BOOK 2 1 1.B632 c. 1
BODIN # COLLOQUE DE JEAN BODIN
3 T153 0D0b5230 7
Date Due
I
Demco 293-5
COLLOQUE DE JEAN BODIN
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES
ENTRE SEPT SÇAUANS QUI SONT DE DIFFERENS SENTIMENT
34.G74 — Bordeaux, Imprimerie Y. Cadoret, 17, rue Poquelin-Molière.
COLLOQUE IE \l\\ llll\
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES
ENTRE SEPT SCAUAiVS (IDI SONT DE DIFFERENT SENTIMENS
(Traduction française du « Colloquium Heptaplomeres »)
ROGER CHAUVIRE
DOCTEUR ES LETTRES
L I B £\ J± I R. I E
DE LA SOCIÉTÉ DU
RECUEIL SIR E Y
Annp Mson LAROSE ET FORCEE
LÉON TENIN, Directeur
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PARI S
LIBT\AIR.IE
ANCIENNE ET MODERNE
HONORÉ CHAMPION
5, Quai Malaquais, ô
1 9 1 4
INTRODUCTION
Avant d'offrir au lecteur la traduction de Y Heplaplomeres il) (Extraits) que
je publie ci-après, quelques préliminaires ont paru indispensables. Il était
bon, sans doute, de rappeler en quelques mots ce qu'est l'ouvrage; de suivre,
autant qu'il se peut, l'histoire de son texte; de justifier le choix d'une traduc-
tion et, dans cette traduction, des morceaux préférés; démontrer enfin l'intérêt
de cette publication, tant pour fixer la physionomie de Bodiu lui-même
que comme contribution à l'histoire des religions en France.
I
Sept personnages de religion différente et sans doute aussi de nationalité
diverse (2) sont réunis chez l'un d'eux, Paul Corouseus le catholique, à Venise.
Ce n'est pas au hasard que Bodin place là le lieu de la scène (3). Le cosmopo-
; 1) On a discuté la signification de ce mot. Chapelain, Lettres, éd. Tamizey de Larroque, Paris,
Imp. nat., 1880-1883, lettre 566 t. II. p. 809), interprèle livre en sept parties : le Colloq. n'en a
que six! Guhrauer y voit une allusion aux sept interlocuteurs. Plus précisément, puisque chacun
des sept soutient une religion à part, le mot ne signifierait-il pas : septuple interprétation de la
grande et unique religion naturelle? J'en rapprocherais alors J. Pic de la Mirandole, Heptaplus,
seu sepliformis sex Dierum Geneseos enarralio, 148(J, traduit eu français par X. Le Fêvre de la
Borderie, Paris, 1578. ^ Voyez sur ce livre Ph. Monnier, Le quattrocento italien. Paris, Perrin,
1901, 2 vol. in-8. t. 11. p. 127 . Bodin lisait Pic Hept., V, p. 415 note : je cite, sauf indication
contraire, l'Hept. d'après la pagination du ms. ci-apr<'-s partiellement publié). — Quant au sous-
titre De abditis rerum sublimium arcanis, il a peut-être été inspiré à Bodin par le De abdilis
rerum causis, Paris, 1548, du médecin J. Fernel, souvent cité par lui avec admiration, Dèmono-
manie (Bouen, Raphaël du Petit-Val, 1604, in 12 , 3, 6, p. 383; 2, 3, p. 213, etc.
(2) Coroni est Vénitien; Senamy, Siennois, Hept.. IV, p. 241. Les hôtes de Coroni sont quali-
fiés « homines peregrinos •>, voyageurs, ibid., I. p. 1.
(3) « Venetiam appulimus, omnium 1ère genlium vel polius orbis universi portum communem,
•> quia non modo aspeclu et hospilio peregrinorum Veneli delectantur, sed etiam illic summa
» cum libertate vivi polest. Et cum c.Tteris civilatibus civilia bella... aut studiorum cujusque
» moleslissinice inquisifiones impendeant, haec sola propemodum civilas omnibus his servitutum
» generibus immunis et libéra mihi videtur... Cum aulem in a^dibus CoronaM simul 'colloquii
» participes] habilarenl, ex omnibus 1ère regionibus, si quid novum aut scilu dignum conligissel.
a facile ab amicis, quos Romae, Constantinopoli. Auguslae, Ilispali, Anlwerpiae, Lutelia' conqui-
» sierant, lillerarum ope inlelligebant ». Hept., éd. Xoack, p. I et 2. — Cf. Guhrauer, Das Hep-
taplomeres, Berlin. Eichler, 1841, p. i.i. — Barlholmess, Jordano Bruno, t. I, pp. 104-202, mon-
tre amplement que Venise, indifférente en religion, ne regarde que sa grandeur; et que les inté-
rêts de son commerce lui commandentlaplus large tolérance, surtout envers les clients étrangers
qui fréquentent sou port. En même temps elle a une réputation de centre intellectuel que les Dix
tiennent à lui garder, et qui exige, dans une certaine limite, la liberté de penser.
Chauviré i
UH 3333
2 INTRODUCTION
litisme de Venise justifie la rencontre des individus les plus dissemblables;
son rare esprit de tolérance y autorise, en plein xvie siècle, la vie libre et
la libre discussion; enfin l'activité du commerce y fait aflïuer, aux mains de
nos sept savants, les informations que leur adressent des correspondants de
Rome, de Constantinople, d'Augsbourg, de Séville, d'Anvers et de Paris.
Après souper on fait de la musique, et la conversation s'engage sur la
métaphysique. Antoine Curtius, calviniste, et Federicb Podamicus, lutbérien
de la confession d'Augsbourg, défendent la réforme. Octave Fagnola, autre-
fois captif cbez les Turcs, a renié, et professe à présent l'Islamisme. Salomon
Barcassius est juif. Diego Toralba, dont le prénom annonce un Espagnol, s'en
tient à la religion naturelle. Jérôme Senamus enfin, persuadé que l'adoration
même d'idoles toucbe le vrai Dieu, pourvu qu'elle soit sincère, est indifférent
aux confessions, qu'il décrie et pratique toutes également.
A en croire Diecman (1), cette affabulation ne serait pas invention pure.
Guy Patin aurait, paraît-il, entendu dire à Gabriel Naudé, son ami intime,
qu'il y avait eu autrefois à Venise quatre personnes qui, deux fois la semaine,
se réunissaient pour discuter sur les différentes religions. Parmi elles se trou-
vait un certain Coroni, de Rouen, dont le nom rappelle un des sept interlocu-
teurs de Bodih. Le fameux bumaniste et arabisant Guillaume Poslel leur ser-
vait de secrétaire. Après sa mort à Paris, en 1584 (2), ses papiers tombèrent
aux mains de Rodin, qui s'en servit pour composer son ouvrage. A l'appui de
celte histoire spécieuse, mais dont l'authenticité échappe à présent au con-
trôle, Diecman rapporte un mot qu'Henri Estienne (3) attribue à Postel : pour
composer une religion parfaite, il faudrait en emprunter les éléments aux
trois religions juive, chrétienne et turque. Et, on doit l'avouer, ce mélange,
cette conciliation au moins de toutes les religions (4) dans une seule est bien
une des idées essentielles qui flottent dans Y Heplaplomeres.
(1) Diecman, De nal uralismo cum aliorum, lum maxime .lo. Bodini, ex opère ejus xvsxSotw
de abdilis rerum sublbnium arcanis, Schediasma inaugurale, Leipzig, MDCLXXXIV, p. 9.
— Il lire ce renseignement d'une lettre de G. Patin à Julius Hackcberg, chambellan du prince
électeur de Brandebourg. En concordance avec Diecman, Mich. Denis écrit du ms. lalin 047 de
la Bib. de Vienne : « In codice noslro ms. ex ore Gab. Naudaei haec referunlur : Guillaume Poslel
» donna des mémoires à Bodin, sur lesquels il fit son Heplaplomeres. Ces mémoires venaient
» d'une certaine Académie de quelques savanls italiens de laquelle Poslel était le greffier ».
Codices mss. theologici liib. Palalinœ Vindobonensis latini, Vindobànae, de Trallnern, 1800,
in-I'of. (2e partie, col. 1505 sq.).
(2) D'après Bayle, Postel, enfermé pour hérésie dans un couvent pendant plusieurs années,
mourut bien à Paris, mais en 1581. Sur Poslel, voyez aussi Golomiès, Gallia Orien/alis, Hag;e
Comitis, Vlacq, 1665, in-4°, pp. 59 sqq. ; Menagiana, Paris, Delaulne, 1715,4 vol. in-12, t. IV,
pp. 378 sqq., dans la dissertation sur le prétendu livre De tribus impostoribus; et Weill, De
G. Voslelli vila et inclole, Ihèse, 1892.
(3) Introduction au traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes,
cli. xiv. « Toulesfois je ne sçay pas si entre les livres qu'il a voulu eslre imprimez, se trouvent
» des propos lesquels il a tenus une fois à Venise à plusieurs et à moy entre autres, à sçavoir
» que pour faire une lionne religion il fauldroit qu'elle fusl composée des trois religions, de la
» chreslienne, de la judaïcque et de la turquesque? » Ed. le Duchat, 1735, p. 184.
(4) Cf. Naudé, Bibliographia polilica, Venetiis, 1633, p. 48 : « ... Diversas inler se religiones
» commillere, quemadmodum... fecere... Pelrus de Alliaco... Hieronymus Cardanus... et Joan-
» nés Bodinus ». — Pour moi, je rapprocherais plutôt la tentative de Bodin de celle de Pic delà
INTRODUCTION à
La forme du dialogue, donnée à son œuvre par Bodin, peut-èlre pour vivifier
un sujet un peu bien sévère, et sans doule aussi à l'exemple des grands
modèles antiques qu'il aimait, Cicéron et Platon, n'avait pas tenté l'auteur ici
pour la première fois. Mais le « colloque » dans le Thealrum naturse ou le
Paradoxon n'est guère qu'un moyen commode d'exposition : les interlocu-
teurs n'y sont guère que des noms, qu'on remplacerait aisément par Demande
et Réponse. Ici, au contraire, la conversation est animée, réelle; les person-
nages ont chacun leur caractère; le progrès littéraire est grand. Coroni, épris
de règle et d'autorité, humble et doux, traditionnaliste convaincu, peut-être
un peu borné; Federich et Curce, tous deux croyants, tous deux plus ennemis,
semhle-t-il, de Rome que du Grand Turc ou d'Israël, mais l'un plus passionné,
l'autre plus raisonneur, l'un s'indignant avec violence contre les papistes,
l'autre plus volontiers réfugié dans une sereine théologie, plus savant d'ail-
leurs; Octave, attaché à la foi musulmane, mais conciliant, mais préoccupé
de découvrir plus ce qui l'apparente aux autres confessions que ce qui l'en
sépare; Toralba, critique et mystique tout ensemble, féru de science et
pourtant imprégné de ferveur et d'onction ; Senamy bien plus léger, esprit
aigu et irrévérencieux jusqu'à la gouaillerie, soucieux avant tout que les
querelles religieuses n'engendrent ni massacres, ni guerres civiles; Salomon (1)
enfin, le plus curieux et le mieux buriné de tous, ferme en sa foi, que rejoi-
gnent et qu'étayent sa raison et sa science, aussi épris de magie que de rabbi-
nisme, commentateur d'une érudition incroyable et d'une diffusion égale,
aussi retors qu'intrépide, mi-philosophe et mi-prophète; — voilà des figures
qui se gravent dans l'esprit, originales et distinctes. Le mérite n'est pas
mince (2), si l'on songe qu'il y a là sept personnages, dont l'auteur ne précise
peu à peu les traits que par leurs seuls discours. Sans conteste, à n'envisager
que le mérite artistique, VBeptaplomeres est le meilleur ouvrage de Jean
Bodin.
C'est aussi le fruit de sa vieillesse. Si l'on en croit l'inscription, qu'on
trouve, à quelques variantes près, dans tous les manuscrits : II. E. J. B. A. S.
Mirandole. Pic le premier cherche à prouver la religion chrétienne par Plalon comme par Aris-
tole, par Mahomet comme par Moïse; et avec lui, Bodin cherche à représenter la religion
(naturelle, il est vrai) comme rahoutissement final de toute l'histoire religieuse de l'humanité. Si
l'on songe maintenant que Bodin connaît Pic et l'admire: qu'il lui ressemble par l'universalité de
sa culture, et la curiosité qu'il étend à l'hébreu, à la cabale, à la magie, à la science des nom-
bres; on peut se demander si l'idée de concilier toutes les religions en une seule, Bodin ne Ta
pas empruntée à l'Académie platonicienne de Florence en général, et aux Conclusiones de Pic
en particulier. Cf. Ph. Monnier, o. c, t. II, pp. 115-122.
(1) Salomon est évidemment, même aux yeux de ses adversaires, le personnage éminent du
dialogue. Peut-être est-ce ainsi qu'il convient d'interpréter le « Salomonem, publica authoritate
frelum », pour lequel nous proposons une autre explication, HepL, IV, p. 334. Quoi qu'il en soit,
la vraisemblance historique justifie la supériorité du personnage. Sur les écoles florissantes, fré-
quentées par les chrétiens autant que par les juifs, que les juifs bannis d'Espagne avaient trans-
plantées en Italie, sur les imprimeries juives, sur les académies juives de médecine, philosophie,
grammaire au xvie siècle, cf. Guhrauer, o. c, p. lvii. — Rabbin Gultmann, J. Bodin in seinen
Beziehungen zum ludentum, Breslau, 1906, p. 32, exprime l'avis que cette haute figure donnée
à Salomon est conforme à l'estime qu'en tous ses écrits Bodin a témoignée à la culture hébraïque.
(2) C'est le sentiment de Baudrillarl, l'ublicistes modernes, Paris, 1862, p. 236.
4 INTRODUCTION
A. M. LXIII, Hœc ego Joannes Bodinus A ndegavensis scripsi anno œtalis LXIIf(i),
— il l'aurait terminé en 1593. Détail qui, outre sa valeur chronologique, en a
une dramatique aussi : que Ton y songe, à l'heure où Bodin s'abandonnait à
des spéculations indépendantes, si souvent hostiles à Rome, la Ligue faisait
rage autour de lui. Suspect, il pouvait craindre chaque jour pour sa vie.
L' Heplaplomeres trouvé chez lui, — et l'on chercha — c'était la mort. En un
tel moment, une pareille liberté d'esprit dénote un beau sang-froid.
II
Rien d'étonnant désormais que Y Heplaplomeres, où le lecteur le moins
expérimenté sent une odeur d'hérésie, soit resté longtemps inédit. IN au dé,
malgré son admiration pour Bodin, nous parle sans tendresse d'un gros
volume sur les secrets de la métaphysique, qui n'a pas encore été publié : « FA
» plaise à Dieu, ajoute-t-il, qu'il ne le soit jamais » (2).
Le manuscrit original, d'après un racontar peu authentique du môme Naudé
à Patin (3), aurait été prêté par les héritiers de Bodin au président de Mesmes,
lequel en aurait tiré une copie, source probable des exemplaires ultérieurs.
Quant à l'autographe lui-même, il serait tombé, si l'on en croit Claude
Sarrau (4), entre les mains de Jean Descordes, chanoine de Limoges. Celui-ci
apprit à son ami, Hugues Grotius, qui préparait alors son De verilale religio-
nis christianse, qu'il possédait V Heplaplomeres, et le lui fit tenir, pour qu'il
parât les traits de Bodin contre la foi. C'est à cette circonstance que nous
devons la lettre souvent citée (5), où Grotius, avec un dédain peut-être excessif,
maltraite son adversaire d'un jour.
Il existe à la Bibliothèque nationale, fonds latin 16139, un manuscrit du
xvne siècle qui porte, au dos de la reliure, la mention : Hugonis Grolii. On
(1) Interprétation du ms. de la Bib. nationale, L. 12976.
(2) « Compositum, sed nondum editum (alque utinam nunquam edalur) de rerum sublimium
» arcanis ingens volumen ». Naudé, o. c, p. 48.
(3) Rapporté par Diecman, o. c, p. 12 sq. Il n'y a rien qui le corrobore dans les Lettres de Guy
Patin. Mais Leibnilz, pendant son séjour à Paris, prenant des notes, le 22 murs 1676, sur un
entretien qu'il venait d'avoir avec un M. Thoynard (et dans lequel le Tricbel du Fresne cité par
le Grotianus [cf. infra] est incidemment nommé), confirme la tradition : « Le livre de Bodin
» manuscrit est venu de la Bibliothèque de Mous, de Même originairement ». Bib. royale de
Hanovre, mss. de Leibnilz, Physique, vol. VI, fos 14 à 16.
(4) « Eum [librum I Heplaplomeris] olim ex aucloris apographo, qui tum eral Joannis Gordesii,
» descripsit Ardisius [Hardy, conseiller au Châtelel]. Priusquam autem reliqua perfecisset, repe-
» lilus est liber qui jam nuspiam comparet ». Claud. Sarrauii, Epis toise, Arausioni (et rêvera
Parisiis), 1654, Isaaco Vossio Holmiam, 3 t'év. 1651, p. 326. — Sur Sarrau, conseiller au Parle-
ment de Paris et bibliophile, cf. Nouvelles de la République des lettres, Amsterdam, D. Mortier,
juin 1684, pp. 342-352.
(5) Depuis Bayle, Dictionnaire, art. Bodin. — On la trouve dans Grotii Epistolae quotquot
reperiri polueruut, Amslelodami, Blaeu, 1687, in-l'ol., p. 127, lettre 353, en date du 19 sept. 1634;
et dans ma thèse sur Jean Bodin, Paris, Champion, 1914, Appendice. Elle commence ainsi :
« Multis simul rébus, Heverende Senex, me beavit vesler Cramoisius : nam et lilleras a te
» atlulit... et Bodini scriptum manu librum legi dignissimum ». Antérieurement déjà, lettre
292, p. 106, Grotius demandait au même Descordes : « Bodini opus supremum eslne ut lucem
» sperel? ».
INTRODUCTION 5
trouve sur la feuille de garde l'épître au chanoine Descordes, introduite par
l'avis suivant : « Judicium Hugonis Grotii de hoc opère, ascriptum anno 1630
» in hoc loco, postea edilum in epistulis ejusdem Grotii quas ad Gallos [scrip-
» sit?] ea nempe quœ numéro GLXVI ad Joannem Cordesium scripta 19 sep-
» tembris 1634 ».Ces deux signes donnent à penser que nous sommes bien en
présence de l'exemplaire qui a appartenu à Grotius (1). Or, il est certain que
ce n'est pas là l'autographe. Les références des citations, numérotées en
marge de 1 à 9, présentent des lacunes. L'écriture ne ressemble pas aux spé-
cimens qui nous restent de celle de Bodin (2). A une étude approfondie, ce
manuscrit n'apparaît même pas l'un des meilleurs que nous ayons. Donc, ou
bien Descordes n'avait envoyé qu'une copie à Grotius, ou bien Grotius avait
fait prendre copie et rendre l'original, - l'une ou l'autre copie assez
négligée; — ou bien encore et plutôt (3), si Grotius a eu, à un certain moment,
l'original en mains, la copie Hugonis Grotii a été faite à un autre moment et
sur un autre exemplaire. De toute façon, et c'est la seule conclusion qui nous
importe ici, nous perdons la trace du manuscrit authentique de Bodin (4).
Des copies discrètes, et d'autant plus alléchantes, se cachaient au fond de
quelques bibliothèques : si bien que, fort avant dans le xvne siècle, nombre
de savants ne connaissaient deYHcptaplomeres que le titre, et par Colomiès (5).
Ce renom de mystère et de scandale attira la reine Christine de Suède : elle
chargea Claude Sarrau de lui procurer l'ouvrage, et Isaac Vossius de surveiller
les démarches de Sarrau (1650-1651). A la bibliothèque du roi, dans les col-
lections célèbres de MM. de Thou, Bichelieu, Mazarin, Guy Patin, du Puy
frères, recherches vaines. Henri Valois l'historien avait conseillé de fouiller le
cabinet de Mesmes : pareil insuccès (6). Les émissaires de la reine sont avisés
que le Colloquium complet se trouve à la bibliothèque de Cluny; mais là, au
lieu d'une mauvaise volonté secrète (7), ils rencontrent un refus formel (8).
(1) Et qui passa des mains de Grotius, mort en 1646, dans celles du procureur général du Par-
lement, M. de Harlay (Chapelain, o. c, lettre 566, t. II, p. 809).
(2) Par exemple deux lettres autographes à Castelnau-Mauvissière, Bib. nationale, Cinq-Cents
de Colberl, vol. GDLXXU, pp. 157 et 261.
3) Cf. infra la discussion sur la valeur relative des mss. de VHept.
(4) Sarrau avoue que, déjà de son temps, il avait disparu : « Liber qui jam nuspiam comparet ».
Il ajoute : « Dicunt Cordesii ex sorore nepolem eum secum in quemdam Lemovicensem pagum
» asportasse : sed quid islo nepole l'actum sit nescitur. Dicunt alii scriptum horribilis carminis
» visum flammis ullricibus esse datum ». Is. Vossio, 3 fév. 1651. Guhrauer suggère l'hypothèse
qu'à son lit de mort Bodin aurait brûlé VHept., comme il fit de son traité De imperio, et que
VHept. ne se serait sauvé que par des copies antérieures à la mort de l'auteur. O. c, p. lxxvi.
(5) Diecman, o. c, p. 21 sq. : il veut parler de la Gatlia orientait?. — Cf. Chapelain, o. c,
lettre 566, t. II, p. 809 : « Ceux qui ont ce livre en font grand mystère, et il faut estre de leurs
» amis pour le leur prester ». Et Sarrau : « Vénales sunt [Hept. libri], sed in aurem lanlum
» dicilur nec auctioni publies permilluntur ». Isaaco Vossio, 25 mars 1651.
(6) « Bodini liber quem rogas reperlu est dil'ficilis : nec extat in Bib. regia neque in Thuana
» aut Richeliana aut Mazarina. Neque Puteani l'ralres [les frères Du Puy, Pierre et Jacques,
» gardes de la bib. du roi, qui a hérité d'eux le fonds Du l'uij], neque Bignonius [Jérôme B., mort
» en 1656 bibliothécaire du roi], neque Palinus eum habenl >■. ls. Vossio, 3 fév. 1651. « In eo
» [calalogo mss. Bib. Memmiaiice, 1650] neque laudatum Varronem. neque desideratum Bodini
» Dialogum reperio, quos procul dubio aliquis surripuerit ». Is. Vossio, 25 mars 1651.
'7) On verra par la suite que les cabinets de Richelieu, Mazarin, Guy Patin possédaient chacun
un Hept. et le dissimulaient donc aux émissaires de la reine.
(8) Sarrau, lettre à Is. Vossius, 13 avril 1651.
6 INTRODUCTION
Enfin, Christine obtient satisfaction : comment, c'est ce que nous apprend,
dans un latin obscur et mutilé, la noie suivante tirée du manuscrit de
Grotius (I). « On trouve mention du premier livre, copié d'un manuscrit plus
» petitique le manuscrit complet, jesuppose] dans les lettres de Claude Sarrau,
» conseiller au Parlement de Paris, éditées à Paris ou, par fiction, à Orange,
» 1654, savoir dans une lettre à Isaac Vossius du 3 février 1051, p. 326. On
» doit, semble-t-il, écarter le soupçon que si le reste de l'ouvrage avec faculté
» de le copier se fût présenté (aux chercheurs), ils eussent eu la paresse ou la
» négligence de ne pas le copier. Et cela d'autant plus qu'en 1654, la reine
» Christine, pour qui cet homme distingué écrivait à Vossius, avait invité
» Trichet, sieur du Fresne, à utiliser le concours de l'homme dont lesdites
» page et lettre donnent le nom (2j, pour découvrir quelque exemplaire de
» bonne marque, qu'on pût envoyer à S. M., alors en résidence à Bruxelles, et
» d'où elle fit tirer par ses secrétaires une copie en caractères à elle habituels.
» La chose se fit en février de la même année, exactement le 15, honorable
» homme M. Jean-Baptiste Haut ia prêtant son exemplaire, et du Fresne le
» portant à la reine, qui le garda jusqu'en 1658. Par la suite, le sieur du
» Fresne entreprit un voyage de deux ans en Italie et en Espagne, dont il ne
» revint qu'environ mai 1661, pour mourir le 4 juin. Enfin, non sans de
» grandes difficultés, causées par la frappe d'une médaille en or à l'effigie de
» la reine (?), le manuscrit fut, au début d'août, rendu et réintégré aux
» mains (3) qui l'avaient prêté à emporter dans Bruxelles, et le 24 juin suivant
» rentra dans la bibliothèque dudit sieur J.-B. Mantin, conseiller au Châtelet
» de Paris, d'où il avait été absent sept ans et plus, pendant ses voyages en
» Italie, Allemagne, Belgique et France ».
(I) « Primi libri minori charla descripli mentio facta cum reperialurin Epislolis viri clarissimi
» Glaudii Sarrauii, senaloris Parisiensis, edilis Parisiis, an, ut fingitur, Arausioni, anno 1654,
» epislola scilicel ad Isaacum Vossium, quse numéro CCVI scripla III. Februarii anno 1651,
» pagina 326, visa est declinanda socordia? iiegligenlia:que suspicio, si reliquum operis cum
» copia apographi occurrisset, non describerelur. Eo magis quod anno 165 ï serenissima Sueciae
» regina, cujus causa vir clarissimus ad Isaacum Vossium scribebal, jussisset V. G. Trichet,
» dominum du Fresne, uti illius opéra, cujus nomen dicta epislola paginaque 326 refertur, ad
» nanciscendum aliquod exemplar probse noise, quod ad ejus Majestalem tum Bruxellis degen-
» lem millerelur, ex quo apographum sibi per amanuenses ebaractere sibi usilalo describerelur.
» (Juod cum faclum essel mense l'ebruario dicli anni nempe die XV, usuni exemplairs quod
» poilus se erat concedenle V. C. Dom. Joanne Baplisla Hanlino, el diclo Dom. du Fresne ad
» Serenissimam Reginam deferenle.quii' illud ad Mensem usque Decembrem anni 1658 servavil:
» exinde cum diclus Dom. du Fresne, in Ilaliam el flispaniam susceplo biennali ilinere, anno
» 1661 solum circa mensem .Maium redux, diem suum quarlo Junii obiissel, tandem non sine
» [sine esl probablement ajouté par lapsus] mediocri dil'ficullale, cujus numisma aureum vullu
» Serenissimae Regina' impressum causa fuit, tandem in manus quœ illud Bruxellas deferendum
» tradiderant ini'.io mensis Augusli, atque anno sequenli die Junii XXIV in Bibliolhecam dicli
» Dom. J.-B. Ilanlini, consiliarii regii in Caslellello parisiens-!, a qua per septennium el eo
„ amplius abfueral,per Germaniam perque Ilaliam, Belgiam el Galliam peregrinalione absolutum
., tandem poslliminio rediil [s.-ent. exemplar.] ».
(2) Henri Valois (1603-1676), érudil qui seul avail du jaloux présidenl de Mesmes el, aptvs sa
sa morl [1650), de la présidente, l'aulorisalion d'user de la colleclion de Mesmes. 11 avail promis
son aide aux recherches de Sarrau, lettres du 21 janvier el du 3 lévrier 1651.
(3) Ce ne sont pas les mains de Trichet, qui esl morl; ni de Hantin, qui ne le recouvrera qu'en
juin suivant; ni de Sarrau, mort avanl 165i. Est-ce Henri Valois?
INTRODUCTION 7
D'autres que Christine auraient voulu lire le Colioquium. Mais les exem-
plaires longtemps encore demeurent rares. Par la correspondance des érudits
allemands Christian de Boineburg et Hermann Conring (1), nous apprenons
qu'un manuscrit, venant d'Angleterre et sortant des mains du poète Milton,
était arrivé en Allemagne. Le possesseur en refusait, par jalousie ou scrupule,
communication au savant duc Auguste de Wolfenbuttel. Et Boineburg ne se
procurait qu'après bien des peines et du temps une copie qu'il passait à
Conring Hi~-J .
Mais, peu à peu, l'horreur qu'inspirait Y Heptaplomeres n'empêchant pas les
curieux de le rechercher, les manuscrits se multiplièrent, si bien, affirme
(inhrauer (2), que, au début du xviii8 siècle, il n'était pas de savant en renom
qui n'eût le sien. Vogel (3), qui a étudié les manuscrits du Co i Uoi quium dans
les pays de langue allemande, en compte plus de trente appartenant à des
collections publiques, plus de cinquante à de particulières. Il en connaît, à la
seule Bibliothèque Boyale de Dresde, cinq, dont celui de Leyser (4); à celle
de Gôttingen, trois (5); h Hanovre, deux; à Zittau, un. Denis (6) en signale à
Vienne, Noack à Altona. Guhrauer en a consulté deux à Berlin [Théologie
nos 93 et 94 ; il note l'existence de trois autres, dont celui de Senckenberg, à
Giessen (7). J'en ai vu pour ma part huit à la Bibliothèque Nationale, trois à
la Bibliothèque Mazarine, un à Sainte-Geneviève, sans compter cinq exem-
plaires d'une même traduction française. Aix possède un Heptaplomeres latin
de la fin du xvne siècle. Angers en a acheté un à la vente de M. Camille Ballu
(1913). Et bien d'autres ont disparu ou restent ignorés : qu'est devenu celui
du conseiller Hantin, attesté par le cod. Grolianus? Celui du conseiller Hardy,
attesté par Sarrau? Celui de M. Briot, attesté par Colomiès? Ceux de Conring,
Thomasen, Leibnitz, attestés par le manuscrit de Leyser?
Les travaux (8) pleuvent sur Y Heptaplomeres, variantes, gloses, surtout réfu-
tai ions. Diecman compose contre lui sa thèse de doctorat : De naluralismo,
1) Guhrauer, p. lxxvji, qui renvoie au Commercium Epistolicum Leibnilianum de Gruber
(Ilanoverœ, 1745). Ce Boineburg, diplomate au service de l'électeur de Mayence, avait alors pour
secrétaire Leibnitz, qui s'occupa lui aussi de V Heptaplomeres, cf. infra.
[2 V,id. — Le Menagiana, t. IV, p. 2'J7, racontant les recherches de la reine Christine, dit
que le Colioquium était un « manuscrit alors très rare », ce qui insinue que cinquante ans après
il est plus répandu.
(3) Guhrauer, o. c, p. lxxy.
(4) CI', itifra.
(5) Quatre, dit A. Bath, Die Handschriften in Gôttingen, Berlin, 1893, t. II, p. 465 sq. : les
mss. 274, 275, 276 et 277.
6 Michael Denis, o. c, t. II, col. 1505.
(7) CI". Adrian, Catalogua codd. mss. Bibl. Academi.e gissensis, Francfort, 1840, p. 149.
(8) Voici, dans l'ordre chronologique, ceux dont j'ai eu connaissance :
1. Arsenal, ms. 4852, Recueil anonyme, pp. 5-10, Résumé et appréciation sur Vtfept. 'début
du xviie siècle .
2. Lettre de Grolius à Descordes, 19 sept. 1634 en réalité antérieure à cette date d'au moins
quatre ans, d'après le ms. de la Nationale f. latin 16139, cf. infra), dans Grotii Epistolae, Amster-
dam, 16S7, ep. 353, p. 127.
3. Cl. Sarrauii senatoris parisiensis Epistolse, opus poslhumum ad seren. Chrislinam Sueciœ
reginam, Arausioni, 1654, in-8.
4. B. nat. ms. f. lat. 16139, Colloq. Heptaplomeres, olim Grolianus, p. 1. Recherches faites
8 INTRODUCTION
1684, réimprimée quelque vingt ans après. Leibnitz jeune avait songé à écrire
par les émissaires de la reine Chrisline pour lui procurer VHept. Leltre de Grolius à Descordes
ci-dessus indiquée, et copiée, dit ce ms., dès l'année 1630.
5. Lettres de Leibnilz à Spizelius (1669) à Antoine Arnauld (1671) sur VHept., qu'il avait lu
chez son patron J -Ghr. de Boineburg [Commercium epistolicum Leibnitianum, par Gruber,
Hanovre, 1745).
6. Leibnilz, Bodini Coll. Hept. examinatum et refulalum, 3 feuilles doubles, œuvre de jeu-
nesse. Bibl. royale de Hanovre, mss. de Leibnitz, Théologie, vol. VI, n» 16.
7. Leibnilz, Notes prises après une conversation avec M. Thoynard, 22 mars 1676. Bibl. royale
de Hanovre, mss. de Leibnilz, Ablheilung 37 (Physique), vol. VI, loi. 14 à 16.
8. Hermann Gonring, Lettres au duc Auguste de Wolfenbûttel, 1672 (l'un et l'autre étaient à
la recherche d'une copie de VHept.) dans Gruber, o. c. ou dans Conringii Epistolœ, Helmsladl,
1686.
9. Ghapelain, Lettres (à Waghenseil, 1668; à Conring, 1673), dans l'éd. Tamizey de Larroque,
Paris, 1880-1883.
10. Huel, Demonstratio evangelica, Paris, 1679 (réimpression à Leipzig, 1703).
11. Diecman, De naluralismo cum aliorum, tum maxime Jo. Bodini, ex opère ejus àvexôOTw
de abdilis sublimium rerum arcanis, Leipzig, 1684 (réimpression à Iéna, 1700).
12. Bayle, Nouvelles de la République des Lettres, t. I, art. 3 (sur le livre de Diecman), Ams-
terdam, 1684.
13. Weber, Annotations au texte de VHept. D'après V. Adrian, o. c, p. 189, le ms. de Gies-
sen n° 626 (fin du xvne siècle) est une copie de l'exemplaire de Weber, jurisconsulte, vice-
chancelier de l'Université de Giessen, mort en 1726.
14. Koch, conseiller du prince-électeur de Hanovre, Annotations au lexlede VHept. Le ms. de
Gôtlingen 277, daté de 1712, est la copie de son exemplaire (A. Balh, o. c, t. Il, p. 466).
15. Menagiana, Paris, 1715, 4 vol., t. IV, p. 297 sq.
16. Leyser, De vita et scriplis Joh. Bodini, Wittemberg, 1715.
17. Gottlieb Wernsdorff, pasteur, 1668-1729, thèse de doctorat en théologie, De indifferentismo
religionum, augmentée el réimprimée, Wittemberg, 1716, traduite en allemand et insérée dans
les Disputationes Wemsdor/fianx, 1731 et 1734. Ouvrage célèbre en son temps. Voir § 74.
18. Leibnilz, Lettres (à Sébastien Kortholt, janvier et mars 1716; à Hertel, bibliothécaire à
Wolfenbûttel, mai 1719).
19. Vogt, Apparalus lillerarius, Wittemberg, 1717, collectio prima, p. 66 sqq. (disserlalion
sur le judaïsme de Bodin).
20. Leyser, Projet d'une édition de VHept. Son ébauche est le ms. de la Bibl. royale de Dresde,
Théologie, n° 1, 1727. Ge ms., qui nous promet des variantes des savants ci dessous nommés,
nous apprend qu'outre Koch, de nous déjà connu, avaient annoté VHept. H. Gonring, qui avait
fait copier son exemplaire sur celui de Boineburg (cf. Lettres à Wolfenbutlel) ; Thomasen (1622-
1684), qui avait élé le maîlre de Leibnitz a Leipzig; Molanus ou Van der Muelen (1633-1722), le
même qui avait entamé des négociations avec Bossuel pour la réunion des Églises; Leibnilz,
enfin (M. le Dr Kabilz, prof. ord. à l'Univ. de Breslau, déplore (ibid.) la disparition de son exem-
plaire). Leyser, prof, de poésie à Helmstadt, avail lancé un appel aux souscriptions du monde
savant dès janvier 1720. On trouve son prospectus ibid.
21. Bayle, Dictionnaire hist. et critique, art. Bodin, 4« éd., 4 in-l'ol., 1720. Avec le supplément
de Chaufepié, 8 in-fol., \TM.
22. Scharbau, pasteur, Judaïsmus deleclus, in quo vindicantur et resliluuntur qui vel injuste
inter Judœos relali vel ex Judaeorum numéro immerilo exclusi sunt, Lubecc, 1722.
23. Senckenberg, Trois lettres à M. Heyne, 1786-1787, sur l'utilisation par lui faite du ms. 276
de Gôttingen, là même (cf. A. Balh, o. c).
24. Senckenberg, Annotations au texte de VHept., sur un ms. daté de 1725 : c'est le ms. de
Giessen 627 (cf. Adrian, o. c, et Strieder, Hessische Gelehrten Geschichte, XIV, p. 269-276).
25. Devisme, Notice sur Bodin, dans le Magazin encyclopédique, rédigé par L.-A. Millin,
Paris, 7° année, t. IV, 1801, pp. 42 et sqq.
26. Vogel, Zur Geschichte des ungedrucklen Werks des Franzosen J. Bodin Coll. Hept.,
dans le Serapeum du Dr R. Naumann, n°> 8-10, 30 avril et 31 mai 1840.
INTRODUCTION 9
un Bodini Colloquivm examinatum et réfutation \). Et les exemplaires alle-
mands ont des annotations de Thomasius (Chr. Thomasen, 1655-1728), de
Molanus (Van der Mnelen, 1633-1722), de Conring, de Weber et de Koch.
Leibnitz avait d'abord considéré Y Heplaplomeres comme un livre dangereux
à laisser dormir dans la poudre des bibliothèques (2). Vers la fin de sa vie,
revenant sur sa première opinion, il lui souhaitait au contraire un éditeur (3),
mais qui fût versé dans la philosophie, la philologie sacrée, le rabbinisme et
la patrologie. Un jurisconsulte distingué, Polycarpus Leyser, de Helmstadt,
déjà auteur de Selecta de vita et scriplis Joli. Bodini, 1715, se met à l'œuvre.
La Leipzige Gelehrlen Zeilung annonce, en juin 1720, que l'impression a com-
mencé. Mais alors Leyser se heurte au double veto des cours de Saxe et de
Hanovre. Il laisse inédites ses notes à la bibliothèque de Dresde (4).
Vers la fin du xvme siècle, un autre érudit, le baron de Senckenberg, tra-
vaille, avec cinq manuscrits, à une édition critique du Collorjuium. Mais il ne
l'imprime pas (5).
En 1841, (luhrauer, que l'étude de Leibnitz amène à celle de Bodin, donne
pour la première fois au public, avec une substantielle préface, l'analyse
détaillée de Y Heplaplomeres, en allemand, et le texte en latin du quatrième
livre (partie) et du cinquième. Noack en a seul jusqu'ici publié le texte entier,
en reproduisant le travail de Senckenberg, augmenté de variantes tirées des
manuscrits de Giessen, Gôttingen et Altona. Malheureusement son édition est
27. Guhrauer, Das Heplaplomeres des Jean Bodin, trad. el Lexte partiels, avec une copieuse
et substantielle préface, Berlin, 1841.
28. Loehn, De Jo. Bodini Colloquio Heptaplomere, dissertalio historico-lheologica, Tubingœ,
1843.
29. Baudrillart, Jean Bodin el son temps, Paris, 1853.
30. Noack, Colloquium Heplaplomeres, Schwerin, 1857.
31. Baudrillart, Publicistes modernes, Paris, 1862.
32. Enfin, de Thou, Histoire universelle, liv. GXV1I, trad. de 1734, t. XIII, p. 35, et Possevin,
Judicium de Nnse militis Galli, Joannis Bodini, l'/t. Mornsei et Nie. Machiavelli quibusdam
scriplis, Rome, 1502, ou Lyon, 1593, ou Francfort, 1608, ont parlé des sentiments religieux de
Bodin, mais sans connaître YHept . De même, Naudé, qui le connaissait, lui, Apologie de tous les
grands personnages faussement soupçonnez de magie, Paris, 1625, et Bibliographie politique,
Venise, 1633, et Paris. 1642. De même encore G. Patin, Lettres, et Colomiès, Gallia Orientalis,
Paris, 1665. J'ai moi-même parlé de la Religion de Bodin dans ma thèse : Jean Bodin, auteur
de la République, Paris, 1914, liv. Il, ch. ni.
(1) La date de cet opuscule, aussitôt abandonné que commencé — il n'a que trois feuillets
doubles — est, d'après Gubrauer, qui est un spécialiste en Leibnitz, attestée par l'écriture.
(2) Cf. Guhrauer, o. c, p. lxxx.
(3) Ibid.
(4) Le Katalog der Handschriften der Kgl. Bib. zu Dresden, t. III, p. 1 (Theol., n° 1), annonce,
jointes au texte de Leyser, des variantes de Conring, Thomasen, Leibnitz, etc., et des notes de
Leyser. Alléché, j'ai voulu voir ce ms. : c'est une copie de YHept., à vrai dire plus correcte que
Noack el parfois que Guhrauer, mais bien faulive encore au prix de nos mss. français. Elle porte
dans la colonne varians lectio quelques rares variantes, sans indication d'origine. Pas de recher-
ches sur les références, pas d'introduction, pas de commentaire. Leyser, découragé, aurait-il
abandonné son travail prématurément? C'est ce que semble pourtant démentir un appel imprimé
au public pour couvrir, par une souscription, les frais d'impression, 1720, et que je trouve collé
à la feuille de garde. Le ms. lui-même est daté de 1727.
(5) Hessische Gelehrlen Geschichle de Strieder, XIV, pp. 269-276; (dans Guhrauer, o. c,
p. lxxxiv .
10 INTRODUCTION
des plus médiocres : quelques exemples concluants suffiront à le démontrer.
Voici des barbarismes : ludibus publicis (éd. Noack, p. 159); sludimus
(p. 114); admicuisli (p. 115); hostias exadoralas (p. 124); molles et leneres
annos (p. 168); Potana, pour Polina, déesse de la boisson; Memphitim,
l'Égyptienne, pour Mephitim, déesse des exbalaisons pestilentielles (ibid.);
pactibus fp. 215). — Voici des solécismes: cum creatori (p. 353j ; in ipsa œtatis
flore (p. 284). Et je doute qu'on explique la phrase suivante : « Exslat Dola-
» bellœ proconsulis ad Ephesios epistola, ne Judseos sacra facere in oppidis
» ac civitatibus Asi;c prohibeantur », à moins d'écrire Judxos... prohibeant ou
Judxi... prohibeanlur. -- Les passages inintelligibles abondent. On voit le
chef de la chrétienté consacrer aux dieux païens le Panthéon d Agrippa devenu
église : « a Bonifacio III Pont. max. divis omnibus consecratum » (p. 120).
On voit le fanatique Salomon agréer pour son Dieu les prières des gentils :
« quoniam pietas gentium non impietas erga Deum ». Tous les autres textes
suppriment non (p. 122). On voit le même Salomon déclarer que pour prier
leur Dieu, les Hébreux ne se permettent jamais de s'asseoir, « nunquam
» sedentes, multo minus ambulantes, nisi morbus vel imbecillitas cogat ».
D'où il résulte que plus ils sont malades ou infirmes, plus ils se promènent :
Bodin avait dit qu'ils se couchent, accubanles (p. 167). Une note explique :
« Vox assa, id est gratissima ». C'est gravissima qu'il faut lire (p. 114). Terlul-
lien signale le danger des baisers de charité : « Fœminas viris confusas inter
» amplexus et oscula invaluisse scribit », au lieu de incaluisse (p. 164). Un
autre incrimine le geste païen qui consiste à baiser la terre maternelle :
« Verum enim vero sine saliva osculari nemo potest », écrit Noack sans
sourciller. Et ici il est inexcusable : il connaît le bon texte, il le cile en note :
« Terram vero sine scelere osculari nemo potest » (p. 167). On pourrait mul-
tiplier les échantillons d'une telle négligence : nimia,au lieu de mima (p. 295) ;
virtutis scienliam, peu intelligible, au lieu de scintillant (p. 299); possunl, au
lieu de non possunl (p. 300) ; miserabile, au lieu de mirabile (p . 304); cor-
dium (?), au lieu de sordium, la honte de la chute (ibid.); minus, au lieu de
magis (p. 308); omnis, au lieu de inanis (p. 314); aerea, au lieu de aenea : il
s'agit de prix distribués aux vainqueurs d'une course (p. 325); deseiii pour
diserli advocati p. 332 ; Machumis (?), au lieu de in Blachernis : Octave conte
qu'à Constantinople, au faubourg des Blaquernes, les chrétiens grecs célèbrent
une fête en l'honneur de la Sainte Ceinture (p. 335), etc., etc. En vérité
l'insouciance éclate à chaque page dans le travail de Noack. « Je n'ai pas
» ménagé mes peines, écrivait avec assurance Senckenberg; mais j'ai établi
» l'exemplaire peut-être le plus correct qui ait encore été, et sur lequel on
» pourra établir en toute sécurité l'édition à venir, si jamais elle trouve un
» imprimeur » (1). Noack l'a cru sans contrôle et a pris pour base de son
texte celui de Senckenberg, « orgueil de la bibliothèque de Giessen » (2). Il a
eu tort.
C'est dire qu'il restait encore à faire après lui. La première tâche qui s'im-
posait à moi était de déterminer la valeur relative des manuscrits de ï Hepla-
|i) Guhrauer, o. c, p. lwxv.
(2) Noack, o. c, praTalio.
[NTRODUCTION Jl
plomerrs connus en France, qui sont ceux auxquels je me suis tenu (1). L'an-
cienneté était pour chacun d'eux une présomption en sa faveur; et cette
ancienneté est attestée par l'origine de quelques-uns. Tel exemplaire, qui
provient de la bibliothèque de Mesmes ou de celle de (îuy Patin, n'est évidem-
ment pas éloigné de l'époque de Bodin. L'étude des écritures fournit aussi
(1) Ce sont les mss. :
a) Latins.
1. Bibliothèque nationale fonds latin 6564 Joannis Bodini Colloquium Heptaplomeres De
abdilis rerum sublimium arcanis, in-fol. de -482 pages, olim Memmianus, xvie siècle. C'est celui
que j'appelle M.
2. Nationale f. latin 6565, même litre, in-fol. de 296 feuillets, olim Mazarinaeus, xvie siècle D).
3. Nat. f. lat. 6566, même titre, in-fol. de 273 feuillets. On lit sur la feuille de garde : « Guido
» Patinus Bellovacus doclor medicus parisiensis, 1627. Ex dono Dom.Carolo Guillemden, Régis
n chrislianissimi medici ordinarii ». xvie siècle A .
4. Nat. f. lat. 12976, même litre, in-fol. de 164 feuillets, venu des hib. de Séguier, puis de
Coislin, enfin de S. Germain des Prés, xvne siècle P).
5. Nat. f. lat. 12977, même litre, in-4° de 285 feuillets, a bibliolheca Soc. Jesu, collegii pari-
siensis, xvne siècle (J).
6. Xat. f. lai. 13971-13972, même titre, 2 in-4° de 457 et 407 pages, olim Dan. Huelii, xvne siè-
cle (Il .
7. Nal. f. lai. 16139, même litre, in-fol. de 493 pages, olim Hugonis Grolii, venu de la Bib. de
Sorbonne, xvne siècle (G .
8. Nal. nouv. acquisitions lai. 515, même litre, in-4° de 423 pages, xvme siècle (0).
9. Bib. Sainte-Geneviève 1025, même titre, in-fol. de ?24 feuillets, légué à l'abbaye en 1710
par Ch.-M. Le Tellier, archevêque de Reims, xvne siècle (T).
10. Bib. Mazarine 3527-3528, même litre, 2 in-4° de 282 et 279 feuillets, olim Sulpicianus,
165S (S).
11. Mazarine 3529, même litre, in-fol. de 199 pages, sans indicalion d'origine, xvie siècle (E).
12. Mazarine 3530, J. Bodini Heptaplomeron De abdilis, ele , in-fol. de 364 feuillels, xvne siè-
cle K .
13. Bib. royale de Dresde, Théologie n° 1, même litre, exemplaire de Polycarpus Leyser,
1727.
b) Français.
1. Bib. nat. f. fiançais 1923, Colloque de Jean Bodin des secrets cachez des choses sublimes
entre sept sçauans qui sont de dijferens senlimens, in-4° de 685 pages, fin du xvie siècle ou
début du xvne, sans indication d'origine H .
2. Arsenal 251 6, même titre, in-fol. de ab-273 pages, simples extraits de VHept., légué par
l'abbé Clapeyron à la Bib. Sainle-Geneviève, 176 '>.
3. Arsenal 5425, même titre Recueil Connut, t. XVI, pp. 1-711 , xvne siècle.
4. Arsenal 6026, même titre, grand in-fol. de ab-592 pages, provenant des bib. de MM. de
Paulmy, l'abbé de Rolhelin, N.-J. Foucault, xvue siècle.
5. Mazarine 35 il, même Litre, in-4" de 653 pages, 1771. Ces quatre derniers mss. sont des
copies, partielle n°2 ou totales nrj* 3, 4 el 5), du n° 1 R .
J'ai eu également sous les yeux les deux éd. imprimées de VHept., l'une fragmentaire [Das
Heptaplomeres des Jean Bodin, zur Geschichle der Cultur und Lilleralur im Iahrhundert der
Reformalion, von Dr. E. Guhrauer, Berlin, Eichler, 1841, in-8 [B , l'autre complète iJ. Bodini
Colloquium Heptaplomeres, etc., edidit Ludovicus Noack, Suerini Megaloburgensium, 1857,
in-8 [N]). Je n'ai pas tenu compte du ms. d'Angers (xvme siècle, : c'est un dérivé dégénéré du
type MET voyez infra), bourré de fautes grossières, et veur de loute référence, ou peu s'en
faut, à parlir du livre IV. Quant à celui d'Aix, un fâcheux concours de circonstances m'a empê-
ché de le voir lors de mon passage dans celle ville ; el je n'ai pu en obtenir le déplacement, le
legs Méjanes, auquel il appartient, l'ayant rendu immeuble par destination. G'esl le seul exislanl
dans les bibliothèques publiques françaises dont l'inventaire a paru : Catalogue général des 7nss.
des bib. publiques de France, Paris, Pion, 1885-19U4, 43 vol. parus.
12 INTRODUCTION
des données certaines, pourvu qu'on ne leur demande pas une précision
impossible : on peut bien affirmer qu'un manuscrit appartient au xvic ou au
xvne siècle, et même au début ou à la fin du xvne siècle, mais dire plus est
dangereux. C'est si vrai que le manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève
n° 1025 (1) est attribué, et justement attribué, au xvne siècle par Kohler;
mais l'ouvrage est de deux mains : à partir du fol. 68, l'écriture change et
prend tous les caractères du xvie siècle. Qu'en conclure, sinon que ce cod. a
été, dans les premières années du xvn% commencé par un scribe qui obéissait
à la mode nouvelle, puis continué par un autre, âgé peut-être, et fidèle aux
traditions de sa jeunesse? On voit avec quelles précautions seulement on peut
faire état de la paléographie. Ajoutons que, de toute façon, si l'ancienneté
est une présomption, elle ne saurait être que cela : tel manuscrit récent ayant
pu être copié sur un archétype disparu, plus ancien et plus correct que tous
ceux qui nous restent.
Une méthode plus précise était donc nécessaire. Dans les limites du livre IV,
que j'avais d'abord eu l'intention de publier tout entier et seul, j'ai relevé
sur le texte de Noack, pris comme point de départ (2), un certain nombre
d'erreurs, que soit le bon sens, soit mes recherches dénonçaient avec certitude.
En voici du premier type : « Seneca scribit nihil bono viro mali contingere
» posse, quoniam contraria miscentur » (p. 113 de Noack) : la correction non
miscenlur s'impose évidemment. — « Si sanctis Romanorum a?dilibus dalum
» negotium est, ne quse religio peregrina in urbem admilteretur » (p. 119) :
sanctis présente peu de sens, surtout quand on voit Senamus, à la réplique
suivante, rappeler par edicta l'idée que veut exprimer sanctis; de fait, la
bonne leçon est senatusconsullo. — « Non tamen in ea [Azoara — sourate du
» Coran] qurc in manibus Christianorum versatur » (p. 132). Est-ce entre les
mains des Chrétiens qu'on s'attend à trouver des sourates du Coran? — Nom-
bre de fautes pareilles ont déjà été signalées plus haut : « A Bonifacio III
» Pont. max. divis omnibus consecralum » (p. 120). -- « Verum enim vero
» sine saliva osculari nemo potest » (p. 107), etc.
Voici des erreurs du second type : Hellherus (p. 121 de Noack) est cité
comme un célèbre théologien musulman. Ce personnage est Elhari Ibim Esed
de Bagdad, et on peut même préciser peut-être où Bodin a été le chercher :
c'est dans Léon d'Afrique, livre III. — Un certain Philoslratus tyrannus (p. 139)
est dit avoir eu un songe où il se voyait précipiter du ciel. Outre qu'on ne
connaît pas de tyran Philostrate, la Dêmonomanie, I, 4 (éd. de 1604, p. 107),
nous fait le même conte d'Hippias, et nous donne la source de Hodin : le De
Somniis d'Artémidore d'Éphèse, que Fontaine avait traduit en français, 1546.
Bodin, citant de mémoire, comme il lui arrive à chaque instant, aura remplacé
le fils par le père, Hippias par Pisistrate; et les copistes auront aisément, la
forme ancienne de l'h ressemblant à l's moderne, substitué PhilosLrate à
Pisistrate. -- Le Coran est appelé Alphalicianus (p. 170). C'est Alphurcanus
qu'il faut lire, comme le prouve l'opuscule intitulé : Doclrina Machumetis
(1) Cf. Kohler, Catalogue des mis. de la Bib. Sainte-Geneviève, Paris, Pion, 1893, p. 138.
(2) Parce que c'est la seule édition complète du texte latin et parce que c'est la moins difficile
à se procurer en librairie.
INTRODUCTION 13
summalim comprehensa, ab Hermanno Dalmala ex arabico translata : « Sed
>. die, si placet, Deus tibi misit scriptum? — Respondit [Machumelus] : Sic.
» — Quod? — Dicit : Alfurcan. — Car dictum Alfurcan? — Dixit : Quia
» discret* sunt sententise et figura? ejus » (1).
Enfin la collation, que j'avais faite entière (2), des premiers manuscrits que
j'étudiai (P et G), avec le texte de Noack, me révéla encore dans celui-ci
nombre de leçons controversées : Ex amaro omnium (P G carnium) dulcium
levi adustione fit yXuxu7cixpov palato gratissimus sapor (R p. 213). — Igitur
inter angelos non nisi virtutum et illustrium animorum (P G actionum\
certamen exsistit (p. 218). — Illud quidem optare potius... quam sperare
debemus ut una sit et eadem civium unio, una (P G remplacent unio, una
par immo) mortalium omnium de rébus divinis consensio (P G assensio,
p. 220). — Salomo. Ne religio quidem sit, nisi veram esse demus. Quoniam, etc.
(P G mettent dans la bouche de Senamus la réplique qui commence à
quoniam, p. 220). — Cum Apollinei pontifices Camarim... preces ac vola
ingénièrent (G ingeminarenl, p. 250). — Festis epulis coram immorlali Deo
obtestamur nos summa cum Jœlitia cibis sacrificiorum optimis (P G opimis)
vesci (p. 307). Il serait facile de multiplier ces exemples.
Par ces divers procédés, mon attention était attirée sur un certain nombre
de points de comparaison. C'est d'après eux surtout que j'ai alors collationné
les autres manuscrits latins des bibliothèques françaises.
Un premier résultat m'est apparu assez rapidement. C'est qu'il y a des
leçons (pour la plupart mauvaises) spécifiquement allemandes; je veux dire
propres aux éditions allemandes et dont nos codd. français sont tous
indemnes (3).
Les unes, très fréquentes, appartiennent à N seul, et peuvent être attribuées
à la recension défectueuse de Senckenberg, en laquelle Noack a mis toute sa
confiance : par exemple : communicalis (-— commulatis), p. 210; contraria
miscentur (= non miscenlw), p. 211 ; illustrium animorum (= aclionum),
p. 218; l'oubli d'un changement d'interlocuteur, p. 220; sanclis (= senalus
consulto), p. 223; une interpolation, p. 228; l'omission d'un habet indispen-
sable, p. 232; deserendo (= disserendo), p. 238; non tamen in ea quxïn mani-
bus Christianorum versalur (= non tamen ea qiue... versanlur h p. 249
manium Deorum (= inanium), p. 252; invaluisse ( = incaluisse), p. 316
ambulantes (= accubantes), p. 323; teneres annos (= teneros animes), p. 325
Alphalicianus (= Alphurcanus), p. 350; Toralba substitué à Coronœus,
p. 337, etc.
Les autres leçons, fautives aussi, forment une série moins nombreuse à la
vérité, mais plus intéressante, parcequ'ellessontà lafoiscommunesetpropres
(1) Dans l'édition latine du Coran par Bibliander, 1550, t. I, p. 190.
(2) Comme aussi celle de la version ou du lexle de Guhrauer (B), toujours dans les limites du
livre IV.
(3) De ces leçons, un certain nombre appartient à des pages (209-215, 239-242, etc.) dont le peu
d'intérêt m'a amené à donner un résumé, plutôt que le texte, dans mon édition. J'ai pensé avoir
néanmoins le droit de ne pas me priver pour ma démonstration de ces preuves, toujours vendables
sur N, B, et les manuscrits.
14 INTRODUCTION .
ùBN : omnium (— carnium) dulciurii, p. 213; ingemerent (= ingeminarent),
p. 250; IsraëliliB {= Ismaélitx), p. 252; et collocaret (= ut collocarelur),
p. 274; maris abyssus (— immanis abyssus), p. 254; indicos (== indicas)
sacerdotes, p. 264; nerao sine saliva {■= scelere) osculari potest, p. 322; in
libris {= in terris), p. 337; Almad (= Ackmad (1), surnom de Mahomet qui
signifie le très glorieux), p. 327; Gara/fa (— Cheruffa, nom d'une femme que
Mahomet aurait séduite), p. 328; traclare (= lactari), p. 340; virgam illius,
quam ad pontificem delegerat (= virgam illius, quem ad pontificatum dele-
gerat), ibid. — Or Guhrauer nous déclare dans sa préface avoir employé, après
nos manuscrits de la Bibliothèque nationale noS 6564 (M), 6565 (D) et 6566 (A),
les manuscrits de Berlin nos 93 et 94 (2), On peut donc croire que les leçons
qui précèdent lui viennent de ces derniers; supposer, puisqu'elles lui sont
communes avec N, une certaine parenté entre les manuscrits allemands dont
Noack-Senckenberg et lui se sont servis, et que, je me hâte de l'avouer, je
n'ai pas vus; conclure peut-être de ces exemples à une probable infériorité,
qui atténue mes regrets, de ces manuscrits sur les nôtres. On sent trop»ce
qu'a de précaire une généralisation si aventureuse pour la présenter autre-
ment que comme une hypothèse; toutefois il n'y aurait rien d'étonnant que,
d'un ouvrage écrit en France, et dont les copies apparaissent anciennement
en France, plus tardives en Allemagne, les exemplaires français fussent les
plus corrects. Venons donc à ces exemplaires.
Ce qui frappe à mesure qu'on les étudie, c'est leur étroite ressemblance.
Sur la grande majorité des points litigieux, on les trouve unanimes. J'en ai
donné déjà nombre d'exemples en leur comparant plus haut N et B; en voici
quelques autres : sublimior (et non : sublilior), p. 219; ut una sit et eadem
civium, immo (et non unio, una) etiam mortalium omnium de rébus divinis
assensio (et non consensio), p. 220; conalus (et non coaclus, que traduit cer-
tainement B), p. 227; tametsi plerique (N ajoute indûment Chrisliani : il
s'agit des princes musulmans), p. 325; répétition injustifiable, à la fin d'une
réplique de Coroni, de la phrase qui la commence, p. 233; omission, dans
une énumération, du quatrième terme de cette énumération, p. 276. — Il
semble donc bien qu'une même source soit commune à tous.
Toutefois, pour voisins qu'ils soient, ils ne sont pas semblables : il s'agit
donc de les classer en familles; et comme l'autographe, qui lèverait tous les
doutes, est assurément perdu, c'est là que les diflicultés commencent.
Il y a des cas où les variantes ne donnent sur un tel problème aucune indi-
cation utile. C'est d'abord quand elles sont, si j'ose dire, individuelles,
j'entends : quand elles se rencontrent dans un seul manuscrit, contre l'unani-
mité des autres. Par exemple : P ea lamen lege ut (cseteri : ne), p. 241 ; volunt
(lj De generatione Machumet et nutritura ejus, quod transtulil Hermannus Dalmala :
« Gujus [Machumel] nomen in c;elo Achmet ». Alcoran de Bibliander, L. I, p. 203.
(2) C'est le Memmianus (M) qui esl à ses yeux le plus ancien et le meilleur, et qui, dit-il, est à
la base de sa recension. Mais, au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture de Vflept., on
constate, dans une multitude de cas controversés, le désaccord de Guhrauer avec M et on se
prend à craindre qu'il ait, malgré son intelligence et son scrupule, accordé, contre M, trop de foi
aux mss. de Berlin qu'il avait sous la main. Quant àD A, je n'ai vu nulle part qu'il en ait tiré les
leçons, parfois excellentes, qu'on y trouve.
INTRODUCTION 15
{p. nolunl), p. 246; ingénièrent (c. ingeminarent), p. 250; — G munera (c.
numina), p. 224; e* (c. *t) suo judicio, p. 249; interpolation de ;equis porlio-
nibus conlemperalur, p. 212; — K ut cavelur (c. collocavetur), p. 27-4; oplimis
(c. opimis), p. 307; Livius de Manulius (c. Numidis), note 7 de la p. 341; A
templa deorum (c. Judseorum), p. 321; nec m'ros feminœ contueri possint (c.
«tri ferninas); — 0 faisant continuer Curce où les autres donnent la parole à
Octave, p. 230; — J évitant la répétition fautive de la p. 233, au prix d'une
correction d'ailleurs absurde (1).
On n'est pas plus éclairé quand, une variante se rencontrant dans un certain
nombre de manuscrits, le groupement qui s'était établi à celte occasion ne se
reproduit plus, et qu'il s'en forme d'autres, chaque fois différents, à chaque
passage contesté. Ainsi l'on trouve DATESJPG cara ou chara contre MOK
clara, p. 241 ; puis DATESJM Pisistratus contre PGHOK Philos Ira lus, p. 263;
DAST.JPG accubanles contre MIIOK accumbenles, p. 323; enfin MAEHOJKG
exadorea contre TP exadorla, D exadoreo, S qui omet le mot, p. 233.
Ce qu'il faut donc arriver à découvrir, ce sont des séries, même peu nom-
breuses, de leçons concordantes qui départagent les manuscrits en groupes
toujours identiques. C'est affaire de tâtonnements, que la chance abrège ou
prolonge à son gré.
Or je lis, p. 313 : « Coronseus (2). Non video cur Pater nosler Chrislianorum
» [cedere debeat Lassake Ismaëlitarum aut Schemali Hebraeorum. — Salomo.
» Nostrum] illud Schéma, 'quod ab omnibus Judœis quotidie usurpatur, non
» est precatio, sed commemoratio ». DA, seuls de tous nos manuscrits, omet-
tent les mots entre crochets. Les mômes DA omettent, seuls de tous encore,
tantôt quelques mots : Tcpo; 9eûu, (ju'exige le texte cité du Cralyle, p. 236,
tantôt des phrases entières : [Plutarchus ad interilum dsemonum référendum
pulaviï\,\>. 257, ou des lambeaux de phrase : [audila morte caput una cum ejus
sacerdotibus abrasil, forsilan originem traxerunt, lum etiam], p. 336; [Quid
Lucas? ld quod Marcus, Johannes, Matthseus. Quid Marcus? Id quod Johannes,
Matlhœus, Lucas.], p. -428; [exslitissent, minime rejicienda fuerunl. Sin falso
aut inïer se discrepanlia qiuenam {ides aut], p. 429; corrupla : sitpernaluralia
vero penitus exhausla fuisse palet, sic tamen], p. 571 bis. Naturellement ces
lacunes rendent le texte inintelligible; mais l'important, pour nous, c'est
qu'en opposition aux autres manuscrits, qui ne les présentent pas, elles font
de DA une famille distincte.
Parmi les autres exemplaires, PG apparaissent à leur tour comme très
semblables Seuls ils écrivent tous deux : potius (cœteri : polenlius), p. 329;
veram (c. meam) sententiam, p. 332, etc. Seuls ils omettent tous deux : inle-
grilas, p. 215; sani furiosis, p. 215; et muneris, p. 217; et eadem, p. 220;
(t) << Epicurus ad licenliam peccandi aditus omnes aperuisse videlur, cum praemia bonis, sup-
» plicia peccalis irrogari divino judicio persuasum habealur ». Qui ne voit: t° la difficulté d'expli-
quer le passif habeatur; 2° l'impossibilité, pour Epicure qui conçoit les Dieux étrangers et
indifférents à l'homme, de croire à la sanction par eux de nos actes; 3° la contradiction entre le
début et la fin de la phrase : comment Epicure eùt-il donné carrière au péché, s'il eût cru à sa
répression ?
(2) Goroni demande en quoi le Pater chrétien est inférieur à la prière de chaque jour, que les
Musulmans nomment Lassala et les Juifs Schéma.
16 INTRODUCTION
Deorum, p. 221; bene/icos, p.. 222; non modo, p. 223; cum populo, p. 251 ;
[valicinia dici possunl ; prophelia vero singulariquadam appellalione] , p. 264, elc.
Devant la fréquence de ces erreurs, la valeur de ces exemplaires apparaît
médiocre ; et devant leur concomitance, la parenté certaine. Comme d'ailleurs
P G sont relativement récents ; comme nous les voyons régulièrement appuyer
soit contre R, soit contre DA, les manuscrits anciens et entre eux similaires
MET, nous conclurons que PG est un rameau distinct de la grande branche
MET.
Voici donc le classement auquel nous aboutissons : de l'archétype perdu
viennent deux groupes de manuscrits datant tous du xvie siècle ou des pre-
mières années du xvne : 1° DA ; 2° MET. Ce second type, copié par la suite,
a donné d'une part JHOKS (1), d'autre part PG où pullulent les inexacti-
tudes de détail. II se recommande de lui-même, et par ses exemplaires anciens,
et par le fait qu'il évite les omissions propres à DA, et par son accord enfin,
dans l'immense majorité des cas, avec les mêmes AD. 11 est représenté dans
mon édition par M : non que j'accorde à M une valeur supérieure a celle de
T ou de E ; je l'ai choisi en raison d'une préférence un peu superstitieuse,
parce qu'il venait de ce cabinet de Mesmes, où, dit Leibnitz, l'original de
Y/Jepl. séjourna un temps, et que, d'après un autre, c'est le Me n uni anus qui a
donné naissance à la plupart des copies ultérieures.
Mais j'ai aussi constamment cité 1), et voici pourquoi. Je devais représenter,
m'a-t-il semblé, la famille de manuscrits DA, malgré ses erreurs certaines,
comme j'y représentais l'autre famille MET. Mais surtout, en dépit de ces
erreurs, dans plusieurs cas intéressants, les variantes de D me paraissaient
apporter la vérité. Quand Bodin nous montre les sorciers foulant aux pieds
les hosties consacrées, D seul écrit correctement : hostias exadoreo ( — ex
adoreo [se. farrej) verbis ritualibus consecratas proculcant; N donne exado-
ralas, les autres manuscrits exadorea, exadorta, également inintelligibles et
barbares, p. 233. De même, tous les manuscrits font consacrer l'église Sainte-
Marie de la Rotonde par le pape Boniface à tous les dieux, divis omnibus ; D
seul encore écrit correctement : Beatœ Mariée consecratum, p. 224. J'avoue
que c'est une surcharge, après rature du texte commun ; mais cette surcharge
est de la même encre plus noire, de la même main différente, que cent autres
par moi relevées dans ce manuscrit, et où se révèle autant d'ignorance que de
soin. Nous avons donc affaire à un correcteur qui ne sait pas ce qu'il écrit, et,
dans les cas embarrassants, se borne à tenter de déchiffrer exactement
le texte modèle. J'en infère que la restitution Bealx Mariœ n'est pas une
conjecture de bon sens, mais une lecture plus attentive d'un passage difficile
(1) Il serait même probablement possible de préciser davantage. Ainsi je crois entrevoir que S
dérive de T. A l'omission, signalée supra, de la p. 270, tous les mss. écrivent : quarla caritalem
erga singulos, sexla muletas pecuniarias, seplima conlracluum el bereditalum jura T seul,
suivi par S, écrit quinta à la place de sexla, omettant le sixième terme au lieu du cinquième.
D'autre part, T S écrivent tous deux cara, p. 241; l'isislratus, p. 203; accubantes, p. 323.
J'avoue ne pas avoir poussé la vérification plus loin pour S, et n'avoir pas même tenté la recherche
pour J II 0 K, parce que je n'en voyais pas l'utilité. Du moment que MET sont des copies d'un
même exemplaire, et où les différences ne sauraient être qu'accidentelles, que m'importe duquel
des trois dérivent J, H, ou 0?
INTRODUCTION 17
dans l'original, — difficulté qui explique justement la faute commune à toutes
les autres copies. Même raisonnement pour la note 7 de la p. 307 : tous les
exemplaires, y compris D, donnent la référence fausse : IV Région, 4 ; mais
D seul biffe et rectifie : // Regum, 4. Évidemment on peut supposer que le
scribe ait vérifié la citation; mais pourquoi aurait-il vérifié celle-là, et celle-là
seule, quand il en a laissé tant d'autres inexactes (1)? Et enfin en un certain
non:bre de cas, la contestation n'est pas possible : sans correction ni sur-
charge, D apporte la lumière : Tucit., lib. 3 (cœteri : lib. 19), note 7 de la
p. 225; aptissime (c. apertissime), p. 219; finxissenl (c. jinxissel), p. 339; une
excellente ponctuation, p. 523; pià, abréviation de prima (c.pia, inintelligible),
p. 475.
Je crois donc être fondé à accorder à D une haute valeur. D'autre part, le
caractère grossier des erreurs, aussi rares d'ailleurs qu'aisées à découvrir,
qu'on y relève, ne sont pas pour démentir l'impression de scrupule et de naï-
veté qu'il nous avait faite tout à l'heure. Où le soin du copiste est inefficace,
l'ignorance éclate. Ce sont des barbarismes : fsmaëliles, p. 248; posleslalibus,
p. 263; feriare, p. 284; verbium, p. 310; — des solécismes enfantins : [Ismaë-
litse] infiliatur, p. 248; divina \e\ proponanlw, p. 247; pro Deo colendum
(pour : colendo), p. 249 ; judicant (pour : judicavil) Aben-Esra, p. 279; — des
fautes encore qui laissent le texte inintelligible, et qu'un plus instruit eût aisé-
ment évitées : Ixvissima (pour : levissima), p. 256; scribit sequendam (pour :
qup.ndam), p. 339. Il semble qu'en un manuscrit si honnête, où il y a si peu à
redouter de l'interprétation personnelle du scribe, on puisse mettre à bon
droit sa confiance (2).
Quant à son origine précise, j'avais formé là-dessus une hypothèse sédui-
sante, à savoir qu'il provenait de la bibliothèque du chanoine Descordes, ce
qui eût contribué à lui conférer une autorité singulière. Voici comment cette
idée m'était venue. D est dit Mazarinieus : il est donc entré à la bibliothèque
(1) La négligence de Bodin est grande, même pour le temps, et m'a rendu souvent difficile,
parfois impossible, la vérification des citations : 1° il cite en général de mémoire, rarement in
extenso, plus rarement le texte littéral : c'est plutôt une allusion qu'il lance, un mot frappant
qu'il rappelle; 2° citant de mémoire, il tombe en des erreurs fréquentes : nombre de ses réfé-
rences sont fausses: Plut., Lycurg., p. 217; Cic, pro Flacco, p. 232; Philon, Allégories,
p. 207, etc.; 3° toujours pour la môme raison, il modifie le sens des textes allégués, qu'il se rap-
pelle imparfaitement : Josèpbe, Antiq. judaïq., p. 383; Nie. Callisle, p. 540; Cic, De divinatione,
p. 25G. Voici, prise sur le vif, sa négligence. Il nous conte, p. 263, un songe funeste de Pisistrale.
Le même conte nous e-l fait, Démonomanie, 1, 4, p. 107, mais d'Hippias. Si l'on remonte à la
source, Artémidore, c'est la Démon, qui a raison. En écrivant VHepL, Bodin a un souvenir impré-
cis de l'anecdote, citée 13 ans avant : il ne vérifie pas, et met en scène le père au lieu du fils.
(2) J'estime par ailleurs D supérieur à son parent A. Tous deux ont été copiés sur un exem-
plaire commun (mais non A sur D, ni D sur A); seulement A, plus négligent, est tombé dans des
erreurs que le scrupule évite à D : exadorea, p. 233; Tacit., lib. 19 (D Tacit., lib. III), p. 225;
pia, sans signe abréviatif (D pià = prima,, p. 475). 11 y a plus à se méfier aussi de A, qui est le
fait d'un scribe qui comprend le latin, et, dans les passages obscurs, semble bien introduire ses
conjectures dans le texte; ainsi, p. 313, quand Octave vante la chasteté des Musulmans, qui ont
dans les mosquées séparé hommes et femmes, A, comme tous les autres mss., écrit d'abord : ut
nec a viris feminœ conspici, uec viri feminas contueri possint. Puis, choqué de celte tautologie
obscure, il biffe et corrige, d'inspiration, je pense : nec viros jemïnse contueri possint. Un pareil
ms. me semble dangereux.
Ghauvirc ~
18 INTRODUCTION
du roi lors du choix qu'elle fit, parmi les manuscrits de la Mazarine, de ceux
qu'elle n'avait pas, pour se les approprier, 1668 (1). D'autre part, Naudé
avait antérieurement acheté en bloc pour le cardinal le cabinet de Descordes,
1642 (2); l'exemplaire de VHeplaplomeres, que nous savons avoir appartenu
à Descordes, devait s'y trouver : ne serait-ce pas le Mazarinœus actuel? Cette
conjecture ne résiste pas, hélas ! à l'examen des faits. Dans le Bibliolhecœ
Cordesïanx catalogus, 1643, in-4-0, que publia Naudé à l'occasion que je viens
de dire, le Colloq. ne figure pas. D'autre part, Colomiès dit avoir vu le Corde-
sianus chez M. Briot : si D est le Cordesianus, comment n'y trouve-t-on ni
cachets, ni ex-libris de Briot ou Descordes? Enfin, on nous dit que Grotius
avait fait copier son exemplaire sur celui de Descordes ; et, on vient de le
voir, le Grotianus (G) est très différent de D. La provenance de D redevient
donc absolument obscure, et j'en suis réduit pour justifier le choix que j'ai fait
de lui aux raisons, à la vérité plus solides, que j'ai exposées plus haut.
Il me reste à parler de la traduction française dont je publie ci-après des
fragments : le manuscrit de la Bibliothèque nationale f. fr. 1923, anc. f. fr. 7892,
que j'appelle B. C'est un volume in-4°, relié en veau, de 685 pages. L'écriture,
très courante, parfois même assez malaisément lisible, et qui abonde en
abréviations, date du début i\u xvne siècle.
Les autres versions que recèlent nos bibliothèques françaises sont des
copies, totales ou partielles, de celle-là. En confrontant lelle ou telle page,
prise au hasard dans II, avec les pages correspondantes des autres manuscrits,
on acquiert vite la certitude de la conformité des textes. B commet l'omission
que nous avons déjà signalée dans DA, p. 313 : on la retrouve dans les autres
exemplaires. P. 239, l'auteur de B, ayant à rendre le mot commenlariis (3),
écrit, par un lapsus de plume, traductions au lieu de traditions. Sa bévue est
reproduite fidèlement. Ce sont là des preuves suffisantes.
Le manuscrit de l'Arsenal 5425, seizième volume du recueil Conrart, date
du xvne siècle; VHeplaplomeres y occupe les pages 1-711. C'est l'œuvre d'un
ignorant, qui estropie les mots grecs intercalés dans le texte (àpaevixôv, cpaotxspoio;,
p. 258) et la plupart du temps les laisse en blanc; une autre main corrige
ensuite ou supplée. Le scribe copie B jusqu'en ses singularités orthographiques
(allors, portuguais, phisique, p. 2<i0); la seconde main, reconnaissable à son
encre plus brillante, intervient alors et rectifie : alors, physique, portugais.
Le manuscrit de l'Arsenal 6026 est un volume relié en veau fauve, de
692 pages in-folio; l'orthographe est franchement rajeunie. Il a appartenu
successivement à Nic.-Jos. Foucault, à l'abbé de Bothelin, au marquis de
Paulmy. L'écriture est du xvnr3 siècle. Je glane sur la feuille de garde les
indications les plus intéressantes. « Cet exemplaire-cy est peut-être [ces deux
» derniers mots surajoutés, et de la même main que la note qui suit] le seul
(1) Les anciennes bibliothèques de Paris, par A. Franklin, Impr. Nationale, 1873, 3 vol. in-
lol., t. III, pp. 108-110.
(2) Lettres de Guy Patin, éd. Triaire, Paris, Champion, 1(J07, t. I, p. 320; Léopold Delisle, Le
cabinet des mss. de la Bib. impériale, Paris, Impr. Impériale, 1868, l. I, p. 397 sq.
(3) Voici le texte : Etenim in majorum commentants legimus Hierasolymam scholas 481 olim
habuisse, B traduit: in der Annalen. R : Car nous apprenons dans les traductions de nos
ancestres
INTRODUCTION 19
» dans Paris traduit en françois : il vient de la bibliothèque de M. l'abbé de
» Rothelin (1) et a été vendu plus de trois louis ». — « Cette môme traduction
» étoit pourtant dans la bibliothèque de M. Chauvelin, garde des Sceaux : il
» faudroit savoir ce que cet autre exemplaire est devenu ».
On ne peut pas compter le cod. de l'Arsenal 2506 (127 bis SAF), de 237 pages
sur papier, datant du xvme siècle, comme un véritable manuscrit de notre
version française. Ce sont des extraits, littéraux d'ailleurs, du texte de la
Bibliothèque nationale, qu'une àme pieuse a ainsi purgé de tout son venin.
« J'ordonne, écrit le propriétaire de ce livre, qu'après ma mort ce manuscrit
» soit donné ù la Bibliothèque Sainte-Geneviève, 5 aoust 1763. L'abbé Clapey-
» rou ». Il ajoute : « Ce livre par bonheur n'a jamais été imprimé et l'on n'en
» trouve que des copies manuscrites, et grâces à Dieu bien rares! C'est une
» des plus dangereuses productions qui aient paru ». El pour la rendre inof-
fensive, l'auteur de ces extraits n'a conservé que les répliques d'apparence
orthodoxe. Le malheur est que de la sorte il n'a pu conserver presque rien :
si le livre VI a encore 82 pages (pp. 191-273), le livre V n'en a plus que 28, le
livre IV 9, le livre III 6!
Une dernière copie de la version française est celle de la Bibliothèque Maza-
rine n° 3531. C'est un in-4° de 653 pages, datant du xvme siècle, œuvre d'un
scribe peu instruit qui ne comprend pas toujours ce qu'il écrit et mutile le
grec. Il contient, à côté d'indications sur l'origine de la traduction, quelques
teslimonia intéressants de Diecman et de Vogt. Mais de toutes façons, c'est au
manuscrit 1923 de la Bibliothèque Nationale qu'il nous faut revenir : il est
manifestement l'original des autres.
Combien il serait tentant d'attribuer à Bodin lui-môme la paternité de cet
Heplaplomeres français ! On s'en souvient, il a écrit dans les deux langues
presque tous ses ouvrages, République, Démonomanie, Paradoxon; et s'il n'a
pas traduit le Theatrum nalurse, c'est peut-être qu'il savait Fougerolles à
l'œuvre. Mais celte hypothèse n'est pas soutenable. Il y a dans notre traduc-
tion des faux-sens, des contresens même que Bodin n'eût pas commis contre
son propre texte. L'auteur n'en sait pas l'hébreu. L'écriture n'est pas celle de
Bodin. On ne saurait donc lui attribuer cette version française, ni peut-être
à aucun personnage connu.
On lit bien dans le cod. de l'Arsenal 2506, au verso de la feuille de garde,
l'indication suivante : « Traduit par un secrétaire de Mr. Colbert, mort au
» Cliâteauneuf chés la Rue entrepreneur des bàtimens du roy »; — et dans le
cod. de la Mazarine 3531, au premier folio : « Cette traduction de ce détestable
» ouvrage a été faite par les ordres de Mr Colbert : cui bono? ». Mais voilà des
assertions bien vagues, sans références, à peu près invérifiables aujourd'hui.
Elles ne se trouvent pas — ni elles, ni d'autres — dans le manuscrit de la
Bibliothèque Nationale 1923, original des deux précédents. Elles ne se corro-
borent peut-être pas l'une l'autre; le manuscrit de la Mazarine 3531, daté de
(1) C'est donc là l'exemplaire dont parle Brunet, Manuel du libraire, 1860, art. Bodin : « Le
» manuscrit d'une traduction française est porté à 73 francs dans le catalogue Bothelin, n° 1123,
» où il est indiqué sous ce titre : Colloque de Jean Bodin des secrets cachés des choses sublimes
» entre sept sçavans qui sont de différens senlimens ».
20 INTRODUCTION
1771, est postérieur à celui de l'Arsenal 2506, possédé par l'abbé Clapeyron
dès 1763 au plus tard, et il est possible que le premier emprunte ses dires au
second : les termes moins précis qu'il emploie permettent de le supposer.
Enfin, écriture, langue, versification ne sont guère celles d'un ouvrage qui
aurait été écrit vers 1650 au plus tut, puisque Colbert (1) n"entre aux bureaux
de Mazarin qu'en 1648.
On trouve à cette version dans le style je ne sais quoi de lâche et d'aban-
donné, dans la syntaxe des habitudes archaïques qui sentent le xvie siècle :
syllepses audacieuses jusqu'à l'obscurité (2), emploi de es (3), répétition
redondante de que (4), phrases inorganiques, interminables, péniblement
poursuivies, à la mode latine, par des relatifs compléments de participes. Et
puis, dans les vers français du traducteur, je ne vois point, avec Baudrillart,
« la leçon de Malherbe et parfois peut-être celle de Corneille ». Les rimes de
simple à composé, les rejets inhabiles, le manque général de métier (5) rap-
pellent plutôt d'Aubigné. Et si, fort de ces constatations, on n'ajoute point foi
aux indications ci-devant rapportées, notre traduction redevient absolument
anonyme.
En revanche, elle prend de l'ancienneté; et l'on ne s'étonne pas de lui trou-
ver, si elle date des premières années du xvue siècle, d'un temps où l'authen-
tique Hepiaplomeres existait assurément encore, la haute valeur que, même à
côté de nos textes latins, elle a en effet.
On s'en aperçoit vite à l'user, elle a été faite sur un texte proche de ceux
conservés en France : j'ai pu l'éprouver à chaque dissension entre N ou NB
et MD pour les livres IV et V, entre N et MD pour le dernier. Les exemples
abondent. R suit MD dans l'attribution d'une réplique à Senamus (N Salomo),
p. 220; dans les leçons Ismaëlilœ (NB IsraëlUx), p. 252; immanis abyssus
(NB maris abyssus), p. 254; Indicas (NB Indicos) sacerdotes, p. 261; pravita-
lem (NB probilalem), p. 262; ve'eres (N velerum) theologos, p. 395; linguse
(1) On ne trouve rien qui ait rapport à VHept. de Bodin dans les Lettres de Colbert, publiées
par P. Clément, Paris, Impr. impériale, 1861-1868, 5 vol. gr. in-8.
/2) « Les Grecs et les Latins ont mis de puissans obstacles a leslablissement du nom chreslien
» par leur mésintelligence : pour tes sauuer duquel reproche S. Augustin saduisa de composer
» ses liures de la cité de Dieu », p. 231. Les, ce sont les chrétiens, implicitement contenus dans
du nom chreslien, qui précède.
(3) « Ainsi es pays septentrionaux les hommes sont blancs, rouges et robustes », p. 320. Brunol,
Hist. de la langue française, Paris, Colin, l. III, pp. 273 sq , déclare que es, fréquent aux envi-
rons de 1600, disparaît rapidement ensuite. Malherbe relève cette forme dans Desporles ; dès
1621, Coeffeteuu la corrige dans ses ouvrages; Oudin, en 1632, dit que les bons auteurs et les
modernes la bannissent entièrement.
(4) « Scot confesse que la personne a esté créée, et ^w'auant de sincarner dans le ventre de
» Marie, qu'W [sic] esloit la personne du Fils », p. 521. Outre le que redoublé, notez la violente
syllepse : il, c'est J.-C, implicitement contenu dans la personne.
(5) Aduenir, souuenir; deffaicle, parfaicte, etc. « Cependant après tous ces subits tremblemens
» De la terre et des airs, ces boulleuersemens Nestoient que des moyens de ta bonté parfaicte »,
etc., p 271). — Je noie aussi couleur masculin, p. 210, que le xvnc siècle, sauf expressions con-
sacrées, ne connaît que féminin; — organe féminin, p. 214 bis, quand d'Aubigné écrit déjà :
« d'un organe bienaimé », Hist. universelle, Maillé, 2 in-fol., 1616, I, 133, et qu'après lui on ne
balance plus guère; — « un esponge meslée », et l'hésitalion sur le genre, que traduit si naïve-
ment la graphie, cesse dès les premières années du xvue siècle.
INTRODUCTION 21
(NB legis), ibid. ; altero pede (NB intercalent mancam et auriculis asini consi-
milern NB consimilibus statuam, p. 390; cum agitur \ cur igilur) de pro-
misse Messia, p. 31)7; seplingenlis N sexcentis) millibus, p. 411; librum Jegri-
jferuw (NB librum legis verum), p 414, duplices [N Iriplices) ostendere se
Thebas, p. 428; Iribui cœpissent (N tribuissent), p. 469 (1); geterni N xlernus)
Dei filius, p. 47 4; philosophos "S philosophorum) hœreticorum patriarchas
appellat, p. 570; saltem (N tameri), p. 058 ; dans l'attribution d'une réplique à
Federich (N Toralba), p. 572. Ainsi donc partout nous trouvons B d'accord
avec nos manuscrits français (2) contre les éditions allemandes.
D'autre part le texte dont il est la version appartenait à la branche AD : il
avait toutes les omissions qui la caractérisent, pp. 230, 257, 313, 330, 428,
'rJ'.t, 571 bis. Il suivait toujours D, dans les cas où celui-ci est en désaccord
avec M, soit que D présente les bonnes leçons (D aplissime, M apertissime, U à
propos, p. 21!); D finxissent, M finxissel, R ils auoient faict, p. 339), soit qu'il
présente les mauvaises (D in oppido iïhegio, M in oppidulo lihodigio, R au
bourg de Rhege, p. 255; D speculo, M spécula, B dans un miroir, p. 590).
Toutefois, des deux textes A et D, B ne traduit ni l'un ni l'autre, mais un
troisième, qui participe tantôt de l'un, tantôt de l'autre, mais a aussi ses
leçons propres. Avec D Beatœ Murer cônsecratum, il nous parle du Panthéon
d'Agrippa que, Boniface consacra en l'honneur de la Vierge Marie, p. 224. Mais
il omet ex adoreo, pour lui sans doute inintelligible, et que D lui eût éclairci.
De même il donne, avec A et contre D, la mauvaise référence, Tacil., lib. 19,
p. 225; adopte la correction conjecturale nec viros feminse contueri possint,
p. 315. Et voici des leçons personnelles à B, -- tantôt erronées : Hothàr
(MD Helhari), p. 220; « celluy qui tue quelquun contre son intention demeure
» innocent du meurtre et celluy qui est forcé B traduit assurément coactus]
» par cette mesme volonté de tuer vn autre et cependant le manque ne laisse
» pas a mon aduis destre tenu pour meurtrier » (MD qui quem conalus est
occidere non potuit ut sicarius teneatur), p. 227; « neantmoins certains Epi-
•> curiens autresfois sestans mocqué de cet oracle en présence de Moyse pro-
» consul en Asie », etc. (MD at cura Epicurœi quidam oracula Mopsi coram
Asiœ proconsule irriderent), p. 259; -- tantôt plus dignes de créance ou tout
au moins de discussion : B, seul contre tous, attribue une réplique à Sena-
mus, et non à Octave, p. 230; — tantôt certaines : B, seul contre tous (3) nos
manuscrits latins de France, évite l'interpolation de la p. 233; place correc-
tement sur Averruncalores (MD la placent sur mares) la note 9 de la p. 222;
rétablit quo animi sensa palefaceret, omis par MD, p. 207; traduit cullui (MD
cullu, incorrect), p. 330; domino servum, régi subditum, crealori crealuram
anteferat (MD dominum servo, regem subdito, crealorem crealurœ, démenti par
le contexte), p. 357.
Ainsi B, image d'un manuscrit proche de nos manuscrits de France, plus
proche de la famille AD, leur apporte à tous, et davantage encore à ces der-
(lj Le livre VI commence à la p. 4<i7 : à partir de là, je n'ai plus de lexle dans B.
(2) Erreurs comprises. MD Nicomedem. R. Nicomede. NB Nicodemum, correct, p. 429.
(3 Sauf J, qui veul corriger et devient absurde : cf. supra, p. 15, noie 1. — Voyez encore
dans B seul l'exacte référence Ecoles., 4, p. 655.
22 INTRODUCTION
niers, le supplément d'autorité qui s'attache à son ancienneté et à ses leçons
souvent excellentes. Et tout ensemble, comme il est la trace d'un état du texte
un peu différent de AD mêmes, et que nous ne possédons plus, son témoi-
gnage indépendant a en soi un poids certain et peut, dans les cas contestés,
devenir un guide précieux.
Quant à la qualité de la traduction, on en jugera par la comparaison, que
j'ai faite en tous cas utiles, du français avec les textes latins qui font autorité,
MD, et aussi avec les éditions allemandes NB. Partout où j'ai cru saisir une
erreur sur le sens, une omission, une infidélité, j'ai mis le lecteur à même de
contrôler (1). Mais en général l'exactitude de R paraîtra louable, du moins en
ce qui touche aux idées, et si l'on n'exige pas d'une version vieille de trois
siècles le calque scrupuleux, où s'évertuerait un moderne, d'une épithète,
d'une nuance, d'un tour. Dans les corrections, assez nombreuses, qui émail-
lent certaines pages du manuscrit de la Bibliothèque Nationale 1923, on saisit
tout vif le travail de l'auteur sur soi-même, et l'esprit dans lequel, revenant
en arrière pour se rectifier, il préfère la longueur et la paraphrase même au
défaut de clarté ou de précision.
De cet auteur j'ai respecté l'orthographe, assez personnelle et variable, et la
syntaxe, singulière elle aussi, par exemple en ce qui concerne l'accord des
participes. Je n'ai pas copié de simples lapsus, comme le verbe au singulier
après un sujet au pluriel. Au contraire, j'ai respecté les graphies du texte :
l'emploi, retardataire, je crois (2), de i consonne, et celui, à l'intérieur des
mots, de u consonne. Les références des citations étaient numérotées de 1 à 9 :
j'ai gardé cette numérotation. Quand des chiffres manquent, c'esfque les réfé-
rences correspondantes sont tombées ; et, bien que je ne me sois pas fait scru-
pule de compléter celles de 11 par celles de MD, quelques lacunes ont subsisté.
III
Reste à expliquer maintenant pourquoi, si nous possédons de YHeptaplo-
meres latin un texte complet, je publie une traduction anonyme. Dès à pré-
sent, je pense, on commence à le comprendre. La mauvaise qualité de l'édition
Noack suffirait à me justifier. Je puis rappeler aussi la relative exactitude de
la version et sa valeur propre, comme témoignage d'un texte ancien, aujour-
d'hui disparu. Mais j'ai d'autres motifs encore : c'est la difficulté de la langue
qu'on parle dans le Collocpiium, un latin moderne, farci de mots spéciaux,
parfois inventés, empêtré de subtilités scolastiques; c'est la juxtaposition
(1) On trouvera celle comparaison de 11 avec MD dans mes notes explicatives, où j'ai mis aussi
des éclaircissements sur les passages obscurs, des renseignements historiques et bibliographi-
ques, des recherches sur les auteurs allégués par Bodin, des références aux autres œuvres de
Bodin, qui élucident souvent les difficultés ou permettent de lui attribuer avec certitude telle
théorie soutenue par un des interlocuteurs. Entre ces notes et le texte, des notes critiques indi-
quent les variantes qui différencient M, D, N et B (texte latin ou trad. allemande, suivant les
endroits. De plus, 13 n'a pas le livre VI). Pour le livre IV, j'invoque assez souvent aussi d'autres
mss., ATEPG Leyser surtout, de manière à permettre de contrôler mes dires, en ce qui con-
cerne le classement des mss.
(2) Brunot n'est pas formel, o. c, t. II, p. 122.
INTRODUCTION 23
perpétuelle et décourageante des vues profondes et des sornettes; c'est la
diffusion formidable et la longueur de l'ouvrage.
Les mêmes motifs m'ont poussé à ne publier que des extraits. La lecture du
Colloquium ne paye pas toujours de la peine qu'elle coûte; il y a là, comme
dans chaque œuvre de Bodin, un délayage de la pensée, un abus, même pour
le temps, de l'érudition, — surtout quand Salomon s'embarque dans le com-
mentaire du livre saint ou dans la philologie hébraïque — qui lassent
inutilement le lecteur le mieux intentionné. Dès lors, à quoi bon s'imposer,
sans fruit pour personne, l'effort prodigieux qu'exigerait l'édition intégrale
du livre? Mieux vaut filtrer ce mélange indigeste. Dans le livre IV lui-même,
que je voulais d'abord publier tout entier, j';ii supprimé une dizaine de pages
au début; plus loin une vingtaine d'autres, où Salomon s'efforce de justifier,
à grand renfort de textes sacrés, le chômage du sabbat; un long passage
encore où Bodin essaie d'asseoir un système de physique universelle sur les
usages rituels du sacrificateur hébreu. EL malgré ces allégements, on n'évitera
pas l'impression de fatras énorme et d'ennui.
Si je me suis attaché au livre IV entre tous, c'est qu'il m'a semblé exprimer
les tendances essentielles de tout VHeplaplomeres (1). La fin en est pleine
d'attaques, plus souvent violentes, parfois sarcastiques, contre les diverses
confessions; plus haut, Toralba défend sa belle utopie d'une religion philoso-
phique universelle, où toutes les autres viendraient se fondre, et Salomon la
colore, avec son assentiment, d'un judaïsme mystique. J'ai joint à ce livre IV
des extraits des livres V et VI : c'est là que Bodin, quittant les généralités, en
vient à discuter l'un après l'autre les dogmes sur lesquels roule la controverse
de son temps : miracles, péché originel, grâce et prédestination, culte des
saints, Eucharistie, éternité des peines et, occupant tout le fond du tableau,
sans cesse revenue sous des formes diverses, la grande question de la divinité
du Christ. Voilà des points sur lesquels on aimerait connaître l'avis de Bodin
sans souffrir de sa prolixité : c'est à quoi des extraits sont à la fois nécessaires
et suffisants.
J'ai encadré le livre IV et les morceaux choisis des autres dans une analyse
détaillée de l'ouvrage entier : elle doit suffire à s'en faire une idée d'en-
semble.
IV
Et quel est à présent l'intérêt de VHeplaplomeres pris en son entier? Il est
double.
D'abord, pour qui dessine la figure de Bodin, la connaissance de ce livre est
indispensable. Pour ma part, c'est ainsi que j'y suis venu. Déterminer quelles
ont été ses croyances est capital, s'il est vrai qu'en lui la religion est clef de
voûte de la pensée, l'activité religieuse maîtresse et surveillante des autres.
On s'est demandé à ce propos où trouver dans le Colloquium les idées de
(1) Je ne suis pas le seul à lui accorder une imporlance capitale. Guhrauer ne publie en latin
que les livres IV et V. Et c'est au quatrième que Gultmann consacre le plus long développe-
ment, o. c, p. 30-40.
24 INTRODUCTION
Fauteur lui-même. Les uns (1) ont cru les voir dans les discours de Toralba,
les autres dans ceux de Salomon, certains mêmes dans ceux d'Octave. Et tous
avaient raison, mais péchaient aussi par omission. Senamus,avec sa curiosité
qui ne s'en laisse pas imposer et son goût pour l'amour de Dieu, quelle
d'ailleurs que soit l'image qu'on s'en fait, représente également Bodin. Et
aussi Octave, avec sa haine pour tout ce qui divise l'unité nécessaire de Dieu.
Et aussi Curce et Federich, avec leurs indignations contre les id»làlries
papistes : apothéose de mortels, adoration de leurs effigies, etc. Et jusqu'au
pauvre Coroni, si souvent battu, mais si raisonnable parfois, ayant le sens
si juste de la politique nécessaire aux religions, comprenant si bien l'utilité
qu'il y a à s'adresser à la routine et aux sens de la foule par un double pres-
tige : la pompe des cérémonies et le culte des traditions. Chacun de ces per-
sonnages à son tour sert de truchement à Bodin ; et le plus sûr moyen de savoir
quand, c'est de comparer leurs dires avec les idées qu'ailleurs l'auteur a
exprimées en son nom.
Mais VHeptaplomeres a encore un autre intérêt, celui-là plus général. Il
marque une date dans l'histoire de la libre pensée.
Les philosophes du xvuie siècle ont, par delà les libertins du xvne, des aïeux
plus lointains qu'on ne dit communément : Bayle, l'arsenal des incrédules, la
soute aux munitions contre l'Église, est plein du xvie siècle. On le comprend :
c'est à cette époque pour la première fois que la théologie, jusqu'alors réservée
à une caste fermée, à des méthodes spéciales, s'est vu traîner dans les
disputes publiques, envahir par l'humaine raison. En ce sens la Béforme, qui
sortait d'une religion trop scrupuleuse, était un coup terrible à la religion,
quelle qu'elle fût (2).
Non que nous voulions représenter Bodin comme un impie : nous l'avons
ailleurs dit et répété, c'est un esprit avant tout religieux. Mais enfin, par
scrupule lui aussi, et de crainte de n'adorer pas le vrai Dieu, il a fini par
combattre avec àpreté, avec indignation, avec sarcasme, les confessions qui
se partageaient les fidèles de son temps et de son pays. Aussi Guhrauer me
semble-t-il s'arrêter à mi-chemin quand il voit en lui « un catholique à ten-
» dances protestantes (3) ». Au vrai, Bodin étouffe dans l'obédience de la
vieille foi, et tend (4), comme à une limite, à la liberté de penser. Or voilà
(1) Guhrauer, Baudrillart, Diecman el Noack pensent que l'interprète de Bodin est Toralba;
Boineburg, que c'est Octave; Huet el Gultmann, que c'est Salomon. Cf. Gutlmann, o. c, p. 29
sq , qui cite les textes.
(2) De ce point de vue comme de bien d'autres, humanisme et Réforme convergent. Mais ceux
(lui, pour lancer la Réforme, ont fait appel à l'esprit de libre discussion, serelournent courroucés
quand ils le rencontrent dressé contre eux quelques années plus tard. Dès 1542 ou 1543, Antoine
Fumée adresse à Calvin une lettre contre les non-chrétiens, à/aiVrow, qui nient la divinité du
Christ : ce sont des humanistes armés de loules les armes de la science et de la raison. Dès 1545,
Calvin déclare la guerre « Aux libertins qui se disent spirituels ». Il blâmera Dolel, Despériers
et Rabelais. Cf. H. Hauser, La Réforme et l'humanisme en France (1512-1552) dans la Revue
historique, 1897, t. LXIV, pp. 258 sqq ., et O. Douen, Etienne Dolel, Ses opinions religieuses,
Bulletin de la Soc. d'Hist. du protestantisme français, 1881, p. 46.
(3) « Kalholik mil proleslanlischen Gesinnungen », o. c , p. LXIX.
(4) Tout en gardant, au milieu de ses plus grandes hardiesses, une tendresse évidente au
judaïsme, et à un judaïsme mystique C'est là ce qui a persuadé à certains que Salomon seul
INTRODUCTION 25
ce qu'au xvr3 siècle et plus tard encore, on appelle souvent un alliée; voilà
probablement comment le P. Mersenne (1) entendait le mot, quand, en 1623,
il estimait à 60.000 le nombre des athées en France.
Quand on examine quelle doctrine Etienne Dolet a payée de sa vie, on voit
qu'il crut en Dieu et sans doute à l'immortalité de l'âme, mais repoussait
l'autorité des Églises, calviniste ou catholique, et tendait à la religion natu-
relle (2) : c'est justement l'attitude de Bodin. Jordano Bruno, brûlé pour
athéisme en 1600, était aux antipode^ de l'athéisme (3). Pour Vanini, sa pensée
est plus obscure (4) : quand il parle de la loi naturelle, doit-on comprendre
religion naturelle? On ne sait. En tous cas, ce qu'il a expié, c'est son hostilité
aux confessions particulières, où il ne voyait qu'imposture et hypocrisie.
D'ailleurs, cette religion naturelle, il semblait qu'elle fût inévitable pour
nombre de penseurs qui recevaient la leçon de l'antiquité des mains de la
Benaissance italienne (.Y). Là-bas l'humanisme avait amené — pour l'élite,
s'entend — un affaiblissement de la foi : peu ou point d'athéisme proprement
dit, mais une sorte de rationalisme éclectique, un déisme pur, qui étaient la
protestation d'âmes demeurées religieuses contre une Église méprisée et
haïe (6)? Comment n'en aurait-il pas été de même chez nous (7)? Aussi, à côté
de Paracelse, le P. Garasse marque-t-il parmi les plus dangereux auteurs, et
les plus lus des incrédules, les Italiens Pomponace, Cardan, Machiavel (8) :
lectures justement familières à Bodin. Voilà en quel sens s'explique le nom
d'athée si souvent donné à Bodin. Voilà comment le pieux annotateur du cod.
élail son porte-parole. C'est là ce qui fait croire à Guy Patin qu'il est mort « juif et non chreslien ».
Lettre à Gh. Spon, 10 nov. 1643, dans l'édition liéveillé-Parise, Paris, 1846, t. I, p. 303. Voyez
aussi ma thèse sur Jean Bodin, II, 3, La religion de Bodin, où je cite de nombreux textes de
même sens.
(1) Le P. Mersenne, Qusesliones celeberrimse in Genesim ; in hoc volumine Athei et Deistœ
ïmpugnantur el ezpugnantur, Paris, 1623, in-f°., col. 669. Le mol est souvent cité, par exemple
dans Perrens, Les libertins en France au XVIIe siècle, Paris, 1896, p. -14. Perrens, ibid., con-
teste l'athéisme prétendu de Bodin.
(2) Richard Gopley Chrislie, Etienne Dolet le martyr de la Benaissance, trad. Casimir
Slriyenski, Paris, Fischbacher, 1886 (ch. xxv, Opinions et caractère, pp. 459-483,. O. Douen,
o. c, p. 25, appelle Dolet un « catholique biblique, à moitié réformé ». Il me semble que Bodin a
poussé plus loin dans la même voie, en écartant le Nouveau Testament, mais non pas jusqu'au
bout, puisqu'il considère encore l'ancien comme parole sainte. El l'on doit voir là le développement
de ce « rationalisme confus encore » dans Erasme (cf. Amiel, Erasme, Hachette, 1889, p. 445 sq.),
mais dont Erasme avait été l'initiateur
(3) Barlholmess, Jordano Bruno, Paris, Ladrange, 1846, t. I, pp. 245 sqq.
(4) CL Fortunat Slrowski, De Montaigne à Pascal, Paris, Pion, 1907 (ch. in, Les Libertins,
pp. 149-160). — Cf. aussi Baudouin, Histoire critique de Vanini, dans la Revue philosophique de
juillet-décembre 1879.
(5) Cf. Texte, L'influence italienne dans la Renaissance française, dans les Éludes de litté-
rature européenne, Paris, A. Colin, 1898, pp. 25 sqq.
(6, Burckhardt, La civilisation en Italie au temps de la Benaissance, trad. Schmill, Paris,
Pion, 1885, t. I, 6» partie, ch. m, iv et v (notamment pp. 280 sqq. et 344 sqq.;.
(7) Ce sont des humanisLes que les libertins d'Antoine Fumée : ils refusent de croire k la divi-
nité du Christ, « quod Socrates, Plato aliique permulli philosophi divina pleraque alque eliam
» diviniora Evangelio scripserunl, qui tamen dii non sunt exislimati ». Herminjard, Correspon-
dance des Bé formateurs dans les pays de langue française, t. VIII, p. 230.
(8,i Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, combattue et renversée par le P. Garasse,
Paris, Sébastien Chappelet, 1623. Citée par F. Slrowski, o. c, p. 160.
26 INTRODUCTION
Memmianus, avant de fermer le livre, pouvait écrire : « Qui tôt religiones
» probavit nullam habuit ». Voilà enfin comment Bodin appartient à l'histoire
du libertinage.
Quant à prétendre qu'il ait exercé sur les libertins du xvu8 siècle une
influence directe et perceptible, c'est autre chose. D'abord il est un grand
nombre d'enlre eux chez qui l'incrédulité est non une conviction profonde et
raisonnée, mais simplement un goût de bien et heureusement vivre (1) :
ceux-là, qui sont d'ailleurs les plus bruyants, Bodin ne les a pas touchés. Il en
est d'autres, plus discrets, mais plus importants aux yeux de l'histoire, qui
ont pu lire V Heptaplomeres inédit C'est pour établir cette possibilité que j'ai,
dans les limites de mes forces, recherché le nombre et la date des exemplaires
connus. Quand on veut déterminer la source d'un courant d'idées, il faut,
bien après l'expansion de l'imprimerie, faire état encore des manuscrits,
surtout en ce qui concerne la religion. Là où le livre était interdit par le
pouvoir, le manuscrit sans danger transmettait, sous le manteau, la pensée
subversive.
Il semble bien, à voir l'intérêt que portent à Y Heptaplomeres Naudé, Patin,
la reine Christine, Leibnitz, Huet, Bayle (2), qu'une curiosité ininterrompue
des cercles savants s'y soit attachée pendant tout le xvue siècle, et se soit con-
tinuée assez avant dans le xvme. Préciserdavantage serait imprudent. En tous
cas le Colloquium apparaît à son heure comme le signe d'une hostilité à la
religion du royaume, que partagent peu d'esprits encore à la vérité, et comme
le prodrome singulier d'une évolution qui couvera lentement pendant un
siècle.
Comme on raconte à Senamus quels supplices éternels endurent les
démons : « le serois rauy, répond-il, que Ion mapprist auec quels liens on
» peut enchaisner le diable, dans quelle prison il peut estre enfermé, de
» quelles verges il peut estre fouetté, et enfin quels supplices il est capable de
» souffrir » (3). Ailleurs Toralba et Salomon affirment que, pour nourrir les
hommes affamés, Dieu fait parfois naître instantanément des troupes immen-
ses d'animaux, cailles, rats, qui disparaissent aussi brusquement sans laisser
de traces : « Ce nest pas grande merueille, dit ironiquement Senamus, que
» ces oyseaux et mulots sen soyent retournez bien repeus après estre arriuez
» bien affamez : mais qui est celluy qui est allé dans les cachettes et les
» cauernes de la terre pour chercher ces mulots deffuncts a fin de leur rendre
» les debuoirs de la sépulture ? Il n'y a que trop d'erreurs populaires dont on
» se détrompe avec le temps » (4). — Et une autre fois, comme on discute le
dogme de Marie toujours vierge, il fait part d'une singulière curiosité ana-
tomique, avec une naïveté pateline qui cache à peine la griffe : « Soyons,
(t) Cf. Slrowski, o. c, pp. 126-137. — Denis a bien marqué aussi la différence entre la société
mondaine du xvne siècle et les cercles érudits fj. Denis, Sceptiques et libertins de la première
moitié du XVU» siècle, Caen, Leblanc-Hardel, 1884).
(2) Huel, Demonstratio evangelica, Parisiis, ap. St. Michallet, 1679, in-fol., pp. 396 sq., et
629. — Bayle, Dictionnaire historique et critique, art. Bodin. — Menagiana, t. IV, pp. 297-299.
(3) Hept., III, p. 183.
(4) II, p. 103.
INTRODUCTION 27
» dit-il, daccord que cella nest point contre nature, quoi que cella soit bien
» rare : mais il ne se peut pas faire naturellement que Christ soit sorty de ce
» ventre sans y auoir faict fraction, ainsi que Tertulian la dict, que cette
» Vierge enfanta, son corps sestant pour ce ouuert : dont il a esté repris par
» tous les théologiens de lescole... » (1).
(l) V, p. 416.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES
COLLOQUE DE SEPT SÇAUANS
QUI SONT DE DIFFERENS SENTIMENS
(Manuscrit de la Bib. nat., fr. 1923, ancien fonds français 7892).
Livre I (pp. 1-19)
Sept amis, de pays et de religion divers, sont rassemblés chez l'un d'eux, le
catholique Coroni, à Venise. L'un d'eux, Octave Fagnola, renégat chrétien
devenu musulman, raconte que, rentrant en Europe, il vit son navire assailli
d'une furieuse tempête. On allait sombrer, quand le patron fit jeter à la mer
des momies qui étaient dans la cale. Aussitôt la tempête, et les diables qui
l'excitaient, s'apaisèrent.
Livre II (pp. 19-127).
Récit de la circoncision du fils du grand Turc. On y vit éclater des phéno-
mènes inexplicables à la raison : ce qui n'est pas rare en ce monde : miracles,
sorcellerie. lycanthropie( 19-31). N'élaient-ce pas là de vaines apparences, avec
hallucination collective des témoins (32)? Toralba avoue son impuissance à
donner une explication scientifique de la chose (33). L'appel à l'autorité est
d'autre part insuffisant (3.5).
La liberté de Dieu prouve la réalité des miracles (36-38 i. En effet, destin,
nécessité ne sont que d'autres noms de Dieu (39). Car, s'il était contraint par
la nécessité, il ne vaudrait plus nos louanges, ni nos prières (39-40). 11 est
donc constant, mais libre; il a créé les lois naturelles, mais peut s'y sous-
traire, par les prodiges (41-44). La science est donc l'étude des lois naturelles,
moins les prodiges (45). Si la volonté de Dieu, quoiqu'une, ne pouvait varier,
elle ne serait plus volonté (46-47).
30 JEAN BODIN
Le monde Lient sa conservation de la sollicitude de Dieu : il n'est donc pas
éternel (47-50). Il est déjà en décrépitude : les hommes d'autrefois étaient des
géants. D'ailleurs, ayant matière et forme, le monde est un corps, donc
périssable (51).
Les démons, eux non plus, ne sont pas éternels (52-58). Histoires de sor-
cellerie (58-G7). Si l'eau bénite, déclare Salomon, fait fuir les sorciers, c'est
par sa composition chimique, où entre du sel, et non par sa vertu divine (63).
Les sorciers ne guérissent pas les maux naturels, mais seulement ceux d'ori-
gine démoniaque. Leur pouvoir est principalement dans la croyance de leurs
clients (66). Les démons, les anges, les âmes sont périssables et corporels; le
seul incorporel est Dieu (68-7.3). Les domaines de la physique et de la méta-
physique sont distincts, mais non pas communicants (75-76).
L'âme n'est donc pas une parcelle de Dieu, incorporel, indivisible (77).
D'ailleurs concevoir Dieu est impossible aux esprits finis que nous sommes.
La vraie prière est le silence, l'admiration, l'adoration (78-79). Si les mauvais
anges et les âmes souffrent des flammes de l'enfer, il faut qu'ils revêtent un
corps patible, si subtil qu'on le suppose (80-82) Si les âmes, sans nerfs ni
cerveau, n'ont pas l'usage des sens, comment seront-elles patibles, demande
le sceptique Senamy (83). Mais, lui répond-on, à ce prix, Dieu non plus ne
verrait ni n'entendrait. Cette discussion n'est soulevée que par l'infirmité du
langage humain : Dieu a évidemment d'autres moyens de connaissance que
nous (84-87).
Action des démons sur le monde (88-124). Lycanthropie, transport de sor-
cières au sabbat, ne peuvent venir que des démons. Entin Dieu, infini, incor-
porel, ne connaît et ne communique donc aucun mouvement (88-91). Il se sert
des esprits pour faire exécuter ses commandements : l'action des esprits et les
lois de la nature sont la preuve de son action sur le monde (92-94). Preuves
de la sollicitude divine envers l'homme : naissance spontanée de poissons, ou
apparitions subites débandes de poissons, d'oiseaux pour l'utilité des hommes
(93-97). Preuves de l'action des démons : la lune, le soleil, les marées, les vents
à de certaines occasions (100-110); les tempêtes (111-112). Cependant Senamy
conteste toute explication autre que naturelle (112-113). Recettes contre les
sorciers, les feux follets, les typhons; corde à tourner le vent (114-123). Senamy
ironise : où loger cette formidable multitude des démons? sont-ils sexués?
ont-ils des petits? (124). Toralbe plaide pour la métempsychose. Salomon
hésite à dévoiler les mystères sacrés de la Kabbale (125-126).
Livre III (pp. 127-209).
Inconvénient de l'obscurité de certains textes : mythes de Platon ou de
l'Apocalypse (127-128). Curce : cette obscurité réserve à bon droit la science
à une élite de penseurs qui l'interprètent (129). Senamy : Les écrivains
obscurs sont des charlatans (130). Salomon défend l'Écriture. Les préceptes
utiles aux simples y sont très clairs. Quant aux autres, leur obscurité même
force l'attention. Explication de plusieurs prétendues absurdités citées par
DES SECRETS GACHEZ l>KS CHOSES SUBLIMES 3 I
Senamy (132-137). Interprétations lillérale et allégorique de l'Écriture : le
remords ligure par un ange, les diables par les corbeaux noirs et qui aiment
les cadavres (138-143).
Contre le manichéisme (150-lf>6). Le manichéisme est impie. Dieu règne
jusque sur la terre, où les diables ne font rien que par son ordre (150-153). Le
monde périra, pour être recréé, au bout de 7 X ? = *9 mille ans : cette
« grande année » correspond à une révolution entière dans la position des
étoiles (153-156). Problème du mal. Le mal vient-il du diable (manichéisme)?
de la matière (Platon ? Non. Il vient de Dieu et n'est que la privation du bien
(156-158). Fausseté de l'adage : in medio virtus (159-161). Dieu ne permet le
mal qu'en vue d'un bien plus grand. Exemple : Joseph vendu par ses frères.
Les diables mêmes ne sont pas mauvais, créatures de Dieu qui ne font le mal
que pour punir les impies et sur l'ordre de Dieu (103-165).
Origine et hiérarchie des esprits (166-193). L'origine en est douteuse. Les
esprits célestes sont les anges et les astres; les sublunaires sont les âmes
séparées des corps et les hommes : dans chaque catégorie, les uns visibles, les
autres non (166-168). Discussions astrologiques : l'âme des astres leur est-elle
essentielle ou étrangère? etc. '169-173). Les âmes des gens de bien deviennent
astres (174-175). L'homme devient âme comme la chenille papillon; mais
L'âme, pour éthérée qu'elle soit, garde quelque chose de son ét'it antérieur (176).
L'intelligence humaine tire sa lumière, par réflexion, de l'intelligence divine
(177). Dieu seul est Dieu, observe Salomon : gardons-nous donc d'adorer
anges ni démons (181). Les esprits interviennent dans toutes choses, humaines
ou naturelles; les méchants esprits sont subordonnés aux bons (185-186).
Traitements divers des âmes après la mort : Les voluptueux meurent entiers,
comme la brute. Les impies ressusciteront, pour souffrir de longs tourments.
Les bons deviennent des anges et jouissent de la vie que l'Écriture appelle un
peu improprement éternelle, puisque les anges mêmes sont périssables.
Coron i croit l'âme immortelle (189-193).
Problème de la résurrection. Senamy n'y croit pas. Federich montre que
Dieu peut ressusciter les morts; Curce, qu'il le veut; Octave, que. le Coran y
croit ; Salomon pense que les âmes, a la résurrection, revêtiront une enveloppe
ténue d'air ou de feu, et non ce corps matériel et grossier qui restera à jamais
dissous (194-199). L'enfer souterrain, les peines corporelles semblent sottises
insoutenables à Toralba (200). Qu'appelez-vous résurrection, demande Coroni,
si ce n'est renaissance d'une chose morte? Or, l'âme ne meurt pas. Il ne peut
donc y avoir résurrection que de la chair (201). Salomon et Octave nient la
réalité des résurrections opérées par les prophètes et par Jésus. Quel supplice
pour un esprit pur de se réincarner dans un corps mi pourri (203-204)! Toralba,
Octave s'accordent, pour mille raisons, â estimer incroyable la résurrection
de la chair (206).
Coroni propose de remettre au lendemain la question de savoir s'il est licite
à un homme de bien de discourir sur la religion (207).
32 JEAN B0D1N
Livre IV.
Les six amis, élevant vers Dieu un cantique d'action de grâces, s'aperçoi-
vent à ce propos que l'unisson est aussi désagréable que l'harmonie plaisante.
Qu'est-elle donc? L'accord des contraires par les intermédiaires. Elle est d'ail-
leurs la condition générale du monde, et les discordances (maladies, douleurs,
etc.) ne sont là que pour en faire mieux sentir le charme. Coroni chante en
vers latins cette théorie (209).
[215J Tokalbe. — Aussy la Justice, la force, l'intégrité (a) et les autres vertus
des gens de bien & de ceux qui s'esleuent au dessus des autres ne parestroient
point dans vne Republique s'il ny auoit des meschanls parmy les bons (A), et
s'il n'y auoit des furieux auee les gens posés (b), des pusillanimes auec des
hardis, des panures auec des riches, des roturiers auec des nobles (B) enfer-
més dans les mesmes murailles. Mesmes ces conuersations ou nous engage
Coroni n'auroient aucune vtilité ny plaisir si elles nestoient rendues célè-
bres (C) par vne contrariété d'opinions et de raisonnements.
Senamy. — le ne comprens pas pourquoy (c) vne bonne ville ne se trouue-
roit pas plus heureuse qui auroit chassé tous les meschants que celle qui en
conserueroit quelques vns et comment se peut trouuer l'vnion ou bien com-
ment pourroil elle estre paisible parmy la discorde (D), veu qu'il ny a point de
plus fort lien de concorde entre les amis et les citoïens que lorsque chacun
est dans le mesme sentiment et veut viure en charité dans lobseruance des
loix diuines et humaines.
Cukce. — Cette opinion (E) de Ciceron (1) nest que dans ses parolles puis-
(1) Lib. de amicitia (F).
(a) NMD Integritas que PG omeltent. B ne donne pour la moitié du livre IV qu'une traduction,
souvent même un résumé, en allemand. — (6) PG omettent sani furiosis. — (c) M quomodo.
DN quant ob rem.
(A) Idées anciennes chez Bodin. C'est sur elles qu'il fonde, dès la République (157G), sa théorie
du gouvernement harmonique. « En couplant les hommes de vertu lantost aux nobles, tantost
» aux riches, ores qu'ils soyent destitués de vertu, neanlmoins ils se sentiront honnorés d'eslre
» conioinls auec les genls vertueux, et ceux cy de monter au lieu d'honneur : et en ce faisant
» toute la noblesse d'vn coslé se resiouït de voir que le seul poinct de noblesse est respecté en
» la distribution des loyers : et d'autre coslé tous les roturiers sont rauis d'vn plaisir incroyable,
» et se sentent tous honnorés ». Rép., VI, 6, p. 735 sq.
(B) MD nobilibus infâmes signifierait plutôt, en bon latin : des gens décriés auprès de gens
illustres. Mais le texte de la Rép. cité supra prouve que B interprète correctement la pensée de
Bodin.
(G) Obscur. MD splendescerent. Bodin veut, je crois, dire que le choc des opinions contraires
illumine la discussion.
(D) MD Aut cur islo modo discordia concors esse possit... De ces élégances apprêtées et un
peu postiches qu'il emprunte assurément à Gicéron, le latin de VHepl. est très friand.
(K) A savoir que la sympathie vient de la communauté de sentiments.
(F) Gic, De Amicitia, G : « Est autem amicitia nihil aliud, nisi omnium diviuarum humanarum-
» que rerum, cum benevolentia et caritale, summa consensio • .
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 33
qu'il en a condamné la pratique (</), et peut on mieux apprendre ses senti-
ments que dans la conduitte de sa vie? Car quelqu'vn a til ramais plus aimé
Epicure (e) qu'Atticus le plus grand de tous les amis de Ciceron (A) qui tant
quil a vescu est tousiours demeuré constant dans la secte des Académiciens,
déclamant dans tous ses escrits (4) contre les Epicuriens parce qu'il ny a rien
de plus 216] difficile que de sempescher de blasmer vn meschant homme
lorsque l'occasion se présente d'en parler, comme disoit Theophrasle (B).
Tohalbe. — Il est vray que les sectes des Académiciens, des Stoïciens, des
Peripateticiens, des Epicuriens et des Cyniques disputoient l'vne contre l'autre,
cependant ils ne troubloient point lunion et la paix de la ville (C) par ce que
les Académiciens et les Peripateticiens estoient comme vn milieu pour reu-
nir (D) les Epicuriens et les Stoïciens qui estoient entièrement opposés.
Autrement (/") s'il ne se trouuoit quelque milieu pour rassembler les contraires
il faudroit nécessairement qu'il y eust partout vne guerre perpétuelle (E).
Ekdehicu. — Cultiuer vne amitié et garder la concorde parmy vne si grande
diuersité de sentiments des choses diuines et humaines m'a semblé tousiours
la chose du monde la plus difficile de touttes.
Cujjce. — Cultiuer vne amitié est [vne] chose et garder l'vnion et la concorde
en est vne autre (g). Car comme les natures opposées (h) de chacune chose tra-
uaillent a l'vnion de tout cet vniuers : ainsy les ialousies et les haines parti-
culières des citoïens les vns contre les autres nourrissent la paix générale de
toutte la République. Ainsy Rome n'a iamais esté plus florissante que lorsque
les Patrices reprimoient la populace (5) et que la cholere des tribuns s'oppo-
soit vertement au dereiglement des consuls. Cest pour cella que M. Cato le
Censeur auoit accoustumé de semer des querelles parmy les esclaues et des
(4) In libb. de Finibus, de Natura Deorum (F). — (5) Plutar. in Catone.
(d) MDPG senlentia, quam suis ipse factis oppugnavil. N ipsis. — (e) MDPG Epicurum.
N Epicurœos. — (f) MNPG Alioquin (ou alioqui) si. D Alioqui nisi. — (g) NMDTP Alind est
amicitiam colère, aliud (G aul) concordiam lueri. — (h) N dis cre pan lise. MDPG nalurae
discrepanles.
(A) MD cui tamen mortalium Cicero magis amicus quam Atlico exstitit unquam, -= Alticus
que Gicéron aima uniquemenl.
(B) <■ Non potesl, inquit Theophrastus, fieri ut bonus vir non irascatur malis ». Sénèque, De
ira, 1, 14.
G) Sens indéfini : de la ville où ils se trouvaient réunis, MD in eadem civilale.
(D) MD quasi vinculis, non traduit. Les Epicuriens qui ne croient pas à la Providence s'oppo-
sent aux Stoïciens fatalistes. Voyez dans Gic, De natura Deorum, les attaques hargneuses de
Zenon l'épicurien contre les autres écoles, 1, 33 sq. Bodin a pratiqué assidûment cet ouvrage en
vue de VHept.
(Ë) M alioquin, si (D alioqui nisi est fautif : nisi annule, contre le bon sens, nullo) unum uni
conlrarium nullo inlerjeclo medio copulelur, pugna quœdam perpétua futura sit oportet.
L'idée que l'harmonie sociale se fonde en conciliant les contraires par les intermédiaires est
courante dans Bodin : « La nature de la proportion harmonique vnit tousiours les extremilez par
» vn moyen qui s'accorde auec l'vn et l'autre ». Rép., VI, G, p. 710. Cf. ibid., pp. 734-737.
(F) De finibus, 1, 7; II en enlier. De nat. deorum, I, 25, 33, 41 ; II, 17, etc.
Ghauviré 3
34 JEAN BODIN
desmeslez entre les magistrats (A) afin d'obuier aux conspirations et (i) que
le bien des familles fust conserué par les vns et celluy de la République par
les autres. Et Licurge (6) n'a pas creu pouuoir mieux faire quand il esloit
question de choisir des magistrals [217] ou des ambassadeurs que dassocier
ensemble pour mesmes emplois ceux qui auoient quelque haine secrète l'vn
contre l'autre (B).
Cokoni. — On ne trouue pas mal a propos dans cette Republique icy de
donner mesmes charges et (j) mesmes soins (C) a plusieurs ensemble, par ce
qu'vn tiers concilie tousiours l'esprit des deux qui ne seroient pas d'accord
en se Joignant a l'vn ou a l'autre : autrement (D) il y auroit du péril a mon
aduis de donner vn employ a deux ennemis. Tant que vesquit M. Crassus,
César et Pompée ne feirent point esclalter leur haine car ce premier estoit
tousiours le médiateur (E) entre le beau père et le gendre : mais ayant esté
tué dans la Caldée aussy tost la guerre ciuile salluma entre les deux partis (/e).
Tout de mesmes (/) Lepide estant abattu (m) du feste du triumuirat suiuit la
guerre ciuile d'entre Anthoine & Auguste.
Salomon. — le serois de cet aduis pour les estais populaires (F), mais
dans les monarchiques il ny a point de hasard a mettre deux ennemis dans
vne mesme commission (n) ou l'auctorité royalle les force d'agir dun mutuel
esprit d'vnion. Comme Alexandre obligea tousiours Cratère et Ephestion (o)
quoy qu'ils feussent ennemis de viure bien ensemble (G). Et cella se veoit
(1) Plutar. in Lycurgo.
(j) Nvel. MDPGT et. — {j) MD curalionis aut (N et) muneris collegœ. PG omellent et mu-
neris. — (k) PG seuls omellenl Sed, Ci'asso in Chaldœa cseso, ad arma civilia concursum est
a duobus. — (l) N Non secus ac. MDPG Non aliter ac. — (m) NU dejecto, préférable quant au
sens. M ejecto. — {n) N in eodem magistratu conjungere. MDPG conjugare. — (u) N Ut
Alexander M. (MD Magnus) Ifephestionem Cratero nutu solo conciliavit.
(A) « Il s'ingéniait toujours à entretenir parmi eux [ses esclaves] des discordes et des brouilles,
» se méfiant de leur bonne intelligence et en craignant l'effet ». Plut., Caton l'ancien, 21. Quant
aux « desmeslez entre les magistrats », c'est une allusion au c. 15, où Plut, raconte avec quelle
passion Caton toute sa vie accusa ou poussa à accuser les gens en place. On aura la certitude de
l'allusion en lisant liép., IV, 5, p. 421, qui résume ce chap. et le chap. 21.
(B) Il n'y a rien de tel dans Plut., Lgcurgue. Bodin disait déjà : « Le sage Lycurgue législateur
» melloit dissension entre les deux rois et vouloit aussi qu'on enuoyast tousiours deux ennemis
» en ambassade », etc., Rép., IV, 5, p. 421, mais sans donner une rélérence que, dès ce moment,
il avait sans doute perdue. En écrivant VHept , Bodin se rappelle le trait, le trouve, avec raison,
assez semblable à ceux qu'il puise dans Plut., et le lui attribue, sans vérifier.
(G) MD si plures sunt ejusdem curalionis aut muneris collegœ, — si plusieurs reçoivent
ensemble même charge ou même fonction. — 11 s'agit de la république de Venise, où a eu lieu
J'enlrelien.
(D) Entendez : faute d'un tiers pour arbitrer les querelles.
(E) ML) quasi média vox facile conciliabal, = réalisait aisément l'accord, comme une note
intermédiaire. Allusion aux théories musicales des pp. 209-213. Cf. Plut., César, 28 : « Crassus,
» qui pouvait être l'éphèdre de l'un ou de l'autre, ayant péri chez les Parlhes, il ne restait à César,
» pour s'élever au rang suprême, qu'à renverser Pompée qui l'occupait ».
(F) Inexact : MD in oplimatum et populari civitale, =pour le régime aristocratique et popu-
laire. Cette idée reçoit son plein développement dans la Rej>ub., IV, 7, p. 442. Cf. aussi ma
thèse sur Jean Bodin, IV, 3, 4.
(G) Inexact, par omission et par glose : MD nutu solo conciliavil, = réconcilia d'un signe de
tête Cratère et Ephestion. — Source : Plut., Alexandre, 47.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 35
encores mieux dans toulte la nature qui est le plus parfaiet et le plus
antien (A) exemple d'vne republique bien policée : non seulement les éléments
contraires mais aussy les astres et puissances angeliques sont conduicts par
le seul pouuoir supresme (p) et la maiesté diuine et partant Dieu seul est
reconneu pour donner la paix dans tous les sièges de la hault.
Senamy. — Quoy les anges se font aussy des guerres ciuiles entre eux?
[218] le mets en faict, répliqua Salomon, que le monde intelligible cest a
dire les anges ne sont gouuernez que par la volonté seule de Dieu, le monde
céleste par les anges, le monde élémentaire par les corps célestes (B). Et que
les supérieurs sont les images des inférieurs (C). Et que comme il s'esleue
souuent des desbals entre les grands capitaines et les magistrats par émula-
tion de vertu, si les éléments contraires se font la guerre et si nous voyons
que les astres ont vn mouuement contraire peut on doubter qu'il ny ait pas
des contentions entre les anges? Comme (q) le prouuent les parolles de l'ange
a Daniel (4), le Prince du royaume de Perse m'a résisté pendant vingt iours,
mais Michel entre les Princes m'a donné secours. Aussy (/•) Dieu parlant a
Pharaon, selon l'interprétation allégorique et cachée cest a dire le Prince des
Démons (Y) : le t'ay appelle a fin d'exercer en toy (/) ma puissance, a fin que
le bruit de mon nom se respende (u) par loutte la terre (y) (5). Donc entre les
anges il ny a point de combats sinon a qui produira plus de vertus ou
d'actions (x) héroïques, mais (y) entre les hommes rarement les vertus don-
(4) Daniel, c. 10. — (5) Exod., c. 9; ad Romanos, c. 9.
(p) JV seul omet summa. — (q) N Hue eliam. MDTPG Hue enbn pertinet Ma vox. — (r) Nila.
MDPG item. — (s) MU ad l'haraonem, quem [N quam, inadvertance) secretiore sensu dœmo-
num principem significare diximus. — (t) N omet in le. — (w) NU disseminaretur. M dissipa-
retur. — (v) NMD toto terravum orbe. PG omettent tevrarum. — [x) MDTPG aclionum. N
unirrtorum. — {y) MDPG inter homines vero. AT omet vero.
(A) MD anliquissimum exemptai', = le type le meilleur. De crainte d'errer, R n'a pas choisi
entre les deux sens possibles d'anliquissimum, et les a tous deux donnés : le second me paraît
peu défendable. — Bodin compare perpétuellement la nature et la cité. Cf. mon Jean Uodin, IV,
2,2.
(B) Cette page peut sembler bizarre, et obscure, à qui n'a pas dans la tête la cosmologie de
Bodin, et quelque peu de sa métaphysique. Il y a trois mondes, l'intelligible, séjour des anges;
le céleste, séjour des astres ; l'élémentaire ou sublunaire, séjour des hommes, le monde supérieur
influant sur le monde immédiatement inférieur. Les astres sont « des animaux célestes qui sont
» ornez d'intelligence & de lumière » (Th., V, 1, p. 790 sq.); ils sont encore, avec les anges, les
intermédiaires dont Dieu se sert pour exercer son influence sur la création. On trouvera exposée
cette physique singulière, toute proche de celle d'un Marsile Ficin, dans mon Jean Bodin, II, 2,
pp. 155 sqq., et dans mon article de la Revue d'Anjou, sept 1912, pp. 175 sqq., où je donne les
textes y afférents. — Dès lors on comprend qu'il puisse y avoir entre les astres et les anges
rivalités de bonne intention, virtutis certamen, comme entre l'ange qui parle à Daniel et l'ar-
change Michel qui lui porte secours, Daniel, 10, 13. Les mauvais anges eux-mêmes, comme le
Pharaon dont le nom cache le Prince des démons, en luttant contre la volonté divine, ne servent
qu'à manifester sa gloire. D'où la citation d'Exod., 9, 16 et ad Rom., 9, 17.
(G) Autre idée courante dans Bodin. Les divers mondes se ressemblent, et sont commandés
par les mêmes lois. Voyez-en une application curieuse à l'ange, à l'homme et à la bête, dans
mon Jean Bodin, II, 2, p. 125.
36 JEAN BODIN
nent elles de l'émulation (A) : mais souuent les vices combattent contre les
vertus, et plus souuent (s) les vices contre les vices mesmes, vne opinion con-
tre vn'aulre, la deuotion contre l'impiété, la superstition contre la religion, et
très souuent vne superstition contre vne autre (a).
Feuekich. — le me suis souuent estonné parmy vne si grande diuersité de
sectes et telle qu'Epiphane et Tertullien en ont conté iusques a CXX et Teiniste
plus de (b) trois cens (Bi comment la paix & [219] l'vnion ait pu se conseruer
parmy les peuples puisque de nostre temps deux diuerses créances parmy les
chrestiens ont causé tant & de si rudes guerres ciuiles & tant de désolations
de villes.
CutCE. — Il n'y a rien de plus dangereux que de voir dans vne République
le peuple partagé en deux factions seulement soit qui! soit question des loix
ou des préséances (c) (C) ou pour le faict de la religion (d), mais (e) s'il y a
plusieurs factions il n'y a point de guerre ciuile a craindre, par ce que les vnes
sont comme des voix (D) qui semblent intercéder enuers les autres pour met-
tre la paix et lharmonie parmy les ciloiens.
Toualbe. — Cette raison est 1res a propos (/") recherchée dans les accords de
la musique la raison naturelle estant trop releuée (g) asçauoir par qui natu-
(2) N seul omel saepius. MDI'G ssepius. — (a) N religio cum supers lilione et religiotie, sœpis-
siixe tamen cum superslitione superslilio ipsa cerlal. MD superslitio cum religiotie, ssepis-
shne tamen cum superslitione superslitio cerlal. — (b) N amplitis 2.Ï0. MUTPG plures 300.
B tnehr als 300 (cf. Thémislius). — (c) NMDTG de honoribus. B ùber Ehren. P de humoribus,
inadvertance. — [d] N sive de religiotie dispulelur. MD sive de religionibus disceptelur. —
(e) NMDIJ al. G ac. — (/") ND aplissitne. M apertissime. B offenbar. — [g) N subtilior.
MUTPG subtimior. B erhabener.
(A) MD inler homines vero rarius virtutes cum virtutibus, saepius vitia cum viliis [certant],
= mais enlre les hommes ce ne sont pas leurs vertus qui luttent à l'envi, ce sont leurs vices.
(B) ThémisLius, orateur et philosophe païen, vivait dans la seconde moitié du ive siècle. Sozo-
mène, H. E., 6, 36 et Socrale, 4, 32, nous le montrent tenant à Valens, pour l'engager à cesser
les persécutions contre les orthodoxes, une harangue : les sectes philosophiques grecques,
explique-t-il, moins sujettes encore à dissensions que la religion chrétienne, avaient multiplié
jusqu'au nombre de 300. Sur ces passages de Socrate et de Sozomène, un certain André Dudilh
composa une prétendue traduction en latin de la harangue, que personne n'a jamais vue, de
Thémislius à Valens. Cf. le P. Pétau, Themislii Oraliones, La Flèche, 1G 13, in-8; ou Paris,
S. Mabre-Cramoisy, 1684, in-fol. La source de Bodin est, soit André Dudilh, soit directement
Socrale el Sozomène; on voil avec quelle légèrelé il a lu les uns ou l'autre. Saint Lpiphane
(310-403) énumère dans son Panarium ou Adversus Hsereses, non pas 120, mais 80 hérésies,
Cf. en lêle du Panarium, la Lettre à Acacius et Paulus prêtres, où il énumère el classe ces
80 hérésies (Épiphane de Migne, t. I, col. 173 sqq.). Quant à Tertullien, il énumère dans le De
prœscriplione haerelicorum, c. 45-53, les hérésies qui se sont élevées jusqu'à son temps. Ellies
du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, Pralard, 1686 et sqq., t. 1,
p. 251, signale « ce petit catalogue des hérésies » el le croil apocryphe [ibid., p. 299). Apocryphe
ou non, il contient bien moins de 120 hérésies. Mais le souvenir de Bodin était bien peu précis,
el il négligeait de le vérifier : on le verra en comparant Hept., V, p. 378, où il dil que Tertullien
compte 120 sectes, Epiphane davantage (première variation) ; el Bép., IV, 7, p. 456, où il dit que
tous les deux ont complé cent sectes (deuxième variation).
(G) MD de honoribus, = des grandes charges de l'État. Sur l'idée générale de celle réplique
de Curce, voyez le développement : « Pourquoy plusieurs sectes s'accordent mieux que deux ».
Rép., IV, 7, p. 456.
(D) MD quasi mediisvocibus, = comme des noies intermédiaires.
DES SECRETS CACIIEZ DES CHOSES SUBLIMES 37
Tellement vne chose seulement est contraire a vne autre et que plusieurs
choses différentes ne peuuent pas estre contraires a vne seule naturelle-
ment (A).
Octaue. — l'estime que cest par cette raison que les Turcs & les Persans
reçoiuent parmy eux toutte sorte de religions & vous voyez cependant vne
merueilleuse concorde tant parmy les peuples que parmy les passagers bien
que differans de religion (B).
Federicb. — Pour moy i'estime qu'il ny a rien qui fust plus a souhaiter
dans vn grand royaume ou dans vne grande ville que cela se peust faire que
tous eussent vne mesme religion (C). Et Aratus (6) na rien faict de plus
remarquable que d'auoir accoustumé (h) les Acheens qui composoient plus de
trois cens villes (i) a viure soubz mesmes loix, mesme religion, mesmes céré-
monies, mesmes poids &. et mesmes mesures, en sorte [220] qu'on ny pouuoit
plus rien désirer sinon que touttes ces villes feussent enfermées entre mesmes
murailles, et cest a mon aduis le fondement solide de lamitié que Ciceron a
mis a suiure vn mesme sentiment (j) tant pour les choses diuines que pour
les humaines.
Octaue. — Croyez vous, Federich, que les Acheens ayent peu se conseruer(I)j
dans vne seule religion (k) eux qui contoient trente six mille diuinités puis-
6 Polybius, lib. IV; Plutar. in Arato (E).
{h) N assueveràl. MD assuefecerat. — [i) MN societalem Achseorum, quse CCC amplius urbes
complexa {D amplexa) continebat. — (/) .V consensione. MD consensione et carilate. —
/.- MD An tibividentur, Federiche, Achxi in una et eadem religione conspirare potuisse.
PG omettent Federiche et et eadem N Au tibi videtur... Achaeos... potuisse.
(A) M Hxc quidem ratio a musicis modulalionibus apertissime (D aplissime) qusesita. Natu-
ralis vero subtimior est, quia scilicet unutn uni tanlum, plura eidem contraria per naturam
esse non possunt. Tout ceci est 1res obscur, et les traductions de R ni de B ne l'éclaircissenl. Voici
une interprétation, dont je suis le premier à sentir toute l'incertitude : En musique, on recherche
à juste titre une telle relation des noies entre elles. Mais dans la nature cette relation est bien
plus excellente encore, parce que là une chose a son contraire, mais n'a pas plusieurs contraires
[suppléez : au lieu qu'en musique la note intermédiaire de l'accord est opposée aux deux notes
extrêmes] ; mais elle n'a pas plusieurs contraires [suppléez : et l'harmonie se réalise d'autant plus
facilement]. D'ailleurs, même mutilé de la réflexion de Toralba, si on ne l'entend pas, le raison-
nement se suit aisément. Accessoirement, remarquons, à propos de aplissime, le prix de R pour
départager M et D, et son accord, que nous retrouverons plus d'une fois, avec D.
(B) MD cives et peregrinos inler se religionibus discrepanles et cum republica conciliant. R
omet cum republica. J'entends que les Turcs établissent ainsi l'accord : 1° entre les gens de reli-
gions diverses, population sédentaire ou flottante ; 2° entre ces gens et l'intérêt public. Cf. p. 229
note. Sur les faits, tirés de Poslel ou de Chalcondylas (cf. infra, p. 329 note), voyez Rép., IV, 7,
p. 4f>5 sq.
(G) Inexact : MD quant ut eisdem sacris et eodem numinis cultu cives omnes conjungantur.
(D) MD in una et eadem reliqione conspirare, = s'accorder, communier dans une seule et
même religion. — Quant à leurs 3b\0)0 divinités, que le musulman Octave, très attaché au mono-
théisme de Mahomet, est bien qualifié pour railler, je les retrouve citées infra, p. 308 et Démon.,
2. 3, p. 199, mais sans que Bodin nomme davantage ses autorités, que j'ignore.
E] Corrigez : Polybe, ;">, 19 (Aratus prêche activement l'union aux Mégalopolilains) ; ou 2, 8
commencement de la ligue achéenne). Bodin, Rép., 1, 9, p. 170, allègue Pol., 3 : la référence
n'est pas plus exacte. — Plut., Aratus, 9, 10 et 11.
.'18 JEAN BODIN
que iamais les sacrifices de Bacchus nont peu auoir de conformité auec ceux
d'Eleusine (/)?
Coroni. — Certainement nous debuons plustost le souhaiter et le demander
a Dieu que l'espérer qu'il ny ait parmy le monde qu'vne religion (m) et qu'vne
mesme créance, pourueu que ce soit la vraye (A).
Salomon. — Ne disons point que cest vne religion quand nous ne dirons (n)
point que cest la vraye.
Senamy (o) (B). — Puisque lès chefs des religions et les pontifes (C) en cha-
cune ont eu tant de débats les vns contre les autres qu'il nest pas possible
de dire quelle est la vraye, nest il pas bien mieux de receuoirdans les grands
estats comme nous voyons dans ceux des Turcs et des Perses touttes sortes
de religions que den exclure quelqu'vne. Car si nous cherchons pourquoy les
Grecs, les Latins et les Barbares nont point eu (p) autresfois de différents pour
le faict de la religion nous nen trouuerons point a mon aduis d'autre raison [q)
sinon que tous estoient esgallement esclairés et auoient vu mesme sentiment
de touttes les religions (D).
Salomon. — Il en faut excepter les Iuifs lesquels [221] pour ce regard sépa-
rez en quelque façon de touttes les autres nations nadoroient (K) et nadorent
encores qu'vn seul & vrai Dieu éternel detestans touttes les autres diuinités.
Aussy les Caldeens (F) abatirent tous les temples des Dieux (r) par ce quils
(l) MDT Eleusinarum, incorrect. N Eleusiniorum. — (m) MDTPG ut una sit eadem civium,
immo etiarn mortalium omnium [N civium unio, una etiam, etc.) de rébus divinis assensio (N
consensio). fi suit MD, mais attribue, seul, et à tort, cette réplique à Octave. — (h) Nnisi veram
esse dabimus. MD de mus. — ;o) MDTPGB Senamus. iVseul t'ait continuer Salomon. — (p) N
quid sit, quam ob rem Grseci, Latini, Rarbari nullam de religionibus controversiam olim habue-
rint. MDPG liabuere, solécisme. — (q) MD non aliam comperiemus (PG comperimus), opinon
quam, etc. AT ajoute ralionem après comperiemus. — (r) PG omettent Deorum.
(A) R résume, et inexactement : MD ut una sit et eadem civium, immo etiam mortalium
omnium de divinis rébus assensio, una religio, modo vera, = qu'il y ait entre concitoyens, que
dis-je, entre tous les hommes un seul et même accord sur les choses divines, une seule religion,
pourvu que ce soit la vraie. — Ce rêve d'unité religieuse dans la nation, c'est celui de tous les
esprits moyens du xvi" siècle, et auquel la politique du temps a tant sacrifié ; le rêve d'unité
religieuse dans l'humanité, c'est celui que Bodin laisse deviner partout entre les lignes de VHepl.
(B) N est seul à faire continuer Salomon ; et le bon sens ne l'avoue pas plus que les mss. Toutes
les idées de cette réplique, difficulté de découvrir la vraie religion, excellence relative de toutes,
bienfaits de la tolérance absolue, sont, on le verra dès les pages qui vont suivre et mieux encore
à mesure qu'on avancera, les motifs propres a Senamy et qu'il développe à la moindre occasion.
(C) MD Pontifices, quos veteres Grseci [/.urrraytoyouç appellanl. Erudition à la mode du
XVIe siècle, que R n'a pas daigné traduire.
(D) Le latin est plus hardi : MD omnium in omnibus religionibus conspirationem et consen-
sum, = le sentiment religieux de tous embrassait toutes les religions. C'est sa religion même
que Senamy définit là; cf. infra, V, p. 370 sq.
(E) MD adorabant. R ajoute et n'adorent encores; on pourrait y voir un indice des senti-
ments personnels du traducteur. Mais, nous le verrons, les indications qu'on obtient par celte
méthode sont contradictoires; et j'incline à penser qu'il n'y a point eu d'intention dans cette
inexactitude.
(F) On retrouve ce détail, infra, p. 270. Recherches faites, je crois que Bodin le puise dans
Origène, Contra Cels., 7, 69 (Migne, t. 1, col. 1509), lequel le lire lui-même d'Hérodote, 1 ; ou
de Gic, de Nat. deor., 1, 41 et de Leg., 2, 10 : « Nec sequor magos Persarum, quibus auctoribus
» Xerxes inflammasse templa Grseciœ dicitur,quod parietibus includerent deos, quorum hic mun-
» dus omnis lemplum esset, et domus ».
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 39
estimoient que ce fust impieté que de renfermer des Dieux dans le peu des-
pace d'vn temple.
Senamy. — Mais il me semble qu'il ny a presque que les Iuifs de tous les
peuples qui pour leur loy ayent troublé le repos des villes et des Empires.
Car lorsqu'Antiochus eut subiugué Hierusalem et qu'il en voulut remercier les
Dieux par sacrifices les Iuifs feirent des imprécations contre luy dont il fut
tellement irrité de ce qu'ils le prenoient pour vn impie qu'il les forcea sur
peine destre cruellement punis d'assister aux sacrifices des Dieux &. des
Gentils (A), dou (B) ils s'attirèrent la haine des peuples les plus esloignez en
sorte qu'il sembloit que touttes les nations eussent iuré (s) la ruine de celte
seule nation. Car Celse (7) raporte que les Chrestiens et les Iuifs parlant trop
insolament de leurs Dieux mesprisoient touttes les autres diuinitez (C).
Fkdehicu — Celluy qui reçoit la diuersité des religions différentes semble
auoir dessein de ruiner la véritable et Proculus a dict (/) fort a propos que
celluy qui tient pour la diuersité des Dieux ne diffère guieres de celluy qui
nen croit point (D) parce qu'on ne peut point adorer ensemble Dieu [222] et
le Diable (m), qui sont si contraires l'vn a l'autre.
Senamy. — Toralbe nous a faict veoir cy dessus (E) que Dieu ne peut
(7) Refert Origenes, lib. 3. Contra Celsum.
(s) NMD conjurasse. PG conspirasse. — [t] N scribit. MD scripsit. — (m) N ac daemonem
colère. MD dsemona. PG dsemonas.
(A) 1 Macchabées, 1, 5; Josèphe, Antiquités judaïques, 12, 7.
(B) Par leur intolérance farouche que condamne Senamy, et que condamnait déjà le païen
Celse, dans Origène, o. c, 3, 2 (Migne, t. 1, col. 923).
(Gj Seul contre N, H, et l'unanimité des mss., B attribue à Federich la phrase Car Celse, etc.
Celte phrase appartient évidemment à Senamy, dont elle appuie l'accusation d'intolérance.
(D) Vérification faite, MD a7:sifi'av àvaioetv tov Oîov xat TioXuOcÔT^Ta nihil %~o tTjî
àOsoTYjTo; di ff erre ne sont pas des expressions textuelles de Proclus, mais, comme il arrivera
encore (cf. infra, VI, p. 656), le résumé d'une lecture, écrit en grec pour l'authentiquer. Cette
lecture est soit celle du De anima et dœmone, indiquée par Duplessis-Mornay, De la vérité de
la religion chreslienne, Paris, 1581, qui fait cette même citation de Proclus (mais il n'est pas la
source de Bodin, qui fait la citation dis 1580, Démon.. 1, 5, p. 108), soit celle de VInstitulio
Iheologica, art. 113-161. En particulier, l'art. 149 (éd. Creuzer, Francfort, 1822, p. 220) explique
que le nombre des dieux ne peut être infini, car il y a incompatibilité entre l'un et l'infini, si bien
qu'un nombre infini est vraiment vide de l'unité; et l'art. 119, p. 174, explique que chacun des
dieux, étant unité et bonté, n'est Dieu qu'autant que son éloignement du Dieu unique lui permet
de conserver de sa nature.
La prédilection de Bodin pour les interprètes de Platon qui ont développé encore le caractère
religieux et mystique de sa pensée est certain. Cf. mon Jean Bodin, II, 1, p. 110 sq., qui donne
textes et références. Non seulement il goûte Apulée, Plolin et Proclus, mais Marsiie Ficin, Jean
Pic et Jean-François Pic [infra, p. 415). C'est d'ailleurs un goût commun aux hommes de ce
temps que cette inclination pour les philosophes qui sont à moitié pontifes ou thaumaturges.
Voici un recueil factice, imprimé à Bàle, chez Froben, 1519, in fol., qui traduit clairement cette
tendance. J'y trouve Jamblique, Proclus, Porphyre, Synésius De Somniis, Psellus De dsemoni-
bus, Pylhagore, VAsclepius et le Pimander de Mercure Trismégiste, Marsiie Ficin De magis,
etc. Tous ces livres, sauf le dernier, et tous ces auteurs sont cités passim par Bodin; un bon
nombre dans la seule p. 548 de la Démon., Réfut. de Wier.
(F) Supra. III, pp. 150-153. Et nous venons de lire que Dieu fait servir à la manifestation de
sa gloire jusqu'à Pharaon, le prince des Démons, p. 218.
40 JEAN BODIN •
auoir (u) de contraire, mesmes (x) que les démons ne sont que les minis-
tres (y) très soubmis a l'exécution de ses ordres (s). Or (a) (A) ne peut on
pas respecter le seruiteur d'vn seigneur non pas a l'esgal de luy mesme, mais
comme son ambassadeur? Aussy quel inconuenient y auroit il de prier (b)
deux diuinitez l'vne de peur de nous eslre nuisible & l'autre afin qu'elle nous
fasse du bien? Cest pour cella que les Opuntiens auoient deux Pontifes (8)
dont l'vn estoit pour sacrifier aux Dieux l'autre aux Diables. Et les Romains
nauoient pas seulement respect et vénération pour les Dieux bienfaisants (c)
comme lupiter, Mars, Diane, mais aussy pour ceux qui pouuoient faire du
mal comme pour celluy qui cause la nielle aux blés qu'ils appellent Robigus
ou Rubigus, pour la Fiebure, la Paueur, l'Occasion, l'Enuie (R) et les autres
diuinitez qui pouuoient faire mal ou le destourner qu'ils appelloient Auemm-
calores & les Grecs (d) 'AÀev.Kxxou; (9).
Salomon. — Pleust a Dieu que nous eussions la prudence des Grecs et des
Latins (G) de sestre imaginé des dieux masles et des dieux femelles (e) ! Mais
par la loy de Dieu (1) il n'y a rien de plus estroictement defîendu que de
craindre des Dieux estrangers qui ne peuuent faire ny bien ny mal. Cest
pourquoy il est escript (2) quil ny a que Dieu seul (/) qui soit capable de
nous enuoier des afflictions.
(8) Plutar. in Apophtegm. Grœcorum. — (9) Plutar. in Cleomene (D). —
(1) Gènes., c. 35; Exod., c. 20; Judic, c. 10; Prouerb., c. 29 (E). — (2) Deu-
teron., c. 30 et 32; Leuit., c. ult. ; Lib. 3. Regum, c. 9 et 21 ; Iesayse, c. 45;
Hierem., c. 11 et 32; Baruch, c. 2; Amos, c. 3; Ionas, c. 3; Micheœ, c. 1 (F).
(v) N Deo nihil conlrarium esse. MDPG existere. — (x) N quia etiam. MDPG quin etiam.
— (y) N ministri. MDPG administri. — (z) NMD obsequentissimi divinse majeslatis. B der
gôttlicher Majestœt. PG divinœ volunlalis. — (a) MDl'G quid autem (N enim) vetat. — (b) N
alterum quidem ne noceat, alterum ut prosif. obsecrari. MDPG obsecrare. — (c) NMDT nec
Romani beneficos tantum Deos. PG omettent, à tort, beneficos. — {d) N averruncatores sive
(MD id est) àÀsq'.xixo'j;. — [e) MDTE quos enim Deos mares 4>0dvov, Kat'pov, 4>ôoov (PG
Grseci, eosdem) Latini sexu et habilu fœmineo Deas fecerunt, scilicet Invidiam, etc. L'ad-
jonction de PG est nécessaire à l'intelligence du texte. N l'adopte. H passe cette réplique.
— (/") NMD nullam mortalibus nisi {l'G omettent, à tort, nisi) ab uno immortali Deo calami-
talem impendere .
(A) M D autem est autorisé par la suite des idées. Non, il n'est pas vrai que polythéisme vaille
athéisme, puisque les Dieux ne sont pas le contraire de Dieu. Mais ne peut-on l'adorer en eux ?
(B; R fait précéder Robigus et Averruncatores d'une glose explicative. Sources probables de
Bodin : pour Robigus, Varron, R. R., 1, 1, et Ling. Lai., 5, 3; Pline, H. Nat., 18, 29, 69; pour
Pavor, Lactance, Inst. div., 1, 20 et T. Liv., 1, 27; pour Occasio, Phèdre, Fab., 5, 8; pour
Invidia, Hygin, Prœfat. fabut., 277: pour Febris, voyez p. 225.
(G) Contresens. Salomon raille bien la prudence des Grecs et des Latins, mais plus durement
encore que ne le croit R : les sages admirés de Senamy font les mêmes dieux mâles ou femelles
suivant le caprice de la langue parlée. Les docteurs chrétiens, et ceux que lit familièrement
Bodin, Tertullien, Apologeticus, 10, S. Augustin, De civ. Dei, 3, 12 et 7, 2, raillent souvent eux
aussi les Dieux sexués au gré de la fantaisie des païens.
(D) « Ils honorent la Peur, non comme un de ces êtres malfaisants dont on détourne l'in-
» fluence », etc. Cléomène, 9. MD déplacent à tort cette note jusque sur des dieux masles. —
Cf. Plut., Les demandes des choses romaines, 74, où nous voyons Servius élever un temple à la
Fortune « destournant malencontre ». — Réf. 8, corrigez : Les dem. des ch. grecques, 6.
(E « Vous n'aurez point de dieux étrangers devant moi ». Exod., 20, 3. Genèse, 35, 2; Juges,
10, 6; l'roverb., 29, 18, même sens.
(F' Deuleron., 30, 1 (plutôt 29, 20 : « Le Seigneur ne pardonnera point à cet homme, mais sa
DES SECRET* CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 41
Senamy. — Parmy vn si grand nombre de religions il peut estre de deux
choses l'vne, ou que ce nest rien, ou que l'vne n'est pas plus la vraye (A.) que
l'autre {g). Car (h) les pontifes de touttes les religions ayans vne haine mor-
telle [223] les vns contre les autres nest il pas (i) (B) plus sur de les receuoir
touttes que d'en choisir vne (laquelle peut estre faulse) que den exclure j ou
condamner vne laquelle peut estre sera la plus véritable de touttes ?
Octale. — Il est cependant (k) très dangereux aux princes et aux magistrats
de vouloir abolir / vne religion receue de longue main (m) et qui tire son
origine de bien loin (C). Car Thomas et Constantin sixiesme empereur (D) de
Constantinople ayant faict dessein dabattre (n) touttes les idoles des temples
feurent tous deux cruellement massacrez dans le temple de Saincte Sophie
I'vn par sa mère & lautre par la populace (o). Cest pourquoy les empereurs
Valens, Theodose le Grand (p), Valentinian, Iouinian (q) et Theodorich non
seulement (r) ne voulurent pas chasser la secte des Ariens qui multiplioit de
touttes parts, mais par vn edict public luy donnèrent liberté de sestablir par-
tout et la toleroient (E).
(g) MDTE ut (N earum) plus una vera sit. — {h) MDTPG at. Nac. B und. — [i MDTPG num
tutius est. XII suppriment num. — (j) NMD excludere velle. PG omettent velle. — (k) MDTPN
at. B auch. G ac. - \l) MDPG convellere. Nevellere. — [m) NMD religiones diulurno consensu
receptas. PG quae receptœ sunt. — [n) MD précipites deturbarent. N. prœcipiter. — o Y
a populo. MDT a plèbe. — {p) NTheodosius, M. Valentinianus. MD Theodosius Magnas, Valen-
tinianus. — {q) N Jovianus. MDTEPG Jovinianus. — (r) PG suppriment non modo.
» fureur s'allumera », etc.) et 32, 22 sqq. ; III Rois, 9, 6-9 et 21, 21-23 (Dieu maudit Achab et
Jézabel) ; Isaïe, 45, 2 sqq. : Jérémie, 11, 11 et 32, 26 sqq. ; Baruch, 2, 21 sqq. ; Amos, 3, 11 sqq. :
Jonas, 3 (prédiction de la ruine de Ninive); Michée, 1, 3-4. Le dernier chap. (27) du Lévilique
ne parle que des choses vouées; je corrige : 26, 14 sqq. (Dieu promet de punir les infracleurs de
la loi).
(A) Contresens. MD allerum fieri polest, ut earum nulla; alferum non potest, ut plus una
vera sit, = il peut arriver qu'aucune ne soit la vraie: il ne peut pas arriver que plus d'une soit la
vraie. Mais (MD at) il vaut mieux les accepter toutes que courir le risque de rejeter la véritable.
(B) MD num tutius est. Contrairement à l'usage, Bodin emploie couramment num dans le sens
de nonne, impliquant une réponse affirmative. Cf. infra, p. 227 : Num vobis videtur Scsevola,
= est-ce que Scévola ne vous semble pas ? Cf. pp. 376 et 612 notes. Faute d'avoir remarqué
cet idiotisme du latin de Bodin, N se croit obligé de corriger en supprimant num.
(C) Faux sens. MD quse radiées allais egerunt, = qui ont poussé des racines profondes.
(D) MD ulerque, omis, = tous deux empereurs. La Rép , 1, 9, p. 133, nous conte la même chose,
mais de Léon IV Iconomaque et de Thomas. Source de Bodin : Annales de Zonaras (cf. infra,
p. 267, note), III, Lrad. lat. de J. Aymin, Paris, Chaudière, 1567, pp. 135a et 138 6. L'impératrice
mère Irène fit révolter les troupes de son fils Constantin, favorable aux iconoclastes, qui eut les
yeux crevés. Thomas, faux empereur, s'éleva contre Michel le Bègue, qui le prit dans Andrinople,
le fit mutiler et empaler.
(E) Il y a là quelque inexactitude, et Bodin, on va le voir, le sait aussi bien que nous : l'erreur
vient donc ou de sa négligence, ou d'une corruption ancienne de l'archétype perdu. 1° UHept.,
ici, et VI, p. 6S4, dit Jovinianus Ml) . Il n'y a pas d'empereur de ce nom; lisez Jovianus.
2° Théodoric était Arien et exerça sa tolérance envers les orthodoxes. Bodin a loué, d'après
VHist. eccl.es. triparlile de Cassiodore, sa belle parole : Beligionem imperare non possumus,
quia nemo cogilur ut credal invitus, infra, VI, p. 684, et Rép., IV, 7, p. 456. II nous a montré,
Rép., ibid., Théodôse le Grand ne combattant l'arianisme que par les exemples d'orthodoxie
qu'il donne en lui & en sa famille. Il a vanté l'svoTty.ôv ou édit d'union entre catholiques, ariens,
manichéens, etc , proclamé par .lovien, infra, VI. p. 684. Pour Jovien, Théodose, Valens et
Valenlinien, sa source est Zonaras, Annales, III, p. 114 b sqq.
42 JEAN BODIN
Federicii. — Si par les anciennes ordonnances (5) du Sénat Romain (A) la
charge estoit donnée aux Ediles ou Escheuins de prendre garde (t) qu'aucune
religion estrangere ne fust receue dans la ville et qu'on ne rendist aucuns
honneurs aux Dieux que selon les coustumes (u) du pays, auec combien plus
de zèle les princes chrestiens deburoient ils prendre ce soin !
Sknamy. — Mais (0) les Romains nont peu sempescher eux mesmes d'en-
freindre leurs ioix puisqu'ils ont enfin faict des sacrifices a Isis et Osiris, au
dieu Anubis leur fils (x), a Esculape & a Cybele la mère des Dieux. Et mes-
mes (B) M. Agrippa fit bastir vn temple [224] a lhonneur de tous les Dieux
quil appella llavôsov qui est le seul qui soit resté entier de tous les anciens
temples des Romains et que Boniface consacra en lhonneur de la vierge (y)
(C). Vulgairement on lappelle la Rotonde ou le temple de Sainle Marie de la
Rotonde. De mesme aussy les Athéniens dressoient partout des autels au
Dieu inconneu qu'ils appelloient ayvaxiTo;, comme l'asseure Pausanias
dans ses Attiques et saint Paul (3) en preschant aux Athéniens, dont est
faict mention aux actes des Apostres, afin doftïir en quelque façon des
sacrifices au vray Dieu qu'Us ne connaissoient point. Ainsy (D) ces an-
ciens croioient que tout ce monde fust plein de Dieux parce que partout
ils remarquoient (z) des apparences secrètes de diuinité (a) en sorte qu'ils
sescrioient souuent : touttes choses sont remplies de Iupiter, voulant dire de
Dieu CE). Et certainement aussy les Cieux et la Terre sont remplis de la maiesté
(3) In actis apostolorum (F).
(s) N Si sanclis Romanorum. MDTPO vetere senalusconsullo Romanorum. — (t) N ne quœ
religio peregrina in urbem admit 1er etur, neu. MUPG neu neu. — (m) N palrio modo. MD
more. — (y) NMD AL PG Ac. — (x) AT seul intercale ici Apis. — {y) NMATEPG quod quidem
unum er, omnibus antiquorum fanis Romse reliquum esse videmus, a Bonifiai io 3. Pontifi.ee
Maximo divin omnibus consecratum. t) a d'abord écrit divis omnibus, puis il a biffé cl corrigé
lleatse Marias consecratum. B der Tempel... . den der Papst Bonifacivs III allen Heiligen
(Divis) geweiht hat. — [z) N conluerentur. MD inluerentur. — [a] NMDTP numina divinilalis.
B Naluren der GœtUr. G munera (?).
(A) L'erreur de N sanctis vient d'une mauvaise lecture de l'abréviation seto. — Cf. Terl.,
ApoL, 5 : « Vêtus erat decrelum, ne quis deus ab imperalore consecraretur, nisi a senalu proba-
lus ».
(B) MD post.remo, = la dernière et plus forte preuve, c'est que. — Pline, H. nat., 36, 15, 24,
dit qu'Agrippa avait dédié ce temple à Jupiter Ultor; mais la source de Bodin est Dion, 53, 27.
<; Le texte de D Beatse Marias consecratum. qu'a aussi traduit B, est le seul conforme au bon
sens, et à l'histoire. Boniface IV, ayant reçu de l'empereur Pbocas le Panthéon d'Agrippa, le
consacra à Marie, 608, Paul Diacre, De gestis Longobardorum, 4, 37. Je m'explique l'erreur des
autres mss. divis omnibus consecratum, par l'insertion fautive de ces mots, d'abord glose mar-
ginale explicative du grec Panthéon, après a Pont. Maximo. Ainsi B fait entrer dans son texte
la glose Vulgo lemplum V. Marias Rotundae.
(D) Faux sens. Le sic du latin n'a d'autre sens que d'annoncer la prop. infinitive qui suit, et ne
doit pas être traduit. MD Sic enim veteres Mi statuebanl, mundum hune Deorum plenissimum
esse.
(E) Voulant dire de Dieu est une glose de B, mais qui reste bien dans l'esprit du texte. Tout ce
passage est tiré d'Aug., De civil. Dei, 4,9 : « Omnia plena Jovis. Hune Varro crédit eliam ab bis
» coli, qui unum Deum solum sine simulacro colunt, sed alio nomine nuncupari ». Et le c. 11
s'intitule : « De multis diis, quos doclores Paganornm unum eumdem Jovem esse del'endunt ».
(F) « Car ayant regardé eu passant les statues de vos dieux, j'ai trouvé même un aulel, sur le-
» quel il est écrit : Au dieu inconnu ». Act., 17, 23. Cf. Pausanias, 1,1,4.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 43
de sa gloire. Cest pourquoy Seneque (4) voulant en rendre raison a soy mesme
pour exprimer ce que cest que Dieu : tout ce qui se veoit dict il et ce qui ne
se voit pas. Et Pline (A) appelle l'estendue de cet vniuers vne diuinité éternelle.
Et quand ces anciens ont donné des temples aux vertus asçauoir a la Iustice (5),
a la Force (6), a la Paix (7), a l'Espérance (8), a la Foy (9), a la Pudicité 1 ,
a la Concorde (2), au Salut (3), a la Pieté (4), a l'Honneur (5), a la Vérité (6),
a la Prouidence 7), a l'Esprit (8), a la Clémence (9), a la Miséricorde (1), a la
Félicité (2), a la Liberté (b) (3), a la Renommée (4) et a l'Eternité, iestime que
ce na point esté pour autre subiect qu'a fin de proposer aux bommes les vertus
de Dieu pour les mettre en pratique 225] et pour leur donner horreur des
vices.
(4) Lib. 1 qua?stionum naturalium (B). — (5) Pollux in voce Buaj; Ghry-
sippus in lib. 7cepi xâXXouç (C). — (6) Plutarcb. in qusestion. (D). — (7) Plinius;
Seneca ; Dio ; Plutarcbus in ïimone(E). — (8) Liuius, lib. 1 et 4 ex 3. de-
cad. (F). — (9) Plin., lib. 35; Cicero de officiis (G). — (1) Festus in verbo pu-
dicit. (H). — (2) August., lib. 3 de Ciuit. Dei (I). - 3 Liuius, lib. 10 (J). -
(4) Plin., lib. 7, c. 36. — (5) Plutarcb., in quœstion. — (K). (6) Plutarch. ibi-
dem (L). — (7) Cicero, lib. 2 de Natura deorum (M). — (8) Ouid. in Fastis (N).
— (9) Plutarch. in Cœsare (O). — (1) Pausanias in Atticis (P). — (2) Plin.,
lib. 35 (Q). — (3) Dio lib. 43 (R). — (4) Pausanias in Atticis (S).
[b) X Liberalitati. MD Liberlali. fi der Freiheil.
(A) H. nalur., 2, 1, 1.
(B) Préface, ad Lucilium.
(C) Des références qui suivent, celles dont je ne dis rien ont élé vérifiées et trouvées exactes,
par ex. Pollux. Quant à Chrysippe, s'il s'agit du philosophe et grammairien cilé par Varron,
Cicéron, elc, nous n'avons rien gardé de lui, et Bodin va chercher son nom dans un ouvrage
d'un autre auteur, qu'il est bien difficile de retrouver.
(Dj Les demandes des choses romaines, 74 (Irad. Amyot, Nie. Buon, Paris, 1006, 2 vol. in-4°,
t. 2, p. 228). Cf. De la fortune des Romains, 2 (t. 1, p. 636). Forliludo = la Valeur.
(E) Corrigez d'après MDAT : Pline (36, 4, 15); Suétone {]'espasien, 9 : Dion (54 ad fin.);
Plut., Cimon (13).
(F) Exact. Tile-Live nous parle de la déesse Spes 21, 62 et 24, 47.
(G) Pline, 35, 100, nous décrit un tableau qu'on voyait au temple de Fides. Cic, de Officiis,
3, 29, 104.
(H) Festus, 14 : « Plebeiœ Pudicitise sacellum Homnp ut sacra cetera colebatur ».
(I) De civ. Dei, 3, 25. Cf. Dio, 55; Cic, De nat. deor., 2, 23, elc.
(J) Bubulcus dédie le temple de S;dus. Liv., 10, 1, qu'il avait promis étant consul, 9, 43.
(K) Les demandes des choses romaines, 13 (t. 2, p. 209 .
(L) Ibid., 12 (t. 2, p. 209) : « Les Romains estiment Saturne père de la Vérité ».
(M) De nat. deor., 2, 22. Cf. 1, 8 et 3. 39.
(N) Fast., 6, 241.
(O) César, 57.
(P) Pausanias, 1, 17, 1.
(Q) Lucullus place dans le Forum de C^sar une statue de la Félicité par Arcésilas. 35, 156. Cf.
34, 69 et 36, 39.
(R On élève par décret un temple à la Liberté, Dion, 43, 44. Cf. 38, 17 et 58, 12.
(S) Pausanias, 1, 17, 1. — Dans tout le développement qui s'achève ici, 'Senamy démarque
purement et simplement Cic, De natura deorum, 2, 23 28, qui par la bouche du stoïcien Ralbus,
explique que les différents dieux sont seulement des attributs divinisés du Dieu seul et unique,
Jupiter.
44 JEAN BODIN
Curce. — Cella est dict auec esprit, Senamy, mais pourquoy donc ont ils
aussy mis les vices (A) au rang des Dieux? pourquoy ont ils basti vn temple a
largent (5) ou aux richesses? pourquoy a la gourmandise (6j soubs le nom
d'Edusaou Edulia(c)? pourquoy a l'yurongnerie(7) soubs le nom de Potina(d)?
pourquoy aux plaisirs (8) soubs le nom de Volupia? pourquoi a la lubricité (9)
soubs le nom de Libentina (e)? a Venus (1)? a Priape (/')? si ce nest a fin de
s'abandonner plus facilement dans les dissolutions eslimans que tels dieux
leur estoient fauorables pour cella? J'obmets la fiebure (2), la déesse des
larcins (4) quils appelloient Lauerna (g), le Ris (5), la Luxure (6) ou Profusion,
l'Impudence (7), la mauuaise odeur qu'ils appelloient Mephitis (h), comme
(o) Augustin., Mb. 6 de Ciuil. Dei (B). — (6) Augustin , ibid. (C). —
(7) Donatus in Phormion. (D). — (8) Varro et Macrob. in Snturnalibus (E). —
(9) Arnobius contra gentes (F). — (1) Plutarch. in Solone (G). — (2) Ciceronis
de Natura Deorum (H). — (3) Festus in voce Furina (I). — (A) Festus in Lau-
erna furum (J). — (5) Apuleius in Asino (K). — (6) Plaut. in Trinummo (L). —
(7) Tacit., lib. 19 (M).
(c) DTENEdusae vel Eduliœ. M Edeusse vel Eduliœ. — >.d) MU Potinse. N Polanae. — (e) MDP
Libentinae. G Libenliniae, barbare. N Libertinse ('?). — (f) MDTA rapporlenl la noie 2 à Priopo
et à Febrim (oui ensemble. — (g) ND Lavernam. M Laver num, inadvertance. — [h) S Mem-
phitim (?). MUT Mephilim.
(A) MD vitia superïora, = les vices capitaux. — Cette longue énuméralion des faux dieux de
Rome a de multiples sources dans divers ouvrages que Bodin pratiquait beaucoup, et entre
lesquels il n'y a pas lieu de choisir. Je viens de nommer le De natura deorum, 2, où Balbus
énumcre lui aussi une foule de vertus divinisées. Mais voici Jean Wier, De l'imposture des
diables, 1, 4 et 5, Lrad. Grévin, pp. 6 sqq. (cf. infru, p. 254 note), qui, dans un but tout différent,
celui d'établir qu'ils sont des démons, dénombre les dieux antiques, avec des références utilisées
par Bodin; voici S. Augustin, De civ. Dei, 4, 10 et 11, qui raille celte foule de dieux latins qui
président aux moindres acles de la vie, Potina, Educa, Volupia, que Bodin nomme aussi; voici
enfin Clément Bomain (cf. infra, p. 485 note) qui se plaint que les anciens aient mis les vices au
rang des Dieux, Récognitions, p. 279 a. Citons encore Pline, H. nat , 2, 5. Tous ces souvenirs,
qui plus, qui moins, doivent flotter dans l'esprit de Bodin.
(B) Bectifiez : De civ Dei, 4, 21.
(C) Educa, dans Aug., De civ. Dei, 4, 11.
(D) In Phormionem, 1, 1, 15. Cf. Aug., o. c , 4, 11.
iE) Varron, De lingua latina, 4, 8 et Macrobe, Sat., 1, 10.
(F) 4, 9. Cf. Aug., o. c, 4, 8 et Varron, /.. L., 5, 6.
(G) Plut., Solon, 1, nous montre Pisistrate élevant un temple à Vénus. Cic, De nat. deor., 2,
23, parle nommément de Vénus Lubenlina.
(H) Cic. nous parle du temple, De nat, deor., 3, 25, et de l'aulel antique, Leg., 2, 11, de laPièvre
sur le mont Palatin.
(I) Celle note se rapporte à Furina, que R a omis, ce qui explique l'absence du chiffre 3 dans
son texte. ■• Furnalia, sacra Furinae, quam deam dicebant ». Festus, 6.
(J) « Laverniones fures anliqui dicebant, quod sub tutela dese Lavernse essent, elc. ». Festus, 10.
(K) Apulée, Métum., 2 ad fin. Cf. Plut., Cléomène, 9; Lycurgue, 25.
(L) Prolog., 8.
(M) Evidemment erroné, puisque nul ouvrage de Tacite n'a 19 livres. D seul corrige : Tac,
lib. iij, allongeant le troisième I en J dont la queue explique l'apparition du 9 de 19. Il s'agit, je
pense, des Histoires, 3, 33, où Tacite nous apprend l'existence, attestée aussi par Pline, d'un
temple de Méphilis à Crémone. Si j'ai raison, la note 7 devra se rapporter à Mephitis, et non à
Impudentia, contre lous les manuscrits.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 45
àussy les Dieux dans chacun endroit des maisons (i) et (j) trois cens lupiters
a qui chacun donnoit vn surnom a sa fantaisie. Sans comprendre vne infinité
de Dieux populaires (A) iusques a des Sefpens, tous lesquels tant de lun que
de l'autre sexe (/•) M. Agrippa voulut estre adorés soubs vn mesme toict.
Salomon. — Il eust esté bien plus louable de séparer le vray Dieu de touttes
ces diuinitez imaginaires que de les confondre ensemble qui est vne horrible
profanation (/). C'est pourquoy le peuple de Dieu ayant esté enuoyé dans la
terre de promission comme dans vu bien (B) qui leur appartenoit suiuant la
volonté de Dieu, il leur fut commandé de ruiner et mettre rez pied rez terre
tous les temples de ces faux Dieux (m), leurs statues (C), leurs autels et les
bocages mesmes qui leur estoient consacrés et (n) Dieu ne voulut pas souffrir
que larche fut prophanée par l'approche de la statue de Dagon dans le temple
duquel on l'auoit mise. Et les [226 prestres iuifs (o) (D) feurent spectateurs
comme deux fois elle fut abbattue (p) et brisée lorsque larche eut esté posée
auprès.
Cuhce. — Neantmoins (E) & ceux cy et M. Agrippa violoient le priuilege des
choses sacrées. Car il estoit si peu permis de consacrer vn temple a deux
diuinitez que M. Marcellus en ayant faict construire vn a l'Honneur & a la
Vertu les Pontifes Romains {q) obteinrent que les misteres des deux ne
feussent point confondus en sorte que par vne muraille le temple fut partagé
d'vne façon touttesfois que l'on r/eust pas peu entrer dans le temple de Ihon-
neur que la porte de celluy de la vertu neust été ouuerle (F) : a plus forte
raison deburoit on moins souffrir telle chose dans le culte que l'on rend a
Dieu.
Octale. — Il est vray qu'il y a raison de détester la confusion des sacrifices,
cependant les Empereurs Turcs et les Roys de Perse, de la haute Asie et [de]
(ii N prœtermilto Ueos omnium œdium partibus ac locis constilulos. MUI'G omnibus. PG
ometleril ac locis. L)lJG consecralos. M consectatos, inusilé au sens passif. — [j) N praelerea
Joves trecenlos. MD prœtereo. — (k) N Deos Deasque. MU Deasve. — (l) ND sacratissima (M
sanclissima) quœque profanis conspurcare. — (m) N omnium inanium et ficlilium Deorum
fana. PG omnium inania, elc. MD omnia inanium, elc — (?j) NMUTP al. G ac. — (o) N
sacerclotes Palœstinœ MUPG Palœslini. — (p) N bis dejeclam. MDPG disjeclam. — (q) N lio-
manorum ponlifices. MUPG romani.
(A) Inexact : MD innumerabilium Deorum populos, = des mulliludes de Dieux innombrables.
R semble traduire un texte populariurn, que je ne trouve dans aucun manuscrit.
(B) MD in lerram sanctiorem quasi in bonorum possessionem missus. Je donne à ?nissus un
double sens, littéral et juridique, et j'entends : envoyé en terre promise comme si on l'envoyait
en possession de son bien.
(C) « Tu n'adoreras point leurs dieux et ne les seruiras, ains les démoliras et briseras leurs
» statues ». Exode, 23, 24. Lapidation d'Acban, qui avait dérobé à la destruction quelque chose
du sac de Jéricho, Josué, 1. Etc. — R traduit insuffisamment MD inanium et ficlilium, épithèles
homériques des idoles dans ï'Hept. Cf. IV, p. 252, et V, p. 371.
(D) Contre sens : MD sacerdoies Palœslini, — les prêtres l'aleslins ou Philistins. Ce sont eux
qui trouvent la seconde fois Dagon par terre, la lêle et les mains cassées (ce qui autorise
MD disjeclam), I liais, 5, 3 sq.
(E) Faux sens : MD profecto, = assurément. B gewisz. Curce explique la double chute de
Dagon par une règle générale. Mais l'erreur de R qui vient de traduire Palœslini par Juifs
entraîne à présent celle-ci.
(F) Source : Valère-Maxime, 1, 1, 8.
46 JEAN BODIN
LAffrique selon la doctrine d'Homar Second, ambassadeur du pape Homar
Premier, chef des Ismaélites (A), et de llothar (/■) célèbre théologien (B)
croient (s) que tous les hommes sont aggreables a Dieu qui auec sincérité
dame adorent vne diuinité quand mesmes ils ne sçauroient pas quelle elle
est (C), par ce disent ils que la source (/) de touttes les actions est dans la
volonté (D) dont Dieu connoist tousiours le fond & la pureté. Et de cette
opinion ont esté non seulement les théologiens ismaélites, mais (u) aussy les
chrestiens. Puisque Thomas d'Aquin (8) raisonne ainsy : Lorsque la raison
qui se trompe vous ordonne de faire quelque chose comme (u) si c'estoit vn
commandement de Dieu, alors c'est vne mesme chose de mespriser ce que
voslre raison vous [227] dicte et mespriser vn commandement de Dieu. Ce que
S1 Augustin (9) auoit desia dict auparauant.
(8) Secunda secundse, q. 19 (Eh — (9) In libro retractationum (F).
(r) N Hellhero. .1 Hechari. MDTEPG Eelhari, seul correct. — (s) MDPG (sic insliluti ac imbuli
sunt) ut arbitrenlur. N arbitrarentur. — U) NMD quoniam rerum omnium agendarum fonlem
judicant in volunlatis impetu. PG indicant, laule de leclure. — (u) N sed eliam. MDPG verum
eliam. — (v) NMD Quando, inquit, ratio errans statuit aliquid ut praeceplum Dei. PG slatuit
aliquo'l praeceplum Dei (?).
(A) Le texte est constant. MDN (B concorde) ab Homaro 11, Homari I pontificis maximi in ter
Ismaelitas legato. Mais il est inadmissible. 11 n'y a qu'un Omar. On verra, infra, p. 342, cet Omar
appelé : Mahumelis legalus. Je conclus à une très ancienne corruption de l'archétype, de là
passée dans tous nos manuscrits. Et je conjecture : ab Homaro, II. (= secundo) pontifice maximo
inter Ismaelitas, Mahumelis legato. Omar est le successeur d'Abou-Bekr, et le 2e calife des
Musulmans. — Oclave nomme les rois de Perse, parce qu'ils sont chefs de la secte chiite, qui
souffre les images : ainsi il montre le monde mahomélan tout entier, sans distinction de secte,
unanime dans ce sentiment.
(B) Elhari-ibim-Esed, de Bagdad, excellent théologien qui llorissail environ 180 ans après
Mahomet, nous apprend Léon d'Afrique, De l'Afrique (Irad. Jean Temporal, Lyon, Temporal,
1556, réimprimé à Paris, 1830, 4 vol. in-8), liv. 3, t. 1, p. 409. Bodin a lu Léon : cf. p. 339.
(C) Inexact, et la chose est grave, car Oclave exprime ici une des idées les plus belles de YHept. :
MD si pura menle suum quisque numen revereatur, lametsi qualem Deum habere oporleat,
penitus ignoret, = lous ceux qui en loule pureté de cœur adorent leur dieu à eux, malgré qu'ils
ignorent complètement quel est le bon. Ces mots rappellent invinciblement la Lettre à Baulru :
« Nec le auferant varice de religionibus senLenliœ, modo illud habeas animo comprehensum, veram
» religionem aliud nihil esse quam purgatae mentis in Deum verum conversionem ». Cf. ma thèse,
Jean Bodin, 2, 3, 5, pp. 162 sqq. — Tout ce que je trouve dans le Coran d'approchant, c'est le :
« Point de contrainte en religion ! » 2, 257. (Je cite, sauf indication contraire, l'éd. Kasimirski,
Paris, Charpentier, 1852. J'ai eu aussi en main une Irad. latine, accompagnée de nombreux
opuscules historiques et polémiques, dont Bodin s'est beaucoup servi : Machumelis Saracenorum
principis Doctrina ac i/ise Alchoran, opéra Theod. Bibliandri, ecclesia? Tigurinae minislri, s. I.,
Jean de Bourdigalle, 1550 3 tomes en 1 vol. in-4°).
(D) Insuffisant. MD in volunlatis impetu ac mente ipsa. Entendez d'ailleurs Rvolonlé au sens
latin de : intention, disposition intime.
(E) « Quando ratio errans ponit aliquid ut prœceptum Dei, lune idem est conlemnere diclamen
» ralionis et Dei praeceplum ». Summ. theol., prima secundee, q. 19, art. 5. Le texte de S. Thomas
autorise d'ailleurs MD.
(F) Retract., 1, 15, 2 (Migne, t. 1, col. 609), où Aug. discute le verset : « Car je ne fais pas le
» bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas », Paul, ad Rom., 1, 19. Cf. Aug. :
« Non esse peccalum nisi libero arbilrio ». De actis cum Felice Manichœo, 2, 4 (Migne, t. 8,
col. 538). « A libero arbilrio peccalum ». De vera religione, 14 (Migne, t. 3, col. 133). — Cette
idée, que la faute est dans l'intention, est un des lieux communs les plus chers à Bodin, et s'accom-
pagne presque toujours de ces deux mêmes références, S. Thomas et S. Augustin. Cf. infra,
pp. 565 et 588. Démon., 4, 5, p. 517 et Réf. de Wier, p. 592; Rép., VI, 6, p. 726, etc.
DES SECRETS GACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 4.7
Cuhce. — 0 11 y ie demeure daccord (.r) que la puissance de la volonté est si
grande (A) pour discerner les actions des hommes (j/ que celluy qui tue
quelqu'vn contre son intention demeure innocent du meurtre (s) et que celluy
qui est forcé (B) par cette mesme volonté a) de tuer vn autre [et] cependant
le manque, ne laisse pas a mon aduis destre tenu pour meurtrier (I ) : Iuge-
rons nous pour cella droictes touttes les actions qui procèdent d'vne volonté
droicle et sincère? certainement non, il y auroit trop de confusion de pieté
auec l'impiété.
Senamy. — A votre aduis Sceuola qui ne tua qu'vn de la suitte du roy Por-
senna voulant le tuer luy mesme uestoit il pas aussy coulpable que (b) sil
neust pas manqué son coup?
Clrci;. — Personne nen double.
Senamy. — Qui est celluy donc qui pourra mettre en doubte que si Sceuola
de bonne foy eust rendu les honneurs a ce suiuant qui nestoient deubz qu'au
Roy (C) [il] n'eust pas mérité les mesmes recompenses que s'il les eust rendu
au Roy mesme (c) ?
Cuhce. — Cella est ainsy pourueu qu'il eust avec justice peu excuser la
mesprise.
(1) Lege Cornelia de sicariis § Diuus. Lege de pcenis § Aut facta (D).
(x) NM Assenlior. PGD Assentimus. — {y) NMD tuntam esse vim in ipsa volunlale ad homi-
num actiones (PG voluntales, négligence) dijudicandas. — (z) Nul qui, quem nollet, occidil,
sit illius (MPG Me. U Mae, faute d'attention) casdis innocens. — (a) MDTPG et qui, quem
conatus eral (N esl), occidere non rotuit. — '6) ND proînde teueri ac si. M perinde leneri
ut si. — (c) N seul Idem si quis facial erga Dei legalos ac nuncios, ut quos crealori debuit
(?). Interpolation évidente des premiers mots que va prononcer Senamus, amenée par la simili-
tude de habuisset elexhibuisset, de idem et quidem.
(A) Obscur. MD tantam vim in ipsa voluntale, = que l'intention a une telle importance pour
l'évaluation des actes.
(B) MD qui, quem conatus erat, occidere non poluil. B der welclier zu lodlen beabsichligte.
L'exemple de Scévola, qui suit, autorise conatus. R semble traduire coadus, et devient inintel-
ligible.
(<J) MU si regios honores bona fide legato quasi régi et quidem eo speclanle adhibuisset. R
omet et quidem eo speclanle, = sous les yeux, au nez du roi, ce qui accentue l'erreur, et, si
Scévola avait élé conscient, la culpabilité.
(D) « Divus Hadrianus rescripsit eum qui hominem occidit, si non occidendi animo hoc admi-
» sil, absolvi posse ; et qui hominem non occidil, sed vulneravit ut occidal, pro homicida dam-
» nandum ». Corpus juris civilis Justinianei, éd. Dionys. Golhofredus, Colonise Allobrogum,
Sleph. Gamonelus, 1012, Digesle, 1. 48, lit. 8 ad legem Corneliam de Sicariis, 1 , 3, l. 3, col. 1482.
« Aut l'acla puniuntur, aut l'urla caedesque; aut dicta, ut convicia et infid;ij advocaliones; aut
» scripla, ut falsa el l'amosi libelli; aut consilia, ut conjuraliones et latronum conscientia; quos-
» que alios suadendo jussisse sceleris est inslar ». Ibid., 1. 48, lit. 19 de pœnis, 16, t. 3, col. 1558.
Bodin a pu connaître celle édition du code Juslinien, qui passe pour excellente : première édi-
tion, 1583. — Bodin a ainsi une petite collection de textes juridiques touchant les idées morales
les plus générales, et qu'il reproduit sans dégoût à la moindre occasion : L'inlention vaut le fait,
ici, Rép. ,Vl, 6, p. 720, et Démon., Réf. de VA'ier, p. 568; - qui l'ail son devoir ne mérite pas
récompense, infra, pp. 229 el 270: — la religion fait la force des cités, infra, p. 231 et Rép., IV,
7, p. 455, etc. D'ailleurs, tout le passage ci-dessus se retrouve épars de-ci, de-là, dans son œuvre
antérieure : l'histoire de Scévola, Démon., 2, 1, p. 179; celles des sages-femmes d'Égyple, qui va
suivre, Démon., 4, 1, p. 422.
48 JEAN BODIN
Senamy. — De mesme en est il de ce que l'on rend aux ambassadeurs ou
messagers de [228] Dieu croiant le rendre a luy mesme. Et celluy qui ne
rend qu'aux seruiteurs ce quil croit rendre a son Créateur (d) quand il n'y a
point de malice affectée nest il pas en mesme cause et ne mérite til pas
autant (e) que sil sestoit addressé (/") a Dieu mesme (A)? Nous lisons que les
sages femmes Egiptiennes receurent de grandes récompenses pour auoir éludé
les cruels commandemens de Pharaon par vn mensonge officieux, dautant
qu'elles lauoient faict par crainte de Dieu (g). Et ce Dieu cependant nestoit
qu'vn bœuf (h) lequel les Iuifs malgré la loy ne pouuoient (i) pas oublier.
Car Pharaon leur ayant commandé d'inuocquer leur Dieu a leur mode, Moyse
luy repartit quils ne pouuoient pas en équité (B) sacrifier (j) a Dieu dans vn
pays ou il estoit en abomination et quil y auroit danger pour eux que le peu-
ple d'Egipte (k) ne les assommast a coups de pierre. Dieu (/) donc eut com-
passion de ces matrones qui adoroient vn bœuf sous le nom d'Apis (C).
Salomon. — Autre chose est recompenser les bonnes œuures et autre chose
excuser les péchés commis par ignorance : car celluy qui aime & adore le
vray Dieu mérite (D) den estre recompensé encores quil ne soit deub (m) aucun
salaire a celluy qui fait son debuoir (2). Mais (n) celluy qui adore le soleil
(2) Leg. 1 mandali (E).
(d) MDPG quosque creatori decuit (N debuit) honores, ad servos (S servum) ipsius errore
non simulato detulerit. — (e) Niclem praemium. MDPG eadem prsemia mereatur. — (f) MDPG
(honores) decrevissel. N detulïsset. — (,7) Nl'G metuerant. MD meluerent. — (h) NMPG Apim
ôovein. D Apium, barbarisme. — (i) N poluerant. MDPG polerant. — (f) NPG sacra fieri. D
jusla sacra. M jusla sacrificia. — (k) N ab JEgyptiis. MDPG ab Aigyptia plèbe. — (l) MD Deus
oplimus maximus. NPG Deus. — (m) ND lametsi officio nulla merces debetur. M debealur. —
(n) NDM Qui vero. PG omettent vero.
(A) N'hésilons pas à mettre celle opinion de Senamy au compte de Bodin même. C'est lui qui
nous y aulorise quand il refuse de condamner les néoplatoniciens (cf. infra, VI, p. 633) qui
croyaient ne pouvoir arriver au Dieu unique que par les dieux secondaires qui procédaient de
lui : « Les Platoniques et autres payens qui par vue simplicité de conscience et par ignorance
» adoroient et prioient Iupiler, Saturnus et autres demy-dieux, viuans sainctement, prians et
» ieusnans... oui bien eslé idolaslres, mais non pas sorciers, ny ceux qui sont en pareil erreur :
» atlendu qu'ils pensoyent faire chose aggreable a Diea ». Démon., 1, 3, p. 91. Cf. 2, 1, p. 162.
(B) En équité répond à un adv. juste qu'aucun ms. ne nous donne. MD jusla, des sacrifices
conformes aux rites. Cf. Exod., 8, 26 : « Moïse répondit : Cela ne se peut faire : car nous sacri-
» lierons au Seigneur noire Dieu des animaux [les bœufs] dont la mort paraîtrait une abomination
» aux Égyptiens. Si nous tuons devant les Égyptiens ce qu'ils adorenl, ils nous lapideront ». Ce
n'est donc pas Dieu, mais le sacrifice hébreu qui est en horreur aux Egyptiens : pourtant le texte
(et B le corrobore) est constant : MDN non posse illic sacra fieri Deo, que m Mgyptii exsecra-
banlur. Je conjecture quœ à la place de quem.
(C) Pharaon ordonne aux sages-femmes d'Egypte de tuer tous les nouveau-nés Hébreux
mâles; elles rusent et les sauvent; Dieu tes récompense, Exode, 1, 15 sqq. Et cependant, ajoute
Senamy, l'acte de piélé par elles accompli s'adressait dans leur pensée au faux dieu Apis. Voilà
l'idée exprimée par Bodin; mais, à sa mode, il la rend obscure, à force de décousu et d'abus de
l'érudition. 11 apporte deux preuves, si peu utiles ! — que les Égyptiens adoraient bien un bœuf.
1° C'est si vrai que les Hébreux, même quand Moïse eut proclamé la loi, ne pouvaient oublier
leurs anciennes habitudes : allusion au veau d'or. Cf. infra, p. 272. 2° Moïse n'ose pas sacrifier
en Egyple de bœufs au Seigneur, de peur d'être tué par les indigènes adorateurs d'Apis.
(D) MD huic prsemia tribuuntur, = il en est effectivement récompensé.
(E) « Mandatum nisi graluilum nullum est. Nam originem ex officio alque amicilia trahit.
» Contrarium ergo est officio merces. Intervenienle enim pecunia, res ad locationem et conduc-
» tionem potius respicit ». Digeste, I. 18, tit. 1, 4 (t. 1, col. 1628). Cf. p. 227 noie.
DES SECRETS CACHEZ HKS CHOSES SUBLIMES 'i!l
estant conduict par vne iuste erreur (s'il peut (o) y en auoir de iuste) est (p)
en tel estât que non seulement il mérite qu'on l'excuse mais il est encore
digne de quelque recompense parce qu'entiers Dieu la volonlé suffit pour
estre recompensé de ce que vous auez voulu présenter encores que cette
volonté n'ait pas son effect. Dieu (q) donc [229] recompense l'intention
droicte (A.) : ce n'est pas pour cella que Ion puisse dire (V) que celluy la faict
bien qui adore vne idole parce que le culte des Gentils est (s) vne impieté
enuers Dieu, comme dict le sage (3) : aussy les Ismaélites ou Mahometans qui
reçoiuent et souffrent loutles sortes de religions dans leurs villes dans des
temples séparés (/) ne quittent pas pour cella la leur. Et personne (u) sans
impieté ne peut suiure et l'aire profession de plusieurs religions différentes (B).
Senamy. — Alexandre Senere passe pour vu très grand empereur et très
religieux, cependant il auoitdans son oratoire les images d'Abraham, d'Orphée,
d'Hercules & du Christ qu'il adoroit comme ses dieux domestiques (C) & le
tout de bonne foy, puisque tous les historiens luy donnent la louange de
Prince parfaictement sincère et homme de bien. Or voyant que les chrestiens,
les luifs & et les payens ne se pouuoient accorder pour leurs créances (v), il
ayma mieux (a?) les embrasser louttes que d'en reietter vne (y), de crainte de
donner occasion a quelqu'vn de mespriser la Diuinité. Et par ce moïen il fît si
(3) In Prouerb. (D).
(o) N si justus error esse polesl. MDPG possit. — (p) JV esse, impossible : la phrase exige
un mode personnel. MD esf. — [q) ND Deus optimus. M Deus optimus maximus. — (r) N dici-
tur.MD dicelur. — (s) N quoniam } de Las gentium non impietas erga Deum. MDPGB Leyser
suppriment non. — [t) N dislinctis (emplis. MD discretis. — (u) NMD Nec sine impietate
quisquam (potest, elc). PG omettent fautivement quisquam. — (o) N curh perciperet. MD
perspiceret. — [x) D seul omet maluit. Inattention. — (y) DMPG quum ullam repudians ad
numinis conlemplum quemquam exciture N omet ullam, nécessaire.
(A) H omet MD ac numinis melum, = et la crainte de sa volonlé.
(B) La pensée de Salomon peut sembler embarrassée, mais elle s'éclaire par comparaison avec
d'autres passages : Les choses ne sont pas si simples que les voit Senamy. Et d'abord Dieu ne
nous doit jamais aucune récompense (digression : l'idée est développée inf'ra, VI, p. 612). Qui
adore sincèrement un faux Dieu est récompensé de sa bonne intention, mais il ne s'ensuit pas
que son action soit bonne. Et ainsi le flottement indifférent de Senamy entre toutes les religions
est une position d'esprit insoutenable. Je ne serais pas étonné que Salomon exprimât ici la con-
viction profonde de Bodin : loi personnelle décidée, qui n'empêche pas la tolérance. En tous cas
Salomon, si éloigné de Senamy, tombe d'accord avec lui sur celte question capitale, que toute
religion sincère, même fausse, atteint le vrai Dieu. Au texte cité p. 226 noie, ajoutez :
Démon , 1, 7, p. 157 et 2, 3, p. 195. Ne sent-on pas là une parenté élroile enlre la pensée de
Bodin et celle d'Erasme, que condamnait sur la proposition de Noël Béda la Faculté de Paris,
15 déc. 1527? « Quand Erasme avait énoncé celle proposilion : Celui qui pratique une fausse
» religion est plus rapproché de la vraie que celui qui ne croit pas en Dieu, n'était-ce pas l'ex-
» pression prudente de la pensée fondamentale du rationalisme formulée par Bayle deux siècles
» plus lard : Tout homme qui use honnêtement de sa raison est orthodoxe à l'égard de Dieu? »
Feugère, Erasme, Paris, Hachelle, 1874, p. 308.
(G) Source : Lampride, Histoire Auguste, Alexandre Sévère, 28. Quant à l'altitude intellec-
tuelle de Sévère, avec son principal motif, la crainte du scandale et du mauvais exemple, elle
est exactement celle de Senamy lui-même. Cf. Hept., V, p. 371 et VI, p. 673.
(Dj « Les victimes des impies sont abominables devant le Seigneur ». l'rov., 15, 8. Ce verset
autorise MD impietas.
Chauviré 4
50 JEAN BODIN
bien que non seulement chacun en particulier, mais tous generallement ves-
curent dansl'vnion (2) et dans vne extrême pieté et charité réciproque (A).
Curck. — On luy peut donner la louange de bon, prudent el sage Prince,
mais non pas de religieux ny plein de pieté sansquoy touttes les autres vertus
ne sont rien.
[230] Si-;namy (a) (B). — Si la vertu nestoit rien sans la vraye religion, pour-
quoy louas estant enuoié de la part de Dieu a Niniue ne lui fut il pas com-
mandé (b) dannoncer la vraye religion? Car il ne leur defïendit point (c) le
culte des astres et des idoles pour ambrasser (d) la loy de Dieu, mais il leur
prédit la ruine prochaine de celte grande ville dont le Prince (e) & les magis-
trats estans espouuanlez ils résolurent de faire pénitence, des ieusnes & des
processions. Et Dieu vit, dict le Prophète (4), qu'ils quittèrent leurs vices
& leur fit miséricorde puisqu'il ne les chaslia pas comme il auoit résolu. Ce
qui est encores digne de remarque c'est que ce Prince soubmettant sa raison
a la menace du Prophète (C), Qui ausera,dict il,soustenir que Pieu naura pas
pitié de nous? Cependant ils ne reconnoissoient point d'autre Dieu que Milhra
et Banal, & neantmoins ils ne laissèrent pas d'esprouuer la miséricorde de
Dieu qu'ils sceurent fléchir.
Federicu. — C'est a cause de leur pénitence & de leurs ieusnes que Dieu
leur fut propice et non pas pour auoir adoré le soleil.
Senamy. — Si les misteres de la religion des Gentils neussent pas esté
aggreables a Dieu, pourquoy lorsqu'ils les negligeoient se voioient ils affligés
de pertes de leurs fruicts, de mortalité parmy les bestiaux, de pestes, de
guerres? Et, au contraire, pourquoy (/*) auons nous veu ceux qui ont eu vu
soin particulier de faire des sacrifices aux Dieux, cest a dire (g) qui ont adoré
des hommes morts (D) ou des idoles, auoir augmenté en biens, en honneur,
(4) lonas, cap. 3.
(z) MU1PG sed elicun universos inler se el cum republica... conjunxit. N omet et. —
(a) MUTEI'GBN Oclavius. M passe une ligne, puis se corrige en un renvoi. Le ins. Nationale
n. a. 1. 515 passe celle ligne : Curlius continue à parler, el le lexle devient inintelligible. Tout
cela, avec /{ Senamy, marque une corruption ancienne du lexle. — [h) MUTE pervidgare jussus
est. l'G visus est. />' schien. N'promulgare nisus est. — (c) MD prohibuil. N deserere jussit. —
(d) DN amplecli. M complecli. — (e) N principes. DM princeps, le roi de Ninive {Jouas, 3, ('•)
— (f) ND cur [M quid) item. — (g) MD id est. Nl'G oniellenl id est.
(A) MD universos inler se et cum republica... conjunjil, — il fd régner l'union entre les
citoyens et aussi entre les citoyens et l'intérêt public. Même expression, supra, p. 219 note.
(B) MD donnent celle réplique à Octave. Elle lui convient : nous le verrons nier, contre les
protestants, que les bonnes œuvres n'aient de valeur que par la grâce de J.-C, infra, p. 559 et
p. 5G5 note. 11 lui sied donc de conlesler que la vertu ne soit rien sans la vraie religion Mais
d'autre part j'accorde une haute valeur au témoignage de 11 (cl\ Inlrod.,; de plus Senamy,
indifférent a la l'orme des religions, est, plus encore qu'Octave, qualifié pour soutenir une lelle
théorie; el depuis plusieurs pages c'est lui seul qui mène la discussion contre Curce el Salomon,
comme il va la continuer contre Federich. Pourquoi lui enlever la parole, pour la donner à
Octave, muet depuis si longtemps ?
(C) Contresens. MD princéps edicto rationem subjiciens, = le prince faisant suivre son
ordonnance d'un exposé des motifs. En effet, le roi de Ninive ordonne d'abord jeûnes el péni-
tences, Jotias, 3, 7-8, puis il les molive, 3, 9.
(D) Des hommes morts, les héros divinisés. Je ne crois pas que le loléranl Senamy veuille
lancer un coup de griffe aux catholiques el à l'adoration des saints (cf. infra, p. 308 note).
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 51
en victoires et auoir estendu les bornes de leurs Empires? Mesmes Polybe (5)
231 assure que l'Empire romain (h) ne sesl iamais accreu dauantage que par
la religion. Ce que Ciceron voulant confirmer (i a dicl j fort elegament : ce
n'est point par la force que nous auons dompté les Gaulois ny par le nombre
dhommes les Espagnols ny par addresse les Grecs ny par finesse les Cartha-
ginois ny par le sens naturel (k) les Italiens, mais appuyés de la religion et de
la crainte entiers les Dieux (A). Dou vient que Papinian le plus célèbre (L) des
Iuiisconsulles die t (G que la plus puissante raison qu'il eut pour maintenir
sa religion esloit que (B) les sacrilices des Dieux ayant cessé a la naissance
de la religion chrestienne (/h), les villes et les Republiques par tout le monde
commencèrent C de souffrir et d'estre affligées d'vn nombre inliny de
malheurs. Et lustin raporte que les Grecs et les Latins ont mis de puissans
obstacles a lestablissement du nom (n) chrestien par leur mésintelligence (D) :
.". I.ib. 6 de militari ac domestica Romana disciplina (E). — (6) Leg. Et si
quis de religiosis (F).
(h) MDl'G Romanorum (N Romanum) imperium. — (i) N affirmons. MU confirmons. —
(j) l'G omettent inquil. — [k) Ml) sensu nalivo, correct : cf. Cicéron. N naturali. —
(l) MUTEl'G decus [N Deus) jurisconsullorum. I! die Zierde. — (m) NI'G exoriente religione
Christiana (G Chrislianorum), civilales ac respitblicas loto lerrarum orbe ingentibus cala-
milatibus confliclari cœperunt. MD civilales ac respublicse, nécessaire : sujet de cœperunt.
— [n) MD ut Grœcos et Lalinos acerbissimis querelis {N acerbissimas querelas) no mini N
numini [?]) christiano objecisse scribit (.Y scribal) .luslinus.
(A) Gic, De haruspicum responsis, 9.
^B) Contresens. MD Quid Papinianus, decus jurisconsullorum : Summa ratio est, inquil,
quas pro religione facit. Quœ deorum sacra cum fieri tlesiissent, etc. = Voyez encore le mol de
Papinien. Et (dernière preuve), quand cessèrent ces sacrifices aux faux dieux, le monde en pâlit.
Il n'a pas ponctué après facit, et tombe dans des erreurs inextricables.
(C) MD confliclari cœperunt. La grammaire voudrait cœplœ sunt ; el Bodin le sait bien, qui
écrit : « uljam apud Halos tieri cœptum est », Oratio de inslituenda iuuentule, 155'J, fol. 43 v°.
Mais dans ÏHept., il a constamment employé cœpit après l'infin. passif. « Confliclari cœpil »,
infra, p. 236; cf. pp. 46'J et 530.
(D) Faux sens. MD acerbissimis querelii nomini christiano objecisse, = ont fait entendre
de vives plaintes contre le nom chrélien. Cf. B : die biltersten Klagen gegen das Chrislenlhum
erhoben haben. Justin Martyr (lre éd. : R. Eslienne, Paris, typis regiis, 1551; Irad. latines de
Joachim Perionius, Paris, J. Dupuys, 1554; de Sigismond Gelenius, Bâte, Froben, 1555, que j'ai
vue; de J. Langus Silesius, Bâle, 1565, etc.) proleste contre les infamies, cannibalisme, luxures
bestiales, qu'on imputait aux chrétiens, en les accusant d'allumer ainsi la colère des Dieux, Apo-
logia ad Antoninum l'ium, 1, 26. De même Aug. ouvre le De civ. Dei en montrant que le
christianisme n'est eu rien la cause du sas de Rome par Alaric, et qu'il est faux que les chré-
tiens, par leur impiété, portent malheur au monde romain. On voit aussi les Pères très préoccu-
pés de combattre une idée voisine : à savoir que la religion païenne a fait la grandeur de Rome.
Cf. Aug., o, c 1. 3 tout enlier ; Tert., Apol., 25.
(E) « Mais ce qui a le plus contribué aux progrès de la Rép. romaine, c'est l'opinion que l'on
» y a des dieux; el la superstition qui est blâmée chez d'autres peuples est à mon sens tout ce
» qui la soutient... S'il était possible qu'un État ne fût composé que de gens sages, peut-être que
» celte institution n'eùl pas été nécessaire. Mais comme le peuple n'a nulle consistance, etc., il
» a fallu le retenir par tout cet attirail de Actions effrayantes ». Polybe, 6, 9. Ce passage avait
vivement frappé Bodin; cf. Rép., préface, p 3.
(F) De deux copropriétaires, l'un veut enterrer un mort dans leur commun bien, l'autre s'y
oppose. Le premier l'emporte : « Nain propler publicam ulililatem, ne insepulta cadavera jace-
» renl, strictam ralionem insuper habemus, qua> nonnunquam in ambiguis religionum queestio-
o2 JEAN BODIN
pour les (A) sauuer duquel reproche on croit que S. Augustin s'aduisa de
composer ses liures de la cité de Dieu afin de garantir les clirestiens de l'in-
iure (o) qu'on leur faisoit a tort ou auec raison en les accusant de mespriser
généralement tous les Dieux.
Salomon". — Ce fut la dispute (B) des Israélites soubs la conduicte de Iero-
boam qui leurauoit faict oublier Dieu pour adorer le soleil et les astres (Oj.
Depuis que nous auons cessé de leur offrir des sacrifices, disoient ils, tout
bonheur nous a abandonnés et nous nauons souffert [232] que desastres et
calamités (C). Et ce qui est extrêmement remarquable cest que tous ceux qui
ont pillé les temples de Dieu ont tous pery misérablement (7). Car non seule-
ment (p) Flaccus, Antiochus le noble, Menelaus, M. Crassus, Ilerode & Gabi-
nius qui ont enleué (q) les trésors du temple de Ilieruzalem, mais aussi
Q. Capio consul, Brennus, les sacrilèges Phocens.'S, Achas (D) et (r) tous les
autres qui ont destruict les temples des démons ont tous finy par des euene-
(6) Hyerem., cap. 7. — (7) Iosué c. 7. lustin Historicus. Strabo. Cicero pro
Flacco (E).
(o) N a gravi Ma contumelia. MD ab is la gravi conlumelia. — (p) MD neque enim solum
{N solus, impossible : il y a plusieurs personnages). PG omellenl neque enim solum. — (q) N
expilaverat, incorrect. MD expilarunt. — (r) ND cœlerique. M omet que : inadvertance.
» nibus omitli solet. Nam summam esse ralionem quae pro religione facit ». Digeste, 1. 11, lit. 7,
43, Réponse de Papinien (L. 1, col. 1230). Vola encore une de ces formules juridiques dont Bodin
aime émailler ses discussions. Cf. Rép., IV, 7, p. 455.
(A) Les chrétiens : syllepse.
(B) MD querela, = la plainte.
(C) Salomon explique que même Israël, tombé avec Jéroboam dans l'idolâtrie, souffre des cala-
mités, dès qu'il se relâche de son culte, fût-ce des faux dieux. Jérémie, 7, se plaint de l'idolâtrie
où est lomhé Israël. Quanl à lu citation si intéressante qui suit, Bodin n'en donne pas la réfé-
rence, et j'ai lu III et IV Rois, II Parai., sans la Irouver; comme elle n'est pas littérale, les Con-
cordances ne peuvent ici m'aider.
(D) Q. Servilius Caepio, consul, envoyé contre les Cimbres, pilla un temple à Toulouse, fut
ballu, destitué, et mourut en exil. Cet aurum Tolosanum était le fruit de pillages antérieurs des
Gaulois qui avaient dépouillé les temples grecs, et il avait déjà valu une épidémie de peste aux
sacrilèges Tectosages, Justin, 32, 3. Qu'il lui passé en proverbe, Cic, De nat. deor., 3, 30, le
prouve. — Brennus et les Phocidiens avaient tenté de piller ou réellement pillé le temple de Del-
phes. — Achas avait dépouillé le temple de Salomon pour orner l'autel d'une idole, IV Rois, 16.
(E) Josué, 7 (Achau lapidé pour avoir dérobé de ranalhème de Jéricho). — Antiochus tué à
l'assaul du temple de Jupiter d'Elymée, Justin, 32, 2. — Même récit dans Slrabon, 16 (éd. Is.
Casaubon, Paris, lypis regii-;, 1620, in-fol., p. 744 U). — Cic, pro Flacco, 28, défend Flaccus du
reproche non d'avoir pillé le temple, mais d'avoir interdit l'importation qu'y faisaient de leur or
les juifs du monde entier. Mais pour moi — corruption ancienne des mss., ou négligence de
Bodin : on verra inf'ra, passim, qu'il en est très capable — il faut lire : Philon, In Flaccum seu
de Providentiel. Ce Flaccus esl le cruel gouverneur de Judée sous Caligula, dont parle aussi Josè-
phe et dont Philon conte les exactions, les cruautés, la fin. Pour l'autre Flaccus, Cic. ne parle
pas de sa mort, et je n'ai rien pu en savoir. Une confusion s'établit dans le souvenir de Bodin entre
les deux Flaccus, et il cite, au petit bonheur, Cic, Pro Flacco au lieu de Philon, in Flaccum, sans
vérifier. — A. Gabinius, gouverneur de Syrie en 57 av. J.-C , détrôna Arislobule et se signala
par ses pilleries. Accusé de concussion à son retour, il lui condamné malgré la défense de Cicé-
ron, el péril misérablement à Salone, en combattant les Illyriens, 46.
DES SECRETS GACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 53
mens très funestes. Don les anciens vsoient (s) en prouerbe du mot : Aurum
Tolosanum, or tolosain.
Salomon. — Il est très estroictement deflendu par la loy de Dieu (8) de ne
rien emporter a peine de la vie qui soit consacré aux idoles, ou parce ques-
tant consacré aux idoles cest comme s'il esloit consacré a Dieu, 0.1 parce que
les Démons pour se vanger des voleurs qui leur ont pris quelque chose les
poursuiuent (t) et les dénoncent (A), ou parce que les larcins des idoles (B)
sont cause (m) quelquesfois qu'on les adore (9) comme Dieux pénates ou
domestiques. *■
Octaue. — Pour moy ie liens que celluy qui nest pas dans la vraye religion
et qui mesprise les faulses diuinitez quil prend pour vrayes (u) est coulpable
de la dernière impieté comme a esté l'Empereur Caligula (1) qui disoit des
iniures a l'aureille de Iupiter Stator, et demandant a baiser la figure de Vesta
la iettoil par terre (x). Cependant au bruit du tonnerre il ny auoit pas de
cauerne assez creuse pour le cacher.
Federich. — Cest ce que font tous les sorciers quand ils foulent aux pieds
les hosties consacrées auec les mots vsitez (y) (C) ou quand ils les donnent a
manger aux crapaux (z) ou bien quand ils percent auec des flesches des
images de Iesus Christ (D) comme voulans faire iniure a Dieu qu'ils le croient
(8) Deuteron,xap. 7; Leuitic, cap. vltimo; Iosue, cap. 7 (E). — (9) Gènes.,
c. 32; Iudicum c. 18 (F). — (1) Tranquill. in Caligula (G).
[s) N Inde aurum Tolosanum velerum proverbio usurpalum. MDl'G proverbio veteribus usur-
pation. — [t) N ubique. MD ubi ubi. — [u) Nvelquia idolorum furtum faciunt interdumulpro
IH>s laribus colantur, difficilement, explicable MD furlafiunt inlerdumut, etc. — (v)Neumqui
et verum religionem et falsa numina, qu;e }>ro verts habeniw; con/emnit. MDTEPG Leyser
eum qui nec veram religionem habel, et falsa numina, qusepro veris habel , contemnit. fi traduit
.1//'. — [x) Ml) ad solum. N ad terram. — [y) I) hestias exadoreo (MEGH Leyser exadorea.
77' exudorla, N exadoratas) verbis ritualibus consecralas [N omel consecrulas) proculcant. —
(z) MDN aul rubetas eo ci'>o pascunt. Leyser e cibo pascuntur (?)
A Faux sens. MD vel quia dsemones ullores res suas a furibus ubiubi vindicant & condi-
cunl, --— soil parce (jue les démons réclament et, revendiquent leur propriété à leurs voleurs, si
loin que ce soit.
(Bi MD vel quia idolorum farta fiunt. Gén. objectif : le vol qu'on fait des idoles.
(G) De tous les textes, également barbares, des mss., 1) exadoreo est le plus aisément expli-
cable Lisons ex adoreo, = les hosties de pur froment. B omel ce passage. B n'a pas traduit ce
mol, sans doule aussi embarrassant dans son texte que dans les nôtres.
I) La Démon, esl farcie de tels sacrilèges : hoslies données aux crapauds, 2, 8, p. 295 et 4, 5,
p. 417; ou aux ânes, 2, 8, p. 292; sorciers qui tirent des flèches au crucifix, 2, 8, p. 303, ou lui
cassenl les cuisses, Réf. de Wier, p. 589.
E Dieu ordonne l'extermination totale des Ghananéens, Deul., 7, 1-5. Il indique le taux de
radial des biens voués, Levit., 27 Lapidation d'Achan, .losué, 7 (cf. supra, p. 232, note E).
1" Genèse, 32 esl inexact. Jacob el Bachel, en s'enfuyant de Mésopotamie, voient les idoles
de leur père Laban; Jacob les enterre par ordre du Seigneur, Genèse, 31, 19 sqq. et 35, 4. Les fds
de Dan ravissent l'idole de Michas et s'en font un Dieu, Juges, 18, 15-31.
li Suétone, Caligula, 22. L'anecdote de Caligula outrageant Jupiter el Vesla est courante
dans Bodin pour montrer que» celuy n'offense pas gueres moins qui fait quelque chose en despit
» d'vne pierre ou autre maliere qu'il pense eslre Dieu que celuy qui blasphème le vray Dieu
» éternel ■>. Démon., Rëhû. de XYier, p. 591. Cf. ibid., 2, 2, p. 179: el Duplessis-Mornay, o. c,
1,15 — Voyez aussi Sénèque, De ira, 1, 16.
54 JEAN BODIN
estre (a), auxquelles actions ils confessent auoir esté induicts par les démons
[233] qui ne les inciteroient point a de telles choses s'ils ne sçauoient point
que les sorciers croient que ces hosties sont des Dieux (A).
Senamy. — Qui doubte donc que la religion payenne n'est pas aggreable a
Dieu, puisque les Démons s'efforcent (b) de persuader de l'auoir a mespris et
qu'ils taschent mesmes d'anéantir touttes les religions ?
Cohoni. — le croy que tout le monde est persuadé qu'il est mieux de
s'arrester a vne faulse religion que de non auoir point du tout. Comme de
tous les gouuernements (c) (Bj il n'y a point de pire que l'anarchique ou
personne ne commande et ou personne n'obeït, et ou l'on ne recompense ny
ne punit on personne. Mais (d) il ny a point de superstition quelque grande
qu'elle soit qui ne puisse retenir les meschants dans leur debuoir par la
crainte d'vne diuinité et leur faire obseruer en quelque sorte la loy de
la nature (e) quand on leur a persuadé que les chastimens soit préparés
pour les vns et les recompenses pour les autres par un iugement diuin.
Cest en quoy (/") le détestable (g) Epicure a fait vn crime irrémissible en
ce que voulant oster (h) toutte crainte de la diuinité il semble donner l'en-
trée (i) a touttes sortes de vices (Ci et les moyens de pécher auec impu-
ta) MDPG quasi cleum, quem (Ar insère etiam Deum) esse arbilrantur, violaturi, — (b) N
conantur. MD conentur. — (c) MD de omnibus rerum pub li arum qeneribus. N gentibus. —
(d) MD at. N sic (corrélatif de ut qui précède). — (e) MDATEPG et naturse legem quodamr
modo tueri non possit. B liaduil Ml). N lege (?). — (/"} MDN Et. quidem in eo. Leyser Et quid
in eo (?). — (g) MDI'G capitalis (N capite) Epicurus inexpiabile scelus admisit. — [h) MX
radicitus. D radicibus, inadvertance.— (i) MDl'H aditus aperuisse. N aperire.
(A) Bodin a répélé sous toutes les formes celle idée si inléressanle : « Ceux qui blasphèment
» ce qu'ils pensent estre Dieu blasphèment Dieu ayant esgard a leur intention et qui sonde les
» cœurs et les volunlés des hommes. » Démon., 4, 5, p. 477. « Le pariure est plus exécrable que
» l'athéisme, d'autant que l'alheïsle qui ne croit poinldeDieu neluy l'ail pas tant d'iuiure ne croyant
» point qu'il y en ail que celuy qui le sçail bien et le pariure par moquerie ». Rép., V, 6, p. 558.
Cf. sur les sorciers qui renoncent leur dieu, vrai ou faux, mais en tout cm cru vrai, Démon.,
2, 4, p. 218. — Cette proposition esl l'inverse — el la parallèle — de celle exprimée p. 228 L'ido-
lâtre sincire est agréable au vrai Dieu; qui renonce sincèrement son dieu, même faux, est exé-
crable au vrai Dieu. EL ce sont là des corollaires de la proposition centrale : le péché est dans
l'intention. Mais est-ce trop en tirer que de dire : toute pri're ou tout blasph 'me oulrage ou
louche le vrai Dieu; il esl vraiment dans l'idée vraie ou fausse que nous nous faisons de lui î
dans le dieu que nous nous créons à l'aune de notre conscience il y a toujours du divin; el
renoncer noire dieu, aimer notre dieu, c'est aimer, renoncer le divin? Peut être vais-je trop
loin. Mais comme il esl facile de passer des thunes de VHept. à ces propositions presque rena-
niennes! Et n'esl-ce pas là de Bodin le plus bel éloge?
(B) N gentibus esl une faule cerlaine, puisque N même continue nullum (se. genus) pernicio-
sius est, etc. Cette phrase de VHept. se retrouve à peu près textuellement Rép., IV, 7, p. 456.
Cf. Hept., V, p. 354 : « Quelque grande que soit vne superstition, elle est tousiours plus a esli-
» mer que l'athéisme, parce que celluy qui esl retenu par la superstition demeure en quelque
» façon dans son debuoir & garde au moins les loix du nature : mais l'athée qui ne crainL que le
» iuge et le Lesmoin tombe facilement dans toutes sorles d'abominations ». Melhod., V, p. 59 :
« Superslilione praeslal quam impietale obligari, & l'alsam quain nullam babere religionem ».
Dém., 2, 4. p. 218. C'est donc une idée invétérée chez Bodin que morale et sociabilité sont insé-
parables de la religion.
(C) Sources probables de Bodin : Cic, De nal. deor., 1, 41; Plularque, Qu'on ne sçauroit
viure iogeusement selon la doctrine d'Epicure, 25.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 55
nité (j). Aussy les pontifes du royaume de Narsingue aux Indes meltent dans
les temples des images des Dieux et des diables monstrueux et difformes (A)
a lin d'espouuanter les meschants et les forcer par la crainte a s'abstenir de
mal faire.
Fedekich. — Quand nous accorderions que ceux qui de bonne foy suiuent
vue faulse religion sont excusables d'vne erreur qui a quelque sorte de Jus-
tice (B), peut on trouuer auec équité quelque excuse légitime pour l'impiété (C)
234 puisque le valet ignorant (A) qui ne faict pas les commandements de
son maistre est battu comme le malicieux?
Senamy. — Guy si nous nous arreslons aux parolles de S. Luc. Mais ou est
le iuge inique, le tyran cruel & le prince desraisonnable qui fasse punir de
mort ses subiects pour a noir transgressé (/) des ordonnances qui (m) ne leur
ont pas esté conneues?
CuiiCE. — Quand les loix humaines sont publiées, si chacun les doibtsuiure(2)
(±) 1. Leg. C. de Legibus.
(,/) Ici tous les mss. latins de Paris el N répèlent la phrase : Ut enim de omnibus rébus
publiais, comme de tous les gouuernemenis, jusqu'à j>ar vn iugement diuin. J, qui essaye
d'interpréter, au lieu de la supprimer, celle interpolation évidente, conjecture, corrige cl devient
absurde. Cf. Introduction, p. 15, note. B supprime celte phrase interpolée, /{ aussi. — [le, MD
servus ignarus N ignavus. — [l] MD violentes, erreur. X violantes. — (m) MN principis edictà
quœ... U qui, inadvertance.
(A) « Hommes [Narsingarum] superslilïone dirissimi confliclanlur : unum lamen summum
» Deum esse contitentur, pênes quem aiunl esse summam rerum omnium poleslatem. Templa
» prol'usis sumplihus aedificant, quœ lamen, ut alia Indiae templa, monstrorum alque prodigio-
» rum simulacra conteguut : qnibus divinos honores habent ». Hiéron. Osorii Lusitani De rébus
Kmmanuelis régis Lusitanise virtute et auspicio gestis, Coloniae Agrippiuse, Arn. Birckmann,
1574, ï ii S (Nationale 0 B 34), 1. 4, fol. 136 a. On voit avec quel sans gêne Bodin sollicite ses
auteurs. Les gens de Narsingue ne croient qu'en un Dieu ; et je n'ai trouvé nulle part dans Osorio
l'explication que lui attribue Bodin : a fin d'espouuanter les meschants, elc.
(Bi MD juslo errore excusari, = ont pour les excuser la bonne foi de leur erreur.
<; Par impiété, n'entendez pas l'athéisme : l'athéisme n'est pas une doctrine, c'est un crime;
il n'a pas de champion dans Yllepl., el Senamy lui-même déclare les athées « meschans el detes-
Lables », inf'ra, V, p. 350. El supra, 1, loi. 4 de D, il attaquait violemment non seulement les
athées, mais les Épicuriens qui admettent des Dieux, mais non la récompense ou la punition de
l'âme dans une autre vie : « Multos Deorum eoulemplores, plures eliam qui nihil a belluis nisi
» figura differrenl, Epicuraeum lamen reperi neminem, id est qui Deos uullà prœmiorum spe reli-
» giose coleret, qui frugilissime ac lemperalissime viveret », elc. Quant à Bodin, comme son
mailre Platon, Lois, X, et comme Aristote, il estime que l'athéisme doit être non raisonné, mais
châtié, « pœnis esse, non arguments refellendum », 7'/;., dédie, p. 5; liép., IV, 7, p. 454, et VI.
l,p. 5'JO. Cf. Duplessis Mornay, o. c, II, p. 223 sq. Que faut il donc entendre par impiété?
Toute religion qui n'est pus la vraie, c'est-à-dire celle de Federich. Ainsi l'entendait déjà Curce
dans le passage concluant : « Ingérons nous pour cella droictes touttes les actions qui procèdent
» d'vne volonlé droicte et sincère? Cerlainement non, il y auroil trop de confusion de pieté auec
» Viiniàelé », supra, p. 227. Une religion fausse, même sincèrement pratiquée, voilà donc l'im-
piélé. Et alors, voici le raisonnement de Federich : admettons que la bonne foi dans Terreur soit
une excuse; mais qui peut à l'hérésie (impietali) prétendre cause légitime d'erreur? Personne.
Car il est écrit : « Le servileur qui aura su la volonlé de son mailre et qui néanmoins ne se sera
» pas tenu prêt sera battu rudement. Mais celui qui n'aura pas su sa volonlé & qui aura fait des
» choses dignes de châtiment sera moins battu ». Luc, 1?, 47 sq. — Faute d'avoir bien entendu
impietati, B corrige par pielati et devient inintelligible.
56 JEAN- B0D1N
sans en pouuôir prétendre cause d'ignorenee (a) (A), a plus forte raison les
loix de Dieu estant annoncées (o) par tout l'vniuers depuis tant de siècles
personne n'aura subiect de les ignorer (p).
Sknamy. — Mais (q) si les loix sont contraires (r) aux loix & les législateurs
ennemis les vns des autres, si la religion combat contre la religion & les pon-
tifes contre les pontifes, que feront [s) de malheureux subiects (B) qui d'vne
secte [sont] attirez (/) dans vne autre (a)?
Tokalbe. — Dans vne si grande ditiersilé de loix et de religions qui soppo-
sent les vnes aux autres, il fault chercher quelle est la meilleure et la vraye,
et quand on l'aura trouuée il sera bien aysé de connoistre celluy qui sera
excusable (v) par son ignorance (x) ou coulpable par sa malice (C).
Fedehich. — Qui doubte que la religion chrestienne n'est pas la vraye ou
pluslost la seule?
Octaue. — Presque tontte la terre, toutte l'étendue de (y) l'Asie, presque
toutte l'Affrique, la plus grande partie de l'Europe. Et parmy cette infinité de
sectes (z) chacun croit que la religion qu'il ayme le mieux est la plus belle
et la plus excellente.
Cuhce. — Il ne fault pas chercher la meilleure religion dans la multitude
des [235] peuples, mais dans la force des raisons que Dieu mesmes a pres-
criples, car il ny a que Dieu qui sçache et l'homme ne peut seulement qu'opi-
ner (D).
Cokoni. — Puisqu'insensiblernent nous sommes tombez sur la contestation
des religions, auantque de passer plus outre, il fault sortir de la question qui
fut hier proposée (Ej assauoir s'il est permis a vu homme de bien d'entamer
cette matière.
Tokalbe. — Il me semble que Platon (3) a très sagement dit qu'il est bien
(3) In Timrco.
(n) MU nec juris ignoratione quisquam excusatur (N ignorantia quemquam excusai). —
(o) MD pervulgala (lege). N promulgata. — [p] MD ignorai ionem . N ignorantiam. — {q) MU
Quid, si. N Quodsi. — (?•) MN leges legibus contrarias. U contraria. — (s) MD faciant. N
f'acient. — (l) MD distrahanlur. NI'G distrahuntur. — (u) MD in sec/as alii ab aliis. N in
sectas alii alias. — (v) MDPG excusare possit. N poterit. — [x) N ignorantiam. MD ignoratio-
netn. — (//) ND Asia quanta est. M quanlaquanta est. — (z) Nex infinila sectarum diversilate.
MU et in infinila sectarum varie tate.
(A) « Consliluliones principum aec ignorare quemquam nec dissimulare permiltimus ». Codicis
sacraliss. Imperaloris Justiniani lib. 1, fit. 18, De Juris el facli ignoranlia, 12 (t. 1, col. 256).
Cf. ibid., I. 1, tit. 14, De leg-'ib. et cunslilut. principis, 9 (t. 1, col 221). Voyez supra, p. 227,
note.
(B) MD miseri subditi. Bodin est de son temps. Les sujets, pour lui, suivent la religion de
leurs princes : c'est l'esprit de tous les traités, après chaque prise d'armes. Mais ils n'ont pas
droit de se faire une conviction personnelle. Bodin, se demandant quels hommes ont le droil de
rechercher la vraie religion, réservera ce droit aux prêtres el aux savants, infra, V, p. 357 sqq.
(Gj Faux sens. MD illud compertum & exploralum eril, quisnam ignorantiam aut animi
morbum excusare possit, — on aura du môme coup trouvé qui peut alléguer comme excuse
l'ignorance (s'il n'a pas connu la vraie religion) ou la folie (si, l'ayant connue, il l'a repoussée).
(D) Opiner, opinion, dans le sens de sentiment conjectural, sans fondement certain. Latinisme.
Cf. infra, p. 244, el surtout VI, p. 591, note.
(E) Supra, III, p. 207.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 57
malaisé de trouuer le Père de toultes choses & que c'est vn crime (A) i quand
on l'aura trouué) de le dire (a), non pas a la vérité que ce soit vn crime de le
publier, mais, comme plusieurs croyenl, que Ciceron qui a expliqué Platon a
dict pour l'adoucir qu'il y a impossibilité de l'exprimer (B). Ainsi qu'Horace
en a vsé en se semant du mot nefas qui signifie crime pour dire impossible :
Tu ne quaesieris, scire nefas, quem mihi, queni tibi
Finem Dî dederint.
Ne cherche point, car il est impossible de sçauoir quelle fin les Dieux nous
donneront. Parce que (C) le vulgaire ne sçauroit souffrir la splendeur des
choses esleuées auec des yeux troubles, ou, si quelqu'vn y pénètre, il ne peut
pas auoir assez d'éloquence pour exprimer dignement les secrets de la maiesté
diuine, mais il fault nécessairement qu'il y fasse mille faillies. Et pour cella
Platon (i) en traittant des anges qu'il appelle partout des Dieux : Ne discou-
rons point (6), dict-il (D), ie vous prie, des Dieux, parce que ie n'en puis
parler qu'en tremblant (c). C'est pourquoy il [236] est plus expédient de s'en
taire (ainsy qu'il le conseille) [d) que de parler légèrement de la chose du
monde la plus saincte ou n'en parler pas assez dignement
Salomon. — Iay tousiours aussy trouué très dangereux (e) de discourir de
(4) In Cratylo.
(a) MDATE id est : xbv u.èv oùv Tzxxipy. toû os tou ttxvto; eôpecv T£ epyov /,%'. eûpôvtx
sic tAvtxç, àouvxTov XÉveiv. A' supprime id est, écrit izxtî^x tou 7r*ivro;, etç Trxvxa, fautes.
— (b) MDI'G Per Ueos, inquil, sermonem (S quœstionem) de Diis cohibeamus. — (c) MTEPGIi
citent ici le grec Al) omettent Ttpb; 9ewv. — [d) NB omettent ut ille monet. — (e) N de reli-
gione sermonem serere periculosum Ml) de religionibus sermones serere periculosissimum.
(A) Platon était, dès le xve siècle, devenu très accessible, par les travaux de Marsile Ficin
principalement. Sa célèbre trad. latine (Venise, 1491) est fréquemment rééditée au xvie siècle,
par exemple à Paris, Josse Bade et Jean le Pauvre, 1533, in-fol. (avec des notes de Simon Grynée)
et à Lyon, Ant. Vincent, 15i7, in-fol. Surtout Bodiu a pu lire l'excellente édition d'il. Eslienne,
s. 1 , 1578, 3 in-fol., en grec et en latin. — Voici le passage cilé : « Quant au créateur et pore de
» ce Tout, il est malaisé de le trouver, et, si on l'a trouvé, impossible de l'exprimer à tous ».
Timée, 5 (éd. U. Eslienne, t. 3, p. 28 c). Ce passage est d'ailleurs de ceux qu'on voit le plus fré-
quemment cité dans les philosophes et les Pères : Gic, De nat. deor., 1, 12; Apulée, De dogmale
Plalonis, 1, ad init.; Origène, Contra Celsum, 7, 42 (Migne, t. 1, col. 1681); Terlullien, Apotog.,
46; Duplessis-Mornay, De la vérité de la religion chrétienne, 4, p. 63; tous ouvrages très lus
de Bodin. — lî fait faux sens en écrivant : c'est vn crime.
(B) R n'a pas compris l'intervention de Cicéron ici. Bodin, avec sou goût indiscret pour l'éru-
dition, rappelle la traduc'ion par Gic. de ce mot de Platon : « Àlque illum quidem quasi paren-
» le m hujus universilalis invenire difficile; et cum jam inveneris, indicare in vulgus nefas». Ex
Platone Timœus, 2. El il indique que Gic. a entendu en employant nefas signifier non pas crime,
mais impossibilité. A l'appui, il c te dans Horace, Od., 1, 11, ad Geuconoen, un emploi analogue
du mot nefas. « Von que ce soif un crime de l'exprimer, comme plusieurs entendent la Iraduc-
» lion de Platon faite par Cicéron; Cicéron a employé nefas pour ne pas tomber avec impossibile
» dans la mauvaise lalinilé. Ainsi Horace », clc ..
(G) Ici, abandonnant son commentaire sur le sens de nefas, Toralba reprend la discussion
antérieure sur L'impossibilité d'exprimer Dieu, même pour ceux qui l'ont trouvé. Cf. un plus
ample développement de cette idée infra, V, p. 176 sq.
(D) 'Vjy. [xàv ouv Ttov Oîwv rcpb; 6£wv y.tzxk\,j.y5>\].iv ■ w; syœ SsSoixa irspt ïutwv 8ia-
ÀÉyeaOjci. Cratyle, 23 (éd. H. Eslienne, t. 1, p. 407 E).
58 JEAN BODIN
la religion, tant par ce que iestime que rest vn grand crime que de ne par-
ler pas de Dieu auec assez de reuerence que par ce que celluy la nest guieres
moindre de retirer quelqu'vn de la deuotion (/) (À) ou il a créance et par des
arguments de le rendre chancellanl (g) dans sa religion a moins que d'estre
asseuré de le rappeller dans vne meilleure. Sans conter combien les euene-
ments et les suittes en ont tousiours (B) esté funestes quand on a tasché de
faire changer de religion a quelqu'vn sans y auoir reussy, dontquoy qu'il y
ait beaucoup d'exemples ie nen ay point de plus considérable que celluy de
Florus qui commandoit en Iudée pour les Romains. Nostre grand Preslre
auoitfaict amitié auec luy si estroicte qu'il creut estre obligé de l'instruire de
nostre religion et luy faisant abandonner ses idoles l'induire au culte du vray
Dieu : ce que nayant peu luy persuader ils feurent si grands ennemis que
loutte nostre nation commencea de la a estre si mal menée par longues et
cruelles guerres qu'elle en perdit sa liberté et feut enlin chassée du patri-
moine de ses ancestres (C) par les Romains (h).
Senamy. — Quoy (D) qu'vne nouuelle religion soit meilleure et plus vraye
qu'vne ancienne ie ne voudrois pas pour cella la publier, par ce qu'il me
semble qu'elle n'apporte [231] point tant de proffict, qu'il y a de mal a déra-
ciner vne ancienne créance qui mespiise la nouuelle (E) laquelle semble vou-
loir diminuer la crainte des Dieux si nécessaire parmy les hommes. Comme si
quelqu'vn a cause de la vieillesse d'vn bastiment qui tombe vouloit changer
les pierres angulaires, [il] ne feroit rien qui vaille (F). Les changements de reli-
ai N cuiquam pietalis opinionem, qualiscunque etiam sit, eripere. MD omellenl eliam. —
[g) MD (religionem cujusquam)in dubium revocare. Nvocare. — [h) N (gens nostraja Romanis
opprimeretur. MD opprimerentur.
(A) Omission importante. MD qualiscumque sit. Même idolâtre, une religion est précieuse.
Essayer de la modifier est dangereux. Cf. p. 237.
15; Non : souvent. MD Omillo illud, quod mullis exilio fuit, cum, etc. — Huant à l'histoire
de Florus, gouverneur de Judée, et du grand-prêLre, j'ai vainement cherché où Bodin l'a prise.
(C) H omet MD dura servitute opprimerentur.
(Dj Inexact : MD Ut religio nova melior ac verior sit velere, — à supposer qu'une nouvelle
croyance soit meilleure et plus vraie que l'ancienne. Remarquez -le, ce langage implique que
l'excellence et la vérité des religions est graduelle, et par conséquent relative.
(E) Contresens. MD quia non tantum ulilitalis allatura videfur nova religio quantum ex
ipsius novitalis contemplu detrahitur de pielate veleri, = parce que la religion nouvelle ne
semhle pas apporter un avantage comparable à la diminution que subit l'antique piété du seul fait
du changement. Cf. B p. 47.
(F) Inexact. MD ut si quis œdificii sua velustate caduci lapides angulares mutare velit,
temere feceril, = comme à une maison qui tombe de vieillesse changer les pierres d'angle est
une imprudence. L'esprit tradilionnaliste et conservateur de Jean Bodin éclate ici en religion,
comme ailleurs il éclatait en politique. 11 prémunissait le prince contre le danger des guerres de
religion, Bép., IV, 7, p. 454. « Et d'autant que les atheïsles mesmes sont d'accord qu'il n'y a
» chose qui plus maintienne les estats et republiques que la religion... il faut bien prendre garde
» qu'vne chose si sacrée ne soit mesprisée ou reuoquée en double par disputes ». Jbid., p. 405.
D'ailleurs la question que Bodin envisage ici est plus politique que religieuse : il s'agit non de la
croyance individuelle des âmes, mais de la confession collective des sujets et de son influence
sur la paix sociale. Or, même eu politique pure, le fait d'avoir existé, vécu, duré, est une
preuve en faveur des institutions, et Bodin blâme « ceux qui voudroyenl changer les loix ia
» receues, que les subiects doyuent trouuer belles en chacune Bepublique », ou qui ont « désir
» d'altérer Testât des Républiques ia establies et qui ont pris leur ply par longue succession
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 59
gion ont encore quelque chose de plus dangereux dans la suille par ce que
Ion ne voit que boulleuersemenls (i) d'estats, des guerres, des pestes, des
famines, et des gens possédez par les démons
Coroni. — Certainement ces malheurs accompagnent presque tousiours les
changements de religion (j), cest pourquoy iestime qu'on ny peut pas
apporter trop de circonspection (A).
Ocïaue. — Est ce a cause que, par l'ancienne religion qu'on veut arracher
de l'esprit et par le mespris d'vne nouuellc qui nest pas cncores conneue, les
hommes vacillent entre le vrav et le faulx et dans cette conjoncture ont
accoustumé de chasser (k) de leur esprit toutte sorte de pieté? et cest lors que
les Diables (B) les maltraitent et les obsèdent (/).
Salomon. — Dans cette incertitude il ny a point de remède plus puissant
que de demander a Dieu par des prières continuelles qu'il nous conduise dans
le bon chemin.
Federicii. — Entreprendre de parler des religions en public et den donner
la preuue nest pas moins dangereux que criminel si ce n'est qu'on soit en [238]
estât de se faire escouter (C) par la volonté de Dieu comme Moyse ou par la
force des armes comme Mahomet. Mais entre des gens letlrez & en particulier
iay tousiours creu quil estoit très vtile de rechercher (m) les misteres diuins
et de se les faire, expliquer (D). Ainsy que iay souuent tasché d'attirer nostre
amy Salomon dans celte dispute, sans fruict par ce que peut estre il craint
que ie ne le force de changer (n) de religion. Ainsy dict on que les aspics se
bouchent les deux oreilles de peur destre séduits par les charmes des sorciers.
[Salomon gardant le silence, de peur, interprète Toralba, d'offenser ses amis
par la vigueur de sa défense, Coroni l'assure que leur amitié n'en sera pas
atteinte. Mais, répond Salomon, si l'Ecriture ordonne la lecture publique de la
loi, elle en défend la discussion (cf. I»ép., IV, 7, p. 454); et votre religion à
chacun vous interdit de vous laisser convaincre. Nouvel assaut de politesse.
(239-241)].
(i)MD mutationem relir/ionis sequuntur fere conversiones (lierumpub.J Nsequatur... con-
versio. — [j) M Hœc certe mutationem relit/louis publiées {U publiée, inadvertance) incom-
moda fere sequuntur. S incommoda publica.— h, \ll> exuere. Neruere. — (lt MU et exerceri
et (N uc) obsideri soient. — [m) Ml> inquirere. Ningerere. — (n) MD de suscepla religione
decedere. N discedere.
« d'années », Flé/i., IV, 4, p. 405. Cf. mon Jean Bodin, IV, 3, 2. Et même en religion pure, pour
fonder, en dehors de toute arrière pensée politique, sa foi profonde, l'anliquilé est une preuve
capitale. Infra, p. 2G6 note.
(A) Contresens. MD cujus causas non satis persjieclas habeo, ^j'en démêle mal la relation
de cause à effet.
(13) Les démons, ennemis des religions, cherchent à les détruire toutes pour s'emparer des
âmes désormais non protégées. Cf. infra, pp. 255 et 258.
(C) D'écraser la résistance de la populace récalcitrante, MD plebem renilenlem cogère vi, soit
comme Moïse, avec l'aide de Dieu {Exode, 32, 27 sqq.), soit comme Mahomet par l'épée (cf.
infra, p. 342 note. Sur le droit qu'on a de contraindre la plèbe en matière religieuse; sur le
danger des prédications populaires et la légitimité des discussions privées entre savants, cf.
supra, p. 234 note B, et infra, V, p. 357 sq.
(D) Inexact. MD res divinas inquirere et expliçare, — approfondir et développer les pro-
blèmes religieux.
60 JEAN BOD1N
Comme Salomon resuoit (h) la dessus : Senamy en le (?) regardant prit la
parolle et dicl (/') : Il y a long temps que par délibération du Sénat de nostre
République de Sienne il est permis de tenir académies pour les leçons publi-
ques a la charge (k) neantmoins de ne point (/) mettre en controuerse les
matières diuines ny les constitutions des Papes (m).
Octaue. — Les Turcs & les Persans ont aussy deffendu par leurs ordonnances
de disputer de la religion (n), ce que pratiquent aussy les Moscouiles (A) : et
les Princes d'Allemagne dans rassemblée d'Augsbourg après de funestes et
longues guerres feirent deffenses ^242] a tous les Catoliques et Prolestans de
la confession d'Augsbourg de plus auoir aucune contestation entre eux sur le
faict de la religion (B) : lesquelles (o) deffenses ayant esté violées par vn seul
malheureux a qui il en cousta la vie, les séditions ont depuis cessé et Ion nen
parle plus a présent (p).
Federich. -- Cependant les disputes dans les escholes publiques ne sont
point deffendnës es vniuersitez puisque mesmes (Ci les théologiens de sembla-
ble créance et de mesme religion sy exercent.
CuacE. — Cest par cette ruse pour ne pas dire impieté que Mahomet recon-
noissant comme les fondemens & arcboutans de sa doctrine se pouuoient
facilement sapper s'ils cstoient attaqués [q) par les machines de nos raisonne-
mens a defîendu (D) sur peine de la vie que personne ne disputast iamais (r)
sur sa loy.
Octaue. — Nous auons vne semblable ordonnance de l'empereur Iustinian
qui (s) deffend de disputer publiquement(P>) de la Trinité & de la foy catholique.
(6) In codice Iustiniani (E).
(h) MD hsesisset. N hsesitasset. — (i) MDPG illum. Neum. — (j) .Vomel inquit. — (k) MDPG
eu tumen lege. N tege posila. — (l) MDA TEGBN Leyser ne. P ul . — (m) MD pontificiis decretis.
NPontifîcum. — (n) MD ullœ disputât ionès serantur (cf. sermones serere, p. 230). PG feruntur.
N geraniur. — (o) N seul rejette celle phrase plus haut, à la fin de la réplique précédente. —
(p) MD ad hœc risque lempora conquieverunt. N ad liane usque dieni. — (q) MDPG oppugna-
renlar (argumenta). N oppugnarelur (religio). — (r) MDPG usquam. N unquam. — (s) MDPG
interdictum, quo veluit. N interdit- lum qui veluil, solécisme.
(A) Cf. Répub., IV, 7, p. 454. La source de Bodin est VHistoria Moscovilarum de Sigismond
de Herberslein (1486-1566), imprimée à Vienne, 1549, el à Bâle, 1557, in-t'ol.
(B) Il s'agil de la paix d'Augsbourg signée enlre les Princes protestants vainqueurs et l'Empe-
reur, en 1555, comme le prouve Rép., IV, 7, p. 456 : >< Après la iournée impériale de l'an MDLV ».
(G) Contresens. MD modo, = on exige seulement que ce soient des docteurs de la même
religion.
(D) « Dieu envoya les prophètes chargés d'annoncer et d'avertir. II leur donna le Livre conle-
» nanl la vérité pour prononcer entre les hommes sur l'objet de leurs disputes ■. Coran, 2, 209.
Et un peu plus loin, la guerre sainte est enjointe aux fidèles, 2, 212 à 215. Bibliander (cl' supra,
p. 226 note G), t. 1, p 16, annote ainsi ce passage : « SecLarum conlroversias Machumet sustulil ».
Bodiu, qui s'est beaucoup servi de ce li vie (cf. infra, pp. 329 sqq.), a pu y voir souvent signalé,
et en termes proches de ceux qu'il emploie ici, le refus de disculer opposé par les Musulmans au
Christianisme, par ex. t. 2, p. 47, De moribus Turcorum, Septemcastrensi quodam incerto
authore.
(L) « Cunclos populos quos Clementiœ Noslrae régit imperium in tali religione versari volumus
» quam Divum Pelrum Aposlolum tradidisse Romanis religio usque ad hue ah ipso insinuala
» déclarai... hoc est, ut secundum Apostolicam disciplinam evangelicamque doclrinam Patris et
» Filii el Spirilus Scli ;;nam deilalem sub pari majeslate el sub pia Trinilate credamus. ». Cod.
Justiniani, 1. 1, lit. 1 (t. 1, col. 14).
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 6i
Salomon. — Il me semble plus dangereux (f) de disputer de la religion entre
gens de mesme party soit publiquement soit en particulier, qu'entre ceux qui
proposent de defTendre leur cause pour la secte qu'ils affectionnent, par ce
que chacun combat (m) auec courage pour le party quil choisit, mais celluy
qui parle contre sa religion tasche de la renuerser en proposant ses diffi-
cultez (A).
Sknamy.. — lay conneu vn vieil rusé de Président de Lion [243] lequel ayant
faict dessein de destruire les Luthériens (B) par eux mesmes (u) les faisoit dis-
puter ensemble [x) a fin que comme des gladiateurs ils s'esgorgcassent de leurs
propres poignards. Tout ainsy que ces anciens preslres de Mars, lesquels après
les imprécations légitimes (C) ayant ietlé des flambeaux ardents entre les
deux armées doimoient (y) par la le signal du combat et se retiroient aussy
tost du péril, on les appelloit pour ce suiet Trupo-iôpoyç (Y), porlefeux (1). Ainsy
les spectateurs de telles disputes pour l'vtil i Lé qu'ils eu ont tirée (D) ont lou-
siours remarqué que cestoit l'origine d^s guerres & les causes des incendies (a).
(7) Arsenius scholiastes Euripidis in Phœnissis (E).
(t) NMDTE periculosius. B minder gefàhrlich. — (u) MUPG propugnat. N pugnat. —
(v) MU cum sectas LuLheranorum per se ipse (N >/>sas) convelli cuperel. — [x) N omelinter se.
— (//) MDPGdare consueuerant. N consueverunt. — (z) N mipcocûôpouç, barbare. — (a) MD ita
plerique [N pie raque) incendia bellorum maxima (N maxime. P maximis) ex 'Mis disputatio-
nibus ejcitare (N excilari) soient.
(A) La pensée de Salomon est obscure, el ce n'est pas R, vague el inexact, qui est fait pour
l'éclaircir. MD periculosius mihi videlur de suscepla religione ac probata inler eos, qui semel
probarunt, disserere, sive publiée sive privatim, quam inler eos, qui varias sectas lueri propo-
suerunt, —je crois plus dangereuses les discussions entre gens qui ont une bonne l'ois admis
une religion, qu'entre gens de confessions diverses. Après avoir tourné et retourné celte singu-
lière assertion, j'en suis arrivé à l'expliquer par les exemples qu'à mon avis Senamy apporte
infra pour l'appuyer. Une discussion sur le luthéranisme est plus périlleuse pour le luthéranisme
entre luthériens. Le christianisme pàtit plus des querelles de ses sectes, ariens ou orthodoxes,
catholiques ou réformés, que des attaques de ses ennemis extérieurs. Faute de cette explication,
B, n'arrivant pas à comprendre, a l'ait une conjecture de bon sens, minder gefàhrlich, qui est un
contresens.
(B) MD seclas Lutheranorum inler se dise re pan les, -— les sectes protestantes ennemies les
unes des autres.
(C) MD légitimas, = rituelles.
(D) Contresens, et qui contribue à obscurcir tout ce passage. MD ita plerique incendia bello-
rum maxima ex Mis dispulalionibus excilare soient ad spedaculi fructum, = [comme les
bouteftux dans l'antiquité], de même trop de gens allument à de telles controverses l'incendie de
la guerre civile, pour se donner le plaisir du spectacle (cf. ad speclaculi fructum, en ce sens,
infra. p. 310). Bodin a déjà protesté, Rép., IV, 7, p. 457, contre ces mauvais citoyens qui, sous
prétexte de neutralité, se tiennent à l'écart des partis, et aussi des périls de la patrie. Que si l'on
pense que celle idée ne se lie guère au contexte, c'est bien mon avis; mais ce goût des digres-
sions, cette absence de composition caractérisent justement le tour d'esprilde Bodin. L'essenliel
du couplet de Senamy, c'est que le président de Lyon et Julien mettaient aux prises les sectes
ennemies d'une même religion pour la détruire.
(E) Arsenius, fait archevêque de Moneml.asie en Péloponèse par Léon X, a écrit : Scholia in
septem Euripidis tragœdias ex antiquis exemplaribus collecta, Venise, 1534, in-8. J'ai vu la
réédition de Bâle, J. Hervagius, 1544, in-8. L'histoire des prêtres de Mars boute feux est rapportée
aa v. 647 des Phéniciennes. Bodin l'avait déjà racontée, liép., IV, 7, p. 457 sq.
62 JEAN B0D1N
Aussy lempereur Iulien (8) ne rappella d'exil les Ariens que pour sopposer
aux progrès des CaLoliques et ne fauorisoit pas seulement les Iuifs afin de
destruire (b) les chresliens pour lesquels il auoit vne haine mortelle, mais
encores il restablit les pontifes de Iupiter et d'Apollon comme pareillement
touttes les vieilles cérémonies des Payens desquelles on auoit quasi perdeu la
mémoire : et (c) joignant son image auec celle des Dieux, on ne pouuoit pas
esuiter le danger puisque (d) l'honneur deub a Cœsar estant meslé auec le
culte des Démons il nestoit pas possible de s'incliner deuant l'vn sans sin-
cliner deuant l'autre, ny mespriser l'vn sans mespriser laulre (9), par ou il
estoit facile de se rendre coulpable du crime de leze maiesfé.
Tohai.be. — Ciceron (1) a fort raisonnablement dict qu'il y auoit impieté de
disputer des Dieux soit que ce fust tout de bon ou par diuerlissement, par ce
qu'il ne fault iamais traitter vne matière si relleuée a la négligence (A), bien
moins encore en raillant. Et si vous entreprenez (e) telle dispute contre vostre
propre sentiment il fault que vous ayez dessein de quitter(/) vostre religion (B).
[244] Federich. — Pourquoy? Si cestoit auec intention dinslruire ou destre
instruict?
Toralbe. — Encores cella ne seroit il pas exempt de danger parce que la
religion seroit ou (g) vne science ou vne opinion ou vne foy (/*). Si la religion
nestqu'vne opinion (C) elle est tousiours douteuse & suspendue (i) entre le
vray & le faulx et par la dispute elle sesbranlechacquo iour de plus en plus (j).
Si cest vne science (D) il fault qu'elle despende de la démonstration (k) et
(8) Nicephorus Callistus (E). — [9) Epiphanius (F). (1) De naturaDeorum.
(b) MDN enervaret. PG everteret. — (c) MN idem. D item. — {il) MDPG cum. N dum. —
(e) MDPG sin serio disputationem (suscepeiis). N si seriam. — (/") MD moliri necesse est.
N moliaris. — [g) N vel (répélé). MD aut (répété). — [h) G seul omet aut in fide. — {i) MD ambi-
git illa inler verum et falsum. N ambigua illa inter verum & falsum ambigit. — (j) MDPG et
disputalionibus magis ac magis (N iniquis ac magnis['?}) lubef'actatur. — (A) MDPG demons-
trationem subesse [N) esse oporlet.
(A) Faux sens. MD simulale, = en déguisant sa pensée.
(B) Inexact. MD luœ religiouis eversioxem moliri necesse est, = vous ébranlez forcément
votre religion. Seulement on ne voit pas pourquoi, parlant sérieusement [serio, omis par R), vous
parleriez contre votre sentiment. Si l'on peut comprendre le passage, ce n'est que par Cicéron :
« Mala enim et impia consuetudo est contra deos dispulandi, sive ex animo id fit sive simulale ».
De nat. deor., 2, G7. Balbus dans ces paroles élève une protestation anticipée contre l'attitude
de son adversaire, l'académicien Colta, lequel, tout en répétant que, comme pontife déférent
aux autorités anciennes, il croit aux dieux, va montrer la faiblesse des arguments par quoi Bal-
bus prouve leur existence. Ainsi Colta se trouve parler sérieusemenl contre une doctrine qu'il
dit la sienne; cette doctrine ne peut pas ne pas souffrir des coups qu'il porle à ceux qui la défen-
dent. On voit combien tout cela est sublil, particulier, — el oiseux.
(C) Opinion, croyance sans fondement bien solide. Cf. supra, p. 235 note.
(D) Science, certitude scientifique fondée en raison, et, dans l'esprit de Bodin, plutôt sur des
preuves logiques ou mathématiques que sur l'expérience. Une telle certitude ne paraît pas à
Toralba avoir encore été procurée pour quelque religion que ce soit, même par ceux qui ont
affiché celle prétention, comme Eusèbe, en intitulant son livre Démonstration évangélique.
(E) N. Gallist, Ecclesiaslicae historiée libri 18, Irad. J. Langus, Bâle, J. Oporinus et Herva-
gius, 1555, in-fol. Julien exhorte les Juifs à reconstruire le Temple et les favorise, 10, 32; rétablit
l'idolâtrie de Jupiter, Mars, Mercure, 10, 33, el le crime de lèse-majesté, ibid., etc.
(F) Le passage allégué est manifestement le même que celui cité p. 351; mais ni tables ni
recherches n'onl pu me le découvrir; et je doute, malgré la double référence, qu'il se trouve dans
Epiphane.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 63
qu'elle soit fondée sur des principes certains et souslenne par des conclusions
infaillibles & nécessaires. Or les choses qui sont de cette façon (/) ne reçoiuent
point île contestation. Mais il nie semble quil ny a personne qui de quelque
religion que ce soit [m) ayt donné des prennes demonstratiues, encores que
plusieurs l'aient entrepris (u2) : en vain, parce que tant s'en fault que la foy
puisse estre & subsister ou il y a démonstration qu'au contraire elle la
renuerse [n) de fond en comble (3). Cest pour quoy les Grecs (o) ont appelle
la science tizinT^j.^ nzpx -h kizÎG-cxrtxi A) tov vouv (/>), parce que cest elle seule
qui peut arrester lesprit quand il ne sçait quel party prendre (q). l'entends
icy (B) la foy (>•) des Théologiens non pas a la façon des logiciens qui par des
arguments concluants & nécessaires font connoisLre la vérité (C) d'vne chose
doubfeuse (s) et ont mis la foy des Théologiens (t) (D) dans vn consentement
ou acquiescement pur & simple qui ne demande point de preuue pour croire
pendant que nous sommes en terre les choses dont les âmes bienheureuses
ont acquis la science. De cette façon (E) ils mettent deux sortes de foy, l'vne
infuse, l'autre acquise (a), laquelle (y) nous receuons par la lecture ou par la
prédication [245] lorsque nous auons croiance (x) a celluy que nous estimons
(2 Eusebius in libro de demonstratione euangelica. — (3) Scolus in
Prologo Sententiar., q. i et o et S. Thomas, secunda secundae, q. 7 (F).
/ MDI'G Quse autem sunl ejusmodi disputationem nullam admiltunl. N Quse aulem
stant, ejusmodi disputationem, elc. C?). — [m) MDPG religionis cujusquam. N cujusque. —
[n) .1/ D ut illam [se. fidem] fundilus everlat (?). Conjecture : evertanl [se. demonstratio et
scienlia]. AT ut funditus evertalur. B, inintelligible, n'est d'aucun secours : dass sie (die Démons-
tration uud die Wissenschal't) dieseu (deu GlaubenJ von Grund ans zerslôrte [sic]. — (o) MD
Grœcis. N Grœce. — (p) MDI'GT Tr/pà to s7rc'(TTX<ï9ai. N àuo (B Tixpx) zoïï ÈTrt<rrâvetv,
barbare. — (q) MU hac Mac distraclam. N laïc Mue. — (r) MPGSB theologorum more. D
non more, inadvertance, due au voisinage de non dialecticorum. — (s) MU dubise rei verita-
lem. N dubiam [?). — (/) MDG al theologi fidem... collocarunt. TPN ac (E al) theologorum
fidem [se. dialeclici] collocarunt. — (u) MX tabore ac studio parlam. l> partent (?). —
[v) MUl'G id est [N verbi gratia) ejusmodi quœ... — [x] MDI'H assentimus. N assentiamur.
(A) Corrigez : È'it'TTa'jOat, et entendez : par suite du fait qu'elle fixe l'esprit.
(B Brusquement, et sans prévenir, Bodin passe à la troisième hypothèse : La religion est foi.
El il va définir ce qu'il entend par foi. M hic fidem appello theologorum more, non dialecti-
corum, = ici j'entends loi comme les théologiens, non pas comme les logiciens. K. qui semble
traduire un texte où la virgule passait avant more, en devient obscur
(C) Quand ou ajoute foi à quelque chose, en obéissant aux seuls principes de la pure logique,
c'est que celle chose vient de vous être pertinemment démontrée : ainsi celle loi logicienne est
identique à la certitude scientifique, et Bodin l'écarté tout d'abord, puisqu'il veut donner au mot
de loi son sens propre et théologique.
(D) On voit que R traduit TPN ac theologorum fidem. Je préfère Ml) al theologi fidem [col-
locarunt], = mais la Ihéologie a placé la loi dans un consentement, etc., qui me semble rendre
plus net l'enchaînement des idées.
[E <Je «jui pour nous est foi sans preuves est pour les élus certitude évidente ou constatée. Et
en eu tendant foi de cette façon, il y a encore à distinguer foi infuse el foi acquise.
(Fj S. Thomas, 2a 2œ, q. 1, art. 4 (el non q. 7;, d'où semble empruntée en grande partie la
dissertation de Toralha. — J. Duns Scot, Qusesliones subtilissimœ in IV libros sententiarum,
éd. Hug. Cavellus, Anlverpiœ, J. Keerbergius, 1620, 2 vol. in-fol. (Nat. 1)31), Prologi senlenlia-
rum q. IV et V, explique que la théologie est en tout pareille à la science, horsmis qu'elle n'em-
ploie pas le raisonnement syllogislique. Et, leurs moyens de connaissance étant parfois 1res dif-
férents, il s'ensuit que l'une est parfois le dissuivant de l'autre.
64 JEAN BODIN
homme de bien & de sçauoir. Or si nous venons a perdre cette opinion de
science et de probité nous perdons aussy la foy et si nous persistons (»/) a le
croire il ny a plus de contestation, estans libres de croire cecy ou cella qu'il
soit vray ou faulx (A) : parce que cellny qui apprend les mathématiques et
qui croit vne proposition que le Docteur luy faict sans l'entendre (B), on peut
dire qu'il a la foy et qu'il na pas la science : mais dès qu'il a compris la leçon
de son maistre, en acquérant la science (z) il perd la foy, ainsy que (a) quand
il na plus croiance en luy. Quand a la foy infuse les Théologiens lappellent
vne vertu théologale qui na que Dieu pour son (b) obiect. Et (c) si cette foy
laquelle est un présent de Dieu est tellement (d) nécessaire et nous force (e)
en sorte qu'on ne la peut perdre, c'est vne violence & non pas vne foy : si (f)
elle est libre, elle est appuyée sur vn certain acquiescement et (C) ce seroit
vne impiété horrible de tascher darracher de lesprit humain vne doctrine que
Dieu par sa bonté infinie y auroit infuse. Ce questant ainsy il fault absolu-
ment se dispenser de (g) touttes sortes de disputes qui concernent la reli-
gion (D).
Octaue. — Nous auons ouy dire que les Florentins dans lestât populaire
auoient faict vn edict par lequel il estoil deffendu de disputer ou contester
vne loy qui auroit esté vne fois receue et approuuée, laquelle loy vous vous
[y) MDPG pergimus. N pergamus. — (z) MDPG adipiscilur (N qu'idem) scienliam. — (a) N
omel si magislrum répudiât, seque fidem amitlit. — [b) M DPN argumentum «c \D ab, négli-
gence) objection. G sese argumentum (?j. — (c) MDTEPG Ea porro fides. B nun (= porro).
Nvero. — (d} MDTEPG tam necessaria. B so... dass. N lamen (?). — (e) MUTPG coacta.
Y cerla. B gewiss. — (/) MDPG sin. B wenri... aber. N si. — 'g) N disputaiionibus [abslinere).
MDPG a disputalionibus.
(A) Exliêmemeul obscur dans H. Toralba ne perd pas de vue son but : prouver l'inutilité des
discussions religieuses. Si nous ne croyons plus que notre maître est savant et honnête, nous
perdons la foi [et nous sortons des conditions du probK me où la religion est loi]; si nous lui
gardons notre confiance, toute discussion est vaine, puisque nous voulons croire ceci ou cela,
vrai ou faux, par simple confiance en notre maître.
(B) Sans l'entendre a pour sujet celui qui croit.
(G) Légère inexactitude, mais qui importe dans un passage d'une logique si serrée. MD si
libéra quadam assensiune nititur, = sï étant libreelles'appuie surleconsenlement de l'homme...
(.a suite du raisonnement est telle : La foi infuse est ou bien imposée par Dieu, forcée et con.
trainle [necessaria ac <oacta)\ mais alors elle n'est plus foi (voyez le prix capital que Bodin
attache à la liberté et à la responsabilité de la conscience, p. 565 note), — ou bien libre ; et puis-
que l'homme accepte de bon cœur cette foi qui est un présent de Dieu, quelle impiété de vouloir
l'en dépouiller!
(D) Voici comment j'entends la suite des idées dans ce difficile passage. Proposition : Il faut
éviter les controverses religieuses : 1° Si la religion est une simple opinion, la discussion ne sau-
rait que l'ébranler. [Suppléez : et elle n'en est pas une]. 2° Si elle est une science, elle ressortit à
l'évidence mathématique, qui, une fois démontrée, exclut loule discussion. .Mais celte démons-
tration n'a encore jamais été réalisée, en ce qui louche la religion. 3° La religion est donc foi.
A) N'équivoquons pas sur le terme. L'acquiescement à une doctrine logiquement démontrée n'est
pas la foi proprement dite ou théologique. B) La foi proprement dite est ou acquise (quand
j'accorde créance à mon maitie, non que je comprenne sa démonstration, mais par confiance en
lui) ; G) ou infuse C'est là une vertu théologale, qui a pour objet Dieu. Elle n'est pas forcée, car
la foi par contrainte n'est plus la foi. Et si elle est un don de Dieu librement accepté par nous, il
est criminel de chercher à nous l'enlever. Évitons donc les controverses, inutiles ou impie3.
G. Q. F. D. — Salomon résume tout cela, V, p. 373.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 05
souuenez bien auoir esté donnée autresfois par Lycurgue (4). Or s'il nest pas
permis de mettre [246] en contronerse les loix humaines de peur de fournir
par la dispute vue voye pour les enfreindre, bien moins le doibt on souffrir
des loix diuines. Et s'il y a mesmes du péril en particulier il y en aura bien
dauanlage de le faire en public
Ci hce. — Les anciens prophètes ont très sagement faict (A) de deffendre par
leurs constitutions (h) la dispute sur les matières de la religion. Ce qu'il fault
que chacun obserue pour la sienne, assauoir (i) qu'vn chrestien ne doibt
jamais doubler des grands et principaux points de sa croiance, non plus que
les iuifs et les mahometans, mais ceux cy ont encore cella de plus qu'il ne leur
est pas mesmes permis (j) dagiter enlre eux des questions de controuerse
louchant leur foy non plus qu'auec les iuifs, et les chrestiens (B). Ce qui est
ridicule ou (k) malitieux : car si leur (/) religion ou superstition est vraye
daultant [dus quelle est certaine <Sc [m) asseurée tant plus est elle facile a per-
suader : ou si cest qu'ils ne veulent pas (n) faire part(o)d'vn si grand aduan-
tage aux iuifs ny aux chresliens cest vue marque de haine et d'enuie crimi-
nelle au dernier poinct (Ç). Mais il me semble plus véritable que si les iuifs (D)
et les mahometans ne veulent point entrer en conferance auec les chrestiens
touchant la religion (p) : cest qu'ils ne peuuent veoir (q) auec des yeux louches
les beaulez et les lumières qui se descouurenl (r dans les veritez et les mys-
tères sur lesquels elle est fondée.
Cokoni. — Lopinion de Curce me semble la plus probable, assauoir qu'il ne
doibt point estre permis aux chrestiens de disputer [247! enlre eux [s) en
public ou en particulier des points capitaux de leur religion [t] de crainte
(4) Plularchus in Lycurgo (E).
[h) MDPG ex antiquissimis prophetarum instilulis. N antiquissimorum. — (i) MDPG id est.
.Y omet idest. — (j) N patiantur. MD paliunlur. — [k] N et, faulif. MD au t. — (l) MD eorum
religio. Nillorum. — (m) MD quo verior ac (Naut) certior. — (n) NBMDTEG nolunl. P volunl.
— (o) MD si tantum bonum... communicari nolunt. .V communicare. — [p] N omet de reli-
gione. — (q) MD conlueri. N intueri. — [r) MPGS perspicuam. D conspicuam. — [s] MD inler
ipsos. N se ipsos. — [t) MD de summa religionis noslrae. N de summae (?).
(A) Inexact. MD laudab'de est ex antiquissimis prophetarum instilulis... abslinere, = il
sied d'obéir aux commandements des anciens prophètes et d'éviter, etc. « Mais qui par arro-
» gance ne voudra obéir aux commandements du preslre qui pour ce temps la ministre au Sei-
» gneur ton Dieu, par sentence du iuge cet homme mourra, et osleras le mal d'Israël ». Deut.,
17,8-12.
(B) Inexactitude qui obscurcit l'enchaînement des idées : MD sed Ismaëlitœ hoc amplius,
quod nec secum ipsi, nec cum Judseis aut Christ iani s de sua religione disseri paliuntiir.
Chrétiens et juifs interprètent le commandement du Deut. comme interdisant les controverses à
l'intérieur de leur confession respective; mais les mahometans s'interdisent, en plus, les contro-
verses avec les infidèles (voir textes, p. 242, note), et en conséquence le prosélytisme par la
persuasion.
(C) Inexact. MD illud est animi invidi ac ipsa malevolenlia jejuni, = c'est une preuve
d'envie haineuse, et que la malveillance même rend bornée.
(D) Curce, qui rangeait tout à l'heure les juifs avec les chrétiens, les en sépare maintenant au
souvenir de la répugnance que Salomon a montrée à entrer en dispute, pp. 239 sqq.
(E) Plut., Lycurgue, 29.
Chauvi ré 5
(>l> JEAN 1Î0DIN
que la force des arguments napporte des scrupules dans les esprits (A) qui
estants attirés tantost dans vn sentiment tantost dans vn autre peuuent tomber
dans vne infinité de doubles & derreurs Et c'est pour cella que les loix diui-
nes (1) le dépendent (B). Cependant (n) il est permis a tout sexe a tout ordre
a tout aage et en tous lieux de lire les loix diuines et les apprendre et il a
tousiours esté permis entre ceux de diuerses sectes de disputer de leur reli-
gion pour connoistre la meilleure et ramener dans la chemin du salut dont
sesloignent (y) ou sapprocbent (C) les Neopbites, les Catliecumenes, les Ener-
gumenes, les Mahometans, les luifs, les Payens et (.r) les Epicuriens par la
force (D) des authoritez, de l'antiquité, de la science, et des démonstrations
claires & nettes, selon que le droicl d'vnion et de charité y oblige tous les
hommes les vns enuers les autres [y).
Senamy (E). — le preuoy [z< que ces disputes des religions sen iront a
néant, car qui sera l'arbitre d'vne si grande controuerse?
Feoerich. — I.-C. nostre Dieu layant ainsy promis : Si vous estes (a) trois
assemblez en mon nom, ie seray au milieu de vous.
Senamy. — Mais cest le premier différant (b) denlre les luifs et les Chres-
tiens, & les Chrestiens encores auec les Mahometans assauoir si le Christ est
Dieu ou non.
Curce. — Pour le prouuer il se fault seruir de bons tesmoins et de bonnes
authoritez (F).
(1) Deuleronom., c. Il et 31 ; Iosué, c. 1 et 24 (G).
(u) M. dum. D num. N cum. Mi) divina lex. N divinae leges, qu'exige MUN proponantur. —
(v) MD aberrantes. N oberrantes, impropre — [x) N et Epicurœos. Ml) suppriment, et. —
yu) MDN homiui cum homine. PG omettent cum homine. — (z) MD prospicio. N perspicio. —
(«) M insère inquit. — (b) MDl'G controverlitur. BN conlravertitur (?).
(A) « Car loules choses mises en dispute sont aussy reuoquées en double : or c'est impielé
» bien grande reuoquer en double la chose dont vn chacun doit estre résolu et asseuré : d'autant
» qu'il n'y a chose si claire & si véritable qu'on n'esbranle par dispute : mesmemenl de ce qui ne
» gist en démonstration ny en raison, ains en la seule créance ». Itép., IV, 7, p. 454. Cf. mon
Jean Bodin, IV, 3, 6 D.
(B) Contresens sur cautum, traduit par de/fendent, et qui signifie : stipulé, réglé, ordonné par
la loi. M dum (D num, n'esl-il pas vrai que?... Sur num = nonne dans VHept., cf. références,
p. 223, ta/nen divina lex omni sexui, omnibus ordinibus, omnibus œtalibus, omnibus locis, ad
legendum et ad inluendum proponantur (conjeclure : proponatur), ut leye divina sanctissime
eàutum est. — J'entends : Tandis que (contrairement à la coutume chrétienne) la loi divine
(= la loi juive) est exposée à tous et à loules en loules circonstances, comme elle en ordonne
ainsi elle-même. Cf. B, p. 52. El Bodin lui-même : « El par la loy de Dieu il est expressément
» recommandé de l'escrire partout et la lire au peuple : mais il n'est pas dit qu'on en disputera ».
liép.. IV, 7, p. 455.
(C) Inexact : MD a recta via oblique aberrantes.
(D) Omission : argumenlis, par les raisonnements. B durch Vernunflgrunde.
(E) A partir d'ici jusqu'à la (in du livre V, B offre à côté de la traduction allemande, qui se
réduit parfois à une simple analyse, pp. 52 sqq , le texte latin lui-même, pp. 161 sqq.
(F) Tabulis, de preuves écriles. B Dokumenle.
(G) G donne les références de B. M Deut., c. 11 cl 21. DA Dent., 11 el 34. Ce sont celles de
M qui sont correctes. Deut., 11, passim et 21, 11; .Iosué, 1, 16 et 24; 24, 16 et 21 el 24, nous
montrent la loi proposée au peuple entier.
l>i:S SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES (>7
Sknamy. — Et cesl encores la difficulté, ou sont ces tesmoins suffisans & ces
[248J auctoritez? qui en seront leurs (A) cautions? et de ces cautions qui
seront les certifîcaleurs a lin quon leur donne vne créance ferme & asseurée
qui ne laisse aucune incertitude?
Coroni. — I/Eglise, selon le sentiment de S. Augustin conneu & approuué
partout : Non crederem Euangelio (c) nisi Ecclesia id ipsum confirmaret (B),
le ne croirois pas l'Euangile si l'Eglise ne l'auoit approuué.
Senamy. — La difficulté nest pas moindre encores de sçauoir quelle est
celte Eglise (Ci : les Iuifs tiennent pour la leur, les Mahometans au con-
traire [d)\ les Chrestiens se lattribuent et les payens de touttes les Indes veu-
lent lemporter par l'antiquité. Cest pourquoy Nicolas Cusanus (D) cardinal
homme deminente doctrine na rien entrepris (e) (E) de prouuer touchant
l'Eglise chrestienne (/"), mais posant, dict il, ce principe que l'Eglise est
establie par l'vnion auec I.-C, il se sert de ce qui faict la principale {g) diffi-
culté.
Salomon. — Cest vne vérité dont les Chrestiens & les Mahometans (F)
demeurent daccord et en cella ils ont le mesme sentiment que les Iuifs que
la véritable et seule Eglise de Dieu a esté parmy le peuple d'Israël qui seul en
toutle la terre conseruoit le culte du Dieu éternel et son alliance, empreinte
de ses doigts sur la table de pierre (G) & qui fut (h) sanctifliée par le sang
des victimes, et qui seul aussy est garde & dépositaire de la loy de Dieu & des
lettres sacrées ou elle est comprise.
(c) MDB evangelio. N evangelium, fautif [cf. S. Augustin). — (d) NPGB Ismaëlilœ infitian-
lur. MD Ismaélites inficiatur, incorrect. — (e) MDTE sibi probandum sumpsit. PG suppriment
sibl. NB scripsit. — (/") ND de ecclesia Chris tianorum. MB chrisliana. — {g) NMDB in pré-
cipita quseslione. PG omettent prœcipua. — {h) MDB incisum et sanguine sacratum erat.
N incisum est.
(A) Pléonasme, par négligence de style, entre en et leurs.
(B) Contra Episl. Manichœi, b, 6 (Migne, August., t. 8, col. 176).
(G) MD vera ecclesia, = quelle est la véritable Eglise.
(D)Nicolas de Gusa (1401-1464) a eu une influence importante sur la discipline de l'Eglise,
notamment au concile de Bàle (1431). De ses nombreux ouvrages d'apologétique, le plus connu
est le De calholica verilate. OEuvres publiées à Bàle, 1565, 3 vol. in-l'ol. — Je crois que Bodin
l'ait ici allusion à ses Cribrationum Alchorani libri 1res, qu'il trouvait dans l'Alcoran de Biblian-
der, s. 1., 1550, t. 3, pp. 31 sqq. Je lis dans le premier prologue que la principale preuve de
l'erreur de Mahomet, c'est qu'il n'est pas d'accord avec le Christ : « Cerlum est igitur quod qui
» Chrislum et viam ejus sequilur, ad comprehensionem desiderati boni perveniet. Unde si
» Machumel, in aliquo, Ghrislo dissentit : necesse est ut hoc aut faciat ignoranlia, quia Christum
» non scivit aut intellexit, aut perversilate intenlionis, quia non intendebat homines ducere ad
» illum finem quielis, ad quem Christus viam oslendit », etc. Un tel passage me semble hien
prêter le flanc à la critique de Bodin, que N. de C. prend pour acquis ce qui justement est en
question.
(E) Sumpsit a pour lui l'autorité des meilleurs mss., MDTE. D'autre part, bien qu'évidemment
je n'ai pas lu tout N. de G., je ne trouve pas dans les Cribrationes Alchorani, que j'ai lues, de
passage où l'auleur écrive (scripsil) littéralement qu'il n'a rien à prouver touchant l'Eglise chré-
tienne. Il me semblerait d'ailleurs peu adroit de souligner cette altitude; il l'est bien davantage
de la prendre sans en parler, comme dans le passage ci-dessus.
(K) » Ils [les Mahometans] disent qu'ils suyuent la loy d'Abraham et qu'ils adorent le mesme
» Dieu que ce patriarche viuant et respirant adora ». Infra, p. 310 et note.
(G) Exod., 30, 18.
68 JEAN BODIN
Federich. — Ouy, iusqu'a I.-C.
Octaue. — Les Iuifs et (i) les Mahometans reiettent les escritures du nou-
ueau Testament (j) (A) comme corrompues par les chrestiens : cependant les
Mahometans (B) ne sçauroient [249] sempescher (k) de se seruir (/) des tes-
moignages euangeliques principalement dans TAIcoran Azoara(C) Elmeide (D)
et Azoara XII (m), mais non pas comme ils sont raportés (n) dans ceux dont
les chrestiens se seruent (E).
Toralbe. — ■ Si les fondements de la véritable religion ne sont appuyez que
sur rauctorité des escritures, il ny a qua se seruir de la vieille sentence des
Pytagoriciens, aù-ro; etpa (F), ipse dixil, il la dict (2). Que si cella rendoit la
chose assez doubteuse pour pouuoir donner diuerses explications a ces
parolles il faudra auoir recours aux arbitres cest a dire aux sages.
Senamy. — Cest encore vne question qui nest pas moins embarrassante que
les autres, ou sont ces sages, car au iugement des foux les snges sont reputez
foux et (o) les sages appellent les autres furieux (G).
(2) Ipse dixit.
((') NMDB Judaei aeque ac Ismaëlitae. l'G omettent seque. — [j] NB novi leslamenli. MU ins-
Irumenli. — (k) N lamelsi Muhammedes non dubitaverit. l'G dubilet. MDB dubilal. —
(l) MDPG ciere. BN citare — (m) MUATEJH potissimum in Azoara Elmeide et in Azoara XII.
PG omettent in Azoara Elmeide et. N potissimum in Alcorano Elmeide (?j et in Az. XII.
B potissimum in Alcorano (?). — (n) MDTEI'GHB Leyser non tamen ea (se. evangelica testi-
monia) quae in Chrislianorum manibus versanlur. N non tamen in ea fsc. AzoaraJ quse in
Chrislianorum manibus versalur[1). — (o) MUTEI'B si suo judicio, furiosi. NG et suo judicio,
furiosi.
(A) MD insti'umenti = pitee d'archives, document écrit.
(B) Inexactitude. C'est Mahomet qui n'hésite pas à employer les Evangiles dans son Coran.
MDNB Muhammedes.
(C) Ce mot <ïazoara est la transcription de l'arabe soura, dont nous avons fait sourate. Cf.
Bibliander, o. c, t. I, p. 224. « Azoara arabice vullus latine dicitur; unde quod nos capitulum
» dicimus, i 1 II vocant azoaram ».
(D) La sourate Elmeide (•= de la Pàque. Cf. Ilept., IV, p. 324 : « Au iour de Pasques ils l'ont la
« Cène » = Post jejunium menslruum Elmeide, id est cenam concélébrant) et la sourate XII n'en
t'ont qu'une dans VAlcoran de Bibliander. Je conjecture donc le texte : in Azoara Elmeide
(Azoara XII), ce qui explique l'alternance de certains mss., où tantôt Az. Elmeide et tantôt
Az. XII ont disparu. Voici des versets où Mahomet invoque les Évangiles : « S'ils observaient
» le Penlateuque et l'Evangile et les livres que le Seigneur leur a envoyés, ils jouiraient de
» biens qui se trouvent au-dessus de leurs têtes », éd. Kasimirski, 5, 70; Bibliander, 12, p. 41
ad fin. — « Infidèle est celui qui dit : Dieu c'est le Messie lils de Marie. Le Messie n'a-l-il pas
» dit lui-même : O entants d'Israël, adorez mon Dieu qui est le vôtre? ». Kasim., 5, 76; Bib., 12,
p. 42, ligne 6.
(E) Les témoignages que Mahomet lire des Evangiles sont souvent mutilés ou faussés, déclare
Kasimirski, p. xx\. Et il ajoute : « Quant à l'instruction telle qu'elle pouvait exister à cette
» époque-là entre les Juifs et les Chrétiens, il [Mahomet] n'en avait évidemment pas; et il ne
» possédait des Écritures qu'une connaissance fragmentaire telle qu'on la puise dans des enlre-
» liens et par des ouï-dire. De là vient que quelques récits bibliques reproduits dans le Koran
» sont défigurés ».
(P) Sentence citée dans maint livre familier à Bodin : Origène, Contra Celsum, 1, 7 (Migne,
Orig., t. I, col. 667) ; Cicéron, Académie, 2, 3, et De natura deor., 1, 5.
(G) MD si suo judicio, furiosi. Voici ce que j'entends : Si les philosophes (sapienles) sont
estimés philosophes par les autres, c'est-à-dire par les non-philosophes (stultorum), c'est qu'ils
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 69
Tohalbe. — Il fault (p) en chacun art se conseiller aux experts et (q) les
bons ouuriers sans vn long vsage ou sans dexcellentes raisons ne sen veullent
pas raporter a eux mesmes (A), cependant ils se peuuent tromper es choses
ou il ny a point de démonstration. Pour ce qui regarde la foy et la perseue-
rance en matière de religion elles ne despendent (/*) que de l'auctorité dun
senl Dieu qui ne trompe iamais & ne peut point estre trompé, laquelle aucto-
rité vaûlt infiniment mieux que touttes démonstrations, raisonnemens, escri-
Lures & tesmoins.
Sknamy. — Il ny a point de double que (s) [B) la véritable religion est celle
(jui a Dieu pour son autheur, mais de sçauoir sil est autheur de celle cy plus-
losl que de celle la (t), cest la question.
Salomon. — Les prestres d'Apollon (m) que les Caldeens appellent Bahalem
layant déclaré pour leur Dieu a estre adoré (v), le [250] prophète Helie en
demanda lespreuue a condition que celluy la seroit reconneu pour le vray
Dieu dont llioslie (.r) a luy présentée en sacrifice seroit pluslost consommée
par le feu du ciel en présence du roy Acab : ce qui (y) ayant esté faict deuant
vn concours innombrable de peuple, les Pontifes d'Appollon (3) dun cœur
tout de feu (C) ayant redoublé (2) leurs voeux & leurs prières au soleil
d'esté [a) iusques a faire sortir du sang de leur visage et de leurs veines inu-
(3) Ab habitu furioso sic dicti camarin (D).
(/)) NMPGB considère solemus. D debemus. — (</) MDTEPG neque lamen (NB etiam) opifices.
— (/■) MI>B peu-tel. N dépende!. — [s) MDTEPG omettent necèsse est, qui est dans NB. —
(/) MUPG sed hujus an illius religionis uutor s'il. NB sed num hnjus legis uni illius autor sit.
— («) MD sacerdoles A/iollinis. NB Apolline»! (?). — (o) NB (Bahalem) pro deo colrndo propo-
nerent. MD culendum. — (x) MDPGB in cujus hosliam (N hosUa, abl. incorrect) flamma cœlilns
delapsa — [y] N omet Acla res est ingenli concursu mulliludinis. — (z) MDTEG ingemina-
renl BNP ingénièrent. — (Uj MNB ardenlissimo œstutis sole. D soli, inadvertance.
sont des non-philosophes; et si c'est de leur propre autorité qu'ils s'estiment philosophes, c'est
bien pis, c'est (à force de prétention] de la démence. Conclusion implicite • qui sont donc, parmi
les hommes, les philosophes?
(A) Oliscur. — Senamus vient de montrer combien les experts en sciences morales sont diffi-
ciles à distinguer des non-experts. Toralba confirme son point de vue : 1° En ce qui concerne
chaque corps de métier, nous nous fions à un artisan habile en sa spécialité; encore cet artisan
ne s'en rapporle-t il pas à lui-même, s'il ne s'assure sur l'expérience, usu, et le calcul précis,
cerlissimis ralionibus. Si les moyens de connaissance exacte, demonslraiio, lui manquent, il
peut se tromper; et pourtant nous nous fions à lui [lamen, à mon sens, répond à consulere
solemus de M, ou debemus de D). Idée générale : nous nous en remettons à une autorité, cepen-
dant faillible. 2° Il n'en va pas de même (autem) en ce qui concerne la religion. Nous faisons
toujours appel à une autorité, mais à celle de Dieu, qui est infaillible. — Oui bien, va reprendre
Senamy, mais comme toutes les religions prétendent être autorisées de Dieu, quelle est celle
que vraiment il autorise? — La Juive, dira Salomon, comme Dieu Ta prouvé en répondant à
l'appel d'Elie contre les prêtres de Bahal.
(B; Necesse est semble une glose ajoutée au texte par des copistes qui n'auront pas compris le
subj. seul : Fera profecfo sit religio, = admettons que la véritable religion... R traduit donc
inexactement.
(<"j M ardenlissimo œslatis sole. Il semble traduire : ardentissime, eestalis sole.
I) MD (corrects; ab habitu fumoso sic dicti Camarim. « Et mesmes les prestres de Bahal
» esloyent aussi prophètes se retirans du monde, habillez de drap enfumé qui est la plus hideuse
» couleur, et pour cesle cause s'appelloyent Camarim ». Démon., 1, 3, p. 81.
70 JEAN BODIN
tileuient, Helie (4) par vne ironie élégante leur criant qu'il falloit parler plus
hault, le soleil estant presque vers son couchant auec trois mots seulement fit
descendre le feu du ciel qui dans vn moment consomma la victime l'autel les
pierres et les eaues respendues dans les Elices (b) fossés (A) qui esloient près
de cet autel. Ce Roy & son peuple estonné d'vn spectacle si prodigieux com-
manda (B) que le Dieu des luifs fusl reconneu et adoré. Et Helie lit passer
au fil de l'espée les près très de ce Bahalem. Et peu de temps après les pluyes
qu'il auoit arrestées par ses prières pendant trois ans & six mois tombèrent
en abondance par lefficace de ses mesmes prières dont lintention esloit
changée (C).
Eedeiucu. — le souhaiterois de tout mon cœur quil y eust maintenant quel-
que Helie qui en présence des Roys et des peuples vouleut faire lespreuue
laquelle parmy tant de religions est la meilleure.
Salomon -- La loy de Dieu (5) deifend (c) de siriformer s'il est cecy ou cella
et sans son [251] commandement exprès Helie (6) n'eust eu garde de senga-
ger dans vne telle entreprise, les miracles & les prodiges nayans aucun effect
auec les impies et les scélérats : puisque ces merueilleuses opérations d'Helie
neurent aucune suitte en ce que Acab et son peuple (d) retournèrent a l'Ido-
latrie et que le pauure Helie (D) fut proscript par la Reyne (e) letzabel la
furie de laquelle il neust iamais euité s'il ne se fust sauué par la fuitte : et
dans toutte l'estendue [f)de la terre il ne sest iamais l'aict tant & de si grands
miracles que parmy les enfans d'Izraël (E) : et partant ou peut on chercher
vne preuue plus certaine de la véritable religion?
Curck. — La preuue ce me semble de la véritable religion est l'auctorité de
l'Eglise, la vérité des escritures sainctes (q), son antiquité, les oracles sacrez,
les prodiges célestes et les raisons claires & nettes.
Salomon. — Le rabbin Moyse Rambam (F) abbrege encore & ne reconnoist
(4) Lib. I Regum, c. 18 (G). — (5) Exod., c. 17 (H). — (6) I Regum, c. 18 (I).
{b) M DTE G elices. BXP silices (?). — (c) .V vetabal. M veluit. DPGR velut. — (d) PG omet-
tent cum populo. — (e) NB omettent regina. — (/) N usquequaque [MDI'GB mquam) terrarum.
— [gi 'V snerse scrîpturae (MDPGB sacrarum scriplionum) verilate.
(A) Elices. Ce sont les rigoles qn'Elie creuse, conformément au rite, autour de l'autel, III Rois,
18, 82 et 38.
(B) MD coactus est. Le roi fut contraint de reconnaître le dieu des juifs. Cf. ibid., 18, 3'J.
(G) III Bois, 18, 41 à 45.
(D, III Bois, 1(J. Le traducteur manifeste assez naïvement son sentiment (le pauure Helie).
(E) Inexact. MD quam quse universo populo islo speclante fada legimus, = que les prodiges
qui ont eu pour témoin le peuple entier d'Israël.
',Fj 11 s'agit du célibre Maimonide, dont IJodin a beaucoup lu le Docteur des perplexes, Moreh
nevokim, fréquemment invoqué dans la Démon, et VHept. L'ouvrage auquel fait allusion la
note 7 est la Lettre aux rabbins de Marseille, en hébreu avec trad. latine de Jean-Isaac Levita,
Cologne, 1555, in-8. Maimonide y montre la vanité de l'astrologie et l'incompatibilité de
l'influence des astres avec la liberté de l'homme et les préceptes de Dieu.
(G) Erreur. III Rois, 18.
(Il; Exod., 17, raconte l'eau sortie du rocher et les Amalécites vaincus. Ne faudrait-il pas lire
Exod., 19, 21 à 24, où Dieu interdit l'accôs du Siuaï au peuple et même aux lévites, ne le per-
mettant qu'aux seuls Moïse et Aaron?
(I) Erreur. 111 Rois, 18, 1 : « L'est par votre ordre que j'ai fait toutes ces choses ».
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SI BUMES 71
que trois choses a croire nécessairement (h), assauoir la démonstration, les
sens & les oracles des Prophètes : tout le reste dict-il (7) se peut croire, mais
il ny a poinct de nécessité.
Senamy. — Si l'on doibt adiouster (i) foy aux oracles (A), il y en a vu vieux
d'Apollon lequel ayant esté consulté au subiect des diuersitez de religions
laquelle estoit la meilleure, respondit en vn mot, la plus ancienne (/), et
interrogé derechef laquelle estoit la plus ancienne, la meilleure [k), respon-
dit il.
252j Tomalbe. — Quand ie naurois aucun tesmoignage d'oracle ie croi-
rois (l) lousiours que la plus ancienne des religions est la meilleure, le respect
& la foy de lantiquité (m) estant assez puissante pour se soustenir (n) de soy
mesme : mais ces (B) nouuelles religions, ces nouueaux sacrifices, ces nou-
ueaux sacremens, ces nouuelles cérémonies, ces nouuelles loix, ces nouueaux
conciles, ces nouuelles Eglises, ces nouuelles constitutions, ces nouuelles
mœurs ont tousiours renuersé de fond en comble les plus fleurissantes des
villes.
Cokoni. — Cest vu grand preiugé pour l'Eglise Romaine (o) contre les
aucteurs de la nouuelle croiance. Cest pourquoy voyons ie vous prie quelle
est la plus ancienne et aussy (p) quelle est la meilleure car avec la coanois-
sance de Ivn nous aurons celle de l'autre.
Salomon tente de s'opposer à ce qu'on se fie aux oracles païens. La seule
légitime divination est celle par Urim et Tlmmmim, sur le rational du grand
prêtre hébreu. Le démon Apollon n'a qu'un instinct (cf. infra, p. 255) celui
d'ébranler toute religion (253)|.
Senamy. — Mais (G), Salomon, qui a monstre que la vostre estoit la meilleure,
7 In Epist. aduersus theologos (7).
{h) N noslris credendn. MDI'GU necessario credendu — [i) N Si (ides oraculis habelur.
MDli habealur. — (j) N8 Anliquissima. MDPG Aiiliquissimam. — {k) NB Oplima. MDPG Opti-
mum. — (/; N 1 ersuasum. MDli persuasum est. — («#) .V files ttnliqnilati. MDPGBanliquilalis.
— (//) PGR omellenl facile. — 0) NB Romand. MDPG Romunorum. — [p) NB quae sil unti-
quissiiiia relit/ 10, ut etium patent, quae sit oplima. MDI'G retit/io, tel eliam quœ sil oplima.
— i/\ MDI'G aslrologos, qui est certain. Cl*, p. 484.
(A) [.a discussion où s'engage Bodin, sur la valeur des oracles païens, des prophéties des
sibylles el de celles des prophètes juifs, peut nous paraître assez vaine aujourd'hui; mais c'esl,
pour ainsi dire, un développement obligatoire dans le sujet qu'il traite. Nous le verrons, c'a été,
aux premiers siècles de l'Eglise, un terrain permanent de lutte entre les gentils et les chrétiens
que l'interprétation des anciennes prophéties. S. Augustin, Ensèbe, S. Clémenl d'Alexandrie,
Laclance. Porphyre s'en sont occupés. Et naturellement chaque parti , s'efforçant de citer des
oracles qui lussent en sa laveur, en a truqué et même forgé un grand nombre. Les hommes de
la Renaissance qui traitent des choses religieuses suivent la trace des anciens, Marsile Ficin, par
exemple, dans son De Christiana religione (analyse dans Ph. Monnier, Le quattrocento, t. II,
p. 107), ou Duplessis-Mornay,dans sa Venté de la religion chrestienne.
(Bi Inexact. MD novae religiones, — les nouvelles religions, quelles qu'elles soient. Sur le
conservatisme religieux ou politique de Bodin, cf. supra, p. 236 sq.
(G) R n'a pas compris la suite des idées. Salomon disait : Si c'est un crime de consulter Apol-
lon, quel crime plus grand encore que d'en faire l'arbitre de sa foi! — « hnmo vestram, Salotno,
» religionem ut oplimam probavit », rétorque Senamy. Mais non, faut-il suppléer; et bien plus,
Salomon, c'esl lui qui a défendu la vôtre dans ses oracles.
72 JEAN BODIN
ayant esté enquis laquelle estoit la meilleure de toultes, respondit de cette
façon (i) :
Mouvoi XaASouoi çocpiTqv Xâ/ov, ot S ' ap ' 'Eêpcuoi
aÙToysv/jTOv avaxroc aeSaÇouEvcH 6eov àyvco; (2) (A).
C'est a dire : Caldrei sapienliam nacti sunt, Hebrœi vero Deum seternum
regem pure (j) colunt. Les Galdeens sont sages, mais les Iuifs adorent Dieu
roy éternel purement. [254] Et puis enquis quels gens cestoient que les Iuifs
dict :
'H8à 6eov p7.TtX'?]ot xat yEvv7jT7|pa 7rpo irivrcov
ov TpÉaexat xat youa *a' où'pxvot 7)5è ôxXacraa
TapTapSOl (A') Té. \J.U/o\ XXI 8xCf/.OV£Ç ÈxtppiTTOUffl (B).
C'est a dire en latin :
111a Deum regem pure colit omnipotentem,
Quem mare, quem tellus ingens, quem sidéra cœli,
Quem genii exhorrent, metuit quem immanis abyssus (/) (C).
Et en françois : Sont ceux la qui adorent seulement vn Dieu, Roy tout puis-
sant que la mer et que la terre et que les astres des cieux craignent, que les
diables des enfers redoutent.
(2) Eusebius in lib. llpoTuapas/eù/jç, et Lactantius, et Iustinus martyr.
(ij MDI'G sic enim (respondit). Nli sic efiam. — [j) MDPG pure. N pie. — (k) MO Txitxosoi.
N TapTxpioi. Corrigez : Taprxpsioi. — (/) MDTEPG immanis (NB maris) abyssus.
(A) Cel oracle, célèbre à cause de sa valeur polémique, est dans Eusèbe, Pr¶lio evange-
lica, 9, 10 (Migne, t. 21, col. 697), qui écrit aÙToyÉvsQXov ; — dans Laclance, De ira Dei, c. 23;
dans Justin Martyr, Cohortalio ad Greecos, 11 (Migne, t. (J, col. 26i) et 24; même dans Cyrille,
Conlra Julianum,b (Migne, t. 9, col. 775), qui écrivent aÙToyévqTOv. Il est cité dans Duplessis-
Mornay, De la vérité de la religion chrestienne, 1581 (2e éd., que j'ai eue, Paris, Cl. Micard,
1582, in 8, G, p. 98, ou 21, p. 507). Mais Bodin le connaissait avant de l'y avoir lu, puisqu'on le
trouve dans la Démon , 2, 3, p. 209 (1" éd. : 1580).
(B) Source : La philosophie des oracles, de Porphyre, dont il reste une quarantaine de frag-
ments dans Eusèbe, Prœpar. evang. Cf. Wolff, l'orphgrii de philosophia ex oraculis haurienda
librorum reliquiœ, Berolini, Springer, 1856 (B. nat. H 47.264), et Cbaignel, La philosophie
des oracles de Porphyre, Revue d'hist. des religions, Paris, Leroux, 1900. Augustinus Steuchus
Eugubinus [De perenni philosophia libri X, Lugduni, 1540, in-fol.) avait rassemblé nombre de
ces oracles. Réédité à Bàle, 1542, et à Venise, 1591, c'est chez lui qu'ont sans doute puisé Bodin,
qui cite son ouvrage dans VHept., et aussi Duplessis-Mornay, o. c. De ces oracles, la plupart,
montre WolfT, ne sauraient être de Porphyre et ont été forgés par les chrétiens. — Celui-ci est
cité différemment par Laclance, De ira Dei, 23 : 'H8à ôebv, etc., et par Wolff : |ç 8à Osbv.
Cf. S. Augustin, De civ. Dei, 19, ?3 : « In Deum », et D.-Mornay, o c, 6, p. 129. Chaignet réunit
le présent oracle au précédent, et, avec le texte de Lactance, traduit : « Seuls les Chaldéens et
» les célèbres Hébreux ont eu en partage la vraie science et ont rendu un culte vraiment saint au
» Dieu souverain, né de lui-même, Dieu suprême, créateur de toutes choses, devant qui trem-
» blenl le ciel, la terre, la mer, l'enfer, en présence de qui les démons s'enfuient épouvantés ».
(C) Immanis abyssus, autorisé par les mss., est encore imposé par la mesure du vers.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 73
Salomon. — Ce sont choses inuentées par les chefs du christianisme ou par
les disciples de Christ, lesquels (m) estans Iuifs d'origine estimoient (n)
vulgairement faire profession de leur religion (A) a fin de donner (o) quelque
image d'ancienneté a la chrestienne. Cependant (p) si mille Apollons nous
asseuroient que la religion (q) des Iuifs est la meilleure, nous nous empesche-
rions bien dy donner croiance pour cella.
Federich. — Au contraire (B) il est bien plus véritable que le démon
d'Apollon (/■) a meslé (s) la religion des Iuifs auec la science des Caldeens a fin
qu'y ieltant la confusion il peut abolir l'vne & l'autre. Ainsi que depuis peu (/)
au pays de luilliers dans le bourg de Loemi (3; vn certain curé (C) ayant
[255] interrogé vn diable qui obsedoit (u) vne ieune fille pourquoy il la pressoit
auec tant de soin daller a la messe et si ce sacrifice a son aduis estoit (y) fort
vtile au genre humain, sur quoy (x) le démon demanda du temps pour
respondre et que falloit quil y pensast, il demeura ainsy court : car s'il eust
confessé que la messe estoit salutaire les Luthériens eussent estimé auoir
raison de la reielter, et s'il en eust mal parlé les catholiques en eussent pris
aduantage : mais ainsy naiant donné qu'vne response ambiguë, il se ioua des
vns & des autres. Vn autre [y] petit sacrificateur (D) encor (z) interrogeant vn
(3) Vierius in lib. de Prsestigiis (E).
(m) MDR qui (X etiam) génère Judaei. — (n) MDTEPGX ptofileri putabanlur. B profitebantur.
— (o) MD C/iristianœ religioni (PG legi) obtenderent. X conciliarent B religionis oslenderenl.
— (p) MDPG si mille Apolli nés. .Y quod si, elc. 8 quod s'nniles Apollines (?). — [q] G insère
aul devant religionem. — (c) MD Apollinseum (XB Apollinem) daeniona. — (s) MDPGB contu-
disse. N conlulisse. — (t) MDXB non itapridem. PG ometlent ita. — [u) MD obsiilehal. X possi-
debat. B possideret (subj. injustifiable). — (v) MD esse arbitra) etur. XB suppriment esse. —
[x) MD Hic. X lluic. B Hoc (?) dœmon. — {y) MDPGB alius. N alias. — [z] MDB item X idem (?).
(A) MD qui, yenere Judxi, et Judeeorum religionem vulgo profiteri putabanlur, = qui,
étant Juifs d'origine, passaient aussi pour professer la religion des Juifs. Salomon insiste là-
dessus pour expliquer comment des chrétiens ont pu jadis, dans l'intérêt de leur foi, forger des
oracles à la louange de la religion juive. — Quant au contresens de H, il aura été causé par un
mauvais texte : putabant, au lieu de putabanlur.
(B) MD Immo, = loin de là. Federich à son tour va contredire l'insinuation de Senamy qu'on
peut en matière de foi s'en rapporter à l'oracle d'Apollon.
(G) MD maleferialus curio, un curé sot et malavisé. L'épilhète se dit de ceux qui se croient
mal à propos eu sécurité ou qui dirigent mal à propos leur activité. Cf. Horace, Od., 4, 6, 14,
maleferialos Troes (id est : stulte et inauspicato dies feslos de Grœcorum discessu célébrantes),
et Aulu-Gelle, 10, 22.
(D) Sacrificulus, un moinillon.
(E) Jean Wier, élève du grand Corneille Agrippa, médecin du duc de Clèves et démonologue,
a écrit deux livres, De lamiis et De prpstigiis dsemonum, pour s'élever contre les rigueurs
infligées aux sorciers: ils sont à son avis simplement les victimes d'illus:ons à eux envoyées
par le diable. La Réfutation de J. Wier remplit loule la fin de la Démonom. et YHeplapl. est
plein du De prœstigiis. que Bodin lisait (cf. Démon , Béfut., p. 52'») dans la réimpression de
Bàle, 1578. Pour moi je l'ai lu dans la Irad. en français de Jacques Grévin, De l'imposture des
diables de Jean Wier, Paris, laques du Puys, 1569, in-8°. L'histoire du curé et du diable s'y
trouve, 4, 21, p. 363; elle avait déjà passé de là dans la Démon., 3, 6, p. 403. Le vrai nom du
pays est « Lœn situé près Aldenhou au duché de Iuliers ».
74 JEAN BODIN
Diable (4) qui possedoit vn moine et luy demandant quel (a) il estoit (A) : le
suis, respondit il, Mathias (b) abbé de Dure & ie ne quitteray point mon
possédé qu'il nait esté a Treues (c) pour appaiser la vierge Marie de ce que
\e(d) nay pas assez bien payé le peintre qui a représenté son image (e).
Octaue. — Ne confondons point les oracles d'Apollon auec les responses
des possédez. Iay tousiours estimé les oracles de la religion chrestienne dans
sa naissance pour la pluspart auoir esté imaginez par les Grecs selon que
chacun approuuoit ou desapprouuoit cette religion, ainsy que nous voyons
dans Porphyre le contraire de ce qu'Eusebe et Lactance escriuent(B) : assauoir
cet endroit ou ils asseurent que les Juifs (/") ayant consulté l'oracle d'Apollon
pour apprendre que deuiendroit le Messie on raporte qu'il respondit quil seroit
mortel selon la chair (g). Les Pères (h) raportent T256] encores vn autre
semblable (i) oracle (5) qui fut rendu pour lempereur Auguste (C) : Vu enfant,
dict il, Hébreu Dieu Roy me force de me taire (j) : comme si Suétone Dion et
Tacite qui ont ramassé iusques aux moindres (/.') songes d'Auguste dans leurs
(4) Vierius de Prœstigiis (D). — (5) Apud Suidam in verbo Augustus et
apud Nicephorum Callistum, lib. 1, c. 17 (E).
{a) MDTEI'G ecquisnam. NB quisnam. — [b) NBM Malhias, correct (cf. Wier). D Mal-
ttiseus. — (c) MD Treverim. N Trevirim. B Trevirum. — [d) MDPG quod piclori... non salis
cumula te fecerim. N non cumulai e salis 'eceril {?). B quod pictor... non salitfecerit (fautif. Cf.
Wier). — (e) MDNB slaluee Virginia. G Marias. — (f) iVomet Judœis. — [g) MDN Morlnlis erit
(conjecture : eral). B Morlahs est. — (h) MDTEPNB Auguslo pat'i reddition. G paires
reddition ferunt. — (i) MDPGB consimile. N simile. — (jj MDTEI'G lacère. NB fugere. —
(A) MN levissima. BD Isevissima, inadverlance.
(A) Ecquisnam, qui a pour lui l'autorité des meilleurs mss., est d'une latinité douteuse dans le
sens : qui, quel donc?
(B) Voyez Eusèbe, Demonstratio evangelica, 3, 7 ^Migne, t. 22, col. 237). Voici l'oracle de
Laclance, Divin, institution., 4, 13 (Migne, t. 6, col. 484) :
0v/]tÔ; êtjv xxrà fjiç.x.%, doïiôç TepaTa>8ee«v epyot;,
aXX ' Otto XaXoauov xpcxàiv ottXoiç duvaXtoOstç,
yôj/.cpoiç y.v.1 o'xoXÔTreo'fft 7rixp7)v av£TAT|i£ tsX£utV]v.
Voici peut-être où Bodin a vu Porphyre contredire Lactance et Eusèbe : Un mari demandant
à Apollon comment détourner sa femme du christianisme, le dieu lui répond, suivant Porphyre,
qu'il serait plus facile d'écrire sur l'eau ou de voler en l'air, et il ajoute : « Pergal [uxor]
» quomodo vult, inanibus fallaciis perseverans et lamentationibus fallacissimis morluum Deum
» cantans ». Apollon, qui disait tout à l'heure le Christ mortel selon la chair seulement, semble
bien dire à présent que le Dieu de la chrétienne était tout mortel, puisqu'il est mort. Aug., De
civilale dei, 19, 23 (Migne, t. 41, col. 650).
(C) Oraculum, quod Auguslo pulri redditum ferunt, autorisé par tous les manuscrits, l'est
aussi par le sens : Suidas, Nicéphore Calliste ne sont pas des pères, Patres.
(D) Wier, 4, 29, fol. 381 a. Philippe Ubesselich de Cologne, moine de l'abbaye de Knechlens-
tein, était tourmenlé par l'ombre de l'ancien abbé Mathias Duren. Wier ajoute que l'apparition
fut chassée, non qu'on lui eût donné salisfaclion pour les messes qu'elle réclamait, mais par les
menaces et les prières de Philippe. L'apparition n'était nullement l'âme de Malhias, mais le
diable qui usurpait la forme de l'abbé.
(E; Références exactes : la traduction de Bodin l'est moins. Cf. Duplessis Mornay, o. c, 32,
p. 797. Voici le texte :
flouç 'Eëpxco; xéXeTat [xe Osoç p.axàps<7<Ttv àvy.?7cov
tt^v Se S6[7.ov 7:poXtTretv ts xal "AVôoç aûôi; [xésOcu ■
XotTTQV XTllfh <7tyà)V £X pQ)ljL(OV Vj jJ.STEpOiV.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 75
escripts eussent obmis a faire mention d'vn oracle de celte importance! El (A)
Ciceron (6) qui estoit consul a la naissance d'Auguste èscript quil y auoit
desia longtemps que les oracles d'Apollon auoient cessé et quil ny auoit alors
rien de plus mesprisé. Si Apollon estoit deuenu muet longtemps (/) auparauant
laage de Ciceron (B), qui est ce qui (m) pounoit trois cens(C) ans après auoir
rendu tant & de si grands oracles!») qui ont eslonné toutte la terre (D)?
Curce. — (E) Porphire (o) recherchant la cause de la cessation des ora-
cles p) faict mention d'vn oracle d'Apollon qui [q) ne la donne pas à cet
enfant iuif, Dieu, roy, mais a Iupiter : OfyaiToci (r), inquit, oT/xna.1 'AtcoXXwv
£7il cpXoyôsv u.s {BiâÇsTai oùpiw.ov cp<5; -f|V Zeu; e<rn te vxôv, etc. (F). Or qui est ce a
moins que désire fou au dernier poinct qui peut s'aduiser de consulter vne
femme possédée auec vn visage ou est peinte la fureur & escumante de rage
et ne parlant iamais qu'en bégayant et en termes ambigus de l'aduenir (G)
comme Heraclile, Plufarque 7) et Basile tesmoignent que Ion faisoit autres-
(6) In lib. de Diuinalione H . — 7) In lib. de oraculorum defectu (L).
(/) .N'omet tnullis temporibus (ante Tullium). — (m) MD ecquis. XB quis. - (n) MDPGB quse
prodila (X pelita [?]) legimus. — (o) DAB omettent Plularchus ad inleritum dœmonum putavit.
— {;/) MDB tam (X quam) diulumi silenlii causa»/. — [q) MDPO de silenlii causa quam non
ad puerum illum. XB omettent puerum. — [r, MDXB ôt/srai. Les mss. ont d'ailleurs tous un
texte grec inintelligible.
(A) MD At, = de son côté, c'est-à-dire : démentant d'autre part ces oracles controuvés, Gicéron
dit qu'il n'y en avait plus de son temps.
(•B) Cent ou cent vingt ans avant, précise la Démon., 2, 3, p. 209.
(C) Trecenlesimo, disent tous les mss. Ces trois cents ans sont comptés de Gicéron à l'époque
de Porphyre et des Pères, qui rapportent les taux oracles ci-dessus.
(D) R ajoute : « qui ont étonné toute la terre » et omet quse prodita legimus.
(E) Omission (dans DAR; : M Tam diulumi silenlii causam Plularchus ad inlerilum
dxmonum référendum putavil. A cette phrase se rapporte la note (7).
(F) Bodin (d'après Sleuchus, et comme D.-Mornay, o. c, 32, p. 7î)8) a fondu deux oracles en
un, qui devient inintelligible. — Cf. Wolff, o. c, p. 234 sq. : Le prêtre d'Apollon ayant demandé
au dieu quelle religion allait l'emporter, le dieu répondit en gémissant :
OT \j.oi aoï, rp:'T:oO£;, ttc/vx/v^iete ■ o'(/zt' 'AttoXXwv,
o'i/£t', £tce\ cpXoyosv [j.i (i'.iÇcTai oùpiviov cpco;.
Ailleurs, il confesse sa mort prochaine, à lui :
' Hv Zsû; kart te vuv ZeÙ; xkïTfferat. Q i/.Eya).E Zeu,
orf| [j-oi /pz-^aiov înroXetTueTai r^vit-rJ.-j..
J'entends comme W'olfî qu'Apollon prédit ici la mort de ses oracles et l'éternité du dieu
suprême, en disanL : 0 Zeus suprême, seule m'est laissée, il ne me reste que l'aurore de mes
oracles (suppléez : qui vont donc vers leur couchant et leur fin).
(G) De l'aduenir a été déplacé par H. — MD de fuluris rogare, = d'interroger sur l'avenir.
(11) Bodin cite encore avec légèreté Après avoir rappelé les oracles qui prédirent à Crésus la
fin de son empire, Gicéron demande pourquoi Delphes ne rend plus de tels oracles (= sur des
intérêts aussi généraux) : « Cur is/o modo jam oracula Delphis non eduntur? » De divinat., 2,
57. Mais il nous dit formellement, ibid., 1, 19, que, de son temps, la Pythie prophétisait encore.
Fonlenelle, Histoire des oiacles, 2, 1, partage l'erreur de Bodin.
(I) « Quand les daemons qui sont ordonnez pour le gouuernement & superintendance des
» oracles & diuinalions viennent a défaillir, il est force aussi que les oracles périssent ». (Amyotj.
Suit l'histoire de la mort de Pan. De orac. defeclu, 12 et 13. — Wier, o. c, 1, 7, pp. 13 b sqq.,
et D. Mornay, o. c, 32, p. 797-800, parlent longuement de la cessation des oracles à la venue de
J. C, avec les mêmes références que Bodin.
76 JEAN BODIN
fois (A)? El mesmes souuent il falloit mettre ses aureilles aux parties honteuses
des femmes pour entendre la response de tels oracles : Ainsi que Cœlius
Rodiginus raporle (B)qnil a veu au bourg (C) de Rege (s) vne sorcière qui par-
loit par ce mesme endroit et fort clairement [257] des choses passées mais fort
obscurément de l'aduenir. Cependant la folie (/) des hommes a monté iusques
a tel point que les responses de ces sorcières estoient vantées (u) comme des
oracles diuins non seulement par les ignorans mais encores par ceux (v) qui
auoient acquis (x) la réputation de gens de hault sçauoir (y) comme Iuslin,
Eusebe, Laclance et Porphyre. Croyez (2), dicl Iustin (D), a la vieille Sybille
Erythrée dont les liures ont esté conseruez par toutte la terre. Mesmes les
oracles des Sybilles en vers grecs (a) ont esté rendus latins et on en a veu (b)
il n'y a pas longtemps qui contenoient en abbregé l'histoire de la Bible (E).
(s) NBD in oppido Rhegio. M in oppidulo Rhodigio. — (/) MDPG Eo (amen erupit amenlia. B
demenlia. N amendée (la phrase reste sans sujet). — (u) MDB jactarent. N venditarent. — (v)
NB ipsi. MDl'G Mi ipsi. — [x] Ml) de se ipsi excilarenl. V ipsis excilarant. B ipsis excila-
rent. — (y) MDNB summum erudiliunis ac sapiendse opinionem. l'G erudidonem. — (2) MD
Ilêt'97|TE, inquil Justinus, crédite. NB Crédite, inquit, etc. — (a) MDPNB versibus grascis
excusa. G excussa (?) — (6) DPGB pervulgare non dubitavit Castalio. N evulgare. M pro-
mulgare.
(A) Innombrables références. Je ne citerai que celles que Bodin semble avoir connues (par
Wier et D.-Mornay) ou a certainement connues (comme la Démon, le prouve). — Sur la fureur
écumanle que cause à la Pythie la possession du dieu-démon, Virgile, En., 6, 46; Lucain, 6, 719;
Plutarq., De orac. Py(hite,b, « a cause du dieu qui parle en elle », dit Amyol; S. Jean Chrysos-
lome, in Epist. lad Cor. Homil. '29, 2 ad finem. Cf. Démon., 2, 3, p. 207 et 3, 6, p. 384. — Que
la Pythie parle en termes ambigus, Tertullien, Apologeticus, 22; Plut., De orac. Pyt/iise, 25
et De orac. defectu, 1; Lucien, Aiexander seu Pseudomands; Heraclite est cité par Plut., De
orac. Pylhise, 5; Basile, Enarratio in octavum caput Esaix, ad finem, dans Omnia S. Basilii
opéra, éd. de 1637, in-fol., t. Il, p. 203 d (Bodin pouvait consulter l'éd., avec traduction latine du
médecin Jean (Jornarius, de Bàle, Froben, 1552, in-fol.). Cf. Démon., 2, 3, p. 206 sq. et 2, 3,
p. 210. — Que les pylhonisses étaient ventriloques, Deut., 18, 11 ; I Rois, 28, 7; IV Rois, 23, 24 ;
Il Paralip., 33, 6; Acl. Apost., 16, 16. Quelquefois aussi les Septante appellent les sorcières
iTiioiloi ou <rrepvop.xvTeiç. Cf. Démon., Préface, p. 38; 2, 3, p. 207 et surtout 212; enfin, 3, 6,
p. 382. Mais la source générale de Bodin dans ce passage est Wier, on va le voir.
(B) Dans son livre Des antiques leçons, 8, 10. — Toute cette dissertation sur les Pylhonisses
est, à travers la Démonomanie, 2, 3, pp. 207-212, copiée de Wier, o. c, 2, 1, pp. 59 b sqq. Wier
déjà nous parle du diable nommé obf, que les Septante appellent èyYaffTpfyiuôo;, c'esl-à dire :
parle-ventre; de la Pythie, aussi ventriloque; de S. Augustin, des Actes des Apôtres, de Tertul-
lien qui ont allégué la chose ; enfin de Cœlius Bhodiginus, dans les termes même dont use Bodin.
(C) In oppidulo Rhodigio de M est autorisé par le surnom Rhodiginus de Cœlius, et par Wier.
(D; Justin le Martyr, Cohortudo ad Grsecos, 38 (Migne, t. 6, col. 310;.
(E) Cf. Démon., 2, 3, éd. de 1604, p. 208. Bodin y montre que les Sibylles étaient démonia-
ques, païennes, et n'ont jamais été reçues de l'Église. « Mais Laclance voyant que les Païens ne
» faisoienl aucun compte de la Bible, s'efforça de faire entendre ce qu'il vouloilpar les prophéties
» sibyllines, forgées peut estre a plaisir, auxquelles les Païens adiouslaienl foy. Et de dire que les
» vers des Sibylles soient ceux qui sont imprimez et tournez du Grec en Latin par Castalion (qui
» comprennent sommairement toute l'histoire de la Bible et rien autre chose), c'est vn abus assez
» notoire : car il n'y a pas vn seul vers de ceux qui sont rapportez des Sibylles en Ciceron, en
» Tile Liue, en Porphyre, Plularque et aux auteurs grecs ». Bodin fait allusion aux Sibyllina
oracula de grseco in latinum conversa, Seb. Caslalione interprète, Basilese, 1546 (cf. Buisson,
0. c, t. II, p. 354). — Sur les Sibylles et l'authenticité des livres qui leur sont attribués, cf. Ellies
Dupin, 0. c, t. I, pp. 70 à 74; et Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l'antiquité,
Paris, 1882, 4 vol. in-8.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 77
Octaue. — Pour moy ie ne double point que loutles les Sybilles nayent esté
tachées dauoir eu commerce & société auec les diables et ieslime que la
preuue conuainquante d'vne superstition impie est de la vouloir appuyer sur
les oracles des Sybilles comme sur de bons fondemens (c). En q.uoy Tertul-
lien (8) me semble auoir failly lourdement quand il a voulu tirer la preuue
de la religion cbrestienne de ce que les diables dans les obsédez rendoient
raison des choses les plus cachées que les Chrestiens leur demandoient en
louant la sagesse & la vertu de I. C et ne respondoient point aux autres pres-
tres des paiens. Par ces mesmes responses des Sybilles il est dict que le nom
de Dieu est de quatre syllabes (A) et, a fin que personne ne creust que ce fust
ce sacré hierogliffique des Hébreux (B), que dans les premières syllabes il ny
auoit que deux lettres, que la dernière [258] esloit de trois et que dans la
totalité du mot il ny auoit que quatre voyelles (d) et cinq consonnes et que le
tout composoit (e) le nombre de 1711. Ce qui adonné subiect a Cardan de
croire que cestoit le mot 'Apuevixdv (C), dont il a esté raillé comme il le meri-
toit parce que le nombre des lettres ne se raporte pas (D), encores que tout le
reste (f) y conuienne. Ceux qui ont esté plus subtils ont estimé que ce nestoit
(8) In Apologetico (E)
(<•) S fulis. MDTEAl'GB fundamentis. — (d, O/'GB.V vjealibus. M vocibus. — [e) MDTEPGli
conficere numerum. N consislere numerum. — (/') MDTEI'G eieteru. .V cseleri (?) B omet la pro-
position lametsi caetera conveniant.
(A) Ellies du Pin, o. c, t. I, p. 72, note i, dit un peu différemment : « II [l'auteur qui a contre-
» fait les livres attribués aux Sibylles] suppose que les lettres du nom de Dieu font le nombre de
» 1697 : ce qui n'est vrai qu'en l'écrivant en grec, & barbaremenl ».
(B) Telragrammaton. Il s'agit du nom sacré (Jéhovah) qui ne s'applique qu'à Dieu, et qui en
hébreu s'écrit : lod, hé, vau, hé (Dom Galmet, Dict. de la Bible, Paris, Emery, 1730, 4 in-fol.,
art. Tétragramme). — Les rabbins tirent l'interdiction de prononcer le nom de Jéhovah de Lévi-
tiq., 24, 1(3, entendu dans un sens rigoriste : Celui qui maudira ^e verbe veut dire aussi : ponc-
tuer, désigner distinctement) le nom de Jéhovah sera puni de mort. El Josèphe, Antiq. judaï-
ques, 2, 12, 4, se croit interdit de transcrire le nom divin. (Vigouroux, Dict. de la Bible, t. 111,
p. 1223 sq.). Cf. Heplapl., éd. Noack, p. 249.
(C) J'ai eu enlre les mains : Hieron. Cardani Mediolanensis Opéra, cura Caroli Sponii, Lug-
duni, Huguelan el Bavaud, 1GG3, 10 vol. in-fol. Mais ni la lecture attentive de tables, qui sont
loin d'être exhaustives, ni, quand je feuilletais les volumes, la chance ne m'ont livré la référence
que je cherchais. Je croirais loulefois qu'elle se trouve ou dans l'Horoscope de Jésus-Christ,
que lisait Bodin (Dém., 1, 5, p. 121), ou dans le De rerutn varielale, qu'il lisait aussi (Démon.,
2, 5, p. 244) ou dans le De sublilitale, où Bodin a sans doute aussi puisé (par ex. : histoire de
l'antre de Trophonius, Cardan, t. III, p. 657 b; ambiguïté des oracles, ibid.).
(D) MD quod numeri litlerarum non congruant, = parce qu'en additionnant les chiffres
signifiés par les lettres grecques, on n'obtient pas un total de 1711.
(E)Terlullien, Apol., 23 (Migne, t. I, col. 413 sq.). — D.-Mornay, o. c, 32, p. 800 sq., apivs
avoir rapporté le passage de Tert., conclut : « Qu'est ce a dire, sinon que Iesus leur commande,
» comme a des esclaues el par ses seruileurs mesmes? » Et il cile d'autres témoignages de
l'empire des chrétiens sur les démons, dans Laclance, Lucien, Zosime. 11 n'y aurait rien d'éton-
nant que Bodin ail puisé encore à cette page.
78 JEAN BODIN
autre chose que le mol yaÔŒtpopo; (!)) composé de quatre sillabes d'autant de
voyelles et de cinq consonnes, les trois premières syllabes de deux et la qua-
trième de trois : et (g) touttes contiennent le nombre prescript : par lequel
oracle est entendu le soleil qui porte la lumière, ou Apollon que le démon
Appollineus (A) a proposé luy mesme aux hommes pour estre adoré comme
Dieu.
Senamy. — Pour moi il me semble que le mot de <I>aô<7cfQûo; qui signifie
Lucifer ou porte lumière conuient fort au créateur de toutte chose (B) qui
seul peut dissiper les ténèbres et le brouillard de l'esprit des hommes.
Cubce. — Cest la finesse des démons de mesler tousiours le mensonge auec
la vérité a fin de tromper plus facilement les idiots et de se faire admirer (/*)
par eux. Cependant ils ne se faisoient entendre que (i) par des bouches en
fureur : vous auez leu que ceux qui dormoient dans l'antre de Lebadius (7)
Trophonius (C) qui est le temple de Mopse (/.) Dieu des songes espouuantez
dans leur sommeil (D) et semblables a des furieux rendoient des oracles (0).
(9) * 500
a = l
= 70
a —
?
200
500
0 = 70
100
70
200
Summa = 1.711
(0) Pausanias in Achaicis (E).
P =
ç
(o) N seul omet et. — (h) MDl'Gli admiralionem nui conciliare N concitare. — [i) MDB
?iixi. N omet, à tort, nisi. — (j) MD Lebadio. NB Lepadio, barbare. — (k) MDI'GB Mopsi fano.
N Mopsitanos, barbare.
(A) Le démon d'Apollon, celui qui a revêtu le nom et la personnalité d'Apollon, c'est-à-dire
Apollon en tant que démon — le xvie siècle en général croit à l'existence des dieux du paganisme,
mais y voit de mauvais anges : là-dessus cf. L. Lalanne, Brantôme, Paris, 1896, p. 138 — Apol-
lon donc, en tant que démon, égare à dessein, par un oracle trompeur, l'adoration des hommes,
due au vrai Dieu & rien qu'à lui, sur le faux dieu Apollon.
(B) Inexact : MD lucis totius creatori.
(C) Il s'agit de la caverne de Trophonius, pris de Lébadée en Béolie : d'où l'épilhèle Lebadius.
Apollon, en mémoire de l'architecte Agamède, frère de Trophonius, qui avait construit son tem-
ple à Delphes, avait accordé au gouffre, où Trophonius s'était englouti, la vertu divinatoire.
(D) MD so»))iiis perterritos, = épouvantés par des songes. Cf. infra.
(E) Pausanias ne parle pas de Trophonius dans ses Achaïca. Mais, IX, 39, 2 à 40, 3, il nous
indique les rites qui accompagnent la descente dans l'antre. Toutefois, Bodin semble, d'après H,
le citer très inexactement : lui nous dit seulement qu'au retour le consultant, frappé de terreur,
semble avoir perdu conscience de son existence comme de celle des assistants et ne se remet
que peu à peu. Cf. Philoslrale, Apollonius de Tyane, 8, 19; Plularque, qui nous conte la des-
cente de Timarque chez Trophonius, Du dsemon de Socrale, 22. Et c'est le récit de Pausanias
qu'on trouve dans d'autres démonographes, par ex. Cardan, De subtilitule, c. 19 De d;emonihus,
t. III, p. 657 b. On mettra Bodin et Pausanias d'accord en traduisant similes furent i bus, ainsi
que la latinité le permet, par : comme frappés d'aliénation mentale.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 7tt
Senamy. — Neantmoins certains Epicuriens (I) autresfois sestants moequé
de cet [259j oracle en présence de Moyse (A) proconsul en Asie, on despesclia
vu paysan a Mopse auec vue lettre fermée qui luy demandoit (/) lequel il
aymoit mieux (m) pour sacrifice ou vue vache blanche (») ou vne noire : ce
paysan sestant (o) endormi dans le temple fut esueillé en sursault (p) par vn
bruit et estant reuenu deuers ces Epicuriens auec sa mesme lettre fermée dict
qiiîl nauoit rien entendu qu'vne voix qui luy crioit (q) aux oreilles incessa-
ment ce mot, noire. Ce quayant apris le Proconsul il condamna les Epicuriens
d'impiété et de la en auant (r) voulut tousiours sacrifier a Mopse. Mais escou-
tons llerrodole (2) qui viuoit du lemps (s) que les Apollons estoient grands
parleurs. Il raconte que les Cnidiens sestans aduisez de creuser ou couper
l'isthme d'Haliearnasse et nen pointant venir a bout (B) ils feurent a loracle (/)
qui leur deffendit de combler ny de creuser l'isthme et que si Iupiter leut
ainsy voulu il en eut fait vue isle : ce quaiants entendu ils quittèrent leur
entreprise. Et la marque que Dieu en a ainsi (u) ordonné est que Demostene,
Demetrius Poliorcetes, Calfgula, Néron, Domitian ayans entrepris de couper
risfhme de Corinthe ils ont tous esté ou tuez ou faicts prisonniers ou leurs
armées defl'aicles (Cj par ce qu'ils auoient mesprisé les oracles diuins & les
ordres de la nature. Dou vient que les Athéniens ayants receu diuerses pertes
a la guerre & se voyans affliger de diuerses maladies populaires eurent pareil-
lement recours a l'oracle d'Apollon [260] qui leur ordonna daugmenter
& doubler son autel (lequel esloit cube) d'vne autre moitié : les ouuriers igno-
(\) Plutarq., in lib. de oculorum defectu (D). — (2) Lib. I, c. 44 (E).
/ MDI'GB in qua nihil aliu l conHnebulur (.Y omet ce mot,) quam illud. — [m) MD mal le t.
SB vellet — (m) MD airain an album, correct : cf. Plutarq. SB alrum an album. — (u) MDB
rus lie us qui (S omet qui) obdormiveral. — (//) MD a somno excitutus. S somno. B a somniis.
— 'q, MD insusitrrantis. SB susurranlis. — (»•) MDPG deinceps. SB deinde. — [s) D\B Hero-
dolum, eu jus adule. M eu jus lempore. — (/) MD Pyllvum. SB Pylhiqin. — [u] MD ita decre-
visse. SB isla decrevi>se.
(A) MD Al cum Epicurœi quidam oracula Mopsi coram Asise proconsule if ridèrent... L'erreur
de 11 : « eu présence de Moyse proconsul en Asie », vient d'un texte fautif, par ex. : Moyse coram
Asix proconsule. l'Iularq ne donne pas le nom du gouverneur.
(B) MU cxmenlis inoculos obsilienlibus, aul lalomis se ipsos vulueranlibus, omis.
(G) Mêmes réflexions dans le Theatr. nalurse, 11, f>, trad. Fougerolles, Lyon, PilIehoLLe, 1397,
in-8, p. 2G5 sq. — On peut hésiler sur les sources de Bodin : Plularque, César, 58; Suétone,
Caligula, 21, et Néron, 1'.». Pausanias, II, 1,5, et Xiphilin, G3, 16, noient en bloc, comme Bodin,
la fin tragique de tous ces imprudents. Mais c'est Pline, H. nat., IV, 5, que VHept. me semble
avoir copié : » Perfodere navigabili alveo anguslias eas tenlavere Demetrius rex, diclator Caesar,
» Caius princeps, Domitius Nero, infauslo (ut omnium paluit) inceplo ». Les principaux person-
nages cités par Pline se retrouvent chez Bodin, dans l'ordre. Il n'est pas jusqu'à Domilien (dont
je ne trouve le nom nulle part ailleurs) que je ne croie Bodin capable d'avoir été chercher, par
légèreté, dans le Domitius de Domitius Sero .'
(D) C. Si). Ni le lalin de VHept., ni le français — qui pourrait être plus instructif — de la Démon ,
1, 4, p. U9, ne permettent de déterminer si Bodin se sert d'une traduction, et de laquelle. Son
récit ne suit celui de Plutarque ni dans les détails, ni dans la composition, ce qui semble prouver
qu'il cite de mémoire, sans avoir de livre sous les yeux. C'est d'ailleurs l'impression que laisse
la majorité de ses citations.
(E) Erreur. Hérodote, I, 174.
80 JEAN BODIN
rans se contentèrent de mettre vn antre cube sur (v) cet autel cube. Mais
comme la peste augmentoit encor dauantnge ils retournèrent a l'oracle qui
leur reprocha que son autel n'estoit pas doublé. Sur quoy on conuocqua (x)
tous les plus habiles géomètres de la Grèce pour doubler ce cube, ce que
Platon après y auoirbien resué aiant entrepris et en estant venu a bout (y) (A),
mais la ville despeuplée de citoiens, la maladie cessa (z). Remarquez ie vous
prie que le Démon (a) grand géomètre auoit faict vne proposition aux Athé-
niens la plus difficile de touttes que personne encores iusques allors nauoit
peu résoudre assauoir de doubler vn cube, ce qui ne se put pas par démons-
tration, ains seulement par vne raison phisique. Car il eus! fallu sur deux
lignes proposées (1) en Irouuer deux autres moyennes proportionnées, ce qui
ne sest peu faire encores (b). Nicolas Cusa (B) la (c) essayé; Orontius (C) sest
vanté (cl) de lauoir trouué et par ce moien dauoir rencontré la quadrature du
cercle (2) creuë impossible (<■). Mais Nonius Portuguais (D) et Buteo Delphi -
nas ont enseigné ce paralogisme (E) et en ont faict la démonstration. Ainsy
Apollon se rendit encores plus fameux quil nauoit iamais esté, mesmes (/')
Platon augmenta sa réputation (Fj de bonne foy en ce que suiuant le conseil
d'vn (g) Egiptien (3) dont il auoit pris quelques leçons il prescha publiquement
que par ceste response Apollon auoit voulu retirer les Athéniens du luxe, de
(1) Id quidem demonstrari potest in quibusdam, nemo tamen adhuc de
omnibus praestitit. — (2) In lib. de circuli quadratura. — (3) Plut, in lib. de
Dœmone Socratis (G).
(v) MDPG superposuerunt. NB supposuerunt. — {x) MDPGB (geometras) arcessere oportuit.
N arcessiri. — (//) MDTEPGB quod tandem l'ialo cum uigffoXâêoiç prœslitissel. N y-.£<roXà6io.
— (2) MD conquierunt (suj. indéfini). N csedes conquievit. B cœdes conquierunt. — [a) MUB
daemona. N daemonem. — (b) B in quibusdam quidem ne tamen adhuc in omnibus praestitit :
lambeaux d'une glose que NMD laissent hors du Lexle.— (c) MDPG Nicolaus Cusa lenlavit. N id
lenlavit. B Chuso. — [d) MDNB jactavit. l'G putavit. — (e) MD TeTpaycovtsf^v penitus
ignolam. NB ignolum (seul correct). — (f) N omet etiam. — (g) MDTEPGB ab Mggptio.
N ab jEgyptiis.
(A) MD u.EToÀâêotç, omis, = par les moyennes proportionnelles.
(B) Le cardinal de Cusa (sur ce personnage, voyez p. 248, note) avait adressé au pape Nicolas V
des recherches, plus lard réfutées par Iiegiomontanus, sur la quadrature du cercle.
(G) Oronce Fine (1494-1555), professeur au collège de France, croyait avoir découvert la qua-
drature du cercle et la duplication du cube. Il en traite dans Quadratura circuli et demonstra-
tiones variœ, Paris, 1544, in-fol.: et dans De rébus malhemalicis hac tenus desideralis libri IV,
Paris, 1556, in-fol.
(D) Pedro Nunnez (Nonius), 1492-1577, précepteur de dom Henri de Portugal, professeur à
l'Université de Coïmbre, a écrit De erralis Orontii Finsei Delphinatis, Goïmbre, 1573, in-fol.,
réimprimé dans ses Opéra, Bâle, 1592, in-fol.
(E) Entendez : ont démontré que c'était un paralogisme. Joannes Buteo (Jean Borel de
Romans, Dauphinois), 1492-1572, juriste et mathématicien, a écrit De quadratura circuli libri
duo, Lyon, 1559, in-8.
(F) La réputation d'Apollon. MD sic Apollo admirabililalem sui multo quant antea excitavit,
quam etiam Plato bona fide auxit.
(G) Ch. 8. Plularque autorise MDB ab /Egyplio; cet Égyptien est un prêtre de Memphis,
nommé Conuphis. — Bodin avait déjà emprunté l'histoire de l'autel cube doublé, Démon., I, 4,
p. 99.
DES SECKETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 81
la lubricité, de lyurongoerie et de lusure pour leur faire aimer le |261]
chemin de la vertu et lestude des lettres.
Tohalbe. — Si les ouuriers eussent pris vne masse d'argille (A) de mesme
poids que celluy de cet autel cube et que cette masse ils y en eussent adiousté
encores autant et meslant le tout ensemble ils eussent composé vn cube de
l*vne & de l'autre masse laffaire estoit faicte sans beaucoup de peine par vne
raison phisique.
Salomon. — Les oracles d'Apollon aussy bien que ceux de Bahal soit quils
soyent vrais ou faux ont esté rendus par les Démons (B) et Ion nen peut doub-
ler pour peu que Ion les examine. Car jamais la Prestresse Pithie [h) ne res-
pondoit que furieuse (C) la bouche escumante le gausier enflé les yeux esga-
rez (i) et souuent (/) par les parties honteuses la bouche fermée et faisant
sortir les parolles du fond de l'estomach. Et les relations modernes nous
apprennent que les prestresses (D) indiennes (k) estoient telles (/) auant l'arri-
uée des Espagnols en ces pays la lorsquils y ontaboly le culte des démons les
sortilèges et les sacrifices de victimes humaines. Mais les oracles diuins
estoient donnez seulement aux Prophètes par vn présent céleste (m)(E) comme
la loy de Dieu (6) nous lapprend et estoient rendus un non pas dun esprit
(6) Numer., c. 12 (F).
(h) MDPG Pyfhius (faule). NB Pythia sacerdos. — (i) MDPG oculis lurvum luenlibus. NB
inluentibus. — (j) NBM ssepius. D saepe. — (k) MDTEG sacerdote* indicas. NBP indicos. —
[l) MDPG quo eliam in statu (fuisse legimus). NB suppriment in. — [m) MDPG concessu uc
minière dei. NB concessa minière dei (oracula). — (n) MDPG quœ (N et) a prophetis reddeban-
tur. B supprime a.
(A) Inexact. MD cubicam argillse massam.
(B) Tous les dieux des nations sont des démons, déclare Origène dans ce Contra Celsum, 3, 2
(Migne, t. I, col. 923), que Bodin a tant lu. Mais c'est là une conviction fréquente au xvie siècle :
cf. p. 258 noie.
(C) Sur la fureur des Sibylles, cf. Contra Cels., 7, 3 (Migne, t. I, col. 1423). Mais l'important
ici, c'est le discernement que l'ail Bodin des enchanteurs aux prophètes. Cl. Démon., 1. 4, p. 100 :
« Ceux qui sont inspirez des Démons sont alors les plus furieux & insensez, et ceux qui sont
» inspirez de Dieu sont alors plus sages que iamais ».
(D) MDB spécifient qu'il s'agit de prêtresses, sacerdotes indicas. Mais ou il faut lire indicos,
ou Bodin, suivant l'idée d'une comparaison avec la Pythie, a encore cité par à peu près. Lopez
de Gomara, Histoire générale des Indes occidentales, Irad. Martin Fumée, Paris, M. Sonnius,
1587, in-8,p. 37, nous parle de devineurs, ou « preslres du diable », ou « Bohilis », qui s'enivrent
d'une herbe nommée Cohoba el dans leur furie prophétisent. Or, Bodin connaissait bien Gomara
qu'il cite par ex. Rép., VI, 6, p. 721 et V, 1 , p. 487. Je trouve ailleurs dans Bodin : « Et pour estre
» plus fort rauis, ils [ces prestres Indois] fermoienl les yeux, les autres s'aueugloient, sacrifians
» les hommes el toutes sortes d'animaux a leurs idoles », Dém., 1, 3, p. 79. Ces détails, el toute
la page qui les enchâsse, viennent de Gomara, 5, 14, p. 323. Montaigne (cf. Villey, Les livres
d'histoire moderne utilisés par Montaigne, pp. 76 sqq.) emprunte précisément les mêmes
détails, des prêtres qui s'aveuglent « pour accointer leurs démons et prendre les oracles » (Essais,
I, 23, éd. Jouaust, t. I, p. 157), à la même page de Gomara. Mais, la Démon, étant de 1580, c'est
donc à Gomara lui-même que Bodin a puisé.
(E) Cf. Démon., 1, 3, p. 83 : « Iamblique conclud que la prophétie nest point naturelle, ains
» que c'est le plus grand don de Dieu ». "O t Q (p *4~/f-}
(F) Num., 12, 6 : « S'il y a quelque prophète du Seigneur parmy vous, ie me montreray a luy
» par vision ou parleray a luy en songe ».
Chauviré 6
82 JEAN BOPIN
furieux mais d'vne ame tranquille et ferme : & cependant Dieu ne sest iamais
rendu visible a aucun mortel (7) fors a JVloyse (A) : quand aux autres Pro-
phètes ils ne lont iamais veu qu'en songe ou en dormant ou par visions (o)
nocturnes, dont Moyse Rambam (8) a faict dix espèces (B). Ce don toutlesfois
de prophétie [262] pour toutte la vie na esté donné qu'a fort peu, comme a
Samuel, a Osée (p) (C), Helie, Helisée et a Iesaye. Car tout autant de fois que
Ion trouue dans l'escriture saincte que Dieu ou lange de Dieu (q) a parlé, cest
a dire vn aduertissement prophétique arriué en dormant par songe (r) ou par
vision (9) par exemple les visions d'Abraham et les colloques de Dieu auec luy
&auec tous les autres excepté Moyse (D). Ceux qui ne comprennent (s) pas ce
mistere tombent dans vne infinité derreurs. Quelquesfois neantmoins on est
aduerty en veillant de ce quon a a faire (l) (1), mais cest par des sentimens
intérieurs par le ministère de lange gardien. Et en dormant on entend souuent
(par la permission de Dieuj [u) des vois, ou des bourdonnemens daureilles, ou
bien on est espouvanté. A quoy se raporte ce qu'Helisée (v) (E) disoit a lob
pour linstruire : Dieu (2), dict-il, ne parle iamais qu'vne fois ou deux en
songe (x) ou visions (y) nocturnes quand on est dans le plus profond som-
meil : si lhomme ny prend pas garde alors il bourdonne a laureille des hom-
mes pour leur faire entendre sa volonté et leur imprimer sa doctrine (s) comme
auec vn cachet (a) a fin de corriger l'iniquité (b) des faibles (F) et lorgueil des
(7) Num., c. 12 (G). — (8j In libro More neuochim (H). — (9) Moses Ramban
in libro eodem. — (I) Vt lib. 3 Kegum, c. 18 et lib. 1, c. 16 (I). — (2) lob,
c. 33 (J).
(o) MDPG visis. SB visionibus. — (pj MD Ahise. SB omeltent ce mot. B omet Helisœo. —
(q) MDB Dei. S Domini. — (r) MDB in somnio. S in somno. — (<) MPGSB percipiunl animo.
D prœcifiunt. — (/) MD quid facto. SB quid factu sit opus. — (u) MD uoces divinitus (SB
divins) e.ruttdiunlur. — \v) MFJ'PGB Elihn Jobum inslrttentis. S Jubi (?). — (x) SBDPG in
somniis. M in somnis. — [y) MD in viso. SB visu. — (z) MD ac [l'G uni) doctrinam. SB ac diui-
nam vocetn (?,. — (a) MDl'G velut impresso siyillo. SB ex/iresso. — (b) MDATEHG pravilalem.
SB probitalem (?).
(A) MD lex divina aperte déclarât, omis.
(B) On trouvera ces dix espèces ou ■< degrés » de la prophétie dans la Démon., 1, 4, pp. 96-98.
(G) Il s'agit d'Ahias, Dém., 1, 4, p. 99, qui prophétise qu'Israël va se scinder, les dix liguées
d'un côté et Juda de l'autre, III Rois, 11, 30 sqq. — H écrit Osée : la confusion s'explique :
paléographiquemenl, par la l'orme ancieune de l'h, assez proche de l's; et autrement, par la noto-
riété d'Osée.
(D) « Et au dernier chapitre du Deuteronome [Deut., 34, 10], il est dit qu'il n'y eut iamais pro-
» phele semblahle a Moyse, qui cogneut Dieu face a face ». Démon., 1, 4, p. 94.
(E) MD Elihu, est confirmé par le livre de Job. L'erreur de R s'explique comme supra, pour
Ahias-Osée.
(F) MD tenuibus provitatem est seul conforme au bon sens. Quelle apparence que Dieu veuille
enlever aux pauvres la vertu d'honneur (NB probilatem)1
(G) Num., 12, 6-8. « S'il y a quelque prophète entre vous ie luy apparoistray par vision, et par-
» leray a luy par songe ; mais quant a Moyse mon esclaue fidelle, et loyal entre tous, il n'en sera
» pas ainsi, car ie parleray a luy face a face ».
(H) Cf. p. 251 note.
(I) « Le Seigneur adressa la parole a Elie », 111 Bois, 18, 1. — « Enfin le Seigneur dit a
Samuel », I Rois, 16, 1.
(J) Job, 3?, 14 à 17.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES -I BLIMES 83
puissans. Conformément a lesaye .'< . Dieu, dict il, a la pointe du iour a
frappé a mon aureille pour se faire entendre, il la ouuerte & ie me suis mons-
tre obéissant. Mais personne ne songe a ce bourdonnement daureille que lors-
que la chose est arriuée [cj. Et quand aux Prophètes de nostre nation (d) ils
ont produit des choses admirables et en quantité pendant plusieurs siè-
cles [263] (A) comme sousleuemens des peuples, ruines e) de villes, boul-
leuersemens de royaumes & massacres de Princes lesquelles prédictions après
plusieurs années (f) (B) se sont trouuées véritables es temps quelles auoient
esté marquées. Cest donc [g) de la voix de ces prophètes ou de leurs escripts
qu'il fault demander des oracles et dans leurs seuls tesmoignages rechercher
la véritable [h) religion (C).
Gcrce. — Il est vray qu'il fault rechercher les premiers Prophètes depuis
Abraham et les Israélites : et neantmoins tous nestoient pas (i) Israélites, car
Bileham estoit Caldeen (4) & a obtenu de Dieu le don (j) de prophétie et deux
mil ans (k) auant que de tels malheurs arriuassent a prédit (/: d'admirables
(3) C. 50 (D). — (4) Numer., c. 23 (E).
(c) MUPG nemo nisi rêvera experlus inlelliget. SI! nisi expertus inlelligit. — [d) MDPG
nostrœ geulis. NB noslris. — (e) DNB excidia lirais. M exodia ('?). — (/) Ml'GB multis {Nlanlis)
posl œlatibus (U poslestalibus, barbare). — [g) MD ab his igîlnr [vocibus]. NB ab Us ergo. —
[h) MON veru reliyionis lestUiionia, PUB verse. — (i) MUB nec lamen o-i nés se. arcessere
oporlel . N indûment ajoute videmus. — (j) MON hausisse. BPG habuisse. — (k) MDB daobus
annorum millibus. N duo millia annos, solécisme. — (Z) MDTËPG prie ce pisse animo. NB per-
cepisse.
(A) MD Prophetis quidem nostrœ genlis vaticlnia admirabilia per multa saecula prodita
fuere, = pendant de longs siècles les prophéties de nos prophètes se sont réalisées avec une
constance étonnante.
(B) M multis post setalibus, — après bien des générations écoulées.
(C) Assommé par ce déluge d'érudition sur la valeur comparative des oracles, Guhrauer résume
d'un mot l'immense développement qui commence p. 255: « Quand nous aurons parcouru louL
» ce qu'on a dit et écrit sur les oracles, nous conclurons que seuls sont à croire ceux des pro-
» phèles ». 0. c, p. 55. Mais : 1° en omettant ces pages, il semble qu'on manquerait à présenter
une face pittoresque de la pensée de Bodin, parfois si hautement philosophique, parfois impré-
gnée de superstitions bizarres, et qu'ainsi ces extraits de YHept. auraient quelque chose d'incomplet;
2° j'ai montré plus haut, p. 252 note, que les chrétiens des premiers siècles, puis les hommes de
la Renaissance avaient accordé une grande attention à celte question. La querelle, sur ce point,
entre l'esprit critique et l'orthodoxie, continue après eux. L'anabaptiste Van Dale, antiquaire &
médecin, dans ses De oraculis veterum ethnicorum dissert aLiones duse, Amsterdam, 1683, in-8
et 1700, in-4°, prouve que les oracles des païens ont eu pour cause non le démon, mais la super-
cherie des prêtres; Fonlenelle, dans sa fameuse Histoire des oracles, vulgarise cette thèse et
cherche en outre à prouver que les oracles n'ont pas cessé à la venue de J.-C. De son côté, le
jésuite J.-Fr. Ballhus, de Metz (1667-1704), dans sa Réponse à l'histoire des oracles de Fonte-
nelle, Strasbourg, 1707 et 1709, contredit l'une et l'autre assertion, et attribue au diable au moins
une partie des oracles païens.
(D) Isaïe, 50, 5. — Cf. Démon , 1, 4, p. 105 : « Aussi lisons nous en lob que Dieu ayant pitié
» des hommes les aduerlit en songe et leur tire l'oreille ». {Job, 33, 15 sq.).
^E) .Vu?n.,23,7 : « Balaac roy des Moabites m'a faict venir d'Aram, des montagnes de l'Orient ».
— Cf. ibid.i 22, 5.
84 JEAN B0DIN
changemens dans le monde (À). lob (5), pareillement Elihu (6) (m) et Eliplias (7)
quoiqu'Arabes auant la publication de la loy (B) ont esté des prophètes 1res
renommez.
[Senamy remarquant que les songes divinatoires se rencontrent également
chez les profanes, Pisistrate, Caracalla, Salomon répond que la plupart du
temps nos songes sont trompeurs; puis il indique un critérium pour connaître
les songes trompeurs des véridiques, auxquels on peut communément donner
le nom de divination].
L264] Mais la prophétie est appellée singulièrement (a) (G) vne force diuine
accordée par vne grâce particulière pour sçauoir et prédire ce qui doibt
arriuer : laquelle faculté n'a pas seulement esté accordée aux anciens, mais
aussy souuent a plusieurs de nostre temps. Et quoy que nous voyons dans
les commentaires des Iuifs (D) qu'après estre retournez de leur exil les pro-
phéties ont cessé, ce n'est pas a dire pour cella que depuis ils n'ayent pas esté
fauorisez de quelques [265] songes diuins (E), mais pour nous apprendre
seulement que la voix de Dieu a cessé de se faire entendre par la bouche des
prophètes qui annoncoient (b) aux princes & au peuple sa volonté & (c) ses
(5) lob, cap. vltimo (F). — (6) lob, c. 33 (G) — (7) lob, c. 4 (H).
(m) MDPG Jobum, JSlihum, Eli;>ham. S Jobum, Hélium, Helisam (faiilif). B Jobum, eliam
Helisam (fautif). — {a) MDATEN Leyser (somnin vera) qux in universum communi quaclam
appellalione [vaticinia dici possunl. Prophelia vero singulari quadam appellalione] dicilur
divina vis. PGB omettent les mots entre crochets. — {b) MDI'GB denunciarenlur. N annun-
ciarentur. — (c) MDPG legesve. NB legesque.
(A) MD prœcepisse est exigé aussi par le sens. Allusion à N'um., 24, où Balaam prédit jusqu'à
la conquête de la Judée par les Romains, et (aux yeux des chrétiens) jusqu'à la venue du Christ :
« Vne esloile sortira de Iacob », etc.
(B) « On y trouve [dans le livre de Job] une infinité de termes arabes et syriaques ». Ellies du
Pin, o. c, Dissert, prélimin., p. 38, note u. — « On croit communément que Job a été avant
» Moïse ou du moins de son temps, parce qu'il n'y est point parlé de la Loi écrite », Ibid., p. 12.
(C) Le texte de MD est seul intelligible. Salomon vient de dire qu'en langage commun, com-
muni quadam appellalione, on appelle divination, vaticinia, les songes véridiques. Mais,
ajoute-t-il, la prophétie proprement dite, singulari quadam appellalione, se définit une impul-
sion divine, etc. — L'erreur de PGB s'explique par le voisinage des deux quadam appellatione.
(D) Josèphe, Antiquités judaïques, 3, 9. — « Et mesmes nous lisons i's docteurs Hehrieux
» [ftabbi Iosué ben Leui], que iaçoil que l'oracle de Urimel Thummim cessast après le retour de
» Babylone, si est ce que lousiours on oyoit quelque voix diuine ». Démon., 1, 4, p. 106.
(E) Somnia divina. Celte expression est éclaircie par la lecture de Dém., 1, 4, tout entier :
« De la prophétie et autres moyens diuins pour sçauoir les choses occultes ». Il y a trois moyens
divins : la prophétie, les songes d'origine céleste, l'ordalie par Urim & Thummim. On peut
connaître l'avenir par d'autres moyens, mais qui sont diaboliques et magiques.
(F) Job, 42, 5 : « Maintenant mon œil le voit ». Cf. versets 7, 8 et 12.
(G) Job, 32, 8, où Elihu revendique pour lui l'inspiration du Tout-Puissant. Elihu indique bien,
Job, 33, 15-16, les conditions ordinaires de la prophétie, mais d'une façon générale et sans indi-
quer qu'elles soient réalisées pour lui.
(H) Job, 4, 12 à 16 : « Or la parolle secrelte m'a esté dicte, elc... Et quand l'esprit passoit en
» ma présence, les poils de ma chair en ont eu horreur ».
DES SECRETS CACTIEZ DES CHOSES SURLIMES 85
loix. Et nous en auons encore pnrmy nous (A) qui pour leur conseruation ou
de leur prochain reçoiuent en songe (d) des commandemens de la part de
Dieu ou pour euiter les ambuches de leurs ennemis ou pour se corriger de
leurs vices ou pour les diuertir de leur impieté & superstition en les rame-
nant dans la véritable religion et (e) pour estre esclaircis es choses douhteuses.
Et certainement les songes & visions nocturnes ont plus deffîcace que tout ce
que Ion peut faire estant esueillé. Comme lorsque Abraham croioit if) en
dormant (B) intercéder pour les villes de Sodome & de Gomorre et parler a
Dieu familiairement, cette prière neut pas moins de force et peut estre (C)
encores plus (g) que s'il leust faicte en veillant. Et Salomon qui simagina (2)
en dormant (/*) qu'il demandoit a Dieu le don de sagesse, cette prière en
songe [i) opéra elle pas iusques la que Dieu luy respondit (D) que ses vœux
auoifuit esté exaucez, el, en effet de la en auant fut doiié de tant de lumières
qu'aucun autre ny auparauant ny depuis na iamais acquis tant de connois-
sances.
Eederich. — S'il fault se raporter (/') aux songes pour y fonder nostre reli-
gion et le chemin de nostre salut, tout est perdu, puisque S. Paul (3) vous
aduertit de vous deffendre soigneusement des faulx prophètes et que si vn
ange descendoit du ciel en terre (A) pour vous enseigner vne autre doctrine
que la sienne (7), il ne fauldroit pas l'escouler : par (m) quoy il donne assez a
entendre qu'il ne fault point escouter les nouueaux prophètes les Apollons ny
les oracles sur le faict de [266] la meilleure religion, puisqu'il monstre clai-
rement que cest celle des chrestiens (n).
(2) Lib. I Regum, c. 3 (E). — (3) Ad Galat., 1 (F).
(d) MDTPSB in somniis. G in somnis. — (e) M"PGB ac. N sive. — [f\ DPGSB (cum Abra-
hamus) viderelur. M viderentnr, inadverlance. — [g] MD haud scio an efficacior. SB nescio an
non elficacior. — lh) MDSB in somniis. PG in somnis. — (i) DPGSB in somjiiis. M in som?iis,
négligence. — [j) MDPG revocemus. SB revocaremus. — (k) MDPGB in terras. S in lerram. —
l] MDBS quam quee. ah eo (PG ab ipso) tradita sunl. — [m] MDPG E.r qno salis innuit,
{li In quo. S Qno. — 'n) MDPGB cum nper/e doceat. esse chrislianam (se. religionem). S esse
christianum (?).
(A) Voyez dans la Démon.. 1, 2, pp. 70-75, l'histoire d'un gentilhomme que Bodin connaît par-
licnlii remenl el refuse d'ailleurs de nommer, lequel a un démon familier qui l'avertit en songe
et le préserve des embûches, du péché, de l'hérésie; à l'opposé, l'histoire d'un Angevin, égale-
ment bien connu de Bodin, en proie à un esprit malin, Démon., 2, 3, p. 216. — Nombreux sont,
au xvie siècle, les personnages qui passent pour avoir leur démon familier. Cf. L. Lalanne, o. c,
p. 13'J sq.
(B) Le texte dit : « Le Seigneur derechef s'apparut a luy [Abraham] en la plaine de Mambré, et
» iceluy esloit assis a l'entrée de son pauillon en la chaleur du iour ». Genèse, 18, 1. Bien n'in-
dique qu'Abraham dormîl. Mais les théologiens hébreux estiment que celte apparition du Sei-
gneur, venant lui annoncer la ruine de Sodome & Gomorrhe, fut un songe qu'Abraham eut en
sommeillant. Dém , 1, 4, p. 98.
(G) MD haud scio an efficacior est seul correct, = je ne sais si sa prière ne fut pas plus
écoulée. Haud scio an suffit à signifier : je ne sais si... ne... pas. peut-être el probablement.
Faute d'avoir connu ce sens, NB se sont cru obligés d'insérer un non fautif devant efficacior.
(D) Omission. MD eodem somnio.
(E) Erreur : III Rois, '6, 5-12 : <■ El le Seigneur s'apparut a Salomon de nuict par songe », etc.
(F) « Or si nous mesmes ou vn ange du ciel vous euangelise aulrement que nous ne vous auons
» euangelisés, qu'il soit maudicl ». Ad Gai., I, 8.
86 JEAN BODIN
Senamy. — Parce que les Iuifs rejettent non seulement S. Paul mais tout le
contenu du nouueau Testament et les Mahometans tous les escripts des chres-
tiens (o), il nous fault seruir et rechercher d'autres tesmoignages (p), & pour
moy ie ne connois rien de plus accommodant que de veoir laquelle des reli-
gions est la plus ancienne car cest vn grand preiugé que cella est la
meilleure (A).
Tohalbe. — Si par lancieneté nous voulons décider de la bonté & de la
vérité de la religion, il nous fault remonter (q) iusques au premier Père du
genre humain pour la trouuer. Car il est a croire que Dieu lui a communi-
qué (r) par priuilege spécial la meilleure religion (s), les meilleures mœurs (/),
la meilleure conduicte, la meilleure science et finallement touttes les plus
parfaictes vertus de lame, puisque (w) cest de Dieu qu'il a appris le sainct
langage pour s'exprimer (B) et la conoissance pour donner vn nom a tous
les autres animaux et créatures, chacun selon leurs natures, leurs facultez et
leurs puissances (C), car il neust pas peu parler ny connoistre touttes ces
choses de soy mesme (v) lesquelles il ne pouuoit apprendre f.r) que par vn si
bon maistre et son créateur tout ensemble (4). Ce premier homme (et personne
(4) Philo in allegoriis (D).
(o) MDPGB Chrisli'tnorum scripta. S chrislia.ua. — {p) MDI'G ulendum nobis est. NB
nobis utendum est. — (q) MDI'G origo repetenda. \B pe/enda. — (r) MDPGB {hune) a.
Deo subornutum fuisse oporlel. N a Deo exornalum nportel. — (s) NB orne lient optima reli-
gio'ie. — (t) B omet opt'nnis moribus — (m) MDPGN enim. B etiam. — (v) MDPGN neque
enim per sese eloqui jioluisset, aut omnium animanlinm fquibu.t ex insitn cuique vi et poles-
tate nomina indidisse dicilnr) uaturai nisi ab optimo parente ac maqistro eruditus, etc. B
neque eliam per sese eloquium (quo animi sensu patefacerel) nisi a Deo tanguant optimo
parente, etc. — (x) MON hausisset. PGB habuisset.
(A) Nous avions déjà senti, supra, p 236 sq., quel poids Bodin donne à la tradition, à l'anti-
quité, quand Senamy se demandait s'il y avait intérêt à changer une religion moins bonne, mais
invétérée dans l'âme du peuple, pour une meilleure, mais neuve. Et à ce propos, j'avais cité
quelques textes de la Rép. où Bodin applique ce raisonnement à la politique. En voici un autre
plus caractéristique encore : « La reuerence de l'antiquité est si grande, qu'elle donne assez de
» force a la loy pour se faire obeïr de soy mesme sans magistrats ». Rép., IV, 3, p. 400. Et la
principale preuve de l'excellence de la monarchie française, c'est sa haute et majestueuse anti-
quité. Ibid., VI, 5, pp. (385-688. Cf. mou lean Bodin, IV, 3, 3 ad finem.
(B) Pour s'exprimer semble bien la traduction de quo animi sensa patefacerel, qui esl dans B
seul.
(C) Cette idée que la langue hébraïque, d'origine divine, définit excellemment êtres et choses
par les noms seuls qu'elle leur donne, est familière à Bodin : cf. Heptapl., V, p. 389; Theatr.
naturse, III, 16, p. 606; Démon., I, 5, p. 122. On en verra les sources infra.
(D) J'ai eu en mains : Philonis Iudaei Opéra exegetica, Turnebo et Haeschelio interprelibus,
Coloniae Allobrogum, P. de la Rouiere, 1612, in-l'ol., graeceet latine; et Philon le lui f, OEuures,
translatées. . par Pierre Bellier, augmentées par Frédéric Morel, Paris, Cl. Chappelain, 1612. —
La référence des Allégories semble erronée. Le passage imité me paraît le suivant : <• Au reste
» Dieu luy donna vne belle commission de donner les noms aux choses, lequel acte sent son Roy
» el sage homme... Il est dit doneques que Dieu amena loules les bestes a l'homme a fin qu'il
>. vist comment il les appellerait. .. Par ce moyen il le vouloit esprouuer comme faict le maistre
» l'escholier qu'il cognoist, resueillant le naturel d'iceluy el le prouoquant a la contemplation de
» ses œuures a fin qu'il leur donnast des noms propres et conuenables, representans naïfuemenl
» les proprielez des choses : car estant encores la nature raisonnable toute pure & nette dedans
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SURLIMES 87
n'en doubte; a instruict et esleué ses enfans qui luy feurent très chers dans
louttes sortes de vertus et principalement dans la vraye religion assauoir
dadorer vn Dieu seul éternel et de luy faire sacrifice de prières, de fruicts et
d'animaux que l'on faisoit consommer [y) par le feu (A) : le manger des
viandes nàyant ^267] point esté en vsage auant le déluge (z) (5).
[Salomon montre alors, par un long développement historique connexe à
cette assertion de Toralba, que la religion juive est la plus ancienne, et par-
tant la meilleure. La religion d'Adam s'est perpétuée en sa pureté, de généra-
tion en génération, jusqu'à ce que les descendants d'Abraham se soient laissé
séduire à l'idolâtrie des Égyptiens. C'est alors que Dieu, se souvenant de
l'alliance qu'il avait faite avec Abraham, a envoyé Moïse et sa loi écrite aux
hommes pour renouveler en leurs cœurs le souvenir perdu de la loi naturelle.
On voit donc ce qu'est la religion hébraïque aux yeux de Salomon-Bodin : un
simple rappel, une reproduction de la religion naturelle et universelle, 267-269].
[270i Toralbk. — Donc il est certain que la meilleure et la plus ancienne
religion a esté par la bonté de Dieu inspirée aux hommes auec iuste raison (B),
(o) Zonaras, lib. 1 (C). —
y MDB sacrificio consumerentur. N sacrificiis. l'G absumerentur. — (z) MSB colluviones.
DPG eluviones.
» l'ame, el n'estant aucunement troublée d'infirmité ou maladie ou passion, et consequemment
» ayant certaines cognoissances de la nature des corps et des choses, elle trouuoit des noms tous
•> propres elles appliquoil fort bien a propos aux choses designées el signifiées, de sorte qu'incon-
» tinent qu'ils esloienl prononcez, les natures el proprietez esloient entendues el cogneuës ». De la
création du monte, trad. Bellier, p. 61-62. (Je suis d'autant plus fondé à croire que VHept.
copie ici le Iraité De la création du monde, que le début du couplet, où Toralbe avance que
Dieu avait doué Adam de toules les vertus, est inspiré du même Irailé, ibid., p. 55 à 63, passim).
Quant à celle idée que l'hébreu esl la langue divine, primitive, parfaite, Bodin la rencontrait
dans maint auteur à lui familier. S. Augustin émet celte pensée, toute voisine, que l'hébreu était,
au commencement, la langue universelle de toute l'humanité, De civ. Dei, 16, 11. Proche aussi
esl celte conviclion de Jamblique et des thaumaturges néo-platoniciens qu'en goétie seuls les
noms hébraïques de Dieu ont sur lui un pouvoir évocateur. El de Jamblique, celle conviction
avait passé : 1° dans tous les auteurs qui s'élaienL occupés de cabale : Jean Pic en ses Positions
magiques, Reuchlin en son De arte cabalistica. Corneille Agrippa, tous assidûment lus par
Bodin: 2° dans les pratiques courantes de la magie. Cf. Démon., 2, 1, pp. 180-181.
(A) Genèse, 4, 3 sq.
(B) Faux sens cerLain. MD optimum atque antiquissimam omnium religionem ab œterno
Deo cum recta ratione mentibus humanis insitam, = la meilleure et la plus ancienne religion
c.-à-d. la Juive) est, par le bienfait de Dieu, déposée, innée dans l'âme humaine en même temps
que la droite raison. B mil dem rechten Vernunfl eingepflanzt. — C'est toujours, sous une forme
à peine différente, l'idée que raison ou loi naturelle, d'une part, religion ou loi hébraïque, de
l'antre, coïncident.
(C) Nombreuses éditions. J'ai vu : Chroniques ou Annales de lean Zonare, trad. par 1. Millet
de S. Amour, Lyon, Macé-Bonhomme, 1560, in-fol. ; les Histoires el chroniques du monde de
Ion Zonaras, trad. par lan de Maumont, Paris, Vascosan, 1561, in-fol.; une aulre trad. (en
latin, par Jean Aymin, Paris, Chaudière, 1567, in-fol. J'y lis : « Deus autem se non amplius
» talem cladem terrae immissurum dixit [se. à Noé sorlant de l'arche après le déluge] et vesci
» iussit animanlibus ». L. I, 4. Donc auparavant l'homme n'élait pas Carnivore.
88 JEAN BOMN
laquelle ne leur propose que luy seul (a) pour estre adoré. Puisque nous auons
monstre ey dessus que ce Dieu extrêmement espuré de toutte crasse corpo-
relle est créateur et conseruateur de touttes choses, lequel estant tout bon (b)
& tout grand (A), le culte souuerain aussi nest deub qua lui (c) seul : et que
le rendre aux autres diuinitez qui sont ses créatures ou (d) de les mesler
ensemble (B), cest ce que personne ne peut faire sans estre coulpable de la
dernière impieté. Quiconque donc aura vescu de sorte quil se sera attaché
inuiolablement au seul culte de Dieu selon (C) les loix de la nature, ie ne
doubte point quil nait la mesme béatitude dont iouïssent maintenant Abel,
Henoch, Noe (e), Sem, Abraham, lob (D) et (f) tous les autres que Dieu par
son tesmoignage sacré a reconneu très saincts et luy (g) estre très aggreables.
Et Platon na iamais rien dict de plus véritable assauoir que les premiers Pères
du genre humain auoient dautant plus de probité que leurs descendans que
plus ils approchoient de la pureté (E) des Dieux (h), desquels (F) les marques
des premiers siècles dor (?) sescouloient (j) iusqu'a leur postorilé. Et Simpli-
cius(G)mesmement autant cnnemy des Chrestiens que des Iuifs dict que lame
la plus accomplie en toutte perfection est celle qui ne regarde que Dieu (k) et
(a) MDPG et quidem (SB ac) soluin homini colendum. — (b) MDPGN oplimus maximus. B
omnium maximus. — (c) MDl'G illi. NB ei. — (d) DNB mit. M ac (conjungere). — (e) MPG
Noha. D Nohamus. NB Noak. — \f) MDPGN caeteri. B cmterique. — (g) MPGBN sibi (D sic [?])
gratissimos. — (/<) MDN ici est : oi roxXatot xai xpëfrroveç ^y-wv xat (B supprime xal)
ÈyyijTepO'. ôeàiv oÎ/.ouvtî;. — (i) MDTEPG ad posteras aurei (NB ad poslerorum aures [?])
vesligia prisca sœculi. — (/) MDN dimunarunl. B demanarunt. — (k) MDPG Deum. MB
dominum.
(A) Oplimus maximus, ce sonl les épilhèles que portent le Jupiter antique, dieu suprême, et
qui peuvent faire croire que, par lui et sous son nom, les anciens ont reconnu le principe du
monothéisme. Cf. Gic, De natura Deorum, 2, 28 et 31; D. Mornay, o. c, p. 58; et Hept.,
p. 224 sq.
(B) Inexact. MD cxlera numina, qux ab eo creata sunt, honoris cullu illi anleferre aut
conjungere = lui joindre ou lui préférer dans l'adoration d'autres prétendus dieux, ses créa-
tures.
(C) Inexact. MD purum Dei cultum et natures leges. R n'entend point cette idée si intéres-
sante de l'identité de la loi naturelle avec le culte du vrai Dieu.
(D) Salomon vient d'énumérer, supra, p. 268 sq., les faveurs par où Dieu a montré sa faveur
à ces sainls hommes : l'assomption de Hénoch, Noé avec les siens épargnés pendant le déluge, elc.
Voici les principales références : Abel, Genèse, 4, 4; Hénoch, Genèse, 5, 22-24; Noé, Gen., 8, 9;
Sem, Gen., 9, 26; Abraham, Gen., 12, 2 sq. ; et sur les quatre derniers, Sirach, 44, 16-20; Job,
Job, 42, 7, elc. — Cet argument de la sainteté des hommes antérieurs à Moïse, qui ont pratiqué
la religion naturelle, est un des plus chers à Bodin ; il le répète à satiété dans ïllept. Source :
Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon, 27. Justin, lui, comme bien on pense, le tournait k
l'avantage du christianisme.
(E) Entendez que les premiers hommes, en contact plus étroit avec les dieux, étaient meilleurs
que nous, & que leur excellence diminue avec les générations. C'est le progeniem viliosiorem
d'Horace et de tous les poètes anciens. Quant au texte de Platon, Bodin le cite un peu inexacte-
ment, peut-être de mémoire. Le voici : Kal oi [j.kw 7rxAauoi', xpeforoveç Tjawv xcà iyyurépiù
Osàiv oÎxcuvteç. Philèbe, 6 (H. Eslienne, t. 2, p. 16 c d.).
(P) Desquels représente nos premiers pères.
(G) Commentaires sur diverses œuvres d'Arislole, etc., édités au xvie ^siècle. Voici le texte :
Ilaaa ■/] ttj; av0po)7u'v7); 'lu/r^z TSÀstdnrj; Et; T7]v Tzph; 6sàv S7:'.<7rpocpYjv xal t^v aùxoù
<7ÔvTa;;v a-jtoxopucpouTOu, Comment, sur Epictète, 53. Toute la perfection de l'âme humaine
[s'aiguise =] arrive à son point le plus haut quand elle se tourne vers Dieu et se range à son côté.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SIBLIMES 80
(/) adiouste vn peu [2711 après f A) : tant que lame de lhomme tiendra (m) par
de fortes racines a son autheur elle pourra aysement se conseruer saine et
entière dans la pureté on elle (n) a esté créée : mais h) en estant arrachée
elle se corrompra & de&seichera iusques a ce qu'elle retourne a l'autheur de
de son estre (p).
Senamy. — Si celte bonne & ancienne religion naturelle la plus simple de
toultes est suffisante pour la vie heureuse, quest il besoin de tant de sacrifices,
de cérémonies, de coustumes que la loy de Moyse commande (B)? Car a ce
que nous voyons Ion ny sacrifie pas seulement des animaux, mais des victimes
humaines, puisque lephté (q), roy des Israélites, immola sa fille vnique (r)
presque dans le mesme temps qu'Agamemnon en fit autant d'Iphigenie la
sienne.
Salomon. — 11 semble qu'Abel ayt le premier appris par la nature a sacri-
fier des bestes et les autres après luy, mais les victimes humaines par vne
coustume très abominable ont esté en vsage pariny presque (s) tous les peu-
ples de la terre, assauoir Caldeens, Persans, Amorrheens. Grecs, Italiens,
Gaulois, Pceniens et Indiens (G). Toultesfois lephté i/) nimmola pas sa fille
comme presque tout le monde la estimé, mais il la bannit de sa présence pour
(l) MDNB idem. PG igilur (confusion avec un igilur Subséquent). — {m) MD cohaeserit. NB
ad/iseserit. — (n) MD crealus est (suppl. : homo). NB creatu est (mens humana). — (o) MD veto.
NB aulem — [p] MDPG ad originis (NB origine»! <•/, autorem. M kvojrr,, barbare. DTEN
ÈvwQrj, barb. li ^voOrj, barb. Conjecture : IvtoffOyj. — [q) 'MDPG Jephle. NB Jep/ila. —
(r) MDPG filium, quam liabuil iiniram. NB suppriment indûment unicam. — (s) DI'GNB fere.
M psene. — {l) MD Jephle. NB Jephta.
(A) D id est : xt.oit.xtj.'jX oà àaur^v xîu oçov xo ' éaut^ a7iop2tÇaxr/<7a, îx£?(kv fxapat'-
vîtx'. xat cp6i'v£i, Éw; àv -xÀ'.v È-'.TTpac&r, y.y.i ÈvioOr, -poç t^v atxt'xv. T écrit : ècp àaurr,
à.TZOOai^ûvy.riy., que seul j'entends, ïr\ (dal.j signifiant : à la portée, au pouvoir de. Je comprends
alors : Mais quand l'âme s'arrache à Dieu, et, autant qu'il est en elle, se déracine, dès lors, à
l'écart, elle languit et s'étiole, jusqu'à ce que derechef elle soit tournée et poussée vers son prin-
cipe. — Je n'ai pas trouvé cette citation dans Simplicius. Mais les expressions qu'un lui prèle ici
sont tout à fait conformes au reste de l'ouvrage. Ne peut-on supposer que Bodin, gardant un
souvenir général assez net du Commentaire, aura résumé son impression en une phrase qu'il
aura écrite en grec pour l'authentiquer? Pour m i part, je l'en crois capable. Ce ne serait pas son
coup d'essai (cf. p. 222, note sur Proclus). El l'emploi de la forme barbare £vto6rt (p. èvwrOri)
est peut-être une aulre indication dans ce sens.
(B) Allusion au Lévitique.
(C) Salomon essaie d'établir que les sacrifices humains ont élé inconnus au judaïsme. Sour-
ces : Wier et D.-Mornay, qui voient dans le sacrifice humain la marque des fausses religions.
Wier nous cite sur les Gaulois César, liv. 6; nous conle l'histoire d'Iphigénie, du fils de Créon
réclamé comme victime par Tirésias pour assurer la victoire aux Thébains, de l'oracle deman-
dant le sacrifice d'une pucelle aux Messéniens, etc., o. c, 1, 6, p. 11 a sq. D.-Mornay nous
cite Tibère, « qui fil crucifier les sacrificateurs au bois mesme ou ils souloyent sacrifier », les
meurtres religieux rapportés par Wier, plus ceux des Crélois, des Chypriotes, des Druides, des
Carthaginois à Moloch, o. c, 23, p. 527 sq. Voilà cités tous les peuples par Bodin énumérés, hor-
mis les Indiens, qu'il trouve chez Lopez de Gomara, Hist. gén. des Indes, trad. M. Fumée,
Paris, M. Sonnius, 1587, in-8, 2, 21, p. 74 b; 2,25, p. 79 b; 2, 89, p. 177 a; 2, 91, p. 179 a; 3, 22,
p. 241 b. La conclusion, que Salomon laisse dans l'ombre, D.-Mornay nous la donne : « [Ces
» sacrifices se faisoient] auec vne cruauté si exquise que le Diable & non aulre n'en pouuoit
» estre l'inuenteur. Oui doutera après lout cela, que ces dieux ne fussent diables? » (p. 528).
90 JEAN BODIN
auoir faict vœu (A) de chasteté (?/), comme linterprete caldeen (B), Raby
Leui ben Iarson (u) (C) [et] Dauid Kimlii (D) auec plus de vraisemblance las-
seurent (x), et ont plus de raison que ceux qui veulent (y) que lephté ait esté
parricide de sa fille. Et a cette opinion conuient fort bien ce que lhisloire
remarque que les filles tous les ans alloient la consoler (z). Car le mot hébreu
qui signifie pleurer (4) signifie aussy consoler et se doit [272] plustost enten-
dre dune façon que de l'autre (E) et est plus croiable que lephté (a) sacrifia
au lieu de sa fille des choses qu'il estoit permis d'immoler par la loy de Dieu.
Toralbe. — Si la loy dicte naturelle et la religion naturelle que la nature
inspire dans les cœurs est suffisante pour le salut, ie ne voy point pourquoy
les cérémonies et (b) les coustumes de Moyse soient nécessaires.
Salomon. — 11 ny a rien de plus ancien ou de plus sacré dans la Bible que
la loy de Dieu qui peut se diuiser en trois. Car outre l'historique (Y) il y a la
(4) Iudicum c. 11. lllud obiici potest, Numer., c. 17 (F), cautum fuisse vt
mactaretur quidquid Deo consecratum erat, siue homo siue bestia : sed res-
ponderi potest aliudesse vouere, aliud consecrare.
(u) MDPG perpetuse caslllati votam. B perpétua; castitalis voto. N perpetuse castitatis vo-
tum (?). — (v) MD ben larhii. N ben Gerson. B omet les deux rabbins. — (x) MDPGN inter-
prelantur. B omet ce mot, et laisse la phrase sans verbe. — (,'/) MDPGB incusant. N accusant.
— (z) MPGN inviserent et consolarentur. D iniriserenl, barb. B invi<erunt, et omet etconso-
larentur. — (u) MD Jep/ilen. NB Jephtam. — [b] MD ac. NB omettent ac. — (c) MDB hisloriam.
N historiarum libvos.
(A) MU perpetuse caslilali votam a se amandavit, = il prononça pour elle un vœu d'éternelle
chasteté et l'exila.
(B) Qui est-ce? Bodin lui-même, Hept., V, D fol. 152a, nous cite trois Targum : celui d'Onke-
los ou Aquila; celui de .lonalhan, appelé aussi Théodotion ; la paraphrase de Jérusalem. Or il lit
Onkelos, supra, p 253; mais il lit aussi .lonalhan ben Uziel, Démon., Réf. de Wier, p. 536. Et
le doute reste entier.
(G) MD Rabbi Levi ben larhii. Je ne trouve, à se rapprocher de ce nom, que R. Salomon [et
non : Levi] larcin Raschi, né à Troyes, 1040-1105, auteur de Commentaires in Pentateuchum,
souvent réédités depuis 1475; in Canlicum, Ecclesiasten, elc.,Na.p\es, 1487; in Talmud, Venise,
1520, in-fol., etc. — Au contraire, si on adopte le texte de R, on découvre un Rabbi Levi ben
Gerson [Ralbagh], mort en 1370, qui a laissé Milchamot Adonaï, les guerres du Seigneur; un
commentaire in Job, Ferrare, 1477; in Pentateuchum, Mantoue, s. d. C'est bien ce R. Levi que
Bodin a entendu citer ici. 11 appelle l'autre Rabbi Salomon, infra, p. 276. Comment la faute de
MD a pu se produire, on le verra p. 262, note C sur Ahias,où une confusion pareille s'est produite
entre h et s. Accessoirement c'est ici une nouvelle occasion de signaler l'excellence et l'autorité
de R.
(D, David Kimhi, d'une famille de savants juifs narbonnais (11601240 environ) a laissé des
commentaires in Genesim, Paralip., Psalm., etc.; une grammaire, Venise, Michlol, 1545; un
Dictionnaire, Naples, 1490; Venise, 1529, etc.
(E) « Et depuis ce temps la coustume vint en Israël, et fut la coustume gardée, que tous les
» ans vne fois les enfans d'Israël conuiennent ensemble, a fin de plorer par quatre iours la fille
» de lephté de Galaad ». Juges, il, 40.
(F) Référence fausse. Mais je vois, Deut., 7, 1 à 5 et 25, 26, Dieu ordonner aux Hébreux
l'extermination des peuples, bêtes et gens, qu'il leur aura livrés. Bodin fait une distinction —
subtile — entre la fille de Jephté, qui n'est que vouée, et les Amorrhéens, Chananéens, etc., qui
spnt consacrés, {= réservés à la destruction).
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 91
morale, celle qui concerne les cérémonies, et la politique (A). La morale
encore (d) se peut diuiser en deux, lune (e) qui regarde le culte qui est deub a
Dieu et l'autre lassislance mutuelle que les hommes se doibuent les vns aux
autres. Le culte de Dieu est compris dans les quatre premiers articles du
decalogue, les autres six chapitres sont establis pour conseruer la foy entre
les hommes (/*) & la société (B). La politique ne comprend autre chose que ce
qui est contenu sommairement dans cette seconde table, mais auec plus
destendue, assauoir les loix de iudicature, du mariage et contre les vol-
leurs (g) (C) : sur lesquelles la republique des Iuifs est fondée et establie, sans
lesquelles vn homme de bien peut mesmes (h) dans un désert & par toutte (i)
la terre faire son salut. Les cérémonies (j>) et les sacrifices (D) sont (k) insti-
tuez de la part de Dieu a fin que les Israélites qui auoient appris des Egiptiens
et de leur voisins de sacrifier aux démons & aux images des animaux (/j (E)
sen corrigeassent : ce qu'il n'eusl pas esté possible dobtenir deux si on leur
eust retranché cette vieille coustume de sacrifier (F) : et Moyse en vsa ainsy
par prudence en leur commandant de T273i rendre les mesmes sacrifices a
Dieu qu'a l'exemple des Egiptiens ils auoient rendus aux démons. A quoy se
raporte (m) ce grand (n) reproche qui leur a esté faict (o) tant de fois qu'ils se
('/) MDPG item. NB ilerum. — ie) MD una. NB altéra. — [f) MDPG hominum inler homines
fidem. NB in ter se. — (g) DMTEG prsediatorias. PB prsedicatorias (?) N prsetorias (?). —
(//) MDPG etiam. SB suppriment etinn. — [i) MDPG ubiubi terrarum. NB ubique. —
[j) MDI'GB ritus aulem. N vero. — (k) MDB sunt a Deo instituta. N omet sunt. — (l) MDPG
animanlium statuts. N animaliinn statuts. B an i m an li bits slatuis (?;. — (»i) NDB Atque eo
pertinel (criminatio). M pertinent, inadvertance. — (n) MDB r/ravis. V graDior. — (o) MDPG
loties Israelitis inusla. NB injuncta.
(A) Il veut dire que la Bible contient une pari historique et une part législative, laquelle com-
prend la politique, le rituel, et la morale.
(B) MD hominum inler homines fidem ac societatem, = la loyauté et l'union des hommes
entre eux.
(G) MD praediatorias, = les lois relatives à la propriété : lois du jubilé, de la septième année
de rémission, du droit d'ainesse, etc. — B doit traduire prœdatorias.
(D) MD ritus vero et sacrificia, = quant aux cérémonies, etc. C'est seulement maintenant
que Salomon va commencer à répondre à la question de Toralba : si la religion naturelle est
sulfisanle, à quoi bon toutes les cérémonies prescrites par Moïse? Mais d'abord, en docteur
content de sa science — trait qui le rapproche bien de Bodin lui-même — , il a voulu exposer les
divisions capitales des Saints Livres.
(E) « Et mesmes les Israëliles ayans la superstition d'Apis grauée en leur cœur, pour figurer
» Dieu qui les auoit tirés d'Egypte ils firent vn veau de fonte, cuidans que le Dieu du ciel et
» de la terre qu'ils adoroyent se deuoit figurer en l'orme de veau ». Démon., 2, 3, p. 198. « Il
» [Abraham] se maintint dans la religion de ses ancestres auec ses descendans iusques a ce
» qu'ayans esté seduicls par les fraudes des Egiptiens, ils quittèrent leur religion naturelle et
» n'adorèrent pas seulement les astres, mais aussi les elemens, les animaux, les idoles et les
» diables en abandonnant leur créateur ». Hept., IV, p. 269.
(F; Inexact. D'ailleurs tout ce passage est. dans B, non pas traduit, mais largement paraphrasé.
MD quod fieri non poluisset ob inveteratum dxmonibus sacrificandi morem, nisi eadem sacra
Deo facere juberentur, — résultat qu'on n'aurait jamais obtenu, étant donné l'habitude, ancrée
en eux, de sacrifier aux démons, si on n'avait pas détourné ces mêmes sacrifices à l'honneur du
vrai Dieu (d'où l'utilité, provisoire, du rituel imposé par Moïse).
92 JEAN BODIN
gorgeoient trop de sang (A) ainsy que celte détestable (p) Circé (5) qui ensei-
gnent a Ulisse et a ses compagnons de repaistre les mânes en respandant
du sang de plusieurs animaux dans vne fosse. Cest pourquoy après que Moyse
a expliqué touttes les sortes de sacrifices il met a la fin du chapitre : a fin que
doresenauant ils ne présentent plus des sacrifices aux Satyres & aux Démons
auec lesquels ils auoient accoustumé de faire copulation charnelle (6).
[Après avoir d'abord, par prudence, seulement détourné à son profit les
sacrifices dont les Juifs avaient pris l'habitude envers les fausses divinités,
Dieu les supprime complètement, en laissant détruire le Temple, seul lieu où
ils fussent de par sa loi permis. Puis il nous enseigne, par maint verset des
livres saints, que la seule oblalion qu'il aime est celle de nos cœurs & de nos
vertus. La seule obligation donc à laquelle il nous astreigne, c'est l'observation
du décalogue (lequel ne parle pas du sacrifice sanglant) et dont le Pentateuque
n'est en général que le développement & le commentaire, 274] .
[275] Car les six cens treize chapitres (B) des loix (i) qui sont contenus dans
le chapitre de la loy sont en partie (j) pour les iugemens, en partie pour les
mœurs, en partie pour les cérémonies, et enfin pour vne plus ample explica-
tion (/.•) du décalogue : par exemple quand par vn seul mot du décalogue (C)
la fornication est deffendue, par ce mot (/) toutte sorte de fornication est
entendue soit auec les Démons soit auec les idoles (D) soit auec ses parents
(ce (mi) qu'on appelle inceste) soit auec la femme de son voysin : bref cette loy
defFend generallement touttes copulations abominables iusques auec les brutes
(qu'on nomme (E) stupres) (»), lesquelles Moyse explique plus amplement
dans le liure de la loy (o) quelles ne le sont (p) dans les tables. Mais le rabbin
(5) Odysseos, lib. 10 (F). — (6) Leuitiq., c. 17 (G).
(p) MDTEP telerrima. NBG deterrima. — (i) MDPG 613 capita legum. NB capita ac leges.
— (j) DM par le m. NB partim. — (k) MDPG interprelationem. NB explicalionem. — (/) MD ut
cum uno verbo decalogi scortatioprohibetttr. Vox enim, etc. N après prohibetur met une vir-
gule, ce qui rend enim inexplicable. B supprime enim. — [m) MNB [proximis] quibuscum (D
cum) inceslus admittitur. — (n) BNR omettent paederastiam. — [o) MDPGB legis. N legum.
— (p) MDPG tueranl. NB fuere.
(A) Saiil reproche aux Juifs d'avoir mangé la chair des bêles avec le sang, I Rois, 14, 33sqq.
Défense est faite à chaque instant aux Juifs de manger le sang des bêles : Genèse, 9, 4; Léviti-
que, 3, 17; 1, 26 ; Deuleron , 12, 16 et 23; 15, 23; Actes des Apôtres, 15, 20; 21, 25.
(B) MDNB capita. Ce ne sont pas des chapilres, mais, comme dit Bodin lui-même, 613 « man-
» demenls » {Dém., 1,6, p. 149) ou 613 « commandements >» (Dém., 2, 1, p. 170) de la loi de Dieu.
(<;) Exod., 20, 14 ou Deut., 5, 18.
(D) MD sive cum statuts cxlerisque rébus.
(E) Inexact. MD vagos omnes concubilus, stupra, pœderasliam, et cum brûlis nefariam
copulalionem vetàl, = elle interdit lous les accouplements de hasard (irréguliers), la débauche,
la pédérastie, et l'abominable bestialité. — Cf. LeviL, 1S, 6 à 24; 20, 10 à 22; Deut., 22, 22 à 30,
qui sont le développement du simple et général mot de la loi : Tu ne paillarderas pas.
(F) Odyssée, X, 516 sqq.
(G) Lev.,11,1.
DES SECRETS GACHEZ I>ES CHOSES SUBLIMES \Ki
Movse Uambam a diuisé (A) toutte la loy en quatorze chapitres : le premier
traicte de l'aduersion du péché et de l'amour de Dieu, le second contient la
dette n se de sacrifier aux idoles, le troisiesme enseigne les bonnes mœurs, le
quatriesnie la charité enuers le prochain, le sixiesme (</) (B) les amandes
pécuniaires, le septiesme Iraicle du droict des contracts & des héritages, le
huiliesme des iours de feste des heureux & malheureux & des ieusnes, le
neufiesme des prières et louanges, le dixiesme du sanctuaire, le onziesme des
[276] façons de sacrifier (/•), le douziesme des pollutions & des expiations, le
treiziesme des viandes deffendues pour (s) arrester les conuoitises, le qualor-
ziesme des lubricitez aussy deffendues. Et tout cella est amplement contenu
dans les six cens (C) Mures (/) des Pandectes hébraïques en cinq cens trente
deux chapitres, en suilte des loix qui deffendent les peines qui y sont, et les
recompenses après celles de commandement (D) : ainsy quand il nous est
commandé de donner assistance aux foibles on y adiousle (E), Et tu len
trouueras bien, ou, le te combleray de richesses si tu fais cella (u). Car
tousiours labondance de biens arriue (u) a ceux qui secourent les pauures. et
encore quil ne soit deub (7) (x) aulcune recompense a celluy qui sacquite de
ce quil doibt neantmoins Dieu donne de grands sallaires a ceux qui sabstien-
nent de ce quil leur deffend et obseruent ses commandements.
Octaue. — Puis donc (y) que les Iuifs n'immolent plus de bestes en aucun
lieu de la terre (s), a quoy bon tant de loix pour les sacrifices?
Salomon. — Il ny a point de sacrifices, point d'instruments pour les vsages,
point, de cérémonies qui ne contiennent dadmirables secrets des choses cachées
dans les thresors de la nature comme lont excelament bien expliqué Philon
(7) Leg. 1 Mandati (F).
(7) MDAEPG.IOH quarla charitatem erç/a singulos; sexta (TSNB quinta) muletas pecuniarias ;
septima (TS septima. NB sexta) contracluum et hereditatum jura; octava (TS octava. NR
septima) dies fastos, nefastos. ferialos, (NB octava) jejunia. — {>•) MDPGB sacrificiorum ritus.
N sacrifiai*,, ritus. — (.s) MDB cibos vetitos ad (N ac) cupiditales frangendas. — (/) MDPG
Leyser B libris sexaginta. N libris LXl. — [u; MDPG Si kaec (NB hoc) feceris — !v) MDB conse-
quitur. S consequetur. — (x) MDPGB debelur. N drbealur. — [y] MDPGB cum iyitur. N cum
i laque, incorrect. — (z) MDN ubique terrarum. B locorum.
iA) Sur Moïse Ramuam, cf. p. 251 note. Le livre de lui que Salomon résume depuis le début
de la réplique. est Sepher Mllzvolh, le Livre des Préceptes ;les 613 préceptes de la loi), tra-
duit en hébreu par AbenTibbon, son disciple, & imprimé pour la premi're l'ois à Gonstantinople,
1517. Cf. Dém., 1, G, p. 149.
(B) R, comme MD, passe du quatrième au sixième chapitre, en sautant le cinquième. L'erreur
vient, je pense, de ce que les manuscrits ont réuni sous le même chapitre d'une part les jours
ouvrables ou non, et les jours de fêle, d'autre part les dates des jeûnes, qui devaient être rangées
en deux chapitres séparés.
(C) Sexaginta, = soixante, disent MDB.
(D) MD velantibus quidem legibus pœnx, jubentibus prmmia subjiciuntur, = après les lois
prohibitives les sanctions, après les impératives les récompenses.
(E) Par exemple Deut., 30, 3, 5, 6, 9, 10, etc.
(F) Cf. p. 228, note E.
!U JEAN BODIN
luif (8), Abraham Aben tësra (A , le Rabin (a) Salomon (B; & Léon (6) Iuif (G).
Car ils nous enseignent premièrement a confesser nos fautes, puis après a
prier pour deslourner les peines rigoureuses qu'ils méritent et pour esuiter
les dangers (c) (D) qu'ils nous pourroient causer, puis a rendre grâces a Dieu
pour tous les biens dont il nous fauorise (d) chaque iour (e), et enfin (/") la
façon de chanter ses louanges. Et encores en dernier lieu de luy donner auec
pureté nos cœurs en sacrifices.
[277] Tokalbe — Certainement, i'ay appris dun astrologue iuif (9) que
ces dix chapitres (g du decalogue conuiennent fort proprement aux dix ordres
des corps ou sphères (h) célestes (E).
iToralba, puis Federich, expliquent que la signification allégorique du
Decalogue est la description du monde terrestre et céleste. Fuis Salomon,
(8) In lib. de sacrificiis (F) et fere (i) (G) in omnibus locis scripturae. —
(y; Faulo aliter Aben Esra in Decalogum.
a MUTEPGB Babbi Salomon. X Bex Salomon. — (b) MDX Léo Hebraeus. B. L-v. (?) Hebraeus.
— (c) MDTEBI' ac pericula impendenlia deprecari. GN ne piacula', elc. — \d) MDX beamur.
B beamiis, nég igence. — (e) MDPG continue. XB continua. — [f\ MDX de nique. B deinde.
— </ MDTEPNB cnpita. G prœcepla. — [h) MDX orbibus. B urbibits (?) — (/'] MD In lib. de
sacrificiis. Cseteri [= les aulres commentateurs] locis omnibus scriplurx.
(A) Aben-Esra de Tolède (1119-1174) a laissé de nombreux commentaires, imprimés au
xviK siècle. Bodin a surtout pratiqué son Comm. sur le Penlateuque, Naples, 1488, dont il parle
à chaque instant dans la Démon., 1, 5, pp. 114, 120, 122 ; 3, 1, pp. 321, 323, etc., et dans Y Hep t.,
infra, p. 277. — Aben-Esra est également l'auteur d'un traité d'astrologie, La Porte des deux.
(B) Cf. supra, p. 271 note C.
(C) Juda Abranavel, fils d'un juif espagnol réfugié à Naples, publia à Gênes, en 1502, ses Dia-
loglii di Amore. A côté de développements connexes à la théorie platonicienne de l'amour, on y
trouve des explications sur les traditions bibliques, les fables grecques, elc. Trad. françaises par
Pontus de Thyard; par Denys Sauvage, Sr du Parc, Lyon, 1558. J'ai eu entre les mains : Léon
Hebrieu, De l'amour, trad. par Antoine du Moulin Masconnois, Lyon, Ian de Tournes, 1551,
2 vol. in-8 (Nationale Z 16907-1G908). Léon l'Hébreu y invoque à plusieurs reprises la loi de
Moïse comme une preuve de la vérité de la conception qu'il se l'ait, lui, de l'univers (liv. 3,
pp. 130 sqq. et surtout pp. 144 sqq).
(D) Contre l'autorité de MDTE, pourtant si supérieure à celle de G, on peut être tenté de
défendre piacula, qui cadre mieux avec le contexte : prius de peccatis confiteri, deinde pœnas
acerbiores ac piacula deprecari impendenlia, = d'abord avouer nos fautes, ensuite supplier
Dieu de nous épargner les sanctions trop- grièves et les expiations suspendues sur nos têtes.
Pericula est beaucoup moins attendu. Et la confusion est aisée entre les deux mots. Déjà p. 270,
D (fol. 91 b) avait failli écrire : sine ingenli periculo, puis, biffant periculo, avait rectifié :
piaculo. — Ils =■ nos péchés, implicite dans nos fautes.
(E) Ml) decem illa decalogi capita decem orbibus cœlestibus ordine décent i convenire, =
qu'il y a, par une harmonie merveilleuse de la nature, une correspondance des dix points du deca-
logue aux dix sphères célestes. Sur celle idée bizarre, dont on va voir la source tout de suite, et
qui est celle de son temps, et non de Bodin seul, voyez la fin du Theatr. nalurse, à partir de V,
2, pp. 805 sq. et mon article de la Bévue d'Anjou, sept. 1912, La Physique de Bodin.
(F) Philon, trad. Bellier, pp. 707 sqq., Des animaux qui sont propres aux sacrifices et quelles
sont les espèces des sacrifices, indique les correspondances mystérieuses du sacrifice avec
l'année, les astres, etc.
G) MD Cseteri est le seul lexle plausible. Philon est cité, seul, avec précision. Les aulres,
Aben Esra, R. Salomon, Léon l'Hébreu sont allégués dans leurs commentaires de la Bible,
passhn.
ltES SECRETS GACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 95
après avoir rappelé que ce Décalogue n'est que le renouvellement aux hommes
de la loi naturelle longtemps oubliée, récite un hymne en l'honneur du Dieu
qui l'a révélé à Moïse sur le mont Horeb, 277-282].
283j Toralbk. — Qu'est ce autre chose de cette alliance contenue (a) en
deux tables et en dix chapitres (A) que Ja pure et véritable loy naturelle (Bj ?
Car nous auons pris cette loy de la Nature, nous lauons puisée dans son sein
et la ressentons en nous mesmes : on ne nous lenseigne point mais nous y
sommes formés. Elle ne nous est point commandée mais elle nous est inspi-
rée (C). Et premièrement que Dieu éternel est la seule cause non seulement
ouuriere mais encore conseruatrice de touttes choses. Et que nous le ( b) debuons
craindre & respecter par le droict de sa maieslé (D). Et laymer et (c) seruir
pour lincroiable & l'indicible bonté quil a pour nous (d) (E). Et que de luy
rauir le culte et lhonneur qui luy est deub par vne impiété sacrilège pour
le (> donner a des choses créées fresles & périssables et (f) y (g) mettre la
confiance de nostre salut cest vn crime abominable. Et en second lieu pour ce
qui est deffendu dans le second chapitre (Fi du Décalogue de tailler aucune [h)
image ou faire aucune représentation de Dieu cella nous est pareillement dicté
par la Nature puisque nous auons faict veoir (G) clairement & manifestement
a) MDPGB compréhension. X depre/iensum. — [b MDB Deum aeternum cuusam non modo
reruin omnium effeclricem, se l etium conservatricem esse; eundem pro jure suse majeslalis
metuendum. X esse eand^m, pro jure, etc. — [c) MX ac loto (li lotis, barbare) mentis impetu
prosequeiidum. DB omettent tolo mentis impetu. — d) M Et cum nu lia omnino 1er sit. quse non
uliqua tempo rum aut locorum aut personarum exceptione minualur, hiec lamen una lex est
interna nec ulla e rceptiune violabilis, quin omnibus locis, temporibus ac personis conveniat,
scilicet Deum uni ce amandum ac prosequendum. DBXR omettent cette phrase. — (e) MD illud
Iribuere. XB illum (se. cultum?) lribue>*e. — {/') MUB aut. X et. — q MD in iis. XB in illis. —
(//) MDX fiquram utlam. B Willam ?
(A) Capita. Ce mot (cf. p. 277 ou 275; signifie : commandements, points (chefs, comme le
traduit très bien Bodin lui-même, p. 284 .
(B) Cette idée, que Bodin vient de développer, avec une longue digression sur les sacrifices,
depuis la page 271. est une de celles qui lui sont le plus chères. On le comprend, si, se sentant
pour le judaïsme tendresse de cœur secrète, il croit par elle pouvoir assimiler le judaïsme mosaï-
que à celle religion pure, dépouillée, qui sera un jour universelle et où viendront se fondre les
divergences des religions d'aujourd'hui. Nous allons donc rencontrer cette idée à chaque instant
dans VHept. Octave louera le Décalogue « que Christ n'a pas plus losl voulu ou pu abolir que la
» loy de la Nature, n'y ayant rien dans les douze Tables que la loy très équitable de la Nature ne
» contienne », VI, p. 618.
(C) MD hanc enim a nalura Legem arripuimus, hausimus, expressimus : ad quam non
docti, sed lacli; non instiluli, sed imbuti sumus. Souvenir cicéronien, tiré mol pour mot du
Pro Milone, 4, 1<). Et sans doute ce balancement, un peu apprêlé, lui apparail-il comme le sum-
mum de l'éloquence, car il le reproduit textuellement infra, p. 333, et dans son mouvement à
plusieurs reprises, par ex. Rép., IV, 4, p. 411.
(D) MD pro jure suse majestatis, = à proportion de sa majeslé.
(E) R marque ici encore sa ressemblance avec les mss. du type D par l'omission de la phrase
insérée dans M : « Et s'il n'y a pas de loi qui ne souffre exception de temps, de lieux et de personnes,
» il y eu a tout de même une qui ne souffre aucune telle exception, c'est la loi éternelle qui réserve
» uniquement à Dieu notre amour et noire respect ».
. (F) Capite, commandement : Tu ne le feras idole taillée, Exod., 20, 4 ou Ueul., 5, 8.
(G) Supra, II, pp. 68-73, 86-88, 90 sq., et IV, 269-270, où il montre que, pour cette raison,
certains peuples refusent de bâtir des temples matériels à l'être incorporel et infini.
96 JEAN B0D1N
que Dieu nesL point corporel et que pour cette raisofi Numa Pompilius par sa
loy [i) deffendit de faire aucune représentation des Dieux comme raporte Plu-
tarque (2) dans sa vie. Et certainement si cest vn crime dadorer les cieux (/),
les astres ou le soleil, comme dict S. Augustin au 3. de la Cité de Dieu, cen
est vn bien plus horrible dadorer les ouurages des hommes ou leurs imagina-
tions (A). Et {k) ie me suis souuent eslonné que tant de nations pendant tant
dannées fécondes en sciences [l) par vne affection de pieté aient adoré des
idoles, quoy qu'Heraclite presque (m) le plus ancien de tous les Philosophes
grecs eut dict quil ne [284] consideroit pas plus ces idolâtres de statues que
ceux qui parleroient (n) a des murailles (B).
Curce. — De tous ces peuples il en fault excepter les Perses (C), les Scythes,
les Affriquains et les anciens (o) Romains que Varron (3) a remarqué auoir
esté plus de CLXX (p) ans sans connoistre les idoles.
Salomon. — Pourquoy sembarrasser a contester (q) ou il ny a point de dif-
ficulté ? Il suffit de les appeller (ces idoles) pour les destruire par vn mot dont
se sert nostre nation bien quil soit sale&deshonneste qui signifie estron pour
lesmoigner combien les idoles estoient en abomination parmy nos ancestres.
Tohalbe. — Tous les autres chefs du decalogue sont approuuez et pratiquez
presque par toutte la terre (/•) ce qui est vn raisonnement assez puissant pour
(2) Plutarch in Numa. August. de Ciuit. Dei, 3 (D). — (3) Ex Varrone
August. in lib. de Ciuit. Dei (E).
(i) PG omettent sua lege. — (j) MDB cœlos. N cœlum. — (k) MDPG Ac. NB A t. — (l) MDPGB
lamqiie emditis lemporibus. N lamque erudilissimis (?). — (m) MU Grsecorum philosophorum
fere anliquissimus. PGB omettent fere. N omet fere et Grsecorum. — (n) MDTE obloque-
renlur. PGNB colloquerenttir. — (o) MDNB Persse, Scylliae, Afri ac veteres Romani. PG place
veleres avant Scytlix. — (p) I\IDR deos (N omet deos) annos amplius CLXX (N : CXXX) coluisse.
— (q) MDN argumentamini. B argumentum (?). — (r) MDN omnium fere gentium communia
sunl. B omnibus fere gentibus.
(A) MD jigmenta, = les représentations plastiques d'imaginations humaines.
(B) Je ne sais où liodin a pris ce détail sur Heraclite; peut-être dans un auteur qui cite Hera-
clite, et alors c'est une chance bien risquée de le découvrir. 11 n'y a rien dans Diogène Laërce,
9, 1. — En tous cas, un tel mot convient à merveille à Heraclite, qui regarde le feu éternel, inal-
térable, comme le principe et la fin de toute chose. D'autre part, si l'on en croit les lettres publiées
sous son nom dans la Poesis philosophica d'H. Estienne, Paris, 1573, in-8, il fut chassé d'Ephèse
sur une accusation d'impiété.
(G) Cf. supra, p. 269 : « Les rois de Perse défendaient d'eleuer des temples, estimans que
» ceust esté faire outrage a la diuineMaiesté laquelle estant immense ne peut eslre enfermée dans
» aucun lieu ». Il lire ce détail d'Origime, Conlra Cels., 7, 69 (Migne, t. I, col. 509), qui lui-même
copie Hérodote.
(D) MD, avec raison, appliquent ces deux références au même objet. R les insère dans le texte
et les sépare indûment. « Numa défendit aux Homains d'attribuer à Dieu aucune forme d'homme
» ni de bêle, et il n'y avait jadis parmi eux nulle représentation graphique ou plastique de la divi-
» nilé ». Plut., Numa, 8. — « ...Romanos sine simulacro deos coluisse : quod si mansisset,
» inquil [Varro], castius dii observarentur ». De civ. Dei, 4 (et non : 3), 31.
(E) « Dicit eliam [Varro] anliquos Romanos plus annos centum & septuaginta deos sine simu-
» lacro coluisse ». De civ. Dei., 4, 31. Cf. Plut., Numa, 8 : « Durant les 170 premières années,
» ils ne placèrent dans les temples aucune image figurée, attendu qu'ils croyaient impie d'assimiler
» ce qu'il y a de meilleur à ce qu'il y a de pire, & impossible d'atteindre Dieu autrement que par
» la pensée ».
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES !)7
prouuer comme la loy de Dieu est conforme entièrement. (a-) a la Nature. l'en
excepte le quatriesme chapitre touchant le repos (/) du Sabath(A)et ie ne com-
prens paspourquoylesluifs festent (u) plustostleseptiesme iourquelesixiesme
ainsy que (u) les mahometans ou le premier comme les chrestiens. Car ce qui
est iniuste naturellement ne peut iamais deuenir iuste auec le temps tant sen-
fault (x) (B). Donc si auparauant la loy de Moyse ce nestoit pas vn crime de
trauailler et sappliquer aux affaires (C) le septiesme iour pourquoy après a ce
esté vne impieté ?
Icy Salomon estant demeuré court (g) contre lattente d'vn chacun, Fede-
rich prit la parole et dict :
La dispute est finie (D), Salomon ne respond rien.
Salomon. - le ne voy pas quil me soit permis (E) de parler puisque cest
vne offense digne de mort de reueler le secret de l'Empereur.
285] Coroni. — Ouy entre des ennemis, mais non pas entre des gens vnis
daffinité, tels que nous sommes icy (2). Expliquez nous donc ie vous prie (a)
(Salomon) ce que vous appeliez (//) icy sceau ou cachet ou secret (F) a fin que
Toralbe ne remporte pas de victoire sans auoir combatu.
Salomon. — Le Sabath est véritablement vn secret ou mistere entre Dieu &
son (c) peuple choisi (4) que les autres (d) peuples ne peuuent comprendre ou
s'ils le peuuent ils ne le veulent pas (e). Or [f] l'obiection que me faict Toralbe
auoit desia esté proposée a Tryphon par Iustin le Martyr (G). Mais ie vous
demande vne chose, Toralbe, est il [g) iuste ou iniuste naturellement de porter
les armes?
(4) Ezechiel, c. 20 et 21. Exod., c. 31 H).
(s) MDN l^(,ein divin am o»niino (l'G omnem) nalurae consenlaneam (II consenlaneum [?]J
esse. — (t) MDPG île requiele Sabbathi. B de requie. N requiem. — (u) MD feriare, barbare.
NB feriari. — [v] MDPG ut (NB ut el) Ismaëlitse. — <x) MDB contrave. N conlraque. —
(y) MUPGB hic cura (N ut, incorrect avec le subj.) conticuissel. — <z) MDI'GB qaos hic
vides. N virfemus. — (a) N omel si placel. — [b] MD appelles. NB appellas. — (c) MDN et
populum (B stium). — (d) MDTEGN castei i. P selecti. Leyser B non selecli, conjecture de bon
sens. — (e) MDTEPN non possunt, nec, si possinl, velint. G no?i possunt, nec, si possunt,
volant (incorrect). B non possunt, etiamsi velint. — (/') MD Àrqumentum aulem. NB omettent
autetn. — [g] MDN videalur. B vilelur.
(A) « Mais le septiesme iour est le repos du Seigneur Ion Dieu. Tu ne feras aucune œuure en
» iceluy ». Exod., 20, 10.
(B) MD Quod enim natura injustum sit temporis decursu juslum fîeri nequit, contrave.
R l'ail un contresens sur contrave, qui signifie : el inversement.
(C) Omission. MD et opificiis, = el aux travaux manuels.
(D) Inexact. MD salva res est, expression fréquente chez les comiques : loulest sauvé, tout va
bien, je respire. Federich se félicite de voir Salomon mis à quia.
IE) MD debeam, = que j'aie le devoir de répondre.
(Fj MD lesseram. — La source de Bodin est Aben Esra : « Tay leu aux commentaires
» hebrieux d'Abraham Aben Esra sur le 4e article du Decalogue que Dieu auoit commandé sur la
» vie de chommer et sanctifier le samedy surtout et iceluy beny entre tous ». Et en note : « Secre-
» lum et lesseram vocal inler Deum &hominem ». Démon., 3, 1, p. 322.
[G) Dialogue avec Tryphon, 27.
(H) Exod., 31, 13 à 17. Quant aux références, erronées, d'Ezechiel, elles sont corrigées par la
Démon., 3, 1, p. 322, qui cite, à ce même propos, Ezechiel, 22 [8] et 23 [38].
Chauvi ré 7
98 JEAN BODIN
Toralbe. — Cella me semble indiffèrent.
Salomon. — Pourquoy donc (h) si vn Prince (i) pendant vne sédition deffend
de prendre les armes vn citoien qui nonobstant la deffense marcheroit armé
ne seroit il pas coulpable (A) ou iniuste (j)? Toralbe, que vous (k) en semble?
Toralbe. — le le croirois coulpable.
Salomon. — Pourquoy cella puisqu'auparauant la deffense il ne leust pas
esté?
Toralbe. — Par ce que (/) cest vne loy naturelle dobeïr au magistrat qui
vous faict vn commandement équitable et celluy qui desobeïroit (m) après
seroit iniuste (n).
Salomon. — Auec bien plus de raison celluy la est il iniuste qui désobéît a
Dieu (B) soit que son commandement soit équitable ou non quoy qu'il soit
impossible a Dieu de commander rien d'iniuste (o).
[Suit une longue discussion sur le sabbat, 285-306. Salomon explique que
ce loisir imposé aux hommes les rappelle à la contemplation oubliée des
choses divines, 285-288. Le repos est imposé aux hommes le septième jour,
en mémoire du repos de Dieu en ce môme jour, après la création du monde,
288-291. Mahométans et chrétiens, qui tiennent le Décalogue de Moïse pour
dicté de Dieu, n'ont aucune vraie raison d'en enfreindre le quatrième com-
mandement, ni de déplacer, en haine des Juifs, le jour du repos hebdoma-
daire, 291-293. Enfin le nombre 7, qui est celui du jour de repos, joue le plus
grand rôle dans la création, dans l'histoire, etc. Valeur mystique du nom-
bre 7. Toralba approuve Salomon, 293-300. Le chômage du sabbat, lui répon-
dent ses adversaires, a donné lieu à des excès. Curce rapporte qu'un jour
de Sabbat, les Juifs préférèrent à le violer laisser prendre Jérusalem aux
Romains. Senamy, que d'illustres Juifs, tel Judas Macchabée, se sont affran-
chis de ce chômage, en cas de nécessité. Federich, que Jésus l'a condamné.
Salomon concède qu'en cas de nécessité il ne faut pas observer rigoureuse-
ment le sabbat, 300-306. En tout cas, quelque jour que l'on chôme, il fau-
drait, non le déshonorer par des orgies, mais le sanctifier par la méditation].
[306] Salomon. - Prenez garde, Coroni, que vous ne vous imaginiez que
mon dessein soit de persuader (a) aux chrestiens de changer leur dimanche (b)
(h) NB omellent igitur. — (i) MDNB si princeps... arma gestare prohibuerit . l'G principes...
arma geslari prohibent. — (j) MD civis injuriosus et iniquus. B injustus et injuriosus. N
injustus et injuriosus atque iniquus. — (k) MDN num tibi... videatur. B sibi (?). — (/) MDB
quoniam. N quia. — (m) MD qui aliter facial. NB facil. — (n) D répèle la réplique de Toralba
sous le nom de Salomon. Puis il continue comme B. — (o) MON sive justum, sive injustum
[id esse arbitretur : quanquam fieri nonpotesl, ut quicquam injustum] a De» jubeatur. B omet
les mots entre crochets. — (a) MDN persuudere. B persuusisse. — (b) MD dominica. NP domi-
nico.
(A) Sur num = nonne, cf. p. 223 note B.
(B) Omission. MD Quando igitur injuslior est qui, Deo vêlante id quod antea vetitum non
erat, interdicto non paruerit, = combien plus injuste l'homme qui, lorsque Dieu prononce une
interdiction qu'auparavant il n'avait pas prononcée, n'obéit pas à la prohibition.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 99
au samedy, de crainte qu'ils ne profanent (c) ce sainct iour du Sabath aussy
bien que leur dimanche [d) en danses impudiques, en yurongneries A , a la
chasse, aux ieux & dans la compagnie des femmes desbauchées ce que ie ne
puis penser sans en concepuoir vne douleur extresme dans le cœur. Car il
vauldroit mieux encor transgresser ce iour la en le donnant aux affaires que
de le violer par des desbauches criminelles (B).
Senamy. — Vous autres Iuifs scrupuleux & melancholiques vous ne remar-
quez pas (C que 307] les anciens, tant Grecs que Latins, ont tousiours
célébré les festes par des combats (e publics, des festins, des assemblées, en
chantant des cantiques, et par des danses, a fin de les rendre plus ioyeux &
parlant plus aggreables aux Dieux.
Salomon. — Nostre nation ne deffend point les assemblées et les danses :
mesmes (/) en nostre langage le iour de feste signiffie et danse & médita-
tion (D) pour dire que les iours de festes ne sont pas simplement ordonnés
pour chanter dans nos assemblées les louanges de Dieu, mais aussy a fin de
vacquer a la méditation. Cest pourquoy a touttes les nouueiles lunes nous
prenons touttes sortes de diuertissemens honnestes [g) et rien par toutte
lescriture ne nous est plus souuent recommandé o que dauoir la iove dans
le cœur (h) : et (i) encores que le iour du Sabath nous nous retranchions (j)
."» Deuteron., c. 28. Nehemiae, c. 8. lésai se, c. 52,61,62,65. Abachuch, c. 3.
Psalm. 20 et 125. Zach., c. 8 [E .
(c) MBX conlaminari videam. D debeam, faute certaine. — [d) MDB dominicain. N domi-
nicain.— [e) MD luclis publicis. B ludis. N ludibus (barbare:. — [f)MDPG quin eliam. SB
quin et. — (iy) DBN qme modo a lurpiludine abhorreant. M a écrit, puis biiïé quo. —(h) MDI'GB
inlimis animi pecloribus. N intimi. — (i) D.\B ac. M nec, inadvertance. — {j) MNB [t-tmelsi)
abslineamus. DPG ab&linemus.
(A) Omission. MD libidine, = en libertinages.
(B) Ce n'est pas la dernière fois que Salomon attaquera les églises chrétiennes dans les mœurs
de leurs adeptes. Un peu infra, p. 310, il parlera » des accouplemens détestables de l'vn & de
» l'autre sexe qui passent iusques dans les maisons cloislrées soubs couleur de deuolion ». Et les
chrétiens même contresignent ces critiques. « Curce Pleust a Dieu que celte couslume [de
» séparer hommes & femmes au temple] fust receue de ceux de noslre créance : nous pouuons
» dire en quelque façon qu'il n'y a pas de temples de chrestiens ou les œillades attrayantes ne
» soyenl en vsage >, p. 315. Et Coroni déclare qu'il attend un règlement des Papes sur cette
question, p. 316. Bodin prend leurs dires à son compte: « Nous sanctifions, ou, pour mieux dire,
» deuons sanctifier le dimanche, lequel neantmoins est souillé de toutes les desbauches et folies
» dont on se peul aduiser, au grand deshonneur de Dieu qui n'a rien commandé plus eslroicte-
» ment que de chommer le iour du repos ». Démon., 3, 1, p. 3*2 4 .
(G) MD non videmini dies festos colère, quos veteres omnes... laetiores esse voluerunt , =
[vous autres Juifs confils dans votre roideur austère] vous n'avez pas l'air de célébrer ces jours
de fête, dont toute l'antiquité avait voulu faire des jours de liesse.
(D) Cf. Démonomanie, 2, 4, p. 238 : « Car il est bien cerlain que les anciens Hebrieux appor-
» tant leurs obligations au temple, quand ils approchoyent de l'autel ils dançoyent, comme a 1res
» bien noté Dauid Kimhi sur le mot Iiaga [au Ps. 41] qui signifie feste, danse ».
(E) [Le Seigneur te punira] « pour tant que lu n'as pas serui au Seigneur ton Dieu en ioye et
» de bon cœur ». Dent., 28,47. — « Et il leur dit : Allez, mangez les choses grasses [c'est le cibis
» sacrificiorum opimis de Bodin]... car c'est vn iour sainct au Seigneur, et ne soyez point
» conlrislez ■>. Néhémie, 8, 11. De même Isnïe, 52, 9; 61, 10; 65, 18. Abacuc, 3, 18. Psaurn., 20,
7; 125, 2 sqq. Zachar., 8, 19. MD citent en plus Sophonias, 3 [14].
100 JEAN BODIN
des assemblées vulgaires (À) nous ne laissons pas de le rendre ioyeux & très
aggreable par larmonie de nos concerts de vois et dinstrumens que nous
meslons aux chants de nos cantiques en resonnant les louanges diuines. Et
dans nos festins des festes nous nous obligeons a Dieu de manger (k) auec
grande ioye les viandes exquises (/jdes sacrifices, ainsy que la loi diurne nous
le commande (6). Neantmoins nous employons quelques heures a la lecture
des loix diuines a fin de repaistre Tarne (m) aussy bien que le corps suiuant la
pratique (n) de nos plus anciens prophètes qui sest conseruée iusques a pré-
sent. Vne femme de Sunamite (7) estant allée trouuer (o) Helisée son mary
luy dit, Pourquoy as tu esté (p) vers le Prophète quand il nest pas nouuelle
lune ny iour de Sabath? Car pour receuoir les oracles diuins des sçauans
théologiens on peut sesloigner [q) de la maison de deux milles (8) seulement
& pas plus (B). Quant a ce que Senamy nous accuse destre [308] plus tristes
et melancholiques que les autres peuples, quil sçache que la véritable (r)
cause procède de la douleur (s) éternelle 'que nous auons de veoir que par
toutte la terre on ne viole pas seulement le Sabath impunément mais tous les
autres chefs du Decalogue, par exemple (/) : bien que par le premier chapitre
il soit expressément enioinct aux hommes (u) de ne reconnoistre et nadorer
qu'vn seul Dieu (C), cependant nous voyons qu'on en adore plus de six cens
mille (D). Les anciens Payens auoient trois cens Iupitecs selon que le dict vn
de leurs poètes :
Ter centum tonat ore deos (w) Herebumque Cliaosque (E).
(6) Deuter., c. 26 (F). — (7) Regum 4, 4 (G). — (8) In actis apostolorum,
c. 1. Iter (x) vnius sabbati duo milliaria interpretattir [y).
(k) NB nos... vpsci. MDGP omettent )ios. — (/) MDTPG Leyser B opimis. N oplimis. —
{m) MDS mentem. B mentes. — {n) MDPG idque ab antiquissimis Prophetarum disciplinis
imbuli ad hxc usque tempora nsurpare sot émus. NB prophelavum discipulis ad hœc, etc.
— (o) MDNB de Sunamilide ad Elisseum pro/ecla. PG prophetam, erreur. — (p) MDPG car,
inquit maritus, uxor ad prophetam? N car, inquit marilus uxori.venis (B ris) ail prophetam ?
— {q) MD abscedere. MB discedere. — (/•) MD polissima causa. NB polissimum. — (s) MDPG
dolemus. NB videmus. — [l) MDN nain. B num (l). — (u) N omet homini. — (v) MDI'GB deos.
N deo. — (x) MDG Iter. P inter (?). — (//) MDPG interpretantur, déponent, seul correct.
(A) MD a vulgaribus choreis abslineamus, — que nous n'entrions pas dans les danses ordi-
naires. Sur la danse religieuse, cf. infra, VI, p. 469 sq.
(B) Bodin ajoute à présent un détail qui n'a pour but que de l'aire briller son érudition : l'inter-
diction d'aller consulter le prophète à plus de deux mille pas, de l'açon à pouvoir aller et revenir
dans la même journée de sabbat. Le chemin du Sabbat (sabbati iter, Actes, 1, 12) était égal à la
distance qui avait séparé le Tabernacle de l'extrémité du camp hébreu: et c'était là un des pré-
ceptes pharisiens tirés de la Mischna Schabbalh. Cf. S. Jérôme, Epist., 121, 10 (Migne, t. I,
col. 1034); Josèphe, Ant. judaïq., 13, 8, 4; Vigouroux, Dict. de la Bible, t. 9, col. 1296.
(C) « Tu n'auras point d'autre Dieu deuant moy ». Exod., 20, 3 ou Deut., 5, 7.
(D) MD sexcenla millia, nombre indéfini : des millions.
(E) Virgile, En., 4, 510. D'ordinaire d'ailleurs on rapporte 1er à tonat, non à cenlum. = Par
trois fois elle appelle à grands cris les cent dieux, etc. — Citation légère encore que celle-là;
n'aurait-elle pas surgi à la mémoire de Bodin pour corroborer une idée dont il avait oublié la
source, que voici sans doute :« Et Romanus cynicus Varro trecenlos Joves, sive Jupileres dicen-
» dum... introducit ». Terlullien, A/iolog., 14. — Cf. Hept., IV, p. 225.
(F) Deut., 26, 11 : « Tu t'esiouïras en mangeant de tous ces biens que le Seigneur ton Dieu
» l'aura donnez ».
(G) IV Rois,i, 8 sqq. Seul D donne la référence correcte. — L'histoire de la Sunamite prouve
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 101
Et ceux qui exagèrent ou enchérissent sur l'hyperbole (z) en mettent
iusques a trente six mille (A). Les Chrestiens mesmes font [à] autant de dieux
qui! y a danges & de bienheureux esprits, cest a dire des légions innombra-
bles. Sans conter ceux que les Papes par vne détestable apothéose (B), en
inuocquant comme les Sorciers les Démons, enregistrent (b) au nombre des
Saincts. Et puisquil est deffendu (C) par le second chapitre de faire aucune (c)
image pour luy porter honneur sur peine de la vie, touttesfois tous leurs
temples et tous les coins de leurs églises sont remplis de sculptures et (d)
didoles de touttes matières, de pierre, de plâtre, de bois, de cire, dor,
dargent, de cuiure et de plomb, et baisent des corps (e) morts conseruez dans
le sel & le vinaigre, des os, des cendres auec des chandelles allumées (D),
croyans (/') par tels attonchemens estre guéris non seulement de maladies
corporelles, mais trouuer encore la santé de lame [g). Et ce qui est de plus
abominable ils ont tiré de ce second chapitre du Decalogue qui deffend [309]
lidol.itrie, non seulement en Italie en France et en Espagne, mais en Alle-
magne mesme le formulaire de leurs prières iournallieres ou de leurs heu-
res (E) et les ont tout a fait corrompues (h). Et ie meslonne de ce que (i)
; M DATE nul (PG el) qui plitrima hyperbole ampli ficant. SB et. quse plu ru hyperbole am-
plificat (?).— [a) MDNB arbilrantur. PG arbitramur. — (b) MDPGB conscripsere. N scripsere.
— (c) D supprime allas. — {d) N sculplilibus (MDI'GB uc) idolis. — [e] MDPG putria (NB
putrida) cadavèra. — [f] MDTEl'G ut... putent. S et. . pulant. Bel... patent, incorrect. —
[g) MUTEPG sanitalem (SB sanctilatem [?]) et ulrique (N ubique (?). B ulrique) salulem
comparait. — [h) MDEl'G de (SB in) omnibus hora<iis... indu.xerunl (l'GSB expunxerunl).
— \i) 1>SB ac mirum mihi vision est car... M cum, incorrect.
par l'interrogation du mari, que les Hébreux avaient coutume, à la nouvelle lune et aux sabbats,
de se rendre au temple ou de consulter les prophètes. — R devait écrire : une Sunamite, ou :
une femme de Sunam.
(A) (if. supra, p. 220 note D.
(B) C'est le mot même de la Lettre de Bodin à Baulru : nulla mortalium apotheosis. — D'où
vient maintenant celte accusation que les papes, comme les sorciers, invoquent les démons"?
1° Le but du diable est (cf. p. 254 sq.) de détourner l'adoration des hommes du vrai Dieu sur ses
créatures. Les papes, pense Salomon, en déifiant des créatures, commettent ce crime, et quand
ils adorent les saints, ils sont réellement des sorciers qui adorent des démons. 2° D'autre part il
a existé des papes sorciers. » Icy dira quelqu'vn que depuis Syluestre second iusques a Gre-
» goire VII inclusiuement tous les papes ont esté sorciers ». Et Bodin énumère les principaux,
Sylvestre II, Benoit IX, Jean XX. Jean XXI, Grégoire VII. Démon., 3, 3, p. 339; cf. ibid., Réf.
de Wier, p. 525, et Wier, o. c, 4, 2, p. 309 a.
(C; Contresens. MD Et cum... ante statuas aut ullas imagines procidere... prohibeamur, =
el quoiqu'il nous soit interdit de nous prosterner devant les images.
[D) MDei quidem ex omni maleria, ex omnibus metallis, lapidibus, lignis, terra, cera,
farina, ipsaque putria cadavèra, pulpam aceto et sale condilam, ossa, cineres cereis arden-
libus deosculari. 11 a volontairement?^ amorti la violence indignée de l'invective. —Je ne
puis m 'empêcher d'en rapprocher Calvin : « Par ce moyen les superstitions de tous les Gentils et
-> Payens demeureraient en leur entier : lesquels ne contoient point au nombre de leurs dieux
» sinon ceux qui étoient passés hors de ce monde. Les Papistes aussi ont fondé leur idolâtrie de
» celle belle couleur mesme quand ils adorent plutôt les vêlements et os des morts, le bois & les
•> pierres et les choses mortes que les hommes vivans & respirans ». Commentaires sur le Sou-
veau Testament, Paris, Meyrueis, 1854, t. II fsur les Actes, XIV, 15, p. 722); cf. son Comment.
sur S. Jean, VIII, 53. Bodin avait lu ces Comment. : voyez infra, V, p. 445.
(E) Contresens. MD de omnibus horariis precalionibus secundum decalogi caput... ex ipso
decalogo induxerunt, etc., = ils ont fait disparaître de leurs Heures le second chef du decalogue
retranché du decalogue lui-même. (Inducere, — abroger, biffer, rayer). — 11 s'agit ici de l'Office
divin ou canonial, vulgo le bréviaire ou les Heures. Cf. p. 311.
102 JEAN BODIN
Martin Luther (9) a aduancé quil ny a aucune image deffendue par le deca-
logue que celles de Dieu mais non pas du crucifix ny (j) des apostres, puis il
adiouste : Pour nous nous ne voulons point veoir ny escouler Moyse : les
commandemens des images & du sabath sont cérémonies abolies. Cella est
il a souffrir en la plume dun homme qui se vante destrR reformateur de la
religion? Le troisiesme chapitre du Decalogue qui deffend de prendre le nom
de Dieu (k) en vain nest pas moins trangressé que les autres par ce que ce
nom sacrosainct nest pas seulement pris a tesmoing sans cause et profané
indiferament en tout rencontre (/) mais encores on se sert des noms des Dieux
des payens & des Démons pour iurer (A) quoy quil nous soit (m) tant de fois
& si clairement deffendu (1) de ne iurer iamais qu'au nom de Dieu éternel
pour asseurer vne vérité, le ne parle point de la seconde table spécialement
des accouplemens détestables de l'vn & de l'autre sexe (B) qui passent iusques
dans les maisons cloistrées soubs couleur de deuotion.
Sur quoy Salomon sestant emporté plus que son aage caduc ne sembloit
(9) Tomo Ienensium 3, parte prima, Aduersus cœlestes prophetas (C). —
(1) Deuteron., c. 19. Ierem, c. 5 et 12 (D).
/ \IDPGB aul. Xel.— (k) MD Dei nomen. NB Domini. — [l) MDPG quia [non modo pejera-
tur, verum etiam contumeliis omnibus (N omet omnibus) nomen illius] sacra tissimum dilace-
ratur. B omet les mois entre crochets. — (m) MDNB prohibeamur. PG prohibemur.
(A) MD uc pro selerno Deo peregHna deorum ac dsemonum nomina jurantur, = au lieu de
jurer par le dieu éternel, on jure par des noms, et encore étrangers, de dieux & de démons. — A
mon avis, peregrina est une allusion à l'habitude prise de jurer par le nom italien de divinités
païennes : per Bacco. Charles IX. donnait à sa cour l'exemple du blasphème. Henri III fil au con-
traire contre les blasphémateurs un édit fort sévère, qui naturellement ne reçut point d'exécu-
tion. Bodin se félicite qu'en 1569 un blasphémateur, la langue percée au fer rouge, ait été pendu
& étranglé; il rappelle avec louange que les Juifs lapidaient le blasphémateur. Démon., 3, 1,
p. 313 sq. Cf. Lalanne, o. c, p. 136 sq., qui nous montre Brantôme perdant, sur les instances de
Téligny, l'habitude de blasphémer, et cite II. Estienne, Deux dialogues du nouveau langage
français ilulianizé, II, p. 142, sur la coutume courtisanesque d'invoquer les dieux de l'antiquité
payenne.
(B) Nouvelle atténuation du texte par B. — MD scortatioues, adulteria, slupra et utriusque
sexus ab ordinibus sticris libidines continenlise specie turpiler effusas. On sait quel dérègle-
ment, né depuis plusieurs siècles, mais accru par les guerres de religion, règne dans les couvents
au xvip siècle, et persiste bien avant dans. le xvne, où peu à peu une réforme générale s'accom-
plit.
(C) M. Lulheri Opéra omnia, leusi, Christ. Bodius, 1556-1558, et Witlebergœ, Joh. Crato,
1553, 4 in-fol. (Bib. nal. Invent. D2 27). Béédilion (Bib. du Prylanée), lenœ, ex officina heredum
Thomae Rebart, 1579, in-fol. « Und sage zuersl, das nach dem Gesetz Mose kein ander bilde
» verbotten ist denn [ = si ce n'est] Golles bilde, das man anbetlel. Eyn crucifix aber odder sonst
» eyns heyligen bilde ist nichl verbotten zu haben »î. — « Wir wollen Mosen widder sehen noch
» horen ». Wider die himmlischen Prophelen, von den Bildern und Sakrament, 1525, dans
l'éd. moderne de Weimar, t. 1S, p. 68 et 76. Sur Luther, voy. Luther et le Luthéranisme, du
P. Denifle, Irad. de l'abbé Paquier, Paris, 1910. — Quant à l'avis de Bodin sur la question des
images, cf. inf'ra, VI, p. 632 note, et une attaque prudemment voilée, Dém , 2, 1, p. 163.
(D) Veut., 19, 17, contre celui qui jure par Dieu en faisant un faux témoignage. Jérém.,?>, 2,
contre ceux qui jurent faussement par le Seigneur; ibid., 12, 16, Dieu promet son pardon aux
méchants, s'ils apprennent à jurer par son nom, comme ils ont enseigné à son peuple à jurer par
le nom de Baal. — Mêmes références, Démon., 2, 1, p. 166.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 103
permettre il demeura court comme pour reprendre haleine (A) mais la cause
de son silence fut quil remarqua que son discours auoit fort choqué [n) Coboni
très zélé deffenseur de l'Eglise romaine lequel semblant se disposer (o) a par-
ler chacun les regardant (p) pour les escouter il fut quelque temps a resuer
puis (q) tout dun coup (B) : lauois enuie dict il de respondre aux reproches &
aux calomnies C) de Silomon, mais iestime quil est mieux de [310] remettre
la partie a vue autre fois a fin de nosler a personne (r) la liberté de s'expli-
quer.
Octaue. — le ne scay aussy si ie dois parler ou si ie dois me taire.
Cokom. — Pourquoy demeureriez vous muet en vue si belle occasion si
vous auez dessein de réfuter Salomon.
Octale. — Lorsque ie fais comparaison de la religion [s) et des constitu-
tions des Othomans auec les mœurs & les cérémonies des chrestiens (/) il me
semble que ie tombe des niies. Car les Turcs nadorent qu'vn seul Dieu et non
pas plusieurs en vn (D). Et pour lesus quils appellent Isaac (u) (E) ils ne le
reconnoissent pas seulement pour le verbe (v) (F) mais aussy pour lesprit
& ambassadeur de Dieu (G) retiré des mains de ses ennemis qui le vouloient
faire mourir (H) : mais ils ne le reconnoissent point pour Dieu ny pour fils
n MDN pupugerat. B pupugeret, barbare. — [o) MDN eum se ad responsionem comparare
videretur. B paratum videret (?,. — (/>) DXB omnibus in eum inlentis. M intentis oculis. —
(q) N omet postea. — /■ MDPGN ne de libertate dicen li quicquum cuiquam B quenquam cui-
qua-n [?]) detraxisse videamur. — [s] MDPG religione*. NB religionem. — / MDPG rilibus
c/trislianis. NB Christiunorum. — [m) N Jesuni atiiem ipsum [MDTEI'GB t/uem ipsi, nécessaire)
Isaac vocant. — [v) MXB verbtim. D verbium, barbare.
(A) Pour reprendre haleine, ajouté.
(Bj Très inexact. D omnibus in eum intentis, sermonem cohibuit; postea, ru/do silenlio, =
tous les regards convergeaient sur Goroni ; mais lui demeura sans parler, puis, rompant le
silence...
G Ml) criminationes, = accusations, dit seulement le latin. Notre traducteur est-il un catho-
lique indigné des attaques de Salomon? En tous cas, la partialité de Bodin est visible ici au
piteux personnage qu'il l'ait jouer à Goroni. La dérobade du papiste est d'autant plus accusée
qu'immédiatement après il engage Octave à réfuter Salomon : que ne le fait-il lui-même? et que
vaut a présent la défaite qu'il a donnée ?
(D- MD Deum sternum, nec plures uno colunt, = un Dieu éternel et non pas plus d'un, fin-
ies dogmes principaux du Goran. voyez l'excellent article de Vacant & Mangenol, o. c, t. III,
col. 1781 sqq.). Toute la sourate 112, une des plus anciennes du Goran, est consacrée à VUnilé
de Dieu : c'est son titre. — Plures uno. Voici bien un texte dirigé contre la Trinité : « Infidèle
» est celui qui dit : Dieu est un troisième de la Trinité, pendant qu'il n'y a point de Dieu, si ce
•> n'est le Dieu unique ». Mais 1° la latinité me semble exiger qu'on traduise plures uno — en
plus grand nombre qu'un, plus d'un. Sinon, Bodin aurait écrit : plures in uno. 2° Le sens
aussi : Si on traduit : plusieurs en un, le reproche, qui est capital, de méconnaître l'unité de
Dieu n'a plus d'expression.
(E) Isaac ou Ishak, Coran, 2, 127-130, 134, etc.
(F) » Le .Messie Jésus, fils de Marie, est l'apôtre de Dieu et son verbe qu'il jeta en Marie », 41,
169. Cf. 3,34 et 3, 40. ,
(G) « Il [Jésus] est un esprit venant de Dieu », 4, 169. — « Nous [Juifs] avons mis à mort le
> Messie Jésus, fils de Marie, l'envoyé de Dieu », 4. 156.
(H) « Non, ils ne l'ont point tué, ils ne l'ont point crucifié : un homme qui lui ressemblait l'ut
» mis à sa place », 4, 156. Cf. 3. 47 et 5, 110. Voy. Hept., V, p. 447.
104 JEAN BOniN
de Dieu (x) (A), cest pourquoy ils deffendent de ladorer (B). Ils disent quils
suyuent la loy d'Abraham et quils adorent le mesme Dieu que ce patriarche
viuant et respirant adora (C). Ils ont tant dhorreur pour les images (D) que
non seulement ils nen ont aucune dans leurs temples ny dans leurs mai-
sons (E) ny de sculpture ny de graveure (F) ny de peinture ()/), mais il ne
leur est pas mesmes permis de représenter ou peindre quoy que ce soit de
tout ce que la nature produict (G) ny den auoir (z) pour le plaisir de la veiie
en quelque endroict que ce soit a peine de la vie. Et voulant un iour [311]
deffendre l'vsage des images en faueur des chrestiens fondés sur ce quils ne
sen seruent que pour proposer les verLus de ceux qu'elles représentent a fin
de les imiter : vn certain Paracadius (a) (H) me respondit que ceux dont les
images nous sont en vénération [b) nauoient acquis la félicité éternelle que
pour auoir brisé et condamné les images a fin de nadorer qu'vn seul Dieu. Ils
chantent (I) les psanlmes de Dauid quils disent auoir esté reuelez de Dieu
aux hommes (J) et leur coutume est d'aller quatre fois le iour a la mosquée
prier Dieu en public et linuocquent vne fois la nuict en particulier (K), et il
me ressouuient (c) que mestant trouué logé auec vn Afîriquain dans vne
mesme chambre d'hostellerie {d) il se leuoit (e) touttes les nuicts pour faire
ses prières & me reprimandoit de ce que ie mesprisois cette couslume (L) si
[x) NB nec Dei filium (MU esse) arbitrantur. — (y) MDl'G ut nnlla usquam cselalu vel sculpta
vel fusa vel picta imago (se. sil). NB ut nutla unquam cœlalas vel sculptas vel fusas velpiclas
imagines (se. pingere liceal). — (s) MDPG liabere. NB haberi. — (a) MDPG Paracadius. N Pra-
cadius. — (b) MDPG et quidem, cum statuas chrislianorum quasi ad vivlulis imitationem excu-
sarem, Paracadius quidem illud tnihi reposuil, eus ipsos, quorum statuas veneremur (N vene-
ramur), cœlesti felicitate frui, quod divorum imagines dejecissenl . B et quidem eo minus
statuas venerantur ut etiam felicitate cœlesti se frai gloriantur, quod d. i. dejecissenl (omis-
sion, solécisme, non-sens). — (<) DBN memini. M nemini (inadvertance). — (d) MDN hospilii
cubiculo. B cubiculari hospilio (?). — (e) MDPG ille média nocle surgens a cubili laudes
immorlali Deo canere ac me graviter iucrepare quod tacerem, usurpans illud arabica lingua.
NB [memini] illum... surgentem... canere... usurpans, incorrect.
(A) « Le Messie, fils de Marie, n'est qu'un apôtre : il se nourrissait de mets », 5, 79. Cf. 110;
19, 91 sqq. ; 112, 32.
(B) « Dieu dit alors à Jésus : As lu jamais dit aux hommes : Prenez pour dieux moi & ma
» mère à côté du Dieu unique. — Par la gloire ! non. Comment aurais-je pu dire ce qui n'est pas
» vrai? .., 5, 116. Cf. 5, 7G et 9, 31.
(C) Ce sont Abraham et Ismaël qui ont consacré la Kaaha, 2, 119. « Fais [s'écrièrent-ils alors]
» que nous soyons résignés à la volonté de Dieu [muslim], que notre postérité soit un peuple
» résigné à la volonté de Dieu [musulman] », 2, 122. Cf. la noie de Kasimirski sur 2, 12 ; et 3, 61.
(D) « 0 croyants, le vin, les jeux de hasard, les statues et la divination par les flèches sont une
» abomination inventée par Satan ».
(E) MD in lemplis ac delubris, = dans leurs temples el lieux saints.
(F) Omission.. MD vel fusas [imagines], = [pas une effigie] fondue.
(G) Omission. MD seu stirpes seu animantia, = végétaux ou animaux.
(H) Ce Paracadius est un ancien maître d'Octave, naguère esclave chez les Turcs (infra,
p. 332). Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que cette histoire eût un fond de réalité; et ainsi on
peut entrevoir que le personnage d'Octave, et par extension les autres, aient, à côté de traits ima-
ginaires, des traits vrais. Cf. Inlrod., p. 2, l'histoire que Naudé contait à G. Patin.
(1) En s'accompagnant, MD cantibus ac nervis usurpare [psalmos].
(J) « Nous [Dieu] avons donné les psaumes à David », 17, 57. Cf. 4, 161 el 21, 10b.
(K) « Sois debout en prière la nuit et psalmodie le Coran », Coran, 73, 2 sq.
(L) Exagéré. MD increpare quod tacerem, = il me reprochait de ne pas chanter avec lui.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES lOo
louable suiuant le sentiment du prophète royal quil mexpliqua en Arabe,
Psalme 119, le me leuois la nuict pour chanter louange a ton nom (A). Et me
raportoit encores le passage de lob (B), Plusieurs se plaignent d'estre oppres-
sez par les tyrans & destre affligez de (f) disgrâces, et personne ne saduise la
nuict de chanter des cantiques a la louange de Dieu.
Coroni. — Les chrestiens depuis le pape Pelage qui la ainsy ordonné (C)
chantent (g) sept fois le iour ou la nuict les louanges (D) de Dieu, ee quils
prattiquent pour lauoir appris du mesme prophète royal : Sept fois, dict il,
par iour (h) ie te chanleray louange (2). Ce que ne font point (E) ny les Luthé-
riens ny les Zwingliens si [312j ce ne sont les Anglois qui ne sont point puri •
tains. Et se contentent (F) seulement de faire deux fois la sepmaine (i) des
prières publiques (j).
[La discussion descend aux minuties du cérémonial de chaque religion. On
compare les prières usuelles des musulmans, chrétiens, juifs. Amulettes
juives où sont inscrits certains versets (tephilin) (313 sq). — La séparation
des hommes et des femmes au temple existe chez musulmans & juifs ; elle est
souhaitable chez les chrétiens (315 sq.). — La circoncision est commune
aux juifs et aux musulmans : sa double utilité, médicale & religieuse (317). —
Orientation du prêtre chez les musulmans, les théurges, les chrétiens. Le
prêtre juif, tourné au couchant, détermine par sa droite la droite du monde
(nord) & par sa gauche la gauche du inonde (sud) : ce qui explique nombre
de phénomènes physiques, physiologiques, historiques (318-322). — Attitude
(2) Psalm. 119.
(/) MUB calamitatibus (S cum calamitatibus) confliclari. - [g) MDPG recolere. NB colère. —
(h) DNB interdite. M diu (erreur). — (t) MDBS hebdomade. PG hebdomada (= sept ans :
erreur). — (j) MDB pubticas. N publiée.
(A; M place ici la note 2 et donne les références Psalm. 119 et 42. D place la note 2 où elle se
trouve dans R. Mais R introduit dans son texte la note 2 de M. Nouvelles preuves que : 1° R est plus
proche de D que de M 2° R est cependant différent de D, parfois plus plausible ou plus complet,
en tous cas considérable. — « le me leuois a minuict pour chanter la louange ». Ps., 118 (Hébreux
119), 62. « Le Seigneur a enuoyé sa miséricorde par le iour et ie luy chanleray en la nuict son
» canlique ». Ps., 41 (H. 42), 9.
(B) Le livre de Job ne contient pas un tel verset; cf. Concordances. Bodin fait allusion (cf.
infra, VI, p. 655) à Job, 21, 7-14, où le saint homme nous peint la prospérité des méchanls.
(G) MD Ecclesise Bomanse mos jam inde a Pelagio, ponlifice maximo, usitatus est. Le latin ne
dit pas que c'esl Pelage qui a ordonné la récitation des Heures, — el de fait je n'ai rien trouvé
d'approchant dans les 16 Epîtres qui nous restent de Pelage, Migne, t. 69, col. 392 sqq., — mais
seulement que c'est de Pelage que date cet usage Gela même, je ne sais où Bodin Ta pris. Bien
antérieurement à Pelage Ie'' mort en 559;, S. Glément d'Alexandrie, Stromat., 7, 7; Tertullien,
De jejiinio, in, avaient parlé des heures de l'office divin. S. Gyprien, L. de Oral. Domin., ad
finem, observe que les juifs distinguaient déjà les heures du jour par des prières : obligation plus
forte encore pour des chrétiens. « Il faut prier Dieu le matin, le soir el pendant la nuit ». De là
est venue l'obligation pour les clercs de réciter l'office canonial. Cf. Migne, Encyclopédie
lhéolog.,1. 34, col. 1172.
(D) Omission. MD laudibus, supplicationibus et canticis Deum colère.
(E) Omission. MD nec Judaei, nec Lutherani, etc.
(F) Les Zwingliens.
106 JEAN BODIN
de la prière chez les musulmans et les juifs (323 sq.). — Eloge des
musulmans par Octave : jeûnes, charité, monothéisme, goût des fondations
pieuses, des aumônes leur viennent de leur sincérité religieuse (325-327).
— Federich attaque violemment Mahomet : impostures dont il s'est entouré,
turpitudes privées et publiques de sa vie, débauches, cruauté, fiction d'un
paradis d'une honteuse sensualité (327 sq.)].
329] Curck. — La force d'vne meschante opinion est telle que quand vne
fois elle s'est mise en possession d'vn esprit elle en est mieux (a) maistresse (A)
que la Nature ny que touttes les raisons du monde. Nous {b) sçauons qu'au
royaume de Narsingue (c) aux Indes (d) les femmes quand leurs maris sont
morts se iettent (B) dans le bûcher qui brûle le cadaure (selon le raport des
anciens & nouueaux historiens) et y courent (e) auec la mesme gayetté (con-
duictes par leurs meilleurs amis) que si (C) elles aboient iouïr des voluptez
éternelles auec ces maris. Mais (/') il me semble que ce sont des contes a faire
a des enfans quand les musulmans [g) croyent effacer leurs péchez en se
lauant souuent (D) : ainsy que les Indiens occidentaux (h) de la nouuelle
Espagne quand ils degueulent aux pieds des autels & de leurs idoles ils
croyent que ce sont les péchez qui sen vont (E).
Octaue. — Il ne fault point sestonner (i) si Auerroes (F) a condamné (j) la
(a) MDNB polenlius. PG potins. — ;6) MDPGN et quidem. B et quid (?). — (c) MDN Nar-
singas. B Nausingas. — (cl) MDPGB Indise (N Indorutn) populos. — (e) MDN eas... deferri.
PG differri. B eos... deferri (?). — [f] MDPGB sed illud. N sed et illud. — [g) MDTEPBN
Ismaëlilœ. G hraëlilœ. — (h) DN Indi occidentales (MB occidentalis) Hispaniolœ. — (i) MDB
nilmirurh(Nest) si. — (j) MDPGN valere jussit. B abolere jussit (?).
(A) MD polenlius, = son emprise est plus forte que celle de la nature.
(B) Omission. MD viventes ac spiranles. Ce trait de mœurs est signalé aussi par Montaigne,
I, 14 (éd. Jouaust, t. 1, p. GG), mais c'est une addition de 1595. Telle n'est donc pas la source de
Bodin. Bodin a puisé directement à celle de Montaigne, Jérôme Osorio (cf. supra, p. 233, note).
Cf. Villey, Les livres d'histoire moderne utilisés par Montaigne, p. 98. Voici son latin : « Beliquae
» [les autres femmes que celles des brahmanes] quse aliis hominibus nubunt, posl virorum mor-
» tein vivae in rogum cum magno suorum comitalu et multis cantibus atque laudibus inferunlur ».
0. c., lib. 4, fol. 13G 6. — De la comparaison des trois textes : Bodin, Osorio, et trad. Goulart, il
ressort que Bodin cite encore de mémoire, en termes assez éloignés de l'original et de la traduc-
tion.
(G) Inexact. MD ut, — dans l'intention de.
(D) « 0 croyants, quand vous vous disposez à faire la prière, lavez-vous le visage et les mains
» jusqu'au coude ; essuyez-vous la tête et les pieds jusqu'au talon ». Coran, 5, 8. Cf. 5, 9 et 2, 4G. —
Quant au reproche de superstition, Bodin le Lire, je pense, de \aDisputatioChrislianieruditissimi...
aduersus doctrinam & ftagitia Mahumetis, dans Bibliander, o. c, t. III, col. 20 : « Quod vero
» frequenti corporum lavalione hominem purificari creditis easque lavationes totiens frequentatisi
» hoc libi respondeo », etr.
(E) Lopez de Gomara, o. c. (cf. supra, p. 272, note), p. 38 : « Estans tous entrez au temple vn
» chacun vomisl se mettant vne baguette au gosier, pour monstrer a leur idole qu'il ne leur reste
» aucune chose mauuaise en leur estomac ». Mais quand Bodin ajoute que les Indiens « croyent
» que ce sont les péchez qui s'en vont », il sollicite le texte.
(F) Valere jussit, disent cavalièrement MD. Bodin vient de dire, p. 329, qu'Averroès, ayant lu
dans le Coran quelles joies Mahomet promet à ses élus, appela ce ciel un paradis de pourceaux.
Averroès passe d'ailleurs, à partir du xme siècle, pour le représentant de l'incrédulité absolue aux
yeux des docteurs scolastiques : c'est lui que l'opinion charge du blasphème des trois imposteurs
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 107
religion des Turcs puisqu'il foulle aux pieds pareillement les loix des Iuifs et
des Clirestiens. Mais Auicenne Prince en toutle façon et des Médecins & des
Philosophes dict que la loy de Mahomet (A) donne vn preserualif contre touttes
les afflictions du corps en cette vie et faict espérer en lautre tous les plaisirs
imaginables (B) mais quil auoit bien reconneu quil y auoit vne autre béatitude
plus excellente (k) que celle qu'il a proposée. Quant aux liures de la vie du
Prophète & de sa 330] doctrine (/) cest a dire l'histoire du Prophète [m) que
Federich (n) nous a racontée (C) elle est absolument apocriphe parmy les
Turcs et nest approuuée daucun Théologien, mais on reiette les escrits imper-
linens des ceruelles mal tournées (o), comme (p) ce qua escrit le théologien
Bonauaniure de la vie de Iesus Christ laquelle se vent partout (D) : assauoir
que les arbres fruictiers courboient (//) tout doucement leurs plus hautes
(k)MDTEPGB longe prœslabiliorem. N lege (?). — (/) MDPG ex libris Ta (N omet ce mot. B
Ja) Elim el Nebi. — [m) B omet il est historia prophetae. — [n) H, trompé par Federichus, croit
à un changement d'interlocuteur. — lo) MDPGB ab imperilis... rejiciunlur. N omet ab. —
(/)) MDPGN ut [B aut [?]) ea, quœ... — {q) MD curvarent. N curvassenl (faute).
(l'univers trompé par trois imposteurs, Moïse, Jésus et Mahomet). « 11 y a trois religions, aurait
» dit cet impie, dont l'une est impossible, c'est le christianisme; une autre est une religion
» d'enfants, c'est le judaïsme; la troisième une religion de porcs, c'est l'islamisme ». E. Renan,
Averroès el l'Averroïsme, Paris, Michel Lévy, 1861, p. 297. Voyez, sur l'incrédulité attribuée à
Averroès, Renan, o. c, II, 13 à 16, pp. 278 à 316; Bayle, Dict., art. Averroès; Menagiana, t. IV,
pp. 378 sqq.; — et sur les nouvelles traductions en latin dont le texte d'Averroès, et celui
d'Avicenne, sont l'objet, et que Bodin a facilement pu connaître, voyez Renan, o. c, III, 10,
pp. 377 sqq. Jean Cinq-Arbres, lecteur en hébreu au Collège de France, el ami particulier de
Bodin (Cf. Methodus ad facilem liisloriarum cognilioneni, proœmium), est l'un de ces traduc-
teurs d'Avicenne.
(A) Sur la religion et les mœurs musulmanes, Bodin a certainement connu Chalcondylas,
Histoire de la décadence de l'empire des Grecs (trad. latine à Râle, 1556), et Guill. Poslel,
Histoires Orientales, Paris, 1560 : ces deux ouvrages sont cités dans le catalogue de la Methodus,
p. 459. Mais il a surtout utilisé VAlcoran de Bibliander cf. supra, p. 226 note), el la multitude
d'opuscules ethnographiques, exégétiques, polémiques y annexés. Les preuves vont s'accumuler :
définition d'Alfurkan, p. 330; allusions aux ouvr. de Ricold de Montecroce, Nicolas de Cusa,
Denys le Chartreux, ibid.; comparaison concluante des lexles de Bodin et de Ribliander, Hepl .,
V, p. 414 note.
(B) Inexacl. MD legem Mit/uinunedis miserias ac felicitatem summarum voluplalum corpo-
ris proposuisse, -- que par sa loi Mahomet ne promettait que des souffrances ou des jouissances
physiques, mais que, etc.
(C) Federich vienl de railler longuement les légendes qui entourent la naissance, la vie et la
mort du ProphMe; ses traits sont la plupart tirés de Bibliander : double nom du prophète,
Mahomet çà-bas, Achmet dans le ciel (dans Bibliander, De generatione Machumet , t. I, p. 203);
les vents, les nuages & les anges se disputent la gloire de nourrir le prophète enfant [ibid., p. 209) ;
le prophète étant mort et, sur son ordre, non enseveli, son cadavre sent si mauvais que ses
disciples sont obligés de le jeter (dans Bibl., Disputalio christiani eruditissimi, t. III, col. 10) ;
le paradis de Mahomet n'offre aux justes que des plaisiis honteux, torrents de lait et de vin,
troupes de belles femmes el de Ganymèdes (dans Bibl., Epislola PU papx II ad Morbisanum
Turcarum principan, t. II, p. 81), etc.
(D) MD quœ circumferunlur, = qu'on voit dans toutes les mains. — Allusion aux Méditations
sur la vie de J -C. S. Bonavenlure (1221-1274) écrit : « Je vous raconterai les actions de
» N.-S. J.-C. de la manière dont on peut se les représenter par l'imagination: car rien n'empêche
» de méditer ainsi même l'Écriture sainte ». La légende abonde donc chez lui. Buonafoco Ferrara,
franciscain, édite S. Bonavenlure, 1588-1596, 7 vol. in-fol. Mais, à part les grandes éditions, ces
petils livres édifiants étaient dans toules les mains (Vollet, Grande Encyclopédie).
108 JEAN BODIN
branches deux mesmes pour laisser cueillir de leurs fruicts a lenfant quand il
en desiroit iusques a ce quil en fus rassasié. Ce que les théologiens ne
reçoiuent non plus que la légende dorée ou plustost ferrée (»•) de la vie des
Saincts dont ie ne raporteray point icy les sottises pour ne leur (s) pas faire
honte (A). Mais l'Alcoran ainsy appelle comme qui diroit vn recueil ou
l'Alphurcan [l) a cause de la distinction des chapitres au nombre de 123 (B)
ne contient rien que d'important, rien qui sente la bagatelle. Et ne se contrarie
en aucun lieu comme lont creu Denys le Chartreux & le cardinal de Saint
Sixte qui ont escript contre la loy de Mahomet. Ricoldus (m) Iacobin qui
entend la langue et la science des Arabes (C) en parle plus ciuilement (u),
encores qu'en quelques endroicts il ayt dict des mensonges et en dautres
desguisé la vérité. Quant a ce que plusieurs (D) escriuent de ces sales plaisirs
du paradis (x) de Mahomet telles calomnies se destruisent assez par les LXXV
et LXXVM Azoara ou articles de l'Alcoran assauoir que les adultères et les
parjures seront chastiez dans les flammes éternelles (E) ainsy que (y) luy
(/•) MDNquam in aurea dicam an ferrea leclione divorum legimus. B quas inler aureas
dicam an ferreas lectiones divorum legimus. — (s) MDPG ne vos pigeât ineptiarum. NB nos.
I! semble traduire eos. — (t) MDPG Leyser Alcoranus, qui a côllcctione sic dicitur, vel Alphur-
canus (N Alphaticianus) a distinctione capitum quse 123 numeranlur. B omet vel Alphur-
canus a distinctione capitum. — (u) MDPG Ricoldus. NB Richardus. — (v) MDB milius
aliquanlo. N aliquando. — [x] MDPGB de paradisi sordidis voluptalibus. N de paradiso et
sordidis, etc. — [y) MDPGB ut eliam. N omet etiam.
(A) MD ne vos pigeât ineptiarum, — pour ne pas vous faire honte à vous autres chrétiens. —
Allusion à l'ouvrage de Jacques de Voragine, dominicain (1230-1298), Historia lombardina seu
Legenda sancta, sans cesse réimprimée, Paris, 1475; Cologne, 1476; Nuremberg, 1481. La
sévère et critique religion de Bodin, peu capable d'être émue par la grâce naïve de la Légende,
ne lui pardonne pas justement ce caractère légendaire. Cf. Démon., Relut, de Wier, p. 560.
(B) 124, d'après Bibliander. Mais une erreur de graphie est facile entre 123 et 124, avec les
chiffres romains. L'explication des deux mots vient en tous cas de Bibliander, o. c, t. I, p. 8 :
« Incipit lex Saracenorum, quam Alcoran vocant, id est collectionem prœceptorum ». T. I, p. 190 :
« Cur dictum Alfurcan? Quia discrets sunt sententiae et figurée ejus ». Kasimirski entend autre-
ment el forkan : la distinction du licite et de l'illicite.
(G) Le cardinal de Cusa, Cribratio Alchorani (dans Bibliander, o. c, t. III, col. 32), nomme
côte à côte les trois auteurs que cite ici Bodin. — Le cardinal de S. Sixte a^ait écrit une Con-
futatio hseresium & errorum Machurnet (restée manuscrite?). Denys le Chartreux (+ 147P,
auteur de nombreux ouvrages d'apologétique, est cité ici pour son Contra perfidiam Mahometi,
imprimé à Cologne, 1533. — Ricold (ou Richard : cf. Bibliander, t. III, col. 121 note) de Monte-
croce, de l'ordre des Frères prêcheurs, originaire de Florence (Renan, Averroès, p. 2*1) est cité
comme auteur de la Confutatio legis lalx Saracenis a maledicto Mahwneto, publiée par
Bibliander, o. c, t. III, col. 124 sqq. Lui-même (Bibl., o. c, t. 111, col. 124) nous dit qu'il avait
appris, pendant un long séjour à Baldach ^Bagdag], les lettres et la théologie sarrasines. — Quant
aux contradictions que contiendrait le Coran, c'est un des plus fréquents moyens de polémique
des chrétiens. Cusa veut tirer la vérité du christianisme de ce Coran même qui la nie, l. c, t. III,
col. 32; et Ricold intitule son c. 6 : « Quod [lex Mahumeli] in mullis sibi ipsi conlradicit », L c,
t. III, col. 139-141.
(D) Le pape Pie II dans une lettre au Sultan (Bibl., t. II, p. 81); Nie. de Cusa, o. c, II, 18
(Bibl., t. III, col. 87), etc.
(F) « O prophète, ne répudiez vos femmes qu'au terme marqué : avant ce temps vous ne pouvez
» pas les chasser de vos maisons, à moins qu'elles n'aient commis un adultère prouvé ». Kasimirski,
65, 1 (= Bibl. 75). « Peu s'en faut que l'enfer ne crève de fureur, chaque fois qu'on y précipitera
» une foule d'infidèles ». Kasim., 67, 8 (= Bibl., 77. Bibliander écrit : Deum non sequentes, que
Bodin rend par : perjuros). Bodin a étendu la peine de l'enfer de la Sourate 67 à la s. 65, où elle
ne figure pas.
DES SECRETS CACHEZ ItlôS CHOSES SUBLIMES 109
mesrae (z) la presché de viue voix. Et de peur que (A) les femmes ne
[331j soient œilladées par les hommes pendant les sacrifices ils ne permettent
pas seulement qu'elles sortent iamais en public autrement que voylées (a)
ainsy que Mahomet la ordonné par ses loix (B). Et pour ce que les Ghrestiens
veullent quil ait promis de ressusciter dans trois iours (C) cella ne se trouue
dans aucunes archiues (b) des Mahomelans. Et les Chrestiens eux mesmes se
contredisent en ce que les vns disent [cj dans trois iours, les autres dans huict
cens ans, comme vn autre Licurgue qui debuoit consulter Apollon a lin
dobliger ses citoyens a garder ses loix iusques a ce qu'il reuint(D). Donc sans
nous amuser aux fables si Ton veult lire lWlcoran auec application on n'y
trouuera rien au moins a mon aduis (d) qu'vn zèle admirable enuers Dieu vne
grande pieté enuers ses parents vne parfaicte charité enuers le prochain (e)
vne bonté extrême enuers les infirmes & indigens et vne équité générale et
inimitable enuers tout le monde indifferament (/").
Fëdehich. — Mais dou vient que les Musulmans veulent que Mahomet soit
monté au ciel auec vn mulet (E)? que ne luy donnent ils [g) plustost vne
eschelle? est ce qu'ils croyent (h) plus probable vne ascension auec vn mulet
qu'auec vne eschelle ?
Octale. — Il n'y a rien de tout cella dans les liures sacrez des Mahome-
lans, en quelque lieu que ce puisse estre. Et telles sortes de fables ne sont pas
mieux receiies (i) (F; parmy eux que celle de Numerius Atticus prêteur
(z) MDNB ipse legislalor Muhammedes. PG ometlentip.se. — (a) M D nec in publico vultus
revelare patiunlur. NE revelari. B vullu (?). — (b) MDPG nusquam in scripturis. B in scriptis.
N supprime in : incorrect. — (c) DB resurrecturum (N resurrectionem) se vromisisse (M spo-
pondisse) jaclant. — {d) MDN nihil in eo reperiet... 7iisi. B inveniet non nisi. — 'e) MDPG in
propinquos. NB proximos. — (/') N ajoute videbit : double emploi avec reperiet. — [g) MDB
<ur... non adhibuerunt. N adhibuerint. — [h) PGN [Agareni] putarent. MD putaret, inadver-
tance. B putabanl. — (i) MDTEPGB nec mugis credibiles. N incredibiles, contresens.
(A) MD Al ne fœminas quidem a viris, dum sacra fiunt, conspici, nec in publico vultus
revelare patiunlur populi, qui Mahumedis legibus obligantur, = les peuples qui observent la
loi mahomélane ne permettent même pas que les femmes soient du tout vues par les hommes à
la mosquée (ils les séparent les uns des autres par une cloison, cf. supra, p. 315 sq.) et leur
défendent de dévoiler leur visage en public. — H s'est trompé sur le sens de ne, de toute la
première proposition, et traduit le reste très inexactement.
(B) «Vos épouses peuvent se découvrir devant leurs pères, leurs enfants, leurs neveux et leurs
» femmes, et devant leurs esclaves ». Coran, 33, 55. Cf. 59.
(C) Ltans trois jours est une inadvertance de R, amenée par une confusion avec le dans trois
jours, un peu infra. — Sources possibles. « Moriens [Mahumelus] praedixit se iturum in cœlum :
» quod diu exspectanles, tandem lelro coacti odore, sepulchro mandarunt apud Mecham civita-
» lem ». De Mahumeto ejusque legibus et Saracenorum rébus, ex Volaterrano (Bibliander,
o. c. t. III, proœmium, p. n). — « Gum praîcepisset eis, ut mortuum se non sepelirent, eo quod
» terlia die assumendus esset in cœlum », etc. Dispulatio christiani eruditissimi (Bibl., t. III,
col. 10;.
(D) Plutarque, Lycurgue, 29.
(E) Al Borak, qui transporta en une nuit, dit la légende, Mahomet de la Mecque à Jérusalem et
de là au ciel. Allusion est faite à ce voyage prodigieux dans le Coran, 17, 1 (= Bibliander 27);
voyez à cet endroit la note de Kasimirski sur Borak. Ricoldus, Confutatio, 14 (Bibl., t. III,
col. 168 sq.), raconte la légende d'Al Borak : « Et [Gabriel] adduxit mihi jumentum majus quidem
» asino, minus aulem mulo, et nomen ejus Elmparac » ; puis la raille acerbement.
(F y MD nec magis credibiles, = on ne peut y ajouter plus de foi qu'à...
1 10 JEAN BOD1N
romain qui pour auoir receu dix mil escus de Liuie iura (j) quil auoit veu
Auguste monter au ciel (A). Mais comme vn autre (B) en voulut dire autant
de Druzille que Ton sauoit seslre souillée d'inceste (k) auec son frère Cal i g u la
il en fut (/) raillé de belle hauteur par toutte la populace.
332] Coroni — Cest vne chose merueilleuse (m) de voir Octaue (n) luy qui
est (o) vn esprit admirablement pénétrant qui aprouve les superstitions maho-
metanes (C), plus dignes (p) de compassion que de risée, bien quil (D) ayt
esté (q) long temps captif parmy eux et très rigoureusement traitté dans sa
captiuité.
Octaue. — Dieu a permis qu'ayant esté pris par des pyrates sur les costes
de Sicile ie fus vendu a vn marchand syrien (r) ou ie fis connoissance (E) auec
vn autre, Paracadius (s), lequel ayant conneu que iestois fort amateur (/) des
lettres et de la religion, par ce qu'ayant desia esté trois ans captif ie mestois
accoustumé a la langue vulgaire des Arabes, il me fit diuerses questions sur
ma créance auxquelles ayant assez pertinament (F) respondu a mon aduis ie
pensois lattirer dans mes (u) sentimens & fis tous mes efforts a cet effet
comme estimant faire vn œuvre très (o) aggreable a Dieu : Mais luy au con-
traire me combattit de si fortes raisons que ie pensois estre tombé au fond
de la mer (G) et enfin me communiqua (x) vn petit liure arabe qu'vn Jacobin
renégat auoit composé pour la deffense de la religion de Mahomet, lequel
après lauoir leu & releu (H) me donna beaucoup dadmiration comment vn
(_/) MUN qui juratus (B qui traditionem) in cœlum ascendisse Augustum... confirma-
vit. — (A) MDI'Gli ascensionem Drusillœ incestibus (N in sedibus [?]) Caligulse fratris nobi-
lein. Conjecture : nobilis, que semble traduire B. — (/) N acceptus. MDB acceptus est. —
[m) MDNB mirôr. l'G mirum. — (n) MDPGN Octavium superstitiones probare potuisse.
B Octavio. . probari. — (o) N ipse. UPGB cum sit ipse. M cum sit ex se. — (p) MDI'GB supers-
titiones misericordia potius quam risu dignas. N quam risu dignse cum sint. — (q) MDPG est
oppressus. NE fuit oppressus. — (r) MDPG Sgrio. NB Syriaco. - (s) MTEP Paracadio me
dedidit. SB dédit. D dedidi, inadvertance. G Paracadionis (?). — (t) MDPG sludiosum. NBslu-
diosissimum. — (u) MDNB in meam [PG veram, contresens) senlentiam. — (») MDPGB quo
nihil a Ueo majus [N mugis, faute) ac melius optandum judicabam. — (a:) MDNB exhibuit.
PGdedil.
(A) Suétone, Auguste, 49, mentionne le fait en termes assez imprécis. C'est Dion, 56, 4G, qui
nomme Numérius, déclare qu'il était soudoyé, et à quel prix.
(B) Nommé Livius Géminus, Dion, 59, 11 ; il est raillé par Sénèque, Apocolokynlos, 1, 3.
(C) MD Agarenorum superstitiones. — Les Arabes prétendaient descendre d'Ismaël, fils
d'Abraham et d'Agar, qui fut chassé au désert par la jalousie de Sara : d'où leur nom d'Ismaé-
lites ou Agaréniens, qui voulait rappeler encore le lien du mahométisme avec la religion
d'Abraham.
(D) Inexact. MD eoque magis quo diutius ab illis dura servitute oppressus fuit, = et cela
étonne d'autant plus que, etc.
(E) Contresens. MD Paracadio me dedidit, = il fil cadeau de moi à un certain Paracadius; cf.
supra, p. 311.
(Fj Non pas pertinament, mais : point par point. MD ego cum ad singula capita responde-
rem. — Par ce qu'ayant desia esté trois ans captif, etc. se rapporte naturellement à ce qui suit :
il me fit diuerses questions.
(G) Le latin a une métaphore contraire. MD ab argumentis quasi ab aquis deserlus invado
lisererem. — Quant au Dominicain renégat, je ne sais, en dépit de toutes recherches, qui il est.
(H) Omission. MD in varias anirni sententias distractus.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 111
religieux de lordre des frères presclieurs auoit peu quitter la religion de ses
pères pour escrire contre de si belles choses, et si puissantes quenfin ie my
rendis et suiny sa doctrine. Ce que mon maistre ayant sceu il me donna la
liberté laquelle pour recouurer beaucoup dautres pareillement embrassent la
loy de Mahomet & se laissent circoncire.
Fedehicu, — Iay ouy dire autresfois que (À) ceux qui enlroient dans l'antre
de Trophon (y) sautoient comme des possédez [333] et que quand leurs
amis se mettoient en debuoir de les en vouloir retirer ils estoient forcez par la
puissance du charme de se mettre a la danse & de saulter comme les autres.
Cest ce qui est arriué a Octaue.
Octale. — le ne marreste pas aux iniures ny aux reproches (z) dont on
attaque la dignité de Mahomet : ie scay vne chose (B) assauoir que ie suis
dans la vraye et sincère adoration du seul Dieu éternel (a) et incompréhensible.
Toralbe. — Si la véritable religion ne consiste qu'en ladoration pure &
simple d'vn seul Dieu et qui seul est éternel, iestime quil suffit aux hommes
pour faire leur salut de suiure la loy de nature (C). Et nous ne voyons point
quayent tenu Jautre religion les premiers hommes lesquels ont laissé a la
postérité (b) la mémoire du siècle dor. Ils ny ont point esté enseignez, mais
ils y sont nais : ils ny ont point esté instruits mais elle leur a esté inspirée
par cette mesme nature (D) dou ils ont puisé (c) comme dans leur source les
principes de pieté de religion de sincérité et de touttes les vertus pour les
mettre en pratique. Ce qui est confirmé {d) non seulement par touttes les opi-
nions de tous les philosophes mais par les tesmoignages de tous les oracles,
si on y doit croire. Car Ciceron en ayant consulté vn pour apprendre vne
forme de vie il luy fut respondeu quil nauoit qu'a prendre la nature pour
guide (e) et pour directrice. Paul dict la mesme chose (2) (E), escriuant aux
(2) Ad Rom., c. 1.
[y) MDTESD antrum Trophonium. P Trophonise, incorrect, iï Trophonii. — (z) MDPGB
obtreclalione. N oblreclationibus. — la) l'G omellenl œlemi. — [b] MDXB posleritati relique-
runt. l'G poste/ ilalem ('?). — (c) MNB hauserunt et expresserunl. I) hauserant et expresserant.
— (d) MDNB confit'inatum. PG firmatum. — (e) Nomet ducem.
(A) Non pas, mais : j'ai ouï dire qu'autrefois ceux... MD audivi quondam eos, etc. permet les
deux traductions, mais quondam retombe évidemment sur les consultants de Trophonius. — Sur
l'antre de Trophonius, cf. les références, p. 258, note E : elles montreront qu'une fois de plus
Bodin sollicite les textes.
(B) Faux-sens. MD vem teneo, je possède l'essentiel, la réalité (par opposition aux chimériques
accusations des ennemis de ma religion).
(G) Ici la discussion semble tourner court, et revenir à la louange, déjà entonnée pp. 2C6-271,
de la religion naturelle. Je ne le crois pas. Après avoir exposé dans le détail le cérémonial de
chaque religion, les interlocuteurs se sont égarés quelque temps autour du mahomélisme, attaqué
et défendu. Après cette digression, ils reviennent à leur sujet, le cérémonial; et la fin de ce livre
va montrer que, variables, et souvent d'ailleurs empruntés d'une religion à l'autre, non essentiels
à la vraie religion, les rites sont des moyens que toutes les religions ont employés pour attirer à
elles les âmes médiocres, incapables de contempler en sa nudité la pure notion de Dieu. Enfin
les toutes dernières pages seront de nouveau consacrées à discuter le mahomélisme. Il y a là bien
du désordre, dira-t-on? C'est, pour Bodin, de la composition.
(D) Cf. le même effet oratoire, p. 283 et la note C.
(E) Référence erronée. On pourrait lire plutôt : ad Rom., 2; et encore ce ne serait pas là une
112 JEAN BODIN
Romains (/) non point en termes ambigus ny obscurs mais clairement et dis-
tinctement : les peuples dict-il qui nont point de loy suiuant celle de la nature
ne laissent pas de viure dans linnocence, pur ce que [334] encores quils
nayent (g) aucune loy escrite ils ne laissent pas de porter partout empreinte
dans leur esprit (h) les edicts et les tesmoignages de leurs consciences. Par les-
quels termes il enseigne que la bonne et droicte intention auec la loy naturelle
suffit a l'homme pour son salut Ce questant ainsy a quoi bon tant de céré-
monies et de superstitions (i) auxquelles sobligent les chrestiens les iuifs les
mahometans & et les idolâtres? Puisque iestime que cest la plus ancienne &
la meilleure de touttes (A).
Ce que Toralbe ayant décidé en peu de mots chacun se regardoit sans parler,
par ce que iusques la (y) personne ne sestoit encor beaucoup ouuert touchant
les sentiments (k) de la religion horsmis Salomon qui estimoit auoir l'aucto-
rité publique (B) de son costé (/) : aussy reprit il la parole le premier &
dict :
Ma créance, Toralbe, est entièrement conforme a la vostre assauoir que
touttes les choses nécessaires au salut sont contenues touttes dans les loix de
la nature suyuant lesquelles ont vescu Abel, Hanoch (m), Noé (n), Abraham,
lob, Isaac et Iacob (C), tous lesquels par le tesmoignage mesme de Dieu (o)
(qui est le plus solennel et le plus auguste que nous puissions nous imaginer)
ont esté déclarez personnages douez (p) dune extrême pielé et d'une intégrité
exemplaire. Car ce nest pas que la circoncision qui a esté imposée (q) a
Abraham pour vne marque dalliance (/•) (D) luy ayt esté commandée pour estre
(f) MDN ad Romanos. B ad Romanus, négligence. — (g) DNB (tametsi) habent. M habeant-
— (h) MDNB menlibus suis. PG suis mentibus. — (i) NB omellent ac superslilionibus. —
(j) MDPG eatenus. NB hac tenus. — {k) MDPGB quid quisque senliret. N quod quisque sen-
liret (incorrecl). — (l) MDNB publica aulhoritate frelum. Leyser victum (contresens). —
(m) MDPG Hanochum. NB Henochum. — {n) MDPG Noemum. NB Noachum. — (o) MDNB
ipsius immortalis Dei testimonio. PG immortalis Dei ipsius lestimonio. — (p) MDN (integri-
lalis laudem) adeplos. B ajoute novimus, oiseux. — (q) DNB data est. M elala est. — (r) PG
ometlenl, à tort, fœderis.
citation lexluelle, mais, comme il arrive à Bodin, l'impression résumée d'une lecture. S. Paul,
ad Rom., 2, 3, 4 (cf. ad Galat., 4), combat le formalisme pharisien, et déclare que ce n'est pas
tant l'observation sèche et extérieure de la loi qui fera notre salut, mais la foi et la conversion
intérieure. El ainsi les juifs, stricts observateurs de la loi, mais qui n'auront ni foi ni œuvres,
seront damnés, et les gentils qui auront eu la foi et les œuvres sans connaître la loi seront
sauvés. Voici quelques versets qui peuvent faire songer à VUept. : « Lors donc que les gen-
» lils qui n'ont point la loi font naturellement les choses que la loi commande, n'ayant point la
» loi, ils se tiennent à eux-mêmes lieu de loi, — faisant voir que ce qui est prescrit par la loi est
» écrit dans leur cœur, comme leur conscience en rend témoignage par la diversité des réflexions
» et des pensées qui les accusent ou qui les défendent ». Ad Rom., 2, 14 sq.
(A) La religion naturelle. MD Hanc enim religionem.
(B) MD Salomonem, publica auctoritate frelum. Entendez par là le poids que donne à ses
opinions le fait qu'il représente la religion la plus ancienne, mère des autres religions. Catho-
liques, protestants, mahometans sont forcément d'accord avec lui sur un grand nombre de points,
communs à la religion juive et à la leur.
(G) MD quos viros! omis. Même mouvement dans la Lettre à Baulru (1563?). Sur cette idée,
véritable refrain dans YHepl., cf. p. 270, note.
(D) Genèse, 17, 10; Deut., 10, 16 et 30, 6, etc.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 113
nécessaire a salut, mais seulement pour estre distingué des autres nations
comme vn peuple choisy de Dieu. Et il me semble quil entendoit parler de la
loy naturelle quand il a dict dans la Genèse (3), Touttes les nations dans la
semence d'Abraham (s) auront ma bénédiction [335] par ce quil a obey a ma
voix et na iamais transgressé mes loix ny mes (/) commandements : et (u) la
boy na esté donnée a (A) Moyse que quatre cens trente (u) ans après (B).
Touttes les autres choses presque (a?) qui concernent la politique (y) ecclé-
siastique ou la iudicalure ont esté abolies par la destruction du temple de
Dieu et la ruyne de la Republique des Iuifs. Car au Deuleronome (4) il nous
est estroictement deffendu (z) dimmoier des bestes ailleurs que dans le lieu
que Dieu luy mesme auoit particulièrement designé pour cet effect : cest
pourquoy nous ne suyuons (a) présentement que le decalogue la circoncision
et Faigneau paschal pour mémoire éternelle des biens que Dieu nous faict
iournellement. Ce nest pas que ie ne croye qu'il ny peut auoir (C) de religion
(3) Cap. 26 (D). — (4) Cap. 4, 5 et seq. (E).
(s) MDN Abrahami. B Abrahse. — (t) PG ometlent meas. — (u) MDPGB at lex. N alque
lex. — (y) G omet et tricesimo. — [x] MDTEPG caetera fere. NB caetera vero. — (y) DNB quae
legibus{M legimus, inadvertance) ritualibus ac judiciariis continebantur. — (3) MDNB prohi-
bemur. PG prohibelur. — (a) MDNB a nobis usurpatur. PG usurpantur.
(A) MD at lex a Mose nulla lala est nisi 430 m" post anno, -= or la loi n'a été apportée par
Moïse que 430 ans plus tard (suppléez : donc quand Abraham parle de la loi, ce ne peut être
que de la loi naturelle). Mais B, l'aute d'avoir traduit at, et d'avoir exactement traduit a Mose, ne
permet pas de saisir la suite des idées.
(B) Dans tout ce passage, Salomon s'inspire de S. Paul. « Ce n'est pas que la circoncision ne
» soit utile, si vous accomplissez la loi ; mais si vous la violez, tout circoncis que vous êtes, vous
» devenez un homme incirconcis... Car le vrai Juif n'est pas celui qui l'est au dehors ; et la véri-
» table circoncision n'est pas celle de la chair, et qui n'est qu'extérieure ». Ad Rom., 2, 25 et 28.
(Cf. Philon, De ceux qui offrent les hosties aux sacrifices, Irad. Bellier, p. 747. Bodin a lu et
imité ce traité, voy. infra, p. 597). — Et encore : « Sachez donc que ceux qui s'appuient sur la
» foi sont les vrais enfants d'Abraham. Aussi Dieu, dans l'Ecriture, prévoyant qu'il justifierait les
» nations par la foi, l'a annoncé par avance à Abraham, en lui disant : Toutes les nations de la
» terre seront bénies en vous... Ce que je veux donc dire est que Dieu ayant fait un testament en
» bonne forme en faveur de J.G., la loi qui n'a été donnée que 430 ans après n'a pu le rendre
» nul ». Ad Galat., 3, 7 8 et 17. Celte fois Salomon ne prend pas à son compte la pensée de
S. Paul, il lui emprunte seulement le cadre où il interprétera à sa façon la fameuse bénédiction
sur la postérité d'Abraham. — En tous cas : 1° Salomon, ce Juif, en le nommant ou non, consent
à s'inspirer de l'apôtre; 2° plus généralement, il est aussi hostile que possible au pharisaïsme. On
va le voir, il considère les rites les plus sacrés de sa religion comme des expédients exigés par
la corruption invétérée (cf. p. 272) ou la médiocrité morale des fidèles, conçoit dans l'idéal leur
suppression totale, et par là se rapproche de Toralba, sans doute aussi de Bodin. Cf. p. 341,
note C.
(C) MD Sic enim persuasum fiabeo, nullam omnino religionem sine ritibus ac cœremoniis
solemnibus existere posse, = ma conviction est qu'une religion ne peut guère se passer de
cérémonial.
(D) Genèse, 26, 4-5.
(E) Références erronées. — Bodin avait déjà dit, p. 273 : « Mais pour marque que Dieu ne se
» plaisoil point aux sacrifices, c'est qu'il deffendil qu'on ne luy immolasl aucun animal en autre
» lieu que celluy qu'il auoit choisi pour cet effect... Et ce ne fut que par sa bonté et sa prouidence
» que Vespasian l'empereur fit brasier le temple de Hyerusalem, ou il estoit permis de sacrifier
» des bestes et non ailleurs ». El il donne là les vraies références. Deut., 14 [23, 24, 25]; 15 [20] ;
16 [2 et 16].
Chauviré 8
114 JEAN BODIN
sans cérémonies (b) et ieslime que l'Eglise romaine na (c) point de meilleur
secret pour conseruer sa durée que cette quantité (d) de cérémonies diuerses
dont elle faict vsage, celle pompe d'habits et ces meubles superbes dont elle
embellit les temples (A) lesquels attachent (e) le peuple comme a des specta-
cles (f) et ieux publics. Car pourquoy (g) Dieu eust il faict l'habit d'Aaron
nostre souuerain preslre si vénérable (h) ou bien pourquoy eust il commandé
lant de sortes de sacrifices et de se Iauer (B) si souuent (i) pour expier ses
péchez s'il (j) eust vu que les esprits de la grossière et ignorante populace
eussent peu sattacher a la religion par des moyens plus commodes?Quoy que
l'Eglise romaine ayt emprunté beaucoup de cérémonies des Iuifs ils ont
neantmoins tiré la pluspart de celles quils mettent en vsage des anciens (k)
Grecs [336] et Romains (C) : comme les peaux des victimes dont les sacrifi-
cateurs couuroient (/) leurs testes, les chanoines de leglise romaine ne sen
seruent ils pas (m) ainsy que des tonsures du sommet de la teste (D)? Et le
congé que Ion donne au peuple par Vite missa est (5) nest il pas emprunlé des
(5) Cum dicitur : Ite missa est.
(6) MDI'G caeremoniis solemnibus. NB ometlenl solemnibus. — (c) MDPG nec, opinor,
ullurn majus arcunum ha bel religio romana... NB ... habere religionem romanam. —
(d) MDI'G lanlam, quanta cogitari potest, multitudinem. NB cogilare, l'aule. — (e) MDPGB
relinet. Nretineal. — (f) MDPGB spectaculo admirabili. N admirabile (faute). — [g) MDPGB
ad quid. N ad qnod (incorrect). — {h) MDPGB augusta quadam (N quidem) specie venerabi-
lem. — (i) MDPG tam exquisilas loliones. NB tôt. — (/) MDPGN si (B niai) plebis imperitie
mentes culla religionis obligari commodius arbilraretur. Conjecture : cullui, que traduit /{. —
(k) PG omettent veteribus. — (l) MDI'G obvolvebant. NB obvelabanl. — (m) MDPGB uturpari
videamus. N videmus.
f A) MD riluum ac cœremoniarum lanlam, quanta cogitari potest, multitudinem ac varie ta-
tem, tum suavissimam canlicorum ac organorum, lum eliam vestium ac suppelleclilis sacrée
ac preliosie pompam. R abrège fâcheusement.
(B) Exod., 39 sqq. Léviliq. en entier.
(G) Cf. le même thème dans Calvin : « Ainsi les sacrificateurs de la grande Cybèle ont introduit
» la superstition de vivre sans se marier; les nonnains et moinesses ont esté substituées en la
» place des Vestales; le temple ou la leste de Toussaincls a succédé au temple de tous les
» Dieux; en lieu des cérémonies anciennes on en a introduit d'autres bien fort approchantes
» des premières; finalement on a introduit une grande troupe de Dieux & a-L-ou pensé qu'ils
» seroienl légitimes s'ils estoient masqués de ces beaux titres de saincts ». Comment, sur les
Actes, XIV, 15, Paris, Meyrueis, 1854, in-8, p. 722 sq.
(D) R mêle deux choses, très distinctes dans M pelles hostiarum, quibus ip.si saci'ifici caput
obvolvebant, a Canonicis usurpari videamus: et abrasiones verticis jam inde ab Iside, qu:e
Osiridis audita morte caput una cum ejus sacerdotibus abrasit, forsilan originem traxerunt.
L'aumusse des chanoines (primitivement c'était un bonnet de peau d'agneau) lui rappelle, je
pense, une vieille tradition juive : les sacrificateurs recevaient la peau des victimes. Cf. Philon,
Quels sont les loyers des sacrificateurs, trad. Bellier. p. 702. — Pour faire remonter l'usage de
la tonsure au culte d'Isis, Bodin s'appuie sur Plularque, De Isis et Osiris, 2, 8. Mais Epiphane,
Adversus Hœres., lib. 3, t. 2, haeres. 80, § G, voit l'origine de la tonsure dans l'ordre de S. Paul,
1 Cor., 2, 14 : « La nature ne vous enseigne-l-elle pas qu'il serait honteux à un homme de laisser
» croître ses cheveux? •> Et Migne, citant le canon 0" du concile de Rouen (1096), qui ordonne
aux hommes d'avoir les cheveux ras, pense que par là on voulait distinguer le chrétien civilisé
du barbare païen. Dict. Ihéol., t. 8, col. 1197.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES llo
cérémonies (Tlsis et d'Osyris (n) a la lin des sacrifices, que les Grecs appel-
aient toù OY^.Qu (o) àcpésEiî (A) ? Puis les eaux lustrales (B), les chants, les
restes (C) des hosties (p) que les prestres après en estre rassasiez iettoient
dans le feu (6), ces apparitions de Dieu, ces ciuieres a col, les pains bénits, les
danses et les coussinets (</) ou aureillers dont on se sert sur les autels ou
pour mettre soubs les reliques (D).
Guhce. — Cette pompe de leglise romaine sent mieux ces ieux de Iheatre et
ces spectacles des anciens (r) qu'vne véritable deuolion qui est ennemye du
fard et doibt auoir en horreur touttes sortes de desguisement ny ayant rien
de plus trompeur que lapparence extérieure (s) comme les marchandises lus-
trées, les murailles peintes et les visages fardez. Et tout de mesmes que ces
poissons que les Latins appellent lulis (/) (E) et le Tygre ont les plus belles
peaux et les mieux diuersifiées de couleurs de tous les animaux dont ils (u)
sont les plus féroces, ainsy en est il des religions qui sappuient (F) sur les
cérémonies et les pompes extérieures.
6 Proteruiam faciebantqui reliquias hostiarum iam saturi flammis consu-
mebant, vt etiam legediuina iubetur de Agni paschalis reliquiis, Exodi c. 12.
(n) MNB et abrasiones verticis jam inde ah Iside, quae Osiridis [audita morte capnl (PG
oineltent caput) una cum ejus sacerdotibus abrusit, forsitan ortginem traxerunt, lum etiam]
populi dimissiones . DA omettent les mots entre crochets. — (o) Leyser o^ovou, barbare. —
(p) li omet prolervix. — 'q) MD\B pulvinaria. Leyser pluvinaria, barbare. — / ; DNB velerum
payanoru>n. M veteram. barbare. — (s) MDNB [fallacius] quam quod (PG est [?]) exterias spe-
ciosum apparel. — il) MON lulis (correct : cf. Pline). B Tulis. — (u) MUPG utroque ani-
mante. NB ulraque, incorrect.
(A) « Par Vile missa est », interpolation de R. Où Bodin a-t-il pris l'expression tou ot^u-ou
àcp£<7Eiç? Il indique, supra, II, p. 28, comme source Apulée. C'est en vain que j'ai voulu vérifier
la référence.
(B) La Grande Enct/clopé'/ie voit l'origine de l'eau bénite dans la purification des mains par
l'eau avant tout acte religieux chez les Égyptiens, les Grecs, les Romains et les Juifs [Exod.,
30, 18-21 ; Num., 19,9).
(C MD chori, proterviie, = les chants, lesprolerviv. B die schamlosen Ti'tnze, contresens. On
appelle protervia ou sacrificium proterviam tout sacrifice offert en vue d'un départ. » In eo mos
« eral, ut si quia ex epulis superfuissel, igné consumerelur ». Macrob., Saturnal., 2,2 (éd. Came-
rarius, Basileae, I. Hervagius, 1535, in-fol.).
D MD thensse, fercula, saltationes ac pulvinaria deorum. Thensw. civières où l'on prome-
nait les images des dieux; fercula. brancards de ces civières. Saltationes, danses religieuses
que Bodin compare (cf. infra, p. 467 sqq.) aux évolutions de l'officiant et de ses aides devant
l'autel. Pulvinaria, coussins où l'on portail dieux et déesses pendant les leclislernes et les sellis-
ternes. R commente le texte, en les comparant à ceux que nous mettons sous les reliques. —
Ouanl au caractère conjectural de ces rapprochements, il m'apparaît, pour certains exemples, peu
niable; mais l'important n'est pas là; il est dans la tendance, révélée en Bodin, à réduire la pure
religion à l'adoration pure, en montrant dans les cérémonies des emprunts que se font les reli-
gions les unes aux autres et, en particulier, dans les cérémonies chrétiennes des emprunts au
paganisme.
(E) Pline l'ancien, 32, 94, en parle d'après Aristole, Hist. anlm., 9, 2, 1.
(F) MD lanlum [nituntur], = qui ne s'appuient que... Nouvelle atténuation par R d'une vive
attaque contre la religion catholique (cf. pp. 308 et 309). — Cf. Calvin : « Ils ont un amas infini
» de cérémonies : et à quel propos sinon afin que pour un voile du temple ancien ils en mettent
» cent en avant? Dieu a aboli les cérémonies qu'il avoit ordonnées, afin que la vérité de l'Evan-
» gile reluisist plus clairement. Les hommes ont esté si oulrecuidés d'en introduire de nouvelles,
» voire sans garder mesure quelconque... Maintenant puisqu'on voit clairement que telles céré-
116 JEAN BODIN
Salomon. — L'vne (u) certainement ne peut se passer de lautre (x).
Octale. — Les mahometans (A) saccordent en tout aux sentimens de Toralbe
et sesloignent fort [y) peu de ceux de Salomon. Car Mahomet dans son Alco-
ran proteste a ses peuples quil (z) suit exactement la loy d'Abraham et quil
ne faict profession que dadorer vn Dieu seul et éternel, détestant toutte appa-
rence mesmes didolatrie inuitant en beaucoup dendroils (a) a auoir compas-
sion des affligez (B) et a faire iustice a chacun (b). Il ny a que cette seule
différence (c) que Moyse (d) pour recompense a ceux qui obserueront sa loy
ne dict que deux mots assauoir, Obseruez [337] ce que ie vous dis et vous
viurez (C). Mais Mahomet propose vn paradis si délicieux (e) que par ces appas
ces attrais et ces alleichemens il retient chacun bon gré mal gré (/) dans son
debuoir & empesche par la cruauté des chastimens (g) dont il menasse les
peruers (D) quils ne continuent dans leurs crimes. Nous auons quelques céré-
monies (h) (E), mais point dinutiles (?'), nulles parades, nulles peintures ny
sculptures qui puissent arrester les yeux assés pour estre distraicts de la
méditation des choses diuines, nous nous lauons (j) très souuent le corps (F)
a fin destre aduertys de nous deffaire des vices qui peuuent souiller nostre
ame.
Cokoni (k) (G). — Ceux qui accablent le peuple par vne quantité de ceremo-
(y) MDPG altéra (se. religio). N aller (?). B allerum (?). — (x) MDN altérais. B ullerius (?).
— (y) NB omellenl admodum. — (s) MDB conleslalur... se... profileri. N omet se, l'aule. —
(a) MDB benignilatem adversus tenues infinitis locis, justifiant in omnes. N place la virgule
après tenues. — (b) B ajoule ubique inculcat, oiseux. — (c) MDN hoc lamen intéresse {B in
specie [?]) pato. — (d) MDN legislalor (B quidem) Hebrseorum. — (e) MDN voluplatum fruen-
darum. B voluplalem, faute. — {/', MDN nolenles. B renilenles. — (g) B omet suppliciorum
immanium. — (h) DXB Bitiis aulem. M item. — (i) MDN ac necessarias lantum ceremonias,
nullas inutiles habemus. B rilus aulem necessarios tanlum, ceremonias nullas, etc. — (j) N
lolionibus etiam. M DPGB omellenl etiam. — t/c) NLeyser Toralba. MDATEPGB Coronseus.
» monies ne sont ne voiles ne sepulchres par lesquels Christ soit couvert, mais pluslosl fïenles
» puanles par lesquelles la pure religion et la vraie foi est souillée et du tout enterrée; ceux qui
» meltent l'usage d'icelles indifféremment en liberté attribuent beaucoup plus au pape que Dieu
» n'ollroye à sa loi », etc. Comment, sur les Actes, 16, 3, p. 764; cf. Sur les Actes, 15, 5.
(A) Octave répète en partie son apologie des pages 310 sq. : s'y reporter pour avoir les textes
du Coran : en voici d'autres. — Contre l'idolâtrie : « Dieu ne pardonnera pas qu'on lui associe
"d'autres dieux », 4, 51 ; cf. 4, 116 et 9, 28, et, contre les chrétiens idolâtres, 2, 107 à 112. —
Pour la charité envers les humbles : « Ceux qui feront l'aumône le jour ou la nuit, en secret
» ou en public, en recevront la récompense de Dieu », 2, 275. Cf. 2, 273 sq. et 17, 28.
(B) MD benignilalem adversus tenues, = la bonté envers les humbles.
(C) Proverb., 4, 4; Deuter., 30, 19, etc.
(D) Délices du paradis, Coran, 37, 38 sqq. et 47; 55, 46-78; 56,14-39; 76,11-23. Cf. supra, p. 329
ad fin. — Supplices des enfers, exemple : « Ceux qui refuseront de croire à nos signes, nous les
» approcherons du feu ardent. Aussitôt que leur peau sera consumée par le feu, nous les revêli-
» rons d'une autre, pour leur faire goûter le supplice », 4, 59. Cf. 7, 36; 11, 120, etc.
(E) Omission. MD necessarias tantum. Kasimirski, o. c, p. xxxn, confirme l'opinion d'Octave.
(F) Voyez eu note, p. 311, le passage du Coran, 5, 92, qui interdit les images; et p. 329, ceux
(5, 8 et 9; 2, 46) qui recommandent les ablutions.
(C) MD Coronseus. C'est évidemment le catholique Coroni qui prend ici la défense du catholi-
cisme, au nom seul de sou ancienneté, en haine et défiance des nouveautés. Ce n'est pas non
plus à Toralba, adepte de la religion naturelle qui n'a pas besoin d'intermédiaires entre la cons-
cience et Dieu, à disserter sur la condition des ministres.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES H 7
nies tournent la religion en superstition mais aussy qui les retrancheroit
touttes ce seroit couper (l) la religion iusques dans sa racine. Ainsy que ce
vigneron qui auoit appris de son voysin que pour faire pousser sa vigne plus
abondament il falloit retrancher (m) tous les rameaux superflus la tailla si
près de terre quil la fit mourir. Le mesme arriue til a ceux qui abandonnent
la loy de leurs pères par ce quelle les ennuyé sçauoir la doctrine de leglise
romaine : nous verrons quils sennuyeront bientost de la nouuelle [ri] quils ont
embrassée si ce nest que faisan resflexion sur la nécessité des cérémonies
et sur lesperance des recompenses qui leur sont promises par les pontifes et
prestres de l'vne & l'autre religion ils ne choisissent ce qui leur plaist de lune
& de lautre pour en composer vne troisiesme(o) (A). Or il n'y a rien que la loy
de Dieu recommande auec plus de soin que de payer exactement les dixmes (p)
et les prémices des sacrifices. Car les sages parmy les Iuifs ont ainsi parlé
[338] sçauoir est ce que ceux la nauront point de fruicts, verront mourir
leur bestial et tomberont dans l'extrême indigence lesquels frauderont (q) ce
qui est deub aux prestres et ne payeront [r) point les dixmes. Portez, dict
Malachie (7) (s), touttes les dixmes dans ma maison a fin que ie vous fasse
largesse (/) et vous verrez que iouuriray (m) les fenestres du ciel pour respen-
dre (y) sur vous mes thresors et labondance de touttes sortes de biens. le
deffendray a celuy qui deuore (a?) dendommager vos champs et de les rendre
(7) C. 3 (B).
h MDPG revellunt. NB evellu/il. — [m) MDTEf a vicino superfl.ua vilium secanle doclus.
GNB secare. — (h) B omet brevi quoque novae pigebil. — o) MTEA nisi lum rilibus ac csere-
moniis necessariis, Lum eliam prsemiorum {PG omellent ce mol) spe majore ponlificibus ac
sacerdolibus (D en surcharge : a pont ificibus ac sacerdolibus) proposila, optimum ac doclis-
simum quemque retinere conentur. NB nisi cum rilibus. N lum eliam prsemiorum spe majore
ponlificibus ac sacerdolibus proposila. B lum eliam prsemiorum sue majora ponlificibus ac
sacerdolibus proposila. — (p) MDN decintœ. B décima. — {q) MUB eripiunt. N eripiant. —
(/•) MDB faciunl.N faciant. — (s) MIJNB inquit Ueus apud prophetam, PG prophelas, erreur.
— (/) MDPGB ul, sit unde largilio fieri possil. N ut subinde largilio. — (m) MDN et lentale
me. si non aperuero... B lentale re (faute). — (v) ML) impluam. NB i-npleam. — (x) MD devo-
ratorem. NB devaslalorem (erreur : cf. Malachie).
A M nisi lum rilibus ac cseremoniis necessariis, lum eliam prsemiorum spe majore ponlifi-
cibus ac sacerdolibus proposila, optimum ac doctissinium quemque retinere conentur. Je m'en
liens à ce texte, — la surcharge de D a ponlificibus m'est inintelligible — et j'entends : [Les pro-
testants, qui se sont dégoûtés de l'ancienne religion, se dégoûteront vite de la nouvelle], à moins
que [s.-ent. : pour que les fidèles n'abandonnent pas la nouvelle religion] ils n'y retiennent
l'élite du cœur & de l'esprit : 1° par les cérémonies indispensables [s.-ent. : qu'ils rétabliraient];
2° une situation meilleure offerte aux prêtres. (Je ne crois pas que ponlificibus ac sacerdolibus
désigne les évêques et les prêtres, ce qui serait forcément une allusion à la hiérarchie catholi-
que, et détruirait mon explication; c'est une de ces redondances d'expression dont le xvie siècle
est plein, et Bodin entre tous. — Quant au sens de recomvenses matérielles, à donner à prse-
miorum spe majore, il n'est pas douteux pour moi. De quoi parle le contexte qui suit, sinon de
l'entretien des prêtres"? D'autre part, c'est une idée familière à Bodin que : >< L'indignité, mespris
» & mendicité des minisires faicl mespriser la religion ». BépubL, VI, 1, p. 594. — Pour R, il
doit traduire un texte où se trouvent a ponlificibus, et, à la place de quemque, un quodque ; de
plus, glosant comme à l'habitude, il ajoute : « pour en composer vne Iroisiesme ».
(B) Malachie, 3, 10 sq.
118 JEAN BODIN
infructueux. Et en vérité il ny a point de secret pareil a celluy la pour deuenir
riche (A).
Octale. — Les Mahometans (y) ont vn soin tout particulier denrichir les
pontifes (s) afin de ne pas rendre (a) leur religion mesprisable par la pauureté
de leurs prestres.
Curce. -- Mahomet a lil eu raison de repaislre (B) les esprits d'vne igno-
rante (b) populace de mensonges luy qui se dict Prophète (8), et de feindre
que sa loy luy a esté dictée par lange Gabriel (G)? Car (c) quand il a dict que
Marie mère de lesus estoit sœur (d) de Moyse et d'Aaron (D) n'est ce pas vn
conte denfant puis que Marie (e) sœur de Moyse estoit morte plus de deux mil
ans auant la naissance de lesusdont Marie est la mère (/")? Quant (g) a ce que
les Musulmans se vanlent de nadorer qu'vn seul Dieu éternel et le mesme
quadoroit Abraham (E) ne voit on pas quils sen escartent puisque souuent ils
confondent & meslent ensemble les louanges de Dieu et celles de Mahomet (F)
dont ils vont auec grande deuotion visiter (h) le sepulchre ainsy que celluy de
Nafissa [i) (G) et comblent lun & lautre de présents et doffrandes? Y a til (/)
rien de plus malheureux (A) que de veoir que Mahomet ayt atliré a sa secte
[339] des gens vicieux et sensuels soubs promesse de leur donner de quoy
(8) Hazora77, 7B, 27, 75, 42 (H).
[>j)MD musulmannis. XB muselmannis. — [z] DNB nique Muhammedes sapienter providit.
M sapientior. — [a] MPGNB ne sacerdotam inopia tifferat contemptum. I> affermit (?). —
(b) MDPGB imperitœ plebis animos. X imperitos. — (c) MDl'GB cum enim. X aulem. —
{d) MDPGmatrem Jesu scripserit esse. NB rnatrem esse Jesu scripserit. — (e) MDN Maria. B
Miriam. — If) MDPGB Maria Chrisli mater. X mater Jesu. — (g) MDX quod aulem. B sed
quod. — [h) MDPGB adeunl. X adorant. — (i) MDB Nafissse correct). PU Naphissse. X Nabis-
sse. — (j) MDB quid aulem. X enim. — [k) MDN f unes tius. B fœdiiis.
(A) C'est un des refrains de Bodin. Cf. Bép., VI, 2, p. 625. Si bien que la première dépense
que Bodin inscrit au budget de nos rois, c'est l'aumône.
(B) MD mendaciorum ferculis imperitœ )>lebis animos inescare, plus coloré encore.
(G) La sourate %, 1 à 5, rapporte les paroles de Gabriel à Moïse (lors de la première révélation
de janvier 611. Cf. Kasimirski, o. c, p. llj. Voy. aussi Coran, 66, 4.
(D) « O Marie, sœur d'Aaron », 19, 2'.). « El Marie, fille d'Imran », 66, (Bibl. 76), 12. Source
possible: Bicold, Confulalio.\) : « Quod lex Saracenorum manifesta conlineat mendacia ».§ 8 de
Virgine Maria : « Sed inler banc Mariam [sororem Aaronj et beatam V. Mariam rnatrem J.-C.
» filii Dei, mille quingenti anni inlercessere ». Bibl., o. c, t. 111, col. 154.
(E) Cf. pp. 310 note G et 336 .
(F) Allusion à la formule de prit re : <> II n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est le
» prophète de Dieu ».
(G) Sources possibles : 1° Mahomet. « Nam magna multitudo de secla illa annuatim visitant
» memoriam & sepulcbruin Mabumeti ». De moribus, religione, conditianibus et nequitia Tur-
corum, c. 13 (Bibl., t. Il, p. l'.»j. 2° Nalissa. Issue du sang d'Hali, et ses parents ayant été privés
du califat, elle se réfugia au Caire, où elle mourut en odeur de sainteté. Son tombeau était un
lieu de pèlerinage, Léon d'Afrique (1res lu de Bodin : cf. Bép., passim ; Method., Gatalog.. p. 459;
Hept., IV, p. 226 et 339), De l'Afrique, VIII, t. 2, pp. 215 sqq.
(H) « Oui, répondront les damnés, un apôtre [Mahomet] parut au milieu de nous, mais nous
» l'avons traité d'imposteur », 67, 9 (Bibliander 77). — « O prophète! » 66, 1 (Bibl., 76). — « O
» prophète! » 65, 1 (Bibl., 75). — « C'est la voie qu'ont suivie nos apôtres avant toi » (ce qui
implique que Mahomet aussi est un apôtre), 17, 79 (Bibl., 27). — « Le Coran a été révélé à
» Mahomet par Dieu »,32, 1 et 2 (Bibl., 42). Toutefois n'y aurait-il pas ici erreur de référence,
et ne vaudrait-il pas mieux lire : « O prophète ! » 33, 1 (Bibl., 43)?
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 119
rassasier leur lubricité (A) après cette vie ? Et qui est ce qui ne croira pas quil
soit (/) beau & honneste de pratiquer cabas en terre ce qui sera lionneste &
permis (m) vn iour la hault dans le paradis (B)? Léon l'AfFriquain qui de
mahometan quil estoit embrassa la religion romaine (n) escript dans son
troisiesme liure que poursuiuant vn iour vne femme de sa secte (o) dans la
ville du Caire il la viola (C) en présence dun grand concours de peuple, pour
raison de quoy (p) les babitants respectèrent les habits de cette (q) femme
comme sils eussent (/■) esté sanctifiez par ce stupre et les touchants du bout
des doigts les baisoient. Et de plus que le mary de cette malheureuse non
seulement la congratula (s) mais aussi son adultère et en fit feste & festin (/)
auec (u) ses amis. Ce qui ne doit pas sembler estrange puisque Mabomet
promet de ces sortes de recompenses aux sectateurs de sa loy (9). Que si
Pitagore veut qu'Homère Orphée & Hésiode (v) soient tourmentez dans les
enfers, attachez a des arbres, par des serpens qui les rongent, et Platon mes-
mes encor bannit Homère de (x) sa republique (D), parce quiis {y) auoient
(9) Azoara 1 et 51 (E).
(I) MDN ici esse in terris, quod. B supprime esse.— (m) MDB legislator honestum esse censeat.
Y docuit. — (h) MDN qui, Mahumedis ejurata religione, Romanqm amplexus est. B Mahume-
dis, ejurata religione Bomana, amplexus est (contraire aux faits). — (o) M scribit se quendam
(N supprime se. D sequendam ['?]) seclarium Ibuni Faridse (N lan Farida, erreur;. B scribit
sequentem historiam : quendam sectarum (barbare) Ibufii-Faridse, etc. — (p) MDPG post com-
plexum. NB amplexum. — (7) MDPGB illius. V istiui. — [r] MDVB quasi divinitatem adepta
fuissent [se. veslimenla]. l'G fuisset [se. mulier]. — [s\ DSB gratulalum esse. M gratuitum,
non-sens. — (/) MDPGB feslas epulas. N ajoute et Itulos. — («) .N'ajoute cunctis. — (v) MD\
Homerum, Orpheum, Hesiodum. B Hesiodus, inadvertance. — 'x) MDPG c (NB a) sua civitate.
— (,'/) ^ quod fi-nxissent. MPGBN finxisset.
A) « Ils auront des vierges au regard modeste, aux grands yeux noirs, et semblables par leur
» teint aux œufs d'autruche cachés avec soin », 'M, 47 (Bibl., 47). VA. 56, 31-36; 55, 56-68 et 70-
74. Voyez aussi l'invective de Federich, p. 328.
(B) K est inexact. MD quis corruplor publiais non sibi persuadeal pulchrum ac honestum
id esse in terris, quod in paradiso legislator honestum esse censeat. L'argument pourrait bien
venir à Gurce de Ricold, Confutatio, 8 : « Item si in his actionibus {se. illecebris voluptatum)
» extrema hominis l'œlicUas est, sicut Mahometus palam dicere videtur, cujus gratia nunc oportet
» ab his contineri, et non potins die ac nocte comedere et luxuriari, ut et hic l'œlices esse possi-
» mus? ■> Bibl., t. III, col. 150.
(G) M [Léo Afer] scribit se quendam {sequendam de D me semble une simple élourderie)
sectarium Ibuni- Faridse in urbe Cahira publiée mulierem constup fasse, inintelligible Je con-
jecture qu'un mot tel que vidisse est tombé aprc'S se ; et j'entends : Léon écrit qu'il a vu un secta-
teur d'Ihnu-Farid violer un jour publiquement une femme en plein Caire. La trad. de R suppose
se quamdam seclariam Ibuni-Faridœ... mulierem constuprasse. Le bon sens l'avoue, mais
Léon le contredit, qui impute le viol non à lui-même, mais au disciple d'Ibnu-Farid {De l'Afrique,
III, Autres diverses règles et sectes, avec les opinions superstitieuses de plusieurs, t. I, p. 416;,
comme ma conjecture, ou alors N, qui supprime se, permettent de l'entendre. — Sur Léon
d'Afrique, cf. supra, p. 226 note.
(D) Je ne sais où Bodin a pris ce jugement de Pythagore. QuanL à Platon, Bodin songe au
fameux passage si souvent allégué, Bépubl., 3, (.» (éd. H. Eslienne, t. 2, p. 398 a).
lE) Références fausses Lisez, à la place de az. I, Coran, 2, 23 (Bibl. 2) : <- Là ils trouveront
•> des femmes exemptes de toutes souillures ». — Tout ce que je trouve à Bibl , 51, c'est l'annonce
d'un paradis très imprécis : « Réjouissez- vous du paradis qui a été promis! « Kasim. 41, 30. Il
est probable que des erreurs de chiffres se sont glissées dans les mss., et que Bodin songeait aux
sourates 55 ou 56 (Bibl., 65 ou 66) citées supra.
120 JEAN BODIN
faict (A) les Dieux capables de querelles de paillardise de stupres de meurtres
& dincestes, a quoy bien plus iustement (B) doit on condamner Mahomet
qui (z) serige (a) en Prophète en Législateur en Docteur pour la pieté et en
Reformateur des religions?
Salomon. — Touttes ces choses sont non seulement honteuses a reciter
mais de pernicieux exemple assauoir de promettre aux hommes pour recom-
pense de leur vertu et de leur pieté des plaisirs infâmes de beste brûle. Et
cependant [340j il a trouué des gens assez simples pour se laisser infatuer a
ses faulses promesses (b). Dieu (c) tout bon et tout grand ne donne pas seule-
ment ce quil promet mais il va bien au delà [d) de nos espérances (e) (C), mais
les imposteurs promettent (/) tousiours plus quils ne tiennent. Quand Dieu
eut aduerty par la bouche de son prophète que la verge de celluy quil auoit
choisy pour grand prestre [g) prendroit racine, incontinent après cette mesme
verge non seulement germa en terre mais aussy porta fleur et fruict dans le
mesme moment (D) : aussy quand il promet (h) la terre aux obseruateurs de
sa loy il leur faict encor des largesses (i) célestes, de mesmes quand il les
asseure quils viuront ce n'est pas seulement de la vie présente mais cest de
celle qui est. a venir, beaucoup plus excellente que celle cy. Car (j) Onkelus
interprète chaldeen (E) explique ainsy cet endroit (4) : celluy qui obseruera
mon alliance et mes iugemens viura, cest a dire de la vie éternelle. Et (/.) ce
qui est de plus pernicieux cest que ceux qui sçauentbien que ces recompenses
de plaisirs charnels ne sont que des fables croyent aussy que les peines dont
on menasse les impies (/) sont pareillement fabuleuses et de celte façon tom-
bent dans vn aueuglement espouuantable.
Octaue. — lay tousiours fort estimé les sentimens de Platon et de Xeno-
phon (F) qui veulent quil soit permis comme il a tousiours esté (m) aux
(4) Leuitici c. 18. Exodi c. 20 et 31. Deuteron. c, 5. Ezechielis c. 20 (G).
(z) MD qui (NB quod) se et (N supprime et) prophetam el legislatorem. — (a) MDR profi-
teatur. V profitetur. — (6) MDTEA falsis promiisis imperitos lactari, PG laclare (seul cor-
rect). NB traclare. — (c) MDPG cum lamen Deus. NB omettent tamen. — (d) MDPGB mullo
uberius. N liberalius. — (e) MDN quam pollicëatur. PGB pollicetur. — (f\ MNB promillunl.
D promittant. — (g) MTEDAPG virgam illius, quem ad ponlificalum sibi delegerat. Leyser
virgam illius, quem ponl.ifi.cem. NB virgam illius, quam ad pontificem (non-sens). — [h) MDPGB
cum pollicetur. N polliceretur — [i] MDPG prsedia. NB prsemia. — (,/) NB omettent enim. —
(k) Nomet eliam. — (/) MTEI'G supplicia sceleribus proposita. Domet à tort supplicia. N omet
à tort sceleribus. B caetera proposita (?). — [m MDNB licere ac semper licuisse. PG ometlent
licere ac.
(A) M finxisset. D finxissent. Et parce qu'ils uuoient faict. RD me semblent plus plausibles :
les trois poètes sont coupables de ces fictions. A noter une fois encore la proximité de R avecD.
(B) Inexact. MD quanlo graviore pœna, = à quel châtiment plus grief?....
(G) Dieu nous récompense au delà de nos mérites, infra, VI, p. G45 et Déni., 3, 4, p. 360,
avec références.
(D) Nuni., 17, 1-8.
(E) Cf. p. 271 noteB.
(F) Le passage de Platon est célèbre, Répub., 2, 21 (éd. H. Estienne, t. 2, p. 382 c). — Celui
de Xénophon m'est demeuré inconnu, <5c cependant ailleurs encore Bodin associe dans la même
idée son nom el celui de Platon, Bép., Il, 5, p. 214 et Démon., 4, 1, p. 422.
(G) « Gardez mes commandements, lesquels faisant l'homme viura en iceux ». Levit., 18, 5.
« Cheminez en la voie de Dieu, afin que vous viuiez ». Deul.,5, 33. « Et leur monstray mes iuge-
» mens que si l'homme les faict il viura en iceux ». Ezechiel, 20, 11. Rien à Exod., 20 ni 31.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 121
magistrats et aux médecins de mentir qneJquesfois (ainsy qu'aux nourices
auec les nourissons; aux vus pour le bien et la santé des corps cl aux autres
pour laduanlage de la République : a combien plus forte raison (n) se peu-
uent donc seruir du mensonge les législateurs qui se donnent le soucy du
salut de lame. Bien que (A) Mahomet ayt promis dans son paradis des volup-
tez charnelles a ceux qui seroient chastes en cette vie, laquelle vertu il a fort
estimée en Marie en Zacharie et en la personne de Jean (Bj et il menasse de
feux éternels les adultères & les fornicateurs .'i , voit on pas bien quil na
escript 341 telles choses qua tin de donner a entendre que ceux qui saban-
donneroient (o) aux attrais des salles voluptez // nauroient point la vie éter-
nelle, ainsy quil le dict clairement (6)? Mais par ce que les peuples du midy
sont ceux de. toulle la terre les plus enclins aux femmes (7) Mahomet sest
aduisé de telles sortes de recompenses (C) pour ramener les hommes malgré
(5) Azoara 77 (q) (D). —(6) Azoara 1, 6, 51 et 107 (r) (E). — (7) Liuius de
Numidis [s). Ptolemteus in quadripartito (F).
(») MUN quanto magis. B quanto niajus (faute). — [o] MDPGB manciparent. .V mancipas-
sent. — (/)) MUN turpium [B turpiter) voluplatum. — (q) MD azoara 77. Y az. 76. B az. 73. —
[r MD az. 1,6,61 et 107. N az. 1,6,51et 117. B az. 6,50 et US.— {s) K Livius de Manuliusi?.).
(A) Contresens, qui rompl dans R la marche de la démonstration d'Octave. La voici : Il est
permis de mentir pour sauver les âmes. Accordons du moins que (MD demus certe) sur la terre,
sinon dans le ciel, Mahomet a commandé la chasteté. Mais qui ne voit (MD sed quis non videl)
que, même dans le ciel, il n'a promis aux fidèles la volupté qu'à raison du tempérament sensuel
des Orientaux ?
(B) Chasteté des Mahométans : « Sed apud Saracenos ipsos honorabilius videtur continere ab
« his [voluplatibus]. Ilabent aulem et quosdam viros speculativos et continentes, quos maxime
» laudant ». Ricold, Confulalio, 8 (Bibl., t. III, col. 150). — Chasteté de Marie : « Seigneur,
» répondit Marie, comment aurais-je un fils? aucun homme ne m'a touchée », Coran, 19, 20; cf.
3, 42 et 21, 91. — De Jean : « Il sera grand, chaste, un prophète parmi les justes », 3, 3i; cf. 19,
14. — De Zacharie : le Coran paile seulement de son impuissance.
(C) Que Mahomet ail promis aux fidèles du Coran les récompenses qui pouvaient leur être le
plus agréables, c'est l'évidence même : cf. Kasimisrki, o. c, p. xxxii. El Bodin trouvait cette
idée encore dans Bibliander, t. 1, p. 2.7, Annotaliones erndili cujusdam & recenlioris scrip-
toris, in azoaram 66. — D'autre part, et ceci offre un intérêt plus général, Octave détend à pré-
sent les points de doctrine les plus certainement prêches par Mahomet comme des expédients
provisoires : c'est exaclemenl la même altitude que nous avons soulignée dans Salomon, p 335.
Et si Bodin la prête à des personnages différents, de religion différente, ne peut-on en inférer
que c'est la sienne propre ? qu'il considère les rites el dogmes spéciaux de chaque conlession
comme des étapes nécessaires, mais que l'humanité franchira un jour, pour arriver à la religion
pure, nue, universelle?
(D) Erroné. La sourate 67 Bibl. 77) décrit les tourments de l'enfer, sans en menacer les adul-
tères ou les fornicateurs. Il y a des peines civiles contre l'adultère Coran, 24, 2) ou le fornicaleur
(4,19).
E Encore des citations légères : dans ces sourates Mahomet ne menace que les infidèles en
général. « Dirige-nous dans le sentier droit, non pas de ceux qui ont encouru la colère ni de ceux
» qui s'égarent », Bibl. : infidelium), 1. 7. « Les infidèles seront livrés au leu », 3, 102 Bibl. 6).
« Malheur à ceux qui nient la vie future » (Bibl. : incredulis . 41, 6 (Bibl. 51 . « Les infidèles et
» les idolâtres resteront éternellement dans le feu de la géhenne », 98, 5 (Bibl. 108*.
(F « Utestgenus Numidarum in Venerem preeceps ». Liv., 30, 12, 18. — « H arum quoque
» regionum [Asie, Inde, Arabie, Assyrie] domini sunt Venus et Saturnus. Quapropler nalurae has
» habilanlium regiones horum duorum dominorum naluras imitanlur. Venerem namque veneran-
122 JEAN BODIN
eux dans le bon chemin. Or sil la faict pour le salut des âmes (t) en quoy a il
tant (u) failly qu'on ne luy puisse pardonner? Que promettent autre chose les
chresliens (y) ou de quoy a faict feste Christ mesme que dune vie abondante
en toutte sorte de voluplez (-a?) a ceux qui viuroient dans vne vie exempte de
reproche, encores que les gens de bien et les sages soient (y) bien esloignez de
suiure la vertu par espoir den estre recompensez, elle qui porte en soy (z) sa
recompense? Et celluy la ne mérite pas (a) beaucoup de louange qui ne
faict (b) du bien que pour en tirer du proffict. Sans nous arrester donc dauan-
tage sur les recompenses qui sont deubes ;■ la vertu, sondez touttes (c) les
religions vous nen trouuerez aucune (si tant est quil y en ayt vne) (d) (A) qui
soit plus attachée inséparablement au culte du vray Dieu et plus esloignée de
toutte idolâtrie tant des yeux que de la pensée que celle de Mahomet.
Salomon. — Si les Musulmans nadorent qu'vn seul Dieu et non point plu-
sieurs en vn ils tiennent cela de la loy diuine car (B) il n'eust pas esté bien-
séant a Mahomet soubs prétexte d'vne loy nouuelleO') de mesler le faulx auec
le vray, ce qui est honteux auec ce qui est honneste
Octaue. — Leuenement a iustiffié que la loy de Mahomet estoit nécessaire
par ce qu'il ne pouuoit pas autrement détromper les peuples [342] de l'Asie et
de l'Afrique de la croyance quils auoient conceue que Iupiter & le Christ
l'eussent des Dieux (Cj : et na presché sa loy que pour empescher que les
(t) MDPG animos. NB animas. — (m) MD lam peccavil. NB lum peccavit. — (v) MDPGTE aut
quid aliud [Chrisliani pollicentur ? quid aliud] Christus proposuil quant... NB omettent les
mois enlre crochets. — (x) MDPGIi m sempiternis (N aelernis) voluptalibus. — (y\ MDPG sunt.
NB sint. — \z) MDPG virtus per se ipsa. NB ipsam. — (a) DTEB nec (N ac, absurde)
magnopere laudandus (PG mihi) videatur (M videtur). — (b) MD facial. NB facit. — (c) MON
omnes omnium religiones. PG omettent omnium. — (rf) MDN si ulla est usquam (B usquc,
faute) gentium. — (e) MDPGR nova legis specie. N novae, que traduit Et.
» tur et accurate observant membra generanlia et illa pro divinitatibus habent Sunl hommes
» calidi, qui venereos actus exercent, & in eis plus quam oporleat sollicilantur ». Quadriparti-
tum, 2, 3, Basile*, I. Hervagius, 1533, in-fol., p. 211 (sur Ptolémée, cf. irtfra, p. 589). Bodin
reproduit déjà ce passage, Rép., V, 1. p. 475.
(A) Vrai non-sens : comment en trouver, s'il n'y en a pas? C'est que le latin est incorrect, et
intelligible au prix seulement d'un solécisme, auquel R ne s'est pas arrêté. MD omnes omnium
religiones inquirite, si ulla est usquam gentium. Je crois qu'il y a là une négligence, par galli-
cisme; que la grammaire exigerait num...sit; et j'entends : cherchez dans toutes les aulres reli-
gions humaines s'il y en a une seule plus monothéiste que la nôtre. — C'est peut-être pour de
telles inadvertances que Crotius, après lecture de VHeptapl., incriminait la latinité de Bodin :
« [Bodinum] latinilale utenlem haud plane nilida ». Grotius, Epistolae, Amstelodami, Blœu,
1687, in-fol., p. 127.
(B) Car vient à contresens. MD nec. Voici la suite des idées : Mahomet emprunte aux Juifs
tout ce qu'a de bon le Coran, et par conséquent (nec) ce fut inconvenance à lui de mutiler, falsi-
fier les livres saints, qui sont la vérité même.
(C) Passage remarquable : il apparaît bien cette fois que, comme nous l'avions senti p. 341,
Oclave lui-même ne considère l'islamisme que comme un degré pour arriver à la pure reli-
gion naturelle. — Sur Jupiter et le Christ : Kasimirski, Notice, p. X, explique qu'au début du
vne siècle, les Arabes étaient juifs, chrétiens, et pour la plupart idolâtres. La Kaaba, très accueil-
lante aux divinités de toule sorle, pourvu qu'elles ne fussent pas exclusives, pouvait bien con-
tenir les images du Christ et de Jupiter, enlre les 360 idoles que Mahomet fit briser à la prise de
la Mecque (Kasimirski, ibid., p. xxiu).
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 123
peuples ne fondassent plus lesperance de leur salut (f) sur la vie de lun (g)
& sur la mort de lautre, de laquelle mort il ne demeure pas daccord mais
qu'il a esté retiré par la puissance de Dieu des mains de ses ennemis qui le
vouloient faire mourir (A). Et sur ces fondemens il a Irouué (B) deux puissans
appuys pour establir sa religion. Premièrement en s'allirant tous les esclaues
soubs promesse de liberté quil prometloit a tous ceux qui suiuroient sa doc-
trine (C). Et en second lieu en dépendant de disputer sur les articles de sa loy,
mais par la force des armes & par la crainte des supplices il a contrainct ceux
qui parloient mal de sa loy de la suiure Du Cest pourquoy Homarus son
ambassadeur (E) ayant composé vue prodigieuse armée dun nombre presque
infiny desclaues il deffit en battaille tous les gouuerneurs des villes et les
intendans d'Arabye Syrie et d'Egipte et en peu de temps subiuga la Caldée et
la Perse [h) en bruslant tous les liures des payens & des chrestiens. Et se
seruit de son secret pour gaigner & attirer les chrestiens a son parly dappeler
Christ prophète, comme aussy les luifs, les Arriens, les Nestoriens (i) & les
Sabelliens en niant sa diuinité (F). Car lopinion des Mahometans et des
Arriens sur ce chef a seruy aux vns & aux autres de fondement a la religion.
Car les vns & les autres croyent bien quil est fils d'vne vierge mais quil est
créature (8), laquelle (j) opinion a esté confirmée par huicl conciles assem-
(8) Epiphanius contra Arrianos; Hilarius, libro .'3 de Trinitale (G).
(f) MDPGB spem aut prsesidia salul.is. .V praesidium. — [g MDN in illius B illi, négli-
gence) vita aut in hu jus (l'G ejus) morte. — [h] DN Persidis, B Persiae. M Prœsidis, par con-
lusion avec prsesides urbium, qui précède. — i DNB Neslorianos. M Neslorios, incorrect. —
[j) DNB qnae (sentenlia). M quia, inadvertance.
(A) Cf. p. 310, noie II.
(B) MD his jadis fundamenlis, duo prsesidia maxima stabiliendae religion is mljecit, =
voilà les fondations sur lesquelles il a construit sa religion; puis il l'a étayée de deux puissants
étais (qui vont suivre).
(C) Au siège de Taïf, Mahomet annonce que tout esclave qui ferait défection el passerait aux
Musulmans serait libre. C'est ce que lui reprochait Federich, p. 328.
(D) Sur l'interdiction des disputes religieuses, cf. p. 242, note D. — Sur l'obligation faite aux
fidèles, du djiliad ou propagande par la guerre sainle : « Combattez-les fies infidèles] jusqu'à ce
» que vous n'ayez point à craindre la tentation el que loul culte soit celui du Dieu unique », 2,
190 (Bibl. 2, t. I, p. 15). CI'. 2, 215 (Bibl. 3,1. 1, p. 17,, et 3, 163 (Bibl. 6, l. I, p. 28;.
(E) MD Homarus, Muhamedis legatus, = Omar, son lieutenant. — Sur Omar, cf. p. 226 noie A.
11 donna l'ordre à Amrou d'incendier une riche bibliothèque d'Alexandrie, disant que le Coran
tenait lieu de tous les livres. — Naguère au contraire, Octave vantait la tolérance des musul-
mans, et en particulier de ce même Omar (p. 226) ; mais peul-on lui en vouloir, à lui seul, de ces
conlradiclions que le Coran même comporte, s'il recommande la guerre sainle et en même
temps interdit la contrainte en matière de religion cf. p. 226 noie C)?
F) Arius niait la divinité de .lésus; Neslorius voyail en lui deux personnes distinctes absolu-
ment, l'une divine, l'autre humaine, dont Marie était la mère. Sabellius, lui, voyail dans le Père,
le Fils el le Saint-Esprit moins des personnes distinctes que des énergies différentes de la Trinité.
On conçoit comment Mahomet pouvait, dans une certaine limile (au delà de laquelle il les con-
trariait), satisfaire à la fois ces doctrines, par ailleurs presque opposiles. Cf. Ricold, Confulatio,
13 (Bibl., I. III, col. 166; : « Et quidem Nesloriani maxime cum Saracenis conveniunt, dicentes
» quod Deus non esl nalus de beata Virgine, sed homo J.-C. ».
(G) Epiphane, Adversus hsereses, 2, 2, haeresis 69, 34 (Migne, l. 2, col. 255). — Hilaire, Ue
Trinitale, 3, 8 -Migne, t. Il, col. 80) et passim : dans lout le i. 12, Hilaire montre aux Ariens,
124 JEAN BODIN
blez (k) a Tyr, Sardes, Smyrne, Milan, Seleucie, Nycée, Tharse, J343] mais
principalement par celluy d'Ariminie ou (l) six cens euesques (A) dun mesme
esprit et dune mesme pensée (m) confirmèrent (B) que Marie nestoit point
mère de Dieu.
Curce. — Sy vne multitude dheretiques assemblez pour cabaler se doibt
appeller concile pourquoy nappellera ton pas les assemblées (n) des Epicuriens
des conciles et des Eglises? Cependant (o) les iurisconsultes ne veulent point
souffrir dassemblées (p) de criminels & de scélérats (C) : a plus forte raison
les assemblées des Nestoriens des Sabelliens et des Arriens qui faisoient des
conjurations contre Dieu doiuent elles estre reiettées du nombre des conciles,
puisquils destruisent (q) le chef principal de la foy assauoir la diuinité de
lesus Christ et lessence (/•, dun Dieu en trois personnes (D) reconneue pur vne
infinité dautres conciles el particulièrement par celluy de Nice.
Octaue. — L'antiquité de la religion chrestienne...
Mais Cohoni voyant qu'il alloit (s) commencer vn grand discours i/) et
qu'vne matière de cette conséquence demandoit trop de temps (E), se leuant
de son siège, Après souper, dict il, le reste, a fin qu'Octaue ne croye pas que
Ion veuille luy oster la liberté de respondre. Puis on traictera (u) soubs le bon
plaisir de la compagnie assauoir sil est permis a vu homme de bien dauoir
dautres sentimens touchant la religion (v) que ceux dont il faict publiquement
[k)Nocto conciliis, scilicet (MDB conciliis) qux. — (l) MDB quae (anlécédenl : concilia)
...comprobarunt. N qua (sujet : episcopi) ...comprobarunt. — (m) MD Arianam religionem
comprobarnnl. Clarius {B claruit [?]) eliam Nestor [NB Nestorius, correct) qui Mariant Dei
malrem esse operle negavit. — (n) MUPGB cœlus. N cœtui. — (o) MDNB at. l'G ac (?). —
(p) DNB cotre. N coiri, barbare. — (q) MNB abrogaveri.nl. B abnegaverint. — (r) MUNB ac trium
personarum in unius (PG unica) essenlii trinitatem. — (s) ML) comparalum. NB parai uni. —
(l) MDB ad responsa. N ad responsionem. — (m) MON disseretur. B disseratur. — (v) MDPGB
de religionibus. N de religione.
qui ne peuvent concevoir que le Fils, étant né, soit en même temps éternel, que c'est là un mystère
inconcevable. Erasme a édité Hilaire, Bàle, Froben, 1535, in-fol.
(A) 400 (et non 600) évêques s'y trouvèrent (Sozomène, 4, 17), et leur unanimité eut pour
principale cause la pression impériale. Cf. Vacant et Mangenol, Dict de théol. catholique, art.
Arianisme, t. I, col. 1827 sq. Bodin avait déjà dit 600 évêques, Bép., IV, 5, p. 455.
;Bj Omission. MD [oclo concilia] Arianam religionem comprobarunt. Clarius eliam Nestor
[= Neslorius] qui Mariant Dei malrem esse aperle negavit.
(C) Cf. Bép., [, 1, p. 1 sq. « Nous auons. dict en premier lieu droict gouuernement pour la
» différence qu'il y a entre les Repub. et les troupes de volleurs et de pirates, auec lesquels on
» ne doibt auoir part ny commerce ny alliance... Et mesines la loy n'a pas voulu que celuy qui
» lomberoil entre leurs mains perdist vn seul poinct de sa liberté, ou qu'il ne peusl faire testament
» et tous actes légitimes, que ne pouuoit celuy qui esloit captif des ennemis, comme estant leur
» esclaue, qui perdoil sa liberté et la puissance domestique sur les siens ». Donc pour les groupes
sociaux illicites, point d'existence juridique : ainsi des conciles hérétiques.
(D) Omission. Ml) quant... debemus tueri, = [croyance] que nous devons garder, soutenir. —
« Et [nous croyons] en un Seigneur Jésus-Christ le fils de Dieu, seul engendré du Père, c'est-
» à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu,
» engendré el non fait, consubstantiel au Père ». Symbole de Nicée. Les termes en italiques
sont les termes explicatifs ajoutés, contre Arius, au symLole de Césarée par le symbole de Nicée.
Vacant & Mangenol, o. c, l. I, col. 1796.
(E) Contresens : et que la discussion sur ces graves sujets s'était déjàprolongée trop longtemps.
Ml) ac diulius de rébus gravissimis protracta disputatio fuisset.
DES SECKETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 1:25
profession. Après quoy auec les ciuililez accousturnées ils se séparèrent auec
vne merueilleuse atlenle de la conférence suiuante.
Livre V
De la fidélité à sa foi, 345 360. Coroni ayant fait servir des pommes artifi-
cielles qui surprennent Federich, on en vient à parler, par association d'idées,
de ceux qui simulent des sentiments, surtout religieux. Digression sur les
dégradations du sentiment religieux, depuis la vive piété jusqu'à l'athéisme
railleur, 345-350.
De l'obligation morale du martyre.
[350] Octaue. — Ceux qui nont pas la liberté dadorer Dieu en public sans
mettre leur vie en danger ou (a) leur fortune, quoy qu'ils se prosternent en
apparence deuant les Idoles & les Diables ils peuuent toutlesfois donner leur
cœur a Dieu & ladorer en pensée au sentiment mesme de Hyeremie (6) dont il
nest pas permis de doubler ny de sesloigner.
Cuhce. — Pour moy ie ne sçaurois approuuer la feinte de ceux qui estiment
quil leur est loisible de s'incliner deuant les Idoles dans le mesme temps que
leur cœur est tourné deuers Dieu. Que si cella estoit permis, pourquoy
S. Paul (7) diroit il au contraire : on croit du cœur pour estre iustiffié, mais
la confession de bouche est nécessaire a salut Ceux qui en vsenl autrement,
Tertulien les appelle àXXoyûXXouç infidelles : c'est le nier (b) dict il que de dissi-
muler (A).
Octale. — Il y a beaucoup de choses que l'on [351] approuue et plus encor
qui ne s'approuuent point. Tout le reste va dans l'indifférence, cest a dire (B)
ny ne sapprouuent ny ne se desapprouuent point, mais est en quelque façon
excusable (c) comme tout ce qui se faict par contrainte ou par timidité.
(6) In Epistola ad ciues in Babylone (C). — (7) Ad Romanos, c. 10 (D).
(a) SB ac. MD au t. — (b) NMD Negat, inquit, quisquis dissimulai, li quicunque. — (c) NBD
excusantur. M accusanlur, inadvertance.
(A) Je vois Terlullien protester contre l'hypocrisie en matière de religion, Apologéliq., 27. —
Quant à àXÀocpûXXouç, il l'emploie en opposition à fidèles, Adversus Marcionem, 5, 7 (Migne,
t. 2, col. 487) ou bien en opposition avec les Macchabées de pure race juive, Adversus Judœos,
4. Mais nulle part je ne trouve la citation que lui impute Bodin; là encore, il ne cite pas textuel-
lement, mais résume l'impression générale d'une lecture de Tert., Apot. ou Adv. Marcionem.
(13) Tout le reste va dans l'indifférence, c'est a dire, glose.
, . (C) Baruch, 6, 5 : « Quand donc vous verrez le peuple derrière et deuant [les faux dieux menés
» en procession], dictes en adorant en vos cœurs : Seigneur Dieu, c'est loy qu'il faut adorer! <
{B) Ad Rom., 10, 10.
126 JEAN BODIN
Cubce. — Ouy deuant des luges la crainte des chastimens ou des rigoureux
tourmens.
Octaue. -- Vous pensez [d) donc que Dieu (mon cher Curce) soit plus
seuere que les luges du inonde (8)?
Federico. - Quoy que la crainte des tourmens soit vn empeschement (e)
pour ne pas confesser Dieu hautement &. publiquement, ie ne trouue pas
cependant que celluy la soit excusable qui se prosterne deuant l'idole de
Diane ou de quelque autre deité fabuleuse (A) de peur de perdre ses biens
ou ses charges, pourueu que Ion puisse quitter sa patrie comme Abraham fit
par le commandement de Dieu pour n'estre pas obligé de sacrifier aux
astres (B). Autrement ie nentens pas comment on peut satisfaire a cet oracle
de la parolle de Dieu (U) en saint Mathieu, c. 10 : Celluy qui me confessera
deuant les hommes, ie le confesseray deuant mon père, et celluy qui me desa-
duouëra deuant les hommes, ie le desaduouëray deuant mon Père (/"). C'est
pourquoy les anciens chrestiens qui trompez par lempereur Iulien auoient
sacrifié aux Démons réprimandez par les Euesques et accablez de pénitence
crioient a haulte voix et publiquement : Nous auons esté chrestiens dans le
cœur et le sommes encor : Sauueur lesus Christ nous ne tenons point estre
infidelles (1).
Octaue. — Puisque ayans esté ainsy trompez ils nauoient point violé leur
foy il nestoit point nécessaire qu'ils détestassent leur erreur (C) et qu'ils en
demandassent pardon par ce que ceux qui sont trompez ne donnans point leur
consentement a la tromperie, il n'y a point doffense, le péché nestant que
dans la volonté (D).
(8) L. metum aulem, quod metus (E). — (9) Matthaei c. iO (F). — (1) Epi-
phanius, lib. 3 ((i).
(d) NB arbitrale. MD arbilrere. — (e) N ut s'il excusatio me lui cruciatus. B metus. Ml)
metu. — if) NB tronquent la cilalion de Mathieu.
(A) MD qui ante Dianae aut allerius Virginis staluam procumbit. Federich profite certaine-
ment de l'occasion pour assimiler le culte de Diane au culte, non moins idolâtre, d'une autre
Vierge, entendez : celle des catholiques. Cf. in/'ra, p. 358, noie R n'a-l-il pas senti la malice?
ou, la sentant, a-l-il évité de la rendre, par scrupule religieux? Nous avons déjà eu la même
impression, supra, pp. 309 et 310.
(B) Genèse, 12, 1-4. Cette histoire est rappelée par Bodin [supra, p. 268, et Démon., 2. 3, p. 197);
et le sens religieux qu'il lui donne lui vient de Philon, De la noblesse, trad. Bellier. p. 858, et de
Josèphe, Antiq. judaïq., 1, 8.
(C) MD errorem deprecarentur, = qu'ils s'excusassent de, demandassent merci pour leur
erreur.
(D) Encore un cliché de Bodin, supra, p. 226: infra, p. 588; Démon., Réful. de Wier, p. 592.
(E) « Ait praetor : quod metus causa gestum erit, ralum non habebo. — Metum autem non
» vani [= peureux] hominis, sed qui merito et in homine conslanlissimo cadat, ad hoc ediclum
» pertinere dicimus ». Digeste, liv. 4, lit. 2, 1 et 5 (éd. citée, p. 227, t. I, col. 477 et 478). C'est
un de ces poncifs juridiques dont Bodin use à chaque instant : cf. Démon., 4, 5, p. 517; ibid.,
Réfut. de Wier, p. 567, etc.
(F) Matth., 10, 32-33.
(G) Tl y a une histoire analogue dans Épiphane, Adversus liserés., 2, 2, haeres. 4 (Meletii schisma),
S 2 (Migne, t. 1, col. 183 sq.) : les chrétiens discutent entre eux s'ils recevront ou non parmi eux
leurs frères qui, ayant sacrifié par crainte aux idoles, s'en repentent à présent. Mais le récit auquel
fait allusion Bodin est le même que supra, p. 243, note F.
DES SECRETS GACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 127
352] Cubce. — Origene (2) (g) dans son oraison contre Celse faict vne
graue à seuere reprimende a ceux lesquels bien qu'ils reconneussent le
Christ dans leur cœur le renioient neantmoins de bouche. Et Dieu condamne
ces hypocrites par la bouche du prophète Iïelie en cette manière, le me suis
reserué sept mil hommes qui nont point courbé les genoux deuant Bahal (3)
& ne lont point baisé (h). Qui est ce qui ne connoist pas que ces parolles se
rapportent au corps & non pas a l'.ime (A) ? Que si les anciens ministres
d'Appollon de Diane & de Iupiter dans leurs cérémonies crioient contre (i) les
Athées & les Epicuriens, Lucian adiouste : et contre les chrestiens, quils
eussent a sortir de leurs temples (B), a bien meilleur tillre doibton pratiquer
ces choses dans les temples de Dieu.
Octale. — De deux maux il faut tousiours esuiter le pire, au dire de tous
les sages. Il est bien fascheux a vn homme véritablement religieux (j) de se
prosterner deuant vne idole et de lui faire offrande encor que son intention
ne soit point destachée du Dieu quil adore. Cependant ce seroit encores plus
mal faict de paroistre extérieurement (en fuyant les temples puisque vous les
estimez prophanes) nauoir aucune religion, a cause de la conséquence du
mauuais exemple que vous donnez : ioinct que le libertinage vous conduict
dans touttes sortes d'impietez (k) : il est donc plus a propos desuiter cet incon-
uenient que lautre, chacqu'vn ne pouuant pas emmener facilement et trans-
porter auec soy sa femme ses enfans ses parens & sa famille (C). Et quand
cella seroit facile il fault aller au loin chercher ceux qui font profession de la
véritable religion (D) ce qui est de la dernière incommodité. Moyse (4) et Hye-
(2) Contra Celsum (E). — (3) Lib. 4 Ilegum (F). — (4) Deuter., c. 28 (G).
(g) NB Apud Originem. MU Origenem. — {h) NB Beliqui mlhi seplem mil lia virorum, etc.
MU complètent. — (i) M omet par inadvertance compellebant. — [j) SB homini prudenli ac
religioso. MU pudenli. — [k] X ad omne gémis impietatis. BMD irnpietalum.
(A) Entendez : qu'Hélie ordonne parla l'affirmation extérieure, & non pas seulement intérieure,
de la loi.
(B) Lucien, Alexander seu Pseudomantis, 38. — Source : peut-être D.-Mornay, 32, p. 801.
Presque tout ce c. 32 a passé dans VHeptapl.
(C) MD familïam, — ses serviteurs, sa maisonnée.
(D) 11 m'est difficile, après ces détails, de ne pas voir là une apologie personnelle, et qui vient
corroborer ce que j'ai dit de sa conduite politique et religieuse en 1589-1594, et aussi de sa îépul-
lure en l'église des Cordeliers de Laon (cf. mon Jean Bodin, I, 3). On table sur ce dernier acte
pour affirmer sa ferveur catholique : je n'y vois qu'une adhésion de bienséance à la religion de la
plupart. Il a semblé encourager la ligue? Oui, mais par crainte, devant l'impossibilité de quitter
Laon et la place qui faisait vivre lui et les siens, et aussi par le sentiment du tiède, suspect aux
purs, et qui se croit tenu de leur donner des gages. Au fond ses sympathies pour les Politiques
et pour les huguenots, même si de Thou nous permettait d'en douter, percent à chaque instant
malgré lui. De celle altitude, que le péril fait forcément un peu double, qui lui fait honte, il veut
s'excuser ici par devant quelques amis sûrs, comme ce H. Bignon son correspondant, ou par de-
vant lui-même. El, ainsi interprété, ce passage rend un son ému, personnel, que nous ne sommes
pas habitués à rencontrer. D'autre part Bodin est un esprit avant tout tendu vers la police de
l'Étal; pareil à Montesquieu, il considère moins la religion comme une conviction individuelle
que collective; pour lui elle est avant loul un lien social [snpra, pp. 218-220;. De là ses affirma-
tions que mieux vaut religion fausse que religion nulle; qu'il faut hésiter à changer une fausse
pour la vraie, de crainte, sans instaurer l'une, de détruire l'autre, etc. Senamy lui-même n'a
128 JEAN BODIN
remie (5) ressentoient dans l'ame (/) les peines dont les enfans d'Israël estoient
menassez, preuoyans par leur esprit [353| de prophétie {m) qu'il pourroit
arriuer que estans faicts captifs par leurs ennemis on les forceroit dadorer
des pierres & du bois par ce quils auoiervt idolâtré (»), selon le texte que
celluy sera puny par ou il aura péché. Cependant Dieu a donné (o) luy mesme
vn bon remède contre l'idolâtrie, assauoir de tourner ses pensées vers luy
quand on seroit contrainct & violenté de seruir aux idoles (A) : auquel cas il
promet de se monstrer propice.
Clrck. — Ce remède est bon pour des esclaues et des prisonniers de guerre,
ou pour ceux qui par des prisons rigoureuses par des gehesnes & a coups de
baston sont violentez dassisler a des sacrifices impies, mais non pas pour ceux
qui peuuent s'en aller ailleurs (B)
[Et les deux protestants de dire que la lâcheté des hommes instruits peut
détourner les ignorants du culte du vrai Dieu. Salomon, lui, pense que la pire
superstition est encore préférable à l'athéisme et que Dieu a pour agréable le
culte rendu même à des idoles, s'il est sincère, 353-357.]
Quels hommes sont qualifiés pour rechercher la vraie religion.
[3571 Salomon. — Si celluy offense Dieu qui prend en vain le nom de la
diuinité quil adore, encor quelle soit faulse (C), on peut inférer que Dieu n'a
point désagréables les honneurs que de bonne foy Ion rend aux Idoles.
Cuhci<:. — Qui est ce qui pourroit se dire innocent (a) de préférer lesclaue a
(5) C. 16 (D).
(/) NB percipiebant. MD prsecipiebant — (m) N perspexerant. B prospexerant. MU pros-
pexerunt. — (n) N quia prœ. BMD quodpro vero Deo idola maluissent. — (o) N dederat. BMD
dédit. — («) NMD quis errore justo (B quis décore juste) se lueri potest.
qu'une peur, c'est de paraître athée et de donner le mauvais exemple (infra, p. 371), parce que
c'est dissoudre le ciment de la cité. Par là on comprendra mieux encore le plaidoyer de Bodin
pour la dissimulation décente de sentiments religieux opposés à ceux du plus grand nombre,
quand celle dissimulation est d'ailleurs mainles fois formellement condamnée, Sivach., 12,6;
Isaïe, 32, 6; Jérémie, 9, 6, etc.
(E de la page précédente) Contra Celsum, 1, 8 (Migne, t. 1, col. 670).
(F de la page précédente) Erreur. III Bois, 19, 18.
(G de la page précédente) Deut., 28, 36.
(A) Baruch, 6, 5 (cité p. 350).
(B) Ne croit-on pas, avec un peu de complaisance, entendre, à travers le dialogue du sévère
Gurce, qui représente si bien l'appélit de martyre des premiers âges du protestantisme, et d'Oc-
tave, plus doux, plus enclin à plier aux nécessités de la vie, un autre dialogue, le dialogue inté-
rieur du double Jean Bodin : l'un, tendu vers un idéal religieux et prêt à tous les sacrifices;
l'autre, plus humble et modeste, qui songe à ses enfants, au pain de chaque jour, et qui cède au
malheur des temps ?
(C) Salomon vient de rappeler l'histoire des Gabaoniles, punis de la traîtreuse ruplure d'une
alliance pourlant jurée sur leurs faux dieux, Josué, 9. — Sur celle idée que l'adoralion sincère,
même adressée aux faux dieux, louche toujours le vrai, cf. supra, pp. 228-234.
(D) Jérémie, 16, 11 et 13.
m:s secrets cachez des choses sublimes 129
son maistre, le suiet a son Roy et la créature a son créateur (b), ou de les
confondre ensemble (A)?
Octaue. — Les anciens peuples a l'exception de fort peu nadoroient que des
Dieux estrangers ou les assembloient auec le vray Dieu (c). Mesmes les lu ifs
qui par le commandement du roy d'Assyrie (d) estoient allez en Samarie (5,j
sacrifioient conioinctement a Dieu et aux |358l Dieux du pays, auec innocence
neantmoins parce quils estoient instruicts de la sorte par leurs Pontifes : et
s'ils eussent faict (e) autrement on les auroit accusez d'impiété, par ce que les
Pontifes par toutte [la! terre sont arbitres de la religion, ainsy que L. Lucullus(6)
(au raport de Ciceron escriuant a Atticus) le disoit au Sénat. Et iamais la loy
de Dieu n'a soubmis a d'autres qu'aux Pontifes et aux. leuites (/) les décisions
de la religion il), quoy qu'elle permette de demander aux iuges séculiers (g)
les punitions des infracteurs de la Loy (B).
Fedehich. — Que deuiendra donc ce que Iesus Christ a dit que celluy qui
aiant entendu {h) & compris la volonté de son maistre la mesprise neantmoins,
doit estre battu & chastié rigoureusement: et que celluy qui laura ignoré ne
laissera pas destre puny (non pas a la vérité si seuerement) (8) et que les
ignorans (i) périront auec leur ignorance (9)?
(5) Lib. 2 Hegum, c. 17 (G)l - 6) Cicero ad Atticum, lib. 4 (D). — (7) Deu-
teron., c. 22 (E). — (8) Lucœ c. 12 (F). — (9) Ad Corinth. Epist. I, c. 14 (G).
{b) N ut dominum. servo, regem subdito, crealuram crealori cullu anteferat aul conférai.
HMD creatorem creaturœ. — (c) N cum Deo. BMD cum vero Deo. — (d) NB régis Assyriano-
rinn. MD Assyriorum, seul correct. — (e) NB fecissent. MD facerent. — (/) NBD ordini Levl-
tico. M Levino, barbare. — (g) NB tametsi violalœ religionis supplicia quoque ac cœteris
irrogari velit. MD a cœteris, seul intelligible. — (/<) MD prœcepil. NB percepit. — (i) MD et
ignorantes (N ignoranlem) simul cum ignoralione SB iynoranlia) ac inscilia sua (B omet
ces 3 mois) periluros (N periturum).
(A) MD ut dominum servo, regem subdito, creatorem creaturae cultu anteferat aul confé-
rât. R, seul contre tous nos mss., semble bien offrir le texte que réclame le bon sens : domino
servum, régi subditum, crealori crealuram. Il est certain que le rigide Gurce atlaque ici l'asso-
ciation ou la préférence à Dieu de la créature dans le culte. — La forme, sinon l'idée, doit venir
à Bodin de Terlullien, lequel vante le monothéisme du chrétien, qui « nec appellationem Dei, ila
» ut Imperaloris, in alio quam principe confitetur ». Apol., 24.
(B) MD lamelsi riolatœ religionis supplicia quoque a cœleris irrogari velit [divina Lex].
J'entends : quoique la loi autorise les autres [que les Lévites] à infliger les châtiments pour
infractions à la Loi. — C'est le d qui précède cœleris qui m'oblige à traduire ainsi; si on le sup-
prime par conjecture, cœteris passe au datif, et l'on obtient le sens bien plus satisfaisant qui suit :
seuls les Lévites avaient qualité pour déterminer les points de doctrine, mais, une fois fixée la
doctrine, ceux qui l'enfreignaient, même non-Lévites, étaient passibles de sanctions (ainsi les
Israélites punis de l'idolâtrie du veau d'or par la mort de 23.000 des leurs, Exod.,32, 28). Peut-être
Bodin a-t-il, incorrectement, construit irrogari supplicia comme les expressions petere ab,
sumere pœnam ab, et peut-on adopter le second sens, même avec le texte a cœteris.
(G) Erroné. IV Rois, 17, 27-41. Seulement il s'agit non de Juifs, mais de colonies assyriennes
envoyées par leur roi en Samarie, et qui, sur l'ordre du double clergé assyrien et juif, réunissent
les deux cultes, le faux & le vrai, et sont ainsi protégés des lions qui les dévoraient.
(D) <• Tum M. Lucullus de omnium collegarum sententia respondit religionis judices ponlifices
» fuisse, legis esse senatum j>. Ad Attic, 4, 7, 4.
E) Erreur. Deul , 17, 9-12. « Et viendras aux preslres du genre leuilique et au iuge qui sera
» en ce temps la, et L'enquesteras d'iceux et ils t'annonceront la parole de droict », etc.
(F) Luc, 12, 47 sq., cité supra, p. 234 note C.
(G) Citation par à-peu-pris. « Si quelqu'un veut l'ignorer [le Seigneur], il sera lui-même
Ghauviié 9
130 JEAN BODIN
Octaue. — Celluy la nest pas seulement digne de chastiment qui mesprise
les commandemens de son maistre quand il les sçait (A) : celluy la lest encore
qui ne les recherche & ne sen informe pas (j) : mais non pas celluy qui ne les
peut (k) sçauoir & qui tombe dans lerreur par la malice & la tromperie de
son Pontife de qui il veut apprendre auec zèle et sincérité la volonté de Dieu (/;.
Car les pontifes, les prestres, les euesques, les ministres des religions & des
sacrifices sont constituez pour enseigner aux ignorans la volonté de Dieu (B).
Et quand ils leur persuadent qu'il fault adorer Dieu, ou Apollon, Diane (m) (G),
Pallas, les astres (n), les anges, les démons, les Idoles (D), des corps morts
ou des cendres (o), qui peut accuser ces pauvres ignorans ou les punir? Il y
auroit plus de raison de les arguer dorgueil et de présomption sils ne don-
noient [359] pas créance (p) a leurs Pontifes et à leurs Prestres : puisque par
la loy de Dieu celluy qui nobeït pas aux ordonnances du grand (q) prestrc
doit estre puny de mort (1).
Senamy. — Iestime pour moy que ceux la sont et seront tousiours excusa-
bles qui sur la foy de leurs pontifes et par leur commandement adorent des
idoles, ou des os pourris (r), croyans bien faire.
Salomon. — La loy de Dieu (2) veut que les Pontifes et les Prestres soient
si doctes et si sages qu'ils ne puissent prétendre cause dignorance quand on
(1) Deuteron., c. 17 (E). — (2) Leuit., c. 5 (F).
(/) MD is qui non exquiril. NB exsequilur. — (k) MDN poleral. B potuit. — (l) MDB Uomini
i .V Dei) sui, — (m) MDB Diurne virgini, inadvertance. N Dianœ, Virgini. — (n) N oinel side-
ribus. — (o) MD slaluis hominum ac bestiarum cadaveribus et cineribus. NB statuts hominum
ac bestiarum, cadaveribus et cineribus [sacra facianl]. — (p) MD non acquieverint. NB
non acquieverunt. — (q) MD l'ont, maximi. NB magni. — (r) NB putrida. MD pulria.
» ignoré ». I Cor., 14, 38. De là à conclure qu'il mourra à la vie éternelle, il n'y a qu'un pas.
Encore faut-il le franchir.
(A) Inexact. Ml) jussa, quœ exequi poleral, = les ordres qu'il pouvait exécuter.
(B) Cf. supra, p. 239 sq. : on lisait publiquement la loi aux Hébreux, mais avec défenses
expresses d'en disputer. — On remarquera le caractère aristocratique de la doctrine de Bodin :
les illettrés n'ont pas le droit de chercher en eux-mêmes la vérité religieuse, ils doivent suivre
les directions de leurs pontifes. Ainsi le protestantisme, après avoir fait appel, pour naître, au
sens individuel, cherchait à reconstituer, pour éviter le danger d'un morcellement infini, une
hiérarchie, une église. D'autre part, cette théorie de Bodin rejoint cette autre idée, à lui chère,
que la religion est chose collective, sociale : comment serait-elle tout cela, si elle dépendait chez
tous de la conscience individuelle ? Je sens bien la contradiction implicite qu'il y a entre cette
tendance à la discipline d'une part et la discussion hardie de tous les dogmes, telle que YHepl. se
la permet, de l'autre ; mais celte contradiction n'est pas de mon l'ait, elle est dans Bodin et dans
son temps.
(C) Dianœ, Virgini. Curce mêle intentionnellement la Vierge aux démons païens comme
Federich l'a déjà l'ail p. 351. C'est, associer déilés païennes et idolâtries papistes.
(D) Pour une fois, autorisé par R et par maint passage antérieur (cf. supra, p. 308 note D), je
préférerai à MD le texte de NB staluis hominum ac bestiarum, cadaveribus et cineribus. Il
s'agit, à mon sens, des images des dieux païens ou des saints catholiques [hominum), de celles
des bêles, crocodile, bœuf, etc. du culte égyptien par exemple (bestiarum), el des reliques [cada-
veribus ac cineribus). Que signifierait MD ac bestiarum cadaveribus?
(E) Deut., 17, 12, cité supra, p. 24G note A.
(F) Référence fausse; et je trouve au contraire prévues. LeviL, 4, 3 sqq., la faute par ignorance
du grand-prêtre et l'expiation de celle faute.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES (31
les consulte sur le droict diuin, quoy qu'elle excuse (3) tous les autres en
gênerai & en particulier mesmes le Prince de tout le peuple qui pèche par
ignorance.
Tokalbe. — le ne fais point de doubte qu'vne erreur innocente ne soit légi-
timement excusable. Aussy les gens non lettrez qui suiuans la piste de leurs
ancestres (s) obéissent aux ordonnances et constitutions de leurs Pontifes
sont valablement dignes d'excuse, mais non pas les sçauans qui possèdent la
connoissance des choses naturelles (/) & de la nature mesme (A) par laquelle
ils peuuent comprendre qu'il n'y a qu'vn seul Dieu tout bon & tout puissant
ainsi que S. Paul mesme le dict manifestement (B).
[De la recherche de Dieu, 360-367. Pour le connaître, la science ne vaut pas
l'inspiration divine : Platon, moins savant qu'Arislole, en a mieux parlé,
360-363. Salomon et Toralba, contre Senamy qui voit le souverain bien dans
la pratique de la vertu, le voient, eux, dans la contemplation de Dieu, 363-367.
Puis les sept interlocuteurs, chacun à son tour, exposent l'attitude religieuse
que nous leur connaissons : Toralbe partisan de la religion naturelle, Salomon
la confondant avec le judaïsme (cf p. 269 sq.), etc., 367-372. Tous partagent
la foi aux livres saints, Toralba parce qu'ils sont en accord avec la vérité
scientifique, Curce parce qu'ils nous sont donnés par la grâce divine. A ce
propos Salomon renouvelle la discussion, déjà lue supra, p. 244 sq., sur les
diverses sortes de la foi. En tous cas on ne saurait faire état que de l'Ancien
Testament, seul reconnu de tous. Les versets de l'Ancien qui passent pour
annoncer et autoriser le Nouveau n'ont pas le sens que Federich leur donne.
La prédilection de Dieu pour les Juifs se marque dans l'invariabilité de leur
religion, 372-375].
Fixité du judaïsme, variations des Églises chrétiennes.
j 376J FEDiiKicu. — Nous nous pouuons passer ay sèment de vos voeux & de
vos prières qui sont plus nuisibles que profitables aux chrestiens. N'auez vous
(3) Leuit, c. 5 (C).
(s) .Y majorum suorum. RM D omettent suorum. — (/) AB qui doctrina rerum naturalium
imbuti fuerunt. Mb a doctrina.
(A) El de la nature même est une addition, au moins inutile, de R, — On comprendrait mal
la pensée de Bodin, si on ne la commentait pas ici par ses antres ouvrages, et par la courbe de sa
propre vie. En effet, il voit dans la physique (voir mon article, Revue d'Anjou, septembre 1912)
non seulement la connaissance de la nature, mais la preuve de Dieu par ses œuvres. Et d'autre
part, j'ai montré dans mon Jean Rodin, II, 1, p. 114 sq.. quelle gradation régulière, prévue dès la
Melhodus, 15GIJ, avaient suivie les éludes de Bodin. De l'élude des sociétés humaines, il est passé
à celle de la nature, A: de là à la contemplation de Dieu. A ce litre, le Théâtre, écrit vers 1590,
lui semblait une préparation à VHeplapL, résumé de sa science & cime de sa pensée.
(B) « Nous savons que les idoles ne sont rieu dans le monde, et qu'il n'y a nul autre Dieu que
» le seul Dieu », etc. I Cor., 8, 6. Cf. Galat., 3, 20; Ephes., 4, 6; I Timoth., 2, 5.
(C) Corrigez : Levit., 4, 13-35, qui indique l'expiation de la faute par ignorance qu'ont commise
le peuple entier. le prince, le simple particulier. MD cum tamen cœteros non modo universos,
sed etiam singulos, îpsumque totius populi principem erroye peccanles excuset.
132 JEAN BODIN
jamais [a) (A) leu dans Iesaye (5) : Vn iour viendra que Dieu dira, Beny soit
mon peuple d'Egypte, l'Assyrien est l'ouurage de mes mains (b). Et encores ((>) :
lassembleray les gentils de touttes langues lorsquils viendront et verront ma
gloire, et ie leur (c) envoyeray qui leur preschera mon nom a fin que mes
louanges se publient (d) partout, etc. Et de leur (e) nombre ie me cboisiray
des prestres & des leuites.
Salomon. — Il est bon d'adiouster ce que Federich passe soubs silence dans
ces prophéties d'Iesaye : Beny soit mon peuple d'Egypte, l'Assyrien est l'œuure
de mes mains, mais Israël est mon héritage. Par ce qu'il est créateur et père
commun de tous les hommes, cest pourquoy il na faict que la mesme loy (7)
pour les citoyens & pour les estrangers (B), touttesfois par vn priuilege
spécial il a appelle Israël pour estre son peuple choisy sur tous les autres
peuples de la terre dont il a faict aussy sou bercail et son héritage. Et par vn
honneur & vng prerogatiue singulier dont il na point gratifié les autres nations
il nous a appelle ses premiers nays : Mon fils premier nay (dict il) (8) est
Israël, gent saincte, nation sacerdotale. Ce questant ainsy, peut on s'ima-
giner [377j (f) que Dieu veuille jamais oublier ou abandonner son peuple son
fonds (g) son héritage sa gent et son Eglise? Car lorsque nos voysins ont
autresfois veu les villes de nos ancestres razées, le temple destruict et bruslé
par nos ennemis, et les restes du peuple traisnez captifs dans la Caldée, ils
nous reprochoient arrogament que Dieu nous auoit abandonnez. Mais par la
bouche de Hyeremie (9) c. 31 en vne seule promesse (h) il nous console de
tout : Les Cieux (dict il) et les astres nauront plus de mouuement auant que
i'oublie Israël (C). Et encores au mesme chapitre (1) : Quand on aura mesuré
(5) C. 19 (D). -- (6) C. vit. lesayœ (E). — (7) Exodi c. 9 (F). — (8) Exodi
c. 14. Malach., c. 3. Iesayse c. 5 et 43. Exod., c. 3, 5 et 6. Leuiti., c. 30.
Deuteron., c. 4, 7, 9, 10, 14, 20 et 32. Et I Kegum, c. 10 et 12 (G). — (9) C. 31 .
— (1) C. 31.
(a) MDnum legistis. .V non. BnamÇ!). — (b) DBN manuum mearum. Mmanum, inadvertance.
— (c) NB congregabo omnes gentes... et mitlàm ad eus. MU eus, préférable. — (d) UBN pro-
mulgari. M permulguri, barbare. — (e, MU ac de numéro illorum. SB eorum. — (/') JVB quis
arbitraretur. MD arbilretur. — (g) NB omellent sui populi, sut peculii. M populit, inadver-
tance. — (h) NMD asseveratione. B assecuratione, barbare.
(A) MD num legistis. Sur num = nonne, cf. supra, p. 223 noie. — Quant aux textes cités par
Federich, ils ont pour but de montrer que, dès avant J.-C, Dieu considère tous les hommes
également comme ses enfants.
(B) MD et utrisque consultum esse voluit, = et il voulut pourvoir aux besoins moraux des uns
comme des autres.
(C) lérém., 31, 35 et 36, seulement résumés par Bodin.
D; « Bénit soit mon peuple d'Egypte, et l'Assyrien est l'œuure de mes mains, mais Israël est
» mon héritage •>. Isaïe, ly, 25. Federich tronque, Salomon rétablit le passage, chacun dans
l'intérêt de son dire.
E] Résumé de Isaïe, 65, 18-21.
(F) Référence erronée. MD la rapportent d'ailleurs h son bercail & son héritage. Je conjecture,
dès lors : Exod., 19, 5 : « Vous serez mon propre acquest sur la lerre ». Cf. Deut., 7, 6; 14, 2.
(G) Exod., 14, erroné. Je corrige : Exod., 4, 22 : « Mon fils premier né Israël ». — Malachie,
3, 17. — Isaïe, 5, 7 et 43, 6. — Exod., 3, 10; 5, 1 : 6, 7. — Levitic, 30, est une erreur. Je corrige :
Levitic, 20, 26 : « Vous serez mon peuple saincl ». — Deul., 4. 7-8; 7, 6: '.), 5: 10, 15: 14, 2; 26,
18; 32, 9. — I flots, 10, 1 et 12, 22.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SURLIMES 133
la grandeur des Cieux & trouué les fondemens sur lesquels la terre est
appuyée allors iabbandonneray mon peuple Israël (i) (A). Et bien que très
souuent il le menace de lui enuoyer des maux borribles sil ne demeure (j)
dans Tobseruation de ses edicts, il sest pourtant obligé par vn grand serment
de noublier iamais l'alliance (2) quil a faicte auec Abraham en faueur de son
peuple. Aussy en vérité ne nous a il iamais oublié : mais bien que dispersez
par toutte la terre il nous carresse & nous fauorise de la grâce de nauoir
point veu naistre parmy nous des diueisitez de croyance, mais nous viuons
tous vnanimement (k) dans la mesme loy que nos ancestres ont suiuie depuis
plus de quatre mil ans, ce que les historiens & sacrez & prophanes iustiffient
par leurs tesmoignages. C. Tacite parle ainsy : Les Iuifs nadorent qu'vne
diuinité éternelle (7), inexprimable <St immortelle et reputent profanes ceux
qui sacrifient aux Idoles (B). Et encores que les Iuifs les Mahometans (C) & les
Chrestiens reconnoissent (m) tous Abraham pour l'autheur & le fondateur de
leur religion, il n'y a que les Iuifs qui en ayent gardé la pureté auec constance,
les Chrestiens & les Mahometans a'yans tous 378 ' deux donné lentrée et frayé
le chemin a vne infinité de sectes quils ont de temps en temps veu naistre (n),
assauoir Ariens, Nestoriens, Sabelliens, Manichéens, Donatistes, Ebionites.
Novatiens, Gazareens (o) (D). Mais pourquoy les rappeller touttes iusques a
six vingt et plus (E) que Tertulien & Epiphane (p) contoient (q) dès la nais-
(2) Leuit., c. 26 (F).
(i) B omet ce dernier verset. — (./) N' si a sua lege desciscat (populus). MDB desciscant,
syllepse. — [k) NB sed ubique lerrarum dispersa») (gentem suam) amplexatur, quia (MD qui)
in eadem lege divina exerce unir, etc. — (/) N unum Deum, unum numen aeternum. B sup-
prime le second unum. MD suppriment unum Deum. — (m) N credere. BMD ciere. — (n) NBD
sectarum familias innumerabiles foverunl semper. M omet semper. — (o) NB Nazarseos. M Ga-
zarsenos. D Gazarœos. — (p) ND scriptis. BM scriplionibus suis. — (q) N dinumeral. BMD
dinumera.nl.
A Jéfétn., 31, 37.
B) « Judœi mente sola unumque numen inlelligunt. Profanos qui deum imagines mortalibus
» materiis in species hominum effingant: summum illud et aeternum neque mutabile neque inle-
•> rilurum ». Tacite, HisL, 5, 5. Bodin cite encore de mémoire, et non textuellement.
(G) Sur Abraham source de l'islamisme, cf. supra, p. 310 note C.
\D) M Gazarserios. D Gazaraeos. R Gazareens. Malgré l'accord à peu près parlait de MDR —
qui montre, en tout cas, une fois de plus, leur étroite parenté, — j'adopte la correction de NB
Nazarseos. Je ne trouve nulle part d'hérétiques nommés Gazareens. Et Salomon dit, infra,
p. 382 : « Nazaraeos, id est separalos, quod ex volo dies aliquot aut menses aut annos aut perpetuam
» vin: abstinenliam vovebanl.quo tempore nec barbam, nec crines circumcidere licehat ». Et ici,
tous les manuscrits d'accord écrivent Nazarseos, ce qui semble lever lonl doute sur notre passage.
Eï MD sectas circiler CXX, quas Tertullianus, plures etiam, quas Epiphanius dinumerant.
= Tertullien en compte 120, Epiphane davantage. CI', supra, p. 219 note B.
(F) Référence certainement déplacée, & qui devait se rapporter à la phrase précédente : il le
menace de luy enuoyer des maux horribles, etc. « Mais si vous n'obeïssez a moy & ne faicles
» tous mes commandements », etc. Léviliq., 26. 14 à 42. Dieu énumère alors les châtiments qui
fondront sur les infidèles. — Quant au serment l'ait à Abraham, le voici : « l'ai iuré par moy mesme,
» dicl le Seigneur, pour tant que lu as faicl cette chose et n'as point espargné Ion fils vnique pour
» l'amour de moy, que ie te beniray », etc. Genèse, 22, 16 sq. 11 est souvent fait allusion à cette
promesse par serment dans l'Écriture : Psaum., 105, 9; Sirach, 44, 22, etc.
134 JEAN BODIN
sance de l'Eglise chrestienne? Et Themiste le noble (A) peripateticien ne
trouna point de meilleur moyen pour (/•) faire reuoquer a l'empereur Valens
les bans & les proscriptions qu'il auoit fulminez contre les cbrestiens qu'en
luy représentant quil y auoit parmy eux plus de trois cens sortes de diffé-
rentes {s) opinions assez capables de se destruire les vnes les autres sans
y employer le fer ou le bannissement (B) : ou est l'Eglise qui pourroit subsister
parmy vne telle multiplicité dopinions? Mesmes présentement nauons nous
pas les Suisses (/) qui accusent derreur l'Eglise Romaine, et la ville d'Augs-
bourg (C) qui condamne et les vns & les autres : les Catholiques reiettent les
Anabaptistes : les Puritains les superstitieux (V) (D) : les Abyssins les Grecs :
les Grecs les Latins. Ainsy tour a tour elles se contrarient touttes les vnes les
autres. Et parmy les Mahomelans il ny a pas moins de diuersitez de sectes :
car Mahomet estant mort Hali fils de sa sœur (E) serigeant en prophète esleua
vne puissante secte très dangereuse (v) aux Mahometans, etc.
[A cette histoire des variations des églises chrétiennes, Federich répond
que toutes ces églises s'accordent au moins sur le point principal et recon-
naissent le Christ pour le Messie, Curce riposte en énumérant les sectes
judaïques. Mais Salomon observe que les sectaires juifs, Nazaréens, Saddu-
céens, ne se distinguent de leurs coreligionnaires que par une vie ou des vœux
spéciaux, comme les moines parmi les chrétiens, 379-382. Puis, retournant
aux chrétiens et spécialement aux catholiques] :
[382J Pour ce qui est des Samaritins (F) ils nont iamais esté iuifs ny dori-
gine ny de créance et nont iamais esté contez parmy les enfans d'Israël (a),
comme ayans tousiours meslé le culte du vray Dieu auec celluy des diuinitez
{r) NBD graviorem habuil causai», u(... (M qua) revocaret... — (s) NMD sectas a se intiicem
dissidentes, li diffidentes. — (/) NMD Helvetiorum ecclesia. /»' Helveliana, barbare. — (u) NMD
superslitiosos. B Episcopales. — v Niîifestissimam. HMD infensissimam. — (a) N nec Ismaë-
lilarum cœtu conlinentur. HMD Israclitarum.
A Faux-sens. MD nobilis, = célèbre, bien connu. Cf. supra, p. 331 : « [Drusillam] incestibus
» Caligul;e fratris nobilem -, et infra, p. 481 : « Nobilis hisloria de Mundo ».
^B) Assez capables de se détruire, elc. est une glose ajoutée au texte.
(G) MD Aagustana <sc. Ecclesia\ --= la confession luthérienne.
D 11 faut, je pense, entendre par ce terme les Anglicans : l'opposition deux à deux des ternies
précédents y pousse, et c'est là le sens de la correction, purement conjecturale, de B : Episcopales.
D'autre part, les Puritains, qui méprisent les cérémonies, suppriment la hiérarchie ecclésiastique,
remplacent le culte par la lecture de la Bible, peuvent bien désigner sous ce nom de superstitieux
les Anglicans, très attachés à la pompe du culte et gardant la hiérarchie, ou alors toute autre
confession ayant un culte moins nu que le leur.
(E) Incomplet. MD Hali sorotis ipsius et Habilali filins. — La source de Bodin est soit Léon
d'Afrique, De l'Afrique, I. III, Règles et diuersitez obseiuées par aucuns en la loy de Mahomet,
soit plutôt Bibliander, n. c, t. i, p. 220, Chronica ridiculosa et mendosa Saracenorum, de vita
Mahumetis et successorum ejus. « Hali consequenler regnum sortitus est. Filius fuit Habi-
» taliff », etc. — Ali, cousin de Mahomet, mari de sa fdle Fatima, fut élu calife après la morl
d'Olhman, et contesté, puis dépossédé du califat par Moavia. Les Musulmans qui lui restèrent
fidèles sont les auteurs de la secte chiite (Perse, Hindouslanï.
(F) Les Samaritains avaient pour origine les colonies assyriennes que les rois d'Assyrie
avaient installées en Samarie pour remplacer les Juifs déportés, IV Rois, 17, 24. Cf. p. 357
note C. MD Israclitarum est évidemment la leçon correcte.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 135
estrangeres, a la manière des catholiques romains qui ont associé a ladoration
qui nest deube qua Dieu celles des anges & des saincts, s'inclinent deuant les
images pour les baiser et font vn Dieu dun petit morceau de pain (b), ce que
les Zwingliens publient comme vne horrible impieté (A). Les catholiques
romains font esgorger & brusler par vengeance les Caluinistes Luthériens et
Grecs. Il faut nécessairement que les vns ou les autres soient hérétiques ou
impies (c) : mais les Juifs dans leur religion pure & simple ne font point de
meslange (d) de culte : ils ne reconnoissent quun seul & vray Dieu éternel (e)
et Ion na iamais veu parmy eux des diuersitez dopinion ny de croyance.
Curce. — Puisque Salomon veut que le peuple d'Israël ayt esté choisi de
Dieu par vne grâce particulière, accordons luy : mais il fault quil nous accorde
aussy que ce peuple que Dieu a tunt chery a perdu cette grâce (/) & sen est
rendu indigne (B) quand il a condamné a vne mort honteuse le Christ Dieu
Se homme sauueur du genre humain (C; [383] en luy supposant des faux
tesmoins et laccablant de calomnies. Et partant ce nest pas merueille si Dieu
animé contre vn crime si horrible en a abandonné plus de cent milliers (g) (D;
a la fureur de Vespasian (6) qui moureurent pendant le cours dune année
pendant le siège de Hyerusalemque cet empereur saccagea après lauoir prise,
ou tout passa au fil de lespée, iusques au temple qui fut par la tlame ruiné de
fond en comble {h), touttes les villes de Palestine rauagées et le peu qui resta
de ce peuple emmené captif et dispersé par toutte la terre. El ce nest pas vne
légère marque de la fureur de Dieu désire non seulement chassez et bannis de
la terre saincte (i) (E), mais par vne conformité de sentimens de tous les
(6) Iosephus in bello iudaico.
{b) MD cruslula. NB cruslulas. — (c) MD sunt igitur hi aut illi impietalis rei. N quasi Deum
faciant illi impielatis rei (B reum), inintelligible. — [d) DSB nifiil impuri (M impure; admis-
tum. — (e) NB omeltent seterni. — f MD ab Ma cœlesli gratta desciverunl. N defecerunl.
B discedunt. — [g) MD centum amplius myriadas. SB myriades. — (h) BND funditus. M
penitus. — i MD de regione sanclissima [exterminati]. NB de religione.
(A) Comparez, p. 308 sq., la première invective de Salomon contre les chrétiens, et spéciale-
ment, comme ici, les catholiques. Quant au reproche que les catholiques adorent un morceau de
pain, nous pouvons le mettre sans hésitation au compte de Bodin lui-même, qui. trente ans aupa-
ravant, stigmatisait déjà l'adoration du pain, àproXa-petav. Lettre à Bautru. Cf. infra, p. 640 sq.
(Bï MD sponle, = si le peuple juif a perdu le privilège de son élection, c'est volontairement
et par sa faule. B a traduit un peu vaguement cette nuance par l'adjonction de : et s'en est rendu
indigne.
(C) Omission. MD sibi oblatum, = offert, présenté aux Juifs ,par Dieu pour leur salut ou leur
perdition).
(D) Inadvertance : plus d'un million. MD centum amplius myriadas. — Onze cent mille, dit
Josi phe, Guerre des Juifs contre les Romains, 6, 4fi. Le siège de Jérusalem est raconté aux
liv. 5 et 6; la destruction du temple, 6, 26 sq. — L'idée que le massacre et la dispersion des Juifs
est la sanction du crucifiement est constante dans la tradition chrétienne, et fort ancienne :
Origène l'exprime déjà, Contra Celsum, 4, 22 iMigne, t. I, col. 1059Ï.
(E) MD de regione sanclissima est autorisé par le contexte et avoué par le bon sens. En effet,
les Juifs n'ont été nullement dépouillés de leur religion (NB de religione). D'autre part, avant et
après notre passage, Curce parle uniquement de mesures politiques prises contre les Juifs, non
de résultats religieux obtenus. Enfin le terme qu'il emploie : exterminati ne peut s'appliquer qu'à
un bannissement.
136 JEAN BODIN
potentats de la terre, il ne leur est pas permis den posséder en propriété en
quelque endroit que ce puisse estre la moindre parcelle (A) : après cella
peut on doubler que ces (j) maux horribles ne soient pas le chastiment de la
mort du Christ?
Salomon. — Plus de cinq cens ans auant la naissance de vostre Christ, nos
ancestres en ont enduré bien d'autres (k) par les Caldeens qui auoient mis a
feu et a sang tout nostre pays et nos villes mesmes, destruict entièrement le
lemple par le feu (B), iusques la que Ptolomeus Latyrus (/), roi d'Egypte, leur
fut si cruel deux cens ans auant la naissance de ce Christ, quil obligea les
soldats iuifs a manger leurs enfans (C) : cest pourquoy si les religions
debuoient estre condamnées a cause des calamilez qui leur arriuent, il ny en
a point qui le deut estre a meilleur tiltre que la chrestienne, laquelle a esté
persécutée pendant plus de trois siècles de tourmens, de supplices et de mas-
sacres inouïs par tôutte la terre.
La nation juive est la seule que Dieu ait soustraite à l'influence des astres,
la seule qu'il châtie de si près : nouvelles preuves de sa prédilection pour elle.
Pour les autres nations, la dispersion des Juifs a été la dispersion de la vraie
religion qu'ils ont répandue par toute la terre, 384-388. En les privant de
toute parcelle de terre, Dieu leur indique qu'ils ne doivent songer qu'au ciel.
Ils sont la nation sacerdotale des autres. Leur langue, seule entre toutes, est
d'origine divine (cf. supra, p. 266), 389 sq. r
De la divinité du Christ, 31)0-437. Curce, Salomon, Octave, Coroni intitulent
véritable Église chacun leur confession. Federich, écartant païens et maho-
métans, pense décider entre juifs et chrétiens en établissant la divinité du
Christ, 300-393. Il accuse les Juifs d'attendre éternellement le Messie pour
n'avoir pas à reconnaître le Christ. A quoi Salomon va répondre en définissant
le mot de Messie, mal entendu des chrétiens, 391 sq.].
/ MD (/uus (NB quare [?]) calamitales. — [k) Mt> Al [majores nostri multo graviora passi
fuerant]. NB Annon. — (l) MD Plolemseus Lalyrus. NB Lagi filius.
;A) Dès la dispersion des Juifs, des mesures contre eux avaient été prises par les Empereurs.
Au mR siècle, Gelse déclare que les Romains prétendus idolâtres sont les maîtres du monde, au
lieu'que les Juifs n'ont à eux ni une maison ni un coin de terre où reposer leur tête, Origène,
o. c. 8, 69 (Migne, t. I, col. 1621;. Pendant tout le moyen âge, l'interdiction aux Juifs de possé-
der des biens fonds est générale. En France, elle date du xme siècle; en Angleterre, d'Henri III.
Cette interdiction a subsisté très tard dans l'âge moderne. (Th. Reinach, art. Juifs dans la
Grande Encyclopédie). ' '
B) Josèphe, Antiq. judaïques, 10, 11.
■ (C) MD Item Ptolomaeus Lathyrus rexjEgypti lanlam ergâ majores nostros crudelitulem
exerçait, ut eliam milites Judœorum infanlibus vesci rogerel. R a rapproché milites Judaeorum,
et a cru que Ptolémée faisait manger aux soldats juifs leurs propres enfants, au lieu qu'il faisait
seulement manger â ses soldats les enfants juifs, Judaeorum in faut i bus. Encore le souvenir de
Bodin esl-il inexact, et Josèphe dit-il seulement : Ptolémée fit couper en morceaux et jeter dans
des chaudières d'eau bouillante des prisonnières juives, pour imprimer plus de frayeur aux Juifs
en faisant passer ses troupes pour anthropophages. — Autre erreur : Ptolémée Lalyrus, qui règne
de 117 à 81, est seulement antérieur d'un siècle à Jésus.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 137
Le nom de Messie n'implique pas un Dieu.
395j Salomon. — Il nous fault prendre garde de ne pas prendre vne con-
jecture pour vne conclusion (.a) : nous auons a iustiffier comme ce Christ que
vous adorez est Dieu. Car les premiers [b] théologiens chrestiens ont eslé
trompez par le mot premièrement pour nenlendre pas assez la force (A) de la
langue (c) hébraïque dont lignorance a causé tant de fautes qui se sont glissées
dans les versions que nous auons de lescriture sainte,, ce qui est de la dernière
importance id) i B) : par exemple lorsquvn luif demanda a lustin le Martyr (6)
ce que les Chrestiens entendoyent par ces mots, Alléluia el Hosanna, il luy
respondit que cestoit a dire (e), Louez succinctement par Alléluia, et par Osanna
Grande excellence, ce quil nentendoit pas luy mesme. Car Allelu signiffie Loue
et Va signiffie Dieu : et /' le mot Hosan signiffie Garde et l\ah, le vous prie.
Cubcu. — S. Hyerosme ayant apperceu que les Iuifs se mocquoient de luy
par ce quil n'entendoit pas l'hébreu C sen alla après en Palestine pour lappren-
dre : a quoy il se rendit plus expert que les Iuifs mesmes naturels.
Salomon. — lay creu debuoir faire cette remarque g pour vous apprendre
que les anciens interprètes grecs et latins (h) nont pas bien entendu la signi-
fication du mot de Messie (i) qui ne signiffie autre chose que Oinct ou trotté
dhuile. Et par ce que cestoit lusage doindre (j) les Roys et les Princes on les
apelloit Messies (7) que les soixante douze interprètes rendent /o'.ixdç et non
(0) lustin in queest. 50 ad orthodoxos (D). — (7) Lib. 2 Regum c. 1 (E).
[a) DNB ne pro argumehlo M id assuinatur, quod erat concludendum. — b /.' Christia-
norum(MD veteres. N velerum) theologos. — [c\ MD linguw. SI! legis. — [d )ll> ni qu'ai (S
quideui (?). B quod maxime non facile (B et facile [?]) dici possit. — [e) BMD respondit signi-
pZcare. A'omel significare. — (/'; MD vox autem. N omet autem. B omet vox Allelu sighificat
Laudate; lah, Deum. — (g) DNB admonendum. M animadvertendum. — [h) I1M ajoutent
Chrisliani. — (i) DNB Messias. M Messiah (hébreu : Meschiah). — [j) MDB ungi. N inungi.
(A) MD vint, — le pouvoir signifiant de la langue juive : souvenir implicite de l'origine divine
de la langue hébraïque; cf. supra, p. 266, note D.
(B) MD cujus [linguaj] ignoralione tam milita in Legum divinarum interpretalione pec-
cantur, ut quid maxime non facile dici possit. J'entends : l'ignorance de l'hébreu a causé des
erreurs en tant de passages, qu'il est difficile de dire quel endroit est le plus corrompu. Mais
j'avoue que quid. pronom, pour représenter tam undta, n'est guère correct: et que quod,
adjectif (donné par B), vaudrait-mieux. Quant à la version de R, je la crois impossible, du moins
avec, notre texte latin.
C Inexact : MD quod quid esset Hosanna nesciret. — Ellies du Pin, o. cl. III, p. 322, nous
dit que Jérôme, étant demeuré quatre ans dans le désert de Syrie, y. apprit les lettres hébraïques,
et p. 422. qu'il écrivit sa version des livres saints pour répondre à des accusations comme celle
que Salomon l'ail ici aux chrétiens de ne jamais citer exactement la Bible. Jérôme lui-même nous
apprend le nom de son maître d'hébreu, Barabbanus ou Baraninas, Episl . 84(Migne, t. I, col. 745 .
(D) Exact. N 7. 10 ad orthod. est erroné. — Dom Calmet, o. c, traduit aussi Alléluia par
Louez Dieu, et Hosannah par Sauvez, s'il vous plaît.
E « Et Dauid luy dict : Pourquoy n'as lu point craint de mettre la main pour 'tuer l'Oincl du
» Seigneur?... Et Dauid dici : Ton sang soil sur ta lesle, car ta bouche a parlé conlre toy, disant .:-
» i'ày mis a mort l'Oincl du Seigneur ». II Rois, 1, 14 et 16. Cf. I Rois, 10, 1 Samuel oint Sanl
roi) et 12, 3 et 5 Samuel appelle Saûl le Christ du Seigneur. — Cf. Ch. Guignebert, Manuel
d'histoire ancienne du Christianisme, Les Origines, Paris, Picard, 11K)7, p. 76 sq.
138 JEAN BODIN
pas /pY|<7TÔ<;, comme autresfois les Grecs lont pensé. Don vient que (A) ceux qui
ont voulu se [396] railler de vostre Christ le dépeignent auec vne robe longue,
le pied et laureille gauche dun asne, ayant vn Hure en sa main (k) auec cette
deuise ou inscription : Chrislus (7). Parce que (B) le mot de Messie signifie
Prince du peuple. Dou Ion connoist assez pourquoy Dauid réprimandant les
soldats de Saiil, Pourquoy (leur dict il) auez vous abandonné la garde de
vostre (m) Messie (8)? Et estant irrité contre ceulx qui après auoir tué Saiil
luy auoient coupé la teste : Quoy (leur dict il) vous auez esté assez osez pour
mettre la main sur#vostre Messie (9)? Et lors encor que Samuel regardoit
Eliab frère aisné de Dauid, Certainement ^disoit il) celluy la est le vray Messie
de Dieu (n) (1). Mesmes (o) Dauid et Samuel sappellent réciproquement (C)
Messies (2) : aussy Nehemias déclare il en présence de tout le peuple (p) au
retour de son exil quil y a plusieurs Messies : Tu as (dict il) donné a ton peu-
ple plusieurs Messies pour le venger de ses ennemis. Car le mot hébreu que
les 72 Interprètes ont tourné /outtô; (q) est le mesme dont se sert Dauid : Ne
louchez point mes Messies (3), cest a dire mes oincts. Samuel lexplique encore
(8) Lib. I Regum c. 1 (D). — (9) Lib. 1 Regum c. 26. — (1) Lib. 1 Regum
c. 16 (E). — (2) Psalm.6, 17,83 et 88 (F). —(3) Psalm. 104 (G).
[k) MD hominis statua»/ altero pede (SB mancam, erreur : cl". Tert.) et auriculis asifio con-
simllem (SB consimilibus) fingebant (Nvel) librum manu tenentem. — (l) DNB Christus. M
Chreslus, inadvertance. — (m) MD vestri. NB nostri, erreur. — (n) B remplace la citalion par
un et alibi. — (o) BMD quin eliatn (S et). — (p) N in concione. B ad populum. MD populi. —
(q) M DN Chrislus. B Chrestum, erreur évidente.
; A) MD Ex quo, =■ de là vient que. .l'avoue que le lien des idées m'échappe. Salomon entend-il
qu'en représentant Jésus sous cette forme grotesque, les païens voulaient railler ce prétendu Dieu
excellent (^prjdTov) des chrétiens grecs? — Source de Bodin : « Sed nova jam Dei nostri in isla
» proxima civitale edilio publicala est, ex quo quidam l'ruslrandis bestiis mercenarius noxius
» picturam proposuil cum ejusmodi inscriptione : Deus christianorum onochœtes. Is erat auribus
» asininis, altero pede ungulalus, librum geslans et logalus ». Tertullien, Apolog., 16. C'est
d'ailleurs une vieille accusation portée contre les chrétiens (Minucius Félix, Octavius, 9) et
contre les Juifs (Josèphe, Contre Apion, cité dans la Démon.. 2, 1, p. 169) que celle d'adorer une
tête d'àne. Et Tacite (indiqué par Tert., Apol., 16) nous l'explique comme suit : Les Juifs au
désert « forluilum iler incipiunt. Sed nihil eeque quam inopia aquœ fatigabat; jamque haud procul
» exilio tolis campis procubuerant, cum grex asinprum agreslium e paslu in rupem nemore opacam
» concessit. Seculus Moses conjectura herbidi soli largas aquarum venas aperit... El'figiem
» animalis, quo monstrante errorem silimque depuleranl, penelrali sacravere ». Hist., 5, 3 et 4.
(B) Contresens. MD quod vero vox Messias populi pri.ncipem significet, ex eo salis inlelle-
gitur, quod David, etc., = quant à la signification du mot Messie, à savoir prince du peuple, elle
résulte assez clairement du passage où David, etc.
(C) Faux-sens. MD se ipsos, = s'appellent eux-mêmes.
(D) Double erreur : les références 8 et 9 sont interverties. Et la référence 8 est inexacte. — La
vraie référence 8 est : « Vous estes enl'ans de mort, pour ce que n'auez point gardé vostre mais-
» tre l'oincl du Seigneur », I Bois, 26, 16. La vraie référence 9 est : II Bois, 1, 14 et 16, cité
p. 395, note E.
(E) I Bois, 16, 6.
(F) « Or sçachez que le Seigneur a faicl son sainct [c'est lui-même] admirable », Ps. 4 (et non
6, erreur due aux chiffres romains), 4. [Je chanterai le Seigneur] « faisanl miséricorde a son
» oinct Dauid ». 17, 51. « Ietlez les yeux sur le visage de vostre Christ [David] », 83, 9. « l'ay
» trouué Dauid mon seruiteur et ie l'ay oinct de mon huile saincte », 88, 20.
(G) Ps. 104, 15. La parole de Néhémie citée plus haut se trouve II Esdras (ou Néhémie), 9, 27.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 139
plus clairement dans vne très grande assemblée du peuple auant que de
rebuter celluy qui auoit esté designé pour eslre Roy : Dieu tdict il; (A) a
enuoyé a son peuple pour Messies Hyerubahal, lephté et Samuel (>■) Donc
ceux la se trompent (s) qui pensent quil n'y a ou qui! ny aura quun Messie :
cependant de touttes les erreurs il ny en a point de plus griefue que celle de
ceux qui simnginent que ce Messie que (/) nous attendons est vu Dieu et ceux
se trompent encor plus lourdement qui pensent que ce Messie quel quil soit (a)
soit le sauueur du genre (v) humain. Car ce que nous attendons [ 39*7] nest
autre chose qu'vn homme engendré duu autre homme, grand & vaillant capi-
taine, lequel rassemblera les enfans d'Israël espars par toutte la terre pour les
restablir dans la Palestine et dans r le patrimoine de leurs ancestres et qui
les desliurera de la seuere domination des Princes qui les tiennent comme
captifs B : tels qu'ont esté les Moyses les losués et les Macchabées comme
tous les autres princes que nos ancestres ont receu de la main de Dieu. Et il
y en a qui {y) croyent que ce Messie sera oinct par Helie (4). Or tant sen fault
que ce Christ ou vostre Iesus que vous vantez tant nous ayt retiré de la serui-
tude des Rommains quau contraire leur Intendant dans nostre prouince le
condamna a la mort (s) auec bonne connoissance de cause.
Cuhce. — Ce secret ou mistere est trop grossier de vouloir faire porter (or.)
la qualité de Messie aux Princes et aux tyrans (C) : mais le mistere du Messie
(4) Tryphon apud lustinum iD).
(?•) I> remplace celle phrase par un etc. — s NB falluntur. MD fallu»/, incorrect. —
(l) NBD quem. N quam, inadvertance. — [u) .Y quisquis fueril oui venturus (MD futiirus) sit.
B quisquis fuerit uul quando etiam venturus sit. — (v) S humani generis. BMD seminis. —
(x) N supprime ce second in. — (//) MHS nec desunt qui. D desinit, inadvertance. — [z) S
(Jésus) servili supplicio fuerit a ffectus. HMD sit. — a) N adducere. HMD traducere.
A I Rois, 12, 11.
B) Les Juifs attachèrent assez rapidement à l'idée du jugement dernier el de la résurrection
celle d'un messie qui régénérerait auparavant le peuple saint et régnerait sur lui après avoir
épouvanté les méchants. Mais les uns pensent que le Messie, après une période de règne généra-
lement fixée à mille ans, préparera la résurrection, le jugement el le règne de Dieu ; les autres
s'arrêtent au règne sans fin du Messie. C'est donc à ce second rêve, celui de l'eschalologie popu-
laire : triomphe par les armes du roi victorieux, conquête du monde par Israël, que s'arrête
Salomon ; on aurait attendu le contraire de son esprit si hautement philosophique, et le parli
qu'il prend me semble diclé par le désir de contrarier les chrétiens. Plusieurs Messies de cet
ordre ont paru dans l'histoire : le plus célèbre, Bar Gocheba, souleva les Juifs contre Hadrien,
fut battu par Julius Severus et périt dans les tortures en 135 ;cf. Hep/.. Y. p. 394V L'Hept.,
ibid:, nous conte qu'un Messie, s'élant élevé à Bologne « il n'y a pa* si longtemps », y fut livré
au bûcher; et aussi qu'Aben Esra avait prédit la venue du Messie pour l'an 1464 cf. Démon., I,
5, p. 122 . Sur le messianisme, voyez Ch. Guigneberl, o. c. pp. 75-79 el216; Vernes, Histoire
des idées messianiques depuis Alexandre jusqu'à l'empereur Ho drien, Paris, 1874, in-8.
G Inexact. MD Illud est pingui Minerva, Messi;r arcanum ad principes el lyrannos tradu-
cere velle, = c'est un artifice un peu épais de vouloir faire passer la mission mystérieuse du
Messie sur des princes ou des rois.
Dx Dialogus cum Tryphone Juds>o, 49 (éd. de Paris, 1742, p. 145 aV L'apparition d'Elie est
un des prémonitoires constamment rappelés de la venue du Messie. « Ses disciples l'inlerrogè-
» renl alors et lui dirent : Pourquoi donc les scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne aupara-
» vaut? Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu'Elie doit venir et qu'il rétablira loule chose ».
Mat/h., 17, 9-11. Elie, avec Moïse, assiste du reste à la transfiguration où Dieu avoue Jésus pour
son fils, Mal/h., 17, 3 et Luc, 9. 30.
150 JEAN BODIN
estant absolument diuin personne ne le comprendra iamais (b) sans vne grâce
particulière de Dieu. Personne (dict il) ne vient a moi que mon père ne me
lameine (A).
Fedekich. — Si le mot de Messie se pouuoit appliquer aux Princes et aux
tyrans quand il est question (c) du Messie promis (2), pourquoy Moyse Har-
dasan (d) diroit il que ce grand & ineffable nom de Dieu ou Ieoua (B) n'est
autre chose que le Messie si le Messie nestoit pas Dieu?
Salomon. — Par ce quil y en a beaucoup parmy nous qui croyent dans lame
que ce Messie est le Roy immortel et non pas vu capitaine mort ou qui doibt
mourir (C)
398] Gurck. — Cette response me semble bien froide.
[Le Messie d'après Onkelos, les rabbins Salomon et David Kimhi, p. 39H sq.
Puis Salomon et Curce entament une longue discussion contradictoire sur les
principaux passages du vieux Testament où les chrétiens veulent voir le
Christ prédit : Genèse, 49, 10; haie, 7, 14 et 9, 4; Jérémie, 23, o sq. ; Psaum.,
109, 1 commenté par Matthieu, 22, 43-46. Curce succombe devant l'érudition
supérieure de Salomon, 400-406. Salomon conteste l'exactitude de la version
des Septante et de celle de S. Jérôme. Dans les cas douteux, seul l'original
hébreu peut faire foi. Histoire du texte de la Bible. Apocryphes. Attribution
des livres anonymes, 407-411].
Corruption du nouveau Testament.
411j Federich. — Mais lorsque Salomon parle des Saintes Escritures [a)/\\
ne faict point mention du nouueau Testament : cependant par les nouueaux
quand on les exhibe, les anciens se trouuent tousiours reuocquez ainsy que
les vieilles loix, les vieilles transactions (//), et les vieilles alliances (D) sont
tousiours annullées par les nouuelles.
Salomon. — Nous accordons quil est vray quand dans les testaments et
(2) C 41 Gènes.
6 NMD percipiet unquain. B percipit ad unquam (?). — (c) N cur igilnr (?) de promisso
Messia. BMD cum agitur, etc. — {d) N Moses Hardusam . B Hardanam. MD Hardasa». —
a) NB Utteris. MD libris. — [b) Kpactibus, barbare. BMD pactis.
(A) Jean, 6, 44. — Remarquez le son calviniste que rend la pensée de Curtius : il en appelle
tout de suite à la grâce.
,8*1 Moïse Hadarsan est un des nombreux interprètes du Talmud ; cf. D.-Mornay, o. c.,6, p. 107
et 30, p. 705. Bodin puise le renseignement qu'il lui emprunte à son commentaire sur Genèse, 41,
45 : » Il changea aussi son nom, et l'appela en langue égyptienne le Sauveur du monde ». Voilà
ce que signifie la référence donnée. Quant à l'ineffable nom de Dieu, c'est le létragramme ■'
cf. supra, p. 257 noie B.
(<J) Ainsi Salomon, après avoir adopté tout à l'heure le messianisme grossier des millénaires,
expose maintenant l'autre théorie, celle où le Messie apportera le bonheur céleste, et se tire des
contradictions des interprètes en ne choisissant pas : c'est un peu flottant et un peu faux.
(D) Federich veut marquer que le nouveau Testament a supplanté l'ancien, et pour nous est
devenu la table de la nouvelle alliance : « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang », î Co>.,
1 1, î'i. D'où l'emploi intentionnel du mot alliance, fœderis.
DES SECHETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 141
dans les alliances cest le mesmes autheur qui les a faieles et que les articles
nen sont pas faux ny supposez (c). Or (d) le nouueau testament des chrestiens
na pas esté passé par celluy qui a faiel la première alliance, qui a donné les
premières loix (e) sur le mont Oreb non pas en présence de sept (f) ieunes
garçons sans barbe, mais en présence de sept cens (g.) (A) mil hommes sans
compter les femmes les esclaues & les estrangers. loinct que personne ne
peut dire quel est ny de qui (h) 412 est ce nouueau Testament (B) ou nous
voyons tant de choses ostées supposées i) adioustées & changées quil y en a
plus de trois cens differens exemplaires, ou non seulement les lettres les
syllabes ou les mots sont changez ostez ou adioustez, mais des périodes ou (j)
des chapitres tous entiers, comme par exemple ce que dicl Epiphane (Ci que
dans l'exemplaire de Marcion disciple de lean lapostre les deux premiers cha-
pitres de Luc y manquoient : dans lesquels cependant (D) sont des choses dont
aucun des autres euangelistes (/) nont parlé, assauoir (ambassade de lange a
la Vierge : le prodigieux enfantement de la Vierge : laniuée (m) des mages des
extremilezde la terre dans la Iudée soubs la conduitte d'vne estoille iusques
a 1'estable ou la Vierge auoit accouché (E). Ce Marcion estoit disciple de lean
au commencement des plus zelez pour le christianisme ayant contribué dabord
vne somme de dix mil escus (7) (F) pour lestablissement de vostre Eglise,
lequel plus il estoit proche (n) de sa naissance, plus a il de connoissance de
lout ce qui est arriué allors. Cest pour cella (o) quau raport de Tertulien (8) il
(7) Decem millia coronatorum. — (8) Contra Marcionem (1 .
(c) NB suspectée (tabulœ). MD subjectif, préférable. On Lrouve dans le même sens, infra,
p 414, MDN subjecla et MDNB subjecerat. — \d) MNB AL D Au/., négligence. — («) N omet
primas legum tabulas. — f) MDNseptem. B 271 (?). — (g)Nsexcenlis. HMD seplingentis (mil-
libus).— [h] SBD cujusque sit. M cujuscumque. — i SB suspecta. MD subjecla. — ;j N aut.
BMD et. — [l] NBM ea, qu<e nusquam ab (D de) aliis scriploribus prodita fuere. — [m] N pro-
feclïo. BMD profectiones. — [n) NMD propius. B proprius (?). — o NMD ergo. B uutem.
(A) MD septingenli<<. L'écriture dit 603.550, Nombres, 1, 46. — Quant aux sept ieunes
garçons sans barbe, qui désignent évidemment les témoins du nouveau Testament, on peut se
demander pourquoi ils sont sept. Serait-ce là un nombre approximatif, imposé par le parallé-
lisme des 700.000 Hébreux, pour railler le petit nombre des apôtres? Je trouve dans Origène,
Contra CWs.,1, 62 (Migne, t. I, col. 774), un passage où Gelse tourne Jésus en dérision: « S'élanl
» accompagné de dix ou onze scélérats, de publicains et de meurtriers, il se mil à courir avec
■> eux ». 11 ne me semble pas impossible qu'il y ail ici, d'un texte à l'autre, une imitation loin-
taine. Et comme Bodiu use de chiffres romains, je conjecture XÎI (au lieu de VII) ieunes garçons,
ce qui désignerait alors sans conteste les apôtres.
(B) Contresens. D Novum autem Testamenlum qualecumque aut cujusque (M cujuscumque)
sit, neiuo affirmare potesl, = tandis que le nouveau Testament, quel qu'il soit, quel qu'en soit
l'auteur, nul ne peut le donner pour cerlain, aulhenlique.
C Epiphane, Adversus Hsereses, 1, 3, haeres. 42, 11 (Migne, t. 1, col. 711 .
L) MD lamen. J'entends: et cependant [ce n'est pas là un changement léger au texte, puisque].
E Erreur. Luc a bien raconté, et lui seul, la salutation angélique, 1, 28: le prodigieux enfan-
tement, I, 34; et l'adoration des bergers, 2. 8 sqq. Mais c'est dans Matthieu, et dans lui seul,
qu'on trouve l'adoration des mages, 2, 1 sqq.
F MD sestertia CCCC, = 400 grands sesterces, environ 82.000 francs de notre monnaie, et
que Bodin évalue à dix mille écus d'or. Détail pris de Terlullien, Adversus Marcionem, 4, 4
(Migne t. 2, col. 365). Cf. sur cet ouvrage Ellies du Pin, o. c, t. 1, p. 267 sq.
G Adv. Marcion., 4, 2; et aussi De prsesciplionibus, 51 (Migne t. 2, col. 70).
142 JEAN BOIHN
ne vouloit point reconnoistre leuangile de Luc comme estant a son aduis
toutte falsifiée.
Cohoni. — On ne doibt adiouster foy aucune a ce Marcion le plus grand de
tous les hérétiques et falsificateur luy raesme des Euangiles (A) (p), de qui sont
sorties comme de leur source les opinions des Manichéens qui ont si long-
temps infecté toutte la terre (q). En sorte que ce nest pas sans suiet que Ter-
tulien parlant de lepistre S. Paul a Philemon a dict quelle seule auoit eschappé
des mains faulsaires de Marcion a cause quelle nest pas longue (B) : et cepen-
dant (/•) Epiphane laccusoit de lauoir pareillement falsifiée comme les autres
œuvres de cette qualité (C).
[413] Salomon. — Ces deux premiers chapitres de Luc ne seruent de rien
pour autoriser lopinion de Marcion (I) , nestant pas vraisemblable que les
autres euangelistes eussent passé soubs silence (s) cette ambassade céleste,
laccouchement dune vierge, lestoille guide des mages (/), enfin touttes les
choses les plus considérables, ayans raporté iusques aux choses de la plus
petite conséquence. Et souuent (u) les mesmes redisent les mesmes choses
plus dune fois iusques aux guerisons des dissenteries et des hemoroïdes (E) :
et cest vn grand preiugé que ces deux chapitres sont adioustez aux œuures
de Luc de ce que le troisiesme chapitre comme estant le commencement de
quelque histoire a raconter (v) debutte de cette manière : Lan 15 de lempire
de Tybere Caesar, estant P. Pil.i te Président en Iudée et Herode tetrarque de
Galilée, son frère Philippe tetrarque de Tlturée et Lysania tetrarque d'Aby-
lene (x) soubs le pontificat d'Anne et de Caï'phe le seigneur sest faict entendre
(p) NMD evangeliovum. B evangelii. — (q) B omet in universum orbem. — (r) N omet tamen.
— (s) J/OiV[Evangelistas] pvselermissuvos fuisse. B pvselermissuvas, lapsus. — [t) MDN slellas
Magovum duces. B stellam... ducem. — (u) MDB ssepius. N saepe. — (v) MU historiu? futurœ
prolusio. NB lollus historiée prsefalio. — (x) MD Philippo f valve tetvarcha llureœ et Lysania
Abylenes telvavcha. B Philippo fvalve letravchœ, tronqué. N ajoute Barcoae (?) et Abylenes.
(A) D'après Terlullien, Marcion, dans ses Antithèses, séparait complètement l'ancienne loi de
l'Evangile, et reconnaissait deux Dieux, l'un imparfait, celui du vieux Testament, l'autre parfait,
père du Christ, celui du nouveau Testament, Adv. Marcionem, 1, 19 (Migne t. 2, col. 362). Ter-
lullien l'accuse encore d'avoir « rongé » l'Evangile, ibid., 1, 1 (Migne t. 2, col. 246), et d'avoir à
ce point falsifié Luc qu'il l'avait fait complètement sien, ibid., i, 1.
[B) Adv. Marcion., 5, 21 (Migne t. 2, col. 521).
(G) Epiphanius, Advevsus Hœreses, lib. 1, t. '■*, heeres. 42, 12 (Migne t. 1, col. 811).
(D) L'opinion de Mavcion. Evidemment celle que Salomon lui-même a rappelée tout à l'heure :
à savoir que tout l'évangile de Luc était apocryphe Mais alors Salomon se contredit lui-même:
il vient d'attaquer l'authenticité des Evangiles, et à présent il a l'air de défendre celui de Luc,
du moins si on l'ampute des deux premiers chapitres. C'est incompréhensible. Y a-t-il quelque
part une faute de texte ancienne, qu'aucun de nos mss. ne révèle? Doit-on supposer que celte
réplique appartenait à un autre que Salomon, Toralba ou Senamus?La dernière conjecture
paraît peu plausible, car c'est encore Salomon qui va poursuivre la dispute avec Oclave sur la
question des deux chap. de Luc : comment lui enlever la parole en cours de discussion? Je ris-
que, en en sentant l'improbable subtilité, l'explication suivante : Salomon n'admet pas que Mar-
cion, à cause des deux premiers chap., écarle tout l'évangile de Luc, parce que cela consolide
les (vois autres. Luc lui semble valoir Matthieu, Marc ou Jean, qui ne valenl rien.
(E) MD dysenleviie et hv?morvhagiae cuvaliones, -= jusqu'aux guerisons de colique ou de flux
de sang. Allusion railleuse aux cures, même aux résurrections opérées par Jésus, Matth., 4, 24:
8, 14; 9, 2 sqq., etc. ; et plus spécialement à la femme guérie d'un flux de sang, Luc, 8, 43-48.
DKS SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMAS 1 43
a Iean etc. Tous les prophètes et historiens commencent presque tousiours
ainsi (y), comme Ezechiel Daniel Osée Michée Sophonias (z) Esdras Zacharias,
et a leur imitation Luc a commencé (a) aussy son histoire ainsy (A). Ainsy il
est aisé de iuger (b) que ces deux chapitres sont de tout autre (c) plustost que
de luy.
Federicu. — La particule Or (d) (B) mise en commenceant faict connoistre
que ce chapitre est relatif a ceux qui le précèdent.
Octaue. — le n'en vouldrois rien asseurer (e) (C), mais il me souuient
dauoir leu dans TAlcoran cette ambassade de lange a la vierge Marie et ce qui
concerne son enfantement auec beaucoup de différence de la façon que Luc
lescrit. Car Mahomet faict ainsy parler lange [414] a Marie : 0 Marie plus
excellente que touttes les femmes et que tous les hommes, plus pure et plus
aggreable, Dieu créateur de touttes choses tenuoie la ioie dune grande
nouuelle (/") auec son verbe qui sappellera lesus Christ, homme très bon &
très sage. Sur quoy elle sescrie : Dieu éternel (g) comment se pourroit il faire
que ienfante, iamais homme ne ma touchée. Lange luy (A) réplique : Touttes
choses sont faciles a Dieu, il donnera a ton fils vne force diuine, il sera légis-
lateur et enseignera leuangile (t), il guérira les aueugles, les muets et les
ladres, ressuscitera les morts & confirmera le vieil Testament (D).
{y) MDB hœc initia sunt fere omnia. N ajoute communia. — [z] MD Sophonias. NB Zepha-
nias (1). — (a) MD [hoc initium] fecerit. NB /eceral. — (b) MD ut satis perspicuum (NB sit). —
\c) MDB cujusvis. N alterius. — [d) MD rejellent en fin de phrase eiret os. B Parlicula aiitem
(Noà). — (e) NMD nihil liabeo quod ei de re statuere possim. B Nihit ea de re statuere
possum. — [(') N libi gaudium summi nuncio [millitur]. BMD nuncii. — (g) NBD Deus œterne.
M optime. — (/t) NBD Huic angélus. M Hic. — (i) NB librum legis, verum Evangelium docebit.
MD librum legiferum Evangelium .
(A) MD fjuos imilatus Lucas initium fioc futurse historise fecerit. préférable à NB fecerat.
Le îulur an'érieur exprime une aclion qui, dans le passé, regardait l'avenir [futurse historise).
— Citons un type de début de prophète : « En la trentiesme année le cinquiesme iour du qua-
» triesine mois, aduint, comme i'eslois au milieu des prisonniers auprès du lleuue de Ghobar,
» que les deux lurent ouuers et ie veis les visions de Dieu ». Ezechiel, 1,1.
(B) MD £T£'. ôà, = or l'an [15 de l'empire de Tibère]. Luc, 3, 1.
C MD nihil liabeo quod ea de re statuere possim, = j'avoue mon incompétence.
^D) Coran, 3. 37-43 tBibliander, 5, p. 23, lignes 5 à 22). Je cite Bibliander et ÏHeptaplomeres
pour que, de la comparaison des deux textes, ressorlenl : 1° la certitude que c'est bien dans
Bibliander que Bodin a lu le Coran, et qu'il a connu les opuscules y annexés; 2° la supériorité
de MD sur NB. — Bibliander : » 0 Maria, omnibus viris et mulieribus splendidior et mundior
» alque lolior... ù Maria, libi summi nunlii gaudium cum verbo Dei, cujus nomen est Christus
» Jesas filius Marire... prudeus, sapiens, vir optimus ab universilalis crealore millitur. Bespondel
» illa : 0 Deus, cum virum non leligï, filium quomodo concipiam? Inquiunt angeli : Deo nihil
•> occurrit impossibile, omnia prout vultoperanli ...ipseque filium tuum cum divina virtule venien-
» tem, librum legiferum, omnisque magislerii periliam, et leslamenlum ac evangelium, manda-
» tumque filiis Israël edocebil... caecos el mutos curabit Jésus, morphealicos [?] alque leprosos
» mundabit, morluos crealore coopérante vivificabil ». — Heptapl. MD : « 0 Maria, omnibus
■> mulieriLus ac viris splendidior, purior ac jucundior, libi gaudium summi nuncii (N nuncio;,
» cum verbo Dei, cui nomen est Jésus Christus, vir optimus ac sapiens ab universilalis crealore
» millilur. Ad quem illa : Virum non alligi, Deus œterne, quomodo pariam? Hic (D Huic) Ange-
» lus : Omnia, inquil, Deo facilia sunt. Ipse luum lllium divina virlute augebit, librum legiferum
» Evangelium (NB librum Legis, verum Evangelium) docebit, caecos el mulos curabit, leprosos
» mundabit, morluos excilabit, vêtus Testamentum confirmabit ». Une série d'expressions iden-
tiques rend non douleuse la filiation des deux textes.
144 JEAN B0D1N
Salomon. — le confesse que Mahomet auoit leu peut estre ces deux chapi-
tres attribuez par addition (j) a Luc autrement quils ne sont escrits, veu que
l'on veoit tant de differens exemplaires. Quant a la particule Aulem, or, il a
esté plus facile de l'adiouster a celluy qui a adiousté deux chapitres tous
entiers que de persuader (A) leufantement dune Vierge contre Tordre de la
nature.
Toralbe. — Cet enfantement virginal (k) ne me semble pas si estonnant
que ces (/) troupeaux de poissons doyseaux et de serpents dont nous auons
parlé cy dessus (B) et faict veoir la naissance si soudaine sans le ministère
du masle et de la femelle. Vous auez ouy comme Federich vous a tant
raconté (G) d'histoires des embrassemens et accouplemens charnels des
Démons auec des femmes qui en ont esté engrossées : ce qui est si commun
qu'Augustin (9) (D) n'accuse pas seulement d'impudence (m) ceulx qui en
osent doubter, mais Thomas d'Aquin (1) (E) et presque tous les Théologiens
vnanimement demeurent d'accord quil est vray ce que [415] Iean & François
Pic (2) les plus scauans philosophes de leur temps (n) ont tous deux encores
confirmé (F) : que si telles choses sont vrayes il ny a rien dextraordiuaire
9 Lib. 18 de ciuitate. — (1) In c. 6 Gènes, et glosa ordinaria. — (2) Fran-
cisco Pic. in Prwnotion. et Joan. Pic. in Positionibus.
(j) NMD suhjecla. B suspecta, fautif (cf. p. 412). — [k] DN parlas virgineus. BM Virginis. —
(l) UNB piscium... (M Ma) examina. — (m) MDh (ut) Augustinus impudentes judicet (B im-
pndenler Auguslinum judicent[1]} qui dubitent, elc. — (m) N philusophorum (MDB omnium)
saeculisui. B sseculo suo, incorrect.
(A) Omission. MD philosophie, = aux savants.
(B) Hepl., II, pp. '.'5-100. Dieu a fait naître les oiseaux de la mer et les reptiles de la terre,
Genèse, 1, 20 et 24. La mer continue à donner naissance aux oiseaux pour nourrir l'homme, et
spontanément : sinon, d'où viendraient ces immenses troupes de cailles qu'on trouve parfois sur
ses bords, oiseaux mauvais voiliers qui ne sauraient venir d'au delà de l'Océan? Même idée
exprimée Th., 3, 7, p. 467 sq. Cf. ma Physique de Bodin, Revue d'Anjou, sept. 1912, p. 151.
(G) Hepl., Il, pp. 19-30 et 51-67. Federich s'appuie sur Deuteron., 4, 3 et Levilic, 17, 7, qu'il
estime condamner la fornication avec les démons.
(D) Référence erronée. Voici le texte allégué : « Silvanos eL Faunos, quos vulgo incubos
» vocanl, improbos sœpe exslilisse mulieribus, et earum appetisse ac peregisse concubitum; et
» quosdam daemones, quos Galli Dusios nuncupanl, banc assidue immundiliam et lentare et effi-
» cere, plures talesque asseverant, ut hoc negare impudentiàe videatur ». De civ. Dei, 15, 23.
Outre cette parité de texte avec VHept., on constate que Bodin, pour prouver l'existence des
incubes, apporte toujours ce témoignage d'Augustin, Démon., Préface, p. 26 ou 2, 7, p. 27G.
D'autres passages d'Aug. expriment d'ailleurs le même avis, par ex. : De Trinilate, 3, 8 et 9.
(E) Dans son commentaire sur Genèse, 6, 4 : « Depuis que les enfans de Dieu eurent espousé
» les filles des hommes, il en sortit des enfans qui furent des hommes puissans et fameux dans
» le siècle ». S. Thomas explique ailleurs que les succubes reçoivent la semence de l'homme et
s'en servent comme incubes, Summa theolog., prima secundse, q. 51, ad art. 3. Cf. Démon., 2,
7, p. 274 sqq., de nombreuses histoires d'incubat avec des références. Parmi les autres théolo-
giens que VHept. allègue sans les nommer, il faut indiquer Nicolas de Lyra, l'auteur de la
Glose ordinaire (in Geties., 6, 4i, à qui se rapporte la seconde partie de la référence 1.
(F) J'ai vu J.-F. Pici Mirandulœ comilis et J. Pici, etc. Opéra omnia, Basileae, per. Sebast.
Henricpelri, s. d., 2 vol. in-fol. Dans Jean-François, je lis: « Mine et succubi et incubi daemones,
» quod nec Theologi nostri negant, praesertim Augustinus & Thomas, ut bine facile quispiam
» suspicari posset, toi olim deorum filios creditos, tôt nympharum dearumque & hominum con-
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 145
qu'vne vierge sans compagnie dhomme ait conceu et enfanté par le ministère
dan ange. Nous voyons que non seulement des racines et des animaux (o) en
très grande quantité sortent du sein de la terre (A) sans semences aucunes p ,
mais aussi des hommes dans vne terre grasse tempérée par la chaleur du
soleil, selon les tesmoignages d'Anaximandre (3), d'Empedoele, d'Anaxa-
goras (B), de Platon (4) (C) et de tous les philosophes arabes au dire d'Aui-
cenne. Entre les historiens Diodore Sicilien, Pausanias, Iustin, Strabon &
mesmes Aristole (5) (Dj lont creu. Sans parler des poètes (G) (E) dans les
escrits desquels il ny a rien de plus frequant. Comme aussy M. Varro (q) (7),
Pline (8), Solin (9), Columella (1) et Sillius Italicus (r) raportent que les
cauales de Portugal conçoiuent & engendrent souuent sans leurs masles,
mais que les poulins qui en sorlen! ne viuent pas plus de trois ans. Il est
incroyable, dict Varron, mais cependant véritable que les cauales (s) de Por-
tugal conçoiuent par le moyen du vent (F).
3 Plutarch. in Placitis philosoph. — (4) In Protagora, Polilico, Menexene.
— (o) Sect. 10a Problematum. — (6) Maro in Géorgie, Ouid. in Metam.,
Oppiau., lib. 3 de Venatione. — (7) Lib. de re rustica. — 8 C. 30. — (9) Lib.
44 (G). — (1) Lib. fi.
(o) MUX animantia. B animalia. — (p) MDN sine ullo (B Mo, lapsus) semine. — [q) N Maro*
Varro, faute. BMD M. Varro. — (r) B omet Silius Italicus. — (s) Neqttos. BMD equas.
» cubilu nuncupalos heroas, non fabulis lantum ficlos, sed dœmonum vel succuborum vel incu-
» boruin opéra fados fuisse », etc. De rerum prœnotione, 4, 4 t. 2, p. 317). Je n'ai pas trouvé
dans ce recueil les Positiones de Jean Pic. Bodin appelle ailleurs cet ouvrage Posiliones
tnagiese (Démon., 1, 5, p. 128) ou Positions cabalistiques (ibid., 2, 1, p. 180) : sonl-ce les
fameuses 900 propositions de omni re scibili?
(A) Aristote, Hist. animanlium, 5,1, 5, explique la génération spontanée par la putréfaction de
la terre ou des plantes.
(B) Anaximandre, dans Plutarq., De placitis philosophorum, 5,19; Empédocle, Carmina. De
nalura, v. 125 sqq. (Fragmenta philosoph. graecor., Paris, F. Didot, 1860); Anaxagore, dans
Diogène Laerce, 2, 9.
(C) Platon, Protagoras, 11 éd. H. Eslienne, t. 1, p. 320 d); Politique, 13 (t. II, p. 271 a);
Ménéxène, 7 (t. Il, p. 237 d); Banquet, 14 t. III, p. 190 6), etc.
(Dï Aristole, Problem., sect. 10, 65. — Justin (sur les autochtones de l'Altique), 2,6. — Diod.
de Sicile, 1, 6 et 7, explique ainsi, en un long développement, la naissance du genre humain. —
Pausanias, 8, 29, 4.
(E) Virgile, Géorg., 4, 317 sqq. ^l'essaim d'abeilles issu du taureau d'Arislée. — Ovide, Métam.,
3, 116 (les guerriers de Cad m us). — Quant à Oppien, de Venatione, 3, 354 sqq., il dit juste le
contraire de ce que lui impute Bodin : « Le ligre est aussi vite que son père le Vent; mais d'ail-
» leurs le Vent n'est pas son père : qui pourrait jamais croire (tY; av 7riOT<6<jai'To) que des bêtes
» s'accouplent avec l'air? C'est un bruit sans consistance (xeve^ (pctTtç) ». Bodin en prend quel-
quefois à son aise avec ses autorités.
(F) L'histoire des juments de Portugal vient probablement à Bodin de Wier, o, c, 2, 40,
p. 187 a, qui l'utilise dans le même but que Toralba, pour démontrer la possibilité de faits à nous
incompréhensibles. Mais elle se retrouve dans maint ouvrage du temps, par exemple J.-F. Pic,
Examen vanilalis doclrinœ genlium, 5, 12 (éd. citée, t. II, p. 749). Quant aux références de
Bodin, les voici, corrigées ou vérifiées : Varron, de Re ?'ustica,2, 1, 19; Pline l'Ancien, éd.
Teubner, 4, 116 : « E favonio concipere dicunlur » [equee Lusilaniae], 8, 166 et 16, 3; Solin, 23;
Columelle, 6, 27; Silius, 3, 378 et 16, 364; Justin même (que B a déplacé), 44, 3.
(G) Béférence que MD rapportent correctement à Justin, déplacé dans B.
Chauviré 10
146 JEAN BODIN
Ore omnes versée in Zephyrum stant rupibus altis
Exceptantque (l) leues auras et ssepe sine vllis
Coniugiis vento grauidse, mirabile dictu !
Les nazeaux tournez au vent quils [sic] hument sur les plus haults rochers
souuent elles se trouuent plaines sans laide de lestalon ce qui nest "pas moins
merueilleux quincroyable. Homère (2) (A) lauoit desia dict parlant des che-
uaux d'Achilles (B). Ainsy lenfantement dune vierge nest pas vne chose si
estrange.
Sknamy. — Soyons daccord que cella [416] nest pas contre nature, quoy que
cella soit bien rare. Mais il ne se peut pas faire naturellement que Christ soit
sorty de ce ventre sans y auoir faict fraction, ainsy que Tertulien la dict (C)
que cette Vierge enfanta son corps sestant pour ce ouuert dont (m) il a esté
repris de tous les théologiens de leschole qui (v) ne veulent pas que Iesus
Christ estant Dieu et homme ensemble ayt esté subiect aux loix de la
nature (x).
[Octave s'appuie sur le monothéisme musulman pour refuser à Jésus la
qualité de fils de Dieu. Salomon indique que par ce titre Jésus entendait seule-
ment qu'il était, comme tous les autres hommes, créature, 416-419. D'ailleurs,
(2) Iliad. IL
(t) NB exoplant, faute. MD exceptant. — [u) NBD Virginem patefacli corporis lege peperisse,
quod {M quem, Taule d'allenliou) omnes theoiogorum scholse coarguere non dubitarunt. —
[v) NOM quia (fecerunt). B quin, Taule. — [x] NB Dei et hominis naturam in Christo unilam
naturae lege solulam fecerunt. M nalura uni ta... solutam, inexplicable. D nalura unila... solu-
tum (se. Chrislum).
(A) Homère, Iliade. 16, 1G el 20, 222. Virg., Géorgiques, 3, 273.
(B) El ce déluge d'exemples n'est pas fini ! Nous apprendrions un peu plus loin que le dieu Con-
colo, qui est un démon, couche avec les femmes des Indiens (tiré de Gomaru, o c, 1, 27, p. 38.
Cf. Démon , 2, 7, p. 276); que chez les Turcs on appelle Nephis ogli ou enfanls de l'air, chez les
Anglais merlins (fait rapporté par Montaigne, 2, 12, t. 4. p. 38) des enfants qui n'ont pas de père
selon la nalure (lire ou de Poslel, comme le veut Villey, o. c, p. 124, ou de Bibl'under, Tracta-
tus de moribus Turcarum, l. 2, p. 31). — Mais le plus intéressant pour nous ce ne sont pas ces
rapprochements, même avec Monlaigne, c'est la manière de Toralba, que nous pouvons sans
nous tromper mettre au compte de Bodin même cf. mon Jean Bodin, 2, 2, La conception de la
science, in fine). Il justifie le miracle par l'observation de prétendus phénomènes analogues; il
veut bien croire la mère du Christ toujours vierge, mais parce qu'on voit des femmes engrossées
sans mâle. A travers l'apparence baroque du raisonnement, discernons ce qu'il a de dangereux
pour le miracle, qui n'esl plus accepté avec docilité ni candeur, mais qu'on tache de faire rentrer
dans la connaissance rationnelle. D'abord cela lui enlève de sa valeur d'exception, de son carac-
tère divin. Et puis, voyez comme il serait facile, & grave, de renverser le raisonnement : si
Toralba n'avait pas l'exemple des guerriers de Cadmus el des cavales portugaises, il ne croirait
donc pas à la virginité de Marie ?
(C) » Non virgo quantum a parlu », dit Tert., De carne Chrisli, 22 Aligne l. 2, col. 790). Propo-
sition hétérodoxe : voyez .Jérôme, Ad Pammachium pro libris adversus Jovinianum Apologia,
Epist. 48, 21 (Migne t. 1, col. 5l0i el Dialogus adversus Petàgianos, 2; 4 (Migne t. 2, p. 538 el
la nute Le concile de Lalran sous Martin Ier (G49-655: déclare, dans son canon 3, la Vierge
« incorruptibilité!' enixam ». S. Thomas est du même avis, Summa theolog., lertia, 9, 28, ad
art. 2. Voilà quelques-uns des théologiens de leschole, sans compter la décision célèbre de Duns
Scol, o. c, 3, 3, q. 1 (t. 2, p. 30), cilée p. 543, note C.
HES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 147
continue-t-il, les généalogies, dans Luc & Matthieu, prouvent bien qu'il était
fils de Joseph ; et elles prouvent, quoique n'étant même pas d'accord, qu'il y a
eu pour Jésus une filiation naturelle, donc point de filiation divine, 120-423.
Comment le Messie qui devait naître à Bethléem est-il qualifié Nazaréen?
Étrangeté du voyage de Marie, enceinte, jusqu'à Bethléem, sous le prétexte
invraisemblable d'un recensement, 424-426. L'étoile des mages est encore un
conte invraisemblable, 420. Seul l'ancien Testament est inattaquable et
reconnu de tous, 427. La discordance des Évangiles et l'abondance des Apo-
cryphes permettent à Salomon & à Octave les pires suspicions sur les Cano-
niques, 427- 129. Suit une digression sur le Coran, dont Senamy attaque
l'authenticité : il est l'œuvre, non de Mahomet, mais de 200 théologiens arabes
qui ont recensé la tradition orale venue de lui. Il est écrit en vers, ce qui ne
convient qu'aux fables : l'Évangile et le Pentateuque sont en prose. Puis on
revient aux discordances des Évangiles : Salomon raille les récents auteurs
d'Harmonies des Évangiles, Calvin, Gab. du Puy, Ch. du Moulin, qui n'ont
jamais pu établir entre eux cette fameuse harmonie, 429-432 .
Contrariété des Evangiles.
[432] Salomon. — Pour les contrarietez du nouueau [testament] elles sont
si visibles quelles paroissent si tost quon y iette les yeux. Et pour ne pas en
entreprendre la discussion en détail (a) ie soustiens quil ny a aucun Euange-
liste qui raporte soit pour le principal de Ihisloire, soit pour les circonstances,
[433] de la mesme sorte que lautre en faict le récit (A). Et vn mesme mes-
mement n'escript pas vue chose de la mesme manière quant il est obligé de la
reciter deux fois. Qu'ainsy ne soit (B) Luc (S) dict que les compagnons de
S. Paul sarreslerent surpris de son accident sans veoir personne (6), mais
qu'ils entendirent seulement vne voix qui disoit : le suis Iesus de Nazareth
que tu persécutes (C). Et ensuite le mesme (c) Luc (6) dict que les compagnons
(5) C. 9 Actorum. — (6) C. 22 Actorum.
(a) MDB ne singulos singulis conferamus. N conleramus. — (6) N ajoute lamen. — (c) JV
Idem (BMD lamen) paulo post.
(A) R a longuement paraphrasé, déplacé une proposition (de rébus iisdem scribenti), mal com-
pris une autre (ne singulos singulis conferamus). Voici le texte : MD ac, ne singulos singulis
conferamus, ne unus quidem scriptorum sibi ipsi convenit de rébus iisdem scribenti aut eam-
dem hisloriam bis repetenti. J'entends : je ne veux pas recommencer à comparer les Evangé-
lisles entre eux (il a monlré leurs discordances, p. 428 sq.). Mais, allant plus loin, je dis que pas
un n'est d'accord avec lui-même, quand il lui arrive de raconter deux l'ois les mêmes faits. 11 y a
une gradation, que Salomon l'ait sentir, dans la démonstration.
(B) Locution vieillie, encore employée au xvine siècle, et qui avait le sens d'une transition
assez vague : par exemple, voyons, voyez.
C 11 s'agit de Paul terrassé sur le chemin de Damas. « Et tombant par terre, il entendit une
» voix qui lui disait : Saùl, Saùl, pourquoi me persécutez-vous? 11 répondit: Qui êles-vous,
» Seigneur? Et le Seigneur lui dit : Je suis Jésus que vous persécutez ». Act., 9, 4-5.
148 JEAN B0D1N
de S. Paul veirent vne lumière esblouissante (d) et nentendirent aucune
voix (A) : lesquels deux passages aucuns commentateurs nont encores sceu
accorder (e).
CuKCii. — Les actes des apostres ont esté composez en grec. Ou les mots
cpwç et cpwv/j, dont lun signiffie lumière et l'autre voix, a cause de la proximité
des lettres a peu faire que par leur mauuais soin les copistes (f) ont peu aisé-
ment prendre vn mot pour laulre : ainsy qu'il arriua aux anciens Grecs quand
loracle d'Apollon leur respondit que cpàk luy plaisoit, ils creurent que cestoit
cpwç auec vn accent graue au lieu que cestoit tf-w; auec vn accent circonflexe
qui signiftie lumière : dou (g) leur vient la coustume de sacriffier des hom-
mes (B).
Senamy. — Ce seroit (h) vne merueilleuse chose si parmy vne telle diuersité
descriuains et de sectes quil sen rencontra a la naissance de la Republique
des chrestiens et dans les premiers commencemens mesmes de leur Eglise il
ne se trouuoit aucune contrariété dans les ouurages des apostres et des disci-
ples, veu qu'Epiphane remarque que les euesques se plaignoient (i) desia de
son temps que les Arriens auoient tous corrompeu les euangiles (j) (C) :
comme Tertulien (7) en faict reproche (le) aux hérétiques dans son liure des
[434] Prescriptions (D). Et au contraire les Arriens accusoient leurs aduer-
saires destre les falsificateurs des Euangiles. Et Origene (8) que S. Hyerosme
appelle le patriarche & la lumière de l'Eglise (E) na point faict scrupule de
(7) De prœscriplionibus aduersus haereticos. -- (8) Lib. i contra Celsum.
(cl) .Y supprime coruscum. — (e) BMD quae loca nulli adhuc interprètes conciliare (N inler-
prelum conediari [?]) potuerunt. — (f) MX qui ab archetypo descripserant. D archetypo. B
archelypum. — (g) MUB incle. N uncle. — (h) NMD Mirabile mihi viderelur. B videtur, fautif.
— (i) N quœri, inadvertance. BMD queri — (j) N sacram scripturam. BMD sacras scripluras.
— (k) S queeslus est (?) BMD questus est.
(A) Salomon exagère les discordances des deux passages : si un seul a la lumière, tous deux
ont la voix : « Comme j'approchais de Damas vers l'heure de midi, je Itis environné loul à coup
» et frappé d'une grande lumière du ciel; et étant tombé par terre, j'entendis une voix qui me
» disait : Saùl, Saiil, pourquoi me perséculez-vous ? », etc. Act., 22,7sq. Evidemment ce peut
être une négligence de la part de Bodin d'avoir rendu la partie si facile à Salomon. Mais la
négligence est si grosse qu'on peut se demander si elle n'est pas voulue.
(B) La source de Bodin serait Varron. Cf. Bép., 1, 5, p. 36. Je n'y trouve pas l'anecdote.
(G) Epiphane, o. c., 69, 76, déclare que les Ariens déchirent l'écriture avec la férocité des
bêles fauves, tx; Asijâiç 7rpoo-xÔ7TTOVT£ç co; 6-/)peç.
(D) De prescription., 17 (Migne t. 2, col. 30). Cf. Apolog., 47.
(E) Je ne sais où. Et je ne le crois pas. Jérôme dit lui-même, Epist. 83, 2 (Migne t. 1,
col. 744) : « Ni fallor, duo loca sunt, in qurbus eum [Origenem] laudavi : praefaliuncula ad
» Damasum in Homiliis Canlici Canticorum et Prologus in librum Hebraïcorum nominum ». A
aucun de ces deux endroits il ne l'appelle patriarche, ni lumière de l'Eglise. Dans le premier
il le nomme magistrum ecclesiarum; dans le second, il dit qu'Origène s'est surpassé lui-même
(Migne t. 3, col. 1117). — Or ailleurs (Démon., 2, 2, p. 188) Bodin prétend que Jérôme in
Catalogo, appelle Origène le maistre des Eglises chrestiet res : le Catalogus ou De viris
illustribus, 64 (Migne t. 2, col. 663), fait un grand éloge d'Origène, mais ne lui décerne point
le titre qu'assure la Démon. Voici donc encore un cas où Tasserlion de Bodin ne se vérifie pas.
Bésume-t-il ici l'impression conservée de la lecture du De viris? Citant de mémoire, confond -
il le De viris avec ÏEpist. 83 ad Pammachium, où Origène est appelé magistrum ecclesiarum?
Tout cela est possible; et cet à-peu-près, constant chez Bodin, rend nombre de ses références
difficilement ou point du tout vendables.
DE? SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 1-49
déclarer dans son liure contre Celse (A) que leuangile de Marc (/) estoit pleine
de fautes. Comme aussi Ruffin dans son Apologie d'Origene (B.) dict qu'Appelle
& Marcion se vantoient dauoir corrigé les Euangiles auec grand soin et beau-
coup de peine, lesquelles estoient touttes falsiffiées (m). Ee mesme [ri) Tertu-
lien (9) dict encor dans son liure des Prescriptions (C) que ce Marcion con-
damnoit mesme comme apocrifes (o) les Actes des Apostres, l'Apocalipse et
les Epistres de S. Paul a l'exception de quelques vnes.
[Octave attaque dans l'Evangile des anachronismes de détail, 435-436. Salo-
mon montre dans S. Jean des versets contradictoires, 437-440. Les apôtres
allèguent souvent des prophéties inexistantes, par ex. Matthieu, 27, 9. Cer-
tains miracles ne sont que dans un Evangile sur quatre, 441 . Il est incroyable,
si Jésus était Dieu, qu'il ait été tenté par le Démon (Luc, 4, 1-13), qu'il n'ait
été inspiré du S. Esprit qu'à trente ans (Luc, 3, 23 et 4, 1), qu'il n'ait pas
supporté plus héroïquement la souffrance & la mort, 442 sq.].
Humanité, & médiocre humanité de Jésus.
[444] Salomoiv. — La faim, la soif, la douleur, la tristesse, la crainte,
l'effroy et la consternation dont il a esté attaqué (a) nappartiennent qua la
partie inférieure (D) de lame (6), lesquelles passions encor quelles semblent
indignes dun grand cœur (c) sont neantmoins excusables en ce que lame en
est capable par contagion tant quelle est attachée au corps pour monstrer
l'vnion quil y a de lun a lautre. Mais pour la science, la [445] prudence et
lintelligence (E) qui appartiennent a la partie supérieure de lame si la sienne
eust esté vnie a la Diuinité elle nen eust pas esté depourueiie. Et encores que
(9) In lib. de prsescriptionibus.
/ NMD Marci evangelium. B Marcum euangelislam. — [m] SB pluribus erroribus. MD
plurimis. — (») NBD Idem. M Item. — [o] NB supposition, barbare. .1/0 supposititias. —
(et) MDN quibus Christus conflictabatur. B confliclebatur, barbare— b) MDB corporis et
animas in/erioris (N corpori & animse inferiori) communia sunt. — (c) MD aliéna (NB a)
sapiente vivo.
(A) Origène, Contra Celsum, 2, 27 (Migne t. 1, col. 847).
(B) Bodin a ici en vue : Rulîni liber De adulleratione librorum Origenis seu In Apologelicum
S. Pamphili marlyris pro Origène Epilogus, qu'on trouve dans l'Origène de Migne. C'est Rufin
qui avait traduit en latin l'Apologie de Pamphile pour Origène; le passage qu'invoque Bodin est
dans Migne, Origène, t. 7, col. 625.
(C) De praescript., 51 (Migne t. 2, col. 70).
(D) Bodin reconnaît trois parts en l'homme : le corps, dont le bien est la santé et la beauté;
l'âme inférieure, lien du corps et de l'intellect, dont le bien est dans la subordination des appétits
à la raison (vertu morale); l'âme supérieure ou intellect dont le bien est la prudence, la science
et la sagesse ou religion, c'est à-dire les vertus contemplatives. Bép., I, 1, p. 4 sqq. On comprend
maintenant le raisonnement de Salomon : que Jésus ait été attaqué dans son âme inférieure,
c'est compréhensible (encore que peu honorable), car il portait la peine de son corps d'homme;
mais s'il était Dieu, son intellect était en communion avec l'intellect divin et avait en perfection
prudence, science & sagesse.
(E) MD sapienlia, — la sagesse.
loi) JEAN BOMN
pour les affections humaines on ne luy en donne que ce quil en a voulu (d)
prendre (3), si cella estoit vray, pourquoy auroit il dict (A) : Mon ame est
triste iusques a la mort (e). Et dans le iardin des Oliues en suant sang & eau
se seroit il emporté iusques a crier (B) : Mon Père, s'il est possible, faictes
que ce calice passe (/"). Sont ce les parolles d'vn Dieu? Non, mais plus tost
dun homme accablé de douleur & de desespoir. Et par ce dernier emporte-
ment (g) (C) : Mon Dieu, pourquoy mauez vous délaissé (A)? ne faict il pas (»')
assez remarquer l'expression dune ame basse, par laquelle il reconnoist luy
mesme quil nest rien moins qu'vn Dieu (j)?
Tokalbk. — Lorsque par le commandement des tyrans on a pilé dans vn
mortier auec des marteaux de fer Zenon Eliates (k) et Anaxarchus (D) chacun
en diuers temps ils ont tous souffert ces tourmens auec vn courage et vne
constance inimitables (4), et par des parolles dignes de leurs belles âmes
estonnoient, en mesprisant, la cruauté de leurs bourreaux. Après quoy pour-
roit on simaginer (/) tant de foiblesse (E) en la personne de ce Christ que Ion
appelle la fontaine de toute la sapience diuine?
(3) Caluinus in loan., c. 12, vers. 17 (F). — (4) Laert. in vita philosophor.
(d) MD 7it nullam [se. afTeclionem] nisi voluntariam fùerit perpessus. H ut nihil [N nullum)
)ùsi voluntarium, elc. — (e) MDS turbata. B perturbata. — if) N omet celle prop. — {g) MD
exclamatio. NU declamalio. — (h) MDB Cur (N Ut quid [?]) me deréliquisti? — (i) NB nonne.
MD num, conforme à l'usage de Bodin : cf. p. 223, note B. — (/) DBN alium (M alienum) a se
Deum confitentis. — (A) MDN Zeno Eleales. li Zeno Stoïcus Cleades (?). — l) N quis... arbi-
tratur. HMD arbitrelur.
(A) Matthieu, 26, 28. — Celse fail la même objection dans Origène, Contra Celsum, 2, 9
(Migne t. 1, col. 807).
(B) Inexacl. MD Cur item in horto supplicia, deprecanli sudores sanguinis aquse instar
de fl aèrent '! = Pourquoi au jardin, quand il cherchait par ses prières à détourner le supplice,
des sueurs de sang l'auraient-elles inondé comme de l'eau? Matthieu, 26, 39. — Bodin a peut-
être pris cette objection dans le Contra Celsum, 2, 25 Migne t. 1, col. 846) ou dans Epiphane,
0. c, 69, 61 (Migne t. 2, col. 302), qui l'allrihue aux Ariens, négateurs de la divinité de Jésus.
{G)..Mallh., 27, 46. — Objection des Ariens encore dans Epiphane, 0. c, 69, 61 ! Migne t. 2,
col. 303).
(D) Ces deux exemples de constance sont en effet rapportés dans Diogène Laërce, mais séparé-
ment : Zenon, 9, 5; Anaxarque, 9, 10. Mais je les vois réunis dans mainl livre familier à Bodin,
et où je croirais plutôt qu'il en a appris la valeur démonstrative : Cic, Tusculan., 2; Plutarq.,
De la vertu morale, 9; Terlullien, Apol., 50; surtout Origène, Contra Celsum, 7, 54 (Migne
t. 1, col. 1499), où Celse s'en sert exactement dans le même but que Toralha.
(E) MD lam fracli et abjecti animi fuisse, = tant de mollesse et de bassesse dans l'âme.
B atténue respectueusement la rudesse du latin.
(F) Corrigez : sur Jean, 12, 27. J'ai eu entre les mains : I. Caluini Harmonia ex Euangelistis
composita, etc. Geneua?,apud loh. Vignon, 1563, in -fol. Le passage que cite Bodin s'y trouve p. 134.
Le voici dans le français de l'édition Meyrueis icf. supra, p. 308, note) : « Et n'a point esté chose
» mal convenable que le Fils de Dieu ail esté ainsi troublé : car la Divinité estoit comme cachée
» et 1 par manière de dire) se reposoit ne monstranl point sa vertu, afin qu'elle feist place à la
» réparation ou purgalion [de nos péchés] qui devoist eslre faile par luy. Or le Fils de Dieu avoil
» vestu non seulement nostre chair, mais les affections humaines aussi. Il est tout certain voire-
» ment que ces affections ont esté volontaires en luy, d'aulant qu'il a craint, non point par force
» et contrainte, mais parce qu'il s'esloit de bon gré assujetti à la crainle. Toulesfois il faut résoudre
» que ce n'a pas esté par faux semblant qu'il a craint, mais en vérité ». T. 2, p. 262.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 151
[446] Salomon. — L'histoire des sept frères (5) dans Ioseph (m) et dans les
Macchabées (A) est digne deternelle mémoire qui nayans pas voulu manger de
porc pour ne pas violer la loy de Dieu feurent condamnez par le cruel Antio-
chus a eslre escorchez tous vifs et iettez dans la flame pour y mourir (n) :
loin de se plaindre ils nen ietterent pas seulement vn souspir (o) et nen res-
pandirent pas la moindre larme, mais, sans changer mesme de visage, feirent
paroistre iusques a la fin la force dune ame véritablement inuincible (p) (B).
[Et puis, continue Toralbe, quand Jésus craignait, souffrait, pleurait, c'était
donc feinte de sa part, puisqu'étant Dieu il était incapable de passion, p. 446.
Octave, s'appuyant sur le Coran i, 156, cité supra, p. 310, note II), soutient
qu'à la place du Christ Dieu substitua un certain Simon, ou du moins que le
Christ ne ressentit aucune douleur. Federich proleste, p. 447. Depuis un
moment les adversaires des chrétiens s'efforcent de contester surtout l'huma-
nité du Christ].
Le miracle de la Résurrection ne prouve pas un Dieu.
|448] Octaue. — Celse qui a composé sept liures contre (a) les chrestiens
dict que la résurrection de lesus Christ (4) nest point différente de celle de
Cleomede Astypalien (C) que loracle d'Apollon auoit asseuré estre ressuscité
et qui selon le tesmoignage des anciens ne se trouua pas dans son sepulchre
après sa mort. Ce mesme Celse (6) trouue encor bien ridicule que sur la
simple déposition dune putain (D) on croye celluy la ressuscité que le iour
dauparauant tout le peuple auoit veu mourir en croix.
FEnEMCH. — Celse estoit vn Epicurien aueré (E) : & ie ne sçache point de
(5) De imperio rationis et in libro Maccab. — (4) Origenes, lib. 3 contra
Celsum.
[>n] XMD Ilepc aÙTOxpXTOOOç lofin^-ou. — (n) S flammis torquerentur. BMD torrerentur.
— 10) N ex iniimo. BMD ex imo peclore. — (p) N inviclam animi robur. BMD invicti. — (a) N
vontra. BMD adversus. — (b) BMD libro secundo.
(A) II Macchabées, 7; Josèphe, Le martyre des Macchabée* ou de l'empire de la raison. Cf.
Eusi'be, ttist. ecclésiastique, 3, 10.
{B) Toralba pour les jusles de l'antiquité [uifra, p. 569 bis sq.), Salomon pour les justes de
l'ancienne loi (p. 578 sq.), réclameront encore l'égalité avec lus chrétiens, ou même la supériorité
sur eux. La prédilection avec laquelle Bodin revient sur ce motif est chez lui l'indice d'une doc-
trine secrète Déjà, dans la Lettre à Bautru, où il est encore protestant, il marquait une singu-
lière tendresse aux prophètes juifs et aux grands hommes de l'antiquité. Cf. mon Jean Bodin,
Appendice, pp. 522 sq.
i, G i Origène, o. c, 3, 33 Migne l. 1, col. 962 sq. . — L'histoire de Cléomède est racontée en
détail par Pausanias, 6, 9, 6-8; mais quand ailleurs Démon., 2, 4, p. 233Ï Bodin la cite, il la lire
de Plularq., Bomulus, 28. Source possible autre que celle que Bodin même nous cite : Cyrille,
Contra Julianum, 5 (Migne l 9, col. 812), où Julien compare aussi railleusemenl l'ascension de
Jésus à celle de Cléomède.
(D) Bodin cite encore de mémoire, et infidèlement : Tuvy] TrâpoiTTfo:, = mulier fanatica, dit
seulement Celse, dans Origène, o. c, 2, 55 (Migne t. 1, col. 883 .
(E) Contra Celsum, 1, 8 el 4, 53 (Migne t. 1, col. 470 et 1118).
152 JEAN BODIN
marque plus asseurée dune pieté sans reproche que destre mocqué [449] par
vn Epicurien.
Senamy. — Sil est sorty (c) du ventre de Marie sans faire ouuerture a la
matrice comme tous les cliresliens le publient (A), sil a disparu deuant ses
ennemis qui le vouloient lapider selon S. lean (5) (B), sil est entré & sest
trouué au milieu de ses apostres (d) les portes estaus fermées (6) (C), si
comme vn autre Gyges il .s'est fait inuisible aux hommes quand il la voulu &
sil a marché sur la mer a pied sec (D), il fault (e) quil ayt esté vn spectre ou
quelque corps imaginaire, par ce quil ny a point de véritable corps soit quil
ayt des os soit quil ne soit composé que de lair (/") qui souffre la pénétra-
tion (E).
Salomon. — Quand nous aduouérions (g) quil ny a point de pénétration dun
corps en vn autre nous aurions tort, puisque nous sçauons que les auges se
sont seruy de véritables corps et mesmes (h) des sorciers ont esté veus sou-
uent dans les airs (F) suspendus & portez sur les eaues sans crainte de la
tourmente (G) (comme tous les magistrats en ont veu lexperience) quoy quils
feussent reuestus de véritables corps. Ainsy nous pouuons confesser que Iesus
(5) C. 8. -- (6) Marci c. 16. Lucœ c. 14 et c. 4. Ioan., c. 21.
(c) NMD prodiil. B prodit, inadvertance. — [d) NMD si aedibus conctusis in cœtu disci-
pulorum visus est. 8 a cœ/u (?). - (e) .V falendum est. BMD confitendum est. — yf) DNB
aereum, absurde. M aerium. — {g) N De mus illud, (BMD scilicet) corpora, elc. — (h) N immo
et sortilegos. BMD immo eliam.
(A) Références supra, p. 41G, noie C.
(B) Jean, 8, 59 el 10, 39.
(C Les mss. donnent quelques références erronées. Il faut lire : Marc, 16, 14; Luc, 24, 36 sqq.;
Jean, 20, 19-26.
(D) Tanlôl Marie, lantôl ses disciples ne le reconnaissent pas, Jean, 20, 14 et 21, 4; Paul sur
le chemin de Damas, Actes, 9, 3, etc. Jésus marche sur la mer à pied sec, Jean, 6, 19.
(E) Origène, esprit hasardeux, pense « Jesum fuisse speclrum quod veluli praelervolilans oculi
» eorum [= des témoins] aspexerint ». Contra Cels., 7, 35 (Migne t. 1, col. 1470). Et il précise,
ibid., 2, 62 (M igné t. 1, col. 894), que Jésus était alors d'une substance intermédiaire entre l'opa-
cité d'un corps et la subtilité d'une ombre. Mais l'orthodoxe Jérôme proteste que Jésus a l'ail
làler son côté aux disciples cf. Luc. 24, 39), « ne verilas corporis phantasma pularelur ». Epist.
48 ad Pammachium, 21 (Migne t. 1, col. 510). — Quant au passage de Bodin, il est copié de
Wier, o. c, 2, 30, p. 145 a : Wier prétend que quand Jésus apparut aux disciples, c'est que la
porte s'est pour lui ouverte à leur insu : « -aulremenl il faudrait confesser qu'il y auoit penetra-
» lion des corps : ce qui est contre la nature, selon Arislole, 8 de la Physique ».
(F) On est tombé d'accord, Hepl., II, pp. 68-73, que les anges sont corporels, Dieu seul ne l'étant
pas. Cf. Démon., Réfulalion de Wier, pp. 548, 550, 584. — Quant au Iransport des sorciers par
les Démons, il en faut chercher des exemples Démon., 2, 4, pp 222, 226, 233, 240; 3, 1, p. 305;
Béfulalion de Wier, pp. 559, 579, 597. Les autorités le plus souvent citées sont Platon, l\èp., 7
histoire de lier l'Arménien : Plut., Bomulus, 28 (apothéose de Homuhs!; Augustin, de Civ.
Dei., 8, 15 ou 10, 11 ou 21, 10: Thomas. d'Aquin, Summ. theol., secunda secundœ, q. 95, ad
art. 5, qui raisonne ainsi : si le diable a pu transporter J.-C, vrai homme, au sommet du temple,
les sorciers peuvent bien, avec son aide, transporter de vrais corps, les leurs ou ceux des autres.
<i) Inexact. MD [sortilegos] sœpe quoque subvectos aquis nullis voraginibus immevgi potuisse.
Cf. Démon., 4, 5, p. 486 : « En plusieurs lieux d'Allemaigne on iette les femmes condamnées en
» l'eau : mais il s'est trouué que les sorcières iettées en l'eau pieds el poings liez ne se peuuent
» noyer ».
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 153
a esté reuestu dun corps réel et quil a souffert de cruels tourmens mesmes
quil est mort [i) : mais toutte la difficulté que ie trouue cest que celluy la
nauoil pas besoin de prier auec tant de ferueur (j) pour empescher son sup-
plice & et sa mort, puisque luy mosme sen pouuoit 1 450 i bien exempter /.
sil eust esté Dieu.
Curck. — Il sest conduict de cette manière pour nous apprendre quil
nestoit pas seulement vray Dieu mais aussy vray homme (/) (A.) & quil a
possédé les deux natures sans aucune confusion.
Octave, à grand renfort de textes Marc, 10. 17 >q. ; Luc, 18, 18 sq. ; Calvin,
Comment, sur les A des, 3,21-22; Coran, cité supra, p. .310, note Bi, affirme que
Jésus ni les apôtres n'ont jamais prétendu pour lui la qualité divine. Federich
cite plusieurs passages où Jésus avoue cette qualité aux apôtres en la cachant
au public. Discussion entre Salomon et Curce sur l'authenticité de ces pas-
sages, 450-455. Curce ajoute qu'en remettant les péchés, Jésus montrait bien
qu'il se croyait Dieu. Salomon : c'était effronterie de sa part. Coroni annonce
le sujet de la prochaine dispute : comment se fait en J.-C. l'union des deux
natures, 456. Dans cette dernière partie, symétrique à 446-448, la question
est posée si J.-C. était véritablement Dieu].
Livre VI.
[C'est vendredi; on fait maigre : éloge du poisson, animal pur, hostie
offerte à Dieu les jours déjeune. Sa longévité, 457-459. Longévité prodigieuse
des anciens hommes, faite pour récompenser leurs vertus, dit Salomon; pour
accélérer le progrès des sciences, dit Toralba; pour peupler la terre, dit Curce,
et réduite de crainte de surpeuplement, 460-462.
De quelques riles, 463-471. L'usage du maigre est destiné à réprimer notre
concupiscence, dit Coroni. Salomon : de même la Pàque juive, les jeûnes
juifs. Par des usages parfois contradictoires, les fidèles témoignent leur res-
pect à leur dieu : tête couverte chez les païens, juifs, mahométans, nue chez
les chrétiens; danse interdite ou recommandée, 463-4661.
(i) NBD ipsiusque mortis duritatem pertvlisse. M diri/atem. — j, V lam ardenti suppli-
calione. BMD rogalione. — [k] .V nullo negolio a se (B ipso. Ml) ipse) impetrare poluis-
set. — [l] NMD non modo Deufn verum, sed eliam verum hominem esse. B omet verum après
Deu m.
(A) C'est la réponse d'Origène à Celse, o. c, 2, 9 Migne t. J, col. 807 ; et d'ailleurs par la
question de Salomon nous voilà revenus au même point que nous venions de quitter. Sur ces
retours perpétuels de la discussion dans YHept., voyez mon Jean Bodin, 3, 5, p. 165.
154 JEAN BODIN
Histoire de la danse religieuse.
[467] Cukce. — Aulresfois cestoit vne coustume receue presque chez tous
les peuples de saulter et danser (A) pendant les sacrifices ce qui ne se faict
plus en aucun lieu du monde. Et en effect [a) a Geneue & {b) chez les Suisses
ce seroit vn crime de danser dans le temple ce que les Iuifs faisoient par
deuotion : car nous voyons que Dauid en conduisant larche prit sa harpe et
dansa saultant vn peu plus h.iult que sa femme Micliol (9) (c) par bien-
séance (B). Et quand on venoit apporter quelque offrande sur les autels, il
falloit en approcher auec vn visage riant comme cen estoit l'vsage (0).
468 Sëna'my. — Il est certain que les danses pendant les sacrifices ont esté
en vsage parmy tous les peuples de la lene (1). Mesmes (cl) les prestres de
Mars dicts Saliens nont esté ainsy nommez (pie du mot latin Salive qui
signiffie saulter (C). Comme aussy aux spectacles publics et speciallement aux
ieux instituez en Ihonneur de Iupiter il y auoit vn grand danseur qui faisoit
la loy aux aultres pour la danse. Lesquels ieux ayant cessé a Rome pendant
quelques années Iuppiter apparut en songe (e) iusques a trois fois a vn certain
sénateur reuestu de la dignité de grand danseur affin de les restablir, ce qui!
négligea de faire parce quil nestoit pas des plus adroits en cet exercice (/") (D) :
mais en ayant esté chastié par la mort de deux fils il raconta la chose au
Sénat lequel ordonna que les ieux seroient restablis (2). Ce qui confirme ce
(9) Lib. 2 Reg., c. 6 (E). -- (0) Rabbi Kimhi in Psalm. 42 (F). - (1) Plu-
tarch. in Nicia et Alcibiade (G). - (2) Valer. Maxim, lib. 1. Liui., Plutarch.,
Dyonis. Halicarnassœus (H)
(a) Au livre VI, Guhrauer s'arrête : d'où, ici, la disparition de B. N quemadmodum (?,. MD
quidem. — (b) Net. MD aut. - (c) N Michalse. MD Micholae. — (d) N Sec tantum. MD Nec
vero. — (e) N in somnis. MD in somniis. — (/") N saltaret. MD sallarat.
(A) Sur la danse religieuse, cf. Démonom., 2, 4, p. 238.
(B) Contresens. MD aliquanto altius quam Micholae uxori décorum videretur, = un peu plus
haut que sa femme Michol ne l'estimait décent. Micliol, en effet, raille la danse de David et en
est punie par la stérilité.
(G) « Salios a saliendo et saltando diclos esse quamvis nemo dubitare possit, tamen... »Feslus,
17. — « A saltu nomina ducunl ». Ovid., Fast., 3, 387.
(D) Contresens. MD et cum senatori cuidam Jupiter in somniis visus est, qui ludos instau-
rari juberet, quod prsesultor indocte saltarat, deque ea re ter admonitus neglexisset, duorum
filiorum morte perterritus senatui rem aperuit, qui ludos instaurari jussit. Le sénateur n'est
pas grand danseur; il reçoit de Jupiter l'ordre de faire recommencer des fêtes, où le grand dan-
seur n'a pas observé les rites de la danse.
(E) II Rois, 6, 14 et 16.
(F) Commentaire de David Kimhi sur le verset 4 du l}s. 41 (Hebr. 42 : « le passeray au lieu
» du tabernacle merueilleux, iusques a la maison de Dieu. El la voix de liesse & louange sera le
» son de celuy qui faicL bonne chère ». Cf. Démon., 2, 4, p. 238.
(G; Plularque nous" montre Nicias en personne conduisant à Délos la théorie athénienne
(Nicias, 3), Alcibiade en personne menant à Eleusis la pompe sacrée des mystères {Alcibiade,
34). — Cf. sur l'usage de la danse religieuse dans l'antiquité Lucien, De saltatione, passim,
et surtout 20.
(H) Valère Maxime, 1, 7, 4; Liv., 2, 36, 2; Plutarque, Coriolan, 24 ; Denys d'IIalicarnasse, 7,
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES Sl'BLIMES 155
qui a eslé prouué cy dessus que les sacrifices des payens mesmes faicts auec
négligence ont tousiours esté désagréables a Dieu (A) qui na iamais laissé
sans punition ceux lesquels y ont assisté auec irreuerence.
Cokom. — le croy que nos bastelleurs (B) qui dansent tous nuds auec des
espées et des boucliers veulent imiter ces anciens saliens ou ce danseur
lequel par ce qu il immoloit vn bœuf a Jupiter fut appelle par les Athéniens
[ioûc&ovoî bouffon.
Cukce. — Les chrestiens de la primiliue Eglise abolirent les danses par ce
quils nosoient faire leurs assemblées que la nuict de crainte des supplices a
"ce qu escript Iustin le Martyr (3) Mais Constantin le Grand estant arriué
a 469 l'Empire et par conséquent tout subiect de crainte ayant cessé les
danses furent restablies lequel vsage l'Eglise romaine na pas encores tout a
fait quitté (g). Car ce quils appellent procession [h) ne se faisoit pas autresfois
comme elles se font a présent en se pourmenant mais en saultant et dan-
sant (C). Et il ny a pas encor long temps que les deux chantres qui commen-
(3) Ad orthodoxos qua?stio 7 0.
(g) NM qui mos nondum ab Ecclesia Romana plane desertus est. D déserta, faute. — [h N
Xtini quse proeessiones ab ipsis appellabantur. MD ab Mis appellantur.
68. Mais, comme l'histoire de Cléomcde d'Astypalée, supra, p. 448, sou élrangelé a rendu cette
anecdote populaire, el on la trouve un peu partout ; Gic, De divinatione, 1, 26; Augustin, De
civ. Dei, 4, 26 et 8, 13; Minucius Félix, Octavius, 7; Lactance, Inst. div., 2, 7. etc.
(A) Contresens. MD etiam paganorum sacra negligenlius peracla immorlali Deo displi-
cuisse, omîssa clades et excidia populis invexisse, — que la négligence dans le culte, même ido-
lâtre, déplait au vrai Dieu, et que l'abstention amène aux peuples désastres et ruines. Idée
longuement développée supra, pp. 226-232 et notes.
(B) MD bufones, barbarisme copié sur l'italien buffone. Le j3oûcpovo; de Pausanias, 1, 24, 4,
ou 1, 28, 10, immole un taureau, puis s'enfuit; on saisit alors sa hache, qu'on cite en justice.
Quant au rapprochement des deux mots, grec et franco-italien, Bodin en a commis de plus sur-
prenants : il lire menteur du grec (/.ivTtç, devin, Démon., 1, 4, p. 92; Jovetn du lélragramme
hébreu lovah. Hep/ , IV, p. 477; mais tre gonin prestidigitateur) de l'hébreu Megonim, sorciers,
— quand Brantôme même semble avoir connu Gonin le bateleur, dont le nom était devenu un
générique. Cf. Dames gai., éd. .louausl, t. 1, p. 296.
C L'abbé Lerosey, Histoire el symbolisme de la liturgie, Paris, 1889, p. 377 sq., ne m'apprend
rien de tel sur les processions. Y a-l il lieu de rapprocher l'avènement de Constantin de la nais-
sance des processions ? On en peut douter. Constantin meurt en 337, et les premières proces-
sions chrétiennes ont lieu en Orient vers 375 Basile, Epistol. 307, ad Neocsesareos ), en Occi-
dent vers 388 Ambroise, Epist. 40 ad Theodosium . La Grande Encyclopédie est plus encline à
voir l'origine des processions dans le triomphe romain que dans les marches triomphales, pure-
ment occasionnelles, des Juifs (Xombr., 10, 33; Josué, 6, 13: I l'aralip., 13, 7 sq. ; Il Paralip.,
20, 27 sq., etc.).
(D) Encore des souvenirs vagues. Justin dit bien, A/>ol. ad Antoninum Pium, 1, 26 (cité en
note, supra, p. 231 , que c'est la crainte des supplices qui oblige les chrétiens à chercher la nuit
el le mystère, mais c'est pour les laver du reproche de luxures bestiales, que l'ombre dont ils
s'enveloppaient leur attirait. « On n'a iamais employé de reproche plus alroce contre nos premiers
» chrestiens, dil Federich, que de les accuser de prophaner leurs temples dans leurs prières de
» nuict par des slupres £ incesles, pour repousser lesquelles calomnies Origene, Iustin, Alhena-
» gore A Terlulien ont faict chacqu'vn vne apologie ». Hept., IV, p. 316. - Il faut d'ailleurs
corriger la référence de Bodin el lire : Ad orlhod., q. 107. Justin y explique seulement que
l'Eglise, pour se distinguer des Juifs qui accompagnent les chants religieux de son d'instruments,
de danses el de crotales, n'a voulu garder, que le chanl dans sa pureté.
156 JEAN BODIN
cent les Psaulmes au milieu du cheur saultoient du couchant au leunnt puis
du leuant au (?) couchant, et après lun & lautre (j) dans le milieu du cheur
demeuroient debout sans remuer placez dune manière que Fvn regardoit le
midy & lautre le septentrion : ce qui fut cause autresfois qu'vn certain ioueur
de harpe (4) saduisa de dire que cestoit pour Iupiter les corps célestes et
les Dieux qui dansent ensemble la hault dans les cieux, aussy bien que
l'immobilité de la terre qui est leur rnere (A). Il y a cependant vne chose a
remarquer en faueur des chrestiens, que ces deux chantres pour ne pas faire
parrestre que leur ioye eust pour obiect ny les Dieux infernaux ny les Idoles
a fin de leur rendre honneur comme les Payens, leuoient les deux mains (k)
vers le ciel, et par ce quil estoit incommode de tenir long temps les mains
leuées ils firent faire des basions garnis d argent ou il y auoil au bout vne
main aussy dargent a fin de commencer a se dispenser de ces saulillemens
en marchant plus grauemenl et auec plus de modestie (B'i. Mais comme ces
dignitez ont enfin esté conférées a des ignorans par laueur a cause quelles
esloient profitables (/), on ne saulta plus du tout & se conlenta on de se
promener, dou est venu le prouerbe : Aux ignares qui nauoient appris ny a
chanter ny a danser. [470] Ainsy petit a petit les danses par l'Eglise Rom-
maine ont esté abandonnées pour les promenades (C).
[De la musique religieuse. Salomon loue la lyre de David, Curce attaque les
orgues papistes, 471, puis la liturgie en latin, qui rend inintelligibles aux
fidèles les louanges de Dieu. Salomon remarque que mahométans et chrétiens
eux-mêmes se servent des psaumes de David, qui chantent un Dieu incor-
porel, unique, pur de toutes les superstitions confessionnelles, 472 sq.
Contre la divinité du Christ, 474-511].
(4) Scholiastes Pindari.
(il N in occusuin. MD ad. — (/) N utrique. faute certaine. MD ulerque. — (k) N dexlram.
Ml) dextras. — (l) N sed cu»i imperitis hujusmodi sacerdolia ac munera quwsluose Iribuis-
sent. MD quœstuosa, seul explicable. MD tribui cœpissenf. Sur cœ pissent, cf. supra, p. 231
note (;.
(A) Contresens. MD quae ralio fuit a citharœdo in sacris ludis antiquitus observata, ut
cœlestium orbium ac Deorum in cœlis c/ioreas agentium motus, ipsiusque Terras matris Deo-
rum stationem, imitarentur. J'entends : De toule antiquité le poète lyrique a observé celte
méthode ice calcul de faire l'ace au nord et au midi) pour copier dans son choeur l'immobilité de
la terre & la ronde autour d'elle des astres et des Dieux.
(B) MD ac summis pedtnn digitis îiiti [cœperunt], ut modestius sal tarent, = et commencè-
rent à se hausser sur l'extrémité des doigts de pied, pour mettre plus de gravité dans leur danse.
(G) Voici la deuxième fois (cl. supra, IV, p. 335 sq.) que Bodin cherche à montrer les origines
païennes de telles cérémonies chrétiennes; je pense que celle insistance esl voulue; en tous cas
c'est pour la faire remarquer que j'ai cilé le morceau. On remarquera que, Salomon avouant
d'ailleurs l'existence de la danse religieuse chez les Juifs, il a élé bien vite oublié et que tout
l'effort de la discussion a tendu à montrer la parité des rites antiques et chrétiens.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 157
Impossibilité physique de la divinité du Christ; Dieu est indéfinissable
à l'infirmité humaine.
,474; Toralbe. — Dou vient donc que de tous les peuples qui sont en si
grand nombre il ny a que les chrestiens qui reconnoissenl Iesus Christ pour
Dieu et qui auec vne infinité dautres saints le prient l'exaltent et l'adorent,
puisquils ne confessent qu'vn seul Dieu architecte et créateur de tout cet vni-
uers ?
Federich. — Par ce que ce nest point autre que Dieu mesme et fils de Dieu
éternel (a).
Octaue. — Si Christ et Dieu éternel ne sont qu'vne mesme chose (6), pour-
quoy Pierre pieschant au peuple (2) vse fil de ces paroles, Que toutte la
maison d'Israël apprenne que cest Dieu qui a faict ce Christ nostre Seigneur?
Federich. — Cest pour distinguer la nature humaine dauec la diuine, que
Iesus homme est vn ouurage de Dieu et que comme Dieu il a esté engendré
de toutte éternité par son père qui dans vn seul Iesus a vny les deux natures
a fin quil fust médiateur des hommes enuers luy bien quil ny ayt qu'vn
Dieu (A), comme dict S. Paul (3).
[475J Tokai.be. — Dans toutte lestendue de la nature tout autant de fois que
de deux natures contraires il sen compose vne troisiesme (c) les deux autres
périssent a cause de la confusion id) des formes (B) : tout de mesmes si dans
la nature de Iesus Christ il sy faict vn assemblage de lu nature diuine et de
Ihumaine, ou dune forme humaine & dune forme diuine, il fault que les deux
périssent et que délies soit produict vn tiers qui ne ressemble point du tout a
ces deux natures (e). Ainsy voyons nous quand de leau et du miel meslez
ensemble il se faict vne composition que Ion appelle hydromel, par la corrup-
tion des deux natures [f).
(2) Actorum, c. 2 (C). — (3) I Epist. ad Timotlueum, c. 2 1 1) .
(a) N aelernus Dei fitius. MD aelerni. — (6) MD si Chrislus idem est qui (N quod) Deus œter-
nus. — c) MD tertio qusedam (se. nalura). N tertium quoddam ab ulraque diversum, interpo-
lation venue de infra : cl*, noie (e). —\d) N conflationem, faute amenée par conflatur qui pré-
cède. MD confusionem. — (e) AT tertium quoddam et diversum ab ut raque conflari. MD
tertium quiddam diversum. — [f] N corrupta utriusque natura. MD simplicium natura.
A Lh pensée de Federich est subtile, étant Ihéologique, mais claire, et beaucoup plus que R
ne le ferait supposer. MD sic utraque natura in uno Jesu coaluit, ut Dei et hominum medialor
esset, quia medialor unius esse non potest, Deus autem unus est : si les deux natures sont ainsi
fondues en le seul Jésus, c'est pour qu'il pût être médiateur entre les hommes & Dieu; car,
comme dit l'apôtre, on ne peut pas être médiateur entre un seul, et Dieu est un.
(B) Cf. supra, IV, pp. 211-213 : des contraires naît l'harmonie, mais de deux composants sort
un composé absolument différent : exemple : l'oxymel, fait de vinaigre et de miel.
(C) Acl., 2, 36.
(D) La première Epître à Timothée dit seulement, 2, 5 : « Il n'y a qu'un Dieu ni qu'un média-
» leur entre Dieu et les hommes, Jésus-Chrisl homme ». Mais je trouve : « Or le médiateur n'est
» pas d'un seul; mais il n'y a qu'un seul Dieu ». Ad Galat., 20. C'est évidemment ce verset que
Bodin a voulu citer.
158 JEAN BODIN
Cohoni. — Les deux natures en Iesus Christ ressemblent (A) dune manière
quil ne sy faict point de confusion, mais demeurent distinctes en sorte que
neantmoins elles ne se diuisent point.
Octaue. — Pourquoy donc Athanase (-4; ne reconnoist il pas dans son liure
de l'Incarnation deux natures en Iesus Christ mais vne (B) seulement (g) ?
Cohoni. — A fin que personne ne simagine que la nature (/*) humaine en
Iesus Christ soit adorable, mais bien la diuine (C). Cest pourquoy Grégoire de
Nazianze et Cyrille (5) reconnoissent deux natures. Cependant après sestre
reuestu de lhumanité l'vnion des deux a esté telle quelle ne se peut plus
diuiser (i) (D). Ainsy les deux ne sont plus qu'vne, comme il n'y a qu'vn seul
suppost (E).
Clhce. — Pour respondre a Toralbe sur ce quil a parlé de la forme naturelle
et de la diuine auec confusion (/) (F) il nest pas de lordre quand on traitte des
(4) In libro de Incarnatione. — (5) Lîb. 9, c. 31 in Iohannem (G).
(g) N tantum. MD modo. — \h) N omet naturam. — {i) N sed quia post humanitatis assump-
tionem facla divisio non est, una et eadem esse prœdicalur. M pia divisio non est (?). D pid
(= prima). — (j) N traduxit. MD traducit.
(A) Lapsus de plume pour se rassemblent. MD natura duplex in Chrislo sic copulatur, ut
non sit con fusa; sic distinguilur, ut non sit divisa. Il y a union, non fusion; distinction, non
scission
(B) Alhanase,en effet, insiste sur l'union in lime des deux natures en J. -G., De Incarnatione verbi
(Migne t. 1, col. 95 sq). Même il serait aisé de trouver dans Alhanase des expressions plus
énergiques de la même doctrine, telle que ©uotxv) eviaaiç, Contra Apollin., 1, 10 (Migne t. 2,
col. 1110). Mais Athanase n'est pas monophysite comme le croit Octave : il dit formellement que
J.-C, un en tant qu'hyposlase divine, est double quant aux natures qui le composent, Fragmenta
(Migne t. 2, col. 1223), Cf. Vacant et Mangenot, o. c, t. I, col. 2169 sqq.
(C) Contresens. MD ne guis putet, Christi divinam naturam esse adorabilem, non item
humanatn, = pour éviter qu'on n'estime adorable en Christ la nature divine, et non l'humaine.
En effet ces deux natures, en tant qu'unies dans une seule hypostase divine, sont également
adorables. Et c'est dans le même but que (lyrille et Grégoire de Naz. reconnaissent deux
natures : ces deux, n'étant plus qu'une après l'incarnation, méritent l'adoration.
(D) Le texte de D : prima divisio non est est évidemment le bon. Le bon sens l'avoue : quand
après l'incarnation la première distinction entre les deux natures n'existe plus, alors on dit qu'il
n'y en a plus qu'une seule et unique. Le texte même, inintelligible, de M : pia divisio non est,
l'autorise. On voit 1res bien que le pia de M est le prima de D, écrit dans D pid.
(E) Glose. Par suppost, R entend l'unique hypostase où se joignent les deux natures.
(F) Voyez, dans mon Jean Bodin, 2, 2 et 3, pp. 130 et 145, comment Bodin, posant d'abord ce
principe rigide que chaque science a ses méthodes, transporte en pratique les méthodes de l'une
dans le domaine de l'autre, et aboutit à une confusion absolue des méthodes et des objets, en ce
qui concerne les sciences entre elles, en ce qui concerne la science et la religion. Ce passage
même de VHept., bel exemple de celte confusion, y est commenté.
(G) Deux références confondues. 1° Cyrille, in Joh. evang., lib. (J (Migne t. 7, col. 274),
explique que le Fils, Dieu, né de Dieu, a cependant revêtu la forme humaine, et ce pour expier
en elle notre péché originel. 2° Grég. Naz., O ratio 31, 2 dans les anciennes éditions (Bâle, 1 1er-
vagius, 1550; Paris, Seb. Nivelle, 1583) que j'ai vues; dans Migne, 37, 2 il. 2, col. 28G). Grég. y
explique les contradictions, pour la raison humaine, des deux natures en Christ, né et éternel,
sujet au lemps et indépendant de lui, changeant de place et doué de l'ubiquité. Christ n'a pas été
créé deux, mais un de deux natures. Mais que dit Grégoire? Il retombe dans la terminologie
humaine; qu'on lui pardonne ses paroles : il parle avec son langage misérable du plus grand des
mystères.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 159
choses qui regardent la metaphisique de descendre acellesqui sont purement
phisiques (A).
[476] Tohalbk. — Christ en tant qu'homme est vne matière de phisique (k),
Mais le véritable subiect de la metaphisique cest a dire le propre obiect de la
Théologie est Dieu Si donc en quittant les choses naturelles il faull que nous
parlions de Dieu, il ny a rien en toutte lestendue de la nature qui luy puisse
conuenir ou quon luy puisse attribuer affirmatiuement : mais il est facile de
nier tout (6) : par ce que tout ce qui a estre horsmis Dieu est substance ou
accident par nécessité. Or Dieu nest ny lun ni lautre, & ny a mesmes aucune
imagination naturelle qui puisse estre commune a Dieu & a la créature, ny
ayant point de ternie ou de diction qui puisse estre appliquée vniuocalement (/)
a ce qui est infiny (B) & a ce qui ne lest pas. Cest pourquoy de tout ce qui est
en la nature on peut demander que sont ces choses (m), mais de Dieu on ne
peut faire la question que de cette sorte : qu'est ce que ce nesl point, puisquil
est tout, bien quon ne le puisse dire ny exprimer (C). Et partant tous les Théo-
logiens qui donnent a Dieu vne hypostase ou substance ou vne personalité
parlent mal (n). Ce qui a faicl que Simplicius a dict que la première cause
nauoit point de nom (o) (D). Proculus (7) l'académicien dans son liure du dieu
(6jDyonis. De diuinis nominibus. Moses Rambam in Mb. 3 More neuokhim (E).
— (7) In libro de singulari deo.
(k) ND fihysicœ subjectum est. M physici, faute : M lui-même continue metaphysicœ. — (l) N
una voce. MD univoce. — [m) N quid sit, inadvertance. MD quid sint (eae res). — (n) N im-
pr'opïé, barbare. MD impropre*. — (o) N id est tou ^avxo; (MD twv ïtxVttov < atn'ou, U7rèp
Tcàvta ovtgç (MD ovtwç) tx ovra, oùSsv Igtiv oc/.eïov cîvoaa.
(A) C'est justement où Toralbe excelle, et par où il bal cruellement en brèche les mystères. Il
présente avec un sûr sentiment du grotesque, et en Taisant sans cesse appel à l'incoercible
instinct de la raison, les attributs du pur esprit en conflit avec les servitudes de la chair : « Les
» Papistes, dit-il p. 547, veulent que le corps de lesus Christ soit partout el en plusieurs lieux
» en vn mesme temps Or Christ ne peut pas pluslost [estre] en deux lieux en mesme temps que
» partout. Que sil est vne Ibis monté dans le ciel, il nest pas partout ny en plusieurs lieux : et s'il
» esloil partout il na iamais monté ny descendu des cieux : car ils ne veulent pas que la nature
» humaine soit partout avec extension, mais que le corps du Christ soit-partout entièrement et
» réellement, nayanl point de partie hors de ses parties, mais toultes ses parties dans loutles,cest
» adiré pour parler plus intelligiblement les pieds danslecerueau, les mains dans les entrailles ».
(Bi Omission. MD nec ullus est naturœ conceplus Deo et crealurse communis, quia nihil
un'/ voce de finito vel infinito dici polest, nec ullum genus est infinitum aut indifferens ad
ftnitum aut infinitum, = nous ne pouvons concevoir dans la nature aucune propriété qui soit
commune à l'homme et à Dieu, parce qu'on ne peut rien dire dans le même langage sur le fini
et l'infini, et que nous ne connaissons aucune espèce d'être qui soit infinie, ou qui ne soit sujette
ni au fini ni à l'infini.
(C) Puisqu'il est tout, etc., glose explicative.
D Tou tixvto; oÙti'ou, ûttÈo Trxvta ovtoç x'j. ovxa, ou5év e<rnv otxetov ovou.x, =■ La
cause de toute chose, existante au-dessus de tout ce qui existe, n'a pas de nom particulier. \ Parce
que, explique Simplicius, quelque nom que nous lui donnions, ce nom exprime une des qualités
qu'elle réuniL toutes . Comment, in Eplleti EnchiHdion, 36, Paris, Didot, 1840, p. 101.
E Sur Moïse Rambam et le Moreh nevokim, cf.s//p>Y<,p.251 note F.— On ne peut louer Dieu
que par abstraction de toutes ses qualités, qui sont pour nous inimaginables, explique Denys
l'Aréopagite, De divinis nomin., 1, 5 (Migne t. 1, p. 594). Voici un texte encore plus conforme à
ce que lui fait dire Bodin : « Negaliones in divinis veree, affirmationes vero incongrus sunt ».
De iselesli Hierarchia,2, 3 (Migne t. 1, p. 142 . Bodin a peut-être tiré cela de D.-Mornay, o. cl,
4, p. 66.
160 JEAN BOD1N
singulier dict quil ny a point de parolles (A) pour exprimer ce que cest. Et
Parmenides la appelle àypi£uijt.jiTo; (8) (B). Et après auoir dict de luy beaucoup
de choses qui ne luy appartiennent point (C), il se trouuera que ceux qui en
parlent le moins improprement lappellent vue Essence éternelle vnique pure
& simple destachée de toutte matière corporelle (p) infinie [477] en bonté
sagesse & puissance. Et en ce point les Académiciens les Stoïques et les Peri-
paleticiens sont en quelque façon daccord auec les luifs et les Mahometans,
comme estant (D) vn principe que la Nature inspire dans lame de tous les
hommes.
[Salomon vante alors, à grand renfort de philologie hébraïque, le mono-
théisme rigoureux des Juifs. Revenant à la divinité du Christ, Toralba déclare
qu'indocile à l'autorité, il considère l'Incarnation comme inadmissible parce
qu'elle suppose l'inconstance de Dieu. Federich répondant seulement : Oui,
l'Incarnation est incroyable aux incrédules, mais très facile à accepter pour
ceux qui ont la grâce, 477-480.1
Crédulité du monde païen.
[481] Octaue. — Véritablement a la naissance de l'Eglise chrestienne il na
pas esté malaisé de persuader aux Grecs non plus quaux Latins (a) (E) quun
homme pouuoit estre vn Dieu, eux qui croyoienl desia que les Dieux non seu-
lement couchoient auec les déesses la hault dans le ciel mais encores auec les
femmes sur terre quand lenuie leur en prenoit pour multiplier leur espèce :
ce que les sauants (6) aussi bien que les ignorans tenoient pour article de foy.
(8) Indescriptibilis.
(p) N corporum contagione. MD concretione. Ce mot est employé dans le même sens, in fret.
— [a) N grœcœ et lalinœ (se. ecclesiae). MD Grœcis & Lalinis. — (b) N Grœcorum et Roma?iorum
disciplinarum omnium laude florenlibus, que R semble Lraduire. MD Grœcis et Romanis.
(A) MD ocppYiTOv. Si le de Deo singulari est bien une part de {'Institution théologique (cf.
supra, p. 221 noie D), comme d'ailleurs ce passage semble encore le prouver, voici ce qu'on y lit :
Toul le divin, en soi du moins, à cause de sa réduction à l'un, réduction qui l'élève au-dessus de
toutes les substances, est ineffable et inconnaissable à tous les êtres dérivés. Elav to ôeîov aù-ro
aàv 8i* ttiv ÛTiepoûatov evaxriv appYjTÔv ê<m xat ôcyvcoaTOv 7ta<7t to"Ï; Seurépotç. Inslit.
théol., art. 123 début, éd. Greuzer, p. 182. Gf. D.-Mornay, o. c, 3, p. 45.
(B) J'ai lu les Parmenidis carminum reliquiœ, dans les Fragmenta philosophorum grœco-
rum, Paris, F. Didot, 1860, in-4°, sans y trouver ce mot. Même insuccès avec le Wortindex de
Walther Kranlz pour les Fragmente der Vorsokratiker de H. Diels (il, 2, 2e Aufl., Berlin, 1910).
Je suis donc fondé à croire que Bodin a trouvé ce mot de Parménide cité dans un autre auteur,
et alors il devient bien dilficile de retrouver le passage. S. Clément, Slromat., 5 (trad. lai.
Genlian Hervet, Florence, L. Torrenlinus, 1551, in-fol.,p. 1786) allègue Parménide à propos de
l'ineffabililé de Dieu, mais sans le citer textuellement. Un tel passage a parfaitement suffi à Bodin
pour dire que Parménide appelait Dieu l'inexprimable.
(C; Omission : MD ipse tamen dici non polest ac ne cogitari quidem.
(D) Obscur. L'idée de Bodin est que tous tombent d'accord, comme si la notion d'un Dieu
unique, incorporel, etc., avait été naturellement infuse en chacun.
(E) MD Grœcis et Lalinis est le seul texte acceptable. 1° Aux débuts de l'Eglise, il n'y a pas
une Église grecque et une latine (comme N l'exigerait). 2° Grœcis et Latinis est l'antécédent
nécessaire de quippe qui [crediderunt], = eux qui croyaient.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES ilil
Tesmoing Ihistoire célèbre de Mundus citoyen romain auquel vn prestre sacri-
lège amoureux de sa femme (A) très vertueuse persuada au mari & a la
femme qu'Hercule pour leur donner de sa race vouloit coucher dans le temple
auec cette sage Matrone : mais sa fourbe ayant esté descouuerle et ce citoyen
sestant plaint a lempereur Tybere il fit raser le temple & brusler tous ces
malheureux prestres complices du faiel. Ainsy il ne fault point sestonner si
Christ qui menoit vue vie exemplaire et qui faisoit des miracles a esté creu
par des payens pour vn Dieu nay dune Vierge (B) eux qui esloient desia per-
suadez que les Dieux & les Déesses engendroient & accouchoient (ci.
LToralba, continuant à combattre l'Incarnation, indique que l'infini de la
divinité est inconciliable avec le fini de la nature humaine, 482. Octave mon-
tre que les miracles sont insuffisants à prouver un Dieu en J.-C, 483].
D'autres thaumaturges ont été bien supérieurs à Jésus.
484] Salomon. -- Ce fut vn siècle bien fertile en magiciens, car outre
Apollonius (C) il enfanta aussi Dosithée, Theoda (a), Iudas le Gallileen (D)
et Simon Magus qui s'attribuèrent lous le nom [h & la qualité (Ej de Dieu :
mesmes en Arabie vn certain imposteur au rapport de Moyse Rambam (8)
se disant le Messie auoil attiré a soy grand nombre de sectateurs par ses
prodiges, sur quoy le roy d'Arabie layant faict venir deuant luy luy commanda
de prouuer par quelque miracle quil estoit tel : [il] offrit de donner sa teste a
(8) Moses Rambam in Epist. aduersus Astrologos.
(c) N consimili Deorutu generalione jam imbutis. MU consimilium. — (a) .V Theudam. MU
Theodam. — (b) N nomina. MU nomen.
(A) Contresens. C'est Mundus qui esl le prêtre adultère, et dont on découvre la supercherie :
Ml) comperla /raude, quam Mundus celare non paierai. — La source ancienne de cette his-
toire esl Josèphe, Anliq. judaïq., 18, 4, qui accuse de celle fourhe les prêtres d'Isis. Mais il est
bien probable que Hodin la lire de Wier, o.c, 2, 41, p. 188 b. Wier y ajoute une histoire analo-
gue — Tyran, prêlre de Saturne, use du même subterfuge pour jouir des femmes qui lui plai-
sent; sa fraude découverte couvre les païens de honle — qu'il tire d'Eusèbe, Hlst. ecclés., 2, 21,
et que Bodin a négligée.
(B; Inexact. MD [Christum] de Deo et virgine natum.
(C) Voyez Nicéph. Callisle, H. E., 3, 12. Mais surtout Vie d'Ap. de T., par Philoslrale (traduct.
Chassang, Le merveilleux dans l'antiquité, Paris, 1862). Je l'ai consullée dans l'éd. et version
latine de F. Morel, Paris, Cl. Morel, 1608, in-fol., lequel y joint d'Eusèbe Contra Hieroclem qui
ex Philoslrati historia sequipararat Apollonium Salvatori Noslro J.-C. Bodin connaît bien
Philoslrate : il vient d'en parler longuement p. 484; cf. Démon., Pré!'., p. 25 et 4, 1, p. 420. 11
connaît également l'ouvrage d'Eusèbe, ibid., 2, 4, p. 232 et 3, 6, p. 389. Il lisait aussi sans doute
sur Apollonius Wier, o. c, 2, 3, p. 65 b, et J.-F. Pic, De superslitiosa prœnolione, 7, 10 (t. 2,
p. 439 sqq.).
(D) Je vois Origène, Cont. Cels., 1, 57 (Migne t. 1, col. 766), citer ensemble Dosithée, Theudas
et Judas de Galilée, comme ici VHept. Mais Bodin connaît ces magiciens par nombre d'ouvrages
qui lui sont aussi familiers. Josèphe, Antiq.jud., 18, 1, 6, cile Judas de Galilée, et Theudas, 20,
5, 1. Nicépbore Callisle nous parle de Dosithée, H. E., 4, 7; des deux autres, 2, 2. Eusèbe, H.E.,
4, 22; Epiphane, Hseres., 1, 13, nous parlent de Dosithée. Sans oublier les Actes des Apôtres,
sur Theudas et Judas, 5, 36 sq. ; sur Simon le magicien, 8, 9 sqq.
(E) MD famam, = la réputation de. Ils voulurent passer pour...
Chauviré 11
162 JEAN BODIN
trancher et quen cas quil ne ressuscita pas quon quitta la créance de sa
qualité de Messie [485] ce qui fut accepté. La teste luy fut tranchée (A) deuant
tout le peuple mais il ne reuit plus la lumière.
Cuiicii. — Il ny en a que trop dont la folie ou limpieté ont esté telles de non
seulement se vouloir faire croire Dieux, mais encor ^entreprendre de ielter
Dieu du hault en bas des cieux, ainsi quautresfois les Geans (c). Comme aussy
Heraclides le Pontique (9) au rapport de Diogenes Laertius (B) dans la vie de
ce fourbe eut assez daddresse pour corrompre les preslresses Piliques (d) a
fin quelles publiassent quil estoit Dieu, ayant faict mettre vn serpent dans
vne machine (e) auec laquelle il se fit enleuer en lair (C), mais la tromperie fut
descouuerte et fut reconneu non pas pour ce quil vouloit estre mais pour ce
quil estoit. Ainsi que Psafon l'Africain qui auoit instruict de petits oyseaux (f)
a prononcer ces parolles, Psaphon est Dieu, et puis les laissoit enuoller (D).
Mais Symon Magus le Samaritain (1) les a surpassez tous (g) par le bruict de
ses prodiges et de ses miracles, ayant non seulement ressuscité des morts,
mais luy mesme seslant faict couper par morceaux ressuscita le troisiesme
(9) Laertius in Heraclidis vita. — (1) Clemens Alexandrinus. Irenœus. Ius-
tinus martyr (E).
(c) N ut olim conjurait cœlum conscendere praires. MD rescindere, correct. G'esl Virgile.
Géorg., I, 280, qu'imile ici Bodin. — (d) N Pythiacos sacerdotes. MU Pylhiacas, correct.
— (e) N feretrum. MD ferculum. — (/") N avtculas. Ml) aviculas oscines. — [g) N Sed omnes
omnium (MD impietates ac) fraudes Simo Magus (MD Samaritanus) superare (MU superasse)
vtdelur.
(A) Inexact. MD Rex accepta condilione [jussit, etc.], = le roi, acceptant sa proposition, le lit
décapiter. — Sur la Lettre contre les astrologue-;, de Moïse Rambam, cl', supra, p. 251 note F.
(13) R, par sa version inexacte, mêle deux histoires distinctes dans MDN, celle de la Pythie et
celle du serpent, dont la seconde était déjà inexactement contée par Bodin. Voici le récit de
Laërce,5, 6: 1° D'après Demetrius Magnes, Héraclide donna l'ordre à un confident sur de l'enterrer
secrètement après sa mort, et de lui supposer dans son lit un serpent Ses concitoyens admirent,
s'écrient qu'Héraclide est monté au ciel; à leurs clameurs, le serpent jaillit des couvertures et
leur l'ait grand'peur. Mais peu après la fraude est découverte. 2° D'après Hermippe, ceux d'Héra-
clée ayant envoyé à Delphes demander un remède contre la lamine, Héraclide corrompit les
ambassadeurs et la Pythie : la réponse l'ut qu'il fallait offrir une couronne d'or à Héraclide, pen-
dant sa vie, et, après sa mort, l'honorer comme un héros. ( >n le couronne donc au théâtre; mais
il y meurt d'apoplexie; les ambassadeurs infidèles sont lapidés; et la Pythie elle-même, étant
allée voir les serpents dans le sanctuaire du temple, est piquée par l'un d'eux et meurt.
(C) Faux-sens. MD serpenlem in ferculum, quo elalus est, imponi jussit, = il fit mettre (à
sa place) un serpent dans la litière sacrée où on l'emportait.
(D) L'histoire est tirée de Maxime de Tyr, Diss., 35, 4, Paris, Didol, 1840, in-4°, p. 138. Je la
trouve aussi dans les Philosophumena d'Origène, Refutaliones omnium hsereseon, 6, 8 (Migne
t. 6, col. 3208), mais le héros s'appelle alors Apselhos. Cf. le même conte, l'ail d'Hannon le Car-
thaginois celle l'ois, dans Elien, Hislor. variœ, 14, 30.
E) Ces références sont citées iufra, sauf Clein. Alex. — Je trouve bien dans les Stromales,
7, 17 (Migne t. 2, col. 550) un mol insignifiant sur Simon; mais je pense que très anciennement
une confusion a dû s'établir ici entre Clément Romain el Clément d'Alexandrie; je ne doute pas
que Bodin ail voulu ciler le premier.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES [(ï.\
iour li d'après (A & sesleua dans les airs en présence de toul le peuple (t) de
Kome (B . Et fut assez insolent pour se qualifier Dieu et (j) quil estoit venu au
monde pour corriger les desordres (k) que les Anges y auoient apporté (C),
promettant a ceux qui croiroient en luy de ne iamais mourir non pas par leur
mérite, mais par sa seule grâce / .
Fedekich. — Aussy quelle fut sa lin? Apres auoir monté bien hault dans
lair il tomba au milieu de la place de Rome et se rompit le col (D).
486j Senamy. — Sil se fust rompu le col en tombant pourquoy le Sénat &
le clergé de Rome par le consentement de l'Empereur luy eussent ils esleué
des statues auec des inscriptions diuines? Car son image qui fut posée soubs
lempire de Claude entre les deux ponts du Tybre porte cet éloge : Symoni
Mago Ueo, que lustin le Martyr dicl auoir veue (E). Or sans ladueu du sénat
nul ne pouuoit estre mis au nombre «les Dieux, ainsy que le tesmoigne Terlu-
lien (2) parlant de Christ, assauoir que Tybere manda au Sénat quil vouloit
quil fust mis au nombre des Dieux : le Sénat nen voulut rien faire ou par ce
quil ne le reconnoissoit (m) pas pour tel ou par ce quil auoit regret de mettre
vn homme iuif au rang des Dieux qui auoit esté supplicié. Tybere cependant
au raporf de Tertulien demeura dans cette opinion, et partant on voit que le
Sénat faisoit bien plus de cas de Symon Magus que de lesus Christ.
[Tous ces magiciens n'ont pu soutenir leurs prestiges qu'évidemment aidés
par les démons, 486. Coroni : Les miracles des magiciens n'ont rien produit,
au lieu que sur ceux de J.-C. l'Église s'est établie pour jamais : voilà qui
prouve leur caractère divin, 488. Senamy : la durée n'est pas une preuve de
(2) Apologeticus'(F).
(h) N M tertio die. D lertia — (i) N populo Romanorum MD populi Romani) ac princi-
pum speclunle corona. — (j) N jactabat MD jactaret, seul correct, qui dépend d'un ut anté-
rieur.— k) N ut qui ab Angelis covrupti fuerant, emendaret. MD quae... corruptct. — (l) N
sed sua (MU unius) gratia servaret. - [m] N vel quia non piobabat. MD probaverat.
(A) Bodin raconte plus longuement celte histoire, Démon., 2, G, p. 269, et la rappelle, ibid.,
Réfut. de Wier, p 575. Après avoir proposé qu'on lui coupe la tête, promettant de ressusciter le
troisième jour, Simon se substitue un mouton que, par ses opérations magiques, les assistants
prennent pour lui Simon. Le lendemain il reparaît. La source de Bodin est dans Wier, 2,2, p. 63 6,
qui s'autorise des Recogniliones souvent aussi appelées par Bodin Itinerarium), attribuées faus
s-ement à Clément Romain. Ce roman apocryphe, plein de fables, et aussi de disputes entre
S. Pierre et Simon le Magicien, a le plus vif succès au xvie siècle : il est constamment imprimé
en latin et en français; j'ai lu la version du franciscain F. Gilles Cailleau, Paris, J. Poupy, 1574,
in-8, liv. 10, fol. 281 sqq. (Sur les Recognit. ou Pseudo-Clémentines, cf. Guignebert, o. c,
p. 456; et Ellies du Pin, o. c, t. I, p. 81 .
(B) Que Simon volât en l'air, cela vient encore de Wier, De Lamiis, 3 [Démon., Réf. de Wier,
p. 558 . Cf. Nicéphore Calliste. 2, 17; les Recogn., etc.
(C) Tiré d'Irénée, Contra hsereses, 1, 23, 3 (Migne col. 672). Tout ce passage, à partir de la
col. 670, abonde en renseignements sur Simon. D'autre part, il confirme le texte de MD.
(D) Nie. Calliste, 2, 36. Bodin rappelle ce fait pour montrer que les sorciers, Simon, Jézabel,
Néron, Gilles de Raiz, ont toujours fini misérablement (Démon., 3, 3, p. 349).
(E) Cf. Démon., 2, 6, p. 269. Principales sources : Justin, Apologia I pro Christianis, 1, 26
(Migne col. 367); Terlull., Apolog., 13; Eusèbe, H. E., 2, 12.
(F) Tert., Apologet., 5. C'est peut être Duplessis-Mornay, o. c, 32, p. 795, qui a signalé à
Bodin l'intérêt de l'histoire.
164 JEAN BODIN
vérité : on pourrait l'invoquer en faveur de la religion païenne, des sacrifices
humains, 489. Un peu de flottement se produit ici. Curce approuve l'Espagne
d'avoir purgé les Indes occidentales d'un cruel paganisme, mais lui reproche
d'y avoir introduit les idoles papistes. Octave préfère l'idolâtrie d'Attabalippa,
adressée au soleil, que celle qui s'adresse à un homme mort. Salomon vante
le monothéisme juif. C'est un passage très comparable à supra, p. 370 sqq.,
où la discussion fait une pose et permet à chaque personnage d'affirmer ses
convictions, de rappeler au lecteur quel il est, 490-493.
J.-C, continue Toralbe, ne peut être en môme temps Dieu et homme. Éter-
nel, Dieu n'a pas pu créer un autre lui-même. Homme, et créature, J.-C. n'a
pu être créateur ni se créer lui-même, 494-497. Coroni se rabat sur la sainteté
de Jésus. Salomon objectant qu'il faisait compagnie de criminels et de prosti-
tuées, Curce répond qu'il voulait sauver les pauvres d'esprit et de cœur, 498.
Nouvelles attaques contre les miracles de Jésus, 499 sq. Attaques contre la
doctrine de Jésus. Senamy oppose le pardon chrétien des injures à la passion
vindicative des prophètes. Salomon répond que le pardon des injures est con-
traire au bon ordre social. C'est, explique Federich, une loi de perfectionne-
ment individuel, qui n'a pas lieu dans les relations sociales, 500-504. Après
qu'Octave a résumé ce moment de la discussion, Curce, revenant aux miracles,
rappelle la Transfiguration. Salomon la met carrément en doute, 505-507.
Toralhe : Jéhovah s'est maintes fois dans la Bible réservé à lui seul le salut
des hommes. J.-C, créature, ne peut être Dieu, ni donc rédempteur, 508 sq.
Curce expliquant que les deux natures sont en lui unies incompréhensibtement,
Toralbe n'en revient pas moins à son récent raisonnement, supra, 475 : de
deux composants se forme toujours un composé, absolument différent des
composants. Ainsi du Christ, 510.
De la trinité, 512-541. La trinité, continue Toralbe, soutenu par Salomon,
est contraire aux attributs nécessaires de Dieu : unité, simplicité, toute-puis-
sance. Curce finissant par refuser de discuter en raison ce qui ne demande
que de la foi : — Mais, lui dit Toralbe, et ceux qui n'ont pas la foi? 512-515.
Il est absurde de penser que Dieu, en engendrant un fils à lui coexistant, se
soit engendré lui-même, être éternel et non engendré; absurde d'imaginer
Dieu divisible et, à un certain moment du temps, amputé de cette portion de
soi-même qu'il a dû créer pour engendrer un fils. Enfin si Christ, Dieu, esL
engendré, il n'était donc pas éternel, partant il n'était pas Dieu. Eternelle-
ment engendré est une expression vide de sens, 516-521].
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 165
De la Trinité (A).
|521] Ociaue. — Pourquoy donc le Maistre des sentences sest il trouué si
empesché que daduouer auec vne grande exclamation (a) (B) que cella passe
lentendement & la raison humaine (6)?
Toralbe. — Quoy la raison ce rayon de la diuinité infus dans lame dun
chacun (c) pour veoir iuger & connoistre ce qui est (d) bon ou mauuais, vray
ou faux?
Fedkrtcu. — Ouy, dans les choses qui sont de sa portée, mais Dieu éternel
et infiny ne peut pas estre compris ny expliqué par limbecillité (C) de nostre
ame par ce quil est comme dict elegament Theophraste (6) dans sa Metaphi-
sique àsTip-q-ro; (e) OscÔtocto; ÙTzipoaL-zoç (D , inscrutable très diuin et suprême.
Salomon. — Theophraste en cet endroit parle de Dieu, mais (/"; il ne sagit
icy que de Iesus qui nest quun homme : car il ne faull pas commencer vn
argument par la conclusion assauoir (g) par cette enonciation que Iesus
est Dieu dont nous cherchons la preuup, Dieu ayant dict luy mesmes en
Iesaye (E), hautement, clairement et intelligiblement : Deuant moy il ny
a point de Dieu et il ny en aura point après (7). Et encores : Iay esté le
premier & ie seray le dernier (8). Or les Théologiens chrestiens (9) confessent
(6) In lib. metaphys. — (7) Iesaiœ c. 43. — (8) Iesaiee c. 44. — (9) Scotus,
lib. 3, dist. 5 (F).
(a) Xita haesit ut erclamet, incorrect. MD exclamaret.— [b] N hoc humanum sensum exce-
dit el inlelligentiam mundi, quœ non capit ratio. MD omettent avec raison quœ. — (c) JV
uniuscujusque menti (MD menlibus) insita. — {d) N judicat quod rectum, quod pravum, etc.
MU quid,.. quid. ., correct. — ie) Ar àvx[(j0r,TO; MD àÇT,T7|Toe. — (/') N aulem. MD vero.
— g Y nempe. MD scilicet.
A Le morceau ci-dessus montre l'attitude de chaque personnage devant le problème de la
Trinité, traité depuis la p. 512 avec une confusion, des retours et des redites qui fatiguent le plus
patient lecteur. Federieh vient de répéter pour la dixième fois, sans tenir compte des protesta-
tions antérieures des non-chrétiens, que le Fils est éternellement engendré du Père, et que la
chose est trop limpide pour qu'on s'y arrête.
B) Inexact. MD ul exclamet hune in modum, = de s'écrier à peu près dans ce sens. Octave
avait déjà signalé l'embarras de Lombard [supra, p. 518/ : « Tout cecy nous embarrasse extreme-
» ment & pour le faire comprendre i'aimerois mieux lapprendre des autres que de lexpliquer
» moy mesme ». Dans les deux passages, Octave fait allusion à ces formules où Lombard, à
bout de subtilités, proclame que les mystères sont inintelligibles : « Quœ quomodo intelligenda
• sint, mallem ab iis audire quam ipse tradere ». L. 1, dist. 5. « Non est nobis perspicuum aperire
» quomodo sil hoc verum, el ideo sub silenlio polius esset praetereundum, nisi me super hoc ali-
» quid loqui cogerel instanlia quaerentium ». L. 1,7. Voyez une troisième formule, tirée de 3, 8,
infra, p. 522. J'ai consulté : P. Lombardi Episc. Paris. Sententïarum libri IV, per J. Alleaume,
Rolhomagi, Ferrand el Behourl, 1651, in-i°.
C MD humanse mentis gurgustio capi nequit, = ne peut être'contenu dans l'élroite échoppe
de notre intelligence.
(D) To yip 07) TCpwTov xoct Oeiotoctov Ttâvxa xi ap'.sra |5ou>.oy.£vov, xâ/a Sa touto |xèv
otov ÔTtép6aTô\ Tt xal à^T^TOv. Theophr., Fragmenta, 12, 10. Bodin puise peut-être celte
citation dans Duplessis-Mornay, o. c. 3, 49.
(E) haïe, 4 !, 10. Référence suivante : 44, 7. Cf. 45, passim.
(F) Référence inexacte : il s'agil non de 3, 5, mais de 1, 5 (N donne : 1, 4), quœstio 2. Scot,
166 JEAN BODIN
que la personne a esté créée et quauant que de sincarner dans le ventre de
Marie quil estoit la personne du fils. Si la personne du Fils a esté créée, peut
on doubter encores quil ne soit pas créature (h)? Donc il nest ny Dieu ny
créateur.
Oçtaue. — Le Maistre des sentences dict il) que la personne du Fils nest
pas composée de Dieu et de lhomrne comme vn tout est composé de ses parties,
puis il adiouste enfin : il nest pas possible dexpliquer comment se faict cette
vnion (A). Il nie cependant quil se fasse meslange des deux natures et appelle
idolâtrie (2) dadorer le corps & lame de lesus Christ (B), par ce dict il quils
sont [522] créatures. Philippes Melanchton (3) est de celte opinion.
Cuhce. — Ils ont raison car le concile d'Ephese a arresté qua Christ nest
deub que le culte de lalrie (C).
Octaue. — Sil ne se faict pas meslange des d ux natures en lunion hypos-
tatique (i) de lesus Christ le culle ne doibt point aussy estre meslé pour le
reconnoistre et créateur & créature, et ladorer ainsy ensemblement (D),
(1) Lib. 3, dist. 9. — (2) Lib. 3, dist. 0. — (3) Contra Stancarum (E).
(h) MD [Si creata est persona lili,j quis dubitet quin (N an) filius crealura sit. N omet les
mots entre crochets. — [i) N Si non est confusa ulraque naturaunione hypostatica inChristo.
MD unionis hypostatica'.
le docteur subtil, y dislingue l'essence divine, éternelle, infinie, incréée, de la personne du (ils,
individuelle, créée (ainsi le Fils est éternel en tant qu'essence divine, et cependant créé en tant
que personne), et dislingue encore celle personne môme du Fils de la nalure humaine où elle
s'est incarnée. La force de l'argument de Salomon est donc d'ignorer volontairement la distinc-
tion entre l'essence divine et la personne du Fils, et de montrer que si la personne du Fils est
créée, tout le Fils est donc créé, et ne saurait être créateur ni Dieu.
(A) La note 1 donne une référence erronée; d'ailleurs si Bodin eût constamment cilé Lombard,
3, 9, il n'eût pas donné deux références identiques notes 1 et 2 . — Que le Fils n'est pas com-
posé de Dieu el de l'homme comme un tout de ses parties, Lombard l'explique 3,8; et la phrase :
MD inexplicabilis est islius unionis ratio, résume la conclusion de celle distinction.
(B) « Si enim animiR vel carni exhibelur latria, quae inlelligelur servilus sive cultus soli Deo
» debilus : cum anima Ghrisli vel caro crealura tanlum fil, crealune exhibelur quod soli crealori
» debelur : quod facienli in idololalriam depulatur ». Lombard, 3, (J. Voici ce que veut dire le
Mailre des sentences : En Christ, il y a le Dieu, el il y a l'homme, lequel est un corps avec une
âme. Celle âme el ce corps, qui forment un homme créé, n'ont pas droilà noire adoration i lalrie).
(C) Le concile d'Ephèse (431) est celui où Cyrille fil condamner Neslorius, et où Marie fut
avouée mère de Dieu, Christ vrai Dieu né selon la chair. Cf. Ellies du Pin, o. c, t. IV, pp. 684-
785. — La réflexion de Curce, faile pour appuyer Mélanchlon et Lombard, a d'abord l'air de les
contrarier : il n'en est rien. Christ n'a pas droit à la vénération ou «Julie, réservée aux saints;
n'élanl honoré qu'en tant que Dieu, il reçoit noire adoration ou lalrie. Seulement, va observer
i iclave, le culte de lalrie offert au Dieu dans l'Homme -Dieu confond en lui malgré loul l'homme
et le Dieu; il ressemble bien à un sacrilège.
(D) B est inexact dans un passage dont la subtilité requiert la précision la plus rigoureuse.
MD non debuil cultus confundi ut cum creatore crealura misceretur ac simul colerelur[Chr\a-
lus], — il ne fallait pas d'un culle confus au point qu'en Christ créateur et créature fussent
mélangés et conjointement adores.
(E) François Slancari de Mantoue ( 1501-1574'!, professeur d'hébreu à Cracovie, promoteur
de la Réforme en Pologne, disputa surtout avec Osiander; il ne voulait voir en Christ, consi-
déré comme médiateur entre le Père et l'homme, qu'un homme. Christ nous aurait rachetés en
tant qu'homme. Il fui condamné devanl plusieurs synodes. Contre lui, Mélanchlon écrivit une
Responsio Ph. Melanchlonis de conlroversiis Slancari, 1553 [Corpus lieformatorum, l. 23,
pp. 87- 102), que rappelle ici Bodin. Voyez sur Slancari le copieux art. de Bayle, Dictionnaire, el
la Realencyclopàdie fur protestantische Théologie, 190G, t. 18, pp. 752-754.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 1 *>T
estant vn crime (dict Hilaire) (j) qui approche très fort du sacrilège de penser
que le Père & le Fils soient vn Dieu particulier. De les croire aussy deux
Dieux cest vne impieté : que sera ce donc, rien (A)?
Fkdericu. — Quand on approfondit cette matière & que Ion sapperçoit
que Ion ny comprend rien il faut se représenter que souuent des choses dont
nous auons la d'monstration parfaicte (k) ne se comprennent neanlmoins pas
facilement (B). Tous les théologiens et tous les philosophes confessent horsmis
Augustin et Lactance quil y a des antipodes ce que Ion sçait par expérience
et pardemonstration certaine(/) : cependant personne ne se le peutimaginer m
aiusy que laduouë Moyse Rambam (4) très grand philosophe. Ainsy on ne
doibt point trouuer estrange si Lactance & Augustin se sont mocqué des
astrologues en les trailtans dignorans & de foux de croire ces choses (C).
Mesmes beaucoup de théologiens après lauctorité de S. Augustin in) ont iugé
comme hérétiques ceux qui croioient des antipodes, entre lesquels (o) Virgile
euesque de Saltsbourg (p) a esté condamné par le pape en lan 1245 (D) parce
quil estoit du sentiment de ceux qui croient quil y en a. Donc a bien plus
forte raison nous debuons nous reconnoistre incapables de concepuoir cette
vnion de la nature humaine et de la diurne, puisque Hilaire tout sauant et
tout éloquent quil estoit a confessé ingenuement que cette matière estoit inef-
fable. Ce que Ion demande est au-dessus [523] des parolles (S), dict il en son
traitté de la Trinité liure premier (E), et estant au delà de la capacité de nos
(4) In Epist. aduersus Astrologos. — (ôj Lib. 1 de Trinitate.
(j) S ut inquit Hilarius. MD suppriment ut. — [k) Y eu, etiamsi cerlis&imis demonstratio-
nibus nitantur. MD ea eliam quse... niluntur. — (/) X perspicua minimaque ?) dubia demons-
Iralione. MD minimeque. — (m) N cogitalione persequi. MD consequi. — (n) N Auguslini
autorilate adacli. MO adducti. — [o)N inler quos quidem. MD suppriment quidem. — (p) N
Vigilius quidam episcopus Salisburgensis. MD Virgilius... Salisburiensis. (Virgile était évêque
de Salzbourg & non de Salisbui y .
(A) MD ac leiiium nihil est non compris de Et. C'est presque un sacrilège de penser que Père
et Fils t'ont un Dieu unique, une impiété de penser qu'ils font un Dieu double], et une tierce
conception est inexistante, impossible. Cf. Hilaire : « Et inler haec, unum [Deum] neque negando
•> neque contitendo fidei conservata peii'ectio est ■>. Nier ou affirmer l'unité de Dieu est également
hétérodoxe. « lia in Deo pâtre et in Deo filio neque duos connumerabis Deos, quia unum uter-
» que sunl; neque singularem prœdicabis, quia uterque non unus est <>. De Trinitate, 7, 2 et 31
iMigne t. 2, col. 200 et 226 . Le second passage surtout semble bien être la source de Bodin qui
emploie les mêmes termes.
(B) MD percipi non posse, = choquent les habitudes que l'usage des sens donne à noire
raison, « sont incroyables au sens humain », comme dit la Démon., Prêt'., p. 31.
(G) Pline, Hist. nat., 2, 65, nous parle déjà des disputes que soulevait la question des anti-
podes. Sur Moïse Rambam et la Lettre contre les astrologues, cf. supra, IV, p. 251. D'ailleurs
c'est un lieu commun pour Bodin que de ciler les antipodes, comme exemple de vérité inconce-
vable. 11 en use, Démon , p. 31, pour convaincre son lecteur de la réalité des sortilèges, avec les
mêmes références : Auguslin (De civ. Dei, 16, 9) et Lactance [Inst. divin., 3, 24;.
(D) Zacharias papa in epislola 10 ad Bonifacium, data anno 748, perversam al que iniquam
appellal doclrinam Virgilii cujusdam asserentis quod alius mundus et alii homines sub terra
sint. Note sur Augustin, De civ. Dei, 16, 9, dans l'éd. des Bénédictins de S Germain. Voyez
cette lettre Patrologie lat. de Migne, t. 89, col. i»46 d. L'erreur de R, 1245, au lieu de MD 745,
lient à l'emploi des chiffres romains (XII confondu avec VII).
(E) Référence inexacte. « Extra significantiam sermonis est, extra sensus intentionem, extra
168 JEAN BODIN
sens (q) il ne se peut expliquer il ne se peut comprendre & ne se peut scauoir.
Et dans le 7° liure, Il y a (dict il) vn empeschement dans mes sens, vne stu-
pidité dans mon entendement et pour parolles ie nay que le silence (6) (A),
quand il faull expliquer que (r) dun Dieu est vn autre Dieu sans portion, sans
retranchement, sans diminution, sans escoulement et sans augmentation les-
quels ensemble ne sont quun p;irvn moyen qui nest pas compréhensible (7) (B).
Et Iustin le Martyr (8) (C) : Quand nous reconnoissons vne trinité dans lunité
et lunité dans la trinité ie vouldrois bien ne demander a personne comment
cella peut estre (s). Cependant ie ne puis lexprimer a mon gré parce que cest
profaner ces mystères sacrez que de se seruir de limpureté du langage des
hommes pour en discourir. Donc si tant et de si grands hommes ont fait dif-
ficulté defllorer seulement du bout des doigts vne matière si sublime & la
plus relleuée de touttes, croirons nous quil nous soit possible ou loisible
daller plus loing queux (D) ?
(6) Lib. 6 de Trinitate. — (7) Lib. 1 de Trinitale. — (8) Lib. de Trinitate.
[q) NM Extra sermonem est, ihquit, quod exigitur, et extra sensum non enunciatur : elc.
D Leyser Extra sermonem est, inquit, quod exigitur, et extra sensum : non enunciatur, elc.
— (r) N idem : Deum ex uno. MD idem : unum Deum ex uno. — (s) N Unilas in trinitate et
trinilas in unilale nascilur : id quomodo sit, née alios scrutari velim, etc. MD noscilur : id
quomodo fiai, elc.
» intelligenliœ conceplionem ; quidquid ullra quierilur non enuncialur, non altingilur, non tene-
» tur ». De Trinit., 2, 5 (Migne t. 2, col. 54). Comparez Bodin : D Extra sermonem est quod
exigitur et extra sensum : non enunciatur, non altingilur, non tenefur. C'esl toujours le
même à peu près. Accessoirement nolez ici la supériorité de DH sur M.
(A) Référence erronée : « Mihi cerle his respondenti in curis ;eslus esl, in sensu labes est, in
» intelligenlia stuporesl, in sermone autem nonjam infirmilatem, sed jam silentium confilebor ».
De Trin., 2, 5 (Migne t. 2, col. 54).
(B) Référence fausse : « Inenarrabilem illam et perfectam Pilii nativitatem !... Esl enim unus
» ex uno. Non esl portio, non est defeclio, non esl deminulio, non derivalio, non prolensio, non
» passio : sed viventis nalurse ex vivente nalivitas esl ». De Trinit., 6, 34-35 Migne t. 2, col. 185).
Comparez encore Bodin : DM Deum ex uno non portione, non seclione, non deminulione, non
derïvatione, non protensione, sed incomprehensilnli modo esse.
(C) J'avais d'abord pensé à une confusion possible entre Juslin et Augustin, d'aulaul que le De
Trinitate d'Aug. fournit nombre de passages qui rappellent le texle de Bodin : impuissance de la
perspicacité humaine devant une vérité si transcendante, 1,2, 4; difficulté de répondre à ceux
qui demandent comment Trois est Un, et Un esl Trois, 1, 2, 8 (Migne t. 2, col. 822 et col. 824).
— Ni dans Elliesdu Pin, ni dans les diverses éditions de Juslin que j'ai consultées '.Bob. Estienne^
Paris, 15M : Sigismond Gelenius [version latine], Bàle, 1555 ;dom Maran, Paris, 1742; Migne) je
ne trouve trace d'un De Trinitate. Bodin lui-même nous dit bien que ce De Trin. esl apocryphe;
mais loutes ces éd. de Justin renferment les Quœsliones ad orthodoxos, reconnues apocryphes
de toute antiquité. Il y a là un problème que mes recherches ne m'ont pas éclairci.
(D) C'est l'éternel appel à la foi aveugle que Federich a déjà plusieurs fois l'ail entendre. A
Salomon, qui refuse de croire à l'incarnation, il répond : « Cella est incroiable quant aux incre-
» dules. Mais il esl facile de le persuadera ceux qui sont illuminez du S. Esprit » 'p. 481). A
Toralba, il dit encore : <■ Ce que la foiblesse humaine ne peut acquérir les actions estonnanles et
» les faits admirables de lesus Christ nous le donnent par la foy » (p. 482). Curce à son tour
s'écrie : « le voy ou buttent Salomon et Toralba assauoir de nous engager a prouuer les secrets
» misteres de laTrinilé par raisonnements et par arguments, mais il ne fault que de la foy ». A
quoi Toralba objecte avec quelque rudesse : « Voyla qui est bon entre chrestiens, mais voyons
» ce qui se peut respondre aux philosophes aux payens et aux Epicuriens qui ne reconnoissent
DES SECRETS CACHEZ L>ES CHOSES SUBLIMES U)9
[Qu'est le S. Esprit? demande Octave. Engendré? Cela fait deux fils. Non
engendré? Deux pères. Vous dites qu'il procède du Père et du Fils, reprend
Toralbe : qu'est-ce à dire? Quelle différence faites-vous entre procession et
génération? Vanité creuse des formules lliéologiques. D'ailleurs pour la pro-
cession du S Esprit on se heurte toujours à la même impossibilité : faire
découler un infini d'un autre infini, 523-527. A propos du Fils, Toralbe renou-
velle son éternel raisonnement pour montrer qu'engendré, il n'est ni éternel
ni Dieu. — C'est toujours à recommencer, avoue Coroni avec lassitude,
527 sq. Salomon affirme qu'il n'y a dans le vieux Testament aucun texte qui
mentionne la Trinité, p. 529 .
Corruption de la littérature patristique.
[529j Octale. — Cest pourquoy Origene que ffverosme appelle le maistre
des Eglises (4j (A) detesle horriblement le mot de Trinité (B) et faict la guerre
a outrance contre la secte des Trinilaires. Aussy Ruffin qui a esté son inter-
prète confesse quil a corrigé beaucoup de choses dans Origene qui esloient
contre la Trinité (5) (C) : mais nous dirons auec sa permission quil nest pas
bienséant a vu interprète de faire loffîce de correcteur. Cest pourquoy il ne
fault point sestonner si Origene (a) ainsy falsifié parle quelquesfois de mesme
qu'Athanase & sil semble se seruir du mot ô;/.ooui7-.oç qui signifie de mesme
essence quand il parle du Fils laquelle diction nestoit point encores en vsage
(4) In catalogo — (5) In prologo Ilept àp/ôv.
(a) N nec mirum videatur, si Origenes. MD ne, qui explique mieux le subjonctif videalur.
» point de foy infuse ny dauctorilés euangeliques... Il seroit donc bien mieux de chercher auec
» les philosophes ce qui se peut monstrer par raisons que de quitter la partie » (pp. 515 et 516j. —
Il semble bien, après lecture de loule cette discussion sur l'union des natures humaine et divine
en Jésus, que Bodin ail laissé percer sa doctrine par le rôle humilié qu'il a donné aux chrétiens,
éternels battus qui, à bout de raisons, chaque fois se réfugient dans la foi pure et dans l'autorité
de saints livres, d'ailleurs contestés par leurs adversaires.
A) Cf. supra, p. 434, note E.
;B) Origene cherche à prouver que le Père est plus grand que le Fils, De principiis, 4, 28 sq.
(Migne t. 1, col. 401 sq.). Il prétend que le Père seul est incréé, In foannem, tom. 2, 6 (Migne
t. 1, col. 128 et les notes de Migne . D'ailleurs Jérôme, Epist. 84 ad Pammachium et Oceanum
Migne t. 1, col 745 sqq.), accus» Origene d'être p'-re de l'Arianisme par ses hérésies contre la
Trinité.
(C) « Sicubi ergo nos in libris ejus aliquid contra id invenimus, quod ab ipso in caeteris locis
» pie de Trinilale fuerat definitum, velut adulteratum hoc et alienum aul prfelermisimus, aut
» secundum eam regulam prolulimus quam ab ipso fréquenter invenimus affirmalam ». Rufini
Proloqus in libro Qept àp/cov (Origene de Migne, t. 1, cal. 113). Les textes abondent où Rufin
avoue l'infidélité volontaire de ses traductions : De princip , 4, 34-36 Migne t. 1, col. 410-412, et
les notes qui signalent les corrections de Rufin); version du Commentaire d'Origine sur l'Epi're
aux Romains, Péroraison (Origene de Migne, t. 4, col. 1291 sqq.); Apolog. ad Anastasium, 7
(Rufin de Migne, col. 6.'7); Apologelicus Pamphili seu de adulteralione librorum Origenis
Origene de Migne, t. 7, col. 615'. El Jérôme, qui eut longue querelle à ce sujel avec Rufin, se
vante lui-même, Epist. 84, d'avoir altéré dans sa traduction du De principiis, le sens du texte
pour n'en pas répandre les hérésies. — Sur tout cela, cf. Ellies du Pin, o. c, t. 3, pp. 378 sqq.
170 JEAN BODIN
de son temps (A). Auec la mesme liberté Cyprian dans ses Epistres faict men-
tion dun Hure de la Trinité quil attribue a Tertullien, bien quil ny ait iamais
pensé au raport de Rufin (6) dans son Apologie pour Origene (B).
Coroni. — Encores que le mot de Trinité ne se trouue point dans les saintes
escritures (b) neanlmoins il est porté exprès que le baptesme se doibt faire au
nom du Père, du Fils et du S. Esprit (C). Et Iustin le Martyr qui a esté fort
proche des Apostres a composé vn liure 1 1 s p c âyt'a; (c) x.-A éjjiooustoy tpiiSoç, De
la saincle et consubstantielle Trinité (D).
Octaue. — La raison manifeste des temps iustiffîe que ce liure est vn
eschapé (d) (E). Car Iustin viuoit du temps de Marc Aurele auquel il addresse
son Apologie, et (F) dans la question 74 (e) aux orthodoxes, laucteur de ce
liure demande pourquoy la superstition payenne est entièrement renuersée et
abolie (G), quoy que du temps de Iustin elle fust encores extrêmement en
(B) In Apologia Origenis.
[b) V Irinitatis sive triadis in sancfis litteris. MU seu rpiâôû; in sacris libris. — \c) N
y.yiou. MU àytxç. — (d) N supposililium. MD fugittoum. — (e) N ut in quaeslionifms CXXIV
ad orthodoxos, faute évidente. -JWZ) in quœslione LXXIV.
(A) 11 s'agit de la fameuse querelle entre Alhanase el Anus, tranchée au profil du premier el
de l'homoousie par le concile de Nicée (325) : Christ est de même essence que son père, et non
de semblable essence. « Cela [l'infidélité de Rufin Iraducleur] paroît encore par sa version même
» qui est pleine... de termes pris dans un autre sens que du temps d'Origène, el où la Trinité et
» les autres mystères sonl exprimés en termes donl on ne s'est servi que depuis le concile de
» Nicée ». Ellies du Pin, o. c, p. 392 R.
(B) Il s'agit de la version par Itufïn de Y Apologétique de S. l'amphile martyr pour Origène
(cf. supra, p. 434 noie B). Mais Bodin a encore lu trop vite : Rufin ne dit pas que les lettres de
Cyprien attribuent a Tertullien un De Irinitale — el en effet, recherches laites, on n'y trouve
rien de tel — il dit seulement que les hérétiques insèrent dans les lellres de Cyprien ledil livre
de Tertullien. « Sancti Cypriani marlyris solet omne Epislolarum corpus in uno codice scribi.
» Huic corpori haerelici quidam, qui in Spirilum Sanctum blasphémant, Terlulliani libellum de
» Trinilate reprehensibililer (quantum ad veritatem fidei nostne perlinel) scriplum inserentes,
» per lolam Constanlinopolim urbem maximam dislrahi prelio viliori fecerunl ». (Origène de
Migne, t. 7, col. 628). Jérôme, Adv. Rufinum, 2, cité à cet endroit par Migne, accuse Rufin de
deux mensonges : le livre n'est pas de Tertullien; les hérétiques du parti de Macédonius qui le
fout circuler le donnent comme étant de Novatien, non de Cyprien.
(C) Matthieu, 28, 19.
(D) Cf. p. 523 noie C.
(E) MD fugitivum, échappé à son véritable auleur et à sa véritable époque, apocryphe : d'où
N supposititium, glose qui a remplacé l'obscur fugitivum. — La première Apologie de Justin
est adressée à Anlonin le Pieux et à ses coadjuteurs, Lucius Vérus et Marc-Aurèle.
(F) Voici le lien, peu apparent dans RMD, du discours : Autre exemple d'ouvrage faussement
attribué à Justin : les Quœstiones; là encore, on le l'ait user du terme consubslanliel, qui certai-
nement lui était inconnu. — Les 146 Réponses aux demandes des Orthodoxes sont assurément
apocryphes : cf. l'édition des Bénédictins, Paris, C. Osmonl, 1742, in-fol.,p.434 : « Juslinum hujus
» operis auctorem non esse adeo inter omnes hodie convenit, ut id probare non modo non necesse
» sil, sed etiam oliosum. Mirandum polius affictum il'i esse ejusmodi monumentum, in quo lre-
» nœus et Origenes laudanlur, Manichaei memoratMur », etc. Cf. Ellies du Pin, o. c, t. 1,
p. 157 sq.
(G) « Si, quia superatus est genlilismus a Ghristianismo », etc. Quœst. 74. Même idée expri-
mée q. 126.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 171
vogue. Et ces mots ô^oou-hVj (A) et ojjloïoutiq'j qui signiftîent de mesme essence
& de semblable essence nont commencé destre en vsage (f) que soubs lem-
pire de Constantin, enuiron deux cens ans après Iustin. A.uec la mesme har-
diesse, il a couru par le monde vue Messe de S. lacques en grec dans laquelle
les noms de la Saincte Trinité, des Aposlres, des Martyrs </ , des Confesseurs,
des Vierges sont souuent esnoncez, quoy quaprès S. Estienne S. lacques h
ayt soufTerl le martyre le premier de tous (B). Il y a encore vue pareille messe
de Chrisostome ou il se faict des prières a luy mesme (0) : y a il rien de plus
absurde?
La Trinité et l'autorité. Discussion entre Coroni, Curée et Salomon sur les
textes du vieux Testament qu'on prétend qui annoncent la Trinité, 530-535.
Federicb découvre la Trinité dans le Tintée, dans Proclus, Plolin, Hermès
Trismégiste ; Curce, dans un oracle d'Héraclide de Pont. L'oracle ne serait-il
pas, demande Octave, sorti d'une boutique chrétienne, comme ceux cités
livre IV? 536-5381.
Variations de l'Église sur la divinité du Christ et du Saint-Esprit.
539 Octale. — A la naissance de l'Eglise chrestienne on osla aux anciens
dieuxdes payens le lilredeDeitezdont ilsestoient en possession immémoriale.
Et les chrestiens ne reconnoissoient et ne professoient quun seul Dieu. Mais
soubs lempire de Constantin le Grand tous les temples des faux dieux ayans
esté fermez on commencea de traitter Iesus Christ de Dieu dans le concile de
Nyce auec grande difficulté par ce que la plus part des euesques dont il
estoit composé ne vouloient pas consentir (C). Touttesfois il ne fut rien allors
résolu touchant le S. Esprit dont il ne fut faict aucune mention dans le Sym-
0 In fine missse gra?ce impressae.
[f] N Verbum autem o<j.ooût.o; primum .... usurpare cœperunl. MD Verbaaulem &u.ooû<rioç
el ôuotoûstoç.. . usurpari cœperunt. (Sur cœperunl, cf. supra, p. 231, noie C). — {g) .V oublie
Martyrum. — h MD .lacobus. Y is Jacobus.
(A) « Et xxt7. Tïjv Y]{Ji.sTspav cûûsiv et T! yÉvw,aa -ouzo tco yôvv/jCTXvTt ôy-ooûstov »,
etc. Qusesl. 16 {àd. de 1742, p. 446 È). Cf. Ellies du Piu, l. c. : « L'auteur y parle des mystères
» de la Trinité el de l'Incarnation dans des termes & avec des précautions dont on ne s'est servi
» qu'après la naissance des hérésies. L'on y trouve les termes d'hyposlase, de personne, de con-
» substantiel, aux q. 16, 17, 139, 144, dans le sens que l'Église leur a donné aux ve el vi8 siècles ».
(B) Sainl Jacques le Majeur, exécuté par ordre d'Hérode-Agrippa en 44. - Ellies du Pin, o c,
t. I, p. 25 sq , donne de multiples preuves que la liturgie selon S. Jacques esl supposée ; il en
circulail nombre d'autres, non moins apocryphes, selon Pierre, Matthieu, Marc, elc.
(C) Inexact. MD non sine acerritna pontifie a m inter se dissidentia. On trouvera le récit du
concile de Nicée dans Ellies du Pin, t. 2, pp. 803-816, el en particulier l'histoire des querelles
qu'il souleva. Les évêques y présentèrent à l'empereur des requêtes les uns contre les autres. De
grandes dissensions éclatèrent quand il s'agit de rédiger la formule destinée à condamner Arius.
Eusèbe refusa d'abord de la signer, puis céda. Deux évêques résistèrent jusqu'au bout. — Voyez
supra, IV, p. 343 noie D, la formule du concile de Nicée, où sont soulignés les termes ajoutés,
contre Arius, au symbole de Césarée.
172 JEAN BODIN
bole (A) pour estre appelle Dieu (B),ainsy que la escrit Grégoire de Nazience (8)
dans son epistre 2 a Chidonius. Mesme lopinion des Ariens qui vouloient que
lesus Christ fust créature a esté si puissante que huict (9) conciles lont
approuué & speciallement (a) celluy d'Ariminie (1) (C) composé de six cens
euesques (6). Cependant vingt ans après au concile de Constantinople (D) la
Deité fut rendue a lesus Christ (c) snns songer a vne tierce personne pour se
forger vn Dieu nouueau & sans dire vn mot seulement delà Trinité. Mais enfin
lan 430 au concile d'Ephese (2) le S. Esprit fut receu pour Dieu & par les
suiuans (E), de lauctorité desquels on a adiouslé quelques articles au symbole
de Nycée touchant le S. Esprit assauoir, le croy au S Esprit (F), sans neant-
moins le nommer Dieu de crainte que telle nouueauté noffensast les aureilles
deuotes. Dou Ion peut connoislre qu'Athanase nest point auteur du symbole
vulgaire quon luy attribue, [540] a moins dauoir vescu cent trente ans (d),
puisqu'il esloit du temps de lempereur Iulien. le ne dis rien de ce que luy
(8) Epist. adChydonium. — (9) Concilio Tyri, Sardis, Mediolanensi, Smyr-
nse, Seleucia;, Niceœ, Tarsensi, Ariminensi. — (l) Anno 3(i3, Sozomenus
lib. 3, c. 19. — (2) Nicephorus, lib. 14, c. 34. Très autem sunt synodi Ephesi
coactae.
[u) N prsecinue. Mb preesertim. — (b) N synodo Ariminensi, in qua sexcenti pontifices
coulueranl . MD coaluerunt. — (c) N deitas Christi restituta fuerit. MD Cliristo. — [d) N cen-
tutn (MDet) triginta.
(A) Erreur, mais qui n'entame pas le raisonnement d'Octave. « Je crois au S. Esprit », dit le
symbole de Nicée, sans rien ajouter de plus.
(B) Inexact. MD ac ne mentio quidem ulla in symbolo, nec Deus credebatur, = le symbole
ne le nomme pas, et on ne croyait pas qu'il fût Dieu. Grégoire de Nazianze (cf. supra, p. 475
note G) avoue, en effet, Epislola secundo ad Cledonium presbylerum adversus Apollinarium
(Migne Epist. 102, t. 3. .col. 194) qu'il est obligé de suppléer au symbole de Nicée, qui ne pro
clame pas explicitement la divinité du S. Esprit : « [Gogimur] illud insuper explicare, quod ab
» illis minus plene de Spiritu Sanclo diclum est. propterea quod hajc qua?stio nondum excilala et
» agilala fueral, nempe nnam eamdemque Patris et Pilii et Spirilus Sancli divinilalem agnoscen-
» clam esse, Deum quoque videlicet profilendo ». Version de Jac. Billius, Paris, Nivelle, 1583,
p. 1028.
(C) Sozomine, 3, 19, parle du concile de Tyr (336) où Alhanase fut condamné. Sur les conciles
suivants et spécialement celui de Kimini (363;, voy. supra, IV, p. 342 sq. On verra dans Ellies
du Pin. o. c, l 2, p. 85G, que l'empereur Constance avait donné ordre au gouverneur de Rimini
de garder prisonniers tous les évêques du concile jusqu'à ce qu'ils eussent signé, de gré ou de
force, la formule semi-arienne qui leur était présenlée.
'D) Il s'agit du troisième des conciles réunis coup sur coup à Constantinople (383). Mais, con-
trairement aux assertions de Bodin, ce concile, non content de rétablir la divinité du Christ,
établit le premier, contre Macédonius, évèque de Constantinople, qui l'avait niée, la divinité du
S. Esprit, en l'appelant » Seigneur vivifiant, qui procède du Père, qu'on doit adorer et glorifier
» avec le Père et le Fils ». Ellies du Pin, o. c, t, 2, pp 890 sqq.
(E) Entendez : par le concile d'Ephese et par les suivants. MO Ephesina synodo et sequentïbus.
Cf. Nicéph. Callisle, 14, 34', Socrale, 5, 10; Sozomène, 7, 12; surtout Ellies du Pin, o. c, t. 4,
pp. 685-784. Ce concile est principalementoccupé à combattre l'hérésie de Neslorius, qui distingue
absolument en J.-C. l'homme du Dieu et refuse, en conséquence, d'appeler Marie mère de Dieu
(430).
(F) L'erreur, signalée supra, de Bodin continue. Le concile de Nicée avait proclamé la foi au
Saint-Esprit; celui de Constantinople la divinité du Saint-Esprit. Le concile d'Fphèse donna son
adhésion à celui de Nicée, considéré comme l'expression ne varietur de la foi.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SI BLIMES 173
seul (A) de tous les Grecs (e) veult que le S. Esprit procède (/) du Père et du
Fils nonobstant la peine danatheme que les conciles grecs ont fulminée contre
ceux qui (y) croiroient que le S. Esprit procède dun autre que du Père (B).
Fedehicu. — Ce nest pas (/*) par les assemblées ou (*j les contestations des
hommes que lesus Christ a commencé ou cessera destre Dieu non plus que le
S. Esprit mais touttes les choses qui ont esté mises en doubte par les héréti-
ques ont esté approuuées et confirmées par les constitutions des sages (j) (C),
tesmoing ces euesques lesquels nayans pas voulu soubscrire a ce qui auoit
esté arresté au concile de Nicée moururent et après auoir esté ressuscitez y
soubscriuirent (3) au raport de Nicephore Calliste.
[Ces résurrections de morts sentent plus la magie démoniaque que la divi-
nité, déclare Octave. Des papes sorciers, 540. De l'incarnation, 541-560. ]
Impossibilités de l'Incarnation ; elle n'était pas nécessaire ; déchéance
& inconstance qu'elle suppose chez Dieu.
[541] Cokoni. — Ce sera assez faict a mon aduis si Ion peut contenter quel-
quun (a) iusques a lui prouuer tant par raisonnemens démonstratifs que par
aucloritez que lesus fils de Dieu engendré de toutle éternité est Dieu et (b)
(3) Nicephor. Callistus, lib. 3, c. 23 (D).
(e) N solus omnibus dissentiens. MD solus a Graecis omnibus dissentiens. — (f) N procè-
de re. MD prodire. — (g) N contra pœnam anathemalis conciliis Graecis (MD Graecorum)
snbjeclam, quod (Ml) qui) aliunde spirilum quatn a paire derivari arbilrarelur. (Qui s'ex-
plique en sous-enlendaiit ci). — [h) N Non tamen. MD suppriment lamen. — (i) N aut. MD ac.
— (j) \ aUissimis [sapienlum decrelis]. MD certissimis — [a] N cuique. MD cuiquam. —
h SD Jesum... Deum esse et (M ut, inadvertance)... lueri.
(A) Faux-sens. MD Graecus homo solus a Gi'œcis omnibus dissentiens, = un certain Grec, qui
élail seul de son avis. Ce certain Grec, c'est l'auteur inconnu du symbole dild'Athanase, puisque
Bodin va citer les termes caractéristiques de ce symbole. — Résumons- nous. Il y a quatre sym-
boles : le symbole des Apôtres; le symbole de Nicée (325;; le symbole de Gonslanlinople qui
ajoute au précédent l'affirmation de la loi à la divinité du S. Esprit; le symbole dit d'Athanase,
que les orthodoxes même reconnaissent être d'un auteur postérieur : il développe les affirma-
tions du symbole de Gonslanlinople. Cf. abbé Lerosey, Histoire et symbolisme de la liturgie,
p. 143 sq.; et Migne, Dict. de Ihéol. catholique, art. Symbole.
(B) Pour combattre l'hérésie de Priscillien (-f 384), les Églises d'Espagne ajoutèrent au symbole
ordinaire que le S. Esprit procède du Père et du Fils. Le Filioque est devenu article de foi poul-
ies Églises d'Occident; mais les Grecs l'ont toujours repoussé. Cf. Pholius le patriarche, De
S. Spiritus myslagogia, 5 (Migne t. 2, col. 285 , nommant sept conciles œcuméniques qui ont
analhémalisé le Filioque.
[G) Federich se défend comme se sont toujours défendus les orthodoxes. Les symboles suc-
cessifs, loin de varier, n'ont jamais l'ait que développer les vérités implicites dans le symbole
primitif des Apôtres; mais s'ils les ont développées successivement, ce n'est pas qu'on n'y crût
pas dès le début, c'est qu'elles n'avaient pas encore été niées. Cf. Migne, o. c, art. Symbole.
[D) Référence erronée; le souvenir même de Bodin est inexact. Ces évêques, raconte Nie.
Calliste, 8, 23, étaient morts avant d'avoir pu signer le symbole de Nicée. On mil l'acte de foi
entre leurs mains; le lendemain, quand on rouvrit le tombeau, l'acte était signé Mais Nicephore,
qui en fait des orthodoxes résolus, ne les ressuscite pas.
174 JEAN BODIN
quauec le Père et le S. Esprit il ne faict qifvne vntté (c) d'essence ou de Deité
nonobstant la triplicité des personnes.
Senamy. — Ouy ce sera assez & plus quil ne fault pour moy qui sur le faict
des choses diuines maccorde a tout ce que Ion veult mais il y a encores vne
difficulté plus grande, sçauoir : encores que nous reconnoissions que mesmes
deuant quinze siècles ou bien douant la naissance du [542 Christ (A) la per-
sonne du Fils estoil coegale & coelernelle au Père, pour quelle raison auroit
il pris chair humaine? Et puis quand nous reconnoistrions que lessence diuine
ayt voulu descendre dans le ventre dune femme, estoit ce vne nécessité pour
la rédemption du genre humain? Car si Dieu a pu (B) sauuer les hommes (d)
& les nettoyer de toultes les ordures du péché sans laide de Ihumanité sans (e)
meurtre et sans effusion de sang, il nestoit pas nécessaire que le fils quittast
sa demeure céleste pour se renfermer dans les entrailles (/) dune femme a fin
den sortir sans fracture et a fin de mourir dans la fleur (g) de son aage par
vn cruel supplice (C), puisque par sa seule volonté il (D) pouuoit (h) remet-
tre et effacer les péchez de tous les hommes. Car en vain nous employons
beaucoup de choses pour vn ouurage qui se peut (i) faire auec peu.
Octaue. — Augustin dict que Dieu ne manquoit point dautres moyens
pour raehepter (/) Ihomme (9) (E) : cest pourquoy qui est celluy (F) qui
pensera que Dieu la ainsy ordonné quand rien ne le force a lexecution de ses
(9) Lib. 13 de ïrinitate.
(c) ND deilulem in unitale essenlise ac unilatem (M bonitalem, Taule certaine) in persona-
rum (rinitate tueri. — (d) N humanum genus. MD hominum. — (e) N cœde. MD sine aede.
— (/') MD intima fœminœ viscera subire. N supprime intima. — (g) N in ipsa setatis flore.
MD ipso, seul correct. — [h) N facile potuisset. D facillinie poluisset. M facile posset. —
(i) N possit. MD queat. — (j) N [alius modus] homines redimendi. MD hominis.
(A) Ou bien deuant la naissance du Christ, glose destinée à expliquer deuant quinze siècles.
Ainsi Senamy trouve à admettre l'Incarnation un triple obstacle : comment la Personne créée du
Fils peut-elle être coégale et coéternelle au Père? Si on accorde cela, pour quelle raison s'est-
elle incarnée? Si on accorde qu'elle l'a voulu, en quoi le rachat du genre humain exigeait-il
qu'elle exécutât sa volonté? La dispute va surtout peser sur les deux derniers points.
(B) MD si Deus poluit, = s'il est vrai que, puisque Dieu pouvait... R ne rend pas la vigueur
de si suivi de l'indicatif, et reste obscur.
(C) Cf. supra, pp. 416 et aussi 449, 478 et 544. C'est un vrai refrain pour Bodin que l'énuméra-
lion de ces circonstances de l'incarnation si. contraires à la majesté divine.
(D) //, c'est Dieu et non pas le Fils. — Par sa seule volonté énerve la vigueur du texte : MD
nulu solo, d'un signe.
(E) « Eos itaque qui dicunl : itane defuit Deo modus alius quo liberarel homines a miseria
» mortalitatis hujus ? parum est sic refellere ut istum modum, quo nos per mediatorem Dei et
» hominum hominem Jesum Chrislum Deus liberare dignalur, asseramus bonum & divinae con-
» gruum dignilali, verum etiam ut oslendamus non alium modum possibilem Deo defuisse, cujus
» poleslali cuncta aequaliler subjacent, sed sanandae noslrse miserise convenienliorem modum
» alium non fuisse, sed esse oporluisse ». Aug., De 'ïrinitate, 13, 13.
(F) Faux-sens. MD ac tametsi quis putet Deum ila decrevisse, = et même si l'on pense que
Dieu l'avait ainsi décidé, (restera à prouver qu'une nécessité l'obligeait à exécuter sa décision).
Octave suit à la lettre le plan de discussion proposé par Senamy : 1° aucune nécessité ne forçait
Dieu à décider qu'il sacrifierait son fils (il avail d'autres moyens de nous racheter); 2° celle déci-
sion prise, rien ne le forçait à l'exécuter. Ainsi ni avant, ni après [sa décision], Dieu n'a été
poussé par aucune nécessité.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 175
arrests (i) (A ? Et partant il ny a eu aucune nécessité ny deuant ni après
pour obliger Dieu a se reuestir de nostre chair ny (h) a mourir honteusement
par ce que cestoit assez dun Ange voire dun homme qui se seroit sacriffîé
pour satisfaire a la Justice diuine, ny ayant point de victime plus aggreable a
Dieu que celle quil luy plaist de choisir (B). Que si loa veut que tous les
hommes soient souillez de lordure T543J du péché originel, Dieu ne pouuoil il
pas les en rendre exempts (/) comme les nouueaux Théologiens (2) (C) veu-
lent quil ayt faict en la personne de la Vierge mère du Christ, assauoir au
concile de Trente (3) (D) ou cella fut déterminé contre lopinion des anciens et
speciallement d'Anselme, de Bernard, du Maistre des sentences (4), de S. Tho-
mas d'Aquin, d'Augustin & de Hyerosme(E)? Cestpourquoy ce nest pas sans
(I) Scotus contra Anselmum, Mb. 3, dist. 20. -- (2) Scotus primus in ea
sententia fuit. — (3) Canone 5, sessione quinta. — (4) Lib. 3, dist. .'{.
{k) N ut (MD aut) turpi morte caderet. — (Zj .V ab omni scelerum contayione purus. Ml)
purissimus.
(A) Scot, o. c, 3, 20, qmeslio 1 (l. 2. p. 145), explique, contre Anselme, que Dieu n'était pas
forcé de sacrifier le Christ : « Deus ab aelerno contingenter pr;edeslinavil hominem, et non
» necessario, quia nihil necessario operalur respeclu aliquorum extra se... sic poluil non prsedes-
» linavisse ».
(Bj Faux-sens : parce que le sacrifice ne vaut que le prix que Dieu aurait fait du sacrifié, MD
quia non plus est oblalio quam quanti Ueo collibuit illum œstimare. Entendez : et qu'ainsi, si
Dieu mettait un haut prix au sacrifice d'une victime inférieure, telle qu'un homme ou un ange,
ce sacrifice suffisait.
(G) Dieu, explique Scot, a pu faire que la Vierge ne lut jamais sous le coup du péché originel.
El il ajoule : « Si aucloritali Ecclesi;e vel auclorilali Scriplurae non repugnet, videlur probabile
» quod excellentius est allribueie Maria- ». O c, 3, 3, q. 1 (t. 2, p. 30). Mais si Scot est le pre-
mier docteur qui parle clairement de l'Immaculée Conception, c'était cependant là une croyance
déjà ancienne (cf. S. Bernard, cité infra).
(D) •• L'intention du concile n'est point de comprendre dans le décret qui regarde le péché
» originel la bienheureuse Marie, mère de Dieu, mais il entend qu'à ce sujet les constitutions du
» pape Sixle IV d'heureuse mémoire soient observées sous les peines qui y sonl portées, et qu'il
» renouvelle ». Sess 5, can. 5. Cf. sess. 6, can. 23.
(E) Anselme, Liber de Conceptu viryinali et peccato originali; 8 (Migne, l. 158 de la P. L.,
col. 4i2j : « Ouod in semine sumplo de Virgine non sit peccalum neque nécessitas fuluri pec-
» cali ». Aiselme pense bien que la Vierge est infectée du péché originel, puisqu'il croit devoir
prouver que son fruit ne l'hérite pas d'elle — Bernard, Epist. 174 ad canonicos Lugdunenses,
pense que Marie a été exemple du péché acluel, non du péché originel : « Conceplionis feslum
» novum esse, nullo nili legitimo fundamento ». (T. 182 de la P. L. de Migne, col. 332 sq.). —
Lombard, 3, 3 B, explique que la chair dont fut formée le Christ, sujette au péché originel jus-
qu'à sa conception, en fut à ce momenl délivrée par le Saint-Esprit. « Mariam quoque tolam Spi-
» rilus Sanclus in eam prœveniens a peccato prorsus purgavit, ut ei postmodtun peccandi occasio
» nullalenus exsliteril ». Si le S. Esprit a rendu impossible tout péché à la Vierge après la con-
ception, c'est donc qu'avant elle était sujette au péché, donc à la tache originelle. C'est en vain
que l'édile. ir du xvue siècle, le docteur de Sorbonne J. Alleaume, ergote contre celte évidence. —
S. Thomas, Summ. theol., lerlia, 27, 2. — S. Augustin est formel : le Christ est la seule créa-
ture humaine qui ail été exemple de la lâche originelle: la Vierge, conçue « ex concupiscentia
» parenlum », y a été soumise, Contra Jutianum Pelagianum, 5, 15, 22 (Migne t. 10, col. 813).
Même idée, mêmes termes, dans Opus imperfectum contra Julianum, (3, 22 (Migne t. 10,
col. 1553); le De Genesi ad lilteram, 10, 18, 32 (Migne t. 3, col. 422); et le De fide ad Petrum
qu'allègue Lombard, /. c. — De Jérôme je n'ai trouvé qu'un texte assez vague, Dialogus adver-
176 JEAN B0D1N
raison que ie mestonne que tant de grands hommes qui ont esté reconneus
pour Saincts par l'Eglise romaine pendant tant de siècles soient maintenant
accusez dheresie (m) (A).
Coroni. — L'Eglise romaine (n) ne peut errer par ce que Ion ne parloit point
encores dheresies du temps de S. Bernard et de Lombard (B).
ToHALBii. — Ce qui est vray vue fois ne peut iamais eslre faulx par aucune
reuolution dannées.
Octaue. — Passons outre, Adam pouuoit par vn amour extrême mériter
son pardon, par ce que lamourenuers Dieu est incomparablement plus excel-
lent que touttes les victimes de créatures qui luy peuuent estre offertes (o) :
pourquoy donc par vn si grand changement de touttes choses estoit il néces-
saire de faire mourir vn innocent?
Cukce. — Encores que Dieu ne soit forcé dagir par aucune nécessité cepen-
dant il la voulu ainsy : mais de demander pourquoy il la ainsy voulu cest vn
crime et vn plus grand encores de former des contestations sur cette matière.
Coroni. — Ambroi.se (6) dict quil nest pas permis de pénétrer dans les
secrets de Dieu : cependant ie tascheray tousiours de rechercher sa volonté
non pas pourquoy il veut cecy plustost que cella. Et sil est licite de tirer des
coniectures sur les motifs qui lonl obligé a se reuestir de nostre nature et a
mourir par vu supplice honteux, iestime que le principal subiect na esté (»)
que pour nous donner de lhorreur pour le péché et plus dattache a la vertu (C),
comme aussi a fin de nous inspirer plus damour et de zèle enuers sa diuine
[544J maiesté, nous ayant faict beaucoup plus de grâces et de faueurs (p)
quaux anges mesmes au dessus desquels il nous a esleuez (D).
(o) Scotus, lib. 3, dist. 19 (E). — (6) Lib. 1, c. 4 de vocatione gentium(F).
(m) SM attribuent celle phrase à Toralba. D esl conforme à H. — [n) N Ecclesia. MU Ecclesia
Romaria. — (o) JV ea polissimum causa (MU ajoutent fuisse) videtur. — (p) N [homines],
quos majore quant angelos dignitate ac prœstanlia cumularet. MD cumularat.
sus Pelagianos, 1, 16 (Migne t. 2, col. 511), où il nous l'ait remarquer que si Marie se dit bien-
heureuse, c'est par la boulé du Dieu qui habite son sein, non par ses propres mérites. Doit-on en
conclure que, sauf la conception de Jésus, Marie esl, aux yeux de Jérôme, semblable à nous?
(A) M semble avoir raison d'allribuer celle dernière phrase à Toralba : c'est Toralba qui, sur
ce sujet, va riposter à Coroni Nolez encore la ressemblance de II avec D, mêmes dans ses fautes.
(B) C'est la défense qu'employait Federich, p. 540, contre ceux qui incriminaient la variation
des symboles. Il n'y a pas à condamner Bernard ni Lombard, parce que dans leur temps la ques-
tion de l'Immaculée Conception n'ayant pas encore été violemment controversée, l'orthodoxie
n'avait pas eu à prendre position. A cet argument, Coroni, en bon catholique, ajoute celui de
l'infaillibilité de l'Église.
(C) Omission. MD sic enim, quantum a sceleribus abhorreat, intelligamus, = apprenons
par là (c'est-à-dire par la grandeur du sacrifice qu'il s'est imposé pour nous) combien il déteste
le péché.
(D) En s'offrant lui-même comme hoslie pour le salut des hommes, ce qu'il n'a pas daigné faire
pour les anges.
(E) Scot., 3, 19, q. 1, « Utrum Chrislus merueril omnibus nobis graliam et gloriam et remis-
» sionem culpae et pœnae », exprime en effet celle idée.
(P) De vocatione genlium, 1, 4 (Migne t. 4, col. 1087). Même idée Hexameron, 1, 3, 9 (Migne
t. 1, col. 127), etc.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 177
Tohalbe. — Gella se peut persuader aux chrestiens e( aux ignorans mais
nullement aux philosophes quun Dieu éternel ayt demeuré pendant vue infi-
nité de millions dannées immuable et que ce mesme Dieu depuis quelques
siècles soit descheu de cette nature excellente pour se reuestir d'vn corps
comme nous composé de sang [q) de chair de nerfs et dos et pris vue ligure
nouuelle pour sexposer aux tourmens dune mort ignominieuse et a la puis-
sance infâme des bourreaux (r) a lin de ressusciter et de porter dans le ciel (s)
cette masse corporelle, ou iamais auparauant il nen estoit entré (A).
[Octave repose l'éternelle question : en Christ la divinité, indissolublement
liée à la nature humaine, a donc pâti, est donc morte? Curce répond en expo-
sant les hérésies des Sabelliens, qui ne distinguent pas les personnes, et des
Nestoriens, qui distinguent absolument l'homme du Dieu. Toralba observe que
h- fait d'être composé est contraire à l'essence, qui est simple, de la Divinité,
544-546. A quelles absurdités (causes des querelles entre les sectes catholi-
ques, luthériennes, zwingliennes) n'amène pas le dogme de la double nature
du Christ ! Forcés de lui donner l'ubiquité, attribut divin, et de ne pas séparer
ja nature humaine de la divine, nous sommes contraints d'imaginer toutes
les parties de son corps à, la fois partout, et même les unes dans les autres,
les pieds dans le cerveau, etc., 546-549].
Cercle vicieux.
[549] Fedehtch. — Toralbe simagine quil faille peser les choses diuines au
poids des Philosophes. Cest pourquoy il ne peut pas concepuoir que Iesus
Christ soit Dieu, mais sil pouuoit comprendre cette vérité, il nemployerait pas
la subtilité de ses arguments pour la combattre. Aussy ie luy pardonne
comme S. Paul faisoit aux Iuifs et aux Gentils quand il disoit : sils auoient
conneu Dieu, ils ne lauroient pas mis en croix (B).
Salomok. — Il me semble que ientends parler de lempereur Caligula qui de
la mesme façon excusoit les ambassadeurs iuifs en leur disant auec vue cer-
taine douceur quils estoient de bonnes gens et bien simples (C) de ne pas
vouloir (a) le reconnoistre pour Dieu. Ainsy (b) Federich nous accuse il de
[q) N humani (MD humanam) sanguinis concretionem. — {r -V ah iniquitatis (?) carnificibus.
MD ab inquinatissimis carnificibus. — (s) N omet in cœlum. — (a) N non enim (MD Lamen)
reputare Caligulam Deum esse. — (b) N I laque (?), MD Ita.
[h) Toralba renouvelle son inveclive contre l'Incarnalion (cf. supra, p. 416, 449, 478, 541),
el H atténue, comme supra, pp. 308, 309, 336, les violences du texte contre un mystère révéré :
MD ac corpoream molem, ossibus, carnibus, ligamenlis, humoribus ac pulpa concrelam, in
cœlum, ubi nunquam visa erat, subveheret.
(B) I Cor., 2, 8.
(G) Caligula, d'abord furieux du refus qu'avaient l'ail les Juifs de l'adorer, s'était apaisé : « telle
» ment qu'e>tant deuenu plus doux, dit ces paroles : Ces hommes ne me semblent eslre si mes-
»> chans que malheureux et fols, ne croyans point que ie suis participant de la nature diuine ».
Philon, Des vertus et de l'ambassade faite à Caïus, trad. Bellier, p. 1129 (Cf. p. 266 note D).
Chauviré 12
178 JEAN BODIN
simplicité (c) par ce que nous ne voulons pas reconnoistre pour Dieu le fils
cTvn artisan (A).
En Christ, continue Toralba, le Dieu, infaillible, impeccable, n'a pu mériter,
puisqu'il n'avait pas le choix entre le bien et le mal, ni par conséquent nous
racheter. Et l'homme, aux mérites finis, n'a pu expier les péchés infinis
d'hommes innombrables. Federich objectant que telle fut la volonté de Dien,
on revient au point de départ : prouver qu'en effet il l'a voulu, 549. Curce
essaye de le prouver par autorités : Marc, 8, 11 sq. ; Luc, 9, 35 ; Daniel, 9, 24 ;
haïe, 53, 3 sqq. Salomon détruit ces preuves par son interprétation, 551-553.
Senamy, soutenu par Salomon, explique à grand renfort d'exemples que ce
qui plaît à Dieu, c'est le sacrifice des méchants & non d'innocents comme
Jésus, 554. Jéhovah réclame pourtant, objecte Federich, des victimes sans
tache : la plus pure était Jésus. — Possible, réplique Salomon ; mais il répète
sans cesse que, mieux que les sacrifices, repentir et bonnes œuvres effacent
le péché, 556-559.
De la pénitence. Si tous les péchés étaient effacés par la mort de Jésus, dit
Octave, ce serait là assurer l'impunité aux pires crimes. Dieu, ajoute Salo-
mon, promet rémission entière au sincère repentir, dès l'ancienne loi & sans
parler de Jésus. Coroni réplique que nos œuvres ne valent que par la rédemp-
tion, en l'honneur de laquelle il entonne un cantique en vers grecs, 559-
5631.
De la pénitence : pour et contre la confession. — Doctrine protestante
de la grâce. — Question du péché originel.
j563] Salomon. — Voila vn beau cantique et ie ladmirerois nestoit que cest
vne louange quun homme donne a vn autre homme. Mais sil est véritable que
par la mort du Christ la vie est donnée et que les péchez sont effacez, pour-
quoy faire pénitence? pourquoy confesser ses péchez? pourquoy les euesques
chrestiens (B) imposent ils des peines aux meschans? la loy de Dieu demande
(c) -Y nostram. MD nostrorum simplicitatem excusât. R traduit assurément accusât.
(A) Encore que Salomon, adepte d'une religion, se prétende plus enclin à croire par loi pure
que Toralba, philosophe (p. 478), dans la pratique, ces deux esprits s'accordent à demander aux
religions chrétiennes, qu'ils combattent surtout, les mêmes comptes dans les mêmes termes.
Curce les unit dans le même reproche d'incrédulité (p. 515). — Si j'ai cité ces deux répliques,
c'est qu'elles me paraissent montrer d'une façon saisissante la vanité des disputes religieuses.
Federich fait appel à la loi ; Salomon se retranche dans sa raison. Evidemment, si Toralba croyait
à l'Incarnation, il ne chercherait pas d'arguments contre elle. Et si Federich s'appuyait seulement
sur la raison, il ne croirait pas. La fréquence avec laquelle Bodin a amené la discussion à cette
impasse (cf. p. 523, noie D) m'a l'air intentionnelle. A un certain moment de la controverse,
pense-l-il, nous arrivons toujours à n'user plus que des arguments efficaces pour nous-mêmes,
inefficaces pour le contradicteur. C'est l'impression qu'on relire en fermant VHept., puisque
chacun, après sept cents pages de discussion, reste terme dans sa première conviction. Cf. mon
Jean Bodin, II, 3, 5, p. 164 sq.
(B) MD chrisliani pontifices, = les prêtres chrétiens. Cf. supra, p. 337 note A.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 179
elle dauanlage (a) aux hommes? C'est pourquoy (b) ie ne trouue rien de plus
détestable (c) que la confession auriculaire, soit par ce quun homme croit
quun autre homme luy donne absolution de ses péchez, qui est la plus haute
des impietez contre Dieu (6) (A), soit par ce que la liberté est ouuerte a touttes
sortes de crimes par lesperance promise du pardon, soit par ce que Ion ne
saccuse iamais des péchez (d) énormes de peur den estre puny (B), soit par ce
que le desespoir du pardon (e) prend sonnent a ceux qui ont honte de confesser
leurs crimes capitaux par ce quil iroit de leur vie (f) sils venoient a eslre
descouuerts (C), soit a cause que pour lexpiation des plus atroces il soit
nécessaire de recourir au pape, soit par ce que les tyrans ont vne voye
ouuerte pour leurs proscriptions & leurs cruautez.
564] Corom. — Pour moy ma pensée est que la confession auriculaire est
vne bride (D) admirable contre le péché, car y a il quelquun assez aueuglé
pour oser commettre vn crime quand il sera persuadé quil nen peut auoir
remission sil ne sen accuse a son confesseur? Il est remarqué dans l'histoire
des Indes que les Peruuiens (g) auant la venue des Espagnols dans leurs
terres quoy que saunages & idolâtres vsoient de cette sorte de confession et
qua peine de la vie il estoit deffendu // a leurs prestres de reueler les péchez
dont on sestoit accusé (E).
Cihce. — Cella peut estre puisquils adoroient les diables qui leur auoient
enseigné cette méthode (FI a fin quils demandassent et espérassent le pardon
des hommes (i) et non pas de Dieu. 0 ladmirable antidote contre la peruersité,
dont Dieu mesme pendant tous les siècles ne sest point aduisé pour empescher
que les hommes ne loffenceassent! mais limpieté est montée iusques a tel
(6) lob., c. 32.
[à] N magis. MD majus. — [b] S quare. MD quanquam. — (c) N non (fautif). M h nihilper-
niciosius cogitari. — (d) N impietales. MD improbitates. — (e) N conscienliœ desperationem.
MD venise desperationem. — [f] N quse si sciantur, capite luenda sunt (faute). MD sinl. —
[g\ N Indos et Peruanos [?). MD Indos Peruanos. — (h) N capitale esse. MD fuit. — (i) ND ut
ab (M omet, à lort, ab) hominibus, non a Deo veniam pelèrent.
(A) Référence inexacte; cf. infra, p. 658, noie 7. Bodin a prétendu citer ici Job, 34, 13 :
« A til [Dieu] donc commis a quelqu'aulre le soin de la terre? et qui est celuy qu'il a eslabli
» pour gouuerner au lieu de luy le monde qu'il a créé? »
(B) De peur d'en estre puny, glose.
(G) « Comme il aduint a vn gentil-homme de Normandie, de confesser a vn Cordelier qu'il
» auoil voulu tuer le roy François Ier : le Cordelier en aduertit le Boy qui enuoya le gentil-
» homme a la court de Parlement, ou il fut condamné a la mort». Rép., IV, 7, p. 443. Est-il
besoin de faire remarquer que Salomon ne fait pas ici le procès de la confession, comme il le
croit, mais des prêtres indignes qui en trahissent le secret?
(D) MD amuletum, = un préservatif.
(E) Gomara rapporte ce fait, non aux Péruviens, dont il parle en son liv. V, mais aux Cioro-
tegas, peuplades du Nicaragua, o. c, VI, 2, p. 457 b : « Tous les prestres se marient, hors mis
» ceux qui escoulent les péchez des autres, et commandent la pénitence selon le delict, et n'ose-
» roienl reueler la confession, sur peine de chasliment ». Cf. Démon., I, 3, p. 79.
(Fj Contresens. MD Cum dœmonibus inservirent [Peruani], cui dubium esse potest, quin
eliam hune morem ab iis didicerint et expresserint, = Les Péruviens adoraient les démons;
dès lors, peut-on douter qu'ils ne leur aient emprunté aussi cette coutume? — Sur les faux dieux
considérés comme des diables, cf. p. 258 note A.
180 JEAN BODIN
excès (j) quil y en a beaucoup qui pensent (k) que mesmes sans auoir regret
les seules parolles que le prestre prononce absoluent le pénitent et luy effacent
ses péchez les plus énormes. Cependant loraison de Manasses (A) roy de Iuda
nous enseigne combien (/) la contrition est nécessaire au pardon : Vous auez
ordonné (dict il) la repentance par vostre bonté infinie a fin de sauner ceux
qui par la instice de vos loix & de vos iugemens éternels (m) debuoient
périr (7).
Fedehich. — La mort de Christ na point effacé les péchez de ceux qui long
temps auparauant en auoient faict pénitence ou qui en auoient esté punis par
sa Justice, ny de ceux qui nont eu aucune confiance [565] en la venue du
Messie, ny de ceux qui ont refusé la médecine que Christ leur a offert pour
recouurer leur salut, mais ceux qui se sont preualus du bénéfice gratuit de
Iesus Christ et se le sont appliqué se sont non seulement garentis de la coulpe,
mais encores (n) de la peine quelque légère quelle puisse estre.
Octale. — En vérité cette maxime me semble bien pernicieuse assauoir que
sur cette confiance que le plus scélérat de tous les hommes prend en la mort
de Iesus Christ il mérite la remission de tous ses péchez (o). Car quest ce
autre chose que par vne telle impunité d'offence proposée, sinon ouurir la
porte a touttes sortes dimpietez (B)?
Fedehich. — La mort de Christ a seruy principalement et a esté nécessaire
a lhomme pour nettoyer cette malheureuse tache originelle.
Tohalbe. — Si le péché n'est que dans la volonté ainsy que tous les Théolo-
giens (8) (C) le reconnoissent il ny peut auoir de péché originel par ce quen
(7) In oratione Manasses. — (8) Augustin., lib. 1 de libero arbitrio. Petrus
Lombard., lib. 3.
(;) ND Al (M eliam, interpolation) eo processif impietas, ut etiam, etc. — [k) N plerumque.
MD plerique obliterari paient. — (l) N Pœnilentia vero quanta (MD quanti, préférable) sit ad
veniam adipiscendam docet (MD docnit) Manasse (MD Manasses). — (m) Afomet œternis. —
[n N omet etiam. — [o) MD ut ex ea (N omel ea) fiducia, quam... quisque lemere arripint (N
accipiat), peccalorum omnium (N omel ce mol) veniam adipisci mereatur.
(A) La prière de Manassé, captif en Babylone, se trouvait (cf. II, Paralipomènes, 33, 19) dans
les livres d'Hozaï, qui sont perdus. C'est un fragment non canonique, dont on n'a plus que la ver-
sion latine (cf. Ellies du Pin, o. c, t. 1, p. -63). On le trouve entre les Parai, et Esdras.
(B) On voit donc Octave, contre la théorie protestante de la grâce seule efficace, comme tout à
l'heure Salomon contre la confession auriculaire des catholiques (p. 563, et Octave encore,
p. 559), préoccupé avant tout de défendre deux notions qui lui semblent essentielles : liberté et
responsabilité de la conscience. Par;elles, et par elles seules, sont rendus possibles la moralilé
des âmes, leur mérite aux yeux de Dieu, leur récompense. Et dans le même esprit, Salomon
soutiendra tout à l'heure (infra, p. 658) qu'un repentir de la dernière heure ne suffit pas à effacer
les crimes : il y faut une longue contrition et la réparation par les bonnes œuvres. Bodin a
exprimé ces idées tant de fois dans VHept., et par des bouches si autorisées (Salomon), qu'on
peut sans doute les lui allribuer à lui-même.
(G) Bélérences fausses. Corrigez : Augustin, De libero arbitrio, 3 (comme le prouve infra,
p. 588, note 2), 17, 49 : « Volunlas est prima causa peccandi », ou 3, 18, 50 : « An aliquis peccet
» in eo quod caveri non potesl », (Migne t. 1, col. 1294); — et Lombard, 2, 41, qui cite de
nombreux textes d'Augustin, pour montrer que le péché n'est que par l'intention. Cf. aussi 2, 32,
n. 14. — Sur ce poncif de Bodin, voyez supra, IV, p. 227 notes E et F.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES J81
naissant nous nauons point de volonté (p). Que si la question de la Trinité est
si espineuse (A) et plus difficile encores celle de l'incarnation dun Dieu comme
aussy celle de lascension de cet homme Dieu dans le ciel et beaucoup dautres
de cette qualité contraires aux loix diuines et de la Nature, il fault chercher a
les esclaircir.
Cuhce. — Quil ny ayt point de péché originel cella ne peut estre par ce que
Ion ne trouue rien plus souuent (B) dans les vieilles et nouuelles tables de
lescriture.
Salomon. — le ne fais point de double qu'Adam ayt péché non pour auoir
mangé la pomme deffendue que sa femme luy présenta (7) comme le vulgaire
et les enfans le croyent mais pour auoir destaché son esprit de la [566] con-
templation des choses dignes de luy en se laissant surprendre aux atlrais des
sensualitez en sorte quil sy donna tout entier, ainsy que les plus subtils dentre
les Théologiens dentre les Hébreux (Cj lexpliquent et disent que par le mot de
femme sont, entendus les sens corporels comme par celuy de mary lentende-
mentet par le serpent est signiffiée la volupté (D), laquelle ainsy quun serpent
se glisse dans les parties les plus secrètes de nos corps et trouue facilement
lentrée de tous nos sens, dont la principalle force est aux dens dont il se coule
dans le ventre (r). Mais de quelque façon qu'Adam ayt péché (Y pourquoy ce
péché passeroit il a sa postérité? car (t) (E) si les péchez passoient a nos
descendans leurs vertus y deburoient aussy passer, et plustosl que les vices,
par ce que dans toutte la nature les biens sont tousiours plus puissans que les
maux, comme nous lauons prouué cy dessus (F). Or (m) tous les philoso-
(p Y peccandi. MD peccati voluntas. — (q) N omet aut ah uxore oblala [poma] gustaret.
— r MD in venlrem reptare solet. S in ventre. — (s) MD sed utcumque peccaverit Adamust
N peccavit. — 1 1) ND aut. M at. — (u) MN at. D ac.
(A) Contresens qui rend la suite des idées inintelligible. MD quod si ita est anxia de trinitale
disputalio ac multo difficilior de incarnatione divinitatis, etc., diluuntuv. il faut mettre après
quod si ita est une virgule, dont le manque a égaré H, et entendre : dans ces conditions (= s'il
n'y a pas de péché originel), toutes les questions épineuses, Trinité, Incarnation, Ascension,
disparaissent, puisqu'elles sont étroitement liées à la rédemption, qui disparaît aussi.
(B) Que l'affirmation du péché originel. Job., 14, 4 et 15, 14; Psaum., 50, 5: Ad Rom., 3, 9 et
23; 5, 12, etc.
(C) « Ces propos [sur la faute d'Adam et Eve mangeant la pomme défendue] ne sont point
» fables coutrouuées, mais sont certaines façons de parler qui tendent à l'allégorie : a sçauoir
» quand on veut dire ou représenter autre chose que celle que l'auditeur attend et pense qu'on
» doibue dire ». Philon, De la création du monde, p. 64 sq. El tout ce développement de Bodin
sur le sens allégorique de la légende de la pomme est emprunté à Philon, De la création du
monde, pp. 64-67; Allégories de la Bible, II, p. 132 sq. et III, pp. 160-167 et 226 sqq.
(D) « Le serpent est la figure et signe de la volupté, pour Irois raisons: la première parce qu'il est
» sans pieds et se traisne sur le ventre; la seconde, parce qu'il a pour sa nourriture les moles de
» la terre; la troisiesme, parce qu'il porle en ses dents le venin par le moyen duquel il a accous-
» lumé de faire mourir ceux qu'il a mordus ». De la création du monde, p. 65. — On remarquera
que Philon autorise N in ventre reptare, contre MD in venlrem reptare. B. a suivi MD, comme
d'habitude.
(E) ND aut, = ou bien alors. M at, — mais alors.
F) Hept., III, pp. 150-166, où on a prouvé qu'en ce monde le bien l'emporte sur le mal, pour
combattre le manichéisme qui les met en balance.
182 JEAN BOIM.N
plies (9) aussy bien que tous les théologiens (1) (A) ont reconneu par vne
longue expérience que les vertus ne se transfèrent point a nos héritiers ny
partant les vices (u), les contraires marchans tousiowrs soubs vne semblable
discipline (x) (B) : dou il sensuit quil ny a aucun péché originel.
[Aux autorités (concile de Trente, Augustin) Toralbo oppose sa raison :
avec Pelage il pense qu'à sa naissance l'homme est pur comme Adam et peut
faire son salut sans la grâce, 567. Il est si vrai que l'enfant hérite les fautes
comme les mérites de ses pères, que Jéhovah poursuit les coupables jusqu'à
la 3e et 4e génération. Salomon le nie, avec de pénibles arguties, 568 sq.
Toralbe établit de nouveau le lien de cette incroyable Incarnation avec
l'existence du péché originel. Federicb réplique en alléguant des autorités-
Octave montre qu'avec le péché originel, nous pouvons rejeter sur Dieu la
responsabilité de nos fautes, 570-572. Si nous commettons des péchés invo-
lontaires, continue Toralbe, nous sommes plus à plaindre qu'à blâmer. Le
baptême, ridicule chez des enfants inconscients, inutile après la Rédemption,
est un scandale, si les chrétiens croient par là effacer les péchés même à
venir. Non, disent Coron i avec le concile de Trente, et Federicb qui préfère
l'autorité des apôtres, le baptême nous met en état de grâce, mais ne nous
enlève pas la propension au mal, qu'il nous faut dompter, 573 sq. Federicb
attribue le péché originel à la fusion du corps et de l'âme. — Non : il n'y a pas
d'action ni de réaction possibles de l'un sur l'autre, puisqu'ils sont absolument
différents, 566 bis sq. Toralba montre que les hommes semblent bien ne pas
différer de valeur morale, suivant qu'ils ont ou non reçu le baptême : exemple
des grands hommes de l'antiquité, 569 bis. Salomon contestant que le baptême
diminue notre propension aux voluptés criminelles, Curce lui demande quel
est alors le sens de l'histoire d'Adam, 571 bis sq.].
Sens allégorique de l'histoire d'Adam. Chacun est à soi-même
son propre Adam.
573 bis] Curce. — A quel subiect donc a on faict cette histoire diuine de
la cheute d'Adam, de la reprimende quil en receut et de sa punition dont les
lettres sacrées rendent vn lesmoignage si authentique (1) (C).
(9) Aristot. in Ethicis. Plato in Memnone. — (1) Scotus, lib. 2 sententiarum.
— (1) Cap. 2 Gènes.
v M /> non possunt igilur transfundi peccata. N non poterunl (?). — (x) MD cum eadem sil
contrariorum disciplina. N contraria ? .
(A) Arislote montre que la vertu n'est pas innée en nous, mais résulte de l'effort, stabilisé par
l'habitude, Morale a Nicom., 2, 1. — Platon, Memnon, 31 (éd. H. Estienne, p. 93 a) montre que
les entants n'héritent pas la vertu des parents, parles exemples de Thémislocle, Aristide, Thucy-
dide. — Scot montre que la semence des parents n'est pas tout, et que l'hérédité des corps n'en-
traîne pas celle des âmes, Sentent., 2, 32, q. 1.
(B) Il veut dire que les mêmes lois régissent les contraires. C'est un de ses procédés favoris de
discussion que l'énoncé de ces principes de logique qui sentent si fort la scolastique encore.
Voyez mon Jean Bodin, 2, 1, p. 103 sqq.
(G) Genèse, 3 (et non pas : 2).
DES SECRETS CACI1EZ DES C1I0SES SUBLIMES 183
Salomon. — Vous ne sçauez donc pas, Curce, que cest vne belle el diuine
allégorie. Chacun est son Adam a soy mesme (2) (A) : et tout ce qui est arriué
a Adam arriue a tous ceux (a) qui sabandonnent esperduement (b) aux sen-
sualitez aux attrais des voluptez et aux charmes des lasciuetez et qui mettent
le souuerain bien dans lentiere satisfaction de leurs sens, et la fin de leurs
maux (B) a esuiter les douleurs et les afflictions. Et comme il est escript
qu'Adam est reuenu a soy et a faict pénitence cest a dire quil sest destaché
des délices des sens pour sappliquer a la contemplation des choses qui despen-
dent de lentendement, ce qui est (c) iouïr du bois de vie et que Salomon (3)
appelle la véritable sagesse (C), puis après il engendra Seth (D) homme vraye-
ment diuin et tout semblable a luy (d) : ainsy nous arriue il quand nous auons
sorty de la droicte voye et que nous nous sommes plongez dans le salle bour-
bier des sensualitez, enfin nous en sortons & nous rentrons dans le droict
sentier. Et encores que Dieu eust predict a Adam quil mourroit pour auoir
mangé du fruict (e) de larbre de prudence (luge (E) du bien et du mal) ce nest
pas a dire (f) quil layt condamné a vne mort éternelle : mais comme il est
miséricordieux il nimpose iamais que des peines [574 bis] moindres que le
péché et plus leigeres mesmes que celles que les loix ordonnent. Il offre
(2) Philon Iuif dans ses Allégories de la Bible. Et Léon Iuif au liure de
l'Amour. — (3) Prouerbes, c. 3, 11 et 13.
a V eadem contingunt in omnibus, qui... MD Us omnibus. — [b] N delectantur. Ml) oblec-
tantur. — (c) Nid est. MD id enim est. — (d) .V ad sui ipsius (MD unius) imaginent. — e: MD
ac tametsi Deus Adamo preerfirisset tune (N hune [?]) moriturum cum fructum (X fructu [?])
arboris prudenlise... degustavissel. — (f) MD non propterea. X prœlerea, faute.
A Léon le Juif (cf. p. 276, note), 3, pp. 227-249, compare l'histoire d'Adam el Eve à celle des
androgynes conlée dans le Banquet de Plalon et l'explique allégoriquement. — Pour Philon, on
connaît son procédé : les personnages de la Bible représentent les facultés ou les appétits de
notre âme; les préceptes, même les plus formalistes et les plus étroitement juifs, ont un sens
caché et tendent à notre perfection intérieure. Ainsi « le plus grand'et plus aggreable sacrifice
» que l'homme de bien et entier peut faire à Dieu, c'est de soy mesme estant purifié par luy »
Démon., 1, 2, p. 71 ; cf. 3, 1, p. 319) : voilà ce que Philon voit dans les minuties du Lévilique.
L'allégorie d'Adam est empruntée aux Allégories de la Bible, 3, passim, en particulier pp. 160 sqq.
et 227 sqq. Mais Bodin n'y en trouve que l'amorce : Adam considéré comme l'entendement, Eve
comme le sens brutal, le serpent comme la volupté tentatrice (cf. supra, pp. 5(15-566 et notes).
Il continue ensuite à son propre compte, avec une érudition el une subtilité dignes de Philon.
L'allégorie était d'ailleurs, à force de pareilles lectures, devenue un goût personnel chez lui :
voyez celle, originale, je crois, de la course de chevaux, infra, p. 611.
B Contresens : NMD in doloribus vero el œrumnis adeundis malorum finem posuerunt,
= [les voluptueux qui] ont placé le comble du malheur dans le fait d'affronter la douleur et l'in-
fortune. Pour l'homme sage et religieux, explique Philon, la vraie misère, c'est de s'abandonner
à la volupté. Le voluptueux supporte la douleur malgré lui, comme l'esclave, les coups; mais le
sage s'y expose volontiers, comme aux coups, le lulleur. Allégories, 3, p. 211 sq.
(C) <■ Elle [la sapience] est l'arbre de vie à ce-ix qui la prendront : et qui la tiendra il sera
» bienheureux ». l'rov., 3, 11. Cf. 11, 30 et 13, 12.
(D) Genèse, 3 à 5.
(E) Erreur. B a lu certainement boni ac mali iudicem au lieu de indicem. Allusion à Genèse,
2, 17 : « Mais de l'arbre de science du bien el du mal, tu n'en mangeras point : car dès le iour
» que lu mangeras d'iceluy, lu mourras de morl ».
18-4 JEAN BODIN
encores a Adam vn remède salutaire en luy disant : Peut estre (A) coupera il
du bois de vie & vinra éternellement [g).
Federicu. — Salomon sest pris luy mesme dans ses propres filets. Ne voyez
vous pas.(/i) (B) que par ce bois salutaire de vie est désigné manifestement le
bois de la croix de Christ (i) en qui nous debuons (/) mettre tout lespoir de
nostre salut?
Salomon. — Cette explication ne conuient non plus aux parolles qu'vne
chose ronde a vue chose quarrée. Car il y a le mot hébreu qui (k) signiffie
fruict, el non pas bois. Et tout ainsy que la résipiscence d'Adam luy a rendu
son innocence & engendre son salut éternel : ainsy il est permis a vn chascun
de nous (et le sera tousiours par la grâce de Dieu qui ne manquera iamais a
personne) de quitter les conuoitises desordonnées pour rentrer dans la droicte
raison et passant des sensualitez a la méditation des intelligences (C) acquérir
cette vie salutaire & éternelle sans aucune immolation de bestes ny mort
dhomme.
[Dans un cantique en octosyllabes, Octave proleste contre la rancune des
chrétiens à l'égard d'Adam, prétendu corrupteur de l'humanité. Adam a payé
ses faules. Nous paierons les nôtres. Nous sommes libres et responsables de
nous-mêmes, 574 bisoll. La faveur de Dieu pour les grands hommes de
l'Ancien Testament prouve l'inexistence de la tache originelle, 578. Ne croyons
pas, continue Octave, que si Adam est mort, c'est en punition du péché ori-
ginel : c'eût été pour lui une destinée misérable que de ne quitter jamais sa
prison de chair, 580. Curce exposant que S. Paul, Gai., 2, 16 et 5, 4, a déclaré
la loi impossible à suivre sans le secours de J.-C, Salomon lui oppose des
textes, Ps. 118, 86; Pruv., 4, 4, où Dieu promet sans restriction le salut aux
observateurs de sa loi. Puis il entonne un cantique de son cru, 582-586.
Coroni prétendant que la loi est seulement un acheminement à la nouvelle
alliance, Salomon rétorque que Moïse, si complet & si minutieux, n'a jamais
soufflé mot d'un rédempteur : c'est que l'homme est, grâce au libre arbitre,
mis à même de mériter ou non son salut, 5871.
(g) MU vivel seternum. N in seternum. — (h) N non. MD num. — (i) N omet Christi. — (,/] N
debemus. MU debeamus. — (k) ML) qua significalur (antécédent : vox hebraïca). N quo.
(A) Dieu a plutôt l'air de le redouter que de l'espérer. 11 chasse Adam du paradis terrestre,
» de peur qu'il n'auance la main, et prenne aussi de l'arbre de vie, et en mange, el viue a tous-
» ioursmais ». Genèse, 3, 22.
B) MD num. Cf. p. 223 note B.
(C) Du monde des sens an monde de l'entendement pur, MD asensibus adintelligibilia. Pensée
et expression sont de pur Pbilon. — En ce qui concerne l'inutilité des sacrifices, cf. Philon, Des
sacrifices, cité p. 573 bis note A : el Hept., IV, p. 273 : « (Je ne l'ut que par sa bonté [de Dieu] et sa
» prouidence que Vespasian l'empereur (il brusler le temple de Hyerusalem ou il estoil permis de
» sacrifier des bestes et non ailleurs, a fin que nous sçachions que ce nesl pas par des troupeaux
» de bœufs et de moutons présentez en sacrifice que nous pouuons effacer nos péchez el en obtenir
» le pardon ». Sur les sacrifices humains, cf. p. 271 ^histoire de la fille de Jephté) et note C.
DES SECRET» CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 185
Le problème du libre arbitre, en lien étroit avec ceux de la grâce
et du péché originel.
15881 Curce. — Qui est ce qui ne sçait pas (a) qu'Adam par son péché ainsy
que sa postérité n'ait perdu le libre arbitre que Dieu luy auoit donné ?
Goroni. — II a esté ainsv arresté dans la confession d'Augsbourg et plusieurs
instruicts de la nouuelle religion ont esté de cette opinion contre ce qui est
porté par les statuts de l'Eglise romaine (A). Et en effect en quoy les hommes
seroient ils différents (b) des brutes si Ion leur oste la volonté?
Federich. — La volonté de faire mal na point esté ostée a Adam, mais celle
de faire bien. Car (c) (dict S. Paul) (1) ie ne fais pas cella par ce que ie veux
bien faire, mais par ce que ie ne veux pas faire mal, ie fais cella (B).
Toralbe. — Expliquez moy, ie vous prie, comme lentend S. Paul. Car si
nous nous en rapportons a ce quil escript nous naurons plus la liberté de
faire ny bien ny mal (d) et il ne faudra plus establir de recompense pour le
bien et de punition pour les crimes. Car y a lil lieu de reprendre celluy qui
pèche par nécessité ? dira ton qu'il mérite chastiment quelque leiger quil
puisse estre, puisquil ny a point de péché que dans la volonté (2) et mesmes de
propos délibéré (C) ? Que si nous aduouons qu'on punit les criminels auec
équité par ce quils [589; ont e) libre la volonté de faire par laquelle ils
peuuent donner vne bride aux conuoitises effrénées et mesmes forcer les
(1) Ad Roman., c. 9. — (2) Augustin., lib. 3. de libero arbitrio (D).
(a) ND dubilat. M dubitet. — 6) V differt. MD différai. — (c V Nonne inquil Paulus : quod
volo bonum, hoc non ugo. MD Sun enim, inquit Pau lus, quod volo bonum, hoc facio. — (d) N
nec bene nec maie anendi locus ullus homini relinquitur nec eliam... MD relinquelur nec
item... — [e] N haberent. MD habent.
(A) Faux sens. MD contra quant [sententiam] ecclesiœ Ro7nanse omnibus sententîis decretum
videmua, = opinion que l'Eglise romaine a combattue dans toutes ses décisions. — On connaît
la querelle célèbre de Lullier et d'Erasme sur celte question, l'un écrivant un De libero arbitrio,
1524, auquel l'aulre réplique par son De servo arbitrio, 1525. Au moment de la confession d'Augs-
bourg, 1530, « Luther éloil revenu des excès qui lui faisoient dire que la prescience de Dieu
» melloit le Libre-Arbitre en poudre dans toutes les créatures; et il avoil consenti qu'on mît cet
» article dans la confession d'Augsbourg : Qu'il faut reconnoîlre le Libre-Arbitre dans tous les
» hommes qui ont l'usage de la raison non pour les choses de Dieu, que l'on ne peut commencer
» ou achever sans lui, mais seulement pour les œuvres de la vie présente et pour les devoirs de
» la société civile. Art. XVIII ». Bossuet, Hist. des variations, Paris, Lemercier, 1743, in-4°, I,
p. 143. A quoi le concile de Trente réplique : « Si quelqu'un dit que le libre arbitre de l'homme
» n'agit pas plus qu'un être inanimé et demeure passif, qu'il soit analhème ! » Sess. 6 de htstifica-
lione, can. 4. Plus lard, les Luthériens, dans leur Concorde de 1580, employèrent des formules
beaucoup plus tranchantes contre le libre arbitre. Cf. Bossuet, o. c, VIII, 48 sqq. et pp. 329 sqq.
B Non-sens. Voici, référence corrigée, le texte : « Car je ne fais pas le bien que je veux, mais
» je fais le mal que je ne veux pas... Lors donc que je veux faire le bien, je trouve en moi une
» loi qui s'y oppose, parce que le mal réside en moi ». Ad Rom., 7, l'.l Ce verset est signalé à
Bodin par Aagukl\n,Retractation., 1, 15, 2, qui a beaucoup frappé Bodin (cf. supra, $. 227, note P)
et où Augustin discute précisément la valeur morale du verset.
(C) Inexact. MD immo quidem spontaneum, — et qu'il n'y a même péché que dans le propre
mouvement, l'initiative personnelle du coupable. Un crime, conseillé, est moins grave.
'D) Cf. supra, pp. 565 et 227, notes.
186 JEAN B0D1N
astres (3) comme dicl Ptolomée dans son Centiloque, enfin quelle est cette
pensée doster a lhomme lusage de la raison, cest a dire la liberté de vouloir
quoy que Ion ne puisse pas appeller volonté ou il y a contraincte. Cest pour-
quoy ceux la sont dispensez de la loy que la force vne crainte iuste ou la
fureur auront induict a quelque action (A).
Coroni. — Pour moy telle est mon opinion que ceux la qui ostent a lhomme
le libre arbitre pour bien faire cherchent les moyens de cacher leurs crimes
et ouurent la porle a touttes sortes de vices (f) a fin de rappeler cette malheu-
reuse nécessité des Stoïques condamnée par tous les Théologiens et par tous
les Sages : dou est sorty ce paradoxe : plusieurs seront damnez a toutte éter-
nité lesquels encores quils leussent souhaité ardemment nont cependant iamais
sceu faire bien et dautres tellement destinez a la grâce quil ne leur eust pas
esté possible de faire mal quand bien ils leussent voulu (B).
Toralbe. — Ce discours rustic (4) (C) de gens paresseux et ignorans doibt
eslre faict plustost pour rire que pour raisonner. Tout de mesmes que cet (g)
Académicien (5) qui éluda la proposition dun certain Stoïcien qui le consul-
toit pour sauoir sil se marieroit pour auoir des enfans par cette repartie :
Pourquoy voulez vous mettre vne femme dans vostre maison? c;ir si vous
voulez auoir des enfans, vous en aurez bien sans femme.
(3) Ptolemreus in Centiloquio (D). - (4) "Apyo; Xoyoç, oratio iners. —
(5) Origenes contra Celsum (E).
(/') N flagitiis omnibus portas aperire. MD omnium. — (g) N quidem. MD quidam Acade-
micus.
(A) Cf. su/ira, p. 351 note E.
(B) <• Celle certitude que Luther reconnaissoil seulement pour la justification, fut étendue par
» Calvin jusqu'au salut éternel : c'est-à-dire qu'au lieu que Luther vouloil seulement que le fidèle
» se tînt assuré d'une certitude infaillible qu'il éloil justifié, Calvin voulut qu'il tînt pour certaine,
» avec sa justification, sa prédestination éternelle ». Bossuel, Var., 9, p. 337.
(C) L'argument paresseux est un des sophismes de la dialectique antique et a pour but de
décourager toute initiative. Voici l'exemple qu'en donne Cic, DeFato, 12 : Si vous devez guérir,
vous guérirez. Si vous ne devez pas guérir, vous ne guérirez pas. Dès maintenant le deslin a
fixé l'un ou l'autre : le médecin est donc inutile. Bodin, avec un pédanlisme digne de son temps,
et qui a égaré B, compare le dogme de la prédestination à Y argument paresseux : tous deux
détruisent l'énergie et la valeur morale de l'homme.
(D) « Polest qui sciens est mullos stellarum affectus averlere, quando naturam earum noverit,
» ac se ipsum anle illorum eventum pra?parare ». PLolémée, Les cent aphorismes ou Fruit, sen-
lentia 5, dans la trad. lat. jointe aux Astronomiques de J. Firmicus Maternus, Bâle, .1. Herva-
gius, 1533 ou dans celle de Schreckenfuchs, Bâle, Henricpelrus, 1549, in-fol. C'est la doctrine
constante de Bodin (et par où il corrige sa croyance à l'astrologie) que nous ne sommes pas
sujets aux astres absolument. « Aben Esra grand astrologue entre les lui f s dict que les enfans
» d'Israël ne sont point subiecls aux astres, il entend tous ceux qui se fient en Dieu ». Déyyion.,
1, 5, p. 114. Cf. Th. nal., 5, 7, p. 887 et 5, 9, p. S90 sq. ; Rép., IV, 2, pp. 392 el 397. Bodin trou-
vait d'ailleurs cette doctrine dans deux de ses auteurs favoris : Augustin, De civ. Dei, 5, 1 el 6 ; et
Calvin, Contre les astrologues, « ou il [Calvin] a esté conlninct d'aduouor les effects esmerueil-
» labiés des astres : adiouslant seulement que Dieu esl par dessus loul cela et qu'il ne faut rien
» craindre a celuy qui se fie en Dieu ». Démon., I. c.
(E) J'ai lu tout le Contra Celsum sans y rencontrer cette histoire, dont d'ailleurs l'allicisme
m'échappe.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 187
Salomon. — Comme (h) vue erreur en entraisne [590J vue infinité dautres,
ainsy de ce péché originel qui nest rien (A) les Chrestiens veulent oster aux
hommes (i) la volonté de bien l'aire et croient par la quils ont tous (/) mérité
des supplices éternels. Or ce seroit en vain que Ion auroit l'aict (/,;, des loix et
les promesses de Dieu seroient illusoires [l) si l'obseruation des loix diuines
nestoit pas du pouuoir de L'homme ny (m) mesmes de sa volonté (B).
Curce. — Voila (n) qui est fort bien dict, mais ie ne voy pas pourquoy on
donneroitvn libre arbitre a Adam après sa eheute puisquil ne lauoit pas aupa-
rauant. Car si la prescience tic Dieu ne peut estre trompée, il a esté néces-
saire qu'Adam pechast : car Dieu ne preueoit pas seulement les faicts et les
dicts, mais encores touttes les pensées long temps auant qu'elles soient
conceues et iamais ny peut estre trompé. Et partant de faire bien ou mal ne
despend point de nostre volonté, mais dune nécessité : ainsy iamais personne
na iouy du libre arbitre.
Senamy. — Tout ainsy que Dieu veoif comme dans vn grand miroir (o) (C)
vu voyageur qui doibt tomber entre les mains des voleurs par ce quil sest
deslourné de son droict chemin, ce nest pas par ce que Dieu la preueu que
cella doibt estre, mais plustost parce que la chose doibt arriuer Dieu la
preueuë (p). El partant ce nest point par nécessité que les choses que Dieu a
preueuës arrivent.
Curce. — Si la prouidence de Dieu suiuoit les choses humaines, comme
vous le dictes [591], Senamy, son éternelle prescience (q) despendroit de
lopinion incertaine des hommes qui peut changer et estre trompée (D) : ce
(h) MD Ut enim. N Ut. — [i N omet hominibus. — (j) MD om>ies mor laies. N omet omnes. —
(k) MD al frustra leges juberentur. N juberent. — (l) M et inania forent (D ferent, inadver-
tance) dïvina promissa. N promissa prsemia. — (m) MD al ne voluntatis qu'idem. N ac. —
(n) MD Isla (N lia) quidem praeclare. — (o) M e spécula. D e spécule. N de spécula. —
{p) N quia id futuium esse (MD est. seul correcL), Deus (MD illud) prospexit. — {q) M seterna
Dei prœscienlia. ND aeterni.
(A) MD quud nullum esf, — qui est imaginaire. Sur l'idée, cf. supra, pp. 565 note B el 579.
(B) « Or que la grâce, la vie el le salut soyeuL proposés a ceux qui embrasseront la loy nous le
» voyons en mil endroicLs : Fais cella et tu viuras. Elle est ta vie, elle est ton salut. Toulles ces
» promesses de Dieu seront donc des mensonges? Pourquoy le très sage Salomon appelle il la
» loy de Dieu le bois des vies, assauoir de la présente el de celle que nous espérons après celle
»cy? ». Ainsi parlait déjà Salomon, supra, p. 5S4; el il alléguait : Proverb., 4, 4, 13, 22 el 32;
Deuf., 28, 1 à 15 et 30, 11 : « Ce commandement que ie te commande auiourd'huy n'est point par
» dessus toy, et n'en esl point loin »; l'rov., 3, 18 : « Elle [la sapience] est l'arbre de vie a ceux
» qui la prendront ».
(G) M e spécula, du haut d'un observatoire, convient seul au contexte : à quoi servirait un
miroir pour suivre des yeux le voyageur? — A côté de cela, notons la parenté de H avec D jus-
qu'en ses fautes : e speculo.
D) MD ab hominum opinionp mutabili ac fallaci. Tout le couplet de Curce repose sur le
mol opinio (= conjecture; croyance qui atteint la vraisemblance, non la certitude). Celle sorte
de connaissance sied à l'homme, mais non à Dieu, infaillible, qui n'opine iamais (ci. supra, IV,
p. 235, note). — Quant à fallaci, je l'entends : qui peut tromper, décevoir [la prescience de Dieu] ;
ainsi les voleurs peuvent avoir l'intention d'arrêter le voyageur, puis, au dernier moment, étant
des hommes, changer d'avis, el jouer ainsi la prescience divine. Ce qui a égaré B, c'est qu'un peu
plus bas (fallax est ejus [se. Dei] opinio), Bodin l'emploie dans le sens évidenl de sujette à
erreur.
188 JEAN BODIN
qui ne peut pas estre. Car comme la science ou connoissance dune chose pré-
sente se porte a ce qui est présent, ainsy la prouidence de Dieu regarde les
choses qui doibuent arriuer. Pour sçauoir ce que ie sçay présentement nest il
pas nécessaire que cella soit ainsy (»■)? Donc la prescience de laduenir est
pareillement nécessaire en Dieu qui nopine iamais. Ce questant receu il fault
nécessairement que le libre arbitre soit aneanty. Autrement si la prouidence
de Dieu nest pas nécessaire, son opinion est trompeuse (A.), ce quil nest pas
licite de penser. Cest donc inutillement que nous fuyons ce qui est honteux
pour suiure ce qui est honneste.
Tokalbk. — le ne voy point qu' (s) Aristote (B) responde aux arguments des
Sloïques. Car quoy que les choses qui despendent de l'aduenir puissent
arriuer aussitost dune façon que dune autre, elles ne peuuenl pourtant pas
se soustraire a la prescience de Dieu, par ce quil ne preuoit pas les choses
comme devant arriuer, mais comme présentes (6), tout estant présent a Dieu
a lesgard duquel il ny a ny passé ny aduenir (C). Tout est neantmoins libre
aux hommes a fin quil ne semble pas que la prouidence de Dieu (/) despende
de la volonté dun particulier qui est changeante : il preuoit mesmes ces
changemens, cependant le libre arbitre n'est osté a personne (m) pour cella.
Et par cette raison iestime auoir satisfaict aux argumens pernicieux des
Sloïques (v) (D).
Salomon, lui, s'en tient aux oracles de la loi de Dieu : ils ont promis cent
fois la vie éternelle aux hommes qui la mériteraient. Cela tranche à ses yeux
la question du libre arbitre, 592].
[592] Octaue. — Il sensuit donc que Dieu veult sauuer tous les hommes et
quils le connoissent (E).
<ti) Boet. de consolât, philos.
[r MD jam vero id quod scio nunc, necesse est ipsum esse. .Y, à lorl, repousse la virgule
avant nunc. — (s) Ar qui. MD qua ralione. — [t) N providentiel. MD dlvina providentiel. —
\u) MD nec proplerea liberum arbitrium cuiquam (N cuique, peu correct) est ademptum. —
{v) MD fatalium (N falalihus) Stoïcorum argumentis.
(A MU fallax, = sujette à erreur. Ce n'est pas nous surtout qu'elle risque de tromper, c'est
lui.
(B) Allusion aux 6 premiers chap. d'Aristole, Mor. à Nicomaque, liv. 3, où l'auteur expose sa
théorie de la liberté humaine, l 'A', la préface de Barthélémy Saint-Hilaire, dans sa traduction,
pp. 135 sqq.
G) Boèce, De consolalione philosophiœ, lib. 5, prosa 3, metrum 3 et prosa 4 (Migne t. 1,
col. 838 850), montre l'antinomie apparente entre la prescience divine et la liberté humaine, et la
résout, comme l'indique Bodin, en montrant l'impuissance de la raison humaine à concevoir que
Dieu connaisse comme un présent ce qui est pour nous l'avenir; ou, pour mieux dire, que Dieu,
éternel, n'ait pas une pensée soumise, comme la nôtre, à la catégorie du temps.
JD) MD fatalium Stoïcorum argumentis, = aux arguments des Stoïques, partisans du déter-
minisme. Il semble d'ailleurs que R ait traduit un lexle semblable à N falalibus, plus aisé à
expliquer : car argumenta falalia, raisons en faveur de la nécessité du destin, est d'un latin
plus facile que Stoïci fatales.
(E) Entendez : et les amener à le connaître. MD et ad sui cognitionem perduci. — Octave
vient de citer Osée, 13, 9 : « Perdilio tua ex le, Israël, salus vero tua ex me est ».
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 189
Cukce. — Voila vn passage qu'Octaue a emprunté de l'Euangile (/) sil le
veult aduouer (m) : que sil le nie ie diray quil la desrobé.
Fedehicu. — Voire quil faict vn sacrilège.
Salomon. — Il faudroit (n) que Ion eust emporté dun lieu sacré quelque
chose de sacré malgré les gardes (A.), encores que tout ci; qui est de bon (o)
quel qu'il soit dans les escripts des apostres et des disciples ayt esté tiré des
liures de nos ancestres. Or quant a ce que dict Paul (4), Deus vult omnes
saluos |593^ fieri, Dieu veult que tous les hommes soient sauuez, en a
trompé beaucoup lesquels simaginent que Dieu ayt faict ce commandement
par vne volonté souueraine a la puissance de laquelle personne ne sçauroit
résister et par conséquent que personne ne seroit damné (H). Ce que les
Théologiens chrestiens (5) ayant trouué absurde, pour ne rien imputer a
S Paul que de judicieux ils ont donné celte interprétation a ces parolles,
assauoir que Dieu veult que tous ceux la soient sauuez qui le seront. Par la
mesme raison que S. Iean, c. Ie'', dict que Dieu illumine tout (p) homme qui
vient en ce monde, cest a dire tous ceux quil illumine. Mais il vauldroit
mieux effacer ces paroles de Paul & de Iean que de leur donner vne telle
explication.
Senamy. — le ne sçaurois iamais mimaginer que Dieu ayt iamais reprouué
personne (q) auant que de naistre estant clairement escript dans Ezechiel (C)
quil ne se délecte point de la perte dun peuple, combien moins de celle dun
malheureux petit innocent que Ion veut quil [sic] soit destiné a la mort, a la
géhenne et a des tourmens éternels.
[Coroni invoque Origène, Salomon la lettre de Maïmonide Contre les astro-
logues en faveur du libre arbitre, 594-590. Curce déclare qu'on ne peut
accomplir les prescriptions de la loi sans l'aide de J.-C, 597J.
(4) Epist. I ad Tïmolhieum, c. 2. — (5) Petr. Lombard., lib. 2 Sententiarum,
distinct. ï6 (D).
[I) NM ex evangelids (D Evangeliis, faute) seriptis. — [m] ND si faletur. M fateatur, incor-
rect : M même continue si negat. — [n) N oporlet. MD opcrteret. — [oj MD qiadquid utile est,
etc., totum, inquam N omet lolum, inquam. — [p) MD omnem omis par N) hominem. —
<{ SI) quemquam, plus correct dans une prop. négative. M quemcumque.
(A) Salomon définit les conditions juridiques du sacrilège proprement dit : elles ne répondent
pas au délit reproché à Octave. Celte leçon de droit est une façon détournée, et crue spirituelle,
de l'excuser. Cf. mon Jean Bodin, 2, 1, p. 10G note 2.
(B) / ad Tunoth., 2, 4. Je ne crois pas que Salomon attaque ici les calvinistes, lesquels soutien-
nent seulement que tous ceux qui ont la foi et qui sont prédestinés par la grâce divine au salut,
seront sauvés. Car un grand nombre sont, dans leur conviction, prédestinés à l'enfer. Salomon
songe plutôt à ces chrétiens que combat Augustin, de Civ. Dei., 21, 18, et qui pensent qu'aucun
homme ne sera damné au dernier jugement.
(C) Ezechiel, 18 et 33, passim. — On a d'abord peine à comprendre le lien de la réflexion de
Senamy avec ce qui précède; toutefois il apparaît bientôt qu'elle aussi est une protestation
contre toute doctrine qui, par la prédestination, ruine le libre arbitre, la responsabilité, le mérite
ou démérite, etc.
(D) Référence erronée. Lisez : Lombard, I, 40, C. — Voici le texte de Jean, 1,9: « C'était la
» vraie lumière, qui éclaire tout homme venant au monde ».
190 JEAN BODIN
La loi juive n'est pas impossible à suivre et ne rend pas le salut
inaccessible, comme le voudrait saint Paul.
[597] Salomon. — On remarque souuent que S. Paul tronque les termes de
la loy de Dieu et des prophètes et y augmente ou leur donne vn sens contraire
a leur signification. L'exécration (a) de la loy de Dieu (7) est conceue en ces
termes (A) : Que celluy la soit exécrable qui ne croira pas aux parolles de la
loy a fin de les accomplir (b). Car le mot signiffie approuuer et tenir pour
certain a ce que disent Onkelus et Ionathas le Chaldeen (8). Ce que Hyere-
mie (8) explique plus clairement : Que celluy la (dict-il) soit exécrable qui ne
recepuroit point (c) lalliance que iay contractée auec vos ancestres (C),
laquelle explication est tout a faict contraire aux parolles de Paul : car il
fulmine anatheme contre ceux qui naccompliront pas (d) la loy, ce qui ne se
trouuera en aucun lieu des loix sacrées, mais bien que celluy la est tenu pour
exécrable qui naura pas croyr.nce a la loy de Dieu ny a son alliance. De la est
sortie vne autre erreur, assauoir que celluy qui sescarte de la loy en vn seul
poinct il est coulpable en tous les autres, comme dit Iacques (9) dans [598]
son Epistre (D). Laquelle neanlmoins Eusebe (i) et Hyerosme (2) reiettent
comme apocriphe : 'Istéov (e), dict Eusebe, cb; voOeûexat (/"), en parlant (g) de
cette Epistre, ainsy que Hyerosme. Et en effect celluy qui sera conuaincu
dauoir desiobé la vache dautruy (h) par le commandement de la loy en resti-
(7) Deuteron., cap. 21. — (8) Cap. 11. — (9) Cap. 2. — (I) Lib. 2, c. 23. —
(2) In catalogo. Et Luther de captiui. Babylonis (E).
a N Exec ratio (MD Ma). — (b) MN ut exequalur. D exœqualur, inadvertance. — (c) MN
Execralus eslo,inquit, qui nonaudier'U.D audiret, incorrect.— (d) MU expleverint. Nimpleve-
rint. — (e) DN 'luréov. M 'iTxipov, barbare. — (/) MD voOeuetcu. N voOEtkcOou, incorrect.—
[g) MD statueret. N statuent. — [h) D bovis aliense furtum. M alienis (?). .V atieni, erreur :
cf. Lévitiq.
(A) Corrigez la référence 7 et lisez Deul., 27, 26. Voici le texte de la Vulgate : « Maledictus
» qui non permanet in sermonibus hujus legis nec eos opère perficil ». Dom Galmet, dans sa
Bible, ajoute que non seulement le texte samaritain de S. Paul, Ad Galat., 3, 10, mais encore les
Septante (qui, eux, n'élaient pas des chrétiens) interprétaient « in omnibus sermonibus legis ».
C'est ce mot omnibus, que Salomon, après avoir cité l'hébreu, conteste. J'avoue mon incompé-
tence à trancher la question, mais aussi mon peu de confiance dans le bon droit de Salomon :
tout à l'heure, Curce s'appuyait sur Deul., 28, 15, qui est incontesté : « Que si Lu n'obeïs a la voix
» du Seigneur ton Dieu, en gardant et taisant tous ces commandemens et ces cérémonies que ie
» te prescris auiourd'huy, viendront sur loy toutes ces malédictions ». Salomon, au lieu de dis"
cuter ce texte, qui est formel, s'évade et en allègue un autre.
(B) Sur ces interprètes, cf. supra, IV, pp. 271 note.
(Ci Jérémie, 11, 3 sq.
(D) « Car quiconque ayant gardé toute la Loi la viole en un seul point, est coupable comme
» l'ayant toute violée ». Jac, 2, 10.
(E) Eusebe, //. E., 2, 23 (Migne t. 2, col. 206). Voici le texte de Jérôme : « Unam scripsit
» Epislolam quse et ipsa ab alio quodam sub nomine ejus asseritur, licet paulalim lempore proce-
» dente obtinueril auclorilalem ». De viris illust., 3. — « Hanc epistolani non esse Aposloli
» Jacobi nec apostolico spiritu dignam, multi valde probabililer asserunt ». Luther, De captivi-
tale Babylonis, De sacram. Extr. Unclionis (éd. Rebart, t. 2, fol. 284 a ou éd. de Weimar, t. 6,
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES l!U
tuera cinq, et pour vne brebis quatre (3) : mais celluy qui naura point esté
conuaincu, mais volontairement rendra la vache desrobée [i) en sera quitte
pour payer encores la cinquiesme partie de la valeur et par ce qu'il sest
repenty le péché luy est remis (4). Pour celuy qui a paillarde [j) qui a tué ou
qui a commisquelque autre péché, puis après que par vn sentiment de regret
et de repentir de la vie quil a menée, il recompense par quelques actions
vertueuses ses premières offenses il est remis en tel estât quil semble quil na
point péché mais quil a accompli la loy par son repentir, comme il a esté cy
dessus confirmé par lauctorité d'Ezechiel (5) (A). Car sil estoit vray ce que dict
Paul que personne autre que son maistre nayt iamais sceu accomplir la loy
et que personne par la pratique de la Loy na peu acquérir la perfection (B),
Dauid seroit coulpable dun grand mensonge quand il prend Dieu a tesmoing
par ces parolles : lay gardé ta loy, ie ne me suis point escarté de ta loy, ie
nay point quitté tes commandemens (6) (C). Or il appelleroit Dieu a tesmoing
de son mensonge. Cependant il auoil adiousté (k) Ihomicide a ladultere (D) :
mais par ce quil sest repenty et quen partie il a esté chastié pour son forfaict,
il a mérité le pardon : car cella sappelle obéir a la loy, obseruer la loy, suyure
la loy et enfin accomplir la loy. Il nest donc [599] pas véritable que celluy
qui a péché contre vne loy soit tenu pour coulpable de touttes (E).
[A l'autorité invoquée par Salomon, Curce, puis Octave répondent par des
autorités en leur faveur, 599 sq. Chacun résume son attitude dans la question
de la grâce. Toralba refuse d'exclure du paradis les belles âmes du paganisme.
Federich les envoie en enfer, ou du moins aux limbes. Octave met le salut
dans la foi pure, Senamy dans les bonnes œuvres, Coroni dans les deux,
bOl sq. Federich conte qu'à la diète de Ratisbonne les théologiens catholiques
se seraient avoués convaincus, sur la justification, par les protestants, n'eût
(3) Exodi c. 22 (F). — (4) Leuitici c. 3 (G). — (5) C. 33. — (6j Psalm. 118.
(i) Ml) furlivam bovem, S furtivum. — (j) N mœchalur. MU mœchatus est. — (k) NU
cumularat. M cumularel, faute.
p. 568). Un peu plus lard, dans sa Préface à sa traduction allemande du vieux Testament, 1522,
il l'appelle une vraie épître de paille, eln recht stroliern Epistel. Bossuet s'indigne là-contre,
Var., 3, 48, p. 150.
(A) Ezéchiel,3S, 11-20.
(B) Plusieurs passages de Paul sont tels que Salomon puisse y faire allusion ici : « Et cepen-
» dant sachant que l'homme n'est point justifié par les œuvres de la loi, mais par la foi en J.-C,
» nous avons nous-mêmes cru en J.-G. », etc. Ad Gai., 2, 16. « Pour ce qui est de la justice de
» la loi ayant mené une vie irréprochahle », il déclare voir là plutôt un désavantage qu'un avan-
tage, et il ajoute : [Je souhaite] « que je gagne J.-C, que je sois trouvé en lui, n'ayant point une
» justice qui me soit propre et qui me soit venue de la loi ; mais ayant celle qui naît de la foi en
» J.-G. », etc. Ad Philipp., 3, 6-10.
(C) Psaum., 118, 14, 31, 55, 57,61, 63, 94, 100, 102, etc.
(IJ) Il avait fait mourir par ruse Urie Hélhéen, dont la femme Belhsabée était grosse de ses
œuvres, II Rois, 11.
(E) Voyez un développement semblable, que la loi juive n'est pas impossible à accomplir, dans
Philoti, De ceux qui offrent les hosties aux sacrifices, trad. Bellier, p. 745.
(F) Exocl., 22. 1.
(G) La vraie référence est donnée par la Démon., 4, 5, p. 515, qui cite Num., 5, 5-7.
192 JEAN BODIN
été leur mauvaise foi et la honte de confesser une erreur séculaire, 603 sq.
Salomon : Le sacrifice de Jésus est d'autant plus inutile que, l'Écriture nous le
répète, le salut ne vient aux hommes ni de la foi, ni des œuvres, ni des deux,
mais de Dieu seul. Nul n'est pur, pas même les anges, devant Dieu. Dès
lors, à quoi rime cette longue dispute sur la justification? 605-608 Nul ne
réplique à cette démonstration. Octave, Coroni, Federich répètent leurs décla-
rations antérieures, celui-ci avec cette variante : le juste ne fait que son
devoir et ne mérite pas récompense, 609. J
Les œuvres & le salut. Compromis entre la doctrine calviniste de la
grâce et la croyance au mérite des œuvres.
[610] Salomon. — laduoue que personne par ses œuures, quelque excellen-
tes quelles puissent estre, ne peut estre iustitié : bien moins encor par cette
vaine crédulité en la mort de lesus Christ (A). Mais Dieu donne a chacquun
la béatitude pour ses bonnes œuures : et plus vn [611J homme (a) vit auec
iustice et intégrité plus il sera aggreable a Dieu & plus il aura de béati-
tude (B). Car toutles les créatures et les démons mesmes ont plus ou moins
de béatitude selon la bonté de celluy qui donne ou suiuant la capacité de
celluy qui reçoit ou lindignité de celluy qui reiette labondance des lumières
qui luy sont offertes. Car autre chose est iouïr de la béatitude, et autre chose
estre iustitié : ce que les Théologiens chrestiens mettent indifïèrament lun
pour lautre et qui cause aussy beaucoup dobscuritez et beaucoup derreurs(è)
qui ne sont pas de petite conséquence. Car sil ny auoit que les iustes qui peus-
sent acquérir la béatitude, personne ne Tobtiendroit. Or touttes les créatures
sont capables de béatitude et nulle de justification : ny en ayant pas vne qui
soit nette et exempte dimpureté. Et a fin dentendre plus amplement la diffé-
rence de ces choses que Ion confond, imaginons nous par exemple vn grand
Roy qui faict présent a ses esclaues de cheuaux bien dressez, les vns pourtant
plus excellents que les autres a proportion de laffection quil a pour vn chacun
& selon quil ayme plus ou moins, a condition louttesfois que tous entreront
en lice pour sexercer a la course : et que ceux qui refuseroient de courir soit
par crainte ou pour nauoir pas dexperience nauroient point de cheuaux (C),
auec deffense sur peine de la vie de faire quelque malice au cheual de son
" (a) Ml) et quo quisque justius ac honestius vixerit. N quis, incorrect. — [b) MD tum
obscurilales, tum errores. N tain obscuritates quam errores.
(A) Coroni vienl de soutenir que les œuvres sont récompensées par la vie éternelle; Federich
de trancher qu'aucune récompense n'est due au bien que nous avons fait, que seule la toi en
Christ nous justifiera. C'est donc par un coup de patte au catholicisme, en soutenant qu'on ne
peut être justifié par les œuvres, puis au protestantisme, en soutenant que la foi ne suffit pas, que
nous voyons débuter Salomon.
(B) MD ab aeterno Deo quemque beari, = chacun est gratifié par Dieu. R va continuer à tra-
duire beari par béatitude.
(C) Inexact. MD recusanlibus vero aut cursum detreclantibus melu vel inerlia equos ademp-
tum iri, = que l'on enlèvera (après la course, comme la suite le prouve) leurs chevaux à ceux
qui auront opposé un refus ou qui même, par crainte ou incapacité, auront décliné la course.
1»ES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 193
compagnon ou de luy donner le croc en iambe pour lempesclier de courir ou
de desrober le chenal a qui il aura esté donné (c) (A) : et encores auec pro-
messe de differens prix pour les coureurs qui auront plus tost acheué la car-
rière, assauoir (d) d'argent, dor et de pierreries, selon que chacun se sera
monstre plus ou moins adroict. La course estant [612J acheuée, le Roy de
bonne foy distribue les prix aux conditions par luy proposées : ceux qui nont
pas voulu courir (e) pour nestre pas dressez a tels exercices perdent leurs
cheuaux; pour les autres qui non seulement auroient refusé de courir, mais
en auroient empesché d'autres ou bien auroient faict quelque tort (B) aux
cheuaux de leurs compagnons, il commande quon sen saisisse et (/') estans
attrapez il les faict punir. Ne dirons nous pas (C) quil a rendu a chacun selon
son mérite ?
Curce. — Il me le semble.
Salomon. — Pourquoy cella ? puisque le Roy ne debuoit rien a ses esclaues
par ce quils sont a luy (g) et que sans aucune recompense il peut les obliger a
courre, il les peut (h) vendre et mesmes les peut faire mourir.
Federicb. — Il est vray : mais par ce quil a donné sa parolle il croiroit
offenser la bienséance de sa maieslé de ne la pas tenir.
Salomon. — Cest donc vn debuoir, non pas par ce que Dieu doibt a lhomme
qui luy ayant preste auroit raison de luy en demander le payement et la rétri-
bution (i), mais par ce quil y va de lhonneur de celluy qui a promis de tenir
sa promesse, encores quil ny fust obligé par aucun droict. Que si ces caua-
liers qui ont adroictement et vigoureusement couru sont bien nais (j), non
seulement ils ne se glorifieront pas de leur action, mais en recepuant les prix
du Roy ils luy en rendront grâce auec ciuilité et en termes reconnoissans luy
aduouëront quils tiennent la victoire de sa (k) pure libéralité, soit pour auoir
nourry ses esclaues et (/) les auoir non seulement faict instruire a monter a
cheual, mais encores pour leur auoir faict présent de ces [613] cheuaux vistes
et bien dressez (D). Combien dauantage auons nous de grâces a rendre a Dieu
(c) MD aut furto do mini equum averlerit. N aut furlo dicto domino, etc. — (d) MD (prœmia)
aenea. N aevea (?). — \e) N qui cursum delreclaverant. MD detractaverant, faule : le sens et
NMD detreclanlibus, plus haut, la démontrent. MD adempsisse, barbare. — (/") N supprime, à
tort, et. — {g) N quippe (MD qui, nécessaire) sut essent. — (h) M possit. D posset. N potuisset.
— [i) N prœmia (MD débita) reposcat. — (j) MD (quodsi équités illi) honeste fuerint educati.
N honeste quia sunl educali, incorrect : laisse quodsi sans verbe. — (k) M ei. ND illi ferent
(victoriam). — [l] M omet, à tort, et.
(A) MD aut furlo domini equum averlerit peut s'expliquer : ou qui par larcin fait au proprié-
taire aura détourné un cheval. Le texte de N, qui semble une conjecture explicative, n'est nulle-
ment nécessaire. — Un peu plus loin, H omet aenea [praemia] = [des prix] de bronze.
(B) MD aut equos abegissent. Cf. la note précédente.
(C) MD num dicemus. Sur num = nonne, cf. p. 223 noie.
(D) On a senti dans cette fin de phrase l'amalgame incorrect de deux tours qui répugnent
entre eux : soit et mais encore. — Par ailleurs, voilà un des beaux endroits de YHept., et qui
montre en Bodin, si peu artiste qu'il ait été de tempérament, une âme que l'humanisme avait
pénétrée. On sent involontairement le souvenir de Platon revenir à la mémoire, à voir se déve-
lopper devant nous cette longue allégorie, qui va paresseusement, sinueusement, avec une par-
faite aisance, de la description réelle à l'interprétation abstraite, en revient, y retourne à son
gré. Cf. par exemple Socrale expliquant que, traduit devant un tribunal populaire, il serait
comme un médecin accusé par un cuisinier devant un tribunal d'enfants, Gorgias, p. 521 D.
Chauviré 13
194 JEAN BODIN
de tout ce que nous réceptions de luy, qui nous a créés de rien (m), qui nous
a donné (n) vn corps & vne ame : il nous a prescript de courre auec iustesse
dans la carrière des vertus (A) & nous y aide et soustient ceux qui sont chan-
cellants (o) et relleue souuent ceux qui tombent, et quand il les a relleuez il
les conduict heureusement au bout de la lice. Ainsi Iexplique par vne belle
façon de parler le Maistre de la sagesse (2) (B) : Garde toy bien, dict il, destre
superbe deuant le Roy. Et plus clairement encores (C) par ces parolles : Ne
te iustiffie point toy mesme (p) deuant Dieu, par ce que de luy despend notre
salut (3).
[Tel est aussi le sens de l'histoire de Job : quoiqu'il soit juste, Dieu lui retire
à bon droit ses grâces, s'il lui plaît, et les lui rend par bonté pure, 613. Curce :
Mais reconnaître que l'homme est incapable d'accéder à la pureté, c'est avouer
le péché originel. — Point du tout, réplique Octave, c'est proclamer que toute
créature, fût-ce un Ange, est forcément impure, puisqu'elle n'est pas Dieu :
nouvelle raison d'ailleurs contre la Rédemption, aucun sacrifice n'ayant pu
nous amener à cette inaccessible pureté, 614 sq.
De la duveté du christianisme, 616-623. — Salomon défend une fois de plus
(cf. p. 597 sq.) la loi hébraïque de l'accusation de dureté qu'on porte souvent
contre elle. S. Paul est autrement rigoureux quand il annonce aux pécheurs
un jugement irrémissible. Federich estime que ce passage est hyperbolique,
et qu'en réalité J.-C. a rendu le salut plus aisé, 616-618. Salomon montre
quelles cruautés de la loi chrétienne vont contre le vœu de la nature (inter-
diction du divorce, célibat des prêtres, virginité des nonnes) et quels malheurs
s'en suivent : adultères, empoisonnements, paillardises, maquerellages, 619-
621. 11 est encore contre nature et contre l'ordre social de rendre le bien pour
le mal. Multitude infinie des observances et des cérémonies, 622 sq.
Du culte des saints, 624-636. — Les chrétiens protestant contre cette diatribe,
pourquoi, demande Octave, les chrétiens les catholiques, corrige Federich
— invoquent-ils donc loujours anges et saints?].
Les docteurs de l'Église contre l'adoration des Saints.
[626] Cuhce. — 11 est beau dauoir estime, de faire honneur et descrire les
éloges des hommes illustres, et ie nen vouldrois pas parler auec mespris ny
auec exagération aussy (D), bien moins les prier ny les inuocquer par ce que
(2) In prouerbiis. — (3) Ecclesiastici c. 18.
(m) N de nihilo. MD ex nihilo. — (n) .V quod dédit. MD qui dédit. — (o) N labentes. MD
labantes. — (p) N noli juslificare te (MD ipsum) anle Deum.
(A) Faux sens : MD bene currendi leges prœscripsil ac docuit, = il nous a montré les règles
à suivre pour l'aire une bonne course (la loi mosaïque, entend Salomon).
(B) Prov., 25, 6.
(G) Voici le texte le plus proche que j'aie trouvé : « Ne te iuslifie point deuant Dieu, car c'est
» luy qui cognoistle cœur ». Sirach, 7, 5.
(D) Contresens. MD née verbis illorum dignitatem exténuai e aut ulto dicendi yenere elevare
velim. R a traduit elevare par exagération, au lieu que ce mot redouble simplement exlenuare
et signifie : diminuer, amoindrir, supprimer.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 195
ce sont (a) les principales marques dadoration : Tu adoreras (dict la Loy) (2) (A)
le Dieu éternel et tu rendras hommage a luy seul (6 . Etencores que la Vierge
Marie ayt porté dans ses flancs & enfanté Iesus Christ vray Dieu & liomme
nous ne ladorons pas pour cella. Tesmoing Epiphane (3) lequel ohseruant que
la populace parmy les chrestiens de son temps auoit beaucoup de pente (c) a
ladorer & speciallement les Collyridians il inuecliue puissamment contre eux :
Que sil nous est deffendu (dict il) dadorer les Anges a plus forte raison Marie
fille d'Anne (B). Et (d) lempereur Iuillian nauoit rien a reprocher plus forte-
ment aux chrestiens que ce quils adoroient les Martyrs comme des Dieux, et
que soubs ombre de deuenir tels ils souhaitoient le martyre (e) auec passion
a fin destre couchez dans le catalogue des Dieux (C). Et preuoyant quil ny
auoit point de secret pareil pour augmenter la religion chrestienne (f) il fit
cesser le massacre & les supplices des chrestiens. Mais Cyrille (4) y faisant
response : Les saincts martyrs (dict il) ne passent point pour Dieux parmy
nous et nous ne leur rendons poinct dadoration (D). Pareillement Chrysos-
tome (5) (Ë) : Voyez (dict il) la prudence de la Cananée : elle ne prie point
Iacques, elle ne supplie point Iean et ne s'addresse point a Pierre. Elle n'im-
plore point la compagnie des apostres. Elle ne se met point en peine de cher-
cher (g) vu médiateur (F) mais au lieu de tous ces protecteurs elle ne saccom-
pagne que de la pénitence qui luy sert (h) daduocat très éloquent.
(2) Deut., c. 6. Exod., c. 34. Leuit., c. 26. Deut., c. 4, 8, 11 et 17. Matthad
c. 4. Lucre c. 4. — (3) Contra Inereses. — (4) Lib. G aduersus lullianum. —
(5) Homilia 12.
(a) MD qux prœcipua sunt adorationis argumenta. N quse lamen, interpolation d'un tamen
précédent. — (b) 9.V eique soli inservies. M et Mi soli servies. — (c) MD proclives. N proclivos.
— (d) MD nam. i\ et. — (e) DN marlyrium expeterent. M martyrum, négligence. — (f) MD
quo quidem arcano cum nullum amplificandse religionis (N majores, interpolation) tnajus
habere perspexisset (se. Chrislianos). — (g) N nullum quserit mediatorem. MD qusesiil, surpre-
nant, après et avant des présents. — [h) MD accipit pœnitenliam qux diserti advocali locum
hnplevit. N accepit pœnitenliam, qua (?) deserti (?) advocali locum implevit.
(A) Deut., 6, 13. — « Dieu veut estre aimé vniquement », Exod. ,34, 14. — Dieu énumère les
récompenses et les punitions qui sanctionnent ce commandement, Lévil., 26. — Deut., 4, 19; 8,
19; 11, 13 et 16; 17, 2-3. — Mal.th., 4, 10 et Luc, 4, 8 citent Deut., 6, 13.
(B) Adversus hœres., 3, 2, liserés. 79, 5 (Migne t. 2, col. 747).
(C) Cyrille, Contra Julianum, 6 (Migne t. 9, col. 202). Mais Bodin, qui cite de mémoire,
comme d'habitude, ajoute au texte de Cyrille depuis et que sous ombre... jusqu'à des chrestiens.
— Julien reproche encore le culte des martyrs aux chrétiens, ibid., 10 Cligne t. 9, col. 1015).
Cf. Démon., 4, 3, p. 441 : « lulian l'empereur voyant vne ieune femme chrestienne auec son
» petit entant pendu a la mamelle, qui couroit au supplice pour estre martyrée, il fit deffence
» d'exécuter a mort les chrestiens, non pas pour garder celle qui couroit a la mort, mais pour ce
» qu'il disoit que les autres chrestiens les faisoienl dieux après leur mort ». Mais celte anecdote,
qu'on sent courir sous le texte de YHepl., ne vient pas de Cyrille.
(D) Contra Julian., 6 (Migne t. 9, col. 810).
(E) Chrysoslome, Homilia de Cananea, 4 ^Migne t. 3, col. 452). Bodin, comme à l'accoutumée,
paraphrase plutôt qu'il ne traduit. S. Jean Chrys. commente l'histoire de la fille d'une femme de
Chanaan, laquelle étant possédée du démon, Jésus la guérit à cause de la foi de sa mère, Matthieu,
15, 22-28.
(F) Rapprochez du langage de Curce l'Apologie de Mélanchton pour la confession d'Augsbourg,
art. 21, De invocatione sanclorum. « Il y en a qui atlribuent nettement la divinité aux saints, en
196 JEAN 1Î0D1N
[Federich refuse d'entrer dans la distinction, que propose Coroni, entre les
cultes de dulie et de latrie. Incertitude du catalogue des saints : il contient des
hérétiques et des damnés, 627-632].
Origine païenne du culte des saints.
[632] Federich. — Le culte enuers les Saints et (a) les Auges sest escoulé
des anciens payens, principallement du temps d'Epipliane comme Ion lapprend
de ce quil a escript contre les Collyridians (A) qui ont commencé les premiers
a reuerer la Vierge Marie. Et depuis S. Augustin (7) déteste souuent culiores
illos Marianos (B), ces deuots enuers Marie : et (b) ne pouuant souffrir que
Ion prie les Anges mesmes qui sont bien (c) au dessus des saints pour lexcel-
lence de leur estre il a creu (8) que Ion ne pouuoit approcher du Père que par
le moyen du Fils : laquelle opinion a esté suiuie de Chrisostome (9), d'Am-
broise (lj et de Theophilacte (2).
Cohoni. — Nous auons desia dict et nous le dirons incessamment que nous
rte leur (d) rendons aucun culte, mais que nous nous gouuernons auec eux
(7) Ad Marcellum, lib. 10; c. 19 et 55 De vera religione; ad Coloss., c. 2 et
in Apocalip., c. 19 &. 22 et in Ioann., c. 14, lib. 9. — (8) Lib. 11, c. 7 et 16 in
Ioann. — (9) Homilia 12 de Cananea (C). — (1) Ad Roman. (D). — (2) Ad
Colossenses (E).
(a) N al (?). MD et. — (b) N ac. MD al. — (c) N superi >res. MD longe superiores. — (d) ND
nullum cullum (M illis) exhiberi.
» disant qu'ils voient en nous les secrètes pensées de nos cœurs... Ils font des saints, non seule-
» ment des Intercesseurs, mais des Médiateurs de Rédemption ». Dans Bossuet, o. c, 3, 57,
p. 155.
(A) Adversus hœreses, 3, 2, haeres. 79 (Migne t. 2, col. 739 sqq.).
(B) Culiores illos Maria7ios n'est pas une expression d'Augustin. Elle serait trop remarquable
pour que les tables (générale et particulière) si copieuses de l'édil. des Bénédictins ne la donnas-
sent pas. D'ailleurs, il y a ici une grande corruption dans les références. Ainsi le traité d'Augus-
tin in Apocalyps. n'a que 18 chapitres, et Bodin cite les c. 19 et 22. R confond les notes 1 et 2
(j'ai rétabli la distinction, d'après MD). Nombre de références sont inexactes, et j'avoue n'avoir
pu en reconstituer qu'un petit nombre. — « Non ergo creaturaepolius quam creatori serviamus ».
De verilale_ religionis, 10, 19 (Migne t. 3, col. 131). Protestation contre le culte des images,
des bêtes, & des hommes, même vertueux, qui sont morts, ibid., 55, 108 (Migne t. 3, col. 169).
« Hune [Chrislum] habemus magislrum, ut non peccemus, et defensorem, si peccaverimus, et
» inlerpellalorem pro nobis, si quid boni a Domino desideraverimus ». In c. 12 Evangel. lohannis
Traclalus 21, 1 (Migne t. 3, col. 1564). J.-G. est seul le bras de Dieu, In c. 12 Ev. Ioh. Tract.
53, 2 (Migne l. 3, col. 1775). Et en maint endroit Aug. s'élève plus formellement encore contre
tout culte dérobé à Dieu : « Stephanus conservus noster, non pro Deo colendus ». Ser»w3l9 de
Slephano martyre,! (Migne t. 5, col. 1442); Sermo 273, tout entier dirigé contre l'adoration
des saints (Migne t. 5, col. 1247 sqq.) ; de Civ. Dei, 10, 1, 3 et 4.
(G) Cf. p. 626 note.
(D) Commentai-, in Epist. Pauli ad Romanos, 1, 5 (Migne t. 4, col. 49).
(E) « Illud aulem ad Colossenses ut scriberet, eum [se. Paulum] induxil : ab his namque pra-
» vum aliquod dogma erat nuper susceptum. Putabant namque nequaquam per filium, sed per
» angelos ad Deum et patrem viam palere ». In Epist. ad Coloss. Prologus (éd. Porsena, Paris,
Josse Bade, 1534, in-fol., f. 126 v°). Cf. Paul, ad Coloss., 2, 18 : » Que nul ne vous ravisse le
» prix de votre course, en affectant de paraître humble par un culte superstitieux des anges ».
DES SECRETS CACHEZ DE* CHOSES SI BLIMES 197
comme auec nos amis qui sont encores au monde : nous les prions dinterce-
der pour nous et (e) de présenter a Dieu nos oraisons. Nous ne leur deman-
dons point la santé du corps ny de lame, nous ne lattendons point deux, mais
nous cherchons nostre salut dans [633] sa source véritable et qui ne tarit
iamais.
Fedekich. — Pourquoy donc les Prestres la teste nue et a genoux addres-
sent ils leurs prières aux Saints? Et quand ils reclament Marie voyez comme
ils parlent (3) : Tu es le soulagement des affligez, le remède des infirmes, tu
es touttes choses a tous : que reste-t-il pour Dieu?
Octale. — Rien du tout. Mesmes lorsque ie demeurois en Grèce parmy les
chrestiens, le iour arriua (f) que Ion célèbre la Teste de la Visitation (A) de la
Vierge dans l'Eglise romaine, et dans la grecque celle (g) de sa robe. Et le
iour de deuant les Kalendes de ianuier on feste sa ceinture dans vne Eglise
qui luy est consacrée a Conslantinople que Ion appelle in Blachemis (h) (B).
Il ne me ressouuient point (i) dauoir rien veu de plus ridicule parmy les
Payens.
Tokalbe. — Cest vne vieille superstition des Académiciens qui ne croyoient
pas que Ion peust arriuer autrement auprès du pijre de tous les Dieux qae par
degré, assauoir en priant les héros de nous addresser aux Démons (j) a fin
que par eux on peust approcher des petits Dieux et par ceux-ci aux grands (k).
Et enfin par ces grands satlirer les suffrages du père de tous les Dieux (C).
Ainsy lamblicus (4), le plus grand de tous les magiciens de son temps (que
Porphyre asseure auoirveu esleué en lair) (D) en sacrifliant alsis parloitfami-
liairement auec les Démons (E), mais y voulant mesler âXexTpouavTec'av pour
(3) In prosa conceptionis. — (4) In libro de mysteriis iEgyptiorum.
[e) N ut pro nobis vola facianl et (MD ut) rogaliones ad Deum feront. — (f) MD in illum
(N eam) diem incidi. — [g) MD apud Graecos festo dies (N omet /esta (lies) veslis Virg. Mariœ.
— (fn MD in Blachemis. N Machumis, barbare. — (i) M ajoule unquam. — (j) DN ad dœmo-
nes. M dœmonas. — (k) ND ad Deos majorum genlium. M majorum gentilium. Conjecture :
majores gentium.
(A) En souvenir de la visite que fit Marie à sa cousine Elisabeth, Luc, 1, 40 sqq. Le concile de
Bàle (1441) la rendit générale dans toute l'Eglise et la fixa au 2 juillet. Hist. et symbolisme de la
liturgie, par l'abbé Lerosey, Paris, 1880.
B) Il s'agit du faubourg des Blaquernes, si souvent nommé par Villehardonin.
(Cj La source générale de Bodin est sans doute August., De civ. Dei, 8, 18-22; 9, 9, 13, 15 et
17, qui explique longuement, contrairement à ce que pensent les platoniciens, Apulée, Hermès
Trismégiste, que les démons ne sont pas les médiateurs entre Dieu et nous, le seul médiateur
étant J -C. Bodin a souvent combattu celle idée des Platoniciens, et il leur oppose Exod., 20, 26 :
« Aussi tu ne monteras pas par des degrés à mon autel ». Démon., 1, 3, p. 91 ; 1, 4, p. 109; 2, 1,
p. 162.
(D) Encore un souvenir inexact. Eunape, Vies des philosophes & des sophistes, éd. Boisso-
nade, Amsterdam, 1822, p. 12 sq., nous montre Jamblique raillant lu crédulité de ses disciples,
qui lui demandent si vraiment il a le don de lévitation.
(E) De mysteriis JEgyptiorum, éd. Thomas Gale, Oxonii, Sheldon, 1688, in-fol., 6, 5, p. 147:
« De mini* quas intentant in Deos theurgi ». — Cf. dans le même ouvrage, la Lettre de Porphyre
au prêtre égyptien Anébon sur les Démons, p. vi; et aussi Augustin, de Civ. Dei, 10, 11, qui
nous rapp'orle, d'après celle lettre, quel pouvoir le Lhéurge Chérémon a sur les démons Isis et
i Viris. Bodin a certainement lu tous ces textes et en a conservé un souvenir plus ou moins
conscient.
]<)8 JEAN BODIN
prédire qui succederoit a lempereur Valens (/), la chose estant descouuerte,
pendant que Ion faisoit mourir ses complices conuaincus d'impiété & de sor-
tilège, il prit du poison (5) (A) & luy mesme se donna la mort (B).
[Adressons donc directement nos prières au maître des anges & démons.
Senamy observe que le culte des saints est la religion des simples ; Coroni, que
les images, souvenir des grands hommes, sont honorables, & que Moïse lui-
même éleva un serpent d'airain (Nomb., 21, 8). Ezéchias le brûla, répond
Salomon, dès qu'il s'aperçut qu'on l'adorait (IV Rois, 18, 4), 634-636.
De l'Eucharistie, 637-642. Octave y voit une impiété ridicule. C'est, répond
Coroni, que vous voulez comprendre le mystère, 637-640].
Contre l'Eucharistie.
[640] Coroni. — Au nom de Dieu ne parlons iamais des choses sacrées
quauec (a) toutte sorte de respect. Croyez vous (b) que celluy qui dun mot a
faict les estoilles le soleil les éléments & tant de choses prodigieuses (c) (C)
soit diminué [d) de puissance ?
Ci'hcu. — Il ny a personne qui double quil ne puisse faire tout ce quil luy
plaira hors mis vn autre soy mesme : mais qu'est il besoin de parler du sacri-
ficateur (D)? ils demeurent daccord que dans ces (e) parolles mis-tiques, Hoc
est enim corpus meuin, Cecy est mon corps (Ë), la puissance de Dieu nagit
(5) Nicephor. Callist. et Gregoras.
(I) N ecquisnam imperalori Valenti substituerelur (cf. H). Ml) imperator. — (a) N nisi.
MD aliter quam. — [b] ND An putelis. M putatis. — [c] MD res lam stupendas. N omel tam.
— (d) N imminulum. Ml> minutum. — (e) N istis. MD iltis.
(A) C'est là une anecdote qui a beaucoup frappé Bodin. II la raconte par trois fois dans la
Démo»., 1, 3, p. 84; 1, 6, p. 146; 4, 5, p. 503. — Les deux références données ici sont fausses.
Niceph. Gregoras a écrit une histoire du Bas-Empire aux xme et xive siècles; et Nicéphore
Gallisle, 11, 45 (non plus que Socrate, 4, 29; Sozomène, 6, 35, ou Ammien, 29), ne nomme pas
Jamblique. La vraie source de Bodin, que lui-même a oubliée, ce sont les Annales de Zonaras
(cf. supra, p. 267, note G), liv. 3, Vie de Valens.
(B) Si nous devons attribuer à Bodin lui-môme l'horreur pour le culte des saints que profes-
sent Curce, Federich, Toralba, Salomon, c'est ce que permet de croire la persévérance avec
laquelle il leur a lait exprimer celle horreur (cf. supra, IV, pp. 284 et 308, VI, p. 626;; c'est ce
que permet d'affirmer la Lettre à Baulru, où il condamne nettement Yapolhéose des mortels, et
la Démon:, 2, 1, p. 163, quoique la doctrine y soit plus voilée. D'ailleurs, celle question était,
dans les disputes entre théologiens des deux parties, étroitement liée à celle des images et a celle
des reliques (cf. Bossuet, o. c, 3, 58; et Basnage, Histoire des Églises chrétiennes, Amsterdam,
1721, 5 vol., liv. 18); el nous avons entendu Salomon protester contre le culle des unes & des
autres (supra, p 308) avec une indignation qui ne laissait guère de doute sur le sentiment de
l'auteur.
(C) Inexact. MD res tam stupendas verbo vel nutu confecil, = qui a accompli des prodiges si
miraculeux d'un mol ou même d'un geste. '
(D) Faux sens. MD qu'ut ad sacrificulum ? =■ Oui, nous accordons une' puissance entière à
Dieu; mais qu'a cela à voir avec le pouvoir que vous concédez à un misérable moinillon [de pou-
voir faire de sa seule volonté un Dieu] ?
(E) Matthieu, 26, 26; Luc, 22, 19; I Cor., 11, 24.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 199
point, parce que si le curé songe ailleurs en prononçant les parolles (/"), il
ne faict rien (A).
Coroni. — Si vous ne doublez point de la puissance de Dieu, vous debuez
encores moins doubter de sa volonté, puisquil est clairement expliqué dans
Paul (B) que Christ vray Dieu et homme sest donné luy mesme a manger a
ses disciples soubs les espèces du pain et du vin, et quil leur commanda de le
faire après sa mort pour perpétuelle mémoire (g) de sa passion. Et il est
encores constant (h) quil peut encores dauantage que ce quil veut (1) (C).
Clrce. — Cette opinion (D) qui a esté réfutée par les plus penetrans de tous
les théologiens [641 1 na pas besoin que i'y responde. Cette question est traittée
en mil endroicts par vue infinité dautheurs, mais personne nen a parlé plus
succinctement ni plus decisiuement que Augustin (2) (E). Cest, dict il enfin,
vne misérable seruitude de prendre les signes pour la chose : si donc on
commande vn crime ce nest qu'vne façon de parler : lorsque Christ aussy
vous commande de manger sa chair & de boire son sang ce n^st pareillement
qu'vne manière de parler (F). Ce qui a fourny vne belle matière de raillerie et
aux Iuifs et aux Mahomelans, quand ils ont veu que les Chrestiens prenoient
la figure pour la chose (i). Christ, dict Tertulien (3) (G), en prenant le pain a
faict son corps, disant, Cecy est mon [j) corps, cest a dire la figure de mon
corps. Voila (k) les parolles dun très ancien et très sainct théologien.
(1) Augustin., lib. 7 de symbolo fidei. Lombard., lit». 1, distinc. 4:2. — (2) In
lib. de doctrina christiana, c. 5, 10, 11. — (3) Contra Marcionem.
/ N iliiin islu. MD cum Ma (pronunlial . — g SI) in perpétuant sui memoriam. M omet,
à lorl, sui. — [h) MD perspicuum S polissimum .' . — {i \ quod cum Chrisliani ad rem
ipsàm, non ad signum Iraducerent. U non ad (M ometad) figurant traducerent. — (j) N omet
nieuni. — {k) N omet sunt.
A « Il nie souuient, dit Curce un peu plus haut, d'vn curé de Lion qui pour se venger de ses
» paroissiens auec lesquels il estoit en procez faisoit semblant en disant la messe de dire les
» mots sacramenlau.x, et enfin ayant perdu son procez déclara hautement que tous ses paroissiens
» esloienldes idolâtres par ce quils auoienf adoré du pain seulement. La chose auerée, il fut con-
« damné a estre publiquement bruslé tout vif ». En note : « Lan 1548 et soubs Henry 2 roy de
» France ». (P. 640). C'était le curé de Saint-Jean le Petit de Lyon, Démon., 4, 5, p. 507.
(Bï 1 Cor., 11, 23.
(C Lombard, 1, 42, F, explique que la volonté de Dieu est forcément plus limitée, étant tou-
jours tendue vers le bien, que sa puissance. — Dans les anciennes éditions, le l'e symbolo ad
Calechttmenos (jadis appelé De symbolo fidei ad Cat. : cf. éd. de Louvain) n'a que 4 livres; et
dans celle des Bénédictins, un seul, les trois derniers n'étant insérés qu'aux apocryphes. Corri-
gez : De symbolo, 1, 2 Aligne t. G, col 627), où Augustin expose le raisonnement ci-dessus, que
Lombard lui emprunte.
(D) Entendez : l'opinion de la présence réelle.
(E) Le texte auquel fait allusion Bodin est assurément celui-ci : » Ul aulem lilteram sequi et
» signa pro rébus quae ils significantur accipere servilis infirmilalis est; ifa inutiliter signa inler-
» pretari malevaganlis erroris est ». De doctrina christiana, 3, 9, 13. — Cf. Vacant et Mange-
not, o. c. art. Eucharistie, t. 5, col. 1178, qui discutent ce texte d'Augustin; eLBaliffol, L'Eucha-
ristie, la présence réelle et la transsubstantiation, Paris, 1906, 3e édition.
(F) Entendez : on ne peut admettre que le Christ ait ordonné à la lettre le crime horrible de
manger sa chair et boire son sang.
(G) Adv. Marcionem, 4, 40 (Migne I. 2, col. 460i. Mais de tels textes ne closent pas les dispu-
tes, ils les déplacent. La querelle s'engage sur le sens du mot figura, que les catholiques (Bel-
larmin, De sacramento Eucharistix, 2, 7, cité en note par Migne, ibid.) prétendent indiquer la
réalité de la présence divine.
200 JEAN BODIN
Salomon. — Sil estoit permis dadorer Christ mort depuis longues années
soubs la figure du pain comme lentend l'Eglise Romaine, ou sans pain comme
les Zwingliens, ou auec le pain comme les Luthériens croient quil le fault
faire (A), a plus forte raison il eust esté permis aux Israélites (/) de faire des
veaux pour les adorer. Car le grand prestre Aaron (4) en ayant faict faire vn
il fit proclamer au son de la trompette que le lendemain seroit vne feste (m)
consacrée a Dieu et se sert du mot de quatre syllabes (B) qui ne peut sappli-
quer a aucune créature, y adioustant encores que cesloit celluy qui les auoit
retirez de seruitude : ils adoroient donc Dieu soubs lespece dun veau d'or, ce
qui estoit très estroittement defîendu (5). Mais (n) si Dieu punit cette offense
mortelle si rigoureusement quen vn moment trois mil (C) de ceux qui lauoient
[642] commise (o) périrent par le fer de leurs voisins ou parents et voulut
consacrer (p) dune perpétuelle alliance les mains qui auoient esté teintes du
sang de leurs frères, ainsy quelle vengeance pensez vous (q) quil prendra de
ceux lesquels simaginent quils immolent partout et a tous momens non pas
leur créateur soubs la forme dun veau, mais vn homme mort soubs les
espèces du pain et du vin, lequel ils adorent comme vn Dieu ?
[De l'éternité des peines et du purgatoire, 642-668. Toralbe : Pour souffrir
des peines infinies, une créature devrait être infinie ou divine. D'ailleurs,
observent Senamy et Octave, il n'est pas de péché mortel, puisqu'il exclurait
le repentir et le rachat, 642-644. Salomon, s'appuyant sur l'Écriture; Curce,
sur l'infirmité de la nature humaine, contestent que les peines puissent être
éternelles, 645 sq. Le Talmud gradue les peines suivant le degré de volonté
mauvaise du pécheur. En tous cas, disent Senamy et Curce, la crainte d'un
châtiment éternel est salutaire. Craignons au contraire, répond Toralbe,
(4) Exodi c. 32. — (5) Exodi c. 20. Non facietis deos aureos.
(l) N Israëli. MD Israëlitis. — (m) N festam diem seterno Deo sanclam postridie futuram.
MD festum... sanctum... futurum... — [n) N Et. MD Sed. — (o) N admiserunt. MD admiserant.
— (p) N consecrarit. MD consecrari (se. jusseril). — [q) N credatis. MD putatis.
(A) Les catholiques admettent, avec la présence réelle, la transsubstantiation. — Les Luthériens
admettent la consubslanlialion et la présence réelle (impanation), c'est-à-dire pensent que le vrai
corps de J.-C, sans se substituer au pain, se mêle et se tond avec lui. « Les Eglises enseignent que
» le corps et le sang du Christ sont vraiment présents dans la Gène et qu'ils sont distribués aux
» communiants ». Conf. d'Augsbourg, art. 10 (1530). Mélanchlon confirme cette opinion dans son
Apologie de la Conf. d'Augsb., puis Luiher, dans une lettre de 1534 (Bossuet, Var., 2, 31) et enfin
dans les Articles de Smalkalde (1537). — Les Suisses, Zwingle, Carlostadl (Bossuet, Var., 2, 11),
OEcolampade (Erasme, Lettres, 18, 9, dans Bossuet, Var., 2, 25) nient la présence réelle, et ne
voient dans la communion qu'un symbole et un souvenir. — Quant à Calvin, si Bodin ne l'a pas
mis en scène, c'est que son attitude est mitoyenne et délicate à définir : il nie la présence réelle,
Dist. chrét., 4, 17, 19 (éd. de 1540). Mais il croit à la présence substantielle, c'est-à-dire en
esprit, de Jésus, ibid. Que si on le presse de s'expliquer plus nettement, il déclare celte présence
mystérieuse, ineffable, sensible seulement à la loi. « C'est un secret trop haut pour le comprendre
» en mon esprit ou pour l'expliquer de paroles ». Inst. chrét.. 4, 17, 32.
(B) Le tétragramme sacré Jéhovah (cf. supra, IV, p. 257 note B). « Et cria [Aaron] par voix de
» héraut, disant : Demain est la solennité au Seigneur ! » Exod., 32, 5.
(C) NMD tria milita. — Viglnti a dû tomber; il est exigé par Exod., 32, 26 : « Et en ce iour la
» tombèrent enuiron vingt et trois mil hommes ».
des secrets cachez des choses sublimes "201
qu'elle n'accule le pécheur nu désespoir, comme Gain, 647 sq. Federich : La
peine est infinie, parce que tout péché envers Dieu est infini. Mais alors,
observe Toralbe, tous les péchés deviennent égaux; l'infini du mal égale
l'infini du bien : toutes choses impossibles. Non, lésâmes des méchants, après
expiation, sont soulagées par la mort : cf. Job, 24, 20. Salomon approuve,
649-651.
Du Purgatoire, 652-668. L'inégalité des peines étant prouvée, le purgatoire
s'ensuit. Curce et Octave nient l'existence d'un juste milieu entre l'enfer et le
paradis. Toralbe cherche à déterminer la composition chimique des flammes
du purgatoire, dont les volcans prouvent la matérialité, 652-654].
Du purgatoire. Des indulgences.
655] Octaue. — Ne voyons nous pas souuent des meschans après vne
longue suitte dannées heureuses et coulées dans touttes sortes de délices rendre
lesprit sans aucune apparence de douleur (9), et des gens de bien mourir
dans les prisons & dans les tourmens (rf)? Ce qui marque que les vns (e) sont
reseruez pour vne vie meilleure après celle cy & les autres pour recepuoir la
punition de leurs crimes, ainsy que Salomon (1) nous l'enseigne quand il
dict (/"), que les vns passent des fers & des prisons sur le throsne & les
autres tombent du throsne dans la misère et dans la pauureté (g). Il fault
donc qu'après celle vie il y ait des supplices pour le chastiment des meschans,
car (h) Dieu sembleroit nestre pas iuste sil laissoit tant de chastimens (A)
impunis, et s'il punissoit tous les manquemens des gens illustres & des gens
de bien pendant leur vie (B)'. Donc sil ny a point de supplices éternels pour la
punition des crimes après cette vie, il fault quils finissent ou auec le temps ou
auec le lieu : après quoy il sera nécessaire que Ion entre dans vne vie meil-
leure ou que Ion meure, il ny a point de milieu.
Tokalbe. — Cest vne des plus vieilles opinions (i) que nous ayons (C) que
(9) lob, c. 21. Hierem., c. 12. Abacuc, c. 1. Psal. 73, 57, 9, 36 (D). —
(1) Eccles., 4 (E).
(d) N (in) cruciatibus. MU cruciatu. — (ej N hos. MD quos. — \f) N cum dicit. MD diceret.
(g) ND regem vero ad inopiam pergere. M reges. — (h) N enim. MD vero. — (i) N opinio.
MD ratio.
(A) Lapsus amené par chastiment qui précède. Corrigez : péchés, crimes.
(B) On reconnaît le raisonnement, que Rousseau a repris, avec une variation originale, je le
reconnais : « Plus je rentre en moi-même, plus je me consulte, & plus je lis ces mots inscrits
» dans mon Ame : Sois juste et lu seras heureux. Il n'en est rien pourtant, à considérer l'état
» présent des choses; le méchant prospère, et le juste est opprimé », etc. Et il eu infère la certi-
tude des récompenses et des punitions dans l'autre monde. Profession de foi du vicaire savoyard.
(C) Allusion, je pense, au voyage de Her l'Arménien, dans Platon, Rép., 10, 13 (éd. H. Estienne,
t. 2, pp. 614 B sqq.), et à d'autres écrivains antiques qui s'en sont inspirés, par ex. Virgile,
Enéide, 6, 735-751.
(D) Job, 21, 7 sqq. Urémie, 12, 1 sq. Ilabacuc, 1, 6-10. Psaumes 72(H. 73), 3 12; 37, 19; 36,
i-'.);9, 12-18.
(E) La référence de R est exacte : Eccl., 4, 14. MDN donnent Eccl., 7.
202 JEAN BODIN
les âmes de ceux qui pour le plaisir du corps ont violé tout droict diuin &
humain, quand elles en sont sorties tournent autour de la terre ou elles sont
tourmentées et ne montent point auec les bienheureux nu ciel (2) (A) quaprès
auoir passé ainsy plusieurs siècles. Cest [656] pourquoy les anciens ont creu
que cestoit le moyen de les destourner du mal que de les menasser de peines
plus grandes et plus longues en lautre vie (B) quen celle cy (j), comme la
dict (k) Platon (3) (C) a fin de donner a entendre (/) quil ny a point de crimes
impunis ny de peines éternelles.
Curge. — Si nous reconnoissons vn purgatoire de feu ou de glace comme il
vous plaira a fin dexpier les péchés et que de la on puisse trouuer le chemin
du paradis et les sièges des bienheureux, prenons garde que nous ne tombions
pas dans lerreur dadmettre vne infinité de genres de supplices, car (m) toulle
la nature ne souffre point d'infinité. Il est donc mieux a mon sens de ne
recognoistre que deux lieux, lun de recompense & l'autre de punition.
Cohoni. — Si Dieu a quelque soin de ses droits & de sa justice (D), ainsy
que nous croyons quil a extrêmement, il fault croire que ceux lesquels au
dernier moment de leur vie ont vn regret de leurs péchez tel qu'il doibtestre,
qu'ils n'en sont pas pour cella entièrement absoubs, mais qu'ils (E) sont en
quelque façon amoindris. Car imaginons nous deux hommes lun qui aura
mené tant quil a vescu vne vie illustre, saincte et exemplaire sans auoir faict
tort a personne (n), et (o) sans espoir de recompense a aymé Dieu de tout son
cœur a cause seulement de sa bonté infinie, en quoy [657] consiste le plus
hault degré de perfection, cependant il arriue quil est tué en adultère (p) sans
auoir peu demander pardon : et vn autre lequel sestant souillé de tous les
(2) In Phœdone. — (3) In Gorgia.
[j) N tanlisper dum (D omel, à tort, dum) hoc spirabile lumen (?) (MU cœlum) hauriunl.
— (k) N sicut idem Plato. MD id est, ut idem Plato. — (l) N ex quibus sentenliis significa-
bant. MD ex quibus salis significabant. — (m) N enim. MD autem. — (n) N nihil unquam
injurias fecisse. Mb injuria. — (o) N ac. M aut. D at. — (p) ND in adullerio deprehensum.
M compréhension.
(A) E'tç xaôobav oïx7)(riv, Phédon, 29 (Eslienne, L. 1, p. 80 D). Bodin, comme d'habitude, cite
non le lexle exact, mais le sens du passage. Socrate raconte un peu plus bas, c. 30, p. 81 B sqq.,
l'histoire des âmes brutales tourmentées et obligées de se réincarner avant de monter pures vers
les régions divines.
(B) Contresens. M ilaque veleres prseclare cum Us agi pulabant, eosque malis ingenlibas
evipi, qui pœnas in terris, tanlisper dum hoc spirabile cœlum hauriunl, graviores dédissent,
= les anciens estimaient traités avec faveur et soustraits à des châtiments terribles ceux qui
avaient plus cruellement expié leurs fautes eu ce bas monde.
(C) MD To ô:xr,v otoovat u.ey^(TTOU xaxoù àTiaXXayifjv TrovTjpi'aç etva'.. Je ne crois pas que
ce grec soit d'authentique Platon. Il résume Gorgias, 81 (Eslienne, p. 525 B sqq.), où Platon
explique que, le châtiment purgeant l'âme de l'injustice, rien n'est pire pour nous que d'échapper
au châtiment d'une injustice une fois commise. Idée d'ailleurs familière à Platon et qu'il reprend,
Lois, 9, 17 (Eslienne, t. 2, p. 880 E sqq.), contre l'enfant qui a frappé ses parents. Sur le procédé
de citation, cf. supra, IV, p. 221, note D.
(D) MD juris et juslitiœ, simple redondance d'expression familière au verbeux Bodin, et où
R a eu tort de voir deux idées distinctes; elle s'oppose à la fin du couplet : quid injustius
decerni possit'.'
(E) Les péchés.
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SUBLIMES 203
crimes imaginables, de stupres, dadulteres, de meurtres, de parricides et de
blasphèmes contre Dieu, a la fin de ses iours ayant le lemps.de se recon-
noistre il implore la miséricorde de Dieu par la confession & le repentir de
ses abominations : Curce & Federicli estiment que celluy la va droict au ciel
auec les anges (A) et que lautre est damné éternellement. Iugez, ie vous
prie (fj), si Ton peut rien imaginer de plus iniuste.
Cuhce. — Cest la vieille plaincle des enfans d'Israël, lesquels ont esté assez
insolens pour accuser pour cella le créateur diniustice. Mais Dieu leur res-
pond par son Prophète Ezechiel (4) : L'aine (dicl il) laquelle aura péché
mourra, le Fils ne supportera point le crime de son Père, ny le Père celluy de
son Fils. Que si limpie quitte son impieté et embrassant mes ordonnances
rentre dans la Justice et la droicture (/•) il viura et Ion ne se ressouuiendra plus
de sa vie passée ny de ses péchez. De mesme si Ihomme droict se relasche [s)
de son intégrité pour sabandonner a limpieté, ie nauray plus mémoire aucune
de sa vertu mais il mourra dans son péché. Vous autres qui vous plaignez
que les iugemens de Dieu [658i ne sont pas équitables, escoutez (maison
d'Israël) : quoy, mes iugemens ne sont pas iustes? c'est pluslost vous mesme
qui ne lestes pas (B). Don Ion infère (t) quil ny a que deux sortes de départs
des âmes.
Salomon. — Ezechiel na pas dict (C) que si cet impie exécrable par touttes
sortes de vices et de crimes se repent a la fin de ses iours quil aura remission
de sa vie passée : mais si ayant quitté son impieté (m) il vit dans la iustice,
que Dieu oubliera son iniquité. Et semblablement que celluy qui auroit tous-
iours marché dans lequité et aura faict vn péché au dernier moment de sa
vie, doibue estre tourmenté éternellement, mais quil périra enfin en mourant
sil sabandonne entièrement aux vices et aux impietez (D).
Coroni. — Ma croyance est que celluy qui a eu douleur de ses fautes (v) les
va expier dans les feux du purgatoire (x) : non seulement par ce qui est
(4) C. 18.
(q) .V omet quaeso. — (r) N edicta mea amplexalus fuerit, juslitiam et judicium. MD am-
plexalus, fecent juslitiam, etc. — \s) N converterit se ab integritate ad impie tatem. MD
averlerit sese. — (/) JV ex lus (MD Us) sequilur. — (u) N reversus ab impietate. MD aversus. —
(«) .V Ego illum (M eum), quem pœnituerit scelerum... MD pœnituit. — (.».-) N purgaloriis
(MD intercalent incendiorum) ignibus.
(A) Inexact. MD ab angelis subvehi, = est enlevé par les anges.
B Ezechiel, 18, 20, 21, 22, 24 et 25.
(C) Voici de nouveau Bodin préoccupé de défendre les notions essentielles de liberté et de
responsabilité cf. p. 565 note). On a vu tout à l'heure avec quelle force de raison Coroni a montré
les excès, chez les protestants, de la théorie de la grâce: voilà maintenant Salomon qui ruine
l'autorité qu'ils invoquent.
(D) « Car lorsque le iuste se sera deslourné de la iustice, et qu'il aura commis l'iniquité, il y
» trouuera la mort; il mourra dans les qeuures iniustes qu'il a commises. Et lorsque l'impie se
» sera deslourné de l'impiété ou il auoit vescu, et qu'il agira selon l'équité et la justice, il rendra
» ainsi la vie a son ame ». Ezechiel, 4, 26 sq.
204 JEAN BODIN
escript dans les escritures sainctes (5), mais par lauctorité rhesme (y) de
Martin Luther (6).
Salomon. — Pour moy ie nestime pas que cette repentance a la fin de nos
iours (s) soit vtile aux meschans.
Coroni. — Nous croyons que par la puissance que Dieu a donnée au
prestre celluy qui en a receu labsolution est au moins (a) quitte de la
coulpe.
Salomon. - Rien ne me semble plus abominable que ce pouuoir que les
prestres de l'Eglise Romaine sattribuent de remettre les péchez a ceux qui
leur confessent : cette puissance nappartenant qua Dieu seulement de plain
droict (7).
[659] Coroni. — Mais lesus Christ a donné cette puissance a ses aposlres (b)
et a leurs successeurs que tout ce quils lieroient et (c) deslieroient en terre
seroit lié et ileslié au Ciel (A).
Curce. — le né voy point pourquoy les Pontifes romains (Bj ont appliqué
ou plustost renuersé ces mots de lier & deslier en faueur de labolition des
péchez : si ce nest quils ayent creu leur pouuoir eslre trop borné [d) en nen-
treprenant pas (C) sur les droicts de Dieu qui ne peuuent estre communiquez
aux créatures, ou bien pour auoir moyen damasser des sommes infinies dor
(5) Lib. 2 Maccab., c. 12. Matth., c. 5 et 12. Epist. la ad Corinth., 3. Ad
Philip, c. 2. Epist. 2 ad Timoth., 1. loan., c. 5. Apocal., c. 5 (D). - (6) In reso-
lutione conclus. 15 (E). — (7) lob. c. 34 (F).
{y) M omet etiam. — (s) MD extremo (S insère vitse) spiritu. — (a) N eum (amen (peu intel-
ligible). MDsaltem. — (b) MD At Chris tus hanc apostolis (N aperlissime discipulis) potesta-
tem largilus est (N largitur). — (c) MD ant. N et. — (d) M angustiores. ND augustiores.
(A) Matth., 18, 18. Cf. Jean, 20, 23.
(B) (ïurce reprend ici le motif déjà traité par Salomon, supra, pp. 560 et 563.
(G) M nisi quod angustiores (ND augustiores) se fore putarunl, si in jura divinse majestalU in
communicabilia involarenl. ND est intelligible : ils deviendraient plus grands s'ils usurpaient
les droits de Dieu. M ne l'est pas. R. est très plausible, qui semble traduire angustiores .. nisi
involarent, = ils resteraient trop bornés s'ils n'envahissaient pas les droits de Dieu. Voilà
encore un passage, où R, différent de D et de M, a sa valeur propre, & une valeur de premier
ordre.
(D) « C'est donc sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, a fin qu'ils soient deliurez
» de leurs péchez ». II Macchabées, 12, 46. Mais il s'en faut de beaucoup que tous les passages
invoqués par Bodin, et qu'il emprunte sans doute en bloc à quelque index — la table de ma
Bible (1604) les indique tous à l'art. Purgatoire — soient aussi nets que le précédent. Les uns
l'ont allusion à un enfer souterrain, les autres déclarent que les péchés peuvent être pardonnes,
d'autres enfin ne peuvent être rapportés au Purgatoire que par interprétation allégorique :
Matth. ,5, 25 et 12, 31; / Cor., 3,13; Ad Philipp., 2, 10; H ad Timoth., 1,18; référence inexacte,
à lire / Epist. Johannis. 5, 16; Apocal., 5, 3 et 13. Coroni expose ici la pure doctrine du concile
de Trente, sess. 25 De purgatorio.
(E) lîesotutiones dispulationum de indulgenliarum virtute, sur la thèse XV : « Mihi cerlissi-
» mum est purgalorium esse ». El les thèses 16 et 17 étudient la différence enlre purgatoire, ciel
et enfer, et l'effet du purgatoire sur les âmes (Ed. liebart, t. I, fol. 3 b sqq. ; éd. moderne de
Weimar, t. I. p. 555). Ces discussions sur les indulgences eurent lieu sous la présidence de
Luther à WiLlemberg, en 1518. Mais le même Luther ne tarda pas à parler en sens contraire.
(F)[Cf.[p. 5G3 note,
DES SECRETS CACHEZ DES CHOSES SI BLIMES 205
& dargent en accordant la rémission des péchez, puisque nous voyons quils
ne pardonnent pas seulement les péchez commis, mais encores ceux que Ion
veult commettre, en dispensant des loix diurnes et humaines : et très souuent
pour de largent ils ne remettent (e) pas seulement les péchez de peu de con-
séquence (/"i, mais aussy les plus énormes mesmes. Dou sont sorties les
ventes papales des indulgences {y) (À), desquelles Grégoire premier est inuen-
teur, et lesquelles insensiblement ont bien augmenté depuis, en sorte quils
confèrent iusques a mil ans de pardon (8).
Les bons, explique Salomon, sont punis dès ce monde de leurs quelques
faiblesses, et récompensés dans l'autre vie. L'inverse, ajoute Octave, arrive
aux méchants, 660-662. Des messes pour les âmes du Purgatoire. Federich
invoque l'autorité des Pères, Toralba la raison pour nier leur efficacité. Coroni
opposant le livre des Macchabées, on conteste son authenticité. En cas de
doute, conclut humblement Coroni, courons toujours le risque d'être utiles à
nos morts, 663-667.
Conclusion, 668-685. Devant les dissensions des religions, et, à l'intérieur
de chacune, des théologiens, adoptons donc cette religion naturelle, une,
simple, élémentaire, inspirée de Dieu, sur laquelle nous tombons tous
d'accord, 668. Chacun défend les cérémonies de sa secte. Federich repousse
les prières que Coroni offre de faire pour les autres. Malgré les reproches de
Salomon, Senamy déclare qu'il est prêt à prier, dans n'importe quel temple,
le Dieu suprême qu'au fond tous reconnaissent, 669-674. Salomon prouve,
par des exemples historiques, l'attachement des Juifs à leurs rites particuliers.
Curce, du point de vue politique, redoute la coexistence de plusieurs religions
et les assemblées secrètes. Senamy et Octave reprennent l'éloge de la tolé-
rance, source de la concorde, 675-678. Curce montre, par l'autorité des Pères,
que la conversion des hérétiques ne doit s'opérer que par persuasion. 11
rappelle quelle sédition souleva à Lisbonne la conversion forcée des Juifs,
679-681. Salomon, alléguant le massacre des Juifs à Cracovie (1401), dit que
les mauvais princes prétextent la religion pour dépouiller et tuer les inno-
cents. Octave flétrit les cruautés du cardinal Ximénès contre les Maures de
Grenade. Federich loue le mot de Théodoric : Religionem imperare non possu-
mus, quia nemo cogi polest ut credat invitus. Et chacun, en respectant la
croyance de tous les autres, reste fixe dans la sienne, 681-685].
(8) Vide librum de taxis cancellariïe, c. de absol. et dispensationibus.
(e) MD veniam larrjiuntur. N largianlur. — if) N nec leviorum(MO leviuin delictorum), sed
robustiornm impielatum. — \g) U venulium indulgentiarum (M nundinationum, inadvertance)
pontificiœ nundinaliones. N pontificiis nundinationis copia (?).
(A) On comprend que le protestant Curce attaque les Indulgences : voici comment le concile
de Trente a tranché la question : « La puissance de les accorder a été donnée à l'Eglise par
» J.-C, et l'usage en est salutaire. 11 doit être retenu, avec modération toutefois, de peur que la
» discipline ecclésiastique ne soit énervée par une excessive facilité •>. Sess. 25.
INDEX
ides istoivcs ex des choses
Les chiffres indiquent les pages du présent volume et non ceux du manuscrit 1923 de la Bibliothèque nationale.
Je ne me suis pas astreint à une nomenclature complète, et qui aurait inutilement gonllé cet index, de tous les
persi mnages ou livres cités; j'ai choisi, ne rappelant que les moins connus, ou ceux que Bodin copie sans les
nommer, ou ceux sur lesquels j 'apporte des renseignements biographiques ou bibliographiques.
Aben-Esra, 94, 186.
Adam. Sens allégorique de son histoire, 181,
182-184, 192-193.
Corneille Agrippa, 87.
Allégorie, 181, 183, 193.
Ame mortelle, 31.
Anciens. Plus saints que les modernes, 88.
Égaux ou supérieurs aux chrétiens, 151,
182. Leur longévité, 153.
Ane. Juifs et chrétiens accusés d'adorer une
tête d' —, 138.
Anges, corporels, 152. Ministres de Dieu, 35.
Antipodes, exemple de vérité invraisem-
blable, 167.
Antiquité, gage de force, 58. Preuve de
vérité, 71,86, 131.
Apollon, démon, 71, 78, 81. Ses oracles, 71-
78. Délire des Pythies, 75, 81.
Apologie par Bodin de son attitude pendant
la Ligue, 127.
Arius et l'arianisme, 124, 148, 172.
Astres. Leur influence peut être neutralisée,
186. Ministres de Dieu, 35.
Athéisme. C'est un crime, 54. Pire que la
superstition, 128. L'apparence même en
est dangereuse, 127. Prétendu athéisme de
Bodin, 24-25.
Attitude religieuse des sept interlocuteurs,
3, 24, 131, 164, 205.
Autorité contestée par la raison, 160, 182.
Averroès, impie, 106.
Avicenne, 107.
Ballhus, 83.
Baptême, inutile ou ridicule, 182.
Basile (S.), 76.
Basnage, 198.
Bibliander. 46, 106, 107, 108, 109, 118-123,
143.
Blasphème réprouvé, 102.
Bodin exprime-t-il sa pensée dans VHept. ?
23-24, 103, 198.
Bossuet, 185.
Calvin, 101, 114, 150, 186.
Cardan, 77, 78.
Catholicisme (Voyez Christianisme, Église,
etc.). Antiquité du — , 71. Il doit sa durée
à la pompe de son culte, 114, 115. Théâtral,
115. EmprunLe ses rites aux Anciens et
aux Juifs, 114; le culte des saints aux
païens, 196-197. Suppose ses prêtres dans
la toute-puissance de Dieu, 179, 198, 204.
Cérémonies (Voyez Rites).
Chalcondylas, 107.
Chrétiens. Mœurs débauchées des — , 99.
Inférieurs aux anciens, Païens ou Juifs,
151, 182, 184.
Christ (Voyez Rédemption, Incarnation,
Péché originel, etc.). Est-il le Messie?
136. Esl-il Dieu? 124, 149, 151-153. La
divinité du — est physiquement impos-
sible, 157. Variations de l'Église sur la
question, 171-173. Le — se prétendait-il
Dieu? 146, 153. A-t-il été prédit par l'An-
cien Testament? 140. Crucifixion contestée
par les Musulmans, 103, 123, 151. Résur-
rection contestée, 151-153. Miracles du — ,
151-153, 163, 164; contestés, 151, 164. Le
— inférieur à d'autres thaumaturges, 161-
208
INDEX DES NOMS ET DES CHOSES
163; aux héros du paganisme ou du
judaïsme, 149-150. Le — à la lête d'âne.
138. Le — est homme el créature, 164, 178.
Engendré, créature, il n'est pas Dieu ni
créateur, 166, 169 Sa divinité & son sacri-
fice inutiles, 174-175. Le — esl-il nécessaire
au salut? 184.
Christianisme. Accusé de porter malheur au
monde romain, 51. Variations du — , 36,
133-135, 171-173, 176; justifiées, 173, 176.
Emprunte ses cérémonies à l'antiquité,
155-156; les multiplie, 194. Plus dur que
la loi juive, 194. Le — et les persécutions,
136.
Christine de Suède, 5-6.
Cinq-Arbres, hébraïsant, 107.
Citations inexactes ou légères de Bodin, 17,
52, 79, 86, 145, 148, 162, 170, 173.
Clément Romain, 163.
Climats. Théorie des — transportée dans
l'élude des religions. 121-122.
Cloîtres, asiles de débauches, 102.
Conciles, 123, 124, 171-173.
Confession auriculaire, 178-179.
Conservatisme de Bodin, 58, 117, 131.
Controverse. La — ébranle la religion, 59-
65, 66. La décliner est aveu ou malice, 65.
Inutilité des controverses, 205.
Critérium. Difficulté de trouver un — incon-
testé de la vérité religieuse, 66-69.
Critique. Esprit — opposé violemment à la
foi, 164, 168, 177,178.
Cube. Problème de la duplication du — , 80.
Cusa (Nicolas de —, cardinal), 67, 80, 108.
Danse. Histoire de la — religieuse, 154-157.
Décalogue (Voyez Judaïsme, Religion natu-
relle, etc.). Expression de la loi naturelle,
95. Universel, 96.
Démons. Ministres de Dieu, 35. Ennemis de
toute religion, 71-73. Leurs réponses
intentionnellement ambiguës, 73-78. De-
vins, 81-82, 84, 198. Incubes, 144. Assimi-
lés aux faux dieux, 71, 81, 179. Transpor-
tent en l'air les sorciers, 152. Les aident
dans leurs prestiges, 163. Evoqués par les
théurges, 197.
Denys le Chartreux. 108.
Diecman, 2, 8.
Dieu. Unique, 100-102, 165. Incorporel, 88,
96, 160. Inexprimable, 159-160, 165. Éter-
nel, étranger au temps, 188. Son nom
mystique, 77-78. Punit moins et récom-
pense plus que de raison, 120, 183. Nous
justifie par nos bonnes œuvres, quoiqu'il
ne soit pas tenu de les récompenser, 193-
194.
Dieux. Des — païens, 40-45. Ils sont des
démons, 71, 81, 179. Sont-ils les vertus du
Dieu unique? 43. Ou les vices personni-
fiés? 44. Leur culte, sincèrement pratiqué,
honore le vrai Dieu, 46-56; négligé, il
l'offense, 128, 155.
Dolel, 25.
Dulie. Est une ouverture à l'idolâtrie, 195-
196.
Duplessis-Mornay, 39, 71, 72, 76, 77, 89,
165.
Éclectisme religieux d'Alexandre Sévère, 49.
De Senamy, 38, 41, 49, 205.
Église (Voyez Catholicisme, Christianisme,
Variations, etc.). Infaillible, 176.
Ellies du Pin, 36.
Erasme, 25, 185, 200.
Erreur de bonne foi sur la vraie religion
n'est pas damnable, 130.
Esprit (S.). Est-il Dieu? 169. Variations de
l'Église sur la question, 172, 173. Proces-
sion du —, 169, 173.
Eslienne (H.), 2.
Etymologies fantaisistes, 155.
Eucharistie. Contre I' —, 135, 198-200.
Eunape, 197.
Evangiles. Contestés par les juifs & maho-
mélans, 68, 86. Apocryphes, 141, 142, 190.
Corrompus, 140-143, 148-149. Contradic-
toires, 141, 147-149. Invraisemblables, 147-
149. Discordants, 147. Abrogent-ils l'ancien
Testament? 102, 140. Cités dans le Koran,
68, 143.
Exemple (mauvais). A éviter : voyez Scan-
dale.
Expiation (voyez Pénitence, Respo?isabilité,
Liberté, etc.). Nécessaire à la justifica-
tion, 184, 202. Temporaire, 200, 201, 202.
Prouvée, 201.
Extraits. Pourquoi on publie des — ? 22-23;
et ceux-là, 23.
Fables (voyez Légende).
Fatalisme (voyez Prédestination). Des Stoï-
ciens, 186.
Fernel, 1.
Fêles. A sanctifier par la méditation, & non
à souiller par la débauche, 99.
Ficin (Marsile), 35, 39, 71.
Foi. Définition de la —, 63-64, 131. Heurtée
à l'esprit critique, 164, 168, 177, 178.
Fonlenelle, 75, 83.
Force. Emploi de la — en matière religieuse,
56, 59, 123.
Gomara, 80, 89, 106, 179 (voyez Indes occi-
dentales).
INDEX DES NOMS ET DES CHOSES
209
Grâce. Doctrine prolestante de la — justiti-
cative, 180, 184. Pour et contre la — , 182.
Lien de ce problème à ceux du péché ori-
ginel vfe de la liberté, 185. La — est-elle suf-
fisante pour le salut? 182, 203.
Grégoire de Nazianze, 158.
Grotius, 4, 5.
Guhrauer, 9.
Hagiographes chrétiens remplis de fables,
107, 108.
Harmonie des contraires, 32.
Hébreu. L' — seul fait foi dans les passages
contestés de l'Écriture, 137, 140. Langue
d'origine divine, 86.
Hepiaplomeres. Sens du mot, 1. Origine pos-
sible,.!. Circonstances du colloque, 1. Per-
sonnages, 3. D'enLre eux, quel est le tru-
chement de Bodin? 23,24. Date de 1' —, 3,
4. Autographe de 1' — , 4, 5. Exemplaires
connus, 5, 6, 7. Travaux sur 1' — , 7, 8, 9.
Intérêt de 1' —, 23-27.
Hérédité des vices et vertus, 181-182.
Huguenots. Sympathie de Bodin pour les — ,
127.
Humanisme. Rapports de 1' — avec la Ré-
forme, 24.
Hypostases. Voyez Trinité, Christ, etc.
Idolâtrie (Voyez Polythéisme, Images, Dulie,
etc.).
Images. Culte des —, 95-96, 101, 102, 104.
Immaculée-Conception, 175.
Impiété envers les faux dieux punie par le
vrai, 53, 155.
Incarnation (Voyez Christ), 160, 173-177.
L' — impossible, 174. L' — inutile, 174-
175.
Indes Occidentales. Les pylbonisses, 81. Sa-
crifices humains, 89, 164. Vomissement,
symbole de purification, 106. Usage de la
confession, 179.
Indes Orientales. Les veuves menées au
bûcher, 106. Dieux horrifiques, 55.
Indulgences, 204.
Intention. Capitale pour l'évaluation morale
de l'acte, 47-49, 180, 185. Bonne, elle suffit
au salut, 111.
Isthme. Les perceurs d' — punis de Dieu, 79.
Jamblique, 197.
Judaïsme (Voyez Loi). Église incontestée de
tous, 67. Repousse l'appui des oracles
païens, 72-73. Prouvé par les miracles de
Dieu, 69-70. Les persécutions ne prouvent
rien contre lui, 135-136. Conçoit un Dieu
unique, incorporel, 133, 160. Ses rites, 91.
Chauviré
Invariabilité du — , 131-135. Il n'a été que
le rappel de la religion naturelle, 87, 95; et
n'est encore qu'une étape vers elle, 1 13.
Juifs : Les — en Italie au xvie siècle, 3. Les
— peuple élu, 132, 133, L35, loi',. Disper-
sion des — , 135. Les — égaux ou supé-
rieurs en valeur morale aux chrétiens bap-
tisés. 151, 184. Mélancoliques, de voir le
Décalogue foulé aux pieds, 99-100. S'inter-
disent la controverse, 59, 65. Leur intolé-
rance leur a été funeste, 39. Leur langue
est primitive et divine, 86.
Juridique. Esprit — de Bodin, 124.
Justin. Apocryphes de —, 168, 170, 171.
Kasimirski, 46.
Kimhi (David), 90.
Koran, 46.
Légende. En matière de religion, Bodin la
hait, chrétienne ou musulmane, 108-109.
Légende dorée, 108.
Leibnilz, 7, 8, 9.
Léon d'Afrique, 46, 118, 119.
Léon le Juif, 94, 183.
Levi ben Gerson (R.), 90.
Levi ben Iarchi (R.), 90.
Libre arbitre (voyez Responsabilité, Péché
originel, etc.), 180, 183, 184, 185-190, 203.
N'est pas aboli par la prescience de Dieu,
188.
Loi juive suffit au salut, 184, 187, 188. Peut
être observée sans l'aide du Christ, 184,
190. Plus douce que la loi chrétienne, 194.
Lombard, 165, 166, 175, 176, 189.
Luc. Ses deux premiers chap. apocryphes,
142.
Luther, 102, 185, 190, 200, 204.
Mahomet. Invective contre — , 106, 118-120.
Apologie de —, 107. Pour et contre le
paradis de —, 106, 107, 108, 116, 120. Con-
tre les fables répandues sur — , 108-109.
La chasteté prônée par — , 121 ; mais —
adapte sa religion au tempérament orien-
tal, 121-122. Cite la Bible, 118. Dénature
l'Évangile, 68.
Mahométans. Fils d'Abraham, 104, 116. Sui-
vent sa loi, 67. S'interdisent la controverse,
65, 123. Leurs ablutions symboliques, 106,
116. Les — contestent que le Christ ait été
crucifié, 103, 123, 151. Les — proches des
Nestoriens, 123. Eloge des — , 106.
Mahométisme. Ses dogmes et ses rites, 103-
104, 116. Monothéiste, 103, 116. Ce point
est contesté, 118. Le — fécond en sectes,
134. Le — étape vers la religion naturelle,
121, 122.
14
210
INDEX DES NOMS ET DES CHOSES
Manuscrits de VHepl. Liste des — étudiés,
11. Étude de leur valeur comparée, 10-22.
Manichéisme combattu, 31, 181.
Martyre. Est-ce une obligation morale? 125-
128.
Mélanchton, 166, 208.
Mensonge. Permis aux pasteurs de peuples,
princes ou pontifes, 120-121.
Messie (voyez Christ). N'implique pas un
Dieu, 137-140. Signifie Oint, 137. Le —
sera un prince restaurateur, 139. Ou, selon
d'autres, le roi des cieux, 140. Messianisme
de Salomon, 139-140.
Miracle. Prouve la vérité du judaïsme, 69-
70. Le miracle réduit à l'explication ration-
nelle, 146, 152.
Maïmonide, ou Moïse Rambam, 70, 159, 167,
189.
Monde. Décrit dans les cérémonies mosaï-
ques, 94. Trois mondes qui se commandent,
intelligible, céleste, élémentaire, 35.
Monothéisme loué, 88, 100-102, 128, 195. Le
— exclut la Trinité, 166.
Montaigne, 80, 106.
Mopsus. Son oracle, 78, 79.
Nafissa, 118.
Nature (voyez Religion naturelle).
Natures. Union des deux — en J.-C, 166.
(Voyez Christ, Trinité, etc.).
Naudé, 2, 4.
Néo-platoniciens, 39, 87, 1«J7.
Neslorius et Nestorianisme, 124, 172, 177.
Noack, 9, 10.
OEuvres suffisent-elles au salut? 192-194.
Omar, 46, 123.
Opinion, 56, 62, 187.
Oracles, 71-85. Intérêt de la question des — ,
71, 83. Contradictoires, 74. Supposés par
les Chrétiens, 73, 74, 75, 171.
Origène, falsifié, 169.
Originel. Le péché — est le nœud de toutes
les difficultés de la théologie chrétienne, ■
181, 182, 185, 187. Entache-t-il la Vierge?
175. Il est chimérique, 181, 187.
Osorio, 55, 106.
Païens. Ont 300 Jupiters, 100; et 36.000 dieux,
37, 101. Crédules, et prêts à croire aux
fables chrétiennes, 160-161. Les — ver-
tueux sont-ils damnés? 191.
Papes. Sorciers, 101. Indulgences conférées
par les —, 179.
Paracadius, maître d'Octave, 104. Le con-
vertit, 110, 111.
Pardon des injures, danger social, 164, 194.
Passion d'un Dieu, invraisemblable, 151.
Guy Patin, 2.
Palrislique. Littérature — corrompue, 169.
Apocryphe, 170, 172.
Péchés (Voyez Responsabilité, Liberté,
Expiation, etc.).
Peines. Eternité des — impossible, 200, 201.
Désespérante, 200.
Pénitence (Voyez Péchés), 178-180, 202.
(Juestion de la — liée à celle de la liberté,
185.
Persécutions. Inanité des — contre la vérité
des religions, 136.
Peuple. Suit, en matière religieuse, l'exem-
ple des princes et des savants, 56, 59, 123,
128-131. Obéissant à des pontifes qui l'éga-
rent, reste innocent, 130.
Pharisaïsme, attaqué, 113.
Philon le Juif, 86, 181, 183, 191.
Physique confondue avec la théologie, 158.
Pic de la Mirandole (Jean), 1, 3, 39, 144.
Pic (Jean-François), 39, 144.
Platon, 39,57,202. Interprèle l'oracle pythien,
80 Est un inspiré, 131.
Pline, 79.
Polythéisme vaut athéisme, 39 (Voyez Mono-
théisme, Dieu, Dieux, Païens, etc.).
Poncifs juridiques, 47, 126.
Postel, 2, 107.
Prédestination combattue, 186-187, 189.
Prescience divine n'entraîne pas serf arbitre,
187-188.
Prêtres doivent être honorablement entrete-
nus, 117-118.
Processions. Origine hébraïque des — , 155.
Proclus, 39.
Prophètes. Sérénité des —, 81. Véracité des
—, 82.
Prophétie différente de la divination démo-
niaque, 81-82, 84.
Protestantisme essaie de recréer une disci-
pline religieuse, 24, 130.
PLolémée, astrologue, 121, 186.
Purgatoire, 201-204.
Pythies (Voyez Apollon).
Raison. Rayon divin infus en l'homme, 165.
Dressée contre l'autorité, 160, 182.
Récompenses divines supérieures à nos
mérites, 120.
Religion, conviction individuelle. La — enta-
mée par les controverses, 59-66. Inaccessi-
ble à la raison, 131, 165. Est-elle opinion,
évidence ou foi ? 62. Est-il permis de dis-
puter de la —, et à qui? 57-59, 128-131.
Doit-elle être imposée par la force ? 56, 59,
123, 205. Confessée à tous risques ? 125-
INDEX DES NOMS ET DES CHOSES
128. Difficulté de trouver un critérium
incontesté de la vraie — , 66-67. Preuves
de la vraie — : miracles, 69-70; oracles,
71-85; antiquité, 86-89. La — , môme fausse,
mais sincèrement pratiquée, atteint Dieu,
46-56, 128, 155.
Religion naturelle, 3. Principaux articles, 95.
Monothéiste, 88. 95, 160. Simple, nue,
sans' rites, 89, 111. Suffisante au salut pour
tous les hommes, 88, 112. Innée avec la
raison, 87, 111, 160. Conforme à la cons-
cience, 112. Louée, 205. Prouvée par la
sainteté des Hébreux antérieurs à Moïse,
88, 112. Par son antiquiLé, 86. Identique au
mosaïsme, 87, 95; surtout depuis que la
destruction du Temple a dépouillé le mo-
saïsme des rites qui l'en différenciaient
encore, 92, 113. Les religions confession-
nelles, étapes vers la religion naturelle,
113, 121, 122.
Religion, phénomène social. Ciment de la
société, 37-58, 127, 131. Garante de la
morale, 54. Unité de — souhaitable, 2<'5.
Pluralité préférable à dualité de — , 36.
Dangers du changement, 39-58, 127. La —
grandeur de Rome, 51.
Rédemption ("Voyez Christ). Impossible à
une créature, 164, 178. A un Dieu, 178.
Est-elle prouvée par des autorités ? 17s.
Reliques. Contre le culte des — , 101, 130.
Responsabilité de la conscience, essentielle à
la morale, au mérite ou démérite, au salut,
178, 179, 180, 182, 183, 184, 203. En lien
étroit avec le libre arbitre, 40, 47-49, 180,
185.
Résurrection. Contestée, 151. Scientifique-
ment explicable, 152-153.
Ricold de Montecroce, 10S.
Rites. Inutiles, 89, 90, 111, 112, 184. Servent
cependant à retenir l'esprit grossier des
simples, 111, 114,116. Les — mosaïques ont
eu pour but de ramener des idoles au vrai
Dieu l'adoration des Juifs, 91. Des — con-
traires poursuivent un même but : honorer
Dieu, 153. Étude de divers — , 105. Les —
juifs, 91, 93. Leur sens allégorique est la
description du monde, 94, 105. Rites chré-
tiens empruntés aux religions antiques,
114, 154-157.
Rousseau, 201.
Sabbat, 97-98. Justifié, 98.
Sabellius et Sabellianisme, 124, 177.
Sacrifices humains, démoniaques, marque
des fausses religions, 89.
Sacrilège, même contre les faux dieux,
puni, 52.
211
Saints (Voyez Images, Reliques, Polythéisme,
etc.), 95, 101. Les Pères contre le culte des
— , 194-195. Origine païenne de ce culte,
lin;, 197 Culte dos — défendu, 198.
Sanctions (Voyez Expiation. Pénitence,
Peines, etc. .
Saint-Sixte. Le cardinal de — , 108.
Salut (Voyez Liberté, Grâce, Expiation,
Loi, etc.). Est-il possible par la foi, ou par
les œuvres, ou par les deux? 191, 192-194-
Sarrau, 4, 5, 6.
Savants qualifiés pour chercher la vérité
religieuse, 59, 131.
Scandale. A éviter, 127, 128.
Scot, 63.
Sectes ennemies sapent leur commune reli-
gion, 61 62.
Senckenberg, 8. 9, 10.
Sibylles (Voyez Apollon). Vers sibyllins sup-
posés, 76.
Sincérité. Valeur de la — religieuse (Voyez
Dieu, Intention, Religion .
Simon le Magicien, 162-163.
Songes divinatoires, 84-85. Chez les contem-
porains, 85.
Sorciers. Transportés en l'air, 152. Thauma-
turges, 161-163. Outragent leur dieu, outra-
geant ainsi le vrai Dieu, 54 (Voyez Dé-
mons).
Souverain bien. Est-ce la vertu ou la con-
templation de Dieu? 131.
Stancari, 166.
Steuchus, 72, 75.
Stoïciens, fatalistes, 186, 188.
Symboles. Histoire des quatre — , 171-173.
Talion. Loi du — louée, 164.
Targum. Les trois —, 90.
Ancien Testament (Voyez Loi). Seul incon-
testé, 147. Est-il abrogé par le Nouveau?
102, 140, 184.
Nouveau Testament (Voyez Évangiles).
Tétragramme, 77, 200.
Thémistius, 36.
Théologie et physique confondues, 158.
Théophylacte, 196.
Tolérance, louée, 41, 205.
Traduction française de VHept., 18-22. Copies
de cette—, 18-19. Son origine, 19-20. Sa
date, 20. Valeur de son témoignage, 20-22.
Sentiments religieux de l'auteur de cette
-, 102, 103, 115, 117.
Transfiguration, contestée, 161.
Trinité. Inintelligible et ineffable, 165-168.
Logiquement impossible, 164. La — dans
le Vieux Testament et les philosophes
antiques, 171.
212
INDEX DES NOMS ET DES CHOSES
Turcs. Politique tolérance des — , 37, 45,
46.
Urim et Thummim. Divination par — , 71,
84.
Van Dale, 83.
Variations de l'Eglise romaine, 171-173, 176.
Venise au xvie siècle, 1-2.
Vertu. A sa valeur indépendante de la reli-
gion, 50. Porte en soi sa récompense, 122.
Est-elle le souverain bien? 131.
Vierge. Culte de la — condamné, 195, 197.
Immaculée, 175. Enfantement miraculeux
de la — , 144-146; justifié par des exemples
analogues de génération, 144-145.
Wier, 73,74, 75, 76,89, 144, 161.
Zonaras, 87.
TABLE DES MATIERES
Pages
Introduction 1
Livre I 29
Livre II 29
Livre III 30
Livre IV 32
Livre V 125
Livre VI 153
Index des noms et des choses 207
34.674. — Bordeaux, Imprimerie Y. Cadoret, 17, rue Poquelin-Molière.