le mot d'AjIphonfe X furûommé U Sagc^ 
n'a du blafphême que Tapparence ; c'eft 
une plaifanterie très-déplacée , à la vérité , 
par la tournure de Pex^eflion : mais le 
fond de la penfée , qui eft la feule chofe 
que Dieu eicamine , & on'il &ut feule exa« 
miner quand il eft quettion de Dieu , n'eft 
uniouement qu'une cenfure énergique du 
fyfteme abfurde de Ptofomée , & par con* 
lequent Téloge du vtai plan de l'Univers 
& de fon Auteur , dont Alphonfc U Sage 
étoit trop ikicere adorateur pour conce- 
voir le defTein extravagant de Toutrageri 
Les vaftes lumières découvrent les abiur-» 
dites que Fimagination des hommes prête 
à la nature , mais cette découverte eft toute 
à la honte des hommes qui fe font trom- 
pés 9 elle ne peut pas réjaillir fur les œu- 
vres du Tout-puiffant ; fa fageffe fuprême 
eft le garant de leur perfettion , elle eft 
à l'épreuve de tous les examens. Que les 
Sciences s'épuiftnt à les mettre au creufet; 
les vaines opinions des hommes s'y diffi- 
peront en ftimëe comme les marcaflites ; 
les vérités divines y deviendront de plus 
en plus brillante? comme l'or le plus pur \ 
parce ^e les Sciences font autant d^ 



254 RÉFUTATION 

rayons de la Divinité. Malheur donc aux 
religions qui n'en peuvent fupporter leis 
épreuves , & auxquelles elles font contrai- 
res ! La vraie en reçoit une fplendeur 
nouvelle , & n'en diffère que parce qu'elle 
les furpaffe , comme le foleil même e& 
fiipérieur à un petit nombre de rayons qœ 
en émanent entre les nuages (jui nous en- 
vironnent. Nous ne difconviendrons pas 
néanmoins qu*on ne puifleen^abufer; les 
héréfies , les fchifmes fans nombre le prou- 
vent affez; ces preuves n'ont point échappé 
à M. Rouffeau, elles s'offrent d'elles-mêmes 
k un citoyen de Genève , & un homme 
Hiiffi verfe dans les Belles-Lettres n'eft pas 
moins inflruit des déforàtts qui fuivent 
une littérature licencieufe. 

Mais M. Rouffeau ne veut pas s'apper- 
cevoir qu'il retombe toujoiu-s fur l'abus 
des Sciences , fur ce qu'elles font quelque- 
fois entre les mains des méchans , & non 
pas fur ce quelles doivent faire , & fur ce 
qu'elles font en eflfet, qusmd leur but 
cft fuivi , quand il n'y a qu'elles qui ont 
part à Paâion , quand elles ne font pas 
Surmontées par une natiu"e dépravée , {vx 
le compte de laquelle l'équité demafidc 
qu'on mette ces abus^ 






DES Observations. 255 

»■ I I M I I 

Pour rhonneur de rhumanité , efforçons* 
nous encore de diminuer , s'il eft poflible ^ 
le nombre de ces méchans , de ces maU 
heureux , qui abufent de talens auffi pré- 
cieux. Difons que la plupart de ceux-mê- 
mes qui ont abufé de leur plume , ont plu^ 
donné dans le libertinage de Pefprit que 
dans celui du cœur , ou qu'au moins ce 
dernier dérèglement n'a pas été jufqu'à 
détruire leur probité. Epicure étoit le phi^ 
lofophe le plus fobre & le plus fage de 
fon fiecle ; Ovide & Tibulle n'en étoient 
pas moins honnêtes gens pour être amoiv- 
reux. On n'a jamais taxé de mœurs infâ*- 
mes les Spinofa , les Bayle , quoique leiir 
religion fut ou monftrueufe ou lufpeâe. 
Le Citoyen de Genève conviendra fans 
doute , qu'il eft une probité commune à 
toutes les religions,, à toutes les feues, 
& il a bien compris que c'eft de celle-là 
qu'il eft queftion dans le fujet propofé par 
notre Académie ; faas quoi il n'auroit p^ 
été décent d'introduire fur la fcene les 
Romains & les Grecs ,* les Scythes , les 
Perfes & les Chinois , &c. Dira-t-on que 
ces écrits licencieux produiront plus de 

4éfordj:ç idws ceux qui tes Ufent que ds^m 



' « 



Xjé RÉFUTATION 

■' #" '' . ' ' ' ' 

leurs propres Auteurs ? Ce paradoxe n*eft 
pas vraifemblable. La corruption n'eft jar 
mais pire qu'à fa fource , & ne peut que 
s'affoiblir en s'en éloignant. Or , fi les 
ouvrages cités ne doivent pas leur naîi&nce 
à une dépravation capable de détruire la 
j)rpl?ité , vraifemblablement ils ne là por- 
teront pas aillçur^ à de plus grands excès, 
ou bien ils y trouveront déjà dans la jga- 
ture le fond de ces défordres. 

Mais nous revenons volontiers à une 
rigueur plus fage , plus judicieufe , plus 
conforme à la doârine la plus faine : nous 
convenons qu'il vaudroit beaucoup mieux 
que tous ces Auteurs ne fyffent jamais 
nés ; que la vraie probité eft inféparable 
de la vraie religion , & de la morale la 
plus pure ; & qu'enfin leurs ousTages font 
des femences à étouffer par de fages pré- 
cautions , & par la multitude des livres 
excellens qui font les antidotes de ces 
poifons , enfantés par ime nature dépravée, 
& préparés par des talens pervertis. Heu- 
reufemem les antidotes ne nous manquent 
point ^ & font en nombre beaucoup fiipé- 
rieurs aux poifons. Ne perdons point dt 
yue notre preuve de fait contré l'abus que 



DES Observations. 1^7 



■•^pp""»— — «ii*»» 



M. Rouffeau prétend qu'on fait toujours 
des Sciences. 

Perfonne ne reconnoît k favant au por- 
trait odieux qu'en fait M. Roufleau. Ce 
caraâere d'orgueil & de vanité qu'il lui 
prête me rappelle ces pieux fpéculatifs qiiî 
le regardant comme les élus du Très-haut , 
jettent for tout le refte de la terre y crimi- 
nelle à leurs yeux , des regards de mépris 
& d'indignation ; mais je ne reconnoîs 
point là le favant. 

Peut-être cette peinture iroît-elîe encore 
9Skz bien à ces prétendus philofophes de 
l'ancienne école , dont toute la fcience con- 
fiftoit en mots y la plupart vuides de ïeit^ , 
& qui paffant leur vie dans les difputes 
les plus frivoles , mettoient leur gloire & 
leur orgueil à terraffer un adverfaire , où 
à éluder fes argumens par des diftinâions 
fcholafliques auffi vaines que ceux qui les 
imaginoient. Mais peut - on appliquer à 
notre fiecle tous les défordres , toutes les 
extravagances de ces anciennes feÔes ? 
Peut- on accufer d'orgueil , de vanité , nos 
Phyficiens , nos Géomètres uniquement 
occupés à pénétrer dans le fanôuaire de 
la nature î La candeur & l'ingénuité des 



m I "^1 1 ^ ' I ' ' ' I fll ^SSSBTSSBSSÊk 

258 RÉFUTATION 

mœurs , eft une vertu qui leur eft comme 
annexée. Notre Pbyfique ramenée à fes 
vrais principes par Defcartes 9 étayée de 
la Géométrie par le même Phyficien , par 
Nevton , Hughens , Leibnitz, de Mairan^ 
& par une foule de grands honmies qrn 
les ont fuivis , eft devenue une fci^icê 
fage & folide. Pourquoi nour oppoièr id 
le dénombrement des U&,ts ridicules des 
anciens Philofophes ? Pourquoi nous citer 
les orgueilleux raifonneurs de ces fiecle$ 
reculés , puïfqu*il s*agit ici du renouveile- 
ment des Lettres , puifqu'il s*agit de notre 
fiede , de nous ennn ? Qu'cm ouvre cette 
Phyfimie , ce tréfor littéraire auffi immenfè 
qu irrejprochable ; ces annales de l'Acadé* 
mie des Sciences & des Belles -Lettres de 
Paris , de celle de Londres ; c'eft - là qu'il 
fàwt nous montrer qu'on abufe toujoiuis 
des Sciences , propontion réfervée à NL 
iRoufleau & à notre fiede ciurieux: de fe 
£ngiilarifer. Qu'on exanme la conduite 
des hpmmes favans qui ont compofé & 
qui compofent ces Corps célèbres ; les 
Nevtons , les Mariottes , les de l'Hôpital , 
les Duhamel , les Régis , les Caffini , les 
Morin^ les Mallebrancke ^ les Parent^ les 



Bfe 



DES Observations. 159 



Varignon , les Fontenelle , les Réaumur , 
les Defpreaux, les Corneille, les Racine , 
les Boffuet , les Fénelon , lés Peliffon , 
les La Bniyere j'&c. Que feroit - ce , fi 
nous joignions à ces honunes illuftres les 
membres & les ouvrages diftingués de ces^ 
Sociétés refpeftables qui ont produit les 
Riccioli , les Kircher , les Petau , les Forée , 
les Mabillon , les Dacheris , les Lami , les 
Regnault? &c. Si nous y ajoutions Jes 
grands hommes qui , fans ra^ d'aucime fo^ 
ciété , n'en étoient iâ moins illuftres paf 
leur favoir, ni moins refpeâables par letwr 
probité , tels que les Kepler , les Grotius ^ 
les Gaftendi , les Alexandre , les Dupins , 
les Pafcal , les Nicole , les Arnaud , &ccé 
Qu'on nous montre dans la foule de ces 
fàvansy & en particulier dans celle des 
Académiciens qui fe font fuccédés Tef- 
pace de près d*un fiecle , les mœurs déré- 
glées , l'orgueil & tous les défordres , que 
M. RouiTeau prétend qui fuivent la cul- 
ture des Sciences , & qui la fuivent tou- 
jours. Si fa propofition eft vraie , les vo- 
lumes & les hommes que je viens de citer ^ 
fourniront à cet Orateur une ample moif- 
fon de preuves & de lauriers i mais-^ 



i l ■■■ 



aéO RÉFUTATION 

^es livres font les produâiohs les plus 
précîeufes , les plus utiles qu'iyent en- 
fanté tous les iiecles précédens ; mais £ 
tous ces favans font de tout le fiede où 
ils ont vécu , les moins orgueilleux ^ les 
plus vertueux , les plu^ gens de bien ; il 
Ikut avouer que la caufe de notre adver- 
faire eu h plus abfurde qu'on ait jamais 
ofé foutenir.^ 

Si nous n'appréhendions pas que M« 
RoviiTeau n'imputât les cifôitions niftori- 
ques à étalace d'érudition , & ne fe réfer- 
vât cette elpece de preuve , comme un 
privilège qui lui eft propre , nous fouille^ 
rions à notre tour , dans ce dixième fiecle , 
& les fuivans 9 où te flambeau des Sciences 
cejfa d^iclairer la terre ^ où le Clergé lui* 
même demeura plonge dans tignoranu ; 
nous y verrions la diffolution des mœurs 

Îjagner jufqu'à ce Clergé , qui doit être 
a lumière & Pexemple du monde chré- 
tien , de l'univers vertueux ; nous y ver- 
rions le libertinage égaler l'ignorance ; 
nous verrions auiîi que le changement 
hçureux qu'opéra le renouvellement des 
Lettres fur les efprîts , porta également 
fur les cœurs , & que la réforme ' des 



y 

DE$ Observations, i6t 



^ ■ »>■ 



mœurs fuivit celle des façons, de penfe'r 
& d'écrire ; d*oti nous ferions en droit 
de conclure que Itis lumières ôc les bon-» 
nés mcgurs vont naturellement de corn-* 
pagnie , & que tout peuple ignorant & 
corrompu qui reçoit cette lumière . falu-» 
tau-e , revient en même tenis à la ver* 
tu , malgré l'arrêt prononcé par M, 
Rouleau, 

Cet Auteur , qui , il y a deux mois ^ «e 
comptoit qu'un favant qui fût à fon gré , 
& qui en -admet aiijourd'hui trois ou qua^ 
tre; qui n'exçeptoit aucun Art^ aucune 
Science de ranâthême qii'il leur avoit 
lancé ; qui défendoit tout fon terrain avec 
tant dWiirançe ( ^ ) , $ç qui aujourd'hui 
s'^eft retranché derrière le boulevard de la 



' ! >' > 



(*) On reprochoit avec raifi>ii à M. Ronfl^au dans Iq 
Sferciirç de Ji|i|i p. 65* de faire inain-baiTe fur tous les fa/- 
vans 8c les artifies. Çoit , répond • il , p. 99- puifqu'on le 
Teut ainfi , je cotifens de fupprimer toutes les diilin£tions 
qjre j'y avois mifes. St p. ip^. il menace de ne pas mçttre 
d^ns fe^ réponfts les modifications qu'on efpere y trouver. 
Ce ton haut bien foutenu eft celui d'un brave; mais quand 
on le prend pour une mauvais caufe , il eft enoose phts • 
grand ET flm difficile ^ dès qu'on s'en apperçoit, de reninr 
tnfti-ioitne. Se de fe radoucir ; comme le fait M. Ro^eai| f 

dans quelques endroits de fes Obfervations , où , fur if çhiV* 
fltre de; modifica^iom , il % paiT^ nos eff^ranoçs. 



%6l RÉFUTATION 

théologie, de la morale, de la fcience 
du falut ; cet Orateur fe trouveroit-il en- 
core aflez preffé pour étendre les faveurs 
de (ts exceptions jufques fur les Sciences 
qui font l'objet des travaux de nos Acadé- 
mies, & fur les Arts utiles qui font fous 
leur proteôion ; pour fe faire enfin un 
dernier mur des Arts & des Sciences qu'il 
appellera frivoles , afin de n'imputer qu'au* 
fav^ns & aux artiftes de cette efpece , tous 
les abus, tous les défordres qu*il dit accom- 
pagner toujours la culture des Sciences & 
des Arts. 

Dans ce cas-là nous lui demanderons le 
dénombrement précis de ces Sciences , de 
ces Arts , objet de ces imputations. Nous 
efpérons qu'il ne mettra point dans fa lifte 
la mufique , que les cenfeurs des Arts re- 
gardent comme une fcience des plus fit- 
tiles. Nous ayons fait voir qu'elle fàifbit 
un délafiement aulli charmant qu'honnête; 
qu'elle célébroit les grands hommes , les 
vertus, l'Auteur de toutes les vertus ; 
M» RoufTeau connoît mieux qu'un autre 
iès utilités , {es avantages , puifqu'il en fait 
ibn étude , puifqu'il s'eft chargé de remplir 

cett€ bril^nte partie des travaux Encyçlo^ 



i^>M^ ^iMi^ai^^ta 



DES Observations. 16} 

Pâques ; il n*y a pas d'apparence qii*il 
ajoute cette nouvelle contmdiaion entre 
fa conduite & fes difcours. La mufique 
fera donc un de ces Arts exceptés , un de 
ces Arts qui ne dépravera point les 
mœurs. • * • 

Et tàiis ces lieux communs de morale liÀrique i 
Que Lulâ réchauffa des fons de fa rmijtqiie. 

Bpileau. Satyr. x.^ 

Seront fîmplement des abus d'une chpfe 
bonne en elle-même, mais d'une chpfe 
dont .on riahufe pas htaucoup ^ dont on 
rLabufi pas toujours; car autrement je fuis 
fur que M, Rouffeaiuie voudroit pas être 
l'apôtre d'une pareille dodrine. 
^ . Notre Auteur sliiimanifera , à ce qjie 
j'efpere , à l'égard cks autres Arts , en J&- 
veur de ITiarmoftie qu'il cultive , & qui eft . 
fi. propre à adoucir les humeurs les plus 
lauvag^s. L'àf&îre eft déjà plus d'à moi- 
tié feite. Nous croyons avoir bien prouvé 
eue. les Sciences & les Arts ont une in- 
nnité d'utilités , qu'ils fourniflent à mil}e 
& mille befoins. Nous avons ajouté à ces 
avantages efTentiels , qu'ils rendent les hom- 
mes plus hiunains > plus fociables , moin^ 






5*^ 



\ 



X64 RÉFUTATION, &C. 

féroces , moins méchans , qu'ils les auvent 
de Toifiveté , mère de tous les vices. Ni 
RouiTeau convient de tous ces che6 ; il 
blâme ^ignorance /eroec , brutale , qui rend 
tfiommc ftmblahU aux bêteiS ; &: il eft conP 
tant que telle eft l'ignorance de l'homme 
abandojiné à la {impie nature. Il avoue mie 
Us Sciences , Us Ans , adoucijjint la /cfth 
cité des hommes ; qu'ils font une divtrfion 
à leurs pajjions ; que les lumières du mi* 
chant font encore moins à craindre que fa br» 
taie flupiditi ; qtielles le rendent au moins 
plus circoiffpeâ fur le mal quil pourroit foi» 
re y par la^connoiffance de celui qi^il en re^ 
cevroit. lui-même. Donc nous fonunes meit 

* 

leurs dans ce fiecle éclairé , que dans les 
fiecles d'ignorance & de barbarie. Telle 
i(k la doârin^ que j'ai fout^enue dans tou* 
tes les iiote;s précédentes. M. Roufleau en 
convient enfin* Habcmus confitentem reum^ 
Et le procès me" paroit abfolument ta> 
miné ; au moins l'efpere qu'il fera regardé 
comme tel parl^ public iquitabl€ & ç<m» 
iioifleur. 



' N. 



Kg)t 



V 

\ 




PESAVEU 



DESAVEU 

Xfc t Académie de Dijon , au fujct de la, 
Réfutation attribuée fàiijfcment à tun de 
Jes Membres ., tire du Mercure de France ^ 
Août lySz. 

XJk c AD E M lE de Dijon a vii avec fur- 
prife dans une l^tre imprimée de M. Rouf- 
îeau , qu'il paroiffoit une brochure inti- 
tulée : D if cours qui a remporté le Prix de 
f Académie de Dijon en lySo , accompagné 
2tune réfutation de ce Difcours par un Aca^ 
démicien de Dijon qui iui a rïfufe fon fujf^ 
fiage. 

L'Académie fait parfaiteit\gnt que fes dé- 
cifîons j ainfi que celles des autres Acadé- 
mies du Royaume reffortiffent au tribunal 
du publie , elle n'auroit pas relevé la réfit- 
tation qu'elle défavoue , fi fon Auteur , 
plus occupé du plaifir de critiquer que du 
foin de faire une bonne critique , n'avoit 
cm , en fe dégiiifant fous ime dénomina- 
tion qui ne lui eft pas due , intérdTer le 
public dans une querelle qui n*a que trop 
duré 9 ou tout au moins lui laiffer entre- 
voir quelque femence de divifion dans, 

SuppL de la Collée. Tome I«; M 



l66 D E s A V E u. 

cette Société , tandis que ceux qui la corn- 
pofent , uniquement occupés à la recher- 
che du vrai , le difcutent fans aigreur & 
fans fe livrer à ces haines de parti qui font 
ordinaiiement U réfultat des diiputes lit-^ 
téraires. 

Ils favent tous le refpeû qui eft du aux 
chofes jugées , la force qu'elles doivent 
avoir parmi eux , & combien il feroit in- 
décent que dans une alffemblée de gens de 
Lettres , un particulier s'avifat de réfuter 
par écrit une décifion qui auroit pafTé con- 
tre fonavis. 

Il paroît par la lettre de M. Rouffeau , 
que ce prétendu Académicien de Dijon n'a 
pas les premftres notions du local d'une 
Académie oii il prétend qu'il occupe une 
place , lorfqu'il parle de fa terre & de fes 
fermiers de Picardie , puifque en feit il efl 
faux qu'aucun Académicien de Dijon pof- 
fede .un pouce de terre dans cette province. 
L'Académie défavoue donc formellement 
l'Auteur pftudonymt , & fa réfutation attri- 
buée à l'un de fës membres par une feiif^ 
fêté indigne d'un homme qui feit profef- 
fion des Lettres , ô( que rien n'obligeoit à 
fe mafquert 



D E s A V E U, 



267 



Maïs de quelque plume que parte cet 
ouvrage , & quel ^qu'ait pu être le deffein 
le celui qui l'a compofé., il fora toujours 
bonnevir au Difcours de M. Rouffeau, qui 
jfant de la liberté des problêmes ( la feule 
vroie propre à éclaircir k vérité) a eu aflfez 
le cour^^e pojior en foutenir le parti, & à 
l'Académie qui à eu affez de lx>nne foi 
;K)ur la couronnen 



A Dijon k 22 Juin 175 su 



F £ T I T , Secrétaire de rAcademie dcft 
Sciences de Dijon* 




ij 



* . ** 



M» 



i OBSERVATIONS 

(f jD^ M. Le Cat , Sure faire perpétuel h M- 

cadémU des. Science^ de Rouen y pK 
dé/aveu de P Académie de Dijon , /^ 
tAuteyr de U Réfmation du Jlf cours i^ 
. Citoyen de Genève j&c. ^<i) 



i 



L'Intérêt feul dés Sciences» te 
Beaux - Arts m'a fait entreprendre la réw- 
tation du difcourfclu Citoyen de Genève, 
ui les regarde ^comme un des principe 
e Ta corruption des mœurs. 
J'ai eu pour compagnons dans cette c^* 
rîere des favans en affez bon nombre * 
affez illuftres , tous aiiimés du mêmemj^ 
tif. Comme quelques-uns d'entr'euxj)^ 
d'abord cache mon nom pour des raifo^ 
dont je ne dois compte à perfonne. D^ 

Su'elles ont cefle je me fuis montré; )* 
onné l'ouvrage à mes proteôeurs > à ^ 
amis , au libraire fous mon nom , » J 
preuve en eft l'annonce qu'en a to* 

( 4 ) Dans ces Obfervatidns qui parurent dans i* ^ 
chure 8^. fous le titre de Londres chez Kilmonek.^' 
fiât & tecoiaplt }' Avtçur des deux pièces piic^dom^ 



DE M. ^. L È C A. T. 16^ 

L. '> 1 * " ■ - ■ "• . ■ Il I ■! ' il 

lercure même , qui contient le défaveu 
e Meffieurs de Dijon. Ce défaveu étoit . 
onc fort inutile , fi Ton ne vouloit quô 
tire favoir au public que je fuis l'Auteur ♦ 
e cette réfutation ; mais on eft en colère^ 
i plus occupé du defir de fe venger , que 
u/oin d'examiner fi ee defïr eft jiifte , St 
les moyens qu^on emploie pour lé fatis- 
ire font raifonnables* Je rie me niêleraî 
as de deviner les véritable$ motifs de 
-tte animolité de Meflieurs de Dijoa* 
' pourrôis , fans rien accorder à mom 
liour-propre , fans me fier à mon juge- 
ment , penfer que cette Académie qui af- 
•âe de me croire plus occupé du plaijirdè 
lùquet y qiudufoin de faire une bonne cri" 
î«« y ne me fait ce reproche plutôt qu'à 
)us ceux qui ont attaqué le Citoyen de 
rené ve , que parce qu'elle n'a trouvQ 
-tte critique que trop . borgne. Je pourr 
^^ citer en preuve de cette opinion ^ le^ 
iffrages de pkifieurs favans,ôc eritr 'autres 
e TAuteur du Mercure , mois de Juiq 
75 i» y qui dit, en annonçant mon ouvrage ^ 
• \7i. ^ De toutes les, critiques qu'on a 
faites de l'ouvrage de M'. Ftouiteau , c'eft 
la plus détaillée & la plus propre , par 

M j * 






27Ô OBiSEltTATlONS 



■^■late 



M la méthode qui y eô obfervée , à fiure 
M découvrir la vétjté ». Ai - je profité de 

, cçtte méthode & de ces détails, pour mon- 

* trer que cette vérité parle en ma faveur ï 
J'ai , pour prouver Taffirmative , phis de 
vingt lettres écrites fur mon ouvrage, qui 
toutes s^accordent à le reconnoître pour 

' une critique des plus complètes & des plus 
fondes qu'on ait feites du dîfcours de M» 

. Rouffeau.. J'afFoiblis encore Texpreffion du 
jplus grand nombre , & de ceux de la plus 
grande autorité. Il n'a point échappé à ces 
kfteurs , que non- feulement j'ai rétorqué 
comme mes confédérés ^ toutes les preu- 
ves hiftoriques ou de fait contre notre ad* 
verfaîre ; mais que j'ai employé des preu* 
yes à priori , des preuves phyfiques tirées 
ile la propre cQnftitutiorl de Fhoinme , de 
ïa nature & de celle des fciences; preuves 
qui font des détnônilration^ en ce genre 
d'éa ire , & qui caradérifent jpartîculiére- 
ment notre Di"0chure. Je ftîs qu'il entre 
de la complaifance dans lei lettres écrites 
à un Auteur; mais la flatterie n*a pas^ilft 
ton fi ur iforme. Voici ce que m'écrit de 
Paris le 8 Mars un Académicien que je n'ai 

^ pas la permifïiori de nommer; perfonnage 






' i' ' ■ ■ , ' 

DE M. Le C a t. tjx 



^mia^i* 



qiii eft trop refpeûable , & qui m'eft trop 
uipérieur pour être foupçonné de facrifier 
la vérité à cette baffe politeffe. 

« J'ai lu avec un trèsr grand plaifir & k 
» plus grande édification, me dit-il, votrô 
» réfutation auffi pieufe que forte contre 
n Théréfie de M. Rouffeau. Il me femble 
» qu'il ne tc&q pierre en place de ce monA 
» trueiix édifice. Vous avei: pris la défenfô 
** de la vérité & du goût avec les armes 
» du goût même. Je fuis fâché feulement 
» que vous n'ayez pas combattu cet ennemi 
y> des Lettres pendant cm'il étoit debout...» 
» n eft vrai que vous l'empêcherez de fe 
>* relever , & que vous l'écraferez , &c. 

Un (avant attaché au Prince , qui s'eft 
le premier fignalé pour la défenfe des 
Beaux-Arts , m'écrivit le 1 8 Mai fur le 
même fujet, des chofes plus fortes encore. 
Je fuis obligé d'en fupprimer la plus grande 
partie , par cette feule raifon qu'elle m'eft 
trop honorable. ... « Vous n'abandonnez 
» point , me dit-il , cet ennemi du fa voir 
>* (M. Rouffeau), & vous le préffez fi 
y> vivement, qu'il perd à tout moment de 
» fon terrain , lans rien gagner fur le vôtre ; 
n nous avons tous intérêt d'apolaudir à 

M 4 









aji Obs ervations 

1— i— —— 1 ■■ ■■ I I I 1^— — — — ^— i— M^— ^M^M^^I^B^ 

if votre triomphe ; votre gloire augmente 
» la nôtre. Tous les littérateurs vous 
» doivent des couronnes comme on en 
» donnoit autrefois aux libérateurs à&s 
y> nations. Je ne crains plus qu'après une 
» telle réplique , on'ofe déformais attaquer^ 
p> les Sciences & les Arts, Vous les aver 
» vengés des reproches d'un ingrat qui^ 
H après s'être heureufement façonné par 
n leur culture ^ a voulu les foire tomber 
» dans le plus grand mépris , &c » Je 
ftipplie mes leâeurs de croire que c'eft 
avec la plus grande répugnance que je me 
détermine à publier de* pareilles citations j 
mais je ne fàurois oppofer au3£ traits fàtÎTi- 
ques de mes ennemis , que 1|îs fentimens 
contraires des iavans qui m'honorent de- 
kur fiiffrag-e. 

Enfin , je renonce ait plaifir de penfer 
que Meffieurs de Dijon ne m'honorent de 
là préférence dans la fortie qu'ils viennent 
d^ faire , que parce que j'ai fait à leurs, 
remparts la plus large brèche ; je veux 
bien m'en tenir aux motifs apparens qu'ils 
citent eux-mêmes de l'indignation qu'ils 
me témoignent , & je leur demande la 
permifllon de leur prouver que je ne la 



^j^ÊmÊÊammmmmm m mmmmmÊm 



D E Mr L E C A T. 27 J 



mmtk 



Ihérite pômt>Si Ton donne les noms de 
fermeté , <te courage , à là défçnfe obftinée 
de C ennemi des Lettres & dufavoir^ j'efpere 
qu'on ne qualifi«ra point, )3ar des épithetes 
j)his (jdîeùfes , le zèle qui riie porte à dé- 
fendré & \t^ Bël!ês-Lcttt-eisf , & Ppuvrage 
que fai foit^en'feUf^'ftvèur. -^ 

Je me fois dégiiifê fous lè nom dMn 
Académicien de; Dijon, dénomination qid 
ne nitji point due , dit cet Académicien : 
favoue que ife n'ai pds l'honneur^ d'être 
Académicien de Dijon ; j'ajoute que je n*aii 
fiiême jamais penlé à foUiciter cette plîcè'; 
mais Mv Pkfcâl n^a pas été plus tenté d^êtrfc 
jéfuite; M. l'Abbé Saas d'être bénédiftîn; 
M. Qiiefnay d'être chirurgien dé Roiien. 
Cette circonftance* n'a point empêché ces 
illuftres & refpeâables aukûirs de. fe dé- 
guiier fous ces dinorhinàtioHs -qui ne leàr 
font poim dâe^^i^^y ^ = ^'' \'\ ' . . 

C*") AL Pafcal dans Ict Lettite Provinciales fait parler tfo^ 
Jéfuite. . > ^ 

M. Saas feint ingénieufement ui^e défenfe des titres jdc 
4ts droits de T Abbaye de St OUen,, &c. contre lé Mémoire' 
de M. Térffflê , p#Ur réfuter âr tourner en ridicule destlti^es 

Se ces droits. ...... T i''> ' { * ^-'j 

M. Q.uefnay a faitW livra cojytre les Médecins ,,^u% !•' 
Bom dnm Chirurgien* dV Rotren; * \ " a:'' V 

M 5, 



ggs=ags ai i ' , !■ ■ .' , ! '. ■ 

^74 P B SE ft,V /L T I O N S> 



L'Académie dé Dijon foutient que ce 
déguifemeqt eft Vine Jauffite indignt dum 
fiomme qui fait pmftjj^on des Leures , & qut^ 
rien nohligfoit à fi nuifqucr*- 

On ne doit plus être, étonné de voit 
cette Académie avancer 'des propoâtions. 
bn fardées ; mais il me^ iêhible qu\>n doit 
rêtre un peu au*ua Corp^ refpeâable s'exr- 
prime dfiine i^çoa aitffitpieu mefurée.. 

Commençons par obferver que Meiïieurs^ 

.de Dijon Jie font pas conf^iensxians leurs» 

principes. Qu'ils fe ibiiviennent que , félon 

eux f, la culture de? Sciences & des Arts. 

corrompt les mœuçs., ék qu'aiiifi ils doivent 

penfer que tous les vices font annexés aux 

gens de Lettres. De quelle grace s'avifçiit- 

ils donc aujourd'hui de trouver indigne 

d'un homme de Leftijes^ un <iéguifemeut^ 

.ime feintç , jjr^e rufe dejgiverre.qui na tour 

au plus que l'ombre d\i vic^ } ^fais applau- 

•dîuons à: k délicattfle '' de MeiScurs^ G*e 

JDijon ; /patdonnoQSpleur une oootri.diftioa 

inévitable dans le perfonnage qul^s font^ 

une contrad.éiîort que leur arrache la vérité 

j^!^\a caufc des Beïles^Lettres que je défends, 

& Qu'ils ont trahie : oui , fans doute , la. 

^f(tè^€ti ejl indimt ^urk Korjipic qui fait £rg^ 



DE M. Le C a t. 27Ç 

feffion des Lettres ; la vérité , la vertu la 
plus pure étant Tappanage ordinaire de cette 
yrofejjion ^ & le principal but de tous fes 
exercices : mais comment l'Académie de 
Dijon a -t- elle pu caraftériler par cette 
expreflîon indécente un ftratagême permis , 
ufîté dans toutes les efpeces de guerres ? 
Ainfi donc les Turenne , les Catinat , ces 
hommes plus dignes encore du titre de 
feges que de celui de héros , feront taxés 
d'avoir fait des fauffetés^ des fourberies ^ 
parce qu'ils auront trompé nos ennemis j 
6c qu'en rufes y en ftratagemes , ils l'auront 
emporté fur les plus vieux renards (*) mili- 
taires. Ainfi donc , pour rentrer dans nos 
propres camps , les Pafcal , les Saas , les 
Quefnay , ces Auteurs déeuifés que je viens 
dé citer , & qui ont fait oc font tant d'hon- 
neur à la République des Lettres , tant par 
leur favoir que par leur probité, font dé- 
clarés par l'Académie de Dijon indignes de 
la profejfïon des Lettres. Ainfi le fameux 
Jean Le Clerc , qui a écrit fous le nom des 
théologiens d'Hollande , fans leur aveu 9 



( * ) Exprdfion 4c At 4e Tuscnne , en pariant de Mopt» 

M 6 



%y6 ObSE R V AXIONS. 



»■«■ 



& pour foutenir dès fentimens oppofésauîÉ 
leurs , recevra, de ces Meflîeurs la même 
flctriffure ;, auffi bien que Jean Caflien ^ 
auteur du cinquième fiecle , qui s'èft dé- 
guifé fous le nom dès Provinces Belgîques ;; 
M. de Sacy y fous celui dés GLeligieux Domi- 
nicains , Ml Richard-ftmon^ fous le nomi 
des Rabbins d*Amfterdam, &c. Pour conf- 
tater im ufage qui n'efl inconnu à aucuns, 
favans, je pourrois accumider iciime&ule^ 
des plus grands hommes, ,& des pliisdignes* 
• d^être nos modèles à tous égards qui'fe font: 
déguifés j. non - feulemenf fous des noms* 
de Compagnies comme les précédens ,, & 
qui n'en ont reçu aucuns reproches;; mais- 
tncore fous des noms de particuliers con— 
lîus & des plus refpeftabîes , fous dés noms. 
de Souverains même. Ceux d'Arlftote^.dè' 
Cicéron , de Virgile , ont fervi de mafque 
à des Axiteurs ; on a emprunté ceux de 
iaint Athanafe ,. de faint Auguftin & des. 
autres Pères de ^glife ; on s'eft déguifé 
fous ceux d'Alexandre , de Céfar , de Char- 
îemagne & de Louis XIV. Eft-ce faire dés- 
honneur à Meilleurs de Dijon de les mettre 
à la fuite de ces noms fameux ? Et ces dé- 
Huifraiens^j^ le répète^, ayant été aâeôé»' 



B E M.. L £ G A T. iqy 

^— — — *— I II I I ■ I II ■ I — »— g— I ■>— J— ^^^ 

par les. plus-grands hx)mmes de tous lesî 
fiecleSy ne m eft-il pas bien doux de parta-- 
ger avec eux & avec les Sciences & les; 
Arts-r dont ils font- l'honneur ,^ Tànathê- 
me émané du TxibiimaL de l'Académie de^ 
Dijon h 

Je conviens» quim Auteur' qui* mettroîC 
fouS: le compte d'un autre des infamies ,^ 
feroit une fàuffeté indigne d'un homme 
de Lettres*- Mais bien loin que l'Académie 
de Dijon? puiffê rien me reprocher dé 
pareil y elle ne fauroât défa vouer que de 
tous les illuûres? Auteurs déguifés , pas uai 
feul n'a. eu: un but plus louable & pluf^ 
honnête que celui que je me fuis-propofé 
dans^cet innocent ftratagême; car, malgré^ 
là colère qui. anime ces^ Meflîèurs ^^ quels • 
reproches me font-ils ? Pai cm , félon 
eux ,- imirtjftr le public dans uru querellé' 
qui n^ a que trop duré. *y c'eft-à-dire, j^ai crcti 
intéreffer le public en faveur dès Sciences ' 
& des J^ts dans la guerre que leur a; 
déclaré l'Académie de T)ï\on'y guerre qui ri^ai 
que trop duré '^ fans doute, parce qu'elle a du 
donner à ces Meffiëurs des regrets de l'avoir* 
fufcitée. J'ai cru lâijfer entrevoir à ce public: 
quelque J^ençe de divi^on dans la Cociété-' 



^? 



%y}^ Observations 



. de Dijon ; & qu'il y avoît parmi ces 
Meflîeiirs quclqu\in d'alTez peu fournis à 
kur décifion pour croire que ces Scien- 
ces & ces Beaux- Arts, loin de corrompre 
les mœurs > les rendent plus pures & plus 
parfaites. 

J'avoue que l'Académie de Dijon a 
deviné jufte ; oui , j'ai commis tous les 
for&its dont elle vient de m'accufer ; & 
j'ajoute rimpénitence au crime ; je Tai 
6it, j'ai cru devoir le faire , & le ferois 
encore fi f avois à recommencer* Qu 'elle 
ne me reproche donc plus , par une con- 
tradiftion manifefte , que rUn ne m^obli- 
geoit à mt mafquer ^ car ces motifs nje pa- 
Toiffent auffi preflàns que juftes^ Oui , j'ai 
cru devoir intérejfer le public à la gloire , 
à l'honneur , aux progrès des Beaux- Arts, 
l'ornement & le foutien des Etats , & 
Pappanage le plus flatteur & le plus bril- 
lant que l'homme ait reçu de fon Au-« 
teur. J'ai cru que je devois laiffir tntrt^ 
voir au public qu'il y avoit au moins quel* 

3u'un dans une Société qui fait profeffion 
e cultiver les Sciences & les Arts , qui 
^toit conféquent dans fa conduite^ & qui 
penfoit que ces Sciences & ces Arts ne font 



Z> E M. L £ C A T. 27^ 



pas des corrupteurs des bonnes mœurs , & 
en cela même j*ai cru faire honneur à 
Mei&eurs de Dijon , j'ai cru diminuer ua 
peu dans le public Tidée défavantageuie 
qu'en a donné le problême fingulier pro- 
pofé par cette Académie , & le triomphe 
encore plus fingulier décerné au Citoyen 
dé Genève. Il étoit permis à M. Roul^ 
feau dfuier de la VAcrtc des problèmes^ pui{^ 
qu'ion avoît eu l'imprudence d'en propo- 
ter un die cette efpece; mais il étoit con- 
tre la fegefle qu'ion doit attendre d\ine 
fociété de gens de Lettres, de mettre en 
problême une queflion dont r2ffirmative 
a toujours pafle pour confiante, & qui 
doit mr-tottt feire loi dans une Académie ^ 
comme le prouve bien ce fujet propofé 
encore tout récemment par TAcadémie 
-Françoife^ C amour d^s Belles-Lcnres inf^ 
pin- C^amow de la vertu. S'il eft fcanda- 
leux qvfune Académie rende cette qiiet 
tion problématique , de quelle dénomina-- 
tion caraHériferons - nous fa décifîon ea 
faveur de la négative , & fon ôbftination. 
à foutenir , à défendre cette décifion l 

Nous avons pu couronner le Citoyen- 
' j^ Cewve , diront cçs Mcflieurs, &»» 



C » w« .1. 



l8a Q»SERVAtIONS 



■Wi«« 



adopter fon fentiment; c'efffon éloquence 
feulement qtié nous avons récompenfée, 
Gette raifon eft feufle & dans le faU 
&; dan^ le droit lAzxts le drohj lorfqu'U 
s*agit de la folution d'un j^roblê me , ou de 
décider d'une queftion de conféquence qui 
admet deim propofitions- contraires. Tune 
vraie & Tautre fauffe y. c'eft à la bonne 
folution du problême , c'eft-à-dire , au feul 
"j^rai qu'on doit accorder la couronne pro- 
mife; jamais on n'eft en droit de cou- 
wnner le faux^ quelque paré qu'il foit des 
.plus- belles couleurs ; & l'Académie qui 
enfreindroit cette règle , feroit auffi cou- 
pable que le Juge qui iàcrifieroit l'inno^ 
cence & le bon droit des cliens à Pélo- 
Guence des Avocats. Je dis éloquence , en 
uippofant qu'on puiffe prodiguer ce titre 
. julqu'à le donner à de ponvpeux fophiA 
VCi^ 9 en fuppofknt qu'il puiile y av^ir de 
. véritable éloquence fans là vérité; 

Il eft donc démpntré que la conce^ 
fion du prix au Di (cours du'Gtoyen de 
Genève emporte de droit l'adoption du 
fentiment foutenu par ce Difcours. 

Il n'eft pas moins vrai dans- le fou que 
', ^Académie de Dijpn Tait adopté^ & que 



DE M. Le C a t. iS'i 

pour cette fois au moins elle ait été con*- 
iequentô dans {es principes* On étoit déjà 
fur, quand elle a propofé ce problème, 

ÏLi'elle doutoit que ...Le ntablijfcmtnt Jes 
cienus & des Arts tût contribué à ipurcr 
Us mœurs \ . . . mais dans le défaveu^ ob- 
jet de ces réflexions , elle levé toute équi- 
voque r.*.M. Rouleau , dit-elle , a ufe dà 
la liberté des problèmes , la feule voie pro'^ 
pre à éclaircir la vérité ; il a eu ajfe[ de cou^ 
rage pour en fouienir le parti , 6* CAcadé-^. 
mie (de Dijon) a eu âjfe^ de bonne fol 
pour la couronner. Cela^ eft clair ; ce n'eft 
donc point l'éloquence du difcours qu'oa 
a couronnée , c*eft la proportion que TA- • 
cadémie de Dijon regarde comme une ve- 
rite. Ainfi cette Académie^ penfe que le 
rétabliffement des Sciences & des Arts a. 
contribué à corrompre les mœurs. Que ré-» 
pondroit-elle maintenant à fon Souverain,^ 
s'il lui difoit. « Vous m'avez trompé dans 
>^ les repréfentations que vous m'avez fai- 
» tes pour me déterminer à vous établir j 
» vous ne m'avez montré que des utili-^ 
H tés dans ce projet; vous m'avez difli- 
>► mule qu'il détruifoit le plus précieiw 
» de tous les avantages que je puiffe pro- 



i8i Observations 

t,^— — .«— ^— — i>^ I II l u i « ■ Il ■ ■ Il . I — — > 

H curer à tous, mes fujets , la probité , la 
n pureté des inœurs. Je n'ai garde de fouf- 
» frir dans mes Etats une Société qui eft 
» perfuadée elle- même que Tobjet de fes 
» travaux eft la perverfion des mœurs, & 
^ qui en fait une profeffion publique. Vc 
n on tuo tijudlco , ôcc. Rentrez donc dans 
^ le néant que méritent, félon vous-mêmes, 
» les Arts que vous exercez. Je ne veux 
f>' protéger & laifler décorer du titre d'Arts 
» libéraux , de beaiix Arts , que ceux qiii 
H conduifant à la vertu, n Quel efl TA- 
cadémicien & le patriote qui , pénétré de 
ces dangereufes conféquences , ne croira 

Î)as obliger au fond & très^effentiellement 
'Académie de Dijon , en laijfant entrevoir 
au public qu^l y a quelqu'un dans cette So- 
ciété qui penfe comme elle penfoit , quand 
elle a loUicité fon établiffement , qui penfe 
comme l'Académie Françoife de Paris , & 
je crois pouvoir dire hardiment , comme 
toutes les autres Académies de l'Europe. 
Ce bon office déplaît à celle de Dijon ; 
elle s'en ofienfe ; eUe la paye par des in- 
veâives ; elle ne veut pas abfolument 
qi^'on croye qu'il y ait un feul homme 
chez, elle qui fefle des Sciences le cas qu^en 



DE M. L E C A T, x8j 



•i-^ 



font tous les favans^de l'Europe révoltés 
contre fon problême. Non ejt quifaciat 
honum y non tft ufyue ad unûm. Après la 
déclaration formelle de ces Meflîeurs,je 
me garderai bien de les contredire. 

On trouvera peut-être que je fors de 
la queftion. On dira qu'il peut y avoir 
queîqu*iin des Académiciens de Dijon qui 
ne foit pas de Tavis dominant , mais qu'il 
n^ en a point qui foit capable de com*^ 
mettre t indécence de réfuter^ par un écrit ^ 
imt déciSon qui auroit pajfc contre fon avis^ 

Voila , fans doute , le grand argument 
de Mefficurs de Dijon ; mais qu'ils fe dé-^ 
pouiUent pour un moment de leur pré- 
jugé , & que dans ce moment ils regar- 
dent avec toutes les Académies de TÉu- 
Tope leur problême comme une confpî- 
ration contre la république des Lettres ; 
alors fls fentiront que cet Académicien , 
affez brave pour les contredire en face 
& par écrit , loin d'être im traître , comme 
ils le penfent , feroît un digne citoyen ^ 
qui , en fe faifant leur délateur , ne reroit 
qu'obéir aux loîx les plus pofitives ^ un 
héros de cette république , qui en affron* 
tant les reffentimens des conjurés > méri» 



184 Observations 



teroit, dans Dijon même, les titres de père 
& de libérateur de la patrie* 

Puifquç r Académicien réel de Dijon 
feroit fi louable , celui qui a emprunté fon 
titre rut iàuroit être criminel ; auffi le fen^ 
timent contraire eft-il encore réiervé à la 
feule Académie de Dijon. 

L'illuftre Secrétaire d'une Académie dé- 
jà célelM-e , qvioique naiflante , n'ignoroit 
pas mon déguifement , quand il m'écri*' 
voit ces traits que j'ai rapportés ci-devant. 
a Nous avons tous intérêt d'applaudir à 
» votre triomphe. Votre gloire augmente 
^ la nôtre : tous les Littérateurs vous doi* 
n vent des couronnes , comme on en 
» donnoit autrefois aux libérateurs des 
fp nations. » 

Enfin, MefiSeurs de Dijon reconnoit 
fent le tribunal du public , c'eft à lui qu'il 
appartient de décider qui des deux procé- 
dés eft indigne de gens de Lettres , de 
celui qui tend à faire regarder ces Lettres 
comme les corruptrices des bonnes mœurs 
& le poifon de la fociété , ou de celui 
qui a pour but de leur conferver le pré- 
cieux avantage d'être le lien le plus doux. 
& le plus pur de cette fociété , le flambeau 



DE M. Le C a t, 185 

qiii rend refprit jufte , la règle qui rend le 
c<3eiir droit , le grand art enfin de reéH^ 
fier une nature perverfe & de former 
riiomme de bien. Ceft à lui qu'il appar- 
tient de décider qui des deux eft indigne 
de la profe£îon des Lettres , de celui qui 
s'efforce de dégrader , d'anéantir ces Let- ' 
très , & de leur fubftituer Tignorance & 
la barbarie , ou de celui qui fe confacre 
à la défenfe de leur honneur & de leurs 
avantages, qui a pour but de les faire 
triompher & fleurir chez tous les peu- 
ples , de les rendre Tobjet de l^eftinie & 
de rhonneur des Nations. Cefl ce der- 
nier perfonnage que fait & fera toute 
fà vie, 

LE CAT. 
A Rouen ^ ce 15 Août 1752. 

P. S. Il paroît par le défaveu de Mef- 
fleurs de Dijon , que M. Rouffeau a im- 
primé une reponfe à la réfutation que j*ai 
faite de fon difcours. U y a quatre ou 
cinq 'mois que j'ai entendu parler de 
cette reponfe , qui a , dit-on , cinq ou fîx 
|)àges. Je ne Tai point encore vue , & je 
jie penfe pas qu'il foit néceflaire que je 

Byoye.' "'- - ^ 



±86 Observations 

Si M. Roufleau me chicane , comme 
Meffieurs de Dijon ^ fur mon déguifement , 
je viens de répliquer à fa réponfe ; s'il 
€Û oueftion du fond de notre dilpute^ mon 
illultre adverfaire a donné affez de preu- 
ves de la fécondité de fon génie à fou-, 
tenir des propofitions fauffes , pour devi- 
ner aifément qu'il ne reftera jamais court , 
quelque démontré que foit fon tort. Le 
feul fentiment que m'infpire fon cAfti- 
nation, eft de gémir fur cette fécondité 
fatale , fur cet abus manifefte des talens ^ 
des Sciences & des Arts , qui , indépendam- 
ment de rinjure qu'il feit à la vérité , du 
découragement qu il peut caufer aux ama- 
teurs, & de TobUacle quHl peut appor- 
ter aux prcJgrès des Lettres , ne produit à 
fon Auteur même d'autre avantage , finon , 
dit le grand Defcartes 9 que peui-étre il en 
tirera a autant plus de vanité^ que fes fpê^ 
dilations feront plus éloignées du fens corn* 
mun , à caufe quU aura dû employer plus 
^efprit & JC artifice à, tâcher de les rendre 
vraifemblables. Le Citoyen de Genève a 
cultivé les Lettres avec tant de diftinftion , 
que nouç avons lieu d'efpérer qu'elles lui 
auront élevé Famé au-deflus de cette foi-: 



J 



.DE M, Le C a t. 187 

blefle. Malgré cette fécondité de M. Rouf- 
feau , on ne voit cepehdant paroître de 
lui qiie ces premières raifons tournées de 
différentes feçons, ainii qu'il Tavoue dans 
cette riponft au difcours de Lyon qu*H 
annonçoit comme la demitn. Je fuis donc 
perAïadé qu'il n'y a pas une des raifons 
employées dans cette réponfe de M. RouC 
ièau à notre ouvrage , qui ne foit déjà ré- 
fiitée dans ce même ouvragé auquel il ré- 
pond. Or ceux qui ont lu Tun & l'autre , 
les y trouveront aufli bien que moi : ainfi 
je me pafferai fort bien de voir cette ré- 
ponfe ; & quand je la verroîs , je n'y ré- 
pliquerons point. Je me ferois un crime 
vis-à-vis du public de pouffer plus loin ce 
démêlé littéraire , accoutumé que je fuis 
de n'en avoir jamais que pour venger mon 
honneiu- offenfé , ou pour défendre la vie 
des hommes contre des pratiques diôées 
par l'erreur & la témérité. 




*«»i 



RÉPONSE 

Au Difcours qui a remporté le prix de tAcd' 
demie de Dijon jpar le Roi de Pologne, (a) 



X-i E Difcours du Citoyen de Genève a 
de quoi furprendre ; & Ton feràspeut-être 
également lurpris de le voir couronné par 
une Académie célèbre. 

Eft-ce fon fentiment particulier que l'Au- 
teur a voulu établir ? N'eft-ce qu'un para- 
doxe dont il a voulu amufer le public? 
Quoi qu'il en foit , pour réfuter ton opi- 
nion 5 il ne feut qu'en examiner les preu- 
ves , remettre l'anonyme vis-à-vis des vé^ 
rites qu'il a adoptées , & l'oppofer lui- 
même à lui-même. Puifle-je , en le com- 
battant par (es principes , le vaincre par fes 
armes , & le faire triompher par ùl propre 
défaite ? 



(4) Cette Réponfe parut dans le Mercure de Septembre 
i7Sr, fans nom d'auteur; ms^îs on reconnut bientôt que 
f'étoit le Roi de Pologne, duc de Lorraine, qui avoit £ot 
l'honneur à M. RoulTeau d'entrer en lice avec lui : aaffi 
Bouiieau dans fa réponfe qui ■& trouve à la page I2i dtf 
troifieme volume des Mélanges y parle avec bien plus de 
modéiîiUoA qu'à fes autres adveràires« 

:a 



DU Roi de Pologne. 189 



Sa façon de penfer annonce un cœur 
^rtuetix. Sa manière d'écrire décelé un 
efprit cultivé ; mais s'il réunit effeftive- 
ment la fcience à la vertu , & que Tu le 
(comme il s'efforce de le prouver) foit 
incompatible avec l'autre , comment (a 
doârine n'a -t- elle pas corrompu ia fa- 
geffe ? ou comment la fagefle ne l'a-t-elle 
pas déterminé à refter dans l'ignora^ice ? 
A-t-il donné à la vertu la préférence fur 
la fcience ? Pourquoi donc nous étaler 
avec tant d'afFeftation une énidition fi vafte 
& fi recherchée ? A-t-il préféré , au con- 
traire, la fcience à la vertu? Pourquoi 
donc nous préciser avec tant d'éloquence 
celle-ci au préjudièe de celle-là ? Qu'il com- 
mence par concilier des contradiûions fi 
fingulieres, avant que de combattre les 
notions communes ; avant que d'attaquer 
1^ autres , qu'il s'accorde avec lui-même. 
, N'auroit-il prétendu qu'exercer fon ef- 
irit & faire briller fon imagination ? Nô 
ui envions pas le frivole avantage d'y 
avoir réuifi. Mais que conclure en ce cas 
ée fon Difcours? Ce que Ton conclut 
après la leâure d'un roman ingénieux ; en 
yain un Auteiur prite à des fables les 
^f^ppl* de la ColUc% Tome It N 



i 



X^O R É.P ON SE 

■ ' — — ^*. 

couleurs de la vérité , on voit fort biçn 
qu^il ne croit pas- ce qu'il feint de vouloir 
perfuader. 

Pour moi , qui ne me flatte , ni d'avoir 
aflez de capacité pour en appréhender 
quelque chofe au préjudice de mes mœurs ^ 
ni d*avoir aflez de vertu pour pouvoir en 
&ire beaucoup d'honneur à mon igno- 
rance, en m'élevant contre une opinion fi 
peu foutenable , je n'ai d'autre intérêt que 
de foutenir cejui de la vérité. L'Auteur 
trouvera en moi un adverfaire impartial. Je 
cherche même à me faire un mérite auprès 
cle lui en l'attaquant ; tous mes efforts » 
dans ce combat , n'ayant d'autre but que 
de réconcilier fon efprit avec fon cœur ^ 
& de procurer la fàtisfaftion de voir réu- 
nies , dans fon ame , les fciences que j'ad- 
mire avec les vertus qu'il aime. 



L 



PREMIERE PARTIE. 

Es Sciences fervent à faire conaoître 
le vrai , le bon , l'utile en tout genre : 
connoiffance précieufe qui, en éclairant, 
les efprits , doit nàtiurellement contribuer 
à épurer le$ mœjurs. 



DU Roi de Pologne. 191 

La vérité de cette propofition n'a be- 
foin que d'être préfentée pour être crue : 
auflî ne m*arrêterai-je pas à la prouver ;; 
je m'attache feulement à réftiter les fo- 
phifmes ingénieux de celui qui ofè la 
combattre. 

Dès l'entrée de fon difcours , TAuteuf 
offre à nos yeux le plus beau fpeâacle ; 
il nous repréfente l'homme aux prifes > 
pour ainii dire , avec lui-même , fortant 
en quelque manière du néant de fon îgno- 
fance ; diflipant par les efforts de fa raifon 
les ténèbres dans lefquellesla nature Ta voit 
enveloppé ; s'élevant par Tefprit jufques 
dans les plus hautes fpheres des régions^ 
céleftes ; affervifl^nt à ion calcul les mour 
vemens des aftres , & mefurant de foii 
compas la vafte étendue de l'univers ; ren- . 
trant enfuite d le fond de fon cœur &c 
fe rendant ce e à lui-même de la na^: 
ture de fon , de fon excellence y.de: 

Ùl haute def) lOn. 

Qu'un par^.i avei^ arraché à la vérité ,V 
eft honor^le aux Sciences ! Qu'il en mon*» 
tre bien ta néceilité & les avantages ! Qu'il 
en a du coûter à l'Auteur d'être forcé à 
Iç Eure > U encore plus à le rétracter i ^ 



2^1 RÉPONSE 

> • I ■ ■ ■ ■. „ ■■. 1 , 4 

La nature, dit -il, eft affez belle par 
dle-même , elle ne peut que perdre à être 
ornée. Heureux les hommes , ajoute-t-il , 
cjui favent profiter de ces dons fans les 
cônnoître ! Ceft à la fimplicité de leiur 
eiprlt qu'ils doivent l'innocence de leurs 
mœurs. La belle morale que nous débite 
ici le cenfeur des Sciences & l'apologifte 
des mœurs ! Qui fe feroit attendu que de 
pareilles réflexions duflent être la fuite des 
principes qu'il vient d'établir? 

La nature d'elle-même eft belle , fans 
doute ; mais n'eft'^ce pas à en découvrir 
les beautés , à en pénétrer les feçrets , à 
eh dévoiler les opérations , que les Êivans 
employent leurs recherches ? Pourquoi un 
fi vafte champ eft-il offert à nos regards ? 
L'efprit fait pour le parcourir , & qui ac*» 
quiert dans cet exercice , fi digne de fon 
aôivité , plus de force & d'étendue , doit-r 
il fe réduire à quelques peroèptions pafia^ 
gères , ou à une ftupide a<hniration > Le$ 
inœurs fercmt- files moins pures, parce 
gué la raifbn fera plus éclairée ? JÇt à me^ 
iure que le flambeau qiii nous eA dona4 
pour nous conduire ^ augmentera de lu^ 
flûetes, nptre rgutç dwiendr^^t-^Uç moins 



DU Roi de PoIogne. 1^3 

■ I t ' ■ 1 1 II ■■■■■■ I II I I ■ m 

aifée à trouver ,g& plus difficile à tenir? 
A quoi aboutiroient tous les dons que le 
Créateur a feits à Thomme, fi , borné aux 
fonâions organiques de fes fens , il ne 
poiivoit feulement examiner ce qif il voit, 
réfléchir fur ce qu'il entend , difcerner par 
J'odorat les rapports qu'ont avec lui les 
objets , fiippker par le taâ: au défaut de 
la vue , & juger par le goût de ce qui. 
lui eft avantageux ou nwifiblc ? Sans la 
raifon qui nous éclaire & nous dirige , 
confondus avec les bêtes , gouvernés par 
Finftina, ne deviendrion^nous pîfô bien^ 
tôt auiîi fembkbles à elles par nos aftions, 
que nous le fommes déjà par nos bcfoins ? 
Ce n'eft que par le fc cours de la .réflexion 
& de rétude , que nous pouvons parve- 
nir à régler Pufage des chofes fenfibles qui 
font à notre portée , à corriger les er* 
reurs de nos fens , à foumettre le corps 
à Tempire de Tefprit , à conduire Tame , 
cette fubftance fpirituelle & immortelle, 
à la connoiffance de ks devoirs & de 
fa fin. 

Comme c'eft principalement par leiu3 
effets fur les mœurs , que TAuteur s'at- 
tache à décrier les Sciences ; pour les 

N 3 



194 



RÉPONSE 



venger d'une fi hwfk imputation , je n'au^ 
rois qu'à rapporter ici le)s avantages que 
Jeur doit la Société ; mais qui pourroit 
détailler les biens fans nombre qu'elles y 
apportent , & les agrémens infinis qu'elles 
y répandent ? Plus elles font cultivées dans 
un État, plus TEtat eft floriflknt; tout y 
languiroit fans elles. 

Que ne leur doit pas l'artifan , poir 
tout ce qui contribue à la beauté , à la 
folidité y à la proportion , à la perfeâioA 
de (es ouvrages ? Le laboureur , pour les 
différentes feçons de forcer la terre à payer 
à (es travaux les tributs qu'il en attend ? 
Le médecin , pour découvrir la nature des 
maladies , & la propriété des remèdes ? 
Le jurifconfulte , pour difcerner l'efpril 
^des loix & la diverfité des devoirs? Le 
juge , pour démêler les artifices de la cu- 
pidité d'avec la fimplicité de l'innocence f 
& décider avec équité des biens & de 
la vie des hommes ? Tout citoyen , de 
quelque profeffion , de quelque condition 
qu'il foit,a des devoirs à remplir ; & com- 
ment les remplir fans les connoître ? Sans 
la connoiffance de î'hiftoire , de la poli- 
tique ^ de la religion , coaunent ceux qui 



DU Roi de Pologne, x^y 



font prépofés au gouvernement des Etats ^ 
fauroient-ils y maintenir Tordre , la fu-. 
bordination , la fureté, l'abondance î 

La curiofité , naturelle à Phomme , lui 
înfpire Tenvie d'apprendre ; fes befoins lui 
en font fentir la néceflité ; fes emplois lui 
en impofent Tobligation ; fes progrès lui 
en font goûter le plaiiir. Ses premières 
découvertes augmentent Tavidité qu'il a 
de favoir ; plus il connoît , plus il fent 
qu'il a de connoif&nces à acquérir ; 6C 
plus il a de connoiflances acquifes , plus 
il a de facilité à bien faire. 

Le Citoyen de Genève ne l'auroit-il pas 
éprouvé ? Gardons - nous d'en croire fa 
modeflie. Il prétend qu'on feroit plus ver» 
tueux , fi Ton étoit moins favant : ce font 
les Sciences , dit - il , qui nous font con« 
lioître le mal. Que de crimes , s'écrie- 1- il, 
tioûs ignorerions fans elles ! Mais l'igno- 
rance du vice eft - elle donc Une vertu ? 
Eft-ce faire le bien que d'ignorer le mal ? 
Et fi , s^en abftenir parce qu'on ne le con- 
noît pas , c'eft-là ce qu'il appelle être 
vertueux , qu'il convienne du moins que 
ce n'efl: pas l'être avec beaucoup de mé- 
rite : c'efl: s'expofer à ne pas Têtre long- 

N 4 



2.96 Réponse 

» ■! ■! ■■ Il ■! Il ■ I II — — — ^ 

tems : c'eil ne Têtre que jufqu'à ce que 
quelque objet vienne folliciter les penchans 
naturels , ou quelque occafion vienne ré- 
veiller des pâmons endormies. Il me fem- 
ble voir un faux-brave , qui ne fait mon* 
tre de fa valeur que quand il ne le pré- 
fente point d*ennemis : im ennemi vient-il 
à paroître , faut -il fe mettre en défenfê ; 
le courage manque , & la vertu s'évanouit. 
Si les Sciences rious font connoître le mal, 
elles nous eil font connoître auffi le re- 
mtde. Un botânifle habile fait démêler 
les plantes falutaires d'avec les herbes vé- 
nimeufes ; tandis que le vulgaire , qui 
ignore également la vertu des unes & le; 
poîlon des autres , les foule aux pieds fans 
diftinâion , ou les cueille fans choix. Un 
homme éclairé par les Sciences , diftingue 
dans le grand nombre d'objets qui s'offirent 
à fes connoiflances , ceux qui méritent foa 
averfion , ou i^^ recherches : il trouve 
dans la difformité du vice & dans le trou- 
ble qui le fuit, dans les charmes de la 
vertu & dans la paix qui l'accompagne j 
de quoi fixer fon eftime & fon coût pour 
l*une , fon horreur & fçs mépris pour. 
l'autre '; il efl fage par choix , il efl foli- 
dement vertueux. 



■w«^ 



DU Roi de Pologne. 297 



Mais , dit - on , il y a des pays , oîi fans 
{cience , làns étude , fans connoître eil 
détail les principes de la morale , on la 
pratique mieux que dans d'autres où elle 
eft plus connue , plus louée , plus haute- 
ment enfeignée. Sans examiner ici , à là 
rigueur , ces parallèles qu'on fait fi fouvent 
de nos mœurs avec celles des anciens ou 
des étrangers , parallèles odieux , oii il en- 
tre moins de zèle & d'équité 9 que d'envie 
contre fes compatriotes & dliumeur con- 
tre fes contemporains : n'efl - ce point au 
climat , au tempérament , au manque d'oc» 
cafion , au défaut d'objet , à l'économie 
du gouvernement , aux coutumes , aux 
k)ix , à toute autre caufè qu'aux fciences 9 
qu'on doit attribuer cette différence qu'on 
remarqué quelquefois dans les mœurs , eil 
différens pays & en différens tems ? Rap-^ 
^elkr fans cefTe cette fimplicité primitive 
dont on fait tant d'éloges , fe la repréfen- 
ter toujours comme la compagne mfépa- 
rable de l'innocence , n'efl-ce point tracer 
un portrait en idée pour fe faire illufion ? 
Oii vit-on jamais des hommes fans défauts*, 
fens defirs , fans paffîons ? Ne portons-» 
nous^ pas en nom^* mêmes le gerftie dé 

N5. 



jm 



a9S RÉPONSE 



m * ■ * 



tous ks vices î Et s'il fiit des temS , s'il 
«ft encore des climats oà certains crimes 
ibient ignorés , n'y voit - on pas d'autres 
Jéfordres ? N'en voit - on pas encore de 
plus monftrueux chez ces peuples dont on 
vante la fhipîditë ? Parce que l'or ne tente 
pas leur cupidité , parce que les honneiu-s 
n'excitent pas leur ambition . en connoif- 
fent-ils moins Porgueil & rinjuftice ? Y 
font-ils moins livrés aux bafieiies de l'en- 
vie , moins remportés par la fureur de la 
vengeance ^ . leurs fens groffiers font - ils 
jnacceffibles à l'attrait des plaifirs ? Et à 
quels excès ne fe porte pas une volupté 
qui n'a point de règles , & qui ne connoît 
point de freins ? Mais quand même dans 
ces contrées iauvages il y aiuroit moins 
4e crimes que dans certames nations po-^ 
licées , y a-t-il autant de vertus î Y voit- 
on fur - tout ces yertus fublimes , cette 
pureté de moeurs , ce défintérefiement 
magnanime, ces aâi<His furnaturelles qu'en- 
&nte la religion ? 

Tant de grands hommes qui Font dé-^ 
fendue par leurs ouvrages , qui l'ont Eut 
^dmirer par leurs mœurs , n*avoient-ils pas 
puifé dans l'étude çe$ lumierç^ fupérieujre^ 



DU Roi de Pologne. Z99 

m\i ont triomphé des erreurs & des vices ? 
C*eft le feux bel-efprit , c'eft Tignorance 
préfomptiiewfe qui font éclore les doutes 
& les préjugés ; c'eft l'orgueil , c'eft ToblH- 
hation qui produifent les fchifmes & les 
héréfies ; c*eft le pyrrhonifme , c'êft Pin- 
crédulité qui fevonfeht l'indépendance , la 
révolte , les paffions , tous les forfeits* 
De tels adverfeires font honneur à la reli- 
gion. Pour les vaincre j elle n'a qu'à paroî- 
tre ; feule , elle a de quoi les confondre 
tous ; elle ne craint que de n'être pas aflez 
connue , elle n'a befoin que d'être appro- 
fondie pour fe faire refpefter ; on 1 aime 
dès qu'on fa connoît; à mefiire qu'on 
l'approfondit davantage , on trouve de 
nouveaux motifs pour la croire^ & de nou- 
veaux nioyens pour la pratiquer ; plus le 
Chrétien examine l'authenticité de fes titres, 
plus il fe raffure dans la poffeffion de ià 
croyance; plus il étudie la révélation, 
plus il fe fortifie dans la foi. C'eft dans les 
divines Ecritures qu'il en découvre l'ori- 
gine & l'excellence ; c'eft dans les doues 
écrits des Pères de l'Eglife qu'il en fuit de 
fiecle en fiecle le développement; <?eft 
dans leii livres d$ morale & les asuiale? 



300 RÉPONSE 

tîntes 9 qu'il en voit les exemples , & 
qu'il s'en lait l'application. 

Quoi ! l'ignorance enlèvera à la religion 
& à la vertu des lumières fi pures , des 
appuis fi puifians ; & ce fera à cette même 
religion qu'un dofteiu" de Genève enfei- 
gnera hautement qu'on doit l'irrégularité 
des mœurs ! On s'étonneroit davantage 
d'entendre un fi étrange paradoxe , fi on 
ne favoit que la fingularité d'un fyftême f 
quelque dangereux qu'il foit , n'eu qu'une 
raifon de plus pour qui n'a pour règle que 
l'efprit particulier. La religion étudiée eft 
poiu: tous les hommes la règle infaillible 
des bonnes mœurs. Je dis plus : Pétude 
même de la nature contribue à élever les 
fentimens , à régler la conduite ; elle 
ramené naturellement à l'admiration , à 
Famour , à la reconnoifiance , à la fou- 
mifiion que toute ame raifonnable fent 
être dues au Tout-puiflant. Dans le cours 
régulier de ces globes immenfes qui rou- 
lent fur nos têtes , l'Aftronome découvre 
une Pui&nce infinie. Dans la proportion 
exade de toutes les parties qui compofent 
l'univers , le Géomètre apperçoit l'effet 
id'uixe intelligence iàns bornes. Dans l4 



f . 



DU Roi de Pologne. 301 



fucceffion des tems , l'enchaînement des 
caiifes aux effets , la végétation des plantes , 
Forganifation des animaux, la confiante 
uniformité & la variété étonnante des difi- 
ierens phénomènes de la nature , le Phy- 
ficien n*en peut méconnoîtré TAuteur , le 
Confervateur, l'Arbitre & le Maître, 

De ces réflexions le vrai Philofophe def^ 
cendant à des conféquences pratiques , &C 
rentrant en lui-même , après avoir vaine^ 
ment cherché dans tous les objets qui Ten^ 
vironnent , ce bonheur parfeit après lequel 
il foupire fans cefTe , & ne trouvant rien 
ici-bas <jui réponde à l'immenfité de fes 
defirs ; il fent qu'il efl fait pour quelque 
chofe de plus grand que tout ce qui ef^ 
créé; il Je retourne naturellement vers 
fon prçmier principe & fa dernière fin. 
Heureux , fl docile à la grâce , il apprend 
à ne chercher la félicité de fon cœur que 
dans la pofTeffion de fon Dieu 1 



" ■ ' " ' '■* ' -i 



501 R É P O N S«£ 



SECONDE PARTIE. 

1 C I TAuteur anonyme donne lui-même 
l'exemple de l'abus qu'on peut feire de 
l'érudition , & de l'alcendant qu'ont ïiur 
l'efprit les préjugés. U va fouiller dans les 
fiecles les plus reculés. Il remonte à la 
plus haute antiquité. Il s'épuife en raifon- 
fiemens & en recherches pour trouver des 
ilif&ages qui accréditent fon opinion. H 
cite des témoins qui attribuent à la culture 
des Sciences & des Arts , la décadence 
des Royaumes & des Empires, il impute 
aux favans & aux artiiles le luxe & la 
molleire , fources ordinaires des plus étranr 
ges^ révolutions. 

Mais FEgypte , la Grèce , la républi- 
iqiie de Rome , l'empire de la Chine , qu'il 
ofe appeller en témoignage en faveur de 
l'ignorance , au mépris des Sciences & au 
préjudice de^ mœurs , auroient dû rappel- 
ler à fon fouvenir cts Légiflateurs fameux , 
qui ont éclairé par l'étendue de leurs lumiè- 
re? , & réglé par la fageffe de leurs loix ^ 
fes grands Etats dont ils avoient pofé le$ 



DU Roi de Pologne. joj 

« ' I ■ ■ Il I ■» 

premiers fondemens : ces Orateurs célè- 
bres qiii les ont foutenus fur le penchant 
de leur ruine , par la force viftorieufe de 
leur fublime éloquence : ces Philofophes, 
ces Sages 9 qui par leurs doôes écrits, & 
leurs vertus morales , ont illuftré leur 
Patrie , & immortalifc leur nom. 

Quelle foule d'exemples éclatans ne pour- 
rois-je pas oppofer au petit nombre d'Au- 
teurs hardis qu'il a cités ! Je n'iaurois qu'à 
ouvrir les annales du monde. Par com- 
bien de témoignages inconteftat>les , d'au* 
guftes monumens , d'ouvrages immortels , 
l'hiftoire n'attefte-t-elle pas que les Scien- 
ces ont contribué par-tout au bonheur de^ 
hommes ^ à la gloire des Empires » au. 
triomphe de la vertu ? 

Non , ce n'eft pas des Sciences , ç'eft du 
fein des richefles que font nés de tout tems 
la moUefle & le hixe ; & dans aucun tems 
les richefles n*ont été Tappanage ordinaire 
des favans. Pour un Platon dans Topu^ 
lence y un Arlftippe accrédité à la Cour ^ 
combien de Philofophes réduits au man- 
teau & à la beface , enveloppés dans leur 
propre vertu & ignorés dans leur fditude ! 
combien .4Homeres U de IXogenes ^ 



JO4 RÉPONSE 

d'Epiûetes & d'Efopes dans Tindigence l 
Les favans n'ont ni le goût ni le loifir 
d'amaffer de grands biens. Ils aiment Té- 
tude ; ils virent dans la médiocrité y & 
une vie bborieufe & modérée , paflee 
dans le filence de la retraite , occupée de 
la ledure & du travail , n'eft pas affuré- 
ment ime vie voluptueufe &c criminelle. 
Les conunodités de la vie , poiu- être four 
vent le fruit des Arts , n'en font pas da- 
vantage le partage des artifles ; ils ne 
travaillent que pour les riches , & ce font 
les riches oififs qui profitent & abufent des 
fruits de leur induftrie. 

L'effet le plus vanté des Sciences & des 
Arts , c'eft , continue TAuteur , cette poli- 
teffe introduite parmi les hommes , qu'il 
lui plaît de confondre avec l'artifice & 
l'hypocrifie. Politeffe , félon lui , qui ne 
iert qu'à cacher les défeuts & à mafqucr 
les vices. Voudroit-il donc que le vice 
parût à découvert ; que l'indécence fut 
jointe au défordre , & le fcandale au crime ? 
Quand , effeâivement , cette politeffe dans 
les manières ne feroit qu'un rafinement 
d^ l'amour - propre poiur voiler les foi- 
Weffes 9 ne feroit-ce pas encore ua ^vao* 



DU Roi, DE Pologne. 305 

'- — ■ • r- ■ . . . - ■ --. ■■■_■■ 

tage pour la fociété , que le vicieux n'o- 
iàt s'y montrer tel qu'il eft , & qu'il £ut 
forcé d'emprunter les livrées de la bien- 
féance & de la modeftie ? On Ta dit , & 
il eft vrai; lliypocrifie , toute odieufe 
qu'elle eft en elle-même , eft pourtant un ' 
hommage que le vice rend à la vertu ; elle 
garantit du moins les âmes foibles de la 
contagion du mauvais exemple. 

Mais c'eft mal connoître les ÙL\^ns > que 
de s^ea prendre à eux du. crédit qii'a dans 
le monde cette prétendue politeffe qu'on 
taxe de diftiniulation : on peut être poli 
fans être diflimulé ; on peut affurément être 
i'un & l'autre fans être bien favant; &C 
plus communément encore on peut être 
bien favant ikns être fort poli. 

L'amoiu- de la folitude , le eoût des li- 
vres , le peu d'envie de paroitre dans ce 
Su'on appelle le beau-monde , le peu de 
iipofition à s'y préfenter avec grâce ; le 
peu d'efpoir d y plaire , d'y briller , l'en* 
nui inféparable des converfations frivoles 
& prefque infupportables pour des efpritSi. 
accoutumés à penfer ; tout concourt à ren-^ 
dre les belles compagnies aufti étrangères^ 
pour le ùyant , qu'il csft lui-tnêm« étran-» "' 



3o6 RÉPONSE 

ger pour elles. Quelle figure feroit - il 
dans les cercles î Voyez-le avec fon air 
rêveur , fes fréquentes diftraûions , fou 
cfprit occupé , fes expreffions étudiées ^ 
{es difcours fentencieux , fon ignorance 
profonde des modes les plus reçues & 
des uiàges les plus commiuis ; bientôt par 
le ridicule qu'il y porte & qu'il y trouve , 
par la contrainte qu'il y éprouve & qu*il 
y caufe , il ennuyé , il eft ennuyé. Il fort 
peu fatisÊût, on eà fort content de le 
voir fortir. U cenfure intérieurement tous 
ceux qu'il quitte : on raille hautement 
celui qui part ; & tandis que celui-ci gé- 
mit fur leurs vices , ceux-là rient de fes 
défauts. Mais tous ces défauts , après tout f 
font aflez indifférens pour les moeurs ; &C 
c'efl à ces défauts , que plus d'un iavant , 
peut-être , a l'obligation de n'être pas auffi 
vicieux que ceux qui le critiquent. 

Mais avant le règne des Sciences & des 
Arts , on voyoit , ajoute l'Auteur , des 
Empires plus étendus , des conquêtes plus 
rapides , des guerriers plus Êimeux. S'il 
avoit parlé moins en Orateur & plus en 
Philofophe, il auroit dît qu'on voyoit 
(lus alors de ces hommes audacieux ^ qui ^ 



DU Roi de Pologne. 307 



•^•^ 



tranfportés par des paffions violentes & 
traînant à leur fuite une troupe d'efcla ves ^ 
alloient attaquer des nations tranquilles , 
fubjuguoient des peuples qui ignoroient le 
métier de la guerre , affujettiflbient des 
pays où les Arts n'avoient élevé aucune 
barrière à leurs fubites excurfions ; leur 
valeur n*étoit que férocité , leur courage 
que cruauté , leurs conquêtes qu^nhuma- 
nité ; c'étoient des torrens impétueux qui 
faifoient d'autant plus de ravages 9 qu'ils 
j-encontroient moins d'obftades. Auffi à 
peine étoient-ils paffés , qu'il ne reftoit 
fur leurs traces que celles de leur fureur ; 
nulle forme 'de gouvernement , nulle loi , 
nulle police , nul lien ne retenoit & n'u- 
BÎ/Toit à eux les peuples vainais. 

Que Ton compare à ces tems d*igno-^ 
rance & de barbarie , ces fiecles heureux , 
où les Sciences ont répandu par-tout l'ef- 
prit d'ordre & de jullice. On voit de no5 
Jours des guerres moins fréquentes , mais 
plus juftes ; des aftions moins étonnantes ^ 
mais plus héroïques ; des vidoines moin$ 
fenglantes , mais plus glorieufes ; des con* 

uêtes moins rapides , mais plus affurées ; 

es guerriers moins viokns , mais plus 



2 



I ■ .u 



308 RÉPONSE 

redoutés , fâchant vaincre avec modéra- 
tion y traitant les vaincus avec humanité : 
Vhonneur eft leur guide ; la gloire , leur 
récompenfe. Cependant , dit l^^uteur , oa 
remarque dans les combats une grande 
différence entre les nations pauvres , qu'on 
appelle barbares , & les peuples riches , 
qu'on appelle policés. Il paroît bien que 
le Citoyen de Genève ne s'eft jamais 
trouvé à portée de remarquer de près ce 
qui fe patte ordinairement dans les cora- 
Mts. Ett-il furprenant que des barbares 
fe ménager^t moins & s'expofent davan- 
tajge ? Qu'ils vainquent ou qu'ils foient 
vaincus , ils ne peuvent que gagner s'iU 
furvivent à leurs défaites. Mais ce que Tef- 
pérance d'un vil intérêt, ou plutôt ce 
qu'un défefpojr brutal infpire à ces hom- 
mes fanguinaires , les fentimens , le de- 
voir l'excitent dans ces âmes généreufes 
3ui fe dévouent à la Patrie ; avec cette 
ifFérence que n'a pu obferver l'Auteur, 
que la valeur de ceux-ci , plus froide , plus 
réfléchie , plus modérée , plus favamment 
conduite, eu par-là même toujours plus 
fure du fuccès. 

Mais enfin Socrate , le fameux Socrate 



•w^ 



pv Roi de Pqlqgne. 309^ 

^eft lui-même récrié contre les Sciences 
de fon tems. FauMl s'en étonner? L'or- 
gueil indomptable des Stoïciens , la mol- 
ifeffe efféminée des Epicuriens , les raifon- 
nemens abfurdes des ryrrhoniens , le goût 
de la difpute , de vaines fubtilités, des er- 
reurs fans nombre , des vices monftnieiuc 
îhfcâoient pour lors la Philofophie, ÔÇ 
déshonoroient les Philofophes. Cétoit 
Fabus des Sciences 9 non les Science^ 
elles-mêmes, que condamnoit ce grand 
homme , &c nous le condamnons après 
lui. Mais Pabus qu'on fait 4*une chofe 
fuppofe le bon ufage qu'on en peut faire. 
De quoi n'abufe-t-on pas ? Et parce qu'un 
Auteur anonyme , par exemple , pour dé* 
fendre une m^uvaife caufe 9 aura abufé 
une fois de la fécondité de fon efprit 8ç 
de la légèreté de fa plume , fàudra-t-il lui 
en interdire Tufage en d'autre^ oçcai^ons^ 
& pour d'autres liijets plus dignes de fon 
génie } Pour corriger quelques excès d'in^» 
tempérance , faut 1- il ayr^cher toutes les 
Vignes ? L'ivrefTe de Yefpnt a précipité 
quelques favans dans 4'étranges égare» 
mens : j'en conviens , j'en çéxnis. Par les 

difçour$ de quçl({ae$-uns | cum» ks écrits 



JIO RÉPONSE 

de quelques autres , la religion a dégénéré 
en hypocrifie , la piété en fuperftition , 
la tRéologie en erreur, la jurifprudence 
en chicane , raftronomie en aftrologie 
judiciaire , la phyfique en athéifme. Jouet 
des préjugés les plus bizarres y attaché aux 
opinions les plus abfurdes 9 entêté des 
^ftêmes les plus infenfés , dans quels 
écarts ne donne pas refprit humain , quand , 
livré à une curiofité préfomptueufe , il 
veut franchir les limites que lui a mar- 
quées la mêm^ main qui a donné des bor- 
nes à la mer ! Mais en vain les flots mu-» 
giflent , fe foulevent , s'élancent avec fo- 
reur fur les côtes oppofées ; contraints de 
fe replier bientôt fur eux-mêmes , ils ren- 
trent dans le fein de l'océan, & ne laif-. 
fent fur fes bords qu'une écume légère qui 
s'évapore à Tinftant , ou qu'un fable mou- 
vant qui fuit fous nos pas. 

Image naturelle des vains efforts de 
l'efprit , quand , échauffé par les faillies 
d'une imagination dominante, fe laiflant 
emporter à tout vent de doftrine , d'un 
vol audacieux il veut s'élever au-delà de 
fa fphere, & s'efforce de pénétrer ce qu'il 
se lui eft pas donné de comprendre* 



uu Roi de Pologne. 311 

Mais les Sciences , bien loin d'autorifer 
de pareils excès , font pleines de maxi- 
mes qui les réprouvent : & le vrai fa- 
nant , qui ne perd jamais de vue le flam- 
beau "de la révélation , qui fuit toujours 
le guide infeillible de l'autorité légitime, - 
procède avec fureté , marche avec con- 
fiance j avance à grands pas dans la carrière 
des Sciences , fe rend utile à la focicté , 
honore fii Patrie , fournit fa courfe dans 
l'innocence , & la termine avec gloire. 



DISCOURS 

SUR 

LES AVANTAGES 

DES SCIENCES ET DES ARTS; 

Prononce dans t A jjemblic publique de tAcOf- 
démi<e des Sciences & Belles '^Lettres de 
Lyon j le zz Juin ijSu 

Par m* Borbe. (a) 

O N eft défàbufé depuis long-tems de la 
chimère de l'âge d*ort par-tout la barbarie 
a précédé rétabliffement des fociétés ; c'eft 
une vérité prouvée par les annales de tous 
Jes peuples» Par-tout les befoins & les cri-» 
mes forcèrent les hommes à fe réunir y i 
s'imppfer des loix , à s'enfermer dans des 
remparts. Les premiers pieux ^ les pre» 
mîers Rois furent des bienfeiteurs ou des 
tyrans ; la reconnoifiance Se la crainte 
^levèrent les trônes ëc les ^utçls. La 

C/i) MI Roufièaii répliqi^à c^ difcours par on Xtt\% 
Intitulé : Dernière Ri^onfe qui £e trouve à la page 173 d» 

luperUidoii 



Avantages des Sciences , &c. 3 4 j 

m ^ ^ Il , Il ■ I K 

fuperflitlon & le defpotifme vinrent alors 
couvrir la face de la terre : de nouveaux 
malheurs y de nouveaux crimes fuccéde- 
rent j les révolutions fe multiplièrent. 

A travers ce vafte fpeftacle des paffions 
& des m iferes des hommes , nous apper-» 
cevon$ à peine quelques contirëes plus luges 



rcfpe etoit fauvage 
GxQce penfa , & s'éleva par refprit à tout 
ce qui peut rendre im peuple recommanda- 
ble. Des Philofophes formèrent fes mœurs 
& lui donnèrent des loix.. 

Si l'on refufe d'ajouter foi aux tradi- 
tions qui nolis difent que les Orphée ôf 
les Amphion attirèrent les hommes du 
fond des forçts par la douceur de leurs 

efl forcé '^. pair Vhiftoire , de 



chants, on 

convenir que cette heureufe révolution efl: 
due aux Artsutile^.&ç^uxSçienceSf Quels 
ho^imes étoient-ce que ces i^repiiers Légi ^ 
lateurs de la Grèce ?.,. Peut-on nier qu'ils 
ne fuflent les p3^ vertueux & les plus 
fav^uîs de leur iîec^ç î Ils avoient acquis 
tout ce que l'étude & la réflexion peu- 
vent ddni^r de lumière à Refprit , & il» 
fSufpl* de U ColUc/ 'toïiçit t O 






314 PiSCpURS SUR L£S 



y avoient joint lè$ feccmrs de rexpérîencé 
par les voyages qu'ils avoient entrepris 
en Crète, en Egypte , chez toutes les 
nations oh ils javpient cru trouver à is'int- 
truire^ 

Tandis qu'ils établiflbient leurs Avers 
fyftêmes de politique, par qui lès paifions 
partiçjiilierf s dëvenpient ie plus iur înÀru» 
ment du bien public , & >qiu Ëtifoient 
germer la vçrtu du fein même de Pamour- 
propre ; d'autres Philofophes écrîvoient 
^ur fci iTior5ile ^ remontoient aii;5c premiers 
principes des chofts , obfervoîent la nature 
. & {e,s eStt^ Lar gloirç de Tefprit & celle 
jdes armes avançoipnt 4'pn pas &al ; les 
fages & lès héros naiffçîent en foule ; à 
côt^ des MiUiade 8c des Thémiftoçle., on 
^rouvoit les jAriftide & i^ Socrate.- La 
fupetbe Afie y^t brifer fei forces mnom- 
brahlps , contre iine poignée d'hommes ^ 
que la Philofopltie condiiifoit à la gloire, 
^el eft rinfanlible e^ (des connoiffances 
^e l'efpnt ; les mcpurs & les loix font la 
feule fpurîce du y^içzfljlp héroïfine. En 
im mot, la Grepe ^ut tout aux Sciences^ 
^ le refte du monde dut tout à la Gjrece. 
C)ppoliei3sjt-an â ce J^çrUlai^ tableau les 



Ay/lstages DE5 Sciences , &c. j 1 5 

mœurs groffieres des Perfes & des Scythas ? 
J!admirei:ai , fi Ton veut, des peuples qui 

Eaffem leur vie à la guerre ou dans les 
ois , qui couçheat fur la terre , & vivent 
de légumes. Mais eft-ce oarini eux qu'on 
ira chercher le bonheur) Quel fpeftacle 
nous préfenteroit le genre-Humain, çom- 
pofé uniqu^nent de labo)Lireurs , de fol- 
fiats , de ctefleurs & de bergers ? Faut-il 
donc , pour être digne du noiji dTiOTime, 
vivre comme les lions & les oius ? Eri^ 
gera-tron «n vertus ^ les fecultçs de l'irjt 
tinô pQiu: fc nourrir, fe perpétuer & fe 
défendre? Je ne vois là.que.de.s vertus 
/immaies ^ pieu conformes a la jdiçiité de 
notre être ; le corps eft exprcé, mais Tacne 
^fclave ne i&it que ramper & languir. 

Les Perfes n'eurent pas plutôt fait Igi con- 
quête de TAfie , qu'ils perdirent leurs 
mœurs; les Scythes dégenérer^ent auffi , 
quoique pks tard ; des vertus fi feuvages 
font ttop contraires à r.humanité , pour 
^tre durcies ; fe priver de tout ^ -ne di- 
iirer rien , eft -un état trop violent ; ijiae 
ignorance fi groiïiere ne fauroijt être qu*ua 
mtde paffage. Il n'y a que la ftupidité & la 
jnifere qui puiffent y affujettir les homiues» 



i6 Discours sur les 



■^— ^f— ■— ^■■^f I ' 



Sparte, ce phénomène politique, cette 
république de foldats vertueux , eft le feul- 
peuple qui ait eu la gloire d'être pauvre 
par inftitution & par choix. Ses loix fi 
admirées avoient pourtant de grands dé- 
fauts. La dureté des maîtres & des pères , 
rexpofition des enfàns , le vol autorifé , la 
pudeur violée dans l'éducatiofi & les maria* 
ges , une oifiveté éternelle , les exercices 
du corps recommandés uniquement , ceux 
de Pefprit proferits & méprifés , Tauftérité 
& la férocité des mœurs qui en étoient la 
fuite , & qui aliénèrent bientôt tous les 
alliés de la république, font déjà d'affez 
juftes reproches : peut-être ne fe borner 
roient-ils pas là , fi les particularités de 
fon hiftoire intérieure nous étoient miemf 
conhues. Elle fe fit une vertu artificielle 
en fe privant de Tufage de Tor , mais q\ie 
devenoient les vertus de fes citoyens , 
fi-tôt qu^ils s'éloignoient de leur Patrie } 
Lyfanàre & Paufanias n'en fiirent que plus 
^ifés à corrompre. Cette nation qui né 
reipiroit que la guerre , s'eft-elle fait une 
gloire plus grande dans les armes que i^ 
rivale , qui avoit réuni toutes les fortes dé 

gloire? Athçnes nç fufpas moins guerrierç 



r» ■ ■ • ■ i' ■ '*■ > 

Avantages des Sciences, &c 317 

qiie Sparte; elleflit de plus iàvante, ingé- 
nieiife & magnifique ; elle enfanta tous les 
.Arts & tous les talens; & dans le fein 
même de la corruption qu'on lui reproche , 
elle donna le jour au plus fage des Grecs. 
Après avoir été plufieurs foi$ iiir le point 
de vaincre, elle fut vaincue, il eftvraî, 
& il eft furprenant qu'elle ne Teùt pas été 
plutôt , puifque rÂttique étoit un j)ays 
tout ouvert , & qui ne pouvoit fe defen* 
* dre que par une très-grande liipériorité de 
^fuccès. La gloire des Lacédémom^ns fut 
peu folide ; la profpérité corrompit leufi 
inâitutions, trop bizarres pour pouvoir 
ie cooferver long^tems : la fiere Sparte 
perdit fes moeurs comme la favante Athè- 
nes. Elle ne fit plus rien depuis qui fiit 
digne de fa réputation.: & tandis que les 
Athéniens & plufieurs autres villes lut- 
toient contre la Macédoine , pour la liberté 
delà Grèce, Sparte feule languiffoit dans 
le repos, & voyoit préparer de loin fa 
deftniftion, fans fonger à la prévenir. 

Mais enfin je fuppofe que tous les Etats 
dont la Grèce étoit compofée, euflent fuivi 
les mêmes loix que Sparte , que nous 
rçfteroit-il de cette contrée fi célèbre ? A 

03 



g= =- . = 

318 Discours sur les 

peir e fon nom feroît parvenu jufqu'à nôiis. 
Elle auroit dédaigné de former des hifto- 
riers, pour tranfmettre fa gloire à la pofié- 
rité ; le fpeftacle de {es farouches vertus 
^iit été perdu pour nous : il nous ièroft 
indifférent par conféquent qu'elles euifent 
exifté ou non. Ces nombreux fyftêmes 
de Philofophie qui ont épuiië toutes les 
combinaifons poffibles de nos idées , 6c 
qui y s'ils n'ont pas étendu beaucoup les 
limites de notre efprit , nous ont appris 
du moins où elles étoient ûxées ; ces chefs- 
d'œuvre d'éloquence & de poéfie qui nous 
ont enfeigné toutes les routes du cœur ; 
les arts utiles ou agréables , qui confen- 
vent ou embelliffent la vie ; enfin l'ineûi- 
mable tradition des penfées & des aâions 
de tous les grands nommes y qui ont fait 
la gloire ou le bonheur de Thumanité : 
toutes ces précîeufes richeffes de l'efprit 
euifent été perdues pour jamais. Les fiecles 
fe feroient accumulés , les générations des 
hommes fe feroient fuccédécs comme celles 
des ahimaux , fans aucun fiint pour leur 
poflérité , & n'auroient laiffé après elles 
qu'un fouvenir confiis de leu;* exiflence ; 
le monde auroit vieilli^ &c les hommes 



Wt ^ *' r ' ' ' ^ *À 



Avantages des Sciences , 6cc. 3 19 



Wll « ' * 



/eroient demeurés dans une enfence éter- 
nelle. 

Que prétendent enfin les ennemis de la 
fcience r .Quoi ! le don de penfer feroit 
un prefent funefte tle la Divinité ! Les 
connoiiTances & les mœurs feroient in- 
, compatibles ! La vertu feroit un vain 
fentome produit par un inftinÔ aveugle,'; 
& le flambeau de h raifon la feroit éva- 
nouir , en voulpt rédaircir ! Quelle 
étrange idée vouaroit-on nous donner & 
de la raifon & de la vertu ! 
' Comment prouve -t* on de fi bizarres 
paradoxes ? On objeÔe que les Sciences 
& les Arts ont porté un coup mortel aux 
mœurs anciennes , aux inftitutions primi- 
tives des Çtats : on cite pour exemple 
Athènes &Rome« Euripide ôcDémoilhene 
ont vu Athènes livrée aux Spartiates & aux 
Macédoniens : Horace , Virgile & Cicéron 
ont été contemporains de la ruine de la 
liberté Romaine ; les uns & les autres ont 
été témoins des malheurs de leur pays : 
ils en ont donc été la caufe. Conféquenoe 
peu fondée , puifqu*on en pourroit dire 
autant de Socrate ci de Caton. 

En accordant que l'altération des ioix 

O 4 



310 ' Discours sur les 

'& la corruption des mœurs ayent beau- 
coup influé fur ces grands événemens, me 
forcera-t-on de convenir que les Sciences 
& les Arts y ayent contribué- } ' La cor- 
ruption fuit de près la profpérité ; les 
Sciences font pour l'ordinaire leurs plus 
rapides progrès dans le même tems : des 
thofes fi diverfes peuvent naître enfemble 
& fe rencontrer : mais c'eft fans aucune 
relation cntr'elles de catjfe & d*effet. 

Athènes & Rome étoient petites & pau- 
vres dans leurs cômmencemens ; tous leurs 
citoyens étoient foldats, toutes leurs vertus 
étoient néceiTaires , les occafions même de 
corrompre leurs mœurs n'exiftoient pas. 
Peu après elles acquirent des richefles & 
de la puiflànce. Une partie des citoyens 
ne fut plus employée à la guerre ; on 
apprit à jouir & à penfer. Dans le feîn de 
leur opulence ou de leur loifîr , les uns 
perfeûionnerent le luxe , qui âiit la plus 
ordinaire occupation des gens heureux ; 
d'autres ayant reçu de la nature de plus 
favorables difpofitions , étendirent les luni- 
tes de Fefprit, & créèrent une gloire nou- 
velle. , 
' Ainfi tandis que les uns ^ par le fpeôade 



^■ 1 I I' I t I 1 I I I I . 1 »i 



Avantages des Sciences , &c.« 3 x i 






des richeffes & des voluptés , profa- 
noient les loix 6c les mœurs ; les autres 
allumolent le flambeau de la Philofophle 
& des Arts , inftruifoient , ou célébroient 
les vertus , & donnoient naîflànce à ces 
noms (i chers aux gens qui fkvent penfer , 
Tatticifine & Ptirbanité. Des occupations 
fi oppofées peuvent- elles donc mériter les 
mêmes qualifications ? Pouvoient-elleà pro- 
duire les mêmes effets ? 

Je ne nierai pas que la corruption gé- 
nérale ne fe foit répandue quelquefois juf^ 
ques fur les Lettres , & qu'elle n'ait pro- 
Quit des excès dangereux ; mais doit-on 
confondre la noble deftination des Scien- 
ces avec Tabus criminel qu'on en a pu 
faire î Mettra-t-on dans la balance quel- 
<|ues épigrammes de Catulle ou de Mar- 
tial, contre les noinbreux volumes phi- 
lofophiques » politiques & moraux de Ci- 
céron , contre le fàge poëme de Virgile ? 
D'ailleurs, les ouvrages licencieux font 
ordinairement le fruit de l'imagination , & 
non celui de la icience & du travaiL Les 
hommes dans tous les tems & dans tpu^ 
les pays ont eu des paiîions ;vils les ont 
chantées. La France avoit des romanciers 

05 



321 Discours sur les 

— — 1— — — ^— — — p— — — ■■ ■ I ii—^— ^ 

ôç des Troubadours , long-tems avant 
qu'elle eût des favans & des philofophes. 
En fuppofant donc que les Sciences &c les 
Arts euffent été étouffés dans leur ber- 
ceau , toutes les idées infpirées par les 
paffions n'en auroient pas moins été réa- 
lîfées en profe & en vers ; avec cette dif- 
férence I que nous aurions eu de moins 
tout ce que les philofophes , les poètes 
& les hiftoriens ont feit pour nous plaire 
pu pour nous inftniire. 

Athènes fiit enfin forcée de céder à la 
fortune de la Macédoine ; mais elle ne 
céda qu'avec l'univers. C'étoit un torrent 
rapide qui entraînoit tout : & c'eft perdre 
le tems que de chercher des caufes par- 
ticulières f où l'on voit une force fupé- 
jrieure fi marquée. 

Rome 9 maitreffe du monde , ne trou- 
voit plus d'ennemis; il s'en forma dans 
fon fein. Sa grandeur fit là perte. Les loix 
d'une petite ville n'étoient pas faites pour 
gouverner le monde e:nîer ; elles ave ient 
pu fuffire contre les factions dts ManUus » 
des Caffius & des Gracques : elles fuccooH 
berent fous les armées de Sylla , de Céfar 
& d'Oâave : Rome perdit fa liberté^ mais 



Avantages des Sciences, &c. 323 

elle conferva fa puiffanoe. Opprimée par 
les foldats qu'elle payoit , elle etoit encore 
la terreur des nations. Ses tyrans étoient 
tour-à-tour déclarés pères de la Patrie & 
snaiTacrés. Un monftre indigne du nom 
d*homme fe fàifoit proclamer Empereur ; 
& raugufte Corps du Sénat a*avoît plus 
d'autres fonftions que celle de le mettre 
au rang des Dieux. Etranges alternatives 
d'efclavage & de tyrannie , mais telles 
qu'on les a vues dans tous les Etats où 
la milice difpofoît du trône. Enfin de nom- 
breufes irruptions des Barbares vinrent 
renverfer & foxiler aux pieds ce vieux 
coloffe ébranlé de toutes parts ; & de fes 
débris fe formèrent tous les Empires qui 
ont fubfiilé depuis* 

Ces fangtantés révolutions 'Ont- elles 
donc quelque' chofe de commuftayec les 
progrès des Lettres ? Par-tout je vois des 
cau^ jmremetit politiques» Si Rome eut 
encore xjuelques beaux joi^rs, ce fiit fous 
des Empereurs Philofophes. Séneque a-t-il 
donc été le corrupteur de Néron ? Eft-ce 
l'étude de la Philofopbie & des Arts qui 
Ht autant de monfires , des Calg ik , des 
Domhien^ des Héliogabale? Les Lettres 

O 6 



324 Discours sur les 



qui s'étoient élevées avec la gloire de 
Rome ne tombèrent- elles pas fous ces 
règnes cruels ? Elles s'affoiblirent ainfi par 
degrés avec le vafte Empire auquel la des- 
tinée du monde iembloit être attachée. 
Leurs ruines furent commîmes , & Kff^o- 
rance envahit Tunivers une féconde fois, 
avec la barbarie & la fervitude , fes com- 
pagnes fidelles. 

Difons donc que les Mufes aiment la 
liberté j la gloire & le bonheur. Par-tout 
je les vois prodiguer leurs bienfaits fur 
les nations , au moment oîi elles font les 
phis floriffiintés. Elles n*ont plus redouté 
les glaces de la Ruffie , fi-tôt qu'elles ont 
été attirées dans ce puiiTant Empire par 
le héros' fingulier , qui en a été , pour 
ainfi dire , le cré&teur : le légiflatetu: de 
Berlin ^ le conquérant de la Siléfie , les 
iîxe aujourd'hui dai^ le nord de rAllema:- 
gne , qii'cUes font retentir de leurs chants. 

S'il eft arrivé quelquefois que la gloire 
^es Empires n*a pas* furvécu long-tems à 
celle des Lettres , c'eft qu'elle étoit à fon 
comble, lorfq\ie les Lettres ont été cul- 
tivées, & que le fort des chofes humai» 
Dçs €& de ne pas durer long-tems dans ^ 



Avantages DES Sciences , &c, J25 

même état. Mais bien loin que les Scien- 
ces y contribuent , elles périffent infailli- 
blement frappées des mêmes coups ; ta 
forte que l'on peut obferver j^ue les pro- 
grès des Lettres & leur déclin font ordij 
nairement dans ime jufte proportion avec 
la fortune & Tabaiflement des ^Empires. 

Cette vérité fe confirme encore par 
l'expérience des derniers tems. L'efprit 
humain , après une éclipfe de plufieurs 
fiecles , fembla s'éveiller d'un profond 
fommeil. On fouilla dans les cendres art- 
tiques, & le feu facré fe ralluma de toutes . 
parts. Nous devons encore aux Grecs cette 
féconde génération des Sciences- Mais dans 
quel tems reprirent- elles cette nouvelle 
vie ? Ce fut lorfque l'Europe ^ après tant 
4e convulfions violentes 9 eut enfin pris 
ime pofition affurée,, & une forme plus 
heureufe. 

Ici fe développe un nouvel ordi^ de 
chofes. Il ne s'agit plus ctc c^s^ petits 
Royaumes domeftiqués, renfermés dans 
Fenceinte d'une ville : de ces peuples con- 
damnés à combattre pour leurs héritages 
,& leurs maifons , tremblans fans cefle 
pour Une Patrie toujours prête à leur. 



3^6 Discours sur les 

■— ^M— ^— — — — ■ I I ■ I ■ 1^—.— l I — ■— —— ^— 

échapper : c'eft une monarchie vafte & 
pumante , combinée dans toutes fcs par- 
ties par une légiflation profonde. Tandis 
que cent mille foîdats combattent gaîment 
pour la fureté de l'Etat, vingt millions 
de citoyens, heureux & tranquilles, oc- 
Cupés à fa profpérité intérieure , cultivent 
&ns alarmes les immenfes campagnes , 
font fleurir les loix , le commerce , les 
Arts & les Lettres dans l'enceinte des vil- 
les : toutes les profeflions diverfes , ap- 
pliquées uniquement à leiur objet , font 
maintenues ctans un )ufle équilibre , Sc 
dirigées au bien général par la main puif^ 
fante qui les conduit & les anime. Telle 
eft la foible image du beau règne de Louis 
XIV , & de celui fous lequel nous avons le 
bonheur de vivre : la France riche , guer- 
rière & iavante , eft devenue le modèle 
& l'arbitre de TEurope ; elle fait vaincre 
& chanter ûs viâoires: fes Philofophes 
jnefurent la terre , & fon Roi la pacifie. 
Qui ofera foutenir que le courage des 
François ait dégénéré depuis qu'ils ont 
cultivé les Lettres ? Dans quel ficcle a-t-U 
éwlaté plus glorîeufemem qu'à Montalban , 
LsLifkk, 6c dans^ taxa d'autres occaûoos 



Avantages DES Sciences , &c. 327 



qiie je pourroîs citer î Ont-ils jamais feit 
paroître plus de conftance que dans les 
retraites de Prague & de Bavière î Qu'y 
a-t-il enfin de Uipérieur dans l'antiquité 
au fiége de Berg-op-Zoom , & à ces bra- 
ves grenadiers renouv-ôllés tant de fois, 
qui voloient avec ardeur aux mêmes pot- 
tes , 011 ils venaient de voir foudroyer 
ou engloutir les héros qui les précédoient. 
En vain veut-on nous perfuader^que le 
rétabliffement des Sciences a gâté les 
mœurs. On eft d'abord obligé de con* 
venir que ks vices groflîers de nos an^- 
cêtres font prefqu'entiérement profcrits 

parmi nous* 

Ceft déjà un grand avantage pour la 
caufe des Lettres , que cet aveu qu'on eft 
forcé de faire. En eftet , les débauches , les 
querelles & les combats qui en étoicnt 
les fuites^ les violences des grands, la 
tyrannie des pères > la bizarrerie de la 
vîeilleffe , . les égaremens impétueux, des 
jeunes gens , tous ces excès fi commims 
autrefois , funeftes effets de l'ignorance &C 
de I,*oifiveté,n'exiftent plus depuis que nos 
mœurs ont été adoucies par les connoif» 
fances dont tous les efprits font occupée du 
jtmufés. 



3i8 Discours sur les 



On nous reproche des vices rafinés & 
-délicats ; c'eft que par-tout où il y a des 
hommes , il y aura des vices. Mais les 
voiles ou la parure dont ils fe couvrent, 
font du moins Taveu de leur honte , 6c 
un témoignage du refpeâ public pour la 
vertu. 

S'il y a des modes de folie , de ridi- 
cule & de corruption , elles ne fe trou- 
vent que dans la capitale feulement , 6c 
ce n'efi même que dans un tourbillon 
d'hommes perdus par les rîcheffes & Toi- 
fiveté. Les Provinces entières & la plus 
grande partie de Paris, ignorent ces excès, 
ou ne les connoillent que de nom. Ju- 
gera-t-on toute la nation fur les travers 
aun petit nombre d'hommes ? Des écrits 
ingénieux réclament cependant contre ces 
abus ; la cormption ne jouit de {es pré- 
tendus fiiccès que dans des têtes ignoran- 
tes ; les Sciences & les Lettres ne ceffent 
point de dépofer contre elle; la morale 
la démarque , la philofophie humilie fes 
petits triomphes ; la comédie , la fatire, 
l'épigramme la percent de mille traits. 

Les bons livres font la feule défenfe 
ikf efpnts foibles , ip'eft*à-dire ^ des trois 



If ' I* 



E 



Avantages des Sciences, &c. '319 

^ ■ ■ ■ I ■ I I . I I I .1 m 

3 watts des hommes , contre la contagion 
e l'exemple. Il n'appartient qu'à eux de 
conferver fidellement le dépôt des mœurs. 
Nos excellens ouvrages de morale furvi- 
vront éternellement à ces brochures lî- 
cencieufes | qui difparoiffent rapidement 
avec le goût de mode qui les a fait naître. 
Ceft outrager injuftement les Sciences & 
les Arts, que de leur imputer ces pro- 
duâions honteufes. L'eiprit feul , échauffé 

arlespaffionsy fuffit pour les enfanter. 

.es Savans , les Philofophes 9 les grands 
Orateurs & les grands Poètes , bien loin 
d'en être les auteurs , les méprifent, ou 
inême ignorent leur exigence : il y a plus, 
dans le nombre infini des grands Ecri- 
vains en tout genre qui ont ifiuftré le der- 
nier règne , à peine en trouve-t-ôn deux 
ou trois qui aient abufé de leurs talens. 
Quelle proportion entre les reproches 
qu'on peut leur feire , & les avantages im- 
mortels que le genre- humain a retirés des 
Sciertces cuhivées ? Des Ecrivains , la plu- 
part obfcurs , fe font jettes de nos jours 
dans de plus grands excès ; heureufement 
cette corruption a peu duré ; elle paroît 
prèfque entièrement éteinte' ou épuifée. 



s 



^mt 



330 . Discours sur le* 



■ki*Mta 




point 
reproches à faire aux Lettres. 

Je pourrois me difpenfer de parler du 
luxe 5 puifqu'il naît immédiatement des 
richefles , & non des Sciences & des Arts^ 
Et quel rapport peut avoir avec Ws Let- 
tres le luxe du fafte & de la molleffe , 
aui eft le feul que la morde puiffe goûx 
amner ovi reôreîndre } , 
Il eft, à b vérité, une forte de lux^ 
ingénieux & favant qui anime les Arts 8» 
les élevé à la perfeaion. Ceftlui qui muti 
tiplie les prodeiâïôns de la peinture^ de 
la fculpture & de la mufique. Les cho- 
fcs \^^ plus louables en elles-mêmes doi- 
vent avoir leurs bi^rnes \ & une natioii 
feroit juftement méprifçe , qui , pour aug-. 
menter le nombre des peintres & des m«" 
iiciens , fe laifferoit manquer de labou« 
reurs & de foldats. Mais lorfque les ar- 
mées font complètes , & la terre culti- 
vée , à quoi employer le loifir du refie 
des citoyens ? Je ne vois pas pourquoi 
ils ne pourroient pas fe donner des 
bleaux, des fiatues& des fpeâades. 



Avantages des Sciences , &c. 331 



Vouloir rappeller les grands Etats aux 
petites vertus des petites Républiques , deft 
vouloir contraindre un homme fort & 
robufte à bégayer dans un berceau ; c etoit 
la folie de Caton : avec l'humeur & les . 
préjugés héréditaires dans ù famille , il 
déclama toute fe vie , combattit , & mour 
fut enfin fans avoir rien feit d'utile pour 
fe Patrie. Les anciens Romains labouroient 
d'une main & combattoient de Fautre. 
Cétoient de grands hommes , je le crois , 
quoiqu'ils ne fiffentque d« petite chofes: 
ils fe confecroient tout entiers à leur Pa- 
trie , parce qu'eUe étoit éterneUement en 
danger. Dans ces premiers tems on ne 
favoit qu'exifter ; la tempérance & le cou- 
rage ne pouvoient être de vraies vertus , ce 
n'Itoit que des qualités forcées : on etoit 
alors dans une impoffibilité phyfique d être 
voluptueux ; & qui voidoit être Isiche , 
devoitfe réfoudre à être efclave. Les Etats 
s'accrurent : l'inégalité des biens s intro- 
duifit néceffairement : un Proconlul d AUe 
pouvoit-il être aufli pauvre que ces Con- 
fuls anciens, demi - bourgeois & demi- 
payfens , qui ravageoient un jour les 

champs dçs Fidénates, 6c revenoient 1« 



Itt 



531 Discours sur les 



i*i^faK^BMmriibMtaHBa*ABi^MaCa 



lendemain cultiver les leurs î Les circonl*- 
tances feules ont fait ces différence» : la 
pauvreté ni la ridieAe ne font point la 
vertu ; elle eft uniquement dans le bon 
ou le mauvais ufage des biens ou des 
maux que nous avons reçus de la nature 
&de la foTtunei 

Après avoir jiîftifié les Lettres fur l*ar- 
ticle du luxe , il me refte à faire voir que 
la politefle qu'elles ont introduite dans nos 
mœiu-s 9 efl un des plus utiles préfens 
qu'elles puâènt faire aux hommes* Sup« 
pofons que la politeffe n'eft qu'un ma£> 
que trompeur qui voile tous les vices 5 

£*eA préfenter l'exception au lieu de la 
règle , Se l'abus de la chofe à la place de 
la chofe même. 

Mais que deviendront ces acaifations, 
û la pohtefTe n'efl en effet que l'cxpret 
fion aune ame douce & bienfaifante ? 
L'habitude d'une fi louable imitation fe- 
roit feule capable de neus élever jufqu'à 
la vertu même ; tel efl le mépris de la 
coutume. Nous devenons enfin ce que 
nous feignons d'être. Il entre dans lapo* 
litefTe des inœurs, plus de philofophie 
qu'on ne penfe ; elle refpeûe le nom & 



f ■'! }* "1 , 'I ')', ■ ,' M'I ' J!l ■ , I i I '. I, ili 

Avantages PES Sciences, &c. 33}^ 

* ^ 1 ■■■ ■ I I ■ I 

la qualité d'homme ; elle feule conferve 
cntreux une forte d'égalité fiâive; foi-^ 
bie , mais précieux refte de leur ancien 
droit naturel, Entre égaux , elle devient 
la médiatrice de leur amouri-propre ; elle 
eft le fecrifice perpétuel de Thumeur ÔC 
de Tefprit de fingularité. 

Dira-t-on que tout un peuple qui exerce 
habituellement ces démonftrations de dou- 
ceur , de bienveillance , n'eft compofé qu^ 
de périodes & de dupes ? Croira-t-on que 
tous foient en jnêmç tems & trompeiurs 
& trompés?. 

Nos cœurs ne font point affcz parfaits 
pour fe montrer fans voile : la politeffe 
eft un vernis qui adoucit les teintes tran* 
chantes des caraôeres ; elle rapprochç les 
hommes , & les engage à s^aimer par le$ 
reffemblances générales qu'elle répand fur 
eux ç fans elle , la fociété n'offriroit qwç 
des-difparatçs & des chocs ; on fe haïroit 
par les petites chofes ; & avec cette dit 
pofition , il f(?roit difficile de s'aimer mên>4 
pour les plus grandes qualités. On a pîu$ 
fouvent befoin de çojnpîaiiànce que dç 
fervices ; l'ami le plus généreux m'obligera 
jpeiitltre fout au plus vinç fois dans^fe viç> 



336 Discours sur les 



regardées d'abord que comme l'objet de. 
k curiofité la plus vaine, eft devenue une 
des fciences la plus utile, La propriété fin. 
guUere de Taimant , qui n'étoit pour nos 
pères qu'ime énigme nrivole de la nature, 
nous a conduits comme par la maiu à tta* 
yers rimmenfité des mers. 

Deux verres placés & taillés rfune cer- 
taine ^uuiiere > nous ont montré une nou» 
velle fçéne de merveilles , que nos yeux 
ne foupçonnoient pas. 

Les expériences du tube éle£bifé fem*_ 
bîoient tfêtre qu'un jeu : peut-être leur 
devra- 1- on un jour la çonnoiflEmce du 
règne univçrfel de la nature. 

Après h découverte de ces rapports fi 
imprévus , fi majeftueux , entre les plu$ 
petites & les plus grandes çhofes , quelles 
çonnoiflances oferions - nous dédaigner ? 
En favons - nous a0ez pour mépnier çr 
que nou? ne fevons pa3 ? Bien loin d'e-» 
touffer la. curiofité , ne femble-t-il pas , 
au contraire , que TEtre fiiprême ait 
voulu la' réveiller par des découvertes 
finguUeres ,. qu'aucune analogiie n'avçit 
jpnoncéej^ } 

^ ^ ^ l'étude 



Avantages des Sciences , &c. 337 



f^tiide de la vérité ? Quelle audace , nous 
dit-on , ou plutôt quelle témérité de s'en- 
gager dans des routes trompeufes , oîi tant 
d'autres fe font égarés ? Sur ces princi- 
^s 9 il n'y aura plus rien que nous o lions 
entreprendre ; la crainte étemelle des 
maux nous privera de tous les biens ôh 
nous aurions pu ' afpirer , puîfcju'ii n*cn 
€ft point Êms mélange. La véritable fa- 
-gefl^ 9 du contraire , confiée feidement à 
tes épurer 9 autant que notre condition le 
permet 

Tous les reproches , oue Ton fait à 
la Philorophie , attaquent 1 efprit humain^ 
ou plutôt l'Auteur de la nature , qui nous 
a fiuts tels que nous fommes. «Les Philo* 
A>phes étoient des hommes ; ils fe font 
trompés* Doit-on s*en étonner ? Plaignons- 
tes 9 proékons de leurs Êiutes , & corri- 
geons-nous; fongeons que c'eft à leurs 
erreurs multipliées que nous devons la 
pofleflion des vérités dont nous jouiiT^ns» 
Il falloit épuiier les combinaifons de tous 
ces diveiis fyftêmes , la plupart fi répré- 
heniibles & fi outrés ^ pour parvenir à 
, quelque chofe de raifcnnable. Mille rou- 
tes conduiront à f erreur ; une feule mène 

$uriU de U CoUw. Tome h P^ 



33* DlSCX>URS SUR LES 

à la yérité. Faut -il être furpris qu'on ft 
foit mépris û fouvent fur celle - ci , & 
qu'elle ait été découverte fi tard ? 
. L'efprit humain étoit trop borné pour 
embraner d'abord la totalité des choies. 
Chacun de ces Philofophes ne voyoit 
i|u'une Êice : ceux-là rafTembloient les mo« 
tifs de douter : ceux-ci réduifoient tout en 
dogmes : chacun d'eux avoit fon principe 
Êivori , fon objet dominant auquel il rap- 
portoit toutes les idées. Les uns faifoient 
entrer la vertu dans la compofition du 
bonheur , qui étoit la fin de leurs recher- 
ches ; les autres fe propofoient la vertu 
même , conune leur unique objet , & iê 
jQattoient d'y rencontrer le bonheur. ïl y 
en avoit qui regardoient la folitude éc h 
pauvreté , comniç l'afyle des mœurs : 
d'autres uf oient des richefies comme d'ua 
infiiaim wt de leur félicité &. de celle d'au- 
trui : quelqueS'^ims fréquentoient les Cours 
& les afTembléçs publiques ^ pour rendre 
leur fegeffe utile aux Rois & aux peuples. 
Un feul homme p'e,il paç tous : un feul 
efprit , un feul fyftême n'e^iferme pa$ 
toute la fcience , c'êft par la bomparaifoa 

4es extrêmes y que l'on faifit enfii^ le juft« 



Avantages ot s Sciei^ces , &c. 3 3 jf 



mÊmm 



milieu ; c'eil par le comL^t des erreur^ 
qui s'entre-^létruifent , que la vérité triom* 
phe : ces diverfes parties fe modifient ^ 
s'élèvent & fe perfeûionnent mutuelle-» 
inent ; elles fe rapprochent enfin , pour 
former la chaîne des vérités ; les nuages 
fe diffipent, & la iumiere de 4'évidençc * 
fe levé. 

Je ne diflimulérai cependant pas que \t$^ 
Sciences ont rarement atteint Tobjet qu*èlle& 
s'étoient propofé. La méthaphyfique vou-^ 
loit connoître la i^atiue des efprits ^ & noa 
pioins utile , peut-êtjçe ^ elle n'a fait que . 
nous développçr^ leurs, opérations : le pny-^ 
fidea a entrepris Thiftoi^e de la nature , oÇ* 
tfs^ imaginé que des romans ^ mais en pour- 
fuivant un opjet chimérique ^ combien n'a- 
t-il pas fait de découvertes admirables h 
La cKymie n'a pu nous donner de l'or ^ 
& ùl folie nous a valu d'autres, miracle^' 
d^ X^^ , analyfes & fes mélanges. - Les 
Sclendes font donc utiles j^fques danis leurs 
4çarts &c leurs dérégleméns ; il n*y a ^ue 
l'ignorance qui n'eu jamais bonne à rien, 
Pçut-çtre. ^t-elles trop/ékvé leurs pré- 
tentions. Les- anciens à ^cet égard paroiC- 
ÛMWt plu^.iàgb gue Qops : nous ayon( 



■*»" 



340 Discours sur les 



^rr^'^r^r^^ 



la manie dç vouloir procéder toujours par 
'démonftrations ; il n'y a fi petit profçfleiir 
qui n'^it fes argumens & tes dogmes , & 
par çonféquent fçs erreurs ^ Tes abfurdi» 
téSf Cic^ron $ç Platon traitoient la Phir 
, ïofophiç en dialogues ; chacun des inter» 
locuteurs fàiifoit valoir fon opinion ; oct 
difputoit 9 on cherclicât 9,. & on ne fe pî» 
«JjiQjt point de prononcer. Nous n'avons 
peut-être que trop écrit fur l'évidence ; 
elle eft plus propre à être fentie qu'à être 
îdéfime : ipais nous avons prefque perdu 
r^rt die comparer Içs probabilité^ 4c les 
yraifemblançes , 6c de calculer le degré 
de confentement au^on leur dpit. Qu'il y 
a peu 4p chofeç démontrées ! 6ç combien 
p'y en a-tril pas , qyi ne font que profea* 
blés ! Ce feroit rendre un grand ierviçf zxnç, 
hopimes quç de doiiner imp méthode pour 
Fopinion, ^ 

[ Lteforit de (y&ème qiTÎ s^eft ionjg-temç 
jattaché à des objets oji nt\e pouvpit prêt 
que que ndu$ égarer ^^vroit régler 1 W 
quîfirion , rençtoîiiemen|: §ç le progrès 
4e nos idées ; nouf avpns be/bin d'un 
prdrè entre le^^^verfes ^ïences , pour 
fcou^ Cpnd\^ç dç$ plus fenplç5 aux pluji 



Avantages des Science^ , Sec. 341 

compofées 9 & parvenir ainû à confiruire 
une efpece d'orner vatoire fpirituel , d*oii 
nous puHHons contempler toutes nos con- 
noifTances ; ce qui eft le plus haut degré 
de refprit. 

La plupart des iciences ont été faites 
au hafard ; chaque Auteur a fuivi l'idée 
qui le dominoit , fouvent fans favoîr oii 
«lie devoit le conduire : un jour viendra 
où tous les livras feront extraits & re- 
fondus y conformément à un certain fyf- 
tême qjs?on fe fera formé ; alors les efprits 
ne feront plus de pas inutiles , hors de la 
route & fouvent en arrière. Mais quel efl 
le génie en état d'embrafler toutes les con- 
noiflances humaines , de choifir le meil- 
leur ordre pour les préfenter à l'efprit ? 
Sommes -nous aifez avancés pour cela ? 
11 efl du moins glorieux de le tenter : 
la nouvelle Encyclopédie doit former 
une époque métnorable dans Fhiiloii-e des 
Lettres. 

Le temple des Sciences efl un édifice 
immenfe , qui ne peut s'achever que dans 
la durée des fiecles. Le travail de chaque 
homme eft peu de cho{e dans un ouvrage 
it yafle ; niaiS^le travail de chaque homme 

p j 



I '■■•'■— 



341 Discûbits SUR tES 

y eft nécefhxiél Le nnfletu qiii porte (ci 
eaux à la mer , doit - il s^arrêter dans fâ 
courfe , en confîdéraiit la petiteflè de fon 
tribut } Quels éloges ne doit-on pas à ces 
hommes . généreux , qui oat perce & éfcrit 
pour la poôérité ? Ne bornons point nos 
idées à notre vie propre ; étendons-les fur 
la vie totale du genre-humain ; méritons 
d*y participer , & que llnflant rapide où 
nous aurons vécu y foit digne d'être mar- 
qué dans fon hiftûire. 

Pour bien jtiger de Télévation d'imphi- 
lofophe , ou d'un homme de Lettres ^ au- 
deÏTus du commun des hommes , il ne 
faut que confidérer le fort de leurs pen- 
fées : celles de Pun , utiles à la fbciété gé* 
nérale , font immortelles , & confacrées à 
Fadmîratio;! de tous les fiecles ; tandis 
que Us autres voient difparoître toutes 
leurs idées avec le jour , la cîrconftance , 
le moment qui les a vu naître : chez les 
trois quarts des hommes , le lendemain ef- 
fece la veille , fans qu^il en refte la moin^ 
dre trace. 

Je ne parlerai point de Taftrologie judi- 
daire ^ de la cabale ^ & de toutes les 
iciences qu^on appeUoit occukes : çltçs 



Avantages des Sciences , &c. 34; 

fc*i^^t—— I I 1— —ifc^—i———p— —————— ^iW^——^ 

n'ont fervi qu'à prouver que la cuHofité 
eft lui penchant invincible ; 6c quand les 
vraies Sciences n'auroient Eut que nous 
délivrer de celles qui en ufut^ient fi hon^ 
teufement le nom , nous leur devrions déjà 
beaucoup. 

^ On nous ôppofe un jugement de Socrate i 
Gui porta non fur les favans y mais fur les 
fopmiles ; non fur les Sciences ^ mais fur 
l'abus qu'on en peut faire : Socrate étoit 
chef d'une feâe qui enfeignoit à douter , 
& il cenfuroit , avec juftice , l'orgueil de 
ceux qui prétendoient tout favoir. La 
vraie fcience eft bien éloignée de cette 
âfFeâation. Socrate eft ici témoin contre 
lui-même ; le plus iavant des Grecs ne 
rougifToit point de fon ignorance. Les 
Sciences n'ont donc pas leurs fources dans 
nos vices ; elles ne font donc pas toutes 
nées de l'orgueil humain ; déclamation 
vaine , qui ne peut faire illufîon qu'à des 
efprits prévenus. 

On demande^ , par exemple , ce que 
deviendroit l'hiftoire , s'il n'y avoit nî 
guerriers , ni tyrans , ni confpirateurs. Je 
réponds , qu'elle feroit l'hiftoire des ver* 
tus des hommes. Je dirai plus ; fi les hom« 

P4 



■ ■' ■ ' ' - ■ " ■■ 

344 DiSCOVRS SUR LES 

mes étoient tous vertueux , ils n*auroient 
plus befoin ^ ni de )uges y ni de magiilrats , 
m de fokiats. A quoi s'occuperozent-ils ? 
Il ne leur refteroit que les Sciences &c les 
Arts» La contemplation des chofes , natu- 
relles j l'exercice de l'efpnt font donc la 
1>lus nol)lé & la plus pure ibnâion de 
liomme* 

Dire crue les Sciences font nées de Toi- 
£veté > c eil abu&r viûblement des termes. 
Elles naiflent du loiiir ^ il eft vrai ; mais 
elles earantiflent de Toifiveté. Le ' citoyen 
<nie ^s befi>ins attachent à la charrue , 
neû pas {dus occupé que le géomètre 
ou l'anatomiile ; j'avoue que fon travail 
eft de première néceflité : mais fous pré« 
texte X]ue le pain e& néceflaire , &ut-il que 
tout le monde fe mette à labourer la terre } 
& parce qu'il eft plus néceffaire que les 
loix , le UuK>ureur fera-t-il élevé au-deflus 
du magiftrat ou du miniflre ? Il n*y a point 
d'abfurdités où de pareils principes ne put 
fent nous conduire. 

Il femble» nous ditron, qu'on ait trop 
de laboureurs y & qu'on craigne de man- 
quer 4c Philofophes. Je demanderai à mon 
tour y û l'on craint que les profeffioiis lu- 



Avantages des Sciences , &c. 345 

■ - - - - ■- - - ^ — I — 

cratives ne manquent de fujets pour les 
exercer. Ceft bien mal connoître Tem- 
pire de la cupidité ; tout nous jette dès 
notre enfance dans les conditions utiles ; 
& quels préjugés nVt-on pas à vaincre^ 
quel courage ne faut-^l pas , pour ofer 
n'être qu'un DefcaJrtes , unNevton, im 
Locke î 

Sur quel fondement peut-on reprocher 
aux Sciences d'être nuifibles aux quaTités 
morales î Quoi ! l'exercice du raifonne- 
ment , qui nous a été donné pour guide ; 
les Scientes^ mathémàtiqueé , qiii, en ren- 
fermant tant d'utilités relatives à nos be- 
foins préfens^ , tiennent l'efpritfi éloigné 
àçs idées infpirées par les ftns & par la 
cupidité ; l'étiide de l'antiquité , qui fait 
partie de l'expérience , la première .fciente 
de Fhpmme ; les obfervations de la nature, 
û néceffiaiires à la confervatîon 4e notre 
&trc , & qui nous élèvent jufqu'à fon Aa-^ 
teur : toutes ces connoiffatices contribue-' 
roii^nt à détruire les mœurs ! Par quel pro- 
dige opéreroient-ellés un effet li contraire 
aux objets qu'elles fe propofent f Et cm ofe 
traiter d'éducation infenfée celle qui oc- 
* cuf)e la jeuriefTe de tout ce qu'îly a jamais 

p 5 



34^ Discours sur les 

eu de noble & dVtik dans Te^rit des 
boflimes ! Quoî^ les miniâres d\ine re* 
lieion pure & iainte , à qui la ^eunefle 
clt ordinairement confiée panni nous ^ lui 
laifferoient ignorer les devoirs de ïboîmnc 
& du citoyen !: Suffit- il d^avancer une im- 
putation u injufte , pour la perfiiader t 
On prétend nous ^re regretter Téducar 
lioa des Perfes ^ cette édUicatioa fondée 
j^r des principes barjxures j qui donnoit 
un gouveftieur pour apprendre à ne rien 
craindre ^ un autre pour la tempérance ^ 
un a;itre edfia ppur enseigner à ne point 
.mentir; c(>jaàmt ù les vertus étoient di* 
vifées., &., de voient former chacune un 
art réparé, ^a vertu eft un être unique , 
indivifible : il s'agit de Tinipirer > non de 
renfejgner ; d^en faire aimer la pratique y 
&c non d'en démontrer la théorie*. 

On (e , livre eni\iite à de nouvelles dé* 
ctam^tions contre les Arts & les Scien^ 
. ces y fous prétexte que le luxe va rare* 
ment ians. elles, & qu'elles ne vont ja« 
mais iàns lui. Q^iaod ^'accorderons cette 
proportion , que pourroit-on en condu- 
. re / La plupart des Sciences me paroit 
Jknt d'abord parâûtement d^teiefiSses 



Ammmmm 



Avantages des Sciences , &c. 3 47 

dans cette prétendue objeôion : le Géo- 
ilietre , rAftronome , le Phyficien ne font 
pas fufpeâs affurément, A l'égard des Arts , 
s^ils ont en effet quelque rapport avec le 
luxe 9 c*eft un côté louable de ce luxe 
même 9 contre lequel on déclame tant, 
fans le bien connoître. Quoique cette quet 
tion doive être regardée comme étran- 
gère à mon fujet , je ne puis m'empê- 
cher de dire , que tant qu'on ne voudra 
raifonner fur cette matière que par com- 
paraifon du paffé au préfent, on en ti- 
rera les plus mauvaifes conféquences du 
monde. Lorfque les hommes marchoient 
tout nuds , celui qui s'avifa le premier de 
porter des fabots paffa pour un volup- 
tueux : de iiecle en fiecle , on n'a jamais 
cefle de crier à la corruption , fans com- 
prendre ce qu'on vouloit dire ; le préjugé 
toujours vamcu y ren^flbit fîdellement à 
chaque nouveauté. 

Le commerce & le luxe font devenus 
les liens des nations. La terre avant eux 
n*étoit qu'un champ de bataille , la guerre 
im brigandage ^ & les hommes des bar- 
bares , qui ne fe croyoient nés que pour 
s'affervir • fe piller , & fc maffacrer mu- 

y 6 



348 Discours svr les 



tucUement. Tels étoîent ces fiecles anciens 
que Ton veut nous faire regretter. 

La terre ne fuffifoit ni à la nourriture , 
ni au travail de fes habitans ; les Aijets 
devenoientià charge à l*Etat ; fi-tôt qu'ils 
étoient àéfarmés , il falloit les ramener à 
la guerre pour Te foulager d*un poids in* 
commode. Ces émigrations effroyables des 
peuples du nord , la honte de rhumanité , 

3ui détniifirent l'Empire Romain , & qui 
éfolerent le neuvième fiecle^ n'avoient 
d'autres foi*rces que la mlfere d'un peu- 
ple oifif. Au défaut de Té^alité des biens , 
qui a été long-tems la chimère de la po- 
litique , & qui eft impoflible * dans les 
grands Etats ^ le luxe feul peut nourrir 
& occuper les fujets. Us ne deviennent pas 
moins utiles clans la paix que dans la guer- 
re ; leur induftrie fert autant que leur cou- 
rage. Le travail du pauvre eft payé du 
fuperflu 4^1 riche. Tous les ordres des ci- 
toyens s'attachent au Gouvernement par 
les avantages qu'ils en retirent. 

Tandis qu*iin petit nombre d'hommes 
jouit avec modération dé ce qu'on nomme 
luxe , & qu'un nombre infiniment plus 

petit en ^ufe , parce qu'il feut que les 



Avantages des Sciences, &c. 349 



hommes abufent de tout ; il fait refpoîr^ 
rémulation & la fubfiftance d'un million 
de citoyens , qui languiroient fans lui 
dans les horreurs de la mendicité. Tel eft 
en France l'état de la Capitale. Parcourez: 
les Provinces : les, proportions y font en- 
core plus favorables. Vous y trouverez 
peu d'excès ; le néceffaire commode affez 
rare , Tartifan , le laboureur , c'eft-à-dire , 
le corps de la nation , borné à la fimple 
cxiftence : en forte qu'on peut regardj^r le 
luxe comme une humeur jettée fiu* une 
très -petite partie du Corps politique , qui 
fait la force & la fanté du refte. 

Mais , nous dit-on , les Arts amolliffent 
le courage : on cite quelques peuples let- 
trés quï ont été peu belliqueux , tels que 
l'ancienne Egypte 9 les Chinois, & les 
Italiens modernes. Quelle injuftice d'en 
accufer les Sciences ! Il feroit trop long 
d'en rechercher ici les caufes. Il fuffira de 
citer , pour l'honneur des Lettres , l'exem- 
ple des Grecs & des Romains , de l'Efpa- 
gne, de l'Angleterre & de la France, 
c'eft-à-dire , des nations les plus guerriè- 
res Se les plus favantes* 

Des barbares ont feit de grandes con-- 



350 Discours sur les 



quêtes ; c*cft qii*ils étoient très - injufles ; 
ils ont vaincu qmelcjuefois des peuples po- 
licés. Vtn condurai , û foir veut ^ qu un 
peuple n'cft pas invincible pour être &- 
vant. A toutes ces révolutions , f oppofe- 
rai feulement la plus vafte & la plus ÛLcUe 
conquête qui ait jamais été &ite ; c'eft 
telle de ^Amérique que les Arts 8c les 
Sciences de TEurope ont fubjuguée avec 
une poignée de foldats ; preuve ikns répli- 
que de la diâférence qu'elles peuvent met- 
tre entre les hommes. 

J'ajouterai, que c'eft enfin une barbarie 
pafTée de mode , de fuppofer que les hom- 
mes ne font nés que pour fe détruire. Les 
talens & les vertus militaires méritent fans 
doute un rane diilin^ié dans Tordre de la 
niceffité : mais la philofophie a épuré nos 
idées fur la gloire : l'ambition des Rois 
n'eft à (es yeux^ que le plus monftrueux 
des crimes : grâces aux vertus du Prince 
qui nous gouverne , nous ofons célébrer 
la modération & l'humanité* 

Que quelques nations au fein de ÏÏgno- 
tance ayent eu des idées de la gloire & de 
la vertu , ce font des exceptions fi fingu- 
lieres , qu'tUes ne peuvent former aucun 



Avantages des Sciences , &c. 351 



préjugé contre les fciences : pour nous ett 
convaincre, jettons les yeux fur Hnimenfe 
continent de l'Afrique , oii mx\ mortel n'eft 
affez hardi pour pénétrer , ou affez heu- 
reux pour 1 avoir tenté impunément. Un 
bras de mer fépare à peine les contrées 
favantes & heureufe^ de l'Europe , de ces 
régions funeftes , où FhomW eft ennemi 
hé de l'homme , oîi les Souverains ne font 
que les affafEns privilégiés d'un peuple 
cfclavé. D'oîi naiffent ces différences & 
prodigieufes entre des climats fi yoifins , 
oii foqt ces beaux rivages que l'on nous 
peint parés par les mains de la nature î 
L'Amérique ne nous offre pas des fpeâa^ 
des moins honteux pour l'èfpece humainer 
Pour un peuple vertueux dans l'ignorance, 
on en compter^ cent barbares ou fauva* 
ges. Par-tout je vois l'ignorance enfanter 
P erreur , les préjugés >. les violences , le» 
paffions & les crimes. La terre abandon.- 
née fans culture n'eft point oîfive ; elle 
produit des épines & des poifons , elle 
nourrit des monftres* 

J'admire les Brutus , les Décîus , les^ 
Lucrèce , les Virginius , les Scévola ; mais 
l'admirerai plus encore un Etat puiâant âc 



3SX Discours sur les 

bien gouverné , oh les citoyens ne feront 
point condamnés à des vertus il cruelles. 

Cincinnatiis vainqueur retournoît à & 
charrue : dans un fiecle plus heureux , 
Scipion triomphant revenoit gonter avec 
Lélius & Térence lej charmes de la phi- 
lorophie & des lettres , & ceux de l'amitié 
plus précieux encore. Nous célébrons Fa- 
brtcius , qui avec fes raves cuites fous ta 
cendre , méprife l'or de Pyrrhus : mais 
Titus , dans la fompluofité de fes palais , 
meilirant fon bonheur fur celui qu il pro- 
cure au morde p^r fes bienfaits & par fes 
loix, devient le héros de r i 

lieu de cet antique héroïûni j 

ruftique ou barbare , que i 

frémiffant ; j'adore une v , 

heiireufe & bienfaifante ; n 

exiftence s'embellit : j'apprends à honorer 
& à chérir l'humanité. 

Qui pourroit être affez ; 
afTez injufte , pour n'être [ 
ces différences ? Le plus beai 
la nature , c'eft l'upion de \i 
bonheur v les Scîenc<;s Ôc li 
vent feuls élever la raifon 
fubljme. C'eft die leur fècours- qu'elle em*- 



Avantages des Sciences , Sec. 35} 

prunte des forces pour vaincre les paA 
fions , des lumières pour .diflîper leurs 
preftiges, de Félévation poiu: apprécier 
leurs petitefTes , des attraits enfin &c des 
dédommagemens pour fe diilraire de leurs 
ieduôions. 

On a dit que le crime n'étoit qu'un 
feux jugement (^). Les Sciences , dont le 
j)remier objet efl l'exercice & la perfec- 
tion du raifonnement y font donc les gui« 
des les plus afTurés des mœurs. L'inno- 
cei^ce fans prmcipes &c fans lumières ^ n'efl 
qu'ime qualité de tempérament , auflî fra- 
gile que lui. La fagefle éclairée connoît 
ûs ennemis & fes forces. Au moyen de 
fon point de vue fixe , elle purifie les 
biens matériels , & en extrait le bonheur : 
elle fait tour- à- tour s'abflenir &c jouir 
dans les bornes qu'elle s'efl prefcrites. 

Il n'efl pas plus difficile de faire voir 
l'utilité des Arts pour la perfeftion des 
mœurs. On comptera les abus que les 
paflions en ont tait quelquefois : mais 
qui poiura compter les biens qu'ils ont 
produits ? 

■ M ■ ^ » 

{*) Cênfidérations /Ur Us nuturs. 



L 



554 Discours sur les 

: Otez les Arts du monde : que refte-t^il ? 
les exercices du corps & les paflîons. L'efr 

i)rit n*eft plus qu'un agent matériel , ou 
'inilrument du vice. On ne fe délivre de 
fes paffions que par des goûts : les Arts 
font néceffaires à une nation heureufe : 
^*ils font l'occafion de quelques défor- 
dres , n'en accufons que rimperfèâion 
même de notre nature : de quoi n^abufe- 
t-elle pas ? Ils ont donné Twe aux plai*- 
firs de Tame y les felils qui foient dignes 
de nous : nous devons à leiu^ féduâions 
utiles Tamour de la vérité & des vertus , 
que la plupart des hommes auroient haïes 
& redoutées , fi elles n'euffent été parées 
de leurs mains. 

Ceft à tort qu'on afFeûe de regarder 
leurs produâions comme fiivoles. La 
fculpture , la peinture flattent la tendrefle , 
confolent les regrets , immortalifent les 
Vertus & les talens ; elles font des fources 
vivantes de l'émulation ; Céfar verfbit des 

larmes en contemplant la ilatue d'A* 
lexandre. 

L'harmonie a fur nous des droits natu- 
rels , que nous voudrions en vain mécon- 
noître ; la Fable a dit , qu'elle arrêtoit le 



Avantages dés Sciences ,' &c. 3 y y 

cours des flots. Elle fait plus ; elle fufpend 
la penfée :. elle calme nos agitations ^ &C 
nos troubles les plus cruels : elle anime 
la ^yale\u' , ,&c préfîde aux plaifirs. 

Ne fenxble-t-il pas que la divine Poéfié 
ait d'érbbe le \feu du Ciel pour animer 
toute fa> nature ?- Quelle ame peut être 
inacçeâible à {a touchante magie ? Elle 
acioucit le maintien févere de la vérité , 
elle fait fourire la fageffe ; les chefs-d'oeu- 
vres du. théâtre doivent être confidérés 
comme de favantes expériences du cœur 
humain. : : \ 

Ceft aux Arts enfin <nic nous devons 
le beau choix des idées , les grâces de TeC- 
prit & Tenjouement ingénieux qui knt 
tes charmes de la fociété ; ils ont doré 
les liens qui nous unifient , orné la fcene 
du monde ; 6c multiplié les bienfaits ^dc;- 
ia Natutet 



#4 



ARRÊT 

DE lui COUR 

DE PARLEMENT. 

Qui condamne un Imprimé ayant pour titre f 
Emile ^ ou de TEducatîon \ par J. J. Roui* 
feau 9 imprimé à la Haye* 4 « • M.DCC.Lxn« 
k être lacéré & brûlé par C Exécuteur de la 

Haute • JuJlicCé 

Extrait des Registwês du Parlement; 

Du 9 Juin ij&i. 



C E jour > les gens du Roi font entrés ; 
& M«. Orner - )o\y de Fleury , Avocat 
iludit Seigneur Roi , portant la parole y 
ont dit : 

Qu'ils déférolent à la Cour im Imprimé 
en quatre volumes in - oclavo , intitulé : 
EmiUy ou de t Education , parJ. /. Roujfeau^ 
Citoyen de Genève , dit imprimé à la Haye 
en M. Dec. LXII. 

Que cet ouvrage ne paroît compofé ^ue 
dans la vue de ramener tout à la religion 



DE Parlement. 357 

4 1 , 

na^relle ^ & que TAuteitr j'occupe dans 
Ife plan de Téducation qu'il prétend don- 
«et à fon Elevé , à développer çç fyftêmé 
criminel. 

Qu'il ne prétend înftruîre cet Elevé que 
id'après ia naturç qui eft fon uniqi^e guide , 
pour former çn lui l*Homme moral ; qu'il 
regarde toutes lc« religions comme éga- 
lement bonnes 6(. comme pouv;aiiit toutefi 
avoir leurs raifons dans le çlin^t , dans le 
gouvernement , dans le génie du peuple 9 
ou dans qudqu'autre cauie locale , qui rcn4 
l'une préférable a l'autre , félon Iè5 t^WM 
3ç les lieux, 

Qu'il borne l'h^iinie aiiic connoîffancef 
que l'inAinà porte à chercher , flatte les 
pafl^ons çomnie les principaux inftrumens 
ae notre conff rvatîon , avance qu'on peut 
être fauve (suis croire en Dieu , parce qu'il 
admet une ignorance invincible de la Di* 
vinitç» q>ii peut exçufer l'homme ; que 
félon fe$ principe^ , U fe»le raîfo'n eft juge 
dans le çhôi::^ d'unie religion , ipiflant à fa 
4ifpofitiôn la nature du ciilté qite l'homme 
doit ren4re à TEtre fuprême qde cet Au- 
f ejir croit hoffprer , en parlant pvec îm- 
jpi^ du «ultç çattériçur <^u'il ^ étabU dan| 



J58 A^iRÊT DE LA Cour 

• ^ » * _ - ^ » * 

ja religion , ou cme TEglife a^preicrit fous 
la direâion de rEfprit Saint qui la gour 
verne. ,. 

Que conféquemment à ce fyftême , de 
n^admettre que la religion naturelle, c^ielle 
qu'elle foit chez les différens peuples , il ofe 
eflayer de détruire la vérité de TEcriture 
Sainte & des Prophéties , la certitude des 
miiracles énoncés dans les Livres Saints , 
rinfaillibilité de la révélation , Tautorité 
de TEglife ; & que ramenant tout à cette 
religion naturelle , dans laquelle il n'admet 
c]u*un culte & des loix arbitraires, il entre* 

Êrend de juûifier non - feulement toutes 
^ )s religions , prétendant qu'on s'y fauve 
jndiilinâement, mais même l'infidélité & 
la réfiâance de tout homme à qui l'oa 
voudroit prouver la divinité de Jéfus- 
Chriû & Texiftence de la religion chré^ 
tienne , qui feule, a Dieu pour auteiur, & 
à l'égard de laquelle il po|te le blafphême 
îufques à la donner po^r ridicule , pour 
çontradiôpire^ & à inifpirer. wie inqiffe- 
rence facrilege pOur {es myfter^s &^pour 
ies dogmes qu'il voudroit pouvoir anéantir^ 
, Que tels font les principes imjpies &C 
-^-^-Hq% que fe propofe d'étgJp: dans 




DE Parlement. 55 j 

____ 

fon ouvrage cet Ecrivain qui foumet la 
religion à l'examen de la raifon, qui 
n'établit qu'une foi purement humaine , 
& qui n'admet de vérités & de dogmes en 
matière de religion , qu'autant qu il plaît 
à refprit livré a (es propres lumières , ou 
plutôt à (es égaremens , de les recevoir 
ou de les rejettej. 

Qu'à ces impiétés il ajoute des détails 
indécens , des explications qui bleflent 1^ 
bienféance & la pudeur , des propofitions 
qui tendent à donner un caraâere feux & 
odieux à Tautorité fouyeraine , à détruire 
le principe de robéiffaiipe qiii lui eft due , 
& affoiblir le refpeû & l'amour des peu- 
ples pour leurs Rpis. 

Qu'ils croyent que ces -traits fufEfent 
pour donner à la Cotjr une idée de l'our 
vrage qu'ils lui dénoncent ; que les maxi!^ 
mes qui y font répandues forment par levif 
réunion un fyftême chimérique , auffi im-» 
praticable 4ans fon exécution , qu'abfurdp 
& condaipna^l^ daï?s fpn prpjpt* Que fe^ 
roient d'ailleurs des fu jets élevés. dans de 
pareilles maximes , finon des hommes pré* 
occupés du fcepticifme ê< de la tolérance , 
•ibandomiéft à Jeui 



••, * - - ^ 



^6o Arrêt d£ la Cour 

plaifirs des fens ^ concentrés en eux-mêmes 
par Tamour-propre , qui ne connoîtroient 
d'autre voix que ceUe de la nature , & qui 
eu noble defir de la foiide gloire , fubm- 
tueroient la pernicieufe manie de la iingu-* 
larité ? Quelles règles pour les mœurs ! 
Quels hommes pour la religion &c pour 
r£tat, que des enfans élevés dans des prin- 
cipes qui font également horreur au chr^ 
tien & au citoyen i 

Que l'Auteur de ce livre n'ayant point 
craint de fe nommer lui - même , ne fai^ 
roit être trop promptement pourTuivi ; 
qu'il eft important t puiiqu'il s'eft fait 
connoître, que la juftice fe mette à portée 
de &ire un exemple , tant fur l'Auteur que 
fur ceux qu'on pourra découvrir avoir 
concouru , foit à Fimpreffion ^ foit à h 
diffaribution d'un pareil ouvraçe , digne 
comme eux de toute fa févérite. 

Que c'eft l'objet des conduûons par 
écrit qu'ils laiffent à la Cour avec un exem?- 
plaire du livre ; â( fe font les Gens du 
Roi retirés» 



Eux retirés: 
u le livrç en quatre 



tulé; 



DE Parlement. 361 

tulé : Etnilc , ou de V Education , /r^ /. /* 
Roujjtau , Ckoytn dt Gtncvt. Sanabilibus 
^egrotamus malis ; îpfàque nos in rectum 
natura genitos , fi emendari velimus , juvat» 
Senec de Ira , Lib. XL cap. XIII. tom* 
I, i,3&4. ^/tf Haye , cAej Jean 
NcauUnt , Libraire , tf vec Privilège de Nos 
Seigneurs les Etais de Hollande & Wejlfrife. 
Conclufions du Procureur-Général du Roi ; 
xniï le rapport de M^. Pierre - François 
Lenoir , Confeiller ; la matière miie ea 
délibération : 

La cour ordonne qiie ledit livre im- 
primé fera lacéré & brûlé en la Cour dit 
Palais 9 au pied dii grand efcalier d'icelui ,, 

rir FExécuteyx delà Haute- Juftice; enjoint 
tous ceiix qui en ont des Exemplaires de 
les apporter au Greffe de la Cour , pour 
y être fupprimés ; feit très-expreffes inhibi- 
tions & défcnfes à tous Libraires d'impri- 
inter , vendre & débiter ledit livre , & à 
tous colporteurs > diftributeurs ou autres 
dé le Colporter où diftribuer , à peine d'être 
pourfuivis extraordinaireaient , & punis 
iuivant la rigueur des ordonnances. Orcten- 
ne qu'à la Requête du Procureur-Général 
lia Hôiv/Uitra^ kformé* piyr-devant It 
Suppl. de la ÇqUcç^ Tqois L Q 



|6* Arrêt de la Cour 

Confeiller-Rapporteur ^ pour les témoins 
qui fe trouveront à Paris, & par-devant 
les Lieutenants-Criminels des Bailliages & 
Sénéchauffées du Reffort , pour les témoins 
qui feroient hors de ladite ville , contre 
les Auteurs , Imprimeiws ou Diftributeurs 
dudit livre; pour, les informations faîtes, 
rapportées & communiquées au Procureur- 
Général du Roi , être par lui requis & 
par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; 
& cependant ordonne que le nommé J. J. 
Roufleau , dénommé au frontifpice dudit 
livre , fera pris & appréhendé au corps , 
& amené es prifons de la Conciergerie du 
Palais , pour être ouï & interrogé par- 
devant ledit Confeiller-Rapporteur, fur 
les faits dudit livre , &c répondre aux 
concluilons que le Procureur-Général en- 
tend prench-e contre lui ; & où ledit J» J. 
Rouffeau ne pourroit être pris &l appré* 
hendé , après perquifition faite de fa per- 
fonrie, aillgné. à quinzaine, fes biens raifis 
& annotés , & à içeux Cbij^nifTaires établis^ 
jufqu'à ce qu'il ait obéi fuivantrOrdonnan* 
.ce ; & à cet effet orçionoe qu'un exem*^ 
plaire dudit livre fera dépofé ^u Greffe de 

Ja Cour» poiur ferv^f à iWlru^aii du 



v> 



TSC! 



* D E *Pa RLEMENT.* 365 

Procès. Ordonne en outre que le préfent 
A«[êt fer^ imprimé y piîMié & affidié par- 
tout oîi bêfoin fera. Fait en Parlement, le 
9 Juin mil fept cent foÎKaate-deux* 

^ . •._ • Si^né , BUFBMfC^ . i 

Et le Vendredi 1 1 Juin 1761 , ledit' Ecrit 
mentionné ci^dcjjiisa été , lacéré & brfiUaU 
pied du grand Efcalier du Palais y par tExé* 
tuteur de la Haute- Jujlice ^ eri prefcncè de 
moi Etienne D-agobert Yfabeau , Ihin^ des 
trois principaux Commis pour la GrandUCham-*^ 
tre , ttffijié de deux HuiJJiers de là Cour. 

'■■■'' sMii i YSAmm. : ^^ 






' • 






A-f A m s , (Sbn P.\ 6. SIMON ^ Imprimeur du Pari«mài|i 
... me ïeiftHnse, k l*aercule. 1759. 

Si 



MANDEMENT 

O E Mo N S El GN È 1/ i^ 

L* A R C H E V Ê Q U E 

D E F A R I S, 

parlant condamnation iun livre qui a jfow, 

• tltn : E M IL £ 9 ou de IfEducation , par 

}. J. Roufleau ^ Citoyen de Gtaç^v^^ A 

\ Amjlcrdam ^ che^ Jean Héaulmt » L,ibrairc ^ 
1762. 



. ..4 j 



OHRfSTOPKE DE BeAUMONT i 

par laMifériGorde Divine , & par la grâce 
du Saint Siège Apoftolique , Archevêque 
de Paris ^ Duc de Saint Cloud , Pair de 
France , Commandeur de POrdre du Saint-* 
Efprit , Provifeur de Sorbonne , &Lc A 
tous les Fidèles de notre Dioçefe : Salut 

ET BÉNÉDICTION. 

I. Saint Paul a prédit, mes TRàs-CHERs 
Frères , qu'il viendroit des jours périlleux 
oitr il y aurait des gens amoHurs d! eux-mêmes , 
fj^Sjtfuperkes^ kla/phinnUêurs^inq^ieSyCalom^,, 
niaieurSf enfles d orgueil^ amateurs Ja voluptés^ 



^ 
»» 



I il 



' ~ 9 



Mandement/ ^S'j 



pltaôt que de DUu : dts hotfimti ^têtt efpni 
corrompu & pervertis dans la Foi ( a ). Et 
dans quels tems malheureux cette prédic- 
tion s*eft-elle accomplie plus à la lettre que 
dans les nôtres ! L'incrédulité 9 enhairdie 
par toutes les pâffions 9 fe préfente fou9î 
toutes les formes, afin de fe proportion- . 
ner , en quelque forte ^ à tous les âges % 
à tous les caraâeres, à tous les états. Tann 
tôt , pour s'infinuer dans des efprits qu'elle 
ti:ouve déjà tnforceléspar la bagatelle Ç^ ), 
elle emprunte un fty le léger , agréable-^c, 
frivole : de -là tant de romans écalement 
obfcenes & impies, dont le but eft d'amu* 
fçr l'imagination , pqur féduire refpritôc 
corrompre le cœur. Tantôt , afFeâant uo 
air de profondeur & de fublimité dans fes 
vues , elle feint de remonter aux premiers . 
principes de nos connoiiTances , ^ prétend , 
s'en autorifer , pour fecouer un joug qui , j 
félon elle , déshonore l'humanité , la Divi- ; 
nité même. Tantôt elle déclame en furieufe • 

( 4 ) In noviffimis diebus inftabunt tempora periculofa ; - ' 
erunt homines feipfos amantes ... elatiy fuperbi , blafphçmi... , 
fcelefti... criminatores . . tumidi & voluptatum amatores < 
xnagis quam Dei . . . homines corrupti mente & reprobi.circà 
fidem. a. Tim. C. 3. t/. i. 4. S. * 

^b) Farcinaûo nugacitatls obCcurat bona. Saf^ C, 4. vi l%* 

Q3 



VSSSSSSSSSSSSSSSSÊOSSSSasSSSSSSA 



»^iMi 



jfi^ MtA N I> E M £ N T.* 



contre le zèle de là Religion , & prêche la 
tolérance iinivèrfèlle avec emportement. 
Tantôt enfin , réuniffant tous ces dirers 
langages , elle mêle le férieiix à Tenjoue- 
lîiM^i des^ maximes pures à des obfçéni* 
tés; de grandes vérités à de grandes er^. 
jçuî^ , là foi àil blafpKême ; elle entr^rend> 
en un mot , d^accoi^er les lumières avec 
les ténèbres , Jéfus - Ghrift avec BéliaL Et 
tel eft fpécialement , M. T. C. F. Fobjet 
qu'on paroît s^être pfopofé dans un ou- 
vrage' récent , qui a pour titre : EMILE ou 
OÊ LÏbuCATiON. Du feîn de Terreur il 
s*eft élevé un homme plein du langage de 
la phllofophie , fans être véritablement phi* ^ 
lolbphe ; efprit doué d'une itiultitude de 
connoifl&nces qui ne l'ont pas éclairé , & 
qui ont répandu des ténèbres dans les au- 
tres efprits. : caraftere livré aux paradoxes 
d'p^ihipns v& de condiîîte ; aUiant la fim- 
plîcité des mœurs avec le fafte des pen- 
fées ; le zèle des maximes antiques avec la 
fureur d'établir des nouveautés , robfcurité 
de la retraite avec le defir d'être connu de 
tolit le monde : on Fa vu inveôiver contre 
les ^ciendes qu'il cultivoit; préconifer l'ex- 
<cellence de l'Evangile , dont il détniifoit 



'*• 



Mandement. 367 

■ ■ Il ■ ' . t -' ■ I 1..1 . ' II. . I I IIM 

les dojgmes ; peindre la beauté des vertii$ 
qu'il eteignoit dans Pâme de fes Leâeurs, 
Il s*eft fait le précepteur du genre-humain 
pour le tromper , le moniteur public pour 
égarer tout le monde , Toracle du fieclé 
pour achever de' le perdre. Dans un ou- 
vrage fur Tinégalité des conditions , il avoit 
abaiffé l'homme jufqu*au rang des bêtes ; 
da^is une autre produftion plus récente , 
il avoit infmué le poifon de la volupté en 
paroiflant le profcrire : dans celui - ci , il 
s'empare des J)rèmïer^ momens de Thom- 
me , afin d'établir l'empire de l'irréligion. 
ÏL Quelle entreprife , M. T. C. F. ! L'é- 
ducation de la jeuneffe eft un des objets 
les plus importans de la follicitude & du 
zèle des Pafteurs. Nous favons que, pour 
réformer le monde, autant que le per- 
mettent la foibleffe & la corruption de 
hotre nature , il fuffiroit d'obferver fous 
la direftion & Timpreflion de la grâce les 
premiers rayons de la raifon humaine , 
de les faifir avec foin & de les diriger 
vers la route qui conduit à la vérité. Par 
là ces efprits , encore exempts de préju-» 
gés , feroient pour toujours en garde con- 
tre l'erreur ; ces cœurs , encore exempts 

Q4 



568 Mandement. 



de grandes paiHons , prendroient^ks i»w 
preffions de toutes les vertus. Mais à qui 
convient -il mieux qu'à nous & à nos 
coopérateurs^ dans le iàint Miniâere, de 
veiller ainfî fiur les premiers momens de 
la jeuneffe chrétienne ; de lui diftribuer 
le lait fpirituel de la Religion , afin qi^U 
croijfc pour le falut ( c ) ; de préparer de 
bonne heure , par de ialutaires leçons , des 
adorateurs iinceres au vrai Dieu , des fu* 
l^ts fidelles au Souverain , des hommes 
dignes d'être la reflburce & l'ornement 
de la Patrie ? 

III. Or , M. T. C. F. , l'Auteur d'EMiLE 
propofe im plan d'éducation qid , loin de 
s'accorder avec le Chrlftianifme y n'eft pas 
même propre à former des citoyens , ni 
des hommes. Sous le vain prétexte de 
rendre Thomme à lui-même ^ & de feire 
de fon Elevé l'Elevé de la nature , il met 
en principe une aflertion démentie , non- 
feulement par la Religion , mais encore 
par l'expérience de roits les peuples & de 
tous les tems. PafonSy dit-il , pour maxime 



' (c) Siciit mode geniti infantes, rationabile fine dolo lac 
concupilicite : ut ia eo ci<;lcads in falnteni. I* PiU (• 2* 



Mandement. 369 



«te 



ioconttJlabU y que Us premiers mouvtmcns de 
la nature font toujours droits : il ri y a point , 
de perverjiti originelle dans le cœur humain. 
A ce langage on ne reconnoît point la . 
doftrine des faintes Ecritures & de TE-, 
glife , touchant la révolution qui s'eft feite 
dans notre nature. On perd de vue le 
rayon de lumière qui nous fait connoître 
le myftere de notre propre cœur. Oui , 
M. T. C. F. , il fe trouve en nous un mé- 
lange frappant de grandeur & de baiTeiTe , 
d'ardeur pour la vérité & de goût pour 
l'erreur , d'inclination pour la . vertu & 
de penchant pour le vice : étonnant con- 
trafte y qui ^ en déconcertant la Phi^ofo- 
phie payenne , la laiflTe errer dans de vai- 
nes fpéculatipns f contracte dont la rêvé* 
lation nous découvre 1^ fource d^ns la 
chute déplorable de notre premier pjM-e | 
L*homm^ fe fent entraîné par une pente [ 
funçfle , & cpmment fe roldiroit-il conti>e 
elle y fi fon enfonce n'étoit dirigée par des 
maîtres pleins de vertu , de fegeffe ,^dfi\ 
vigilance ; & fi , durant tout le cour^ de 
fa vie , il ne foifoit lui - tçÀjaxt ^ fous la ^ 
proteâion , & av^c les grâces de fon Dieif ^ 
^0$ ei£;>rts puHan^ & continuels ? Hélas I' 



^J0\ M AN D E'M E N Ti. 



- - - • 



W. T. C. F. , malgré leis principes de Tédii- 
cation la plus famé & la plus vertueufe , 
malgré les promeffes les plus magni£qHes 
cle la religion , il les menaces les plus 
terribles , les écarts de la jeuneflfe ne font 
encore que trop^fréqiiens ^ trop multi- 
pliés; dans quelles erreiu's, dans quels 
excès , abandonnée à elle-même , ne fe 
précipiteroit-elle donc pas ? Ceô un tor- 
rent qui fe déborde malgré tes digues puif- 
iântes qu'on hii avoit oppofées : que fe- 
roit-ce donc fi nul obftacle ne fofpendoit 
fes flots , & né rompoit fes eflforts V 

ÏV* L^Auteur d*EMlLE , qui ne recon- 
Boît aucune religion , indique néanmoins , 
<àns y penfer , la voie qui conduit infeil- 
fiblèment à îa vraie religion. Naus j dit* 
ï, qui nt 'Voulons rien donner à taïuoritt^ 
nous y qui nt voulons rien ehfeigner à notre' 
"EjfAîLZ^'qà^il rie put comprendra de bd^niémc* 
par tout pays ^ dans quelle religion' FiU^- 
verons-nous ? à quelle *Jick aggrégerons-nous - 
rJSleve de la nature ^ N&us ne t abrège- 
rôns ^ ni à celles ci\ ni à celle-là; nous le 
fheterons en état de choijir celle où le meit- 
leur u/agé dé la rdifon doit U conduira. Plût : 

à- Dieu, M. T. C; F., que cet objet eût 



Mandement. 371 

été bien rempli ! Si FAuteur eût réelle- 
ment mis fofi' Elevé en état de choijir ,' entre 
tautes les- religions , celle où Je meilleur 
ufage de la r'aifon doit conduire , il Teût 
immanquabljement préparé aux leçons du 
chriftianifine.- Car , M. T. G. F/, la lumière 
naturelle conduit à la lumière évangéli- 
qu€ ; & le cidte chrétien eft effentielle- 
ment un culte raifonnable {d). En effet , Ji 
le meilleur ufage de notre raifon ne devoît 
pas nous conduire à la révélation chré-' 
tienne , notre foi feroit vaine , nos efpé- 
rances féroient chimériques. Mais com- 
ment ce meilleur ufage de la raifon nous' 
conduit-il au bien ineûimable de la foi ^ 
& de-là au terme précieux du falut ? Ceft 
à la raifon elle-même que nous en appel- 
ions. Dès C|ii*on reconnoît un Dieu , il 
ne s*agit plus que de^favoir s*il a daigné 
parier aux hommes , autrement que • par 
les impreflk>ns de la nature. Il faut donc' 
examiner fi leS faits , qui conftatent la ré-' 
vélation, ne font pas fupérieurs à tous 
les efforts de la chicane la plus artifi- 
cieufL Cent fois l^ncréduUté a. lâché àg^ 



T-*- 



ii) RAtioimbU^ el>f€^iiiu)ii vtftnim. Rom* Ç. xa. v. %*: 



37^ Mandement. 

ditniire ces faks y on au moin» d'en affoi- 
hlir les preuves ; & cent fois fà critique 
a été convaincue d'împui&nce. Dieu ^ 

rr la révélation y, s'eil renda témoignage 
lui-mên^e , & ce témoignage eft évi- 
demment tris^digne de fol {^e^.- Que refte- 
tril donc à l'homme qiii fait U mtUlcur 
nfagc de fa. raifhn , &M>ti d'acquiefcer à ce 
témoignage ? Ceâ votre grâce , ô- mon. 
Dieu r qui conibmme cette oeuvre de lu* 
miere ; c'eft elle qui détermine la volonté ^ 
qui forme Tame chrétienne ; mais le déve- 
loppement des* preuves , & la force des* 
motifs y. ont préalablement occupé, épuré: 
la raifon ;. & c'eil dans ce travail , auffi^ 
noble qu'indifpenfable , que confifle ce*^ 
meilleur ufage de la raifon y dont l'Auteur 
^Emile entreprend.de parler ijuis en avoir 
ime notioa fixe & véritable. 

V. Pour trouver la jeuneffe plus docile* 
aux leçons qu'il lui prépare , cet Auteuf 
veut qu'elle foit dénuée de tout principe 
de religion. Et voilà pourquoi, ielon lui ,. 
CûTUioitre U bien & U mal-y fmiir la ruifofu 



(r) TeltûuoAia tni crcdibîlia fgOa ftmtniiiiii; h[éU 92; 



Mandement^ 37} 

m , 

des devoirs de t homme , rfeji' pas P affaire 
£un enfant . • • Taimerois autam , ajoute-' 
t-il , exiger qu^un enfant eût cinq pieds d€ 
haut 9 que du jugement à dix ans, 

VL Sans doute ^ M. T. C. F. , qiïc le ju-, 
gement humain a ie$^ progrès 9 & ne fe 
forme que par degrés. Mais s'enfuit -it 
donc qu'à Page de dix ans un enfant ne 
connoifie point la différence du bien àc 
du mal , qu'il confonde la fageiTe avec lat 
folie , la bonté avec la barbarie y la vertu 
avec le vice ? Quoi ! à cet âge 'A ne fen- 
tira pas qu'obéir à ion père eu un bien ^ 
que Uii deibbéir eâ im maL Le prétendre ^. 
M. T. Ç. F. , c'eft calomnier la nature hu' 
inaine , en lui attribuant une fiupiditi 
qu'elle n'a pointr 

VIL « Toul: enfant qui croit en Dieu ^ 
^ dit encore ut Aiueur , eft idolâtre ou an- 
ff tropomorphite >k Mais s'il eft idolâtre ^ 
il croit donc pluûeurs Dieux ; il attribue 
donc la nature divine à des fimulacres in-^ 
iénfibles ï S'il n'eft qu^antropomorphite ^ 
en reconnoiflant le vrai Dieu ^ il lui donne 
un corps,. Or , on ne peut fuppofer ni J'un^ 
ni l'autre dans un enfent qui a reçu iinr; 
éducation chrétienne^ Que £1 réduçatioa^ 



374 Mandement. 

>■ ' ' " ' ' " ■ ' > — — — 

a été vicieufe à cet égard , il éft fouve- 
rainement injufte d*iinputer à la religion 
ce qui n'eft que la faute de ceux qui Ten- 
feignent mal. Au furplus , Tâge de dix 
ans n'eft point l'âge d'un Philoiophe : un 
enfant , quoique Ken inftniit y peut s'ex- 
pliquer mal ; mais en hit inculquant que 
la Divinité n'eft rien de ce qui tombe , 
ou de ce qui peut tomber fous les fens ; 

3 lie c'eft une intelligence infinie , qui , 
ouée d'une puiffance fuprêmê, e:xécute 
tout ce qui lui plaît , on lui donne de 
Dieu une notion affortie à la portée de 
fon jugement. Il n'eft pas douteux qu'un 
athée, par fes fophifmes , viendra faci- 
lement à ^ bout de troubler lei idées^ de ce 
jeune croyant : mais toute l'adreffe du 
fophlfte ne fera certainement pas que cet 
enfant, lorfqu'il croit en Dieu , foit ido^' 
Idtre ou antropomofphîtc ; c'eft- à- dire , 
qu'il ne croie que l'exiftence d'une diimere, 
• VIII. L'Auteur va plus loin , M. T. C. 
F. , il TL accorde pas même à «n jeune homme 
de quinze ans^ la capacité de croire en Dieu* 
L'homme ne faura donc pas même à cet 
âge \ s'il y a un Dieu , ou s'il n'y en à 
point : toute la nature aura beau annoncer 



M'nk WD E M ^E N Ti ' )7y 



lâ gloire de fon Crèatear ^ il n'entendra 
rien à fon langage î II exiôera , fans iàvoir ' 
à quoi il doit fon éxiftence ï Et ce fera la 
iaine raifon eHe-même qiii le plongera dans 
ces ténèbres: î C^eft ainfi , M, T. C. F. ^ 
que Faveiigle impiété voudroît pouvoir 
obfaircir de fts noires vapeurs , le flambeau 
que la religion préfénte à tous les âges de 
la vie humaine» Saint Auguftin raifonnoit 
bien fur d'autres principes , quand il difoit , 
en parlant des premières années de fa ;eu- 
neife. « Je tombai dès ce tems-là , Sei- 
y^ gneur , entre les mains de quelque^uns 
» de ceux qui ont foin de vous invoquer j, 
>> & je compris par ce qu'ils me difoient 
n de vous • & félon les idées que j'étois 
» capable de m'en former à cet âge-là ^ 
y> que vous étiez quelque ehoié de grand , 
H & qu'encore que vous fiiflîez invifible ^ 
» & hors de là portée de nos fens ^ vous 
» pouviez -nous exaucer & noua* fecourir^ 
h AuflGi c6mmençai-}e dès mon enfonce à * 
» vous prier, & vous regarder comme ^ 
» mon recours & mon appui ; & à me* 
» fure que ma langue fe denouoit, j'em- 
n ployois fes premiers mouvemens à vous ' 



376 MaND£M£NT« 

IX. Contkiuons ^ M. T. C. F, , de rele* 
ver les paradoxes étranges de TAutettr 
d'ËMiLE^ Après avoir réduit les jeunes 
gens à une ignorance fi profonde par 
rapport aux attributs & aux droits de la 
'Ùivimtéy leur accordera*- 1- il du moins 
l'avantage de fe connoître eux-nnêmes } 
Sauront - ils fi leur ame eft une fiibfiance 
abfolument difilnguée de la matière ) ou 
fe regarderont - ils comme des êtres pure- 
ment matériels &c foumis aux feules loix 
du mécanifine ? L'Auteur d'ËMiix doute 
ou'à dix-huit ans , il foit encore t^nns que 
fon Elevé apprenne s'il a une ame : il 
penfe que , s*il Vapprtni plutôt y il court 
rifjue de nt h f avoir jamais : ne veut-il pas 
du moins (jue la jeunefle ibit fufceptible 
de la connoiflknce de fes devoirs ? Non. A 
Ven croire, il ny a qm dis objets phyfiqtus 
quipuijfent interejfcr Us tnfans^ fur-tout ceux 
dont on ri a pas éveillé la vanité , & ation 
lia pas corrompus d^ avance par le poifon de , 
t opinion. Il veut y en conféouence, que tous 
les foins de la première éducation foient 
applîcjués à ce qu'il y a dans iTiomme dé 
matériel & de terreftre : exercei , dit-il y fon 
fioij^Sy fes organes, fes fensj fes jforc^'^ mds 



Mandement. 377^ 



1, 

une [f on éCme oijîve , autant qiiilft fourra, 
C'elt que cette oifiveté lui a para nécefiaire 
pour difpofer Tame aux erreurs qu'il fe 
propofoit de lui inculquer. Mais ne vou-- 
loir enfeigner la fageffe à lliomme que dans . 
le tems oii il fera dominé par la fopguc des ^ 
paf&ons naiflantes , n'eft-ce pas la lui pré- ; 
fenter dans le deffein qu'il la rejette ) 

X. Qu'une fembîable éducation , M. T» 
C, F. , eft oppofée à celle queprefcrivent , ^ 
de concert , U^ vraie religion & la faine , 
raifon ? Toutes deux veulent qu'up Maître ; 
fage & vigilant épie en quelque forte da\ns 
Ion Elevé les premières lueiu's de l'intel- 
ligence , pour l'occuper des attraits de la ; 
vérité , les premiers mouvemens du cœur , - 
pour le fixer par les cHarmes de la vertu, ; 
Combien en eiFet n'eû-il pas plus avanta- f 

feux de prévenir les obftacles , que d'avoir v 
les furmonter? Combien n'eû-il pas à 
craindre que , fi les impreflions du vice 
précèdent les leçons de la vertu , Thomme 
parvenu â un certain âge y ne manque de 
courage , ou de volonté pour réfifter au 
vice ? Une heureufe expérience ne prouve- 
t-elle pas tous les jours, qu'après les déré- 
glemens d'une jeunefie impnidente ÔC em- . 



378 Mandement. 

portée , on revient enfin aux bons princi- 
pes qu'on a reçus dans l'enfance ? 

XI. Au refte , M. T. C. F. , ne foyons 
point fui^pris que l'Auteur d'EMiLE remette ^ 
à un tems fi reculé la connoiffance de l'exit- 
tence de Dieu : il ne la croit pas néceffaire 
anialut. // cfitlair^ dit-il , par l'organe d'un 
perfonnage chimérique ^ il tjl clair que tel 
homme parvenu jufquà la vieïlleffe , fans 
croire en- Dieu , ne fera pas pour cela privé 
de fa prifence dans f autre , Ji foh ai^euglc'- 
ment rCa point été volontaire , & je dis quil 
ne téjl pas toujours. Remarquez , M. T, 
CF., qu'il ne s'agit point ici d'un homme 
qui feroit dépourvu de l'uiàge de fa raifon , 
mais uni^^uement de celui dont la raifon ne 
feroit pomt aidée de l'inftniftion. Or , une 
telle prétention eft fouverainemènt abfurde ,* 
fur-tout dans le fyftême d'un Ecrivain qui 
foutient que là raifon eft abfolument fkine. 
Saint Paul aflure, qu'entre les Philofophes 
Païens i plufieurs font parvenus , par les 
feules forces de la raifon, à la conooifiknce 
du vrai Dieu. Ce qui peut être connu de Dieu , 
dit cet Apôtre , leur a été manifefie , Dieu U 
leur ayant fait connoUre : la confidération des 
(hofes qui ont été faites dis la création du 



ilia 



Mandement* 379» 



monde leur ayant rendu viJibU ce qui ejt 
invijible en Dieu ^ fa puijfanee même éter* 
nelUy -& fa divinité, tri forte qitils font 
fans excuje i puifqi^ ayant connu Dieu y ilj^ 
ne Vont point glorifie coriime Dieu y & ne 
lui ont point rendu grâces ; mais ils fe font 
perdus dans la vanité de leur raifonnement , 
6* leur efprit infenfé a été ohfcurci : en fc 
difant fages , Us font devenus fous (^/). 

XII. Or, fi tel à été le crinle de ces 
hommes, lefquels bien qu'afFujettis par 
les préjugés de leur édiication au culte 
des idoles . n'ont pa^ laiffé d'atteindre à' 
la connoiflànce de Dieu : comment ceux . 
qui n'ont point de pareils obftacles à 
vaincre y feroient-ils innocens & }ufles > 
au point de mériter de jouir de la préfence 
de Dieu dans l'autre vie ? Comment fe-. 
roient-ils excufables (avec une râifon faine 
telle que TAuteur la llippofe) d'avoir jpuî ' 

^ " ■ ! J I I II. - • 

( / ) Quod notam eft Dei manifeftum eft in illis : Deuà 
coim illis matiifefiavit Inviiibîlia enim ipfîus , à creatiîrl 
mundi , per èa quse fa6la rimtintelle£la, conIpiQuiitur : fent* 
piterna quo^ne e}us virtus & divinîtas , ita ut fînt inexciw 
fabiles ; quia cûm cognoviflent Deum, no» ficutDeum glo» 
lificaverunt, aut gratias egerunt, fed evanuerunt in cogita-^ 
tionibusfuis, & obfcuratum eft infîpiens cor eorum} dicen- 
teseninife elTe faf ientes » ftulti faOîAmt. R»m, C. |..«^^i 
19. X^' 



^80 Mandement* 

durant cette vie du grand fpeôade de la 
nature , &c dWoir cependant méconnu 
celui qui l'a créée > qui la conferve &c la 
gouverne ? 

* XIII. Le même Ecrivain , M. T. C. F. ; 
embraite ouvertement le fcepticifme ^ par 
rapport à la création & à Timité de Dieu« 
Je Jais j fciit-il dire encore au perfonnage 
fuppofé qui lui fert d*organe ^ Je fais que 
U monde eji gouverné par une volonti puij^ 
fante &faec ; je le vois , ou plutôt je le fena^ 
& cela m importe à /avoir : mais ce même 
monde eji^il étemel, ou créé} Y a^t-il un 
principe unique des chofes} Y en ^•t-il deux 
ou plufieurs ^ 6* quelle efl leur nature ? Je 
rien fais rien & que m^itnporte } .... Je re^ 
nonce à des queflions oifeufes qui peuvent 
inquiéter mon amour-propre ^ mais quifone 
inutiles à ma conduiu , &fupérieures a ma 
raifon. Que veut donc dire cet Auteur 
téméraire ? Il croît que le monde eft gou- 
verné par une volonté puiflknte & fage : il 
avoue que cela lui importe à favoir: & ce- 
pendant , Une fait y dit-il , ^il n^y a qilun 
feul principe des chofes , ou s'il y en a plu- 
^fieurs ; & il prétend qu'il lui importe peu de 
ie i^ywt. S'il y a une volonté puiflante & 



Mandemei^t. 3St 



iàgr qui gouyerne le moqde , eft-U conce- 
vable qli elle ne foit pas IHiniqye principe 
devchofes? il^tpeuMl être plus important 
de avoir Pun que Tautre? Quel langage 
contradiâoire 1 II ne fait quelle ejl la naturô 
ée Dieu , & bientôt après il reconnoît que 
cet Etre fuprême eft doué d'intelligence , de 
puiflknce , de volonté &j; de bonté ; n'eft-ce 
donc pas là avoir une idée de la nature 
divine? L'unité de Die^ lui paroît une 
quefiîon oifeufe & fupérieure ^ f^ raifon , 
commç fila multiplicité dçç pieux nMtoit 
pa$ < la plus grande de toutes les abfurdi-< 
tés. l>a ^lumlifé des Dieux 9 dit énergique^ 
nient Tertùllien, efi une nullité de Dieu (*)^ 
admettre un Dieu , ç'eft admetû^e un Etre 
fuprêîîie & indépendant auquel touç les 
autres Etres foient fubordonnés, H irnpU-» 
que donc qu'il y ait plufieurs Dieuxl 
XIV. Il n'eft pas étonnant, M. T.C. F., 

2u*an homme qiii donne dans de pareils 
çarts touchant la Divinité , s'élève con* 
tre la religion qu'elle nous a révélée.^ A 
l^entendre, toutes les révélations en gé* 



•m 



.(*) Deus cùm fumraum magnum ût, re^t^ veiitas noftr^ 
|»ronuntiavit': Deus ii nop UAUf k^ » aoa eit* ' Ter^ui, ^vcrfi 



381 Mandement. 

oéral ne font que dégrader Dieu^ er^ ffuidon^ 
nani des pa.£ions humaines. Loin ^écldi'rcir 
ks notions , du grand Etre , pourfuit-il , Je 
vois que Us dogmes particuliers les embrouUn 
lent ; que loin de les ennàbRr ^ ils les avi'^ 
lijfent: qu!aux myfieres inconcevables qui les 
environnent ^ ils ajoutent des contradiBions 
^bfiitdes^ C'eft bien plutôt à cet 'Auteur , 
M. T. C F., qu'on peut -reprocher Tin- 
conféqueiîce & rabfurdité. Ceft bien lui 
<ïiii dégrade Dieu , qui eûibrouille , & 
qui avilit les notions du grand Etre , puis- 
qu'il attaque dircÔement ion effence , en 
révoquant .«n doute fon unité. 
, Xy. Il a fehti que la vérité de la ré- 
vélation chrétienne étoit prouvée par des 
feits ; mais les miracles tonnant une des 
principales preuves de cette révélation, 
& ces miracles nous ayant été tranfmis 
par la .voie des témoignages, il s'écrie: 
quoi ! toujours des témoignages humains ! 
iouj'ours des hommes qui me rapportent ce 
que ii autres hommes ont rapporté} Que ^hom: 
mes entre Dieu & moi ! Pour que cette 
plainte fut fenfée , M. T, CF., il feu- 
droit pouvoir conclure quç lâ révélation 
l^ft fauiFé dès qu'elle n'a pqvtf été faitq 



» .1 fc. 



Mandement, 385 



à chaque homme en pardculier; il fau- 
droit pouvoir dire : Dieu ne peut exiger 
de moi que je croie ce qu*on m'affure 
qu'il a dit , dès que ce n'eft pas direde- 
ment à moi qu'il a adreffé fa parole. 
Mais n'eft -il donc pas une infinité de 
£aixs 9 même antérieurs à celui de la 
révélation chrétienne , dont il feroit ab- 
furde de douter } Par quelle autre voie 

?ue par celle des témoignages humains , 
Auteur lui-même a-t-il donc connu cette 
Sparte , cette Athènes , cette Rome dont il 
vante fi fouvent & avec tant d'îiflurance 
les loix , le? mœurs , & les héros î Que 
d'hommes ^ntre lui ÔC les événemen^î qui 
concernent les origines ôcJa fçrtunç de 
ces, anciennes Répu})liques^ ! Que d^hom-» 
mes entre lui & les Hifloriens qui ont 
confervé la mémoire de ces: événemens ! 
Son fcepticifine n'çft donc ici. fondé que 
fur l'intérêt de, foo incrédulité. - 

XVI. Qdun hwnmtji ajoute -t- il plus 
loin , vUi^iJ^ nous tmir^ et tangage : mop' 
t$ls ^ je vous anHonccUsyalcntés duTriS'^ 
H(^ut r ftconnoijjc^ à m^ voix celui qui 
m'envoie, pardonne au /qIcU d^ ch4ngtrfa 

tmi^'^i f^i^Xfi ài^fmtj mlif^i Hfii 



3^4 Mandement. 



fangemtnt , aux montâmes de sapplanîr 9 
aux flou de s^ élever ^ a la terre de prendre 
un autre aJpeS : à ces merveilles qui ne r^ 
connoîtra pas à Binflant le Maître de la na^» 
ture ? Qui ne croiroit , M. T. C* F. , 

3ue celut qui s'exprime de la forte , ne 
emande qu'à voir ài^s miracles , pour être 
diréticn ? Écoutez toutefois ce qu'ail ajoute : 
nfle enfin , dit-il , t examen le plus impor-- 
tant dans la doBrine annoncée. . . • Aprïs 
avoir prouvé la doctrine par le miracle , il 
faut prouver le miracle par la doSnne.. • • • 
Or , que faire tn pareil cas ? Une feuU 
çhoje ! revenir au raifonnement , & laiffer 
là les miracles. Mieux eAt'il valu ri y pas 
recourir , c'eft (Ere : qu'on me montre des 
miracles , & )e croirai ; qu'on me mon- 
tre des miracles , & je refiiferai encore 
de croire. Quelle inconséquence ^ quelle 
abiùrdité ! Mais apprenez donc une bonne 
fois , M, T. C. F* , que dans la queftioa 
Ses miracles , on nfe fe permet point le 
fophlfin^ réprocihé ^ l'Atitôïtf eu livre 
de FEpucATiOK. Quand une doârine eft 
reconnue .vraie , divine , fondée /iir «ne 
révélation cenaike , on s'en fert pour juger 

é^ jûiiittdes ^ ^eft^-dire^ poiur i^j ettec les 

prétendus 



Mandement. 385. 

— — M m — — — 1^ 

prétendus prodiges que des impofteurs 
voudroient oppoler à cette doûrine, Quan4 
il s'agit d'une doârine nouvelle qu'on an- 
nonce comme émanée du £eîn de Dieu, 
les miracles font produits en preuves j 
cVfl-à-dire , que celui qui prend la quîi- 
lîté d'envoyé du Très-Haut , confirme fa 
miffîon , ùi prédication par des miracles 
qui font le témoignage même de la Divi- 
nité. Ainfi la doôrine & les miracles font 
des argumens refpeûifs dont on fait ufa^e , 
ieLon les divers points de vue oîi Ton f€ 
place dans l'étude & dans Tenfeignement 
de la religion. Il ne fe trouve là , ni 
abus du raifonnement , ni fophifme ridi- 
cule , ni cercle vicieux. Ceft ce qu'on ^ 
démontré cent fois ; & il eft probaole que 
l'Auteur d'pmile n'ignore point ces dé* 
monfbations ; mais d;ins le plan çpa?il s'eil 
feit d'envelopper de nuages , toute religion 
révélée , toute opération furnaturelle , il 
nous impute malignement des procédé^ 
oui déshonorent la raifon ; il nous repré^ 
fente comme des enthoufiaftçs , qu*uii fau^ç 
zèle aveugle au point de prouver deu:!ç 
principes , l'un par Pautre , ùais diverfité 
d^bjets , ni de méthode. Oîi eft donCj' 
Suffi, dt Id ÇolUc. Tome L R 



jS6 Mandement. 



^« 



M. T. C. F. , la bonne foi philosophique 
dont fe pare cet Ecrivain. 

XVII. On croiroit qu'après les plus 
grands efforts pour décréditer les témoi- 
gnages humains qui atteftent la révélation 
chrétienne , le même Auteur y défera ce*» 
pendant de la manière la plus pofitive , la 
plus folemnelle. Il feut 9 pour vous en 
Convaincre , M. T. C. F, , & en même tems 
pour vous édifier , mettre fous vos yeux 
cet endroit de fon ouvrage : /avoue que 
la majejte de f Ecriture rr^ étonne } la foin* 
tetl de t Ecriture parle à mon coeur. f^oye[ 
les livres des Philofophes ^ avec toute leur 
pompe ; qu^ils font petits auprès de celui-là ? 
Se peut' il quun livre à la fois Ji fublime & 
fi fitnple , foit t ouvrage des hommes ? Si 
peùt-il que celui dont il fait Chijloire ^ ne 
foit qu'un homme lui-même ? Eft-ce là U ton 
J!un enthoufiajie 9 ou et un ambitieux fec^ 
taire ? Quelle douceur! Quelle putfcti dans 
fes mœurs ! Quelle graçe touchanu dans f es 
infiruclions ! Qiulle ilévation dans fes 
maximes ! Quelle profonde fagejfe dans fes 
'difcours ! Quelle prifençe £efprit , qtulU 
fnejfe & quelle jujleffe dans fes reponfes ! 
Quel fmpire fur fes pajjîons ! Oà ejl thomme^ 



Mandement. 387 

oùtJlUfage qui /ail agir , /oiiffrir & mourir 
JansfoibUje , & fans oflencation ? , -, ., .',. . 
Oui , fi la -yie & la mort de Socrau font 
£tm Jhge , la vie &■ la mort de Jtfus fonr 
dtm Dieu. Dirom-nous qiu tlufioire de l'E- 

Vangilt ejl invtniét à plaifir ? Ce 

iCtA pas ainfi qiion invente ; & les fiits 
de Secratt doru perfonne ne doute , font 
moins atteflés que ceux de Jlfus-XJhrifl, . . . , 
Il ferait plus incancevaite que plufieurs hom- 
mes Raccord eufeni fabriqué ce livre , • qu^il 
pe Ctfi , qu^un feul en aie Journi Ce fujet- 
f ornais les Auteurs Juifs r^eufflnt trouvé ee 
ion , ai cette morale; & t Evangile a des ca- 
raSeres à 
parfaitem 
feroii plu 
«liffidle, 
bel hom: 
gjle. Cei 
jju'en ce 
ma^. C 
lui rappi 
«jnt rapp 
^.luiÎJ 
en contT 
coaTondt 



î.«« 



Mandement. 



(étrange aveuglement a-tril donc pu ajou^ 
ter : avec tout cela ce même EvangiU e/l 
plein de chofes incroyables , de chofes qui 
répugnerai à la raifon ^ é* qu*il ejl impoJJîbU 
ç, tài^t homme fenji de concevoir^ ni Sad^ 
fneure. Que faire au milieu de toutes cci' 
contradictions ? Etre toujours modeJU & cir^, 
fonfpeS . . . ^ ReJpeSer enjilençe ce qilon ni 
faiiroit^ ni tejetttr y fti comprendre ^ & fku^ 
pùlier devant le grand Efre qui feul fait la 
vérité.' Voila le Jcepticifme i^oïonfaire où 
je fuis rejlé. Mais le fcepticîfme , M. T. 
C F, , peut - il donc être involontaire , 
Iorfqu*on refiife de fe foumettre à la doc* 
trine d'un livrfe qui ne Ikuroit être inr 
venté p^r les hpnunes ? Lorfque ce livre 
porte des çaraûeres de vérité, fi grands, 
|i frappans , fi parËûtement inimitables ^. 
ique 1 inventeur en feroit phis étonnant que 
le héros } Ceft bien ici qu'on peut dire 
que Viniquité a pienn cor^trâ elle-même (g)f 
XVlit II femble , M. T. C F. , quç 
cet Auteur n'a fe jette la révélation v qtiè 
jpoùf s'en tenir 4 la religion naturelle ; ce 
gue Dieu vi^ut qi^n homme fajfe , dit-il , H 



j c . 



ip Mpi^^ji^ ç^ u^ix^m mu Pfii* %4* r. i^ 



Mandement. 389 

iie lui fait pas dire par un autre homme i 
il te lui dit à lui-même , il Cécrit au fond 
iie fin cctur. Quoi donc! Dieu n'a-t-îl 
pas écrit au fond de nos cœurs l'obligation 
de fe foumettre à lui , dès que nous font» 
ries fûrs que c'efl: lui qui a parlé î Or', 
quelle certitude n'avons -nous pas de la 
divine parole ! Les faits deSocrate dont 
'ferfonne ne doute , font de l'aveu même 
de l'Auteur d'EMiLE , moins atteftés que 
ceux de Jéfus-Chridi La religion natu- 
relle conduit donc elle-ipême à la reli- - 
gion révélée. Mais eft-il bien certain qu'il 
admette même la religion naturelle ^ bu 
que du moins il en reconnoiffe la nécef-» 
iiié ? Non , M. T. C. F. , Si je me trompe j 
dit- il, c'eji de bonne foi. Cela me fuffit,, 
fûUT qut mon erreur mime ne me- fou pas 
^imputie à ctime. Quand vous vous trompe- 
riez de mêmet il^ 
x'eft-à-dire que , 
perfuader qu'on 
rite ; que cette p 
pagnée des plus 
peut jamais êtri 
qu'on doit touji 
homme iàge & r 



390 Mandement» 

r ^ ■ 

tant les erreurs, même de Pathéîfme , dira 
qu'il eft de hoff.M foi. Or , n'eft-ce pas là 
ouvrir la porte à toutes les fuperûitions , 
k toiis les fyfl'êmes fanatîaues , à toiis les 
délires de Peiprit humain? N'eu -ce pas 
permettre gu'rr y art dans le monde autant 
'de religions,,, de adtes divins^ qu'on if^ 
compte dTiâbîtâns ? Ah f M. T. C. F. ^ 
ne brenez; point le change fur ce point» 
ta bonne foi n'eft eftmxabîe , que quand 
elle eil éclairée' & docile. Il nous eft 
ordonné d'étudier notre religion , & de 
croire avec {implicite. Nous avons pour 
garant des promefles , Tautorîté de TEi* 
Çllfe : apprenons à la bien connoître , 3t 
jettons-ndiis enfuite darts fon fein. Alors 
nous pourrons compter fur notre- borinfe 
foi , vivre dans la paix , & attendï'e ^ 
fans trouble , te moment de la lumière 
éternelle. 

XIX. Quelle înfîgne mauvaîfe foi n'é* 
cîaf ê pWs encore dans la manière dont Fii>- 
crédiiîe , que notis réfiitons , fait raiibnner 
le chrétien & ' le catholique ! Quels di A 
cours pleins d^nepties ne prête -t- il pas 
k l'un & à l'autre , pour les rendre mé*» 
prifables ! Il imagine \m dialogue ^ entre 



•»' ■ ■ Il 



i 

Mandement. 391 



«^ 



un chrétien , qu'il traite d^injpiré , & Tinr 

crédule , qu'il qualifie de raifonncur ; & 

voici comme il fait parler le premier : la 

raifort vous apprend que le tout ejl plus 

grand que fa partie .; mai^ moi , Je vous 

apprends de la part de^Dieu que £ejl la 

partie qui ejl plus grande que le tout} à quoi 

l'Incrédule répond : & qui êtes - rous pour 

n!ofer dire que Dieufe contredit; & a qui 

croirai-'Je par prefirence , de lui qui niap^ 

prend par la raifon des vérités étemelles , ou 

de vous qui rnannonce[ de fa part unz 

abfurditi ? 

XX. Mais de quel front , M. T. C. F. ^ 
ofe-t-ôn prêter au chrétiep un pareil lan- 
gage ? Le Dieu de la raifon , difons-nous , 
efl auffi le Dieu de la révélation. La rai- 
fon & la révélation font les deux orga- 
nes par lefquels il lui a plu de fe faire en- 
tendre aux hommes , loit pour les inf- 
truire de la vérité , foit pour leur intimer 
fes ordres* Si l\m de ces deux organes 
étoit oppofé à l'autre , il efl confiant que 
Dieu feroit en contradiftion avec liû- 
même. Mais Dieu fe contredit-il , parce 
qu'il commande de croire des vérités in- 
compréhenfibles î Vous dites , ô impies ^ 



591 MandeMent. 

Il il 11 II. ■■ I I II n ^ 

que les dogmes ^ que nous regardons 
comme révélés , combattent les vérités 
éternelles : mais il ne fufHt pas de le dire. 
S'il vous étoit poflible de le prouver, 
il y a long-tems que vous l'auriez fait, 
& que vous auriez poufie des cris de 
viôoire. 

XXL La mauvaife foi de TAuteur d*E- 
MiLE , n>il pas moins révoltante dans le 
langage qu'il feit tenir à un catholique 
prétendu. Nos catholiqucÉ ^ \m ùtt-ïl dire, 
/ont grand bruit dt r autorité de PEglife / 
mais que gagnent^ils à cela ? S^il leur foui 
un aujjli grand appareil dt preuves pour ita-^ 
Hir cette autorité ^ quaux autres fecUs pour 
établir direSement leur doSrine. VEgliJe di" 
tide que FEglife a droit de décider : ne voilâ^ 
t-il pas une autorité bien prouvée ? Qui ne 
croiroit , M. T. C. F. , à entendre cet im- 
pofteuf , que Fautorité de TEdife n'eft 
prouvée que par (ts propres décifions , 
& qu'elle procède aînu : Je décide que je 
Juis infaillible , d^nc je le fuis : imputation 
calomnieufe , M. T. C. F, La conftitution 
du chriftianifme , l'efprit de l'Evangile , 
les erreurs même & la foibleffe de l'ef- 
prit humain , tendent à démontrer que 



é* 



Mandement. 39 j 

> » 

»W^—— — — > ■ I I I I II I m I 

TEglUe , établie par Jéilis-Chrift , eft une 
Eglife infaillible. Nous aflurpns que , 
comme ce divin Légiflateur a toujours 
enfeigné là vérité, ion Eglife Tenfeicne^ 
auflî toujours. Nous prouvons donc 1 au- 
torité de l'Eglife , non par Tautorité de 
TEglife , mais par celle de Jéfus-Chrift , 
procédé non moins exaâ , que celui qu'on 
nous reproche eft ridicule & infenfé. 

XXII. Ce n'eft pas d'aujourd'hui ,' 
M. T. C. F. , que l'elprit d'irrélig: on eft 
im efprit d'indépendance & de révolte,, 
Et comment , en effet , ces hommes au- 
dacieux , qui refufent de fe foumettre à 
l'autorité de Dieu même , refpeâeroient- 
ils celle des Rois qui font les images dej 
Dieu , ou celk des Magiftrats qui font 
les images des Rois ? Songe , dit l'Auteur 
d'EMiLE à fon Elevé , quelle ( l'efpece 
humaine) ejl compofée ejfentielletnent de la, 
colleclion des peuples ; que quand tous les 
Rois .... en feraient ôtes , il ny paroîtroit 
gueres , & que les chofes rien iraient pas 
plus maL... Toujours ^ dit -il plus loin ^ 
la multitude fera facrifiée au petit nombre , 
& C intérêt public À C intérêt particulier : 
toujours ces noms fpécieux de jujllcè & d€ 

R5 



J94 Mandement. 

» ■ ■ ■ I ■ M mt 

fuhordination fcrviroru d'injltumcnt à Iol 
rJolcnce 9 & d* armes à Piniquicé. D^où W 
Juh , continue-t-il , que les ordrts^ diliin^ 
gués y qui fe prétendent utiles aux autres ,; 
ne font en effet utiles quk eux-mêmes aux: 
élépens des autres^ Par où juger de la con^ 
fidiràiion qui leur efi due félon la jufice on- 
la raifon ! Ainfi donc , M. T. CF.., rim— 
piété ofe critiquer les. intentions de celut 
far qui régnent les Rois (S) ; ainfi. elle fèi 

{)laît à empoifbnner les fôurces de la fé* 
icité publique , en fpufflant des maximes; 
<^ui ne tendent qu^à produire Tanarchie , 
& tous les malheurs qui ea font la fiiite^ 
ïlaîs , que vous dit la religion ? Craigne^ 
Dieu: refpecles^ l'e.Roi..,.(j^ que tout\ 
homme foit fournis aux Ptàjjances fupéricU'- 
Tes :■ car il riy <r point de ruijfaàce qui ne: 
vienne de Dieu ; 6* cejl lui qui a habll. 
toutes celUs qui font dans le monde. Qui'- 
conque réfjle donc aux Puijfances ^ ri 
tordre de Ùiew^ & ceux qui y réjijtent ^ 
attirent la condamnation fur eux-mêmes QC)», 

f 
■il ■ ■ ,...,,■., , . I II ■ 

<A) Ferme reges régnant Pr^v. C, 8; v, rç. 
f i) Dtttmtimete : Regem honoriflcate* i. P^C.i^v* 1%. 
ih) Omnii anima poteftatibus fublimioribus fubdita fit:- 
non tg cmm fotefiasjùfi à Deo : ^u» autentfuBt » à.IH» 



Mandeme NT. 395 



XXIII. Oui , M. T. C. F. , dans tout ce 
qui eft de Tordre civil , vous devez obéir 
au Prince , & à ceux qui exercent fon 
autorité , comme à Dieu même. Les feuls 
intérêts de TEtre fuprême peuvent mettre 
des bornes à votre foumiffion ; & fi on 
vouloit vous punir de votre fidélité à {es 
ordres , vous devriez encore foufFrir avec 
patience & fans murmure. Les Néron , 
les Domitien eux-mêmes , qui aimèrent 
mieux être les fléaux de la terre , que 
les pères de leurs peuples , n'étoient comp- 
tables qu'à Dieu de Tabus cle leur puif- 
fance. Les Chrétiens , dit Saint Auguflîn , 
leur obéiffoUnt dans le Ums à caufe du Dieu 
de létermté (/). 

XXIV. Nous ne vous avons expofé ; 
M. T. C. F. , qu'une partie des impiétés 
contenues dans ce traité de TEducation, 
ouvrage également digne des anathêmes 
de TEglife , & de la fé vérité des loix : & 
que faut-il de plus poiu- vous en infpirer 



ordinatae finit. Itaque, qui reGftlt poteftati « Dei oràinatiôni 
refiftit. Qui auteiu relUbint ipfi fibi damnadontm ac^uiiunu . 
JRm». c. (3. V. 1. 2. 

(/} Subditi erant propter Demimiin atternimiy ctiarnOo»' 
Aino temporaU. Aug. EiymM»^ in PfâL 124* 

R6 



SE 



396 Mandement. 

uiie jufte horreur î Malheur à vous , mal- 
heur à la fociété , fi vos enfens étoîent 
élevés d'après les principes de l'Auteur 
d'EMiLE ! Comme il n'y a que la religion 
qui nous ait appris à connoître l'homme , 
fa grandeur ^ la mifere , fa deflinée future ^ 
il n'appartient aufli au'à elle feule de for- 
mer la raifon , de perfeâionner fes moeurs f 
de lui procurer un honheur folide dans 
cette vie & dans l'autre. Nous Êivons , M. 
T, G. F. , combien une éducation vraiment 
chrétienne eft délicate & laborieufe : que 
de lumière & de prudence n'exige-t-elle 
pas ! Quel admirable mélange de douceur 
& de fermeté ! Quelle fagacité pour fe 
proportionner à la difiérence des condi* 
tîons , des âges , des tempéramens & des 
caraâeres , ians s'écarter jamais en rien 
des règles du devoir l Quel zèle & quelle 
patience pour faire fruâifier , dans de 
jeynes cœurs , le germe précieux de l'in- 
nocence , pour en déraciner , autant qu'il 
cft pçffible , ces penchans vicieux qui 
font les trilles effets de notre corruption 
héréditaire ; en un mot , pour leur appren- 
dre , fuivant la morale de Saint Paul , à 
firrc m ce monde avtç umpirancc j félon la 



Mandement. 597 



jufiice^ & avec pute j en attendant la béati^ 
tude que nous efpérons (/»). Nous difons 
donc , à tous ceux qui Ibnt chargés du * 
foin également pénible & honorable d'éle- 
ver la jeuneffie : plantez & arrofez , dans Is 
ferme efpérance que le Seigneiu* , fecon* 
dant votre travail , donnera Taccroiffe- 
ment; injifle[ à tems & à contre-temSy félon 
le confeil du même Apôtre ; ufe^ de repris 
mande , dUxkoriation , de paroles fiveres ^ 
fans perdre patience & fans cejfer d^inf^- 
truire (n); fur-tout, joignez l'exemple à 
l'inftruûion : Tinllruftion fans l'exemple eft 
un opprobre pour celui qui la donne , & 
un uijet de fcandale pour celui qui la 
reçoit. Que le pieux & charitable Tobie 
foit votre modèle ; recommande^ avec foin 
à vos enfqns de faire des oeuvres de jujlice 
& des aumônes , de fe foûvenir de Dieu , Gf 
de le bénir en tout tems dans la vérité , &" 
de toutes leurs forces (o) ; & votre pofté-. 

(m) Erudietis nos, ut abnegantes impietatem & fseculari» 
deiiderfk , fobriè & juftè & piè vîvamus in hoc faeculo ex* 
pédantes beatam fpem. Tit. C. 2. t/. 12. 13. 

(n) Inlla opportune, importuné : argue , obiècra, increp» 
in otnni patientiâ & doârinà. 2. Ttjhot. C, 4. v, t^ 2. 

( ) Filiis veftris mandate ut faciant juftitîas & eleemoft* ' 
nas , ut iint memores Dei & benedicant eum in omni tenr* 
f ore f in veriutc Si in XQXk virtute fuk 7>^- C. x^* v. lU 



398 Mandement. 

rite , comme celle de ce faint Patriarche i 
fera aimée de Dieu $• des hommes (/^). 

XXV. Mais en qiiel tems Téducation 
doit-elle commencer } Dès les premiers 
rayons de Tintelligence : & ces rayons 
font ijuelquefois prématurés, Forme[ ten- 
fant à Ventrée de fa voie y dit le Sage, dans 
fa vieillejfe même il ne s en écartera point (^q). 
Tel jeft en effet le coiifs ordinaire de la vie 
humaine : au milieu du délire des paffions^ 
& dans le fein du libertinage , les principes 
d'une éducation chrétienne font une lumière 
qui fe ranime par intervalle pour découvrir . 
au pécheur toute Thorreur de Tabyme où 
il eft plongé , & lui en montrer les iffues» 
Combien , encore une fois , qui , après 
les écarts d'une jeuneffe licencieufe , font 
rentrés , par Timpreffion de cette liuniere > 
dans les routes de la fagefle , &c ont honoré > 
par des vertus tardives , mais finceres >. 
rhumanité y la Patrie & la religion ! 

XX VI. Il nous refte , en finiflànt , M*; 

(/> ) Omnis autem cognatio ejiis , & omnis generatio ejus 
in bonâ vitâ & in ianâà convesfatîone permai^Gt, ita ut 
accepti efleiittam fieo', quim hominibus & cunOis habitar . 
toribus in tertâ. Ibid. v. 17. 

(q) Adolefcens juxta viam fuam, etiam cum leiMietit » 



Ma n d e m e n t. 39^ 

T. C. F. , à vous conjurer , par les en-^ 
brailles de la mîféricorde de Dieu, de vous^ 
attacher înviolablement à cette religion 
fainte dans laquelle vous avez eu le bon- 
heur d'être élevés ; de vous foutenir cofttre 
le débordement d'une Philofopbie infenfée ^ 
qui ne fe propofe rien de moins que d'en- 
vahir l'héritage de Jéfus-Chrift, de rendre {c^ 
prômeffes vaîaes , & de le mettre au rang 
de ces fondateurs de religion , dont la 
doârîne frivole ou pernicieufe a prouvé 
Pimpofture. La foi n'eft tnéprifée , aban- 
donfiée ^ infultée > que par ceux mii ne 
la connoiffent pas ^ ou dont elle gène les 
défordres. Mais les portes de l'enfer ne 
prévaudront jamais contre elle. L'Eglife 
Chrétienne & Catholique eft le commen- 
cement de l'Empire éternel de Jéfus-Chrift^ 
Rien de plus fort (p!eUe\ s^écrie Saint Jeai» 
Damafcene, c^efi un rocher que les fiots ne 
tenverfent point ^ cUJtune montagne que rient 
ne peut détruire (j). 

XXVtl. A ces caufes , vu le livre quî 
z pour titre r Emile , ou de l'Education ^ 

• / 

'(r) Nih il Scella valentius:, rupe fortior eft. . . .femper 
^get ; cur eam Scriptura montem appellavit ? Utique %yàs^ 



^^a^SSB^ 



400 Mandement, 



^tm 



par J. J. Roujfeau , Citoyen de Genève. A 
Amftetdam , cht\^ Jean Néaulme y Libraire y 
1761. Après avoir pris l'avis de pliiûeurs 
perfonnes diftinguées par leur piété & par 
kur favoir , le iaint Nom de Dieu invo- 
qué , Nous condamnons ledit livre , comme 
contenant une doftrine abominable , pro- 
pre à renverfer la loi naturelle , & à dé- 
truire les fondemens de la religion chré- 
tienne ; établiflant des maximes contraires 
à la morale évangélique ; tendant à trou* 
bler la paix des Etats, à révolter les fujets 
contre l'autorité de leur Souverain ; comme 
contenant un très-grand nombre de propo- 
rtions refpeâivement ÊtufTes, fcandaleu- 
fes , pleines de haine contre l'Eelife & fes 
Miniures, dérogeantes au refneû dû à 
l'Ecriture Sainte & à la tradition de TEçlife , 
erronées , impies , blafphématoires & Héré- 
tiques. En conféquence Nous défendons 
très-expreflement à toutes perfonnes de 
notre Diocefe de lire ou retenir ledit livre , 
fous les peines de droit. Et fera notre pré- 
fent Mandement lu au Prône des Meffes 
Paroiâiales des Eglifes de la ville ^ faux- 
bourgs & Diocefe de Paris , publié & 
affiché par-tout où befoin fera. Donné à 



Mandement. j^i 



Paris en notre Palais Archiépifcopal , le 
vingtième jour d'Août mil fept ccntfoixan* 
te-deux. 

Signe, t CHRISTOPHE , Archev. de Paris, 
PJR MONSEIGNEUR , 
DE LA TOUCHE. 

Fin du premier F^ùlumct 



m 



A PART' , Chez C. F. SIMON, Imprimeur 4e la Reine 8c 
de Konfeigneur TÂrcbevêquc , rue des Mathurint, I76V 




' i' *IÎÎT, 



T A B Ï4 E 

DES MA T IB R ES 

Contenues dans ce Volume^ 
Observations fur U JKfcours qtd a 

remporté U Prix de rAcadimiê dé Dijon 
en tannit lyioé « • « • Page i 

Observations de M» Gautier fur la Lettre 
de M. Roujfeau à M. Grimm. • • 6 

Discours de M. Le Roi Profejfeur de Rhé" 

torique; prononce le it Août 175 i dan^ 
les Ecoles de Sorbonru. • • . . aS 

RÉFUTATION du Dijcours qui a remporte 
le Prix de t Académie de Dijon , lue dans 
une fiance de la Société Royale de Nancy ^ 
par iW# Gautier. •••••• 71 

RÉFUTATION du Difcours qui a remporté 
le Prix à t Académie de Dijon en lySo y 
par un Académicien de Dijon qui lui a 
refufe fon fuffrage. ^ 107 

Addition à la Réfutation précédente. 223 



TABLE, 4^1 

lÉFUTATION des Obfervotîons de M. /. /. 
Roujfcau de Genève y &Cr • • aiç 

)£SAVEU de t Académie de Dijon , au 
fujet de la Rotation atmbitée fauffement 
à t un de fes membres* • • • • 265 

OBSERVATIONS de M. Le Cot ^ Secrétaire 
perpétuel de l^ Académie des Sciences de 
Rouen y fur te Défaveu de r Académie de 
Dijon. »» •••••• idS 

lÉPONSE au Difcours qui a remporté te prix 
de f Académie de Dijon , par le Roi de 
Pologne. .•..•♦ r . 1 8 8 

)lSCOURS fur les avantages des Sciences & 
des Arts y par M. Borde. . . . 3ix 

iiRRÊT de la Cour de Parlement qui con^ 
\ damne un Imprimé ayant pour titre EMILE, 

Handement de Monfeigneur t Archevêque 
de Paris , portant condamnation y &c. 3 64 

Fin de la Table. 



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