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Full text of "Colloque de Jean Bodin : des secrets cachez des choses sublimes : entre sept sçauans qui sont de differens sentimens"

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BOOK    2  1  1.B632    c.  1 

BODIN    #    COLLOQUE    DE    JEAN    BODIN 


3    T153    0D0b5230    7 


Date  Due 



I 

Demco  293-5 

COLLOQUE  DE  JEAN  BODIN 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES 


ENTRE    SEPT   SÇAUANS    QUI    SONT    DE   DIFFERENS  SENTIMENT 


34.G74    —  Bordeaux,  Imprimerie  Y.  Cadoret,  17,  rue  Poquelin-Molière. 


COLLOQUE  IE  \l\\  llll\ 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES 


ENTRE  SEPT  SCAUAiVS  (IDI  SONT  DE  DIFFERENT  SENTIMENS 


(Traduction  française  du  «  Colloquium   Heptaplomeres  ») 


ROGER    CHAUVIRE 


DOCTEUR    ES    LETTRES 


L I  B  £\  J±  I  R.  I  E 

DE  LA  SOCIÉTÉ  DU 

RECUEIL     SIR  E  Y 

Annp  Mson  LAROSE   ET  FORCEE 

LÉON  TENIN,  Directeur 
aa,  Hue  soufflot,  aa 


PARI  S 

LIBT\AIR.IE 

ANCIENNE  ET  MODERNE 

HONORÉ    CHAMPION 

5,  Quai  Malaquais,  ô 


1  9  1  4 


INTRODUCTION 


Avant  d'offrir  au  lecteur  la  traduction  de  Y Heplaplomeres  il)  (Extraits)  que 
je  publie  ci-après,  quelques  préliminaires  ont  paru  indispensables.  Il  était 
bon,  sans  doute,  de  rappeler  en  quelques  mots  ce  qu'est  l'ouvrage;  de  suivre, 
autant  qu'il  se  peut,  l'histoire  de  son  texte;  de  justifier  le  choix  d'une  traduc- 
tion et,  dans  cette  traduction,  des  morceaux  préférés;  démontrer  enfin  l'intérêt 
de  cette  publication,  tant  pour  fixer  la  physionomie  de  Bodiu  lui-même 
que  comme  contribution  à  l'histoire  des  religions  en  France. 

I 

Sept  personnages  de  religion  différente  et  sans  doute  aussi  de  nationalité 
diverse  (2)  sont  réunis  chez  l'un  d'eux,  Paul  Corouseus  le  catholique,  à  Venise. 
Ce  n'est  pas  au  hasard  que  Bodin  place  là  le  lieu  de  la  scène  (3).  Le  cosmopo- 


;  1)  On  a  discuté  la  signification  de  ce  mot.  Chapelain,  Lettres,  éd.  Tamizey  de  Larroque,  Paris, 
Imp.  nat.,  1880-1883,  lettre  566  t.  II.  p.  809),  interprèle  livre  en  sept  parties  :  le  Colloq.  n'en  a 
que  six!  Guhrauer  y  voit  une  allusion  aux  sept  interlocuteurs.  Plus  précisément,  puisque  chacun 
des  sept  soutient  une  religion  à  part,  le  mot  ne  signifierait-il  pas  :  septuple  interprétation  de  la 
grande  et  unique  religion  naturelle?  J'en  rapprocherais  alors  J.  Pic  de  la  Mirandole,  Heptaplus, 
seu  sepliformis  sex  Dierum  Geneseos  enarralio,  148(J,  traduit  eu  français  par  X.  Le  Fêvre  de  la 
Borderie,  Paris,  1578.  ^ Voyez  sur  ce  livre  Ph.  Monnier,  Le  quattrocento  italien.  Paris,  Perrin, 
1901,  2  vol.  in-8.  t.  11.  p.  127  .  Bodin  lisait  Pic  Hept.,  V,  p.  415  note  :  je  cite,  sauf  indication 
contraire,  l'Hept.  d'après  la  pagination  du  ms.  ci-apr<'-s  partiellement  publié).  —  Quant  au  sous- 
titre  De  abditis  rerum  sublimium  arcanis,  il  a  peut-être  été  inspiré  à  Bodin  par  le  De  abdilis 
rerum  causis,  Paris,  1548,  du  médecin  J.  Fernel,  souvent  cité  par  lui  avec  admiration,  Dèmono- 
manie  (Bouen,  Raphaël  du  Petit-Val,  1604,  in  12  ,  3,  6,  p.  383;  2,  3,  p.  213,  etc. 

(2)  Coroni  est  Vénitien;  Senamy,  Siennois,  Hept..  IV,  p.  241.  Les  hôtes  de  Coroni  sont  quali- 
fiés «  homines  peregrinos  •>,  voyageurs,  ibid.,  I.  p.  1. 

(3)  «  Venetiam  appulimus,  omnium  1ère  genlium  vel  polius  orbis  universi  portum  communem, 
•>  quia  non  modo  aspeclu  et  hospilio  peregrinorum  Veneli  delectantur,  sed  etiam  illic  summa 
»  cum  libertate  vivi  polest.  Et  cum  c.Tteris  civilatibus  civilia  bella...  aut  studiorum  cujusque 
»  moleslissinice  inquisifiones  impendeant,  haec  sola  propemodum  civilas  omnibus  his  servitutum 
»  generibus  immunis  et  libéra  mihi  videtur...  Cum  aulem  in  a^dibus  CoronaM  simul  'colloquii 
»  participes]  habilarenl,  ex  omnibus  1ère  regionibus,  si  quid  novum  aut  scilu  dignum  conligissel. 
a  facile  ab  amicis,  quos  Romae,  Constantinopoli.  Auguslae,  Ilispali,  Anlwerpiae,  Lutelia' conqui- 
»  sierant,  lillerarum  ope  inlelligebant  ».  Hept.,  éd.  Xoack,  p.  I  et  2.  —  Cf.  Guhrauer,  Das  Hep- 
taplomeres,  Berlin.  Eichler,  1841,  p.  i.i.  —  Barlholmess,  Jordano  Bruno,  t.  I,  pp.  104-202,  mon- 
tre amplement  que  Venise,  indifférente  en  religion,  ne  regarde  que  sa  grandeur;  et  que  les  inté- 
rêts de  son  commerce  lui  commandentlaplus  large  tolérance,  surtout  envers  les  clients  étrangers 
qui  fréquentent  sou  port.  En  même  temps  elle  a  une  réputation  de  centre  intellectuel  que  les  Dix 
tiennent  à  lui  garder,  et  qui  exige,  dans  une  certaine  limite,  la  liberté  de  penser. 

Chauviré  i 

UH    3333 


2  INTRODUCTION 

litisme  de  Venise  justifie  la  rencontre  des  individus  les  plus  dissemblables; 
son  rare  esprit  de  tolérance  y  autorise,  en  plein  xvie  siècle,  la  vie  libre  et 
la  libre  discussion;  enfin  l'activité  du  commerce  y  fait  aflïuer,  aux  mains  de 
nos  sept  savants,  les  informations  que  leur  adressent  des  correspondants  de 
Rome,  de  Constantinople,  d'Augsbourg,  de  Séville,  d'Anvers  et  de  Paris. 

Après  souper  on  fait  de  la  musique,  et  la  conversation  s'engage  sur  la 
métaphysique.  Antoine  Curtius,  calviniste,  et  Federicb  Podamicus,  lutbérien 
de  la  confession  d'Augsbourg,  défendent  la  réforme.  Octave  Fagnola,  autre- 
fois captif  cbez  les  Turcs,  a  renié,  et  professe  à  présent  l'Islamisme.  Salomon 
Barcassius  est  juif.  Diego  Toralba,  dont  le  prénom  annonce  un  Espagnol,  s'en 
tient  à  la  religion  naturelle.  Jérôme  Senamus  enfin,  persuadé  que  l'adoration 
même  d'idoles  toucbe  le  vrai  Dieu,  pourvu  qu'elle  soit  sincère,  est  indifférent 
aux  confessions,  qu'il  décrie  et  pratique  toutes  également. 

A  en  croire  Diecman  (1),  cette  affabulation  ne  serait  pas  invention  pure. 
Guy  Patin  aurait,  paraît-il,  entendu  dire  à  Gabriel  Naudé,  son  ami  intime, 
qu'il  y  avait  eu  autrefois  à  Venise  quatre  personnes  qui,  deux  fois  la  semaine, 
se  réunissaient  pour  discuter  sur  les  différentes  religions.  Parmi  elles  se  trou- 
vait un  certain  Coroni,  de  Rouen,  dont  le  nom  rappelle  un  des  sept  interlocu- 
teurs de  Bodih.  Le  fameux  bumaniste  et  arabisant  Guillaume  Poslel  leur  ser- 
vait de  secrétaire.  Après  sa  mort  à  Paris,  en  1584  (2),  ses  papiers  tombèrent 
aux  mains  de  Rodin,  qui  s'en  servit  pour  composer  son  ouvrage.  A  l'appui  de 
celte  histoire  spécieuse,  mais  dont  l'authenticité  échappe  à  présent  au  con- 
trôle, Diecman  rapporte  un  mot  qu'Henri  Estienne  (3)  attribue  à  Postel  :  pour 
composer  une  religion  parfaite,  il  faudrait  en  emprunter  les  éléments  aux 
trois  religions  juive,  chrétienne  et  turque.  Et,  on  doit  l'avouer,  ce  mélange, 
cette  conciliation  au  moins  de  toutes  les  religions  (4)  dans  une  seule  est  bien 
une  des  idées  essentielles  qui  flottent  dans  Y Heplaplomeres. 


(1)  Diecman,  De  nal  uralismo  cum  aliorum,  lum  maxime  .lo.  Bodini,  ex  opère  ejus  xvsxSotw 
de  abdilis  rerum  sublbnium  arcanis,  Schediasma  inaugurale,  Leipzig,  MDCLXXXIV,  p.  9. 
—  Il  lire  ce  renseignement  d'une  lettre  de  G.  Patin  à  Julius  Hackcberg,  chambellan  du  prince 
électeur  de  Brandebourg.  En  concordance  avec  Diecman,  Mich.  Denis  écrit  du  ms.  lalin  047  de 
la  Bib.  de  Vienne  :  «  In  codice  noslro  ms.  ex  ore  Gab.  Naudaei  haec  referunlur  :  Guillaume  Poslel 
»  donna  des  mémoires  à  Bodin,  sur  lesquels  il  fit  son  Heplaplomeres.  Ces  mémoires  venaient 
»  d'une  certaine  Académie  de  quelques  savanls  italiens  de  laquelle  Poslel  était  le  greffier  ». 
Codices  mss.  theologici  liib.  Palalinœ  Vindobonensis  latini,  Vindobànae,  de  Trallnern,  1800, 
in-I'of.  (2e  partie,  col.  1505  sq.). 

(2)  D'après  Bayle,  Postel,  enfermé  pour  hérésie  dans  un  couvent  pendant  plusieurs  années, 
mourut  bien  à  Paris,  mais  en  1581.  Sur  Poslel,  voyez  aussi  Golomiès,  Gallia  Orien/alis,  Hag;e 
Comitis,  Vlacq,  1665,  in-4°,  pp.  59  sqq.  ;  Menagiana,  Paris,  Delaulne,  1715,4  vol.  in-12,  t.  IV, 
pp.  378  sqq.,  dans  la  dissertation  sur  le  prétendu  livre  De  tribus  impostoribus;  et  Weill,  De 
G.  Voslelli  vila  et  inclole,  Ihèse,  1892. 

(3)  Introduction  au  traité  de  la  conformité  des  merveilles  anciennes  avec  les  modernes, 
cli.  xiv.  «  Toulesfois  je  ne  sçay  pas  si  entre  les  livres  qu'il  a  voulu  eslre  imprimez,  se  trouvent 
»  des  propos  lesquels  il  a  tenus  une  fois  à  Venise  à  plusieurs  et  à  moy  entre  autres,  à  sçavoir 
»  que  pour  faire  une  lionne  religion  il  fauldroit  qu'elle  fusl  composée  des  trois  religions,  de  la 
»  chreslienne,  de  la  judaïcque  et  de  la  turquesque?  »  Ed.  le  Duchat,  1735,  p.  184. 

(4)  Cf.  Naudé,  Bibliographia  polilica,  Venetiis,  1633,  p.  48  :  «  ...  Diversas  inler  se  religiones 
»  commillere,  quemadmodum...  fecere...  Pelrus  de  Alliaco...  Hieronymus  Cardanus...  et  Joan- 
»  nés  Bodinus  ».  —  Pour  moi,  je  rapprocherais  plutôt  la  tentative  de  Bodin  de  celle  de  Pic  delà 


INTRODUCTION  à 

La  forme  du  dialogue,  donnée  à  son  œuvre  par  Bodin,  peut-èlre  pour  vivifier 
un  sujet  un  peu  bien  sévère,  et  sans  doule  aussi  à  l'exemple  des  grands 
modèles  antiques  qu'il  aimait,  Cicéron  et  Platon,  n'avait  pas  tenté  l'auteur  ici 
pour  la  première  fois.  Mais  le  «  colloque  »  dans  le  Thealrum  naturse  ou  le 
Paradoxon  n'est  guère  qu'un  moyen  commode  d'exposition  :  les  interlocu- 
teurs n'y  sont  guère  que  des  noms,  qu'on  remplacerait  aisément  par  Demande 
et  Réponse.  Ici,  au  contraire,  la  conversation  est  animée,  réelle;  les  person- 
nages ont  chacun  leur  caractère;  le  progrès  littéraire  est  grand.  Coroni,  épris 
de  règle  et  d'autorité,  humble  et  doux,  traditionnaliste  convaincu,  peut-être 
un  peu  borné;  Federich  et  Curce,  tous  deux  croyants,  tous  deux  plus  ennemis, 
semhle-t-il,  de  Rome  que  du  Grand  Turc  ou  d'Israël,  mais  l'un  plus  passionné, 
l'autre  plus  raisonneur,  l'un  s'indignant  avec  violence  contre  les  papistes, 
l'autre  plus  volontiers  réfugié  dans  une  sereine  théologie,  plus  savant  d'ail- 
leurs; Octave,  attaché  à  la  foi  musulmane,  mais  conciliant,  mais  préoccupé 
de  découvrir  plus  ce  qui  l'apparente  aux  autres  confessions  que  ce  qui  l'en 
sépare;  Toralba,  critique  et  mystique  tout  ensemble,  féru  de  science  et 
pourtant  imprégné  de  ferveur  et  d'onction  ;  Senamy  bien  plus  léger,  esprit 
aigu  et  irrévérencieux  jusqu'à  la  gouaillerie,  soucieux  avant  tout  que  les 
querelles  religieuses  n'engendrent  ni  massacres,  ni  guerres  civiles;  Salomon  (1) 
enfin,  le  plus  curieux  et  le  mieux  buriné  de  tous,  ferme  en  sa  foi,  que  rejoi- 
gnent et  qu'étayent  sa  raison  et  sa  science,  aussi  épris  de  magie  que  de  rabbi- 
nisme,  commentateur  d'une  érudition  incroyable  et  d'une  diffusion  égale, 
aussi  retors  qu'intrépide,  mi-philosophe  et  mi-prophète;  —  voilà  des  figures 
qui  se  gravent  dans  l'esprit,  originales  et  distinctes.  Le  mérite  n'est  pas 
mince  (2),  si  l'on  songe  qu'il  y  a  là  sept  personnages,  dont  l'auteur  ne  précise 
peu  à  peu  les  traits  que  par  leurs  seuls  discours.  Sans  conteste,  à  n'envisager 
que  le  mérite  artistique,  VBeptaplomeres  est  le  meilleur  ouvrage  de  Jean 
Bodin. 

C'est  aussi  le  fruit  de  sa  vieillesse.  Si  l'on  en  croit  l'inscription,  qu'on 
trouve,  à  quelques  variantes  près,  dans  tous  les  manuscrits  :  II.  E.  J.  B.  A.  S. 


Mirandole.  Pic  le  premier  cherche  à  prouver  la  religion  chrétienne  par  Plalon  comme  par  Aris- 
tole,  par  Mahomet  comme  par  Moïse;  et  avec  lui,  Bodin  cherche  à  représenter  la  religion 
(naturelle,  il  est  vrai)  comme  rahoutissement  final  de  toute  l'histoire  religieuse  de  l'humanité.  Si 
l'on  songe  maintenant  que  Bodin  connaît  Pic  et  l'admire:  qu'il  lui  ressemble  par  l'universalité  de 
sa  culture,  et  la  curiosité  qu'il  étend  à  l'hébreu,  à  la  cabale,  à  la  magie,  à  la  science  des  nom- 
bres; on  peut  se  demander  si  l'idée  de  concilier  toutes  les  religions  en  une  seule,  Bodin  ne  Ta 
pas  empruntée  à  l'Académie  platonicienne  de  Florence  en  général,  et  aux  Conclusiones  de  Pic 
en  particulier.  Cf.  Ph.  Monnier,  o.  c,  t.  II,  pp.  115-122. 

(1)  Salomon  est  évidemment,  même  aux  yeux  de  ses  adversaires,  le  personnage  éminent  du 
dialogue.  Peut-être  est-ce  ainsi  qu'il  convient  d'interpréter  le  «  Salomonem,  publica  authoritate 
frelum  »,  pour  lequel  nous  proposons  une  autre  explication,  HepL,  IV,  p.  334.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  vraisemblance  historique  justifie  la  supériorité  du  personnage.  Sur  les  écoles  florissantes,  fré- 
quentées par  les  chrétiens  autant  que  par  les  juifs,  que  les  juifs  bannis  d'Espagne  avaient  trans- 
plantées en  Italie,  sur  les  imprimeries  juives,  sur  les  académies  juives  de  médecine,  philosophie, 
grammaire  au  xvie  siècle,  cf.  Guhrauer,  o.  c,  p.  lvii.  —  Rabbin  Gultmann,  J.  Bodin  in  seinen 
Beziehungen  zum  ludentum,  Breslau,  1906,  p.  32,  exprime  l'avis  que  cette  haute  figure  donnée 
à  Salomon  est  conforme  à  l'estime  qu'en  tous  ses  écrits  Bodin  a  témoignée  à  la  culture  hébraïque. 

(2)  C'est  le  sentiment  de  Baudrillarl,  l'ublicistes  modernes,  Paris,  1862,  p.  236. 


4  INTRODUCTION 

A.  M.  LXIII,  Hœc  ego  Joannes  Bodinus  A  ndegavensis  scripsi  anno  œtalis  LXIIf(i), 
—  il  l'aurait  terminé  en  1593.  Détail  qui,  outre  sa  valeur  chronologique,  en  a 
une  dramatique  aussi  :  que  Ton  y  songe,  à  l'heure  où  Bodin  s'abandonnait  à 
des  spéculations  indépendantes,  si  souvent  hostiles  à  Rome,  la  Ligue  faisait 
rage  autour  de  lui.  Suspect,  il  pouvait  craindre  chaque  jour  pour  sa  vie. 
L' Heplaplomeres  trouvé  chez  lui,  —  et  l'on  chercha  —  c'était  la  mort.  En  un 
tel  moment,  une  pareille  liberté  d'esprit  dénote  un  beau  sang-froid. 

II 

Rien  d'étonnant  désormais  que  Y  Heplaplomeres,  où  le  lecteur  le  moins 
expérimenté  sent  une  odeur  d'hérésie,  soit  resté  longtemps  inédit.  IN  au  dé, 
malgré  son  admiration  pour  Bodin,  nous  parle  sans  tendresse  d'un  gros 
volume  sur  les  secrets  de  la  métaphysique,  qui  n'a  pas  encore  été  publié  :  «  FA 
»  plaise  à  Dieu,  ajoute-t-il,  qu'il  ne  le  soit  jamais  »  (2). 

Le  manuscrit  original,  d'après  un  racontar  peu  authentique  du  môme  Naudé 
à  Patin  (3), aurait  été  prêté  par  les  héritiers  de  Bodin  au  président  de  Mesmes, 
lequel  en  aurait  tiré  une  copie,  source  probable  des  exemplaires  ultérieurs. 
Quant  à  l'autographe  lui-même,  il  serait  tombé,  si  l'on  en  croit  Claude 
Sarrau  (4),  entre  les  mains  de  Jean  Descordes,  chanoine  de  Limoges.  Celui-ci 
apprit  à  son  ami,  Hugues  Grotius,  qui  préparait  alors  son  De  verilale  religio- 
nis  christianse,  qu'il  possédait  V Heplaplomeres,  et  le  lui  fit  tenir,  pour  qu'il 
parât  les  traits  de  Bodin  contre  la  foi.  C'est  à  cette  circonstance  que  nous 
devons  la  lettre  souvent  citée  (5),  où  Grotius,  avec  un  dédain  peut-être  excessif, 
maltraite  son  adversaire  d'un  jour. 

Il  existe  à  la  Bibliothèque  nationale,  fonds  latin  16139,  un  manuscrit  du 
xvne  siècle  qui  porte,  au  dos  de  la  reliure,  la  mention  :  Hugonis  Grolii.  On 


(1)  Interprétation  du  ms.  de  la  Bib.  nationale,  L.  12976. 

(2)  «  Compositum,  sed  nondum  editum  (alque  utinam  nunquam  edalur)  de  rerum  sublimium 
»  arcanis  ingens  volumen  ».  Naudé,  o.  c,  p.  48. 

(3)  Rapporté  par  Diecman,  o.  c,  p.  12  sq.  Il  n'y  a  rien  qui  le  corrobore  dans  les  Lettres  de  Guy 
Patin.  Mais  Leibnilz,  pendant  son  séjour  à  Paris,  prenant  des  notes,  le  22  murs  1676,  sur  un 
entretien  qu'il  venait  d'avoir  avec  un  M.  Thoynard  (et  dans  lequel  le  Tricbel  du  Fresne  cité  par 
le  Grotianus  [cf.  infra]  est  incidemment  nommé),  confirme  la  tradition  :  «  Le  livre  de  Bodin 
»  manuscrit  est  venu  de  la  Bibliothèque  de  Mous,  de  Même  originairement  ».  Bib.  royale  de 
Hanovre,  mss.  de  Leibnilz,  Physique,  vol.  VI,  fos  14  à  16. 

(4)  «  Eum  [librum  I  Heplaplomeris]  olim  ex  aucloris  apographo,  qui  tum  eral  Joannis  Gordesii, 
»  descripsit  Ardisius  [Hardy,  conseiller  au  Châtelel].  Priusquam  autem  reliqua  perfecisset,  repe- 
»  lilus  est  liber  qui  jam  nuspiam  comparet  ».  Claud.  Sarrauii,  Epis  toise,  Arausioni  (et  rêvera 
Parisiis),  1654,  Isaaco  Vossio  Holmiam,  3  t'év.  1651,  p.  326.  —  Sur  Sarrau,  conseiller  au  Parle- 
ment de  Paris  et  bibliophile,  cf.  Nouvelles  de  la  République  des  lettres,  Amsterdam,  D.  Mortier, 
juin  1684,  pp.  342-352. 

(5)  Depuis  Bayle,  Dictionnaire,  art.  Bodin.  —  On  la  trouve  dans  Grotii  Epistolae  quotquot 
reperiri  polueruut,  Amslelodami,  Blaeu,  1687,  in-l'ol.,  p.  127,  lettre  353,  en  date  du  19  sept.  1634; 
et  dans  ma  thèse  sur  Jean  Bodin,  Paris,  Champion,  1914,  Appendice.  Elle  commence  ainsi  : 
«  Multis  simul  rébus,  Heverende  Senex,  me  beavit  vesler  Cramoisius  :  nam  et  lilleras  a  te 
»  atlulit...  et  Bodini  scriptum  manu  librum  legi  dignissimum  ».  Antérieurement  déjà,  lettre 
292,  p.  106,  Grotius  demandait  au  même  Descordes  :  «  Bodini  opus  supremum  eslne  ut  lucem 
»  sperel?  ». 


INTRODUCTION  5 

trouve  sur  la  feuille  de  garde  l'épître  au  chanoine  Descordes,  introduite  par 
l'avis  suivant  :  «  Judicium  Hugonis  Grotii  de  hoc  opère,  ascriptum  anno  1630 
»  in  hoc  loco,  postea  edilum  in  epistulis  ejusdem  Grotii  quas  ad  Gallos  [scrip- 
»  sit?]  ea  nempe  quœ  numéro  GLXVI  ad  Joannem  Cordesium  scripta  19  sep- 
»  tembris  1634  ».Ces  deux  signes  donnent  à  penser  que  nous  sommes  bien  en 
présence  de  l'exemplaire  qui  a  appartenu  à  Grotius  (1).  Or,  il  est  certain  que 
ce  n'est  pas  là  l'autographe.  Les  références  des  citations,  numérotées  en 
marge  de  1  à  9,  présentent  des  lacunes.  L'écriture  ne  ressemble  pas  aux  spé- 
cimens qui  nous  restent  de  celle  de  Bodin  (2).  A  une  étude  approfondie,  ce 
manuscrit  n'apparaît  même  pas  l'un  des  meilleurs  que  nous  ayons.  Donc,  ou 
bien  Descordes  n'avait  envoyé  qu'une  copie  à  Grotius,  ou  bien  Grotius  avait 
fait  prendre  copie  et  rendre  l'original,  -  l'une  ou  l'autre  copie  assez 
négligée;  —  ou  bien  encore  et  plutôt  (3),  si  Grotius  a  eu,  à  un  certain  moment, 
l'original  en  mains,  la  copie  Hugonis  Grotii  a  été  faite  à  un  autre  moment  et 
sur  un  autre  exemplaire.  De  toute  façon,  et  c'est  la  seule  conclusion  qui  nous 
importe  ici,  nous  perdons  la  trace  du  manuscrit  authentique  de  Bodin  (4). 

Des  copies  discrètes,  et  d'autant  plus  alléchantes,  se  cachaient  au  fond  de 
quelques  bibliothèques  :  si  bien  que,  fort  avant  dans  le  xvne  siècle,  nombre 
de  savants  ne  connaissaient  deYHcptaplomeres  que  le  titre,  et  par  Colomiès  (5). 
Ce  renom  de  mystère  et  de  scandale  attira  la  reine  Christine  de  Suède  :  elle 
chargea  Claude  Sarrau  de  lui  procurer  l'ouvrage,  et  Isaac  Vossius  de  surveiller 
les  démarches  de  Sarrau  (1650-1651).  A  la  bibliothèque  du  roi,  dans  les  col- 
lections célèbres  de  MM.  de  Thou,  Bichelieu,  Mazarin,  Guy  Patin,  du  Puy 
frères,  recherches  vaines.  Henri  Valois  l'historien  avait  conseillé  de  fouiller  le 
cabinet  de  Mesmes  :  pareil  insuccès  (6).  Les  émissaires  de  la  reine  sont  avisés 
que  le  Colloquium  complet  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  Cluny;  mais  là,  au 
lieu  d'une  mauvaise  volonté  secrète  (7),  ils  rencontrent  un  refus  formel  (8). 


(1)  Et  qui  passa  des  mains  de  Grotius,  mort  en  1646,  dans  celles  du  procureur  général  du  Par- 
lement, M.  de  Harlay  (Chapelain,  o.  c,  lettre  566,  t.  II,  p.  809). 

(2)  Par  exemple  deux  lettres  autographes  à  Castelnau-Mauvissière,  Bib.  nationale,  Cinq-Cents 
de  Colberl,  vol.  GDLXXU,  pp.  157  et  261. 

3)  Cf.  infra  la  discussion  sur  la  valeur  relative  des  mss.  de  VHept. 

(4)  Sarrau  avoue  que,  déjà  de  son  temps,  il  avait  disparu  :  «  Liber  qui  jam  nuspiam  comparet  ». 
Il  ajoute  :  «  Dicunt  Cordesii  ex  sorore  nepolem  eum  secum  in  quemdam  Lemovicensem  pagum 
»  asportasse  :  sed  quid  islo  nepole  l'actum  sit  nescitur.  Dicunt  alii  scriptum  horribilis  carminis 
»  visum  flammis  ullricibus  esse  datum  ».  Is.  Vossio,  3  fév.  1651.  Guhrauer  suggère  l'hypothèse 
qu'à  son  lit  de  mort  Bodin  aurait  brûlé  VHept.,  comme  il  fit  de  son  traité  De  imperio,  et  que 
VHept.  ne  se  serait  sauvé  que  par  des  copies  antérieures  à  la  mort  de  l'auteur.  O.  c,  p.  lxxvi. 

(5)  Diecman,  o.  c,  p.  21  sq.  :  il  veut  parler  de  la  Gatlia  orientait?.  —  Cf.  Chapelain,  o.  c, 
lettre  566,  t.  II,  p.  809  :  «  Ceux  qui  ont  ce  livre  en  font  grand  mystère,  et  il  faut  estre  de  leurs 
»  amis  pour  le  leur  prester  ».  Et  Sarrau  :  «  Vénales  sunt  [Hept.  libri],  sed  in  aurem  lanlum 
»  dicilur  nec  auctioni  publies  permilluntur  ».  Isaaco  Vossio,  25  mars  1651. 

(6)  «  Bodini  liber  quem  rogas  reperlu  est  dil'ficilis  :  nec  extat  in  Bib.  regia  neque  in  Thuana 
»  aut  Richeliana  aut  Mazarina.  Neque  Puteani  l'ralres  [les  frères  Du  Puy,  Pierre  et  Jacques, 
»  gardes  de  la  bib.  du  roi, qui  a  hérité  d'eux  le  fonds  Du  l'uij],  neque  Bignonius  [Jérôme  B.,  mort 
»  en  1656  bibliothécaire  du  roi],  neque  Palinus  eum  habenl  >■.  ls.  Vossio,  3  fév.  1651.  «  In  eo 
»  [calalogo  mss.  Bib.  Memmiaiice,  1650]  neque  laudatum  Varronem.  neque  desideratum  Bodini 
»  Dialogum  reperio,  quos  procul  dubio  aliquis  surripuerit  ».  Is.  Vossio,  25  mars  1651. 

'7)  On  verra  par  la  suite  que  les  cabinets  de  Richelieu,  Mazarin,  Guy  Patin  possédaient  chacun 
un  Hept.  et  le  dissimulaient  donc  aux  émissaires  de  la  reine. 
(8)  Sarrau,  lettre  à  Is.  Vossius,  13  avril  1651. 


6  INTRODUCTION 

Enfin,  Christine  obtient  satisfaction  :  comment,  c'est  ce  que  nous  apprend, 
dans  un  latin  obscur  et  mutilé,  la  noie  suivante  tirée  du  manuscrit  de 
Grotius  (I).  «  On  trouve  mention  du  premier  livre,  copié  d'un  manuscrit  plus 
»  petitique  le  manuscrit  complet,  jesuppose]  dans  les  lettres  de  Claude  Sarrau, 
»  conseiller  au  Parlement  de  Paris,  éditées  à  Paris  ou,  par  fiction,  à  Orange, 
»  1654,  savoir  dans  une  lettre  à  Isaac  Vossius  du  3  février  1051,  p.  326.  On 
»  doit,  semble-t-il,  écarter  le  soupçon  que  si  le  reste  de  l'ouvrage  avec  faculté 
»  de  le  copier  se  fût  présenté  (aux  chercheurs),  ils  eussent  eu  la  paresse  ou  la 
»  négligence  de  ne  pas  le  copier.  Et  cela  d'autant  plus  qu'en  1654,  la  reine 
»  Christine,  pour  qui  cet  homme  distingué  écrivait  à  Vossius,  avait  invité 
»  Trichet,  sieur  du  Fresne,  à  utiliser  le  concours  de  l'homme  dont  lesdites 
»  page  et  lettre  donnent  le  nom  (2j,  pour  découvrir  quelque  exemplaire  de 
»  bonne  marque,  qu'on  pût  envoyer  à  S.  M.,  alors  en  résidence  à  Bruxelles,  et 
»  d'où  elle  fit  tirer  par  ses  secrétaires  une  copie  en  caractères  à  elle  habituels. 
»  La  chose  se  fit  en  février  de  la  même  année,  exactement  le  15,  honorable 
»  homme  M.  Jean-Baptiste  Haut ia  prêtant  son  exemplaire,  et  du  Fresne  le 
»  portant  à  la  reine,  qui  le  garda  jusqu'en  1658.  Par  la  suite,  le  sieur  du 
»  Fresne  entreprit  un  voyage  de  deux  ans  en  Italie  et  en  Espagne,  dont  il  ne 
»  revint  qu'environ  mai  1661,  pour  mourir  le  4  juin.  Enfin,  non  sans  de 
»  grandes  difficultés,  causées  par  la  frappe  d'une  médaille  en  or  à  l'effigie  de 
»  la  reine  (?),  le  manuscrit  fut,  au  début  d'août,  rendu  et  réintégré  aux 
»  mains  (3)  qui  l'avaient  prêté  à  emporter  dans  Bruxelles,  et  le  24  juin  suivant 
»  rentra  dans  la  bibliothèque  dudit  sieur  J.-B.  Mantin,  conseiller  au  Châtelet 
»  de  Paris,  d'où  il  avait  été  absent  sept  ans  et  plus,  pendant  ses  voyages  en 
»  Italie,  Allemagne,  Belgique  et  France  ». 


(I)  «  Primi  libri  minori  charla  descripli  mentio  facta  cum  reperialurin  Epislolis  viri  clarissimi 
»  Glaudii  Sarrauii,  senaloris  Parisiensis,  edilis  Parisiis,  an,  ut  fingitur,  Arausioni,  anno  1654, 
»  epislola  scilicel  ad  Isaacum  Vossium,  quse  numéro  CCVI  scripla  III.  Februarii  anno  1651, 
»  pagina  326,  visa  est  declinanda  socordia?  iiegligenlia:que  suspicio,  si  reliquum  operis  cum 
»  copia  apographi  occurrisset,  non  describerelur.  Eo  magis  quod  anno  165 ï  serenissima  Sueciae 
»  regina,  cujus  causa  vir  clarissimus  ad  Isaacum  Vossium  scribebal,  jussisset  V.  G.  Trichet, 
»  dominum  du  Fresne,  uti  illius  opéra,  cujus  nomen  dicta  epislola  paginaque  326  refertur,  ad 
»  nanciscendum  aliquod  exemplar  probse  noise,  quod  ad  ejus  Majestalem  tum  Bruxellis  degen- 
»  lem  millerelur,  ex  quo  apographum  sibi  per  amanuenses  ebaractere  sibi  usilalo  describerelur. 
»  (Juod  cum  faclum  essel  mense  l'ebruario  dicli  anni  nempe  die  XV,  usuni  exemplairs  quod 
»  poilus  se  erat  concedenle  V.  C.  Dom.  Joanne  Baplisla  Hanlino,  el  diclo  Dom.  du  Fresne  ad 
»  Serenissimam  Reginam  deferenle.quii'  illud  ad  Mensem  usque  Decembrem  anni  1658  servavil: 
»  exinde  cum  diclus  Dom.  du  Fresne,  in  Ilaliam  el  flispaniam  susceplo  biennali  ilinere,  anno 
»  1661  solum  circa  mensem  .Maium  redux,  diem  suum  quarlo  Junii  obiissel,  tandem  non  sine 
»  [sine  esl  probablement  ajouté  par  lapsus]  mediocri  dil'ficullale,  cujus  numisma  aureum  vullu 
»  Serenissimae  Regina'  impressum  causa  fuit,  tandem  in  manus  quœ  illud  Bruxellas  deferendum 
»  tradiderant  ini'.io  mensis  Augusli,  atque  anno  sequenli  die  Junii  XXIV  in  Bibliolhecam  dicli 
»  Dom.  J.-B.  Ilanlini,  consiliarii  regii  in  Caslellello  parisiens-!,  a  qua  per  septennium  el  eo 
„  amplius  abfueral,per  Germaniam  perque  Ilaliam,  Belgiam  el  Galliam  peregrinalione  absolutum 
.,  tandem  poslliminio  rediil  [s.-ent.  exemplar.]  ». 

(2)  Henri  Valois  (1603-1676),  érudil  qui  seul  avail  du  jaloux  présidenl  de  Mesmes  el,  aptvs  sa 
sa  morl  [1650),  de  la  présidente,  l'aulorisalion  d'user  de  la  colleclion  de  Mesmes.  11  avail  promis 
son  aide  aux  recherches  de  Sarrau,  lettres  du  21  janvier  el  du  3  lévrier  1651. 

(3)  Ce  ne  sont  pas  les  mains  de  Trichet,  qui  esl  morl;  ni  de  Hantin,  qui  ne  le  recouvrera  qu'en 
juin  suivant;  ni  de  Sarrau,  mort  avanl  165i.  Est-ce  Henri  Valois? 


INTRODUCTION  7 

D'autres  que  Christine  auraient  voulu  lire  le  Colioquium.  Mais  les  exem- 
plaires longtemps  encore  demeurent  rares.  Par  la  correspondance  des  érudits 
allemands  Christian  de  Boineburg  et  Hermann  Conring  (1),  nous  apprenons 
qu'un  manuscrit,  venant  d'Angleterre  et  sortant  des  mains  du  poète  Milton, 
était  arrivé  en  Allemagne.  Le  possesseur  en  refusait,  par  jalousie  ou  scrupule, 
communication  au  savant  duc  Auguste  de  Wolfenbuttel.  Et  Boineburg  ne  se 
procurait  qu'après  bien  des  peines  et  du  temps  une  copie  qu'il  passait  à 
Conring    Hi~-J  . 

Mais,  peu  à  peu,  l'horreur  qu'inspirait  Y  Heptaplomeres  n'empêchant  pas  les 
curieux  de  le  rechercher,  les  manuscrits  se  multiplièrent,  si  bien,  affirme 
(inhrauer  (2),  que,  au  début  du  xviii8  siècle,  il  n'était  pas  de  savant  en  renom 
qui  n'eût  le  sien.  Vogel  (3),  qui  a  étudié  les  manuscrits  du  Co i Uoi quium  dans 
les  pays  de  langue  allemande,  en  compte  plus  de  trente  appartenant  à  des 
collections  publiques,  plus  de  cinquante  à  de  particulières.  Il  en  connaît,  à  la 
seule  Bibliothèque  Boyale  de  Dresde,  cinq,  dont  celui  de  Leyser  (4);  à  celle 
de  Gôttingen,  trois  (5);  h  Hanovre,  deux;  à  Zittau,  un.  Denis  (6)  en  signale  à 
Vienne,  Noack  à  Altona.  Guhrauer  en  a  consulté  deux  à  Berlin  [Théologie 
nos  93  et  94  ;  il  note  l'existence  de  trois  autres,  dont  celui  de  Senckenberg,  à 
Giessen  (7).  J'en  ai  vu  pour  ma  part  huit  à  la  Bibliothèque  Nationale,  trois  à 
la  Bibliothèque  Mazarine,  un  à  Sainte-Geneviève,  sans  compter  cinq  exem- 
plaires d'une  même  traduction  française.  Aix  possède  un  Heptaplomeres  latin 
de  la  fin  du  xvne  siècle.  Angers  en  a  acheté  un  à  la  vente  de  M.  Camille  Ballu 
(1913).  Et  bien  d'autres  ont  disparu  ou  restent  ignorés  :  qu'est  devenu  celui 
du  conseiller  Hantin,  attesté  par  le  cod.  Grolianus?  Celui  du  conseiller  Hardy, 
attesté  par  Sarrau?  Celui  de  M.  Briot,  attesté  par  Colomiès?  Ceux  de  Conring, 
Thomasen,  Leibnitz,  attestés  par  le  manuscrit  de  Leyser? 

Les  travaux  (8)  pleuvent  sur  Y  Heptaplomeres,  variantes,  gloses,  surtout  réfu- 
tai ions.  Diecman  compose  contre  lui   sa  thèse  de  doctorat  :  De  naluralismo, 


1)  Guhrauer,  p.  lxxvji,  qui  renvoie  au  Commercium  Epistolicum  Leibnilianum  de  Gruber 
(Ilanoverœ,  1745).  Ce  Boineburg,  diplomate  au  service  de  l'électeur  de  Mayence,  avait  alors  pour 
secrétaire  Leibnitz,  qui  s'occupa  lui  aussi  de  V Heptaplomeres,  cf.  infra. 

[2  V,id.  —  Le  Menagiana,  t.  IV,  p.  2'J7,  racontant  les  recherches  de  la  reine  Christine,  dit 
que  le  Colioquium  était  un  «  manuscrit  alors  très  rare  »,  ce  qui  insinue  que  cinquante  ans  après 
il  est  plus  répandu. 

(3)  Guhrauer,  o.  c,  p.  lxxy. 

(4)  CI',  itifra. 

(5)  Quatre,  dit  A.  Bath,  Die  Handschriften  in  Gôttingen,  Berlin,  1893,  t.  II,  p.  465  sq.  :  les 
mss.  274,  275,  276  et  277. 

6   Michael  Denis,  o.  c,  t.  II,  col.  1505. 

(7)  CI".  Adrian,  Catalogua  codd.  mss.  Bibl.  Academi.e  gissensis,  Francfort,  1840,  p.  149. 

(8)  Voici,  dans  l'ordre  chronologique,  ceux  dont  j'ai  eu  connaissance  : 

1.  Arsenal,  ms.  4852,  Recueil  anonyme,  pp.  5-10,  Résumé  et  appréciation  sur  Vtfept.  'début 
du  xviie  siècle  . 

2.  Lettre  de  Grolius  à  Descordes,  19  sept.  1634  en  réalité  antérieure  à  cette  date  d'au  moins 
quatre  ans, d'après  le  ms.  de  la  Nationale  f.  latin  16139,  cf.  infra), dans  Grotii  Epistolae,  Amster- 
dam, 16S7,  ep.  353,  p.  127. 

3.  Cl.  Sarrauii  senatoris  parisiensis  Epistolse,  opus  poslhumum  ad  seren.  Chrislinam  Sueciœ 
reginam,  Arausioni,  1654,  in-8. 

4.  B.  nat.  ms.  f.  lat.  16139,  Colloq.  Heptaplomeres,  olim  Grolianus,  p.  1.  Recherches  faites 


8  INTRODUCTION 

1684,  réimprimée  quelque  vingt  ans  après.  Leibnitz  jeune  avait  songé  à  écrire 


par  les  émissaires  de  la  reine  Chrisline  pour  lui  procurer  VHept.   Leltre  de  Grolius  à  Descordes 
ci-dessus  indiquée,  et  copiée,  dit  ce  ms.,  dès  l'année  1630. 

5.  Lettres  de  Leibnilz  à  Spizelius  (1669)  à  Antoine  Arnauld  (1671)  sur  VHept.,  qu'il  avait  lu 
chez  son  patron  J  -Ghr.  de  Boineburg  [Commercium  epistolicum  Leibnitianum,  par  Gruber, 
Hanovre,  1745). 

6.  Leibnilz,  Bodini  Coll.  Hept.  examinatum  et  refulalum,  3  feuilles  doubles,  œuvre  de  jeu- 
nesse. Bibl.  royale  de  Hanovre,  mss.  de  Leibnitz,  Théologie,  vol.  VI,  n»  16. 

7.  Leibnilz,  Notes  prises  après  une  conversation  avec  M.  Thoynard,  22  mars  1676.  Bibl.  royale 
de  Hanovre,  mss.  de  Leibnilz,  Ablheilung  37  (Physique),  vol.  VI,  loi.  14  à  16. 

8.  Hermann  Gonring,  Lettres  au  duc  Auguste  de  Wolfenbûttel,  1672  (l'un  et  l'autre  étaient  à 
la  recherche  d'une  copie  de  VHept.)  dans  Gruber,  o.  c.  ou  dans  Conringii  Epistolœ,  Helmsladl, 
1686. 

9.  Ghapelain,  Lettres  (à  Waghenseil,  1668;  à  Conring,  1673),  dans  l'éd.  Tamizey  de  Larroque, 
Paris,  1880-1883. 

10.  Huel,  Demonstratio  evangelica,  Paris,  1679  (réimpression  à  Leipzig,  1703). 

11.  Diecman,  De  naluralismo  cum  aliorum,  tum  maxime  Jo.  Bodini,  ex  opère  ejus  àvexôOTw 
de  abdilis  sublimium  rerum  arcanis,  Leipzig,  1684  (réimpression  à  Iéna,  1700). 

12.  Bayle,  Nouvelles  de  la  République  des  Lettres,  t.  I,  art.  3  (sur  le  livre  de  Diecman),  Ams- 
terdam, 1684. 

13.  Weber,  Annotations  au  texte  de  VHept.  D'après  V.  Adrian,  o.  c,  p.  189,  le  ms.  de  Gies- 
sen  n°  626  (fin  du  xvne  siècle)  est  une  copie  de  l'exemplaire  de  Weber,  jurisconsulte,  vice- 
chancelier  de  l'Université  de  Giessen,  mort  en  1726. 

14.  Koch,  conseiller  du  prince-électeur  de  Hanovre,  Annotations  au  lexlede  VHept.  Le  ms.  de 
Gôtlingen  277,  daté  de  1712,  est  la  copie  de  son  exemplaire  (A.  Balh,  o.  c,  t.  Il,  p.  466). 

15.  Menagiana,  Paris,  1715,  4  vol.,  t.  IV,  p.  297  sq. 

16.  Leyser,  De  vita  et  scriplis  Joh.  Bodini,  Wittemberg,  1715. 

17.  Gottlieb  Wernsdorff,  pasteur,  1668-1729,  thèse  de  doctorat  en  théologie,  De  indifferentismo 
religionum,  augmentée  el  réimprimée,  Wittemberg,  1716,  traduite  en  allemand  et  insérée  dans 
les  Disputationes  Wemsdor/fianx,  1731  et  1734.  Ouvrage  célèbre  en  son  temps.  Voir  §  74. 

18.  Leibnilz,  Lettres  (à  Sébastien  Kortholt,  janvier  et  mars  1716;  à  Hertel,  bibliothécaire  à 
Wolfenbûttel,  mai  1719). 

19.  Vogt,  Apparalus  lillerarius,  Wittemberg,  1717,  collectio  prima,  p.  66  sqq.  (disserlalion 
sur  le  judaïsme  de  Bodin). 

20.  Leyser,  Projet  d'une  édition  de  VHept.  Son  ébauche  est  le  ms.  de  la  Bibl.  royale  de  Dresde, 
Théologie,  n°  1,  1727.  Ge  ms.,  qui  nous  promet  des  variantes  des  savants  ci  dessous  nommés, 
nous  apprend  qu'outre  Koch,  de  nous  déjà  connu,  avaient  annoté  VHept.  H.  Gonring,  qui  avait 
fait  copier  son  exemplaire  sur  celui  de  Boineburg  (cf.  Lettres  à  Wolfenbutlel)  ;  Thomasen  (1622- 
1684),  qui  avait  élé  le  maîlre  de  Leibnitz  a  Leipzig;  Molanus  ou  Van  der  Muelen  (1633-1722),  le 
même  qui  avait  entamé  des  négociations  avec  Bossuel  pour  la  réunion  des  Églises;  Leibnilz, 
enfin  (M.  le  Dr  Kabilz,  prof.  ord.  à  l'Univ.  de  Breslau,  déplore  (ibid.)  la  disparition  de  son  exem- 
plaire). Leyser,  prof,  de  poésie  à  Helmstadt,  avail  lancé  un  appel  aux  souscriptions  du  monde 
savant  dès  janvier  1720.  On  trouve  son  prospectus  ibid. 

21.  Bayle,  Dictionnaire  hist.  et  critique,  art.  Bodin,  4«  éd.,  4  in-l'ol.,  1720.  Avec  le  supplément 
de  Chaufepié,  8  in-fol.,  \TM. 

22.  Scharbau,  pasteur,  Judaïsmus  deleclus,  in  quo  vindicantur  et  resliluuntur  qui  vel  injuste 
inter  Judœos  relali  vel  ex  Judaeorum  numéro  immerilo  exclusi  sunt,  Lubecc,  1722. 

23.  Senckenberg,  Trois  lettres  à  M.  Heyne,  1786-1787,  sur  l'utilisation  par  lui  faite  du  ms.  276 
de  Gôttingen,  là  même  (cf.  A.  Balh,  o.  c). 

24.  Senckenberg,  Annotations  au  texte  de  VHept.,  sur  un  ms.  daté  de  1725  :  c'est  le  ms.  de 
Giessen  627  (cf.  Adrian,  o.  c,  et  Strieder,  Hessische  Gelehrten  Geschichte,  XIV,  p.  269-276). 

25.  Devisme,  Notice  sur  Bodin,  dans  le  Magazin  encyclopédique,  rédigé  par  L.-A.  Millin, 
Paris,  7°  année,  t.  IV,  1801,  pp.  42  et  sqq. 

26.  Vogel,  Zur  Geschichte  des  ungedrucklen  Werks  des  Franzosen  J.  Bodin  Coll.  Hept., 
dans  le  Serapeum  du  Dr  R.  Naumann,  n°>  8-10,  30  avril  et  31  mai  1840. 


INTRODUCTION  9 

un  Bodini  Colloquivm  examinatum  et  réfutation  \).  Et  les  exemplaires  alle- 
mands ont  des  annotations  de  Thomasius  (Chr.  Thomasen,  1655-1728),  de 
Molanus  (Van  der  Mnelen,  1633-1722),  de  Conring,  de  Weber  et  de  Koch. 

Leibnitz  avait  d'abord  considéré  Y  Heplaplomeres  comme  un  livre  dangereux 
à  laisser  dormir  dans  la  poudre  des  bibliothèques  (2).  Vers  la  fin  de  sa  vie, 
revenant  sur  sa  première  opinion,  il  lui  souhaitait  au  contraire  un  éditeur  (3), 
mais  qui  fût  versé  dans  la  philosophie,  la  philologie  sacrée,  le  rabbinisme  et 
la  patrologie.  Un  jurisconsulte  distingué,  Polycarpus  Leyser,  de  Helmstadt, 
déjà  auteur  de  Selecta  de  vita  et  scriplis  Joli.  Bodini,  1715,  se  met  à  l'œuvre. 
La  Leipzige  Gelehrlen  Zeilung  annonce,  en  juin  1720,  que  l'impression  a  com- 
mencé. Mais  alors  Leyser  se  heurte  au  double  veto  des  cours  de  Saxe  et  de 
Hanovre.  Il  laisse  inédites  ses  notes  à  la  bibliothèque  de  Dresde  (4). 

Vers  la  fin  du  xvme  siècle,  un  autre  érudit,  le  baron  de  Senckenberg,  tra- 
vaille, avec  cinq  manuscrits,  à  une  édition  critique  du  Collorjuium.  Mais  il  ne 
l'imprime  pas  (5). 

En  1841,  (luhrauer,  que  l'étude  de  Leibnitz  amène  à  celle  de  Bodin,  donne 
pour  la  première  fois  au  public,  avec  une  substantielle  préface,  l'analyse 
détaillée  de  Y  Heplaplomeres,  en  allemand,  et  le  texte  en  latin  du  quatrième 
livre  (partie)  et  du  cinquième.  Noack  en  a  seul  jusqu'ici  publié  le  texte  entier, 
en  reproduisant  le  travail  de  Senckenberg,  augmenté  de  variantes  tirées  des 
manuscrits  de  Giessen,  Gôttingen  et  Altona.  Malheureusement  son  édition  est 


27.  Guhrauer,  Das  Heplaplomeres  des  Jean  Bodin,  trad.  el  Lexte  partiels,  avec  une  copieuse 
et  substantielle  préface,  Berlin,  1841. 

28.  Loehn,  De  Jo.  Bodini  Colloquio  Heptaplomere,  dissertalio  historico-lheologica,  Tubingœ, 
1843. 

29.  Baudrillart,  Jean  Bodin  el  son  temps,  Paris,  1853. 

30.  Noack,  Colloquium  Heplaplomeres,  Schwerin,  1857. 

31.  Baudrillart,  Publicistes  modernes,  Paris,  1862. 

32.  Enfin,  de  Thou,  Histoire  universelle,  liv.  GXV1I,  trad.  de  1734,  t.  XIII,  p.  35,  et  Possevin, 
Judicium  de  Nnse  militis  Galli,  Joannis  Bodini,  l'/t.  Mornsei  et  Nie.  Machiavelli  quibusdam 
scriplis,  Rome,  1502,  ou  Lyon,  1593,  ou  Francfort,  1608,  ont  parlé  des  sentiments  religieux  de 
Bodin,  mais  sans  connaître  YHept .  De  même,  Naudé,  qui  le  connaissait,  lui,  Apologie  de  tous  les 
grands  personnages  faussement  soupçonnez  de  magie,  Paris,  1625,  et  Bibliographie  politique, 
Venise,  1633,  et  Paris.  1642.  De  même  encore  G.  Patin,  Lettres,  et  Colomiès,  Gallia  Orientalis, 
Paris,  1665.  J'ai  moi-même  parlé  de  la  Religion  de  Bodin  dans  ma  thèse  :  Jean  Bodin,  auteur 
de  la  République,  Paris,  1914,  liv.  Il,  ch.  ni. 

(1)  La  date  de  cet  opuscule,  aussitôt  abandonné  que  commencé  —  il  n'a  que  trois  feuillets 
doubles  —  est,  d'après  Gubrauer,  qui  est  un  spécialiste  en  Leibnitz,  attestée  par  l'écriture. 

(2)  Cf.  Guhrauer,  o.  c,  p.  lxxx. 

(3)  Ibid. 

(4)  Le  Katalog  der  Handschriften  der  Kgl.  Bib.  zu  Dresden,  t.  III,  p.  1  (Theol.,  n°  1),  annonce, 
jointes  au  texte  de  Leyser,  des  variantes  de  Conring,  Thomasen,  Leibnitz,  etc.,  et  des  notes  de 
Leyser.  Alléché,  j'ai  voulu  voir  ce  ms.  :  c'est  une  copie  de  YHept.,  à  vrai  dire  plus  correcte  que 
Noack  el  parfois  que  Guhrauer,  mais  bien  faulive  encore  au  prix  de  nos  mss.  français.  Elle  porte 
dans  la  colonne  varians  lectio  quelques  rares  variantes,  sans  indication  d'origine.  Pas  de  recher- 
ches sur  les  références,  pas  d'introduction,  pas  de  commentaire.  Leyser,  découragé,  aurait-il 
abandonné  son  travail  prématurément?  C'est  ce  que  semble  pourtant  démentir  un  appel  imprimé 
au  public  pour  couvrir,  par  une  souscription,  les  frais  d'impression,  1720,  et  que  je  trouve  collé 
à  la  feuille  de  garde.  Le  ms.  lui-même  est  daté  de  1727. 

(5)  Hessische  Gelehrlen  Geschichle  de  Strieder,  XIV,  pp.  269-276;  (dans  Guhrauer,  o.  c, 
p.  lxxxiv  . 


10  INTRODUCTION 

des  plus  médiocres  :  quelques  exemples  concluants  suffiront  à  le  démontrer. 

Voici  des  barbarismes  :  ludibus  publicis  (éd.  Noack,  p.  159);  sludimus 
(p.  114);  admicuisli  (p.  115);  hostias  exadoralas  (p.  124);  molles  et  leneres 
annos  (p.  168);  Potana,  pour  Polina,  déesse  de  la  boisson;  Memphitim, 
l'Égyptienne,  pour  Mephitim,  déesse  des  exbalaisons  pestilentielles  (ibid.); 
pactibus  fp.  215).  —  Voici  des  solécismes:  cum  creatori  (p.  353j  ;  in  ipsa  œtatis 
flore  (p.  284).  Et  je  doute  qu'on  explique  la  phrase  suivante  :  «  Exslat  Dola- 
»  bellœ  proconsulis  ad  Ephesios  epistola,  ne  Judseos  sacra  facere  in  oppidis 
»  ac  civitatibus  Asi;c  prohibeantur  »,  à  moins  d'écrire  Judxos...  prohibeant  ou 
Judxi...  prohibeanlur.  --  Les  passages  inintelligibles  abondent.  On  voit  le 
chef  de  la  chrétienté  consacrer  aux  dieux  païens  le  Panthéon  d  Agrippa  devenu 
église  :  «  a  Bonifacio  III  Pont.  max.  divis  omnibus  consecratum  »  (p.  120). 
On  voit  le  fanatique  Salomon  agréer  pour  son  Dieu  les  prières  des  gentils  : 
«  quoniam  pietas  gentium  non  impietas  erga  Deum  ».  Tous  les  autres  textes 
suppriment  non  (p.  122).  On  voit  le  même  Salomon  déclarer  que  pour  prier 
leur  Dieu,  les  Hébreux  ne  se  permettent  jamais  de  s'asseoir,  «  nunquam 
»  sedentes,  multo  minus  ambulantes,  nisi  morbus  vel  imbecillitas  cogat  ». 
D'où  il  résulte  que  plus  ils  sont  malades  ou  infirmes,  plus  ils  se  promènent  : 
Bodin  avait  dit  qu'ils  se  couchent,  accubanles  (p.  167).  Une  note  explique  : 
«  Vox  assa,  id  est  gratissima  ».  C'est  gravissima  qu'il  faut  lire  (p.  114).  Terlul- 
lien  signale  le  danger  des  baisers  de  charité  :  «  Fœminas  viris  confusas  inter 
»  amplexus  et  oscula  invaluisse  scribit  »,  au  lieu  de  incaluisse  (p.  164).  Un 
autre  incrimine  le  geste  païen  qui  consiste  à  baiser  la  terre  maternelle  : 
«  Verum  enim  vero  sine  saliva  osculari  nemo  potest  »,  écrit  Noack  sans 
sourciller.  Et  ici  il  est  inexcusable  :  il  connaît  le  bon  texte,  il  le  cile  en  note  : 
«  Terram  vero  sine  scelere  osculari  nemo  potest  »  (p.  167).  On  pourrait  mul- 
tiplier les  échantillons  d'une  telle  négligence  :  nimia,au  lieu  de  mima  (p.  295)  ; 
virtutis  scienliam,  peu  intelligible,  au  lieu  de  scintillant  (p.  299);  possunl,  au 
lieu  de  non  possunl  (p.  300)  ;  miserabile,  au  lieu  de  mirabile  (p .  304);  cor- 
dium  (?),  au  lieu  de  sordium,  la  honte  de  la  chute  (ibid.);  minus,  au  lieu  de 
magis  (p.  308);  omnis,  au  lieu  de  inanis  (p.  314);  aerea,  au  lieu  de  aenea  :  il 
s'agit  de  prix  distribués  aux  vainqueurs  d'une  course  (p.  325);  deseiii  pour 
diserli  advocati  p.  332  ;  Machumis  (?),  au  lieu  de  in  Blachernis  :  Octave  conte 
qu'à  Constantinople,  au  faubourg  des  Blaquernes,  les  chrétiens  grecs  célèbrent 
une  fête  en  l'honneur  de  la  Sainte  Ceinture  (p.  335),  etc.,  etc.  En  vérité 
l'insouciance  éclate  à  chaque  page  dans  le  travail  de  Noack.  «  Je  n'ai  pas 
»  ménagé  mes  peines,  écrivait  avec  assurance  Senckenberg;  mais  j'ai  établi 
»  l'exemplaire  peut-être  le  plus  correct  qui  ait  encore  été,  et  sur  lequel  on 
»  pourra  établir  en  toute  sécurité  l'édition  à  venir,  si  jamais  elle  trouve  un 
»  imprimeur  »  (1).  Noack  l'a  cru  sans  contrôle  et  a  pris  pour  base  de  son 
texte  celui  de  Senckenberg,  «  orgueil  de  la  bibliothèque  de  Giessen  »  (2).  Il  a 
eu  tort. 

C'est  dire  qu'il  restait  encore  à  faire  après  lui.  La  première  tâche  qui  s'im- 
posait à  moi  était  de  déterminer  la  valeur  relative  des  manuscrits  de  ï Hepla- 


|i)  Guhrauer,  o.  c,  p.  lwxv. 
(2)  Noack,  o.  c,  praTalio. 


[NTRODUCTION  Jl 

plomerrs  connus  en  France,  qui  sont  ceux  auxquels  je  me  suis  tenu  (1).  L'an- 
cienneté était  pour  chacun  d'eux  une  présomption  en  sa  faveur;  et  cette 
ancienneté  est  attestée  par  l'origine  de  quelques-uns.  Tel  exemplaire,  qui 
provient  de  la  bibliothèque  de  Mesmes  ou  de  celle  de  (îuy  Patin,  n'est  évidem- 
ment pas  éloigné  de  l'époque  de  Bodin.  L'étude  des  écritures  fournit  aussi 


(1)  Ce  sont  les  mss.  : 

a)  Latins. 

1.  Bibliothèque  nationale  fonds  latin  6564  Joannis  Bodini  Colloquium  Heptaplomeres  De 
abdilis  rerum  sublimium  arcanis,  in-fol.  de  -482  pages,  olim  Memmianus,  xvie  siècle.  C'est  celui 
que  j'appelle  M. 

2.  Nationale  f.  latin  6565,  même  litre,  in-fol.  de  296  feuillets,  olim  Mazarinaeus,  xvie  siècle    D). 

3.  Nat.  f.  lat.  6566,  même  titre,  in-fol.  de  273  feuillets.  On  lit  sur  la  feuille  de  garde  :  «  Guido 
»  Patinus  Bellovacus  doclor  medicus  parisiensis,  1627.  Ex  dono  Dom.Carolo  Guillemden,  Régis 
n  chrislianissimi  medici  ordinarii  ».  xvie  siècle   A  . 

4.  Nat.  f.  lat.  12976,  même  litre,  in-fol.  de  164  feuillets,  venu  des  hib.  de  Séguier,  puis  de 
Coislin,  enfin  de  S.  Germain  des  Prés,  xvne  siècle    P). 

5.  Nat.  f.  lat.  12977,  même  litre,  in-4°  de  285  feuillets,  a  bibliolheca  Soc.  Jesu,  collegii  pari- 
siensis, xvne  siècle  (J). 

6.  Xat.  f.  lai.  13971-13972,  même  titre,  2  in-4°  de  457  et  407  pages,  olim  Dan.  Huelii,  xvne  siè- 
cle (Il  . 

7.  Nal.  f.  lai.  16139,  même  litre,  in-fol.  de  493  pages,  olim  Hugonis  Grolii,  venu  de  la  Bib.  de 
Sorbonne,  xvne  siècle  (G  . 

8.  Nal.  nouv.  acquisitions  lai.  515,  même  litre,  in-4°  de  423  pages,  xvme  siècle  (0). 

9.  Bib.  Sainte-Geneviève  1025,  même  titre,  in-fol.  de  ?24  feuillets,  légué  à  l'abbaye  en  1710 
par  Ch.-M.  Le  Tellier,  archevêque  de  Reims,  xvne  siècle  (T). 

10.  Bib.  Mazarine  3527-3528,  même  litre,  2  in-4°  de  282  et  279  feuillets,  olim  Sulpicianus, 
165S  (S). 

11.  Mazarine  3529,  même  litre,  in-fol.  de  199  pages,  sans  indicalion  d'origine,  xvie  siècle  (E). 

12.  Mazarine  3530,  J.  Bodini  Heptaplomeron  De  abdilis,  ele  ,  in-fol.  de  364  feuillels,  xvne  siè- 
cle   K  . 

13.  Bib.  royale  de  Dresde,  Théologie  n°  1,  même  litre,  exemplaire  de  Polycarpus  Leyser, 

1727. 

b)  Français. 

1.  Bib.  nat.  f.  fiançais  1923,  Colloque  de  Jean  Bodin  des  secrets  cachez  des  choses  sublimes 
entre  sept  sçauans  qui  sont  de  dijferens  senlimens,  in-4°  de  685  pages,  fin  du  xvie  siècle  ou 
début  du  xvne,  sans  indication  d'origine    H  . 

2.  Arsenal  251  6,  même  titre,  in-fol.  de  ab-273  pages,  simples  extraits  de  VHept.,  légué  par 
l'abbé  Clapeyron  à  la  Bib.  Sainle-Geneviève,  176  '>. 

3.  Arsenal  5425,  même  titre    Recueil  Connut,  t.  XVI,  pp.  1-711  ,  xvne  siècle. 

4.  Arsenal  6026,  même  titre,  grand  in-fol.  de  ab-592  pages,  provenant  des  bib.  de  MM.  de 
Paulmy,  l'abbé  de  Rolhelin,  N.-J.  Foucault,  xvue  siècle. 

5.  Mazarine  35  il,  même  Litre,  in-4"  de  653  pages,  1771.  Ces  quatre  derniers  mss.  sont  des 
copies,  partielle    n°2   ou  totales    nrj*  3,  4  el  5),  du  n°  1    R  . 

J'ai  eu  également  sous  les  yeux  les  deux  éd.  imprimées  de  VHept.,  l'une  fragmentaire  [Das 
Heptaplomeres  des  Jean  Bodin,  zur  Geschichle  der  Cultur  und  Lilleralur  im  Iahrhundert  der 
Reformalion,  von  Dr.  E.  Guhrauer,  Berlin,  Eichler,  1841,  in-8  [B  ,  l'autre  complète  iJ.  Bodini 
Colloquium  Heptaplomeres,  etc.,  edidit  Ludovicus  Noack,  Suerini  Megaloburgensium,  1857, 
in-8  [N]).  Je  n'ai  pas  tenu  compte  du  ms.  d'Angers  (xvme  siècle,  :  c'est  un  dérivé  dégénéré  du 
type  MET  voyez  infra),  bourré  de  fautes  grossières,  et  veur  de  loute  référence,  ou  peu  s'en 
faut,  à  parlir  du  livre  IV.  Quant  à  celui  d'Aix,  un  fâcheux  concours  de  circonstances  m'a  empê- 
ché de  le  voir  lors  de  mon  passage  dans  celle  ville  ;  el  je  n'ai  pu  en  obtenir  le  déplacement,  le 
legs  Méjanes,  auquel  il  appartient,  l'ayant  rendu  immeuble  par  destination.  G'esl  le  seul  exislanl 
dans  les  bibliothèques  publiques  françaises  dont  l'inventaire  a  paru  :  Catalogue  général  des  7nss. 
des  bib.  publiques  de  France,  Paris,  Pion,  1885-19U4,  43  vol.  parus. 


12  INTRODUCTION 

des  données  certaines,  pourvu  qu'on  ne  leur  demande  pas  une  précision 
impossible  :  on  peut  bien  affirmer  qu'un  manuscrit  appartient  au  xvic  ou  au 
xvne  siècle,  et  même  au  début  ou  à  la  fin  du  xvne  siècle,  mais  dire  plus  est 
dangereux.  C'est  si  vrai  que  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève 
n°  1025  (1)  est  attribué,  et  justement  attribué,  au  xvne  siècle  par  Kohler; 
mais  l'ouvrage  est  de  deux  mains  :  à  partir  du  fol.  68,  l'écriture  change  et 
prend  tous  les  caractères  du  xvie  siècle.  Qu'en  conclure,  sinon  que  ce  cod.  a 
été,  dans  les  premières  années  du  xvn%  commencé  par  un  scribe  qui  obéissait 
à  la  mode  nouvelle,  puis  continué  par  un  autre,  âgé  peut-être,  et  fidèle  aux 
traditions  de  sa  jeunesse?  On  voit  avec  quelles  précautions  seulement  on  peut 
faire  état  de  la  paléographie.  Ajoutons  que,  de  toute  façon,  si  l'ancienneté 
est  une  présomption,  elle  ne  saurait  être  que  cela  :  tel  manuscrit  récent  ayant 
pu  être  copié  sur  un  archétype  disparu,  plus  ancien  et  plus  correct  que  tous 
ceux  qui  nous  restent. 

Une  méthode  plus  précise  était  donc  nécessaire.  Dans  les  limites  du  livre  IV, 
que  j'avais  d'abord  eu  l'intention  de  publier  tout  entier  et  seul,  j'ai  relevé 
sur  le  texte  de  Noack,  pris  comme  point  de  départ  (2),  un  certain  nombre 
d'erreurs,  que  soit  le  bon  sens,  soit  mes  recherches  dénonçaient  avec  certitude. 
En  voici  du  premier  type  :  «  Seneca  scribit  nihil  bono  viro  mali  contingere 
»  posse,  quoniam  contraria  miscentur  »  (p.  113  de  Noack)  :  la  correction  non 
miscenlur  s'impose  évidemment.  —  «  Si  sanctis  Romanorum  a?dilibus  dalum 
»  negotium  est,  ne  quse  religio  peregrina  in  urbem  admilteretur  »  (p.  119)  : 
sanctis  présente  peu  de  sens,  surtout  quand  on  voit  Senamus,  à  la  réplique 
suivante,  rappeler  par  edicta  l'idée  que  veut  exprimer  sanctis;  de  fait,  la 
bonne  leçon  est  senatusconsullo.  —  «  Non  tamen  in  ea  [Azoara  —  sourate  du 
»  Coran]  qurc  in  manibus  Christianorum  versatur  »  (p.  132).  Est-ce  entre  les 
mains  des  Chrétiens  qu'on  s'attend  à  trouver  des  sourates  du  Coran?  —  Nom- 
bre de  fautes  pareilles  ont  déjà  été  signalées  plus  haut  :  «  A  Bonifacio  III 
»  Pont.  max.  divis  omnibus  consecralum  »  (p.  120).  --  «  Verum  enim  vero 
»  sine  saliva  osculari  nemo  potest  »  (p.  107),  etc. 

Voici  des  erreurs  du  second  type  :  Hellherus  (p.  121  de  Noack)  est  cité 
comme  un  célèbre  théologien  musulman.  Ce  personnage  est  Elhari  Ibim  Esed 
de  Bagdad,  et  on  peut  même  préciser  peut-être  où  Bodin  a  été  le  chercher  : 
c'est  dans  Léon  d'Afrique,  livre  III.  —  Un  certain  Philoslratus  tyrannus  (p.  139) 
est  dit  avoir  eu  un  songe  où  il  se  voyait  précipiter  du  ciel.  Outre  qu'on  ne 
connaît  pas  de  tyran  Philostrate,  la  Dêmonomanie,  I,  4  (éd.  de  1604,  p.  107), 
nous  fait  le  même  conte  d'Hippias,  et  nous  donne  la  source  de  Hodin  :  le  De 
Somniis  d'Artémidore  d'Éphèse,  que  Fontaine  avait  traduit  en  français,  1546. 
Bodin,  citant  de  mémoire,  comme  il  lui  arrive  à  chaque  instant,  aura  remplacé 
le  fils  par  le  père,  Hippias  par  Pisistrate;  et  les  copistes  auront  aisément,  la 
forme  ancienne  de  l'h  ressemblant  à  l's  moderne,  substitué  PhilosLrate  à 
Pisistrate.  --  Le  Coran  est  appelé  Alphalicianus  (p.  170).  C'est  Alphurcanus 
qu'il   faut  lire,  comme   le  prouve  l'opuscule  intitulé  :  Doclrina   Machumetis 


(1)  Cf.  Kohler,  Catalogue  des  mis.  de  la  Bib.  Sainte-Geneviève,  Paris,  Pion,  1893,  p.  138. 

(2)  Parce  que  c'est  la  seule  édition  complète  du  texte  latin  et  parce  que  c'est  la  moins  difficile 
à  se  procurer  en  librairie. 


INTRODUCTION  13 

summalim  comprehensa,  ab  Hermanno  Dalmala  ex  arabico  translata  :  «  Sed 
>.  die,  si  placet,  Deus  tibi  misit  scriptum?  —  Respondit  [Machumelus]  :  Sic. 
»  —  Quod?  —  Dicit  :  Alfurcan.  —  Car  dictum  Alfurcan?  —  Dixit  :  Quia 
»  discret*  sunt  sententise  et  figura?  ejus  »  (1). 

Enfin  la  collation,  que  j'avais  faite  entière  (2),  des  premiers  manuscrits  que 
j'étudiai  (P  et  G),  avec  le  texte  de  Noack,  me  révéla  encore  dans  celui-ci 
nombre  de  leçons  controversées  :  Ex  amaro  omnium  (P  G  carnium)  dulcium 
levi  adustione  fit  yXuxu7cixpov  palato  gratissimus  sapor  (R  p.  213).  —  Igitur 
inter  angelos  non  nisi  virtutum  et  illustrium  animorum  (P  G  actionum\ 
certamen  exsistit  (p.  218).  —  Illud  quidem  optare  potius...  quam  sperare 
debemus  ut  una  sit  et  eadem  civium  unio,  una  (P  G  remplacent  unio,  una 
par  immo)  mortalium  omnium  de  rébus  divinis  consensio  (P  G  assensio, 
p.  220).  —  Salomo.  Ne  religio  quidem  sit,  nisi  veram  esse  demus.  Quoniam,  etc. 
(P  G  mettent  dans  la  bouche  de  Senamus  la  réplique  qui  commence  à 
quoniam,  p.  220).  —  Cum  Apollinei  pontifices  Camarim...  preces  ac  vola 
ingénièrent  (G  ingeminarenl,  p.  250).  —  Festis  epulis  coram  immorlali  Deo 
obtestamur  nos  summa  cum  Jœlitia  cibis  sacrificiorum  optimis  (P  G  opimis) 
vesci  (p.  307).  Il  serait  facile  de  multiplier  ces  exemples. 

Par  ces  divers  procédés,  mon  attention  était  attirée  sur  un  certain  nombre 
de  points  de  comparaison.  C'est  d'après  eux  surtout  que  j'ai  alors  collationné 
les  autres  manuscrits  latins  des  bibliothèques  françaises. 

Un  premier  résultat  m'est  apparu  assez  rapidement.  C'est  qu'il  y  a  des 
leçons  (pour  la  plupart  mauvaises)  spécifiquement  allemandes;  je  veux  dire 
propres  aux  éditions  allemandes  et  dont  nos  codd.  français  sont  tous 
indemnes  (3). 

Les  unes,  très  fréquentes,  appartiennent  à  N  seul,  et  peuvent  être  attribuées 
à  la  recension  défectueuse  de  Senckenberg,  en  laquelle  Noack  a  mis  toute  sa 
confiance  :  par  exemple   :   communicalis  (-—  commulatis),  p.  210;  contraria 
miscentur  (=    non  miscenlw),  p.    211  ;    illustrium    animorum  (=    aclionum), 
p.  218;  l'oubli  d'un   changement  d'interlocuteur,  p.  220;  sanclis  (=  senalus 
consulto),  p.   223;  une  interpolation,  p.  228;  l'omission  d'un  habet  indispen- 
sable, p.  232;  deserendo  (=  disserendo),  p.  238;  non  tamen  in  ea  quxïn  mani- 
bus  Christianorum    versalur  (=   non    tamen   ea  qiue...    versanlur  h   p.    249 
manium  Deorum   (=   inanium),    p.   252;   invaluisse  (  =   incaluisse),  p.  316 
ambulantes  (=  accubantes),  p.  323;  teneres  annos  (=  teneros  animes),  p.  325 
Alphalicianus  (=   Alphurcanus),    p.    350;    Toralba    substitué    à    Coronœus, 
p.  337,  etc. 

Les  autres  leçons,  fautives  aussi,  forment  une  série  moins  nombreuse  à  la 
vérité,  mais  plus  intéressante,  parcequ'ellessontà  lafoiscommunesetpropres 


(1)  Dans  l'édition  latine  du  Coran  par  Bibliander,  1550,  t.  I,  p.  190. 

(2)  Comme  aussi  celle  de  la  version  ou  du  lexle  de  Guhrauer  (B),  toujours  dans  les  limites  du 
livre  IV. 

(3)  De  ces  leçons,  un  certain  nombre  appartient  à  des  pages  (209-215,  239-242,  etc.)  dont  le  peu 
d'intérêt  m'a  amené  à  donner  un  résumé,  plutôt  que  le  texte,  dans  mon  édition.  J'ai  pensé  avoir 
néanmoins  le  droit  de  ne  pas  me  priver  pour  ma  démonstration  de  ces  preuves,  toujours  vendables 
sur  N,  B,  et  les  manuscrits. 


14  INTRODUCTION      . 

ùBN  :  omnium  (—  carnium)  dulciurii,  p.  213;  ingemerent  (=  ingeminarent), 
p.  250;  IsraëliliB  {=  Ismaélitx),  p.  252;  et  collocaret  (=  ut  collocarelur), 
p.  274;  maris  abyssus  (—  immanis  abyssus),  p.  254;  indicos  (==  indicas) 
sacerdotes,  p.  264;  nerao  sine  saliva  {■=  scelere)  osculari  potest,  p.  322;  in 
libris  {=  in  terris),  p.  337;  Almad  (=  Ackmad  (1),  surnom  de  Mahomet  qui 
signifie  le  très  glorieux),  p.  327;  Gara/fa  (—  Cheruffa,  nom  d'une  femme  que 
Mahomet  aurait  séduite),  p.  328;  traclare  (=  lactari),  p.  340;  virgam  illius, 
quam  ad  pontificem  delegerat  (=  virgam  illius,  quem  ad  pontificatum  dele- 
gerat),  ibid.  —  Or  Guhrauer  nous  déclare  dans  sa  préface  avoir  employé,  après 
nos  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  noS  6564  (M),  6565  (D)  et  6566  (A), 
les  manuscrits  de  Berlin  nos  93  et  94  (2),  On  peut  donc  croire  que  les  leçons 
qui  précèdent  lui  viennent  de  ces  derniers;  supposer,  puisqu'elles  lui  sont 
communes  avec  N,  une  certaine  parenté  entre  les  manuscrits  allemands  dont 
Noack-Senckenberg  et  lui  se  sont  servis,  et  que,  je  me  hâte  de  l'avouer,  je 
n'ai  pas  vus;  conclure  peut-être  de  ces  exemples  à  une  probable  infériorité, 
qui  atténue  mes  regrets,  de  ces  manuscrits  sur  les  nôtres.  On  sent  trop»ce 
qu'a  de  précaire  une  généralisation  si  aventureuse  pour  la  présenter  autre- 
ment que  comme  une  hypothèse;  toutefois  il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  que, 
d'un  ouvrage  écrit  en  France,  et  dont  les  copies  apparaissent  anciennement 
en  France,  plus  tardives  en  Allemagne,  les  exemplaires  français  fussent  les 
plus  corrects.  Venons  donc  à  ces  exemplaires. 

Ce  qui  frappe  à  mesure  qu'on  les  étudie,  c'est  leur  étroite  ressemblance. 
Sur  la  grande  majorité  des  points  litigieux,  on  les  trouve  unanimes.  J'en  ai 
donné  déjà  nombre  d'exemples  en  leur  comparant  plus  haut  N  et  B;  en  voici 
quelques  autres  :  sublimior  (et  non  :  sublilior),  p.  219;  ut  una  sit  et  eadem 
civium,  immo  (et  non  unio,  una)  etiam  mortalium  omnium  de  rébus  divinis 
assensio  (et  non  consensio),  p.  220;  conalus  (et  non  coaclus,  que  traduit  cer- 
tainement B),  p.  227;  tametsi  plerique  (N  ajoute  indûment  Chrisliani  :  il 
s'agit  des  princes  musulmans),  p.  325;  répétition  injustifiable,  à  la  fin  d'une 
réplique  de  Coroni,  de  la  phrase  qui  la  commence,  p.  233;  omission,  dans 
une  énumération,  du  quatrième  terme  de  cette  énumération,  p.  276.  —  Il 
semble  donc  bien  qu'une  même  source  soit  commune  à  tous. 

Toutefois,  pour  voisins  qu'ils  soient,  ils  ne  sont  pas  semblables  :  il  s'agit 
donc  de  les  classer  en  familles;  et  comme  l'autographe,  qui  lèverait  tous  les 
doutes,  est  assurément  perdu,  c'est  là  que  les  diflicultés  commencent. 

Il  y  a  des  cas  où  les  variantes  ne  donnent  sur  un  tel  problème  aucune  indi- 
cation utile.  C'est  d'abord  quand  elles  sont,  si  j'ose  dire,  individuelles, 
j'entends  :  quand  elles  se  rencontrent  dans  un  seul  manuscrit,  contre  l'unani- 
mité des  autres.  Par  exemple  :  P  ea  lamen  lege  ut  (cseteri  :  ne),  p.  241  ;  volunt 


(lj  De  generatione  Machumet  et  nutritura  ejus,  quod  transtulil  Hermannus  Dalmala  : 
«  Gujus  [Machumel]  nomen  in  c;elo  Achmet  ».  Alcoran  de  Bibliander,  L.  I,  p.  203. 

(2)  C'est  le  Memmianus  (M)  qui  esl  à  ses  yeux  le  plus  ancien  et  le  meilleur,  et  qui,  dit-il,  est  à 
la  base  de  sa  recension.  Mais,  au  fur  et  à  mesure  qu'on  avance  dans  la  lecture  de  Vflept.,  on 
constate,  dans  une  multitude  de  cas  controversés,  le  désaccord  de  Guhrauer  avec  M  et  on  se 
prend  à  craindre  qu'il  ait,  malgré  son  intelligence  et  son  scrupule,  accordé,  contre  M,  trop  de  foi 
aux  mss.  de  Berlin  qu'il  avait  sous  la  main.  Quant  àD  A,  je  n'ai  vu  nulle  part  qu'il  en  ait  tiré  les 
leçons,  parfois  excellentes,  qu'on  y  trouve. 


INTRODUCTION  15 

{p.  nolunl),  p.  246;  ingénièrent  (c.  ingeminarent),  p.  250;  —  G  munera  (c. 
numina),  p.  224;  e*  (c.  *t)  suo  judicio,  p.  249;  interpolation  de  ;equis  porlio- 
nibus  conlemperalur,  p.  212;  —  K  ut  cavelur  (c.  collocavetur),  p.  27-4;  oplimis 

(c.  opimis),  p.  307;  Livius  de  Manulius  (c.  Numidis),  note  7  de  la  p.  341;  A 

templa  deorum  (c.  Judseorum),  p.  321;  nec  m'ros  feminœ  contueri  possint  (c. 
«tri  ferninas);  —  0  faisant  continuer  Curce  où  les  autres  donnent  la  parole  à 
Octave,  p.  230;  —  J  évitant  la  répétition  fautive  de  la  p.  233,  au  prix  d'une 
correction  d'ailleurs  absurde  (1). 

On  n'est  pas  plus  éclairé  quand,  une  variante  se  rencontrant  dans  un  certain 
nombre  de  manuscrits,  le  groupement  qui  s'était  établi  à  celte  occasion  ne  se 
reproduit  plus,  et  qu'il  s'en  forme  d'autres,  chaque  fois  différents,  à  chaque 
passage  contesté.  Ainsi  l'on  trouve  DATESJPG  cara  ou  chara  contre  MOK 
clara,  p.  241  ;  puis  DATESJM  Pisistratus  contre  PGHOK  Philos  Ira  lus,  p.  263; 
DAST.JPG  accubanles  contre  MIIOK  accumbenles,  p.  323;  enfin  MAEHOJKG 
exadorea  contre  TP  exadorla,  D  exadoreo,  S  qui  omet  le  mot,  p.  233. 

Ce  qu'il  faut  donc  arriver  à  découvrir,  ce  sont  des  séries,  même  peu  nom- 
breuses, de  leçons  concordantes  qui  départagent  les  manuscrits  en  groupes 
toujours  identiques.  C'est  affaire  de  tâtonnements,  que  la  chance  abrège  ou 
prolonge  à  son  gré. 

Or  je  lis,  p.  313  :  «  Coronseus  (2).  Non  video  cur  Pater  nosler  Chrislianorum 
»  [cedere  debeat  Lassake  Ismaëlitarum  aut  Schemali  Hebraeorum.  —  Salomo. 
»  Nostrum]  illud  Schéma, 'quod  ab  omnibus  Judœis  quotidie  usurpatur,  non 
»  est  precatio,  sed  commemoratio  ».  DA,  seuls  de  tous  nos  manuscrits,  omet- 
tent les  mots  entre  crochets.  Les  mômes  DA  omettent,  seuls  de  tous  encore, 
tantôt  quelques  mots  :  Tcpo;  9eûu,  (ju'exige  le  texte  cité  du  Cralyle,  p.  236, 
tantôt  des  phrases  entières  :  [Plutarchus  ad  interilum  dsemonum  référendum 
pulaviï\,\>.  257,  ou  des  lambeaux  de  phrase  :  [audila  morte  caput  una  cum  ejus 
sacerdotibus  abrasil,  forsilan  originem  traxerunt,  lum  etiam],  p.  336;  [Quid 
Lucas?  ld  quod  Marcus,  Johannes,  Matthseus.  Quid  Marcus?  Id  quod  Johannes, 
Matlhœus,  Lucas.],  p.  -428;  [exslitissent,  minime  rejicienda  fuerunl.  Sin  falso 
aut  inïer  se  discrepanlia  qiuenam  {ides  aut],  p.  429;  corrupla  :  sitpernaluralia 
vero  penitus  exhausla  fuisse  palet,  sic  tamen],  p.  571  bis.  Naturellement  ces 
lacunes  rendent  le  texte  inintelligible;  mais  l'important,  pour  nous,  c'est 
qu'en  opposition  aux  autres  manuscrits,  qui  ne  les  présentent  pas,  elles  font 
de  DA  une  famille  distincte. 

Parmi  les  autres  exemplaires,  PG  apparaissent  à  leur  tour  comme  très 
semblables  Seuls  ils  écrivent  tous  deux  :  potius  (cœteri  :  polenlius),  p.  329; 
veram  (c.  meam)  sententiam,  p.  332,  etc.  Seuls  ils  omettent  tous  deux  :  inle- 
grilas,  p.  215;  sani  furiosis,  p.  215;  et  muneris,  p.  217;   et  eadem,  p.  220; 


(t)  <<  Epicurus  ad  licenliam  peccandi  aditus  omnes  aperuisse  videlur,  cum  praemia  bonis,  sup- 
»  plicia  peccalis  irrogari  divino  judicio  persuasum  habealur  ».  Qui  ne  voit:  t°  la  difficulté  d'expli- 
quer le  passif  habeatur;  2°  l'impossibilité,  pour  Epicure  qui  conçoit  les  Dieux  étrangers  et 
indifférents  à  l'homme,  de  croire  à  la  sanction  par  eux  de  nos  actes;  3°  la  contradiction  entre  le 
début  et  la  fin  de  la  phrase  :  comment  Epicure  eùt-il  donné  carrière  au  péché,  s'il  eût  cru  à  sa 
répression  ? 

(2)  Goroni  demande  en  quoi  le  Pater  chrétien  est  inférieur  à  la  prière  de  chaque  jour,  que  les 
Musulmans  nomment  Lassala  et  les  Juifs  Schéma. 


16  INTRODUCTION 

Deorum,  p.  221;  bene/icos,  p..  222;  non  modo,  p.  223;  cum  populo,  p.  251  ; 
[valicinia  dici  possunl  ;  prophelia  vero  singulariquadam  appellalione] ,  p.  264,  elc. 
Devant  la  fréquence  de  ces  erreurs,  la  valeur  de  ces  exemplaires  apparaît 
médiocre  ;  et  devant  leur  concomitance,  la  parenté  certaine.  Comme  d'ailleurs 
P  G  sont  relativement  récents  ;  comme  nous  les  voyons  régulièrement  appuyer 
soit  contre  R,  soit  contre  DA,  les  manuscrits  anciens  et  entre  eux  similaires 
MET,  nous  conclurons  que  PG  est  un  rameau  distinct  de  la  grande  branche 
MET. 

Voici  donc  le  classement  auquel  nous  aboutissons  :  de  l'archétype  perdu 
viennent  deux  groupes  de  manuscrits  datant  tous  du  xvie  siècle  ou  des  pre- 
mières années  du  xvne  :  1°  DA  ;  2°  MET.  Ce  second  type,  copié  par  la  suite, 
a  donné  d'une  part  JHOKS  (1),  d'autre  part  PG  où  pullulent  les  inexacti- 
tudes de  détail.  II  se  recommande  de  lui-même,  et  par  ses  exemplaires  anciens, 
et  par  le  fait  qu'il  évite  les  omissions  propres  à  DA,  et  par  son  accord  enfin, 
dans  l'immense  majorité  des  cas,  avec  les  mêmes  AD.  11  est  représenté  dans 
mon  édition  par  M  :  non  que  j'accorde  à  M  une  valeur  supérieure  a  celle  de 
T  ou  de  E  ;  je  l'ai  choisi  en  raison  d'une  préférence  un  peu  superstitieuse, 
parce  qu'il  venait  de  ce  cabinet  de  Mesmes,  où,  dit  Leibnitz,  l'original  de 
Y/Jepl.  séjourna  un  temps,  et  que,  d'après  un  autre,  c'est  le  Me n uni anus  qui  a 
donné  naissance  à  la  plupart  des  copies  ultérieures. 

Mais  j'ai  aussi  constamment  cité  1),  et  voici  pourquoi.  Je  devais  représenter, 
m'a-t-il  semblé,  la  famille  de  manuscrits  DA,  malgré  ses  erreurs  certaines, 
comme  j'y  représentais  l'autre  famille  MET.  Mais  surtout,  en  dépit  de  ces 
erreurs,  dans  plusieurs  cas  intéressants,  les  variantes  de  D  me  paraissaient 
apporter  la  vérité.  Quand  Bodin  nous  montre  les  sorciers  foulant  aux  pieds 
les  hosties  consacrées,  D  seul  écrit  correctement  :  hostias  exadoreo  (  —  ex 
adoreo  [se.  farrej)  verbis  ritualibus  consecratas  proculcant;  N  donne  exado- 
ralas,  les  autres  manuscrits  exadorea,  exadorta,  également  inintelligibles  et 
barbares,  p.  233.  De  même,  tous  les  manuscrits  font  consacrer  l'église  Sainte- 
Marie  de  la  Rotonde  par  le  pape  Boniface  à  tous  les  dieux,  divis  omnibus  ;  D 
seul  encore  écrit  correctement  :  Beatœ  Mariée  consecratum,  p.  224.  J'avoue 
que  c'est  une  surcharge,  après  rature  du  texte  commun  ;  mais  cette  surcharge 
est  de  la  même  encre  plus  noire,  de  la  même  main  différente,  que  cent  autres 
par  moi  relevées  dans  ce  manuscrit,  et  où  se  révèle  autant  d'ignorance  que  de 
soin.  Nous  avons  donc  affaire  à  un  correcteur  qui  ne  sait  pas  ce  qu'il  écrit,  et, 
dans  les  cas  embarrassants,  se  borne  à  tenter  de  déchiffrer  exactement 
le  texte  modèle.  J'en  infère  que  la  restitution  Bealx  Mariœ  n'est  pas  une 
conjecture  de  bon  sens,  mais  une  lecture  plus  attentive  d'un  passage  difficile 


(1)  Il  serait  même  probablement  possible  de  préciser  davantage.  Ainsi  je  crois  entrevoir  que  S 
dérive  de  T.  A  l'omission,  signalée  supra,  de  la  p.  270,  tous  les  mss.  écrivent  :  quarla  caritalem 

erga  singulos,  sexla  muletas  pecuniarias,  seplima  conlracluum  el  bereditalum  jura T  seul, 

suivi  par  S,  écrit  quinta  à  la  place  de  sexla,  omettant  le  sixième  terme  au  lieu  du  cinquième. 
D'autre  part,  T  S  écrivent  tous  deux  cara,  p.  241;  l'isislratus,  p.  203;  accubantes,  p.  323. 
J'avoue  ne  pas  avoir  poussé  la  vérification  plus  loin  pour  S,  et  n'avoir  pas  même  tenté  la  recherche 
pour  J  II  0  K,  parce  que  je  n'en  voyais  pas  l'utilité.  Du  moment  que  MET  sont  des  copies  d'un 
même  exemplaire,  et  où  les  différences  ne  sauraient  être  qu'accidentelles,  que  m'importe  duquel 
des  trois  dérivent  J,  H,  ou  0? 


INTRODUCTION  17 

dans  l'original,  —  difficulté  qui  explique  justement  la  faute  commune  à  toutes 
les  autres  copies.  Même  raisonnement  pour  la  note  7  de  la  p.  307  :  tous  les 
exemplaires,  y  compris  D,  donnent  la  référence  fausse  :  IV  Région,  4  ;  mais 
D  seul  biffe  et  rectifie  :  //  Regum,  4.  Évidemment  on  peut  supposer  que  le 
scribe  ait  vérifié  la  citation;  mais  pourquoi  aurait-il  vérifié  celle-là,  et  celle-là 
seule,  quand  il  en  a  laissé  tant  d'autres  inexactes  (1)?  Et  enfin  en  un  certain 
non:bre  de  cas,  la  contestation  n'est  pas  possible  :  sans  correction  ni  sur- 
charge, D  apporte  la  lumière  :  Tucit.,  lib.  3  (cœteri  :  lib.  19),  note  7  de  la 
p.  225;  aptissime  (c.  apertissime),  p.  219;  finxissenl  (c.  jinxissel),  p.  339;  une 
excellente  ponctuation,  p.  523;  pià,  abréviation  de  prima  (c.pia,  inintelligible), 
p.  475. 

Je  crois  donc  être  fondé  à  accorder  à  D  une  haute  valeur.  D'autre  part,  le 
caractère  grossier  des  erreurs,  aussi  rares  d'ailleurs  qu'aisées  à  découvrir, 
qu'on  y  relève,  ne  sont  pas  pour  démentir  l'impression  de  scrupule  et  de  naï- 
veté qu'il  nous  avait  faite  tout  à  l'heure.  Où  le  soin  du  copiste  est  inefficace, 
l'ignorance  éclate.  Ce  sont  des  barbarismes  :  fsmaëliles,  p.  248;  posleslalibus, 
p.  263;  feriare,  p.  284;  verbium,  p.  310;  — des  solécismes  enfantins  :  [Ismaë- 
litse]  infiliatur,  p.  248;  divina  \e\  proponanlw,  p.  247;  pro  Deo  colendum 
(pour  :  colendo),  p.  249  ;  judicant  (pour  :  judicavil)  Aben-Esra,  p.  279;  —  des 
fautes  encore  qui  laissent  le  texte  inintelligible,  et  qu'un  plus  instruit  eût  aisé- 
ment évitées  :  Ixvissima  (pour  :  levissima),  p.  256;  scribit  sequendam  (pour  : 
qup.ndam),  p.  339.  Il  semble  qu'en  un  manuscrit  si  honnête,  où  il  y  a  si  peu  à 
redouter  de  l'interprétation  personnelle  du  scribe,  on  puisse  mettre  à  bon 
droit  sa  confiance  (2). 

Quant  à  son  origine  précise,  j'avais  formé  là-dessus  une  hypothèse  sédui- 
sante, à  savoir  qu'il  provenait  de  la  bibliothèque  du  chanoine  Descordes,  ce 
qui  eût  contribué  à  lui  conférer  une  autorité  singulière.  Voici  comment  cette 
idée  m'était  venue.  D  est  dit  Mazarinieus  :  il  est  donc  entré  à  la  bibliothèque 


(1)  La  négligence  de  Bodin  est  grande,  même  pour  le  temps,  et  m'a  rendu  souvent  difficile, 
parfois  impossible,  la  vérification  des  citations  :  1°  il  cite  en  général  de  mémoire,  rarement  in 
extenso,  plus  rarement  le  texte  littéral  :  c'est  plutôt  une  allusion  qu'il  lance,  un  mot  frappant 
qu'il  rappelle;  2°  citant  de  mémoire,  il  tombe  en  des  erreurs  fréquentes  :  nombre  de  ses  réfé- 
rences sont  fausses:  Plut.,  Lycurg.,  p.  217;  Cic,  pro  Flacco,  p.  232;  Philon,  Allégories, 
p.  207,  etc.;  3°  toujours  pour  la  môme  raison,  il  modifie  le  sens  des  textes  allégués,  qu'il  se  rap- 
pelle imparfaitement  :  Josèpbe,  Antiq.  judaïq.,  p.  383;  Nie.  Callisle,  p.  540;  Cic,  De  divinatione, 
p.  25G.  Voici,  prise  sur  le  vif,  sa  négligence.  Il  nous  conte,  p.  263,  un  songe  funeste  de  Pisistrale. 
Le  même  conte  nous  e-l  fait,  Démonomanie,  1,  4,  p.  107,  mais  d'Hippias.  Si  l'on  remonte  à  la 
source,  Artémidore,  c'est  la  Démon,  qui  a  raison.  En  écrivant  VHepL,  Bodin  a  un  souvenir  impré- 
cis de  l'anecdote,  citée  13  ans  avant  :  il  ne  vérifie  pas,  et  met  en  scène  le  père  au  lieu  du  fils. 

(2)  J'estime  par  ailleurs  D  supérieur  à  son  parent  A.  Tous  deux  ont  été  copiés  sur  un  exem- 
plaire commun  (mais  non  A  sur  D,  ni  D  sur  A);  seulement  A,  plus  négligent,  est  tombé  dans  des 
erreurs  que  le  scrupule  évite  à  D  :  exadorea,  p.  233;  Tacit.,  lib.  19  (D  Tacit.,  lib.  III),  p.  225; 
pia,  sans  signe  abréviatif  (D  pià  =  prima,,  p.  475).  11  y  a  plus  à  se  méfier  aussi  de  A,  qui  est  le 
fait  d'un  scribe  qui  comprend  le  latin,  et,  dans  les  passages  obscurs,  semble  bien  introduire  ses 
conjectures  dans  le  texte;  ainsi,  p.  313,  quand  Octave  vante  la  chasteté  des  Musulmans,  qui  ont 
dans  les  mosquées  séparé  hommes  et  femmes,  A,  comme  tous  les  autres  mss.,  écrit  d'abord  :  ut 
nec  a  viris  feminœ  conspici,  uec  viri  feminas  contueri  possint.  Puis,  choqué  de  celte  tautologie 
obscure,  il  biffe  et  corrige,  d'inspiration,  je  pense  :  nec  viros  jemïnse  contueri  possint.  Un  pareil 
ms.  me  semble  dangereux. 

Ghauvirc  ~ 


18  INTRODUCTION 

du  roi  lors  du  choix  qu'elle  fit,  parmi  les  manuscrits  de  la  Mazarine,  de  ceux 
qu'elle  n'avait  pas,  pour  se  les  approprier,  1668  (1).  D'autre  part,  Naudé 
avait  antérieurement  acheté  en  bloc  pour  le  cardinal  le  cabinet  de  Descordes, 
1642  (2);  l'exemplaire  de  VHeplaplomeres,  que  nous  savons  avoir  appartenu 
à  Descordes,  devait  s'y  trouver  :  ne  serait-ce  pas  le  Mazarinœus  actuel?  Cette 
conjecture  ne  résiste  pas,  hélas  !  à  l'examen  des  faits.  Dans  le  Bibliolhecœ 
Cordesïanx  catalogus,  1643,  in-4-0,  que  publia  Naudé  à  l'occasion  que  je  viens 
de  dire,  le  Colloq.  ne  figure  pas.  D'autre  part,  Colomiès  dit  avoir  vu  le  Corde- 
sianus  chez  M.  Briot  :  si  D  est  le  Cordesianus,  comment  n'y  trouve-t-on  ni 
cachets,  ni  ex-libris  de  Briot  ou  Descordes?  Enfin,  on  nous  dit  que  Grotius 
avait  fait  copier  son  exemplaire  sur  celui  de  Descordes  ;  et,  on  vient  de  le 
voir,  le  Grotianus  (G)  est  très  différent  de  D.  La  provenance  de  D  redevient 
donc  absolument  obscure,  et  j'en  suis  réduit  pour  justifier  le  choix  que  j'ai  fait 
de  lui  aux  raisons,  à  la  vérité  plus  solides,  que  j'ai  exposées  plus  haut. 

Il  me  reste  à  parler  de  la  traduction  française  dont  je  publie  ci-après  des 
fragments  :  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale  f.  fr.  1923,  anc.  f.  fr.  7892, 
que  j'appelle  B.  C'est  un  volume  in-4°,  relié  en  veau,  de  685  pages.  L'écriture, 
très  courante,  parfois  même  assez  malaisément  lisible,  et  qui  abonde  en 
abréviations,  date  du  début  i\u  xvne  siècle. 

Les  autres  versions  que  recèlent  nos  bibliothèques  françaises  sont  des 
copies,  totales  ou  partielles,  de  celle-là.  En  confrontant  lelle  ou  telle  page, 
prise  au  hasard  dans  II,  avec  les  pages  correspondantes  des  autres  manuscrits, 
on  acquiert  vite  la  certitude  de  la  conformité  des  textes.  B  commet  l'omission 
que  nous  avons  déjà  signalée  dans  DA,  p.  313  :  on  la  retrouve  dans  les  autres 
exemplaires.  P.  239,  l'auteur  de  B,  ayant  à  rendre  le  mot  commenlariis  (3), 
écrit,  par  un  lapsus  de  plume,  traductions  au  lieu  de  traditions.  Sa  bévue  est 
reproduite  fidèlement.  Ce  sont  là  des  preuves  suffisantes. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  5425,  seizième  volume  du  recueil  Conrart,  date 
du  xvne  siècle;  VHeplaplomeres  y  occupe  les  pages  1-711.  C'est  l'œuvre  d'un 
ignorant,  qui  estropie  les  mots  grecs  intercalés  dans  le  texte  (àpaevixôv,  cpaotxspoio;, 
p.  258)  et  la  plupart  du  temps  les  laisse  en  blanc;  une  autre  main  corrige 
ensuite  ou  supplée.  Le  scribe  copie  B  jusqu'en  ses  singularités  orthographiques 
(allors,  portuguais,  phisique,  p.  2<i0);  la  seconde  main,  reconnaissable  à  son 
encre  plus  brillante,  intervient  alors  et  rectifie  :  alors,  physique,  portugais. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  6026  est  un  volume  relié  en  veau  fauve,  de 
692  pages  in-folio;  l'orthographe  est  franchement  rajeunie.  Il  a  appartenu 
successivement  à  Nic.-Jos.  Foucault,  à  l'abbé  de  Bothelin,  au  marquis  de 
Paulmy.  L'écriture  est  du  xvnr3  siècle.  Je  glane  sur  la  feuille  de  garde  les 
indications  les  plus  intéressantes.  «  Cet  exemplaire-cy  est  peut-être  [ces  deux 
»  derniers  mots  surajoutés,  et  de  la  même  main  que  la  note  qui  suit]  le  seul 


(1)  Les  anciennes  bibliothèques  de  Paris,  par  A.  Franklin,  Impr.  Nationale,  1873,  3  vol.  in- 
lol.,  t.  III,  pp.  108-110. 

(2)  Lettres  de  Guy  Patin,  éd.  Triaire,  Paris,  Champion,  1(J07,  t.  I,  p.  320;  Léopold  Delisle,  Le 
cabinet  des  mss.  de  la  Bib.  impériale,  Paris,  Impr.  Impériale,  1868,  l.  I,  p.  397  sq. 

(3)  Voici  le  texte  :  Etenim  in  majorum  commentants  legimus  Hierasolymam  scholas  481  olim 
habuisse,  B  traduit:  in  der  Annalen.  R  :  Car  nous  apprenons  dans  les  traductions  de  nos 
ancestres 


INTRODUCTION  19 

»  dans  Paris  traduit  en  françois  :  il  vient  de  la  bibliothèque  de  M.  l'abbé  de 
»  Rothelin  (1)  et  a  été  vendu  plus  de  trois  louis  ».  —  «  Cette  môme  traduction 
»  étoit  pourtant  dans  la  bibliothèque  de  M.  Chauvelin,  garde  des  Sceaux  :  il 
»  faudroit  savoir  ce  que  cet  autre  exemplaire  est  devenu  ». 

On  ne  peut  pas  compter  le  cod.  de  l'Arsenal  2506  (127  bis  SAF),  de  237  pages 
sur  papier,  datant  du  xvme  siècle,  comme  un  véritable  manuscrit  de  notre 
version  française.  Ce  sont  des  extraits,  littéraux  d'ailleurs,  du  texte  de  la 
Bibliothèque  nationale,  qu'une  àme  pieuse  a  ainsi  purgé  de  tout  son  venin. 
«  J'ordonne,  écrit  le  propriétaire  de  ce  livre,  qu'après  ma  mort  ce  manuscrit 
»  soit  donné  ù  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève,  5  aoust  1763.  L'abbé  Clapey- 
»  rou  ».  Il  ajoute  :  «  Ce  livre  par  bonheur  n'a  jamais  été  imprimé  et  l'on  n'en 
»  trouve  que  des  copies  manuscrites,  et  grâces  à  Dieu  bien  rares!  C'est  une 
»  des  plus  dangereuses  productions  qui  aient  paru  ».  El  pour  la  rendre  inof- 
fensive, l'auteur  de  ces  extraits  n'a  conservé  que  les  répliques  d'apparence 
orthodoxe.  Le  malheur  est  que  de  la  sorte  il  n'a  pu  conserver  presque  rien  : 
si  le  livre  VI  a  encore  82  pages  (pp.  191-273),  le  livre  V  n'en  a  plus  que  28,  le 
livre  IV  9,  le  livre  III  6! 

Une  dernière  copie  de  la  version  française  est  celle  de  la  Bibliothèque  Maza- 
rine  n°  3531.  C'est  un  in-4°  de  653  pages,  datant  du  xvme  siècle,  œuvre  d'un 
scribe  peu  instruit  qui  ne  comprend  pas  toujours  ce  qu'il  écrit  et  mutile  le 
grec.  Il  contient,  à  côté  d'indications  sur  l'origine  de  la  traduction,  quelques 
teslimonia  intéressants  de  Diecman  et  de  Vogt.  Mais  de  toutes  façons,  c'est  au 
manuscrit  1923  de  la  Bibliothèque  Nationale  qu'il  nous  faut  revenir  :  il  est 
manifestement  l'original  des  autres. 

Combien  il  serait  tentant  d'attribuer  à  Bodin  lui-môme  la  paternité  de  cet 
Heplaplomeres  français  !  On  s'en  souvient,  il  a  écrit  dans  les  deux  langues 
presque  tous  ses  ouvrages,  République,  Démonomanie,  Paradoxon;  et  s'il  n'a 
pas  traduit  le  Theatrum  nalurse,  c'est  peut-être  qu'il  savait  Fougerolles  à 
l'œuvre.  Mais  celte  hypothèse  n'est  pas  soutenable.  Il  y  a  dans  notre  traduc- 
tion des  faux-sens,  des  contresens  même  que  Bodin  n'eût  pas  commis  contre 
son  propre  texte.  L'auteur  n'en  sait  pas  l'hébreu.  L'écriture  n'est  pas  celle  de 
Bodin.  On  ne  saurait  donc  lui  attribuer  cette  version  française,  ni  peut-être 
à  aucun  personnage  connu. 

On  lit  bien  dans  le  cod.  de  l'Arsenal  2506,  au  verso  de  la  feuille  de  garde, 
l'indication  suivante  :  «  Traduit  par  un  secrétaire  de  Mr.  Colbert,  mort  au 
»  Cliâteauneuf  chés  la  Rue  entrepreneur  des  bàtimens  du  roy  »;  —  et  dans  le 
cod.  de  la  Mazarine  3531,  au  premier  folio  :  «  Cette  traduction  de  ce  détestable 
»  ouvrage  a  été  faite  par  les  ordres  de  Mr  Colbert  :  cui  bono?  ».  Mais  voilà  des 
assertions  bien  vagues,  sans  références,  à  peu  près  invérifiables  aujourd'hui. 
Elles  ne  se  trouvent  pas  —  ni  elles,  ni  d'autres  —  dans  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  Nationale  1923,  original  des  deux  précédents.  Elles  ne  se  corro- 
borent peut-être  pas  l'une  l'autre;  le  manuscrit  de  la  Mazarine  3531,  daté  de 


(1)  C'est  donc  là  l'exemplaire  dont  parle  Brunet,  Manuel  du  libraire,  1860,  art.  Bodin  :  «  Le 
»  manuscrit  d'une  traduction  française  est  porté  à  73  francs  dans  le  catalogue  Bothelin,  n°  1123, 
»  où  il  est  indiqué  sous  ce  titre  :  Colloque  de  Jean  Bodin  des  secrets  cachés  des  choses  sublimes 
»  entre  sept  sçavans  qui  sont  de  différens  senlimens  ». 


20  INTRODUCTION 

1771,  est  postérieur  à  celui  de  l'Arsenal  2506,  possédé  par  l'abbé  Clapeyron 
dès  1763  au  plus  tard,  et  il  est  possible  que  le  premier  emprunte  ses  dires  au 
second  :  les  termes  moins  précis  qu'il  emploie  permettent  de  le  supposer. 
Enfin,  écriture,  langue,  versification  ne  sont  guère  celles  d'un  ouvrage  qui 
aurait  été  écrit  vers  1650  au  plus  tut,  puisque  Colbert  (1)  n"entre  aux  bureaux 
de  Mazarin  qu'en  1648. 

On  trouve  à  cette  version  dans  le  style  je  ne  sais  quoi  de  lâche  et  d'aban- 
donné, dans  la  syntaxe  des  habitudes  archaïques  qui  sentent  le  xvie  siècle  : 
syllepses  audacieuses  jusqu'à  l'obscurité  (2),  emploi  de  es  (3),  répétition 
redondante  de  que  (4),  phrases  inorganiques,  interminables,  péniblement 
poursuivies,  à  la  mode  latine,  par  des  relatifs  compléments  de  participes.  Et 
puis,  dans  les  vers  français  du  traducteur,  je  ne  vois  point,  avec  Baudrillart, 
«  la  leçon  de  Malherbe  et  parfois  peut-être  celle  de  Corneille  ».  Les  rimes  de 
simple  à  composé,  les  rejets  inhabiles,  le  manque  général  de  métier  (5)  rap- 
pellent plutôt  d'Aubigné.  Et  si,  fort  de  ces  constatations,  on  n'ajoute  point  foi 
aux  indications  ci-devant  rapportées,  notre  traduction  redevient  absolument 
anonyme. 

En  revanche,  elle  prend  de  l'ancienneté;  et  l'on  ne  s'étonne  pas  de  lui  trou- 
ver, si  elle  date  des  premières  années  du  xvue  siècle,  d'un  temps  où  l'authen- 
tique Hepiaplomeres  existait  assurément  encore,  la  haute  valeur  que,  même  à 
côté  de  nos  textes  latins,  elle  a  en  effet. 

On  s'en  aperçoit  vite  à  l'user,  elle  a  été  faite  sur  un  texte  proche  de  ceux 
conservés  en  France  :  j'ai  pu  l'éprouver  à  chaque  dissension  entre  N  ou  NB 
et  MD  pour  les  livres  IV  et  V,  entre  N  et  MD  pour  le  dernier.  Les  exemples 
abondent.  R  suit  MD  dans  l'attribution  d'une  réplique  à  Senamus  (N  Salomo), 
p.  220;  dans  les  leçons  Ismaëlilœ  (NB  IsraëlUx),  p.  252;  immanis  abyssus 
(NB  maris  abyssus),  p.  254;  Indicas  (NB  Indicos)  sacerdotes,  p.  261;  pravita- 
lem  (NB probilalem),   p.  262;   ve'eres  (N  velerum)  theologos,   p.  395;   linguse 


(1)  On  ne  trouve  rien  qui  ait  rapport  à  VHept.  de  Bodin  dans  les  Lettres  de  Colbert,  publiées 
par  P.  Clément,  Paris,  Impr.  impériale,  1861-1868,  5  vol.  gr.  in-8. 

/2)  «  Les  Grecs  et  les  Latins  ont  mis  de  puissans  obstacles  a  leslablissement  du  nom  chreslien 
»  par  leur  mésintelligence  :  pour  tes  sauuer  duquel  reproche  S.  Augustin  saduisa  de  composer 
»  ses  liures  de  la  cité  de  Dieu  »,  p.  231.  Les,  ce  sont  les  chrétiens,  implicitement  contenus  dans 
du  nom  chreslien,  qui  précède. 

(3)  «  Ainsi  es  pays  septentrionaux  les  hommes  sont  blancs,  rouges  et  robustes  »,  p.  320.  Brunol, 
Hist.  de  la  langue  française,  Paris,  Colin,  l.  III,  pp.  273  sq  ,  déclare  que  es,  fréquent  aux  envi- 
rons de  1600,  disparaît  rapidement  ensuite.  Malherbe  relève  cette  forme  dans  Desporles  ;  dès 
1621,  Coeffeteuu  la  corrige  dans  ses  ouvrages;  Oudin,  en  1632,  dit  que  les  bons  auteurs  et  les 
modernes  la  bannissent  entièrement. 

(4)  «  Scot  confesse  que  la  personne  a  esté  créée,  et  ^w'auant  de  sincarner  dans  le  ventre  de 
»  Marie,  qu'W  [sic]  esloit  la  personne  du  Fils  »,  p.  521.  Outre  le  que  redoublé,  notez  la  violente 
syllepse  :  il,  c'est  J.-C,  implicitement  contenu  dans  la  personne. 

(5)  Aduenir,  souuenir;  deffaicle,  parfaicte,  etc.  «  Cependant  après  tous  ces  subits  tremblemens 
»  De  la  terre  et  des  airs,  ces  boulleuersemens  Nestoient  que  des  moyens  de  ta  bonté  parfaicte  », 
etc.,  p  271).  —  Je  noie  aussi  couleur  masculin,  p.  210,  que  le  xvnc  siècle,  sauf  expressions  con- 
sacrées, ne  connaît  que  féminin;  —  organe  féminin,  p.  214  bis,  quand  d'Aubigné  écrit  déjà  : 
«  d'un  organe  bienaimé  »,  Hist.  universelle,  Maillé,  2  in-fol.,  1616,  I,  133,  et  qu'après  lui  on  ne 
balance  plus  guère;  —  «  un  esponge  meslée  »,  et  l'hésitalion  sur  le  genre,  que  traduit  si  naïve- 
ment la  graphie,  cesse  dès  les  premières  années  du  xvue  siècle. 


INTRODUCTION  21 

(NB  legis),  ibid.  ;  altero  pede  (NB  intercalent  mancam  et  auriculis  asini  consi- 
milern  NB  consimilibus  statuam,  p.  390;  cum  agitur  \  cur  igilur)  de  pro- 
misse Messia,  p.  31)7;  seplingenlis  N  sexcentis)  millibus,  p.  411;  librum  Jegri- 
jferuw  (NB  librum  legis  verum),  p  414,  duplices  [N  Iriplices)  ostendere  se 
Thebas,  p.  428;  Iribui  cœpissent  (N  tribuissent),  p.  469  (1);  geterni  N  xlernus) 
Dei  filius,  p.  47  4;  philosophos  "S  philosophorum)  hœreticorum  patriarchas 
appellat,  p.  570;  saltem  (N  tameri),  p.  058  ;  dans  l'attribution  d'une  réplique  à 
Federich  (N  Toralba),  p.  572.  Ainsi  donc  partout  nous  trouvons  B  d'accord 
avec  nos  manuscrits  français  (2)  contre  les  éditions  allemandes. 

D'autre  part  le  texte  dont  il  est  la  version  appartenait  à  la  branche  AD  :  il 
avait  toutes  les  omissions  qui  la  caractérisent,  pp.  230,  257,  313,  330,  428, 
'rJ'.t,  571  bis.  Il  suivait  toujours  D,  dans  les  cas  où  celui-ci  est  en  désaccord 
avec  M,  soit  que  D  présente  les  bonnes  leçons  (D  aplissime,  M  apertissime,  U  à 
propos,  p.  21!);  D  finxissent,  M  finxissel,  R  ils  auoient  faict,  p.  339),  soit  qu'il 
présente  les  mauvaises  (D  in  oppido  iïhegio,  M  in  oppidulo  lihodigio,  R  au 
bourg  de  Rhege,  p.  255;  D  speculo,  M  spécula,  B  dans  un  miroir,  p.  590). 

Toutefois,  des  deux  textes  A  et  D,  B  ne  traduit  ni  l'un  ni  l'autre,  mais  un 
troisième,  qui  participe  tantôt  de  l'un,  tantôt  de  l'autre,  mais  a  aussi  ses 
leçons  propres.  Avec  D  Beatœ  Murer  cônsecratum,  il  nous  parle  du  Panthéon 
d'Agrippa  que,  Boniface  consacra  en  l'honneur  de  la  Vierge  Marie,  p.  224.  Mais 
il  omet  ex  adoreo,  pour  lui  sans  doute  inintelligible,  et  que  D  lui  eût  éclairci. 
De  même  il  donne,  avec  A  et  contre  D,  la  mauvaise  référence,  Tacil.,  lib.  19, 
p.  225;  adopte  la  correction  conjecturale  nec  viros  feminse  contueri  possint, 
p.  315.  Et  voici  des  leçons  personnelles  à  B,  --  tantôt  erronées  :  Hothàr 
(MD  Helhari),  p.  220;  «  celluy  qui  tue  quelquun  contre  son  intention  demeure 
»  innocent  du  meurtre  et  celluy  qui  est  forcé  B  traduit  assurément  coactus] 
»  par  cette  mesme  volonté  de  tuer  vn  autre  et  cependant  le  manque  ne  laisse 
»  pas  a  mon  aduis  destre  tenu  pour  meurtrier  »  (MD  qui  quem  conalus  est 
occidere  non  potuit  ut  sicarius  teneatur),  p.  227;  «  neantmoins  certains  Epi- 
•>  curiens  autresfois  sestans  mocqué  de  cet  oracle  en  présence  de  Moyse  pro- 
»  consul  en  Asie  »,  etc.  (MD  at  cura  Epicurœi  quidam  oracula  Mopsi  coram 
Asiœ  proconsule  irriderent),  p.  259;  --  tantôt  plus  dignes  de  créance  ou  tout 
au  moins  de  discussion  :  B,  seul  contre  tous,  attribue  une  réplique  à  Sena- 
mus,  et  non  à  Octave,  p.  230;  —  tantôt  certaines  :  B,  seul  contre  tous  (3)  nos 
manuscrits  latins  de  France,  évite  l'interpolation  de  la  p.  233;  place  correc- 
tement sur  Averruncalores  (MD  la  placent  sur  mares)  la  note  9  de  la  p.  222; 
rétablit  quo  animi  sensa  palefaceret,  omis  par  MD,  p.  207;  traduit  cullui  (MD 
cullu,  incorrect),  p.  330;  domino  servum,  régi  subditum,  crealori  crealuram 
anteferat  (MD  dominum  servo,  regem  subdito,  crealorem  crealurœ,  démenti  par 
le  contexte),  p.  357. 

Ainsi  B,  image  d'un  manuscrit  proche  de  nos  manuscrits  de  France,  plus 
proche  de  la  famille  AD,  leur  apporte  à  tous,  et  davantage  encore  à  ces  der- 


(lj  Le  livre  VI  commence  à  la  p.  4<i7  :  à  partir  de  là,  je  n'ai  plus  de  lexle  dans  B. 
(2)  Erreurs  comprises.  MD  Nicomedem.  R.  Nicomede.  NB  Nicodemum,  correct,  p.  429. 
(3   Sauf  J,  qui  veul   corriger  et  devient  absurde  :  cf.  supra,  p.  15,  noie  1.  —  Voyez  encore 
dans  B  seul  l'exacte  référence  Ecoles.,  4,  p.  655. 


22  INTRODUCTION 

niers,  le  supplément  d'autorité  qui  s'attache  à  son  ancienneté  et  à  ses  leçons 
souvent  excellentes.  Et  tout  ensemble,  comme  il  est  la  trace  d'un  état  du  texte 
un  peu  différent  de  AD  mêmes,  et  que  nous  ne  possédons  plus,  son  témoi- 
gnage indépendant  a  en  soi  un  poids  certain  et  peut,  dans  les  cas  contestés, 
devenir  un  guide  précieux. 

Quant  à  la  qualité  de  la  traduction,  on  en  jugera  par  la  comparaison,  que 
j'ai  faite  en  tous  cas  utiles,  du  français  avec  les  textes  latins  qui  font  autorité, 
MD,  et  aussi  avec  les  éditions  allemandes  NB.  Partout  où  j'ai  cru  saisir  une 
erreur  sur  le  sens,  une  omission,  une  infidélité,  j'ai  mis  le  lecteur  à  même  de 
contrôler  (1).  Mais  en  général  l'exactitude  de  R  paraîtra  louable,  du  moins  en 
ce  qui  touche  aux  idées,  et  si  l'on  n'exige  pas  d'une  version  vieille  de  trois 
siècles  le  calque  scrupuleux,  où  s'évertuerait  un  moderne,  d'une  épithète, 
d'une  nuance,  d'un  tour.  Dans  les  corrections,  assez  nombreuses,  qui  émail- 
lent  certaines  pages  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale  1923,  on  saisit 
tout  vif  le  travail  de  l'auteur  sur  soi-même,  et  l'esprit  dans  lequel,  revenant 
en  arrière  pour  se  rectifier,  il  préfère  la  longueur  et  la  paraphrase  même  au 
défaut  de  clarté  ou  de  précision. 

De  cet  auteur  j'ai  respecté  l'orthographe,  assez  personnelle  et  variable,  et  la 
syntaxe,  singulière  elle  aussi,  par  exemple  en  ce  qui  concerne  l'accord  des 
participes.  Je  n'ai  pas  copié  de  simples  lapsus,  comme  le  verbe  au  singulier 
après  un  sujet  au  pluriel.  Au  contraire,  j'ai  respecté  les  graphies  du  texte  : 
l'emploi,  retardataire,  je  crois  (2),  de  i  consonne,  et  celui,  à  l'intérieur  des 
mots,  de  u  consonne.  Les  références  des  citations  étaient  numérotées  de  1  à  9  : 
j'ai  gardé  cette  numérotation.  Quand  des  chiffres  manquent, c'esfque  les  réfé- 
rences correspondantes  sont  tombées  ;  et,  bien  que  je  ne  me  sois  pas  fait  scru- 
pule de  compléter  celles  de  11  par  celles  de  MD,  quelques  lacunes  ont  subsisté. 

III 

Reste  à  expliquer  maintenant  pourquoi,  si  nous  possédons  de  YHeptaplo- 
meres  latin  un  texte  complet,  je  publie  une  traduction  anonyme.  Dès  à  pré- 
sent, je  pense,  on  commence  à  le  comprendre.  La  mauvaise  qualité  de  l'édition 
Noack  suffirait  à  me  justifier.  Je  puis  rappeler  aussi  la  relative  exactitude  de 
la  version  et  sa  valeur  propre,  comme  témoignage  d'un  texte  ancien,  aujour- 
d'hui disparu.  Mais  j'ai  d'autres  motifs  encore  :  c'est  la  difficulté  de  la  langue 
qu'on  parle  dans  le  Collocpiium,  un  latin  moderne,  farci  de  mots  spéciaux, 
parfois   inventés,  empêtré  de  subtilités  scolastiques;  c'est  la  juxtaposition 


(1)  On  trouvera  celle  comparaison  de  11  avec  MD  dans  mes  notes  explicatives,  où  j'ai  mis  aussi 
des  éclaircissements  sur  les  passages  obscurs,  des  renseignements  historiques  et  bibliographi- 
ques, des  recherches  sur  les  auteurs  allégués  par  Bodin,  des  références  aux  autres  œuvres  de 
Bodin,  qui  élucident  souvent  les  difficultés  ou  permettent  de  lui  attribuer  avec  certitude  telle 
théorie  soutenue  par  un  des  interlocuteurs.  Entre  ces  notes  et  le  texte,  des  notes  critiques  indi- 
quent les  variantes  qui  différencient  M,  D,  N  et  B  (texte  latin  ou  trad.  allemande,  suivant  les 
endroits.  De  plus,  13  n'a  pas  le  livre  VI).  Pour  le  livre  IV,  j'invoque  assez  souvent  aussi  d'autres 
mss.,  ATEPG  Leyser  surtout,  de  manière  à  permettre  de  contrôler  mes  dires,  en  ce  qui  con- 
cerne le  classement  des  mss. 

(2)  Brunot  n'est  pas  formel,  o.  c,  t.  II,  p.  122. 


INTRODUCTION  23 

perpétuelle  et  décourageante  des  vues  profondes  et  des  sornettes;  c'est  la 
diffusion  formidable  et  la  longueur  de  l'ouvrage. 

Les  mêmes  motifs  m'ont  poussé  à  ne  publier  que  des  extraits.  La  lecture  du 
Colloquium  ne  paye  pas  toujours  de  la  peine  qu'elle  coûte;  il  y  a  là,  comme 
dans  chaque  œuvre  de  Bodin,  un  délayage  de  la  pensée,  un  abus,  même  pour 
le  temps,  de  l'érudition,  —  surtout  quand  Salomon  s'embarque  dans  le  com- 
mentaire du  livre  saint  ou  dans  la  philologie  hébraïque  —  qui  lassent 
inutilement  le  lecteur  le  mieux  intentionné.  Dès  lors,  à  quoi  bon  s'imposer, 
sans  fruit  pour  personne,  l'effort  prodigieux  qu'exigerait  l'édition  intégrale 
du  livre?  Mieux  vaut  filtrer  ce  mélange  indigeste.  Dans  le  livre  IV  lui-même, 
que  je  voulais  d'abord  publier  tout  entier,  j';ii  supprimé  une  dizaine  de  pages 
au  début;  plus  loin  une  vingtaine  d'autres,  où  Salomon  s'efforce  de  justifier, 
à  grand  renfort  de  textes  sacrés,  le  chômage  du  sabbat;  un  long  passage 
encore  où  Bodin  essaie  d'asseoir  un  système  de  physique  universelle  sur  les 
usages  rituels  du  sacrificateur  hébreu.  EL  malgré  ces  allégements,  on  n'évitera 
pas  l'impression  de  fatras  énorme  et  d'ennui. 

Si  je  me  suis  attaché  au  livre  IV  entre  tous,  c'est  qu'il  m'a  semblé  exprimer 
les  tendances  essentielles  de  tout  VHeplaplomeres  (1).  La  fin  en  est  pleine 
d'attaques,  plus  souvent  violentes,  parfois  sarcastiques,  contre  les  diverses 
confessions;  plus  haut,  Toralba  défend  sa  belle  utopie  d'une  religion  philoso- 
phique universelle,  où  toutes  les  autres  viendraient  se  fondre,  et  Salomon  la 
colore,  avec  son  assentiment,  d'un  judaïsme  mystique.  J'ai  joint  à  ce  livre  IV 
des  extraits  des  livres  V  et  VI  :  c'est  là  que  Bodin,  quittant  les  généralités,  en 
vient  à  discuter  l'un  après  l'autre  les  dogmes  sur  lesquels  roule  la  controverse 
de  son  temps  :  miracles,  péché  originel,  grâce  et  prédestination,  culte  des 
saints,  Eucharistie,  éternité  des  peines  et,  occupant  tout  le  fond  du  tableau, 
sans  cesse  revenue  sous  des  formes  diverses,  la  grande  question  de  la  divinité 
du  Christ.  Voilà  des  points  sur  lesquels  on  aimerait  connaître  l'avis  de  Bodin 
sans  souffrir  de  sa  prolixité  :  c'est  à  quoi  des  extraits  sont  à  la  fois  nécessaires 
et  suffisants. 

J'ai  encadré  le  livre  IV  et  les  morceaux  choisis  des  autres  dans  une  analyse 
détaillée  de  l'ouvrage  entier  :  elle  doit  suffire  à  s'en  faire  une  idée  d'en- 
semble. 

IV 

Et  quel  est  à  présent  l'intérêt  de  VHeplaplomeres  pris  en  son  entier?  Il  est 
double. 

D'abord,  pour  qui  dessine  la  figure  de  Bodin,  la  connaissance  de  ce  livre  est 
indispensable.  Pour  ma  part,  c'est  ainsi  que  j'y  suis  venu.  Déterminer  quelles 
ont  été  ses  croyances  est  capital,  s'il  est  vrai  qu'en  lui  la  religion  est  clef  de 
voûte  de  la  pensée,  l'activité  religieuse  maîtresse  et  surveillante  des  autres. 

On  s'est  demandé  à  ce  propos  où  trouver  dans  le  Colloquium  les  idées  de 


(1)  Je  ne  suis  pas  le  seul  à  lui  accorder  une  imporlance  capitale.  Guhrauer  ne  publie  en  latin 
que  les  livres  IV  et  V.  Et  c'est  au  quatrième  que  Gultmann  consacre  le  plus  long  développe- 
ment, o.  c,  p.  30-40. 


24  INTRODUCTION 

Fauteur  lui-même.  Les  uns  (1)  ont  cru  les  voir  dans  les  discours  de  Toralba, 
les  autres  dans  ceux  de  Salomon,  certains  mêmes  dans  ceux  d'Octave.  Et  tous 
avaient  raison,  mais  péchaient  aussi  par  omission.  Senamus,avec  sa  curiosité 
qui  ne  s'en  laisse  pas  imposer  et  son  goût  pour  l'amour  de  Dieu,  quelle 
d'ailleurs  que  soit  l'image  qu'on  s'en  fait,  représente  également  Bodin.  Et 
aussi  Octave,  avec  sa  haine  pour  tout  ce  qui  divise  l'unité  nécessaire  de  Dieu. 
Et  aussi  Curce  et  Federich,  avec  leurs  indignations  contre  les  id»làlries 
papistes  :  apothéose  de  mortels,  adoration  de  leurs  effigies,  etc.  Et  jusqu'au 
pauvre  Coroni,  si  souvent  battu,  mais  si  raisonnable  parfois,  ayant  le  sens 
si  juste  de  la  politique  nécessaire  aux  religions,  comprenant  si  bien  l'utilité 
qu'il  y  a  à  s'adresser  à  la  routine  et  aux  sens  de  la  foule  par  un  double  pres- 
tige :  la  pompe  des  cérémonies  et  le  culte  des  traditions.  Chacun  de  ces  per- 
sonnages à  son  tour  sert  de  truchement  à  Bodin  ;  et  le  plus  sûr  moyen  de  savoir 
quand,  c'est  de  comparer  leurs  dires  avec  les  idées  qu'ailleurs  l'auteur  a 
exprimées  en  son  nom. 

Mais  VHeptaplomeres  a  encore  un  autre  intérêt,  celui-là  plus  général.  Il 
marque  une  date  dans  l'histoire  de  la  libre  pensée. 

Les  philosophes  du  xvuie  siècle  ont,  par  delà  les  libertins  du  xvne,  des  aïeux 
plus  lointains  qu'on  ne  dit  communément  :  Bayle,  l'arsenal  des  incrédules,  la 
soute  aux  munitions  contre  l'Église,  est  plein  du  xvie  siècle.  On  le  comprend  : 
c'est  à  cette  époque  pour  la  première  fois  que  la  théologie,  jusqu'alors  réservée 
à  une  caste  fermée,  à  des  méthodes  spéciales,  s'est  vu  traîner  dans  les 
disputes  publiques,  envahir  par  l'humaine  raison.  En  ce  sens  la  Béforme,  qui 
sortait  d'une  religion  trop  scrupuleuse,  était  un  coup  terrible  à  la  religion, 
quelle  qu'elle  fût  (2). 

Non  que  nous  voulions  représenter  Bodin  comme  un  impie  :  nous  l'avons 
ailleurs  dit  et  répété,  c'est  un  esprit  avant  tout  religieux.  Mais  enfin,  par 
scrupule  lui  aussi,  et  de  crainte  de  n'adorer  pas  le  vrai  Dieu,  il  a  fini  par 
combattre  avec  àpreté,  avec  indignation,  avec  sarcasme,  les  confessions  qui 
se  partageaient  les  fidèles  de  son  temps  et  de  son  pays.  Aussi  Guhrauer  me 
semble-t-il  s'arrêter  à  mi-chemin  quand  il  voit  en  lui  «  un  catholique  à  ten- 
»  dances  protestantes  (3)  ».  Au  vrai,  Bodin  étouffe  dans  l'obédience  de  la 
vieille  foi,  et  tend  (4),  comme  à  une  limite,  à  la  liberté  de  penser.  Or  voilà 


(1)  Guhrauer,  Baudrillart,  Diecman  el  Noack  pensent  que  l'interprète  de  Bodin  est  Toralba; 
Boineburg,  que  c'est  Octave;  Huet  el  Gultmann,  que  c'est  Salomon.  Cf.  Gutlmann,  o.  c,  p.  29 
sq  ,  qui  cite  les  textes. 

(2)  De  ce  point  de  vue  comme  de  bien  d'autres,  humanisme  et  Réforme  convergent.  Mais  ceux 
(lui,  pour  lancer  la  Réforme,  ont  fait  appel  à  l'esprit  de  libre  discussion,  serelournent  courroucés 
quand  ils  le  rencontrent  dressé  contre  eux  quelques  années  plus  tard.  Dès  1542  ou  1543,  Antoine 
Fumée  adresse  à  Calvin  une  lettre  contre  les  non-chrétiens,  à/aiVrow,  qui  nient  la  divinité  du 
Christ  :  ce  sont  des  humanistes  armés  de  loules  les  armes  de  la  science  et  de  la  raison.  Dès  1545, 
Calvin  déclare  la  guerre  «  Aux  libertins  qui  se  disent  spirituels  ».  Il  blâmera  Dolel,  Despériers 
et  Rabelais.  Cf.  H.  Hauser,  La  Réforme  et  l'humanisme  en  France  (1512-1552)  dans  la  Revue 
historique,  1897,  t.  LXIV,  pp.  258  sqq .,  et  O.  Douen,  Etienne  Dolel,  Ses  opinions  religieuses, 
Bulletin  de  la  Soc.  d'Hist.  du  protestantisme  français,  1881,  p.  46. 

(3)  «  Kalholik  mil  proleslanlischen  Gesinnungen  »,  o.  c  ,  p.  LXIX. 

(4)  Tout  en  gardant,  au  milieu  de  ses  plus  grandes  hardiesses,  une  tendresse  évidente  au 
judaïsme,  et  à  un  judaïsme  mystique   C'est  là  ce  qui  a  persuadé  à  certains  que  Salomon  seul 


INTRODUCTION  25 

ce  qu'au  xvr3  siècle  et  plus  tard  encore,  on  appelle  souvent  un  alliée;  voilà 
probablement  comment  le  P.  Mersenne  (1)  entendait  le  mot,  quand,  en  1623, 
il  estimait  à  60.000  le  nombre  des  athées  en  France. 

Quand  on  examine  quelle  doctrine  Etienne  Dolet  a  payée  de  sa  vie,  on  voit 
qu'il  crut  en  Dieu  et  sans  doute  à  l'immortalité  de  l'âme,  mais  repoussait 
l'autorité  des  Églises,  calviniste  ou  catholique,  et  tendait  à  la  religion  natu- 
relle (2)  :  c'est  justement  l'attitude  de  Bodin.  Jordano  Bruno,  brûlé  pour 
athéisme  en  1600,  était  aux  antipode^  de  l'athéisme  (3).  Pour  Vanini,  sa  pensée 
est  plus  obscure  (4)  :  quand  il  parle  de  la  loi  naturelle,  doit-on  comprendre 
religion  naturelle?  On  ne  sait.  En  tous  cas,  ce  qu'il  a  expié,  c'est  son  hostilité 
aux  confessions  particulières,  où  il  ne  voyait  qu'imposture  et  hypocrisie. 
D'ailleurs,  cette  religion  naturelle,  il  semblait  qu'elle  fût  inévitable  pour 
nombre  de  penseurs  qui  recevaient  la  leçon  de  l'antiquité  des  mains  de  la 
Benaissance  italienne  (.Y).  Là-bas  l'humanisme  avait  amené  —  pour  l'élite, 
s'entend  —  un  affaiblissement  de  la  foi  :  peu  ou  point  d'athéisme  proprement 
dit,  mais  une  sorte  de  rationalisme  éclectique,  un  déisme  pur,  qui  étaient  la 
protestation  d'âmes  demeurées  religieuses  contre  une  Église  méprisée  et 
haïe  (6)?  Comment  n'en  aurait-il  pas  été  de  même  chez  nous  (7)?  Aussi,  à  côté 
de  Paracelse,  le  P.  Garasse  marque-t-il  parmi  les  plus  dangereux  auteurs,  et 
les  plus  lus  des  incrédules,  les  Italiens  Pomponace,  Cardan,  Machiavel  (8)  : 
lectures  justement  familières  à  Bodin.  Voilà  en  quel  sens  s'explique  le  nom 
d'athée  si  souvent  donné  à  Bodin.  Voilà  comment  le  pieux  annotateur  du  cod. 


élail  son  porte-parole.  C'est  là  ce  qui  fait  croire  à  Guy  Patin  qu'il  est  mort  «  juif  et  non  chreslien  ». 
Lettre  à  Gh.  Spon,  10  nov.  1643,  dans  l'édition  liéveillé-Parise,  Paris,  1846,  t.  I,  p.  303.  Voyez 
aussi  ma  thèse  sur  Jean  Bodin,  II,  3,  La  religion  de  Bodin,  où  je  cite  de  nombreux  textes  de 
même  sens. 

(1)  Le  P.  Mersenne,  Qusesliones  celeberrimse  in  Genesim  ;  in  hoc  volumine  Athei  et  Deistœ 
ïmpugnantur  el  ezpugnantur,  Paris,  1623,  in-f°.,  col.  669.  Le  mol  est  souvent  cité,  par  exemple 
dans  Perrens,  Les  libertins  en  France  au  XVIIe  siècle,  Paris,  1896,  p.  -14.  Perrens,  ibid.,  con- 
teste l'athéisme  prétendu  de  Bodin. 

(2)  Richard  Gopley  Chrislie,  Etienne  Dolet  le  martyr  de  la  Benaissance,  trad.  Casimir 
Slriyenski,  Paris,  Fischbacher,  1886  (ch.  xxv,  Opinions  et  caractère,  pp.  459-483,.  O.  Douen, 
o.  c,  p.  25,  appelle  Dolet  un  «  catholique  biblique,  à  moitié  réformé  ».  Il  me  semble  que  Bodin  a 
poussé  plus  loin  dans  la  même  voie,  en  écartant  le  Nouveau  Testament,  mais  non  pas  jusqu'au 
bout,  puisqu'il  considère  encore  l'ancien  comme  parole  sainte.  El  l'on  doit  voir  là  le  développement 
de  ce  «  rationalisme  confus  encore  »  dans  Erasme  (cf.  Amiel,  Erasme,  Hachette,  1889,  p.  445  sq.), 
mais  dont  Erasme  avait  été  l'initiateur 

(3)  Barlholmess,  Jordano  Bruno,  Paris,  Ladrange,  1846,  t.  I,  pp.  245  sqq. 

(4)  CL  Fortunat  Slrowski,  De  Montaigne  à  Pascal,  Paris,  Pion,  1907  (ch.  in,  Les  Libertins, 
pp.  149-160).  —  Cf.  aussi  Baudouin,  Histoire  critique  de  Vanini,  dans  la  Revue  philosophique  de 
juillet-décembre  1879. 

(5)  Cf.  Texte,  L'influence  italienne  dans  la  Renaissance  française,  dans  les  Éludes  de  litté- 
rature européenne,  Paris,  A.  Colin,  1898,  pp.  25  sqq. 

(6,  Burckhardt,  La  civilisation  en  Italie  au  temps  de  la  Benaissance,  trad.  Schmill,  Paris, 
Pion,  1885,  t.  I,  6»  partie,  ch.  m,  iv  et  v  (notamment  pp.  280  sqq.  et  344  sqq.;. 

(7)  Ce  sont  des  humanisLes  que  les  libertins  d'Antoine  Fumée  :  ils  refusent  de  croire  k  la  divi- 
nité du  Christ,  «  quod  Socrates,  Plato  aliique  permulli  philosophi  divina  pleraque  alque  eliam 
»  diviniora  Evangelio  scripserunl,  qui  tamen  dii  non  sunt  exislimati  ».  Herminjard,  Correspon- 
dance des  Bé formateurs  dans  les  pays  de  langue  française,  t.  VIII,  p.  230. 

(8,i  Doctrine  curieuse  des  beaux  esprits  de  ce  temps,  combattue  et  renversée  par  le  P.  Garasse, 
Paris,  Sébastien  Chappelet,  1623.  Citée  par  F.  Slrowski,  o.  c,  p.  160. 


26  INTRODUCTION 

Memmianus,  avant  de  fermer  le  livre,  pouvait  écrire  :  «  Qui  tôt  religiones 
»  probavit  nullam  habuit  ».  Voilà  enfin  comment  Bodin  appartient  à  l'histoire 
du  libertinage. 

Quant  à  prétendre  qu'il  ait  exercé  sur  les  libertins  du  xvu8  siècle  une 
influence  directe  et  perceptible,  c'est  autre  chose.  D'abord  il  est  un  grand 
nombre  d'enlre  eux  chez  qui  l'incrédulité  est  non  une  conviction  profonde  et 
raisonnée,  mais  simplement  un  goût  de  bien  et  heureusement  vivre  (1)  : 
ceux-là,  qui  sont  d'ailleurs  les  plus  bruyants,  Bodin  ne  les  a  pas  touchés.  Il  en 
est  d'autres,  plus  discrets,  mais  plus  importants  aux  yeux  de  l'histoire,  qui 
ont  pu  lire  V Heptaplomeres  inédit  C'est  pour  établir  cette  possibilité  que  j'ai, 
dans  les  limites  de  mes  forces,  recherché  le  nombre  et  la  date  des  exemplaires 
connus.  Quand  on  veut  déterminer  la  source  d'un  courant  d'idées,  il  faut, 
bien  après  l'expansion  de  l'imprimerie,  faire  état  encore  des  manuscrits, 
surtout  en  ce  qui  concerne  la  religion.  Là  où  le  livre  était  interdit  par  le 
pouvoir,  le  manuscrit  sans  danger  transmettait,  sous  le  manteau,  la  pensée 
subversive. 

Il  semble  bien,  à  voir  l'intérêt  que  portent  à  Y  Heptaplomeres  Naudé,  Patin, 
la  reine  Christine,  Leibnitz,  Huet,  Bayle  (2),  qu'une  curiosité  ininterrompue 
des  cercles  savants  s'y  soit  attachée  pendant  tout  le  xvue  siècle,  et  se  soit  con- 
tinuée assez  avant  dans  le  xvme.  Préciserdavantage  serait  imprudent.  En  tous 
cas  le  Colloquium  apparaît  à  son  heure  comme  le  signe  d'une  hostilité  à  la 
religion  du  royaume,  que  partagent  peu  d'esprits  encore  à  la  vérité,  et  comme 
le  prodrome  singulier  d'une  évolution  qui  couvera  lentement  pendant  un 
siècle. 

Comme  on  raconte  à  Senamus  quels  supplices  éternels  endurent  les 
démons  :  «  le  serois  rauy,  répond-il,  que  Ion  mapprist  auec  quels  liens  on 
»  peut  enchaisner  le  diable,  dans  quelle  prison  il  peut  estre  enfermé,  de 
»  quelles  verges  il  peut  estre  fouetté,  et  enfin  quels  supplices  il  est  capable  de 
»  souffrir  »  (3).  Ailleurs  Toralba  et  Salomon  affirment  que,  pour  nourrir  les 
hommes  affamés,  Dieu  fait  parfois  naître  instantanément  des  troupes  immen- 
ses d'animaux,  cailles,  rats,  qui  disparaissent  aussi  brusquement  sans  laisser 
de  traces  :  «  Ce  nest  pas  grande  merueille,  dit  ironiquement  Senamus,  que 
»  ces  oyseaux  et  mulots  sen  soyent  retournez  bien  repeus  après  estre  arriuez 
»  bien  affamez  :  mais  qui  est  celluy  qui  est  allé  dans  les  cachettes  et  les 
»  cauernes  de  la  terre  pour  chercher  ces  mulots  deffuncts  a  fin  de  leur  rendre 
»  les  debuoirs  de  la  sépulture  ?  Il  n'y  a  que  trop  d'erreurs  populaires  dont  on 
»  se  détrompe  avec  le  temps  »  (4).  —  Et  une  autre  fois,  comme  on  discute  le 
dogme  de  Marie  toujours  vierge,  il  fait  part  d'une  singulière  curiosité  ana- 
tomique,  avec  une  naïveté  pateline  qui  cache  à  peine  la  griffe  :  «  Soyons, 


(t)  Cf.  Slrowski,  o.  c,  pp.  126-137.  —  Denis  a  bien  marqué  aussi  la  différence  entre  la  société 
mondaine  du  xvne  siècle  et  les  cercles  érudits  fj.  Denis,  Sceptiques  et  libertins  de  la  première 
moitié  du  XVU»  siècle,  Caen,  Leblanc-Hardel,  1884). 

(2)  Huel,  Demonstratio  evangelica,  Parisiis,  ap.  St.  Michallet,  1679,  in-fol.,  pp.  396  sq.,  et 
629.  —  Bayle,  Dictionnaire  historique  et  critique,  art.  Bodin.  —  Menagiana,  t.  IV,  pp.  297-299. 

(3)  Hept.,  III,  p.  183. 

(4)  II,  p.  103. 


INTRODUCTION  27 


»  dit-il,  daccord  que  cella  nest  point  contre  nature,  quoi  que  cella  soit  bien 
»  rare  :  mais  il  ne  se  peut  pas  faire  naturellement  que  Christ  soit  sorty  de  ce 
»  ventre  sans  y  auoir  faict  fraction,  ainsi  que  Tertulian  la  dict,  que  cette 
»  Vierge  enfanta,  son  corps  sestant  pour  ce  ouuert  :  dont  il  a  esté  repris  par 
»  tous  les  théologiens  de  lescole...  »  (1). 


(l)  V,  p.  416. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES 


COLLOQUE  DE  SEPT  SÇAUANS 

QUI    SONT    DE  DIFFERENS   SENTIMENS 
(Manuscrit  de  la  Bib.  nat.,  fr.  1923,  ancien  fonds  français  7892). 


Livre  I  (pp.  1-19) 


Sept  amis,  de  pays  et  de  religion  divers,  sont  rassemblés  chez  l'un  d'eux,  le 
catholique  Coroni,  à  Venise.  L'un  d'eux,  Octave  Fagnola,  renégat  chrétien 
devenu  musulman,  raconte  que,  rentrant  en  Europe,  il  vit  son  navire  assailli 
d'une  furieuse  tempête.  On  allait  sombrer,  quand  le  patron  fit  jeter  à  la  mer 
des  momies  qui  étaient  dans  la  cale.  Aussitôt  la  tempête,  et  les  diables  qui 
l'excitaient,  s'apaisèrent. 


Livre  II  (pp.  19-127). 

Récit  de  la  circoncision  du  fils  du  grand  Turc.  On  y  vit  éclater  des  phéno- 
mènes inexplicables  à  la  raison  :  ce  qui  n'est  pas  rare  en  ce  monde  :  miracles, 
sorcellerie.  lycanthropie(  19-31).  N'élaient-ce  pas  là  de  vaines  apparences,  avec 
hallucination  collective  des  témoins  (32)?  Toralba  avoue  son  impuissance  à 
donner  une  explication  scientifique  de  la  chose  (33).  L'appel  à  l'autorité  est 
d'autre  part  insuffisant  (3.5). 

La  liberté  de  Dieu  prouve  la  réalité  des  miracles  (36-38 i.  En  effet,  destin, 
nécessité  ne  sont  que  d'autres  noms  de  Dieu  (39).  Car,  s'il  était  contraint  par 
la  nécessité,  il  ne  vaudrait  plus  nos  louanges,  ni  nos  prières  (39-40).  11  est 
donc  constant,  mais  libre;  il  a  créé  les  lois  naturelles,  mais  peut  s'y  sous- 
traire, par  les  prodiges  (41-44).  La  science  est  donc  l'étude  des  lois  naturelles, 
moins  les  prodiges  (45).  Si  la  volonté  de  Dieu,  quoiqu'une,  ne  pouvait  varier, 
elle  ne  serait  plus  volonté  (46-47). 


30  JEAN    BODIN 

Le  monde  Lient  sa  conservation  de  la  sollicitude  de  Dieu  :  il  n'est  donc  pas 
éternel  (47-50).  Il  est  déjà  en  décrépitude  :  les  hommes  d'autrefois  étaient  des 
géants.  D'ailleurs,  ayant  matière  et  forme,  le  monde  est  un  corps,  donc 
périssable  (51). 

Les  démons,  eux  non  plus,  ne  sont  pas  éternels  (52-58).  Histoires  de  sor- 
cellerie (58-G7).  Si  l'eau  bénite,  déclare  Salomon,  fait  fuir  les  sorciers,  c'est 
par  sa  composition  chimique,  où  entre  du  sel,  et  non  par  sa  vertu  divine  (63). 
Les  sorciers  ne  guérissent  pas  les  maux  naturels,  mais  seulement  ceux  d'ori- 
gine démoniaque.  Leur  pouvoir  est  principalement  dans  la  croyance  de  leurs 
clients  (66).  Les  démons,  les  anges,  les  âmes  sont  périssables  et  corporels;  le 
seul  incorporel  est  Dieu  (68-7.3).  Les  domaines  de  la  physique  et  de  la  méta- 
physique sont  distincts,  mais  non  pas  communicants  (75-76). 

L'âme  n'est  donc  pas  une  parcelle  de  Dieu,  incorporel,  indivisible  (77). 
D'ailleurs  concevoir  Dieu  est  impossible  aux  esprits  finis  que  nous  sommes. 
La  vraie  prière  est  le  silence,  l'admiration,  l'adoration  (78-79).  Si  les  mauvais 
anges  et  les  âmes  souffrent  des  flammes  de  l'enfer,  il  faut  qu'ils  revêtent  un 
corps  patible,  si  subtil  qu'on  le  suppose  (80-82)  Si  les  âmes,  sans  nerfs  ni 
cerveau,  n'ont  pas  l'usage  des  sens,  comment  seront-elles  patibles,  demande 
le  sceptique  Senamy  (83).  Mais,  lui  répond-on,  à  ce  prix,  Dieu  non  plus  ne 
verrait  ni  n'entendrait.  Cette  discussion  n'est  soulevée  que  par  l'infirmité  du 
langage  humain  :  Dieu  a  évidemment  d'autres  moyens  de  connaissance  que 
nous  (84-87). 

Action  des  démons  sur  le  monde  (88-124).  Lycanthropie,  transport  de  sor- 
cières au  sabbat,  ne  peuvent  venir  que  des  démons.  Entin  Dieu,  infini,  incor- 
porel, ne  connaît  et  ne  communique  donc  aucun  mouvement  (88-91).  Il  se  sert 
des  esprits  pour  faire  exécuter  ses  commandements  :  l'action  des  esprits  et  les 
lois  de  la  nature  sont  la  preuve  de  son  action  sur  le  monde  (92-94).  Preuves 
de  la  sollicitude  divine  envers  l'homme  :  naissance  spontanée  de  poissons,  ou 
apparitions  subites  débandes  de  poissons,  d'oiseaux  pour  l'utilité  des  hommes 
(93-97).  Preuves  de  l'action  des  démons  :  la  lune,  le  soleil,  les  marées,  les  vents 
à  de  certaines  occasions  (100-110);  les  tempêtes  (111-112).  Cependant  Senamy 
conteste  toute  explication  autre  que  naturelle  (112-113).  Recettes  contre  les 
sorciers,  les  feux  follets,  les  typhons;  corde  à  tourner  le  vent  (114-123).  Senamy 
ironise  :  où  loger  cette  formidable  multitude  des  démons?  sont-ils  sexués? 
ont-ils  des  petits?  (124).  Toralbe  plaide  pour  la  métempsychose.  Salomon 
hésite  à  dévoiler  les  mystères  sacrés  de  la  Kabbale  (125-126). 


Livre  III  (pp.  127-209). 

Inconvénient  de  l'obscurité  de  certains  textes  :  mythes  de  Platon  ou  de 
l'Apocalypse  (127-128).  Curce  :  cette  obscurité  réserve  à  bon  droit  la  science 
à  une  élite  de  penseurs  qui  l'interprètent  (129).  Senamy  :  Les  écrivains 
obscurs  sont  des  charlatans  (130).  Salomon  défend  l'Écriture.  Les  préceptes 
utiles  aux  simples  y  sont  très  clairs.  Quant  aux  autres,  leur  obscurité  même 
force  l'attention.  Explication  de  plusieurs  prétendues  absurdités  citées  par 


DES  SECRETS  GACHEZ  l>KS  CHOSES  SUBLIMES  3  I 

Senamy  (132-137).  Interprétations  lillérale  et  allégorique  de  l'Écriture  :   le 

remords  ligure  par  un  ange,  les  diables  par  les  corbeaux  noirs  et  qui  aiment 
les  cadavres  (138-143). 

Contre  le  manichéisme  (150-lf>6).  Le  manichéisme  est  impie.  Dieu  règne 
jusque  sur  la  terre,  où  les  diables  ne  font  rien  que  par  son  ordre  (150-153).  Le 
monde  périra,  pour  être  recréé,  au  bout  de  7  X  ?  =  *9  mille  ans  :  cette 
«  grande  année  »  correspond  à  une  révolution  entière  dans  la  position  des 
étoiles  (153-156).  Problème  du  mal.  Le  mal  vient-il  du  diable  (manichéisme)? 
de  la  matière  (Platon  ?  Non.  Il  vient  de  Dieu  et  n'est  que  la  privation  du  bien 
(156-158).  Fausseté  de  l'adage  :  in  medio  virtus  (159-161).  Dieu  ne  permet  le 
mal  qu'en  vue  d'un  bien  plus  grand.  Exemple  :  Joseph  vendu  par  ses  frères. 
Les  diables  mêmes  ne  sont  pas  mauvais,  créatures  de  Dieu  qui  ne  font  le  mal 
que  pour  punir  les  impies  et  sur  l'ordre  de  Dieu  (103-165). 

Origine  et  hiérarchie  des  esprits  (166-193).  L'origine  en  est  douteuse.  Les 
esprits  célestes  sont  les  anges  et  les  astres;  les  sublunaires  sont  les  âmes 
séparées  des  corps  et  les  hommes  :  dans  chaque  catégorie,  les  uns  visibles,  les 
autres  non  (166-168).  Discussions  astrologiques  :  l'âme  des  astres  leur  est-elle 
essentielle  ou  étrangère?  etc.  '169-173).  Les  âmes  des  gens  de  bien  deviennent 
astres  (174-175).  L'homme  devient  âme  comme  la  chenille  papillon;  mais 
L'âme,  pour  éthérée  qu'elle  soit,  garde  quelque  chose  de  son  ét'it  antérieur  (176). 
L'intelligence  humaine  tire  sa  lumière,  par  réflexion,  de  l'intelligence  divine 
(177).  Dieu  seul  est  Dieu,  observe  Salomon  :  gardons-nous  donc  d'adorer 
anges  ni  démons  (181).  Les  esprits  interviennent  dans  toutes  choses,  humaines 
ou  naturelles;  les  méchants  esprits  sont  subordonnés  aux  bons  (185-186). 
Traitements  divers  des  âmes  après  la  mort  :  Les  voluptueux  meurent  entiers, 
comme  la  brute.  Les  impies  ressusciteront,  pour  souffrir  de  longs  tourments. 
Les  bons  deviennent  des  anges  et  jouissent  de  la  vie  que  l'Écriture  appelle  un 
peu  improprement  éternelle,  puisque  les  anges  mêmes  sont  périssables. 
Coron i  croit  l'âme  immortelle  (189-193). 

Problème  de  la  résurrection.  Senamy  n'y  croit  pas.  Federich  montre  que 
Dieu  peut  ressusciter  les  morts;  Curce,  qu'il  le  veut;  Octave,  que.  le  Coran  y 
croit  ;  Salomon  pense  que  les  âmes,  a  la  résurrection,  revêtiront  une  enveloppe 
ténue  d'air  ou  de  feu,  et  non  ce  corps  matériel  et  grossier  qui  restera  à  jamais 
dissous  (194-199).  L'enfer  souterrain,  les  peines  corporelles  semblent  sottises 
insoutenables  à  Toralba  (200).  Qu'appelez-vous  résurrection,  demande  Coroni, 
si  ce  n'est  renaissance  d'une  chose  morte?  Or,  l'âme  ne  meurt  pas.  Il  ne  peut 
donc  y  avoir  résurrection  que  de  la  chair  (201).  Salomon  et  Octave  nient  la 
réalité  des  résurrections  opérées  par  les  prophètes  et  par  Jésus.  Quel  supplice 
pour  un  esprit  pur  de  se  réincarner  dans  un  corps  mi  pourri  (203-204)!  Toralba, 
Octave  s'accordent,  pour  mille  raisons,  â  estimer  incroyable  la  résurrection 
de  la  chair  (206). 

Coroni  propose  de  remettre  au  lendemain  la  question  de  savoir  s'il  est  licite 
à  un  homme  de  bien  de  discourir  sur  la  religion  (207). 


32  JEAN    B0D1N 


Livre  IV. 


Les  six  amis,  élevant  vers  Dieu  un  cantique  d'action  de  grâces,  s'aperçoi- 
vent à  ce  propos  que  l'unisson  est  aussi  désagréable  que  l'harmonie  plaisante. 
Qu'est-elle  donc?  L'accord  des  contraires  par  les  intermédiaires.  Elle  est  d'ail- 
leurs la  condition  générale  du  monde,  et  les  discordances  (maladies,  douleurs, 
etc.)  ne  sont  là  que  pour  en  faire  mieux  sentir  le  charme.  Coroni  chante  en 
vers  latins  cette  théorie  (209). 

[215J  Tokalbe.  —  Aussy  la  Justice,  la  force,  l'intégrité  (a)  et  les  autres  vertus 
des  gens  de  bien  &  de  ceux  qui  s'esleuent  au  dessus  des  autres  ne  parestroient 
point  dans  vne  Republique  s'il  ny  auoit  des  meschanls  parmy  les  bons  (A),  et 
s'il  n'y  auoit  des  furieux  auee  les  gens  posés  (b),  des  pusillanimes  auec  des 
hardis,  des  panures  auec  des  riches,  des  roturiers  auec  des  nobles  (B)  enfer- 
més dans  les  mesmes  murailles.  Mesmes  ces  conuersations  ou  nous  engage 
Coroni  n'auroient  aucune  vtilité  ny  plaisir  si  elles  nestoient  rendues  célè- 
bres (C)  par  vne  contrariété  d'opinions  et  de  raisonnements. 

Senamy.  —  le  ne  comprens  pas  pourquoy  (c)  vne  bonne  ville  ne  se  trouue- 
roit  pas  plus  heureuse  qui  auroit  chassé  tous  les  meschants  que  celle  qui  en 
conserueroit  quelques  vns  et  comment  se  peut  trouuer  l'vnion  ou  bien  com- 
ment pourroil  elle  estre  paisible  parmy  la  discorde  (D),  veu  qu'il  ny  a  point  de 
plus  fort  lien  de  concorde  entre  les  amis  et  les  citoïens  que  lorsque  chacun 
est  dans  le  mesme  sentiment  et  veut  viure  en  charité  dans  lobseruance  des 
loix  diuines  et  humaines. 

Cukce.  —  Cette  opinion  (E)  de  Ciceron  (1)  nest  que  dans  ses  parolles  puis- 

(1)  Lib.  de  amicitia  (F). 


(a)  NMD  Integritas  que  PG  omeltent.  B  ne  donne  pour  la  moitié  du  livre  IV  qu'une  traduction, 
souvent  même  un  résumé,  en  allemand.  —  (6)  PG  omettent  sani  furiosis.  —  (c)  M  quomodo. 
DN  quant  ob   rem. 

(A)  Idées  anciennes  chez  Bodin.  C'est  sur  elles  qu'il  fonde,  dès  la  République  (157G),  sa  théorie 
du  gouvernement  harmonique.  «  En  couplant  les  hommes  de  vertu  lantost  aux  nobles,  tantost 
»  aux  riches,  ores  qu'ils  soyent  destitués  de  vertu,  neanlmoins  ils  se  sentiront  honnorés  d'eslre 
»  conioinls  auec  les  genls  vertueux,  et  ceux  cy  de  monter  au  lieu  d'honneur  :  et  en  ce  faisant 
»  toute  la  noblesse  d'vn  coslé  se  resiouït  de  voir  que  le  seul  poinct  de  noblesse  est  respecté  en 
»  la  distribution  des  loyers  :  et  d'autre  coslé  tous  les  roturiers  sont  rauis  d'vn  plaisir  incroyable, 
»  et  se  sentent  tous  honnorés  ».  Rép.,  VI,  6,  p.  735  sq. 

(B)  MD  nobilibus  infâmes  signifierait  plutôt,  en  bon  latin  :  des  gens  décriés  auprès  de  gens 
illustres.  Mais  le  texte  de  la  Rép.  cité  supra  prouve  que  B  interprète  correctement  la  pensée  de 
Bodin. 

(G)  Obscur.  MD  splendescerent.  Bodin  veut,  je  crois,  dire  que  le  choc  des  opinions  contraires 
illumine  la  discussion. 

(D)  MD  Aut  cur  islo  modo  discordia  concors  esse  possit...  De  ces  élégances  apprêtées  et  un 
peu  postiches  qu'il  emprunte  assurément  à  Gicéron,  le  latin  de  VHepl.  est  très  friand. 

(K)  A  savoir  que  la  sympathie  vient  de  la  communauté  de  sentiments. 

(F)  Gic,  De  Amicitia,  G  :  «  Est  autem  amicitia  nihil  aliud,  nisi  omnium  diviuarum  humanarum- 
»  que  rerum,  cum  benevolentia  et  caritale,  summa  consensio  • . 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  33 

qu'il  en  a  condamné  la  pratique  (</),  et  peut  on  mieux  apprendre  ses  senti- 
ments que  dans  la  conduitte  de  sa  vie?  Car  quelqu'vn  a  til  ramais  plus  aimé 
Epicure  (e)  qu'Atticus  le  plus  grand  de  tous  les  amis  de  Ciceron  (A)  qui  tant 
quil  a  vescu  est  tousiours  demeuré  constant  dans  la  secte  des  Académiciens, 
déclamant  dans  tous  ses  escrits  (4)  contre  les  Epicuriens  parce  qu'il  ny  a  rien 
de  plus  216]  difficile  que  de  sempescher  de  blasmer  vn  meschant  homme 
lorsque  l'occasion  se  présente  d'en  parler,  comme  disoit  Theophrasle  (B). 

Tohalbe.  —  Il  est  vray  que  les  sectes  des  Académiciens,  des  Stoïciens,  des 
Peripateticiens,  des  Epicuriens  et  des  Cyniques  disputoient  l'vne  contre  l'autre, 
cependant  ils  ne  troubloient  point  lunion  et  la  paix  de  la  ville  (C)  par  ce  que 
les  Académiciens  et  les  Peripateticiens  estoient  comme  vn  milieu  pour  reu- 
nir (D)  les  Epicuriens  et  les  Stoïciens  qui  estoient  entièrement  opposés. 
Autrement  (/")  s'il  ne  se  trouuoit  quelque  milieu  pour  rassembler  les  contraires 
il  faudroit  nécessairement  qu'il  y  eust  partout  vne  guerre  perpétuelle  (E). 

Ekdehicu.  —  Cultiuer  vne  amitié  et  garder  la  concorde  parmy  vne  si  grande 
diuersité  de  sentiments  des  choses  diuines  et  humaines  m'a  semblé  tousiours 
la  chose  du  monde  la  plus  difficile  de  touttes. 

Cujjce.  —  Cultiuer  vne  amitié  est  [vne]  chose  et  garder  l'vnion  et  la  concorde 
en  est  vne  autre  (g).  Car  comme  les  natures  opposées  (h)  de  chacune  chose  tra- 
uaillent  a  l'vnion  de  tout  cet  vniuers  :  ainsy  les  ialousies  et  les  haines  parti- 
culières des  citoïens  les  vns  contre  les  autres  nourrissent  la  paix  générale  de 
toutte  la  République.  Ainsy  Rome  n'a  iamais  esté  plus  florissante  que  lorsque 
les  Patrices  reprimoient  la  populace  (5)  et  que  la  cholere  des  tribuns  s'oppo- 
soit  vertement  au  dereiglement  des  consuls.  Cest  pour  cella  que  M.  Cato  le 
Censeur  auoit  accoustumé  de  semer  des  querelles  parmy  les  esclaues  et  des 

(4)  In  libb.  de  Finibus,  de  Natura  Deorum  (F).  —  (5)  Plutar.  in  Catone. 


(d)  MDPG  senlentia,  quam  suis  ipse  factis  oppugnavil.  N  ipsis.  —  (e)  MDPG  Epicurum. 
N  Epicurœos.  —  (f)  MNPG  Alioquin  (ou  alioqui)  si.  D  Alioqui  nisi.  —  (g)  NMDTP  Alind  est 
amicitiam  colère,  aliud  (G  aul)  concordiam  lueri.  —  (h)  N  dis  cre pan  lise.  MDPG  nalurae 
discrepanles. 

(A)  MD  cui  tamen  mortalium  Cicero  magis  amicus  quam  Atlico  exstitit  unquam,  -=  Alticus 
que  Gicéron  aima  uniquemenl. 

(B)  <■  Non  potesl,  inquit  Theophrastus,  fieri  ut  bonus  vir  non  irascatur  malis  ».  Sénèque,  De 
ira,  1,  14. 

G)  Sens  indéfini  :  de  la  ville  où  ils  se  trouvaient  réunis,  MD  in  eadem  civilale. 

(D)  MD  quasi  vinculis,  non  traduit.  Les  Epicuriens  qui  ne  croient  pas  à  la  Providence  s'oppo- 
sent aux  Stoïciens  fatalistes.  Voyez  dans  Gic,  De  natura  Deorum,  les  attaques  hargneuses  de 
Zenon  l'épicurien  contre  les  autres  écoles,  1,  33  sq.  Bodin  a  pratiqué  assidûment  cet  ouvrage  en 
vue  de  VHept. 

(Ë)  M  alioquin,  si  (D  alioqui  nisi  est  fautif  :  nisi  annule,  contre  le  bon  sens,  nullo)  unum  uni 
conlrarium  nullo  inlerjeclo  medio  copulelur,  pugna  quœdam  perpétua  futura  sit  oportet. 
L'idée  que  l'harmonie  sociale  se  fonde  en  conciliant  les  contraires  par  les  intermédiaires  est 
courante  dans  Bodin  :  «  La  nature  de  la  proportion  harmonique  vnit  tousiours  les  extremilez  par 
»  vn  moyen  qui  s'accorde  auec  l'vn  et  l'autre  ».  Rép.,  VI,  G,  p.  710.  Cf.  ibid.,  pp.  734-737. 

(F)  De  finibus,  1,  7;  II  en  enlier.  De  nat.  deorum,  I,  25,  33,  41  ;  II,  17,  etc. 

Ghauviré  3 


34  JEAN    BODIN 

desmeslez  entre  les  magistrats  (A)  afin  d'obuier  aux  conspirations  et  (i)  que 
le  bien  des  familles  fust  conserué  par  les  vns  et  celluy  de  la  République  par 
les  autres.  Et  Licurge  (6)  n'a  pas  creu  pouuoir  mieux  faire  quand  il  esloit 
question  de  choisir  des  magistrals  [217]  ou  des  ambassadeurs  que  dassocier 
ensemble  pour  mesmes  emplois  ceux  qui  auoient  quelque  haine  secrète  l'vn 
contre  l'autre  (B). 

Cokoni.  —  On  ne  trouue  pas  mal  a  propos  dans  cette  Republique  icy  de 
donner  mesmes  charges  et  (j)  mesmes  soins  (C)  a  plusieurs  ensemble,  par  ce 
qu'vn  tiers  concilie  tousiours  l'esprit  des  deux  qui  ne  seroient  pas  d'accord 
en  se  Joignant  a  l'vn  ou  a  l'autre  :  autrement  (D)  il  y  auroit  du  péril  a  mon 
aduis  de  donner  vn  employ  a  deux  ennemis.  Tant  que  vesquit  M.  Crassus, 
César  et  Pompée  ne  feirent  point  esclalter  leur  haine  car  ce  premier  estoit 
tousiours  le  médiateur  (E)  entre  le  beau  père  et  le  gendre  :  mais  ayant  esté 
tué  dans  la  Caldée  aussy  tost  la  guerre  ciuile  salluma  entre  les  deux  partis  (/e). 
Tout  de  mesmes  (/)  Lepide  estant  abattu  (m)  du  feste  du  triumuirat  suiuit  la 
guerre  ciuile  d'entre  Anthoine  &  Auguste. 

Salomon.  —  le  serois  de  cet  aduis  pour  les  estais  populaires  (F),  mais 
dans  les  monarchiques  il  ny  a  point  de  hasard  a  mettre  deux  ennemis  dans 
vne  mesme  commission  (n)  ou  l'auctorité  royalle  les  force  d'agir  dun  mutuel 
esprit  d'vnion.  Comme  Alexandre  obligea  tousiours  Cratère  et  Ephestion  (o) 
quoy  qu'ils  feussent  ennemis  de  viure  bien  ensemble  (G).  Et  cella  se  veoit 

(1)  Plutar.  in  Lycurgo. 

(j)  Nvel.  MDPGT  et.  —  {j)  MD  curalionis  aut  (N  et)  muneris  collegœ.  PG  omellent  et  mu- 
neris. —  (k)  PG  seuls  omellenl  Sed,  Ci'asso  in  Chaldœa  cseso,  ad  arma  civilia  concursum  est 
a  duobus.  —  (l)  N  Non  secus  ac.  MDPG  Non  aliter  ac.  —  (m)  NU  dejecto,  préférable  quant  au 
sens.  M  ejecto.  —  {n)  N  in  eodem  magistratu  conjungere.  MDPG  conjugare.  —  (u)  N  Ut 
Alexander  M.  (MD  Magnus)  Ifephestionem  Cratero  nutu  solo  conciliavit. 

(A)  «  Il  s'ingéniait  toujours  à  entretenir  parmi  eux  [ses  esclaves]  des  discordes  et  des  brouilles, 
»  se  méfiant  de  leur  bonne  intelligence  et  en  craignant  l'effet  ».  Plut.,  Caton  l'ancien,  21.  Quant 
aux  «  desmeslez  entre  les  magistrats  »,  c'est  une  allusion  au  c.  15,  où  Plut,  raconte  avec  quelle 
passion  Caton  toute  sa  vie  accusa  ou  poussa  à  accuser  les  gens  en  place.  On  aura  la  certitude  de 
l'allusion  en  lisant  liép.,  IV,  5,  p.  421,  qui  résume  ce  chap.  et  le  chap.  21. 

(B)  Il  n'y  a  rien  de  tel  dans  Plut.,  Lgcurgue.  Bodin  disait  déjà  :  «  Le  sage  Lycurgue  législateur 
»  melloit  dissension  entre  les  deux  rois  et  vouloit  aussi  qu'on  enuoyast  tousiours  deux  ennemis 
»  en  ambassade  »,  etc.,  Rép.,  IV,  5,  p.  421,  mais  sans  donner  une  rélérence  que,  dès  ce  moment, 
il  avait  sans  doute  perdue.  En  écrivant  VHept  ,  Bodin  se  rappelle  le  trait,  le  trouve,  avec  raison, 
assez  semblable  à  ceux  qu'il  puise  dans  Plut.,  et  le  lui  attribue,  sans  vérifier. 

(G)  MD  si  plures  sunt  ejusdem  curalionis  aut  muneris  collegœ,  —  si  plusieurs  reçoivent 
ensemble  même  charge  ou  même  fonction.  —  11  s'agit  de  la  république  de  Venise,  où  a  eu  lieu 
J'enlrelien. 

(D)  Entendez  :  faute  d'un  tiers  pour  arbitrer  les  querelles. 

(E)  ML)  quasi  média  vox  facile  conciliabal,  =  réalisait  aisément  l'accord,  comme  une  note 
intermédiaire.  Allusion  aux  théories  musicales  des  pp.  209-213.  Cf.  Plut.,  César,  28  :  «  Crassus, 
»  qui  pouvait  être  l'éphèdre  de  l'un  ou  de  l'autre,  ayant  péri  chez  les  Parlhes,  il  ne  restait  à  César, 
»  pour  s'élever  au  rang  suprême,  qu'à  renverser  Pompée  qui  l'occupait  ». 

(F)  Inexact  :  MD  in  oplimatum  et  populari  civitale,  =pour  le  régime  aristocratique  et  popu- 
laire. Cette  idée  reçoit  son  plein  développement  dans  la  Rej>ub.,  IV,  7,  p.  442.  Cf.  aussi  ma 
thèse  sur  Jean  Bodin,  IV,  3,  4. 

(G)  Inexact,  par  omission  et  par  glose  :  MD  nutu  solo  conciliavil,  =  réconcilia  d'un  signe  de 
tête  Cratère  et  Ephestion.  —  Source  :  Plut.,  Alexandre,  47. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  35 

encores  mieux  dans  toulte  la  nature  qui  est  le  plus  parfaiet  et  le  plus 
antien  (A)  exemple  d'vne  republique  bien  policée  :  non  seulement  les  éléments 
contraires  mais  aussy  les  astres  et  puissances  angeliques  sont  conduicts  par 
le  seul  pouuoir  supresme  (p)  et  la  maiesté  diuine  et  partant  Dieu  seul  est 
reconneu  pour  donner  la  paix  dans  tous  les  sièges  de  la  hault. 

Senamy.  —  Quoy  les  anges  se  font  aussy  des  guerres  ciuiles  entre  eux? 

[218]  le  mets  en  faict,  répliqua  Salomon,  que  le  monde  intelligible  cest  a 
dire  les  anges  ne  sont  gouuernez  que  par  la  volonté  seule  de  Dieu,  le  monde 
céleste  par  les  anges,  le  monde  élémentaire  par  les  corps  célestes  (B).  Et  que 
les  supérieurs  sont  les  images  des  inférieurs  (C).  Et  que  comme  il  s'esleue 
souuent  des  desbals  entre  les  grands  capitaines  et  les  magistrats  par  émula- 
tion de  vertu,  si  les  éléments  contraires  se  font  la  guerre  et  si  nous  voyons 
que  les  astres  ont  vn  mouuement  contraire  peut  on  doubter  qu'il  ny  ait  pas 
des  contentions  entre  les  anges?  Comme  (q)  le  prouuent  les  parolles  de  l'ange 
a  Daniel  (4),  le  Prince  du  royaume  de  Perse  m'a  résisté  pendant  vingt  iours, 
mais  Michel  entre  les  Princes  m'a  donné  secours.  Aussy  (/•)  Dieu  parlant  a 
Pharaon,  selon  l'interprétation  allégorique  et  cachée  cest  a  dire  le  Prince  des 
Démons  (Y)  :  le  t'ay  appelle  a  fin  d'exercer  en  toy  (/)  ma  puissance,  a  fin  que 
le  bruit  de  mon  nom  se  respende  (u)  par  loutte  la  terre  (y)  (5).  Donc  entre  les 
anges  il  ny  a  point  de  combats  sinon  a  qui  produira  plus  de  vertus  ou 
d'actions  (x)  héroïques,  mais  (y)  entre  les  hommes  rarement  les  vertus  don- 

(4)  Daniel,  c.  10.  —  (5)  Exod.,  c.  9;  ad  Romanos,  c.  9. 


(p)  JV  seul  omet  summa.  —  (q)  N  Hue  eliam.  MDTPG  Hue  enbn  pertinet  Ma  vox.  —  (r)  Nila. 
MDPG  item.  —  (s)  MU  ad  l'haraonem,  quem  [N  quam,  inadvertance)  secretiore  sensu  dœmo- 
num  principem  significare  diximus.  —  (t)  N  omet  in  le.  —  (w)  NU  disseminaretur.  M  dissipa- 
retur.  —  (v)  NMD  toto  terravum  orbe.  PG  omettent  tevrarum.  —  [x)  MDTPG  aclionum.  N 
unirrtorum.  —  {y)  MDPG  inter  homines  vero.  AT  omet  vero. 

(A)  MD  anliquissimum  exemptai',  =  le  type  le  meilleur.  De  crainte  d'errer,  R  n'a  pas  choisi 
entre  les  deux  sens  possibles  d'anliquissimum,  et  les  a  tous  deux  donnés  :  le  second  me  paraît 
peu  défendable.  —  Bodin  compare  perpétuellement  la  nature  et  la  cité.  Cf.  mon  Jean  Uodin,  IV, 
2,2. 

(B)  Cette  page  peut  sembler  bizarre,  et  obscure,  à  qui  n'a  pas  dans  la  tête  la  cosmologie  de 
Bodin,  et  quelque  peu  de  sa  métaphysique.  Il  y  a  trois  mondes,  l'intelligible,  séjour  des  anges; 
le  céleste,  séjour  des  astres  ;  l'élémentaire  ou  sublunaire,  séjour  des  hommes,  le  monde  supérieur 
influant  sur  le  monde  immédiatement  inférieur.  Les  astres  sont  «  des  animaux  célestes  qui  sont 
»  ornez  d'intelligence  &  de  lumière  »  (Th.,  V,  1,  p.  790  sq.);  ils  sont  encore,  avec  les  anges,  les 
intermédiaires  dont  Dieu  se  sert  pour  exercer  son  influence  sur  la  création.  On  trouvera  exposée 
cette  physique  singulière,  toute  proche  de  celle  d'un  Marsile  Ficin,  dans  mon  Jean  Bodin,  II,  2, 
pp.  155  sqq.,  et  dans  mon  article  de  la  Revue  d'Anjou,  sept  1912,  pp.  175  sqq.,  où  je  donne  les 
textes  y  afférents.  —  Dès  lors  on  comprend  qu'il  puisse  y  avoir  entre  les  astres  et  les  anges 
rivalités  de  bonne  intention,  virtutis  certamen,  comme  entre  l'ange  qui  parle  à  Daniel  et  l'ar- 
change Michel  qui  lui  porte  secours,  Daniel,  10,  13.  Les  mauvais  anges  eux-mêmes,  comme  le 
Pharaon  dont  le  nom  cache  le  Prince  des  démons,  en  luttant  contre  la  volonté  divine,  ne  servent 
qu'à  manifester  sa  gloire.  D'où  la  citation  d'Exod.,  9,  16  et  ad  Rom.,  9,  17. 

(G)  Autre  idée  courante  dans  Bodin.  Les  divers  mondes  se  ressemblent,  et  sont  commandés 
par  les  mêmes  lois.  Voyez-en  une  application  curieuse  à  l'ange,  à  l'homme  et  à  la  bête,  dans 
mon  Jean  Bodin,  II,  2,  p.  125. 


36  JEAN    BODIN 

nent  elles  de  l'émulation  (A)  :  mais  souuent  les  vices  combattent  contre  les 
vertus,  et  plus  souuent  (s)  les  vices  contre  les  vices  mesmes,  vne  opinion  con- 
tre vn'aulre,  la  deuotion  contre  l'impiété,  la  superstition  contre  la  religion,  et 
très  souuent  vne  superstition  contre  vne  autre  (a). 

Feuekich.  —  le  me  suis  souuent  estonné  parmy  vne  si  grande  diuersité  de 
sectes  et  telle  qu'Epiphane  et  Tertullien  en  ont  conté  iusques  a  CXX  et  Teiniste 
plus  de  (b)  trois  cens  (Bi  comment  la  paix  &  [219]  l'vnion  ait  pu  se  conseruer 
parmy  les  peuples  puisque  de  nostre  temps  deux  diuerses  créances  parmy  les 
chrestiens  ont  causé  tant  &  de  si  rudes  guerres  ciuiles  &  tant  de  désolations 
de  villes. 

CutCE.  —  Il  n'y  a  rien  de  plus  dangereux  que  de  voir  dans  vne  République 
le  peuple  partagé  en  deux  factions  seulement  soit  qui!  soit  question  des  loix 
ou  des  préséances  (c)  (C)  ou  pour  le  faict  de  la  religion  (d),  mais  (e)  s'il  y  a 
plusieurs  factions  il  n'y  a  point  de  guerre  ciuile  a  craindre,  par  ce  que  les  vnes 
sont  comme  des  voix  (D)  qui  semblent  intercéder  enuers  les  autres  pour  met- 
tre la  paix  et  lharmonie  parmy  les  ciloiens. 

Toualbe.  —  Cette  raison  est  1res  a  propos  (/")  recherchée  dans  les  accords  de 
la  musique  la  raison  naturelle  estant  trop  releuée  (g)  asçauoir  par  qui  natu- 


(2)  N  seul  omel  saepius.  MDI'G  ssepius.  —  (a)  N religio  cum  supers lilione  et  religiotie,  sœpis- 
siixe  tamen  cum  superslitione  superslilio  ipsa  cerlal.  MD  superslitio  cum  religiotie,  ssepis- 
shne  tamen  cum  superslitione  superslitio  cerlal.  —  (b)  N  amplitis  2.Ï0.  MUTPG  plures  300. 
B  tnehr  als  300  (cf.  Thémislius).  —  (c)  NMDTG  de  honoribus.  B  ùber  Ehren.  P  de  humoribus, 
inadvertance.  —  [d]  N  sive  de  religiotie  dispulelur.  MD  sive  de  religionibus  disceptelur.  — 
(e)  NMDIJ  al.  G  ac.  —  (/")  ND  aplissitne.  M  apertissime.  B  offenbar.  —  [g)  N  subtilior. 
MUTPG  subtimior.  B  erhabener. 

(A)  MD  inler  homines  vero  rarius  virtutes  cum  virtutibus,  saepius  vitia  cum  viliis  [certant], 
=  mais  enlre  les  hommes  ce  ne  sont  pas  leurs  vertus  qui  luttent  à  l'envi,  ce  sont  leurs  vices. 

(B)  ThémisLius,  orateur  et  philosophe  païen,  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  ive  siècle.  Sozo- 
mène,  H.  E.,  6,  36  et  Socrale,  4,  32,  nous  le  montrent  tenant  à  Valens,  pour  l'engager  à  cesser 
les  persécutions  contre  les  orthodoxes,  une  harangue  :  les  sectes  philosophiques  grecques, 
explique-t-il,  moins  sujettes  encore  à  dissensions  que  la  religion  chrétienne,  avaient  multiplié 
jusqu'au  nombre  de  300.  Sur  ces  passages  de  Socrate  et  de  Sozomène,  un  certain  André  Dudilh 
composa  une  prétendue  traduction  en  latin  de  la  harangue,  que  personne  n'a  jamais  vue,  de 
Thémislius  à  Valens.  Cf.  le  P.  Pétau,  Themislii  Oraliones,  La  Flèche,  1G 13,  in-8;  ou  Paris, 
S.  Mabre-Cramoisy,  1684,  in-fol.  La  source  de  Bodin  est,  soit  André  Dudilh,  soit  directement 
Socrale  el  Sozomène;  on  voil  avec  quelle  légèrelé  il  a  lu  les  uns  ou  l'autre.  Saint  Lpiphane 
(310-403)  énumère  dans  son  Panarium  ou  Adversus  Hsereses,  non  pas  120,  mais  80  hérésies, 
Cf.  en  lêle  du  Panarium,  la  Lettre  à  Acacius  et  Paulus  prêtres,  où  il  énumère  el  classe  ces 
80  hérésies  (Épiphane  de  Migne,  t.  I,  col.  173  sqq.).  Quant  à  Tertullien,  il  énumère  dans  le  De 
prœscriplione  haerelicorum,  c.  45-53,  les  hérésies  qui  se  sont  élevées  jusqu'à  son  temps.  Ellies 
du  Pin,  Nouvelle  bibliothèque  des  auteurs  ecclésiastiques,  Paris,  Pralard,  1686  et  sqq.,  t.  1, 
p.  251,  signale  «  ce  petit  catalogue  des  hérésies  »  el  le  croil  apocryphe  [ibid.,  p.  299).  Apocryphe 
ou  non,  il  contient  bien  moins  de  120  hérésies.  Mais  le  souvenir  de  Bodin  était  bien  peu  précis, 
el  il  négligeait  de  le  vérifier  :  on  le  verra  en  comparant  Hept.,  V,  p.  378,  où  il  dil  que  Tertullien 
compte  120  sectes,  Epiphane  davantage  (première  variation)  ;  el  Bép.,  IV,  7,  p.  456,  où  il  dit  que 
tous  les  deux  ont  complé  cent  sectes  (deuxième  variation). 

(G)  MD  de  honoribus,  =  des  grandes  charges  de  l'État.  Sur  l'idée  générale  de  celle  réplique 
de  Curce,  voyez  le  développement  :  «  Pourquoy  plusieurs  sectes  s'accordent  mieux  que  deux  ». 
Rép.,  IV,  7,  p.  456. 

(D)  MD  quasi  mediisvocibus,  =  comme  des  noies  intermédiaires. 


DES  SECRETS  CACIIEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  37 

Tellement  vne  chose  seulement  est  contraire  a  vne  autre  et  que  plusieurs 
choses  différentes  ne  peuuent  pas  estre  contraires  a  vne  seule  naturelle- 
ment (A). 

Octaue.  —  l'estime  que  cest  par  cette  raison  que  les  Turcs  &  les  Persans 
reçoiuent  parmy  eux  toutte  sorte  de  religions  &  vous  voyez  cependant  vne 
merueilleuse  concorde  tant  parmy  les  peuples  que  parmy  les  passagers  bien 
que  differans  de  religion  (B). 

Federicb.  —  Pour  moy  i'estime  qu'il  ny  a  rien  qui  fust  plus  a  souhaiter 
dans  vn  grand  royaume  ou  dans  vne  grande  ville  que  cela  se  peust  faire  que 
tous  eussent  vne  mesme  religion  (C).  Et  Aratus  (6)  na  rien  faict  de  plus 
remarquable  que  d'auoir  accoustumé  (h)  les  Acheens  qui  composoient  plus  de 
trois  cens  villes  (i)  a  viure  soubz  mesmes  loix,  mesme  religion,  mesmes  céré- 
monies, mesmes  poids  &.  et  mesmes  mesures,  en  sorte  [220]  qu'on  ny  pouuoit 
plus  rien  désirer  sinon  que  touttes  ces  villes  feussent  enfermées  entre  mesmes 
murailles,  et  cest  a  mon  aduis  le  fondement  solide  de  lamitié  que  Ciceron  a 
mis  a  suiure  vn  mesme  sentiment  (j)  tant  pour  les  choses  diuines  que  pour 
les  humaines. 

Octaue.  — Croyez  vous,  Federich,  que  les  Acheens  ayent  peu  se  conseruer(I)j 
dans  vne  seule  religion  (k)  eux  qui  contoient  trente  six  mille  diuinités  puis- 

6    Polybius,  lib.  IV;  Plutar.  in  Arato  (E). 


{h)  N  assueveràl.  MD  assuefecerat.  —  [i)  MN  societalem  Achseorum,  quse  CCC  amplius  urbes 
complexa  {D  amplexa)  continebat.  —  (/)  .V  consensione.  MD  consensione  et  carilate.  — 
/.-  MD  An  tibividentur,  Federiche,  Achxi  in  una  et  eadem  religione  conspirare  potuisse. 
PG  omettent  Federiche  et  et  eadem   N  Au  tibi  videtur...  Achaeos...  potuisse. 

(A)  M  Hxc  quidem  ratio  a  musicis  modulalionibus  apertissime  (D  aplissime)  qusesita.  Natu- 
ralis  vero  subtimior  est,  quia  scilicet  unutn  uni  tanlum,  plura  eidem  contraria  per  naturam 
esse  non  possunt.  Tout  ceci  est  1res  obscur,  et  les  traductions  de  R  ni  de  B  ne  l'éclaircissenl.  Voici 
une  interprétation,  dont  je  suis  le  premier  à  sentir  toute  l'incertitude  :  En  musique,  on  recherche 
à  juste  titre  une  telle  relation  des  noies  entre  elles.  Mais  dans  la  nature  cette  relation  est  bien 
plus  excellente  encore,  parce  que  là  une  chose  a  son  contraire,  mais  n'a  pas  plusieurs  contraires 
[suppléez  :  au  lieu  qu'en  musique  la  note  intermédiaire  de  l'accord  est  opposée  aux  deux  notes 
extrêmes]  ;  mais  elle  n'a  pas  plusieurs  contraires  [suppléez  :  et  l'harmonie  se  réalise  d'autant  plus 
facilement].  D'ailleurs,  même  mutilé  de  la  réflexion  de  Toralba,  si  on  ne  l'entend  pas,  le  raison- 
nement se  suit  aisément.  Accessoirement,  remarquons,  à  propos  de  aplissime,  le  prix  de  R  pour 
départager  M  et  D,  et  son  accord,  que  nous  retrouverons  plus  d'une  fois,  avec  D. 

(B)  MD  cives  et  peregrinos  inler  se  religionibus  discrepanles  et  cum  republica  conciliant.  R 
omet  cum  republica.  J'entends  que  les  Turcs  établissent  ainsi  l'accord  :  1°  entre  les  gens  de  reli- 
gions diverses,  population  sédentaire  ou  flottante  ;  2°  entre  ces  gens  et  l'intérêt  public.  Cf.  p.  229 
note.  Sur  les  faits,  tirés  de  Poslel  ou  de  Chalcondylas  (cf.  infra,  p.  329  note),  voyez  Rép.,  IV,  7, 
p.  4f>5  sq. 

(G)  Inexact  :  MD  quant  ut  eisdem  sacris  et  eodem  numinis  cultu  cives  omnes  conjungantur. 
(D)  MD  in  una  et  eadem  reliqione  conspirare,  =  s'accorder,  communier  dans  une  seule  et 
même  religion.  —  Quant  à  leurs  3b\0)0  divinités,  que  le  musulman  Octave,  très  attaché  au  mono- 
théisme de  Mahomet,  est  bien  qualifié  pour  railler,  je  les  retrouve  citées  infra,  p.  308  et  Démon., 
2.  3,  p.  199,  mais  sans  que  Bodin  nomme  davantage  ses  autorités,  que  j'ignore. 

E]  Corrigez  :  Polybe,  ;">,  19  (Aratus  prêche  activement  l'union  aux  Mégalopolilains)  ;  ou  2,  8 
commencement  de  la  ligue  achéenne).  Bodin,  Rép.,  1,  9,  p.  170,  allègue  Pol.,  3  :  la  référence 
n'est  pas  plus  exacte.  —  Plut.,  Aratus,  9,  10  et  11. 


.'18  JEAN    BODIN 

que  iamais  les  sacrifices  de  Bacchus  nont  peu  auoir  de  conformité  auec  ceux 
d'Eleusine  (/)? 

Coroni.  —  Certainement  nous  debuons  plustost  le  souhaiter  et  le  demander 
a  Dieu  que  l'espérer  qu'il  ny  ait  parmy  le  monde  qu'vne  religion  (m)  et  qu'vne 
mesme  créance,  pourueu  que  ce  soit  la  vraye  (A). 

Salomon.  —  Ne  disons  point  que  cest  vne  religion  quand  nous  ne  dirons  (n) 
point  que  cest  la  vraye. 

Senamy  (o)  (B).  —  Puisque  lès  chefs  des  religions  et  les  pontifes  (C)  en  cha- 
cune ont  eu  tant  de  débats  les  vns  contre  les  autres  qu'il  nest  pas  possible 
de  dire  quelle  est  la  vraye,  nest  il  pas  bien  mieux  de  receuoirdans  les  grands 
estats  comme  nous  voyons  dans  ceux  des  Turcs  et  des  Perses  touttes  sortes 
de  religions  que  den  exclure  quelqu'vne.  Car  si  nous  cherchons  pourquoy  les 
Grecs,  les  Latins  et  les  Barbares  nont  point  eu  (p)  autresfois  de  différents  pour 
le  faict  de  la  religion  nous  nen  trouuerons  point  a  mon  aduis  d'autre  raison  [q) 
sinon  que  tous  estoient  esgallement  esclairés  et  auoient  vu  mesme  sentiment 
de  touttes  les  religions  (D). 

Salomon.  —  Il  en  faut  excepter  les  Iuifs  lesquels  [221]  pour  ce  regard  sépa- 
rez en  quelque  façon  de  touttes  les  autres  nations  nadoroient  (K)  et  nadorent 
encores  qu'vn  seul  &  vrai  Dieu  éternel  detestans  touttes  les  autres  diuinités. 
Aussy  les  Caldeens  (F)  abatirent  tous  les  temples  des  Dieux  (r)  par  ce  quils 


(l)  MDT Eleusinarum,  incorrect.  N  Eleusiniorum.  —  (m)  MDTPG  ut  una  sit  eadem  civium, 
immo  etiarn  mortalium  omnium  [N  civium  unio,  una  etiam,  etc.)  de  rébus  divinis  assensio  (N 
consensio).  fi  suit  MD,  mais  attribue,  seul,  et  à  tort,  cette  réplique  à  Octave.  —  (h)  Nnisi  veram 
esse  dabimus.  MD  de  mus.  —  ;o)  MDTPGB  Senamus.  iVseul  t'ait  continuer  Salomon.  —  (p)  N 
quid  sit,  quam  ob  rem  Grseci,  Latini,  Rarbari  nullam  de  religionibus  controversiam  olim  habue- 
rint.  MDPG  liabuere,  solécisme.  —  (q)  MD  non  aliam  comperiemus  (PG  comperimus),  opinon 
quam,  etc.  AT  ajoute  ralionem  après  comperiemus.  — (r)  PG  omettent  Deorum. 

(A)  R  résume,  et  inexactement  :  MD  ut  una  sit  et  eadem  civium,  immo  etiam  mortalium 
omnium  de  divinis  rébus  assensio,  una  religio,  modo  vera,  =  qu'il  y  ait  entre  concitoyens,  que 
dis-je,  entre  tous  les  hommes  un  seul  et  même  accord  sur  les  choses  divines,  une  seule  religion, 
pourvu  que  ce  soit  la  vraie.  —  Ce  rêve  d'unité  religieuse  dans  la  nation,  c'est  celui  de  tous  les 
esprits  moyens  du  xvi"  siècle,  et  auquel  la  politique  du  temps  a  tant  sacrifié  ;  le  rêve  d'unité 
religieuse  dans  l'humanité,  c'est  celui  que  Bodin  laisse  deviner  partout  entre  les  lignes  de  VHepl. 

(B)  N  est  seul  à  faire  continuer  Salomon  ;  et  le  bon  sens  ne  l'avoue  pas  plus  que  les  mss.  Toutes 
les  idées  de  cette  réplique,  difficulté  de  découvrir  la  vraie  religion,  excellence  relative  de  toutes, 
bienfaits  de  la  tolérance  absolue,  sont,  on  le  verra  dès  les  pages  qui  vont  suivre  et  mieux  encore 
à  mesure  qu'on  avancera,  les  motifs  propres  a  Senamy  et  qu'il  développe  à  la  moindre  occasion. 

(C)  MD  Pontifices,  quos  veteres  Grseci  [/.urrraytoyouç  appellanl.  Erudition  à  la  mode  du 
XVIe  siècle,  que  R  n'a  pas  daigné  traduire. 

(D)  Le  latin  est  plus  hardi  :  MD  omnium  in  omnibus  religionibus  conspirationem  et  consen- 
sum,  =  le  sentiment  religieux  de  tous  embrassait  toutes  les  religions.  C'est  sa  religion  même 
que  Senamy  définit  là;  cf.  infra,  V,  p.  370  sq. 

(E)  MD  adorabant.  R  ajoute  et  n'adorent  encores;  on  pourrait  y  voir  un  indice  des  senti- 
ments personnels  du  traducteur.  Mais,  nous  le  verrons,  les  indications  qu'on  obtient  par  celte 
méthode  sont  contradictoires;  et  j'incline  à  penser  qu'il  n'y  a  point  eu  d'intention  dans  cette 
inexactitude. 

(F)  On  retrouve  ce  détail,  infra,  p.  270.  Recherches  faites,  je  crois  que  Bodin  le  puise  dans 
Origène,  Contra  Cels.,  7,  69  (Migne,  t.  1,  col.  1509),  lequel  le  lire  lui-même  d'Hérodote,  1  ;  ou 
de  Gic,  de  Nat.  deor.,  1,  41  et  de  Leg.,  2,  10  :  «  Nec  sequor  magos  Persarum,  quibus  auctoribus 
»  Xerxes  inflammasse  templa  Grseciœ  dicitur,quod  parietibus  includerent  deos,  quorum  hic  mun- 
»  dus  omnis  lemplum  esset,  et  domus  ». 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  39 

estimoient  que  ce  fust  impieté  que  de  renfermer  des  Dieux  dans  le  peu  des- 
pace  d'vn  temple. 

Senamy.  —  Mais  il  me  semble  qu'il  ny  a  presque  que  les  Iuifs  de  tous  les 
peuples  qui  pour  leur  loy  ayent  troublé  le  repos  des  villes  et  des  Empires. 
Car  lorsqu'Antiochus  eut  subiugué  Hierusalem  et  qu'il  en  voulut  remercier  les 
Dieux  par  sacrifices  les  Iuifs  feirent  des  imprécations  contre  luy  dont  il  fut 
tellement  irrité  de  ce  qu'ils  le  prenoient  pour  vn  impie  qu'il  les  forcea  sur 
peine  destre  cruellement  punis  d'assister  aux  sacrifices  des  Dieux  &.  des 
Gentils  (A),  dou  (B)  ils  s'attirèrent  la  haine  des  peuples  les  plus  esloignez  en 
sorte  qu'il  sembloit  que  touttes  les  nations  eussent  iuré  (s)  la  ruine  de  celte 
seule  nation.  Car  Celse  (7)  raporte  que  les  Chrestiens  et  les  Iuifs  parlant  trop 
insolament  de  leurs  Dieux  mesprisoient  touttes  les  autres  diuinitez  (C). 

Fkdehicu  —  Celluy  qui  reçoit  la  diuersité  des  religions  différentes  semble 
auoir  dessein  de  ruiner  la  véritable  et  Proculus  a  dict  (/)  fort  a  propos  que 
celluy  qui  tient  pour  la  diuersité  des  Dieux  ne  diffère  guieres  de  celluy  qui 
nen  croit  point  (D)  parce  qu'on  ne  peut  point  adorer  ensemble  Dieu  [222]  et 
le  Diable  (m),  qui  sont  si  contraires  l'vn  a  l'autre. 

Senamy.  —  Toralbe    nous  a   faict  veoir  cy  dessus  (E)  que  Dieu  ne  peut 

(7)  Refert  Origenes,   lib.  3.   Contra  Celsum. 


(s)  NMD  conjurasse.  PG  conspirasse.  —  [t]  N  scribit.  MD  scripsit.  —  (m)  N  ac  daemonem 
colère.  MD  dsemona.  PG  dsemonas. 

(A)  1  Macchabées,  1,  5;  Josèphe,  Antiquités  judaïques,  12,  7. 

(B)  Par  leur  intolérance  farouche  que  condamne  Senamy,  et  que  condamnait  déjà  le  païen 
Celse,  dans  Origène,  o.  c,  3,  2  (Migne,  t.  1,  col.  923). 

(Gj  Seul  contre  N,  H,  et  l'unanimité  des  mss.,  B  attribue  à  Federich  la  phrase  Car  Celse,  etc. 
Celte  phrase  appartient  évidemment  à  Senamy,  dont  elle  appuie  l'accusation  d'intolérance. 

(D)  Vérification  faite,  MD  a7:sifi'av  àvaioetv  tov  Oîov  xat  TioXuOcÔT^Ta  nihil  %~o  tTjî 
àOsoTYjTo;  di ff erre  ne  sont  pas  des  expressions  textuelles  de  Proclus,  mais,  comme  il  arrivera 
encore  (cf.  infra,  VI,  p.  656),  le  résumé  d'une  lecture,  écrit  en  grec  pour  l'authentiquer.  Cette 
lecture  est  soit  celle  du  De  anima  et  dœmone,  indiquée  par  Duplessis-Mornay,  De  la  vérité  de 
la  religion  chreslienne,  Paris,  1581,  qui  fait  cette  même  citation  de  Proclus  (mais  il  n'est  pas  la 
source  de  Bodin,  qui  fait  la  citation  dis  1580,  Démon..  1,  5,  p.  108),  soit  celle  de  VInstitulio 
Iheologica,  art.  113-161.  En  particulier,  l'art.  149  (éd.  Creuzer,  Francfort,  1822,  p.  220)  explique 
que  le  nombre  des  dieux  ne  peut  être  infini, car  il  y  a  incompatibilité  entre  l'un  et  l'infini,  si  bien 
qu'un  nombre  infini  est  vraiment  vide  de  l'unité;  et  l'art.  119,  p.  174,  explique  que  chacun  des 
dieux,  étant  unité  et  bonté,  n'est  Dieu  qu'autant  que  son  éloignement  du  Dieu  unique  lui  permet 
de  conserver  de  sa  nature. 

La  prédilection  de  Bodin  pour  les  interprètes  de  Platon  qui  ont  développé  encore  le  caractère 
religieux  et  mystique  de  sa  pensée  est  certain.  Cf.  mon  Jean  Bodin,  II,  1,  p.  110  sq.,  qui  donne 
textes  et  références.  Non  seulement  il  goûte  Apulée,  Plolin  et  Proclus,  mais  Marsiie  Ficin,  Jean 
Pic  et  Jean-François  Pic  [infra,  p.  415).  C'est  d'ailleurs  un  goût  commun  aux  hommes  de  ce 
temps  que  cette  inclination  pour  les  philosophes  qui  sont  à  moitié  pontifes  ou  thaumaturges. 
Voici  un  recueil  factice,  imprimé  à  Bàle,  chez  Froben,  1519,  in  fol.,  qui  traduit  clairement  cette 
tendance.  J'y  trouve  Jamblique,  Proclus,  Porphyre,  Synésius  De  Somniis,  Psellus  De  dsemoni- 
bus,  Pylhagore,  VAsclepius  et  le  Pimander  de  Mercure  Trismégiste,  Marsiie  Ficin  De  magis, 
etc.  Tous  ces  livres,  sauf  le  dernier,  et  tous  ces  auteurs  sont  cités  passim  par  Bodin;  un  bon 
nombre  dans  la  seule  p.  548  de  la  Démon.,  Réfut.  de  Wier. 

(F)  Supra.  III,  pp.  150-153.  Et  nous  venons  de  lire  que  Dieu  fait  servir  à  la  manifestation  de 
sa  gloire  jusqu'à  Pharaon,  le  prince  des  Démons,  p.  218. 


40  JEAN    BODIN     • 

auoir  (u)  de  contraire,  mesmes  (x)  que  les  démons  ne  sont  que  les  minis- 
tres (y)  très  soubmis  a  l'exécution  de  ses  ordres  (s).  Or  (a)  (A)  ne  peut  on 
pas  respecter  le  seruiteur  d'vn  seigneur  non  pas  a  l'esgal  de  luy  mesme,  mais 
comme  son  ambassadeur?  Aussy  quel  inconuenient  y  auroit  il  de  prier  (b) 
deux  diuinitez  l'vne  de  peur  de  nous  eslre  nuisible  &  l'autre  afin  qu'elle  nous 
fasse  du  bien?  Cest  pour  cella  que  les  Opuntiens  auoient  deux  Pontifes  (8) 
dont  l'vn  estoit  pour  sacrifier  aux  Dieux  l'autre  aux  Diables.  Et  les  Romains 
nauoient  pas  seulement  respect  et  vénération  pour  les  Dieux  bienfaisants  (c) 
comme  lupiter,  Mars,  Diane,  mais  aussy  pour  ceux  qui  pouuoient  faire  du 
mal  comme  pour  celluy  qui  cause  la  nielle  aux  blés  qu'ils  appellent  Robigus 
ou  Rubigus,  pour  la  Fiebure,  la  Paueur,  l'Occasion,  l'Enuie  (R)  et  les  autres 
diuinitez  qui  pouuoient  faire  mal  ou  le  destourner  qu'ils  appelloient  Auemm- 
calores  &  les  Grecs  (d)  'AÀev.Kxxou;  (9). 

Salomon.  —  Pleust  a  Dieu  que  nous  eussions  la  prudence  des  Grecs  et  des 
Latins  (G)  de  sestre  imaginé  des  dieux  masles  et  des  dieux  femelles  (e)  !  Mais 
par  la  loy  de  Dieu  (1)  il  n'y  a  rien  de  plus  estroictement  defîendu  que  de 
craindre  des  Dieux  estrangers  qui  ne  peuuent  faire  ny  bien  ny  mal.  Cest 
pourquoy  il  est  escript  (2)  quil  ny  a  que  Dieu  seul  (/)  qui  soit  capable  de 
nous  enuoier  des  afflictions. 

(8)  Plutar.  in  Apophtegm.  Grœcorum.  —  (9)  Plutar.  in  Cleomene  (D).  — 
(1)  Gènes.,  c.  35;  Exod.,  c.  20;  Judic,  c.  10;  Prouerb.,  c.  29  (E).  —  (2)  Deu- 
teron.,  c.  30  et  32;  Leuit.,  c.  ult.  ;  Lib.  3.  Regum,  c.  9  et  21  ;  Iesayse,  c.  45; 
Hierem.,  c.  11  et  32;  Baruch,  c.  2;  Amos,  c.  3;  Ionas,  c.  3;  Micheœ,  c.  1  (F). 


(v)  N  Deo  nihil  conlrarium  esse.  MDPG  existere.   —  (x)  N  quia  etiam.  MDPG  quin  etiam. 

—  (y)  N  ministri.  MDPG  administri.  —  (z)  NMD  obsequentissimi  divinse  majeslatis.  B  der 
gôttlicher  Majestœt.  PG  divinœ  volunlalis.  —  (a)  MDl'G  quid  autem  (N enim)  vetat.  —  (b)  N 
alterum  quidem  ne  noceat,  alterum  ut  prosif.  obsecrari.  MDPG  obsecrare.  —  (c)  NMDT  nec 
Romani  beneficos  tantum  Deos.  PG  omettent,  à  tort,  beneficos.  —  {d)  N  averruncatores  sive 
(MD  id  est)  àÀsq'.xixo'j;.  —  [e)  MDTE  quos  enim  Deos  mares  4>0dvov,  Kat'pov,  4>ôoov  (PG 
Grseci,  eosdem)  Latini  sexu  et  habilu  fœmineo  Deas  fecerunt,  scilicet  Invidiam,  etc.  L'ad- 
jonction de   PG  est  nécessaire  à  l'intelligence  du  texte.   N  l'adopte.   H    passe  cette  réplique. 

—  (/")  NMD  nullam  mortalibus  nisi  {l'G  omettent,  à  tort,  nisi)  ab  uno  immortali  Deo  calami- 
talem  impendere . 

(A)  M  D  autem  est  autorisé  par  la  suite  des  idées.  Non,  il  n'est  pas  vrai  que  polythéisme  vaille 
athéisme,  puisque  les  Dieux  ne  sont  pas  le  contraire  de  Dieu.  Mais  ne  peut-on  l'adorer  en  eux  ? 

(B;  R  fait  précéder  Robigus  et  Averruncatores  d'une  glose  explicative.  Sources  probables  de 
Bodin  :  pour  Robigus,  Varron,  R.  R.,  1,  1,  et  Ling.  Lai.,  5,  3;  Pline,  H.  Nat.,  18,  29,  69;  pour 
Pavor,  Lactance,  Inst.  div.,  1,  20  et  T.  Liv.,  1,  27;  pour  Occasio,  Phèdre,  Fab.,  5,  8;  pour 
Invidia,  Hygin,  Prœfat.  fabut.,  277:  pour  Febris,  voyez  p.  225. 

(G)  Contresens.  Salomon  raille  bien  la  prudence  des  Grecs  et  des  Latins,  mais  plus  durement 
encore  que  ne  le  croit  R  :  les  sages  admirés  de  Senamy  font  les  mêmes  dieux  mâles  ou  femelles 
suivant  le  caprice  de  la  langue  parlée.  Les  docteurs  chrétiens,  et  ceux  que  lit  familièrement 
Bodin,  Tertullien,  Apologeticus,  10,  S.  Augustin,  De  civ.  Dei,  3,  12  et  7,  2,  raillent  souvent  eux 
aussi  les  Dieux  sexués  au  gré  de  la  fantaisie  des  païens. 

(D)  «  Ils  honorent  la  Peur,  non  comme  un  de  ces  êtres  malfaisants  dont  on  détourne  l'in- 
»  fluence  »,  etc.  Cléomène,  9.  MD  déplacent  à  tort  cette  note  jusque  sur  des  dieux  masles.  — 
Cf.  Plut.,  Les  demandes  des  choses  romaines,  74,  où  nous  voyons  Servius  élever  un  temple  à  la 
Fortune  «  destournant  malencontre  ».  —  Réf.  8,  corrigez  :  Les  dem.  des  ch.  grecques,  6. 

(E  «  Vous  n'aurez  point  de  dieux  étrangers  devant  moi  ».  Exod.,  20,  3.  Genèse,  35,  2;  Juges, 
10,  6;  l'roverb.,  29,  18,  même  sens. 

(F'  Deuleron.,  30,  1  (plutôt  29,  20  :  «  Le  Seigneur  ne  pardonnera  point  à  cet  homme,  mais  sa 


DES  SECRET*  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  41 

Senamy.  —  Parmy  vn  si  grand  nombre  de  religions  il  peut  estre  de  deux 
choses  l'vne,  ou  que  ce  nest  rien,  ou  que  l'vne  n'est  pas  plus  la  vraye  (A.)  que 
l'autre  {g).  Car  (h)  les  pontifes  de  touttes  les  religions  ayans  vne  haine  mor- 
telle [223]  les  vns  contre  les  autres  nest  il  pas  (i)  (B)  plus  sur  de  les  receuoir 
touttes  que  d'en  choisir  vne  (laquelle  peut  estre  faulse)  que  den  exclure  j  ou 
condamner  vne  laquelle  peut  estre  sera  la  plus  véritable  de  touttes  ? 

Octale.  —  Il  est  cependant  (k)  très  dangereux  aux  princes  et  aux  magistrats 
de  vouloir  abolir  /  vne  religion  receue  de  longue  main  (m)  et  qui  tire  son 
origine  de  bien  loin  (C).  Car  Thomas  et  Constantin  sixiesme  empereur  (D)  de 
Constantinople  ayant  faict  dessein  dabattre  (n)  touttes  les  idoles  des  temples 
feurent  tous  deux  cruellement  massacrez  dans  le  temple  de  Saincte  Sophie 
I'vn  par  sa  mère  &  lautre  par  la  populace  (o).  Cest  pourquoy  les  empereurs 
Valens,  Theodose  le  Grand  (p),  Valentinian,  Iouinian  (q)  et  Theodorich  non 
seulement  (r)  ne  voulurent  pas  chasser  la  secte  des  Ariens  qui  multiplioit  de 
touttes  parts,  mais  par  vn  edict  public  luy  donnèrent  liberté  de  sestablir  par- 
tout et  la  toleroient  (E). 


(g)  MDTE  ut  (N  earum)  plus  una  vera  sit.  —  {h)  MDTPG  at.  Nac.  B  und.  —  [i  MDTPG  num 
tutius  est.  XII  suppriment  num.  —  (j)  NMD  excludere  velle.  PG  omettent  velle.  —  (k)  MDTPN 
at.  B  auch.  G  ac.   -  \l)  MDPG  convellere.  Nevellere.  —  [m)  NMD  religiones  diulurno  consensu 

receptas.  PG  quae receptœ  sunt.  —  [n)  MD  précipites  deturbarent.  N.  prœcipiter.  —    o    Y 

a  populo.  MDT  a  plèbe.  —  {p)  NTheodosius,  M.  Valentinianus.  MD  Theodosius  Magnas,  Valen- 
tinianus.  —  {q)  N  Jovianus.  MDTEPG  Jovinianus.  —  (r)  PG  suppriment  non  modo. 

»  fureur  s'allumera  »,  etc.)  et  32,  22  sqq.  ;  III  Rois,  9,  6-9  et  21,  21-23  (Dieu  maudit  Achab  et 
Jézabel)  ;  Isaïe,  45,  2  sqq.  :  Jérémie,  11,  11  et  32,  26  sqq.  ;  Baruch,  2,  21  sqq.  ;  Amos,  3,  11  sqq.  : 
Jonas,  3  (prédiction  de  la  ruine  de  Ninive);  Michée,  1,  3-4.  Le  dernier  chap.  (27)  du  Lévilique 
ne  parle  que  des  choses  vouées;  je  corrige  :  26,  14  sqq.  (Dieu  promet  de  punir  les  infracleurs  de 
la  loi). 

(A)  Contresens.  MD  allerum  fieri  polest,  ut  earum  nulla;  alferum  non  potest,  ut  plus  una 
vera  sit,  =  il  peut  arriver  qu'aucune  ne  soit  la  vraie:  il  ne  peut  pas  arriver  que  plus  d'une  soit  la 
vraie.  Mais  (MD  at)  il  vaut  mieux  les  accepter  toutes  que  courir  le  risque  de  rejeter  la  véritable. 

(B)  MD  num  tutius  est.  Contrairement  à  l'usage,  Bodin  emploie  couramment  num  dans  le  sens 
de  nonne,  impliquant  une  réponse  affirmative.  Cf.    infra,  p.  227  :  Num  vobis  videtur  Scsevola, 

=  est-ce  que  Scévola  ne  vous  semble  pas ?  Cf.  pp.  376  et  612  notes.  Faute  d'avoir  remarqué 

cet  idiotisme  du  latin  de  Bodin,  N  se  croit  obligé  de  corriger  en  supprimant  num. 

(C)  Faux  sens.  MD  quse  radiées  allais  egerunt,  =  qui  ont  poussé  des  racines  profondes. 

(D)  MD  ulerque,  omis,  =  tous  deux  empereurs.  La  Rép  ,  1,  9,  p.  133,  nous  conte  la  même  chose, 
mais  de  Léon  IV  Iconomaque  et  de  Thomas.  Source  de  Bodin  :  Annales  de  Zonaras  (cf.  infra, 
p.  267,  note),  III,  Lrad.  lat.  de  J.  Aymin,  Paris,  Chaudière,  1567,  pp.  135a  et  138  6.  L'impératrice 
mère  Irène  fit  révolter  les  troupes  de  son  fils  Constantin,  favorable  aux  iconoclastes,  qui  eut  les 
yeux  crevés.  Thomas,  faux  empereur,  s'éleva  contre  Michel  le  Bègue,  qui  le  prit  dans  Andrinople, 
le  fit  mutiler  et  empaler. 

(E)  Il  y  a  là  quelque  inexactitude,  et  Bodin,  on  va  le  voir,  le  sait  aussi  bien  que  nous  :  l'erreur 
vient  donc  ou  de  sa  négligence,  ou  d'une  corruption  ancienne  de  l'archétype  perdu.  1°  UHept., 
ici,  et  VI,  p.  6S4,  dit  Jovinianus  Ml)  .  Il  n'y  a  pas  d'empereur  de  ce  nom;  lisez  Jovianus. 
2°  Théodoric  était  Arien  et  exerça  sa  tolérance  envers  les  orthodoxes.  Bodin  a  loué,  d'après 
VHist.  eccl.es.  triparlile  de  Cassiodore,  sa  belle  parole  :  Beligionem  imperare  non  possumus, 
quia  nemo  cogilur  ut  credal  invitus,  infra,  VI,  p.  684,  et  Rép.,  IV,  7,  p.  456.  II  nous  a  montré, 
Rép.,  ibid.,  Théodôse  le  Grand  ne  combattant  l'arianisme  que  par  les  exemples  d'orthodoxie 
qu'il  donne  en  lui  &  en  sa  famille.  Il  a  vanté  l'svoTty.ôv  ou  édit  d'union  entre  catholiques,  ariens, 
manichéens,  etc  ,  proclamé  par  .lovien,  infra,  VI.  p.  684.  Pour  Jovien,  Théodose,  Valens  et 
Valenlinien,  sa  source  est  Zonaras,  Annales,  III,  p.  114  b  sqq. 


42  JEAN    BODIN 

Federicii.  —  Si  par  les  anciennes  ordonnances  (5)  du  Sénat  Romain  (A)  la 
charge  estoit  donnée  aux  Ediles  ou  Escheuins  de  prendre  garde  (t)  qu'aucune 
religion  estrangere  ne  fust  receue  dans  la  ville  et  qu'on  ne  rendist  aucuns 
honneurs  aux  Dieux  que  selon  les  coustumes  (u)  du  pays,  auec  combien  plus 
de  zèle  les  princes  chrestiens  deburoient  ils  prendre  ce  soin  ! 

Sknamy.  —  Mais  (0)  les  Romains  nont  peu  sempescher  eux  mesmes  d'en- 
freindre leurs  ioix  puisqu'ils  ont  enfin  faict  des  sacrifices  a  Isis  et  Osiris,  au 
dieu  Anubis  leur  fils  (x),  a  Esculape  &  a  Cybele  la  mère  des  Dieux.  Et  mes- 
mes (B)  M.  Agrippa  fit  bastir  vn  temple  [224]  a  lhonneur  de  tous  les  Dieux 
quil  appella  llavôsov  qui  est  le  seul  qui  soit  resté  entier  de  tous  les  anciens 
temples  des  Romains  et  que  Boniface  consacra  en  lhonneur  de  la  vierge  (y) 
(C).  Vulgairement  on  lappelle  la  Rotonde  ou  le  temple  de  Sainle  Marie  de  la 
Rotonde.  De  mesme  aussy  les  Athéniens  dressoient  partout  des  autels  au 
Dieu  inconneu  qu'ils  appelloient  ayvaxiTo;,  comme  l'asseure  Pausanias 
dans  ses  Attiques  et  saint  Paul  (3)  en  preschant  aux  Athéniens,  dont  est 
faict  mention  aux  actes  des  Apostres,  afin  doftïir  en  quelque  façon  des 
sacrifices  au  vray  Dieu  qu'Us  ne  connaissoient  point.  Ainsy  (D)  ces  an- 
ciens croioient  que  tout  ce  monde  fust  plein  de  Dieux  parce  que  partout 
ils  remarquoient  (z)  des  apparences  secrètes  de  diuinité  (a)  en  sorte  qu'ils 
sescrioient  souuent  :  touttes  choses  sont  remplies  de  Iupiter,  voulant  dire  de 
Dieu  CE).  Et  certainement  aussy  les  Cieux  et  la  Terre  sont  remplis  de  la  maiesté 

(3)  In  actis  apostolorum  (F). 


(s)  N  Si  sanclis  Romanorum.  MDTPO  vetere  senalusconsullo  Romanorum.  —  (t)  N  ne  quœ 

religio  peregrina  in  urbem  admit  1er etur,  neu.  MUPG  neu neu.  —  (m)  N  palrio  modo.  MD 

more.  —  (y)  NMD  AL  PG  Ac.  —  (x)  AT  seul  intercale  ici  Apis.  —  {y)  NMATEPG  quod  quidem 
unum  er,  omnibus  antiquorum  fanis  Romse  reliquum  esse  videmus,  a  Bonifiai  io  3.  Pontifi.ee 
Maximo  divin  omnibus  consecratum.  t)  a  d'abord  écrit  divis  omnibus,  puis  il  a  biffé  cl  corrigé 
lleatse  Marias  consecratum.  B  der  Tempel...  .  den  der  Papst  Bonifacivs  III  allen  Heiligen 
(Divis)  geweiht  hat.  —  [z)  N  conluerentur.  MD  inluerentur.  —  [a]  NMDTP  numina  divinilalis. 
B  Naluren  der  GœtUr.  G  munera  (?). 

(A)  L'erreur  de  N  sanctis  vient  d'une  mauvaise  lecture  de  l'abréviation  seto.  —  Cf.  Terl., 
ApoL,  5  :  «  Vêtus  erat  decrelum,  ne  quis  deus  ab  imperalore  consecraretur,  nisi  a  senalu  proba- 
lus  ». 

(B)  MD  post.remo,  =  la  dernière  et  plus  forte  preuve,  c'est  que.  —  Pline,  H.  nat.,  36,  15,  24, 
dit  qu'Agrippa  avait  dédié  ce  temple  à  Jupiter  Ultor;  mais  la  source  de  Bodin  est  Dion,  53,  27. 

<;  Le  texte  de  D  Beatse  Marias  consecratum.  qu'a  aussi  traduit  B,  est  le  seul  conforme  au  bon 
sens,  et  à  l'histoire.  Boniface  IV,  ayant  reçu  de  l'empereur  Pbocas  le  Panthéon  d'Agrippa,  le 
consacra  à  Marie,  608,  Paul  Diacre,  De  gestis  Longobardorum,  4,  37.  Je  m'explique  l'erreur  des 
autres  mss.  divis  omnibus  consecratum,  par  l'insertion  fautive  de  ces  mots,  d'abord  glose  mar- 
ginale explicative  du  grec  Panthéon,  après  a  Pont.  Maximo.  Ainsi  B  fait  entrer  dans  son  texte 
la  glose  Vulgo  lemplum  V.  Marias  Rotundae. 

(D)  Faux  sens.  Le  sic  du  latin  n'a  d'autre  sens  que  d'annoncer  la  prop.  infinitive  qui  suit,  et  ne 
doit  pas  être  traduit.  MD  Sic  enim  veteres  Mi  statuebanl,  mundum  hune  Deorum  plenissimum 
esse. 

(E)  Voulant  dire  de  Dieu  est  une  glose  de  B,  mais  qui  reste  bien  dans  l'esprit  du  texte.  Tout  ce 
passage  est  tiré  d'Aug.,  De  civil.  Dei,  4,9  :  «  Omnia  plena  Jovis.  Hune  Varro  crédit  eliam  ab  bis 
»  coli,  qui  unum  Deum  solum  sine  simulacro  colunt,  sed  alio  nomine  nuncupari  ».  Et  le  c.  11 
s'intitule  :  «  De  multis  diis,  quos  doclores  Paganornm  unum  eumdem  Jovem  esse  del'endunt  ». 

(F)  «  Car  ayant  regardé  eu  passant  les  statues  de  vos  dieux,  j'ai  trouvé  même  un  aulel,  sur  le- 
»  quel  il  est  écrit  :  Au  dieu  inconnu  ».  Act.,  17,  23.  Cf.  Pausanias,  1,1,4. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  43 

de  sa  gloire.  Cest  pourquoy  Seneque  (4)  voulant  en  rendre  raison  a  soy  mesme 
pour  exprimer  ce  que  cest  que  Dieu  :  tout  ce  qui  se  veoit  dict  il  et  ce  qui  ne 
se  voit  pas.  Et  Pline  (A)  appelle  l'estendue  de  cet  vniuers  vne  diuinité  éternelle. 
Et  quand  ces  anciens  ont  donné  des  temples  aux  vertus  asçauoir  a  la  Iustice  (5), 
a  la  Force  (6),  a  la  Paix  (7),  a  l'Espérance  (8),  a  la  Foy  (9),  a  la  Pudicité  1  , 
a  la  Concorde  (2),  au  Salut  (3),  a  la  Pieté  (4),  a  l'Honneur  (5),  a  la  Vérité  (6), 
a  la  Prouidence  7),  a  l'Esprit  (8),  a  la  Clémence  (9),  a  la  Miséricorde  (1),  a  la 
Félicité  (2),  a  la  Liberté  (b)  (3),  a  la  Renommée  (4)  et  a  l'Eternité,  iestime  que 
ce  na  point  esté  pour  autre  subiect  qu'a  fin  de  proposer  aux  bommes  les  vertus 
de  Dieu  pour  les  mettre  en  pratique  225]  et  pour  leur  donner  horreur  des 
vices. 

(4)  Lib.  1  qua?stionum  naturalium  (B). —  (5)  Pollux  in  voce  Buaj;  Ghry- 
sippus  in  lib.  7cepi  xâXXouç  (C). —  (6)  Plutarcb.  in  qusestion.  (D). —  (7)  Plinius; 
Seneca  ;  Dio  ;  Plutarcbus  in  ïimone(E).  — (8)  Liuius,  lib.  1  et  4  ex  3.  de- 
cad.  (F).  —  (9)  Plin.,  lib.  35;  Cicero  de  officiis  (G). — (1)  Festus  in  verbo  pu- 
dicit.  (H).  —  (2)  August.,  lib.  3  de  Ciuit.  Dei  (I).  -  3  Liuius,  lib.  10  (J).  - 
(4)  Plin.,  lib.  7,  c.  36. —  (5)  Plutarcb.,  in  quœstion.  —  (K).  (6)  Plutarch.  ibi- 
dem (L).  —  (7)  Cicero,  lib.  2  de  Natura  deorum  (M).  —  (8)  Ouid.  in  Fastis  (N). 
—  (9)  Plutarch.  in  Cœsare  (O).  —  (1)  Pausanias  in  Atticis  (P).  —  (2)  Plin., 
lib.  35  (Q).  —  (3)  Dio  lib.  43  (R).  —  (4)  Pausanias  in  Atticis  (S). 


[b)  X  Liberalitati.  MD  Liberlali.  fi  der  Freiheil. 

(A)  H.  nalur.,  2,  1,  1. 

(B)  Préface,  ad  Lucilium. 

(C)  Des  références  qui  suivent,  celles  dont  je  ne  dis  rien  ont  élé  vérifiées  et  trouvées  exactes, 
par  ex.  Pollux.  Quant  à  Chrysippe,  s'il  s'agit  du  philosophe  et  grammairien  cilé  par  Varron, 
Cicéron,  elc,  nous  n'avons  rien  gardé  de  lui,  et  Bodin  va  chercher  son  nom  dans  un  ouvrage 
d'un  autre  auteur,  qu'il  est  bien  difficile  de  retrouver. 

(Dj  Les  demandes  des  choses  romaines,  74  (Irad.  Amyot,  Nie.  Buon,  Paris,  1006,  2  vol.  in-4°, 
t.  2,  p.  228).  Cf.  De  la  fortune  des  Romains,  2  (t.  1,  p.  636).  Forliludo  =  la  Valeur. 

(E)  Corrigez  d'après  MDAT  :  Pline  (36,  4,  15);  Suétone  {]'espasien,  9  :  Dion  (54  ad  fin.); 
Plut.,  Cimon  (13). 

(F)  Exact.  Tile-Live  nous  parle  de  la  déesse  Spes  21,  62  et  24,  47. 

(G)  Pline,  35,  100,  nous  décrit  un  tableau  qu'on  voyait  au  temple  de  Fides.  Cic,  de  Officiis, 
3,  29,  104. 

(H)  Festus,  14  :  «  Plebeiœ  Pudicitise  sacellum  Homnp  ut  sacra  cetera  colebatur  ». 

(I)  De  civ.  Dei,  3,  25.  Cf.  Dio,  55;  Cic,  De  nat.  deor.,  2,  23,  elc. 

(J)  Bubulcus  dédie  le  temple  de  S;dus.  Liv.,  10,  1,  qu'il  avait  promis  étant  consul,  9,  43. 

(K)  Les  demandes  des  choses  romaines,  13  (t.  2,  p.  209  . 

(L)  Ibid.,  12  (t.  2,  p.  209)  :  «  Les  Romains  estiment  Saturne  père  de  la  Vérité  ». 

(M)  De  nat.  deor.,  2,  22.  Cf.  1,  8  et  3.  39. 

(N)  Fast.,  6,  241. 

(O)  César,  57. 

(P)  Pausanias,  1,  17,  1. 

(Q)  Lucullus  place  dans  le  Forum  de  C^sar  une  statue  de  la  Félicité  par  Arcésilas.  35,  156.  Cf. 
34,  69  et  36,  39. 

(R    On  élève  par  décret  un  temple  à  la  Liberté,  Dion,  43,  44.  Cf.  38,  17  et  58,  12. 

(S)  Pausanias,  1,  17,  1. — Dans  tout  le  développement  qui  s'achève  ici,  'Senamy  démarque 
purement  et  simplement  Cic,  De  natura  deorum,  2,  23  28,  qui  par  la  bouche  du  stoïcien  Ralbus, 
explique  que  les  différents  dieux  sont  seulement  des  attributs  divinisés  du  Dieu  seul  et  unique, 
Jupiter. 


44  JEAN    BODIN 

Curce.  —  Cella  est  dict  auec  esprit,  Senamy,  mais  pourquoy  donc  ont  ils 
aussy  mis  les  vices  (A)  au  rang  des  Dieux?  pourquoy  ont  ils  basti  vn  temple  a 
largent  (5)  ou  aux  richesses?  pourquoy  a  la  gourmandise  (6j  soubs  le  nom 
d'Edusaou  Edulia(c)?  pourquoy  a  l'yurongnerie(7)  soubs  le  nom  de  Potina(d)? 
pourquoy  aux  plaisirs  (8)  soubs  le  nom  de  Volupia?  pourquoi  a  la  lubricité  (9) 
soubs  le  nom  de  Libentina  (e)?  a  Venus  (1)?  a  Priape  (/')?  si  ce  nest  a  fin  de 
s'abandonner  plus  facilement  dans  les  dissolutions  eslimans  que  tels  dieux 
leur  estoient  fauorables  pour  cella?  J'obmets  la  fiebure  (2),  la  déesse  des 
larcins  (4)  quils  appelloient  Lauerna  (g),  le  Ris  (5),  la  Luxure  (6)  ou  Profusion, 
l'Impudence  (7),  la  mauuaise  odeur  qu'ils  appelloient  Mephitis  (h),  comme 

(o)  Augustin.,  Mb.  6  de  Ciuil.  Dei  (B).  —  (6)  Augustin  ,  ibid.  (C).  — 
(7)  Donatus  in  Phormion.  (D).  —  (8)  Varro  et  Macrob.  in  Snturnalibus  (E).  — 
(9)  Arnobius  contra  gentes  (F).  —  (1)  Plutarch.  in  Solone  (G).  —  (2)  Ciceronis 
de  Natura  Deorum  (H).  —  (3)  Festus  in  voce  Furina  (I).  —  (A)  Festus  in  Lau- 
erna furum  (J). — (5)  Apuleius  in  Asino  (K). —  (6)  Plaut.  in  Trinummo  (L).  — 
(7)  Tacit.,  lib.  19  (M). 


(c)  DTENEdusae  vel  Eduliœ.  M  Edeusse  vel  Eduliœ.  —  >.d)  MU  Potinse.  N  Polanae.  —  (e)  MDP 
Libentinae.  G  Libenliniae,  barbare.  N Libertinse  ('?).  —  (f)  MDTA  rapporlenl  la  noie  2  à  Priopo 
et  à  Febrim  (oui  ensemble.  —  (g)  ND  Lavernam.  M  Laver  num,  inadvertance.  —  [h)  S  Mem- 
phitim  (?).  MUT  Mephilim. 

(A)  MD  vitia  superïora,  =  les  vices  capitaux.  —  Cette  longue  énuméralion  des  faux  dieux  de 
Rome  a  de  multiples  sources  dans  divers  ouvrages  que  Bodin  pratiquait  beaucoup,  et  entre 
lesquels  il  n'y  a  pas  lieu  de  choisir.  Je  viens  de  nommer  le  De  natura  deorum,  2,  où  Balbus 
énumcre  lui  aussi  une  foule  de  vertus  divinisées.  Mais  voici  Jean  Wier,  De  l'imposture  des 
diables,  1,  4  et  5,  Lrad.  Grévin,  pp.  6  sqq.  (cf.  infru,  p.  254  note),  qui,  dans  un  but  tout  différent, 
celui  d'établir  qu'ils  sont  des  démons,  dénombre  les  dieux  antiques,  avec  des  références  utilisées 
par  Bodin;  voici  S.  Augustin,  De  civ.  Dei,  4,  10  et  11,  qui  raille  celte  foule  de  dieux  latins  qui 
président  aux  moindres  acles  de  la  vie,  Potina,  Educa,  Volupia,  que  Bodin  nomme  aussi;  voici 
enfin  Clément  Bomain  (cf.  infra,  p.  485  note)  qui  se  plaint  que  les  anciens  aient  mis  les  vices  au 
rang  des  Dieux,  Récognitions,  p.  279  a.  Citons  encore  Pline,  H.  nat  ,  2,  5.  Tous  ces  souvenirs, 
qui  plus,  qui  moins,  doivent  flotter  dans  l'esprit  de  Bodin. 

(B)  Bectifiez  :  De  civ   Dei,  4,  21. 

(C)  Educa,  dans  Aug.,  De  civ.  Dei,  4,  11. 

(D)  In  Phormionem,  1,  1,  15.  Cf.  Aug.,  o.  c  ,  4,  11. 

iE)  Varron,  De  lingua  latina,  4,  8  et  Macrobe,  Sat.,  1,  10. 

(F)  4,  9.  Cf.  Aug.,  o.  c,  4,  8  et  Varron,  /..  L.,  5,  6. 

(G)  Plut.,  Solon,  1,  nous  montre  Pisistrate  élevant  un  temple  à  Vénus.  Cic,  De  nat.  deor.,  2, 
23,  parle  nommément  de  Vénus  Lubenlina. 

(H)  Cic.  nous  parle  du  temple,  De  nat,  deor.,  3,  25,  et  de  l'aulel  antique,  Leg.,  2,  11,  de  laPièvre 
sur  le  mont  Palatin. 

(I)  Celle  note  se  rapporte  à  Furina,  que  R  a  omis,  ce  qui  explique  l'absence  du  chiffre  3  dans 
son  texte.  ■•  Furnalia,  sacra  Furinae,  quam  deam  dicebant  ».  Festus,  6. 

(J)  «  Laverniones  fures  anliqui  dicebant,  quod  sub  tutela  dese  Lavernse  essent,  elc.  ».  Festus,  10. 

(K)  Apulée,  Métum.,  2  ad  fin.  Cf.  Plut.,  Cléomène,  9;  Lycurgue,  25. 

(L)  Prolog.,  8. 

(M)  Evidemment  erroné,  puisque  nul  ouvrage  de  Tacite  n'a  19  livres.  D  seul  corrige  :  Tac, 
lib.  iij,  allongeant  le  troisième  I  en  J  dont  la  queue  explique  l'apparition  du  9  de  19.  Il  s'agit,  je 
pense,  des  Histoires,  3,  33,  où  Tacite  nous  apprend  l'existence,  attestée  aussi  par  Pline,  d'un 
temple  de  Méphilis  à  Crémone.  Si  j'ai  raison,  la  note  7  devra  se  rapporter  à  Mephitis,  et  non  à 
Impudentia,  contre  lous  les  manuscrits. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  45 

àussy  les  Dieux  dans  chacun  endroit  des  maisons  (i)  et  (j)  trois  cens  lupiters 
a  qui  chacun  donnoit  vn  surnom  a  sa  fantaisie.  Sans  comprendre  vne  infinité 
de  Dieux  populaires  (A)  iusques  a  des  Sefpens,  tous  lesquels  tant  de  lun  que 
de  l'autre  sexe  (/•)  M.  Agrippa  voulut  estre  adorés  soubs  vn  mesme  toict. 

Salomon.  —  Il  eust  esté  bien  plus  louable  de  séparer  le  vray  Dieu  de  touttes 
ces  diuinitez  imaginaires  que  de  les  confondre  ensemble  qui  est  vne  horrible 
profanation  (/).  C'est  pourquoy  le  peuple  de  Dieu  ayant  esté  enuoyé  dans  la 
terre  de  promission  comme  dans  vu  bien  (B)  qui  leur  appartenoit  suiuant  la 
volonté  de  Dieu,  il  leur  fut  commandé  de  ruiner  et  mettre  rez  pied  rez  terre 
tous  les  temples  de  ces  faux  Dieux  (m),  leurs  statues  (C),  leurs  autels  et  les 
bocages  mesmes  qui  leur  estoient  consacrés  et  (n)  Dieu  ne  voulut  pas  souffrir 
que  larche  fut  prophanée  par  l'approche  de  la  statue  de  Dagon  dans  le  temple 
duquel  on  l'auoit  mise.  Et  les  [226  prestres  iuifs  (o)  (D)  feurent  spectateurs 
comme  deux  fois  elle  fut  abbattue  (p)  et  brisée  lorsque  larche  eut  esté  posée 
auprès. 

Cuhce.  —  Neantmoins  (E)  &  ceux  cy  et  M.  Agrippa  violoient  le  priuilege  des 
choses  sacrées.  Car  il  estoit  si  peu  permis  de  consacrer  vn  temple  a  deux 
diuinitez  que  M.  Marcellus  en  ayant  faict  construire  vn  a  l'Honneur  &  a  la 
Vertu  les  Pontifes  Romains  {q)  obteinrent  que  les  misteres  des  deux  ne 
feussent  point  confondus  en  sorte  que  par  vne  muraille  le  temple  fut  partagé 
d'vne  façon  touttesfois  que  l'on  r/eust  pas  peu  entrer  dans  le  temple  de  Ihon- 
neur  que  la  porte  de  celluy  de  la  vertu  neust  été  ouuerle  (F)  :  a  plus  forte 
raison  deburoit  on  moins  souffrir  telle  chose  dans  le  culte  que  l'on  rend  a 
Dieu. 

Octale.  —  Il  est  vray  qu'il  y  a  raison  de  détester  la  confusion  des  sacrifices, 
cependant  les  Empereurs  Turcs  et  les  Roys  de  Perse,  de  la  haute  Asie  et  [de] 


(ii  N  prœtermilto  Ueos  omnium  œdium  partibus  ac  locis  constilulos.  MUI'G  omnibus.  PG 
ometleril  ac  locis.  L)lJG  consecralos.  M  consectatos,  inusilé  au  sens  passif.  —  [j)  N praelerea 
Joves  trecenlos.  MD  prœtereo.  —  (k)  N  Deos  Deasque.  MU  Deasve.  —  (l)  ND  sacratissima  (M 
sanclissima)  quœque  profanis  conspurcare.  —  (m)  N  omnium  inanium  et  ficlilium  Deorum 
fana.  PG  omnium  inania,  elc.  MD  omnia  inanium,  elc  —  (?j)  NMUTP  al.  G  ac.  —  (o)  N 
sacerclotes  Palœstinœ  MUPG  Palœslini.  —  (p)  N  bis  dejeclam.  MDPG  disjeclam.  —  (q)  N  lio- 
manorum  ponlifices.  MUPG  romani. 

(A)  Inexact  :  MD  innumerabilium  Deorum  populos,  =  des  mulliludes  de  Dieux  innombrables. 
R  semble  traduire  un  texte  populariurn,  que  je  ne  trouve  dans  aucun  manuscrit. 

(B)  MD  in  lerram  sanctiorem  quasi  in  bonorum  possessionem  missus.  Je  donne  à  ?nissus  un 
double  sens,  littéral  et  juridique,  et  j'entends  :  envoyé  en  terre  promise  comme  si  on  l'envoyait 
en  possession  de  son  bien. 

(C)  «  Tu  n'adoreras  point  leurs  dieux  et  ne  les  seruiras,  ains  les  démoliras  et  briseras  leurs 
»  statues  ».  Exode,  23,  24.  Lapidation  d'Acban,  qui  avait  dérobé  à  la  destruction  quelque  chose 
du  sac  de  Jéricho,  Josué,  1.  Etc.  —  R  traduit  insuffisamment  MD  inanium  et  ficlilium,  épithèles 
homériques  des  idoles  dans  ï'Hept.  Cf.  IV,  p.  252,  et  V,  p.  371. 

(D)  Contre  sens  :  MD  sacerdoies  Palœslini,  —  les  prêtres  l'aleslins  ou  Philistins.  Ce  sont  eux 
qui  trouvent  la  seconde  fois  Dagon  par  terre,  la  lêle  et  les  mains  cassées  (ce  qui  autorise 
MD  disjeclam),  I  liais,  5,  3  sq. 

(E)  Faux  sens  :  MD  profecto,  =  assurément.  B  gewisz.  Curce  explique  la  double  chute  de 
Dagon  par  une  règle  générale.  Mais  l'erreur  de  R  qui  vient  de  traduire  Palœslini  par  Juifs 
entraîne  à  présent  celle-ci. 

(F)  Source  :  Valère-Maxime,  1,  1,  8. 


46  JEAN    BODIN 

LAffrique  selon  la  doctrine  d'Homar  Second,  ambassadeur  du  pape  Homar 
Premier,  chef  des  Ismaélites  (A),  et  de  llothar  (/■)  célèbre  théologien  (B) 
croient  (s)  que  tous  les  hommes  sont  aggreables  a  Dieu  qui  auec  sincérité 
dame  adorent  vne  diuinité  quand  mesmes  ils  ne  sçauroient  pas  quelle  elle 
est  (C),  par  ce  disent  ils  que  la  source  (/)  de  touttes  les  actions  est  dans  la 
volonté  (D)  dont  Dieu  connoist  tousiours  le  fond  &  la  pureté.  Et  de  cette 
opinion  ont  esté  non  seulement  les  théologiens  ismaélites,  mais  (u)  aussy  les 
chrestiens.  Puisque  Thomas  d'Aquin  (8)  raisonne  ainsy  :  Lorsque  la  raison 
qui  se  trompe  vous  ordonne  de  faire  quelque  chose  comme  (u)  si  c'estoit  vn 
commandement  de  Dieu,  alors  c'est  vne  mesme  chose  de  mespriser  ce  que 
voslre  raison  vous  [227]  dicte  et  mespriser  vn  commandement  de  Dieu.  Ce  que 
S1  Augustin  (9)  auoit  desia  dict  auparauant. 

(8)  Secunda  secundse,  q.  19  (Eh  —  (9)  In  libro  retractationum  (F). 


(r)  N  Hellhero.  .1  Hechari.  MDTEPG  Eelhari,  seul  correct.  —  (s)  MDPG  (sic  insliluti  ac  imbuli 
sunt)  ut  arbitrenlur.  N arbitrarentur.  —  U)  NMD  quoniam  rerum  omnium  agendarum  fonlem 
judicant  in  volunlatis  impetu.  PG  indicant,  laule  de  leclure.  —  (u)  N  sed  eliam.  MDPG  verum 
eliam.  —  (v)  NMD  Quando,  inquit,  ratio  errans  statuit  aliquid  ut  praeceplum  Dei.  PG  slatuit 
aliquo'l  praeceplum  Dei  (?). 

(A)  Le  texte  est  constant.  MDN  (B  concorde)  ab  Homaro  11,  Homari  I  pontificis  maximi  in  ter 
Ismaelitas  legato.  Mais  il  est  inadmissible.  11  n'y  a  qu'un  Omar.  On  verra, infra,  p.  342, cet  Omar 
appelé  :  Mahumelis  legalus.  Je  conclus  à  une  très  ancienne  corruption  de  l'archétype,  de  là 
passée  dans  tous  nos  manuscrits.  Et  je  conjecture  :  ab  Homaro,  II.  (=  secundo)  pontifice  maximo 
inter  Ismaelitas,  Mahumelis  legato.  Omar  est  le  successeur  d'Abou-Bekr,  et  le  2e  calife  des 
Musulmans.  —  Oclave  nomme  les  rois  de  Perse,  parce  qu'ils  sont  chefs  de  la  secte  chiite,  qui 
souffre  les  images  :  ainsi  il  montre  le  monde  mahomélan  tout  entier,  sans  distinction  de  secte, 
unanime  dans  ce  sentiment. 

(B)  Elhari-ibim-Esed,  de  Bagdad,  excellent  théologien  qui  llorissail  environ  180  ans  après 
Mahomet,  nous  apprend  Léon  d'Afrique,  De  l'Afrique  (Irad.  Jean  Temporal,  Lyon,  Temporal, 
1556,  réimprimé  à  Paris,  1830,  4  vol.  in-8),  liv.  3,  t.  1,  p.  409.  Bodin  a  lu  Léon  :  cf.  p.  339. 

(C)  Inexact,  et  la  chose  est  grave,  car  Oclave  exprime  ici  une  des  idées  les  plus  belles  de  YHept.  : 
MD  si  pura  menle  suum  quisque  numen  revereatur,  lametsi  qualem  Deum  habere  oporleat, 
penitus  ignoret,  =  lous  ceux  qui  en  loule  pureté  de  cœur  adorent  leur  dieu  à  eux,  malgré  qu'ils 
ignorent  complètement  quel  est  le  bon.  Ces  mots  rappellent  invinciblement  la  Lettre  à  Baulru  : 
«  Nec  le  auferant  varice  de  religionibus  senLenliœ,  modo  illud  habeas  animo  comprehensum,  veram 
»  religionem  aliud  nihil  esse  quam  purgatae  mentis  in  Deum  verum  conversionem  ».  Cf.  ma  thèse, 
Jean  Bodin,  2,  3,  5,  pp.  162  sqq.  —  Tout  ce  que  je  trouve  dans  le  Coran  d'approchant,  c'est  le  : 
«  Point  de  contrainte  en  religion  !  »  2,  257.  (Je  cite,  sauf  indication  contraire,  l'éd.  Kasimirski, 
Paris,  Charpentier,  1852.  J'ai  eu  aussi  en  main  une  Irad.  latine,  accompagnée  de  nombreux 
opuscules  historiques  et  polémiques,  dont  Bodin  s'est  beaucoup  servi  :  Machumelis  Saracenorum 
principis  Doctrina  ac  i/ise  Alchoran,  opéra  Theod.  Bibliandri,  ecclesia?  Tigurinae  minislri,  s.  I., 
Jean  de  Bourdigalle,  1550  3  tomes  en  1  vol.  in-4°). 

(D)  Insuffisant.  MD  in  volunlatis  impetu  ac  mente  ipsa.  Entendez  d'ailleurs  Rvolonlé  au  sens 
latin  de  :  intention,  disposition  intime. 

(E)  «  Quando  ratio  errans  ponit  aliquid  ut  prœceptum  Dei,  lune  idem  est  conlemnere  diclamen 
»  ralionis  et  Dei  praeceplum  ».  Summ.  theol.,  prima  secundee,  q.  19,  art.  5.  Le  texte  de  S.  Thomas 
autorise  d'ailleurs  MD. 

(F)  Retract.,  1,  15,  2  (Migne,  t.  1,  col.  609),  où  Aug.  discute  le  verset  :  «  Car  je  ne  fais  pas  le 
»  bien  que  je  veux,  mais  je  fais  le  mal  que  je  ne  veux  pas  »,  Paul,  ad  Rom.,  1,  19.  Cf.  Aug.  : 
«  Non  esse  peccalum  nisi  libero  arbilrio  ».  De  actis  cum  Felice  Manichœo,  2,  4  (Migne,  t.  8, 
col.  538).  «  A  libero  arbilrio  peccalum  ».  De  vera  religione,  14  (Migne,  t.  3,  col.  133).  —  Cette 
idée,  que  la  faute  est  dans  l'intention,  est  un  des  lieux  communs  les  plus  chers  à  Bodin,  et  s'accom- 
pagne presque  toujours  de  ces  deux  mêmes  références,  S.  Thomas  et  S.  Augustin.  Cf.  infra, 
pp.  565  et  588.  Démon.,  4,  5,  p.  517  et  Réf.  de  Wier,  p.  592;  Rép.,  VI,  6,  p.  726,  etc. 


DES  SECRETS  GACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  4.7 

Cuhce.  —  0 11  y  ie  demeure  daccord  (.r)  que  la  puissance  de  la  volonté  est  si 
grande  (A)  pour  discerner  les  actions  des  hommes  (j/  que  celluy  qui  tue 
quelqu'vn  contre  son  intention  demeure  innocent  du  meurtre  (s)  et  que  celluy 
qui  est  forcé  (B)  par  cette  mesme  volonté  a)  de  tuer  vn  autre  [et]  cependant 
le  manque,  ne  laisse  pas  a  mon  aduis  destre  tenu  pour  meurtrier  (I  )  :  Iuge- 
rons  nous  pour  cella  droictes  touttes  les  actions  qui  procèdent  d'vne  volonté 
droicle  et  sincère?  certainement  non,  il  y  auroit  trop  de  confusion  de  pieté 
auec  l'impiété. 

Senamy.  —  A  votre  aduis  Sceuola  qui  ne  tua  qu'vn  de  la  suitte  du  roy  Por- 
senna  voulant  le  tuer  luy  mesme  uestoit  il  pas  aussy  coulpable  que  (b)  sil 
neust  pas  manqué  son  coup? 

Clrci;.  —  Personne  nen  double. 

Senamy.  —  Qui  est  celluy  donc  qui  pourra  mettre  en  doubte  que  si  Sceuola 
de  bonne  foy  eust  rendu  les  honneurs  a  ce  suiuant  qui  nestoient  deubz  qu'au 
Roy  (C)  [il]  n'eust  pas  mérité  les  mesmes  recompenses  que  s'il  les  eust  rendu 
au  Roy  mesme  (c)  ? 

Cuhce.  —  Cella  est  ainsy  pourueu  qu'il  eust  avec  justice  peu  excuser  la 
mesprise. 

(1)  Lege  Cornelia  de  sicariis  §  Diuus.  Lege  de  pcenis  §  Aut  facta  (D). 


(x)  NM  Assenlior.  PGD  Assentimus.  —  {y)  NMD  tuntam  esse  vim  in  ipsa  volunlale  ad  homi- 
num  actiones  (PG  voluntales,  négligence)  dijudicandas.  —  (z)  Nul  qui,  quem  nollet,  occidil, 
sit  illius  (MPG  Me.  U  Mae,  faute  d'attention)  casdis  innocens.  —  (a)  MDTPG  et  qui,  quem 
conatus  eral  (N  esl),  occidere  non  rotuit.  —  '6)  ND  proînde  teueri  ac  si.  M  perinde  leneri 
ut  si.  —  (c)  N  seul  Idem  si  quis  facial  erga  Dei  legalos  ac  nuncios,  ut  quos  crealori  debuit 
(?).  Interpolation  évidente  des  premiers  mots  que  va  prononcer  Senamus,  amenée  par  la  simili- 
tude de  habuisset  elexhibuisset,  de  idem  et  quidem. 

(A)  Obscur.  MD  tantam  vim  in  ipsa  voluntale,  =  que  l'intention  a  une  telle  importance  pour 
l'évaluation  des  actes. 

(B)  MD  qui,  quem  conatus erat,  occidere  non  poluil.  B  der  welclier  zu  lodlen  beabsichligte. 
L'exemple  de  Scévola,  qui  suit,  autorise  conatus.  R  semble  traduire  coadus,  et  devient  inintel- 
ligible. 

(<J)  MU  si  regios  honores  bona  fide  legato  quasi  régi  et  quidem  eo  speclanle  adhibuisset.  R 
omet  et  quidem  eo  speclanle,  =  sous  les  yeux,  au  nez  du  roi,  ce  qui  accentue  l'erreur,  et,  si 
Scévola  avait  élé  conscient,  la  culpabilité. 

(D)  «  Divus  Hadrianus  rescripsit  eum  qui  hominem  occidit,  si  non  occidendi  animo  hoc  admi- 
»  sil,  absolvi  posse  ;  et  qui  hominem  non  occidil,  sed  vulneravit  ut  occidal,  pro  homicida  dam- 
»  nandum  ».  Corpus  juris  civilis  Justinianei,  éd.  Dionys.  Golhofredus,  Colonise  Allobrogum, 
Sleph.  Gamonelus,  1012,  Digesle,  1.  48,  lit.  8  ad  legem  Corneliam  de  Sicariis,  1 , 3,  l.  3,  col.  1482. 
«  Aut  l'acla  puniuntur,  aut  l'urla  caedesque;  aut  dicta,  ut  convicia  et  infid;ij  advocaliones;  aut 
»  scripla,  ut  falsa  el  l'amosi  libelli;  aut  consilia,  ut  conjuraliones  et  latronum  conscientia;  quos- 
»  que  alios  suadendo  jussisse  sceleris  est  inslar  ».  Ibid.,  1.  48,  lit.  19  de  pœnis,  16,  t.  3,  col.  1558. 
Bodin  a  pu  connaître  celle  édition  du  code  Juslinien,  qui  passe  pour  excellente  :  première  édi- 
tion, 1583.  —  Bodin  a  ainsi  une  petite  collection  de  textes  juridiques  touchant  les  idées  morales 
les  plus  générales,  et  qu'il  reproduit  sans  dégoût  à  la  moindre  occasion  :  L'inlention  vaut  le  fait, 
ici,  Rép. ,Vl,  6,  p.  720,  et  Démon.,  Réf.  de  VA'ier,  p.  568;  -  qui  l'ail  son  devoir  ne  mérite  pas 
récompense,  infra,  pp.  229  el  270:  —  la  religion  fait  la  force  des  cités,  infra,  p.  231  et  Rép.,  IV, 
7,  p.  455,  etc.  D'ailleurs,  tout  le  passage  ci-dessus  se  retrouve  épars  de-ci,  de-là,  dans  son  œuvre 
antérieure  :  l'histoire  de  Scévola,  Démon.,  2,  1,  p.  179;  celles  des  sages-femmes  d'Égyple,  qui  va 
suivre,  Démon.,  4,  1,  p.  422. 


48  JEAN    BODIN 

Senamy.  —  De  mesme  en  est  il  de  ce  que  l'on  rend  aux  ambassadeurs  ou 
messagers  de  [228]  Dieu  croiant  le  rendre  a  luy  mesme.  Et  celluy  qui  ne 
rend  qu'aux  seruiteurs  ce  quil  croit  rendre  a  son  Créateur  (d)  quand  il  n'y  a 
point  de  malice  affectée  nest  il  pas  en  mesme  cause  et  ne  mérite  til  pas 
autant  (e)  que  sil  sestoit  addressé  (/")  a  Dieu  mesme  (A)?  Nous  lisons  que  les 
sages  femmes  Egiptiennes  receurent  de  grandes  récompenses  pour  auoir  éludé 
les  cruels  commandemens  de  Pharaon  par  vn  mensonge  officieux,  dautant 
qu'elles  lauoient  faict  par  crainte  de  Dieu  (g).  Et  ce  Dieu  cependant  nestoit 
qu'vn  bœuf  (h)  lequel  les  Iuifs  malgré  la  loy  ne  pouuoient  (i)  pas  oublier. 
Car  Pharaon  leur  ayant  commandé  d'inuocquer  leur  Dieu  a  leur  mode,  Moyse 
luy  repartit  quils  ne  pouuoient  pas  en  équité  (B)  sacrifier  (j)  a  Dieu  dans  vn 
pays  ou  il  estoit  en  abomination  et  quil  y  auroit  danger  pour  eux  que  le  peu- 
ple d'Egipte  (k)  ne  les  assommast  a  coups  de  pierre.  Dieu  (/)  donc  eut  com- 
passion de  ces  matrones  qui  adoroient  vn  bœuf  sous  le  nom  d'Apis  (C). 

Salomon.  —  Autre  chose  est  recompenser  les  bonnes  œuures  et  autre  chose 
excuser  les  péchés  commis  par  ignorance  :  car  celluy  qui  aime  &  adore  le 
vray  Dieu  mérite  (D)  den  estre  recompensé  encores  quil  ne  soit  deub  (m)  aucun 
salaire  a  celluy  qui  fait  son  debuoir  (2).  Mais  (n)  celluy  qui  adore  le  soleil 

(2)  Leg.  1  mandali  (E). 


(d)  MDPG  quosque  creatori  decuit  (N  debuit)  honores,  ad  servos  (S  servum)  ipsius  errore 
non  simulato  detulerit.  —  (e)  Niclem  praemium.  MDPG  eadem  prsemia  mereatur.  —  (f)  MDPG 
(honores)  decrevissel.  N  detulïsset.  —  (,7)  Nl'G  metuerant.  MD  meluerent.  —  (h)  NMPG  Apim 
ôovein.  D  Apium,  barbarisme.  —  (i)  N  poluerant.  MDPG  polerant.  —  (f)  NPG  sacra  fieri.  D 
jusla  sacra.  M  jusla  sacrificia.  —  (k)  N  ab  JEgyptiis.  MDPG  ab  Aigyptia  plèbe.  —  (l)  MD  Deus 
oplimus  maximus.  NPG  Deus.  —  (m)  ND  lametsi  officio  nulla  merces  debetur.  M  debealur.  — 
(n)  NDM  Qui  vero.  PG  omettent  vero. 

(A)  N'hésilons  pas  à  mettre  celle  opinion  de  Senamy  au  compte  de  Bodin  même.  C'est  lui  qui 
nous  y  aulorise  quand  il  refuse  de  condamner  les  néoplatoniciens  (cf.  infra,  VI,  p.  633)  qui 
croyaient  ne  pouvoir  arriver  au  Dieu  unique  que  par  les  dieux  secondaires  qui  procédaient  de 
lui  :  «  Les  Platoniques  et  autres  payens  qui  par  vue  simplicité  de  conscience  et  par  ignorance 
»  adoroient  et  prioient  Iupiler,  Saturnus  et  autres  demy-dieux,  viuans  sainctement,  prians  et 
»  ieusnans...  oui  bien  eslé  idolaslres,  mais  non  pas  sorciers,  ny  ceux  qui  sont  en  pareil  erreur  : 
»  atlendu  qu'ils  pensoyent  faire  chose  aggreable  a  Diea  ».  Démon.,  1,  3,  p.  91.  Cf.  2,  1,  p.  162. 

(B)  En  équité  répond  à  un  adv.  juste  qu'aucun  ms.  ne  nous  donne.  MD  jusla,  des  sacrifices 
conformes  aux  rites.  Cf.  Exod.,  8,  26  :  «  Moïse  répondit  :  Cela  ne  se  peut  faire  :  car  nous  sacri- 
»  lierons  au  Seigneur  noire  Dieu  des  animaux  [les  bœufs]  dont  la  mort  paraîtrait  une  abomination 
»  aux  Égyptiens.  Si  nous  tuons  devant  les  Égyptiens  ce  qu'ils  adorenl,  ils  nous  lapideront  ».  Ce 
n'est  donc  pas  Dieu,  mais  le  sacrifice  hébreu  qui  est  en  horreur  aux  Egyptiens  :  pourtant  le  texte 
(et  B  le  corrobore)  est  constant  :  MDN  non  posse  illic  sacra  fieri  Deo,  que  m  Mgyptii  exsecra- 
banlur.  Je  conjecture  quœ  à  la  place  de  quem. 

(C)  Pharaon  ordonne  aux  sages-femmes  d'Egypte  de  tuer  tous  les  nouveau-nés  Hébreux 
mâles;  elles  rusent  et  les  sauvent;  Dieu  tes  récompense,  Exode,  1,  15  sqq.  Et  cependant,  ajoute 
Senamy,  l'acte  de  piélé  par  elles  accompli  s'adressait  dans  leur  pensée  au  faux  dieu  Apis.  Voilà 
l'idée  exprimée  par  Bodin;  mais,  à  sa  mode,  il  la  rend  obscure,  à  force  de  décousu  et  d'abus  de 
l'érudition.  11  apporte  deux  preuves,  si  peu  utiles  !  —  que  les  Égyptiens  adoraient  bien  un  bœuf. 
1°  C'est  si  vrai  que  les  Hébreux,  même  quand  Moïse  eut  proclamé  la  loi,  ne  pouvaient  oublier 
leurs  anciennes  habitudes  :  allusion  au  veau  d'or.  Cf.  infra,  p.  272.  2°  Moïse  n'ose  pas  sacrifier 
en  Egyple  de  bœufs  au  Seigneur,  de  peur  d'être  tué  par  les  indigènes  adorateurs  d'Apis. 

(D)  MD  huic  prsemia  tribuuntur,  =  il  en  est  effectivement  récompensé. 

(E)  «  Mandatum  nisi  graluilum  nullum  est.  Nam  originem  ex  officio  alque  amicilia  trahit. 
»  Contrarium  ergo  est  officio  merces.  Intervenienle  enim  pecunia,  res  ad  locationem  et  conduc- 
»  tionem  potius  respicit  ».  Digeste,  I.  18,  tit.  1,  4  (t.  1,  col.  1628).  Cf.  p.  227  noie. 


DES  SECRETS  CACHEZ  HKS  CHOSES  SUBLIMES  'i!l 

estant  conduict  par  vne  iuste  erreur  (s'il  peut  (o)  y  en  auoir  de  iuste)  est  (p) 
en  tel  estât  que  non  seulement  il  mérite  qu'on  l'excuse  mais  il  est  encore 
digne  de  quelque  recompense  parce  qu'entiers  Dieu  la  volonlé  suffit  pour 
estre  recompensé  de  ce  que  vous  auez  voulu  présenter  encores  que  cette 
volonté  n'ait  pas  son  effect.  Dieu  (q)  donc  [229]  recompense  l'intention 
droicte  (A.)  :  ce  n'est  pas  pour  cella  que  Ion  puisse  dire  (V)  que  celluy  la  faict 
bien  qui  adore  vne  idole  parce  que  le  culte  des  Gentils  est  (s)  vne  impieté 
enuers  Dieu,  comme  dict  le  sage  (3)  :  aussy  les  Ismaélites  ou  Mahometans  qui 
reçoiuent  et  souffrent  loutles  sortes  de  religions  dans  leurs  villes  dans  des 
temples  séparés  (/)  ne  quittent  pas  pour  cella  la  leur.  Et  personne  (u)  sans 
impieté  ne  peut  suiure  et  l'aire  profession  de  plusieurs  religions  différentes  (B). 
Senamy.  —  Alexandre  Senere  passe  pour  vu  très  grand  empereur  et  très 
religieux,  cependant  il  auoitdans  son  oratoire  les  images  d'Abraham,  d'Orphée, 
d'Hercules  &  du  Christ  qu'il  adoroit  comme  ses  dieux  domestiques  (C)  &  le 
tout  de  bonne  foy,  puisque  tous  les  historiens  luy  donnent  la  louange  de 
Prince  parfaictement  sincère  et  homme  de  bien.  Or  voyant  que  les  chrestiens, 
les  luifs  &  et  les  payens  ne  se  pouuoient  accorder  pour  leurs  créances  (v),  il 
ayma  mieux  (a?)  les  embrasser  louttes  que  d'en  reietter  vne  (y),  de  crainte  de 
donner  occasion  a  quelqu'vn  de  mespriser  la  Diuinité.  Et  par  ce  moïen  il  fît  si 

(3)  In  Prouerb.  (D). 


(o)  N  si  justus  error  esse  polesl.  MDPG  possit.  —  (p)  JV  esse,  impossible  :  la  phrase  exige 
un  mode  personnel.  MD  esf.  —  [q)  ND  Deus  optimus.  M  Deus  optimus  maximus.  —  (r)  N  dici- 
tur.MD  dicelur. —  (s)  N  quoniam  }  de  Las  gentium  non  impietas  erga  Deum.  MDPGB  Leyser 
suppriment  non.  —  [t)  N  dislinctis  (emplis.  MD  discretis.  —  (u)  NMD  Nec  sine  impietate 
quisquam  (potest,  elc).  PG  omettent  fautivement  quisquam.  —  (o)  N  curh  perciperet.  MD 
perspiceret.  —  [x)  D  seul  omet  maluit.  Inattention.  —  (y)  DMPG  quum  ullam  repudians  ad 
numinis  conlemplum  quemquam  exciture  N  omet  ullam,  nécessaire. 

(A)  H  omet  MD  ac  numinis  melum,  =  et  la  crainte  de  sa  volonlé. 

(B)  La  pensée  de  Salomon  peut  sembler  embarrassée,  mais  elle  s'éclaire  par  comparaison  avec 
d'autres  passages  :  Les  choses  ne  sont  pas  si  simples  que  les  voit  Senamy.  Et  d'abord  Dieu  ne 
nous  doit  jamais  aucune  récompense  (digression  :  l'idée  est  développée  inf'ra,  VI,  p.  612).  Qui 
adore  sincèrement  un  faux  Dieu  est  récompensé  de  sa  bonne  intention,  mais  il  ne  s'ensuit  pas 
que  son  action  soit  bonne.  Et  ainsi  le  flottement  indifférent  de  Senamy  entre  toutes  les  religions 
est  une  position  d'esprit  insoutenable.  Je  ne  serais  pas  étonné  que  Salomon  exprimât  ici  la  con- 
viction profonde  de  Bodin  :  loi  personnelle  décidée,  qui  n'empêche  pas  la  tolérance.  En  tous  cas 
Salomon,  si  éloigné  de  Senamy,  tombe  d'accord  avec  lui  sur  celte  question  capitale,  que  toute 
religion  sincère,  même  fausse,  atteint  le  vrai  Dieu.  Au  texte  cité  p.  226  noie,  ajoutez  : 
Démon  ,  1,  7,  p.  157  et  2,  3,  p.  195.  Ne  sent-on  pas  là  une  parenté  élroile  enlre  la  pensée  de 
Bodin  et  celle  d'Erasme,  que  condamnait  sur  la  proposition  de  Noël  Béda  la  Faculté  de  Paris, 
15  déc.  1527?  «  Quand  Erasme  avait  énoncé  celle  proposilion  :  Celui  qui  pratique  une  fausse 
»  religion  est  plus  rapproché  de  la  vraie  que  celui  qui  ne  croit  pas  en  Dieu,  n'était-ce  pas  l'ex- 
»  pression  prudente  de  la  pensée  fondamentale  du  rationalisme  formulée  par  Bayle  deux  siècles 
»  plus  lard  :  Tout  homme  qui  use  honnêtement  de  sa  raison  est  orthodoxe  à  l'égard  de  Dieu?  » 
Feugère,  Erasme,  Paris,  Hachelle,  1874,  p.  308. 

(G)  Source  :  Lampride,  Histoire  Auguste,  Alexandre  Sévère,  28.  Quant  à  l'altitude  intellec- 
tuelle de  Sévère,  avec  son  principal  motif,  la  crainte  du  scandale  et  du  mauvais  exemple,  elle 
est  exactement  celle  de  Senamy  lui-même.  Cf.  Hept.,  V,  p.  371  et  VI,  p.  673. 

(Dj  «  Les  victimes  des  impies  sont  abominables  devant  le  Seigneur  ».  l'rov.,  15,  8.  Ce  verset 
autorise  MD  impietas. 

Chauviré  4 


50  JEAN    BODIN 

bien  que  non  seulement  chacun  en   particulier,  mais  tous  generallement  ves- 
curent  dansl'vnion  (2)  et  dans  vne  extrême  pieté  et  charité  réciproque  (A). 

Curck.  —  On  luy  peut  donner  la  louange  de  bon,  prudent  el  sage  Prince, 
mais  non  pas  de  religieux  ny  plein  de  pieté  sansquoy  touttes  les  autres  vertus 
ne  sont  rien. 

[230]  Si-;namy  (a)  (B).  —  Si  la  vertu  nestoit  rien  sans  la  vraye  religion,  pour- 
quoy  louas  estant  enuoié  de  la  part  de  Dieu  a  Niniue  ne  lui  fut  il  pas  com- 
mandé (b)  dannoncer  la  vraye  religion?  Car  il  ne  leur  defïendit  point  (c)  le 
culte  des  astres  et  des  idoles  pour  ambrasser  (d)  la  loy  de  Dieu,  mais  il  leur 
prédit  la  ruine  prochaine  de  celte  grande  ville  dont  le  Prince  (e)  &  les  magis- 
trats estans  espouuanlez  ils  résolurent  de  faire  pénitence,  des  ieusnes  &  des 
processions.  Et  Dieu  vit,  dict  le  Prophète  (4),  qu'ils  quittèrent  leurs  vices 
&  leur  fit  miséricorde  puisqu'il  ne  les  chaslia  pas  comme  il  auoit  résolu.  Ce 
qui  est  encores  digne  de  remarque  c'est  que  ce  Prince  soubmettant  sa  raison 
a  la  menace  du  Prophète  (C),  Qui  ausera,dict  il,soustenir  que  Pieu  naura  pas 
pitié  de  nous?  Cependant  ils  ne  reconnoissoient  point  d'autre  Dieu  que  Milhra 
et  Banal,  &  neantmoins  ils  ne  laissèrent  pas  d'esprouuer  la  miséricorde  de 
Dieu  qu'ils  sceurent  fléchir. 

Federicu.  —  C'est  a  cause  de  leur  pénitence  &  de  leurs  ieusnes  que  Dieu 
leur  fut  propice  et  non  pas  pour  auoir  adoré  le  soleil. 

Senamy.  —  Si  les  misteres  de  la  religion  des  Gentils  neussent  pas  esté 
aggreables  a  Dieu,  pourquoy  lorsqu'ils  les  negligeoient  se  voioient  ils  affligés 
de  pertes  de  leurs  fruicts,  de  mortalité  parmy  les  bestiaux,  de  pestes,  de 
guerres?  Et,  au  contraire,  pourquoy  (/*)  auons  nous  veu  ceux  qui  ont  eu  vu 
soin  particulier  de  faire  des  sacrifices  aux  Dieux,  cest  a  dire  (g)  qui  ont  adoré 
des  hommes  morts  (D)  ou  des  idoles,  auoir  augmenté  en  biens,  en  honneur, 

(4)  lonas,  cap.  3. 


(z)  MU1PG  sed  elicun  universos  inler  se  el  cum  republica...  conjunxit.  N  omet  et.  — 
(a)  MUTEI'GBN  Oclavius.  M  passe  une  ligne,  puis  se  corrige  en  un  renvoi.  Le  ins.  Nationale 
n.  a.  1.  515  passe  celle  ligne  :  Curlius  continue  à  parler,  el  le  lexle  devient  inintelligible.  Tout 
cela,  avec  /{  Senamy,  marque  une  corruption  ancienne  du  lexle.  —  [h)  MUTE  pervidgare  jussus 
est.  l'G  visus  est.  />'  schien.  N'promulgare  nisus  est.  —  (c)  MD  prohibuil.  N  deserere  jussit.  — 
(d)  DN  amplecli.  M  complecli.  —  (e)  N  principes.  DM  princeps,  le  roi  de  Ninive  {Jouas,  3,  ('•) 
—  (f)  ND  cur  [M  quid)  item.  —  (g)  MD  id  est.  Nl'G  oniellenl  id  est. 

(A)  MD  universos  inler  se  et  cum  republica...  conjunjil,  —  il  fd  régner  l'union  entre  les 
citoyens  et  aussi  entre  les  citoyens  et  l'intérêt  public.  Même  expression,  supra,  p.  219  note. 

(B)  MD  donnent  celle  réplique  à  Octave.  Elle  lui  convient  :  nous  le  verrons  nier,  contre  les 
protestants,  que  les  bonnes  œuvres  n'aient  de  valeur  que  par  la  grâce  de  J.-C,  infra,  p.  559  et 
p.  5G5  note.  11  lui  sied  donc  de  conlesler  que  la  vertu  ne  soit  rien  sans  la  vraie  religion  Mais 
d'autre  part  j'accorde  une  haute  valeur  au  témoignage  de  11  (cl\  Inlrod.,;  de  plus  Senamy, 
indifférent  a  la  l'orme  des  religions,  est,  plus  encore  qu'Octave,  qualifié  pour  soutenir  une  lelle 
théorie;  el  depuis  plusieurs  pages  c'est  lui  seul  qui  mène  la  discussion  contre  Curce  el  Salomon, 
comme  il  va  la  continuer  contre  Federich.  Pourquoi  lui  enlever  la  parole,  pour  la  donner  à 
Octave,  muet  depuis  si  longtemps  ? 

(C)  Contresens.  MD  princéps  edicto  rationem  subjiciens,  =  le  prince  faisant  suivre  son 
ordonnance  d'un  exposé  des  motifs.  En  effet,  le  roi  de  Ninive  ordonne  d'abord  jeûnes  el  péni- 
tences, Jotias,  3,  7-8,  puis  il  les  molive,  3,  9. 

(D)  Des  hommes  morts,  les  héros  divinisés.  Je  ne  crois  pas  que  le  loléranl  Senamy  veuille 
lancer  un  coup  de  griffe  aux  catholiques  el  à  l'adoration  des  saints  (cf.  infra,  p.  308  note). 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  51 

en  victoires  et  auoir  estendu  les  bornes  de  leurs  Empires?  Mesmes  Polybe  (5) 
231  assure  que  l'Empire  romain  (h)  ne  sesl  iamais  accreu  dauantage  que  par 
la  religion.  Ce  que  Ciceron  voulant  confirmer  (i  a  dicl  j  fort  elegament  :  ce 
n'est  point  par  la  force  que  nous  auons  dompté  les  Gaulois  ny  par  le  nombre 
dhommes  les  Espagnols  ny  par  addresse  les  Grecs  ny  par  finesse  les  Cartha- 
ginois ny  par  le  sens  naturel  (k)  les  Italiens,  mais  appuyés  de  la  religion  et  de 
la  crainte  entiers  les  Dieux  (A).  Dou  vient  que  Papinian  le  plus  célèbre  (L)  des 
Iuiisconsulles  die t  (G  que  la  plus  puissante  raison  qu'il  eut  pour  maintenir 
sa  religion  esloit  que  (B)  les  sacrilices  des  Dieux  ayant  cessé  a  la  naissance 
de  la  religion  chrestienne  (/h),  les  villes  et  les  Republiques  par  tout  le  monde 
commencèrent  C  de  souffrir  et  d'estre  affligées  d'vn  nombre  inliny  de 
malheurs.  Et  lustin  raporte  que  les  Grecs  et  les  Latins  ont  mis  de  puissans 
obstacles  a  lestablissement  du  nom  (n)  chrestien  par  leur  mésintelligence  (D)  : 

.".    I.ib.  6  de  militari  ac  domestica  Romana  disciplina  (E).  —  (6)  Leg.  Et  si 
quis  de  religiosis  (F). 


(h)  MDl'G  Romanorum  (N  Romanum)  imperium.  —  (i)  N  affirmons.  MU  confirmons.  — 
(j)  l'G  omettent  inquil.  —  [k)  Ml)  sensu  nalivo,  correct  :  cf.  Cicéron.  N  naturali.  — 
(l)  MUTEl'G  decus  [N  Deus)  jurisconsullorum.  I!  die  Zierde.  —  (m)  NI'G  exoriente  religione 
Christiana  (G  Chrislianorum),  civilales  ac  respitblicas  loto  lerrarum  orbe  ingentibus  cala- 
milatibus  confliclari  cœperunt.  MD  civilales  ac  respublicse,  nécessaire  :  sujet  de  cœperunt. 
—  [n)  MD  ut  Grœcos  et  Lalinos  acerbissimis  querelis  {N  acerbissimas  querelas)  no  mini  N 
numini  [?])  christiano  objecisse  scribit  (.Y  scribal)  .luslinus. 

(A)  Gic,  De  haruspicum  responsis,  9. 

^B)  Contresens.  MD  Quid  Papinianus,  decus  jurisconsullorum  :  Summa  ratio  est,  inquil, 
quas  pro  religione  facit.  Quœ  deorum  sacra  cum  fieri  tlesiissent,  etc.  =  Voyez  encore  le  mol  de 
Papinien.  Et  (dernière  preuve),  quand  cessèrent  ces  sacrifices  aux  faux  dieux,  le  monde  en  pâlit. 
Il  n'a  pas  ponctué  après  facit,  et  tombe  dans  des  erreurs  inextricables. 

(C)  MD  confliclari  cœperunt.  La  grammaire  voudrait  cœplœ  sunt  ;  el  Bodin  le  sait  bien,  qui 
écrit  :  «  uljam  apud  Halos  tieri  cœptum  est  »,  Oratio  de  inslituenda  iuuentule,  155'J,  fol.  43  v°. 
Mais  dans  ÏHept.,  il  a  constamment  employé  cœpit  après  l'infin.  passif.  «  Confliclari  cœpil  », 
infra,  p.  236;  cf.  pp.  46'J  et  530. 

(D)  Faux  sens.  MD  acerbissimis  querelii  nomini  christiano  objecisse,  =  ont  fait  entendre 
de  vives  plaintes  contre  le  nom  chrélien.  Cf.  B  :  die  biltersten  Klagen  gegen  das  Chrislenlhum 
erhoben  haben.  Justin  Martyr  (lre  éd.  :  R.  Eslienne,  Paris,  typis  regiis,  1551;  Irad.  latines  de 
Joachim  Perionius,  Paris,  J.  Dupuys,  1554;  de  Sigismond  Gelenius,  Bâte,  Froben,  1555,  que  j'ai 
vue;  de  J.  Langus  Silesius,  Bâle,  1565,  etc.)  proleste  contre  les  infamies,  cannibalisme,  luxures 
bestiales,  qu'on  imputait  aux  chrétiens,  en  les  accusant  d'allumer  ainsi  la  colère  des  Dieux,  Apo- 
logia  ad  Antoninum  l'ium,  1,  26.  De  même  Aug.  ouvre  le  De  civ.  Dei  en  montrant  que  le 
christianisme  n'est  eu  rien  la  cause  du  sas  de  Rome  par  Alaric,  et  qu'il  est  faux  que  les  chré- 
tiens, par  leur  impiété,  portent  malheur  au  monde  romain.  On  voit  aussi  les  Pères  très  préoccu- 
pés de  combattre  une  idée  voisine  :  à  savoir  que  la  religion  païenne  a  fait  la  grandeur  de  Rome. 
Cf.  Aug.,  o,  c  1.  3  tout  enlier  ;  Tert.,  Apol.,  25. 

(E)  «  Mais  ce  qui  a  le  plus  contribué  aux  progrès  de  la  Rép.  romaine,  c'est  l'opinion  que  l'on 
»  y  a  des  dieux;  el  la  superstition  qui  est  blâmée  chez  d'autres  peuples  est  à  mon  sens  tout  ce 
»  qui  la  soutient...  S'il  était  possible  qu'un  État  ne  fût  composé  que  de  gens  sages,  peut-être  que 
»  celte  institution  n'eùl  pas  été  nécessaire.  Mais  comme  le  peuple  n'a  nulle  consistance,  etc.,  il 
»  a  fallu  le  retenir  par  tout  cet  attirail  de  Actions  effrayantes  ».  Polybe,  6,  9.  Ce  passage  avait 
vivement  frappé  Bodin;  cf.  Rép.,  préface,  p   3. 

(F)  De  deux  copropriétaires,  l'un  veut  enterrer  un  mort  dans  leur  commun  bien,  l'autre  s'y 
oppose.  Le  premier  l'emporte  :  «  Nain  propler  publicam  ulililatem,  ne  insepulta  cadavera  jace- 
»  renl,  strictam  ralionem  insuper  habemus,  qua>  nonnunquam  in  ambiguis  religionum  queestio- 


o2  JEAN    BODIN 

pour  les  (A)  sauuer  duquel  reproche  on  croit  que  S.  Augustin  s'aduisa  de 
composer  ses  liures  de  la  cité  de  Dieu  afin  de  garantir  les  clirestiens  de  l'in- 
iure  (o)  qu'on  leur  faisoit  a  tort  ou  auec  raison  en  les  accusant  de  mespriser 
généralement  tous  les  Dieux. 

Salomon".  —  Ce  fut  la  dispute  (B)  des  Israélites  soubs  la  conduicte  de  Iero- 
boam  qui  leurauoit  faict  oublier  Dieu  pour  adorer  le  soleil  et  les  astres  (Oj. 
Depuis  que  nous  auons  cessé  de  leur  offrir  des  sacrifices,  disoient  ils,  tout 
bonheur  nous  a  abandonnés  et  nous  nauons  souffert  [232]  que  desastres  et 
calamités  (C).  Et  ce  qui  est  extrêmement  remarquable  cest  que  tous  ceux  qui 
ont  pillé  les  temples  de  Dieu  ont  tous  pery  misérablement  (7).  Car  non  seule- 
ment (p)  Flaccus,  Antiochus  le  noble,  Menelaus,  M.  Crassus,  Ilerode  &  Gabi- 
nius  qui  ont  enleué  (q)  les  trésors  du  temple  de  Ilieruzalem,  mais  aussi 
Q.  Capio  consul,  Brennus,  les  sacrilèges  Phocens.'S,  Achas  (D)  et  (r)  tous  les 
autres  qui  ont  destruict  les  temples  des  démons  ont  tous  finy  par  des  euene- 

(6)  Hyerem.,  cap.  7.  —  (7)  Iosué  c.  7.  lustin  Historicus.  Strabo.  Cicero  pro 
Flacco  (E). 


(o)  N  a  gravi  Ma  contumelia.  MD  ab  is la  gravi  conlumelia.  —  (p)  MD  neque  enim  solum 
{N  solus,  impossible  :  il  y  a  plusieurs  personnages).  PG  omellenl  neque  enim  solum.  —  (q)  N 
expilaverat,  incorrect.  MD  expilarunt.  —  (r)  ND  cœlerique.  M  omet  que  :  inadvertance. 

»  nibus  omitli  solet.  Nam  summam  esse  ralionem  quae  pro  religione  facit  ».  Digeste,  1.  11,  lit.  7, 
43,  Réponse  de  Papinien  (L.  1,  col.  1230).  Vola  encore  une  de  ces  formules  juridiques  dont  Bodin 
aime  émailler  ses  discussions.  Cf.  Rép.,  IV,  7,  p.  455. 

(A)  Les  chrétiens  :  syllepse. 

(B)  MD  querela,  =  la  plainte. 

(C)  Salomon  explique  que  même  Israël,  tombé  avec  Jéroboam  dans  l'idolâtrie,  souffre  des  cala- 
mités, dès  qu'il  se  relâche  de  son  culte,  fût-ce  des  faux  dieux.  Jérémie,  7,  se  plaint  de  l'idolâtrie 
où  est  lomhé  Israël.  Quanl  à  lu  citation  si  intéressante  qui  suit,  Bodin  n'en  donne  pas  la  réfé- 
rence, et  j'ai  lu  III  et  IV  Rois,  II  Parai.,  sans  la  Irouver;  comme  elle  n'est  pas  littérale,  les  Con- 
cordances ne  peuvent  ici  m'aider. 

(D)  Q.  Servilius  Caepio,  consul,  envoyé  contre  les  Cimbres,  pilla  un  temple  à  Toulouse,  fut 
ballu,  destitué,  et  mourut  en  exil.  Cet  aurum  Tolosanum  était  le  fruit  de  pillages  antérieurs  des 
Gaulois  qui  avaient  dépouillé  les  temples  grecs,  et  il  avait  déjà  valu  une  épidémie  de  peste  aux 
sacrilèges  Tectosages,  Justin,  32,  3.  Qu'il  lui  passé  en  proverbe,  Cic,  De  nat.  deor.,  3,  30,  le 
prouve. —  Brennus  et  les  Phocidiens  avaient  tenté  de  piller  ou  réellement  pillé  le  temple  de  Del- 
phes. —  Achas  avait  dépouillé  le  temple  de  Salomon  pour  orner  l'autel  d'une  idole,  IV  Rois,  16. 

(E)  Josué,  7  (Achau  lapidé  pour  avoir  dérobé  de  ranalhème  de  Jéricho).  —  Antiochus  tué  à 
l'assaul  du  temple  de  Jupiter  d'Elymée,  Justin,  32,  2.  —  Même  récit  dans  Slrabon,  16  (éd.  Is. 
Casaubon,  Paris,  lypis  regii-;,  1620,  in-fol.,  p.  744  U).  —  Cic,  pro  Flacco,  28,  défend  Flaccus  du 
reproche  non  d'avoir  pillé  le  temple,  mais  d'avoir  interdit  l'importation  qu'y  faisaient  de  leur  or 
les  juifs  du  monde  entier.  Mais  pour  moi  —  corruption  ancienne  des  mss.,  ou  négligence  de 
Bodin  :  on  verra  inf'ra,  passim,  qu'il  en  est  très  capable  —  il  faut  lire  :  Philon,  In  Flaccum  seu 
de  Providentiel.  Ce  Flaccus  esl  le  cruel  gouverneur  de  Judée  sous  Caligula,  dont  parle  aussi  Josè- 
phe  et  dont  Philon  conte  les  exactions,  les  cruautés,  la  fin.  Pour  l'autre  Flaccus,  Cic.  ne  parle 
pas  de  sa  mort,  et  je  n'ai  rien  pu  en  savoir.  Une  confusion  s'établit  dans  le  souvenir  de  Bodin  entre 
les  deux  Flaccus,  et  il  cite,  au  petit  bonheur,  Cic,  Pro  Flacco  au  lieu  de  Philon,  in  Flaccum,  sans 
vérifier.  —  A.  Gabinius,  gouverneur  de  Syrie  en  57  av.  J.-C  ,  détrôna  Arislobule  et  se  signala 
par  ses  pilleries.  Accusé  de  concussion  à  son  retour,  il  lui  condamné  malgré  la  défense  de  Cicé- 
ron,  el  péril  misérablement  à  Salone,  en  combattant  les  Illyriens,  46. 


DES  SECRETS  GACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  53 

mens  très  funestes.  Don  les  anciens  vsoient  (s)  en  prouerbe  du  mot  :  Aurum 
Tolosanum,  or  tolosain. 

Salomon.  —  Il  est  très  estroictement  deflendu  par  la  loy  de  Dieu  (8)  de  ne 
rien  emporter  a  peine  de  la  vie  qui  soit  consacré  aux  idoles,  ou  parce  ques- 
tant  consacré  aux  idoles  cest  comme  s'il  esloit  consacré  a  Dieu,  0.1  parce  que 
les  Démons  pour  se  vanger  des  voleurs  qui  leur  ont  pris  quelque  chose  les 
poursuiuent  (t)  et  les  dénoncent  (A),  ou  parce  que  les  larcins  des  idoles  (B) 
sont  cause  (m)  quelquesfois  qu'on  les  adore  (9)  comme  Dieux  pénates  ou 
domestiques.  *■ 

Octaue.  —  Pour  moy  ie  liens  que  celluy  qui  nest  pas  dans  la  vraye  religion 
et  qui  mesprise  les  faulses  diuinitez  quil  prend  pour  vrayes  (u)  est  coulpable 
de  la  dernière  impieté  comme  a  esté  l'Empereur  Caligula  (1)  qui  disoit  des 
iniures  a  l'aureille  de  Iupiter  Stator,  et  demandant  a  baiser  la  figure  de  Vesta 
la  iettoil  par  terre  (x).  Cependant  au  bruit  du  tonnerre  il  ny  auoit  pas  de 
cauerne  assez  creuse  pour  le  cacher. 

Federich.  —  Cest  ce  que  font  tous  les  sorciers  quand  ils  foulent  aux  pieds 
les  hosties  consacrées  auec  les  mots  vsitez  (y)  (C)  ou  quand  ils  les  donnent  a 
manger  aux  crapaux  (z)  ou  bien  quand  ils  percent  auec  des  flesches  des 
images  de  Iesus  Christ  (D) comme  voulans  faire  iniure  a  Dieu  qu'ils  le  croient 

(8)  Deuteron,xap.  7;  Leuitic,  cap.  vltimo;  Iosue,  cap.  7  (E).  —  (9)  Gènes., 
c.  32;  Iudicum  c.  18  (F).  —  (1)  Tranquill.  in  Caligula  (G). 


[s)  N  Inde  aurum  Tolosanum  velerum  proverbio  usurpalum.  MDl'G  proverbio  veteribus  usur- 
pation. —  [t)  N  ubique.  MD  ubi  ubi.  —  [u)  Nvelquia  idolorum  furtum  faciunt  interdumulpro 
IH>s  laribus  colantur,  difficilement,  explicable  MD  furlafiunt  inlerdumut,  etc. —  (v)Neumqui 
et  verum  religionem  et  falsa  numina,  qu;e  }>ro  verts  habeniw;  con/emnit.  MDTEPG  Leyser 
eum  qui  nec  veram  religionem  habel,  et  falsa  numina,  qusepro  veris  habel ,  contemnit.  fi  traduit 
.1//'.  — [x)  Ml)  ad  solum.  N  ad  terram.  —  [y)  I)  hestias  exadoreo  (MEGH  Leyser  exadorea. 
77'  exudorla,  N exadoratas)  verbis  ritualibus  consecralas  [N  omel  consecrulas)  proculcant.  — 
(z)  MDN  aul  rubetas  eo  ci'>o  pascunt.  Leyser  e  cibo  pascuntur  (?) 

A  Faux  sens.  MD  vel  quia  dsemones  ullores  res  suas  a  furibus  ubiubi  vindicant  &  condi- 
cunl,  --—  soil  parce  (jue  les  démons  réclament  et,  revendiquent  leur  propriété  à  leurs  voleurs,  si 
loin  que  ce  soit. 

(Bi  MD  vel  quia  idolorum  farta  fiunt.  Gén.  objectif  :  le  vol  qu'on  fait  des  idoles. 

(G)  De  tous  les  textes,  également  barbares,  des  mss.,  1)  exadoreo  est  le  plus  aisément  expli- 
cable Lisons  ex  adoreo,  =  les  hosties  de  pur  froment.  B  omel  ce  passage.  B  n'a  pas  traduit  ce 
mol,  sans  doule  aussi  embarrassant  dans  son  texte  que  dans  les  nôtres. 

I)  La  Démon,  esl  farcie  de  tels  sacrilèges  :  hoslies  données  aux  crapauds,  2,  8,  p.  295  et  4,  5, 
p.  417;  ou  aux  ânes,  2,  8,  p.  292;  sorciers  qui  tirent  des  flèches  au  crucifix,  2,  8,  p.  303,  ou  lui 
cassenl  les  cuisses,  Réf.  de  Wier,  p.  589. 

E  Dieu  ordonne  l'extermination  totale  des  Ghananéens,  Deul.,  7,  1-5.  Il  indique  le  taux  de 
radial  des  biens  voués,  Levit.,  27    Lapidation  d'Achan,  .losué,  7  (cf.  supra,  p.  232,  note  E). 

1"  Genèse,  32  esl  inexact.  Jacob  el  Bachel,  en  s'enfuyant  de  Mésopotamie,  voient  les  idoles 
de  leur  père  Laban;  Jacob  les  enterre  par  ordre  du  Seigneur,  Genèse,  31,  19  sqq.  et  35,  4.  Les  fds 
de  Dan  ravissent  l'idole  de  Michas  et  s'en  font  un  Dieu,  Juges,  18,  15-31. 

li  Suétone,  Caligula,  22.  L'anecdote  de  Caligula  outrageant  Jupiter  el  Vesla  est  courante 
dans  Bodin  pour  montrer  que»  celuy  n'offense  pas  gueres  moins  qui  fait  quelque  chose  en  despit 
»  d'vne  pierre  ou  autre  maliere  qu'il  pense  eslre  Dieu  que  celuy  qui  blasphème  le  vray  Dieu 
»  éternel  ■>.  Démon.,  Rëhû.  de  XYier,  p.  591.  Cf.  ibid.,  2,  2,  p.  179:  el  Duplessis-Mornay,  o.  c, 
1,15  —  Voyez  aussi  Sénèque,  De  ira,  1,  16. 


54  JEAN    BODIN 

estre  (a),  auxquelles  actions  ils  confessent  auoir  esté  induicts  par  les  démons 
[233]  qui  ne  les  inciteroient  point  a  de  telles  choses  s'ils  ne  sçauoient  point 
que  les  sorciers  croient  que  ces  hosties  sont  des  Dieux  (A). 

Senamy.  —  Qui  doubte  donc  que  la  religion  payenne  n'est  pas  aggreable  a 
Dieu,  puisque  les  Démons  s'efforcent  (b)  de  persuader  de  l'auoir  a  mespris  et 
qu'ils  taschent  mesmes  d'anéantir  touttes  les  religions  ? 

Cohoni.  —  le  croy  que  tout  le  monde  est  persuadé  qu'il  est  mieux  de 
s'arrester  a  vne  faulse  religion  que  de  non  auoir  point  du  tout.  Comme  de 
tous  les  gouuernements  (c)  (Bj  il  n'y  a  point  de  pire  que  l'anarchique  ou 
personne  ne  commande  et  ou  personne  n'obeït,  et  ou  l'on  ne  recompense  ny 
ne  punit  on  personne.  Mais  (d)  il  ny  a  point  de  superstition  quelque  grande 
qu'elle  soit  qui  ne  puisse  retenir  les  meschants  dans  leur  debuoir  par  la 
crainte  d'vne  diuinité  et  leur  faire  obseruer  en  quelque  sorte  la  loy  de 
la  nature  (e)  quand  on  leur  a  persuadé  que  les  chastimens  soit  préparés 
pour  les  vns  et  les  recompenses  pour  les  autres  par  un  iugement  diuin. 
Cest  en  quoy  (/")  le  détestable  (g)  Epicure  a  fait  vn  crime  irrémissible  en 
ce  que  voulant  oster  (h)  toutte  crainte  de  la  diuinité  il  semble  donner  l'en- 
trée (i)  a   touttes  sortes  de  vices  (Ci  et   les  moyens  de  pécher   auec  impu- 


ta) MDPG  quasi  cleum,  quem  (Ar  insère  etiam  Deum)  esse  arbilrantur,  violaturi,  —  (b)  N 
conantur.  MD  conentur.  —  (c)  MD  de  omnibus  rerum  pub li  arum  qeneribus.  N  gentibus.  — 
(d)  MD  at.  N  sic  (corrélatif  de  ut  qui  précède).  —  (e)  MDATEPG  et  naturse  legem  quodamr 
modo  tueri  non  possit.  B  liaduil  Ml).  N  lege  (?).  —  (/"}  MDN  Et.  quidem  in  eo.  Leyser  Et  quid 
in  eo  (?).  —  (g)  MDI'G  capitalis  (N  capite)  Epicurus  inexpiabile  scelus  admisit.  —  [h)  MX 
radicitus.  D  radicibus,  inadvertance.—  (i)  MDl'H  aditus  aperuisse.  N  aperire. 

(A)  Bodin  a  répélé  sous  toutes  les  formes  celle  idée  si  inléressanle  :  «  Ceux  qui  blasphèment 
»  ce  qu'ils  pensent  estre  Dieu  blasphèment  Dieu  ayant  esgard  a  leur  intention  et  qui  sonde  les 
»  cœurs  et  les  volunlés  des  hommes.  »  Démon.,  4,  5,  p.  477.  «  Le  pariure  est  plus  exécrable  que 
»  l'athéisme,  d'autant  que  l'alheïsle  qui  ne  croit  poinldeDieu  neluy  l'ail  pas  tant  d'iuiure  ne  croyant 
»  point  qu'il  y  en  ail  que  celuy  qui  le  sçail  bien  et  le  pariure  par  moquerie  ».  Rép.,  V,  6,  p.  558. 
Cf.  sur  les  sorciers  qui  renoncent  leur  dieu,  vrai  ou  faux,  mais  en  tout  cm  cru  vrai,  Démon., 
2,  4,  p.  218.  —  Cette  proposition  esl  l'inverse  —  el  la  parallèle  —  de  celle  exprimée  p. 228  L'ido- 
lâtre sincire  est  agréable  au  vrai  Dieu;  qui  renonce  sincèrement  son  dieu,  même  faux,  est  exé- 
crable au  vrai  Dieu.  EL  ce  sont  là  des  corollaires  de  la  proposition  centrale  :  le  péché  est  dans 
l'intention.  Mais  est-ce  trop  en  tirer  que  de  dire  :  toute  pri're  ou  tout  blasph 'me  oulrage  ou 
louche  le  vrai  Dieu;  il  esl  vraiment  dans  l'idée  vraie  ou  fausse  que  nous  nous  faisons  de  lui  î 
dans  le  dieu  que  nous  nous  créons  à  l'aune  de  notre  conscience  il  y  a  toujours  du  divin;  el 
renoncer  noire  dieu,  aimer  notre  dieu,  c'est  aimer,  renoncer  le  divin?  Peut  être  vais-je  trop 
loin.  Mais  comme  il  esl  facile  de  passer  des  thunes  de  VHept.  à  ces  propositions  presque  rena- 
niennes!  Et  n'esl-ce  pas  là  de  Bodin  le  plus  bel  éloge? 

(B)  N  gentibus  esl  une  faule  cerlaine,  puisque  N  même  continue  nullum  (se.  genus)  pernicio- 
sius  est,  etc.  Cette  phrase  de  VHept.  se  retrouve  à  peu  près  textuellement  Rép.,  IV,  7,  p.  456. 
Cf.  Hept.,  V,  p.  354  :  «  Quelque  grande  que  soit  vne  superstition,  elle  est  tousiours  plus  a  esli- 
»  mer  que  l'athéisme,  parce  que  celluy  qui  esl  retenu  par  la  superstition  demeure  en  quelque 
»  façon  dans  son  debuoir  &  garde  au  moins  les  loix  du  nature  :  mais  l'athée  qui  ne  crainL  que  le 
»  iuge  et  le  Lesmoin  tombe  facilement  dans  toutes  sorles  d'abominations  ».  Melhod.,  V,  p.  59  : 
«  Superslilione  praeslal  quam  impietale  obligari,  &  l'alsam  quain  nullam  babere  religionem  ». 
Dém.,  2,  4.  p.  218.  C'est  donc  une  idée  invétérée  chez  Bodin  que  morale  et  sociabilité  sont  insé- 
parables de  la  religion. 

(C)  Sources  probables  de  Bodin  :  Cic,  De  nal.  deor.,  1,  41;  Plularque,  Qu'on  ne  sçauroit 
viure  iogeusement  selon  la  doctrine  d'Epicure,  25. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  55 

nité  (j).  Aussy  les  pontifes  du  royaume  de  Narsingue  aux  Indes  meltent  dans 
les  temples  des  images  des  Dieux  et  des  diables  monstrueux  et  difformes  (A) 
a  lin  d'espouuanter  les  meschants  et  les  forcer  par  la  crainte  a  s'abstenir  de 
mal  faire. 

Fedekich.  —  Quand  nous  accorderions  que  ceux  qui  de  bonne  foy  suiuent 
vue  faulse  religion  sont  excusables  d'vne  erreur  qui  a  quelque  sorte  de  Jus- 
tice (B),  peut  on  trouuer  auec  équité  quelque  excuse  légitime  pour  l'impiété  (C) 
234  puisque  le  valet  ignorant  (A)  qui  ne  faict  pas  les  commandements  de 
son  maistre  est  battu  comme  le  malicieux? 

Senamy.  —  Guy  si  nous  nous  arreslons  aux  parolles  de  S.  Luc.  Mais  ou  est 
le  iuge  inique,  le  tyran  cruel  &  le  prince  desraisonnable  qui  fasse  punir  de 
mort  ses  subiects  pour  a  noir  transgressé  (/)  des  ordonnances  qui  (m)  ne  leur 
ont  pas  esté  conneues? 

CuiiCE.  —  Quand  les  loix  humaines  sont  publiées,  si  chacun  les  doibtsuiure(2) 

(±)  1.  Leg.  C.  de  Legibus. 


(,/)  Ici  tous  les  mss.  latins  de  Paris  el  N  répèlent  la  phrase  :  Ut  enim  de  omnibus  rébus 
publiais,  comme  de  tous  les  gouuernemenis,  jusqu'à  j>ar  vn  iugement  diuin.  J,  qui  essaye 
d'interpréter,  au  lieu  de  la  supprimer,  celle  interpolation  évidente,  conjecture,  corrige  cl  devient 
absurde.  Cf.  Introduction,  p.  15,  note.  B  supprime  celte  phrase  interpolée,  /{  aussi.  —  [le,  MD 
servus  ignarus  N  ignavus.  —  [l]  MD  violentes,  erreur.  X  violantes.  —  (m)  MN principis  edictà 
quœ...  U  qui,  inadvertance. 

(A)  «  Hommes  [Narsingarum]  superslilïone  dirissimi  confliclanlur  :  unum  lamen  summum 
»  Deum  esse  contitentur,  pênes  quem  aiunl  esse  summam  rerum  omnium  poleslatem.  Templa 
»  prol'usis  sumplihus  aedificant,  quœ  lamen,  ut  alia  Indiae  templa,  monstrorum  alque  prodigio- 
»  rum  simulacra  conteguut  :  qnibus  divinos  honores  habent  ».  Hiéron.  Osorii  Lusitani  De  rébus 
Kmmanuelis  régis  Lusitanise  virtute  et  auspicio  gestis,  Coloniae  Agrippiuse,  Arn.  Birckmann, 
1574,  ï ii  S  (Nationale  0  B  34),  1.  4,  fol.  136  a.  On  voit  avec  quel  sans  gêne  Bodin  sollicite  ses 
auteurs.  Les  gens  de  Narsingue  ne  croient  qu'en  un  Dieu  ;  et  je  n'ai  trouvé  nulle  part  dans  Osorio 
l'explication  que  lui  attribue  Bodin  :  a  fin  d'espouuanter  les  meschants,  elc. 

(Bi  MD  juslo  errore  excusari,  =  ont  pour  les  excuser  la  bonne  foi  de  leur  erreur. 

<;  Par  impiété,  n'entendez  pas  l'athéisme  :  l'athéisme  n'est  pas  une  doctrine,  c'est  un  crime; 
il  n'a  pas  de  champion  dans  Yllepl.,  el  Senamy  lui-même  déclare  les  athées  «  meschans  el  detes- 
Lables  »,  inf'ra,  V,  p.  350.  El  supra,  1,  loi.  4  de  D,  il  attaquait  violemment  non  seulement  les 
athées,  mais  les  Épicuriens  qui  admettent  des  Dieux,  mais  non  la  récompense  ou  la  punition  de 
l'âme  dans  une  autre  vie  :  «  Multos  Deorum  eoulemplores,  plures  eliam  qui  nihil  a  belluis  nisi 
»  figura  differrenl,  Epicuraeum  lamen  reperi  neminem,  id  est  qui  Deos  uullà  prœmiorum  spe  reli- 
»  giose  coleret,  qui  frugilissime  ac  lemperalissime  viveret  »,  elc.  Quant  à  Bodin,  comme  son 
mailre  Platon,  Lois,  X,  et  comme  Aristote,  il  estime  que  l'athéisme  doit  être  non  raisonné,  mais 
châtié,  «  pœnis  esse,  non  arguments  refellendum  »,  7'/;.,  dédie,  p.  5;  liép.,  IV,  7,  p.  454,  et  VI. 
l,p.  5'JO.  Cf.  Duplessis  Mornay,  o.  c,  II,  p.  223  sq.  Que  faut  il  donc  entendre  par  impiété? 
Toute  religion  qui  n'est  pus  la  vraie,  c'est-à-dire  celle  de  Federich.  Ainsi  l'entendait  déjà  Curce 
dans  le  passage  concluant  :  «  Ingérons  nous  pour  cella  droictes  touttes  les  actions  qui  procèdent 
»  d'vne  volonlé  droicte  et  sincère?  Cerlainement  non,  il  y  auroil  trop  de  confusion  de  pieté  auec 
»  Viiniàelé  »,  supra,  p.  227.  Une  religion  fausse,  même  sincèrement  pratiquée,  voilà  donc  l'im- 
piélé.  Et  alors,  voici  le  raisonnement  de  Federich  :  admettons  que  la  bonne  foi  dans  Terreur  soit 
une  excuse;  mais  qui  peut  à  l'hérésie  (impietali)  prétendre  cause  légitime  d'erreur?  Personne. 
Car  il  est  écrit  :  «  Le  servileur  qui  aura  su  la  volonlé  de  son  mailre  et  qui  néanmoins  ne  se  sera 
»  pas  tenu  prêt  sera  battu  rudement.  Mais  celui  qui  n'aura  pas  su  sa  volonlé  &  qui  aura  fait  des 
»  choses  dignes  de  châtiment  sera  moins  battu  ».  Luc,  1?,  47  sq.  —  Faute  d'avoir  bien  entendu 
impietati,  B  corrige  par  pielati  et  devient  inintelligible. 


56  JEAN-    B0D1N 

sans  en  pouuôir  prétendre  cause  d'ignorenee  (a)  (A),  a  plus  forte  raison  les 
loix  de  Dieu  estant  annoncées  (o)  par  tout  l'vniuers  depuis  tant  de  siècles 
personne  n'aura  subiect  de  les  ignorer  (p). 

Sknamy.  —  Mais  (q)  si  les  loix  sont  contraires  (r)  aux  loix  &  les  législateurs 
ennemis  les  vns  des  autres,  si  la  religion  combat  contre  la  religion  &  les  pon- 
tifes contre  les  pontifes,  que  feront  [s)  de  malheureux  subiects  (B)  qui  d'vne 
secte  [sont]  attirez  (/)  dans  vne  autre  (a)? 

Tokalbe.  —  Dans  vne  si  grande  ditiersilé  de  loix  et  de  religions  qui  soppo- 
sent  les  vnes  aux  autres,  il  fault  chercher  quelle  est  la  meilleure  et  la  vraye, 
et  quand  on  l'aura  trouuée  il  sera  bien  aysé  de  connoistre  celluy  qui  sera 
excusable  (v)  par  son  ignorance  (x)  ou  coulpable  par  sa  malice  (C). 

Fedehich.  —  Qui  doubte  que  la  religion  chrestienne  n'est  pas  la  vraye  ou 
pluslost  la  seule? 

Octaue.  —  Presque  tontte  la  terre,  toutte  l'étendue  de  (y)  l'Asie,  presque 
toutte  l'Affrique,  la  plus  grande  partie  de  l'Europe.  Et  parmy  cette  infinité  de 
sectes  (z)  chacun  croit  que  la  religion  qu'il  ayme  le  mieux  est  la  plus  belle 
et  la  plus  excellente. 

Cuhce.  —  Il  ne  fault  pas  chercher  la  meilleure  religion  dans  la  multitude 
des  [235]  peuples,  mais  dans  la  force  des  raisons  que  Dieu  mesmes  a  pres- 
criples,  car  il  ny  a  que  Dieu  qui  sçache  et  l'homme  ne  peut  seulement  qu'opi- 
ner (D). 

Cokoni.  —  Puisqu'insensiblernent  nous  sommes  tombez  sur  la  contestation 
des  religions,  auantque  de  passer  plus  outre,  il  fault  sortir  de  la  question  qui 
fut  hier  proposée  (Ej  assauoir  s'il  est  permis  a  vu  homme  de  bien  d'entamer 
cette  matière. 

Tokalbe.  —  Il  me  semble  que  Platon  (3)  a  très  sagement  dit  qu'il  est  bien 

(3)  In  Timrco. 


(n)  MU  nec  juris  ignoratione  quisquam  excusatur  (N  ignorantia  quemquam  excusai).  — 
(o)  MD  pervulgala  (lege).  N promulgata.  —  [p]  MD  ignorai  ionem .  N  ignorantiam.  —  {q)  MU 
Quid,  si.  N  Quodsi.  —  (?•)  MN  leges  legibus  contrarias.  U  contraria.  —  (s)  MD  faciant.  N 
f'acient.  —  (l)  MD  distrahanlur.  NI'G  distrahuntur.  —  (u)  MD  in  sec/as  alii  ab  aliis.  N  in 
sectas  alii  alias.  —  (v)  MDPG  excusare  possit.  N  poterit.  —  [x)  N  ignorantiam.  MD  ignoratio- 
netn.  —  (//)  ND  Asia  quanta  est.  M  quanlaquanta  est.  —  (z)  Nex  infinila  sectarum  diversilate. 
MU  et  in  infinila  sectarum  varie tate. 

(A)  «  Consliluliones  principum  aec  ignorare  quemquam  nec  dissimulare  permiltimus  ».  Codicis 
sacraliss.  Imperaloris  Justiniani  lib.  1,  fit.  18,  De  Juris  el  facli  ignoranlia,  12  (t.  1,  col.  256). 
Cf.  ibid.,  I.  1,  tit.  14,  De  leg-'ib.  et  cunslilut.  principis,  9  (t.  1,  col  221).  Voyez  supra,  p.  227, 
note. 

(B)  MD  miseri  subditi.  Bodin  est  de  son  temps.  Les  sujets,  pour  lui,  suivent  la  religion  de 
leurs  princes  :  c'est  l'esprit  de  tous  les  traités,  après  chaque  prise  d'armes.  Mais  ils  n'ont  pas 
droit  de  se  faire  une  conviction  personnelle.  Bodin,  se  demandant  quels  hommes  ont  le  droil  de 
rechercher  la  vraie  religion,  réservera  ce  droit  aux  prêtres  el  aux  savants,  infra,  V,  p.  357  sqq. 

(Gj  Faux  sens.  MD  illud  compertum  &  exploralum  eril,  quisnam  ignorantiam  aut  animi 
morbum  excusare  possit,  —  on  aura  du  môme  coup  trouvé  qui  peut  alléguer  comme  excuse 
l'ignorance  (s'il  n'a  pas  connu  la  vraie  religion)  ou  la  folie  (si,  l'ayant  connue,  il  l'a  repoussée). 

(D)  Opiner,  opinion,  dans  le  sens  de  sentiment  conjectural,  sans  fondement  certain.  Latinisme. 
Cf.  infra,  p.  244,  el  surtout  VI,  p.  591,  note. 

(E)  Supra,  III,  p.  207. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  57 

malaisé  de  trouuer  le  Père  de  toultes  choses  &  que  c'est  vn  crime  (A)  i quand 
on  l'aura  trouué)  de  le  dire  (a),  non  pas  a  la  vérité  que  ce  soit  vn  crime  de  le 
publier,  mais,  comme  plusieurs  croyenl,  que  Ciceron  qui  a  expliqué  Platon  a 
dict  pour  l'adoucir  qu'il  y  a  impossibilité  de  l'exprimer  (B).  Ainsi  qu'Horace 
en  a  vsé  en  se  semant  du  mot  nefas  qui  signifie  crime  pour  dire  impossible  : 

Tu  ne  quaesieris,  scire  nefas,  quem  mihi,  queni  tibi 
Finem  Dî  dederint. 

Ne  cherche  point,  car  il  est  impossible  de  sçauoir  quelle  fin  les  Dieux  nous 
donneront.  Parce  que  (C)  le  vulgaire  ne  sçauroit  souffrir  la  splendeur  des 
choses  esleuées  auec  des  yeux  troubles,  ou,  si  quelqu'vn  y  pénètre,  il  ne  peut 
pas  auoir  assez  d'éloquence  pour  exprimer  dignement  les  secrets  de  la  maiesté 
diuine,  mais  il  fault  nécessairement  qu'il  y  fasse  mille  faillies.  Et  pour  cella 
Platon  (i)  en  traittant  des  anges  qu'il  appelle  partout  des  Dieux  :  Ne  discou- 
rons point  (6),  dict-il  (D),  ie  vous  prie,  des  Dieux,  parce  que  ie  n'en  puis 
parler  qu'en  tremblant  (c).  C'est  pourquoy  il  [236]  est  plus  expédient  de  s'en 
taire  (ainsy  qu'il  le  conseille)  [d)  que  de  parler  légèrement  de  la  chose  du 
monde  la  plus  saincte  ou  n'en  parler  pas  assez  dignement 

Salomon.  —  Iay  tousiours  aussy  trouué  très  dangereux  (e)  de  discourir  de 

(4)  In  Cratylo. 


(a)  MDATE  id  est  :  xbv  u.èv  oùv  Tzxxipy.  toû  os  tou  ttxvto;  eôpecv  T£  epyov  /,%'.  eûpôvtx 
sic  tAvtxç,  àouvxTov  XÉveiv.  A' supprime  id  est,  écrit  izxtî^x  tou  7r*ivro;,  etç  Trxvxa,  fautes. 
—  (b)  MDI'G  Per  Ueos,  inquil,  sermonem  (S  quœstionem)  de  Diis  cohibeamus.  —  (c)  MTEPGIi 
citent  ici  le  grec  Al)  omettent  Ttpb;  9ewv.  —  [d)  NB  omettent  ut  ille  monet.  —  (e)  N  de  reli- 
gione  sermonem  serere  periculosum   Ml)  de  religionibus  sermones  serere  periculosissimum. 

(A)  Platon  était,  dès  le  xve  siècle,  devenu  très  accessible,  par  les  travaux  de  Marsile  Ficin 
principalement.  Sa  célèbre  trad.  latine  (Venise,  1491)  est  fréquemment  rééditée  au  xvie  siècle, 
par  exemple  à  Paris,  Josse  Bade  et  Jean  le  Pauvre,  1533,  in-fol.  (avec  des  notes  de  Simon  Grynée) 
et  à  Lyon,  Ant.  Vincent,  15i7,  in-fol.  Surtout  Bodiu  a  pu  lire  l'excellente  édition  d'il.  Eslienne, 
s.  1  ,  1578,  3  in-fol.,  en  grec  et  en  latin.  —  Voici  le  passage  cilé  :  «  Quant  au  créateur  et  pore  de 
»  ce  Tout,  il  est  malaisé  de  le  trouver,  et,  si  on  l'a  trouvé,  impossible  de  l'exprimer  à  tous  ». 
Timée,  5  (éd.  U.  Eslienne,  t.  3,  p.  28  c).  Ce  passage  est  d'ailleurs  de  ceux  qu'on  voit  le  plus  fré- 
quemment cité  dans  les  philosophes  et  les  Pères  :  Gic,  De  nat.  deor.,  1,  12;  Apulée,  De  dogmale 
Plalonis,  1,  ad  init.;  Origène,  Contra  Celsum,  7,  42  (Migne,  t.  1,  col.  1681);  Terlullien,  Apotog., 
46;  Duplessis-Mornay,  De  la  vérité  de  la  religion  chrétienne,  4,  p.  63;  tous  ouvrages  très  lus 
de  Bodin.  —  lî  fait  faux  sens  en  écrivant  :  c'est  vn  crime. 

(B)  R  n'a  pas  compris  l'intervention  de  Cicéron  ici.  Bodin,  avec  sou  goût  indiscret  pour  l'éru- 
dition, rappelle  la  traduc'ion  par  Gic.  de  ce  mot  de  Platon  :  «  Àlque  illum  quidem  quasi  paren- 
»  le  m  hujus  universilalis  invenire  difficile;  et  cum  jam  inveneris,  indicare  in  vulgus  nefas».  Ex 
Platone  Timœus,  2.  El  il  indique  que  Gic.  a  entendu  en  employant  nefas  signifier  non  pas  crime, 
mais  impossibilité.  A  l'appui,  il  c  te  dans  Horace,  Od.,  1,  11,  ad  Geuconoen,  un  emploi  analogue 
du  mot  nefas.  «  Von  que  ce  soif  un  crime  de  l'exprimer,  comme  plusieurs  entendent  la  Iraduc- 
»  lion  de  Platon  faite  par  Cicéron;  Cicéron  a  employé  nefas  pour  ne  pas  tomber  avec  impossibile 
»  dans  la  mauvaise  lalinilé.  Ainsi  Horace  »,  clc  .. 

(G)  Ici,  abandonnant  son  commentaire  sur  le  sens  de  nefas,  Toralba  reprend  la  discussion 
antérieure  sur  L'impossibilité  d'exprimer  Dieu,  même  pour  ceux  qui  l'ont  trouvé.  Cf.  un  plus 
ample  développement  de  cette  idée  infra,  V,  p.  176  sq. 

(D)  'Vjy.  [xàv  ouv  Ttov  Oîwv  rcpb;  6£wv  y.tzxk\,j.y5>\].iv  ■  w;  syœ  SsSoixa  irspt  ïutwv  8ia- 
ÀÉyeaOjci.  Cratyle,  23  (éd.  H.  Eslienne,  t.  1,  p.  407  E). 


58  JEAN    BODIN 

la  religion,  tant  par  ce  que  iestime  que  rest  vn  grand  crime  que  de  ne  par- 
ler pas  de  Dieu  auec  assez  de  reuerence  que  par  ce  que  celluy  la  nest  guieres 
moindre  de  retirer  quelqu'vn  de  la  deuotion  (/)  (À)  ou  il  a  créance  et  par  des 
arguments  de  le  rendre  chancellanl  (g)  dans  sa  religion  a  moins  que  d'estre 
asseuré  de  le  rappeller  dans  vne  meilleure.  Sans  conter  combien  les  euene- 
ments  et  les  suittes  en  ont  tousiours  (B)  esté  funestes  quand  on  a  tasché  de 
faire  changer  de  religion  a  quelqu'vn  sans  y  auoir  reussy,  dontquoy  qu'il  y 
ait  beaucoup  d'exemples  ie  nen  ay  point  de  plus  considérable  que  celluy  de 
Florus  qui  commandoit  en  Iudée  pour  les  Romains.  Nostre  grand  Preslre 
auoitfaict  amitié  auec  luy  si  estroicte  qu'il  creut  estre  obligé  de  l'instruire  de 
nostre  religion  et  luy  faisant  abandonner  ses  idoles  l'induire  au  culte  du  vray 
Dieu  :  ce  que  nayant  peu  luy  persuader  ils  feurent  si  grands  ennemis  que 
loutte  nostre  nation  commencea  de  la  a  estre  si  mal  menée  par  longues  et 
cruelles  guerres  qu'elle  en  perdit  sa  liberté  et  feut  enlin  chassée  du  patri- 
moine de  ses  ancestres  (C)  par  les  Romains  (h). 

Senamy.  —  Quoy  (D)  qu'vne  nouuelle  religion  soit  meilleure  et  plus  vraye 
qu'vne  ancienne  ie  ne  voudrois  pas  pour  cella  la  publier,  par  ce  qu'il  me 
semble  qu'elle  n'apporte  [231]  point  tant  de  proffict,  qu'il  y  a  de  mal  a  déra- 
ciner vne  ancienne  créance  qui  mespiise  la  nouuelle  (E)  laquelle  semble  vou- 
loir diminuer  la  crainte  des  Dieux  si  nécessaire  parmy  les  hommes.  Comme  si 
quelqu'vn  a  cause  de  la  vieillesse  d'vn  bastiment  qui  tombe  vouloit  changer 
les  pierres  angulaires,  [il]  ne  feroit  rien  qui  vaille  (F).  Les  changements  de  reli- 


ai N cuiquam  pietalis  opinionem,  qualiscunque  etiam  sit,  eripere.  MD  omellenl  eliam.  — 
[g)  MD  (religionem  cujusquam)in  dubium  revocare.  Nvocare.  — [h)  N (gens  nostraja  Romanis 
opprimeretur.  MD  opprimerentur. 

(A)  Omission  importante.  MD  qualiscumque  sit.  Même  idolâtre,  une  religion  est  précieuse. 
Essayer  de  la  modifier  est  dangereux.  Cf.  p.  237. 

15;  Non  :  souvent.  MD  Omillo  illud,  quod  mullis  exilio  fuit,  cum,  etc.  —  Huant  à  l'histoire 
de  Florus,  gouverneur  de  Judée,  et  du  grand-prêLre,  j'ai  vainement  cherché  où  Bodin  l'a  prise. 

(C)  H  omet  MD  dura  servitute  opprimerentur. 

(Dj  Inexact  :  MD  Ut  religio  nova  melior  ac  verior  sit  velere,  —  à  supposer  qu'une  nouvelle 
croyance  soit  meilleure  et  plus  vraie  que  l'ancienne.  Remarquez -le,  ce  langage  implique  que 
l'excellence  et  la  vérité  des  religions  est  graduelle,  et  par  conséquent  relative. 

(E)  Contresens.  MD  quia  non  tantum  ulilitalis  allatura  videfur  nova  religio  quantum  ex 
ipsius  novitalis  contemplu  detrahitur  de  pielate  veleri,  =  parce  que  la  religion  nouvelle  ne 
semhle  pas  apporter  un  avantage  comparable  à  la  diminution  que  subit  l'antique  piété  du  seul  fait 
du  changement.  Cf.  B  p.  47. 

(F)  Inexact.  MD  ut  si  quis  œdificii  sua  velustate  caduci  lapides  angulares  mutare  velit, 
temere  feceril,  =  comme  à  une  maison  qui  tombe  de  vieillesse  changer  les  pierres  d'angle  est 
une  imprudence.  L'esprit  tradilionnaliste  et  conservateur  de  Jean  Bodin  éclate  ici  en  religion, 
comme  ailleurs  il  éclatait  en  politique.  11  prémunissait  le  prince  contre  le  danger  des  guerres  de 
religion,  Bép.,  IV,  7,  p.  454.  «  Et  d'autant  que  les  atheïsles  mesmes  sont  d'accord  qu'il  n'y  a 
»  chose  qui  plus  maintienne  les  estats  et  republiques  que  la  religion...  il  faut  bien  prendre  garde 
»  qu'vne  chose  si  sacrée  ne  soit  mesprisée  ou  reuoquée  en  double  par  disputes  ».  Jbid.,  p.  405. 
D'ailleurs  la  question  que  Bodin  envisage  ici  est  plus  politique  que  religieuse  :  il  s'agit  non  de  la 
croyance  individuelle  des  âmes,  mais  de  la  confession  collective  des  sujets  et  de  son  influence 
sur  la  paix  sociale.  Or,  même  eu  politique  pure,  le  fait  d'avoir  existé,  vécu,  duré,  est  une 
preuve  en  faveur  des  institutions,  et  Bodin  blâme  «  ceux  qui  voudroyenl  changer  les  loix  ia 
»  receues,  que  les  subiects  doyuent  trouuer  belles  en  chacune  Bepublique  »,  ou  qui  ont  «  désir 
»  d'altérer  Testât  des  Républiques  ia  establies  et  qui  ont  pris  leur  ply  par  longue  succession 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  59 

gion  ont  encore  quelque  chose  de  plus  dangereux  dans  la  suille  par  ce  que 
Ion  ne  voit  que  boulleuersemenls  (i)  d'estats,  des  guerres,  des  pestes,  des 
famines,  et  des  gens  possédez  par  les  démons 

Coroni.  —  Certainement  ces  malheurs  accompagnent  presque  tousiours  les 
changements  de  religion  (j),  cest  pourquoy  iestime  qu'on  ny  peut  pas 
apporter  trop  de  circonspection  (A). 

Ocïaue.  —  Est  ce  a  cause  que,  par  l'ancienne  religion  qu'on  veut  arracher 
de  l'esprit  et  par  le  mespris  d'vne  nouuellc  qui  nest  pas  cncores  conneue,  les 
hommes  vacillent  entre  le  vrav  et  le  faulx  et  dans  cette  conjoncture  ont 
accoustumé  de  chasser  (k)  de  leur  esprit  toutte  sorte  de  pieté?  et  cest  lors  que 
les  Diables  (B)  les  maltraitent  et  les  obsèdent  (/). 

Salomon.  —  Dans  cette  incertitude  il  ny  a  point  de  remède  plus  puissant 
que  de  demander  a  Dieu  par  des  prières  continuelles  qu'il  nous  conduise  dans 
le  bon  chemin. 

Federicii.  —  Entreprendre  de  parler  des  religions  en  public  et  den  donner 
la  preuue  nest  pas  moins  dangereux  que  criminel  si  ce  n'est  qu'on  soit  en  [238] 
estât  de  se  faire  escouter  (C)  par  la  volonté  de  Dieu  comme  Moyse  ou  par  la 
force  des  armes  comme  Mahomet.  Mais  entre  des  gens  letlrez  &  en  particulier 
iay  tousiours  creu  quil  estoit  très  vtile  de  rechercher  (m)  les  misteres  diuins 
et  de  se  les  faire,  expliquer  (D).  Ainsy  que  iay  souuent  tasché  d'attirer  nostre 
amy  Salomon  dans  celte  dispute,  sans  fruict  par  ce  que  peut  estre  il  craint 
que  ie  ne  le  force  de  changer  (n)  de  religion.  Ainsy  dict  on  que  les  aspics  se 
bouchent  les  deux  oreilles  de  peur  destre  séduits  par  les  charmes  des  sorciers. 

[Salomon  gardant  le  silence,  de  peur,  interprète  Toralba,  d'offenser  ses  amis 
par  la  vigueur  de  sa  défense,  Coroni  l'assure  que  leur  amitié  n'en  sera  pas 
atteinte.  Mais,  répond  Salomon,  si  l'Ecriture  ordonne  la  lecture  publique  de  la 
loi,  elle  en  défend  la  discussion  (cf.  I»ép.,  IV,  7,  p.  454);  et  votre  religion  à 
chacun  vous  interdit  de  vous  laisser  convaincre.  Nouvel  assaut  de  politesse. 
(239-241)]. 


(i)MD  mutationem  relir/ionis  sequuntur  fere  conversiones  (lierumpub.J  Nsequatur...  con- 
versio. —  [j)  M  Hœc  certe  mutationem  relit/louis  publiées  {U  publiée,  inadvertance)  incom- 
moda fere  sequuntur.  S  incommoda  publica.—  h,  \ll>  exuere.  Neruere. —  (lt  MU  et  exerceri 
et  (N  uc)  obsideri  soient.  —  [m)  Ml>  inquirere.  Ningerere.  —  (n)  MD  de  suscepla  religione 
decedere.  N  discedere. 

«  d'années  »,  Flé/i.,  IV,  4,  p.  405.  Cf.  mon  Jean  Bodin,  IV,  3,  2.  Et  même  en  religion  pure,  pour 
fonder,  en  dehors  de  toute  arrière  pensée  politique,  sa  foi  profonde,  l'anliquilé  est  une  preuve 
capitale.  Infra,  p.  2G6  note. 

(A)  Contresens.  MD  cujus  causas  non  satis  persjieclas  habeo,  ^j'en  démêle  mal  la  relation 
de  cause  à  effet. 

(13)  Les  démons,  ennemis  des  religions,  cherchent  à  les  détruire  toutes  pour  s'emparer  des 
âmes  désormais  non  protégées.  Cf.  infra,  pp.  255  et  258. 

(C)  D'écraser  la  résistance  de  la  populace  récalcitrante,  MD  plebem  renilenlem  cogère  vi,  soit 
comme  Moïse,  avec  l'aide  de  Dieu  {Exode,  32,  27  sqq.),  soit  comme  Mahomet  par  l'épée  (cf. 
infra,  p.  342  note.  Sur  le  droit  qu'on  a  de  contraindre  la  plèbe  en  matière  religieuse;  sur  le 
danger  des  prédications  populaires  et  la  légitimité  des  discussions  privées  entre  savants,  cf. 
supra,  p.  234  note  B,  et  infra,  V,  p.  357  sq. 

(D)  Inexact.  MD  res  divinas  inquirere  et  expliçare,  —  approfondir  et  développer  les  pro- 
blèmes religieux. 


60  JEAN    BOD1N 

Comme  Salomon  resuoit  (h)  la  dessus  :  Senamy  en  le  (?)  regardant  prit  la 
parolle  et  dicl  (/')  :  Il  y  a  long  temps  que  par  délibération  du  Sénat  de  nostre 
République  de  Sienne  il  est  permis  de  tenir  académies  pour  les  leçons  publi- 
ques a  la  charge  (k)  neantmoins  de  ne  point  (/)  mettre  en  controuerse  les 
matières  diuines  ny  les  constitutions  des  Papes  (m). 

Octaue.  —  Les  Turcs  &  les  Persans  ont  aussy  deffendu  par  leurs  ordonnances 
de  disputer  de  la  religion  (n),  ce  que  pratiquent  aussy  les  Moscouiles  (A)  :  et 
les  Princes  d'Allemagne  dans  rassemblée  d'Augsbourg  après  de  funestes  et 
longues  guerres  feirent  deffenses  ^242]  a  tous  les  Catoliques  et  Prolestans  de 
la  confession  d'Augsbourg  de  plus  auoir  aucune  contestation  entre  eux  sur  le 
faict  de  la  religion  (B)  :  lesquelles  (o)  deffenses  ayant  esté  violées  par  vn  seul 
malheureux  a  qui  il  en  cousta  la  vie,  les  séditions  ont  depuis  cessé  et  Ion  nen 
parle  plus  a  présent  (p). 

Federich.  --  Cependant  les  disputes  dans  les  escholes  publiques  ne  sont 
point  deffendnës  es  vniuersitez  puisque  mesmes  (Ci  les  théologiens  de  sembla- 
ble créance  et  de  mesme  religion  sy  exercent. 

CuacE.  —  Cest  par  cette  ruse  pour  ne  pas  dire  impieté  que  Mahomet  recon- 
noissant  comme  les  fondemens  &  arcboutans  de  sa  doctrine  se  pouuoient 
facilement  sapper  s'ils  cstoient  attaqués  [q)  par  les  machines  de  nos  raisonne- 
mens  a  defîendu  (D)  sur  peine  de  la  vie  que  personne  ne  disputast  iamais  (r) 
sur  sa  loy. 

Octaue.  —  Nous  auons  vne  semblable  ordonnance  de  l'empereur  Iustinian 
qui  (s)  deffend  de  disputer  publiquement(P>)  de  la  Trinité  &  de  la  foy  catholique. 

(6)  In  codice  Iustiniani  (E). 


(h)  MD  hsesisset.  N  hsesitasset.  —  (i)  MDPG  illum.  Neum.  —  (j)  .Vomel  inquit.  —  (k)  MDPG 
eu  tumen  lege.  N  tege  posila.  —  (l)  MDA  TEGBN  Leyser  ne.  P  ul .  —  (m)  MD  pontificiis  decretis. 
NPontifîcum.  —  (n)  MD  ullœ  disputât ionès serantur  (cf.  sermones  serere,  p.  230).  PG  feruntur. 
N geraniur.  —  (o)  N  seul  rejette  celle  phrase  plus  haut,  à  la  fin  de  la  réplique  précédente.  — 
(p)  MD  ad  hœc  risque  lempora  conquieverunt.  N  ad  liane  usque  dieni.  —  (q)  MDPG  oppugna- 
renlar  (argumenta).  N  oppugnarelur  (religio).  —  (r)  MDPG  usquam.  N  unquam.  —  (s)  MDPG 
interdictum,  quo  veluit.  N  interdit- lum  qui  veluil,  solécisme. 

(A)  Cf.  Répub.,  IV,  7,  p.  454.  La  source  de  Bodin  est  VHistoria  Moscovilarum  de  Sigismond 
de  Herberslein  (1486-1566),  imprimée  à  Vienne,  1549,  el  à  Bâle,  1557,  in-t'ol. 

(B)  Il  s'agil  de  la  paix  d'Augsbourg  signée  enlre  les  Princes  protestants  vainqueurs  et  l'Empe- 
reur, en  1555,  comme  le  prouve  Rép.,  IV,  7,  p.  456  :  ><  Après  la  iournée  impériale  de  l'an  MDLV  ». 

(G)  Contresens.  MD  modo,  =  on  exige  seulement  que  ce  soient  des  docteurs  de  la  même 
religion. 

(D)  «  Dieu  envoya  les  prophètes  chargés  d'annoncer  et  d'avertir.  II  leur  donna  le  Livre  conle- 
»  nanl  la  vérité  pour  prononcer  entre  les  hommes  sur  l'objet  de  leurs  disputes  ■.  Coran,  2,  209. 
Et  un  peu  plus  loin,  la  guerre  sainte  est  enjointe  aux  fidèles,  2,  212  à  215.  Bibliander  (cl'  supra, 
p.  226  note  G),  t.  1,  p  16,  annote  ainsi  ce  passage  :  «  SecLarum  conlroversias  Machumet  sustulil  ». 
Bodiu,  qui  s'est  beaucoup  servi  de  ce  li vie  (cf.  infra,  pp.  329  sqq.),  a  pu  y  voir  souvent  signalé, 
et  en  termes  proches  de  ceux  qu'il  emploie  ici,  le  refus  de  disculer  opposé  par  les  Musulmans  au 
Christianisme,  par  ex.  t.  2,  p.  47,  De  moribus  Turcorum,  Septemcastrensi  quodam  incerto 
authore. 

(L)  «  Cunclos  populos  quos  Clementiœ  Noslrae  régit  imperium  in  tali  religione  versari  volumus 
»  quam  Divum  Pelrum  Aposlolum  tradidisse  Romanis  religio  usque  ad  hue  ah  ipso  insinuala 
»  déclarai...  hoc  est,  ut  secundum  Apostolicam  disciplinam  evangelicamque  doclrinam  Patris  et 
»  Filii  el  Spirilus  Scli  ;;nam  deilalem  sub  pari  majeslate  el  sub  pia  Trinilate  credamus.  ».  Cod. 
Justiniani,  1.  1,  lit.  1  (t.  1,  col.  14). 


DES   SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  6i 

Salomon.  —  Il  me  semble  plus  dangereux  (f)  de  disputer  de  la  religion  entre 
gens  de  mesme  party  soit  publiquement  soit  en  particulier,  qu'entre  ceux  qui 
proposent  de  defTendre  leur  cause  pour  la  secte  qu'ils  affectionnent,  par  ce 
que  chacun  combat  (m)  auec  courage  pour  le  party  quil  choisit,  mais  celluy 
qui  parle  contre  sa  religion  tasche  de  la  renuerser  en  proposant  ses  diffi- 
cultez  (A). 

Sknamy.. —  lay  conneu  vn  vieil  rusé  de  Président  de  Lion  [243]  lequel  ayant 
faict  dessein  de  destruire  les  Luthériens  (B)  par  eux  mesmes  (u)  les  faisoit  dis- 
puter ensemble  [x)  a  fin  que  comme  des  gladiateurs  ils  s'esgorgcassent  de  leurs 
propres  poignards.  Tout  ainsy  que  ces  anciens  preslres  de  Mars,  lesquels  après 
les  imprécations  légitimes  (C)  ayant  ietlé  des  flambeaux  ardents  entre  les 
deux  armées  doimoient  (y)  par  la  le  signal  du  combat  et  se  retiroient  aussy 
tost  du  péril,  on  les  appelloit  pour  ce  suiet  Trupo-iôpoyç  (Y),  porlefeux  (1).  Ainsy 
les  spectateurs  de  telles  disputes  pour  l'vtil i Lé  qu'ils  eu  ont  tirée  (D)  ont  lou- 
siours  remarqué  que  cestoit  l'origine  d^s  guerres  &  les  causes  des  incendies  (a). 

(7)  Arsenius  scholiastes  Euripidis  in  Phœnissis  (E). 


(t)  NMDTE  periculosius.  B  minder  gefàhrlich.  —  (u)  MUPG  propugnat.  N  pugnat.  — 
(v)  MU  cum  sectas  LuLheranorum  per  se  ipse  (N  >/>sas)  convelli  cuperel.  —  [x)  N omelinter  se. 
—  (//)  MDPGdare  consueuerant.  N consueverunt. —  (z)  N  mipcocûôpouç,  barbare.  —  (a)  MD  ita 
plerique  [N  pie  raque)  incendia  bellorum  maxima  (N  maxime.  P  maximis)  ex  'Mis  disputatio- 
nibus  ejcitare  (N  excilari)  soient. 

(A)  La  pensée  de  Salomon  est  obscure,  el  ce  n'est  pas  R,  vague  el  inexact,  qui  est  fait  pour 
l'éclaircir.  MD  periculosius  mihi  videlur  de  suscepla  religione  ac  probata  inler  eos,  qui  semel 
probarunt,  disserere,  sive  publiée  sive  privatim,  quam  inler  eos,  qui  varias  sectas  lueri  propo- 
suerunt,  —je  crois  plus  dangereuses  les  discussions  entre  gens  qui  ont  une  bonne  l'ois  admis 
une  religion,  qu'entre  gens  de  confessions  diverses.  Après  avoir  tourné  et  retourné  celte  singu- 
lière assertion,  j'en  suis  arrivé  à  l'expliquer  par  les  exemples  qu'à  mon  avis  Senamy  apporte 
infra  pour  l'appuyer.  Une  discussion  sur  le  luthéranisme  est  plus  périlleuse  pour  le  luthéranisme 
entre  luthériens.  Le  christianisme  pàtit  plus  des  querelles  de  ses  sectes,  ariens  ou  orthodoxes, 
catholiques  ou  réformés,  que  des  attaques  de  ses  ennemis  extérieurs.  Faute  de  cette  explication, 
B,  n'arrivant  pas  à  comprendre,  a  l'ait  une  conjecture  de  bon  sens,  minder  gefàhrlich,  qui  est  un 
contresens. 

(B)  MD  seclas  Lutheranorum  inler  se  dise  re  pan  les,  -—  les  sectes  protestantes  ennemies  les 
unes  des  autres. 

(C)  MD  légitimas,  =  rituelles. 

(D)  Contresens,  et  qui  contribue  à  obscurcir  tout  ce  passage.  MD  ita  plerique  incendia  bello- 
rum maxima  ex  Mis  dispulalionibus  excilare  soient  ad  spedaculi  fructum,  =  [comme  les 
bouteftux  dans  l'antiquité],  de  même  trop  de  gens  allument  à  de  telles  controverses  l'incendie  de 
la  guerre  civile,  pour  se  donner  le  plaisir  du  spectacle  (cf.  ad  speclaculi  fructum,  en  ce  sens, 
infra.  p.  310).  Bodin  a  déjà  protesté,  Rép.,  IV,  7,  p.  457,  contre  ces  mauvais  citoyens  qui,  sous 
prétexte  de  neutralité,  se  tiennent  à  l'écart  des  partis,  et  aussi  des  périls  de  la  patrie.  Que  si  l'on 
pense  que  celle  idée  ne  se  lie  guère  au  contexte,  c'est  bien  mon  avis;  mais  ce  goût  des  digres- 
sions, cette  absence  de  composition  caractérisent  justement  le  tour  d'esprilde  Bodin.  L'essenliel 
du  couplet  de  Senamy,  c'est  que  le  président  de  Lyon  et  Julien  mettaient  aux  prises  les  sectes 
ennemies  d'une  même  religion  pour  la  détruire. 

(E)  Arsenius,  fait  archevêque  de  Moneml.asie  en  Péloponèse  par  Léon  X,  a  écrit  :  Scholia  in 
septem  Euripidis  tragœdias  ex  antiquis  exemplaribus  collecta,  Venise,  1534,  in-8.  J'ai  vu  la 
réédition  de  Bâle,  J.  Hervagius,  1544,  in-8.  L'histoire  des  prêtres  de  Mars  boute  feux  est  rapportée 
aa  v.  647  des  Phéniciennes.  Bodin  l'avait  déjà  racontée,  liép.,  IV,  7,  p.  457  sq. 


62  JEAN    B0D1N 

Aussy  lempereur  Iulien  (8)  ne  rappella  d'exil  les  Ariens  que  pour  sopposer 
aux  progrès  des  CaLoliques  et  ne  fauorisoit  pas  seulement  les  Iuifs  afin  de 
destruire  (b)  les  chresliens  pour  lesquels  il  auoit  vne  haine  mortelle,  mais 
encores  il  restablit  les  pontifes  de  Iupiter  et  d'Apollon  comme  pareillement 
touttes  les  vieilles  cérémonies  des  Payens  desquelles  on  auoit  quasi  perdeu  la 
mémoire  :  et  (c)  joignant  son  image  auec  celle  des  Dieux,  on  ne  pouuoit  pas 
esuiter  le  danger  puisque  (d)  l'honneur  deub  a  Cœsar  estant  meslé  auec  le 
culte  des  Démons  il  nestoit  pas  possible  de  s'incliner  deuant  l'vn  sans  sin- 
cliner  deuant  l'autre,  ny  mespriser  l'vn  sans  mespriser  laulre  (9),  par  ou  il 
estoit  facile  de  se  rendre  coulpable  du  crime  de  leze  maiesfé. 

Tohai.be.  —  Ciceron  (1)  a  fort  raisonnablement  dict  qu'il  y  auoit  impieté  de 
disputer  des  Dieux  soit  que  ce  fust  tout  de  bon  ou  par  diuerlissement,  par  ce 
qu'il  ne  fault  iamais  traitter  vne  matière  si  relleuée  a  la  négligence  (A),  bien 
moins  encore  en  raillant.  Et  si  vous  entreprenez  (e)  telle  dispute  contre  vostre 
propre  sentiment  il  fault  que  vous  ayez  dessein  de  quitter(/)  vostre  religion  (B). 

[244]  Federich.  —  Pourquoy?  Si  cestoit  auec  intention  dinslruire  ou  destre 
instruict? 

Toralbe.  —  Encores  cella  ne  seroit  il  pas  exempt  de  danger  parce  que  la 
religion  seroit  ou  (g)  vne  science  ou  vne  opinion  ou  vne  foy  (/*).  Si  la  religion 
nestqu'vne  opinion  (C)  elle  est  tousiours  douteuse  &  suspendue  (i)  entre  le 
vray  &  le  faulx  et  par  la  dispute  elle  sesbranlechacquo  iour  de  plus  en  plus  (j). 
Si  cest  vne  science  (D)   il   fault  qu'elle  despende  de  la  démonstration  (k)  et 

(8)  Nicephorus  Callistus  (E).  — [9)  Epiphanius  (F).      (1)  De  naturaDeorum. 


(b)  MDN  enervaret.  PG  everteret.  —  (c)  MN  idem.  D  item.  —  {il)  MDPG  cum.  N dum.  — 
(e)  MDPG  sin  serio  disputationem  (suscepeiis).  N  si  seriam.  —  (/")  MD  moliri  necesse  est. 
N  moliaris.  —  [g)  N  vel  (répélé).  MD  aut  (répété).  —  [h)  G  seul  omet  aut  in  fide.  —  {i)  MD  ambi- 
git  illa  inler  verum  et  falsum.  N ambigua  illa  inter  verum  &  falsum  ambigit.  —  (j)  MDPG  et 
disputalionibus  magis  ac  magis  (N  iniquis  ac  magnis['?})  lubef'actatur.  —  (A)  MDPG  demons- 
trationem  subesse  [N)  esse  oporlet. 

(A)  Faux  sens.  MD  simulale,  =  en  déguisant  sa  pensée. 

(B)  Inexact.  MD  luœ  religiouis  eversioxem  moliri  necesse  est,  =  vous  ébranlez  forcément 
votre  religion.  Seulement  on  ne  voit  pas  pourquoi,  parlant  sérieusement  [serio,  omis  par  R),  vous 
parleriez  contre  votre  sentiment.  Si  l'on  peut  comprendre  le  passage,  ce  n'est  que  par  Cicéron  : 
«  Mala  enim  et  impia  consuetudo  est  contra  deos  dispulandi,  sive  ex  animo  id  fit  sive  simulale  ». 
De  nat.  deor.,  2,  G7.  Balbus  dans  ces  paroles  élève  une  protestation  anticipée  contre  l'attitude 
de  son  adversaire,  l'académicien  Colta,  lequel,  tout  en  répétant  que,  comme  pontife  déférent 
aux  autorités  anciennes,  il  croit  aux  dieux,  va  montrer  la  faiblesse  des  arguments  par  quoi  Bal- 
bus prouve  leur  existence.  Ainsi  Colta  se  trouve  parler  sérieusemenl  contre  une  doctrine  qu'il 
dit  la  sienne;  cette  doctrine  ne  peut  pas  ne  pas  souffrir  des  coups  qu'il  porle  à  ceux  qui  la  défen- 
dent. On  voit  combien  tout  cela  est  sublil,  particulier,  —  el  oiseux. 

(C)  Opinion,  croyance  sans  fondement  bien  solide.  Cf.  supra,  p.  235  note. 

(D)  Science,  certitude  scientifique  fondée  en  raison,  et,  dans  l'esprit  de  Bodin,  plutôt  sur  des 
preuves  logiques  ou  mathématiques  que  sur  l'expérience.  Une  telle  certitude  ne  paraît  pas  à 
Toralba  avoir  encore  été  procurée  pour  quelque  religion  que  ce  soit,  même  par  ceux  qui  ont 
affiché  celle  prétention,  comme  Eusèbe,  en  intitulant  son  livre  Démonstration  évangélique. 

(E)  N.  Gallist,  Ecclesiaslicae  historiée  libri  18,  Irad.  J.  Langus,  Bâle,  J.  Oporinus  et  Herva- 
gius,  1555,  in-fol.  Julien  exhorte  les  Juifs  à  reconstruire  le  Temple  et  les  favorise,  10,  32;  rétablit 
l'idolâtrie  de  Jupiter,  Mars,  Mercure,  10,  33,  el  le  crime  de  lèse-majesté,  ibid.,  etc. 

(F)  Le  passage  allégué  est  manifestement  le  même  que  celui  cité  p.  351;  mais  ni  tables  ni 
recherches  n'onl  pu  me  le  découvrir;  et  je  doute,  malgré  la  double  référence,  qu'il  se  trouve  dans 
Epiphane. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  63 

qu'elle  soit  fondée  sur  des  principes  certains  et  souslenne  par  des  conclusions 
infaillibles  &  nécessaires.  Or  les  choses  qui  sont  de  cette  façon  (/)  ne  reçoiuent 
point  île  contestation.  Mais  il  nie  semble  quil  ny  a  personne  qui  de  quelque 
religion  que  ce  soit  [m)  ayt  donné  des  prennes  demonstratiues,  encores  que 
plusieurs  l'aient  entrepris  (u2)  :  en  vain,  parce  que  tant  s'en  fault  que  la  foy 
puisse  estre  &  subsister  ou  il  y  a  démonstration  qu'au  contraire  elle  la 
renuerse  [n)  de  fond  en  comble  (3).  Cest  pour  quoy  les  Grecs  (o)  ont  appelle 
la  science  tizinT^j.^  nzpx  -h  kizÎG-cxrtxi  A)  tov  vouv  (/>),  parce  que  cest  elle  seule 
qui  peut  arrester  lesprit  quand  il  ne  sçait  quel  party  prendre  (q).  l'entends 
icy  (B)  la  foy  (>•)  des  Théologiens  non  pas  a  la  façon  des  logiciens  qui  par  des 
arguments  concluants  &  nécessaires  font  connoisLre  la  vérité  (C)  d'vne  chose 
doubfeuse  (s)  et  ont  mis  la  foy  des  Théologiens  (t)  (D)  dans  vn  consentement 
ou  acquiescement  pur  &  simple  qui  ne  demande  point  de  preuue  pour  croire 
pendant  que  nous  sommes  en  terre  les  choses  dont  les  âmes  bienheureuses 
ont  acquis  la  science.  De  cette  façon  (E)  ils  mettent  deux  sortes  de  foy,  l'vne 
infuse,  l'autre  acquise  (a),  laquelle  (y)  nous  receuons  par  la  lecture  ou  par  la 
prédication  [245]  lorsque  nous  auons  croiance  (x)  a  celluy  que  nous  estimons 

(2     Eusebius    in    libro  de   demonstratione  euangelica.    —  (3)    Scolus   in 
Prologo   Sententiar.,  q.  i  et  o  et  S.   Thomas,  secunda  secundae,  q.  7  (F). 


/  MDI'G  Quse  autem  sunl  ejusmodi  disputationem  nullam  admiltunl.  N  Quse  aulem 
stant,  ejusmodi  disputationem,  elc.  C?).  — [m)  MDPG  religionis  cujusquam.  N cujusque. — 
[n)  .1/ D  ut  illam  [se.  fidem]  fundilus  everlat  (?).  Conjecture  :  evertanl  [se.  demonstratio  et 
scienlia].  AT  ut  funditus  evertalur.  B,  inintelligible,  n'est  d'aucun  secours  :  dass  sie  (die  Démons- 
tration uud  die  Wissenschal't)  dieseu  (deu  GlaubenJ  von  Grund  ans  zerslôrte  [sic].  —  (o)  MD 
Grœcis.  N  Grœce.  —  (p)  MDI'GT  Tr/pà  to  s7rc'(TTX<ï9ai.  N  àuo  (B  Tixpx)  zoïï  ÈTrt<rrâvetv, 
barbare.  —  (q)  MU  hac  Mac  distraclam.  N  laïc  Mue.  —  (r)  MPGSB  theologorum  more.  D 
non  more,  inadvertance,  due  au  voisinage  de  non  dialecticorum.  —  (s)  MU  dubise  rei  verita- 
lem.  N dubiam  [?).  —  (/)  MDG  al  theologi  fidem...  collocarunt.  TPN  ac  (E  al)  theologorum 
fidem  [se.  dialeclici]  collocarunt.  —  (u)  MX  tabore  ac  studio  parlam.  l>  partent  (?).  — 
[v)  MUl'G  id  est  [N  verbi  gratia)  ejusmodi  quœ...  —  [x]  MDI'H  assentimus.  N assentiamur. 

(A)  Corrigez  :  È'it'TTa'jOat,  et  entendez  :  par  suite  du  fait  qu'elle  fixe  l'esprit. 

(B  Brusquement,  et  sans  prévenir,  Bodin  passe  à  la  troisième  hypothèse  :  La  religion  est  foi. 
El  il  va  définir  ce  qu'il  entend  par  foi.  M  hic  fidem  appello  theologorum  more,  non  dialecti- 
corum, =  ici  j'entends  loi  comme  les  théologiens,  non  pas  comme  les  logiciens.  K.  qui  semble 
traduire  un  texte  où  la  virgule  passait  avant  more,  en  devient  obscur 

(C)  Quand  ou  ajoute  foi  à  quelque  chose,  en  obéissant  aux  seuls  principes  de  la  pure  logique, 
c'est  que  celle  chose  vient  de  vous  être  pertinemment  démontrée  :  ainsi  celle  loi  logicienne  est 
identique  à  la  certitude  scientifique,  et  Bodin  l'écarté  tout  d'abord,  puisqu'il  veut  donner  au  mot 
de  loi  son  sens  propre  et  théologique. 

(D)  On  voit  que  R  traduit  TPN  ac  theologorum  fidem.  Je  préfère  Ml)  al  theologi  fidem  [col- 
locarunt], =  mais  la  Ihéologie  a  placé  la  loi  dans  un  consentement,  etc.,  qui  me  semble  rendre 
plus  net  l'enchaînement  des  idées. 

[E  <Je  «jui  pour  nous  est  foi  sans  preuves  est  pour  les  élus  certitude  évidente  ou  constatée.  Et 
en  eu  tendant  foi  de  cette  façon,  il  y  a  encore  à  distinguer  foi  infuse  el  foi  acquise. 

(Fj  S.  Thomas,  2a  2œ,  q.  1,  art.  4  (el  non  q.  7;,  d'où  semble  empruntée  en  grande  partie  la 
dissertation  de  Toralha.  —  J.  Duns  Scot,  Qusesliones  subtilissimœ  in  IV  libros  sententiarum, 
éd.  Hug.  Cavellus,  Anlverpiœ,  J.  Keerbergius,  1620,  2  vol.  in-fol.  (Nat.  1)31),  Prologi  senlenlia- 
rum  q.  IV  et  V,  explique  que  la  théologie  est  en  tout  pareille  à  la  science,  horsmis  qu'elle  n'em- 
ploie pas  le  raisonnement  syllogislique.  Et,  leurs  moyens  de  connaissance  étant  parfois  1res  dif- 
férents, il  s'ensuit  que  l'une  est  parfois  le  dissuivant  de  l'autre. 


64  JEAN    BODIN 

homme  de  bien  &  de  sçauoir.  Or  si  nous  venons  a  perdre  cette  opinion  de 
science  et  de  probité  nous  perdons  aussy  la  foy  et  si  nous  persistons  (»/)  a  le 
croire  il  ny  a  plus  de  contestation,  estans  libres  de  croire  cecy  ou  cella  qu'il 
soit  vray  ou  faulx  (A)  :  parce  que  cellny  qui  apprend  les  mathématiques  et 
qui  croit  vne  proposition  que  le  Docteur  luy  faict  sans  l'entendre  (B),  on  peut 
dire  qu'il  a  la  foy  et  qu'il  na  pas  la  science  :  mais  dès  qu'il  a  compris  la  leçon 
de  son  maistre,  en  acquérant  la  science  (z)  il  perd  la  foy,  ainsy  que  (a)  quand 
il  na  plus  croiance  en  luy.  Quand  a  la  foy  infuse  les  Théologiens  lappellent 
vne  vertu  théologale  qui  na  que  Dieu  pour  son  (b)  obiect.  Et  (c)  si  cette  foy 
laquelle  est  un  présent  de  Dieu  est  tellement  (d)  nécessaire  et  nous  force  (e) 
en  sorte  qu'on  ne  la  peut  perdre,  c'est  vne  violence  &  non  pas  vne  foy  :  si  (f) 
elle  est  libre,  elle  est  appuyée  sur  vn  certain  acquiescement  et  (C)  ce  seroit 
vne  impiété  horrible  de  tascher  darracher  de  lesprit  humain  vne  doctrine  que 
Dieu  par  sa  bonté  infinie  y  auroit  infuse.  Ce  questant  ainsy  il  fault  absolu- 
ment se  dispenser  de  (g)  touttes  sortes  de  disputes  qui  concernent  la  reli- 
gion (D). 

Octaue.  —  Nous  auons  ouy  dire  que  les  Florentins  dans  lestât  populaire 
auoient  faict  vn  edict  par  lequel  il  estoil  deffendu  de  disputer  ou  contester 
vne  loy  qui  auroit  esté  vne  fois  receue  et  approuuée,  laquelle  loy  vous  vous 


[y)  MDPG  pergimus.  N  pergamus.  —  (z)  MDPG  adipiscilur  (N  qu'idem)  scienliam.  —  (a)  N 
omel  si  magislrum  répudiât,  seque  fidem  amitlit.  —  [b)  M  DPN  argumentum  «c  \D  ab,  négli- 
gence) objection.  G  sese  argumentum  (?j.  —  (c)  MDTEPG  Ea  porro  fides.  B  nun  (=  porro). 
Nvero.  —  (d}  MDTEPG  tam  necessaria.  B  so...  dass.  N  lamen  (?).  —  (e)  MUTPG  coacta. 
Y  cerla.  B  gewiss.  —  (/)  MDPG  sin.  B  wenri...  aber.  N  si.  —  'g)  N  disputaiionibus  [abslinere). 
MDPG  a  disputalionibus. 

(A)  Exliêmemeul  obscur  dans  H.  Toralba  ne  perd  pas  de  vue  son  but  :  prouver  l'inutilité  des 
discussions  religieuses.  Si  nous  ne  croyons  plus  que  notre  maître  est  savant  et  honnête,  nous 
perdons  la  foi  [et  nous  sortons  des  conditions  du  probK  me  où  la  religion  est  loi];  si  nous  lui 
gardons  notre  confiance,  toute  discussion  est  vaine,  puisque  nous  voulons  croire  ceci  ou  cela, 
vrai  ou  faux,  par  simple  confiance  en  notre  maître. 

(B)  Sans  l'entendre  a  pour  sujet  celui  qui  croit. 

(G)  Légère  inexactitude,  mais  qui  importe  dans  un  passage  d'une  logique  si  serrée.  MD  si 
libéra  quadam  assensiune  nititur,  =  sï  étant  libreelles'appuie  surleconsenlement  de  l'homme... 
(.a  suite  du  raisonnement  est  telle  :  La  foi  infuse  est  ou  bien  imposée  par  Dieu,  forcée  et  con. 
trainle  [necessaria  ac  <oacta)\  mais  alors  elle  n'est  plus  foi  (voyez  le  prix  capital  que  Bodin 
attache  à  la  liberté  et  à  la  responsabilité  de  la  conscience,  p.  565  note),  —  ou  bien  libre  ;  et  puis- 
que l'homme  accepte  de  bon  cœur  cette  foi  qui  est  un  présent  de  Dieu,  quelle  impiété  de  vouloir 
l'en  dépouiller! 

(D)  Voici  comment  j'entends  la  suite  des  idées  dans  ce  difficile  passage.  Proposition  :  Il  faut 
éviter  les  controverses  religieuses  :  1°  Si  la  religion  est  une  simple  opinion,  la  discussion  ne  sau- 
rait que  l'ébranler.  [Suppléez  :  et  elle  n'en  est  pas  une].  2°  Si  elle  est  une  science,  elle  ressortit  à 
l'évidence  mathématique,  qui,  une  fois  démontrée,  exclut  loule  discussion.  .Mais  celte  démons- 
tration n'a  encore  jamais  été  réalisée,  en  ce  qui  louche  la  religion.  3°  La  religion  est  donc  foi. 
A)  N'équivoquons  pas  sur  le  terme.  L'acquiescement  à  une  doctrine  logiquement  démontrée  n'est 
pas  la  foi  proprement  dite  ou  théologique.  B)  La  foi  proprement  dite  est  ou  acquise  (quand 
j'accorde  créance  à  mon  maitie,  non  que  je  comprenne  sa  démonstration,  mais  par  confiance  en 
lui) ;  G)  ou  infuse  C'est  là  une  vertu  théologale,  qui  a  pour  objet  Dieu.  Elle  n'est  pas  forcée,  car 
la  foi  par  contrainte  n'est  plus  la  foi.  Et  si  elle  est  un  don  de  Dieu  librement  accepté  par  nous,  il 
est  criminel  de  chercher  à  nous  l'enlever.  Évitons  donc  les  controverses,  inutiles  ou  impie3. 
G.  Q.  F.  D.  —  Salomon  résume  tout  cela,  V,  p.  373. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  05 

souuenez  bien  auoir  esté  donnée  autresfois  par  Lycurgue  (4).  Or  s'il  nest  pas 
permis  de  mettre  [246]  en  contronerse  les  loix  humaines  de  peur  de  fournir 
par  la  dispute  vue  voye  pour  les  enfreindre,  bien  moins  le  doibt  on  souffrir 
des  loix  diuines.  Et  s'il  y  a  mesmes  du  péril  en  particulier  il  y  en  aura  bien 
dauanlage  de  le  faire  en  public 

Ci  hce.  —  Les  anciens  prophètes  ont  très  sagement  faict  (A)  de  deffendre  par 
leurs  constitutions  (h)  la  dispute  sur  les  matières  de  la  religion.  Ce  qu'il  fault 
que  chacun  obserue  pour  la  sienne,  assauoir  (i)  qu'vn  chrestien  ne  doibt 
jamais  doubler  des  grands  et  principaux  points  de  sa  croiance,  non  plus  que 
les  iuifs  et  les  mahometans,  mais  ceux  cy  ont  encore  cella  de  plus  qu'il  ne  leur 
est  pas  mesmes  permis  (j)  dagiter  enlre  eux  des  questions  de  controuerse 
louchant  leur  foy  non  plus  qu'auec  les  iuifs,  et  les  chrestiens  (B).  Ce  qui  est 
ridicule  ou  (k)  malitieux  :  car  si  leur  (/)  religion  ou  superstition  est  vraye 
daultant  [dus  quelle  est  certaine  <Sc  [m)  asseurée  tant  plus  est  elle  facile  a  per- 
suader :  ou  si  cest  qu'ils  ne  veulent  pas  (n)  faire  part(o)d'vn  si  grand  aduan- 
tage  aux  iuifs  ny  aux  chresliens  cest  vue  marque  de  haine  et  d'enuie  crimi- 
nelle au  dernier  poinct  (Ç).  Mais  il  me  semble  plus  véritable  que  si  les  iuifs  (D) 
et  les  mahometans  ne  veulent  point  entrer  en  conferance  auec  les  chrestiens 
touchant  la  religion  (p)  :  cest  qu'ils  ne  peuuent  veoir  (q)  auec  des  yeux  louches 
les  beaulez  et  les  lumières  qui  se  descouurenl  (r  dans  les  veritez  et  les  mys- 
tères sur  lesquels  elle  est  fondée. 

Cokoni.  —  Lopinion  de  Curce  me  semble  la  plus  probable,  assauoir  qu'il  ne 
doibt  point  estre  permis  aux  chrestiens  de  disputer  [247!  enlre  eux  [s)  en 
public  ou  en  particulier  des  points  capitaux  de  leur  religion  [t]  de  crainte 

(4)  Plularchus  in  Lycurgo  (E). 


[h)  MDPG  ex  antiquissimis  prophetarum  instilulis.  N antiquissimorum.  —  (i)  MDPG  id  est. 
.Y  omet  idest.  —  (j)  N patiantur.  MD  paliunlur.  —  [k]  N  et,  faulif.  MD  au  t.  —  (l)  MD  eorum 
religio.  Nillorum.  —  (m)  MD  quo  verior  ac  (Naut)  certior.  —  (n)  NBMDTEG  nolunl.  P  volunl. 
—  (o)  MD  si  tantum  bonum...  communicari  nolunt.  .V  communicare.  —  [p]  N  omet  de  reli- 
gione.  —  (q)  MD  conlueri.  N  intueri.  —  [r)  MPGS  perspicuam.  D  conspicuam. —  [s]  MD  inler 
ipsos.  N  se  ipsos.  —  [t)  MD  de  summa  religionis  noslrae.  N  de  summae  (?). 

(A)  Inexact.  MD  laudab'de  est  ex  antiquissimis  prophetarum  instilulis...  abslinere,  =  il 
sied  d'obéir  aux  commandements  des  anciens  prophètes  et  d'éviter,  etc.  «  Mais  qui  par  arro- 
»  gance  ne  voudra  obéir  aux  commandements  du  preslre  qui  pour  ce  temps  la  ministre  au  Sei- 
»  gneur  ton  Dieu,  par  sentence  du  iuge  cet  homme  mourra,  et  osleras  le  mal  d'Israël  ».  Deut., 
17,8-12. 

(B)  Inexactitude  qui  obscurcit  l'enchaînement  des  idées  :  MD  sed  Ismaëlitœ  hoc  amplius, 
quod  nec  secum  ipsi,  nec  cum  Judseis  aut  Christ iani s  de  sua  religione  disseri  paliuntiir. 
Chrétiens  et  juifs  interprètent  le  commandement  du  Deut.  comme  interdisant  les  controverses  à 
l'intérieur  de  leur  confession  respective;  mais  les  mahometans  s'interdisent,  en  plus,  les  contro- 
verses avec  les  infidèles  (voir  textes,  p.  242,  note),  et  en  conséquence  le  prosélytisme  par  la 
persuasion. 

(C)  Inexact.  MD  illud  est  animi  invidi  ac  ipsa  malevolenlia  jejuni,  =  c'est  une  preuve 
d'envie  haineuse,  et  que  la  malveillance  même  rend  bornée. 

(D)  Curce,  qui  rangeait  tout  à  l'heure  les  juifs  avec  les  chrétiens,  les  en  sépare  maintenant  au 
souvenir  de  la  répugnance  que  Salomon  a  montrée  à  entrer  en  dispute,  pp.  239  sqq. 

(E)  Plut.,  Lycurgue,  29. 

Chauvi  ré  5 


(>l>  JEAN    1Î0DIN 

que  la  force  des  arguments  napporte  des  scrupules  dans  les  esprits  (A)  qui 
estants  attirés  tantost  dans  vn  sentiment  tantost  dans  vn  autre  peuuent  tomber 
dans  vne  infinité  de  doubles  &  derreurs  Et  c'est  pour  cella  que  les  loix  diui- 
nes  (1)  le  dépendent  (B).  Cependant  (n)  il  est  permis  a  tout  sexe  a  tout  ordre 
a  tout  aage  et  en  tous  lieux  de  lire  les  loix  diuines  et  les  apprendre  et  il  a 
tousiours  esté  permis  entre  ceux  de  diuerses  sectes  de  disputer  de  leur  reli- 
gion pour  connoistre  la  meilleure  et  ramener  dans  la  chemin  du  salut  dont 
sesloignent  (y)  ou  sapprocbent  (C)  les  Neopbites,  les  Catliecumenes,  les  Ener- 
gumenes,  les  Mahometans,  les  luifs,  les  Payens  et  (.r)  les  Epicuriens  par  la 
force  (D)  des  authoritez,  de  l'antiquité,  de  la  science,  et  des  démonstrations 
claires  &  nettes,  selon  que  le  droicl  d'vnion  et  de  charité  y  oblige  tous  les 
hommes  les  vns  enuers  les  autres  [y). 

Senamy  (E).  —  le  preuoy  [z<  que  ces  disputes  des  religions  sen  iront  a 
néant,  car  qui  sera  l'arbitre  d'vne  si  grande  controuerse? 

Feoerich.  —  I.-C.  nostre  Dieu  layant  ainsy  promis  :  Si  vous  estes  (a)  trois 
assemblez  en  mon  nom,  ie  seray  au  milieu  de  vous. 

Senamy.  —  Mais  cest  le  premier  différant  (b)  denlre  les  luifs  et  les  Chres- 
tiens,  &  les  Chrestiens  encores  auec  les  Mahometans  assauoir  si  le  Christ  est 
Dieu  ou  non. 

Curce.  —  Pour  le  prouuer  il  se  fault  seruir  de  bons  tesmoins  et  de  bonnes 
authoritez  (F). 

(1)  Deuleronom.,  c.  Il  et  31  ;  Iosué,  c.  1  et  24  (G). 


(u)  M.  dum.  D  num.  N cum.  Mi)  divina  lex.  N  divinae  leges,  qu'exige  MUN  proponantur.  — 
(v)  MD  aberrantes.  N  oberrantes,  impropre  —  [x)  N  et  Epicurœos.  Ml)  suppriment,  et.  — 
yu)  MDN  homiui  cum  homine.  PG  omettent  cum  homine.  —  (z)  MD  prospicio.  N  perspicio.  — 
(«)  M  insère  inquit.  — (b)  MDl'G  controverlitur.  BN  conlravertitur  (?). 

(A)  «  Car  loules  choses  mises  en  dispute  sont  aussy  reuoquées  en  double  :  or  c'est  impielé 
»  bien  grande  reuoquer  en  double  la  chose  dont  vn  chacun  doit  estre  résolu  et  asseuré  :  d'autant 
»  qu'il  n'y  a  chose  si  claire  &  si  véritable  qu'on  n'esbranle  par  dispute  :  mesmemenl  de  ce  qui  ne 
»  gist  en  démonstration  ny  en  raison,  ains  en  la  seule  créance  ».  Itép.,  IV,  7,  p.  454.  Cf.  mon 
Jean  Bodin,  IV,  3,  6  D. 

(B)  Contresens  sur  cautum,  traduit  par  de/fendent,  et  qui  signifie  :  stipulé,  réglé,  ordonné  par 
la  loi.  M  dum  (D  num,  n'esl-il  pas  vrai  que?...  Sur  num  =  nonne  dans  VHept.,  cf.  références, 
p.  223,  ta/nen  divina  lex  omni  sexui,  omnibus  ordinibus,  omnibus  œtalibus,  omnibus  locis,  ad 
legendum  et  ad  inluendum  proponantur  (conjeclure  :  proponatur),  ut  leye  divina  sanctissime 
eàutum  est.  —  J'entends  :  Tandis  que  (contrairement  à  la  coutume  chrétienne)  la  loi  divine 
(=  la  loi  juive)  est  exposée  à  tous  et  à  loules  en  loules  circonstances,  comme  elle  en  ordonne 
ainsi  elle-même.  Cf.  B,  p.  52.  El  Bodin  lui-même  :  «  El  par  la  loy  de  Dieu  il  est  expressément 
»  recommandé  de  l'escrire  partout  et  la  lire  au  peuple  :  mais  il  n'est  pas  dit  qu'on  en  disputera  ». 
liép..  IV,  7,  p.  455. 

(C)  Inexact  :  MD  a  recta  via  oblique  aberrantes. 

(D)  Omission  :  argumenlis,  par  les  raisonnements.  B  durch  Vernunflgrunde. 

(E)  A  partir  d'ici  jusqu'à  la  (in  du  livre  V,  B  offre  à  côté  de  la  traduction  allemande,  qui  se 
réduit  parfois  à  une  simple  analyse,  pp.  52  sqq  ,  le  texte  latin  lui-même,  pp.  161  sqq. 

(F)  Tabulis,  de  preuves  écriles.  B  Dokumenle. 

(G)  G  donne  les  références  de  B.  M  Deut.,  c.  11  cl  21.  DA  Dent.,  11  el  34.  Ce  sont  celles  de 
M  qui  sont  correctes.  Deut.,  11,  passim  et  21,  11;  .Iosué,  1,  16  et  24;  24,  16  et  21  el  24,  nous 
montrent  la  loi  proposée  au  peuple  entier. 


l>i:S    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  (>7 

Sknamy.  —  Et  cesl  encores  la  difficulté,  ou  sont  ces  tesmoins  suffisans  &  ces 
[248J  auctoritez?  qui  en  seront  leurs  (A)  cautions?  et  de  ces  cautions  qui 
seront  les  certifîcaleurs  a  lin  quon  leur  donne  vne  créance  ferme  &  asseurée 
qui  ne  laisse  aucune  incertitude? 

Coroni.  —  I/Eglise,  selon  le  sentiment  de  S.  Augustin  conneu  &  approuué 
partout  :  Non  crederem  Euangelio  (c)  nisi  Ecclesia  id  ipsum  confirmaret  (B), 
le  ne  croirois  pas  l'Euangile  si  l'Eglise  ne  l'auoit  approuué. 

Senamy.  —  La  difficulté  nest  pas  moindre  encores  de  sçauoir  quelle  est 
celte  Eglise  (Ci  :  les  Iuifs  tiennent  pour  la  leur,  les  Mahometans  au  con- 
traire [d)\  les  Chrestiens  se  lattribuent  et  les  payens  de  touttes  les  Indes  veu- 
lent lemporter  par  l'antiquité.  Cest  pourquoy  Nicolas  Cusanus  (D)  cardinal 
homme  deminente  doctrine  na  rien  entrepris  (e)  (E)  de  prouuer  touchant 
l'Eglise  chrestienne  (/"),  mais  posant,  dict  il,  ce  principe  que  l'Eglise  est 
establie  par  l'vnion  auec  I.-C,  il  se  sert  de  ce  qui  faict  la  principale  {g)  diffi- 
culté. 

Salomon.  —  Cest  vne  vérité  dont  les  Chrestiens  &  les  Mahometans  (F) 
demeurent  daccord  et  en  cella  ils  ont  le  mesme  sentiment  que  les  Iuifs  que 
la  véritable  et  seule  Eglise  de  Dieu  a  esté  parmy  le  peuple  d'Israël  qui  seul  en 
toutle  la  terre  conseruoit  le  culte  du  Dieu  éternel  et  son  alliance,  empreinte 
de  ses  doigts  sur  la  table  de  pierre  (G)  &  qui  fut  (h)  sanctifliée  par  le  sang 
des  victimes,  et  qui  seul  aussy  est  garde  &  dépositaire  de  la  loy  de  Dieu  &  des 
lettres  sacrées  ou  elle  est  comprise. 


(c)  MDB  evangelio.  N evangelium,  fautif  [cf.  S.  Augustin).  —  (d)  NPGB  Ismaëlilœ  infitian- 
lur.  MD  Ismaélites  inficiatur,  incorrect.  —  (e)  MDTE  sibi  probandum  sumpsit.  PG  suppriment 
sibl.  NB  scripsit.  —  (/")  ND  de  ecclesia  Chris tianorum.  MB  chrisliana.  —  {g)  NMDB  in  pré- 
cipita quseslione.  PG  omettent  prœcipua. —  {h)  MDB  incisum  et  sanguine  sacratum  erat. 
N  incisum  est. 

(A)  Pléonasme,  par  négligence  de  style,  entre  en  et  leurs. 

(B)  Contra  Episl.  Manichœi,  b,  6  (Migne,  August.,  t.  8,  col.  176). 
(G)  MD  vera  ecclesia,  =  quelle  est  la  véritable  Eglise. 

(D)Nicolas  de  Gusa  (1401-1464)  a  eu  une  influence  importante  sur  la  discipline  de  l'Eglise, 
notamment  au  concile  de  Bàle  (1431).  De  ses  nombreux  ouvrages  d'apologétique,  le  plus  connu 
est  le  De  calholica  verilate.  OEuvres  publiées  à  Bàle,  1565,  3  vol.  in-l'ol.  —  Je  crois  que  Bodin 
l'ait  ici  allusion  à  ses  Cribrationum  Alchorani  libri  1res,  qu'il  trouvait  dans  l'Alcoran  de  Biblian- 
der,  s.  1.,  1550,  t.  3,  pp.  31  sqq.  Je  lis  dans  le  premier  prologue  que  la  principale  preuve  de 
l'erreur  de  Mahomet,  c'est  qu'il  n'est  pas  d'accord  avec  le  Christ  :  «  Cerlum  est  igitur  quod  qui 
»  Chrislum  et  viam  ejus  sequilur,  ad  comprehensionem  desiderati  boni  perveniet.  Unde  si 
»  Machumel,  in  aliquo,  Ghrislo  dissentit  :  necesse  est  ut  hoc  aut  faciat  ignoranlia,  quia  Christum 
»  non  scivit  aut  intellexit,  aut  perversilate  intenlionis,  quia  non  intendebat  homines  ducere  ad 
»  illum  finem  quielis,  ad  quem  Christus  viam  oslendit  »,  etc.  Un  tel  passage  me  semble  hien 
prêter  le  flanc  à  la  critique  de  Bodin,  que  N.  de  C.  prend  pour  acquis  ce  qui  justement  est  en 
question. 

(E)  Sumpsit  a  pour  lui  l'autorité  des  meilleurs  mss.,  MDTE.  D'autre  part,  bien  qu'évidemment 
je  n'ai  pas  lu  tout  N.  de  G.,  je  ne  trouve  pas  dans  les  Cribrationes  Alchorani,  que  j'ai  lues,  de 
passage  où  l'auleur  écrive  (scripsil)  littéralement  qu'il  n'a  rien  à  prouver  touchant  l'Eglise  chré- 
tienne. Il  me  semblerait  d'ailleurs  peu  adroit  de  souligner  cette  altitude;  il  l'est  bien  davantage 
de  la  prendre  sans  en  parler,  comme  dans  le  passage  ci-dessus. 

(K)  »  Ils  [les  Mahometans]  disent  qu'ils  suyuent  la  loy  d'Abraham  et  qu'ils  adorent  le  mesme 
»  Dieu  que  ce  patriarche  viuant  et  respirant  adora  ».  Infra,  p.  310  et  note. 

(G)  Exod.,  30,  18. 


68  JEAN    BODIN 

Federich.  —  Ouy,  iusqu'a  I.-C. 

Octaue.  —  Les  Iuifs  et  (i)  les  Mahometans  reiettent  les  escritures  du  nou- 
ueau  Testament  (j)  (A)  comme  corrompues  par  les  chrestiens  :  cependant  les 
Mahometans  (B)  ne  sçauroient  [249]  sempescher  (k)  de  se  seruir  (/)  des  tes- 
moignages  euangeliques  principalement  dans  TAIcoran  Azoara(C)  Elmeide  (D) 
et  Azoara  XII  (m),  mais  non  pas  comme  ils  sont  raportés  (n)  dans  ceux  dont 
les  chrestiens  se  seruent  (E). 

Toralbe.  — ■  Si  les  fondements  de  la  véritable  religion  ne  sont  appuyez  que 
sur  rauctorité  des  escritures,  il  ny  a  qua  se  seruir  de  la  vieille  sentence  des 
Pytagoriciens,  aù-ro;  etpa  (F),  ipse  dixil,  il  la  dict  (2).  Que  si  cella  rendoit  la 
chose  assez  doubteuse  pour  pouuoir  donner  diuerses  explications  a  ces 
parolles  il  faudra  auoir  recours  aux  arbitres  cest  a  dire  aux  sages. 

Senamy.  —  Cest  encore  vne  question  qui  nest  pas  moins  embarrassante  que 
les  autres,  ou  sont  ces  sages,  car  au  iugement  des  foux  les  snges  sont  reputez 
foux  et  (o)  les  sages  appellent  les  autres  furieux  (G). 

(2)  Ipse  dixit. 


((')  NMDB  Judaei  aeque  ac  Ismaëlitae.  l'G  omettent  seque.  —  [j]  NB  novi  leslamenli.  MU  ins- 
Irumenli.  —  (k)  N  lamelsi  Muhammedes  non  dubitaverit.  l'G  dubilet.  MDB  dubilal.  — 
(l)  MDPG  ciere.  BN citare  —  (m)  MUATEJH  potissimum  in  Azoara  Elmeide  et  in  Azoara  XII. 
PG  omettent  in  Azoara  Elmeide  et.  N  potissimum  in  Alcorano  Elmeide  (?j  et  in  Az.  XII. 
B  potissimum  in  Alcorano  (?).  —  (n)  MDTEI'GHB  Leyser  non  tamen  ea  (se.  evangelica  testi- 
monia)  quae  in  Chrislianorum  manibus  versanlur.  N  non  tamen  in  ea  fsc.  AzoaraJ  quse  in 
Chrislianorum  manibus  versalur[1).  —  (o)  MUTEI'B  si  suo  judicio,  furiosi.  NG  et  suo  judicio, 
furiosi. 

(A)  MD  insti'umenti  =  pitee  d'archives,  document  écrit. 

(B)  Inexactitude.  C'est  Mahomet  qui  n'hésite  pas  à  employer  les  Evangiles  dans  son  Coran. 
MDNB  Muhammedes. 

(C)  Ce  mot  <ïazoara  est  la  transcription  de  l'arabe  soura,  dont  nous  avons  fait  sourate.  Cf. 
Bibliander,  o.  c,  t.  I,  p.  224.  «  Azoara  arabice  vullus  latine  dicitur;  unde  quod  nos  capitulum 
»  dicimus,  i  1 II  vocant  azoaram  ». 

(D)  La  sourate  Elmeide  (•=  de  la  Pàque.  Cf.  Ilept.,  IV,  p.  324  :  «  Au  iour  de  Pasques  ils  l'ont  la 
«  Cène  »  =  Post  jejunium  menslruum  Elmeide,  id  est  cenam  concélébrant)  et  la  sourate  XII  n'en 
t'ont  qu'une  dans  VAlcoran  de  Bibliander.  Je  conjecture  donc  le  texte  :  in  Azoara  Elmeide 
(Azoara  XII),  ce  qui  explique  l'alternance  de  certains  mss.,  où  tantôt  Az.  Elmeide  et  tantôt 
Az.  XII  ont  disparu.  Voici  des  versets  où  Mahomet  invoque  les  Évangiles  :  «  S'ils  observaient 
»  le  Penlateuque  et  l'Evangile  et  les  livres  que  le  Seigneur  leur  a  envoyés,  ils  jouiraient  de 
»  biens  qui  se  trouvent  au-dessus  de  leurs  têtes  »,  éd.  Kasimirski,  5,  70;  Bibliander,  12,  p.  41 
ad  fin.  —  «  Infidèle  est  celui  qui  dit  :  Dieu  c'est  le  Messie  lils  de  Marie.  Le  Messie  n'a-l-il  pas 
»  dit  lui-même  :  O  entants  d'Israël,  adorez  mon  Dieu  qui  est  le  vôtre?  ».  Kasim.,  5,  76;  Bib.,  12, 
p.  42,  ligne  6. 

(E)  Les  témoignages  que  Mahomet  lire  des  Evangiles  sont  souvent  mutilés  ou  faussés,  déclare 
Kasimirski,  p.  xx\.  Et  il  ajoute  :  «  Quant  à  l'instruction  telle  qu'elle  pouvait  exister  à  cette 
»  époque-là  entre  les  Juifs  et  les  Chrétiens,  il  [Mahomet]  n'en  avait  évidemment  pas;  et  il  ne 
»  possédait  des  Écritures  qu'une  connaissance  fragmentaire  telle  qu'on  la  puise  dans  des  enlre- 
»  liens  et  par  des  ouï-dire.  De  là  vient  que  quelques  récits  bibliques  reproduits  dans  le  Koran 
»  sont  défigurés  ». 

(P)  Sentence  citée  dans  maint  livre  familier  à  Bodin  :  Origène,  Contra  Celsum,  1,  7  (Migne, 
Orig.,  t.  I,  col.  667)  ;  Cicéron,  Académie,  2,  3,  et  De  natura  deor.,  1,  5. 

(G)  MD  si  suo  judicio,  furiosi.  Voici  ce  que  j'entends  :  Si  les  philosophes  (sapienles)  sont 
estimés  philosophes  par  les  autres,  c'est-à-dire  par  les  non-philosophes  (stultorum),  c'est  qu'ils 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  69 

Tohalbe.  —  Il  fault  (p)  en  chacun  art  se  conseiller  aux  experts  et  (q)  les 
bons  ouuriers  sans  vn  long  vsage  ou  sans  dexcellentes  raisons  ne  sen  veullent 
pas  raporter  a  eux  mesmes  (A),  cependant  ils  se  peuuent  tromper  es  choses 
ou  il  ny  a  point  de  démonstration.  Pour  ce  qui  regarde  la  foy  et  la  perseue- 
rance  en  matière  de  religion  elles  ne  despendent  (/*)  que  de  l'auctorité  dun 
senl  Dieu  qui  ne  trompe  iamais  &  ne  peut  point  estre  trompé,  laquelle  aucto- 
rité  vaûlt  infiniment  mieux  que  touttes  démonstrations,  raisonnemens,  escri- 
Lures  &  tesmoins. 

Sknamy.  —  Il  ny  a  point  de  double  que  (s)  [B)  la  véritable  religion  est  celle 
(jui  a  Dieu  pour  son  autheur,  mais  de  sçauoir  sil  est  autheur  de  celle  cy  plus- 
losl  que  de  celle  la  (t),  cest  la  question. 

Salomon.  —  Les  prestres  d'Apollon  (m)  que  les  Caldeens  appellent  Bahalem 
layant  déclaré  pour  leur  Dieu  a  estre  adoré  (v),  le  [250]  prophète  Helie  en 
demanda  lespreuue  a  condition  que  celluy  la  seroit  reconneu  pour  le  vray 
Dieu  dont  llioslie  (.r)  a  luy  présentée  en  sacrifice  seroit  pluslost  consommée 
par  le  feu  du  ciel  en  présence  du  roy  Acab  :  ce  qui  (y)  ayant  esté  faict  deuant 
vn  concours  innombrable  de  peuple,  les  Pontifes  d'Appollon  (3)  dun  cœur 
tout  de  feu  (C)  ayant  redoublé  (2)  leurs  voeux  &  leurs  prières  au  soleil 
d'esté  [a)  iusques  a  faire  sortir  du  sang  de  leur  visage  et  de  leurs  veines  inu- 

(3)  Ab  habitu  furioso  sic  dicti  camarin  (D). 


(/))  NMPGB  considère  solemus.  D  debemus.  —  (</)  MDTEPG  neque  lamen  (NB  etiam)  opifices. 

—  (/■)  MI>B  peu-tel.  N  dépende!.  —  [s)  MDTEPG  omettent  necèsse  est,  qui  est  dans  NB.  — 
(/)  MUPG  sed  hujus  an  illius  religionis  uutor  s'il.  NB  sed  num  hnjus  legis  uni  illius  autor  sit. 

—  («)  MD  sacerdoles  A/iollinis.  NB  Apolline»!  (?).  —  (o)  NB  (Bahalem)  pro  deo  colrndo  propo- 
nerent.  MD  culendum.  —  (x)  MDPGB  in  cujus  hosliam  (N  hosUa,  abl.  incorrect)  flamma  cœlilns 
delapsa  — [y]  N  omet  Acla  res  est  ingenli  concursu  mulliludinis.  —  (z)  MDTEG  ingemina- 
renl    BNP  ingénièrent.  —  (Uj  MNB  ardenlissimo  œstutis  sole.  D  soli,  inadvertance. 

sont  des  non-philosophes;  et  si  c'est  de  leur  propre  autorité  qu'ils  s'estiment  philosophes,  c'est 
bien  pis,  c'est  (à  force  de  prétention]  de  la  démence.  Conclusion  implicite  •  qui  sont  donc,  parmi 
les  hommes,  les  philosophes? 

(A)  Oliscur.  —  Senamus  vient  de  montrer  combien  les  experts  en  sciences  morales  sont  diffi- 
ciles à  distinguer  des  non-experts.  Toralba  confirme  son  point  de  vue  :  1°  En  ce  qui  concerne 
chaque  corps  de  métier,  nous  nous  fions  à  un  artisan  habile  en  sa  spécialité;  encore  cet  artisan 
ne  s'en  rapporle-t  il  pas  à  lui-même,  s'il  ne  s'assure  sur  l'expérience,  usu,  et  le  calcul  précis, 
cerlissimis  ralionibus.  Si  les  moyens  de  connaissance  exacte,  demonslraiio,  lui  manquent,  il 
peut  se  tromper;  et  pourtant  nous  nous  fions  à  lui  [lamen,  à  mon  sens,  répond  à  consulere 
solemus  de  M,  ou  debemus  de  D).  Idée  générale  :  nous  nous  en  remettons  à  une  autorité,  cepen- 
dant faillible.  2°  Il  n'en  va  pas  de  même  (autem)  en  ce  qui  concerne  la  religion.  Nous  faisons 
toujours  appel  à  une  autorité,  mais  à  celle  de  Dieu,  qui  est  infaillible.  —  Oui  bien,  va  reprendre 
Senamy,  mais  comme  toutes  les  religions  prétendent  être  autorisées  de  Dieu,  quelle  est  celle 
que  vraiment  il  autorise?  —  La  Juive,  dira  Salomon,  comme  Dieu  Ta  prouvé  en  répondant  à 
l'appel  d'Elie  contre  les  prêtres  de  Bahal. 

(B;  Necesse  est  semble  une  glose  ajoutée  au  texte  par  des  copistes  qui  n'auront  pas  compris  le 
subj.  seul  :  Fera  profecfo  sit  religio,  =  admettons  que  la  véritable  religion...  R  traduit  donc 
inexactement. 

(<"j  M  ardenlissimo  œslatis  sole.  Il  semble  traduire  :  ardentissime,  eestalis  sole. 
I)   MD  (corrects;  ab  habitu  fumoso  sic  dicti  Camarim.  «  Et  mesmes  les  prestres  de  Bahal 
»  esloyent  aussi  prophètes  se  retirans  du  monde,  habillez  de  drap  enfumé  qui  est  la  plus  hideuse 
»  couleur,  et  pour  cesle  cause  s'appelloyent  Camarim  ».  Démon.,  1,  3,  p.  81. 


70  JEAN    BODIN 

tileuient,  Helie  (4)  par  vne  ironie  élégante  leur  criant  qu'il  falloit  parler  plus 
hault,  le  soleil  estant  presque  vers  son  couchant  auec  trois  mots  seulement  fit 
descendre  le  feu  du  ciel  qui  dans  vn  moment  consomma  la  victime  l'autel  les 
pierres  et  les  eaues  respendues  dans  les  Elices  (b)  fossés  (A)  qui  esloient  près 
de  cet  autel.  Ce  Roy  &  son  peuple  estonné  d'vn  spectacle  si  prodigieux  com- 
manda (B)  que  le  Dieu  des  luifs  fusl  reconneu  et  adoré.  Et  Helie  lit  passer 
au  fil  de  l'espée  les  près  très  de  ce  Bahalem.  Et  peu  de  temps  après  les  pluyes 
qu'il  auoit  arrestées  par  ses  prières  pendant  trois  ans  &  six  mois  tombèrent 
en  abondance  par  lefficace  de  ses  mesmes  prières  dont  lintention  esloit 
changée  (C). 

Eedeiucu. —  le  souhaiterois  de  tout  mon  cœur  quil  y  eust  maintenant  quel- 
que Helie  qui  en  présence  des  Roys  et  des  peuples  vouleut  faire  lespreuue 
laquelle  parmy  tant  de  religions  est  la  meilleure. 

Salomon  --  La  loy  de  Dieu  (5)  deifend  (c)  de  siriformer  s'il  est  cecy  ou  cella 
et  sans  son  [251]  commandement  exprès  Helie  (6)  n'eust  eu  garde  de  senga- 
ger  dans  vne  telle  entreprise,  les  miracles  &  les  prodiges  nayans  aucun  effect 
auec  les  impies  et  les  scélérats  :  puisque  ces  merueilleuses  opérations  d'Helie 
neurent  aucune  suitte  en  ce  que  Acab  et  son  peuple  (d)  retournèrent  a  l'Ido- 
latrie  et  que  le  pauure  Helie  (D)  fut  proscript  par  la  Reyne  (e)  letzabel  la 
furie  de  laquelle  il  neust  iamais  euité  s'il  ne  se  fust  sauué  par  la  fuitte  :  et 
dans  toutte  l'estendue  [f)de  la  terre  il  ne  sest  iamais  l'aict  tant  &  de  si  grands 
miracles  que  parmy  les  enfans  d'Izraël  (E)  :  et  partant  ou  peut  on  chercher 
vne  preuue  plus  certaine  de  la  véritable  religion? 

Curck.  —  La  preuue  ce  me  semble  de  la  véritable  religion  est  l'auctorité  de 
l'Eglise,  la  vérité  des  escritures  sainctes  (q),  son  antiquité,  les  oracles  sacrez, 
les  prodiges  célestes  et  les  raisons  claires  &  nettes. 

Salomon.  —  Le  rabbin  Moyse  Rambam  (F)  abbrege  encore  &  ne  reconnoist 

(4)  Lib.  I  Regum,  c.  18  (G).  —  (5)  Exod.,  c.  17  (H).  —  (6)  I  Regum,  c.  18  (I). 


{b)  M  DTE  G  elices.  BXP  silices  (?).  —  (c)  .V  vetabal.  M  veluit.  DPGR  velut.  —  (d)  PG  omet- 
tent cum  populo.  —  (e)  NB  omettent  regina.  —  (/)  N  usquequaque  [MDI'GB  mquam)  terrarum. 
—  [gi  'V  snerse  scrîpturae  (MDPGB  sacrarum  scriplionum)  verilate. 

(A)  Elices.  Ce  sont  les  rigoles  qn'Elie  creuse,  conformément  au  rite,  autour  de  l'autel,  III  Rois, 
18,  82  et  38. 

(B)  MD  coactus  est.  Le  roi  fut  contraint  de  reconnaître  le  dieu  des  juifs.  Cf.  ibid.,  18,  3'J. 
(G)  III  Bois,  18,  41  à  45. 

(D,  III  Bois,  1(J.  Le  traducteur  manifeste  assez  naïvement  son  sentiment  (le  pauure  Helie). 

(E)  Inexact.  MD  quam  quse  universo  populo  islo  speclante  fada  legimus,  =  que  les  prodiges 
qui  ont  eu  pour  témoin  le  peuple  entier  d'Israël. 

',Fj  11  s'agit  du  célibre  Maimonide,  dont  IJodin  a  beaucoup  lu  le  Docteur  des  perplexes,  Moreh 
nevokim,  fréquemment  invoqué  dans  la  Démon,  et  VHept.  L'ouvrage  auquel  fait  allusion  la 
note  7  est  la  Lettre  aux  rabbins  de  Marseille,  en  hébreu  avec  trad.  latine  de  Jean-Isaac  Levita, 
Cologne,  1555,  in-8.  Maimonide  y  montre  la  vanité  de  l'astrologie  et  l'incompatibilité  de 
l'influence  des  astres  avec  la  liberté  de  l'homme  et  les  préceptes  de  Dieu. 

(G)  Erreur.  III  Rois,  18. 

(Il;  Exod.,  17,  raconte  l'eau  sortie  du  rocher  et  les  Amalécites  vaincus.  Ne  faudrait-il  pas  lire 
Exod.,  19,  21  à  24,  où  Dieu  interdit  l'accôs  du  Siuaï  au  peuple  et  même  aux  lévites,  ne  le  per- 
mettant qu'aux  seuls  Moïse  et  Aaron? 

(I)  Erreur.  111  Rois,  18,  1  :  «  L'est  par  votre  ordre  que  j'ai  fait  toutes  ces  choses  ». 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SI  BUMES  71 

que  trois  choses  a  croire  nécessairement  (h),  assauoir  la  démonstration,  les 
sens  &  les  oracles  des  Prophètes  :  tout  le  reste  dict-il  (7)  se  peut  croire,  mais 
il  ny  a  poinct  de  nécessité. 

Senamy.  —  Si  l'on  doibt  adiouster  (i)  foy  aux  oracles  (A),  il  y  en  a  vu  vieux 
d'Apollon  lequel  ayant  esté  consulté  au  subiect  des  diuersitez  de  religions 
laquelle  estoit  la  meilleure,  respondit  en  vn  mot,  la  plus  ancienne  (/),  et 
interrogé  derechef  laquelle  estoit  la  plus  ancienne,  la  meilleure  [k),  respon- 
dit il. 

252j  Tomalbe.  —  Quand  ie  naurois  aucun  tesmoignage  d'oracle  ie  croi- 
rois  (l)  lousiours  que  la  plus  ancienne  des  religions  est  la  meilleure,  le  respect 
&  la  foy  de  lantiquité  (m)  estant  assez  puissante  pour  se  soustenir  (n)  de  soy 
mesme  :  mais  ces  (B)  nouuelles  religions,  ces  nouueaux  sacrifices,  ces  nou- 
ueaux  sacremens,  ces  nouuelles  cérémonies,  ces  nouuelles  loix,  ces  nouueaux 
conciles,  ces  nouuelles  Eglises,  ces  nouuelles  constitutions,  ces  nouuelles 
mœurs  ont  tousiours  renuersé  de  fond  en  comble  les  plus  fleurissantes  des 
villes. 

Cokoni.  —  Cest  vu  grand  preiugé  pour  l'Eglise  Romaine  (o)  contre  les 
aucteurs  de  la  nouuelle  croiance.  Cest  pourquoy  voyons  ie  vous  prie  quelle 
est  la  plus  ancienne  et  aussy  (p)  quelle  est  la  meilleure  car  avec  la  coanois- 
sance  de  Ivn  nous  aurons  celle  de  l'autre. 

Salomon  tente  de  s'opposer  à  ce  qu'on  se  fie  aux  oracles  païens.  La  seule 
légitime  divination  est  celle  par  Urim  et  Tlmmmim,  sur  le  rational  du  grand 
prêtre  hébreu.  Le  démon  Apollon  n'a  qu'un  instinct  (cf.  infra,  p.  255)  celui 
d'ébranler  toute  religion  (253)|. 

Senamy.  —  Mais  (G),  Salomon,  qui  a  monstre  que  la  vostre  estoit  la  meilleure, 

7    In  Epist.   aduersus  theologos  (7). 


{h)  N  noslris  credendn.  MDI'GU  necessario  credendu  —  [i)  N  Si  (ides  oraculis  habelur. 
MDli  habealur.  —  (j)  N8  Anliquissima.  MDPG  Aiiliquissimam.  —  {k)  NB  Oplima.  MDPG  Opti- 
mum. —  (/;  N  1  ersuasum.  MDli  persuasum  est.  —  («#)  .V  files  ttnliqnilati.  MDPGBanliquilalis. 

—  (//)  PGR  omellenl  facile.  —   0)  NB  Romand.  MDPG   Romunorum.  —  [p)   NB  quae  sil  unti- 
quissiiiia  relit/ 10,  ut  etium  patent,  quae  sit   oplima.  MDI'G  retit/io,  tel  eliam  quœ  sil  oplima. 

—  i/\  MDI'G  aslrologos,  qui  est  certain.  Cl*,  p.  484. 

(A)  [.a  discussion  où  s'engage  Bodin,  sur  la  valeur  des  oracles  païens,  des  prophéties  des 
sibylles  el  de  celles  des  prophètes  juifs,  peut  nous  paraître  assez  vaine  aujourd'hui;  mais  c'esl, 
pour  ainsi  dire,  un  développement  obligatoire  dans  le  sujet  qu'il  traite.  Nous  le  verrons,  c'a  été, 
aux  premiers  siècles  de  l'Eglise,  un  terrain  permanent  de  lutte  entre  les  gentils  et  les  chrétiens 
que  l'interprétation  des  anciennes  prophéties.  S.  Augustin,  Ensèbe,  S.  Clémenl  d'Alexandrie, 
Laclance.  Porphyre  s'en  sont  occupés.  Et  naturellement  chaque  parti ,  s'efforçant  de  citer  des 
oracles  qui  lussent  en  sa  laveur,  en  a  truqué  et  même  forgé  un  grand  nombre.  Les  hommes  de 
la  Renaissance  qui  traitent  des  choses  religieuses  suivent  la  trace  des  anciens,  Marsile  Ficin,  par 
exemple,  dans  son  De  Christiana  religione  (analyse  dans  Ph.  Monnier,  Le  quattrocento,  t.  II, 
p.  107),  ou  Duplessis-Mornay,dans  sa  Venté  de  la  religion  chrestienne. 

(Bi  Inexact.  MD  novae  religiones,  —  les  nouvelles  religions,  quelles  qu'elles  soient.  Sur  le 
conservatisme  religieux  ou  politique  de  Bodin,  cf.  supra,  p.  236  sq. 

(G)  R  n'a  pas  compris  la  suite  des  idées.  Salomon  disait  :  Si  c'est  un  crime  de  consulter  Apol- 
lon, quel  crime  plus  grand  encore  que  d'en  faire  l'arbitre  de  sa  foi!  —  «  hnmo  vestram,  Salotno, 
»  religionem  ut  oplimam  probavit  »,  rétorque  Senamy.  Mais  non,  faut-il  suppléer;  et  bien  plus, 
Salomon,  c'esl  lui  qui  a  défendu  la  vôtre  dans  ses  oracles. 


72  JEAN    BODIN 

ayant  esté  enquis  laquelle  estoit  la  meilleure  de  toultes,  respondit  de  cette 
façon  (i)  : 

Mouvoi  XaASouoi  çocpiTqv  Xâ/ov,  ot  S  '  ap  '  'Eêpcuoi 
aÙToysv/jTOv  avaxroc  aeSaÇouEvcH  6eov  àyvco;  (2)  (A). 

C'est  a  dire  :  Caldrei  sapienliam  nacti  sunt,  Hebrœi  vero  Deum  seternum 
regem  pure  (j)  colunt.  Les  Galdeens  sont  sages,  mais  les  Iuifs  adorent  Dieu 
roy  éternel  purement.  [254]  Et  puis  enquis  quels  gens  cestoient  que  les  Iuifs 
dict  : 

'H8à  6eov  p7.TtX'?]ot  xat  yEvv7jT7|pa  7rpo  irivrcov 
ov  TpÉaexat  xat  youa  *a'  où'pxvot  7)5è  ôxXacraa 

TapTapSOl   (A')    Té.   \J.U/o\   XXI   8xCf/.OV£Ç    ÈxtppiTTOUffl    (B). 

C'est  a  dire  en  latin  : 

111a  Deum  regem  pure  colit  omnipotentem, 

Quem  mare,  quem  tellus  ingens,  quem  sidéra  cœli, 

Quem  genii  exhorrent,  metuit  quem  immanis  abyssus  (/)  (C). 

Et  en  françois  :  Sont  ceux  la  qui  adorent  seulement  vn  Dieu,  Roy  tout  puis- 
sant que  la  mer  et  que  la  terre  et  que  les  astres  des  cieux  craignent,  que  les 
diables  des  enfers  redoutent. 

(2)  Eusebius  in  lib.  llpoTuapas/eù/jç,  et  Lactantius,  et  Iustinus  martyr. 


(ij  MDI'G  sic  enim  (respondit).  Nli  sic  efiam.  —  [j)  MDPG  pure.  N  pie.  —  (k)  MO  Txitxosoi. 

N  TapTxpioi.  Corrigez  :  Taprxpsioi.  —  (/)  MDTEPG  immanis  (NB  maris)  abyssus. 

(A)  Cel  oracle,  célèbre  à  cause  de  sa  valeur  polémique,  est  dans  Eusèbe,  Pr&paralio  evange- 
lica,  9,  10  (Migne,  t.  21,  col.  697),  qui  écrit  aÙToyÉvsQXov  ;  —  dans  Laclance,  De  ira  Dei,  c.  23; 
dans  Justin  Martyr,  Cohortalio  ad  Greecos,  11  (Migne,  t.  (J,  col.  26i)  et  24;  même  dans  Cyrille, 
Conlra  Julianum,b  (Migne,  t.  9, col.  775),  qui  écrivent  aÙToyévqTOv.  Il  est  cité  dans  Duplessis- 
Mornay,  De  la  vérité  de  la  religion  chrestienne,  1581  (2e  éd.,  que  j'ai  eue,  Paris,  Cl.  Micard, 
1582,  in  8,  G,  p.  98,  ou  21,  p.  507).  Mais  Bodin  le  connaissait  avant  de  l'y  avoir  lu,  puisqu'on  le 
trouve  dans  la  Démon  ,  2,  3,  p.  209  (1"  éd.  :  1580). 

(B)  Source  :  La  philosophie  des  oracles,  de  Porphyre,  dont  il  reste  une  quarantaine  de  frag- 
ments dans  Eusèbe,  Prœpar.  evang.  Cf.  Wolff,  l'orphgrii  de  philosophia  ex  oraculis  haurienda 
librorum  reliquiœ,  Berolini,  Springer,  1856  (B.  nat.  H  47.264),  et  Cbaignel,  La  philosophie 
des  oracles  de  Porphyre,  Revue  d'hist.  des  religions,  Paris,  Leroux,  1900.  Augustinus  Steuchus 
Eugubinus  [De  perenni  philosophia  libri  X,  Lugduni,  1540,  in-fol.)  avait  rassemblé  nombre  de 
ces  oracles.  Réédité  à  Bàle,  1542,  et  à  Venise,  1591,  c'est  chez  lui  qu'ont  sans  doute  puisé  Bodin, 
qui  cite  son  ouvrage  dans  VHept.,  et  aussi  Duplessis-Mornay,  o.  c.  De  ces  oracles,  la  plupart, 
montre  WolfT,  ne  sauraient  être  de  Porphyre  et  ont  été  forgés  par  les  chrétiens.  —  Celui-ci  est 
cité  différemment  par  Laclance,  De  ira  Dei,  23  :  'H8à  ôebv,  etc.,  et  par  Wolff  :  |ç  8à  Osbv. 
Cf.  S.  Augustin,  De  civ.  Dei,  19,  ?3  :  «  In  Deum  »,  et  D.-Mornay,  o  c,  6,  p.  129.  Chaignet  réunit 
le  présent  oracle  au  précédent,  et,  avec  le  texte  de  Lactance,  traduit  :  «  Seuls  les  Chaldéens  et 
»  les  célèbres  Hébreux  ont  eu  en  partage  la  vraie  science  et  ont  rendu  un  culte  vraiment  saint  au 
»  Dieu  souverain,  né  de  lui-même,  Dieu  suprême,  créateur  de  toutes  choses,  devant  qui  trem- 
»  blenl  le  ciel,  la  terre,  la  mer,  l'enfer,  en  présence  de  qui  les  démons  s'enfuient  épouvantés  ». 

(C)  Immanis  abyssus,  autorisé  par  les  mss.,  est  encore  imposé  par  la  mesure  du  vers. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  73 

Salomon.  —  Ce  sont  choses  inuentées  par  les  chefs  du  christianisme  ou  par 
les  disciples  de  Christ,  lesquels  (m)  estans  Iuifs  d'origine  estimoient  (n) 
vulgairement  faire  profession  de  leur  religion  (A)  a  fin  de  donner  (o)  quelque 
image  d'ancienneté  a  la  chrestienne.  Cependant  (p)  si  mille  Apollons  nous 
asseuroient  que  la  religion  (q)  des  Iuifs  est  la  meilleure,  nous  nous  empesche- 
rions  bien  dy  donner  croiance  pour  cella. 

Federich.  —  Au  contraire  (B)  il  est  bien  plus  véritable  que  le  démon 
d'Apollon  (/■)  a  meslé  (s)  la  religion  des  Iuifs  auec  la  science  des  Caldeens  a  fin 
qu'y  ieltant  la  confusion  il  peut  abolir  l'vne  &  l'autre.  Ainsi  que  depuis  peu  (/) 
au  pays  de  luilliers  dans  le  bourg  de  Loemi  (3;  vn  certain  curé  (C)  ayant 
[255]  interrogé  vn  diable  qui  obsedoit  (u)  vne  ieune  fille  pourquoy  il  la  pressoit 
auec  tant  de  soin  daller  a  la  messe  et  si  ce  sacrifice  a  son  aduis  estoit  (y)  fort 
vtile  au  genre  humain,  sur  quoy  (x)  le  démon  demanda  du  temps  pour 
respondre  et  que  falloit  quil  y  pensast,  il  demeura  ainsy  court  :  car  s'il  eust 
confessé  que  la  messe  estoit  salutaire  les  Luthériens  eussent  estimé  auoir 
raison  de  la  reielter,  et  s'il  en  eust  mal  parlé  les  catholiques  en  eussent  pris 
aduantage  :  mais  ainsy  naiant  donné  qu'vne  response  ambiguë,  il  se  ioua  des 
vns  &  des  autres.  Vn  autre  [y]  petit  sacrificateur  (D)  encor  (z)  interrogeant  vn 

(3)  Vierius  in  lib.  de  Prsestigiis  (E). 


(m)  MDR  qui  (X  etiam)  génère  Judaei.  —  (n)  MDTEPGX  ptofileri  putabanlur.  B  profitebantur. 

—  (o)  MD  C/iristianœ  religioni  (PG  legi)  obtenderent.  X  conciliarent   B  religionis  oslenderenl. 

—  (p)  MDPG  si  mille  Apolli nés.  .Y  quod  si,  elc.  8  quod  s'nniles  Apollines  (?).  —  [q]  G  insère 
aul  devant  religionem.  —  (c)  MD  Apollinseum  (XB  Apollinem)  daeniona.  —  (s)  MDPGB  contu- 
disse.  N  conlulisse.  —  (t)  MDXB  non  itapridem.  PG  ometlent  ita.  —  [u)  MD  obsiilehal.  X  possi- 
debat.  B  possideret  (subj.  injustifiable).  —  (v)  MD  esse  arbitra)  etur.  XB  suppriment  esse. — 
[x)  MD  Hic.  X  lluic.  B  Hoc  (?)  dœmon.  —  {y)  MDPGB  alius.  N  alias.  —  [z]  MDB  item  X  idem  (?). 

(A)  MD  qui,  yenere  Judxi,  et  Judeeorum  religionem  vulgo  profiteri  putabanlur,  =  qui, 
étant  Juifs  d'origine,  passaient  aussi  pour  professer  la  religion  des  Juifs.  Salomon  insiste  là- 
dessus  pour  expliquer  comment  des  chrétiens  ont  pu  jadis,  dans  l'intérêt  de  leur  foi,  forger  des 
oracles  à  la  louange  de  la  religion  juive.  — Quant  au  contresens  de  H,  il  aura  été  causé  par  un 
mauvais  texte  :  putabant,  au  lieu  de  putabanlur. 

(B)  MD  Immo,  =  loin  de  là.  Federich  à  son  tour  va  contredire  l'insinuation  de  Senamy  qu'on 
peut  en  matière  de  foi  s'en  rapporter  à  l'oracle  d'Apollon. 

(G)  MD  maleferialus  curio,  un  curé  sot  et  malavisé.  L'épilhète  se  dit  de  ceux  qui  se  croient 
mal  à  propos  eu  sécurité  ou  qui  dirigent  mal  à  propos  leur  activité.  Cf.  Horace,  Od.,  4,  6,  14, 
maleferialos  Troes  (id  est  :  stulte  et  inauspicato  dies  feslos  de  Grœcorum  discessu  célébrantes), 
et  Aulu-Gelle,  10,  22. 

(D)  Sacrificulus,  un  moinillon. 

(E)  Jean  Wier,  élève  du  grand  Corneille  Agrippa,  médecin  du  duc  de  Clèves  et  démonologue, 
a  écrit  deux  livres,  De  lamiis  et  De  prpstigiis  dsemonum,  pour  s'élever  contre  les  rigueurs 
infligées  aux  sorciers:  ils  sont  à  son  avis  simplement  les  victimes  d'illus:ons  à  eux  envoyées 
par  le  diable.  La  Réfutation  de  J.  Wier  remplit  loule  la  fin  de  la  Démonom.  et  YHeplapl.  est 
plein  du  De  prœstigiis.  que  Bodin  lisait  (cf.  Démon  ,  Béfut.,  p.  52'»)  dans  la  réimpression  de 
Bàle,  1578.  Pour  moi  je  l'ai  lu  dans  la  Irad.  en  français  de  Jacques  Grévin,  De  l'imposture  des 
diables  de  Jean  Wier,  Paris,  laques  du  Puys,  1569,  in-8°.  L'histoire  du  curé  et  du  diable  s'y 
trouve,  4,  21,  p.  363;  elle  avait  déjà  passé  de  là  dans  la  Démon.,  3,  6,  p.  403.  Le  vrai  nom  du 
pays  est  «  Lœn  situé  près  Aldenhou  au  duché  de  Iuliers  ». 


74  JEAN    BODIN 

Diable  (4)  qui  possedoit  vn  moine  et  luy  demandant  quel  (a)  il  estoit  (A)  :  le 
suis,  respondit  il,  Mathias  (b)  abbé  de  Dure  &  ie  ne  quitteray  point  mon 
possédé  qu'il  nait  esté  a  Treues  (c)  pour  appaiser  la  vierge  Marie  de  ce  que 
\e(d)  nay  pas  assez  bien  payé  le  peintre  qui  a  représenté  son  image  (e). 

Octaue.  —  Ne  confondons  point  les  oracles  d'Apollon  auec  les  responses 
des  possédez.  Iay  tousiours  estimé  les  oracles  de  la  religion  chrestienne  dans 
sa  naissance  pour  la  pluspart  auoir  esté  imaginez  par  les  Grecs  selon  que 
chacun  approuuoit  ou  desapprouuoit  cette  religion,  ainsy  que  nous  voyons 
dans  Porphyre  le  contraire  de  ce  qu'Eusebe  et  Lactance  escriuent(B)  :  assauoir 
cet  endroit  ou  ils  asseurent  que  les  Juifs  (/")  ayant  consulté  l'oracle  d'Apollon 
pour  apprendre  que  deuiendroit  le  Messie  on  raporte  qu'il  respondit  quil  seroit 
mortel  selon  la  chair  (g).  Les  Pères  (h)  raportent  T256]  encores  vn  autre 
semblable  (i)  oracle  (5)  qui  fut  rendu  pour  lempereur  Auguste  (C)  :  Vu  enfant, 
dict  il,  Hébreu  Dieu  Roy  me  force  de  me  taire  (j)  :  comme  si  Suétone  Dion  et 
Tacite  qui  ont  ramassé  iusques  aux  moindres  (/.')  songes  d'Auguste  dans  leurs 

(4)  Vierius  de  Prœstigiis  (D).  —  (5)  Apud  Suidam  in  verbo  Augustus  et 
apud  Nicephorum  Callistum,  lib.  1,  c.  17  (E). 


{a)  MDTEI'G  ecquisnam.  NB  quisnam.  —  [b)  NBM  Malhias,  correct  (cf.  Wier).  D  Mal- 
ttiseus.  —  (c)  MD  Treverim.  N  Trevirim.  B  Trevirum.  —  [d)  MDPG  quod  piclori...  non  salis 
cumula  te  fecerim.  N  non  cumulai  e  salis 'eceril  {?).  B  quod  pictor...  non  salitfecerit  (fautif.  Cf. 
Wier).  —  (e)  MDNB  slaluee  Virginia.  G  Marias.  —  (f)  iVomet  Judœis.  —  [g)  MDN  Morlnlis  erit 
(conjecture  :  eral).  B  Morlahs  est.  —  (h)  MDTEPNB  Auguslo  pat'i  reddition.  G  paires 
reddition  ferunt.  —  (i)  MDPGB  consimile.  N  simile.  —  (jj  MDTEI'G  lacère.  NB  fugere.  — 
(A)  MN  levissima.  BD  Isevissima,  inadverlance. 

(A)  Ecquisnam,  qui  a  pour  lui  l'autorité  des  meilleurs  mss.,  est  d'une  latinité  douteuse  dans  le 
sens  :  qui,  quel  donc? 

(B)  Voyez  Eusèbe,  Demonstratio  evangelica,  3,  7  ^Migne,  t.  22,  col.  237).  Voici  l'oracle  de 
Laclance,  Divin,  institution.,  4,  13  (Migne,  t.  6,  col.  484)  : 

0v/]tÔ;  êtjv  xxrà  fjiç.x.%,  doïiôç  TepaTa>8ee«v  epyot;, 

aXX  '  Otto  XaXoauov  xpcxàiv  ottXoiç  duvaXtoOstç, 

yôj/.cpoiç  y.v.1  o'xoXÔTreo'fft  7rixp7)v  av£TAT|i£  tsX£utV]v. 
Voici  peut-être  où  Bodin  a  vu  Porphyre  contredire  Lactance  et  Eusèbe  :  Un  mari  demandant 
à  Apollon  comment  détourner  sa  femme  du  christianisme,  le  dieu  lui  répond,  suivant  Porphyre, 
qu'il  serait  plus  facile  d'écrire  sur  l'eau  ou  de  voler  en  l'air,  et  il  ajoute  :  «  Pergal  [uxor] 
»  quomodo  vult,  inanibus  fallaciis  perseverans  et  lamentationibus  fallacissimis  morluum  Deum 
»  cantans  ».  Apollon,  qui  disait  tout  à  l'heure  le  Christ  mortel  selon  la  chair  seulement,  semble 
bien  dire  à  présent  que  le  Dieu  de  la  chrétienne  était  tout  mortel,  puisqu'il  est  mort.  Aug.,  De 
civilale  dei,  19,  23  (Migne,  t.  41,  col.  650). 

(C)  Oraculum,  quod  Auguslo  pulri  redditum  ferunt,  autorisé  par  tous  les  manuscrits,  l'est 
aussi  par  le  sens  :  Suidas,  Nicéphore  Calliste  ne  sont  pas  des  pères,  Patres. 

(D)  Wier,  4,  29,  fol.  381  a.  Philippe  Ubesselich  de  Cologne,  moine  de  l'abbaye  de  Knechlens- 
tein,  était  tourmenlé  par  l'ombre  de  l'ancien  abbé  Mathias  Duren.  Wier  ajoute  que  l'apparition 
fut  chassée,  non  qu'on  lui  eût  donné  salisfaclion  pour  les  messes  qu'elle  réclamait,  mais  par  les 
menaces  et  les  prières  de  Philippe.  L'apparition  n'était  nullement  l'âme  de  Malhias,  mais  le 
diable  qui  usurpait  la  forme  de  l'abbé. 

(E;  Références  exactes  :  la  traduction  de  Bodin  l'est  moins.  Cf.  Duplessis  Mornay,  o.  c,  32, 
p.  797.  Voici  le  texte  : 

flouç   'Eëpxco;  xéXeTat  [xe  Osoç  p.axàps<7<Ttv  àvy.?7cov 
tt^v  Se  S6[7.ov  7:poXtTretv  ts  xal  "AVôoç  aûôi;  [xésOcu  ■ 

XotTTQV    XTllfh   <7tyà)V    £X   pQ)ljL(OV    Vj jJ.STEpOiV. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  75 

escripts  eussent  obmis  a  faire  mention  d'vn  oracle  de  celte  importance!  El  (A) 
Ciceron  (6)  qui  estoit  consul  a  la  naissance  d'Auguste  èscript  quil  y  auoit 
desia  longtemps  que  les  oracles  d'Apollon  auoient  cessé  et  quil  ny  auoit  alors 
rien  de  plus  mesprisé.  Si  Apollon  estoit  deuenu  muet  longtemps  (/)  auparauant 
laage  de  Ciceron  (B),  qui  est  ce  qui  (m)  pounoit  trois  cens(C)  ans  après  auoir 
rendu  tant  &  de  si  grands  oracles!»)  qui  ont  eslonné  toutte  la  terre  (D)? 

Curce.  —  (E)  Porphire  (o)  recherchant  la  cause  de  la  cessation  des  ora- 
cles p)  faict  mention  d'vn  oracle  d'Apollon  qui  [q)  ne  la  donne  pas  à  cet 
enfant  iuif,  Dieu,  roy,  mais  a  Iupiter  :  OfyaiToci  (r),  inquit,  oT/xna.1  'AtcoXXwv 
£7il  cpXoyôsv  u.s  {BiâÇsTai  oùpiw.ov  cp<5;  -f|V  Zeu;  e<rn  te  vxôv,  etc.  (F).  Or  qui  est  ce  a 
moins  que  désire  fou  au  dernier  poinct  qui  peut  s'aduiser  de  consulter  vne 
femme  possédée  auec  vn  visage  ou  est  peinte  la  fureur  &  escumante  de  rage 
et  ne  parlant  iamais  qu'en  bégayant  et  en  termes  ambigus  de  l'aduenir  (G) 
comme  Heraclile,  Plufarque    7)  et  Basile  tesmoignent  que  Ion  faisoit  autres- 

(6)  In  lib.  de  Diuinalione    H  .  —   7)  In  lib.  de  oraculorum  defectu  (L). 


(/)  .N'omet  tnullis  temporibus  (ante  Tullium).  —  (m)  MD  ecquis.  XB  quis.  -  (n)  MDPGB  quse 
prodila  (X  pelita  [?])  legimus.  —  (o)  DAB  omettent  Plularchus  ad  inleritum  dœmonum  putavit. 
—  {;/)  MDB  tam  (X  quam)  diulumi  silenlii  causa»/.  —  [q)  MDPO  de  silenlii  causa  quam  non 
ad  puerum  illum.  XB  omettent  puerum.  —  [r,  MDXB  ôt/srai.  Les  mss.  ont  d'ailleurs  tous  un 
texte  grec  inintelligible. 

(A)  MD  At,  =  de  son  côté,  c'est-à-dire  :  démentant  d'autre  part  ces  oracles  controuvés,  Gicéron 
dit  qu'il  n'y  en  avait  plus  de  son  temps. 

(•B)  Cent  ou  cent  vingt  ans  avant,  précise  la  Démon.,  2,  3,  p.  209. 

(C)  Trecenlesimo,  disent  tous  les  mss.  Ces  trois  cents  ans  sont  comptés  de  Gicéron  à  l'époque 
de  Porphyre  et  des  Pères,  qui  rapportent  les  taux  oracles  ci-dessus. 

(D)  R  ajoute  :  «  qui  ont  étonné  toute  la  terre  »  et  omet  quse  prodita  legimus. 

(E)  Omission  (dans  DAR;  :  M  Tam  diulumi  silenlii  causam  Plularchus  ad  inlerilum 
dxmonum  référendum  putavil.  A  cette  phrase  se  rapporte  la  note  (7). 

(F)  Bodin  (d'après  Sleuchus,  et  comme  D.-Mornay,  o.  c,  32,  p.  7î)8)  a  fondu  deux  oracles  en 
un,  qui  devient  inintelligible.  —  Cf.  Wolff,  o.  c,  p.  234  sq.  :  Le  prêtre  d'Apollon  ayant  demandé 
au  dieu  quelle  religion  allait  l'emporter,  le  dieu  répondit  en  gémissant  : 

OT  \j.oi  aoï,  rp:'T:oO£;,  ttc/vx/v^iete  ■  o'(/zt'   'AttoXXwv, 
o'i/£t',  £tce\  cpXoyosv  [j.i  (i'.iÇcTai  oùpiviov  cpco;. 
Ailleurs,  il  confesse  sa  mort  prochaine,  à  lui  : 

'  Hv  Zsû;  kart  te  vuv  ZeÙ;  xkïTfferat.     Q  i/.Eya).E  Zeu, 
orf|  [j-oi  /pz-^aiov  înroXetTueTai  r^vit-rJ.-j.. 
J'entends  comme  W'olfî  qu'Apollon    prédit  ici  la  mort   de  ses  oracles   et    l'éternité  du  dieu 
suprême,  en  disanL  :  0  Zeus  suprême,  seule  m'est  laissée,  il    ne    me  reste   que   l'aurore   de  mes 
oracles  (suppléez  :  qui  vont  donc  vers  leur  couchant  et  leur  fin). 

(G)  De  l'aduenir  a  été  déplacé  par  H.  —  MD  de  fuluris  rogare,  =  d'interroger  sur  l'avenir. 
(11)  Bodin  cite  encore  avec  légèreté   Après  avoir  rappelé  les  oracles  qui  prédirent  à  Crésus  la 

fin  de  son  empire,  Gicéron  demande  pourquoi  Delphes  ne  rend  plus  de  tels  oracles  (=  sur  des 
intérêts  aussi  généraux)  :  «  Cur  is/o  modo  jam  oracula  Delphis  non  eduntur?  »  De  divinat.,  2, 
57.  Mais  il  nous  dit  formellement,  ibid.,  1,  19,  que,  de  son  temps,  la  Pythie  prophétisait  encore. 
Fonlenelle,  Histoire  des  oiacles,  2,  1,  partage  l'erreur  de  Bodin. 

(I)  «  Quand  les  daemons  qui  sont  ordonnez  pour  le  gouuernement  &  superintendance  des 
»  oracles  &  diuinalions  viennent  a  défaillir,  il  est  force  aussi  que  les  oracles  périssent  ».  (Amyotj. 
Suit  l'histoire  de  la  mort  de  Pan.  De  orac.  defeclu,  12  et  13.  —  Wier,  o.  c,  1,  7,  pp.  13  b  sqq., 
et  D.  Mornay,  o.  c,  32,  p.  797-800,  parlent  longuement  de  la  cessation  des  oracles  à  la  venue  de 
J.  C,  avec  les  mêmes  références  que  Bodin. 


76  JEAN    BODIN 

fois  (A)?  El  mesmes  souuent  il  falloit  mettre  ses  aureilles  aux  parties  honteuses 
des  femmes  pour  entendre  la  response  de  tels  oracles  :  Ainsi  que  Cœlius 
Rodiginus  raporle  (B)qnil  a  veu  au  bourg  (C)  de  Rege  (s)  vne  sorcière  qui  par- 
loit  par  ce  mesme  endroit  et  fort  clairement  [257]  des  choses  passées  mais  fort 
obscurément  de  l'aduenir.  Cependant  la  folie  (/)  des  hommes  a  monté  iusques 
a  tel  point  que  les  responses  de  ces  sorcières  estoient  vantées  (u)  comme  des 
oracles  diuins  non  seulement  par  les  ignorans  mais  encores  par  ceux  (v)  qui 
auoient  acquis  (x)  la  réputation  de  gens  de  hault  sçauoir  (y)  comme  Iuslin, 
Eusebe,  Laclance  et  Porphyre.  Croyez  (2),  dicl  Iustin  (D),  a  la  vieille  Sybille 
Erythrée  dont  les  liures  ont  esté  conseruez  par  toutte  la  terre.  Mesmes  les 
oracles  des  Sybilles  en  vers  grecs  (a)  ont  esté  rendus  latins  et  on  en  a  veu  (b) 
il  n'y  a  pas  longtemps  qui  contenoient  en  abbregé  l'histoire  de  la  Bible  (E). 


(s)  NBD  in  oppido  Rhegio.  M  in  oppidulo  Rhodigio. —  (/)  MDPG  Eo  (amen  erupit  amenlia.  B 
demenlia.  N amendée  (la  phrase  reste  sans  sujet).  —  (u)  MDB  jactarent.  N  venditarent.  —  (v) 
NB  ipsi.  MDl'G  Mi  ipsi.  —  [x]  Ml)  de  se  ipsi  excilarenl.  V  ipsis  excilarant.  B  ipsis  excila- 
rent.  —  (y)  MDNB  summum  erudiliunis  ac  sapiendse  opinionem.  l'G  erudidonem.  —  (2)  MD 
Ilêt'97|TE,  inquil  Justinus,  crédite.  NB  Crédite,  inquit,  etc.  —  (a)  MDPNB  versibus  grascis 
excusa.  G  excussa  (?)  —  (6)  DPGB  pervulgare  non  dubitavit  Castalio.  N  evulgare.  M  pro- 
mulgare. 

(A)  Innombrables  références.  Je  ne  citerai  que  celles  que  Bodin  semble  avoir  connues  (par 
Wier  et  D.-Mornay)  ou  a  certainement  connues  (comme  la  Démon,  le  prouve).  —  Sur  la  fureur 
écumanle  que  cause  à  la  Pythie  la  possession  du  dieu-démon,  Virgile,  En.,  6,  46;  Lucain,  6,  719; 
Plutarq.,  De  orac.  Py(hite,b,  «  a  cause  du  dieu  qui  parle  en  elle  »,  dit  Amyol;  S.  Jean  Chrysos- 
lome,  in  Epist.  lad  Cor.  Homil.  '29,  2  ad  finem.  Cf.  Démon.,  2,  3,  p.  207  et  3,  6,  p.  384.  —  Que 
la  Pythie  parle  en  termes  ambigus,  Tertullien,  Apologeticus,  22;  Plut.,  De  orac.  Pyt/iise,  25 
et  De  orac.  defectu,  1;  Lucien,  Aiexander  seu  Pseudomands;  Heraclite  est  cité  par  Plut.,  De 
orac.  Pylhise,  5;  Basile,  Enarratio  in  octavum  caput  Esaix,  ad  finem,  dans  Omnia  S.  Basilii 
opéra,  éd.  de  1637,  in-fol.,  t.  Il,  p.  203 d  (Bodin  pouvait  consulter  l'éd.,  avec  traduction  latine  du 
médecin  Jean  (Jornarius,  de  Bàle,  Froben,  1552,  in-fol.).  Cf.  Démon.,  2,  3,  p.  206  sq.  et  2,  3, 
p.  210.  —  Que  les  pylhonisses  étaient  ventriloques,  Deut.,  18,  11  ;  I  Rois,  28,  7;  IV  Rois,  23,  24  ; 
Il  Paralip.,  33,  6;  Acl.  Apost.,  16,  16.  Quelquefois  aussi  les  Septante  appellent  les  sorcières 
iTiioiloi  ou  <rrepvop.xvTeiç.  Cf.  Démon.,  Préface,  p.  38;  2,  3,  p.  207  et  surtout  212;  enfin,  3,  6, 
p.  382.  Mais  la  source  générale  de  Bodin  dans  ce  passage  est  Wier,  on  va  le  voir. 

(B)  Dans  son  livre  Des  antiques  leçons,  8,  10.  —  Toute  cette  dissertation  sur  les  Pylhonisses 
est,  à  travers  la  Démonomanie,  2,  3,  pp.  207-212,  copiée  de  Wier,  o.  c,  2,  1,  pp.  59  b  sqq.  Wier 
déjà  nous  parle  du  diable  nommé  obf,  que  les  Septante  appellent  èyYaffTpfyiuôo;,  c'esl-à  dire  : 
parle-ventre;  de  la  Pythie,  aussi  ventriloque;  de  S.  Augustin,  des  Actes  des  Apôtres,  de  Tertul- 
lien qui  ont  allégué  la  chose  ;  enfin  de  Cœlius  Bhodiginus,  dans  les  termes  même  dont  use  Bodin. 

(C)  In  oppidulo  Rhodigio  de  M  est  autorisé  par  le  surnom  Rhodiginus  de  Cœlius,  et  par  Wier. 
(D;  Justin  le  Martyr,  Cohortudo  ad  Grsecos,  38  (Migne,  t.  6,  col.  310;. 

(E)  Cf.  Démon.,  2,  3,  éd.  de  1604,  p.  208.  Bodin  y  montre  que  les  Sibylles  étaient  démonia- 
ques, païennes,  et  n'ont  jamais  été  reçues  de  l'Église.  «  Mais  Laclance  voyant  que  les  Païens  ne 
»  faisoienl  aucun  compte  de  la  Bible,  s'efforça  de  faire  entendre  ce  qu'il  vouloilpar  les  prophéties 
»  sibyllines,  forgées  peut  estre  a  plaisir,  auxquelles  les  Païens  adiouslaienl  foy.  Et  de  dire  que  les 
»  vers  des  Sibylles  soient  ceux  qui  sont  imprimez  et  tournez  du  Grec  en  Latin  par  Castalion  (qui 
»  comprennent  sommairement  toute  l'histoire  de  la  Bible  et  rien  autre  chose),  c'est  vn  abus  assez 
»  notoire  :  car  il  n'y  a  pas  vn  seul  vers  de  ceux  qui  sont  rapportez  des  Sibylles  en  Ciceron,  en 
»  Tile  Liue,  en  Porphyre,  Plularque  et  aux  auteurs  grecs  ».  Bodin  fait  allusion  aux  Sibyllina 
oracula  de  grseco  in  latinum  conversa,  Seb.  Caslalione  interprète,  Basilese,  1546  (cf.  Buisson, 
0.  c,  t.  II,  p.  354).  —  Sur  les  Sibylles  et  l'authenticité  des  livres  qui  leur  sont  attribués,  cf.  Ellies 
Dupin,  0.  c,  t.  I,  pp.  70  à  74;  et  Bouché-Leclercq,  Histoire  de  la  divination  dans  l'antiquité, 
Paris,  1882,  4  vol.  in-8. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  77 

Octaue.  —  Pour  moy  ie  ne  double  point  que  loutles  les  Sybilles  nayent  esté 
tachées  dauoir  eu  commerce  &  société  auec  les  diables  et  ieslime  que  la 
preuue  conuainquante  d'vne  superstition  impie  est  de  la  vouloir  appuyer  sur 
les  oracles  des  Sybilles  comme  sur  de  bons  fondemens  (c).  En  q.uoy  Tertul- 
lien  (8)  me  semble  auoir  failly  lourdement  quand  il  a  voulu  tirer  la  preuue 
de  la  religion  cbrestienne  de  ce  que  les  diables  dans  les  obsédez  rendoient 
raison  des  choses  les  plus  cachées  que  les  Chrestiens  leur  demandoient  en 
louant  la  sagesse  &  la  vertu  de  I.  C  et  ne  respondoient  point  aux  autres  pres- 
tres  des  paiens.  Par  ces  mesmes  responses  des  Sybilles  il  est  dict  que  le  nom 
de  Dieu  est  de  quatre  syllabes  (A)  et,  a  fin  que  personne  ne  creust  que  ce  fust 
ce  sacré  hierogliffique  des  Hébreux  (B),  que  dans  les  premières  syllabes  il  ny 
auoit  que  deux  lettres,  que  la  dernière  [258]  esloit  de  trois  et  que  dans  la 
totalité  du  mot  il  ny  auoit  que  quatre  voyelles  (d)  et  cinq  consonnes  et  que  le 
tout  composoit  (e)  le  nombre  de  1711.  Ce  qui  adonné  subiect  a  Cardan  de 
croire  que  cestoit  le  mot  'Apuevixdv  (C),  dont  il  a  esté  raillé  comme  il  le  meri- 
toit  parce  que  le  nombre  des  lettres  ne  se  raporte  pas  (D),  encores  que  tout  le 
reste  (f)  y  conuienne.  Ceux  qui  ont  esté  plus  subtils  ont  estimé  que  ce  nestoit 

(8)  In  Apologetico  (E) 


(<•)  S  fulis.  MDTEAl'GB  fundamentis.  —  (d,  O/'GB.V  vjealibus.  M  vocibus.  —  [e)  MDTEPGli 
conficere  numerum.  N  consislere  numerum.  —  (/')  MDTEI'G  eieteru.  .V  cseleri  (?)  B  omet  la  pro- 
position lametsi  caetera  conveniant. 

(A)  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  I,  p.  72,  note  i,  dit  un  peu  différemment  :  «  II  [l'auteur  qui  a  contre- 
»  fait  les  livres  attribués  aux  Sibylles]  suppose  que  les  lettres  du  nom  de  Dieu  font  le  nombre  de 
»  1697  :  ce  qui  n'est  vrai  qu'en  l'écrivant  en  grec,  &  barbaremenl  ». 

(B)  Telragrammaton.  Il  s'agit  du  nom  sacré  (Jéhovah)  qui  ne  s'applique  qu'à  Dieu,  et  qui  en 
hébreu  s'écrit  :  lod,  hé,  vau,  hé  (Dom  Galmet,  Dict.  de  la  Bible,  Paris,  Emery,  1730,  4  in-fol., 
art.  Tétragramme).  —  Les  rabbins  tirent  l'interdiction  de  prononcer  le  nom  de  Jéhovah  de  Lévi- 
tiq.,  24,  1(3,  entendu  dans  un  sens  rigoriste  :  Celui  qui  maudira  ^e  verbe  veut  dire  aussi  :  ponc- 
tuer, désigner  distinctement)  le  nom  de  Jéhovah  sera  puni  de  mort.  El  Josèphe,  Antiq.  judaï- 
ques, 2,  12,  4,  se  croit  interdit  de  transcrire  le  nom  divin.  (Vigouroux,  Dict.  de  la  Bible,  t.  111, 
p.  1223  sq.).  Cf.  Heplapl.,  éd.  Noack,  p.  249. 

(C)  J'ai  eu  enlre  les  mains  :  Hieron.  Cardani  Mediolanensis  Opéra,  cura  Caroli  Sponii,  Lug- 
duni,  Huguelan  el  Bavaud,  1GG3,  10  vol.  in-fol.  Mais  ni  la  lecture  attentive  de  tables,  qui  sont 
loin  d'être  exhaustives,  ni,  quand  je  feuilletais  les  volumes,  la  chance  ne  m'ont  livré  la  référence 
que  je  cherchais.  Je  croirais  loulefois  qu'elle  se  trouve  ou  dans  l'Horoscope  de  Jésus-Christ, 
que  lisait  Bodin  (Dém.,  1,  5,  p.  121),  ou  dans  le  De  rerutn  varielale,  qu'il  lisait  aussi  (Démon., 
2,  5,  p.  244)  ou  dans  le  De  sublilitale,  où  Bodin  a  sans  doute  aussi  puisé  (par  ex.  :  histoire  de 
l'antre  de  Trophonius,  Cardan,  t.  III,  p.  657  b;  ambiguïté  des  oracles,  ibid.). 

(D)  MD  quod  numeri  litlerarum  non  congruant,  =  parce  qu'en  additionnant  les  chiffres 
signifiés  par  les  lettres  grecques,  on  n'obtient  pas  un  total  de  1711. 

(E)Terlullien,  Apol.,  23  (Migne,  t.  I,  col.  413  sq.).  —  D.-Mornay,  o.  c,  32,  p.  800  sq.,  apivs 
avoir  rapporté  le  passage  de  Tert.,  conclut  :  «  Qu'est  ce  a  dire,  sinon  que  Iesus  leur  commande, 
»  comme  a  des  esclaues  el  par  ses  seruileurs  mesmes?  »  Et  il  cile  d'autres  témoignages  de 
l'empire  des  chrétiens  sur  les  démons,  dans  Laclance,  Lucien,  Zosime.  11  n'y  aurait  rien  d'éton- 
nant que  Bodin  ail  puisé  encore  à  cette  page. 


78  JEAN    BODIN 

autre  chose  que  le  mol  yaÔŒtpopo;  (!))  composé  de  quatre  sillabes  d'autant  de 
voyelles  et  de  cinq  consonnes,  les  trois  premières  syllabes  de  deux  et  la  qua- 
trième de  trois  :  et  (g)  touttes  contiennent  le  nombre  prescript  :  par  lequel 
oracle  est  entendu  le  soleil  qui  porte  la  lumière,  ou  Apollon  que  le  démon 
Appollineus  (A)  a  proposé  luy  mesme  aux  hommes  pour  estre  adoré  comme 
Dieu. 

Senamy.  —  Pour  moi  il  me  semble  que  le  mot  de  <I>aô<7cfQûo;  qui  signifie 
Lucifer  ou  porte  lumière  conuient  fort  au  créateur  de  toutte  chose  (B)  qui 
seul  peut  dissiper  les  ténèbres  et  le  brouillard  de  l'esprit  des  hommes. 

Cubce.  —  Cest  la  finesse  des  démons  de  mesler  tousiours  le  mensonge  auec 
la  vérité  a  fin  de  tromper  plus  facilement  les  idiots  et  de  se  faire  admirer  (/*) 
par  eux.  Cependant  ils  ne  se  faisoient  entendre  que  (i)  par  des  bouches  en 
fureur  :  vous  auez  leu  que  ceux  qui  dormoient  dans  l'antre  de  Lebadius  (7) 
Trophonius  (C)  qui  est  le  temple  de  Mopse  (/.)  Dieu  des  songes  espouuantez 
dans  leur  sommeil  (D)  et  semblables  a  des  furieux  rendoient  des  oracles  (0). 

(9)                                              *  500 

a           =  l 

=  70 

a  — 


? 


200 
500 


0  =  70 


100 

70 

200 

Summa  =         1.711 
(0)  Pausanias  in  Achaicis  (E). 


P  = 


ç 


(o)  N  seul  omet  et.  —  (h)  MDl'Gli  admiralionem  nui  conciliare  N  concitare.  —  [i)  MDB 
?iixi.  N  omet,  à  tort,  nisi.  —  (j)  MD  Lebadio.  NB  Lepadio,  barbare.  —  (k)  MDI'GB  Mopsi  fano. 
N  Mopsitanos,  barbare. 

(A)  Le  démon  d'Apollon,  celui  qui  a  revêtu  le  nom  et  la  personnalité  d'Apollon,  c'est-à-dire 
Apollon  en  tant  que  démon  —  le  xvie  siècle  en  général  croit  à  l'existence  des  dieux  du  paganisme, 
mais  y  voit  de  mauvais  anges  :  là-dessus  cf.  L.  Lalanne,  Brantôme,  Paris,  1896,  p.  138  —  Apol- 
lon donc,  en  tant  que  démon,  égare  à  dessein,  par  un  oracle  trompeur,  l'adoration  des  hommes, 
due  au  vrai  Dieu  &  rien  qu'à  lui,  sur  le  faux  dieu  Apollon. 

(B)  Inexact  :  MD  lucis  totius  creatori. 

(C)  Il  s'agit  de  la  caverne  de  Trophonius,  pris  de  Lébadée  en  Béolie  :  d'où  l'épilhèle  Lebadius. 
Apollon,  en  mémoire  de  l'architecte  Agamède,  frère  de  Trophonius,  qui  avait  construit  son  tem- 
ple à  Delphes,  avait  accordé  au  gouffre,  où  Trophonius  s'était  englouti,  la  vertu  divinatoire. 

(D)  MD  so»))iiis  perterritos,  =  épouvantés  par  des  songes.  Cf.  infra. 

(E)  Pausanias  ne  parle  pas  de  Trophonius  dans  ses  Achaïca.  Mais,  IX,  39,  2  à  40,  3,  il  nous 
indique  les  rites  qui  accompagnent  la  descente  dans  l'antre.  Toutefois,  Bodin  semble,  d'après  H, 
le  citer  très  inexactement  :  lui  nous  dit  seulement  qu'au  retour  le  consultant,  frappé  de  terreur, 
semble  avoir  perdu  conscience  de  son  existence  comme  de  celle  des  assistants  et  ne  se  remet 
que  peu  à  peu.  Cf.  Philoslrale,  Apollonius  de  Tyane,  8,  19;  Plularque,  qui  nous  conte  la  des- 
cente de  Timarque  chez  Trophonius,  Du  dsemon  de  Socrale,  22.  Et  c'est  le  récit  de  Pausanias 
qu'on  trouve  dans  d'autres  démonographes,  par  ex.  Cardan,  De  subtilitule,  c.  19  De  d;emonihus, 
t.  III,  p.  657  b.  On  mettra  Bodin  et  Pausanias  d'accord  en  traduisant  similes  furent  i  bus,  ainsi 
que  la  latinité  le  permet,  par  :  comme  frappés  d'aliénation  mentale. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  7tt 

Senamy.  —  Neantmoins  certains  Epicuriens  (I)  autresfois  sestants  moequé 
de  cet  [259j  oracle  en  présence  de  Moyse  (A)  proconsul  en  Asie,  on  despesclia 
vu  paysan  a  Mopse  auec  vue  lettre  fermée  qui  luy  demandoit  (/)  lequel  il 
aymoit  mieux  (m)  pour  sacrifice  ou  vue  vache  blanche  (»)  ou  vne  noire  :  ce 
paysan  sestant  (o)  endormi  dans  le  temple  fut  esueillé  en  sursault  (p)  par  vn 
bruit  et  estant  reuenu  deuers  ces  Epicuriens  auec  sa  mesme  lettre  fermée  dict 
qiiîl  nauoit  rien  entendu  qu'vne  voix  qui  luy  crioit  (q)  aux  oreilles  incessa- 
ment  ce  mot,  noire.  Ce  quayant  apris  le  Proconsul  il  condamna  les  Epicuriens 
d'impiété  et  de  la  en  auant  (r)  voulut  tousiours  sacrifier  a  Mopse.  Mais  escou- 
tons  llerrodole  (2)  qui  viuoit  du  lemps  (s)  que  les  Apollons  estoient  grands 
parleurs.  Il  raconte  que  les  Cnidiens  sestans  aduisez  de  creuser  ou  couper 
l'isthme  d'Haliearnasse  et  nen  pointant  venir  a  bout  (B)  ils  feurent  a  loracle  (/) 
qui  leur  deffendit  de  combler  ny  de  creuser  l'isthme  et  que  si  Iupiter  leut 
ainsy  voulu  il  en  eut  fait  vue  isle  :  ce  quaiants  entendu  ils  quittèrent  leur 
entreprise.  Et  la  marque  que  Dieu  en  a  ainsi  (u)  ordonné  est  que  Demostene, 
Demetrius  Poliorcetes,  Calfgula,  Néron,  Domitian  ayans  entrepris  de  couper 
risfhme  de  Corinthe  ils  ont  tous  esté  ou  tuez  ou  faicts  prisonniers  ou  leurs 
armées  defl'aicles  (Cj  par  ce  qu'ils  auoient  mesprisé  les  oracles  diuins  &  les 
ordres  de  la  nature.  Dou  vient  que  les  Athéniens  ayants  receu  diuerses  pertes 
a  la  guerre  &  se  voyans  affliger  de  diuerses  maladies  populaires  eurent  pareil- 
lement recours  a  l'oracle  d'Apollon  [260]  qui  leur  ordonna  daugmenter 
&  doubler  son  autel  (lequel  esloit  cube)  d'vne  autre  moitié  :  les  ouuriers  igno- 

(\)  Plutarq.,  in  lib.  de  oculorum  defectu  (D).  —  (2)  Lib.  I,  c.  44  (E). 


/  MDI'GB  in  qua  nihil  aliu  l  conHnebulur  (.Y  omet  ce  mot,)  quam  illud.  —  [m)  MD  mal  le  t. 
SB  vellet  —  (m)  MD  airain  an  album,  correct  :  cf.  Plutarq.  SB  alrum  an  album.  —  (u)  MDB 
rus  lie  us  qui  (S  omet  qui)  obdormiveral.  —  (//)  MD  a  somno  excitutus.  S  somno.  B  a  somniis. 
—  'q,  MD  insusitrrantis.  SB  susurranlis.  —  (»•)  MDPG  deinceps.  SB  deinde.  —  [s)  D\B  Hero- 
dolum,  eu  jus  adule.  M  eu  jus  lempore.  —  (/)  MD  Pyllvum.  SB  Pylhiqin.  —  [u]  MD  ita  decre- 
visse.  SB  isla  decrevi>se. 

(A)  MD  Al  cum  Epicurœi  quidam  oracula  Mopsi  coram  Asise  proconsule  if  ridèrent...  L'erreur 
de  11  :  «  eu  présence  de  Moyse  proconsul  en  Asie  »,  vient  d'un  texte  fautif,  par  ex.  :  Moyse  coram 
Asix  proconsule.  l'Iularq    ne  donne  pas  le  nom  du  gouverneur. 

(B)  MU  cxmenlis  inoculos  obsilienlibus,  aul  lalomis  se  ipsos  vulueranlibus,  omis. 

(G)  Mêmes  réflexions  dans  le  Theatr.  nalurse,  11,  f>,  trad.  Fougerolles,  Lyon,  PilIehoLLe,  1397, 
in-8,  p.  2G5  sq.  —  On  peut  hésiler  sur  les  sources  de  Bodin  :  Plularque,  César,  58;  Suétone, 
Caligula,  21,  et  Néron,  1'.».  Pausanias,  II,  1,5,  et  Xiphilin,  G3,  16,  noient  en  bloc,  comme  Bodin, 
la  fin  tragique  de  tous  ces  imprudents.  Mais  c'est  Pline,  H.  nat.,  IV,  5,  que  VHept.  me  semble 
avoir  copié  :  »  Perfodere  navigabili  alveo  anguslias  eas  tenlavere  Demetrius  rex,  diclator  Caesar, 
»  Caius  princeps,  Domitius  Nero,  infauslo  (ut  omnium  paluit)  inceplo  ».  Les  principaux  person- 
nages cités  par  Pline  se  retrouvent  chez  Bodin,  dans  l'ordre.  Il  n'est  pas  jusqu'à  Domilien  (dont 
je  ne  trouve  le  nom  nulle  part  ailleurs)  que  je  ne  croie  Bodin  capable  d'avoir  été  chercher,  par 
légèreté,  dans  le  Domitius  de  Domitius  Sero .' 

(D)  C.  Si).  Ni  le  lalin  de  VHept.,  ni  le  français  —  qui  pourrait  être  plus  instructif —  de  la  Démon  , 
1,  4,  p.  U9,  ne  permettent  de  déterminer  si  Bodin  se  sert  d'une  traduction,  et  de  laquelle.  Son 
récit  ne  suit  celui  de  Plutarque  ni  dans  les  détails,  ni  dans  la  composition,  ce  qui  semble  prouver 
qu'il  cite  de  mémoire,  sans  avoir  de  livre  sous  les  yeux.  C'est  d'ailleurs  l'impression  que  laisse 
la  majorité  de  ses  citations. 

(E)  Erreur.  Hérodote,  I,  174. 


80  JEAN    BODIN 

rans  se  contentèrent  de  mettre  vn  antre  cube  sur  (v)  cet  autel  cube.  Mais 
comme  la  peste  augmentoit  encor  dauantnge  ils  retournèrent  a  l'oracle  qui 
leur  reprocha  que  son  autel  n'estoit  pas  doublé.  Sur  quoy  on  conuocqua  (x) 
tous  les  plus  habiles  géomètres  de  la  Grèce  pour  doubler  ce  cube,  ce  que 
Platon  après  y  auoirbien  resué  aiant  entrepris  et  en  estant  venu  a  bout  (y)  (A), 
mais  la  ville  despeuplée  de  citoiens,  la  maladie  cessa  (z).  Remarquez  ie  vous 
prie  que  le  Démon  (a)  grand  géomètre  auoit  faict  vne  proposition  aux  Athé- 
niens la  plus  difficile  de  touttes  que  personne  encores  iusques  allors  nauoit 
peu  résoudre  assauoir  de  doubler  vn  cube,  ce  qui  ne  se  put  pas  par  démons- 
tration, ains  seulement  par  vne  raison  phisique.  Car  il  eus!  fallu  sur  deux 
lignes  proposées  (1)  en  Irouuer  deux  autres  moyennes  proportionnées,  ce  qui 
ne  sest  peu  faire  encores  (b).  Nicolas  Cusa  (B)  la  (c)  essayé;  Orontius  (C)  sest 
vanté  (cl)  de  lauoir  trouué  et  par  ce  moien  dauoir  rencontré  la  quadrature  du 
cercle  (2)  creuë  impossible  (<■).  Mais  Nonius  Portuguais  (D)  et  Buteo  Delphi  - 
nas  ont  enseigné  ce  paralogisme  (E)  et  en  ont  faict  la  démonstration.  Ainsy 
Apollon  se  rendit  encores  plus  fameux  quil  nauoit  iamais  esté,  mesmes  (/') 
Platon  augmenta  sa  réputation  (Fj  de  bonne  foy  en  ce  que  suiuant  le  conseil 
d'vn  (g)  Egiptien  (3)  dont  il  auoit  pris  quelques  leçons  il  prescha  publiquement 
que  par  ceste  response  Apollon  auoit  voulu  retirer  les  Athéniens  du  luxe,  de 

(1)  Id  quidem  demonstrari  potest  in  quibusdam,  nemo  tamen  adhuc  de 
omnibus  praestitit.  —  (2)  In  lib.  de  circuli  quadratura.  —  (3)  Plut,  in  lib.  de 
Dœmone  Socratis  (G). 


(v)  MDPG  superposuerunt.  NB  supposuerunt.  —  {x)  MDPGB  (geometras)  arcessere  oportuit. 
N  arcessiri.  —  (//)  MDTEPGB  quod  tandem  l'ialo  cum  uigffoXâêoiç  prœslitissel.  N  y-.£<roXà6io. 
—  (2)  MD  conquierunt  (suj.  indéfini).  N  csedes  conquievit.  B  cœdes  conquierunt.  —  [a)  MUB 
daemona.  N  daemonem.  —  (b)  B  in  quibusdam  quidem  ne  tamen  adhuc  in  omnibus  praestitit  : 
lambeaux  d'une  glose  que  NMD  laissent  hors  du  Lexle.—  (c)  MDPG  Nicolaus  Cusa  lenlavit.  N  id 
lenlavit.  B  Chuso.  —  [d)  MDNB  jactavit.  l'G  putavit.  —  (e)  MD  TeTpaycovtsf^v  penitus 
ignolam.  NB  ignolum  (seul  correct).  —  (f)  N  omet  etiam.  —  (g)  MDTEPGB  ab  Mggptio. 
N  ab  jEgyptiis. 

(A)  MD  u.EToÀâêotç,  omis,  =  par  les  moyennes  proportionnelles. 

(B)  Le  cardinal  de  Cusa  (sur  ce  personnage,  voyez  p.  248,  note)  avait  adressé  au  pape  Nicolas  V 
des  recherches,  plus  lard  réfutées  par  Iiegiomontanus,  sur  la  quadrature  du  cercle. 

(G)  Oronce  Fine  (1494-1555),  professeur  au  collège  de  France,  croyait  avoir  découvert  la  qua- 
drature du  cercle  et  la  duplication  du  cube.  Il  en  traite  dans  Quadratura  circuli  et  demonstra- 
tiones  variœ,  Paris,  1544,  in-fol.:  et  dans  De  rébus  malhemalicis  hac tenus  desideralis  libri  IV, 
Paris,  1556,  in-fol. 

(D)  Pedro  Nunnez  (Nonius),  1492-1577,  précepteur  de  dom  Henri  de  Portugal,  professeur  à 
l'Université  de  Coïmbre,  a  écrit  De  erralis  Orontii  Finsei  Delphinatis,  Goïmbre,  1573,  in-fol., 
réimprimé  dans  ses  Opéra,  Bâle,  1592,  in-fol. 

(E)  Entendez  :  ont  démontré  que  c'était  un  paralogisme.  Joannes  Buteo  (Jean  Borel  de 
Romans,  Dauphinois),  1492-1572,  juriste  et  mathématicien,  a  écrit  De  quadratura  circuli  libri 
duo,  Lyon,  1559,  in-8. 

(F)  La  réputation  d'Apollon.  MD  sic  Apollo  admirabililalem  sui  multo  quant  antea  excitavit, 
quam  etiam  Plato  bona  fide  auxit. 

(G)  Ch.  8.  Plularque  autorise  MDB  ab  /Egyplio;  cet  Égyptien  est  un  prêtre  de  Memphis, 
nommé  Conuphis.  —  Bodin  avait  déjà  emprunté  l'histoire  de  l'autel  cube  doublé,  Démon.,  I,  4, 
p.  99. 


DES  SECKETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  81 

la  lubricité,  de  lyurongoerie  et  de  lusure  pour  leur  faire  aimer  le  |261] 
chemin  de  la  vertu  et  lestude  des  lettres. 

Tohalbe.  —  Si  les  ouuriers  eussent  pris  vne  masse  d'argille  (A)  de  mesme 
poids  que  celluy  de  cet  autel  cube  et  que  cette  masse  ils  y  en  eussent  adiousté 
encores  autant  et  meslant  le  tout  ensemble  ils  eussent  composé  vn  cube  de 
l*vne  &  de  l'autre  masse  laffaire  estoit  faicte  sans  beaucoup  de  peine  par  vne 
raison  phisique. 

Salomon.  —  Les  oracles  d'Apollon  aussy  bien  que  ceux  de  Bahal  soit  quils 
soyent  vrais  ou  faux  ont  esté  rendus  par  les  Démons  (B)  et  Ion  nen  peut  doub- 
ler pour  peu  que  Ion  les  examine.  Car  jamais  la  Prestresse  Pithie  [h)  ne  res- 
pondoit  que  furieuse  (C)  la  bouche  escumante  le  gausier  enflé  les  yeux  esga- 
rez  (i)  et  souuent  (/)  par  les  parties  honteuses  la  bouche  fermée  et  faisant 
sortir  les  parolles  du  fond  de  l'estomach.  Et  les  relations  modernes  nous 
apprennent  que  les  prestresses  (D)  indiennes  (k)  estoient  telles  (/)  auant  l'arri- 
uée  des  Espagnols  en  ces  pays  la  lorsquils  y  ontaboly  le  culte  des  démons  les 
sortilèges  et  les  sacrifices  de  victimes  humaines.  Mais  les  oracles  diuins 
estoient  donnez  seulement  aux  Prophètes  par  vn  présent  céleste  (m)(E)  comme 
la  loy  de  Dieu  (6)  nous  lapprend  et  estoient  rendus  un   non  pas  dun  esprit 

(6)  Numer.,  c.  12  (F). 


(h)  MDPG  Pyfhius  (faule).  NB  Pythia  sacerdos.  —  (i)  MDPG  oculis  lurvum  luenlibus.  NB 
inluentibus.  —  (j)  NBM  ssepius.  D  saepe.  —  (k)  MDTEG  sacerdote*  indicas.  NBP  indicos.  — 
[l)  MDPG  quo  eliam  in  statu  (fuisse  legimus).  NB  suppriment  in.  —  [m)  MDPG  concessu  uc 
minière  dei.  NB  concessa  minière  dei  (oracula).  —  (n)  MDPG  quœ  (N  et)  a  prophetis  reddeban- 
tur.  B  supprime  a. 

(A)  Inexact.  MD  cubicam  argillse  massam. 

(B)  Tous  les  dieux  des  nations  sont  des  démons,  déclare  Origène  dans  ce  Contra  Celsum,  3,  2 
(Migne,  t.  I,  col.  923),  que  Bodin  a  tant  lu.  Mais  c'est  là  une  conviction  fréquente  au  xvie  siècle  : 
cf.  p.  258  noie. 

(C)  Sur  la  fureur  des  Sibylles,  cf.  Contra  Cels.,  7,  3  (Migne,  t.  I,  col.  1423).  Mais  l'important 
ici,  c'est  le  discernement  que  l'ail  Bodin  des  enchanteurs  aux  prophètes.  Cl.  Démon.,  1.  4,  p.  100  : 
«  Ceux  qui  sont  inspirez  des  Démons  sont  alors  les  plus  furieux  &  insensez,  et  ceux  qui  sont 
»  inspirez  de  Dieu  sont  alors  plus  sages  que  iamais  ». 

(D)  MDB  spécifient  qu'il  s'agit  de  prêtresses,  sacerdotes  indicas.  Mais  ou  il  faut  lire  indicos, 
ou  Bodin,  suivant  l'idée  d'une  comparaison  avec  la  Pythie,  a  encore  cité  par  à  peu  près.  Lopez 
de  Gomara,  Histoire  générale  des  Indes  occidentales,  Irad.  Martin  Fumée,  Paris,  M.  Sonnius, 
1587,  in-8,p.  37,  nous  parle  de  devineurs,  ou  «  preslres  du  diable  »,  ou  «  Bohilis  »,  qui  s'enivrent 
d'une  herbe  nommée  Cohoba  el  dans  leur  furie  prophétisent.  Or,  Bodin  connaissait  bien  Gomara 
qu'il  cite  par  ex.  Rép.,  VI,  6,  p.  721  et  V,  1 ,  p.  487.  Je  trouve  ailleurs  dans  Bodin  :  «  Et  pour  estre 
»  plus  fort  rauis,  ils  [ces  prestres  Indois]  fermoienl  les  yeux,  les  autres  s'aueugloient,  sacrifians 
»  les  hommes  el  toutes  sortes  d'animaux  a  leurs  idoles  »,  Dém.,  1,  3,  p.  79.  Ces  détails,  el  toute 
la  page  qui  les  enchâsse,  viennent  de  Gomara,  5,  14,  p.  323.  Montaigne  (cf.  Villey,  Les  livres 
d'histoire  moderne  utilisés  par  Montaigne,  pp.  76  sqq.)  emprunte  précisément  les  mêmes 
détails,  des  prêtres  qui  s'aveuglent  «  pour  accointer  leurs  démons  et  prendre  les  oracles  »  (Essais, 
I,  23,  éd.  Jouaust,  t.  I,  p.  157),  à  la  même  page  de  Gomara.  Mais,  la  Démon,  étant  de  1580,  c'est 
donc  à  Gomara  lui-même  que  Bodin  a  puisé. 

(E)  Cf.  Démon.,  1,  3,  p.  83  :  «  Iamblique  conclud  que  la  prophétie  nest  point  naturelle,  ains 

»  que  c'est  le  plus  grand  don  de  Dieu  ».  "O    t  Q  (p  *4~/f-} 

(F)  Num.,  12,  6  :  «  S'il  y  a  quelque  prophète  du  Seigneur  parmy  vous,  ie  me  montreray  a  luy 
»  par  vision  ou  parleray  a  luy  en  songe  ». 

Chauviré  6 


82  JEAN    BOPIN 

furieux  mais  d'vne  ame  tranquille  et  ferme  :  &  cependant  Dieu  ne  sest  iamais 
rendu  visible  a  aucun  mortel  (7)  fors  a  JVloyse  (A)  :  quand  aux  autres  Pro- 
phètes ils  ne  lont  iamais  veu  qu'en  songe  ou  en  dormant  ou  par  visions  (o) 
nocturnes,  dont  Moyse  Rambam  (8)  a  faict  dix  espèces  (B).  Ce  don  toutlesfois 
de  prophétie  [262]  pour  toutte  la  vie  na  esté  donné  qu'a  fort  peu,  comme  a 
Samuel,  a  Osée  (p)  (C),  Helie,  Helisée  et  a  Iesaye.  Car  tout  autant  de  fois  que 
Ion  trouue  dans  l'escriture  saincte  que  Dieu  ou  lange  de  Dieu  (q)  a  parlé,  cest 
a  dire  vn  aduertissement  prophétique  arriué  en  dormant  par  songe  (r)  ou  par 
vision  (9)  par  exemple  les  visions  d'Abraham  et  les  colloques  de  Dieu  auec  luy 
&auec  tous  les  autres  excepté  Moyse  (D).  Ceux  qui  ne  comprennent  (s)  pas  ce 
mistere  tombent  dans  vne  infinité  derreurs.  Quelquesfois  neantmoins  on  est 
aduerty  en  veillant  de  ce  quon  a  a  faire  (l)  (1),  mais  cest  par  des  sentimens 
intérieurs  par  le  ministère  de  lange  gardien.  Et  en  dormant  on  entend  souuent 
(par  la  permission  de  Dieuj  [u)  des  vois,  ou  des  bourdonnemens  daureilles,  ou 
bien  on  est  espouvanté.  A  quoy  se  raporte  ce  qu'Helisée  (v)  (E)  disoit  a  lob 
pour  linstruire  :  Dieu  (2),  dict-il,  ne  parle  iamais  qu'vne  fois  ou  deux  en 
songe  (x)  ou  visions  (y)  nocturnes  quand  on  est  dans  le  plus  profond  som- 
meil :  si  lhomme  ny  prend  pas  garde  alors  il  bourdonne  a  laureille  des  hom- 
mes pour  leur  faire  entendre  sa  volonté  et  leur  imprimer  sa  doctrine  (s)  comme 
auec  vn  cachet  (a)  a  fin  de  corriger  l'iniquité  (b)  des  faibles  (F)  et  lorgueil  des 

(7)  Num.,  c.  12  (G).  —  (8j  In  libro  More  neuochim  (H).  —  (9)  Moses  Ramban 
in  libro  eodem.  —  (I)  Vt  lib.  3  Kegum,  c.  18  et  lib.  1,  c.  16  (I).  —  (2)  lob, 
c.  33  (J). 


(o)  MDPG  visis.  SB  visionibus. —  (pj  MD  Ahise.  SB  omeltent  ce  mot.  B  omet  Helisœo. — 
(q)  MDB  Dei.  S  Domini.  —  (r)  MDB  in  somnio.  S  in  somno.  —  (<)  MPGSB  percipiunl  animo. 
D  prœcifiunt.  —  (/)  MD  quid  facto.  SB  quid  factu  sit  opus.  —  (u)  MD  uoces  divinitus  (SB 
divins)  e.ruttdiunlur.  —  \v)  MFJ'PGB  Elihn  Jobum  inslrttentis.  S  Jubi  (?).  —  (x)  SBDPG  in 
somniis.  M  in  somnis.  —  [y)  MD  in  viso.  SB  visu.  —  (z)  MD  ac  [l'G  uni)  doctrinam.  SB  ac  diui- 
nam  vocetn  (?,.  —  (a)  MDl'G  velut  impresso  siyillo.  SB  ex/iresso.  —  (b)  MDATEHG  pravilalem. 
SB  probitalem  (?). 

(A)  MD  lex  divina  aperte  déclarât,  omis. 

(B)  On  trouvera  ces  dix  espèces  ou  ■<  degrés  »  de  la  prophétie  dans   la  Démon.,  1,  4,  pp.  96-98. 
(G)  Il  s'agit  d'Ahias,  Dém.,  1,  4,  p.  99,  qui  prophétise  qu'Israël  va  se  scinder,    les  dix  liguées 

d'un  côté  et  Juda  de  l'autre,  III  Rois,  11,  30  sqq.  —  H  écrit  Osée  :  la  confusion  s'explique  : 
paléographiquemenl,  par  la  l'orme  ancieune  de  l'h,  assez  proche  de  l's;  et  autrement,  par  la  noto- 
riété d'Osée. 

(D)  «  Et  au  dernier  chapitre  du  Deuteronome  [Deut.,  34,  10],  il  est  dit  qu'il  n'y  eut  iamais  pro- 
»  phele  semblahle  a  Moyse,  qui  cogneut  Dieu  face  a  face  ».  Démon.,  1,  4,  p.  94. 

(E)  MD  Elihu,  est  confirmé  par  le  livre  de  Job.  L'erreur  de  R  s'explique  comme  supra,  pour 
Ahias-Osée. 

(F)  MD  tenuibus  provitatem  est  seul  conforme  au  bon  sens.  Quelle  apparence  que  Dieu  veuille 
enlever  aux  pauvres  la  vertu  d'honneur  (NB  probilatem)1 

(G)  Num.,  12,  6-8.  «  S'il  y  a  quelque  prophète  entre  vous  ie  luy  apparoistray  par  vision,  et  par- 
»  leray  a  luy  par  songe  ;  mais  quant  a  Moyse  mon  esclaue  fidelle,  et  loyal  entre  tous,  il  n'en  sera 
»  pas  ainsi,  car  ie  parleray  a  luy  face  a  face  ». 

(H)  Cf.  p.  251  note. 

(I)  «    Le  Seigneur  adressa  la  parole  a  Elie   »,  111  Bois,  18,  1.  —  «   Enfin  le  Seigneur  dit  a 
Samuel  »,  I  Rois,  16,  1. 
(J)  Job,  3?,  14  à  17. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    -I  BLIMES  83 

puissans.  Conformément  a  lesaye  .'<  .  Dieu,  dict  il,  a  la  pointe  du  iour  a 
frappé  a  mon  aureille  pour  se  faire  entendre,  il  la  ouuerte  &  ie  me  suis  mons- 
tre obéissant.  Mais  personne  ne  songe  a  ce  bourdonnement  daureille  que  lors- 
que la  chose  est  arriuée  [cj.  Et  quand  aux  Prophètes  de  nostre  nation  (d)  ils 
ont  produit  des  choses  admirables  et  en  quantité  pendant  plusieurs  siè- 
cles [263]  (A)  comme  sousleuemens  des  peuples,  ruines  e)  de  villes,  boul- 
leuersemens  de  royaumes  &  massacres  de  Princes  lesquelles  prédictions  après 
plusieurs  années  (f)  (B)  se  sont  trouuées  véritables  es  temps  quelles  auoient 
esté  marquées.  Cest  donc  [g)  de  la  voix  de  ces  prophètes  ou  de  leurs  escripts 
qu'il  fault  demander  des  oracles  et  dans  leurs  seuls  tesmoignages  rechercher 
la  véritable  [h)  religion  (C). 

Gcrce.  —  Il  est  vray  qu'il  fault  rechercher  les  premiers  Prophètes  depuis 
Abraham  et  les  Israélites  :  et  neantmoins  tous  nestoient  pas  (i)  Israélites,  car 
Bileham  estoit  Caldeen  (4)  &  a  obtenu  de  Dieu  le  don  (j)  de  prophétie  et  deux 
mil  ans  (k)  auant  que  de  tels  malheurs  arriuassent  a  prédit  (/:  d'admirables 

(3)  C.  50  (D).  —  (4)  Numer.,  c.  23  (E). 


(c)  MUPG  nemo  nisi  rêvera  experlus  inlelliget.  SI!  nisi  expertus  inlelligit.  —  [d)  MDPG 
nostrœ  geulis.  NB  noslris.  —  (e)  DNB  excidia  lirais.  M  exodia  ('?).  —  (/)  Ml'GB  multis  {Nlanlis) 
posl  œlatibus  (U  poslestalibus,  barbare).  —  [g)  MD  ab  his  igîlnr  [vocibus].  NB  ab  Us  ergo.  — 
[h)  MON  veru  reliyionis  lestUiionia,  PUB  verse.  —  (i)  MUB  nec  lamen  o-i  nés  se.  arcessere 
oporlel  .  N  indûment  ajoute  videmus.  —  (j)  MON  hausisse.  BPG  habuisse.  —  (k)  MDB  daobus 
annorum  millibus.  N  duo  millia  annos,  solécisme.  —  (Z)  MDTËPG  prie  ce  pisse  animo.  NB  per- 
cepisse. 

(A)  MD  Prophetis  quidem  nostrœ  genlis  vaticlnia  admirabilia  per  multa  saecula  prodita 
fuere,  =  pendant  de  longs  siècles  les  prophéties  de  nos  prophètes  se  sont  réalisées  avec  une 
constance  étonnante. 

(B)  M  multis  post  setalibus,  —  après  bien  des  générations  écoulées. 

(C)  Assommé  par  ce  déluge  d'érudition  sur  la  valeur  comparative  des  oracles,  Guhrauer  résume 
d'un  mot  l'immense  développement  qui  commence  p.  255:  «  Quand  nous  aurons  parcouru  louL 
»  ce  qu'on  a  dit  et  écrit  sur  les  oracles,  nous  conclurons  que  seuls  sont  à  croire  ceux  des  pro- 
»  phèles  ».  0.  c,  p.  55.  Mais  :  1°  en  omettant  ces  pages,  il  semble  qu'on  manquerait  à  présenter 
une  face  pittoresque  de  la  pensée  de  Bodin,  parfois  si  hautement  philosophique,  parfois  impré- 
gnée de  superstitions  bizarres,  et  qu'ainsi  ces  extraits  de  YHept.  auraient  quelque  chose  d'incomplet; 
2°  j'ai  montré  plus  haut,  p.  252  note,  que  les  chrétiens  des  premiers  siècles,  puis  les  hommes  de 
la  Renaissance  avaient  accordé  une  grande  attention  à  celte  question.  La  querelle,  sur  ce  point, 
entre  l'esprit  critique  et  l'orthodoxie,  continue  après  eux.  L'anabaptiste  Van  Dale,  antiquaire  & 
médecin,  dans  ses  De  oraculis  veterum  ethnicorum  dissert aLiones  duse,  Amsterdam,  1683,  in-8 
et  1700,  in-4°,  prouve  que  les  oracles  des  païens  ont  eu  pour  cause  non  le  démon,  mais  la  super- 
cherie des  prêtres;  Fonlenelle,  dans  sa  fameuse  Histoire  des  oracles,  vulgarise  cette  thèse  et 
cherche  en  outre  à  prouver  que  les  oracles  n'ont  pas  cessé  à  la  venue  de  J.-C.  De  son  côté,  le 
jésuite  J.-Fr.  Ballhus,  de  Metz  (1667-1704),  dans  sa  Réponse  à  l'histoire  des  oracles  de  Fonte- 
nelle,  Strasbourg,  1707  et  1709,  contredit  l'une  et  l'autre  assertion,  et  attribue  au  diable  au  moins 
une  partie  des  oracles  païens. 

(D)  Isaïe,  50,  5.  —  Cf.  Démon  ,  1,  4,  p.  105  :  «  Aussi  lisons  nous  en  lob  que  Dieu  ayant  pitié 
»  des  hommes  les  aduerlit  en  songe  et  leur  tire  l'oreille  ».  {Job,  33,  15  sq.). 

^E)  .Vu?n.,23,7  :  «  Balaac  roy  des  Moabites  m'a  faict  venir  d'Aram,  des  montagnes  de  l'Orient  ». 
—  Cf.  ibid.i  22,  5. 


84  JEAN    B0DIN 

changemens  dans  le  monde  (À).  lob  (5),  pareillement  Elihu  (6)  (m)  et  Eliplias  (7) 
quoiqu'Arabes  auant  la  publication  de  la  loy  (B)  ont  esté  des  prophètes  1res 
renommez. 

[Senamy  remarquant  que  les  songes  divinatoires  se  rencontrent  également 
chez  les  profanes,  Pisistrate,  Caracalla,  Salomon  répond  que  la  plupart  du 
temps  nos  songes  sont  trompeurs;  puis  il  indique  un  critérium  pour  connaître 
les  songes  trompeurs  des  véridiques,  auxquels  on  peut  communément  donner 
le  nom  de  divination]. 

L264]  Mais  la  prophétie  est  appellée  singulièrement  (a)  (G)  vne  force  diuine 
accordée  par  vne  grâce  particulière  pour  sçauoir  et  prédire  ce  qui  doibt 
arriuer  :  laquelle  faculté  n'a  pas  seulement  esté  accordée  aux  anciens,  mais 
aussy  souuent  a  plusieurs  de  nostre  temps.  Et  quoy  que  nous  voyons  dans 
les  commentaires  des  Iuifs  (D)  qu'après  estre  retournez  de  leur  exil  les  pro- 
phéties ont  cessé,  ce  n'est  pas  a  dire  pour  cella  que  depuis  ils  n'ayent  pas  esté 
fauorisez  de  quelques  [265]  songes  diuins  (E),  mais  pour  nous  apprendre 
seulement  que  la  voix  de  Dieu  a  cessé  de  se  faire  entendre  par  la  bouche  des 
prophètes  qui  annoncoient  (b)  aux  princes  &  au  peuple  sa  volonté  &  (c)  ses 

(5)  lob,  cap.  vltimo  (F).  —  (6)  lob,  c.  33  (G)    —  (7)  lob,  c.  4  (H). 


(m)  MDPG  Jobum,  JSlihum,  Eli;>ham.  S  Jobum,  Hélium,  Helisam  (faiilif).  B  Jobum,  eliam 
Helisam  (fautif).  —  {a)  MDATEN  Leyser  (somnin  vera)  qux  in  universum  communi  quaclam 
appellalione  [vaticinia  dici  possunl.  Prophelia  vero  singulari  quadam  appellalione]  dicilur 
divina  vis.  PGB  omettent  les  mots  entre  crochets.  —  {b)  MDI'GB  denunciarenlur.  N  annun- 
ciarentur.  —  (c)  MDPG  legesve.  NB  legesque. 

(A)  MD  prœcepisse  est  exigé  aussi  par  le  sens.  Allusion  à  N'um.,  24,  où  Balaam  prédit  jusqu'à 
la  conquête  de  la  Judée  par  les  Romains,  et  (aux  yeux  des  chrétiens)  jusqu'à  la  venue  du  Christ  : 
«  Vne  esloile  sortira  de  Iacob  »,  etc. 

(B)  «  On  y  trouve  [dans  le  livre  de  Job]  une  infinité  de  termes  arabes  et  syriaques  ».  Ellies  du 
Pin,  o.  c,  Dissert,  prélimin.,  p.  38,  note  u.  —  «  On  croit  communément  que  Job  a  été  avant 
»  Moïse  ou  du  moins  de  son  temps,  parce  qu'il  n'y  est  point  parlé  de  la  Loi  écrite  »,  Ibid.,  p.  12. 

(C)  Le  texte  de  MD  est  seul  intelligible.  Salomon  vient  de  dire  qu'en  langage  commun,  com- 
muni quadam  appellalione,  on  appelle  divination,  vaticinia,  les  songes  véridiques.  Mais, 
ajoute-t-il,  la  prophétie  proprement  dite,  singulari  quadam  appellalione,  se  définit  une  impul- 
sion divine,  etc.  —  L'erreur  de  PGB  s'explique  par  le  voisinage  des  deux  quadam  appellatione. 

(D)  Josèphe,  Antiquités  judaïques,  3,  9.  —  «  Et  mesmes  nous  lisons  i's  docteurs  Hehrieux 
»  [ftabbi  Iosué  ben  Leui],  que  iaçoil  que  l'oracle  de  Urimel  Thummim  cessast  après  le  retour  de 
»  Babylone,  si  est  ce  que  lousiours  on  oyoit  quelque  voix  diuine  ».  Démon.,  1,  4,  p.  106. 

(E)  Somnia  divina.  Celte  expression  est  éclaircie  par  la  lecture  de  Dém.,  1,  4,  tout  entier  : 
«  De  la  prophétie  et  autres  moyens  diuins  pour  sçauoir  les  choses  occultes  ».  Il  y  a  trois  moyens 
divins  :  la  prophétie,  les  songes  d'origine  céleste,  l'ordalie  par  Urim  &  Thummim.  On  peut 
connaître  l'avenir  par  d'autres  moyens,  mais  qui  sont  diaboliques  et  magiques. 

(F)  Job,  42,  5  :  «  Maintenant  mon  œil  le  voit  ».  Cf.  versets  7,  8  et  12. 

(G)  Job,  32,  8,  où  Elihu  revendique  pour  lui  l'inspiration  du  Tout-Puissant.  Elihu  indique  bien, 
Job,  33,  15-16,  les  conditions  ordinaires  de  la  prophétie,  mais  d'une  façon  générale  et  sans  indi- 
quer qu'elles  soient  réalisées  pour  lui. 

(H)  Job,  4,  12  à  16  :  «  Or  la  parolle  secrelte  m'a  esté  dicte,  elc...  Et  quand  l'esprit  passoit  en 
»  ma  présence,  les  poils  de  ma  chair  en  ont  eu  horreur  ». 


DES  SECRETS  CACTIEZ  DES  CHOSES  SURLIMES  85 

loix.  Et  nous  en  auons  encore  pnrmy  nous  (A)  qui  pour  leur  conseruation  ou 
de  leur  prochain  reçoiuent  en  songe  (d)  des  commandemens  de  la  part  de 
Dieu  ou  pour  euiter  les  ambuches  de  leurs  ennemis  ou  pour  se  corriger  de 
leurs  vices  ou  pour  les  diuertir  de  leur  impieté  &  superstition  en  les  rame- 
nant dans  la  véritable  religion  et  (e)  pour  estre  esclaircis  es  choses  douhteuses. 
Et  certainement  les  songes  &  visions  nocturnes  ont  plus  deffîcace  que  tout  ce 
que  Ion  peut  faire  estant  esueillé.  Comme  lorsque  Abraham  croioit  if)  en 
dormant  (B)  intercéder  pour  les  villes  de  Sodome  &  de  Gomorre  et  parler  a 
Dieu  familiairement,  cette  prière  neut  pas  moins  de  force  et  peut  estre  (C) 
encores  plus  (g)  que  s'il  leust  faicte  en  veillant.  Et  Salomon  qui  simagina  (2) 
en  dormant  (/*)  qu'il  demandoit  a  Dieu  le  don  de  sagesse,  cette  prière  en 
songe  [i)  opéra  elle  pas  iusques  la  que  Dieu  luy  respondit  (D)  que  ses  vœux 
auoifuit  esté  exaucez,  el,  en  effet  de  la  en  auant  fut  doiié  de  tant  de  lumières 
qu'aucun  autre  ny  auparauant  ny  depuis  na  iamais  acquis  tant  de  connois- 
sances. 

Eederich.  —  S'il  fault  se  raporter  (/')  aux  songes  pour  y  fonder  nostre  reli- 
gion et  le  chemin  de  nostre  salut,  tout  est  perdu,  puisque  S.  Paul  (3)  vous 
aduertit  de  vous  deffendre  soigneusement  des  faulx  prophètes  et  que  si  vn 
ange  descendoit  du  ciel  en  terre  (A)  pour  vous  enseigner  vne  autre  doctrine 
que  la  sienne  (7),  il  ne  fauldroit  pas  l'escouler  :  par  (m)  quoy  il  donne  assez  a 
entendre  qu'il  ne  fault  point  escouter  les  nouueaux  prophètes  les  Apollons  ny 
les  oracles  sur  le  faict  de  [266]  la  meilleure  religion,  puisqu'il  monstre  clai- 
rement que  cest  celle  des  chrestiens  (n). 

(2)  Lib.  I  Regum,  c.  3  (E).  —  (3)  Ad  Galat.,  1  (F). 


(d)  MDTPSB  in  somniis.  G  in  somnis.  —  (e)  M"PGB  ac.  N sive.  —  [f\  DPGSB  (cum  Abra- 
hamus)  viderelur.  M  viderentnr,  inadverlance.  —  [g]  MD  haud  scio  an  efficacior.  SB  nescio  an 
non  elficacior.  —  lh)  MDSB  in  somniis.  PG  in  somnis.  —  (i)  DPGSB  in  somjiiis.  M  in  som?iis, 
négligence.  —  [j)  MDPG  revocemus.  SB  revocaremus.  —  (k)  MDPGB  in  terras.  S  in  lerram.  — 
l]  MDBS  quam  quee.  ah  eo  (PG  ab  ipso)  tradita  sunl.  —  [m]  MDPG  E.r  qno  salis  innuit, 
{li  In  quo.  S  Qno.  —  'n)  MDPGB  cum  nper/e  doceat.  esse  chrislianam  (se.  religionem).  S  esse 
christianum  (?). 

(A)  Voyez  dans  la  Démon..  1,  2,  pp.  70-75,  l'histoire  d'un  gentilhomme  que  Bodin  connaît  par- 
licnlii  remenl  el  refuse  d'ailleurs  de  nommer,  lequel  a  un  démon  familier  qui  l'avertit  en  songe 
et  le  préserve  des  embûches,  du  péché,  de  l'hérésie;  à  l'opposé,  l'histoire  d'un  Angevin,  égale- 
ment bien  connu  de  Bodin,  en  proie  à  un  esprit  malin,  Démon.,  2,  3,  p.  216.  —  Nombreux  sont, 
au  xvie  siècle,  les  personnages  qui  passent  pour  avoir  leur  démon  familier.  Cf.  L.  Lalanne,  o.  c, 
p.  13'J  sq. 

(B)  Le  texte  dit  :  «  Le  Seigneur  derechef  s'apparut  a  luy  [Abraham]  en  la  plaine  de  Mambré,  et 
»  iceluy  esloit  assis  a  l'entrée  de  son  pauillon  en  la  chaleur  du  iour  ».  Genèse,  18,  1.  Bien  n'in- 
dique qu'Abraham  dormîl.  Mais  les  théologiens  hébreux  estiment  que  celte  apparition  du  Sei- 
gneur, venant  lui  annoncer  la  ruine  de  Sodome  &  Gomorrhe,  fut  un  songe  qu'Abraham  eut  en 
sommeillant.  Dém  ,  1,  4,  p.  98. 

(G)  MD  haud  scio  an  efficacior  est  seul  correct,  =  je  ne  sais  si  sa  prière  ne  fut  pas  plus 
écoulée.  Haud  scio  an  suffit  à  signifier  :  je  ne  sais  si...  ne...  pas.  peut-être  el  probablement. 
Faute  d'avoir  connu  ce  sens,  NB  se  sont  cru  obligés  d'insérer  un  non  fautif  devant  efficacior. 

(D)  Omission.  MD  eodem  somnio. 

(E)  Erreur  :  III  Rois,  '6,  5-12  :  <■  El  le  Seigneur  s'apparut  a  Salomon  de  nuict  par  songe  »,  etc. 

(F)  «  Or  si  nous  mesmes  ou  vn  ange  du  ciel  vous  euangelise  aulrement  que  nous  ne  vous  auons 
»  euangelisés,  qu'il  soit  maudicl  ».  Ad  Gai.,  I,  8. 


86  JEAN    BODIN 

Senamy.  —  Parce  que  les  Iuifs  rejettent  non  seulement  S.  Paul  mais  tout  le 
contenu  du  nouueau  Testament  et  les  Mahometans  tous  les  escripts  des  chres- 
tiens  (o),  il  nous  fault  seruir  et  rechercher  d'autres  tesmoignages  (p),  &  pour 
moy  ie  ne  connois  rien  de  plus  accommodant  que  de  veoir  laquelle  des  reli- 
gions est  la  plus  ancienne  car  cest  vn  grand  preiugé  que  cella  est  la 
meilleure  (A). 

Tohalbe.  —  Si  par  lancieneté  nous  voulons  décider  de  la  bonté  &  de  la 
vérité  de  la  religion,  il  nous  fault  remonter  (q)  iusques  au  premier  Père  du 
genre  humain  pour  la  trouuer.  Car  il  est  a  croire  que  Dieu  lui  a  communi- 
qué (r)  par  priuilege  spécial  la  meilleure  religion  (s),  les  meilleures  mœurs  (/), 
la  meilleure  conduicte,  la  meilleure  science  et  finallement  touttes  les  plus 
parfaictes  vertus  de  lame,  puisque  (w)  cest  de  Dieu  qu'il  a  appris  le  sainct 
langage  pour  s'exprimer  (B)  et  la  conoissance  pour  donner  vn  nom  a  tous 
les  autres  animaux  et  créatures,  chacun  selon  leurs  natures,  leurs  facultez  et 
leurs  puissances  (C),  car  il  neust  pas  peu  parler  ny  connoistre  touttes  ces 
choses  de  soy  mesme  (v)  lesquelles  il  ne  pouuoit  apprendre  f.r)  que  par  vn  si 
bon  maistre  et  son  créateur  tout  ensemble  (4).  Ce  premier  homme  (et  personne 

(4)  Philo  in  allegoriis  (D). 


(o)  MDPGB  Chrisli'tnorum  scripta.  S  chrislia.ua.  —  {p)  MDI'G  ulendum  nobis  est.  NB 
nobis  utendum  est.  —  (q)  MDI'G  origo  repetenda.  \B  pe/enda.  —  (r)  MDPGB  {hune)  a. 
Deo  subornutum  fuisse  oporlel.  N  a  Deo  exornalum  nportel. —  (s)  NB  orne  lient  optima  reli- 
gio'ie.  —  (t)  B  omet  opt'nnis  moribus  —  (m)  MDPGN  enim.  B  etiam.  —  (v)  MDPGN  neque 
enim  per  sese  eloqui  jioluisset,  aut  omnium  animanlinm  fquibu.t  ex  insitn  cuique  vi  et  poles- 
tate  nomina  indidisse  dicilnr)  uaturai  nisi  ab  optimo  parente  ac  maqistro  eruditus,  etc.  B 
neque  eliam  per  sese  eloquium  (quo  animi  sensu  patefacerel)  nisi  a  Deo  tanguant  optimo 
parente,  etc.  —  (x)  MON  hausisset.  PGB  habuisset. 

(A)  Nous  avions  déjà  senti,  supra,  p  236  sq.,  quel  poids  Bodin  donne  à  la  tradition,  à  l'anti- 
quité, quand  Senamy  se  demandait  s'il  y  avait  intérêt  à  changer  une  religion  moins  bonne,  mais 
invétérée  dans  l'âme  du  peuple,  pour  une  meilleure,  mais  neuve.  Et  à  ce  propos,  j'avais  cité 
quelques  textes  de  la  Rép.  où  Bodin  applique  ce  raisonnement  à  la  politique.  En  voici  un  autre 
plus  caractéristique  encore  :  «  La  reuerence  de  l'antiquité  est  si  grande,  qu'elle  donne  assez  de 
»  force  a  la  loy  pour  se  faire  obeïr  de  soy  mesme  sans  magistrats  ».  Rép.,  IV,  3,  p.  400.  Et  la 
principale  preuve  de  l'excellence  de  la  monarchie  française,  c'est  sa  haute  et  majestueuse  anti- 
quité. Ibid.,  VI,  5,  pp.  (385-688.  Cf.  mou  lean  Bodin,  IV,  3,  3  ad  finem. 

(B)  Pour  s'exprimer  semble  bien  la  traduction  de  quo  animi  sensa  patefacerel,  qui  esl  dans  B 
seul. 

(C)  Cette  idée  que  la  langue  hébraïque,  d'origine  divine,  définit  excellemment  êtres  et  choses 
par  les  noms  seuls  qu'elle  leur  donne,  est  familière  à  Bodin  :  cf.  Heptapl.,  V,  p.  389;  Theatr. 
naturse,  III,  16,  p.  606;  Démon.,  I,  5,  p.  122.  On  en  verra  les  sources  infra. 

(D)  J'ai  eu  en  mains  :  Philonis  Iudaei  Opéra  exegetica,  Turnebo  et  Haeschelio  interprelibus, 
Coloniae  Allobrogum,  P.  de  la  Rouiere,  1612,  in-l'ol.,  graeceet  latine;  et  Philon  le  lui  f,  OEuures, 
translatées.  .  par  Pierre  Bellier,  augmentées  par  Frédéric  Morel,  Paris,  Cl.  Chappelain,  1612.  — 
La  référence  des  Allégories  semble  erronée.  Le  passage  imité  me  paraît  le  suivant  :  <•  Au  reste 
»  Dieu  luy  donna  vne  belle  commission  de  donner  les  noms  aux  choses,  lequel  acte  sent  son  Roy 
»  el  sage  homme...  Il  est  dit  doneques  que  Dieu  amena  loules  les  bestes  a  l'homme  a  fin  qu'il 
>.  vist  comment  il  les  appellerait. ..  Par  ce  moyen  il  le  vouloit  esprouuer  comme  faict  le  maistre 
»  l'escholier  qu'il  cognoist,  resueillant  le  naturel  d'iceluy  el  le  prouoquant  a  la  contemplation  de 
»  ses  œuures  a  fin  qu'il  leur  donnast  des  noms  propres  et  conuenables,  representans  naïfuemenl 
»  les  proprielez  des  choses  :  car  estant  encores  la  nature  raisonnable  toute  pure  &  nette  dedans 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SURLIMES  87 

n'en  doubte;  a  instruict  et  esleué  ses  enfans  qui  luy  feurent  très  chers  dans 
louttes  sortes  de  vertus  et  principalement  dans  la  vraye  religion  assauoir 
dadorer  vn  Dieu  seul  éternel  et  de  luy  faire  sacrifice  de  prières,  de  fruicts  et 
d'animaux  que  l'on  faisoit  consommer  [y)  par  le  feu  (A)  :  le  manger  des 
viandes  nàyant  ^267]  point  esté  en  vsage  auant  le  déluge  (z)  (5). 

[Salomon  montre  alors,  par  un  long  développement  historique  connexe  à 
cette  assertion  de  Toralba,  que  la  religion  juive  est  la  plus  ancienne,  et  par- 
tant la  meilleure.  La  religion  d'Adam  s'est  perpétuée  en  sa  pureté,  de  généra- 
tion en  génération,  jusqu'à  ce  que  les  descendants  d'Abraham  se  soient  laissé 
séduire  à  l'idolâtrie  des  Égyptiens.  C'est  alors  que  Dieu,  se  souvenant  de 
l'alliance  qu'il  avait  faite  avec  Abraham,  a  envoyé  Moïse  et  sa  loi  écrite  aux 
hommes  pour  renouveler  en  leurs  cœurs  le  souvenir  perdu  de  la  loi  naturelle. 
On  voit  donc  ce  qu'est  la  religion  hébraïque  aux  yeux  de  Salomon-Bodin  :  un 
simple  rappel,  une  reproduction  de  la  religion  naturelle  et  universelle,  267-269]. 

[270i  Toralbk.  — Donc  il  est  certain  que  la  meilleure  et  la  plus  ancienne 
religion  a  esté  par  la  bonté  de  Dieu  inspirée  aux  hommes  auec  iuste  raison  (B), 

(o)  Zonaras,  lib.  1  (C).  — 


y  MDB  sacrificio  consumerentur.  N  sacrificiis.  l'G  absumerentur.  —  (z)  MSB  colluviones. 
DPG  eluviones. 

»  l'ame,  el  n'estant  aucunement  troublée  d'infirmité  ou  maladie  ou  passion,  et  consequemment 
»  ayant  certaines  cognoissances  de  la  nature  des  corps  et  des  choses,  elle  trouuoit  des  noms  tous 
•>  propres  elles appliquoil  fort  bien  a  propos  aux  choses  designées  el  signifiées,  de  sorte qu'incon- 
»  tinent  qu'ils  esloienl  prononcez,  les  natures  el  proprietez  esloient  entendues  el  cogneuës  ».  De  la 
création  du  monte,  trad.  Bellier,  p.  61-62.  (Je  suis  d'autant  plus  fondé  à  croire  que  VHept. 
copie  ici  le  Iraité  De  la  création  du  monde,  que  le  début  du  couplet,  où  Toralbe  avance  que 
Dieu  avait  doué  Adam  de  toules  les  vertus,  est  inspiré  du  même  Irailé,  ibid.,  p.  55  à  63,  passim). 
Quant  à  celle  idée  que  l'hébreu  esl  la  langue  divine,  primitive,  parfaite,  Bodin  la  rencontrait 
dans  maint  auteur  à  lui  familier.  S.  Augustin  émet  celte  pensée,  toute  voisine,  que  l'hébreu  était, 
au  commencement,  la  langue  universelle  de  toute  l'humanité,  De  civ.  Dei,  16,  11.  Proche  aussi 
esl  celte  conviclion  de  Jamblique  et  des  thaumaturges  néo-platoniciens  qu'en  goétie  seuls  les 
noms  hébraïques  de  Dieu  ont  sur  lui  un  pouvoir  évocateur.  El  de  Jamblique,  celle  conviction 
avait  passé  :  1°  dans  tous  les  auteurs  qui  s'élaienL  occupés  de  cabale  :  Jean  Pic  en  ses  Positions 
magiques,  Reuchlin  en  son  De  arte  cabalistica.  Corneille  Agrippa,  tous  assidûment  lus  par 
Bodin:  2°  dans  les  pratiques  courantes  de  la  magie.  Cf.  Démon.,  2,  1,  pp.  180-181. 

(A)  Genèse,  4,  3  sq. 

(B)  Faux  sens  cerLain.  MD  optimum  atque  antiquissimam  omnium  religionem  ab  œterno 
Deo  cum  recta  ratione  mentibus  humanis  insitam,  =  la  meilleure  et  la  plus  ancienne  religion 

c.-à-d.  la  Juive)  est,  par  le  bienfait  de  Dieu,  déposée,  innée  dans  l'âme  humaine  en  même  temps 
que  la  droite  raison.  B  mil  dem  rechten  Vernunfl  eingepflanzt.  —  C'est  toujours,  sous  une  forme 
à  peine  différente,  l'idée  que  raison  ou  loi  naturelle,  d'une  part,  religion  ou  loi  hébraïque,  de 
l'antre,  coïncident. 

(C)  Nombreuses  éditions.  J'ai  vu  :  Chroniques  ou  Annales  de  lean  Zonare,  trad.  par  1.  Millet 
de  S.  Amour,  Lyon,  Macé-Bonhomme,  1560,  in-fol.  ;  les  Histoires  el  chroniques  du  monde  de 
Ion  Zonaras,  trad.  par  lan  de  Maumont,  Paris,  Vascosan,  1561,  in-fol.;  une  aulre  trad.  (en 
latin,  par  Jean  Aymin,  Paris,  Chaudière,  1567,  in-fol.  J'y  lis  :  «  Deus  autem  se  non  amplius 
»  talem  cladem  terrae  immissurum  dixit  [se.  à  Noé  sorlant  de  l'arche  après  le  déluge]  et  vesci 
»  iussit  animanlibus  ».  L.  I,  4.  Donc  auparavant  l'homme  n'élait  pas  Carnivore. 


88  JEAN    BOMN 

laquelle  ne  leur  propose  que  luy  seul  (a)  pour  estre  adoré.  Puisque  nous  auons 
monstre  ey  dessus  que  ce  Dieu  extrêmement  espuré  de  toutte  crasse  corpo- 
relle est  créateur  et  conseruateur  de  touttes  choses,  lequel  estant  tout  bon  (b) 
&  tout  grand  (A),  le  culte  souuerain  aussi  nest  deub  qua  lui  (c)  seul  :  et  que 
le  rendre  aux  autres  diuinitez  qui  sont  ses  créatures  ou  (d)  de  les  mesler 
ensemble  (B),  cest  ce  que  personne  ne  peut  faire  sans  estre  coulpable  de  la 
dernière  impieté.  Quiconque  donc  aura  vescu  de  sorte  quil  se  sera  attaché 
inuiolablement  au  seul  culte  de  Dieu  selon  (C)  les  loix  de  la  nature,  ie  ne 
doubte  point  quil  nait  la  mesme  béatitude  dont  iouïssent  maintenant  Abel, 
Henoch,  Noe  (e),  Sem,  Abraham,  lob  (D)  et  (f)  tous  les  autres  que  Dieu  par 
son  tesmoignage  sacré  a  reconneu  très  saincts  et  luy  (g)  estre  très  aggreables. 
Et  Platon  na  iamais  rien  dict  de  plus  véritable  assauoir  que  les  premiers  Pères 
du  genre  humain  auoient  dautant  plus  de  probité  que  leurs  descendans  que 
plus  ils  approchoient  de  la  pureté  (E)  des  Dieux  (h),  desquels  (F)  les  marques 
des  premiers  siècles  dor  (?)  sescouloient  (j)  iusqu'a  leur  postorilé.  Et  Simpli- 
cius(G)mesmement  autant  cnnemy  des  Chrestiens  que  des  Iuifs  dict  que  lame 
la  plus  accomplie  en  toutte  perfection  est  celle  qui  ne  regarde  que  Dieu  (k)  et 


(a)  MDPG  et  quidem  (SB  ac)  soluin  homini  colendum.  —  (b)  MDPGN  oplimus  maximus.  B 
omnium  maximus.  —  (c)  MDl'G  illi.  NB  ei.  —  (d)  DNB  mit.  M  ac  (conjungere).  —  (e)  MPG 
Noha.  D  Nohamus.  NB  Noak.  —  \f)  MDPGN  caeteri.  B  cmterique.  —  (g)  MPGBN  sibi  (D  sic  [?]) 
gratissimos.  —  (/<)  MDN  ici  est  :  oi  roxXatot  xai  xpëfrroveç  ^y-wv  xat  (B  supprime  xal) 
ÈyyijTepO'.  ôeàiv  oÎ/.ouvtî;.  —  (i)  MDTEPG  ad  posteras  aurei  (NB  ad  poslerorum  aures  [?]) 
vesligia  prisca  sœculi.  —  (/)  MDN  dimunarunl.  B  demanarunt.  —  (k)  MDPG  Deum.  MB 
dominum. 

(A)  Oplimus  maximus,  ce  sonl  les  épilhèles  que  portent  le  Jupiter  antique,  dieu  suprême,  et 
qui  peuvent  faire  croire  que,  par  lui  et  sous  son  nom,  les  anciens  ont  reconnu  le  principe  du 
monothéisme.  Cf.  Gic,  De  natura  Deorum,  2,  28  et  31;  D.  Mornay,  o.  c,  p.  58;  et  Hept., 
p.  224  sq. 

(B)  Inexact.  MD  cxlera  numina,  qux  ab  eo  creata  sunt,  honoris  cullu  illi  anleferre  aut 
conjungere  =  lui  joindre  ou  lui  préférer  dans  l'adoration  d'autres  prétendus  dieux,  ses  créa- 
tures. 

(C)  Inexact.  MD  purum  Dei  cultum  et  natures  leges.  R  n'entend  point  cette  idée  si  intéres- 
sante de  l'identité  de  la  loi  naturelle  avec  le  culte  du  vrai  Dieu. 

(D)  Salomon  vient  d'énumérer,  supra,  p.  268  sq.,  les  faveurs  par  où  Dieu  a  montré  sa  faveur 
à  ces  sainls  hommes  :  l'assomption  de  Hénoch,  Noé  avec  les  siens  épargnés  pendant  le  déluge,  elc. 
Voici  les  principales  références  :  Abel,  Genèse,  4,  4;  Hénoch,  Genèse,  5,  22-24;  Noé,  Gen.,  8,  9; 
Sem,  Gen.,  9,  26;  Abraham,  Gen.,  12,  2  sq.  ;  et  sur  les  quatre  derniers,  Sirach,  44,  16-20;  Job, 
Job,  42,  7,  elc.  —  Cet  argument  de  la  sainteté  des  hommes  antérieurs  à  Moïse,  qui  ont  pratiqué 
la  religion  naturelle,  est  un  des  plus  chers  à  Bodin  ;  il  le  répète  à  satiété  dans  ïllept.  Source  : 
Justin  Martyr,  Dialogue  avec  Tryphon,  27.  Justin,  lui,  comme  bien  on  pense,  le  tournait  k 
l'avantage  du  christianisme. 

(E)  Entendez  que  les  premiers  hommes,  en  contact  plus  étroit  avec  les  dieux,  étaient  meilleurs 
que  nous,  &  que  leur  excellence  diminue  avec  les  générations.  C'est  le  progeniem  viliosiorem 
d'Horace  et  de  tous  les  poètes  anciens.  Quant  au  texte  de  Platon,  Bodin  le  cite  un  peu  inexacte- 
ment, peut-être  de  mémoire.  Le  voici  :  Kal  oi  [j.kw  7rxAauoi',  xpeforoveç  Tjawv  xcà  iyyurépiù 
Osàiv  oÎxcuvteç.  Philèbe,  6  (H.  Eslienne,  t.  2,  p.  16  c  d.). 

(P)  Desquels  représente  nos  premiers  pères. 

(G)  Commentaires  sur  diverses  œuvres  d'Arislole,  etc.,  édités  au  xvie  ^siècle.  Voici  le  texte  : 
Ilaaa  ■/]  ttj;  av0po)7u'v7);  'lu/r^z  TSÀstdnrj;  Et;  T7]v  Tzph;  6sàv  S7:'.<7rpocpYjv  xal  t^v  aùxoù 
<7ÔvTa;;v  a-jtoxopucpouTOu,  Comment,  sur  Epictète,  53.  Toute  la  perfection  de  l'âme  humaine 
[s'aiguise  =]  arrive  à  son  point  le  plus  haut  quand  elle  se  tourne  vers  Dieu  et  se  range  à  son  côté. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SIBLIMES  80 

(/)  adiouste  vn  peu  [2711  après  f  A)  :  tant  que  lame  de  lhomme  tiendra  (m)  par 
de  fortes  racines  a  son  autheur  elle  pourra  aysement  se  conseruer  saine  et 
entière  dans  la  pureté  on  elle  (n)  a  esté  créée  :  mais  h)  en  estant  arrachée 
elle  se  corrompra  &  de&seichera  iusques  a  ce  qu'elle  retourne  a  l'autheur  de 
de  son  estre  (p). 

Senamy.  —  Si  celte  bonne  &  ancienne  religion  naturelle  la  plus  simple  de 
toultes  est  suffisante  pour  la  vie  heureuse,  quest  il  besoin  de  tant  de  sacrifices, 
de  cérémonies,  de  coustumes  que  la  loy  de  Moyse  commande  (B)?  Car  a  ce 
que  nous  voyons  Ion  ny  sacrifie  pas  seulement  des  animaux,  mais  des  victimes 
humaines,  puisque  lephté  (q),  roy  des  Israélites,  immola  sa  fille  vnique  (r) 
presque  dans  le  mesme  temps  qu'Agamemnon  en  fit  autant  d'Iphigenie  la 
sienne. 

Salomon.  —  11  semble  qu'Abel  ayt  le  premier  appris  par  la  nature  a  sacri- 
fier des  bestes  et  les  autres  après  luy,  mais  les  victimes  humaines  par  vne 
coustume  très  abominable  ont  esté  en  vsage  pariny  presque  (s)  tous  les  peu- 
ples de  la  terre,  assauoir  Caldeens,  Persans,  Amorrheens.  Grecs,  Italiens, 
Gaulois,  Pceniens  et  Indiens  (G).  Toultesfois  lephté  i/)  nimmola  pas  sa  fille 
comme  presque  tout  le  monde  la  estimé,  mais  il  la  bannit  de  sa  présence  pour 


(l)  MDNB  idem.  PG  igilur  (confusion  avec  un  igilur  Subséquent).  —  {m)  MD  cohaeserit.  NB 
ad/iseserit.  —  (n)  MD  crealus  est  (suppl.  :  homo).  NB  creatu  est  (mens  humana).  —  (o)  MD  veto. 
NB  aulem  —  [p]  MDPG  ad  originis  (NB  origine»!  <•/,  autorem.  M  kvojrr,,  barbare.  DTEN 
ÈvwQrj,  barb.  li  ^voOrj,  barb.  Conjecture  :  IvtoffOyj.  —  [q)  'MDPG  Jephle.  NB  Jep/ila.  — 
(r)  MDPG  filium,  quam  liabuil  iiniram.  NB  suppriment  indûment  unicam.  —  (s)  DI'GNB  fere. 
M  psene.  —  {l)  MD   Jephle.  NB  Jephta. 

(A)  D  id  est  :  xt.oit.xtj.'jX  oà  àaur^v  xîu  oçov  xo  '  éaut^  a7iop2tÇaxr/<7a,  îx£?(kv  fxapat'- 
vîtx'.  xat  cp6i'v£i,  Éw;  àv  -xÀ'.v  È-'.TTpac&r,  y.y.i  ÈvioOr,  -poç  t^v  atxt'xv.  T  écrit  :  ècp  àaurr, 
à.TZOOai^ûvy.riy.,  que  seul  j'entends,  ïr\  (dal.j  signifiant  :  à  la  portée,  au  pouvoir  de.  Je  comprends 
alors  :  Mais  quand  l'âme  s'arrache  à  Dieu,  et,  autant  qu'il  est  en  elle,  se  déracine,  dès  lors,  à 
l'écart,  elle  languit  et  s'étiole,  jusqu'à  ce  que  derechef  elle  soit  tournée  et  poussée  vers  son  prin- 
cipe. —  Je  n'ai  pas  trouvé  cette  citation  dans  Simplicius.  Mais  les  expressions  qu'un  lui  prèle  ici 
sont  tout  à  fait  conformes  au  reste  de  l'ouvrage.  Ne  peut-on  supposer  que  Bodin,  gardant  un 
souvenir  général  assez  net  du  Commentaire,  aura  résumé  son  impression  en  une  phrase  qu'il 
aura  écrite  en  grec  pour  l'authentiquer?  Pour  m  i  part,  je  l'en  crois  capable.  Ce  ne  serait  pas  son 
coup  d'essai  (cf.  p.  222,  note  sur  Proclus).  El  l'emploi  de  la  forme  barbare  £vto6rt  (p.  èvwrOri) 
est  peut-être  une  aulre  indication  dans  ce  sens. 

(B)  Allusion  au  Lévitique. 

(C)  Salomon  essaie  d'établir  que  les  sacrifices  humains  ont  élé  inconnus  au  judaïsme.  Sour- 
ces :  Wier  et  D.-Mornay,  qui  voient  dans  le  sacrifice  humain  la  marque  des  fausses  religions. 
Wier  nous  cite  sur  les  Gaulois  César,  liv.  6;  nous  conle  l'histoire  d'Iphigénie,  du  fils  de  Créon 
réclamé  comme  victime  par  Tirésias  pour  assurer  la  victoire  aux  Thébains,  de  l'oracle  deman- 
dant le  sacrifice  d'une  pucelle  aux  Messéniens,  etc.,  o.  c,  1,  6,  p.  11  a  sq.  D.-Mornay  nous 
cite  Tibère,  «  qui  fil  crucifier  les  sacrificateurs  au  bois  mesme  ou  ils  souloyent  sacrifier  »,  les 
meurtres  religieux  rapportés  par  Wier,  plus  ceux  des  Crélois,  des  Chypriotes,  des  Druides,  des 
Carthaginois  à  Moloch,  o.  c,  23,  p.  527  sq.  Voilà  cités  tous  les  peuples  par  Bodin  énumérés,  hor- 
mis les  Indiens,  qu'il  trouve  chez  Lopez  de  Gomara,  Hist.  gén.  des  Indes,  trad.  M.  Fumée, 
Paris,  M.  Sonnius,  1587,  in-8,  2,  21,  p.  74  b;  2,25,  p.  79  b;  2,  89,  p.  177  a;  2,  91,  p.  179  a;  3,  22, 
p.  241  b.  La  conclusion,  que  Salomon  laisse  dans  l'ombre,  D.-Mornay  nous  la  donne  :  «  [Ces 
»  sacrifices  se  faisoient]  auec  vne  cruauté  si  exquise  que  le  Diable  &  non  aulre  n'en  pouuoit 
»  estre  l'inuenteur.  Oui  doutera  après  lout  cela,  que  ces  dieux  ne  fussent  diables?  »  (p.  528). 


90  JEAN    BODIN 

auoir  faict  vœu  (A)  de  chasteté  (?/),  comme  linterprete  caldeen  (B),  Raby 
Leui  ben  Iarson  (u)  (C)  [et]  Dauid  Kimlii  (D)  auec  plus  de  vraisemblance  las- 
seurent  (x),  et  ont  plus  de  raison  que  ceux  qui  veulent  (y)  que  lephté  ait  esté 
parricide  de  sa  fille.  Et  a  cette  opinion  conuient  fort  bien  ce  que  lhisloire 
remarque  que  les  filles  tous  les  ans  alloient  la  consoler  (z).  Car  le  mot  hébreu 
qui  signifie  pleurer  (4)  signifie  aussy  consoler  et  se  doit  [272]  plustost  enten- 
dre dune  façon  que  de  l'autre  (E)  et  est  plus  croiable  que  lephté  (a)  sacrifia 
au  lieu  de  sa  fille  des  choses  qu'il  estoit  permis  d'immoler  par  la  loy  de  Dieu. 

Toralbe.  —  Si  la  loy  dicte  naturelle  et  la  religion  naturelle  que  la  nature 
inspire  dans  les  cœurs  est  suffisante  pour  le  salut,  ie  ne  voy  point  pourquoy 
les  cérémonies  et  (b)  les  coustumes  de  Moyse  soient  nécessaires. 

Salomon.  —  11  ny  a  rien  de  plus  ancien  ou  de  plus  sacré  dans  la  Bible  que 
la  loy  de  Dieu  qui  peut  se  diuiser  en  trois.  Car  outre  l'historique  (Y)  il  y  a  la 

(4)  Iudicum  c.  11.  lllud  obiici  potest,  Numer.,  c.  17  (F),  cautum  fuisse  vt 
mactaretur  quidquid  Deo  consecratum  erat,  siue  homo  siue  bestia  :  sed  res- 
ponderi  potest  aliudesse  vouere,  aliud  consecrare. 


(u)  MDPG  perpetuse  caslllati  votam.  B  perpétua;  castitalis  voto.  N  perpetuse  castitatis  vo- 
tum  (?).  —  (v)  MD  ben  larhii.  N  ben  Gerson.  B  omet  les  deux  rabbins.  —  (x)  MDPGN  inter- 
prelantur.  B  omet  ce  mot,  et  laisse  la  phrase  sans  verbe.  —  (,'/)  MDPGB  incusant.  N  accusant. 
—  (z)  MPGN inviserent  et  consolarentur.  D  iniriserenl,  barb.  B  invi<erunt,  et  omet  etconso- 
larentur.  —  (u)  MD  Jep/ilen.  NB  Jephtam. —  [b]  MD  ac.  NB  omettent  ac.  —  (c)  MDB  hisloriam. 
N  historiarum  libvos. 

(A)  MU  perpetuse  caslilali  votam  a  se  amandavit,  =  il  prononça  pour  elle  un  vœu  d'éternelle 
chasteté  et  l'exila. 

(B)  Qui  est-ce?  Bodin  lui-même,  Hept.,  V,  D  fol.  152a,  nous  cite  trois  Targum  :  celui  d'Onke- 
los  ou  Aquila;  celui  de  .lonalhan,  appelé  aussi  Théodotion  ;  la  paraphrase  de  Jérusalem.  Or  il  lit 
Onkelos,  supra,  p  253;  mais  il  lit  aussi  .lonalhan  ben  Uziel,  Démon.,  Réf.  de  Wier,  p.  536.  Et 
le  doute  reste  entier. 

(G)  MD  Rabbi  Levi  ben  larhii.  Je  ne  trouve,  à  se  rapprocher  de  ce  nom,  que  R.  Salomon  [et 
non  :  Levi]  larcin  Raschi,  né  à  Troyes,  1040-1105,  auteur  de  Commentaires  in  Pentateuchum, 
souvent  réédités  depuis  1475;  in  Canlicum,  Ecclesiasten, elc.,Na.p\es,  1487;  in  Talmud,  Venise, 
1520,  in-fol.,  etc.  —  Au  contraire,  si  on  adopte  le  texte  de  R,  on  découvre  un  Rabbi  Levi  ben 
Gerson  [Ralbagh],  mort  en  1370,  qui  a  laissé  Milchamot  Adonaï,  les  guerres  du  Seigneur;  un 
commentaire  in  Job,  Ferrare,  1477;  in  Pentateuchum,  Mantoue,  s.  d.  C'est  bien  ce  R.  Levi  que 
Bodin  a  entendu  citer  ici.  11  appelle  l'autre  Rabbi  Salomon,  infra,  p.  276.  Comment  la  faute  de 
MD  a  pu  se  produire,  on  le  verra  p.  262,  note  C  sur  Ahias,où  une  confusion  pareille  s'est  produite 
entre  h  et  s.  Accessoirement  c'est  ici  une  nouvelle  occasion  de  signaler  l'excellence  et  l'autorité 
de  R. 

(D,  David  Kimhi,  d'une  famille  de  savants  juifs  narbonnais  (11601240  environ)  a  laissé  des 
commentaires  in  Genesim,  Paralip.,  Psalm.,  etc.;  une  grammaire,  Venise,  Michlol,  1545;  un 
Dictionnaire,  Naples,  1490;  Venise,  1529,  etc. 

(E)  «  Et  depuis  ce  temps  la  coustume  vint  en  Israël,  et  fut  la  coustume  gardée,  que  tous  les 
»  ans  vne  fois  les  enfans  d'Israël  conuiennent  ensemble,  a  fin  de  plorer  par  quatre  iours  la  fille 
»  de  lephté  de  Galaad  ».  Juges,  il,  40. 

(F)  Référence  fausse.  Mais  je  vois,  Deut.,  7,  1  à  5  et  25,  26,  Dieu  ordonner  aux  Hébreux 
l'extermination  des  peuples,  bêtes  et  gens,  qu'il  leur  aura  livrés.  Bodin  fait  une  distinction  — 
subtile  —  entre  la  fille  de  Jephté,  qui  n'est  que  vouée,  et  les  Amorrhéens,  Chananéens,  etc.,  qui 
spnt  consacrés,  {=  réservés  à  la  destruction). 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  91 

morale,  celle  qui  concerne  les  cérémonies,  et  la  politique  (A).  La  morale 
encore  (d)  se  peut  diuiser  en  deux,  lune  (e)  qui  regarde  le  culte  qui  est  deub  a 
Dieu  et  l'autre  lassislance  mutuelle  que  les  hommes  se  doibuent  les  vns  aux 
autres.  Le  culte  de  Dieu  est  compris  dans  les  quatre  premiers  articles  du 
decalogue,  les  autres  six  chapitres  sont  establis  pour  conseruer  la  foy  entre 
les  hommes  (/*)  &  la  société  (B).  La  politique  ne  comprend  autre  chose  que  ce 
qui  est  contenu  sommairement  dans  cette  seconde  table,  mais  auec  plus 
destendue,  assauoir  les  loix  de  iudicature,  du  mariage  et  contre  les  vol- 
leurs  (g)  (C)  :  sur  lesquelles  la  republique  des  Iuifs  est  fondée  et  establie,  sans 
lesquelles  vn  homme  de  bien  peut  mesmes  (h)  dans  un  désert  &  par  toutte  (i) 
la  terre  faire  son  salut.  Les  cérémonies  (j>)  et  les  sacrifices  (D)  sont  (k)  insti- 
tuez de  la  part  de  Dieu  a  fin  que  les  Israélites  qui  auoient  appris  des  Egiptiens 
et  de  leur  voisins  de  sacrifier  aux  démons  &  aux  images  des  animaux  (/j  (E) 
sen  corrigeassent  :  ce  qu'il  n'eusl  pas  esté  possible  dobtenir  deux  si  on  leur 
eust  retranché  cette  vieille  coustume  de  sacrifier  (F)  :  et  Moyse  en  vsa  ainsy 
par  prudence  en  leur  commandant  de  T273i  rendre  les  mesmes  sacrifices  a 
Dieu  qu'a  l'exemple  des  Egiptiens  ils  auoient  rendus  aux  démons.  A  quoy  se 
raporte  (m)  ce  grand  (n)  reproche  qui  leur  a  esté  faict  (o)  tant  de  fois  qu'ils  se 


('/)  MDPG  item.  NB  ilerum.  —  ie)  MD  una.  NB  altéra.  —  [f)  MDPG  hominum  inler  homines 
fidem.  NB  in  ter  se.  —  (g)  DMTEG  prsediatorias.  PB  prsedicatorias  (?)  N  prsetorias  (?).  — 
(//)  MDPG  etiam.  SB  suppriment  etinn.  —  [i)  MDPG  ubiubi  terrarum.  NB  ubique.  — 
[j)  MDI'GB  ritus  aulem.  N  vero.  —  (k)  MDB  sunt  a  Deo  instituta.  N  omet  sunt.  —  (l)  MDPG 
animanlium  statuts.  N  animaliinn  statuts.  B  an  i  m  an  li  bits  slatuis  (?;.  —  (»i)  NDB  Atque  eo 
pertinel  (criminatio).  M  pertinent,  inadvertance.  —  (n)  MDB  r/ravis.  V  graDior.  —  (o)  MDPG 
loties  Israelitis  inusla.  NB  injuncta. 

(A)  Il  veut  dire  que  la  Bible  contient  une  pari  historique  et  une  part  législative,  laquelle  com- 
prend la  politique,  le  rituel,  et  la  morale. 

(B)  MD  hominum  inler  homines  fidem  ac  societatem,  =  la  loyauté  et  l'union  des  hommes 
entre  eux. 

(G)  MD  praediatorias,  =  les  lois  relatives  à  la  propriété  :  lois  du  jubilé,  de  la  septième  année 
de  rémission,  du  droit  d'ainesse,  etc.  —  B  doit  traduire  prœdatorias. 

(D)  MD  ritus  vero  et  sacrificia,  =  quant  aux  cérémonies,  etc.  C'est  seulement  maintenant 
que  Salomon  va  commencer  à  répondre  à  la  question  de  Toralba  :  si  la  religion  naturelle  est 
sulfisanle,  à  quoi  bon  toutes  les  cérémonies  prescrites  par  Moïse?  Mais  d'abord,  en  docteur 
content  de  sa  science  —  trait  qui  le  rapproche  bien  de  Bodin  lui-même  — ,  il  a  voulu  exposer  les 
divisions  capitales  des  Saints  Livres. 

(E)  «  Et  mesmes  les  Israëliles  ayans  la  superstition  d'Apis  grauée  en  leur  cœur,  pour  figurer 
»  Dieu  qui  les  auoit  tirés  d'Egypte  ils  firent  vn  veau  de  fonte,  cuidans  que  le  Dieu  du  ciel  et 
»  de  la  terre  qu'ils  adoroyent  se  deuoit  figurer  en  l'orme  de  veau  ».  Démon.,  2,  3,  p.  198.  «  Il 
»  [Abraham]  se  maintint  dans  la  religion  de  ses  ancestres  auec  ses  descendans  iusques  a  ce 
»  qu'ayans  esté  seduicls  par  les  fraudes  des  Egiptiens,  ils  quittèrent  leur  religion  naturelle  et 
»  n'adorèrent  pas  seulement  les  astres,  mais  aussi  les  elemens,  les  animaux,  les  idoles  et  les 
»  diables  en  abandonnant  leur  créateur  ».  Hept.,  IV,  p.  269. 

(F;  Inexact.  D'ailleurs  tout  ce  passage  est.  dans  B,  non  pas  traduit,  mais  largement  paraphrasé. 
MD  quod  fieri  non  poluisset  ob  inveteratum  dxmonibus  sacrificandi  morem,  nisi  eadem  sacra 
Deo  facere  juberentur,  —  résultat  qu'on  n'aurait  jamais  obtenu,  étant  donné  l'habitude,  ancrée 
en  eux,  de  sacrifier  aux  démons,  si  on  n'avait  pas  détourné  ces  mêmes  sacrifices  à  l'honneur  du 
vrai  Dieu  (d'où  l'utilité,  provisoire,  du  rituel  imposé  par  Moïse). 


92  JEAN    BODIN 

gorgeoient  trop  de  sang  (A)  ainsy  que  celte  détestable  (p)  Circé  (5)  qui  ensei- 
gnent a  Ulisse  et  a  ses  compagnons  de  repaistre  les  mânes  en  respandant 
du  sang  de  plusieurs  animaux  dans  vne  fosse.  Cest  pourquoy  après  que  Moyse 
a  expliqué  touttes  les  sortes  de  sacrifices  il  met  a  la  fin  du  chapitre  :  a  fin  que 
doresenauant  ils  ne  présentent  plus  des  sacrifices  aux  Satyres  &  aux  Démons 
auec  lesquels  ils  auoient  accoustumé  de  faire  copulation  charnelle  (6). 

[Après  avoir  d'abord,  par  prudence,  seulement  détourné  à  son  profit  les 
sacrifices  dont  les  Juifs  avaient  pris  l'habitude  envers  les  fausses  divinités, 
Dieu  les  supprime  complètement,  en  laissant  détruire  le  Temple,  seul  lieu  où 
ils  fussent  de  par  sa  loi  permis.  Puis  il  nous  enseigne,  par  maint  verset  des 
livres  saints,  que  la  seule  oblalion  qu'il  aime  est  celle  de  nos  cœurs  &  de  nos 
vertus.  La  seule  obligation  donc  à  laquelle  il  nous  astreigne,  c'est  l'observation 
du  décalogue  (lequel  ne  parle  pas  du  sacrifice  sanglant)  et  dont  le  Pentateuque 
n'est  en  général  que  le  développement  &  le  commentaire,  274] . 

[275]  Car  les  six  cens  treize  chapitres  (B)  des  loix  (i)  qui  sont  contenus  dans 
le  chapitre  de  la  loy  sont  en  partie  (j)  pour  les  iugemens,  en  partie  pour  les 
mœurs,  en  partie  pour  les  cérémonies,  et  enfin  pour  vne  plus  ample  explica- 
tion (/.•)  du  décalogue  :  par  exemple  quand  par  vn  seul  mot  du  décalogue  (C) 
la  fornication  est  deffendue,  par  ce  mot  (/)  toutte  sorte  de  fornication  est 
entendue  soit  auec  les  Démons  soit  auec  les  idoles  (D)  soit  auec  ses  parents 
(ce  (mi)  qu'on  appelle  inceste)  soit  auec  la  femme  de  son  voysin  :  bref  cette  loy 
defFend  generallement  touttes  copulations  abominables  iusques  auec  les  brutes 
(qu'on  nomme  (E)  stupres)  (»),  lesquelles  Moyse  explique  plus  amplement 
dans  le  liure  de  la  loy  (o)  quelles  ne  le  sont  (p)  dans  les  tables.  Mais  le  rabbin 

(5)  Odysseos,  lib.  10  (F).  —  (6)  Leuitiq.,  c.  17  (G). 


(p)  MDTEP  telerrima.  NBG  deterrima.  —  (i)  MDPG  613  capita  legum.  NB  capita  ac  leges. 

—  (j)  DM  par  le  m.  NB  partim.  —  (k)  MDPG  interprelationem.  NB  explicalionem.  —  (/)  MD  ut 
cum  uno  verbo  decalogi  scortatioprohibetttr.  Vox  enim,  etc.  N  après  prohibetur  met  une  vir- 
gule, ce  qui  rend  enim  inexplicable.  B  supprime  enim.  —  [m)  MNB  [proximis]  quibuscum  (D 
cum)  inceslus  admittitur.  —  (n)  BNR  omettent  paederastiam.  —   [o)  MDPGB  legis.  N  legum. 

—  (p)  MDPG  tueranl.  NB  fuere. 

(A)  Saiil  reproche  aux  Juifs  d'avoir  mangé  la  chair  des  bêles  avec  le  sang,  I  Rois,  14,  33sqq. 
Défense  est  faite  à  chaque  instant  aux  Juifs  de  manger  le  sang  des  bêles  :  Genèse,  9,  4;  Léviti- 
que,  3,  17;  1,  26  ;  Deuleron  ,  12,  16  et  23;  15,  23;  Actes  des  Apôtres,  15,  20;  21,  25. 

(B)  MDNB  capita.  Ce  ne  sont  pas  des  chapilres,  mais,  comme  dit  Bodin  lui-même,  613  «  man- 
»  demenls  »  {Dém.,  1,6,  p.  149)  ou  613  «  commandements  >»  (Dém.,  2,  1,  p.  170)  de  la  loi  de  Dieu. 

(<;)  Exod.,  20,  14  ou  Deut.,  5,  18. 

(D)  MD  sive  cum  statuts  cxlerisque  rébus. 

(E)  Inexact.  MD  vagos  omnes  concubilus,  stupra,  pœderasliam,  et  cum  brûlis  nefariam 
copulalionem  vetàl,  =  elle  interdit  lous  les  accouplements  de  hasard  (irréguliers),  la  débauche, 
la  pédérastie,  et  l'abominable  bestialité.  —  Cf.  LeviL,  1S,  6  à  24;  20,  10  à  22;  Deut.,  22,  22  à  30, 
qui  sont  le  développement  du  simple  et  général  mot  de  la  loi  :  Tu  ne  paillarderas  pas. 

(F)  Odyssée,  X,  516  sqq. 

(G)  Lev.,11,1. 


DES   SECRETS    GACHEZ    I>ES    CHOSES    SUBLIMES  \Ki 

Movse  Uambam  a  diuisé  (A)  toutte  la  loy  en  quatorze  chapitres  :  le  premier 
traicte  de  l'aduersion  du  péché  et  de  l'amour  de  Dieu,  le  second  contient  la 
dette n se  de  sacrifier  aux  idoles,  le  troisiesme  enseigne  les  bonnes  mœurs,  le 
quatriesnie  la  charité  enuers  le  prochain,  le  sixiesme  (</)  (B)  les  amandes 
pécuniaires,  le  septiesme  Iraicle  du  droict  des  contracts  &  des  héritages,  le 
huiliesme  des  iours  de  feste  des  heureux  &  malheureux  &  des  ieusnes,  le 
neufiesme  des  prières  et  louanges,  le  dixiesme  du  sanctuaire,  le  onziesme  des 
[276]  façons  de  sacrifier  (/•),  le  douziesme  des  pollutions  &  des  expiations,  le 
treiziesme  des  viandes  deffendues  pour  (s)  arrester  les  conuoitises,  le  qualor- 
ziesme  des  lubricitez  aussy  deffendues.  Et  tout  cella  est  amplement  contenu 
dans  les  six  cens  (C)  Mures  (/)  des  Pandectes  hébraïques  en  cinq  cens  trente 
deux  chapitres,  en  suilte  des  loix  qui  deffendent  les  peines  qui  y  sont,  et  les 
recompenses  après  celles  de  commandement  (D)  :  ainsy  quand  il  nous  est 
commandé  de  donner  assistance  aux  foibles  on  y  adiousle  (E),  Et  tu  len 
trouueras  bien,  ou,  le  te  combleray  de  richesses  si  tu  fais  cella  (u).  Car 
tousiours  labondance  de  biens  arriue  (u)  a  ceux  qui  secourent  les  pauures.  et 
encore  quil  ne  soit  deub  (7)  (x)  aulcune  recompense  a  celluy  qui  sacquite  de 
ce  quil  doibt  neantmoins  Dieu  donne  de  grands  sallaires  a  ceux  qui  sabstien- 
nent  de  ce  quil  leur  deffend  et  obseruent  ses  commandements. 

Octaue.  —  Puis  donc  (y)  que  les  Iuifs  n'immolent  plus  de  bestes  en  aucun 
lieu  de  la  terre  (s),  a  quoy  bon  tant  de  loix  pour  les  sacrifices? 

Salomon.  —  Il  ny  a  point  de  sacrifices,  point  d'instruments  pour  les  vsages, 
point,  de  cérémonies  qui  ne  contiennent  dadmirables  secrets  des  choses  cachées 
dans  les  thresors  de  la  nature  comme  lont  excelament  bien  expliqué  Philon 

(7)  Leg.  1  Mandati  (F). 


(7)  MDAEPG.IOH  quarla  charitatem  erç/a  singulos;  sexta  (TSNB  quinta)  muletas  pecuniarias  ; 
septima  (TS  septima.  NB  sexta)  contracluum  et  hereditatum  jura;  octava  (TS  octava.  NR 
septima)  dies  fastos,  nefastos.  ferialos,  (NB  octava)  jejunia.  —  {>•)  MDPGB  sacrificiorum  ritus. 
N  sacrifiai*,,  ritus.  —  (.s)  MDB  cibos  vetitos  ad  (N  ac)  cupiditales  frangendas.  —  (/)  MDPG 
Leyser  B  libris  sexaginta.  N  libris  LXl.  —  [u;  MDPG  Si  kaec  (NB  hoc)  feceris  —  !v)  MDB  conse- 
quitur.  S  consequetur.  —  (x)  MDPGB  debelur.  N  drbealur.  —  [y]  MDPGB  cum  iyitur.  N  cum 
i laque,  incorrect. —  (z)  MDN  ubique  terrarum.  B  locorum. 

iA)  Sur  Moïse  Ramuam,  cf.  p.  251  note.  Le  livre  de  lui  que  Salomon  résume  depuis  le  début 
de  la  réplique. est  Sepher  Mllzvolh,  le  Livre  des  Préceptes  ;les  613  préceptes  de  la  loi),  tra- 
duit en  hébreu  par  AbenTibbon,  son  disciple,  &  imprimé  pour  la  premi're  l'ois  à  Gonstantinople, 
1517.  Cf.  Dém.,  1,  G,  p.  149. 

(B)  R,  comme  MD,  passe  du  quatrième  au  sixième  chapitre,  en  sautant  le  cinquième.  L'erreur 
vient,  je  pense,  de  ce  que  les  manuscrits  ont  réuni  sous  le  même  chapitre  d'une  part  les  jours 
ouvrables  ou  non,  et  les  jours  de  fêle,  d'autre  part  les  dates  des  jeûnes,  qui  devaient  être  rangées 
en  deux  chapitres  séparés. 

(C)  Sexaginta,  =  soixante,  disent  MDB. 

(D)  MD  velantibus  quidem  legibus  pœnx,  jubentibus  prmmia  subjiciuntur,  =  après  les  lois 
prohibitives  les  sanctions,  après  les  impératives  les  récompenses. 

(E)  Par  exemple  Deut.,  30,  3,  5,  6,  9,  10,  etc. 

(F)  Cf.  p.  228,  note  E. 


!U  JEAN    BODIN 

luif  (8),  Abraham  Aben  tësra  (A  ,  le  Rabin  (a)  Salomon  (B;  &  Léon  (6)  Iuif  (G). 
Car  ils  nous  enseignent  premièrement  a  confesser  nos  fautes,  puis  après  a 
prier  pour  deslourner  les  peines  rigoureuses  qu'ils  méritent  et  pour  esuiter 
les  dangers  (c)  (D)  qu'ils  nous  pourroient  causer,  puis  a  rendre  grâces  a  Dieu 
pour  tous  les  biens  dont  il  nous  fauorise  (d)  chaque  iour  (e),  et  enfin  (/")  la 
façon  de  chanter  ses  louanges.  Et  encores  en  dernier  lieu  de  luy  donner  auec 
pureté  nos  cœurs  en  sacrifices. 

[277]  Tokalbe  —  Certainement,  i'ay  appris  dun  astrologue  iuif  (9)  que 
ces  dix  chapitres  (g  du  decalogue  conuiennent  fort  proprement  aux  dix  ordres 
des  corps  ou  sphères  (h)  célestes  (E). 

iToralba,  puis  Federich,  expliquent  que  la  signification  allégorique  du 
Decalogue  est  la  description  du  monde  terrestre  et  céleste.  Fuis  Salomon, 

(8)  In  lib.  de  sacrificiis  (F)  et  fere  (i)  (G)  in  omnibus  locis  scripturae.  — 
(y;  Faulo  aliter  Aben  Esra  in  Decalogum. 


a   MUTEPGB  Babbi  Salomon.  X  Bex  Salomon.  —  (b)  MDX  Léo  Hebraeus.  B.  L-v.  (?)  Hebraeus. 

—  (c)  MDTEBI'  ac  pericula  impendenlia  deprecari.  GN  ne  piacula',  elc.  —  \d)  MDX  beamur. 
B  beamiis,  nég  igence.  —  (e)    MDPG  continue.   XB  continua.  —  [f\   MDX  de  nique.  B  deinde. 

—  </   MDTEPNB  cnpita.  G  prœcepla.  —  [h)  MDX  orbibus.  B  urbibits  (?)  —  (/']  MD  In  lib.  de 
sacrificiis.  Cseteri  [=  les  aulres  commentateurs]  locis  omnibus  scriplurx. 

(A)  Aben-Esra  de  Tolède  (1119-1174)  a  laissé  de  nombreux  commentaires,  imprimés  au 
xviK  siècle.  Bodin  a  surtout  pratiqué  son  Comm.  sur  le  Penlateuque,  Naples,  1488,  dont  il  parle 
à  chaque  instant  dans  la  Démon.,  1,  5,  pp.  114,  120,  122  ;  3,  1,  pp.  321,  323,  etc.,  et  dans  Y  Hep  t., 
infra,  p.  277.  —  Aben-Esra  est  également  l'auteur  d'un  traité  d'astrologie,  La  Porte  des  deux. 

(B)  Cf.  supra,  p.  271  note  C. 

(C)  Juda  Abranavel,  fils  d'un  juif  espagnol  réfugié  à  Naples,  publia  à  Gênes,  en  1502,  ses  Dia- 
loglii  di  Amore.  A  côté  de  développements  connexes  à  la  théorie  platonicienne  de  l'amour,  on  y 
trouve  des  explications  sur  les  traditions  bibliques,  les  fables  grecques,  elc.  Trad.  françaises  par 
Pontus  de  Thyard;  par  Denys  Sauvage,  Sr  du  Parc,  Lyon,  1558.  J'ai  eu  entre  les  mains  :  Léon 
Hebrieu,  De  l'amour,  trad.  par  Antoine  du  Moulin  Masconnois,  Lyon,  Ian  de  Tournes,  1551, 
2  vol.  in-8  (Nationale  Z  16907-1G908).  Léon  l'Hébreu  y  invoque  à  plusieurs  reprises  la  loi  de 
Moïse  comme  une  preuve  de  la  vérité  de  la  conception  qu'il  se  l'ait,  lui,  de  l'univers  (liv.  3, 
pp.  130  sqq.  et  surtout  pp.  144  sqq). 

(D)  Contre  l'autorité  de  MDTE,  pourtant  si  supérieure  à  celle  de  G,  on  peut  être  tenté  de 
défendre  piacula,  qui  cadre  mieux  avec  le  contexte  :  prius  de  peccatis  confiteri,  deinde  pœnas 
acerbiores  ac  piacula  deprecari  impendenlia,  =  d'abord  avouer  nos  fautes,  ensuite  supplier 
Dieu  de  nous  épargner  les  sanctions  trop- grièves  et  les  expiations  suspendues  sur  nos  têtes. 
Pericula  est  beaucoup  moins  attendu.  Et  la  confusion  est  aisée  entre  les  deux  mots.  Déjà  p.  270, 
D  (fol.  91  b)  avait  failli  écrire  :  sine  ingenli  periculo,  puis,  biffant  periculo,  avait  rectifié  : 
piaculo.  —  Ils  =■  nos  péchés,  implicite  dans  nos  fautes. 

(E)  Ml)  decem  illa  decalogi  capita  decem  orbibus  cœlestibus  ordine  décent  i  convenire,  = 
qu'il  y  a,  par  une  harmonie  merveilleuse  de  la  nature,  une  correspondance  des  dix  points  du  deca- 
logue aux  dix  sphères  célestes.  Sur  celle  idée  bizarre,  dont  on  va  voir  la  source  tout  de  suite,  et 
qui  est  celle  de  son  temps,  et  non  de  Bodin  seul,  voyez  la  fin  du  Theatr.  nalurse,  à  partir  de  V, 
2,  pp.  805  sq.  et  mon  article  de  la  Bévue  d'Anjou,  sept.  1912,  La  Physique  de  Bodin. 

(F)  Philon,  trad.  Bellier,  pp.  707  sqq.,  Des  animaux  qui  sont  propres  aux  sacrifices  et  quelles 
sont  les  espèces  des  sacrifices,  indique  les  correspondances  mystérieuses  du  sacrifice  avec 
l'année,  les  astres,  etc. 

G)  MD  Cseteri  est  le  seul  lexle  plausible.  Philon  est  cité,  seul,  avec  précision.  Les  aulres, 
Aben  Esra,  R.  Salomon,  Léon  l'Hébreu  sont  allégués  dans  leurs  commentaires  de  la  Bible, 
passhn. 


ltES    SECRETS    GACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  95 

après  avoir  rappelé  que  ce  Décalogue  n'est  que  le  renouvellement  aux  hommes 
de  la  loi  naturelle  longtemps  oubliée,  récite  un  hymne  en  l'honneur  du  Dieu 
qui  l'a  révélé  à  Moïse  sur  le  mont  Horeb,  277-282]. 

283j  Toralbk.  —  Qu'est  ce  autre  chose  de  cette  alliance  contenue  (a)  en 
deux  tables  et  en  dix  chapitres  (A)  que  Ja  pure  et  véritable  loy  naturelle  (Bj  ? 
Car  nous  auons  pris  cette  loy  de  la  Nature,  nous  lauons  puisée  dans  son  sein 
et  la  ressentons  en  nous  mesmes  :  on  ne  nous  lenseigne  point  mais  nous  y 
sommes  formés.  Elle  ne  nous  est  point  commandée  mais  elle  nous  est  inspi- 
rée (C).  Et  premièrement  que  Dieu  éternel  est  la  seule  cause  non  seulement 
ouuriere  mais  encore  conseruatrice  de  touttes  choses.  Et  que  nous  le  (  b)  debuons 
craindre  &  respecter  par  le  droict  de  sa  maieslé  (D).  Et  laymer  et  (c)  seruir 
pour  lincroiable  &  l'indicible  bonté  quil  a  pour  nous  (d)  (E).  Et  que  de  luy 
rauir  le  culte  et  lhonneur  qui  luy  est  deub  par  vne  impiété  sacrilège  pour 
le  (>  donner  a  des  choses  créées  fresles  &  périssables  et  (f)  y  (g)  mettre  la 
confiance  de  nostre  salut  cest  vn  crime  abominable.  Et  en  second  lieu  pour  ce 
qui  est  deffendu  dans  le  second  chapitre  (Fi  du  Décalogue  de  tailler  aucune  [h) 
image  ou  faire  aucune  représentation  de  Dieu  cella  nous  est  pareillement  dicté 
par  la  Nature  puisque  nous  auons  faict  veoir  (G)  clairement  &  manifestement 


a)  MDPGB  compréhension.  X  depre/iensum.  —  [b  MDB  Deum  aeternum  cuusam  non  modo 
reruin  omnium  effeclricem,  se  l  etium  conservatricem  esse;  eundem  pro  jure  suse  majeslalis 
metuendum.  X  esse  eand^m,  pro  jure,  etc.  —  [c)  MX  ac  loto  (li  lotis,  barbare)  mentis  impetu 
prosequeiidum.  DB  omettent  tolo  mentis  impetu.  —  d)  M  Et  cum  nu  lia  omnino  1er  sit.  quse  non 
uliqua  tempo rum  aut  locorum  aut  personarum  exceptione  minualur,  hiec  lamen  una  lex  est 
interna  nec  ulla  e rceptiune  violabilis,  quin  omnibus  locis,  temporibus  ac  personis  conveniat, 
scilicet  Deum  uni  ce  amandum  ac  prosequendum.  DBXR  omettent  cette  phrase.  —  (e)  MD  illud 
Iribuere.  XB  illum  (se.  cultum?)  lribue>*e.  —  {/')  MUB  aut.  X  et.  —  q  MD  in  iis.  XB  in  illis.  — 
(//)  MDX  fiquram  utlam.  B  Willam  ? 

(A)  Capita.  Ce  mot  (cf.  p.  277  ou  275;  signifie  :  commandements,  points  (chefs,  comme  le 
traduit  très  bien  Bodin  lui-même,  p.  284  . 

(B)  Cette  idée,  que  Bodin  vient  de  développer,  avec  une  longue  digression  sur  les  sacrifices, 
depuis  la  page  271.  est  une  de  celles  qui  lui  sont  le  plus  chères.  On  le  comprend,  si,  se  sentant 
pour  le  judaïsme  tendresse  de  cœur  secrète,  il  croit  par  elle  pouvoir  assimiler  le  judaïsme  mosaï- 
que à  celle  religion  pure,  dépouillée,  qui  sera  un  jour  universelle  et  où  viendront  se  fondre  les 
divergences  des  religions  d'aujourd'hui.  Nous  allons  donc  rencontrer  cette  idée  à  chaque  instant 
dans  VHept.  Octave  louera  le  Décalogue  «  que  Christ  n'a  pas  plus  losl  voulu  ou  pu  abolir  que  la 
»  loy  de  la  Nature,  n'y  ayant  rien  dans  les  douze  Tables  que  la  loy  très  équitable  de  la  Nature  ne 
»  contienne  »,  VI,  p.  618. 

(C)  MD  hanc  enim  a  nalura  Legem  arripuimus,  hausimus,  expressimus  :  ad  quam  non 
docti,  sed  lacli;  non  instiluli,  sed  imbuti  sumus.  Souvenir  cicéronien,  tiré  mol  pour  mot  du 
Pro  Milone,  4,  1<).  Et  sans  doute  ce  balancement,  un  peu  apprêlé,  lui  apparail-il  comme  le  sum- 
mum de  l'éloquence,  car  il  le  reproduit  textuellement  infra,  p.  333,  et  dans  son  mouvement  à 
plusieurs  reprises,  par  ex.  Rép.,  IV,  4,  p.  411. 

(D)  MD  pro  jure  suse  majestatis,  =  à  proportion  de  sa  majeslé. 

(E)  R  marque  ici  encore  sa  ressemblance  avec  les  mss.  du  type  D  par  l'omission  de  la  phrase 
insérée  dans  M  :  «  Et  s'il  n'y  a  pas  de  loi  qui  ne  souffre  exception  de  temps,  de  lieux  et  de  personnes, 
»  il  y  eu  a  tout  de  même  une  qui  ne  souffre  aucune  telle  exception,  c'est  la  loi  éternelle  qui  réserve 
»  uniquement  à  Dieu  notre  amour  et  noire  respect  ». 

.    (F)  Capite,  commandement  :  Tu  ne  le  feras  idole  taillée,  Exod.,  20,  4  ou  Ueul.,  5,  8. 

(G)  Supra,  II,  pp.  68-73,  86-88,  90  sq.,  et  IV,  269-270,  où  il  montre  que,  pour  cette  raison, 
certains  peuples  refusent  de  bâtir  des  temples  matériels  à  l'être  incorporel  et  infini. 


96  JEAN    B0D1N 

que  Dieu  nesL  point  corporel  et  que  pour  cette  raisofi  Numa  Pompilius  par  sa 
loy  [i)  deffendit  de  faire  aucune  représentation  des  Dieux  comme  raporte  Plu- 
tarque  (2)  dans  sa  vie.  Et  certainement  si  cest  vn  crime  dadorer  les  cieux  (/), 
les  astres  ou  le  soleil,  comme  dict  S.  Augustin  au  3.  de  la  Cité  de  Dieu,  cen 
est  vn  bien  plus  horrible  dadorer  les  ouurages  des  hommes  ou  leurs  imagina- 
tions (A).  Et  {k)  ie  me  suis  souuent  eslonné  que  tant  de  nations  pendant  tant 
dannées  fécondes  en  sciences  [l)  par  vne  affection  de  pieté  aient  adoré  des 
idoles,  quoy  qu'Heraclite  presque  (m)  le  plus  ancien  de  tous  les  Philosophes 
grecs  eut  dict  quil  ne  [284]  consideroit  pas  plus  ces  idolâtres  de  statues  que 
ceux  qui  parleroient  (n)  a  des  murailles  (B). 

Curce.  —  De  tous  ces  peuples  il  en  fault  excepter  les  Perses  (C),  les  Scythes, 
les  Affriquains  et  les  anciens  (o)  Romains  que  Varron  (3)  a  remarqué  auoir 
esté  plus  de  CLXX  (p)  ans  sans  connoistre  les  idoles. 

Salomon.  —  Pourquoy  sembarrasser  a  contester  (q)  ou  il  ny  a  point  de  dif- 
ficulté ?  Il  suffit  de  les  appeller  (ces  idoles)  pour  les  destruire  par  vn  mot  dont 
se  sert  nostre  nation  bien  quil  soit  sale&deshonneste  qui  signifie  estron  pour 
lesmoigner  combien  les  idoles  estoient  en  abomination  parmy  nos  ancestres. 

Tohalbe.  —  Tous  les  autres  chefs  du  decalogue  sont  approuuez  et  pratiquez 
presque  par  toutte  la  terre  (/•)  ce  qui  est  vn  raisonnement  assez  puissant  pour 

(2)  Plutarch  in  Numa.  August.  de  Ciuit.  Dei,  3  (D).  —  (3)  Ex  Varrone 
August.  in  lib.  de  Ciuit.  Dei  (E). 


(i)  PG  omettent  sua  lege.  —  (j)  MDB  cœlos.  N  cœlum.  —  (k)  MDPG  Ac.  NB  A  t.  —  (l)  MDPGB 
lamqiie  emditis  lemporibus.  N  lamque  erudilissimis  (?).  —  (m)  MU  Grsecorum  philosophorum 
fere  anliquissimus.  PGB  omettent  fere.  N  omet  fere  et  Grsecorum.  —  (n)  MDTE  obloque- 
renlur.  PGNB  colloquerenttir.  —  (o)  MDNB  Persse,  Scylliae,  Afri  ac  veteres  Romani.  PG  place 
veleres  avant  Scytlix.  —  (p)  I\IDR  deos  (N  omet  deos)  annos  amplius  CLXX  (N  :  CXXX)  coluisse. 
—  (q)  MDN  argumentamini.  B  argumentum  (?).  —  (r)  MDN  omnium  fere  gentium  communia 
sunl.  B  omnibus  fere  gentibus. 

(A)  MD  jigmenta,  =  les  représentations  plastiques  d'imaginations  humaines. 

(B)  Je  ne  sais  où  liodin  a  pris  ce  détail  sur  Heraclite;  peut-être  dans  un  auteur  qui  cite  Hera- 
clite, et  alors  c'est  une  chance  bien  risquée  de  le  découvrir.  11  n'y  a  rien  dans  Diogène  Laërce, 
9,  1.  —  En  tous  cas,  un  tel  mot  convient  à  merveille  à  Heraclite,  qui  regarde  le  feu  éternel,  inal- 
térable, comme  le  principe  et  la  fin  de  toute  chose.  D'autre  part,  si  l'on  en  croit  les  lettres  publiées 
sous  son  nom  dans  la  Poesis  philosophica  d'H.  Estienne,  Paris,  1573,  in-8,  il  fut  chassé  d'Ephèse 
sur  une  accusation  d'impiété. 

(G)  Cf.  supra,  p.  269  :  «  Les  rois  de  Perse  défendaient  d'eleuer  des  temples,  estimans  que 
»  ceust  esté  faire  outrage  a  la  diuineMaiesté  laquelle  estant  immense  ne  peut  eslre  enfermée  dans 
»  aucun  lieu  ».  Il  lire  ce  détail  d'Origime,  Conlra  Cels., 7,  69  (Migne,  t.  I,  col.  509),  qui  lui-même 
copie  Hérodote. 

(D)  MD,  avec  raison,  appliquent  ces  deux  références  au  même  objet.  R  les  insère  dans  le  texte 
et  les  sépare  indûment.  «  Numa  défendit  aux  Homains  d'attribuer  à  Dieu  aucune  forme  d'homme 
»  ni  de  bêle,  et  il  n'y  avait  jadis  parmi  eux  nulle  représentation  graphique  ou  plastique  de  la  divi- 
»  nilé  ».  Plut.,  Numa,  8.  —  «  ...Romanos  sine  simulacro  deos  coluisse  :  quod  si  mansisset, 
»  inquil  [Varro],  castius  dii  observarentur  ».  De  civ.  Dei,  4  (et  non  :  3),  31. 

(E)  «  Dicit  eliam  [Varro]  anliquos  Romanos  plus  annos  centum  &  septuaginta  deos  sine  simu- 
»  lacro  coluisse  ».  De  civ.  Dei.,  4,  31.  Cf.  Plut.,  Numa,  8  :  «  Durant  les  170  premières  années, 
»  ils  ne  placèrent  dans  les  temples  aucune  image  figurée,  attendu  qu'ils  croyaient  impie  d'assimiler 
»  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  à  ce  qu'il  y  a  de  pire,  &  impossible  d'atteindre  Dieu  autrement  que  par 
»  la  pensée  ». 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  !)7 

prouuer  comme  la  loy  de  Dieu  est  conforme  entièrement. (a-)  a  la  Nature.  l'en 
excepte  le  quatriesme  chapitre  touchant  le  repos  (/)  du  Sabath(A)et  ie  ne  com- 
prens  paspourquoylesluifs  festent (u)  plustostleseptiesme  iourquelesixiesme 
ainsy  que  (u)  les  mahometans  ou  le  premier  comme  les  chrestiens.  Car  ce  qui 
est  iniuste  naturellement  ne  peut  iamais  deuenir  iuste  auec  le  temps  tant  sen- 
fault  (x)  (B).  Donc  si  auparauant  la  loy  de  Moyse  ce  nestoit  pas  vn  crime  de 
trauailler  et  sappliquer  aux  affaires  (C)  le  septiesme  iour  pourquoy  après  a  ce 
esté  vne  impieté  ? 

Icy  Salomon  estant  demeuré  court  (g)  contre  lattente  d'vn  chacun,  Fede- 
rich  prit  la  parole  et  dict  : 

La  dispute  est  finie  (D),  Salomon  ne  respond  rien. 

Salomon.  -  le  ne  voy  pas  quil  me  soit  permis  (E)  de  parler  puisque  cest 
vne  offense  digne  de  mort  de  reueler  le  secret  de  l'Empereur. 

285]  Coroni.  —  Ouy  entre  des  ennemis,  mais  non  pas  entre  des  gens  vnis 
daffinité,  tels  que  nous  sommes  icy  (2).  Expliquez  nous  donc  ie  vous  prie  (a) 
(Salomon)  ce  que  vous  appeliez  (//)  icy  sceau  ou  cachet  ou  secret  (F)  a  fin  que 
Toralbe  ne  remporte  pas  de  victoire  sans  auoir  combatu. 

Salomon.  —  Le  Sabath  est  véritablement  vn  secret  ou  mistere  entre  Dieu  & 
son  (c)  peuple  choisi  (4)  que  les  autres  (d)  peuples  ne  peuuent  comprendre  ou 
s'ils  le  peuuent  ils  ne  le  veulent  pas  (e).  Or  [f]  l'obiection  que  me  faict  Toralbe 
auoit  desia  esté  proposée  a  Tryphon  par  Iustin  le  Martyr  (G).  Mais  ie  vous 
demande  vne  chose,  Toralbe,  est  il  [g)  iuste  ou  iniuste  naturellement  de  porter 
les  armes? 

(4)  Ezechiel,  c.  20  et  21.  Exod.,  c.  31    H). 


(s)  MDN  l^(,ein  divin am  o»niino  (l'G  omnem)  nalurae  consenlaneam  (II  consenlaneum  [?]J 
esse.  —  (t)  MDPG  île  requiele  Sabbathi.  B  de  requie.  N  requiem.  —  (u)  MD  feriare,  barbare. 
NB  feriari.  —  [v]  MDPG  ut  (NB  ut  el)  Ismaëlitse.  —  <x)  MDB  contrave.  N  conlraque.  — 
(y)  MUPGB  hic  cura  (N  ut,  incorrect  avec  le  subj.)  conticuissel.  —  <z)  MDI'GB  qaos  hic 
vides.  N  virfemus.  —  (a)  N  omel  si  placel.  —  [b]  MD  appelles.  NB  appellas.  —  (c)  MDN  et 
populum  (B  stium).  —  (d)  MDTEGN  castei  i.  P  selecti.  Leyser  B  non  selecli,  conjecture  de  bon 
sens.  —  (e)  MDTEPN  non  possunt,  nec,  si  possinl,  velint.  G  no?i  possunt,  nec,  si  possunt, 
volant  (incorrect).  B  non  possunt,  etiamsi  velint.  —  (/')  MD  Àrqumentum  aulem.  NB  omettent 
autetn.  —  [g]  MDN  videalur.  B  vilelur. 

(A)  «  Mais  le  septiesme  iour  est  le  repos  du  Seigneur  Ion  Dieu.  Tu  ne  feras  aucune  œuure  en 
»  iceluy  ».  Exod.,  20,  10. 

(B)  MD  Quod  enim  natura  injustum  sit  temporis  decursu  juslum  fîeri  nequit,  contrave. 
R  l'ail  un  contresens  sur  contrave,  qui  signifie  :  el  inversement. 

(C)  Omission.  MD  et  opificiis,  =  el  aux  travaux  manuels. 

(D)  Inexact.  MD  salva  res  est,  expression  fréquente  chez  les  comiques  :  loulest  sauvé,  tout  va 
bien,  je  respire.  Federich  se  félicite  de  voir  Salomon  mis  à  quia. 

IE)  MD  debeam,  =  que  j'aie  le  devoir  de  répondre. 

(Fj  MD  lesseram.  —  La  source  de  Bodin  est  Aben  Esra  :  «  Tay  leu  aux  commentaires 
»  hebrieux  d'Abraham  Aben  Esra  sur  le  4e  article  du  Decalogue  que  Dieu  auoit  commandé  sur  la 
»  vie  de  chommer  et  sanctifier  le  samedy  surtout  et  iceluy  beny  entre  tous  ».  Et  en  note  :  «  Secre- 
»  lum  et  lesseram  vocal  inler  Deum  &hominem  ».  Démon.,  3,  1,  p.  322. 

[G)  Dialogue  avec  Tryphon,  27. 

(H)  Exod.,  31,  13  à  17.  Quant  aux  références,  erronées,  d'Ezechiel,  elles  sont  corrigées  par  la 
Démon.,  3,  1,  p.  322,  qui  cite,  à  ce  même  propos,  Ezechiel,  22  [8]  et  23  [38]. 

Chauvi  ré  7 


98  JEAN    BODIN 

Toralbe.  —  Cella  me  semble  indiffèrent. 

Salomon.  —  Pourquoy  donc  (h)  si  vn  Prince  (i)  pendant  vne  sédition  deffend 
de  prendre  les  armes  vn  citoien  qui  nonobstant  la  deffense  marcheroit  armé 
ne  seroit  il  pas  coulpable  (A)  ou  iniuste  (j)?  Toralbe,  que  vous  (k)  en  semble? 

Toralbe.  —  le  le  croirois  coulpable. 

Salomon.  —  Pourquoy  cella  puisqu'auparauant  la  deffense  il  ne  leust  pas 
esté? 

Toralbe.  —  Par  ce  que  (/)  cest  vne  loy  naturelle  dobeïr  au  magistrat  qui 
vous  faict  vn  commandement  équitable  et  celluy  qui  desobeïroit  (m)  après 
seroit  iniuste  (n). 

Salomon.  —  Auec  bien  plus  de  raison  celluy  la  est  il  iniuste  qui  désobéît  a 
Dieu  (B)  soit  que  son  commandement  soit  équitable  ou  non  quoy  qu'il  soit 
impossible  a  Dieu  de  commander  rien  d'iniuste  (o). 

[Suit  une  longue  discussion  sur  le  sabbat,  285-306.  Salomon  explique  que 
ce  loisir  imposé  aux  hommes  les  rappelle  à  la  contemplation  oubliée  des 
choses  divines,  285-288.  Le  repos  est  imposé  aux  hommes  le  septième  jour, 
en  mémoire  du  repos  de  Dieu  en  ce  môme  jour,  après  la  création  du  monde, 
288-291.  Mahométans  et  chrétiens,  qui  tiennent  le  Décalogue  de  Moïse  pour 
dicté  de  Dieu,  n'ont  aucune  vraie  raison  d'en  enfreindre  le  quatrième  com- 
mandement, ni  de  déplacer,  en  haine  des  Juifs,  le  jour  du  repos  hebdoma- 
daire, 291-293.  Enfin  le  nombre  7,  qui  est  celui  du  jour  de  repos,  joue  le  plus 
grand  rôle  dans  la  création,  dans  l'histoire,  etc.  Valeur  mystique  du  nom- 
bre 7.  Toralba  approuve  Salomon,  293-300.  Le  chômage  du  sabbat,  lui  répon- 
dent ses  adversaires,  a  donné  lieu  à  des  excès.  Curce  rapporte  qu'un  jour 
de  Sabbat,  les  Juifs  préférèrent  à  le  violer  laisser  prendre  Jérusalem  aux 
Romains.  Senamy,  que  d'illustres  Juifs,  tel  Judas  Macchabée,  se  sont  affran- 
chis de  ce  chômage,  en  cas  de  nécessité.  Federich,  que  Jésus  l'a  condamné. 
Salomon  concède  qu'en  cas  de  nécessité  il  ne  faut  pas  observer  rigoureuse- 
ment le  sabbat,  300-306.  En  tout  cas,  quelque  jour  que  l'on  chôme,  il  fau- 
drait, non  le  déshonorer  par  des  orgies,  mais  le  sanctifier  par  la  méditation]. 

[306]  Salomon.  -  Prenez  garde,  Coroni,  que  vous  ne  vous  imaginiez  que 
mon  dessein  soit  de  persuader  (a)  aux  chrestiens  de  changer  leur  dimanche  (b) 


(h)  NB  omellent  igitur.  —  (i)  MDNB  si  princeps...  arma  gestare  prohibuerit .  l'G  principes... 
arma  geslari  prohibent.  —  (j)  MD  civis  injuriosus  et  iniquus.  B  injustus  et  injuriosus.  N 
injustus  et  injuriosus  atque  iniquus.  —  (k)  MDN  num  tibi...  videatur.  B  sibi  (?).  —  (/)  MDB 
quoniam.  N  quia.  —  (m)  MD  qui  aliter  facial.  NB  facil.  —  (n)  D  répèle  la  réplique  de  Toralba 
sous  le  nom  de  Salomon.  Puis  il  continue  comme  B.  —  (o)  MON  sive  justum,  sive  injustum 
[id  esse  arbitretur  :  quanquam  fieri  nonpotesl,  ut  quicquam  injustum]  a  De»  jubeatur.  B  omet 
les  mots  entre  crochets.  —  (a)  MDN persuudere.  B  persuusisse.  —  (b)  MD  dominica.  NP  domi- 
nico. 

(A)  Sur  num  =  nonne,  cf.  p.  223  note  B. 

(B)  Omission.  MD  Quando  igitur  injuslior  est  qui,  Deo  vêlante  id  quod  antea  vetitum  non 
erat,  interdicto  non  paruerit,  =  combien  plus  injuste  l'homme  qui,  lorsque  Dieu  prononce  une 
interdiction  qu'auparavant  il  n'avait  pas  prononcée,  n'obéit  pas  à  la  prohibition. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  99 

au  samedy,  de  crainte  qu'ils  ne  profanent  (c)  ce  sainct  iour  du  Sabath  aussy 
bien  que  leur  dimanche  [d)  en  danses  impudiques,  en  yurongneries  A  ,  a  la 
chasse,  aux  ieux  &  dans  la  compagnie  des  femmes  desbauchées  ce  que  ie  ne 
puis  penser  sans  en  concepuoir  vne  douleur  extresme  dans  le  cœur.  Car  il 
vauldroit  mieux  encor  transgresser  ce  iour  la  en  le  donnant  aux  affaires  que 
de  le  violer  par  des  desbauches  criminelles  (B). 

Senamy.  —  Vous  autres  Iuifs  scrupuleux  &  melancholiques  vous  ne  remar- 
quez pas  (C  que  307]  les  anciens,  tant  Grecs  que  Latins,  ont  tousiours 
célébré  les  festes  par  des  combats  (e  publics,  des  festins,  des  assemblées,  en 
chantant  des  cantiques,  et  par  des  danses,  a  fin  de  les  rendre  plus  ioyeux  & 
parlant  plus  aggreables  aux  Dieux. 

Salomon.  —  Nostre  nation  ne  deffend  point  les  assemblées  et  les  danses  : 
mesmes  (/)  en  nostre  langage  le  iour  de  feste  signiffie  et  danse  &  médita- 
tion (D)  pour  dire  que  les  iours  de  festes  ne  sont  pas  simplement  ordonnés 
pour  chanter  dans  nos  assemblées  les  louanges  de  Dieu,  mais  aussy  a  fin  de 
vacquer  a  la  méditation.  Cest  pourquoy  a  touttes  les  nouueiles  lunes  nous 
prenons  touttes  sortes  de  diuertissemens  honnestes  [g)  et  rien  par  toutte 
lescriture  ne  nous  est  plus  souuent  recommandé  o  que  dauoir  la  iove  dans 
le  cœur  (h)  :  et  (i)  encores  que  le  iour  du  Sabath  nous  nous  retranchions  (j) 

."»  Deuteron.,  c.  28.  Nehemiae,  c.  8.  lésai  se,  c.  52,61,62,65.  Abachuch,  c.  3. 
Psalm.  20  et  125.  Zach.,  c.  8  [E  . 


(c)  MBX  conlaminari  videam.  D  debeam,  faute  certaine.  —  [d)  MDB  dominicain.  N  domi- 
nicain.—  [e)  MD  luclis  publicis.  B  ludis.  N  ludibus  (barbare:.  —  [f)MDPG  quin  eliam.  SB 
quin  et.  —  (iy)  DBN  qme  modo  a  lurpiludine  abhorreant.  M  a  écrit,  puis  biiïé  quo.  —(h)  MDI'GB 
inlimis  animi pecloribus.  N  intimi. —  (i)  D.\B  ac.  M  nec,  inadvertance.  —  {j)  MNB  [t-tmelsi) 
abslineamus.  DPG  ab&linemus. 

(A)  Omission.  MD  libidine,  =  en  libertinages. 

(B)  Ce  n'est  pas  la  dernière  fois  que  Salomon  attaquera  les  églises  chrétiennes  dans  les  mœurs 
de  leurs  adeptes.  Un  peu  infra,  p.  310,  il  parlera  »  des  accouplemens  détestables  de  l'vn  &  de 
»  l'autre  sexe  qui  passent  iusques  dans  les  maisons  cloislrées  soubs  couleur  de  deuolion  ».  Et  les 
chrétiens  même  contresignent  ces  critiques.  «  Curce  Pleust  a  Dieu  que  celte  couslume  [de 
»  séparer  hommes  &  femmes  au  temple]  fust  receue  de  ceux  de  noslre  créance  :  nous  pouuons 
»  dire  en  quelque  façon  qu'il  n'y  a  pas  de  temples  de  chrestiens  ou  les  œillades  attrayantes  ne 
»  soyenl  en  vsage  >,  p.  315.  Et  Coroni  déclare  qu'il  attend  un  règlement  des  Papes  sur  cette 
question,  p.  316.  Bodin  prend  leurs  dires  à  son  compte:  «  Nous  sanctifions,  ou, pour  mieux  dire, 
»  deuons  sanctifier  le  dimanche,  lequel  neantmoins  est  souillé  de  toutes  les  desbauches  et  folies 
»  dont  on  se  peul  aduiser,  au  grand  deshonneur  de  Dieu  qui  n'a  rien  commandé  plus  eslroicte- 
»  ment  que  de  chommer  le  iour  du  repos  ».  Démon.,  3,  1,  p.  3*2 4 . 

(G)  MD  non  videmini  dies  festos  colère,  quos  veteres  omnes...  laetiores  esse  voluerunt ,  = 
[vous  autres  Juifs  confils  dans  votre  roideur  austère]  vous  n'avez  pas  l'air  de  célébrer  ces  jours 
de  fête,  dont  toute  l'antiquité  avait  voulu  faire  des  jours  de  liesse. 

(D)  Cf.  Démonomanie,  2,  4,  p.  238  :  «  Car  il  est  bien  cerlain  que  les  anciens  Hebrieux  appor- 
»  tant  leurs  obligations  au  temple,  quand  ils  approchoyent  de  l'autel  ils  dançoyent,  comme  a  1res 
»  bien  noté  Dauid  Kimhi  sur  le  mot  Iiaga  [au  Ps.  41]  qui  signifie  feste,  danse  ». 

(E)  [Le  Seigneur  te  punira]  «  pour  tant  que  lu  n'as  pas  serui  au  Seigneur  ton  Dieu  en  ioye  et 
»  de  bon  cœur  ».  Dent.,  28,47.  —  «  Et  il  leur  dit  :  Allez,  mangez  les  choses  grasses  [c'est  le  cibis 
»  sacrificiorum  opimis  de  Bodin]...  car  c'est  vn  iour  sainct  au  Seigneur,  et  ne  soyez  point 
»  conlrislez  ■>.  Néhémie,  8,  11.  De  même  Isnïe,  52,  9;  61,  10;  65,  18.  Abacuc,  3,  18.  Psaurn.,  20, 
7;  125,  2  sqq.  Zachar.,  8,  19.  MD  citent  en  plus  Sophonias,  3  [14]. 


100  JEAN    BODIN 

des  assemblées  vulgaires  (À)  nous  ne  laissons  pas  de  le  rendre  ioyeux  &  très 
aggreable  par  larmonie  de  nos  concerts  de  vois  et  dinstrumens  que  nous 
meslons  aux  chants  de  nos  cantiques  en  resonnant  les  louanges  diuines.  Et 
dans  nos  festins  des  festes  nous  nous  obligeons  a  Dieu  de  manger  (k)  auec 
grande  ioye  les  viandes  exquises  (/jdes  sacrifices,  ainsy  que  la  loi  diurne  nous 
le  commande  (6).  Neantmoins  nous  employons  quelques  heures  a  la  lecture 
des  loix  diuines  a  fin  de  repaistre  Tarne  (m)  aussy  bien  que  le  corps  suiuant  la 
pratique  (n)  de  nos  plus  anciens  prophètes  qui  sest  conseruée  iusques  a  pré- 
sent. Vne  femme  de  Sunamite  (7)  estant  allée  trouuer  (o)  Helisée  son  mary 
luy  dit,  Pourquoy  as  tu  esté  (p)  vers  le  Prophète  quand  il  nest  pas  nouuelle 
lune  ny  iour  de  Sabath?  Car  pour  receuoir  les  oracles  diuins  des  sçauans 
théologiens  on  peut  sesloigner  [q)  de  la  maison  de  deux  milles  (8)  seulement 
&  pas  plus  (B).  Quant  a  ce  que  Senamy  nous  accuse  destre  [308]  plus  tristes 
et  melancholiques  que  les  autres  peuples,  quil  sçache  que  la  véritable  (r) 
cause  procède  de  la  douleur  (s)  éternelle 'que  nous  auons  de  veoir  que  par 
toutte  la  terre  on  ne  viole  pas  seulement  le  Sabath  impunément  mais  tous  les 
autres  chefs  du  Decalogue,  par  exemple  (/)  :  bien  que  par  le  premier  chapitre 
il  soit  expressément  enioinct  aux  hommes  (u)  de  ne  reconnoistre  et  nadorer 
qu'vn  seul  Dieu  (C),  cependant  nous  voyons  qu'on  en  adore  plus  de  six  cens 
mille  (D).  Les  anciens  Payens  auoient  trois  cens  Iupitecs  selon  que  le  dict  vn 
de  leurs  poètes  : 

Ter  centum  tonat  ore  deos  (w)  Herebumque  Cliaosque  (E). 

(6)  Deuter.,  c.  26  (F).  —  (7)  Regum  4,  4  (G).  —  (8)  In  actis  apostolorum, 
c.  1.  Iter  (x)  vnius  sabbati  duo  milliaria  interpretattir  [y). 


(k)  NB  nos...  vpsci.  MDGP  omettent  )ios.  —  (/)  MDTPG  Leyser  B  opimis.  N  oplimis. — 
{m)  MDS  mentem.  B  mentes.  —  {n)  MDPG  idque  ab  antiquissimis  Prophetarum  disciplinis 
imbuli  ad  hxc   usque  tempora    nsurpare  sot  émus.  NB  prophelavum  discipulis  ad  hœc,  etc. 

—  (o)  MDNB  de  Sunamilide  ad  Elisseum  pro/ecla.  PG  prophetam,  erreur.  —  (p)  MDPG  car, 
inquit  maritus,  uxor  ad  prophetam?  N  car,  inquit  marilus  uxori.venis  (B  ris)  ail  prophetam  ? 

—  {q)  MD  abscedere.  MB  discedere.  —  (/•)  MD  polissima  causa.  NB  polissimum.  —  (s)  MDPG 
dolemus.  NB  videmus.  —  [l)  MDN  nain.  B  num  (l).  —  (u)  N  omet  homini.  —  (v)  MDI'GB  deos. 
N  deo.  —  (x)  MDG  Iter.  P  inter  (?).  —  (//)  MDPG  interpretantur,  déponent,  seul  correct. 

(A)  MD  a  vulgaribus  choreis  abslineamus,  —  que  nous  n'entrions  pas  dans  les  danses  ordi- 
naires. Sur  la  danse  religieuse,  cf.  infra,  VI,  p.  469  sq. 

(B)  Bodin  ajoute  à  présent  un  détail  qui  n'a  pour  but  que  de  l'aire  briller  son  érudition  :  l'inter- 
diction d'aller  consulter  le  prophète  à  plus  de  deux  mille  pas,  de  l'açon  à  pouvoir  aller  et  revenir 
dans  la  même  journée  de  sabbat.  Le  chemin  du  Sabbat  (sabbati  iter,  Actes,  1,  12)  était  égal  à  la 
distance  qui  avait  séparé  le  Tabernacle  de  l'extrémité  du  camp  hébreu:  et  c'était  là  un  des  pré- 
ceptes pharisiens  tirés  de  la  Mischna  Schabbalh.  Cf.  S.  Jérôme,  Epist.,  121,  10  (Migne,  t.  I, 
col.  1034);  Josèphe,  Ant.  judaïq.,  13,  8,  4;  Vigouroux,  Dict.  de  la  Bible,  t.  9,  col.  1296. 

(C)  «  Tu  n'auras  point  d'autre  Dieu  deuant  moy  ».  Exod.,  20,  3  ou  Deut.,  5,  7. 

(D)  MD  sexcenla  millia,  nombre  indéfini  :  des  millions. 

(E)  Virgile,  En.,  4,  510.  D'ordinaire  d'ailleurs  on  rapporte  1er  à  tonat,  non  à  cenlum.  =  Par 
trois  fois  elle  appelle  à  grands  cris  les  cent  dieux,  etc.  —  Citation  légère  encore  que  celle-là; 
n'aurait-elle  pas  surgi  à  la  mémoire  de  Bodin  pour  corroborer  une  idée  dont  il  avait  oublié  la 
source, que  voici  sans  doute  :«  Et  Romanus  cynicus  Varro  trecenlos  Joves,  sive  Jupileres  dicen- 
»  dum...    introducit  ».  Terlullien,  A/iolog.,  14.  —  Cf.  Hept.,  IV,  p.  225. 

(F)  Deut.,  26,  11  :  «  Tu  t'esiouïras  en  mangeant  de  tous  ces  biens  que  le  Seigneur  ton  Dieu 
»  l'aura  donnez  ». 

(G)  IV  Rois,i,  8  sqq.  Seul  D  donne  la  référence  correcte.  —  L'histoire  de  la  Sunamite  prouve 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES   CHOSES    SUBLIMES  101 

Et  ceux  qui  exagèrent  ou  enchérissent  sur  l'hyperbole  (z)  en  mettent 
iusques  a  trente  six  mille  (A).  Les  Chrestiens  mesmes  font  [à]  autant  de  dieux 
qui!  y  a  danges  &  de  bienheureux  esprits,  cest  a  dire  des  légions  innombra- 
bles. Sans  conter  ceux  que  les  Papes  par  vne  détestable  apothéose  (B),  en 
inuocquant  comme  les  Sorciers  les  Démons,  enregistrent  (b)  au  nombre  des 
Saincts.  Et  puisquil  est  deffendu  (C)  par  le  second  chapitre  de  faire  aucune  (c) 
image  pour  luy  porter  honneur  sur  peine  de  la  vie,  touttesfois  tous  leurs 
temples  et  tous  les  coins  de  leurs  églises  sont  remplis  de  sculptures  et  (d) 
didoles  de  touttes  matières,  de  pierre,  de  plâtre,  de  bois,  de  cire,  dor, 
dargent,  de  cuiure  et  de  plomb,  et  baisent  des  corps  (e)  morts  conseruez  dans 
le  sel  &  le  vinaigre,  des  os,  des  cendres  auec  des  chandelles  allumées  (D), 
croyans  (/')  par  tels  attonchemens  estre  guéris  non  seulement  de  maladies 
corporelles,  mais  trouuer  encore  la  santé  de  lame  [g).  Et  ce  qui  est  de  plus 
abominable  ils  ont  tiré  de  ce  second  chapitre  du  Decalogue  qui  deffend  [309] 
lidol.itrie,  non  seulement  en  Italie  en  France  et  en  Espagne,  mais  en  Alle- 
magne mesme  le  formulaire  de  leurs  prières  iournallieres  ou  de  leurs  heu- 
res (E)  et  les  ont  tout  a  fait  corrompues  (h).  Et  ie  meslonne  de  ce  que  (i) 


;  M  DATE  nul  (PG  el)  qui  plitrima  hyperbole  ampli ficant.  SB  et.  quse  plu  ru  hyperbole  am- 
plificat  (?).—  [a)  MDNB  arbilrantur.  PG  arbitramur.  —  (b)  MDPGB  conscripsere.  N  scripsere. 

—  (c)  D  supprime  allas.  —  {d)  N  sculplilibus  (MDI'GB  uc)  idolis.  —  [e]  MDPG  putria  (NB 
putrida)  cadavèra.  —  [f]  MDTEl'G  ut...  putent.  S  et.  .  pulant.  Bel...  patent,  incorrect.  — 
[g)  MUTEPG  sanitalem  (SB  sanctilatem  [?])  et  ulrique  (N  ubique  (?).  B  ulrique)  salulem 
comparait.  —  [h)   MDEl'G  de  (SB  in)   omnibus  hora<iis...  indu.xerunl  (l'GSB  expunxerunl). 

—  \i)  1>SB  ac  mirum  mihi  vision  est  car...  M  cum,  incorrect. 

par  l'interrogation  du  mari,  que  les  Hébreux  avaient  coutume,  à  la  nouvelle  lune  et  aux  sabbats, 
de  se  rendre  au  temple  ou  de  consulter  les  prophètes.  —  R  devait  écrire  :  une  Sunamite,  ou  : 
une  femme  de  Sunam. 

(A)  (if.  supra,  p.  220  note  D. 

(B)  C'est  le  mot  même  de  la  Lettre  de  Bodin  à  Baulru  :  nulla  mortalium  apotheosis.  —  D'où 
vient  maintenant  celte  accusation  que  les  papes,  comme  les  sorciers,  invoquent  les  démons"? 
1°  Le  but  du  diable  est  (cf.  p.  254  sq.)  de  détourner  l'adoration  des  hommes  du  vrai  Dieu  sur  ses 
créatures.  Les  papes,  pense  Salomon,  en  déifiant  des  créatures,  commettent  ce  crime,  et  quand 
ils  adorent  les  saints,  ils  sont  réellement  des  sorciers  qui  adorent  des  démons.  2°  D'autre  part  il 
a  existé  des  papes  sorciers.  »  Icy  dira  quelqu'vn  que  depuis  Syluestre  second  iusques  a  Gre- 
»  goire  VII  inclusiuement  tous  les  papes  ont  esté  sorciers  ».  Et  Bodin  énumère  les  principaux, 
Sylvestre  II,  Benoit  IX,  Jean  XX.  Jean  XXI,  Grégoire  VII.  Démon.,  3,  3,  p.  339;  cf.  ibid.,  Réf. 
de  Wier,  p.  525,  et  Wier,  o.  c,  4,  2,  p.  309  a. 

(C;  Contresens.  MD  Et  cum...  ante  statuas  aut  ullas  imagines  procidere...  prohibeamur,  = 
el  quoiqu'il  nous  soit  interdit  de  nous  prosterner  devant  les  images. 

[D)  MDei  quidem  ex  omni  maleria,  ex  omnibus  metallis,  lapidibus,  lignis,  terra,  cera, 
farina,  ipsaque  putria  cadavèra,  pulpam  aceto  et  sale  condilam,  ossa,  cineres  cereis  arden- 
libus  deosculari.  11  a  volontairement?^  amorti  la  violence  indignée  de  l'invective.  —Je  ne 
puis  m 'empêcher  d'en  rapprocher  Calvin  :  «  Par  ce  moyen  les  superstitions  de  tous  les  Gentils  et 
->  Payens  demeureraient  en  leur  entier  :  lesquels  ne  contoient  point  au  nombre  de  leurs  dieux 
»  sinon  ceux  qui  étoient  passés  hors  de  ce  monde.  Les  Papistes  aussi  ont  fondé  leur  idolâtrie  de 
»  celle  belle  couleur  mesme  quand  ils  adorent  plutôt  les  vêlements  et  os  des  morts,  le  bois  &  les 
•>  pierres  et  les  choses  mortes  que  les  hommes  vivans  &  respirans  ».  Commentaires  sur  le  Sou- 
veau  Testament,  Paris,  Meyrueis,  1854,  t.  II  fsur  les  Actes,  XIV,  15,  p.  722);  cf.  son  Comment. 
sur  S.  Jean,  VIII,  53.  Bodin  avait  lu  ces  Comment.  :  voyez  infra,  V,  p.  445. 

(E)  Contresens.  MD  de  omnibus  horariis  precalionibus  secundum  decalogi  caput...  ex  ipso 
decalogo  induxerunt,  etc.,  =  ils  ont  fait  disparaître  de  leurs  Heures  le  second  chef  du  decalogue 
retranché  du  decalogue  lui-même.  (Inducere,  —  abroger,  biffer,  rayer).  — 11  s'agit  ici  de  l'Office 
divin  ou  canonial,  vulgo  le  bréviaire  ou  les  Heures.  Cf.  p.  311. 


102  JEAN    BODIN 

Martin  Luther  (9)  a  aduancé  quil  ny  a  aucune  image  deffendue  par  le  deca- 
logue  que  celles  de  Dieu  mais  non  pas  du  crucifix  ny  (j)  des  apostres,  puis  il 
adiouste  :  Pour  nous  nous  ne  voulons  point  veoir  ny  escouler  Moyse  :  les 
commandemens  des  images  &  du  sabath  sont  cérémonies  abolies.  Cella  est 
il  a  souffrir  en  la  plume  dun  homme  qui  se  vante  destrR  reformateur  de  la 
religion?  Le  troisiesme  chapitre  du  Decalogue  qui  deffend  de  prendre  le  nom 
de  Dieu  (k)  en  vain  nest  pas  moins  trangressé  que  les  autres  par  ce  que  ce 
nom  sacrosainct  nest  pas  seulement  pris  a  tesmoing  sans  cause  et  profané 
indiferament  en  tout  rencontre  (/)  mais  encores  on  se  sert  des  noms  des  Dieux 
des  payens  &  des  Démons  pour  iurer  (A)  quoy  quil  nous  soit  (m)  tant  de  fois 
&  si  clairement  deffendu  (1)  de  ne  iurer  iamais  qu'au  nom  de  Dieu  éternel 
pour  asseurer  vne  vérité,  le  ne  parle  point  de  la  seconde  table  spécialement 
des  accouplemens  détestables  de  l'vn  &  de  l'autre  sexe  (B)  qui  passent  iusques 
dans  les  maisons  cloistrées  soubs  couleur  de  deuotion. 

Sur  quoy  Salomon   sestant  emporté  plus  que  son  aage  caduc  ne  sembloit 

(9)  Tomo  Ienensium  3,  parte   prima,   Aduersus  cœlestes  prophetas  (C).  — 
(1)  Deuteron.,  c.  19.  Ierem,  c.  5  et  12  (D). 


/  \IDPGB  aul.  Xel.—  (k)  MD  Dei  nomen.  NB  Domini.  —  [l)  MDPG  quia  [non  modo  pejera- 
tur,  verum  etiam  contumeliis  omnibus  (N  omet  omnibus)  nomen  illius]  sacra tissimum  dilace- 
ratur.  B  omet  les  mois  entre  crochets.  —  (m)  MDNB  prohibeamur.  PG  prohibemur. 

(A)  MD  uc  pro  selerno  Deo peregHna  deorum  ac  dsemonum  nomina  jurantur,  =  au  lieu  de 
jurer  par  le  dieu  éternel,  on  jure  par  des  noms,  et  encore  étrangers,  de  dieux  &  de  démons.  —  A 
mon  avis,  peregrina  est  une  allusion  à  l'habitude  prise  de  jurer  par  le  nom  italien  de  divinités 
païennes  :  per  Bacco.  Charles  IX.  donnait  à  sa  cour  l'exemple  du  blasphème.  Henri  III  fil  au  con- 
traire contre  les  blasphémateurs  un  édit  fort  sévère,  qui  naturellement  ne  reçut  point  d'exécu- 
tion. Bodin  se  félicite  qu'en  1569  un  blasphémateur,  la  langue  percée  au  fer  rouge,  ait  été  pendu 
&  étranglé;  il  rappelle  avec  louange  que  les  Juifs  lapidaient  le  blasphémateur.  Démon.,  3,  1, 
p.  313  sq.  Cf.  Lalanne,  o.  c,  p.  136  sq.,  qui  nous  montre  Brantôme  perdant,  sur  les  instances  de 
Téligny,  l'habitude  de  blasphémer,  et  cite  II.  Estienne,  Deux  dialogues  du  nouveau  langage 
français  ilulianizé,  II,  p.  142,  sur  la  coutume  courtisanesque  d'invoquer  les  dieux  de  l'antiquité 
payenne. 

(B)  Nouvelle  atténuation  du  texte  par  B.  —  MD  scortatioues,  adulteria,  slupra  et  utriusque 
sexus  ab  ordinibus  sticris  libidines  continenlise  specie  turpiler  effusas.  On  sait  quel  dérègle- 
ment, né  depuis  plusieurs  siècles,  mais  accru  par  les  guerres  de  religion,  règne  dans  les  couvents 
au  xvip  siècle,  et  persiste  bien  avant  dans. le  xvne,  où  peu  à  peu  une  réforme  générale  s'accom- 
plit. 

(C)  M.  Lulheri  Opéra  omnia,  leusi,  Christ.  Bodius,  1556-1558,  et  Witlebergœ,  Joh.  Crato, 
1553,  4  in-fol.  (Bib.  nal.  Invent.  D2  27).  Béédilion  (Bib.  du  Prylanée),  lenœ,  ex  officina  heredum 
Thomae  Rebart,  1579,  in-fol.  «  Und  sage  zuersl,  das  nach  dem  Gesetz  Mose  kein  ander  bilde 
»  verbotten  ist  denn  [  =  si  ce  n'est]  Golles  bilde,  das  man  anbetlel.  Eyn  crucifix  aber  odder  sonst 
»  eyns  heyligen  bilde  ist  nichl  verbotten  zu  haben  »î.  —  «  Wir  wollen  Mosen  widder  sehen  noch 
»  horen  ».  Wider  die  himmlischen  Prophelen,  von  den  Bildern  und  Sakrament,  1525,  dans 
l'éd.  moderne  de  Weimar,  t.  1S,  p.  68  et  76.  Sur  Luther,  voy.  Luther  et  le  Luthéranisme,  du 
P.  Denifle,  Irad.  de  l'abbé  Paquier,  Paris,  1910.  —  Quant  à  l'avis  de  Bodin  sur  la  question  des 
images,  cf.  inf'ra,  VI,  p.  632  note,  et  une  attaque  prudemment  voilée,  Dém  ,  2,  1,  p.  163. 

(D)  Veut.,  19,  17,  contre  celui  qui  jure  par  Dieu  en  faisant  un  faux  témoignage.  Jérém.,?>,  2, 
contre  ceux  qui  jurent  faussement  par  le  Seigneur;  ibid.,  12,  16,  Dieu  promet  son  pardon  aux 
méchants,  s'ils  apprennent  à  jurer  par  son  nom,  comme  ils  ont  enseigné  à  son  peuple  à  jurer  par 
le  nom  de  Baal.  —  Mêmes  références,  Démon.,  2,  1,  p.  166. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  103 

permettre  il  demeura  court  comme  pour  reprendre  haleine  (A)  mais  la  cause 
de  son  silence  fut  quil  remarqua  que  son  discours  auoit  fort  choqué  [n)  Coboni 
très  zélé  deffenseur  de  l'Eglise  romaine  lequel  semblant  se  disposer  (o)  a  par- 
ler chacun  les  regardant  (p)  pour  les  escouter  il  fut  quelque  temps  a  resuer 
puis  (q)  tout  dun  coup  (B)  :  lauois  enuie  dict  il  de  respondre  aux  reproches  & 
aux  calomnies  C)  de  Silomon,  mais  iestime  quil  est  mieux  de  [310]  remettre 
la  partie  a  vue  autre  fois  a  fin  de  nosler  a  personne  (r)  la  liberté  de  s'expli- 
quer. 

Octaue.  —  le  ne  scay  aussy  si  ie  dois  parler  ou  si  ie  dois  me  taire. 

Cokom.  —  Pourquoy  demeureriez  vous  muet  en  vue  si  belle  occasion  si 
vous  auez  dessein  de  réfuter  Salomon. 

Octale.  —  Lorsque  ie  fais  comparaison  de  la  religion  [s)  et  des  constitu- 
tions des  Othomans  auec  les  mœurs  &  les  cérémonies  des  chrestiens  (/)  il  me 
semble  que  ie  tombe  des  niies.  Car  les  Turcs  nadorent  qu'vn  seul  Dieu  et  non 
pas  plusieurs  en  vn  (D).  Et  pour  lesus  quils  appellent  Isaac  (u)  (E)  ils  ne  le 
reconnoissent  pas  seulement  pour  le  verbe  (v)  (F)  mais  aussy  pour  lesprit 
&  ambassadeur  de  Dieu  (G)  retiré  des  mains  de  ses  ennemis  qui  le  vouloient 
faire  mourir  (H)  :  mais  ils  ne  le  reconnoissent  point  pour  Dieu   ny  pour  fils 


n  MDN  pupugerat.  B  pupugeret,  barbare.  —  [o)  MDN  eum  se  ad  responsionem  comparare 
videretur.  B  paratum  videret  (?,.  —  (/>)  DXB  omnibus  in  eum  inlentis.  M  intentis  oculis.  — 
(q)  N  omet  postea.  —  /■  MDPGN  ne  de  libertate  dicen  li  quicquum  cuiquam  B  quenquam  cui- 
qua-n  [?])  detraxisse  videamur.  —  [s]  MDPG  religione*.  NB  religionem. —  /  MDPG  rilibus 
c/trislianis.  NB  Christiunorum.  —  [m)  N  Jesuni  atiiem  ipsum  [MDTEI'GB  t/uem  ipsi,  nécessaire) 
Isaac  vocant.  —  [v)  MXB  verbtim.  D  verbium,  barbare. 

(A)  Pour  reprendre  haleine,  ajouté. 

(Bj  Très  inexact.  D  omnibus  in  eum  intentis,  sermonem  cohibuit;  postea,  ru/do  silenlio,  = 
tous  les  regards  convergeaient  sur  Goroni  ;  mais  lui  demeura  sans  parler,  puis,  rompant  le 
silence... 

G  Ml)  criminationes,  =  accusations,  dit  seulement  le  latin.  Notre  traducteur  est-il  un  catho- 
lique indigné  des  attaques  de  Salomon?  En  tous  cas,  la  partialité  de  Bodin  est  visible  ici  au 
piteux  personnage  qu'il  l'ait  jouer  à  Goroni.  La  dérobade  du  papiste  est  d'autant  plus  accusée 
qu'immédiatement  après  il  engage  Octave  à  réfuter  Salomon  :  que  ne  le  fait-il  lui-même?  et  que 
vaut  a  présent  la  défaite  qu'il  a  donnée  ? 

(D-  MD  Deum  sternum,  nec  plures  uno  colunt,  =  un  Dieu  éternel  et  non  pas  plus  d'un,  fin- 
ies dogmes  principaux  du  Goran.  voyez  l'excellent  article  de  Vacant  &  Mangenol,  o.  c,  t.  III, 
col.  1781  sqq.).  Toute  la  sourate  112,  une  des  plus  anciennes  du  Goran,  est  consacrée  à  VUnilé 
de  Dieu  :  c'est  son  titre.  —  Plures  uno.  Voici  bien  un  texte  dirigé  contre  la  Trinité  :  «  Infidèle 
»  est  celui  qui  dit  :  Dieu  est  un  troisième  de  la  Trinité,  pendant  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu,  si  ce 
•>  n'est  le  Dieu  unique  ».  Mais  1°  la  latinité  me  semble  exiger  qu'on  traduise  plures  uno  —  en 
plus  grand  nombre  qu'un,  plus  d'un.  Sinon,  Bodin  aurait  écrit  :  plures  in  uno.  2°  Le  sens 
aussi  :  Si  on  traduit  :  plusieurs  en  un,  le  reproche,  qui  est  capital,  de  méconnaître  l'unité  de 
Dieu  n'a  plus  d'expression. 

(E)  Isaac  ou  Ishak,  Coran,  2,  127-130,  134,  etc. 

(F)  »  Le  .Messie  Jésus,  fils  de  Marie,  est  l'apôtre  de  Dieu  et  son  verbe  qu'il  jeta  en  Marie  »,  41, 
169.  Cf.  3,34  et  3,  40.  , 

(G)  «  Il  [Jésus]  est  un  esprit  venant  de  Dieu  »,  4,  169.  —  «  Nous  [Juifs]  avons  mis  à  mort  le 
>  Messie  Jésus,  fils  de  Marie,  l'envoyé  de  Dieu  »,  4.  156. 

(H)  «  Non,  ils  ne  l'ont  point  tué,  ils  ne  l'ont  point  crucifié  :  un  homme  qui  lui  ressemblait  l'ut 
»  mis  à  sa  place  »,  4,  156.  Cf.  3.  47  et  5,  110.  Voy.  Hept.,  V,  p.  447. 


104  JEAN    BOniN 

de  Dieu  (x)  (A),  cest  pourquoy  ils  deffendent  de  ladorer  (B).  Ils  disent  quils 
suyuent  la  loy  d'Abraham  et  quils  adorent  le  mesme  Dieu  que  ce  patriarche 
viuant  et  respirant  adora  (C).  Ils  ont  tant  dhorreur  pour  les  images  (D)  que 
non  seulement  ils  nen  ont  aucune  dans  leurs  temples  ny  dans  leurs  mai- 
sons (E)  ny  de  sculpture  ny  de  graveure  (F)  ny  de  peinture  ()/),  mais  il  ne 
leur  est  pas  mesmes  permis  de  représenter  ou  peindre  quoy  que  ce  soit  de 
tout  ce  que  la  nature  produict  (G)  ny  den  auoir  (z)  pour  le  plaisir  de  la  veiie 
en  quelque  endroict  que  ce  soit  a  peine  de  la  vie.  Et  voulant  un  iour  [311] 
deffendre  l'vsage  des  images  en  faueur  des  chrestiens  fondés  sur  ce  quils  ne 
sen  seruent  que  pour  proposer  les  verLus  de  ceux  qu'elles  représentent  a  fin 
de  les  imiter  :  vn  certain  Paracadius  (a)  (H)  me  respondit  que  ceux  dont  les 
images  nous  sont  en  vénération  [b)  nauoient  acquis  la  félicité  éternelle  que 
pour  auoir  brisé  et  condamné  les  images  a  fin  de  nadorer  qu'vn  seul  Dieu.  Ils 
chantent  (I)  les  psanlmes  de  Dauid  quils  disent  auoir  esté  reuelez  de  Dieu 
aux  hommes  (J)  et  leur  coutume  est  d'aller  quatre  fois  le  iour  a  la  mosquée 
prier  Dieu  en  public  et  linuocquent  vne  fois  la  nuict  en  particulier  (K),  et  il 
me  ressouuient  (c)  que  mestant  trouué  logé  auec  vn  Afîriquain  dans  vne 
mesme  chambre  d'hostellerie  {d)  il  se  leuoit  (e)  touttes  les  nuicts  pour  faire 
ses  prières  &  me  reprimandoit  de  ce  que  ie  mesprisois  cette  couslume  (L)  si 


[x)  NB  nec  Dei  filium  (MU  esse)  arbitrantur.  —  (y)  MDl'G  ut  nnlla  usquam  cselalu  vel  sculpta 
vel  fusa  vel  picta  imago  (se.  sil).  NB  ut  nutla  unquam  cœlalas  vel  sculptas  vel  fusas  velpiclas 
imagines  (se.  pingere  liceal).  —  (s)  MDPG  liabere.  NB  haberi.  —  (a)  MDPG  Paracadius.  N  Pra- 
cadius.  —  (b)  MDPG  et  quidem,  cum  statuas  chrislianorum  quasi  ad  vivlulis  imitationem  excu- 
sarem,  Paracadius  quidem  illud  tnihi  reposuil,  eus  ipsos,  quorum  statuas  veneremur  (N  vene- 
ramur),  cœlesti  felicitate  frui,  quod  divorum  imagines  dejecissenl .  B  et  quidem  eo  minus 
statuas  venerantur  ut  etiam  felicitate  cœlesti  se  frai  gloriantur,  quod  d.  i.  dejecissenl  (omis- 
sion, solécisme,  non-sens).  —  (<)  DBN  memini.  M  nemini  (inadvertance).  —  (d)  MDN  hospilii 
cubiculo.  B  cubiculari  hospilio  (?).  —  (e)  MDPG  ille  média  nocle  surgens  a  cubili  laudes 
immorlali  Deo  canere  ac  me  graviter  iucrepare  quod  tacerem,  usurpans  illud  arabica  lingua. 
NB  [memini]   illum...  surgentem...  canere...  usurpans,    incorrect. 

(A)  «  Le  Messie,  fils  de  Marie,  n'est  qu'un  apôtre  :  il  se  nourrissait  de  mets  »,  5,  79.  Cf.  110; 
19,  91  sqq.  ;  112,  32. 

(B)  «  Dieu  dit  alors  à  Jésus  :  As  lu  jamais  dit  aux  hommes  :  Prenez  pour  dieux  moi  &  ma 
»  mère  à  côté  du  Dieu  unique.  —  Par  la  gloire  !  non.  Comment  aurais-je  pu  dire  ce  qui  n'est  pas 
»  vrai?  ..,  5,  116.  Cf.  5,  7G  et  9,  31. 

(C)  Ce  sont  Abraham  et  Ismaël  qui  ont  consacré  la  Kaaha,  2,  119.  «  Fais  [s'écrièrent-ils  alors] 
»  que  nous  soyons  résignés  à  la  volonté  de  Dieu  [muslim],  que  notre  postérité  soit  un  peuple 
»  résigné  à  la  volonté  de  Dieu  [musulman]  »,  2,  122.  Cf.  la  noie  de  Kasimirski  sur  2, 12   ;  et  3,  61. 

(D)  «  0  croyants,  le  vin,  les  jeux  de  hasard,  les  statues  et  la  divination  par  les  flèches  sont  une 
»  abomination  inventée  par  Satan  ». 

(E)  MD  in  lemplis  ac  delubris,  =  dans  leurs  temples  el  lieux  saints. 

(F)  Omission.. MD  vel  fusas  [imagines],  =  [pas  une  effigie]  fondue. 

(G)  Omission.  MD  seu  stirpes  seu  animantia,  =  végétaux  ou  animaux. 

(H)  Ce  Paracadius  est  un  ancien  maître  d'Octave,  naguère  esclave  chez  les  Turcs  (infra, 
p.  332).  Il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  ce  que  cette  histoire  eût  un  fond  de  réalité;  et  ainsi  on 
peut  entrevoir  que  le  personnage  d'Octave,  et  par  extension  les  autres, aient,  à  côté  de  traits  ima- 
ginaires, des  traits  vrais.  Cf.  Inlrod.,  p.  2,  l'histoire  que  Naudé  contait  à  G.  Patin. 

(1)  En  s'accompagnant,  MD  cantibus  ac  nervis  usurpare  [psalmos]. 

(J)  «  Nous  [Dieu]  avons  donné  les  psaumes  à  David  »,  17,  57.  Cf.  4,  161  el  21,  10b. 

(K)  «  Sois  debout  en  prière  la  nuit  et  psalmodie  le  Coran  »,  Coran,  73,  2  sq. 

(L)  Exagéré.  MD  increpare  quod  tacerem,  =  il  me  reprochait  de  ne  pas  chanter  avec  lui. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  lOo 

louable  suiuant  le  sentiment  du  prophète  royal  quil  mexpliqua  en  Arabe, 
Psalme  119,  le  me  leuois  la  nuict  pour  chanter  louange  a  ton  nom  (A).  Et  me 
raportoit  encores  le  passage  de  lob  (B),  Plusieurs  se  plaignent  d'estre  oppres- 
sez par  les  tyrans  &  destre  affligez  de  (f)  disgrâces,  et  personne  ne  saduise  la 
nuict  de  chanter  des  cantiques  a  la  louange  de  Dieu. 

Coroni.  —  Les  chrestiens  depuis  le  pape  Pelage  qui  la  ainsy  ordonné  (C) 
chantent  (g)  sept  fois  le  iour  ou  la  nuict  les  louanges  (D)  de  Dieu,  ee  quils 
prattiquent  pour  lauoir  appris  du  mesme  prophète  royal  :  Sept  fois,  dict  il, 
par  iour  (h)  ie  te  chanleray  louange  (2).  Ce  que  ne  font  point  (E)  ny  les  Luthé- 
riens ny  les  Zwingliens  si  [312j  ce  ne  sont  les  Anglois  qui  ne  sont  point  puri  • 
tains.  Et  se  contentent  (F)  seulement  de  faire  deux  fois  la  sepmaine  (i)  des 
prières  publiques  (j). 

[La  discussion  descend  aux  minuties  du  cérémonial  de  chaque  religion.  On 
compare  les  prières  usuelles  des  musulmans,  chrétiens,  juifs.  Amulettes 
juives  où  sont  inscrits  certains  versets  (tephilin)  (313  sq).  —  La  séparation 
des  hommes  et  des  femmes  au  temple  existe  chez  musulmans  &  juifs  ;  elle  est 
souhaitable  chez  les  chrétiens  (315  sq.).  —  La  circoncision  est  commune 
aux  juifs  et  aux  musulmans  :  sa  double  utilité,  médicale  &  religieuse  (317).  — 
Orientation  du  prêtre  chez  les  musulmans,  les  théurges,  les  chrétiens.  Le 
prêtre  juif,  tourné  au  couchant,  détermine  par  sa  droite  la  droite  du  monde 
(nord)  &  par  sa  gauche  la  gauche  du  inonde  (sud)  :  ce  qui  explique  nombre 
de  phénomènes  physiques,  physiologiques,  historiques  (318-322).  —  Attitude 

(2)  Psalm.  119. 


(/)  MUB  calamitatibus  (S  cum  calamitatibus)  confliclari.  -  [g)  MDPG  recolere.  NB  colère.  — 
(h)  DNB  interdite.  M  diu  (erreur).  —  (t)  MDBS  hebdomade.  PG  hebdomada  (=  sept  ans  : 
erreur).  —  (j)  MDB  pubticas.  N  publiée. 

(A;  M  place  ici  la  note  2  et  donne  les  références  Psalm.  119  et  42.  D  place  la  note  2  où  elle  se 
trouve  dans  R.  Mais  R  introduit  dans  son  texte  la  note  2  de  M.  Nouvelles  preuves  que  :  1°  R  est  plus 
proche  de  D  que  de  M  2°  R  est  cependant  différent  de  D,  parfois  plus  plausible  ou  plus  complet, 
en  tous  cas  considérable.  —  «  le  me  leuois  a  minuict  pour  chanter  la  louange  ».  Ps.,  118  (Hébreux 
119),  62.  «  Le  Seigneur  a  enuoyé  sa  miséricorde  par  le  iour  et  ie  luy  chanleray  en  la  nuict  son 
»  canlique  ».  Ps.,  41  (H.  42),  9. 

(B)  Le  livre  de  Job  ne  contient  pas  un  tel  verset;  cf.  Concordances.  Bodin  fait  allusion  (cf. 
infra,  VI,  p.  655)  à  Job,  21,  7-14,  où  le  saint  homme  nous  peint  la  prospérité  des  méchanls. 

(G)  MD  Ecclesise  Bomanse  mos  jam  inde  a  Pelagio,  ponlifice  maximo,  usitatus  est.  Le  latin  ne 
dit  pas  que  c'esl  Pelage  qui  a  ordonné  la  récitation  des  Heures,  —  el  de  fait  je  n'ai  rien  trouvé 
d'approchant  dans  les  16  Epîtres  qui  nous  restent  de  Pelage,  Migne,  t.  69,  col.  392  sqq.,  —  mais 
seulement  que  c'est  de  Pelage  que  date  cet  usage  Gela  même,  je  ne  sais  où  Bodin  Ta  pris.  Bien 
antérieurement  à  Pelage  Ie''  mort  en  559;,  S.  Glément  d'Alexandrie,  Stromat.,  7,  7;  Tertullien, 
De  jejiinio,  in,  avaient  parlé  des  heures  de  l'office  divin.  S.  Gyprien,  L.  de  Oral.  Domin.,  ad 
finem,  observe  que  les  juifs  distinguaient  déjà  les  heures  du  jour  par  des  prières  :  obligation  plus 
forte  encore  pour  des  chrétiens.  «  Il  faut  prier  Dieu  le  matin,  le  soir  el  pendant  la  nuit  ».  De  là 
est  venue  l'obligation  pour  les  clercs  de  réciter  l'office  canonial.  Cf.  Migne,  Encyclopédie 
lhéolog.,1.  34,  col.  1172. 

(D)  Omission.  MD  laudibus,  supplicationibus  et  canticis  Deum  colère. 

(E)  Omission.  MD  nec  Judaei,  nec  Lutherani,  etc. 

(F)  Les  Zwingliens. 


106  JEAN    BODIN 

de  la  prière  chez  les  musulmans  et  les  juifs  (323  sq.).  —  Eloge  des 
musulmans  par  Octave  :  jeûnes,  charité,  monothéisme,  goût  des  fondations 
pieuses,  des  aumônes  leur  viennent  de  leur  sincérité  religieuse  (325-327). 
—  Federich  attaque  violemment  Mahomet  :  impostures  dont  il  s'est  entouré, 
turpitudes  privées  et  publiques  de  sa  vie,  débauches,  cruauté,  fiction  d'un 
paradis  d'une  honteuse  sensualité  (327  sq.)]. 

329]  Curck.  —  La  force  d'vne  meschante  opinion  est  telle  que  quand  vne 
fois  elle  s'est  mise  en  possession  d'vn  esprit  elle  en  est  mieux  (a)  maistresse  (A) 
que  la  Nature  ny  que  touttes  les  raisons  du  monde.  Nous  {b)  sçauons  qu'au 
royaume  de  Narsingue  (c)  aux  Indes  (d)  les  femmes  quand  leurs  maris  sont 
morts  se  iettent  (B)  dans  le  bûcher  qui  brûle  le  cadaure  (selon  le  raport  des 
anciens  &  nouueaux  historiens)  et  y  courent  (e)  auec  la  mesme  gayetté  (con- 
duictes  par  leurs  meilleurs  amis)  que  si  (C)  elles  aboient  iouïr  des  voluptez 
éternelles  auec  ces  maris.  Mais  (/')  il  me  semble  que  ce  sont  des  contes  a  faire 
a  des  enfans  quand  les  musulmans  [g)  croyent  effacer  leurs  péchez  en  se 
lauant  souuent  (D)  :  ainsy  que  les  Indiens  occidentaux  (h)  de  la  nouuelle 
Espagne  quand  ils  degueulent  aux  pieds  des  autels  &  de  leurs  idoles  ils 
croyent  que  ce  sont  les  péchez  qui  sen  vont  (E). 
Octaue.  —  Il  ne  fault  point  sestonner  (i)  si  Auerroes  (F)  a  condamné  (j)  la 


(a)  MDNB  polenlius.  PG  potins.  —  ;6)  MDPGN  et  quidem.  B  et  quid  (?).  —  (c)  MDN  Nar- 
singas.  B  Nausingas.  —  (cl)  MDPGB  Indise  (N  Indorutn)  populos.  —  (e)  MDN  eas...  deferri. 
PG  differri.  B  eos...  deferri  (?).  —  [f]  MDPGB  sed  illud.  N  sed  et  illud.  —  [g)  MDTEPBN 
Ismaëlilœ.  G  hraëlilœ.  —  (h)  DN  Indi  occidentales  (MB  occidentalis)  Hispaniolœ.  —  (i)  MDB 
nilmirurh(Nest)  si.  —  (j)  MDPGN  valere  jussit.  B  abolere  jussit  (?). 

(A)  MD  polenlius,  =  son  emprise  est  plus  forte  que  celle  de  la  nature. 

(B)  Omission.  MD  viventes  ac  spiranles.  Ce  trait  de  mœurs  est  signalé  aussi  par  Montaigne, 
I,  14  (éd.  Jouaust,  t.  1,  p.  GG),  mais  c'est  une  addition  de  1595.  Telle  n'est  donc  pas  la  source  de 
Bodin.  Bodin  a  puisé  directement  à  celle  de  Montaigne,  Jérôme  Osorio  (cf.  supra,  p.  233,  note). 
Cf.  Villey,  Les  livres  d'histoire  moderne  utilisés  par  Montaigne,  p.  98.  Voici  son  latin  :  «  Beliquae 
»  [les  autres  femmes  que  celles  des  brahmanes]  quse  aliis  hominibus  nubunt,  posl  virorum  mor- 
»  tein  vivae  in  rogum  cum  magno  suorum  comitalu  et  multis  cantibus  atque  laudibus  inferunlur  ». 
0.  c.,  lib.  4,  fol.  13G  6.  —  De  la  comparaison  des  trois  textes  :  Bodin,  Osorio,  et  trad.  Goulart,  il 
ressort  que  Bodin  cite  encore  de  mémoire,  en  termes  assez  éloignés  de  l'original  et  de  la  traduc- 
tion. 

(G)  Inexact.  MD  ut,  —  dans  l'intention  de. 

(D)  «  0  croyants,  quand  vous  vous  disposez  à  faire  la  prière,  lavez-vous  le  visage  et  les  mains 
»  jusqu'au  coude  ;  essuyez-vous  la  tête  et  les  pieds  jusqu'au  talon  ».  Coran,  5, 8.  Cf.  5,  9  et  2,  4G.  — 
Quant  au  reproche  de  superstition,  Bodin  le  Lire, je  pense,  de  \aDisputatioChrislianieruditissimi... 
aduersus  doctrinam  &  ftagitia  Mahumetis,  dans  Bibliander,  o.  c,  t.  III,  col.  20  :  «  Quod  vero 
»  frequenti  corporum  lavalione  hominem  purificari  creditis  easque  lavationes  totiens  frequentatisi 
»  hoc  libi  respondeo  »,  etr. 

(E)  Lopez  de  Gomara,  o.  c.  (cf.  supra,  p.  272,  note),  p.  38  :  «  Estans  tous  entrez  au  temple  vn 
»  chacun  vomisl  se  mettant  vne  baguette  au  gosier,  pour  monstrer  a  leur  idole  qu'il  ne  leur  reste 
»  aucune  chose  mauuaise  en  leur  estomac  ».  Mais  quand  Bodin  ajoute  que  les  Indiens  «  croyent 
»  que  ce  sont  les  péchez  qui  s'en  vont  »,  il  sollicite  le  texte. 

(F)  Valere  jussit,  disent  cavalièrement  MD.  Bodin  vient  de  dire,  p.  329,  qu'Averroès,  ayant  lu 
dans  le  Coran  quelles  joies  Mahomet  promet  à  ses  élus,  appela  ce  ciel  un  paradis  de  pourceaux. 
Averroès  passe  d'ailleurs,  à  partir  du  xme  siècle,  pour  le  représentant  de  l'incrédulité  absolue  aux 
yeux  des  docteurs  scolastiques  :  c'est  lui  que  l'opinion  charge  du  blasphème  des  trois  imposteurs 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  107 

religion  des  Turcs  puisqu'il  foulle  aux  pieds  pareillement  les  loix  des  Iuifs  et 
des  Clirestiens.  Mais  Auicenne  Prince  en  toutle  façon  et  des  Médecins  &  des 
Philosophes  dict  que  la  loy  de  Mahomet  (A)  donne  vn  preserualif  contre  touttes 
les  afflictions  du  corps  en  cette  vie  et  faict  espérer  en  lautre  tous  les  plaisirs 
imaginables  (B)  mais  quil  auoit  bien  reconneu  quil  y  auoit  vne  autre  béatitude 
plus  excellente  (k)  que  celle  qu'il  a  proposée.  Quant  aux  liures  de  la  vie  du 
Prophète  &  de  sa  330]  doctrine  (/)  cest  a  dire  l'histoire  du  Prophète  [m)  que 
Federich  (n)  nous  a  racontée  (C)  elle  est  absolument  apocriphe  parmy  les 
Turcs  et  nest  approuuée  daucun  Théologien,  mais  on  reiette  les  escrits  imper- 
linens  des  ceruelles  mal  tournées  (o),  comme  (p)  ce  qua  escrit  le  théologien 
Bonauaniure  de  la  vie  de  Iesus  Christ  laquelle  se  vent  partout  (D)  :  assauoir 
que  les  arbres  fruictiers   courboient  (//)  tout  doucement   leurs  plus  hautes 


(k)MDTEPGB  longe  prœslabiliorem.  N  lege  (?).  —  (/)  MDPG  ex  libris  Ta  (N  omet  ce  mot.  B 
Ja)  Elim  el  Nebi.  —  [m)  B  omet  il  est  historia  prophetae.  —  [n)  H,  trompé  par  Federichus,  croit 
à  un  changement  d'interlocuteur.  —  lo)  MDPGB  ab  imperilis...  rejiciunlur.  N  omet  ab.  — 
(/))  MDPGN  ut  [B  aut  [?])  ea,  quœ...  —  {q)  MD  curvarent.  N  curvassenl  (faute). 

(l'univers  trompé  par  trois  imposteurs,  Moïse,  Jésus  et  Mahomet).  «  11  y  a  trois  religions,  aurait 
»  dit  cet  impie,  dont  l'une  est  impossible,  c'est  le  christianisme;  une  autre  est  une  religion 
»  d'enfants,  c'est  le  judaïsme;  la  troisième  une  religion  de  porcs,  c'est  l'islamisme  ».  E.  Renan, 
Averroès  el  l'Averroïsme,  Paris,  Michel  Lévy,  1861,  p.  297.  Voyez,  sur  l'incrédulité  attribuée  à 
Averroès,  Renan,  o.  c,  II,  13  à  16,  pp.  278  à  316;  Bayle,  Dict.,  art.  Averroès;  Menagiana,  t.  IV, 
pp.  378  sqq.;  —  et  sur  les  nouvelles  traductions  en  latin  dont  le  texte  d'Averroès,  et  celui 
d'Avicenne,  sont  l'objet,  et  que  Bodin  a  facilement  pu  connaître,  voyez  Renan,  o.  c,  III,  10, 
pp.  377  sqq.  Jean  Cinq-Arbres,  lecteur  en  hébreu  au  Collège  de  France,  el  ami  particulier  de 
Bodin  (Cf.  Methodus  ad  facilem  liisloriarum  cognilioneni,  proœmium),  est  l'un  de  ces  traduc- 
teurs d'Avicenne. 

(A)  Sur  la  religion  et  les  mœurs  musulmanes,  Bodin  a  certainement  connu  Chalcondylas, 
Histoire  de  la  décadence  de  l'empire  des  Grecs  (trad.  latine  à  Râle,  1556),  et  Guill.  Poslel, 
Histoires  Orientales,  Paris,  1560  :  ces  deux  ouvrages  sont  cités  dans  le  catalogue  de  la  Methodus, 
p.  459.  Mais  il  a  surtout  utilisé  VAlcoran  de  Bibliander  cf.  supra,  p.  226  note),  el  la  multitude 
d'opuscules  ethnographiques,  exégétiques,  polémiques  y  annexés.  Les  preuves  vont  s'accumuler  : 
définition  d'Alfurkan,  p.  330;  allusions  aux  ouvr.  de  Ricold  de  Montecroce,  Nicolas  de  Cusa, 
Denys  le  Chartreux,  ibid.;  comparaison  concluante  des  lexles  de  Bodin  et  de  Ribliander,  Hepl ., 
V,  p.  414  note. 

(B)  Inexacl.  MD  legem  Mit/uinunedis  miserias  ac  felicitatem  summarum  voluplalum  corpo- 
ris  proposuisse,  --  que  par  sa  loi  Mahomet  ne  promettait  que  des  souffrances  ou  des  jouissances 
physiques,  mais  que,  etc. 

(C)  Federich  vienl  de  railler  longuement  les  légendes  qui  entourent  la  naissance,  la  vie  et  la 
mort  du  ProphMe;  ses  traits  sont  la  plupart  tirés  de  Bibliander  :  double  nom  du  prophète, 
Mahomet  çà-bas,  Achmet  dans  le  ciel  (dans  Bibliander,  De  generatione  Machumet ,  t.  I,  p.  203); 
les  vents,  les  nuages  &  les  anges  se  disputent  la  gloire  de  nourrir  le  prophète  enfant  [ibid.,  p.  209)  ; 
le  prophète  étant  mort  et,  sur  son  ordre,  non  enseveli,  son  cadavre  sent  si  mauvais  que  ses 
disciples  sont  obligés  de  le  jeter  (dans  Bibl.,  Disputalio  christiani  eruditissimi,  t.  III,  col.  10)  ; 
le  paradis  de  Mahomet  n'offre  aux  justes  que  des  plaisiis  honteux,  torrents  de  lait  et  de  vin, 
troupes  de  belles  femmes  el  de  Ganymèdes  (dans  Bibl.,  Epislola  PU  papx  II  ad  Morbisanum 
Turcarum  principan,  t.  II,  p.  81),  etc. 

(D)  MD  quœ  circumferunlur,  =  qu'on  voit  dans  toutes  les  mains.  —  Allusion  aux  Méditations 
sur  la  vie  de  J  -C.  S.  Bonavenlure  (1221-1274)  écrit  :  «  Je  vous  raconterai  les  actions  de 
»  N.-S.  J.-C.  de  la  manière  dont  on  peut  se  les  représenter  par  l'imagination:  car  rien  n'empêche 
»  de  méditer  ainsi  même  l'Écriture  sainte  ».  La  légende  abonde  donc  chez  lui.  Buonafoco  Ferrara, 
franciscain,  édite  S.  Bonavenlure,  1588-1596,  7  vol.  in-fol.  Mais,  à  part  les  grandes  éditions,  ces 
petils  livres  édifiants  étaient  dans  toules  les  mains  (Vollet,  Grande  Encyclopédie). 


108  JEAN    BODIN 

branches  deux  mesmes  pour  laisser  cueillir  de  leurs  fruicts  a  lenfant  quand  il 
en  desiroit  iusques  a  ce  quil  en  fus  rassasié.  Ce  que  les  théologiens  ne 
reçoiuent  non  plus  que  la  légende  dorée  ou  plustost  ferrée  (»•)  de  la  vie  des 
Saincts  dont  ie  ne  raporteray  point  icy  les  sottises  pour  ne  leur  (s)  pas  faire 
honte  (A).  Mais  l'Alcoran  ainsy  appelle  comme  qui  diroit  vn  recueil  ou 
l'Alphurcan  [l)  a  cause  de  la  distinction  des  chapitres  au  nombre  de  123  (B) 
ne  contient  rien  que  d'important,  rien  qui  sente  la  bagatelle.  Et  ne  se  contrarie 
en  aucun  lieu  comme  lont  creu  Denys  le  Chartreux  &  le  cardinal  de  Saint 
Sixte  qui  ont  escript  contre  la  loy  de  Mahomet.  Ricoldus  (m)  Iacobin  qui 
entend  la  langue  et  la  science  des  Arabes  (C)  en  parle  plus  ciuilement  (u), 
encores  qu'en  quelques  endroicts  il  ayt  dict  des  mensonges  et  en  dautres 
desguisé  la  vérité.  Quant  a  ce  que  plusieurs  (D)  escriuent  de  ces  sales  plaisirs 
du  paradis  (x)  de  Mahomet  telles  calomnies  se  destruisent  assez  par  les  LXXV 
et  LXXVM  Azoara  ou  articles  de  l'Alcoran  assauoir  que  les  adultères  et  les 
parjures  seront  chastiez  dans  les  flammes  éternelles  (E)  ainsy  que  (y)  luy 


(/•)  MDNquam  in  aurea  dicam  an  ferrea  leclione  divorum  legimus.  B  quas  inler  aureas 
dicam  an  ferreas  lectiones  divorum  legimus. —  (s)  MDPG  ne  vos  pigeât  ineptiarum.  NB  nos. 
I!  semble  traduire  eos. —  (t)  MDPG  Leyser  Alcoranus,  qui  a  côllcctione  sic  dicitur,  vel  Alphur- 
canus  (N  Alphaticianus)  a  distinctione  capitum  quse  123  numeranlur.  B  omet  vel  Alphur- 
canus  a  distinctione  capitum.  —  (u)  MDPG  Ricoldus.  NB  Richardus.  —  (v)  MDB  milius 
aliquanlo.  N aliquando.  — [x]  MDPGB  de  paradisi  sordidis  voluptalibus.  N  de  paradiso  et 
sordidis,  etc.  —  [y)  MDPGB  ut  eliam.  N  omet  etiam. 

(A)  MD  ne  vos  pigeât  ineptiarum,  —  pour  ne  pas  vous  faire  honte  à  vous  autres  chrétiens.  — 
Allusion  à  l'ouvrage  de  Jacques  de  Voragine,  dominicain  (1230-1298),  Historia  lombardina  seu 
Legenda  sancta,  sans  cesse  réimprimée,  Paris,  1475;  Cologne,  1476;  Nuremberg,  1481.  La 
sévère  et  critique  religion  de  Bodin,  peu  capable  d'être  émue  par  la  grâce  naïve  de  la  Légende, 
ne  lui  pardonne  pas  justement  ce  caractère  légendaire.  Cf.  Démon.,  Relut,  de  Wier,  p.  560. 

(B)  124,  d'après  Bibliander.  Mais  une  erreur  de  graphie  est  facile  entre  123  et  124,  avec  les 
chiffres  romains.  L'explication  des  deux  mots  vient  en  tous  cas  de  Bibliander,  o.  c,  t.  I,  p.  8  : 
«  Incipit  lex  Saracenorum,  quam  Alcoran  vocant,  id  est  collectionem  prœceptorum  ».  T.  I,  p.  190  : 
«  Cur  dictum  Alfurcan?  Quia  discrets  sunt  sententiae  et  figurée  ejus  ».  Kasimirski  entend  autre- 
ment el  forkan  :  la  distinction  du  licite  et  de  l'illicite. 

(G)  Le  cardinal  de  Cusa,  Cribratio  Alchorani  (dans  Bibliander,  o.  c,  t.  III,  col.  32),  nomme 
côte  à  côte  les  trois  auteurs  que  cite  ici  Bodin.  —  Le  cardinal  de  S.  Sixte  a^ait  écrit  une  Con- 
futatio  hseresium  &  errorum  Machurnet  (restée  manuscrite?).  Denys  le  Chartreux  (+  147P, 
auteur  de  nombreux  ouvrages  d'apologétique,  est  cité  ici  pour  son  Contra  perfidiam  Mahometi, 
imprimé  à  Cologne,  1533.  —  Ricold  (ou  Richard  :  cf.  Bibliander,  t.  III,  col.  121  note)  de  Monte- 
croce,  de  l'ordre  des  Frères  prêcheurs,  originaire  de  Florence  (Renan,  Averroès,  p.  2*1)  est  cité 
comme  auteur  de  la  Confutatio  legis  lalx  Saracenis  a  maledicto  Mahwneto,  publiée  par 
Bibliander,  o.  c,  t.  III,  col.  124  sqq.  Lui-même  (Bibl.,  o.  c,  t.  111,  col.  124)  nous  dit  qu'il  avait 
appris,  pendant  un  long  séjour  à  Baldach  ^Bagdag],  les  lettres  et  la  théologie  sarrasines.  —  Quant 
aux  contradictions  que  contiendrait  le  Coran,  c'est  un  des  plus  fréquents  moyens  de  polémique 
des  chrétiens.  Cusa  veut  tirer  la  vérité  du  christianisme  de  ce  Coran  même  qui  la  nie,  l.  c,  t.  III, 
col.  32;  et  Ricold  intitule  son  c.  6  :  «  Quod  [lex  Mahumeli]  in  mullis  sibi  ipsi  conlradicit  »,  L  c, 
t.  III,  col.  139-141. 

(D)  Le  pape  Pie  II  dans  une  lettre  au  Sultan  (Bibl.,  t.  II,  p.  81);  Nie.  de  Cusa,  o.  c,  II,  18 
(Bibl.,  t.  III,  col.  87),  etc. 

(F)  «  O  prophète,  ne  répudiez  vos  femmes  qu'au  terme  marqué  :  avant  ce  temps  vous  ne  pouvez 
»  pas  les  chasser  de  vos  maisons,  à  moins  qu'elles  n'aient  commis  un  adultère  prouvé  ».  Kasimirski, 
65,  1  (=  Bibl.  75).  «  Peu  s'en  faut  que  l'enfer  ne  crève  de  fureur,  chaque  fois  qu'on  y  précipitera 
»  une  foule  d'infidèles  ».  Kasim.,  67,  8  (=  Bibl.,  77.  Bibliander  écrit  :  Deum  non  sequentes,  que 
Bodin  rend  par  :  perjuros).  Bodin  a  étendu  la  peine  de  l'enfer  de  la  Sourate  67  à  la  s.  65,  où  elle 
ne  figure  pas. 


DES    SECRETS    CACHEZ    ItlôS    CHOSES    SUBLIMES  109 

mesrae  (z)  la  presché  de  viue  voix.  Et  de  peur  que  (A)  les  femmes  ne 
[331j  soient  œilladées  par  les  hommes  pendant  les  sacrifices  ils  ne  permettent 
pas  seulement  qu'elles  sortent  iamais  en  public  autrement  que  voylées  (a) 
ainsy  que  Mahomet  la  ordonné  par  ses  loix  (B).  Et  pour  ce  que  les  Ghrestiens 
veullent  quil  ait  promis  de  ressusciter  dans  trois  iours  (C)  cella  ne  se  trouue 
dans  aucunes  archiues  (b)  des  Mahomelans.  Et  les  Chrestiens  eux  mesmes  se 
contredisent  en  ce  que  les  vns  disent  [cj  dans  trois  iours,  les  autres  dans  huict 
cens  ans,  comme  vn  autre  Licurgue  qui  debuoit  consulter  Apollon  a  lin 
dobliger  ses  citoyens  a  garder  ses  loix  iusques  a  ce  qu'il  reuint(D).  Donc  sans 
nous  amuser  aux  fables  si  Ton  veult  lire  lWlcoran  auec  application  on  n'y 
trouuera  rien  au  moins  a  mon  aduis  (d)  qu'vn  zèle  admirable  enuers  Dieu  vne 
grande  pieté  enuers  ses  parents  vne  parfaicte  charité  enuers  le  prochain  (e) 
vne  bonté  extrême  enuers  les  infirmes  &  indigens  et  vne  équité  générale  et 
inimitable  enuers  tout  le  monde  indifferament  (/"). 

Fëdehich.  —  Mais  dou  vient  que  les  Musulmans  veulent  que  Mahomet  soit 
monté  au  ciel  auec  vn  mulet  (E)?  que  ne  luy  donnent  ils  [g)  plustost  vne 
eschelle?  est  ce  qu'ils  croyent  (h)  plus  probable  vne  ascension  auec  vn  mulet 
qu'auec  vne  eschelle  ? 

Octale.  —  Il  n'y  a  rien  de  tout  cella  dans  les  liures  sacrez  des  Mahome- 
lans, en  quelque  lieu  que  ce  puisse  estre.  Et  telles  sortes  de  fables  ne  sont  pas 
mieux  receiies  (i)  (F;    parmy  eux  que    celle   de   Numerius  Atticus   prêteur 


(z)  MDNB  ipse  legislalor  Muhammedes.  PG  ometlentip.se.  —  (a)  M D  nec  in  publico  vultus 
revelare  patiunlur.  NE  revelari.  B  vullu  (?).  —  (b)  MDPG  nusquam  in  scripturis.  B  in  scriptis. 
N  supprime  in  :  incorrect.  —  (c)  DB  resurrecturum  (N  resurrectionem)  se  vromisisse  (M  spo- 
pondisse)  jaclant.  —  {d)  MDN  nihil  in  eo  reperiet...  7iisi.  B  inveniet  non  nisi.  —  'e)  MDPG  in 
propinquos.  NB  proximos.  —  (/')  N  ajoute  videbit  :  double  emploi  avec  reperiet.  —  [g)  MDB 
<ur...  non  adhibuerunt.  N  adhibuerint.  —  [h)  PGN  [Agareni]  putarent.  MD  putaret,  inadver- 
tance. B  putabanl.  —  (i)  MDTEPGB  nec  mugis  credibiles.  N  incredibiles,  contresens. 

(A)  MD  Al  ne  fœminas  quidem  a  viris,  dum  sacra  fiunt,  conspici,  nec  in  publico  vultus 
revelare  patiunlur  populi,  qui  Mahumedis  legibus  obligantur,  =  les  peuples  qui  observent  la 
loi  mahomélane  ne  permettent  même  pas  que  les  femmes  soient  du  tout  vues  par  les  hommes  à 
la  mosquée  (ils  les  séparent  les  uns  des  autres  par  une  cloison,  cf.  supra,  p.  315  sq.)  et  leur 
défendent  de  dévoiler  leur  visage  en  public.  —  H  s'est  trompé  sur  le  sens  de  ne,  de  toute  la 
première  proposition,  et  traduit  le  reste  très  inexactement. 

(B)  «Vos  épouses  peuvent  se  découvrir  devant  leurs  pères,  leurs  enfants,  leurs  neveux  et  leurs 
»  femmes,  et  devant  leurs  esclaves  ».  Coran,  33,  55.  Cf.  59. 

(C)  Ltans  trois  jours  est  une  inadvertance  de  R,  amenée  par  une  confusion  avec  le  dans  trois 
jours,  un  peu  infra.  —  Sources  possibles.  «  Moriens  [Mahumelus]  praedixit  se  iturum  in  cœlum  : 
»  quod  diu  exspectanles,  tandem  lelro  coacti  odore,  sepulchro  mandarunt  apud  Mecham  civita- 
»  lem  ».  De  Mahumeto  ejusque  legibus  et  Saracenorum  rébus,  ex  Volaterrano  (Bibliander, 
o.  c.  t.  III,  proœmium,  p.  n).  —  «  Gum  praîcepisset  eis,  ut  mortuum  se  non  sepelirent,  eo  quod 
»  terlia  die  assumendus  esset  in  cœlum  »,  etc.  Dispulatio  christiani  eruditissimi  (Bibl.,  t.  III, 
col.  10;. 

(D)  Plutarque,  Lycurgue,  29. 

(E)  Al  Borak,  qui  transporta  en  une  nuit,  dit  la  légende,  Mahomet  de  la  Mecque  à  Jérusalem  et 
de  là  au  ciel.  Allusion  est  faite  à  ce  voyage  prodigieux  dans  le  Coran,  17,  1  (=  Bibliander  27); 
voyez  à  cet  endroit  la  note  de  Kasimirski  sur  Borak.  Ricoldus,  Confutatio,  14  (Bibl.,  t.  III, 
col.  168  sq.),  raconte  la  légende  d'Al  Borak  :  «  Et  [Gabriel]  adduxit  mihi  jumentum  majus  quidem 
»  asino,  minus  aulem  mulo,  et  nomen  ejus  Elmparac  »  ;  puis  la  raille  acerbement. 

(F y  MD  nec  magis  credibiles,  =  on  ne  peut  y  ajouter  plus  de  foi  qu'à... 


1 10  JEAN    BOD1N 

romain  qui  pour  auoir  receu  dix  mil  escus  de  Liuie  iura  (j)  quil  auoit  veu 
Auguste  monter  au  ciel  (A).  Mais  comme  vn  autre  (B)  en  voulut  dire  autant 
de  Druzille  que  Ton  sauoit  seslre  souillée  d'inceste  (k)  auec  son  frère  Cal i g u la 
il  en  fut  (/)  raillé  de  belle  hauteur  par  toutte  la  populace. 

332]  Coroni  —  Cest  vne  chose  merueilleuse  (m)  de  voir  Octaue  (n)  luy  qui 
est  (o)  vn  esprit  admirablement  pénétrant  qui  aprouve  les  superstitions  maho- 
metanes  (C),  plus  dignes  (p)  de  compassion  que  de  risée,  bien  quil  (D)  ayt 
esté  (q)  long  temps  captif  parmy  eux  et  très  rigoureusement  traitté  dans  sa 
captiuité. 

Octaue.  —  Dieu  a  permis  qu'ayant  esté  pris  par  des  pyrates  sur  les  costes 
de  Sicile  ie  fus  vendu  a  vn  marchand  syrien  (r)  ou  ie  fis  connoissance  (E)  auec 
vn  autre,  Paracadius  (s),  lequel  ayant  conneu  que  iestois  fort  amateur  (/)  des 
lettres  et  de  la  religion,  par  ce  qu'ayant  desia  esté  trois  ans  captif  ie  mestois 
accoustumé  a  la  langue  vulgaire  des  Arabes,  il  me  fit  diuerses  questions  sur 
ma  créance  auxquelles  ayant  assez  pertinament  (F)  respondu  a  mon  aduis  ie 
pensois  lattirer  dans  mes  (u)  sentimens  &  fis  tous  mes  efforts  a  cet  effet 
comme  estimant  faire  vn  œuvre  très  (o)  aggreable  a  Dieu  :  Mais  luy  au  con- 
traire me  combattit  de  si  fortes  raisons  que  ie  pensois  estre  tombé  au  fond 
de  la  mer  (G)  et  enfin  me  communiqua  (x)  vn  petit  liure  arabe  qu'vn  Jacobin 
renégat  auoit  composé  pour  la  deffense  de  la  religion  de  Mahomet,  lequel 
après  lauoir  leu  &  releu  (H)   me  donna  beaucoup   dadmiration   comment   vn 


(_/)  MUN  qui  juratus  (B  qui  traditionem)  in  cœlum  ascendisse  Augustum...  confirma- 
vit.  —  (A)  MDI'Gli  ascensionem  Drusillœ  incestibus  (N  in  sedibus  [?])  Caligulse  fratris  nobi- 
lein.  Conjecture  :  nobilis,  que  semble  traduire  B.  —  (/)  N  acceptus.  MDB  acceptus  est.  — 
[m)  MDNB  mirôr.  l'G  mirum.  —  (n)  MDPGN  Octavium  superstitiones  probare  potuisse. 
B  Octavio.  .  probari.  —  (o)  N  ipse.  UPGB  cum  sit  ipse.  M  cum  sit  ex  se.  —  (p)  MDI'GB  supers- 
titiones misericordia  potius  quam  risu  dignas.  N  quam  risu  dignse  cum  sint.  —  (q)  MDPG  est 
oppressus.  NE  fuit  oppressus.  —  (r)  MDPG  Sgrio.  NB  Syriaco.  -  (s)  MTEP  Paracadio  me 
dedidit.  SB  dédit.  D  dedidi,  inadvertance.  G Paracadionis (?).  —  (t)  MDPG  sludiosum.  NBslu- 
diosissimum.  —  (u)  MDNB  in  meam  [PG  veram,  contresens)  senlentiam.  —  (»)  MDPGB  quo 
nihil  a  Ueo  majus  [N  mugis,  faute)  ac  melius  optandum  judicabam.  —  (a:)  MDNB  exhibuit. 
PGdedil. 

(A)  Suétone,  Auguste,  49,  mentionne  le  fait  en  termes  assez  imprécis.  C'est  Dion,  56,  4G,  qui 
nomme  Numérius,  déclare  qu'il  était  soudoyé,  et  à  quel  prix. 

(B)  Nommé  Livius  Géminus,  Dion,  59,  11  ;  il  est  raillé  par  Sénèque,  Apocolokynlos,  1,  3. 

(C)  MD  Agarenorum  superstitiones.  —  Les  Arabes  prétendaient  descendre  d'Ismaël,  fils 
d'Abraham  et  d'Agar,  qui  fut  chassé  au  désert  par  la  jalousie  de  Sara  :  d'où  leur  nom  d'Ismaé- 
lites ou  Agaréniens,  qui  voulait  rappeler  encore  le  lien  du  mahométisme  avec  la  religion 
d'Abraham. 

(D)  Inexact.  MD  eoque  magis  quo  diutius  ab  illis  dura  servitute  oppressus  fuit,  =  et  cela 
étonne  d'autant  plus  que,  etc. 

(E)  Contresens.  MD  Paracadio  me  dedidit,  =  il  fil  cadeau  de  moi  à  un  certain  Paracadius;  cf. 
supra,  p.  311. 

(Fj  Non  pas  pertinament,  mais  :  point  par  point.  MD  ego  cum  ad  singula  capita  responde- 
rem.  —  Par  ce  qu'ayant  desia  esté  trois  ans  captif,  etc.  se  rapporte  naturellement  à  ce  qui  suit  : 
il  me  fit  diuerses  questions. 

(G)  Le  latin  a  une  métaphore  contraire.  MD  ab  argumentis  quasi  ab  aquis  deserlus  invado 
lisererem.  —  Quant  au  Dominicain  renégat,  je  ne  sais,  en  dépit  de  toutes  recherches,  qui  il  est. 

(H)  Omission.  MD  in  varias  anirni  sententias  distractus. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  111 

religieux  de  lordre  des  frères  presclieurs  auoit  peu  quitter  la  religion  de  ses 
pères  pour  escrire  contre  de  si  belles  choses,  et  si  puissantes  quenfin  ie  my 
rendis  et  suiny  sa  doctrine.  Ce  que  mon  maistre  ayant  sceu  il  me  donna  la 
liberté  laquelle  pour  recouurer  beaucoup  dautres  pareillement  embrassent  la 
loy  de  Mahomet  &  se  laissent  circoncire. 

Fedehicu,  —  Iay  ouy  dire  autresfois  que  (À)  ceux  qui  enlroient  dans  l'antre 
de  Trophon  (y)  sautoient  comme  des  possédez  [333]  et  que  quand  leurs 
amis  se  mettoient  en  debuoir  de  les  en  vouloir  retirer  ils  estoient  forcez  par  la 
puissance  du  charme  de  se  mettre  a  la  danse  &  de  saulter  comme  les  autres. 
Cest  ce  qui  est  arriué  a  Octaue. 

Octale.  —  le  ne  marreste  pas  aux  iniures  ny  aux  reproches  (z)  dont  on 
attaque  la  dignité  de  Mahomet  :  ie  scay  vne  chose  (B)  assauoir  que  ie  suis 
dans  la  vraye  et  sincère  adoration  du  seul  Dieu  éternel  (a)  et  incompréhensible. 

Toralbe.  —  Si  la  véritable  religion  ne  consiste  qu'en  ladoration  pure  & 
simple  d'vn  seul  Dieu  et  qui  seul  est  éternel,  iestime  quil  suffit  aux  hommes 
pour  faire  leur  salut  de  suiure  la  loy  de  nature  (C).  Et  nous  ne  voyons  point 
quayent  tenu  Jautre  religion  les  premiers  hommes  lesquels  ont  laissé  a  la 
postérité  (b)  la  mémoire  du  siècle  dor.  Ils  ny  ont  point  esté  enseignez,  mais 
ils  y  sont  nais  :  ils  ny  ont  point  esté  instruits  mais  elle  leur  a  esté  inspirée 
par  cette  mesme  nature  (D)  dou  ils  ont  puisé  (c)  comme  dans  leur  source  les 
principes  de  pieté  de  religion  de  sincérité  et  de  touttes  les  vertus  pour  les 
mettre  en  pratique.  Ce  qui  est  confirmé  {d)  non  seulement  par  touttes  les  opi- 
nions de  tous  les  philosophes  mais  par  les  tesmoignages  de  tous  les  oracles, 
si  on  y  doit  croire.  Car  Ciceron  en  ayant  consulté  vn  pour  apprendre  vne 
forme  de  vie  il  luy  fut  respondeu  quil  nauoit  qu'a  prendre  la  nature  pour 
guide  (e)  et  pour  directrice.  Paul  dict  la  mesme  chose  (2)  (E),  escriuant  aux 

(2)  Ad  Rom.,  c.  1. 


[y)  MDTESD  antrum  Trophonium.  P  Trophonise,  incorrect,  iï  Trophonii.  —  (z)  MDPGB 
obtreclalione.  N  oblreclationibus.  —  la)  l'G  omellenl  œlemi.  —  [b]  MDXB  posleritati  relique- 
runt.  l'G  poste/  ilalem  ('?).  —  (c)  MNB  hauserunt  et  expresserunl.  I)  hauserant  et  expresserant. 
—  (d)  MDNB  confit'inatum.  PG  firmatum.  —  (e)  Nomet  ducem. 

(A)  Non  pas,  mais  :  j'ai  ouï  dire  qu'autrefois  ceux...  MD  audivi  quondam  eos,  etc.  permet  les 
deux  traductions,  mais  quondam  retombe  évidemment  sur  les  consultants  de  Trophonius.  —  Sur 
l'antre  de  Trophonius,  cf.  les  références,  p.  258,  note  E  :  elles  montreront  qu'une  fois  de  plus 
Bodin  sollicite  les  textes. 

(B)  Faux-sens.  MD  vem  teneo,  je  possède  l'essentiel,  la  réalité  (par  opposition  aux  chimériques 
accusations  des  ennemis  de  ma  religion). 

(G)  Ici  la  discussion  semble  tourner  court,  et  revenir  à  la  louange,  déjà  entonnée  pp.  2C6-271, 
de  la  religion  naturelle.  Je  ne  le  crois  pas.  Après  avoir  exposé  dans  le  détail  le  cérémonial  de 
chaque  religion,  les  interlocuteurs  se  sont  égarés  quelque  temps  autour  du  mahomélisme,  attaqué 
et  défendu.  Après  cette  digression,  ils  reviennent  à  leur  sujet,  le  cérémonial;  et  la  fin  de  ce  livre 
va  montrer  que,  variables,  et  souvent  d'ailleurs  empruntés  d'une  religion  à  l'autre,  non  essentiels 
à  la  vraie  religion,  les  rites  sont  des  moyens  que  toutes  les  religions  ont  employés  pour  attirer  à 
elles  les  âmes  médiocres,  incapables  de  contempler  en  sa  nudité  la  pure  notion  de  Dieu.  Enfin 
les  toutes  dernières  pages  seront  de  nouveau  consacrées  à  discuter  le  mahomélisme.  Il  y  a  là  bien 
du  désordre,  dira-t-on?  C'est,  pour  Bodin,  de  la  composition. 

(D)  Cf.  le  même  effet  oratoire,  p.  283  et  la  note  C. 

(E)  Référence  erronée.  On  pourrait  lire  plutôt  :  ad  Rom.,  2;  et  encore  ce  ne  serait  pas  là  une 


112  JEAN    BODIN 

Romains  (/)  non  point  en  termes  ambigus  ny  obscurs  mais  clairement  et  dis- 
tinctement :  les  peuples  dict-il  qui  nont  point  de  loy  suiuant  celle  de  la  nature 
ne  laissent  pas  de  viure  dans  linnocence,  pur  ce  que  [334]  encores  quils 
nayent  (g)  aucune  loy  escrite  ils  ne  laissent  pas  de  porter  partout  empreinte 
dans  leur  esprit  (h)  les  edicts  et  les  tesmoignages  de  leurs  consciences.  Par  les- 
quels termes  il  enseigne  que  la  bonne  et  droicte  intention  auec  la  loy  naturelle 
suffit  a  l'homme  pour  son  salut  Ce  questant  ainsy  a  quoi  bon  tant  de  céré- 
monies et  de  superstitions  (i)  auxquelles  sobligent  les  chrestiens  les  iuifs  les 
mahometans  &  et  les  idolâtres?  Puisque  iestime  que  cest  la  plus  ancienne  & 
la  meilleure  de  touttes  (A). 

Ce  que  Toralbe  ayant  décidé  en  peu  de  mots  chacun  se  regardoit  sans  parler, 
par  ce  que  iusques  la  (y)  personne  ne  sestoit  encor  beaucoup  ouuert  touchant 
les  sentiments  (k)  de  la  religion  horsmis  Salomon  qui  estimoit  auoir  l'aucto- 
rité  publique  (B)  de  son  costé  (/)  :  aussy  reprit  il  la  parole  le  premier  & 
dict  : 

Ma  créance,  Toralbe,  est  entièrement  conforme  a  la  vostre  assauoir  que 
touttes  les  choses  nécessaires  au  salut  sont  contenues  touttes  dans  les  loix  de 
la  nature  suyuant  lesquelles  ont  vescu  Abel,  Hanoch  (m),  Noé  (n),  Abraham, 
lob,  Isaac  et  Iacob  (C),  tous  lesquels  par  le  tesmoignage  mesme  de  Dieu  (o) 
(qui  est  le  plus  solennel  et  le  plus  auguste  que  nous  puissions  nous  imaginer) 
ont  esté  déclarez  personnages  douez  (p)  dune  extrême  pielé  et  d'une  intégrité 
exemplaire.  Car  ce  nest  pas  que  la  circoncision  qui  a  esté  imposée  (q)  a 
Abraham  pour  vne  marque  dalliance  (/•)  (D)  luy  ayt  esté  commandée  pour  estre 


(f)  MDN  ad  Romanos.  B  ad  Romanus,  négligence.  —  (g)  DNB  (tametsi)  habent.  M  habeant- 
—  (h)  MDNB  menlibus  suis.  PG  suis  mentibus.  —  (i)  NB  omellent  ac  superslilionibus.  — 
(j)  MDPG  eatenus.  NB  hac tenus.  —  {k)  MDPGB  quid  quisque  senliret.  N  quod  quisque  sen- 
liret  (incorrecl).  —  (l)  MDNB  publica  aulhoritate  frelum.  Leyser  victum  (contresens).  — 
(m)  MDPG  Hanochum.  NB  Henochum.  —  {n)  MDPG  Noemum.  NB  Noachum.  —  (o)  MDNB 
ipsius  immortalis  Dei  testimonio.  PG  immortalis  Dei  ipsius  lestimonio.  —  (p)  MDN  (integri- 
lalis  laudem)  adeplos.  B  ajoute  novimus,  oiseux.  — (q)  DNB  data  est.  M  elala  est.  —  (r)  PG 
ometlenl,  à  tort,   fœderis. 

citation  lexluelle,  mais,  comme  il  arrive  à  Bodin,  l'impression  résumée  d'une  lecture.  S.  Paul, 
ad  Rom.,  2,  3,  4  (cf.  ad  Galat.,  4),  combat  le  formalisme  pharisien,  et  déclare  que  ce  n'est  pas 
tant  l'observation  sèche  et  extérieure  de  la  loi  qui  fera  notre  salut,  mais  la  foi  et  la  conversion 
intérieure.  El  ainsi  les  juifs,  stricts  observateurs  de  la  loi,  mais  qui  n'auront  ni  foi  ni  œuvres, 
seront  damnés,  et  les  gentils  qui  auront  eu  la  foi  et  les  œuvres  sans  connaître  la  loi  seront 
sauvés.  Voici  quelques  versets  qui  peuvent  faire  songer  à  VUept.  :  «  Lors  donc  que  les  gen- 
»  lils  qui  n'ont  point  la  loi  font  naturellement  les  choses  que  la  loi  commande,  n'ayant  point  la 
»  loi,  ils  se  tiennent  à  eux-mêmes  lieu  de  loi,  —  faisant  voir  que  ce  qui  est  prescrit  par  la  loi  est 
»  écrit  dans  leur  cœur,  comme  leur  conscience  en  rend  témoignage  par  la  diversité  des  réflexions 
»  et  des  pensées  qui  les  accusent  ou  qui  les  défendent  ».  Ad  Rom.,  2,  14  sq. 

(A)  La  religion  naturelle.  MD  Hanc  enim  religionem. 

(B)  MD  Salomonem,  publica  auctoritate  frelum.  Entendez  par  là  le  poids  que  donne  à  ses 
opinions  le  fait  qu'il  représente  la  religion  la  plus  ancienne,  mère  des  autres  religions.  Catho- 
liques, protestants,  mahometans  sont  forcément  d'accord  avec  lui  sur  un  grand  nombre  de  points, 
communs  à  la  religion  juive  et  à  la  leur. 

(G)  MD  quos  viros!  omis.  Même  mouvement  dans  la  Lettre  à  Baulru  (1563?).  Sur  cette  idée, 
véritable  refrain  dans  YHepl.,  cf.  p.  270,  note. 
(D)  Genèse,  17,  10;  Deut.,  10,  16  et  30,  6,  etc. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  113 

nécessaire  a  salut,  mais  seulement  pour  estre  distingué  des  autres  nations 
comme  vn  peuple  choisy  de  Dieu.  Et  il  me  semble  quil  entendoit  parler  de  la 
loy  naturelle  quand  il  a  dict  dans  la  Genèse  (3),  Touttes  les  nations  dans  la 
semence  d'Abraham  (s)  auront  ma  bénédiction  [335]  par  ce  quil  a  obey  a  ma 
voix  et  na  iamais  transgressé  mes  loix  ny  mes  (/)  commandements  :  et  (u)  la 
boy  na  esté  donnée  a  (A)  Moyse  que  quatre  cens  trente  (u)  ans  après  (B). 
Touttes  les  autres  choses  presque  (a?)  qui  concernent  la  politique  (y)  ecclé- 
siastique ou  la  iudicalure  ont  esté  abolies  par  la  destruction  du  temple  de 
Dieu  et  la  ruyne  de  la  Republique  des  Iuifs.  Car  au  Deuleronome  (4)  il  nous 
est  estroictement  deffendu  (z)  dimmoier  des  bestes  ailleurs  que  dans  le  lieu 
que  Dieu  luy  mesme  auoit  particulièrement  designé  pour  cet  effect  :  cest 
pourquoy  nous  ne  suyuons  (a)  présentement  que  le  decalogue  la  circoncision 
et  Faigneau  paschal  pour  mémoire  éternelle  des  biens  que  Dieu  nous  faict 
iournellement.  Ce  nest  pas  que  ie  ne  croye  qu'il  ny  peut  auoir  (C)  de  religion 

(3)  Cap.  26  (D).  —  (4)  Cap.  4,  5  et  seq.  (E). 


(s)  MDN  Abrahami.  B  Abrahse.  —  (t)  PG  ometlent  meas.  —  (u)  MDPGB  at  lex.  N alque 
lex.  —  (y)  G  omet  et  tricesimo.  —  [x]  MDTEPG  caetera  fere.  NB  caetera  vero.  —  (y)  DNB  quae 
legibus{M  legimus,  inadvertance)  ritualibus  ac  judiciariis  continebantur.  —  (3)  MDNB  prohi- 
bemur.  PG  prohibelur.  —  (a)  MDNB  a  nobis  usurpatur.  PG  usurpantur. 

(A)  MD  at  lex  a  Mose  nulla  lala  est  nisi  430  m"  post  anno,  -=  or  la  loi  n'a  été  apportée  par 
Moïse  que  430  ans  plus  tard  (suppléez  :  donc  quand  Abraham  parle  de  la  loi,  ce  ne  peut  être 
que  de  la  loi  naturelle).  Mais  B,  l'aute  d'avoir  traduit  at,  et  d'avoir  exactement  traduit  a  Mose,  ne 
permet  pas  de  saisir  la  suite  des  idées. 

(B)  Dans  tout  ce  passage,  Salomon  s'inspire  de  S.  Paul.  «  Ce  n'est  pas  que  la  circoncision  ne 
»  soit  utile,  si  vous  accomplissez  la  loi  ;  mais  si  vous  la  violez,  tout  circoncis  que  vous  êtes,  vous 
»  devenez  un  homme  incirconcis...  Car  le  vrai  Juif  n'est  pas  celui  qui  l'est  au  dehors  ;  et  la  véri- 
»  table  circoncision  n'est  pas  celle  de  la  chair,  et  qui  n'est  qu'extérieure  ».  Ad  Rom.,  2,  25  et  28. 
(Cf.  Philon,  De  ceux  qui  offrent  les  hosties  aux  sacrifices,  Irad.  Bellier,  p.  747.  Bodin  a  lu  et 
imité  ce  traité,  voy.  infra,  p.  597).  —  Et  encore  :  «  Sachez  donc  que  ceux  qui  s'appuient  sur  la 
»  foi  sont  les  vrais  enfants  d'Abraham.  Aussi  Dieu,  dans  l'Ecriture,  prévoyant  qu'il  justifierait  les 
»  nations  par  la  foi,  l'a  annoncé  par  avance  à  Abraham,  en  lui  disant  :  Toutes  les  nations  de  la 
»  terre  seront  bénies  en  vous...  Ce  que  je  veux  donc  dire  est  que  Dieu  ayant  fait  un  testament  en 
»  bonne  forme  en  faveur  de  J.G.,  la  loi  qui  n'a  été  donnée  que  430  ans  après  n'a  pu  le  rendre 
»  nul  ».  Ad  Galat.,  3,  7  8  et  17.  Celte  fois  Salomon  ne  prend  pas  à  son  compte  la  pensée  de 
S.  Paul,  il  lui  emprunte  seulement  le  cadre  où  il  interprétera  à  sa  façon  la  fameuse  bénédiction 
sur  la  postérité  d'Abraham. —  En  tous  cas  :  1°  Salomon,  ce  Juif,  en  le  nommant  ou  non,  consent 
à  s'inspirer  de  l'apôtre;  2°  plus  généralement, il  est  aussi  hostile  que  possible  au  pharisaïsme.  On 
va  le  voir,  il  considère  les  rites  les  plus  sacrés  de  sa  religion  comme  des  expédients  exigés  par 
la  corruption  invétérée  (cf.  p.  272)  ou  la  médiocrité  morale  des  fidèles,  conçoit  dans  l'idéal  leur 
suppression  totale,  et  par  là  se  rapproche  de  Toralba,  sans  doute  aussi  de  Bodin.  Cf.  p.  341, 
note  C. 

(C)  MD  Sic  enim  persuasum  fiabeo,  nullam  omnino  religionem  sine  ritibus  ac  cœremoniis 
solemnibus  existere  posse,  =  ma  conviction  est  qu'une  religion  ne  peut  guère  se  passer  de 
cérémonial. 

(D)  Genèse,  26,  4-5. 

(E)  Références  erronées.  —  Bodin  avait  déjà  dit,  p.  273  :  «  Mais  pour  marque  que  Dieu  ne  se 
»  plaisoil  point  aux  sacrifices,  c'est  qu'il  deffendil  qu'on  ne  luy  immolasl  aucun  animal  en  autre 
»  lieu  que  celluy  qu'il  auoit  choisi  pour  cet  effect...  Et  ce  ne  fut  que  par  sa  bonté  et  sa  prouidence 
»  que  Vespasian  l'empereur  fit  brasier  le  temple  de  Hyerusalem,  ou  il  estoit  permis  de  sacrifier 
»  des  bestes  et  non  ailleurs  ».  El  il  donne  là  les  vraies  références.  Deut.,  14  [23,  24,  25];  15  [20]  ; 
16  [2  et  16]. 

Chauviré  8 


114  JEAN    BODIN 

sans  cérémonies  (b)  et  ieslime  que  l'Eglise  romaine  na  (c)  point  de  meilleur 
secret  pour  conseruer  sa  durée  que  cette  quantité  (d)  de  cérémonies  diuerses 
dont  elle  faict  vsage,  celle  pompe  d'habits  et  ces  meubles  superbes  dont  elle 
embellit  les  temples  (A)  lesquels  attachent  (e)  le  peuple  comme  a  des  specta- 
cles (f)  et  ieux  publics.  Car  pourquoy  (g)  Dieu  eust  il  faict  l'habit  d'Aaron 
nostre  souuerain  preslre  si  vénérable  (h)  ou  bien  pourquoy  eust  il  commandé 
lant  de  sortes  de  sacrifices  et  de  se  Iauer  (B)  si  souuent  (i)  pour  expier  ses 
péchez  s'il  (j)  eust  vu  que  les  esprits  de  la  grossière  et  ignorante  populace 
eussent  peu  sattacher  a  la  religion  par  des  moyens  plus  commodes?Quoy  que 
l'Eglise  romaine  ayt  emprunté  beaucoup  de  cérémonies  des  Iuifs  ils  ont 
neantmoins  tiré  la  pluspart  de  celles  quils  mettent  en  vsage  des  anciens  (k) 
Grecs  [336]  et  Romains  (C)  :  comme  les  peaux  des  victimes  dont  les  sacrifi- 
cateurs couuroient  (/)  leurs  testes,  les  chanoines  de  leglise  romaine  ne  sen 
seruent  ils  pas  (m)  ainsy  que  des  tonsures  du  sommet  de  la  teste  (D)?  Et  le 
congé  que  Ion  donne  au  peuple  par  Vite  missa  est  (5)  nest  il  pas  emprunlé  des 

(5)  Cum  dicitur  :  Ite  missa  est. 


(6)  MDI'G  caeremoniis  solemnibus.  NB  ometlenl  solemnibus.  —  (c)  MDPG  nec,  opinor, 
ullurn  majus  arcunum  ha  bel  religio  romana...  NB  ...  habere  religionem  romanam.  — 
(d)  MDI'G  lanlam,  quanta  cogitari  potest,  multitudinem.  NB  cogilare,  l'aule.  — (e)  MDPGB 
relinet.  Nretineal.  —  (f)  MDPGB  spectaculo  admirabili.  N  admirabile  (faute).  —  [g)  MDPGB 
ad  quid.  N  ad  qnod  (incorrect).  —  {h)  MDPGB  augusta  quadam  (N  quidem)  specie  venerabi- 
lem.  —  (i)  MDPG  tam  exquisilas  loliones.  NB  tôt.  —  (/)  MDPGN  si  (B  niai)  plebis  imperitie 
mentes  culla  religionis  obligari  commodius  arbilraretur.  Conjecture  :  cullui,  que  traduit  /{.  — 
(k)  PG  omettent  veteribus.  —  (l)  MDI'G  obvolvebant.  NB  obvelabanl.  —  (m)  MDPGB  uturpari 
videamus.  N  videmus. 

f  A)  MD  riluum  ac  cœremoniarum  lanlam,  quanta  cogitari  potest,  multitudinem  ac  varie  ta- 
tem,  tum  suavissimam  canlicorum  ac  organorum,  lum  eliam  vestium  ac  suppelleclilis  sacrée 
ac  preliosie  pompam.  R  abrège  fâcheusement. 

(B)  Exod.,  39  sqq.  Léviliq.  en  entier. 

(G)  Cf.  le  même  thème  dans  Calvin  :  «  Ainsi  les  sacrificateurs  de  la  grande  Cybèle  ont  introduit 
»  la  superstition  de  vivre  sans  se  marier;  les  nonnains  et  moinesses  ont  esté  substituées  en  la 
»  place  des  Vestales;  le  temple  ou  la  leste  de  Toussaincls  a  succédé  au  temple  de  tous  les 
»  Dieux;  en  lieu  des  cérémonies  anciennes  on  en  a  introduit  d'autres  bien  fort  approchantes 
»  des  premières;  finalement  on  a  introduit  une  grande  troupe  de  Dieux  &  a-L-ou  pensé  qu'ils 
»  seroienl  légitimes  s'ils  estoient  masqués  de  ces  beaux  titres  de  saincts  ».  Comment,  sur  les 
Actes,  XIV,  15,  Paris,  Meyrueis,  1854,  in-8,  p.  722  sq. 

(D)  R  mêle  deux  choses,  très  distinctes  dans  M  pelles  hostiarum,  quibus  ip.si  saci'ifici  caput 
obvolvebant,  a  Canonicis  usurpari  videamus:  et  abrasiones  verticis  jam  inde  ab  Iside,  qu:e 
Osiridis  audita  morte  caput  una  cum  ejus  sacerdotibus  abrasit,  forsilan  originem  traxerunt. 
L'aumusse  des  chanoines  (primitivement  c'était  un  bonnet  de  peau  d'agneau)  lui  rappelle,  je 
pense,  une  vieille  tradition  juive  :  les  sacrificateurs  recevaient  la  peau  des  victimes.  Cf.  Philon, 
Quels  sont  les  loyers  des  sacrificateurs,  trad.  Bellier.  p.  702.  —  Pour  faire  remonter  l'usage  de 
la  tonsure  au  culte  d'Isis,  Bodin  s'appuie  sur  Plularque,  De  Isis  et  Osiris,  2,  8.  Mais  Epiphane, 
Adversus  Hœres.,  lib.  3,  t.  2,  haeres.  80,  §  G,  voit  l'origine  de  la  tonsure  dans  l'ordre  de  S.  Paul, 
1  Cor.,  2,  14  :  «  La  nature  ne  vous  enseigne-l-elle  pas  qu'il  serait  honteux  à  un  homme  de  laisser 
»  croître  ses  cheveux?  •>  Et  Migne,  citant  le  canon  0"  du  concile  de  Rouen  (1096),  qui  ordonne 
aux  hommes  d'avoir  les  cheveux  ras,  pense  que  par  là  on  voulait  distinguer  le  chrétien  civilisé 
du  barbare  païen.  Dict.  Ihéol.,  t.  8,  col.  1197. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  llo 

cérémonies  (Tlsis  et  d'Osyris  (n)  a  la  lin  des  sacrifices,  que  les  Grecs  appel- 
aient toù  OY^.Qu  (o)  àcpésEiî  (A)  ?  Puis  les  eaux  lustrales  (B),  les  chants,  les 
restes  (C)  des  hosties  (p)  que  les  prestres  après  en  estre  rassasiez  iettoient 
dans  le  feu  (6),  ces  apparitions  de  Dieu,  ces  ciuieres  a  col,  les  pains  bénits,  les 
danses  et  les  coussinets  (</)  ou  aureillers  dont  on  se  sert  sur  les  autels  ou 
pour  mettre  soubs  les  reliques  (D). 

Guhce.  —  Cette  pompe  de  leglise  romaine  sent  mieux  ces  ieux  de  Iheatre  et 
ces  spectacles  des  anciens  (r)  qu'vne  véritable  deuolion  qui  est  ennemye  du 
fard  et  doibt  auoir  en  horreur  touttes  sortes  de  desguisement  ny  ayant  rien 
de  plus  trompeur  que  lapparence  extérieure  (s)  comme  les  marchandises  lus- 
trées, les  murailles  peintes  et  les  visages  fardez.  Et  tout  de  mesmes  que  ces 
poissons  que  les  Latins  appellent  lulis  (/)  (E)  et  le  Tygre  ont  les  plus  belles 
peaux  et  les  mieux  diuersifiées  de  couleurs  de  tous  les  animaux  dont  ils  (u) 
sont  les  plus  féroces,  ainsy  en  est  il  des  religions  qui  sappuient  (F)  sur  les 
cérémonies  et  les  pompes  extérieures. 

6    Proteruiam  faciebantqui  reliquias  hostiarum  iam  saturi  flammis  consu- 
mebant,  vt  etiam  legediuina  iubetur  de  Agni  paschalis  reliquiis,  Exodi  c.  12. 


(n)  MNB  et  abrasiones  verticis  jam  inde  ah  Iside,  quae  Osiridis  [audita  morte  capnl  (PG 
oineltent  caput)  una  cum  ejus  sacerdotibus  abrusit,  forsitan  ortginem  traxerunt,  lum  etiam] 
populi  dimissiones .  DA  omettent  les  mots  entre  crochets.  —  (o)  Leyser  o^ovou,  barbare.  — 
(p)  li  omet  prolervix.  —  'q)  MD\B  pulvinaria.  Leyser  pluvinaria,  barbare.  —  /  ;  DNB  velerum 
payanoru>n.  M  veteram.  barbare.  —  (s)  MDNB  [fallacius]  quam  quod  (PG  est  [?])  exterias  spe- 
ciosum  apparel.  —  il)  MON  lulis  (correct  :  cf.  Pline).  B  Tulis.  —  (u)  MUPG  utroque  ani- 
mante. NB  ulraque,  incorrect. 

(A)  «  Par  Vile  missa  est  »,  interpolation  de  R.  Où  Bodin  a-t-il  pris  l'expression  tou  ot^u-ou 
àcp£<7Eiç?  Il  indique,  supra,  II,  p.  28,  comme  source  Apulée.  C'est  en  vain  que  j'ai  voulu  vérifier 
la  référence. 

(B)  La  Grande  Enct/clopé'/ie  voit  l'origine  de  l'eau  bénite  dans  la  purification  des  mains  par 
l'eau  avant  tout  acte  religieux  chez  les  Égyptiens,  les  Grecs,  les  Romains  et  les  Juifs  [Exod., 
30,  18-21  ;  Num.,  19,9). 

(C  MD  chori,  proterviie,  =  les  chants,  lesprolerviv.  B  die schamlosen  Ti'tnze,  contresens.  On 
appelle  protervia  ou  sacrificium  proterviam  tout  sacrifice  offert  en  vue  d'un  départ.  »  In  eo  mos 
«  eral,  ut  si  quia  ex  epulis  superfuissel,  igné  consumerelur  ».  Macrob.,  Saturnal.,  2,2  (éd.  Came- 
rarius,  Basileae,  I.  Hervagius,  1535,  in-fol.). 

D  MD  thensse,  fercula,  saltationes  ac  pulvinaria  deorum.  Thensw.  civières  où  l'on  prome- 
nait les  images  des  dieux;  fercula.  brancards  de  ces  civières.  Saltationes,  danses  religieuses 
que  Bodin  compare  (cf.  infra,  p.  467  sqq.)  aux  évolutions  de  l'officiant  et  de  ses  aides  devant 
l'autel.  Pulvinaria,  coussins  où  l'on  portail  dieux  et  déesses  pendant  les  leclislernes  et  les  sellis- 
ternes.  R  commente  le  texte,  en  les  comparant  à  ceux  que  nous  mettons  sous  les  reliques.  — 
Ouanl  au  caractère  conjectural  de  ces  rapprochements,  il  m'apparaît,  pour  certains  exemples,  peu 
niable;  mais  l'important  n'est  pas  là;  il  est  dans  la  tendance,  révélée  en  Bodin,  à  réduire  la  pure 
religion  à  l'adoration  pure,  en  montrant  dans  les  cérémonies  des  emprunts  que  se  font  les  reli- 
gions les  unes  aux  autres  et,  en  particulier,  dans  les  cérémonies  chrétiennes  des  emprunts  au 
paganisme. 

(E)  Pline  l'ancien,  32,  94,  en  parle  d'après  Aristole,  Hist.  anlm.,  9,  2,  1. 

(F)  MD  lanlum  [nituntur],  =  qui  ne  s'appuient  que...  Nouvelle  atténuation  par  R  d'une  vive 
attaque  contre  la  religion  catholique  (cf.  pp.  308  et  309).  —  Cf.  Calvin  :  «  Ils  ont  un  amas  infini 
»  de  cérémonies  :  et  à  quel  propos  sinon  afin  que  pour  un  voile  du  temple  ancien  ils  en  mettent 
»  cent  en  avant?  Dieu  a  aboli  les  cérémonies  qu'il  avoit  ordonnées,  afin  que  la  vérité  de  l'Evan- 
»  gile  reluisist  plus  clairement.  Les  hommes  ont  esté  si  oulrecuidés  d'en  introduire  de  nouvelles, 
»  voire  sans  garder  mesure  quelconque...  Maintenant  puisqu'on  voit  clairement  que  telles  céré- 


116  JEAN   BODIN 

Salomon.  —  L'vne  (u)  certainement  ne  peut  se  passer  de  lautre  (x). 

Octale.  —  Les  mahometans  (A)  saccordent  en  tout  aux  sentimens  de  Toralbe 
et  sesloignent  fort  [y)  peu  de  ceux  de  Salomon.  Car  Mahomet  dans  son  Alco- 
ran  proteste  a  ses  peuples  quil  (z)  suit  exactement  la  loy  d'Abraham  et  quil 
ne  faict  profession  que  dadorer  vn  Dieu  seul  et  éternel,  détestant  toutte  appa- 
rence mesmes  didolatrie  inuitant  en  beaucoup  dendroils  (a)  a  auoir  compas- 
sion des  affligez  (B)  et  a  faire  iustice  a  chacun  (b).  Il  ny  a  que  cette  seule 
différence  (c)  que  Moyse  (d)  pour  recompense  a  ceux  qui  obserueront  sa  loy 
ne  dict  que  deux  mots  assauoir,  Obseruez  [337]  ce  que  ie  vous  dis  et  vous 
viurez  (C).  Mais  Mahomet  propose  vn  paradis  si  délicieux  (e)  que  par  ces  appas 
ces  attrais  et  ces  alleichemens  il  retient  chacun  bon  gré  mal  gré  (/)  dans  son 
debuoir  &  empesche  par  la  cruauté  des  chastimens  (g)  dont  il  menasse  les 
peruers  (D)  quils  ne  continuent  dans  leurs  crimes.  Nous  auons  quelques  céré- 
monies (h)  (E),  mais  point  dinutiles  (?'),  nulles  parades,  nulles  peintures  ny 
sculptures  qui  puissent  arrester  les  yeux  assés  pour  estre  distraicts  de  la 
méditation  des  choses  diuines,  nous  nous  lauons  (j)  très  souuent  le  corps  (F) 
a  fin  destre  aduertys  de  nous  deffaire  des  vices  qui  peuuent  souiller  nostre 
ame. 

Cokoni  (k)  (G).  —  Ceux  qui  accablent  le  peuple  par  vne  quantité  de  ceremo- 


(y)  MDPG  altéra  (se.  religio).  N  aller  (?).  B  allerum  (?).  —  (x)  MDN  altérais.  B  ullerius  (?). 
—  (y)  NB  omellenl  admodum.  —  (s)  MDB  conleslalur...  se...  profileri.  N  omet  se,  l'aule.  — 
(a)  MDB  benignilatem  adversus  tenues  infinitis  locis,  justifiant  in  omnes.  N  place  la  virgule 
après  tenues.  —  (b)  B  ajoule  ubique  inculcat,  oiseux.  —  (c)  MDN  hoc  lamen  intéresse  {B  in 
specie  [?])  pato.  —  (d)  MDN  legislalor  (B  quidem)  Hebrseorum.  —  (e)  MDN  voluplatum  fruen- 
darum.  B  voluplalem,  faute.  —  {/',  MDN  nolenles.  B  renilenles.  —  (g)  B  omet  suppliciorum 
immanium.  —  (h)  DXB  Bitiis  aulem.  M  item.  —  (i)  MDN  ac  necessarias  lantum  ceremonias, 
nullas  inutiles  habemus.  B  rilus  aulem  necessarios  tanlum,  ceremonias  nullas,  etc.  —  (j)  N 
lolionibus  etiam.  M DPGB  omellenl  etiam.  — t/c)  NLeyser   Toralba.   MDATEPGB  Coronseus. 

»  monies  ne  sont  ne  voiles  ne  sepulchres  par  lesquels  Christ  soit  couvert,  mais  pluslosl  fïenles 
»  puanles  par  lesquelles  la  pure  religion  et  la  vraie  foi  est  souillée  et  du  tout  enterrée;  ceux  qui 
»  meltent  l'usage  d'icelles  indifféremment  en  liberté  attribuent  beaucoup  plus  au  pape  que  Dieu 
»  n'ollroye  à  sa  loi  »,  etc.  Comment,  sur  les  Actes,  16,  3,  p.  764;  cf.  Sur  les  Actes,  15,  5. 

(A)  Octave  répète  en  partie  son  apologie  des  pages  310  sq.  :  s'y  reporter  pour  avoir  les  textes 
du  Coran  :  en  voici  d'autres.  —  Contre  l'idolâtrie  :  «  Dieu  ne  pardonnera  pas  qu'on  lui  associe 
"d'autres  dieux  »,  4,  51  ;  cf.  4,  116  et  9,  28,  et,  contre  les  chrétiens  idolâtres,  2,  107  à  112.  — 
Pour  la  charité  envers  les  humbles  :  «  Ceux  qui  feront  l'aumône  le  jour  ou  la  nuit,  en  secret 
»  ou  en  public,  en  recevront  la  récompense  de  Dieu  »,  2,  275.  Cf.  2,  273  sq.  et  17,  28. 

(B)  MD  benignilalem  adversus  tenues,  =  la  bonté  envers  les  humbles. 

(C)  Proverb.,  4,  4;  Deuter.,  30,  19,  etc. 

(D)  Délices  du  paradis,  Coran, 37, 38  sqq.  et  47;  55,  46-78;  56,14-39;  76,11-23.  Cf.  supra,  p.  329 
ad  fin.  —  Supplices  des  enfers,  exemple  :  «  Ceux  qui  refuseront  de  croire  à  nos  signes,  nous  les 
»  approcherons  du  feu  ardent.  Aussitôt  que  leur  peau  sera  consumée  par  le  feu,  nous  les  revêli- 
»  rons  d'une  autre,  pour  leur  faire  goûter  le  supplice  »,  4,  59.  Cf.  7,  36;  11,  120,  etc. 

(E)  Omission.  MD  necessarias  tantum.  Kasimirski,  o.  c,  p.  xxxn,  confirme  l'opinion  d'Octave. 

(F)  Voyez  eu  note,  p.  311,  le  passage  du  Coran,  5,  92,  qui  interdit  les  images;  et  p.  329,  ceux 
(5,  8  et  9;  2,  46)  qui  recommandent  les  ablutions. 

(C)  MD  Coronseus.  C'est  évidemment  le  catholique  Coroni  qui  prend  ici  la  défense  du  catholi- 
cisme, au  nom  seul  de  sou  ancienneté,  en  haine  et  défiance  des  nouveautés.  Ce  n'est  pas  non 
plus  à  Toralba,  adepte  de  la  religion  naturelle  qui  n'a  pas  besoin  d'intermédiaires  entre  la  cons- 
cience et  Dieu,  à  disserter  sur  la  condition  des  ministres. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  H  7 

nies  tournent  la  religion  en  superstition  mais  aussy  qui  les  retrancheroit 
touttes  ce  seroit  couper  (l)  la  religion  iusques  dans  sa  racine.  Ainsy  que  ce 
vigneron  qui  auoit  appris  de  son  voysin  que  pour  faire  pousser  sa  vigne  plus 
abondament  il  falloit  retrancher  (m)  tous  les  rameaux  superflus  la  tailla  si 
près  de  terre  quil  la  fit  mourir.  Le  mesme  arriue  til  a  ceux  qui  abandonnent 
la  loy  de  leurs  pères  par  ce  quelle  les  ennuyé  sçauoir  la  doctrine  de  leglise 
romaine  :  nous  verrons  quils  sennuyeront  bientost  de  la  nouuelle  [ri]  quils  ont 
embrassée  si  ce  nest  que  faisan  resflexion  sur  la  nécessité  des  cérémonies 
et  sur  lesperance  des  recompenses  qui  leur  sont  promises  par  les  pontifes  et 
prestres  de  l'vne  &  l'autre  religion  ils  ne  choisissent  ce  qui  leur  plaist  de  lune 
&  de  lautre  pour  en  composer  vne  troisiesme(o)  (A).  Or  il  n'y  a  rien  que  la  loy 
de  Dieu  recommande  auec  plus  de  soin  que  de  payer  exactement  les  dixmes  (p) 
et  les  prémices  des  sacrifices.  Car  les  sages  parmy  les  Iuifs  ont  ainsi  parlé 
[338]  sçauoir  est  ce  que  ceux  la  nauront  point  de  fruicts,  verront  mourir 
leur  bestial  et  tomberont  dans  l'extrême  indigence  lesquels  frauderont  (q)  ce 
qui  est  deub  aux  prestres  et  ne  payeront  [r)  point  les  dixmes.  Portez,  dict 
Malachie  (7)  (s),  touttes  les  dixmes  dans  ma  maison  a  fin  que  ie  vous  fasse 
largesse  (/)  et  vous  verrez  que  iouuriray  (m)  les  fenestres  du  ciel  pour  respen- 
dre  (y)  sur  vous  mes  thresors  et  labondance  de  touttes  sortes  de  biens.  le 
deffendray  a  celuy  qui  deuore  (a?)  dendommager  vos  champs  et  de  les  rendre 

(7)  C.  3  (B). 


h  MDPG  revellunt.  NB  evellu/il.  —  [m)  MDTEf  a  vicino  superfl.ua  vilium  secanle  doclus. 
GNB  secare.  —  (h)  B  omet  brevi  quoque  novae  pigebil.  —  o)  MTEA  nisi  lum  rilibus  ac  csere- 
moniis  necessariis,  Lum  eliam  prsemiorum  {PG  omellent  ce  mol)  spe  majore  ponlificibus  ac 
sacerdolibus  (D  en  surcharge  :  a  pont ificibus  ac  sacerdolibus)  proposila,  optimum  ac  doclis- 
simum  quemque  retinere  conentur.  NB  nisi  cum  rilibus.  N  lum  eliam  prsemiorum  spe  majore 
ponlificibus  ac  sacerdolibus  proposila.  B  lum  eliam  prsemiorum  sue  majora  ponlificibus  ac 
sacerdolibus  proposila.  —  (p)  MDN  decintœ.  B  décima.  —  {q)  MUB  eripiunt.  N  eripiant. — 
(/•)  MDB  faciunl.N  faciant.  — (s)  MIJNB  inquit  Ueus  apud  prophetam,  PG  prophelas,  erreur. 
—  (/)  MDPGB  ul,  sit  unde  largilio  fieri  possil.  N  ut  subinde  largilio.  —  (m)  MDN  et  lentale 
me.  si  non  aperuero...  B  lentale  re  (faute).  —  (v)  ML)  impluam.  NB  i-npleam.  —  (x)  MD  devo- 
ratorem.  NB  devaslalorem  (erreur  :  cf.  Malachie). 

A  M  nisi  lum  rilibus  ac  cseremoniis  necessariis,  lum  eliam  prsemiorum  spe  majore  ponlifi- 
cibus ac  sacerdolibus  proposila,  optimum  ac  doctissinium  quemque  retinere  conentur.  Je  m'en 
liens  à  ce  texte,  —  la  surcharge  de  D  a  ponlificibus  m'est  inintelligible  —  et  j'entends  :  [Les  pro- 
testants, qui  se  sont  dégoûtés  de  l'ancienne  religion,  se  dégoûteront  vite  de  la  nouvelle],  à  moins 
que  [s.-ent.  :  pour  que  les  fidèles  n'abandonnent  pas  la  nouvelle  religion]  ils  n'y  retiennent 
l'élite  du  cœur  &  de  l'esprit  :  1°  par  les  cérémonies  indispensables  [s.-ent.  :  qu'ils  rétabliraient]; 
2°  une  situation  meilleure  offerte  aux  prêtres.  (Je  ne  crois  pas  que  ponlificibus  ac  sacerdolibus 
désigne  les  évêques  et  les  prêtres,  ce  qui  serait  forcément  une  allusion  à  la  hiérarchie  catholi- 
que, et  détruirait  mon  explication;  c'est  une  de  ces  redondances  d'expression  dont  le  xvie  siècle 
est  plein,  et  Bodin  entre  tous.  —  Quant  au  sens  de  recomvenses  matérielles,  à  donner  à  prse- 
miorum  spe  majore,  il  n'est  pas  douteux  pour  moi.  De  quoi  parle  le  contexte  qui  suit,  sinon  de 
l'entretien  des  prêtres"?  D'autre  part,  c'est  une  idée  familière  à  Bodin  que  :  ><  L'indignité,  mespris 
»  &  mendicité  des  minisires  faicl  mespriser  la  religion  ».  BépubL,  VI,  1,  p.  594.  —  Pour  R,  il 
doit  traduire  un  texte  où  se  trouvent  a  ponlificibus,  et,  à  la  place  de  quemque,  un  quodque  ;  de 
plus,  glosant  comme  à  l'habitude,  il  ajoute  :  «  pour  en  composer  vne  Iroisiesme  ». 
(B)  Malachie,  3,  10  sq. 


118  JEAN    BODIN 

infructueux.  Et  en  vérité  il  ny  a  point  de  secret  pareil  a  celluy  la  pour  deuenir 
riche  (A). 

Octale.  —  Les  Mahometans  (y)  ont  vn  soin  tout  particulier  denrichir  les 
pontifes  (s)  afin  de  ne  pas  rendre  (a)  leur  religion  mesprisable  par  la  pauureté 
de  leurs  prestres. 

Curce.  --  Mahomet  a  lil  eu  raison  de  repaislre  (B)  les  esprits  d'vne  igno- 
rante (b)  populace  de  mensonges  luy  qui  se  dict  Prophète  (8),  et  de  feindre 
que  sa  loy  luy  a  esté  dictée  par  lange  Gabriel  (G)?  Car  (c)  quand  il  a  dict  que 
Marie  mère  de  lesus  estoit  sœur  (d)  de  Moyse  et  d'Aaron  (D)  n'est  ce  pas  vn 
conte  denfant  puis  que  Marie  (e)  sœur  de  Moyse  estoit  morte  plus  de  deux  mil 
ans  auant  la  naissance  de  lesusdont  Marie  est  la  mère  (/")?  Quant  (g)  a  ce  que 
les  Musulmans  se  vanlent  de  nadorer  qu'vn  seul  Dieu  éternel  et  le  mesme 
quadoroit  Abraham  (E)  ne  voit  on  pas  quils  sen  escartent  puisque  souuent  ils 
confondent  &  meslent  ensemble  les  louanges  de  Dieu  et  celles  de  Mahomet  (F) 
dont  ils  vont  auec  grande  deuotion  visiter  (h)  le  sepulchre  ainsy  que  celluy  de 
Nafissa  [i)  (G)  et  comblent  lun  &  lautre  de  présents  et  doffrandes?  Y  a  til  (/) 
rien  de  plus  malheureux  (A)  que  de  veoir  que  Mahomet  ayt  atliré  a  sa  secte 
[339]  des  gens  vicieux  et  sensuels  soubs  promesse  de  leur  donner  de  quoy 

(8)  Hazora77,  7B,  27,  75,  42  (H). 


[>j)MD  musulmannis.  XB  muselmannis.  —  [z]  DNB  nique  Muhammedes  sapienter  providit. 
M  sapientior.  —  [a]  MPGNB  ne  sacerdotam  inopia  tifferat  contemptum.  I>  affermit  (?).  — 
(b)  MDPGB  imperitœ  plebis  animos.  X  imperitos.  —  (c)  MDl'GB  cum  enim.  X  aulem. — 
{d)  MDPGmatrem  Jesu  scripserit  esse.  NB  rnatrem  esse  Jesu  scripserit.  —  (e)  MDN Maria.  B 
Miriam.  —  If)  MDPGB  Maria  Chrisli  mater.  X  mater  Jesu.  —  (g)  MDX  quod  aulem.  B  sed 
quod.  —  [h)  MDPGB  adeunl.  X  adorant.  —  (i)  MDB  Nafissse  correct).  PU  Naphissse.  X  Nabis- 
sse.  —  (j)  MDB  quid  aulem.  X  enim.  —  [k)  MDN  f unes  tius.  B  fœdiiis. 

(A)  C'est  un  des  refrains  de  Bodin.  Cf.  Bép.,  VI,  2,  p.  625.  Si  bien  que  la  première  dépense 
que  Bodin  inscrit  au  budget  de  nos  rois,  c'est  l'aumône. 

(B)  MD  mendaciorum  ferculis  imperitœ  )>lebis  animos  inescare,  plus  coloré  encore. 

(G)  La  sourate  %,  1  à  5,  rapporte  les  paroles  de  Gabriel  à  Moïse  (lors  de  la  première  révélation 
de  janvier  611.  Cf.  Kasimirski,  o.  c,  p.  llj.  Voy.  aussi  Coran,  66,  4. 

(D)  «  O  Marie,  sœur  d'Aaron  »,  19,  2'.).  «  El  Marie,  fille  d'Imran  »,  66,  (Bibl.  76),  12.  Source 
possible:  Bicold,  Confulalio.\)  :  «  Quod  lex  Saracenorum  manifesta  conlineat  mendacia  ».§  8  de 
Virgine  Maria  :  «  Sed  inler  banc  Mariam  [sororem  Aaronj  et  beatam  V.  Mariam  rnatrem  J.-C. 
»  filii  Dei,  mille  quingenti  anni  inlercessere  ».  Bibl.,  o.  c,  t.  111,  col.  154. 

(E)  Cf.  pp.  310  note  G  et  336  . 

(F)  Allusion  à  la  formule  de  prit  re  :  <>  II  n'y  a  pas  d'autre  Dieu  que  Dieu,  et  Mahomet  est  le 
»  prophète  de  Dieu  ». 

(G)  Sources  possibles  :  1°  Mahomet.  «  Nam  magna  multitudo  de  secla  illa  annuatim  visitant 
»  memoriam  &  sepulcbruin  Mabumeti  ».  De  moribus,  religione,  conditianibus  et  nequitia  Tur- 
corum,  c.  13  (Bibl.,  t.  Il,  p.  l'.»j.  2°  Nalissa.  Issue  du  sang  d'Hali,  et  ses  parents  ayant  été  privés 
du  califat,  elle  se  réfugia  au  Caire,  où  elle  mourut  en  odeur  de  sainteté.  Son  tombeau  était  un 
lieu  de  pèlerinage,  Léon  d'Afrique  (1res  lu  de  Bodin  :  cf.  Bép.,  passim  ;  Method.,  Gatalog..  p.  459; 
Hept.,  IV,  p.  226  et  339),  De  l'Afrique,  VIII,  t.  2,  pp.  215  sqq. 

(H)  «  Oui,  répondront  les  damnés,  un  apôtre  [Mahomet]  parut  au  milieu  de  nous,  mais  nous 
»  l'avons  traité  d'imposteur  »,  67,  9  (Bibliander  77).  —  «  O  prophète!  »  66,  1  (Bibl.,  76).  —  «  O 
»  prophète!  »  65,  1  (Bibl.,  75).  —  «  C'est  la  voie  qu'ont  suivie  nos  apôtres  avant  toi  »  (ce  qui 
implique  que  Mahomet  aussi  est  un  apôtre),  17,  79  (Bibl.,  27).  —  «  Le  Coran  a  été  révélé  à 
»  Mahomet  par  Dieu  »,32,  1  et  2  (Bibl.,  42).  Toutefois  n'y  aurait-il  pas  ici  erreur  de  référence, 
et  ne  vaudrait-il  pas  mieux  lire  :  «  O  prophète  !  »  33,  1  (Bibl.,  43)? 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  119 

rassasier  leur  lubricité  (A)  après  cette  vie  ?  Et  qui  est  ce  qui  ne  croira  pas  quil 
soit  (/)  beau  &  honneste  de  pratiquer  cabas  en  terre  ce  qui  sera  lionneste  & 
permis  (m)  vn  iour  la  hault  dans  le  paradis  (B)?  Léon  l'AfFriquain  qui  de 
mahometan  quil  estoit  embrassa  la  religion  romaine  (n)  escript  dans  son 
troisiesme  liure  que  poursuiuant  vn  iour  vne  femme  de  sa  secte  (o)  dans  la 
ville  du  Caire  il  la  viola  (C)  en  présence  dun  grand  concours  de  peuple,  pour 
raison  de  quoy  (p)  les  babitants  respectèrent  les  habits  de  cette  (q)  femme 
comme  sils  eussent  (/■)  esté  sanctifiez  par  ce  stupre  et  les  touchants  du  bout 
des  doigts  les  baisoient.  Et  de  plus  que  le  mary  de  cette  malheureuse  non 
seulement  la  congratula  (s)  mais  aussi  son  adultère  et  en  fit  feste  &  festin  (/) 
auec  (u)  ses  amis.  Ce  qui  ne  doit  pas  sembler  estrange  puisque  Mabomet 
promet  de  ces  sortes  de  recompenses  aux  sectateurs  de  sa  loy  (9).  Que  si 
Pitagore  veut  qu'Homère  Orphée  &  Hésiode  (v)  soient  tourmentez  dans  les 
enfers,  attachez  a  des  arbres,  par  des  serpens  qui  les  rongent,  et  Platon  mes- 
mes  encor  bannit  Homère  de   (x)  sa  republique  (D),   parce  quiis  {y)  auoient 

(9)  Azoara  1  et  51  (E). 

(I)  MDN  ici  esse  in  terris,  quod.  B  supprime  esse.—  (m)  MDB  legislator  honestum  esse  censeat. 
Y  docuit.  —  (h)  MDN  qui,  Mahumedis  ejurata  religione,  Romanqm  amplexus  est.  B  Mahume- 
dis,  ejurata  religione  Bomana,  amplexus  est  (contraire  aux  faits).  —  (o)  M  scribit  se  quendam 
(N  supprime  se.  D  sequendam  ['?])  seclarium  Ibuni  Faridse  (N  lan  Farida,  erreur;.  B  scribit 
sequentem  historiam  :  quendam  sectarum  (barbare)  Ibufii-Faridse,  etc.  —  (p)  MDPG  post  com- 
plexum.  NB  amplexum.  —  (7)  MDPGB  illius.  V  istiui.  —  [r]  MDVB  quasi  divinitatem  adepta 
fuissent  [se.  veslimenla].  l'G  fuisset  [se.  mulier].  —  [s\  DSB  gratulalum  esse.  M  gratuitum, 
non-sens.  —  (/)  MDPGB  feslas  epulas.  N  ajoute  et  Itulos.  —  («)  .N'ajoute  cunctis.  —  (v)  MD\ 
Homerum,  Orpheum,  Hesiodum.  B  Hesiodus,  inadvertance.  —  'x)  MDPG  c  (NB  a)  sua  civitate. 
—  (,'/)  ^  quod  fi-nxissent.  MPGBN  finxisset. 

A)  «  Ils  auront  des  vierges  au  regard  modeste,  aux  grands  yeux  noirs,  et  semblables  par  leur 
»  teint  aux  œufs  d'autruche  cachés  avec  soin  »,  'M,  47  (Bibl.,  47).  VA.  56,  31-36;  55,  56-68  et  70- 
74.  Voyez  aussi  l'invective  de  Federich,  p.  328. 

(B)  K  est  inexact.  MD  quis  corruplor  publiais  non  sibi  persuadeal  pulchrum  ac  honestum 
id  esse  in  terris,  quod  in  paradiso  legislator  honestum  esse  censeat.  L'argument  pourrait  bien 
venir  à  Gurce  de  Ricold,  Confutatio,  8  :  «  Item  si  in  his  actionibus  {se.  illecebris  voluptatum) 
»  extrema  hominis  l'œlicUas  est,  sicut  Mahometus  palam  dicere  videtur,  cujus  gratia  nunc  oportet 
»  ab  his  contineri,  et  non  potins  die  ac  nocte  comedere  et  luxuriari,  ut  et  hic  l'œlices  esse  possi- 
»  mus?  ■>  Bibl.,  t.  III,  col.  150. 

(G)  M  [Léo  Afer]  scribit  se  quendam  {sequendam  de  D  me  semble  une  simple  élourderie) 
sectarium  Ibuni- Faridse  in  urbe  Cahira  publiée  mulierem  constup fasse,  inintelligible  Je  con- 
jecture qu'un  mot  tel  que  vidisse  est  tombé  aprc'S  se  ;  et  j'entends  :  Léon  écrit  qu'il  a  vu  un  secta- 
teur d'Ihnu-Farid  violer  un  jour  publiquement  une  femme  en  plein  Caire.  La  trad.  de  R  suppose 
se  quamdam  seclariam  Ibuni-Faridœ...  mulierem  constuprasse.  Le  bon  sens  l'avoue,  mais 
Léon  le  contredit,  qui  impute  le  viol  non  à  lui-même,  mais  au  disciple  d'Ibnu-Farid  {De  l'Afrique, 
III,  Autres  diverses  règles  et  sectes,  avec  les  opinions  superstitieuses  de  plusieurs,  t.  I,  p.  416;, 
comme  ma  conjecture,  ou  alors  N,  qui  supprime  se,  permettent  de  l'entendre.  —  Sur  Léon 
d'Afrique,  cf.  supra,  p.  226  note. 

(D)  Je  ne  sais  où  Bodin  a  pris  ce  jugement  de  Pythagore.  QuanL  à  Platon,  Bodin  songe  au 
fameux  passage  si  souvent  allégué,  Bépubl.,  3,  (.»  (éd.  H.  Eslienne,  t.  2,  p.  398  a). 

lE)  Références  fausses  Lisez,  à  la  place  de  az.  I,  Coran,  2,  23  (Bibl.  2)  :  <-  Là  ils  trouveront 
•>  des  femmes  exemptes  de  toutes  souillures  ».  —  Tout  ce  que  je  trouve  à  Bibl  ,  51,  c'est  l'annonce 
d'un  paradis  très  imprécis  :  «  Réjouissez- vous  du  paradis  qui  a  été  promis!  «  Kasim.  41,  30.  Il 
est  probable  que  des  erreurs  de  chiffres  se  sont  glissées  dans  les  mss.,  et  que  Bodin  songeait  aux 
sourates  55  ou  56  (Bibl.,  65  ou  66)  citées  supra. 


120  JEAN    BODIN 

faict  (A)  les  Dieux  capables  de  querelles  de  paillardise  de  stupres  de  meurtres 
&  dincestes,  a  quoy  bien  plus  iustement  (B)  doit  on  condamner  Mahomet 
qui  (z)  serige  (a)  en  Prophète  en  Législateur  en  Docteur  pour  la  pieté  et  en 
Reformateur  des  religions? 

Salomon.  —  Touttes  ces  choses  sont  non  seulement  honteuses  a  reciter 
mais  de  pernicieux  exemple  assauoir  de  promettre  aux  hommes  pour  recom- 
pense de  leur  vertu  et  de  leur  pieté  des  plaisirs  infâmes  de  beste  brûle.  Et 
cependant  [340j  il  a  trouué  des  gens  assez  simples  pour  se  laisser  infatuer  a 
ses  faulses  promesses  (b).  Dieu  (c)  tout  bon  et  tout  grand  ne  donne  pas  seule- 
ment ce  quil  promet  mais  il  va  bien  au  delà  [d)  de  nos  espérances  (e)  (C),  mais 
les  imposteurs  promettent  (/)  tousiours  plus  quils  ne  tiennent.  Quand  Dieu 
eut  aduerty  par  la  bouche  de  son  prophète  que  la  verge  de  celluy  quil  auoit 
choisy  pour  grand  prestre  [g)  prendroit  racine,  incontinent  après  cette  mesme 
verge  non  seulement  germa  en  terre  mais  aussy  porta  fleur  et  fruict  dans  le 
mesme  moment  (D)  :  aussy  quand  il  promet  (h)  la  terre  aux  obseruateurs  de 
sa  loy  il  leur  faict  encor  des  largesses  (i)  célestes,  de  mesmes  quand  il  les 
asseure  quils  viuront  ce  n'est  pas  seulement  de  la  vie  présente  mais  cest  de 
celle  qui  est.  a  venir,  beaucoup  plus  excellente  que  celle  cy.  Car  (j)  Onkelus 
interprète  chaldeen  (E)  explique  ainsy  cet  endroit  (4)  :  celluy  qui  obseruera 
mon  alliance  et  mes  iugemens  viura,  cest  a  dire  de  la  vie  éternelle.  Et  (/.)  ce 
qui  est  de  plus  pernicieux  cest  que  ceux  qui  sçauentbien  que  ces  recompenses 
de  plaisirs  charnels  ne  sont  que  des  fables  croyent  aussy  que  les  peines  dont 
on  menasse  les  impies  (/)  sont  pareillement  fabuleuses  et  de  celte  façon  tom- 
bent dans  vn  aueuglement  espouuantable. 

Octaue.  —  lay  tousiours  fort  estimé  les  sentimens  de  Platon  et  de  Xeno- 
phon  (F)  qui   veulent  quil  soit  permis  comme   il  a  tousiours   esté  (m)  aux 

(4)  Leuitici  c.  18.  Exodi  c.  20  et  31.  Deuteron.  c,  5.  Ezechielis  c.  20  (G). 


(z)  MD  qui  (NB  quod)  se  et  (N  supprime  et)  prophetam  el  legislatorem.  —  (a)  MDR  profi- 
teatur.  V  profitetur.  —  (6)  MDTEA  falsis  promiisis  imperitos  lactari,  PG  laclare  (seul  cor- 
rect). NB  traclare.  —  (c)  MDPG  cum  lamen  Deus.  NB  omettent  tamen.  —  (d)  MDPGB  mullo 
uberius.  N  liberalius.  —  (e)  MDN  quam  pollicëatur.  PGB  pollicetur.  —  (f\  MNB  promillunl. 
D  promittant.  —  (g)  MTEDAPG  virgam  illius,  quem  ad  ponlificalum  sibi  delegerat.  Leyser 
virgam  illius,  quem  ponl.ifi.cem.  NB  virgam  illius,  quam  ad  pontificem  (non-sens).  —  [h)  MDPGB 
cum  pollicetur.  N  polliceretur  —  [i]  MDPG  prsedia.  NB  prsemia.  —  (,/)  NB  omettent  enim.  — 
(k)  Nomet  eliam.  —  (/)  MTEI'G  supplicia  sceleribus  proposita.  Domet  à  tort  supplicia.  N  omet 
à  tort  sceleribus.  B  caetera  proposita  (?).  —  [m  MDNB  licere  ac  semper  licuisse.  PG  ometlent 
licere  ac. 

(A)  M  finxisset.  D  finxissent.  Et  parce  qu'ils  uuoient  faict.  RD  me  semblent  plus  plausibles  : 
les  trois  poètes  sont  coupables  de  ces  fictions.  A  noter  une  fois  encore  la  proximité  de  R  avecD. 

(B)  Inexact.  MD  quanlo  graviore  pœna,  =  à  quel  châtiment  plus  grief?.... 

(G)  Dieu  nous  récompense  au  delà  de  nos  mérites,  infra,  VI,  p.  G45  et  Déni.,  3,  4,  p.  360, 
avec  références. 

(D)  Nuni.,  17,  1-8. 

(E)  Cf.  p.  271  noteB. 

(F)  Le  passage  de  Platon  est  célèbre,  Répub.,  2,  21  (éd.  H.  Estienne,  t.  2,  p.  382  c).  —  Celui 
de  Xénophon  m'est  demeuré  inconnu,  <5c  cependant  ailleurs  encore  Bodin  associe  dans  la  même 
idée  son  nom  el  celui  de  Platon,  Bép.,  Il,  5,  p.  214  et  Démon.,  4,  1,  p.  422. 

(G)  «  Gardez  mes  commandements,  lesquels  faisant  l'homme  viura  en  iceux  ».  Levit.,  18,  5. 
«  Cheminez  en  la  voie  de  Dieu,  afin  que  vous  viuiez  ».  Deul.,5,  33.  «  Et  leur  monstray  mes  iuge- 
»  mens  que  si  l'homme  les  faict  il  viura  en  iceux  ».  Ezechiel,  20,  11.  Rien  à  Exod.,  20  ni  31. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  121 

magistrats  et  aux  médecins  de  mentir  qneJquesfois  (ainsy  qu'aux  nourices 
auec  les  nourissons;  aux  vus  pour  le  bien  et  la  santé  des  corps  cl  aux  autres 
pour  laduanlage  de  la  République  :  a  combien  plus  forte  raison  (n)  se  peu- 
uent  donc  seruir  du  mensonge  les  législateurs  qui  se  donnent  le  soucy  du 
salut  de  lame.  Bien  que  (A)  Mahomet  ayt  promis  dans  son  paradis  des  volup- 
tez  charnelles  a  ceux  qui  seroient  chastes  en  cette  vie,  laquelle  vertu  il  a  fort 
estimée  en  Marie  en  Zacharie  et  en  la  personne  de  Jean  (Bj  et  il  menasse  de 
feux  éternels  les  adultères  &  les  fornicateurs  .'i  ,  voit  on  pas  bien  quil  na 
escript  341  telles  choses  qua  tin  de  donner  a  entendre  que  ceux  qui  saban- 
donneroient  (o)  aux  attrais  des  salles  voluptez  //  nauroient  point  la  vie  éter- 
nelle, ainsy  quil  le  dict  clairement  (6)?  Mais  par  ce  que  les  peuples  du  midy 
sont  ceux  de.  toulle  la  terre  les  plus  enclins  aux  femmes  (7)  Mahomet  sest 
aduisé  de  telles  sortes  de  recompenses  (C)  pour  ramener  les  hommes  malgré 

(5)  Azoara  77  (q)  (D).  —(6)  Azoara   1,  6,  51  et  107  (r)  (E).  —  (7)  Liuius  de 
Numidis  [s).  Ptolemteus  in  quadripartito  (F). 


(»)  MUN  quanto  magis.  B  quanto  niajus  (faute).  —  [o]  MDPGB  manciparent.  .V  mancipas- 
sent.  —  (/))  MUN  turpium  [B  turpiter)  voluplatum.  —  (q)  MD  azoara  77.  Y  az.  76.  B  az.  73.  — 
[r   MD  az.  1,6,61  et  107.  N  az.  1,6,51et  117.  B  az.  6,50  et  US.— {s)  K  Livius  de  Manuliusi?.). 

(A)  Contresens,  qui  rompl  dans  R  la  marche  de  la  démonstration  d'Octave.  La  voici  :  Il  est 
permis  de  mentir  pour  sauver  les  âmes.  Accordons  du  moins  que  (MD  demus  certe)  sur  la  terre, 
sinon  dans  le  ciel,  Mahomet  a  commandé  la  chasteté.  Mais  qui  ne  voit  (MD  sed  quis  non  videl) 
que,  même  dans  le  ciel,  il  n'a  promis  aux  fidèles  la  volupté  qu'à  raison  du  tempérament  sensuel 
des  Orientaux  ? 

(B)  Chasteté  des  Mahométans  :  «  Sed  apud  Saracenos  ipsos  honorabilius  videtur  continere  ab 
«  his  [voluplatibus].  Ilabent  aulem  et  quosdam  viros  speculativos  et  continentes,  quos  maxime 
»  laudant  ».  Ricold,  Confulalio,  8  (Bibl.,  t.  III,  col.  150).  —  Chasteté  de  Marie  :  «  Seigneur, 
»  répondit  Marie,  comment  aurais-je  un  fils?  aucun  homme  ne  m'a  touchée  »,  Coran,  19,  20;  cf. 
3,  42  et  21,  91.  — De  Jean  :  «  Il  sera  grand,  chaste,  un  prophète  parmi  les  justes  »,  3,  3i;  cf.  19, 
14.  —  De  Zacharie  :  le  Coran  paile  seulement  de  son  impuissance. 

(C)  Que  Mahomet  ail  promis  aux  fidèles  du  Coran  les  récompenses  qui  pouvaient  leur  être  le 
plus  agréables,  c'est  l'évidence  même  :  cf.  Kasimisrki,  o.  c,  p.  xxxii.  El  Bodin  trouvait  cette 
idée  encore  dans  Bibliander,  t.  1,  p.  2.7,  Annotaliones  erndili  cujusdam  &  recenlioris  scrip- 
toris,  in  azoaram  66.  —  D'autre  part,  et  ceci  offre  un  intérêt  plus  général,  Octave  détend  à  pré- 
sent les  points  de  doctrine  les  plus  certainement  prêches  par  Mahomet  comme  des  expédients 
provisoires  :  c'est  exaclemenl  la  même  altitude  que  nous  avons  soulignée  dans  Salomon,  p  335. 
Et  si  Bodin  la  prête  à  des  personnages  différents,  de  religion  différente,  ne  peut-on  en  inférer 
que  c'est  la  sienne  propre  ?  qu'il  considère  les  rites  el  dogmes  spéciaux  de  chaque  conlession 
comme  des  étapes  nécessaires,  mais  que  l'humanité  franchira  un  jour,  pour  arriver  à  la  religion 
pure,  nue,  universelle? 

(D)  Erroné.  La  sourate  67  Bibl.  77)  décrit  les  tourments  de  l'enfer,  sans  en  menacer  les  adul- 
tères ou  les  fornicateurs.  Il  y  a  des  peines  civiles  contre  l'adultère  Coran, 24,  2)  ou  le  fornicaleur 
(4,19). 

E  Encore  des  citations  légères  :  dans  ces  sourates  Mahomet  ne  menace  que  les  infidèles  en 
général.  «  Dirige-nous  dans  le  sentier  droit,  non  pas  de  ceux  qui  ont  encouru  la  colère  ni  de  ceux 
»  qui  s'égarent  »,  Bibl.  :  infidelium),  1.  7.  «  Les  infidèles  seront  livrés  au  leu  »,  3,  102  Bibl.  6). 
«  Malheur  à  ceux  qui  nient  la  vie  future  »  (Bibl.  :  incredulis  .  41,  6  (Bibl.  51  .  «  Les  infidèles  et 
»  les  idolâtres  resteront  éternellement  dans  le  feu  de  la  géhenne  »,  98,  5  (Bibl.  108*. 

(F  «  Utestgenus  Numidarum  in  Venerem  preeceps  ».  Liv.,  30,  12,  18.  —  «  H  arum  quoque 
»  regionum  [Asie,  Inde,  Arabie,  Assyrie]  domini  sunt  Venus  et  Saturnus.  Quapropler  nalurae  has 
»  habilanlium  regiones  horum  duorum  dominorum  naluras  imitanlur.  Venerem  namque  veneran- 


122  JEAN    BODIN 

eux  dans  le  bon  chemin.  Or  sil  la  faict  pour  le  salut  des  âmes  (t)  en  quoy  a  il 
tant  (u)  failly  qu'on  ne  luy  puisse  pardonner?  Que  promettent  autre  chose  les 
chresliens  (y)  ou  de  quoy  a  faict  feste  Christ  mesme  que  dune  vie  abondante 
en  toutte  sorte  de  voluplez  (-a?)  a  ceux  qui  viuroient  dans  vne  vie  exempte  de 
reproche,  encores  que  les  gens  de  bien  et  les  sages  soient  (y)  bien  esloignez  de 
suiure  la  vertu  par  espoir  den  estre  recompensez,  elle  qui  porte  en  soy  (z)  sa 
recompense?  Et  celluy  la  ne  mérite  pas  (a)  beaucoup  de  louange  qui  ne 
faict  (b)  du  bien  que  pour  en  tirer  du  proffict.  Sans  nous  arrester  donc  dauan- 
tage  sur  les  recompenses  qui  sont  deubes  ;■  la  vertu,  sondez  touttes  (c)  les 
religions  vous  nen  trouuerez  aucune  (si  tant  est  quil  y  en  ayt  vne)  (d)  (A)  qui 
soit  plus  attachée  inséparablement  au  culte  du  vray  Dieu  et  plus  esloignée  de 
toutte  idolâtrie  tant  des  yeux  que  de  la  pensée  que  celle  de  Mahomet. 

Salomon.  —  Si  les  Musulmans  nadorent  qu'vn  seul  Dieu  et  non  point  plu- 
sieurs en  vn  ils  tiennent  cela  de  la  loy  diuine  car  (B)  il  n'eust  pas  esté  bien- 
séant a  Mahomet  soubs  prétexte  d'vne  loy  nouuelleO')  de  mesler  le  faulx  auec 
le  vray,  ce  qui  est  honteux  auec  ce  qui  est  honneste 

Octaue.  —  Leuenement  a  iustiffié  que  la  loy  de  Mahomet  estoit  nécessaire 
par  ce  qu'il  ne  pouuoit  pas  autrement  détromper  les  peuples  [342]  de  l'Asie  et 
de  l'Afrique  de  la  croyance  quils  auoient  conceue  que  Iupiter  &  le  Christ 
l'eussent  des  Dieux  (Cj  :  et  na  presché  sa  loy  que  pour  empescher  que   les 


(t)  MDPG  animos.  NB  animas.  —  (m)  MD  lam  peccavil.  NB  lum  peccavit.  —  (v)  MDPGTE  aut 
quid  aliud  [Chrisliani  pollicentur  ?  quid  aliud]  Christus  proposuil  quant...  NB  omettent  les 
mois  enlre  crochets.  —  (x)  MDPGIi  m  sempiternis  (N  aelernis)  voluptalibus. —  (y\  MDPG  sunt. 
NB  sint.  —  \z)  MDPG  virtus  per  se  ipsa.  NB  ipsam.  —  (a)  DTEB  nec  (N  ac,  absurde) 
magnopere  laudandus  (PG  mihi)  videatur  (M  videtur).  —  (b)  MD  facial.  NB  facit.  —  (c)  MON 
omnes  omnium  religiones.  PG  omettent  omnium. —  (rf)  MDN  si  ulla  est  usquam  (B  usquc, 
faute)  gentium.  —  (e)  MDPGR  nova  legis  specie.  N  novae,  que  traduit  Et. 

»  tur  et  accurate  observant  membra  generanlia  et  illa  pro  divinitatibus  habent  Sunl  hommes 
»  calidi,  qui  venereos  actus  exercent,  &  in  eis  plus  quam  oporleat  sollicilantur  ».  Quadriparti- 
tum,  2,  3,  Basile*,  I.  Hervagius,  1533,  in-fol.,  p.  211  (sur  Ptolémée,  cf.  irtfra,  p.  589).  Bodin 
reproduit  déjà  ce  passage,  Rép.,  V,  1.  p.  475. 

(A)  Vrai  non-sens  :  comment  en  trouver,  s'il  n'y  en  a  pas?  C'est  que  le  latin  est  incorrect,  et 
intelligible  au  prix  seulement  d'un  solécisme,  auquel  R  ne  s'est  pas  arrêté.  MD  omnes  omnium 
religiones  inquirite,  si  ulla  est  usquam  gentium.  Je  crois  qu'il  y  a  là  une  négligence,  par  galli- 
cisme; que  la  grammaire  exigerait  num...sit;  et  j'entends  :  cherchez  dans  toutes  les  aulres  reli- 
gions humaines  s'il  y  en  a  une  seule  plus  monothéiste  que  la  nôtre.  —  C'est  peut-être  pour  de 
telles  inadvertances  que  Crotius,  après  lecture  de  VHeptapl.,  incriminait  la  latinité  de  Bodin  : 
«  [Bodinum]  latinilale  utenlem  haud  plane  nilida  ».  Grotius,  Epistolae,  Amstelodami,  Blœu, 
1687,  in-fol.,  p.  127. 

(B)  Car  vient  à  contresens.  MD  nec.  Voici  la  suite  des  idées  :  Mahomet  emprunte  aux  Juifs 
tout  ce  qu'a  de  bon  le  Coran,  et  par  conséquent  (nec)  ce  fut  inconvenance  à  lui  de  mutiler,  falsi- 
fier les  livres  saints,  qui  sont  la  vérité  même. 

(C)  Passage  remarquable  :  il  apparaît  bien  cette  fois  que,  comme  nous  l'avions  senti  p.  341, 
Oclave  lui-même  ne  considère  l'islamisme  que  comme  un  degré  pour  arriver  à  la  pure  reli- 
gion naturelle.  —  Sur  Jupiter  et  le  Christ  :  Kasimirski,  Notice,  p.  X,  explique  qu'au  début  du 
vne  siècle,  les  Arabes  étaient  juifs,  chrétiens,  et  pour  la  plupart  idolâtres.  La  Kaaba,  très  accueil- 
lante aux  divinités  de  toule  sorle,  pourvu  qu'elles  ne  fussent  pas  exclusives,  pouvait  bien  con- 
tenir les  images  du  Christ  et  de  Jupiter,  enlre  les  360  idoles  que  Mahomet  fit  briser  à  la  prise  de 
la  Mecque  (Kasimirski,  ibid.,  p.  xxiu). 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  123 

peuples  ne  fondassent  plus  lesperance  de  leur  salut  (f)  sur  la  vie  de  lun  (g) 
&  sur  la  mort  de  lautre,  de  laquelle  mort  il  ne  demeure  pas  daccord  mais 
qu'il  a  esté  retiré  par  la  puissance  de  Dieu  des  mains  de  ses  ennemis  qui  le 
vouloient  faire  mourir  (A).  Et  sur  ces  fondemens  il  a  Irouué  (B)  deux  puissans 
appuys  pour  establir  sa  religion.  Premièrement  en  s'allirant  tous  les  esclaues 
soubs  promesse  de  liberté  quil  prometloit  a  tous  ceux  qui  suiuroient  sa  doc- 
trine (C).  Et  en  second  lieu  en  dépendant  de  disputer  sur  les  articles  de  sa  loy, 
mais  par  la  force  des  armes  &  par  la  crainte  des  supplices  il  a  contrainct  ceux 
qui  parloient  mal  de  sa  loy  de  la  suiure  Du  Cest  pourquoy  Homarus  son 
ambassadeur  (E)  ayant  composé  vue  prodigieuse  armée  dun  nombre  presque 
infiny  desclaues  il  deffit  en  battaille  tous  les  gouuerneurs  des  villes  et  les 
intendans  d'Arabye  Syrie  et  d'Egipte  et  en  peu  de  temps  subiuga  la  Caldée  et 
la  Perse  [h)  en  bruslant  tous  les  liures  des  payens  &  des  chrestiens.  Et  se 
seruit  de  son  secret  pour  gaigner  &  attirer  les  chrestiens  a  son  parly  dappeler 
Christ  prophète,  comme  aussy  les  luifs,  les  Arriens,  les  Nestoriens  (i)  &  les 
Sabelliens  en  niant  sa  diuinité  (F).  Car  lopinion  des  Mahometans  et  des 
Arriens  sur  ce  chef  a  seruy  aux  vns  &  aux  autres  de  fondement  a  la  religion. 
Car  les  vns  &  les  autres  croyent  bien  quil  est  fils  d'vne  vierge  mais  quil  est 
créature  (8),  laquelle  (j)  opinion  a  esté  confirmée  par  huicl   conciles  assem- 

(8)  Epiphanius  contra  Arrianos;  Hilarius,  libro  .'3  de  Trinitale  (G). 


(f)  MDPGB  spem  aut  prsesidia  salul.is.  .V  praesidium.  —  [g  MDN  in  illius  B  illi,  négli- 
gence) vita  aut  in  hu jus  (l'G  ejus)  morte.  —  [h]  DN  Persidis,  B  Persiae.  M  Prœsidis,  par  con- 
lusion  avec  prsesides  urbium,  qui  précède.  —  i  DNB  Neslorianos.  M  Neslorios,  incorrect.  — 
[j)  DNB  qnae  (sentenlia).  M  quia,  inadvertance. 

(A)  Cf.  p.  310,  noie  II. 

(B)  MD  his  jadis  fundamenlis,  duo  prsesidia  maxima  stabiliendae  religion is  mljecit,  = 
voilà  les  fondations  sur  lesquelles  il  a  construit  sa  religion;  puis  il  l'a  étayée  de  deux  puissants 
étais  (qui  vont  suivre). 

(C)  Au  siège  de  Taïf,  Mahomet  annonce  que  tout  esclave  qui  ferait  défection  el  passerait  aux 
Musulmans  serait  libre.  C'est  ce  que  lui  reprochait  Federich,  p.  328. 

(D)  Sur  l'interdiction  des  disputes  religieuses,  cf.  p.  242,  note  D.  —  Sur  l'obligation  faite  aux 
fidèles,  du  djiliad  ou  propagande  par  la  guerre  sainle  :  «  Combattez-les  fies  infidèles]  jusqu'à  ce 
»  que  vous  n'ayez  point  à  craindre  la  tentation  el  que  loul  culte  soit  celui  du  Dieu  unique  »,  2, 
190  (Bibl.  2,  t.  I,  p.  15).  CI'.  2,  215  (Bibl.  3,1.  1,  p.  17,,  et  3,  163  (Bibl.  6,  l.  I,  p.  28;. 

(E)  MD  Homarus,  Muhamedis  legatus,  =  Omar,  son  lieutenant.  —  Sur  Omar,  cf.  p.  226  noie  A. 
11  donna  l'ordre  à  Amrou  d'incendier  une  riche  bibliothèque  d'Alexandrie,  disant  que  le  Coran 
tenait  lieu  de  tous  les  livres.  —  Naguère  au  contraire,  Octave  vantait  la  tolérance  des  musul- 
mans, et  en  particulier  de  ce  même  Omar  (p.  226)  ;  mais  peul-on  lui  en  vouloir,  à  lui  seul,  de  ces 
conlradiclions  que  le  Coran  même  comporte,  s'il  recommande  la  guerre  sainle  et  en  même 
temps  interdit  la  contrainte  en  matière  de  religion    cf.  p.  226  noie  C)? 

F)  Arius  niait  la  divinité  de  .lésus;  Neslorius  voyail  en  lui  deux  personnes  distinctes  absolu- 
ment, l'une  divine,  l'autre  humaine,  dont  Marie  était  la  mère.  Sabellius,  lui,  voyail  dans  le  Père, 
le  Fils  el  le  Saint-Esprit  moins  des  personnes  distinctes  que  des  énergies  différentes  de  la  Trinité. 
On  conçoit  comment  Mahomet  pouvait,  dans  une  certaine  limile  (au  delà  de  laquelle  il  les  con- 
trariait), satisfaire  à  la  fois  ces  doctrines,  par  ailleurs  presque  opposiles.  Cf.  Ricold,  Confulatio, 
13  (Bibl.,  I.  III,  col.  166;  :  «  Et  quidem  Nesloriani  maxime  cum  Saracenis  conveniunt,  dicentes 
»  quod  Deus  non  esl  nalus  de  beata  Virgine,  sed  homo  J.-C.  ». 

(G)  Epiphane,  Adversus  hsereses,  2,  2,  haeresis  69,  34  (Migne,  l.  2,  col.  255).  —  Hilaire,  Ue 
Trinitale,  3,  8    -Migne,  t.  Il,  col.  80)  et  passim  :  dans  lout  le  i.  12,  Hilaire  montre  aux  Ariens, 


124  JEAN    BODIN 

blez  (k)  a  Tyr,  Sardes,  Smyrne,  Milan,  Seleucie,  Nycée,  Tharse,  J343]  mais 
principalement  par  celluy  d'Ariminie  ou  (l)  six  cens  euesques  (A)  dun  mesme 
esprit  et  dune  mesme  pensée  (m)  confirmèrent  (B)  que  Marie  nestoit  point 
mère  de  Dieu. 

Curce.  —  Sy  vne  multitude  dheretiques  assemblez  pour  cabaler  se  doibt 
appeller  concile  pourquoy  nappellera  ton  pas  les  assemblées  (n)  des  Epicuriens 
des  conciles  et  des  Eglises?  Cependant  (o)  les  iurisconsultes  ne  veulent  point 
souffrir  dassemblées  (p)  de  criminels  &  de  scélérats  (C)  :  a  plus  forte  raison 
les  assemblées  des  Nestoriens  des  Sabelliens  et  des  Arriens  qui  faisoient  des 
conjurations  contre  Dieu  doiuent  elles  estre  reiettées  du  nombre  des  conciles, 
puisquils  destruisent  (q)  le  chef  principal  de  la  foy  assauoir  la  diuinité  de 
lesus  Christ  et  lessence  (/•,  dun  Dieu  en  trois  personnes  (D)  reconneue  pur  vne 
infinité  dautres  conciles  el  particulièrement  par  celluy  de  Nice. 

Octaue.  —  L'antiquité  de  la  religion  chrestienne... 

Mais  Cohoni  voyant  qu'il  alloit  (s)  commencer  vn  grand  discours  i/)  et 
qu'vne  matière  de  cette  conséquence  demandoit  trop  de  temps  (E),  se  leuant 
de  son  siège,  Après  souper,  dict  il,  le  reste,  a  fin  qu'Octaue  ne  croye  pas  que 
Ion  veuille  luy  oster  la  liberté  de  respondre.  Puis  on  traictera  (u)  soubs  le  bon 
plaisir  de  la  compagnie  assauoir  sil  est  permis  a  vu  homme  de  bien  dauoir 
dautres  sentimens  touchant  la  religion  (v)  que  ceux  dont  il  faict  publiquement 


[k)Nocto  conciliis,  scilicet  (MDB  conciliis)  qux.  —  (l)  MDB  quae  (anlécédenl  :  concilia) 
...comprobarunt.  N  qua  (sujet  :  episcopi)  ...comprobarunt.  —  (m)  MD  Arianam  religionem 
comprobarnnl.  Clarius  {B  claruit  [?])  eliam  Nestor  [NB  Nestorius,  correct)  qui  Mariant  Dei 
malrem  esse  operle  negavit.  —  (n)  MUPGB  cœlus.  N  cœtui.  —  (o)  MDNB  at.  l'G  ac  (?).  — 
(p)  DNB  cotre.  N coiri,  barbare.  —  (q)  MNB  abrogaveri.nl.  B  abnegaverint.  —  (r)  MUNB  ac  trium 
personarum  in  unius  (PG  unica)  essenlii  trinitatem.  —  (s)  ML)  comparalum.  NB  parai  uni.  — 
(l)  MDB  ad  responsa.  N  ad  responsionem.  —  (m)  MON  disseretur.  B  disseratur.  —  (v)  MDPGB 
de  religionibus.  N  de  religione. 

qui  ne  peuvent  concevoir  que  le  Fils,  étant  né,  soit  en  même  temps  éternel,  que  c'est  là  un  mystère 
inconcevable.  Erasme  a  édité  Hilaire,  Bàle,  Froben,  1535,  in-fol. 

(A)  400  (et  non  600)  évêques  s'y  trouvèrent  (Sozomène,  4,  17),  et  leur  unanimité  eut  pour 
principale  cause  la  pression  impériale.  Cf.  Vacant  et  Mangenol,  Dict  de  théol.  catholique,  art. 
Arianisme,  t.  I,  col.  1827  sq.  Bodin  avait  déjà  dit  600  évêques,  Bép.,  IV,  5,  p.  455. 

;Bj  Omission.  MD  [oclo  concilia]  Arianam  religionem  comprobarunt.  Clarius  eliam  Nestor 
[=  Neslorius]  qui  Mariant  Dei  malrem  esse  aperle  negavit. 

(C)  Cf.  Bép.,  [,  1,  p.  1  sq.  «  Nous  auons.  dict  en  premier  lieu  droict  gouuernement  pour  la 
»  différence  qu'il  y  a  entre  les  Repub.  et  les  troupes  de  volleurs  et  de  pirates,  auec  lesquels  on 
»  ne  doibt  auoir  part  ny  commerce  ny  alliance...  Et  mesines  la  loy  n'a  pas  voulu  que  celuy  qui 
»  lomberoil  entre  leurs  mains  perdist  vn  seul  poinct  de  sa  liberté,  ou  qu'il  ne  peusl  faire  testament 
»  et  tous  actes  légitimes,  que  ne  pouuoit  celuy  qui  esloit  captif  des  ennemis,  comme  estant  leur 
»  esclaue,  qui  perdoil  sa  liberté  et  la  puissance  domestique  sur  les  siens  ».  Donc  pour  les  groupes 
sociaux  illicites,  point  d'existence  juridique  :  ainsi  des  conciles  hérétiques. 

(D)  Omission.  Ml)  quant...  debemus  tueri,  =  [croyance]  que  nous  devons  garder,  soutenir.  — 
«  Et  [nous  croyons]  en  un  Seigneur  Jésus-Christ  le  fils  de  Dieu,  seul  engendré  du  Père,  c'est- 
»  à-dire  de  la  substance  du  Père,  Dieu  de  Dieu,  lumière  de  lumière,  vrai  Dieu  de  vrai  Dieu, 
»  engendré  el  non  fait,  consubstantiel  au  Père  ».  Symbole  de  Nicée.  Les  termes  en  italiques 
sont  les  termes  explicatifs  ajoutés,  contre  Arius,  au  symLole  de  Césarée  par  le  symbole  de  Nicée. 
Vacant  &  Mangenol,  o.  c,  l.  I,  col.  1796. 

(E)  Contresens  :  et  que  la  discussion  sur  ces  graves  sujets  s'était  déjàprolongée  trop  longtemps. 
Ml)  ac  diulius  de  rébus  gravissimis  protracta  disputatio  fuisset. 


DES  SECKETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  1:25 

profession.  Après  quoy  auec  les  ciuililez  accousturnées  ils  se  séparèrent  auec 
vne  merueilleuse  atlenle  de  la  conférence  suiuante. 


Livre  V 


De  la  fidélité  à  sa  foi,  345  360.  Coroni  ayant  fait  servir  des  pommes  artifi- 
cielles qui  surprennent  Federich,  on  en  vient  à  parler,  par  association  d'idées, 
de  ceux  qui  simulent  des  sentiments,  surtout  religieux.  Digression  sur  les 
dégradations  du  sentiment  religieux,  depuis  la  vive  piété  jusqu'à  l'athéisme 
railleur,  345-350. 

De  l'obligation  morale  du  martyre. 

[350]  Octaue.  —  Ceux  qui  nont  pas  la  liberté  dadorer  Dieu  en  public  sans 
mettre  leur  vie  en  danger  ou  (a)  leur  fortune,  quoy  qu'ils  se  prosternent  en 
apparence  deuant  les  Idoles  &  les  Diables  ils  peuuent  toutlesfois  donner  leur 
cœur  a  Dieu  &  ladorer  en  pensée  au  sentiment  mesme  de  Hyeremie  (6)  dont  il 
nest  pas  permis  de  doubler  ny  de  sesloigner. 

Cuhce.  —  Pour  moy  ie  ne  sçaurois  approuuer  la  feinte  de  ceux  qui  estiment 
quil  leur  est  loisible  de  s'incliner  deuant  les  Idoles  dans  le  mesme  temps  que 
leur  cœur  est  tourné  deuers  Dieu.  Que  si  cella  estoit  permis,  pourquoy 
S.  Paul  (7)  diroit  il  au  contraire  :  on  croit  du  cœur  pour  estre  iustiffié,  mais 
la  confession  de  bouche  est  nécessaire  a  salut  Ceux  qui  en  vsenl  autrement, 
Tertulien  les  appelle  àXXoyûXXouç  infidelles  :  c'est  le  nier  (b)  dict  il  que  de  dissi- 
muler (A). 

Octale.  —  Il  y  a  beaucoup  de  choses  que  l'on  [351]  approuue  et  plus  encor 
qui  ne  s'approuuent  point.  Tout  le  reste  va  dans  l'indifférence,  cest  a  dire  (B) 
ny  ne  sapprouuent  ny  ne  se  desapprouuent  point,  mais  est  en  quelque  façon 
excusable  (c)  comme  tout  ce  qui  se  faict  par  contrainte  ou  par  timidité. 

(6)  In  Epistola  ad  ciues  in  Babylone  (C).  —  (7)  Ad  Romanos,  c.  10  (D). 


(a)  SB  ac.  MD  au  t.  —  (b)  NMD  Negat,  inquit,  quisquis  dissimulai,  li  quicunque.  —  (c)  NBD 
excusantur.  M  accusanlur,  inadvertance. 

(A)  Je  vois  Terlullien  protester  contre  l'hypocrisie  en  matière  de  religion,  Apologéliq.,  27.  — 
Quant  à  àXÀocpûXXouç,  il  l'emploie  en  opposition  à  fidèles,  Adversus  Marcionem,  5,  7  (Migne, 
t.  2,  col.  487)  ou  bien  en  opposition  avec  les  Macchabées  de  pure  race  juive,  Adversus  Judœos, 
4.  Mais  nulle  part  je  ne  trouve  la  citation  que  lui  impute  Bodin;  là  encore,  il  ne  cite  pas  textuel- 
lement, mais  résume  l'impression  générale  d'une  lecture  de  Tert.,  Apot.  ou  Adv.  Marcionem. 

(13)  Tout  le  reste  va  dans  l'indifférence,  c'est  a  dire,  glose. 
,  .  (C)  Baruch,  6,  5  :  «  Quand  donc  vous  verrez  le  peuple  derrière  et  deuant  [les  faux  dieux  menés 
»  en  procession],  dictes  en  adorant  en  vos  cœurs  :  Seigneur  Dieu,  c'est  loy  qu'il  faut  adorer!  < 

{B)  Ad  Rom.,  10,  10. 


126  JEAN    BODIN 

Cubce.  —  Ouy  deuant  des  luges  la  crainte  des  chastimens  ou  des  rigoureux 
tourmens. 

Octaue.  --  Vous  pensez  [d)  donc  que  Dieu  (mon  cher  Curce)  soit  plus 
seuere  que  les  luges  du  inonde  (8)? 

Federico.  -  Quoy  que  la  crainte  des  tourmens  soit  vn  empeschement  (e) 
pour  ne  pas  confesser  Dieu  hautement  &.  publiquement,  ie  ne  trouue  pas 
cependant  que  celluy  la  soit  excusable  qui  se  prosterne  deuant  l'idole  de 
Diane  ou  de  quelque  autre  deité  fabuleuse  (A)  de  peur  de  perdre  ses  biens 
ou  ses  charges,  pourueu  que  Ion  puisse  quitter  sa  patrie  comme  Abraham  fit 
par  le  commandement  de  Dieu  pour  n'estre  pas  obligé  de  sacrifier  aux 
astres  (B).  Autrement  ie  nentens  pas  comment  on  peut  satisfaire  a  cet  oracle 
de  la  parolle  de  Dieu  (U)  en  saint  Mathieu,  c.  10  :  Celluy  qui  me  confessera 
deuant  les  hommes,  ie  le  confesseray  deuant  mon  père,  et  celluy  qui  me  desa- 
duouëra  deuant  les  hommes,  ie  le  desaduouëray  deuant  mon  Père  (/").  C'est 
pourquoy  les  anciens  chrestiens  qui  trompez  par  lempereur  Iulien  auoient 
sacrifié  aux  Démons  réprimandez  par  les  Euesques  et  accablez  de  pénitence 
crioient  a  haulte  voix  et  publiquement  :  Nous  auons  esté  chrestiens  dans  le 
cœur  et  le  sommes  encor  :  Sauueur  lesus  Christ  nous  ne  tenons  point  estre 
infidelles  (1). 

Octaue.  —  Puisque  ayans  esté  ainsy  trompez  ils  nauoient  point  violé  leur 
foy  il  nestoit  point  nécessaire  qu'ils  détestassent  leur  erreur  (C)  et  qu'ils  en 
demandassent  pardon  par  ce  que  ceux  qui  sont  trompez  ne  donnans  point  leur 
consentement  a  la  tromperie,  il  n'y  a  point  doffense,  le  péché  nestant  que 
dans  la  volonté  (D). 

(8)  L.  metum  aulem,  quod  metus  (E).  —  (9)  Matthaei  c.  iO  (F).  —  (1)  Epi- 
phanius,  lib.  3  ((i). 


(d)  NB  arbitrale.  MD  arbilrere.  —  (e)  N  ut  s'il  excusatio  me  lui  cruciatus.  B  metus.  Ml) 
metu.  —  if)  NB  tronquent  la  cilalion  de  Mathieu. 

(A)  MD  qui  ante  Dianae  aut  allerius  Virginis  staluam  procumbit.  Federich  profite  certaine- 
ment de  l'occasion  pour  assimiler  le  culte  de  Diane  au  culte,  non  moins  idolâtre,  d'une  autre 
Vierge,  entendez  :  celle  des  catholiques.  Cf.  in/'ra,  p.  358,  noie  R  n'a-l-il  pas  senti  la  malice? 
ou,  la  sentant,  a-l-il  évité  de  la  rendre,  par  scrupule  religieux?  Nous  avons  déjà  eu  la  même 
impression,  supra,  pp.  309  et  310. 

(B)  Genèse,  12,  1-4.  Cette  histoire  est  rappelée  par  Bodin  [supra,  p.  268,  et  Démon.,  2.  3,  p.  197); 
et  le  sens  religieux  qu'il  lui  donne  lui  vient  de  Philon,  De  la  noblesse,  trad.  Bellier.  p.  858,  et  de 
Josèphe,  Antiq.  judaïq.,  1,  8. 

(C)  MD  errorem  deprecarentur,  =  qu'ils  s'excusassent  de,  demandassent  merci  pour  leur 
erreur. 

(D)  Encore  un  cliché  de  Bodin,  supra,  p.  226:  infra,  p.  588;  Démon.,  Réful.  de  Wier,  p.  592. 

(E)  «  Ait  praetor  :  quod  metus  causa  gestum  erit,  ralum  non  habebo.  —  Metum  autem  non 
»  vani  [=  peureux]  hominis,  sed  qui  merito  et  in  homine  conslanlissimo  cadat,  ad  hoc  ediclum 
»  pertinere  dicimus  ».  Digeste,  liv.  4,  lit.  2,  1  et  5  (éd.  citée,  p.  227,  t.  I,  col.  477  et  478).  C'est 
un  de  ces  poncifs  juridiques  dont  Bodin  use  à  chaque  instant  :  cf.  Démon.,  4,  5,  p.  517;  ibid., 
Réfut.  de  Wier,  p.  567,  etc. 

(F)  Matth.,  10,  32-33. 

(G)  Tl  y  a  une  histoire  analogue  dans  Épiphane,  Adversus  liserés.,  2,  2,  haeres.  4  (Meletii  schisma), 
S  2  (Migne,  t.  1,  col.  183  sq.)  :  les  chrétiens  discutent  entre  eux  s'ils  recevront  ou  non  parmi  eux 
leurs  frères  qui,  ayant  sacrifié  par  crainte  aux  idoles,  s'en  repentent  à  présent.  Mais  le  récit  auquel 
fait  allusion  Bodin  est  le  même  que  supra,  p.  243,  note  F. 


DES  SECRETS  GACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  127 

352]  Cubce.  —  Origene  (2)  (g)  dans  son  oraison  contre  Celse  faict  vne 
graue  à  seuere  reprimende  a  ceux  lesquels  bien  qu'ils  reconneussent  le 
Christ  dans  leur  cœur  le  renioient  neantmoins  de  bouche.  Et  Dieu  condamne 
ces  hypocrites  par  la  bouche  du  prophète  Iïelie  en  cette  manière,  le  me  suis 
reserué  sept  mil  hommes  qui  nont  point  courbé  les  genoux  deuant  Bahal  (3) 
&  ne  lont  point  baisé  (h).  Qui  est  ce  qui  ne  connoist  pas  que  ces  parolles  se 
rapportent  au  corps  &  non  pas  a  l'.ime  (A)  ?  Que  si  les  anciens  ministres 
d'Appollon  de  Diane  &  de  Iupiter  dans  leurs  cérémonies  crioient  contre  (i)  les 
Athées  &  les  Epicuriens,  Lucian  adiouste  :  et  contre  les  chrestiens,  quils 
eussent  a  sortir  de  leurs  temples  (B),  a  bien  meilleur  tillre  doibton  pratiquer 
ces  choses  dans  les  temples  de  Dieu. 

Octale.  —  De  deux  maux  il  faut  tousiours  esuiter  le  pire,  au  dire  de  tous 
les  sages.  Il  est  bien  fascheux  a  vn  homme  véritablement  religieux  (j)  de  se 
prosterner  deuant  vne  idole  et  de  lui  faire  offrande  encor  que  son  intention 
ne  soit  point  destachée  du  Dieu  quil  adore.  Cependant  ce  seroit  encores  plus 
mal  faict  de  paroistre  extérieurement  (en  fuyant  les  temples  puisque  vous  les 
estimez  prophanes)  nauoir  aucune  religion,  a  cause  de  la  conséquence  du 
mauuais  exemple  que  vous  donnez  :  ioinct  que  le  libertinage  vous  conduict 
dans  touttes  sortes  d'impietez  (k)  :  il  est  donc  plus  a  propos  desuiter  cet  incon- 
uenient  que  lautre,  chacqu'vn  ne  pouuant  pas  emmener  facilement  et  trans- 
porter auec  soy  sa  femme  ses  enfans  ses  parens  &  sa  famille  (C).  Et  quand 
cella  seroit  facile  il  fault  aller  au  loin  chercher  ceux  qui  font  profession  de  la 
véritable  religion  (D)  ce  qui  est  de  la  dernière  incommodité.  Moyse  (4)  et  Hye- 

(2)  Contra  Celsum  (E).  —  (3)  Lib.  4  Ilegum  (F).  —  (4)  Deuter.,  c.  28  (G). 


(g)  NB  Apud  Originem.  MU  Origenem.  —  {h)  NB  Beliqui  mlhi  seplem  mil  lia  virorum,  etc. 
MU  complètent.  —  (i)  M  omet  par  inadvertance  compellebant.  —  [j)  SB  homini  prudenli  ac 
religioso.  MU  pudenli.  —  [k]  X  ad  omne  gémis  impietatis.  BMD  irnpietalum. 

(A)  Entendez  :  qu'Hélie  ordonne  parla  l'affirmation  extérieure,  &  non  pas  seulement  intérieure, 
de  la  loi. 

(B)  Lucien,  Alexander  seu  Pseudomantis,  38. —  Source  :  peut-être  D.-Mornay,  32,  p.  801. 
Presque  tout  ce  c.  32  a  passé  dans  VHeptapl. 

(C)  MD  familïam,  —  ses  serviteurs,  sa  maisonnée. 

(D)  11  m'est  difficile,  après  ces  détails,  de  ne  pas  voir  là  une  apologie  personnelle,  et  qui  vient 
corroborer  ce  que  j'ai  dit  de  sa  conduite  politique  et  religieuse  en  1589-1594,  et  aussi  de  sa  îépul- 
lure  en  l'église  des  Cordeliers  de  Laon  (cf.  mon  Jean  Bodin,  I,  3).  On  table  sur  ce  dernier  acte 
pour  affirmer  sa  ferveur  catholique  :  je  n'y  vois  qu'une  adhésion  de  bienséance  à  la  religion  de  la 
plupart.  Il  a  semblé  encourager  la  ligue?  Oui,  mais  par  crainte,  devant  l'impossibilité  de  quitter 
Laon  et  la  place  qui  faisait  vivre  lui  et  les  siens,  et  aussi  par  le  sentiment  du  tiède,  suspect  aux 
purs,  et  qui  se  croit  tenu  de  leur  donner  des  gages.  Au  fond  ses  sympathies  pour  les  Politiques 
et  pour  les  huguenots,  même  si  de  Thou  nous  permettait  d'en  douter,  percent  à  chaque  instant 
malgré  lui.  De  celle  altitude,  que  le  péril  fait  forcément  un  peu  double,  qui  lui  fait  honte,  il  veut 
s'excuser  ici  par  devant  quelques  amis  sûrs,  comme  ce  H.  Bignon  son  correspondant,  ou  par  de- 
vant lui-même.  El,  ainsi  interprété,  ce  passage  rend  un  son  ému,  personnel,  que  nous  ne  sommes 
pas  habitués  à  rencontrer.  D'autre  part  Bodin  est  un  esprit  avant  tout  tendu  vers  la  police  de 
l'Étal;  pareil  à  Montesquieu,  il  considère  moins  la  religion  comme  une  conviction  individuelle 
que  collective;  pour  lui  elle  est  avant  loul  un  lien  social  [snpra,  pp.  218-220;.  De  là  ses  affirma- 
tions que  mieux  vaut  religion  fausse  que  religion  nulle;  qu'il  faut  hésiter  à  changer  une  fausse 
pour  la  vraie,  de  crainte,  sans   instaurer  l'une,  de  détruire  l'autre,  etc.  Senamy  lui-même  n'a 


128  JEAN    BODIN 

remie  (5)  ressentoient  dans  l'ame  (/)  les  peines  dont  les  enfans  d'Israël  estoient 
menassez,  preuoyans  par  leur  esprit  [353|  de  prophétie  {m)  qu'il  pourroit 
arriuer  que  estans  faicts  captifs  par  leurs  ennemis  on  les  forceroit  dadorer 
des  pierres  &  du  bois  par  ce  quils  auoiervt  idolâtré  (»),  selon  le  texte  que 
celluy  sera  puny  par  ou  il  aura  péché.  Cependant  Dieu  a  donné  (o)  luy  mesme 
vn  bon  remède  contre  l'idolâtrie,  assauoir  de  tourner  ses  pensées  vers  luy 
quand  on  seroit  contrainct  &  violenté  de  seruir  aux  idoles  (A)  :  auquel  cas  il 
promet  de  se  monstrer  propice. 

Clrck.  —  Ce  remède  est  bon  pour  des  esclaues  et  des  prisonniers  de  guerre, 
ou  pour  ceux  qui  par  des  prisons  rigoureuses  par  des  gehesnes  &  a  coups  de 
baston  sont  violentez  dassisler  a  des  sacrifices  impies,  mais  non  pas  pour  ceux 
qui  peuuent  s'en  aller  ailleurs  (B) 

[Et  les  deux  protestants  de  dire  que  la  lâcheté  des  hommes  instruits  peut 
détourner  les  ignorants  du  culte  du  vrai  Dieu.  Salomon,  lui,  pense  que  la  pire 
superstition  est  encore  préférable  à  l'athéisme  et  que  Dieu  a  pour  agréable  le 
culte  rendu  même  à  des  idoles,  s'il  est  sincère,  353-357.] 

Quels  hommes  sont  qualifiés  pour  rechercher  la  vraie  religion. 

[3571  Salomon.  —  Si  celluy  offense  Dieu  qui  prend  en  vain  le  nom  de  la 
diuinité  quil  adore,  encor  quelle  soit  faulse  (C),  on  peut  inférer  que  Dieu  n'a 
point  désagréables  les  honneurs  que  de  bonne  foy  Ion  rend  aux  Idoles. 

Cuhci<:.  —  Qui  est  ce  qui  pourroit  se  dire  innocent  (a)  de  préférer  lesclaue  a 

(5)  C.  16  (D). 


(/)  NB  percipiebant.  MD  prsecipiebant  —  (m)  N  perspexerant.  B  prospexerant.  MU  pros- 
pexerunt.  —  (n)  N  quia  prœ.  BMD  quodpro  vero  Deo  idola  maluissent.  —  (o)  N  dederat.  BMD 
dédit.  —  («)  NMD  quis  errore  justo  (B  quis  décore  juste)  se  lueri  potest. 

qu'une  peur,  c'est  de  paraître  athée  et  de  donner  le  mauvais  exemple  (infra,  p.  371),  parce  que 
c'est  dissoudre  le  ciment  de  la  cité.  Par  là  on  comprendra  mieux  encore  le  plaidoyer  de  Bodin 
pour  la  dissimulation  décente  de  sentiments  religieux  opposés  à  ceux  du  plus  grand  nombre, 
quand  celle  dissimulation  est  d'ailleurs  mainles  fois  formellement  condamnée,  Sivach.,  12,6; 
Isaïe,  32,  6;  Jérémie,  9,  6,  etc. 

(E  de  la  page  précédente)  Contra  Celsum,  1,  8  (Migne,  t.  1,  col.  670). 

(F  de  la  page  précédente)  Erreur.  III  Bois,  19,  18. 

(G  de  la  page  précédente)  Deut.,  28,  36. 

(A)  Baruch,  6,  5  (cité  p.  350). 

(B)  Ne  croit-on  pas,  avec  un  peu  de  complaisance,  entendre,  à  travers  le  dialogue  du  sévère 
Gurce,  qui  représente  si  bien  l'appélit  de  martyre  des  premiers  âges  du  protestantisme,  et  d'Oc- 
tave, plus  doux,  plus  enclin  à  plier  aux  nécessités  de  la  vie,  un  autre  dialogue,  le  dialogue  inté- 
rieur du  double  Jean  Bodin  :  l'un,  tendu  vers  un  idéal  religieux  et  prêt  à  tous  les  sacrifices; 
l'autre,  plus  humble  et  modeste,  qui  songe  à  ses  enfants,  au  pain  de  chaque  jour,  et  qui  cède  au 
malheur  des  temps  ? 

(C)  Salomon  vient  de  rappeler  l'histoire  des  Gabaoniles,  punis  de  la  traîtreuse  ruplure  d'une 
alliance  pourlant  jurée  sur  leurs  faux  dieux,  Josué,  9.  —  Sur  celle  idée  que  l'adoralion  sincère, 
même  adressée  aux  faux  dieux,  louche  toujours  le  vrai,  cf.  supra,  pp.  228-234. 

(D)  Jérémie,  16,  11  et  13. 


m:s  secrets  cachez  des  choses  sublimes  129 

son  maistre,  le  suiet  a  son  Roy  et  la  créature  a  son  créateur  (b),  ou  de  les 
confondre  ensemble  (A)? 

Octaue.  —  Les  anciens  peuples  a  l'exception  de  fort  peu  nadoroient  que  des 
Dieux  estrangers  ou  les  assembloient  auec  le  vray  Dieu  (c).  Mesmes  les  lu  ifs 
qui  par  le  commandement  du  roy  d'Assyrie  (d)  estoient  allez  en  Samarie  (5,j 
sacrifioient  conioinctement  a  Dieu  et  aux  |358l  Dieux  du  pays,  auec  innocence 
neantmoins  parce  quils  estoient  instruicts  de  la  sorte  par  leurs  Pontifes  :  et 
s'ils  eussent  faict  (e)  autrement  on  les  auroit  accusez  d'impiété,  par  ce  que  les 
Pontifes  par  toutte  [la!  terre  sont  arbitres  de  la  religion,  ainsy  que  L.  Lucullus(6) 
(au  raport  de  Ciceron  escriuant  a  Atticus)  le  disoit  au  Sénat.  Et  iamais  la  loy 
de  Dieu  n'a  soubmis  a  d'autres  qu'aux  Pontifes  et  aux.  leuites  (/)  les  décisions 
de  la  religion  il),  quoy  qu'elle  permette  de  demander  aux  iuges  séculiers  (g) 
les  punitions  des  infracteurs  de  la  Loy  (B). 

Fedehich.  —  Que  deuiendra  donc  ce  que  Iesus  Christ  a  dit  que  celluy  qui 
aiant  entendu  {h)  &  compris  la  volonté  de  son  maistre  la  mesprise  neantmoins, 
doit  estre  battu  &  chastié  rigoureusement:  et  que  celluy  qui  laura  ignoré  ne 
laissera  pas  destre  puny  (non  pas  a  la  vérité  si  seuerement)  (8)  et  que  les 
ignorans  (i)  périront  auec  leur  ignorance  (9)? 

(5)  Lib.  2  Hegum,  c.  17  (G)l  -  6)  Cicero  ad  Atticum,  lib.  4  (D).  —  (7)  Deu- 
teron.,  c.  22  (E).  —  (8)  Lucœ  c.  12  (F).  —  (9)  Ad  Corinth.  Epist.  I,  c.  14  (G). 


{b)  N  ut  dominum.  servo,  regem  subdito,  crealuram  crealori  cullu  anteferat  aul  conférai. 
HMD  creatorem  creaturœ.  —  (c)  N  cum  Deo.  BMD  cum  vero  Deo.  —  (d)  NB  régis  Assyriano- 
rinn.  MD  Assyriorum,  seul  correct.  —  (e)  NB  fecissent.  MD  facerent.  —  (/)  NBD  ordini  Levl- 
tico.  M  Levino,  barbare.  —  (g)  NB  tametsi  violalœ  religionis  supplicia  quoque  ac  cœteris 
irrogari  velit.  MD  a  cœteris,  seul  intelligible.  —  (/<)  MD  prœcepil.  NB  percepit.  —  (i)  MD  et 
ignorantes  (N  ignoranlem)  simul  cum  ignoralione  SB  iynoranlia)  ac  inscilia  sua  (B  omet 
ces  3  mois)  periluros  (N periturum). 

(A)  MD  ut  dominum  servo,  regem  subdito,  creatorem  creaturae  cultu  anteferat  aul  confé- 
rât. R,  seul  contre  tous  nos  mss.,  semble  bien  offrir  le  texte  que  réclame  le  bon  sens  :  domino 
servum,  régi  subditum,  crealori  crealuram.  Il  est  certain  que  le  rigide  Gurce  atlaque  ici  l'asso- 
ciation ou  la  préférence  à  Dieu  de  la  créature  dans  le  culte.  —  La  forme,  sinon  l'idée,  doit  venir 
à  Bodin  de  Terlullien,  lequel  vante  le  monothéisme  du  chrétien,  qui  «  nec  appellationem  Dei,  ila 
»  ut  Imperaloris,  in  alio  quam  principe  confitetur  ».  Apol.,  24. 

(B)  MD  lamelsi  riolatœ  religionis  supplicia  quoque  a  cœleris  irrogari  velit  [divina  Lex]. 
J'entends  :  quoique  la  loi  autorise  les  autres  [que  les  Lévites]  à  infliger  les  châtiments  pour 
infractions  à  la  Loi.  —  C'est  le  d  qui  précède  cœleris  qui  m'oblige  à  traduire  ainsi;  si  on  le  sup- 
prime par  conjecture,  cœteris  passe  au  datif,  et  l'on  obtient  le  sens  bien  plus  satisfaisant  qui  suit  : 
seuls  les  Lévites  avaient  qualité  pour  déterminer  les  points  de  doctrine,  mais,  une  fois  fixée  la 
doctrine,  ceux  qui  l'enfreignaient,  même  non-Lévites,  étaient  passibles  de  sanctions  (ainsi  les 
Israélites  punis  de  l'idolâtrie  du  veau  d'or  par  la  mort  de  23.000  des  leurs,  Exod.,32,  28).  Peut-être 
Bodin  a-t-il,  incorrectement,  construit  irrogari  supplicia  comme  les  expressions  petere  ab, 
sumere  pœnam  ab,  et  peut-on  adopter  le  second  sens,  même  avec  le  texte  a  cœteris. 

(G)  Erroné.  IV  Rois,  17,  27-41.  Seulement  il  s'agit  non  de  Juifs,  mais  de  colonies  assyriennes 
envoyées  par  leur  roi  en  Samarie,  et  qui,  sur  l'ordre  du  double  clergé  assyrien  et  juif,  réunissent 
les  deux  cultes,  le  faux  &  le  vrai,  et  sont  ainsi  protégés  des  lions  qui  les  dévoraient. 

(D)  <•  Tum  M.  Lucullus  de  omnium  collegarum  sententia  respondit  religionis  judices  ponlifices 
»  fuisse,  legis  esse  senatum  j>.  Ad  Attic,  4,  7,  4. 

E)  Erreur.  Deul  ,  17,  9-12.  «  Et  viendras  aux  preslres  du  genre  leuilique  et  au  iuge  qui  sera 
»  en  ce  temps  la,  et  L'enquesteras  d'iceux  et  ils  t'annonceront  la  parole  de  droict  »,  etc. 

(F)  Luc,  12,  47  sq.,  cité  supra,  p.  234  note  C. 

(G)  Citation   par  à-peu-pris.   «   Si  quelqu'un   veut  l'ignorer  [le  Seigneur],  il  sera  lui-même 

Ghauviié  9 


130  JEAN    BODIN 

Octaue.  —  Celluy  la  nest  pas  seulement  digne  de  chastiment  qui  mesprise 
les  commandemens  de  son  maistre  quand  il  les  sçait  (A)  :  celluy  la  lest  encore 
qui  ne  les  recherche  &  ne  sen  informe  pas  (j)  :  mais  non  pas  celluy  qui  ne  les 
peut  (k)  sçauoir  &  qui  tombe  dans  lerreur  par  la  malice  &  la  tromperie  de 
son  Pontife  de  qui  il  veut  apprendre  auec  zèle  et  sincérité  la  volonté  de  Dieu  (/;. 
Car  les  pontifes,  les  prestres,  les  euesques,  les  ministres  des  religions  &  des 
sacrifices  sont  constituez  pour  enseigner  aux  ignorans  la  volonté  de  Dieu  (B). 
Et  quand  ils  leur  persuadent  qu'il  fault  adorer  Dieu,  ou  Apollon,  Diane  (m)  (G), 
Pallas,  les  astres  (n),  les  anges,  les  démons,  les  Idoles  (D),  des  corps  morts 
ou  des  cendres  (o),  qui  peut  accuser  ces  pauvres  ignorans  ou  les  punir?  Il  y 
auroit  plus  de  raison  de  les  arguer  dorgueil  et  de  présomption  sils  ne  don- 
noient  [359]  pas  créance  (p)  a  leurs  Pontifes  et  à  leurs  Prestres  :  puisque  par 
la  loy  de  Dieu  celluy  qui  nobeït  pas  aux  ordonnances  du  grand  (q)  prestrc 
doit  estre  puny  de  mort  (1). 

Senamy.  —  Iestime  pour  moy  que  ceux  la  sont  et  seront  tousiours  excusa- 
bles qui  sur  la  foy  de  leurs  pontifes  et  par  leur  commandement  adorent  des 
idoles,  ou  des  os  pourris  (r),  croyans  bien  faire. 

Salomon.  —  La  loy  de  Dieu  (2)  veut  que  les  Pontifes  et  les  Prestres  soient 
si  doctes  et  si  sages  qu'ils  ne  puissent  prétendre  cause  dignorance  quand  on 

(1)  Deuteron.,  c.  17  (E).  —  (2)  Leuit.,  c.  5  (F). 


(/)  MD  is  qui  non  exquiril.  NB  exsequilur.  —  (k)  MDN  poleral.  B  potuit.  —  (l)  MDB  Uomini 
i  .V  Dei)  sui,  —  (m)  MDB  Diurne  virgini,  inadvertance.  N  Dianœ,  Virgini.  —  (n)  N  oinel  side- 
ribus.  —  (o)  MD  slaluis  hominum  ac  bestiarum  cadaveribus  et  cineribus.  NB  statuts  hominum 
ac  bestiarum,  cadaveribus  et  cineribus  [sacra  facianl].  —  (p)  MD  non  acquieverint.  NB 
non  acquieverunt.  —  (q)  MD  l'ont,  maximi.  NB  magni.  —  (r)  NB  putrida.  MD  pulria. 

»  ignoré  ».  I  Cor.,  14,  38.  De  là  à  conclure  qu'il  mourra  à  la  vie  éternelle,  il  n'y  a  qu'un  pas. 
Encore  faut-il  le  franchir. 

(A)  Inexact.  Ml)  jussa,  quœ  exequi  poleral,  =  les  ordres  qu'il  pouvait  exécuter. 

(B)  Cf.  supra,  p.  239  sq.  :  on  lisait  publiquement  la  loi  aux  Hébreux,  mais  avec  défenses 
expresses  d'en  disputer.  —  On  remarquera  le  caractère  aristocratique  de  la  doctrine  de  Bodin  : 
les  illettrés  n'ont  pas  le  droit  de  chercher  en  eux-mêmes  la  vérité  religieuse,  ils  doivent  suivre 
les  directions  de  leurs  pontifes.  Ainsi  le  protestantisme,  après  avoir  fait  appel,  pour  naître,  au 
sens  individuel,  cherchait  à  reconstituer,  pour  éviter  le  danger  d'un  morcellement  infini,  une 
hiérarchie,  une  église.  D'autre  part,  cette  théorie  de  Bodin  rejoint  cette  autre  idée,  à  lui  chère, 
que  la  religion  est  chose  collective,  sociale  :  comment  serait-elle  tout  cela,  si  elle  dépendait  chez 
tous  de  la  conscience  individuelle  ?  Je  sens  bien  la  contradiction  implicite  qu'il  y  a  entre  cette 
tendance  à  la  discipline  d'une  part  et  la  discussion  hardie  de  tous  les  dogmes,  telle  que  YHepl.  se 
la  permet,  de  l'autre  ;  mais  celte  contradiction  n'est  pas  de  mon  l'ait,  elle  est  dans  Bodin  et  dans 
son  temps. 

(C)  Dianœ,  Virgini.  Curce  mêle  intentionnellement  la  Vierge  aux  démons  païens  comme 
Federich  l'a  déjà  l'ail  p.  351.  C'est,  associer  déilés  païennes  et  idolâtries  papistes. 

(D)  Pour  une  fois,  autorisé  par  R  et  par  maint  passage  antérieur  (cf.  supra,  p.  308  note  D),  je 
préférerai  à  MD  le  texte  de  NB  staluis  hominum  ac  bestiarum,  cadaveribus  et  cineribus.  Il 
s'agit,  à  mon  sens,  des  images  des  dieux  païens  ou  des  saints  catholiques  [hominum),  de  celles 
des  bêles,  crocodile,  bœuf,  etc.  du  culte  égyptien  par  exemple  (bestiarum),  el  des  reliques  [cada- 
veribus ac  cineribus).  Que  signifierait  MD  ac  bestiarum  cadaveribus? 

(E)  Deut.,  17,  12,  cité  supra,  p.  24G  note  A. 

(F)  Référence  fausse;  et  je  trouve  au  contraire  prévues.  LeviL,  4,  3  sqq.,  la  faute  par  ignorance 
du  grand-prêtre  et  l'expiation  de  celle  faute. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  (31 

les  consulte  sur  le  droict  diuin,  quoy  qu'elle  excuse  (3)  tous  les  autres  en 
gênerai  &  en  particulier  mesmes  le  Prince  de  tout  le  peuple  qui  pèche  par 
ignorance. 

Tokalbe.  —  le  ne  fais  point  de  doubte  qu'vne  erreur  innocente  ne  soit  légi- 
timement excusable.  Aussy  les  gens  non  lettrez  qui  suiuans  la  piste  de  leurs 
ancestres  (s)  obéissent  aux  ordonnances  et  constitutions  de  leurs  Pontifes 
sont  valablement  dignes  d'excuse,  mais  non  pas  les  sçauans  qui  possèdent  la 
connoissance  des  choses  naturelles  (/)  &  de  la  nature  mesme  (A)  par  laquelle 
ils  peuuent  comprendre  qu'il  n'y  a  qu'vn  seul  Dieu  tout  bon  &  tout  puissant 
ainsi  que  S.  Paul  mesme  le  dict  manifestement  (B). 

[De  la  recherche  de  Dieu,  360-367.  Pour  le  connaître,  la  science  ne  vaut  pas 
l'inspiration  divine  :  Platon,  moins  savant  qu'Arislole,  en  a  mieux  parlé, 
360-363.  Salomon  et  Toralba,  contre  Senamy  qui  voit  le  souverain  bien  dans 
la  pratique  de  la  vertu,  le  voient,  eux,  dans  la  contemplation  de  Dieu,  363-367. 

Puis  les  sept  interlocuteurs,  chacun  à  son  tour,  exposent  l'attitude  religieuse 
que  nous  leur  connaissons  :  Toralbe  partisan  de  la  religion  naturelle,  Salomon 
la  confondant  avec  le  judaïsme  (cf  p.  269  sq.),  etc.,  367-372.  Tous  partagent 
la  foi  aux  livres  saints,  Toralba  parce  qu'ils  sont  en  accord  avec  la  vérité 
scientifique,  Curce  parce  qu'ils  nous  sont  donnés  par  la  grâce  divine.  A  ce 
propos  Salomon  renouvelle  la  discussion,  déjà  lue  supra,  p.  244  sq.,  sur  les 
diverses  sortes  de  la  foi.  En  tous  cas  on  ne  saurait  faire  état  que  de  l'Ancien 
Testament,  seul  reconnu  de  tous.  Les  versets  de  l'Ancien  qui  passent  pour 
annoncer  et  autoriser  le  Nouveau  n'ont  pas  le  sens  que  Federich  leur  donne. 
La  prédilection  de  Dieu  pour  les  Juifs  se  marque  dans  l'invariabilité  de  leur 
religion,  372-375]. 

Fixité  du  judaïsme,  variations  des  Églises  chrétiennes. 

j 376J  FEDiiKicu.  —  Nous  nous  pouuons  passer  ay sèment  de  vos  voeux  &  de 
vos  prières  qui  sont  plus  nuisibles  que  profitables  aux  chrestiens.  N'auez  vous 

(3)  Leuit,  c.  5  (C). 


(s)  .Y  majorum  suorum.  RM D  omettent  suorum.  —  (/)  AB  qui  doctrina  rerum  naturalium 
imbuti  fuerunt.  Mb  a  doctrina. 

(A)  El  de  la  nature  même  est  une  addition,  au  moins  inutile,  de  R,  —  On  comprendrait  mal 
la  pensée  de  Bodin,  si  on  ne  la  commentait  pas  ici  par  ses  antres  ouvrages,  et  par  la  courbe  de  sa 
propre  vie.  En  effet,  il  voit  dans  la  physique  (voir  mon  article,  Revue  d'Anjou,  septembre  1912) 
non  seulement  la  connaissance  de  la  nature,  mais  la  preuve  de  Dieu  par  ses  œuvres.  Et  d'autre 
part,  j'ai  montré  dans  mon  Jean  Rodin,  II,  1,  p.  114  sq..  quelle  gradation  régulière,  prévue  dès  la 
Melhodus,  15GIJ,  avaient  suivie  les  éludes  de  Bodin.  De  l'élude  des  sociétés  humaines,  il  est  passé 
à  celle  de  la  nature,  A:  de  là  à  la  contemplation  de  Dieu.  A  ce  litre,  le  Théâtre,  écrit  vers  1590, 
lui  semblait  une  préparation  à  VHeplapL,  résumé  de  sa  science  &  cime  de  sa  pensée. 

(B)  «  Nous  savons  que  les  idoles  ne  sont  rieu  dans  le  monde,  et  qu'il  n'y  a  nul  autre  Dieu  que 
»  le  seul  Dieu  »,  etc.  I  Cor.,  8,  6.  Cf.  Galat.,  3,  20;  Ephes.,  4,  6;  I  Timoth.,  2,  5. 

(C)  Corrigez  :  Levit.,  4,  13-35,  qui  indique  l'expiation  de  la  faute  par  ignorance  qu'ont  commise 
le  peuple  entier.  le  prince,  le  simple  particulier.  MD  cum  tamen  cœteros  non  modo  universos, 
sed  etiam  singulos,  îpsumque  totius  populi  principem  erroye  peccanles  excuset. 


132  JEAN    BODIN 

jamais  [a)  (A)  leu  dans  Iesaye  (5)  :  Vn  iour  viendra  que  Dieu  dira,  Beny  soit 
mon  peuple  d'Egypte,  l'Assyrien  est  l'ouurage  de  mes  mains  (b).  Et  encores  ((>)  : 
lassembleray  les  gentils  de  touttes  langues  lorsquils  viendront  et  verront  ma 
gloire,  et  ie  leur  (c)  envoyeray  qui  leur  preschera  mon  nom  a  fin  que  mes 
louanges  se  publient  (d)  partout,  etc.  Et  de  leur  (e)  nombre  ie  me  cboisiray 
des  prestres  &  des  leuites. 

Salomon.  —  Il  est  bon  d'adiouster  ce  que  Federich  passe  soubs  silence  dans 
ces  prophéties  d'Iesaye  :  Beny  soit  mon  peuple  d'Egypte,  l'Assyrien  est  l'œuure 
de  mes  mains,  mais  Israël  est  mon  héritage.  Par  ce  qu'il  est  créateur  et  père 
commun  de  tous  les  hommes,  cest  pourquoy  il  na  faict  que  la  mesme  loy  (7) 
pour  les  citoyens  &  pour  les  estrangers  (B),  touttesfois  par  vn  priuilege 
spécial  il  a  appelle  Israël  pour  estre  son  peuple  choisy  sur  tous  les  autres 
peuples  de  la  terre  dont  il  a  faict  aussy  sou  bercail  et  son  héritage.  Et  par  vn 
honneur  &  vng  prerogatiue  singulier  dont  il  na  point  gratifié  les  autres  nations 
il  nous  a  appelle  ses  premiers  nays  :  Mon  fils  premier  nay  (dict  il)  (8)  est 
Israël,  gent  saincte,  nation  sacerdotale.  Ce  questant  ainsy,  peut  on  s'ima- 
giner [377j  (f)  que  Dieu  veuille  jamais  oublier  ou  abandonner  son  peuple  son 
fonds  (g)  son  héritage  sa  gent  et  son  Eglise?  Car  lorsque  nos  voysins  ont 
autresfois  veu  les  villes  de  nos  ancestres  razées,  le  temple  destruict  et  bruslé 
par  nos  ennemis,  et  les  restes  du  peuple  traisnez  captifs  dans  la  Caldée,  ils 
nous  reprochoient  arrogament  que  Dieu  nous  auoit  abandonnez.  Mais  par  la 
bouche  de  Hyeremie  (9)  c.  31  en  vne  seule  promesse  (h)  il  nous  console  de 
tout  :  Les  Cieux  (dict  il)  et  les  astres  nauront  plus  de  mouuement  auant  que 
i'oublie  Israël  (C).  Et  encores  au  mesme  chapitre  (1)  :  Quand  on  aura  mesuré 

(5)  C.  19  (D).  --  (6)  C.  vit.  lesayœ  (E).  —  (7)  Exodi  c.  9  (F).  —  (8)  Exodi 
c.  14.  Malach.,  c.  3.  Iesayse  c.  5  et  43.  Exod.,  c.  3,  5  et  6.  Leuiti.,  c.  30. 
Deuteron.,  c.  4,  7,  9,  10,  14,  20  et  32.  Et  I  Kegum,  c.  10  et  12  (G).  —  (9)  C.  31 . 
—  (1)  C.  31. 


(a)  MDnum  legistis.  .V  non.  BnamÇ!).  —  (b)  DBN manuum  mearum.  Mmanum,  inadvertance. 
—  (c)  NB  congregabo  omnes  gentes...  et  mitlàm  ad  eus.  MU  eus,  préférable.  —  (d)  UBN pro- 
mulgari.  M  permulguri,  barbare.  —  (e,  MU  ac  de  numéro  illorum.  SB  eorum.  —  (/')  JVB  quis 
arbitraretur.  MD  arbilretur.  —  (g)  NB  omellent  sui  populi,  sut  peculii.  M  populit,  inadver- 
tance. —  (h)  NMD  asseveratione.  B  assecuratione,  barbare. 

(A)  MD  num  legistis.  Sur  num  =  nonne,  cf.  supra,  p.  223  noie.  —  Quant  aux  textes  cités  par 
Federich,  ils  ont  pour  but  de  montrer  que,  dès  avant  J.-C,  Dieu  considère  tous  les  hommes 
également  comme  ses  enfants. 

(B)  MD  et  utrisque  consultum  esse  voluit,  =  et  il  voulut  pourvoir  aux  besoins  moraux  des  uns 
comme  des  autres. 

(C)  lérém.,  31,  35  et  36,  seulement  résumés  par  Bodin. 

D;  «  Bénit  soit  mon  peuple  d'Egypte,  et  l'Assyrien  est  l'œuure  de  mes  mains,  mais  Israël  est 
»  mon  héritage  •>.  Isaïe,  ly,  25.  Federich  tronque,  Salomon  rétablit  le  passage,  chacun  dans 
l'intérêt  de  son  dire. 

E]  Résumé  de  Isaïe,  65,  18-21. 

(F)  Référence  erronée.  MD  la  rapportent  d'ailleurs  h  son  bercail  &  son  héritage.  Je  conjecture, 
dès  lors  :  Exod.,  19,  5  :  «  Vous  serez  mon  propre  acquest  sur  la  lerre  ».  Cf.  Deut.,  7,  6;  14,  2. 

(G)  Exod.,  14,  erroné.  Je  corrige  :  Exod.,  4,  22  :  «  Mon  fils  premier  né  Israël  ».  —  Malachie, 
3,  17.  —  Isaïe,  5,  7  et  43,  6.  —  Exod.,  3,  10;  5,  1 :  6,  7.  —  Levitic,  30,  est  une  erreur.  Je  corrige  : 
Levitic,  20,  26  :  «  Vous  serez  mon  peuple  saincl  ».  —  Deul.,  4.  7-8;  7,  6:  '.),  5:  10,  15:  14,  2;  26, 
18;  32,  9.  —  I  flots,  10,  1  et  12,  22. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SURLIMES  133 

la  grandeur  des  Cieux  &  trouué  les  fondemens  sur  lesquels  la  terre  est 
appuyée  allors  iabbandonneray  mon  peuple  Israël  (i)  (A).  Et  bien  que  très 
souuent  il  le  menace  de  lui  enuoyer  des  maux  borribles  sil  ne  demeure  (j) 
dans  Tobseruation  de  ses  edicts,  il  sest  pourtant  obligé  par  vn  grand  serment 
de  noublier  iamais  l'alliance  (2)  quil  a  faicte  auec  Abraham  en  faueur  de  son 
peuple.  Aussy  en  vérité  ne  nous  a  il  iamais  oublié  :  mais  bien  que  dispersez 
par  toutte  la  terre  il  nous  carresse  &  nous  fauorise  de  la  grâce  de  nauoir 
point  veu  naistre  parmy  nous  des  diueisitez  de  croyance,  mais  nous  viuons 
tous  vnanimement  (k)  dans  la  mesme  loy  que  nos  ancestres  ont  suiuie  depuis 
plus  de  quatre  mil  ans,  ce  que  les  historiens  &  sacrez  &  prophanes  iustiffient 
par  leurs  tesmoignages.  C.  Tacite  parle  ainsy  :  Les  Iuifs  nadorent  qu'vne 
diuinité  éternelle  (7),  inexprimable  <St  immortelle  et  reputent  profanes  ceux 
qui  sacrifient  aux  Idoles  (B).  Et  encores  que  les  Iuifs  les  Mahometans  (C)  &  les 
Chrestiens  reconnoissent  (m)  tous  Abraham  pour  l'autheur  &  le  fondateur  de 
leur  religion,  il  n'y  a  que  les  Iuifs  qui  en  ayent  gardé  la  pureté  auec  constance, 
les  Chrestiens  &  les  Mahometans  a'yans  tous  378  '  deux  donné  lentrée  et  frayé 
le  chemin  a  vne  infinité  de  sectes  quils  ont  de  temps  en  temps  veu  naistre  (n), 
assauoir  Ariens,  Nestoriens,  Sabelliens,  Manichéens,  Donatistes,  Ebionites. 
Novatiens,  Gazareens  (o)  (D).  Mais  pourquoy  les  rappeller  touttes  iusques  a 
six  vingt  et  plus  (E)  que  Tertulien  &  Epiphane  (p)  contoient  (q)  dès  la  nais- 

(2)  Leuit.,  c.  26  (F). 


(i)  B  omet  ce  dernier  verset.  —  (./)  N' si  a  sua  lege  desciscat  (populus).  MDB  desciscant, 
syllepse.  —  [k)  NB  sed  ubique  lerrarum  dispersa»)  (gentem  suam)  amplexatur,  quia  (MD  qui) 
in  eadem  lege  divina  exerce  unir,  etc.  —  (/)  N  unum  Deum,  unum  numen  aeternum.  B  sup- 
prime le  second  unum.  MD  suppriment  unum  Deum.  —  (m)  N  credere.  BMD  ciere.  —  (n)  NBD 
sectarum  familias  innumerabiles  foverunl  semper.  M  omet  semper.  —  (o)  NB  Nazarseos.  M  Ga- 
zarsenos.  D  Gazarœos.  —  (p)  ND  scriptis.  BM scriplionibus  suis.  —  (q)  N  dinumeral.  BMD 
dinumera.nl. 

A   Jéfétn.,  31,  37. 

B)  «  Judœi  mente  sola  unumque  numen  inlelligunt.  Profanos  qui  deum  imagines  mortalibus 
»  materiis  in  species  hominum  effingant:  summum  illud  et  aeternum  neque  mutabile  neque  inle- 
•>  rilurum  ».  Tacite,  HisL,  5,  5.  Bodin  cite  encore  de  mémoire,  et  non  textuellement. 

(G)  Sur  Abraham  source  de  l'islamisme,  cf.  supra,  p.  310  note  C. 

\D)  M  Gazarserios.  D  Gazaraeos.  R  Gazareens.  Malgré  l'accord  à  peu  près  parlait  de  MDR  — 
qui  montre,  en  tout  cas,  une  fois  de  plus,  leur  étroite  parenté,  — j'adopte  la  correction  de  NB 
Nazarseos.  Je  ne  trouve  nulle  part  d'hérétiques  nommés  Gazareens.  Et  Salomon  dit,  infra, 
p.  382  :  «  Nazaraeos,  id  est  separalos,  quod  ex  volo  dies  aliquot  aut  menses  aut  annos  aut  perpetuam 
»  vin:  abstinenliam  vovebanl.quo  tempore  nec  barbam,  nec  crines  circumcidere  licehat  ».  Et  ici, 
tous  les  manuscrits  d'accord  écrivent  Nazarseos,  ce  qui  semble  lever  lonl  doute  sur  notre  passage. 
Eï  MD  sectas  circiler  CXX,  quas  Tertullianus,  plures  etiam,  quas  Epiphanius  dinumerant. 
=  Tertullien  en  compte  120,  Epiphane  davantage.  CI',  supra,  p.  219  note  B. 

(F)  Référence  certainement  déplacée,  &  qui  devait  se  rapporter  à  la  phrase  précédente  :  il  le 
menace  de  luy  enuoyer  des  maux  horribles,  etc.  «  Mais  si  vous  n'obeïssez  a  moy  &  ne  faicles 
»  tous  mes  commandements  »,  etc.  Léviliq.,  26.  14  à  42.  Dieu  énumère  alors  les  châtiments  qui 
fondront  sur  les  infidèles.  —  Quant  au  serment  l'ait  à  Abraham,  le  voici  :  «  l'ai  iuré  par  moy  mesme, 
»  dicl  le  Seigneur,  pour  tant  que  lu  as  faicl  cette  chose  et  n'as  point  espargné  Ion  fils  vnique  pour 
»  l'amour  de  moy,  que  ie  te  beniray  »,  etc.  Genèse,  22,  16  sq.  11  est  souvent  fait  allusion  à  cette 
promesse  par  serment  dans  l'Écriture  :  Psaum.,  105,  9;  Sirach,  44,  22,  etc. 


134  JEAN    BODIN 

sance  de  l'Eglise  chrestienne?  Et  Themiste  le  noble  (A)  peripateticien  ne 
trouna  point  de  meilleur  moyen  pour  (/•)  faire  reuoquer  a  l'empereur  Valens 
les  bans  &  les  proscriptions  qu'il  auoit  fulminez  contre  les  cbrestiens  qu'en 
luy  représentant  quil  y  auoit  parmy  eux  plus  de  trois  cens  sortes  de  diffé- 
rentes {s)  opinions  assez  capables  de  se  destruire  les  vnes  les  autres  sans 
y  employer  le  fer  ou  le  bannissement  (B)  :  ou  est  l'Eglise  qui  pourroit  subsister 
parmy  vne  telle  multiplicité  dopinions?  Mesmes  présentement  nauons  nous 
pas  les  Suisses  (/)  qui  accusent  derreur  l'Eglise  Romaine,  et  la  ville  d'Augs- 
bourg  (C)  qui  condamne  et  les  vns  &  les  autres  :  les  Catholiques  reiettent  les 
Anabaptistes  :  les  Puritains  les  superstitieux  (V)  (D)  :  les  Abyssins  les  Grecs  : 
les  Grecs  les  Latins.  Ainsy  tour  a  tour  elles  se  contrarient  touttes  les  vnes  les 
autres.  Et  parmy  les  Mahomelans  il  ny  a  pas  moins  de  diuersitez  de  sectes  : 
car  Mahomet  estant  mort  Hali  fils  de  sa  sœur  (E)  serigeant  en  prophète  esleua 
vne  puissante  secte  très  dangereuse  (v)  aux  Mahometans,  etc. 

[A  cette  histoire  des  variations  des  églises  chrétiennes,  Federich  répond 
que  toutes  ces  églises  s'accordent  au  moins  sur  le  point  principal  et  recon- 
naissent le  Christ  pour  le  Messie,  Curce  riposte  en  énumérant  les  sectes 
judaïques.  Mais  Salomon  observe  que  les  sectaires  juifs,  Nazaréens,  Saddu- 
céens,  ne  se  distinguent  de  leurs  coreligionnaires  que  par  une  vie  ou  des  vœux 
spéciaux,  comme  les  moines  parmi  les  chrétiens,  379-382.  Puis,  retournant 
aux  chrétiens  et  spécialement  aux  catholiques]  : 

[382J  Pour  ce  qui  est  des  Samaritins  (F)  ils  nont  iamais  esté  iuifs  ny  dori- 
gine  ny  de  créance  et  nont  iamais  esté  contez  parmy  les  enfans  d'Israël  (a), 
comme  ayans  tousiours  meslé  le  culte  du  vray  Dieu  auec  celluy  des  diuinitez 


{r)  NBD  graviorem  habuil  causai»,  u(...  (M  qua)  revocaret...  —  (s)  NMD  sectas  a  se  intiicem 
dissidentes,  li  diffidentes.  —  (/)  NMD  Helvetiorum  ecclesia.  /»'  Helveliana,  barbare.  —  (u)  NMD 
superslitiosos.  B  Episcopales.  —  v  Niîifestissimam.  HMD  infensissimam.  —  (a)  N  nec  Ismaë- 
lilarum  cœtu  conlinentur.  HMD  Israclitarum. 

A  Faux-sens.  MD  nobilis,  =  célèbre,  bien  connu.  Cf.  supra,  p.  331  :  «  [Drusillam]  incestibus 
»  Caligul;e  fratris  nobilem  -,  et  infra,  p.  481  :  «  Nobilis  hisloria  de  Mundo  ». 

^B)  Assez  capables  de  se  détruire,  elc.  est  une  glose  ajoutée  au  texte. 

(G)  MD  Aagustana  <sc.  Ecclesia\  --=  la  confession  luthérienne. 

D  11  faut,  je  pense,  entendre  par  ce  terme  les  Anglicans  :  l'opposition  deux  à  deux  des  ternies 
précédents  y  pousse,  et  c'est  là  le  sens  de  la  correction,  purement  conjecturale,  de  B  :  Episcopales. 
D'autre  part,  les  Puritains,  qui  méprisent  les  cérémonies,  suppriment  la  hiérarchie  ecclésiastique, 
remplacent  le  culte  par  la  lecture  de  la  Bible,  peuvent  bien  désigner  sous  ce  nom  de  superstitieux 
les  Anglicans,  très  attachés  à  la  pompe  du  culte  et  gardant  la  hiérarchie,  ou  alors  toute  autre 
confession  ayant  un  culte  moins  nu  que  le  leur. 

(E)  Incomplet.  MD  Hali  sorotis  ipsius  et  Habilali  filins.  —  La  source  de  Bodin  est  soit  Léon 
d'Afrique,  De  l'Afrique,  I.  III,  Règles  et  diuersitez  obseiuées  par  aucuns  en  la  loy  de  Mahomet, 
soit  plutôt  Bibliander,  n.  c,  t.  i,  p.  220,  Chronica  ridiculosa  et  mendosa  Saracenorum,  de  vita 
Mahumetis  et  successorum  ejus.  «  Hali  consequenler  regnum  sortitus  est.  Filius  fuit  Habi- 
»  taliff  »,  etc.  —  Ali,  cousin  de  Mahomet,  mari  de  sa  fdle  Fatima,  fut  élu  calife  après  la  morl 
d'Olhman,  et  contesté,  puis  dépossédé  du  califat  par  Moavia.  Les  Musulmans  qui  lui  restèrent 
fidèles  sont  les  auteurs  de  la  secte  chiite  (Perse,  Hindouslanï. 

(F)  Les  Samaritains  avaient  pour  origine  les  colonies  assyriennes  que  les  rois  d'Assyrie 
avaient  installées  en  Samarie  pour  remplacer  les  Juifs  déportés,  IV  Rois,  17,  24.  Cf.  p.  357 
note  C.  MD  Israclitarum  est  évidemment  la  leçon  correcte. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  135 

estrangeres,  a  la  manière  des  catholiques  romains  qui  ont  associé  a  ladoration 
qui  nest  deube  qua  Dieu  celles  des  anges  &  des  saincts,  s'inclinent  deuant  les 
images  pour  les  baiser  et  font  vn  Dieu  dun  petit  morceau  de  pain  (b),  ce  que 
les  Zwingliens  publient  comme  vne  horrible  impieté  (A).  Les  catholiques 
romains  font  esgorger  &  brusler  par  vengeance  les  Caluinistes  Luthériens  et 
Grecs.  Il  faut  nécessairement  que  les  vns  ou  les  autres  soient  hérétiques  ou 
impies  (c)  :  mais  les  Juifs  dans  leur  religion  pure  &  simple  ne  font  point  de 
meslange  (d)  de  culte  :  ils  ne  reconnoissent  quun  seul  &  vray  Dieu  éternel  (e) 
et  Ion  na  iamais  veu  parmy  eux  des  diuersitez  dopinion  ny  de  croyance. 

Curce.  —  Puisque  Salomon  veut  que  le  peuple  d'Israël  ayt  esté  choisi  de 
Dieu  par  vne  grâce  particulière,  accordons  luy  :  mais  il  fault  quil  nous  accorde 
aussy  que  ce  peuple  que  Dieu  a  tunt  chery  a  perdu  cette  grâce  (/)  &  sen  est 
rendu  indigne  (B)  quand  il  a  condamné  a  vne  mort  honteuse  le  Christ  Dieu 
Se  homme  sauueur  du  genre  humain  (C;  [383]  en  luy  supposant  des  faux 
tesmoins  et  laccablant  de  calomnies.  Et  partant  ce  nest  pas  merueille  si  Dieu 
animé  contre  vn  crime  si  horrible  en  a  abandonné  plus  de  cent  milliers  (g)  (D; 
a  la  fureur  de  Vespasian  (6)  qui  moureurent  pendant  le  cours  dune  année 
pendant  le  siège  de  Hyerusalemque  cet  empereur  saccagea  après  lauoir  prise, 
ou  tout  passa  au  fil  de  lespée,  iusques  au  temple  qui  fut  par  la  tlame  ruiné  de 
fond  en  comble  {h),  touttes  les  villes  de  Palestine  rauagées  et  le  peu  qui  resta 
de  ce  peuple  emmené  captif  et  dispersé  par  toutte  la  terre.  El  ce  nest  pas  vne 
légère  marque  de  la  fureur  de  Dieu  désire  non  seulement  chassez  et  bannis  de 
la  terre  saincte  (i)  (E),  mais  par   vne  conformité   de  sentimens  de  tous  les 

(6)  Iosephus  in  bello  iudaico. 


{b)  MD  cruslula.  NB  cruslulas.  —  (c)  MD  sunt  igitur  hi  aut  illi  impietalis  rei.  N  quasi  Deum 
faciant  illi  impielatis  rei  (B  reum),  inintelligible.  —  [d)  DSB  nifiil  impuri  (M  impure;  admis- 
tum.  —  (e)  NB  omeltent  seterni.  —  f  MD  ab  Ma  cœlesli  gratta  desciverunl.  N  defecerunl. 
B  discedunt.  —  [g)  MD  centum  amplius  myriadas.  SB  myriades.  —  (h)  BND  funditus.  M 
penitus.  —   i   MD  de  regione  sanclissima  [exterminati].  NB  de  religione. 

(A)  Comparez,  p.  308  sq.,  la  première  invective  de  Salomon  contre  les  chrétiens,  et  spéciale- 
ment, comme  ici,  les  catholiques.  Quant  au  reproche  que  les  catholiques  adorent  un  morceau  de 
pain,  nous  pouvons  le  mettre  sans  hésitation  au  compte  de  Bodin  lui-même,  qui.  trente  ans  aupa- 
ravant, stigmatisait  déjà  l'adoration  du  pain,  àproXa-petav.  Lettre  à  Bautru.  Cf.  infra,  p.  640  sq. 

(Bï  MD  sponle,  =  si  le  peuple  juif  a  perdu  le  privilège  de  son  élection,  c'est  volontairement 
et  par  sa  faule.  B  a  traduit  un  peu  vaguement  cette  nuance  par  l'adjonction  de  :  et  s'en  est  rendu 
indigne. 

(C)  Omission.  MD  sibi  oblatum,  =  offert,  présenté  aux  Juifs  ,par  Dieu  pour  leur  salut  ou  leur 
perdition). 

(D)  Inadvertance  :  plus  d'un  million.  MD  centum  amplius  myriadas.  —  Onze  cent  mille,  dit 
Josi  phe,  Guerre  des  Juifs  contre  les  Romains,  6,  4fi.  Le  siège  de  Jérusalem  est  raconté  aux 
liv.  5  et  6;  la  destruction  du  temple, 6,  26  sq.  —  L'idée  que  le  massacre  et  la  dispersion  des  Juifs 
est  la  sanction  du  crucifiement  est  constante  dans  la  tradition  chrétienne,  et  fort  ancienne  : 
Origène  l'exprime  déjà,  Contra  Celsum,  4,  22  iMigne,  t.  I,  col.  1059Ï. 

(E)  MD  de  regione  sanclissima  est  autorisé  par  le  contexte  et  avoué  par  le  bon  sens.  En  effet, 
les  Juifs  n'ont  été  nullement  dépouillés  de  leur  religion  (NB  de  religione).  D'autre  part,  avant  et 
après  notre  passage,  Curce  parle  uniquement  de  mesures  politiques  prises  contre  les  Juifs,  non 
de  résultats  religieux  obtenus.  Enfin  le  terme  qu'il  emploie  :  exterminati  ne  peut  s'appliquer  qu'à 
un  bannissement. 


136  JEAN    BODIN 

potentats  de  la  terre,  il  ne  leur  est  pas  permis  den  posséder  en  propriété  en 
quelque  endroit  que  ce  puisse  estre  la  moindre  parcelle  (A)  :  après  cella 
peut  on  doubler  que  ces  (j)  maux  horribles  ne  soient  pas  le  chastiment  de  la 
mort  du  Christ? 

Salomon.  —  Plus  de  cinq  cens  ans  auant  la  naissance  de  vostre  Christ,  nos 
ancestres  en  ont  enduré  bien  d'autres  (k)  par  les  Caldeens  qui  auoient  mis  a 
feu  et  a  sang  tout  nostre  pays  et  nos  villes  mesmes,  destruict  entièrement  le 
lemple  par  le  feu  (B),  iusques  la  que  Ptolomeus  Latyrus  (/),  roi  d'Egypte,  leur 
fut  si  cruel  deux  cens  ans  auant  la  naissance  de  ce  Christ,  quil  obligea  les 
soldats  iuifs  a  manger  leurs  enfans  (C)  :  cest  pourquoy  si  les  religions 
debuoient  estre  condamnées  a  cause  des  calamilez  qui  leur  arriuent,  il  ny  en 
a  point  qui  le  deut  estre  a  meilleur  tiltre  que  la  chrestienne,  laquelle  a  esté 
persécutée  pendant  plus  de  trois  siècles  de  tourmens,  de  supplices  et  de  mas- 
sacres inouïs  par  tôutte  la  terre. 

La  nation  juive  est  la  seule  que  Dieu  ait  soustraite  à  l'influence  des  astres, 
la  seule  qu'il  châtie  de  si  près  :  nouvelles  preuves  de  sa  prédilection  pour  elle. 
Pour  les  autres  nations,  la  dispersion  des  Juifs  a  été  la  dispersion  de  la  vraie 
religion  qu'ils  ont  répandue  par  toute  la  terre,  384-388.  En  les  privant  de 
toute  parcelle  de  terre,  Dieu  leur  indique  qu'ils  ne  doivent  songer  qu'au  ciel. 
Ils  sont  la  nation  sacerdotale  des  autres.  Leur  langue,  seule  entre  toutes,  est 
d'origine  divine  (cf.  supra,  p.  266),  389  sq.       r 

De  la  divinité  du  Christ,  31)0-437.  Curce,  Salomon,  Octave,  Coroni  intitulent 
véritable  Église  chacun  leur  confession.  Federich,  écartant  païens  et  maho- 
métans,  pense  décider  entre  juifs  et  chrétiens  en  établissant  la  divinité  du 
Christ,  300-393.  Il  accuse  les  Juifs  d'attendre  éternellement  le  Messie  pour 
n'avoir  pas  à  reconnaître  le  Christ.  A  quoi  Salomon  va  répondre  en  définissant 
le  mot  de  Messie,  mal  entendu  des  chrétiens,  391  sq.]. 


/  MD  (/uus  (NB  quare  [?])  calamitales.  —  [k)  Mt>  Al  [majores  nostri  multo  graviora  passi 
fuerant].  NB  Annon.  —  (l)  MD  Plolemseus  Lalyrus.  NB  Lagi  filius. 

;A)  Dès  la  dispersion  des  Juifs,  des  mesures  contre  eux  avaient  été  prises  par  les  Empereurs. 
Au  mR  siècle,  Gelse  déclare  que  les  Romains  prétendus  idolâtres  sont  les  maîtres  du  monde,  au 
lieu'que  les  Juifs  n'ont  à  eux  ni  une  maison  ni  un  coin  de  terre  où  reposer  leur  tête,  Origène, 
o.  c.  8,  69  (Migne,  t.  I,  col.  1621;.  Pendant  tout  le  moyen  âge,  l'interdiction  aux  Juifs  de  possé- 
der des  biens  fonds  est  générale.  En  France,  elle  date  du  xme  siècle;  en  Angleterre,  d'Henri  III. 
Cette  interdiction  a  subsisté  très  tard  dans  l'âge  moderne.  (Th.  Reinach,  art.  Juifs  dans  la 
Grande  Encyclopédie).  '  ' 

B)  Josèphe,  Antiq.  judaïques,  10,  11. 

■  (C)  MD  Item  Ptolomaeus  Lathyrus  rexjEgypti  lanlam  ergâ  majores  nostros  crudelitulem 
exerçait,  ut  eliam  milites  Judœorum  infanlibus  vesci  rogerel.  R  a  rapproché  milites  Judaeorum, 
et  a  cru  que  Ptolémée  faisait  manger  aux  soldats  juifs  leurs  propres  enfants,  au  lieu  qu'il  faisait 
seulement  manger  â  ses  soldats  les  enfants  juifs,  Judaeorum  in  faut  i  bus.  Encore  le  souvenir  de 
Bodin  esl-il  inexact,  et  Josèphe  dit-il  seulement  :  Ptolémée  fit  couper  en  morceaux  et  jeter  dans 
des  chaudières  d'eau  bouillante  des  prisonnières  juives,  pour  imprimer  plus  de  frayeur  aux  Juifs 
en  faisant  passer  ses  troupes  pour  anthropophages.  —  Autre  erreur  :  Ptolémée  Lalyrus,  qui  règne 
de  117  à  81,  est  seulement  antérieur  d'un  siècle  à  Jésus. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  137 

Le  nom  de  Messie  n'implique  pas  un  Dieu. 

395j  Salomon.  —  Il  nous  fault  prendre  garde  de  ne  pas  prendre  vne  con- 
jecture pour  vne  conclusion  (.a)  :  nous  auons  a  iustiffier  comme  ce  Christ  que 
vous  adorez  est  Dieu.  Car  les  premiers  [b]  théologiens  chrestiens  ont  eslé 
trompez  par  le  mot  premièrement  pour  nenlendre  pas  assez  la  force  (A)  de  la 
langue  (c)  hébraïque  dont  lignorance  a  causé  tant  de  fautes  qui  se  sont  glissées 
dans  les  versions  que  nous  auons  de  lescriture  sainte,,  ce  qui  est  de  la  dernière 
importance  id)  i  B)  :  par  exemple  lorsquvn  luif  demanda  a  lustin  le  Martyr  (6) 
ce  que  les  Chrestiens  entendoyent  par  ces  mots,  Alléluia  el  Hosanna,  il  luy 
respondit  que  cestoit  a  dire  (e),  Louez  succinctement  par  Alléluia,  et  par  Osanna 
Grande  excellence,  ce  quil  nentendoit  pas  luy  mesme.  Car  Allelu  signiffie  Loue 
et  Va  signiffie  Dieu  :  et   /'    le  mot  Hosan  signiffie  Garde  et  l\ah,  le  vous  prie. 

Cubcu.  —  S.  Hyerosme  ayant  apperceu  que  les  Iuifs  se  mocquoient  de  luy 
par  ce  quil  n'entendoit  pas  l'hébreu  C  sen  alla  après  en  Palestine  pour  lappren- 
dre  :  a  quoy  il  se  rendit  plus  expert  que  les  Iuifs  mesmes  naturels. 

Salomon.  —  lay  creu  debuoir  faire  cette  remarque  g  pour  vous  apprendre 
que  les  anciens  interprètes  grecs  et  latins  (h)  nont  pas  bien  entendu  la  signi- 
fication du  mot  de  Messie  (i)  qui  ne  signiffie  autre  chose  que  Oinct  ou  trotté 
dhuile.  Et  par  ce  que  cestoit  lusage  doindre  (j)  les  Roys  et  les  Princes  on  les 
apelloit  Messies  (7)  que  les  soixante  douze  interprètes  rendent  /o'.ixdç  et  non 

(0)  lustin  in  queest.  50  ad  orthodoxos  (D).  —  (7)  Lib.  2  Regum  c.  1  (E). 


[a)  DNB  ne  pro  argumehlo  M  id  assuinatur,  quod  erat  concludendum.  —  b  /.'  Christia- 
norum(MD  veteres.  N  velerum)  theologos.  —  [c\  MD  linguw.  SI!  legis.  —  [d  )ll>  ni  qu'ai  (S 
quideui  (?).  B  quod  maxime  non  facile  (B  et  facile  [?])  dici  possit.  —  [e)  BMD  respondit  signi- 
pZcare.  A'omel  significare.  —  (/';  MD  vox  autem.  N  omet  autem.  B  omet  vox  Allelu  sighificat 
Laudate;  lah,  Deum.  —  (g)  DNB  admonendum.  M  animadvertendum.  —  [h)  I1M  ajoutent 
Chrisliani.  —  (i)  DNB  Messias.  M  Messiah  (hébreu  :  Meschiah).  —  [j)  MDB  ungi.  N  inungi. 

(A)  MD  vint,  —  le  pouvoir  signifiant  de  la  langue  juive  :  souvenir  implicite  de  l'origine  divine 
de  la  langue  hébraïque;  cf.  supra,  p.  266,  note  D. 

(B)  MD  cujus  [linguaj]  ignoralione  tam  milita  in  Legum  divinarum  interpretalione  pec- 
cantur,  ut  quid  maxime  non  facile  dici  possit.  J'entends  :  l'ignorance  de  l'hébreu  a  causé  des 
erreurs  en  tant  de  passages,  qu'il  est  difficile  de  dire  quel  endroit  est  le  plus  corrompu.  Mais 
j'avoue  que  quid.  pronom,  pour  représenter  tam  undta,  n'est  guère  correct:  et  que  quod, 
adjectif  (donné  par  B),  vaudrait-mieux.  Quant  à  la  version  de  R,  je  la  crois  impossible,  du  moins 
avec,  notre  texte  latin. 

C  Inexact  :  MD  quod  quid  esset  Hosanna  nesciret.  —  Ellies  du  Pin,  o.  cl.  III,  p.  322,  nous 
dit  que  Jérôme,  étant  demeuré  quatre  ans  dans  le  désert  de  Syrie,  y.  apprit  les  lettres  hébraïques, 
et  p.  422.  qu'il  écrivit  sa  version  des  livres  saints  pour  répondre  à  des  accusations  comme  celle 
que  Salomon  l'ail  ici  aux  chrétiens  de  ne  jamais  citer  exactement  la  Bible.  Jérôme  lui-même  nous 
apprend  le  nom  de  son  maître  d'hébreu,  Barabbanus  ou  Baraninas,  Episl .  84(Migne,  t.  I,  col.  745  . 
(D)  Exact.  N  7.  10  ad  orthod.  est  erroné.  —  Dom  Calmet,  o.  c,  traduit  aussi  Alléluia  par 
Louez  Dieu,  et  Hosannah  par  Sauvez,  s'il  vous  plaît. 

E  «  Et  Dauid  luy  dict  :  Pourquoy  n'as  lu  point  craint  de  mettre  la  main  pour 'tuer  l'Oincl  du 
»  Seigneur?...  Et  Dauid  dici  :  Ton  sang  soil  sur  ta  lesle,  car  ta  bouche  a  parlé  conlre  toy,  disant  .:- 
»  i'ày  mis  a  mort  l'Oincl  du  Seigneur  ».  II  Rois,  1,  14  et  16.  Cf.  I  Rois,  10,  1  Samuel  oint  Sanl 
roi)  et  12,  3  et  5  Samuel  appelle  Saûl  le  Christ  du  Seigneur.  —  Cf.  Ch.  Guignebert,  Manuel 
d'histoire  ancienne  du  Christianisme,  Les  Origines,  Paris,  Picard,  11K)7,  p.  76  sq. 


138  JEAN    BODIN 

pas  /pY|<7TÔ<;,  comme  autresfois  les  Grecs  lont  pensé.  Don  vient  que  (A)  ceux  qui 
ont  voulu  se  [396]  railler  de  vostre  Christ  le  dépeignent  auec  vne  robe  longue, 
le  pied  et  laureille  gauche  dun  asne,  ayant  vn  Hure  en  sa  main  (k)  auec  cette 
deuise  ou  inscription  :  Chrislus  (7).  Parce  que  (B)  le  mot  de  Messie  signifie 
Prince  du  peuple.  Dou  Ion  connoist  assez  pourquoy  Dauid  réprimandant  les 
soldats  de  Saiil,  Pourquoy  (leur  dict  il)  auez  vous  abandonné  la  garde  de 
vostre  (m)  Messie  (8)?  Et  estant  irrité  contre  ceulx  qui  après  auoir  tué  Saiil 
luy  auoient  coupé  la  teste  :  Quoy  (leur  dict  il)  vous  auez  esté  assez  osez  pour 
mettre  la  main  sur#vostre  Messie  (9)?  Et  lors  encor  que  Samuel  regardoit 
Eliab  frère  aisné  de  Dauid,  Certainement  ^disoit  il)  celluy  la  est  le  vray  Messie 
de  Dieu  (n)  (1).  Mesmes  (o)  Dauid  et  Samuel  sappellent  réciproquement  (C) 
Messies  (2)  :  aussy  Nehemias  déclare  il  en  présence  de  tout  le  peuple  (p)  au 
retour  de  son  exil  quil  y  a  plusieurs  Messies  :  Tu  as  (dict  il)  donné  a  ton  peu- 
ple plusieurs  Messies  pour  le  venger  de  ses  ennemis.  Car  le  mot  hébreu  que 
les  72  Interprètes  ont  tourné  /outtô;  (q)  est  le  mesme  dont  se  sert  Dauid  :  Ne 
louchez  point  mes  Messies  (3),  cest  a  dire  mes  oincts.  Samuel  lexplique  encore 

(8)  Lib.  I  Regum  c.  1  (D).  —  (9)  Lib.  1  Regum  c.  26.  —  (1)  Lib.  1  Regum 

c.  16  (E).  —  (2)  Psalm.6,  17,83  et  88  (F).  —(3)  Psalm.  104  (G). 


[k)  MD  hominis  statua»/  altero  pede  (SB  mancam,  erreur  :  cl".  Tert.)  et  auriculis  asifio  con- 
simllem  (SB  consimilibus)  fingebant  (Nvel)  librum  manu  tenentem.  —  (l)  DNB  Christus.  M 
Chreslus,  inadvertance.  —  (m)  MD  vestri.  NB  nostri,  erreur.  —  (n)  B  remplace  la  citalion  par 
un  et  alibi.  —  (o)  BMD  quin  eliatn  (S  et).  —  (p)  N  in  concione.  B  ad  populum.  MD  populi.  — 
(q)  M DN  Chrislus.  B  Chrestum,  erreur  évidente. 

;  A)  MD  Ex  quo,  =■  de  là  vient  que.  .l'avoue  que  le  lien  des  idées  m'échappe.  Salomon  entend-il 
qu'en  représentant  Jésus  sous  cette  forme  grotesque,  les  païens  voulaient  railler  ce  prétendu  Dieu 
excellent  (^prjdTov)  des  chrétiens  grecs?  —  Source  de  Bodin  :  «  Sed  nova  jam  Dei  nostri  in  isla 
»  proxima  civitale  edilio  publicala  est,  ex  quo  quidam  l'ruslrandis  bestiis  mercenarius  noxius 
»  picturam  proposuil  cum  ejusmodi  inscriptione  :  Deus  christianorum  onochœtes.  Is  erat  auribus 
»  asininis,  altero  pede  ungulalus,  librum  geslans  et  logalus  ».  Tertullien,  Apolog.,  16.  C'est 
d'ailleurs  une  vieille  accusation  portée  contre  les  chrétiens  (Minucius  Félix,  Octavius,  9)  et 
contre  les  Juifs  (Josèphe,  Contre  Apion,  cité  dans  la  Démon..  2,  1,  p.  169)  que  celle  d'adorer  une 
tête  d'àne.  Et  Tacite  (indiqué  par  Tert.,  Apol.,  16)  nous  l'explique  comme  suit  :  Les  Juifs  au 
désert  «  forluilum  iler  incipiunt.  Sed  nihil  eeque  quam  inopia  aquœ  fatigabat;  jamque  haud  procul 
»  exilio  tolis  campis  procubuerant,  cum  grex  asinprum  agreslium  e  paslu  in  rupem  nemore  opacam 
»  concessit.  Seculus  Moses  conjectura  herbidi  soli  largas  aquarum  venas  aperit...  El'figiem 
»  animalis,  quo  monstrante  errorem  silimque  depuleranl,  penelrali  sacravere  ».  Hist.,  5,  3  et  4. 

(B)  Contresens.  MD  quod  vero  vox  Messias  populi  pri.ncipem  significet,  ex  eo  salis  inlelle- 
gitur,  quod  David,  etc.,  =  quant  à  la  signification  du  mot  Messie,  à  savoir  prince  du  peuple,  elle 
résulte  assez  clairement  du  passage  où  David,  etc. 

(C)  Faux-sens.  MD  se  ipsos,  =  s'appellent  eux-mêmes. 

(D)  Double  erreur  :  les  références  8  et  9  sont  interverties.  Et  la  référence  8  est  inexacte.  —  La 
vraie  référence  8  est  :  «  Vous  estes  enl'ans  de  mort,  pour  ce  que  n'auez  point  gardé  vostre  mais- 
»  tre  l'oincl  du  Seigneur  »,  I  Bois,  26,  16.  La  vraie  référence  9  est  :  II  Bois,  1,  14  et  16,  cité 
p.  395,  note  E. 

(E)  I  Bois,  16,  6. 

(F)  «  Or  sçachez  que  le  Seigneur  a  faicl  son  sainct  [c'est  lui-même]  admirable  »,  Ps.  4  (et  non 
6,  erreur  due  aux  chiffres  romains),  4.  [Je  chanterai  le  Seigneur]  «  faisanl  miséricorde  a  son 
»  oinct  Dauid  ».  17,  51.  «  Ietlez  les  yeux  sur  le  visage  de  vostre  Christ  [David]  »,  83,  9.  «  l'ay 
»  trouué  Dauid  mon  seruiteur  et  ie  l'ay  oinct  de  mon  huile  saincte  »,  88,  20. 

(G)  Ps.  104,  15.  La  parole  de  Néhémie  citée  plus  haut  se  trouve  II  Esdras  (ou  Néhémie),  9,  27. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  139 

plus  clairement  dans  vne  très  grande  assemblée  du  peuple  auant  que  de 
rebuter  celluy  qui  auoit  esté  designé  pour  eslre  Roy  :  Dieu  tdict  il;  (A)  a 
enuoyé  a  son  peuple  pour  Messies  Hyerubahal,  lephté  et  Samuel  (>■)  Donc 
ceux  la  se  trompent  (s)  qui  pensent  quil  n'y  a  ou  qui!  ny  aura  quun  Messie  : 
cependant  de  touttes  les  erreurs  il  ny  en  a  point  de  plus  griefue  que  celle  de 
ceux  qui  simnginent  que  ce  Messie  que  (/)  nous  attendons  est  vu  Dieu  et  ceux 
se  trompent  encor  plus  lourdement  qui  pensent  que  ce  Messie  quel  quil  soit  (a) 
soit  le  sauueur  du  genre  (v)  humain.  Car  ce  que  nous  attendons  [ 39*7]  nest 
autre  chose  qu'vn  homme  engendré  duu  autre  homme,  grand  &  vaillant  capi- 
taine, lequel  rassemblera  les  enfans  d'Israël  espars  par  toutte  la  terre  pour  les 
restablir  dans  la  Palestine  et  dans  r  le  patrimoine  de  leurs  ancestres  et  qui 
les  desliurera  de  la  seuere  domination  des  Princes  qui  les  tiennent  comme 
captifs  B  :  tels  qu'ont  esté  les  Moyses  les  losués  et  les  Macchabées  comme 
tous  les  autres  princes  que  nos  ancestres  ont  receu  de  la  main  de  Dieu.  Et  il 
y  en  a  qui  {y)  croyent  que  ce  Messie  sera  oinct  par  Helie  (4).  Or  tant  sen  fault 
que  ce  Christ  ou  vostre  Iesus  que  vous  vantez  tant  nous  ayt  retiré  de  la  serui- 
tude  des  Rommains  quau  contraire  leur  Intendant  dans  nostre  prouince  le 
condamna  a  la  mort  (s)  auec  bonne  connoissance  de  cause. 

Cuhce.  —  Ce  secret  ou  mistere  est  trop  grossier  de  vouloir  faire  porter  (or.) 
la  qualité  de  Messie  aux  Princes  et  aux  tyrans  (C)  :  mais  le  mistere  du  Messie 

(4)  Tryphon  apud  lustinum  iD). 


(?•)  I>  remplace  celle  phrase  par  un  etc.  —  s  NB  falluntur.  MD  fallu»/,  incorrect.  — 
(l)  NBD  quem.  N  quam,  inadvertance.  —  [u)  .Y  quisquis  fueril  oui  venturus  (MD  futiirus)  sit. 
B  quisquis  fuerit  uul  quando  etiam  venturus  sit.  —  (v)  S  humani  generis.  BMD  seminis.  — 
(x)  N  supprime  ce  second  in.  —  (//)  MHS  nec  desunt  qui.  D  desinit,  inadvertance.  —  [z)  S 
(Jésus)  servili  supplicio  fuerit  a ffectus.  HMD  sit.  —  a)  N  adducere.  HMD  traducere. 

A   I  Rois,  12,  11. 

B)  Les  Juifs  attachèrent  assez  rapidement  à  l'idée  du  jugement  dernier  el  de  la  résurrection 
celle  d'un  messie  qui  régénérerait  auparavant  le  peuple  saint  et  régnerait  sur  lui  après  avoir 
épouvanté  les  méchants.  Mais  les  uns  pensent  que  le  Messie,  après  une  période  de  règne  généra- 
lement fixée  à  mille  ans,  préparera  la  résurrection,  le  jugement  el  le  règne  de  Dieu  ;  les  autres 
s'arrêtent  au  règne  sans  fin  du  Messie.  C'est  donc  à  ce  second  rêve,  celui  de  l'eschalologie  popu- 
laire :  triomphe  par  les  armes  du  roi  victorieux,  conquête  du  monde  par  Israël,  que  s'arrête 
Salomon  ;  on  aurait  attendu  le  contraire  de  son  esprit  si  hautement  philosophique,  et  le  parli 
qu'il  prend  me  semble  diclé  par  le  désir  de  contrarier  les  chrétiens.  Plusieurs  Messies  de  cet 
ordre  ont  paru  dans  l'histoire  :  le  plus  célèbre,  Bar  Gocheba,  souleva  les  Juifs  contre  Hadrien, 
fut  battu  par  Julius  Severus  et  périt  dans  les  tortures  en  135  ;cf.  Hep/..  Y.  p.  394V  L'Hept., 
ibid:,  nous  conte  qu'un  Messie,  s'élant  élevé  à  Bologne  «  il  n'y  a  pa*  si  longtemps  »,  y  fut  livré 
au  bûcher;  et  aussi  qu'Aben  Esra  avait  prédit  la  venue  du  Messie  pour  l'an  1464  cf.  Démon.,  I, 
5,  p.  122  .  Sur  le  messianisme,  voyez  Ch.  Guigneberl,  o.  c.  pp.  75-79  el216;  Vernes,  Histoire 
des  idées  messianiques  depuis  Alexandre  jusqu'à  l'empereur  Ho drien,  Paris,  1874,  in-8. 

G  Inexact.  MD  Illud  est  pingui  Minerva,  Messi;r  arcanum  ad  principes  el  lyrannos  tradu- 
cere velle,  =  c'est  un  artifice  un  peu  épais  de  vouloir  faire  passer  la  mission  mystérieuse  du 
Messie  sur  des  princes  ou  des  rois. 

Dx  Dialogus  cum  Tryphone  Juds>o,  49  (éd.  de  Paris,  1742,  p.  145  aV  L'apparition  d'Elie  est 
un  des  prémonitoires  constamment  rappelés  de  la  venue  du  Messie.  «  Ses  disciples  l'inlerrogè- 
»  renl  alors  et  lui  dirent  :  Pourquoi  donc  les  scribes  disent-ils  qu'il  faut  qu'Elie  vienne  aupara- 
»  vaut?  Mais  Jésus  leur  répondit  :  Il  est  vrai  qu'Elie  doit  venir  et  qu'il  rétablira  loule  chose  ». 
Mat/h.,  17,  9-11.  Elie,  avec  Moïse,  assiste  du  reste  à  la  transfiguration  où  Dieu  avoue  Jésus  pour 
son  fils,  Mal/h.,  17,  3  et  Luc,  9.  30. 


150  JEAN    BODIN 

estant  absolument  diuin  personne  ne  le  comprendra  iamais  (b)  sans  vne  grâce 
particulière  de  Dieu.  Personne  (dict  il)  ne  vient  a  moi  que  mon  père  ne  me 
lameine  (A). 

Fedekich.  —  Si  le  mot  de  Messie  se  pouuoit  appliquer  aux  Princes  et  aux 
tyrans  quand  il  est  question  (c)  du  Messie  promis  (2),  pourquoy  Moyse  Har- 
dasan  (d)  diroit  il  que  ce  grand  &  ineffable  nom  de  Dieu  ou  Ieoua  (B)  n'est 
autre  chose  que  le  Messie  si  le  Messie  nestoit  pas  Dieu? 

Salomon.  —  Par  ce  quil  y  en  a  beaucoup  parmy  nous  qui  croyent  dans  lame 
que  ce  Messie  est  le  Roy  immortel  et  non  pas  vu  capitaine  mort  ou  qui  doibt 
mourir  (C) 

398]  Gurck.  —  Cette  response  me  semble  bien  froide. 

[Le  Messie  d'après  Onkelos,  les  rabbins  Salomon  et  David  Kimhi,  p.  39H  sq. 
Puis  Salomon  et  Curce  entament  une  longue  discussion  contradictoire  sur  les 
principaux  passages  du  vieux  Testament  où  les  chrétiens  veulent  voir  le 
Christ  prédit  :  Genèse,  49,  10;  haie,  7,  14  et  9,  4;  Jérémie,  23,  o  sq.  ;  Psaum., 
109,  1  commenté  par  Matthieu,  22,  43-46.  Curce  succombe  devant  l'érudition 
supérieure  de  Salomon,  400-406.  Salomon  conteste  l'exactitude  de  la  version 
des  Septante  et  de  celle  de  S.  Jérôme.  Dans  les  cas  douteux,  seul  l'original 
hébreu  peut  faire  foi.  Histoire  du  texte  de  la  Bible.  Apocryphes.  Attribution 
des  livres  anonymes,  407-411]. 

Corruption  du  nouveau  Testament. 

411j  Federich.  —  Mais  lorsque  Salomon  parle  des  Saintes  Escritures  [a)/\\ 
ne  faict  point  mention  du  nouueau  Testament  :  cependant  par  les  nouueaux 
quand  on  les  exhibe,  les  anciens  se  trouuent  tousiours  reuocquez  ainsy  que 
les  vieilles  loix,  les  vieilles  transactions  (//),  et  les  vieilles  alliances  (D)  sont 
tousiours  annullées  par  les  nouuelles. 
Salomon.  —  Nous  accordons  quil  est  vray  quand  dans  les  testaments  et 

(2)  C   41  Gènes. 


6  NMD  percipiet  unquain.  B  percipit  ad  unquam  (?).  —  (c)  N  cur  igilnr  (?)  de  promisso 
Messia.  BMD  cum  agitur,  etc.  —  {d)  N  Moses  Hardusam .  B  Hardanam.  MD  Hardasa».  — 
a)  NB  Utteris.  MD  libris.  —  [b)  Kpactibus,  barbare.  BMD  pactis. 

(A)  Jean,  6,  44.  —  Remarquez  le  son  calviniste  que  rend  la  pensée  de  Curtius  :  il  en  appelle 
tout  de  suite  à  la  grâce. 

,8*1  Moïse  Hadarsan  est  un  des  nombreux  interprètes  du  Talmud  ;  cf.  D.-Mornay,  o.  c.,6,  p.  107 
et  30,  p.  705.  Bodin  puise  le  renseignement  qu'il  lui  emprunte  à  son  commentaire  sur  Genèse,  41, 
45  :  »  Il  changea  aussi  son  nom,  et  l'appela  en  langue  égyptienne  le  Sauveur  du  monde  ».  Voilà 
ce  que  signifie  la  référence  donnée.  Quant  à  l'ineffable  nom  de  Dieu,  c'est  le  létragramme  ■' 
cf.  supra,  p.  257  noie  B. 

(<J)  Ainsi  Salomon,  après  avoir  adopté  tout  à  l'heure  le  messianisme  grossier  des  millénaires, 
expose  maintenant  l'autre  théorie,  celle  où  le  Messie  apportera  le  bonheur  céleste,  et  se  tire  des 
contradictions  des  interprètes  en  ne  choisissant  pas  :  c'est  un  peu  flottant  et  un  peu  faux. 

(D)  Federich  veut  marquer  que  le  nouveau  Testament  a  supplanté  l'ancien,  et  pour  nous  est 
devenu  la  table  de  la  nouvelle  alliance  :  «  Ce  calice  est  la  nouvelle  alliance  en  mon  sang  »,  î  Co>., 
1 1,  î'i.  D'où  l'emploi  intentionnel  du  mot  alliance,  fœderis. 


DES    SECHETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  141 

dans  les  alliances  cest  le  mesmes  autheur  qui  les  a  faieles  et  que  les  articles 
nen  sont  pas  faux  ny  supposez  (c).  Or  (d)  le  nouueau  testament  des  chrestiens 
na  pas  esté  passé  par  celluy  qui  a  faiel  la  première  alliance,  qui  a  donné  les 
premières  loix  (e)  sur  le  mont  Oreb  non  pas  en  présence  de  sept  (f)  ieunes 
garçons  sans  barbe,  mais  en  présence  de  sept  cens  (g.)  (A)  mil  hommes  sans 
compter  les  femmes  les  esclaues  &  les  estrangers.  loinct  que  personne  ne 
peut  dire  quel  est  ny  de  qui  (h)  412  est  ce  nouueau  Testament  (B)  ou  nous 
voyons  tant  de  choses  ostées  supposées  i)  adioustées  &  changées  quil  y  en  a 
plus  de  trois  cens  differens  exemplaires,  ou  non  seulement  les  lettres  les 
syllabes  ou  les  mots  sont  changez  ostez  ou  adioustez,  mais  des  périodes  ou  (j) 
des  chapitres  tous  entiers,  comme  par  exemple  ce  que  dicl  Epiphane  (Ci  que 
dans  l'exemplaire  de  Marcion  disciple  de  lean  lapostre  les  deux  premiers  cha- 
pitres de  Luc  y  manquoient  :  dans  lesquels  cependant  (D)  sont  des  choses  dont 
aucun  des  autres  euangelistes  (/)  nont  parlé,  assauoir  (ambassade  de  lange  a 
la  Vierge  :  le  prodigieux  enfantement  de  la  Vierge  :  laniuée  (m)  des  mages  des 
extremilezde  la  terre  dans  la  Iudée  soubs  la  conduitte  d'vne  estoille  iusques 
a  1'estable  ou  la  Vierge  auoit  accouché  (E).  Ce  Marcion  estoit  disciple  de  lean 
au  commencement  des  plus  zelez  pour  le  christianisme  ayant  contribué  dabord 
vne  somme  de  dix  mil  escus  (7)  (F)  pour  lestablissement  de  vostre  Eglise, 
lequel  plus  il  estoit  proche  (n)  de  sa  naissance,  plus  a  il  de  connoissance  de 
lout  ce  qui  est  arriué  allors.  Cest  pour  cella  (o)  quau  raport  de  Tertulien  (8)  il 

(7)  Decem  millia  coronatorum.  —  (8)  Contra  Marcionem    (1  . 


(c)  NB  suspectée  (tabulœ).  MD  subjectif,  préférable.  On  Lrouve  dans  le  même  sens,  infra, 
p  414,  MDN  subjecla  et  MDNB  subjecerat.  —  \d)  MNB  AL  D  Au/.,  négligence.  —  («)  N  omet 
primas  legum  tabulas.  —  f)  MDNseptem.  B  271  (?).  —  (g)Nsexcenlis.  HMD  seplingentis  (mil- 
libus).—  [h]  SBD  cujusque sit.  M  cujuscumque.  —  i  SB  suspecta.  MD  subjecla.  —  ;j  N  aut. 
BMD  et.  —  [l]  NBM  ea,  qu<e  nusquam  ab  (D  de)  aliis  scriploribus  prodita  fuere. —  [m]  N  pro- 
feclïo.  BMD  profectiones.  —  [n)  NMD  propius.  B  proprius  (?).  —   o   NMD  ergo.  B  uutem. 

(A)  MD  septingenli<<.  L'écriture  dit  603.550,  Nombres,  1,  46.  —  Quant  aux  sept  ieunes 
garçons  sans  barbe,  qui  désignent  évidemment  les  témoins  du  nouveau  Testament,  on  peut  se 
demander  pourquoi  ils  sont  sept.  Serait-ce  là  un  nombre  approximatif,  imposé  par  le  parallé- 
lisme des  700.000  Hébreux,  pour  railler  le  petit  nombre  des  apôtres?  Je  trouve  dans  Origène, 
Contra  CWs.,1,  62  (Migne,  t.  I,  col.  774),  un  passage  où  Gelse  tourne  Jésus  en  dérision:  «  S'élanl 
»  accompagné  de  dix  ou  onze  scélérats,  de  publicains  et  de  meurtriers,  il  se  mil  à  courir  avec 
■>  eux  ».  11  ne  me  semble  pas  impossible  qu'il  y  ail  ici,  d'un  texte  à  l'autre,  une  imitation  loin- 
taine. Et  comme  Bodiu  use  de  chiffres  romains,  je  conjecture  XÎI  (au  lieu  de  VII)  ieunes  garçons, 
ce  qui  désignerait  alors  sans  conteste  les  apôtres. 

(B)  Contresens.  D  Novum  autem  Testamenlum  qualecumque  aut  cujusque  (M  cujuscumque) 
sit,  neiuo  affirmare  potesl,  =  tandis  que  le  nouveau  Testament,  quel  qu'il  soit,  quel  qu'en  soit 
l'auteur,  nul  ne  peut  le  donner  pour  cerlain,  aulhenlique. 

C   Epiphane,  Adversus  Hsereses,  1,  3,  haeres.  42,  11  (Migne,  t.  1,  col.  711  . 

L)    MD  lamen.  J'entends: et  cependant  [ce  n'est  pas  là  un  changement  léger  au  texte, puisque]. 

E  Erreur.  Luc  a  bien  raconté,  et  lui  seul,  la  salutation  angélique,  1,  28:  le  prodigieux  enfan- 
tement, I,  34;  et  l'adoration  des  bergers,  2.  8  sqq.  Mais  c'est  dans  Matthieu,  et  dans  lui  seul, 
qu'on  trouve  l'adoration  des  mages,  2,  1  sqq. 

F  MD  sestertia  CCCC,  =  400  grands  sesterces,  environ  82.000  francs  de  notre  monnaie,  et 
que  Bodin  évalue  à  dix  mille  écus  d'or.  Détail  pris  de  Terlullien,  Adversus  Marcionem,  4,  4 
(Migne  t.  2,  col.  365).  Cf.  sur  cet  ouvrage  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  1,  p.  267  sq. 

G   Adv.  Marcion.,  4,  2;  et  aussi  De  prsesciplionibus,  51  (Migne  t.  2,  col.  70). 


142  JEAN    BOIHN 

ne  vouloit  point  reconnoistre  leuangile  de  Luc  comme  estant  a  son  aduis 
toutte  falsifiée. 

Cohoni.  —  On  ne  doibt  adiouster  foy  aucune  a  ce  Marcion  le  plus  grand  de 
tous  les  hérétiques  et  falsificateur  luy  raesme  des  Euangiles  (A)  (p),  de  qui  sont 
sorties  comme  de  leur  source  les  opinions  des  Manichéens  qui  ont  si  long- 
temps infecté  toutte  la  terre  (q).  En  sorte  que  ce  nest  pas  sans  suiet  que  Ter- 
tulien  parlant  de  lepistre  S.  Paul  a  Philemon  a  dict  quelle  seule  auoit  eschappé 
des  mains  faulsaires  de  Marcion  a  cause  quelle  nest  pas  longue  (B)  :  et  cepen- 
dant (/•)  Epiphane  laccusoit  de  lauoir  pareillement  falsifiée  comme  les  autres 
œuvres  de  cette  qualité  (C). 

[413]  Salomon.  —  Ces  deux  premiers  chapitres  de  Luc  ne  seruent  de  rien 
pour  autoriser  lopinion  de  Marcion  (I)  ,  nestant  pas  vraisemblable  que  les 
autres  euangelistes  eussent  passé  soubs  silence  (s)  cette  ambassade  céleste, 
laccouchement  dune  vierge,  lestoille  guide  des  mages  (/),  enfin  touttes  les 
choses  les  plus  considérables,  ayans  raporté  iusques  aux  choses  de  la  plus 
petite  conséquence.  Et  souuent  (u)  les  mesmes  redisent  les  mesmes  choses 
plus  dune  fois  iusques  aux  guerisons  des  dissenteries  et  des  hemoroïdes  (E)  : 
et  cest  vn  grand  preiugé  que  ces  deux  chapitres  sont  adioustez  aux  œuures 
de  Luc  de  ce  que  le  troisiesme  chapitre  comme  estant  le  commencement  de 
quelque  histoire  a  raconter  (v)  debutte  de  cette  manière  :  Lan  15  de  lempire 
de  Tybere  Caesar,  estant  P.  Pil.i te  Président  en  Iudée  et  Herode  tetrarque  de 
Galilée,  son  frère  Philippe  tetrarque  de  Tlturée  et  Lysania  tetrarque  d'Aby- 
lene  (x)  soubs  le  pontificat  d'Anne  et  de  Caï'phe  le  seigneur  sest  faict  entendre 


(p)  NMD  evangeliovum.  B  evangelii.  —  (q)  B  omet  in  universum  orbem.  —  (r)  N  omet  tamen. 
—  (s)  J/OiV[Evangelistas]  pvselermissuvos  fuisse.  B  pvselermissuvas,  lapsus.  —  [t)  MDN  slellas 
Magovum  duces.  B  stellam...  ducem.  —  (u)  MDB  ssepius.  N  saepe.  —  (v)  MU  historiu?  futurœ 
prolusio.  NB  lollus  historiée  prsefalio.  —  (x)  MD  Philippo  f valve  tetvarcha  llureœ  et  Lysania 
Abylenes  telvavcha.  B  Philippo  fvalve  letravchœ,  tronqué.  N  ajoute  Barcoae  (?)  et  Abylenes. 

(A)  D'après  Terlullien,  Marcion,  dans  ses  Antithèses,  séparait  complètement  l'ancienne  loi  de 
l'Evangile,  et  reconnaissait  deux  Dieux,  l'un  imparfait,  celui  du  vieux  Testament,  l'autre  parfait, 
père  du  Christ,  celui  du  nouveau  Testament,  Adv.  Marcionem,  1,  19  (Migne  t.  2,  col.  362).  Ter- 
lullien l'accuse  encore  d'avoir  «  rongé  »  l'Evangile,  ibid.,  1,  1  (Migne  t.  2,  col.  246),  et  d'avoir  à 
ce  point  falsifié  Luc  qu'il  l'avait  fait  complètement  sien,  ibid.,  i,  1. 

[B)  Adv.  Marcion.,  5,  21  (Migne  t.  2,  col.  521). 

(G)  Epiphanius,  Advevsus  Hœreses,  lib.  1,  t.  '■*,  heeres.  42,  12  (Migne  t.  1,  col.  811). 

(D)  L'opinion  de  Mavcion.  Evidemment  celle  que  Salomon  lui-même  a  rappelée  tout  à  l'heure  : 
à  savoir  que  tout  l'évangile  de  Luc  était  apocryphe  Mais  alors  Salomon  se  contredit  lui-même: 
il  vient  d'attaquer  l'authenticité  des  Evangiles,  et  à  présent  il  a  l'air  de  défendre  celui  de  Luc, 
du  moins  si  on  l'ampute  des  deux  premiers  chapitres.  C'est  incompréhensible.  Y  a-t-il  quelque 
part  une  faute  de  texte  ancienne,  qu'aucun  de  nos  mss.  ne  révèle?  Doit-on  supposer  que  celte 
réplique  appartenait  à  un  autre  que  Salomon,  Toralba  ou  Senamus?La  dernière  conjecture 
paraît  peu  plausible,  car  c'est  encore  Salomon  qui  va  poursuivre  la  dispute  avec  Oclave  sur  la 
question  des  deux  chap.  de  Luc  :  comment  lui  enlever  la  parole  en  cours  de  discussion?  Je  ris- 
que, en  en  sentant  l'improbable  subtilité,  l'explication  suivante  :  Salomon  n'admet  pas  que  Mar- 
cion, à  cause  des  deux  premiers  chap.,  écarle  tout  l'évangile  de  Luc,  parce  que  cela  consolide 
les  (vois  autres.  Luc  lui  semble  valoir  Matthieu,  Marc  ou  Jean,  qui  ne  valenl  rien. 

(E)  MD  dysenleviie  et  hv?morvhagiae  cuvaliones,  -=  jusqu'aux  guerisons  de  colique  ou  de  flux 
de  sang.  Allusion  railleuse  aux  cures,  même  aux  résurrections  opérées  par  Jésus,  Matth.,  4,  24: 
8,  14;  9,  2  sqq.,  etc.  ;  et  plus  spécialement  à  la  femme  guérie  d'un  flux  de  sang,  Luc,  8,  43-48. 


DKS    SECRETS    CACHEZ    DES   CHOSES    SUBLIMAS  1  43 

a  Iean  etc.  Tous  les  prophètes  et  historiens  commencent  presque  tousiours 
ainsi  (y),  comme  Ezechiel  Daniel  Osée  Michée  Sophonias  (z)  Esdras  Zacharias, 
et  a  leur  imitation  Luc  a  commencé  (a)  aussy  son  histoire  ainsy  (A).  Ainsy  il 
est  aisé  de  iuger  (b)  que  ces  deux  chapitres  sont  de  tout  autre  (c)  plustost  que 
de  luy. 

Federicu.  —  La  particule  Or  (d)  (B)  mise  en  commenceant  faict  connoistre 
que  ce  chapitre  est  relatif  a  ceux  qui  le  précèdent. 

Octaue.  —  le  n'en  vouldrois  rien  asseurer  (e)  (C),  mais  il  me  souuient 
dauoir  leu  dans  TAlcoran  cette  ambassade  de  lange  a  la  vierge  Marie  et  ce  qui 
concerne  son  enfantement  auec  beaucoup  de  différence  de  la  façon  que  Luc 
lescrit.  Car  Mahomet  faict  ainsy  parler  lange  [414]  a  Marie  :  0  Marie  plus 
excellente  que  touttes  les  femmes  et  que  tous  les  hommes,  plus  pure  et  plus 
aggreable,  Dieu  créateur  de  touttes  choses  tenuoie  la  ioie  dune  grande 
nouuelle  (/")  auec  son  verbe  qui  sappellera  lesus  Christ,  homme  très  bon  & 
très  sage.  Sur  quoy  elle  sescrie  :  Dieu  éternel  (g)  comment  se  pourroit  il  faire 
que  ienfante,  iamais  homme  ne  ma  touchée.  Lange  luy  (A)  réplique  :  Touttes 
choses  sont  faciles  a  Dieu,  il  donnera  a  ton  fils  vne  force  diuine,  il  sera  légis- 
lateur et  enseignera  leuangile  (t),  il  guérira  les  aueugles,  les  muets  et  les 
ladres,  ressuscitera  les  morts  &  confirmera  le  vieil  Testament  (D). 


{y)  MDB  hœc  initia  sunt  fere  omnia.  N  ajoute  communia.  —  [z]  MD  Sophonias.  NB  Zepha- 
nias  (1).  —  (a)  MD  [hoc  initium]  fecerit.  NB  /eceral.  —  (b)  MD  ut  satis  perspicuum  (NB  sit).  — 
\c)  MDB  cujusvis.  N  alterius.  —  [d)  MD  rejellent  en  fin  de  phrase  eiret  os.  B  Parlicula  aiitem 
(Noà).  —  (e)  NMD  nihil  liabeo  quod  ei  de  re  statuere  possim.  B  Nihit  ea  de  re  statuere 
possum.  —  [(')  N  libi  gaudium  summi  nuncio  [millitur].  BMD  nuncii.  —  (g)  NBD  Deus  œterne. 
M  optime.  —  (/t)  NBD  Huic  angélus.  M  Hic.  —  (i)  NB  librum  legis,  verum  Evangelium  docebit. 
MD  librum  legiferum  Evangelium . 

(A)  MD  fjuos  imilatus  Lucas  initium  fioc  futurse  historise  fecerit.  préférable  à  NB  fecerat. 
Le  îulur  an'érieur  exprime  une  aclion  qui,  dans  le  passé,  regardait  l'avenir  [futurse  historise). 
—  Citons  un  type  de  début  de  prophète  :  «  En  la  trentiesme  année  le  cinquiesme  iour  du  qua- 
»  triesine  mois,  aduint,  comme  i'eslois  au  milieu  des  prisonniers  auprès  du  lleuue  de  Ghobar, 
»  que  les  deux  lurent  ouuers  et  ie  veis  les  visions  de  Dieu  ».  Ezechiel,  1,1. 

(B)  MD  £T£'.  ôà,  =  or  l'an  [15  de  l'empire  de  Tibère].  Luc,  3,  1. 

C  MD  nihil  liabeo  quod  ea  de  re  statuere  possim,  =  j'avoue  mon  incompétence. 
^D)  Coran,  3.  37-43  tBibliander,  5,  p.  23,  lignes  5  à  22).  Je  cite  Bibliander  et  ÏHeptaplomeres 
pour  que,  de  la  comparaison  des  deux  textes,  ressorlenl  :  1°  la  certitude  que  c'est  bien  dans 
Bibliander  que  Bodin  a  lu  le  Coran,  et  qu'il  a  connu  les  opuscules  y  annexés;  2°  la  supériorité 
de  MD  sur  NB.  —  Bibliander  :  »  0  Maria,  omnibus  viris  et  mulieribus  splendidior  et  mundior 
»  alque  lolior...  ù  Maria,  libi  summi  nunlii  gaudium  cum  verbo  Dei,  cujus  nomen  est  Christus 
»  Jesas  filius  Marire...  prudeus,  sapiens,  vir  optimus  ab  universilalis  crealore  millitur.  Bespondel 
»  illa  :  0  Deus,  cum  virum  non  leligï,  filium  quomodo  concipiam?  Inquiunt  angeli  :  Deo  nihil 
•>  occurrit  impossibile,  omnia  prout  vultoperanli  ...ipseque  filium  tuum  cum  divina  virtule  venien- 
»  tem,  librum  legiferum,  omnisque  magislerii  periliam,  et  leslamenlum  ac  evangelium,  manda- 
»  tumque  filiis  Israël  edocebil...  caecos  el  mutos  curabit  Jésus,  morphealicos  [?]  alque  leprosos 
»  mundabit,  morluos  crealore  coopérante  vivificabil  ».  —  Heptapl.  MD  :  «  0  Maria,  omnibus 
■>  mulieriLus  ac  viris  splendidior,  purior  ac  jucundior,  libi  gaudium  summi  nuncii  (N  nuncio;, 
»  cum  verbo  Dei,  cui  nomen  est  Jésus  Christus,  vir  optimus  ac  sapiens  ab  universilalis  crealore 
»  millilur.  Ad  quem  illa  :  Virum  non  alligi,  Deus  œterne,  quomodo  pariam?  Hic  (D  Huic)  Ange- 
»  lus  :  Omnia,  inquil,  Deo  facilia  sunt.  Ipse  luum  lllium  divina  virlute  augebit,  librum  legiferum 
»  Evangelium  (NB  librum  Legis,  verum  Evangelium)  docebit,  caecos  el  mulos  curabit,  leprosos 
»  mundabit,  morluos  excilabit,  vêtus  Testamentum  confirmabit  ».  Une  série  d'expressions  iden- 
tiques rend  non  douleuse  la  filiation  des  deux  textes. 


144  JEAN    B0D1N 

Salomon.  —  le  confesse  que  Mahomet  auoit  leu  peut  estre  ces  deux  chapi- 
tres attribuez  par  addition  (j)  a  Luc  autrement  quils  ne  sont  escrits,  veu  que 
l'on  veoit  tant  de  differens  exemplaires.  Quant  a  la  particule  Aulem,  or,  il  a 
esté  plus  facile  de  l'adiouster  a  celluy  qui  a  adiousté  deux  chapitres  tous 
entiers  que  de  persuader  (A)  leufantement  dune  Vierge  contre  Tordre  de  la 
nature. 

Toralbe.  —  Cet  enfantement  virginal  (k)  ne  me  semble  pas  si  estonnant 
que  ces  (/)  troupeaux  de  poissons  doyseaux  et  de  serpents  dont  nous  auons 
parlé  cy  dessus  (B)  et  faict  veoir  la  naissance  si  soudaine  sans  le  ministère 
du  masle  et  de  la  femelle.  Vous  auez  ouy  comme  Federich  vous  a  tant 
raconté  (G)  d'histoires  des  embrassemens  et  accouplemens  charnels  des 
Démons  auec  des  femmes  qui  en  ont  esté  engrossées  :  ce  qui  est  si  commun 
qu'Augustin  (9)  (D)  n'accuse  pas  seulement  d'impudence  (m)  ceulx  qui  en 
osent  doubter,  mais  Thomas  d'Aquin  (1)  (E)  et  presque  tous  les  Théologiens 
vnanimement  demeurent  d'accord  quil  est  vray  ce  que  [415]  Iean  &  François 
Pic  (2)  les  plus  scauans  philosophes  de  leur  temps  (n)  ont  tous  deux  encores 
confirmé  (F)  :  que  si  telles  choses  sont  vrayes   il  ny  a  rien  dextraordiuaire 

9    Lib.  18  de  ciuitate.  —  (1)  In  c.  6  Gènes,  et  glosa  ordinaria.  —  (2)  Fran- 
cisco Pic.    in  Prwnotion.  et  Joan.    Pic.  in  Positionibus. 


(j)  NMD  suhjecla.  B  suspecta,  fautif  (cf.  p.  412).  —  [k]  DN parlas  virgineus.  BM  Virginis.  — 
(l)  UNB  piscium...  (M  Ma)  examina.  —  (m)  MDh  (ut)  Augustinus  impudentes  judicet  (B  im- 
pndenler  Auguslinum  judicent[1]}  qui  dubitent,  elc.  — (m)  N  philusophorum  (MDB  omnium) 
saeculisui.  B  sseculo  suo,  incorrect. 

(A)  Omission.  MD  philosophie,  =  aux  savants. 

(B)  Hepl.,  II,  pp.  '.'5-100.  Dieu  a  fait  naître  les  oiseaux  de  la  mer  et  les  reptiles  de  la  terre, 
Genèse,  1,  20  et  24.  La  mer  continue  à  donner  naissance  aux  oiseaux  pour  nourrir  l'homme,  et 
spontanément  :  sinon,  d'où  viendraient  ces  immenses  troupes  de  cailles  qu'on  trouve  parfois  sur 
ses  bords,  oiseaux  mauvais  voiliers  qui  ne  sauraient  venir  d'au  delà  de  l'Océan?  Même  idée 
exprimée  Th.,  3,  7,  p.  467  sq.  Cf.  ma  Physique  de  Bodin,  Revue  d'Anjou,  sept.  1912,  p.  151. 

(G)  Hepl.,  Il,  pp.  19-30  et  51-67.  Federich  s'appuie  sur  Deuteron.,  4,  3  et  Levilic,  17,  7,  qu'il 
estime  condamner  la  fornication  avec  les  démons. 

(D)  Référence  erronée.  Voici  le  texte  allégué  :  «  Silvanos  eL  Faunos,  quos  vulgo  incubos 
»  vocanl,  improbos  sœpe  exslilisse  mulieribus,  et  earum  appetisse  ac  peregisse  concubitum;  et 
»  quosdam  daemones,  quos  Galli  Dusios  nuncupanl,  banc  assidue  immundiliam  et  lentare  et  effi- 
»  cere,  plures  talesque  asseverant,  ut  hoc  negare  impudentiàe  videatur  ».  De  civ.  Dei,  15,  23. 
Outre  cette  parité  de  texte  avec  VHept.,  on  constate  que  Bodin,  pour  prouver  l'existence  des 
incubes,  apporte  toujours  ce  témoignage  d'Augustin,  Démon.,  Préface,  p.  26  ou  2,  7,  p.  27G. 
D'autres  passages  d'Aug.  expriment  d'ailleurs  le  même  avis,  par  ex.  :  De  Trinilate,  3,  8  et  9. 

(E)  Dans  son  commentaire  sur  Genèse,  6,  4  :  «  Depuis  que  les  enfans  de  Dieu  eurent  espousé 
»  les  filles  des  hommes,  il  en  sortit  des  enfans  qui  furent  des  hommes  puissans  et  fameux  dans 
»  le  siècle  ».  S.  Thomas  explique  ailleurs  que  les  succubes  reçoivent  la  semence  de  l'homme  et 
s'en  servent  comme  incubes,  Summa  theolog.,  prima  secundse,  q.  51,  ad  art.  3.  Cf.  Démon.,  2, 
7,  p.  274  sqq.,  de  nombreuses  histoires  d'incubat  avec  des  références.  Parmi  les  autres  théolo- 
giens que  VHept.  allègue  sans  les  nommer,  il  faut  indiquer  Nicolas  de  Lyra,  l'auteur  de  la 
Glose  ordinaire  (in  Geties.,  6,  4i,  à  qui  se  rapporte  la  seconde  partie  de  la  référence  1. 

(F)  J'ai  vu  J.-F.  Pici  Mirandulœ  comilis  et  J.  Pici,  etc.  Opéra  omnia,  Basileae,  per.  Sebast. 
Henricpelri,  s.  d.,  2  vol.  in-fol.  Dans  Jean-François, je  lis:  «  Mine  et  succubi  et  incubi  daemones, 
»  quod  nec  Theologi  nostri  negant,  praesertim  Augustinus  &  Thomas,  ut  bine  facile  quispiam 
»  suspicari  posset,  toi  olim  deorum  filios  creditos,  tôt  nympharum  dearumque  &  hominum  con- 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  145 

qu'vne  vierge  sans  compagnie  dhomme  ait  conceu  et  enfanté  par  le  ministère 
dan  ange.  Nous  voyons  que  non  seulement  des  racines  et  des  animaux  (o)  en 
très  grande  quantité  sortent  du  sein  de  la  terre  (A)  sans  semences  aucunes  p  , 
mais  aussi  des  hommes  dans  vne  terre  grasse  tempérée  par  la  chaleur  du 
soleil,  selon  les  tesmoignages  d'Anaximandre  (3),  d'Empedoele,  d'Anaxa- 
goras  (B),  de  Platon  (4)  (C)  et  de  tous  les  philosophes  arabes  au  dire  d'Aui- 
cenne.  Entre  les  historiens  Diodore  Sicilien,  Pausanias,  Iustin,  Strabon  & 
mesmes  Aristole  (5)  (Dj  lont  creu.  Sans  parler  des  poètes  (G)  (E)  dans  les 
escrits  desquels  il  ny  a  rien  de  plus  frequant.  Comme  aussy  M.  Varro  (q)  (7), 
Pline  (8),  Solin  (9),  Columella  (1)  et  Sillius  Italicus  (r)  raportent  que  les 
cauales  de  Portugal  conçoiuent  &  engendrent  souuent  sans  leurs  masles, 
mais  que  les  poulins  qui  en  sorlen!  ne  viuent  pas  plus  de  trois  ans.  Il  est 
incroyable,  dict  Varron,  mais  cependant  véritable  que  les  cauales  (s)  de  Por- 
tugal conçoiuent  par  le  moyen  du  vent  (F). 

3  Plutarch.  in  Placitis  philosoph.  —  (4)  In  Protagora,  Polilico,  Menexene. 
—  (o)  Sect.  10a  Problematum.  —  (6)  Maro  in  Géorgie,  Ouid.  in  Metam., 
Oppiau.,  lib.  3  de  Venatione.  —  (7)  Lib.  de  re  rustica.  —  8  C.  30.  —  (9)  Lib. 
44  (G).  —  (1)  Lib.  fi. 


(o)  MUX  animantia.  B  animalia. —  (p)  MDN  sine  ullo  (B  Mo,  lapsus)  semine.  —  [q)  N  Maro* 
Varro,  faute.  BMD  M.  Varro.  —  (r)  B  omet  Silius  Italicus.  —  (s)  Neqttos.  BMD  equas. 

»  cubilu  nuncupalos  heroas,  non  fabulis  lantum  ficlos,  sed  dœmonum  vel  succuborum  vel  incu- 
»  boruin  opéra  fados  fuisse  »,  etc.  De  rerum  prœnotione,  4,  4  t.  2,  p.  317).  Je  n'ai  pas  trouvé 
dans  ce  recueil  les  Positiones  de  Jean  Pic.  Bodin  appelle  ailleurs  cet  ouvrage  Posiliones 
tnagiese  (Démon.,  1,  5,  p.  128)  ou  Positions  cabalistiques  (ibid.,  2,  1,  p.  180)  :  sonl-ce  les 
fameuses  900  propositions  de  omni  re  scibili? 

(A)  Aristote,  Hist.  animanlium,  5,1,  5,  explique  la  génération  spontanée  par  la  putréfaction  de 
la  terre  ou  des  plantes. 

(B)  Anaximandre,  dans  Plutarq.,  De  placitis  philosophorum,  5,19;  Empédocle,  Carmina.  De 
nalura,  v.  125  sqq.  (Fragmenta  philosoph.  graecor.,  Paris,  F.  Didot,  1860);  Anaxagore,  dans 
Diogène  Laerce,  2,  9. 

(C)  Platon,  Protagoras,  11  éd.  H.  Eslienne,  t.  1,  p.  320  d);  Politique,  13  (t.  II,  p.  271  a); 
Ménéxène,  7  (t.  Il,  p.  237  d);  Banquet,  14   t.  III,  p.  190  6),  etc. 

(Dï  Aristole,  Problem.,  sect.  10,  65.  —  Justin  (sur  les  autochtones  de  l'Altique),  2,6.  —  Diod. 
de  Sicile,  1,  6  et  7,  explique  ainsi,  en  un  long  développement,  la  naissance  du  genre  humain.  — 
Pausanias,  8,  29,  4. 

(E)  Virgile,  Géorg.,  4, 317  sqq.  ^l'essaim  d'abeilles  issu  du  taureau  d'Arislée.  —  Ovide,  Métam., 
3,  116  (les  guerriers  de  Cad  m  us).  —  Quant  à  Oppien,  de  Venatione,  3,  354  sqq.,  il  dit  juste  le 
contraire  de  ce  que  lui  impute  Bodin  :  «  Le  ligre  est  aussi  vite  que  son  père  le  Vent;  mais  d'ail- 
»  leurs  le  Vent  n'est  pas  son  père  :  qui  pourrait  jamais  croire  (tY;  av  7riOT<6<jai'To)  que  des  bêtes 
»  s'accouplent  avec  l'air?  C'est  un  bruit  sans  consistance  (xeve^  (pctTtç)  ».  Bodin  en  prend  quel- 
quefois à  son  aise  avec  ses  autorités. 

(F)  L'histoire  des  juments  de  Portugal  vient  probablement  à  Bodin  de  Wier,  o,  c,  2,  40, 
p.  187  a,  qui  l'utilise  dans  le  même  but  que  Toralba,  pour  démontrer  la  possibilité  de  faits  à  nous 
incompréhensibles.  Mais  elle  se  retrouve  dans  maint  ouvrage  du  temps,  par  exemple  J.-F.  Pic, 
Examen  vanilalis  doclrinœ  genlium,  5,  12  (éd.  citée,  t.  II,  p.  749).  Quant  aux  références  de 
Bodin,  les  voici,  corrigées  ou  vérifiées  :  Varron,  de  Re  ?'ustica,2,  1,  19;  Pline  l'Ancien,  éd. 
Teubner,  4,  116  :  «  E  favonio  concipere  dicunlur  »  [equee  Lusilaniae],  8,  166  et  16,  3;  Solin,  23; 
Columelle,  6,  27;  Silius,  3,  378  et  16,  364;  Justin  même  (que  B  a  déplacé),  44,  3. 

(G)  Béférence  que  MD  rapportent  correctement  à  Justin,  déplacé  dans  B. 

Chauviré  10 


146  JEAN    BODIN 

Ore  omnes  versée  in  Zephyrum  stant  rupibus  altis 
Exceptantque  (l)  leues  auras  et  ssepe  sine  vllis 
Coniugiis  vento  grauidse,  mirabile  dictu  ! 

Les  nazeaux  tournez  au  vent  quils  [sic]  hument  sur  les  plus  haults  rochers 
souuent  elles  se  trouuent  plaines  sans  laide  de  lestalon  ce  qui  nest  "pas  moins 
merueilleux  quincroyable.  Homère  (2)  (A)  lauoit  desia  dict  parlant  des  che- 
uaux  d'Achilles  (B).  Ainsy  lenfantement  dune  vierge  nest  pas  vne  chose  si 
estrange. 

Sknamy.  —  Soyons  daccord  que  cella  [416]  nest  pas  contre  nature,  quoy  que 
cella  soit  bien  rare.  Mais  il  ne  se  peut  pas  faire  naturellement  que  Christ  soit 
sorty  de  ce  ventre  sans  y  auoir  faict  fraction,  ainsy  que  Tertulien  la  dict  (C) 
que  cette  Vierge  enfanta  son  corps  sestant  pour  ce  ouuert  dont  (m)  il  a  esté 
repris  de  tous  les  théologiens  de  leschole  qui  (v)  ne  veulent  pas  que  Iesus 
Christ  estant  Dieu  et  homme  ensemble  ayt  esté  subiect  aux  loix  de  la 
nature  (x). 

[Octave  s'appuie  sur  le  monothéisme  musulman  pour  refuser  à  Jésus  la 
qualité  de  fils  de  Dieu.  Salomon  indique  que  par  ce  titre  Jésus  entendait  seule- 
ment qu'il  était,  comme  tous  les  autres  hommes,  créature,  416-419.  D'ailleurs, 

(2)  Iliad.  IL 


(t)  NB  exoplant,  faute.  MD  exceptant.  —  [u)  NBD  Virginem  patefacli  corporis  lege  peperisse, 
quod  {M  quem,  Taule  d'allenliou)  omnes  theoiogorum  scholse  coarguere  non  dubitarunt.  — 
[v)  NOM  quia  (fecerunt).  B  quin,  Taule.  —  [x]  NB  Dei  et  hominis  naturam  in  Christo  unilam 
naturae  lege  solulam  fecerunt.  M  nalura  uni  ta...  solutam,  inexplicable.  D  nalura  unila...  solu- 
tum  (se.  Chrislum). 

(A)  Homère,  Iliade.  16,  1G  el  20,  222.  Virg.,  Géorgiques,  3,  273. 

(B)  El  ce  déluge  d'exemples  n'est  pas  fini  !  Nous  apprendrions  un  peu  plus  loin  que  le  dieu  Con- 
colo,  qui  est  un  démon,  couche  avec  les  femmes  des  Indiens  (tiré  de  Gomaru,  o  c,  1,  27,  p.  38. 
Cf.  Démon  ,  2,  7,  p.  276);  que  chez  les  Turcs  on  appelle  Nephis  ogli  ou  enfanls  de  l'air,  chez  les 
Anglais  merlins  (fait  rapporté  par  Montaigne,  2,  12,  t.  4.  p.  38)  des  enfants  qui  n'ont  pas  de  père 
selon  la  nalure  (lire  ou  de  Poslel,  comme  le  veut  Villey,  o.  c,  p.  124,  ou  de  Bibl'under,  Tracta- 
tus  de  moribus  Turcarum,  l.  2,  p.  31).  —  Mais  le  plus  intéressant  pour  nous  ce  ne  sont  pas  ces 
rapprochements,  même  avec  Monlaigne,  c'est  la  manière  de  Toralba,  que  nous  pouvons  sans 
nous  tromper  mettre  au  compte  de  Bodin  même  cf.  mon  Jean  Bodin,  2,  2,  La  conception  de  la 
science,  in  fine).  Il  justifie  le  miracle  par  l'observation  de  prétendus  phénomènes  analogues;  il 
veut  bien  croire  la  mère  du  Christ  toujours  vierge,  mais  parce  qu'on  voit  des  femmes  engrossées 
sans  mâle.  A  travers  l'apparence  baroque  du  raisonnement,  discernons  ce  qu'il  a  de  dangereux 
pour  le  miracle,  qui  n'esl  plus  accepté  avec  docilité  ni  candeur,  mais  qu'on  tache  de  faire  rentrer 
dans  la  connaissance  rationnelle.  D'abord  cela  lui  enlève  de  sa  valeur  d'exception,  de  son  carac- 
tère divin.  Et  puis,  voyez  comme  il  serait  facile,  &  grave,  de  renverser  le  raisonnement  :  si 
Toralba  n'avait  pas  l'exemple  des  guerriers  de  Cadmus  el  des  cavales  portugaises,  il  ne  croirait 
donc  pas  à  la  virginité  de  Marie  ? 

(C)  »  Non  virgo  quantum  a  parlu  »,  dit  Tert.,  De  carne  Chrisli,  22  Aligne  l.  2,  col.  790).  Propo- 
sition hétérodoxe  :  voyez  .Jérôme,  Ad  Pammachium  pro  libris  adversus  Jovinianum  Apologia, 
Epist.  48,  21  (Migne  t.  1,  col.  5l0i  el  Dialogus  adversus  Petàgianos,  2;  4  (Migne  t.  2,  p.  538  el 
la  nute  Le  concile  de  Lalran  sous  Martin  Ier  (G49-655:  déclare,  dans  son  canon  3,  la  Vierge 
«  incorruptibilité!'  enixam  ».  S.  Thomas  est  du  même  avis,  Summa  theolog.,  lertia,  9,  28,  ad 
art.  2.  Voilà  quelques-uns  des  théologiens  de  leschole,  sans  compter  la  décision  célèbre  de  Duns 
Scol,  o.  c,  3,  3,  q.  1  (t.  2,  p.  30),  cilée  p.  543,  note  C. 


HES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  147 

continue-t-il,  les  généalogies,  dans  Luc  &  Matthieu,  prouvent  bien  qu'il  était 
fils  de  Joseph  ;  et  elles  prouvent,  quoique  n'étant  même  pas  d'accord,  qu'il  y  a 
eu  pour  Jésus  une  filiation  naturelle,  donc  point  de  filiation  divine,  120-423. 
Comment  le  Messie  qui  devait  naître  à  Bethléem  est-il  qualifié  Nazaréen? 
Étrangeté  du  voyage  de  Marie,  enceinte,  jusqu'à  Bethléem,  sous  le  prétexte 
invraisemblable  d'un  recensement,  424-426.  L'étoile  des  mages  est  encore  un 
conte  invraisemblable,  420.  Seul  l'ancien  Testament  est  inattaquable  et 
reconnu  de  tous,  427.  La  discordance  des  Évangiles  et  l'abondance  des  Apo- 
cryphes permettent  à  Salomon  &  à  Octave  les  pires  suspicions  sur  les  Cano- 
niques, 427- 129.  Suit  une  digression  sur  le  Coran,  dont  Senamy  attaque 
l'authenticité  :  il  est  l'œuvre,  non  de  Mahomet,  mais  de  200  théologiens  arabes 
qui  ont  recensé  la  tradition  orale  venue  de  lui.  Il  est  écrit  en  vers,  ce  qui  ne 
convient  qu'aux  fables  :  l'Évangile  et  le  Pentateuque  sont  en  prose.  Puis  on 
revient  aux  discordances  des  Évangiles  :  Salomon  raille  les  récents  auteurs 
d'Harmonies  des  Évangiles,  Calvin,  Gab.  du  Puy,  Ch.  du  Moulin,  qui  n'ont 
jamais  pu  établir  entre  eux  cette  fameuse  harmonie,  429-432  . 


Contrariété  des  Evangiles. 

[432]  Salomon.  —  Pour  les  contrarietez  du  nouueau  [testament]  elles  sont 
si  visibles  quelles  paroissent  si  tost  quon  y  iette  les  yeux.  Et  pour  ne  pas  en 
entreprendre  la  discussion  en  détail  (a)  ie  soustiens  quil  ny  a  aucun  Euange- 
liste  qui  raporte  soit  pour  le  principal  de  Ihisloire,  soit  pour  les  circonstances, 
[433]  de  la  mesme  sorte  que  lautre  en  faict  le  récit  (A).  Et  vn  mesme  mes- 
mement  n'escript  pas  vue  chose  de  la  mesme  manière  quant  il  est  obligé  de  la 
reciter  deux  fois.  Qu'ainsy  ne  soit  (B)  Luc  (S)  dict  que  les  compagnons  de 
S.  Paul  sarreslerent  surpris  de  son  accident  sans  veoir  personne  (6),  mais 
qu'ils  entendirent  seulement  vne  voix  qui  disoit  :  le  suis  Iesus  de  Nazareth 
que  tu  persécutes  (C).  Et  ensuite  le  mesme  (c)  Luc  (6)  dict  que  les  compagnons 

(5)  C.  9  Actorum.  —  (6)  C.  22  Actorum. 


(a)  MDB  ne  singulos  singulis  conferamus.  N  conleramus.  —  (6)  N  ajoute  lamen.  —  (c)  JV 
Idem  (BMD  lamen)  paulo  post. 

(A)  R  a  longuement  paraphrasé,  déplacé  une  proposition  (de  rébus  iisdem  scribenti),  mal  com- 
pris une  autre  (ne  singulos  singulis  conferamus).  Voici  le  texte  :  MD  ac,  ne  singulos  singulis 
conferamus,  ne  unus  quidem  scriptorum  sibi  ipsi  convenit  de  rébus  iisdem  scribenti  aut  eam- 
dem  hisloriam  bis  repetenti.  J'entends  :  je  ne  veux  pas  recommencer  à  comparer  les  Evangé- 
lisles  entre  eux  (il  a  monlré  leurs  discordances,  p.  428  sq.).  Mais,  allant  plus  loin,  je  dis  que  pas 
un  n'est  d'accord  avec  lui-même,  quand  il  lui  arrive  de  raconter  deux  l'ois  les  mêmes  faits.  11  y  a 
une  gradation,  que  Salomon  l'ait  sentir,  dans  la  démonstration. 

(B)  Locution  vieillie,  encore  employée  au  xvine  siècle,  et  qui  avait  le  sens  d'une  transition 
assez  vague  :  par  exemple,  voyons,  voyez. 

C  11  s'agit  de  Paul  terrassé  sur  le  chemin  de  Damas.  «  Et  tombant  par  terre,  il  entendit  une 
»  voix  qui  lui  disait  :  Saùl,  Saùl,  pourquoi  me  persécutez-vous?  11  répondit:  Qui  êles-vous, 
»  Seigneur?  Et  le  Seigneur  lui  dit  :  Je  suis  Jésus  que  vous  persécutez  ».  Act.,  9,  4-5. 


148  JEAN    B0D1N 

de  S.  Paul  veirent  vne  lumière  esblouissante  (d)  et  nentendirent  aucune 
voix  (A)  :  lesquels  deux  passages  aucuns  commentateurs  nont  encores  sceu 
accorder  (e). 

CuKCii.  —  Les  actes  des  apostres  ont  esté  composez  en  grec.  Ou  les  mots 
cpwç  et  cpwv/j,  dont  lun  signiffie  lumière  et  l'autre  voix,  a  cause  de  la  proximité 
des  lettres  a  peu  faire  que  par  leur  mauuais  soin  les  copistes  (f)  ont  peu  aisé- 
ment prendre  vn  mot  pour  laulre  :  ainsy  qu'il  arriua  aux  anciens  Grecs  quand 
loracle  d'Apollon  leur  respondit  que  cpàk  luy  plaisoit,  ils  creurent  que  cestoit 
cpwç  auec  vn  accent  graue  au  lieu  que  cestoit  tf-w;  auec  vn  accent  circonflexe 
qui  signiftie  lumière  :  dou  (g)  leur  vient  la  coustume  de  sacriffier  des  hom- 
mes (B). 

Senamy.  —  Ce  seroit  (h)  vne  merueilleuse  chose  si  parmy  vne  telle  diuersité 
descriuains  et  de  sectes  quil  sen  rencontra  a  la  naissance  de  la  Republique 
des  chrestiens  et  dans  les  premiers  commencemens  mesmes  de  leur  Eglise  il 
ne  se  trouuoit  aucune  contrariété  dans  les  ouurages  des  apostres  et  des  disci- 
ples, veu  qu'Epiphane  remarque  que  les  euesques  se  plaignoient  (i)  desia  de 
son  temps  que  les  Arriens  auoient  tous  corrompeu  les  euangiles  (j)  (C)  : 
comme  Tertulien  (7)  en  faict  reproche  (le)  aux  hérétiques  dans  son  liure  des 
[434]  Prescriptions  (D).  Et  au  contraire  les  Arriens  accusoient  leurs  aduer- 
saires  destre  les  falsificateurs  des  Euangiles.  Et  Origene  (8)  que  S.  Hyerosme 
appelle  le  patriarche  &  la  lumière  de  l'Eglise  (E)  na  point  faict  scrupule  de 

(7)  De  prœscriplionibus  aduersus  haereticos.  --  (8)  Lib.  i  contra  Celsum. 


(cl)  .Y  supprime  coruscum.  —  (e)  BMD  quae  loca  nulli  adhuc  interprètes  conciliare  (N  inler- 
prelum  conediari  [?])  potuerunt.  —  (f)  MX  qui  ab  archetypo  descripserant.  D  archetypo.  B 
archelypum.  —  (g)  MUB  incle.  N  uncle.  —  (h)  NMD  Mirabile  mihi  viderelur.  B  videtur,  fautif. 

—  (i)  N  quœri,  inadvertance.  BMD  queri   —  (j)  N  sacram  scripturam.  BMD  sacras  scripluras. 

—  (k)  S  queeslus  est  (?)  BMD  questus  est. 

(A)  Salomon  exagère  les  discordances  des  deux  passages  :  si  un  seul  a  la  lumière,  tous  deux 
ont  la  voix  :  «  Comme  j'approchais  de  Damas  vers  l'heure  de  midi,  je  Itis  environné  loul  à  coup 
»  et  frappé  d'une  grande  lumière  du  ciel;  et  étant  tombé  par  terre,  j'entendis  une  voix  qui  me 
»  disait  :  Saùl,  Saiil,  pourquoi  me  perséculez-vous  ?  »,  etc.  Act.,  22,7sq.  Evidemment  ce  peut 
être  une  négligence  de  la  part  de  Bodin  d'avoir  rendu  la  partie  si  facile  à  Salomon.  Mais  la 
négligence  est  si  grosse  qu'on  peut  se  demander  si  elle  n'est  pas  voulue. 

(B)  La  source  de  Bodin  serait  Varron.  Cf.  Bép.,  1,  5,  p.  36.  Je  n'y  trouve  pas  l'anecdote. 

(G)  Epiphane,  o.  c.,  69,  76,  déclare  que  les  Ariens  déchirent  l'écriture  avec  la  férocité  des 
bêles  fauves,  tx;  Asijâiç  7rpoo-xÔ7TTOVT£ç  co;  6-/)peç. 

(D)  De  prescription.,  17  (Migne  t.  2,  col.  30).  Cf.  Apolog.,  47. 

(E)  Je  ne  sais  où.  Et  je  ne  le  crois  pas.  Jérôme  dit  lui-même,  Epist.  83,  2  (Migne  t.  1, 
col.  744)  :  «  Ni  fallor,  duo  loca  sunt,  in  qurbus  eum  [Origenem]  laudavi  :  praefaliuncula  ad 
»  Damasum  in  Homiliis  Canlici  Canticorum  et  Prologus  in  librum  Hebraïcorum  nominum  ».  A 
aucun  de  ces  deux  endroits  il  ne  l'appelle  patriarche,  ni  lumière  de  l'Eglise.  Dans  le  premier 
il  le  nomme  magistrum  ecclesiarum;  dans  le  second,  il  dit  qu'Origène  s'est  surpassé  lui-même 
(Migne  t.  3,  col.  1117).  —  Or  ailleurs  (Démon.,  2,  2,  p.  188)  Bodin  prétend  que  Jérôme  in 
Catalogo,  appelle  Origène  le  maistre  des  Eglises  chrestiet  res  :  le  Catalogus  ou  De  viris 
illustribus,  64  (Migne  t.  2,  col.  663),  fait  un  grand  éloge  d'Origène,  mais  ne  lui  décerne  point 
le  titre  qu'assure  la  Démon.  Voici  donc  encore  un  cas  où  Tasserlion  de  Bodin  ne  se  vérifie  pas. 
Bésume-t-il  ici  l'impression  conservée  de  la  lecture  du  De  viris?  Citant  de  mémoire,  confond - 
il  le  De  viris  avec  ÏEpist.  83  ad  Pammachium,  où  Origène  est  appelé  magistrum  ecclesiarum? 
Tout  cela  est  possible;  et  cet  à-peu-près,  constant  chez  Bodin,  rend  nombre  de  ses  références 
difficilement  ou  point  du  tout  vendables. 


DE?  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  1-49 

déclarer  dans  son  liure  contre  Celse  (A)  que  leuangile  de  Marc  (/)  estoit  pleine 
de  fautes.  Comme  aussi  Ruffin  dans  son  Apologie  d'Origene  (B.)  dict  qu'Appelle 
&  Marcion  se  vantoient  dauoir  corrigé  les  Euangiles  auec  grand  soin  et  beau- 
coup de  peine,  lesquelles  estoient  touttes  falsiffiées  (m).  Ee  mesme  [ri)  Tertu- 
lien  (9)  dict  encor  dans  son  liure  des  Prescriptions  (C)  que  ce  Marcion  con- 
damnoit  mesme  comme  apocrifes  (o)  les  Actes  des  Apostres,  l'Apocalipse  et 
les  Epistres  de  S.  Paul  a  l'exception  de  quelques  vnes. 

[Octave  attaque  dans  l'Evangile  des  anachronismes  de  détail,  435-436.  Salo- 
mon  montre  dans  S.  Jean  des  versets  contradictoires,  437-440.  Les  apôtres 
allèguent  souvent  des  prophéties  inexistantes,  par  ex.  Matthieu,  27,  9.  Cer- 
tains miracles  ne  sont  que  dans  un  Evangile  sur  quatre,  441 .  Il  est  incroyable, 
si  Jésus  était  Dieu,  qu'il  ait  été  tenté  par  le  Démon  (Luc,  4,  1-13),  qu'il  n'ait 
été  inspiré  du  S.  Esprit  qu'à  trente  ans  (Luc,  3,  23  et  4,  1),  qu'il  n'ait  pas 
supporté  plus  héroïquement  la  souffrance  &  la  mort,  442  sq.]. 

Humanité,  &  médiocre  humanité  de  Jésus. 

[444]  Salomoiv.  —  La  faim,  la  soif,  la  douleur,  la  tristesse,  la  crainte, 
l'effroy  et  la  consternation  dont  il  a  esté  attaqué  (a)  nappartiennent  qua  la 
partie  inférieure  (D)  de  lame  (6),  lesquelles  passions  encor  quelles  semblent 
indignes  dun  grand  cœur  (c)  sont  neantmoins  excusables  en  ce  que  lame  en 
est  capable  par  contagion  tant  quelle  est  attachée  au  corps  pour  monstrer 
l'vnion  quil  y  a  de  lun  a  lautre.  Mais  pour  la  science,  la  [445]  prudence  et 
lintelligence  (E)  qui  appartiennent  a  la  partie  supérieure  de  lame  si  la  sienne 
eust  esté  vnie  a  la  Diuinité  elle  nen  eust  pas  esté  depourueiie.  Et  encores  que 

(9)  In  lib.  de  prsescriptionibus. 


/  NMD  Marci  evangelium.  B  Marcum  euangelislam.  —  [m]  SB  pluribus  erroribus.  MD 
plurimis.  —  (»)  NBD  Idem.  M  Item.  —  [o]  NB  supposition,  barbare.  .1/0  supposititias.  — 
(et)  MDN  quibus  Christus  conflictabatur.  B  confliclebatur,  barbare—  b)  MDB  corporis  et 
animas  in/erioris  (N  corpori  &  animse  inferiori)  communia  sunt.  —  (c)  MD  aliéna  (NB  a) 
sapiente  vivo. 

(A)  Origène,  Contra  Celsum,  2,  27  (Migne  t.  1,  col.  847). 

(B)  Bodin  a  ici  en  vue  :  Rulîni  liber  De  adulleratione  librorum  Origenis  seu  In  Apologelicum 
S.  Pamphili  marlyris  pro  Origène  Epilogus,  qu'on  trouve  dans  l'Origène  de  Migne.  C'est  Rufin 
qui  avait  traduit  en  latin  l'Apologie  de  Pamphile  pour  Origène;  le  passage  qu'invoque  Bodin  est 
dans  Migne,  Origène,  t.  7,  col.  625. 

(C)  De  praescript.,  51  (Migne  t.  2,  col.  70). 

(D)  Bodin  reconnaît  trois  parts  en  l'homme  :  le  corps,  dont  le  bien  est  la  santé  et  la  beauté; 
l'âme  inférieure,  lien  du  corps  et  de  l'intellect,  dont  le  bien  est  dans  la  subordination  des  appétits 
à  la  raison  (vertu  morale);  l'âme  supérieure  ou  intellect  dont  le  bien  est  la  prudence,  la  science 
et  la  sagesse  ou  religion,  c'est  à-dire  les  vertus  contemplatives.  Bép.,  I,  1,  p.  4  sqq.  On  comprend 
maintenant  le  raisonnement  de  Salomon  :  que  Jésus  ait  été  attaqué  dans  son  âme  inférieure, 
c'est  compréhensible  (encore  que  peu  honorable),  car  il  portait  la  peine  de  son  corps  d'homme; 
mais  s'il  était  Dieu,  son  intellect  était  en  communion  avec  l'intellect  divin  et  avait  en  perfection 
prudence,  science  &  sagesse. 

(E)  MD  sapienlia,  —  la  sagesse. 


loi)  JEAN    BOMN 

pour  les  affections  humaines  on  ne  luy  en  donne  que  ce  quil  en  a  voulu  (d) 
prendre  (3),  si  cella  estoit  vray,  pourquoy  auroit  il  dict  (A)  :  Mon  ame  est 
triste  iusques  a  la  mort  (e).  Et  dans  le  iardin  des  Oliues  en  suant  sang  &  eau 
se  seroit  il  emporté  iusques  a  crier  (B)  :  Mon  Père,  s'il  est  possible,  faictes 
que  ce  calice  passe  (/").  Sont  ce  les  parolles  d'vn  Dieu?  Non,  mais  plus  tost 
dun  homme  accablé  de  douleur  &  de  desespoir.  Et  par  ce  dernier  emporte- 
ment (g)  (C)  :  Mon  Dieu,  pourquoy  mauez  vous  délaissé  (A)?  ne  faict  il  pas  (»') 
assez  remarquer  l'expression  dune  ame  basse,  par  laquelle  il  reconnoist  luy 
mesme  quil  nest  rien  moins  qu'vn  Dieu  (j)? 

Tokalbk.  —  Lorsque  par  le  commandement  des  tyrans  on  a  pilé  dans  vn 
mortier  auec  des  marteaux  de  fer  Zenon  Eliates  (k)  et  Anaxarchus  (D)  chacun 
en  diuers  temps  ils  ont  tous  souffert  ces  tourmens  auec  vn  courage  et  vne 
constance  inimitables  (4),  et  par  des  parolles  dignes  de  leurs  belles  âmes 
estonnoient,  en  mesprisant,  la  cruauté  de  leurs  bourreaux.  Après  quoy  pour- 
roit  on  simaginer  (/)  tant  de  foiblesse  (E)  en  la  personne  de  ce  Christ  que  Ion 
appelle  la  fontaine  de  toute  la  sapience  diuine? 

(3)  Caluinus  in  loan.,  c.  12,  vers.  17  (F).  —  (4)  Laert.  in  vita  philosophor. 


(d)  MD  7it  nullam  [se.  afTeclionem]  nisi  voluntariam  fùerit  perpessus.  H  ut  nihil  [N  nullum) 
)ùsi  voluntarium,  elc.  —  (e)  MDS  turbata.  B  perturbata.  —  if)  N  omet  celle  prop.  —  {g)  MD 
exclamatio.  NU  declamalio.  —  (h)  MDB  Cur  (N  Ut  quid  [?])  me  deréliquisti?  —  (i)  NB  nonne. 
MD  num,  conforme  à  l'usage  de  Bodin  :  cf.  p.  223,  note  B.  —  (/)  DBN  alium  (M  alienum)  a  se 
Deum  confitentis.  —  (A)  MDN  Zeno  Eleales.  li  Zeno  Stoïcus  Cleades  (?).  —  l)  N  quis...  arbi- 
tratur.  HMD  arbitrelur. 

(A)  Matthieu,  26,  28.  —  Celse  fail  la  même  objection  dans  Origène,  Contra  Celsum,  2,  9 
(Migne  t.  1,  col.  807). 

(B)  Inexacl.  MD  Cur  item  in  horto  supplicia,  deprecanli  sudores  sanguinis  aquse  instar 
de fl aèrent  '!  =  Pourquoi  au  jardin,  quand  il  cherchait  par  ses  prières  à  détourner  le  supplice, 
des  sueurs  de  sang  l'auraient-elles  inondé  comme  de  l'eau?  Matthieu,  26,  39.  —  Bodin  a  peut- 
être  pris  cette  objection  dans  le  Contra  Celsum,  2,  25  Migne  t.  1,  col.  846)  ou  dans  Epiphane, 
0.  c,  69,  61  (Migne  t.  2,  col.  302),  qui  l'allrihue  aux  Ariens,  négateurs  de  la  divinité  de  Jésus. 

{G)..Mallh.,  27,  46.  —  Objection  des  Ariens  encore  dans  Epiphane,  0.  c,  69,  61  !  Migne  t.  2, 
col.  303). 

(D)  Ces  deux  exemples  de  constance  sont  en  effet  rapportés  dans  Diogène  Laërce,  mais  séparé- 
ment :  Zenon,  9,  5;  Anaxarque,  9,  10.  Mais  je  les  vois  réunis  dans  mainl  livre  familier  à  Bodin, 
et  où  je  croirais  plutôt  qu'il  en  a  appris  la  valeur  démonstrative  :  Cic,  Tusculan.,  2;  Plutarq., 
De  la  vertu  morale,  9;  Terlullien,  Apol.,  50;  surtout  Origène,  Contra  Celsum,  7,  54  (Migne 
t.  1,  col.  1499),  où  Celse  s'en  sert  exactement  dans  le  même  but  que  Toralha. 

(E)  MD  lam  fracli  et  abjecti  animi  fuisse,  =  tant  de  mollesse  et  de  bassesse  dans  l'âme. 
B  atténue  respectueusement  la  rudesse  du  latin. 

(F)  Corrigez  :  sur  Jean,  12,  27.  J'ai  eu  entre  les  mains  :  I.  Caluini  Harmonia  ex  Euangelistis 
composita,  etc.  Geneua?,apud  loh.  Vignon,  1563,  in -fol.  Le  passage  que  cite  Bodin  s'y  trouve  p.  134. 
Le  voici  dans  le  français  de  l'édition  Meyrueis  icf.  supra,  p.  308,  note)  :  «  Et  n'a  point  esté  chose 
»  mal  convenable  que  le  Fils  de  Dieu  ail  esté  ainsi  troublé  :  car  la  Divinité  estoit  comme  cachée 
»  et  1  par  manière  de  dire)  se  reposoit  ne  monstranl  point  sa  vertu,  afin  qu'elle  feist  place  à  la 
»  réparation  ou  purgalion  [de  nos  péchés]  qui  devoist  eslre  faile  par  luy.  Or  le  Fils  de  Dieu  avoil 
»  vestu  non  seulement  nostre  chair,  mais  les  affections  humaines  aussi.  Il  est  tout  certain  voire- 
»  ment  que  ces  affections  ont  esté  volontaires  en  luy,  d'aulant  qu'il  a  craint,  non  point  par  force 
»  et  contrainte,  mais  parce  qu'il  s'esloit  de  bon  gré  assujetti  à  la  crainle.  Toulesfois  il  faut  résoudre 
»  que  ce  n'a  pas  esté  par  faux  semblant  qu'il  a  craint,  mais  en  vérité  ».  T.  2,  p.  262. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  151 

[446]  Salomon.  —  L'histoire  des  sept  frères  (5)  dans  Ioseph  (m)  et  dans  les 
Macchabées  (A)  est  digne  deternelle  mémoire  qui  nayans  pas  voulu  manger  de 
porc  pour  ne  pas  violer  la  loy  de  Dieu  feurent  condamnez  par  le  cruel  Antio- 
chus  a  eslre  escorchez  tous  vifs  et  iettez  dans  la  flame  pour  y  mourir  (n)  : 
loin  de  se  plaindre  ils  nen  ietterent  pas  seulement  vn  souspir  (o)  et  nen  res- 
pandirent  pas  la  moindre  larme,  mais,  sans  changer  mesme  de  visage,  feirent 
paroistre  iusques  a  la  fin  la  force  dune  ame  véritablement  inuincible  (p)  (B). 

[Et  puis,  continue  Toralbe,  quand  Jésus  craignait,  souffrait,  pleurait,  c'était 
donc  feinte  de  sa  part,  puisqu'étant  Dieu  il  était  incapable  de  passion,  p.  446. 
Octave,  s'appuyant  sur  le  Coran  i,  156,  cité  supra,  p.  310,  note  II),  soutient 
qu'à  la  place  du  Christ  Dieu  substitua  un  certain  Simon,  ou  du  moins  que  le 
Christ  ne  ressentit  aucune  douleur.  Federich  proleste,  p.  447.  Depuis  un 
moment  les  adversaires  des  chrétiens  s'efforcent  de  contester  surtout  l'huma- 
nité du  Christ]. 


Le  miracle  de  la  Résurrection  ne  prouve  pas  un  Dieu. 

|448]  Octaue.  —  Celse  qui  a  composé  sept  liures  contre  (a)  les  chrestiens 
dict  que  la  résurrection  de  lesus  Christ  (4)  nest  point  différente  de  celle  de 
Cleomede  Astypalien  (C)  que  loracle  d'Apollon  auoit  asseuré  estre  ressuscité 
et  qui  selon  le  tesmoignage  des  anciens  ne  se  trouua  pas  dans  son  sepulchre 
après  sa  mort.  Ce  mesme  Celse  (6)  trouue  encor  bien  ridicule  que  sur  la 
simple  déposition  dune  putain  (D)  on  croye  celluy  la  ressuscité  que  le  iour 
dauparauant  tout  le  peuple  auoit  veu  mourir  en  croix. 

FEnEMCH.  —  Celse  estoit  vn  Epicurien  aueré  (E)   :  &  ie  ne  sçache  point  de 

(5)  De  imperio  rationis  et  in  libro  Maccab.  —  (4)  Origenes,  lib.  3  contra 
Celsum. 


[>n]  XMD  Ilepc  aÙTOxpXTOOOç  lofin^-ou.  —  (n)  S  flammis  torquerentur.  BMD  torrerentur. 
—  10)  N  ex  iniimo.  BMD  ex  imo  peclore.  —  (p)  N  inviclam  animi  robur.  BMD  invicti.  —  (a)  N 
vontra.  BMD  adversus.  —  (b)  BMD  libro  secundo. 

(A)  II  Macchabées,  7;  Josèphe,  Le  martyre  des  Macchabée*  ou  de  l'empire  de  la  raison.  Cf. 
Eusi'be,  ttist.  ecclésiastique,  3,  10. 

{B)  Toralba  pour  les  jusles  de  l'antiquité  [uifra,  p.  569  bis  sq.),  Salomon  pour  les  justes  de 
l'ancienne  loi  (p.  578  sq.),  réclameront  encore  l'égalité  avec  lus  chrétiens,  ou  même  la  supériorité 
sur  eux.  La  prédilection  avec  laquelle  Bodin  revient  sur  ce  motif  est  chez  lui  l'indice  d'une  doc- 
trine secrète  Déjà,  dans  la  Lettre  à  Bautru,  où  il  est  encore  protestant,  il  marquait  une  singu- 
lière tendresse  aux  prophètes  juifs  et  aux  grands  hommes  de  l'antiquité.  Cf.  mon  Jean  Bodin, 
Appendice,  pp.  522  sq. 

i, G i  Origène,  o.  c,  3,  33  Migne  l.  1,  col.  962  sq.  .  —  L'histoire  de  Cléomède  est  racontée  en 
détail  par  Pausanias,  6,  9,  6-8;  mais  quand  ailleurs  Démon.,  2,  4,  p.  233Ï  Bodin  la  cite,  il  la  lire 
de  Plularq.,  Bomulus,  28.  Source  possible  autre  que  celle  que  Bodin  même  nous  cite  :  Cyrille, 
Contra  Julianum,  5  (Migne  l  9,  col.  812),  où  Julien  compare  aussi  railleusemenl  l'ascension  de 
Jésus  à  celle  de  Cléomède. 

(D)  Bodin  cite  encore  de  mémoire,  et  infidèlement  :  Tuvy]  TrâpoiTTfo:,  =  mulier  fanatica,  dit 
seulement  Celse,  dans  Origène,  o.  c,  2,  55  (Migne  t.  1,  col.  883  . 

(E)  Contra  Celsum,  1,  8  el  4,  53  (Migne  t.  1,  col.  470  et  1118). 


152  JEAN    BODIN 

marque  plus  asseurée  dune  pieté  sans  reproche  que  destre  mocqué  [449]  par 
vn  Epicurien. 

Senamy.  —  Sil  est  sorty  (c)  du  ventre  de  Marie  sans  faire  ouuerture  a  la 
matrice  comme  tous  les  cliresliens  le  publient  (A),  sil  a  disparu  deuant  ses 
ennemis  qui  le  vouloient  lapider  selon  S.  lean  (5)  (B),  sil  est  entré  &  sest 
trouué  au  milieu  de  ses  apostres  (d)  les  portes  estaus  fermées  (6)  (C),  si 
comme  vn  autre  Gyges  il  .s'est  fait  inuisible  aux  hommes  quand  il  la  voulu  & 
sil  a  marché  sur  la  mer  a  pied  sec  (D),  il  fault  (e)  quil  ayt  esté  vn  spectre  ou 
quelque  corps  imaginaire,  par  ce  quil  ny  a  point  de  véritable  corps  soit  quil 
ayt  des  os  soit  quil  ne  soit  composé  que  de  lair  (/")  qui  souffre  la  pénétra- 
tion (E). 

Salomon.  —  Quand  nous  aduouérions  (g)  quil  ny  a  point  de  pénétration  dun 
corps  en  vn  autre  nous  aurions  tort,  puisque  nous  sçauons  que  les  auges  se 
sont  seruy  de  véritables  corps  et  mesmes  (h)  des  sorciers  ont  esté  veus  sou- 
uent  dans  les  airs  (F)  suspendus  &  portez  sur  les  eaues  sans  crainte  de  la 
tourmente  (G)  (comme  tous  les  magistrats  en  ont  veu  lexperience)  quoy  quils 
feussent  reuestus  de  véritables  corps.  Ainsy  nous  pouuons  confesser  que  Iesus 

(5)  C.  8.  --  (6)  Marci  c.  16.  Lucœ  c.  14  et  c.  4.  Ioan.,  c.  21. 


(c)  NMD  prodiil.  B  prodit,  inadvertance.  —  [d)  NMD  si  aedibus  conctusis  in  cœtu  disci- 
pulorum  visus  est.  8  a  cœ/u  (?).  -  (e)  .V  falendum  est.  BMD  confitendum  est.  —  yf)  DNB 
aereum,  absurde.  M  aerium.  —  {g)  N  De  mus  illud,  (BMD  scilicet)  corpora,  elc.  —  (h)  N  immo 
et  sortilegos.  BMD  immo  eliam. 

(A)  Références  supra,  p.  41G,  noie  C. 

(B)  Jean,  8,  59  el  10,  39. 

(C  Les  mss.  donnent  quelques  références  erronées.  Il  faut  lire  :  Marc,  16,  14;  Luc,  24,  36  sqq.; 
Jean,  20,  19-26. 

(D)  Tanlôl  Marie,  lantôl  ses  disciples  ne  le  reconnaissent  pas,  Jean,  20,  14  et  21,  4;  Paul  sur 
le  chemin  de  Damas,  Actes,  9,  3,  etc.  Jésus  marche  sur  la  mer  à  pied  sec,  Jean,  6,  19. 

(E)  Origène,  esprit  hasardeux,  pense  «  Jesum  fuisse  speclrum  quod  veluli  praelervolilans  oculi 
»  eorum  [=  des  témoins]  aspexerint  ».  Contra  Cels.,  7,  35  (Migne  t.  1,  col.  1470).  Et  il  précise, 
ibid.,  2,  62  (M igné  t.  1,  col.  894),  que  Jésus  était  alors  d'une  substance  intermédiaire  entre  l'opa- 
cité d'un  corps  et  la  subtilité  d'une  ombre.  Mais  l'orthodoxe  Jérôme  proteste  que  Jésus  a  l'ail 
làler  son  côté  aux  disciples  cf.  Luc.  24,  39),  «  ne  verilas  corporis  phantasma  pularelur  ».  Epist. 
48  ad  Pammachium,  21  (Migne  t.  1,  col.  510).  —  Quant  au  passage  de  Bodin,  il  est  copié  de 
Wier,  o.  c,  2,  30,  p.  145  a  :  Wier  prétend  que  quand  Jésus  apparut  aux  disciples,  c'est  que  la 
porte  s'est  pour  lui  ouverte  à  leur  insu  :  «  -aulremenl  il  faudrait  confesser  qu'il  y  auoit  penetra- 
»  lion  des  corps  :  ce  qui  est  contre  la  nature,  selon  Arislole,  8  de  la  Physique  ». 

(F)  On  est  tombé  d'accord,  Hepl.,  II,  pp.  68-73,  que  les  anges  sont  corporels,  Dieu  seul  ne  l'étant 
pas.  Cf.  Démon.,  Réfulalion  de  Wier,  pp.  548,  550,  584.  —  Quant  au  Iransport  des  sorciers  par 
les  Démons,  il  en  faut  chercher  des  exemples  Démon.,  2,  4,  pp  222,  226,  233,  240;  3,  1,  p.  305; 
Béfulalion  de  Wier,  pp.  559,  579,  597.  Les  autorités  le  plus  souvent  citées  sont  Platon,  l\èp.,  7 

histoire  de  lier  l'Arménien  :  Plut.,  Bomulus,  28  (apothéose  de  Homuhs!;  Augustin,  de  Civ. 
Dei.,  8,  15  ou  10,  11  ou  21,  10:  Thomas.  d'Aquin,  Summ.  theol.,  secunda  secundœ,  q.  95,  ad 
art.  5,  qui  raisonne  ainsi  :  si  le  diable  a  pu  transporter  J.-C,  vrai  homme,  au  sommet  du  temple, 
les  sorciers  peuvent  bien,  avec  son  aide,  transporter  de  vrais  corps,  les  leurs  ou  ceux  des  autres. 
<i)  Inexact.  MD  [sortilegos]  sœpe  quoque  subvectos  aquis  nullis  voraginibus  immevgi  potuisse. 
Cf.  Démon.,  4,  5,  p.  486  :  «  En  plusieurs  lieux  d'Allemaigne  on  iette  les  femmes  condamnées  en 
»  l'eau  :  mais  il  s'est  trouué  que  les  sorcières  iettées  en  l'eau  pieds  el  poings  liez  ne  se  peuuent 
»  noyer  ». 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  153 

a  esté  reuestu  dun  corps  réel  et  quil   a  souffert  de  cruels  tourmens  mesmes 
quil  est  mort  [i)  :  mais  toutte  la  difficulté  que  ie   trouue  cest  que  celluy  la 
nauoil  pas  besoin  de  prier  auec  tant  de  ferueur  (j)  pour  empescher  son  sup- 
plice &  et  sa  mort,  puisque  luy  mosme  sen  pouuoit  1 450 i  bien  exempter    /. 
sil  eust  esté  Dieu. 

Curck.  —  Il  sest  conduict  de  cette  manière  pour  nous  apprendre  quil 
nestoit  pas  seulement  vray  Dieu  mais  aussy  vray  homme  (/)  (A.)  &  quil  a 
possédé  les  deux  natures  sans  aucune  confusion. 

Octave,  à  grand  renfort  de  textes  Marc,  10.  17  >q.  ;  Luc,  18,  18  sq.  ;  Calvin, 
Comment,  sur  les  A  des,  3,21-22;  Coran,  cité  supra,  p.  .310,  note  Bi,  affirme  que 
Jésus  ni  les  apôtres  n'ont  jamais  prétendu  pour  lui  la  qualité  divine.  Federich 
cite  plusieurs  passages  où  Jésus  avoue  cette  qualité  aux  apôtres  en  la  cachant 
au  public.  Discussion  entre  Salomon  et  Curce  sur  l'authenticité  de  ces  pas- 
sages, 450-455.  Curce  ajoute  qu'en  remettant  les  péchés,  Jésus  montrait  bien 
qu'il  se  croyait  Dieu.  Salomon  :  c'était  effronterie  de  sa  part.  Coroni  annonce 
le  sujet  de  la  prochaine  dispute  :  comment  se  fait  en  J.-C.  l'union  des  deux 
natures,  456.  Dans  cette  dernière  partie,  symétrique  à  446-448,  la  question 
est  posée  si  J.-C.  était  véritablement  Dieu]. 


Livre  VI. 


[C'est  vendredi;  on  fait  maigre  :  éloge  du  poisson,  animal  pur,  hostie 
offerte  à  Dieu  les  jours  déjeune.  Sa  longévité,  457-459.  Longévité  prodigieuse 
des  anciens  hommes,  faite  pour  récompenser  leurs  vertus,  dit  Salomon;  pour 
accélérer  le  progrès  des  sciences,  dit  Toralba;  pour  peupler  la  terre,  dit  Curce, 
et  réduite  de  crainte  de  surpeuplement,  460-462. 

De  quelques  riles,  463-471.  L'usage  du  maigre  est  destiné  à  réprimer  notre 
concupiscence,  dit  Coroni.  Salomon  :  de  même  la  Pàque  juive,  les  jeûnes 
juifs.  Par  des  usages  parfois  contradictoires,  les  fidèles  témoignent  leur  res- 
pect à  leur  dieu  :  tête  couverte  chez  les  païens,  juifs,  mahométans,  nue  chez 
les  chrétiens;  danse  interdite  ou  recommandée,  463-4661. 


(i)  NBD  ipsiusque  mortis  duritatem  pertvlisse.  M  diri/atem.  —  j,  V  lam  ardenti  suppli- 
calione.  BMD  rogalione.  —  [k]  .V  nullo  negolio  a  se  (B  ipso.  Ml)  ipse)  impetrare  poluis- 
set.  —  [l]  NMD  non  modo  Deufn  verum,  sed  eliam  verum  hominem  esse.  B  omet  verum  après 
Deu  m. 

(A)  C'est  la  réponse  d'Origène  à  Celse,  o.  c,  2,  9  Migne  t.  J,  col.  807  ;  et  d'ailleurs  par  la 
question  de  Salomon  nous  voilà  revenus  au  même  point  que  nous  venions  de  quitter.  Sur  ces 
retours  perpétuels  de  la  discussion  dans  YHept.,  voyez  mon  Jean  Bodin,  3,  5,  p.  165. 


154  JEAN    BODIN 

Histoire  de  la  danse  religieuse. 

[467]  Cukce.  —  Aulresfois  cestoit  vne  coustume  receue  presque  chez  tous 
les  peuples  de  saulter  et  danser  (A)  pendant  les  sacrifices  ce  qui  ne  se  faict 
plus  en  aucun  lieu  du  monde.  Et  en  effect  [a)  a  Geneue  &  {b)  chez  les  Suisses 
ce  seroit  vn  crime  de  danser  dans  le  temple  ce  que  les  Iuifs  faisoient  par 
deuotion  :  car  nous  voyons  que  Dauid  en  conduisant  larche  prit  sa  harpe  et 
dansa  saultant  vn  peu  plus  h.iult  que  sa  femme  Micliol  (9)  (c)  par  bien- 
séance (B).  Et  quand  on  venoit  apporter  quelque  offrande  sur  les  autels,  il 
falloit  en  approcher  auec  vn  visage  riant  comme  cen  estoit  l'vsage  (0). 

468  Sëna'my.  —  Il  est  certain  que  les  danses  pendant  les  sacrifices  ont  esté 
en  vsage  parmy  tous  les  peuples  de  la  lene  (1).  Mesmes  (cl)  les  prestres  de 
Mars  dicts  Saliens  nont  esté  ainsy  nommez  (pie  du  mot  latin  Salive  qui 
signiffie  saulter  (C).  Comme  aussy  aux  spectacles  publics  et  speciallement  aux 
ieux  instituez  en  Ihonneur  de  Iupiter  il  y  auoit  vn  grand  danseur  qui  faisoit 
la  loy  aux  aultres  pour  la  danse.  Lesquels  ieux  ayant  cessé  a  Rome  pendant 
quelques  années  Iuppiter  apparut  en  songe  (e)  iusques  a  trois  fois  a  vn  certain 
sénateur  reuestu  de  la  dignité  de  grand  danseur  affin  de  les  restablir,  ce  qui! 
négligea  de  faire  parce  quil  nestoit  pas  des  plus  adroits  en  cet  exercice  (/")  (D)  : 
mais  en  ayant  esté  chastié  par  la  mort  de  deux  fils  il  raconta  la  chose  au 
Sénat  lequel  ordonna  que  les  ieux  seroient  restablis  (2).  Ce  qui  confirme  ce 

(9)  Lib.  2  Reg.,  c.  6  (E).  --  (0)  Rabbi  Kimhi  in  Psalm.  42  (F).  -  (1)  Plu- 
tarch.  in  Nicia  et  Alcibiade  (G).  -  (2)  Valer.  Maxim,  lib.  1.  Liui.,  Plutarch., 
Dyonis.  Halicarnassœus  (H) 


(a)  Au  livre  VI,  Guhrauer  s'arrête  :  d'où,  ici,  la  disparition  de  B.  N  quemadmodum  (?,.  MD 
quidem.  —  (b)  Net.  MD  aut.  -  (c)  N  Michalse.  MD  Micholae.  —  (d)  N  Sec  tantum.  MD  Nec 
vero.  —  (e)  N  in  somnis.  MD  in  somniis.  —  (/")  N  saltaret.  MD  sallarat. 

(A)  Sur  la  danse  religieuse,  cf.  Démonom.,  2,  4,  p.  238. 

(B)  Contresens.  MD  aliquanto  altius  quam  Micholae  uxori  décorum  videretur,  =  un  peu  plus 
haut  que  sa  femme  Michol  ne  l'estimait  décent.  Micliol,  en  effet,  raille  la  danse  de  David  et  en 
est  punie  par  la  stérilité. 

(G)  «  Salios  a  saliendo  et  saltando  diclos  esse  quamvis  nemo  dubitare  possit,  tamen...  »Feslus, 
17.  —  «  A  saltu  nomina  ducunl  ».  Ovid.,  Fast.,  3,  387. 

(D)  Contresens.  MD  et  cum  senatori  cuidam  Jupiter  in  somniis  visus  est,  qui  ludos  instau- 
rari  juberet,  quod  prsesultor  indocte  saltarat,  deque  ea  re  ter  admonitus  neglexisset,  duorum 
filiorum  morte  perterritus  senatui  rem  aperuit,  qui  ludos  instaurari  jussit.  Le  sénateur  n'est 
pas  grand  danseur;  il  reçoit  de  Jupiter  l'ordre  de  faire  recommencer  des  fêtes,  où  le  grand  dan- 
seur n'a  pas  observé  les  rites  de  la  danse. 

(E)  II  Rois,  6,  14  et  16. 

(F)  Commentaire  de  David  Kimhi  sur  le  verset  4  du  l}s.  41  (Hebr.  42  :  «  le  passeray  au  lieu 
»  du  tabernacle  merueilleux,  iusques  a  la  maison  de  Dieu.  El  la  voix  de  liesse  &  louange  sera  le 
»  son  de  celuy  qui  faicL  bonne  chère  ».  Cf.  Démon.,  2,  4,  p.  238. 

(G;  Plularque  nous"  montre  Nicias  en  personne  conduisant  à  Délos  la  théorie  athénienne 
(Nicias,  3),  Alcibiade  en  personne  menant  à  Eleusis  la  pompe  sacrée  des  mystères  {Alcibiade, 
34).  —  Cf.  sur  l'usage  de  la  danse  religieuse  dans  l'antiquité  Lucien,  De  saltatione,  passim, 
et  surtout  20. 

(H)  Valère  Maxime,  1,  7,  4;  Liv.,  2,  36,  2;  Plutarque,  Coriolan,  24  ;  Denys  d'IIalicarnasse,  7, 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    Sl'BLIMES  155 

qui  a  eslé  prouué  cy  dessus  que  les  sacrifices  des  payens  mesmes  faicts  auec 
négligence  ont  tousiours  esté  désagréables  a  Dieu  (A)  qui  na  iamais  laissé 
sans  punition  ceux  lesquels  y  ont  assisté  auec  irreuerence. 

Cokom.  —  le  croy  que  nos  bastelleurs  (B)  qui  dansent  tous  nuds  auec  des 
espées  et  des  boucliers  veulent  imiter  ces  anciens  saliens  ou  ce  danseur 
lequel  par  ce  qu il  immoloit  vn  bœuf  a  Jupiter  fut  appelle  par  les  Athéniens 
[ioûc&ovoî  bouffon. 

Cukce.  —  Les  chrestiens  de  la  primiliue  Eglise  abolirent  les  danses  par  ce 
quils  nosoient  faire  leurs  assemblées  que  la  nuict  de  crainte  des  supplices  a 
"ce  qu  escript  Iustin  le  Martyr  (3)  Mais  Constantin  le  Grand  estant  arriué 
a  469  l'Empire  et  par  conséquent  tout  subiect  de  crainte  ayant  cessé  les 
danses  furent  restablies  lequel  vsage  l'Eglise  romaine  na  pas  encores  tout  a 
fait  quitté  (g).  Car  ce  quils  appellent  procession  [h)  ne  se  faisoit  pas  autresfois 
comme  elles  se  font  a  présent  en  se  pourmenant  mais  en  saultant  et  dan- 
sant (C).  Et  il  ny  a  pas  encor  long  temps  que  les  deux  chantres  qui  commen- 

(3)  Ad  orthodoxos  qua?stio  7    0. 


(g)  NM  qui  mos  nondum  ab  Ecclesia  Romana  plane  desertus  est.  D  déserta,  faute.  —  [h  N 
Xtini  quse  proeessiones  ab  ipsis  appellabantur.  MD  ab  Mis  appellantur. 

68.  Mais,  comme  l'histoire  de  Cléomcde  d'Astypalée,  supra,  p.  448,  sou  élrangelé  a  rendu  cette 
anecdote  populaire,  el  on  la  trouve  un  peu  partout  ;  Gic,  De  divinatione,  1,  26;  Augustin,  De 
civ.  Dei,  4,  26  et  8,  13;  Minucius  Félix,  Octavius,  7;  Lactance,  Inst.  div.,  2,  7.  etc. 

(A)  Contresens.  MD  etiam  paganorum  sacra  negligenlius  peracla  immorlali  Deo  displi- 
cuisse,  omîssa  clades  et  excidia  populis  invexisse,  —  que  la  négligence  dans  le  culte,  même  ido- 
lâtre, déplait  au  vrai  Dieu,  et  que  l'abstention  amène  aux  peuples  désastres  et  ruines.  Idée 
longuement  développée  supra,  pp.  226-232  et  notes. 

(B)  MD  bufones,  barbarisme  copié  sur  l'italien  buffone.  Le  j3oûcpovo;  de  Pausanias,  1,  24,  4, 
ou  1,  28,  10,  immole  un  taureau,  puis  s'enfuit;  on  saisit  alors  sa  hache,  qu'on  cite  en  justice. 
Quant  au  rapprochement  des  deux  mots,  grec  et  franco-italien,  Bodin  en  a  commis  de  plus  sur- 
prenants :  il  lire  menteur  du  grec  (/.ivTtç,  devin,  Démon.,  1,  4,  p.  92;  Jovetn  du  lélragramme 
hébreu  lovah.  Hep/  ,  IV,  p.  477;  mais tre  gonin  prestidigitateur)  de  l'hébreu  Megonim,  sorciers, 
—  quand  Brantôme  même  semble  avoir  connu  Gonin  le  bateleur,  dont  le  nom  était  devenu  un 
générique.  Cf.  Dames  gai.,  éd.  .louausl,  t.  1,  p.  296. 

C  L'abbé  Lerosey,  Histoire  el  symbolisme  de  la  liturgie,  Paris,  1889,  p.  377  sq.,  ne  m'apprend 
rien  de  tel  sur  les  processions.  Y  a-l  il  lieu  de  rapprocher  l'avènement  de  Constantin  de  la  nais- 
sance des  processions  ?  On  en  peut  douter.  Constantin  meurt  en  337,  et  les  premières  proces- 
sions chrétiennes  ont  lieu  en  Orient  vers  375  Basile,  Epistol.  307,  ad  Neocsesareos ),  en  Occi- 
dent vers  388  Ambroise,  Epist.  40  ad  Theodosium  .  La  Grande  Encyclopédie  est  plus  encline  à 
voir  l'origine  des  processions  dans  le  triomphe  romain  que  dans  les  marches  triomphales,  pure- 
ment occasionnelles,  des  Juifs  (Xombr.,  10,  33;  Josué,  6,  13:  I  l'aralip.,  13,  7  sq.  ;  Il  Paralip., 
20,  27  sq.,  etc.). 

(D)  Encore  des  souvenirs  vagues.  Justin  dit  bien,  A/>ol.  ad  Antoninum  Pium,  1,  26  (cité  en 
note,  supra,  p.  231  ,  que  c'est  la  crainte  des  supplices  qui  oblige  les  chrétiens  à  chercher  la  nuit 
el  le  mystère,  mais  c'est  pour  les  laver  du  reproche  de  luxures  bestiales,  que  l'ombre  dont  ils 
s'enveloppaient  leur  attirait.  «  On  n'a  iamais  employé  de  reproche  plus  alroce  contre  nos  premiers 
»  chrestiens,  dil  Federich,  que  de  les  accuser  de  prophaner  leurs  temples  dans  leurs  prières  de 
»  nuict  par  des  slupres  £  incesles,  pour  repousser  lesquelles  calomnies  Origene,  Iustin,  Alhena- 
»  gore  A  Terlulien  ont  faict  chacqu'vn  vne  apologie  ».  Hept.,  IV,  p.  316.  -  Il  faut  d'ailleurs 
corriger  la  référence  de  Bodin  el  lire  :  Ad  orlhod.,  q.  107.  Justin  y  explique  seulement  que 
l'Eglise,  pour  se  distinguer  des  Juifs  qui  accompagnent  les  chants  religieux  de  son  d'instruments, 
de  danses  el  de  crotales,  n'a  voulu  garder,  que  le  chanl  dans  sa  pureté. 


156  JEAN    BODIN 

cent  les  Psaulmes  au  milieu  du  cheur  saultoient  du  couchant  au  leunnt  puis 
du  leuant  au  (?)  couchant,  et  après  lun  &  lautre  (j)  dans  le  milieu  du  cheur 
demeuroient  debout  sans  remuer  placez  dune  manière  que  Fvn  regardoit  le 
midy  &  lautre  le  septentrion  :  ce  qui  fut  cause  autresfois  qu'vn  certain  ioueur 
de  harpe  (4)  saduisa  de  dire  que  cestoit  pour  Iupiter  les  corps  célestes  et 
les  Dieux  qui  dansent  ensemble  la  hault  dans  les  cieux,  aussy  bien  que 
l'immobilité  de  la  terre  qui  est  leur  rnere  (A).  Il  y  a  cependant  vne  chose  a 
remarquer  en  faueur  des  chrestiens,  que  ces  deux  chantres  pour  ne  pas  faire 
parrestre  que  leur  ioye  eust  pour  obiect  ny  les  Dieux  infernaux  ny  les  Idoles 
a  fin  de  leur  rendre  honneur  comme  les  Payens,  leuoient  les  deux  mains  (k) 
vers  le  ciel,  et  par  ce  quil  estoit  incommode  de  tenir  long  temps  les  mains 
leuées  ils  firent  faire  des  basions  garnis  d argent  ou  il  y  auoil  au  bout  vne 
main  aussy  dargent  a  fin  de  commencer  a  se  dispenser  de  ces  saulillemens 
en  marchant  plus  grauemenl  et  auec  plus  de  modestie  (B'i.  Mais  comme  ces 
dignitez  ont  enfin  esté  conférées  a  des  ignorans  par  laueur  a  cause  quelles 
esloient  profitables  (/),  on  ne  saulta  plus  du  tout  &  se  conlenta  on  de  se 
promener,  dou  est  venu  le  prouerbe  :  Aux  ignares  qui  nauoient  appris  ny  a 
chanter  ny  a  danser.  [470]  Ainsy  petit  a  petit  les  danses  par  l'Eglise  Rom- 
maine  ont  esté  abandonnées  pour  les  promenades  (C). 

[De  la  musique  religieuse.  Salomon  loue  la  lyre  de  David,  Curce  attaque  les 
orgues  papistes,  471,  puis  la  liturgie  en  latin,  qui  rend  inintelligibles  aux 
fidèles  les  louanges  de  Dieu.  Salomon  remarque  que  mahométans  et  chrétiens 
eux-mêmes  se  servent  des  psaumes  de  David,  qui  chantent  un  Dieu  incor- 
porel, unique,  pur  de  toutes  les  superstitions  confessionnelles,  472  sq. 

Contre  la  divinité  du  Christ,  474-511]. 

(4)  Scholiastes  Pindari. 


(il  N in  occusuin.  MD  ad.  —  (/)  N  utrique.  faute  certaine.  MD  ulerque.  —  (k)  N dexlram. 
Ml)  dextras.  —  (l)  N  sed  cu»i  imperitis  hujusmodi  sacerdolia  ac  munera  quwsluose  Iribuis- 
sent.  MD  quœstuosa,  seul  explicable.  MD  tribui  cœpissenf.  Sur  cœ pissent,  cf.  supra,  p.  231 
note  (;. 

(A)  Contresens.  MD  quae  ralio  fuit  a  citharœdo  in  sacris  ludis  antiquitus  observata,  ut 
cœlestium  orbium  ac  Deorum  in  cœlis  c/ioreas  agentium  motus,  ipsiusque  Terras  matris  Deo- 
rum  stationem,  imitarentur.  J'entends  :  De  toule  antiquité  le  poète  lyrique  a  observé  celte 
méthode  ice  calcul  de  faire  l'ace  au  nord  et  au  midi)  pour  copier  dans  son  choeur  l'immobilité  de 
la  terre  &  la  ronde  autour  d'elle  des  astres  et  des  Dieux. 

(B)  MD  ac  summis  pedtnn  digitis  îiiti  [cœperunt],  ut  modestius  sal tarent,  =  et  commencè- 
rent à  se  hausser  sur  l'extrémité  des  doigts  de  pied,  pour  mettre  plus  de  gravité  dans  leur  danse. 

(G)  Voici  la  deuxième  fois  (cl.  supra,  IV,  p.  335  sq.)  que  Bodin  cherche  à  montrer  les  origines 
païennes  de  telles  cérémonies  chrétiennes;  je  pense  que  celle  insistance  esl  voulue;  en  tous  cas 
c'est  pour  la  faire  remarquer  que  j'ai  cilé  le  morceau.  On  remarquera  que,  Salomon  avouant 
d'ailleurs  l'existence  de  la  danse  religieuse  chez  les  Juifs,  il  a  élé  bien  vite  oublié  et  que  tout 
l'effort  de  la  discussion  a  tendu  à  montrer  la  parité  des  rites  antiques  et  chrétiens. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  157 


Impossibilité  physique  de  la  divinité  du  Christ;  Dieu  est  indéfinissable 

à  l'infirmité  humaine. 

,474;  Toralbe.  —  Dou  vient  donc  que  de  tous  les  peuples  qui  sont  en  si 
grand  nombre  il  ny  a  que  les  chrestiens  qui  reconnoissenl  Iesus  Christ  pour 
Dieu  et  qui  auec  vne  infinité  dautres  saints  le  prient  l'exaltent  et  l'adorent, 
puisquils  ne  confessent  qu'vn  seul  Dieu  architecte  et  créateur  de  tout  cet  vni- 
uers  ? 

Federich.  —  Par  ce  que  ce  nest  point  autre  que  Dieu  mesme  et  fils  de  Dieu 
éternel  (a). 

Octaue.  —  Si  Christ  et  Dieu  éternel  ne  sont  qu'vne  mesme  chose  (6),  pour- 
quoy  Pierre  pieschant  au  peuple  (2)  vse  fil  de  ces  paroles,  Que  toutte  la 
maison  d'Israël  apprenne  que  cest  Dieu  qui  a  faict  ce  Christ  nostre  Seigneur? 

Federich.  —  Cest  pour  distinguer  la  nature  humaine  dauec  la  diuine,  que 
Iesus  homme  est  vn  ouurage  de  Dieu  et  que  comme  Dieu  il  a  esté  engendré 
de  toutte  éternité  par  son  père  qui  dans  vn  seul  Iesus  a  vny  les  deux  natures 
a  fin  quil  fust  médiateur  des  hommes  enuers  luy  bien  quil  ny  ayt  qu'vn 
Dieu  (A),  comme  dict  S.  Paul  (3). 

[475J  Tokai.be.  —  Dans  toutte  lestendue  de  la  nature  tout  autant  de  fois  que 
de  deux  natures  contraires  il  sen  compose  vne  troisiesme  (c)  les  deux  autres 
périssent  a  cause  de  la  confusion  id)  des  formes  (B)  :  tout  de  mesmes  si  dans 
la  nature  de  Iesus  Christ  il  sy  faict  vn  assemblage  de  lu  nature  diuine  et  de 
Ihumaine,  ou  dune  forme  humaine  &  dune  forme  diuine,  il  fault  que  les  deux 
périssent  et  que  délies  soit  produict  vn  tiers  qui  ne  ressemble  point  du  tout  a 
ces  deux  natures  (e).  Ainsy  voyons  nous  quand  de  leau  et  du  miel  meslez 
ensemble  il  se  faict  vne  composition  que  Ion  appelle  hydromel,  par  la  corrup- 
tion des  deux  natures  [f). 

(2)  Actorum,  c.  2  (C).  —  (3)  I  Epist.  ad  Timotlueum,  c.  2  1 1)  . 


(a)  N  aelernus  Dei  fitius.  MD  aelerni.  —  (6)  MD  si  Chrislus  idem  est  qui  (N quod)  Deus  œter- 
nus.  —  c)  MD  tertio  qusedam  (se.  nalura).  N  tertium  quoddam  ab  ulraque  diversum,  interpo- 
lation venue  de  infra  :  cl*,  noie  (e).  —\d)  N  conflationem,  faute  amenée  par  conflatur  qui  pré- 
cède. MD  confusionem.  —  (e)  AT  tertium  quoddam  et  diversum  ab  ut  raque  conflari.  MD 
tertium  quiddam  diversum.  —  [f]  N  corrupta  utriusque  natura.  MD  simplicium  natura. 

A  Lh  pensée  de  Federich  est  subtile,  étant  Ihéologique,  mais  claire,  et  beaucoup  plus  que  R 
ne  le  ferait  supposer.  MD  sic  utraque  natura  in  uno  Jesu  coaluit,  ut  Dei  et  hominum  medialor 
esset,  quia  medialor  unius  esse  non  potest,  Deus  autem  unus  est  :  si  les  deux  natures  sont  ainsi 
fondues  en  le  seul  Jésus,  c'est  pour  qu'il  pût  être  médiateur  entre  les  hommes  &  Dieu;  car, 
comme  dit  l'apôtre,  on  ne  peut  pas  être  médiateur  entre  un  seul,  et  Dieu  est  un. 

(B)  Cf.  supra,  IV,  pp.  211-213  :  des  contraires  naît  l'harmonie,  mais  de  deux  composants  sort 
un  composé  absolument  différent  :  exemple  :  l'oxymel,  fait  de  vinaigre  et  de  miel. 

(C)  Acl.,  2,  36. 

(D)  La  première  Epître  à  Timothée  dit  seulement,  2,  5  :  «  Il  n'y  a  qu'un  Dieu  ni  qu'un  média- 
»  leur  entre  Dieu  et  les  hommes,  Jésus-Chrisl  homme  ».  Mais  je  trouve  :  «  Or  le  médiateur  n'est 
»  pas  d'un  seul;  mais  il  n'y  a  qu'un  seul  Dieu  ».  Ad  Galat.,  20.  C'est  évidemment  ce  verset  que 
Bodin  a  voulu  citer. 


158  JEAN    BODIN 

Cohoni.  —  Les  deux  natures  en  Iesus  Christ  ressemblent  (A)  dune  manière 
quil  ne  sy  faict  point  de  confusion,  mais  demeurent  distinctes  en  sorte  que 
neantmoins  elles  ne  se  diuisent  point. 

Octaue.  —  Pourquoy  donc  Athanase  (-4;  ne  reconnoist  il  pas  dans  son  liure 
de  l'Incarnation  deux  natures  en  Iesus  Christ  mais  vne  (B)  seulement  (g)  ? 

Cohoni.  —  A  fin  que  personne  ne  simagine  que  la  nature  (/*)  humaine  en 
Iesus  Christ  soit  adorable,  mais  bien  la  diuine  (C).  Cest  pourquoy  Grégoire  de 
Nazianze  et  Cyrille  (5)  reconnoissent  deux  natures.  Cependant  après  sestre 
reuestu  de  lhumanité  l'vnion  des  deux  a  esté  telle  quelle  ne  se  peut  plus 
diuiser  (i)  (D).  Ainsy  les  deux  ne  sont  plus  qu'vne,  comme  il  n'y  a  qu'vn  seul 
suppost  (E). 

Clhce.  —  Pour  respondre  a  Toralbe  sur  ce  quil  a  parlé  de  la  forme  naturelle 
et  de  la  diuine  auec  confusion  (/)  (F)  il  nest  pas  de  lordre  quand  on  traitte  des 

(4)  In  libro  de  Incarnatione.  —  (5)  Lîb.  9,  c.  31  in  Iohannem  (G). 


(g)  N  tantum.  MD  modo.  —  \h)  N  omet  naturam.  —  {i)  N  sed  quia  post  humanitatis  assump- 
tionem  facla  divisio  non  est,  una  et  eadem  esse  prœdicalur.  M  pia  divisio  non  est  (?).  D  pid 
(=  prima).  —  (j)  N  traduxit.  MD  traducit. 

(A)  Lapsus  de  plume  pour  se  rassemblent.  MD  natura  duplex  in  Chrislo  sic  copulatur,  ut 
non  sit  con fusa;  sic  distinguilur,  ut  non  sit  divisa.  Il  y  a  union,  non  fusion;  distinction,  non 
scission 

(B)  Alhanase,en  effet,  insiste  sur  l'union  in  lime  des  deux  natures  en  J. -G.,  De  Incarnatione  verbi 
(Migne  t.  1,  col.  95  sq).  Même  il  serait  aisé  de  trouver  dans  Alhanase  des  expressions  plus 
énergiques  de  la  même  doctrine,  telle  que  ©uotxv)  eviaaiç,  Contra  Apollin.,  1,  10  (Migne  t.  2, 
col.  1110).  Mais  Athanase  n'est  pas  monophysite  comme  le  croit  Octave  :  il  dit  formellement  que 
J.-C,  un  en  tant  qu'hyposlase  divine,  est  double  quant  aux  natures  qui  le  composent,  Fragmenta 
(Migne  t.  2,  col.  1223),  Cf.  Vacant  et  Mangenot,  o.  c,  t.  I,  col.  2169  sqq. 

(C)  Contresens.  MD  ne  guis  putet,  Christi  divinam  naturam  esse  adorabilem,  non  item 
humanatn,  =  pour  éviter  qu'on  n'estime  adorable  en  Christ  la  nature  divine,  et  non  l'humaine. 
En  effet  ces  deux  natures,  en  tant  qu'unies  dans  une  seule  hypostase  divine,  sont  également 
adorables.  Et  c'est  dans  le  même  but  que  (lyrille  et  Grégoire  de  Naz.  reconnaissent  deux 
natures  :  ces  deux,  n'étant  plus  qu'une  après  l'incarnation,  méritent  l'adoration. 

(D)  Le  texte  de  D  :  prima  divisio  non  est  est  évidemment  le  bon.  Le  bon  sens  l'avoue  :  quand 
après  l'incarnation  la  première  distinction  entre  les  deux  natures  n'existe  plus,  alors  on  dit  qu'il 
n'y  en  a  plus  qu'une  seule  et  unique.  Le  texte  même,  inintelligible,  de  M  :  pia  divisio  non  est, 
l'autorise.  On  voit  1res  bien  que  le  pia  de  M  est  le  prima  de  D,  écrit  dans  D  pid. 

(E)  Glose.  Par  suppost,  R  entend  l'unique  hypostase  où  se  joignent  les  deux  natures. 

(F)  Voyez,  dans  mon  Jean  Bodin,  2,  2  et  3,  pp.  130  et  145,  comment  Bodin,  posant  d'abord  ce 
principe  rigide  que  chaque  science  a  ses  méthodes,  transporte  en  pratique  les  méthodes  de  l'une 
dans  le  domaine  de  l'autre,  et  aboutit  à  une  confusion  absolue  des  méthodes  et  des  objets,  en  ce 
qui  concerne  les  sciences  entre  elles,  en  ce  qui  concerne  la  science  et  la  religion.  Ce  passage 
même  de  VHept.,  bel  exemple  de  celte  confusion,  y  est  commenté. 

(G)  Deux  références  confondues.  1°  Cyrille,  in  Joh.  evang.,  lib.  (J  (Migne  t.  7,  col.  274), 
explique  que  le  Fils,  Dieu,  né  de  Dieu,  a  cependant  revêtu  la  forme  humaine,  et  ce  pour  expier 
en  elle  notre  péché  originel.  2°  Grég.  Naz.,  O  ratio  31,  2  dans  les  anciennes  éditions  (Bâle,  1 1er- 
vagius,  1550;  Paris,  Seb.  Nivelle,  1583)  que  j'ai  vues;  dans  Migne,  37,  2  il.  2,  col.  28G).  Grég.  y 
explique  les  contradictions,  pour  la  raison  humaine,  des  deux  natures  en  Christ,  né  et  éternel, 
sujet  au  lemps  et  indépendant  de  lui,  changeant  de  place  et  doué  de  l'ubiquité.  Christ  n'a  pas  été 
créé  deux,  mais  un  de  deux  natures.  Mais  que  dit  Grégoire?  Il  retombe  dans  la  terminologie 
humaine;  qu'on  lui  pardonne  ses  paroles  :  il  parle  avec  son  langage  misérable  du  plus  grand  des 
mystères. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  159 

choses  qui  regardent  la  metaphisique  de  descendre  acellesqui  sont  purement 
phisiques  (A). 

[476]  Tohalbk.  —  Christ  en  tant  qu'homme  est  vne  matière  de  phisique  (k), 
Mais  le  véritable  subiect  de  la  metaphisique  cest  a  dire  le  propre  obiect  de  la 
Théologie  est  Dieu  Si  donc  en  quittant  les  choses  naturelles  il  faull  que  nous 
parlions  de  Dieu,  il  ny  a  rien  en  toutte  lestendue  de  la  nature  qui  luy  puisse 
conuenir  ou  quon  luy  puisse  attribuer  affirmatiuement  :  mais  il  est  facile  de 
nier  tout  (6)  :  par  ce  que  tout  ce  qui  a  estre  horsmis  Dieu  est  substance  ou 
accident  par  nécessité.  Or  Dieu  nest  ny  lun  ni  lautre,  &  ny  a  mesmes  aucune 
imagination  naturelle  qui  puisse  estre  commune  a  Dieu  &  a  la  créature,  ny 
ayant  point  de  ternie  ou  de  diction  qui  puisse  estre  appliquée  vniuocalement  (/) 
a  ce  qui  est  infiny  (B)  &  a  ce  qui  ne  lest  pas.  Cest  pourquoy  de  tout  ce  qui  est 
en  la  nature  on  peut  demander  que  sont  ces  choses  (m),  mais  de  Dieu  on  ne 
peut  faire  la  question  que  de  cette  sorte  :  qu'est  ce  que  ce  nesl  point,  puisquil 
est  tout,  bien  quon  ne  le  puisse  dire  ny  exprimer  (C).  Et  partant  tous  les  Théo- 
logiens qui  donnent  a  Dieu  vne  hypostase  ou  substance  ou  vne  personalité 
parlent  mal  (n).  Ce  qui  a  faicl  que  Simplicius  a  dict  que  la  première  cause 
nauoit  point  de  nom  (o)  (D).  Proculus  (7)  l'académicien  dans  son  liure  du  dieu 

(6jDyonis.  De  diuinis  nominibus.  Moses  Rambam  in  Mb.  3  More  neuokhim  (E). 
—  (7)  In  libro  de  singulari  deo. 


(k)  ND  fihysicœ  subjectum  est.  M  physici,  faute  :  M  lui-même  continue  metaphysicœ.  —  (l)  N 
una  voce.  MD  univoce.  —  [m)  N  quid  sit,  inadvertance.  MD  quid  sint  (eae  res).  —  (n)  N  im- 
pr'opïé,  barbare.  MD  impropre*.  —  (o)  N  id  est  tou  ^avxo;  (MD  twv  ïtxVttov  <  atn'ou,  U7rèp 
Tcàvta  ovtgç  (MD  ovtwç)  tx  ovra,  oùSsv  Igtiv  oc/.eïov  cîvoaa. 

(A)  C'est  justement  où  Toralbe  excelle,  et  par  où  il  bal  cruellement  en  brèche  les  mystères.  Il 
présente  avec  un  sûr  sentiment  du  grotesque,  et  en  Taisant  sans  cesse  appel  à  l'incoercible 
instinct  de  la  raison,  les  attributs  du  pur  esprit  en  conflit  avec  les  servitudes  de  la  chair  :  «  Les 
»  Papistes,  dit-il  p.  547,  veulent  que  le  corps  de  lesus  Christ  soit  partout  el  en  plusieurs  lieux 
»  en  vn  mesme  temps  Or  Christ  ne  peut  pas  pluslost  [estre]  en  deux  lieux  en  mesme  temps  que 
»  partout.  Que  sil  est  vne  Ibis  monté  dans  le  ciel,  il  nest  pas  partout  ny  en  plusieurs  lieux  :  et  s'il 
»  esloil  partout  il  na  iamais  monté  ny  descendu  des  cieux  :  car  ils  ne  veulent  pas  que  la  nature 
»  humaine  soit  partout  avec  extension,  mais  que  le  corps  du  Christ  soit-partout  entièrement  et 
»  réellement,  nayanl  point  de  partie  hors  de  ses  parties,  mais  toultes  ses  parties  dans  loutles,cest 
»  adiré  pour  parler  plus  intelligiblement  les  pieds  danslecerueau,  les  mains  dans  les  entrailles  ». 

(Bi  Omission.  MD  nec  ullus  est  naturœ  conceplus  Deo  et  crealurse  communis,  quia  nihil 
un'/  voce  de  finito  vel  infinito  dici  polest,  nec  ullum  genus  est  infinitum  aut  indifferens  ad 
ftnitum  aut  infinitum,  =  nous  ne  pouvons  concevoir  dans  la  nature  aucune  propriété  qui  soit 
commune  à  l'homme  et  à  Dieu,  parce  qu'on  ne  peut  rien  dire  dans  le  même  langage  sur  le  fini 
et  l'infini,  et  que  nous  ne  connaissons  aucune  espèce  d'être  qui  soit  infinie,  ou  qui  ne  soit  sujette 
ni  au  fini  ni  à  l'infini. 

(C)  Puisqu'il  est  tout,  etc.,  glose  explicative. 

D  Tou  tixvto;  oÙti'ou,  ûttÈo  Trxvta  ovtoç  x'j.  ovxa,  ou5év  e<rnv  otxetov  ovou.x,  =■  La 
cause  de  toute  chose,  existante  au-dessus  de  tout  ce  qui  existe,  n'a  pas  de  nom  particulier.  \  Parce 
que,  explique  Simplicius,  quelque  nom  que  nous  lui  donnions,  ce  nom  exprime  une  des  qualités 
qu'elle  réuniL  toutes  .  Comment,  in  Eplleti  EnchiHdion,  36,  Paris,  Didot,  1840,  p.  101. 

E  Sur  Moïse  Rambam  et  le  Moreh  nevokim,  cf.s//p>Y<,p.251  note  F.—  On  ne  peut  louer  Dieu 
que  par  abstraction  de  toutes  ses  qualités,  qui  sont  pour  nous  inimaginables,  explique  Denys 
l'Aréopagite,  De  divinis  nomin.,  1,  5  (Migne  t.  1,  p.  594).  Voici  un  texte  encore  plus  conforme  à 
ce  que  lui  fait  dire  Bodin  :  «  Negaliones  in  divinis  veree,  affirmationes  vero  incongrus  sunt  ». 
De  iselesli  Hierarchia,2,  3  (Migne  t.  1,  p.  142  .  Bodin  a  peut-être  tiré  cela  de  D.-Mornay,  o.  cl, 
4,  p.  66. 


160  JEAN    BOD1N 

singulier  dict  quil  ny  a  point  de  parolles  (A)  pour  exprimer  ce  que  cest.  Et 
Parmenides  la  appelle  àypi£uijt.jiTo;  (8)  (B).  Et  après  auoir  dict  de  luy  beaucoup 
de  choses  qui  ne  luy  appartiennent  point  (C),  il  se  trouuera  que  ceux  qui  en 
parlent  le  moins  improprement  lappellent  vue  Essence  éternelle  vnique  pure 
&  simple  destachée  de  toutte  matière  corporelle  (p)  infinie  [477]  en  bonté 
sagesse  &  puissance.  Et  en  ce  point  les  Académiciens  les  Stoïques  et  les  Peri- 
paleticiens  sont  en  quelque  façon  daccord  auec  les  luifs  et  les  Mahometans, 
comme  estant  (D)  vn  principe  que  la  Nature  inspire  dans  lame  de  tous  les 
hommes. 

[Salomon  vante  alors,  à  grand  renfort  de  philologie  hébraïque,  le  mono- 
théisme rigoureux  des  Juifs.  Revenant  à  la  divinité  du  Christ,  Toralba  déclare 
qu'indocile  à  l'autorité,  il  considère  l'Incarnation  comme  inadmissible  parce 
qu'elle  suppose  l'inconstance  de  Dieu.  Federich  répondant  seulement  :  Oui, 
l'Incarnation  est  incroyable  aux  incrédules,  mais  très  facile  à  accepter  pour 
ceux  qui  ont  la  grâce,  477-480.1 

Crédulité  du  monde  païen. 

[481]  Octaue.  —  Véritablement  a  la  naissance  de  l'Eglise  chrestienne  il  na 
pas  esté  malaisé  de  persuader  aux  Grecs  non  plus  quaux  Latins  (a)  (E)  quun 
homme  pouuoit  estre  vn  Dieu,  eux  qui  croyoienl  desia  que  les  Dieux  non  seu- 
lement couchoient  auec  les  déesses  la  hault  dans  le  ciel  mais  encores  auec  les 
femmes  sur  terre  quand  lenuie  leur  en  prenoit  pour  multiplier  leur  espèce  : 
ce  que  les  sauants  (6)  aussi  bien  que  les  ignorans  tenoient  pour  article  de  foy. 

(8)  Indescriptibilis. 


(p)  N  corporum  contagione.  MD  concretione.  Ce  mot  est  employé  dans  le  même  sens,  in  fret. 
—  [a)  N  grœcœ  et  lalinœ  (se.  ecclesiae).  MD  Grœcis  &  Lalinis.  —  (b)  N  Grœcorum  et  Roma?iorum 
disciplinarum  omnium  laude  florenlibus,  que  R  semble  Lraduire.  MD  Grœcis  et  Romanis. 

(A)  MD  ocppYiTOv.  Si  le  de  Deo  singulari  est  bien  une  part  de  {'Institution  théologique  (cf. 
supra,  p.  221  noie  D),  comme  d'ailleurs  ce  passage  semble  encore  le  prouver,  voici  ce  qu'on  y  lit  : 
Toul  le  divin,  en  soi  du  moins,  à  cause  de  sa  réduction  à  l'un,  réduction  qui  l'élève  au-dessus  de 
toutes  les  substances,  est  ineffable  et  inconnaissable  à  tous  les  êtres  dérivés.  Elav  to  ôeîov  aù-ro 
aàv  8i*  ttiv  ÛTiepoûatov  evaxriv  appYjTÔv  ê<m  xat  ôcyvcoaTOv  7ta<7t  to"Ï;  Seurépotç.  Inslit. 
théol.,  art.  123  début,  éd.  Greuzer,  p.  182.  Gf.  D.-Mornay,  o.  c,  3,  p.  45. 

(B)  J'ai  lu  les  Parmenidis  carminum  reliquiœ,  dans  les  Fragmenta  philosophorum  grœco- 
rum,  Paris,  F.  Didot,  1860,  in-4°,  sans  y  trouver  ce  mot.  Même  insuccès  avec  le  Wortindex  de 
Walther  Kranlz  pour  les  Fragmente  der  Vorsokratiker  de  H.  Diels  (il,  2,  2e  Aufl.,  Berlin,  1910). 
Je  suis  donc  fondé  à  croire  que  Bodin  a  trouvé  ce  mot  de  Parménide  cité  dans  un  autre  auteur, 
et  alors  il  devient  bien  dilficile  de  retrouver  le  passage.  S.  Clément,  Slromat.,  5  (trad.  lai. 
Genlian  Hervet,  Florence,  L.  Torrenlinus,  1551,  in-fol.,p.  1786)  allègue  Parménide  à  propos  de 
l'ineffabililé  de  Dieu,  mais  sans  le  citer  textuellement.  Un  tel  passage  a  parfaitement  suffi  à  Bodin 
pour  dire  que  Parménide  appelait  Dieu  l'inexprimable. 

(C;  Omission  :  MD  ipse  tamen  dici  non  polest  ac  ne  cogitari  quidem. 

(D)  Obscur.  L'idée  de  Bodin  est  que  tous  tombent  d'accord,  comme  si  la  notion  d'un  Dieu 
unique,  incorporel,  etc.,  avait  été  naturellement  infuse  en  chacun. 

(E)  MD  Grœcis  et  Lalinis  est  le  seul  texte  acceptable.  1°  Aux  débuts  de  l'Eglise,  il  n'y  a  pas 
une  Église  grecque  et  une  latine  (comme  N  l'exigerait).  2°  Grœcis  et  Latinis  est  l'antécédent 
nécessaire  de  quippe  qui  [crediderunt],  =  eux  qui  croyaient. 


DES    SECRETS    CACHEZ   DES    CHOSES    SUBLIMES  ilil 

Tesmoing  Ihistoire  célèbre  de  Mundus  citoyen  romain  auquel  vn  prestre  sacri- 
lège amoureux  de  sa  femme  (A)  très  vertueuse  persuada  au  mari  &  a  la 
femme  qu'Hercule  pour  leur  donner  de  sa  race  vouloit  coucher  dans  le  temple 
auec  cette  sage  Matrone  :  mais  sa  fourbe  ayant  esté  descouuerle  et  ce  citoyen 
sestant  plaint  a  lempereur  Tybere  il  fit  raser  le  temple  &  brusler  tous  ces 
malheureux  prestres  complices  du  faiel.  Ainsy  il  ne  fault  point  sestonner  si 
Christ  qui  menoit  vue  vie  exemplaire  et  qui  faisoit  des  miracles  a  esté  creu 
par  des  payens  pour  vn  Dieu  nay  dune  Vierge  (B)  eux  qui  esloient  desia  per- 
suadez que  les  Dieux  &  les  Déesses  engendroient  &  accouchoient  (ci. 

LToralba,  continuant  à  combattre  l'Incarnation,  indique  que  l'infini  de  la 
divinité  est  inconciliable  avec  le  fini  de  la  nature  humaine,  482.  Octave  mon- 
tre que  les  miracles  sont  insuffisants  à  prouver  un  Dieu  en  J.-C,  483]. 

D'autres  thaumaturges  ont  été  bien  supérieurs  à  Jésus. 

484]  Salomon.  --  Ce  fut  vn  siècle  bien  fertile  en  magiciens,  car  outre 
Apollonius  (C)  il  enfanta  aussi  Dosithée,  Theoda  (a),  Iudas  le  Gallileen  (D) 
et  Simon  Magus  qui  s'attribuèrent  lous  le  nom  [h  &  la  qualité  (Ej  de  Dieu  : 
mesmes  en  Arabie  vn  certain  imposteur  au  rapport  de  Moyse  Rambam  (8) 
se  disant  le  Messie  auoil  attiré  a  soy  grand  nombre  de  sectateurs  par  ses 
prodiges,  sur  quoy  le  roy  d'Arabie  layant  faict  venir  deuant  luy  luy  commanda 
de  prouuer  par  quelque  miracle  quil  estoit  tel  :  [il]  offrit  de  donner  sa  teste  a 

(8)  Moses  Rambam  in  Epist.  aduersus  Astrologos. 


(c)  N consimili  Deorutu  generalione  jam  imbutis.  MU  consimilium.  —  (a)  .V  Theudam.  MU 
Theodam.  —  (b)  N  nomina.  MU  nomen. 

(A)  Contresens.  C'est  Mundus  qui  esl  le  prêtre  adultère,  et  dont  on  découvre  la  supercherie  : 
Ml)  comperla  /raude,  quam  Mundus  celare  non  paierai.  —  La  source  ancienne  de  cette  his- 
toire esl Josèphe,  Anliq.  judaïq.,  18,  4,  qui  accuse  de  celle  fourhe  les  prêtres  d'Isis.  Mais  il  est 
bien  probable  que  Hodin  la  lire  de  Wier,  o.c,  2,  41,  p.  188  b.  Wier  y  ajoute  une  histoire  analo- 
gue —  Tyran,  prêlre  de  Saturne,  use  du  même  subterfuge  pour  jouir  des  femmes  qui  lui  plai- 
sent; sa  fraude  découverte  couvre  les  païens  de  honle  —  qu'il  tire  d'Eusèbe,  Hlst.  ecclés.,  2,  21, 
et  que  Bodin  a  négligée. 

(B;  Inexact.  MD  [Christum]  de  Deo  et  virgine  natum. 

(C)  Voyez  Nicéph.  Callisle,  H.  E.,  3, 12.  Mais  surtout  Vie  d'Ap.  de  T.,  par  Philoslrale  (traduct. 
Chassang,  Le  merveilleux  dans  l'antiquité,  Paris,  1862).  Je  l'ai  consullée  dans  l'éd.  et  version 
latine  de  F.  Morel,  Paris,  Cl.  Morel,  1608,  in-fol.,  lequel  y  joint  d'Eusèbe  Contra  Hieroclem  qui 
ex  Philoslrati  historia  sequipararat  Apollonium  Salvatori  Noslro  J.-C.  Bodin  connaît  bien 
Philoslrate  :  il  vient  d'en  parler  longuement  p.  484;  cf.  Démon.,  Pré!'.,  p.  25  et  4,  1,  p.  420.  11 
connaît  également  l'ouvrage  d'Eusèbe,  ibid.,  2,  4,  p.  232  et  3,  6,  p.  389.  Il  lisait  aussi  sans  doute 
sur  Apollonius  Wier,  o.  c,  2,  3,  p.  65  b,  et  J.-F.  Pic,  De  superslitiosa  prœnolione,  7,  10  (t.  2, 
p.  439  sqq.). 

(D)  Je  vois  Origène,  Cont.  Cels.,  1,  57  (Migne  t.  1,  col.  766),  citer  ensemble  Dosithée,  Theudas 
et  Judas  de  Galilée,  comme  ici  VHept.  Mais  Bodin  connaît  ces  magiciens  par  nombre  d'ouvrages 
qui  lui  sont  aussi  familiers.  Josèphe,  Antiq.jud.,  18,  1,  6,  cile  Judas  de  Galilée,  et  Theudas,  20, 
5,  1.  Nicépbore  Callisle  nous  parle  de  Dosithée,  H.  E.,  4,  7;  des  deux  autres, 2,  2.  Eusèbe,  H.E., 
4,  22;  Epiphane,  Hseres.,  1,  13,  nous  parlent  de  Dosithée.  Sans  oublier  les  Actes  des  Apôtres, 
sur  Theudas  et  Judas,  5,  36  sq.  ;  sur  Simon  le  magicien,  8,  9  sqq. 

(E)  MD  famam,  =  la  réputation  de.  Ils  voulurent  passer  pour... 

Chauviré  11 


162  JEAN    BODIN 

trancher  et  quen  cas  quil  ne  ressuscita  pas  quon  quitta  la  créance  de  sa 
qualité  de  Messie  [485]  ce  qui  fut  accepté.  La  teste  luy  fut  tranchée  (A)  deuant 
tout  le  peuple  mais  il  ne  reuit  plus  la  lumière. 

Cuiicii.  —  Il  ny  en  a  que  trop  dont  la  folie  ou  limpieté  ont  esté  telles  de  non 
seulement  se  vouloir  faire  croire  Dieux,  mais  encor  ^entreprendre  de  ielter 
Dieu  du  hault  en  bas  des  cieux,  ainsi  quautresfois  les  Geans  (c). Comme  aussy 
Heraclides  le  Pontique  (9)  au  rapport  de  Diogenes  Laertius  (B)  dans  la  vie  de 
ce  fourbe  eut  assez  daddresse  pour  corrompre  les  preslresses  Piliques  (d)  a 
fin  quelles  publiassent  quil  estoit  Dieu,  ayant  faict  mettre  vn  serpent  dans 
vne  machine  (e)  auec  laquelle  il  se  fit  enleuer  en  lair  (C),  mais  la  tromperie  fut 
descouuerte  et  fut  reconneu  non  pas  pour  ce  quil  vouloit  estre  mais  pour  ce 
quil  estoit.  Ainsi  que  Psafon  l'Africain  qui  auoit  instruict  de  petits  oyseaux  (f) 
a  prononcer  ces  parolles,  Psaphon  est  Dieu,  et  puis  les  laissoit  enuoller  (D). 
Mais  Symon  Magus  le  Samaritain  (1)  les  a  surpassez  tous  (g)  par  le  bruict  de 
ses  prodiges  et  de  ses  miracles,  ayant  non  seulement  ressuscité  des  morts, 
mais  luy  mesme  seslant  faict  couper  par  morceaux  ressuscita  le  troisiesme 

(9)  Laertius  in  Heraclidis  vita.  —  (1)  Clemens  Alexandrinus.  Irenœus.  Ius- 
tinus  martyr  (E). 


(c)  N  ut  olim  conjurait  cœlum  conscendere  praires.  MD  rescindere,  correct.  G'esl  Virgile. 
Géorg.,  I,  280,  qu'imile  ici  Bodin.  —  (d)  N  Pythiacos  sacerdotes.  MU  Pylhiacas,  correct. 
—  (e)  N  feretrum.  MD  ferculum.  —  (/")  N  avtculas.  Ml)  aviculas  oscines.  —  [g)  N  Sed  omnes 
omnium  (MD  impietates  ac)  fraudes  Simo  Magus  (MD  Samaritanus)  superare  (MU  superasse) 
vtdelur. 

(A)  Inexact.  MD  Rex  accepta  condilione  [jussit,  etc.],  =  le  roi,  acceptant  sa  proposition,  le  lit 
décapiter.  —  Sur  la  Lettre  contre  les  astrologue-;,  de  Moïse  Rambam,  cl',  supra,  p.  251  note  F. 

(13)  R,  par  sa  version  inexacte,  mêle  deux  histoires  distinctes  dans  MDN,  celle  de  la  Pythie  et 
celle  du  serpent,  dont  la  seconde  était  déjà  inexactement  contée  par  Bodin.  Voici  le  récit  de 
Laërce,5,  6: 1°  D'après  Demetrius  Magnes,  Héraclide  donna  l'ordre  à  un  confident  sur  de  l'enterrer 
secrètement  après  sa  mort,  et  de  lui  supposer  dans  son  lit  un  serpent  Ses  concitoyens  admirent, 
s'écrient  qu'Héraclide  est  monté  au  ciel;  à  leurs  clameurs,  le  serpent  jaillit  des  couvertures  et 
leur  l'ait  grand'peur.  Mais  peu  après  la  fraude  est  découverte.  2°  D'après  Hermippe,  ceux  d'Héra- 
clée  ayant  envoyé  à  Delphes  demander  un  remède  contre  la  lamine,  Héraclide  corrompit  les 
ambassadeurs  et  la  Pythie  :  la  réponse  l'ut  qu'il  fallait  offrir  une  couronne  d'or  à  Héraclide,  pen- 
dant sa  vie,  et,  après  sa  mort,  l'honorer  comme  un  héros.  (  >n  le  couronne  donc  au  théâtre;  mais 
il  y  meurt  d'apoplexie;  les  ambassadeurs  infidèles  sont  lapidés;  et  la  Pythie  elle-même,  étant 
allée  voir  les  serpents  dans  le  sanctuaire  du  temple,  est  piquée  par  l'un  d'eux  et  meurt. 

(C)  Faux-sens.  MD  serpenlem  in  ferculum,  quo  elalus  est,  imponi  jussit,  =  il  fit  mettre  (à 
sa  place)  un  serpent  dans  la  litière  sacrée  où  on  l'emportait. 

(D)  L'histoire  est  tirée  de  Maxime  de  Tyr,  Diss.,  35,  4,  Paris,  Didol,  1840,  in-4°,  p.  138.  Je  la 
trouve  aussi  dans  les  Philosophumena  d'Origène,  Refutaliones  omnium  hsereseon,  6,  8  (Migne 
t.  6,  col.  3208),  mais  le  héros  s'appelle  alors  Apselhos.  Cf.  le  même  conte,  l'ail  d'Hannon  le  Car- 
thaginois celle  l'ois,  dans  Elien,  Hislor.  variœ,  14,  30. 

E)  Ces  références  sont  citées  iufra,  sauf  Clein.  Alex.  —  Je  trouve  bien  dans  les  Stromales, 
7,  17  (Migne  t.  2,  col.  550)  un  mol  insignifiant  sur  Simon;  mais  je  pense  que  très  anciennement 
une  confusion  a  dû  s'établir  ici  entre  Clément  Romain  el  Clément  d'Alexandrie;  je  ne  doute  pas 
que  Bodin  ail  voulu  ciler  le  premier. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  [(ï.\ 

iour  li  d'après  (A  &  sesleua  dans  les  airs  en  présence  de  toul  le  peuple  (t)  de 
Kome  (B  .  Et  fut  assez  insolent  pour  se  qualifier  Dieu  et  (j)  quil  estoit  venu  au 
monde  pour  corriger  les  desordres  (k)  que  les  Anges  y  auoient  apporté  (C), 
promettant  a  ceux  qui  croiroient  en  luy  de  ne  iamais  mourir  non  pas  par  leur 
mérite,  mais  par  sa  seule  grâce    /  . 

Fedekich.  —  Aussy  quelle  fut  sa  lin?  Apres  auoir  monté  bien  hault  dans 
lair  il  tomba  au  milieu  de  la  place  de  Rome  et  se  rompit  le  col  (D). 

486j  Senamy.  —  Sil  se  fust  rompu  le  col  en  tombant  pourquoy  le  Sénat  & 
le  clergé  de  Rome  par  le  consentement  de  l'Empereur  luy  eussent  ils  esleué 
des  statues  auec  des  inscriptions  diuines?  Car  son  image  qui  fut  posée  soubs 
lempire  de  Claude  entre  les  deux  ponts  du  Tybre  porte  cet  éloge  :  Symoni 
Mago  Ueo,  que  lustin  le  Martyr  dicl  auoir  veue  (E).  Or  sans  ladueu  du  sénat 
nul  ne  pouuoit  estre  mis  au  nombre  «les  Dieux,  ainsy  que  le  tesmoigne  Terlu- 
lien  (2)  parlant  de  Christ,  assauoir  que  Tybere  manda  au  Sénat  quil  vouloit 
quil  fust  mis  au  nombre  des  Dieux  :  le  Sénat  nen  voulut  rien  faire  ou  par  ce 
quil  ne  le  reconnoissoit  (m)  pas  pour  tel  ou  par  ce  quil  auoit  regret  de  mettre 
vn  homme  iuif  au  rang  des  Dieux  qui  auoit  esté  supplicié.  Tybere  cependant 
au  raporf  de  Tertulien  demeura  dans  cette  opinion,  et  partant  on  voit  que  le 
Sénat  faisoit  bien  plus  de  cas  de  Symon  Magus  que  de  lesus  Christ. 

[Tous  ces  magiciens  n'ont  pu  soutenir  leurs  prestiges  qu'évidemment  aidés 
par  les  démons,  486.  Coroni  :  Les  miracles  des  magiciens  n'ont  rien  produit, 
au  lieu  que  sur  ceux  de  J.-C.  l'Église  s'est  établie  pour  jamais  :  voilà  qui 
prouve  leur  caractère  divin,  488.  Senamy  :  la  durée  n'est  pas  une  preuve  de 

(2)  Apologeticus'(F). 


(h)  N M  tertio  die.  D  lertia  —  (i)  N  populo  Romanorum  MD  populi  Romani)  ac  princi- 
pum  speclunle  corona.  —  (j)  N  jactabat  MD  jactaret,  seul  correct,  qui  dépend  d'un  ut  anté- 
rieur.—  k)  N  ut  qui  ab  Angelis  covrupti  fuerant,  emendaret.  MD  quae...  corruptct. —  (l)  N 
sed  sua  (MU  unius)  gratia  servaret.   -  [m]  N  vel  quia  non  piobabat.  MD  probaverat. 

(A)  Bodin  raconte  plus  longuement  celte  histoire,  Démon.,  2,  G,  p.  269,  et  la  rappelle,  ibid., 
Réfut.  de  Wier,  p  575.  Après  avoir  proposé  qu'on  lui  coupe  la  tête,  promettant  de  ressusciter  le 
troisième  jour,  Simon  se  substitue  un  mouton  que,  par  ses  opérations  magiques,  les  assistants 
prennent  pour  lui  Simon.  Le  lendemain  il  reparaît.  La  source  de  Bodin  est  dans  Wier,  2,2,  p.  63  6, 
qui  s'autorise  des  Recogniliones  souvent  aussi  appelées  par  Bodin  Itinerarium),  attribuées  faus 
s-ement  à  Clément  Romain.  Ce  roman  apocryphe,  plein  de  fables,  et  aussi  de  disputes  entre 
S.  Pierre  et  Simon  le  Magicien,  a  le  plus  vif  succès  au  xvie  siècle  :  il  est  constamment  imprimé 
en  latin  et  en  français;  j'ai  lu  la  version  du  franciscain  F.  Gilles  Cailleau,  Paris,  J.  Poupy,  1574, 
in-8,  liv.  10,  fol.  281  sqq.  (Sur  les  Recognit.  ou  Pseudo-Clémentines,  cf.  Guignebert,  o.  c, 
p.  456;  et  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  I,  p.  81  . 

(B)  Que  Simon  volât  en  l'air,  cela  vient  encore  de  Wier,  De  Lamiis,  3  [Démon.,  Réf.  de  Wier, 
p.  558  .  Cf.  Nicéphore  Calliste.  2,  17;  les  Recogn.,  etc. 

(C)  Tiré  d'Irénée,  Contra  hsereses,  1,  23,  3  (Migne  col.  672).  Tout  ce  passage,  à  partir  de  la 
col.  670,  abonde  en  renseignements  sur  Simon.  D'autre  part,  il  confirme  le  texte  de  MD. 

(D)  Nie.  Calliste,  2,  36.  Bodin  rappelle  ce  fait  pour  montrer  que  les  sorciers,  Simon,  Jézabel, 
Néron,  Gilles  de  Raiz,  ont  toujours  fini  misérablement  (Démon.,  3,  3,  p.  349). 

(E)  Cf.  Démon.,  2,  6,  p.  269.  Principales  sources  :  Justin,  Apologia  I  pro  Christianis,  1,  26 
(Migne  col.  367);  Terlull.,  Apolog.,  13;  Eusèbe,  H.  E.,  2,  12. 

(F)  Tert.,  Apologet.,  5.  C'est  peut  être  Duplessis-Mornay,  o.  c,  32,  p.  795,  qui  a  signalé  à 
Bodin  l'intérêt  de  l'histoire. 


164  JEAN    BODIN 

vérité  :  on  pourrait  l'invoquer  en  faveur  de  la  religion  païenne,  des  sacrifices 
humains,  489.  Un  peu  de  flottement  se  produit  ici.  Curce  approuve  l'Espagne 
d'avoir  purgé  les  Indes  occidentales  d'un  cruel  paganisme,  mais  lui  reproche 
d'y  avoir  introduit  les  idoles  papistes.  Octave  préfère  l'idolâtrie  d'Attabalippa, 
adressée  au  soleil,  que  celle  qui  s'adresse  à  un  homme  mort.  Salomon  vante 
le  monothéisme  juif.  C'est  un  passage  très  comparable  à  supra,  p.  370  sqq., 
où  la  discussion  fait  une  pose  et  permet  à  chaque  personnage  d'affirmer  ses 
convictions,  de  rappeler  au  lecteur  quel  il  est,  490-493. 

J.-C,  continue  Toralbe,  ne  peut  être  en  môme  temps  Dieu  et  homme.  Éter- 
nel, Dieu  n'a  pas  pu  créer  un  autre  lui-même.  Homme,  et  créature,  J.-C.  n'a 
pu  être  créateur  ni  se  créer  lui-même,  494-497.  Coroni  se  rabat  sur  la  sainteté 
de  Jésus.  Salomon  objectant  qu'il  faisait  compagnie  de  criminels  et  de  prosti- 
tuées, Curce  répond  qu'il  voulait  sauver  les  pauvres  d'esprit  et  de  cœur,  498. 
Nouvelles  attaques  contre  les  miracles  de  Jésus,  499  sq.  Attaques  contre  la 
doctrine  de  Jésus.  Senamy  oppose  le  pardon  chrétien  des  injures  à  la  passion 
vindicative  des  prophètes.  Salomon  répond  que  le  pardon  des  injures  est  con- 
traire au  bon  ordre  social.  C'est,  explique  Federich,  une  loi  de  perfectionne- 
ment individuel,  qui  n'a  pas  lieu  dans  les  relations  sociales,  500-504.  Après 
qu'Octave  a  résumé  ce  moment  de  la  discussion,  Curce,  revenant  aux  miracles, 
rappelle  la  Transfiguration.  Salomon  la  met  carrément  en  doute,  505-507. 
Toralhe  :  Jéhovah  s'est  maintes  fois  dans  la  Bible  réservé  à  lui  seul  le  salut 
des  hommes.  J.-C,  créature,  ne  peut  être  Dieu,  ni  donc  rédempteur,  508  sq. 
Curce  expliquant  que  les  deux  natures  sont  en  lui  unies  incompréhensibtement, 
Toralbe  n'en  revient  pas  moins  à  son  récent  raisonnement,  supra,  475  :  de 
deux  composants  se  forme  toujours  un  composé,  absolument  différent  des 
composants.  Ainsi  du  Christ,  510. 

De  la  trinité,  512-541.  La  trinité,  continue  Toralbe,  soutenu  par  Salomon, 
est  contraire  aux  attributs  nécessaires  de  Dieu  :  unité,  simplicité,  toute-puis- 
sance. Curce  finissant  par  refuser  de  discuter  en  raison  ce  qui  ne  demande 
que  de  la  foi  :  —  Mais,  lui  dit  Toralbe,  et  ceux  qui  n'ont  pas  la  foi?  512-515. 
Il  est  absurde  de  penser  que  Dieu,  en  engendrant  un  fils  à  lui  coexistant,  se 
soit  engendré  lui-même,  être  éternel  et  non  engendré;  absurde  d'imaginer 
Dieu  divisible  et,  à  un  certain  moment  du  temps,  amputé  de  cette  portion  de 
soi-même  qu'il  a  dû  créer  pour  engendrer  un  fils.  Enfin  si  Christ,  Dieu,  esL 
engendré,  il  n'était  donc  pas  éternel,  partant  il  n'était  pas  Dieu.  Eternelle- 
ment engendré  est  une  expression  vide  de  sens,  516-521]. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  165 

De  la  Trinité  (A). 

|521]  Ociaue.  —  Pourquoy  donc  le  Maistre  des  sentences  sest  il  trouué  si 
empesché  que  daduouer  auec  vne  grande  exclamation  (a)  (B)  que  cella  passe 
lentendement  &  la  raison  humaine  (6)? 

Toralbe.  —  Quoy  la  raison  ce  rayon  de  la  diuinité  infus  dans  lame  dun 
chacun  (c)  pour  veoir  iuger  &  connoistre  ce  qui  est  (d)  bon  ou  mauuais,  vray 
ou  faux? 

Fedkrtcu.  —  Ouy,  dans  les  choses  qui  sont  de  sa  portée,  mais  Dieu  éternel 
et  infiny  ne  peut  pas  estre  compris  ny  expliqué  par  limbecillité  (C)  de  nostre 
ame  par  ce  quil  est  comme  dict  elegament  Theophraste  (6)  dans  sa  Metaphi- 
sique  àsTip-q-ro;  (e)  OscÔtocto;  ÙTzipoaL-zoç  (D  ,  inscrutable   très  diuin  et  suprême. 

Salomon.  —  Theophraste  en  cet  endroit  parle  de  Dieu,  mais  (/";  il  ne  sagit 
icy  que  de  Iesus  qui  nest  quun  homme  :  car  il  ne  faull  pas  commencer  vn 
argument  par  la  conclusion  assauoir  (g)  par  cette  enonciation  que  Iesus 
est  Dieu  dont  nous  cherchons  la  preuup,  Dieu  ayant  dict  luy  mesmes  en 
Iesaye  (E),  hautement,  clairement  et  intelligiblement  :  Deuant  moy  il  ny 
a  point  de  Dieu  et  il  ny  en  aura  point  après  (7).  Et  encores  :  Iay  esté  le 
premier  &  ie  seray  le  dernier  (8).  Or  les  Théologiens  chrestiens  (9)  confessent 

(6)  In  lib.  metaphys.  —  (7)  Iesaiœ  c.  43.  —  (8)  Iesaiee  c.  44.  —  (9)  Scotus, 
lib.  3,  dist.  5  (F). 


(a)  Xita  haesit  ut  erclamet,  incorrect.  MD  exclamaret.—  [b]  N  hoc  humanum  sensum  exce- 
dit  el  inlelligentiam  mundi,  quœ  non  capit  ratio.  MD  omettent  avec  raison  quœ.  —  (c)  JV 
uniuscujusque  menti  (MD  menlibus)  insita.  —  {d)  N  judicat  quod  rectum,  quod  pravum,  etc. 
MU  quid,..  quid.  .,  correct.  —  ie)  Ar  àvx[(j0r,TO;  MD  àÇT,T7|Toe.  —  (/')  N  aulem.  MD  vero. 
—   g    Y  nempe.  MD  scilicet. 

A  Le  morceau  ci-dessus  montre  l'attitude  de  chaque  personnage  devant  le  problème  de  la 
Trinité,  traité  depuis  la  p.  512  avec  une  confusion,  des  retours  et  des  redites  qui  fatiguent  le  plus 
patient  lecteur.  Federieh  vient  de  répéter  pour  la  dixième  fois,  sans  tenir  compte  des  protesta- 
tions antérieures  des  non-chrétiens,  que  le  Fils  est  éternellement  engendré  du  Père,  et  que  la 
chose  est  trop  limpide  pour  qu'on  s'y  arrête. 

B)  Inexact.  MD  ul  exclamet  hune  in  modum,  =  de  s'écrier  à  peu  près  dans  ce  sens.  Octave 
avait  déjà  signalé  l'embarras  de  Lombard  [supra,  p.  518/  :  «  Tout  cecy  nous  embarrasse  extreme- 
»  ment  &  pour  le  faire  comprendre  i'aimerois  mieux  lapprendre  des  autres  que  de  lexpliquer 
»  moy  mesme  ».  Dans  les  deux  passages,  Octave  fait  allusion  à  ces  formules  où  Lombard,  à 
bout  de  subtilités,  proclame  que  les  mystères  sont  inintelligibles  :  «  Quœ  quomodo  intelligenda 
•  sint,  mallem  ab  iis  audire  quam  ipse  tradere  ».  L.  1,  dist.  5.  «  Non  est  nobis  perspicuum  aperire 
»  quomodo  sil  hoc  verum,  el  ideo  sub  silenlio  polius  esset  praetereundum,  nisi  me  super  hoc  ali- 
»  quid  loqui  cogerel  instanlia  quaerentium  ».  L.  1,7.  Voyez  une  troisième  formule,  tirée  de  3,  8, 
infra,  p.  522.  J'ai  consulté  :  P.  Lombardi  Episc.  Paris.  Sententïarum  libri  IV,  per  J.  Alleaume, 
Rolhomagi,  Ferrand  el  Behourl,  1651,  in-i°. 

C  MD  humanse  mentis  gurgustio  capi  nequit,  =  ne  peut  être'contenu  dans  l'élroite  échoppe 
de  notre  intelligence. 

(D)  To  yip  07)  TCpwTov  xoct  Oeiotoctov  Ttâvxa  xi  ap'.sra  |5ou>.oy.£vov,  xâ/a  Sa  touto  |xèv 
otov  ÔTtép6aTô\  Tt  xal  à^T^TOv.  Theophr.,  Fragmenta,  12,  10.  Bodin  puise  peut-être  celte 
citation  dans  Duplessis-Mornay,  o.  c.  3,  49. 

(E)  haïe,  4  !,  10.  Référence  suivante  :  44,  7.  Cf.  45,  passim. 

(F)  Référence  inexacte  :  il  s'agil  non  de  3,  5,  mais  de  1,  5  (N  donne  :  1,  4),  quœstio  2.  Scot, 


166  JEAN    BODIN 

que  la  personne  a  esté  créée  et  quauant  que  de  sincarner  dans  le  ventre  de 
Marie  quil  estoit  la  personne  du  fils.  Si  la  personne  du  Fils  a  esté  créée,  peut 
on  doubter  encores  quil  ne  soit  pas  créature  (h)?  Donc  il  nest  ny  Dieu  ny 
créateur. 

Oçtaue.  —  Le  Maistre  des  sentences  dict  il)  que  la  personne  du  Fils  nest 
pas  composée  de  Dieu  et  de  lhomrne  comme  vn  tout  est  composé  de  ses  parties, 
puis  il  adiouste  enfin  :  il  nest  pas  possible  dexpliquer  comment  se  faict  cette 
vnion  (A).  Il  nie  cependant  quil  se  fasse  meslange  des  deux  natures  et  appelle 
idolâtrie  (2)  dadorer  le  corps  &  lame  de  lesus  Christ  (B),  par  ce  dict  il  quils 
sont  [522]  créatures.  Philippes  Melanchton  (3)  est  de  celte  opinion. 

Cuhce.  —  Ils  ont  raison  car  le  concile  d'Ephese  a  arresté  qua  Christ  nest 
deub  que  le  culte  de  lalrie  (C). 

Octaue.  —  Sil  ne  se  faict  pas  meslange  des  d  ux  natures  en  lunion  hypos- 
tatique  (i)  de  lesus  Christ  le  culle  ne  doibt  point  aussy  estre  meslé  pour  le 
reconnoistre   et   créateur  &  créature,  et  ladorer   ainsy    ensemblement   (D), 

(1)  Lib.  3,  dist.  9.  —  (2)  Lib.  3,  dist.  0.  —  (3)  Contra  Stancarum  (E). 


(h)  MD  [Si  creata  est  persona  lili,j  quis  dubitet  quin  (N  an)  filius  crealura  sit.  N  omet  les 
mots  entre  crochets.  — [i)  N  Si  non  est  confusa  ulraque  naturaunione  hypostatica  inChristo. 
MD  unionis  hypostatica'. 

le  docteur  subtil,  y  dislingue  l'essence  divine,  éternelle,  infinie,  incréée,  de  la  personne  du  (ils, 
individuelle,  créée  (ainsi  le  Fils  est  éternel  en  tant  qu'essence  divine,  et  cependant  créé  en  tant 
que  personne),  et  dislingue  encore  celle  personne  môme  du  Fils  de  la  nalure  humaine  où  elle 
s'est  incarnée.  La  force  de  l'argument  de  Salomon  est  donc  d'ignorer  volontairement  la  distinc- 
tion entre  l'essence  divine  et  la  personne  du  Fils,  et  de  montrer  que  si  la  personne  du  Fils  est 
créée,  tout  le  Fils  est  donc  créé,  et  ne  saurait  être  créateur  ni  Dieu. 

(A)  La  note  1  donne  une  référence  erronée;  d'ailleurs  si  Bodin  eût  constamment  cilé  Lombard, 
3,  9,  il  n'eût  pas  donné  deux  références  identiques  notes  1  et  2  .  —  Que  le  Fils  n'est  pas  com- 
posé de  Dieu  el  de  l'homme  comme  un  tout  de  ses  parties,  Lombard  l'explique  3,8;  et  la  phrase  : 
MD  inexplicabilis  est  islius  unionis  ratio,  résume  la  conclusion  de  celle  distinction. 

(B)  «  Si  enim  animiR  vel  carni  exhibelur  latria,  quae  inlelligelur  servilus  sive  cultus  soli  Deo 
»  debilus  :  cum  anima  Ghrisli  vel  caro  crealura  tanlum  fil,  crealune  exhibelur  quod  soli  crealori 
»  debelur  :  quod  facienli  in  idololalriam  depulatur  ».  Lombard,  3,  (J.  Voici  ce  que  veut  dire  le 
Mailre  des  sentences  :  En  Christ,  il  y  a  le  Dieu,  el  il  y  a  l'homme,  lequel  est  un  corps  avec  une 
âme.  Celle  âme  el  ce  corps,  qui  forment  un  homme  créé,  n'ont  pas  droilà  noire  adoration  i  lalrie). 

(C)  Le  concile  d'Ephèse  (431)  est  celui  où  Cyrille  fil  condamner  Neslorius,  et  où  Marie  fut 
avouée  mère  de  Dieu,  Christ  vrai  Dieu  né  selon  la  chair.  Cf.  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  IV,  pp.  684- 
785.  —  La  réflexion  de  Curce,  faile  pour  appuyer  Mélanchlon  et  Lombard,  a  d'abord  l'air  de  les 
contrarier  :  il  n'en  est  rien.  Christ  n'a  pas  droit  à  la  vénération  ou  «Julie,  réservée  aux  saints; 
n'élanl  honoré  qu'en  tant  que  Dieu,  il  reçoit  noire  adoration  ou  lalrie.  Seulement,  va  observer 
i  iclave,  le  culte  de  lalrie  offert  au  Dieu  dans  l'Homme -Dieu  confond  en  lui  malgré  loul  l'homme 
et  le  Dieu;  il  ressemble  bien  à  un  sacrilège. 

(D)  B  est  inexact  dans  un  passage  dont  la  subtilité  requiert  la  précision  la  plus  rigoureuse. 
MD  non  debuil  cultus  confundi  ut  cum  creatore  crealura  misceretur  ac  simul  colerelur[Chr\a- 
lus],  —  il  ne  fallait  pas  d'un  culle  confus  au  point  qu'en  Christ  créateur  et  créature  fussent 
mélangés  et  conjointement  adores. 

(E)  François  Slancari  de  Mantoue  ( 1501-1574'!,  professeur  d'hébreu  à  Cracovie,  promoteur 
de  la  Réforme  en  Pologne,  disputa  surtout  avec  Osiander;  il  ne  voulait  voir  en  Christ,  consi- 
déré comme  médiateur  entre  le  Père  et  l'homme,  qu'un  homme.  Christ  nous  aurait  rachetés  en 
tant  qu'homme.  Il  fui  condamné  devanl  plusieurs  synodes.  Contre  lui,  Mélanchlon  écrivit  une 
Responsio  Ph.  Melanchlonis  de  conlroversiis  Slancari,  1553  [Corpus  lieformatorum,  l.  23, 
pp.  87- 102), que  rappelle  ici  Bodin.  Voyez  sur  Slancari  le  copieux  art.  de  Bayle,  Dictionnaire,  el 
la  Realencyclopàdie  fur  protestantische  Théologie,  190G,  t.  18,  pp.  752-754. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  1  *>T 

estant  vn  crime  (dict  Hilaire)  (j)  qui  approche  très  fort  du  sacrilège  de  penser 
que  le  Père  &  le  Fils  soient  vn  Dieu  particulier.  De  les  croire  aussy  deux 
Dieux  cest  vne  impieté  :  que  sera  ce  donc,  rien  (A)? 

Fkdericu.  —  Quand  on  approfondit  cette  matière  &  que  Ion  sapperçoit 
que  Ion  ny  comprend  rien  il  faut  se  représenter  que  souuent  des  choses  dont 
nous  auons  la  d'monstration  parfaicte  (k)  ne  se  comprennent  neanlmoins  pas 
facilement  (B).  Tous  les  théologiens  et  tous  les  philosophes  confessent  horsmis 
Augustin  et  Lactance  quil  y  a  des  antipodes  ce  que  Ion  sçait  par  expérience 
et  pardemonstration  certaine(/)  :  cependant  personne  ne  se  le  peutimaginer  m 
aiusy  que  laduouë  Moyse  Rambam  (4)  très  grand  philosophe.  Ainsy  on  ne 
doibt  point  trouuer  estrange  si  Lactance  &  Augustin  se  sont  mocqué  des 
astrologues  en  les  trailtans  dignorans  &  de  foux  de  croire  ces  choses  (C). 
Mesmes  beaucoup  de  théologiens  après  lauctorité  de  S.  Augustin  in)  ont  iugé 
comme  hérétiques  ceux  qui  croioient  des  antipodes,  entre  lesquels  (o)  Virgile 
euesque  de  Saltsbourg  (p)  a  esté  condamné  par  le  pape  en  lan  1245  (D)  parce 
quil  estoit  du  sentiment  de  ceux  qui  croient  quil  y  en  a.  Donc  a  bien  plus 
forte  raison  nous  debuons  nous  reconnoistre  incapables  de  concepuoir  cette 
vnion  de  la  nature  humaine  et  de  la  diurne,  puisque  Hilaire  tout  sauant  et 
tout  éloquent  quil  estoit  a  confessé  ingenuement  que  cette  matière  estoit  inef- 
fable. Ce  que  Ion  demande  est  au-dessus  [523]  des  parolles  (S),  dict  il  en  son 
traitté  de  la  Trinité  liure  premier  (E),  et  estant  au  delà  de  la  capacité  de  nos 

(4)  In  Epist.  aduersus  Astrologos.  —  (ôj  Lib.  1  de  Trinitate. 


(j)  S  ut  inquit  Hilarius.  MD  suppriment  ut.  —  [k)  Y  eu,  etiamsi  cerlis&imis  demonstratio- 
nibus  nitantur.  MD  ea  eliam  quse...  niluntur.  —  (/)  X perspicua  minimaque  ?)  dubia  demons- 
Iralione.  MD  minimeque.  —  (m)  N  cogitalione  persequi.  MD  consequi.  —  (n)  N  Auguslini 
autorilate  adacli.  MO  adducti.  —  [o)N  inler  quos  quidem.  MD  suppriment  quidem.  —  (p)  N 
Vigilius  quidam  episcopus  Salisburgensis.  MD  Virgilius...  Salisburiensis.  (Virgile  était  évêque 
de  Salzbourg  &  non  de  Salisbui  y  . 

(A)  MD  ac  leiiium  nihil  est  non  compris  de  Et.  C'est  presque  un  sacrilège  de  penser  que  Père 
et  Fils  t'ont  un  Dieu  unique,  une  impiété  de  penser  qu'ils  font  un  Dieu  double],  et  une  tierce 
conception  est  inexistante,  impossible.  Cf.  Hilaire  :  «  Et  inler  haec,  unum  [Deum]  neque  negando 
•>  neque  contitendo  fidei  conservata  peii'ectio  est  ■>.  Nier  ou  affirmer  l'unité  de  Dieu  est  également 
hétérodoxe.  «  lia  in  Deo  pâtre  et  in  Deo  filio  neque  duos  connumerabis  Deos,  quia  unum  uter- 
»  que  sunl;  neque  singularem  prœdicabis,  quia  uterque  non  unus  est  <>.  De  Trinitate,  7,  2  et  31 
iMigne  t.  2,  col.  200  et  226  .  Le  second  passage  surtout  semble  bien  être  la  source  de  Bodin  qui 
emploie  les  mêmes  termes. 

(B)  MD  percipi  non  posse,  =  choquent  les  habitudes  que  l'usage  des  sens  donne  à  noire 
raison,  «  sont  incroyables  au  sens  humain  »,  comme  dit  la  Démon.,  Prêt'.,  p.  31. 

(G)  Pline,  Hist.  nat.,  2,  65,  nous  parle  déjà  des  disputes  que  soulevait  la  question  des  anti- 
podes. Sur  Moïse  Rambam  et  la  Lettre  contre  les  astrologues,  cf.  supra,  IV,  p.  251.  D'ailleurs 
c'est  un  lieu  commun  pour  Bodin  que  de  ciler  les  antipodes,  comme  exemple  de  vérité  inconce- 
vable. 11  en  use,  Démon  ,  p.  31,  pour  convaincre  son  lecteur  de  la  réalité  des  sortilèges,  avec  les 
mêmes  références  :  Auguslin  (De  civ.  Dei,  16,  9)  et  Lactance  [Inst.  divin.,  3,  24;. 

(D)  Zacharias  papa  in  epislola  10  ad  Bonifacium,  data  anno  748,  perversam  al  que  iniquam 
appellal  doclrinam  Virgilii  cujusdam  asserentis  quod  alius  mundus  et  alii  homines  sub  terra 
sint.  Note  sur  Augustin,  De  civ.  Dei,  16,  9,  dans  l'éd.  des  Bénédictins  de  S  Germain.  Voyez 
cette  lettre  Patrologie  lat.  de  Migne,  t.  89,  col.  i»46  d.  L'erreur  de  R,  1245,  au  lieu  de  MD  745, 
lient  à  l'emploi  des  chiffres  romains  (XII  confondu  avec  VII). 

(E)  Référence  inexacte.  «  Extra  significantiam  sermonis  est,  extra  sensus  intentionem,  extra 


168  JEAN    BODIN 

sens  (q)  il  ne  se  peut  expliquer  il  ne  se  peut  comprendre  &  ne  se  peut  scauoir. 
Et  dans  le  7°  liure,  Il  y  a  (dict  il)  vn  empeschement  dans  mes  sens,  vne  stu- 
pidité dans  mon  entendement  et  pour  parolles  ie  nay  que  le  silence  (6)  (A), 
quand  il  faull  expliquer  que  (r)  dun  Dieu  est  vn  autre  Dieu  sans  portion,  sans 
retranchement,  sans  diminution,  sans  escoulement  et  sans  augmentation  les- 
quels ensemble  ne  sont  quun  p;irvn  moyen  qui  nest  pas  compréhensible  (7)  (B). 
Et  Iustin  le  Martyr  (8)  (C)  :  Quand  nous  reconnoissons  vne  trinité  dans  lunité 
et  lunité  dans  la  trinité  ie  vouldrois  bien  ne  demander  a  personne  comment 
cella  peut  estre  (s).  Cependant  ie  ne  puis  lexprimer  a  mon  gré  parce  que  cest 
profaner  ces  mystères  sacrez  que  de  se  seruir  de  limpureté  du  langage  des 
hommes  pour  en  discourir.  Donc  si  tant  et  de  si  grands  hommes  ont  fait  dif- 
ficulté defllorer  seulement  du  bout  des  doigts  vne  matière  si  sublime  &  la 
plus  relleuée  de  touttes,  croirons  nous  quil  nous  soit  possible  ou  loisible 
daller  plus  loing  queux  (D)  ? 

(6)  Lib.  6  de  Trinitate.  —  (7)  Lib.  1  de  Trinitale.  —  (8)  Lib.  de  Trinitate. 


[q)  NM  Extra  sermonem  est,  ihquit,  quod  exigitur,  et  extra  sensum  non  enunciatur  :  elc. 
D  Leyser  Extra  sermonem  est,  inquit,  quod  exigitur,  et  extra  sensum  :  non  enunciatur,  elc. 

—  (r)  N  idem  :  Deum  ex  uno.  MD  idem  :  unum  Deum  ex  uno.  —  (s)  N  Unilas  in  trinitate  et 
trinilas  in  unilale  nascilur  :  id  quomodo  sit,  née  alios  scrutari  velim,  etc.  MD  noscilur  :  id 
quomodo  fiai,  elc. 

»  intelligenliœ  conceplionem  ;  quidquid  ullra  quierilur  non  enuncialur,  non  altingilur,  non  tene- 
»  tur  ».  De  Trinit.,  2,  5  (Migne  t.  2,  col.  54).  Comparez  Bodin  :  D  Extra  sermonem  est  quod 
exigitur  et  extra  sensum  :  non  enunciatur,  non  altingilur,  non  tenefur.  C'esl  toujours  le 
même  à  peu  près.  Accessoirement  nolez  ici  la  supériorité  de  DH  sur  M. 

(A)  Référence  erronée  :  «  Mihi  cerle  his  respondenti  in  curis  ;eslus  esl,  in  sensu  labes  est,  in 
»  intelligenlia  stuporesl,  in  sermone  autem  nonjam  infirmilatem,  sed  jam  silentium  confilebor  ». 
De  Trin.,  2,  5  (Migne  t.  2,  col.  54). 

(B)  Référence  fausse  :  «  Inenarrabilem  illam  et  perfectam  Pilii  nativitatem  !...  Esl  enim  unus 
»  ex  uno.  Non  esl  portio,  non  est  defeclio,  non  esl  deminulio,  non  derivalio,  non  prolensio,  non 
»  passio  :  sed  viventis  nalurse  ex  vivente  nalivitas  esl  ».  De  Trinit.,  6,  34-35  Migne  t.  2,  col.  185). 
Comparez  encore  Bodin  :  DM  Deum  ex  uno  non  portione,  non  seclione,  non  deminulione,  non 
derïvatione,  non  protensione,  sed  incomprehensilnli  modo  esse. 

(C)  J'avais  d'abord  pensé  à  une  confusion  possible  entre  Juslin  et  Augustin,  d'aulaul  que  le  De 
Trinitate  d'Aug.  fournit  nombre  de  passages  qui  rappellent  le  texle  de  Bodin  :  impuissance  de  la 
perspicacité  humaine  devant  une  vérité  si  transcendante,  1,2,  4;  difficulté  de  répondre  à  ceux 
qui  demandent  comment  Trois  est  Un,  et  Un  esl  Trois,  1,  2,  8  (Migne  t.  2,  col.  822  et  col.  824). 

—  Ni  dans  Elliesdu  Pin,  ni  dans  les  diverses  éditions  de  Juslin  que  j'ai  consultées  '.Bob.  Estienne^ 
Paris,  15M  :  Sigismond  Gelenius  [version  latine],  Bàle,  1555 ;dom  Maran,  Paris,  1742;  Migne)  je 
ne  trouve  trace  d'un  De  Trinitate.  Bodin  lui-même  nous  dit  bien  que  ce  De  Trin.  esl  apocryphe; 
mais  loutes  ces  éd.  de  Justin  renferment  les  Quœsliones  ad  orthodoxos,  reconnues  apocryphes 
de  toute  antiquité.  Il  y  a  là  un  problème  que  mes  recherches  ne  m'ont  pas  éclairci. 

(D)  C'est  l'éternel  appel  à  la  foi  aveugle  que  Federich  a  déjà  plusieurs  fois  l'ail  entendre.  A 
Salomon,  qui  refuse  de  croire  à  l'incarnation,  il  répond  :  «  Cella  est  incroiable  quant  aux  incre- 
»  dules.  Mais  il  esl  facile  de  le  persuadera  ceux  qui  sont  illuminez  du  S.  Esprit  »  'p.  481).  A 
Toralba,  il  dit  encore  :  <■  Ce  que  la  foiblesse  humaine  ne  peut  acquérir  les  actions  estonnanles  et 
»  les  faits  admirables  de  lesus  Christ  nous  le  donnent  par  la  foy  »  (p.  482).  Curce  à  son  tour 
s'écrie  :  «  le  voy  ou  buttent  Salomon  et  Toralba  assauoir  de  nous  engager  a  prouuer  les  secrets 
»  misteres  de  laTrinilé  par  raisonnements  et  par  arguments,  mais  il  ne  fault  que  de  la  foy  ».  A 
quoi  Toralba  objecte  avec  quelque  rudesse  :  «  Voyla  qui  est  bon  entre  chrestiens,  mais  voyons 
»  ce  qui  se  peut  respondre  aux  philosophes  aux  payens  et  aux  Epicuriens  qui  ne  reconnoissent 


DES    SECRETS    CACHEZ    L>ES    CHOSES    SUBLIMES  U)9 

[Qu'est  le  S.  Esprit?  demande  Octave.  Engendré?  Cela  fait  deux  fils.  Non 
engendré?  Deux  pères.  Vous  dites  qu'il  procède  du  Père  et  du  Fils,  reprend 
Toralbe  :  qu'est-ce  à  dire?  Quelle  différence  faites-vous  entre  procession  et 
génération?  Vanité  creuse  des  formules  lliéologiques.  D'ailleurs  pour  la  pro- 
cession du  S  Esprit  on  se  heurte  toujours  à  la  même  impossibilité  :  faire 
découler  un  infini  d'un  autre  infini,  523-527.  A  propos  du  Fils,  Toralbe  renou- 
velle son  éternel  raisonnement  pour  montrer  qu'engendré,  il  n'est  ni  éternel 
ni  Dieu.  —  C'est  toujours  à  recommencer,  avoue  Coroni  avec  lassitude, 
527  sq.  Salomon  affirme  qu'il  n'y  a  dans  le  vieux  Testament  aucun  texte  qui 
mentionne  la  Trinité,  p.  529  . 

Corruption  de  la  littérature  patristique. 

[529j  Octale.  —  Cest  pourquoy  Origene  que  ffverosme  appelle  le  maistre 
des  Eglises  (4j  (A)  detesle  horriblement  le  mot  de  Trinité  (B)  et  faict  la  guerre 
a  outrance  contre  la  secte  des  Trinilaires.  Aussy  Ruffin  qui  a  esté  son  inter- 
prète confesse  quil  a  corrigé  beaucoup  de  choses  dans  Origene  qui  esloient 
contre  la  Trinité  (5)  (C)  :  mais  nous  dirons  auec  sa  permission  quil  nest  pas 
bienséant  a  vu  interprète  de  faire  loffîce  de  correcteur.  Cest  pourquoy  il  ne 
fault  point  sestonner  si  Origene  (a)  ainsy  falsifié  parle quelquesfois  de  mesme 
qu'Athanase  &  sil  semble  se  seruir  du  mot  ô;/.ooui7-.oç  qui  signifie  de  mesme 
essence  quand  il  parle  du  Fils  laquelle  diction  nestoit  point  encores  en  vsage 

(4)  In  catalogo   —  (5)  In  prologo  Ilept  àp/ôv. 


(a)  N  nec  mirum  videatur,  si  Origenes.  MD  ne,  qui  explique  mieux  le  subjonctif  videalur. 

»  point  de  foy  infuse  ny  dauctorilés  euangeliques...  Il  seroit  donc  bien  mieux  de  chercher  auec 
»  les  philosophes  ce  qui  se  peut  monstrer  par  raisons  que  de  quitter  la  partie  »  (pp.  515  et  516j.  — 
Il  semble  bien,  après  lecture  de  loule  cette  discussion  sur  l'union  des  natures  humaine  et  divine 
en  Jésus,  que  Bodin  ail  laissé  percer  sa  doctrine  par  le  rôle  humilié  qu'il  a  donné  aux  chrétiens, 
éternels  battus  qui,  à  bout  de  raisons,  chaque  fois  se  réfugient  dans  la  foi  pure  et  dans  l'autorité 
de  saints  livres,  d'ailleurs  contestés  par  leurs  adversaires. 

A)  Cf.  supra,  p.  434,  note  E. 

;B)  Origene  cherche  à  prouver  que  le  Père  est  plus  grand  que  le  Fils,  De  principiis,  4,  28  sq. 

(Migne  t.  1,  col.  401  sq.).  Il  prétend  que  le  Père  seul  est  incréé,  In  foannem,  tom.  2,  6  (Migne 

t.  1,  col.  128  et  les  notes  de  Migne  .  D'ailleurs  Jérôme,  Epist.  84  ad  Pammachium  et  Oceanum 

Migne  t.  1,  col    745  sqq.),  accus»  Origene  d'être  p'-re  de  l'Arianisme  par  ses  hérésies  contre  la 

Trinité. 

(C)  «  Sicubi  ergo  nos  in  libris  ejus  aliquid  contra  id  invenimus,  quod  ab  ipso  in  caeteris  locis 
»  pie  de  Trinilale  fuerat  definitum,  velut  adulteratum  hoc  et  alienum  aul  prfelermisimus,  aut 
»  secundum  eam  regulam  prolulimus  quam  ab  ipso  fréquenter  invenimus  affirmalam  ».  Rufini 
Proloqus  in  libro  Qept  àp/cov  (Origene  de  Migne,  t.  1,  cal.  113).  Les  textes  abondent  où  Rufin 
avoue  l'infidélité  volontaire  de  ses  traductions  :  De  princip  ,  4,  34-36  Migne  t.  1,  col.  410-412,  et 
les  notes  qui  signalent  les  corrections  de  Rufin);  version  du  Commentaire  d'Origine  sur  l'Epi're 
aux  Romains,  Péroraison  (Origene  de  Migne,  t.  4,  col.  1291  sqq.);  Apolog.  ad  Anastasium,  7 
(Rufin  de  Migne,  col.  6.'7);  Apologelicus  Pamphili  seu  de  adulteralione  librorum  Origenis 
Origene  de  Migne,  t.  7,  col.  615'.  El  Jérôme,  qui  eut  longue  querelle  à  ce  sujel  avec  Rufin,  se 
vante  lui-même,  Epist.  84,  d'avoir  altéré  dans  sa  traduction  du  De  principiis,  le  sens  du  texte 
pour  n'en  pas  répandre  les  hérésies.  —  Sur  tout  cela,  cf.  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  3,  pp.  378  sqq. 


170  JEAN    BODIN 

de  son  temps  (A).  Auec  la  mesme  liberté  Cyprian  dans  ses  Epistres  faict  men- 
tion dun  Hure  de  la  Trinité  quil  attribue  a  Tertullien,  bien  quil  ny  ait  iamais 
pensé  au  raport  de  Rufin  (6)  dans  son  Apologie  pour  Origene  (B). 

Coroni.  —  Encores  que  le  mot  de  Trinité  ne  se  trouue  point  dans  les  saintes 
escritures  (b)  neanlmoins  il  est  porté  exprès  que  le  baptesme  se  doibt  faire  au 
nom  du  Père,  du  Fils  et  du  S.  Esprit  (C).  Et  Iustin  le  Martyr  qui  a  esté  fort 
proche  des  Apostres  a  composé  vn  liure  1 1  s p c  âyt'a;  (c)  x.-A  éjjiooustoy  tpiiSoç,  De 
la  saincle  et  consubstantielle  Trinité  (D). 

Octaue.  —  La  raison  manifeste  des  temps  iustiffîe  que  ce  liure  est  vn 
eschapé  (d)  (E).  Car  Iustin  viuoit  du  temps  de  Marc  Aurele  auquel  il  addresse 
son  Apologie,  et  (F)  dans  la  question  74  (e)  aux  orthodoxes,  laucteur  de  ce 
liure  demande  pourquoy  la  superstition  payenne  est  entièrement  renuersée  et 
abolie  (G),  quoy  que  du  temps  de   Iustin    elle  fust  encores  extrêmement  en 

(B)  In  Apologia  Origenis. 


[b)  V  Irinitatis  sive  triadis  in  sancfis  litteris.  MU  seu  rpiâôû;  in  sacris  libris.  —  \c)  N 
y.yiou.  MU  àytxç.  —  (d)  N  supposililium.  MD  fugittoum.  —  (e)  N  ut  in  quaeslionifms  CXXIV 
ad  orthodoxos,  faute  évidente.  -JWZ)  in  quœslione  LXXIV. 

(A)  11  s'agit  de  la  fameuse  querelle  entre  Alhanase  el  Anus,  tranchée  au  profil  du  premier  el 
de  l'homoousie  par  le  concile  de  Nicée  (325)  :  Christ  est  de  même  essence  que  son  père,  et  non 
de  semblable  essence.  «  Cela  [l'infidélité  de  Rufin  Iraducleur]  paroît  encore  par  sa  version  même 
»  qui  est  pleine...  de  termes  pris  dans  un  autre  sens  que  du  temps  d'Origène,  el  où  la  Trinité  et 
»  les  autres  mystères  sonl  exprimés  en  termes  donl  on  ne  s'est  servi  que  depuis  le  concile  de 
»  Nicée  ».  Ellies  du  Pin,  o.  c,  p.  392  R. 

(B)  Il  s'agit  de  la  version  par  Itufïn  de  Y  Apologétique  de  S.  l'amphile  martyr  pour  Origène 
(cf.  supra,  p.  434  noie  B).  Mais  Bodin  a  encore  lu  trop  vite  :  Rufin  ne  dit  pas  que  les  lettres  de 
Cyprien  attribuent  a  Tertullien  un  De  Irinitale  —  el  en  effet,  recherches  laites,  on  n'y  trouve 
rien  de  tel  —  il  dit  seulement  que  les  hérétiques  insèrent  dans  les  lellres  de  Cyprien  ledil  livre 
de  Tertullien.  «  Sancti  Cypriani  marlyris  solet  omne  Epislolarum  corpus  in  uno  codice  scribi. 
»  Huic  corpori  haerelici  quidam,  qui  in  Spirilum  Sanctum  blasphémant,  Terlulliani  libellum  de 
»  Trinilate  reprehensibililer  (quantum  ad  veritatem  fidei  nostne  perlinel)  scriplum  inserentes, 
»  per  lolam  Constanlinopolim  urbem  maximam  dislrahi  prelio  viliori  fecerunl  ».  (Origène  de 
Migne,  t.  7,  col.  628).  Jérôme,  Adv.  Rufinum,  2,  cité  à  cet  endroit  par  Migne,  accuse  Rufin  de 
deux  mensonges  :  le  livre  n'est  pas  de  Tertullien;  les  hérétiques  du  parti  de  Macédonius  qui  le 
fout  circuler  le  donnent  comme  étant  de  Novatien,  non  de  Cyprien. 

(C)  Matthieu,  28,  19. 

(D)  Cf.  p.  523  noie  C. 

(E)  MD  fugitivum,  échappé  à  son  véritable  auleur  et  à  sa  véritable  époque,  apocryphe  :  d'où 
N  supposititium,  glose  qui  a  remplacé  l'obscur  fugitivum.  —  La  première  Apologie  de  Justin 
est  adressée  à  Anlonin  le  Pieux  et  à  ses  coadjuteurs,  Lucius  Vérus  et  Marc-Aurèle. 

(F)  Voici  le  lien,  peu  apparent  dans  RMD,  du  discours  :  Autre  exemple  d'ouvrage  faussement 
attribué  à  Justin  :  les  Quœstiones;  là  encore,  on  le  l'ait  user  du  terme  consubslanliel,  qui  certai- 
nement lui  était  inconnu.  —  Les  146  Réponses  aux  demandes  des  Orthodoxes  sont  assurément 
apocryphes  :  cf.  l'édition  des  Bénédictins,  Paris,  C.  Osmonl,  1742,  in-fol.,p.434  :  «  Juslinum  hujus 
»  operis  auctorem  non  esse  adeo  inter  omnes  hodie  convenit,  ut  id  probare  non  modo  non  necesse 
»  sil,  sed  etiam  oliosum.  Mirandum  polius  affictum  il'i  esse  ejusmodi  monumentum,  in  quo  lre- 
»  nœus  et  Origenes  laudanlur,  Manichaei  memoratMur  »,  etc.  Cf.  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  1, 
p.  157  sq. 

(G)  «  Si,  quia  superatus  est  genlilismus  a  Ghristianismo  »,  etc.  Quœst.  74.  Même  idée  expri- 
mée q.  126. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  171 

vogue.  Et  ces  mots  ô^oou-hVj  (A)  et  ojjloïoutiq'j  qui  signiftîent  de  mesme  essence 
&  de  semblable  essence  nont  commencé  destre  en  vsage  (f)  que  soubs  lem- 
pire  de  Constantin,  enuiron  deux  cens  ans  après  Iustin.  A.uec  la  mesme  har- 
diesse,  il  a  couru  par  le  monde  vue  Messe  de  S.  lacques  en  grec  dans  laquelle 
les  noms  de  la  Saincte  Trinité,  des  Aposlres,  des  Martyrs  </  ,  des  Confesseurs, 
des  Vierges  sont  souuent  esnoncez,  quoy  quaprès  S.  Estienne  S.  lacques  h 
ayt  soufTerl  le  martyre  le  premier  de  tous  (B).  Il  y  a  encore  vue  pareille  messe 
de  Chrisostome  ou  il  se  faict  des  prières  a  luy  mesme  (0)  :  y  a  il  rien  de  plus 
absurde? 

La  Trinité  et  l'autorité.  Discussion  entre  Coroni,  Curée  et  Salomon  sur  les 
textes  du  vieux  Testament  qu'on  prétend  qui  annoncent  la  Trinité,  530-535. 
Federicb  découvre  la  Trinité  dans  le  Tintée,  dans  Proclus,  Plolin,  Hermès 
Trismégiste  ;  Curce,  dans  un  oracle  d'Héraclide  de  Pont.  L'oracle  ne  serait-il 
pas,  demande  Octave,  sorti  d'une  boutique  chrétienne,  comme  ceux  cités 
livre  IV?  536-5381. 


Variations  de  l'Église  sur  la  divinité  du  Christ  et  du  Saint-Esprit. 

539  Octale.  —  A  la  naissance  de  l'Eglise  chrestienne  on  osla  aux  anciens 
dieuxdes  payens  le  lilredeDeitezdont  ilsestoient  en  possession  immémoriale. 
Et  les  chrestiens  ne  reconnoissoient  et  ne  professoient  quun  seul  Dieu.  Mais 
soubs  lempire  de  Constantin  le  Grand  tous  les  temples  des  faux  dieux  ayans 
esté  fermez  on  commencea  de  traitter  Iesus  Christ  de  Dieu  dans  le  concile  de 
Nyce  auec  grande  difficulté  par  ce  que  la  plus  part  des  euesques  dont  il 
estoit  composé  ne  vouloient  pas  consentir  (C).  Touttesfois  il  ne  fut  rien  allors 
résolu  touchant  le  S.  Esprit  dont  il  ne  fut  faict  aucune  mention  dans  le  Sym- 

0    In  fine  missse  gra?ce  impressae. 


[f]  N  Verbum  autem  o<j.ooût.o;  primum  ....  usurpare  cœperunl. MD  Verbaaulem  &u.ooû<rioç 
el  ôuotoûstoç..  .  usurpari  cœperunt.  (Sur  cœperunl,  cf.  supra,  p.  231,  noie  C).  —  {g)  .V  oublie 
Martyrum.  —   h    MD  .lacobus.  Y  is  Jacobus. 

(A)  «  Et  xxt7.  Tïjv  Y]{Ji.sTspav  cûûsiv  et  T!  yÉvw,aa  -ouzo  tco  yôvv/jCTXvTt  ôy-ooûstov  », 
etc.  Qusesl.  16  {àd.  de  1742,  p.  446  È).  Cf.  Ellies  du  Piu,  l.  c.  :  «  L'auteur  y  parle  des  mystères 
»  de  la  Trinité  el  de  l'Incarnation  dans  des  termes  &  avec  des  précautions  dont  on  ne  s'est  servi 
»  qu'après  la  naissance  des  hérésies.  L'on  y  trouve  les  termes  d'hyposlase,  de  personne,  de  con- 
»  substantiel,  aux  q.  16,  17,  139,  144,  dans  le  sens  que  l'Église  leur  a  donné  aux  ve  el  vi8  siècles  ». 

(B)  Sainl  Jacques  le  Majeur,  exécuté  par  ordre  d'Hérode-Agrippa  en  44.  -  Ellies  du  Pin,  o  c, 
t.  I,  p.  25  sq  ,  donne  de  multiples  preuves  que  la  liturgie  selon  S.  Jacques  esl  supposée  ;  il  en 
circulail  nombre  d'autres,  non  moins  apocryphes,  selon  Pierre,  Matthieu,  Marc,  elc. 

(C)  Inexact.  MD  non  sine  acerritna  pontifie  a  m  inter  se  dissidentia.  On  trouvera  le  récit  du 
concile  de  Nicée  dans  Ellies  du  Pin,  t.  2,  pp.  803-816,  el  en  particulier  l'histoire  des  querelles 
qu'il  souleva.  Les  évêques  y  présentèrent  à  l'empereur  des  requêtes  les  uns  contre  les  autres. De 
grandes  dissensions  éclatèrent  quand  il  s'agit  de  rédiger  la  formule  destinée  à  condamner  Arius. 
Eusèbe  refusa  d'abord  de  la  signer,  puis  céda.  Deux  évêques  résistèrent  jusqu'au  bout.  —  Voyez 
supra,  IV,  p.  343  noie  D,  la  formule  du  concile  de  Nicée,  où  sont  soulignés  les  termes  ajoutés, 
contre  Arius,  au  symbole  de  Césarée. 


172  JEAN    BODIN 

bole  (A)  pour  estre  appelle  Dieu  (B),ainsy  que  la  escrit  Grégoire  de  Nazience  (8) 
dans  son  epistre  2  a  Chidonius.  Mesme  lopinion  des  Ariens  qui  vouloient  que 
lesus  Christ  fust  créature  a  esté  si  puissante  que  huict  (9)  conciles  lont 
approuué  &  speciallement  (a)  celluy  d'Ariminie  (1)  (C)  composé  de  six  cens 
euesques  (6).  Cependant  vingt  ans  après  au  concile  de  Constantinople  (D)  la 
Deité  fut  rendue  a  lesus  Christ  (c)  snns  songer  a  vne  tierce  personne  pour  se 
forger  vn  Dieu  nouueau  &  sans  dire  vn  mot  seulement  delà  Trinité.  Mais  enfin 
lan  430  au  concile  d'Ephese  (2)  le  S.  Esprit  fut  receu  pour  Dieu  &  par  les 
suiuans  (E),  de  lauctorité  desquels  on  a  adiouslé  quelques  articles  au  symbole 
de  Nycée  touchant  le  S.  Esprit  assauoir,  le  croy  au  S  Esprit  (F),  sans  neant- 
moins  le  nommer  Dieu  de  crainte  que  telle  nouueauté  noffensast  les  aureilles 
deuotes.  Dou  Ion  peut  connoislre  qu'Athanase  nest  point  auteur  du  symbole 
vulgaire  quon  luy  attribue,  [540]  a  moins  dauoir  vescu  cent  trente  ans  (d), 
puisqu'il  esloit  du  temps  de  lempereur  Iulien.  le   ne  dis  rien  de  ce  que  luy 

(8)  Epist.  adChydonium.  —  (9)  Concilio  Tyri,  Sardis,  Mediolanensi,  Smyr- 
nse,  Seleucia;,  Niceœ,  Tarsensi,  Ariminensi.  —  (l)  Anno  3(i3,  Sozomenus 
lib.  3,  c.  19.  —  (2)  Nicephorus,  lib.  14,  c.  34.  Très  autem  sunt  synodi  Ephesi 
coactae. 


[u)  N  prsecinue.  Mb  preesertim.  —  (b)  N  synodo  Ariminensi,  in  qua  sexcenti  pontifices 
coulueranl .  MD  coaluerunt.  —  (c)  N  deitas  Christi  restituta  fuerit.  MD  Cliristo.  —  [d)  N  cen- 
tutn  (MDet)  triginta. 

(A)  Erreur,  mais  qui  n'entame  pas  le  raisonnement  d'Octave.  «  Je  crois  au  S.  Esprit  »,  dit  le 
symbole  de  Nicée,  sans  rien  ajouter  de  plus. 

(B)  Inexact.  MD  ac  ne  mentio  quidem  ulla  in  symbolo,  nec  Deus  credebatur,  =  le  symbole 
ne  le  nomme  pas,  et  on  ne  croyait  pas  qu'il  fût  Dieu.  Grégoire  de  Nazianze  (cf.  supra,  p.  475 
note  G)  avoue,  en  effet,  Epislola  secundo  ad  Cledonium  presbylerum  adversus  Apollinarium 
(Migne  Epist.  102,  t.  3. .col.  194)  qu'il  est  obligé  de  suppléer  au  symbole  de  Nicée,  qui  ne  pro 
clame  pas  explicitement  la  divinité  du  S.  Esprit  :  «  [Gogimur]  illud  insuper  explicare,  quod  ab 
»  illis  minus  plene  de  Spiritu  Sanclo  diclum  est.  propterea  quod  hajc  qua?stio  nondum  excilala  et 
»  agilala  fueral,  nempe  nnam  eamdemque  Patris  et  Pilii  et  Spirilus  Sancli  divinilalem  agnoscen- 
»  clam  esse,  Deum  quoque  videlicet  profilendo  ».  Version  de  Jac.  Billius,  Paris,  Nivelle,  1583, 
p.  1028. 

(C)  Sozomine,  3,  19,  parle  du  concile  de  Tyr  (336)  où  Alhanase  fut  condamné.  Sur  les  conciles 
suivants  et  spécialement  celui  de  Kimini  (363;,  voy.  supra,  IV,  p.  342  sq.  On  verra  dans  Ellies 
du  Pin.  o.  c,  l  2,  p.  85G,  que  l'empereur  Constance  avait  donné  ordre  au  gouverneur  de  Rimini 
de  garder  prisonniers  tous  les  évêques  du  concile  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  signé,  de  gré  ou  de 
force,  la  formule  semi-arienne  qui  leur  était  présenlée. 

'D)  Il  s'agit  du  troisième  des  conciles  réunis  coup  sur  coup  à  Constantinople  (383).  Mais,  con- 
trairement aux  assertions  de  Bodin,  ce  concile,  non  content  de  rétablir  la  divinité  du  Christ, 
établit  le  premier,  contre  Macédonius,  évèque  de  Constantinople,  qui  l'avait  niée,  la  divinité  du 
S.  Esprit,  en  l'appelant  »  Seigneur  vivifiant,  qui  procède  du  Père,  qu'on  doit  adorer  et  glorifier 
»  avec  le  Père  et  le  Fils  ».  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t,  2,  pp   890  sqq. 

(E)  Entendez  :  par  le  concile  d'Ephese  et  par  les  suivants.  MO  Ephesina  synodo  et  sequentïbus. 
Cf.  Nicéph.  Callisle,  14,  34',  Socrale,  5,  10;  Sozomène,  7,  12;  surtout  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  4, 
pp.  685-784.  Ce  concile  est  principalementoccupé  à  combattre  l'hérésie  de  Neslorius,  qui  distingue 
absolument  en  J.-C.  l'homme  du  Dieu  et  refuse,  en  conséquence,  d'appeler  Marie  mère  de  Dieu 
(430). 

(F)  L'erreur,  signalée  supra,  de  Bodin  continue.  Le  concile  de  Nicée  avait  proclamé  la  foi  au 
Saint-Esprit;  celui  de  Constantinople  la  divinité  du  Saint-Esprit.  Le  concile  d'Fphèse  donna  son 
adhésion  à  celui  de  Nicée,  considéré  comme  l'expression  ne  varietur  de  la  foi. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SI  BLIMES  173 

seul  (A)  de  tous  les  Grecs  (e)  veult  que  le  S.  Esprit  procède  (/)  du  Père  et  du 
Fils  nonobstant  la  peine  danatheme  que  les  conciles  grecs  ont  fulminée  contre 
ceux  qui  (y)  croiroient  que  le  S.  Esprit  procède  dun  autre  que  du  Père  (B). 

Fedehicu.  —  Ce  nest  pas  (/*)  par  les  assemblées  ou  (*j  les  contestations  des 
hommes  que  lesus  Christ  a  commencé  ou  cessera  destre  Dieu  non  plus  que  le 
S.  Esprit  mais  touttes  les  choses  qui  ont  esté  mises  en  doubte  par  les  héréti- 
ques ont  esté  approuuées  et  confirmées  par  les  constitutions  des  sages  (j)  (C), 
tesmoing  ces  euesques  lesquels  nayans  pas  voulu  soubscrire  a  ce  qui  auoit 
esté  arresté  au  concile  de  Nicée  moururent  et  après  auoir  esté  ressuscitez  y 
soubscriuirent  (3)  au  raport  de  Nicephore  Calliste. 

[Ces  résurrections  de  morts  sentent  plus  la  magie  démoniaque  que  la  divi- 
nité, déclare  Octave.  Des  papes  sorciers,  540.  De  l'incarnation,  541-560. ] 

Impossibilités  de  l'Incarnation  ;  elle  n'était  pas  nécessaire  ;  déchéance 
&  inconstance  qu'elle  suppose  chez  Dieu. 

[541]  Cokoni.  —  Ce  sera  assez  faict  a  mon  aduis  si  Ion  peut  contenter  quel- 
quun  (a)  iusques  a  lui  prouuer  tant  par  raisonnemens  démonstratifs  que  par 
aucloritez  que  lesus  fils  de  Dieu  engendré  de  toutle  éternité  est  Dieu  et  (b) 

(3)  Nicephor.  Callistus,  lib.  3,  c.  23  (D). 


(e)  N  solus  omnibus  dissentiens.  MD  solus  a  Graecis  omnibus  dissentiens.  —  (f)  N  procè- 
de re.  MD  prodire.  —  (g)  N  contra  pœnam  anathemalis  conciliis  Graecis  (MD  Graecorum) 
snbjeclam,  quod  (Ml)  qui)  aliunde  spirilum  quatn  a  paire  derivari  arbilrarelur.  (Qui  s'ex- 
plique en  sous-enlendaiit  ci).  —  [h)  N  Non  tamen.  MD  suppriment  lamen.  —  (i)  N  aut.  MD  ac. 
—  (j)  \  aUissimis  [sapienlum  decrelis].  MD  certissimis  —  [a]  N  cuique.  MD  cuiquam.  — 
h   SD  Jesum...  Deum  esse  et  (M  ut,  inadvertance)...  lueri. 

(A)  Faux-sens.  MD  Graecus  homo  solus  a  Gi'œcis  omnibus  dissentiens,  =  un  certain  Grec,  qui 
élail  seul  de  son  avis.  Ce  certain  Grec,  c'est  l'auteur  inconnu  du  symbole  dild'Athanase,  puisque 
Bodin  va  citer  les  termes  caractéristiques  de  ce  symbole.  —  Résumons- nous.  Il  y  a  quatre  sym- 
boles :  le  symbole  des  Apôtres;  le  symbole  de  Nicée  (325;;  le  symbole  de  Gonslanlinople  qui 
ajoute  au  précédent  l'affirmation  de  la  loi  à  la  divinité  du  S.  Esprit;  le  symbole  dit  d'Athanase, 
que  les  orthodoxes  même  reconnaissent  être  d'un  auteur  postérieur  :  il  développe  les  affirma- 
tions du  symbole  de  Gonslanlinople.  Cf.  abbé  Lerosey,  Histoire  et  symbolisme  de  la  liturgie, 
p.  143  sq.;  et  Migne,  Dict.  de  Ihéol.  catholique,  art.  Symbole. 

(B)  Pour  combattre  l'hérésie  de  Priscillien  (-f  384),  les  Églises  d'Espagne  ajoutèrent  au  symbole 
ordinaire  que  le  S.  Esprit  procède  du  Père  et  du  Fils.  Le  Filioque  est  devenu  article  de  foi  poul- 
ies Églises  d'Occident;  mais  les  Grecs  l'ont  toujours  repoussé.  Cf.  Pholius  le  patriarche,  De 
S.  Spiritus  myslagogia,  5  (Migne  t.  2,  col.  285  ,  nommant  sept  conciles  œcuméniques  qui  ont 
analhémalisé  le  Filioque. 

[G)  Federich  se  défend  comme  se  sont  toujours  défendus  les  orthodoxes.  Les  symboles  suc- 
cessifs, loin  de  varier,  n'ont  jamais  l'ait  que  développer  les  vérités  implicites  dans  le  symbole 
primitif  des  Apôtres;  mais  s'ils  les  ont  développées  successivement,  ce  n'est  pas  qu'on  n'y  crût 
pas  dès  le  début,  c'est  qu'elles  n'avaient  pas  encore  été  niées.  Cf.  Migne,  o.  c,  art.  Symbole. 

[D)  Référence  erronée;  le  souvenir  même  de  Bodin  est  inexact.  Ces  évêques,  raconte  Nie. 
Calliste,  8,  23,  étaient  morts  avant  d'avoir  pu  signer  le  symbole  de  Nicée.  On  mil  l'acte  de  foi 
entre  leurs  mains;  le  lendemain,  quand  on  rouvrit  le  tombeau,  l'acte  était  signé  Mais  Nicephore, 
qui  en  fait  des  orthodoxes  résolus,  ne  les  ressuscite  pas. 


174  JEAN    BODIN 

quauec  le  Père  et  le  S.  Esprit  il  ne  faict  qifvne  vntté  (c)  d'essence  ou  de  Deité 
nonobstant  la  triplicité  des  personnes. 

Senamy.  —  Ouy  ce  sera  assez  &  plus  quil  ne  fault  pour  moy  qui  sur  le  faict 
des  choses  diuines  maccorde  a  tout  ce  que  Ion  veult  mais  il  y  a  encores  vne 
difficulté  plus  grande,  sçauoir  :  encores  que  nous  reconnoissions  que  mesmes 
deuant  quinze  siècles  ou  bien  douant  la  naissance  du  [542  Christ  (A)  la  per- 
sonne du  Fils  estoil  coegale  &  coelernelle  au  Père,  pour  quelle  raison  auroit 
il  pris  chair  humaine?  Et  puis  quand  nous  reconnoistrions  que  lessence  diuine 
ayt  voulu  descendre  dans  le  ventre  dune  femme,  estoit  ce  vne  nécessité  pour 
la  rédemption  du  genre  humain?  Car  si  Dieu  a  pu  (B)  sauuer  les  hommes  (d) 
&  les  nettoyer  de  toultes  les  ordures  du  péché  sans  laide  de  Ihumanité  sans  (e) 
meurtre  et  sans  effusion  de  sang,  il  nestoit  pas  nécessaire  que  le  fils  quittast 
sa  demeure  céleste  pour  se  renfermer  dans  les  entrailles  (/)  dune  femme  a  fin 
den  sortir  sans  fracture  et  a  fin  de  mourir  dans  la  fleur  (g)  de  son  aage  par 
vn  cruel  supplice  (C),  puisque  par  sa  seule  volonté  il  (D)  pouuoit  (h)  remet- 
tre et  effacer  les  péchez  de  tous  les  hommes.  Car  en  vain  nous  employons 
beaucoup  de  choses  pour  vn  ouurage  qui  se  peut  (i)  faire  auec  peu. 

Octaue.  —  Augustin  dict  que  Dieu  ne  manquoit  point  dautres  moyens 
pour  raehepter  (/)  Ihomme  (9)  (E)  :  cest  pourquoy  qui  est  celluy  (F)  qui 
pensera  que  Dieu  la  ainsy  ordonné  quand  rien  ne  le  force  a  lexecution  de  ses 

(9)  Lib.  13  de  ïrinitate. 


(c)  ND  deilulem  in  unitale  essenlise  ac  unilatem  (M  bonitalem,  Taule  certaine)  in  persona- 
rum  (rinitate  tueri.  —  (d)  N  humanum  genus.  MD  hominum.  —  (e)  N  cœde.  MD  sine  aede. 
—  (/')  MD  intima  fœminœ  viscera  subire.  N  supprime  intima.  —  (g)  N  in  ipsa  setatis  flore. 
MD  ipso,  seul  correct.  —  [h)  N  facile  potuisset.  D  facillinie  poluisset.  M  facile  posset.  — 
(i)  N  possit.  MD  queat.  —  (j)  N  [alius  modus]  homines  redimendi.  MD  hominis. 

(A)  Ou  bien  deuant  la  naissance  du  Christ,  glose  destinée  à  expliquer  deuant  quinze  siècles. 
Ainsi  Senamy  trouve  à  admettre  l'Incarnation  un  triple  obstacle  :  comment  la  Personne  créée  du 
Fils  peut-elle  être  coégale  et  coéternelle  au  Père?  Si  on  accorde  cela,  pour  quelle  raison  s'est- 
elle  incarnée?  Si  on  accorde  qu'elle  l'a  voulu,  en  quoi  le  rachat  du  genre  humain  exigeait-il 
qu'elle  exécutât  sa  volonté?  La  dispute  va  surtout  peser  sur  les  deux  derniers  points. 

(B)  MD  si  Deus  poluit,  =  s'il  est  vrai  que,  puisque  Dieu  pouvait...  R  ne  rend  pas  la  vigueur 
de  si  suivi  de  l'indicatif,  et  reste  obscur. 

(C)  Cf.  supra,  pp.  416  et  aussi  449,  478  et  544.  C'est  un  vrai  refrain  pour  Bodin  que  l'énuméra- 
lion  de  ces  circonstances  de  l'incarnation  si. contraires  à  la  majesté  divine. 

(D)  //,  c'est  Dieu  et  non  pas  le  Fils.  —  Par  sa  seule  volonté  énerve  la  vigueur  du  texte  :  MD 
nulu  solo,  d'un  signe. 

(E)  «  Eos  itaque  qui  dicunl  :  itane  defuit  Deo  modus  alius  quo  liberarel  homines  a  miseria 
»  mortalitatis  hujus  ?  parum  est  sic  refellere  ut  istum  modum,  quo  nos  per  mediatorem  Dei  et 
»  hominum  hominem  Jesum  Chrislum  Deus  liberare  dignalur,  asseramus  bonum  &  divinae  con- 
»  gruum  dignilali,  verum  etiam  ut  oslendamus  non  alium  modum  possibilem  Deo  defuisse,  cujus 
»  poleslali  cuncta  aequaliler  subjacent,  sed  sanandae  noslrse  miserise  convenienliorem  modum 
»  alium  non  fuisse,  sed  esse  oporluisse  ».  Aug.,  De  'ïrinitate,  13,  13. 

(F)  Faux-sens.  MD  ac  tametsi  quis  putet  Deum  ila  decrevisse,  =  et  même  si  l'on  pense  que 
Dieu  l'avait  ainsi  décidé,  (restera  à  prouver  qu'une  nécessité  l'obligeait  à  exécuter  sa  décision). 
Octave  suit  à  la  lettre  le  plan  de  discussion  proposé  par  Senamy  :  1°  aucune  nécessité  ne  forçait 
Dieu  à  décider  qu'il  sacrifierait  son  fils  (il  avail  d'autres  moyens  de  nous  racheter);  2°  celle  déci- 
sion prise,  rien  ne  le  forçait  à  l'exécuter.  Ainsi  ni  avant,  ni  après  [sa  décision],  Dieu  n'a  été 
poussé  par  aucune  nécessité. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  175 

arrests  (i)  (A  ?  Et  partant  il  ny  a  eu  aucune  nécessité  ny  deuant  ni  après 
pour  obliger  Dieu  a  se  reuestir  de  nostre  chair  ny  (h)  a  mourir  honteusement 
par  ce  que  cestoit  assez  dun  Ange  voire  dun  homme  qui  se  seroit  sacriffîé 
pour  satisfaire  a  la  Justice  diuine,  ny  ayant  point  de  victime  plus  aggreable  a 
Dieu  que  celle  quil  luy  plaist  de  choisir  (B).  Que  si  loa  veut  que  tous  les 
hommes  soient  souillez  de  lordure  T543J  du  péché  originel,  Dieu  ne  pouuoil  il 
pas  les  en  rendre  exempts  (/)  comme  les  nouueaux  Théologiens  (2)  (C)  veu- 
lent quil  ayt  faict  en  la  personne  de  la  Vierge  mère  du  Christ,  assauoir  au 
concile  de  Trente  (3)  (D)  ou  cella  fut  déterminé  contre  lopinion  des  anciens  et 
speciallement  d'Anselme,  de  Bernard,  du  Maistre  des  sentences  (4),  de  S.  Tho- 
mas d'Aquin,  d'Augustin  &  de  Hyerosme(E)?  Cestpourquoy  ce  nest  pas  sans 

(I)  Scotus  contra   Anselmum,  Mb.  3,  dist.  20.  --  (2)  Scotus  primus  in  ea 
sententia   fuit.  —  (3)  Canone  5,  sessione  quinta.  —  (4)  Lib.  3,  dist.  .'{. 


{k)  N  ut  (MD  aut)  turpi  morte  caderet.  —  (Zj  .V  ab  omni  scelerum  contayione  purus.  Ml) 
purissimus. 

(A)  Scot,  o.  c,  3,  20,  qmeslio  1  (l.  2.  p.  145),  explique,  contre  Anselme,  que  Dieu  n'était  pas 
forcé  de  sacrifier  le  Christ  :  «  Deus  ab  aelerno  contingenter  pr;edeslinavil  hominem,  et  non 
»  necessario,  quia  nihil  necessario  operalur  respeclu  aliquorum  extra  se...  sic  poluil  non  prsedes- 
»  linavisse  ». 

(Bj  Faux-sens  :  parce  que  le  sacrifice  ne  vaut  que  le  prix  que  Dieu  aurait  fait  du  sacrifié,  MD 
quia  non  plus  est  oblalio  quam  quanti  Ueo  collibuit  illum  œstimare.  Entendez  :  et  qu'ainsi,  si 
Dieu  mettait  un  haut  prix  au  sacrifice  d'une  victime  inférieure,  telle  qu'un  homme  ou  un  ange, 
ce  sacrifice  suffisait. 

(G)  Dieu,  explique  Scot,  a  pu  faire  que  la  Vierge  ne  lut  jamais  sous  le  coup  du  péché  originel. 
El  il  ajoule  :  «  Si  aucloritali  Ecclesi;e  vel  auclorilali  Scriplurae  non  repugnet,  videlur  probabile 
»  quod  excellentius  est  allribueie  Maria-  ».  O  c,  3,  3,  q.  1  (t.  2,  p.  30).  Mais  si  Scot  est  le  pre- 
mier docteur  qui  parle  clairement  de  l'Immaculée  Conception,  c'était  cependant  là  une  croyance 
déjà  ancienne  (cf.  S.  Bernard,  cité  infra). 

(D)  ••  L'intention  du  concile  n'est  point  de  comprendre  dans  le  décret  qui  regarde  le  péché 
»  originel  la  bienheureuse  Marie,  mère  de  Dieu,  mais  il  entend  qu'à  ce  sujet  les  constitutions  du 
»  pape  Sixle  IV  d'heureuse  mémoire  soient  observées  sous  les  peines  qui  y  sonl  portées,  et  qu'il 
»  renouvelle  ».  Sess   5,  can.  5.  Cf.  sess.  6,  can.  23. 

(E)  Anselme,  Liber  de  Conceptu  viryinali  et  peccato  originali;  8  (Migne,  l.  158  de  la  P.  L., 
col.  4i2j  :  «  Ouod  in  semine  sumplo  de  Virgine  non  sit  peccalum  neque  nécessitas  fuluri  pec- 
»  cali  ».  Aiselme  pense  bien  que  la  Vierge  est  infectée  du  péché  originel,  puisqu'il  croit  devoir 
prouver  que  son  fruit  ne  l'hérite  pas  d'elle  —  Bernard,  Epist.  174  ad  canonicos  Lugdunenses, 
pense  que  Marie  a  été  exemple  du  péché  acluel,  non  du  péché  originel  :  «  Conceplionis  feslum 
»  novum  esse,  nullo  nili  legitimo  fundamento  ».  (T.  182  de  la  P.  L.  de  Migne,  col.  332  sq.).  — 
Lombard,  3,  3  B,  explique  que  la  chair  dont  fut  formée  le  Christ,  sujette  au  péché  originel  jus- 
qu'à sa  conception,  en  fut  à  ce  momenl  délivrée  par  le  Saint-Esprit.  «  Mariam  quoque  tolam  Spi- 
»  rilus  Sanclus  in  eam  prœveniens  a  peccato  prorsus  purgavit,  ut  ei  postmodtun  peccandi  occasio 
»  nullalenus  exsliteril  ».  Si  le  S.  Esprit  a  rendu  impossible  tout  péché  à  la  Vierge  après  la  con- 
ception, c'est  donc  qu'avant  elle  était  sujette  au  péché,  donc  à  la  tache  originelle.  C'est  en  vain 
que  l'édile. ir  du  xvue  siècle,  le  docteur  de  Sorbonne  J.  Alleaume,  ergote  contre  celte  évidence.  — 
S.  Thomas,  Summ.  theol.,  lerlia,  27,  2.  —  S.  Augustin  est  formel  :  le  Christ  est  la  seule  créa- 
ture humaine  qui  ail  été  exemple  de  la  lâche  originelle:  la  Vierge,  conçue  «  ex  concupiscentia 
»  parenlum  »,  y  a  été  soumise,  Contra  Jutianum  Pelagianum,  5,  15,  22  (Migne  t.  10,  col.  813). 
Même  idée,  mêmes  termes,  dans  Opus  imperfectum  contra  Julianum,  (3,  22  (Migne  t.  10, 
col.  1553);  le  De  Genesi  ad  lilteram,  10,  18,  32  (Migne  t.  3,  col.  422);  et  le  De  fide  ad  Petrum 
qu'allègue  Lombard,  /.  c.  —  De  Jérôme  je  n'ai  trouvé  qu'un  texte  assez  vague,  Dialogus  adver- 


176  JEAN    B0D1N 

raison  que  ie  mestonne  que  tant  de  grands  hommes  qui  ont  esté  reconneus 
pour  Saincts  par  l'Eglise  romaine  pendant  tant  de  siècles  soient  maintenant 
accusez  dheresie  (m)  (A). 

Coroni.  —  L'Eglise  romaine  (n)  ne  peut  errer  par  ce  que  Ion  ne  parloit  point 
encores  dheresies  du  temps  de  S.  Bernard  et  de  Lombard  (B). 

ToHALBii.  —  Ce  qui  est  vray  vue  fois  ne  peut  iamais  eslre  faulx  par  aucune 
reuolution  dannées. 

Octaue.  —  Passons  outre,  Adam  pouuoit  par  vn  amour  extrême  mériter 
son  pardon,  par  ce  que  lamourenuers  Dieu  est  incomparablement  plus  excel- 
lent que  touttes  les  victimes  de  créatures  qui  luy  peuuent  estre  offertes  (o)  : 
pourquoy  donc  par  vn  si  grand  changement  de  touttes  choses  estoit  il  néces- 
saire de  faire  mourir  vn  innocent? 

Cukce.  —  Encores  que  Dieu  ne  soit  forcé  dagir  par  aucune  nécessité  cepen- 
dant il  la  voulu  ainsy  :  mais  de  demander  pourquoy  il  la  ainsy  voulu  cest  vn 
crime  et  vn  plus  grand  encores  de  former  des  contestations  sur  cette  matière. 

Coroni.  —  Ambroi.se  (6)  dict  quil  nest  pas  permis  de  pénétrer  dans  les 
secrets  de  Dieu  :  cependant  ie  tascheray  tousiours  de  rechercher  sa  volonté 
non  pas  pourquoy  il  veut  cecy  plustost  que  cella.  Et  sil  est  licite  de  tirer  des 
coniectures  sur  les  motifs  qui  lonl  obligé  a  se  reuestir  de  nostre  nature  et  a 
mourir  par  vu  supplice  honteux,  iestime  que  le  principal  subiect  na  esté  (») 
que  pour  nous  donner  de  lhorreur  pour  le  péché  et  plus  dattache  a  la  vertu  (C), 
comme  aussi  a  fin  de  nous  inspirer  plus  damour  et  de  zèle  enuers  sa  diuine 
[544J  maiesté,  nous  ayant  faict  beaucoup  plus  de  grâces  et  de  faueurs  (p) 
quaux  anges  mesmes  au  dessus  desquels  il  nous  a  esleuez  (D). 

(o)  Scotus,  lib.  3,  dist.  19  (E).  —  (6)  Lib.  1,  c.  4  de  vocatione  gentium(F). 


(m)  SM  attribuent  celle  phrase  à  Toralba.  D  esl  conforme  à  H.  —  [n)  N  Ecclesia.  MU  Ecclesia 
Romaria.  — (o)  JV  ea  polissimum  causa  (MU  ajoutent  fuisse)  videtur.  —  (p)  N  [homines], 
quos  majore  quant  angelos  dignitate  ac  prœstanlia  cumularet.  MD  cumularat. 

sus  Pelagianos,  1,  16  (Migne  t.  2,  col.  511),  où  il  nous  l'ait  remarquer  que  si  Marie  se  dit  bien- 
heureuse, c'est  par  la  boulé  du  Dieu  qui  habite  son  sein,  non  par  ses  propres  mérites.  Doit-on  en 
conclure  que,  sauf  la  conception  de  Jésus,  Marie  esl,  aux  yeux  de  Jérôme,  semblable  à  nous? 

(A)  M  semble  avoir  raison  d'allribuer  celle  dernière  phrase  à  Toralba  :  c'est  Toralba  qui,  sur 
ce  sujet,  va  riposter  à  Coroni  Nolez  encore  la  ressemblance  de  II  avec  D,  mêmes  dans  ses  fautes. 

(B)  C'est  la  défense  qu'employait  Federich,  p.  540,  contre  ceux  qui  incriminaient  la  variation 
des  symboles.  Il  n'y  a  pas  à  condamner  Bernard  ni  Lombard,  parce  que  dans  leur  temps  la  ques- 
tion de  l'Immaculée  Conception  n'ayant  pas  encore  été  violemment  controversée,  l'orthodoxie 
n'avait  pas  eu  à  prendre  position.  A  cet  argument,  Coroni,  en  bon  catholique,  ajoute  celui  de 
l'infaillibilité  de  l'Église. 

(C)  Omission.  MD  sic  enim,  quantum  a  sceleribus  abhorreat,  intelligamus,  =  apprenons 
par  là  (c'est-à-dire  par  la  grandeur  du  sacrifice  qu'il  s'est  imposé  pour  nous)  combien  il  déteste 
le  péché. 

(D)  En  s'offrant  lui-même  comme  hoslie  pour  le  salut  des  hommes,  ce  qu'il  n'a  pas  daigné  faire 
pour  les  anges. 

(E)  Scot.,  3,  19,  q.  1,  «  Utrum  Chrislus  merueril  omnibus  nobis  graliam  et  gloriam  et  remis- 
»  sionem  culpae  et  pœnae  »,  exprime  en  effet  celle  idée. 

(P)  De  vocatione  genlium,  1,  4  (Migne  t.  4,  col.  1087).  Même  idée  Hexameron,  1,  3,  9  (Migne 
t.  1,  col.  127),  etc. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  177 

Tohalbe.  —  Gella  se  peut  persuader  aux  chrestiens  e(  aux  ignorans  mais 
nullement  aux  philosophes  quun  Dieu  éternel  ayt  demeuré  pendant  vue  infi- 
nité de  millions  dannées  immuable  et  que  ce  mesme  Dieu  depuis  quelques 
siècles  soit  descheu  de  cette  nature  excellente  pour  se  reuestir  d'vn  corps 
comme  nous  composé  de  sang  [q)  de  chair  de  nerfs  et  dos  et  pris  vue  ligure 
nouuelle  pour  sexposer  aux  tourmens  dune  mort  ignominieuse  et  a  la  puis- 
sance infâme  des  bourreaux  (r)  a  lin  de  ressusciter  et  de  porter  dans  le  ciel  (s) 
cette  masse  corporelle,  ou  iamais  auparauant  il  nen  estoit  entré  (A). 

[Octave  repose  l'éternelle  question  :  en  Christ  la  divinité,  indissolublement 
liée  à  la  nature  humaine,  a  donc  pâti,  est  donc  morte?  Curce  répond  en  expo- 
sant les  hérésies  des  Sabelliens,  qui  ne  distinguent  pas  les  personnes,  et  des 
Nestoriens,  qui  distinguent  absolument  l'homme  du  Dieu.  Toralba  observe  que 
h-  fait  d'être  composé  est  contraire  à  l'essence,  qui  est  simple,  de  la  Divinité, 
544-546.  A  quelles  absurdités  (causes  des  querelles  entre  les  sectes  catholi- 
ques, luthériennes,  zwingliennes)  n'amène  pas  le  dogme  de  la  double  nature 
du  Christ  !  Forcés  de  lui  donner  l'ubiquité,  attribut  divin,  et  de  ne  pas  séparer 
ja  nature  humaine  de  la  divine,  nous  sommes  contraints  d'imaginer  toutes 
les  parties  de  son  corps  à,  la  fois  partout,  et  même  les  unes  dans  les  autres, 
les  pieds  dans  le  cerveau,  etc.,  546-549]. 


Cercle  vicieux. 

[549]  Fedehtch.  —  Toralbe  simagine  quil  faille  peser  les  choses  diuines  au 
poids  des  Philosophes.  Cest  pourquoy  il  ne  peut  pas  concepuoir  que  Iesus 
Christ  soit  Dieu,  mais  sil  pouuoit  comprendre  cette  vérité,  il  nemployerait  pas 
la  subtilité  de  ses  arguments  pour  la  combattre.  Aussy  ie  luy  pardonne 
comme  S.  Paul  faisoit  aux  Iuifs  et  aux  Gentils  quand  il  disoit  :  sils  auoient 
conneu  Dieu,  ils  ne  lauroient  pas  mis  en  croix  (B). 

Salomok.  —  Il  me  semble  que  ientends  parler  de  lempereur  Caligula  qui  de 
la  mesme  façon  excusoit  les  ambassadeurs  iuifs  en  leur  disant  auec  vue  cer- 
taine douceur  quils  estoient  de  bonnes  gens  et  bien  simples  (C)  de  ne  pas 
vouloir  (a)  le  reconnoistre  pour  Dieu.  Ainsy  (b)  Federich   nous  accuse  il  de 


[q)  N  humani  (MD  humanam)  sanguinis  concretionem.  —  {r  -V  ah  iniquitatis  (?)  carnificibus. 
MD  ab  inquinatissimis  carnificibus.  —  (s)  N omet  in  cœlum.  —  (a)  N  non  enim  (MD  Lamen) 
reputare  Caligulam  Deum  esse.  —  (b)  N  I laque  (?),  MD  Ita. 

[h)  Toralba  renouvelle  son  inveclive  contre  l'Incarnalion  (cf.  supra,  p.  416,  449,  478,  541), 
el  H  atténue,  comme  supra,  pp.  308,  309,  336,  les  violences  du  texte  contre  un  mystère  révéré  : 
MD  ac  corpoream  molem,  ossibus,  carnibus,  ligamenlis,  humoribus  ac  pulpa  concrelam,  in 
cœlum,  ubi  nunquam  visa  erat,  subveheret. 

(B)  I  Cor.,  2,  8. 

(G)  Caligula,  d'abord  furieux  du  refus  qu'avaient  l'ail  les  Juifs  de  l'adorer,  s'était  apaisé  :  «  telle 
»  ment  qu'e>tant  deuenu  plus  doux,  dit  ces  paroles  :  Ces  hommes  ne  me  semblent  eslre  si  mes- 
»>  chans  que  malheureux  et  fols,  ne  croyans  point  que  ie  suis  participant  de  la  nature  diuine  ». 
Philon,  Des  vertus  et  de  l'ambassade  faite  à  Caïus,  trad.  Bellier,  p.  1129  (Cf.  p.  266  note  D). 
Chauviré  12 


178  JEAN    BODIN 

simplicité  (c)  par  ce  que  nous  ne  voulons  pas  reconnoistre  pour  Dieu  le  fils 
cTvn  artisan  (A). 

En  Christ,  continue  Toralba,  le  Dieu,  infaillible,  impeccable,  n'a  pu  mériter, 
puisqu'il  n'avait  pas  le  choix  entre  le  bien  et  le  mal,  ni  par  conséquent  nous 
racheter.  Et  l'homme,  aux  mérites  finis,  n'a  pu  expier  les  péchés  infinis 
d'hommes  innombrables.  Federich  objectant  que  telle  fut  la  volonté  de  Dien, 
on  revient  au  point  de  départ  :  prouver  qu'en  effet  il  l'a  voulu,  549.  Curce 
essaye  de  le  prouver  par  autorités  :  Marc,  8,  11  sq.  ;  Luc,  9,  35  ;  Daniel,  9,  24  ; 
haïe,  53,  3  sqq.  Salomon  détruit  ces  preuves  par  son  interprétation,  551-553. 
Senamy,  soutenu  par  Salomon,  explique  à  grand  renfort  d'exemples  que  ce 
qui  plaît  à  Dieu,  c'est  le  sacrifice  des  méchants  &  non  d'innocents  comme 
Jésus,  554.  Jéhovah  réclame  pourtant,  objecte  Federich,  des  victimes  sans 
tache  :  la  plus  pure  était  Jésus.  —  Possible,  réplique  Salomon  ;  mais  il  répète 
sans  cesse  que,  mieux  que  les  sacrifices,  repentir  et  bonnes  œuvres  effacent 
le  péché,  556-559. 

De  la  pénitence.  Si  tous  les  péchés  étaient  effacés  par  la  mort  de  Jésus,  dit 
Octave,  ce  serait  là  assurer  l'impunité  aux  pires  crimes.  Dieu,  ajoute  Salo- 
mon, promet  rémission  entière  au  sincère  repentir,  dès  l'ancienne  loi  &  sans 
parler  de  Jésus.  Coroni  réplique  que  nos  œuvres  ne  valent  que  par  la  rédemp- 
tion, en  l'honneur  de  laquelle  il  entonne  un  cantique  en  vers  grecs,  559- 
5631. 


De  la  pénitence  :  pour  et  contre  la  confession.  —  Doctrine  protestante 
de  la  grâce.  —  Question  du  péché  originel. 

j563]  Salomon.  —  Voila  vn  beau  cantique  et  ie  ladmirerois  nestoit  que  cest 
vne  louange  quun  homme  donne  a  vn  autre  homme.  Mais  sil  est  véritable  que 
par  la  mort  du  Christ  la  vie  est  donnée  et  que  les  péchez  sont  effacez,  pour- 
quoy  faire  pénitence?  pourquoy  confesser  ses  péchez?  pourquoy  les  euesques 
chrestiens  (B)  imposent  ils  des  peines  aux  meschans?  la  loy  de  Dieu  demande 


(c)  -Y  nostram.  MD  nostrorum  simplicitatem  excusât.  R  traduit  assurément  accusât. 

(A)  Encore  que  Salomon,  adepte  d'une  religion,  se  prétende  plus  enclin  à  croire  par  loi  pure 
que  Toralba,  philosophe  (p.  478),  dans  la  pratique,  ces  deux  esprits  s'accordent  à  demander  aux 
religions  chrétiennes,  qu'ils  combattent  surtout,  les  mêmes  comptes  dans  les  mêmes  termes. 
Curce  les  unit  dans  le  même  reproche  d'incrédulité  (p.  515).  —  Si  j'ai  cité  ces  deux  répliques, 
c'est  qu'elles  me  paraissent  montrer  d'une  façon  saisissante  la  vanité  des  disputes  religieuses. 
Federich  fait  appel  à  la  loi  ;  Salomon  se  retranche  dans  sa  raison.  Evidemment,  si  Toralba  croyait 
à  l'Incarnation,  il  ne  chercherait  pas  d'arguments  contre  elle.  Et  si  Federich  s'appuyait  seulement 
sur  la  raison,  il  ne  croirait  pas.  La  fréquence  avec  laquelle  Bodin  a  amené  la  discussion  à  cette 
impasse  (cf.  p.  523,  noie  D)  m'a  l'air  intentionnelle.  A  un  certain  moment  de  la  controverse, 
pense-l-il,  nous  arrivons  toujours  à  n'user  plus  que  des  arguments  efficaces  pour  nous-mêmes, 
inefficaces  pour  le  contradicteur.  C'est  l'impression  qu'on  relire  en  fermant  VHept.,  puisque 
chacun,  après  sept  cents  pages  de  discussion,  reste  terme  dans  sa  première  conviction.  Cf.  mon 
Jean  Bodin,  II,  3,  5,  p.  164  sq. 

(B)  MD  chrisliani  pontifices,  =  les  prêtres  chrétiens.  Cf.  supra,  p.  337  note  A. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  179 

elle  dauanlage  (a)  aux  hommes?  C'est  pourquoy  (b)  ie  ne  trouue  rien  de  plus 
détestable  (c)  que  la  confession  auriculaire,  soit  par  ce  quun  homme  croit 
quun  autre  homme  luy  donne  absolution  de  ses  péchez,  qui  est  la  plus  haute 
des  impietez  contre  Dieu  (6)  (A),  soit  par  ce  que  la  liberté  est  ouuerte  a  touttes 
sortes  de  crimes  par  lesperance  promise  du  pardon,  soit  par  ce  que  Ion  ne 
saccuse  iamais  des  péchez  (d)  énormes  de  peur  den  estre  puny  (B),  soit  par  ce 
que  le  desespoir  du  pardon  (e)  prend  sonnent  a  ceux  qui  ont  honte  de  confesser 
leurs  crimes  capitaux  par  ce  quil  iroit  de  leur  vie  (f)  sils  venoient  a  eslre 
descouuerts  (C),  soit  a  cause  que  pour  lexpiation  des  plus  atroces  il  soit 
nécessaire  de  recourir  au  pape,  soit  par  ce  que  les  tyrans  ont  vne  voye 
ouuerte  pour  leurs  proscriptions  &  leurs  cruautez. 

564]  Corom.  —  Pour  moy  ma  pensée  est  que  la  confession  auriculaire  est 
vne  bride  (D)  admirable  contre  le  péché,  car  y  a  il  quelquun  assez  aueuglé 
pour  oser  commettre  vn  crime  quand  il  sera  persuadé  quil  nen  peut  auoir 
remission  sil  ne  sen  accuse  a  son  confesseur?  Il  est  remarqué  dans  l'histoire 
des  Indes  que  les  Peruuiens  (g)  auant  la  venue  des  Espagnols  dans  leurs 
terres  quoy  que  saunages  &  idolâtres  vsoient  de  cette  sorte  de  confession  et 
qua  peine  de  la  vie  il  estoit  deffendu  //  a  leurs  prestres  de  reueler  les  péchez 
dont  on  sestoit  accusé  (E). 

Cihce.  —  Cella  peut  estre  puisquils  adoroient  les  diables  qui  leur  auoient 
enseigné  cette  méthode  (FI  a  fin  quils  demandassent  et  espérassent  le  pardon 
des  hommes  (i)  et  non  pas  de  Dieu.  0  ladmirable  antidote  contre  la  peruersité, 
dont  Dieu  mesme  pendant  tous  les  siècles  ne  sest  point  aduisé  pour  empescher 
que  les  hommes  ne  loffenceassent!  mais  limpieté  est  montée  iusques  a  tel 

(6)  lob.,  c.  32. 


[à]  N  magis.  MD  majus.  —  [b]  S  quare.  MD  quanquam.  —  (c)  N  non  (fautif).  M  h  nihilper- 
niciosius  cogitari.  —  (d)  N  impietales.  MD  improbitates.  —  (e)  N conscienliœ  desperationem. 
MD  venise  desperationem.  —  [f]  N  quse  si  sciantur,  capite  luenda  sunt  (faute).  MD  sinl. — 
[g\  N  Indos  et  Peruanos  [?).  MD  Indos  Peruanos.  —  (h)  N  capitale  esse.  MD  fuit.  —  (i)  ND  ut 
ab  (M  omet,  à  lort,  ab)  hominibus,  non  a  Deo  veniam  pelèrent. 

(A)  Référence  inexacte;  cf.  infra,  p.  658,  noie  7.  Bodin  a  prétendu  citer  ici  Job,  34,  13  : 
«  A  til  [Dieu]  donc  commis  a  quelqu'aulre  le  soin  de  la  terre?  et  qui  est  celuy  qu'il  a  eslabli 
»  pour  gouuerner  au  lieu  de  luy  le  monde  qu'il  a  créé?  » 

(B)  De  peur  d'en  estre  puny,  glose. 

(G)  «  Comme  il  aduint  a  vn  gentil-homme  de  Normandie,  de  confesser  a  vn  Cordelier  qu'il 
»  auoil  voulu  tuer  le  roy  François  Ier  :  le  Cordelier  en  aduertit  le  Boy  qui  enuoya  le  gentil- 
»  homme  a  la  court  de  Parlement,  ou  il  fut  condamné  a  la  mort».  Rép.,  IV,  7,  p.  443.  Est-il 
besoin  de  faire  remarquer  que  Salomon  ne  fait  pas  ici  le  procès  de  la  confession,  comme  il  le 
croit,  mais  des  prêtres  indignes  qui  en  trahissent  le  secret? 

(D)  MD  amuletum,  =  un  préservatif. 

(E)  Gomara  rapporte  ce  fait,  non  aux  Péruviens,  dont  il  parle  en  son  liv.  V,  mais  aux  Cioro- 
tegas,  peuplades  du  Nicaragua,  o.  c,  VI,  2,  p.  457  b  :  «  Tous  les  prestres  se  marient,  hors  mis 
»  ceux  qui  escoulent  les  péchez  des  autres,  et  commandent  la  pénitence  selon  le  delict,  et  n'ose- 
»  roienl  reueler  la  confession,  sur  peine  de  chasliment  ».  Cf.  Démon.,  I,  3,  p.  79. 

(Fj  Contresens.  MD  Cum  dœmonibus  inservirent  [Peruani],  cui  dubium  esse  potest,  quin 
eliam  hune  morem  ab  iis  didicerint  et  expresserint,  =  Les  Péruviens  adoraient  les  démons; 
dès  lors,  peut-on  douter  qu'ils  ne  leur  aient  emprunté  aussi  cette  coutume?  —  Sur  les  faux  dieux 
considérés  comme  des  diables,  cf.  p.  258  note  A. 


180  JEAN    BODIN 

excès  (j)  quil  y  en  a  beaucoup  qui  pensent  (k)  que  mesmes  sans  auoir  regret 
les  seules  parolles  que  le  prestre  prononce  absoluent  le  pénitent  et  luy  effacent 
ses  péchez  les  plus  énormes.  Cependant  loraison  de  Manasses  (A)  roy  de  Iuda 
nous  enseigne  combien  (/)  la  contrition  est  nécessaire  au  pardon  :  Vous  auez 
ordonné  (dict  il)  la  repentance  par  vostre  bonté  infinie  a  fin  de  sauner  ceux 
qui  par  la  instice  de  vos  loix  &  de  vos  iugemens  éternels  (m)  debuoient 
périr  (7). 

Fedehich.  —  La  mort  de  Christ  na  point  effacé  les  péchez  de  ceux  qui  long 
temps  auparauant  en  auoient  faict  pénitence  ou  qui  en  auoient  esté  punis  par 
sa  Justice,  ny  de  ceux  qui  nont  eu  aucune  confiance  [565]  en  la  venue  du 
Messie,  ny  de  ceux  qui  ont  refusé  la  médecine  que  Christ  leur  a  offert  pour 
recouurer  leur  salut,  mais  ceux  qui  se  sont  preualus  du  bénéfice  gratuit  de 
Iesus  Christ  et  se  le  sont  appliqué  se  sont  non  seulement  garentis  de  la  coulpe, 
mais  encores  (n)  de  la  peine  quelque  légère  quelle  puisse  estre. 

Octale.  — En  vérité  cette  maxime  me  semble  bien  pernicieuse  assauoir  que 
sur  cette  confiance  que  le  plus  scélérat  de  tous  les  hommes  prend  en  la  mort 
de  Iesus  Christ  il  mérite  la  remission  de  tous  ses  péchez  (o).  Car  quest  ce 
autre  chose  que  par  vne  telle  impunité  d'offence  proposée,  sinon  ouurir  la 
porte  a  touttes  sortes  dimpietez  (B)? 

Fedehich.  —  La  mort  de  Christ  a  seruy  principalement  et  a  esté  nécessaire 
a  lhomme  pour  nettoyer  cette  malheureuse  tache  originelle. 

Tohalbe.  —  Si  le  péché  n'est  que  dans  la  volonté  ainsy  que  tous  les  Théolo- 
giens (8)  (C)  le  reconnoissent  il  ny  peut  auoir  de  péché  originel  par  ce  quen 

(7)  In  oratione  Manasses.  —  (8)  Augustin.,  lib.  1  de  libero  arbitrio.  Petrus 
Lombard.,  lib.  3. 


(;)  ND  Al  (M  eliam,  interpolation)  eo  processif  impietas,  ut  etiam,  etc.  —  [k)  N  plerumque. 
MD  plerique  obliterari  paient.  —  (l)  N  Pœnilentia  vero  quanta  (MD  quanti,  préférable)  sit  ad 
veniam  adipiscendam  docet  (MD  docnit)  Manasse  (MD  Manasses).  —  (m)  Afomet  œternis.  — 
[n  N  omet  etiam.  —  [o)  MD  ut  ex  ea  (N  omel  ea)  fiducia,  quam...  quisque  lemere  arripint  (N 
accipiat),  peccalorum  omnium  (N  omel  ce  mol)  veniam  adipisci  mereatur. 

(A)  La  prière  de  Manassé,  captif  en  Babylone,  se  trouvait  (cf.  II,  Paralipomènes,  33,  19)  dans 
les  livres  d'Hozaï,  qui  sont  perdus.  C'est  un  fragment  non  canonique,  dont  on  n'a  plus  que  la  ver- 
sion latine  (cf.  Ellies  du  Pin,  o.  c,  t.  1,  p. -63).  On  le  trouve  entre  les  Parai,  et  Esdras. 

(B)  On  voit  donc  Octave,  contre  la  théorie  protestante  de  la  grâce  seule  efficace,  comme  tout  à 
l'heure  Salomon  contre  la  confession  auriculaire  des  catholiques  (p.  563,  et  Octave  encore, 
p.  559),  préoccupé  avant  tout  de  défendre  deux  notions  qui  lui  semblent  essentielles  :  liberté  et 
responsabilité  de  la  conscience.  Par;elles,  et  par  elles  seules,  sont  rendus  possibles  la  moralilé 
des  âmes,  leur  mérite  aux  yeux  de  Dieu,  leur  récompense.  Et  dans  le  même  esprit,  Salomon 
soutiendra  tout  à  l'heure  (infra,  p.  658)  qu'un  repentir  de  la  dernière  heure  ne  suffit  pas  à  effacer 
les  crimes  :  il  y  faut  une  longue  contrition  et  la  réparation  par  les  bonnes  œuvres.  Bodin  a 
exprimé  ces  idées  tant  de  fois  dans  VHept.,  et  par  des  bouches  si  autorisées  (Salomon),  qu'on 
peut  sans  doute  les  lui  allribuer  à  lui-même. 

(G)  Bélérences  fausses.  Corrigez  :  Augustin,  De  libero  arbitrio,  3  (comme  le  prouve  infra, 
p.  588,  note  2),  17,  49  :  «  Volunlas  est  prima  causa  peccandi  »,  ou  3,  18,  50  :  «  An  aliquis  peccet 
»  in  eo  quod  caveri  non  potesl  »,  (Migne  t.  1,  col.  1294);  —  et  Lombard,  2,  41,  qui  cite  de 
nombreux  textes  d'Augustin,  pour  montrer  que  le  péché  n'est  que  par  l'intention.  Cf.  aussi  2,  32, 
n.  14.  —  Sur  ce  poncif  de  Bodin,  voyez  supra,  IV,  p.  227  notes  E  et  F. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  J81 

naissant  nous  nauons  point  de  volonté  (p).  Que  si  la  question  de  la  Trinité  est 
si  espineuse  (A)  et  plus  difficile  encores  celle  de  l'incarnation  dun  Dieu  comme 
aussy  celle  de  lascension  de  cet  homme  Dieu  dans  le  ciel  et  beaucoup  dautres 
de  cette  qualité  contraires  aux  loix  diuines  et  de  la  Nature,  il  fault  chercher  a 
les  esclaircir. 

Cuhce.  —  Quil  ny  ayt  point  de  péché  originel  cella  ne  peut  estre  par  ce  que 
Ion  ne  trouue  rien  plus  souuent  (B)  dans  les  vieilles  et  nouuelles  tables  de 
lescriture. 

Salomon.  —  le  ne  fais  point  de  double  qu'Adam  ayt  péché  non  pour  auoir 
mangé  la  pomme  deffendue  que  sa  femme  luy  présenta  (7)  comme  le  vulgaire 
et  les  enfans  le  croyent  mais  pour  auoir  destaché  son  esprit  de  la  [566]  con- 
templation des  choses  dignes  de  luy  en  se  laissant  surprendre  aux  atlrais  des 
sensualitez  en  sorte  quil  sy  donna  tout  entier,  ainsy  que  les  plus  subtils  dentre 
les  Théologiens  dentre  les  Hébreux  (Cj  lexpliquent  et  disent  que  par  le  mot  de 
femme  sont,  entendus  les  sens  corporels  comme  par  celuy  de  mary  lentende- 
mentet  par  le  serpent  est  signiffiée  la  volupté  (D),  laquelle  ainsy  quun  serpent 
se  glisse  dans  les  parties  les  plus  secrètes  de  nos  corps  et  trouue  facilement 
lentrée  de  tous  nos  sens,  dont  la  principalle  force  est  aux  dens  dont  il  se  coule 
dans  le  ventre  (r).  Mais  de  quelque  façon  qu'Adam  ayt  péché  (Y  pourquoy  ce 
péché  passeroit  il  a  sa  postérité?  car  (t)  (E)  si  les  péchez  passoient  a  nos 
descendans  leurs  vertus  y  deburoient  aussy  passer,  et  plustosl  que  les  vices, 
par  ce  que  dans  toutte  la  nature  les  biens  sont  tousiours  plus  puissans  que  les 
maux,  comme  nous  lauons  prouué  cy  dessus  (F).   Or  (m)    tous  les  philoso- 


(p  Y  peccandi.  MD  peccati  voluntas.  —  (q)  N  omet  aut  ah  uxore  oblala  [poma]  gustaret. 
—  r  MD  in  venlrem  reptare  solet.  S  in  ventre.  —  (s)  MD  sed  utcumque  peccaverit  Adamust 
N  peccavit.  —  1 1)  ND  aut.  M  at.  —  (u)  MN  at.  D  ac. 

(A)  Contresens  qui  rend  la  suite  des  idées  inintelligible.  MD  quod  si  ita  est  anxia  de  trinitale 
disputalio  ac  multo  difficilior  de  incarnatione  divinitatis,  etc.,  diluuntuv.  il  faut  mettre  après 
quod  si  ita  est  une  virgule,  dont  le  manque  a  égaré  H,  et  entendre  :  dans  ces  conditions  (=  s'il 
n'y  a  pas  de  péché  originel),  toutes  les  questions  épineuses,  Trinité,  Incarnation,  Ascension, 
disparaissent,  puisqu'elles  sont  étroitement  liées  à  la  rédemption,  qui  disparaît  aussi. 

(B)  Que  l'affirmation  du  péché  originel.  Job.,  14,  4  et  15,  14;  Psaum.,  50,  5:  Ad  Rom.,  3,  9  et 
23;  5,  12,  etc. 

(C)  «  Ces  propos  [sur  la  faute  d'Adam  et  Eve  mangeant  la  pomme  défendue]  ne  sont  point 
»  fables  coutrouuées,  mais  sont  certaines  façons  de  parler  qui  tendent  à  l'allégorie  :  a  sçauoir 
»  quand  on  veut  dire  ou  représenter  autre  chose  que  celle  que  l'auditeur  attend  et  pense  qu'on 
»  doibue  dire  ».  Philon,  De  la  création  du  monde,  p.  64  sq.  El  tout  ce  développement  de  Bodin 
sur  le  sens  allégorique  de  la  légende  de  la  pomme  est  emprunté  à  Philon,  De  la  création  du 
monde,  pp.  64-67;  Allégories  de  la  Bible,  II,  p.  132  sq.  et  III,  pp.  160-167  et  226  sqq. 

(D)  «  Le  serpent  est  la  figure  et  signe  de  la  volupté,  pour  Irois  raisons:  la  première  parce  qu'il  est 
»  sans  pieds  et  se  traisne  sur  le  ventre;  la  seconde,  parce  qu'il  a  pour  sa  nourriture  les  moles  de 
»  la  terre;  la  troisiesme,  parce  qu'il  porle  en  ses  dents  le  venin  par  le  moyen  duquel  il  a  accous- 
»  lumé  de  faire  mourir  ceux  qu'il  a  mordus  ».  De  la  création  du  monde,  p.  65.  —  On  remarquera 
que  Philon  autorise  N  in  ventre  reptare,  contre  MD  in  venlrem  reptare.  B.  a  suivi  MD,  comme 
d'habitude. 

(E)  ND  aut,  =  ou  bien  alors.  M  at,  —  mais  alors. 

F)  Hept.,  III,  pp.  150-166,  où  on  a  prouvé  qu'en  ce  monde  le  bien  l'emporte  sur  le  mal,  pour 
combattre  le  manichéisme  qui  les  met  en  balance. 


182  JEAN    BOIM.N 

plies  (9)  aussy  bien  que  tous  les  théologiens  (1)  (A)  ont  reconneu  par  vne 
longue  expérience  que  les  vertus  ne  se  transfèrent  point  a  nos  héritiers  ny 
partant  les  vices  (u),  les  contraires  marchans  tousiowrs  soubs  vne  semblable 
discipline  (x)  (B)  :  dou  il  sensuit  quil  ny  a  aucun  péché  originel. 

[Aux  autorités  (concile  de  Trente,  Augustin)  Toralbo  oppose  sa  raison  : 
avec  Pelage  il  pense  qu'à  sa  naissance  l'homme  est  pur  comme  Adam  et  peut 
faire  son  salut  sans  la  grâce,  567.  Il  est  si  vrai  que  l'enfant  hérite  les  fautes 
comme  les  mérites  de  ses  pères,  que  Jéhovah  poursuit  les  coupables  jusqu'à 
la  3e  et  4e  génération.  Salomon  le  nie,  avec  de  pénibles  arguties,  568  sq. 
Toralbe  établit  de  nouveau  le  lien  de  cette  incroyable  Incarnation  avec 
l'existence  du  péché  originel.  Federicb  réplique  en  alléguant  des  autorités- 
Octave  montre  qu'avec  le  péché  originel,  nous  pouvons  rejeter  sur  Dieu  la 
responsabilité  de  nos  fautes,  570-572.  Si  nous  commettons  des  péchés  invo- 
lontaires, continue  Toralbe,  nous  sommes  plus  à  plaindre  qu'à  blâmer.  Le 
baptême,  ridicule  chez  des  enfants  inconscients,  inutile  après  la  Rédemption, 
est  un  scandale,  si  les  chrétiens  croient  par  là  effacer  les  péchés  même  à 
venir.  Non,  disent  Coron i  avec  le  concile  de  Trente,  et  Federicb  qui  préfère 
l'autorité  des  apôtres,  le  baptême  nous  met  en  état  de  grâce,  mais  ne  nous 
enlève  pas  la  propension  au  mal,  qu'il  nous  faut  dompter,  573  sq.  Federicb 
attribue  le  péché  originel  à  la  fusion  du  corps  et  de  l'âme.  —  Non  :  il  n'y  a  pas 
d'action  ni  de  réaction  possibles  de  l'un  sur  l'autre,  puisqu'ils  sont  absolument 
différents,  566  bis  sq.  Toralba  montre  que  les  hommes  semblent  bien  ne  pas 
différer  de  valeur  morale,  suivant  qu'ils  ont  ou  non  reçu  le  baptême  :  exemple 
des  grands  hommes  de  l'antiquité,  569  bis.  Salomon  contestant  que  le  baptême 
diminue  notre  propension  aux  voluptés  criminelles,  Curce  lui  demande  quel 
est  alors  le  sens  de  l'histoire  d'Adam,  571  bis  sq.]. 

Sens  allégorique  de  l'histoire  d'Adam.  Chacun  est  à  soi-même 

son  propre  Adam. 

573  bis]  Curce.  —  A  quel  subiect  donc  a  on  faict  cette  histoire  diuine  de 
la  cheute  d'Adam,  de  la  reprimende  quil  en  receut  et  de  sa  punition  dont  les 
lettres  sacrées  rendent  vn  lesmoignage  si  authentique  (1)  (C). 

(9)  Aristot.  in  Ethicis.  Plato  in  Memnone.  —  (1)  Scotus,  lib.  2  sententiarum. 
—  (1)  Cap.  2  Gènes. 


v  M />  non  possunt  igilur  transfundi  peccata.  N  non  poterunl  (?).  —  (x)  MD  cum  eadem  sil 
contrariorum  disciplina.  N  contraria   ?  . 

(A)  Arislote  montre  que  la  vertu  n'est  pas  innée  en  nous,  mais  résulte  de  l'effort,  stabilisé  par 
l'habitude,  Morale  a  Nicom.,  2,  1.  —  Platon,  Memnon,  31  (éd.  H.  Estienne,  p.  93  a)  montre  que 
les  entants  n'héritent  pas  la  vertu  des  parents,  parles  exemples  de  Thémislocle,  Aristide,  Thucy- 
dide. —  Scot  montre  que  la  semence  des  parents  n'est  pas  tout,  et  que  l'hérédité  des  corps  n'en- 
traîne pas  celle  des  âmes,  Sentent.,  2,  32,  q.  1. 

(B)  Il  veut  dire  que  les  mêmes  lois  régissent  les  contraires.  C'est  un  de  ses  procédés  favoris  de 
discussion  que  l'énoncé  de  ces  principes  de  logique  qui  sentent  si  fort  la  scolastique  encore. 
Voyez  mon  Jean  Bodin,  2,  1,  p.  103  sqq. 

(G)  Genèse,  3  (et  non  pas  :  2). 


DES    SECRETS    CACI1EZ    DES    C1I0SES    SUBLIMES  183 

Salomon.  —  Vous  ne  sçauez  donc  pas,  Curce,  que  cest  vne  belle  el  diuine 
allégorie.  Chacun  est  son  Adam  a  soy  mesme  (2)  (A)  :  et  tout  ce  qui  est  arriué 
a  Adam  arriue  a  tous  ceux  (a)  qui  sabandonnent  esperduement  (b)  aux  sen- 
sualitez  aux  attrais  des  voluptez  et  aux  charmes  des  lasciuetez  et  qui  mettent 
le  souuerain  bien  dans  lentiere  satisfaction  de  leurs  sens,  et  la  fin  de  leurs 
maux  (B)  a  esuiter  les  douleurs  et  les  afflictions.  Et  comme  il  est  escript 
qu'Adam  est  reuenu  a  soy  et  a  faict  pénitence  cest  a  dire  quil  sest  destaché 
des  délices  des  sens  pour  sappliquer  a  la  contemplation  des  choses  qui  despen- 
dent de  lentendement,  ce  qui  est  (c)  iouïr  du  bois  de  vie  et  que  Salomon  (3) 
appelle  la  véritable  sagesse  (C),  puis  après  il  engendra  Seth  (D)  homme  vraye- 
ment  diuin  et  tout  semblable  a  luy  (d)  :  ainsy  nous  arriue  il  quand  nous  auons 
sorty  de  la  droicte  voye  et  que  nous  nous  sommes  plongez  dans  le  salle  bour- 
bier des  sensualitez,  enfin  nous  en  sortons  &  nous  rentrons  dans  le  droict 
sentier.  Et  encores  que  Dieu  eust  predict  a  Adam  quil  mourroit  pour  auoir 
mangé  du  fruict  (e)  de  larbre  de  prudence  (luge  (E)  du  bien  et  du  mal)  ce  nest 
pas  a  dire  (f)  quil  layt  condamné  a  vne  mort  éternelle  :  mais  comme  il  est 
miséricordieux  il  nimpose  iamais  que  des  peines  [574  bis]  moindres  que  le 
péché  et  plus   leigeres  mesmes  que   celles  que   les  loix  ordonnent.  Il  offre 

(2)  Philon  Iuif  dans  ses  Allégories  de  la  Bible.  Et  Léon  Iuif  au  liure  de 
l'Amour.  —  (3)  Prouerbes,  c.  3,  11  et  13. 


a  V eadem  contingunt  in  omnibus,  qui...  MD  Us  omnibus.  —  [b]  N delectantur.  Ml)  oblec- 
tantur.  —  (c)  Nid  est.  MD  id  enim  est.  —  (d)  .V  ad  sui  ipsius  (MD  unius)  imaginent.  —  e:  MD 
ac  tametsi  Deus  Adamo  preerfirisset  tune  (N  hune  [?])  moriturum  cum  fructum  (X  fructu  [?]) 
arboris  prudenlise...  degustavissel.  —  (f)  MD  non  propterea.  X  prœlerea,  faute. 

A  Léon  le  Juif  (cf.  p.  276,  note),  3,  pp.  227-249,  compare  l'histoire  d'Adam  el  Eve  à  celle  des 
androgynes  conlée  dans  le  Banquet  de  Plalon  et  l'explique  allégoriquement.  —  Pour  Philon,  on 
connaît  son  procédé  :  les  personnages  de  la  Bible  représentent  les  facultés  ou  les  appétits  de 
notre  âme;  les  préceptes,  même  les  plus  formalistes  et  les  plus  étroitement  juifs,  ont  un  sens 
caché  et  tendent  à  notre  perfection  intérieure.  Ainsi  «  le  plus  grand'et  plus  aggreable  sacrifice 
»  que  l'homme  de  bien  et  entier  peut  faire  à  Dieu,  c'est  de  soy  mesme  estant  purifié  par  luy  » 
Démon.,  1,  2,  p.  71  ;  cf.  3,  1,  p.  319)  :  voilà  ce  que  Philon  voit  dans  les  minuties  du  Lévilique. 
L'allégorie  d'Adam  est  empruntée  aux  Allégories  de  la  Bible,  3,  passim,  en  particulier  pp.  160  sqq. 
et  227  sqq.  Mais  Bodin  n'y  en  trouve  que  l'amorce  :  Adam  considéré  comme  l'entendement,  Eve 
comme  le  sens  brutal,  le  serpent  comme  la  volupté  tentatrice  (cf.  supra,  pp.  5(15-566  et  notes). 
Il  continue  ensuite  à  son  propre  compte,  avec  une  érudition  el  une  subtilité  dignes  de  Philon. 
L'allégorie  était  d'ailleurs,  à  force  de  pareilles  lectures,  devenue  un  goût  personnel  chez  lui  : 
voyez  celle,  originale,  je  crois,  de  la  course  de  chevaux,  infra,  p.  611. 

B  Contresens  :  NMD  in  doloribus  vero  el  œrumnis  adeundis  malorum  finem  posuerunt, 
=  [les  voluptueux  qui]  ont  placé  le  comble  du  malheur  dans  le  fait  d'affronter  la  douleur  et  l'in- 
fortune. Pour  l'homme  sage  et  religieux,  explique  Philon,  la  vraie  misère,  c'est  de  s'abandonner 
à  la  volupté.  Le  voluptueux  supporte  la  douleur  malgré  lui,  comme  l'esclave,  les  coups;  mais  le 
sage  s'y  expose  volontiers,  comme  aux  coups,  le  lulleur.  Allégories,  3,  p.  211  sq. 

(C)  <■  Elle  [la  sapience]  est  l'arbre  de  vie  à  ce-ix  qui  la  prendront  :  et  qui  la  tiendra  il  sera 
»  bienheureux  ».  l'rov.,  3,  11.  Cf.  11,  30  et  13,  12. 

(D)  Genèse,  3  à  5. 

(E)  Erreur.  B  a  lu  certainement  boni  ac  mali  iudicem  au  lieu  de  indicem.  Allusion  à  Genèse, 
2,  17  :  «  Mais  de  l'arbre  de  science  du  bien  el  du  mal,  tu  n'en  mangeras  point  :  car  dès  le  iour 
»  que  lu  mangeras  d'iceluy,  lu  mourras  de  morl  ». 


18-4  JEAN    BODIN 

encores  a  Adam  vn  remède  salutaire  en  luy  disant  :  Peut  estre  (A)  coupera  il 
du  bois  de  vie  &  vinra  éternellement  [g). 

Federicu.  —  Salomon  sest  pris  luy  mesme  dans  ses  propres  filets.  Ne  voyez 
vous  pas.(/i)  (B)  que  par  ce  bois  salutaire  de  vie  est  désigné  manifestement  le 
bois  de  la  croix  de  Christ  (i)  en  qui  nous  debuons  (/)  mettre  tout  lespoir  de 
nostre  salut? 

Salomon.  —  Cette  explication  ne  conuient  non  plus  aux  parolles  qu'vne 
chose  ronde  a  vue  chose  quarrée.  Car  il  y  a  le  mot  hébreu  qui  (k)  signiffie 
fruict,  el  non  pas  bois.  Et  tout  ainsy  que  la  résipiscence  d'Adam  luy  a  rendu 
son  innocence  &  engendre  son  salut  éternel  :  ainsy  il  est  permis  a  vn  chascun 
de  nous  (et  le  sera  tousiours  par  la  grâce  de  Dieu  qui  ne  manquera  iamais  a 
personne)  de  quitter  les  conuoitises  desordonnées  pour  rentrer  dans  la  droicte 
raison  et  passant  des  sensualitez  a  la  méditation  des  intelligences  (C)  acquérir 
cette  vie  salutaire  &  éternelle  sans  aucune  immolation  de  bestes  ny  mort 
dhomme. 

[Dans  un  cantique  en  octosyllabes,  Octave  proleste  contre  la  rancune  des 
chrétiens  à  l'égard  d'Adam,  prétendu  corrupteur  de  l'humanité.  Adam  a  payé 
ses  faules.  Nous  paierons  les  nôtres.  Nous  sommes  libres  et  responsables  de 
nous-mêmes,  574  bisoll.  La  faveur  de  Dieu  pour  les  grands  hommes  de 
l'Ancien  Testament  prouve  l'inexistence  de  la  tache  originelle,  578.  Ne  croyons 
pas,  continue  Octave,  que  si  Adam  est  mort,  c'est  en  punition  du  péché  ori- 
ginel :  c'eût  été  pour  lui  une  destinée  misérable  que  de  ne  quitter  jamais  sa 
prison  de  chair,  580.  Curce  exposant  que  S.  Paul,  Gai.,  2,  16  et  5,  4,  a  déclaré 
la  loi  impossible  à  suivre  sans  le  secours  de  J.-C,  Salomon  lui  oppose  des 
textes,  Ps.  118,  86;  Pruv.,  4,  4,  où  Dieu  promet  sans  restriction  le  salut  aux 
observateurs  de  sa  loi.  Puis  il  entonne  un  cantique  de  son  cru,  582-586. 
Coroni  prétendant  que  la  loi  est  seulement  un  acheminement  à  la  nouvelle 
alliance,  Salomon  rétorque  que  Moïse,  si  complet  &  si  minutieux,  n'a  jamais 
soufflé  mot  d'un  rédempteur  :  c'est  que  l'homme  est,  grâce  au  libre  arbitre, 
mis  à  même  de  mériter  ou  non  son  salut,  5871. 


(g)  MU  vivel  seternum.  N  in  seternum.  —  (h)  N  non.  MD  num.  —  (i)  N  omet  Christi.  —  (,/]  N 
debemus.  MU  debeamus.  —  (k)  ML)  qua  significalur  (antécédent  :  vox  hebraïca).  N  quo. 

(A)  Dieu  a  plutôt  l'air  de  le  redouter  que  de  l'espérer.  11  chasse  Adam  du  paradis   terrestre, 
»  de  peur  qu'il  n'auance  la  main,  et  prenne  aussi  de  l'arbre  de  vie,  et  en  mange,  el  viue  a  tous- 
»  ioursmais  ».  Genèse,  3,  22. 
B)  MD  num.  Cf.  p.  223  note  B. 

(C)  Du  monde  des  sens  an  monde  de  l'entendement  pur,  MD  asensibus  adintelligibilia.  Pensée 
et  expression  sont  de  pur  Pbilon.  —  En  ce  qui  concerne  l'inutilité  des  sacrifices,  cf.  Philon,  Des 
sacrifices,  cité  p.  573  bis  note  A  :  el  Hept.,  IV,  p.  273  :  «  (Je  ne  l'ut  que  par  sa  bonté  [de  Dieu]  et  sa 
»  prouidence  que  Vespasian  l'empereur  (il  brusler  le  temple  de  Hyerusalem  ou  il  estoil  permis  de 
»  sacrifier  des  bestes  et  non  ailleurs,  a  fin  que  nous  sçachions  que  ce  nesl  pas  par  des  troupeaux 
»  de  bœufs  et  de  moutons  présentez  en  sacrifice  que  nous  pouuons  effacer  nos  péchez  el  en  obtenir 
»  le  pardon  ».  Sur  les  sacrifices  humains,  cf.  p.  271  ^histoire  de  la  fille  de  Jephté)  et  note  C. 


DES    SECRET»    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  185 

Le  problème  du  libre  arbitre,  en  lien  étroit  avec  ceux  de  la  grâce 

et  du  péché  originel. 

15881  Curce.  —  Qui  est  ce  qui  ne  sçait  pas  (a)  qu'Adam  par  son  péché  ainsy 
que  sa  postérité  n'ait  perdu  le  libre  arbitre  que  Dieu  luy  auoit  donné  ? 

Goroni.  —  II  a  esté  ainsv  arresté  dans  la  confession  d'Augsbourg  et  plusieurs 
instruicts  de  la  nouuelle  religion  ont  esté  de  cette  opinion  contre  ce  qui  est 
porté  par  les  statuts  de  l'Eglise  romaine  (A).  Et  en  effect  en  quoy  les  hommes 
seroient  ils  différents  (b)  des  brutes  si  Ion  leur  oste  la  volonté? 

Federich.  —  La  volonté  de  faire  mal  na  point  esté  ostée  a  Adam,  mais  celle 
de  faire  bien.  Car  (c)  (dict  S.  Paul)  (1)  ie  ne  fais  pas  cella  par  ce  que  ie  veux 
bien  faire,  mais  par  ce  que  ie  ne  veux  pas  faire  mal,  ie  fais  cella  (B). 

Toralbe.  —  Expliquez  moy,  ie  vous  prie,  comme  lentend  S.  Paul.  Car  si 
nous  nous  en  rapportons  a  ce  quil  escript  nous  naurons  plus  la  liberté  de 
faire  ny  bien  ny  mal  (d)  et  il  ne  faudra  plus  establir  de  recompense  pour  le 
bien  et  de  punition  pour  les  crimes.  Car  y  a  lil  lieu  de  reprendre  celluy  qui 
pèche  par  nécessité  ?  dira  ton  qu'il  mérite  chastiment  quelque  leiger  quil 
puisse  estre,  puisquil  ny  a  point  de  péché  que  dans  la  volonté  (2)  et  mesmes  de 
propos  délibéré  (C)  ?  Que  si  nous  aduouons  qu'on  punit  les  criminels  auec 
équité  par  ce  quils  [589;  ont  e)  libre  la  volonté  de  faire  par  laquelle  ils 
peuuent  donner   vne   bride   aux  conuoitises  effrénées  et   mesmes  forcer  les 

(1)  Ad  Roman.,  c.  9.  —  (2)  Augustin.,  lib.  3.  de  libero  arbitrio  (D). 


(a)  ND  dubilat.  M  dubitet.  —  6)  V  differt.  MD  différai.  —  (c  V  Nonne  inquil  Paulus  :  quod 
volo  bonum,  hoc  non  ugo.  MD  Sun  enim,  inquit  Pau  lus,  quod  volo  bonum,  hoc  facio.  —  (d)  N 
nec  bene  nec  maie  anendi  locus  ullus  homini  relinquitur  nec  eliam...  MD  relinquelur  nec 
item...  —  [e]  N  haberent.  MD  habent. 

(A)  Faux  sens.  MD  contra  quant  [sententiam]  ecclesiœ  Ro7nanse  omnibus  sententîis  decretum 
videmua,  =  opinion  que  l'Eglise  romaine  a  combattue  dans  toutes  ses  décisions.  —  On  connaît 
la  querelle  célèbre  de  Lullier  et  d'Erasme  sur  celte  question,  l'un  écrivant  un  De  libero  arbitrio, 
1524,  auquel  l'aulre  réplique  par  son  De  servo  arbitrio,  1525.  Au  moment  de  la  confession  d'Augs- 
bourg,  1530,  «  Luther  éloil  revenu  des  excès  qui  lui  faisoient  dire  que  la  prescience  de  Dieu 
»  melloit  le  Libre-Arbitre  en  poudre  dans  toutes  les  créatures;  et  il  avoil  consenti  qu'on  mît  cet 
»  article  dans  la  confession  d'Augsbourg  :  Qu'il  faut  reconnoîlre  le  Libre-Arbitre  dans  tous  les 
»  hommes  qui  ont  l'usage  de  la  raison  non  pour  les  choses  de  Dieu,  que  l'on  ne  peut  commencer 
»  ou  achever  sans  lui,  mais  seulement  pour  les  œuvres  de  la  vie  présente  et  pour  les  devoirs  de 
»  la  société  civile.  Art.  XVIII  ».  Bossuet,  Hist.  des  variations,  Paris,  Lemercier,  1743,  in-4°,  I, 
p.  143.  A  quoi  le  concile  de  Trente  réplique  :  «  Si  quelqu'un  dit  que  le  libre  arbitre  de  l'homme 
»  n'agit  pas  plus  qu'un  être  inanimé  et  demeure  passif,  qu'il  soit  analhème  !  »  Sess.  6  de  htstifica- 
lione,  can.  4.  Plus  lard,  les  Luthériens,  dans  leur  Concorde  de  1580,  employèrent  des  formules 
beaucoup  plus  tranchantes  contre  le  libre  arbitre.  Cf.  Bossuet,  o.  c,  VIII,  48  sqq.  et  pp.  329  sqq. 
B  Non-sens.  Voici,  référence  corrigée,  le  texte  :  «  Car  je  ne  fais  pas  le  bien  que  je  veux,  mais 
»  je  fais  le  mal  que  je  ne  veux  pas...  Lors  donc  que  je  veux  faire  le  bien,  je  trouve  en  moi  une 
»  loi  qui  s'y  oppose,  parce  que  le  mal  réside  en  moi  ».  Ad  Rom.,  7,  l'.l  Ce  verset  est  signalé  à 
Bodin  par  Aagukl\n,Retractation.,  1, 15,  2,  qui  a  beaucoup  frappé  Bodin  (cf.  supra,  $.  227,  note  P) 
et  où  Augustin  discute  précisément  la  valeur  morale  du  verset. 

(C)  Inexact.  MD  immo  quidem  spontaneum,  —  et  qu'il  n'y  a  même  péché  que  dans  le  propre 
mouvement,  l'initiative  personnelle  du  coupable.  Un  crime,  conseillé,  est  moins  grave. 

'D)  Cf.  supra,  pp.  565  et  227,  notes. 


186  JEAN    B0D1N 

astres  (3)  comme  dicl  Ptolomée  dans  son  Centiloque,  enfin  quelle  est  cette 
pensée  doster  a  lhomme  lusage  de  la  raison,  cest  a  dire  la  liberté  de  vouloir 
quoy  que  Ion  ne  puisse  pas  appeller  volonté  ou  il  y  a  contraincte.  Cest  pour- 
quoy  ceux  la  sont  dispensez  de  la  loy  que  la  force  vne  crainte  iuste  ou  la 
fureur  auront  induict  a  quelque  action  (A). 

Coroni.  —  Pour  moy  telle  est  mon  opinion  que  ceux  la  qui  ostent  a  lhomme 
le  libre  arbitre  pour  bien  faire  cherchent  les  moyens  de  cacher  leurs  crimes 
et  ouurent  la  porle  a  touttes  sortes  de  vices  (f)  a  fin  de  rappeler  cette  malheu- 
reuse nécessité  des  Stoïques  condamnée  par  tous  les  Théologiens  et  par  tous 
les  Sages  :  dou  est  sorty  ce  paradoxe  :  plusieurs  seront  damnez  a  toutte  éter- 
nité lesquels  encores  quils  leussent  souhaité  ardemment  nont  cependant  iamais 
sceu  faire  bien  et  dautres  tellement  destinez  a  la  grâce  quil  ne  leur  eust  pas 
esté  possible  de  faire  mal  quand  bien  ils  leussent  voulu  (B). 

Toralbe.  —  Ce  discours  rustic  (4)  (C)  de  gens  paresseux  et  ignorans  doibt 
eslre  faict  plustost  pour  rire  que  pour  raisonner.  Tout  de  mesmes  que  cet  (g) 
Académicien  (5)  qui  éluda  la  proposition  dun  certain  Stoïcien  qui  le  consul- 
toit  pour  sauoir  sil  se  marieroit  pour  auoir  des  enfans  par  cette  repartie  : 
Pourquoy  voulez  vous  mettre  vne  femme  dans  vostre  maison?  c;ir  si  vous 
voulez  auoir  des  enfans,  vous  en  aurez  bien  sans  femme. 

(3)  Ptolemreus  in  Centiloquio  (D).  -  (4)  "Apyo;  Xoyoç,  oratio  iners.  — 
(5)  Origenes  contra  Celsum  (E). 


(/')  N  flagitiis  omnibus  portas  aperire.  MD  omnium.  —  (g)  N  quidem.  MD  quidam  Acade- 
micus. 

(A)  Cf.  su/ira,  p.  351  note  E. 

(B)  <•  Celle  certitude  que  Luther  reconnaissoil  seulement  pour  la  justification,  fut  étendue  par 
»  Calvin  jusqu'au  salut  éternel  :  c'est-à-dire  qu'au  lieu  que  Luther  vouloil  seulement  que  le  fidèle 
»  se  tînt  assuré  d'une  certitude  infaillible  qu'il  éloil  justifié,  Calvin  voulut  qu'il  tînt  pour  certaine, 
»  avec  sa  justification,  sa  prédestination  éternelle  ».  Bossuel,  Var.,  9,  p.  337. 

(C)  L'argument  paresseux  est  un  des  sophismes  de  la  dialectique  antique  et  a  pour  but  de 
décourager  toute  initiative.  Voici  l'exemple  qu'en  donne  Cic,  DeFato,  12  :  Si  vous  devez  guérir, 
vous  guérirez.  Si  vous  ne  devez  pas  guérir,  vous  ne  guérirez  pas.  Dès  maintenant  le  deslin  a 
fixé  l'un  ou  l'autre  :  le  médecin  est  donc  inutile.  Bodin,  avec  un  pédanlisme  digne  de  son  temps, 
et  qui  a  égaré  B,  compare  le  dogme  de  la  prédestination  à  Y  argument  paresseux  :  tous  deux 
détruisent  l'énergie  et  la  valeur  morale  de  l'homme. 

(D)  «  Polest  qui  sciens  est  mullos  stellarum  affectus  averlere,  quando  naturam  earum  noverit, 
»  ac  se  ipsum  anle  illorum  eventum  pra?parare  ».  PLolémée,  Les  cent  aphorismes  ou  Fruit,  sen- 
lentia  5,  dans  la  trad.  lat.  jointe  aux  Astronomiques  de  J.  Firmicus  Maternus,  Bâle,  .1.  Herva- 
gius,  1533  ou  dans  celle  de  Schreckenfuchs,  Bâle,  Henricpelrus,  1549,  in-fol.  C'est  la  doctrine 
constante  de  Bodin  (et  par  où  il  corrige  sa  croyance  à  l'astrologie)  que  nous  ne  sommes  pas 
sujets  aux  astres  absolument.  «  Aben  Esra  grand  astrologue  entre  les  lui  f  s  dict  que  les  enfans 
»  d'Israël  ne  sont  point  subiecls  aux  astres,  il  entend  tous  ceux  qui  se  fient  en  Dieu  ».  Déyyion., 
1,  5,  p.  114.  Cf.  Th.  nal.,  5,  7,  p.  887  et  5,  9,  p.  S90  sq.  ;  Rép.,  IV,  2,  pp.  392  el  397.  Bodin  trou- 
vait d'ailleurs  cette  doctrine  dans  deux  de  ses  auteurs  favoris  :  Augustin,  De  civ.  Dei,  5, 1  el  6  ;  et 
Calvin,  Contre  les  astrologues,  «  ou  il  [Calvin]  a  esté  conlninct  d'aduouor  les  effects  esmerueil- 
»  labiés  des  astres  :  adiouslant  seulement  que  Dieu  esl  par  dessus  loul  cela  et  qu'il  ne  faut  rien 
»  craindre  a  celuy  qui  se  fie  en  Dieu  ».  Démon.,  I.  c. 

(E)  J'ai  lu  tout  le  Contra  Celsum  sans  y  rencontrer  cette  histoire,  dont  d'ailleurs  l'allicisme 
m'échappe. 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SUBLIMES  187 

Salomon.  —  Comme  (h)  vue  erreur  en  entraisne  [590J  vue  infinité  dautres, 
ainsy  de  ce  péché  originel  qui  nest  rien  (A)  les  Chrestiens  veulent  oster  aux 
hommes  (i)  la  volonté  de  bien  l'aire  et  croient  par  la  quils  ont  tous  (/)  mérité 
des  supplices  éternels.  Or  ce  seroit  en  vain  que  Ion  auroit  l'aict  (/,;,  des  loix  et 
les  promesses  de  Dieu  seroient  illusoires  [l)  si  l'obseruation  des  loix  diuines 
nestoit  pas  du  pouuoir  de  L'homme  ny  (m)  mesmes  de  sa  volonté  (B). 

Curce.  —  Voila  (n)  qui  est  fort  bien  dict,  mais  ie  ne  voy  pas  pourquoy  on 
donneroitvn  libre  arbitre  a  Adam  après  sa  eheute  puisquil  ne  lauoit  pas  aupa- 
rauant.  Car  si  la  prescience  tic  Dieu  ne  peut  estre  trompée,  il  a  esté  néces- 
saire qu'Adam  pechast  :  car  Dieu  ne  preueoit  pas  seulement  les  faicts  et  les 
dicts,  mais  encores  touttes  les  pensées  long  temps  auant  qu'elles  soient 
conceues  et  iamais  ny  peut  estre  trompé.  Et  partant  de  faire  bien  ou  mal  ne 
despend  point  de  nostre  volonté,  mais  dune  nécessité  :  ainsy  iamais  personne 
na  iouy  du  libre  arbitre. 

Senamy.  —  Tout  ainsy  que  Dieu  veoif  comme  dans  vn  grand  miroir  (o)  (C) 
vu  voyageur  qui  doibt  tomber  entre  les  mains  des  voleurs  par  ce  quil  sest 
deslourné  de  son  droict  chemin,  ce  nest  pas  par  ce  que  Dieu  la  preueu  que 
cella  doibt  estre,  mais  plustost  parce  que  la  chose  doibt  arriuer  Dieu  la 
preueuë  (p).  El  partant  ce  nest  point  par  nécessité  que  les  choses  que  Dieu  a 
preueuës  arrivent. 

Curce.  —  Si  la  prouidence  de  Dieu  suiuoit  les  choses  humaines,  comme 
vous  le  dictes  [591],  Senamy,  son  éternelle  prescience  (q)  despendroit  de 
lopinion  incertaine  des  hommes  qui   peut  changer  et  estre  trompée  (D)  :  ce 


(h)  MD  Ut  enim.  N  Ut.  —  [i  N  omet  hominibus. —  (j)  MD  om>ies  mor laies.  N  omet  omnes.  — 
(k)  MD  al  frustra  leges  juberentur.  N  juberent.  —  (l)  M  et  inania  forent  (D  ferent,  inadver- 
tance) dïvina promissa.  N  promissa  prsemia.  —  (m)  MD  al  ne  voluntatis  qu'idem.  N  ac. — 
(n)  MD  Isla  (N  lia)  quidem  praeclare.  —  (o)  M  e  spécula.  D  e  spécule.  N  de  spécula.  — 
{p)  N  quia  id  futuium  esse  (MD  est.  seul  correcL),  Deus  (MD  illud)  prospexit.  —  {q)  M  seterna 
Dei  prœscienlia.  ND  aeterni. 

(A)  MD  quud  nullum  esf,  —  qui  est  imaginaire.  Sur  l'idée,  cf.  supra,  pp.  565  note  B  el  579. 

(B)  «  Or  que  la  grâce,  la  vie  el  le  salut  soyeuL  proposés  a  ceux  qui  embrasseront  la  loy  nous  le 
»  voyons  en  mil  endroicLs  :  Fais  cella  et  tu  viuras.  Elle  est  ta  vie,  elle  est  ton  salut.  Toulles  ces 
»  promesses  de  Dieu  seront  donc  des  mensonges?  Pourquoy  le  très  sage  Salomon  appelle  il  la 
»  loy  de  Dieu  le  bois  des  vies,  assauoir  de  la  présente  el  de  celle  que  nous  espérons  après  celle 
»cy?  ».  Ainsi  parlait  déjà  Salomon,  supra,  p.  5S4;  el  il  alléguait  :  Proverb.,  4,  4,  13,  22  el  32; 
Deuf.,  28,  1  à  15  et  30,  11  :  «  Ce  commandement  que  ie  te  commande  auiourd'huy  n'est  point  par 
»  dessus  toy,  et  n'en  esl  point  loin  »;  l'rov.,  3,  18  :  «  Elle  [la  sapience]  est  l'arbre  de  vie  a  ceux 
»  qui  la  prendront  ». 

(G)  M  e  spécula,  du  haut  d'un  observatoire,  convient  seul  au  contexte  :  à  quoi  servirait  un 
miroir  pour  suivre  des  yeux  le  voyageur?  —  A  côté  de  cela,  notons  la  parenté  de  H  avec  D  jus- 
qu'en ses  fautes  :  e  speculo. 

D)  MD  ab  hominum  opinionp  mutabili  ac  fallaci.  Tout  le  couplet  de  Curce  repose  sur  le 
mol  opinio  (=  conjecture;  croyance  qui  atteint  la  vraisemblance,  non  la  certitude).  Celle  sorte 
de  connaissance  sied  à  l'homme,  mais  non  à  Dieu,  infaillible,  qui  n'opine  iamais  (ci.  supra,  IV, 
p.  235,  note).  —  Quant  à  fallaci,  je  l'entends  :  qui  peut  tromper,  décevoir  [la  prescience  de  Dieu]  ; 
ainsi  les  voleurs  peuvent  avoir  l'intention  d'arrêter  le  voyageur,  puis,  au  dernier  moment,  étant 
des  hommes,  changer  d'avis,  el  jouer  ainsi  la  prescience  divine.  Ce  qui  a  égaré  B,  c'est  qu'un  peu 
plus  bas  (fallax  est  ejus  [se.  Dei]  opinio),  Bodin  l'emploie  dans  le  sens  évidenl  de  sujette  à 
erreur. 


188  JEAN    BODIN 

qui  ne  peut  pas  estre.  Car  comme  la  science  ou  connoissance  dune  chose  pré- 
sente se  porte  a  ce  qui  est  présent,  ainsy  la  prouidence  de  Dieu  regarde  les 
choses  qui  doibuent  arriuer.  Pour  sçauoir  ce  que  ie  sçay  présentement  nest  il 
pas  nécessaire  que  cella  soit  ainsy  (»■)?  Donc  la  prescience  de  laduenir  est 
pareillement  nécessaire  en  Dieu  qui  nopine  iamais.  Ce  questant  receu  il  fault 
nécessairement  que  le  libre  arbitre  soit  aneanty.  Autrement  si  la  prouidence 
de  Dieu  nest  pas  nécessaire,  son  opinion  est  trompeuse  (A.),  ce  quil  nest  pas 
licite  de  penser.  Cest  donc  inutillement  que  nous  fuyons  ce  qui  est  honteux 
pour  suiure  ce  qui  est  honneste. 

Tokalbk.  —  le  ne  voy  point  qu'  (s)  Aristote  (B)  responde  aux  arguments  des 
Sloïques.  Car  quoy  que  les  choses  qui  despendent  de  l'aduenir  puissent 
arriuer  aussitost  dune  façon  que  dune  autre,  elles  ne  peuuenl  pourtant  pas 
se  soustraire  a  la  prescience  de  Dieu,  par  ce  quil  ne  preuoit  pas  les  choses 
comme  devant  arriuer,  mais  comme  présentes  (6),  tout  estant  présent  a  Dieu 
a  lesgard  duquel  il  ny  a  ny  passé  ny  aduenir  (C).  Tout  est  neantmoins  libre 
aux  hommes  a  fin  quil  ne  semble  pas  que  la  prouidence  de  Dieu  (/)  despende 
de  la  volonté  dun  particulier  qui  est  changeante  :  il  preuoit  mesmes  ces 
changemens,  cependant  le  libre  arbitre  n'est  osté  a  personne  (m)  pour  cella. 
Et  par  cette  raison  iestime  auoir  satisfaict  aux  argumens  pernicieux  des 
Sloïques  (v)  (D). 

Salomon,  lui,  s'en  tient  aux  oracles  de  la  loi  de  Dieu  :  ils  ont  promis  cent 
fois  la  vie  éternelle  aux  hommes  qui  la  mériteraient.  Cela  tranche  à  ses  yeux 
la  question  du  libre  arbitre,  592]. 

[592]  Octaue.  —  Il  sensuit  donc  que  Dieu  veult  sauuer  tous  les  hommes  et 
quils  le  connoissent  (E). 

<ti)  Boet.  de  consolât,  philos. 


[r  MD  jam  vero  id  quod  scio  nunc,  necesse  est  ipsum  esse.  .Y,  à  lorl,  repousse  la  virgule 
avant  nunc.  —  (s)  Ar  qui.  MD  qua  ralione.  —  [t)  N  providentiel.  MD  dlvina  providentiel.  — 
\u)  MD  nec  proplerea  liberum  arbitrium  cuiquam  (N  cuique,  peu  correct)  est  ademptum.  — 
{v)  MD  fatalium  (N  falalihus)  Stoïcorum  argumentis. 

(A  MU  fallax,  =  sujette  à  erreur.  Ce  n'est  pas  nous  surtout  qu'elle  risque  de  tromper,  c'est 
lui. 

(B)  Allusion  aux  6  premiers  chap.  d'Aristole,  Mor.  à  Nicomaque,  liv.  3,  où  l'auteur  expose  sa 
théorie  de  la  liberté  humaine,  l 'A',  la  préface  de  Barthélémy  Saint-Hilaire,  dans  sa  traduction, 
pp.  135  sqq. 

G)  Boèce,  De  consolalione  philosophiœ,  lib.  5,  prosa  3,  metrum  3  et  prosa  4  (Migne  t.  1, 
col.  838  850),  montre  l'antinomie  apparente  entre  la  prescience  divine  et  la  liberté  humaine,  et  la 
résout,  comme  l'indique  Bodin,  en  montrant  l'impuissance  de  la  raison  humaine  à  concevoir  que 
Dieu  connaisse  comme  un  présent  ce  qui  est  pour  nous  l'avenir;  ou,  pour  mieux  dire,  que  Dieu, 
éternel,  n'ait  pas  une  pensée  soumise,  comme  la  nôtre,  à  la  catégorie  du  temps. 

JD)  MD  fatalium  Stoïcorum  argumentis,  =  aux  arguments  des  Stoïques,  partisans  du  déter- 
minisme. Il  semble  d'ailleurs  que  R  ait  traduit  un  lexle  semblable  à  N  falalibus,  plus  aisé  à 
expliquer  :  car  argumenta  falalia,  raisons  en  faveur  de  la  nécessité  du  destin,  est  d'un  latin 
plus  facile  que  Stoïci  fatales. 

(E)  Entendez  :  et  les  amener  à  le  connaître.  MD  et  ad  sui  cognitionem  perduci.  —  Octave 
vient  de  citer  Osée,  13,  9  :  «  Perdilio  tua  ex  le,  Israël,  salus  vero  tua  ex  me  est  ». 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  189 

Cukce.  —  Voila  vn  passage  qu'Octaue  a  emprunté  de  l'Euangile  (/)  sil  le 
veult  aduouer  (m)  :  que  sil  le  nie  ie  diray  quil  la  desrobé. 

Fedehicu.  —  Voire  quil  faict  vn  sacrilège. 

Salomon.  —  Il  faudroit  (n)  que  Ion  eust  emporté  dun  lieu  sacré  quelque 
chose  de  sacré  malgré  les  gardes  (A.),  encores  que  tout  ci;  qui  est  de  bon  (o) 
quel  qu'il  soit  dans  les  escripts  des  apostres  et  des  disciples  ayt  esté  tiré  des 
liures  de  nos  ancestres.  Or  quant  a  ce  que  dict  Paul  (4),  Deus  vult  omnes 
saluos  |593^  fieri,  Dieu  veult  que  tous  les  hommes  soient  sauuez,  en  a 
trompé  beaucoup  lesquels  simaginent  que  Dieu  ayt  faict  ce  commandement 
par  vne  volonté  souueraine  a  la  puissance  de  laquelle  personne  ne  sçauroit 
résister  et  par  conséquent  que  personne  ne  seroit  damné  (H).  Ce  que  les 
Théologiens  chrestiens  (5)  ayant  trouué  absurde,  pour  ne  rien  imputer  a 
S  Paul  que  de  judicieux  ils  ont  donné  celte  interprétation  a  ces  parolles, 
assauoir  que  Dieu  veult  que  tous  ceux  la  soient  sauuez  qui  le  seront.  Par  la 
mesme  raison  que  S.  Iean,  c.  Ie'',  dict  que  Dieu  illumine  tout  (p)  homme  qui 
vient  en  ce  monde,  cest  a  dire  tous  ceux  quil  illumine.  Mais  il  vauldroit 
mieux  effacer  ces  paroles  de  Paul  &  de  Iean  que  de  leur  donner  vne  telle 
explication. 

Senamy.  —  le  ne  sçaurois  iamais  mimaginer  que  Dieu  ayt  iamais  reprouué 
personne  (q)  auant  que  de  naistre  estant  clairement  escript  dans  Ezechiel  (C) 
quil  ne  se  délecte  point  de  la  perte  dun  peuple,  combien  moins  de  celle  dun 
malheureux  petit  innocent  que  Ion  veut  quil  [sic]  soit  destiné  a  la  mort,  a  la 
géhenne  et  a  des  tourmens  éternels. 

[Coroni  invoque  Origène,  Salomon  la  lettre  de  Maïmonide  Contre  les  astro- 
logues en  faveur  du  libre  arbitre,  594-590.  Curce  déclare  qu'on  ne  peut 
accomplir  les  prescriptions  de  la  loi  sans  l'aide  de  J.-C,  597J. 

(4)  Epist.  I  ad  Tïmolhieum,  c.  2.  — (5)  Petr.  Lombard.,  lib.  2  Sententiarum, 
distinct.  ï6  (D). 


[I)  NM  ex  evangelids  (D  Evangeliis,  faute)  seriptis.  —  [m]  ND  si  faletur.  M  fateatur,  incor- 
rect :  M  même  continue  si  negat.  —  [n)  N  oporlet.  MD  opcrteret.  —  [oj  MD  qiadquid  utile  est, 

etc.,  totum,  inquam N  omet  lolum,  inquam.  —  [p)  MD  omnem    omis  par  N)  hominem.  — 

<{   SI)  quemquam,  plus  correct  dans  une  prop.  négative.  M  quemcumque. 

(A)  Salomon  définit  les  conditions  juridiques  du  sacrilège  proprement  dit  :  elles  ne  répondent 
pas  au  délit  reproché  à  Octave.  Celte  leçon  de  droit  est  une  façon  détournée,  et  crue  spirituelle, 
de  l'excuser.  Cf.  mon  Jean  Bodin,  2,  1,  p.  10G  note  2. 

(B)  /  ad  Tunoth.,  2,  4.  Je  ne  crois  pas  que  Salomon  attaque  ici  les  calvinistes,  lesquels  soutien- 
nent seulement  que  tous  ceux  qui  ont  la  foi  et  qui  sont  prédestinés  par  la  grâce  divine  au  salut, 
seront  sauvés.  Car  un  grand  nombre  sont,  dans  leur  conviction,  prédestinés  à  l'enfer.  Salomon 
songe  plutôt  à  ces  chrétiens  que  combat  Augustin,  de  Civ.  Dei.,  21,  18,  et  qui  pensent  qu'aucun 
homme  ne  sera  damné  au  dernier  jugement. 

(C)  Ezechiel,  18  et  33,  passim.  —  On  a  d'abord  peine  à  comprendre  le  lien  de  la  réflexion  de 
Senamy  avec  ce  qui  précède;  toutefois  il  apparaît  bientôt  qu'elle  aussi  est  une  protestation 
contre  toute  doctrine  qui,  par  la  prédestination,  ruine  le  libre  arbitre,  la  responsabilité,  le  mérite 
ou  démérite,  etc. 

(D)  Référence  erronée.  Lisez  :  Lombard,  I,  40,  C.  —  Voici  le  texte  de  Jean,  1,9:  «  C'était  la 
»  vraie  lumière,  qui  éclaire  tout  homme  venant  au  monde  ». 


190  JEAN    BODIN 

La  loi  juive   n'est  pas  impossible  à  suivre  et  ne   rend  pas  le   salut 
inaccessible,  comme  le  voudrait  saint  Paul. 

[597]  Salomon.  —  On  remarque  souuent  que  S.  Paul  tronque  les  termes  de 
la  loy  de  Dieu  et  des  prophètes  et  y  augmente  ou  leur  donne  vn  sens  contraire 
a  leur  signification.  L'exécration  (a)  de  la  loy  de  Dieu  (7)  est  conceue  en  ces 
termes  (A)  :  Que  celluy  la  soit  exécrable  qui  ne  croira  pas  aux  parolles  de  la 
loy  a  fin  de  les  accomplir  (b).  Car  le  mot  signiffie  approuuer  et  tenir  pour 
certain  a  ce  que  disent  Onkelus  et  Ionathas  le  Chaldeen  (8).  Ce  que  Hyere- 
mie  (8)  explique  plus  clairement  :  Que  celluy  la  (dict-il)  soit  exécrable  qui  ne 
recepuroit  point  (c)  lalliance  que  iay  contractée  auec  vos  ancestres  (C), 
laquelle  explication  est  tout  a  faict  contraire  aux  parolles  de  Paul  :  car  il 
fulmine  anatheme  contre  ceux  qui  naccompliront  pas  (d)  la  loy,  ce  qui  ne  se 
trouuera  en  aucun  lieu  des  loix  sacrées,  mais  bien  que  celluy  la  est  tenu  pour 
exécrable  qui  naura  pas  croyr.nce  a  la  loy  de  Dieu  ny  a  son  alliance.  De  la  est 
sortie  vne  autre  erreur,  assauoir  que  celluy  qui  sescarte  de  la  loy  en  vn  seul 
poinct  il  est  coulpable  en  tous  les  autres,  comme  dit  Iacques  (9)  dans  [598] 
son  Epistre  (D).  Laquelle  neanlmoins  Eusebe  (i)  et  Hyerosme  (2)  reiettent 
comme  apocriphe  :  'Istéov  (e),  dict  Eusebe,  cb;  voOeûexat  (/"),  en  parlant  (g)  de 
cette  Epistre,  ainsy  que  Hyerosme.  Et  en  effect  celluy  qui  sera  conuaincu 
dauoir  desiobé  la  vache  dautruy  (h)  par  le  commandement  de  la  loy  en  resti- 

(7)  Deuteron.,  cap.  21.  —  (8)  Cap.  11.  —  (9)  Cap.  2.  —  (I)  Lib.  2,  c.  23.  — 
(2)  In  catalogo.  Et  Luther  de  captiui.  Babylonis  (E). 


a  N Exec ratio  (MD  Ma).  —  (b)  MN  ut  exequalur.  D  exœqualur,  inadvertance.  —  (c)  MN 
Execralus  eslo,inquit,  qui  nonaudier'U.D  audiret,  incorrect.—  (d)  MU  expleverint.  Nimpleve- 
rint.  —  (e)  DN  'luréov.  M  'iTxipov,  barbare.  —  (/)  MD  voOeuetcu.  N  voOEtkcOou,  incorrect.— 
[g)  MD  statueret.  N  statuent.  —  [h)  D  bovis  aliense  furtum.  M  alienis  (?).  .V  atieni,  erreur  : 
cf.  Lévitiq. 

(A)  Corrigez  la  référence  7  et  lisez  Deul.,  27,  26.  Voici  le  texte  de  la  Vulgate  :  «  Maledictus 
»  qui  non  permanet  in  sermonibus  hujus  legis  nec  eos  opère  perficil  ».  Dom  Galmet,  dans  sa 
Bible,  ajoute  que  non  seulement  le  texte  samaritain  de  S.  Paul,  Ad  Galat.,  3,  10,  mais  encore  les 
Septante  (qui,  eux,  n'élaient  pas  des  chrétiens)  interprétaient  «  in  omnibus  sermonibus  legis  ». 
C'est  ce  mot  omnibus,  que  Salomon,  après  avoir  cité  l'hébreu,  conteste.  J'avoue  mon  incompé- 
tence à  trancher  la  question,  mais  aussi  mon  peu  de  confiance  dans  le  bon  droit  de  Salomon  : 
tout  à  l'heure,  Curce  s'appuyait  sur  Deul.,  28,  15,  qui  est  incontesté  :  «  Que  si  Lu  n'obeïs  a  la  voix 
»  du  Seigneur  ton  Dieu,  en  gardant  et  taisant  tous  ces  commandemens  et  ces  cérémonies  que  ie 
»  te  prescris  auiourd'huy,  viendront  sur  loy  toutes  ces  malédictions  ».  Salomon,  au  lieu  de  dis" 
cuter  ce  texte,  qui  est  formel,  s'évade  et  en  allègue  un  autre. 

(B)  Sur  ces  interprètes,  cf.  supra,  IV,  pp.  271  note. 
(Ci  Jérémie,  11,  3  sq. 

(D)  «  Car  quiconque  ayant  gardé  toute  la  Loi  la  viole  en  un  seul  point,  est  coupable  comme 
»  l'ayant  toute  violée  ».  Jac,  2,  10. 

(E)  Eusebe,  //.  E.,  2,  23  (Migne  t.  2,  col.  206).  Voici  le  texte  de  Jérôme  :  «  Unam  scripsit 
»  Epislolam  quse  et  ipsa  ab  alio  quodam  sub  nomine  ejus  asseritur,  licet  paulalim  lempore  proce- 
»  dente  obtinueril  auclorilalem  ».  De  viris  illust.,  3.  —  «  Hanc  epistolani  non  esse  Aposloli 
»  Jacobi  nec  apostolico  spiritu  dignam,  multi  valde  probabililer  asserunt  ».  Luther,  De  captivi- 
tale  Babylonis,  De  sacram.  Extr.  Unclionis  (éd.  Rebart,  t.  2,  fol.  284  a  ou  éd.  de  Weimar,  t.  6, 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  l!U 

tuera  cinq,  et  pour  vne  brebis  quatre  (3)  :  mais  celluy  qui  naura  point  esté 
conuaincu,  mais  volontairement  rendra  la  vache  desrobée  [i)  en  sera  quitte 
pour  payer  encores  la  cinquiesme  partie  de  la  valeur  et  par  ce  qu'il  sest 
repenty  le  péché  luy  est  remis  (4).  Pour  celuy  qui  a  paillarde  [j)  qui  a  tué  ou 
qui  a  commisquelque  autre  péché,  puis  après  que  par  vn  sentiment  de  regret 
et  de  repentir  de  la  vie  quil  a  menée,  il  recompense  par  quelques  actions 
vertueuses  ses  premières  offenses  il  est  remis  en  tel  estât  quil  semble  quil  na 
point  péché  mais  quil  a  accompli  la  loy  par  son  repentir,  comme  il  a  esté  cy 
dessus  confirmé  par  lauctorité  d'Ezechiel  (5)  (A).  Car  sil  estoit  vray  ce  que  dict 
Paul  que  personne  autre  que  son  maistre  nayt  iamais  sceu  accomplir  la  loy 
et  que  personne  par  la  pratique  de  la  Loy  na  peu  acquérir  la  perfection  (B), 
Dauid  seroit  coulpable  dun  grand  mensonge  quand  il  prend  Dieu  a  tesmoing 
par  ces  parolles  :  lay  gardé  ta  loy,  ie  ne  me  suis  point  escarté  de  ta  loy,  ie 
nay  point  quitté  tes  commandemens  (6)  (C).  Or  il  appelleroit  Dieu  a  tesmoing 
de  son  mensonge.  Cependant  il  auoil  adiousté  (k)  Ihomicide  a  ladultere  (D)  : 
mais  par  ce  quil  sest  repenty  et  quen  partie  il  a  esté  chastié  pour  son  forfaict, 
il  a  mérité  le  pardon  :  car  cella  sappelle  obéir  a  la  loy,  obseruer  la  loy,  suyure 
la  loy  et  enfin  accomplir  la  loy.  Il  nest  donc  [599]  pas  véritable  que  celluy 
qui  a  péché  contre  vne  loy  soit  tenu  pour  coulpable  de  touttes  (E). 

[A  l'autorité  invoquée  par  Salomon,  Curce,  puis  Octave  répondent  par  des 
autorités  en  leur  faveur,  599  sq.  Chacun  résume  son  attitude  dans  la  question 
de  la  grâce.  Toralba  refuse  d'exclure  du  paradis  les  belles  âmes  du  paganisme. 
Federich  les  envoie  en  enfer,  ou  du  moins  aux  limbes.  Octave  met  le  salut 
dans  la  foi  pure,  Senamy  dans  les  bonnes  œuvres,  Coroni  dans  les  deux, 
bOl  sq.  Federich  conte  qu'à  la  diète  de  Ratisbonne  les  théologiens  catholiques 
se  seraient  avoués  convaincus,  sur  la  justification,  par  les  protestants,  n'eût 

(3)  Exodi  c.  22  (F).  —  (4)  Leuitici  c.  3  (G).  —  (5)  C.  33.  —  (6j  Psalm.  118. 


(i)  Ml)  furlivam  bovem,  S  furtivum.  —  (j)  N  mœchalur.  MU  mœchatus  est.  —  (k)  NU 
cumularat.  M  cumularel,  faute. 

p.  568).  Un  peu  plus  lard,  dans  sa  Préface  à  sa  traduction  allemande  du  vieux  Testament,  1522, 
il  l'appelle  une  vraie  épître  de  paille,  eln  recht  stroliern  Epistel.  Bossuet  s'indigne  là-contre, 
Var.,  3,  48,  p.  150. 

(A)  Ezéchiel,3S,  11-20. 

(B)  Plusieurs  passages  de  Paul  sont  tels  que  Salomon  puisse  y  faire  allusion  ici  :  «  Et  cepen- 
»  dant  sachant  que  l'homme  n'est  point  justifié  par  les  œuvres  de  la  loi,  mais  par  la  foi  en  J.-C, 
»  nous  avons  nous-mêmes  cru  en  J.-G.  »,  etc.  Ad  Gai.,  2,  16.  «  Pour  ce  qui  est  de  la  justice  de 
»  la  loi  ayant  mené  une  vie  irréprochahle  »,  il  déclare  voir  là  plutôt  un  désavantage  qu'un  avan- 
tage, et  il  ajoute  :  [Je  souhaite]  «  que  je  gagne  J.-C,  que  je  sois  trouvé  en  lui,  n'ayant  point  une 
»  justice  qui  me  soit  propre  et  qui  me  soit  venue  de  la  loi  ;  mais  ayant  celle  qui  naît  de  la  foi  en 
»  J.-G.  »,  etc.  Ad  Philipp.,  3,  6-10. 

(C)  Psaum.,  118,  14,  31,  55,  57,61,  63,  94,  100,  102,  etc. 

(IJ)  Il  avait  fait  mourir  par  ruse  Urie  Hélhéen,  dont  la  femme  Belhsabée  était  grosse  de  ses 
œuvres,  II  Rois,  11. 

(E)  Voyez  un  développement  semblable,  que  la  loi  juive  n'est  pas  impossible  à  accomplir,  dans 
Philoti,  De  ceux  qui  offrent  les  hosties  aux  sacrifices,  trad.  Bellier,  p.  745. 

(F)  Exocl.,  22.  1. 

(G)  La  vraie  référence  est  donnée  par  la  Démon.,  4,  5,  p.  515,  qui  cite  Num.,  5,  5-7. 


192  JEAN    BODIN 

été  leur  mauvaise  foi  et  la  honte  de  confesser  une  erreur  séculaire,  603  sq. 
Salomon  :  Le  sacrifice  de  Jésus  est  d'autant  plus  inutile  que,  l'Écriture  nous  le 
répète,  le  salut  ne  vient  aux  hommes  ni  de  la  foi,  ni  des  œuvres,  ni  des  deux, 
mais  de  Dieu  seul.  Nul  n'est  pur,  pas  même  les  anges,  devant  Dieu.  Dès 
lors,  à  quoi  rime  cette  longue  dispute  sur  la  justification?  605-608  Nul  ne 
réplique  à  cette  démonstration.  Octave,  Coroni,  Federich  répètent  leurs  décla- 
rations antérieures,  celui-ci  avec  cette  variante  :  le  juste  ne  fait  que  son 
devoir  et  ne  mérite  pas  récompense,  609.  J 


Les  œuvres  &  le  salut.  Compromis  entre  la  doctrine  calviniste  de  la 
grâce  et  la  croyance  au  mérite  des  œuvres. 

[610]  Salomon.  —  laduoue  que  personne  par  ses  œuures,  quelque  excellen- 
tes quelles  puissent  estre,  ne  peut  estre  iustitié  :  bien  moins  encor  par  cette 
vaine  crédulité  en  la  mort  de  lesus  Christ  (A).  Mais  Dieu  donne  a  chacquun 
la  béatitude  pour  ses  bonnes  œuures  :  et  plus  vn  [611J  homme  (a)  vit  auec 
iustice  et  intégrité  plus  il  sera  aggreable  a  Dieu  &  plus  il  aura  de  béati- 
tude (B).  Car  toutles  les  créatures  et  les  démons  mesmes  ont  plus  ou  moins 
de  béatitude  selon  la  bonté  de  celluy  qui  donne  ou  suiuant  la  capacité  de 
celluy  qui  reçoit  ou  lindignité  de  celluy  qui  reiette  labondance  des  lumières 
qui  luy  sont  offertes.  Car  autre  chose  est  iouïr  de  la  béatitude,  et  autre  chose 
estre  iustitié  :  ce  que  les  Théologiens  chrestiens  mettent  indifïèrament  lun 
pour  lautre  et  qui  cause  aussy  beaucoup  dobscuritez  et  beaucoup  derreurs(è) 
qui  ne  sont  pas  de  petite  conséquence.  Car  sil  ny  auoit  que  les  iustes  qui  peus- 
sent  acquérir  la  béatitude,  personne  ne  Tobtiendroit.  Or  touttes  les  créatures 
sont  capables  de  béatitude  et  nulle  de  justification  :  ny  en  ayant  pas  vne  qui 
soit  nette  et  exempte  dimpureté.  Et  a  fin  dentendre  plus  amplement  la  diffé- 
rence de  ces  choses  que  Ion  confond,  imaginons  nous  par  exemple  vn  grand 
Roy  qui  faict  présent  a  ses  esclaues  de  cheuaux  bien  dressez,  les  vns  pourtant 
plus  excellents  que  les  autres  a  proportion  de  laffection  quil  a  pour  vn  chacun 
&  selon  quil  ayme  plus  ou  moins,  a  condition  louttesfois  que  tous  entreront 
en  lice  pour  sexercer  a  la  course  :  et  que  ceux  qui  refuseroient  de  courir  soit 
par  crainte  ou  pour  nauoir  pas  dexperience  nauroient  point  de  cheuaux  (C), 
auec  deffense  sur  peine  de  la  vie  de  faire  quelque  malice  au  cheual  de  son 


"     (a)  Ml)   et  quo    quisque  justius    ac   honestius   vixerit.  N  quis,  incorrect.  —  [b)  MD  tum 
obscurilales,  tum  errores.  N  tain  obscuritates  quam  errores. 

(A)  Coroni  vienl  de  soutenir  que  les  œuvres  sont  récompensées  par  la  vie  éternelle;  Federich 
de  trancher  qu'aucune  récompense  n'est  due  au  bien  que  nous  avons  fait,  que  seule  la  toi  en 
Christ  nous  justifiera.  C'est  donc  par  un  coup  de  patte  au  catholicisme,  en  soutenant  qu'on  ne 
peut  être  justifié  par  les  œuvres,  puis  au  protestantisme,  en  soutenant  que  la  foi  ne  suffit  pas,  que 
nous  voyons  débuter  Salomon. 

(B)  MD  ab  aeterno  Deo  quemque  beari,  =  chacun  est  gratifié  par  Dieu.  R  va  continuer  à  tra- 
duire beari  par  béatitude. 

(C)  Inexact.  MD  recusanlibus  vero  aut  cursum  detreclantibus  melu  vel  inerlia  equos  ademp- 
tum  iri,  =  que  l'on  enlèvera  (après  la  course,  comme  la  suite  le  prouve)  leurs  chevaux  à  ceux 
qui  auront  opposé  un  refus  ou  qui  même,  par  crainte  ou  incapacité,  auront  décliné  la  course. 


1»ES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  193 

compagnon  ou  de  luy  donner  le  croc  en  iambe  pour  lempesclier  de  courir  ou 
de  desrober  le  chenal  a  qui  il  aura  esté  donné  (c)  (A)  :  et  encores  auec  pro- 
messe de  differens  prix  pour  les  coureurs  qui  auront  plus  tost  acheué  la  car- 
rière, assauoir  (d)  d'argent,  dor  et  de  pierreries,  selon  que  chacun  se  sera 
monstre  plus  ou  moins  adroict.  La  course  estant  [612J  acheuée,  le  Roy  de 
bonne  foy  distribue  les  prix  aux  conditions  par  luy  proposées  :  ceux  qui  nont 
pas  voulu  courir  (e)  pour  nestre  pas  dressez  a  tels  exercices  perdent  leurs 
cheuaux;  pour  les  autres  qui  non  seulement  auroient  refusé  de  courir,  mais 
en  auroient  empesché  d'autres  ou  bien  auroient  faict  quelque  tort  (B)  aux 
cheuaux  de  leurs  compagnons,  il  commande  quon  sen  saisisse  et  (/')  estans 
attrapez  il  les  faict  punir.  Ne  dirons  nous  pas  (C)  quil  a  rendu  a  chacun  selon 
son  mérite  ? 

Curce.  —  Il  me  le  semble. 

Salomon.  —  Pourquoy  cella  ?  puisque  le  Roy  ne  debuoit  rien  a  ses  esclaues 
par  ce  quils  sont  a  luy  (g)  et  que  sans  aucune  recompense  il  peut  les  obliger  a 
courre,  il  les  peut  (h)  vendre  et  mesmes  les  peut  faire  mourir. 

Federicb.  —  Il  est  vray  :  mais  par  ce  quil  a  donné  sa  parolle  il  croiroit 
offenser  la  bienséance  de  sa  maieslé  de  ne  la  pas  tenir. 

Salomon.  —  Cest  donc  vn  debuoir,  non  pas  par  ce  que  Dieu  doibt  a  lhomme 
qui  luy  ayant  preste  auroit  raison  de  luy  en  demander  le  payement  et  la  rétri- 
bution (i),  mais  par  ce  quil  y  va  de  lhonneur  de  celluy  qui  a  promis  de  tenir 
sa  promesse,  encores  quil  ny  fust  obligé  par  aucun  droict.  Que  si  ces  caua- 
liers  qui  ont  adroictement  et  vigoureusement  couru  sont  bien  nais  (j),  non 
seulement  ils  ne  se  glorifieront  pas  de  leur  action,  mais  en  recepuant  les  prix 
du  Roy  ils  luy  en  rendront  grâce  auec  ciuilité  et  en  termes  reconnoissans  luy 
aduouëront  quils  tiennent  la  victoire  de  sa  (k)  pure  libéralité,  soit  pour  auoir 
nourry  ses  esclaues  et  (/)  les  auoir  non  seulement  faict  instruire  a  monter  a 
cheual,  mais  encores  pour  leur  auoir  faict  présent  de  ces  [613]  cheuaux  vistes 
et  bien  dressez  (D).  Combien  dauantage  auons  nous  de  grâces  a  rendre  a  Dieu 


(c)  MD  aut  furto  do  mini  equum  averlerit.  N  aut  furlo  dicto  domino,  etc.  —  (d)  MD  (prœmia) 
aenea.  N  aevea  (?). —  \e)  N  qui  cursum  delreclaverant.  MD  detractaverant,  faule  :  le  sens  et 
NMD  detreclanlibus,  plus  haut,  la  démontrent.  MD  adempsisse,  barbare.  —  (/")  N  supprime,  à 
tort,  et.  —  {g)  N  quippe  (MD  qui,  nécessaire)  sut  essent.  —  (h)  M possit.  D  posset.  N  potuisset. 
—  [i)  N  prœmia  (MD  débita)  reposcat.  —  (j)  MD  (quodsi  équités  illi)  honeste  fuerint  educati. 
N  honeste  quia  sunl  educali,  incorrect  :  laisse  quodsi  sans  verbe.  —  (k)  M  ei.  ND  illi  ferent 
(victoriam).  —  [l]  M  omet,  à  tort,  et. 

(A)  MD  aut  furlo  domini  equum  averlerit  peut  s'expliquer  :  ou  qui  par  larcin  fait  au  proprié- 
taire aura  détourné  un  cheval.  Le  texte  de  N,  qui  semble  une  conjecture  explicative,  n'est  nulle- 
ment nécessaire.  —  Un  peu  plus  loin,  H  omet  aenea  [praemia]  =  [des  prix]  de  bronze. 

(B)  MD  aut  equos  abegissent.  Cf.  la  note  précédente. 

(C)  MD  num  dicemus.  Sur  num  =  nonne,  cf.  p.  223  noie. 

(D)  On  a  senti  dans  cette  fin  de  phrase  l'amalgame  incorrect  de  deux  tours  qui  répugnent 
entre  eux  :  soit  et  mais  encore.  —  Par  ailleurs,  voilà  un  des  beaux  endroits  de  YHept.,  et  qui 
montre  en  Bodin,  si  peu  artiste  qu'il  ait  été  de  tempérament,  une  âme  que  l'humanisme  avait 
pénétrée.  On  sent  involontairement  le  souvenir  de  Platon  revenir  à  la  mémoire,  à  voir  se  déve- 
lopper devant  nous  cette  longue  allégorie,  qui  va  paresseusement,  sinueusement,  avec  une  par- 
faite aisance,  de  la  description  réelle  à  l'interprétation  abstraite,  en  revient,  y  retourne  à  son 
gré.  Cf.  par  exemple  Socrale  expliquant  que,  traduit  devant  un  tribunal  populaire,  il  serait 
comme  un  médecin  accusé  par  un  cuisinier  devant  un  tribunal  d'enfants,  Gorgias,  p.  521  D. 

Chauviré  13 


194  JEAN    BODIN 

de  tout  ce  que  nous  réceptions  de  luy,  qui  nous  a  créés  de  rien  (m),  qui  nous 
a  donné  (n)  vn  corps  &  vne  ame  :  il  nous  a  prescript  de  courre  auec  iustesse 
dans  la  carrière  des  vertus  (A)  &  nous  y  aide  et  soustient  ceux  qui  sont  chan- 
cellants  (o)  et  relleue  souuent  ceux  qui  tombent,  et  quand  il  les  a  relleuez  il 
les  conduict  heureusement  au  bout  de  la  lice.  Ainsi  Iexplique  par  vne  belle 
façon  de  parler  le  Maistre  de  la  sagesse  (2)  (B)  :  Garde  toy  bien,  dict  il,  destre 
superbe  deuant  le  Roy.  Et  plus  clairement  encores  (C)  par  ces  parolles  :  Ne 
te  iustiffie  point  toy  mesme  (p)  deuant  Dieu,  par  ce  que  de  luy  despend  notre 
salut  (3). 

[Tel  est  aussi  le  sens  de  l'histoire  de  Job  :  quoiqu'il  soit  juste,  Dieu  lui  retire 
à  bon  droit  ses  grâces,  s'il  lui  plaît,  et  les  lui  rend  par  bonté  pure,  613.  Curce  : 
Mais  reconnaître  que  l'homme  est  incapable  d'accéder  à  la  pureté,  c'est  avouer 
le  péché  originel.  —  Point  du  tout,  réplique  Octave,  c'est  proclamer  que  toute 
créature,  fût-ce  un  Ange,  est  forcément  impure,  puisqu'elle  n'est  pas  Dieu  : 
nouvelle  raison  d'ailleurs  contre  la  Rédemption,  aucun  sacrifice  n'ayant  pu 
nous  amener  à  cette  inaccessible  pureté,  614  sq. 

De  la  duveté  du  christianisme,  616-623.  —  Salomon  défend  une  fois  de  plus 
(cf.  p.  597  sq.)  la  loi  hébraïque  de  l'accusation  de  dureté  qu'on  porte  souvent 
contre  elle.  S.  Paul  est  autrement  rigoureux  quand  il  annonce  aux  pécheurs 
un  jugement  irrémissible.  Federich  estime  que  ce  passage  est  hyperbolique, 
et  qu'en  réalité  J.-C.  a  rendu  le  salut  plus  aisé,  616-618.  Salomon  montre 
quelles  cruautés  de  la  loi  chrétienne  vont  contre  le  vœu  de  la  nature  (inter- 
diction du  divorce,  célibat  des  prêtres,  virginité  des  nonnes)  et  quels  malheurs 
s'en  suivent  :  adultères,  empoisonnements,  paillardises,  maquerellages,  619- 
621.  11  est  encore  contre  nature  et  contre  l'ordre  social  de  rendre  le  bien  pour 
le  mal.  Multitude  infinie  des  observances  et  des  cérémonies,  622  sq. 

Du  culte  des  saints,  624-636.  —  Les  chrétiens  protestant  contre  cette  diatribe, 
pourquoi,  demande  Octave,  les  chrétiens  les  catholiques,  corrige  Federich 
—  invoquent-ils  donc  loujours  anges  et  saints?]. 

Les  docteurs  de  l'Église  contre  l'adoration  des  Saints. 

[626]  Cuhce.  —  11  est  beau  dauoir  estime,  de  faire  honneur  et  descrire  les 
éloges  des  hommes  illustres,  et  ie  nen  vouldrois  pas  parler  auec  mespris  ny 
auec  exagération  aussy  (D),  bien  moins  les  prier  ny  les  inuocquer  par  ce  que 

(2)  In  prouerbiis.  —  (3)  Ecclesiastici  c.  18. 


(m)  N  de  nihilo.  MD  ex  nihilo.  —  (n)  .V  quod  dédit.  MD  qui  dédit.  —  (o)  N  labentes.  MD 
labantes.  —  (p)  N  noli  juslificare  te  (MD  ipsum)  anle  Deum. 

(A)  Faux  sens  :  MD  bene  currendi  leges  prœscripsil  ac  docuit,  =  il  nous  a  montré  les  règles 
à  suivre  pour  l'aire  une  bonne  course  (la  loi  mosaïque,  entend  Salomon). 

(B)  Prov.,  25,  6. 

(G)  Voici  le  texte  le  plus  proche  que  j'aie  trouvé  :  «  Ne  te  iuslifie  point  deuant  Dieu,  car  c'est 
»  luy  qui  cognoistle  cœur  ».  Sirach,  7,  5. 

(D)  Contresens.  MD  née  verbis  illorum  dignitatem  exténuai  e  aut  ulto  dicendi  yenere  elevare 
velim.  R  a  traduit  elevare  par  exagération,  au  lieu  que  ce  mot  redouble  simplement  exlenuare 
et  signifie  :  diminuer,  amoindrir,  supprimer. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  195 

ce  sont  (a)  les  principales  marques  dadoration  :  Tu  adoreras  (dict  la  Loy)  (2)  (A) 
le  Dieu  éternel  et  tu  rendras  hommage  a  luy  seul  (6  .  Etencores  que  la  Vierge 
Marie  ayt  porté  dans  ses  flancs  &  enfanté  Iesus  Christ  vray  Dieu  &  liomme 
nous  ne  ladorons  pas  pour  cella.  Tesmoing  Epiphane  (3)  lequel  ohseruant  que 
la  populace  parmy  les  chrestiens  de  son  temps  auoit  beaucoup  de  pente  (c)  a 
ladorer  &  speciallement  les  Collyridians  il  inuecliue  puissamment  contre  eux  : 
Que  sil  nous  est  deffendu  (dict  il)  dadorer  les  Anges  a  plus  forte  raison  Marie 
fille  d'Anne  (B).  Et  (d)  lempereur  Iuillian  nauoit  rien  a  reprocher  plus  forte- 
ment aux  chrestiens  que  ce  quils  adoroient  les  Martyrs  comme  des  Dieux,  et 
que  soubs  ombre  de  deuenir  tels  ils  souhaitoient  le  martyre  (e)  auec  passion 
a  fin  destre  couchez  dans  le  catalogue  des  Dieux  (C).  Et  preuoyant  quil  ny 
auoit  point  de  secret  pareil  pour  augmenter  la  religion  chrestienne  (f)  il  fit 
cesser  le  massacre  &  les  supplices  des  chrestiens.  Mais  Cyrille  (4)  y  faisant 
response  :  Les  saincts  martyrs  (dict  il)  ne  passent  point  pour  Dieux  parmy 
nous  et  nous  ne  leur  rendons  poinct  dadoration  (D).  Pareillement  Chrysos- 
tome  (5)  (Ë)  :  Voyez  (dict  il)  la  prudence  de  la  Cananée  :  elle  ne  prie  point 
Iacques,  elle  ne  supplie  point  Iean  et  ne  s'addresse  point  a  Pierre.  Elle  n'im- 
plore point  la  compagnie  des  apostres.  Elle  ne  se  met  point  en  peine  de  cher- 
cher (g)  vu  médiateur  (F)  mais  au  lieu  de  tous  ces  protecteurs  elle  ne  saccom- 
pagne  que  de  la  pénitence  qui  luy  sert  (h)  daduocat  très  éloquent. 

(2)  Deut.,  c.  6.  Exod.,  c.  34.  Leuit.,  c.  26.  Deut.,  c.  4,  8,  11  et  17.  Matthad 
c.  4.  Lucre  c.  4.  —  (3)  Contra  Inereses.  —  (4)  Lib.  G  aduersus  lullianum.  — 
(5)  Homilia  12. 


(a)  MD  qux  prœcipua  sunt  adorationis  argumenta.  N  quse  lamen,  interpolation  d'un  tamen 
précédent.  —  (b)  9.V  eique  soli  inservies.  M  et  Mi  soli  servies.  —  (c)  MD  proclives.  N proclivos. 

—  (d)  MD  nam.  i\  et.  —  (e)  DN  marlyrium  expeterent.  M  martyrum,  négligence.  —  (f)  MD 
quo  quidem  arcano  cum  nullum  amplificandse  religionis  (N  majores,  interpolation)  tnajus 
habere  perspexisset  (se.  Chrislianos).  —  (g)  N  nullum  quserit  mediatorem.  MD  qusesiil,  surpre- 
nant, après  et  avant  des  présents.  —  [h)  MD  accipit  pœnitenliam  qux  diserti  advocali  locum 
hnplevit.  N  accepit  pœnitenliam,  qua  (?)  deserti  (?)  advocali  locum  implevit. 

(A)  Deut.,  6,  13.  —  «  Dieu  veut  estre  aimé  vniquement  »,  Exod. ,34,  14.  —  Dieu  énumère  les 
récompenses  et  les  punitions  qui  sanctionnent  ce  commandement,  Lévil.,  26.  —  Deut.,  4,  19;  8, 
19;  11,  13  et  16;  17,  2-3.  —  Mal.th.,  4,  10  et  Luc,  4,  8  citent  Deut.,  6,  13. 

(B)  Adversus  hœres.,  3,  2,  liserés.  79,  5  (Migne  t.  2,  col.  747). 

(C)  Cyrille,  Contra  Julianum,  6  (Migne  t.  9,  col.  202).  Mais  Bodin,  qui  cite  de  mémoire, 
comme  d'habitude,  ajoute  au  texte  de  Cyrille  depuis  et  que  sous  ombre...  jusqu'à  des  chrestiens. 

—  Julien  reproche  encore  le  culte  des  martyrs  aux  chrétiens,  ibid.,  10  Cligne  t.  9,  col.  1015). 
Cf.  Démon.,  4,  3,  p.  441  :  «  lulian  l'empereur  voyant  vne  ieune  femme  chrestienne  auec  son 
»  petit  entant  pendu  a  la  mamelle,  qui  couroit  au  supplice  pour  estre  martyrée,  il  fit  deffence 
»  d'exécuter  a  mort  les  chrestiens,  non  pas  pour  garder  celle  qui  couroit  a  la  mort,  mais  pour  ce 
»  qu'il  disoit  que  les  autres  chrestiens  les  faisoienl  dieux  après  leur  mort  ».  Mais  celte  anecdote, 
qu'on  sent  courir  sous  le  texte  de  YHepl.,  ne  vient  pas  de  Cyrille. 

(D)  Contra  Julian.,  6  (Migne  t.  9,  col.  810). 

(E)  Chrysoslome,  Homilia  de  Cananea,  4  ^Migne  t.  3,  col.  452).  Bodin,  comme  à  l'accoutumée, 
paraphrase  plutôt  qu'il  ne  traduit.  S.  Jean  Chrys.  commente  l'histoire  de  la  fille  d'une  femme  de 
Chanaan,  laquelle  étant  possédée  du  démon,  Jésus  la  guérit  à  cause  de  la  foi  de  sa  mère,  Matthieu, 
15,  22-28. 

(F)  Rapprochez  du  langage  de  Curce  l'Apologie  de  Mélanchton  pour  la  confession  d'Augsbourg, 
art.  21,  De  invocatione  sanclorum.  «  Il  y  en  a  qui  atlribuent  nettement  la  divinité  aux  saints,  en 


196  JEAN    1Î0D1N 

[Federich  refuse  d'entrer  dans  la  distinction,  que  propose  Coroni,  entre  les 
cultes  de  dulie  et  de  latrie.  Incertitude  du  catalogue  des  saints  :  il  contient  des 
hérétiques  et  des  damnés,  627-632]. 

Origine  païenne  du  culte  des  saints. 

[632]  Federich.  —  Le  culte  enuers  les  Saints  et  (a)  les  Auges  sest  escoulé 
des  anciens  payens,  principallement  du  temps  d'Epipliane  comme  Ion  lapprend 
de  ce  quil  a  escript  contre  les  Collyridians  (A)  qui  ont  commencé  les  premiers 
a  reuerer  la  Vierge  Marie.  Et  depuis  S.  Augustin  (7)  déteste  souuent  culiores 
illos  Marianos  (B),  ces  deuots  enuers  Marie  :  et  (b)  ne  pouuant  souffrir  que 
Ion  prie  les  Anges  mesmes  qui  sont  bien  (c)  au  dessus  des  saints  pour  lexcel- 
lence  de  leur  estre  il  a  creu  (8)  que  Ion  ne  pouuoit  approcher  du  Père  que  par 
le  moyen  du  Fils  :  laquelle  opinion  a  esté  suiuie  de  Chrisostome  (9),  d'Am- 
broise  (lj  et  de  Theophilacte  (2). 

Cohoni.  —  Nous  auons  desia  dict  et  nous  le  dirons  incessamment  que  nous 
rte  leur  (d)  rendons  aucun  culte,  mais  que  nous  nous  gouuernons  auec  eux 

(7)  Ad  Marcellum,  lib.  10;  c.  19  et 55  De  vera  religione;  ad  Coloss.,  c.  2  et 
in  Apocalip.,  c.  19  &.  22  et  in  Ioann.,  c.  14,  lib.  9.  —  (8)  Lib.  11,  c.  7  et  16  in 
Ioann.  —  (9)  Homilia  12  de  Cananea  (C).  —  (1)  Ad  Roman.  (D).  —  (2)  Ad 
Colossenses  (E). 


(a)  N  al  (?).  MD  et.  —  (b)  N  ac.  MD  al.  —  (c)  N  superi  >res.  MD  longe  superiores.  —  (d)  ND 
nullum  cullum  (M  illis)  exhiberi. 

»  disant  qu'ils  voient  en  nous  les  secrètes  pensées  de  nos  cœurs...  Ils  font  des  saints,  non  seule- 
»  ment  des  Intercesseurs,  mais  des  Médiateurs  de  Rédemption  ».  Dans  Bossuet,  o.  c,  3,  57, 
p.  155. 

(A)  Adversus  hœreses,  3,  2,  haeres.  79  (Migne  t.  2,  col.  739  sqq.). 

(B)  Culiores  illos  Maria7ios  n'est  pas  une  expression  d'Augustin.  Elle  serait  trop  remarquable 
pour  que  les  tables  (générale  et  particulière)  si  copieuses  de  l'édil.  des  Bénédictins  ne  la  donnas- 
sent pas.  D'ailleurs,  il  y  a  ici  une  grande  corruption  dans  les  références.  Ainsi  le  traité  d'Augus- 
tin in  Apocalyps.  n'a  que  18  chapitres,  et  Bodin  cite  les  c.  19  et  22.  R  confond  les  notes  1  et  2 
(j'ai  rétabli  la  distinction,  d'après  MD).  Nombre  de  références  sont  inexactes,  et  j'avoue  n'avoir 
pu  en  reconstituer  qu'un  petit  nombre.  —  «  Non  ergo  creaturaepolius  quam  creatori  serviamus  ». 
De  verilale_  religionis,  10,  19  (Migne  t.  3,  col.  131).  Protestation  contre  le  culte  des  images, 
des  bêtes,  &  des  hommes,  même  vertueux,  qui  sont  morts,  ibid.,  55,  108  (Migne  t.  3,  col.  169). 
«  Hune  [Chrislum]  habemus  magislrum,  ut  non  peccemus,  et  defensorem,  si  peccaverimus,  et 
»  inlerpellalorem  pro  nobis,  si  quid  boni  a  Domino  desideraverimus  ».  In  c.  12  Evangel.  lohannis 
Traclalus  21,  1  (Migne  t.  3,  col.  1564).  J.-G.  est  seul  le  bras  de  Dieu,  In  c.  12  Ev.  Ioh.  Tract. 
53,  2  (Migne  l.  3,  col.  1775).  Et  en  maint  endroit  Aug.  s'élève  plus  formellement  encore  contre 
tout  culte  dérobé  à  Dieu  :  «  Stephanus  conservus  noster,  non  pro  Deo  colendus  ».  Ser»w3l9  de 
Slephano  martyre,!  (Migne  t.  5,  col.  1442);  Sermo  273,  tout  entier  dirigé  contre  l'adoration 
des  saints  (Migne  t.  5,  col.  1247  sqq.)  ;  de  Civ.  Dei,  10,  1,  3  et  4. 

(G)  Cf.  p.  626  note. 

(D)  Commentai-,  in  Epist.  Pauli  ad  Romanos,  1,  5  (Migne  t.  4,  col.  49). 

(E)  «  Illud  aulem  ad  Colossenses  ut  scriberet,  eum  [se.  Paulum]  induxil  :  ab  his  namque  pra- 
»  vum  aliquod  dogma  erat  nuper  susceptum.  Putabant  namque  nequaquam  per  filium,  sed  per 
»  angelos  ad  Deum  et  patrem  viam  palere  ».  In  Epist.  ad  Coloss.  Prologus  (éd.  Porsena,  Paris, 
Josse  Bade,  1534,  in-fol.,  f.  126  v°).  Cf.  Paul,  ad  Coloss.,  2,  18  :  »  Que  nul  ne  vous  ravisse  le 
»  prix  de  votre  course,  en  affectant  de  paraître  humble  par  un  culte  superstitieux  des  anges  ». 


DES    SECRETS    CACHEZ    DE*    CHOSES    SI  BLIMES  197 

comme  auec  nos  amis  qui  sont  encores  au  monde  :  nous  les  prions  dinterce- 
der  pour  nous  et  (e)  de  présenter  a  Dieu  nos  oraisons.  Nous  ne  leur  deman- 
dons point  la  santé  du  corps  ny  de  lame,  nous  ne  lattendons  point  deux,  mais 
nous  cherchons  nostre  salut  dans  [633]  sa  source  véritable  et  qui  ne  tarit 
iamais. 

Fedekich.  —  Pourquoy  donc  les  Prestres  la  teste  nue  et  a  genoux  addres- 
sent  ils  leurs  prières  aux  Saints?  Et  quand  ils  reclament  Marie  voyez  comme 
ils  parlent  (3)  :  Tu  es  le  soulagement  des  affligez,  le  remède  des  infirmes,  tu 
es  touttes  choses  a  tous  :  que  reste-t-il  pour  Dieu? 

Octale.  —  Rien  du  tout.  Mesmes  lorsque  ie  demeurois  en  Grèce  parmy  les 
chrestiens,  le  iour  arriua  (f)  que  Ion  célèbre  la  Teste  de  la  Visitation  (A)  de  la 
Vierge  dans  l'Eglise  romaine,  et  dans  la  grecque  celle  (g)  de  sa  robe.  Et  le 
iour  de  deuant  les  Kalendes  de  ianuier  on  feste  sa  ceinture  dans  vne  Eglise 
qui  luy  est  consacrée  a  Conslantinople  que  Ion  appelle  in  Blachemis  (h)  (B). 
Il  ne  me  ressouuient  point  (i)  dauoir  rien  veu  de  plus  ridicule  parmy  les 
Payens. 

Tokalbe.  —  Cest  vne  vieille  superstition  des  Académiciens  qui  ne  croyoient 
pas  que  Ion  peust  arriuer  autrement  auprès  du  pijre  de  tous  les  Dieux  qae  par 
degré,  assauoir  en  priant  les  héros  de  nous  addresser  aux  Démons  (j)  a  fin 
que  par  eux  on  peust  approcher  des  petits  Dieux  et  par  ceux-ci  aux  grands  (k). 
Et  enfin  par  ces  grands  satlirer  les  suffrages  du  père  de  tous  les  Dieux  (C). 
Ainsy  lamblicus  (4),  le  plus  grand  de  tous  les  magiciens  de  son  temps  (que 
Porphyre  asseure  auoirveu  esleué  en  lair)  (D)  en  sacrifliant  alsis  parloitfami- 
liairement  auec  les  Démons  (E),  mais  y  voulant  mesler  âXexTpouavTec'av  pour 

(3)   In  prosa  conceptionis.  —  (4)   In   libro  de  mysteriis  iEgyptiorum. 


[e)  N  ut  pro  nobis  vola  facianl  et  (MD  ut)  rogaliones  ad  Deum  feront.  —  (f)  MD  in  illum 
(N  eam)  diem  incidi.  —  [g)  MD  apud  Graecos  festo  dies  (N  omet  /esta  (lies)  veslis  Virg.  Mariœ. 
—  (fn  MD  in  Blachemis.  N  Machumis,  barbare.  —  (i)  M  ajoule  unquam.  —  (j)  DN  ad  dœmo- 
nes.  M  dœmonas.  —  (k)  ND  ad  Deos  majorum  genlium.  M  majorum  gentilium.  Conjecture  : 
majores  gentium. 

(A)  En  souvenir  de  la  visite  que  fit  Marie  à  sa  cousine  Elisabeth,  Luc,  1,  40  sqq.  Le  concile  de 
Bàle  (1441)  la  rendit  générale  dans  toute  l'Eglise  et  la  fixa  au  2  juillet.  Hist.  et  symbolisme  de  la 
liturgie,  par  l'abbé  Lerosey,  Paris,  1880. 

B)  Il  s'agit  du  faubourg  des  Blaquernes,  si  souvent  nommé  par  Villehardonin. 

(Cj  La  source  générale  de  Bodin  est  sans  doute  August.,  De  civ.  Dei,  8,  18-22;  9,  9,  13,  15  et 
17,  qui  explique  longuement,  contrairement  à  ce  que  pensent  les  platoniciens,  Apulée,  Hermès 
Trismégiste,  que  les  démons  ne  sont  pas  les  médiateurs  entre  Dieu  et  nous,  le  seul  médiateur 
étant  J  -C.  Bodin  a  souvent  combattu  celle  idée  des  Platoniciens,  et  il  leur  oppose  Exod.,  20,  26  : 
«  Aussi  tu  ne  monteras  pas  par  des  degrés  à  mon  autel  ».  Démon.,  1,  3,  p.  91  ;  1,  4,  p.  109;  2,  1, 
p.  162. 

(D)  Encore  un  souvenir  inexact.  Eunape,  Vies  des  philosophes  &  des  sophistes,  éd.  Boisso- 
nade,  Amsterdam,  1822,  p.  12  sq.,  nous  montre  Jamblique  raillant  lu  crédulité  de  ses  disciples, 
qui  lui  demandent  si  vraiment  il  a  le  don  de  lévitation. 

(E)  De  mysteriis  JEgyptiorum,  éd.  Thomas  Gale,  Oxonii,  Sheldon,  1688,  in-fol.,  6,  5,  p.  147: 
«  De  mini*  quas  intentant  in  Deos  theurgi  ».  —  Cf.  dans  le  même  ouvrage,  la  Lettre  de  Porphyre 
au  prêtre  égyptien  Anébon  sur  les  Démons,  p.  vi;  et  aussi  Augustin,  de  Civ.  Dei,  10,  11,  qui 
nous  rapp'orle,  d'après  celle  lettre,  quel  pouvoir  le  Lhéurge  Chérémon  a  sur  les  démons  Isis  et 
i Viris.  Bodin  a  certainement  lu  tous  ces  textes  et  en  a  conservé  un  souvenir  plus  ou  moins 
conscient. 


]<)8  JEAN    BODIN 

prédire  qui  succederoit  a  lempereur  Valens  (/),  la  chose  estant  descouuerte, 
pendant  que  Ion  faisoit  mourir  ses  complices  conuaincus  d'impiété  &  de  sor- 
tilège, il  prit  du  poison  (5)  (A)  &  luy  mesme  se  donna  la  mort  (B). 

[Adressons  donc  directement  nos  prières  au  maître  des  anges  &  démons. 
Senamy  observe  que  le  culte  des  saints  est  la  religion  des  simples  ;  Coroni,  que 
les  images,  souvenir  des  grands  hommes,  sont  honorables,  &  que  Moïse  lui- 
même  éleva  un  serpent  d'airain  (Nomb.,  21,  8).  Ezéchias  le  brûla,  répond 
Salomon,  dès  qu'il  s'aperçut  qu'on  l'adorait  (IV  Rois,  18,  4),  634-636. 

De  l'Eucharistie,  637-642.  Octave  y  voit  une  impiété  ridicule.  C'est,  répond 
Coroni,  que  vous  voulez  comprendre  le  mystère,  637-640]. 

Contre  l'Eucharistie. 

[640]  Coroni.  —  Au  nom  de  Dieu  ne  parlons  iamais  des  choses  sacrées 
quauec  (a)  toutte  sorte  de  respect.  Croyez  vous  (b)  que  celluy  qui  dun  mot  a 
faict  les  estoilles  le  soleil  les  éléments  &  tant  de  choses  prodigieuses  (c)  (C) 
soit  diminué  [d)  de  puissance  ? 

Ci'hcu.  —  Il  ny  a  personne  qui  double  quil  ne  puisse  faire  tout  ce  quil  luy 
plaira  hors  mis  vn  autre  soy  mesme  :  mais  qu'est  il  besoin  de  parler  du  sacri- 
ficateur (D)?  ils  demeurent  daccord  que  dans  ces  (e)  parolles  mis-tiques,  Hoc 
est  enim  corpus  meuin,  Cecy  est  mon  corps   (Ë),  la   puissance  de   Dieu   nagit 

(5)  Nicephor.  Callist.  et  Gregoras. 


(I)  N  ecquisnam  imperalori  Valenti  substituerelur  (cf.  H).  Ml)  imperator.  —  (a)  N  nisi. 
MD  aliter  quam.  —  [b]  ND  An  putelis.  M  putatis.  —  [c]  MD  res  lam  stupendas.  N  omel  tam. 
—  (d)  N  imminulum.  Ml>  minutum.  —  (e)  N  istis.  MD  iltis. 

(A)  C'est  là  une  anecdote  qui  a  beaucoup  frappé  Bodin.  II  la  raconte  par  trois  fois  dans  la 
Démo».,  1,  3,  p.  84;  1,  6,  p.  146;  4,  5,  p.  503.  —  Les  deux  références  données  ici  sont  fausses. 
Niceph.  Gregoras  a  écrit  une  histoire  du  Bas-Empire  aux  xme  et  xive  siècles;  et  Nicéphore 
Gallisle,  11,  45  (non  plus  que  Socrate,  4,  29;  Sozomène,  6,  35,  ou  Ammien,  29),  ne  nomme  pas 
Jamblique.  La  vraie  source  de  Bodin,  que  lui-même  a  oubliée,  ce  sont  les  Annales  de  Zonaras 
(cf.  supra,  p.  267,  note  G),  liv.  3,  Vie  de  Valens. 

(B)  Si  nous  devons  attribuer  à  Bodin  lui-môme  l'horreur  pour  le  culte  des  saints  que  profes- 
sent Curce,  Federich,  Toralba,  Salomon,  c'est  ce  que  permet  de  croire  la  persévérance  avec 
laquelle  il  leur  a  lait  exprimer  celle  horreur  (cf.  supra,  IV,  pp.  284  et  308,  VI,  p.  626;;  c'est  ce 
que  permet  d'affirmer  la  Lettre  à  Baulru,  où  il  condamne  nettement  Yapolhéose  des  mortels,  et 
la  Démon:,  2,  1,  p.  163,  quoique  la  doctrine  y  soit  plus  voilée.  D'ailleurs,  celle  question  était, 
dans  les  disputes  entre  théologiens  des  deux  parties,  étroitement  liée  à  celle  des  images  et  a  celle 
des  reliques  (cf.  Bossuet,  o.  c,  3,  58;  et  Basnage,  Histoire  des  Églises  chrétiennes,  Amsterdam, 
1721,  5  vol.,  liv.  18);  el  nous  avons  entendu  Salomon  protester  contre  le  culle  des  unes  &  des 
autres  (supra,  p  308)  avec  une  indignation  qui  ne  laissait  guère  de  doute  sur  le  sentiment  de 
l'auteur. 

(C)  Inexact.  MD  res  tam  stupendas  verbo  vel  nutu  confecil,  =  qui  a  accompli  des  prodiges  si 
miraculeux  d'un  mol  ou  même  d'un  geste.  ' 

(D)  Faux  sens.  MD  qu'ut  ad  sacrificulum  ?  =■  Oui,  nous  accordons  une' puissance  entière  à 
Dieu;  mais  qu'a  cela  à  voir  avec  le  pouvoir  que  vous  concédez  à  un  misérable  moinillon  [de  pou- 
voir faire  de  sa  seule  volonté  un  Dieu]  ? 

(E)  Matthieu,  26,  26;  Luc,  22,  19;  I  Cor.,  11,  24. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  199 

point,  parce  que  si  le  curé  songe  ailleurs  en  prononçant  les  parolles  (/"),  il 
ne  faict  rien  (A). 

Coroni.  —  Si  vous  ne  doublez  point  de  la  puissance  de  Dieu,  vous  debuez 
encores  moins  doubter  de  sa  volonté,  puisquil  est  clairement  expliqué  dans 
Paul  (B)  que  Christ  vray  Dieu  et  homme  sest  donné  luy  mesme  a  manger  a 
ses  disciples  soubs  les  espèces  du  pain  et  du  vin,  et  quil  leur  commanda  de  le 
faire  après  sa  mort  pour  perpétuelle  mémoire  (g)  de  sa  passion.  Et  il  est 
encores  constant  (h)  quil  peut  encores  dauantage  que  ce  quil  veut  (1)  (C). 

Clrce.  —  Cette  opinion  (D)  qui  a  esté  réfutée  par  les  plus  penetrans  de  tous 
les  théologiens  [641 1  na  pas  besoin  que  i'y  responde.  Cette  question  est  traittée 
en  mil  endroicts  par  vue  infinité  dautheurs,  mais  personne  nen  a  parlé  plus 
succinctement  ni  plus  decisiuement  que  Augustin  (2)  (E).  Cest,  dict  il  enfin, 
vne  misérable  seruitude  de  prendre  les  signes  pour  la  chose  :  si  donc  on 
commande  vn  crime  ce  nest  qu'vne  façon  de  parler  :  lorsque  Christ  aussy 
vous  commande  de  manger  sa  chair  &  de  boire  son  sang  ce  n^st  pareillement 
qu'vne  manière  de  parler  (F).  Ce  qui  a  fourny  vne  belle  matière  de  raillerie  et 
aux  Iuifs  et  aux  Mahomelans,  quand  ils  ont  veu  que  les  Chrestiens  prenoient 
la  figure  pour  la  chose  (i).  Christ,  dict  Tertulien  (3)  (G),  en  prenant  le  pain  a 
faict  son  corps,  disant,  Cecy  est  mon  [j)  corps,  cest  a  dire  la  figure  de  mon 
corps.  Voila  (k)  les  parolles  dun  très  ancien  et  très  sainct  théologien. 

(1)  Augustin.,  lib.  7  de  symbolo  fidei.  Lombard.,  lit».  1,  distinc.  4:2.  —  (2)  In 
lib.  de  doctrina  christiana,  c.  5,  10,  11.  — (3)  Contra  Marcionem. 


/  N  iliiin  islu.  MD  cum  Ma  (pronunlial  .  —  g  SI)  in  perpétuant  sui  memoriam.  M  omet, 
à  lorl,  sui.  —  [h)  MD  perspicuum  S  polissimum  .'  .  —  {i  \  quod  cum  Chrisliani  ad  rem 
ipsàm,  non  ad  signum  Iraducerent.  U  non  ad  (M  ometad)  figurant  traducerent. —  (j)  N  omet 
nieuni.  —  {k)  N  omet  sunt. 

A  «  Il  nie  souuient,  dit  Curce  un  peu  plus  haut,  d'vn  curé  de  Lion  qui  pour  se  venger  de  ses 
»  paroissiens  auec  lesquels  il  estoit  en  procez  faisoit  semblant  en  disant  la  messe  de  dire  les 
»  mots  sacramenlau.x,  et  enfin  ayant  perdu  son  procez  déclara  hautement  que  tous  ses  paroissiens 
»  esloienldes  idolâtres  par  ce  quils  auoienf  adoré  du  pain  seulement.  La  chose  auerée,  il  fut  con- 
«  damné  a  estre  publiquement  bruslé  tout  vif  ».  En  note  :  «  Lan  1548  et  soubs  Henry  2  roy  de 
»  France  ».  (P.  640).  C'était  le  curé  de  Saint-Jean  le  Petit  de  Lyon,  Démon.,  4,  5,  p.  507. 

(Bï  1  Cor.,  11,  23. 

(C  Lombard,  1,  42,  F,  explique  que  la  volonté  de  Dieu  est  forcément  plus  limitée,  étant  tou- 
jours tendue  vers  le  bien,  que  sa  puissance.  —  Dans  les  anciennes  éditions,  le  l'e  symbolo  ad 
Calechttmenos  (jadis  appelé  De  symbolo  fidei  ad  Cat.  :  cf.  éd.  de  Louvain)  n'a  que  4  livres;  et 
dans  celle  des  Bénédictins,  un  seul,  les  trois  derniers  n'étant  insérés  qu'aux  apocryphes.  Corri- 
gez :  De  symbolo,  1,  2  Aligne  t.  G,  col  627),  où  Augustin  expose  le  raisonnement  ci-dessus,  que 
Lombard  lui  emprunte. 

(D)  Entendez  :  l'opinion  de  la  présence  réelle. 

(E)  Le  texte  auquel  fait  allusion  Bodin  est  assurément  celui-ci  :  »  Ul  aulem  lilteram  sequi  et 
»  signa  pro  rébus  quae  ils  significantur  accipere  servilis  infirmilalis  est;  ifa  inutiliter  signa  inler- 
»  pretari  malevaganlis  erroris  est  ».  De  doctrina  christiana,  3,  9,  13.  —  Cf.  Vacant  et  Mange- 
not,  o.  c.  art.  Eucharistie,  t.  5,  col.  1178,  qui  discutent  ce  texte  d'Augustin;  eLBaliffol,  L'Eucha- 
ristie, la  présence  réelle  et  la  transsubstantiation,  Paris,  1906,  3e  édition. 

(F)  Entendez  :  on  ne  peut  admettre  que  le  Christ  ait  ordonné  à  la  lettre  le  crime  horrible  de 
manger  sa  chair  et  boire  son  sang. 

(G)  Adv.  Marcionem,  4,  40  (Migne  I.  2,  col.  460i.  Mais  de  tels  textes  ne  closent  pas  les  dispu- 
tes, ils  les  déplacent.  La  querelle  s'engage  sur  le  sens  du  mot  figura,  que  les  catholiques  (Bel- 
larmin,  De  sacramento  Eucharistix,  2,  7,  cité  en  note  par  Migne,  ibid.)  prétendent  indiquer  la 
réalité  de  la  présence  divine. 


200  JEAN    BODIN 

Salomon.  —  Sil  estoit  permis  dadorer  Christ  mort  depuis  longues  années 
soubs  la  figure  du  pain  comme  lentend  l'Eglise  Romaine,  ou  sans  pain  comme 
les  Zwingliens,  ou  auec  le  pain  comme  les  Luthériens  croient  quil  le  fault 
faire  (A),  a  plus  forte  raison  il  eust  esté  permis  aux  Israélites  (/)  de  faire  des 
veaux  pour  les  adorer.  Car  le  grand  prestre  Aaron  (4)  en  ayant  faict  faire  vn 
il  fit  proclamer  au  son  de  la  trompette  que  le  lendemain  seroit  vne  feste  (m) 
consacrée  a  Dieu  et  se  sert  du  mot  de  quatre  syllabes  (B)  qui  ne  peut  sappli- 
quer  a  aucune  créature,  y  adioustant  encores  que  cesloit  celluy  qui  les  auoit 
retirez  de  seruitude  :  ils  adoroient  donc  Dieu  soubs  lespece  dun  veau  d'or,  ce 
qui  estoit  très  estroittement  defîendu  (5).  Mais  (n)  si  Dieu  punit  cette  offense 
mortelle  si  rigoureusement  quen  vn  moment  trois  mil  (C)  de  ceux  qui  lauoient 
[642]  commise  (o)  périrent  par  le  fer  de  leurs  voisins  ou  parents  et  voulut 
consacrer  (p)  dune  perpétuelle  alliance  les  mains  qui  auoient  esté  teintes  du 
sang  de  leurs  frères,  ainsy  quelle  vengeance  pensez  vous  (q)  quil  prendra  de 
ceux  lesquels  simaginent  quils  immolent  partout  et  a  tous  momens  non  pas 
leur  créateur  soubs  la  forme  dun  veau,  mais  vn  homme  mort  soubs  les 
espèces  du  pain  et  du  vin,  lequel  ils  adorent  comme  vn  Dieu  ? 

[De  l'éternité  des  peines  et  du  purgatoire,  642-668.  Toralbe  :  Pour  souffrir 
des  peines  infinies,  une  créature  devrait  être  infinie  ou  divine.  D'ailleurs, 
observent  Senamy  et  Octave,  il  n'est  pas  de  péché  mortel,  puisqu'il  exclurait 
le  repentir  et  le  rachat,  642-644.  Salomon,  s'appuyant  sur  l'Écriture;  Curce, 
sur  l'infirmité  de  la  nature  humaine,  contestent  que  les  peines  puissent  être 
éternelles,  645  sq.  Le  Talmud  gradue  les  peines  suivant  le  degré  de  volonté 
mauvaise  du  pécheur.  En  tous  cas,  disent  Senamy  et  Curce,  la  crainte  d'un 
châtiment  éternel   est  salutaire.    Craignons   au   contraire,   répond   Toralbe, 

(4)  Exodi  c.  32.  —  (5)  Exodi  c.  20.  Non  facietis  deos  aureos. 


(l)  N  Israëli.  MD  Israëlitis.  —  (m)  N  festam  diem  seterno  Deo  sanclam  postridie  futuram. 
MD  festum...  sanctum...  futurum...  —  [n)  N  Et.  MD  Sed.  —  (o)  N  admiserunt.  MD  admiserant. 
—  (p)  N  consecrarit.  MD  consecrari  (se.  jusseril).  —  [q)  N  credatis.  MD  putatis. 

(A)  Les  catholiques  admettent,  avec  la  présence  réelle,  la  transsubstantiation.  —  Les  Luthériens 
admettent  la  consubslanlialion  et  la  présence  réelle  (impanation),  c'est-à-dire  pensent  que  le  vrai 
corps  de  J.-C,  sans  se  substituer  au  pain,  se  mêle  et  se  tond  avec  lui.  «  Les  Eglises  enseignent  que 
»  le  corps  et  le  sang  du  Christ  sont  vraiment  présents  dans  la  Gène  et  qu'ils  sont  distribués  aux 
»  communiants  ».  Conf.  d'Augsbourg,  art.  10  (1530).  Mélanchlon  confirme  cette  opinion  dans  son 
Apologie  de  la  Conf.  d'Augsb.,  puis  Luiher,  dans  une  lettre  de  1534  (Bossuet,  Var.,  2,  31)  et  enfin 
dans  les  Articles  de  Smalkalde  (1537).  —  Les  Suisses,  Zwingle,  Carlostadl  (Bossuet,  Var.,  2,  11), 
OEcolampade  (Erasme,  Lettres,  18,  9,  dans  Bossuet,  Var.,  2,  25)  nient  la  présence  réelle,  et  ne 
voient  dans  la  communion  qu'un  symbole  et  un  souvenir.  —  Quant  à  Calvin,  si  Bodin  ne  l'a  pas 
mis  en  scène,  c'est  que  son  attitude  est  mitoyenne  et  délicate  à  définir  :  il  nie  la  présence  réelle, 
Dist.  chrét.,  4,  17,  19  (éd.  de  1540).  Mais  il  croit  à  la  présence  substantielle,  c'est-à-dire  en 
esprit,  de  Jésus,  ibid.  Que  si  on  le  presse  de  s'expliquer  plus  nettement,  il  déclare  celte  présence 
mystérieuse,  ineffable,  sensible  seulement  à  la  loi.  «  C'est  un  secret  trop  haut  pour  le  comprendre 
»  en  mon  esprit  ou  pour  l'expliquer  de  paroles  ».  Inst.  chrét..  4,  17,  32. 

(B)  Le  tétragramme  sacré  Jéhovah  (cf.  supra,  IV,  p.  257  note  B).  «  Et  cria  [Aaron]  par  voix  de 
»  héraut,  disant  :  Demain  est  la  solennité  au  Seigneur  !  »  Exod.,  32,  5. 

(C)  NMD  tria  milita.  —  Viglnti  a  dû  tomber;  il  est  exigé  par  Exod.,  32,  26  :  «  Et  en  ce  iour  la 
»  tombèrent  enuiron  vingt  et  trois  mil  hommes  ». 


des  secrets  cachez  des  choses  sublimes  "201 

qu'elle  n'accule  le  pécheur  nu  désespoir,  comme  Gain,  647  sq.  Federich  :  La 
peine  est  infinie,  parce  que  tout  péché  envers  Dieu  est  infini.  Mais  alors, 
observe  Toralbe,  tous  les  péchés  deviennent  égaux;  l'infini  du  mal  égale 
l'infini  du  bien  :  toutes  choses  impossibles.  Non,  lésâmes  des  méchants,  après 
expiation,  sont  soulagées  par  la  mort  :  cf.  Job,  24,  20.  Salomon  approuve, 
649-651. 

Du  Purgatoire,  652-668.  L'inégalité  des  peines  étant  prouvée,  le  purgatoire 
s'ensuit.  Curce  et  Octave  nient  l'existence  d'un  juste  milieu  entre  l'enfer  et  le 
paradis.  Toralbe  cherche  à  déterminer  la  composition  chimique  des  flammes 
du  purgatoire,  dont  les  volcans  prouvent  la  matérialité,  652-654]. 

Du  purgatoire.  Des  indulgences. 

655]  Octaue.  —  Ne  voyons  nous  pas  souuent  des  meschans  après  vne 
longue  suitte  dannées  heureuses  et  coulées  dans  touttes  sortes  de  délices  rendre 
lesprit  sans  aucune  apparence  de  douleur  (9),  et  des  gens  de  bien  mourir 
dans  les  prisons  &  dans  les  tourmens  (rf)?  Ce  qui  marque  que  les  vns  (e)  sont 
reseruez  pour  vne  vie  meilleure  après  celle  cy  &  les  autres  pour  recepuoir  la 
punition  de  leurs  crimes,  ainsy  que  Salomon  (1)  nous  l'enseigne  quand  il 
dict  (/"),  que  les  vns  passent  des  fers  &  des  prisons  sur  le  throsne  &  les 
autres  tombent  du  throsne  dans  la  misère  et  dans  la  pauureté  (g).  Il  fault 
donc  qu'après  celle  vie  il  y  ait  des  supplices  pour  le  chastiment  des  meschans, 
car  (h)  Dieu  sembleroit  nestre  pas  iuste  sil  laissoit  tant  de  chastimens  (A) 
impunis,  et  s'il  punissoit  tous  les  manquemens  des  gens  illustres  &  des  gens 
de  bien  pendant  leur  vie  (B)'.  Donc  sil  ny  a  point  de  supplices  éternels  pour  la 
punition  des  crimes  après  cette  vie,  il  fault  quils  finissent  ou  auec  le  temps  ou 
auec  le  lieu  :  après  quoy  il  sera  nécessaire  que  Ion  entre  dans  vne  vie  meil- 
leure ou  que  Ion  meure,  il  ny  a  point  de  milieu. 

Tokalbe.  —  Cest  vne  des  plus  vieilles  opinions  (i)  que  nous  ayons  (C)  que 

(9)  lob,  c.  21.  Hierem.,  c.  12.  Abacuc,  c.  1.  Psal.  73,  57,  9,  36  (D).  — 
(1)  Eccles.,  4  (E). 


(d)  N  (in)  cruciatibus.  MU  cruciatu.  —  (ej  N  hos.  MD  quos.  —  \f)  N  cum  dicit.  MD  diceret. 
(g)  ND  regem  vero  ad  inopiam  pergere.  M  reges.  —  (h)  N  enim.  MD  vero.  —  (i)  N  opinio. 
MD  ratio. 

(A)  Lapsus  amené  par  chastiment  qui  précède.  Corrigez  :  péchés,  crimes. 

(B)  On  reconnaît  le  raisonnement,  que  Rousseau  a  repris,  avec  une  variation  originale,  je  le 
reconnais  :  «  Plus  je  rentre  en  moi-même,  plus  je  me  consulte,  &  plus  je  lis  ces  mots  inscrits 
»  dans  mon  Ame  :  Sois  juste  et  lu  seras  heureux.  Il  n'en  est  rien  pourtant,  à  considérer  l'état 
»  présent  des  choses;  le  méchant  prospère,  et  le  juste  est  opprimé  »,  etc.  Et  il  eu  infère  la  certi- 
tude des  récompenses  et  des  punitions  dans  l'autre  monde.  Profession  de  foi  du  vicaire  savoyard. 

(C)  Allusion,  je  pense,  au  voyage  de  Her  l'Arménien,  dans  Platon,  Rép.,  10,  13  (éd.  H.  Estienne, 
t.  2,  pp.  614  B  sqq.),  et  à  d'autres  écrivains  antiques  qui  s'en  sont  inspirés,  par  ex.  Virgile, 
Enéide,  6,  735-751. 

(D)  Job,  21,  7  sqq.  Urémie,  12,  1  sq.  Ilabacuc,  1,  6-10.  Psaumes  72(H.  73),  3  12;  37,  19;  36, 
i-'.);9,  12-18. 

(E)  La  référence  de  R  est  exacte  :  Eccl.,  4,  14.  MDN  donnent  Eccl.,  7. 


202  JEAN    BODIN 

les  âmes  de  ceux  qui  pour  le  plaisir  du  corps  ont  violé  tout  droict  diuin  & 
humain,  quand  elles  en  sont  sorties  tournent  autour  de  la  terre  ou  elles  sont 
tourmentées  et  ne  montent  point  auec  les  bienheureux  nu  ciel  (2)  (A)  quaprès 
auoir  passé  ainsy  plusieurs  siècles.  Cest  [656]  pourquoy  les  anciens  ont  creu 
que  cestoit  le  moyen  de  les  destourner  du  mal  que  de  les  menasser  de  peines 
plus  grandes  et  plus  longues  en  lautre  vie  (B)  quen  celle  cy  (j),  comme  la 
dict  (k)  Platon  (3)  (C)  a  fin  de  donner  a  entendre  (/)  quil  ny  a  point  de  crimes 
impunis  ny  de  peines  éternelles. 

Curge.  —  Si  nous  reconnoissons  vn  purgatoire  de  feu  ou  de  glace  comme  il 
vous  plaira  a  fin  dexpier  les  péchés  et  que  de  la  on  puisse  trouuer  le  chemin 
du  paradis  et  les  sièges  des  bienheureux,  prenons  garde  que  nous  ne  tombions 
pas  dans  lerreur  dadmettre  vne  infinité  de  genres  de  supplices,  car  (m)  toulle 
la  nature  ne  souffre  point  d'infinité.  Il  est  donc  mieux  a  mon  sens  de  ne 
recognoistre  que  deux  lieux,  lun  de  recompense  &  l'autre  de  punition. 

Cohoni.  —  Si  Dieu  a  quelque  soin  de  ses  droits  &  de  sa  justice  (D),  ainsy 
que  nous  croyons  quil  a  extrêmement,  il  fault  croire  que  ceux  lesquels  au 
dernier  moment  de  leur  vie  ont  vn  regret  de  leurs  péchez  tel  qu'il  doibtestre, 
qu'ils  n'en  sont  pas  pour  cella  entièrement  absoubs,  mais  qu'ils  (E)  sont  en 
quelque  façon  amoindris.  Car  imaginons  nous  deux  hommes  lun  qui  aura 
mené  tant  quil  a  vescu  vne  vie  illustre,  saincte  et  exemplaire  sans  auoir  faict 
tort  a  personne  (n),  et  (o)  sans  espoir  de  recompense  a  aymé  Dieu  de  tout  son 
cœur  a  cause  seulement  de  sa  bonté  infinie,  en  quoy  [657]  consiste  le  plus 
hault  degré  de  perfection,  cependant  il  arriue  quil  est  tué  en  adultère  (p)  sans 
auoir  peu  demander  pardon  :  et  vn   autre  lequel  sestant  souillé  de  tous  les 

(2)  In  Phœdone.  —  (3)  In  Gorgia. 


[j)  N  tanlisper  dum  (D  omel,  à  tort,  dum)  hoc  spirabile  lumen  (?)  (MU  cœlum)  hauriunl. 
—  (k)  N  sicut  idem  Plato.  MD  id  est,  ut  idem  Plato.  —  (l)  N  ex  quibus  sentenliis  significa- 
bant.  MD  ex  quibus  salis  significabant.  —  (m)  N  enim.  MD  autem.  —  (n)  N  nihil  unquam 
injurias  fecisse.  Mb  injuria.  —  (o)  N  ac.  M  aut.  D  at.  —  (p)  ND  in  adullerio  deprehensum. 
M  compréhension. 

(A)  E'tç  xaôobav  oïx7)(riv,  Phédon,  29  (Eslienne,  L.  1,  p.  80  D).  Bodin,  comme  d'habitude,  cite 
non  le  lexle  exact,  mais  le  sens  du  passage.  Socrate  raconte  un  peu  plus  bas,  c.  30,  p.  81  B  sqq., 
l'histoire  des  âmes  brutales  tourmentées  et  obligées  de  se  réincarner  avant  de  monter  pures  vers 
les  régions  divines. 

(B)  Contresens.  M  ilaque  veleres  prseclare  cum  Us  agi  pulabant,  eosque  malis  ingenlibas 
evipi,  qui  pœnas  in  terris,  tanlisper  dum  hoc  spirabile  cœlum  hauriunl,  graviores  dédissent, 
=  les  anciens  estimaient  traités  avec  faveur  et  soustraits  à  des  châtiments  terribles  ceux  qui 
avaient  plus  cruellement  expié  leurs  fautes  eu  ce  bas  monde. 

(C)  MD  To  ô:xr,v  otoovat  u.ey^(TTOU  xaxoù  àTiaXXayifjv  TrovTjpi'aç  etva'..  Je  ne  crois  pas  que 
ce  grec  soit  d'authentique  Platon.  Il  résume  Gorgias,  81  (Eslienne,  p.  525  B  sqq.),  où  Platon 
explique  que,  le  châtiment  purgeant  l'âme  de  l'injustice,  rien  n'est  pire  pour  nous  que  d'échapper 
au  châtiment  d'une  injustice  une  fois  commise.  Idée  d'ailleurs  familière  à  Platon  et  qu'il  reprend, 
Lois,  9,  17  (Eslienne,  t.  2,  p.  880  E  sqq.),  contre  l'enfant  qui  a  frappé  ses  parents.  Sur  le  procédé 
de  citation,  cf.  supra,  IV,  p.  221,  note  D. 

(D)  MD  juris  et  juslitiœ,  simple  redondance  d'expression  familière  au  verbeux  Bodin,  et  où 
R  a  eu  tort  de  voir  deux  idées  distinctes;  elle  s'oppose  à  la  fin  du  couplet  :  quid  injustius 
decerni  possit'.' 

(E)  Les  péchés. 


DES  SECRETS  CACHEZ  DES  CHOSES  SUBLIMES  203 

crimes  imaginables,  de  stupres,  dadulteres,  de  meurtres,  de  parricides  et  de 
blasphèmes  contre  Dieu,  a  la  fin  de  ses  iours  ayant  le  lemps.de  se  recon- 
noistre  il  implore  la  miséricorde  de  Dieu  par  la  confession  &  le  repentir  de 
ses  abominations  :  Curce  &  Federicli  estiment  que  celluy  la  va  droict  au  ciel 
auec  les  anges  (A)  et  que  lautre  est  damné  éternellement.  Iugez,  ie  vous 
prie  (fj),  si  Ton  peut  rien  imaginer  de  plus  iniuste. 

Cuhce.  — Cest  la  vieille  plaincle  des  enfans  d'Israël,  lesquels  ont  esté  assez 
insolens  pour  accuser  pour  cella  le  créateur  diniustice.  Mais  Dieu  leur  res- 
pond  par  son  Prophète  Ezechiel  (4)  :  L'aine  (dicl  il)  laquelle  aura  péché 
mourra,  le  Fils  ne  supportera  point  le  crime  de  son  Père,  ny  le  Père  celluy  de 
son  Fils.  Que  si  limpie  quitte  son  impieté  et  embrassant  mes  ordonnances 
rentre  dans  la  Justice  et  la  droicture  (/•)  il  viura  et  Ion  ne  se  ressouuiendra  plus 
de  sa  vie  passée  ny  de  ses  péchez.  De  mesme  si  Ihomme  droict  se  relasche  [s) 
de  son  intégrité  pour  sabandonner  a  limpieté,  ie  nauray  plus  mémoire  aucune 
de  sa  vertu  mais  il  mourra  dans  son  péché.  Vous  autres  qui  vous  plaignez 
que  les  iugemens  de  Dieu  [658i  ne  sont  pas  équitables,  escoutez  (maison 
d'Israël)  :  quoy,  mes  iugemens  ne  sont  pas  iustes?  c'est  pluslost  vous  mesme 
qui  ne  lestes  pas  (B).  Don  Ion  infère  (t)  quil  ny  a  que  deux  sortes  de  départs 
des  âmes. 

Salomon.  —  Ezechiel  na  pas  dict  (C)  que  si  cet  impie  exécrable  par  touttes 
sortes  de  vices  et  de  crimes  se  repent  a  la  fin  de  ses  iours  quil  aura  remission 
de  sa  vie  passée  :  mais  si  ayant  quitté  son  impieté  (m)  il  vit  dans  la  iustice, 
que  Dieu  oubliera  son  iniquité.  Et  semblablement  que  celluy  qui  auroit  tous- 
iours  marché  dans  lequité  et  aura  faict  vn  péché  au  dernier  moment  de  sa 
vie,  doibue  estre  tourmenté  éternellement,  mais  quil  périra  enfin  en  mourant 
sil  sabandonne  entièrement  aux  vices  et  aux  impietez  (D). 

Coroni.  —  Ma  croyance  est  que  celluy  qui  a  eu  douleur  de  ses  fautes  (v)  les 
va  expier  dans  les  feux  du  purgatoire  (x)  :   non  seulement  par  ce  qui  est 

(4)  C.  18. 


(q)  .V  omet  quaeso.  —  (r)  N  edicta  mea  amplexalus  fuerit,  juslitiam  et  judicium.  MD  am- 
plexalus,  fecent  juslitiam,  etc.  —  \s)  N  converterit  se  ab  integritate  ad  impie tatem.  MD 
averlerit  sese.  —  (/)  JV  ex  lus  (MD  Us)  sequilur.  —  (u)  N  reversus  ab  impietate.  MD  aversus.  — 
(«)  .V  Ego  illum  (M  eum),  quem  pœnituerit  scelerum...  MD  pœnituit.  —  (.».-)  N  purgaloriis 
(MD  intercalent  incendiorum)  ignibus. 

(A)  Inexact.  MD  ab  angelis  subvehi,  =  est  enlevé  par  les  anges. 
B    Ezechiel,  18,  20,  21,  22,  24  et  25. 

(C)  Voici  de  nouveau  Bodin  préoccupé  de  défendre  les  notions  essentielles  de  liberté  et  de 
responsabilité  cf.  p.  565  note).  On  a  vu  tout  à  l'heure  avec  quelle  force  de  raison  Coroni  a  montré 
les  excès,  chez  les  protestants,  de  la  théorie  de  la  grâce:  voilà  maintenant  Salomon  qui  ruine 
l'autorité  qu'ils  invoquent. 

(D)  «  Car  lorsque  le  iuste  se  sera  deslourné  de  la  iustice,  et  qu'il  aura  commis  l'iniquité,  il  y 
»  trouuera  la  mort;  il  mourra  dans  les  qeuures  iniustes  qu'il  a  commises.  Et  lorsque  l'impie  se 
»  sera  deslourné  de  l'impiété  ou  il  auoit  vescu,  et  qu'il  agira  selon  l'équité  et  la  justice,  il  rendra 
»  ainsi  la  vie  a  son  ame  ».  Ezechiel,  4,  26  sq. 


204  JEAN    BODIN 

escript  dans  les  escritures  sainctes  (5),  mais  par  lauctorité  rhesme  (y)  de 
Martin  Luther  (6). 

Salomon.  —  Pour  moy  ie  nestime  pas  que  cette  repentance  a  la  fin  de  nos 
iours  (s)  soit  vtile  aux  meschans. 

Coroni.  —  Nous  croyons  que  par  la  puissance  que  Dieu  a  donnée  au 
prestre  celluy  qui  en  a  receu  labsolution  est  au  moins  (a)  quitte  de  la 
coulpe. 

Salomon.  -  Rien  ne  me  semble  plus  abominable  que  ce  pouuoir  que  les 
prestres  de  l'Eglise  Romaine  sattribuent  de  remettre  les  péchez  a  ceux  qui 
leur  confessent  :  cette  puissance  nappartenant  qua  Dieu  seulement  de  plain 
droict  (7). 

[659]  Coroni.  —  Mais  lesus  Christ  a  donné  cette  puissance  a  ses  aposlres  (b) 
et  a  leurs  successeurs  que  tout  ce  quils  lieroient  et  (c)  deslieroient  en  terre 
seroit  lié  et  ileslié  au  Ciel  (A). 

Curce.  —  le  né  voy  point  pourquoy  les  Pontifes  romains  (Bj  ont  appliqué 
ou  plustost  renuersé  ces  mots  de  lier  &  deslier  en  faueur  de  labolition  des 
péchez  :  si  ce  nest  quils  ayent  creu  leur  pouuoir  eslre  trop  borné  [d)  en  nen- 
treprenant  pas  (C)  sur  les  droicts  de  Dieu  qui  ne  peuuent  estre  communiquez 
aux  créatures,  ou  bien  pour  auoir  moyen  damasser  des  sommes  infinies  dor 

(5)  Lib.  2  Maccab.,  c.  12.  Matth.,  c.  5  et  12.  Epist.  la  ad  Corinth.,  3.  Ad 
Philip,  c.  2.  Epist.  2  ad  Timoth.,  1.  loan.,  c.  5.  Apocal.,  c.  5  (D).  -  (6)  In  reso- 
lutione  conclus.  15  (E).  —  (7)  lob.  c.  34  (F). 


{y)  M  omet  etiam.  —  (s)  MD  extremo  (S  insère  vitse)  spiritu.  —  (a)  N  eum  (amen  (peu  intel- 
ligible). MDsaltem.  —  (b)  MD  At  Chris  tus  hanc  apostolis  (N  aperlissime  discipulis)  potesta- 
tem  largilus  est  (N  largitur).  —  (c)  MD  ant.  N  et.  —  (d)  M  angustiores.  ND  augustiores. 

(A)  Matth.,  18,  18.  Cf.  Jean,  20,  23. 

(B)  (ïurce  reprend  ici  le  motif  déjà  traité  par  Salomon,  supra,  pp.  560  et  563. 

(G)  M  nisi  quod  angustiores  (ND  augustiores)  se  fore  putarunl,  si  in  jura  divinse  majestalU  in 
communicabilia  involarenl.  ND  est  intelligible  :  ils  deviendraient  plus  grands  s'ils  usurpaient 
les  droits  de  Dieu.  M  ne  l'est  pas.  R.  est  très  plausible,  qui  semble  traduire  angustiores  ..  nisi 
involarent,  =  ils  resteraient  trop  bornés  s'ils  n'envahissaient  pas  les  droits  de  Dieu.  Voilà 
encore  un  passage,  où  R,  différent  de  D  et  de  M,  a  sa  valeur  propre,  &  une  valeur  de  premier 
ordre. 

(D)  «  C'est  donc  sainte  et  salutaire  pensée  de  prier  pour  les  morts,  a  fin  qu'ils  soient  deliurez 
»  de  leurs  péchez  ».  II  Macchabées,  12,  46.  Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  tous  les  passages 
invoqués  par  Bodin,  et  qu'il  emprunte  sans  doute  en  bloc  à  quelque  index  —  la  table  de  ma 
Bible  (1604)  les  indique  tous  à  l'art.  Purgatoire  —  soient  aussi  nets  que  le  précédent.  Les  uns 
l'ont  allusion  à  un  enfer  souterrain,  les  autres  déclarent  que  les  péchés  peuvent  être  pardonnes, 
d'autres  enfin  ne  peuvent  être  rapportés  au  Purgatoire  que  par  interprétation  allégorique  : 
Matth. ,5,  25  et  12,  31;  /  Cor.,  3,13;  Ad  Philipp.,  2,  10;  H  ad  Timoth.,  1,18;  référence  inexacte, 
à  lire  /  Epist.  Johannis.  5,  16;  Apocal.,  5,  3  et  13.  Coroni  expose  ici  la  pure  doctrine  du  concile 
de  Trente,  sess.  25  De  purgatorio. 

(E)  lîesotutiones  dispulationum  de  indulgenliarum  virtute,  sur  la  thèse  XV  :  «  Mihi  cerlissi- 
»  mum  est  purgalorium  esse  ».  El  les  thèses  16  et  17  étudient  la  différence  enlre  purgatoire,  ciel 
et  enfer,  et  l'effet  du  purgatoire  sur  les  âmes  (Ed.  liebart,  t.  I,  fol.  3  b  sqq.  ;  éd.  moderne  de 
Weimar,  t.  I.  p.  555).  Ces  discussions  sur  les  indulgences  eurent  lieu  sous  la  présidence  de 
Luther  à  WiLlemberg,  en  1518.  Mais  le  même  Luther  ne  tarda  pas  à  parler  en  sens  contraire. 

(F)[Cf.[p.  5G3  note, 


DES    SECRETS    CACHEZ    DES    CHOSES    SI  BLIMES  205 

&  dargent  en  accordant  la  rémission  des  péchez,  puisque  nous  voyons  quils 
ne  pardonnent  pas  seulement  les  péchez  commis,  mais  encores  ceux  que  Ion 
veult  commettre,  en  dispensant  des  loix  diurnes  et  humaines  :  et  très  souuent 
pour  de  largent  ils  ne  remettent  (e)  pas  seulement  les  péchez  de  peu  de  con- 
séquence (/"i,  mais  aussy  les  plus  énormes  mesmes.  Dou  sont  sorties  les 
ventes  papales  des  indulgences  {y)  (À),  desquelles  Grégoire  premier  est  inuen- 
teur,  et  lesquelles  insensiblement  ont  bien  augmenté  depuis,  en  sorte  quils 
confèrent  iusques  a  mil  ans  de  pardon  (8). 

Les  bons,  explique  Salomon,  sont  punis  dès  ce  monde  de  leurs  quelques 
faiblesses,  et  récompensés  dans  l'autre  vie.  L'inverse,  ajoute  Octave,  arrive 
aux  méchants,  660-662.  Des  messes  pour  les  âmes  du  Purgatoire.  Federich 
invoque  l'autorité  des  Pères,  Toralba  la  raison  pour  nier  leur  efficacité.  Coroni 
opposant  le  livre  des  Macchabées,  on  conteste  son  authenticité.  En  cas  de 
doute,  conclut  humblement  Coroni,  courons  toujours  le  risque  d'être  utiles  à 
nos  morts,  663-667. 

Conclusion,  668-685.  Devant  les  dissensions  des  religions,  et,  à  l'intérieur 
de  chacune,  des  théologiens,  adoptons  donc  cette  religion  naturelle,  une, 
simple,  élémentaire,  inspirée  de  Dieu,  sur  laquelle  nous  tombons  tous 
d'accord,  668.  Chacun  défend  les  cérémonies  de  sa  secte.  Federich  repousse 
les  prières  que  Coroni  offre  de  faire  pour  les  autres.  Malgré  les  reproches  de 
Salomon,  Senamy  déclare  qu'il  est  prêt  à  prier,  dans  n'importe  quel  temple, 
le  Dieu  suprême  qu'au  fond  tous  reconnaissent,  669-674.  Salomon  prouve, 
par  des  exemples  historiques,  l'attachement  des  Juifs  à  leurs  rites  particuliers. 
Curce,  du  point  de  vue  politique,  redoute  la  coexistence  de  plusieurs  religions 
et  les  assemblées  secrètes.  Senamy  et  Octave  reprennent  l'éloge  de  la  tolé- 
rance, source  de  la  concorde,  675-678.  Curce  montre,  par  l'autorité  des  Pères, 
que  la  conversion  des  hérétiques  ne  doit  s'opérer  que  par  persuasion.  11 
rappelle  quelle  sédition  souleva  à  Lisbonne  la  conversion  forcée  des  Juifs, 
679-681.  Salomon,  alléguant  le  massacre  des  Juifs  à  Cracovie  (1401),  dit  que 
les  mauvais  princes  prétextent  la  religion  pour  dépouiller  et  tuer  les  inno- 
cents. Octave  flétrit  les  cruautés  du  cardinal  Ximénès  contre  les  Maures  de 
Grenade.  Federich  loue  le  mot  de  Théodoric  :  Religionem  imperare  non  possu- 
mus,  quia  nemo  cogi  polest  ut  credat  invitus.  Et  chacun,  en  respectant  la 
croyance  de  tous  les  autres,  reste  fixe  dans  la  sienne,  681-685]. 

(8)  Vide  librum  de  taxis  cancellariïe,  c.  de  absol.  et  dispensationibus. 


(e)  MD  veniam  larrjiuntur.  N largianlur.  — if)  N  nec  leviorum(MO  leviuin  delictorum),  sed 
robustiornm  impielatum.  —  \g)  U  venulium  indulgentiarum  (M  nundinationum,  inadvertance) 
pontificiœ  nundinaliones.  N pontificiis  nundinationis  copia  (?). 

(A)  On  comprend  que  le  protestant  Curce  attaque  les  Indulgences  :  voici  comment  le  concile 
de  Trente  a  tranché  la  question  :  «  La  puissance  de  les  accorder  a  été  donnée  à  l'Eglise  par 
»  J.-C,  et  l'usage  en  est  salutaire.  11  doit  être  retenu,  avec  modération  toutefois,  de  peur  que  la 
»  discipline  ecclésiastique  ne  soit  énervée  par  une  excessive  facilité  •>.  Sess.  25. 


INDEX 


ides    istoivcs    ex    des    choses 


Les  chiffres  indiquent  les  pages  du  présent  volume  et  non  ceux  du  manuscrit  1923  de  la  Bibliothèque  nationale. 
Je  ne  me  suis  pas  astreint  à  une  nomenclature  complète,  et  qui  aurait  inutilement  gonllé  cet  index,  de  tous  les 
persi mnages  ou  livres  cités;  j'ai  choisi,  ne  rappelant  que  les  moins  connus,  ou  ceux  que  Bodin  copie  sans  les 
nommer,  ou  ceux  sur  lesquels  j 'apporte  des  renseignements  biographiques  ou  bibliographiques. 


Aben-Esra,  94,  186. 

Adam.  Sens  allégorique  de  son  histoire,  181, 

182-184,  192-193. 
Corneille  Agrippa,  87. 
Allégorie,  181,  183,  193. 
Ame  mortelle,  31. 
Anciens.  Plus  saints  que  les  modernes,  88. 

Égaux  ou  supérieurs  aux  chrétiens,  151, 

182.  Leur  longévité,  153. 
Ane.  Juifs  et  chrétiens  accusés  d'adorer  une 

tête  d'  —,  138. 
Anges,  corporels,  152.  Ministres  de  Dieu,  35. 
Antipodes,    exemple    de    vérité    invraisem- 
blable, 167. 
Antiquité,   gage    de    force,   58.    Preuve    de 

vérité,  71,86,  131. 
Apollon,  démon,  71,  78,  81.  Ses  oracles,  71- 

78.  Délire  des  Pythies,  75,  81. 
Apologie  par  Bodin  de  son  attitude  pendant 

la  Ligue,  127. 
Arius  et  l'arianisme,  124,  148,  172. 
Astres.   Leur  influence  peut  être  neutralisée, 

186.  Ministres  de  Dieu,  35. 
Athéisme.  C'est  un   crime,  54.  Pire  que  la 

superstition,  128.  L'apparence    même   en 

est  dangereuse,  127.  Prétendu  athéisme  de 

Bodin,  24-25. 
Attitude  religieuse  des   sept  interlocuteurs, 

3,  24,  131,  164,  205. 
Autorité  contestée  par  la  raison,  160,  182. 
Averroès,  impie,  106. 
Avicenne,  107. 

Ballhus,  83. 

Baptême,  inutile  ou  ridicule,  182. 


Basile  (S.),  76. 

Basnage,  198. 

Bibliander.  46,   106,   107,  108,  109,  118-123, 

143. 
Blasphème  réprouvé,  102. 
Bodin  exprime-t-il  sa  pensée  dans  VHept.  ? 

23-24,  103,  198. 
Bossuet,  185. 

Calvin,  101,  114,  150,  186. 

Cardan,  77,  78. 

Catholicisme  (Voyez  Christianisme,  Église, 
etc.).  Antiquité  du  — ,  71.  Il  doit  sa  durée 
à  la  pompe  de  son  culte,  114, 115.  Théâtral, 
115.  EmprunLe  ses  rites  aux  Anciens  et 
aux  Juifs,  114;  le  culte  des  saints  aux 
païens,  196-197.  Suppose  ses  prêtres  dans 
la  toute-puissance  de  Dieu,  179,  198,  204. 

Cérémonies  (Voyez  Rites). 

Chalcondylas,  107. 

Chrétiens.  Mœurs  débauchées  des  — ,  99. 
Inférieurs  aux  anciens,  Païens  ou  Juifs, 
151,  182,  184. 

Christ  (Voyez  Rédemption,  Incarnation, 
Péché  originel,  etc.).  Est-il  le  Messie? 
136.  Esl-il  Dieu?  124,  149,  151-153.  La 
divinité  du  —  est  physiquement  impos- 
sible, 157.  Variations  de  l'Église  sur  la 
question,  171-173.  Le  —  se  prétendait-il 
Dieu?  146,  153.  A-t-il  été  prédit  par  l'An- 
cien Testament?  140.  Crucifixion  contestée 
par  les  Musulmans,  103,  123,  151.  Résur- 
rection contestée,  151-153.  Miracles  du  — , 
151-153,  163,  164;  contestés,  151,  164.  Le 
—  inférieur  à  d'autres  thaumaturges,  161- 


208 


INDEX    DES    NOMS    ET    DES    CHOSES 


163;  aux  héros  du  paganisme  ou  du 
judaïsme,  149-150.  Le  —  à  la  lête  d'âne. 
138.  Le  —  est  homme  el  créature,  164, 178. 
Engendré,  créature,  il  n'est  pas  Dieu  ni 
créateur,  166,  169  Sa  divinité  &  son  sacri- 
fice inutiles,  174-175.  Le  —  esl-il  nécessaire 
au  salut?  184. 

Christianisme.  Accusé  de  porter  malheur  au 
monde  romain,  51.  Variations  du  — ,  36, 
133-135,  171-173,  176;  justifiées,  173,  176. 
Emprunte  ses  cérémonies  à  l'antiquité, 
155-156;  les  multiplie,  194.  Plus  dur  que 
la  loi  juive,  194.  Le  —  et  les  persécutions, 
136. 

Christine  de  Suède,  5-6. 

Cinq-Arbres,  hébraïsant,  107. 

Citations  inexactes  ou  légères  de  Bodin,  17, 
52,  79,  86,  145,  148,  162,  170,  173. 

Clément  Romain,  163. 

Climats.  Théorie  des  —  transportée  dans 
l'élude  des  religions.  121-122. 

Cloîtres,  asiles  de  débauches,  102. 

Conciles,  123,  124,  171-173. 

Confession  auriculaire,  178-179. 

Conservatisme  de  Bodin,  58,  117,  131. 

Controverse.  La  —  ébranle  la  religion,  59- 
65,  66.  La  décliner  est  aveu  ou  malice,  65. 
Inutilité  des  controverses,  205. 

Critérium.  Difficulté  de  trouver  un  —  incon- 
testé de  la  vérité  religieuse,  66-69. 

Critique.  Esprit  —  opposé  violemment  à  la 
foi,  164,  168,  177,178. 

Cube.  Problème  de  la  duplication  du  — ,  80. 

Cusa  (Nicolas  de  —,  cardinal),  67,  80,  108. 

Danse.  Histoire  de  la  —  religieuse,  154-157. 
Décalogue  (Voyez  Judaïsme,  Religion  natu- 
relle, etc.).  Expression  de  la  loi  naturelle, 

95.  Universel,  96. 

Démons.  Ministres  de  Dieu,  35.  Ennemis  de 
toute  religion,  71-73.  Leurs  réponses 
intentionnellement  ambiguës,  73-78.  De- 
vins, 81-82,  84,  198.  Incubes,  144.  Assimi- 
lés aux  faux  dieux,  71,  81,  179.  Transpor- 
tent en  l'air  les  sorciers,  152.  Les  aident 
dans  leurs  prestiges,  163.  Evoqués  par  les 
théurges,  197. 

Denys  le  Chartreux.  108. 

Diecman,  2,  8. 

Dieu.  Unique,   100-102,  165.  Incorporel,  88, 

96,  160.  Inexprimable,  159-160,  165.  Éter- 
nel, étranger  au  temps,  188.  Son  nom 
mystique,  77-78.  Punit  moins  et  récom- 
pense plus  que  de  raison,  120,  183.  Nous 
justifie  par  nos  bonnes  œuvres,  quoiqu'il 
ne  soit  pas  tenu  de  les  récompenser,  193- 
194. 


Dieux.  Des  —  païens,  40-45.  Ils  sont  des 
démons,  71,  81,  179.  Sont-ils  les  vertus  du 
Dieu  unique?  43.  Ou  les  vices  personni- 
fiés? 44.  Leur  culte,  sincèrement  pratiqué, 
honore  le  vrai  Dieu,  46-56;  négligé,  il 
l'offense,  128,  155. 

Dolel,  25. 

Dulie.  Est  une  ouverture  à  l'idolâtrie,  195- 
196. 

Duplessis-Mornay,  39,  71,  72,  76,  77,  89, 
165. 

Éclectisme  religieux  d'Alexandre  Sévère,  49. 
De  Senamy,  38,  41,  49,  205. 

Église  (Voyez  Catholicisme,  Christianisme, 
Variations,  etc.).  Infaillible,  176. 

Ellies  du  Pin,  36. 

Erasme,  25,  185,  200. 

Erreur  de  bonne  foi  sur  la  vraie  religion 
n'est  pas  damnable,  130. 

Esprit  (S.).  Est-il  Dieu?  169.  Variations  de 
l'Église  sur  la  question,  172,  173.  Proces- 
sion du  —,  169,  173. 

Eslienne  (H.),  2. 

Etymologies  fantaisistes,  155. 

Eucharistie.  Contre  I'  —,  135,  198-200. 

Eunape,  197. 

Evangiles.  Contestés  par  les  juifs  &  maho- 
mélans,  68,  86.  Apocryphes,  141,  142,  190. 
Corrompus,  140-143,  148-149.  Contradic- 
toires, 141,  147-149.  Invraisemblables,  147- 
149.  Discordants,  147.  Abrogent-ils  l'ancien 
Testament?  102,  140.  Cités  dans  le  Koran, 
68,  143. 

Exemple  (mauvais).  A  éviter  :  voyez  Scan- 
dale. 

Expiation  (voyez  Pénitence,  Respo?isabilité, 
Liberté,  etc.).  Nécessaire  à  la  justifica- 
tion, 184,  202.  Temporaire,  200,  201,  202. 
Prouvée,  201. 

Extraits.  Pourquoi  on  publie  des  — ?  22-23; 
et  ceux-là,  23. 

Fables  (voyez  Légende). 

Fatalisme  (voyez  Prédestination).  Des  Stoï- 
ciens, 186. 

Fernel,  1. 

Fêles.  A  sanctifier  par  la  méditation,  &  non 
à  souiller  par  la  débauche,  99. 

Ficin  (Marsile),  35,  39,  71. 

Foi.  Définition  de  la  —,  63-64,  131.  Heurtée 
à  l'esprit  critique,  164,  168,  177,  178. 

Fonlenelle,  75,  83. 

Force.  Emploi  de  la  —  en  matière  religieuse, 
56,  59,  123. 

Gomara,  80,  89,  106,  179  (voyez  Indes  occi- 
dentales). 


INDEX  DES  NOMS  ET  DES  CHOSES 


209 


Grâce.  Doctrine  prolestante  de  la — justiti- 
cative,  180,  184.  Pour  et  contre  la  — ,  182. 
Lien  de  ce  problème  à  ceux  du  péché  ori- 
ginel vfe  de  la  liberté,  185.  La  —  est-elle  suf- 
fisante pour  le  salut?  182,  203. 

Grégoire  de  Nazianze,  158. 

Grotius,  4,  5. 

Guhrauer,  9. 

Hagiographes  chrétiens  remplis  de  fables, 
107,  108. 

Harmonie  des  contraires,  32. 

Hébreu.  L'  —  seul  fait  foi  dans  les  passages 
contestés  de  l'Écriture,  137,  140.  Langue 
d'origine  divine,  86. 

Hepiaplomeres.  Sens  du  mot,  1.  Origine  pos- 
sible,.!. Circonstances  du  colloque,  1.  Per- 
sonnages, 3.  D'enLre  eux,  quel  est  le  tru- 
chement de  Bodin?  23,24.  Date  de  1'  —,  3, 
4.  Autographe  de  1'  — ,  4,  5.  Exemplaires 
connus,  5,  6,  7.  Travaux  sur  1'  — ,  7,  8,  9. 
Intérêt  de  1'  —,  23-27. 

Hérédité  des  vices  et  vertus,  181-182. 

Huguenots.  Sympathie  de  Bodin  pour  les  — , 
127. 

Humanisme.  Rapports  de  1'  —  avec  la  Ré- 
forme, 24. 

Hypostases.  Voyez  Trinité,  Christ,  etc. 

Idolâtrie  (Voyez  Polythéisme,  Images,  Dulie, 

etc.). 
Images.  Culte  des  —,  95-96,  101,  102,  104. 
Immaculée-Conception,  175. 
Impiété  envers  les  faux  dieux  punie  par  le 

vrai,  53,  155. 
Incarnation    (Voyez    Christ),    160,    173-177. 

L'  —  impossible,  174.  L'  —  inutile,  174- 

175. 
Indes  Occidentales.  Les  pylbonisses,  81.  Sa- 
crifices humains,  89,   164.  Vomissement, 

symbole  de  purification,  106.  Usage  de  la 

confession,  179. 
Indes   Orientales.   Les    veuves    menées    au 

bûcher,  106.  Dieux  horrifiques,  55. 
Indulgences,  204. 
Intention.  Capitale  pour  l'évaluation  morale 

de  l'acte,  47-49,  180,  185.  Bonne,  elle  suffit 

au  salut,  111. 
Isthme.  Les  perceurs  d'  —  punis  de  Dieu,  79. 

Jamblique,  197. 

Judaïsme  (Voyez  Loi).  Église  incontestée  de 
tous,  67.  Repousse  l'appui  des  oracles 
païens,  72-73.  Prouvé  par  les  miracles  de 
Dieu,  69-70.  Les  persécutions  ne  prouvent 
rien  contre  lui,  135-136.  Conçoit  un  Dieu 
unique,  incorporel,  133,  160.  Ses  rites,  91. 
Chauviré 


Invariabilité  du  — ,  131-135.  Il  n'a  été  que 
le  rappel  de  la  religion  naturelle,  87,  95;  et 
n'est  encore  qu'une  étape  vers  elle,  1 13. 

Juifs  :  Les  —  en  Italie  au  xvie  siècle,  3.  Les 
—  peuple  élu,  132,  133,  L35,  loi',.  Disper- 
sion des  — ,  135.  Les  —  égaux  ou  supé- 
rieurs en  valeur  morale  aux  chrétiens  bap- 
tisés. 151,  184.  Mélancoliques,  de  voir  le 
Décalogue  foulé  aux  pieds,  99-100.  S'inter- 
disent la  controverse,  59,  65.  Leur  intolé- 
rance leur  a  été  funeste,  39.  Leur  langue 
est  primitive  et  divine,  86. 

Juridique.  Esprit  —  de  Bodin,  124. 

Justin.  Apocryphes  de  —,  168,  170,  171. 

Kasimirski,  46. 
Kimhi  (David),  90. 
Koran,  46. 

Légende.  En  matière  de  religion,  Bodin  la 

hait,  chrétienne  ou   musulmane,   108-109. 

Légende  dorée,  108. 
Leibnilz,  7,  8,  9. 
Léon  d'Afrique,  46,  118,  119. 
Léon  le  Juif,  94,  183. 
Levi  ben  Gerson  (R.),  90. 
Levi  ben  Iarchi  (R.),  90. 
Libre  arbitre  (voyez  Responsabilité,  Péché 

originel,  etc.),  180,  183,  184,  185-190,  203. 

N'est  pas  aboli  par  la  prescience  de  Dieu, 

188. 
Loi  juive  suffit  au  salut,  184,  187,  188.  Peut 

être  observée  sans   l'aide  du  Christ,   184, 

190.  Plus  douce  que  la  loi  chrétienne,  194. 
Lombard,  165,  166,  175,  176,  189. 
Luc.  Ses  deux  premiers  chap.  apocryphes, 

142. 
Luther,  102,  185,  190,  200,  204. 

Mahomet.  Invective  contre  — ,  106,  118-120. 
Apologie  de  —,  107.  Pour  et  contre  le 
paradis  de  —,  106, 107,  108,  116,  120.  Con- 
tre les  fables  répandues  sur  — ,  108-109. 
La  chasteté  prônée  par  — ,  121  ;  mais  — 
adapte  sa  religion  au  tempérament  orien- 
tal, 121-122.  Cite  la  Bible,  118.  Dénature 
l'Évangile,  68. 

Mahométans.  Fils  d'Abraham,  104,  116.  Sui- 
vent sa  loi,  67.  S'interdisent  la  controverse, 
65,  123.  Leurs  ablutions  symboliques,  106, 
116.  Les  —  contestent  que  le  Christ  ait  été 
crucifié,  103,  123,  151.  Les  —  proches  des 
Nestoriens,  123.  Eloge  des  — ,  106. 

Mahométisme.  Ses  dogmes  et  ses  rites,  103- 
104,  116.  Monothéiste,  103,  116.  Ce  point 
est  contesté,  118.  Le  — fécond  en  sectes, 
134.  Le  —  étape  vers  la  religion  naturelle, 
121,  122. 

14 


210 


INDEX    DES    NOMS    ET    DES    CHOSES 


Manuscrits  de  VHepl.  Liste  des  —  étudiés, 
11.  Étude  de  leur  valeur  comparée,  10-22. 

Manichéisme  combattu,  31,  181. 

Martyre.  Est-ce  une  obligation  morale?  125- 
128. 

Mélanchton,  166,  208. 

Mensonge.  Permis  aux  pasteurs  de  peuples, 
princes  ou  pontifes,  120-121. 

Messie  (voyez  Christ).  N'implique  pas  un 
Dieu,  137-140.  Signifie  Oint,  137.  Le  — 
sera  un  prince  restaurateur,  139.  Ou,  selon 
d'autres,  le  roi  des  cieux,  140.  Messianisme 
de  Salomon,  139-140. 

Miracle.  Prouve  la  vérité  du  judaïsme,  69- 

70.  Le  miracle  réduit  à  l'explication  ration- 
nelle, 146,  152. 

Maïmonide,  ou  Moïse  Rambam,  70,  159,  167, 
189. 

Monde.  Décrit  dans  les  cérémonies  mosaï- 
ques, 94.  Trois  mondes  qui  se  commandent, 
intelligible,  céleste,  élémentaire,  35. 

Monothéisme  loué,  88,  100-102,  128,  195.  Le 
—  exclut  la  Trinité,  166. 

Montaigne,  80,  106. 

Mopsus.  Son  oracle,  78,  79. 

Nafissa,  118. 

Nature  (voyez  Religion  naturelle). 

Natures.  Union  des  deux  —  en  J.-C,  166. 

(Voyez  Christ,  Trinité,  etc.). 
Naudé,  2,  4. 

Néo-platoniciens,  39,  87,  1«J7. 
Neslorius  et  Nestorianisme,  124,  172,  177. 
Noack,  9,  10. 

OEuvres  suffisent-elles  au  salut?  192-194. 

Omar,  46,  123. 

Opinion,  56,  62,  187. 

Oracles,  71-85.  Intérêt  de  la  question  des  — , 

71,  83.  Contradictoires,  74.  Supposés  par 
les  Chrétiens,  73,  74,  75,  171. 

Origène,  falsifié,  169. 

Originel.  Le  péché  —  est  le  nœud  de  toutes 
les  difficultés  de  la  théologie  chrétienne,  ■ 
181,  182,  185,  187.  Entache-t-il  la  Vierge? 
175.  Il  est  chimérique,  181,  187. 

Osorio,  55,  106. 

Païens.  Ont  300  Jupiters,  100;  et 36.000  dieux, 
37,  101.  Crédules,  et  prêts  à  croire  aux 
fables  chrétiennes,  160-161.  Les  —  ver- 
tueux sont-ils  damnés?  191. 

Papes.  Sorciers,  101.  Indulgences  conférées 
par  les  —,  179. 

Paracadius,  maître  d'Octave,  104.  Le  con- 
vertit, 110,  111. 

Pardon  des  injures,  danger  social,  164,  194. 


Passion  d'un  Dieu,  invraisemblable,  151. 

Guy  Patin,  2. 

Palrislique.  Littérature  —  corrompue,  169. 
Apocryphe,  170,  172. 

Péchés  (Voyez  Responsabilité,  Liberté, 
Expiation,  etc.). 

Peines.  Eternité  des —  impossible,  200,  201. 
Désespérante,  200. 

Pénitence  (Voyez  Péchés),  178-180,  202. 
(Juestion  de  la  —  liée  à  celle  de  la  liberté, 
185. 

Persécutions.  Inanité  des  —  contre  la  vérité 
des  religions,  136. 

Peuple.  Suit,  en  matière  religieuse,  l'exem- 
ple des  princes  et  des  savants,  56,  59,  123, 
128-131.  Obéissant  à  des  pontifes  qui  l'éga- 
rent,  reste  innocent,  130. 

Pharisaïsme,  attaqué,  113. 

Philon  le  Juif,  86,  181,  183,  191. 

Physique  confondue  avec  la  théologie,  158. 

Pic  de  la  Mirandole  (Jean),  1,  3,  39,  144. 

Pic  (Jean-François),  39,  144. 

Platon,  39,57,202.  Interprèle  l'oracle  pythien, 
80  Est  un  inspiré,  131. 

Pline,  79. 

Polythéisme  vaut  athéisme,  39  (Voyez  Mono- 
théisme, Dieu,  Dieux,  Païens,  etc.). 

Poncifs  juridiques,  47,  126. 

Postel,  2,  107. 

Prédestination  combattue,  186-187,  189. 

Prescience  divine  n'entraîne  pas  serf  arbitre, 
187-188. 

Prêtres  doivent  être  honorablement  entrete- 
nus, 117-118. 

Processions.  Origine  hébraïque  des  — ,  155. 

Proclus,  39. 

Prophètes.  Sérénité  des  —,  81.  Véracité  des 
—,  82. 

Prophétie  différente  de  la  divination  démo- 
niaque, 81-82,  84. 

Protestantisme  essaie  de  recréer  une  disci- 
pline religieuse,  24,  130. 

PLolémée,  astrologue,  121,  186. 

Purgatoire,  201-204. 

Pythies  (Voyez  Apollon). 

Raison.  Rayon  divin  infus  en  l'homme,  165. 
Dressée  contre  l'autorité,  160,  182. 

Récompenses  divines  supérieures  à  nos 
mérites,  120. 

Religion,  conviction  individuelle.  La  —  enta- 
mée par  les  controverses,  59-66.  Inaccessi- 
ble à  la  raison,  131,  165.  Est-elle  opinion, 
évidence  ou  foi  ?  62.  Est-il  permis  de  dis- 
puter de  la  —,  et  à  qui?  57-59,  128-131. 
Doit-elle  être  imposée  par  la  force  ?  56, 59, 
123,  205.  Confessée  à  tous  risques  ?  125- 


INDEX  DES  NOMS  ET  DES  CHOSES 


128.  Difficulté  de  trouver  un  critérium 
incontesté  de  la  vraie  — ,  66-67.  Preuves 
de  la  vraie  —  :  miracles,  69-70;  oracles, 
71-85;  antiquité,  86-89.  La  — ,  môme  fausse, 
mais  sincèrement  pratiquée,  atteint  Dieu, 
46-56,  128,  155. 
Religion  naturelle,  3.  Principaux  articles,  95. 
Monothéiste,  88.  95,  160.  Simple,  nue, 
sans' rites,  89,  111.  Suffisante  au  salut  pour 
tous  les  hommes,  88,  112.  Innée  avec  la 
raison,  87,  111,  160.  Conforme  à  la  cons- 
cience, 112.  Louée,  205.  Prouvée  par  la 
sainteté  des  Hébreux  antérieurs  à  Moïse, 
88,  112.  Par  son  antiquiLé,  86.  Identique  au 
mosaïsme,  87,  95;  surtout  depuis  que  la 
destruction  du  Temple  a  dépouillé  le  mo- 
saïsme des  rites  qui  l'en  différenciaient 
encore,  92,  113.  Les  religions  confession- 
nelles, étapes  vers  la  religion   naturelle, 

113,  121,  122. 

Religion,  phénomène  social.  Ciment  de  la 
société,  37-58,  127,  131.  Garante  de  la 
morale,  54.  Unité  de  —  souhaitable,  2<'5. 
Pluralité  préférable  à  dualité  de  — ,  36. 
Dangers  du  changement,  39-58,  127.  La  — 
grandeur  de  Rome,  51. 

Rédemption  ("Voyez  Christ).  Impossible  à 
une  créature,  164,  178.  A  un  Dieu,  178. 
Est-elle  prouvée  par  des  autorités  ?  17s. 

Reliques.  Contre  le  culte  des  — ,  101,  130. 

Responsabilité  de  la  conscience,  essentielle  à 
la  morale,  au  mérite  ou  démérite,  au  salut, 
178,  179,  180,  182,  183,  184,  203.  En  lien 
étroit  avec  le  libre  arbitre,  40,  47-49,  180, 
185. 

Résurrection.  Contestée,  151.  Scientifique- 
ment explicable,  152-153. 

Ricold  de  Montecroce,  10S. 

Rites.  Inutiles,  89,  90,  111,  112,  184.  Servent 
cependant  à  retenir  l'esprit  grossier  des 
simples,  111, 114,116.  Les  —  mosaïques  ont 
eu  pour  but  de  ramener  des  idoles  au  vrai 
Dieu  l'adoration  des  Juifs,  91.  Des  —  con- 
traires poursuivent  un  même  but  :  honorer 
Dieu,  153.  Étude  de  divers  — ,  105.  Les  — 
juifs,  91,  93.  Leur  sens  allégorique  est  la 
description  du  monde,  94,  105.  Rites  chré- 
tiens  empruntés  aux    religions   antiques, 

114,  154-157. 
Rousseau,  201. 

Sabbat,  97-98.  Justifié,  98. 
Sabellius  et  Sabellianisme,  124,  177. 
Sacrifices    humains,    démoniaques,    marque 

des  fausses  religions,  89. 
Sacrilège,    même    contre     les    faux    dieux, 

puni,  52. 


211 

Saints  (Voyez  Images,  Reliques,  Polythéisme, 

etc.),  95,  101.  Les  Pères  contre  le  culte  des 
— ,  194-195.  Origine  païenne  de  ce  culte, 
lin;,  197    Culte  dos  —  défendu,  198. 

Sanctions  (Voyez  Expiation.  Pénitence, 
Peines,  etc.  . 

Saint-Sixte.  Le  cardinal  de  — ,  108. 

Salut  (Voyez  Liberté,  Grâce,  Expiation, 
Loi,  etc.).  Est-il  possible  par  la  foi,  ou  par 
les  œuvres,  ou  par  les  deux?  191,  192-194- 

Sarrau,  4,  5,  6. 

Savants  qualifiés  pour  chercher  la  vérité 
religieuse,  59,  131. 

Scandale.  A  éviter,  127,  128. 

Scot,  63. 

Sectes  ennemies  sapent  leur  commune  reli- 
gion, 61  62. 

Senckenberg,  8.  9,  10. 

Sibylles  (Voyez  Apollon).  Vers  sibyllins  sup- 
posés, 76. 

Sincérité.  Valeur  de  la  —  religieuse  (Voyez 
Dieu,  Intention,  Religion  . 

Simon  le  Magicien,  162-163. 

Songes  divinatoires,  84-85.  Chez  les  contem- 
porains, 85. 

Sorciers.  Transportés  en  l'air,  152.  Thauma- 
turges, 161-163.  Outragent  leur  dieu,  outra- 
geant ainsi  le  vrai  Dieu,  54  (Voyez  Dé- 
mons). 

Souverain  bien.  Est-ce  la  vertu  ou  la  con- 
templation de  Dieu?  131. 

Stancari,  166. 

Steuchus,  72,  75. 

Stoïciens,  fatalistes,  186,  188. 

Symboles.  Histoire   des  quatre  — ,  171-173. 

Talion.  Loi  du  —  louée,  164. 

Targum.  Les  trois  —,  90. 

Ancien  Testament  (Voyez  Loi).  Seul  incon- 
testé, 147.  Est-il  abrogé  par  le  Nouveau? 
102,  140,  184. 

Nouveau  Testament  (Voyez  Évangiles). 

Tétragramme,  77,  200. 

Thémistius,  36. 

Théologie  et  physique  confondues,  158. 

Théophylacte,  196. 

Tolérance,  louée,  41,  205. 

Traduction  française  de  VHept.,  18-22.  Copies 
de  cette—,  18-19.  Son  origine,  19-20.  Sa 
date,  20.  Valeur  de  son  témoignage,  20-22. 
Sentiments  religieux  de  l'auteur  de  cette 
-,  102,  103,  115,  117. 

Transfiguration,  contestée,  161. 

Trinité.  Inintelligible  et  ineffable,  165-168. 
Logiquement  impossible,  164.  La  —  dans 
le  Vieux  Testament  et  les  philosophes 
antiques,  171. 


212 


INDEX    DES    NOMS    ET   DES    CHOSES 


Turcs.  Politique    tolérance  des  — ,  37,  45, 
46. 

Urim  et  Thummim.  Divination  par  — ,  71, 
84. 

Van  Dale,  83. 

Variations  de  l'Eglise  romaine,  171-173,  176. 

Venise  au  xvie  siècle,  1-2. 

Vertu.  A  sa  valeur  indépendante  de  la  reli- 


gion, 50.  Porte  en  soi  sa  récompense,  122. 
Est-elle  le  souverain  bien?  131. 
Vierge.  Culte  de  la —  condamné,  195,  197. 
Immaculée,  175.  Enfantement  miraculeux 
de  la  — ,  144-146;  justifié  par  des  exemples 
analogues  de  génération,  144-145. 

Wier,  73,74,  75,  76,89,  144,  161. 

Zonaras,  87. 


TABLE   DES   MATIERES 


Pages 

Introduction 1 

Livre  I 29 

Livre  II 29 

Livre  III 30 

Livre  IV 32 

Livre  V 125 

Livre  VI 153 

Index  des  noms  et  des  choses 207 


34.674.  —  Bordeaux,  Imprimerie  Y.  Cadoret,  17,  rue  Poquelin-Molière.