^
BULLETIN
COMMISSIONS ROYALES
D^AllT ET DWRGHÉOLOGIE.
BULLETIN
COMMISSIONS ROYALES
D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE
SEPTIÈME ANNEE.
BRUXELLES,
C. MUqUAKDT, ÉDITEUR, PLACE KOYAI.E,
MiMiie iiKiisuii à ri.'iiiil el :i l.eip/ig.
1868
THE GETTY CENTER
LIBRARY •
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RESUME DES PROCÈS-VERBAUX.
SÉANCES
des i, II, |.S >•[ m janvier; des I, 'f, 8, 15, |K, ±i cl 2\) levrit-r 1S08.
Kvt»t>lv.
SCULPTURE.
L;i Commission ;i ai)pi'ouvt' N' dessin rohilifà l'appropria- iL>,iis« ,i,: 11,1,1
lion des volels de l'aneien relable de l'église de Thieien.
Mais, en a))pronvan( ce projet, elle n'a pu accueillir de mènie
la |)roposition ([ni lui a été l'aile (jnanl aux sculptures qui
doivent venir compléter les peintures primitives.
VjU |)rinci[)e, il n'y aurait pas d'inconvénient à ce (prou
complétât un retable gothique par des surmoulages d'un bas-
relief du même style, de la même époque et dont les propor-
tions s'accorderaient parfaitement avec les lacunes à rem]>lir,
— 6 —
il coiidilion (iiic ce .suniiouliige fût. pris sur un ouvriii^c l'cuiiir-
(juublc el(|ui valût la peine d'èlrc copié.
Cette question a déjà été examinée en France, et c'est ainsi
(ju'elle a été résolue par les archéologues les plus distingués
de ce pays. Une telle mesure ne pourrait en effet présenler
(|ue des avantages :
1" Des surmoulages de ce genre serviraient à perpétuer
de belles sculptures dont les originaux sont sujets à |)lus
d'une chance de destruction;
!2" Ces copies de chefs-d'œuvn; propageraient |)lus elïica-
cement en province le goût et le sentiment des arts (|ue des
originaux médiocres, et elles sej'aicnit beaucoup moins coû-
teuses .
Mais il semble résulter des renseignements communi(|ués
({ue le bas-relief original d'IIulshout, dont on propose de
))rendre des surmoulages, serait d'une composition assez
intéressante, mais d'une exécution des plus défectueuses;
il appartiendrait, en outre, à l'art de la fin du xvi* siècle,
c'est-à-dire qu'il n'aurait aucun rapport de style avec le
retable gothique dont il deviendrait le complément. Il est de
loute évidence, dans ces conditions, (ju'un tel assorliment
ne |K)urrait être autorisé et qu'il y aurait lieu de l';iire une
composition entièrement nouvelle des sculptures. Des pho-
tographies des bas-reliefs d'IIulshout seront demandés afin
d'éclaircir la question.
M..M Ml ii.u Des délégués ont examiné les modèles préparés pour le
monument du i)oële llauwaert, destiné à la commune de
Saint-Josse-len-Noode. L'exécution de ces modèles donnait
lieu à quelques observations ; l'artiste s'est engagé spontané-
ment à V faire les retouches nécessaires. La Commission a
Ifii NoikK'
été L'galt'iiit'ut coiisullcc sur les propusilioiis du sculplcur
lenclanles à exécuter le buste d'Hauwaert en bronze el les
génies, les dauphins, les écailles et autres ornements en zinc.
On ne voit pas d'inconvénient à l'emploi simultané de ces
deux métaux. Le monument gagnera à la fois plus de solidité
el plus d'harinonie qu'il n'en aurait eu par la combinaison
primitivement ])roposée et qui consistait à employer simul-
tanément la pierre bleue, la pierre blanche, la fonte de fer et
le marbre blanc. Toutefois, il est un renseignement qu'il
Importerait d'avoir avant de pousser plus loin l'ouvrage dont
il s'agit. Le moimment d'Hauwaert consistant en une fon-
taine monumentale, l'architecture y joue un très-grand rôle
et devra faire l'objet d'un examen spécial. Mais il serait im-
possible de dresser aucun |)rojet ni de donner aucune instruc-
lion à l'auteur, sans connaitre, à l'avance, l'emplacement des-
tiné au monument. Il serait à désirer que le conseil com-
numal de Saint-Josse-ten-Noode fit connaître sa décision sur
ce point. Il va de soi, en effet, que l'emplacement exercera
une influence décisive sur les proportions et même sur la
forme à domier au momiment Hauwaert, el (|ue celui-ci
devra se transformer d'une façon très-radicale suivant qu'il
sera érigé sur une place vaste ou resserrée et (pi'on jugera à
propos de l'isoler ou de l'adosser à telle ou telle con-
slruclion.
GONSTRUCTIOiNS CIVILES.
La Coimnission a approuvé les plans présentés pour la Hospice. de Leup--
*' ' ' '^ gheiii et d'iiigrlniun-
construction d'hospices à Leupeghem (Flamlre orientale) et "*'•
à Ingehnunster (Flandre occidentale).
— 8 —
^ H.M.hi.viii.MiAM- 4pivs jivoir pris connaissance des rap|torl.s cltsM. larclii-
Iccte de la ville d'Anvers, concernant les Iravaux de restau-
ralion eiïecliiés à l'iiôlel de ville, la Commission pense qu'il
y a lieu de mettre en liquidation le subside accordé par le
Gouvernement.
Édiiues-iviiEdeiM M. Ic Minisirc de l'intérieur a transmis à la Conmiission le
pniviiice «le >!imur.
)-apport suivant, comprenant la nomenclature des édifices
civils de la proviiK-e de Namui- qui paraissent dignes d'élre
conservés, soit à cause de leur caractère ai'cliitectural, soit
à cause de leur intérêt historique :
.\amur, le !2.') janvier 18()8.
Moï)sieur le Ministre,
j'ai l'honneur de vous adresser une lish'
des constructions dignes d'être conservées, appartenant à
des particuliers et situées dans la province de Namur :
J" Namur. — Dans la chaj^elle de l'hospice Saint-Gilles
se trouve la tombe si curieuse de Colai-s .lacoris, sculpteur
nanuii'ois du xiv'" siècle.
Sons nne niche formant dais, la statue de notre artiste est
posée sur une dalle épaisse dont la tranche porte rinscrij)tion
suivante : Chi. gisl. Colars. Jmoris. ialures. dimaçjcs. cl.
frères, de le. maison, qui Irepacal. en. lan. de grave.
MCCG.LXXX.XIIIII.
Trois petites figures élégaiites, en costume civil, suppor-
tent cette dalle et servent de décoration à la partie inférieure
du tombeau. Colars Jacoris est représenté couché, révolu
— 1) —
d'une i'ul)c larux.'inoiil drapée; la léle repose sur un coussin
et les pieds sont appuyés sur un chien. Celle slalue, d'un
excellent style, est parvenue jusqu'à nous dans un bon état
de conservation.
La tombe de Colars Jacoris se trouvait, il y a une vinp-
laine d'années, dans la chapelle des grands malades, dont il
fut un des frères, ainsi rpic nous l'apprend l'inscriiition. Loi'S
de la vente de celte léproserie par l'administration des hos-
pices, ce tombeau fut transféré dans la chapelle de l'hôpital
Saint-Gilles où il se voit encore aujourd'hui, ou plutôt, où il
pourrait se voir, car un mur de chaises le cache le ])lus sou-
vent aux regards des curieux.
2" Bouvignes. — Sur la place de cette jK'tile ville dont
elle complète l'aspect si pittoresque, est une charmante mai-
son du xvii* siècle construite en briques et en pierres; mal-
heureusement, elle a été récemment badigeonnée. Siège, dit-
on, de l'ancien bailliage, cet édifice a|)partienl aujourd'hui à
un particulier.
5" Bouvignes. — Non loin de l'église de Bouvignes, dans
une ruelle, est une maison en bois, de la Renaissance, dont
les consoles sculptées méritent de fixer l'attention. Celle mai-
son est menacée d'une destruction i^rochaine.
i° Poilvache. — Les ruines de Poil vache présentent en-
core une importance assez grande; vues de la Meuse, ses
vieilles tours et ses longues murailles, plantées au sommet
du rocher, offrent l'aspect le plus pittoresque. A l'intérieui-,
il est très-facile encore de se rendre compte de la disposition
générale de cette vaste forteresse. Château des comtes de
Luxembourg, puis des comtes de Namur, Poilvache a sou-
tenu bien des assauts, et son histoire est une ])agc importante
— Kl —
(les annales de l'aiicieii conilé de Naniur. Le Gouveriieiiienl
ne pourrait-il acquérir ces ruines ou les mellre, au moins,
sous sa protection? Poilvache apj)artient à M. Baucliau
d'Oetingen.
5" Thij-le-Cliàteau. — Ce château a été élevé ;V la lin du
xii" siècle par Guillaume, frère de Bauduin V, comte de llai-
naut. Les parties encore existantes de cette habitation leo-
dale sont très-remarquables, surtout les cinq fenêtres romanes
de la façade; deux d'entre elles présentent une disposition
})arliculière que nous n'avons rencontrée nulle part en Bel-
gique; il serait urgent de les faire dessiner. La grande salle
du château était chauffée par deux cheminées; elle mérite
aussi toute l'altcntion de l'archéologue.
6° Floreffe. — La brasserie de l'abbaye de b'iorell'e est
une consiruclion du commencement du xiii" siècle. Bâtie
avec une extrême solidité, elle est parvenue jusqu'à nous
dans un excellent état de conservation. C'est un des édifices
civils les plus intéressants du pays.
7" Saint-Gérard. — Les écuries de l'ancienne abbaye de
Brogne sont encore conservées; les voûtes, qui datent de la
lin du xii'^ siècle, sont construites en tuf; elles méritent
d'être visitées.
8" Moniaigle. — Château construit à la fin du xiif siècle
par les comtes de Namur et détruit en i 554 par les Français.
Les ruines de Montaigie offrent un grand intérêt pour l'his-
loire do l'architecture militaire au moyen âge. Situées sur un
rocher isolé, au milieu d'un silo des plus sauvages, ces ruines
furent souvent un sujet d'étude |)Our nos jiaysagistes. Pro-
priété de M. Emmanuel Del Marmol, Montaigie est poui- long-
temps, nous l'espérons^ à l'abri des dévastations.
— M —
[)" LavaiLv- Sain le- Anne. — Ce chàlcau lut rebâti en
grande partie au xvei'' siècle par les coiiiles de Rouvroy; il
présente un type complet el très-intéressant des grandes
habitations seigneuriales de cette épo(jue. De nombreuses
peintures en décorent encore l'intérieur ; la salle de bain, les
escaliers, sont surtout reniai'(piables. Le donjon du château
primitif existe encore ; c'est une tour énorme où furent mises
en usage toutes les ressources de l'architecture militaire du
XIV'' siècle; aussi mérite-t-il d'être étudié avec grand soin.
Un pilori, composé d'une colonne en pierre à laquelle sont
encore lixés la chaîne et le collier, se trouve renversé dans la
cour. Bien ([ue n'étant plus habité depuis longtemps, le châ-
teau de Lavaux-Sainte-Anne est bien eniretenu par son |»ro-
priétaire actuel, M. Masauge.
10" Crupet. — Donjon très-cui'ieux élevé au xv'' siècle
au milieu d'un étang; il offre l'aspect le plus pittoresque.
Il" Spo7ilin. — Berceau de la famille de Beaulbrl-Spon-
tin et château souvent mentionné dans les guerres du moyen
âge. L'ancienne porte d'entrée llanquée de ses deux tours
est un superbe modèle de décor. Le donjon est bien
conservé; on y voit encore les traces du bélier (jue
poussaient les Liégeois contre ses murailles. Ce château
api)articnl aujourd'hui au comte Victor de Gourcy de
Miaunoy.
12" Caverenne, commune de Dvéhame. — Donjon datant
des premiers temps du moyen âge, histoire inconnue. Malgié
son état de ruine, il offre des détails très-intéressants i)oiir
l'archéologue.
15" FagnoUes. — Château de [)laine présentant encore
des ruines considérables et très-curieuses.
Éi,'liMMleS"-M;.iiP,
à Scliaei'hvi'k.
— ri —
14" Dourhes. ■ — Uuines d'un donjon dans une posilion
(rès-pittoresque.
15" Fernelmont, commune de Noville-les-Bois. — Clia-
louii en partie reconstruit au siècle dernier, ce(|ui i-esle du
château primitif est parfaitement conservé et d'un grand
intéi'èt archéologique.
16" Corroy-le-Chàteau. — Ghàleau de plaine construit
avec un soin ])articulier; on y remarque surtout les })ortes
d'entrée, les tours, la chapelle. Élevé au commencement du
xv" siècle, ce château appartient aujourd'hui ii M'" la mar-
(fuise de Trazegnies.
( Signé ) A L F r^ E D B e q u e t ,
Membro rlii Comité |troviii(i;il.
EDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
CONSTRUCTIONS NOUVELLES.
La Commission a approuvé :
I" Les projets relatifs à la construction d'églises à :
Mazy et à Rochefort (Namur) ;
Sohier et Fratin (Luxembourg) ;
Limont, Blehen, Sart et Jevigné (Liège).
La Commission a cru devoir adresser des éloges à l'au-
teur de ces deux derniers ])roj(3ts (pii um'ssent i\t^ qualités
de goùl et de pittoresque assez i-ai-es à toute la sinqilicité et
à toute l'économie qu'on peut demander à des constructions
rurales.
2". Les plans relatifs à la construction de la coupole de
l'église de Sainte-Marie, à Schaerbeek, lez-Bruxelles.
— 13 —
M. le Minislrc do la justice a conimuiiiqué à la Coinuiis- ;, Mf;le'^bl.t,t.s!*,"^^^^^
sion un rapport présenté à la Dé|)utation pernianenli' du
Brabant au sujet de l'église en voie de construction à Molen-
Ix.'ek-Saint-Jean. Il résultait de ce rapport que cette construc-
tion s'exécutait sans aucune appi-obation préalable de l'aulo-
rité compétente. Le conseil de febrique alléguait que l'édifice
qu'on bâtissait n'était qu'un temple provisoire, tandis que
l'architecte provincial aflirmait que les travaux commencés
indiqudient une construction monumentale. Sur l'invita-
tion de U. le Ministre de la justice, des délégués se
sont rendus à Molenbeek-Saint-Jean, afin de se rendre un
(îompte exact des travaux exécutés. Ils sont d'avis que
celte église, qui s'élève déjà à deux mètres au-dessus des
fondations, a bien le caractère d'une construction délinitive.
On peut d'autant moins l'approuver qu'elle s'exécute sur un
emplacement dont la Commission a dû critiquer, à plusieurs
reprises, le choix malheureux, et d'après des plans qu'elle a
déjà signalés comme très-défectueux. Il est à remarquer
aussi qu'on semble avoir voulu donner à la façade de l'édilicc
une importance exagérée en laisanl des écononues regretta-
bles sur le reste de la construction, ainsi que sur le choix
des matéi-iaux, et cela au détriment même de la solidité d(: la
bâtisse. C'est ainsi que, d'après les plans qui servent à
la <lirection des travaux, la façade est flanquée de deux tours
tlont l'i'xécuiion sera très-coùleuse, tandis (pie l'édiiice en(i(>r
ne mesurera (pie quinze; mèlres de largeur dont six poui- la
nef princii»ale. (iVsl ainsi encore, (piepn^sque toutes les sail-
lies à la base des colonnes ou pilasti'cs, celles des bas-côtés
notamment, seront faites en phioiinage au lieu «U- l'cic,. ,^||
pierre de taille, etc.
_ u —
En présence de ces laits, on doit vivement regretter la
marche irrégulière suivie par la fabrique, qui n'a tenu au-
cun compte des conseils qui lui ont été donnés et qui en est
arrivée déjà à une dépense de 60,000 francs pour établir
une construction qui laisse autant à désirer sous le rapport
de l'emplacement qu'au point de vue arcliitectonique.
Église ,io Noi.P- La Commission a approuvé le devis relatif à l'achèvement
de l'église de Notre-Dame-aux-Fièvres à Louvain. L'évalua-
lion des travaux à faire, pour mettre l'église en état de servir
au culte, s'élève à 214,450 francs. Le devis concernant l'a-
chèvement de la tour et la construction de la flèche monte à
70,318 francs.
TRAVAUX DE RESTAURATION.
Louvain.
i'eiis*>s ,1 Aust.»- Des avis favorables ont été donnés sur les travaux de res-
wep|, ir.Mkcii PI t\p
'"'"""'■ tau rai ion proposés ])our la tour de l'église d'Austruweel
(Anvers) et l'église d'Alken (Limbourg), ainsi que sur les
travaux exécutés à l'église de Lommel.
Cathedra!.- .ivn- La Commissiou a approuvé le dessin présenté |)our la res-
vei'seléglise (If Saint-
Nicolas, H inxniu.ie. (rj,,f,a^JQp ^\ç,^ mcncaux de deux fenêtres d'une des chapelles
absidales de l'église de Notre-Dame, à Anvers, et le devis
relatif à la restauration de l'église de Saint-Nicolas, à Dixmude
( Flandre occidentale).
i^giisp d.. s'-Mai- L'adn)inistration communale de Lié^e a fait connaître (lu'il
tin, il I i/'tfP. *
lui était impossible d'augmenter sa quote-part d'intervention
dans la restauration de la tour de l'église de Saint-Martin.
Dans cette conjoncture, la Commission ne peut ((ue se féli-
ejler d'avoir proposi'- l'adoption d'un mode de rcslaiir.'ilioii
— 15 — .
qui tend à réduire les dépenses, puisqu'il permellrn de con-
server une grande partie des parements.
Elle ne pense pas, d'ailleurs, que la tour de Saint-Martin,
considérée comme monument, offre un intérêt assez puis-
sant pour que le Gouvernement doive augmenter ses propres
subsides et faire des sacrifices qui seraient hors de propor-
tion avec ceux des autres administrations. Évidemment, s'il
y avait ici des sacrifices exceptionnels à s'imposer, c'est au
conseil communal de Liège qu'on devrait d'abord les deman-
der, puisqu'il est le premier intéressé à la conservation des
monuments locaux.
La Commission s'est ralliée à la j)roposition de M. le gou- K?ii*<>.ieS' ni.i.^it
verneur du Luxembourg, tendante à obtenir que les subsides
alloués par l'Etat à l'église de Saint-Hubert soient augmentés
dans toute la mesure du possible. La somme qui restera
cette année à la disposition du conseil de fabricjue, en en
défalquant les frais de placement d'un paratonnerre, ne
parait pas suffisante pour pousser les travaux avec l'activité
nécessaire. Il serait également fâcheux, soit de suspendre
des ouvrages commencés, soif de se trouver dans l'obligation
de diminuer des ateliers (pi'il a été difficile d'organiser. Entin
l'on ne peut perdre de vue que l'église de Saint-Hubert n'est
pas seulement un des édifices remarquables du pays, mais
qu'elle constitue aussi le seul monument important que pos-
.sède la province du Luxembourg. Elle a droit, à ce litre, à
la sollicitude particulière du Gouvernement.
Dans un rapport daté du mois d'avril 18(17 (\. p. 80 fuii^- j-^ viiur*
6' année du Bulletin), la Commission avait insisté pour que
l'ancienne église de YiHers-Polterie fût conservée; elle pro-
posait (Ml mèiiie temps de rap|)ro])j-ier à l'usage d'école, ce
— 16 —
qui permettait de miliser une nolable économie. L'adminis-
tration locale a objecté que les travaux à l'aire de ce chol
occasionneraient une dépense de 9,000 francs. 11 résulte,
d'une vérification faite sur les lieux mêmes, que cette évalua-
tion est fort exagérée et que la dépense ne dépasserait guère
.j,000 francs, y compris l'indemnité de 2,S00 francs à allouei'
à l'entrepreneur, du chef des matériaux qui devaient lui être
cédés. En présence de considérations financières d'une aussi
minime importance, la Commission ne peut que maintenir
les conclusions du rapport précité.
fëiisea.s'T.ioiv, La Commission a été appelée de nouveau à donner son
avis sur le projet de démolir l'ancien portail de l'église de
Sainte-Croix, à Liège, dans le butd'élargir la voie publique.
Elle a cru devoir se référer, en tous points, au raj)port motivé
qu'elle a adressé, le 27 septembre 1864, à l'administration
supérieure (v. j). 485, 3'' année du Bulletin) et par lequel
elle réclamait la conservation intégrale de l'édifice. On ne
peut mèconnaiti-e, sans doute, que les considérations d'arl
ne doivent plier, en certaines circonstances, devant d'autres
considérations d'un ordre plus jjositif. Mais c'est au Gouvei"-
nement qu'il appartient d'apprécier, en dernier ressort, jus-
(prà (piel point les besoins reconnus de la ville de Liège jus-
ti lieraient ce sacrifice. Il ne reste, au sujet de cette atlaire,
qu'à rappelei* un vœu déjà exprimé précédemment. Il arrive
trop souvent (jue les plans d'alignement des rues^sont dres-
sés sans (|u'on se préoccupe des monuments qui })euvenl
se n;nconlrer sur les lignes projetées. C'est le conti-airc
(pii devrait èli'e la règle. Les villes aui-aicnl loni à gagner,
la phipai't du leinps, à ce <jue les alignements nouveaux
fussent ('liidii'S en vue de cdiiserver, de di-uanvr. de faire
— 17 —
valoir les vieux monuments qui font partie de leur histoire
et auxquels elles doivent souvent, pour une si large part,
leur célébrité et leur splendeur.
La Commission a appuyé les propositions de l'adminis- ÉgUse de Nmrp-
tration communale d'Anvers, tendantes à prolonger, pour
un nouveau terme de vingt ans, le concours du Gouverne-
ment et des autres autorités intéressées, dans la restauration
de la cathédrale de Notre-Dame.
Les plans relatifs à la restauration du transept Nord de t.^y^e ,ie s-jac-
l église de Saint-Jacques, à Liège, et à la construction d'une ''""'
chapelle et d'une sacristie, ont été revêtus du visa, après
avoir été modifiés conformément aux observations du Collège.
Le Secrétaire de In Commission royale des Monuments ,
J. Rousseau.
Vu en conformité de l'article 2o du règlement.
Le Président ,
W E L L E N S.
AXCIIA ClIATllAT I)K InVS.
l.\Tl;oi»rr.T|nN
Lr toiirisli' <|ui
rnpilalp do rvli
riiorizon. m" •
n'S(|uo iloii.
Silure au p^inl r
lion coïKcr
•et M riii^t
i
(/u rAd/rviiAin^
parce (|u ellr r^( ctiki-** «^ur ic» nitn* ^ d uii<> aipBi<
ronde <pii f.iiviil |mrt««' du
La virille lour. ^ •.»•'
f« rence, vl donl N
la villf, sVlail . ji ;
Lf ir. avril de i'anm-e suivaoU*. le con^-d de nlfcni
le projel de rccunsiruetion pnr^mlé par
L'exéculioii des \n^ . n li uim i
sur le f/rain hrai.s,-. | :.r -t [r.i ru\ai nu il juilk'f
i'oneu :
« Par un exln'mr malheur. In aran^p lour d*kh'
(«) Sa hauteur e^'
quatrt' Tares sont s,-
— 19 —
T> Lieu estante tombée en ruines, ils (les maa:istrats) ont été
obligés d'exposer jusques à 5,200 livres pour mettre les
cloches, ferrailles, plomb et semblables pièces principales
en sûreté, et ranger les matériaulx es lieux et rues circon-
voisines, pour s'en servir plus commodément à la répara-
tion d'icelle, laquelle cependant est nécessaire d'estre
remise en estât, d'aultant qu'il n'y at que ceste seule
assiette d'où l'on puisse, en temps de guerre, descouvrir
les embusches et approches des ennemys; en sorte qu'il y
vat de nostre service qu'elle soit restablie tant pour la con-
servation de nostre dite ville que la province en général ;
et comme c'estoit aussy l'orloge qui régloit icelle ville, et
que, par ceste destruction, il se trouve beaucoup de confu-
sion et dérèglement oultre le péril de feu de nuit, que l'on
ne sauroit aussi découvrir en plusieurs endroits que de
ceste seule éminence; les dits échevins, conseil et com-
munauté ont fait dresser un model et résolu de furnir le
surplus des deniers de ceste dite taille de vingt patars à
la rasière de grain braisé, etc., etc. »
Un dossier des archives de la ville renferme une requête
du mayeur, des échevins et du conseil, adressée, en 13.55, à
l'empereur Charles V, pour lui exposer que : « de tout temps,
« les souverains du Hainaut avaient contribué à la moiti(''
« de la dépense de l'entretien de la tour, maison et horloge
)> de leur château de Mons, ainsi que du guet qui s'y faisoit : »
ce qui pouvait se vérifier par les comptes de la recelte de ses
domaines, précédemment rendus <à la chambre des comptes,
à Lille.
Déjà, en looO, l'empereur avait contribué pour moitié
à la réédification de la tour à horloge, dont le couronne-
— 20 —
ment en bois fut incendié en 1348. La reconstruction de la
partie détruite coûta 6,000 livres tournois. C'est donc à cet
édifice que succéda, au wii'' siècle, la magnifique tour ac-
tuelle , l'un des monuments les plus grandioses que la
Renaissance ait élevés en Belgique.
En arrivant près de ce monument, témoignage des libertés
communales accordées aux bourgeois de Mons, on aperçoit,
sur le sommet de la montagne, les ruines de la vieille en-
ceinte du château.
L'état de ces murs atteste une longue existence, et nous
pensons qu'ils appartiennent au xi" siècle, quoique certains
historiens voudraient leur assigner une date plus ancienne
encore. Aucune des recherches faites, à plusieurs reprises,
dans l'enceinte du château, n'a amené d'autre découverte que
plusieurs objets du moyen âge et des temps modernes, entre
autres, des monnaies et une flèche.
Toutefois, on peut soutenir avec certitude, dit M. Ghalon,
dans une note publiée dans le Bulletin des Commissions
royales d'art et d'archéologie, « que ce lieu fortifié existait
» depuis l'époque carlovingienne, car Charles le Chauve y
» a frappé monnaie » ; mais les premiers remparts, con-
struits en terre et bois, ont entièrement disparu.
Les Régnier, les Baudouin et leurs châtelains habitèrent
le château de Mons. C'est là que furent octroyées les chartes
criminelle et féodale de l'an 1200. Les comtes de Hainaut,
des maisons d'Avesnes et de Bavière (i), l'occupèrent aussi
jusqu'au départ de la duchesse Jacqueline.
(i) Un inventaire, sur parchemin, fait en présence de deux féodaux, le mercredi
; près l'Assomption, en août 1358, renseii^ne tout ce qui composait le harnais de
liuillaume III, conservé au château de Mons (archiv. de la ville).
— 21 —
Nous allons d'ailleurs donner, au double point de vue de
l'ensemble et des détails principaux, une petite description
des constructions représentées par les dessins ci-joints.
1. — Murs d'enceiî^te.
L'enceinte s'étend sur le plateau qui domine la ville elles
environs. Les terrains avoisinants, étant étages par gradins,
en rendent l'accès difficile. Pour y parvenir, on a tracé deux
rampes : l'une, au sud, prend naissance dans la rue des
Clercs et porte le nom de rampe du Château; l'autre, au
nord, présente l'aspect d'un chemin couvert et donne issue
dans la rue des Gades. De ce côté, l'entrée était défendue par
une tourelle encore existante en partie, percée de meurtrières
et voûtée en pierre sous forme de cul-dc-four. On y remar(|ue
des traces de nombreuses réparations et modifications en
matéi'iaux de diverses natures; mais il est aisé de voir que
les principales maçonneries sont de l'époque même de l'en-
ceinte. Vers ce point, on distingue aussi deux demi-lunes
qui paraissent avoir été destinées à la défense de cette partie
du château. Les procès-verbaux de visites des murailles
(archiv. de la ville) font connaître que celles-ci étaient entre-
tenues aux frais du domaine. Celui de la visite faite, le 6 oc-
tobre 1708, par le conseiller-avocat du roi, à l'intervention
d'un échevin, du pensionnaire Patoul, du receveur et d'un
commis du domaine, mentionne : « En la maison du sieur
» conseiller Bocle, où réside présentement le sieur capitaine
» Loiseleur, a esté trouvé une partie d'une vieille muraille
» qui soutient les terres des fondements de la muraille du
» chasteau, distant d'onze pieds de la dite muraille et une
— 22 —
>^ loin- uj)puléc la trcsorie du duc de Havre, poussant dans le
» jardin. » Le même ))rocès- verbal porte encore : « A la
)j maison du sieur Bricquet, où demeure présentement le
» comte de Berghay, on a trouvé une muraille de dix à onze
» pieds qui soutenait les terres contre la muraille du chemin
» qui conduit au château; cy a-t-on trouvé une serre i)0ur
;» y mettre des arbres en hyver, de la longueur soubs ler-
» rain de 72 pieds et 7 de largeur, avec 15 niches sur les
» deux costez, qui va desoubs le dit chemin, et qualtre pieds
» au delà de la grand'porte de l'entrée du dit chasleau ,
» ayant été dit à la visite du 50 de may 1699, qu'il seroit
» bon de rétablir l'emprise et boucher la ditte serre à la lon-
» gueur de 56 pieds (i). ^
Il résulte du cartulaire des revenus du comte de Hainaut,
en 1265 (archives de l'État), que le prince était propriétaire
du Caslel de Mons. Cependant un souvenir des archives de
celte ville indique que le fonds même où est assis ce château
appartenait autrefois au chapitre de Sainte-Waudru, qui en
avait fait cession au domaine, à charge d'une rente annuelle de
cinq sols blancs, plus une redevance de douze deniers blancs
t[u'acquiltait, chaque année, le châtelain; ce qui fut recomiu
par Jean d'Avesnes, en 1292. Le compte rendu par Robert
de Martigny, receveur du domaine de Mons, pour 1 475-1 476,
renseigne ce qui suit : « A li (2), à cause de V s. blancs sous
» le chastel de Mons, » etc. Des mentions analogues existent
dans les archives du chapitre et dans la trésorerie des chartes
des comtes de Hainaut.
(1) Le souterrain dont il est question existe encore dans la maison occupée par
le pensionnat de Sainte-Waudru.
(2) Au chapitre de Sainte-Waudru.
— 25 —
II. — Bâtiments.
Du côl.é sud (les retranchements, les murs changent d'as-
pect. Il semble que sur les fondations de la jiluparl des con-
structions primitives on ait élevé les bâtiments actuels qui
remontent au xvi" et au xvii^ siècle. D'autres tronçons de
murailles plus hautes, épaulées par d'énormes contre-forts
et percées de fenêtres à croisillons en pierre, dénotent que
ces murailles appartenaient à des locaux plus importants,
qui pourraient bien être la véritable habitation des premiers
souverains du Ilainaul.
Dans ces dernières années, les bâtiments ont servi d'asile
à des aliénés recueillis et soignés aux frais de plusieurs admi-
nistrations publiques. On distingue d'abord, parmi les con-
structions du xvi" siècle, la grande porte d'entrée en ogive;
puis, des cellules entièrement en pierre de taille et une grande
chandjre à voûtes d'arêtes en ogive, avec nervures en pierre.
Près de cette salle, il y en a une autre située au-dessus des
cellules et qui mérite d'être signalée : longue de 5 mètres sur
4"'50 de largeur, cette chambre a son centre occupé par un
[)ilier en pierre supportant une plate-bande monolithe, sur
laquelle s'appuient les dalles rectangulaires formant le pla-
fond; le tout en calcaire. Quant aux autres parties de la pri-
son prévôtale, elles n'offrent guère d'intérêt.
Voici quelques détails historiques sur tous ces bâtiments :
A. — Châtellenie.
Disons d'abord que l'ofiice de la cliàtellcnie était un tief
_ 24 —
liéréditaire, tenu du souverain , à litre de son chàleau de
Mens; il appartenait au seigneur d'Havre, qui avait une
demeure au château.
Lheureux a fait figurer, dans sa Collection des vues de
Mons et des environs, les derniers restes des bâtiments de
la châtellenie. Cette habitation féodale a servi longtemps de
résidence au sieur de Bagenrieux, bailli de la terre d'Havre,
et ensuite de local à la Société de la Maternité, pendant l'oc-
cupation française. H n'en existe plus que quelques vestiges.
\\ y avait anciennement un concierge au traitement du
châtelain.
B. — Salle des plaids.
Si l'on en croit Jacques de Guise et les historiens du Hai-
nautqui ont écrit après lui, ce ne fut qu'en l'an 1200 que le
comte Baudouin VI, étant sur le point de partir pour la croi-
sade, et après avoir fait rassembler en corps de loi les diverses
coutumes de la province, transféra au château de Mons le
siège de la cour ou le parquet de justice, qui, de temps im-
mémorial, se tenait sous les chênes de Hornu.
Vinchant va jusqu'à fixer la date de l'établissement du par-
quet de justice à Hornu : ce serait en 984 que le comte
Régnier y aurait institué le siège de la cour.
Cette dernière opinion a été combattue par MM. Rous-
selle, Pinchart et Hachez, d'après les textes d'arrêts ren-
dus au Château de Mons. En présence de ces textes, il
n'est plus permis de douter que la cour ne tint ses assem-
blées au château, bien avant l'an 1200. On sait (jue c'était là
(juc le prince traitait les intérêts publics et qu'il rendait la
— "20 —
justice dans les affaii'es importantes et privilégiées (soit en
matière civile, soit en matière criminelle), avec le concours
de ses conseillers, les pairs, les prélats, les barons, les che-
valiers et les autres nobles féodaux.
Bornons-nous à constater que, dès leur établissement, la
cour souveraine et le conseil ordinaire eurent, pour la tenue
de leurs séances, des locaux séparés dans les bâtiments du
château de Mons, et, en cas de renforcement de cour (selon
le langage du temps), que les pleins-plaids, ou audiences
solennelles, avaient toujours lieu dans la grande salle. Un
placet présenté au magistrat de Mons par le sieur Dubray,
en 1753 (i), expose qu'il y avait un danger imminent à la
place des plaids, où le plancher était tombé depuis quelques
années et que la charpente tenait en l'air, etc. L'apostille est
ainsi conçue : « Le sieur Lebon, échevin, le pensionnaire
» Leclcrcq et le maître des ouvrages Louchier ont visité la
» maison du sieuj- Dubray, au château, et l'on a trouvé prc-
» mièrement que h place des plaids ne tenoit plus que par
» un pilier et qu£ le reste porte à faux ; qu'il falloit la voûter
» en trois parties, et que cet ouvrage devroit être fait ])ar
» le maçon sermenlc du domaine. »
Un état de dépenses dressé le 3 mars 1741 j)ar l'arpenteur
Pion fut adressé au magistrat de Mons, adnnnislrateur du
domaine engagé, « ])our rétablir les chambres des plaids au
y> chàtel et les rendre à usage de trésorerie, ])our mettre à
» couvert les caves qui sont en dessous, à usage du châte-
» lain, qui périclitent i)our être exposées à toutes les difl'é-
» rentes températures de l'air. »
(i) Archives de la ville.
— ^26 —
C'est à la salle des plaids ou grande salle que s'est tenu le
conseil de lu cour jusqu'au 1"' septembre 1718 (i). Il alla
ensuite siéger à l'ancien hôtel de Gambron, en la rue de Nimy
(emplacement du palais de justice).
En 1640, le conseil privé avait ordonné que les deux
conseils du Hainaut s'assemblassent, comme auparavant,
au cliàleau de Mous, en disposant les locaux de cette rési-
dence conformément au plan dessiné à raj)pui du décret. Ce
plan est accompagné d'une légende qui tait connaître la des-
tination des divers bâtiments du château à cette époque et
dont nous retrouvons encore aujoui-d'hui les parties princi-
pales (a).
C. — Prisons de la prévôté.
A défaut de pouvoir assigner la date précise de la construc-
tion des prisons, les maçonneries en grès, à gauche de la
porte d'entrée, autorisent à croire que ces murailles, avec
meurtrières, sont du xii" ou du commencement du xiirsiècle.
A j)ropos de dates, nous lisons ce qui suil dans un article
de dépenses du compte de la ville, rendu pour l'année 1519 :
« Pour les dépens Bauduin de le loge et Alard dou Parcq,
)' ki furent en prison ou castiel, pour cou qu'il ne voloient
» iestre as convens des Lombards; si furent ij jours et une
» nuite, et pour leurs compaignons et plusieurs boinies gens
» qui les alèrenl visiter c vij'. ij"". »
(i) Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, 186G, page 581.
(Notice de M. Chaloii). — Notice de M. Roiisselie sur les palais de justice, à
Mons, page 19.
('2) Archives du l'oyaume (Conseil privé).
— Tt —
Les prisons dites du château ont servi, sous toutes les
dominations, jusqu'à la translation des prisonniers dans les
bâtiments de l'ex-couvent des filles de Sainte-Marie, pour
faire place, eu 1824, à l'hospice de Saint-Julien, destiné aux
aliénés des deux sexes.
D. — Conciergerie du château.
Les bâtiments de la conciergerie sont les mieux conservés;
ils étaient habités par le directeur de l'hospice des insensés.
La porte, à gauche de la façade à pignon, est surmontée d'un
écusson ébréché portant le millésime 1654. La seconde
façade, aussi à pignon, est également ornée d'un écusson
avec la date : 1641. On pense que ces deux bâtiments ont
été élevés sur des constructions primitives.
Dans le fond, se trouve la chapelle de la conciergerie,
construite en 1723, selon la résolution suivante du chapitre
de Sainte-Waudru, du 4 août de la même année : « Ayant
» été représenté que la chapelle de la conciergerie du châtel
» à Mons est très-incommode aux prisonniers, et demandé
» d'en faire une autre, changeant de place, mesdames cha-
» noinesses , prenant égard à la faveur de la cause , l'ont
» permis gratuitement, sans conséquence. » [ Un inventaire
des objets trouvés à la conciergerie du château, le 5 pluviôse
an III, comprend ce qui suit : « Chapelle : Galice, ornements
» sacerdotaux, chandeliers. — Chambre d'interrogation :
» Deux chenets de fer, quatre chaises de cuir bouilli, deux
» doubles fers de jambe et un de main, un pupitre, deux
» sellettes, etc. » ]
— ^28 —
E. — Chapelle castrale de Saint-Calixte.
S'il faut eu croire la Iradiliou populaire, c'est la comtesse
Ricliilde qui fit ériger, en 1051, à la châtellenie, une chapelle
à saint Galixte, pape et martyr. Les Montois s'y rendaient
autrefois, h; U octobre de chaque année. Ce pèlerinage cessa
lors de l'invasion française et ne se releva plus. Quant à la
chapelle, il n'en reste que quelques matériaux épars (i).
111. — SoUTERRAlîsS.
Les chroniqueurs rapportent qu'au ix^ siècle, lors des inva-
sions des Northmans, Régnier au Long Col, comte de Hai-
naut, fortifia sa résidence de manière à pouvoir résister à ces
bai'hares. En 881, lorsque ceux-ci se répandirent dans le
pays, les religieuses du monastère de Sainte- Waudru, leurs
serfs et quelques habitants des environs cherchèrent un
refuge sous le donjon seigneurial. Régnier, voulant con-
server les reliques des saints et les châsses précieuses qui
les contenaient, les fit apporter à Mons. Les ossements de
saint Vincent, de saint Landelin, de sainte Aldegonde, de
sainte Waudru et de sainte Ave furent déposés dans une cave
dont Régnier fit murer l'entrée. Mons échappa à la fureur
des barbares, et cette délivrance fut attribuée à la présence
des corps saints dans la forteresse.
C'est sans doute à cet événement que l'on doit l'antique
vénération du peuple pour l'entrée des souterrains auxquels
{») Hachez. — Fêtes populaires à Mons : La Saint-Calixti;.
— 29 —
il donnait des dimensions considérables et un débouché à
Quaregnon, en prétendant qu'ils avaient servi de voie de
communication entre sainte Waudru et son directeur spiri-
tuel, saint Ghislain.
Sans nous arrêter à cette tradition aussi tenace que peu
fondée, nous admettons volontiers que les souterrains ont
pu être plus grands qu'ils no le sont aujourd'hui, mais sans
dépasser l'enceinte murale.
On y parvient par un grand escalier ayant son entrée près
des bâtiments de l'aile gauche. Les murs du premier souter-
rain sont en pierre, et la plupart par assises réguhères. Les
voûtes (qui paraissent être moins anciennes) sont en briques
et ont probablement été construites lors de l'exécution de la
prison prévôtale. Leur tracé rappelle les voûtes en arc de
cloître. Un pilier ancien recevant les arcs-doubleaux divisait,
d'abord, la vaste salle souterraine en quatre compartiments.
Depuis, on y a ménagé un couloir au moyen d'une muraille
que notre plan indique par une teinte rose. A l'extrémité de
gauche du couloir, se trouve un escalier de douze marches
descendant dans un second et vaste souterrain configu au
premier, mais d'un niveau inférieur. Ici, les maçonneries
sont réellement remarquables, autant par l'exécution de l'en-
semble que par le choix des matériaux. Le plafond est formé
d'un berceau elliptique en très-beaux grès. Quelques anneaux
sont scellés à la voûte, et l'on constate encore la présence
des gonds qui soutenaient les lourdes portes de ces réduits
ténébreux (t).
(^) Trois de ces portes, hardées de ter, avaient été cniiservt''es; on les a tout
récemment détruites.
— 50 —
Deux baies ménagées clans le nnir de droite du grand sou-
terrain, et qui pourraient être les entrées de galeries laté-
rales, ont été murées.
Le murdn fond, en face de l'escalier, n'étant pas ancien,
nous y avons fait opérer une brèche afin de déterminer l'état
du grand souterrain au delà de cette muraille moderne.
Nous avons alors reconnu l'existence de deux murs paral-
lèles, construits en mêmes matériaux que ceux des maçon-
neries primitives et situées à quelques mètres de distance de
la nouvelle clôture. L'inclinaison de l'intrados de la voûte
couvrant le dernier espace (i) fait supposer qu'un escalier
existait en cet endroit. Aucune trace de porte n'est visible
dans la vieille muraille qui semble terminer les souterrains
de ce côlé; on remarque seulement une petite ouverture
rectangulaire, peu profonde aujourd'hui, et qui a probable-
ment servi autrefois de Irou d'aéra2;e.
IV. — PUFTS.
Il exisie, au milieu du terrain, un puits de 40 mètres en-
viron de jii'olbndeur et, de 2"'20 de diamètre intérieui-, avec
mur en pierre (]o taille de même nature que celle de l'en-
ceinte. Les documents manquent pour établir avec pi-écision
à quel temps remonte son ouverture. On ne peut guère ad-
mettre que ce puits ait été creusé, en 470, sous le fabuleux
Auberon, ainsi que l'avance Jacques de Guise. Tout ce que
(i) Voir la cniipp E F.
Coupe siu- EF^ CoTipe fair AB
Coupe suiyaiit .AI A'
a-a. ouvatures anciennes et Traaxes
Nota. Im feinte noire indioiic les murs de la
oieillc enceinte. Les harlrines mcirquent les
bàtinterits achieLs e/ construite pour sci-uir de
prison prcvàlnle de .Jfons. La teinte
rOT)f/càfT'e, encadrée de blei( ,et Je poiTitiné sont
Ici sojitarnirLS dont pnrle la notice ci-jointe.
Ktahlissem en t Çi
Echelle de o 0012.Î p'?iiiètj-e
î.3^J 10
20 3o
ylj.
PLAN ET DETAILS
du Cliàicaii de ÎILojis.
pivnàtale He .ifons. l.n frinfe
'peàtre.encadrf^ debleii,f* le paintlttê s.
dont. parU la notice d^ot
Kchcllc dp o OOI25 p"" n\t
— 31 —
nous pouvons en dire, c'est que son usage appartenait, au
domaine. Actuellement, le puits se trouve sur la bande de
terrain qui a été cédée à la ville pour l'accès à la tour du châ-
teau, ainsi que le domaine l'a reconnu dans un acte passé
par-devant notaire, le 5 juillet 1825, et suivant le procès-ver-
bal d'abornement du 28 janvier 1820.
V. — Tour Auberon.
Le doute existe quant à la situation de la tour Auberon.
Les uns la comprennent parmi les ouvrages de la première
enceinte de la ville, et non du château; d'autres pensent, au
contraire, qu'elle était située près de la chapelle castrale où
d'énormes contre-forts sont encore debout. Dans lous les
cas, on sait que sa démolition eut lieu en 1617, sous le gou-
vernement des archiducs Albert et Isabelle. Et, d'après les
extraits des comptes de l'église de Sainte-Elisabeth, publiés
il y a quelques années par M. l'archiviste Devillers, les cail-
loux provenant de la démolition de la tour Auberon auraient
été Iransportés par bennes du château à l'église de Sainle-
Élisabeth (i).
CONCLITSTON.
Les renseignements que nous venons de rapporter sont
incomplets peut-être; mais ils résument tout ce que nous
(^) Mémoire sur régliso i\e Sainte-Éiisabeth à Mnns,
— 52 —
avons pu obtenir sur l'histoire des premières fortifications
de la capitale du Hainaut. Et nous devons déclarer que la
plupart d'entre eux sont dus à l'obligeance de MM. Lacroix,
conservateur des archives de l'État et de la ville de Mons, et
Devillers, conservateur adjoint.
En terminant, nous croyons devoir ajouter que Mons a eu
d'autres enceintes : La deuxième l'ut construite par Bau-
douin IV et Baudouin V. Les anciennes murailles de la rue
Terre du Prince en faisaient partie. La troisième, bâtie par
Jean II d'Avesnes, montre encore aujourd'hui un de ses
principaux éléments; nous parlons de la ^o«r Valenciennoise,
défigurée, il est vrai, mais présentant néanmoins un type
intéressant. Cette construction a fait, il y a deux ans environ,
l'objet d'une étude spéciale adressée à la Commission des
monuments.
Enfin, la quatrième enceinte est celle que le gouverne-
ment des Pays-Bas avait fait construire, de 1817 à 1821.
Elle vient de disparaître entièrement |)our faire place à d'élé-
gants boulevards.
La situation heureuse du château de Mons, sur le point le
plus élevé de la cité, a fait naitre, chez quelques-uns de nos
amateurs du pittoresque, le désir d'y voir établir un square
qui serait un magnifique but de promenade en pleine ville,
et d'où l'on jouirait d'un panorama qui ne le céderait en rien
à celui de la place du Congrès de Bruxelles, ou même des
hauteurs de Lyon,
Un monument, nous disait un ami des arts et de l'histoire,
pourrai! y être érigé à la mémoire des héros de cette époque
glorieuse où nos aïeux tinrent en échec les hordes de l'aigle
romaine et firent dire à César ces mots qui sont le plus bel
00
élog-c qu'un vainqueur puisse adresser à ses adversaires :
« de lous les peuples qui habitent la Gaule, les Belpjes soni
les plus braves » (i).
Mons, le 18 février 1868.
Vincent,
Arrhili^ele de la province di' llainniil.
(0 lloriim oiiDinnn fiirtix^inii sinil UeUiHC (Ciieircs des (iiiiilcs, livn^ F).
INSCRIPTIONS ROMAINES
TROUVÉES EN BELGIQUE.
Les inscriptions, étant do tous les monuments les plus
propres à suppléer à l'absence de documents historiques
pendant la période romaine depuis César jusqu'aux Franks,
méritent au plus haut degré l'attention des archéologues.
Or, en parcourant dilTérents ouvrages publiés à l'étran-
ger et quekjues manuscrits, il a été donn(' à l'auteur du
présent article de recueillir plusieurs inscriptions complète-
ment inédites en Belgique, bien que trouvées sur le sol
actuel de notre pays : elles formeront l'objet de la seconde
partie du travail que voici. Une troisième partie sera consa-
crée aux nombreuses inscriptions d'Arlon , dont certaines
mentions d'un auteur du wi*" siècle permettent de complé-
ter la série.
En outre, un grand nombre d'inscriptions gisent éparses
dans des écrits dont quelques-uns sont aujourd'hui oubliés :
l'occasion a paru favorable à l'elTet de les présenter, avec les
inscriptions nouvelles, en un ensemble permettant d'em-
l)rasser d'un seul coup d'œil le vaste système de romanisa-
tion suivi par la métropole : toutes nos provinces, depuis
K'S Ardennes jusqu'à l'Océan, ont leur contingent à fournir
à ce tableau (i).
(i) Do môme qiio HRAMitAcii, dans son nouveau Corpus inscriptiouiDii (donl
l;i première livraison seule seinlile avoir él('' piil)!i<k' jusqu'ici), négliiie les iiiar-
Certes, englobé comme rétait notre territoire actuel entre
les cités romaines de Bavay, de Trêves, de Maestricht, de
Nimègue, etc., ce territoire verrait son histoire mieux étu-
diée, si l'on ajoutait encore aux inscriptions qui suivent, et
celles des villes susdites, et celles de la Zélande, du Brabant
septentrional avec leurs déesses topiques....
Mais il faut se restreindre : lout en appelant de ses vœux
(ui travail du genre de celui-là pour compléter la nomencla-
lure insérée par M. Piot, dans le iii^ volume de Schayes,
sur la Belgique et les Pays-Bas pendant la domination ro-
maine, l'auteur se réserve uniquement, pour en faire l'objet
d'un article ultérieur (en préparation), les inscriptions trou-
vées à l'étrangei' et concernant des Belges.
I
Voici d'abord, mais très-sommairement, les inscriptions
romaines trouvées en Belgique, et déjà publiées. Plusieurs
incorrections y seront émendées, mais sans témérité : on se
bornera à transcrire, du plus près possible, les copies inspi-
rant le plus de confiance, lorsque parfois des variantes se
présenteronl.
ques imprimées ûv poliers, etc., (|iii, en effet, ont une portée tout autre que
les inscriptions fjravéex ou incifsécx ii un exemplaire unique, de même on laissera
à des ouvrages spéciaux l'étude de celte intéressante partie rie l'archéologie.
V. notamment les Siplus fîoiilins (|iie l'auteur du présent article a fait paraître
en 18G7, dans les AniuUt'x de l'AeiKlémie il'arrlu'ohniie de lîelf/iqiie (a Anvers),
11' série, t. lil, pp 1 ii 20:^.
Quant aux devises et autres inscriptions mobiliuire.s, qui ne constituent pas
des inscriptions mioiiuHeitlale.s, elles devraient, ou le sent bien, l'aire l'objet
irun travail à i)art; mais elles sont eu trop petit nombre pour qu'on sépare ici
les unes des antres : ainsi, du reste, en ont agi jusqu'à présent les épigi'aphistes.
Le temps viendra où l'on songera peut-être à trailei' de clnuiue spéiialilé d'in-
scriptions dans un ouvrage particuiii'r.
— 56 —
N" 1 . La célèbre pierre milliaire de Tong-res (au Musée
d'antiquités de Bruxelles), trouvée en 1817; elle présente
trois des faces seulenneni de la pierre octogone :
LXI
'l)(nV/0)MACrVS L.VIIII
(rt?//î^)NNA('.VM L.VIII
(C07J//)VEXTES I^.VIII
(/;o)ndobric A . i-.viii
(i;0)S0L VIA L.VIll
(b^)^Gl\^\ L.VIII
(WÎO)gONTIAG L. XII
(6aw)0NICA L VIIII
(borh)\Tom\G h. xi
L X V
lOMAG L.XV
DVROCORIER L.XII
ADFINES L.XII
AVr,. SVESSIONVM
L XII
ISARA L.XVI
ROVDIVM L.VIIII
STEVIAE (2) L.'VIII
SAM A i\ A ni; I VA
I T E M
A CAS
T E L L 0
FINESATREBATVM
L. XIIII
NE.METAC. L . . .
ITEM
AT) ... . (5)
(i) On indiquera entre parenthèses : par des itali(|ues, les lettres douteuses;
par des |)etites majuscules, les lettres accolées; par des points, les lacunes ; par
des carai'tères ordinaires, les lettres suppléées ou supposées.
(-2) D'après Henneolin, ci-après : les copies de MM. Roule/ et Juste portent
sEEViAE. Les inscriptions du Musée de Hruxelies ont été soigneuscnienl vériliées
et rcctiliées : lire skeniae.
(3) Hennequin, Disserldlio inaiigiiralis historico-jio'iUicn de orifiiiie el iiatiiiii
principal lis mi/is Trajecti ad Mosam (avec fuc, sïiuilc de giandeiir iiatiireiie),
Loiivain, 1829; Schayes, Aa Iklfjique avant et peiiddiil la doniinatioii roiiiaiiif,
II, p. ôri^; Roulez, Bail. Aiad.roij. de Uelg., 1858, IV, lli; Id., //////. dell.
Imtiluto di cnrn'up. archeol., 1858, p. ol ; Uhelli, lusrriptioiiiiin aiiliqnaruiii
amplissiiiia cullectio, n" Ti^ôO ; (Uilal. du Musée roi/al d'itiiliqnilt's, d'armures el
d'artillerie (Bruxelles), par Scilwes, n" 287; par .Iiste. f*" édil., p. J.";7, cl
2^ édit., p. 107.
— 57 —
N" !2. Toiigros (1817 ou I8'24j ; furtVxNAE |i ai'Riumvs
IVNIVS V. L. s. (J).
N" 5. Tongres (184-4) : d. m || iNEi>ossiLviNiFiL(ius) n smi.
ET VELMADAE. || GANGVSSOINIS. FIL |1 VXORI. OBITAE. V. F. (2).
N" 4. Coiiiiixhcim (Limbourg); politicvs albimae ||
RARISSIME svae; vasG de verre en forme de poisson (5),
N" 5. Tessenderloo (Limbourg) : ago, moriar || eros
(cai-actères grecs) || tyberivs (cachet à trois laces).
N" G. Ibid. : h.n.b (chaton d'une bague (4).
N" 7. Hern. S. Hubert (Limbourg, vers 1850) : vihansae
Il Q. CATTVS LIBO NEPOS il CENTVRIO LEG. III |j CVRENAIGAE. SCV ||
TVM. ET. LANCE AM. D D {o).
(1) Calai, cité, par S(.have.s, n» "2S6; par Juste, U^ cdit., p. 159, ±' cdit.,
p. 169.
(•i) Ih'ul. ScHWES, 11° 88 ; Justf, 1" édit., p. 160, :2« édit., p. 175; Roile/,
.hihrbuciier des Yercius von Altciiliunisfrcimden iin Ehebilande, XF, p. 55;
ScHAYEs, Bull. Acad. roy. UeBelg., XVI, 1", p. 657.
(s) De Montfaucon, L'Antiquilé expliquée, siippl. V, p. 115, pi. xlvii ;
Douglas, Neuin brilannica, p. lU, n" 5, pi. xxix, fig. 5; Heylen, Mémoires de
/'(ancienne) .Académie de Bruxelles, IV, p. 145; de Bast, Recueil d'aitlifiid/és
romaines trouvées dans la Flandre, 2* siippl., p. 82; Publications de la Société
historique et arcfiéologique dans le duché de Limbourg, IV, ]>. 3, où l'aiit'Mir
du présent article détermine, contre l'opinion de Heylen et de Bast, répocjiie de
la trouvaille de l'inscription de Coninxlieim,
(i) V. sur celte inscription et la précédente, Bull. Acad. roi/, de Belg., X,
2", p. 425.
(o) Calai, du Mus. de llrux., par .Iuste, 1" édil , jt. 572, et 2'' édit., p. Iî»(l;
Vadcrlandscli Muséum, Il (1858), p. 101; Catalofiue de la belle et nombreuse
collection d'antiquités en tous genres, etc., délaissée par feu M. le comte de
Rkne.sse-Breidi(Ach, 11^ partie (vendue ii Gand le 5 et le -4 mars 1861), p. 25;
Bull, des Comm. rog. d'art et d'archéol., 111, p. 25<J; IV, p. 415; V, p. 470;
Bulletin de la Société scieuliflque et littéraire du Limbourg (Tongres), VI,
p. 391 , où sont donnés des détails intéressants sur rautlienticité de la trouvaille
de cet objet.
— 58 —
N' 8. Jusieiivillc (coimnune de Tlicux, Liège, 1848) :
D M li VIIRVIICCO II CVM || (.) RAM (..) || (..) II (...) (l).
N" 9. Hondelange (Luxembourg) : secvndo et martio (2).
N" 10. Amberloup (Luxembourg, 1827) : cvria ardvek-
ISAE (3).
N° 11. Durbuy (Luxembourg) : d. m||LoL. AciLiae'h
COMI'S.4^ ' HERS II (a).
N" 12. Gérouville (5) (Luxembourg) : deosilvanosinqv
Il paternivsprosa il lvteemeritifili il svi(y)o. s. L. M. (e).
(1) Roulez, Bull. Acad. roij. de Belg., XVI, p. 535; Cataloyiic descriplif
(II! Musée provincial de Liège, fondé par l'Instiliil archéologique liégeois, 186i,
p. 7; 2«édit., p. U; Hennequin, p. 13.
(2) Annales de la Société pour la lonservaliou des monuments historiques et
des œuvres d'art dans la province de Luxembourg, HI (Arlon, 1849-1831)
p. 151.
(3) Annules citées, I (ÂHoii, 1817-1849), p. 86; III (1832-1835), pp. 35,
140, 144;\ViLTHEiM, Luciliburgensia sive Luxemburgum romanum, ad. Neyen,
p. 283; Roulez, Jahrbiicher, etc., im Rheinlandé, XI, p. 42.
(i) Heylen, Mémoires de l' (ancienne) Académie de Bruxelles , IV, p. 480 ;
WiLTHEiM, p. 529, lig. 48(), qui indique, comme endroit de la trouvaille, un lieu
dit Home, que les gens de la localité ont en efl'et désigné au soussigné, non loin
de Barvaux, où est également un autre lieu dit Cérèse {deCaeraesi?); Steinek, III ,
1). 109, n» 1945, qui présente à tort la localité, mal écrite : Durbilt, comme
se rapportant soit aux communes allemandes Diirbach ou Dierbach, soit entin
a la petite ville wallonne Dierbuy (sic).
(o) On a préféré la dénomination générale Gérouville (aussi Jeronville), nom
de la commune, à celle du hameau Géromout, Hieromont, Geremonl, que des
auteurs ont employée et qui amène des doubles emplois. V. Schaves, continué
par PiOT, m, 465 et 473; Heylen, /. cit., p. 423; Sïeiner, III, p. 120, etc.
Voici comment M. Jéantin (ap. Roulez ci-après) décrit les lieux : « plateau
de Géromonl , en face du lucus d'Hiéromont et du village belge de Gérouville,
près du bois qui, sur le tei'ritoire français de Breux, limite la frontière gallo-
belge. »
(e) Steiner, /. cit.; Publications de la Société pour la recherche et la conser-
vation des monuments dans la province du Luxembourg; VI, p. 46 et pi. v;
VII, p. 58, Roulez, Bull. Acad. roy, de Belg., XIX, 5", p. 489.
— o9 —
N" 15. Ibid. .- DEO 8i.nqva(ti) ii l. honorât ji ivs. (av)nvs
IIV. s. L. M. (l).
N" 14. Bellelbnlaine (Luxembourg) : pindar (2).
N" 15. Nainèche, vis-à-vis du chàleau de Samson (Na-
iiuir) : D . M || m"nivs || dravsonis |1 vrvs sibi||m. f (ô).
N" 1 0.' Celles (Nanuir) : ex voto || nevtto II tagavsi [|
V. s. m (4j.
N" 17. Crupet(Naiiiui')r.ioY. Il MAEliMoc || kaigar ( 14'''^;.
N" 18. Anvers, au Musée des beaux-arts, D. M. S. p l.
FABIVSRVFVS. Il FECIT. SlBl. ET. || FABIAE. TYCHE. |I CO.MVGI. ET.
Il FABIO. RVFO. Il FILIO. (s),
N" 19. Anvers, 1610 : dis. manib. || g.n. volvntillio ||
SOPHRO II VOLVNTILLIA. R0DI?iE || PATROJNO. BENE MEREN l| ET.
SIBI. FEG. (6).
(1) Id., Lcit.
(■2) Institut archéologique du Luxembouiij, Annales, V (Ailoii, 1867), p. oO.
(3) Heylen, Mémoire de /'(aiicieniio) Académie de Bruxelles, p. 46-i (lecUirc
fautive d'après l'édititin d'ÛRTELius de 1737); Gkammaye, hescript. namurc,
édit. de 1707, p. 58; Oktelii et Viviani, Itin., édit. de 1384, p. 14; édit. de
1661, p. 115; De Bast, Recueil d'antiquités gauloises et romaines trouvées
dans la Flandre, p. :200; Saumery, Délices du pays de Liège, II, \\. 158, qui
décrit le monument encore existant de son temps : « Un peu plus liant que
Samson, près de Namèche, au côté gauche de la Meuse, il y a un tombeau per-
rlié pour ainsi dire h la cime d'un rocher, où est gravée cette inscription. »
M. Alf. BÉtîUET a également donné cette inscription dans \m Ann. de la Soc.
archéol. de Namnr, en son article sur le château de Samson.
(i) Annales de la Société archéologique de Namnr, III, p. 54(5; V, p. 58.
Messager des sciences et des arts, 1825, pp. 56 et 177.
(s) Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, WIII {■2' série, IIIJ,
pp. 564 et 565.
(u) ToRFS et Mertens, Geschiedenis van Antwerpen, I, p. 47 ; de MoNit al-
coN , l'Antiquité expliquée , anmû , V«, p. 122, pi. l; Papebrociiius, .It/rt
Sanclorum, Ijnni, p. 942. Il est à remarquer que ces deux derniers, en donnant
en une planche spéciale le dessin des antiquités découvertes au fort S'-Michel,
en 1610 (et non 1608, d'après Torfs et Mertens), y ajoutent une pierre
— M) —
:\" !2(l. Entre Boriiliciii cl llingoiic (Anvers), tiouvée
eu 1781 : i.o.m. || imbrivs H veuat. || tivs || v.s.l.m. (i).
JN" 21. Flandre : isidi sacrvm || sex. pompeivs. sex.
L. SYRVSllMIL. LEG. V. AVG. V.S.L.M. (s).
N" 22. Gand : g. ant (3).
N" 25. Mcirelbeke (Flandl-e orientale) : ciltar i\ lia,
sur un poids (4).
N" 24. Ilarlebeke (Flandre occidentale) sur une plaque
en plomb trouvée près d'un squelette : l. makc. l. f. (:j).
N" 25. Haekendover (Brabant) : c. lentvlvs, sur un
sceau (fi).
sépulcrale de Jiilla Acme, laquelle provient non d'Anvers, mais de Rome (V.
J.-B. DoNii, Inscriptiones antiquue, p. ô86. Cette pierre, ainsi que trois autres
que mentionne également Papebroek, 1. cit., comme provenant d'Anvers, avaient
été données, en 166-i, par Makouardus Gudius (V. Graevius, ap. Torfs et Mer-
TENs) au comte de Mérode, dans la collection duquel elles allèrent se placer
auprès de la pierre de Cn. VoIuntiUiiis; or, l'on sait notamment que l'une de ces
pierres, celle de Turpillia Nebris avait été trouvée à Rome, au mont Caeliiis,
Anliquae inscriptiones olim a Marquardo Gvmo collectae, etc., cccxLviii, 9;
MuRATORi, 1259, 16; 1561, 5; 1568, 4.
(i) De Bast, I, p. 389; et l"' suppl. 214; Heylen, /. cit., p. 465; La Bel-
gique pittoresque (Anvers), p. 86.
(2) De Bast, /. cit., p. 196.
(3) 1d. , 1" supp. , p. 3 d après Meyerus , Annal. Vlanilr., 1, p. 6. Ne
s'est-on pas avisé de faire dériver le nom de (land (Gent, (Jant) de cette inscrip-
tion, qui, si elle a existé, ne peut avoir signifié que Gains Anlo)iiiis, Anlislcs,-
ou quelque nom semblable. Mais ne sait-on pas que des savants ont soutenu
sérieusement que les sigles de (|uelque tuile légionnaire : v. tric. stat (qvinlae
tricesimae stativa?) avaient donné naissance au nom d'Ulrecht (Uti'icb-stadl)
(V. Schayes, continué par Pior, III, p. 145)!
(i) Messager des sciences el des arts, 1820; IIagemans, L'n cabinet d'ama-
teur, p. 373; Catal, du Mus. roy. d'antiquités de Bruxelles, par Juste,
l"=édit., p. 178, 2''édit., p. 188.
(5) De Bast, pp. 167 et 168.
(0) Catalogue de la vente de la Collection de Benesse, 2'' partie (l mars l8Gi,
Gand), p. 25, n» 401. Catal. du Mus. roy. d'antiquités de Bruxelles, par Jlste,
i'-' édit., p. 372; 2° cdit.. p. 191.
— 41 —
.\" !2G. Tuuniay (18!24) : D. M. || mu.mmentum || usstitvit
SICl il VIVVS VLPIVS AU(... (l).
N" 27. Pont-sur-Sainbrc (Quartcs-sur-Sambrc et Ilar-
gnies, 1777) : imp. g. ivl. div. || f. caes. avgvstvs |i cos. xi
TR. p. X p. p. il VIAS ET MILLIAUIA || PEU M VIPS AGUIP. || PAM.
PU. GLAS PR. COS. Il NER. ET PR(AE)sES PROV GA. H. |! GO IN ST. |1
AD QVAM HAP || CCXXVIII T. NIPR. P. G (2).
i\"28. Bruncliaut-LibL>rcliies(Hainaut), couteau en bronze
avec ces inscriptions sur les deux côtés du niancbe : poine.n .
PEDICO II QVI TENET me MODO. (ô).
Enlin mentionnons, mais uniquement pour mémoire,
parce que l'oriiiine n'en est pas indiquée, les pierres sui-
vantes provenant de l'ancien collège des Jésuites à Bruxelles,
et qui se trouvent déposées au Musée royal d'antiquités (i) :
(1) Messager des sciences et des arts, 1821, p. 17; Schayes, la Belgique et
les Pays-Bas, etc., II, p. 566.
(i) DoM Bevy , Mémoires des prix de l'ancienne Académie de Bruxelles, V ;
Dks Roches, Hisl. anc. des Pays-Bas autrichiens, p. 508; Schayes, /. cit.,
pp. 151 et 471; Roulez, Bull. Acad. roi/, de Beig , VII, 2", p. 22-i, cou teste,
pour de graves niotil's, rauthenticité de cette inscription.
(3) Roui.Ez, Jahrbiicher, etc. im Rlieinlande, \-\\, p. 221. On se borne il
mentionner ici, ponr mémoire, certaine inscription dont on ne donne pas le texte
et qui aurait existe ii Obourg. V. Bull. Acad. roy. de Belg., XVIII, 1°, p. 668.
(4) Catal., par Schayes, n"' 6i-71 ; par Juste, 1"= édit., p. 161; 2« édit.
p. 171. On omet, parmi ces inscriptions, celles qui sont mentioiniées dans les
recueils comme provenant d'une localité étrangère à la Belgique ; telles sont les
inscriptions l", 2% 1<= et H' qui se trouvent, soil textuellement, soit avec des noms
inscrits sur des pierres trouvées en Italie, dans Mukatori, 1328, 15; 1781, 56,
et 2088, 9. De même on passe sous silence, parmi les inscriptions du Musée de
Bruxelles, celles dont l'origine étrangère est connue d'après le catalogue de ce
Musée; sont dans ce cas les suivantes : S. o, 9, 10, M, 15; GG, 8, 9, 11, sur
lesquelles on peut lire notamment Steiaer, Corpus Inscriptionum romanarum
Danubii et Rlieni, III, n»' 1725, 1745, 1751, 1794, etc. Quant ii d'antres inscrip-
tions romaines qui ont été recueillies en Relgiquc, et notamment celle de V Hercules
Magusanus, trouvée en Gueldre, et qui existait au siècle passé dans la collection
— i^i —
N" 29. n. M. Il T . Aelioavg . libpriam" || et . sex.clo-
DIU . EVTYGIIETI ![ AMICIS . EXIMIAE . PIETAT !| BENEMEIIENTIBYS
M 11 LICINIVS . HILARVSLOCO !| DONATOTITVLVMPOSVIT
N° OO. dIs . MAN II L. VOLVSI || SEVEHI . VIX || ANN . V . M .
VIII II D . XVIII ' FEGEi; Il L. OFl(//)lVS || CARPVS . ET j| VOLVSIA
PAVLI II NA . FlL(ia) I)VLCISSl(ma)
N" 51. dIs . MANIBVS . IS'OMADIS || FECIT . VETVRIA . l'ORTV-
NATA II MATER . SIBI . POSTERISQVE || SVIS . Q. Q. P. Il
N" 32. D M II Q . VIBIVS . MELLOIN . FECIT . !| SIBI . ET . VIBIO.
ATTICO . FILIO . ET . VIBIAE . || ATTICAE . VXORI . ET . VIBIAE .
AGRIPPINAE . FIL(iae) | LIBERTIS . LIBERTABVSQ . PO(s)tERIS.
Il QEORVM 11 GVR . Q . V. EP TO . ; i
N" 55. D M II T . PAGTVMEIO ROMANO . ALVM || No DVL'CISSIMO
QVI VIXIT . ANN II VIII MENSIBVS . SEX . DIEBVS . || XXVII . BENE.
MERENTI . Il FECIT . || T . PAGTVMEIVS . PISTVS
Au moins les jésuites de Bruxelles, en conservant ces
inscriptions, n'ont-ils pas fait comme ceux de Luxembourg
qui employèrent dans la reconstruction de leur collège, tou-
tes les inscriptions recueillies laborieusement par Wiltlieim,
parce qu'elles leur attiraient trop de visiteurs et leur occa-
sionnaient par là trop de dépense!
Mais le fait de l'exportation d'Italie de (juantilè de monu-
ments romains pour en orner les j)arcs et les musées, au
xvi'' siècle surtout, est trop bien établi pour qu'on ne soit pas
du collège des Jésuites à Hruxelies, elles n'ont pas passé au Musée il'antifiuilés,
non plus (|uc celles qui, après la moi't du gouverneur de Luxenibourg, le couile
de Mansfeld (v. le § III ci-après), furent transportées en partie ii Bi'uxelles.
Peut-être les cin(| inscriptions ci-dessus dans le texte (ii°* 29 à 55), proviennent-
elles de cette dernière source. Ou a également omis une inscription (pii, du temps
de Grutek (864, 12), se trouvait à Bruges, mais qui provenait de Wurzbourg,
— 45 —
dans l'iinpossibilité d'ideiililiei' toujours le lieu où se Irouve
une inscription et l'endroit où elle a été découverte (i).
II.
Voici maintenant quelques inscriptions inédites en Bel-
gique qu'ont signalées des recueils ayant vu le jour à l'étran-
ger ou mentionnées des manuscrits peu connus :
N°' 34 et 00. Il y a lieu d'abord de citer ici pour mémoire
la pierre sigillaire d'oculiste, trouvée à Fontaine-Valmonl
(et non Walmont), et la remarquable pierre votive en l'Iion-
neur de la divinité du fleuve Meuse découverte à Flémalle,
desquelles il a déjà été rendu compte dans le Bulletin des
Commissions royales d'art et d'archéologie (2).
A propos de cette dernière, une notion plus conqilète,
d'après le manuscrit de l;i bibliothèque d'Ulreclit, d'où
Brambacli l'a extraite, se trouve dans un autre écrit du
même archéologue, |)ublié en 18Go (3).
Ce manuscrit est catalogué sous le n" 06 des Scriptores
(i) V., à cet égard, Mertens et Torfs, ouvrage cite, I, p. 44 et s., qui cite le
fait du transport à Anvers de plusieurs sarcophages envoyés de Rome par
Marquardus Gudil's; V. Annales de l'Acad. d'urchéol. de Belg., 11« série, III,
p. ô'ii. Voir du reste plus loin ce qui sera dil des jardins du comte uk Mansfelu,
i» Luxembourg, et autres. Le Journal des Sçavunts, XX (11)9:2), p. ili, cite
encore ce l'ait d'un navire échoué en vue des côtes de France, et qui était tout
rempli de monuments funéraires provenant d'Italie.
(2) VI, pp. 90 et 97.
(5) Rheinisches Muséum fur Philologie, dirigé par Wklckei! et RrrscHL, nou-
velle suite, XX, p. 61.
_ 44 —
(ulini, MS, ik ladite bibliothèque. Il contient une Ictlre de
Galland, (jui fut conservateur de la collection Foucault,
à Caen, et qui fit part à Graevius de plusieurs inscrij)tions.
Cette lettre est datée du 19 mars 1701,
Parmi les inscriptions latines annexées à la lettre de
Galand, se trouve celle de Flémalle, et il en résulte qu'elle
était sur niarl)re, qu'elle avait été recueillie, en 1578, par
Simon de BeaumonI (?) ; mais que, par la suite, le sieur
Jean de Loncin (i), seigneur de Flémalle, lit construire un
bâtiment en pierre, et que les ouvriers, mal surveillés,
firent usage du monument épigrapliique parmi les matériaux
de la bâtisse (2).
Cette mention est peut-être de nature à permettre do
retrouver cet intéressant monument : l'attention de l'Institut
ai-cliéologique liégeois a été attirée sur l'opportunité de
recherches à faire pour retrouver les fragments de la pierre.,
N" 56. Le même manuscrit contient en outre une série
de détails sur des inscriptions trouvées en Belgique : si quel-
(pie doute pouvait exister sur l'authenticité de la |)ierre de
Flémalle, ils seraient levés par le grand nombre de ren-
(1) Des i'ccIu'itIu's l'ailcs oldigciiiiiiiioiit. par M. S. Bohmans, dans les ar-
fliives (le l'Ëlal, lui ont l'ait, (lécoiiviir qu'il s'ai^it uou de la coininuiu' de Fléniaile-
Maute, mais de celle de Fléuialle-tîraudo, dont la sei.uneiirie a airiiartcnu a la
l'ainille de l.onciii ou de Lonehin, depuis -liiOH jus(iu'en 17il. UuanI ii Siuion de
Beauniont, il n'a été tiouvé qu'un .Ican Syuion (peut-être de IJeauiuonlV), échc-
vin de Flémalle pendant la dernière moitié du xvi" siècle.
(i) « Ertit in Vicinal, paya ad Mossam (sic), 2 lencis supra Leodinm silo,
fragmcntinn qitoddam niurmoreinn in qun seqiientia (suit le texte). Collecla a
Simone Ucllonioule, 23 aprilis 1578. Ycrum ciim posfmodo Iioniiiius Jonnncs de
Lonini (sic) illius pagi dowiniis liorrcain lapidciim constmi fccissef , inerliu
opcrarionini coiifraclnni, cl operi apposilinn csl fragnwnlnm ilbid. »
— 45 —
seignements précis qui confirment la mention du manuscrit
d'Utrecht sur la pierre qui va suivre :
Il existait autrefois, dit ce manuscrit (i), à Liège, entre
les ponts S. Nicolas et S. Julien, un fragment d'inscription
sur marbre ainsi conçu :
^E R C V R i
INGEN V
Grâce à l'obligeance de MM. le chevalier Cam. de Bor-
man, S. Bormans et Habels, d'autres mentions relatives
à la même pierre peuvent être ajoutées à celle du manuscrit
d'Utrecht.
Cette mention est également celle du manuscrit n" XYIII
dont il sera question ci-après; elle porte cependant une
léËcère variante :
MERCVRl
1 N G E N V
'/
Il semble que ce n'était plus qu'un fragment, et qu'on en
avait eu des copies plus complètes, car le chanoine Vanden
Berch, roi d'armes du pays de Liège au xvni'" siè(de, dans
(0 « Leodii eatdlxil dlnii inlrr ponfi's S. Mrolui ri S. .hili/nii fraiiiiiniliint
— ^■C^ —
un de ses manuscrits {Copie des armes et blasons des évéques
de Tongres et de Liège, Bibliotlièque de l'Université de Liéafe,
n" 188), présente la même pierre sous la forme suivante (fac-
similé) (i) :
GEIHVS
Le manuscrit de Vanden Berch, n" XVIII, possédé pai- le
chevalier \. de Theux, et qui est une copie du manuscrit de
Wachtendonck (à la bihiiolhèque de Bourgogne, n" \ 4.365-67,
Appendices variae ad historiam Leodiensem e.v diversis
(i) il est fait mention de cette pierre dans les lUilh'lins de lu Coiiimisfiioii
roiiiilf d'Iiislohr, ]<• s<^rie. I\, p. 11.
— 47 —
codicibus MSS excerptae et nitidissime a nobile D. Her-
manno de Waehtendonck, propria manu conscriptae), raj)-
porte les péripéties de l'histoire de cette pierre qui, après
avoir existé pendant longtemps devant la maison d'un bour-
geois de Liège, au delà du pont des Arches, entre les deux
ponts cités plus haut, en fut enlevée en 1612, et transportée
à l'hôpital de la Chaîne, où on la voyait à droite de la porte
qui, du séminaire, donnait accès vers l'église cathédrale de
Saint-Lambert (i).
Mais le manuscrit ajoute la mention bien plus importante
que, d'après l'opinion vulgaire, cette pierre provenait de
Chèvremont.
Or, voici une preuve qu'il en était réellement ainsi. M. le.
chevalier Camille de Borman, membre correspondant de la
Commission royale des monuments, a copié sur la couver-
tuj'e à l'intérieur, ou sur l'un des feuillets de garde, d'un
manuscrit se trouvant au Musée britannique (2) à Londres,
(1) « J.eodii ultra pou tem qui vocatur arcitim, inier ponlem S. Mcolai e/
piiiHem S. Jitliaui a siiiislris einulo versus portam, anle aedes cujitsdnni civis,
crat frdfimenlum nuirmoreiim quod {uti dicebatur) ex Chèvremont fuerat de-
latum, quod modo a " 1662 ablutum est.
>' Hoc monumentum aibo marmori incisum adhuc hodic exstnt in hospitali
rulgo diclo S. Maflhei ad Calheunm, contiguo hippodromo et sub ipsis cathé-
drales ecclie Leod. claustris quod lu preliarinm (sic) seminorium vocatur, hac
.')•' juin a ^ 1655. in ipso seminurii iirca (area?) ud dextram portae quu ilur
ad tem;.'luui. »
L'endroit (l('signé dans ce dernier passage es! remplacement actuel de la
Soàcli^ littéraire sur le marclié aux chevaux, à Liège.
{i) Fonds Eggerton, n° ^lo', petit in-folio papier à deux colonnes, (lesta pon-
ti/icum Tunqrensiuui, Traiectensium et l.eodieusium secundam diversos arti-
lices per partes suis temporibus conscripta. Cette rubrique ainsi que les initiales
des alinéas sont en lettres rouges. Écriture de la lin du xv» siècle, grande et
belle. Le texte commence ainsi : « Anuo dominici incarnat ionis i» Claudii
inifjerntoris quarto vern anno qao prinrrps apostolorum Petrns Romane presi-
— 48 —
le témoignage de visu que voici, et qui ne laisse pas de doufe
sur la vérité de la tradition :
« Le dernier de juing an 1541 (je) viz au dessoubz de
Chievremont ung pierre de taille trouvée en ferre entre
les.... ruynes dudit Chievremont au plus hault de la mon-
taigne; en la dite pierre estoit taillé on lettres romaines :
MERCVRII INGENVS
TAVERI . E . I. (deficH aliquid)
V. S. L. M.
» Et estoit laditte pierre esclatée en sorte qu'il y avoit
(juelques lettres perdues en la fîn des deux premières lignes
et au commencement de la dernière »
Cette indication, qui remonte plus haut que les précédentes,
permet de croire que son auteur, au moment où l'inscription
était encore à Chèvremont, l'a vue à peu près intacte, tandis
que le transport du monument à Tiiége l'aura sans doute
brisée.
débat ecclestc. » Le MS cesse, depuis le C 206 jusqu'au t» 225, d'être éfi'it eu
deux colonnes; depuis le 1° 223 jusqu'au f 254, l'écriture est plus pâle et pins
néglitïée.
Kn cas d'erreur possible, la mention transcrite dans le texte pourrait se
trouver dans le volume suivant : « Bibliothèque colhonienne. Titus. D. xxv,
p. l.")l , 17. » Petit volume d'une écriture serrée à initiales rubri(|uées.
c.otnine c'est également une chronique de Liège, une confusion a pu s'opérer
(Remarque de M. de Borman).
Deux lettres écrites à l'un des conservateurs du Musée l>ritanui(iue, pour
obtenir des reusciguemeuls précis et nu /ar-similc do rinscriplioii, sont mal-
heureusement restées sans réponse.
— 49 —
La pierre aurait donc eu trois (Hats depuis sa découverte à
Chèvrcmont :
1" Celui où vFHiFi, dans lequel (ta)vERiEi se reconnaît
aisément, était encore suivi de la formule votive v.s.l. m
(votum Suivit lubens meriio) ;
2" Celui où un éclat avait enlevé cette dernière formule;
5" Entin celui où l'inscription s'est trouvée réduite aux
deux mots mercvri ingenvs.
Par une coïncidence singulière, le nom à! Ingéniais, le dédi-
cant, se trouve écrit de la même manière qu'à Ghèvremont (i),
dans une inscription de Mayence, également en l'honneur
de Mercure : mercvrio II .)ene .merenti || .)itvs. ivlivs II .)
NGENVS VE II TERANVS. LEG || || . .) L. L. M (2).
Un seul point dans l'état matériel de l'inscription de
Chèvremont reste incertain, c'est le motif qui a fait varier
les copies dont les unes placent les deux mots mercvri ingenvs
en une ligne, les autres en deux (comme il est plus vraisem-
blable si Jngenuus a été le dédicant).
Le manuscrit d'Utrecht, mis au jour par Brambach, con-
tinue, et parle de quatre inscriptions sur pierres de marbre
ayant existé dans le grand autel de l'église de Goyer en
llesbaie, et gisant en 1G12 dans le cimetière (5).
(1) V. aussi (liiuTKU, ÔOG, 7; Urelli, Ôa88, etc.
(2) Ki.EiN , Zeitsclirifl des Vereins ziir Erforsclmng der rUeinhclwu Ce-
schkiite iiihI AltçrtUumer in Mainz-, 18iG, p. 217, 11» 71.
(3) « Qiailuor lapides mannorei quadrati laliliidiiiis iiniiis jjedis (imjlins
qui olim fitcruiil iii smnmo ullari ccclesiae pat/i .lciicl,\ in Ihtxlmnift li'oilii'nsi ,
l'I picebttnt aillinc in ccmelcrio (omo 161:2. »
— oO —
Ces piern's son! les suivantes :
.\- 57. H E R C V L i ^'
P RO B V S
V ER E CV^'
D I FIL.
VS
^" '^^- H E R CV
Ll
L E VB AS
N A F L O
R EN TI N
FIL I A
V. S.L . M
^" '»^' H ERCVLl FF
ALC M ENAE
C .A A TERNI
V S P R IMVS
V. P . L. A
(i) w pour (vn).
— m —
^" '«<>• H E R C V L
V A D V N A
CAR .FI
LIA. V . S .
Le m;iniis('iii, d'IUrochl ajoute qu'on voyail. en onire, dans
lu mnr du cimelière, l'inseri])lion suivanle (i) :
^" ^^^- L K r G K
V VA E . S n
TE STA M
Muralori, }>. LXIl, if i, 5, G ot 7, donne les quatre pre-
mières des inscriptions, avec la nienlion : « In vico Goye,
agri leodiensis inler civilates Varéne (lisez : Warenime)
et S. Trudonis (S. Trond). MisH Bimardus (2). » Orelli,
n" lîiîiG, reproduit, d'après Muratori, la troisième de ces
inscriptions comme trouvée à Goge, pays de Liège.
La commune de Goyer (en flamand Jeuck) appartient ac-
tuellement à la province de Limbourg; un embrancliemenl
(le lu voie romaine, dite chaussée de Nivelles (le long de
laquelle, à une demi-lieue environ à l'Ouest, se trouvent les
Twee Tommen de Monlenaken, et les Dru Tommen de
Fresin-Gorthys), passe par son territoire, sur lequel es!
située la stalion dn rhemin de Ter de l'Klal dile de Rosoux-
Goyer.
(1) « /;/ (iKfiiltiiii parle miiri ejiiMlem ecclesiae ex qiia cal.r decidenit,
iipparelxH oiiiio Hi\i fru(imentum lapiilis cum sequenti inscripliime. »
(4) Cf nii'irs|)(in(l;iiil i'l;iit Rimarii, baron dk la Hastik, dont pliisioiir>
ilissf'ilatinns (Mi roimc ilc Ictiics se IronvPiU dans la luvface de Mi'ratori.
— 52 —
Ces quatre ex volo, en riionneur de la même divinité ,
Hercule, trouvés à Goyer à l'endroit même où s'éleva depuis
l'église de la commune, démontrent à l'évidence qu'il exista
là un temple en l'honneur d'Hercule, et il est surpnMiant
que cette découverte, déjà vulgarisée par Muralori, soit
restée inconnue jusqu'ici en Belgique.
Au point de vue elhnograpliicpie, il est à remarquer que,
sauf deux noms de femmes, Leubasna et Vaduna (??), les
autres noms sont tous parfaitement romains : Probus, \cre-
cundus; Floreiitmus, Carus. On pourra remarquer ci-des-
sous, dans les inscriptions d'Arlon, ce mélange de noms
locaux, mais latinisés, avec des noms romains.
Malheureusement, aucune indication historique ou géo-
graphique n'est fournie par les inscriptions de Goyer.
Le nom actuel de la commune de Goyer donne t-il au
moins quelque mention relative au culte d'Hercule que,
sans contredit, les quatre premières inscriptions de celte
commune révèlent y avoir existé, et dont l'exercice a pré-
cédé, sur l'emplacement même de l'église actuelle, celui
du christianisme, sous le vocahle de S. -Georges (Sint-Jorù
Jeuck) au lieu de celui d'Hercule?
M. Ch. Grandgagnnge (i), en donnant les différents noms
qu'a p'((H'és la commune de Goyei", fait remarquer que la
forme In jilus ancienne est Golie (huile de 1 147), et il ajoute
que le nom flamand Joeck (carlulnire du xvi- sièch;), montre
(pie dans celte forme (lohe, le u est |)rimilif <M non é|)enthé-
ti(pie.
Ne serait-ce pas trop de témérité (pie de chercher dans ces
(i) Voadiiilfii/r des niicicus ihhiix iIc licii.r de la lichiuiia' ariftilalc, p. 12.">.
O'-}
Ibniics Gohe, Joi'ck (à prononcer en diphllionguej, l'étymo-
log'ie gau, on gowe (\wi\r pagus) Herculis?
Cette ctymologie est donnée ici pour ce qu'elle vaut; mais
on la préférera sans doute à celle de M. de Gorswarem,
qui la cherche dans Jock ou Juck (joug), Juts ou JeiUz
(fuclicium), ou enfin Joris-eik (chêne de Georges).
N" 42. Un recueil d'épitaplies, intitulé : Uillmtrc église
Noslrc Dame et Sainct Lambert cathédrale de la saincle et
noble cité et pais de Liège, rédige par le chanoine Van den
Berch, déjà cité, et appartenant à M. le comte De Grunne
(de Ilanial), contient par ordre de localités une grande quan-
tilé d'inscriptions et d'épitaphes aujourd'hui détruites.
Celle que voici se trouvait à Gors-lieux (Gors-op-Lieux,
suivant l'orthographe officielle, mais irrationnelle); elle est
la seule du manuscrit qui semble d'origine romaine (p. 275) :
C. GRACILE IVSSIM. III.
AEDIL. C. T. SiBÏ ÏEi.
ET QVINTO . LIBERi . I.
AVDAX ET QViXTV.
N" 45. Enfin, (pi'il soit permis d'ajouter ici une inscrip-
tion complètement inédite : on vient de découvrir parmi des
objets romains provenant de Tongres (i) et déposés au Musée
(\) Une ctiide iiltrrieiiic (au point do vue épigraphiquc) des pierres de Clièvrc-
niont, de Goyer et de Gors-lieux, comme de celle de Flcmailc et de la bague de
Tongres, sera présentée au Biillelin de l'Instifiif archéologique liégeois.
— u —
(le Liège, une bague en cuivre ((ui porte dans le cercle e.\lé-
rieur celte inscription dilïicile à expliquer :
VEREXIZÂZVLP.ENEBXEDAMONGNAXEZ
Peut-être les x qu'on renianjue dans cette inscription sonl-
ils seulement des signes séparatifs des noms. Mais quels sont
ces noms?
III.
Les inscriptions d'Arlon mcrilent, à plusieurs titres, d'èlre
l'objet d'un paragraphe spécial.
D'abord elles sont aussi nombnuises à elles seules (pie
toutes celles qui ont été découvertes dans notre jjays, y com-
pris les autres localités de la province de Luxembourg, déjà
citées.
Ensuite, il est permis d'en augmenter encore la liste, en
recueillant, à leur sujet, des données depuis longtemps per-
dues de vue.
Voici d'abord la série de toutes celles dont l'origine arlo-
naise n'est pas douteuse : les vingt-huit premières ont été
découvertes en 1671, lors de la démolition des fortifications,
et furent décrites par Wiltheim; la tj'ouvaille des suivantes
est toute contemporaine et date de ces dernières années.
N" 44-. D. M li MO(NVM). PESSIIA(CI) li ET. I. MAVILLO {i).
(i) Toules les iiisciiptidiis tiui .suivi'iit , depuis le ii" iijii.squaii ii" T(i .
iiut été trouvées en 1671 et sont extraites de Wilthkim. Lucililntrijenda site
Luxemburgam romaiium, éd. Neyï;n, 1842, ji. 258 el s., lii;. 125() et s.; Steikkh,
Codex inscriptioHuni Duiutbii cl liliciii, lii (Scli^'onstadt, IS.ji), |». 111, donne
les n"" 14 ;i 45 (avec variantes), à l'exception des n"" l(i, ôfi el 42.
On les prodnit ici telles i|nelles, d'après les fiic-siinile, tout incorrectes qu'on
— H5 —
N" i.'i. D. M I, ir.LIOMAlî l! IAK. SACUED J KFVMVTEGIA.M
I ILIJA C 1 AMII.IA I! FIAV'IVAFEC(il)
i\" 4(). ..)VIEi\'A. C0NIV(... I ...)IVS. I'
X" kl. ATÏILIVS. REGVLVS !' l'ATIlONVS. IbKMUVE il HERES;
el de raiiU'O cùlé : n. m. ;| pat i s. F. c
l\" 48. l). M. ' IVMV |l S.FVSTINVS '| ^lAïKIl.NVS II VIVS.
FKCIT
.\"' 40. (tl)>l ilil. CAPITO : LVCA>VS 1 PECrT
.N" oO. 0. M. iCN. avioIp.ovo. d. IIsextina. K F
N" 51. I). M. li DANNI 1| SEXTINA 'I l)ESIDEIl.\.TA l| FII.IA. FAC
.\" O*^. CEMA KIVS VEUE ; GVNDVS. SISTIII ET(...
N" OO. n M II ATILLIAE il ABBAE
N" .*)4. ..)IALLVS('... I' ...)iVN(...
N" \V.\. n. M. i; pr(tm)amo. aprT(l() i et. i-iîimwio. satvr
liNINO. PRIMAiMVS 11 SXNRMNVS. V.| SIRI. ET. SVIS. V. E.
N" 5(). I). M. !i PRIMAMO. (PR) Il (IM)iTIVO. I>(EF)V0 ' (ET).
6ia)to. COMVG I| FILI. F. G
N" W . D. M. !; SEVERIAE MAH i TIAE. TO.NNIA. GAB i 1!A.
FILI A. S VA. D. S. F.
N" o8. I). M. Il GORBIL 11 LIO. PAVTOM il (ET). PRVSGIA. MOTTO
II GOMVGIBVS. MOTTVS
N" .51). EVCANIAE I ADIAIVMAR
N" (iO. n. M. i' DOINII, I EE. GO(M)V '| (;i. GOSVOM ...)
AGGEPtVS
le^ (•oiisidt'iv, (ioWJi.TiiKiM.el sans |ii"ip|His<'r cfilaiiis aiiieiuiemeiils d'une iifces-
sitc (Hiasi iMdcntf : avrIli, s.\t\rnixvs, pour aprTi.i, sxNnNiNvs, etc. Opcii-
daiit il a paru iinpossiltl<\ à la \w de rinscriptioii, (ig. 25(1 de Wii.thkim, de ne
pas lire, dans nohv n" 14, munvm, avec les trois dernières lettres aecolées,
aft lien de moivx (IcSteinkr, n" 10l;i, et de ivnio de Wu.THF.ni.
— 56 —
iN" 01. D. M. ij CATTOMIVS. SE || GVNUINVS. ET. SAP ii PVLA.
VX. IDIEIRE 11 FACIVNDVM
N" 62. D. M. Il CIDIONIVS. AMU II ETOVTVS. S.V.F.
N" 63. D. M. Il BOVTIVS. AL || CTVS. SIBI. ET. COP II PO.
FriAT(Rl). VI VS. F.
N" 64. D. M. Il SOLLI II 0. VfCONIS || ET. SIMILIA.
N'' 65. D. M. 11 PRIMI 11 PRISSONIS 11 ET PRVSCIAE || MAIANAE.
VXllORI. VIVA. VIDVllGVS. PILIVS. FECIT || ET. SIMILIAE. SATIE
llBIMOTTIA. NEQVIGO
N" 66. MOXIOll DRAPPO. ATTLill LALLIANVS
N"" 67. D. M. llSOIIANVS. ET||SO(ll)eMNI. FILIO II ET. PATRI.
SOIIIO 11 ET. PRIMI A. TAVSO. MATRI
N" 68. D. M. 11 TiiLiON II NO. CAVLM ( LL à loi'ino ar-
chaïque).
N" 69. D. M, Il TORNIONIIVS || IMVNNIS. ET. COIV il 01. IVLINIA.
POPILIVS.
N" 70. ...)civi(...|| ...)ran(...)
N" 71. ACETA II ILEOR. ET. CE 1| ATERNAE. 1. F
N^ 72. D. M. Il PRIMVLIO 11 PÂRDO DF H ET SVIS HER || ENS
F. G (I).
N" 73. ]). M. Il MESSIE DONA(te) 11 MATRI. IVSTVS |1 FILIVS.
V. F. G
N" 74. D. M. Il GAI. IVLI. MAX || MING. EMERlTl. LE 1|
OIGNIS VIII BNEFI || GIARIVS PROGVRATo H RIS ONEsTa MISSIO H NE
MISSVS ISTaME 11 MORIA(mp)ROGVRA. Il VlT SIMILIAPATe 11 RNA
(i) Roulez, UhII. Ar.ad. roij. de Belrj., XXI , â", 688 et siiiv. ; Messaf/er des
•sciences liisloriqiics, 1835, j). d'i. On y trouve aussi les deux suivantes, sans
coiiiplcr deux inscriptions (|iii ne donnout que la dédicace aux niùnes : d. m. La
trouvaille date de 1854. '
— 07 —
CONIVX CO II .NIVGI KKISSIMO || MAXIMINVS. IC y i| VIESQVIT. AVE
VIA II TOR. VALE VIATOR. De l'autrC CÙIÛ NCLD
N" 75. D. M II MARCELLINAE || AFRE. CONIVGI. DE || FViVCTE.
GRATI||NIVS. ACCEPTVS II ET. SIBI. VIVOS. FECIT (l).
N° 76. (seCV)NDINIVS. SECGAL || (Ii)N ACONT. SECCAL II INA.
FIL. VIVOS. FEC II D. M
Pendant la longue durée de son gouvernement du duché
(1555 à 1604), le comte de Mansfeld, on le sait, avait réuni
dans ses jardins de Luxembourg un grand nombre d'anti-
quités recueillies en divers endroits, et notamment à Arlon;
mais l'attention ne s'était pas encore attachée spécialement
aux premières années consacrées à l'établissement de cette
collection.
Or, les antiquités d'Arlon réunies pendant les vingt pre-
mières aimées (point très-intéressant pour l'archéologie de
notre pays) ont été parfaitement inventoriées dans l'Itinéraire
d'Ortclius et Vivianus (2), rédigé en l'an 1575, où les auteurs
rendent compte, entre autres, d'un voyage lait par eux à
Arlon et à Luxembourg.
Ce que, disent-ils, ils considérèrent comme le plus remar-
quable, dans la première de ces villes, fut un nombre consi-
dérable d'épilai)hcs romaines, sans compter une quantité de
(1) Id, ibkl., iX, :2(i, 550 et siiiv., ainsi que la suiv. trouvée en I8i2. Pithli-
cations de la Sociclé pour la recherche et la comervation des monuments dans
le grand-duché de Luxembourg, IX, 8i, donnent une variante de la première ;
V. aussi Steiner, HI, p. 112, n»* 1948 et 1949.
(2) Itinerarhm per nonnullns Galliae helgicae partes Abrahami Orte i.n cl
Joanuis Viviani, ad Gerardum Mekcatorem cosniograpUum, l^c édit., Anvers
Plantin, 1584, pp. 52 à 54. La lettre, eonmie on peut le voir a la pai;e 09, est
datée d'Anvers, octobre 1575.
— 58 —
siriiulacrt's de divinités jiaïeiiiK's cl do niotinaics aiilifincs.
qui y avaiciU été découvertes (i).
Inscriptions sépulcrales et autels votifs étaient allés d(!|)uis
peu, ajoutent-ils, orner les jardins du comte de Mansl'cld, à
Luxendjourg, et entouraient une fontaine dédiée à sa fcninK',
Marie de Montmorency; le contini!,ent d'Arlon, dans les mo-
numents accumulés autour de la « fontaine de Marie « était
si abondant qu'on eût dit ([u'une colonie d'antiquilé y avail
émigré d'Arlon, de telle sorte ([u'en aucun autre endroit on
ne devait aller chercher l'antique station romaine (2).
Après cet aperçu général , Orlelius et son compagnon
donnent une liste de huit inscriptions qu'ils ont remarquées
;i la fonlaine el, d'après ce qui vient d'être dit, cette liste,
selon le commentaire (pii l'accompagne, doit être consi-
dérée comme se rapportant à Arlon, siîion absolument, du
moins presque exclusivement.
[i) « Inoppido (Arliinio) «/■//// est praeler ruinas ad qiiarum fiiudtimenta ,
iii.sci'iptioiies anti((uas plurinias , et deoriim gentilimn simiilacrri , quihus
iUusfrissimiis cornes Petrus Ernestus Mausf'eldensis fontem simm LvxeMburgii
decoravit, rrufa iiitrnihr/nl, el notniuJIis ipioqnc in loeis reperla aiitiqnii nninis-
mata. «
(2) « Porliciis amplas miraluiniiir qaus se ad id ( Illiislrissimns cornes j
destinasse direlxit, ut in eis reponerei, qnaecunque nancisci possel antiquilatis
moniimenta, qnorani miKjnam jam habet copiain, ex diversis locis, el Arliiiiio in
Iiririiis, ut jani diximns, potilani : iiiide vcluli aiili(|iiitatis (•dloniaiii liiic liediixisse
videtiir, iiec ullo alio in loco Aihiiiiiiiii iliaiii aiitiquani (inaerciidaiii esse. Smil
aniem maxima ex parle simnlacra deoriim (jenlilinm, el epilapliia, qnae in
crepidlne fontis illins pnlcherrimi.... pari inlervallo disposila, ni liber sil ah
"inni parte ad singnlos lapides accessits. Ex lus inscriptiones mmnullas quibns
lemporum injuria minus nocueral visnm est hue referre. Inscriptiones veto
antiquae sic se habent... »
WiLTHEiM, p. 230, ayant a parler, aprùs les sept incendies d'Arlmi, de la
clades decumaua subie par les aiiti(|nités de cette ville au profit du couile hk
M\NsKiiLi(, ajoute : « Et Orolnnno quidem tôt avecta, ul dici soient velus Oro-
launnm horlis illis Inm immigrasse. i> Ceitendant il est à remarquer (pi'il ne parle
dauenne des inscriptions des jardins dk Mansfeld comme provenant d"Arkm.
— n\) —
Heureux exemple d'arcliéologues parveuant à réparer le
uial l'ail à la seienee par les antiquaires : les collectioiiueurs
suut Irop souvent peu soueieux de l'origiMe des objets qu'ils
recueillent; parfois même, on en a vu des exemples, jaloux
de leurs richesses, ils s'appliquent à en cacher la source jmur
empêcher auti'ui d'y puiser connne eux ; l'humnie de science,
au contraire, ne voit pas dans les antiques de simples curio-
sités; il les étudie principalement dans leurs ra|)j)orts avec
les mœurs, les usages, l'histoire de nos devanciers dont ces
objets nous ont conservé les traces; il a soin avant tout de
noter le lieu de la découverte, donnée indispensable pour la
solution des problèmes historiques.
La constatation laite |»ar Orlelius est d'autant plus pré-
cieuse que, sans elle, les inscriptions copiées en lo7.') ris-
(piaient fort d'être enlevées définitivement à Arlon : lorstpie
Wiltheim s'occupa, |)lus de cinquante ans plus tard, des anti-
({uilés des jardins de Mansfeld, deux de ces inscriptions n'y
étaient plus, et aucune mention spéciale ne conservait le
souvenir de l'oi-igine de cin({ des autres ; aussi celles-ci sont-
elles allées se ranger dans l'ouvrage de Steiner (i), parmi
les inscriptions de la première Belgique, dont la provenance
est inconnue.
Une desJjuit inscrii)tions relevées par les d<Mi\ voyageurs
de 1575 doit cependant être éliminée de leui' liste, cojnme à
titre d'antiquité d'Arlon : c'est ré|)ilaphe d'un certain Sexti-
0) III, p. 12:2. Il esta regreUcr (iiio rmi ail pci'du, depuis quelques annéos,
rertain manuscrit de Wiltheim (V. la prélace de l'édition de Neyen, p. vu, el
note k), où l'auteur expliquait où les inscriptions décrites par lui avaient été
trouvées. Ce niaiiiiscrit, in-folio en deux volumes, existait encore, au cumnn'nce-
inentde notre siècle, dans les archives des Ktats, a Lnxembourii.
— 00 —
nius Sccundinus, ([iii, au léinoignage tic Willhoiiii (i), avait
ôlô Iroiivcc à Trêves.
Parlons d'abord de celles de nos inscriptions que Wiltheiin
dépeint encore, de 1630 à 1682, comme appartenant aux
jardins de Mansfeld.
Elles seront présentées d'après les fac-similc de Wiltheim
et, pour les contrôler, on y ajoutera les lectures d'Orlelius
et de Gruter, qui écrivait en 1616 et qui les rapporte d'après
Boissard. Le lecteur aura ainsi sous les yeux dilîérentes
copies de visa prises en 1 575, en 1 6 1 6, et de 1 650 à 1 68!2 (i).
N-77. D. M. IVRCINIVS . D
INDO.ET.CALEN
AGATILLVS VXO
RI . F . C (=)
Ortelius : D. M. ivuciisivs d. || rindo etcalen || agatillvs
VXO II R F. C.
^^ 78. (wi)ATERNVS . MARI
(n)VS.SIBl.ET.CENSOR
(r)INAE.FAVSTlNAE.COW
Ortelius : Ma(te)rnivs mari || nvs sibi et censor || iniae
FAVSTINAE GO || NIVGI DEFV.NCTAE.
(0 P. 106. V. aussi Steiner, IH, p. 13, n» 1717.
(2) WiLTiiKiM, fig. 115, 128, 131, lil et 192; Ortelius et Vivianus, pp. 51
et 55; Gruter, 756, 2; 868, 9; et 925, 5.
(3) Steiner, III, 11" 1994, d'après Wiltheim, lit à tort lvrcintvs pour
IVRCINIVS.
(4) Steineu, 11» 1992, coniplcle l'inscription : (nivgi facicndvin cvravit).
— 61 —
N"70. D. PENNAVSIO.LAGANE M
SIDONIE.IASSE.MONIMEN
.VM.F.ILl. FACIENDVM.de
SVO.CVRAVERVNT. 0)
Ortelius : D. pemavsio lagane M. || ..) doni(.)assemonime
N !| (.)\MFILI FACIENDVM DE |] SVO CVRAVf.RVINT
Griller : D. pexnavsi lagane M || sidonieiasse momment ||
VM . FILI . FACIENDVM . DE |1 SVO CVRAVERVNT.
N" 80.
D. M
DAGVC . DAG
SILLVS . X . EBT(hO;
CATO . S . VIVO . FEC'
(^2)
Orlcliiis:D. M. li Dagvo dag || sillvsJCebtio h catos vivo fegi
G ru (or : d. m \\ dagvo . dag II sillvs , xebtho || cato . s.
vivo . FEC.
N" 81 .
D M
ATTIANI
MEMMIOLI
Orlelius : d. m. || Attiam || memmoli
Gruter : d . || vaitiani II memmioli.
(i) Stkinek, no 1!)!)"2, d'aprcis Wiltheim, lit à la .V lijjno : tvm . fili, etc.
(-2) Stkineu, ±- liiiiic : siu.vs . eiîtiki, vie , et il suiipriiiie les (tninls.
— 62 —
Les cin(( iiiscri plions (jui précèdonl sont perdues; il n'en
est pas de même des deux suiv;ni(es :
V H2. RATRI ET PATRIBVS
(0
c
Orlelius : .)atiu (et) patuibvs.
Gruter : matri . et . patribvs (2).
On n'indique pas l'époque où celle inscription passa des
jardins de Mansfeld dans la collection des jésuites de Luxcni-
hourg, où Willheim (s) la vit et d'où il la fit connaître.
Quoi qu'il en soit, par une circonstance heureuse, notre
inscription n'a pas été comprise dans l'acte de vandalisme
reproché plus haut auxdits jésuites; ils ne l'ont pas jetée
dans les fondements de leur nouveau hàtiment, et s'ils onl
peu respectueusement placé le momimentsous un pilier au-
quel il sert de piédestal, au moins peut-on encore en voir
les (pi;ilre faces, donl Steiner d) présente la descriplion.
N" 8r,. AVE. SEXÏI.
IVCVNDE.
VALE. SEXTl.
IVCVNDE. (0
Ortelius : ave sexti i| ivcvnde !| v(al)e sexti || ivcvnde
(1) WiLTiiEiM, fig. 165 à 167 oii sont représentés les sujets sculptés en relief
sur les (lilîérciils côtés de ce monument.
(2) P. 90, n" 4, d'après Boissaud.
(3) WlLTHElM, p. 189.
{i} III, p. l.">^, n" -2()()i, el Wii/rriKiM. \hj. Itiri à KiT,
(ti) WiLTHr.lM, p. l!S(i,
— 65 -
Celte pierre, coiuine U< précédeiile, était en 1575 clans la
collection de Mansfeld ; c'est là encore» que Boissard la vil on
Ifil6, et de là qu'il en transmit la description à Gruter (i).
Par suite de (jiiclle circonstance encore, n'y était-elle j)lus
de 1650 à 108:2, où Wiltlieini la dépeint comme appartenant
à la collection des Jésuites de Luxembourg?
Comment se fait-il qu'après la mort de Wiltheim, au lieu
«l'être comprise dans l'acte de vandalisme dont il a déjà été
parlé, elle soit parvenue au Musée de Trêves, qui la possède
aujourd'hui, au dire de Sieiner (-2)1
Toutes les pierres de la collection de Wiltheim au collège
des Jésuites de Luxembourg ne périrent pas : on sait (s) que
quelques-unes d'enti-e elles allèrent orner, selon lainode du
temps, les jardins du conseiller de liaillonNaux à Siechelhol'e,
d'où elles furent acquises pour le Musée de Metz par le conUe
de Villers; peut-être est-ce de l'un de ces deux endroits que
noij'c monument passa au Musée de Trêves.
Toujours est-il qu'audit Musée de Trêves elle a ét('' suivie
d'une note manuscrite des |)lus iiii[»ortantes, dans la j)oss«'s-
sion du docteur Lersch, et dont il convient de jiarler ici.
Cette note, d'après la copie qu'en doime Steiner (4), attri-
bue l'inscription à une villo nommée Ara l.iiriae, dans le
duché de Luxembourti.
(1) 889, 8. Lii.rciiiliiiniii , in nni t/tutilnnniiihiri iii'<lili/is romilis hl\ysiF.\.i>n.
BOISSAKDUS (JRUTERO.
(t) III, p. 99, II" 19li « Klicmals iiti Jemilen nillcti zii Lii.rcmhurq, jet-J
in irieres Muséum hcfiiiidlifUi'u Insc/irifslfin. '
(3) Ibid., p. 151.
(4) « Ile»! in Tirrirorum /Hjro ml ai'im l,ri:iAK {iil opiiH noseii | noriien.' | es/)
in tlHcntu Luxenbnru lapix exxtat ni ridi-lnr col uni un,' fnninirnlnni mm linc
insiripfioni'. >< III, p. 9!». ii" 19|i.
— 64 —
Or, cela est de toute évidence, celte ville luxembourgeoise
Ara Luciae, n'est et ne peut être qu'Ara Lunae (ci in;il lu
pour n). Or, une controverse curieuse exista naguère
entre le magistrat d'Arlon et le P. BerthoUet au sujet de
certain autel prétendument consacré à la Lune, trouvé à
Arlon, dont le nom signifierait ara Lunae, d'où Orolaunum,
Arlon.
Arrêtons-nous un instant sur ce monument à l'égard de
l'origine belge duquel aucun doute n'est permis.
A coup sûr, un dessin vaut mieux que la meilleure de
toutes les descriptions; mais ceux que donne l'édition Neyen
de Wiltheim(i) sont tellement suspects d'inexactitude (2), et
spécialement la représentation des reliefs sculptés sur trois
laces de notre monument est tellement grossière, que l'on
ne peut songer à les reproduire ici.
Wiltheim croit voir dans la double salutation ave, vale
de notre monument, un emblème de la fragilité de l'existence
humaine, et il y rattache les sujets représentés : aux deux
faces latérales, des adolescents couronnés de fleurs, l'un avec,
un enfant et l'élevant en l'air; l'autre portant un enfant
sur les épaules; au côté opposé à l'inscription, l'image
de l'épouse survivante, en costume de veuve, à côté de son
mari.
Steiner (s), sans décrire ce dernier sujet et sans adopter
l'inlenlion allégorique attribuée à l'auteur du monument pnr
(1) Pp. 180 et 187, lig. lu'J et 160.
(i) Annales de la Société pour la conservât ion des moiiiinienls historiques et
des œuvres d'art dans la province de I.iixenihoiini (Arlmi i , 1 1 , I S ii»- I.S.'J I , p 1 02.
(3) m, p. 199, 11" IDOi.
— 6o —
Willheim, se borne ;i énoncer l'avis fort probable que la
morl avait enlevé à la fleur rie l'âge l'enfant chéri Sextus
Jucundus, auquel ses parents consacrèrent celte simple et
louchante inscription où , réunis sur la même épilaphe, le
bonjour de la bien-venue et l'adieu rlu départ prématuré (i)
forment un si navrant contraste.
Un échange entre celte intéressante inscription, qui pro-
vient si évidemment de notre pays, ne ))ourrait-il être pro-
posé au Musée de Trêves par le Musée de Bruxelles? Celui-ci
possède largement de quoi proposer en troc, notamment les
pierres tumulaires de Messius Ortelius, à'Aafidiua, de Gau-
dentiolus et à' Aelia Trihuna, toutes provenant de Trêves (2),
et ayant pour nous un intérêt bien moindre que le remar-
quable monument arlonais de Sextus Jvaindus.
APPENDICE.
L'intérêt qui s'attache aux inscriptions de Chêvremont,
de Goyer, etc., a engagé l'auteur du présent article à en
suivre les traces jusqu'au bout, et il a eu l'heureuse chance,
sur les indications de M. S. Bormans, de retrouver le manus-
crit original dont le manuscrit XVIII, de Vanden Berch, ap-
(t) Et ave et vale! dit aussi, en fiiiissanl iVpilapiie de Miiràtoui, 2056, G,
et Ton en tcouve beaucoup d'autres exemples. « Vnius propemodiaii esse momenti,
dicere : ave! genilis, et vai-e! morluis, » dit élégamment Wiltueim, qui cite à ce
propos Catulle et Vircile, mais qui a eu le tort, semble-t-il. d'appliquer sa
réflexion à ia vie humaine eu général et non spécialement à la vie abrégée du
défunt auquel le mouiunent était consacré.
li) Calai, lia Mast'e de lUuxelles, par Jiste, n"^ S. 15, (ici. 8, 9 et II.
— G6 —
parlenanlà M. le chevalier He Theiix, e( probableniciit aussi
ee\u\ d'Utrecht, lu par Brambach, ne sont que des copies.
Ce manuscrit, déjà désigné ci-dessus sous \o. nom de
Wachtendonck, provient de la célèbre bibliothèque de Cras-
sier, où il est décrit sous le n" 5448, avec la mention que
l'ouvrage a été terminé en 1008 par Hernian de WachhMi-
donck; on y trouve néanmoins quelques faits de date posté-
rieure, nolainnient l'enlèvement de la pierre de Cbèvremont
en 1612 (i), fait auquel la copie de Vanden Bercb a ajouté
celui de 1655 : les lettres m et e de mehcvri sont accolées
dans le manuscrit de la Bibliothèque royale.
D'un autre côté, une seconde copie de la même in-
scription de Chèvremont, prise au British Muséum pai-
M. Ferd. Henaux, d(* Liège, permet d'aflinuer que le ma-
nuscrit d'où M. le chevalier Camille de Borman a em-
prunté la sienne, est bien le manuscril n" 275 du fonds
Eggerlon : la copie de M. Henaux donne prise seulement
à la lecture tanehi f i plul«")t qu'à taveri. e.i, comme plus
haut.
('omme Gruter (-i) nous fournil des r-xeinj^lesde mercviuo
au datif rendu en abrégé par MEr.cvHi, on peut lire cette
inscription de la manière suivante : Mercuri(o) Jngenu{u)s
Tanehi on ro^;en (lilius) /(ieri) /(ussit), r(olum) .v(olvens)
/(ubenter) m(erilo).
(i) (;'esl (cUo iiienlioii (i(! Tan \ii\i qui aura lait penser a l'niilciii' du uiaïuis-
oril d'Utrorlil que les pierres de (loyer existaient encore en eette auiice, i-iwmi*-
il le mentionne siinpienient.
{1) riô, lô.
— 67 —
Quant aux in.scri|)lioiis ih' Govfr, elles se troiiveiif toutes
Jes cinq dans le remarquable manuscrit de Wachtendonck.
Les quatre premières n'étaient pas séparées comme on l'a
dil i)lus haut, ce ([ui diminue un peu la force du raisonne-
njent en ce ({ui concerne l'existence d'un temple d'IIercuh;
(pie (piati-e inscriptions distinctes auraient rappelé à Goyer.
vmws
vmtcw
Dl FIL-
V s
HERCV
II.
LEVBAS
NA FLO
RENTIN
FI LIA
VS.L.n
Les quatre inscriptions onl occupé les quatre faces d*
un
— 68
seul aulel (ij; mais WaclUeiidonck , en les dépeiguaiil,
ajoute néanmoins qu'à son avis il a existé sur l'emplacement
de l'église de Goyer un temple d'Hercule; il en trouve nième
un indice dans le vocable de Saint-Georges, employé comn)e
dérivatif, afin d'attirer les hahitanls convertis, en substituant
le guerrier chrétien au combattant païen (aj.
HERCVLl EC
ALCMENAE
C.MATERNI
VS ?R1MV5
VADVNA.
V. p.L.H. ilA.VS.
(i) « Quatuor lapides .... quorum duo longiludine eqiiabant quatuor pedes,
reliquipaulo minus, claudebantque quatuor angulos ejusdem allaris, qui, nescio
qua causa eruli,jare)if in ccmetcrio.... » MS. Waciitemionck, \\. 11.
(2) « Credcrcm olim ibidem fuisse lemplum Herculis, dirutum que a chris-
lianis ex ejusdem ruinis conslruclam fuisse prediclam ecclexiain, dedicalamque
Divo Georgio ut ex slrenuo bellatore ethiiico surrogaretur christianus miles
invictissimus, ni ila pagnni facilius allicerenlur ad vcram fidem. » Ihiil.
— 69 —
Enfin, laisanl allusion à la cinquième inscription de Goyer,
TESTA/n
Wachtendonck ajoute que, se trouvant quelques années au-
paravant à Goyer, il l'avait vue dans le côté gauche du mur
d'où la chaux était tombée, et il ajoutait (|ue les murs de
l'église et du cimetière pourraient bien receler d'autres mo-
numents du même genre dignes d'attention (i).
II serait utile de rechercher à Goyer, dont l'église a été
reconstruite dans le courant du présent siècle, et où plusieurs
pierres sépulcrales gisaient encore en l'an 1861 dans le cime-
tière (au mur duquel on se proposait alors de les fixer (2)),
si parmi celles-ci ne se trouvent pas celles qu'a vues WacJj-
tendonck ou dont il a mentionné l'existence.
(1) « Cuvi anie annos deeeni et amplius, ibidem in lemplo essein, vidi a latere
.siiiislro murum vacuiim ciii alias superinducta calx déciderai, a quo fragmen-
tum lapidis ciii sequentes Ulterae inscriplae erant tali forma : .... Crederem
iisdem maris plura alia scHu digna latitare. » Ibici.
(î) Bullelin de la Société scientiUque et litléraire du Luxembourg (Toiigrcs),
V. I». 120.
— 70 —
Enfin, le tnaïuiscril de Waclilendoiick donne un f;ic-,simile
delà remarquable pierre dédiée à la divinité du ileuve Meuse,
el il est d'autant plus important de le reproduire ici, que,
comme on l'a vu plus haut, c'est dudit manuscrit que la copie
de l'inscription a passé dans le manuscrit d'Utreclil vu par
Brambach.
\
IVNONI MINEKVAE Dl
H W FLVMINIS rAOSA .
se S DIAN
ONIA 11 IIMIICIS
n OS t 1 N 01
yvvFVSClANOni SUNO
Waclitendonck, dans uu feuillet intercalé dans son manus-
crit, p. 1 1 , donne avec le fac-similé du monument des détails
plus précis que le manuscrit d'Utrecht. Simon de Beau-
mont, dont il a été parlé plus haut, était chapelain de Saint-
— 71 —
Servais, à Maestrichl ; il avait pris copie de l'inscription en
1 .')78 (i ), et c'était de lui-même que la tenait Wachtendonck.
Celui-ci, par une mention d'une écriture plus récente, parle
de relations qu'il a eues au sujet de ladite inscription avec la
dame Gérardine de Groesbeeck (2), épouse de Jean de Lon-
cin, seigneur du lieu, cl le nom de celui-ci, retrouvé déjà
par M. S. Bormans sous la forme erronée de ionim, esl
hien définitivement fixé, ce qui permel de rapporter aux
dernières années, du xvr siècle, époque où Jean de Loncin
fut seigneur de Flémalle, la disparition si ret^rettable du
monument.
La précision de fous ces l'cnseignements ne semble plus
permettre le moindre doute sui- l'authenticité de la décou-
verte e( des monuments eux-mêmes, qui compteront, sans
contredit, parmi les plus pn'cieux de notre pays.
H. SCHUERMANS.
(i) « Erat in l'ieinael, stipra Gomeppiani iii qvodam fragmenta marmoreo
jjiope templum, xeqitentia incisa, ne quant nm licnit a R<'o [)no Simone Bello-
monle, capellano Sancti ServatU Trajeetensis, dnm Leodii ageret anno t."i"8
i7> n]irilis, a quo predictam inscriptionem accepi. » Iltid.
(4) « Vernm cirm poslmodnm nobilis ne generosus />""« D. Jonnnes Loncin,
lempornlis /)««« illins loci, lapideum honrnm constrni fecisset , inseilia opera-
liornni confractntn, et opère predicto npiioxilnm, desiil esse in rernm natnra.
Qncmadmodnm nohilis ne ingenna Mnlnma C.ernrdinn a (ïroesbeeck conjitnx
predirti i>»> mihi alfestala fuit cnm studio illuc divertisse ut illnd viderem. -
lltid.
Mcssire .leaii de Lonchin , dWwans , seigneur de Flémale , Plorzé ,
Miipav. etc., était fils de niessire François de Lonchin, seigneur de Flémale,
Tailler, Soy, Florzé, Hupay, grand bailli de Moha, gouverneur de la principauté
de Slavelot, gentilhomme de l'Etal noble du pays de Liège et comté de I.ooz, de
son mariage avec D"* Elisabeth de Hochsteden.
Jean de Lonchin épousa en l'an KJOO I)"' (ierardine de Groesbeeck. filk- de
Tliiery de Groesbeeck, seigneur d'Oreille, gouverneur des villes et château de
Huy en ir»8l, 161a, etc., et de Cécile de Rongravc, morte le 26 avril 1615. gît
aux .\ugustins-sur-Avro\. Icz-Liége. avec son mari. (Rens. de M. S. Bokmans.)
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS,
RESUME DES PROCÈS-VERBAUX.
SÉANCES
des 3, 7, H, 21, -20 et 28 mars; des 4, 11, 18, 21, 2o et 30 avril 1868
PEINTURE ET SCULPTURE.
La Commission a approuvé le spécimen qui lui a été yf^f^'^^^ ''^ Freeren.
soumis pour le placement de douze vitraux peints dans
l'église de Freeren (Limbourg),
Il résulte de nouveaux renseiQ;nements recueillis par la ÉgUsedeThieien.-
"^ Itptahlp.
(commission el d'une photographie du retable de Hulshout
qui lui a été communiquée, que l'autel de Hulshout se com-
pose de deux retables superposés dont les bas-reliefs datent
de deux époques difl'érentes; ceux qu'il s'agit de surmouler
pour le retable de l'église de Thielen appartiennent à la partie
la plus ancienne ei offrent nn certain inérile. La Commission
s'est assurée qu'ils pourront s'harmoniser avec le projet de
retable dont elle })ropose l'approbation. Elle a émis l'avis
(pi'il y a lieu d'accueillir en conséquence les propositions
(pii lui ont élé soumises par la fal)ri((ue.
EDIFICES ET MONUMENTS RELICIEUX.
f.siisps ,ip Sûmmr>- La Commissiou a donné un avis favorable : I" sur remplace-
wanfTPnios iiniiioi. ,,f^,^^,i,|( qu'oi, proposc d'assigucr à l'église de Somme-Leuze;
T sur les ]iroposilions de l'administration communale de
Hcsteignc, relatives à l'emplacement de la nouvelle église
projetée dans cette localilé et dont les plans sont déjà
approuvés; ô" sur les plans jirésentés pour la construction
d'églises à Wangenies (Hainaut) et à Haillot (Namur). Les
[plans concernant ce dernier projet sont destinés à remplacer
ceux qui ont été approuvés le 27 octobre 1866.
ù MuhTàfppirsupIn' -^I- ''^ i^îiniï^lre <1c la Justice a communiqué à la Commission
un nouveau i)rojet relatif à la consiruction d'une église place
de la Duchesse, à Molenbeek-Saint-Jean, A différentes re-
prises, le Collège a émis l'avis que l'emplacement choisi était
malheureux. Quoi (pi'il en sdil et bien (pfaucune autorisa-
tion royale n'ait élé accordée, les autorités locales n'ont pas
tenu compte de ces observations. Aujourd'hui la construc-
tion s'élève déjà à ]>lus de deux mètres au-dessus des fonda-
tions et l'on V a d('-peiisé plus de 60, 000 fraïuïs. En présence
(\v^ faits a('c(inq)lis, M. le Minisire appréi-icra la suite qu'il
convii'nt aiiJDunriiiii de donner à celt(* affaire.
Dans la silualioii actuelle des choses, la (Commission a cru
devoir se donn(M' poui' uni(pie mission (l(> chercher tout cequi
serait de naliire à améliorer ras))ect de l'édifice projeté, en
tirant le plus iilile parti possible des Iravaux déjà exécutés.
Considéré dans son ensemble, ce projet a un caractère
général qui ne parait pas convenir à une église à ériger dans
la plus peuplée des communes limitrophes de la capitale. Il
olïre, en eiïet, l'aspect d'une simple église de village déme-
surément allongée, et cet eiïct serait beaucoup plus sensible
en exécution qu'en plan. La façade, dont quelques élémenls
gothiques laissent à désirer, demande un sérieux remanie-
ment. L'attention de l'archilecte a été appelée notamment sur
les contre-foris à i)ronis éli-anges qui y figurent et sur le
reirait du milieu de la tour. Une nouvelle étude de ces par-
ties l'amènera à introduire dans l'ordonnance gi'niérale de
notables changements.
Quant au défaut signalé plus haut dans le plan de l'église
])eaucoup trop long par rapport à sa largeui', il |ieu( y être
remédié soit en établissant un faux iransepi, qui exigerail
seidement le sacrifice d'une minime partie des Ibndalions,
soit par tout autre moyen qu'une nouvelle ('tude suggérera à
rarcliitecte.
L'administration communale de Villers-Potlerie demande «'t^n^o <if viiiP,..
I'Olt>-li(>.
de nouveau l'autorisation de di-niolir celte église, pour le
motif qu'elle ne pourrait èln^ appropriée à l'usage d'nn bâti-
ment d'école. La Commission a déjà fait i-emanpuM' que ce
n'est pas seulement en vue d(^ cette appropriation qu'elle a
réclamé, avec l(^s lionorables C()rres|)ondants du JFainaut, la
conservation de rédilice, mais parce que cette ancienne
église est le but (Tun ])èlerinage très-IVi-quenté et (pi'clle offre
assez de valeiii' au point de vue archéologique pour justifier
la dépense de 'KdOO francs (|ue sa conservation nécessiterait.
- 76 —
La Commission s'est, en conséquence, référée à ses rapports
antérieurs.
Église <!e Thynp.. D'aprôs un rapport des membres correspondants de la
province de Namur, la nouvelle éiilise de Thynes pourrait
être construite sur l'emplacement de l'édifice actuel, en con-
servant l'ancien chœur et la crypte, avec lesquels le style du
nouvel édifice devrait nécessairement concorder. La Com-
mission a constaté que celte proposition mérite d'élre prise
en sérieuse considération : il lui a paru désirable aussi, dans
le cas où cela serait possible, que le nouveau temple fût
élevé sur la crypte ancienne. Celte disposition, dont le
moven âge nous a laissé maint exemple, ne donnerait que
plus d'intérêt à la construction souterraine, ainsi qu'à la nou-
velle église. Toutefois, les plans soumis sont trop incomplets
pour permettre déjuger si la disposition des lieux et le ter-
rain dont on dispose se prêtent sans inconvénient à Texé-
culion de ce projet. La Commission a prié M. le Gouverneur
de la province de Namur de réclamer une étude dans le sens
des indications données par les membres correspondants.
Épiises de iiun.iei- Dcs avis favorablcs ont été donnés sur les propositions
l>licin , Sars la-Iîiiis- . , > !• 1 it i i i
.iére. «ir, rclativcs a la restauration des églises de Hunaeighem
(Flandre orientale), Atbis, Haine-Saint-Paul, Sars-la-Buis-
sière (Hainaut).
fgi.o .iP nan,me. Le pUiu ]MTS(Milé pour la reslaur;ition de la tour de r(''glise
de Ilamme (Flandre orientale) a été revêtu du visa.
CONSTRUCTIONS CIVILES.
^ , ., „ A In suite des derniers raijports relatifs au projet de con-
*""• slruction d'un nouvel orphelinat à Rnixelli^s, de vives récla-
— 77 —
ma lions contre les idées de la Commission royale des
monuments se sont élevées au sein du conseil communal de
Bruxelles. Le Collège a répondu à ces réclamations dans un
rapport précis et détaillé qui a été adressé , à la date du
15 avril dernier, à M. le Ministre de la Justice.
Il résulte d'une déclaration récente faite par M. le Bourg-
mestre de Bruxelles au conseil communal, qu'un nouveau
projet d'orphelinat est étudié actuellement et que l'exécution
en est confiée à un artiste de talent, M. Jamaer, architecte de
la ville.
— La Commission a approuvé :
1" Les plans relatifs à la construction d'un hôtel de ville, ""i^i <i. ,viiie ,ie
avec locaux pour la justice de paix, à Houlfalize (Luxem-
bourg).
2° Le projet d'agrandissement de l'hospice de Saint-Josenh, ""^pi'^ <J^ »'-'«-
' " "-^ ^ ' sepli, à Maliiies.
à Malines (Anvers).
— A la suite des derniers accidents survenus aux ruines du '«"'"" Je crè>o-
Cd'iir, à l'ouvigiie».
château de Crève-Cœur, à Bouvignes, M. le Ministre île
l'Intérieur a consulté la Commission :
1" Sur l'état actuel de ces ruines et sur les mesures qu'il
conviendrait de prendre pour les démolir ou les consolider;
2° Sur une réclamation élevée par un particulier au sujet
des dégâts causés à sa propriété par les accidents précités.
Cette question accessoire réclame une expertise qu'il con-
vient de confier à un architecte. Quant à la question princi-
pale, relative aux travaux (jue peuvent réclamer actuellement
les débris du château de Crève-Cœur, plusieurs délégués du
Collège se sont rendus sur les lieux, afin de la résoudre en
complète connaissance de cause; leur rapport conclut à une
démohtion immédiate.
— 78 —
Les avis n'ont jamais clé partagés quant aux avantages de
toute nature (|u'il y aurait eu à conserveries ruines de Crève-
C(eur. Les glorieux souvenirs iiistori(jues (jui s'y rattachaient
et rcxlrèine rareté des inonuinenls militaires dans notre pays
étaient deux raisons assez puissantes, à elles seules, pour
(pi'on attachât un grand prix à ces restes aussi longtemps
({u'ils gardaient un certain aspect, une certaine réalité pitto-
res(jue, et qu'on pouvait en croire la restauration ou tout au
moins la consolidation possible. Malheureusement ces raisons
ont ces.^é d'exister aujourd'hui.
liien (pie la Commission eût demandé, dès l'année 1841,
la conservation des ruines de Ci*ève-Cœur, il n'a été pris une
décision à cette iin qu'en '18()'2 et la Commission taisait con-
naiti'e, à cette époque déjà, que des écroulements successifs
avaient enlevé en grande partie, à ces débris, leur aspect
primitif. Un subside de 5,600 francs fut accordé en vue des
travaux de consolidation nécessaires pour conserver ce ipii
subsistait encore. Mais, comme dans presque tous les travaux
de ce genre, on ne pouvait mesurer, dès le premier jour,
toute l'étendue des détériorations aux(|uelles il importait de
remédier. A mesure que les travaux ont marché, elles se sont
révélées plus graves et plus jirolbndes. C'est ainsi cju'il fui
constaté successivement : I" que la nalure gélive des pieri-es
était une cause incessante d'accidents toujours difficiles à pré-
voir; 2" qu'il était nécessaire de démolir une grande partie
des parements ([ui avaient cessé d'adhérer ;iu corps de la
maconni'i-ie; ô" que d'inqiortants li-avaux de déblai étaient
à faire })0ur désobstruer la construction de terres et de dé-
bris qui y entretenaient une humidité désastreuse; /i" que
des fascines élaient à établir pour i)rotéger le village contre
— 71) —
(.les cutas.lruj>li('.s iiuiiiiiKMiles. Ces Irmaux pi-falables à loulv
reslaiiraliuii, cl clonl les plus iiiipoiiaiils élaient commandés
par un intéivl de sécurilé puhlicpie, ont absorbé en urande
partie les premiers subsides; aussi, tout en approuvant la
demande de nouveaux fonds préseulée au Gouvernement
pour cette atîairi', en 1860, la Commission a déclaré qu'il
était indispensable, avant de s'engager jtius avant, que l'ai"-
chilecte soumit des plans et devis précis et détaillés à l'aide
desquels ont put a])préciei' plus exactemeni Téial des lieux
e( l'importance des ouvrages projetés.
La Commission attendait encore ces ))lans lorsqu'un nou-
vel écroulement partiel s'est produit en janvier dernier, l^es
délégués ont constaté que ce dernier écroulement, ainsi que
les démolitions (|ui en ont éf('' la suite forcée, ont ])orlé le
dernier coup aux ruines d(! Crève-Cœur, en ce sens qu'elles
y ont perdu i)res(pie entièrement le peu d'intérêt qu'elles pré-
sentaient encore au point de vue de l'aspect extérieur. Dès
lors, tout motif sérieux dis])arait pour consacrer des dépenses
nouvelles à leur entretien. Il semble inutile de faire des tra-
vaux de consolidation j)our une constructidu dépourvue
désormais de tout caractère. Quant à entreprendre une res-
tauration conq)lète, celle-ci, dans l'état actuel des clioses,
présenterait un double inconvénient : J" elle exigerait une
dépense énorme; !2" elle équivaudrait à une reconstruction
totale et n'aboutirait en somme qu'à un pastiche où ni l'art
ni l'archéologie ne trouveraient leur conqite.
Quoi qu'il en soit, les dépenses relalivemeiil tiès-nn'ninjcs
([ui ont été faites jusqu'à ce jour poui- l'entretien des ruines
de Crève-Cœur ne peuvent être regardées comme de l'argent
perdu; Elles ont servi juscju'aujourd'liui à protéger le village
— so-
dé Bouvignes contre des accidents qui se seraient répétés
fréquemment, si les ruines avaient été laissées dans leur
premier état et qui auraient eu une portée infiniment plus
grande que le dernier accident survenu. Elles ont prolongé,
pendant un quart de siècle, l'existence d'un site pittores(iue
et d'une construction historique. Il a été possible ainsi aux
artistes et aux archéologues de taire sur les ruines de Grève-
Cœur les études les plus approfondies, et il reste aujourd'hui
des dessins exacts et des notices détaillées qui serviront du
moins à perpétuer leur souvenir, à défaut d'une restauration
qui était impossible et d'une conservation qui n'eût pu s'appli-
(|uer qu'à des fragments désormais sans valeur.
L'architecte aura à examiner, en démolissant, jusqu'à quel
point il est possible de conserver les souterrains du château,
qui en constituaient une des parties les plus intéressantes et
qui paraissent être restés en assez bon état. Quant à la con-
struction principale, il devra on laisser subsister tous les
débris qui, sans danger pour la sécurité publique, pourront
servir à en indiquer l'emplacement.
Le Secrétuirc de la Commission royale des Mouameiits ,
J. Rousseau.
Vu en conformité de l'article 25 du règlement.
Le Président ,
Welle ISS.
RAPPORT
SUR LES ÉDIFICES CIVILS EEMARQDABLES
DE
LA VILLE D'ANVERS.
En 1861, à la demande de l'adminislration communale
d'Anvers, quatre membres correspondants de la Commission
royale des monuments, MM. le baron H. Leys, N. de Keyser,
le chevalier Léon de Burbure et P. Génard, furent chargés
de rédiger un rai)})ort sur les éditices civils remarquables
de cette ville; M. P. Génard fut nommé rapporteur.
Cette Commission s'acquitta immédiatement de la mission
qui lui avait été confiée, et le 19 septembre de la même
année, elle adressa à M. le bourgmestre une notice sur les
édifices publics el privés d'Anvers, dont la conservation
était recommandée dans l'intérêt des arts et de Thisloire.
« La ville d'Anvers, » disait la Commission, « une des
» plus anciennes de la Belgique, possédait encore, il n'y a
» qu'un demi-siècle, des constructions de toutes les époques ;
» des monuments romans et ogivaux se trouvaient à côté
» d'ouvrages en style dit de la renaissance ou rocaille, et
— 8*2 —
>j ct'llo graiulu variélc d'édilices, paniii lesquels il y en avait
» de très-remarquables, donnait à nuire cité un aspect vrai-
» nient pittoresque.
» Malheureusement il n'en est plus ainsi ; depuis quelques
» années un t>rand nombre d'anciens bâtiments ont dis-
» paru pour faire place à des constructions modernes, et
» il est à craindre que, dans quelques années, il ne nous
» reste ])lus un seul vestige de l'art monumental de nos
» ancêtres.
» A quelles causes faut-il attribuer le jx'U de res|)ect (jue
)> l'on professe pour les ouvivigi.'s des temps |)assés? — Est-ce
» mauvais goût? — Est-ce insouciance? — Nous l'ignorons,
» mais il est certain que tous ceux qui s'intéressent au culte
» du beau, tous ceux qui par leurs études se sont placés à
') la hauteur de la science actuelle, déplorent amèrement
» des actes de vandalisme que rien ne saurait justilier ; con-
» fessons-le aussi, bien des propriélaires ont fait abattre des
» constructions imjwrtantes j)our ne plus être chargés de
» leur entretien. «
Après avoir a})pelé rallention sur les décisions du conseil
communal de Bruxelles , par lesquelles des subsides spé-
ciaux ont été alloués ])our la restauration des maisons de la
Grand'Place, la Gonnnission a fait l'énumération des édiiices
|)ublics remarquables d'Anvers et les a décrits en suivant
l'ordre chronologitpie, savoir :
LES TOLl'.S DU HOlllG.
Des auteurs font remonter aux Normands, voire même aux
Romains, la consti'uction des murs et des tours du Bourg,
— «5 —
dont il nous reste eneore de reiiian}ualjles vestiges; nous
croyons ces opinions hasardées; toutefois il est certain que
la forteresse anversoise date d'une haute antiquité.
Nous ne demanderons pas à nos autorités de l'aire res-
taurer les nnu's du Bourg; pareil travail serait jjresque ini-
possihle; mais nous exprimons le vœu d'en voir entretenir
les ruines dans un état convenahle.
Peu de villes peuvent montrer des constructions aussi
intéressantes; les types de l'architecture militaire du moyen
âge ont, pour ainsi dire, disparu de notre pays; Anvers
pourrait donc faire quelque chose alin de conserver un mo-
nument (\m témoigne de ranli(iuité de son origine fi).
l'hOSI'ICE SAirsï-JIJLIEN.
Les types de rarchilecture civile du xv"' siècle deviennent
rares. Anvers n'en jtossède qu'un seul, mais un des plus
précieux : nuus voulons parliM" de la façade de l'hospice
Saint-Julien.
Cet hospice fut fondé, en 1305, par nohle dame Ida
Vander List et le chanoine Jean Tuclant; il fut largement
doté, pendant les siècles qui suivirent sa création, par dilïe-
rents habitants d'Anvers, parmi lesquels nous aimons à citer
Everdy Wilmaers, Nicolas Van Thielen, Elisabeth et Marie
Verbiesl, Jean Vrients, l'évèque Cools, le ])eintre Abraham
Genoels, le statuaire Michel Vander Voort, etc.
Depuis l'année 1798, époque à laquelle elle fut vendue
• (i) Voij. Biilh'liii (/('.s' .\iTliivcs il'.Vnvcis. I, I, ji. }<1.
— 84 —
par les agents de la République Fraiieaise, la chapelle de
Sainl-Julien a cessé de faire partie de l'hospice de ce nom ;
il serait convenable de l'y joindre de liouveau, non-seulement
pour nous conserver un monument remarquable, maisencore
pour rendre hommage à la mémoire des bienfaiteurs, qui,
|)ar leur charité, ont accpiis plus d'un titre à la reconnais-
sance pul)li(|ue.
LA CHAPELLE DITE DES DUCS DE BOURGOGNE.
Nous ne connaissons de l'école de peinture d'Anvers du
xv' siècle que les décors de la chapelle généralement connue
sous le nom de chapelle des ducs de Bourgogne, Longue
rue Neuve.
Il serait inutile de donner ici la description d'un monu-
ment qui jouit d'une réputation européenne; nous renvoyons
pour les détails aux ouvrages spéciaux consacrés à ce somp-
tueux oratoire. Toutefois, qu'il nous soit permis de dire
que cet édifice, véritable joyau d'architecture et de peinture,
réclame une bonne restauration; les magnifiques vitraux
surtout devraient être rétablis dans leur état primitif.
LA BOUCHERIE.
« La boucherie d'Anvei-s, bâtie entre les années LjOI et
» lo05, est un bâtiment de M mètres de longueur sur
» IC) mètres oO centimètres de largeur, éclairé au rez-de-
» chaussée par des fenêtres en ogive, divisées par des me-
» neaux flamboyants, (!t à l'étage supérieur des côtés longs
— 8o —
» par un rang de fenêtres carrées. Les petits côtés, terminés
» en pignons à gradins, présentent plusieurs rangs super-
» posés d'ouvertures de celte dernière espèce. La beauté de
» l'appareil de cet édifice, construit en briques, alternant
» avec des chaînons de pierre de taille, la régularité et le
» caractère simple et sévère de son architecture, lui donnent
» un aspect tout à fait monumental. »
Telles sont les paroles que feu M . Schayes consacre à la
boucherie d'Anvers, et certes elles valent bien la peine d'être
rapportées ici; à l'opinion du judicieux critique, nous
croyons pouvoir ajouter que ce monument est, selon toutes
les apparences, l'œuvre do Dominique de Waghemakere,
architecte, qui dirigea longtemps les travaux de la ville et
fut l'un des plus grands artistes de son époque.
La boucherie d'Anvers mériterait d'être rétablie dans son
état primitif; si jamais la ville pouvait en devenir proprié-
taire, ce bâtiment conviendrai! parfailemeni à la création
d'un musée d'histoin> et d'archéoloeie.
LA VIEILLE BOURSE.
Les restes de l'ancienne Bourse d'Anvers, conservés au-
jourd'hui dans la maison n" 13 de la rue des Jardins, conq)-
tent sans doute parmi les constructions les plus curieuses que
possède notre cité. Cette bâtisse élevée en 1515, et qui servit
de modèle à la bourse bcàtie en 1550 près de la place de Meir,
se trouvait primitivement près de la rue de la Vieille-Bourse;
elle fut Iransféi'ée au xvii* siècle dans la maison où elle se
voit encore aujourd'hui. Les restes de la vieille bourse se
— 8() —
li'oiivenf dans un parfait ('lat de conservation; il importe
donc à la ville de veiller h l'entretien d'une construction
dont elle peut être fière à plus d'un titre.
l'a>'(;ien.ne prison : het steen.
Ce monument, un des plus importants pour l'histoire
civile d'Anvers, fut construit en 1520 sur l'emplacement de
l'ancienne prison.
La chronique manuscrite de Heynsius, oiïerle à la biblio-
thèque publique de la ville par M. le conseiller De Vos-Ver-
bruggen, contient à ce sujet les vers suivants, rapportés éga-
lement par MM. Merlens et Torfs, au tome I", p. Ô08, de
leur Histoire d'Anvers :
« Doi'ii begon mcn con nioii gevaii.nlien-liiiys t(> inakon saeii,
» Daoi' te Yorcn 'l'oiido Jiailrlo i;estapn. »
Dominique de Waghcmakere, d'Anvers, et Rombout Rel-
derinans, de Malines, à qui notre commune doit tant de
monuments remarquables, furent chargés de la direction des
ti'avaux. Les comptes du domaine d'Anvers, conservés aux
archives générales du royaume, ne laissenl aucun doute à
cet égard.
D'après ces documents, Domimipie de W.igbemakerc! et
Rombout Keldermans reçurent 6 livres l\ esc. de gros pour
avoir insp(M'lé, conjoinlement avec le receveur des domaines,
Tancienne |)rison, dans le but i\o dresser les plans de la
nouvelle bâtisse; Rombout Keldermans recul, en outre,
1!) esc. de gros |»()ur avoir va(pi('' pendant cin(( autres jours
— 87 —
à l'arcomplissenient de sa lâche. (Voyez aussi Merte>\s et
ToRFS, Geschiedems imn Antœerpeu. t. I''', p. 615.)
Le chapitre des coin})(es auquel nous empruntons ces inté-
ressants détails nous fait connaître, en même temps, que la
construction du Steen d'Anvers entraîna une dépense de
1,752 Jiv. 9 esc. et 6 den. de gros de Brai)anl, somme con-
sidérahle pour l'époque.
De Waghemakere et Keldermans adoptèrent pour la jiri-
son d'Anvers le style ogival de la dernière époque et réus-
sirent à donner à leur œuvre un cachet tout particulier.
(Tome II, page 500. ) « L'entrée seule, qui existe encore,
» dit M. Schayes, se faisait remanjuer par une ornementa-
» tion d'un fort bon elfet. Elle présente une grande porte en
» arc surbaissé et à profondes voussures, llanquée de deux
» colonnes cylindriques, à bases polygones, presque aussi
» longues que les colonnes mêmes. Au-dessus de cette porte
y> s'élève en encorbellement un pavillon à trois côtés percés
» d'autant de fenêtres, également à arcs surbaissés, au-dessus
» desquelles sont sculptées, dans trois panneaux, les arnies
« et la devise de Giiarles-Onint, etc. Trois autres écussons
» armoriés décorent la trompe dn pavillon qui se termine
» par un toit ;i trois pans, »
La façade du Sleen mériterait d'être l'eslaurée; pour la
remettre dans son élai, primitif, il faudrait rouvrir les trois fe-
nêtres au premier, formant l'abside de la chapelle, y remettre
les barres de 1er et faire repeindre les armoiries et les devises
de l'Empereur, ainsi (pie les écussons du Bi-abanl, du mar-
quisat du Sainl-I'^nq^irc et de la ville d'Anvers, (pii se trouvent
au-dessus de la grande porte d'entrée.
Sans <loute rinlêrieiir de l.i prison mérileiail également
— 88 —
d'ètro restauré, mais ici noire amour pour les traditions
historiques nous mène peut-être trop loin ; on nous per-
mettra donc d'exprimer un vœu qui peut-être ne se réalisera
jamais (i).
LA MAISON EN BOIS DU XVl' SIÈCLE, RUE DES SAUCISSES.
Depuis quelques années la ville d'Anvers a vu démolir un
nombre considérable de maisons en bois, véritable spéci-
mens de l'architecUire civile des xv" et xv* siècles. Aujour-
d'hui que ces édifices tendent à disparaitre complètement,
il serait convenable de prendre des mesures pour nous en
conserver quelques modèles.
Parmi le peu de maisons en bois encore existantes à
Anvers, il y eu a trois qui appellent l'attention d'une ma-
nière toute spéciale; la première, que nous allons décrire,
est sise rue des Saucisses ; on peut la considérer, à bon droit,
comme un des types les plus parfaits de ce genre de construc-
tions. Déjà MM. Mertens et Torfs, dans leur histoire d'Anvers
(p. 105, t. III), se sont occupés de ce bâtiment et l'ont fait
reproduire par la liravure; nous croyons remplir un devoir
en recommandant spécialement le maintien de cette propriété
aux bons soins de nos édiles.
Gomme toutes les construis lions en ce genre, la maison de
la rue des Saucisses possède un rez-de-chaussée en pierres;
(ij En 1S(;"2, It- miiscc (l"iinli(|H tés :i etc iHahli au local du Slrrii. Depuis lors,
une partit' du hàlinit'iit et parliculièi'onieut It^s laça les à riiitt^iirur ont è\ô res-
laun'-i's.
— 89 —
la partie de l'édifice élevée en bois se divise en plusieurs
étages percés de fenêtres. La porte d'entrée sculptée ainsi
que les ornements qui décorent la façade, prouvent à l'évi-
dence que ce bâtiment date des premiers temps de la renais-
sance. — Il y a à peine un an, la maison qui fait l'objet de
celte notice se trouvait dans le plus parfait état de conser-
vation; rien n'y manquait; on la voyait telle qu'elle avait
été élevée par l'architecto; mais depuis quelques mois on a
eu la déplorable idée de remplacer le vitrage à plombs par
des vitres modernes.
L'importance de cette construction exigerait qu'on lui
rendît sa forme primitive.
LA MAISON EN BOIS AU SABLON.
Quoique cette maison n'ait jamais été reproduite par la
gravure, elle n'en est pas moins une des plus remarquables
en son genre. Elle est très-spacieuse, possédant quatre étages
percés de fenêtres, qui, la plupart, sont encore pourvues de
leur vitrage antique. Le rez-de-chaussée est en pierre; des
ornements gracieux décorent cette partie de la façade. Au-
dessus de la porte d'entrée, dans un cartel, ont lit l'année
i 599, mais il est permis de croire que cette date se rapporte
plutôt à la restauration qu'cà la construction de cet édifice.
La maison au Sablon se trouve dans le meilleur état de
conservation, il importe de l'y maintenir; nous appelons
donc sur elle rattention de l'autorité.
LA MAISON EN BOIS, MARCHÉ-AU-LAIT.
Certes cette maison, élevée en 1341 , est petite en com-
-- ',)() —
paralson dfs deux précédentes, mais elle ne leur cède <'ij
rien sous le rapport de l'importance. Nous ne saurions donc
assez insister sur sa conservation. Elle ne compte pas seu-
lement parmi les jtlus anciennes, mais encore parmi les plus
belles et les plus complètes de nos constructions civiles.
Rien ne manque à sa façade ; son toit même conserve encore
sa jolie couverture en briques ( i ).
LA MAiSON. KUE ZIEHIGK.
Cet édilice est entièrement construit sur les plans des
maisons en bois. Le rez-de-chaussée en pierre de taille est
orné de sculptures d'une époque postérieure ; le premier et
le deuxième étage, bâtis en encorbellement, sont percés de
fenêtres qui, par leur disposition, donnent à cette maison un
aspect fort pittoresque. La façade mériterait d'être conservée
dans son état actuel.
LA MAISON DES MACOÎSS, CANAL AU FROMAGE.
Bâtie en 1551, cette maison peut être considérée comme
une des premières élevées ii Anvers, en style renaissance.
Elle s(î compose d'un rez-de-chaussée, d'un entresol et do
deux étages. Jadis l'intérieur était orné de tableaux repré-
sentant des sujets tirés de l'histoire des maçons. Reste d'une
des plus importantes corporations d'Anvers, ce bâtiment
mériterait d'être conservé; la restauration à l'extérieur en
— i)l —
serait d'autant plus facile (\ue les dpiix f'tagps »)nl ('onservo
leur fonnp primitive.
i/hospige des orphelines, longue rue de l'hôpitai..
En 1552, Jean Vander Meere, négociant, fonda l'hosi^ice
des orphelines; cet établissement auquel, quelques années
plus tard, on ajouta l'asile dit het Yrouwkenshiq/s, s'accrut
encore grâce à la générosité de Gilbert Van Schoonheke,
de sa femme et de leurs héritiers. D. Gailberius de Schoon-
heeck pro parle huju.s fundator, telle était l'inscription placée
autrefois sous le bnsle de ce grand bienfaileur d'Anvers ; il
en résulte qu'une partie de l'éditice a é!é construite long-
temps après celle sur laquelle nous appelons l'attention de
l'autorité. En effet, la partie qui contient la chapelle est des
plus curieuses; des archéologues distingués se sont em-
pressés de la reproduire par la gravure, comme un (\e^
types les plus originaux de la renaissance primitive. (Voi/pz
F. De ViG.NE : Geschiedenis dcr tnidde/eeuivsclie houickunde,
p. oO ) « In het gmotsle deel der voorbeelden welke men aen.
treft in de gebomcen door rierkante venslers mmengesteld,
dit M. De Vigne, ontinoet men deze doorgaens maer met
enkel lystwerk l'ersierd; erenwel toen men vensfers, deuren
ofpoorlen, inhetn/gemeen, rondboogvormig bouwde, waren
deze insgelijks vit enkele lyslirerkcn samengesteld; een voor-
beeld in dieu smack gelmuwd, is de voorfferel van een ge-
sticht te Antwerpen, in den gelukkigsten toestand hewaerd
en van 1;)62 dagfeekenende. » (PI. XII, n" 2.)
Ce bâtiment, parfaitement entretenu, est un véritable orne-
— 92
ment pour la longue rue de l'Hôpital, une des plus impor-
tantes de notre ville.
LA MAISON HYDRAULIQUE.
Par la construction de la maison hydraulique, Gilbert
Van Schoonbeke s'acquit un titre impérissable à la recon-
naissance des Anversois; sa machine hydraulique, chef-
d'œuvre de combinaison pour son époque, prouva en outre
des vastes connaissances de l'auteur dans la mécanique. La
maison hydraulique, si pittoresque par sa forme et si artis-
tique par son ameublement, mérite d'être conservée dans
son état primitif; elle est sans contredit une des curiosités
les plus remarquables de notre ville.
Il y a quelques années on forma, dit-on, le projet de rem-
placer la machine de Van Schoonbeke par une machine. à
vapeur. Nous déplorerions amèrement l'adoption de pareille
mesure. En vérité, si les exigences de notre époque veulent
l'emploi de la machine à vapeur, on pourrait, ce nous semble,
la placer dans un local contigu à la maison hydraulique ;
cette dernière, comme une relique, passerait donc intacte à
la postérité.
LA TOUR VAN STRAELEN.
Le nom du bourgmestre Van Straelen est resté populaire
à Anvers; protecteur des ar(s, organisateur de la grande
fête artistique et littéraire de 1561, ce magistrat s'acquit des
titres à la reconnaissance de ses concitoyens.
— 93 —
L'hôtel Van Siraelen , situé marché Saint-Jacques, est
pourvu, au coin de la rue des Chats, d'une tour bâtie en
style renaissance et qui, jusqu'à ce jour, n'a subi aucun chan-
gement. Dans l'intérêt de l'histoire, dans l'intérêt des arts,
cette tour mériterait d'être conservée dans son état actuel ;
le dragon qui la surmonte est emprunté aux armoiries de la
famille échevinale Draeck, à laquelle appartenait la mère de
Van Straelen. Deux noms historiques sont donc attachés à
ce bâtiment.
LA MAISON DU VIEUX-SERMENT DE S'-GEORGE, A LA GRAND'pLACE.
Cette maison, la plus haute de la Grand'Place, est consi-
dérée par les archéologues comme une des plus importantes
constructions civiles du xvi^ siècle. M. Schayes dit qu'elle
offre un spécimen fort curieux du style de renaissance 'pri-
mitive.
La maison du Vieux-Serment de Sainl-Geoi'ge fut bâtie
vers 1560. Nous regrettons que le nom de l'architecte qui en
dirigea la construction nous soit resté inconnu jusqu'à ce
jour; toutefois nous ne désespérons pas de le découvrir,
l'histoire de nos corporations restant encore à faire. La
façade, percée de six étages de fenêtres très-rapprochées,
contient en guise d'ornementation les armoiries et les em.-
blèmes des arbalétriers d'Anvers ; deux statuettes de confrères
se trouvent au sommet. Le pignon de l'édifice était autrefois
surmonté de la statuette de saint George; cette dernière
devra y reprendre sa place, si jamais on restaure ce mo-
nument.
l)i
LA MAISON DES BATELIERS, HUE DES SERMENTS.
La ruu des Serments ne contient que des maisons de cor-
porations et de fjilden; mais, parmi tous ces bâtiments, il n'y
en a (ju'un seul qui mérite d'être conservé : la Maison des
Bateliers.
La l'açade de cet édilice démontre, par sa iurme architec-
turale, qu'elle a été élevée par le même artiste à qui l'on doit
la construction de notre hôtel d<.' ville; elle date donc de la
seconde moitié du wi*" siècle et peut être considérée comme
un des bons types de l'architecture civile de cette époque.
La Maison des Bateliers se compose d'un rez-de-chaussée
et de six étages; le rez-de-chaussée et le premier étage ont été
changés en magasin; mais les étages supérieurs, tout dégra-
dés qu'ils sont, conservent encore leur Iurme primitive. Des
deux côtés du pignon commençant au quatrième étage, se
trouvent deux statues assises; deux obélisques s'élèvent au
cinquième; au sixième on voit deux vases; enlin, le pignon
servait autrefois de base à la statue du patron de la confrérie.
Celle maison mériterait d'être restaurée. Nous regrettons
qu'elle se trouve dans une rue si peu fré(iuentée; elle serait
un véritable ornement pour la Grand'Place.
\. HOTEL l'LA.NTrV-MOUETUS, MAHCHE-DU-VEM»l{EDh
En 'Io78-1579 Chrisloj)lie Planlin acheta de Martin Lopez
la maison sise Marché-du-Vendredi et à laquelle il donna le
nom de : GuhJen-Passer. Il y établit son imprimerie dans
— m —
un local qu'il fil construire contre le canal des Tailleurs de
Pierre. Depuis cette époque, la maison Plantin, devenue
l'hôtel Moretus, subit de grands changements; tout le bâti-
ment du coté du Marché-du-Vendredi y fut ajouté en 17(jl
jtar François-Jean Moretus; mais, à l'intérieur, les aleliei's
du grand imprimeur, la chambre des correcteurs, etc., sont
restés dans leur état ]>rimitif; même on y conserve encore
quelques-unes des presses de notre architypographe. L'hôtel
Moretus ne figure dans cette nomenclature que pour son im-
portance; l'état de sa conservation ne laisse rien à désirer.
LA MAISON DKS DRAPiEUS , GliAiSD PLAGE.
La façade de celte maison cunlient l'iuscripiion que voici :
Haute cvdes velerem librarn nimcupatas 11 II : Octob. an.
M.D.XfJ. incendio consumptas, Pannorum Paralores a
l'undamenlis instaurari Curarunt, et plus loin se trouve
la date de 1044. Il résulle de cette inscription et de cette date
que la maison dite : la Balance, fut détruite par un incendie
en 1541 et réédifiée cent ans plus tard, par les soins des
doyens de la gilde des drapiers.
Malgré tout le respect ipie nous portons à une inscri))lion
de ce genre, nous ne saurions admettre (pie ce bâtiment ajt-
partienne à réi)oquc indiquée; l'architecture prouve, d'une
manière irrécusable, (pi'elle date du xvi^ siècle. En vérité,
les doyens des drapiers peuvent avoir restauré leur maison
en 1644, mais alors ils lui ont conservé son tvpe oriiiinal,
celui de la renaissance prwiitire.
Comme construction, connue stvlc, et avant tout connue
— 96 —
souvenir d'une des plus imporlantes corporations civiles
d'Anvei's, celte maison mérite d'être conservée. Les bas-
reliefs qui la décorent offrent un grand intérêt pour l'histoire.
LA MAISON DES TONNELIERS, GRAND PLACE.
L'ancienne maison des Tonneliers, Grand'Place, est loin
d'avoir l'importance des précédentes ; le bon état de sa con-
servation nous oblige cependant de la mentionner; elle
compte d'ailleurs parmi le peu d'édifices qui témoignent de
l'existence de nos anciennes corporations de métiers.
La maison des Tonneliers fut bâtie en 1S79. La date de
1628, qui se lit dans la partie supérieure de la façade, ne sau-
rait indiquer que l'époque d'une restauration. Cet édifice se
compose d'un rez-de-chaussée surmonté de cinq étages, tous
percés de fenêtres; des bas-reliefs sont sculptés dans les pan-
neaux entre le premier et le second étage; on y voit égale-
ment les emblèmes de la confrérie. Autrefois la statue de saint
Mathias, patron des tonneliers, couronnait le pignon de l'édi-
fice. Nous le répétons, l'état de conservation de la maison des
Tonneliers est parfait. Pour rendre ta ce bâtiment le type spé-
cial de l'époque de sa construction, il suffirait de replacer les
fenêtres anciennes et de surmonter le toit de la statuette de
saint Mathias.
LA MAISON RUBENS.
Le 14 janvier 1611, Pierre-Paul Rubens acheta le terrain
— ■ 97 —
sur lequel il fit bâtir, d'après ses propres plans, la grande et
magnitîque maison qu'il habita dans la rue qui porte aujour-
d'hui son nom. (Voyez le Catalogue du Musée d'Anvers,
2* édition, p. 193). Il mourut dans cet hôtel le 50 mai 1640.
Depuis plusieurs années une façade moderne a remplacé
la façade primitive, mais l'intérieur de l'édifice a gardé son
aspect monumental ; on y remarque surtout la belle arcade
ornée de statues et le pavillon ou cabinet d'étude du grand
maître.
Par respect pour la mémoire du chef de l'école flamande,
il conviendrait de veiller à la conservation de la partie encore
existante de sa splendide demeure.
LA MAISON JORDAEIN'S, RUE HAUTE.
En 1639 le peintre Jacques Jordaens acquit de Nicolas
Backx la maison de Halle van Turnhout, rue Haute. Il l'a-
battit entièrement pour élever à sa place une demeure somp-
tueuse dont il dressa lui-même les plans et qui put rivaliser,
en quelque sorte, avec le magnifique palais que Rubens s'était
construit près de la place Meir. (Voyez Notice sur Jacques
Jordaens, par P. Génard, p. 17). Jordaens mourut dans
cette maison le 18 octobre 1678 et, depuis lors, cet édifice
passa entre les mains de dilTérents propriétaires. Plusieurs
d'entre eux y firent des changements très-considérables;
toutefois la cour a gardé son aspect monumental; il importe
donc de lui conserver le cachet que lui a donné l'un des plus
grands peintres de notre pays.
— 98 —
LA MAISON DES MENUISIERS, GRAND PLACE.
M. Schayes, aa (. Il, p. 4-84, de son Histoire de l'archi-
tecture en Belgique, donne la description suivante de cet
édifice :
« La plus belle de toutes les maisons des Métiers, con-
» struites au xvii' siècle, est celle des Tanneurs (lisez :
» Menuisiers), sur la Grand'Place d'Anvers; elle porte le
» millésime de 1644. Sa splendide et gracieuse façade est
» percée, au-dessus d'un rez-de-chaussée rustique, de trois
y> étages de fenêtres rectangulaires que séparent deux rangs
» de colonnes doriques et ioniques engagées et un rang de
y> termes ou gaines au-dessus duquel s'élève un très-beau
» gable à fronton et enroulements, orné de quatre colonnes
» composites et de trois niches. Entre les fenêtres des deux
» premiers étages, sont des bas-reliefs ([ui représentent les
» différents attributs et procédés du Métier. )i
Tout en relevant une légère erreur dans l'indication du
nom de la corporation qui fit élever ce bâtiment, nous ne
pouvons (lu'aj)plaudir à Texcellente description donné»? i)ar
M. Schayes.
La façade de la maison des Menuisiers, aujourd'hui la mai-
son Hatinckx, est, sans contredit dans son genre, la plus belle
de la ville; il faudrait seulement faire disparaître les inscrip-
tions qui la déparent, re])lacer les statuettes dans les ni-
ches vides aujourd'hui et faire dorer les cliapiteaux des
colonnes.
— 1>9 —
LE PALAIS KUVAL Eï l'hoTEL DU BOIS, PLAGE DE MEIH; l'hÔTEL
DE LA BANQUE, LONGUE UUE i\EUVE (XVIIl" SIÈGLE).
Nous indiquons ces hôlels comme lypes de l'architecture
rocaille; ils turent élevés vers le milieu du xviii^ siècle, sous
la direction de rarchitecte-sculpteur Jean-Pierre Van Baur-
sclieit, le jeune; le premier parMelchior Van Susteren; le
deuxième par ordre de M"'* Régine Van Susteren, née du Bois,
et le troisième par ordre de M. Arnould du Bois, seigneur de
Vroylande. Ces édifices sont parfaitement entretenus; ils ne
figurent dans notre rapport que i)Our mémoire.
« Tels sont », disait la Commission, en terminant, i» les
^) édifices anciens et modernes dont la conservation présente
» de l'intérêt, soit pour l'histoire, soit pour les arts. Évidem-
» ment le nomhre en est peu considérable pour une ville
» comme Anvers, centre du commerce belge et depuis j)lus
» de trois siècles le loyer de l'école llamande. Mais aussi
» cette pénurie de monuments nous impose l'obligation de
» veiller attentivement au bon entretien de ceux qui existent
» encore; Anvers perdrait son aspect pittoresque, le cachet
» qui lui est pro])re, si un jour on voyait détruire les I)àli-
» ments que nous signalons aux auloi'ités » .
l'ULK tXThAlï tOM OhML :
Le membre rapporteur ,
V. Génard.
INSCRIPTIONS BELGES
A L'ÉTRANGER.
Il ne suffit pas de rassembler les monuments épigraphi-
ques laissés par les anciens sur notre sol; il importe, en
outre, d'aller rechercher à l'étranger les traces des peuples
qui ont habité la Belgique à l'époque romaine. Tel est l'objet
de la présente notice, d'où l'on exceptera les Trévères, bien
que par eux-mêmes et leurs clients ils aient occupé une par-
lie assez considérable de la Belgique actuelle; mais Trêves,
tout ce qui y a été trouvé, tout ce qui la concerne, mérite
l'honneur d'une monographie.... L'auteur devant se borner,
indique et laisse ce sujet à d'autres.
Dans un intérêt de méthode, on classera ci-après les in-
scriptions en trois grandes catégories : I. Inscriptions mili-
taires; IL Inscriptions civiles; eilll. Inscriptions religieuses
(où seront réunis ceux de ces monuments, avec vœux ou invo-
cations, qui n'auront pas trouvé place dans les deux catégo-
ries précédentes). Enfin, une quatrième catégorie énumérera
rapidement les inscriptions étrangères n'ayant de belge que
— 101 —
l'apparence, et qu'il n'a pas paru possible d'admettre dans
les catégories précédentes.
Les inscriptions, étude redoutable pour le vulgaire! Elles
appartiennent à la haute science et sont, pour ainsi dire, le
monopole des savants officiels; en France, on a même créé
pour elles une section spéciale de Tlnstitut, et il y a certes
témérité de la part d'un simple archéologue d'empiéter sur
ce domaine réservé
L'auteur ne se fait pas illusion sur la hardiesse extrême de
son entreprise; mais il plaide les circonstances atténuantes;
il est entraîné par son sujet; il désire rendre ses études sur
l'histoire de la Belgique, pendant l'époque romaine, aussi
complètes que possible. Or, il ne trouve nulle part, sinon à
l'étranger, les notions indispensables; il s'est même donné
beaucoup de peine pour les recueillir. Ces notions, il se l'est
dit, seront utiles à d'autres qu'à lui, et en les rassemblant ici,
il sollicite l'indulgence pour ses fautes possibles, par cela seul
que des hommes plus autorisés eussent pu les prévenir en
s'acquittant pour lui d'une tâche au-dessus de ses forces. Il
demande surtout qu'on le juge sans malveillance.
S I-. — LNSCRIPTIONS xMILITAIRES.
Les villas de la Hesbaye et d'outre-Meuse, qui ont révélé
des traces si remarquables de la civilisation romaine, ont-
elles été réellement, au moins quelques-unes d'entre elles,
occupées par des vétérans belges, licenciés après avoir accom-
j)li leur temps de service à l'étranger et ayant rapporté chez
eux, avec leur démission honorable, le titre de citoyen et le
— 102 —
droit (ie mariage romain, pins sans doute des dotati(ms de
terres, etc. ( i).
Ainsi l'a-t-on pensé (2), et comme il a été dit, celte hypo-
thèse a pour elle l'autorité de des Roches et elle a été repro-
duite depuis par M. Galesloot,
Il ne suffisait pas dès lors d'étudier ces vélérans dans la
retraite, à leur retour dans le pays natal ; il fallait aller les
surprendre quelques années auparavant, alors qu'ils étaient
encore sous les armes, pour véi'ifier, autant que possible,
pendant le temps de leur service, leurs usages, leurs mœurs,
leur culle, leur langue et, par conséquent, les éléments de
romanisation que plus tard ils devaient rapporter dans notre
pays.
La Grande-Bretagne, ce pays que (s'il y a lieu toulelbis
de s'en faire un titre d'honneur) la Belgique peut, à bon
droit, dit M. Roulez (0), se glorifier d'avoir contribué pour
une large part à soumettre aux Romains et à maintenir sous
leur domination pendant plusieurs siècles, la Grande-Bre-
tagne surtout nous fournira d<'S éléments d'étude : un nombre
considérable d'inscriptions com})létement inédites en Bel-
gique, nous sont signalées par les archéologues anglais; elles
ont dc'îjà fait l'objet d'intéressants commentaires de la part
de diverses publications scientifiques d'Allemagne. Le temps
est donc v(^nu de les vulgariser chez nous; pour rendre ce
(1) V. dans les Mémoires de l'Académie des iitscriptioiis, XVIIl (1711-1717),
p. 281, un travail fie l'abbé Couture sur les vétérans, oii il est parlé, p. 290,
(les diplAnies d'Iionesla iiiimo, et p. 2f».>, des récompenses pécuniaires accordées
aux vétérans contfédiés, élc,
(2) linll.des Comm. roii. d'ail et d'arrhéol., V. p. iOo.
(3) Mémoire cité plus btin. p. 2ri.
— lOô —
travail plus intéressant et plus complet, la présente notice
olï'rira l'enseniblo de toutes les inscriptions du même genre,
en y comprenant même celles qui ont été l'objet du mémoire,
devenu insuffisant, de M. le professeur Roulez sur le contin-
gent fourni par la Belgique aux armées de l'empire ro-
main (i).
A. — I.NSCRIPTIOISS MILITAIRES.
r Belges en général.
Sous cette rubrique, on trouvera en premier lieu les diplô-
més dliones/a missio ou de congé militaire, concernant dif-
férents corps d'auxiliaires fournis par la Belgique. Rappe-
lons, sommairement, celles de ces Cohortes et Âlae (bataillons
et escadrons) qui furent l'objet des dispositions impériales.
* N" 84. Diplôme de Titus (an 80), armée de Pannonie :
ALA FR0XT0>iA>A (des TungTcs) (2).
N" 85. Id. de Domitien (an 85), même armée : ala fron-
TONIAIVA (5).
N" 86. Id. de Trajan (an 104), armée de Bretagne :
cohortes I morinorvm, r haetasiorvm et 1 tvngrorvm mi-
LIARIA (O-
(1) Mémoires de l'Académie royale de Belgique, XXVli (18o-2). Les inscrip-
tions que M. Roi;lf,/. n'a pas pues sous les yeux, et donl plusieurs étaient déjit
publiées avant 1852, seront désiftni^es par des astérisques.
(2) OuEi.Li et Hf,n/,f.n. Insiiriptioiiia» laliiiarum amplinsiuia colUilio, n" ."U^H.
(s) Id., nVU.'^O.
il) Id., u" liU'i.
— 104 —
N" 87. Ici. de Trajan (an 106), même armée : ala i
TVÎSGRORVM, COHORS I NERVIORVM (l).
* N** 88. Id. de Trajan (an 1) trouvé à Sydenham (Kent),
où il est question d'auxiliaires Nerviens, Tungres, etc., et de
ceux d'une nation dont le nom est devenu illisible, mais que
l'on croit être les Bétasiens (2).
* N° 89. Id. de Trajan (an H 4), armée de Pannonie, ala
FRONTOXIANA et COH II AVGVSTA XERVIA PACEXSIS (s) ; CC di-
plôme mentionne en outre que ÏAla Frontoniana était com-
mandée par L. Calpurnius Honora/us (4).
N" 90. Id. d'Hadrien (an 124), armée de Bretagne :
COHORTES I SVNVCORVM, I BAETASlOR(um) , I MEXAP(iorum)
I TVNGR(orum)i II NERv(iorum), m NE(ruiorum) M(illiaria),
VI NERv(iorum); le porteur du diplôme fut le Sunuque Enti-
pont, fils cVAIbanus, et le préfet de la Coli. I Sunucorum,
s'appelait Avlunliis Clandiamis (rj).
(1) DocKiNG, Âintotaliones ad Nolitium iliijnilutiim Oixidciilalem, il, p. 915.
(2) Galksloot, Reirne d'histoire et d'archéolorjie, I, p. 185, qui cite ce diplôme
d'après RoACH Smith, Collectanea antiqiia (mais plus probablement d'après l'ou-
vrage du même : The autiqnities of Hichboroiigh, Reculver and Lijmne, p. 182,
où, en eiret, il est l'ait mcnition d'un second diplôme de Trajan, qui aurait parlé
des Bétasiens),
(s) M. Wauters, en citant noumiément celte Cohorte (et non Ala), dans sa
Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant Tltistoire de
Belgique, I, p. 621, l'.attribue aux Nerviens. Cela peut présenter du doute h rai-
son de la mention complète du diplôme : Coh. II Augitsta Nervia pacensis milliarin
Brittonum. [.esJahrbiiclier des Vereins von Alterthiimsfreunden im Ilheinlande,
qui,XXl\-XXX,p. 261. écrivent Parcensis, expriment des doutes, XXXII, p. 64,
sur le point de savoir si le nom de cette Cohors Nervia dérive de l'empereur
Serva ou du peuple Nervien, et n'osent trancher la question.
(i) OiiELLi et Henzen, n" 6857'>.
'à)' Id., n" 54So;' Henzen, Jatirbiiclier. etc.. im Ilheinlande. XIII, p. 64;
XXVI, p. 118.
— 105 —
N^Ol. Id. d'Antonin-Pie (an 154), armée d'Afrique?,
COHORS I AVG(usta) >jERv(iorum) (i).
Il sera tiré ultérieurement des déductions du mouvement
que ces diplômes indiquent à l'égard des corps auxiliaires des
armées romaines.
On ne connaît qu'une cohorte portant le nom de Coh.
Belyarum; elle est cotée du nombre I.
M. Roulez pense que la mention d'une Coh. 1 Belgarum
suppose l'existence d'une seconde au moins (2); cela semble
difficile à admettre d'une manière absolue.
Il est à remarquer, en effet, que les diplômes de congé
militaire, témoin celui de l'an 104, suivent un ordre déter-
miné et classent dans la catégorie des Cohortes 1 un nombre
relativement considérable de Gohortes(14sur21), tandis que
les Cohortes II, II f et VI ne forment ensemble que le tiers
restant. Or, cette disproportion n'aurait pas lieu si chacune
des Cohortes I, sans exception, au lieu d'être parfois unique,
avait été constamment la première d'une série :
1 HISP ET I FRISIAV ET I.. M. SALIN ET I SVNVC ET I VAXG ET I
BAETASIOR ET I DELM ET I AQVIT ET I MENAP ET I VLP TRAIANA
AVG CR ET 1 FIDAVARDCR ET I.. R ET I RATAV ET I TVNGR ET II
LIÎSG ET II ASTVR ET II D0>G0N ET II NERV ET III BRAC AVGVSTANOR
ET III NERV ET VI INERV.
C'est ainsi que YAla Tungrorum Frontoniana paraîtra ci-
après, tantôt avec, tantôt sans le chiffre I. Or, l'absence
(1) Roulez, |>. 7; BoCKiNr, , II, xxxii, 68, p. 9ô2; Les .hihrbiicher, etc., im
Rfieinlandc, maintiennent encore la lecture in Dacia Ripciisi, réfutée par Roulez.
(») C'est à tort, dit-il même p. H, que de la mention d'une première Cohorte,
on veuille ne conclure qu'a l'existence de deux.
— kk; —
complète de tout souvenir d'une Ala II Tumjrorum tend à
laire croire que ÏAla I Tungrorum est toujours restée
unique.
Les calculs qui terminent le mémoire de M. Roulez et qui
ajoutent une II' Cohorte aux Belges en général, auxMéna-
piens, aux Bétasiens et aux Sunuques , semblent donc repo-
ser sur une base fort conjecturale : l'existence supposée d'une
Coll. II, parce que celle que l'on connaît est désignée
Coll. I.
Voici trois inscriptions qui concernent cette Coh. I Bel-
yarum, Cohorte unique, jusqu'à présent au moins.
* N" 92. I. 0. Mj
SVLPICIVS . CAL
VIO . C . LEG . I . M . PR
AEPOSITVS . CH
0 . I . BELG . HOC . IN
LOCO . MAIESTATE . ET . NVMI>E
EIVS SERVATVS
— Narona, Dalmalie (i).
( Jovi Oplimo Maximo, Sulpiciu.'i Calvio, centurio legio-
nis I Minermae, pmepositiis {'■2) Colwrli ! BeU/fn'um, hoc in
ioco majestale et nvminc ejus senmttis).
(1) OnEU.i f't Hkn/.en, 11" G7ÎJ0.
(2) Praeposilns, f,)nM\)ine de. ijniefi'clus. V. Orf,i.i-i el Hkn/kn, ir'it'iS.
Clio ptiur Coh, y. ci-dessous.
— Î07 —
M. Roulez regrette de n'avoir j^ii se procurer le texte de
cette inscription qui lui aurait fourni, espérail-il, une indi-
cation précise de sa date : à moins de rattacher le centurion
Sulpicius à Galba (jui portait le même nom, il semble que
l'inscription reste muette à cet égard. Mais le lieu de la
découverte démontre par lui-même, à moins de déplace-
ment de l'inscription (circonstance peu probable), que, à un
moment donné, la Coh. I Belgarum a séjourné en Dalmatie,
ce que confirme l'inscription que voici :
* N° 95. TEMPLVM LIBERI
PATRIS ET LIBERAE VETVS
TAÏE DILAPSVM RESTITVIT
COH . T . BLG . ADIEGTIS POR
TIGIBVS GVRAM AGENÏE
FL . VICTORE 7 LEG ... AD.P
SEVERO ET POMPEIANO
Û . COS
Narona (i).
( Templum Liberi patris el Liberae, veluslate dilapsvm,
restituit Colw7\s I Belc/arum , adjectis porlicibiis^ cura m
ac/ente Flavio Yiclore centurione Lerfionis II Adjutrickpiae
fîilelis, Set'ero et Pompeiano ileruni ronsulibus).
Le second consulat indiqué par cette inscription se rap-
porte à l'an 175.
(i) Orklm et Hrn/kn, n" 741(î <.
— 108 —
* N« 94. IN . H . D . D . G3MI0 CHO . ï
S?TIMIE . Bl . A P . S
POS
CLAVD.VALERIVS G...INI.VERINVS
G^TI.AVGVSTVS R.MATERNVS
SIiMIL.PALPNVS PAPI ... ODRATVS
SENECI . NIN ... . AQVJiN.MOt ANVS
HE/EN ... CILIS ..ELIVS LVPIDIVS
IVNIAN.ROGATVS DEG3^.FL0iANVS
S
RESTI PATRVINVS
— Kâstrich, près Mayence (i).
(fn honorem domus divinae genio Cohortis (2) / Septi-
miae Belgarum Alexandrianae , pecunia sua posuerunt
Claudius Valerius; C...i}iiiis Yerinus; Gentùis Augitstiis;
. . . rus Maternus; Similis Palpinus; Papmnis Odratus;
Senecio Niiinius; Aquiims Molianus, Hcrenn'ms, . . . cilis;
. . elius Lupidias; Junianws, Rogatus ; Decimws Florianus
S , Restius Patruimis.)
Cette inscription démontre que sous le règne d'Alexandre
Sévère, auquel la Coh. I Belgarum doit son surnom, celle-ci
était stationnée à Mayence.
Si l'usage n'était pas généralement contraire, on pourrait
(1) Zeitschrifl des Vereins ziir Erforschung (ter Rheitiiftchen Geschichie uiid
Allerthitmer in Mainz, II, p. 320.
(2) Chnrtis pour Cohortis, comme dans l'inscription 11» 91 ; on en trouve
d'autres exemples: Y. Jatirlnictier, etc., im Ulieiiilaïute, XXXII, p. 73; XXXV,
p. S5, et même p. suiv. Corlis, sans /(,
— 109 —
considérer le premier nom (on ne peut dire ici prénom)
comme étant non une abréviation, mais le nom du père au
génitif, ce que contrarie cependant une de ces paires de
noms . . . elius Lupidius; il vaut donc mieux considérer
l'inscription comme donnant le nom et le surnom, sans le
prénom.
Quant à l'observation présentée ])ar le recueil auquel cette
inscrijUion est empruntée, que le premier nom afl'ecte la
désinence ius, elle n'est pas absolument exacte, car on peut
lire aussi bien Decimus, Aqiiinus, Junianus, Similis que
Decemius, Aquinius, Junianius, Similius; Papianus (jue
Papius, etc.
Il y a là des questions intéressantes cà résoudre, et l'ins-
cription de Kâstrich, tout à fait inconnue en Belgique, ne
manquera pas d'exercer l'esprit d'investigation de nos philo-
logues, qui jusqu'ici, pour éclairer nos origines, n'avaient
à leur disposition, outre quelques inscriptions éparses, que
les étymologies des noms des lieux ; les noms des anciens
Belges, très-rares dans les auteurs, sont une mine bien
aussi féconde, et l'on pourra y joindre les noms des tuiliers
et fabricants de poteries grossières qui, ainsi qu'on l'a fait
observer (i), appartiennent vraisemblablement au pays où
l'on a découvert leurs produits.
(i) Voir, oulre les Sigles Ihjitlins au nombre de 6000, publiés par l'auteur du
présent article dans le III« volume de la II« série des Annales de l'Académie
d'archéologie ûc Boliiiquc, Anvers, 18G7, difïérents articles qu'il a t'ait ou fera
paraître dans diverses revues archéologiques de nos provinces. V. notamment un
article sous presse pour les Annales de la Société archéologique do Namui', oii
l'on verra les noms des tuiliers belges iiamsit, irps, irpois, etc. Cfr. ce qui a
été dit dans le Bail, des Comm. roy. d'art et d'archéol., VI, p. 277.
— 110 —
Eiiliii voici une inscriplion concernanl lui oiii[)loyc beige
de i'iiiteiidunee militaire, comme nous le dirions aujour-
d'hui :
* N" 1)5. . . . IVLIVS , M'ÏX
LIS . FABRIC . ES
IS . LEG . XX . V . V
STiPENDIOR
VM . IX . ArkiOR . XX .
IX . NaTiOXE . BE
LGA . EX . COLEqo
FABRICE . ELATV
S . Il . S . K
— Bail), Angleterre (i).
( Julius Vilalis, fabriciensis Legionis XX Victornie
vkirkis, slipendiorum IX, annorutn XXIX, nalione Belya,
ex cullegio fabriciensi elatus, hic silus est.)
On avait attaché à chaque légion un atelier d'arme-
ment, etc., auquel (;orresi)ond l'expression fabrlca ferraria;
(i) SlAiKU'AHiirs GiîDiLs, AiiliqiKic iitscriiilioiics, clc., prclaco. Camuen, Bri-
taiiiiid (l'dit.Bi.sHop et Norton,! ()()"), ii.yl. Ouklu, ii"-iO"9; Bocking, II, p.S.'il};
Anliqnitalcn hrilainio-bt'hjicdc, itiictvrc (iutix. Mi;s(;uAvi'; , Bciga, in Coiiiil.
Somerset orii/iido, III, p. 1, qui r:ii)|ioi(c cette iiiseriptioii au lielgiinit d'Aiiglo-
IciTC, dans lequel se ti'ouve la Venta iielgunim (\Viiu:hester), que le géographe
anonyme de Ravenne, édit. Pindeu et Pautiikv, Hciliu, 1800, p. 42i, appelle
Venta Veiffarom (V. plusieurs variantes).
— Ml-
les fabriciens roriiKiieiit eDseiiibie un collège ayant sa caisse
s])éciale (i).
^2' Bétasîens.
Plusieurs auteurs i'aj)poi'tenl à ce peuple l'inscription
suivante ;
* N" 96. IMP
CAES
ANTO
AVG
GOH
BAET
OPVPE
Katwyk, Hollande (2).
( Imperatori Caesari Antonino Augiislo, Cohors Baetasio-
rum opus perfecerunl).
La dernière ligne, étant aussi donnée orvpe dans quel-
(jues variantes de cette inscription très-dégradée au moment
de sa découvei-te (0) et aujourd'hui perdue, offre du doute;
et s'il n'y a ]kis lieu de l'attribuer à une Cohorle des Ba-
taves (4), à l'aison du système constant des Romains de
dépayser les auxiliaires, une hypothèse très-vraisemblable
consiste à suppléer une courbe à la pi'emière lettre et de
(1) Orelu, iiMOT'J.
(■2) GnmER, Corpus iimi-iplioniini, ^>08, 2 ; ScRivtuius} Antiqnil. IhiUtvk.,
l)p. ISii't 185; BuAMit.vcii [Y. ci-apirs).
(3) Voir CCS vaiiantcs rcmiics par Brambacii, Corpus iuscrijiliouuni rlieiiu-
wffn<M(, p. l,(|iii propose iiit-iiio (le lire CKH xv (\yIiiiitaii)ou\(iii|.
(1) Caudinai.i, Mi'iiioric romuuc, III, p. ;235; Schayks, cuiitimii' par l'ioi,
III, p. 160; STKiM'.ii , Codex iuscriptionuin romniiarum Rheni cl Dauubii,
II» liGi.
— 112 —
lire RAETOKv(in) p(ublice) E(rexerunt), Cohorte des peuples
de la Rhétie (i). Des découvertes ultérieures pourront seules
trancher la question ; car aucune autre inscription de Hol-
lande ne fournit jusqu'ici une preuve de séjour d'auxiliaires
Rhétiens ou Bétasiens dans ladite contrée.
M. Roulez a combattu la thèse de Schayes ("2), que des
Nerviens ou des Tungres auraient fait partie des gardes du
corps des premiers empereurs, tirés de la Germanie, et com-
posés principalement de Bataves et de Frisons. Mais la thèse
de Schayes, si elle est jusqu'ici non prouvée, n'est pas im-
probable ; car voici une inscription ne laissant pas de doute
sur l'admission des Bétasiens, voisins des Tungres et des
Nerviens, parmi ces gardes germaniques du corps.
* N" 97. PHOEBVS
NERONIS . CLAVD
CAESARIS . AVG
CORP . CVST
DEC . RABVTI
NAT . BAETESIVS
MIL . AN .VIII . VIX . AN . XXV
H . S . E . POSVIT . GNOSTVS
DEC . EADEM . HERES . EIVS
EX . COLLEG . GERMAN
— Rome (3).
(1) IIenzen, JaJirbucher, etc., im Rheinlaude, XIII, p. 91. Il ne peut s'agir,
.seniblc-t-il, d'allribuer cette inscription aux peuples de la Rétique, non plus
qu'aux Belerienses, Beternenses, Beleniii ou Biterrciises dont s'occupe Reine-
sius, à propos de son inscription, Cl. XI, n" Gi, p. G30.
(•2) La Belgique et les Pays-Bas, etc., II, p. 7.
(3) Orelli et Henzen, n" 7420, a —.
— 115 —
(Phoebus, Neronis Claudii Caesaris Augusti corporis
custos , decuria Rahuti, natione Baetasius , mililavif
annos VIII, vixit annos XXV; hic situs est. Posuit
Gnostus decuria eadem , hères ejus , ex coUegio Germa'
norum).
Plusieurs autres inscriptions de Rome et des environs
nous montrent des Bataves, des Frisons, des Ubiens, parmi
ces corporis ou corpore custodes; on les réunit ici en note (i)
pour permettre de se rendre compte par comparaison de
(l) MACER |] TI GERMAMCI i| GERMANVS || CORPORE CVSTOS, ReINESIVS , Sljntagma
inscriptioiium antiquanim, cl. IX, n' 50, p. 360).
PROCVLVS DECVRIO GERMA || NORVM TI . GERMANICt (APIANLS Ct AmANTIUS, IllSCrip-
tiones sacromnctae vetvstads, p. 302).
PAETINVS J] TI . CLAVD [| CAESAR . AVG || CORP . CVST || DEC . PACATI || NAT .
BATAVS II vlX . ANN . XX || H S E |i POS . vIrVS . DEC . PACATI || H EIVS . EX . COL .
GERMA (Orelli, 11° 7420, a ,o;.).
POSTVMVS II II . CLAVDl || CAISAR . AVG || CORP . CVST || DEC . SYNEROTIS || NAT .
VBIVS II vlX AN XXV II H S E II POS . CAPITO DEC || sYnEROTIS HER . EIVS jl EX . COL .
GERM (Id , n» 7420, a 1(7).
ALCIMACHVS || NERONIS CLAVD [| CAESAR . AVG . GER |] CORPOR . CVSTOS || DEC .
ALBANI II NAT . BATAVS || VIX . ANN . XXXV . || H . S . E . POSVIT || BATAVVS DEC .
MONTANl II HER . EIVS . EX COLL GERM (ReINESIUS, cl. IX, II" 73, p. 579; OrELLI,
n» 3538).
TI . CLAVDIVS II CHLOREVS || NERONIS CLAVDl || CAESARIS . AVG . || CORPORIS .
CVSTOS II DEC . SPICVLI || NATIONE BATAVS || VIXIT . ANN . XL . H . S . POSVERVNT [f
TI • CLAVDIVS DIADVMENVS ET || CENSOR DEC . SPICVLI || HEREDES EIVS EX COL || LEGIO
GERMANORVM (Reinesius, Cl. IX, 11° 7i, p. 580).
NEREVS 11 NATIONE GERMANVS || PEVCCENVS || GERMANICIANVS || NERONIS CAESARIS |f
VIXIT ANNis xxvii (Id., ibi(l., n» 51, p. 560).
BASSVS NERONIS jl CAESARIS CORPORE [j CVSTOS . NATIONE || FRISIVS . VIXIT || AN XL
(Orelli, n° 174).
HILARVS II NERONIS CAESARIS || CORPORE CVSTOS |i NATIONE FRISAEO |j VlX . A .
XXXIII (Id., n° 175; Apianus et Amantius, p. 146).
On trouve aussi dans ces derniers, ibid., une inscriptiun d'un Gallo-Grec,
minisler germanicianus, qui porte à croire que les non-Germains n'étaient pas
absolument exclus de la garde du corps.
V. sur l'organisation de celte garde germanique : Fabretti, Colon. Trajan, p. 83 ;
GoRlus ad DoNiL'M, p. 251, 100, etc.
— 114 —
rorganisation de celte garde germai) i(|ue qui se recrutait
dans nos régions, de sa répartition en décuries, du nom, de
J'àge de ses membres, de la durée de leur service, etc. C'est
là un sujet d'études fort intéressantes, mais qui ne peuvent
ici qu'être effleurées.
Le peuple Bétasien a, en outre, fourni son contingent aux
autre coi'ps de l'armée romaine :
* N° 98. ANNIVS OSEDA
VONIS F. CIVES
BETAESE . EQ
II FLAVIAE . I .. A ..
— Mayence (i).
{Annius Osedavonis films, Cives Betaesensis, eqiies Alae
II Flaviae H/spanorum).
Cet Annius jouissait du droit de cité, (|ui aurait donc été
accordé à certains Bétasiens à une époque sinon contempo-
raine, au moins très-voisine du règne des Flaviens (Vespasien
et ses il Is).
Ce qui porte à lire plutôt Mae II Flaviae Hispanorum que
Xlae 11 Flaviae Singulariorum, c'est la circonstance que les
inscriptions font connaître le stationnement de cette dernière
(i) Steiker, Inscr. Germ. seciniihic, n";M6; Buckino, 11, p. jUU; Jalirbikher,
etc., iiit Rlieinl(i)i(li',\\^ p. 49.
— 1 1 :i —
à Aiigsbourg (i) cl non à Mayeucc : or ces deux escadrons
sont les seuls (lui portenl à la fois i'épithèle Flavia et le
nombre //.
* .V 99. MAJl ^îlLlTAi
COU 1 BAETASI
ORVM G . . . .
PRAES
VS TVTOR
. . . FEGTV8
V S L M
— Elenfoot, Angleterre (2).
(Marti Militari^ Cohors I Baelasiorum c\\\ praeest Titus
Attius Tulor, yti'dLefectus, votum solvit lubens merilo).
La lecture du nom du connuandant, ici suppléée, est sug-
gérée })ar l'inscription suivante ; elle met un terme aux hypo-
thèses des uns, qui lisaient arbitrairement Julius Tulor, et
des autres, qui allaient même jusqu'à forcer le texte et lui
faire dire Julius Victor, à l'effet d'y retrouver un personnage
de Tacite (3).
(1) ORELi.f, 11" 3510. Stkiner, (|iii, dans son Codex in.so'iptiouKm Hlwiii^
II» 491 , avait lu : Le(jiouis II Flavkn' , pio|)uso, dans son Codex inscriplioitiim
romamtriim Danifbit et Rheni : .Une II Fluvioe; sicette version est adoptée déti-
nitiveineiit, il y aura des corrections ii introduire dans le Bulletin des Commissions
royales d'art et d'archéolofjie, V, p. 5('0.
(i) BoCKlNG, II, p, 570.
(s) Hist., IV, 55; Wieinisclies Muséum /iir Vhilologie heruusgebeu von
Weixkeu uni Hnsc.nr,, nonv. snilo, XI (1857), p. 21.
— H6 —
* N" 100. TATTIO-C FIL
TVTORI
PHAEF ALAE I BATA
VOR MILIAR
PRAEF ALAE ï TViNG
FRONTO^IAN
TRIB MIL LEG II AD P F
PRAEF GOII I BETASO
DEGVRIONI FL SOLVA
SEDATVS QVIETVS
Gralz, Slyrie (i).
( Tito Attio Caii filiu TiUori, praefecto Alae I Batavorum
mUliariae, praefecto Alae I Tangrorum Fronlonianae, tribune
militum Legionis II Adjulricis piae fideiis, praefecto Cohortis I
Betasiorum, decurioni Flaviae Solvae, Sedatus Quietm).
Gelto inscription démontre que T. Attius Tutor (ou peut-
être Tattiiis Tutor) n'appartenait pas à la nationalité des
corps des Bétasiens et des Tungres qu'il eut à commander;
(i) Cette inscription, tlécouvorle en 1845, a été publiée en 1851 par les Jahr-
biiclter, etc., /'/// llheinlande, XVI, p. 105, d'api'ès les Schri/le» clex hialorischen
Vereins fur Inticr-Ocslerreich, l (1848), p. 1 à 108 (dissertation sur remplace-
ment de Flavitiiu Solveuse, dont parle l'inscription).
L'inscription a encore été publiée en 1855 par les Miltlicilungen des ]iist(>-
risclien Verelnn filr Steiennark, VI, p. 171 (d'après lesquels le texte ci-dessus),
et enfin eu 1862, par Steinek, dans le IV« volume de son Codex imcriplioniim ;
Cfr. Orelli et Henzen, n» 5:263.
Il y a controverse sur le point de savoir s'il Tant lire Tattiits ou T. Allius :
Klein, cpii, dans certaine pierre sigillaire d'oculiste, lit t. attii, croit dans
l'inscription de Gralz devoir lire aussi t. attio, par le motif ([ue si le prénom du
père est thmné, on ne voit pas pourquoi le fils n'aurait pas le sien indiqué.
V. Jahrbucher, etc., im Rheinlande, XXVI, p. 177; XXVIII, p. 96.
— 117 —
elle est restée inconnue à M. Roulez et à Hûbner, qui ont sans
doute partagé l'avis de ceux qui attribuent l'inscription n" 96
aux Bataves (ou aux Rhétiens); sinon ces auteurs n'eussent
pas affirmé, en 1852 et en 1857, que l'inscription d'Elenfoot
est le seul monument épigraphique que nous ait laissé la
eoh. I Betasiorum.
D'après les inscriptions, il y a lieu pour le nom de ce
peuple, de faire prévaloir l'orthographe : Betasii ou Baetasii
sans h après le /.
3" Nerviens (i).
A. Coh. I Nerviorum.
^NMOI. DEO
SANCTO
GOCIDIO
PATERNVS
MATERNVS
TRIBVNVS CoH
I NERVANE
EX EYOCATO
PALATINO
V S L M
— Netherby, Cumberland (2).
(i) Voir sur les auxiliaires Nerviens en général : Jahrbuclier, etc , im Rheiu-
lande, IX, p. 9i.
(2) Camden, Britannia (édit. Gough, 1806), III, p. 452; Moniimenta historica
britannica, I {Excerpta ex iiiscriptionibiis), cxvi. 06; Ulieiiiisches Muséum, XI
(1857), p. 37, et XIV (1859), p. 355, articles de C. HObnkr; XIII (1858), p. 257,
article de J. Becker ; Grotefend, Jahrbiicher, etc., î/h Rlwinlande, XVI 11, p. 212;
Orelli et Henzen, n» 5888.
— 118 —
{Deo sanclo Cocidio, Ptihlius Aternus Maternm, tribunus (i)
Cohortis I Nervanae ex evocato Palalino , votum solvil lubem
merito) .
Le doul)le nom Paternus Malernus est tout à fait invraisem-
blable: mais la lecture P. Je/cT/H/.v on Allermis laisse à désirer.
Quant à la Ibnclion de Irihunus ex evocato palatino , elle
est équivalente à celle de tribunus ex evocato Augusti ou
simplement ex evocato , comme on la rencontre dans l'inscrip-
tion suivante, trouvée à Bewcastle, ép,alemenl dans le Cum-
berland :
SANCTO GO 11 CIDEO T . AVRVNC || FELIGISSI |! MVS TRIBVN !i EX
EVOCATO . V . S . L . M (2).
On peut approximativement fixer la date de cette inscrip-
tion par une autre découverte faite à Bankshead, toujours
dans le Cumberland, où figure également le dieu Cocidius :
DEC H COGIDIO 11 MILITES || LEG . XX I| V . S . L . M APR^Ouiano)
E(t) BR(adua) COS. Le consulat indiqué j)ar cette inscription
est de l'an 191 (5).
Cocidius est le surnom donné au dieu Mars dans deux
autres inscriptions provenant encore du Cumberland : à Old ■
Wall, OEO 11 MARTI 11 CJOCIDIO |1 MARTIVS H c)0H I DE || GENIO |1
VALL ( . .\\v . s) . L . M (i), et à Tarraby, marti gog . m 11 leg .
(1) V. surles Ti'ibuns de Ckihurtcs : JalirbUclier, etc., //» Rlielnlande, XXXI I,
p. 01.
(■2) Archaeohnjiit, XI (1704), p. 69, pi. VI, fig. 25; Orelli, n" 1985. L'épiliiMe
de sanctiia, doiuuîe ici pour la diiuxièinc l'ois à Cocidius, est aussi atVeclée parfois
au dieu Mars, V. DoNiis, Inscript, autiq. aiiclac a Goiuo, p. 13, ii" 18.
(3) HoDijsON, A topoiivnphical and liislorical drscript/oii of Ihc coniily of Nor-
thumberlund , III, 11, p. 297; Nkwton, Monum, brifanii., I, i.xi^'; Oiuilli et
Henzen, n" 0888; Grotkkkm), Jnhrbuchei\ etc., im Rhciiilaiide, XVIII, p. 212.
(4) I.YsoNs, lU'liquinc hritainiito-romanac vontaininti pijnriufi of nniiaii aiili-
quilies discovered in vnriovs parts of Enalond , p. al; Orei.m et Hen/f.v,
n» 5889.
— 119 —
II . AVG II 0 SANTIAN I| D SECVNDIN || D . SOL . SVn CV !| RA
AELIANI 11 CVRA . OPPIVS |i FELIX . OP !l TIO (l).
Enfin, on a, toujours du même dieu, l'inscription suivante,
provenant d'Ebclicster (comté d'York, qui touche au Gurn-
borland) : deo || verno !| stono || cocid || oviri m |1 cervsio (i).
Ces cinq inscriptions en l'honneur du même dieu, dans le
môme pays, mais par des corps d'origine différente, la IP lé-
gion, la XX*, la Cohorte des Nerviens et celle des Daces, dé-
montrent amplement qu'il s'agit ici d'un dieu toj)ique spécial
à l'Angleterre, et c'est aussi l'opinion de Roach Smith, qui
l'appc^lle un dieu breton (british god). Cela n'empêchait pas,
du reste, de lui associer des divinités topiques étrangères,
comme Vernus (de Vernodurum? Gaule narbonnaise) et
Stonus (de Stonos? Rhétie ou Norique).
Quant au nom au gvnïl'd Nervane(\)om' Nervanae), Hiibner
avait d'abord proposé de lire : nerv . m . E(q) (Nerviorum
mUliariae equitatae); mais la découverte de l'inscription
ci-après, dont le dessin est fourni d'après Roach Smith, ne
laisse pas de doute sur la lecture : iServane. Reste h savoir ce
(|ue ce nom signifie.
Netherby, où l'inscription a été découverte, est la station
la plus proche au sud de celle de Birrens (3), où la sinvanle
a été découverte avec plusieurs autres dont il sej-a re-
l)arlé (4) :
(i) PEThiE, Mouiimenta liistorica britainiica, p. cxi, ii" iô^; (iROTefi'.nd, ,hthi-
biicher, etc., im Rheinlamle, XVIII, p. 2i"2; Cfr., ihiri., XVII, p. 180.
(î) Ch. Roach Smith, Collfclaiiea iiiititjiia, IV, p. 1 4i.
(x) Roach Smith, /. cil.
(i) Roach Smith, ihid., lU. p. 200, pL xxxiii: Bkckf.r. Hlieiu. Mitx., \Ili.
p. 237.
— 120 —
* NM02 FORTVNAE
COH . I
NERVANA
GERMANOR
oo • EG
— Birrens, Ecosse (pi. I en regard, fig. 1).
( Fortunae Cohors I Nervana Germanorum milliaria
equitata).
Un autre lecture de la même inscription : fortvnae 11 coh .
I NER(i II M . GER . EQVi (i), avail autorisé les hypothèses :
NERv(ioru)M; NER(viorum) M(illiaria) c(ivium) R(omanorum);
NERv(iorum)AVG(usta); ou enfin même : NERv(iorum) GE(nio)
R(omano) (2); la production du fac-similé de la planche en
regard tranche la question et place la discussion sur un
un autre terrain.
Que faut-il entendre par ce nom Nervana. déjà mis en
évidence par l'inscription précédente et qui se reproduit
dans la suivante? S'agit-il d'une Goliorle Nervienne ou d'une
Cohorte portant le nom de l'empereur Nerva ou de son suc-
cesseur i\erva Trajanus, comme Trajan s'appelait?
Et d'abord faisons remarquer que, quelle que soit la ré-
ponse, aux yeux de tous (5), le mot Nervana peut et même
(i) Stuart, Caledonifi romana, a descriptive nccoiint of the roman antiqiiities
ofScollaml, p. 128; Hliein. Mus., XI, p. 57; XIIF, p. 257.
{■i) Rhein. Mus., XI , p. 37; Okelli et Henzen, III, n° 3888; Hodgson, up.
RoACii Smith et Ukcker, 1. cit.
(3) IliiiiNF.ii, Rhein. Mus., t'ait remaninor, en effet, que la colonie deSitili, en
AlVique, portait le nom de JServiana, de l'empereur Nerva ; V.Orelli et Henzen,
n'"' 557)3, 5492 et 5.505. V. ci-apr^s § iv, oii, on le vei ra, cette colonie porte indiffé-
remment le nom de Nervana ou Nerviana (nerpiana, sans doute nerpiana, p
pour v).
— 121 —
doit jusqu'à un cerlain point, se lire Nervianay soit par
suppression de la lettre i, soil par indication de celle-ci au
moyen de l'oblique qui termine v ou qui commence a. En
effet, qu'on admette que Nervana dérive de Nervius ou de
Nerva, la forme en ianus est la forme régulière.
Taindis qu'aucune trace n'existe en Angleterre d'autre Coh.
Germanorum, et que la Coh. I Nerviorum, qui aurait été une
Coh. milliaria (ou composée de 1,000 hommes, au lieu
de 500), a séjourné en Anglelerre (V. n" 87), il n'y existe
d'autres traces de celle-ci que les présentes inscriptions (i),
et l'on ne trouve nulle part ailleurs de restes quelconques
d'une Coh. I Nervana. Pour qui connaît les affinités entre les
Nerviens et les Tungres, il est bien naturel de rencontrer une
inscription des premiers dans une localité comme Birrens,
siège important des derniers, ainsi qu'on le verra plus loin.
C'est, au surplus, dans le (lumberland , le long du nmr
d'Hadrien, qu'est située, de l'avis de tous, la station d'Alio ou
AUonis , assignée par la Notice des dignités à la Coh. I
Nerviorum, et c'est encore dans le Cumberland que s'esl
trouvée l'inscription suivante :
* N" 103. I. 0. M
COH, .N, RVAN.. GERMAXORVM
MIL. EQ
CVI. PRAEEST
P. TVSCILIVS
ANNIANVS
(«) On a essayé, mais très-tiniidoinent, d'aUribiier h cette Cohorte l'iiisniplion:
It . M II C . IVLl II MVRCEI.I.IM ]| l'RAKF || COH . I . HAMIoR (BoCKlNG, H, p. \)Tr2). Il
existait des Cohortes lio ce nom ih' Ilamiorinn.
9
— 122 —
— Burgh-iipon-Sands, Cumberland (i).
(Jovi Optimo Maximo, Cohors I Nervana Germanorum
milliaria equilata, cui praccst Vublius Tuscilius Annianus).
Malgré les indices accumulés ci-dessus, Hiibner reprend
une opinion déjà ancienne de Lysons et soutient qu'il faut rap-
porter à l'empereur Nerva le nom Nervana ou Nerviana (2).
Il se base sur ce que les noms des peuples auxiliaires formant
les Cohortes sont toujours au génitif, tandis que l'adjectif en
ianus se rapporte, soit au nom d'un empereur, d'un comman-
dant, soit à quelque circonstance spéciale; il pense que
l'adjectif ethnique de Nervius serait Nervicus, employé par
César (3) et ayant formé lui-même le dérivé Nervicanus, em-
ployé par la Notice des dignités (4), et non Nervanus (ou
Nervianus). D'où il conclut que ce dernier nom serait tout
simplement un qualificatif dû à l'empereur Nerva (ou Trajan)
et attribué à la Coh. / Germanorum, dont, d'ailleurs, l'exis-
tence n'est pas douteuse à raison d'autres monuments (5),
mais pas en Bretagne, comme il a été dit plus haut.
L'opinion de Lysons est combattue par Roach Smith (g)
etBecker (7j, qui croient trouver la raison de cette association
des noms des Nerviens et des Germains d.ans certain passage
(0 HoiiGSON, Arch(H'olo(jin Aeliaiui, or miscellaneous tracts rclnling to anti-
qiiitij, publishcd hij the Society of nnliqiiarics of Newcastle-iipon-Tyne, III.
p. A'20; lihein. Mks., XIV, p. 5S3.
(2) Les Jahrbiicher, «^tc, »« Rheiiilande, XXXII, p. 60, ilisont aussi que la
Coh. I Nervana Germanorum n'a rien à démêler avec les Nerviens, mais qu'elle
a été sarîs doute créée sous Nerva (ou Trajan).
(3) Bell.gall., III, 5.
(4) BiicKiNG, iVo//7. occid., II, p. 823.
(5) Okkixi et Hknzen, w' iOiO et 6520.
(g) CoUcctunca antiqiia, III, p. 206.
(7) Uhein. Miiacam, XIII, p. 257.
— 125 —
de Tacite (i), où cet auteur parle de l'afïectation des Nerviens
à rattacher leur origine à la Germanie, d'où ils se vantaient
d'être issus.
La raison est ingénieuse, mais spécieuse : les Romains
auraient-ils bien laissé afficher, par leurs auxiliaires roma-
nisés, de semblables prétentions rétrospectives?
M. Waulers (2) propose une autre explication : La Nervie,
dit-il, faisait partie de la IP Belgique, tandis que la cité de
Tongres (le diocèse de Liège des temps postérieurs) ressor-
tissait à la IP Germanique. Or, l'Entre-Sambre-et-Meuse et
les environs de Jodoigne et de Dinant, où il incline à placer
les tribus clientes des Nerviens, dépendaient de l'ancien évé-
ché de Liège. Il pense que le territoire de ces tribus fut pro-
bablement réuni à une époque inconnue à celui des Tungres,
et que l'on pourrait expliquer de la sorte le nom qu'on leur
aurait donné de Nerviens germaniques.
Mais il est à remarquer que cette explication repose sur
une hypothèse double : l'occupation par les clients des Ner-
viens de certaines contrées de la Belgique, et la séparation
ultérieure de ces contrées du diocèse de Cambrai duquel elles
dépendaient d'abord.
Si, comme on le propose ici, rien n'empêche de rattacher
aux Nerviens la Coh. I Nervana, il faudrait uniquement re-
chercher l'origine du qualificatif de Germaine donné à une
Cohorte Ncrvicnne (ou réciproquement), dans ce fait déjà
mis en lumière par l'inscription, et rendu plus saillant par
les n'" 126 et 127 ci-après, que les Cohortes ne se tiraient pas
(«) Mor. Germ., xxviii.
(2) Revue trimestrielle, janvier 1867, II" série, XIIF. p. 54.
— 12i —
exclusivement du pays dont elles portaient le nom, et que
les Cohortes Nerviennes, comme les Cohortes Tungres, se
recrutaient indifféremment dans les deux Gcrmanies, subdi-
visions de la Gaule Belgique ; déjà l'on remarque celte asso-
ciation des Nerviens et des Germains, pour la formation des
Cohortes auxiliaires, dans un passage des plus caractéristi-
ques de Tacite (i).
En outre, la thèse de la formation des adjectifs ethniques
en ims, et de ceux des noms propres en anus ou ianus, est bien
absolue. Certains noms de corps auxiliaires, et parmi ceux-
là : Ala Thracum Maurelana, Ala Gallorum Sebosiana (2),
y résistent même avec assez d'énergie. Or, l'association de
noms Coh. Nervana Germanorum est de formation à peu
près semblable.
Enfin, et cet argument semble trancher la question : L'ad-
jectif ethnique du nom géographique par excellence RornUy
est non Romicus, mais Romanus, Romana.
Il ne semble donc pas qu'il y ait des raisons suftisantes
pour distinguer en Angleterre une Coh. I Nerviorum d'une
Coh. I Nerviana, laquelle seule y aurait laissé des inscriptions.
(V. cependant ce qui sera dit au § JV d'une colonia Nerviana
en Afrique).
B. Coh. II Nerviorum.
Cette Cohorte n'a, que l'on sache, gravé son noiii sur au-
cun monument lapidaire; mais son séjour en Angleterre,
(i) Ilist., IV, iri. « Virihiia coliort/Kin alxliiclis, V//r'/////.<{ e proximis Xervio-
i\im GerniaiioniiiKine pai;is, scfjiu'iii iiiniieniiii anuis oneraveral. »
{i) Hf.nzkn, Jdlirhiirlier, etc., ini Wiehildinh'. Mil, pp. 7."> cl siiiv.
BULLETIN DES COMK^ ROYALES DART ET D'ARCHÉOLOGIE, 186&. PLL
Fxg. 1.
Yi6 2.
Liù. Bols-Wittoi
— l:2o —
constaté par le diplôme de l'an 124, a cependant laissé des
traces, car on a Irouvé d'elle à Brough-upon-Sfanniure, de
ces balles de j)lomb qni portent, chez les antiquaires, le nom
de glandes missiles et dont on se servait sans doute conmie
de projectiles dans les combats ()).
Voici un fac-similé de celles de ces balles de plomb que
Roach Smith ('■2) n'hésite pas à attribuer à la Coh. II Ner-
viorum :
* N" 10/k Cil i\E II K
* iV 105. CllN II ER
(V. la pi. 1, lig. 2 et 3.)
{Coho7^s II Nerviorum.)
Il semble même que l'on peut ajouter à celles-là les deux
suivantes (V. \)\. I, fig. 4 et 5) (3) :
* N" 106. CflN il TR
* N" 107. CllAE II VIo — AEL . CO II MINIS
(Cohors II Nerviorum? — Aeliiis Communis).
Il n'est pas léméraire, en efïet, dans l'une, de lire e pour
(ij V. sur ces glatides misailes, Mémoires de VAcadéinie des iiiscripliims,
XXXIX (1770-177-2), p. 457; Hirscin,, Corpihs iiiscriplioiiiim laliiiariim. l'rimie
liiliiiitatis moniimenta cpifjrapliica, ]ip. 15 cl 14; Mommsen, Curpiis iiiscriplio-
HHin hitiiianiiii. Inscriulioiies laliiKie aiiliqtiissiniae, p. 188; OutLLi et IIlxzln,
ri" G856, où est cité G\utams dk Minicis, Sulle aiiliclie ijhiinide itiissile, Uuiiic,
I84i (Act. poiilif. Acad. archne(d ). Celles (luc M. dk Mbdstkr w. Raykstkin a
vues en Italie ou possède eu sou musée d'Hever, aflecteiil la forme de l'olive.
(2) Coltect., antiq., VI, p. 117, pi. XYI, lig. 5 et G.
(î) Ibid., fig. 7 et pi. XVII, lig. i.
— 126 —
T, et dans l'autre, de suppléer un ii en accolant les lettres
N et E : Mi. Celle-ci indique peut-être même le nom du com-
mandant de la cohorte : Aelius Communis.
Brough-upon Stanmore correspond assez bien à la station
de Verterae où la Notice des Dignités place le Praefectus
Numeri Directorum.
Ces projectiles étaient si nombreux à Brougli, il y a quel-
ques années, qu'un serrurier les recueillait pour les fondre,
à cause de la qualité du métal.
Roach Smith qui considère ces objets comme des sceaux
ou bulles, à raison du trou qui les perfore et par où, d'après
lui, devait passer le cordon destiné à les attacher aux docu-
ments à authentiquer, se demande comment l'on en découvre
une si grande quantité au même endroit; s'il s'agissait d'ob-
jets fabriqués àBrough pour la consommation du restant de
la Bretagne, pourquoi donc, dit-il, porteraient-ils des tra-
ces évidentes d'usure prouvant leur emploi dans la localité
même où ils ont été trouvés?
La réponse semble facile : |)rojectiles de guerre, et no!i
bulles, chaque soldat en recevait un certain nombre et les
portait sur lui enfilés, quand il était armé en guerre. La cir-
constance qu'on en trouve de plusieurs cor})S : Coh. 11 Ner-
viorum, Coh. Vil Treverorum, Leg. 11, etc., démontre que
Brough était une position importante sous les Romains et que
plusieurs corps ou détachements de ces corps y étaient cam-
pés. Si la trouvaille de Brough est exceptionnelle, c'est uni-
quement, sans doute, parce que, dans les autres postes mili-
taires de Bretagne, l'attention n'aura pas été appelée sur ces
antiquailles; elles doivent nécessairement avoir existé partout
où il y a eu des corps de l'armée romaine.
— 127 —
C Coh. III. Nerviorum.
N" 108. IMP . GAES . LVG
BIGI . ADIABENIGI . PARTHIGI
MAX . FIL . DIVI ANTONINI
SARMA . NEP . DIVI . ANTONINI . PII . PRON.
DIVI IIADRIANI ADN . DIVI TRAIANI
PARTII . ET DIVI NERVAE . ADNEPOTI
M . AVRELIO ANTONINO PIO
FEL . AVG . GERMANIGO . P0>;T . MAX
TR . POT ... X ... IMP ... GOS . IIII . P ....
PRO PIETATE AEDE VOTO
GOMMVNI . GVRANTE .... LEGATO AVG .
PR .... GOH . m . NERVIO
RVM .... G . R . POS
— Withley-Gaslle, près d'Appleby (i).
(Imperatori Caesari, Lucii (Seplimi Severi Augusti Ara-)
bici Adiabenici Parthici (maximi pontifîcis) maximi fîUo, divi
Anlonini (Germanici) Sarmatici nepoti, divi Antonini Piipro-
nepoli, divi Hadriani abnepoli, divi Trajani Parthici et divi
Nervae adnepoti, Marco Aurelio Anlonino pio felici Augusto
Germanico ponli/ici maximo tribunùia potestate X{\), impe-
(i) MuRATORi, Novus thesaufiis veterum inscriptionum, 247, 3; Gruter,
H79, 11, d'après lequel il s'agirait de la Coh. Il Nerviorum, donne une lecture
très-incorrecte de cette inscription aujourd'hui perdue, mais dont heureusement
un fac similc a été conservé à Appleby, lequel a p^^rmis do restituer l'inscriptiou
à BocKiNG, A'o/iL occkl., Il, 932, d'après Horsley, h'orlluimlierlaiid, p. 113;
V. d'ailleurs Camden (édit. Bishop et Norton), p. 649.
— 128 —
ralori (III), consuU IV, p'div'i ])alriae, pro pietate aedem ex
volo communi, curante legato AugusH, pro ])raeloi'C
Cohors m Nerviorum g. r. posuil).
Le sigle G . R qui se trouve à la lin de celte inscription
doit-il encore ici se lire Germanorum, comme le proposent
Horsley, Becker et Wauters (i):'
Ou bien faut-il suivre ici l'opinion de Hùbner (2), et par
analogie avec d'autres monumenls, où ces mots sont ex])rimés
en toutes lettres, lire ici, en substituant c à G (r,) : c(ivium)
K(omanoruni)"/
Cette qualité de citoyens romains possédée par les Ner-
viens sei-ait d'autant moins surprenante que Caracalla ,
comme on le sait, dans un but liscal, étendit le droit de cité.
Or, le monument de Witbley-Castle est dédié précisément a
cet empereur.
* N" 109. MARTI VICTORI
COH . III NERVIORViM
PRAEFEGT . I . CANINIVS
— Littlecliesters(_ij.
(Marti Vktori Coliors 111 Nerviorum. Vraefectus Julius Ca-
Hinius votum solvitlubens merito).
(1) lUieiii. Mks., XIII, p. 2dS; llevttc IrimcsI., I^ série, Xlli, p. 5i.
(•>) Uliein. Mii.s., XI, p. 38; V. m^al J alirbiicher, i'\c. , iiii Rhcinlande, XXXII,
p. 68, qui ritcnl, à ceprnpos, mais a lort, une Coft. III Nerviorum c. r, d'apii's
Mi'RAïORi, 457, ô; il y a lii doiilïle emploi avec l'épigraplie :2i7, 3, (iiii se trouve
en question.
(s) L'une des deux icetures données par Mhiutohi, Ioc. cil., porte c . R.
(i) Camden (édit. Gough), m, l>. oOi ; lUiciii. Mks., XI, |>. 58; XIV, p. 355,
— 129 —
Hiibner croit rinscription incomplèlo; ii propose d'y in-
tercaler ou y ajoute]' cul praecst. La lecture cpii précède, en
se bornant à ajouter à la fin, là où la pierre est brisée, la
formule votive : v s l m, arrive plus simplement et ])Ius
directement au même résultat. Cette dédicace générale par
un corps, et spéciale par le chef ou des membres de ce corps,
comporte en effet la division de la phrase en deux membres
ayant chacun son sujet, comme les n"" 120 et 127 en four-
niront d'autres exemples.
D. Coh. YI. Nerviorum.
* N" 110. VICTORIAE
COH . VI NEH
VIORVM C .. R
A . BELIO 7 LEG
XX Vv
V . S . L . L . M
— Roughcastle, Ecosse (ij.
(Victoriae Cohors VI Nerviorum c... r... Aulo Belio cenlu-
rione Legionis XX Valeriae victricis, votum suivit laelus lubens
merito) .
L'état de conservation de cette inscription présente quel-
(pies éléments d'incertitude, et le nom du centurion })arait
corrompu à Hiibner. Quant aux lettres g(..)ua, elles j)our-
raient bien ici signifier c(v)r,A(nle), au lieu de c(ivium
R(omanorum, instante), ainsi qu'on l'a proposé.
(i) Stuart, p. 348, pi. XV, lig. 5; Bbi;ker4 Wiein. Mm., XIH, p. 257, el
UuBNER, tbid,, XI, p. 59; XIV, p. 5o3.
— 130 —
N» m. IMP GAES . L . SEPTIMIO ...
PIO PERTLNAGI AVGV ...
IMP . CiESARI . M . AVRELIO A
PIO FELICI AVGVSTO
BRAGGHIO G/EMENTIGIVxM
.. VI NERVIORVM SVB GVRA LA
SENECION AMPLISSIMI ...
OPERI L . VI SPIVS PRvE
.... LEGIO
— Brough, Yorkshire (i).
(Imperatori Caesari Lucio Septimio Severo Pio Pertinaci
Augusto et Imperatori Caesari Marco Aurelio ^ntonino Pio
Felici Augusto, et Publio Septimio Gctae (2) nobilissimo
Gaesari et Juliae Augustae matri Augustorum et Gastroruin,
Bracchio caementicium nmrum , Gohors VI Nerviorum sub
cura Liicii ,lUeni Senecionis amplissimi viri; institit operi
Lucius Vi spius, pr œ^eclus Legionis )
On a, peut-être à tort, considéré le mot Bracchio comme
le nom de la localité, Brough, où l'inscription a été trouvée.
Quant au mur dont il est fait mention dans l'inscription,
c'est la grande muraille romaine d'Hadrien à laquelle les
Nerviens auront coopéré, et qui porte en plusieurs en-
(1) Gruteh, 2G6, 4; Camden (édit. ('.ough), III, p. 531 ; Orelli et Henzen,
11° 'ôirîi; BôCKiNG, II, p. 9.33; Camden (édit. Bishop et Norton, 1607), p. 592.
{-i) Plusieurs iuscriptious portent des traces de mutilation à cet endroit, par
suite de l'ordre de Caracalla d'effacer des monuments le nom de son frère Geta.
— 131 —
droits le nom du préfet Platorius Nepos (i) mentionné dans
le diplôme de l'an 124, comme commandant de l'armée de
Bretagne dont faisaient partie les auxiliaires Nerviens,
Tungres, etc.
4" Smmques.
*N°H2. . . . SEPT . SEVER . PIVS . PER
. . . VREL . ANTONLNVS
. . . AQVAE DVGTVM VETVS . . .
. . . BS . GOH . T . SVNG RESIT
. . VIRF . . .
. . IVL . . .
— Gaernarron, Angleterre (2).
( Septimius Severus Pius Periinax Aurelius Anto-
ninus aquae ductum vetuslinle conlapswm, Coliors I Sunu-
corum restituit virf Jul ).
Gette inscription avait été d'abord attribuée aux Tungres,
|)arce que l'on supposait qu'un s y avait été substitué au t
initial de leur nom; mais le deuxième v de svnvg étant déjà
indiqué par la deuxième partie de la lettre n, permet de lire,
sans la moindre modification , le nom de la Coh. I SunMc(orum),
et cette lecture ne trouve plus de contradicteurs aujourd'hui :
on a , du reste, pu voir, par l'inscription n" 90, que les
Sunuques avaient une Gohorte stationnée en Angleterre.
(i) HEîiïE^, Jahrbiiclicr, cU:., ini Illicinlaiule, \l\\, \). 6S, donne à ce sujet
différentes inscriptions. Roulez, Mémoires de l'Académie royale de Belgique,
1844, XVII, p. i'4, cite ce fonctionnaire parmi ceux de la Belgique.
(2) RoACH Smith, Coll. antiq., III, p. 14; Jahrbucher, etc., im Rheinlande,
XXVI, p. 118.
— 13:2 —
o° Tungrcs {\).
Indé])endamment des monuments découverts en Angle-
terre, nous possédons une inscription d'un Tungre incorporé
dans un corps étranger, résidant à Mayence, et qui, comme
le Bétasien Aîmius, possédait la qualité de citoyen romain :
^NMlo. FREIOVERVS .
• VERANSATI . F .
CIVES . TWNG . EQ . EX .
COH . 1 . ASTYR . AN .
XL . ST . XXII . H . S . E .
T . F . I . H . F . G
— Mayence (2).
(Freioverus Veransali filim civis Tunger, eques ex Cohorte l
Asturum, annorum XL, siipendiorum XXII, hic silus est;
testamenti formula jussus hères faciendum curavit).
(1) > . sur les Tungi'es auxiliaires en général : Jahrlnicher, etc., im Rheinlande,
Xlll, p. 91.
On est d'accord aujourd'hui iiour ne pas attribuer a ce peuple l'inscription
suivante, qu'on lui avait d'abord appliquée d'ajtrès une mauvaise lecture de
Gkuter, n» H79, i :
cou . TVANG |l FECIT . CVRANTE || IVL . l'AVLO . THIB — HisinghaUl — Lire : COH.
1 vANG(ionvni).
CamdeNj qu'on a altéré, portait : cou . i . vang, dont ou a eu tort de l'aire :
TVANG (V. édit. BiSHOP, p. (j()2).
Cette coborte des Vannions ligure dans les diplômes de congé militaire accordés
aux auxiliaires campés en Angleterre.
Hk>7.en a encore parlé de ladite inscription comme appartenant aux Tungres^
Jahrlnicher, etc., im Rheinlande ., XIII, p. 91 ; mais ce n'est qu'une méprise, V.
ilnd., p. 85.
(2) HoACH Smith, iloll. ant., \\, p. 121, n" 7; Jahrlnicher, elc., im Whrinlande,,
XX, p. m.
— 155 —
En Angleterre, on a trouvé en premier lieu une inscription
de ce peuple, d'où le numéro de la Cohorte a disparu :
*N'' 114 FORTVNAE R . . . .
SALVTE P GAM ....
ITALICI PRAEF . Co . . .
TVNG CELER LIBER
L L M
— Ecosse (i).
{Fortunae r(educi pro) sainte Publii Camurii? Italici, prae-
fecti Cohorlis . . II Tangrorum , Celer liberlm votum solvit
laeius lubens merilo).
Becker a, à tort, confondu cette inscription avec celle que
donne Matïei (447, 2), et dont il sera parlé plus loin, au
n^ 118.
A, Coll. I. Tungrorura.
D'abord, quatre inscriptions connues :
N" 115. 1 . 0 . M
ET . NVMINIBYS
AVG . COH . r . TV
NGRORVM
MIL . CVI PRAEE
ST . Q . VERIVS
SVPERSTIS
PBAEFECTVS
— Housesteads, Norlhumberland (2).
(1) Stuart, p. 129, pi. Il, 11" 6; Hhein. Mus., XIII, p. 261 ; XIV, p. r).^>a.
(i) MuRATORi, 12, 2; Oreli.i, II* 3590; UôcKiNG, II. p. 9\7); Jdlirbiicfiei; e.U\,
iiii Rheiiilande, XXXII, p. 69.
— 154 —
{Jovi Optimo Maximn et numinihus Augusti, Cohors I
Tungronim milliaria, cui praeest Quintiia Verius Snpemtefi
praefectus).
N''H6. HERCVLI
GOH . î . TVNGROR
MIL
CVI . PRAEEST . P . AE
MODESTVS ...
— Angleterre (i).
[flerculi, Cofwrs I Tunç/rorum milliaria cui praeest Puhlius
Aelius Modestus praefectus).
NM17. DEO
MARTI . QVIN
FLORIVS . MA
TERNVS . PRAEF
GOH . I . TVNGR
V . S . L . M
— Angleterre (2).
{Deo Marti, Quinlus Florins Maternus, praefectus CohortisI
Tangrorum, votinn solvit lubvns merito).
(i)Maffki, Muséum Vcroiiense, ÂiG, l"; JaJirhiicher, de. , im Rhcinlande,
XXXII, p. 70; HoRSLEY, Northitmln'rland, p. 220, n" xli; Bùcking, l.cH.
t (2) Maffei, /. cil.. Il" 10; HOcKiNf,, /. cil.; Hoksley, p. 220, 11" xl; Johr-
liiirlii'r, etc., im Rheinlaude, XXXII, p. 70.
— 135 —
N°H8. ... ET NVMINIBVS
AVG . COH . I
TVNGROR
CVI . PRAEEST
Q . IVL . MAXI
MVS . PRAEF
— Housesteads (i).
( Jovi Optimo Maximo et Numinibus Augusti Cohors I
Tungrorum cui jjraeest Quintus Julius Maximus praefectus).
Cette inscription se confond évidemment (2) avec celle (très-
incomplète), que donne Maffei (447, 2) : |1 et. nvmi-
NIBVS AVG II COH. TVNGRO ll CVI PRAEEST. Q. IVLIVS ||
Aussi M. Roulez (3), qui rapporte avec raison celte der-
nière à la Coll. I Tungrorum, se trompe-t-il en citant deux
commandants distincts Q. Julius et Q. Julius Maximus, qui
sont une même personne.
On trouve encore de la Coh. I Tungrorum, les inscriptions
que voici :
* N" 119. MATRIB ALA
TERVIS ET
MATRIB. G AM
PESTRIB COU I
TVNGR INS
VLP {snm)
OLEG XXVv
— Grammond, près d'Edimbourg (4;.
(1) MuRATORi, 12, 5; liùCKiNG, /. Cit.; Rlii'in. Mis., XIV, p. 535.
(i) Telle est aussi ropinioii de Hïibner, Jilicin. Mus., XI. p. il, et XIV, p. Z'ui.
(3) P. IG.
(i) Stuart, p. llji,pl. IV, lig. 6; Groievs.'si), Jahrbncfwr , cW ., im Hheiiilainie,
— loG —
(Matribus Alatervia ei Matribus Campeslribus, Cohors I
Tungrorum, instante lllpio.... centurione Legionis XX Valeriae
inctricis).
Les Matves Alaterviae paraissent encore dans les inscriji-
lions suivantes :
M. ALATEUVIS H CORN VERV(S) il TACITVS. EX. (v) \\ L. M —
Altdorf, près de Juliers (i).
ALA(TE)iVIAE. ex II IVSSV l(psius) Il DIVO II MEDICV —
Xanten, Prusse (2).
L'association du nom des Maires Alaterviae à celui des
Maires Campestres ouvre une perspective nouvelle : ne s'agi-
rait-il pas de divinités dont le culte avait spécialement en
vue de solliciter leur protection pour un genre d'opérations
déterminé?
XVIII, p. '210; Rhein. Mus., XIll, p. -2G0, et XIV, p. ôod. Sïuart fait remar-
quer que cette inscription, restaurée par Horsi.ey sur une copie, et non de visu,
n'est pas d'une lecture bien certaine; Jahrbiicher, etc., im Wiein lande, \l\,
p. 99; XIX, pp. 94 et 100; IhiUefiii de la Société scieiHi/iqiie et littéraire du
I.imhourg (Tongres), I, p. 284.
(i) JaUrbilcher, etc., im Rheinlandc, XIX, p. 91, et XXV, p. 181, où Bkaun
rétalilit, d'après un manuscrit, cette inscription singulièrement altérée par
Reinesil's, cl. I, n» 53, p. 115, comme suit : apoluni (.... || rationatoris
HONORE (... Il VSVRVS SECVNDVM || CORNELIVS VERVS TACITVS || EliEXIT MONIMENTI
Koco. Il s'y agirait, même en l'absence de la qualité de procurateur (réminis-
cence de P1.1N., Hisl. nat.yw, 16), d'un parent de l'historien Cornélius Tacite;
mais ce pourrait bien ne plus être son père. D'après les explications de Braun,'
il y aurait lieu de repousser les soupç(tns de fausseté jetés par Orelli, n" 1169,
sur l'inscription d'Altdorf; V. aussi Bayle, Dictioiiii. Iiisl. et cril., au mot
Tacite, p. 51 i, note /.•.
(2) Mateiiui au singulier, comme l)eo Vitiri dans cerlaincs inscriptions et
Dibus (sic) Viliribus dans une autre. Ouelei et Henzen, n" 5805. V. en général
sur les Maires Alaterviae, Jahrlmcher, etc., im Rheinlande, II, [p. 128; XVII,
p. 185; XVIII, p. 112, n» 12; XIX, p. 9«: XXXVI. p. 4! ; Lehsch, Central
Muséum, III, p. 98.
— 137 —
Ainsi les Matreu Campestres, leur nom l'indique, prési-
daient évidemment aux travaux des champs.
Or, les inscriptions nous montrent ces Maires Campeslrea,
associées de leur côté aux Maires Sulevae et à la déesse
Epona (i), et tandis qu'Henzen considère les premières
comme étant les divinités des bois (Sulvae pour Sylvanae,
Silvanae), la seconde, d'après les auteurs anciens (2), était
la déesse protectrice des étables, chevaux et des bêtes de
somme employées à l'agriculture, etc.
Il n'est donc pas téméraire de penser que les Alaterviae
présidaient, de leur côté, à quelque partie des occupations de
la campagne (3), et les suppositions ont encore largement à
s'exercer à propos de la chasse, de la pèche, de la culture
des arbres, de la vigne, etc., etc. Des découvertes ultérieures
permettront, sans doute, de préciser davantage.
(0 Orelli et Henzen, n"' lôoo, 179i, 2101, 2IOo.
fj\ Intprea, dum laiiata» lorvunique jiivencum,
MoiP Numae, caedit Jovis ante altaria, jiirat
Siibm Ejinnnni pt faciès olida ad praesepia piclas
.ll'VÉN., VIII, Io4.
H Respicio pilae inedine, quae stnbidi trabes sustinebat, in ipso fere medi-
» îulUo Epnnae deae simiilacnim residens acd/culne , qnod nccitrate corollis
Il roseis et quidem reccntibus fuerat omnium ». Apiil., Melam., III. « Vos
« tamen non negnbilis et jumenta omnia et totos canthericos cum siia Kpnna
.' coli a vobis. » (Terti:ia, Apologet. adversiis geittes, xvi).
C'est a tort, semble-t il, d'après ces citations, que le Bulletin de la Siciélé
des antiquaires de France, 1865, p. lOS, soutient qu'Epona clait une divinité
celtique; son étymoiogie grecque Hippona est facile à saisir. V. dans ce sens
ToMASiNi, De donariis et tabellis votivis (Graevius, Thésaurus antiqnitatnm
romanarum, Xli, p. 862).
V. en général sur Eponn, Jahrbiicher, etc., im Rlieinlande, VIII, p. 129.
(s) Qu'on se rappelle rin\(tcalion de Viroile au début des Géorgiques :
Dique Deaeque omnes, studiuni quibus arva lueri,
Quique novas alitis non ullo sciniiic l'riigcs,
QuiqiiP salis larguni loelo dciniltilis inibrcm
10
— 158 —
La découvci'le (l(\s iiist-riplions de Xiuilci» fl d'AlUloii,
localités non bien éloignées du pays ûcs Tnngrcs, }toun'ail
induire à considérer les Alalerviae comnin des divinités topi-
ques dans toute la force du mot (i), divinités dont les peuples
rhénans ayant concouru, on le verra plus loin, à la forma-
tion des Cohortes ïungres, auraient importé le culte en Bre-
tagne. Il est possible, en effet, que ces peuples, tout en asso-
ciant à leur déesse du sol natal les Campeslres matronae, aient
précisément voulu éviter tout caractère de généralité. Des
découvertes ultérieures d'inscrijjtions des Alalerviae per-
mettront sans doute d'éclaircir cette question. Quant au pays
des Tungres et de leurs voisins, on ne connaît (inAUdorf,
lieu de la trouvaille d'une des inscriptions, qui présente de
l'analogie avec le nom de ces divinités. Or, ce nom d\AUdorf
(vieux bourg) porte en lui-même la preuve de son caractère
relati vemen t moderne .
(i) C'est l'opinion exprimée dans les Jahrlmclier, ete.. //// Wieiiildiide, XiX,
p. 100.
Dans VAUas cnitiqtnts, piildié en 1830, par Spklnkb, oii se Ironve indiquée,
sur la carte de Brilaiiiiia et Hibeniia, nne localité AIriterva, pour assigner celle-
ci aux Matronae Alalerviae (.lahrh'dcher, etc., im Rlteiiilaiide, XVIil, p. 112):
mais l'inscription dn nom Alaterva sur la carte de la Grande-Bretagne a tres-pm-
liablement été laite comme pure hypothèse, par l'auteur de V Atlas. C'est ainsi que,
cliez nous, après avoir lait dériver pai' conjecture Lagiitm de la mention Laeli
tageiises de la Notice des dignités, on en est arrivé ii se ligurer (pie Lafjiiiin était
mentionné dans les textes anciens, et a eu tirer ariiunient pour |ilacer les Jjaeti
lageitxes a Lowaige. IJuacn {.hilirbi'wher, etc., im iUieiiilaiide, XVIII, p. 99),
fait remarquer (|ne l'insertion (VAlalerva sur la carte de Spiunkr a vraiseuibla-
blemeiit pour cause la phrase de Stcakt, Caledouia nmiaiia, 2" édit. revue par
David Thomson, Édimbouig, 185:2 : « Tlie ajjix Alatervis lias tjireu rise lo tlie idea
thaï Alaterva unis the naine hestoived by llie lioniaiiis on the eolonij of'Cramond. i
Rien de plus; pas im passage d'auteur ancien, d'itinéi'aire on d'inscripiidn.
V. aussi FiKDLKR, Jahrbiicher cités. XXXV 1. p. !•".
Fiecller (ï), loiil en peiisani (juc la localité ayant doiinr
son nom aux déesses Alalervine, doit se chercher dans le
pays occupé par le peuple irermain des Tungres, s'est donné
la peine de recourir aux étymoloii,ies celtiques; mais son
enquête, comme on pouvait le prévoir, n'a abouti à aucun
résultat sérieux : Alaelh, deuil, regret, ne présente aucun
rapport avec les trois monuments connus iVMatervia; c'est
l'aveu de Roget de Belloguet, l'auteur de YEthnogénie gau-
loise, qui conclut par cette réllexion très-sensée : « Si la lin-
guistique est un fil utile pour nous conduire dans les laby-
rinthes de l'antiquité, encore faut-il avoir au moins un point
où l'attaelier solidement. »
Fiedlei- a déduit de la forme des lettres de l'inscription
de Xanten, et du soin avec lequel elle a été tracée, la consé-
quence qu'elle ap))artient à la fin du if siècle ou au commen-
cement du ni''; cette observation permettra de fixer appro-
ximativement à la même époque l'inscription de Grammond,
•N°i20. D. M
ANICIO
LNGENVO
MEDIGO
ORD . GOH
ï . TVXG
VIX. A\. \\V
— Houscsleads (n).
(i) Jaltrbiicher, otr., im Rlieiiilmide, XXXVI, p. i7>.
(i) Hiuir.E, liomau UV?//, p. 19(3; lilifiii. Miixfiiiii, XI, p. il ; Ht'vih' aniiéo-
hxjiqiie, 1K">I, p. ioT; .lonninl de l'in-stniclidii piiblifiui'. lS4.'i, p. 7:2,
— 140 —
(Dismanibiis, Anicio Ingenuo, tnedico ordinario Cohorlis I
Tungrorum; vixil annos XXV).
Celte inscription donne un détail intéressant sur l'organi-
sation des corps auxiliaires tirés de notre pays; ces corps
avaient leurs médecins en titre, comme nous possédons au-
jourd'hui des inédecins de bataillons, etc.
M. Ulysse Capitaine a fait figurer Anicius parmi les Méde-
cins liégeois sur lesquels il a fait paraître des études biogra-
phiques (i), et cette mention a valu au personnage l'hon-
neur de figurer dans le premier volume de la Biographie
nationale, publiée sous les auspices du Gouvernement (2).
La Coll. 1 Tungrorum est sans doute une des deux
Cohortes de Tungres ayant, sous le commandement d'Agri-
cola, pris part à la bataille de Mont-Grampius (.î); cependant
rien n'autorise à croire que notre Anicius ait péri à celle
bataille, comme l'affirment M. Capitaine et la Biographie
nationale. Anicius a pu très-bien appartenir à la Coh. I
Tungrorum a un moment postérieur du séjour de celle-ci
en Angleterre.
La qualification (Vingemms, au lieu de signifier « né do
parents libres » , comme on le lit aux endroits cités, peut fort
bien être le cognomen d' Anicius.
Enfin, !a (lualité de médecin liégeois peut, elle aussi, être
contestée avec rondement à notre Anicius, parce qu'en ad-
mettant même, par hypothèse, que dans la suite des temps
(1) liulleliti (le l'Institut arcliéolofiique liàieois, III, p. 7:2.
(2) 1, p. 2!)!). l.a Hhi(ini})hii' iiittionalc iriicciicillc du rcsti' Anicius que sons
réserve.
(s) Tacit., (// Aiiric, m.
— 141 —
la Coll. I Tuiijjruruiii a coiiliuué à être exclusivement com-
posée de Tungres, rien ne j^rouve que les employés du ser-
vice sanitaire des corps auxiliaires devaient nécessairement
appartenir à la même nation que ceux-ci. .Uiicius serait donc
une illustration nationale à biffer de notre actif.
* N" 121. Inscription d'un soldat de la Coh. I Tungrorum
(le nom ti'est pas lisible). — Housesteads (i).
B. Coh. II. ïungrorum.
La Coh. Il Tungrorum a fourni les monuments les plus
intéressants, et en même temps les moins connus; les in-
scriptions nouvelles permettent de restituer à cette Cohorte
ce qui lui appartient bien évidemment, mais qu'on lui avait
enlevé, tout en disant, il y a peu d'années encore, (ju'elle
n'avait pas laissé de trace dans les inscriptions (^2).
Tandis que les monuments épigraphiques de la Coh. l
Tungrorum se rattachent principalement à la localité actuelle
d'Housesteads (Norlhumberland), le siège de la seconde fut
Casllesteads (Cumberland) et Birrens (Ecosse); la restitution
de l'inscription n" 122 à cette Cohorte fait tomber la suppo-
(i) Horsleij, Norlhumheiiaml, p. '220, dans le Illtciu. Mus., /. cil.
(2) BocKiNC, NoI. dUjnit., Il, 913 (1850) : « Cohortem seciindam Tuugrorum
lapides qiios sciam non memorant. »
AI. Roulez, p. •16 de son mémoire (l8Liî2) : « Nous ne savons pas ce que devint
la seconde des Cohortes des Tongres(cc qui ne veut pas dire la Cohorte II, car
elle a pu avoir un autre numéro), qui avaient comhattu sous les drapeaux d'Agri-
cola; rahsence de tout vestige de son séjour dans la Drelagiie doit faire croire
qu'elle quitta ce pays longtemps avant l'autre. »
Or, l'ouvrage contenant les inscriptions des plus intéressantes qu'il ait été
donné à Fauteur de la présente notice de publier, celui de Stuart (f» édit.),
avait paru en 18i3 : il faut bien du temps, on le voit, pour que les notions scieu'
tifiques se répandent et se vulgarisent.
— \i'2 —
silioii (le M. Koiilez (|uc la Coh. I Tungrorum aiii-ail slalioiiiié
successiveiiicnl dans les deux pi-einières de ces localités : il
ne serait pas impossible môme, à raison de l'endroit où le
n" 114 a été trouvé, que cette inscription appartint aussi
à la Co]i. Il Tungrorum campée dans la partie septentrionale
de l'Angleterre et en Ecosse.
L'inscription n" 125 démontre que le st^our de la Coh. Il
Tungrorum en Angletei're durait encore sous le règne de
Gordien, au uf siècle.
* N" 122. l 0 M
COH II . TYNGK
35EQ . G . L . GVl
J»RAEEST . ALB
SEVERYS *R
AEF . TYNG . IN
STAYIG . SEYRO
PRINGIPI
-— Gastlesleads, Guniberland (i).
{Jovi OptimoMaximo, Cohorsll Tungrorum milliaria equi-
latac... /..., cui pracesl Albus Severus praefeclus Tungrorum,
instante Victore Severo principe.)
Jlenzen dit (|ue la charge de Princeps dans les cohortes,
dont rinsci'iption suivante offre un second exenq)le, est nou-
velle pour lui; les principia, lait observer Roacli Snn'lh {^2),
(1) Archaeolof/ia or wiscellaneoits Iractn irlatiiif/ to unliquilji, XI (17!U),
p. »i8, pi. IV, tig. 21 ; Hhein. Mus., XI, p. l-i; ()ki;m.i cl IIknzen, IIF, m" ii'm ;
.l'iJirliiirhet\ otc, im Rliciiihindc^ XXXIi, p. 7(t.
(■■) CollevLontiq., IV, p. \\-l.
— 145 —
élaieiil les iiuartiei-s des cuimiiaiiilaiils et l'endroit uù les
étendards étaient déposés.
* N" 125
ET XV M
N.COH.H.ÏWd)
^(^)
GROH COR . EC
L . CVI . PRAE
EST '^ '' '' CLAV
D . . . . PRA
EF . INSTANTE
AEL . MARTIN
PRINC . XKAL
I.>P DNG. . . A/GIIIP..
¥ I A N '^ G 0 S
— Gastlesleads (ôj.
( Jovi Optinio Maxinio c< numinibua Anyiisli, Cohors II
Tungrorum Gordiana milliaria equitala c... /... cui praeest...
Claudianus praefeclus, imlanle Aelio Martino principe. Xiial. . .
(0 W =- (VN).
• (*) Ces signes sont tr;itliiiU par Okli.li cl HE]\7,b;.>, ii" 0781, coimiie imc iiuli-
lalion (\uc la colioile était milliaria.
(?) Arcliaeoloffia, 1. cit : IVieiii. Mus., \l, 'ri; Okki.i.i c\ Hk.\/i:n, ii" o781 ;
Jalirliiiclier, etc., im UJifiiilanilc, XWII, |t. 70; Ritici;, Uomon Wall, \\. 110,
(loimc encore une iiiscriplion oii se trouve l'épithétc Gonihma, ni;iis le nom dn
coi'ps d'auxiliaires est eiïacé, et il est même probable ([u'il s'agit d'nne .Ma et non
d'iMic dohoiii'., a raison de la mention q\i\ précède d'une .Ma I Hi^panurum.Ov,
VMa (iordiaiift, tout connue la Coll. 11 Tatiijror. Gnrdiatifi, était stationnée en
lirclagiie {V. Giu Ti:it, n" j()0(i, n" 8, et OiiKi.i.i, n" 97->).
— \u —
Imperatore domino nostro Gordiano Àugusto II et Pompeinno
Consulihus.)
riiibner l'ait remarquer avec raison que le cliill're du con-
sulat II de Gordien (an 241), doit être substitué au chiffre III.
La même dédicace a déjà apparu dans l'inscription n° 1 1 3
ci-dessus, ce qui permet, par hypotlièse, de reconstituer
celle-ci à l'exemple du n' 1 1 (>.
Un Claudianus est signalé par le diplôme de l'an 104
comme préfet de la cohorte des Sunuques, voisins des
Ton grès.
N" 124.
I 0
. M
COHI
TVNG...
IKE .
CLGV...
AEES..
AVREL.
OPTA
TVSP....
FVII
STAJïT..
MES
...OPSP.
PR
ING
— Castlesteads (i).
{Jovi Oplimo Maximo, Cohors II Tungrorum milliaria
equilala c... /..., eut praeest Aurelius Optatuspraefectus, in-
stante principe.)
Gruter (2) avait déjà donné la lecture goh ii, que Boc-
king (3j et Roulez (4) ont, à tort, corrigée par goh i, mais
(1) CAMDtN (édit. GoLGu), m, p. .i"2y; Wieiit Mua., XI, p. 41; Docking, II,
p. Ulô, Camden, Britannia (édit. Bisuop et ^OKTo^•, l(iO"), p. 643.
(2j 11T8, 2.
(3) Nolit. occid., II, p. 013.
(i) Mémoire cilé, p. 16.
— 145 —
qui a été positivement reconnue à la fracture ; l'endroit de
la trouvaille confirme cette restitution.
Hiibner (i) , d'après Hodgson , interprète par c(ivium)
LUtinorum), les sigles c Lqui paraissent dans celte inscrip
tion et dans les deux précédentes.
N" 12o. IV
M
CVPAL
LEG : X-X G : 1»P : COH : 1 :
TViNG : POSVIT
— Castlesteads (2).
( Legionis XX Geminaey primipilus
Cohorlis II Tungrorum posuit.)
C'est la seconde inscription que, imbus de l'idée que les
pierres de Castlesteads appartenaient à la Coh. I Tungrorum,
Bocking et Roulez, contrairement à la lecture de Gruter
remise en honneur aujourd'hui, avaient enlevée à la Coh. U
des Tungres.
* N" 126. DEAE VIKADE
THI PAGYS CON
DRVSTis mu
m COH II TVN
GROSVBSIVO
AVSPJCE PR
AEFE
— Birrens, Ecosse (3).
(1) Rhein. Mus., XI, p. 43.
(2) Gruter, 1178, 1:2; RJiein. Mus., XII, p. "i; Bocking, M, p. 913; Camdex
(édit. liisHOP), p. Gi3.
(3) Stuart, p. 128, pi. u, lii;. 2; Roacu Smith, Collect. antiq., III, p. 202;
Orelli et Henzen, u' 5921; Becker, Rhein, Mus., XIII, p. 200; Hermann,
GOttiug. gelehrle Aiizeiger, 1840, III, p. 1415.
— 146 —
( Deae Viradelhi, payns Condruslis . Mililanles in Co-
horte H TuHfjrorum sub SHvio Auspice praefeclo.)
Voici de loiiles les inscriptions, ici recueillies, la plus ini-
j)or(ante pour la Belgi(pie : cette importance est telle que
Ion peut à bon droit s'étonner de voir l'inscription publiée
par Stuart en 184a, et reproduite successivement par Roacli
Sniilb, par trois recueils allemands, sans qu'un ouvrage
belge la mentionne jusqu'ici (i).
Mais si l'étranger a le mérite de nous avoir signalé cette
remarquable inscription , il n'a i)as toujours eu celui de
l'avoir comprise.
Le croirait-on! Henzen, en citant l'inscription, ajoute en
note aux mots pagus Condruslis : ^o'sis barbares, probable-
MEîST CORROMPUS (2)... Aussi Ics omcl-il dans l'index géogra-
pbique de ses inscriptions.
Il est vrai que la rive gauclie de noti-e Meuse belge (Hes-
baye) n'a pas plus que la rive droite (Gondroz) le privilège
de s'être fait connaître à l'étranger : Guérard, le savant Gué-
rard, dans un mémoire couronné par l'Institut de France et
s'occupant spécialement des divisions territoriales de la
Gaule, met en regard de notre Ilaspungowe (7^) ces mots :
l'AGUS INCERTAIN (i)-
II) Liii.scTi|iti(»ll II» lit» a ét(' publiée iiiciduiimieiit par M. Wautkks. dans les
^'inivelle.s éludes sur la (icniiraphie uncieinu' tic lu Ikhiiqite, Herur irinii'siricllc.
Il" série, XIII ( 18G7), p. IH.
(2) N'' u'J^l : « l'agus Coiidnisiis, iiomina barbara, forltisse corntpla. »
(5) Ho-spingow, He.speiigow, Hasbaiiicnsix pugns (Cii. Granucaonace, Mcmoiie
sur Ira anciens noms de lieux de lu Belgique, orientale, pp. 66 et 67 ; Vocabulaire
des anciens noms de lieux de la Belgique orienlule, pp. 1:29 et 130).
(i) Essai sur le sgsiéme des divisions lerriloriules de lu (iuule, depuis l'âge
romain jusqu'il la /in delà dynastie rarloriugienne , par H. CiKiiAnn (Kxlrait
— 147 —
Au uioiiis Obcrmayr iio nous (;nlt;ve-(-il pas la llcshaye,
lui qui d'un Irait de pluuie la Irauspurle sui" les bords de la
Trouille, en liaduisant Hasbania par Ilaenegau, c'est-à-dire
HainautO).
Et cela sans parler des erreurs qu'on peut rejeter sur les
prêtes : Cindruz [i], Condrotz (r>), Condreux (i), elc, pour
Condroz; Condursi, ponr (vndrusi (5).,.
En vérité, on est peu au courant à l'étranger de nos déno-
minations locales; mais l'erreur n'est-elle pas plus excusable
(jue l'ignorance, et ne devrions-nous pas prêcher d'exenq^le
en nous tenant mieux au courant de ce qui se publie sur nous
à l'étranger"?
César (g), on le sait, mentionne les Condrusi parnu' les
peuples belges coalisés contre lui.
Au moyen âge, un retrouve la dénomination de pays des
Condruses, pagus Condrnstetisis ou Condrustinsis, dans des
actes de l'an 746 (1).
d'un mémoire couronné par rinstitut en juillet 1850 ), p. 155. Cette mention de
pf/fjiis incertain à pvdpos du Haspuniiowe est répétée par M. Ponton d'Amkcoiru
dans le liiilletin de la Société des antiqnaires de France, 18U5, p. 7] .
(i) Verltaudliingen des historisehen Vereins von Oberpfalz- und Reyenshury,
X (nouv. série, II), 18i6, p. 275.
(i) AUEL, Bulletin de la Société d'arcliéoloyie et d'histoire de la Moselle. I8(i.",
P 'ij-
h) César, édit. Nisard, p. 2ù7, a" il.
(i) Hliein. Mas. fiir Pliiloloyie, XI II, -Hr\ ; il csl à reman|uer cependant ipie
MiRAEus, à la taille de son Chronic. rer. Bely., écrit Condreux et V.ondrox.
(o) Carte des Gaules appliquée sur les murs du JInsée impérial de Saint-
Cermain.
(r.) ]tetl, Gall., II, 1; XVI. Ô2 : « Condrusi e.r yenle et nnniero Germanonnn
qui sitnt inter Eburones Trevirosqne . »
(7)Ch. Crandgagnack, Mémoire, pp. 20, 21, ."5; Voeabniaire, p. 17, qui a
vraiment eu trop de confiance dans ses coutréres de Tetranger (piand il dit, \t. 21
de son mémoire : « Je n'ai jias ti'aduit les mmis de contrées Condrnsteiisi.s}iay»}<^
/^^s7'f/M/V^^■ /w^///.v, parce qn'i's son! sutlisannnenl connus. »
— U8 —
Aujourd'hui encore, le Gondroz est resté le nom vulgaire
(le toute la partie de la Belgique située au sud-est de la Meuse,
à partir des Ardennes.
Voilà qu'une inscription comble tout d'un coup la lacune
(Mitre César et le moyen âge, et démontre que le pagus Con-
drustis était une dénomination en usage sous l'Empire
romain, auquel le moyen âge l'a empruntée : étonnante
persistance des traditions locales et des noms de lieux!
Quant aux différentes agglomérations de populations por-
tant le nom de pagus et dont l'organisation date des Romains,
elles sont constatées, dès les premiers siècles de l'ère chré-
tienne, par quantité d'inscriptions : pagus Aequanus, pagus
Ligustinu^, pagus Tigurinorum, etc. Un faubourg de Pompéi
portait même, au temps des premiers empereurs, le nom de
pagus Auguslus felix{i).
Notre inscription est la seule où apparaisse jusqu'ici le
nom d'une déesse Viradelhes. S'agit-il d'une divinité topique
propre au Condroz, dont les soldats Tungres de ce pagus
auraient, pour leur usage personnel, importé le culte en
Angleterre? S'agit-il, au contraire, d'une divinité anglaise
adoptée par la Coh. Il Tungrorum?
La première liy[)Olhèse semble la plus vraisemblable , à
raison de la spécialité indiquée par la dénomination pagus
Condiuslis, indiquant la participation au culte de Viradelhes
d'une partie seulement de la Coh. II Tungrorum; cette inter-
prétation est appuyée par l'inscription suivante.
La science aura à rassembler des matériaux pour déter-
(l) OKtLLI cl llKNZEN, 11"* "loôO, 71G0 et pussùn.
RULLETra DES COMM^ ROYALES D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE, 1868. TL IL
Fiô. 7.
LitL BoiS-Wittûuck
— 14.9 —
miner ullérieurement quelle localité du Condroz a eu l'hon-
neur de donner son nom à la déesse? Les spéculations de
l'étymologie, avec des données aussi vagues, ne parvien-
draient pas encore aujourd'hui à éhicider la question : on les
épargne au lecteur.
*N"127. DEAERICAGm
BEDAEPAGVs
VELLAYS MILT
GOH II TVNG
V S L M
— Birrens, Ecosse (i). (V. la pi. lien regard, llg. 6).
{Deae Bicagmae, Bedae pafjns. Vellaus mililans in Cohorte II
Tungrorum, votum solvit liibens mei ito) .
Le Bedae pagus dont il est fait mention dans cette inscrip-
tion est le Beda viens des itinéraires, ou Bitburg, à 12 lieues
de Trêves. Le viens différait autrefois du pugus en ce que
celui-ci était une réunion de plusieurs bourgades, dont
chacune était un vicus (2). Peut-èlre l'opinion de Valesius (.-î),
(i) RoACH Smith, ColJect. nutiq., 111. p. 'lOi, pi. xxxiii; Ulwin. Mm., XIII,
p. 260.
fa) MiLUN, Magasin encyclopédique, VI" année (1801), V. p. 9.
(s) Noiitia Gall., chez Bôcking, Notit. occid , II, p, 569. A ce titie, il n'est
peut-être pas inutile de citer ici certaines inscriptions sur un dieu Bedains :
BEDAIO AVG . |1 ET . ALOVNIS || S A C R || C . CATIVS [| SKCVNDIA || NIS .
U . VIR II IMP . ANTONIN |] Il . ET . SACERDOTE.COS (CUV. d'Augshdlirg ; OhELLI,
n» 1964).
BEDAIO AVG || SACK . ALOVN || AR . SATOM [! VS . MAXIM || lANVS . ET |j
FIR . FIRMl II NIANVS II . VIR i| PERPETVO . F.T . CORNEI. . COS ( KeYSI.EII ,
Antiquitates selectae septentrionales, p. -iTI).
I . 0 . M . ARVBIANO jj ET . BEDAIO . SANCTO | TVI. . IVVENIS |] BF . GoS .,
LEG . Il II ITAL . ANTiiNlAN . V . S . I, . I. . M |I IDIR . MAIS . (itnp . |j CflC.V . m .
— loi) —
qne les Bétasiens venaienl de Ikda, dans rEyfel, trouvera-
l-elle quelque autorité <lans la présente inscription, à cause
du souvenir de leur lieu d'origine, qu'auraient voulu con-
sacrer les soldats de la Coh. H Tungronim, qui, par hypo-
thèse, auraient été recrutés aussi parmi les Bétasiens, tandis
que les hahitantsde Beda faisaient plus naturellement partie
des cohortes de Trévères.
Quanta h déesse Ricagma, elle est fort probablement une
divinité ayant emprunté son nom à la localité d}teRicomagus,
Remagen, sur le Rhin, et qu'adoraient les Bétasiens ou
habitants de Beda, incorpor(';s dans la Coh. II Timgrorunu ^
*N"I28. MARTI ET VIGTo
RIAE AVG . G : Rae
TI MILIT . IN G(OH)
Il TVNG . GVI .
PRAEEST SILVIVs
AVSPEX PRAEF .
V . SOL . iM
— Birrens (i). (V. la pi. Il, lig. 7).
[Marti et Victoriae Augusti, cives Raetî miiilantes in
Cohorte II Tungroriim, cui praeest Silvius Auspex praefectus,
vol uni solverunl lubenter nierilu).
OUte inscription, portant en toutes lettres \e nom du pi'él'et
Avr . Aiitonino) \\ n rr . sacerdoti: . eus (De l'an 219, Piedculiarl , Bavière;
(JRELLI, 11" 06 II).
(i) RôAr.H Smith, Coll. uni.. III. p. -20:,. pi. xwiii; Hhc'in Mus., Mil. p. 26J.
— rii —
Sitvius Atispex, a poniiis de le rélablir d.iDs rinseri|>(ii)ii
précédente, oVi il ôUni Indiqué.
Roach Smilli a proposé de lire à la seconde ligne ('ahis
Raetius, hypotlièse qui éloignerait celle du recrutement de la
Cohorte, des Tungres jusqu'en Rhétie; cependant l'Angleterre
fournit une inscription d'un civis Pannonius (i) et, qui plus
est , une autre d'un civis Raela découverte a Netherbv (2),
laquelle rend fort vraisemblable la lecture cives Raeii.
Quant à lliibner, qui a proposé cett(i dernière (.-.), il en
indique une autre, mais sans y insister, (|ui réunirait c à avg
pour en faire avgg (Augnstorum). Mais le point qui sépare
AVG de ce qui suit, dans le fac-similé ci-dessus, que HTibner
n'avait pas, sans doute, eu sous les yeux, fait obstacle à cette
supposition.
* N" 120. DUS MAMBVS AFVTIANO BASSI ORDINATO T COH II
TVNG FLAVIA BAETICA COMV.NX FAG. GVRAVIT
— Birrens (4).
( Diis Manihus, Afutiano Bassi tilio, Ordinato (.•)) trihuno
Cohorlis II Tungrorum, Flavia Baetica conjiix farerecnravit).
dette inscription n'est pas exempte du reproche de lectuie
mauvaise ou hasardée.
Afutianm Bassus s'était probablement marié en Bretagne
(1) Xrchaeoloijifi Xelima, I, p. 210; Hhe'ni. Mus., XJV, p. ôîi;».
(2) Archaeohujia, IX (ITSi»), p. 2-22.
(x) Rhein. Miitt., I. cit.
(t) Shart, p. 129; Rhein. Mus., XI II, p. 200.
I» Ordinalo, au litMi d'olre un indii. poiiri'ait ,-\vo la i|nalitiratioii .le la fdnclion
lie U'jltuii : Iribnnns ordiiidiiis.
— 152 —
où il est mort, avant de rentrer au pays natal; sa femme,
Flavia Baetica, que son nom et son surnom indiquent ou
non soit une Espagnole, soit une affranchie de Vespasien,
n'appartenait donc pas au même pays que son mari.
*N"150.
coh) II Ty^(grorum
— Birrens (i).
Inscription incomplète, mais qui vient à l'appui des précé-
dentes, pour établir de plus en plus la résidence de la Coh. Il
Tunqrorum à Birrens.
3" Ala I Tungrorum Frontoniana (-i).
Le chiffre I ajouté au nom d'une Ala ou Cohorte ne suffit
pas, on l'a dit plus haut, pour démontrer qu'il y aurait jamais
eu plus d'un corps de ce genre, témoin le grand nombre de
Cohortes uniques qui sont mentionnées dans les diplômes de
congé militaire, et dont on n'a jamais signalé une IP, IIP, etc.
D'un autre côté, le nom de Frontoniana, même employé
seul, n'a jamais été l'attribut que de cette unique Ala Tun-
qrorum.
Aussi n'hésite-t-on pas à attribuer à Y Ala Tungromm
toutes celles qui suivent avec ou sans le chiffre I.
Comme on l'a déjà fait remarquer plus haut, VAla I Tun-
gioruni Frontoniana est mentionnée dans l'inscription n° 100,
11) Camdkn (odil. (ioiiGH), IV, i). ()-2;Sii;\KT, p. l.Kt; Hlicin. Muséum, XIV,
1>. 55.'').
(.2) Sur ot.'Ue Ala, V. liulleliu de la Société, etc., du Limbounj ( Toiigres), i,
p. :279; Jnlirbilcher, ctc,., iui HUciiiIrtnflr, XIII, p. 7.-»; XIX, p. ."ili.
— 153 —
et elle eut pour un de ses commandants Titus Attins
Tulor.
De cette Ala, M. Roulez (i) a déjà publié les inscriptions
suivantes :
N" 131. ÎMP. CAES. MARCO
AVRELIO. ANTONINO
PIO. FELIGI. AVG. PARTIGO
MAX. BRIT. MAX. POxXT. MAX
TRIB. POT. XVI. COS. IIII. OPTIMO
MAXIMO Q. PRINCIPI. ALA. I. TVNG. FRONT
ANTONIANA. NVMINI. EIVS. SEMPITER. AC. MERITO DEVOTA
— Ilosfa, Transilvanie (2).
(Imperatori Caesari Marco Aiirelio Antonino Pio felici
Aitgusto, Parthico maximo, Britannico maxinio, pontifici
maxinio, tribunitia potestateXVf, consulilV, Optiino Maxi-
inoque principi, Ala l Tungroriim Frontoniana Antoniniana,
ntimini ejus semper ac merito devota).
Cette inscription est de l'an 215, sous le règne de Caraealla.
N" 132. ...MOQYE PRINGI...
...GENTIIS EIVS AVCTA
...RALITATIBVSQVE DI....
ALA FRONTONIANA ALE
...^DRIANA. EX QVAESTVRA
DEDICANTE. AS. DIO
TIANO. LEG. AVG. PR. PR
— Ilosfa (3).
(i) Mémoire, pp. 14 et 15.
(«) Orelli et Henzen, ii" 6721.
(3) Orelu et Henzen, n" (j7l9. Les Annah dell limliluto di eorrespondeiua
11
— Io4 —
(Severo Alexandre, Opiimo Maxmoque pnncipi, indiil-
(jenliis ejiis aucln, Wheralitalibnsque diiixin, Ain Froiiloniana
Alex'àudriana, ex qnaestura dedicante Nrtsi(//o DomltianOy
legnto Aiigusli propi aelore ivlnm Dacianim).
N" 135. ÏVLIAE. MAMMEÂE (i). AV
GYSTAE. MATRI. SANG
TISSIMI. BIP. CAES
SEVERI. ALEXANDRI
AVG. ET. GASTRORVM
SENATVSOVE. AL A
FRONTONIANA. ALE
XANDRIANA. EX
QVAESTVRA. SVA
DEDICANTE
...SIDIO. DOMITIA
....EG. AVG. PR. PR
— Ilosfa (;2).
{Juliae Mammeae Aiignsfae. malri sanctissimi imperatoris
Cacsaris Severi Àlexandri Augusti, et castrorum, senalusque,
Ala Fronloniana, ex qnaestura sua dedicante Nasidio Do-
mitiano legato A ugusti pro pvaetore.
archeologica, 1853, p. 315, n» 59, cloiiiuMit l'inscription siiiviiiite oii ligure le dédi-
cant de cette inscription et de lu snivante sous le nom de Jiistliiis homilianus .
LKG. wc. v9,.(o. praet. provinciae || Syriae Ph(ienic)iXE. i.kc. avc. \>i\. v(r.pr(w.
Raeliae. curai \\ viae. aem)uAKK puaef Ai.f/;«. leg. le) c. xiiii. gkm (curât, rei.)
p. FYLGiNATivM praclori. (ie)\mA. cvuvi//. qvaeslori || prov.) achaiae. triu. lat.
L(e(). i. ad iiiv. cap.) iasiui. i)UM(iti |] auus. et .... fili pa{'ini optimo kec
(i) M. Iton.EZ, p. 15, a imprimé par erreur mameae. I.a copie de Vlnslitnt
arctu'ologique de Rome |)Orte mammkak.
(î) Okei.li et Hen/en, n"(i7:20; liullel'iuo deU Iiislituto de corresp. archeot.,
1848, p. 187.
— 155 —
Grutor (i), de son coté, nous lail connailre les trois inscrip-
tions suivantes auxquelles M. Roulez renvoie :
N» 154. L . FVRÏO . L . F . PAL . VICTORl
PRAEF PRAET . IMPERAT . OMNIVM
HOXORATO . ET . DONATO . IN
PROVINCI AM . PARTHIAN
ET . VER .... CORON . MVRALI
VALLARI
HASTA . PVRA . SINE . VEXILLIS
OBSIDIONALI
QVE . CORONA . DONATO . PR . AEGYPTI
PRAEF . VRB .
PROC . A . RAT PRAEF . PRAETOR . MISSV
RAVENATIVM . PROC . LVDI . MAGNI
PROC . PROVINGIAE
HISPANIAE . ET . GALL . PRAEF . ALAE
FRONTONIANAE
TRIB . LEG . II . ADIVTRIC . 7 . COH
BRACARVM . IN . BRITANNIA
— Origine non indiquée.
{Lucio Furio Lucii filio Palatina tribu Victori, piaefecto
praetorio imperatoris, omnium honorato et donalo, in provin-
ciam Parthianam et Ver , coroiia mnrali, vallari, hada
pura sine vexillis. obsidionalique corona donato, praefccto
Acgi/pti, praefecto urbis, procuratori a ration ibus y praefecto
praetorio missic Ravenaliiun, procuratori provinciae Ilis-
paniae et Galliac, praefecto Alae Fronlinianae , tribuno
Legionis 11 Adjutricis , centurio Cohortis Bracarum in
Britannîa.)
— ^_
(i) 4i-i, 8; 557, 7; 1099, r>.
— iS6 —
N" 135. L . CLAVDIVS . AN
PRVDENS . GONSI......
PRAEFECTVS
ALAE . FRONTON I AN AE
H . S . E
OSSA . MONIMENTVM DOMI
— Rives du Rhin.
(Lucius Claiidius an.... Prudens, consiliarius Augitsti (i),
praefectus Alae Frontonianae, hic sîtiis est (2) Ossa. Moni-
meritum domi.)
N» 136. T . POPILIO . T . F . VOL
ALBINO . TVDER
PRAEF . COH^I . ALPINOR
TRIE . LEG . VÏÏ . GEM . FEL
PRAEF . ALAE . I . TVNG
RORVM . FRONTON
VICANI . VIGI
MARTIS TVDERT
EX . AERE GONLAT
L . D . D . D
— Todi.
( Tito Popilio Titi filio Voltinia tribu Albino Tnder-
(1) V. OnELLi, n« 26i8, 3190, sur cette qualification qui est synonyme de
ceux qu'on appelle ^m/Y/ et comités Aiignatoriim : GuuTEit, 1100, 5. L'itiscrip-
tion «e présente cependant pas assez d'éléments pour déterminer avec certitude
quelle est dans l'ordre hiérarchique déterminé par BoitoiiEsi, celte dignité supé-
rieure aux fonctions de préfet d'escadron.
(«) Sous-entendu ici une répétition de hic ou bien secundum, pour indiquer
que les restes mortels de Claudiiis Prudens ont été laissés à l'endroit où il
mourut, mais qu'un nionumeiil lui lut élevé chez lui? Le contraire est quelquefois
exprimé dans les inscriptions : Osxu relata domi, V. Jahrbiiclier, etc., im Rhein-
lande.WSl, p. 176.
— 157 —
lino domo, praefecto Cohortis I Alpinorum, tribuno Legio-
nis Vil Geminae felicis, praefecto Alae 1 Titngrorum Fron-
tonianae, vicani vici Martis Tuderlini, ex aère collato, loco
dato decreto decurionum.)
On connaît également l'inscription suivante :
N° 137. M . LVGILIVS . SECVNDVS
DEGVRIO . MIS . EX . ALA
FROAT . DOMO . CAMP . PIE
LVCILIAE , M . L . PALLADI
M . LVCILIO . BLANDO . L . B
H . E T . F . G
— Grimlinghausen, près Dusseldorf (i).
(Mardis Liicilius Secwidus, missione honesta missus ex
ala Frontoniana, domo Campanus (2), Piae Luciliae Marci
iibertae, Palladi, Marco Lucilio Blando l 6 , hères ex
testamento faciundum curavit.)
A ces inscriptions connues, ajoutons les suivantes :
* N" 138. ALATVN P. PO
S: GENSORIWS
SALVTE SVA
ES i POS
— Burgh-upon-Sands (3).
(i) Thom. Reinesii Sijntagma inscriplioniim Romae veteris, quaruni omissd
est recensio in Jani Gruteri opère, 1682, Cl. viii, a" 5", p. 533.
(2) D'après Reinesius qui renvoie à Plin., Hist. nat., \U, 5, il faudrait lire
Campitoliade :PLni., III, 9, 11, parle seulement d'une localité italienne appelée
Capitulum Hernicum.
(5) Camden (édit. Gough), III, p. 41 ; Wiein. Mus. XI, p. 53.
- 158 —
(Ala Tungrorum p... po... Censorinus sainte sua et
suorum et? posuit).
Hdhner déchire ne pas oser proposer de corrections à cette
inscrij)tion, parce cpi'elle est produite en fac-similé; on imi-
tera ici sa j)radence.
*NM39. IIERGVLI
MACVSAN
ç^SACRVM
VAL. NIGRI
NVS DVPLI
ALAE TVN
GRORVM
— Polmont, Ecosse (i).
{Herculi Maciisano sacrum, Y alevins Nigrinus dupli-
carius (2) Alae Tungrorum).
Cette inscri[)tion présente un grand intérêt par sa mention
du dieu Hercules Magusanus, au sujet duquel on a écrit des
volumes entiers.
Rappelons d'abord les diverses inscriptions connues, où
il est parlé de ce dieu :
a) HERCVLI. MA |1 CVSANO. ET H HAEVAE. VLP || LVPIO. ET.
VL II PIA. AMMAVA || PRO. NATIS il V. S. L — GucIdrC (3).
(1) SruART, 1». ôol , pi. XV, lig. 9 ; Okf.lli et Hen/.ls, n" 57^9 : lilieiii. Mihsciim,
XI, p. 52; Jahrbilclicr, etc., im liheiiilaude, IX, p. 1C9.
(2) Vahr., ling, latin., iV, 2G : « (liiplicarii dicii, qnihits oh virlulem (liiplicia
cil'aria 11 1 durent ur institutiim. »
(5) Si rinsci'iplioii de Gucldrc est bien, nmime l'exprime Schaves coiitiiidé
par PioT, 1(1 Ik'lfiiquc cl Irs Paijs-Uas avant cl pendant la domination loniaine,
III, p. 519, eellc qui a été conservée au siècle passé dans le Collège desjésuitesi
— 159 —
h) ..}ACSVSA 11 NO HERGVLI ji SACRV. FLAVS H VIHETIRMATIS
FIL 11 SVMMVS MAGISTRA H CIVITATIS BATAVOR || V. S. L. M —
Rummel, près Bois-le-Diic (i).
C) HERGVLI II MAGVSANO 11 M. PRIMITIVVS !| TERTIVS |i V. S. L. M
— Wesl-Capelle, Zélaiule (2).
tl) ...cvsA. IN (reste d'une inscription hercvli magvsan")
— Mus. de Bonn (3).
Enfin, différentes moiniaies de l'empereur Poslume por-
tent au revers la légende hergvli magvsano (4).
Van Lynden van Blilterswyck (ti) conjecture que les mo-
numents au vocable à'Hercides Magusanu^ ont été élevés
par l'empereur Postume après ses victoires sur les Franks,
en un lieu dont le nom aurait été ajouté à celui d'Hercule
à Bruxelles, il est évident que MirtATORi, 64, 2, et Orelli, ii" 200^5, ont attri-
bué à tort cette pierre a Westcapellc, coinnie lieu d'origine. V. aussi De Bast,
Recueil d'antiquités gauloises et romaiiiea trouvées dans la Flandre, p. 27, et
Marquardus Gudils, préface; Kevslkr, Anfiquilates selcctae septentrionales ,
p. 201.
(i) Orelli, n<'2004; Muratoui, 61, i ; Steiner, I, p. 309, n» 1512.
(i) Journal des Sçavanls, XVI (1688), p. -i52, qui lit à la 5' ligne : M. R. R.
1. M. F. 1. V. 1. s; Marquardus Gudius y trouve : vi primivis, etc.; Keysler,
AiUiquilales selectae septentrionales, p. 200 : (mt) prlmii v i s, etc. ; Scriveriiis,
Antiq. balav., p. 228, corrige pnniiivvs; Steiner, /. cit , n" 1510.
(s) Jahrhùcher, elc, tm Rheinlaude, III, p. 97; Overbeck, Kalalog des
Konigl. rheinisclien Muséums vâlerlandischer Atterlhumer, p. lo, n" 18, litt. /'.
{i) Goitopirs Becanis, Origines Antverpianae, p. 156; De Bast, /. cit., p. 27 ;
EcKHEL, Doctrina veterum numismatuin, VII, p. 444; CoHv.>i, Monnaies impé-
riales, V, p. 22, n" 60; p. 48, n" 259; hiuvn de WntE, sur les inédailtes de
Postume avec les travaux d'Hercule, Revue numismatique (de France), année
1844; Jultrbuchcr, etc., im Rheinlaude, XXIX-XXX, p. 278; XXXV, p. 98;
XXXVIX-XL, p. 59.
(s) Uriefaen den heer Van W\n over den tocnaem Magusanus die op sommige
altaar-steenen van Hercules hier le lande is gevonden (Van NVyn, Huiszillend
leven, IV" iivr.), et les auteurs cités par Sciiayes (continué par I'iot), III,
pp. 529 et 564, v«« Rummel cl Wcstcapelle; Jahrlntcher, etc., im Rheinlaude,
XV, p. loi.
— 160 —
pour caractériser ses victoires. Les uns ont voulu retrouver
ce lieu sur les bords du Rhin {Mahusenham ou Mahusenheim,
près Durstede et même Mayence, Maguntia), d'autres sur
les bords de la Moselle {Mecusa, d'après l'anonyme de
Ravenne), d'autres enfin en Hollande {Ancusa, Enkhuysen),
sans parler de la localité italienne Moguzani où des inscrip-
tions romaines ont été trouvées (i), et des deux Magusa, en
Arabie et en Ethiopie dont parle Pline (2), mais dont la situa-
tion, malgré la ressemblance des noms, repousse semblable
application.
D'autres (5) ont pensé que Hercules Magusanus et Her-
cules Deusoniensis, qui apparaît aussi sur les monnaies de
Postume, sont identiques, et que le second se rapporte, soit
à la ville de Duys, aux environs de Cologne, soit à celle de
Duysbourg.
Enfin, tandis que les uns rapportent Magusanus, en grec
p.ay6aat (pugno, d'où pugnax), d'autres recourent au phé-
nicien et signalent une médaille phénicienne en or trouvée en
Allemagne, où ils croient avoir remarqué une ressemblance
frappante avec l'Hercule figuré sur la pierre de Westca-
pelle (4) ; ils disent que Magusano en phénicien signifie
voyageur par mer (5).
L'embarras du choix complique d'autant plus la situation
qu'un auteur, se mettant fort à l'aise, nie le fait et prétend
(0 Gruter, 1021, 6.
(i) Hist. nat,, VI, 32, 17 et 35, 3.
(s) Martin, la Religion des Gaulois, III, th:ip. viii; V. aussi CannegieteH,
Postiimus, pp. 137 et siiiv.
(i) De Dorop, Dus Magusanische Europa, 1819.
(b) Journal des Sçavants, XVI (1688), p. 453.
— 161 —
que Magusaniis est. tout simplement Magnus sanctus mal
lu(i).
Le radical mag, mog, se rencontre dans les noms d'une
quantité de villes : Amagelobria, Augustomagus , Borheto-
magus, Breucomagus , Caesaromagus, Drusomagus , Julio-
magus, Noviomagus, Rotomagus , etc., etc. Auquel de ces
noms appliquer Magusano, en supposant qu'il dérive de l'un
d'eux, comme on l'a proposé (2)?
On ne trouvera une réponse à cette question que lors-
qu'on aura groupé autour de chaque divinité un plus grand
nombre de renseignements; dans l'état actuel, sauf les mon-
naies de Postume, qui, en somme, n'y contredisent pas, les
monuments d'Hercules Magusanus, élevés non par Postume,
mais par des particuliers (dont un seul fonctionnaire), appar-
tiennent tous aux Pays-Bas néerlandais; d'où une très-grande
présomption en faveur du caractère topique de la qualification
de Magusanus. On a même voulu retrouver la déesse Haeva
(que l'inscription de Gueldre associe à Hercules) dans la
déesse Laeva ou Laevano, dont le temple a donné son nom
à une localité de la Batavie, Levae fanum, qui figure sur la
carte de Peutinger (5).
VAla Frontoniana se serait donc recrutée non-seulement
(i) Opinion rapportée dans la préface de Marquardus Gudius.
(2) Zeilschrifi des Yereins zur Enlforschung dcr rheinische Geschichte und
Alterthûmer in Mainz, 1 (18.l6-18al), pp. 183 et suiv. D'après le Magasin ency-
clopédique de MiLLiN, IX« année (1805), IV, p. 235, mago indiquerail une ville
sur une rivière; mais y aurait-il beaucoup de villes auxquelles la qualification ne
s'appliquerait pas? V. aussi Dieffenbacii, Celtica, I, p. 77; Schayes et Piot, MF,
p. m. V. en général sur i'HercuIrs Magusanus, Jahrbucher, etc., im Rliein-
lande, III, p. 97; XI, p. iG9; XVII, p. Mi; Hermann, Gôtting. gelehrtc Anzeiger,
1847, p. 1054. M. HouzÉ a démontré la synonymie de magus et mansiis.
(s) Leemans, ap. Schayes et Piot, III, pp. 135 et 156, note.
— 162 -
chez les Tungres, mais aussi, par la suite des temps, chez les
Bataves.
Les autels trouvés en Angleterre de Mar/usanus, de Vtra-
detlies et de Ricagma donnent ainsi un démenti à l'assertion,
du reste contestée, de Servius (i), d'après lequel le culte des
divinités topiques ne se transportait pas en dehors du lieu qui
leur était spécialement consacré : on comprend, du reste, que
des soldats engagés dans les armées pour vingt ans, durée
ordinaire du service avant Yhonesla nns.sio, se soient com-
plu à s'entourer, sur la terre étrangère, des souvenirs et du
culte de leur pays natal.
6" Marins.
N'omettons pas les Morins, quelque infime que soit la par-
celle occupée par eux du territoire de notre Belgique, si tant
est qu'ils ne soient pas restés complètement étrangers à
celle-ci, comme l'a sans doute cru M. Roulez en les passant
sous silence.
Les Morins nous fournissent l'inscription suivante, trouvée
à Salon a (2) :
* N" 140. Q . SERVILIO
M . F . PALAT
PACVVIANO AED _
PRAEF . COITORT . I
MORINORVM
M . SERVILIVS COPIEN
SIS . PACVVLVNVS
PATER FECIT ET SIBI
{\)Ad Aeneid.,\, 47 : « DU lopici, id est locales, ad alias regiones nunquam
Iraiiseitnt. »
(l) MURATORl. 585, 5,
— 163 —
(Quinto Servilio Marci filio Palafina tribu Pacuviano ,
ÀeiHli, praefedo Coliorlis 1 Morinonim, Mardis Servilim
Copiensis Pacuvianus pater fecil et sibi.)
Liège, l"mars 1868.
H. SCHUERMANS.
{La suite ultérieurement.)
NOTICE SUR L'ÉGLISE D'ANTOING.
Antoing est une localité très-ancienne de la province de
Hainaut, dont font mention le polyptyque des biens de l'ab-
baye de Lobbes, dressé entre les années 868 et 869 (i), et
l'acte de partai^e du royaume de Lothaire, conclu en 870,
entre les rois Louis et Charles (2). Ensuite elle est citée dans
un diplôme de 925, par lequel le roi Rodolphe donne diffé-
rentes manses à l'abbaye de Saint-Amand en Pevèle (3).
C'était une terre seigneuriale qui, après avoir reçu les
droits et le titre de ville, devint un bourg et reprit son
rang de cité au xix" siècle. La seigneurie renfermait une
église paroissiale dédiée à Saint-Pierre (4), qui fut détruite
(4) DrviviER, Recherches sur le Hainaut ancien, t. I, p. 507.
(a) MiK^us, Diplom(ita,\. I, p. 28.
(s) Amplissima collectio, t. I, fol. 279.
(i) La paroisse appartenait jusqu'à la lin du siècle dernier au diocèse de Cam-
brai, décanat de Saint-Brice, et le chapitre d'Antoingy percevait la dirae à raison
de neuf gerbes du cent. A la fêle de la Chandeleur et au jour de Saint-Mathieu, le
curé de Saint-Pierre venait chanter la grand'messe dans la collégiale, où les pa-
roissiens devaient se rendre îi titre de mère église. (Renseignements tirés des
tabclles dressées pour la nouvelle distribution des paroisses en 1786, dans les
Archives du conseil privé ii Bruxelles.)
— \m —
vers la fin du siècle dernier, et une église collégiale, dédiée
à Notre-Dame. Celle-ci servit primitivement à une cella ou
à un petit monastère de femmes dépendant de l'abbaye de
Lobbes, et fut convertie, d'après une croyance commune,
en un chapitre pendant le xi' siècle. Cette opinion, qui n'est
fondée sur aucun fait positif, est formellement contredite
par un passage de la chronique de Folcuin, rédigée en 980.
Le chroniqueur y dit positivement qu'en 885 il y avait à
Antoing un monastère de filles, qui était converti en chapitre
au moment où il écrivait (i).
D'après une lettre adressée à Obert, évèque de Liège,
entre les années 1091 à 1119, par les religieux de l'abbaye
de Lobbes, celle-ci avait perdu ses possessions à Antoing,
qui étaient passées à Oilbaud, chanoine de Saint-Ursmer et
archidiacre de Cambrai {2). Francon les recouvra en 1 150 (3),
et les abbés de Lobbes conservèrent le titre de prévôt du
chapitre jusqu'au moment de sa suppression.
Un personnage célèbre, Gérard de Roussillon, dont le
baron de Reiffenberg révoque à tort l'existence en doute (4),
bâtit l'église de Notre-Dame pendant la seconde moitié du
(1) Pertz, Moimmenta. Script., t. IV, p. 61. Il est probable que ce changement
eut lieu vers 959, lorsque saint Brunon convertit un grand nombre de couvents
en chapitres. V. aussi une notice de M. Voisi.n dans les Bulletins de la Société
historique et littéraire de Tournai, t. VI, p. 150, au sujet d'une charte du cha-
pitre d'Antoing de 129i.
(i) Voij. cette lettie dans Vos, Lobbes, t. 11, p. -iôS.
(ï) Wnj. la bulle du pape Eugène III, dans Mir.ïus, Diplomata, t. Il, p. H69,
et\es A7inales Laubiensium, dans Pertz, Monumenta. Script., t. IV, p. 53.
(i) Voy. la dissertation sur Gérard de Roussillon dans les Aria sanclorum,
t. IV du mois d'octobre, pp. 331, 333, 337 ii 539. Cette dissertation, due à la
plume savante de Ghesquière, n'était probablement pas connue du baron de
Reifienberg.
IX* siècle et y déposa plus lard une partie du corps de saint
Maxime (i).
Nous n'avons pu recueillir aucun renseignement sur cette
église, et nous ignorons même si elle a précédé immédiate-
ment celle à laquelle nous consacrons cette notice.
Celle-ci est située dans l'enceinte du château, qui de la
famille de Melun passa à la maison de Ligne, et sert actuel-
lement d'église à la paroisse sous le vocable de Saint-Pierre,
patron de la première église paroissiale (2).
Cet édifice, tel qu'il est aujourd'hui, se compose de quatre
parties distinctes élevées à différentes époques, et présentent
ensemble une superficie prise hors d'œuvre de 1304 mètres
carrés.
La nef principale et une partie du transept appartiennent,
par leur caractèrearchitectonique, au xii^siècleet date proba-
blement du milieu de cette période, à cause de l'ogive qui
commence déjà à se montrer légèrement dans les deux
arcades construites près de la tour. La tourelle-même, con-
çue dans le style de transition entre le roman et l'art ogival,
est de la seconde moitié du xii' siècle. Le chœur, avec
ses chapelles collatérales , appartient à la fin du xiii* siècle,
comme nous l'avons établi ailleurs, au moyen d'un docu-
ment authentique (:.). Quant aux basses nefs et à la plus
grande partie des transepts, elles sont du xv* siècle.
(1) Gazet, Histoire ecclésiastique, p. 89.
(2) yoy. HovERi.ANT, Histoire de Tournai, t. XXXIV, p. 4 et suiv., où est
iiiiprimé un factuni du prince d'iipinoy contre le prince de Ligne, et le t. XXXI
du même ouvrage, p. 3 et suiv. — Antoing appartenait à la maison de Ligne, à
l'exception de la seigneurie foncière située en Hainaut, laquelle était la propriété
du chapitre, tandis que l'autie, celle de la famille de Ligne, était située en Flandre.
(5) Uevue d'hist. et d'archéol., t. I, p. 353. Par un acte de 1307, le chapitre
— 1G7 ~
Après avoir t'iabli J'àge des difïérenles parties de l'édifice,
nous en donnons la description arcliitectonique.
Trois arcades à plein cintre soutenues par des colonnes
cylindriques, à chapiteaux et bases moulurés, et une qua-
trième arcade de forme ogivale séparent des deux côtés la
grande nef des deux collatéraux. Anciennement la claire-
voie de cette nef était composée de six petites fenêtres cin-
trées, aujourd'hui blindées par des constructions en briques,
mais dont les traces sont encore visibles à l'extérieur. C'est
au moyen de ces vestiges que M. Garpenticr, architecte à
Belœil, a rétabli ces fenêtres dans la coupe transversale
ci-jointe.
A chacun des transepts se trouve une grande arcade éga-
lement à plein cintre, posée sur des moulures. Elles étaient
aussi surmontées autrefois de deux fenêtres semblables à
celles de la grande nef, mais placées tant soit peu plus près
du plafond. Celui-ci est revêtu d'une couche de plâtre qui
cache probablement le plafond de bois primitif de la nef
princij)alo et du transept.
Comme on le voit, cette partie de l'église est extrêmement
simple et semble appartenir, par ses formes, à l'école ger-
manique. Elle rappelle à l'intérieur l'église de Hildersheini,
consacrée en 1 172, celle de Fredesloch, achevée pendant la
même année, et d'autres églises de la basse Saxe, élevées
pendant le xiT" siècle à Koningslutter, Hamersleben, Man-
desloch, etc. (i).
d'Aiiloinj; consent à changer la nature d'une rente, dont le capital avait été em-
ployé a la construttion du nouveau chœur {pro con.slritctioiie operis iiovi eliori
ttosiri).
(i) Yoif. Die millelallerUcIten Haiidenkmùler Niedcrsachsens , I. I, p. 6,
pl.l, 10, etc.
— 168 —
Par contre, la tour appartient à l'école française, et forme,
sans conteste, la partie la plus remarquable de loul l'édi-
fice. Construite pendant la seconde moitié du xii* siècle, elle
en porte tout le cachet. A cette époque, les tours étaient
élevées et généralement soutenues par des contre-forts à
redents multipliés, entre lesquels se trouvaient des fenêtres
longues, réelles ou feintes.
Ce caractère se trouve dans la tour d'Antoing.
A la façade principale, elle est soutenue aux deux angles
par deux contre-forts et percée de deux portes cintrées sur-
montées d'archivoltes à boudins, qui se rencontrent en partie
au-dessus des cintres, ou se posent sur des colonnettes enga-
gées et à chapiteaux composés de feuilles volutes. Les portes
sont surmontées d'une niche à arcade trilobée, au-dessus de
laquelle règne un cordon, qui prend une forme cintrée au-
dessus du trilobé. Au second étage figurent deux longues
fenêtres cintrées et feintes , dont une semblable est répétée
dans chacune des façades latérales. Elles sont surmontées
d'archivolles appuyées sur un cordon. Le troisième étage
présente des fenêtres analogues, mais plus allongées encore.
Au quatrième se trouvent trois belles fenêtres lancéolées à
colonnettes avec anneaux, et qui sont reproduites à chacune
des façades latérales. Le tout est surmonté d'une grande
flèche hexagone, qui a des proportions très-bien conçues.
A l'intérieur de la tour les deux premiers étages sont
voûtés d'arcades à plein cintre, qui s'appuient sur des
pilastres à chapiteaux moulurés. Les dispositions de ces ar-
cades rappellent en partie celles de la nef principale, et nous
confirment dans l'opinion que celles-ci sont du milieu du
xii* siècle.
— 169 —
Nous nous expliquons bien la présence de ces arcades au
rez-de-chaussée de l'intérieur de la tour, où elles servaient
]irobablement d'ornementation au passage ; mais nous
comprenons difficilement ce petit luxe au premier étage, à
moins de supposer que la pièce ne servit anciennement de
lieu de réunion au chapitre, ou peut-être à une chapelle.
Quoi qu'il en soit, les dispositions d'arcades semblables sont
rares dans les tours.
Le chœur, construit vers la fin du xiii^ siècle, comme
nous l'avons dit plus haut, est entouré de treize cha-
pelles, auxquelles donnent accès treize ogives. Dans ces
chapelles sont déposées plusieurs dalles funéraires, très-re-
marquables sous le rapport de l'art et qui appartiennent à la
maison de Ligne.
Au-dessus des ogives du chœur est une construction
élevée pendant le xvii* siècle. Elle est percée de sept jours
de forme ovale, séparées par des pilastres. Nous atlmettons
très-volontiers que le chœur est la partie la moins remar-
quable de l'édifice. S'il présente quelque intérêt à l'archéo-
logue, c'est dans la partie inférieure qui rappelle certaines
dispositions propres aux collégiales.
Les bas-côtés sont éclairés chacun au moyen de huit
fenêtres ogivales, au-dessous de l'une desquelles est la porte
d'entrée.
Les trois planches qui accompagnent cette notice sont
gravées, d'après les dessins faits par M. Carpentier, archi-
tecte, dans le but de restaurer l'édifice. L'artiste a levé le
plan de l'église, telle qu'elle est aujourd'hui, et y a indiqué,
au moyen de hachures distinctes, les différentes constructions
dont se compose le temple. Il y a ajouté, à titre de rensei-
— 170 —
giiement, les constructions qui entourent le chœur vers
le nord.
Dans la coupe il a représenté l'église actuelle, en y réta-
blissant la claire-voie primitive.
Le dessin de la façade, dont M. Carpentier a fait une
étude approfondie, figure la tour complètement restaurée
et rétablie dans son premier état. Quant aux façades des
basses-nefs du côté de la tour, il lésa mises en harmonie avec
celle-ci.
Si nous avons cru devoir consacrer ces lignes à la mono-
graphie de l'église d'Antoing, nous l'avons fait dans le but
de conserver la mémoire d'un monument dont l'état de dé-
labrement des façades sera peut-être un des motifs qui le
feront disparaître prochainement.
Ch. Piot.
lui,. Swum.m S r.HHVif a BnucelU:<
[■'.(iLISh: U'.VNTOl.XG
DE ' BELû\Q
■is'ri-
iél
II
r'i" t'.
/.,//, .\)m.M,nt .j ;;;■/-,;//. ,/ A;-iiuW/,-a
EGLiSK D'AiNTÛING
I Kii.ii<{<- firuicipaJe ■ )
COMMISSION ROYALE DESAIONUMENTS,
RESUME DES PROGES-VERBAU
SÉANCES
des 9,. 16, 19, 22, 23, 26 cl 30 mai; dfs 6, 15, IS, 20, 27 et 30 juin 1868.
PEINTURE.
M. le Minislro de l'inlérieiir a fait connaître que, par Égiis.d-And.riecht.
— Tableaux.
suite (lu refus de l'administration communale et du conseil
de fabrique d'intervenir dans une proportion convenable
pour la dépense à faire en vue de la restauration des tableaux
de l'église d'Anderlecht, le gouvernement se trouve dans
l'obligation de décliner à son tour son concours dans la
même dépense, en laissant aux administrations précitées la
responsabilité d(; leur refus.
42
— 172 ~
La Commission ne peut que regretter la décision prise
par les autorités d'Anderlecht, car elle expose une remar-
quable peinture de Crayer à se dégrader complètement ,
et peut être cause que, dans un délai déterminé, celle-ci ne
soit plus susceptible d'une restauration sérieuse.
Église de Finsr.cs- Ai)rès avolr cutendu Ic rapport de ses délécrués qui ont
'•'''"'■ inspecté le triptyque de l'église de Frasnes-lez-Buissenal, la
Commission a cru devoir signaler cet ouvrage à la sollicitude
de l'administration des beaux-arts. Ce ti'iptyque est une pein-
ture qui date du commencement du xvi'' siècle et qui a des
dimensions assez importantes. Il ne mesure guère moins de
4 mètres de développement sur r"75 de hauteur. Ouvert, il
présente trois tableaux; ferm(!', il se divise en six comparti-
ments offrant chacun un sujet différent. Tous les sujets repré-
sentés sont relatifs à l'histoire légendaire de saint Jacques, et
le triptyque parait avoir été commandé par la confrérie de
Saint-Jacques, érigée dans l'église de Frasnes et qui était
très-florissante à l'époque d'où date le tableau.
Tout en n'étant, sous le rapport de l'exécution, qu'une
peinture de troisième ordre, le triptyque de Frasnes a cepen-
dant, en certaines parties, de sérieuses qualités de caractère
et de style qui plaident pour sa conservation. Mais au point
de vue historique il acquiert un intérêt réel. Il offre , en
effet, beaucoup de points de ressemblance avec les minia-
tures du cartulaire de l'hôpital Saint-Jacques, à Tournay, et
d'anciens édifices de cette ville se retrouvent dans le fond
des scènes représentées. On est dès lors fondé à croire que
le triptyque de Frasnes est une peinture de l'ancienne école
loiirnaisicnne, et l'extrême rareté de ses ouvrages suffirait
à faire attacher du ))ri\ à cclui-c^i.
— 175 —
La fabrique de réglise de Frasnes a adressé une demande
de subvention à l'adiriinislralioiisupéi'ieure, en vue de le faire
restaurer. La Commission croit d'autant plus devoir appuyer
eetle demande que ce travail n'exigerait qu'une faible dépense
évaluée à 600 francs. Il faudrait dépenser au moins le double
pour donner à l'église de Frasnes un tableau d'égale dimen-
sion et qui n'aurait pour cette église ni le même intérêt ni la
même valeur que ce triptyque, seul objet d'art qu'elle pos-
sède actuellement.
La Commission a approuvé, movennant quelques modiji- ligiiscsdeconcket
" ' * ilo Sainirieiiiiain, à
cations, les dessins de trois vitraux destinés à l'église de Genck
(Limbourg), et d'une verrière à placer dans la fenêtre du
cliœur de l'église de Saint-Germain, à ïirlemont.
SCULPTURE.
Tiilcmont. Viliaiix.
waprl, !> Saint-.Iossp-
inilp.
Le Collège a approuvé l'emplacement clioisi par le conseil Monnmpnt Hau
communal de Saint-.Tosse-ten-Noode pour le monument du ''" ^
poète Hauwaerl, et situé à la rencontre des alignements de-
là rue Ilauwaert et de la cliaussée d'Etterbeek. On doit re-
connaître, toutefois, que l'adoption de cet emplacement obli-
gera le sculpteur à des remaniements dont il sera équitabb
de tenir compte. Son premier i)rojet, en elîet, projet (pi
avait été approuvé, avait été dressé dans l'iiypolbèse que
le monument serait isolé et occuperait le centre d'une
place publique qui avait été désignée. II va de soi qiu» |;i
com])osition devi-a être moditlée, au moins dniis une cei--
taine mesure, si la fontaine doit êli-e adossée à {\{i<^ con-
structions.
H
— 174 —
L'administration communale do Saint-Josse-len~Noode
examinera quelle indemnité peut è!re due à l'auteur du chef
de CCS changements partiels. Pour (erminer l'instruction de
l'affaire, la Commission a demandé un dessin d'ensemhlo
du projet modifié, dessin comprenant la façade du bâtiment
auquel le monument doit être adossé.
^ mMo^des^bninsj^^à Lg Collégc u approuvé un groupe en pierre blanche repré-
sentant la Ville de Spa et destiné à l'hôtel des bains de cette
ville. Les modèles de deux statues destinées au même éta-
blissement ont également été approuvés.
jeuTart ancîenf "''" M. Ic Minlstrc dc l'intéricur a demandé un avis sur la pro-
position du conseil provincial de la Flandre orientale, ten-
dante à prélever, sur le crédit alloué par cette province aux
beaux-arts, une somme déterminée « qui serait consacrée
annuellement à la reproduction des œuvres les plus remar-
quables de notre ancien art national et pouvant servir de
modèles dans les académies. »
La Commission est d'autant plus disposée à appuyer celte
proposition qu'elle répond à un vœu qui avait été formulé
dans sa séance générale du 25 septembre 1861. C'est k la
suite de ce vœu que s'est formée la collection qui fait partie
aujourd'hui du musée des plâtres du Palais-Ducal, collec-
tion peu nombreuse encore, mais qui renferme déjà plus
d'un précieux s})écimen de notre ancienne statuaire.
Il serait extrêmement désirable que des collections analo-
gues se formassent dans toutes les provinces. Elles auraient
l'avantage de vulgariser beaucoup d'œ'uvres remarqu;d)les
aujourd'hui ignorées ou peu connues. En donnant des
guides nécessaires pour des travaux ûc restauration souvent
dilïicilcs, elles serviraient à per|)étuer les ti'aditions de l'art
— 175 —
indigène et tlevicndraienl, des stimulants pour la production
actuelle.
La Commission ne croit pas devoir examiner le point de
savoir dans quelle mesure ces modèles, appartenant à
d'autres époques, pourront être livrés à l'enseignement des
académies. Ce projet soulève plus d'une question délicate et
il importerait qu'il fût déféré à l'examen du conseil de per-
fectionnement des arts du dessin.
Le Collège a signalé à l'attention bienveillante de M. le
Ministre de l'intérieur la proposition contenue dans la noie
suivante, ainsi que les explications très-précises qui l'ac-
compagnent et qui lui ont été communiquées par un de ses
membres :
« Le second fils de Marie de Bourgogne et de Maximilien
d'Autriche, né à Bruxelles le 2 septembre 1481, mourut
dans la même ville, à l'àge de quatre mois.
» Ce jeune prince, que l'on avait nommé l'archiduc
iM'ançois, fut inhumé dans l'église de Caudenberg où sa
sœur Marguerite lui fit ériger, en 1526, un mausolée
par un artiste en renom , le sculpteur Evrard de Beau-
grant. Ce mausolée était surmonté d'une statue de mai-
bre blanc représentant un enfant ( le ])rince ) couché et
endormi,
» Lorsque, en 1775, il fut question de démolir l'église
de Caudenberg pour la remplacer par l'église actuelle, le
|)rince Charles de Lorraine autorisa, par une lettre, l'abbé
de Caudenberg à déplacer provisoirement le cercueil et le
mausolée qui devaient trouver place dans la nouvelle église,
mais qui, par suite des événements politiques, n'y furent
pas remis.
— 176 —
» On iiiiiorait ce qu'ils étaient devenus ; mais une pièce
réceninient retrouvée dans les archives par M. Galeslool
nous met sur leur trace.
» Celte pièce est le ])rocès-verbal de l'exhumation. On y
voit ([ue le cercueil a été déposé dans une cave de l'abbaye
{cave ([ui évidemment ne devait pas être comprise dans le
])érimètre de l'église nouvelle) et que cette cave a été fermée
par un mur. « Elle était située (dit le procès-verbal) sous
» la salle chapitrale où l'on enterre dans des fours MM. les
» abbés et chanoines. Le cercueil fut placé dans le premier
» four à gauche, derrière la porte d'enirée. »
» Le procès-verbal ne mentionne que la boite de plomb
contenant les restes de l'enfant; il ne dit rien du mausolée;
mais il parait jirobable que, pour conserver le mausolée, on
l'aura également déposé dans les souterj'ains de l'abbaye et
peul-èire dans la même cave (pie le cercueil.
)> Cette cave doit être cherchée, selon njoi, dans les
locaux de l'école militaire. »
En communiquant cette note à M. le Ministre de l'inté-
rieur, la Commission a fait remarquer (jue les fouilles pro-
posées seraient relativement très-peu dispendieuses. Elles
seraient conqilétementjuslifiées, en oulre, j)ar la i)ossibilité
de découvrir une (euvn; inq)orlanle de noire ancienne école
de sculpture dont riiisloire est encore si peu vulgarisée et si
inconq)lète.
CONSTRUCTlOiNS CIVILES.
pabis .le .lusti.c M. le Ministre de la justice a connnuiii(pié au Collège les
ili' Unixellcb,
])lans (pii doivent servir pour l'adjudication des travaux à
— \77 —
exécuter au rez-de-chaussée du nouveau palais de justice de
Bruxelles, ainsi que les dessins des fondations. Après avoir
inspecté les travaux déjà exécutés, la Commission a reconnu
qu'au double point de vue de la bonne construction et de la
solidité de l'édifice, il y a lieu d'aj^prouver entièrement les
travaux jirojetés.
Des avis favorables ont été donnés sur les projets relatifs Hospices de suim-
Itenis et de Bouele-
à la construction d'un hospice-hôpital à Saint-Denis (Hai- ^■''''"^■^^"'^■
naut) et à l'agrandissement de l'hospice de Boucle-Saint-
Denis (Flandre orientale).
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
COXSTRUCTIOXS NOUVELLES.
La Commission a approuvé :
\" Les pro])ositions relatives à l'emplacement des églises É^nso, de uiai-
liant , Murhisoux ,
de Braibant et du Moulin-à-Vent, connnune de Bouges "«""i'^ert, etc.
(Namur);
2" Les plans d'églises à construire à Marbisoux et à Hoey-
laert (Brabanl), Tignée (Liège), Emael (Lindjourg);
5" Les projets d'agrandissement des églises de Beclers Épii^esdeuederi,
(Hainaut), Milniorte (Liège).
De nouveaux plans ont été soumis pour la construction de ÉgiisedcS" uarbe,
à Molenbeek-S'-Ji'aii
l'église de Sainte-Barbe à Molenbeek-Saint-Jean. L'architecte
a tiré un parti relativement satisfaisant de l'état de choses
existant, sans sortir des limites très-restreintes des ressources
disj)onibles. La Commission a cru devoir approuver ce pro-
jet, sous la réserve de quelques oljservations de détail sur
lesquelles elle a appelé l'attention de rarchilecle.
— 178 —
Ésiise,ieS"-Maiie, Lc i"au|)0rl suivuiit a été adressé au bureau des marijjuil-
à Sclia.rbeek. ' ' *-"
liers de l'église de Sainte-Marie à Scliaerbeek par M. l'ar-
chitecte Hansotte qui dirige, avec autant de zèle (|ue d'intel-
ligence, les travaux d'achèvement de cet édifice.
« Messieurs,
» J'ai l'honneur de vous adresser mon rapport annuel sur
les travaux de construction exécutés à l'église de Sainte-Marie
pendant l'année 1867.
» La partie principale de ces travaux a été le ravalement
des arcs-doublcaux au-dessus des trois entrées du porche; il
a complété l'achèvement extérieur de l'avant-corps.
» Le jubé de l'église a été entièrement terminé, les orgues
replacées, la menuiserie et la peinture achevées; la balus-
trade, construite en marbre rouge royal et échaillon blanc,
a été posée.
» La sacristie aussi a été terminée quant à la menuiserie
et à la peinture.
» Le service y est installé; il sera possible de faire dispa-
raître prochainement la cloison qui ferme l'une des absides
de l'église et dans laquelle se trouvait la sacristie provisoire.
» Les diverses dépendances, telles que remises, sellerie,
dégagements de la sacristie, etc., ont été entièrement termi-
nées aussi.
» Ces différents travaux, exécutés avec soin et économie,
outcoùté la somme de seize mille trois cent trente-deux francs
nonante-deux centimes, dont les détails sont émimérés dans
mon compte rendu ci-joint,
» La dépense totale de la construction de l'église Sainte-
— 17U —
Marie s'élèys, jusqu'à présent, à la somme de sept cent
soixante-deux mille cent trente-deux francs vingt-neuf cen-
times.
» II ne reste plus à élever que la partie supérieure de
l'octogone central et le dôme.
« Les plans d'achèvement de l'édifice et le devis, que j'ai
eu l'honneur de vous présenter l'année dernière, comportent
une dépense de cinq cent septante-cinq mille francs; l'église
monumentale de Sainte-Marie, entièrement achevée, coûtera
donc seulement la somme de un million trois cent trente-sept
mille cent trente-deux francs vingt-neuf centimes.
» Ce chiffre, l'importance et la beauté du monument
témoignent assez en faveur des architectes dont j'ai l'honneur
de continuer l'œuvre et donnent tout espoir que les diverses
autorités viendront largement en aide h la fabrique pour
terminer rapidement la magnifique église de Sainte-Marie. »
Des délégués se sont rendus à Cerfontaine pour examiner Église de cerfon.
■^ ' laine.
les diverses questions qui se rattachent à la proposition d'éri-
ger une nouvelle église dans cette localité. La Commission
avait déjà été consultée, en 1862, sur une ju'oposition de la
même nature, et elle avait proposé l'agrandissement de l'an-
cienne église, dont la situation est des plus pittoresques et
dont le clocher est renommé pour ses proportions élégantes.
Elle pensait d'ailleurs qu'il en coûterait beaucoup moins
d'agrandir l'église actuelle proportionnellement à l'impor-
tance de la population que de construire une église nouvelle,
et qu'il était dès lors de l'intérêt de la commune de ne pas
s'engager inutilement dans une dépense très-élevée. Aujour-
d'hui il résulte d'une déclaration faite aux délégués par M. le
bourgmestre de Cerfonlaineque, même dans rhypothèse où
— 180 —
l'érection d'une église nouvelle serait décidée, l'ancienne
serait conservée. Celle-ci serait destinée à servir de chapelle
au nouvel hospice que la commune doit installer sous peu
dans les bâtiments de l'ancienne école communale.
Dans ces conditions, la Commission ne croit plus devoir
s'opposer à l'érection d'une église nouvelle.
Il importera, toutefois, si ce ])rojet est adopté, qu'il
soit fait un relevé très -précis de toutes les dépenses
auxquelles la commune sera nécessairement entraînée et
notamment des frais qui résulteraient de l'achat des ter-
rains.
D'après des renseignements donnés sur les lieux, la dé-
pense à faire de ce chef sera plus forte que ne le suj)pose
M. l'architecte provincial. M. le bourgmestre de Cerfontaine
évalue en effet à 45,000 francs les frais qui ne sont portés
au devis qu'à un chiffre de 30,000 francs.
En outre, il sera nécessaire que l'étude relative à la nou-
velle église comprenne le nouveau presbytère dont la con-
struction sera la conséquence forcée de l'adoption du
projet.
Entin, avant de procéder à l'érection d'une nouvelle église,
les autorités compétentes jugeront sans doute convenable
d'examiner :
1° Si l'élargissement de l'église actuelle ne suffirait pas
à donner satisfaction aux besoins de la commune;
i2' Si les proportions données à l'église nouvelle ne sont
pas exagérées ;
5° Si le voisinage trop rapproché du chemin de 1er ne
constituera pas, à l'emplacement pro})Osé, un obstacle sérieux
au recueillement que demandent les céi'émonies du culte.
181 —
TRAVAUX DE RESTAURATION.
Lîi Commission a approuvé les ])rojets relatifs k :
La restauration des fenêtres de l'étaae inférieur de la tour ÉgUses de s'-tom-
'^ maire a LiPire, s' -
de l'église de Saint-Gommaire, à Lierre (Anvers) ; No'le-Dlme Vvoll'-
. . I 1 1) ' I • 1 riiiglie, etc.
La reconstruction de l'escalier prmcipal de 1 église de
Sainte-Walburge, à Bruges (Flandi'e occidentale);
L'exhaussement de la tour de l'église de Villers-Saint-
Siméon (Liège) ;
La restauration de l'église de Celles (Namur) ;
La restauration de l'église de Notre-Dame à Poperinghe
(Flandre occidentale) et l'établissement d'un portail en bois
sous la tour;
La restauration de l'église de Wavre (Brabant) et l'achè- tgi'^^ 'if vv^Nr..
vement de la tour de cet édifice.
L'architecte qui dirige la restauration de l'église d'Alsem- Égiiso iiAi^emieri;
berg (Brabant) a découvert, dans le cours des travaux, les
traces de gables qui surmontaient autrefois les bas-côtés.
Des délégués du Collège ont constaté sur les lieux la justesse
des observations de cet ai'tiste, et la Commission l'a invité à
soumettre de nouveaux plans ainsi que le devis détaillé des
travaux à faire pour rétablir l'édilice dans son état primitif.
Ce nouveau i)rojet a été approuvé.
Il existe entre l'église et le couvent voisin une espèce de
pont couvert qui aboutit au jubé de l'église. Ce passage
occupe une fenêtre dont il faudi'a lût ou tard l'établir les
meneaux; en outre il a nécessité le prolongement du jul)è
dans les basses-nefs qui s'en trouvent obstruées d'une façon
fâcheuse et de manière à altérer les proportions et l'elfet de
— 182 —
l'architecture. La Commission a proposé de supprimer le
plus tôt possible cette communication rpii, du reste, n'est
d'aucune utilité,
h .N^i'mur/''' *"''""''• M. le Ministre de la justice a demandé à combien s'élève-
raient les frais de construction de l'escalier de l'église de
Saint-Loup, à Namur :
1" En adoptant les plans présentés par la ville;
2" En exécutant le perron à double rampe que la Com-
mission a cru devoir proposer conformément aux dis))osi-
lions de l'architecture primitive.
La Conmiission a émis l'avis que l'exécution de ce dernier
|)rojet coûterait 4,000 francs environ, et que la dépense du
projet présenté par la ville ne s'élèverait pas à beaucoup plus
de 1,000 francs. Mais il n'y a pas lieu de s'arrêter au sur-
croît de dépense qu'entraînerait ici le rétablissement des
dispositions primitives en présence des avantages considé-
rables ({ui en résulteraient au double point de vue de l'art
et de la sécurité publique. Il y aurait, du reste, un moyen
de trancher définitivement cette question depuis si long-
temps débattue. La ville a fait exécuter et placer dans ces
derniers temps un simulacre d'escalier droit conforme au
plan qu'elle propose ; elle pourrait faire exécuter également
un escalier provisoire à double rampe et conforme aux dis-
positions que la Commission a indiquées. Cette épreuve,
cpii n'occasionnera qu'une faible dépense, permetli-a de
juger en pleine connaiss;mce de cause et prouvera à l'évi-
dence la supériorité des dispositions primitives.
Égii... .1.. s'-u,„„- Des délégués se sont rendus à Malines afin de vérifier les
haut ;i M;iliiies.
devis présentés ])our l'achèvement de la restauration de
l'église de Saint-Rombaul.
— 185 —
Après avoir entendu leur rapport, la Commission n'a
pas cru pouvoir admettre que les travaux à faire à la tour
soient assez considérables pour motiver une dépense de
1 ,500,000 francs, et il ne paraît pas que la nécessité de tous
les ouvrages indiqués au devis soit bien démontrée.
Beaucoup de parties dont la restauration est proposée
sont dans un état relatif de conservation assez satisfaisant
pour que cette restauration puisse être ajournée d'ici à de
longues années sans inconvénient.
Le parement est presque partout en bon état; les seules
parties sérieusement détériorées sont les sculptures déta-
chées du mur, quelques pyramides, quelques fleurons;
encore ne semble-t-il pas qu'il y ait h toucher à ces détails
de l'architecture aussi longtemps que leur solidité, en tani
que construction, est assurée et que leur silhouette générale
subsiste.
Il y aura donc lieu de réduire considérablement le devis.
Celui-ci est calculé d'une manière tout à fait générale. L'ar-
chitecte a basé son évaluation sur les dépenses faites pour
la partie déjà restaurée. On ne pourrait dresser un devis
précis et détaillé qu'à la suite d'un examen qui exigerait l'é-
rection préalable et à grands frais d'échafaudages considé-
rables. Mais on peut garder l'évaluation présentée à tilre de
simple renseignement, et il sufiira, pour sauvegarder tous
les inlérèls, de réclamer chaque année de l'architecte une
estimation précise et détaillée des travaux qu'il compte
exécuter pendant l'exercice suivant.
La visite des ateliers a permis de constater que la taille des
pierres s'y fait généralement d'une façon satisfaisanle. Tou-
tefois, en examinant les pai-ties les plus récemmeni restau-
— 184. —
rées, les délégués ont remarqué que les meneaux en pierre
hleue des fenêtres étaient tous placés en délit; e( malheureu-
sement tous lesmenoaux destinés à la restauration de la tour
sont préparés depuis plusieurs années et taillés pour être
placés dans le même sens. 11 y a lieu d'engager rarchitecle à
étudier par quels moyens on pourrait remédier à cet inconvé-
nient sans augmentation notable dans les dépenses. QuanI
aux ateliers, la Commission a demandé que la commune et
la l'ahricpic prissent des mesures pour les éloigner le plus
])0ssible du pied de l'église.
En ce qui concerne le devis relatif à la restauration com-
plète du vaisseau de la métropole, cette évaluation, qui monte
à o00,J74 francs, ne parait nullement exagérée, mais elle
ne peut être regardée que comme approxnnative. Pour pro-
céder d'après des données tout à fait pratiques, il faudra
ici aussi dresser un devis détaillé des travaux à faire chaque
année d'après les ressources disponibles.
Dans le devis complet figure la démolition des sacristies.
Il est évident qu'on ne pourra procéder à ces travaux sans
avoir un projet arrêté pour la construction des sacristies nou-
velles. La même observation s'applique à la démolition |)ro-
jetée du portail latéral. L'architecte devra en outre examiner
si un portail en saillie est nécessaire, chose qui parait dou-
teuse. Une simple porte qui laisserait à la grande fenêti'e du
transept-sud toute son inqiortance, semblerait préférable.
Enfin il ne sera pas moins important d'étudier mûrement,
au transept-nord, la démolition projetée des petits bàliuKMils
accolés à l'édifice et qui servent actuellement de salle cha|)i-
Irale, de salle de marguilliers et de bureau. De ce côté de
l'église, il existe dans les niches (traticpiées dans les pinacles
— 185 —
ûos contre-foris trois statues qui ont du caraclère et qui sont
relativement bien conservées. Il serait extrêmement regret-
table qu'elles fussent, lors de la restauration, remplacées par
de nouvelles figures et l'on devra veiller à leur maintien.
La Commission a cru devoir appuyer, auprès de M. le
Ministre de la justice, la demande d'une augmentation de
subsides nécessaire pour empêcher la prolongation indéfinie
des travaux et la dissolution d'un atelier dont la formation a
été difficile.
Le Secri'ttiirc de lu Commission roi/aleiles moiuuiteiils ,
J. Rousseau.
Vu en conformilé de TaiMicle 25 du règlement.
Le Prcsidcul ,
W E M, E N S.
VOYAGE ARTISTIQUE
EN FRANCE ET EN SUISSE, EN 1865.
MUSÉES, BIBLIOTHÈQUES, DÉPÔTS d'ARCHIVES ET PUBLICATIONS
ARTISTIQUES.
En 1<SG5, j'ai traversé la Lorraine, l'Alsaee, une partie de
la Suisse, la Bresse, le Lyonnais, la Boiirgo2;ne, la Cham-
pagne et le Câlinais, pour revenir à Paris voir l'exposition
(les arts rétrospectifs et rentrer en Belgique par la Brie et le
Réthelois. J'emploie de préférence ces dénominations an-
ciennes pour désigner les déparlements français parce qu'elles
me sont plus familières. En visitant les dépôts artistiques et
littéraires des localités où je me suis arrêté, j'ai pris quelques
notes dans le seul but d'apporter des renseignements nou-
veaux pour l'histoire de l'art tlamand, et je les ai parfois
accompagnées de commentaires. Voici ces notes :
L — METZ.
MUSÉE.
La première locililé où je m'arrêtai en Fi-ance fui ]\lelz,
ville impériale cl iiidèpciKlaiilc, (pii avait anciennemeni cl
pendani de longues amit'es formé mie sorte de république.
— 187 —
M. H. Klipffel vient d'en publier riiistoire d). La politique
do l'emporenr Cliarles-Quint, à l'égard de cette cité, amena
les troupes de Henri II, roi do France, à s'en emparer.
Quelques mois après, Charles la lit assiéger par le duc
d'Albe, et il vint lui-mèmo an camp pour surveiller ol liâter
les opérations stratégiques. L'Empereur était accompagné de
Sébastien Van Noey, célèbre ingénieur et architecte, natif
d'Ulrecht (2). Malgré tout le génie de ses capitaines, Metz
resta au pouvoir de ses ennemis, et fut depuis annexé à la
France.
C'est à Metz que naquit Jean Mono, ce grand artiste sculp-
teur, avec lequel Albert Diirer se lia d'amitié à Anvers, en
1521 , et sur lequel j'ai le premier publié des renseignements
inédits (s). Une œuvre importante et digne d'admiration,
sortie de son ciseau, existe encore dans l'église de Saint-
Martin, à Hal : c'est le maitre-autol d'albâtre, qui est d'uno
richesse de détails extraordinaire. Jean Mone est cité avec
la qualification do « maistre artiste do l'Empereur», dans
des documents des années 1535 à 1559. Au XV siècle plu-
sieurs Flamands entreprirent successivement la fabrication
des monnaies de la cité de Metz, savoir : Jean Collin, de
Malines, de 1415 à 14.35, puis André de Bergiies et Nicolas
de Steghen, on 1439 (/;). Le célèbre Robert II de la Marck,
(1) Un épisode de l'hintoire du régime municipal dans les villes romanes de
l'empire (jermanique (Memoike.s c.oniu.xNKs et des savants étrangers de
l'AcadémiI': royali: de I$f.u;i!,)i:k, iitS", t. XIX).
(4) Henné, Histoire de Charles-Quint, t. IX, p. 571.
(31 \oy. mes Annotations ii la trailuctiiin française de l'ouvrage de MM. Chuwe
et Cavalcaselle (tlie Early flemish painters), pp. cccxii-cccxv.
(*) Calmet, Preuves de l'Histoire de Metz, t. IV et t. V; — Dk Saih.cy,
Recherches sur les monnaies de la cité de Metz-.
13
— 188 —
connu sous le nom de seigneur de Florange, petit- fils de
Guillaume, dit le Sanglier des Ardennes, fut au XVP siècle,
pendant bien des a-nnées, le pensionnaire ou tuteur de la cité
de Metz. La ville devait lui payer annuellement une pension
de 600 francs. « Si on avoit affaire de luy, ■— dit un chroni-
). ([UQur du temps, — il dcbvoit servir la cité à iij' chevaux
» ou ])lus, et debvoit avoir pour chacun honuue et chevalz,
« le moix, vj livres, en ses périls et fortune, et faire ouver-
» turc de ses places pour et au profit de la cité (i). » On
sait que ce puissant seigneur possédait les vastes domaines
de Sedan et de Bouillon. .
Dans les salles du rez-de-chaussée du local approprié
au musée de Metz, se trouvent un assez grand nombre d'an-
tiquités romaines et autres fort remarquables, telles que
statues, bas-reliefs, inscriptions lapidaires, etc. Les ta-
bleaux (2) sont placés à l'étage, dans deux ou trois salles
mal éclairées. Pen de ces tableanx sont des œuvres de
mérite. Le temps que j'ai pu consacrer à leur examen
était fort limité, et par conséquent les notes que j'ai re-
cueillies sont incomplètes. Il faut citer en première ligne
un portrait d'homme et un.de femme, qui forment pen-
dants (n"' 77-78), l'un et l'autre vêtus de noir, par Jacques
Gcrritse (fils de Géri) Guyp, le père du célèbre Albert (3).
(1) De Doi'TEiLLER, Notice Itislorique sur Uohcii U de la Marck, etc.; Metz,
18(i.'i, p. 44.
(2) Calalflfiiie des ttddeaux des écoles espai/inde, Ualienne, /hinunide, hallaii-
daise, allemande, française, exposés dans la f/aterie dn musée de la ville de
Metz; Metz, F. lUaiic, 1865; li pages. Il reiilcnne 108 iiiiiiiéros.
(->) L'aete (le naissance (FAlbeil Cuyp a été pnbliépai' M. C. Kit,\\ni, dans son
onvrage : de Lerens en iverken der Iwllandsche et vluanische kanstschilders, etc.;
snpi»lt''nieiit, p. 58.
— 189 —
Ils sont, signes do In manière suivante : ./. G. ('entrelacés )
Cuyp fecit a° 1649. Celle date peut èlre utile à recueillir
pour la biographie entièrement ignorée de ce jieinlre, doni
les œuvres sont extrêmement rares. Le musée de Berlin
possède aussi un portrait signé et daté de 1624 {\). M. le
comte (élément de Ris, dans un article qu'il a consacré au
musée de Melz (2j, l'ait également l'éloge de ces tableaux. Le
portrait n" 28 représente Martin Ryckaei-t, bon peintre de
paysage, né manchot, qui fut peint jxir A. Van Dyck, et qui
a été reproduit en gravure par Jacques Neets (r>). Le cata-
logue le déclare original, mais ce n'est qu'une bonne copie.
Philippe de Ghampaigne est représenté par une Vierge
(n" 48) et par le portrait (n° 44) d'Antoine le Maislre, avocat
au parlement de Paris, mort à Tabbaye de Port-Royal,
en 1658, auteur de plusieurs écrits; sa mère était la sœur
d'Antoine Arnauld, le célèbre théologien et philosophe, qui
s'en vint mourir à Bruxelles, en 1694. Dans la sérif; des
portraits il faut encore mentionner ceux portant les n"' 66
et 67, qui sont peints sur bois avec beaucoup de iinesse;
le livret dit qu'ils sont l'œuvre d'un artiste du nom de Billaert,
sur lequel aucun livre n'a pu me fournir le moindre rensei-
gnement. Je signalerai enfin le porti-ait d'un homme à longue
barbe tenant une tablette en main (n" 56), qui passe pour
avoir été peint par Pierre Van Mol.
A ce propos, je dirai quel<{ues mots de C(^ derniei- artiste
peu connu, et qui a pourtant laissé des œuvres qui méritent
(i) Waaoen, Verzcicliuisi lier (iemulde-SiiinmIiiii/j; Borlin, 1800; n" Viô.
(i) Revue universelle des arts, t. XVl, p. 582.
(3) Siii- la i;ravui'c on lit : Marliiiiis Ri/cliarl iiuimaiiiis piclor rurfil/vin pro-
specti'vm Aniverpitp. Ant. Vnti hycl; phi.ril . Jarolnis Nee/s sciilpsil.
— 190 —
d'être étudiées. Grâce aux recherches laites dans ces der-
nières années, on commence à posséder quelques faits posi-
tifs pour la biographie de P. Van Mol. M. Th. Van Lerius a
découvert son acte de haj)lème, lequel eut lieu à Anvers, le
17 novembre 1399 (i) : cette pièce renverse les dates qui
avaient été assignées à sa naissance; (1580 et 1590). La pre-
mière de ces époques se trouvait naturellement indiquée par
l'âge de soixante-dix ans qui accompagne la date de sa mort
dans les listes publiées des membres de l'Académie de pein-
ture et de sculpture, à Paris (2), dont Van Mol fit partie dès
la fondation de ce corps, en 1648. Déjà en 1631 il était éta-
bli à Paris, où il obtint le titre de peintre de la reine Anne
d'Autriche. Le 19 février 1040, Van Mol épousa Anne Van
der Burch, fille de Jean, graveur flamand : en moins de
neuf années, huit enfants naquirent de cette union. L'artiste
mourut le 8 avril 1650. Ces curieux détails sont extraits de
l'excellent Dictionnaire critique de biographie et d'histoire,
publié récemment par M. Jal (5). Van Mol fut inscrit dans la
gilde de Saint-Luc, à Anvers, en 1611, comme élève de
Sigcr Van de Grave, et admis en qualité de maître en 16^2 ou
16*23 (i). J'ai cherché à concilier ces faits avec ce que les
livres nous apprennent de l'apjjrentissage de notre artiste,
car plusieurs disent ({u'il reçut des leçons d'un peintre
(i) Catalogue du musée (VAnven^ 2* c^ditioii, p. 250; — les Lifjgereu, t. I",
p. 477, note.
(2) Yolj. les recueils suivants: A/T/rà'fs de Vnrt français, t. F«'', 1852, p. 357;
— P. Lacroix, Annuaire di-s artistes et des amateurs, 18(51, p. \li; — Revue
universelle des arts, t. XIV, •1801, p. 220; — Vitkt, VAcudt'niie roi/ale de pein-
ture et de sculpture; I8til, p. 527.
^3) P. 868.
(i) Les lÀggeren, t. P''. p. 177 cl 587.
— 191 —
nommé Wolfarl, et qu'il fréquenta ensuite l'atelier de Ru-
bens. En effet, sa manièi*e de peindre se rapproche de celle
du chef de l'école flamande. Une preuve existe pour établir
la première assertion. Le peintre Philippe VIeugels, son com-
patriote, se rendit à Paris en 1 C42 (i), « en compagnie » , —
dit-il dans sa propre notice biographique, — « d'un nommé
» Wolfart, jeune homme de son cage, lils d'un célèbre peintre
» d'Anvers, qui avait été maître d'un excellent peintre
» nommé P. Van Moi, qui s'était établi à Paris (2), » Le
conq)te de la giide de Saint-Luc de l'année 1C1G-1617
mentionne rinscri})iion comme niaitre, à cette dernière date,
d'Arnould (Arlus) Woifaeris (5). C'est là sans doute le pre-
mier maitre de l'artiste dont je parle, et celui dont le portrait
iigure dans la collection de ceux qui ont été gravés d'après
A. Van Dyck.
Les musées d'Amsterdam, Anvers, Berlin, Copenhague,
Lyon, Metz, Orléans, Paris et Rouen renferment des tableaux
de Pierre Van Mol.
Le livret du musée de Metz met sous le nom de Charles
Rreydel, peintre anversois de la première moitié du siècle der-
nier, le n" AG, qui a pour sujet une Bataille entre les Turcs et
les Impériaux. Ce tableau est de Jean-Baptiste Martin, artiste
contemporain, ainsi que le prouve la signature B. Martin, et
il appartient probablement à cette série de faits d'armes de
Charles V, duc de Lorraine, dans les glorieuses campagnes
(1) Voy. Éd. Fetis, les Artisles belges à l'étranger, t. H, p. 227.
(2) Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Académie
royale de peinture et de sculpture, t. l""", 18o4, p. ôuo.
(5) Van Leiuus et Rumbolts, tes Liygeren, t. !«'', p. 554.
— 192 —
(le l()85 à 1087, cl (iiii furent comiiiandcs au jKMnlro par
Lcopold, le lils du héros, à (jui, de concerl avec jGan So-
bieski, roi de Polog-ne, l'Europe doit, de n'avoir pas été as-
servie sous le joug" des musulmans.
Les tableaux représentant Deux avares et une Fêle rus-
lique (n" 81 et 120), qui sont l'un et l'aulre attribués à
Gilles Tilborch, n'oni, me parait-il, aucun rapport entre
eux. Je fei'ai remarquer en passant que l'orthographe <|ue
j'adojite, en négligeant la particule Van, est celle qui se
j'enconti'o dans le registre aux inscriptions de la gilde de
Saint-Luc, à Bruxelles, dont j'ai connnuniqué des extraits
à M. Éd. Fétis ])our la rédaction de son Catalogue du musée
royal de Bel(fi(jue (i ), et (]ue c'est de la même manière (}ue
sont signées des œuvres de son pinceau aux musées de
Dresde (-2) et de Lille (ô), et dans le cabinet de M. Gsell,
à Vienne (i). En France, les musées de Bordeaux, de Nantes,
de Rouen etde Valenciennes possèdent également des tableaux
de G. Tilborch. Le ])rince Charles-Alexandre de Lorraine
avait de lui un tableau qui représentait l'artiste avec sa l'a-
mille (o). Gilles Tilborch, (jui avait été inscrit comme maître
dans le métier, en 16o4, eut successivement pour élèves :
en 165G, Jérôme Zeti ; en i()51), Jean de la Coui't; en 1C58,
Jean Vinckx; en îlj()2, Henri - François Van Daele et
Jean Van <\oi' liruggon; en IGG/i-, François Lepies; et,
en 1G()5, Jean Marines.
(0 "2«é(iit., 1865, p. 116.
a) Hii'.NER, Cdlalofiiie de la ijulcrie roijalc de Dresde; 180:2, p. ;26l.
(.j) Rr.vNAUT, Notice des tableaux, elr., du musée de Lille, p. 105.
(i) Waagen, Die vornehmsien hunsidenkmaler in Wien, l. I*^', p. 518.
(o) Catalogue des e/l'ets précieux de [eu Son Altesse Royale le duc Charles de
Lorraine, 1781, p. lOG.
— 195 —
J'ai encore noté, au musée de Metz, le n" 42, peint sur bois,
qui représente Y Intérieur d'un temple, avec une vingtaine de
figures : il a])partient à l'école hollandaise. J'en ai copié la
signature (jui est telle : loannes Van Vucht. A en juger par
les recherches que j'ai faites, cet artiste est resté presque
inconnu jusqu'à ce jour (i). J'ai rencontré la mention de
deux de ses œuvres dans le Catalogus de Hoet (2); ce sont
aussi des vues intérieures d'éditîces religieux : l'une est datée
de i6!28. M. F. -S. Wouters, archiviste adjoint du royaume
de Belgique, possède un tableau du môme artiste, qui repré-
sente l'iniérieur d'une église de style ogival, au milieu du-
quel se voit la scène du Christ et de la femme adultère. On
lit sur une dalle la signature du peintre : foannes Van
Vucht fecit. Les figures peintes dans les tableaux de ce
maître me paraissent d'une aulre main, Pierre ^'olpe a
gravé, d'après J. Van Vucht, une planche représentant une
prison d'architecture romaine d'où saint Pieri'e s'enfuit à
l'aide de l'ange.
Les tableaux u'^ 108 et 101) où sont figurés un Marché aux
chevaux et une Foire aux bœufs mui slp^nùs : J.-P. (entre-
lacés) Verdussen, i)eintre de mérite, natif d'Anvers, qui
travailla dans la Provence et dans le Piémont vers le milieu
du siècle dernier. Sui- le n" 117. Paysage avec des voleurs
en embuscade, se lit la signature de Jean Van Goyen, formée
de ses trois initiales et accompagnée de la date iOôô : la
preniière et la dernière lettre en sont assez singulièrement
(1) J'ignore siir i[uoi Nagli;h, Neiies uhjemeineu Kitnsller-Lejikou, t. XXI,
p. 21, se base pour dire que cet artiste est né en 1598.
(2) T. Ili, pp. ^28Get 170.
— 11)4 —
conlbrinccis. Ces trois l;il)leau.\ me |);ir;iiss('iil lurl aiilhcn-
t.iques.
D'après le catalogue, le Jiiusée de Metz renlerme divers
autres tableaux des éeoles flamande et hollandaise qui
m'ont, échappé, soit parce qu'ils sont ))lacés dans de
mauvaises conditions de lumière, soit que, dépourvus de
mérite, ils n'aient pas attiré mon attention. Il indique, sous
le n" 26, un portrait signé: Lesin. 1750, pour lequel
« aucun des amiraux Tromp et Ruyter, mort en 1601
» et 1676 ne peut avoir servi de modèle. » On ne sau-
j-ait èire |)liis naïf. Quant à moi, je n'ai pu découvrir ce
peintre Lesin, dont aucun biographe ne cite même le nom ,
<!t que je soupçonne d'être Jean Serin, peintre flamand
(|ui travailla beaucoup en Hollande. Le rédacteur du
livret a lu, au bas d'un paysage (n" 70), la signature de
l'artiste de la manière suivante : Jean Va?i dcr Meere de
Longe, 1678, et voici la note pleine d'erreurs qui accom-
pagne la description du sujet : « Jean Van der Meer,
» né à Longe vers 1628, mort à Anvers en 1691, élève de
» Jean Broert. » Il est aisé de restituer le nom de l'artiste
hollandais en lisant de longe (le Jeune), au lieu d'un noni
de localité dont il serait dilïicile à l'auteur du catalogue de
déterminer la situation. En effet, il s'agit de Jean der Meer
ou Vermecr, qui vit le jour à Ilaarlem en 1656, et y mou-
rut le 23 mai 1705 (i). Le musée de cette ville ne possède
aucune œuvre de ce peintre. Il est bon de noter ici que le
tableau du musée de Metz est le plus ancien de Jean Van
(i) A. Van deu Willigen, GeschiedkuiuUge aanlcekeningcn over huuiiemsclie
se II i hier s, ]». iOÔ.
— 19o —
der Meej' qui soil à hi t'ois signé et daté. Il en existe, au
musée de Berlin, des années 1679 et 1680 (i).
Je laisse à d'autres investigateurs le soin de deviner quel
est l'artiste caché sous cette signature : M (avec un signe abré-
viatif au-dessus ), d Meven, qui se lit en bas, à droite du ta-
bleau côté n" 2 et représentant un Combat de coqs. L'auteur
des attributions laites dans le catalogue, et (lue l'on m'a dit
être M. Buignct, collectionneur d'estampes fort distingué et
très-bon connaisseur en peinture, a ti-aduil cette signature
par Van Meven, mais je n'ai pu trouver nulle part un
peintre de ce nom.
Le n° 45 est le portrait de N.-Éd. Olivier, grand auditeur
de France, que j'ai noté comme étant très-beau, et dont
j'ai relevé à dessein la date d'exécution qui s'y trouve
inscrite : A" 1661. Il a pour auteur Claude Lelebvre,
né à Fontainebleau en 1655, selon les biographes. Les
Mémoires inédits sur la vie et les oin'raijes des membres de
l'Académie royale de peinture et de sculpture {-2) fournissent
très-peu de renseignements sur cet artiste qui fut si renommé
comme peintre de portraits (5); ses œuvres sont fort rares
aujourd'hui, quoiqu'un grand nombre d'entre elles soient
connues, et aient été reproduites par la gravure. Pierre-
Louis Van Schuppen, d'Anvers, qui alla se lixer à Paris,
(0 Waagen, Verzeichniss der Ccmâldc-Sfimmliiiifi, 1860, ii"' 950 et 951
(2) T. l'rp. AO'2.
(s) Dans l'article qui lui a été consacré par iM. Sir et, dans son Dictionnaire
historique des peintres, p. 515, il y a une petite erreur : le tableau du musée
de Saint-Pétersbourg, qui lui est attribué, est de R. Lefèvre. Cet établissement
ne possède de Ci. Lefebvr'e qu'une miniature. Voy. le Livret de la galerie
impériale de l'Ermitage (1858), p. 48-i.
— 190 —
a g-ravô d'après Cl. LelebYro les jioi'lraits de Pei'cfixc
de Beauinoiil, archevêque de Paris, et de Claude Bazin de
Besons, eonseiller d'État (i). Lefebvre fut, en 1605, le
parrain d'un des lils de l'artiste flamand, et lui donna son
nom (2).
M. le comte Clément de Bis n'a pas consacré de chapitre
au musée de Metz , dans son ouvrage ayant pour titre :
les Musées de province : il en parle dans la Revue universelle
des arts, t. XVI .
M. C. Lorrain, bibliothécaire de la ville de Metz, cpii a
bien voulu se charger de contrôler (pielques-unes de mes
notes, m'écrit que « le musée s'est enrichi d'un beau
» portrait du mathématicien le Goullon, par Bendjrandt, et
» portant sa signature. Ce tableau a été donné à la ville de
» Metz, par M. le marquis d'Ourdies. Il ne ligure, je crois,
» dans aucun catalogue de l'œuvre de Bembrandt. » Louis
le Goulon est un ingénieur lorrain, qui appartenait à la
religion protestante, et que la révocation de l'édil de Nantes,
en 1685, força à quitter la France et à aller offrir ses services
aux Ëtats-Généraux des Provinces-Unies. Si de cette date
on rapproche celle de la mort de Bembrandt Van Bijn,
arrivée en octobre 1C09 (r>), il n'est guère possible de croire
à rauthenticilé de l'œuvre dont le musée de; Metz s'est
accru.
(i) Voy. Éd. Fetis, Les artistes In'lges à Vétratiiier, t. Il, pp. 315 et 3IG.
(4) Jal, Diclioimaire critique de bioyraplùe el. (l'histoire, pp. 758 et. M09.
(5) Voij. la traduction par M. A. Willems du savant article de M. Schei.tema
sur Rembrandt Von Ui/n, dans la Revue universelle des arts, t. VIII,
p. i'.ti.
197
II. — .NANCY.
g 1". — PUBLICATIONS AIITISTIQUES ET ARCIliVES
DÉPARTEMENT \LES DE LA MEURTRE.
On s'esl beaucoup occupe eu Lorraine de recherches sur
les peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, etc., de ce
pays. Je citerai les Iravaux suivants qui ont successivement
paru dans les Bulletins de la Société d'archéologie de Lor-
raine, en 1852 et 18o3 : le Pcdais ducal de Nancy (192 j).)
et Quelques noies sur des peintres lorrains des xv*, xvf et
XVII'' siècles (104 p.). Ils ont pour auteur M. Henri Le])age,
le savant archiviste du département de la Meurlhe. Dans le
j)remier de ces deux mémoires, j'ai trouvé une noie d'où il
résulte qu'en 1(129, « Jean Valdor, illumincur et liraveur en
» taille-douce, » travaillait à Nancy, jwur Charles IV, duc
de Lorraine (i). Il figure dans le inéme compte avec Jacques
Callot, qui, à celte é})0(iue, gravait et faisait imprimer « les
» Tables généalogiques de la maison de Lorraine. » Cette
phrase m'a })oussé à consulter les notices que M. J. Renier('2)
(i) Voici le loxlo niêiiic de la noie (|uc M. H. Lepagi; a eu rohliyoaiK'e de nous
coiiimuniquer :
« A Jean Valdoi", illumiiunir et i;ra\ein' eu taille-duuce, deiiieiiraiit en ee lieu,
» la somme de trois cent francs a bon comi>te et en déduction du pris de Tenlu-
)) mineure et ^'ia\eure d'un rondaclie et liaussecourt qu'il a laid et l'açonné pour
» le service de Son Altesse,
» Audit Valdor, la somme de deux cent francs ii luy accordé sur et eu déduC'
)i tion des ouvrages qu'il aura faiet pour le service de Son Altesse jusqnes ;i la
» perfection d'iceux. » {Compte du trésorier général de Lorraine pour l'année
1030, aux Archives du département de la Meurtlie, ii Nancy.)
(a) \oy. le liiillelin arcliéologiqne liégeois, I860. Les articles de M. Heniei
ont été publiés en deux brodiures, l'une de^O et l'autre de GO pages.
— 198 —
;i cuiisacrées aux graveurs du nom de Waldor. Je crois [)ou-
voir apporter quelque lumière dans la biograiihie ibri
obscure de ces artistes, et l'occasion nie semble bonne à
saisir pour placer mes observations. Il résulte des recher-
clies de M. Renier que J. Waldor, le deuxième du nom,
f^ravait déjà en 1604, et que la dernière des planches avec
date (ju'il a décrites, le Christ en croix entre les deux lar-
rons, est de 1628 (i). Cette pièce est la reproduction en
contre-partie, mais avec les ombres, de la planche de Callot
dont il n'existe que le trait : elle est signée : /. Callot imi,
— /. V aider fec. Une autre estampe de Waldor peut aider
à déterminer exactement l'époque où il alla s'établir à Nancy
avec sa famille, c'est la copie faite par lui, en contre-|)arti(;,
de la 'Conversion de saint Paul, gravée })ar J. Callot.
M. JVIeaume (2) et M. Renier l'ont décrite; elle porte une
dédicace en trois lignes à Paul-Jean de Groesbeek, chanoine
de Liège, et la signature suivante : Joanes Valdor fecit cum
yratia et privil Ser"" 1627. La dédicace et la mention du
privilège semblent prouver que Waldor habitait encore
Liège à cette date. Ne serait-ce pas à la vue de cette cojiie,
qui témoigne du talent de son auteur, que Callot aurait
proposé au graveur de venir se fixer à Nancy poui* colla-
borer à l'exécution de ses œuvres? Waldor était dans celte
ville en 1628. Les registres de l'état civil de la paroisse de
Saint-Sébastien de la même localité, si laborieusement com-
(i) Cette date se trouve à di'oite de la planche sur une pierre : les chiffres sont
tclleiiieiit microscopiques qu'il u'est pas étonnant que Naglek ait lu lUOS, au
lieu de lt)2S (Nciies algemeiiies Kuiisllc.r-Lexicon,l. \IX,p. ")I7). La bihliothè-
que royale de Bruxelles possède un hel exein|)lairede cette estampe.
(2) Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot, t. II, p. (ilU.
— 199 —
puisés par M. Lepage, qui en a im]irimé le dépouillement
dans son livre intitulé : les Archives de Nancy, constatent
que Rocli, fils de « Jean Waldor, graveur d'images, » mourut
dans cette ville en octobre 1628, et qu'il eut de Catherine,
sa femme, un autre fils qui fut baptisé dans cette église, le
9 avril 1(>29 (i), sous le même prénom de Roch, et dont
Claude Deruet, graveur et peintre (2), fut le parrain. Des
extraits recueillis par M. Renier, dans les registres de bap-
tême de la chapelle Notre-Dame aux Fonts, à Liège, celui-ci
avait conclu que très-probablement J. Waldor avait épousé
en premières noces Catherine Grussart(en 1607 ou 1608?),
et en secondes noces (en 1615?) Catherine Warnotte. On
voit que la mère de l'enfant né en 1628 portait le même
prénom.
Deux autres gravures, le Saint Benoît mourant et le Saint
Rémi recevant la sainte ampoule, nous prouvent que J. Wal-
dor travaillait encore à Nancy, en 1650. A partir de cette
époque il disparaît, car il n'est pas possible, comme l'a fait
M. Jal, de le confondre avec le J. Waldor qui devint calco-
graphe de Louis XIV, roi de France, et qui publia, en 164.9,
à la louange du père de ce prince, un ouvrage capital, sous
le titre de : les Triumphes de Louis le Juste (5). Les troubles
(i) Les Archives de Nancy, t. Fil, pp. 2o2 et 3 15.
(2) Un travail fort remaïqualjlê siii cet artiste a été inséré, en ISo-T, par
M. E. Meaume, dans les BiilleHiis de In Société d'archéidogie de Lorraine.
t. IV, pp. 13i-2:i0.
(3) Les Arcliires de Varl frunrais, t. l", ji. :2:27, ont publié, en ]8o:2, une
lettre de J. Waldor, adressée a la reine Anne d'Anti'iclie. relative à cette œnvre.
Elle a été reprodnite, en 185(>, comme inédite, dans la Revue universelle des
(iris, t. II, p. 1:23, et par M. .I\t„ dans son Dictionnaire critique de biographie
i't d'histoire, p. 1201.
— 200 —
el le siège de Nancy, arrivés eu 1631, furent peut-être la
(3ause du départ de Waldor. C'est en 1029 et 1050 que
Gallol a fait paraître le Siège de la Rochelle el le Siège du
fort de Saint-Marlin dans rile de Ré, qui se composent
chacun de six grandes feuilles, plus dix morceaux de bor-
dures. Les sujets de celles-ci appartiennent seuls à Gallot,
dit iM. Meaume (i), — « les ornements, les portraits et les ar-
>> moiries ne sont pas de la main du maître. » Je me siiis con-
vaincu, par l'examen de ces planclies, que les portraits i\o
Louis XIII et de Gaston d'Orléans, son frère, sont dus au
burin de Waldor; il suffit de les comparer avec ses autres
œuvres. Je me suis, assuré de plus que le nom de cet artiste
n'étant pas cité dans les comptes de la gilde de Saint-Luc, à
Anvers, il y a lieu de croii'e qu'il n'a pas été élève de l'un
des Wierix, ainsi (pie le })résume M. Renier.
Jean Waldor, troisième du nom, est, sans nid doute, —
c'est aussi l'avis de M. Renier, — lils du précédent, et l'un de
ces deux Jean qui naquirent à Liège, en 1614 et 1610 : l'un
serait donc issu du premier et l'aulre du second mariage. En
1659 il était à Rome depuis plusieurs années, et l'on possède
à cet égard un témoignage qui prouve que ce n'était point son
père, puisqu'il est nommé « jeune homme de grande espé-
» rance(2). » J'ai trouvé dans les notes de Mariette la mention
de deux pièces qui ont été gravées à Rome par J. Waldor (s) :
un catafalque et le portnut de Henri Gorvinus. ^I. Jal est d'o-
pinion que cet artiste est venu à Paris en 1042, et il base
(i) Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Cal lot, t. II.
(2) Marietti-., Abecedario, t. V, p. .")5(î.
(s) Abecedario, t. II. p. 17, cl t. V, |i. r.'iCi.
— 201 —
son sentiment snr la date de son mariage qu'il fait connaître.
Waldor épousa, dans l'église de Saint-Merry, le 1*2 février
1643, Catherine Janssens, fdle assurément de quelque Fla-
mand établi dans la capitale de la France, Cinq enfants sont
nés de ce mariage, trois filles et deux (ils, dans les années
1646 à 1655. Ces actes de ])aptéme, où tantôt Waldor prend
le titre de graveur du roi, tantôt celui de calcograjthe ordi-
naire du roi, fournissent la })reuve d'un fait dont, pour ma
part, j'ai longtemps douté, c'est que Waldor fut le représen-
tant auprès du roi Louis XIV, de Maximilien-Henri de Ba-
vière, évèque de Liège et archevêque de Cologne, et peut-être
même de Ferdinand de Bavière, son prédécesseur, qui
mourut en septembre 1650. Waldor, en effet, se qualifie, au
riiois d'octobre de la même année, « d'agent du prince-électeur
de Cologne », et, au mois de mars 1652, il se dit « agent
» de Leurs Altesses de Cologne et de Trêves. » M. Renier a
publié le brevet, en date du 2 janvier 1651, par lequel
l'évèque Maximilien-Henri lui confère les fonctions susdites.
Quoique Waldor, en 1655 et 1658, dans l'acte de décès de
sa femme, s'intitule modestement « marchand et bourgeois
» de Paris, « il ne semble pas être tombé en disgrâce, car
dans un acte de 1662 (i), il est nommé « gentilhome servan
» du roy, conseiller et intendant des bastimens de mon-
» seigneur le duc d'Orléans, agent de Son Altesse Électoralle
» de Cologne, évesque et prince de Liège, proprietlaire de
» la messagerie de laditte ville de Liège en France. » Lors
d'un baptême, auquel il assista en 1659, il s'était déclaré être
{i) Pul)lii' par M. Rknikr.
— 202 —
« résident fie l'électeur de Cologne et intendant de M. le duc
» d'Anjou. « On n'a pas encore découvert la date de sa mort :
tout ce que l'on sait, c'est qu'il continuait à vivre en 1668 ; il
perdit sa fdle aînée à cette date. M. Jal, auquel j'ai emprunté
la plupart des détails (pii précèdent, en les dégageant de beau-
coup d'autres particularités peu importantes pour la biogra-
phie de l'artiste, a consacré quelques lignes aux descendants
de J. Waldor. Son fils Jean-Baptiste, né en 1648, hérita de
son titre d'agent de l'électeur de Cologne : il avait épousé, à
Paris, Suzanne Clianut, morte en 1690, (]ui lui donna au
moins un enfant, nommé Pierre-Jean-Baptiste. L'acte mor-
tuaire de ce dernier, enregistré à Paris en 1720, le dit âgé
de vingt ans, et le désigne comme étant «chanoine de Liège. »
Cette qualification seml)le coniirmer certaines assertions de
Saumerv, l'auteur des Délices du pays de Liège, qui ont été
lapportées pai' M. Benier, et qu(! le biographe de Waldor
parviendra à élucider un jour.
Mariette ne parle pas en des termes bien favorables de
J. Waldor. « Ce Valdor, dit-il, se donnoit pour peintre et
ne peignoit point; il enlreprenoit des ouvrages qu'il fai-
soit exécuter i)ar d'habiles gens (pii luy étoient dévoués.
Il se piquoit d'estre connoisseur; c'i^sloit proprement un
honeste brocanteur, et qui sçavoit faire valoir son mithri-
date (i). » Ailleurs il ajoute, à propos de l'ouvrage des
Triumphes : « Il enq)runta pour son exécution différentes
mains, tant d(^ssinaleurs que graveurs, voulant pourtant
faire entendre (pie l'ouvrage éloit entièrement de lui, et
s'en faisant un mérite auprès (U'<> grands. Aussi étoit-ce.
(il Ahecrrhirio, t. IV, p. V.i.
— 203 —
»> à ce que j'ai ouï dire, un intriguant qui se mèloit do tout
» autre chose que de dessein (0. »
C'est ainsi que les quelques notes trouvées par M. Lepage
dans les archives m'ont conduit à mettre de l'ordre et de la
critique dans les documents recueillis jusqu'à ce jour sur les
Waldor.
J'ai vainement consulté les ouvrages du savant archiviste
du déparlement de la Meurthe, dans l'espoir ô'y découvrir
quelques renseignements nouveaux sur le sculpteur Jean
Mone que j'ai cité plus haut. M. Lepage n'y parle pas non plus
de Gabrielle Bertrand, artiste née à Lunéville en 1757, qui,
d'après les biographes, aurait travaillé à Naples et à Bruxelles :
les comptes de l'époque du prince Charles de Lorraine que
j'ai parcourus ne confirment pas cette dernière allégation.
Je reprends l'énumération des ouvrages publiés à Nancy
sur les arts ou les artistes : elle me fournira encore plus
d'une occasion d'élucider quelques points de notre histoire
artistique.
Dans les Archives de Nancy de M. Lepage, ouvrage en six
volumes, qui renferme, ai-je dit, l'analyse des actes de bap-
tême, de mariage et de décès des différentes paroisses de la
ville, j'ai rencontré, à la date du 18 janvier 1707 (2), l'acte
de publication du mariage d'Arnould Dejehez, « musicien
» de S. A. R. (Léopold, duc de Lorraine), » fils de Claude,
paroissien de Notre-Dame aux Fonts, cà Liège. En 1704, il
est qualifié de maître de musique de l'église primatiale ou
primaire de Nancy. Le 22 avril 1748 fut faite la publication
u) Abendario, t. V, p. Ô56.
(8) T. m, p. ôOô.
14
— 204 --
de mariage entre Michel-Joseph Ransonet, horloger, fils de
Hubert, également horloger, iKitif de Soumagne, diocèse de
Liège, et Catherine Dcranlon, fille de Joseph, horloger (i),
Cinq ou six ans auparavant, M.-J. Ransonet avait reçu le
droit de bourgeoisie à Nancy (2).
Les recherches de M. Lepage lui ont aussi fait découvrir
dans les comptes le nom de Guillaume François, qualifié
d'ingénieur flamand, qui reçut, en 16!28, le complément
d'une somme de 1 ,200 francs que lui devait le duc Charles IV
« pour frais par luy soustenus à la structure d'une machine
» à tirer les eaux, érigée sous l'une des arcades de la galerie
» donnant sur le parterre de l'hostel de Son Altesse. « Cette
note est inédite et je la dois à son obligeance.
J'ai puisé dans un dernier ouvrage de M. Lepage, qui a
pour litre : les (yommunes de la Meurthe (3), des renseigne-
ments d'une autre nature : elles sont relatives à des tapis-
siers de haute-lisse flamands qui allèrent s'établir à Nancy
au xv!!*" siècle (4). Mais je ne me suis pas contenté des cita-
tions du livre de l'honorable archiviste, je lui ai demandé
de pouvoir consulter les documents eux-mêmes, ce que
M. Lepage m'a accordé avec le plus grand empressement.
Voici le résultat de mes recherches. Dans le compte de
Nicolas de Pullenoy, trésorier général du (lue de Lorraine,
de l'année 1612, j'ai copié \o passage suivant qui est des
plus curieux :
« A Hermaiit. Labhe, tapissier, demeurant à Bruxelles, 54 l'ranes, à liiy ordonné
(0 T. IV, p. 1(3.
(2) T. II, p. U2.
(s) Deux volumes; iS.'jô.
(4) P. 164.
— 205 ~
pour la despensc qu'il at faict venant Pt retournant de Nancy à Bruxelles, estant
venu audict Nanoy pour traicter à nionstrer l'art de tapissier suyvant l'iiuverfure
qui luy en aurait esté faicte par madame la duchesse île Briuisvich, à la prière
ft charge qu'elle en avoit de Son Altesse.
.) Au mêfue, cent fi'ans pour les frais et despens du voyage qu'il at l'aiet
venant et retournant dudici Bruxelles à Nancy, y estant venu ii la sollicitation
de madame la duchesse de lîrunschvysse, du commandement exprès de Sadicte
Altesse. ,■>
ha princesse noinm(V' plus haut était Dorothée de
JiOrraine, tllle du duc François I", et veuve d'Éric, duc de
Brunswick, et par conséquent la tante du duc régnant. Des
ouvertures lurent ainsi faites à Herman Labbe, haule-lisseur
bruxellois, par elle, au nom de son neveu, pour aller fonder
à Nancy la manufacture des tapisseries, qui faisait encore,
à cette époque, une des branches les plus considérables de
l'industrie à Bruxelles, à Audenarde, à Tournai, à Enghien,
et dans un très-petit nombre d'autres localités. Il semble que
Labbe n'agréa point les propositions qui lui furent faites,
mais il est fortement à présumer qu(^ c'est lui qui engagea
à émigrer en Lorraine les {personnes dont les noms figurent
ci-après :
(Compte du trésorier général de l'année 1615.) <* A Isaac de Hamela {s:C)
et Melchior Van der Hagen, maistres tapissiers de Bruxelles, 4o0 l'rans, que
Son Altesse leur auroit accordé pour les ayder ii s'habituer avec six maistres
et c'eux familles à Xancy v .
(Compte du cellerier ou leceveur des droits sur les grains de î6lô.) •; Son
Altesse a fait traicter, convenir et accorder avec Isaac de Hammels et Melchior
Van der Hagen, maistres tapissiers cy-devant demeurans à Biusselle,pour les
faire venir avec six bons maistres ouvriers tapissiers et leurs familles s'abituer
et demeurer k Nancy pour y travailler de leurs art/., et entr'autres grattiflications
leur a donné et octroyé de grfice espécialle pendant le temps et espace des six
premières années qu'ils y demeureront , la quantité de cent résaux de blé
froment, mesure de Nancy, pour chacune d'icelles, pour leur donner tant plus
moyen de résider audit Nancy. )i
On voit par ces deux passages des comptes que les
206 —
avantages qui étaient faits aux tapissiers bruxellois étaient
assez considérables. Dans le compte du cellerier de 1614,
le même poste est répété avec des variantes dans l'ortho-
graphe des noms cités plus haut, lesquels y sont écrits ainsi :
ïsaac Hamel et Melchior Van der Hanen. Comme ils ne figu-
rent plus dans les comptes postérieurs, je suis porté à croire
que ces haute-lisseurs abandonnèrent le service du duc de
Lorraine, d'autant plus que dans le compte du cellerier de
1616, un autre nom se rencontre, celui de Bernard Van
der Hameiden, marchand tapissier de Flandre, qui passe avec
le duc un contrat pour dix ans, et qui s'engage à introduire
en Lorraine la manufacture de tapisseries, et à y attirer des
maîtres et des ouyriers haute-lisseurs. Après cette date il
n'est plus parlé des tapissiers flamands dans les comptes.
Voici cette dernière mention :
« Il a plf^u à Son Altesse être délivré a Bernard Van der Hameiden, marchant
tapissier de Flandre , 50 résaux blé pour tout le ttain qu'il pourroit prétendre
d'elle à cause du traité qu'elle a fait faire avec lui pour introduire en ses païs la
manufacture de tapisserie, et avoir moyen d'y faire venir et entretenir des
maîtres et ouvriers pour ce faire, par lequel traité Son Altesse est obligé le loger
et faire donner par l'espace de dix années; mais d'autant qu'il n'est venu que
sur la fin de ladicte première année, il n'en a eu que 50. »
En appelant en Lorraine des tapissiers flamands, le duc
Henri ne faisait qu'imiter bien d'autres princes, qui, à la
même époque, cherchaient à introduire dans leurs États une
industrie qui faisait la gloire des Pays-Bas de})uis plus de
deux siècles et demi. Henri IV, roi de France, avait, peu d'an-
nées auparavant , fondé, à l'aide d'ouvriers enrôlés à Aude-
narde et ailleurs, cet établissement qui devait plus lard être
connu dans le monde entier sous le nom de Manu facture des
— 207 —
Gobelim. De son côté l'élec-teur Maxiinilien de Bavière avait,
en 1004, engagé un tapissier d'Enghien à aller demeurer
à Munich, et dans une lettre il priait les archiducs Albert et
Isabelle de vouloir accorder leur protection à ce maître dans
le cas où il rencontrerait des difficultés pour aller se fixer
à l'étranger. On lit dans cette pièce que le roi de Danemark
et Ferdinand II, duc de Gralz, ont aussi obtenu la faveur de
pouvoir employer des haute-lisseurs des Pays-Bas. L'élec-
teur contracta, en 1606 et en 1607, avec divers tapissiers
de Bruxelles qui se rendirent en Bavière. En 1607, il y avait
un tapissier d'Anvers en Moscovie. Quelques années après
la fondation de Gharleville, en 1606, Charles II de Gonzague,
duc de Mantoue, à qui ;qopartenait cette localité, fit venir
des haute-lisseurs flamands, et entre autres Daniel Pepersack,
dont l'église de Notre-Dame, à Beims , conserve encore de
nombreuses tentures signées de son nom : j'en parlerai plus .
loin. En 1619 et en 1620, de grands enrôlements d'ouvriers
eurent lieu dans plusieurs localités pour l'Angleterre, où l'on
avait fondé à Mortlake, près de Londres, une manufacture de
tapisseries de haute-lisse (i). Les magistrats des villes où cette
industrie était florissante, et qui en craignaient avec raison la
ruine totale par suite de ces émigrations, s'en étaient émus à
bon droit. En 1604, on arrêta à Audenarde un individu pré-
venu d'avoir embauché quelques ouvriers haute-lisseurs pour
la France. Le magistrat de la même ville exerçait la plus
grande surveillance, et en 1 600, il fit publier une ordonnance
sévère, punissant dorénavant de la confiscation de leurs
(i) Voy. mon article intitulé : The origiit of Ihe tapestnj manufai-.torij at
Mortlake, dans la revue ihe Cronicle, 1«>- février 18G8, publiée à Londres.
— 208 —
biens les tapissiers qui s'expatrieraient sans son autorisa-
tion, et d'une amende de 100 florins carolus les parents
et tuteurs qui permettraient à leurs enfants ou pupilles de
sortir du pays, ainsi que ceux qui tenteraient de les
débaucher dans ce bul : de plus il enjois^nit à tous ceux <jui
avaient quitté la ville d'y i-evenir endéans ranné(\
M. Lepage a également publié une notice sur le peintre
Jacques Van Schuppen (i), fils du graveur anversois Pierre,
auquel M. Éd. Fétis a consacré un article dans îscs Ariiates
belges à l'étranger (2) Beaucoup de détails inédits sur les
Van Schuppen ont été i)ui)]iés par M. Jal dans son Diction-
naire critique de biographie et dliisloire (5) ; il y donne
entre autres la date de naissance de Jacques qui n'était pas
connue. Cet artiste l'ut I)aptisé à Paris, où demeurait son
père, le 26 janvier 1670. Les particularités mises au jour par
M. l'archiviste du département de la Meurthe concernent
le séjour de ce peintre en Lorraine, dr 1707 à 1709. Elles
sont tirées des lettres patentes de naturalisation, datées
du 24 janvier 1727, (jue Jac(|ues Van Schuppen obtint de
Léo})old, duc de Lorraine,, à titre de descendant d'un artiste
tlarnaiul. Ces faits m'ont paru trouver leur place ici.
Eniin , je lis dans une liste de publications de divers
savants lorrains (juc M. Le])age a encore fait paraître une
notice sur Nicolas Briot, graveur de médailles et de mon-
naies du xYii" siècle, (pii inventa un nouveau système poui'
les frapper (*).
(i) Riillelhi (h' lu Sociélé d'urclièoloyie de Lorruiiic.
(2) T. II, p. ÔOo.
(3) P. 1108.
14) Voy. dans Jal, Dictionnaire critique de bimiriiijhie et d'Iiisioire, p. :2«5,
(il- iionibrcnx détails ini'dits sur N. Briot.
— 209 —
Pour continuer l'énumération des principaux ouvrages
qui ont paru sur les arlistcs de la Lorraine, il laut citer la
Notice sur quelques graveurs naneéiens du xvii* siècle,
(.'t une autre publiée l'an dernier (18G7), sur les graveurs
du siècle suivant, par M. Beaupré, ainsi qu'une lirochure
intitulée : lÂtjicr Richicr. sculpteur lorrain, par M. Dauban.
De son côté, M. Ed. Meaume s'est fait coiniailre i)ar ses
Recherches sur quelques artistes lorrains : Claude llcnriet,
Israël Henriet, etc.; par ses Recherches sur la vie et les
ouvrages de Claude Deruei, peintre et graveur lorrain du
xvii" siècle, et surtout par ses Recherches sur la vie et les
ouvrages de Jac<jues Callol , livre qui parut en 18159, et qui
laisse bien loin derrière lui YEloge historique de Callot,
|»ublié par le cordelier Husson, en 1766. On me pardonnera,
je pense, de in'arrèiei' de nouveau à pro])os du nom de cet
éminent gravcui-, car il esi injporlanl de chercher à élucider
la question de son voyage aux Pays-Bas.
On doit se rappeler qu'en 1861 M. Alvin a l'ait insérer
dans la Revue universelle des arts (t) une notice qui a pour
litre : Séjour de Callot à Bruxelles, à projios de la décou-
verte de quatre petites gravures où se voient des monuments
de cette ville, et (pii sont dues au burin du grand artiste i^i).
Il est incontestable que ces planches ont été exécutées à l'é-
poque où Callot vint aux Pays-Bas pour graver la célèbre et
niagnilique représentation du siège de Breda. C'est la date
(ij T. XIII, p. 297.
(î) M. A. Wauters les a égak'iiiciit liécriios dans la heviie d'Imioire et d'ai-
cliéologie, t. Il, |i. 553. La date de 10123 qui se lit sur l'une d'elles ne (eut se
rapporter à leur exécution, car le siège de Breda ne comnienea qu'en 1624. Cette
date était, sans aucun doute, tonnée par les ancres du bâtiment représenté.
— 210 —
de ce voyage que je pense fixer à l'aide de documents inédits
trouvés aux Arcliives du royaume (i), et qui établiront en
même temps l'époque où fut terminée l'œuvre de l'artiste de
Nancy.
Voici le texte d'une requête qu'un nommé Jacques Ilet-
zema, Frison de naissance (2), agent employé à différentes
reprises par le gouvernement des archiducs Albert et Isabelle
pour recruter secrètement des partisans en Hollande ,
afin de se ménager le moyen de rentrer en possession
des provinces rebelles, adressa au conseil des finances
du roi Philippe IV, à Bruxelles, afin d'obtenir une récom-
pense qui pût l'indemniser en partie des frais énormes qu'il
avait faits pour la gravure de la Carte du siéye de Breda :
ft Remonstre en toutte humilité Jacques Hetzenia comme il
•> se trouve fort plaintif et mal l'écompensé de l'atljoude de
» coste (3) de sa grande carte, planté et notation de la ville
» de Breda, ayant esté bon espaco de temps pour cesl cffect
» au camp pour le tout bien voire et visiter avecq aullres
» quattre personnes, lesquelz à ses despens il a retenu et
» récompensé, luy ayants cousté oultre ses travaux plus de
» cent daldres, estante icelle carte esté trouvé corecte et si
» cômpenditive qu'elle n'ayt esté seullement aggréable à la
» sérénissime infante, mais aussy à touttes princes et dames
(1) Collection des Papiers d'État et de raudience. J'en dois la communicalion à
M. Prosper Cuypers-Van Velthoven.
(2) Dans la collection citée plus hant, existe une pièce espagnole, du mois de
décembre 1619, intitulée : Snstancia (Ici mémorial presentado por Uetsema,
natural de Frisa : c'était un militaire ; en mai 1G20, il adressa une requête à l'ar-
chiduc Albert pour obtenir le commandement d'une compagnie.
(s) Subside, de l'espagnol aiiida de costa.
— 211 —
» de la court; et se confiant que Voz Seigneuries Illustris-
» simes ne permecleronl que son travail, mesmes ses des-
» pens faictz reussent à néant, se relire vers Voz Allèzes
» Sérénissimes, suppliant très-humblement, eu esgard à ce
» que dessus, et que s'il eust ladicle carte présentée entre
» des particuliers elle luy estoit de récompense deux cens
» escuz. Plaise à icelles luy ordonner en récompence de
» sesdicts travaulx et despens une adjoude de coste exuita-
» ble (i) et conforme. » Au bas de cette requête est écrite
l'ordonnance datée de Bruxelles, le 7 février lG2o, et signée
de l'infante Isabelle et des membres du conseil des finances,
qui accorde au pétitionnaire une somme de 200 livres ou
floi-ins, de 40 gros, monnaie de Flandre, la pièce.
Il n'est pas douteux qu'à cette date la Carie du sieye de
Breda ne fût finie, puisqu'elle avait déjà été montrée à la
gouvernante. Or, comme les opérations pour investir la place
ne remontent pas au delà du mois d'août de l'année précé-
dente, et que l'œuvre gravée reproduit tous les travaux des
assiégeants, il est positif que les dessins ont été exécutés lors-
qu'ils existaient et par conséquent plusieurs semaines après
l'arrivée de l'armée espagnole devant la forteresse. Hetzema
nous apprend qu'il avait employé quatre personnes pour
mener à bonne fin son entreprise. Si l'on examine le
Siège de Breda (2) on ne peut que s'étonner du peu de
temps que J. Callot a mis à l'achever, puisque deux docu-
(1) Pour équitable
(2) Yoy. la description des difl'éieules éditions de cette cane dans l'ouvrage de
M. Meaume, t. Il, p. 257,
— 212 —
menls constatent sa présence à Nancy, en octobre 1624 (i),
et, la même année, poslérieiii'emeiil à la mort du duc Henri II,
décédé le 51 juillet (2j, ce qui doit taire sup|)oser que l'ar-
tiste lorrain ne grava point sur place. En tenant compte que
la requête reproduite plus haut remonte au mois de janvier
162o, et que Hetzema s'y plaint du petit subside qui lui avait
été accordé pour une œuvre d'une telle importance, il faut
conclure que Callot mit la dernière main aux planches à la
fin de l'année 1 024. Celte date sert donc aussi à lixer l'époque
de l'exécution des petites gravures décrites par M. Alvin.
Le nom de Jacques Hetzema apparait seul dans les docu-
ments. Quant à celui de Caliot, il n'est mentionné nulle part,
pas plus dans les comptes de la recelte générale des finances,
aux Archives du département du Nord, à Lille, que dans les
acquits de ces comptes, aux Archives du royaume, à Bruxelles,
où devrait figurer son nom s'il avait reçu quelque gratifica-
tion. J'ai de plus fouillé en vain les liasses et registres de la
collection des Papiers d'État et de l'audience, où se seraient
trouvées la requête qu'il auraitpu adresser à l'infante Isabelle
en lui faisant hommage de la carte, s'il la lui avait envoyée,
et aussi la minute des lettres patentes qui lui accorderaient
(pielque somme d'argent à titre de récompense. Il résulte de
ces recherches faites en pure perle que c'est bien Hetzema
(\u\ fut l'entrepreneur de la Carte du siège. de Breda, et que
(i) M. Meaume, loco cit., t. I«'', p. 1 18, rcprodiiil iiiie (luittancc dalcc du 28 oc-
tobre \G-2i.
(i) D'ainés un extrait du compte du trésorier général de l'aiinée lO^i, Caliot
j;rava deux plaques sur lesquelles la date du décès du duc Charles IV était inscrite.
Vo/y. I.Ei'AGE, le Palais diœnl de Nanci/, édit. de 1852, p. 100.
— 215 —
l'iridividualité des artistes collaborateurs a complètement
disparu.
La découverte d'une date est souvent, comme on le voit,
d'un précieux secours pour la biographie d'un artiste et le
classement de ses œuvres. C'est ainsi que celle de l'exécu-
tion du Siège de Breda conduit à un autre résultat. Il existe
une belle uravure de L. Vorsterman, le Vieux, représentant
le portrait de Callol , peint par A. Van Dyck (i) et publiée
en 1626. On a lixé généralement a cette époque la rencontre
des deux artistes aux Pays-Bas. M. Meaume seul a reculé le
voyage de Gallot dans nos provinces jusqu'au njois d'octobre
1625 (2). Or, il est aujourd'hui constaté que Van Dyck est
parti pour l'Italie vers l'automne de l'année 1621 (ô), et les
biographes disent que cet artiste fit dans la Péninsule un séjour
d'environ cinq ans. On n'a pas trouvé toutefois de trace cer-
taine de son retour à Anvers (jui remonte au delà de 1628(4).
Le peintre brabançon n'a donc j)U voir le graveur lorrain
lorsque celui-ci y vint dans les derniers mois de l'année 1624,
si tant est qu'ils se soient jamais vus. Mariette en a déjà
douté, et il dit (s), en parlant du portrait : « Je ne le crois
» point de Van Dyck, qui n'avoit peut-estre jamais eu occa-
» sion de voir Callot, mais bien gravé sous sa conduilte,
(i) On y lit : iacobvs c\li,ot, cAixdiiH.vpHVï», aqva Foiai nanceii in lotha-
KiNGiA, NoBiLis. Vciu Dijck piiix/t. —A. Vorsfeniian sciilp.
(2) Loc. cit., t. I", p. 43.
(5) L. Galesloot, Renseignements concernant ramie d'Antoine Van Dyck, à
Saventhem. Cet article, qui forme une brochure de 13 pages, a paru dans les
Annales de l'Académie d'arcltéoloyie de Belgique, 2"-" série, t. II.
(i) Catalogue du musée d'Anvers, 2"^ édition, p. 220; — Van Leuhs ei Hom-
uouTs, les Liggeren, t. I""", p. 458.
(s) Abecedario, t. ^S p. 2b9.
— 214 —
» d'après le labisau de ({iielque autre, et peut-estre mesme
» d'après un dessein de Callol, car ce portrait a beaucoup de
» sa manière. » D'autre part, il est établi que Callot ne
quitta Florence, après avoir passé une douzaine d'années en
Italie, que vers la fin de l'année 1621 ou au commencement
de l'année suivante ( i), et même plus tard encore, puisqu'il
n'existe aucune preuve de son séjour en Lorraine antérieure
au mois de mai 1623, époque où il est fixé définitivement
à Nancy. Je conclus de ces différents rapprochements que si
Van Dyck a peint le portrait de l'artiste lorrain , ce fui
pendant son voyage à Florence, peut-être. On pourra déter-
miner ce point quand l'itinéraire de l'élève de Rubens sera
connu et bien constaté par des documents. Toutefois il est
utile de remarquer que Callot est représenté avec une chaîne
au cou, à laquelle pend un médaillon représentant le duc de
Toscane,
Je ne puis me résoudre à abandonner le nom de Callot
sans consigner une autre réflexion que j'ai faite en parcou-
rant la liste de ses innombrables œuvres. Parmi elles est citée
une suite fort rare de douze planches représentant les douze
mois de l'année, d'après Josse de Momper, le Jeune (2). Ces
tableaux n'existent probablement plus, et pour en retrouver
la trace j'ai consulté une infinité de catalogues de musées et
de collections. Je me suis demandé si ces gravures ne re-
produisent pas les grands paysages — ils avaient onze pieds
de haut sur neuf de large, — de J. de Momper, appartenant,
(1) Mkaume, Recherches sur la vie et les ouvrages de J. Callol, t. I", p. m.
(2) Voij. Meaume, Ioc. cit., t. Il ; — Ch. Blanc, Manuel de l'amateur d'es-
tampes, 1. 1", p. 57i.
— 215 —
en 1612, à Charles de Croy, duc d'Arschot, et dont sept, an
moment de sa mort, ornaient les salles du château de Beau-
mont (i). Ces tableaux pouvaient se trouver à Bruxelles,
en 1624, dans l'hôtel du duc d'Arenberg, héritier du duc
d'Arschot, et Cal lot peut les y avoir vus et dessinés.
J'ai cité plus haut YÉloge historique de Callot, dédié par
le cordelier Husson au prince Charles de Lorraine, et im-
primé à Bruxelles, en 17G6. Cet ouvrage renferme (2) de
fort curieux renseignements sur les travaux exécutés par
François Richard, célèbre horloger et mécanicien, qui na-
quit à Charleroi, le 22 février 1678, et mourut à Lunéville
en 1745, et sur Pierre, son fils, qui embrassa la profession
de son père, et acquit également une grande renommée.
F. Richard mérite une place dans la Biographie nationale.
On trouve encore beaucoup d'autres détails sur ses travaux
dans la Bibliothèque lorraine de dom Calmet, qui parut
en 1751. F. Richard n'est pas cité dans X Histoire de l'horlo-
gerie de M. Dubois.
§ 2. — MUSÉE DES TABLEAUX.
Les Waldor, les tapissiers flamands attirés en Lorraine,
J. Van Schuppen, Callot, F. Richard, etc., m'ont entraîné
bien loin, et je n'ai rien dit encore du musée des tableaux de
Nancy, qui fut l'objet de ma première visite dans cette jolie
ville, dont la magnifique place servit de modèle à l'architecte
{1} Alex. PiNCHART. Archives des arts, sciences el lettres, t. {", p. Iti8.
(s) P. IX.
— 216 —
Barnabe Guymard, pour la place Royale, à Bruxelles. Le
musée occupe plusieurs vastes salles du premier étage de
l'hôtel de ville. En tète du catalogue (i ) se trouve une courte
notice historique sur l'origine de la collection, notice où l'on
rappelle les principaux artistes en tout genre que la Lorraine
a produits. Parmi eux figure le nom d'un de nos compa-
triotes, Paul-Louis Cyfflé, qui l'ut sculpteur de Stanislas, roi
de Pologne et duc de Lorraine. Il vit le jour à Bruges (2)
en 1724, et mourut à Lxelles, lez-Bruxelles, en 180G. On
voit encore sur la place d'Alliance, à Nancy, une tontaine
|iyramidale dont los figures allégoriques et les autres orne-
ments sont l'œuvre de Gyfllé. Je ne citerai que celle-là.
Ot artiste était allé s'établir à Lunéville, en 1740, où il resta
jusqu'en 1779. Depuis l'année 1708, il avait tbndé dans cette
localité une fabrique de poteries, qui acquit bientôt une
grande renommée, et ses groupes et statuettes en terre cuite
dite Icrre de Lorraine, sont toujours fort i-echerchés par les
amateurs. Cyfflé revint dans sa ville natale en 1779 dans
l'intention d'y ériger une semblable manulacture. Peu de
temps après en avoir obtenu l'octroi, il quitta Bruges et alla
se fixer à Har^tières-Lavaux, dans la province de Namur, où
il li-anslV'i'a son établissement qui no prospéra guère. Ces
derniers renseignements sont inédits. M. Alexandre Joly,
architecte à Lunéville, a successivement publié deux excel-
( 1) Notice des tableaux exposés an musée de Sancy; Nancy, V" Nicolas, 18(55;
XIX et 107 pages. Il se compose de trois cents numéros, divisés en deux parties :
deux cent soixante-sept pour les tableaux, et le reste pour les sculptures (mar-
bres, bronzes, moulages en plâtre, etc.).
(2) Et non de Bourges, en France, <'omme le disent M. Greslou, Recherches
sur la céramique; Chartres, 1864, p. 5G, et M. A. Demmin, dans son Guide de
Vamateur des faïences et porcelaines, ô" ('dition (1867). t. I'"". p. rjl2.
— 217 —
lenfes noiicos l)iog:i'a])iiiqiies sur Cylïlé dans les Mémoires
de la Société cV archéologie, de Lorraine (0. Un article lui a
été consacré plus récemment dans la Chronique des arts et
de la curiosité (2).
Lp catalogue du musée de Nancy renseigne sous la rubri-
que : Écoles flamande, allemande et hollandaise, soixante-
dix tableaux, et, dans ce nombre, vingt et un, originaux ou
copies, sont restés sans attribution. Dans les notes qui sui-
vent j'ai adopté l'ordre alphabétique et reproduit le sujet
et les dimensions d'après la notice imprimée.
N" 52. Breughel (Pierre). — La Fêle d'an villafie fla-
mand. H. 0"'(i8. L. 0"'98.
Ce tableau, dont le fini est admirable, peut être regardé
comme un des meilleurs du maître. Le paysage du fond est
superbe. Non signé.
N" 53. De Ghampaione (Philippe).— Er^e/jomo. H. r'85.
L. l'"26.
N° 56. La Charité. H. 1"'54. L. r"29.
Ces deux tableaux n'ont rien de remarquable et appar-
tiennent à l'époque où l'artiste avait presque complètement
abandonné le coloris de l'école flamande pour adopter la ma-
nière de peindre de l'école française.
Dans ces dernières années, trois notices considérables ont
été publiées sur ce peintre : l'une, déjà ancienne, par Guillet
de Saint-Georges, dans les Mémoires inédits sur la vie et le.t
ouvrages des membres de F Académie royale de peinture et de
sculpture (:>) ; la deuxième, par M. Ed. Fétis, dans ses Artistes
(0 La seconde a paru en 186i et a été tirée à part en une brochure de 22 pages,
(2) N» du 20 juillet 186.-); Paris.
(5) T. I"-, pp. 259-258.
— 218 —
l)el(jes à l'étrange?' (i), et la troisième, par M. Jal, dans son
Diciionnaire critique de biographie et d'histoire (2). Celle-ci
renferme une foule de détails propres à rectifier et à complé-
ter les deux précédentes. On n'a pas découvert jusqu'ici qui
fut le mailre de Pli. de Ghampaigne. A en croire Félibien [0),
son père « le mit avec un peintre de Bruxelles, nommé Jean
» Bouillon. Il y demeura quatre ans, après lesquelles il entra
» chez un certain Michel de Bourdeaux qui était en réputa-
» tion de bien travailler en petit (4.). » Plus loin, il ajoute :
« Lorsque Philippe fut un peu plus avancé dans la pratique
» de son art, son père l'envoya à Mons, en Hainaut, où il
» demeura environ un an chez un peintre tl'une capacité
» médiocre. Étant de retour à Bruxelles, il travailla un an
» entier sous Fouquière. » J'ai parcouru le regisire aux
inscriptions du métier des peintres de Bruxelles, sans y
trouver le nom de Ph. de Ghampaigne. Il doit y avoir cepen-
dant un fonds de vérité dans l'allégation de Félibien, car,
dans les premières années du xv!!*" siècle, Michel de Bor-
deau, — c'est la forme de sa signature, — devait jouir d'une
bonne réputation. J'en juge ainsi par le grand nombre de
ses élèves que mentionne le registi'c, dans les années 1C02
à 1612, en 1620 et 1624, et dont plusieurs ne sont pas res-
fi) ï. n, pp. 242-27.i.
(2) P. ôo3.
(3) Entretiens sur les vies et les oiirrurie;; des plus excelleiis peintres, ctlil. do
«706, t. IV, p. 208.
(i) M. SiKET a confondu (Dictionnaire des peintres de toutes tes écoles,
2« édit., p. 126) les noms et prénoms de ces deux peintres, et il dit que Ph. de
Champaigne reçut des leçons de Michel de Bouillon, peintre de Tournai. Or, ce
peintre ne fut inscrit comme maître dans la gilde de Saint-Luc de cette ville que
le 18 octobre 1658 : il vivait encore en 1677.
~ 219 —
fés aussi obscurs que leur maifre; tels furenl Antoine Sfal-
laert et Gérard Van Hoochstadl. Jean Bouillon est également
le nom d'un peintre bruxellois de cette époque; il tîgure dans
le registre aux admissions dans le métier comme ayant reçu
des élèves en 1600, 1611, 1616 et 1623. Évidemment Féli-
bien, qui était a historiographe des bâtiments, peintures,
» sculptures, arts et manufactures royales, » a dû être fré-
quemment en rapport avec Ph, de Champaigne, peintre des
bâtiments royaux, et il put, de cette manière, recueillir des
détails de la bouche même de l'artiste. Quant à Jacques Fou-
quières (i), Anversois de naissance, je l'ai trouvé inscrit à
Bruxelles, comme maitre, à la date du 15 mars 1616 : il y est
dit fils d'Antoine et élève d'Arnould (Arhis) Van Laken.
Guillet de Saint-Georges déclare aussi que Ph. de Cham-
paigne fut élève à Bruxelles du paysagiste Fouquières. Cet
écrivain mentionne une autre particularité qui mérite d'être
relevée. « En 1627, — dit-il. — son père le fit revenir à
» Bruxelles, où il fit un tableau pour la confrérie des pèlerins
» de Saint-Job, et y représenta un crucifix avec deux pèle-
» rins à côté de la croix. Le tableau fut porté à Saint- Job de
» Caloy, qui est un lieu de dévotion auprès de Bruxelles. »
Cics détails sont si précis qu'il n'est pas possible de douter
de leur exactitude. Ils se confirment par cette circonstance
qu'en 1627 l'un des deux prévôts de la chapelle de Saint-Job,
à Carloo, qui est une dépendance d'Uccle, s'appelait Pierre
de Champaigne (Y). Puissent ces renseignements jeter quel-
(i) M. Éd. Fétis a donné sa bioitrapliie dans les Artistes belges à rétrangei;
t. I*', p. :î5j.
(s) Wai;ters, Histoire des environs de Bruxelles, I. IH, p. fia6.
45
— 220 —
que lumière sur les commencements de la carrière artistique
du peintre bruxellois.
N" 57. De Ghampaigne (Jean-Baptiste). — Saint-Paul.
H. 1™15. L. 0'"88.
J'ai vu trop peu de tableaux de ce maitre pour me croire
autorisé à contester l'attribution de cette œuvre qui me plaît
médiocrement. Les articles biographiques publiés jusqu'à ce
jour sur J.-B. de Ghampaigne, lequel était le neveu de
Philippe, ont grand besoin d'être passés au creuset de la
critique. J'ai trouvé les noms de son père et de sa mère
mentionnés à propos d'une propriété qu'ils possédaient à
Woluwe-Saint-Lambert, près de Bruxelles (i) : l'un s'ap-
pelait Evrard et l'autre Gatherine Bemery (2). Son père
occupa diverses charges dans le magistrat de Bruxelles; il
était conseiller en 1655, 1656, i659, 1665 et 1666; bourg-
mestre en 1657 et 1658; receveur de la ville de 1660 à 1602,
et receveur du canal en 1666 (0). Il fut présent au mariage
de son fils, célébré à Paris, le 5 mai 1669 (i). Jean-Baptjste
de Ghampaigne se fit inscrire comme maitre dans le métier
des peintres de Bruxelles, cette même année. On peut présu-
mer qu'il revint alors dans sa ville natale, à l'occasion de son
futur mariage avec Geneviève Jehan. M. Jal a publié la
véritable date de son décès, arrivé le 29 octobre 1 681 . Depuis
(i) Waiiters, p. 255. M. Waiitors assigne aux actes qu'il cite ii^s années 1648
et I6i9, et donne à Evrard de Ghampaigne la qiiaiitication de bourgmestre de
iJnixelles, qu'il n'avait poi:it alors. Il faut proliablenu lit lire Hio8 et ltiô9.
(2) M. JAL oitliographie ce nom de la manière suivante : Beincey; e'est une
erreur.
(3) Uenne et Wauters, Histoire de Itnixclles, l. M.
(4) Jal, Uiclionnaire eriliqiie de liiofinipliie el d'histoire, p. ysi.
— 221 —
quelques mois mon collègue, M. L. Galesloot, a fait insérer
clans les Bitllehns de l'Académie royale de Belgique (V) une
note biographique sur ce même peintre; elle nous apprend
qu'un procès eut lieu pour son héritage; qu'il fut baptisé à
Bruxelles, le 10 septembre 1631, et que le baptême de son
oncle Philippe eut lieu le 26 mai 1602; enfin que sa veuve
Gcneniève Jehan épousa en secondes noces Pierre Hamelin,
conseiller au Ghàtelet, à Paris.
N" 58. De Crayer (Gaspar).— la Peste de Milan. H. 5'"57.
L. 2"'20.
Sans contredit cette toile, la plus belle production de notre
école que possède le musée de Nancy, peut être classée
parmi les meilleures œuvres du peintre. Avant la réunion
de la Belgique à la France, ce tableau ornait la chapelle
de Saint-Gharles Borromeo, dans l'église de Saint-Pierre, à
Louvain, d'où elle fut enlevée, dit M. Van Even (2j, le 18 juil-
llet 1794. Mensaert (s) et Descanips (4) en parlent avec
éloge. Le jugement de M. le comte Clément de Bis sur ce
tableau est trop restrictif (.">).
Puisque l'occasion m'est fournie de parlerde G. de Graver,
dont la biographie est encore à faire (g), je citerai les élèves
(1) 2" série, t. XXV, n» 2.
(î) Louvain monumental, p. 2i*9. Al. Van Evek s'est trompé en disant que le
tableau est an mtisée de Marseille. Vot/. du reste le rapport du peintre Odkvaehe,
fait en i8>5, sur les lableanx qui n'ont pas été restitués à la Helgique, dans le
Jourual (les Beaux-Arls, I8ti2. p. lli.
(3) Le Peintre amateur et curieux, t. 1", p. 2Tô.
(4) Voyage pittoresque de la Flandre et du Brabant; édit. de 1792, p. 92.
(5) Voij. son nnvraire : lex Musn^es de provinces, t. l*""", p. 25.
(r.)J'ai publié diverses noies (|ui le eoncerncnt dans mes Archives des arts,
sciences et letires. t. l*"" et t. II.
— !22^ —
quemenlionnole registre du métier des peintres de Bruxelles,
dans lequel l'artiste se lit admettre en qualité de maître, le
5 novembre 1G07. Voici les noms de ces élèves avec l'ortlio-
graphe du registre : Corneille Evenbroot, Everbroot ou Van
Everenbroot, en 1610; Martin Reyers, en Kilo; Jacques
Vermechgho, en 1616; Jacques Pezet, en 1019; Philippe
Garsao. en 1622; Gaspar Pieron, en 1624; André Van den
Broeke, en 1651; Pierre Volckaert, en 1632; Henri Ver-
voert, en 1632; Jean Leenaert, en 1653; François Mon-
naville, en 1656; Léonard Uytenhoeven, en 1658. Que de
noms inconnus!
N" 59. Van Dermoisde (Dicudonné ou Déodat). — {ji
Transfiguration. H. 4"17. L. 6'"75.
C'est une vaste composition, riche de couleur, dont les
expressions sont heureusement rendues. Je ne comprends
pas que l'auteur des Musées de province n'ait pas parlé
de cette œuvre magistrale : ce tableau ne devait pas se
trouver dans les salles du musée au moment où M. le comte
Clément de Ris visita cet établissement pour la première fois.
L'auteur du catalogue émet l'opinion que cette toile pour-
rait être celle qui ornait aulrelbis l'église de Notre-Dame, à
Anvers. En effet, Mensaert (i). Descamps (2) et une descrip-
tion d'Anvers, dont la quatrième édition parut en 1765,
l'année même de la pid)lication du livre de Mensaert, disent
que le grand tableau placé près d(!s fonts bajitismaux et
représentant le même sujet a été peint par D. Delmont,
dont le véritable nom est Van Dermonde (5). Il avait été
-> .'1 .- ■ . I . ~
(i) Le Pei>il/-e amateur t'I curieux, l. 1*", p. li."j.
(») Voyufie piU«res(]iie, etc., édit. de 1792, p. 1.18.
(3i Van Leihus et Rombouts. h's Liiiqennt, t. I", p. 448.
donné par le chanoine FMiilippe-Emnianuel Trogney, mort
en 1GI4-, pour orner son épilaphe. Au musée d'Anvers
existe un tableau du même peintre, reproduisant aussi la
Transfiguration, <'l que le catalogue déclare avoir appar-
tenu à la cathédral(> de celte ville. Ce dernier est sur bois
et moins grand que celui de Nancy, lequel a plus du double
de largeur. Ils n'ollVent que très-peu de différence dans la
hauteur. Je remarque, du reste, que la Transfiguralion,
par D. Van Dermonde, ne figure pas dans l'énumération
des tableaux enlevés à l'église de Notre-Dame, et qui ne
furent point restitués en I8I0 (\) : ce n'est donc pas le
tableau du musée de Nancy qui provient de Belgique.
Tout le monde a lu avec intiniment d'intérêt les articles
que M. Armand Baschet a publiés, de 1866 à 1868, dans
la Gazette des Beaux -Arts, sur le séjour de Rubens en Italie
et en Espagne dans les premières années du xvif siècle. Ces
détails étaient entièrement inédits. L'auteur parle entre
autres (2) des tableaux que Bubens, (|ui demeura à Mantoue
depuis le mois d'avril 16U4 jusqu'en février IG06, peignit
pour l'église de laTrinité, appartenant aux Jésuites. C'étaient
trois grandes toiles ayant pour sujet : le Mystère de la
sainte Trinité, avec les portraits, grands comme nature, de
tous les membres de la famille régnante de Gonzague; le
Baptême du Christ et la Transfiguration (.1). En 1797,
après la prise de Mantoue par les Français, l'église delà
Trinité fut supprimée, et le premier de ces tableaux fut dé-
coupé en morceaux, à cause de sa dimension, pour être
(i) Journal des licaiir-Arts, ISOrî, p. H'à.
(î) T. XXII, p. ;}()7.
(3) J'en ai trouvé 11110 petite (U'scriptioii dans la Uencrizione délie pttliire,
sculture ed urchiletlio'e, etc., di Mantovn, par Cadiolî, p. 4:2 (Mantoue, 1763).
— 224 —
envoyé à Paris ; on les voit aujourd'hui à la bibliotlié-
que de Mantoue. Le deuxième resta dans l'éulise dont
on avait fait un magasin, et fut détruit par l'humidité.
M. Baschet n'a pas su se renseigner sur le sort du troisième.
Il rapporte ce que dit de ces tableaux le jésuite Gorzoni,
dans son histoire manuscrite du collège de Mantoue, lequel
raconte que les étrangers en les voyant demeuraient véri-
tablement stupéfaits. J'ai pour ma part parcouru toutes
les Notices des tableaux recueUlis en Italie et exposés à Paris
en l'an vi, vu, viii, ix etx de la République, et je n'y ai pas
rencontré un seul tableau représentant la Transfiguration,
sauf celui de Raphaël Sanzio. Cependant le tableau du musée
de Nancy s'y trouve depuis la création de l'établissement,
décret du premier consul du 14 fructidor an viii (i) qui
créa des musées dans les chefs-lieux d'un certain nombre
de déparlements. N'y a-t-il pas déjà là une singulière coïn-
cidence entre la présence à Nancy de cette toile de grande
dimension attribuée à un élève de Rubens, et la disparition
de la troisième de ces grandes et magnifiques toiles du maî-
tre qui ornèrent jusqu'en 1797 l'église des Jésuites à Man-
toue, et dont le commissaire français s'était emparé? Enfin,
ce qui doit dissiper toute espèce de doute, c'est que dans
les notes des envois faits lors de la fondation de quinze mu-
sées dans les principales villes de France, la Transfigura-
tion figure sous le nom de Rubens et comme provenant
de Mantoue (2).
(1) Voy. ce décret dans les Musées de province, par M. le comte Clément de
Ris, t. I", p. 4.
(î) Ibidem, t. I", p. 310. Cet écrivain avait déjii l'ait rcmaniiier la provenance
de Mantoue dans la Revue univi/'selle des arU, t. XIX, p. 31.
— 225 —
En avançant que les trois tableaux en question ont été
peints par Rubens, M. Baschet n'a fait que suivre la tradi-
tion consacrée dans l'ouvrage inédit du père Gorzoni, et
reproduite dans le Guide de Mantoue de Cadioli, mais per-
sonne ne fournit à cet égard la moindre preuve, et M. Baschet
n'a rien trouvé dans les archives qui la confirme. Il existe
au contraire un témoignage(i j délivré par Rubens lui-même,
en 1C28, à Dieudonné Van Dermonde, et dans lequel il vante
son remarquable talent et déclare qu'il n'a cessé de l'accom-
pagner, lui, son maitre, en Italie et partout ('i). Ne serait-ii
pas au moins étrange que pas un connaisseur n'eût jusqu'ici
reconnu dans le tableau du musée de Nancy les qualités qui
distinguent les œuvres du chef de l'école flamande? Ces
rapprochements me portent à croire que l'attribution à
Van Dermonde doit être maintenue. Si la science en décide
autrement, j'aurai la satisfaction d'avoir retrouvé une des
premières peintures de Rubens.
En m'occupanl de Dieudonné Van Dermonde il m'est re-
venu à la mémoire une note que je possédais sur un graveur
en taille-douce du même nom, dont l'initiale est I (Jean ou
Jacques, très-probablement), et qui était son contemporain.
Il est l'auteur d'une petite vue à vol d'oiseau de la ville de
Tirlemont, sur laquelle on lit : LA. Dermonde. scvipsit then.,
avec la date de 1617 dans le haut. La planche a donc été
(i) Ce témoignage, écrit en latin, et par-devant notaire, est imprimé textuel-
lement dans l'ouvrage de C. De Uie, hct Giildtu cabinet, p. 15o.
(î) « . . Ut brevi tempore niirum in eadcm arte progressum fecerit ipso
» domino coMiparento varias intérim regioncs, pra'sertim Italiam, aliasquc mundi
» partes, ac loca perlnstrante, que ipse Dominus Ueudatus eum seniper secutus
)i ac per itinera ubique comilatus est. ... «
— 226 —
gravée à Tirlemont par J. Van (traduction de la préposilion
latine a) Dermonde.
N^' 74. Saisders, dit Van Hemessen (Jean). — Les Yen-
dears chassés du Temple. — H. ["'60 L. 2"'28.
L'œuvre est de la plus parfaite authenticité; elle est signée
et datée : loanes de hemessen 1556. Encore un tableau dont
la signature est utile pour la biographie de son auteur.
Van Mander parle en ces termes d'un peintre du nom de Jean
Van Hemsen ; je traduis : « Il a vécu, dit-il, a Haarlem dans
ces derniers temps et était bourgeois de cette ville (i). 8a
manière se rapproche de celle des anciens. On voit de lui
chez Corneille Monincx, amateur à Middelbourg, un tableau
représentant Jésus et ses a))ùtrescheminantvei's Jérusalem. »
Tout le monde est d'accord pour reconnaître l'identité de
cet artiste avec Jean Van Hem(!ssen, qui était déjà membre
de la gilde de Saint-Luc, à Anvers, en 1557, et qui en l'ut
élu doyen en 1547. Guicciardini, qui terminait sa descrip-
tion des Pays-Bas en 1565 (2), — elle ne fut publiée qu'en
1567 — le cite parmi les artistes décédés; il l'appelle
Jean il'Hemssen, près &An\CTS (Giovanni d' He)nss€n pressa
d'Anversa). Ceci donnerait raison à l'opinion exprimée
dans le Catalogue du musée de celte ville (5), qui le croit
originaire (hi village de llemixem, qu'un ap))elait ancienne-
ment Hemissem. A part le nom de sa lille que Guicciardini
(1) M. Enschedé, aivliivisU' lioiiuiaiic de Haarlfiu, a t'ait, à ma clcinaiiile, (Jet*
recherches dans les archives de celte ville. Les registres aux liourgeois ne
commencent qu'à l'année 1701. Les cûmjites des trésoriers et les résolutions du
raagisU'at du xvi« siècle ne renseignent pas le nom de l'aitiste.
(2) «... Corne accade ancor 'questo anno del Lxiii inenire che io l'orniva
» l'opéra ...» {DescrilHone di tutti i Paesi Bassi, p. 57.)
(3) i" édition, p. 71.
— 227 —
nous fait connaître, c'est là tout ce que les écrivains et les
documents du temps nous ont appris de ce peintre. Les
autres renseignements sur lui sont fournis par ses œuvres
sifi'nées et datées. Au musée (pynacothèque) de Munich,
on voit une Sainte famille sur laquelle on lit : Johannes
de Hemessefi, p. loil (i). Dans la galerie électorale, à
Dusseldorf, se trouvait, en 1781, un tableau représentant
Jésus exposé nu aux insulles du peuple, avec la signature
suivante : Joannes de ïlcmessen pingebat a" 1.344 (2). Un
autre au musée du Louvre, à Paris, le jeune Tobie rendant
lo vue à son père, est signé : Johanesde Hemmessen 15oo
invenlor et pictor. Le panneau du musée de Nancy est
postérieur d'une année à cekii-ci. Quant aux tableaux de la
galerie impériale de Vienne qui portent les dates de 1537
et lois, ce ne sont que des attributions, vraies peut-être,
mais qui n'ont pas, à mes yeux, le caractère d'authenticité
que je recherche.
Voici ce qu'on lit de la fille de Jean Van Hemessen dans
la première édition française du livre de Guicciardini,
a propos de quatre femmes artistes qui vivaient à l'époque
où écrivait l'auteur : « La seconde est Catherine, tille de
» maistre Jean d'Emssen dessusnommé, femme de Ghres-
» tien, excellente joueur d'espinettes et d'autres instru-
>) mens, de sorte que la royne d'Hongrie par leurs vertus
» rares et excellentes les mena tous deux quant et [avecj
» elle en Espaigne, où à sa mort leur laissa provision leur
(0 C'est la forme que donne ie catalogue de M. G de Dillis i18ô9); celui de
M. R. Margcraff (1866) l'ait terminer le nom par un m.
(i) De Pigage, la galerie électorale de Dusseldorf.
— 228 —
« vie durant. « Je connais un tableau d'elle — tableau qui
pourrait bien être unique — chez M. l'avocat Lescart, à
Mons. Il est sur bois comme ceux de son père, et représente
la Vierge à mi-corps caressant l'enfant Jésus : les figures
-se détachent sur un fond de paysage où l'on voit de la
neige. En voici la signature qui établit son authenticilc :
Caterina 'de 'Hemessen 'Pingebat'.
Depuis la rédaction de ce qui précède, M. le chevalier
Léon de Burburc a bien voulu me communiquer le ré-
sultat de ses recherches relativement à Jean Van Hemessen
dans les archives de la ville d'Anvers. Il ressort d'un acte
de l'an 1555, que son véritable nom était Jean Sanders,
et qu'il avait adopté la forme précédente parce qu'il était
natif du village aujourd'hui connu sous le nom de Hemixem.
Il est inscrit sous son vrai nom dans la gilde de Saint-
Luc, à Anvers (i), en 1519, comme élève de Henri Van
Cleef, le Vieux, et, vers la même époque (en 1519 et 1520),
il acheta le droit de bourgeoisie de cette ville. Le registre
de la gilde constate qu'il reçut pour élèves, en 1535, Michel
Huysmans, et, en 1557, George de Nicole (2). Jean Sanders,
dit Van Hemessen , avait épousé Barbe de Fevre, qui lui
donna Christine et Catherine, dont il est question plus haut.
Le nom de son mari était Chrétien de Morien, organiste de
l'église Notre-Dame à Anvers, depuis 1552 (3), lequel offrit
sa démission en 1556. Celte date coïncide avec celle du dé-
(i) Les Liggeren, p. 93.
(2) Ibidem, pp. 125 et 150.
(s) Compte du (iomaine d'Anvers, registre n" 4978 de la chambre des comptes
aux Arcliives du rovaume.
— 229 —
part pour l'Espagne de Marie, reine douairière de Hongrie;
où Guicciardini affirme que les deux époux suivirent la prinr
cesse. Jean Van Hemessen habitait encore Anvers en lool.
N° 75. JoRDAENS (Jacques). — Deux Têtes de vieilles.
H. 0"63. L. 0"'63.
Ces tètes reproduisent la même personne vue des deux
côtés. Magnifique étude où se retrouvent la vigueur et le
brillant que ce maî're possédait à un si haut degré. M. le
comte de Ris (i) croit y voir « l'esquisse originale de celte
» figure qui a servi à Jordaens pour toutes ses tètes de
» vieilles. »
' N" 76. CoBERGHER (Wenceslas ). — Le Martyre de
saint Sébastien. H. 2™88. L. 2'"05.
Ce tableau, de même que celui de Ph. de Champaigne,
a été donné au musée sur la demande de l'impératrice
Joséphine, qui s'arrêta plusieurs fois à Nancy en se rendant
à Plombières. C'est encore une de -"es épaves provenant
de la Belgique. Il a appartenu à l'église de Notre-Dame,
à Anvers, où il était placé sur l'autel du jeune serment de
l'arc ou de Saint-Sébastien. Meusaert ("i), Descamps (s),
et, d'après celui-ci, M. le comte Clément de Ris, racontent
une légende relative à l'enlèvement de deux têtes qui ont
été coupées dans un tableau, et refaites plus tard par
l'auteur (4). Une petite description fixe la date de ce vol
(i) Les Musées de province, t. I", p. 2i.
(2) Le Peinlre amateur et curieux, p. 2:^1.
(3) Voi/age pittoresque, etc.; édit. de i'di, p. 122.
{i) Reynolds dit à propos de ceUe toile que « le peintre a foi-t gauclicment
» placé deux tètes de femme au bas du tableau. » Voy. les OEuvres complètes du
chevalier Josué Reynolds; édit. de Paris, 1806, t. II, p. 236.
— 230 —
au 3 janvier 1601 (i). Le tableau passait, au xviii* siècle,
pour avoir été peint à Naples.
D'après des documents que j'ai trouvés aux Archives du
royaume (2), Cobergliei' habitait Rome en l'année 1600,
et il avait déjà alors fait un séjour à Naples. L'un d'eux
s'exprime ainsi sur le mérite de cet artiste : « En la paincture
» qu'est sa principalle profession, il est très-excellent et est
» tenu pour ung des premiers de l'Italie, ayant de ses ta-
» bleaux ambelly les principalles églises de Naples et Rome,
» et y at peu de maislres qui le surpassent; et pour les
» inventions il est fort habille et heureulx; la main est
» courante, facille et doulce. » Gobergher fut admis comme
maître dans la gilde de Saint-Luc, à Anvers, en 1604 et
non en 1605, comme on l'a éci-it jusqu'ici. Cette date a
de l'importance, parce qu'elle assigne l'époque du retour
de l'artiste de l'Italie. Le registre de la gilde constate son
inscription en qualité d'élève de Martin de Vos, en 1573,
Son départ })our l'Italie doit remontera l'année 1583, d'après
un acte découvert ))ar M. le chevalier L. de Burbure (3).
Dans le Martyre de saint Sébastien on retrouve les
défauts ordinaires de Cobergher, qui avait particulièrement
étudié les maîtres italiens, et qui semble avoir tenté de
revenir aux formes raides et guindées de certains peintres
flamands du xv' siècle. Je dirai avec M. le comte Clément
(i) Beschryvinye van de baoïiderste scfiihh'njen, etc. ; )7o6, p. 7.
(i) Ils sont inipiimés dans le t. HI de mes Archives des arts, sciences el
lettres. Les deux premiers volumes de ce recueil renl'erment beaucoup d'autres
notes qui concernent \V. Cobergher, et entre autres des renseignements sur les
époques de sa naissance et de sa mort.
(î) Van Lerius et Rombauts, les Liijgeren, t. I'', p. T6±.
— 231 —
de Ris (pie je ne m'explique pas l'admiration enthousiaste
de Reynolds , ce fameux critique, h la vue du tableau de
Cobergher, représentant le Christ porté an tomljeau. Cette
toile, qui porte la date de 1 009, décorait l'église de Sainf-Géry,
à Bruxelles, lors du voyage que fit en Belgique le peintre
anglais, en 178i (i) : il fait actuellement partie du musée
royal de Belgique, à Bruxelles (2). J.-Campo Weyerman
partageait la même admiration, et il parle de ce tableau dans
les termes les plus élogieux (3).
Les tableaux de W. Cobergher sont très-rares. Outre les
deux que je viens de citer, je ne puis indiquer que les
suivants. M. le comte Clément de Ris dit n'en avoir vu que
deux en France; en effet, j'ai inutilement compulsé tous les
catalogues que je possède pour en trouver d'autres.
Le Christ présente au peuple. Au musée de Toulouse.
Ce tableau provient de l'ancienne galerie ducale de
Brunswick (4).
Uempereur Constantin le Grand adorant la vraie croix,
dans l'église de Saint-.lacques, à Anvers (;;), (exécuté en \ 005.
Saint Hubert revêtu des habits pontificaux, dans l'éûlise
de Tervuereii, près de Bruxelles (e), exécuté en 1010.
(1) OEuvrex complèteiidit rlifiiiilier Jostu' Rey/uiliis, t. Il, p. 2i3.
(2) Voy. Éd. FkTis, Catalogue descriptif; 2'' édit., p. 527
[z) De Levens-liettrlinit'iiiiieii rler jSefkrIandsche l:oiist schilders, t I'''(I729),
p. 364.
{i) George. Catalonue niisoimé des tahleaux du musée de Toulouse; édil.
de 1864, p. 80. — Voij. le (■(tinte Clément de Ris,/e.s Musées de province, t. Il,
p. 295.
(s) Voy. Th. Van Leru's, Notices des œuvres d'art de r église de Saint-Jacques,
p. 151.
(6) J'ai publié des documents sur rcxéculion de ce tableau dans mes Archives
des arts, sciences et lettres, t. I'^', p. 286.
— 232 —
Aa Vierge, l" enfant Jésus, saint Jean-Baptiste et saint
Jean l'Ëvangéliste , dans la même église (i).
Le Christ mort, soutenu par des Anges, avec la Vierge.
Ce tableau se voyait, dit Descamps, dans l'égiise des Capu-
cins, à Anvers (2), en 1768; il n'est pas cité dans l'ouvrage
de Mensaert, qui fut imprimé en 1763.
Une Sainte famille avec des Anges. Grand tableau men-
tionné par Alexandre (5), comme pj-ovenant de la vente des
couvents supprimés, faite en 1785. C'est très-probablement
celui qui décorait le maitre-autel de l'église des Carmélites
déchaussées, à Bruxelles, dont la suppression eut lieu
en 1783 (V).
La Naissance de Jésus; exécuté en 1616, pour l'ermitage
du château de Mariemont.
La Visitation de sainte î'/iiaôeZ/i; exécuté la même année,
pour le même édilice (j).
Des Pénitents. Ce tableau ornait la chapelle de Saint-
Benoît dans l'église de l'abbaye de Saint - Martin,
ù Tournai (g).
Dans une lettre inédile d'un secrétaire d'État du 27 octobre
1618 (7), il est question des réclamations de Cobergher afin
(i) Wauteus, Histoire des environs de Bruxelles, t. III, p. 388.
(2) Descamps, Xoijage pUtoresque, etc.; cdit. de 1792, p. 176.
(3) Calaloiftie de tableaux vendus ù Bruxelles depuis Vannée 1773, p. 1.^1.
(.i) }\[-.y,f,kv.wï, le Peintre amateur, \. \", p. 15.
(k) Voij^, sur ces deux tableaux, mes Archives des arts, etc., t. I<"", p 283.
(c) Wknsaekt, loc. cit., t. Il, p 78; — Descajips, toc. cit., p. 26; —
Calendrier de Tournay de \~T.>; — liulletin de la société historique et littéraire
de Tournai, I. XI, p. 210.
(7) « .M. l'aichitecte Cnebergher l'.iiet instaure pour avoir payement du tableau
» que pal" ordre de la Séreiiissime il a faicl pour réi;iise des Cordeliers de
» Uriixelles, etc. v (Cnlleetion des Papiers d'Iîlat et de l'audience, aux Archives
du rovaiiuie.)
— 253 —
d'être payé d'un tableau peint par ordre de l'archiduchesse
Isabelle pour l'église des Bogards ou Cordeliers, à Bruxelles.
L'ordonnance de paiement apprend que ce tableau repré-
sentait la Descente de croix, et que son exécution, « y com-
» pris le bois, la dorure, façon et la peinture à eaue du crucifix
» servant de couverture » , coûta 1 ,810 livres de Flandre (ij.
Il n'est mentionné ni par Mensaert, ni par Descamps, ni par
y Histoire de Bruxelles de MM. Henné et Wauters, circon-
stance qui autorise à supposer que déjà, en 1765, cette œuvre
n'ornait plus l'église du couvent. Serait-ce par hasard le
même tableau que Descamps vit dans l'église des Capucins,
à Anvers, en 1768, et que les Bogards de Bruxelles, qui
appartenaient aussi au tiers ordre de Saint-François, leur
auraient cédé?
J'ai fait des recherches pour pouvoir citer ici les œuvres de
Cobergher existantes en Italie, et j'ai trouvé que dans l'église
de Sainte-Marie dite Piedigrotta, qui est située au pied du
mont Pausilippe, cà quelques centaines de pas de Naples, et
desservie par les Chanoines réguliers de Latran, il y avait
un grand tableau d'autel représentant la Passion du Christ,
et quatre autres petits où étaient aussi figurés des scènes de
ce grand drame : ils ornaient la chapelle d'Alphonse Terrera,
(i) « Receveur géru^ra' de noz domaines cl finances, Ambroise Van Oncle, nous
» vous ordonnons payer et furnir à nostre architecte Wenceslas Cobberger
)i la somme de xviijc x livres, du prix de xl gros, monnoye de Flandres, la livre.
11 pour une painclure ou tableau de toille que par nostre ordonnance il a faict
i> et posé en l'église des Cordeliers en nostre ville de Bruxelles, représen-
» tant Nostre-Seigneiir descendant de la croix, y compris le bois, la dorure,
R façon et la peinture à eaue du crucitix servant de couvertnie audict tableau,
» etc. Faict k la Vure, le second de novemlne xvjc xviij. » La quitlaiice de
l'artiste est datée du 'lii novembre 1G18. (Les deux pièces (ont partie de la
collection des acquits des comptes de la recette générale des finances, ibidem.)
— 254 —
évéqiK! d'Ariano. Ces renseignements, qui n'onl été publiés
dans aucune biographie, peuvent être considérés comme
inédits (i). Le prince de Tarsia, grand collectionneur de la
fin du XVII* siècle, possédait dans son palais, à Naples, une
belle galerie de tableaux italiens et tlamands, parmi lesquels
il y avait une œuvre de Goberglier (2).
N" 77. LiEVENS(.)ean). — Le Christ expirant mr la croix.
H. 1"'27. L. O-^SS.
Fort bon tableau de cet artiste hollandais, qui se rattache
cependant à l'école flamande, puisqu'il se lit inscrire dans la
gilde de Saint-Luc, à Anvers, en I (>55, et qu'il s'y maria avec
la fille du sculpteur Michel Colyns. Jean Lievens, dit le Vieux,
demeura pendant de longues années dans cette ville. Il pei-
gnit beaucoup de portraits et de paysages : on en voit dans
différents musées, mais les tableaux d'histoire de ce maître ne
sont pas fort communs dans les établissements de ce genre.
Le catalogue du musée de Berlin lui attribue isaac béniHsant
(i) Voici les sources auxquelles j'ai puise :
C. Cel.vno, dt'lle Notitie, etc., délia c'iUii ili .\apoli; 1692, t. I\, p. M,
rapporte ce qui suit : « iSella prima capelladi l'uoi'i dalla parte dcU' epislola, clie
.) è d'Alfonso Terrera, vescovo d'Ariauo, la tavola dove sta espressa la Passiono
-t del Signore cou altre lateraii, dove slaniio espressi altri misterii délia stessa
« passioue" sono opère di Viiiceuzo Corberglie, Fiamengo, illustre dipintore e
" fanioso malematico dell' archiduca d'Austria. »
L'abbé P. Saknelli, dans ia Yera Guida de f'oresflerl, etc., publitle en 1708
et réimprimée en 1715, dit : « La ctiiesa è grande e ben tenula. La tavola délia
» capella del vescovo d'Ariano, in cui e la Passioue del Sitçuorc, è cosi anco le
» Quattro piccidle tavole che qui sono, furono latte da Vincenzo Corbergiier,
t Flamenco, illustre piltore e singolar matematico, clic assistette presso l'arci-
» duca d'Austria. » (Edil. de 171.1, p. 2-27.)
1).-A. Paukino, Nuom Guida de' Forestieri, etc., édit. de 1751, p. 133, se
contente de dire : « Lepilture iiella cappella d'AllonsoTerraro, vescovo d'Ariano,
» sono di Vincenzo Corberj^h , Fiemingo. »
(2) C. Celano, Ioc. cit., t. VI, p. 76.
— 2o5 —
Jacob (i). J'ai vu au Louvro la Vierge visitant sainte Elisa-
beth, qui est signé /. L. ()>), comme le tableau du musée de
Nancy. Celui-ci est de plus accompagné du millésime 1671,
ce qui prouve que l'arliste n'est pas morl en 1605, date que
l'on trouve admise pour celle de son décès par la majeure
partie des biographes. Mensaert cite deux œuvres de Jean
Lievens qui existaient à Bruxelles en 176"), saint François
de Paul, dans l'église des Minimes, et la Visitation de sainte
Elisabeth , dans l'église des Jésuites (s). Ce dernier ne
serait-il pas celui qui est à Paris, et que la Notice des
tableaux des écoles françaises et flamandes de l'an v[i men-
tionne déjà?
N" 85. PouRBUS (François), le Jeune. — L'Annonciation.
H. 5'"96. L. 2"'0o.
Cette toile est assez médiocre : elle a été peinte, dit le
catalogue, pour une chapelle de l'église des Jacobins de la
rue Saint-Honoré, à Paris, et dans la liste des tableaux en-
voyés au musée de Nancy, eu vertu du décret de l'an viii,
on lit que ce tableau provient des Capucins (ou Jacobins)
de la rue Saint-Honoré (i). Cette origine est exacte puisque,
vers la fin du siècle dernier, il ornait le maifre-autel de l'é-
glise conventuelle (.;); il fut vraisemblablement peint après
l'année 1610, date de l'achèvement de cet édifice (c), où l'on
(i) WwdEN, Ye>:ei(ltiii$sder Gemâlde-Sammlimg, édit. de 18G0, p. 277.
(ï) ViLLOT, Notice des tableaux du rnunéc impérial du Louvre; 5<= partie,
S' édit., p. 159.
(3) Le Peintre amateur, pp. 42 et 108.
(.i) Comte Clément de Ris, les Musées de province, t. I*^^"", p. 316.
(r.) D'AiiGENvii.LK, \oija(ie pittoresque de Paris, édit. de 1778, p. 132.
{(,) G. Rrice, De'icription de la ville de Paris, édit. de 1752, t. P', p. 302.
16
— 236 —
voyait un saint François du même artiste (i), tableau peint
en 1620, lequel est maintenant au musée du Louvre (2).
François Fourbus est le lils et à la fois l'élève du peintre
brugeois qui porte le même prénom que lui. Son père vint
se fixer à Anvers, en 1 564, et c'est là que François Fourbus,
le Jeune, vint au monde. En 1591, la gilde de Saint-Luc
l'admit comme franc-maître (:î). Une somme de 620 livres
de Flandre, qu'il reçut en juillet 1600, « pour painctures
» qu'il avoit faict pour Leurs Altèzes et dont icelles estoient
» contens (4), » témoigne qu'il fit des travaux pour les
archiducs Albert et Isabelle, et (lu'il séjourna quelque temps
à Bruxelles avant de se rendre en Italie, d'où Fourbus alla
se fixer à Faris. Il habitait déjà cette ville dans les premiers
mois de l'année 1610, ce que prouve le portrait du roi
Henri IV, signé et daté, qui est au Louvre. En 1611, il avait
le titre de peintre de la reine Marie de Medicis, la veuve de
ce prince (5). M. Jal a rencontré son nom dans plusieurs
documents, et la date de son enterrement qui eut lieu le
19 février 1622 (e). Nous devons attendre, pour en savoir
(1) D'Argenvii.le, Ioc. cil.
(2) ViLLOT, Notice (les tableaux, "1" partie, cdit. de 1805, p. 206.
(s) Van Lkrius et Rombouts, les Lvj(jeren, t. I", p. ÔCil.
(+) « A Fraucliois Poiirbus, paiiictre, la soiiiiiie de vjt: xx livres, etc. » I/or-
donnance de paiement est datée de Bruxelles, le 27 juin 1600. (Compte de la
recette généiale des tinances, n» F. 285 de la chambre des comptes, aux Archives
du département du Nord, à Lille.)
(s) M. A. Sauzay, dans sa Notice sur les bois sculptés, terres cuites, etc., du
musée de la Renaissance, à Paris, attribue à F. l'ourbus une miniature k l'huile
représentant Charles de Lorraine, duc de Mayenne. Si cette œuvre est réellemenl
du peintre flamand, elle doit dater des premières années de son séjour à Paris,
car le duc est mort en octobre 1611.
(et Dictioininire critique (le hiof/rtiphie cl d'Iiishiire, p.îHlO.
— 237 —
davantage sur le compte de cet artiste, les révélations que
nous promet M. Armand Baschet d'après les archives des
ducs de Mantoue. Déjà cet écrivain a consigné son nom
dans un livre où l'on ne se hasarderait pas à l'y chercher,
livre qui a pour titre : Ae Roi chez la reine ou Histoire
secrète du mariage de Louis XIII et d'Anne d'Autriche.
On y apprend (i) que Fourbus, qualifié de peintre du duc
de Mantoue, peignit, le 20 août lOOG, au château de Saint-
Germain en Lave, le portrait en pied du Dauphin, qui fut
depuis Louis XIIL II accompagna en France Éléonore de
Medicis, duchesse de Mantoue, sœur de la reine Marie, qui
s'y était rendue pour être la marraine de l'héritier de
Henri IV. M. Baschet y dit que Fourbus quitta la cour du
duc Vincent V de Gonzague, en 1609. Dans un endroit diffé-
rent de son ouvrage (2), cet écrivain parle, d'après un lémoi-
gnaQ:e du temps, d'un autre portrait en pied du roi Louis XIII
enfant, que commença Fourbus, à Faris, à la date du 1 1 fé-
vrier 1611.
Je soumets aux recherches des patients investigateurs du
passé en France la question de savoir quel artiste est désigné
dans le document que je rapporte ci-après. Il m'est venu
dans l'esprit qu'il s'agit peut-être là de François Fourbus, et
c'est pourquoi je l'ai reproduit ici. Les portraits dus au pin-
ceau de cet artiste et existant dans la galerie du palais
Fini (5), à Florence, sont là pour attester, selon moi, le
séjour du peintre à Florence, où l'aura mis en relief la pro-
(i) 2« édition (Paris, 1866), p. 434.
(î) P. 68.
(3) CiiiAvAf.ci, Giiidr lie In (jalurie roiiale du palais Failli (1860), n<" liii,
296 et 591.
— -^ÔS —
tection d'Éiéonore de Medicis, dont l'effet sans donle s'est
étendu à la cour de France. Quoi qu'il en soit, l'anecdote dont
nous allons parler ne manque pas d'intérêt et mérite qu'on
découvre la vérité. Le fait est raconté par Pierre Pecq ou
Pecquius, l'ambassadeur des archiducs Albert et Isabelle à
la cour de France, dans une lettre qu'il écrit à ce prince tle
Paris, le 2 février 1011 (i). « Dez avant-hier, — dit-il, —
» s'est levé icy ung grand bruit de quelques Flamands
» que l'on disoit estre faits prisonniers pour avoir voulu
» attenter aux personnes du roy et de la royne; et selon
» l'information que j'en ay pu avoir jusques ores, il est vray
j> que le lieutenant du sieur la Courbe, capitaine des gardes,
» logé en certaine hostellerie au fauxbourg de Saint-Mar-
y> ceau de cette ville, ayant accusé un peintre flamand logé
» au mcsme logis d'avoir tenu aucuns mauvais propos sur
)> le fait de l'État, ledict peinire a esté saisy avecq quelques
» autres Flamands de ses compagnons. Mais le chancelier
» à qui j'en parlay hier m'a dict qu'à la vérité il luy esloit
» aussy arrivé un advis d'Italie contre ledict peintre, ayant
» puis naguierres esté à Florence avecq une garce, et que
» néantmoins je me pouvois tenir asseuré ({ue ce n'estoit
» chose de conséquence, usant de ces mots : Je vous veulœ
» bien dire librement que ce n'est rien. Et aujourd'huy l'on
» m'a averty d'ailleurs que ledict peintre ny ses compagnons
» ne se trouvent coulpables d'aucun meschant dessein, mais
» seulement d'y vrogneries et mesdisances.» A quelques jours
de là (le 7), l'ambassadeur terminait sa dépèche par ces
(i) Négociations de France, vol. de lOIO-IGl 1, aux Aicliivcs du royaume, à
Bruxelh's.
— 239 —
mots : « Le peintre flamand et ses compagnons mentionnez
» en mes dernières sont trouvez innocens du cas dont on les
» soupçonnoit, el les prisons leur ont esté ouvertes. »
Je n'ai rien à dire des quatre toiles du musée de Nancy
inscrites sous le nom de Rubens; ce ne sont que des copies
(n"^ 86-89).
N" 91 . RuYSDAEL (Jacques). —Paysage. H. 0'"4G. L. 0'"60.
Beau tableau (jui représente l'entrée d'une forêt, avec un
étang à droite. Sur le premier plan chemine un paysan qui
tient un enfant par la main. Il est signé, et la date de 1G49
se lit à côté du nom; cette date a son importance en ce qu'elle
établit que l'œuvre est la plus ancienne connue de l'artiste.
Le catalogue apprend qu'elle a fait partie de la collection
d'un duc de Ghoiseul, et qu'elle fut gravée à cette époque.
Aux renseignements obscurs que l'on avait sur J. Ruys-
dael, le Vieux, MM. Elsevier (i) et A. Van der Willigen
ont fait succéder la lumière (-2). Il résulte des documents
qu'ils ont découverts que cet artiste é])ousa à Haarlem Ger-
trude Van Ruysdacl, en 1064; qu'ils quittèrent celte
ville en 1660 pour aller demeurer à Amsterdam, et qu'il
revint mourir à Haarlem, où il fut enterré, le 15 novembre
I68I (3).
(i) M. C. De Bhou s'est trop liàté de eoiielure, avec M. Ei.skviek, que, dans
un docuniciil de 1682 découvert ])ai' ee dernier, il s'agit du peintre Jacques Ruys-
dael. {Voy. le Itulletiii des commisKioii.s nnjales d'art et d'arcliéoloqie. '2" année,
p. 520.)
(î) Geschiekundiyf atiHleekeniinjeii over haarlemsche xchildern , p. 184.
M. A. Van der Willigen n'a pas connu la découverte faite par M. Ki.sevilk
de l'acte de mariage de Hobbeiua, dont J. Ruysdael fut le témoin, en 1(J68,
M. V,. De Bkou a publié un article sur ce document dans la lieiue universelle de^
arts, t. XV, p. 178.
(8) De Navorscher, 1865, n" 9, p. 275, el n* 1 1, p. 341.
— 240 —
N" 94. Teniers (David), le Jeune. — Paijscuje. H. 0"'o8,
L. O^b^.
Le catalogue en fait la description qui suit; elle est exacte :
« Sur le premier plan, des roches formant une sorte de ca-
» verne, laissent voir, dans le fond, un frais paysage. Sur le
» devant, plusieurs figures de vieilles femmes, dont l'une dit
» la bonne aventure à un paysan. » Ce tableau, qui fut acheté
dans la vente de la collection d'un peintre, a du mérite, et
les figures, particulièrement, sont d'une belle exécution.
^5, — Musée lorrain.
Le musée lorrain renferme les objets d'art et d'antiquité
qui se rattachentà l'histoire de la Lorraine et ceux quiontété
trouvés dans le pays. Il est établi dans la galerie des Cerfs,
vaste salle au premier étage de l'aile encore debout du vieux
palais des ducs, qui fut fondé en 1S92. M. Lepage, dont j'ai
mis largement à contribution les savants ouvrages, a publié
sur cet édifice un très-curieux travail, intitulé : Le Palais
ducal de Nancy (i). La construction de la salle ou galerie des
Cerfs fut certainement achevée dans le premier quart du
xvi' siècle. On ne pouvait choisir pour le musée lorrain
d'emplacement plus heureux et qui rappelât à la fois tant de
souvenirs historiques.
Le Catalogue des objets d'art et d'antiquité exposé au
musée lorrain (2) est précédé d'une notice abrégée de
(1) C'est un volume de 192 pages, dont la première édition a |)arii en 1852.
(2) Je me sers de la 4° édition, publiée en mai 1865.
— 241 —
M. Lepage sur le palais des ducs. N'ayant point rencontré
de nom appartenant aux l*ays-Bas, dans l'histoire de ce
palais citée plus haut, laquelle fourmille de détails sur les
artistes employés par les ducs de Lorraine, je ne devais pas
espérer de trouver des objets d'art dont l'origine m'aurait
intéressé. A part le plaisir que j'ai toujours à visiter un musée,
ce qui m'attirait surtout au musée lorrain, c'étaient les célè-
bres tapisseries que j'avais vues, en 1852, dans une des salles
du palais de justice.
Le musée lorrain embrasse tous les temps et se compose
de monuments de tous genres. J'y ai vu un médaillon en terre
cuite de 0"'50 de diamètre, modelé par P.-L. Cylïlé, et re-
présentant le portrait du roi Stanislas (n'' 507). Quoique le
catalogue dise que les œuvres de cet artiste brugeois sont fort
répandues dans les cabinets, c'était pour moi la première
que j'eusse l'occasion de voir. Dans la collection des por-
traits en peinture, j'avais espéré trouver celui de Marguerite
de Gonzague, seconde femme de Henri II, duc de Lorraine,
par François Fourbus, le Jeune, qui avait autrefois fait par-
tie de la galerie du prince de Craon (i) : il n'y était point
Cette princesse fit, en 1611, un voyage à la cour de France,
qui se tenait alors au palais de Fontainebleau (2) ; c'est sans
nul doute, dans cette circonstance, que Fourbus fit cette
peinture dont on ignore, actuellement le sort.
Farmi les portraits, j'ai remarqué une esquisse à l'huile
(t) Aug. Galmet, Disserlalioii historique et cltronolofiique sur la suite des
médailles des ducs et duchesses de Ut maison royale de Lorraine, gravées par
F. de Saint-Urbain, 1736, p. 47.
(2) Aug. Galmet, Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, t. 111, p. 174»
— 242 —
(il" 381) où se voient le duc Léopold, Elisabeth-Charlotte
d'Orléans, sa femme; cinq de leurs enfants; Giiarles-Joseph,
archevêque de Trêves; François, abbé de Stavelot, tous deux
frères du duc. Cette esquisse est de Jacques Van Schupjien, et
quoique l'œuvre ne porte j)as de date, il est aisé de lui en assi-
guej- une. « En 170U, et non point en 171 G, comme le dit la
» Biographie universelle, écrit M. Lepage, Van Schuppen
» ([uilfa la cour de Lorraine, de l'agrément du duc, ei, lais-
» sant dans ce pays sa sœur et sa femme, il alla s'établir à
» Vienne. » Or, les enfants représentés sont les trois aines.
Léopold-Clémenf, né en 1707, et François-Etienne, né en
1708. Une lille morte le 10 mars 1709 ne s'y trouve point;
c'est donc après le décès de cette jeune princesse que Van
Schuppen a exécuté son estpiisse, (pii fut très-probablement
peinte à Lunéville. Le Musée lorrain possède le poj-trait de
cet artiste (n' 477). Quoi(pril ait j)assé la moitié de sa vie à
Vienne, où il devint directeur de l'académie impériale, on ne
compte que diHix portraits de ce peintre au musée du Beh é-
dère, en celle ville (i); c'était le genre dans lecpiel il brillait.
Le ])rince Charles-Alexandre de Lori-aine, l'ancien gou-
vei-neur de nos provinces, est représenté deux fois au musée
lorrain (W" 400 et 407). Que le portrait de ce prince débon-
naire soit placé dans l'un de nos musées, rien de mieux; il
rajipellera toujours une époque de ))aix et de bonheur poul-
ies Pays-Bas. Mais c'est au ministre i)iénipolentiaire de l'im-
péralrico Marie-Thérèse (17o5-1770), à Cliarles, comte do
(0 Voi/. Dk Mec.hel, (UiUilofiite dcH lahlvanx de la ri((h'rie imijéiiiile, 17Ui,
pp. 29Gt't2i)7; — A. KuAii-r, Verzekhnhs der Gemùlde-Gallerie im Iklvcderc,
■1845, p. 177; — Waagen , (//<■ Voniclimstcii Kiinslde)tl{ni<iler in Wien, iS(i6,
t. !'■•, p, 251 : ce dernier ne mentionne qu'un seul portrait.
— 245 —
Cobenzl, que j'aurais voulu voir élever une statue en bronze.
Nouveau Colbert, il fit des efïbrts inouïs pour relever les
principales branches d'industrie dans losciuelles les Belges
s'étaient autrefois distingués, et, ])our en créer de nou-
velles, il chercha à raviver l'agriculture et le comineice; il
réforma l'instruction publique; enfin il remit en honneur les
arts, les sciences et les lettres par la fondation de l'Aca-
démie.
A côté du |)rince Charles de Lorraine on voit le portrait
de sa sœur Anne-Charlotte (n" 402), qui fut nommée abbesse
séculière de Sainte-Waudru, à Mons, par Marie-Thérèse, en
1754, et mourut dans cette ville en 177.5. Le prince Charles
et sa sœur étaient les plus jeunes enfants du duc Léopold.
En me servant du catalogue pour coimaitre les [)erson-
nages des deux sexes et de tout âge, dont les figures \)h\s ou
moins débonnaires , plus ou moins intelligentes garnissent
les murailles, j'y lus, au n" 422, les lignes suivantes : « Por-
» trait de Ser\ais Lairuels, réformateur des Prémontrés,
» né dans le Hainaut, en loGO, mort en 1651, à l'abbaye de
» Sainte-Marie-au-Bois, près de Pont-à-Mousson. » J'ai cher-
ché dei)uis dans ï Histoire ecclésiasiique et civile de Lorraine,
par dom Galmet (i), et j'en extrais les lignes suivantes qui
le concernent : « Ce grand homme naquit à Sognv, en Hai-
» naul, en 1560, de i)arens d'une médiocre fortune. Son
» père, nommé Servais, qui avoit autrefois servi dans les
» troupes et qui avoit l'âme guerrière, lui fit donner au bap-
» tème le nom d'Annibal ; mais, ayant élé présenté à Nicolas
» de Bousmard, évèque de V'erdun, j)our recevoir la confir-
(i) T. III, p. 150.
— 244 —
» mulion, ce prébl lui changea son nuni d'Annibal en celui
» de Servais. Il prit l'habit de prémontré et lit profession à
» Saint-Paul de Verdun, le 25 nfiars 1380. 11 étudia, étant
» déjà religieux, les humanités dans le collège des pères
)) jésuites de Verdun; de là on l'envoya à Pont-à-Mousson,
» pour y faire sa philosophie, et ensuite à Paris pour y élu-
» dier la théologie, etc. » Dom Cahnet a tiré ces détails et
d'autres qu'il y ajoute d'une biographie manuscrite faite par
un religieux de l'ordre des Prémontrés.
Dans les pages précédentes, j'ai cité l'horloger Ransonel,
natif du pays de Liège, lequel vint s'établir à Nancy. Son
portrait se trouve au musée (n" 481). C'est là, sauf les tapis-
series (n" 793), tout ce que j'ai noté dans ma visite à cet éta-
blissement.
Chacun sait que ces tapisseries de haute-lisse proviennent,
dit-on, de la tente de Charles le Téméraire, et qu'elles furent
prises par les Lorrains, lorsqu'ils eurent anéanti l'armée de ce
])rince qui avait mis le siège devant Nancy. D'après les histo-
riens locaux, une tradition constante et unanime semble ne
devoir laisser aucun doute sur cette origine. Ces tentures
ont été conservées dans le garde-meuble des ducs de Lor-
raine jusqu'en 1757; le duc François III en fit don alors à
la ville de Nancy. Elles ont successivement été placées depuis
dans l'ancien hôtel de ville et dans les salles du palais de jus-
tice, et enfin dans le local où on les voit aujourd'hui. On peut
les diviser en deux groupes d'après les sujets qu'elles repré-
sentent : cinq appartiennent à l'histoire ou plutôt à la moralité
intitulée : la Condampnacion de Souper et de Banquet. « La
» tapiss(ïi-ie, — dit le catalogue, au(iuel j(; crois pouvoir faire
» ici cet enq^runt, — offre une histoire dont le fond allégo-
— ^24a —
» rique a pour but d'exposer les inconvénients de la bonne
» chère, histoire qui a fourni phis tard le sujet d'une mora-
» lilé. Elle a dû, primitivement, ne former qu'une seule et
» vaste page sur laquelle se déroulait toute l'histoire allégo-
» rique qu'elle représente, et dont les diverses péripéties
» étaient nettement désignées par des séparations fictives
» ayant la forme de colonnes. Plus tard, celte tapisserie fut
» coupée en plusieurs morceaux, et malheureusement ce ne
» fut pas aux endroits indiqués par les divisions de l'artiste
» lui-même. Plus malheureusement encore, il arriva qu'on
» voulut, dans la suite, rejoindre ces pièces séparées et que
» les personnes chargées de cette opération, ne comprenant
» pas le sujet ou n'élant pas assez habiles pour lire les inscrip-
» tions en caractères gothiques placées au haut de la tapis-
f série, interromj)irent la suite de l'histoire par un jilacement
» erroné des morceaux, »
Les dimensions des cinq tapis varient beaucoup en largeur
(de 5"'20 à o"'80); leur hauteur est à peu près la même
(3"70 à 5'"80). Elles offrent ensemble une étendue de vingt-
deux mètres et demi, dans laquelle se dévelopj)e l'allégorie
qui n'est autre que la condamnation des grands festins et la
nécessité d'être sobre pour conserver la santé. Chaque per-
sonnage a son nom brodé près de lui ou sous ses pieds, et des
légendes en vers français aident à l'intelligence des sujets,
qui me semblent devoir être désignés de la manière suivante :
Repas offert par Biner à Bonne Cornpagnie el autres gens
de joyeuse vie ;
Banquet reçoit à sa table Bonne Compagnie et les amis de
celle-ci, el se prépare tratlreusement à faire frapper ses
convives par les Maladies;
— 246 —
Combat livré par Banquet et les Maladies auxdits conmves;
Expérience entourée de ses conseillers ordonne l'arresta-
tation de Banquet et de Souper;
Expérience assistée de quelques docteurs et de juges pro-
nonce la sentence de mort de Banquet.
Le dessin el le lissagtî des trois premières tapisseries sont,
meilleurs de beaucoup que dans les deux autres. Toutes sont
faites de laine et de soie. Une description qui en a été publiée
en 1779 (i) assure qu'à cette époque on y voyait de l'or;
« mais, — dit l'auteur, — l'or ne s'appcrcoit plus que dans
» quelques endroits et à la faveur d'un beau soleil. » Les
sixième cl septième tentures du Musée lorrain appartien-
nent à l'histoire d'Assuérus el d'Esther. Celles-ci sont un
peu moins hautes que les cinq pièces déjà décrites, el elles
n'ont que deux mètres et un tiers environ de largeur. Leur
fabrication est plus ancienne et elles ont inconteslablemenl
été dessinées par un artiste des Pays-Bas.
Les tapisseries de Nancy ont beaucoup souffert, particu-
lièrement i)ar des réparations inintelligentes faites à dilTé-
rentes époques. Quant à leur origine, j'ai peine à me rallier à
l'opinion commune. Voici ce (ju'on lit à ce propos dans le grand
ouvrage de M. Jubinal ; « Une chose contrarie pourtant cette
» o{»inion, c'est le silence gardé par quelques auteurs spé-
» ciaux. Dorn Calmel, dans son Histoire de Lorraine, parle
» bien, à plusieurs reprises, d'anciemies tapisseries conser-
)j vées à Nanci et (pi'on exposait lors de certaines processions,
» notamment à l'occasion de celle du Saint-Sacrement; mais
(i) J.-J. Lannois, Essais sur la ville de Nancy, |). îl, note*
— 247 —
» il n'entre dans aucun détail à leur égard. Il en est de mémo
» de l'inventaire des objets trouvés dans la tente de Charles
>■> le Téméraire, acte qui, plus que tout autre cependant,
w aurait dû être plus explicite. » Ces lignes sont extraites
du livre inliluN' : Les Anciennes tapisseries historiées, où
sont reproduites en gravures à l'eau-forte assez médiocres les
cinq tentures de la moralité de Banquet et de Bonne Compa-
gnie. M. Jubinîd conclut néanmoins « qu'il n'est guère per-
» mis de contester l'origine du monument. » Des raisons
bien plus sérieuses me portent à croire (|ue les cinq tapisse-
ries de la moralité de Banquet et de Bonne-Compagnie n'ont
jamais appartenu à Charles le Téméraire : telles sont la forme
des meubles et des ustensiles, et les costumes des person-
nages, dont les coifTures, les chaussures, les casques et bien
d'autres détails me font siqiposer qu'elles sont de quel-
ques années postérieures à la mort de ce prince. Le dessin
en général et le type des dates ne dénotent pas pour moi un
artiste de nos contrées. Les tentures ont fort bien pu être exé-
cutées d'après les cartons d'un peintre étranger à Arras, à
Tournai ou dans quelque localité du Brabant ou de la Flandre,
car il n'y avait nulle part ailleurs de manufacture de tapisse-
ries de haute-lisse dans la seconde moitié du xV siècle.
On ne rencontre pas d'autre souvenir de l'infortuné duc
de Bourgogne au Musée lorrain. Le superbe monument,
avec la statue en bronze de ee prince, que le duc René II
lui avait fait élever dans l'église de Saint-George, lieu de sa
sépulture, a été détruit : il l'était déjà en 1770, lorsque l'abbé
J.-J. Lannois fit imprimer ses Essais sur la ville de Nancy (i),
U) Vo!/. p, 7."^».
— 248 —
qui sont dédiés au prince Charles de Lorraine, le gouverneur
général des Pays-Bas autrichiens. Un manuscrit de l'an \ 619,
puhlié par doni A. Calmet, dans sa Notice de la Lorraine (i),
on fait la description suivante : « Il est en relief sur un tom-
)•> beau relevé soubs une arcade prinse dedans la muraille
» au-dessoubs des orgues, à la main gauche de la croisée de
» l'église, en entrant vers le maître-autel, orné des armes
)> des provinces de son domaine, et blasonnées chacune de
» ses couleurs. Aux deux côtés duquel sépulcre sont deux
» épitaphes. » Ce n'est qu'en lo30 que le corps de Charles
le Téméraire revint aux Pays-Bas et fut déposé dans l'église
de Notre-Dame, à Bruges, à côté de sa fille. Le mausolée
que l'on y voit date du xvi*" siècle; c'est l'œuvre de Jacques
Jongelinck (2).
Je viens de citer un ouvrage dédié au prince Charles-
Alexandre par un Lorrain; je saisirai cette occasion pour en
signaler un autre en deux volumes intitulé : Mémoires pour
servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine. Il a pour
auteur François-Antoine Chevrier, littérateur et pamphlétaire
de Nancy, mort en exil à Rotterdam. Les biographes disent
que ce livre lui valut une condamnation à un bannissement
perpétuel de la Lorraine. L'ouvrage |)orte pour lieu d'im-
])ression : Bruxelles, \7M, sans nom d'imprimeur. Mais
quel est donc cet avocat lorrain qui se Irouvail dans cette
vilh; en 1708, lors de la tentative faite pour s'en emp;irer par
(11 2" édition (Luiiovill(% I8U)), t. M, p. lil.
(2) Voij. la notice que j'ai publiée sur cet artiste dans mes Recherches sur tes
graveurs de médailles, de sceaux el de monnaies des Pays- lias, t. \", p. 512.
(lierac de la namisniafique helfie. t. IV, 2' série.)
— 249 —
l'électeur Maximilien-Emmaniiel de Bavière, à la lète d'un
corps de troupes françaises et espagnoles? Il a laissé de cet
événement une relation qui a pour titre : Le Triomphe de
Vamjusle alliance et la levée du siège de Brusselle, etc., par
C. M. D. R. J'ai consulté sans succès toutes les biographies
et bibliographies afin de découvrir le nom caché sous ces
initiales. Je retourne à Ghevrier pour dire que l'on conserve
aux Archives du royaume de Belgique, dans la correspon-
dance du ministre Cobenzl, quatre lettres qui lui furent
adressées par cet écrivain. Les deux premières sont datées
de Hanovre, le 17 août 1757, et de Cassel, le 18 septembre
suivant; celle-ci parle de son projet de faire imprimer à
Francfort la relation de la campagne de 1757, qui y a effec-
tivement vu le jour. La troisième fut écrite à Bruxelles, le
24 juin 1761; elle n'a pour objet que de se justifier d'un
artich' qu'il avait publié dans la Gazelle des Pays-Bas.
m. — STRASBOURG.
% i". — MUSÉE DES TABLEAUX.
Ge qui frappe d'abord le touriste en arrivant à Strasbourg,
c'estson admirable cathédrale. Je la revoyais pour la seconde
fois, et je la visitai de nouveau en détail. J'avais surtout à
cœur d'y découvrir quelque œuvre, si petite qu'elle fût, qui
me rappelât le souvenir d'un artiste de notre pays. Je ne
trouvai rien, et j'ai parcouru depuis plusieurs descriptions
de cet édifice (i) sans être plus heureux. Tous les noms d'ar-
(i) BuHM, Description nouvelle de la cathédrale de Strasbourg, 1733; —
Sr.Hiii.EH, Bcsclircilnnig des Straszburger Miinfsti'rs; — (;randi1)1f,r, Essais hix-
toriqnes et topograpliiques sur l'église cathédrale île Strasbourg, 1 782 ; — Piton,
la (Uilhédrate de Strasbourg^ 1801, ctr.
— 250 —
listes que les documenis ont sauvés de l'oubli, sont bien des
noms alsaciens ou allemands. J'ai cherché vainement dans
l'église un souvenir pieux, un ex-voto quelcoïKjue de Wen-
ceslas de Bohème, duc de Luxembourg, l'époux do Jeanne,
duchesse de Brabant el de Limbourg, à qui, d'après un car-
lulaire des Archives du royaume (i), son frère l'empereur
Charles IV avait engagé l'avouerie des villes de l'Alsace,
en 1577, pour une somme de 50,000 llorins d'or de Nu-
remberg.
En rédigeant ces noies, je me suis sonvenu d'im graveur
sur cuivre dont j'ai vu une planche assez médiocre, éditée
à Strasbourg, et qui porte un nom llamand, Jean Van der
Heyden. Tous les livres que j'ai consultés (^2), — ils se copient
du reste presque tous les uns les autres, — le font naître
dans cette ville vers 1570, et disent qu'il travailla à Franc-
fort-sur-Mein au commencement du siècle suivanl. Il n'a
probablement pas continué à habiter celt(» localilé, car une
vue de l'intérieur de la cnthédrale de Strasbourg due à son
burin porte la date de U)!27. Malgré l'opinion relative à sa
naissance que je viens de rapporter, il y a lieu de ne pas l'ad-
mettre sans contrôle, car Jean Van der Heyden pourrait fort
bien appartenir aux Pays-Bas.
Voici d'autre part deux noms que j'ai rencontrés dans le
cours de mes rechercbes et qui déterminent bien l'origine
de ceux qui les ont portés : Thiébaut de Strasbourg, l'un
des ménestrels en office de Jean sans Peui* et de Philippe le
(i) Reiiistre n" 32 do la cliarabre des comples, fol. vj r» et siiiv.
(4) Voy. enU-e autres Huber, Notices gniérales des graveurs, 1787, p. 92; —
Naoler, Neiies nlgemeiiies Kûnsller Lexicon, f. VI, p. ir>9, oie.
— 25i —
Bon, ducs de Bourgogne, et Jean de Strasbourg, peintre;
ce dernier apprit son art à Tournai avec Jacques Daret (i),
le condisciple de Roger de le Pasture, dit Van der Weyden,
et il y fut inscrit comme maître dans la corporation de Saint-
Luc, le 24 août 14G4- (2).
S'il faut en croire Mariette (3), le graveur liégeois Théo-
dore de Bry, forcé, à cause de ses opinions religieuses, de
se retirer dans des pays où l'on pratiquait la tolérance, se
retira à Strasbourg où naquit Jean-Théodore, son fils, en
1561 , qui pratiqua le même art que son père : de Bry émigra
ensuite à Francfort-sur-Mein (4). D'autres Belges au nom
desquels se rattachent quelques souvenirs littéraires ou qui
ont joué un rôle au xvi*" siècle, cherchèrent aussi un refuge
à Strasbourg pour les mêmes motifs que Théodore de Bry;
tels furent : Jacques de Bourgogne, seigneur de Fallais, qui
se trouvait dans cette ville en 1545, et qui y reçut la visite de
Calvin (3) ; Pierre Alexandre, de Bruxelles, chapelain de la
reine Marie de Hongrie, dont il fut obligé d'abandonner le
service, en 1544, sous l'accusation d'hérésie; il se sauva en
(i) « De Hanse (ic Strazeboug (-s'/f), varlet de Jacques Daret, pour les drois
» (le iiiestrises : Ixiiij gr. » (Compte du métier des peintres et verriers de Tournai
de 1 4(35- U6-i, aux Archives communales de cette ville.)
(2) « Hanse de Setrazebourc fut receu h le francise du mestier des paintres
» le xxiiij« jour d'aousl l'an mil cccc Ixiiij. » (Registre aux inscriptions du métier
des peintres et verriers de Tournai, cité.)
(5) Abecedario, t. II, p. 20:2.
(i) M. C. Raiilen«eck a publié dans la Revue triinesfrielle, t. LI et LVII, un
curieux travail intitulé : les Refngiôa belges du seizième siècle à Fraiicforl-
siir-le-Meiu. Les de Bry ne sont pas nommés dans la Notice historique sur la
paroisse réformée de Strasbourg, pai- M. A. Maeder ; Strasbourg, 1853.
(s) LMxLKsi.om, Jacques de Bourgogne, etc. (REVi:ETRiMESTRiEi.LE),t.XXXIV,
p. 17.)
17
— 252 —
Allemagne et rie là en Angleterre, où il obtint une place de
pastenr, fonctions qu'il délaissa pour fuir lors de ravénemenl
de Marie Tudor, et qu'il alla continuer d'exercer à Stras-
bourg 0); Walcram Poullain, gentilbomme lillois, qui y fil
imprimer son Traité très-utile du Sainct-Sacremeni de la
Cène et sa IJturgia sacra (-1); Louis des Masures, natif de
Tournai, auteur de divers ouvrages, lequel fut successive-
ment pasteur calviniste à Metz, à Strasbourg et à Sainle-
Marie-aux-Mines (3); .losse de Harchies, de Mons, célèbre
médecin qui se sauva de Liège, en 1567, où il avait publié
son livre de Caiisis contemptn' medicina\ en 1505, et qui alla
s'établir à Strasbourg (4), etc.
Le musée de cette ville est ])eu important, il occupe
quelques petites pièces de l'iiùlel de ville, où les œuvres
d'art sont fort mal éclairées. Sa création date du décret de
l'an VIII, et cpiarante- trois tableaux lui furent alors adju-
gés : le musée n'a guère augmenté depuis. Voici les notes
t(ue j'ai prises en le visitant. Il n'y avait point alors, m'a-
t-on dit, de catalogue imprimé, — il ne l'a pas été depuis,
— et les dimensions que je donne ont été })rises par moi.
N" 1. jMiereveli) (Micbel-Jean). — Portrait.
C'est un assez beau portrait de vieille dame, en buste, qui
est attribué à cet artiste, et qui n'est pas indigne^ de son
(1) liiofirnphie nnliouale, t. I", p. 218; A. M kdku, yolke hklorique sur lu
pnroisse réformée de Strasbourg; 185i>, p. 17.
(4) BnUetindu proteslaulwne français, t. Vil, VI M et \III,/)r/.s.s7'/H; — Haag,
la France proteslaiite, t. VIII, p. .">00, etc.
(r,) PiRoN, Ahjemeene It'vensbeschryi'iiifj dcr mainieii en vroaweu van lielgie,
p. n.-.
(i) Ibidem, p. 1.%ô.
— 2S5 —
pinreaii. Je ferai romarqnor ici que lo nom du peintre est
terminé par nn d sur les quatre lahleaiix du musée
d'Amsterdam qui sont d'une authenticilc- inrontesfal)Ie (i)
et j'ai adoplé cette orthographe.
\" I.^). Vais Ostade (Adrien). — (rip rire, entre des
paysans. II. ()"V4:). L. 0"'ôl.
Des huveurs allahlés dans mie eave se prennent de
querelle et en viennent aux voies de Jail : leurs femmes
cherchent à les séparer. Ce tahleau qui est signé •. A. Oslade,
1655, est encore fort heau malgré les détériorations qu'il
a souffertes. M. le comte Clément de Ris en fait aussi un
grand éloge (2). il n'est pas- indifférent de faire remarquer
que c'est assurément là le plus ancien tableau du peintre qui
porte une date. Si l'année 1610 est bien celle de sa naissance,
comme fout porte à le croire, l'artiste aurait exécuté cette
œuvre à l'Age de vingt-deux ou vingl-trois ans. Les intéres-
santes rechi'ndKN de .M. A. Van der Willigen, sur les peintres
de Haarlem (0), on! restilué à celle ville les frères Van Ostade
que Houhraken (a) a fait naiire à Luheck.
N" 25. MiELE Clean ). — Paysage.
Petit tal)leau fort noir où quelques tigun^s se détaclient
sur un fond de paysage, et qui provient de la collection
du roi Louis XV, comme le Roland Saverydont il sera plus
loin questi(Mi. Des lal)leaux de Jean Miele, — c'est ainsi que
(i) Notice lies tableaux du musée il'Ams/enlain avec fur-sim/le rlex moun-
(frammex; 18;)8, p. 88.
(4) Loc. cil., p. .^jl. Le mémo ('crivain en parle encore dans la Revue univer-
selle dex arts, t. XVI, p. 091.
(3) Gexchiedkundifie aauteeUeningen over Haarlemsrlie seliilders, [>. 170.
fi) DerfirooleScliouhurolt der yederlanisrhe koustscliilderx^ t. [e>-. p. ."iT,
— 254 —
sont signées la plupart de ses gravures, — se trouvent
dans la plupart des musées de l'Europe. M. Éd. Fétis a
fait la biographie de cet artiste qui passa la plus grande par-
lie de sa vie en Italie, et qui y mourut (i). Avant lui, Pas-
seri (2) et Baldinucci (5), écrivains italiens qui vivaient en
môme temps que Mielc, lui ont également consacré d'assez
longues notices. Deux points sont restés incertains, la date de
son entrée dans la vie (/<■) et celle de sa mort. Baldinucci fixe
approximativement l'époque de sa naissance : « il était fils de
Jean et naquit, — dit-il, — vers 1599, à Vlaendern, dans la
Flandre orientale, à six milles environ de la noble ville d'An-
vers (3). » Du nom de cette localité Heller (g) etNagler(7)
ont fait Vlaardingen (s) qui n'existe pas dans les environs de
la métropole de l'Escaut. Je suis porté à croire qu'il y a
quelque confusion dans le texte de l'auteur italien, mais un
fail certain pour moi, c'est que les renseignements de Baldi-
nucci lui viennent de l'artiste même; j'en juge ainsi non-
seulement par leur précision mais à cause de la parfaite or-
thographe de Vlaendern, nom flamand de la province où
(i) Les Artistes belges à rétraiiger, t. I'"", p. 515.
(2) Vile de' pillori, scidlori ed archiltetli, etc., 1772, pp. 221-228.
(5) Délie noiizie de' professori del diseguo, t. XVII, pp. 5ô-il.
(i) L'opinion (I'Immehzeel, qui le fait naître à Bruxelles, est évidemment une
erreur due ;i quelque distraction. {Voy. son livre : de Levens en werken dm
hoUfDidsche en vlanmsche kiinslschilders, etc.) Miele ne ligure pas plus dans le re-
gistre aux inscriptions du métier des peintres de Bruxelios que dans celui d'Anvers.
(k) « Nativo di Vlaendern nella Fiandra orientale dalla nohilissima cittii d'An-
» versa non piii di sei miglia distante. »
(c) Znsûlz-e zii Adam liartsch's le Peintre-obaveuu.
(7) Neiies (tllgemcines Ktinsller-Lexicon.
(s) (>eci a été relevé par M. Kuamm, de Levens en werken der liollnndsclie en
vhiamsche kimslschilders, t. IV, p. 1118. I/arliclt' que cet auteur a consacré à
Miele est un des meilleurs de son livre.
— "im —
Miele a vu le jour, vl qu'il aura très-probablement écrit sous
la dictée de celui-ci. Il reste acquis que le peintre est natif
d'une localité de la Flandre, non loin d'Anvers. De Bie a
exprimé la même opinion (ij. Jean Meel qui figure, en 1619,
dans un des registres aux baptêmes de l'église de Saint-
George, dans cette ville, ne saurait donc être le nôtre. Baldi-
nucci fournit ])lusieurs dates utiles pour la biographie de
Miele. C'est ainsi qu'il j)arle de travaux exécutés par lui à
Rome en 1656, et qu'il nous dit que le peintre quitta la ville
des papes en 1659 pour aller à Turin, où il décéda, ajoute-
t-il, au mois d'avril 1664 (a). Passeri le fait mourir en 1656.
M. Éd. Fétis avait déjà cru pouvoir renverser cette date en
citant un tableau de Miel fait pour l'église de Chiéri, près
de Turin, mais l'argument est sans valeur, car l'œuvre porte
la date de 1654 et non 1658 (3).
J'ai dit pourquoi j'ai foi dans le témoignage de Baldinucci ;
je n'élève de doute que sur la question de maitre qu'il lui
donne; il le déclare disciple de Gérard Zegerset, dans ce cas,
son apprentissage serait postérieur à l'année 1620, car c'est
alors seulement que ce peintre revint de Rome à Anvers. Le
nom de Miele ne figure \)i\s dans le registre aux inscriptions
(1) Hel giilden cabinet, p. 368. L'opinion de J.-Campo Wkyeuman (de Lcveiis-
beschrijvinge der nederlandudte l.iinslschilders, l. IV, p. 291) ne ]>ciit être d'au-
cun poids ici.
(2) Le catalogue in.titulé : la Galerie royale de peinture de Turin, par
M. Callery, 1859, p. 27:2, attiibuc à Jean Miele uu portrait de Marie-Jeaune-
Baptiste de Nemours, seconde l'eninie de Ciiarles -Emmanuel H, duc de Savoie,
dont le mariage n'eut lieu que le 1 1 avril IGGa. Il est impossible de concilier cette
date avec celle du décès de l'artiste, d'autant plus que lu première femme du duc
mourut le 14 janvier 166-4.
(3) Voy, Lanzi, Sloria pictorica délia Italia; Florence, 1822; t, V, p. 316.
— 250 —
de lu gildo de SaiiU-Luc. Si l'on ucceple rojtiuiou iiioiiis ad-
missible eueore de Passeri (|iii l'ail de Miele un élève de Vau
Dyck, il l';iul reculer son apj)renlissage jus(iu'ai)rès 1020 au
moins, puis^iue Van Dyek ne lui pas de retour aux Pays-Bas
avant cette éjjoqu(>. La lumière doit donc encoj'e se l'aire sui*
ce point. Je suis |)orlé à croij-e que Miele a commencé par
être graveur sur cuivi'e avant d'être peintre. Il gravait à Kome
en 1G47 (i); le fait est incontestable, et c'est là le plus an-
cien renseignement que l'on j)0ssède sur ses œuvres. Je
conclus de }»lus de l'absence de son nom dans le livre de
Baglione (2), que Jean Miele n'était pas encore à Rome au
njoment où il parut, c'est-à-dii-e en 1642.
Vaut-il bien la peine de rectilier deux légères inexactitudes
(pii m'ont l'rappé dans la notice de M. Ed. Fétis; cet esti-
mable écrivain est Irop ami de la vérité pour s'ulîenser de
celle reclilication et d'ailleurs son travail a une trop grande
valeur pour qu'il ne soit pas mis à })rolil par dautres que par
moi : il jjeul donc être bon de les signaler. La première,
c'est du reste Jialdinucci (pu l'a conunise tout d'abord, est
reialive au sujet du tableau (pii se voit dans réglise de Saint-
Marliii-des-iMuiils, lecpiel refiresenle le Ijciplème do sat'nl
ryrille {j<), et non pas celui de Constanlin. L'autre se ral-
taclie à une grande peinture ct)mniandée jiar le |»ape Alexan-
(1) H s'iigit lies gravures ii reiui-lorto ((lie J. Miele a faites pour le se(ti»ii(t vu-
Imiie de l'ouvrage de Strada, de Bello In'lyico, dont le premier parut en 10 10 et
le second en iiUl seulement, ainsi que le eouslalenl les permissions aceordées
pour imprimer le livre. C'est la date du premier volume qui a induit en erreur
les écrivains modernes qui se sont occupés de J. Miele.
(2) Le vile de' piltori, sciillori et architelti, etc.
(3) TiTi, Descrlz-kme délie pilHire, scullure e archilectture esijonie al piibl/co
in Roma; 1763, p. 24-4; — Vasi, Jtiiieraiio islrultivo di Romu; 1804, p. 107, etc.
— !257 —
dre VU, el que le l)iog'ra|)lie dit être la seconde. œuvre capi-
tale l'aile j»ar l'artiste. Or, il ne faut })as perdre de vue (jue c<;
j)ape ne fut élevé au ponlilicat (pi'en Fan IG5o. Cette date
me fait o'oin; (|u'il est dangereux d'assigner un ordi-e au
classement des leuvres de Jean Miele.
X" 50. Sghongauer (Martinj. — Le Christ couroiiné
d'épines. H. 1"'40. L. V'Sli.
Ce tableau provient de rii(j{)ital civil, d'où il a été retiré
pour être placé au musée. Il se trouvait anciennement
à Colmar. La scène se compose de treize ligures hicn
peintes, (pii se détachent sur un fond d'ur : des hommes
d'un cùlé, des femmes de l'autre, sont agenouillés devant
le Christ. Après avoir vu le tableau du même maître (jui
orne la sacristie de l'église de Saint-Martin, à Colmar, et
dont il sera question plus loin, on ne peut guère élever de
doute sui" la paternité de cette œuvre. C'était du reste la
première fois, (pi'il m'était donné de faire connaissance avec
un tableau attribué à Martin Schongauer, artiste dont je
n'avais vu jusque-là que des gravures. Dans son livnî,
les Musées de province (1859), M. le comte Clément de
Ris dit (pi'il n'a pas d'observations à faire sur « l'authen-
» ticité du Couronnement d'épines. » Il déclare que cette
peinture n'est j)as de lui dans un article publié en I8()'2 (i),
N" o2. De Champ.ugxe (Philippe). — L'Adoration des
niuyes.
En France il y a |)cu de nuisées ou l'on ne rencontre un
tableau au moins de Philippe de Champaigne. Dans les
(i) La liste m a été pultliec p;ir M. le comte Clemewt he His, les Musées de
Province, t. F'' p. 3:20.
— 258 —
quinze établissements de ce genre qui lurent créés par le
décret de l'an viii, le musée de Nantes est le seul auquel
on n'envoya point d'œuvre due au pinceau de cet artiste
si fécond. Toutes celles dont les musées des départements
ont alors été gratifiés proviennent des églises et des couvents
de Paris, d'après la remarque que j'en ai faite en parcourant
les listes publiées dans le livre de M. le comte Clément
de Ris. L'Adoration des mages du musée de Strasbourg
est un tableau de très-grande dimension qui se compose
de vingt ou vingt et une figures, non compris le groupe
d'anges que l'on voit dans la partie supérieure. L'exécution
de cette vaste toile est belle, et se rapproche beaucoup par
son coloris de l'école flamande. Je n'ai pas su découvrir
d'où provenait ce tableau.
D'après l'ancien inventaire des tableaux envoyés à Stras-
bourg, le musée de cette ville doit posséder une autre œuvre
de Philippe de Champaigne, V Annonciation, qui mesure huit
pieds neuf pouces de hauteur et six pieds de largeur. Je ne
l'y ai point vu. Ce tableau avait appartenu à une église
de Paris; peut-être vient-il de celle de Notre-Dame (i), où
se trouvait une toile représentant le même sujet.
N" 59. Le Mariage mystique de sainte Catherine. —
H. r'55. L. l'"08.
Cette œuvre figure sous le nom de Jean Memlinc.
La Vierge vêtue d'une robe rouge, est assise sur une chaise
élevée : elle porte l'enfant Jésus. Sur le devant, d'un côté,
sainte Catherine avance la main en étendant un doigt pour
(i) J'ai cherché dans différentes descriptions de Paris, D'Argenville dans
son Yoyime pittoresque de Paris, édit. de 1788, p. 19, est le seul qui mentionne
un tableau de Philippe de Champaigne représentant Y Annonciation . .
— 259 —
recevoir la bague que lui présente Jésus; de l'autre, une
sainte, habillée d'une robe verte, et ayant un livre sur les
genoux, offre une ])omme à ce dernier. La scène se détache
sur un fond d'architecture. M. le comte Clément de Ris,
suppose (i), sans l'affirmer toutefois, que ce tableau est une
répétition en petit du même sujet qui fait j»artie du musée
de l'hôpital Saint-Jean, à Bruges. Mais je ferai remarquer
que dans celui-ci, outre la Vierge, l'enfant, sainte Catherine
et sainte Barbe, on voit saint Jean-Baptiste et saint Jean l'É-
vangéliste, avec des anges et la personne du donateur (2). Je
suis loin d'admettre que le tableau du musée de Strasbourg
soit de la main de Memlinc : c'est néanmoins une œuvre qui
a beaucoup de mérite. Elle a été achetée, en 1858, au j)rix
de 20,000 francs (0). L'écrivain que je viens de citer regarde
ce tableau comme « un des plus beaux gothiques llamands
» des musées de France. »
N" 4o. JoRDAENS (Jacques). — Groupe de bacchantes
et de satyres.
Jordaens est véritablement le peintre de ces scènes
champêtres de la mythologie : son imagination, son
dessin, son merveilleux et resplendissant coloris, ses habiles
contrastes, tout concourt à lui accorder la première place.
La petite scène du musée de Strasbourg présente les cai'ac-
tères d'un original, mais ce n'est véritablement qu'une es-
quisse qui est loin d'offrir l'éclat de Y Automne du musée
de Bruxelles.
{\) Revue universelle des arts, i. XVI, p. 089.
(2) Voy. la Notice sur les tableaux du musée de Vhôpital Saint-Jean ,
à Bruges.
(s) Revue universelle des arts, loc. cit.
— 260 —
Je rcmui-quu en consullanl le livre de Al. le coiule Cléuienl
de Kis, que j'ai déjà eu l'occasion de citer, qu'il a vainement
clierclié au musée de Strasbourg les deux Joi-daens annotés
dans l'inventaire des tableaux envoyés en exécution du décret
de l'an viii, le J ugcment dernier ai la Vierye, l'enfant Jésus
et saint Jean couronnes par des anges, qui, l'un et l'autre,
sont indiqués comme provenant de Belgique. Pas plus que
lui je n'ai rencontré ces deux toiles, dont les dimensions
considérables auraient attirer mon attention. Mais on m'a
dit (|u'un certain nombre de tableaux avaient été relégués
dans des greniers, l'aute d'espace pour les placer. J'ai voulu
savoir si l'inventaire disait vrai et d'où provenaieid, ces œu-
vres. La liste des tableaux revenus de Paris en 1815 et de
ceux qui n'ont pas été restitués à la Belgicjue à celte époque,
constate en elTet (pi'une grande toile de Jordaens, ayant [lour
sujet le Jugement dernier, et que l'on dit avoir dix-buil à
vingt })ieds de liauteur et quinze à seize de lai'ge, était res-
tée au musée de Strasbourg (i); elle avait été enlevée de la
salle d'audience du magistrat à l'iiùtel de ville de Furnes. L'an-
cien inventaire qu'a publié M. le comte Clément de Ris (aj
n'assigne à ce tableau (pie douze pieds trois pouces de haut
et neuf pieds de large. Descamps, dans son Voyage pittores-
que (".), parle de cette peinture en ces termes : « Composition
>) considérable, })leine de génie et très-variée, mais d'un
» dessin incorrect, négligé pour la couleur et le iini ; ce n'est
» salière qu'une esquisse; les tigures oui ;i peu prés un pied
(i) Voy. If .louruid ili's Bcaux-Arls, 18(>2, p. 157.
(i) Les Musées de province, t. I*", ji. 321.
(3) Édit. de 1792, p. 27i.
— %1 —
» clo hauleur. » Dcrivîil, rauteur du Vojja(/eiir dans les
Pays-Bas autrichiens, qui parut en J78!2 (i), paraphrase
cette appréciation. J'avais csj)éré pouvoir consigner ici quel-
ques détails relalil's à l'exécution de cette lirande toile et le
prix que le peintre a reçu, niais j'ai interrogé sans succès
les conqHes de la ville et ceux de la cliàlellenie de Furnes.
Les Jaerboeken van Veurne en VeurnaNibacht, de P. Hein-
derycx, sont muets comme eux. M. Edm. Rons, archiviste
de Furnes, autpiel je me suis adressé dans le même jjul, me
dit qu'il a ])arcouru sans rien trouver les ((uelques registres
aux résolutions du magistrat (pii sont consei'vés dans les
archives de la ville; mais il m'a envoyé l'extrait suivant
d'un manuscrit intitulé : Recueil des inscriptions publitjues
et particulières qui existoient avant 1799 dans les églises
et autres lieux publics de la ville et chàtellenie de Furnes :
» Dans la maison de ville de Furnes, bâtie en 16J5, en la
» chambre éclievinale, é!oil un très-gi-and tableau représen-
» tant le Ju(/eiuenl dernier, par Jordaens, en ICGÔ. La tra-
» ditiou porte qui! auroit été donné ))ar le magistrat de ce
» teins, et qu'il auroit coûté 1,M00 florins. Nous avons lieu
» de le croire, à cause f[ue nous ne ti'ouvons aucune mention
» dans les comjites tant delà ville que de la chàtellenie ipie
» nous avons visités tant avant (ju'après cette éjioipie. Ce
» beau tableau d'entre '20 à :2') ])ieds de hauteur sur 15 à
» \S de large, a été enlevé, en septembre 179o, j)our être
» placé dans la galerie de tableaux que les républicains l'ran-
» cois ont érigée au Louvre, a Paris. II y a été exposé [)eu-
(0 T. V, p. 330.
— 262 —
» (lanl un certain loins; mais rilalic leur ayant i'ounii de plus
» belles pièces à présent (en 1799), il n'y s'y trouve plus.
» €e tableau du Juyemenl dernier étoit (>n un cadre où
» étoient sculptés les armoiries de ceux du magistrat et du
» buffet. »
Je n'ai trouvé aucun renseignement sur la seconde toile de
Jordaens qui fut envoyée au musée de Strasbourg.
N" 82. Savery (Roland). — Orphée aUirant les aniinauat;
par les accords de sa lyre.
Ce sujet a été reproduit plusieurs lois par l'artiste, \ji
tableau du musée de Strasbourg est d'assez grande dimen-
sion et mesure environ 1"'70 de largeur sur 1"'J0 de hau-
teur; il est en très-mauvais état cl a fort besoin d'être l'es-
tauré. C'est une toile importante où se presse un grand
nombre d'animaux se détachant sur un fond de {)aysage :
elle a fait partie de la collection du roi Louis XV et fut
attribuée à la ville de Strasbourg à la suite du décret de
l'an VIII (i). Quoique non signée, elle n'en a pas moins un
cachet artistique (jui dénote son origine. Savery, de même
que les Bril, les Breughel, faisait un abus de la couleur bleue
dans ses paysages qui sont, du reste, composés avec talent
et qui ont beaucoup de grandeur.
On sait, par la notice de M. Éd. Fétis (2), que Roland
Savery passa plusieurs années de son existence au service
de l'enqoereur Rodolj)he II, et que, après la mort de ce prince,
il alla fixer sa résidence à Utrecht. Je ferai remarquer com-
bien la date de 1608, au bas d'un de ses tableaux représen-
(1) Comte Clément de Ris, les Musées de province, t. I", p. 322.
(s) Les Artistes belges à l'étranger, t. I*»-, p. 88.
— 263 —
tant une Vive du Tyrol, et que l'on voit à Vienne, peut servir
pour déterminer l'époque du départ de Savery. D<ins l'inten-
lion de recueillir quelques détails inédits sur cet artiste, j'ai
parcouru les comptes de la ville de Courtrai, où il a vu le
jour, ainsi que les comptes de la châtellenie; c'était du temps
perdu. Le nom de Savary ou Savarys s'y renconire, et les
personnes qui le portaient sont très-probablement de la famille
des peintres Jacques et Roland ; toutefois ce dernier a inva-
riablement signé Savery.
Un tableau représentant Saint Jérôme et que l'ancien
inventaire de l'an viii donne pour une œuvre de Géraj'd
Zegers, m'a échappé; ses dimensions sont cependant assez
grandes. Le babil du gardien m'aura probablement distrait.
Je dois ajouter qu'en 184-8 les salles du musée de Strasbourg
servirent aux évolutions militaires des habitants : les tableaux
furent alors empilés (i), et beaucouj) d'entre eux n'ont pas
encore été replacés.
^2. — Archives départemeintales du Bas-Rhin.
Le livre deM. L. Spach, intitulé : Lettres sur les archives
départementales du Bas-Rhin (2), m'avaient fait connaître la
composition du dépôt des archives conservées à Strasbourg.
Je me suis informé à ce digne successeur du célèbre abbé
Pli. -A. Grandidier, l'historien de l'Alsace , dont l'amabilité
égale la science, si, dans les archives confiées à sa garde, je
(1) L. DE Pesquidoux, Voi/afie arlistiquc cti France; Paris, IH^iT, p. 195.
(t) Stnibbourii, imii.
— 264 —
n'avais pas quelque chance de découvrir des documents cu-
rieux pour l'histoire de noire pays, el. ])articulièrement pour
l'histoire des beaux-arts. Il nie répondit que ses souvenirs ne
lui rappelaieutaucune pièce (pii pût m'élre de quelque utilité.
Cependant il mit fort eomplaisamment h^s inventaires de dil-
t'érents fonds à ma disposition, inventaires qui sont très-bien
faits. La seule. indication que j'ai cru bon de noter est une
correspondance en rniiuite de Léopold d'Autriche, évèque de
Strasbouro:, du commencement de l'année 1625, avec; divers
personnages et, enin* autres, avec le célèbre Tilly, dont
M. le comte de Villermont a écrit l'histoire (ï). C'est l'époque
de la guerre de Trente Ans, et ces lettres peuvent avoir de
l'intérêt. Les Archives du royaume possèdent, dans la col-
lection de la secrétairerie d'Etat allemande, trois volumes
contenant la correspondance d(* ce même archiduc Léopold
avec les archiducs Albert et Isabelle, de 1606 à 16Ô2. Ce ne
sont qtu^ des copies modernes, cai' les originaux ont été
envoyés à Vienne, en vertu de la convention faite avec
l'Autriche pour la restitution à la Belgique des arcbives en-
levées aux Pays-Bas, en 1794. La collection que je viens de
citer renferme quehpies lettres sans intérêt des évéques de
Strasbourg et d'autres du magistral de a^Wo ville impériale,
écrites aux wi*" et \\\f siècles.
ÏV. — COLMAR.
g yr — PURLICATIOXS AUTkSTIQUES.
A quelques lieues de Strasbourg, je commençai à Iraverser
(i) 7/7///. (/;" la quenr de Trente .4//.v, de l(il8 /> \(S7r2. Doux volumes.
— 26o —
une partie de ce pays qui fut hypothéqué à Charles le Témé-
raire-par Sigismoncl, arcliiduc d'Autriche, en 14()1), pour
des sommes considérables que le duc de Bouraoiïne lui
avaient données. Dans un fort curieux article qu'a publié
M. Maximilien de Ring, il y a plus de vingt-cinq ans, dans le
Messager des sciences lu'sforkjues, on peut lire l'hisloire de
ces provinces de la haute Alsace, du Sundgau, du comté de
Ferrette, etc., pendant la dominalion bourguignonne, et de
quelle manière les exactions de TMerre de Hagenbac, gouver-
neur du pays au nom du duc Charles, les poussèrent à se
soulever en 1474. Chacun sait que c'est le supplice qu'on fit
subir k ce seigneur, pour lequel le duc professait unealTec-
tion toute particulière, qui fut la principale cause de la guerre
que Charles le Téméraire entreprit contre les Suisses, et
dont les suites furent si désastreuses pour ce prince (i ).
M. Mossman, archiviste de la ville de Colmar, m'a fort
complaisamment mis au courant des publicalions historiques
qui ont été faites en Alsace, et dans lesquelles sont insérées
plusieurs articles sur l'histoire des arts. Dans les BuHeiinsde
la Société pour la conservation des monuments historiques
de l'Alsace, parut, en 1841, un article par M. Petit-G(''rard
avec ce titre : Quelques études sur Fart verrier et les
vitraux d'Alsace (i). Dans la Revue d'Alsace, j'ai noté le
règlement du métier des orfèvres de Strasbourg, (pn" date
de 1505. On y lit que nul ne pouvait avoir plus de deux
ouvriers; que les femmes avaient le droit de Jaire |)artie de
(i) Volume Ac. I8il, pp. .ïril-^ST. L'aHiclo ost intitulé : IlévoJlc des provinces
aiilricliieiiiirs iln lih/ii contre Charles le Ti'inértiire.
(i) Cet article a été tiré ii part en une brocliiire do ,"1 paires.
— 266 —
In corporation ; que chacun devait être muni d'une armure
on bon état afm de pouvoir faire pendant la nuit la garde
devant la cathédrale, et la ronde en troupe dans la ville.
C'est dans ce même recueil que M. Schneegans a publié
plusieurs articles pour démontrer que Sabine de Steinbach,
la soi-disant fille d'Erwin, le célèbre architecte qui dirigea
les premiers travaux de la tour de la cathédrale de Stras-
bourg, a vécu plus d'un siècle avant son prétendu ])ère.
Dans le premier volume des Curiosités d'Alsace (18G1-
18()2) (i) se trouve un contrat passé, le 10 septembre 1552,
avec Clirétien Vacksterffer, peintre, à Colmar, pour la déco-
ration de l'hôtel de ville de Mulhouse. Les dispositions de
cet acte méritent d'être signalées : Messieurs de la ville ac-
cordent au peintre ainsi qu'à son compagnon ou apprenti,
l'autorisation d(; |)ouvoir, pendant la durée du travail,
prendre leurs re|)as à la table de l'hospice dit Pfrundihuss.
Ils s'engagent à lui fournir l'huile nécessaire pour humectei'
la pierre (à broyer?), et à lui payer 200 llorins. Maitre
Chrétien devra fournir à ses frais les couleurs, l'or et le
reste; il aura soin de n'employer que de bonnes couleurs
bien vives, afin que la peinture soit solide, « le tout honnê-
tement, fidèlement et sans fraude. »
Le même recueil (2) contient deux articles de M. Ch. Bar-
Iholdi, le frère du sculpteur (3), intitulés : les Artistes alsa-
ciens anciens et modernes. C'est là qu'on lit un trait de
(1) p. .177.
(4) T. I", pp. I ir)-I28 et Ô0r)-5rj2. dos inticlcs n'ont pas été lires à part.
(3) Auguste l5aitliolili, élève d'Aiy .Sclien'cr, est l'auteur des statues et monu-
ments élevés il la mémoire du général Ha|ip, du peintre ScliouKauer el de l'amiral
Hriiat.
— 267 —
mœurs d'un grand intérêt. Les musiciens ambulants étaient
partout repoussés et chassés des villes et même des églises :
on leur refusait le droit de communier. En 1480, Guillaume,
seigneur de Ribaupierre, obtint, après dix-neuf années d'in-
stance auprès des évèques de Bàle, la contirmation pour les
pauvres musiciens du droit commun à tous les chrétiens de
pouvoir communier une fois l'an.
I 2. — ÉGLISE DE SAINT-MARTIIN.
L'église de Saint-Martin , à Colmar, date du xiii' siècle :
c'est une construction fort intéressante à étudier; le chœur
est postérieur aux autres parties de l'édiiice, car il a été bâti
dans le xiv^ siècle. « Une heureuse découverte, lit-on dans
^> Y Alsace ancienne et mocierne (i), a livré le nojn et jus-
» qu'aux traits de l'architecte primitif; au portail latéral de
« Saint->'icolas, à la croisée méridionale, on voit parmi des
)^ statues il tète nimbée l'image de l'humble maître de
» l'œuvre, et on lit au-dessous en caractères gravés dans la
» pierre : maùtres Hvmbrel. » Une épreuve en plâtre de
cette image existe au nmsée de la ville : l'artiste est assis,
avec une équerre ])our attribut.
L'ancienne collégiale de Colmar garde avec le plus grand
soin un grand tableau qui représente la Vierge couverte
d'un ample manteau rouge, avec l'enfant Jésus sur ses ge-
noux, l'un cl l'autre peints en grandeur naturelle. Sur un
fond d'or se détache un treillage orné d'oiseaux, de feuil-
{i) Ou Dictionnaire ilii haut et du bas Rhin, par Baoioi.. 5* édit.. 1865, p. 9:2.
18
— 268 —
Iagef5 et de roses. Dans la partie supérieure on voit deux
petits anges qui apportent une couronne. C'est l'œuvre de
Martin Schongauer connue sous l'appellation de la Vierge
au buisson de roses, et quoiqu'elle ne porte pas de signature,
le mérite transcendant de ce tableau, qui le distingue de
tant d'autres de la même époque, place cette attribution en
dehors de toute controverse. Il paraît qu'au revers du pan-
neau il y a une date, 1475.
On conserve en outre dans la sacristie de l'église deux
autres petits tableaux de la fin du xv* siècle, dont l'un à fond
d'or gauffré, qui ne sont point de la main de Schongauer, mais
de quelque peintre de son école. Le dessin de ces peintures est
fort mauvais, et les expressions sont des plus grotesques; ce
sont de véritables charges. Le premier, la Cène, se compose
de treize personnages; il est meilleur que l'autre où est re-
présenté XEcce Iwmo, scène de dix figures. Ils ne me parais-
sent pas du mémo peintre. Le fond du second tableau se
détache sur le ciel.
Depuis la publication d'une lettre adressée de Liège, en
i^Go, a George Vasari, par le peintre Lambert Lombard (0,
(i) Voici le p;issaL;e de la lettre :
I 1» Germania si levo poi un Kel Martiiio, lagliatore in rame, il quale non
» abandnnô la maniera di Hogiero, suo maestro, ma mrn arrivî) pei6 alla bonik
f> del suo colorire, ehe haveva Rogiero, per esser piii usato ail' intaglio délie sue
» Stampp, ehe parevano miraculose in quel lempo; et hogi sonoanchnra in bona
» repuiatione ira i nostri mansueti aitelici, perché auchora ehe le ehose sue
» siano secehe, peWi haniio qiiak lie bon i;arlio. f)a (piesto lîc! Marlino sono venuti
t tutti 11 faniosi artefiei in Germania, il prima iincl absointo amorevole Afberto
B Uurero, discojRilo di esso Bel Martino, seguiti) la maniera del maestro aceom-
» modando assai piii al natnralc, benchè non anchora del tulto, quel sim modo
I) de pannisoni, et trovô iina via gaiiliarda et non tanto seeea, etc. » (Gave, Cai-
(rggio inedito trarlisli, i. III, p. 177.;
— 269 —
on essaie de ratlacher Martin Schongaiier à l'école flamande,
et de voir en lui un élève de Roger de le Pasture, dit Van
derWeyden. On s'est mis à rechercher dans les tahleaux
attribués au peintre franconien quelques rapports avec les
œuvres que l'on croit être dues au pinceau du ]ieintrc officiel
de la ville de Bruxelles. Ce système doit nécessairement
conduire à toutes sortes de mécomptes. Quelle confiance
faut-il d'ailleurs avoir dans l'opinion de Lombard, puisque
dans cette même lettre où il déclare Roger mailre de Martin,
et quelques lignes plus loin seulement, il proclame Albert
Diirer élève de Schongauer? Or il est incontestable que
Diirer fut, à l'âge de quinze ans, c'est-à-dire en 148(), placé
chez Michel Wohigemuth, et qu'il y resta juscju'à ce qu'il
eût fini son apprentissage; que dans les premiers mois de
l'année 1490, il se mit en voyage, se rendit à Colmar,
en 1492, dans l'intention d'y voir Martin Schongauer, et
qu'il y apprit la mort de cet artiste par les frères du défunt.
Quelles autres preuves a-t-on d'ailleurs fourni de l'influence
de Van der Weyden sur son prétendu élève, sinon quelques
rapports vagues dans le coloris et dans les arrangements.
Je ferai de plus remarquer que malgré les reclierclies
auxquelles on s'est livré jusqu'ici et les dissertations qui
ont été écrites, on n'a |)u reconnaître pour authentique
qu'un seul fabh^au de R. Van der Weyden : la Descente de
croi.v du musée royal à Madrid. Il en est à peu près de même
des œuvres de Schongauer. Si les gravures sorties de son burin
sont fort nombreuses, — on en compte plus de cent, — il n'en
est pas ainsi de ses peintures. Beaucoup ont disparu par le
vandalisme des révolutionnaires de la fin du siècle dernier,
dit M. Waagen. Et cet écrivain si intéressé dans la question,
— 270 —
qui a beaucoup voyagé, beaucoup vu, arrive à peine à en
citer une dizaine (i) ; et dans le noinbre il y en a plusieurs
sur lesquelles il n'ose pas se prononcer catégoriquement.
M. E. Galichon est plus restrictif encore. « Les peintures que
» l'on peut voir dans les grands musées de l'Europe sous le
» nom de Schongauer, — dit-il à ce propos (2), — diffèrent
/• entre elles et ne présentent point ces caractères frappants
» de style qui ne laissent place à aucune contestation. Trop
» souvent ces attributions ne sont fondées que sur la pré-
j. sence de quelques figures, aux types étranger, couvertes
m de turbans, se détachant sur un fond d'or; il n'en a pas
* fallu davantage aux conservateurs de galeries, jaloux de
)■> posséder un tableau du beau Martin. Mais si l'on veut re-
j» trouver les tableaux aujourd'hui perdus de ce grand maitre,
» il faut que la critique soit moins accommodante; il faut
» qu'elle fasse, dans ses recherches, une part moins grande
» que par le passé à l'archéologie qui l'a égarée et qu'elle
» tienne plus de compte du sentiment véritable de l'art. » Il
est fort possible que Schongauer ait eu l'occasion de voir quel-
ques tableaux de l'école flamande et qu'il ait ensuite introduit
quelques modifications dans sa manière de peindre, de grou-
per et de dessiner, mais je ne puis admettre qu'il ait reçu
des leçons de Roger Van derWeyden. Pour moi, Schongauer
est un artiste qui appartient tout entier à l'école allemande.
On est allé si loin dans ce système d'après lequel on vou-
drait trouver des traces de l'influence que le maitre aurait
(i) Manuel de l'histoire de la peinture, t. l"'', p. 231.
(2) Gazette des Beaux-Arts, t. III, p. 5-22. M. Galichon y a publié une étude
sur Schongauer, pp. 2S7-26.") et 321-335.
— 271 —
exercée sur les œuvres du disciple, qu'on a divisé celles-ci en
peintures exécutées avant d'avoir été se mettre sous la disci-
pline de l'arlisle tournaisien, et en produclions postérieures
à cette époque. El dans cette division l'on a compris des
tableaux qui sont certainement d'un autre peintre que Schon-
gauer.
Grâce aux recherches de feu L. Hugot, bibliothécaire de
la ville de Colmar, la biographie du grand artiste commence
à s'éclaircir, ainsi que celle de ses frères qui furent ou pein-
tres ou orfèvres (i). J'ai vu aux archives de la ville le registre
aux redevances dues à la fabrique de l'église de Saint-Martin,
à Colmar, dressé en liJ"}, où on lit que Martin Schongauer,
le peintre, devait annuellement une somme de 8 florins pour
la maison qu'il occupait, et qui portait l'enseigne du Cygne^
dans la rue des Augustins. Voici le passage que j'ai copié
au fol. xxx v" :
V Item, Meisler Maitiii Si'hoiiiçowei', dei' Moler, gilt ;illc Jor jerlichen acht
!> Gulden \oii isiiiein H use uiul Gesesse, daz niau nennet Ziim Schwanen, mit dem
» kleinein Hiiselin atïter dinar, gelegen zii Colmar ime Augustiner Gcsslin, eine
i Sitle nebeiit dcr allten Watlouben, und ander Sitte nebeiit Gerge Knisen dera
D Jungcn, sint Susten lidig eygen. »
C'est au folio 29 recto de l'obituaire ou registre aux anni-
versaires de la même église, lequel fut écrit vers 1507 et
renferme cinquante-quatre feuillets de vélin, que se trouve
le fameux texte qui détermine si exactement la date du décès
du célèbre artiste ; il est ainsi conçu et, quoiqu'il ail déjà été
(i) Les résultats de ces recherches ont été imprimés par Passavant , dan»
le Kunstbhtt, 1846, n»' 41 et 42.
— 272 —
publié et même reproduit en fac-similé (i), je crois qu'il ne
sera pas déplace ici :
« Martimis Schongouwer, pictorum gloria, legavit v solides pro anniversario
» sue et addidit 19 solidos 7 denarios ad aiiriiversarium pateriiuni a iiuo liabuit
1) minus aiiniversariiiiii. Obiit iii die Puriticaliunis Marie aniio Doiiiini m" cac"
» Ixxxviij". u
Ce registre appartient à la bibliothèque de la ville.
Martin Scliongauer est donc mort le jour de la Chande-
leur, c'est-à-dire le 2 février 1488 (2), et aujourd'hui il serait
ridicule de vouloir encore faire adopter la date de l'inscrip-
lion allemande (2 février 1499) mise derrière le portrait de
Scliongauer par Jean Burgkmair, son élève, lequel existe
au nmsée de Munich, et qui ne peut être qu'une erreur de
Scribe (deux 9 pour deux 8).
$ ô. — Musée (ô).
La bibliothèque et le musée de Golmar sont établis dans
l'ancien couvent des Dominicaines, dites UnLerlinden, dont la
construction renionte au xiii" siècle, et qui forme un ensemble
de vastes bâtiments avec un cloitre à arcades d'une architec-
ture fort élégante. Les tableaux sont placés dans l'église, où
le jour laisse beaucoup à désirer.
(i) Gazelle des Beaux-Arts, t. III, etc.
(i) M. Éd. IIis-Heusler, président de la commission du musée de Hàle, a publie,
en 1S07, sur celle daic, une dissertation intitulée : bas iodcsjaiir Marliii ScJioii-
ganers, (jui a été insérée dans les Archiv fur die Zeichueiult'u Kiiiiste, t. XIII,
pp. 129-144; elle est accompagnée de beaucoup d'autres l'enseignements inédits
sur le peintre et les diiïéreiits ujenibres de sa famille.
(3) Culalofjue du musée de Colmar. La deuxième édition a |iaru en I8GG; elle
contient 1 iS pages. Feu L. IIugot est le rédacteur du premier catalogue. Le
second a pour auteur M. Gh. Gouïzwilleu.
— ?73 —
Au musée m'attendait une déception; j'avais espéré y
trouver plusieurs œuvres de Schongauer d'un mérite au
moins égal à ceux du Christ couronné d'épines et de la Vierge
au buisson de roses. J'ai attentivement parcouru les salles
et examiné tous les tableaux qui sont inscrits sous son nom,
et dans aucune d'elles je n'ai constaté les caractères de ces
belles productions de son pinceau. L'influence de Schongauer
est visible sur un nombre assez considérable d'entre eux;
nulle part je n"ai retrouvé ce coloris brillant, celte touche
vigoureuse, ceîte harmonie de tons si bien caractérisés dans
les tableaux en question. Les œuvres des élèves étaient là;
celles du maitre faisaient défaut. Que de tableaux de mérite
et d'autres, moins bons ou médiocres, attestent au musée de
Colmar le développement qu'avait pris la peinture dans l'Al-
sace dès le XV* siècle, e' dans la première moitié du xvi";
mais aussi combien peu portent un nom qu'elles ont réelle-
ment le droit d'invoquer.
Le catalogue du musée est rédigé avec soin, et l'on y a déjà
fait bonne justice d'un nombre assez considéi-abie de tableaux
qui passaient |)our être de la main de Schongauer, et que
certaines gens ont accepté connue tels buus autre examen.
La suite des seize tableaux, peints sur bois, provenant de
l'église des Dominicains de Colmar, et représentant des scènes
de la vie du Christ et de la vie de la Vierge (n'" 1 lo-lôO), qui
se voyaient il y a peu d'années encore à la bibliothèque, ne
sont plus aujourd'hui que des œuvres exécutées par ses élèves,
[1 reste quelques doutes relativement aux deux meilleurs
d'entre eux, la Descente de la croix et la Mise au tombeau.
On retrouve dans le sujet du Christ et de la Marjdelaine un
fond de fleurs et de feuillage dans le genre de celui de la
_ 274 —
Vierge au buisson de roses. Que d'opinions dii'terentes ne se
sont pas produites louchant l'origine de quatre autres tableaux,
laVierge adorant Jésus, l'ermite saint Antoine, l'ange Gabriel
et la Vierge de V Annonciation (n'" 1 32-1 55), qui semblent les
volets détachés d'un triptyque, MM. Waagen, Passavant,
Galichon, de Quandl, etc., soutiennent les uns qu'ils sont
incontestablement de Schongauer ; d'autres ne partagent point
cette manière de voir. L'auteur du catalogue se range parmi
ces derniers, et je crois aussi que les quatre panneaux ont été
peints par un des meilleurs élèves de l'artiste auquel on veut
les atli'ibuer. Quoique le livret ne le dise pas, ils me semblent
provenir, de même que les tableaux où se voit saint Laurent
(n° 181-1 82), de la commandorie des chevaliers de Saint-
Antoine, à Issenheim. Le musée de Colmar a recueilli du
rnème établissement un très-l)cau triptyque représentant les
sujets suivants : saint Sébastien, saint Antoine (n"' 1 63-1 04) ;
le Christ en croix, la Mise au tombeau, la Résurrection du
Christ, l'Annonciation (n"" 16D-168); la Tentation de saint
Antoine, la Visite de saint Antoine à ihermite saint Paul, et
la Nativité de Jésus (n"' 1G9-171), qui tous, d'après le cata-
logue, sont de Matthias Gininewald, un élève d'Albert Durer,
et le plus célèbre de tous. Le n° 131, sur lequel sont peints
saint Jean-Bapiiste et saint George, offre, malgré l'altération
qui s'y l'cmarque dans j)lusieurs parties, beaucouj) des qua-
lités de Schongauer. Je signalerai enfin à M. Siret le peintre
de Colmar, Gaspar Isenrnann, qu(3 tout porte à considérer
comme l'auteur d'une suite de sept suj<Ms (n"^ 137-14'5), datés
de liGo.
Le principal intérêt que présente le nmsee de cette ville,
c'est la réunion d'une série de tableaux du xv' et du commen-
— 275 —
cernent du xvi* siècle qui sortent de l'école de Colmar, dont
Martin Schongauer est loin d'èlre le fondateur, mais à laquelle
son individualité si mar([uanle et son talent hors ligne ont
donné de la vitalité. Il me parait que Quentin Massys a fait
une élude approfondie des gravures de ce maître, et que
l'on retrouve dans ses œuvres des traces évidentes de l'in-
fluence qu'il en a subie.
M. Goutzwiiler a publié, en 18G7, une brochure, presqu'un
livre (i), intitulé : le Musée de Colmar. Notice sur les pein-
tures de Martin Schongauer et de divers artistes des anciennes
écoles allemandes. Ce travail mérite une place toute particu-
lière parmi les meilleurs qui ont paru sur le grand peintre.
M. Goutzwiiler} résume les travaux de ses devanciers publiés
en France et en Allemagne, et il en fait la critique avec ce
goût qui convient aux personnes qui se sont imposé pour
mission la recherche du vrai.
Le musée de Colmar ne renferme que deux petits pan-
neaux (ii°' 241 et 242) des écoles des Pays-Bas ; ils repré-
sentent des chevaux. Le catalogue leur donne pour auteur
Jean-François Van Bloemen, mais l'un d'eux porte au dos
— ceci m'a été communiqué depuis ma visite par M. Moss-
man, — une étiquette, dont l'écriture, m'écrit cet honorable
archiviste, ])araît être celle du xvii- siècle, et où on lit :
Pierre Y. Bloemen. N'ayant pas eu occasion de voir d'autres
tableaux de ces deux peintres qui étaient frères, il ne m'est
pas permis de trancher la question. Ces artistes ont long-
temps travaillé ensemble à Rome, et il n'est pas étonnant qu'il
y ait de la confusion dans l'attribution de leurs œuvres.
(i) 80 pages.
— 276 —
Gependanl ils avaient eu des inailres différents. La date de
naissance de Jean-François est fautive dans le catalogue du
musée de Golmar; cet artiste fut baptisé à Anvers, le 12 mai
1662, et on le trouve inscrit comme élève d'Antoine Goubau
dans la gilde de Saint-Luc, en 1682. Son frère Pierre était
son aine : il avait été baptisé, dans la nième ville, le 17 jan-
vier 1657. Il montra des dispositions fort précoces puisqu'on
1667, il avait alors dix ans, le registre de la gilde constate
son inscription comme apprenti chez Simon Dou. 11 n'avait
pas dix-huit ans lorsqu'il fut reçu franc-maitre en 1674 (i;.
Les biographes disent qu'il revint d'Italie en 1699 : rien ne
prouve jusqu'ici l'exactitude de cette allégation, et je suppose
que celle date doit avoir pour oj-igine celle de la nomination
(1 699) de Pierre Van Bloemen àlacharge de doyen de la gilde
d'Anvers (2). Je crois utile de noter ici, pour aider à la décou-
verte de l'auteur des tableaux de Colmar, qu'au musée de
Dresde on voit deux tableaux de Pierre Van Bloemen, signés
P. V. B., et datés de 1710 et 1718 (5). Le décès de cet artiste
n'est guère de beaucoup postérieur à cette dernière date, car il
fut enteri-é dans l'église de Saint-Jacques, à Anvers, le 6 mars
1720 (i). Il y eut un troisième peintre de la même famille,
frère des pi-écédents, qui avait nom Norbert. C'était le plus
jeune des neuf enfauts de Pierre Van Bloemen et de Jeanne
Heydens, et il fut baptisé le 10 février 1670 : il ne ligure
pas dans le ligger ou registre de la gilde d'Anvers. Les deux
(1) HuBNEU, Catalogue de la galerie royale, 186!2, \). 265.
(2) J.-B. Van uek Stuaelen, Jaerboek der gilde van Sinl-Litcas, p. 230.
(:.) .l'extrais ces dates de la l)roeliiire de M. Gknaud, intitulée : Luister der
Siiil-Liicas gilde (1831). 11 n'a paru (iii'une livraison de eette pulilicatinn.
(4) Noie inédite comiiuiuiquée par M. T. Van Lerius.
— 277 —
plus âgés furenl aussi graveurs. Tous trois reçurent en Italie
(les sobriquets pour les distinguer l'un de l'autre. Les dates
de leur naissance qui ont été assignées jusqu'à ce jour sont
également erronées (i); le Dictionnaire de M. Sirel les a
corrigées. Il faut aussi se défier des dates de décès que l'on
trouve dans les livres, et ne pas les accepter sans recourir
pour plus ample information aux sources authentiques.
V. — MULHOUSE.
Je ne comptais guère m'arrèler à Mulhouse, ville indus-
trielle par excellence, et qui ne possède pas de musée, mais
ayant appris à Colinar que M. le docteur xMiiller y possédait
des tapisseries de haute-lisse, j'allai les voir. Ces tentures,
qui ont à peu près un mètre carré, sont au nombre de six,
dont les sujets reproduisent des scènes de la vie du Christ et
du Nouveau Testament. Elles me semblent avoir fait partie
d'une suite assez considérable. Quelques-unes portent une
date, et sur d'autres on lit un monogramme ; sur toutes se
trouvent deux monogrammes formés des Icllres entrelacées
A R et des lettres M. CI. Voici les sujets de ces tapisseries :
te Baptême da Christ; — Jésus lavant les pieds des apôtres,
1595; — le Chrisi touibé sous la croix; — l'Elévation de la
croix, IGOO; — l'Ascension, 1592; — /(/ Descente du Saint-
Esprit sur les apôtres, 1592. L(; propriétaire m'a raconté
que, d'après la tradition, ces tapis provenaient de l'abbaye
des dames nobles de l'ordre de Saint-Benoit, qui existait à
(i) Il faut excepter le U ici iou nuire liislorique des peintres, par M. Siret.
— 278 —
Massevaux. En effet, on y lit des inscrii)tions en allemand, et
le dessin est bien celui d'un artiste appartenant à l'école alle-
mande. Je ne puis émettre aucune opinion sur leur prove-
nance ; peut-être des ouvriers flamands ont-ils fui des Pays-Bas
pendant les premières années des troubles sous Philippe II, et
sont-ils venus en Alsace se mettre à l'abri des persécutions dont
ils étaient les victimes par suite de leurs opinions religieuses.
VI. — HALE.
§ \". — PUBLICATIONS ARTISTIQUES.
De Mulhouse je me rendis à Bâie. Dès que je fus arrivé
dans cette ville je m'enquis chez les libraires des publications
traitant des arts de la Suisse qui ont vu le jour dans ces der-
niers temps, parce que, à Bruxelles, il est difficile de les
connaître, tant l'organisation de la librairie laisse à désirer.
On me parlait partout des ouvrages des Fiiessli que je con-
naissais ; on me signala de plus une brochure anonyme impri-
mée, en 1841 , à propos d'une exposition, et qui était épuisée
dans le commerce. Je })arvins non sans peine à me la procurer
plus tard ; elle a pour titre : Nolizen iiberKunst und Kiinsller
zii Basel (i). Elle renferme des notices biographiques sur les
artistes en tous genres de la localité, entre autres celle du
peintre Chrétien Von Mechel, l'auteur du catalogue des ta-
bleaux de la galerie impériale de Vienne (2), qu'il avait arran-
(0 92 pages.
(a) Il fut impiimé à Bàle, en 1784.
— 279 —
gée, en 1781 , et, ce qui n'est pas moins curieux, une liste des
peintres et architectes bàlois, depuis 1450 jusqu'à 1794, dres-
sée d'après le Livre rouge de la corporation dite du Ciel {Zunft
zum Hhmnel), et où figurent Ambroise cl Jean Holhein, le
Jeune, frères, sous les années 1517 et 1520. On y trouve de
plus un aperçu sur le développement des beaux-arts à Baie.
J'y ai appris que Jean Schoorl, le peintre hollandais, a séjourné
dans cette ville. Ce fait, dont je n'ai pu jusqu'ici vérifier
l'exactitude, se rapporte très-probablement k l'f'poque où
cet artiste, bien jeune alors, fit son voyage à Nuremberg,
en passant par Cologne. Il y est dit aussi que David Jorisz,
qui demeurait dans cette ville, possédait une collection
d'œuvres artistiques qu'il avait apportées avec lui. Ce cé-
lèbre sectaire, après avoir passé une grande partie de son
existence en Hollande et en Frise, se réfugia à Bàle, en 1544.
Il était peintre sur verre, et c'est à ce titre que j'en parle.
Bien des livres et des articles ont été écrits sur lui et sur ses
ouvrages (0 depuis le xvr' siècle : je ne citerai que les deux
suivants, qui me paraissent à la fois les mieux faits et les
plus complets. L'un, de M. A. -M. Cremer, a paru en 184a
et 184G, dans le recueil dit: Nederlandscli Archiefvoor ker-
kelijke gescliiedenis(^); l'autre, de M. F. xNippold, fut inséré
dans le journal intitulé : Zeilschrifl fiir die historische Théo-
logie, en 1863 et 1864 (5). L'artiste hérésiarque, — tout
(<) M. A. Van oer Li.nde vient de laiie paraître (La Haye, 1867) une biblio-
graphie des écrits de David Jorisz.
(2) Il est intitulé : Levensbeschrijvhig van David Joris : iSio, pp. 1-140, et
18iU, pp. 289-568.
(3) L'article a pour titre : David Joris van Delfi, sein Leben, seine Lehre nnd
seine Secte; 18fj:i, pp. I-16G, et 1864, pp, i8l-67.>.
— 280 —
somblo justifier celte opinion, — naquit à Bruges, en 150i
ou 1502. Son père était hollandais et rhéforicien de profes-
sion, ou, si l'on veut, comédien : il se nommait Joris, d'où
Jorisz, abréviation de Joriszone, fils de Joris, qui en français
se traduit |)ar George. Lui-même reçut le nom de Jean au
JDaptème : à Bàle il se fit appeler Jean de Bruges (Johann von
Briigge, Hans von Briick). Le nom de David lui vient de ce
qu'il remplit sou\Tnt dans sa jeunesse le rôle du roi David,
en jouant des mystères avec son père. L'auteur de l'article
([ue lui consacre la SouveUe biographie générale a fait de
David Jorisz un peintre de |)aysagcs : il a commis d'autres
erreurs. J'avais cru trouver des détails sur ses travaux dans
une brochure concernant la peinture sur verre en Suisse,
publiée à Zurich, en 1806 (i), par M. G. Liibke, écrivain
connu par bon nombre d'ouvrages sur les arts, et qui a pour
titre : Ucher die alten Glasgetnédde der Scincriz : mes espé-
rances ont été déçues.
Je signale la brochure sur l'art et les artistes à Bàle, dont
il est parlé plus haut, à M. Siret; il y trouvera bon nombre
de noms à recueillir pour une troisième édition de son Dic-
liorinaire hi.slori(Hie des pcinlres, et(iu(' J.-G. Fiiessli n'a pas
connus. En voici quelques-uns <pie j'ai extraits dr, la partie
biographique, (;t qui ne ligiirent j)as dans son ouvrage :
Ours Graf, connu j)ar l(\s livi-es comme graveur et qui fut
aussi peintre, orfèvre et lailleur de monnaies, inscrit dans
la confrérie en 1520, et Jean-llugues Rluber, né en 1528
et inscrit en 1555, dont le musée de Bàle jiossède ou
des tableaux ou des dessins; Jean Ib^rbsler, né à Stras-
(i) Ellfi se ciiniposo de r)(! pai,'PS in-S"
— 281 —
bourg, en 1468, admis dans la confrérie hàloise, en 1492;
Jean-Sixte Ringlin, de Schorndorf, inscrit, en 1610; Jean-
Henri Glaser, admis en 1618; Jean-Jacques Thurneisen, né
à Bàle, en 1630, et y décédé en 1718, et bien d'autres. Jean
Bock, auquel M. Siret consacre un article, fut inscrit dans le
livre rouge en 1572; il est représenté au musée de Bàle par
plusieurs dessins et deux tableaux, signés et datés, ce que le
catalogue ne dit pas, qui ont pour sujets F Allégorie du Jour
et rAUôgorie de la Nuit.
La brochure en question parle aussi de Jean-Henri Relier,
né à Zurich, en 1692, qui, après avoir appris son art à Bàle,
alla continuer &es études en Allemagne, en France et dans
les provinces-Unies; il mourut à La Haye. Les détails qu'on
y trouve sont extraits de l'ouvrage de J.-G. Fûessli, dont il
sera question plus loin (i), et qui lui-même les a puisés pour
la plupart dans le livre de J. Van Gool, intitulé : de Nieuwe
schouburg der Nederlantsch Kunstschilders (2), où se voit
aussi son portrait. L'écrivain hollandais a fort bien connu
Relier, qui vivait encore au moment où il écrivait. Dans cette
brochure on parle également de Mathieu Mertan, le Jeune,
autre peintre bàlois qui vivait au xvii" siècle, lequel voyagea
en Angleterre, dans les Pays-Bas, en France, en Allemagne
et en Italie. Les biographes disent (pi'il (il la connaissance
d'Antoine Van Dyck, à Londres, et de Rubens, à Anvers.
La publication, faite au siècle dernier, de Jean-Gaspar
FùessIi ou Fùessiin, sur les artistes suisses, Gescinchte der
ùeslen Kunsller in der Schiceilz, est un vrai monument élevé
(I) T. m, p. 12t.
(i) T. II, pp. âÔG-^TS.
— 282 —
par rauteiir à la mémoire de ses compatriotes. Je l'avais con-
sulté pour acquérir quelques notions sur Jean-Balthazar
Keller (i), de Zurich, le célèbre fondeur de bronze, dont
j'avais rencontré plusieurs fois le nom dans un inventaire des
pièces d'artillerie existani à Ath, en 1716, où Ton conservait
alors des pièces fondues par lui à Douai, dans les années
167G, 1689, 1690, etc. (2) En parcourant de nouveau les
cinq volumes de cet ouvrage, j'y ai renconli'é un article con-
sacré à un élève de François Snyders, d'Anvers, qui alla
tinir ses jours dans les Provinces-Unies, George (Juriaen)
Jacobsen, peintre de chasses et de combats d'animaux. Fiiessli
a traduitl'articlequi se tro\ive dans l'ouvrage de Descamps (5).
Deux opinions sont en présence relativement à la patrie de
cet artiste : Tune le déclare Suisse de naissance; c'est natu-
rellement celle-là que Fiiessli a admise : l'autre le fait naître
à Hambourg. La première appartient à J.-Campo Weyer-
man (4) ; Houbraken est l'auteur de la seconde (li) ; il la tient
d'un élève du })eintre. Ce motif seul aurait dû faire {)référer
cette dernière. Il en est d'autres qui militent en sa faveur,
telles que la forme de son nom sur un tableau du musée de
Dresde, un Sanglier forcé par des chiens, qui est signé :
J. Jacobsen. fec. 1660, et la présence d'œuvres de sa main
dans l'église cathédrale de Hambourg (g). La date de son
décès ne peut être 1664, ainsi que le croient divers écrivains;
(1) Voi/.t. Il, p. 1.
(•2) Alex. PiNCHART, Archives des arts, sciences et lettres, t. Il, p. 106.
(3) La Vie des peintres flamands, etc., édit. de 1774, t. Il, p. 191.
(j) De Levens-beschryvingen der nederlandsche Konst-schilUers, t. H, p. 148.
(s) De Groole schouliurgh der nederlantsche konstsschilders, t. Il, p. 49.
(6) Hamlmrqisches Kiinstler-Lexikon, ISoi, t. I", p. 121.
— 283 —
Houbraken en a fait ressortir l'invraisemblance en lui oppo-
sant celle de la naissance (1659) de l'élève auquel il devait
les renseignements qu'il a publiés sur Jacobsen.
Les Provinces-Unies ont eu, comme on le voit, plus de
rapport avec des artistes suisses que les provinces méri-
dionales des Pays-Bas, Voici les noms de quelques autres
peintres distingués de l'Helvétie qui de leur côté ont vu la
Hollande, soit pour y étudier, soit pour y travailler, ou
seulement la visiter. Rodolphe Werdmuller, île Zurich,
mort en 1668; G. Gesell, de Sainl-Gall, qui l'ut élève
d'Antoine Schoonjans, d'Anvers, alors établi à Amsterdam;
J.-R. Studer, de Winterthur; J.-E. Liotard, de Genève;
J.-J. Schalch, de Schaffouse; J.-H. Wiiest, de Zurich, etc.
Ceux-ci appartiennnent au xviii" siècle. Tous ces artistes ont
leur article dans le livre de J.-G. Fiiessii.
Les cinq volumes de cet ouvrage ont paru à Zurich dans les
années 1 769 à 1 779. Toutefois, dans une correspondance dont
il sera question plus loin, j'ai trouvé que déjà en 1735 Fiiessii
avait commencé la publication d'un livre du même genre en
trois volumes, sous le titre de Geschichle uiid Abbildung der
besten Mailler in der Schweitz. Les gravures de cette édition,
dont je n'ai vu que les deux premiers volumes, sont de
beaucoup préférables à celles de la seconde. L'estimable
Fiiessii était aussi peintre : il fut le père d'une génération
d'hommes remarquables, artistes et savants. Les deux aines
cultivèrent la peinture; le deuxième, Jean-Henri, augmenta
considérablement la nouvelle édition, imprimée en 1805, du
Diciionarij of painters de Pilkington, qui avait vu le jour en
1770. Jean-Rodolphe Fiiessii, peintre de miniatures, frère
de Jean-Gaspar , est l'auteur de yAllgemeines Kïmstler
19
— 284 —
Leooicon, qu'il publia à Zurich, de 1771 à 1779, in-lblio.
Son fils continua l'œuvre qu'il avait entre|)rise et y ajouta
(1806-1809) des suppléments très-considérahles. Ces tra-
vaux ont servi de base au Neiies aUgemeines Kiinstler-
Lexicon de Nagler. Chrétien Von Mechel, dont j'ai déjà
parlé, publia <à Bàle, en 1776, un beau livre intitulé : OEu-
vre du chevalier Hedlinger. Ce fameux i^i'aveur en médailles,
Suisse de naissance, (îtqui mourut en 1771, a reproduit par
le burin le portrait de Joseph-Charles Roettiers, son con-
frère dans l'art, qui fut le premier graveur des monnaies en
France sons Louis XV, et qui appartenait à cette célèbre
famille anversoise qui, au wii" et au xvni" siècle, fournit
de graveurs les ateliers monétaires de Belgique, d'Angle-
terre, de France et d'Autriche.
Le peu de résultais de mes recherches dans les livres pour
découvrir des renseignements sur le séjour qu'ont fait en
Suisse quelques artistes de nos contrées, avides d'étudier
les sites pittoresques de ce pays, si bien rendus de nos jours
par Calame, tels que François Van Knibberch ou Knibbergen,
paysagiste flamand, Jean Hackert, paysagiste hollandais (i),
tous deux du xvii" siècle; Vincent Van derVinne, le Vieux (2),
peintre en divers genres, de la même époque, natif de Haarlem;
Jean-Louis Marnette de Marne, de Bruxelles, né en 174.4,
autre peintre de paysages, etc., ne devaient pas m'encou-
rager à pousser mes investigations jusque dans les archives,
et j'y ai renoncé. Je n'ai pu rien recueillir non plus nulle
(«) C'est la lonncde la signatiiie du tableau du nmsée de Berlin. Le musée de
(;n|ieiiliai;ue possède de cel artiste une vue de la Suisse.
(i) Voj/. sur ce peintre et la famille d'artistes ii laquelle il appartenait, l'ou-
vrafie réienunent publié par M. A. Van dkr Wilmgkn, (ii'schiedkiindifjf aantee-
heiiiiKjeiiover liiiurleninclteiichililers, pp. 2'25-25'2.
— 285 —
part sur Conrad Meyt, le fameux sculpteur suisse au ser-
vice de Marguerite d'Autriche, dont je me i)roposais d'aller
voir les œuvi-es à Bourg, en Bresse, ni sur Benoit d'Ap-
penzell, mailre de chapelle de Marie de Hongrie (i), qui
était peut-être natif du canton dont il porte le nom.
Il existe aux Archives du royaume, dans l'immense corres-
pondance du comte de Cohenzl, bcaucouj) de lettres adres-
sées à ce ministre par un sieur Rodolphe de Valllravers,
Suisse de naissance. Au mois de septendjre 1762, en passant
cà Ostende à son retour d'Angleterre, avec sa femme qui était
dece pays, celui-ci s'était adressé au ministre pour ne pas être
inquiété par les agents de la douane des Pays-Bas autrichiens.
Le comte de Cohenzl l'avait aidé dans cette circonstance.
Néanmoins, en traversant nos provinces, il fut, parait-il,
assez molesté en plusieurs endroits à cause de ses hagages.
Dans la lettre qu'il écrit pour se plaindre de la rapacité des
employés de la douane, je remarque cette phrase fort expres-
sive : « Il ne faut qu'une poignée de ces sangsues pour faire
» éviter les Etats de Sa Majesté à tous les étrangers. » M. do
Valltravers mit au service du ministre ses nombreuses con-
naissances en Suisse, en France et en Italie. C'est là l'origine
de leurs relations. Le comte de Cohenzl accepta avec empres-
sement ses offres, et de Valltravers, qui habitait une jolie
maison de campagne à Rockhall, sur le lac de Bienne, se mit
en quête de tableaux et de dessins pour augmenter le cabinet
du ministre plénipotentiaire de l'empereur d'Autriche à
Bruxelles, qui entretenait dans ce but une correspondance
fort étendue avec les artistes et les amateurs de tous les pays.
(Il Alex. IMm.hart, Arcliiven des arts, scifines et lettres, {. IF, p. i.ïS.
— 286 —
L'homme d'État lui avait écrit que sa collection de dessins
était déjà très-nombreuse, mais qu'il lui ferait plaisir, « lors-
» qu'il se présentera des dessins originaux des bons maîtres,
y> de les lui adresser. » M. de Valltravers s'était de plus offert
de se charger de missions du même genre pour Sa Majesté
et pour le prince Charles de Lorraine. C'est à cette occasion
qu'il déclare être « membre des Sociétés royales des sciences,
» des antiquités, des arts et des connaissances œconomiques
» en Suisse, en Suède et en Angleterre ». « Si à Vienne, —
» écrivait-il le 17 juin 1765, — je pouvois avoir le bonheur
» d'obtenir quelques ordres pour enrichir les galeries et
» bibliothèques impériales des productions de l'art et de la
» nature les plus curieuses de ce pays, je ferois tous mes
» efforts pour contenter mes supérieurs, et aurois une obli-
j> gation de plus à Votre Excellence, en les obtenant par votre
» puissante recommandation. C'est le genre d'occupation
» qui me recréeroit le plus dans ma retraite paisible et phi-
» losophique. » Il fut en effet employé à procurer une foule
d'objets provenant du sol de la Suisse pour le cabinet d'his-
toire naturelle du prince gouverneur. Quant à l'appuyer
auprès de l'Empereur, le comte de Cobenzl prétexta que son
éloignement de la cour et le temps qui s'était écoulé depuis
son départ « le mettaient hors d'état do lui rendre service. »
Le premier envoi du sieur de Valltravers consistait en dessins
d'Antoine Tempesta et deux recueils d'Annibal Carracci;
ceux-ci avaient été formés par Charles Labelye, architecte
suisse(i) .Cette expédition fut suivie de près par une autre com-
(() Voi/. J.-C. Fi'F.ssLi, (k'schichie drr hextrii Kiinstlrr i)i dcr Schweitz, 1. IV.
p. 225.
— "287 —
posée d'œuvres de différents maîtres. Le prix des deux réunies
s'élevaient à une somme d'environ 2,350 livres de France.
Voici ce que le savant du lac de Bienne mandait au ministre
amateur, dans sa lettre du 15 avril 1765 : « Les occasions
» de faire de bonnes acquisitions ne manqueront pas dans un
» pays tel que celui-ci, limitrophe à la patrie des arts, mais
» dont le génie militaire n'a jamais fait grand cas des beaux-
» arts. Je crois être le seul en Suisse qui recueille des des-
» sins. NosWeiner, Holbein, Merian, Meyer, Hiiber, Arlaud
» et autres grands peintres du siècle passé n'ont pas cessé
» d'en disperser un grand nombre. J'ai mis bien des amis
» aux affûts pour me les déterrer, et je puis compter sur leur
» diligence. » M. de Valltravers finit par ces mots : « Il ne
» dépendra pas de moi que votre cabinet surpasse dans peu
» celui de feu M. de Crosat, à Paris. » On sait que Pierre
Grozat, mort en 1740, fut un des amateurs des beaux-arts
les plus éclairés de son époque, et qu'il employa une grande
partie de sa vie et de sa fortune à former l'une des plus pré-
cieuses collections de tableaux, de statues, de dessins, d'es-
tampes et de pierres gravées que l'on ait jamais réunies (i).
Chaque lettre de son correspondant annonce au comte
de Gobenzl de nouvelles découvertes ou de nouvelles expé^
ditions. Dans celle du 5 décembre 1765, il parle d'un
troisième envoi de cent cinquante pièces. Dès lors le mi-
nistre croit devoir le ])révenir d'aller un peu doucement. « Je
» vous prie, — lui dit-il, le 16 décembre, — de borner à
» présent vos soins à la collection des desseins des peintres
(i) Yoy. sur P. Croz;it, Makiktte, Abeccdario, t. H, p.iô: — et J. Dumesnil,
Histoire des plus célèbres amateurs français, vol. consacré à P.-J. MarieUe, p. 12.
— !288 --
» suisses, » el, répondant à uno pi'oposiliun, il ajoute plus
loin qu'il a « fait vœu de ne pas avoir d'estani})es. » Il insiste
sur le premier point dans ses lettres du 10 et du 26 janvier
I7G4. « Pour des tableaux, — répondit-il, le 1" mars sui-
» vaut, — je n'en achète plus, parce que je n'ai plus de place
» pour les mettre. Si j'ai l'honneur de vous voir en ce païs
» vous verres que mon cal)inet est petit, mais qu'il y a de
» bonnes choses» , M. de Valllravers avait procuré au comte
de Gobenzl l'ouvrage de J.-G. Fûessli, et c'est d'après ce livre
qu'il avait classé une série de cent dessins d'artistes suisses
qu'il lui avait envoyée. Il lui disait à ce propos : « Ce sera
» chés Votre Excellence que mes compatriotes trouveront
» les monumens les plus authentiques des talcns, du goût et
» de l'habileté de nos ancêtres dans les arts libéraux. Nos
» Suisses militaires modernes ne méritent pas de les possé-
>> der. Leur vénalité éteint toute vertu et toute estime pour
» les arts et les sciences. » (Lettre du 29 août 1763.) Les
contemporains de Valltravers auraient pu protester contre
de telles paroles, et ils n'auraient eu que l'embarras du choix.
Les noms de Jean-Ulric Schnatzler, des Fûessli, d'Emmanuel
Handman, de Jean-Jacques Schalch, de Chrétien-Frédéric
Kleeman , d'Antoine GraC, de Jean-Ulric Schellenberg, de
Jean-Louis Aberli, de Salomon Gessner, d'Adrien Zingg, de
Jean-Elienne Liotard, de George-Michel Moser, etc., sont
autant d'artistes (jui, à cette même époque, s'illustraient par
leurs œuvres.
Malgré l'insistance (jue le comlede Gobenzl avait mise dans
ses recommandations sur le choix des dessins, son corres-
pondant continuait à lui adresser des (euvres do tontes sortes
el le plus souvent d'artisles fort médiocres. Fatigué, le ministre
— ^i89 —
lui retourna la septième expcklition par leltn^ du 26 octobre
1705, en disant : « Je vous réitère mes instances de ne vou-
» loir m'envoyer à l'avenir que des pièces capitales des mai-
» très suisses dont les noms ne sont pas trop multipliés dans
» ma collection déjà assez riche pour que je désire de l'aug-
» menter considérablement. » Ce fut la cause de la rupture
de leurs relations pendant plusieurs années.
Sans offrir grande ressource pour l'histoire de la Suisse,
le dépôt des Archives du royaume possède quelques docu-
ments qui pourraient être utilement consultés par les écri-
vains de la république des vingt-trois cantons. Ces motifs
m'engagent à les indiquer ici fort rapidement.
De l'époque de Charles le Téméraire je ne connais
c|ue les comptes et d'autres registres touchant les taxes
faites, en 147o, à l'occasion de la guerre que ce prince vou-
lait entreprendre contre les Suisses, sur les liefs et arrière-
liefs dans les comtés de Flandre et de Namur, dans le duché
de Brabant et dans la seigneurie de Matines (i). Le dépôt des
Archives du département du Nord, à Lille, qui a conservé
une grande partie des archives de l'ancienne chambre des
comptes, foui'nirait peut-être d'auli'cs renseignements; il
est certain qu'elles en contiennent du temps de Charles-Quint,
puisque M. Gachard y a signalé (2) l'existence de lettres de
Maximilien de Berghes, seigneur de Zevenberghe, qui ont
trait à la mission dont le futur enjpereur l'avait chargé
auprès des Suisses en loi 8 et loi 9. Un livre du plus haut
(i) Alex. PiNCHAUT, Invenlairi' des archives des chambres des comptes, t. IV.
11. uy.
{i) Voy. son Rapport a .)/. te ministre de l'intérieur xur les Archives de Lille,
e>i 1841.
— 290 —
intérêt est venu, depuis peu d'années (1838), ajouter consi-
dérablement à ce que les historiens et chroniqueurs contem-
porains avaient recueilli de renseignements sur cette fameuse
guerre de 1476, qui aboutit à deux grandes défaites, Granson
et Morat, c'est la publication , d'après les archives de
Milan, par M. le baron Frédéric de Gingins la Sarra, des
Dépêches des ambassadeurs milanais sur les campagnes de
Charles le Hardi, duc de Bourgogne, de 1474 à 1477. Déjà
en 1840, ce même écrivain avait livré à l'impression un mé-
moire intitulé : Épisodes des guerres de Bourgogne, de \^7i
à 1476, qui a jeté une grande lumière sur ces curieux évé-
nements. Je citerai parmi les travaux de ses devanciers sur
la même question, l'article ayant pour titre : la Bataille de
Granson, par M. Fr. Du Bois, où sont reproduits les textes
de diverses chroniques neuchàteloises, et qui a été inséré
dans les Mittheilungen der antiquarischen Gesellschafl in
Zurich (i); l'article de M. Coremans, Watdmann, le vain-
queur du Téméraire, publié, en 1842, dans les Bulletins de
la Commission royale d'histoire de Belgique (2); les deux
volumes, imprimés en 1845, de M. Em. Van Rodt, sur les
campagnes du duc Charles, die Feldzuge Karls des Kiihnen;
le travail de M. J.-G. Zellweger sur les causes de la guerre
contre les Suisses, Versuch die wahrcn Griinde des Bur-
gundischen Kriegs darzuslellcn, que renferment les Archiv
fiir Schweizerische Geschichte (3).
Dans la collection des papiers d'État et de l'audience qui
0) T. V.
(î) T. VIII, p. 413-510.
(3) T. VI, l'e série, pp. 79-138.
— 291 —
ont été restitués à la Belgique par l'Autriche, en 1862,
se trouvent des pièces louchant les négociations avec les
cantons confédérés, de 1578 à 1584, et, parmi elles, la cor-
respondance qu'ils ont, eue avec le comte de Champlite,
seigneur de Vergy, capitaine et lieutenant général du roi
d'Espagne en son comté de Bourgogne. Dans l'une de ces
pièces on lit que les cantons l'avertissent du succès de la
diète de Baden, en 1584, dans la question du différend
existant avec les seigneurs de Berne et la ville de Genève.
C'est cette même année que cette dernière localité fut
reçue solennellement dans la confédération. J'ai vu dans les
archives du département du Bas-Rhin, à Strasbourg, une
copie du traité d'alliance conclu, en 1587, entre Philippe II,
roi d'Espagne, et les cantons suisses catholiques. Cette pièce
est imprimée dans le Corps diplomatique du droit des(jens (i),
par J. du Mont.
Une autre liasse de cette même collection des Archives
du royaume renferme des documenis sur les négociations
avec les Suisses de Claude Clément , seigneur de Wyon ,
agent des archiducs Albert et Isabelle auprès des cantons
confédérés, et entre autres la relation du voyage que ce sei-
gneur « a faict en la diette de Baden de ceste année 1620, et
» de ce qu'il y a négocié et appris » . Elle contient aussi des
détails sur les diètes de Baden, de 1622, 1626 et 1629, et
la correspondance d'Adrien de Thouiassin avec l'infante
Isabelle sur la diète de Soleure, en 1627, pour le règlement
des affaires de la Valteline.
(i) T. V., 1« partie, p. 479.
— i>9^
La sécréta irerie d'Etal es|)ai>,nole comprend, en douze
volumes, la correspondance de don D. de Saavedra, résident
du roi Philippe IV en Suisse, de 1633 à 1640, avec|Ferdi-
nand, arcliiduc d'Autriche, dit le Cardinal-infant, gouver-
neur général des Pays-Bas.
Enfin dans la secrétairerie d'Etat allemande, j'ai rencontré
beaucoup de lettres adressées aux archiducs et d'autres pos-
térieures à la mort de l'infonte, en 1653, des villes de Bàle,
de Fribourg, de Berne, de Lucerne, etc.; des pièces concer-
nant différentes diètes tenues à Baden dans la seconde moitié
du xvii" siècle, et une farde assez (considérable qui regarde
diverses négociations de Jean deWatteville, abbé deBeaume,
avec les Suisses, de 1666 à 1668, pour la conservation de
la neutralité du comté de Bourgogne à propos des préten-
tions que Louis XIV, roi de France, élevait sur cette pro-
vince. J'ai extrait d'une lettre qu'il écrivit aux députés de
Bourgogne, le 16 mai 1667, la narration des honneurs qui
furent faits en Suisse à l'ambassadeur du roi Charles II par
les fiers descendants des vainqueurs de Charles le Témé-
raire ; elle m'a paru assez intéressante pour trouver place ici,
« Messieurs , i)our seconder au plus tost vos intentions,
» je me suis pressé le jilus qu'il m'a esté possible, à mettre
» en estât mon es(piipage, en sorte que je partis de Baume,
» huict jours après ma sortie de Dole, et estant arrivé à la
» frontière des estais de Berne, je fus reccu par ordre de
» Leur Excellences du baillif de Romanmouslier, accom-
« pagné de plusieurs de la noblesse du pays de Vaux, et de
» deux cent mousquetaires avec tous les honneurs imagi-
B nables; et après les salves accoustumées nous en fismes
» plusieurs autres pendant deux repas du soir et du matin,
— ^295 —
» à la santé de nostre roy, de inesseigneurs de l'un et de
» l'autre estât, et à la bonne union et tranquillité d'iceux.
» D'où estant parlis, au milieu du peuple qui estoit soubs
» les armes, tesmoijïnant sa bonne volonté par ses salves,
» je fus accompagné par ledict baillif et sadicte suitte jus-
» ques k Yverdun, où le baillif du lieu en lit de mesmes
» jusques à Moral, auquel lieu je fus visité de la part de
» messieurs les avoyers de Fribourg par quelques conseil-
» liers de leur ville, lesquels, m'asseurant de leur aflection
» et bonne volonté, me conseillèrent d'aller premièrement
» k Berne comme plus ancien canton que le leur, afiin de
» ne point donner de jalousie en matière de préférence.
» Ainsy suivant leur advis je m'en allay à Berne accom-
» pagné du baillif de Morat, qui m'avoit aussy traitté avec
^) beaucoup de tesmoignage de bonne volonté.
» Sitost arrivé à Berne je fus visité par plusieurs particu-
» liers, parens et amis, lesquels ne trouvèrent pas à propos
» que je demanda audience à Leur Excellences en partie,
» qu'auparavant je ne l'eus prise à Zurich, comme estant le
» premier canton ; et messieurs les avoyers de Berne, et la
» généralité de leur conseil, ayant esté de mesme advis, je
» m'y suis conformé et me suis contenté de les voir en par-
» ticulier, et les informer de nos desseins et prétentions
» pour en apprendre leur sentiments et volontés, quej'ay
» trouvésentièrement portés à nostre advantage; en lesmoi-
» gnage de quoy plusieurs de ces messeigneurs m'ayants
» fait compagnie en toutes les visites, et en tous les repas,
» messieurs du conseil m'envoyèrent une députation par six
» de leur conseilliers qui contcnoit en substance que Leur
» Excellences ayant appris par des particuliers, que j'avois
— 294 —
» visité , le sujet de mon voyage, nonobstant que je ne
B m'estois pas déclaré au public, ils m'avoicnt voulu laisser
j> de me les souhaitter heureux par advance, et de me
» tesmoigner leur bonne volonté par un présent de cent
» mesures d'aveine et d'un festin qu'ils avoient préparé, pen-
» dant lequel il me firent présenter le vin d'honneur de
» seize simaises par le grand saultier et huict sergents, au
» moyen de quoy les susdicts six députés, avec une douzaine
» d'autres des plus apparants de la ville, beurenl gaillarde-
» ment à la santé de Sa Majesté et de Son Excellence de
» Castel-Rodrigo, et ensuite de tous les corps de nostre ])ro-
» vince, et particulièrement au bon succès de nos inten-
» tions, avec tous les tesmoignages possibles de leur bonne
» volonté, et à la conservation de nostre province soubs les
» estendars de cours, auquel ils ajoustèrent les ailes de la
y> maison de Watteville pour le rendre d'autant plus prompt
» et diligent comme vous verres par le cy-joint.
» Après quoy ayant jugé à propos de passer à Fribourg
» pour m'asseurer des particuliers de ce canton, avant que
» d'aller à Zurich, je fus accompagné par quantité de mes-
» sieurs de Berne jusques à la frontière de Fribourg, à la-
» quelle je treuvay six députés de ce canton qui m'accompa-
» gnèrent en leur ville, en laquelle j'ay esté traitté encore
» plus magnifiquement qu'à Berne, car en la visite qu'on m'a
» fait au nom du conseil les mesmes avoyers y sont venu
» accompagnés de plusieurs de leur conseil, après quoy ils
» m'ont fait le présent d'avoine en tesmoignage de la défé-
» rence, et ensuite le dimanche matin, m'ont envoyé monsieur
» le colonel de Praroman et autres déjiutés pour me con-
» duire à la messe dans leur grande église où ils m'ont pia-
— 295 —
» ces au milieu du chœur, un peu dever l'évangile, sur un
» prie-Dieu couvert d'un tapis avec ses deux caraux et un
» fciuteuil, m'ayant aussy posé un autre fauteuil k la place
» [la] plus honorable du mesme chœur pour la prédication
» de l'église. Ils m'ont accompagnés au logis où ils avoient
» préparé un festin solemnel avec le présent du vin d'Iion-
» neur par le grand saultier, de mesme qu'à Berne, mais
» encore avec plus de répétition des santés do toute la mai-
» son d'Austriche en chaque personne et en général, et de
» mesme de nos ministres et chefs comme des corps et par-
» ticuliers de nostre province , avec tous les tesmoignages
» imae:inables de cordialité et affection. »
g 2. — MUSÉE DE LA CATHÉDRALE.
La ville de Bàle rappelle aux Belges et aux Hollandais une
foule de noms célèbres du xvi" siècle ; d'abord le célèbre
Erasme, qui appartient aussi à l'histoire de l'art, puisqu'il
peignit des tableaux d'histoire (i); Jean Stordeur, anabaptiste
liégeois, mort en 1556, dont Calvin épousa la veuve; Jacques
de Bourgogne, et Waléram PouUain, déjà cités plus haut à
l'article Strasbourg; Nicolas Van den Bosch, professeur à
l'université de Bàle; Jean Ulenhovo, de Gand, le fondateur
d'une église réformée en Angleterre, qui fut obligé d'aban-
donner ce royaume et de se réfugier à Bàle, où il fit impri-
(i) M. Kramm a publié de curieux détails sur les œuvre> arlibliquos d'Érasme
dans son ouvrage intitulé : de Levais eu iverk'Hi der hollandsche en vlaamiche
kunstschilders, etc., t. H, pp. 4ô2-i39,
— t29() —
nier en latin l'histoire de cette petite église, en I06O (1);
Henri Agyla'us, jurisconsulte distingué, natif de Ëois-le-
Duc, qui traduisit les Novelles de Justinien du grec en
latin (2); André de Wesele, ditVesale, lequel professa l'ana-
loinie à Bàle pendant qu'on y imprimait son grand ouvrage
contenant ses belles découvertes dans cette science si in-
connue encore de son temps, et dont les planches furent
exécutées par S. Galcar, graveur suisse; Gui de Brès, l'un
des principaux agents du parti calviniste, etc. M. G. -P. Ser-
rure a publié, d'après un petit recueil imprimé au xvii' siècle
et fort rare, les épitaphes de plusieurs Hollandais et Belges
décédés à Bàle au xv* et au xvr siècle, entre autres celle de
Siger ou Sweder de Gulenborch, évèque d'Utrecht, qui était
allé au concile de Bàle, et y mourut le 22 septembre 14-")3( 3;.
Le musée de la cathédrale, qui est à proprement j)arler le
musée des antiquités de la ville (4), occupe le chœur de ce bel
édifice lequel est affecté au culte réformé. Un escalier mène
du chœur à la salle où s'assembla le concile œcuménique
de 1431. On conserve dans ce musée quelques souvenirs
d'Érasme, et aussi plusieurs portraits et bustes du fameux
écrivain, dont la physionomie, à la fois si spirituelle et si
reconnaissable, a été reproduite par les plus grands artistes
contemporains, tels que Jean Holbein, qui lui doit le con.seil
(i) C.-P. Serrure, Yaderlandsch muséum, t. IV, p. 270, note 2.
(2) La Biographie naliouale reiirerine un fri's-hon article sur Agyla-us lail par
M. J. Delecourt, d'après les notes recueillies par M. Prosper Cuypers-Van
Velthoven.
(z) Vaderlandsch muséum, t. IV, p. idii.
(i) Il en existe un catalogue qui a pour titr<^ : Yerzeichiiiss der mitlelalter-
liclien Siniuulung in der S. Mcnlaus-Caijelle uiid dem (lottciliuni.^snuU' des liasler
Miinslers; 186-2, p. ;>i.
— '297 —
d'être parti pour l'Angleterre, Albert Durer, Quentin
Melsys, etc. Ce dernier en a fait une médaille, la seule
qu'on puisse lui attribuer (i). C'est à son voyage aux Pays-
Bas que Durer rencontra Érasme; il a gravé le portrait
qu'il peignit alors, <'t Mariette dit dans son Abecedario (2)
qu'il possède une épreuve de cette planche sur laquelle
quelqu'un avait écrit qu'Érasme posa pour lui. Le musée
renferme des antiquités de diverses époques et de toute es-
pèce, des sculptures en bois, des tableaux dont beaucoup ne
sont que des copies, et des moulages en plâtre en grand
nombre. Une seule chose m'y a intéressé au point de vue de
notre histoire, c'est une plaque de cuivre entaillée représen-
tant la Vierge assise tenant le Christ mort sur ses genoux, et
deux anges derrière elle. A sa droite Philippe le Bon avec le
comte de Charolais agenouillés et les mains jointes, et l'apôtre
saint Philippe debout; au-dessus de la tète du jeune prince
l'écusson des armes de Bourgogne et la devise : AUre naray
sur une banderole. A gauche de la Vierge est gravée la femme
du duc, Isabelle de Portugal, dans la même attitude que son
mari, et, près d'elle, sainte Isabelle, sa patronne. Derrière la
princesse deux petits enfants également à genoux, et portant
en mains des croix pour indiquer qu'ils sont morts. Au-dessus
de la mère et des enfants trois écussons : le premier est
accompagné d'une banderole sur laquelle on lit la devise
de la duchesse : Tant que je vive. Tous les écus sont
émaillés. Voici les dimensions de cette plaque de cuivre
(1^ Alex. PiNCHART, Hecherchex sur les (iroveurs; de mMailles, etc., des Pai/s-
lias, t. !'■', p. î;2.
(â) T. Il, \>. lUG.
— 298 —
dont le dessin et le travail accuseiU un artiste flamand (i) :
r"Oj de largeur et 1"'21 de liauleur ; la partie supérieure oc-
cupée par les personnages a 0"'66; le reste est rempli par une
inscription latine de dix-neuf lignes en lettres gothiques
taillées en relief, et dont le sens est que la duchesse fonda,
en \iôù, deux messes anniversaires dans l'éghse des Char-
treux, à Bàle, où cette plaque commémorative a été placée
(in l)ac ccclcsia coiuicntualt. orbints cartusic situata in IfSueilca
minori). L'inscription commence par ces mots : Slluôtriestma
ac potcittisetma princcpe. yeabclltô ftlto ioljanb. La suite a dis-
paru jusqu'aux mots : algarbic atquc bonùni ccptc bucl)t66a biir-
guÎJic. lotljanugic, etc., en même temps qu'une partie du dos
de la Vierge et des jambes du Christ. Elle se termine par :
2lcta fucrunt l)cc onnaanatiiutatcbnimtUcsimo eue" tricceimo tcrclo.
Bàle est plein da souvenir d'Érasme : on montre dans la
cathédrale son monument funéraire, et, à la bibliothèque,
l'original de son livre contenant l'Éloge de la Folie, dont les
marges sont ornées de dessins du plus célèbre des Holbein,
I 5. — MUSÉE DES TABLEAUX.
Le musée de Bàle se compose de tableaux, de dessins, de
(i) Plusieurs notices ont éié publiées sur des dalles tumulaires et les plaques en
cuivre ciselées et gravées de notre pays. Je citerai : Notice sur les dalles tumu-
laires de cuivre ciselées et gravées par des artistes /lamands en Angleterre, par
un voyageur belge (I. Hye); Bruges, 18.j0; 40 pages; — Nolice sur une
dalle tumulaire de cuivre du xv« siècle qui se trouve au Béguinage, à Bruges;
brug(!S, 1852; 15 pages; — Cuivre ciselé de la tombe de Marguerite Suanders,
femme de Gérard Horenbout, peintre gantois, par la baron J. dk Saint-Genois;
Gaiid, iS.j7. Les deux premiers articles ont paru dans les Annales de la Société
d'émulation de lu Flandre occidentale, et le dernier dans ie Messager des sciences
tiisliiritiues. M. J. Wkaue, archéologue, ii Bruges, a l'ait iuipiiuier un catalogue
des calques d(! dalles seuiblablfs qu'il a recueillies. 11 en avait annoncé la publi-
cation, mais jusiin'ici aucune sniie n'a été donin^e à ce projet.
— 299 —
sculptures antiques et modernes, de gravures (i), etc.,
disposés dans un bel et vaste édifice qui renferme aussi
la i)ibliothèque publique. C'est sans contredit le plus beau
musée de la Suisse à cause de l'importance des peintures
qui y sont réunies. L'école allemande du xv* siècle et de la
première moitié du xvi'' y est surtout dignement représentée
par des œuvres de choix de Martin Schongauer, de Luc Kra-
nach, de Jean-Bauduin Griin, des Holbein, père et fils, et de
bien d'autres, qui proviennent pour la plupart de la collection
du savant jurisconsulte Bonifaco Amerbach, l'ami d'Érasme
et d'Agyla^us. Son portrait en buste de même que celui de
l'illustre auteur de l'Éloge de la Folie, tous deux peints par
Holbein, le Jeune, tous deux fort remarquables au point de vue
de l'art, se voient au musée de Bàle (n"* 12 à 15). L'un et
l'autre sont reproduits en gravure dans le consciencieux
ouvrage que vient de faire paraître M. A. Woltmann :
Holbein und seine Zeit (2). Le musée d'Anvers possède aussi
un très-beau portrait d'Érasme, attribué au même artiste.
Jean-Bauduin Griin est cet artiste que Diirer rencontra a
Anvers, dans les premiers mois de l'année 1521, et auquel
il vendit quelques-unes de ses gravures. Il possédait de lui un
tableau dont il fit cadeau à son ami Joacliim Patinier, peu de
temps avant de repartir pour Nuremberg. Griin est très-pro-
bablement venu aux Pays-Bas avec Jean Schwartz, qui pei-
gnit, en 1520, le portrait de Diirer dans la maison des célèbres
négociants Fugger, à Anvers. Us étaient tous deux de la
Souabe, l'un de Genmnd et l'autre d'Octtingen, et c'est cette
(1) Catalogue de la galerie de tableaux et de dessins au musée de Bàle, 1863,
56 pages. Il renferme r>5a numéros.
(%) Deux volumes in-S»; Leipzig, •1866 et 1867, et un supplément publié en 1868.
:20
— 500 —
comiminaiité do patrio qui mo suggère celte réflexion . Le nom
(le Gri'in esl écrit de dilTérentes manières, et plusieurs l)iogra-
phes, entre autres Nauler (i ), croient qu'il s'app(>lail Kaidnng,
et ils en parlent sous ce nom. Je les ai crus et j'ai aussi adopté
cette orthographe dans mes Aimolafio/is à la traduction de
l'ouvrage anglais de MM. Crowe et Gavalcaselle (2). Depuis
je me suis assuré, par la signature du tahleau du maitre-autel
de l'église de Fi'ihourg, en Brisgau, que son véritable nom
doit être Jean-Bauduin (Bakhmg, en allemand) Grûn (.î).
Deux tableaux ( n" 1)0 et 91 ) sont attrilniés à Israël Vou
Meckenen dont la biographie a commencé k s'éclaircir pai-
les recherches de M. Yon Mierlo (i). L'un deux, les Israélites
mangeant l'agneau des Pâques, est beau de couleur et Ibrf
harmonieux de tons ; il pi'ouve à quel degré de perfection
l'école rhénane était parvenue vers le milieu du xv*" siècle.
J'ai ét('' frappé surtout des qualités supérieures (pii distin-
guent les portraits de d(Hix évèques (n" o2) de M. Schoii-
gauer, dans lesquels on retrouve toute la vigueur de coloris
des tableaux du même artiste qui existent au musée de Stras-
bourg et dans la sacristie de l'église de Saint-Martin, à Gol-
mar. Le n' 67 représentant le Christ crucifié entre les deux
larrons, avec la Vierge et d'autres saints groupés au pied de
la croix, est une oeuvre capitale. Ge tableau est daté de 151!2
et classé parmi les ])roductionsd(,' Jean-Bauduin Grihi. Quand
on voit les Lucas Granacb du musée de Bàle, on se demande
(1) NcKi's allçipweines Kiinsllcr-Lcjcicuii, t. I'"'', p. 25(5.
(«) C'est dans cet oiivi"ai;c, t. III, p. rccxxi, (|iif j'ai lapporté les faits relatifs
il Griui et à Scliwarz.
(.-)) Voi/. LoTZ, KiDisl-Topof/rapItie voii Dciilscliliinth; Casscl, 1865.
(i) Nurhticlilen rnii ilfiii Lflicii iiiid deii Wcrkeii Kohiisclwr Kiinsiler: Cologne
18.^)0, p. 27.^.
— 301 —
comment il est possihie d'oser attribuer à ce peintre toutes
ces ignobles tètes de femmes nues que l'on rencontre dans
|es collections pul)liqnes et privées, et qui sont étiquetées du
nom de cet artiste. Le tableau de Lucrèce se donnant la mort,
tableau très-fini et très-beau de tons, j»eut servir à lui seul
d'objet d'étude pour se faire une idée exacte de la n)anière
de peindre de (j'anach.
Mais je passe outre, car il n'entre pas dans mon cadre de
ni'arrèter aux productions des écoles étrangères. Cependant
il m'était difficile de me dispenser du tribut d'admiration
qu'ont fait naitre dans mon esprit les grands mai ires qui sont
l'ornement du musée bàlois.
Parmi les tableaux flamands de la première moitié du
xvi" siècle qu'il reriferme, trois ont pariiculièremenl attiré
mon attention : l'Adoralion des Mages (n" 28:2), ))ar Jean
Gossart; la Sainte Famille (n" 161 ), par Henri Met de Blesse,
et sailli Jean-BaptI.sIe prêchant dans le désert (n" Di), P^'i'
Pierre Breugbel, li> Vieux. Ce dernier est une acquisition
assez récente, et mesure 1"'62 de large sur 1"'05 de baut. Il
est magnifique et c'est un des plus beaux de l'artiste que j'aie
vus jusqu'ici; on n'y lit aucune signature. Dans la salle des
dessins il s'en trouve un de Jean Breugbel, lils du précédent,
un Paysage en hiver, fait à la plume, qui ostdatc' d(! la ma-
nière suivante : Joan Breugel ICI 7 in Neurenheiirg.
Ce n'est pas en B('lgi(pie que l'on peut apprécier le talent de
J(>an Gossart. Les divers tableaux du musée d'Anvers, clas.sés
parmi ses œuvres, offrent entre eux des ditTérencos si nota-
bles (pi'elles nous ont conduit à douter de leur origine. Si on
les comjiare avec le tableau du musée de Bi'uxoiles, celle
conviction (bnieiit plus profonde. Dans les uns les ligures
— 302 —
ont des proportions mesquines; dans les autres elles sont
outrées. Ici la couleur est brillante, lumineuse; ailleurs elle
est moins vive, parfois terne. Les expressions sont bien sen"
lies d'un côté, grimaçantes et mal rendues de l'autre.
On se fait une opinion bien différente du talent de Gossart,
à la fois comme dessinateur, peintre et compositeur, en étu-
diant VAdoratioji des Mages qui fut exposée à Manchester,
en 1837; [a saint Luc peignant la Vierge, de la cathédrale
de Prague; la Vierge et l'enfant Jésus, du Musée royal, à
Madrid, dont j'ai vu de fort belles photographies exécutées
récemment. Si on les compare avec le tableau du musée de
Bàle, on acquiert la conviction que celui-ci est une œuvre
parfaitement authentique du peintre de Maubeuge. En voici
une courte description. La Vierge, qui est représentée de
face, tient l'enfant Jésus sur ses genoux. La tête de la mère
est belle et d'une expression douce et sévère à la fois; elle est
couverte d'un manteau bleu sur la bordure duquel on lit :
Ave Maria. Vers la gauche du spectateur, un mage est age-
nouillé tenant d'une main un vase d'or dont il soulève le cou-
vercle de l'autre. L'enfant semble vouloir prendre ce que
renferme le vase. Derrière ce mage, un autre debout offre
également une riche coupe. A droite, vers l'extrémité
du cadre , le troisième mage , à visage noir, s'avance
avec un vase dans la main droite. Dans l'espace resté vide
entre la Vierge et ce roi nègre, on voit un serviteur occupé
à retirer d'un coffre divers objets précieux. Près de lui appa-
raît la tète d'un autre esclave, et, derrière eux, au second
plan, un soldat. Un troisième serviteur, à la ligure juvénile,
est point entre la Vierge et le mage debout à la gauche du
tableau. Dans un autre plan, derrière lui, sont placés trois
— 303 —
antres personnages. Au fond , le cortège des rois mages,
composé d'une quantité de petites figures. La scène se passe
dans un édifice on ruines d'une architecture fort riclie. Ce
magnifique tableau, dont la conservation ne laisse rien à dési-
rer, a 0'"96 de largeur et un tant soit peu plus en hauteur.
II a fait partie de la collection léguée par Samuel Birmann,
peintre de paysages, né à Bàle en 1695 et mort en 1746.
J'y ai en vain cherché une signature ou une date.
La Vierge avec renfanl Jésus (n" 162), attribuée aussi à
Jean Gossart, est un tableau médiocre et qui n'offre aucun rap-
port artistique avec le précédent. Combien d'œuvres figurent
dans nos musées en Belgique sous le nom de ce maître et
dont les auteurs sont des peintres d'un ordre inférieur qui
ont cherché à se rapprocher de Gossart en adoptant comme
lui des fonds d'architecture! Dans tous les temps les grands
artistes ont eu des imitateurs.
M. Alfred Bequet s'est imposé la mission de rechercher
les œuvres des peintres nés dans la province de Namur, et
il la poursuit avec un zèle digne des plus grands éloges, sans
être arrêté par les dépenses qu'elle lui occasionne. Déjà il
nous a fait connaitre les deux de Saive (t); en 1865, il publia
une première notice sur Henri Met de Blesse; elle fut suivie
d'un supplément au mois de novembre 1860(2). M. Bequet
y décrit les œuvres qu'il a vues en Belgique, en Italie et en
Allemagne, et déclare le tableau du musée de Bàle la plus
jolie production qu'il ait rencontrée. Ce tableau a con-
(i) Voy. les Annules de la Société archéologique de \aviur, t. VI. On peut
encore consulter Piron, Algemeene levenxbeschnjeing der mannen en vrouwen
van Behjie, p. 343, qui mentionne des tableaux de Fun des de Saive, existant an-
ciennement dans l'église d'Elew yt, j^rès de Maiines.
(î) Annales de la Société archéologique de Namur, t. VIII et t. IX.
— Ô04 —
serve sou cadre en buis sculpté reiiionlaiit à la première
moitié du xvi*^ siècle, avec colonnettes en style renaissance,
an haut duquel est rej)résenté Dieu entouré d'anges et, dans
le bas, une scène de l'iiisloire romaine; le tout ])rint et doré.
J'ai dit que le tableau avait pour sujet la b^ainle Famille.
La Vierge, en robe bleue, est assise et se détache en profil
sur une montagne rouge peinte dans le fond. Elle tient l'en-
l'ant Jésus, qui bénit le petit saint Jean agenouillé devant lui.
Saint Joseph est a]tpuyé sur un tertre devant la Vierge; on
ne voit que la partie supérieure de la personne. Les tètes sont
belles et d'un bon dessin. Le paysage est d'nn lini admii'able
et fort chaud de couleur; on y voit une ville, des rochers et
de l'eau. La signature ordinaire de l'artiste, la cbouelte, se
trouve dans une fenêtre du toit de la maison la ]>lus ra))pro-
chée des ligures du tableau. Elle est presque imperceptible,
et il n'est pas étonnant (pui M. Bequet l'ait vainement cherchée.
Cette œuvre du peintre dinantais provient de la collection
Anjerbach; elle mesure environ 0"'60 de haut sur 0"'5!2 de
large.
J'ai maintenu ici le nom Met de Blesse comme dans les/l////o-
tations (pie j'ai publiées à la traduction de l'ouvrage anglais
de MM. Crowe et Ciavalcaselle (i ). Celte forme a du moins
un sens que toute auli'<' n'a jmint, car elle est l'ortliograplie
exacte du sobriipiel ([ue Van Mander affirme avoir été donné
au|)eintre, à cause d'une loull'e de cheveux blancs (pii lui gar-
nissait le dc^vant de la tèle; de plus, elle se rapproche d(! la
signature ado|)tée |)ar l'artiste lui-même, siii- le lahleau de
la pinacolliècpu) de Munich (Iknrkas Blessius F.). Les re-
(i) The Earlii /I/imisli puinlers.
— oOo —
cliei'clu's (jue j'ai faites dans les arcliivcs coiiiiiuinales de
Diuaiil et de Boiiviiiiies, cl dans les dépôts de l'Étal, à Naiiiiir
et à Bruxelles, ne m'onl rien l'ail décpuvj'ii" pour élucider
celte question. J'ai vainenienl interrogé les l'egislres aux
inscriptions de Bruges, de Gand, de Tournai el d'Anvers,
alin de savoir où il avait })uisé les notions de son art, et dans
(|uelle ville il vécut, car aujourd'hui on ne le sait pas encore,
el toul est mystère dans sa biogra})liie. Il n'y a qu'un lait
certain, c'est que Heni-i Mel de Blesse est natif de Bouvignes
ou de Dinant, localités qui ont appartenu à deux Étals difie-
rents (pays de Liège el comté de Namur) jusqu'à la fin du
siècle dernier. Dans \(i<, Annotations citées plus haut, j'ai sou-
tenu l'opimon de Guicciardini quant au lieu de naissance de
Henri xMel de Blesse et de Joachim Patenier. C'est dans le
livre de cet estimable auteur que Donnnitjue Lanipson a puisé
les notes sur k's artistes des Pays-Bas qu'il a envoyées à
Vasari, et l'on peut être convaincu, quand ils sont d'opinion
différente, que l'écrivain florentin a raison : le chroniipieur
Croonendael n'est d'aucun poids dans le débat, d'après mon
avis, car ce n'est ([u'uii copiste. Les rapports existant entre
les œuvres des deux artistes, nés pour ainsi dire dans la même
localilé (ij, me portent à croire que Joachim a été l'élève de
Henri. La réputation de l'uti aura évidemment attiré l'autre.
Or, on sait maintenant que le )ii-einier fut j'ccu maître dans
la gilde de Saint-Luc, à Anvers, en 1515, el qu'il mourut
en 15;2i, el, selon toule pruhabilih'. ;i la lieu r de l'âge. Il \ a
doue lieu d'admettre que son maître vivait aussi à Anvers (sj.
(i) Diii;int n'est situé c|irà deux kiL mètres de Bouvignes.
(«) Y aurait-il quelque rapport entre Henri Met de IJIesse et Henri Beauman-
leau qui se trouve inscrit, eu 1 ii<5, dans le registre de la gilde de Saint-Lue, à
■Viivers'.' Je reconiniande ee nom aux actifs investitratcurs des archives de cette ville.
— 306 —
Tous les détails publiés jusqu'ici au sujet de ce peintre (i) ne
reposent sur aucun fondement.
Les peintres Adam Pynaker ou Pynacker, — ce n'est pas
là son vrai nom, qui est encore inconnu, — et Jean le Ducq,
Hollandais l'un et l'autre, et contemporains, sont représentés
au musée bàlois chacun par un tableau où sont peints des
bestiaux (n"' 172 et 288); celui du premier de ces artistes
est signé : A. Pynaker; l'autre l'est également, de la manière
suivante : Ducq. Le musée du Louvre conserve de ce der-
nier un charmant tableau, des Soldats maraudeurs, qui a
appartenu à l'abbaye de Saint-Martin, à Tournai (2), et lit
ensuite partie de la collection du roi Louis XV. Ce riche et
puissant monastère, outre les tableaux qui tapissaient l'église
et le réfectoire, les Jordaens, les Van Nègre, les Luc Fran-
chois, les Gérard Zegers, etc., possédait encore en 1775 une
collection de tableaux fort importante dont la description est
imprimée (3). Mensaert lui a consacré en outre deux pages (4)
de son livre si utile pour retrouver l'origine d'une foule d'objets
d'art. Les n"' 296 et 297 sont deux autres petits tableaux d'a-
nimaux, avec une vache sur l'un et un cheval sur l'autre ;
ils portent la signature de leur auleur : Senave 1788, peintre
natif de Loo, près de Furnes, dont les prénoms sont Jacques-
Albert, et qui alla mourir à Paris en 1829.
Parmi les tableaux de marine, je dois signaler un délicieux
petit cadre de scène maritime (n" 179), par Bonaventure
(i) Voy. la Biographie nationale, t. II, p. 47o.
(2) ViLLOT, Notice des tableaux des écoles allemande, flamande et hollandaise,
édit. de 1863, p. 08.
(3) Calendrier de Tournai/ de 1775; — Bulletins de la Société historique et
littéraire de Tournai, t. XI, p. 21Ô.
(i) Meksaekt, le Peintre amateur, t. Il, p. 80.
— 507 —
Peeters, où se lit son monogramme : B. P., et le n" 180,
fort bon tableau que le catalogue, — je parle de l'édition que
j'ai eue à ma disposition lors de ma visite au musée, — inscrit
sous le nom de Guillaume Van de Velde, le Jeune, d'Ams-
terdam, et dans lequel les connaisseurs, m'écrit M. His-
Heusler , croient reconnaitre une œuvre de Simon de
Vlieger, qui fut le maître de Van de Velde, et qui, lui aussi,
habitait Amsterdam. Les œuvres de S. de Vlieger ne sont pas
des plus communes ; j'ai vu la plus belle de toutes les Régates
au musée d'Amsterdam, avec la signature de l'artiste et la
date de 1656 (i). Les deux tableaux du musée de Paris et de
Berlin portent également son nom en toutes lettres. Dans le
catalogue de cette dernière galerie on lui en attribue, sous
forme dubitative, ilestvrai, un autre où se voient les lettres GV
entrelacées; cette indication aurait dû suftire pour restituer
le tableau à Guillaume Van de Velde, cité plus haut. Comme
les particularités de l'existence de S. de Vlieger sont entière-
ment inconnues, la date de 1656 ])ourra servir de jalon. Ce
peintre a traité le portrait, et l'on sait de plus qu'il fut gra-
veur sur cuivre (2).
Ainsi que l'a remarqué avec justesse M. le comte Clément
de Bis, à l'occasion d'une marine du musée de Bordeaux,
peinte par Bonaventure Peeters, sur le compte de laquelle il
s'extasie (3), les œuvres de cet artiste anversois sont d'une ex-
trême rareté dans les collections publiques. La galerie impé-
(1) P.-L. DuBouRCQ, Notice des tableaux du musée d'Aimterdam, 18o8, p. 136.
(4) Kramm, de Levens en werken der hollandsche en vlaamsche Kunslschd-
ders, etc., t. VI, p. 1780.
(5) Les Musées de province, t. II, p. 545. — Yoy. aussi la Revue universelle
des arts, t. XII, p. 21.
— 008 —
j'iale t'I celle tic l'académie des arls à Vienne (i)en j)()ssèdenl
acluelleujeiil liuil, e(. le musée de iJi-esde un seul, l^armi
les j)remi('rs, c'nu{ sont signés de la même manière que le
tableau du musée de Bàle; sur deux de ceux-là, le mono-
gramme de l'artiste est accomj>agné du millésime 1045. Lu
j)anneau ({ui représente ÏJnlérieur de la cathédrale d'Anvers;,
jjar Pierre Neefs, est orné de nombreuses ligures par
iJ. Peelers, ainsi que l'attestent les signatui-es des deux pein-
tres {'■2). Le tableau de Dresde est signé d'une façon toute
particulière : Bonavenlura Pelers fccit in Hoboken 1 65!2 (5j.
Hoboken est un village ])rès d'Anvers où habitait le peintre
et où il mourut l'année même de l'exécution de celle
toile, et jour pour jour trente-buil ans après son baptême.
Ses deux frères Gilles et Jean, qui fureni comme lui des
peiidres distingués, lui lii'cnl élever une tombe dans l'église
de Hoboken, que Jean décora d'un tableau de sa main,
lequel existe encore (i). La rareté {\iis productions du ])in-
ceau de B. l*eetei's donne du prix à celle dont le njusée de
Bàle est possesseur.
Le catalogue renseigne sous le n" :21)2 un tableau repré-
sentant un Paysage au bord de la mer et ba|)tisé |)ar lui de
Purt de mer en Grèce, à cause de quelques édiliccs d'arclii-
teclure antique que l'on y voit. Il est atti'ibué à Jean-Louis
{{) VoN Mkchkl, Caldlogiie dcx tableaux de In ijalerie iiiipi'riale de Vieiiiu',
pp. ■'HVô, i\'ô et ±21; — A. Kkafft, Ven-eicliiiLs.s dcr (u'iiialdc-Gallene iin
Helvedeix z-if Wicii. 1815, pp. 7o, 77, 78, 79, IGO et 1G1>; — Waaokn, die
Voniehiiinleii Kiiiisleiil,-Ma!er iii Wieii, t. l--'', pp. 91», 103, 227, 22S, 252, 259
et 21».
(ï) A. KrM'fi, loe. cit., \). Kili.
(r.) M. SiUET place par erreur (c lahleau paiiiii les inivrês de nouaveiituie
( Diolmiitaire hisloriqne des pcinlrcs, l. Iil,p. 687). \oij. la iioliee de M. T. Van
Lkuius sur les Peeters dans le Catalogue du musée d'Anvers, 2" édit., p. 29i.
(i) .]. HiusNEK, Cataloijue de la ijalerle roi/ale; 1862, p. 258.
— ÔOO —
de Marne, ))eintre donl je ne connais pas les œuvres. M. Sirel
est le seul écrivain de notre pays qui ail donné quehpies dé-
tails sur cel artiste. Je saisis cette occasion pour signaler
plusieurs livres où l'on trouvera des reuseignements plus
complets. Cil. Gahet lui a consacré un assez long article
dans son Dkiionnaire des artistes de téeole française au
xi\* siècle (i); la Revue universelle des arls a rejfroduil une
notice anonyme qui date de 1817 U); M. Villot parle de lui
dans sa Notice des tableaux de l'école française du musée du
Louvre. Mais l'article le plus imjiorlant est celui de M. Jal,
dans son Dictionnaire crili(jue de biographie et d'hisloire (5);
cel écrivain y fournil sur le peintre un grand nombre de détails
intéressants. Il rectilie notammenl la date de sa naissance et
nous afiprend que Jean-Louis de Mai'nelte de Marne était
lils de Jean-Josepli et d'Anne-Ernesline-Clnisline, née ba-
ronne d'Anscliiilz, et (pi'il l'ut baplisé à Bruxelles, dans l'é-
glise de Sainle-Gudule, le *2:2 janvier 1754 (i). Son père
était olïicier au service de rAulriclie. De Marne est élève de
Gabriel Briard, peintre français, à Paris. Il peignit le pay-
sage avec figures et animaux, et fit pour se perfectionner
dans son art de nombreux voyages. i)n possède en outre
de lui des peintures sur porcelaine et des gravures à l'eau-
forte (:;). Il mourut ii Hatignolles lez-Paris , en 18^29.
(1; Paris, 1851. Voij. Ui-inariK'.
(-2) T. XX(,pp. 2G9--2yy.
15) P. 858.
U; J'ai vaiiiemciU cliiTclié a ccUe ùak' liaiis le Hiçislie ili'b liapUiiies de ceite
paroisse le nom de cet artiste; il aura cHé Ijaptisé très-pi'obablcmeiit dans la eha-
pclle du couvent des Uoniinicains où beaucoup de lils de militaires rcrurent le
baptême, et qui dépendait de la collciiiale de Sainte Gudule.
(o) iNaulkr, AVwf.s all(/('iiifi>ies Kiinsller-Lexicoii, t. 111, p. 554; - Ch. u:
Blanc, le Peintre amateur, t. l'"', p. 106.
— 510 —
J'ignore quelle éducation il avait reçue, mais il est toutefois
certain qu'un billet tie sa main publié dans les Archives de
Fort français (i) est un des plus curieux spécimens d'ortho-
graphe que l'on puisse imaginer de la part d'un homme qui
avait vécu au milieu d'une société choisie.
J'ai encore distingué au musée de Bàle une ébauche de
Rubens, représentant Quatre Pères de l' Eglise (smni Jérôme,
saint Augustin, etc.), laquelle porte bien son cachet d'authen-
ticité (n" 182); le n" 188, bon portrait d'homme, d'un peintre
inconnu de nos contrées, de la première moitié du xvii^ siècle;
un joli pelit |)ortrait de jeune fille (n" 289), attribué à Rem-
brandt, et qui tient beaucoup de la manière du grand artiste;
un tableau de nature morte (n" 203), où l'on voit un hareng
sur un plat, du pain, etc., un vrai Déjeuner... d'anachorète,
par Guillaume Van Aelst, peintre hollandais de mérite; un
Chemin sur la lisière d'un bois (n" 170), dit de Salomon Van
Ruysdael, qui est assez beau ; un superbe tableau, non encore
catalogué (en 1865), de Gérard lïonthorst, où sont peints un
Joueur de flûte et une femme qui chante, et un Corneille Van
Poelenburg, Mercure pointant Psyché à l'Olympe, avec les
initiales ordinaires du maître : G. P. J'ajoute qu'il serait bon
de corriger dans le catalogue la date de décès de ce dernier
artiste, qui a été découverte dans les registres d'Utrecht, et
qui est 1667 (2).
Le portrait d'Antoine de Mor, sous le n" 184, provient de
la galerie de Rémi Fœsch, célèbre jurisconsulte suisse, mort
(0 T. IV (documents), p. 25.
(s) Voy Kkamm, (le Levens en Werkeii dcr liollaiidsche en vlauin.sohc kuii.sl-
schilders, etc., t. V, p.. 1297.
— 511 —
en 1670 : il est attribué à l'artiste lui-même et fort bien peint.
Les portraits d'Antoine de Mor sont nombreux; G. Virtue en
cite plusieurs : on peut consulter sur ceux qui existaient au
siècle dernier et sur d'autres qui son t épars dans différentes col-
lections, les ouvrages de cet écrivain (i), de M. G. Kramm (a)
et de M. W. Biirger(3). Un autre portrait, le nM 87, est aussi
une œuvre de valeur : il se détache sur un fond de paysage
et reproduit, j'en dois croire ici le catalogue, le fameux David
Joorisz, en costume de gentilhomme, coiffé d'une toque noire
et couvert d'un ample manteau rouge. Ce tableau me semble
avoir des rapports avec la manière de Jean Van Schoorl.
Il orna l'une des salles de l'hôtel de ville jusqu'en 1770.
« Plusieurs connaisseurs, — m'écrit à ce sujet M. His-
« Heusler, président de la direction du musée des beaux-
» arts, — l'ont attribué à Quentin Massys, mais je partage
» plutôt l'opinion de ceux qui le supposent peint par Alde-
» grever. » Je dois à l'obligeance de mon honorable
correspondant la copie de l'inscription latine qui est peinte à
l'huile derrière le tableau et qui est accompagnée d'une tra-
duction allemande. Gette inscription est conçue en ces
termes; elle rappelle à la fois l'époque de l'arrivée du fugitif
à Bàle, celle de sa mort et le jugement du magistrat qui
ordonna d'exhumer son cadavre et de le biùler. Vera Davidis
Georgii Hœresiarchœ ex Hollandiœ Delphis ef/igies quianno
Donimicœ mcarnalionis MDXLIlll sub Evanyelii prœtextu
cum sua familia in hanc civitalem venit, anno vero LVI
(i) Anecdotes ofpainling in England, t. i", p. Ii2; édit, de Londres, 1862,
iii-S".
(i) De Levens en W'erken der hoUandsche eu vlaamsdw kuiistschilders, t. IV,
p. 1160.
(3) Tréxors d'arl exposés à Manchester en 1837, p. 173.
— 512 —
scquenli e vivis decessif , et talem dum vi.vit sibi fieri fecit,
m/us vero causa an. sal. MDIJX hic Basileœ pub. judicio
iluninata, et effosso post mortem radnvere simul ar scriplis
ir/nc vindicata est.
Le musée de Bàle possède (rois œuvres de David Teniers,
lo Jeune, le plus célèbre des artistes de cette famille. La
plus importante par ses dimensions (n" 174) mesure 0"'().'
de haut sur 0"'88 de large, et représente {Intérieur d'un
mihiar/e rusiirjue hollandais : (-"vM un tableau mag-nitirpie. Les
deux antres (n''" 175 et ^Dl) sont beaucoup moins grands,
et It^ dernier n'a que 0"'55 de largeur sur 0'"2;) environ de
hauteur. Ils ont pour sujets, l'un, des Joueurs de luth et de
flageolet dans un cabaret ; l'autre, un Fumeur allumant sa
pipe, et tous les deux sont de bons tableaux. Le nom de l'ar-
tiste se lit en entier sur ces trois peintures.
Je termine en signalant l'existence de. deux nn'niatures
( n'" 500 et 501), représentant des paysages et signées :
P. V . Orley fecit 1702 ; nom qui rappelle une famille d'artistes
dont l'existence remonte au règne de Charles le Téméraire,
et qui eut ses époques de gloire et de décadence : jieut-étre
un jour aurai-je assez de matériaux pour en l'aire l'hisloire.
(le n'est j)as dans les biographies et les lexiques qu'il faut
(diercher des renseignements sur Pierre Van Orley, 1(; seul
dont je veuille m'occuper pour le moment : |)our tout ren-
seignement ils nous disent (pi'il avait peu de valeur <'t (]u'il
vivait dans le XVll'' siècle. Il était lils de Jéi'('»me, ))cintre
décorateur, à Bruxelles, et naquit dans cette ville : sa qualité
de lils de maitre expli(pie l'absence de l'inscription de son
ajiprentissage dans le registie aux admissions de la gilde de
Saint-Luc. Mais ce registre nous dit qu'il fut élu doyen de la
— 315 —
corporallon des peinlros, verriers el halleiirs d'or, en 1078
el. en f (188 , et donne les noms de quelques élèves qui
apprirent leur art chez lui vers la fin de sa carrière, ce sont :
Gaspar Yan Noy, en 1605; Guillaume Blommaert, en 109?);
François de Lannoot, en 1097 ou 1098; Jean Van dcr
Heyden, en 1700; Adrien Pauwels, en 1705, el Jean-François
Van der Borchl, en 1708. Ces dales sont celles de leur
inscription. Pierre Van Orley lit partie du niagist?'at de
Bruxelles, en 1097, à litre de conseiller, et, dans les années
1098 et I0!)9, il l'ut l'un des receveurs de la ville. Son père
et ses ancêtres pratiquèrent la peinture; ses frères, Jérôme,
François et Richard, de même que ses deux fils, Richard et
Jean, cultivèrent le même art (ij : le premier fut miniaturiste,
dessinateur el graveur à l'eau-lbrte; le second a été le p<Mnlre
le plus fécond du siècle dernier, car presque toutes les églises,
chapelles, couvents, etc., dans cette ville, possédaient de ses
tahleaux. Pierre Van Orley est mort postérieurement à 1708,
el non pas en 1704, comme l'indique le catalogue du musée
de Bàle : il fut enterré dans la chapelle de la famille, à l'église
de Saint-Géry. Les deux miniatures qui ont motivé les détails
qui précèdent sont les seules œuvres que signalent les cala-
logu(*s des musées de l'Europe.
Alexaisdrf, Pixchart.
(A ronlùnier. )
II) Des (léliiils (ml ciiiicux, qu'oui mis ii prolU on paitio Df.scamps, Vit' ch-'i
peintres /h/m'iiids; cdit. di' iT.'i.j, l. 111, p. ÔOO, et M.muettk, Alu'cciliirio, i. V,
p. 5!)-2, ont ('■((• publiés par Mensaert sur ces deux derniers artistes dans le Peintre
itmfilt'iir el rurieii.v, t. I", pp. 20-.>5.
NOTICE
LES ACCROISSEMENTS DU MUSÉE ROYAL
d'antiquités, d'armures et d'artillerie,
DEPUIS 1865.
Dans des notices précédentes (i), nous avons signalé les
accroissements successifs du Musée royal d'antiquités jus-
qu'en 1865. Ce travail analytique était de nature à intéresser
non-seulement les archéologues, les industriels et les artistes,
mais aussi le public en général; nous allons le poursuivre
sans autre préambule. Dans ce complément on trouvera de
nouveau la preuve de l'importance croissante d'un établis-
sement national qui , par ses diverses subdivisions," est ap-
pelé à rendre des services incontestables et à l'histoire et à
l'art dans ses rapports avec l'industrie.
I.
armes anciennes, etc.
La collection des armes primitives s'est enrichie de cinq
haches en bronze, découvertes à Nieuworde, près d'Arschot,
({) Voir le Bulletin des Commisxions roi/alex d'art et d'archéologie, t. I",
}>. 29 et suiv.; t. II, p. 27 et siiiv.; t. III, p. 252 et suiv., et t. V, p. 25 et suiv.
~ 315 —
et données au Musée par M. Eclors, de cette ville. Le Musée
doit à un autre donateur, M. Chalon, un poignard de l'époque
mérovingienne, trouvé, aver un tiers de sol, h Ghiin, près
de Mons.
La série des faosimile, provenant du Musée romano-ger-
nianique de Mayence, s'est accrue de plusieurs spécimens
d epées romaines, de deux casques en bronze exlrèmemenl
remarquables, d'un glaive du x^ siècle, etc.
Dans la collection des armes offensives et défensives, il faut
mentionner, parmi les nouvelles acquisitions, un croc à
poignée recourbée provenant de Cologne, des casques et
des boucliers de diverses époques, une arquebuse flamande
de 1631 et un fusil de chasse qui porte la date de 1704.
S. A. R. le comte de Flandre a fait don au Musée du
sabre que son auguste père, feu S. M. Léopold I", portait
dans les campagnes de 1813 et 1814.
Les fouilles, dirigées en 1864 à Houthem-Saint-Gerlach
par MM. Scbuermans et de Borman, ont mis au jour un assez
grand nombre d'objets remarquables ou précieux du ii' siècle,
qui sont venus enrichir le Musée. On a déjà lu, ici même, la
description de ces antiquités dans un travail érudit de
M. Schuermans, dont la science égale le zèle (i). D'autres
antiquités romaines, déjà décrites aussi par M. le vicaire
général Voisin (2), avaient été trouvées en 1861 à Willemeau,
(t) Explorations de villas bolgo-romaines outre Meuse {Uiilteliii des Commix-
nions roi/ale.s d'art et d'airhéologie, t. VI, p. 1 lîî et suiv.).
(î) Uitlleliii de la Sor/élé historique et litli'raire de Tournai, t. XII, p. 16-^4.
21
— 516 —
près de Tournai; elles sont maintenant au Musée. Là aussi
ont été déposées les urnos mises au jour en 1866 par les
travaux exécutés pour l'établissement du chemin de fer de
Frameries à Ghimay.
Le Musée possède également la pierre sigillaire trouvée
en 1860 à Heerlen, entre Aix-la-Chapelle et Maesiricht, dans
le jardin de M. Lammeritz, et connue sous la dénomination
de : cachet de l'oculiste romain Junius Macrinus. Nous ren-
voyons à l'intéressante notice publiée, dans ce bulletin (i),
par M. Habets , président de la Société archéologique du
Limbourg.
IIL
MOYEN AGE, RENAISSANCE, ETC.
De nouveaux efforts ont été faits afin d'accroître le nombre
des objets nationaux qui composeront un jour la section belge
proprement dite. Les mœurs et les usages de nos pères,
leur génie artistique et industriel, le passé, enfin, a reçu de
plus vives clartés par l'adjonction de nouveaux et précieux
éléments. Faïence d'origine belge, grès de Flandre, serru-
rerie, verrerie, toutes les subdivisions de la galerie nationale
ont été encore enrichies de spécimens dignes d'attention.
Nous ne mentionnerons ici que les objets d'une impor-
tance exceptionnelle. En première ligne, il faut signaler un
reliquaire ou autel portatif, en cuivre doré, de la fin du
XI* siècle. Il provient de l'ancienne abbaye de Stavelot. Que
0) T. VI, p. 21 et suiv.
— 317 —
l'on se figure un coffret de forme carrée oblongue, avec cou-
vercle à surface plane dépassanl les parois, et aux angles
quatre figurines en ronde-bosse , représentant des scribes
assis et occupés à transcrire les premiers mois des évangiles.
Ce précieux monument est entièrement émaillé de diverses
couleurs, de travail d'épargne imitant le cloisonné. Sur le
couvercle sont figurés divers sujets de la passion; au centre,
au milieu d'un quadrilobe , une petite plaque carrée et
oblongue, en cristal de rocbe, recouvre une feuille de par-
chemin sur laquelle est inscrit le mot en monogramme :
S. C. S. Sur les parois du pourtour, l'artiste a représenté les
martyres des douze apôtres : quatre sur chaque face prm-
cipale et deux sur chacune des faces latérales. Les inscrip-
tions qui ornent le reliquaire se rapportent toutes aux scènes
représentées. Oj-iginaire du pays d'Enlre-Sambre-et-Meuse,
ce monument remarquable mesure 23 centimètres de lon-
gueur, 15 de largeur et 10 de hauteur, y compris les person-
nages-supports.
On trouvera une description plus complète du reliquaire
de Stavelot dans les publications de la Société des anti-
quaires du Rhin.
Le musée est également devenu possesseur d'un superbe
spécimen national de l'art de forger le fer. C'est un « cou-
ronnement de puits » de l'époque de Charles-Quint et qui,
avant 1792, se trouvait sur la place de Tilbourg, dans le
Brabant septentrional. H. 4- mètres, D. l'",70.
Mais n'oublions pas le célèbre drapeau de la corporation
des armuriers de Gand. Félix de Vigne, dans ses Recher-
ches historiques sur les costumes, etc., le décrit en ces
termes :
— Tris —
« Ce drapeau a été caneellé, c'est-à-dire coupé en deux
par le milieu. On l'a rejoint et restauré, jjrobahlement au
XVI* siècle, époque où l'on a incrusté dans le milieu du gon-
fanon de la soie rouge en y ajoutant la Itordui-e qui Tenloure.
Il représente des deux côiés la même ciiose. Sur un fond
rouge, orné d'or, on voit relïigie de saint Guillaume, patron
des armuriers; à ses pieds se Irouve un blason. Le saint est
entièrement armé, tenant d'une main une canne et de l'autre
un livre; de chaque côté deux blasons écartelés aux armoi-
ries de la corporation. D'après le costmiie que porte le saint,
ce drapeau peut remonter au xiv'^ siècle; toujours est-il qu'il
date d'avant 1429, époque où le duc Philippe de Bourgogne
permit et ordonna que les corporations portassent en chef
les armoiries de Flandre et de Gand, les lions rampant l'un
contre l'autre, afin que leurs bannières fussent plus appa-
rentes. »
Une statuette en ivoire, attribuée à Gérard Segers et repré-
sentant la Vierge debout sur un globe, est une œuvre vrai-
ment intéressante.
Disons la même chose d'une magnifique aiguière du
xvr'-xvif siècle avec son plaleau on argent repoussé et
ciselé.
On remarque encore, dans la galerie belge, |)lusieurs
meubles curieux et rares : crédence, bahut, armoire dite
hollandaise, etc. N'omettons point un fauteuil en bois de
chêne qui appartenait, en loi 4, à un clerc de l'église de
Saint-Gommaire, à Lieri'c.
Il y a aussi une collection de vingt-quatre vitraux peints
du xv% du xvi^ et du xvii'' siècle; les pi-emiers oui une va-
leur réelb'.
— 519 —
Le musée a acquis, pour les iiieltre à la disposition des
intéressés, trois volumes ou portefeuilles renfermant une
grande variété d'échantillons de papiers peints du xvir-
xviii^ siècle.
Les autorités de la ville de Bàle ont fait don d'un surmou-
lage en plâtre d'une jilaque de cuivre entaillé ({u'Isabelle de
Portugal, femme de Philippe le Bon, avait fait placer dans
l'église des Chartreux. Cette plaque représente la Vierge
assise tenant le Christ mort sur ses genoux, et deux anges
derrière elle. A droite on remanjue Philippe le Bon avec le
comte de Charolais agenouillés et les mains jointes, et l'apôtre
saint Philippe debout; au-dessus de la tète du jeune prince
se trouvent l'écusson de Bourgogne et la devise : Altre naray
sur une banderole. A gauche de la Vierge, est gravée la
femme du duc, Isabelle de Portugal, dans la même attitude
que son mari, et, près d'elle, sainte Isabelle, sa patronne.
Derrière la princesse figurent deux petits enfants également
à genoux et portant en mains des croix pour indiquer qu'ils
sont morts. Au-dessus de la mère et des enfants, trois écus-
sons : le premier est accompagné d'une banderolle sur la-
quelle on lit la devise de la duchesse : Tanf rfuc je vive.
Tous les écussons sont émaillés. L'inscription latine placée
au bas est très-longue; elle fait connaître, en résumé, que
la duchesse Isabelle fonda, en 1453, deux messes anniver-
saires dans l'église des Chartreux, à Bàle.
Parmi les acrpiisitions qui ne se rattachent pas spécialt-
ment à la section belge, plusieurs offreni également un
grand intérêt. Tel est un beau médaillon en vermeil, attri-
bué à Henri Reis, célèbre graveur de Lei))zig. Sur la face
principale, il a représenté la Trinité; l'inscription suivante
— 520 —
est dans l'exergue : Percussi eum esaiœ .LUI propter scelus
populi mei. Au revers on lit le credacle saint Athanase, et
dans l'exergue se trouvent ces mots : Mcnse jam régnante d :
Augusto d : y : duce saxoniae J Z C : grossum hune.
Lipsiae IR : cudehat an" M.D.L.XL
Vers la fin du xvii^ siècle ce médaillon faisait partie du
cabinet d'un cardinal de la maison Albani.
Il faut recommander aussi à l'attention du ])ublic un jeu
de cartes en argent, composé de cinquante-deux pièces. On
attribue cette œuvre du xvi^ siècle à Alexandre Mair, célèbre
peintre et graveur d'Augsbourg.
IV.
COLLECTION SIGILLOGRAPHIQUE.
Déjà nous avons rapporté l'origine et fait ressortir l'utilité
de cette nouvelle collection. Par le rapport officiel, inséré
dans le Bulletin de mars-avril 1867, on a pu constater l'im-
portance toujours croissante des travaux ayant pour objet
la réunion au musée d'antiquités des empreintes où sont
reproduits les types les plus remarquables de la sigillogra-
phie belge.
Le musée a acquis les sceaux en cuivre des jurés de Huy
(xiii" siècle), de la cure de Sainl-Walhain, près Gembloux
(xv* siècle), des archers de Bois-le-Duc (1424), etc.
CALQUES ET FAC-SIMILE D ANCIENS VITRAUX ET DE PEINTURES
MURALES.
Pour se conformer aux instructions du gouvernement, le
— 321 —
musée doit également réunir les calques des anciennes
peintures murales et les fac-similé des vitraux restaurés
sous les auspices de l'État. Cette série a reçu un accrois-
sement considérable depuis que M. Gapronnier a cédé sa
collection de cartons, calques et fac-similé représentant les
panneaux principaux de quatre-vingt-sept vitraux d'anciens
édifices religieux de la Belgique. Nous croyons devoir
donner la liste de ces quatre-vingt-sept vitraux, parce qu'elle
offre un sérieux intérêt, un intérêt à la fois historique et
archéologique.
LOCALITÉS. N» d'ordre. DESCRIPTION DES CARTONS.
Église de St^-Gudule Quatre vitraux dans la Chapelle du Saint-
à Bruxelles, Sacrement.
douze vitraux 1 N» 1 . Vitrail de Jean de Portugal (des-
(dernière moitié du sine par M. Coxie).
xvie siècle). 2*2. « de Louis de Bohême et de
Hongrie (M. Coxie).
3 « 3. • de François 1er (B, Van
Orley.
4 « 4'. « de Ferdinand (M. Coxie).
5 Vitrail de Charles-Quint au transept
nord (B. Van Orley).
6 « de Louis de Bohême au tran-
sept sud (B. Van Orley).
7 « du jubé (le Jugement dernier)
(Frans Floris).
Cinq vitraux du haut chœur.
8 N<» 1. Vitrail de Jean d'Aragon (pro-
bablement).
9 » 2. » de Philippe le Beau.
10 i< 3. • de Maximilien.
11 « 4. « de Charles-Quint,
12 « 5. u de Philibert le Beau.
99
LOCALITES.
Église de St^-Jacques
à Liège,
six vitraux
(xvi« siècle).
N* d'ordre.
DESCRIPTION DES CAKTONS.
de Jacques
15
u 2
Ifi
. .3
17
. i
18
' 5
Église de S'-Martin
19
Vitra
à Liège,
deux vitraux
20
«
(milieu du xvi'" siècle).
Église de S^-Servais
21
Vitrai
à Liège,
22
"
six vitraux
23
•
(lin du xvje siècle).
24
0
25
«
2r,
1/
Église d'Hoogstraeten
quatorze vitraux
(xvi^' siècle).
13 Grand vitrail du chœur,
de Hornes.
Chiq vitraux à t abside du chœur.
1-i No 1. Vitrail des métiers (donateurs :
Kicliard de Mérode et
Arnould le Blavier),
'.' de Jean de Ilornes.
j» central de Jean Cromois,
abbé de S^-Jacques
Il de la Marck.
t de Marguerite de Hornes.
1 9 Vitrail dans l'abside du chœur : Légende
de saint Martin,
de l'abside du chœur : Légende
de saint Martin.
Vitrail de la Nativité de Notre-Seigneur.
de l'Adoration des Mages,
de la Présentation de Notre-Sei-
gneur.
de la Eésurrection.
de l'Assomption,
de l'xVscension.
Sept vitraux dans l'abside du chœur.
Sujet du haut : le Baptême.
« du bas : Guillaume Van Encker-
vort, évèque.
« du haut : la Confirmation.
■/ du bas : Ferdinand V"' , empereur
d'Allcinngne,
» du haut : l'Ordre,
Il du bas : Charles-Quint..
» du haut : la Pénitence.
« du bas : le Crucifiement,
27
28
29
30
— Ô^2Ô —
LOCALITÉS, N" d'ordre. DESCRIPTION DKS CARTONS.
Église d'Hoogstraeteii ( Ï5ujei du haut : l'Eucharistie
O 1 '
32
33
(suite). ( " du bas : Isabelle de Portugal,
du haut : le Mariage,
du bas : Philippe le Beau,
du haut ; l'Extrême-Onction.
du bas : Antoine de Lalains.
TRANSEPT.
Vitrail du transept nord.
• Sujet du haut : la Cène.
{ " du bas : les comtes de Hollande.
Fitrail du transept sud.
35 La Naissance de Notre-Seigneur et la
Circoncision.
Nef du haut chœur {nord}.
36 N" 1. Vitrail de Charles de Lalaing.
37 « 2. « de Horis d'Egraont.
38 » 3. » de François de Borsele et
Jean de Cuyck.
Nef du haut chœur {sud) .
39 N" (5. Vitrail.
40. Vitrail dans une petite chapelle du bas.
Église de S^'^-Waudru
1
Quatorz
e vi
't)-aux du chœnr, dont cinq dans
à Mous,
l'abside.
quinze vitraux
■il
X" 1.
V
itrail
dv. Piiilibert Prud'homme
(xvi<^ siècle).
(rAiinonciatioii).
4 2
" 2.
.
de Hornes (la Visitation).
io
Il o .
Il
de ifansfeld (la Nativité).
4-1
/ 4.
"
de Clèves (Adoration des
Mages).
45
« 5,
K
do Croy (la Puritication'i.
46
« »i.
"
de Marie de Bourgogne
(la Fuite en Egypte).
— 324. —
LOCALITES. r
\'> (1 ord
e.
BESCRI
PTION DES CARTONS.
Église de Stc-Waudru
47
« 7.
Vitrail de Maximilieii (Jésus avec
à Mons.
les docteurs).
(suite).
48
« 8.
«
du Crucifiement.
49
. 9.
"
de Philippe le Beau (Appa-
rition de Jésus-Christ).
50
« 10.
"
de Jeanne d'Aragon (As-
cension).
51
« 11.
«
de Carondelet(Pentecôte) .
52
» 12.
II
de Guillaume de Croy
(Assomption).
53
. 13.
u
d'Antoine de Lalaing.
54
" ]4.
"
de François de Buisseret
(du xviie siècle).
Vitrail du transept nord.
55
La mort de 1
1 sainte Vierge.
Cathéd raie de To urnai ,
quatorze vitraux
(xve siècle).
Sept dans l'abside du transept sud.
56 N" 1 Combat de Sigebert et Chilperic.
Sujet du haut : Droit de ponte-
57
58
2.
60
fil N" 6
>S
\ nage.
f » du bas : Chilperic vaincu et
poursuivi par Sigebert.
du haut : Droit des poids.
du bas : Chilperic devant
l'évêque Chrasmer.
du haut : Droit sur le vin.
du bas : la reine Fréde-
gonde remet des poi-
gnards aux assassins.
du haut : Droit sur les
marchés.
du bas : Assassinat de
Sigebert.
^ Sujet du haut : Droit sur la bière.
du bas : Réception de Chil-
peric à Tournai.
LOCALITES.
Catliédrale de Tournai
(suite).
Église de S^-Gommaire
à Lierre,
six vitraux
( xv«-xvie siècle. )
— 52o —
!V» d'urdre. DESCRIPTION DES CARTONS.
G2 » 7. Serment des magistrats.
Sept dans l'ahaide du transept nord.
63 N" 1. Le chanoine Letbert devant
l'évêque Simon.
Entrevue de Letbert avec saint
Bernard .
Sujet du bas : Letbert part pour
Eome.
' " du haut : Entrée de l'évêque
Anselme à Tournai.
[ » du bas : Eéception de Let-
4.' bert par le pape.
f « du haut : Serment du châ-
telain et de l'avoué.
f » du bas : Présentation d'An-
5.| selme au pape.
( « du bas : Serment du ma-
gistrat.
6. Sacre de l'évêque Anselme.
7. Retour de Eome.
64
65
66
67
68
69
Cinq vitraux dans l'abside du chœur.
70 N" 1. Philibertle Beau (Sainte Margue-
rite et Philibert).
71 « 2. Philippe le Beau (Saint Jean et
saint Philippe).
72 • 3. Maxirailien (Sainte Vierge et
sainte Anne).
73 » 4. Charles - Quint (Saint Charle-
magne et saint Ferdinand).
74 • 6. Les quatre filles de Philippe le
Beau (Saint Jean-Baptiste et
sainte Elisabeth).
5^20
LOCALITÉS, y li'ordrf.
Église deiSi-Gommairc 75
à Lierre
(suite).
DESCRIPTION DES CARTONS.
Église lie S'-Jaeques
à Anvers,
trois vitraux.
Église de Notre-Dame
à Anvers.
Église de St-Lconard
(province d'Anvers).
7H
77
78
79
Église de Loo, SI
trois vitraux 82
(xviie siècle). 8I{
Église de S' -Pierre S'i
à Louvain.
Église d'Oisquercq, 85
près Tuljize.
Église d'AssL-he. Stl
Eglise de Sicheni. 87
Vitrail de la nef du choeur (xv^ siècle)
(Saint Eombaut, saint Gomnuiire,
saint Pierre, snint François). — Do-
nateurs : Godefroid de Vilain et sa
femme Elisabeth Van Immerselle
(l'KS).
Vitrail du xvi^ siècle daiis la nef côté
nord (Cène).
» du xviie siècle (l'Annonciation).
» » (la Circoncision).
Vitrail dit : des deux saints Jean (pre-
mière moitié du xvif siècle).
Un vitrail du transept (F Annonciation
et la Nativité de Notre -Seigneur et
quatre petits sujets : l'^ Portement de
la croix, 2" Crucitiement, o • l^escente
de croix, 4° Mise au tombeau.
Vitrad de l'Adoration des ]îergers.
Il de la Prophétie de Siméon.
u de saint Dominique.
Vilrail de saint Cliarles-Porromée (xviie
siècle) .
Un vitrail, la Nativité (milieu du xvi«
siècle).
\jn vitrail, le Crucitien'.ent (xvije siècle).
Le Crucitiement, vitrail du xiV siècle.
Le imiséi; possùcle, (Mi oiiln', utjc cxccllciito copie coloriée
du vilrail donné par Cliarles-Qiiinl à l'église niélropolilaine
de Mali nés.
Parlons maintenant des cal<jues de peintures murales qui
se trouvent éa:alement au musée. En voici la liste :
1" Grand dessin cal(|iié sur une peinture murale retrouvée
dans l'église de Notre-Danie, à Tongres, el représentant une
suite de treize jiiches ogivales dans huit desquelles se trou-
vent placées debout, en eoslume de la lin du xv" siècle et de
grandeur à j^cu piùs n;i In relie, les ligures de la vierge Marie,
de saint Jean rt'-vaiigélislc, du prophète Johel, etc. Au-des-
sus de ces niches on rcniarque une >ni[e de carlels gotliiques
renlermant des épisodes de la passion du Christ, entre les-
quels quelipies ligui-es de lanlaisie el quelques inscriptions
indéchitîrahlcs ;
î2" Dessin calipié, pcndaiil du précédent : huit ligures se
trouvent dans les niches : ce sont celles du Christ, de saint
Pierre, de saint Paul, de saint André, de saint Jean. Les
autres ont tellement souffert qu'il serait difficile de les recon-
naître. Dans les cartels du dessus, sept sujets tirés de la
Genèse ;
ô" Calques des ))cintures murales de la chapelle du bien-
heureux Berghmans, dans l'cglise de Saint-Sulpice, à Diesl
(par Payen );
4" Calques des jieintures murales de la salle du magistrat
aux halles d'Ypres (par le même);
5" Calques des peintures murales de l'église de Saint-Sul-
pice, à Diest (par Van der Hecht);
G" Deux autres calques des peintures nmrales de l'église
de Saint-Sulpice, à Diesl (par iMeert).
VI.
ETHNOLOGIE.
La transformation du musée de l'industrie a permis de
— 328 —
transférer au musée d'antiquités un certain nombre d'objets
qui, d'ailleurs, appartenaient plus spécialement à la section
ethnologique. Nous citerons, entre autres, les modèles de
vaisseaux turcs ou javanais qui avaient été donnés par
M. Dubus de Ghisignies, ancien gouverneur général des
Indes orientales.
Une importante collection d'objets mexicains a été acquise
récemment, et elle s'est encore accrue, grâce à la libéralité
de M. Eloin.
M. S. Morhange, consul général de Belgique à Sidney, a
envoyé, pour le musée, une collection des armes les plus
intéressantes de l'Australie.
Puisse cette rapide esquisse prouver que le musée d'an-
tiquités s'efforce de remplir sa multiple destination ! Les
progrès sont lents, à la vérité, mais cependant continus. Un
jour viendra, espérons-le, où le musée de Bruxelles n'aura
plus rien à envier aux grandes institutions de Munich et de
Copenhague.
Th. Juste.
LE MONUMENT ARLONAIS
DE SEXTUS JUGUNDUS.
En réunissant, dans un excellent travail, les inscriptions
romaines trouvées en Belgique (i), M. Schuermans ne pou-
vait omettre le monument vraiment intéressant qui avait été
consacré à Sextus Jucundus. En effet, le monument, si bien
décrit par notre savant collaborateur, nous touche et par son
épitaphe remarquable et par son origine belge, car, d'après
une tradition admise jusqu'à présent, il aurait été découvert
à Arlon.
Cette tradition n'ayant pas été révoquée en doute, nous
n'avons pas à nous en occuper. Mais nous devons signaler
une grave erreur de Sleiner, l'auteur du Codex inscriptionum
romanarum Danubii et Rheiii. Steiner prétend et M. Schuer-
mans a répété , d'après lui , que le monument de Sextus
Jucundus, après avoir appartenu successivement à la collec-
tion de Mansfeldt et à celle des jésuites de Luxembourg ,
passa au musée de Trêves, oh il se trouve encore.
(i) Bulletin des Cotrimissions d'art et d'archéologie, t. VIII, pp. 3i etsuiv.
— - oôO —
C'est là une graiulo erreur que nous reprochons à Steiner,
et nullement à M. Schuermans, qui, en reproduisant l'asser-
tion (le l'auteur allemand, ne pouvait pas suspecter son exac-
titude.
Le monument «le Sevlus Jiicundus n'est point à Trêves et
n'y a jamais été conservé.
Consultons d'abord les divers recueils épi^raphiques, an-
ciens et modernes.
]jO plus ancien est l'Itinéraire ( //e;^p/Y(r/</m ) d'Orlelius,
publié ;i Anvers, en l.')84; dans la description consacrée à
Luxembourg et à Arlon. il n'y a pas un mot sur le monument
de Sextus Jucundus.
En IGKJ, Boissardus, selon la nMuarque de M. Schuer-
mans, le vit dans la collection de Mansfeldl.
En 1670 parut à Liège un ouvrage encore célèbre :
AnliquUaleH et Annales Trevirenshon , par Brouwer. Or,
cet auteur nous l'ait comiaitre (i) que le monument de
Sextus Jucundus se trouve à Luxembourg, dans le palais de
Mansfeldl.
Vers I(i8!2, d'après le père Wiltbeim {LncUihurgensia), il
appartient à la collection des jésuites, à Luxembourg.
Gruter, dont fouvrage parut en 1707 ('>) , renvoie à
Brouwer, son devancier, et parle du monument de Sextus
comme s'il se trouvait encore dans le palais de Mansfeldl.
Dos ténèbres épaisses descciulenf ensuite sur le moinnnenl
de Sextus.
(Il Pajjo Tii.
12) Ci>ipU!< iiisçr'tptioniiiiu Aiii.sterdHin, 17(17.
— 331 —
Orellius, qui publia son ouvrage eu 1828 (i), repro-
duit l'épi taphe de SexLus, mais laisse ignorer où elle se
trouve.
Lersch mit au jour en 1842 le troisième volume de son
grand recueil : Cenlralmuseum rheinlandischer Inschriften.
Ce troisième volume est consacré à Trêves, c'est-à-dire aux
anciens Trévires plutôt qu'à la cité actuelle. Lersch ne dit
pas que le monument de Sextus Jucundus se trouve dans la
ville de Trêves ; mais il nous apprend qu'il possède une note
révélant l'origine du monument par ces mots : ad aram
Luciœ (id opidi nomen est).
Vient ensuite, dans l'ordre chronologique, Steiner, dont
l'ouvrage vit le jour à Seligenstadt en 1854. Là, pour la pre-
mière fois, il y a une assertion formelle : « Le monument de
Sextus, qui appartenait autrefois au collège des jésuites, à
Luxembourg, se trouve maintenant (jetzt) au musée de
Trêves. »
Cette assertion est tellement positive qu'il fallait bien croire
que le musée de Trêves se trouvait, depuis 1854, en posses-
sion du monument dont il s'agit. Nous avions cette persua-
sion, de même que M. Schuermans, lorsqu'on nous mil sous
les yeux un ouvrage plus important et déjà plus estimé aussi
que celui de Steiner. Nous voulons parler du recueil publié
en 1867, sous les auspices et aux frais de la Société archéo-
logique de Bonn, par G. Brambach (2). Or, ce savant, qui
(i) Inscriptmium latinarum seh'ctanim amplissima collectio, vol. II.
(î) Corpus inscriplionuin rhenanarum, par G. Bkambach (Elberfeld, in-4»),
•1867. Voir une savante analyse de cet ouvrage dans les Jahrbucher des Vereins
von Mlherthuimfreunden im liheinlunde (Bonn, 1868). Hi'ft XLIV und XLV,
pp. 254 et suiv.
2S{
— 532 —
a voulu voir par ses yeux, n'a omis aucune des inscrip-
tions romaines qui sont conservées à Trêves. Vous les
trouverez toutes clans son bel ouvrage, et c'est en vain
pourtant que vous y chercherez l'épitaphe consacrée à
Sextus Jucundus.
Mais ne pouvait-il pas y avoir une lacune dans le recueil
même de Brambach? Aucun monument n'avait-il réellement
échappé à sa vigilante attention?
Non, il n'aurait pu découvrir à Trêves l'épitaphe de Sextus
Jucundus.
Grâce à l'inépuisable obligeance de M. Charles Schoemann,
conservateur de la bibliothèque et du musée de Trêves, nous
avons examiné successivement toutes les pierres funéraires
rassemblées. dans le gymnase actuel (ancien collège des
jésuites), et nos investigations ont été également vaines.
Malgré l'assertion si formelle de Steiner, le monument ou
cippe de Sextus Jucundus ne se trouve pas au musée com-
munal de Trêves et n'y a jamais figuré. Mais il pouvait avoir
été égaré, oublié, parmi les reliques des Thermes ou parmi
les antiquités bien plus nombreuses qui sont amoncelées dans
la fameuse porte romaine {Porta nigra). Nous avons soi-
gneusement examiné, vérifié les unes et les autres. Nous
avons exploré les Thermes en tous sens et ])arcouru de fond
en comble les ruines imposantes de la Porte noire. Le monu-
ment de Sextus Jucundus a été introuvable.
Et, en effet, il ne pouvait pas être à Trêves, puisqu'il se
trouve à Luxembourg, dans le musée fondé par la Société
pour la recherche et la conservation des monuments histo-
riques dans le grand-duché. Cette circonstance nous a été
révélée après notre excursion à Trêves, lorsque nous primes
— 335 —
connaissance du tome XXII des publications de la Société
luxembourgeoise.
On y remarque un intéressant article, de M. le professeur
J. Engling, sur quatre monuments romains retrouvés.
« A la grande sur])rise des archéologues, dit l'auteur,
» lorsque, au mois d'août dernier (1866), on repava la rue
» située entre l'athénée et le quadrilatère de maisons nouvel-
» lement construites, on découvrit par hasard quatre pierres
» romaines que l'on croyait perdues pour jamais. Elles repa-
» raissaient pour la troisième fois, car déjà auparavant, elles
» avaient été exhumées partie à Arlon et partie sur les bords
» de la Moselle. »
Or, parmi ces monuments, se trouvait le cippe de Sextus
Jucundus, que l'on supposait à Trêves et qui n'avait jamais
quitté Luxembourg, depuis qu'il avait successivement orné
le palais de Mansfeldt et le collège des jésuites.
Il résulte du travail de M. Engling, sur lequel nous appe-
lons l'attention spéciale des archéologues :
V Que le monument récemment mis au jour est positive-
ment celui qui a été signalé par Wiltheim ;
2° Mais que, d'autre part, la lithographie qui ligure dans
l'édition de Neyen est incorrecte, fautive, inexacte et incom-
plète ;
3" Que la face antérieure du cippe contient deux figures
qui ne sont pas même indiquées par Wiltheim ou par ceux
qui ont écrit après lui. Ces figures, quoique mutilées aujour-
d'hui, sont encore remarquables à tous égards; elles repré-
sentent sans doute les parents du petit Sextus : la mère tient
la main droite sur la j)oitrine et le père tient de la main
gauche des tablettes ou une cassette.
— 554 —
Sur la face postérieure on lit l'inscription désormais célèbre :
Ave. Sexti. Ivcunde. Vale. Sexti. Iucunde. •
Pour démontrer surabondamment la ])arfai(,e conformité
des deux monuments, celui qui a été décrit par Willheim et
celui qui vient d'être découvert, M. Engling donne la repré-
sentation d'une des deux faces latérales, que l'on trouve aussi
dans l'appendice des Luciliburgensia.
Espérons que cette note aura éclairci définitivement une
question qui nous paraissait, comme à d'autres, insoluble.
Th. Juste.
BIBLIOGRAPHIE.
Le caractère dislinclif, incontestable, do notre époque,
c'est la diffusion de la science. Des hommes dévoués ont
brisé les portes d'airain qui la cachaient naguèi-c encore aux
profanes. Ils ont dit aux petits, aux faibles, aux déshérités :
« Venez, vous aussi, vous relever, vous fortifier sous ses
rayons bienfaisants. »
Ce n'était pas tout, en effet, que d'ajouter l'école pour les
adultes à l'école primaire pour les enfants. Ce n'est pas tout
que d'apprendre à lire et à écrire aux uns et aux autres : il
faut, quand ils sauront lire, qu'ils s'initient aux merveilles de
la science. De là la nécessité de livres populaires, — popu-
laires non-seulement par le titre, mais par la clarté de la
méthode, par la netteté et la précision du style.
Un ouvrage très-remarquable sous ce double rapport est
Y Archéologie des écoles primaires, que vient de publier M. de
Caumont (i). Le vénérable directeur de l'Institut des pro-
vinces, le fondateur du Bulletin monumenkd, a voulu cou-
ronner sa longue et utile carrière en mettant à la portée de
(0 Caen, 4868, in-12 de 428 pages.
— 556 —
tous la science à laquelle il a consacré sa vie. Il est venu
converser familièrement avec les enfants et les adultes. Il
leur a révélé le passé. Il leur a dit l'âge, l'origine, la desti-
nation de tous les monuments qui frappent leur attention. Il
leur a fait connaître successivement la France préhistorique,
la France romaine, la France du moyen âge, la France de
la Renaissance, etc. Il a dissipé les préjugés, les superstitions
qui, dans les campagnes, planaient encore sur les cromlechs
et les tumulas. Il a mis le plus simple cultivateur à même
de distinguer l'emplacement où s'élevait autrefois une villa
romaine. Il a esquissé les progrès de tous les arts industriels.
Il a fait, en un mol, un livre admirable par sa destination.
Nous n'ignorons pas (pie l'Allemagne ])Ossède depuis long-
temps des manuels archéologiques illustrés ; mais nous dou-
tons qu'aucun l'emporte, par la classification des matières,
par la clarté et la simplicité du style, sur l'ouvrage de M. de
Caumont.
Après avoir groupé autour de lui le plus grand nombre des
archéologues français, le directeur de l'Institut des provinces,
le créateur des congrès scientifiques et archéologiques s'a-
dresse maintenant aux instituteurs primaires : « L'archéo-
logie, j'en suis convaincu, dit-il, devra trouver dans MM. les
instituteurs primaires des auxiliaires très-utiles ; il leur serait
facile de constater de visu une foule de trouvailles qui pas-
sent inaperçues et qui arrivent aux archéologues, après avoir
été mal appréciées par des observateurs inhabiles ; je serais
heureux si cet opuscule déterminait les instituteurs à noter
avec soin tout ce qui intéresse l'histoire de leurs localités
respectives et la conservation des monuments anciens qui
s'y trouvent. »
— 337 —
Nous ne saurions assez insister sur i'utililé du nouveau
livre de M. de Gaumonl. Si ce savant maître est bien secondé,
comme il faut l'espérer, par les instituteurs primaires, l'ar-
chéologie sera bientôt répandue, vulgarisée, généralisée
comme la plupart des autres sciences.
Le plan de M. de Caumont est, du reste, excellent. Dans
huit chapitres, il décrit successivement, sous tous leurs as-
pects, les temps préhistoriques, l'ère gallo-romaine, le moyen
âge, — ère romaine, ère ogivale (xiii" siècle), ère ogivale
(xiv* siècle), ère ogivale (xv^ siècle et commencement du
XVI*), — la Renaissance et la période moderne. Des gravures
sur bois, répandues à profusion dans tout l'ouvrage, contri-
buent à rendre le texte encore plus clair et plus attrayant.
Prenons maintenant une page au hasard pour donner une
idée complète de cet excellent livre. En voici une qui appar-
tient à l'ère gallo-romaine : « On construisait quelquefois sur
place, et au moment même de l'inhumation, le coffre ou
l'abri qui devait proléger l'urne cinéraire. Tandis que les
cendres du pauvre étaient renfermées dans les poteries les
plus simples, accumulées dans des cimetières et sans que
rien en indiquât la place, les personnes de la classe moyenne
avaient au-dessus de leur urne un cippe, et les plus opu-
lentes un monument plus considérable encore. En géné-
ral, les monuments somptueux étaient rangés le long des
voies qui accédaient à la ville. Les pierres tumulaires, ou
stèles, affectaient différentes formes; quelques-unes portent
des inscriptions et parfois l'image du défunt.... On ne peut
trop recommander l'exploration des cimetières romains.
Des travaux publics ou privés en révèlent souvent l'existence
au milieu des campagnes, dans des terrains incultes surtout,
— 338 —
où les urnes n'avaient point été déplacées et où elles étaient
depuis longtemps oubliées. Quelques tombeaux sortent de
la classe ordinaire et ce sont des monuments importants, tels
que celui d'Igel, près de Trêves, celui de Lanuejols, près de
Mende, celui de saint Rémy et beaucoup d'autres. »
Espérons ({ue M. de Gaumont trouvera un jour des imi-
tateurs.
L'archéologie tient une place distinguée dans une collec-
tion très-digne aussi d'attention, h Bibliothèque des merveilles,
que publie la maison Hachette, à Paris. Là pareillement de
bons et savants écrivains s'efforcent de rendre la science
aimable et en quelque sorte familière. Les adultes et les gens
du monde, quels qu'ils soient, liront avec intérêt et avec fruit:
la Verrerie, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos
jours, par A. Sauzay, conservateur adjoint du musée des
Souverains et des objets d'art du moyen âge et de la Renais-
sance; les Merveilles de la céramique, ou l'art de façonner
et de décorer les vases en terre cuite, faïence, grès et porce-
laine, depuis les temps ajitiques jusqu'à nos jours, par
A. Jacquemart; les Armes et les Armures, par P. Lacombe.
Nous citons particulièrement ces traités parce qu'ils se rat-
tachent à notre sujet. Mais l'excellente Bibliothèque des mer-
veilles en contient encore d'autres, non moins utiles et inté-
ressants.
Th. Juste.
COMMTSSÏON ROYALE DESAIONUMENTS.
RÉSUMÉ DES PROCÈS-VERBAUX.
SÉANCES
(les 4, 0, 11. M, 2:; fl r.l juillet; do? 8, 11, 1S, 22 ot 20 nout 1808.
Waudiii, à Mous. —
PEINTURE.
M. Ifi Minisire do l'Inlérieur a communiqué nu Collège i^puse <ip snim
Waudiii,
une lettre dans laquelle le Cercle archéologique de jMons vif""^
signalait à l'altention du gouvernement l'état de délabrement
où se trouvent les vitraux peints du chœur de l'église de
Sainte-Waudru. A la suite de cette lettre, des renseigne-
ments ont été demandés aux honorables correspondants de
]\Ions. Il est à remaixpier que la Commission a élé la première
h signaler la fâcheuse dégradation des vitraux dont il s'agit.
(V. p. 84, l'f année du Bulletin.) En outre, dans un rapport
— 540 —
(lu 29 décembre 1866, elle indiquait les mesures les plus
efficaces à prendre pour remédier à la situation. Il semble
résulter du rapport des correspondants que l'état des choses
ne s'est pas notablement aggravé. Quoi qu'il en soit, on doit
regretter qu'il n'ait pas été donné suite aux recommandations
pressantes de la Commission et, tout en mettant immédiate-
ment à exécution les mesures provisoires qu'on propose au-
jourd'hui, il serait à désirer que la fabrique assurât, le plus
tût possible, par un travail sérieux et définitif, la conserva-
tion des verrières de l'église de Sainte-Waudru.
Dans une de ses dernières séances, le comité des membres
correspondants de la province de Namur a appuyé la de-
mande de M. Maes, photographe à Anvers, tendante à obte-
nir des subsides de la province et de l'Étal pour reproduire,
par la photographie, les principaux monuments et les sites
les plus remarquables de cette province. La Commission
s'est associée d'autant plus volontiers au vœu de ses hono-
rables correspondants qu'elle a cllcrmème, en plus d'une
occasion, exprimé le désir de voir se répandre et se géné-
raliser les pul)lications de ce genre, aussi utiles pour la vul-
garisation des connaissances archéologiques que pour la
conscsrvation des traditions et des souvenirs de l'architecture
nationale.
CONSTRUCTIONS CIVILES.
La Commission a approuvé :
iiospi.e d-Ertveide. 1" Lc projet rclatif à l'agraudissement de riios|)i('e-hùpi-
tal d'Ertvelde (Klandre orienlale);
— 341 —
2° Le dessin du portique projeté pour le théâtre de la ville Théâtre de Namur.
de Namur ;
0° Le plan des squares qu'on propose d'établir decliaque p<>rte «fe Hai, ^
côté de la porte de Hal à Bruxelles.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
CONSTRUCTIONS NOUVELLES.
La Commission a approuvé :
1" Les plans d'églises à construire à Moulin-à-Vent et à i^.giises de mouMi.-
à-Vent, Gendbrugge,
Bouges (Namur), à Gendbrugge et à Mendonck (Flandre M'"»'°"'-i'-''d*''"'fg-
orientale) et à Oudenbourg (Flandre occidentale);
2° Les plans de l'église de Ledeberg (Flandre orientale),
à la condition d'établir les bases des piliers et des colonnes
en pierre plutôt qu'en briques ;
3" Le projet relatif à la construction d'un temple proies- Tempie protestant
^ ^ d'Hooreheke.
tant à Hoorebeke-Sainte-Marie (Flandre orientale) ;
4" Les propositions concernant l'agrandissement des églises ÉgUsesdeCooikerke.
1 /^ 11 1 /T-ii 1 • 1 IN 1 /-■ 1 deClennoiilsous-Huy
de Coolkerke (Flandre occidentale) et de Clermonl-sous-Huy '■"''' '''"''•
(Liège) ;
S" La demande d'un crédit supplémentaire pour l'achève-
ment de l'église de Pael (Limbourg).
La Commission a reconnu la nécessité d'ajouter deux tra-i5giisedei..,nteni.»iie.
vées à l'église de Lootenhulle (Flandre orientale); mais elle
ne pense pas qu'il y ait lieu, comme on le propose, de sup-
primer les voûtes en briques, qui sont en bon état, pour les
remplacer par un ouvrage en charpente, avec revêtement en
bardeaux. Outre que les voûtes en briques ont l'avantage
d'être une garantie pour la conservation du vaisseau en cas
— 542 —
d'incendie de la toiture, le changement proposé nécessiterait
un surcroit de dépense assez considérable et qui ne serait pas
compensé par l'elïet qu'on en obtiendrait.
jfgiised.watprmapi. j^jj-j projet a été soumis pour la reconstruction des nefs
latérales de l'église de Saint-Clément, à Watermael (Brabant).
Le conseil communal est d'avis que les travaux projetés
sont très-coûteux, sans être d'une grande utilité, et qu'il serait
préférable de tenir les fonds en réserve jusqu'au moment où
l'accroissement de la population rendra nécessaire l'agran-
dissement de l'église. Le Collège se rallie entièrement à cette
opinion, partagée d'ailleurs par M. l'architecte provincial et
M. le commissaire d'arrondissement.
TRAVAUX DE RESTAURATION.
La Commission a approuvé les projets relatifs à :
Kgiisos de nraine- 1" La réparatiou de l'église de Braine-le-Comte et de la
Ip-Oomto, S'-Qiien-
K^co^irisTHli; eu! tour de l'église de Saint-Quentin à Peruwelz (Hainaut);
2" La construction d'une flèche et divers travaux de res-
tauration à l'église de Metzert (Luxembourg) ;
o" La restauration du campanile, de la charpente e( de la
voûte de l'église des Récollets h liai (Brabant) ;
4" L'achèvement de la restauration de l'église de Malonne
(Namur).
Église (le s'-Mar- Après avolr mûrement examiné les différentes pièces qui
se rattachent à la restauration de l'église de Saint-Martin à
Liège et en présence de l'examen spécial auquel cette affaire
a donné lieu de la part des membres correspondants, la Gom •
mission est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'établir des pignons
sur les bas-côtés de cet édifice. L'architecte a été engagé à
— 345 —
remplacer Ja toiture actuelle de ces bas-côtés par une plate-
forme couverte en zinc et à placer sur le mur une balustrade
à jour. Il conviendra de laisser à l'amortissement des contre-
Torts le caractère qui lui est propre et de ne pas les surmonter
de minarets semblables à ceux qui couronnent les contre-forts
de la grande nef.
Quant aux deux contre-forts renaissance du bas-côté sud,
il est à regretter qu'ils soient trop dégradés pour être conser-
vés. Connue la reconstruction en tout cas en est nécessaire,
on pourra les remi)lacer par des contre-forts semblables aux
autres, conformément à la proposition de l'architecte qui
dirige les travaux.
La Commission a approuvé le projet relatif à la restaura- LgiisedcLimbo
lion de l'église de Limbourg (Liège). L'architecte a été
engagé à conserver scrupuleusement toutes les parties, toutes
les pierres qu'il n'est pas absolument nécessaire de renouve-
ler. On devra aussi se conformer rigoureusement à la taille
ancienne des pierres.
Le Sccictairc de lu Commission royale des moniimeiUs ,
J. UoiSSEAU.
Vu en conformité de l'article 25 du règlement.
Le Prèsideiil ,
Welleins.
-^^«^tfc» -at= — =i;^^*-.
NOTE
SUR L'EGLISE DE SAINT-NICOLAS ,
A TOURNAI.
L'histoire cl l'architecture ont des rapports si intimes que,
lorsqu'on veut parvenir à bien comprendre la structure d'un
monument, il faut tâcher de bien préciser l'époque et les cir-
constances de sa construction. Ce principe est général, mais
son application ne se trouve nulle part plus nécessaire que
pour l'église de Saint-Nicolas du Château, à Tournai, dont
nous allons nous occuper. Cette église est très-curieuse et elle
olîre un mélange de différents styles qu'il importe de bien
distinguer, afin de pouvoir restaurer chaque partie de l'édi-
lice dans celui qui lui convient.
Les recherches que nous avons faites sur la paroisse de
Saint-Nicolas nous ont amené à discuter plusieurs questions
(jui se rattachent à cette localité et qui n'ont pas été jusqu'ici
suffisamment éclaircies. Quelle est la date de la fondation de
la paroisse de Saint-Nicolas? La chapelle de Saint-Pancrace
en a-t-elle été l'origine? Quel bras de l'Escaut formait la limite
— 345 —
des deux diocèses de Cambrai et de Tournai? Qu'était-ce que
le Bruille? L'ile Saint-Pancrace comprenait-elle tout le terri-
toire de la paroisse du Château? Essayons d'abord de donner
des réponses à ces questions.
Au commencement du xii* siècle la paroisse de Saint-Brice
comprenait celle de Kain, et son vaste territoire s'étendait
sur la rive droite de l'Escaut, depuis Obigies jusqu'à Allain,
appelé aussi les Ëscavffours. Sainl-Bricc occupait la même
])osition sur ce fleuve, près de Tournai, que Zuyndrecht vis-
à-vis d'Anvers; c'était la tète du Brabant, d'un côté; c'était
et c'est encore la tête de Flandre de l'autre, dénomination
que la partie de Zuyndrecht qui touche à l'Escaut a conser-
vée jusqu'à nos jours. Le Bruille ou marais, qui élaitau delà
du fleuve à Tournai, était donc compris dans la paroisse de
Saint-Brice avant d'en former une particulière. Aussi Saint-
Nicolas a-t-il toujours été, comme l'église-mère, sous le
patronat du chapitre de Cambrai (i).
Des confirmations papales des biens de Saint-Amand, en
1107 et 1119, publiées par Mirœus, nous apprennent que
Warchain et Allain appartenaient déjà alors à cette abbaye (2),
L'autel de Saint-Brice avec son annexe de Kain fut donné
aux chanoines de Cambrai, en 1 138, par Nicolas, évéque du
diocèse de ce nom. Altare de Sancto-Bricfio propè Tornaciim,
(t) Un poiiillé (lu diocèse de Cambrai, antérieur à -1450, désigne la paroisse
de Saint-Nicolas Saucliis-Mcholaus in Brnleo comme étant sous le patronat des
chanoines de Cambrai.
(2) Dans la confirmation de 1107 des biens de l'abbaye de Saint-Amand, par
Paschal II : In pago Ilragbatensi.... Alanium (Allain), Warcinitm (Warcliain),
Ajt«inî«Mi (Anvaing). Dans la bulle de 1119 par la(|uelle Calixte II accorde des
privilèges à la même abbaye : In pago Bracbatensi Alleniiiiu (Allain), Varcinium
(Warchain).
— 540 —
nnnappendicio siio de Chcijn, quod est iii capUe Bracbatemis
arcliidiaconalùs, — raïUcl de Saiiit-Bj'ice avec sa dépen-
dance de Kain, paroisse qui est à la lèle de rarchidiaconé
de Brabant (i).
Kain fut érigé en paroisse vers 1148. En cette année,
Eugène III contirme le cliajiitre de Cambrai dans la posses-
sion de ses biens et mentionne l'autel de Kain séparément de
celui de Saint-Brice; ce dernier dans la ville de Tournai,
Allure de Sando Brkiio quod in civUate Tornacensi siiuin
esl;.... altare de Caing.... Le même pape, dans une bulle du
même genre, de 1153, nomme de nouveau l'autel de Saint-
Brice qu'il place cette fois près de Tournai, et y joint immé-
diatement l'autel de Kain. Altare de Sanclo Brictio quod
ToriKuv estvicmuin et altare de Cliuin.
On remarquera la variante du texte de ces deux bulles
pour exprimer la situation de la paroisse de Saint-Brice,
qu'on dit dans la ville, puis près de la ville.
On a la preuve par ces bulles que la paroisse de Saint-
Nicolas n'existait pas encore en 1 155.
L'église du Château est mentionnée ]iour la première fois
dans une charte de 1252 du châtelain Arnould, dont Poulrain
cite le passage suivant ; « Jou Ernous sire de Mortagne et
» castelain de Tournai le doi à l'église du Cateau warandir
» et dclïendre à la prière de Walier de Forest et de Wibaux
» sa fenune trois bonniers que ])rez que terre, que ly Watier
» de Forest mcn honnne tenoit en licf de my, et (ju'il a donné
') de nien consentement à l'église du Caleau {-i). »
(i) Huiiiaut ancien, Cii. Dlvimeh, p. bid, n" c.wiii.
(2) l'oLTRAIN, p. 621.
— 547 —
Nous ne parlons pas du testament d'Anniel H Fierière,
publié par l'Académie, où une libéralité est laite at; poires
de Saini-Nichulai et Bruille, parce que nous regardons la
date de 1200 de cette pièce comme ftiusse. Il suflit, pour le
prouver, de dire qu'il y est question des i)aroisses de Sainte-
Catherine, de Saint-Nicaise et de la Madeleine, de l'abbaye
des Près Nonains, etc., qui n'ont commencé à exister que
bien avant dans le xiii* siècle. De plus, les i de la charte, qui
a été publiée en fac-similé, sont ])ointillés; ce qu'on n'a fait
que vers le xw" siècle.
Quoique la chapelle de Saint-Pancrace paraisse avoir été
le ])remier sanctuaire construit pour les habitants du quar-
tier du Bruille, elle n'a cependant rien de commun avec la
paroisse de Saint-Nicolas.
IN'ous possédons une charte de la fin du xiv^ siècle, où il
est déclaré clairement que cette chapelle a été fondée par le
châtelain Bauduin, qui succéda à son père, Radou III, en
1190, et qui mourut entre les années 1208 et 1215 (i). On y
voit aussi que la chapelle de Saint-Pancrace était située sur
la paroisse de Saint-Jac({ucs et dans les limites du patronat
du chapitre.
Iloverlant aurait donc mieux fait de suivre Cousin que de
répéter, en divers endroits de sa longue histoire, les asser-
tions hasardeuses qu'il se permet au sujet de la chapelle de
Saint-Pancrace. « Le château, ilit Cousin, api)artenant au
x> chastelain de Tournay estait situé lez-Tournay en l'isle de
» l'Escault dans les limites de la paroisse SaiiJl-Jac(|ues,
(l) l'oUTRAlN, pp. 017 (.'t GIN.
— ^i48 —
» diocèse de Touriuiy, patronage du chapitre des chanoines
» de nostre Dame de Tournay; et en iceUii chastcau a esté
» l'ondée la chapelle de Saint-Pancrace martyr, par Bauldiiin
» chastelain de Tournay, à raison de laquelle chapelle, ladicte
» isle, s'appelle l'isle Sainct-Pancrace et d'icelle le chapelain
» des prévosts jurés et eschevins de Tournay prend son tiltre,
» après que le susdit chapitre l'en a mis en possession, ainsi
» qu'on |)eut vérifier jiar un acte du chapitre du dernier de
» janvier l'an 1395 (i). »
L'emplacement de cette chapelle est hieii déterminé à la
page 510 de l'ouvrage de Bozière : Tournai ancien el mo-
derne. Elle était en la maison de la monnaie, et la monnaie
était au pied du pont du casiiel. La chapelle est figurée près
de ce pont sur le plan du cours de l'Escaut, dressé par ordre
de Louis XIV et dont une copie se trouve à la hibliotlièque
de la ville.
Le chapelain se regardait si bien sous le patronat du cha-
pitre, qu'il lui prit envie, en 125o, de fréquenter le chœur
de la cathédrale et d'y percevoir les émoluments dont jouis-
saient les bénéficiers qui chantaient les offices. Sa réclama-
tion a dû être très-sérieuse et avoir occasionné une discussion
assez grave, car, pour y mettre fin, on fit trois actes que nous
avons encore. Par le premier, de la veille de Saint-Jean 1 255,
le châtelain Arnould de Mortagne déclare que son chapelain
de Saint-Pancrace au Bru i lie n'a le droit, ni de fréquenter le
chœur de la cathédrale, ni d'y rien recevoir, et il prie révé(|ue
Walter de Croix de corroborer cette déclaration par l'appo-
(i) Nous possédons cet acte.
— 349 —
sition de son sceau. L'évéque fit mieux, il confirma Tacle du
châtelain par une charte particuhère de la même date.
Enfin le chapelain lui-même comparut devant l'ofiicial la
veille de Saint-Laurent, le 9 août suivant, pour reconnaître
que ses prétentions n'avaient aucun fondement.
Une circonstance pourrait faire croire que l'église du châ-
teau n'existait pas encore lorsque la chapelle de Saint-Pan-
crace fut construite : c'est que le chapelain y faisait chaque
dimanche la bénédiction de l'eau.
Il a déjà été prouvé que le terrain sur lequel était construite
la chapelle faisait partie de la paroisse Saint-Jacques, et par
conséquent que ce terrain dépendait du diocèse de Tournai.
Comme ce diocèse était séparé de celui de Cambrai par l'Es-
caut, il fallait nécessairement qu'un bras existât du côté de
la paroisse de Saint-Bricc pour la séparer de celle de Saint-
Jacques. Or ce bras, qu'on nommait Jeunes ou Jennenes,
était celui qui formait ce qu'on appelait l'ile de Saint-Pan-
crace. Il partait du Becquerel, près du pont de bois (i), et
allait rejoindre l'autre courant au dehors de la ville.
Il résulte de ces explications que le lit principal de l'Escaut
était anciennement au delà de l'ile Saint-Pancrace. La rivière
de Jennenes, dit Bozière {"i), que l'on nomme encore le Pclit-
Escaut, dans un titre de 1392, et Fossés du Brinllc, dans
un autre de même date, parait avoir été plus large autrefois
qu'elle ne l'était dans le xvif siècle; car le pont à l'intérieur
du château, qui servait à la franchir, avait li-ois arches sui-
(i) Ancien poiil qui n'existe plus et qu'on voit sur les vieux plans de Tournai,
(i) Tournai ancien et moderne, p. 95, note.
— 550 —
le plan de Guicciardiii (1517), et l'eau ne passa plus que sous
une seule arche dans le plan de 1611.
11 serait difficile de déterminer à quelle époque la limite
des deux diocèses de Cambrai et de Tournai a été changée
au Bruille. Aucun rapport de la paroisse de Saint-Jac(|ues
ne mentionne la chapelle de Saint-Pancrace, dont la desserte
du reste fut transférée à la Halle, in domo civicà, après que
le Bruille fut réuni à la ville; et, d'un autre côté, un ])ouillé
du diocèse de Cambrai, antérieur à 1450, comjirend cette
chapelle et la taxe à quinze livres.
Il résulte de ce que nous avons dit que l'ile de Saint-Pan-
crace ne se confondait pas anciennement avec le Bi'uille de
Saint-Brice, et qu'on n'a jamais pu donner le nom d'ile de
Saint-Pancrace, comme le fait Hoverlant, à toute la paroisse
du château; mais cette ile était regardée comme faisant par-
tie des marais (ju'on désignait sous le nom de Bruille. L'ile
de Saint-Pancrace était au Bruille in Bruleo.
Nous arrivons maintenant à parler de l'église de la paroisse
du château ou de Saint-Nicolas.
Les documents que nous avons cités déterminent assez
clairement que cette paroisse a été formée à la fin du xii'' siècle
ou au commencement du xiii' siècle, et l'architecture de l'é-
glise porte bien les caraclèj'es des édifices de cette époque.
Quoiqu'on n'y trouve pas de colonnes annelées, conmie à la
chapelle épiscopale de Sainl-Yinceiit, l'une et l'aulre sont
ce})endant du style de transition. Des deux côtés les bases
des colonnes ont les deux tores séparés par une scotie bien
prononcée qui accuse le xiii'' siècle, et d'autres parties tiennent
du style l'omaii. Le plein-cintre est en regard de l'ogive et du
chapiteau à tambour cylindrique. Le chœur, par ses fenêtres
'- 551 —
en plein-cintre, et ses modillons à l'extérieur, est presque
tout roman. En comparant cette église, dans ce qu'elle a de
primitif avec celle de Saint-Jacques, nous devons placer la
construction de la première avant la construction de la nef
de la seconde ; car si des deux côtés on a employé les formes
du XIII'' siècle pour les bases et les chapiteaux, les colonnes
de Saint-Nicolas, peu élevées et trapues, attestent un art
moins avancé qu'aux nefs de Saint-Jacques, où les chapileaux
sont ornés de deux rangées de feuilles.
On serait porté ;i croire que le plan de Saint-Nicolas a élé
modifié pendant la construction de l'église, comme il est
arrivé pour Notre-Dame de Paris. Conçu et tracé sous une
forte préoccupation du roman, on abandonna franchement
ce style pour la partie supérieure, où toutes les fenêtres sont
ogivales et garnies d'archivoltes.
De grands travaux ont été faits au commencement du
XVI* siècle, mais il est assez difficile d'en préciser la date. On
les attribue ordinairement à Henri VIII, roi d'Angleterre, qui
posséda Tournai de 1515 à 1518, parce que ce prince fit
construire la citadelle qui a porté, pour celte raison, le nom
de Château des Anglais. Il s'occupa, sans nul doule, de l'é-
glise de Saint-Nicolas, car on y conserve encore une partie
de la tribune à ses armes, dans laquelle il assistait aux offices,
et on sait d'ailleurs, par la construction de la chapelle parois-
siale de Notre-Dame (t ) et par les embellissements qu'il fil
(i) « En ce temps fut commencée la cliapolle de la paroisse Nostre-Danie, en
» l'église cathédrale de Tournay, en l'an 15i6. La pi-emièrc pierre fut mise an
» nom du yùj d'AnijIetcrre par le sieur de Montoye, gouvei'neiir de Tonrnay. »
Cousin, t. IV, p. -21-2.
— 552 —
faire à l'autel de Sainte-Marguerite, à la cathédrale (i), que
ses dispositions alors le portaient à faire des dépenses pour
les églises.
C'est vers cette époque que l'on a refait la partie supé-
rieure de la façade de l'église de Saint-Nicolas, que l'on a
construit la chapelle du Saint-Sacrement et qu'on a renou-
velé complètement la charpente de la grande nef. Cette char-
pente étant du même genre que celle de la nouvelle chapelle,
il y a lieu de croire qu'elles ont été faites en même temps.
Mais il y a dans la chapelle du Saint-Sacrement un petit
monument qui doit être antérieur à l'arrivée de Henri VIII à
Tournai : c'est une piscine ornée de trois écussons, l'un de
France, l'autre parti de France et de Bretagne, et, entre les
deux, un plus petit du Daupliiaé. iN'aurions-nous pas là un
souvenir de l'un des enfants, morts en bas âge, de Charles VIII,
roi de France, et d'Anne de Bretagne? Et ne serait-ce pas ce
prince qui aurait fait construire la chapelle? Il est étonnant
(ju'aucun de nos historiens, aucun recueil d'épitaphes, aucun
manuscrit ne dise mot, ni du séjour qu'aurait fait à Tournai
la reine Anne, ni de la mort d'un dauphin, ni du monument
qu'on aurait élevé à sa mémoire.
Quoi qu'il en soit, continuantdesuivre l'opinion commune,
nous attribuerons à Henri VIII les travaux exécutés au com-
mencement du XVI' siècle à Saint-iNicolas. Comme Charles VIII
(i) « Tant y a que le roy (i'Aiiijlelcrfe estant dedans Tonrnay lit magniliqne,
» ment orner l'autel de Sainet-Jean et Sainete-Maiiiuerite à la croisée de rét^lis.'
» catliédrale du côté du seiitentrion et y Ht mettre une image à elieval riflientenl
» parée en l'honneur de Sainct-Georges, patron des Anglais ; vis-a-vis de la(|nelle
» image ledit roy avait son oratoire en liaull conti'e le cloclier iliet Hrnnin, et de li(
). oiovt le messe. >- Ibidem, p. 271.
— 355 —
a vécu jusqu'à 1498, il ne s'agit ici que d'une différence de
date de quinze à vingt années, et elle n'est pas assez consi-
dérable pour devoir exercer une influence sur les travaux de
réparation qu'il convient de proposer d'exécuter.
Parcourons maintenant les différentes parties de l'édifice,
pour en déterminer : 1" l'état primitif; 2" pour signaler les
changemenis qu'on y a faits, et ù" pour émettre une opinion
sur ce qui serait convenable d'y faire.
FAÇADE PRINCIPALE.
Elle a été construite entièrement dans le style ogival. Les
trois fenêtres qui sont sous la rose et les deux en bas, de
chaque côté du portail, sont du même genre que celles du
haut de la grande nef, mais il n'y a cependant pas d'archi-
volte aux deux fenêtres du bas.
Le haut, à partir de la rose, au-dessus du triforium, a été
refait sous Henri VIII; les moulures et la différence de l'ap-
pareil des jiierres ne laissent pas de doute à cet égard. Le
chambranle de la porte principale, qui a dû être considéra-
blement relevé, est de la même époque que le haut, et cet
exhaussement a fait obstruer en partie une grande fenêtre
terminée par un arc três-surbaisséetqui avait anciennement
des meneaux.
Cette façade est en fort mauvais état. La rose est déprimée
et il serait impossible de la consolider. Une reconstruction
est donc nécessaire. Comme cette rose avait été faite j)our
être vue de l'intérieur de l'église, que la charpente de la
grande nef avait (-lé préparée sous Henri VIII pour qu'il en
— 554 —
tût ainsi, el qu'il est possible aujourd'hui de réaliser le plan
de ce prince, nous croyons que cette reconstruction doit être
faite dans le même style, c'est-à-dire dans celui du xvr siècle.
II n'en est pas de même pour la porte principale. Comme
il faut la mettre en harmonie avec la baie qui la surmonte,
le tout doit être restauré dans le style du xiii' siècle. M. l'ar-
chitecte Bruyenne a résolu fort heureusement, dans son plan,
la difficulté que présentait l'agencement de la grande fenêtre
qu'il faut écourter pour relever le chambranle de la porte;
il a donné le même encadrement à ces deux parties impor-
tantes de la façade.
XEFS.
Elles sont toutes trois méconnaissables, (ant elles ont élé
changées. Les basses-nefs ont des voûtes faites sous Louis XV ;
toutes les colonnes sont enterrées à la profondeur d'un mètre
douze centimètres, et le mal est irrémédiable, car l'ancien
niveau de l'église est inférieur à celui de l'Escaut. La parlie
primitive supérieure de la grande nef n'existe plus et l'on ne
sait s'il y avait une charpente apparente, ou un lambris ])lat,
ou une voûte. On ignore, par conséquent, si la galerie ou le
passage qui met, comme à Saint-Jacques, les deux côtés de
rédise en communication au bout de la cfrande nef était
visible. On voit qu'on n'a pas entrepris de travail sérieux dans
cette église depuis plus de trois cents ans et que ceux qui ont
été exécutés par Henri VIII n'ont pas été achevés.
La charpente actuelle date évidemment de cette époque;
elle est non-seulement travaillée avec soin, mais on peut dire
qu'elle a ses principales parties menuisées comme de la sculp-
— 353 —
lure. II y a surtout un escalier en bois très-remarquable
qui conduit au-dessus de la voûte. Au départ du prince
anglais, il ne restait que les bardeaux à placer et, chose éton-
nante, tout est tellement bien conservé qu'on peut aujour-
d'hui continuer son œuvre, placer les bardeaux, enlever le
plafond actuel et donner à l'église une élévation qui fasse dis-
paraître un peu l'effet disgracieux de l'exhaussement de son
pavement, exhaussement fait, dit-on, en deux fois.
Nous signalons comme une particularité curieuse que des
travaux en pierre et en bois exécutés, il y a trois siècles, et
restés inachevés, les premiers doivent être refaits, tandis que
les seconds, faits dans de bonnes conditions, n'attendent que
leur parachèvement. La rose, le pignon et la partie supé-
rieure des tourelles devront être reconstruits; la charpente
a conservé toute sa solidité. C'est une victoire du bois sur la
pierre.
Le pignon qui surmonte l'entrée du chœur, redevenu visi-
ble, éclairera l'intérieur par ses deux baies et il faudra donner
au passage établi au-dessus de la dernière ogive de la grand(^
nef une double colonnade, nécessaire tout à la fois pour la
sûreté de ceux qui en font usage et pour la décence de l'in-
térieur du temple. Cette galerie intérieure, en cet endroit,
ne se trouve en cette ville qu'à Saint-Jacques, et, comme des
deux côtés, les galeries latérales de la grande nef ont beau-
coup de ressemblance, il y a lieu de croire que les deux con-
structions, qui appartiennent certainement à la même école,
datent de la môme époque.
La toiture des basses-nefs fait maintenant un effet des plus
désagréables tant à l'exlérieurqu'ù l'intérieur. On lui a donné
une élévation qu'elle n'avait pas primitivement et elle offusque
124
— 5o6 —
lo (riforium. C'est un mal auquel on peut assez facilement re-
médier, en mellanf, {\o chaque cù(é, la cliarpenle en appentis.
CHffilUR.
]j(i chœur de Saint-Nicolas n'a pas été moins maltrailr que
le reste de l'église. Ses fenêtres, en plein-cintre, ont été l)Ou-
chées. On a construit sur la droite, du femj)S de Henri VIII,
la chapelle du Saint-Sacrement; du côté opposé on a percé
une grande fenêtre en plein-cintre, et le fond de l'ahside
est occupé par un grand retahle ipii empêche qu'on n'y
prenne aucun jour.
La seule restauration à l'aire au chœur serait de lui rendre
ses fenêtres primitives.
CHAPELLE DES FONTS.
Cette petite chapelle est fort élégante; les belles nervures,
ornées de rosettes, de ses voûtes reposant sur des consoles
formées par des têtes parfaitement dessinées, accusent l'ar-
cliiteclurc du commencement du xiv*" siècle. Touty est intact.
Il n'y a pas d'autre travail à l'aire (|u';i débarrasser, avec
de grandes précautions, la pieri'c des couches de badigeon
qui la recouvrent.
CHAPELLE DU SAINT-SACREMENT.
Comme nous l'avons dit, il importe peu de savoir si cette
chapelle a été construite à la lin du xv'' ou au commencement
— 557 —
(lu wf siècle; les travaux à y faire sont peu nombreux; ils
doivent consister à garnir de meneaux les fenêtres qui n'en
ont pas, à rouvrir la fenêtre derrière l'autel et à achever le
lambrissage de la voûte, dont les apprêts ont été faits en
même temps que le travail du même genre resté inachevé
dans la grande nd.
Inutile de dire que tous les chapiteaux, les nervures, les
tailloirs et toutes les autres pierres à moulures doivent être
débarrassées du plâtre et des couches de badigeon (|ui les
empâtent. Cela est élémentaire.
TOUR.
La tour n'est pas la partie la moins importante de l'édifice;
elle est au bout de la basse-nef à droite. On y remarque la
même variété de style que dans le reste de l'église : les baies
du bas sont en plein-cintre et les ouvertures supérieures sont
ogivales. Au rez-de-chaussée, il y a une voûte qui porte tout
à fait le cachet du xiii'' siècle : les consoles qui soutiennent
les nervures ont les mêmes feuilles identiquement que les
chapiteaux du chœur de la cathédrale et, à côté, il y a des
tailloirs romans.
Cette tour eut beaucoup à souffrir de la violence des oura-
gans de 1567 et i60G. Sa belle flèche, ébranlée par le pre-
mier, fut détruite par le second. La maçonnerie même ne
résista pas au choc de la tempête : la tour en est demeurée
un peu hors d'aplomb, sans cesser cependant d'être encore
très-solide. Lorsqu'on l'a réparée, il y a peu de temps, on
s'est attaché p;ii'licnlièremeitl ;i remclln' en hoii rl;il les nu-
— 358 —
crages de ses différents étages. Il reste des restaurations à
faire à la maçonnerie, mais comme il n'y a pas de colonnetles
dans les baies, la dépense de ce chef ne sera pas considérable.
Nous devons déclarer ici que les considérations que nous
venons de présenter sur l'église de Saint-Nicolas, à Tournai,
sont le résultat de nos études communes avec M. l'architecte
Bruyenne qui a levé les plans de ce monument et en a dessiné
les parties les plus importantes (i).
C.-J. Voisin, vie. gén.
(i) Explication des cinq planclics jointes a la note sur l'église de Saint-Nico-
las, a Tournai :
IManche I. — Ile Saint-Pancrace : 1" Chapelle Saint-Pancrace; îi" Hôtel de la
Monnaie; 3" Lit actuel de l'Escaut; 4" Ancien bras de l'Escaut uoimné Je» neues;
r»" Pont dans le cliàteau.
Planche II. — Plan t^énéral de l'église de Saint-Nicolas.
Planche III. — d" Façade restaurée; 2" Chambraide du chlssis couronnant
la porte principale; 5" Chambranle de la porte principale (dernière époque).
IManche IV. — 1" Ëlévation latérale (sud-ouest) restaurée; 2" (irande net,
chapiteau primitif; 5° Chœur, epoqiu' de la chapelle d'Henri Vlll.
Planche V. — 1° Coupe transversale AB (restaurée); i" Partie de coupe
longitudinale.
PL.I
1 • Ch<ipdle S* Faiuract .
O . Lit actuel de lEscaujt
O . Font dun-'i Le C JuUeciu
2 . Holel de la inoiuiaie.
4. Braji u.jjijclc <.Jmneuc.s-.
S^ PX,KCjaACE
PLU.
ÉGLISE S'^ NICOLAS À TOURNAI.
Plan général .
L I I I I I I I I I I ' i I
1 2 J * s 6 7 a .9 10 IS A)i&v»
4..
PL III.
EGLISE S'" NICOLAS A TOURNAI.
2 Chamhranle dit cfiassis
couTonnani
/a porte, pi i
4 Caloiuté et lase. de la,
. grande iief
o . Chnnihraiile
de. la porte principaJe .
( dxTiitèrn époque )
1^4-^^-H-rrT
Façade restaurée
J. Brqyemie, Arch-
'','seurjràvs i Toiu-iuoy
1
co [
'■■■i-'v'.,' ;
H
^>gt- ^
s
-§ .
S 1
o
§^S
r-à
1^
3 ^
J i^
a;
ex
3
0
^
u
<
!•
Z;
o
^
(U
^
"..^1
0
^
f__(
■ u
P-H
<
■Si
PROGRÈS DE L'ARCHÉOLOGIE
EN BELGIQUE.
L'archéologie n'est certes pas une science nouvelle ; mais
elle a reçu de nos jours une impulsion (|ui l'a en quelque
sorte transtbrmée. Quelle activité! quels progrès! quels
admirables résultats!
N'est-ce point l'archéologie qui, par des efforts successifs,
par des investigations persévérantes et intelligentes, vient
de dissiper les ténèbres qui pendant si longtemps ont cou-
vert les origines des peuples? Oui, elle a, si l'on peut s'ex-
primer ainsi, créé les temps préhistoriques, elle a donné
aux premiers âges une certitude incontestable. Elle a re-
ti'ouvé et exploré les cités lacustres, elle a pénétré dans les
tumulus, elle a rouvert et interrogé les cavernes qui ser-
vaient de refuge aux tribus primitives de l'âge de la pierre.
Suivant les j^rogrès de la civilisation , elle a également
recherché, relevé, restauré les monuments construits par
les Romains sur le sol qu'ils avaient conquis, les temples
érigés dans les villes naissantes par les i)ieuses générations
du moyen âge, les élégants ou somptueux édifices qui an-
noncèrent rapj)arition d'une époque plus brillante.
A ce grand mouvement d'études, à ces explorations inces-
santes, à ces recherches multiples, la Belgique a pris une
])ai'l, coiisidùrable. Depuis (iirello s'apparlionl de uuuveau,
de[)uis 1850, elle a fait les plus louables eJTurls pour l'enouer
les liens historiques que tant de vicissiUides avaient ronq^us.
L'archéologie nationale, disons-le hautement, a trouvé des
pionniers intrépides, des adeptes intelligents et zélés. Les
uns ont cherché dans les cavernes de la Lesse et de la Meuse
les traces des premiers habitanls du sol belge. D'autres,
par des fouilles également savantes, ont tâché de retrouver
et de reconstituer ethnographiqueraent le pays tel qu'il était
avant et après la conquête de Jules-César, Ceux-ci ont évoqué
les populations gallo-romaines; ceux-là sont allés chercher les
guerriers francs dans leurs tombes séculaires. Et ces explo-
rations, poursuivies avec une persévérance remarquable, ont
élargi au delà de toute expression le cluunp de l'histoire.
Les sources archéologiques sont venues suppléer à la
pénurie ou à l'absence des sources écrites.
Le progrès est évident, incontestable. Comparez donc
y Histoire ancienne des Pays-Bas par Desroches à ces des-
criptions si complètes ou à ces monographies si lumineuses
qui ont paru de nos jours ! Là des redites, des hypothèses;
ici des révélations précieuses, des aflirmations précises.
Mais des résultats aussi remarquables n'auraient pu être
acquis par des efforts isolés, par l'initiative individuelle. La
lâche était troj) vasic, trop laborieuse, Iro]) difficile. Aussi
dans toutes nos provinces les amis de l'archéologie se sont-
ils associés. Ils ont fondé des sociétés dont les publications
attestent généralement une érudition solide et dont les col-
leclions, i)aticnnnent réunies, constituent de véritables mu-
sées. Un de ceux-ci, le musée fondé par la Société archéolo-
gique de Namur, a déjà conquis un renom européen.
— 3G1 —
De son cùlé, le Gouvernement s'est tait un devoir d'encou-
rager ce mouvement à la fois scientifique et national. C'est en
effet par ses ordres ou sous ses auspices que les fouilles les
plus importantes ont été opérées; c'est par son interveiiition
ou sous son palromige que la })lupart des sociétés archéolo-
giques ont pu se former.
En outre, le Gouvernement a créé dans la capitale du
royaume un cabinet de médailles et un musée central d'an-
tiquités. Sans empiéter sur l'autonomie archéologique des
provinces, le Gouvernement y fait réunir les monuments,
les œuvres, les spécimens qui peuvent donner une idée gé-
nérale du passé des Belges.
N'oublions point une autre institution qui a rendu aussi
des services à l'archéologie. Créée en 1854, réorganisée en
J8G0, la Commission royale des monuments n'a pas eu un
rôle médiocre : comme on l'a dit, son action est incessante,
car sa sollicitude s'étend sur tous les édifices religieux et
civils qui relèvent directement ou indirectement de l'État.
Elle a pour mission de surveiller et de protéger ces admi-
rables églises, ces vieux palais communaux, ces halles ma-
jestueuses qui rappellent aux générations actuelles qu'elles
appartiennent à un pays dont la liberté et le travail avaient
décuplé autrefois les forces et les richesses.
Pour exposer avec détail les progrès de l'archéologie en
Belgique, depuis 1850, il convient maintenant d'étudier suc-
cessivement les diverses institutions qui ont été créées afin
de favoriser cette science dont l'importance augmente chaque
jour, ainsi que les travaux (pii ont été accomplis, soit par
l'initiative individuelle, soit par des efforts collectifs.
Mais, avan d'aboi-der l'archéologie proprement dite, nous
— 562 —
croyons devoir rappeler succiiicteiiieiil les Ibuiiles excciUées
sous les auspices du Gouvernement belge, dans les cavernes
de la Lesse, par M. E. Dupont, aujourd'hui directeur du
Musée royal d'histoire naturelle. Ce très-zélé et savant explo-
rateur a consigné les résultats de ses recherches dans des
monographies remarquables à tous égards. Elles sont insé-
rées dans les Bulletins de l'Académie royale de Belgique et
dans les Amiales de la Société archéologique de Nainur : les
premières ont été réunies sous le titre de Notices prélimi-
naires (i) ; le travail qui figure dans les annales de la Société
de Namur (2) est intitulé : Uhomme pendant les âges de la
pierre dans les environs de Binant.
Laissons maintenant parler M. Dupont : « Il est, dit-il,
une limite aux travaux de l'histoire, limite irrégulièrement
éloignée pour les divers pays. Plus on recule dans le temps,
moins nombreuses sont les données de la tradition. Si bien
que ces âges finissent par être dans une pénombre qui s'é-
paissit au fur et à mesure qu'ils s'éloignent de nous. L'ar-
chéologie se joint alors à l'historien et son rôle prend bientôt
la place principale. A ces temps nébuleux ne s'arrête pas
cependant le passé de l'homme : une longue phase de son
existence a précédé celle-là, et elle est si éloignée de nous,
que la géologie doit à son tour intervenir. Le rôle de l'histo-
rien est terminé; l'archéologue ne peut plus s'appuyer pour
nos régions sur les lumières vagues et incomplètes que lui a
léguées la tradition..., » On comprend maintenant le carac-
tère spécial des explorations qui avaient été confiées à
(i) Bruxelles, 1867, 2 volumes in-S".
(2) T. X« (1868).
— 563 —
M. Dupont. Mais l'archéologie n'en a-t-elle point profité?
Oui, certes. M. Dupont a jeté une vive lueur sur les temps
préhistoriques. Voici ce qu'il dit de l'industrie de ïhoiume
du renne dans la vallée de la Lesse, ou, en d'autres termes,
des débris qu'il a recueillis dans les cavernes de cette con-
trée : « Le silex fournissait à l'homme du renne ses instru-
ments tranchants qui présentaient tous la même forme géné-
rale de lame mince et étroite ou couteau. Ces outils étaient
souvent perfectionnés pour être utilisés à quelques usages
comme l'épilation des peaux, la perforation des substances
dures, etc. Les diverses appropriations des couteaux se rédui-
saient cependant à un petit nombre d'instruments spéciaux. . . .
Leurs aiguilles témoignent de beaucoup d'adresse. Leur goût
pour les ornements semble aussi prononcé; les coquilles fos-
siles perforées artificiellement, la fluorine, les ossements
trouvés, etc., sont les représentants de leurs parures.... » Il
serait impossible, ce nous semble, de caractériser, d'une ma-
nière plus succincte et plus saisissante, les résultats de ces
longues et curieuses explorations que le monde savant a, du
reste, suivies très-attentivement.
Mais abandonnons les temps préhistoriques pour nous
occuper d'abord d'une des branches les plus importantes de
l'archéologie, c'est-à-dire la numismatique.
L
numismatique; cabinet de médailles; publications, etc.
Dans son Exposé des progrès de l'Archéologie en France (i ) ,
(i) Recueil de rapports sur les progrès des lettres et des sciences en France.
Paris, imprimerie impériale, 1868; in-8°.
— 504 —
M. AltVcd Maury, inenibre de l'Institul, a n'iidii |)leinemenl
justice aux savants travaux de son collègue M. .1. De Witte,
que l'Académie royale de Belgique revendique égalenienl et
en premier lieu. Les travaux de M. De Witte sur les médailles
grecques sont insérés dans la Revue niunismatiqiie (de
France), que, depuis I80G, il dirige avec un autre de ses
éminents collègues, M. A. de Longpérier, conservateur des
antiques du Louvre.
Or, nous n'avons à nous 0(;cuper ici (pie des travaux
accomplis en Belgique même : ceux-ci concernent plutôt le
moyen âge que l'antiquité.
Il convient de remarquer tout d'abord que, avant 1850, la
numismatique, et surtout la numismatique du moyen âge,
était peu cultivée en Belgique et en France même.
Ici, on en était réduit à l'ouvrage de Tobiésen Duby sur
les monnaies des barons, et, chez nous, l'ouvrage insuffisant
de l'abbé Ghesquière formait autorité.
Ce fut le célèbre Lelewel qui donna un nouvel élan à la
science par la publication de son livre sur la numismati((ue
du moyen âge. Cet inqiorlant ouvrage, dont le savant polo-
nais avait gravé lui-même toutes les planches, parut à
Bruxelles en 1855.
En 1841 fut fondée à Tirlemont une société de numis-
mates (pii entreprit la publication d'une revue à l'instar de
celle (pii avait élé créée à Paris en 1850, })ar MM. Cartier
et de La Saussaye; mais un seul volume de la nouvelle
revue parut à Tirlemont. Bientôt la sociélé transféra son
siège à Bruxelles. Elle n'a pas cessé d'exisler depuis
cette époque, et la Revue 7iumismati(/ue belge, dont l'au-
torité est incontestée, va conmiencer son vingt-cinquième
— 565 —
volume. Rare exemple de longévité, surloul dans noire
pays !
La Revue numismatique belge élail, à l'époque de sa créa-
lion , exclusivemenl consacrée aux monnaies et médailles
nationales; mais elle n'a ])as lardé à voir agrandir son cadre
rpii comprend maintenant toutes les branches de la numis-
matique ancienne et moderne, sans que la numismatique
arabe même en soit exclue. La Revue contient sur celle-ci
de nombreux et savants articles. Citons surtout le Manuel de
ta numismatique orientale, par M. Soret, de Genève, remar-
quable ouvrage dont la publication a été poursuivie dans la
revue pendant trois ans.
Mais n'oublions pas que la société , dans l'origine ,
avait assigné une sorte de priorité à la rédaction de
Monographies monétaires des anciennes provinces de Bel-
gique.
En 1848, M. Chalon, président de la société, donnant
l'exemple, fit paraître le tome P' de ses Recherches sur les
monnaies des comtes de Hainaut, ouvrage auquel l'Institut
de France décerna la mention très-honorable en 1851 . Trois
suppléments, qui ont vu le jour en 1852, 1854 et 1837, for-
ment le second volume de ce traité.
En 1860, le même auteur donna, celte lois dans les
Mémoires de l'Académie royale de Belgique, la Monograpliie
des monnaies deNamur, volume in-4° orné de 22 planches.
Il vient entln de publier, dans les mêmes mémoires , les
Monnaies de la seigneurie de Florennes, petit jiays aujour-
d'hui annexé ii la province de Namur.
M.Victor Gailliard, de Gand, avait entrepris, en 1852, la
description de 5 Monnaies de Flandre. La mort l'a eni-
— o66 —
poché de terminer son œuvre. Elle s'arréle à la période la
plus riche, la maison de Bourgogne.
D'autres monographies avaient également été amioncées
et entreprises; mais elles sont, jusqu'à ce jour, restées à
l'état de projets.
En dehors de la société de numismatique et de sa revue
spéciale, il faut mentionner les travaux de M. Wolters sur
les monnaies de diverses petites seigneuries (Rummen,
Reckhem, etc.) et ceux de M. Serrure tils sur les monnaies
des comtes de S'Heerenberg.
Nous n'avons point à parler ici du grand ouvrage
de M. Guioth sur les médailles de la révolution de 1830 et
du règne de Léopold P''. C'est une époque trop récente au
point de vue de l'archéologie. L'œuvre est toutefois utile et
sera certainement recherchée un jour.
Le cabinet de médailles annexé à la bibliothèque royale de
Belgique semble également créée en vue de la numismatique
nationale proprement dite. Le premier fonds de ce cabinet
provient de l'ancienne bibliothèque de la ville de Bruxelles,
qui fut cédée à l'État en 1843. Depuis cette époque, des ac-
quisitions successives en ont plus que doublé l'importance.
Il faut citer :
i" Les deniers carlovingiens . réunis par M. De Coster et
appartenant principalement aux localités de la Belgique ac-
tuelle, collection unique par sa richesse;
2" Les médailles belges qui avaient été rassemblées par
feu M. Geelhand et(pii conq)rennent les séries gravées dans
les recueils de Van Mieris et de Vanloon ;
3" Les monnaies du Ilainaut réunies par M. Ghalon et qui
ont servi à laire la monographie dont nous avons parlé;
— 367 —
4° Une suite de monnaies du Brabant également formée
par M. De Gosier.
On voit donc que le cabinet numismatique de l'État s'at-
tache principalement à réunir ce qui concerne et ce qui inté-
resse surtout le pays. Mais ce n'est point là un engouement
irréfléchi. Ne pouvant lutter avec les grandes collections de
Londres, de Berlin, de Saint-Pétersbourg et de Vienne, le
cabinet de Bruxelles doit se restreindre; il doit chercher
modestement à devenir, dans sa spécialité, la collection la
plus riche et la plus complète. Cette ambition est maintenant
satisfaite.
Th. Juste.
{A continuer.)
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
SÉANCE PUBLIQUE DU 51 MARS 1868 (l).
(Présidence de M. VVellf.ns,)
\<
MEMBRES EFFECTIFS PRESENTS :
MM. Wellens, j)résideiU; Ghalon et Cluysenaar, vice-pré-
sidents; Balat, Beyaert, de Gurte, de Man, Piot et Simonis,
membres; J. Rousseau, secrétaire.
MEMBRES CORRESPONDANTS PRÉSENTS :
Anvers. — MM. de Burbure, Van Genechten.
Flandre occidentale. — MM. Groquison, Ritter-de Broue-
kere, Steinmelz, Van de Putte, Weale.
Flandre orientale. — MM. Bethune, Ganneel, de Busscher,
Raepsaet, Serrure, Siret.
Hainaut. — MM. Bruyenne, Gador, Garpentier, du
Mortier, Hubert, Vincent, Voisin.
Liège. — MM. Ghauvin, d'Otreppe do Bouvette, Viersel-
Godin.
Limbourg. — MM. de Gorswarem , Driesen , Gérard,
Jaminé, Schuermans, Noyen, secrétaire.
Luxembourg. — MM. Bouvrie, Mathelin.
Namur. — MM. Bequet, Borgnet, Gajot, Degreny, del
Marmol, Hauzeur.
(0 Le compte rendu abrégé de cette séance a été publié dans le Moniteur
(lu f-- mai 1868, n» 122.
25
— 570 —
La séance est ouverte h onze heures.
M, le Ministre de l'intérieur et MM. les Gouverneurs de la
Flandre occidentale et du Linibourg prennent place au bureau .
MM. les Gouverneurs des provinces d'Anvers, de Brabant,
de Hainaut, de Liège et de Namur; M. le baron de Roisin,
membre etïectif; MM. Capitaine, Cralle, Devroye, Génard,
Helbig, Jamot, Ruyl, Moreau, Perreau, Reynartz et Tarlier,
membres correspondants, expriment par écrit le regret qu'ils
éprouvent de ne pas pouvoir assister à la réunion pour des
causes indépendantes de leur volonté.
M. le Président. Messieurs, en prenant possession pour
la troisième fois de ce fauteuil, ma première pensée, comme
mon premier devoir, est de vous remercier de l'accueil
bienveillant que j'ai reçu de vous dans nos réunions anté-
rieures : j'espère que vous voudrez bien me faire le même
accueil dans la session actuelle. Je n'ajouterai qu'un mot.
Nos assemblées générales sont instituées pour discuter les
questions qui intéressent la conservation de nos monuments;
un arrêté royal a fixé les limites de notre mission. Je regar-
derai comme un devoir de diriger nos délibéralions de façon
à ce qu'elles ne s'écartent pas du but qui leur est assigné.
Le prernier objet à l'ordre du jour esl l'exposé des travaux
de la Commission royale depuis la dernière séance générale.
î^a parole est à M. le Secrétaire.
M. J . Rousseau, Secrétaire. Messieurs, il (>st d'usage d'ou-
vrir nos assemblées générales par le compte rendu de nos tra-
vaux. Nous ne croyons pas inutile d'entrer, à celte occasion,
dans quelques détails sur nos attributions. Elles ne sont pas,
en effet, toujours bien connues ni bien comprises, et la plu-
part des conflits n'ont d'autre origine (|ue des inalenlenduss
— 571 —
Eli nous boniiinl à dresser la slatisti({ue de nos travaux
pendant l'année 1867, nous trouvons que dans le cours de
eelte année la Commission royale des monuments a tenu
77 séances; ((u'elle a eu 50 conférences avec les auteurs des
projets ou avec les intéressés; qu'elle a fait 44 inspections;
qu'elle a examiné enfm un total de 689 affaires concernant
des édilices de tout genre : églises, hôtels de ville, palais de
justice, hospices, hôpitaux, i)resbylères, portes monumen-
tales, etc.
Ce total de 689 affaii-es, Messieurs, se divise comme suit :
557 affaires sont relatives à des travaux de restauration,
d'appropriation ou d'agrandissement de constructions exis-
tantes ;
186 concernent l'érection de constructions nouvelles;
56 consistent en projets d'ameublement;
MO affaires se rapi)ortent à des ouvrages d'art : tableaux,
vitraux, stalles, peintures ou sculptures décoratives, etc.
Cette énumération suffit à établir l'étendue de la tâche que
nous remplissons avec vous. Elle embrasse tout ce qui con-
cerne le service de nos monuments civils et religieux, anciens
et modernes, leur entretien comme leur décoration, les ques-
tions de dé])enses et de matériaux aussi bien que les questions
d'ai-t, la garde des traditions du passé en même temps que
l'étude des besoins du présent et de l'avenir. Le Gouverne-
ment a cru devoir déférer au même corps l'étude de toutes
les questions qui se rattachent à nos édifices publics : c'était
un moyen de s'assurer que les travaux y seraient conduits
avec cet ensemble qui est la première condition du succès.
L'organisation conq)lexe de la Commission correspond à
la tâche multiple <pii lui incombe. Toutes les spéciahtés y
— o72 —
sont représenlées; loiUes les opinions peuvent s'y produire;
c'est une double garantie d'inijtartialité et de compétence.
Un comité mixte, où figurent plusieurs membres de l'Aca-
démie, est adjoint à la Commission pour l'examen des ques-
tions d'art d'une nature particulièrement délicate.
Enfin, Messieurs, la création de membres correspondants,
choisis parmi les notoriétés artistiques et archéologicpies de
toutes les provinces du royaume, a achevé d'assurer la
marche de notre service. Vous nous renseignez sur les ques-
tions douteuses, quand il nous envient des provinces; vous
examinez avec nous tous les grands projets qui intéressent
la restauration de nos monuments. Ainsi, chaque affaire im-
])ortante ou épineuse est soumise à un double examen : l'exa-
men particulièrement compétent de juges qui vivent sur les
lieux, c'est le vôtre; l'examen, forcément impartial, de ceux
qui apprécient les faits h distance, c'est nous. L'État pour-
rait-il soumettre des affaires à une instruction plus complète
ni qui offrît plus de garanties aux autorités intéressées?
Ce n'est pas tout, et un dernier avantage de notre organi-
sation est dans les limites mêmes de nos attributions. Nous
constituons un corps purement consultatif. Nous ne donnons
que des avis. De là un double avantage pour nous et pour
les autorités qui nous consultent; pour nous, le droit et
même le devoir de ])arler avec une entière franciiise; pour
ces autorités, le droit de nous discuter avec une entière liberté.
Point de froissement possible pour personne dans ces condi-
tions, pourvu que de part et d'autre les intentions soient res-
pectées ; point d'abus de pouvoir surtout à attendre de notre
collège, car ses avis mêmes il ne les domie que lorsqu'ils lui
sont demandés. El cpiand nos conseils se prés(;ntent sous
— o75 —
forme de prescriptions positives, c'est que l'Élal, après avoir
entendu toutes les opinions, a cru devoir se ranger à la notre.
Or, il a qualité pour faire ces pi'escriptions. Il y a longtemps
que l'arrêté royal du 16 août 1824 lui a remis spécialement la
garde des monuments comme un grand intérêt public; il lui
appartient évidemment de diriger, comme il le jug-e utile, des
travaux qui s'exécutent par ses ordres, au moyen de ses
subsides, sous sa responsabilité, et l'on ne saurait pas davan-
tage lui contester le droit de consulter sur ces affaires lies
corps ou les fonctionnaires (|ui sont investis de sa con-
fiance.
Du reste, nous pouvons le dire et nous en féliciter haute-
ment, à part d(»ux ou trois cas tout à fait exceptionnels dont
nous parlerons, les avis de la Commission des monuments
sont reçus partout avec la symjvithie et la déférence que mé-
ritent des conseils consciencieux, compétents, et où nous
avons la prétention d'apporter autant de loyauté que d'absolu
désintéressement.
Maintenant, pour être sincèreSi s'ensuit-il que nos avis
soient intolérants? Nullement. Nous avons toujours soin d'y
tenir compte des besoins et des ressources des communes;
nous ne nous retranchons jamais dans des principes absolus
ni dans des doctrines exclusives. Il n'y a pas. Dieu merci,
d'art ofliciel en Belgique; l'État n'y protège pas, comme cela
se voit en certains pays, telle école, telle mode artistique aux
dépens de telle autre. Nous sommes, et nous avons été con-
stamment d'avis, au contraire, qu'il ne saurait être laissé un
champ Irop vaste à l'initiative individuelle, et que les res-
sources générales doivent être appliquées à développer tous
les talents, à favoriser toutes les originalités. Ce n'est qu'à
— 574 —
cette condition que les progrès sont réalisal)les. L'art, comnae
l'humanité, ne se développe qu'en se transformant.
Nous bornons là. Messieurs, l'exposé de nos principes, car
il sera toujours d'autant plus libéral qu'il ser;i plus court.
Nous arrivons au compte rendu de nos travaux.
La restauration de nos grands édifices religieux se poursuit
dans toutes nos provinces avec un ensemble et une activité
qu'on ne rencontrerait peut-être pas, au même degré, dans
aucun pays de l'Europe. La ville et la province d'Anvers ont
décidé de renouveler pour un terme de vingt ans les sub-
sides considérables votés pour la restauration de leur célèbre
cathédrale. M. le Ministre de la justice a accordé des subsides
extraordinaires aux belles églises de Saint-Hubert et de Wal-
court, et nous regardons désormais comme sauvés ces deux
édifices qui semblaient plus particulièrement compromis.
Les restaurations de Saint-Michel, à Louvain, et de la
façade de Saint-Loup, à Namur, sont terminées; celle de la
remarquable église de Saint-Hermès, ta Renaix, est com-
mencée et des plans se préparent pour restaurer Notre-Dame-
du-Lac, à Tirlemont. Il n'est pas inutile de signaler. Mes-
sieurs, les avantages matériels que le pays retire de ces
grands travaux, indépendamment de tout intérêt archéolo-
gique. Les restaurations entreprises n'ont pas seulement
pour but de conserver des monuments qu'il serait impossible
de renq^lacer par d'autres, même médiocres, sans une
énorme augmentation de dépenses. Elles rendent, comme
on l'a fait justement observer, plus d'un aulrc service non
moins important. Elles forment des ouvriers intelligents,
habiles, familiarisés avec toutes les difficultés de fart de
bâtir; elles constituent des foyers (f instruction; elles entre-
— 375 —
tiennent une rivalité de perfection entre les arts nouveaux et
les arts anciens, ce qui est, dans toutes les spécialités, une
cause active de progrès (i).
Après nos grandes basiliques viennent nos églises de vil-
lage, nos prcsbylères, etc. Ici, Messieurs, nous avons à for-
muler une critique, et nous y appelons toute l'attention de qui-
conque s'intéresse à ces progrès dont nous venons de parler.
Nous avons remarqué que les projets de constructions
rurales, églises, presbytères, hôtels de ville, hôpitaux, etc.,
n'étaient pas, de la part de certains architectes, l'objet d'é-
tudes sérieuses au point de vue artistique. On semble se dire
que le style, le caractère, le pittoresque, que tous ces frais
d'imagination seraient perdus dans un village. On croit de-
voir les garder pour les villes. Nous professons, pour notre
part, une opinion toute différente. Nous pensons que, s'il est
des constructions nouvelles qui méritent dans notre pays
une étude toute spéciale, ce sont justement les constructions
rurales. C'est dans les localités dépourvues de tout monu-
ment qu'il faut surtout donner du caractère aux édifices nou-
veaux si l'on veut propager sérieusement le goût et le sentiment
des arts; c'est du reste travailler à la prospérité des petites
communes que de travailler à leurs embellissements. —
Nous objectera-t-on l'i^xiguilé de leurs ressources? Mais,
Messieurs, il en est un peu des ouvrages de l'architecte
commode ceux du peintre; il n'en coûte pas plus cher
pour peindre un beau tableau tpi'une mécliante toile, et de
même le beau architect()ni(|ue est avant (oui une question de
(i) Viollet-Leduc.
— Ô7(i —
goût, de proportions heureuses, de lignes bien combinées,
et tient bien plus à l'enfijiloi judicieux des malériaux qu'à leur
richesse. — Dira-t-on enfin qu'en demandant du caractère
pour les constructions rurales, nous émettions une exigence
nouvelle et tyrannique? Mais, en réalité, ce n'est pas même
une règle, c'est un lieu commun artistique que de dh'e que
toute construction doit porter le caractère de sa destination.
Qu'on étudie le plan d'ajirès cette donnée première, qu'on
se règle sur la situation du nouvel édifice, sur les besoins
spéciaux à satisfaire, sur les ressources locales, sur les maté-
riaux particuliers du pays, et il en résultera naturellement
un édifice original, pittoresque, (pii aura sa physionomie
propre. Du reste, le perfectionnement que nous demandons
pour nos constructions rurales a été depuis longtemps accom-
pli en Allemagne et en Angleterre. Nous nous refusons à
croire qu'il soit impossible en Belgique. Ce n'est pas à des
artistes, en tout cas, à refuser d'en tenter l'épreuve, et sur
ce terrain, qu'on semble dédaigner, on trouvera encore
bien des palmes à cueillir.
De grands travaux de restauration s'exécutent en ce mo-
ment dans nos principaux monuments civils aussi bien que
dans nos cathédrales. Nous citerons parmi ceux qui ont
occupé Inattention de notre collège dans ces derniers temps,
le palais de Liège, les halles d'Ypres, le beffroi de Tournay,
les hôtels de ville de Bruges, de Gand, d'Anvers, d'Alost et
de Termonde. La restauration de l'hôtel de ville de Hal est
terminée. Nous signalerons, en fait de projets nouveaux,
l'érection de deux palais de justice, l'un à Iluy, l'autre à Cour-
trai; d'un hospice-hôpital à Nivelles; d'un hôpital àMerxem;
d'un hôtel de ville à Wilryck, etc.
— 077 —
Le projcl d'un tiouvol oiphelinat à Bruxelles nous a allii'é
un des conflils auxquels nous faisions allusion tout à l'heure.
Le collège éclievinal a cru pouvoir accuser publiquement
notre Commission des l'etards que subit cette affaire. La
définition que nous avons donnée de nos attributions nous
dispense de toute justification à cet égard. Dans cette alïaire
comme dans toutes celles qui nous sont soumises, nous
sommes restés strictement fidèles au rôle que nous tracent
nos règlements. Il sera constaté que la ville n'a rien à nous
reprocher, sinon notre divergence d'opinions avec elle. Et il
semblera bien étrange assurément qu'un collège comme le
nôtre doive se justifier des avis qu'il donne selon sa con-
science, à la suite de mûres études, sur la demande même des
autorités compétentes et })our lesquels il ne reçoit ni ne veut
d'autre i'écom])ense que la satisfaction du devoir accompli.
Un conflit analogue s'était élevé un moment entre notre
collège et l'administration communale d'Anvers à l'occasion
des portes de Berchem et de Borgerhout. Nous n'avons fait.
Messieurs, que nous conformer à votre vœu unanime en lut-
tant jusqu'au dernier moment pour la conservation de ces
deux monuments. Nous sommes toujours d'avis, eu égard à
la rareté des monuments militaires dans notre pays, que la
disparition des deux portes doit être regardée comme un
malheur pour l'art, et qu'elle est regrettable même au |)oint
de vue des embellissements de la ville. Nous restons con-
vaincus qu'elle n'est pas moins à déplorer sous le ra])port
politi(pie et historique, en présence des glorieux souvenirs
qui s'y rattachaient. La })orte de Berchem, inaugurée par
Charles-Quint, était la porte des Joyeuses Entrées; elle rap-
pelait que nos souverains n'étaient admis dans les murs de
— 378 —
nos cilés (ju'aprôs avoir juré de respecter nos vieilles libertés
eoMiniunales. La porte de Borgerhoul, qui avait vu la défaite
du duc d'Alençon par les bourgeois d'Anvers, disait comment
était châtié le suzerain étranger qui manquait à la foi jurée.
Quels monuments plus élocpients à garder à l'entrée d'une cité,
dans un pays libre, et qui veut rester libre! Quoi qu'il en
soit, nous ne réveillerons ])as des discussions désormais inu-
tiles. L'administration anversoise s'est engagée à reconstruire
la |)orted'Alençon sur un nouvel emplacement; nous espérons
({ue cette promesse sera tenue. Nous nous plaisons à consta-
ter d'ailleurs que notre désaccord momentané au sujet des
portes n'a en rien altéré les relations que nous avons gar-
dées avec la ville d'Anvers. Elle a compris que si nous avons
lutté contre elle, c'était avec la conviction de servir ses inté-
rêts, et si elle ne s'est pas rangée à nos idées, elle a tenu
compte de nos intentions. C'est la justice que nous sommes
en droit de toujours attendre de nos grandes cités, quelles
que puissent êti'e les honorables susceptibilités de l'indé-
|)endance communale.
Nous avons tiré du moins de la démolition des portes
d'Anvers le seul profit qu'on puisse tirer d'un fait regret-
table : un enseignement. C'est un malentendu dans l'examen
d'un plan de voirie qui a amené cette démolition. Pour éviter
le retour de ces erreurs fâcheuses, nous avons demandé que,
toutes les fois qu'un monumentserait menacé par un aligne-
ment nouveau, le gouvei-nement en fût expressément averti,
de façon à pouvoir aviser. M. le Ministre de l'intérieur a dai-
gné agréer notre proposition et une circulaire conforme a été
adressée à toutes les provinces. L'utilité de cette mesure est
depuis longtemps appréciée. En France, les conseils muni-
— Ô70 —
cipaiix sont invités à subordonner les nouveaux alignements
aux monumenis existants dans les communes. Une circulaire
ministérielle, qui remonte à 1841, va jusqu'à les exhorter à
saisir cette occasion pour débarrasser les édifices remarqua-
bles des constructions qui en obstruent les abords et en com-
promettent la conservation. Il va de soi, en effet, qu'il est de
l'intérêt bien entendu des villes, non-seulement de conserver,
mais de faire valoir et de mettre en lumière ces monuments
qui racontent leur histoire, qui font leur beauté et leur carac-
tère et qui sont si souvent le dernier titre qu'elles gardent,
quand elles sont ruinées, à l'attention et à la sollicitude du
monde civilisé.
II nous reste. Messieurs, à vous faire part de la suite don-
née à certaines idées dont il avait été question dans notre
dernière séance générale.
Nous désirions qu'il fût dressé, dans toutes les provinces,
un inventaire des édifices particuliers, intéressants pour l'art
ou curieux parleur antiquité. Cette publication aurait deux
bons côtés : elle les signalerait aux recherches de l'artiste
et de l'historien, et elle servirait à perpétuer leur souvenii-
puisqu'on ne peut assurer leur conservation. Nous somm(\s
heureux d'annoncer que deux de ces inventaires sont faits.
Nous devons à M. Béquct celui de la province de Namur;
à MM. le baron Leys, le chevalier de Burbure, De Keyser
et Genard, celui de la ville d'Anvers, et nous remercions nos
honorables collègues en espérant que leur exemple sera suivi.
Nous avions demandé aussi la création d'une école de
peintres-restaurateurs. Ce désir, accueilli par le gouverne-
ment, est passé à l'élat de fail accompli. Un cours de ce
genre, annexé à nos académies d'Anvers et de lirnxelles,
— 380 —
permettra d'y former en peu de temps les spécialistes qui
nous manquaient et dont tant de chefs-d'œuvre nationaux
doivent si souvent réclamer les services.
Une collection dont nous avions signalé la nécessité est
également en voie de formation. L'État a acheté, sur notre
proposition, une importante série de grands cartons où un
de nos plus remarquables pein Ires-verriers a employé trente
années de sa vie à reproduire toutes les verrières célèbres du
pays. Cette collection de copies rendra plus d'un service.
Elle assure la conservation des originaux qu'elle permettra,
en toute' occasion, de restaurer et même de refaire. Elle
réunit sur un seul point des modèles qui manquaient à nos
peintres-verriers. Aussi elle activera, nous l'espérons, la re-
naissance de cet art spécial auquel on doit tant de merveilles.
Nous pouvons enlin annoncer l'achèvement de certains
grands travaux d'art sur lesquels l'attention publique était
fixée. Les anciennes peintures de la salle échevinale, aux
halles d'Ypres, ont été restaurées et complétées. Le chœur
de l'église Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles, a retrouvé
la riche et curieuse décoration peinte qu'il avait au xv^ siècle.
Un grand nombre de tableaux de nos vieux maîtres, en tète
desquels se place le célèbre Van Dyck, de Saventhem, ont
été sauvés d'une destruction imminente par une intelligente
réparation. Quant à l'art contenq)orain, il n'est pas l'objet
d'une moindre sollicitude. De nombreux travaux de peinture
ou de sculpture monumenlîile entretiennent l'activité de notre
jeune école, et rét)-anger a pu conslaler, l'an dernier, qu'elle
remoule, par degrés, vers les liauleurs où Kubens l'avait
placée et d'où, il y a (\vu\ siè(;les, elle donu'nail loute l'Eu-
rope arlislique.
— 581 —
Nous ne pouvons finir, Messieurs, sans rendre l'hommage
d'un dernier souvenir à quelcjues collègues que la mort nous
a enlevés dans le cours de cette année. Elle a fait parmi nous
de grands vides. Hier encore, nous apprenions la perle de
M. Watlet, notre savant collègue du Luxembourg. Nous
avions vu tomber auparavant un des fondateurs mêmes de
notre collège, M. Bourla, puis trois de nos membres corres-
pondants qui figuraient au premier rang de nos illustrations
artistiques et archéologiques, MM. François Durlet, le Maisire
d'Anstaing, le baron Jules de Saint-Génois. Ce n'est pas à vous
qu'il est nécessaire de rappeler leurs titres. M. Bourla avait
passé sa longue existence au service de la ville d'Anvers ;
il y a attaché son nom à des constructions de tout genre,
depuis le théâtre royal jusqu'aux docks du Kattendyck. Les
soins particuliers que M. Durlet et M. le Maistre d'Anslaing
ont donnés à la restauration, l'un de la cathédrale d'Anvers,
l'autre de la cathédrale de Tournai, leur ont valu une réj)u-
tation qui s'est étendue jusqu'à l'étranger, où l'on s'est associé
hautement à nos regrets. Quant à M. le baron Jules de Saint-
Génois, sa perte est déplorée par nos écrivains comme par
nos archéologues, et elle ne sera que mieux sentie avec le
temps, car, nous écrit un de nos honorables collègues,
M. Siret, les rapports si nombreux et si remarquables qu'il
a faits sur les monuments des Flandres ne sont rien encore
auprès des notes inédites qu'il laisse et qui, nous l'espérons
avec M. Siret, seront publiées.
Résumons, Messieurs, cet exposé par un chilïre signifi-
calif. On n'évalue pas à moins de six millions et demi les frais
qui se font chaque année, dans toute l'étendue du pays, pour
les Iravaux exécutés sous noire conlrùl(\ c'<'sl-;i-dire les
— 382 —
simples travaux d'art. Provinces, communes, conseils de
fabrique, tout le monde intervient un peu dans cette dépense,
mais c'est l'État rpii en supporte la plus grosse part. Est-ce
un tort? Pourquoi cette sollicitude particulière du gouver-
nement, et nous pouvons le dire, de tout le pays pour les
arls? C'est qu'on sait qu'ils constituent un des grands intérêts
nationaux.
Nous n'examinerons pas le rôle de l'art comme instrument
de civilisation : il y aurait trop à dire. Ces monuments, qui
parlent de vos croyances ou de vos libertés, ces statues de
vos places publiques, ces tableaux de vos églises, sont les
livres de ceux qui ne savent pas lii"e. Intelligible pour tous,
dans tous les temps, dans tous les j)ays, l'art a réalisé la
langue universelle qui se parle et qui se comprend d'un bout
de la terre à l'autre.
Nous n'examinerons même pas le rôle de l'art dans notre
histoire. C'est à lui pourtant que nous devons, on grande
partie, la grande place que notre petite Belgique s'est faile
dans le monde intelligent.
Ne parlons de nos travaux d'art, si vous le voulez, qu'à un
point de vue purement économique. Eh bien, Messieurs,
alors même que nous n'aurions pas ce grand passé artislique
dont il nous est défendu de déchoir, le culte de Tari nous
serait encore imposé par nos intérêts les plus vidgaires.
Nous sommes, dit-on, dans le siècle de l'industrie. Mais
l'art lui-mèm(\ qu'on ne l'oublie j)as, est une iiuluslrie sans
rivale. Il crée presque sans mis(î de fonds (]o:^ videurs in-
calculables. Le sol romain, avec les anli(|uil('s (pi'il recèle,
est une min(! d'or (jui délie toutes celles i]u SacrMineiito. Il y
a des siècles que l»ome ti'.'ilitpic de ses mai-brcs brisés, de ses
0»0
bronzes rouilles et le prix ne fait qu'en augmenter. Vos jour-
naux ne vous disaient-ils pas hier qu'on en avait exporté celte
année pour vingt-sept millions?
L'art, qui est l'industrie suprême, alimente, protège,
dirige, inspire une foule d'industries qui retombent dans la
barbarie et le néant dès qu'il les abandonne. Demandez à vos
bronziers, à vos porcelainiers, à vos verriers, à vos orfèvres,
à vos joailliers, à vos fabricants de tissus, de tapis, de meu-
bles, à toutes les industries, et elles sont innombrables, où
la forme et la couleur sont quelque chose. Ce quelque chose
est tout pour leur prospérité.
L'art centuple le j)roduit d'une industrie, dès qu'il s'en
mêle, dès qu'il lui prête le charme et la splendeur de ses in-
ventions. — Enfin, en éveillant l'imagination, en aiguisant le
goût, il muUiplie à l'infini les besoins qu'il vient satisfaire et
les débouchés qu'il lui faut, car il répond à une aspiration
universelle, inextinguible de l'humanité, toujours alïamée
d'un idéal de beauté, comme d'un idéal de justice. — Quelle
est l'industrie qui fonctionne dans ces conditions illimitées,
inépuisables?
Tout cela a déjà été dit, mais il faut dire quelque chose
de plus. C'est que l'art est le seul moyen que possède un
petit pays comme le nôtre pour rivaliser sérieusement avec
des nations puissantes. Et comment lutter autrement? N'a
pas qui veut des mines, des lleuves, des ports de mer; la
royauté de l'industrie appartient aux plus gros capitaux,
l'empire de la force aux plus gros bataillons. Reste l'art.
Mettez-le du côté des pauvres et des faibles, et l'étiuilibre se
rétablit. C'est au temps de leur splendeur artistique que de
simples cités, telles qu'Athènes, Venise, Florence, sont des
— 584 —
puissances avec lesquelles l'univers entier tloit compler;
leurs aris font affluer chez elles l'or des nations ; leurs artistes
leur donnent des flottes et des armées. De même on dirait
que les pays où l'art a fleuri vivent plus longtemps que les
autres ; ils ont la décadence plus lente, le réveil ])his prompt.
C'est grâce à ses monuments que l'Italie vaincue n'est pas
abandonnée; les peuples contiinient à venir en pèlerinage
cliez elle; l'amour-propre national est ainsi entretenu; les
mâles pensées, les orgueils légitimes persistent au milien des
grandes choses, et un jour vient où, subitement, la nation
en masse ressuscite et se retrouve debout. Il faut donc,
Messieurs, savoir gré à notre gouvernement de la large et
intelligente protection qu'il a de tout temps accordée aux
])eaux-arts. Il faut remercier hautement M. le Ministre de
l'intérieur de l'éclatant hommage qu'il leur rend, dès son
avènement au pouvoir, en venant siéger parmi nous, h côté
de MM. les gouverneurs des provinces. S'il a quitté un mo-
ment de graves débals pour assister à nos paisibles délibé-
rations, c'est qu'il sait qu'ici, dans celte simple réunion d'ar-
tistes et d'archéologues, on travaille aussi pour la fortune
publique et pour la gloire de la p;itrie. ( Applaudisse-
ments.)
M. le Président. Le second objet à l'ordre du jour est le
résumé des ra|)ports annuels des comités provinciaux. Il est
d'usage de ne pas entendre la lecture de ces résumés et de
les insérer dans le compte rendu de la séance. S'il n'y a pas
d'opposition, nous en agirons encore ainsi.
Ensuite doivent venir les vœux exprimés par MM. les
membres correspondants.
A la liu de la séance d'hier, nous avons mis à notre ordre
— 385 —
du jour divers vœux sur lesquels vous serez ajjpelés à vous
prononcer aujourd'hui .
Mais l'année dernière, nous nous sommes d'abord occujiés
des questions portées au programme, et ensuite des vœux.
Si vous y consentez, nous suivrons encore la même marche.
(Adhésion).
La première question est ainsi conçue : « Y a-t-il lieu,
pour conserver les traditions archéologiques dans toute leur
pureté, d'établir une distinction nette entre les monuments
anciens et les constructions nouvelles quon y annexe? »
Vous vous rappelez que ce sujet figurait déjà à l'ordre du
jour de notre dernière assemblée générale; mais à la suite
d'une demande qui a été faite par quelques membres, il a été
décidé qu'elle serait rei^roduite au programme de celle année.
Quelqu'un veut-il prendre; la parole?
M. Bethune. Je n'avais pas l'intention de parler sur celle
question. J'espérais que d'autres membres plus compétenis
(lue moi auraient voulu le faire. Mais, ])uisque personne ne se
présente, je me permettrai une observation : c'est que je ne
comprends pas exactement le sens que l'on veut attacher à lu
proposition.
Il s'agit, si je comprends bien, de savoir dans quel style
il conviendrait d'achever ou de compléter un monument,
lorsqu'il y a lieu d'y annexer des constructions nouvelles, et
s'il faut faire ces annexes dans le style moderne ou dans le
style du monument lui-même. Est-ce dans ce sens (pie la
(lucstion doit être entendue?
M. le Président. Oui; mais il s'agit d'annexés destinées à
faire corps avec la bâtisse primitive pour satisfaire à des
besoins nouveaux.
— 586 —
M. liethunc. Précisément,. Toujours est-il qu'en l'ait d'art
coinuic en lait de littérature, il y a une règle qu'on ne doit pas
perdre de vue, c'est que l'unité de style contribue dans une
grande mesure à la beauté d'un édifice. Les artistes peuvent
d'autant mieux s'inspirer de ce principe que je ne sais vrai-
ment pas quel style on pourrait substituer à celui de l'édifice
primitif que l'on veut compléter. Jadis, chaque siècle avait
son style; il y avait le style ogival, le style roman, le style
Louis XIV, le style Louis XV. Mais à notre époque, y a-t-
il un style? Il n'y en a pas, n'est-il pas vrai? Il n'y a guère
que des aspirations individuelles, mais pas de forme qui soit
spéciale, qui caractérise notre époque.
Voilà, je crois, des raisons sérieuses pour recommander
aux artistes de s'inspirer, autant que possible, dans la con-
struction des annexes aux constructions anciennes, du style
et du sentiment qui régnent dans l'édifice primitif.
M. le Président. Si la Commission royale des monuments
a porté à l'ordre du jour le sujet dont il s'agit, elle l'a fait dans
la pensée que quelques membres de notre assemblée juge-
raient peut-être qu'il est utile, qu'il est convenable de laisser
la plus grande liberté possible aux artistes qui sont chargés
de créer une œuvre nouvelle, et l'on peut considérer comme
o'uvre nouvelle une annexe qui vient s'ajouter à une œuvre
ancienne. La Commission n'exprime pas d'opinion ; mais il
a paru à (pielqucs personnes qu'il })ouvait être oppoi-tun de
laissera chaque artiste, à clKupic éj)oquc, le soin de produire
selon son sentiment propre et non selon le sentiment des
époques antérieures.
M. Weale. Il me semble que lorsqu'on est appelé à faire
des annexes à une ancienne construction dont toutes les
— 587 —
parties existantes sont dans le même style, par exemple : si
l'on doit ajouter un ]j:»s-côté à une église composée d'une
nef et d'un bas-côté, il faut que cette annexe soit dans le
même style que le bas-côté existant.
Mais dans nos communes nous avons beaucouj) d'églises
dont toutes les parties ne sont pas du même style, comme
par exemple la calbédrale de Tournay. La question est alors
plus difficile à résoudre. Faut-il construire les annexes dans
le style primitif ou faut-il les construire dans le style de la
partie la plus rapjtrochée de l'annexe? Je crois qu'il est diffi-
cile de poser à cet égard un principe absolu, et que le mieux
est de s'en rajiporter au bon goût de l'artiste. Mais, selon
moi, il vaut toujours mieux se conformer ou au style primi-
tif de l'église ou au style qui y domine, que de faire des an-
nexes dans un style com})létement étranger au monument.
Carie sentiment de l'art à notre époque est tout différent du
sentiment qui régnait dans les styles divers qui se sont suc-
cédé depuis les tenq)s les plus anciens jusqu'à la renaissance.
Une annexe moderne choquera donc presque toujours.
M. Dumoriier. Je partage complètement l'opinion de
M. Weale; mais je la compléterai, et je crois ainsi entrer
dans sa pensée.
Il importe que les annexes qui sont faites à un monument
soient dans le style de la partie à laquelle on les attache.
Ainsi je prends pour exenq)le la cathédrale de Tournay.
La nef et le transept sont dans le style roman, le chœur est
dans le style ogival. Il est évident que s'il s'agit d'une an-
)iexe à la nef, vous ne pouvez la faire dans le style ogival et
encore moins dans le style moderne; que s'il s'agit d'une
annexe à faire au chœur, vous ne pouvez la faire dans le
— 588 —
style roman. Il tant (jne le style de la partie à laquelle vous
laites l'annexe vous serve de guide. Vous atlacliez votre an-
nexe à une partie romane, votre annexe doit èlre romane;
vous l'attachez à une i^arlic ogivale, elle doit être ogivale.
Mais il faut proscrii-e absolument tout ce qui est style mo-
derne, car il est intolérable de voir des fragments modernes
appliqués à un édifice ancien.
On me dira peut-être qu'il faut laisser à l'artiste chargé de
faire l'annexe toute espèce de liberté. Nul plus que moi n'a
défendu ici la liberté de l'artiste, et je suis encoi-e ])rèt à le
faire; mais bien entendu la liberté dans les lois de l'exécu-
tion. Évidemment, quand on parle delà liberté, il faut l'en-
tendre d'une manière raisonnable. Il ne faut pas que la
liberté dans l'art devienne de la licence dans l'art. Or, venir
accoler à une église gothique ou à une église romane une
construction moderne comme la chapelle que nous voyons
adossée au chœur de Sainte-Gudule, je dis (|ue c'est de la
licence. Cela est fait; cela reste, mais nous ne pouvons jias
tolérer que des choses semblables se lassent encore de nos
jours.
Je pense donc qu'il faut, en iiareille matière, exann'ncr
avec soin le point d'attache de l'annexe, et que ce point d'at-
tache doit être le point de départ du style (pi'il faut admettre.
Mais il ne suflit ]K)iiit d'admettre le style de la partie à
hKpielle on fait l'annexe; il faut ene()r(^ admetti-e l'école de
l'époipie, car vous pourriez, dans un monument roman, par
eAcmjjle, faire une annexe romane qui ne serait cependant
])as du style de l'édifice. Témoin les annexes qui ont été
faites à la cathédrale de Tournay pour établir les saciisties
à coté d'une chapelle. Il faut suivre absolument le style de
— 389 —
l'annexe, el rien n'est plus favorable à l'élude de l'archéo-
logie que l'observalion de ces styles. L'architecte chargé de
la construction de l'annexe devra faire une élude Irès-ap-
|)rolbndie de toutes les parties du monument, et il par-
viendra alors à faire quelque chose selon les règles de l'art,
quelque chose qui ne fera i)as disparate avec le reste de
l'édifice.
M. Pirmez, Minisire de rintérieur. Messieurs, je vou-
drais présenter à la Commission quelques observations ({ue
me suggère la question qui est discutée en ce moment.
Je n'ai pas la prétention d'éclairer vos débats ; je suis sans
doute, des personnes que renferme cette enceinte, la plus
incompétente en matière d'archéologie et d'architecture;
aussi, je vous prie d'accueillir mon intervention dans vos
discussions bien plutôt connne une preuve de l'imiiorlance
que j'y attache, que comme une prétention à élucider des
points difficiles.
La Commission me })arait avoir deux missions distinctes
et dans l'accomplissement desquelles des principes difféi'ents
doivent être suivis.
Elle est chargée de maintenir le beau dans les monuments
qui existent et de créer le beau dans les édifices à élever.
Quand on se trouve en présence de monumenis anciens,
on doit, avant tout, conserver. Ce qu'il faut à l'ariiste, ce
n'est pas le génie créateur, l'imagination féconde, c'est la
science des systèmes architecloniques des diverses époques.
11 s'agit surtout de ne pas rompre l'unité des édifices à
restaurer ou à agrandir par l'introduction de parties dispa-
rates. L'individualité de celui ([ui es( chargé de travaux
anciens doit s'absorbei' dans celle de l'auteur de l'œuvre et
— ô'.)l) —
CCS travaux doivent être exécutes comme ils le seraient si
celui-ci, revenant à la vie, était appelé à réparer ce que le
temps a détruit ou à exécuter ce que le changement des
circonstances réclame.
Dans cet ordre de travaux, il faut être essentiellement
conservateur.
A côté de cette mission, il en est une autre de la plus
haute importance qui s'attache à la création des nombreux
édifices qui s'élèvent sur notre sol. Ici le plus vaste cham])
est ouvert à l'artiste; la connaissance des monuments an-
ciens l'éclairé sans enchaîner la liberté de ses plans ; il a le
droit de puiser dans les œuvres de ses devanciers, mais
rien ne l'astreint à ne pas sortir des voies déjà parcourues.
Le beau architectural (la définition n'est sans doute pas
neuve) est dans un édifice la splendeur de l'utile.
Un monument se compose de parties ayant des destina-
lions spéciales; il faut que chacune soit dans de justes pro-
[)ortions avec son but et avec l'ensemble de l'édifice de ma-
nière à former un tout qui nous frappe par Tharmonieuse
unité de sa conception.
L'antiquité et le moyen âge nous ont légué d'admirables
modèles, mais dans des genres bien différents. Ils ont atteint
le beau par la précision avec laquelle ils ont proportionné
les dimensions à la résistance des matériaux ; leurs édifices
évitent l'excès des masses qui alourdit et la maigreur des
formes qui ôte la majesté.
Les Grecs ont réalisé dans leurs œuvres l'idéal par une
extrême simplicité des combinaisons : les constructeurs du
moyen âge semblent avoir pris à tâche de suivre un système
contraire. Quelle complication dans (-es colonnes multiples,
— 591 —
CCS meneaux des fenêtres, ces arcs-boutanls, ces pinacles et
loiiles ces autres parties dont le nom môme m'est inconnu !
Et cependant comme elles s'unissent pour former un en-
semble parfait!
Mais des deux côtés, rien qui ne concoure dans de justes
proportions à l'existence de l'édifice en lui donnant l'élé-
gance et la solidité.
Or, et c'est l'idée pratique sur laquelle je veux appeler
l'attention de la Commission, il s'est fait, dans les matériaux
servant à la construction des édifices, de remarquables
conquêtes. Le fer et le verre sont deux éléments dont le
premier surtout peut être ap])elé à jouer un grand rôle dans
l'architecture.
L'architecte n'est pas dans les conditions du sculpteur,
limité à reproduire ou à idéaliser la forme humaine qui ne
change pas. Il peut donner à ses conce])tions les formes les
plus diverses ; mais les substances dont il dispose lui imjio-
sent des lois qu'il doit subir. De nouveaux matériaux ap-
pellent des conceptions nouvelles.
Quelle sera l'influence de l'emploi du fer sur l'architec-
ture?
Sans doute, le fer entrera peu dans les monuments ou les
types grecs seront adoptes; nos yeux sont ti-op accoutumés
au rapprochement des colonnes, commandé par la pierre,
pour accepter la séi)aration qui permet l'emploi du fer. Mais
le genre gothique ne peut-il en recevoir d'heureuses appli-
cations? Les charpentes en fer supportées par des colomies
élancées ne peuvent-elles remplacer les complications des
voûtes et leurs supports plus massifs, en conservant cepen-
dant de nombreux éléments gothiques?
— 592 —
Mais ce n'est pas dans les genres exislanls que le l'er esl
appelé à jouer un rôle principal. Nous avons vu s'élever des
édilices où son rôle est prépondéranl et presque exclusif. Le
Palais de Cristal de Londres, (pii, il faul le recounaili-e, est
une œuvre de génie, ne produisit-il pas un effet imposant?
Incontestablement, il y a là une voie nouvelle pour l'art.
L'enqiloi de la })ierre a eu ses règles, l'emploi du fer doit
avoir les siennes, et cela sous le rapport du beau comme
sous le rapport de l'utile.
Il ne faut pas que ce précieux élément architectoniquc soit
considéré comme ne devant réaliser que des avantages pra-
tiques. Partout où un édifice s'élève, on doit chercher à ce
que tout ce (jui entre dans sa composilion satisfasse aux lois
de l'esthétique. Ce sujet mérite l'attention. Nos gares de
chemins de fer figurent parmi nos i)lus nombreux et nos plus
importanis monuinenls; le fer y règne en maître; bientôt
})eut-étre il entrera pour une large part dans la construction
des églises. La Commission des monuments a pour devoir de
veiller à ce que le fer, en donnant d'immenses avantages
pratiques, contribue à la beauté des édifices. Une carrière
nouvelle s'est ouverte; l'assemblée à laquelle je m'adresse
renferme beaucoup d'hommes qui peuvent la parcourir avec
gloire pour eux et ulilité pour le pays.
L'em})loi du fer renverse toutes les idées admises sur
l'épaisseur des supports et la longueur des poj'tées. Nos yeux
sont cho(iués des formes grêles des colonnes métalliques et
des distances qui les séparent. Il y a là un eflet d'habitude
sans doute, mais ne j^'Ut-on i)enser (jue l'art n'a pas dit son
dernier mot et que des proportions pUis heureuses, des
formes plus élégantes, des dis|)ositions mieux calculées au
— 005 —
poiiU (le vue de l'effet d'ensemljlc donneraient à ces construc-
tions un caractère artistique? Pourquoi les nouveaux maté-
riaux ne seraient-ils pas, comme les anciens, le moyen de
produire des chefs-d'œuvre?
Il ne faut pas considérer cet emploi du fer comme l'objet
d'une vulgaire industrie; l'art doit s'en emparer pour l'em-
liellir; l'achitecte, pour réussir, auj'a besoin des connais-
sances de l'ingénieur, mais il doit rester arlisle. C'est ainsi
que l'on domiera à ces édilices utilitaires la perfection qu'il
faut en tout rechercher.
Les considérations que je viens de vous présenter sont né-
cessairement sommaires; c'est à vous, Messieurs, qu'il
appartient de parcourir les voies que je viens d'indiquer.
J'appelle, en terminant, toute l'attention de l'assemblée sur
la divergence de ses missions diverses.
i\.utant elle doit conserver religieusement les œuvres de
l'art ancien, autant il faut marcher avec liberté dans les
créations nouvelles; et notre époque et notre pays poui-ronl
peut-être se glorilier d'avoir à la fois rendu un culte intelli-
gent à l'art ancien et ouvert de nouveaux horizons à l'art de
l'avenir. (Applaudissements prolongés.)
M. le Président. Si personne ne demande plus la parole
sur le n" 1 du programme, nous passerons au n° 2 ainsi
conçu :
« Les artistes chargés de compléter un monument par des
objets d'art qui font partie intégrante de l'édifice doivent-ils
être astreints à suivre le style de ce monument et les tradi-
tions de l' époque à laquelle il appartient? »
M. Schuermans. Il me sera i)ermis sans doule de ratta-
cher à cette question la sixième doni je dirai seulement quel-
— 594 -
ques mois : « L'usage de certains objets d'ameublement s'est
introduit dans les églises à des époques différentes. Y a-t-il
lieu, dans l'exécution de ces objets, de se conformer au style
du monument qui doit les recevoir ou de l'époque ou ils ont
été inventés? »
Ces deux questions se lient intimement l'une à l'autre; en
les traitant ensemble, je pourrai vous présenter peut-élre,
comme base de vos discussions , quelques considérations
générales formant un système plus ou moins complet,
La Commission royale, après la question dont notre
bonorable président vous a donné lecture, Messieurs, ajoute
la délinition que voici :
« Par objets d'art qui font partie intégrante d'un édifice,
on entend ceux qui entrent dans la coinposiiion d'un tout, par
exemple : les statues, les verrières, les peintures murales et
non le mobilier. »
Cette définition ne me satisfait pas complètement ; elle est
un peu vague. Les exemples donnés ne sont pas exacts :
toutes les statues ne font pas partie de l'édifice.
M. Dumortier, de son côté, vous a dit à votre dernière
assemblée générale : « S'il s'agit d'une partie inhérente du
monument, il faut suivre les données du monument lui-
même. » Mais, faute de délinij-ce (pi'il entend par partie inhé-
rente, l'honorable membre en arrive à considérer les pein-
tures murales comme ne faisant pas partie de l'édifice, et il
engage les artistes, en fait de peinture murale, à s'affranchir
de toute conforinité à la pensée de rarchilecte primitif.
M. Dumortier. Non !
M. Scliuer maris. Voici vos paroles : « En dehors de ce
qui est iiihércnl au inonunieiil lui-nièine, laissons à l'artiste
— 395 —
la liberté la plus absolue. Si l'on fait de la peinture murale,
qu'on en fasse à la manière actuelle.... »
Je me sépare sur ce point de l'honorable membre : les
peintures murales, d'après moi, font partie de l'édifice; elles
doivent être traitées dans le style de celui-ci.
Je suis amené, par mes critiques, à l'obligation de propo-
ser à mon tour une formule.
J'entends par objets d'art faisant partie -intégrante de
l'édifice , tout ce qui tient à l'édifice lui-même, tout ce qui
concourt avec lui au but que l'on s'est proposé lors de sa
construction ; tout ce qui est immobilier, soit par nature, soit
par destination, tout ce que l'architecte primitif a attaché
ou résolu d'attacher à perpéluehe demeure au monument,
« lorsque l'objet ne peut être enlevé sans être fracturé et
détérioré, ou sans briser ou détériorer la partie de l'édifice
à laquelle il est attaché »; tout ce qui a été ou doit être
censé avoir été fait en même temps que l'édifice lui-même,
et n'est pas destiné à lui survivre; tout ce qu'on ne peut
enlever sans décompléter, si je jniis me servir de cette
expression, la pensée de l'architecte primitif.
Je puise dans le code civil les éléments de cette définition ;
ce code ajoute : « Quant aux statues, elles sont immeubles
lorsqu'elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour
les recevoir, encore qu'elles puissent être enlevées sans frac-
ture ou détérioration. »
Murs, toits, portes, fenêtres, voûtes, ])lafonds, statues en-
castrées dans des niches, voilà pour moi l'édifice. La splen-
deur de l'utile, d'après la belle (;x))ression rappelée tantôt pai-
M. le Ministre de l'intérieur, c'est-à-dire le côté artistique de
ces parties essentielles de l'édifice, doit èli-e traitée dans le
— 59G —
style de l'architecle créateur du monument. L'arliste qui res-
taure ou achève un édifice ancien, doit renoncer à sa person-
nalité, pour s'incarner dans celle de l'artiste primitif.
Vous apercevez, Messieurs, en quoi et pourquoi je me
sépare de M. Dumorticr. Les peintures murales sont la
muraille elle-même; elles ne peuvent être, dans un édiûce
ancien, ornées à la manière actuelle.
M. Dumortier. Qu'entendez-vous par parties iidi('ren(es
du monument?
M. Schuermans. Je le répèle, tout ce qui constitue l'édi-
iice lui-même, murs, toits, fenêtres, portes, voûtes....
M. Dumortier. Et les verrières?
M. Schuermans. J'en ai parlé en me servant de l'expres-
sion vulgaire de fenêtres.
Je considère comme faisant partie inléiiranle de l'immeu-
ble et, par conséquent, comme objets mobiliers, les ver-
rières, comme les peintures murales, comme les statues
encastrées dans des niches créées par l'auleur du monument.
Je ne considère pas comme constituant l'immeuble, les
statues ajoutées après coup, comme celles que l'on pose quel-
quefois à l'intérieur des églises; celles-là font partie du
mobilier.
l*our le mobilier, n'existe pas l'obligation de se pénétrer
de la pensée qui a ])résidé à la créaîion du monument; simple
faculté, mais pas obligation : liberté pour l'artiste moderne.
Y a-t-il beaucoup de nos monumenis qui aient conservé
intact le mobilier contemporain de leur érection?
M. Weale. Pas un seul.
M. Schuermans. Vous dites qu'il n'en existe pas un seul;
ce n'est ])as, <'on)me vous le piMisez, \):\vrr (|u'on a violé nue
— 397 —
loi en détruisant ce mobilier, c'est parce que ce mobilier s'est
détruit lui-même.
Certes, s'il y avait encore, par exception, une ancienne
église ayant conservé intact son mobilier primitif, je serais
le premier à recommander, à titre d'exemple, cette conser-
vation enviable; je serais heureux de voir une église ogivale
du xiii" siècle, ayant encore ses lutrins, ses chandeliers, ses
guipures, ses broderies, ses jubés, sa chaire, ses autels; je
ne dirai pas ses confessionnaux, il n'en existait pas. Dans une
église pareille, je respecterais scrupuleusement un état de
choses s'étant perpétué aussi merveilleusement. J'exigerais,
pour la moindre pièce du mobilier, une conformité complète
au style de l'ensemble.
Mais cela ne serait jamais qu'une exception : les objets
mobiliers sont par essence d'une nature non perpétuelle, la
durée de l'édifice au contraire est indéfinie ; elle n'a d'au-
tres limites que celle des matériaux : la pierre, le marbre,
le verre, la plus fragile et cependant la moins périssable de
toutes les matières mises en œuvre par la main de l'homme.
Les autels, les confessionnaux, les statues, au contraire,
sont en bois que le ver ronge et que le temps réduit en pous-
sière; les broderies s'usent et se ternissent; le métal lui-
même est sujet à oxydation; il faut renouveler ces objets;
ils sont dès lors sujets aux influences du goût du jour, de
la mode; par suite de celle-ci, ne sera-t-on pas obligé par
exemple, à tel moment donné, d'élargir les confessionnaux?
(Souiires).
Le mobilier est sujet à détérioration , à déperdition, à
remplacement; qui de nous ne s'est pas donné au moins une
fois en sa vie, la fantaisie de renouveler tout ou partie de
27
— ol)8 —
son mol)ilier, ne lïit-co pour évilor aux amis qu'il rotoil
l'illusion (le se croire dans le château de la Belle au Boù
dormant ?
Ne nous montrons donc pas trop rigoureux; ce que la
vétusté atteint (\st sujet à la mode, et où la mode peut trou-
ver prise, ne soyons pas exiiieants : elle se chargera elle-
même de se corriger dans ses excès. Nos églises se sont
remplies à la longue d'ohjets mohiliers très-divers. Il est
désormais impossihie, pour ainsi dire, de rélahlir le mohi-
lier primitif; pour le faire, nous devrions anéantu' quantité
d'objets de grande valeur artistique, et c'est à nous qu'on
adresserait plus tard le reproche d'avoir été des vandales, et
les pires de tous, des vandales systématiques.
Écoutez ce qu'on disait à la séance dn 22 février 1843 du
Comité historique des arts et monuments, établi près du
ministère de l'instruction publique en France : « C'est préci-
sément cette variété de styles et d'époques qu'on surprend
dans l'ameublement et l'ornementation d'un édifice, qui
donne de l'intérêt et comme une sorte de vie à l'édifice tout
entier. Il faut tout conserver quand rien ne sij oppose.... »
Je ne suis pas de ceux qui jettent systématiquement les
hauts cris par cela seul qu'un chemin de fer viendra traver-
ser et gâter, diront-ils, un site pittoresque; il se pourra, au
contraire, qu'il l'anime en y ajoutant un intérêt nouveau.
Mais une règle doit cependant présider à cette admission
d'objets mobiliers de tous les temps dans un édifice ancien.
Cette règle, quelle est-elle?
Uniquement celle-ci : Ne placez pas ensemble des objets
qui hurlent d'effroi de se voir accou))lés ; observez les prin-
cipes du beau; (pi'il règne parlout de l'harmonie; conformez-
— 500 —
vous au slylo dn moniimont, ou de la partie du nionumenl
auquel vous faites des adjonctions ; pénétrez-vous de l'esprit de
celte parti*^ ; mais dussiez-vous même marier des styles diff*'-
rents, croyez-vous astreint à une seule nécessité, celle de
faire une œuvre belle, harmonieuse, et empreinte de carac-
tère religieux, s'il s'agit d'une église : une chaire de Delvaux
ou un tableau de Rubens ne déparera pas un édifice ogiv;d;
ce serait un crime de faire disparaître une œuvre du génie de
l'homme, en s'asservissant à une impérieuse nécessité d'unilé,
obligatoire seulement, à mes yeux, pour l'immeuble, facul-
tative pour le mobilier.
Ceci m'amène à vous parler de certains objets mobiliers
qui, sous peine d'anachronisme, sont, à mes yeux, absolu-
ment dégagés de toute conformité à la règle d'unité, pour
lesquels même il y a obligation de la violer et de suivre une
loi plus impérieuse encore, celle de la vérité.
Vous n'interdirez pas sans doute à un donateur pieux
d'orner un monument ancien d'un tableau votif relatif à un
événement moderne avec les costumes du temps où cet évé-
nement s'est accompli.
Si vous placez le tombeau d'un de nos rois dans une ca-
thédrale gothique, vous respecterez, non pas la loi de l'unité
du monument, mais la loi de la fidélité à l'histoire; celle-ci
prime l'autre.
Si vous avez à ajouter des paratonnerres, des a]ipareils à
gaz, des calorifères à un semblable monument, il est impos-
sible, sans faire violence au principe de la vérité dans l'art,
d'antidater ces inventions récentes, en les revêtant d'un cos-
tume du moyen âge qui ne les a pas connues.
C'est ce dont Ferguson se moque ingénieusement, en
— 400 —
(lisant à propos du musée gothique d'Oxford : « Le profes-
seur de pliysique se livre à des expériences d'invention
moderne dans un bâtiment ogival; mais ce qui console un
peu de cette déception, c'est de constater que le thermomètre
et le baromètre dont il se sert doivent certainement appar-
tenir, d'après le style de leurs ornements, à un âge bien anté-
rieur à celui où ces imposteurs de Toricelli, de Galilée et de
Newton prétendent les avoir inventés! »
Faire des paratonnerres ogivaux, si possible, ne serait-ce
pas décerner à Franklin pareil brevet d'imposture?
Mais ici encore, nécessité de trouver une forme qui ne
brise pas les lignes architecturales, qui se combine harmo-
nieusement avec elles. Dans ces limites, pleine liberté à
l'art; alïrancliissement complet de l'observation de la règle
d'unité; interdiction absolue môme de s'y conformer servi-
lement.
M. Dumortier. Je demanderai à M. Schuermans de bien
vouloir résumer ce qu'il veut; car je l'ai écouté avec le plus
grand soin, et je vous avoue que mon intelligence n'a pas eu
le bonheur de le comprendre.
M. Schuermans. Puisque je n'ai pas eu le l)onheur
d'être compris par M. Dumortier, voici en trois mots mon
système:
Immeuble et ce qui en fait partie intégrante, nécessité
absolue de se conformer à la jienséc de l'auteur du monu-
ment; unité!
Objets mobiliers en général, liberté! Seulement lois d'har-
monie et de convenance.
SpécialemcMit pour les objets mobiliers qui se rapportent
à un événement postérieur à l'érection de l'église, tombeaux,
— AOl —
lahicaux, iiivciilions modernes, interdiclion absolue de sui-
vre le style du iiioiiument; vérité! Mais là encore, lois
d'harmonie et de convenance.
M. Weale. Je ne puis accepter la dcfim'tion et la conclu-
sion de notre honorable collègue du Limbourg. Je n'admets
pas que tandis que dans une église il faut que le squelette
du monument soit tout entier d'un style, ce qui constitue la
raison d'être de l'église puisse être d'un autre style. Car,
après tout, un bâtiment, n'importe quelle forme il affecte,
n'est plus une église du moment que vous n'y mettez pas
un autel. Je crois donc que l'autel fait partie intégrante de
l'église, doit être dans le même style et s'harmoniser avec
le reste de l'église.
L'honorable préopinant dit que les confessionnaux n'ont
jias toujours existé. Mais il est certain que depuis qu'on bâtit
des églises, les sept sacrements ont existé. Nous sommes ici
tous catholiques, par conséquent nous serons d'accord là-
dessus. Donc le mobilier nécessaire pour l'administration des
sacrements a toujours existé dans les églises, et je ne puis
admettre que les fonts baptismaux, que les confessionnaux
ne fassent partie de l'église et qu'ils ne doivent pas être exé-
cutés dans le style de l'édilice. Car du moment que vous en-
levez le mobilier lixe d'une église, vous enlevez une partie
essentielle du bâtiment. Selon moi, le jubé, la chaire de vérité
fontaussi, pour ainsi dire, partie intégrante de l'édifice. Eide-
vcz un jubé placé à l'entrée du chœur, cela détruit une par-
tie de l'édihce. Placez-en un d'un autre style que l'église,
comme nous le voyons à Tournay, cela choque. Ce n'est pas
que je veuille faire disparaître le jubé de la cathédrale de
Tournay; mais je dis que si ce jubé était encore à faire au-
— iO^i —
jourd'iiiii, il laudrail le faire dans le slyle de la iiel" de l'église
ou dans le style du elieeur.
Je regarderai loujours cuiiune une erreur de cuiislruire
un édilicc dans un style et de le meubler dans un autre
style.
D'ailleurs, la dilïei'cnce entre les époques précédentes et
la nôtre, c'est qu'autrefois l'on travaillait dans le style du
jour, et qu'aujourd'hui nous n'avons pas de style. Par cou-
séciuent, nous devons suivre le style de l'éditice dans lequel
nous voulons placer le mobilier, si l'on peut appeler mobi-
lier des objets qui expliquent la raison d'être de l'édilice.
Quant à moi, je crois que pour tout ce qui l'ait partie d'une
église, autels, confessionnaux, fonts baptismaux, pour tout
ce qu'on peut apjieler le mobilier fixe, il faut s'astreindn! à
suivre le style du monument et les traditions de l'époque à
la([uelle il a])partient, en se conformant toutefois aux ))res-
criplions liturgiques.
Cela ne veut pas dire que dans une église du xiv" siècle
on doive faire comme confessionnaux, ce qu'on avait alors;
on enqiloyait une simi)le chaise n'ayant pas de prie-Dieu;
cela choquerait le public. Ce n'est i)as une raison, parce qu'on
ne faisait pas de grands confessionnaux à cette époque, pour
se contenter aujourd'hui d'uiK^ sinqile chaise. Rien n'em-
])èche qu'on a|)itliqu(' les principes de réjioijue où l'église a
été construite aux matériaux que l'on va eniployer, et qu'on
ne fasse une œuvre (juc ferait lui-même l'artiste primitif, s'il
vivait encore. Car il est évident cpie si les arlisles (pii ont
consti'uit nos églises au moyen âge vivaient de nos jours, ils
feraient des meubles en rajtport avec les besoins de répo(]ue,
mais en appli(|uanl à ces meubles leurs principes.
— iOù —
Eh bien, c'est ce que nous deiiianduns ; (ju'on a})pli-
qae les principes qui qnl guidé ces grands houimes, et qu'on
lasse un mobilier en harmonie avec le style qu'ils avaient
adopté.
M. Dumorlier. Quoi(iue l'honorable M. Schuermans, (jui
a pris le premier la ])arole dans cette discussion, ait critiqué
ce que j'ai dit dans une séance précédente, il est plus près
de se rapprocher de mon opinion qu'il ne paraît le dire.
J'ai écouté avec un soin extrême ses critiques et les remar-
ques que ces critiques amenaient, et je crois que, sauf pour
un point, la peinture murale, son opinion est celle qui est
admise par nous tous, à savoir que lorsqu'il s'agit d'appli-
quer à un monument existant des adjonctions tenant à la
solidité de l'édifice, il importe de rester dans le style de
l'édifice, mais que, lorsqu'il s'agit d'adjonctions d'une nature
différente, il faut laisser à l'artiste certaine latitude, certaine
liberté qui n'est rien autre chose que la continuation de ce
(pii a été fait dans d'autres siècles.
Mon honorable et savant ami M. Weale pousse les choses
beaucoup plus loin que je ne le ferais moi-même. Dans ses
idées sur la pureté de l'art, il voudrait que tout ce qui se
fait dans une église fut dans le style de l'édilice. Evidem-
ment quand la chose est possible, je ne puis (ju'adhérer
complètement à ce (pi'il vous a dit. Toutefois, je crois ipi'il
ne faut pas poser de principes absolus, car ce serait enrayer
dans la plupart de nos églises de considérables amélio-
ra lions.
Je saisirai cette occasion i)ourdire (piehpies mots du i-ap-
port que vous venez d'entendre.
On y parle de faire des églises de village en tenant sur-
— 404 —
tout compte d'un point de vue purement artistique. Je crois
que c'est aller beaucoup trop loin. Beaucoup de nos villages
n'ont pas le moyen de faire des églises artistiques ; ils ré-
clament avant tout une église, sans se préoccuper des consi-
dérations que nous venons d'entendre.
Il en est de même du mobilier. On construit, je suppose,
une église dans le style ogival. Il faut des confessionnaux.
Pouvez-vous exiger que des menuisiers de village fassent des
confessionnaux dans le style ogival? Ils ne le pourraient pas.
Il faut donc tenir compte, en pareille matière, des néces-
sités financières de chaque localité.
Que s'il s'agit au contraire d'édifices considérables, évi-
demment autant que faire se peut, il faut rester dans la
vérité historique; mais il faut aussi rester dans une autre
vérité, c'est la vérité des ressources financières. C'est aussi
une vérité qu'il ne faut pas méconnaître. Vous savez que
les églises ont perdu tous leurs biens; elles ne sont pas
riches, et quand elles ont besoin d'un objet, vous ne pouvez
exiger d'elles des sacrifices considérables.
Du reste, les siècles qui se sont succédé nous ont montré
que l'on faisait successivement des adjonctions de meubles
inhérents à l'édifice, comme les confessionnaux, et construits
dans le style de l'époque. Allez à Sainte-Gudule, voyez les
magnifiques confessionnaux qui ornent cette église ; vou-
driez-vous les remplacer par d'autres? Je dirai que ce serait
un acte de vandalisme; ce sont de véritables chefs-d'œuvre
de l'art qui ne sont pas de l'époque du monument, mais qui,
indépendamment de ce qu'ils contribuent à vous doimer
l'histoire de l'art, vous fournissent une grande preuve de
l'intérêt que l'église a porté à toutes les écoles.
— 40?) —
Allez à Tournay. Sans doute, comme le disait mon hono-
rable ami M. Weale, si le jubé était à reconstruire, il ne
faudrait pas le faire en style de la renaissance. Mais il y est,
et il faut tenir compte des faits accomplis.
Il en est de même des œuvres d'art, des tableaux. Ainsi
je suppose que vous ayez daFis une église un tableau de
Rubens. Allez-vous, par respect pour la vérité historique,
le supprimer et le remplacer })ar une autre peinture? Cela
n'est pas possible.
Si j'ai bien saisi l'opinion de l'honorable membre pour le
Limbourg, la grande différence entre son o]iinion et celle
que je vous ai soumise, est relative aux peintures murales;
si je l'ai bien saisi, car je n'en suis pas sûr, il voudrait que
les peintures murales représentassent l'époque dans laquelle
l'édifice a été construit.
M. Schuermans. Qu'elles s'insj^irassent de la pensée de
l'auteur primitif.
M. Dumortier. Eh bien, cela est impossible, parce que
vous avez beaucoup d'édifices construits à une époque dont
vous ignorez complètement ks genres de peintures. Qu'était
a peinture avant l'an 1200? Vous ne pourriez i)as le dire, car,
il n'en existe pas. Les ])remières peintures que vous ayez eues
en Italie sont celles de Guy d' Assena, et il n'en reste que
deux morceaux, l'un au Musée, l'autre à l'église des Domi-
nicains de Sienne. Puis vient Gimabuc et son successeur
Giotto ; mais vous verrez que ces peintres se bornaienl à
copier le style byzantin. G'est du byzantin, rien que du by-
zantin; au xiii'' siècle, l'art en Italie en était là; lout y était
de convention.
Mais venez voir, à Tournay, les anges qui sont dans la
— 400 —
c'Iiapelle du Suiut-Sépulcre à l;i calliédralc; examinez ces
anges, i)lacés dans Ja retombée des ogives el qui sont autlien-
tiquement de l'époque de Giniabue el de Giotto, et vous
verrez que l'art était tout autrement conq)ris en Belgique.
Tandis que l'école ilaliemie se traînait dans l'art hyzanlin,
dans la peinture de convention, l'école llamande ou belge
avait repris les pinceaux pour a|i|)liquer dans ses œuvres
l'étude de la nature. C'est la Belgique qui a l'honneur
d'avoir donné à l'Europe la grande école de jieinlure mo-
derne; c'est elle la première, et elle seule, qui a introduit
l'art moderne, alors que pendant un siècle ou deux, l'Italie
n'avait fait que coj)ier l'école byzantine.
Les plus anciennes peintures qui existent en Belgique, et
elles doivent remonter au connnencement du xiii'' siècle,
sont, sauf la fresque de Sainte-Geneviève, celles que vous
remarquez dans la chapelle du Saint-Sépulcre près du
chœur de la cathédrale de Tournay. Trouvez-vous là des
éléments sulïisants pour faire des ])eintures murales sur vos
inonumenls? Ëvidennnent non. Il faut donc laisser une cer-
taine latitude aux artistes. Je suppose ([ue vous ayez à orner
un monument byzantin, un monument roman, il y a ab-
sence comi)lète de peintures de l'époque où ces arts étaient
en vigueur. Je demanderai à l'honorable membre conunent
il veut faire peindre des sujets appart(!nant au style byzantin
ou roman, comment il veut faire l'aire des [teintures dans \v.
style d'une épo({ue dont il ne nous l'cste pas le |)lus jtetit
fragment de peinture. Or, il ne nous reste rien de l'épotpie
antérieure à l'an JOOO. On a retrouvé une peinture à frcs(jue
à Tongres. Mais (pTcsI-ce (juc c'est ([ue celle jx'inliire à
fresque? Peut-on imaginer (pie l'on aille se mellre aujoui-
— /ill7 —
(l'iiui à faire des jmiiilui'os dans le style de celle-là? ("éUiil
répoque de la barbnrie de l'arl. Tandis que rarcliileelurc
avait conservé les grandes données de l'arl, la i»einlure était
tombée dans une décadence ai)soluc. C'est ce que prouve la
fresque de Sainte-Geneviève à la cathédrale de Tournay qui
remonte incontestablement au x" siècle et rappelle les frag-
ments de Vérone.
Bien évidemment, quand vous avez à décorer un monu-
ment ancien, il faut rester, autant que possible, dans les don-
nées de l'art ancien. Si vous avez à décorer un monument
réellement byzantin, vous n'avez qu'une chose à faire, aller
à Ravennes, à Venise, un peu à Rome; étudier les anciennes
mosaïques; ce sont, avec quelques fragments de peinture
que vous retrouvez encore sur les murs de Saint-Zénon, à
Vérone, les seuls restes de l'art de cette époque. Mais cela
représente toujours l'art byzantin; quant à l'art flamand, à
l'art de notre pays, vous n'en retrouvez rien en peinture, et
y introduire en ligures l'art byzantin, ce serait un anachro-
nisme.
J'en reviens toujours à cette donnée : il importe, aulant
que possible, de rester en certaines limites dans le caractère
général de l'époque; mais à l'impossible nul n'est tenu.
D'autre part, il importe de bien remarquer ceci, c'est que
presque toujours les petils fragments (jui vous reslent sont
des morceaux des moindres peinlures de l'époque, et comme
je le disais dans une occasion récente, ce qu'il faut avant
tout, c'est imiter non les mauvais morceaux de l'art, mais les
chefs-d'œuvre de répocjue. Quand vous étudiez le gcmre grec,
le genre romain, i)renez-vous coimne objet d'études les mau-
vais débris ({ui nous restent de ces époques anciennes? Non,
— 408 —
vous prenez les chefs-d'œuvre, l'Apollon, la Vénus de Milo,
le Laocoon, le Grand Torse; mais vous n'irez pas chercher
vos objets d'études dans cette multitude de t'ôtes secondaires
et tertiaires qui ornent le musée du Vatican. Eh bien, c'est
ainsi et pas autrement que vous pouvez faire vos applications.
Quant à l'école belge, je l'ai déj;i dit, il serait excessive-
ment à désirer que le gouvernement fit faire un album de
tous les meiilcui's morceaux de sculpture et de peinture an-
ciennes que nous avons en Belgique, de manière à donner à
nos artistes des modèles de toutes nos époques. J'ai déjà eu
l'honneur de présenter, à différentes reprises, cette observa-
lion à la Commission. Chaque fois elle l'a comprise, et cepen-
dant rien ne s'est fait.
Résultc-t-il de tout ceci qu'il faut laisser une liberté com-
plète à l'artiste? En résulte-t-il que, conmie je croyais d'abord
l'avoir compris dans les observations de M. Schuermans, il
faut, dans un édilîce roman, faire des peintures comme celles
que vous voyez ici. de l'école de Rubens et du Titien? Cela
n'est pas possible. Il faut laisser une certaine latitude à lar-
tiste; mais il faut aussi que cette latitude soit combinée avec
le monument lui-même, c'est-à-dire qu'une règle absolue est
impossible.
Encore une fois, si vous avez à décorer un monument ogi-
val, un monument roman, vous n'avez d'autre modèle à suivre
que les mosaïques qui existent dans quelques coins de l'Italie,
à Ravennes, à Florence, quelque peu à Rome, et ces mosaï-
ques seraient de tristes modèles, car c'est purement de l'art
byzantin ; tandis qu'il est démontré par ce que nous avons
en Belgique, par les restes des statues qu(3 nous avons à
Tournay, qui;, d;uis noire pays, l'art llamand avrdt adopté
— 409 —
un caractère tout différent, entièrement opposé à celui de
l'école italienne et byzantine. Notre art se base sur la nature,
tandis que l'art byzantin n'était qu'un art traditionnel dans
lequel on admettait des types de convention sans aucun
modèle.
Mais ce que je ne comprends pas, c'est la différence que
l'on fait entre les verrières et les peintures. L'honorable mem-
bre entend-il qu'on suive deux lois différentes, l'une pour
les peintures, l'autre pour les verrières?
M. Schuermans. Du tout.
M, Dumortier. Nous voilà donc d'accord. La vérité bis-
torique dans les verrières est absolument indispensable, et si
elle est désirable dans les peintures murales, encore une fois
elle est impossible, parce que les éléments vous manquent,
que vous n'avez rien pour vous servir de guide. Dès lors qui
vous dira que vous êtes dans le vrai? Vous ne pourrez rien
faire sous ce rapport, aussi longtemps que le gouvernement
n'aura pas publié un album photographié et, si c'est possible,
traité par l'héliographie, donnant une reproduction exacte-
ment rigoureuse de tous les beaux morceaux de l'art bdae
depuis l'époque la plus ancienne jusqu'à Van Eyck. Avant
Van Eyck, vous n'aviez rien en fait de tableaux; vous ])ou-
vez trouver quelques fragments de peinture, beaucoup de
sculpture, des sceaux magniliquement gravés et qui prouvent
combien l'art de la gravure était porté loin chez nous, des
monnaies quelquefois. Mais ce qu'il y a de plus remarquable
sont les sceaux; ceux que vous trouvez dans nos archives
sont souvent de véritables chefs-d'œuvre.
Si le gouvernement entreprenait un pareil travail, s'il
nous donnait, siècle par siècle, les fragments (|ue nous pos-
— 410 —
sédons en Belgique dos produits de la sculpture, de l'art
sigillaire et surtout de la peinture, alors on pourrait avoir
une donnée quelconque; mais encore il serait Irès-difticile
d'appliquer ces données aux monuments antérieurs à Van
Eyck, de mettre dans nos édifices des ]KMnlures qui seraient
simplement des contours avec une teinte plate. Selon moi,
à l'épocpie où nous vivons, ces peintures seraient regardées
comme de véritables caricatures.
M. le Président. Permettez-moi une simple observation.
M. Dumortier supjiose que, dans le rapjiori qui vous a été
l'ait au nom de la Commission, on demande de construire
dans nos communes des églises ayant un caractère monu-
mental et comportant de grandes dépenses. On a émis au
contraire l'idée qu'on peut, à peu de frais, faire des con-
structions d'un certain caractère. Si donc nous avons criti-
qué les constructions banales que nous voyons souvent
s'élever, c'est pour qu'on en épure le goût et non pour
qu'on y consacre des dépenses plus grandes.
M. Dumortier. Puisque M. le Ministre est ici, je deman-
derai s'il n'y aurait pas moyen que le gouvernement établit
un concours pour arriver à avoir des modèles d'églises de
village d'un prix très-raisonnable. Sur les bords du Rbin,
on a construit une quantité d'églises; M. Lassaulx en a
construit pour sa part laO. Eh bien, ces églises ne coûtent
pas plus de 10,000 à 15,000 francs chacune, et toutes ont du
cachet. Je voudrais bien qu'on arrivât en Belgique à un
pareil résultat, et peut-être le gouvernement ne ferait-il
pas mal d'ouvrir à cet égard un concours. Cela faciliterait
beaucoup les travaux de nos j^etites conmiunes; |)eul-élre
lie lcr;iit-il ])as mal d'envoyer nos jeimes architectes visiter
— 411 —
sur les bords du Rliin les éo-lises bàlies par M. Lassnulx,
pour y apprendre à consiruire bien et à bon marclié.
M. Pirmez , Minisire de rinlérieur. J'examinerai avee
plaisir les observations de M. Dnmortier; mais une objection
se présente imm(;dia!ement à mon esprit, ,1c demanderai si
un ])areil concours n'aurait pas pour résultat de i)rûduire
la monolonie dans les constructions. Si nous ouvrions un
concours et qu'un arcliitecte en remportât le prix, cet
architecte ferait un cerlain nombre de plans d'église; mais,
malgré toute sa volonté de varier, on jiourra s'attendre
à rencontrer dans tous ses plans une certaine uniformité,
car ils rélléteront les idées d'un seul bonnne.
M. Dumortier. M. Lassaulx a bien fait 150 églises.
M. Pirmez , Mim'slre de l'intérieur. A-t-il varié? Je
n'en sais rien.
M. Weale. Nos (;ommunes cherchent toujours à avoir
des églises grandes comme des cathédrales; elles veulent
rivaliser à cet égard avec les grandes villes. Elles se préoccu-
pent fort peu de la rpiestion d'art; elles veulent avoir une
grande église : c'est tout ce qui leur faut. C'est pour cela
que nos églises sont si peu satisfaisantes.
En Angleterre, où les matériaux et les journées d'ouvriers
coûtent beaucoup plus cher qu'ici , on a réussi à faire
des églises de village simples, mais présentant un certain
caractère artistique et qui coûtent peu.
Je connais eu Belgique des communes qui ont dépensé
125, loO et 200,000 francs et qui n'ont que de misérables
bâtiments, tandis qu'avec la même somme, bien appliquée,
on aurait pu faire des églises simples, mais en même temps
caraetQirisées.
— 4-12 —
Dans le moyen âge, on voyait s'élever des maisons, même
pour des familles peu fortunées, qui avaient un cachet
artistique.
M. Scliuermans. Je demande la parole pour une motion
d'ordre.
M. le Président. Permettez, M. Schuermans; je sais
qu'il s'agit en ce moment d'un incident étranger à la question
en discussion ; mais permettez-moi de donner la parole
à M. le gouverneur du Limbourg qui désire dire quelques
mots, et nous reviendrons alors à la question en discussion.
M. de T'Serdaes, gouverneur du Limbourg. Je me
permettrai d'ai)puyer ce que vient de dire M. Weale. Nous
avons dans noire pays même des exemples de plusieurs
constructions d'églises exécutées avec des matériaux fort
simples, i»eu coûteux, et qui satisfont à toutes les exigences
du goût. Je ne prends pas la parole pour vous dire ce qui
s'est fait dans la province que j'administre; mais je pourrais
vous citer dans le Limbourg de très-jolis édifices, appréciés
par les hommes de goût et qui ont coûté fort peu. On peut
construire, dans des proportions artistiques, et avec un
vrai cachet de beauté, des édifices dont les frais ne
dépassent pas 20,000 à 25,000 francs. La question n'est pas
du tout une question d'argent; c'est une question de goût,
une question d'art. Je le repète , on peut appliquer les
principes du beau avec des matériaux peu coûteux et sans
grande dépense.
M. le Président. C'est parce (pie la (commission des
nioiiunieiits a cette convi(;tion qu'elle ;i fornudé à ce sujet
une observation avec l'espoir (pie les artistes en tiendront
compte.
— 413 —
Nous reprenons maintenant le sujet en discussion.
M. Sclmermans. Si l'on veut continuer la discussion
qui vient de s'engager, je n'y fais pas d'opposition. Elle se
rattache à la cinquième question ainsi conçue :
« Il serait désirable que les plans d'église ou d'ameuble-
ment destinés à de petites localités se recommandassent,
non-seulement par des mérites d'économie, mais par un
sérieux caractère artistique. Quel serait le système d'en-
couragement à suivre pour amener les artistes à faire une
élude approfondie de cette catégorie de projets, généra-
lement négligés? »
Je le re|)ète, si l'on veut continuer la discussion sur cett^
cinquième question, il n'y a pas le moindre obstacle. Je
reviendrai plus tard sur la deuxième question.
M. Vrambout, gouverneur de la Flandre occidentale.
Je crois qu'on peut continuer cette discussion. Nous avons
à examiner quel serait le système d'encouragement à suivre
pour amener les artistes à faire, comme l'a demandé le rap-
port de notre honorable secrétaire, une étude approfondie
de projets d'églises peu coûteux, mais ayant un sérieux ca-
ractère artistique. J'ai eu l'honneur, dans une autre assem-
blée, de demander que la Commission des monuments fût
très-sévère dans l'acceptation des plans d'églises de cam-
pagne. Je ne sais si c'est le seul moyen d'arrivei* au but
indicpié par l'art. 5. Il y a peut-être d'autres considérations
à faire valoir. C'est pounpioi je demande que cette discus-
sion continue.
M. Durnorlier. .li; n'ai pas parlé sur le n"a; j'ai répondu
à ce qui a été dit. Je crois (ju'il vaul mieux suivre l'ordre du
programme.
^8
_ 414 —
M. le Président. Si telle est l'opinion de l'assemblée, j'ac-
corde la parole à M. Schuermans.
M. Schuermans. Je suis heureux qu'en me faisant le re-
proche de manquer de clarté, M. Dumortier me fournisse
une occasion de réclamer votre indulgence. Quoique je sois
très-avide do clarté moi-même, il me sera peut-être impos-
sible aujourd'hui de satisfaire à ce désir. Veuillez attribuer
l'imperfection avec laquelle je puis rendre mes idées à une
mauvaise disposition due à ce que votre séance officieuse
d'hier soir, au lieu d'être, comme d'habitude, le couronne-
ment de l'édifice, a été placée cette année entre le premier
étage et le second.
M. Dumortier croit que j'ai fait une distinction entre les
peintures murales et les verrières. Il se trompe. Autant qu'il
m'a été donné de m'exprimer clairement, j'ai dit que les
verrières, comme les peintures murales, dans un ancien
monument, devaient être conçues dans la pensée de l'auteur
du monument.
M. Dumortier, il y a deux ans, considérait les peintures
murales comme ne faisant point partie de l'édifice, et pour
cela, il voulait, dans les églises du moyen âge, des pein-
tures murales « à la manière actuelle. » Cette année il
modifie son système, il m'a fait une autre objection : il dit
(pi'il n'y avait pas de peintures mui-ales à l'époque à laquelle
remontaient beaucoup de monuments. Eh bien alors, suivez
la pensée de l'auteur du monument en n'y faisant jias de
peintures murales.
Je ne peux pas, (piant à moi, adliérer à la solution histo-
rique (jue propose M. Dumortiei-, lorsiju'il dil iju'à Icllc
époque il y avait des ])ein(un'S min-ilcs. (pi'à lellc anti-e ils
— 415 —
n'y en avait pas. C'est un sujet à réserver sur lequel on n'est
pas bien d'accord jusqu'à présent, et sur lequel j'attends
encore que la conviction soit portée dans mon esprit par de
nouvelles démonstrations de la part de M. Dumortier qui
nous a déjà présenté des vues très-nourries sur l'histoire de
l'art. Mais je dis que s'il est vrai qu'à telle époque il n'y avait
pas de peintures murales, on ne doit pas en faire dans un
édifice appartenant à cette époque. En d'autres termes, et
je ne puis assez le répéter, pour tout ce qui concerne l'im-
meuhle, on est impérieusement astreint à la loi de ywiiié :
on doit faire ce que l'arcliitecte primitif aurait fait. On ne
peut faire que cela.
M. Dumortier. Il y a eu des peintures murales à ces épo-
ques; mais il n'en reste rien. Si vous lisez Grégoire de
Tours, vous voyez que lorsque Nomalius faisait bâtir l'église
cathédrale d'Auvergne , sa femme donnait aux ])ein(res
l'indication des sujets qu'ils devaient représenter dans les
tableaux de celte église. Ceci vous prouve que l'on faisait
alors des tableaux, mais il n'en reste plus rien. Il est très-
difficile de dire ce qu'étaient autrefois nos édifices romans.
On n'a pas de faits précis sur lesquels on puisse baser un
principe absolu, on ne peut que s'en rapporter à certaines
indications vagues dont il n'y a rien à tirer. Ainsi je suppose
que le gouvernement décide de décorer la nef et le transept
de la cathédrale de Tournay. Vous avez une première indi-
cation : les chapiteaux de l'abside gauche du transept sont
peints à l'encaustique, ce qui donne l'indication du procédai
à employer; vous avez à la voûte des entrelacs, et puis c'est
tout; mais les chapiteaux sont en arabesques, en sorte que
si vous avez, dans votre décoration, à faire des arabes-
— 416 —
ques, le monument vous les fournira. Mais les figures, où les
prendrez-vous? Vous ne pouvez venir placer là des figures
du xiv" ou du xv" siècle, des figures du Titien, de Ruhens,
de Michel-Ange. Il faut donc avoir un album qui nous donne
des éléments, des modèles de l'époque, et tant qu'on n'aura
pas cet album, il sera impossible d'établir des règles pour
la conservation de la vérité historique de la peinture dans
nos monuments.
Qu'il y ait eu des peintures dans les monuments anciens,
je suis porté à le croire, et ce qui me poi-te à le croire, c'est
qu'on a retrouvé des traces de peinture dans les monuments
de la Grèce et dans tous les monuments anciens de Ravenne
qui, vous le savez, sont les plus anciens de l'Italie. Ravenne
est une ville exceptionnelle à cet égard, et à tous ceux qui
vovagent en Italie, je leur donnerai le conseil de voir Ra-
venne, la ville par excellence pour l'art. Vous voyez là qu'il
y avait des mosaïques dans tous les édifices anciens. Dans
j'éf'lise de Saint-Vidal, le chœur est plein de mosaïques faites
sous Justinien. Dans l'égHse de Saint-Apollinaire, hors delà
ville, vous avez des fresques et des mosaïques magnifiques.
La basilique d'Aix-la-Chapelle était aussi revêtue de mosaï-
ques dont il reste encore (|uelques fragments. Cela vous fait
voir qu'il y avait des peintui-es dans les églises ; malheureu-
sement il n'en reste rien. Dès lors, comment [)Ourriez-vous
établir une règle qui guidât les artistes?
M. Bethvne. Je crois qu'on s'etïraie trop de la difliculfé
que présente la décoi'ation murale, en ce (pii concerne les
édifices de l'époque prinu'tive. Ces édifices sont (îxcessive-
ment rares dans le |)ays et, à ce point de vue, l'on peut dire,
sans risquer d'être contredit, ({ue l'étude des mosaïques de
— 417 —
Ravenne et des fresques d'Italie, qui peut être excellente en
ce qui concerne la théorie de l'harmonie des couleurs, ne
pourrait guère trouver son application dans ce pays; je ne
pense pas que nous ayons un seul monument qui se rapporte
à l'époque des monuments de Ravenne. Mais, au j)oint de vue
de la coloration, je dis avec M. Dumortier que c'est tout ce
qu'on peut trouver de plus beau.
Quant aux peintures du xii' siècle, nous avons dans notre
pays un certain nombre de monuments qui sont de cette
époque. Eh bien, quand on se met à rechercher sous les
nombreuses couches de badigeon dans ces églises, on retrouve
presque partout des traces d'ornementation, des vestiges de
peintures de cette époque. On a aussi un art qui peut donner
beaucoup de renseignements, c'est l'orfèvrerie qui, avec les
émaux et les nielles, était arrivée alors à une perfection inouïe.
Nous avons des manuscrits nationaux qui jjeuvent aussi nous
mettre sur la voie et surtout pénétrer nos artistes de ces sen-
timents qu'ont dû avoir leurs prédécesseurs du xif et du
xui' siècle, lorsipi'ils avaient à s'occuper de la décoration des
églises. Et c'est là la chose essentielle, bien se pénétrer du
sentiment avec lequel on doit se mettre à l'œuvre. 11 ne s'agit
pas, on le voit, de co|)ier matériellement, d'être un esclave
servile des formes; mais il est essentiel, pensons-nous, de
fournir d'abord à l'imagination des éléments puisés dans de
bonnes études archéologiques, de s'initier ensuite et de s'iden-
tifier, en quelque sorte, au sujet dont on a à s'occuper.
Ces observations sont aussi a])plicables au mobilier qu'aux
peintures murales et à l'architecture.
Elles me rappellent une anecdote que j'ai déjà racontée à
quelques-uns de mes amis et qui peut trouver ici son appli-
— 418 —
calioii. 11 y a(|uclqaos années, je voyageais en AngieleiTe et
je visitais le grand architecte, M. Pugin; il é[aitàsoni)upitre
et dessinait dans le style du xiv" siècle, un piano {HilarUé).
Je lui dis : Vous faites une chose bien diflicile. Mais non, me
l'épondit-il; cela n'est pas ))lus difficile (pie toute autre com-
position. Je tâche de me pénétrer des idées et des sentiments
(ju'aurait eus un artiste du xiv" siècle, s'il avait eu à sa dispo-
sition le mécanisme du piano actuel, et au moyen des formes
en rapport avec ces idées, je puis espérer d'obtenir un résul-
tat satisfaisant.
Je crois qu'en loute circonstance nous devons procéder
ainsi. En suivant ce système, nous ne faisons pas de l'art
servile, nous ennoblissons l'art, et nous nous mettons à même
de suivre tous les progrès qui peuvent se produire, et dans le
développement de la liturgie des églises et dans les mœurs.
On a j)arlé du mobilier des églises; on a objecté qu'il cou-
lait très-cher, surtout lorsqu'il s'agissait d'orner des églises
anciennes dans le style ogival. Je crois qu'à cet égard on a eu
raison de faire des réserves. Une des causes qui ont le plus
contribué à dévoyer nos artistes, c'est qu'on ne s'(?st pas assez
préoccupé de la question d'économie. Nos arlistes ont presque
tous commencé Icui's études par l'étude du mobilier de la
dernière époque, d'une épo(iue de décadence où l'on avait
perdu de vue les grands pi-incipes de l'arl, pour s'atlacher
surtout à la multiplicité, à la iinesse et à l'élégance des dé-
tails. Il en est résullé que nous avons une quantilé de pas-
liches des monuments de l;i dernière époque, (jui ne répon-
dent pas à ce qu'on est en droit (rallendi'(î et qui donnent
lieu à des dépenses considérables et sans compensation.
Ce n'est pas une raison ])our renoncer à l'élude des slyles
— 419 —
du XII', du xiii" et du xiv' siècle, donl, quoi qu'on eu dise,
nous avons encore lieurcusemenl beaucoup de modèles variés,
non-seulement dans notre pays, mais dans les pays voisins.
Je répondrai également à ce qu'on a dit de l'étendue exa-
gérée qu'on veut donner aujourd'hui à beaucoup d'églises.
C'est une observation très-juste. Je voudrais également, à ce
propos, que nos confrères les architectes se pénétrassent bien
de cette pensée, qu'ils ne doivent pas se laisser entraîner à
composer des plans donl l'exécution est hors de pro})ortion
avec les ressources dont on dispose; lorsqu'on leur demande
une chose impossible, ils doivent avoir le courage de le dire
franchement aux personnes qui vont les consulter. Une église
n'est pas un objet de pacotille dont on peut réduire indéfini-
ment le prix aux dépens de la qualité.
Je suis persuadé que si nos architectes avaient un })cu j)lus
d'indépendance, s'ils avaient le courage de se montrer véri-
tablement artistes, nous pourrions espérer des progrès plus
considérables. Ils ont trop de condescendance. A quoi cela
tient-il? Est-ce à leur indulgence naturelle ou à d'autres
causes ?
Le plus souvent, pourtant, la qucsiion d'argent n'est pas
en jeu. Je puis vous assurer que l'on ])eut l'aire dt!S construc-
tions et des objets du xui' et du xiv' siècle à un moindre
prix que des coiislructions et des objets modernes, ])ourvu
(ju'on veuille tenir compte surtout de la bonne exécution et
de la qualité des matériaux à employer. Pour ma maison,
j'ai fait faire, presque par économie, des meubles gothiques.
Pour n'avoir pas à craindre de i-encontrcr des j)rélentions qui
ne seraient pas justifiées par la science et pour arriver ainsi,
à bon marché, à des résultats satisfaisants, il suflit de former
— 420 —
des artisans qui s'appliquent presque exclusivement a l'exé-
cution de travaux dans le style du moyen âge.
M. le Président. Gomme on l'a fait observer, il ne peut
être question de prendre une résolution sur les sujets que
nous traitons. Ainsi nous ne pouvons que remercier les ora-
teurs qui ont bien voulu prendre la parole.
M. le Ministre, dans le discours qu'il a prononcé tantôt, a
lait comprendre à l'assemblée quelle grande liberté il était
nécessaire de laisser aux artistes ; il a répondu ainsi à ce qu'il
y a peut-être d'un peu exclusif dans certaines idées qui ont
été exprimées.
M. Dumortier. Je crois que toul le monde est d'accord
quant à deux points.
D'abord, c'est que tout ce qui fait partie intégrante de l'édi-
fice doit conserver la tradition de l'époque à laquelle l'église
appartient. Ce premier ])oint ne me paraît pas devoir donner
lieu à des objections.
Quant aux peintures murales, j'ai fait remarquer la diffi-
culté considérable qui se rencontrait pour l'ornementation
des monuments anciens pour lesquels on ne possède pas de
types. La première cbose à faire, je le répète, serait de mettre
entre les mains des artistes des types nécessaires pour faire
des décorations en harmonie avec l'époque du monument.
M. Cluysenaar. M. Dumortier, vous connaissez sans doute
le dôme de Spire.
M. Dumortier. Oui.
M. Cluysenaar. Eh bien, il a été décoré complètement il
y a vingt ans; on y a fait des fresques, et des lr('S(iues foi't
belles, dans le style italien et surtout dans le style de Raphaël.
Vous voyez que dans cette église, qui ne contenait aupara-
— 421 —
vant aucune peinture murale, on a cru bien faire en établis-
sant une décoration qui n'est nullement celle de l'époque où
le dôme a été construit. C'est le roi de Bavière qui l'a fait
faire avec l'aide des principaux artistes de l'Allemagne. Ceux-
ci se sont dit probablement que l'art était de toutes les épo-
ques, que la peinture dégénérait souvent en manière et qu'il
n'y avait pas lieu de faire des magots pour se conformer à
l'art d'une époque où l'art était complètement oublié. Ils ont
pris les plus beaux types de l'art pour décorer ce monument
byzantin ou roman.
A Mayence, on fait également en ce moment des peintures
dans le dôme qui appartient aussi au style roman et l'on pro-
cède de la même façon. Il n'y a i)as à cet égard d'exemple
à suivre ou du moins il y en a très-peu. Nos ])eintres agissent
selon les idées du temps et comme le feraient probablement
les artistes contemporains du monument, s'ils vivaient de nos
jours. Mon but, en prenant la parole, était surtout de vous
citer ces deux exemples de peintures api)liquées à des églises
romanes.
Quant aux annexes à faire à un monument et môme au
mobilier, c'est une opinion qui m'est personnelle et qui peut
ne pas être partagée, mais je crois que toujours, lorsqu'il
s'agit d'édifices anciens, les artistes doivent se porter à ce
point de vue : ils doivent se mettre aux lieu et place des ar-
tistes contemporains du monument, tâcher de faire comme
ceux-ci auraient fait et non appliquer les côtés du jour.
Ainsi, pour parler d'un détail qu'on a indiqué tantôt, les
branches de gaz, les appareils d'éclairage de nos églises,
nous avons plusieurs exemples d'éclairage de ce genre à
Bruxelles ; nous voyons dans nos églises des appareils de
— 422 —
dilïùrciils slyies. li eu esl de plus ou moins réussis, niais il esl
évident que les artistes qui en ont fait le dessin ne se sont pas
généralement assez placés au point do vue où se serait placé
l'arcliilecte de l'église, et ils ont fait des choses qui sont la
plupart du temps d'un aspect extrêmement médiocre.
Il y a donc toujours avantage, selon moi, à se pénétrer des
idées qui dominaient, lorsqu'on a construit l'édifice.
M. Betliune a regretté, je pense, l'étendue de nos églises
modernes.
M. Bethune. Voici ce que j'ai dit : C'est que souvent, dans
une petite commune, on veut avoir une église plus grande
que les besoins de la ])opulation ne l'exigent et que les res-
sources de la commune ne le permettent; (ju'on veut faire
des cathédrales dans de petites communes, et que les artistes
doivent résister autant (}ue possible à ces manies.
M. Clwjsenaar. Nous avons une question relative aux
églises de village.
M. le Président. C'est un point que nous traiterons tantôt.
M. Vranihout, gouverneur de la Flandre occidenlale.
Avant de quitter ce sujet, je désire dire encore un mot des
verrières.
Il y a deux ans, on a soulevé dans l;i Commission la ques-
tion de savoir quel devait être le costume des personnes
(ju'on représente dans les vei'rières. Ces costumes devaient-
ils se ra])portcr à l'époque du sujet traité dans la verrièie
ou à l'époque de la construction de l'édilice, ou à l'éjwque
d;uis laquelle on place la verrière? Je deni;uide si la Com-
mission a pris à cet égard une décision. Elh; faciliterait nos
travaux d'examen et ils sont nombreux dans la Flandre occi-
dentale. Je faisais valoir, il y a deux ans, une considération :
— 423 —
c'est que les tlonaleiirs désirent souvent se l'aii'e l'cpréseutcr
dans les verrières et s'y font représenter dans le costume
de l'époque à laquelle ils appartiennent, ce qui peut être
très-disgracieux et prêter à rire. J'ai eu l'honneur de vous
dire que j'ai vu des personnages décorés de l'ordre de
Léopold, assister à l'adoration des mages. Il est évident que
cela fait rire et l'on ne doit pas aller dans les temples pour
rire.
Je demande donc si la Commission a un principe arrêté
à cet égard. Faut-il donner aux personnages iigurant dans
une verrière le costume de l'époque à laquelle se rapporte
le sujet représenté ou le costume de l'époque du monument?
Faut-il donner à la personne qui désire iigurer dans la ver-
rière un de ces costumes ou peut-on lui donner le coslume
moderne ?
M. De TSerclaes, gouverneur du Lûnbowy. On me l'ait
observer qu'on pouri'ait les représenter en empei'eui' ro-
main. {Hilaiité.)
M. Vrambout, gouverneur de la Flandre occidentale.
C'est possible; cela ferait peut être disparaître une manie
((ue je n'approuve pas. Si on représentait les donateurs
dans le coslume de l'époque à la({uelle se i'ap|)ortc le sujet,
peul-êti'e renonceraient-ils à Iigurer dans la verrièi'e.
M. le Président. On n'a jias pris de décision parce (pie le
cas ne s'est pas présenté.
M. Weale. Le cas s'est présenté souvent; mais il n'v a
pas eu à prendre de décisioii, ])arce qu'on ne demandait pas
de subsides. C'est un point sur lequel la Connnission pour-
rait donner des conseils aux fal)riques d'église, aux archi-
tectes et aux artistes.
_ 4-24 —
M. Vrambout , (jouv)erneur de la Flandre occidentale. On
place ces verrières sans notre intervention.
M. Schuermans. Il serait très intéressant de résoudre
cette question; niais je ne l'examinerai pas en ce moment.
L'assemblée n'exigera sans doute pas que la Commision
royale se prononce immédiatement. Celle-ci voudra aupara-
vant nous consulter, nous demander noire avis; nous le
donnerons; elle pourra ensuite formuler, si elle le juge à
propos, une résolu lion qu'elle nous communiquera.
11 vous souviendra sans doute qu'à cet égard j'ai l'ait
observer, il y a deux ans, à M. Béthune, que je n'admettais
pas qu'on représentât saint Alphonse de Liguori, qui vivait
en 1750, en évèque du moyen âge, avec un costume qu'il
n'a jamais porté. Gela touche à la question qui vient d'être
posée. Il est évident, que si vous représentez des donateurs
modernes en empereurs romains ou en personnages du
moyen âge, il y a encore lésion de la vérité historique.
Il est donc intéressant d'examiner cette question et de la
décider.
J'appelle toute l'attention de la Commission, non-seule-
ment sur les observations qui viennent d'être faites, mais
aussi sur celles (pii ont été présentées il y a deux ans, lors-
que la même question a été soulevée.
M. Béthune. Je ne veux ))as revenir sur la décision qui
a été prise dans notre dernière réunion. Mais je regrette
que M. Schuermans m'ait pris encoi'c ])ersonncllement à
partie. Je lui ferai une siiiq)l(.' observation : c'est que, il y a
quelques années, en visitant l'exposition de Paris, j'ai vu le
portrait de Monseigneur Sibour, représenté en chasuble
du xiii'" siècle, et j'ajoute que c'était la chasuble qu'il por-
— 425 —
tait. Si on doit représenter Monseigneur Sibour dans une
verrière du xix" siècle, quel costume pourra-t-on lui donner?
Je prierai M. Schuermans de résoudre la question.
M. Schuermans. On devra lui donner la chasuble ({u'il
portait, c'est tout simple.
M. Béthune. Il en a porté |)lusieurs.
M. Schuermans. Il ne les portait pas toutes à la fois.
M. Béthune. Saint Alphonse de Liguori en a aussi porté
plusieurs.
M. Schuermans. M. Béthune ne fait que plaider les cir-
constances atténuantes; car je pourrais invoquer d'autres
exemples; nous pourrions vous citer Naj^oléon, Louis XIV
et autres portant des costumes qui n'étaient nullement ceux
de leur époque. L'authenticité d'un costume ne sauve pas
d'un anachronisme. Faut-il quelquefois commettre un ana-
chronisme? Voilà la question.
— Personne ne demandant plus la parole, l'assemblée
passe à l'examen de la troisième question ainsi conçue :
« Quelles sont les causes de l'infériorité qu'on reproche à
la plupart des imitations contemporaines de l'architecture
du moyen âge, et en particulier de l'architecture religieuse,
soit romane soit ogivale? »
M. Jaminé. Messieurs, les discussions qui vont s'enga-
ger sur la troisième question rendront à l'art architectui-al
religieux des services signalés et dégageront peut-être la
responsabilité de ceux qui se sont livrés à l'étude et à la mise
en praticpie de cet art.
Ces motifs m'engagent à recherclier les causes de l'inlV-rio-
rité que l'on reproche à la plupart des imitations contempo-
raines de l'architecture du moyen âge.
— 426 —
A mon avis, Messieurs, on pourra déterminer les causes en
examinant ce que c'était que l'art au moyen âge ; par qui l'art
était pratiqué; les moyens d'exécution dont disposaient nos
ancêtres, et en rattachant successivement à ces faits des situa-
tions d'un ordre secondaire, mais qui ont eu une inlluenee
plus grande qu'on ne pourrait le supposer.
Permettez-moi de me livrer à quelques-unes de ces recher-
ches, et que d'autres, plus érudits que moi et plus au cou-
rant des mœurs et des habitudes des siècles passés, veuillent
bien compléter cet aperçu ou comliattrc mes erreurs.
Avant d'examiner ce que c'étaient que les maîtres de
l'œuvre ou les architectes des monuments qui font la gloire
de nos cités et que, malheureusement, nous ne sommes pas
encore parvenus à imiter, j'aurais voulu jeter un regard sur
l'origine des architectures romane et ogivale; mais le temps
me manque.
D'après l'opinion la plus autorisée, l'art et les sciences s'é-
taient réfugiés dans les cloîtres. Les constructeurs étaient
donc inspirés de ce sentiment religieux qui éleva l'âme de
ceux qui édifièrent, à la gloire du christianisme, de véri-
tables hymnes, sous les formes architecturales les plus
poétiques.
Si l'art architectural a été, pendant plusieurs siècles, le
domaine privilégié des corporations religieuses, il est arrivé
un temps où ce domaine est devenu le bien des corpora-
tions laïques et même une propriété individuelle.
En effet. Messieurs, plusieurs noms des constructeurs des
noml)reux édifices du moycMi âge ([ui font l'admiration de la
génération présente ne nous sont point incomius, et, que je
sache, les Gherys, les Apjx'lmans, les de T^eyeiis, les Van
— /1.27 —
Vorst, les Keldermans, les Van Pedeno n'ont jamais porté
la bure.
Il importe de rechercher quelle était l'éducation artistique
que ces hommes laïques avaient reçue, quels étaient les pro-
cédés qu'ils employaient.
L'hisloire ne nous dit pas comment ces hommes ont acquis
les notions de l'art; qui les a initiés à cette perfection de ces
mille détails que l'on constate dans leurs œuvres. Mais l'in-
struction, peu répandue à cette époque, étant concentrée
dans les mains des religieux, il est évident que renseigne-
ment des mystères de la religion devait former la base de
l'éducation do ceux qui fréquentaient ces écoles. Celui donc
qui était un jour appelé à contribuer à l'édiOcation de ces
magistrales constructions n'ignorait pas ce qui aujourd'hui
est peu ou point connu et observé.
Ce n'était pas là le seul élément qui contribuât au talent
réel de ces artistes.
Ordinairement chefs d'une corporation ou simples mem-
bres, ils avaient ii leur disposition les lumières de leurs con-
frères, et si une question importante embarrassait le maître,
toute la corporation recherchait les moyens pour vaincre la
difficulté.
Le maitrc de l'œuvre était praticien; il avait été simple
ouvrier, manœuvre peut-être; il travaillait encore le bois ou
la pierre; il était toujours sur les travaux et pouvait donc se
rendre compte, à chaque instant du jour, de la situation de
la construction et porter remède aux inconvénients que par-
fois des dispositions faisaient naitre.
Les ouvriers engagés à l'exécution d'un travail assumaient
une part dans la responsabilité du maîti-e, comme ils rev(Mi-
— 428 —
diquaient iiiie part dans la gloire qui devait rejaillir sur eux
par l'accomplissement de l'œuvre.
Les plus capables mettaient à contribution leur habileté
manuelle et leur imagination, et c'est à ce fait qu'il faut attri-
buer cette grande variété dans l'unité que de nos jours l'on
s'évertue en vain à reproduire.
Alors, les arts et les métiers étaient héréditaires dans
les familles : le fils aîné travaillait et apprenait depuis
sa tendre jeunesse sous les yeux du père. Le père avait le
plus grand intérêt à communiquer à son lils les secrets de
son art ou de son métier, et à la mort du chef de famille le fils
lui succédait. C'était le privilège attaché au droit d'ainesse
de la classe bourgeoise.
Le lils était initié à l'inspiration qui avait présidé à la con-
ception de l'œuvre du père. Cette conception ne descendait
donc pas dans la tombe avec celui (jui, peut-être pendant un
quart de siècle, avait pensé et médité : au contraire, cette
conception était lîdèlement et consciencieusement rendue,
car le lils aurait considéré comme un sacrilège la non-exé-
cution des vœux de l'auteur de ses jours.
Ainsi donc, la pensée génératrice se perpétuait par la con-
tinuation ou j)ar l'achèvement de l'œuvre, soit par le lils, soit
par la corporation dont le maitre était un des alïiliés.
Les moyens d'exécution étaient tous dilTérenls de ceux
dont on dispose de nos jours.
« A cette époque, » dit un auteur très-estimé dont le nom
m'échap|)e, « les nobles et les prolétaires s'attelaient au même
» chai- [)0ui- traîner les matèj'iaux (jui devaient servir à l'édi-
» licalion du monument. »
Qu(; c(!tle vej'sion soit la rénlilé, ou (jue ce soit une simple
— /p29 —
figure de rhétorique, toujours est-il qu'il existait un élan qu'en
vain l'on chercherait aujourd'hui.
La nohlesse de ce temps était puissante ; elle contri-
buait largement, par ses richesses et par l'exemple qu'elle
donnait, à la réalisation du but; et quoique le monument fût
tracé d'après un plan général, l'exécution en incoml^ait à des
pouvoirs indépendants, à des forces diverses.
Le seigneur ou la corporation religieuse qui percevait la
dime devait, en maints endroits, construire et entretenir le
vaisseau principal de l'église; tandis que, parfois, le desser-
vant avait pour charge l'étlilication et l'entretien du chœur,
de la sacristie, de la chapelle des fonts, etc., etc.
Les bas-côtés et la tour étaient élevés par la bourgeoisie et
la commune, et très-souvent les chapelles étaient la propriété
des corporations laïques des arts et métiers qui soignaient,
pour leur entretien , leur oi'ncmentation, leur décoration et
leur reconstruction.
L'arcliitecte ou le maître de l'œuvre n'était pas contraint
de remettre à jour fixe le fruit de son travail; on lui laissait
toute latitude pour mûrir sa pensée et élaborer ses projets.
Le terme d'aclièvement des travaux n'était pas limité; il
était en rapport direct avec les moyens et les ressources dont
on disposait ou de la période jugée nécessaire pour l'opéra-
tion des tassements, etc., etc.
Les corporations religieuses surtout se perpétuant et dis-
posant de richesses considérables, commençaient ces con-
structions gigantesques, en abandonnant souvent à leurs
successeurs le soin de les achever.
Au moyen âge, il y avait des spécialités clans l'art religieux
comme il y a de nos jours des hommes s|)éciaii\ dans les
29
— 47)0 —
sciencps, cp qui devait évidommenl contribuer au développe-
nienf, des connaissances techniques, symboliques el mystiques,
Entin, à celle épor(ue, trônait le beau idéal, résultai de la
contemplation et de la béatitude que l'on remarque dans la
moindre composition ou conception.
C'est dans ces conditions que l'art progressait; que dans
les plus modestes villages, l'on vit des églises s'élever, s'or-
ner, se décorer avec un goût vraiment enviable, et que les
grandes cités édifièrent de vastes cathédrales, lorsque sou-
dain un changement s'opéra dans les croyances religieuses
qui avaientenfantéces merveilleuses productions. La reforme
éclate : Luther et ses disciples, en niant les dogmes de la
religion, détruisent le .syml)olisme de l'art architectural,
(le même que l'iconographie dans la statuaire et la peinture.
Philippe II était impuissant pour arrêter ce mouvement ;
les iconoclastes firent disparaître en peu de temps le fruit de
quatre siècles de travail et d'études, et, malheureusement, ce
que la main de ces vandales modernes avait épargné fut en
grande partie dévasté et détruit par les armées envoyées
sur notre sol pour combattre et exterminer l'hérésie.
Les guerres de religion, l'oppression des peuples par la
domination étrangère et les conséquences qui en résultent,
ne sont certes pas de nature à i-animer la confiance publique,
à encourager et à développer les arts. Aussi l'art architectu-
ral, si llorissant depuis le XIII' siècle, subit une transformation
telle qu'il serait impossible d'y croire, si nous n'avions des
considérations pour les exi)li([uer.
l*eu après la bataille de Pavie, le style ogival fut remplacé
parle style (h; la renaissance ou le néo-])aïen. Celle transi-
tion, si subite (piaiil à la forme cl ;i rornemenlalion, pour-
— 451 —
rnil fiiiro supposer que co slyle devnil Irouvoi' pou ou point
crimilaleurs, ou que l'on devait rencontrer une grande im-
perfection dans l'exécution et dans les combinaisons.
Que l'on se détrompe : l'architecture nouvelle fut abordée
en Belgique avec im succès vraiment remarquable et je dirai
sans égal.
Le style de la renaissance flamande n'oblienl-il pas encore
de nos jours la préférence?
Combien de monuments n'admirons-nous pas? Et ces meu-
bles, ces bahuts, que parfois l'on rencontre dans la modeste
demeure de nos campagnards, ne sont pas les moindres orne-
ments des musées et des demeures de ceux qui sont favorisés
des dons de la fortune.
Cette grande perfection dans un style nouveau doit encore
être attribuée à l'habileté des maîtres et des ouvriers; enfin,
au génie créateur et imitateur qui présidait dans les corpo-
rations.
Mais, peu à peu, la perfection de l'art, le travail intellec-
tuel et le travail manuel diminuent; les styles surgissent
avec les hommes. Cha(|ue règne offre un style nouveau,
jusqu'au jour où la révolution de 1789 proclama, entre
autres, l'abolition des corps et métiers, principaux gardiens
de l'art.
Depuis lors jusqu'aux événements de 1850, les produc-
tions artistiques ne sont pas nombreuses; l'industrie seule
recevait les encouragements de l'État, et les rares talents
artistiques et individuels nés dans l'entretemps, étaient appe-
lés à grossir le nombre des combattants, soit pour défendre
le sol natal contre les invasions de l'étranger, soit pour aller
porter la guerre sur des rives lointaines.
— 452 —
Afin d'abréger, j'arrêterai ici mes considérations sur le
passé.
Quant au présent, je ne parlerai pas des moyens mis à la
disposition des artistes et du mode imposé pour l'exécution
des travaux.
Je ne parlerai pas non plus de l'instruction et de l'éduca-
tion artistiques de nos jours. Personne n'ignore que cette édu-
cation et cette instruction ont été incomplètes pendant une
longue période d'années.
Cependant, nous avons une dette à acquitter envers nos
devanciers, nos anciens maîtres. Eux aussi ont eu à souffrir
de l'état de choses que je signale.
Ils ont dû se livrer sans guide à l'élude d'un art abandonné,
méconnu, je dirai même méprisé pendant trois siècles, et
aujourd'hui réhabilité.
Respectons donc leur mémoire et payons-leur le (ribul de
reconnaissance auquel ils ont droit.
Imitons leur exemple; continuons nos éludes; léguons-en
le fruit à nos successeurs et la postérité nous tiendra compte
de nos efforts et nous pardonnera les fautes que l'on nous
reproche . (Applaudissetnen ts . )
M. Weale. Je félicite les membres du bureau de ia Com-
mission d'avoir mis ce sujet à l'ordn» du jour; car vraiment
quand je me ra])pelle les dénégations qui m'ont été prodi-
guées lorsque j'ai, à notre première réunion gc'iiérale, aflii-mé
l'infériorité de nos constructions modernes à cell(!S du moyen
àG;e, je dois avouer que c'est un Irès-graud ))rogrès d'ad-
mettre publiquement cette inférioi-itê et de demander (pielles
en sont les causes.
Selon moi, elles sont assez nombreuses; je vais en indiquer
— ASS —
les principales : il y a d'abord le manque d'unité. Dans le passé,
chaque siècle, chaque génération a eu son style. Alors l'art
était complet; un seul sentiment inspirait toutes ses branches
diverses. L'architecture, la sculpture, la peinture murale, la
peinture sur verre, l'oiiévrerie et les arts subsidiaires se déve-
loppèrent ensemble. La succession des styles était un dévelop-
pement graduel fait par les artistes à leur insu même, et c'est
précisément dans l'unité du sentiment qui les guidait que
réside le secret de la beauté des œuvres des artistes du moyen
âge. L'absence de cette unité est une des causes que
nos constructions modernes sont si peu satisfaisantes. Nos
artistes, et surtout nos sculpteurs et nos peintres, se j)as-
sionneut pour l'individualité, pour la liberté, et ceux qui
devraient en queUpie sorte diriger leurs travaux, au lieu de
suivre des principes, ne consultent que leur fantaisie.
Sous un rapport, notre siècle diffère avec tous ceux qui
l'ont précédé. Nous avons accumulé des mines immenses de
renseignements artistiques. Cette accumulation, qui s'agran-
dit toujours, a créé une certaine confusion. Nos architectes
étudient plus d'un style; ils cherchent à pouvoir tout faire.
Aujourd'hui c'est un édifice en style grec, den)ain ce sera
une construction en style du xiiT siècle, le jour suivant, du
moresque ou du suisse. Il n'est pas rare qu'un architecte
dirige à la fois des constructions en sept ou huit différents
styles. Il n'y a pas un de ceux-là dans toute une génération
qui saura produire un monument satisfaisant. Pour réussir
il faut abandonner la i)rétention de savoir construire en tous
les styles.
Une troisième cause de l'infériorité de nos monuments,
c'est le préjugé si général contre rado[)tion du style d'un
— 434 —
siècle passé qu'on considère comme un niouvenient rélro-
gratle, comme une insulte au xix' siècle. Dans ce préjugé il
n'y a, Messieurs, ([u'un très-grand malentendu. Le senti-
ment, le génie de chaque style lui appartient entièrement et
exclusivement. Une l'ois que l'artiste a réussi à comprendre
parfaitement le sentiment, à saisir le génie d'un style, il lui
est possible de constrnij'c un édilice complet et satisfaisant.
S'il ne possède pas ce sentiment, son œuvre ne sera jamais
satisfaisante, malgré l'exactitude des détails. Il y a fort peu
d'artistes qui ont saisi le génie des styles qui ont régné au
moyen âge, et pour cela nos constructions modernes sont
inférieures aux anciennes. Les meilleurs architectes de nos
jours ont suivi les princi])es de l'art du moyen âge, les meil-
leurs sculpteurs aussi ; ils sont, je le sais, très-rares; mais ce
qui est encore plus rare, ce sont les i)cintres qui veulent s'y
conformer. Ce sont ceux qui pratiquent cette branche de l'art
qui paraissent être les plus aveuglés par les idées modernes,
qui tiennent à l'opinion que tout retour aux idées anciennes
est un mouvement rétrograde. La vérité c'est qu'une vraie
peinture murale est la chose la plus diflicile à faire pour un
p(;intre. Des fautes de dessin dans la forme sautent heaucouj)
plus à l'œil, (juaiid il n'y a pas d'accessoires ])our détourner
les regards. Une vraie peinlur(> murale ne doit pas élre un
tableau. Dans un tableau l'artisle doit faire disparaître la sur-
face; il doit la convertir en espace. Dans une peinture murale
la surface ne doit jamais être oubliée. Le peintre doit s'arran-
ger d(! sorle à ne pas j)riveile nnir de sa solidité, l'architec-
ture de son équilibre. Un(> piMUlure murale fa i le en dépit de
ce principe ne sei-a jamais satisfaisante. La même règle s'ap-
plique à la peinture décorative. C'est l'oubli de celle règle
— Aôo —
qui est une des causes de l'infériorilé des églises modernes
aux anciennes. Je pourrais citer des exemples en Belgique,
mais, comme depuis 1862 j'ai l'ait la connaissance des auteurs
de la plupart dtis peintures murales exécutées dans Jios églises,
je i)réfère citer une église à rétranger qui doit être connue
à la plupart de vous, Sainl-Gei-niain-des-Prés, à Paris, J(^
rends lionnnage au grand talent de M. Flandrin qui a dirigé
la décoration de celte église ; mais je dois dire que les |)iliers
qui soutiennent tout le poids de la nef et de la toiture ont été
peints de sorte à détruire l'idée de leur force.
La manie qui règne, surtout en Bavière et en Belgique, de
transformer des verrières en tableaux, est ti'ès-regrettable, et
aussi longtemps qu'on ne l'cviendra pas de cette erreur,
nos églises modernes ne seront jamais satisfaisantes. La
vitrerie, qui doit jouer un grand rôle dans toute église
en style du moyen âge, est un art indépendant. Si vous
la réduisez aux conditions d'un tabhîau, vous détruisez
son individualité ; elle devient un esclave et perd toute sa
propre noblesse en cherchant à s'approprier les qualités d'im
autre art.
J'ai déjà, lors de notre première réunion, indiqué quelques
autres causes de l'infériorité de nos constructions modernes
sur lesquelles je ne reviendrai pas si ce n'est pour dire cpie
six années d'expérience n'ont fait que confirmer mes idées
quant à la valeur du système d'enseignement qui règne dans
nos académies et nos écoles industrielles. Depuis ce tem))S
on a créé à Gand une école dont les élèves, je vous le prédis,
seront les artistes du futur en Flandre, à moins qu'on change
radicalement l'enseignement académique. Ces six années ont
également confirmé ma conviction (pi'une autre raison pour
— 456 —
laiiuelle les constructions en style du moyen âge en Belgique
sont inférieures à celles de tous les autres pays que j'ai visités :
la Hollande, la France et surtout l'Allemagne et l'Angleterre,
c'est la bureaucratie, le système d'architectes comnmnaux,
d'architectes provinciaux et de commissions gouvernemen-
tales qui tendent de plus en plus à s'imposer. Les construc-
tions modernes les plus satisfaisantes sont précisément celles
qui ont été faites par des architectes privés à qui leurs com-
mettants ont laissé pleine liberté. Je ne veux pas dire que les
commissions sont mauvaises en elles-mêmes, elles peuvent
faire beaucoup de bien, mais elles sont certainement mau-
vaises quand, au lieu de suivre des principes, elles ne con-
sultent que la fantaisie du moment. Alors elles embarrassent
les artistes qu'elles devraient diriger. Les artistes ne doivent
pas être exposés à voir rejeter leurs plans aujourd'hui pour
avoir suivi les conseils donnés hier. Il me semble qu'il y a un
manque de principe dans ce que nous faisons, un manque
d'unité, un manque d'accord, et c'est pour cela que j'ai
insisté à notre dernière réunion, ainsi qu'hier à la séance
préparatoire, sur l'importance qu'il y a que la Commission
fasse connaître ses principes et les règles qu'elle désire voir
suivre par les auteurs et les décorateurs de nos constructions
nouvelles, ainsi que par les restaurateurs de nos monuments
anciens. Je constate et je regrette le mamjue de pi'inci|K's,
et j'insiste de nouveau sur la nécessité d'avoir une instruction
générale à laquelle nous pourrions tous nous rallier. Au-
jourd'hui la position de l'artiste est très-difficile; tan lût on lui
dit : il faut faire une chose, tantôt on lui dit : il faut en faire
une autre, et il ne sait à quoi s'en tenir. Je ne veux |)as citer
d'exemples, mais je connais des cas où l'artiste employé à
— 457 —
décorer une église a reçu un avis tout dilîérenl de celui qui
lui avait été donné d'abord. Or, je ne comprends pas qu'on
approuve dans le Limbourg ce qu'on condamne dans le Hai-
naut et vice-versa. Je crains même que les membres de la
Commission ne soient pas d'accord sur ce que c'est qu'un
monument; car, tandis qu'on décide, d'accord avec les mem-
bres correspondants du Ilainaut, ainsi que je l'ai lu avec
beaucoup d'étonnement dans le dernier Bulletin, que l'église
d'Antoing n'est pas un monument et que la tour « est la seule
partie qu'il importe de conserver » dans une autre province,
on est d'avis qu'une autre église beaucouj) plus simple,
beaucoup moins importante, est un monument et qu'on ne
peut la détruire.
J'admets que l'on peut conserver l'église de Snelleghem;
mais je suis étonné qu'ayant décidé que cette église était un
monument qu'il fallait conserver, on permet de détruire
un monument beaucoup plus important. Je saisis cette occa-
sion pour demander des explications ; je demande à mes col-
lègues du Hainaut comment ils ont pu se prononcer pour la
destruction d'un monument que les artistes étrangers venaient
dessiner, et je réitère ma demande que la Commission fasse
connaître les principes qui la guident et qu'elle désire voir
adopter.
M. le chanoine Voisin. Je regrette que, dans le Bulletin de
la Commission des monuments, il ait été dit que les corres-
pondants du Hainaut avaient voté la démolition de l'église
d'Antoing. Nous avons été quatre contre (juatre, et il me
semble qu'il aurait été désirable de faire connaître cette di-
vergence d'opinions qui s'est manifestée dans la réunion
qui a eu lieu à Antoing en avril dernier.
— 4o8 —
Mon observation n'a pas d'autre but (jue de demander que
le silence qui a été gardé à cet égard soit réparé.
M. Se huer m ans. Nous nous écartons de l'ordre du jour.
M. le Président. C'est ce que je voulais faij'e obsei'ver.
M. Weale veut donner aux débats une direction que je ne
puis admettre. Je désire qu'il ne mette ici en cause ({ui (pie
ce soit. Il est arrivé souvent à l'Iionorable membre de glis-
ser dans des personnalités. Je désire qu'il s'en abstienne à
l'avenir. Il y va de la dignité de nos débats.
C'est la seule réponse que je croie devoir faire à ce qu'il vient
de dire et à la demande d'explication qu'il nous a adressée.
M. Dwiiortier. Je dois cependant dire un mot sur ce fait
excessivement grave. Je demande s'il est dit dans le rapport
de la Commission que, dans le cotnilé du Hainaut, la démo-
lition de l'église d'Antoing a été admise à l'unanimité, ou s'il
est dit qu'elle a été admise à la majorité d'une seule voix.
M. le Président. M. Dumortier, nous n'avons pas à nous
occuper ici de cette question .
M. Dumortier. M. le président, c'est une question qui
doit être trancliée. Si l'on a dit que nous avons voté la dé-
molition d'un pareil monument, nous avons le droit de pro-
tester.
M. le Président. Ce n'est jias la question à l'ordre du jour.
M. Dumortier. Elle est à l'ordre (\\\ joui-, |)uis(ju'il devait
en être question dans un des rapports des provinces, et
comme la lecture de ces rapports n'a pas été faite, nous
avons le droit de saisir le moment présent pour émettre
noli-e opinion. Quant à moi, j'ai voté contre la démolition
de l'église d'Antoing, et je suis lieureux cpi'il y ait ici des
sténograplies ])our l'actcr.
— 451) —
M. Vincent. On i)Oui'rail. deinaïKlcr lu coiiiinunicalion du
rapport relatif à cette affaire.
M. le Président. Non, j'aurais également des explications
à donner ; mais je désire n'être pas forcé d'y entrer, et je
demande à l'assemblée de rester dans son ordre du jour.
Quelqu'un désire-t-il encore prendre la parole sur la troi-
sième question?
M. Cluysenaar. Beaucoup d'écrivains qui s'occupent d'ar-
chéologie et d'architecture sont d'accord pour prétendre
que l'on ne sait plus faire d'architecture religieuse, soit
romane soit ogivale. Ce])endant on exécute en ce moment
bien des travaux qui attirent l'attention. Je citerai notam-
ment la cathédrale de Cologne que l'on achève et qui est
bien le monument le plus colossal que les gothiques aient
jamais produit. Vous avez encore tous les jn-ojets qui ont été
faits pour la construction de la cathédrale de Hambourg;
vous avez la jolie église de Wiesbadcn, aux bords du Rhin ;
vous avez la magnifique église élevée à Vienne à la suite de
la tentative d'assassi]Kit commise sur l'empereur. Nous avons
enlin les travaux des Lassus et des Viollet-Leduc en France,
Tous ces travaux prouvent bien que l'on sait faire du
gothique et du gothique très-i-emarquable, {tuisqu'on con-
vient (pie plusieurs de ces consîructions sont supérieures à
celles (pic nous ont laissés les gothiques dans le même
genre.
Nous avons aussi beaucoup de constructions modernes en
style roman. Je ne les énumérerai pas, ce serait trop lonu-.
Je reviens aux causes de l'infériorité qu'on re])roche à la
plupai't des imitations contemporaines de l'architecture du
moyen âge.
— 4-40 —
Selon moi, ces causes sont très-simples; il ne faut pas
alloi' les chercher bien loin. Gela tient tout bonnement au
défaut d'éducation archileclurale. Dans nos acadénn'es on
n'enseigne pas le roman, on n'enseigne pas le gothi(jue : je
vous ai démontré, il y a deux ans, ce que ces académies
étaient et ce que valait leur enseignement.
Quand je parle des académies, il est bien entendu qu'il
s'agit des établissements communaux où l'on enseigne l'ar-
chitecture et le dessin, — je ne parle pas des académies des
beaux-arts et des académies supérieures. — Eh bien, je le
répète, l'unique cause du ])eu de développement de l'archi-
tecture religieuse est due à l'absence d'instruction. Je crois
qu'il serait fort utile, à cette occasion, de revenir sur une
proposition que nous a faite M. Chauvin et d'exprimer le
vœu qu'on érige un institut supérieur où l'on enseignerait
les divers styles d'architecture.
Quant à la bureaucratie dont a parlé M. Weale , je ne
sais s'il a voulu désigner la Commission ; il aurait bien fait
de le dire. Quoi qu'il en soit, je n'admets pas cette cause
d'infériorité; il n'y en a qu'une, une seule, l'imperfection
d'instruction primaire et l'absence d'une institution supé-
rieure.
M. le Président. L'assemblée ne croit-elle pas que nous
avons donné un temps suffisant à cette question?
M. Bethune. M. le président, il est vrai qu'on s'en est déjà
longuement occupé; mais c'est une question vitale, une
(piestion essentielle.
On constate ici un état d'infériorité ipii, pour être réel,
n'en est pas moins ])énible au point (l<> vue du sentiment
national, .le crois qu'il est dans le désir de tout le monde de
— u\ —
tâcher de sortir de cette situation et de nous en relever
autant que possible.
Je suis d'avis que, pour y arriver, nous devons faire ce
que vient de dire M. Ciuysenaar : compléter l'enseignement.
L'enseignement, tel qu'il se donne aujourd'hui dans nos
académies, est très-bon à certains égards. Si nous avions à
construire des temples grecs ou romains, je suis persuadé
que nous trouverions dans nos académies de dessin des
liommes très-compétents. Malheureusement il y a un abîme
entre l'enseignement qui s'y donne et la pratique à laquelle
doivent se livrer les élèves qui ont terminé leurs classes.
Pourquoi donc ne pas compléter utilement les cours d'en-
seignement académique du dessin? Au lieu de demander à
nos élèves des temples grecs et romains, qui ne sont adaptés
ni à nos usages, ni à notre climat, ni à notre sol, ni aux ma-
tériaux dont nous disposons, si on leurapprenait la technique
des architectures plus modernes , des constructions natio-
nales , on pourrait es]iérer des résultats autres que ceux que
nous obtenons aujourd'hui. En sortant des académies de
dessin, les jeunes gens doivent chercher le couronnement
de l'édifice de leur éducation. Mais comment voulez-vous
que cet édilice tienne, s'il n'a pas de base, ou s'il a une base
qui ne peut le supporter? Pourquoi ne pas les ap])liquer à
l'étude du style architectural dont ils auront principalement
à faire usage? C'est comme si vous appreniez l'anglais à
un élève pour qu'il vous parle bien le latin ou l'allemand.
Il y a là ime lacune, et je ne crois pas qu'il soit impossi-
ble de la combler. Nous en avons causé dernièrement dans
une de nos réunions du comité provincial. Je crois être
ici l'organe de ce comité en ex])rimant le vœu que le gou-
— 442 —
veriiemeiU veuille I)ion, pnr Ions le.^ moyens qui sonl en son
pouvoir, encourager la diffusion de l'enseignement, des arts
du moyen âge comme complément de renseignement donné
dans nos académies.
Vous me direz peut-être que, pour en arriver là, il y a une
chose essentielle qui nous manque, les modèles. Sans doute,
sous ce rapport il y a beaucoup, il y a presque tout à faire.
Mais un moyen kxcÀle d'arriver au but, c'est que tout le
monde fasse quelque chose. A ce propos, je vous citerai
l'initiative prise par le conseil provincial de la Flandre orien-
tale. Un membre de cette assendjlêe a demandé, l'année
dernière, qu'on voulût bien appliquer une partie du budget
des beaux-arts, à la reproduction par le moulage, par la
photographie, par tous les moyens possibles, des chefs-
d'œuvre de l'art national au moyen âge. La question n'a
pas reçu de solution, parce qu'elle n'est pas encore com-
plètement instruite. Notre comité a examiné la question
qui lui avait été renvoyée; un rapport a été fait. Ce ra])iiort
constate qu'au moyen d'un subside minime, de quelques cen-
taines de francs par an, on jionrrait distribuer aux cpiatorze
écoles de dessin que nous avons dans la province les mo-
dèles des divers détails de l'architecture nationale et encou- '
rager la publication de monographies qui montreraient par
la gravure et la photographie l'ensemble des monuments dont
on aurait déjà étudié les détails au moyen des moulages.
Si, comme j'ai lieu de le croire, le conseil provincial
ratilie notre opinion, un subside sera voté celte année.
Si les autres provinc(îs voulaient aussi entrer dans cette
voie, il s'établirait des échanges, et nos académies de dessin
verraient se combler rapidement la lacniic regrellable dont
— 4iô —
je vouspnrlais lantùt. On pourrait, alors Ibndor un enseigne-
ment (le notre art national, et nous pourrions espérer de
voir nos jeunes ai-chitectes produire des chefs-d'œuvre.
M. le Président. M. Bethune émet un vœu auquel l'assem-
blée tout entière se ralliera, j'en suis sûr.
— Ce vœu est adopté.
— Personne ne demandant plus la parole, l'assemblée
passe au n" IV ainsi conçu :
« IV. Les règles, formulées d'abord par M. de Caumont
et généralement admises aujourd'hui pour déterminer l'âge
ou la chronologie des monuments chrétiens, tant de style
roman que de style ogival, ne donnent-elles pas lieu à de
sérieuses objections, surtout en ce (]ui concerne la transition
entre ces deux styles? »
M. Dumortier. Mon savant confrère et ami M. Chalon
m'avait demandé de formuler une question qui pût inté-
resser la science archéologique; j'en avais posé une du genre
de celle qui vient d'être mise en discussion : c'était une
question générale sur la classification des styles et elle aurait
comporté de longs développements, mais la Commission des
monuments a cru devoir modifier le thème que j'avais proposé.
Dans la question qui nous occupe, il s'agit des règles
données par M. de Caumont et non du système créé par lui.
Ce n'est donc plus une question systématique, mais une ques-
tion technique; dès lors je n'ai rien à dire sur la question.
Vous savez, Messieurs, que depuis quelques années en
France, les esj)rits les plus éclairés dans l'étude de l'art
mettent en doute la valeur du système de M. de Caumont.
Pour moi, ajirès d(^s éludes archéologiques de près de qua-
rante ans, je suis nri'ivé à cetle conviction (jue ce svstème
— 4-44 —
est le plus brillant mensonge qui ait jamais été imaginé
(interruption). Je conçois vos rires; mais si vous aviez
étudié ce système comme je l'ai fait, vous partageriez mon
avis. Au reste, cet avis est déjà partagé aujourd'hui, en
France, par des savants de premier ordre qui ont démontré
l'inexactitude du système de M. de Caumont, emprunté à
Séroux d'Agincourt, qui lui-même l'avait emprunté à Vasari.
Pour développer mes idées à cet égard il me faudrait
beaucoup de temps, mais ce n'est pas le moment de le faire.
Je dirai seulement que le système de M. de Caumont ne
repose sur rien, qu'il est faux de soutenir que dans l'Eu-
rope, au delà des Alpes, on ait continué à construire en
style romain jusqu'à l'an mil, qu'en l'an mil a commencé le
style roman et ainsi du reste. Tout cela est dépourvu de
fondement; tous les textes historiques protestent contre une
pareille assertion. Mais pour le démontrer il me faudrait, je
le répète, beaucoup de temps, et la question n'est pas en
discussion.
M. Schucrmans. Donnez-nous au moins quelques indica-
tions générales.
M. Dumortier. Je le ferai volontiers, si l'assemblée y con-
sent. Nul plus que moi. Messieurs, ne rend hommage à
M. de Caumont, à son rare mérite, à sa S(n'ence, à son in-
comparable activité. Personne n'a fait plus que lui pour la
vulgarisation des études archéologiques, et on lui doit le
réveil (|ui s'(;st opéré et les merveilles qu'il a luoduiles. Mais
(pielle que soit ma reconnaissance, mon admiration pour
ces services, il m'est inq)ossible d'adopter le système (pi'il
a créé pour riiisloii-e dtî l'art, système que je trouve diamé-
tralement opposé à la v('rilé historique. Pris ici ;iu déj)0iii'vu,
— 443 —
je ne puis que vous donner quelques indications sommaires,
très-sommaires, et je dois réclamer toute votre indulgence.
M. de Caumont soutient qu'on a construit en style romain
jusqu'à l'an mil. C'est la base fondamentale de son système.
Gela est vrai, mais cela n'est vrai que pour l'Italie; tous les
monuments qu'on a découverts en Judée, en Syrie, en Grèce
et tout ce qui existe dans le Nord, au delà des Alpes, posté-
rieur à Gonstantin, le prouve à l'évidence. Aucun de ces
monuments n'est en style romain.
En étudiant les monuments de l'époque païenne, si vous
examiniez les styles grec et romain en Italie, vous seriez
frappés d'une chose, c'est qu'il n'existe pas, comme on l'a
dit, un style grec et un style romain, mais plusieurs styles
grecs et plusieurs styles romains. Ge que nous appelons le
style grec et le style romain , c'est un style religieux uni-
quement appliqué aux temples des dieux de l'Olympe,
comme le style égyptien aux temples des dieux de l'Egypte;
c'était le style des temples, mais jamais les constructions
privées n'étaient de ces styles-là. Parcourez l'Italie, vous ne
verrez jamais ces colonnes monolithes dans les édifices pri-
vés. Il y avait alors deux styles différents, je dirai même
qu'il y en avait trois : il y avait le style des temples des
dieux, construits en marbre, avec des colonnes monolithes,
des chapiteaux soit corinthiens, soit autres, mais à côté des
temples il y avait les monuments construits en gros appareil
et les monuments construits en petit appareil. Les construc-
tions civiles de Rome et de la voie Appienne ne laissent
aucun doute à cet éQ;ard.
Le grand style était exclusivement consacré aux temples
des dieux. Il était religieux et païen. Eh bien, ce style a-t-il
30
— 446 —
continué à exister sous le christianisme? Non, et le motif en
est très-simple. Dans les temples grecs, païens et romains,
il ne fallait de place que pour un petit nombre de personnes,
le sacrifice s'y faisait pour un petit nombre; dans les tem-
ples destinés aa culte chrétien, au contraire, il fallait des
espaces considérables pour recevoir la multitude, parce que
le sacrifice s'y fait pour la multitude. A cette nécessité venait
s'adjoindre un sentiment profond, l'horreur du paganisme,
qui faisait repousser par les chrétiens jusqu'à la forme du
temple païen.
Ainsi dès l'origine du christianisme, le besoin différent
des deux cultes et l'horreur du paganisme se réunissent
pour faire apparaître un style nouveau, un style chrétien
opposé au style païen. Vous trouverez ce style dès l'époque
do Constantin dans le temple de Bethléem, dans la couj)ole
du temjile du Saint-Sépulcre à Jérusalem et dans le dùme
de la présentation aujourd'hui inclus dans la mosquée d'Omar,
qui tous trois existent encore aujourd'hui. Ces monuments,
construits par Constantin et Sainte-Hélène, sont l'antithèse
du style grec des temples païens de Rome.
Dès l'origine du christianisme donc on a abandonné le
style païen, j'en ai dit les motifs ; il y en a d'ailleurs uu autre
au delà des Alpes, c'est (ju'on n'y avait ])as les matériaux
nécessaires pour les construire. On n'avait plus le marbre;
dès lors on ne pouvait faire de ces colonnes monolithes sup-
portant des arcliilraves ou des frises; on n'avait plus, non
plus, les pierres pour ces constructions.
On est entré aloi's dans le style ron)an. Le style ron)an
date, non pas de l'an mil, mais de l'oi-igine i}u chi'istianisme.
En voici la j)i'euve incontestable : ouvj-ez les ietti-es de Cas-
— 447 —
siodore, qui écrivait en l'an 500, c'est-à-dire à l'époque de
Clovis. Dans la lettre que Cassiodore écrit à l'architecte des
palais de Théodoric, il dit en dépeignant une église : « Qui
» pourrait ne pas être frappé de ces piliers enveloppés de
» colonnettes polies comme des joncs et supportant des
» voûtes dont l'ensemble ressemble à un faisceau de lan-
» ces? » Avez-vous, Messieurs, jamais rien vu de semblable
dans le style romain? Cassiodore, en s'exprimant ainsi, en
décrivant ces colonnettes entourant les piliers , décrit le
style roman el non le style romain. Voilà donc la preuve
évidente, manifeste, incontestable, que le style roman date
de l'origine du christianisme. Et la colonne monumentale
d'Ancyre vous montre le chapiteau roman existant déjà sous
Jovien. Du reste, allez à Ravennes, dans les restes du
palais de Théodoric, vous trouverez des chapiteaux ro-
mans entièrement identiques à ceux que vous voyez dans
les monuments religieux romans les plus anciens de nos
contrées.
Il est donc établi et par les écrits de Cassiodore et par la
colonne Joviane d'Ancyre, et par les restes du palais de
Théodoric, que déjà en 500 et auparavant on construisait en
style roman.
Il y a plus, ouvrez tous les évangéliaires antérieurs à
l'an 1000 et depuis l'époque mérovingienne, vous y trou-
verez les canons inscrits dans des portiques. En bien, pas
un seul de ces portiques n'est en style romain ou grec, tous
sans exception sont en style roman. Il en est de même des
autres vues. Voilà la plus éclatante confirmation de la vérité
que j'ai énoncée, et cette conlîrmation est donnée par des
documents de date certaine et ))ar là iri-écusables.
— 4i8 —
Dès lors que devient cette assertion qu'on a construit ei
style romain jusqu'à l'an mil. C'est une erreur et celte erreur
repose sur une fausse interprétation d'un texte de Radulphus
Glaber dont je vais vous parler.
On prétend que la terreur inspirée par l'attente de la fin
du monde que l'on croyait devoir arriver à l'an mil, était
telle qu'on ne construisait plus avant cette époque, mais
(|u'après l'an mil on s'est mis à démolir toutes les églises et
à reconstruire des églises nouvelles. Et c'est de là qu'on fait
apparaître un style nouveau, le style roman.
Eh bien, Messieurs, c'est encore là une erreur colossale
et réellement incroyable. Je pourrais vous citer 15 à 20 ca-
thédrales qui ont été construites quelques années seulement
avant l'an mil : les cathédrales de Liège, d'Orléans, de Péri-
gueux, de Worms, de Mayence entre autres ont été com-
mencées dix ans avant l'an mil. Si donc la terreur de l'an mil
existait dans les monastères, on n'y croyait pas dans les
cathédrales.
D'ailleurs, que dit Radulphus Glaber? Vous dit -il
qu'après l'an mil on a détruit tous les monuments religieux
et reconstruit des églises à nouveau? Mais nullement, et on
a le droit d'être surpris de la manière dont on a interprété
son texte. Que dit-il? Qu'après l'an mil on a décrépi toutes
les églises, qu'on les a récrépies et qu'on les a blanchies.
Il dit cpi'après l'an mil l'on se mit à décrépir et récrépir les
édises comme si le monde lui-même avait changé de peau,
ac si mundus ipse exculiendo seniel, et, au chapitre suivant,
il ajoule qu'on se mit à les blanchir, candidats ecclesiarum
basilicis in universo tmindo. Est-ce là démolir? On a récrépi
et blanchi les églises et de ce récrépissemcnl cl blanchissage
~ U9 —
l'école archéologique l'ait une destruction universelle de
toutes les églises. C'est à ne pas y croire, mais c'est ainsi.
Et voilà la base du système archéologique !
Si j'avais pensé devoir aborder ce sujet, je me serais muni
des textes et de tous les documents nécessaires. Par là j'au-
rais ))u entrer dans des développements qu'il me serait
difficile de donner aujourd'hui ; mais si l'assemblée le désire,
je ferai un jour cette démonstration plus au long et en l'ap-
puyant des preuves que j'ai recueillies.
M. Schuermaiis. Ou pourrait porter cette question à
l'ordre du jour de notre prochaine réunion.
M. Dumortier. Soit; mais je dois prévenir l'assemblée
que cette démonstration prendra du temps.
Je viens de rétablir les faits dans leur réalité. On construi-
sait en style roman avant l'an mil et dès l'origine du chris-
tianisme; on n'a pas détruit les monuments après l'an mil,
comme on le prétend. Mais quand a-l-on commencé à em-
ployer l'ogive? Je laisse de côté les constructions cyclo-
péennes qui presque toutes sont ogivales, mais dont les
ogives sont indéterminées, et je dis que l'ogive a déjà été
employée par les Grecs intérieurement et quelquefois même
extérieurement, qu'elle a été employée à l'époque du chris-
tianisme et qu'elle était très-connue dans la F'rance et dans
notre pays avant l'an mil. Dans l'ouvrage de M. Woods,
intitulé : Un Voyage à Paimyre, qui se trouve à la Biblio-
thèque, vous pourrez voir le grand temple de Paimyre; une
partie de l'architrave de l'angle du temple est tombée et dé-
couvre ce qui est derrière. Eh bien, que voyez-vous? une
magnifique ogive qui supporte l'angle du temple. En Grèce,
en Orient et en Judée on trouve beaucoup de ponts et de con-
_ 4-50 —
slructions souterraines en ogives. Les tombeaux de la Lycie
se terminent presque tous en ogive.
L'ogive a été introduite dans l'art pour supprimer les
poussées; voici sa marche : elle est employée d'abord soit
pour les voûtes de longue portée, soit pour les baies d'angle;
elle reparaît dans les baies d'angle pour éviter les poussées;
elle entre ensuite timidement dans le plein cintre et enfin
elle règne en maîtresse. Mais ce qui caractérise surtout
l'ogive à sa belle époque, c'est qu'elle supprime les murs.
Voyez nos belles cathédrales : il n'y a plus de murs, vous
n'y trouvez que des montants et des fenêtres ; mais pour en
arriver là, il a fallu passer par bien des transitions.
Si maintenant vous examinez tout ce que nous a laissé le
moyen âge, les sceaux, les manuscrits, les meubles, partout
vous voyez l'ogive existant antérieurement à l'an mil. Il existe
au musée de Paris un manuscrit du ix" siècle où les canons
sont écrits dans des portiques avec les ogives les plus par-
faites qu'il soit possible de trouver. L'emploi de l'ogive à
cette époque est donc incontestable.
Examinez la forme des boucliers, elle est ogivale dès avant
les croisades; la forme des sceaux, elle est ogivale dès le
x" siècle. G'esl dans ces objets qu'on peut observer sur des
documents à date certaine l'origine de l'emploi de l'ogive.
La naissance de l'ogive est donc antérieure de plusieurs
siècles à l'époque indiquée par M. de Caumont.
C'est au retour des croisades que l'ogive prend, dans nos
climats, sa dernière transformation. Déjà dans l'Orient, on
consiruisait de splendides monuments en ogive La mosquée
d'Ei)dn-Zouloun , construite en 870, et celle d'El-Azhar,
en 981, sont d'admirables édifices ogivaux, dont la beauté
— iSl —
a dû frapper les constructeurs qui faisaient partie des croi-
sades. Il est établi que nos croisés ont rapporté les données
de l'ogive de l'Orient et les ont appliquées aux éléments de
construction qui existaient dans nos pays, pour créer le
style ogival de nos cathédrales.
Il y aurait sur ce point beaucoup à dire, mais j'ai déjà été
bien long et je m'arrête. Dans une autre circonstance, si
l'assemblée le désire, j'entrerai dans de plus longs dévelop-
pements et je lui donnerai des renseignements qui sont le
fruit de quarante années d'études,
M. le Président. Je demanderai à M. Dumortier qu'il
veuille lui-même formuler le sujet qu'il désire traiter.
M. />î/??ior/i>f. Je le formulerai :Un sujelde l'histoire de l'art.
M. Betimne. M. Dumortier a raison d'affirmer que l'ogive
a été employée dans des monuments fort anciens; on la
retrouve, en effet, dans des constructions civiles des siècles
les plus reculés. Mais il y a loin de l'emploi accidentel qu'on
en faisait alors à celui qu'on en lit ensuite. Aussi, en. consta-
tant que l'architectui-e romane a régné au xi* et au xii'= siècle,
M. de Gaumont ne s'est pas écarté de la vérité autant que
semble le dire M. Dumortier, car c'est à cette époque seu-
lement que les rudiments de l'art roman ont été appliqués
d'une manière générale en occident.
On peut faire application des mêmes principes à l'architec-
ture ogivale.
M. de Gaumont parle de l'efllorescence de ce style, de son
adoption comme système complet, tandis que M. Dumortier
ne parle que de quelques cas d'application dans lesquels
on retrouve ça et là l'arc ogival.
M. Dumortier. Je ne parle pas du tout de quelques cas
— /|.52 —
d'applicalion. Au coiilraire, je conteste qu'à aucune époque
on ait jamais construit dans nos climats des églises en style
romain.
Une voix. Et la Porta-Nigra de Trêves?
M. Dumortier. La Porte-Noire de Trêves a été construite
sous l'empire romain, mais ce n'était pas un édifice religieux;
c'est un édifice civil.
A aucune époque, on n'a construit dans nos climats
d'églises en style i-omain, et la preuve c'est que l'on ne trouve
nulle part de traces de ce style dans les constructions de nos
vieilles cités romaines, ni à Tournay, ni à Trêves. On a
construit en style romain depuis l'époque la plus reculée,
mais, du jour où on a commencé à faire des temples chré-
tiens, on a abandonné le style des faux dieux.
Je veux bien admettre qu'en Italie on ait agi diflcremmenf,
et la chose s'explique; on avait là les matériaux sous la main,
on les utilisait. On détruisait les temples païens, mais on ne
détruisait pas les colonnes et les chapiteaux. Avec ces chapi-
teaux et ces colonnes, on faisait autre chose que du style païen,
on faisait un style chrétien, qui n'est autre chose que le dé-
veloppement du style romain. Mais cela est exclusif à l'Italie.
Il n'existe plus de style romain qu'en Italie. En dehors de
ce pays, au delà des Alpes, soit en Judée, soit en Syrie, soit
en Belgique, soit en Angleterre, on n'a jamais construit
d'église en style romain. A ce propos, je dirai que l'assertion
des écrivains de l'époque, sur laquelle on s'appuie, qu'on
construisait woi'e roinaiio ne signiiie pas (pi'on construisait
en style romain, mais à la manière romaine des matériaux
employés.
Du reste, je le répète, on ne trouve nulle part le plus petit
monument romain au delà des Alpes; il y en a, par excep-
tion , à Nîmes et à Arles , mais vous ne trouverez pas un
caillou, une pierre d'un monument romain appliquée au
culte chrétien. Allez voir à Arles la magnilique église de
Saint-Saturnin; est-ce qu'elle a quelque chose de romain?
Gomme je l'ai déjà dit, le style païen était devenu l'anti-
thèse du style chrétien ; voilà l'exacte vérité. Le catholicisme,
en proscrivant le paganisme, a créé un art nouveau, un art
appro])rié à son culte, et cet art est celui qu'on désigne sous
le nom de style roman, qui est le véritable s(yle chrétien pri-
mitif, ainsi que le montrent les éghses de Jérusalem et de
Bethléem. Toutes les vignettes des manuscrits, depuis les
Mérovingiens, sont en style roman et non en style romain,
tant il est vrai que le style roman régnait alors sans partage!
Quant à l'ogive, M. Bethune généralise d'une manière
fort inexacte. Que vous dit-il? Qu'on faisait emploi de l'ogive
aux époques les plus reculées, mais que l'ogive n'était pas
employée dans les monuments. C'est là résoudre la question
par la question. S'il en était ainsi, comment trouverait-on des
portiques en style ogival dans des manuscrits du dixième
siècle. Quand on trace des portiques en style ogival sur un
manuscrit, c'est que ce stvle devait être en viuucur.
Toutes les histoires de vos églises seraient des jnensonges
en présence du système de M. de Gaumont. On a dû imaginer
que des églises avaient été brûlées parce qu'elles étaient
mêlées d'ogive et de plein-cintre. J'aime mieux voir la
vérité des faits dans les écrivains authentiques qui donnent
l'âge de la construction des églises, alors que ces données
sont en harmonie avec celles que nous possédons.
Et puis, Messieurs, peut-on contester qu'à l'époque qui a
— iU —
suivi Charlemagne on ait Ijeaiicoup construit en ogive; tous
les monuments du Caire sont ogivaux, toutes les mosquées
sont de style ogival.
Vous me répondrez que le Caire est au bout du monde.
Oui, mais on allait, à celte époque, beaucoup plus en Terre-
Sainte qu'aujourd'hui.
Je m'arrête, car les développements me conduiraient trop
loin.
M. Bethiine. Je ferai remarquer que je n'ai pas prétendu
que les styles romain et grec n'aient pas subi de transformation
après la naissance du christianisme. Ce que je soutiens, c'est
que ces transformations n'ont pas été subites; qu'elles ont été
l'œuvre du temps. Chaque siècle y a apporté sa pierre, et peu
à peu, dominés parles changements survenus dans la société,
les styles grec et romain sont devenus le style roman.
M. Weale. Je crois qu'il est bon de remarquer qu'il y a
une grande différence entre la première édition du système
de M. de Caumont et la dernière.
M. de Caumont a commencé par assigner des dates un peu
absolues au commencement et à la fin de chaque style. Mais
il est revenu de son opinion sur ce point, parce qu'il a vu
que, dans l'île de France notamment, il y a eu des transfor-
mations à toutes les époques.
Ces transformations se sont manifestées également dans
notre pays; en Flandre, on ne pourrait pas étabhr la même
date pour l'introduclion du style ogival.
11 y a eu, dans tous les pays, un développement inégal de
l'art , qui ne permet pas d'assigner des dates précises aux
styles. Tout ce qu'on peut dire dans un manuel, c'est à quelle
date le style s'est manifesté véritablement.
— 4-55 —
Dans notre province, nous avons eu l'école laïque et 1 école
cistercienne. Cette dernière a tenu beaucoup plus longtemps
que l'autre au style romain. Dans la province de Liège, les
bénédictins ont tenu plus longtemps au style romain que les
laïques.
En France , la transformation a été plus rapide que chez
nous; c'est pourquoi les règles formulées par M. de Gaumont
ne peuvent s'appliquer à notre pays.
Un mot encore. Une société s'est constituée en Angleterre,
sous le patronage de la reine, pour faire des explorations en
Palestine. Ces explorations ont commencé et on a trouvé
dans ce pays des édifices religieux remontant à une époque
antérieure à la première croisade et qui sont construits dans
le style ogival.
M. Rousseau, secrétaire. Voici la cinquième question :
V. « // serait désirable que les plans d'église ou d'ameuble-
ment destinés à de petites localités se recommandassent non-
seulement par des mérites d'économie, mais par un sérieux
caractère artistique. Quel serait le système d'encouragement
à suivre pour amener les artistes à faire une étude appro-
fondie de cette catégorie de projets, généralement négligés. »
M. le comte de T'Serclaes, gouverneur du Linibourg.
Le n" 5 soulève une question pratique d'une haute impor-
tance. Les constructions sont un moyen d'inculquer le sen-
timent du beau ; il importe donc que les constructions dans
les petites localités soient bien exécutées. Pour arriver à ce
résultat, ne pourrait-on pas établir des concours et créer des
récompenses pour les constructions qui se recommande-
raient par un cachet artistique et par le bon marché?
La Commission des monuments poserait les bases de ces
— 4:)6 —
concours; elle iiidiquei-ail ce que doit, coûter le mètre cube
de briques, le mètre cube de pierres, etc. Le concours de-
vrait comprendre toutes les œuvres produites pendant une
période à déterminer, soit dix, quinze ou vingt ans. Un grand
concours pourrait encore être ouvert entre les architectes
pour un plan d'église sur des données déterminées.
Ce genre de concours pourrait même être étendu à une
ibule de constructions à faire dans les campagnes; j'ai surtout
en vue les bâtiments d'école. On va peut-être se récrier.
Mais il n'est pas impossible de donner à ces constructions
un cachet artistique. On peut avoir des écoles répondant
parfaitement à leur destination, réunissant les conditions
voulues d'hygiène et de distribution et dont la forme soit
empreinte du sentiment du beau.
Je soumets ces idées à la Commission, persuadé que si elle
les croit réalisables, elle y donnera suite.
M. Vrambout , gouverneur de la Flandre occidentale. Je
désire ajouter deux mots pour indiquer le moyen d'arriver
à un résultat pratique immédiat.
On nous demande quel serait le système d'encouragement
à suivre pour amener les artistes à faire une étude appro-
fondie des ])rojets de construction, destinées à de petites
localités, et à leur donner un cachet artistique.
Mon collègue du Limbourg, dans la proposition qu'il vient
de vous faire, a mentionné les églises et les écoles. Eh bien,
Messieurs, les églises et les écoles sont construites au moyen
des subsides de l'État, des provinces et des communes. Les
projets de ces conslrucfrions doivent être soumis à l'ap-
probation de la Commission centrale. Que la Commission
n'accepte pas les plans qui ne ])i'ésentent pas un caractère
— 4o7 —
artistique. On criera clans les commencements, mais qu'im-
porte ?
Notre comité provincial signale tous les jours à la Com-
mission royale des projets qui ne présentent pas un carac-
tère artistique; si la Commission royale les rejetait, on
arriverait immédiatement à un résultat; car les architectes
trouveraient dans la résistance de la Commission des monu-
ments des raisons de bien faire qu'ils n'ont pas toujours
maintenant.
Il ne faut pas perdre de vue que les architectes ne sont
le plus souvent que les exécuteurs des idées conçues par les
fabriques et les communes. Or, quand les fabriques et les
communes sauront que la Commission des monuments n'ac-
ceptera que des plans offrant un caractère artisti(jue, elles
se montreront plus attentives aux observations de l'archi-
tecte et vous verrez surgir des églises et des constructions
empreintes de goût.
M. Weale. Je ne veux blesser personne, mais je dois dire
qu'à mon avis un tort de la Commission royale est de
manquer de principes fixes.
Pour moi, j'en ai un : lorsqu'on soumet a mon examen
un plan d'église, où les voûtes sont en plâtre, où l'on em-
ploie du plâtre pour les chapiteaux, je donne invariablement
un avis défavorable.
Je voudrais voir la Commission royale entrer dans cette
voie, parce qu'aussi longtemps que les architectes provin-
ciaux ou communaux n'auront pas acquis la conviction que
la Commission des monuments rejettera impitoyablement les
projets de constructions où il est fait un emploi illégitime de
ces matériaux, ilscontinueronl à suivre les vieux errements.
— 458 —
M. Cluysenaar. Il ne faut pas se le dissimuler; si les plans
qu'on nous soumet ne réunissent pas toujours les conditions
désirables, c'est que le plus souvent ils sont faits par des
gens qui n'ont aucune notion d'architecture, par des maîtres
maçons, des menuisiers....
M. Weale. Et des architectes provinciaux.
M. Cluysenaar. 11 y a architectes et architectes. Au lieu
de s'adresser à des gens capables, on prend le premier venu;
de là tous ces projets insignifiants ou mauvais. Si les com-
munes et les fabriques d'église n'avaient affaire qu'à des ar-
chitectes capables, reconnus comme tels, nous n'aurions plus
ces mauvais plans. Car on peut faire preuve de goût et de
savoir dans les petites choses comme dans les grandes.
Les projets pour objets d'ameublement d'église qui nous
arrivent ne s'améliorent pas. Il y a quatre ou cinq ans déjà,
nous avons émis le vœu de voir le gouvernement instituer
des concours pour ces objets; ce vœu n'a pas eu de suite;
je crois qu'il serait bon de le reproduire.
On nous demande quel serait le meilleur moyen d'arriver
à avoir des projets convenables pour ameublement , etc.
Selon moi, cela dépend des intéressés. Ils n'ont qu'à aller
trouver les hommes de talent au lieu de s'adresser aux igno-
rants.
M. Weale. Les fabriques d'église ne s'adressent pas tou-
jours pour leurs projets à des maitres maçons ou des char-
pentiers, comme le dit M. Cluysenaar, mais elles s'adressent
aussi à l'architecte |)rovincial, et si elles s'adressent à lui
c'est qu'elles croient, de la meilleure foi du monde, que c'est
I(! plus capable, puisqu'il a la confiance de l'administration
provinciale.
— 4-59 —
On a critiqué les objets d'ameublement des églises; je dois
dire que, dans notre province, il y en a de très-satisfaisants;
ces objets, tels que meubles d'autel, fonts baptismaux, sont,
à la vérité, des dons privés, dont l'exécution a été laissée à
des artistes complètement libres, mais qu'importe? Peut-être
le gouvernement ferait-il bien de publier une liste de tous
les objets modernes de quelque mérite, afin qu'ils puissent
servir de modèles.
M. le Président. Les observations présentées par M. le
Gouverneur de la Flandre occidentale sont fort justes en
principe, mais il faut tenir compte des circonstances.
La Commission des monuments se trouve souvent en pré-
sence de projets très-vicieux, et c'est même le motif qui l'a
déterminée à vous proposer le sujet sur lequel nous discu-
tons; mais que faire? Si elle déployait la sévérité qu'on lui
recommande , une foule de travaux , et de travaux néces-
saires, seraient suspendus. (Interruption.) Certainement, il
y a quelque chose à faire et il faut se montrer sévère. Mais,
je le répète, certaines précautions sont nécessaires, et il est
des considérations avec lesquelles on doit compter.
M. Vrambout, gouverneur de la Flandre occidentale.
Il y aurait peut-être encore un moyen pratique d'atteindre le
but que nous poursuivons, ce serait de faire les architectes
provinciaux membres de droit des comités provinciaux. Ces
comités seraient une espèce d'école pour les architectes pro-
vinciaux; leurs plans y seraient examinés, discutés, et la
mission de la Commission des monuments serait ainsi mieux
coniprise et par suite rendue plus facile.
Je ne sais quel est l'état des choses dans les autres pro-
vinces, mais, dans la province que j'administre, il y a deux
— 4G0 —
architecîes provinciaux, ot l'un d'eux soulemeni, l'ail partie
du comité provincial.
Je propose ces mesures, Messieurs, parce que je crois qu'il
est urgent d'arriver à un résultat. Dans ma province, il va,
en ce moment, sept ou huit projets d'églises à construire. Ces
projets nous seront soumis; eh hien, je suis certain que, dans
le nombre, il y en aura plusieurs que je serai au regret de
voir exécuter.
C'est pour cela que je désirerais que la Commission se
montrât sévère; j'ai assez de confiance dans son impartialité
et dans ses lumières pour être convaincu qu'elle ne déploiera
cette sévérité que lorsqu'elle sera commandée par la néces-
sité.
M. Clmjscnaar. On nous engage à être sévères, mais je
ferai remarquer que c'est parce que nous avons été sévères
que les journaux ont retenti il y a huit jours des réclama-
tions du chef môme de l'administration de cette capitale.
Nous ne sommes pas aussi indulgents que le croit
M. Weale; nous nous sommes montrés sévères même
pour des membres de la Commission; eh bien, je dois le
dire, presque toujours cette sévérité nous est reprochée;
nous sommes obligés de nous défendre comme des accusés ;
on conseille à l'État de nous jeter à la porte pour nous rem-
placer par des gens plus capables. {Hilarité.)
Voilà où nous mène notre sévérité.
M. Wcalc. La critique a toujours amené des reproches ;
j'en ai beaucoup subi, pour ma part, mais ce n'est pas une
raison de reculer, quand on a la conscience de poser un acte
utile.
Pour moi, je ne vois pas quel inconvénient il pourrait y
avoir à ce que la Commission des monuments n'admît pas
des chapiteaux simulés en plâtre.
M. Jaminé. Je demande à faire une observation. Tout à
l'heure les architectes provinciaux ont été assimilés à des
menuisiers
Des voix. Pas du tout.
M. Jaminé. M. le Gouverneur de la Flandre occidentale
les a assimilés à des menuisiers et à des maîtres maçons ;
M. Weale les compare à des charpentiers.
M. Weale. Je n'ai rien dit de semblable.
M. Vramhout , gouverneur de la Flandre occidentale.
M. Jaminé se trompe. Personne n'a assimilé les architectes
provinciaux à des menuisiers ou à des maîtres maçons. En
parlant des plans défectueux qui étaient soumis â la Com-
mission des monuments, M. Cluysenaar a dit que le mal
venait en grande partie de ce que ces plans étaient confiés à
des maîtres maçons. Sur quoi M. Weale a interrompu
M. Cluysenaar pour dire : et à des architectes provinciaux.
Voilà la vérité. Eh bien, je le demande : ce rapprochement
est-il une assimilation?
M. Jaminé. S'il en est ainsi, je n'ai pas k insister.
M. le Président. Nous devons souhaiter que Messieurs les
Gouverneurs recommandent aux communes de choisir des
architectes capables.
M. Yramboul , gouverneur de la Flandre occidentale. Jo
doute que cette recommandation soit bien eflicace.
Lorsqu'un projet est défectueux, la faute n'en est pas tou-
jours à l'architecte, quoi qu'il soit, provincial, communal ou
libre. In faute en est souvent à la commune ou à la fabrique
— 462 —
d'église qui imposent leurs idées à l'architecle. Dans ces con-
ditions, que voulez-vous que fasse l'architecte? il doit céder,
car un autre serait chargé de l'affaire à sa place.
Mais si la Commission se montrait sévère, si tous les archi-
tectes quels qu'ils soient, provinciaux, communaux ou libres,
étaient bien convaincus qu'elle n'acceptera que des projets
ayant un caractère artistique, en fort peu de temps, je le
répète, la situation serait améliorée.
M. Bethune. J'applaudis à ce que vient de dire M. le
gouverneur de la Flandre occidentale; pour moi, je crois
que le principe d'autorité peut être immédiatement efficace et
qu'il vaut beaucoup mieux que celui des concours qui, jus-
qu'à présent, n'a donné aucun résultat pratique.
Mais une chose m'a frappé dans le discours de l'honorable
gouverneur; il nous a dit que des églises nouvelles allaient
être construites dans sa province et que les projets de ces
églises seraient soumis à l'examen du comité provincial.
Dans notre province on croit rester dans la légalité en ne sou-
mettant au comité provincial aucun projet d'édifice nouveau.
Je crois qu'il serait bon d'avoir, sur ce point, une législa-
tion uniforme pour toutes les provinces.
M. Yrambout , gouverneur de la Flandre occidentale.
Je ferai remarquer que c'est comme gouverneur et non
comme président du comité provincial que j'examine cette
catégorie de projets.
Le Comité provincial des monuments n'a pas à s'occuper
des projets de constructions nouvelles; mais, en ma qualité
de gouverneur, je dois faire rapport sur les jirojels de ce
genre. Or, avant de me prononctjr, je les fais examiner par
le comité qui veut bien me prêter son concours, cv. dont je
— 463 —
le remercie. Et c'est ainsi que j'ai pu constater que des pro-
jets trouvés mouvais par le comité provincial étaient acceptés
cependant par la Commission royale, qui n'osait pas se
montrer assez sévère.
M. Bcthune. J'ai présenté mon observation parce que, à la
dernière session du conseil de notre province, la commission
chargée de l'examen des travaux d'église ayant demandé que
désormais les nouveaux projets fussent soumis à l'examen
des membres du comité provincial des monuments, M. le
gouverneur a répondu que l'on ne pouvait prendre pareille
décision parce que l'examen de ces projets n'entrait plus
dans les attributions du comité provincial.
M. le Président. Il y a des instructions à cet égard; les
gouverneurs les interprètent comme ils le jugent convenable.
Ce n'est pas à nous qu'il appartient de leur tracer une marche
à suivre.
Je dois faire remarquer maintenant que s'il est arrivé à
la Commission royale d'accepter parfois des projets que le
comité de la Flandre occidentale considérait comme défec-
tueux, c'est que la Commission est saisie des projets émanant
des neuf provinces. Elle ne peut guère se montrer plus
rigoureuse pour une province que pour une autre.
Le comité de la Flandre occidentale ne voit que les projets
qui émanent de cette province; ils peuvent lui paraître mau-
vais alors (jue nous, qui les comparons à ceux d'autres pro-
vinces, nous les trouvons relativement passables.
On nous a recommandé la sévérité pour amener les archi-
tectes à mieux étudier les projets dont ils sont chargés. Ce
moyen est bon; il nous exposera à froisser des susceptibi-
lités, mais nous saurons accomplir notre devoir.
— 4G4 —
M. Roiisspav, secrétaire, donne leclure de la sixième ques-
tion, ainsi conçue :
VI. « L'usage de certains objets d'ameublement s'est
introduit dans les églises à des époques différentes. Y a-t-il
lieu, dans l'exécution de ces objets, de se conformer au style
du monument qui doit les recevoir ou de l'époque où ils ont
élé inventés? »
M. Schvermans. Cela est accessoire.
M. le Président. Si l'assemblée ne s'y oppose pas, nous
passerons au n" 7 (Adhésion).
Il est ainsi conçu :
VU. « L'art décoratif, en ce qui concerne la peinture et
la sculpture monumentales, ne pourrait-il pas faire l'objet
d'un cours supérieur qui compléterait utilement l'enseigne-
ment des académies? N'y aurait-il pas, dans l'étude des
sujets variés qu'il comporte, suivant les édifices de caractères
différents qu'il doit orner, tels qu'une église, un hôtel de
ville, un palais de justice, un hôpital, un moyen puissant de
développer et d'élever l'imagination des jeunes artistes?
N'y a-t-il pas lieu enfin d'appeler de bonne heure leur
attention sur l'étroite alliance qui doit exister entre des arts
différents lorsqu'ils concourent à la décoration du même
édifice? »
M. Scimermans. C'est un vœu de la Commission auquel
nous pouvons tous nous rallier.
M. Bethnne. Ne conviendrait-il pas de remettre cette
question à la réunion prochaine? Nous ne pourrions plus
l'examiner d'une manière sérieuse.
M. Schuermans. Du moment (|u'un membre fait des ré-
serves, je retire ma proposition.
— 4-65 —
— L'assemblée décide que celle queslion sera perlée à
l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
M. le Président. Il nous reste à examiner les vœux qui ont
été autorisés hier.
M. Schuermans. Il me semble que nous pouvons tous
nous rallier au vœu émis par M. Sirel; je propose de l'ado})-
ter dans la forme où il est présenté (Adhésion).
M. Rousseau, secrétaire. Ce vœu est ainsi formulé :
« Il y a quelque chose à faire pour aider à la man-he de
la science archéologique de notre pays. En effet, serait-ce
avancer une chose hasardée que de dire que nos archéo-
logues ne connaissent point, même de nom, tous les monu-
ments de quelque intérêt de notre pays? Il faut entendre par
monument tout édifice que recommande sa valeur artistique
ou son ancienneté.
» Ce point admis, on doit chercher à l'aire disparaître la
lacune signalée. Un des moyens rudimenlairos parait être la
confection et la publication de la liste officielle de tous les
monuments de la Belgique.
» Qu'il nous soit permis de présenter la forme dans
laquelle nous voudrions que celle liste fût dressée. Cette
forme est simple : elle n'exige, ])Our être bien comprise, que
de l'attention.
» Cette liste comprendrait donc tous les monuments reli-
gieux et civils rangés par province, ])uis par arrondissement,
j)uis enfin par commune. A côté du nom du monument se
trouverait inscrite l'indication du siècle pendant lequel le
monument a été construit ou, à son défaut, l'indication de
l'époque à laquelle appartient l'architecture de ce monument
dans ses parties esscn liclles .
— 46('> —
» Rien de plus, rien de moins.
» Le modèle uniforme qui serait adoplé rendrait l'exé-
cution de celte liste facile. Les comités provinciaux et les
sociétés archéologiques du royaume seraient naturellement
les collaborateurs à ce travail, qui doit être renfermé dans
d'étroites limites comme renseignements, sous peine de voir
s'élever des difficultés dont la solution appartient à une tout
autre suite d'idées. Le but que cette liste doit atteindre est de
nous faire connaître à nous-mêmes les monuments que nous
possédons et de nous donner les moyens de faire, le cas
échéant, les études comparatives que la science archéolo-
gique réclame avant tout.
» Une liste à peu près semblable existe en France depuis
longtemps. Elle existe aussi, pensons-nous, en Autriche. En
France, elle a été revisée et complétée en 1855 par la Com-
mission des monuments historiques, présidée alors par
M. Ch. Lenormand.
» Il va sans dire que la liste dont nous proposons la con-
fection n'aurait de caractère officiel qu'en ce qu'elle serait
ordonnée par la Commission royale des monuments, sous le
patronage du gouvernement, à titre de renseignements. Les
communes ne pourraient se prévaloir de trouver leurs monu-
ments inscrits dans cette liste pour réclamer des subsides.
» II pourrait y avoir lieu, après la rentrée de toutes les
listes, d'examiner si, indépendamment du classement pro-
posé, il ne serait pas opportun de classer les monuments par
rang d'importance et de les diviser en trois ou quatre classes. »
M. le Président. L'assemblée adopte sans doute aussi les
propositions de M. le gouverneur du Limbourg?
De toutes parts. Oui, oui.
— 467 —
M. Schuermaiis. Quant au vœu formulé par M. de Brou
relativement à la couleur des fonds à adopter pour les
musées de tableaux, les honorables membres du comité du
Brabant n'assistant pas à la séance, je crois qu'il serait con-
venable de l'ajourner à la ])rochaine réunion.
M. Dumorticr. Le vœu de M. de Brou me paraît fort
juste. Les peintures à fond rouge sont d'un très-mauvais
effet sur les tableaux ; il est désirable qu'on adopte pour les
parois des musées des tons rompus.
M. le Président. Si M. de Brou était présent il pourrait
nous donner quelques explications. Pour moi, je crois que
les termes dont il s'est servi ne sont pas l'expression exacte
de sa pensée. Tout le monde est d'accord pour proscrire le
rouge trop entier. Mais les rouges d'un ton rompu dont on
use généralement dans les musées, doivent-ils aussi être
proscrits? Je ne le pense pas.
— Le vœu de M. de Brou est remisa la prochaine réunion.
M. le Président. Il nous reste l'interpellation de M. Schuer-
mans; mais si je ne me trompe, M. Schuermans a déclaré,
dans la séance d'hier, qu'il y renonçait.
M. Schuermans. J'ai déclaré que je n'y tenais pas.
Mon but était uniquement de donner à la Commission
l'occasion de décliner toute solidarité dans les travaux de
l'église de Laekcn et de l'hôtel de ville de Bruxelles.
L'hôtel de ville de Bruxelles a été l'objet de critiques très-
vives de la i)arl de M. Raymond-Bordeaux dont on ne
contestera certes i)as la compétence en matière d'art du
moyen âge. A ce propos, j'ai entendu dire : mais que
fait donc votre Commission des monuments? C'est cette
circonstance qui m'avait déterminé à faire une interpellation
— 468 —
afin de i)ermclli't; à lu Commission de dégager sa respon-
sabilité,
M. le Président. Si l'assemblée le désire, je lui donnerai
quelques explications. L'église de Laeken se construit sous
le contrôle d'une commission spéciale nommée par M. le
Ministre de la Justice. On a élevé quelques doutes sur la
solidité de celte église. Je crois que ces doutes ne sont pas
fondés : quelques lézardes se sont produites, il est vrai, mais
elles ne sont pas de nature à justifier les craintes qui se sont
répandues dans le public.
Quant à l'hôtel de ville de Bruxelles, le projet de restau*
ration ne nous a pas même été soumis. Si donc des erreurs
ont été commises dans la restauration de cet édifice, elles ne
peuvent nous être imputées.
M. Bethune. Comment se fait-il que la restauration d'un
des principaux monuments du pays ait été soustraite au con-
trôle de la Commission des monuments? A mon avis, c'est là
une chose fort regrettable, car, on aura beau dire, la respon-
sabilité morale des erreurs commises retombera sur la
Commission des monuments, puisqu'elle est censée avoir
dans ses attributions la direction des travaux qui s'exécutent
dans tous les édifices du pays.
M. le Président. Peut-être y a-l-il des circonstances (jue
nous ne connaissons pas et qui ont engagé l'administration
communale de Bruxelles à se passer de notre concours.
Quoi qu'il en soit, je ferai remarquer à l'assemblée que nous
n'avons pas à traduire ici à notre barre des administrations
publiques. Ce n'est pas à nous de prendre l'initiative dans ces
affaires; nous ne devons donner noti'e avis que lorsque nous
sommes consultés.
— 469 —
M. Bellume. Nous ])ourrons consteller les conséquences.
M. DumorUer. Je désire savoir si la Commission des mo-
numents a été consultée sur l'état dans lequel se trouve
l'église de Laeken.
Une voix. Non...
M. le Président. Il y a, comme je l'ai dit tout à l'heure,
une commission spéciale pour l'église de Laeken.
M. Diimortier. On me répond que la Commission n'a pas
été consultée: dans son intérêt, je crois qu'il serait bon que
cela fut acte.
Je réitère donc ma demande. Je désire savoir si la Com-
mission des monuments a été consultée sur l'état actuel de
l'église de Laeken. Si elle a été consultée, je la prie de nous
dire si, dans son opinion, les travaux effectués jusqu'aujour-
d'hui présentent une solidité assez grande pour qu'on puisse
continuer la construction sans craindre de la voir s'écrouler.
Si la Commission n'a pas été consultée, je demande (pie cela
soit acte.
M. le Président. La Commission n'a pas été consultée.
M. Dumortier. Ne l'a-t-on pas consultée du tout?
M. Clialon. Du tout; ni sur le projet, ni sur l'exécu*
lion.
M. Cluysenaar. Il est bon que l'on sache que nous ne
sommes pas toujours consultés, quoique nous soyons une
commission consultative. Ainsi on ne nous a demandé notre
avis, ni pour l'église de Laeken, ni pour l'hôtel de ville de
Bruxelles, ni pour le palais de justice.
M. le Président. Notre ordre du jour est épuisé.
M. Schuermans. Il y a encore un vœu du Limbourg re-
latif à la conservation des vieux arbres. Je n'en connais pas
— 470 —
bien la formule, mais je crois que nous pourrions l'accepter.
(Adhésion).
M. le Président. Nous avons terminé nos travaux, Mes-
sieurs ; mais avant que nous nous séparions , il me reste
un devoir à remplir, c'est celui de remercier les honorables
membres de l'assemblée du contingent de bonnes idées qu'il
nous ont apportées et des lumières qu'ils ont jetées sur les
questions que nous avons eu à traiter. (Applaudissements) .
M. le comte de T'Serclaes, gouverneur du Limbourg. Je
propose à l'assemblée de voter des remercîments à notre
honorable président pour la manière brillante dont il a dirigé
nos débats. (Applaudissements).
M. Raepsaet. Je propose de voter des remercîments au
bureau. (Applaudissements).
— La séance est levée à trois heures et un quai-t.
>o>S^~^
RAPPORTS ANNUELS
DES COMITÉS PROVINCIAUX.
PROVINCE D'ANVERS.
m. le chevalier léon de burbure , rapporteur,
Messieurs ,
Depuis notre dernière séance générale, noire comité a fait
une grande perte par la mort d'un de nos collègues, M. l'ar-
chilecte François Durlet. « Disons-le hautement, M. Durlet
» a puissamment coopéré à nos travaux ; ses conseils nous
» étaient précieux, car ils émanaient d'une conviction pro-
» fonde et d'une incontestable compétence artistique. Notre
» collègue applaudit de cœur à l'érection du Musée d'an-
» tiquités; il savait que quelque modestes que puissent
» être les collections à leur début, elles devaient à la fin
» combler une lacune réelle qui a existé jusqu'à ce jour dans
» les institutions artistiques que ])ossède notre ville.
» Durlet portait un profond respect aux œuvres des géné-
» rations passées; il avait la conviction que l'artiste ne peut
» atteindre à la perfection que par l'étude assidue des chefs-
» d'œuvre de l'antiquité. Il soutint donc notre comité dans
» ses tentatives pour former au local du Steen une col-
» lection de modèles des différents types d'architecture,
— 472 —
» mais surtout du style ogival, ([ui a été si heurouseiiiciit
» cultivé dans notre pays « (i).
Par arrêté royal du 4 octobre 18G7, il a été pourvu au
remplacement de M. Durlet. M. F. Baeckelmans, professeur
d'architecture à l'académie royale des beaux-arts d'Anvers,
a été désigné pour remplir, dans le sein de notre comité, la
place occu})ée autrefois par l'excellent artiste.
La circulaire ministérielle du 28 octobre 1866, n" ùli'i,
réglait, d'une manière définitive, les travaux des comités des
membres correspondants. Notre collège a été heureux de
prêter son concours à l'élucidalion de toutes les ({uestions
qui lui ont été soumises par les autorités.
Les travaux exécutés par notre comité, depuis la dernière
séance générale, sont nombreux; nous allons jeter un coup
d'œil rapide sur les affaires })rincipales que nous avons
instruites.
ARROrsDiSSEMENT d'aNVERS. — VILLE d'a.NVEKS.
ÉGLISE NOIPtE-DAME.
A différentes reprises, notre comité a été appelé à donner
son avis sur des questions se rattacliant à la i-estauration de
notre ancienne cathédrale. Ensuite il s'est occuj)é de la res-
tauration des anciennes verrières qui ornent ce temple et entre
autres de celle, offerte en 1505, à la chapelle du Saint-Sacre-
ment, par Engelbert II, comte de Nassau et burggrave d'An-
(i) Discours prononcé sur la tombe de M. Ourlet, iiar M. P. Géaaril, au nom
(le Id Coulmissiou royale des monuments.
— 475 —
vers. Colle poinluro sera rétablie dans son état primilif par
les soins de M. J.-B. Capronnier.
La reconstruction de la voûte de l'ancienne chapelle de la
Circoncision ou du Magistrat, aujourd'hui Saint-Antoine de
Padoue, a été heureusement faite sous la direction de notre
collègue, M. Gife.
Une visite au monument a été faite par la Commission
royale, conjointement avec les membres de notre collège.
ÉGLISE SAINT-CHARLES-BORROMÉE.
La fabrique de cette église ayant obtenu le bienveillant
concours du département de l'intérieur et de l'administration
communale d'Anvers, pour faire exécuter deux nouvelles
statues à placer dans les niches du soubassement de la façade,
a fait un appel au talent des artistes sculpteurs pour les pro-
jets à fourin'r.
Notre comité a accepté la nn'ssion de juger le concours.
HÔTEL DE VILLE.
A la demande de la Commission royale, notre comité a
visité les travaux de restauration de l'hôtel de ville d'Anvers
et a émis son avis sur le projet de renouvellement de la toi-
ture de ce monument. Notre collège a reçu, le 50 novembre
186G, un dessin des bretèques qui se trouvaient autrefois de-
vant l'hôtel de ville et qui ont été enlevées pour cause de
vétusté. Nous faisons des vœux pour que ces bretèques soient
rétablies le plus tôt possible devant l'édifice dont elles sont
le complément. Notre comité ignore si l'on est d'accord sur
les projets des portes du rez-de-chaussée.
— 474 —
HOSPICES CIVILS.
Nous reproduisons de nouveau les propositions faites par
notre comité dans les séances précédentes, relativement à la
formation d'une collection des tableaux n'ayant pas de desti-
nation fixe.
Plusieurs œuvres d'art appartenant aux hospices réclament
une restauration urgente.
Notre collège lient à constater que la restauration des fenê-
tres de la chapelle de Saint-Nicolas, située Longue rue Neuve,
et appartenant aux hospices, a été faite sans l'intervention
de la Commission royale des monuments.
ÉDIFICES CIVILS.
Notre dernier rapport contient l'indication des édifices
civils remarquables existant à Anvers; si nous avons le regret
de devoir signaler la démolition des portes monumentales de
la ville, ainsi que la disparition de la maison en bois dn
XVI* siècle, Marché-au-Lait, nous avons reçu avec satisfaction
la lettre par laquelle le gouvernement demande la liste de
toutes les constructions élevées dans nos provinces par les
anciens corps de métiers, confréries, gildes et serments, et
autres édifices civils qui sont devenus des propriétés privées;
car, ainsi qu'il a été dit par un de nos membres, dans la séance
du 50 septembre 1862, dans quelques années, si l'on n'y
prend garde, nos villes auront perdu le caractère particulier
que leur donnent ces anciennes constructions; celles-ci au-
ront été changées de telle façon qu'on ne reconnaîtra plus
— 475 —
ces monuments des corporations qui ont fait la gloire de
notre pays.
Nous avons envoyé à la Commission royale un rapport
sur les édifices civils remarquables d'Anvers, avec prière de
faire insérer cette pièce dans le Bulletin des commissions
royales d'art et d'arcliëologie.
COMMUNE d'eDEGHEM.
Nous avons approuvé le devis estimatif des travaux de ré-
paration que nécessitait l'état de l'église et de la tour d'Ede-
ghem.
COMMUNE DE LOENHOUT.
La restauration du retable représentant le martyre de saint
Quirin et appartenant à la chapelle de Loenhout a été faite
en 1867, par MM. De Bock etVanWint, sculpteurs à Anvers.
Ces artistes se sont très-bien acquittés de la tâche qui leur
était confiée, el qui était d'autant plus difficile, que le retable
contenait des statuettes sculptées par différents maîtres, et
provenant, peut-être, d'autres compositions relatives au mar-
tyre de saint Quirin.
COMMUNE DE BRECHT.
ÉGLISE DE BRECHT.
M. le gouverneur nous ayant communiqué le projet de
restauration de la tour de cet édifice, nous avons approuvé
ce dessin, l'architecte se bornant à rétablir scrupuleusement
ce qui a existé autrefois.
470
CHAPELLE 1) OVERBROECK.
Nous avons approuvé le projet de retable sculpté destiné
a rendre à leur destination primitive les anciennes peintures-
volets dont il est fait mention dans notre rapport de l'année
I8GG.
COMMUNE d'AUSTRUWEEL.
Approuvé le projet de restauration de la toiture de l'église
de cette commune.
COMMUNE DE HOEVENEN.
Nous avons admis le projet des travaux de conslruclion
d'une seconde sacristie à l'église de Notre-Dame.
COMMUNE DE HOBOKEN.
Notre collège a donné son avis sur le projet d'agrandisse-
ment de l'église de cette commune.
COMMUNES DE RUMPST , DE SCHOOTEN , DE WESTMALLE , DE
RANST, DE SAINT-LÉONARD, DE BRASSCHAET ET DE SCHELLE.
Nous avons examiné et approuvé les projets de Iravaux
à exécuter aux presbytères de ces communes.
ARRONDISSEMENT DE MALINES. — VILLE DE MALINES.
ÉGLISE MÉTROPOLITAINE DE SAINT-ROMBAUT.
Noire comité conslate de nouveau que, jusqu'à ce jour, il
— 4.77 —
ne lui a été soumis aucun projet concernant la restauration
de cet édifice.
ÉDIFICES CIVILS.
Ainsi que nous l'avons constaté dans nos rapports précé-
dents, la ville de Malines est très-riche en monuments civils.
Nous avons appris avec satisfaction que l'ancienne maison
connue sous le nom de Duivels-huis a été restaurée par les
soins du propriétaire de cet édifice.
VILLE DE LIERRE.
Notre comité a été appelé à donner son avis sur le projet
de construction d'un nouveau maitre-autel à l'ancienne église
collégiale de Saint-Gommaire.
COMMUNE DE NYLEN.
Nous avons approuvé le projet de restauration de l'église
paroissiale de cette commune.
COMMUNE DE WAELHEM.
Nous avons examiné le projet formulé pour le prolonge-
ment du transept et la reconstruction du pignon et des contre-
forts de la partie nord de l'église paroissiale de cette com-
mune.
Nous avons également donné notre avis sur les travaux de
reconstruction du presbytère.
32
— 478 —
COMMUNE DE BLAESVELDT.
Approuvé le projet de pavement de l'église paroissale.
ARRONDISSEMENT DE TURNHOUT.
COMMUNE DE LICHTAERT.
Le projet de pavement de l'église paroissiale nous a élé
communiqué; nous avons examiné également le projet de
constructions complémentaires au presbytère de cette localité.
COMMUNE DE MEIR.
Le projet d'agrandissement de l'église de cette commune
a été l'objet d'une correspondance entre M. le gouverneur,
noire comité et l'arcliitecte provincial. Les observations aux-
quelles les plans présentés ont donné lieu ont été communi-
quées à la Commission royale.
COMMUNE DE THIELEN.
Ainsi qu'il a éhî dit dans notre dernier rapport, l'église pa-
roissiale renferme dfiux anciens tableaux représentant des
scènes de la vie de sainte Marguerile. Ces panneaux avaient
beaucoup souffert : la peinture avait disp;iru en plusieurs
endroits. La restauration en a été faite par M. Leemans,
d'Anvers. Les frais ont été supportés par l'Étal, la province,
la commune et l'éalise.
— 479 —
Le retable, dont anciennement ces tableaux ont fait partie,
a probablement disparu; du moins, jusqu'à présent, on n'en
a pas trouvé de traces. Un projet de retable a été approuvé
par notre comilé.
COMMUNE DE HULSHOUT.
RETABLES DE l'ÉGLISE DE SAINT-MATHIAS.
Comme nous l'avons dit dans le rapport précédent, ces
deux œuvres d'art ont été séparées et on les a rétablies dans
leur forme primitive. Lors d'une visite faite par notre comité
à l'atelier du reslaurat(nir , quelques observations ont été
faites à cet artiste.
Un nouvel encadrement a été adapté aux sculptures.
COMMUNE DE VORSSELAAR.
La tour de l'église de cette commune se trouvait dans un
état (jui réclamait des restaurations urgentes. Noire comité
a approuvé les plans, l'architecte se bornant à rétablir les
parties qui avaient existé autrefois.
COMMUNE d'aCHTEROGLEN.
Ont été communiqués à notre comité le projet de pave-
ment de l'église et le plan d'aclièvc^ment du presbytère de
cette localité.
— 4-80 —
COMMUNE DE WECHELDERZANDEN.
Ayant ou à oxaminor le plan dos travaux à exécuter au
prcsbylèro de celte commune, notre collège a exprimé le
désir de voir rouvrir les fenêtres au-dessus du croisillon ;
nous avons recommandé, en outre, de conserver à nu le
gilapfe en chêne à l'intérieur du bâtiment.
Tel est. Messieurs, de nouveau, lo résumé i\o nos travaux.
Disons, en terminant, que \e Musée dMnliqaités créé par noire
comité continue à s'enrichir de dons et d'achats ; quelque
modeste qu'il soit, il est déjà d'une grande utilité pour les
éludes artistiques.
PROVINCE DE BRABANT.
m. alphonse wauters, rapporteur.
Messieurs,
Nous sommes invités à vous adresser, pour la réunion
générale du 51 de ce mois, un rapport sur les travaux de
notre comité depuis la dernière assemblée de 1860.
Notre tâche sera bientôt accomplie, le comité du Brabanl
n'ayant eu aucune affaire à examiner, conformément aux cir-
culaires ministérielles du 27 décembre 1804 ot du 2 oc-
tobre 1800. D'un autre côté, l'art. 5Ô du règlement ne nous
paraissant pas ponctuellement observé à l'égard des corres-
pondants du Brabant, il no nous a pas été donné, sauf en
— 484 —
deux circonstances, en 1866, de prendre part aux visites
qu'ont faites des délégués de votre Commission,
La nomenclature détaillée des constructions élevées par
les anciens corps de métiers, confréries, gildes, serments, etc. ,
celle des monuments commémoratifs élevés sur les lieux qui
ont été le théâtre de batailles, nous donnaient, à la vérité, les
moyens d'utiliser nos loisirs; mais le gouvernement ayant
pris la résolution de ne mettre à notre disposition qu'une
somme annuelle de 200 francs pour couvrir la totalité des
frais de déplacement de nos membres, il nous est impossible
d'entreprendre, à l'aide d'un aussi faible budget, les relevés
dont nous venons de parler.
Le catalogue descriptif des monuments et des objets d'art
aurait aussi pu être entamé; mais nous devons attendre qu'on
nous soumette le travail que votre Commission a bien voulu
se charger de préparer pour l'adoption du questionnaire
relatif à ce catalogue. Nous avons traité ce point dans notre
rapport du 22 mai 1866.
Deux |)ropositions seront faites, au nom de notre comité,
à la prochaine assemblée générale.
La première aura pour objet de reproduire le vœu exprimé
en 1866 et qui tendait à ce que, « pour les projets de con-
structions entièrement nouvelles, le rôle de la Commission
royale des monuments se borne à examiner l'exactitude des
devis et les conditions de solidité des constructions; mais
((u'elle laisse à l'architecte la responsabilité du mérile artis-
tique de son projet. »
La seconde proposition (end à demander que les instruc-
tions promises pour la conservation et la restauration des
monuments soi(înl bientôt publiées.
— 482 —
PHOVINCE DE LA FLANDRE OCCIDENTALE.
M. K. VERSNAEVEN, SECHÉTxMr.E, RAPl'ORTECK.
Messieurs ,
De])uis le rapport qu'il a présenté à la dernière assemblée
générale de la Commission royale des monuments, le comité
de vos membres correspondants jjour la Flandre occidentale
u été appelé à émettre son avis sur les affaires dont la dési-
gnation suit :
1" Construction d'une tour à l'église de Bas-Warneton ;
2" Placement d'une pierre sépulcrale en l'église de
Thouj'out;
5" Restauration de l'église Saiiit-Médard, à Wervicq;
4' Reconstruction partielle de l'église de Zonnebekc;
li" Construction d'une llèclie sur la tour de l'église
d'Oedelem ;
G" Restauration de la tour de l'église de Lapscheure ;
7" Construction d'un presbytère k Beernem ;
8" Pi'ujet d'agrandissement de l'église de Loi)hem ;
\)" Construction d'une église et d'un presbytère à Sluyve-
keuskerke ;
10" Projet (le stalles scul|)tées à placer dans le cliœur de
l'église de Cits;
11" Construction d'une église à Deerlyk*
12" Portes en chêne pour riiùlel de ville de Bruges;
lô" Construction d'une église à Oudenburg;
14" Restauration de l'église de Noire-Dame à Poperinghe;
— 485 —
lo" Construction d'une église à Heyst. Question relative
à la conservation de l'ancienne tour.
Nous croyons, Messieurs, qu'il ne sera pas sans intérêt
de vous présenter un aperçu des travaux de construction et
de restauration en voie d'exécution dans la Flandre occi-
dentale.
Église d'Avelghem. Les plans de cette église, dressés par
M. Brinck, ont été approuvés par votre Commission. Deux
délégués de notre comité ont visité les travaux.
Église, de Kerckhove. L'église est terminée. Les plans de
l'arcliitecle Verbekc, de Bruges, ont été parfaitement exé-
cutés. Cet édifice est un des plus beaux spécimens d'églises
de campagne. Ce travail, solide et élégant à la fois, présente
un cachet d'une originalité complète.
Église de Saint-Louis, à Deerlyk. Un arrêté récent auto-
rise la construction de cette église, dont les plans et devis,
dus à M. l'architecte Croquison, ont été approuvés par votre
Commission.
Église de Roulers. Un plan d'église en style roman secon-
daire a été dressé, sur l'invitation de l'administration com-
munale de Roulers, par M. l'architecte Schadde d'Anvers.
11 est conçu dans un beau style et fera diversion avec le style
de tant d'églises modernes qui se ressemblent trop.
Église d'Jseglwin. La flèche en fer surmontant la tour
est placée. M. l'architecte Crotjuison est l'auteur du projet.
Eglise de Saint-Mariin à Courh-ai. Les travaux de
reconstruction du chœur et du déan]bulatoire sont repris.
Les délégués ont visité ces travaux dans le courant de 1867.
Depuis lors, la fabrique de l'église a fait des tentatives pour
la reconstruction totale du transept.
— 484 —
Tour de Fé(jlise de Saiitt-Marliii, à Cuurirdi. Sur l'invi-
talion deradiiiiiiislralioii communale de Courtrai, des archi-
tectes ont été délégués pour examiner l'état de solidité de la
tour. Le rapport, rédigé à la suite de la visite des archi-
tectes, a été publié dans l'exposé des affaires de la ville pour
l'année 1867.
Chapelle de la Sainte-Yierge en l'éylise de Noire-Dame,
à Courtrai. La Commission royale des monuments a ap-
prouvé le projet de restauration de celte chapelle, dont les
travaux de restauration et l'exécution des ouvrages d'art se
feront en dehors de tout subside, au moyen de dons parti-
culiers.
En 1867 on a placé les meneaux des fenêtres; une ver-
rière conçue dans le style du xiii* siècle orne une de ces
fenêtres. Les deux autres seront placées immédiatement
après leur achèvement. En crépissant les voûtes et les
murs on a trouvé des restes de polychromie décorative sur
les nervures, les clefs de voûte et les culs-de-lampe. La
polychromie des voûtes est terminée ; on commencera sous
peu les autres travaux.
Lors du crépissage de cette chapelle, les fabriciens ont
remarqué que le bas-côté contigu était crevassé dans ses
voûtes, et, par mesure de prudence, ils ont fait crépir les
couches de badigeon qui recouvraient des lézardes assez
considérables.
Cette opération a fait découvrir la polychromie des ner-
vures ogivales et des arcs-doubleaux, dont la peinture est
jaune et rouge (couleur des armoiries de Baudouin IX, fon-
dateur de l'église). La chapelle absidiale, derrière le chœur,
est diaprée, aux voûtes, de lions noirs de Flandre sur fond
— 485 —
jaune el les nervures sont rayées de rouge, de jaune et de
noir. Les faisceaux de colonnettes élaient rouges avec chapi-
teaux verts.
Chapelle dile des comtes de Flandre, en l'église de Notre-
Dame à Courtrai. On mettra sous peu la main à la restau-
ration de cette chapelle remarquable.
Bâtie par Louis de Maie, cette chapelle est sans contredit
une des plus belles constructions exécutées sous le règne de
ce comte.
Outre les grosses réparations extérieures, les peintures
murales seront exécutées aux frais de l'État, de la province,
de la ville et de la fabrique d'église.
Le dépouillement des anciens comptes de l'église a fait
connaitre les noms des peintres verriers, décorateurs, sculp-
teurs, etc., employés, à différentes époques, à lu décoration
de la chapelle des comtes.
Une statue en marbre blanc, datant du xiv" siècle et
représentant la patronne de la chapelle, sainte Catherine,
avait disparu de l'église depuis plus d'un demi-siècle. La
fabrique, rentrée dans la propriété de celte œuvi'e d'art, l'a
fait restaurer. Elle mesure l'",80. Quelques archéologues
ont prétendu que le moyen âge ne nous avait pas légué de
statues de cette dimension en marbre.
Église de Dadizeele. Cette église a été mise à sec avant
l'hiver. L'achèvement de la tour et de la façade principale,
les travaux de sculpture, les décors absorberont encore un
temps relativement long pour terminer l'ensemble de l'édifice.
Palais de justice de Courtrai. Les fondations sont termi-
nées et l'activité de l'entrepreneur des travaux fait espérer
que l'édifice sera très-avancé à la fin de la saison.
— 486 —
Slalucs des (Vîntes de Flandre à riwiel de ville de Cour-
trai. L'administration de la ville, de Gourtrai a décidé de
Taire placer les statues des comtes de Flandre dans les
niches de sa maison communale.
Hôtel de ville de Bruges. Cinq verrières, exécutées par
M. Dobbelaere, ont été placées dans les fenêtres de l'an-
cienne salle échevinale.
Église de Saint-Sauveur à Briu/es. Les trois fenêtres de
l'abside du chœur ont été ornées de vitraux peints.
Chapelle de Saint-Basile (Saint-Sang) à Bruges. On a exé-
cuté des peintures murales dans cette chapelle. Elle s'est
enrichie d'une estrade monumentale pour la montre du
saint sang.
Hospice de Saint-Julien à Bruges. Une nouvelle église
pittoresque a été construite. On a employé fort habilement
le portail de l'ancienne église.
Église de Sainl-Miehel, lez-Bruges. Un autel avec retable
sculpté a été placé dans la chapelle de la Sainte-Vierge. On
a exécuté des peintures murales dans cette église et l'ameu-
blement a été complété.
Église de Vive-Saint-Eloi. Cette nouvelle construction est
entièrement terminée. Un autel remaniuable par la beauté
de la sculpture orne cette église qui, avec le couvent, le
[)resbytère, l'école et la maison des frères chrétiens, forme
probablement le plus imi)ortanl groujie de constructions
ogivales qu'on ait élevées en Belgique.
Église de Sainte-Croix, lez-Bruges. On a placé des autels
et des vitraux peints dans cette église.
Église de Saint-Pierre à Ypres. Les travaux de la restau-
— 4-87 —
raliun de h» luur sont commencés sous la direcliuii de
M. rarchilecle Van Ysendyck.
Éf/liscs de PopcriiHjhe. Les travaux de restauration des
ti'ois églises de cette ville sont poursuivis avec activité.
Toutes les bâtisses qui obstruaient les abords de ces édilices
ont disparu. Le style de ces églises se dessine de mieux on
mieux, au fur et à mesure de l'avancement des travaux; il
offre un spécimen d'architecture qui était propi'c à l'abbaye
de Saint-Omer. On pourrait lui donner le nom de « style
anglo-belge. »
Êylisc de Sluivehenskerke. L'autorisation pour l'exécu-
tion du plan de M. Buyck est accordée. Cette église est
conçue en style roman.
Tour de Féglise de Loo. Cette tour, œuvre de M. Van
Ysendyck, sera terminée dans le courant de 1868, L'arcbi-
lecte a vaincu toutes les dilïicultés qui se présentaient })our
l'enlèvement de l'ancienne tour sur laquelle l'eposait ou s'yp-
puyait une grande partie de l'église.
Parmi les travaux de restauration (jui se poursuivent
encore, nous devons aussi mentionner les restaurations de
l'hôtel de ville de Bruges, de l'église de Saint-Martin d'Ypres,
de l'église de Saint-Nicolas de Dixmude, de l'église de Sainte-
Walburge de Furnes, de l'église de Houllieni et de la grande
Iriiètre du transept sud de la cathédrale de Bruges. A projios
de celte dernière restauration, il y a lieu de renjarquer que
la fenêtre monumentale sera bientôt ornée d'un vitrail peint.
A l'occasion de l'exposition internationale de Paris, il a été
l'ait des ouvertures pour faciliter l'exécution de cet impor-
lant travail: grâce à l'intervention pécuniaire de l'Étal, de
la province et de la ville de Bruges, ce projet a déjà pu
— 4S8 —
recevoir un commencement de réalisation et un spécimen
de cette branche intéressante a figuré avec lionneur à ladite
exposition. La partie de verrière exécutée par M. Dobbe-
laere, de Bruges, a obtenu une distinction des plus flatteuses.
N'oublions pas de ciler les peintures murales des halles
d'Ypres auxquelles on travaille activement.
Deux affaires imporlantes, dignes d'être signalées, n'ont
pas encore reçu de solution jusqu'à ce jour : 1" Le projet de
construction d'une église à Snelleghem ; T la restauration
du monument de la famille Gros, en l'église de Sait}t-Jacques
à Bruges.
En ce qui concerne la première de ces affaires, un dis-
sentiment s'était élevé entre voire Commission, Messieurs,
et notre comité, à cause de votre décision de conserver une
partie de l'ancien édifice; mais il parait que votre Collège
s'est montré disposé à revenir sur sa première opinion et,
s'il en est ainsi, nous serons heureux d'apprendre que la dé-
molition du bâtiment actuel pourra avoir lieu sans retard (i).
Quant au projet de restauration du mausolée de la famille
Gros, œuvre d'art des plus remarquables, et qui se détériore
malheureusement tous les jours davantage, il est triste de
devoir rapj)eler que cette affaire est en instance depuis plus
d'un quart de siècle. Nous exprimons l'espoir qu'il pourra
bientôt intervenir une décision propre à amener une prompte
restauration.
Les mendjres de notre comité ont pu constater bien des
fois, Messieurs, que des travaux importants manquent com-
(i) Nous (Icvdiis iMpitchT iifaiiiiioiiis que M. Wcalo est ciilièrement de l'avis
(le voire Coiiiiuission.
— 489 —
plétement de rlirection lors de leur exécution; il est même
rare qu'ils soient inspectés ou dûment surveillés. Cet état de
choses donne nécessairement lieu à des fautes graves et,
entre autres faits, un membre a certifié, dans une de nos der-
nières réunions, qu'un bâtiment récemment construit ne se
trouve pas même d'équerre. Il serait désirable et utile que
vos membres correspondants pussent être mis à même de
visiter, pendant la saison, les bâtiments en voie de construc-
tion, chacun pour ce qui concerne son ressort.
Souvent aussi, le comité a été obligé de reconnaître l'in-
suffisance et la défectuosités des pièces qui accompagnent
d'ordinaire les projets soumis à l'approbation de la Commis-
sion royale des monuments. Il y aurait nécessité d'exiger
que, pour les restaurations à faire, les auteurs des projets
fussent mis dans l'obligation de produire, non-seulement
l'élévation, mais aussi la coupe et les détails. Ils devraient v
joindre un croquis du bâtiment tel qu'il existe, et faire un
dessin spécial pour les restaurations à exécuter. Une vue
perspective serait particulièrement utile.
PROVINCE DE LA FLANDRE ORIENTALE.
m. siret, iiappouteur :
Messieurs,
séances et pep.sqxxel.
Notre comité a tenu mensuellement les séanc(>s dont la
périodicité a été décidée il y a quchpies années. Cette fixité
— 41)0 —
assurée à la niarcho do nos travaux leur a impn'mù un carac-
tère d'ordre et de solidité dont nous avons pu constater les
heureux effets. Un des résultats les plus féconds aura été,
sans aucun doute, d'aboutir avec assez de rapidité à la con-
clusion de certaines affaires qui auraient pu, sans la régula-
rité de nos séances, s'éterniser dans de longues instructions.
Un des avantages non moins précieux de ces réunions men-
suelles est la communication qui s'établit entre les membres,
liés par une même solidarité, et qui peuvent ainsi échanger
leurs idées, se soumettre les uns aux autres leurs projets, et
examiner réciproquement quelles sont les mesures à con-
seiller ou à prendre pour assurer aux monuments de notre
province les bénélices de notre institution.
Les pertes subies par notre comité depuis quelques
années (i) ont été douloureusement aggravées, en 1867, par
le décès de notre collègue M. le baron Jules de Saint-Génois,
Le vide laissé dans nos rangs par la mort de cet excellent
confrère sera difficilement comblé. M. de Saint-Génois unis-
sait à un grand cceui* un profond savoir, une modestie com-
])lète et un dévouement dont les lettres belges garderont éter-
nellement le souvenir. Que l'expression profonde et sincère
de nos vifs regrets, déposée dans ce rapport, soit l'hommage
Irisie et alïectueux rendu par ses collègues à sa mémoire!
.MONUMENTS r.ELIC.IEUX.
.\ous avons, à bien peu de chose près, terminé, dans le
(i) M. De. Viiîiie, (it'ccdé le 5 dt'combre ■18(;'2; M. r.:illier, iWi'tU' \c i) sop-
teniltre 18118; M. Vcllcinan, (iéct'iU'. le D! scptinulire ISfîr»; M. 1*,' banni de Saiiit-
C.f'iKiis. i\i'c{'(\r le U) scptiMiihiv 1X07.
— /m —
courant de l'année 18GG, la visile de toutes les églises ru-
rales et urbaines de la Flandre orientale. Ce Iravail considé-
rable, ordonné par notre comité en 1861 , peut être considéré
comme un des résultais les plus beureux que nous ayons
obtenus. En effet, à l'heure qu'il est, le comité est à même de
déterminer, séance tenante, l'imjiorlance de tous les monu-
ments religieux de la Flandre orientale, leur valeur artistique
au point de vue de l'arcbiteclure, leurs besoins comme res-
tauration et, jusqu'à un certain point, leur valeur sous le
rapport de l'ameublement intérieur. Notre comité est actuel-
lement à même d'apprécier les demandes de subside qui
peuvent être adressées au gouvernement pour restauration,
appropriation ou agrandissement, sans avoir à se déranger;
en un mot, nos monuments religieux, au nombre d'environ
quatre cents, sont, en quelque sorte, concentrés, pour tout ce
qui concerne leur conservation et leur surveillance, dans nos
mains, sous nos yeux et à la portée de notre action. Ce n'est
que dans des circonstances particulières qu'une visite nou-
velle du monument pourrait être nécessaire.
Le comité a eu à s'occuper de l'ameublement de l'église de
Sainte-Marie-Lierdc, de la reconstruction de la tour de
l'église de Vosselaere, .es travaux de réparation à effectuer
à l'église de Notre-Dame de Saint-Pierre à Gand, de la res-
tauration de la llècbc de l'église de Basel, de la restauration
de la grande fenêtre ogivale de l'église de Cruybeke et de
l'agrandissement de l'église de Gavre.
Chacune de ces affaires a fait l'objet d'un examen ai)pro-
fondi et a provoqué la rédaction de rapports spéciaux, qui ont
suivi les voies réglementaires de l'instruction administrative.
Le comité n été saisi incidemment, pfir mm vole (h) conseil
— 492 —
provincial de la Flandre orientale, des restaurations qui s'exé-
cutent à la tour de l'église de Saint-Bavon à Gand. Considé-
rant que les pians de cette restauration ont été approuvés il
y a seize ans, à une époque où le comité n'existait pas,
celui-ci n'a pas jugé à propos d'intervenir dans cette affaire,
tout en faisant ses réserves pour l'avenir.
Nous avons lait exécuter pour les archives les dessins du
transept sud et de la partie inférieure de la tour de l'ancienne
église de Wetteren, aujourd'hui démolie. C'est là une excel-
lente mesure que nous aurons soin d'appliquer à tous les cas
de l'espèce.
Dans quelques localités, nous avons trouvé des objets d'art
assez remarquables placés en plein air et susceptibles d'être
promptemeut détériorés. Il a été écrit à l'autorité supérieure
religieuse p(tur provoquer à ce sujet des mesures de conser-
vation.
Nous ne terminerons pas la partie de notre rapport, en ce
qui concerne les monuments religieux, sans faire connaître
qu'un de nos membres a découvert au-dessus des voûtes de
l'église de Basel, construite au xv" siècle, des peintures mu-
rales d'un caractère semi- profane semi- religieux. Ces
peintures, qui datent de l'origine de l'église, ont du style, et
il serait à désirer qu'il en fût pris des calques. Ce que l'on
voit encore de ces débris consiste dans des bustes et des tèl^s
coiffées à la mode de la cour de Bourgogne. Les diverses
pièces de la charpente sont également revêtues de couleur.
Ca) sont, en général, des croix, des animaux et des fruits
peints de diffénîntes nuances et se détachant d'un fond blanc.
Des restes de i)einture moins intéressants se voient aussi à
l'église de Cruybeke, ainsi qu'à celle de B('l(*(>le, bâties à la
— 495 —
même époque que celle de Basel. Nous avons, du reste, pu
constater dans nos visites que presque toutes les vieilles
églises de la Flandre ont eu, dès l'origine, leurs murs inté-
rieurs et leurs charpentes recouvertes de peintures à person-
nages ou simplement polychromées.
MONUMENTS CIVILS.
En 1865, il a été question d(; restaurations à effectuer à
l'hôtel de ville de Gand. Le 14 juillet de cette même année,
les membres de la Commission royale des monuments, ac-
compagnés de deux membres de notre comité, ont visité ce
bel édifice, et nous avons appris avec satisfaction que celte
affaire était en voie d'instruction. Depuis lors, nous n'en
avons plus entendu parler.
Dans le premier trimestre de 1866, notre comité fut saisi
de l'instruction relative aux plans de restauration de l'hôtel
de ville d'Alost. L'importance de cette restauration s'aug-
mentait de la circonstance que cet édifice offrait un spécimen
rare et curieux de la réunion de plusieurs styles d'architec-
tures, sans qu'une disparate trop grande vînt choquer le
goût. Un sous-comité fut désigné pour l'examen de cette
affaire, et, sur les instances de celui-ci, le comité tout enlier
se r(MKlit à Alost ol visita minutieusement l'hôtel de ville.
Le prix légitime attaché à cette restauration, les difficultés
qu'elle soulève, les (juestions de principe qui en découlent,
engagèivnt le comité à rédiger sur celte affaire un rapport
spécl;il, (jui fut transmis à qui de droit.
Ce rapport, s'occupant d'abord de la situation de l'hôtel
de ville, (lécril sommairement les (luatre façades du bàli-
33
— /i.94 —
monl, où so dessinent los lypo do rurclnloclurc des \ii", xv'^
ot xvi" siècles; il entre dans les délails de eliacnne des
faeades où se l'éllète le type architeclonique accusé, e( saisi!
cette occasion i)Our développer son opinion au sujet des res-
taurations de l'espèce. Nous croyons ulilc de reproduire ce
passage :
« Avant d'examiner le plan de reslauratioii (pie nous
» avons sous les yeux, disons comment nous voudrions que
» les principes de celle restauration fusseni entendus, et
» rappelons à ce sujet que la direction des monuments In's-
» toriques de France a fait restaurer dans le sens que nous
« allons indiquer la maison de ville de Saint-Antonin (Tarn-
» el-Garonne), laquelle fut bâtie à la même époque que le
» stcen d'Alost, avec lequel elle n'est pas sans avoii' quelque
» ressemblance. Il nous semble qu'il y a dans notre pays
» une tendance fâcheuse à confondre la rcsUniralion avec la
» réédificalion. Beaucoup de nos monuments anciens dispa-
» raissent sous le marteau inilexible du démolisseur et repa-
» raissent aux yeux du public complètement reconstruits
» sur le dessin ancien, lors([ue celui-ci n'a |)as él('' modifié
» par l'an-hitecte Mais ce n'est plus du vieux monument
N> (pic la forme, la chose ancienne a disparu. Or, il vaudrait
» mieux, dans ce cas, faire complètement du neuf. Ce serait
» moins coûteux et plus facile, sans compter que les exi-
j, uences de ra])pro|MMation disparaissent. On enlève ainsi
» aux anciens monuments ces intéressants (lèt;ùls qui sont
comme la gloire de rarcliit(}Cture ancienne et dont cliacmi
porte, en fpiel(|ue sorte, la signature de celui qui l'a coni^'u.
On hii ôte pres(iue toujours ce caractère qui est au monu-
m(Mil ce (pic le type est à l'homme. Tout le monde a un
— 49:j —
» front ol dos yeux, mais personne n'a la même ligne et le
» môme rayonnement. II en est ainsi des œuvres humaines,
» Jamais un liomme ne saurait remplacer un homme, jamais
» un monument nouveau n'aura l'affirmation de celui qu'il
» remplace. »
Le rapport entre aussi dans quelques détails historiques,
et conclut à ce que les plans soumis à son examen soient
«îtudiés à nouveau par son auteur, non comme des plans de
fantaisie, mais comme dociiments destines à donner une
preuve de notre respect envei's les maîtres anciens.
Nous avons eu la satisfaction de constater que nos ohser-
vations ont été prises en considération par la Commission
royale des monuments.
CAP, m ÈRES DE PIERUES.
Le travail le plus considérahle et, sans contredit, le plus
utile auquel se soit livré notre comité, est l'étude des car-
rières de pierre de la Flandre orientale.
On se i appelle qu'en 1862, sur la motion d'un ih^ mem-
hres de notre comité, ( elui-ci émit, en assemhlée générale,
le v(eu que le gouvernement fit faire i\v<. sondages pour
i-eti'ouver les can-ières de pierres où l'on avait été puiser les
matériaux pour prescpie tous les monuments religieux et
civils construits en Flandre pendant cinq siècles. La (juestion
n'ayant pas été suflisammeni élucidée, ce v(eu ne fut pas
accueilli, mais le meiid)re auteur de la pro|)osition, M. Raep-
saet (il n'est (pie juste de mentionner ici son nom), ne se tint
|)as jiour haltu. 11 revint à la charge avec cette ténacité que
donne la conviction, et enfin, après une lutte qui a dun"' six
— 496 —
ans et dans laquelle M. le Gouverneur et les membres de
notre comité lui ont largement prêté leur assistance, notre
honorable collègue put enfin aboutir aux résultats les plus
satisfaisants.
Après des discussions qui n'ont pas pris moins de douze
séances, après maints déplacements, après des études nom-
breuses et variées, le jour s'est fait sur cette affaire, et aujour-
d'hui le comité a formulé un rapport con^plet, espèce de
mémoire circonstancié qui entre dans les ]^lus grands
détails, qui donne des documents d'un haut intérêt et qui
démontre que rien ne paraît s'opposer à l'emploi des pierres
dont nos pères avaient fait un si judicieux usage, tant au
point de vue de la solidité que de l'économie.
Le rapport élaboré par notre comité constitue une œuvre
qu'il serait désirable de voir livrer à la publicité. Il appren-
(h'ait au public que l'on a sous la main, à des prix modérés,
des matériaux qu'une déplorable habitude va chercher, à
grands frais, à l'étranger, et qui ne réunissent pas toujours
les conditions de durée qui ont été remarquées jusqu'ici dans
les pierres du pays. Il apprendrait à nos Belges étonnés que
l'hôtel de ville d'Audenarde, l'église de Sainte- Walburge,
l'hôtel de ville de Louvain, l'église de Saint-Pierre de Lou-
vain, SaintBavon, l'église de Saiiil-Xicolas, de Saint-Jac-
(pies, de Saint-Michel, de Saint-Sauveur, de Saint-Pierre, de
Sainl-iMartin , l'hôtel de ville, tous à Gand , Notre-Dame
d'Anvers et presque tous les monuments les plus imj)ortants
de la Belgique ont été consti'uils en piei-i'es des carrières de
Bruxelles, Rolselaere, Savenihem , Dilbeek , Vilvorde,
Alllighem , Lede, Beetsbergh , Oosierzeele, Baelcgein,
Vlierzelc et autres lieux.
— Wl —
Est-il un plaidoyer plus éloquent et peut-on raisonnable-
ment lui opposer des arguments valables, surtout si l'on ne
perd pas de vue que le comité s'est borné, en ce qui concerne
sa compétence, à réclamer l'emploi des pierres dont il s'agit
pour la restauration des monuments construits avec les
pierres de même provenance?
Il nous a paru inutile, pour le moment, de développer les
horizons nouveaux que l'exploitation des anciennes carrièi-es
de la Flandre ne peut manquer d'ouvrir à l'art, à l'industrie
et à l'agriculture. Il nous suftit de mentionner ici que déjà les
pierres des carrières de Baeleghem sont employées à la
restauration de l'église de Saint-Bavon, qui, ainsi que nous
venons de le dire, est construite de pierres de cette même
carrière.
CIRCULAIRES MINISTÉRIELLES.
Une circulaire du 51 décendjre 1864- a éveillé l'attention
du comité sur la conservation des constructions élevées dans
nos provinces par les anciens corps de métier, confréries,
gilde et serments, et qui sont devenues propriétés privées.
Un des nôtres, que la mort vient d'enlever, M. de Saint-
Génois, s'était occupé de ce travail. Déjà des notes nous
avaient été lues sur ce sujet. Le comité a décidé que, dans
le cours du présent exercice, il serait donné pleine satis-
faction au désir manifesté par M. le Ministre de l'Inlérieur.
Une autre circulain; du même ministre (14 janvier 1864)
réclame le concours des membres correspondants de la
Commission royale des monuments, atin de signaler au
gouvernement tout souvenir, tout lait se rattachant à des
— 198 —
L'véïKMiK'iils (l'uiio certaine iiuporluiice et duiil la coiiiinéiiiu-
i-alioii pourrail être conservée, soil par iiiie inscription, un
nionuinenl, etc.
Notre comité est en voie de coin])léter el de lernn'ner,
dans une certaine mesure, ce travail déjà très-avancé; mais
il est un point qui i'embarrasse. En effet, la circulaire ])ré-
rappelée s'exprime ainsi :
« Car il est à remarquer, M. \c Gouverneur, (ju'il ne
» s'agit pas seulement de dresser une statistique des monu-
» nients conmiémoratifs existant ou ayant existé dans les
» localités qui ont été le théâtre de conflits de guerre. 11
» im])orte qu'on signale aussi tout souvenir, tout fait se J'at-
» tachant à ces événements, par exemple l'édification d'une
» église ou d'une chapelle, en acquit d'un vœu, les offres
» i)ieuses, ex volo, etc. Eiifiit les noms mêmes des l\<(nie<iiu\
» des champs, des ruisseaux, doiil l'orvjiite remonte à des
» événemeiifs qui oui exercé mie influence sur les deslinées
» de la patrie, ne doivent pas être né(jli(/és. »
Notre comité croit qu'il sera difficile, avec le développe-
ment donné à cette affaire, de lui réserver une suite qui satis-
fasse M. \v. Ministn!. Qu'il nous soit ])ermis de donner un
e\enq)le entre tous des difiicultés cpie rencontrerait l'exécu-
tion du travail demandé. On ne saurait nier (pie les guerres
«pii ont eu lieu dans les d( rnières années dans les polders de
la Flandre, la Zélandc et sur le terriloiie d'Anvers n'aient
exercé une infiuence considérable sur les destinées de la
patrie, puis(pie, en dehors lWs résultats partiels et locaux,
ces événements ont i)répaié la j)ai\ de Munster. Eh bien,
une (luantité considéi-altlc de hameaux, de chemins, de cours
d'eau, d'endroits, de fermes, portent actuellement des noms
— 499 —
(jiii niji[)ellL'iil les l)al;iill(js (|ui oii( eu lieu. Rciinircus noms
iivec soin, recueillir les Iraditious <|ui s'y raltuclienl, rien que
(huis c(!l(e ])elite i)cU'lio de lu Flandre, constituerait une lâche
tellemenl lourde que nul ne la voudrait et ne la pourrait
supiK)rter. Dans la commune de Galloo, par exemple, tout
porte un nom qui rappelle les victoires des Espaunols sur les
Hollandais. Les mêmes circonstances se ])roduisent à Ter-
monde, Lokcren, Audenarde, Gavre, Nevele, Rupelmonde,
Basel, partout enlin.
Le comité croit pouvoir se borner à donnera M. le Ministre
les indications suffisantes au sujet des batailles (jui se sont
livrées dans la Flandre et des monuments (|ui pourraient
avoir été élevés à ce propos,
AFFAIRES DIVERSES.
Le comité a eu à examiner s'il avait été donné suite à
quelques-unes des propositions laites par lui dans les diverses
assemblées générales (pii ont eu lieu depuis 1861. Gel
examen a démontré (jue des questions d'un intérêt réel
n'avaient point encore été instruites. 11 a été décidé qu'elles
seraient reprises, à propos de l'assemblée générale pro-
cliaine, soit par le comité, comme corps constitué, soit indi-
viduellement j)ar les mend)res et m leui' nom personnel.
Dans la séance du It>jui!lel 18(;7 du conseil ju-ovincial de
la Flandre orientale, un membre lit observer qu'il serait
désirable que Ton prélevât, sur l'allocation destinée aux
beaux-arts, une certaine sonnne à mettre à la disposition
du comité provincial des monuments, en vue tie l'aire copier
les ])i-oduclions artisticpies remarquables de nos anciens
— 500 —
artistes peintres, sculpteurs, architectes et autres, alin de
pouvoir metire de bons modèles entre les mains des élèves de
nos académies de dessin.
Cette proposition a été envoyée au comité pour avis et
considérations. Comme on peut le penser, les membres
furent unanimes à approuver la mesure. Un comité spécial
rédigea sur la question un rapport dans lequel il fit ressortir
les avantages considérables à retirer par nos académies de
la copie de fragments d'œuvres nationales utiles à l'enseigne-
ment et du moulage des plus beaux spécimens de notre
ancienne architecture, de la statuaire, de la ferronnerie, etc.
L'exemple donné par le conseil provincial de la Flandre
orientale pourrait être fécond et imité; dès lors, des échanges
s'organiseraient, et avant peu loules nos académies seraient
abondamment fournies des plus beaux modèles de l'art dans
toutes ses manifestations. La dépense à résulter de ce chef
serait peu considérable et diminuerait naturellement d'année
en année. Les rapporteurs ont eu soin d'indiquer dans leur
travail les objets qu'il conviendrait avant tout de vulgariser
par la copie ou le moulage. Espérons que ce plan , si bien
tracé pour le développement du goût dans les arts, sera
promptement mis à exécution.
PROVINCE DE HAIiWUT.
M. VIISGENT, RAI'l'OKTEllR.
Messieurs,
Les travaux du comité provincial du llainaul, depuis la
— im —
dernière séance générale, sont nombreux et de diverses
nalures : les uns concernent des projets de constructions
entièrement neuves; d'autres se rattachent à des études de
restauration d'édifices religieux; enfin notre ])ilan annuel
comprend aussi des recherches d'œuvres d'art qui, jusqu'ici,
étaient peu connues.
Parmi ces travaux, quehjues-uns ont une importance
réelle; nous croyons devoir les l'aire connaiire à l'assem-
blée :
I. — ÉGLISE DE VILLEKS-l'OTEKlE.
Ainsi que le disait le rapport de 1866, le village de
Yillers-Poterie attendait depuis longtemps une église dont
la superficie répondit aux besoins de la population. Le re-
ttird dans la solution de cette affaire provenait surtout de la
divergence d'opinions quant à la partie à conserver de l'an-
cien temple.
A la suite d'une visite d(! plusieurs délégués, le comité
avait proposé le maintien du chœur comme base du projet
d'agrandissement.
Deijuis, un arrêté royal ayant décrété la construction
d'une nouvelle église, le comité réclama des explications à
ce sujet. — Le conseil connnunal apprécia la valeur de nos
observations et résolut de l'aire restaurer l'ancien monu-
ment, en réclamant l'appui des archéologues ])Our l'obten-
tion de subsides (pii pourraient aider la commune à atteindre
ce but. — Les membres correspondants du liainaut appuyè-
rent, tout naturellement, la louable intention des adminis-
trateurs et promirent de seconder leurs efforts. Un délégué
— 502 —
sNjsl reiKlii du nouveau sur les lieux, à la (l(M)iandc do la
Coniuiissiou cenlrale, afin de prendre les mesures néces-
saires à la conservatiou des IVagnicnls les plus remarquables
de rédiiice.
Tous les amis des arts apprendront avec plaisir que ces
démarches ont eu un heureux résultat et que le villaiie de
Vlllers-Poterie , en obtenant un tenq)le en rapport avec sa
population, possédera encore une partie de son petit sanc-
tuaire du XIV'' siècle.
11. — ÉGLISE d'ANTOING.
Le projet de démolition de l'église d'Antoing et de sa re-
construction sur un autre emplacement, en dehors de l'en-
ceinte du château du |)rince de Ligne, a été soumis à
l'examen du comité.
D'après ce ]irojet, l'église [tropremenl dite, c'est-à-dii"e la
nef ])rincij)ale, le chœur et les bas-côtés seraient démolis ;
la tour seula serait conservée et restaurée.
La valeur archéologi(jue du monument a donné lieu à une
discussion longue et très-intéressante : quelques membres
auraient désiré maintenir toutes les constructions à cause
des souvem"rs hisloricpies qu'elles i-appelleiU, ou pai'ce (pie
l'état actuel des maçonniu'ies jx'rmet encoi'e une restauration
générale. Envisageant en outre la ipK^slion au point de vue
de la mission des comités provinciaux, « institués jiarticu-
» lièrement pour veiller aux anciens édiliccs, » ces honora-
bles corresj)ondants pensent que le comité du liainaul de-
vrait s'opposer au projet de démolition.
— 505 —
D'iiulivs iiicnibres sont, ;iii coulrairc, d'avis (|uc réglisu
(l'Aiiloinu, sauf la lour, u'a pas assez de iiiérile jxnirqiie sa
disparition ])uissc être considérée comme un acie regret-
table. D'ailleurs, ))res(|ue toutes les parties ])rimilives n'exis-
tent plus : la nef principale est mutilée, ses colonnes sont
(juasi modernes ; les bas-côtés sont des additions de mauvais
goût, et le chceur lui-même ne peut plus monirer que' de
rares vestiges de ses premières maçonneries. La tour élanl
.seule exemple de ces tristes transformations et oifrani, j)ar
conséquent, un véritable intérêt arcbéologique, devrait èlre
restaurée.
Cette discussion provo(jua une visile de la Commission
centrale, dont l'opinion vient d'èlre connue par le bulletin
mensuel. Ce Collège est d'avis que la tour de l'église actuelle
est la seule partie ([u'il importe de conserver,
111. — ALTUES Pr^OJETS DE l',EGO>STllLCTIOX ET DE riESTAUllAim?;
d'ÉDHICES IIELIGIEIX.
A |)ropos (le l'examen de. l'ini de ces projets, le comité
lémoigne le regret ([ue les airliitectes chai-gés des éludes de
conslructions religieuses cnlièromoil neuves n'adoptent pas
toujours un style bien approprié à ce genre d'édilices. Sans
doute, on ne i)eut rejeter un projet [)our le seul motif (pie
kîs formes choisies par l'artiste s'éloignent de celle du movcn
âge; mais nous jiensons (jue loii.s nous devons enqiloyer
notre inlUience |)oui- faire admettre les styles les plus con-
venables aux monuments religieux : ces styles sont ceux
(pii ont régné du v'^ au xvi" siècle.
— 504 —
IV. — CHASSE DE SAINT LANDllY A SOIGNIES. — DÉTAILS ROMANS
A HAM-SUR-HEURE. — PIERRE SÉPULCRALE A BASSILY.
Fidèles à leurs antécédeiils, tous les membres de noire
comité ont paj-couru eu touristes différents cantons de la
province et ont exposé aux assemblées trimestrielles le
résultat de leurs recherches. Plusieurs objets d'art ont été
découverts, des tombeaux ont été sauvés de l'oubli, des
restes de constructions inédites appartenant au moyen âge
ont été dessinés; et, dans cette liste de renseignements re-
cueillis à travers nos communes, grandes et petites, figurent
des trouvailles fort intéressantes.
D'abord nous signalerons un morceau de tapisserie brodée
(soie sur toile) du xi*" siècle, que notre honorable vice-prési-
dent a découvert dans la châsse de saint Landry à Soignies.
M. Voisin a publié, dans le bulletin des commissions d'art
et d'archéologie, une notice sur cette curieuse tapisserie
avec un dessin chromolithographie.
Des chapiteaux et des bases de ré})oque romane ont été
trouvés à Ilam-sur-Heure, à la suite de fouilles dirigées
avec soin. Ces détails seront dessinés et reproduits prochai-
nement dans une revue artislicpie.
L'église de Bassily possède une pierre sépulcrale de 1599
qui mérite les honneurs de la gravure. L'un de nos collègues
a l'intention de la faire connaître, en réclamant l(;s co-
lonnes des Annales du cercle archéologique de Mous. Un
grand nombre de; lomheaux r(Mnar([uables et peu connus
ont élé inscrits dans nos albums; mais plusieurs correspon-
dants désira ni faire une étude j)lus complète de ces produc-
— 505 —
lions si gracieuses de la renaissance et de la fin du moyen
âge, ce comité attendra les nouveaux documenls avant d'en-
•egistrer ces œuvres dans ses rapports officiels.
En rendant compte de ses travaux, le comité man(pierail
à son devoir s'il ne rappelait les services nombreux que l'un
de ses membres les plus zélés a rendus à l'archéologie.
M. le Maistre d'Anstaing vient de mourir, Messieurs, au
moment, où il espérait encore nous aider du fruit de ses lon-
gues études.
Doué d'une rare intelligence et d'une modestie devenue
proverbiale, notre regretté collègue est l'un des premiers
qui, en Belgique, osèrent arborer franchement le drapeau
de Tarchéoligie du moyen âge, surtout lorsque l'on semblait
faire à nos savants le reproche d'utopistes. M. d'Anstaing a
pris part, pendant vingt-cinq ans, à toutes nos grandes so-
lennités scientifiques. Au sein des congrès, dans les jurys
(le concours, au milieu des travaux de restauration de nos
cathédrales; enlin, dans toutes les réunions où des ques-
tions archéologiques devaient être traitées, on renconirail
M. d'Anstaing.
Et récemment encore ne l'avons-nous pas vu obtenir, en
face des archéologues les plus distingués de l'Europe, les
applaudissements (pie l'on n'accorde (ju'aux vrais savants.
Sa plume et sa parole, toujours empreintes d'une vaste ('rii-
dition, avaient uneautoiilé légitimée par des travaux denn-
séculaires. L'Espagne, lltalie, l'Angleterre, la France, l'Al-
lemagne et l'Afrique avai(Mit tour à tour été le champ de
ses études, sans oubliei- notre |)ays où son nom reslei-a
attaché à ruiic des restaurations les plus sérieuses <pie la
Belgique indépendante ait vu réaliser.
— :)06 —
Xons somiiKv^ corlniiis, Mossioiirs, ([iie vous vous asso-
cierez à ce Inible liornmago que nous rendons ;i In mémoire
d'un collèpjue dont la vie presque entière s'est })ass(!e dans
la reclierclie approfondie des œuvres de nos maîtres du
moyen àixe.
PROVINCI': DE LIKCE.
.1. hflbh;, SF.ei'.KTMnr , i; \ppop.tfuh.
MESSIEURS,
La lettre de lAÏ. le Minisire de l'Intérieur du 2 octobre 18GC,
en enlevant à l'examen des comités provinciaux les ]»lans des
«îonstructions nouvelles, a considérablement, al)réiïé notre
tâche, et la pai't d'action qui nous est rései'vée dans la res-
tauration des monuments anciens mérite i\ peine un rappoil.
(le|)en(]anl le règlement, de la Commission des monuments
nous en inqjosanl le devoir, nous indi([uerons très-sonmiai
remenl les alTaires soumises à notre examen depuis le 1*.) juin
18(>r», date de la dernière assemblée généi-ale.
Les alîaires suivantes nous ont été soumises :
l'rojet d'ameublement de l'église de Vierset-Barse:
Kulise à construire à Touriime;
Id. à liattice;
Restauration des églises de Lind)()urg et de Milinoi't ;
Cloître et salle de cbajiilre de l'rglise de Saint-.lacMpics, à
Liège;
Restauration de la tour et des bas-cètés nord de Féulise
Sainl-Mai'tiu. à Li(''uc,
— a07 —
(^cs doux (Ici'iiicrs ohjols ont parliViiliùi'ornoiil oxiué, de
Ja part du coniilé, un examen approfondi.
La démolition de l'ancien tliéàtre adossé au transept méri-
dional de l'église de Saint-Jacques avait mis au joui' d'intéres-
santes construclions d'une dalc aiilérieure d'un siècle à peu
près à l'église actuelle. Elles se comi)Osent d'un fragment de
(doître et d'une salle spacieuse portant les traces nombreuses
d'une décoration sculptée et peinte assez riche pour que la
conservalion de ce fragment, — dont la restauration présen-
tait à la vérité des difticultés sérieuses, — lut désirable. Le
rapport dressé par notre comité dans ce sens n'a eu aucun
résultai. Ces restes de l'architecture du xiy" siècle seront
démolis sous peu et remplacés par une sacristie et une cha-
pelle, destinées à reproduire symétriquement au transept
méridional ce qni se trouve au transept nord.
La seconde affaire importante, et qui est encore acluelle-
ment soumise au comité, est la restauration de la tour et des
has-côtés nord de l'église Saint-Martin à Liège. D'accord en
(>ola avec la Gonnnission centrale, les correspondants de noti-e
[irovince se sont toujours prononcés dans le sens le plus con-
servateur, — c'est-à-dire en recommandant des réparations
en recherche, et condamnant Ions les projets tendani à en-
lever ))lus ou moins à la tour sa physionomie actu(^lle. Les
travaux étant seulement à la veille de commencer, l'avein'r
nous appi'endra (piel sera le résultat obtenu.
A la lin (le l'année d(M-nière, nous avons reçu commiini-
calion d'une circulaire ministérielle invitant MM. les mem-
l)res des comités provinciaux à adresscM' une nomenclature
détaillée (h^ construclions élevées dans la province par les
corps de nK'liers, \o<. gildes, les sf'rnxMils e| les autres édi-
— 508 —
fif'cs publics olïraiU un inlérèl arcliéologique, devenus au
jourd'hui propriété privée. Les constructions de la catégorie
indiquée sont extrêmement rares dans notre province; ce-
pendant il y reste quelques édifices qui méritent d'être
signalés au gouvernement, et la bonne saison survenant
notre comité s'acquittera de cette tâche.
Nous n'étendrons pas davantage le présent rapport et, en
lerminant, nous formulerons le vœu suivant, dans l'espoir
qu'il sera soumis à la discussion de la prochaine assemblée
générale :
Dans l'assemblée générale du ! 9 janvier 1865, le comité
des membres correspondants de la province du Brabanf a
exprimé le vœu que le gouvernement cimisisse toujours les
membres de la Commission royale des monuments dans les
comités provinciaux. Le comité disait : « C'est parmi les
» mond»i*<'S de ces comités déjà initiés aux travaux de la
» (^iommi-ssion l•oval(^ (pi'on doit espérer de trouver l(\s
» hommes les |)lus com|)étents, les })lus aptes à remplii* les
» fonctions pour lesquelles ils ont, en quelque sorte, fait
» leur stage. Il y aurait à noti-e avis, dans l'application de
» ce mode de nominaiioii, des avanlages lels (|ue l'adininis-
» tralioii sci'ail la pi'cmière à s'applaudir de l'avoir adoptée.»
Ce v(eu, dont l'i^xpi-ession n'a renc-ontré aucune opposi-
tion, et qui send)le si éipiilable, en a fait naitre un second
au sein du comilé des m(Miihres corres|)ondants de la pro-
vince, de Liège; V(eu (pie Ton peut considérer connue le
corollaire de celui (pii a él('' foiMindé pai- le coinih' de Hra-
banl, v\ dont la i'('a!isalioi), nous en sommes cei'lains, ur.
paraîtra ni moins jusle m' moins ulil(>.
Le V(eu du comih! liégeois eonsislerail à prier M. le Mi-
— 509 —
nistre de l'Inléricur do vouloir ]nen l'aiiv représenter au sein
de Ja Commission royale toutes [les provinces du royaume,
au moins par un membre effectif. Ce membre, qui pourrait
être nommé sur la présentation du Gouverneur de la pro-
vince à laquelle il appartiendrait serait tenu d'assister aux
réunions des membres correspondants où il aurait voix déli-
l)érative ; il assisterait également aux réunions de la Com-
mission royale , surtout à celles où seraient traitées les
affaires concernant sa province.
Le membre effectif qui se trouverait dans ces conditions
serait dans la Commission royale le rapporteur naturel des
travaux et des délibérations de son comité, de même qu'il
serait, auprès de ce dernier, à la fois un lien et un guide,
toujours à même de l'éclairer sur les intentions et les prin-
cipes de la Commission royale.
Le comité des membres correspondants de la province de
Liège est d'autant mieux en position d'exprimer C(; vœu que
déjà cette province est représentée au sein de la Commission
royale par un membre effectif. Mais elle désirerait que, jiar
suite des règlements mêmes de la Commission , ce membre
prît part à ses séances et représentât ensuite le comité
auprès de la Commission royale; elle voudrait aussi
voir semblable mesure s'étendre à toutes les provinces du
pays.
Il est certain qu'il résulterait de la réalisation de ce vœu
un concert et une unité d'action entre toutes les fractions de
la Commission répandues dans le pays qui ne pourraient avoir
(pie l'intluence la plus licureuse sur ses travaux. Elle serait
d'ailleurs un stimulant pour le zèle des membres des comités
provinciaux qui seraient certains, à l'avenir, de ne pas voii'
34
— 510 —
clioisir les membres de la Commission royale exclusivement
parmi les correspondants d'une seule province.
PROVINCE DE LIMBOURG.
m. driesen, rapporteur.
Messieurs ,
L'exposé des travaux du comité provincial des monuments,
pendant les années 186G-1867, ne sera pas long. La cause
ne pourrait êlre l'objet d'un grief contre ses membres; leur
zèle ne s'est pas attiédi, et si les investigations de nos archéo-
logues n'ont pas été nombreuses, elles se recommandent à
tous égards.
Un sincère hommage de reconnaissance est dû au concours
de nos collègues, MM. Schuermans et de Borman, à qui l'on
doit des renseignements fort curieux sur des découvertes
dans les campagnes de cette époque belgo-romaine dont
Tongres olTre tant de ruines intéressantes.
Ils ont eu occasion de conférer ensemble de l'importance
des noms de communes, ham(>aux, lieux-dits, etc., et comme
il est constaté aujourd'hui jiar la science qu'aucun nom n'est
l'effet du hasard, cette étude a été méritoire et utile.
On a découvert un Sfeoiùerg a Sehalkhoven même, un
Si, eribroek à Ilern-Saint-IIubert, sans compter un kdiiijiveld
et dos kampwcidc (nom très-caractéristi(pie) h Romorshoveu
(la campagne des Romains), tout près de Hern et de Sehalk-
hoven. Les fragments de tuiles et de poteries romaines abon-
dent au Sleenhe7'(j et au Sleenbroek, et il est même probable
— 511 —
que c'est au Steenhroek qu'eut lieu la découverte du titulus
en bronze acquis par l'État à la vente de Renesse. Il y a lieu
d'espérer en cet endroit des trouvailles certaines et impor-
tantes de l'époque belgo-romaine.
On signale encore :
1° Un steenveld à Rixingen, à dix minutes de la tombe
inédite et considérablement nivelée de Vryheern. Des fouilles
ont déjà été effectuées à Sclialkhoven, sous la direction de
M. de Rorman, et ont amené la découverte d'une villa ro-
maine, que notre collègue décrira ultérieurement ;
2° Une tombe à Henis, inédite et presque nivelée, appar-
tenant au notaire Lismont, de Tongres ;
5" Un cimetière romain en face du Steeïiberçi de Schalk-
hoven, au lieu dit ilomberg ;
4" Des sépultures avec tuiles en face de la tombe de
Vryheern, de l'autre côté de la Heerstraet (nom significatif
souvent porté par les anciens chemins romains) ou ancien
chemin de Tongres à Bilsen.
Il résulte de renseignements que nous a adressés M. Du-
chàleau, curé d'Eysden, près Lanklaer, que des fouilles
dirigées par M. Habets, président de la Société archéolo-
gique de Maestricht, avec un subside du gouvernement
belge, ont été effectuées à Eysden, près de Lanklaer.
Lcà existent, au commencement de la vaste bruyère cam-
pinoise, plusieurs lumulus entourés d'enceintes circulnires,
elles-mêmes enclavées dans une immense circonvallalioii en
lignes droites. Un espoir très-grand de faire dans ces tertres
des découvertes intéressantes a été déçu, soit qu'ils aient
été déjà fouillés, soit qu'ils aient toujours été vides.
Dans In même commune, les ruines de l;i clinpelh^ de Mnl-
— 012 —
hoim, bâtie de matériaux romains, ont été explorées, et les
rouilles, qui ne sont pas achevées, donnent lieu de croire
qu elles serviront à déterminer positivement à Eysden l'em-
placement de la station romaine de Feresne, tant les tuiles à
rebords et les fragments de poteries abondent dans les cam-
pagnes d'Eysden; ainsi se trouverait confirmée l'opinion de
Walckcnaer qui a précisément placé Feresne à Eysden.
Tongres avait fourni trois précieuses inscriptions du temps
des Romains : la célèbre pierre milliaire et les deux épigra-
phes de Nepos, llls de Silvinus et d'Apronius Justus; en
outre, grâce à l'intervention du père de notre collègue, le
chevalier Camille de Borman, une remarquable plaque de
bronze dédiée à la déesse topique Vihanta, avait été préservée
de la destruction jusqu'au moment où, il y a quatre ans, elle
est entj'éc dans les collections d(! l'Etat, à Bruxelles.
Ce n'était point assez; l'ancien Limbourg, siège si impor-
tant de la domination romaine, devait avoir un contingent
])lus iuq)orlant à fournir aux antiquités romaines de noire
pays.
Les ouvrages publiés à l'étranger ont été conqnilsés, et de
nouvelles inscriptions peuvent désormais être ajoutées aux
monuments de cette catégorie appartenant à notre Limbourg.
Les Nenra Brilainiiai de Douglas et \\\iih'f/iiité expliquée
de dom de Montfaucon ont permis de rétablir à la fois et le
texte de l'inscription sur tiole de verre trouvée à Coninx-
heim : politic.us albini/k || karissimk sile, et la date précise
de la découverte de celle inscription, 1608, dans la tombe
romaine (pii se ti'ouve située le plus près de la digue de mer
à Tongres.
l-ji oulre, un mamiscrit du chanoine Vanden Bei'cli, a|)-
— 515 —
partcnani à M. le comte de Grunne, a révélé à notre collègue
M. de BoniKiii une iiiscripliou romaine de Gors-op-Lieux :
G . GRAGILE WSSI.M . III 11
AEDIL . G . T . StBI . I . E . I 'I
ET QVINTO . LIBERI . I li
AVDAX ET QVINTV
Enfin un manuscrit de la bibliothèque d'Utrecht, com-
pulsée par l'Allemand Bi-ambach , a fait connaître cintj
inscriptions trouvées dans le temps à Goyer (Jeuck) sur l'em-
placement de l'église, et démontrant que celle-ci avait suc-
cédé à un temple i)aïen consacré à Hercule.
Voici quatre de ces inscriptions (la cinquième est presque
indéchiffrable) . Ghose curieuse, elles ont dé'jà été publiées
par Muratori, mais elles avaient échap})é à l'attention de nos
savants :
I" HERCVLl !1 PROBVS VEREC (V.N) H DI FIL . || VS
:2" HERCU LI 11 LEVBAES li ÎN'A FLO !| RENTI^' !| FILIO |i V. S. L. M.
5" HERCULI E(7) I ALCMENAE || C. MATERiSI || VS PRIMVS |1
V {p) L. M.
4" HERCVL li VADVNA || CAR. FI |1 LIA. V. S.
Ge n'était ])oint encore assez; il fallait, en outre, n^clier-
cher au loin où avaient séjourné les soldats tungres des ar-
mées romaines, quelle élait leur civilisation, leur langue,
leur culte, leurs usages; les ouvrages anglais de Gamden,
de Roach Smith, de Sluart et autres ont signalé de nouvelles
inscriptions, inédites en Belgique, qui révèlenl les différentes
contrées où les cohortes tungres se complétaient : le pa(/i(.s
condrusli.s (Gondroz), le viens liedœ (lkda(/(nc, j»;iys de
Bitbourg, à douze liinies de Trêves), et qui foni conn;iilre
— 514 —
aussi le nom de divinités spéciales adorées par nos pères :
Mars Cocidius, Dea Epona, Hercule Miujusamis, déjà con-
nus par d'autres inscriptions, plus deux déesses nouvelles :
Dea Viradelhes et Dea Ricagma (de Rigomagus? Remagen,
localité (jui ligure sur la pierre milliaire deTongres); ces
inscriptions mettent d'ailleurs au jour de nouveaux noms
d'ofliciers des cohortes tungres, non publiés par M. Roulez :
le duplicaire Valenus Nigrinus, le tribun Palernus? mater-
nus, les préfets Silvius Auspex, Claadianus, etc.
En rapprochant ces différentes données et en en tirant d'u-
tiles déductions, la lacune (pie présente notre histoire, pen-
dant les premiers siècles de l'ère chrétienne, parviendra de
plus en plus à se combler, et l'on y ajoutera de nouveaux
chapitres dont les explorations des tumulus et villas de la
Hesbaye limbourgeoise et du Limbourg d'outre-Meuse four-
nissent déjà les premiers éléments.
D'autres objets d'un intérêt véritable ont fixé l'attention
des membres du comité. C'est ainsi (|ue des plans ont été
dressés pour la restauration de l'église Saint-Gangulphe, à
Saint-Trond, et de la porte de Visé, à Tongres, reste curieux
de l'architecture militaire du moyen âge.
Diverses restaurations ou confections de mobilier, entre
autres les autels de l'église de Milieu, un lustre ancien de
l'église de Looz, des fonts baptismaux à Wellen, etc., etc.,
ont été l'objet de leur sollicitude et de leur concours.
Pour répondre au vœu souvent exprimé de voir publier
des monographies de nos anciens monuments, MM. Jaminé
et de Corswarem ont présenté au comité une complète et
intéressante description de l'église collégiale (le Saint-Quentin,
à Hasselt, (]uo leurs auteurs, se rendant au désir de leurs col-
— 515 —
lègues, présenteront au Bulletin des Coininis.sions royales
d'art et d'archéologie.
PROVINCE DE LUXEMBOURG.
m. puat, rapporteur :
Messieurs,
Nous suivrons la marche adoptée dans les précédents rap-
ports, en faisant coiniaîlrc quels ont été les travaux exécutés
dans le cours de ces deux années aux édifices monumentaux
de la province.
ÉGLISE DE SAIIST-HUBERT,
La restaurai ion de cet adniirajjle édifice avance avec une
grande lenteur; celle lenteur est forcée; la marche des
travaux est en raison des sommes mises à la disposition de
la commission directrice.
On a dépensé, en 1866, la somme de fr. 17,477-88. Les
ressources sont venues :
De l'État pour . . fr. 8,000 »
De la |)rovince . . . 3,000 »
De la ville de Saint-Hubert . 2,555 55
De la fabrique d'église . . 1.555 55
Fr.
14,666
66'
A ajouter :
Encaisse de 1 865 .
fr.
5,857
40
Produit de vieux matériaux
fr.
867
40
Total.
19,571
47
Déduisant la dépense
fr.
17,477
88
11 restait disponible. . fr. 1.805 59
Les travaux exécutés en 1806 comprennent la reconstruc-
— 516 —
(ioM (le (|uali*(' conlre-l'urls en avant du transept de la façade
latérale de gauche de rédiliee.
Le nettoyage avec ragréement et rejointoiements des pare-
ments extérieurs des maçonneries de cette façade latérale et
de la tourelle de droite.
La reconstruction des deux dernières fenêtres avec meneaux
et vitraux de la nef latérale de gauche et la restauration des pla-
fonnages des voûtes d'arête, des travées y correspondant.
L'ancrage, au moyen de tirants en fer, au-dessus des
voûtes des murs transversaux du transept et le placement et
la fournitui-e de huit ancres de pilastres au-dessus des voûtes
de la nef principale et des bassses-nefs.
Les travaux de réparations et de consolidation de la char-
pente du clocheton central, à la croisée de la nef et du transept.
La réparation des dégâts provoqués i)ar la foudre , le
22 juin 1866, à la tour de droite de l'édifice, à Saint-Orhan
couronnant la façade ])rinci))alc, ainsi qu'aux cliéneaux et
plombs.
Le placement et la fourniture d'environ 60 mèti-es de clié-
neaux, 30 mètres de descente vers la façade latérale gauche,
l^our l'exercice 1867, les recettes ont été les suivantes :
ICxcédant du compte de J866 . fr. 1,895 :)9
Subside de l'Etat .
» de la province .
» de la ville de Sainl-IIuberl
» de la fabrique .
J'rodiiit de vieux matériaux
Les dépenses se sont élevées à.
Il y a donc un excédant de dépenses de 2,171 69
8,000
»
5,000
»
2,oo3
55
1 ,553
55
1,100
65
17,660
88
19,852
57
— 017 —
Voici quels ont été les travaux exécutés eu 1867 :
La construction de trois grandes fenêtres de la haute nef,
dont deux vers le nord et une vers le midi.
La restauration des parties de voûtes d'arête et des gale-
ries intérieures correspondant aux verrières reconstruites.
La confection des descentes d'eau devant remplacer les
gargouilles projetées vers la façade latérale et le chœur,
descentes d'eau qui seront i)lacées le plus tôt possible.
L'entretien des toitures, des noues et des conduits d'eau.
Les meneaux en granit de la quatrième grande croisée de
la haute nef, côté du midi, sont terminés; on en effectuera la
pose aussitôt la reprise des travaux extérieurs.
On s'occupe de l'exécution des meneaux de la cinquième
verrière.
La visite des toitures, des chéneaux, des noues et conduits
se fait régulièrement.
Les toitures de la haute-nef et du chceur, surtout de la
[)artie nord, sont en fort mauvais état; il devient difficile,
malgré toutes les précautions et les soins (ju'on ai)porte à la
visite et à l'entretien de ces toitures, de les conserver intactes
de dégradations journalières.
II est urgent, dans l'intérêt de l'édifice, que les toiture
tant de la haute nef (jue du chœur soient renouvelées.
Il est également indispensable ({ue la deuxième corniche
de la façade principale soit garnie de cuivre conmie la
première; l'architecte chargé de la direction des travaux en
a fait la remarque dès l'année^ dernière; ce travail n'a pu
être exécuté en 1867, vu l'exiguïté des ressources; il pourra
l'être en 1868.
Les travaux de restauration ont été exécutés, en 1867,
— 518 —
d'une manière satisfaisante, et les ateliers ont été conduits
avec ordre et intelligence.
Au mois de janvier 18G4, la restauration de l'église de
Saint-Hubert devait coûter encore 220,000 francs, à répartir
en quinze exercices, pour être supportés :
8,000 » francs par an par l'État . fr. 120,000 >>
1,353 53 » » par la fabri(|ue . 10,999 95
2,555 55 » » par la ville de
Saint-Hubert . 54,999 95
5,000 » » » par la province , 45,000 »
Somme égale. . ïi\ 219,999 90
Otte somme de 220,000 francs ne comprenait (jue les
travaux de restauration propreinent dits; il n'était pas ques-
tion des ouvrages d'entretien ordinaire qui pouvaient se pré-
senter dans le cours de (juinze années, ni des dépenses
accidentelles qui pouvaient se produire.
Parmi ces dernières dépenses, il faut ranger les répara-
tions des accidents occasion nés parla foudre le 22 juin 18G0.
Il s'agissait moins encore du renouvellement complet do
certaines toitures en mauvais état et dont on devra s'occuper
d'urgence.
Dans un rapport du 29 du même mois, M. l'arcbitecte
Bouvrie demanda qu'il fût placé des paratonnerres à l'église
monumentale de Saint-Hubert, afin d'éviter à l'avenir tout
accident de l'espèce.
Dès l'année 18G2, le conseil d(; fabi'ique de Saint-Hubei't
avait attiré l'attention do l'autorité sur la convenance de
|)lacer des paratonnerres sur l'ancien édilice abbatial, à
charge de la caisse des travaux de restauration. Il fut alors
— 519 —
répondu que les fonds de la caisse de i-cstauralioii avaient
une destination spéciale de laquelle ils ne pouvaient èlre
détournés; qu'en conséquence la dépense devait être suji-
portée par la fabrique avec les subsides de la commune, si
les ressources de la fabrique n'étaient pas suffisantes.
En présence du sinistre de juin 1866, il n'était pas permis
d'ajourner cette dépense, évaluée à 2,000 francs. Le conseil
communal et le conseil de fabrique déclarèrent que, à défaut
de ressources pour l'un et l'autre, ils ne pouvaient supporter
cette nouvelle dépense et demandèrent qu'elle fût mise à
cliarge de la caisse des travaux de restauration.
Après avoir pris l'avis de la Commission royale des mo-
numents et de la députation du conseil provincial, M le
Ministre de la Justice, par décision du 10 octobre 1867,
accorda son consentement à la demande de la fabri({ue et
les 2,000 francs nécessaires figureront en dépense au budget
de 1868.
Parmi les dépenses qui, selon toute apparence, n'avai(>nt
pas été prévues en 1864, doivent figurer les honoraires de
l'architecte dirigeant les travaux, le traitement du surveillant
et les indemnités du trésorier, du secrétaire, ainsi que les
frais de bureau, ces frais s'élevant annuellement à 2,925 fr.
65 cent.
Les honoraires de l'architecte ont toujours été réduits au
strict nécessaire et la Gonmiission royale en a même fait
remarquer l'insuffisance.
Dès le commencement des travaux de restauration, un
maitre-ouvrier a surveillé ces travaux, à raison de fr, 4-50
par jour. Dans une dépêche du 4 juillet 1866, la Commis-
sion royale demanda la nomination d'un chef d'atelier, aiia
— aï>0 —
d'organiser une surveillance réelle de lous les jours sur les
travaux. Ce chef d'atelier fut nommé en août suivant, avec
un traitement de o francs par jour.
Quant aux indemnités du trésorier et du secrétaire, elles
sont toujours restées telles qu'elles avaient été établies
d'abord.
Si nous entrons dans ces détails, c'est pour faire com-
prendre, dès à présent, que le devis fixé, en 1864, à la
somme de 220,000 francs pour la restauration de la basi-
lique de Saint-Hubert sera nécessairement dépassé, quoique
restant dans les limites d'une économie rigoureuse.
A diverses reprises , on s'est plaint de la lenteur
apportée aux travaux de restauration de l'église de Saint-
Hubert.
Ce grief est fondé, mais il j)rovient du peu d'élévation
des sommes consacrées annuellement à cette restauration ;
celle-ci devait durer pendant quinze années qu'on voudrait
voir réduire à dix. On comprend (ju'on soit impatient de
contemple)', complètement restauré, un magnilique édifice
appartenant à la plus belle époque de style ogival; mais
durant quinze ans, il j>eut se produire des dépenses d'en-
tretien autres que celles de la restauration proprement dite,
des dépenses accidentelles non prévues, provenant précisé-
ment de l'état de délabrement et d'abandon où s'est trouvé
le bâtiment pendant une longue éjjoque. Il faudrait donc
augmenter la dépense annuelle pour arriver ])lus tôt au ré-
sultat si vivement désiré. Mais comment? La province, la
commune, la fabrique d'église sont à bout de ressources et
ne peuvent payer annuellem(>nl (pi(.' ce (pi'elles ont pronn's.
L'aide doit donc venir de l'État*
— im —
En 1804, l'Élal a payé. IV. 16,000 >>
En 1805, » . . 10,000 >>
En 1800, >. . . 8,000 «
40,000 «
Lo oouvf'rnemenl qni, pour quatre aimées, en 1867, ne
(levait payer que 52,000 francs, était donc déjà en avance
de 8,000 francs. Il vient d'accorder 10,000 francs pour liàter
les travaux de 1808. Sur les 120,000 francs i)roinis, il a
donc payé .')0,000 francs de 1804 à 1808 inclusivement.
Ces avances devront être continuées en 1800, sous |)eine
de voir stater les travaux de restauration.
ÉGLISK DE HOrFFALlZK.
Le gouvei-nemenl a donné son consentement à tous les
travaux de restauration de l'église de liouffalize en accor-
dant à cette ville un subside de 5,000 francs. De sou côté,
la province a alloué 3,000 francs.
L'adjudication des travaux a été approuvée au commen-
cement de 1807 et d y a tout lieu de croire qu'ils sont
achevés. On attend le procès-verbal de réception définitive.
ÉGLISE DE BASTOGNE.
Celle église est la dernière qu(î l'on puisse rangei' parmi
les rares édifices monumentaux anciens de la province.
Les plans et les devis concernant cette restauration ont
été soumis à l'avis de rarcliite(*le |»rovincial de T'' classe,
— 522 —
avant qu'ils puissent l'être avec fruit au comité provincial
des membres correspondants de la Commission royale.
Nous attendons cet avis qui nous parviendra bientôt, il
faut l'espérer, et alors tout le projet pourra être adressé au
gouvernement.
La Commission royale des monuments avait signalé à
l'attention de M. le Ministre de l'Intérieur, comme récla-
mant des soins de conservation, les anciennes peintures
dont sont couvertes les voûtes de la nef principale et des
collatéraux de l'église de Bastogne.
Le conseil de fabrique intéressé s'était trouvé, en 1863,
dans l'impossibilité de prendre à sa charge une partie de la
dépense à faire pour les restaurations reconnues nécessaires,
et le gouvernement, en présence de ce refus de concours,
a dû s'abstenir aussi provoisoirement de toute intervention
pécuniaire dans les frais.
Cependant l'intérêt ({ue présentent ces peintures, qui sont
un rare vestige des décorations monumentales des églises
du pays, ne permettait pas de les laisser périr faute de soins.
En conséquence, à la lin de 18GG, un nouvel essai fut
tenté auprès du conseil de fabri(pie et du conseil communal,
à l'effet d'obtenir leur inlervenlion effective dans la dépense
éventuelle.
Ces deux corps ont décliné cette intervention à défaut de
ressources actuelles, en déclarant qu'on pouvait ajourner la
restauration des peinlures en question, sans les com})ro-
mettre.
La Comn)ission royale a également été d'avis que la
restauration en question ne devait pas s'eifectuer immédia-
tement et que le travail pouvait, sans inconvénient, être
— 523 —
ajourné, mais elle a cru devoir insister de la manière la plus
pressante pour que, par un zèle mal entendu, on ne gâtât
pas ces précieuses polychromies, sous prétexte de les net-
toyer.
M. le Ministre de l'Intérieur a partagé cet avis et le conseil
de fabrique de l'église de Bastogne a été invité à veiller, avec
toute la vigilance voulue, à la conservation de ces pointures,
en attendant qu'il ait réuni les ressources nécessaires pour
faire entreprendre, avec le concours du gouvernement et
sous sa surveillance, le travail dont s'agit.
CHATEAU DE LAROCHE.
Quelques parcelles de terrain enclavées dans les ruines
de l'ancien château de Laroche avaient été louées pour un
prix minime, en stipulant que le locataire s'engagerait à
remplir les fondions de concierge du château. Par décision
de iM. le Ministre des Finances, le bail vient d'être résilié et,
par suite, les ruines cessent d'être soumises à la surveillance
permanente qu'y exerçait l'ancien locataire.
M. le bourgmestre de Laroche a fait connaître qu'il se
chargeait personnellement de cette surveillance, au besoin
avec le concours du comité local pour la conservation des
monuments.
En conséquence, un avis inséré au Mémorial adminis-
tratif a porté à la connaissance des touristes H autres qu(î
toutes les facilités désirables pour visiter les belles ruines
du château des anciens comtes leur seront accordées et que, à
cet effet, les mesures nécessaires ont élé prises par l'autorité
locale.
— vm
ÉniFIGKS NOT'VEAUX.
Le palais de justice d'Arlon est achevé ; l'administration
provinciale a mis en adjudication la fourniture du mobilier,
dont la dépense s'élèvera à environ 20,000 francs. Le palais
de justice sera complètement livré à sa destination au mois
d'octobre prochain, pour la rentrée de l'année judiciaire.
En attendant, la cour d'assises a pu y siéiier, dès la lin
de 1807.
La belle église de Saint-Mard est terminée. Les autels et
le mobilier, dont les plans ont été approuvés par la Commis-
sion royale des monuments, seront bientôt mis en adjudi-
cation, de sorte que l'église ne tardera pas à èlre livrée au
culte.
Nous n'avons rien à signaler quant aux édilices commu-
naux de construction récenle : églises, maisons communales,
bâtiments d'école; les plans de toutes ces constructions ont
été soumis à la Commission des monuments et ils ont obtenu
son approbation et, plus d'une fois, avec une mention élo-
gieuse.
A Sugny, une construction importante a été proposée
pour hôtel de ville et écoles des deux sexes ; les plans n'en
ont pas été approuvés.
OBJETS DIVEr.S.
E(jlise (le Marvie. Le comité provincial des membres cor-
respondants a été enfin mis en situation de donner l'avis
demande pur la (A)nnnission ntyalc sur la i-estauration et
— 525 —
l'ameublement de l'église de Marvie. Le comité a considéré
qu'il s'agissait de travaux de restauration eu rapport avec ce
qui existe et qu'on veut conserver bien, que défectueux en
(juelques parties ; saut' quelques légères modifications qu'il
a indiquées, il a proposé d'approuver les plans et le devis.
Cet avis a été partagé par la Commission royale, et, par
suite, les travaux de restauration ont été autorisés.
PROVINCE DE iNAMUR.
m. marique, rapporteur :
Messieurs,
Pendant l'année 1807, nous avons tenu sept séances, dans
lesquelles nous avons examiné les objets suivants :
1° Constructions d'églises à Fronville, Mazy, Somme-
Leuze et Petite-Cbapelle;
2" Observations faites au sujet de la restauration de l'église
de Walcourt ;
3° Reconstruction de la sacristie de l'église d'Yves-Gomezée;
4" Construction d'une chapelle dans le cimetière de Cincy ;
o" Placement d'un jubé dans l'église d'Yves-Gomezée;
6" Mesures à prendre pour la conservation d'une pierre
tombale à Niverlée;
7" Choix d'emplacements pour les églises à construire à
Froide-Fontaine (Vonèche), Petite-Chapelle et Warnant;
8" Démolition des anciennes églises de Moustier et Petite-
Chapelle ;
— 526 —
9" Achat d'une maison avec ses dépendances par la
fabrique de l'église Saint- Joseph , à Namur, en vue de
l'agrandissement de cet édifice;
10' Ameublement des églises d'Isnes, Oret, Sart-Saint-
Eustache, VilIe-en-Warct (Vezinj et Yves-Gomezée;
ir Construction d'un presbytère à Mazy;
12" Agrandissement du presbytère de Warnant;
15" Construction de maisons d'écoles à Anseremme, Auve-
lois, Ciney, Ernage, Evelelte, Maillcn, Maison (Saint-Gérard),
Marchovelette, Mazy, Mertenne (Castillon), Mesnil-Église,
Noiseux, Vonèchc, Wépion et Willerzie;
14" Agrandissement de la maison d'école de Rosée.
C'est donc un total de trente-sept affaires qui nous ont été
soumises pendant l'année.
Les procès- verbaux de nos séances, qui vont être imprimés
et qui vous seront ensuite envoyés. Messieurs, contiendront
de plus amples détails sur ces divers points.
La restauration de la façade de l'église de Saint-Loup, à
Namur, est maintenant achevée, à la réserve de l'escalier,
(pic nous désirons vivement voir terminer cette année.
Les pierres nécessaires à la restauration de la tour à droite
(lu portail principal de l'église primaire de Dinant ont été
préparcies pendant l'hiver : ce sont les parements unis, les
rampants, les cordons à moulures, les encadrements des
niches, les chapiteaux, les lleurons, et€. On a ensuite entamé
la démolition du pareiiient (distant. Les pierres, à mesure
qu'on les enlevait, tombaient en poussière. Les plus grandes
])récautions ont été |)rises pour éviter des accidents. On a dû
com|>léler les (''cliafaudages en plusieurs points et étan-
(jonner divers(;s pai-ties des parements, notamment ceux de
— 527 —
la tourelle d'escalier vers la place, où s'était produit un
mouvement assez nolahle pour faire craindre un éboulement.
Toutes les précautions réclaméees par les circonstances
étant prises, on a commencé la restauration des parements;
les pierres préparées ont été mises en place et reliées au
noyau existant au moyen de fers et d'ancrages nombreux.
A l'intérieur de l'église, on a fait disparaître le maitre-
autel, qui mas((uait une grande partie des arcades du chœur.
Ce meuble a été cédé à l'église de Maeseyck.
On a ensuite établi un autel provisoire et ouvert la fenêtre
murée au fond.
Les moditicalions apportées à l'ensemble du chœur et de
l'abside ont augmenté de beaucoup l'étendue de l'édifice.
Nous croyons devoir mentionner que des peintures mu-
rales de peu d'importance ont été mises à découvert par la
suppression du retable en marbre noir, (jui surmontait le
tabernacle.
Les travaux de restauration exécutés en 1867 à l'église de
Malonne consistent dans l'enlèvement du badigeon qui avait
été appliqué sur les parties unies et sur les arcs doubleaux
et diagonaux sculptés des voûtes de la grande nef, des
basses-nefs et du cha'ur; sur les arcs à claveaux en pierre
bleue des nefs; sur les encadrements des fenêtres, également
en pierre bleue et à bossages; sur les pieds-droits et les
archivoltes des deux grands arcs en pierre bleue de la grande
nef et du chœur. Toutes les parties en pierre bleue avaient
été primitivement recouvertes de plusieurs couches de pein-
ture à rhuile, qui ont également été enlevées.
Les parois unies des trois nefs et du clKeur ont été re-
crépies.
— 528 —
Tout le vaisseau intérieur a reçu une décoration en pein-
ture à la détrempe, dans le ton des pierres de sable des arcs
doubleaux des voûtes, avec joints d'appareil, sauf les pierres
bleues et les pierres de sable, qui sont restées à découvert.
Ces divers travaux ont été adjugés publiquement et ter-
minés dans le délai prescrit par le cahier des charges.
Les travaux de restauration effectués en 1867 à l'église
de Walcourt ont eu pour objet :
1° La réédification du portail nord, de sa façade, de son
couronnement, de son intérieur, de ses voûtes, etc.;
2" La réédification des deux travées y attenantes de la fa-
çade des chapelles du collatéral.
La restauration de la troisième travée a été différée pour
être entreprise plus tard , en même temps que le bras nord
du transept, auquel elle est subordonnée.
Pour compléter la tâche de l'année écoulée, il reste à par-
faire la balustrade et ses pinacles de couronnement de la
façade de ces chapelles, à rétablir les meneaux et rinceaux
de l'une des fenêtres et ceux de la rose du fond du porche.
Ces ouvrages pourront être achevés, paraît-il, dans le
courant de mai prochain, de manière à pouvoir alors désen-
combrer immédiatement le porche et laisser libre l'entrée do
l'église pour la fête du |)èlerinage.
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
Arrêté de nomination d'un membre de la Commission.
LÉOPOLD II, Roi des Belges,
à tous présents et à venir, Salut.
Revu les arrêtés royaux du 7 janvier 1835, du 30 juin 186:2
et du 1" mars 1866;
Sur la proposition de Notre Ministre de l'Intérieur,
Nous avons arrêté et arrêtons :
Art. T". — Le sieur Rousseau (J.-B.), Secrétaire de la
Commission royale des monuments, est nommé membre
(le ladite Commission.
Akt. 2. — Notre Ministre de l'Intérieur est chargé de
l'exécution du présent arrêté.
Donné à Laeken, le 15 octobre 1868.
(Signé) LÉOPOLD.
PAK LE ROI :
Le Ministre de l'întérieur,
(Signé) EuDORE Pikmez.
:i5
— mo
RÉSUMÉ DES PROCÈS- VERBAUX.
SÉANCES
lies 3, 12, 19 et 28 septembre; des T., 10, \Z, 17, 24 et 31 octolire 1868.
PEINTURE.
Mns.H- d.- Bruges. Dgs clélésiiés clc Ih Commission se sont rendus à Bruges
Tat)lC3iix. ^ °
pour examiner, clans le musée de cette ville, des tableaux qui
avaient été signalés comme étant en voie de détérioration.
On désignait particulièrement le tableau de Jean Van Eyck :
la sainte Vierge avec l'enfant Jésus, saint Donatien, saint
Georges et le Donateur, ainsi que les deux tableaux qui re-
présentent le Jugement de Camhyse et l'Ecorcliement du juge
prévaricateur , ouvrages dus l'un et l'autre à un maître
inconnu.
Les délégués ont constaté en effet :
1" Dans le Van Eyck de nombi'euses craquelures qui
régnent surtout autour de la figure de In Vierge. Il y a aussi,
dans la draperie rouge de la Vierge, des repeints qui ik? sont
pas dans le ton primitif et qu'il importe de corriger;
2" Dans le tableau qui représente l'Ecorclietiient du juge
prévaricateur, ihs soufllures cjui s'étendent sur une surface
— 531 —
considérable et notamment dans les draperies des person-
nages. Les tètes n'ont pas été atteintes. Ces soufflures se re-
trouvent encore dans le haut du tableau dont le paysage a
beaucoup souffert ;
3° Dans le tableau du Jugement, on trouve de sérieuses
dégradations du même genre, bien que moins considérables.
Le personnage en costume noir, debout à la droite du dona-
teur, est le fragment le plus compromis. La couleur, ici, se
soulève en écailles presque d'un bout à l'autre de la figure,
dont la tête seule paraît intacte.
Il sera aisé de refixer la couleur dans les endroits où elle
s'est soulevée et détachée ; mais il importe de procéder sans
délai à cette opération si l'on veut sauver les ouvrages dont
il s'agit et prévenir des dégradations d'une nature plus sé-
rieuse. Il importerait surtout que l'administration fût avertie
aussitôt que des accidents de ce genre se manifestent. La
commission a été informée qu'on a essayé quelquefois de les
déguiser par des repeints à l'eau. Ces repeints n'offrent pas
de grands inconvénients en eux-mêmes, puisqu'il est toujours
aisé de les faire disparaître; mais il convient cependant de ne
loucher à des tableaux de cette valeur que pour en faire une
restauration sérieuse, et des palliatifs de ce genre, en dissimu-
lant l'état réel de la peinture, pourraient faire ajourner trop
longtemps le travail détinitif et compromettre ainsi j)lus d'un
chef-d'œuvre. Malgré la simi)licité des ojiérations néces-
saires, ce travail, eu égard ii la valeur même de ces pein-
tures, ne doit être demandé qu'à un artiste d'une science
consommée. Le Collège est d'avis que cette l.àche devrait être
confiée à M. Et. Leroy.
Les délégués ont remarqué encore, en |)arcourantlemusée.
— S52 —
un tableau intéressant inscrit sous le n° 57 et qui est fort jauni
par suite de l'altération des huiles et des vernis. Il convien-
drait qu'il fût nettoyé aussitôt que possible,
^^^l'^n ''*; d'"^'.''" La Commission a approuvé les dessins relatifs aux travaux
Imux"""^ "' *"' "" qu'on pro])ose d'exécuter dans la chapelle du bienheureux
Berghmans, de l'église de Saint-Sulpice, à Diest. Elle a cru
devoir des éloges tout particuliers aux cartons des vitraux,
dont le dessin et la composition se recommandent par de re-
marquables qualités de goût et de style.
Eglise de saiut-An- Des uicmbres du Collège ont eu l'occasion, dans une
toiiii-, t) Liège. Pc-io-
lures murales. inspcctiou réccutc , dc visltcr les peintures murales que
M. Carpey a eu à exécuter pour la décoration du chœur de
l'église de Saint-Antoine, à Liège. Ils ont constaté que les
trois grandes compositions, qui devaient orner les travées
du côté gauche, sont aujourd'hui complètement terminées,
et ils sont unanimes à regarder ce travail comme satis-
faisant. On pourrait reprocher, il est vrai, à ces peintures
une certaine coquetterie d'exécution qui n'est pas de mise,
généralement, dans les travaux d'art monumental et qui
s'accorde peu, semble-t-il, avec la solennité des édifices reli-
gieux ; l'œuvre de M. Carpey eût gagné à adopter un style
plus mâle et plus sévère. Mais il est à remarquer que le
caractère de l'architecture justifiait ici, jusqu'à un certain
point, les écarts signalés. La décoration intérieure de l'église
de Saint-Antoine date, en effet, du siècle dernier et les pein-
tures du chœur s'harmonisent bien avec l'ornementation
fleurie qui les environne ; cet ensemble sera plus complet
encore lorsque les saillies de cette décoration en ])lalbnnage
aui'ont été dorées comme elles le sont dans les autres parties
du chœur, et les compositions en elles-mêmes, d'ailleurs.
— 555 —
niéi-iteiU d'être louées pour le goût élégant de leur dessin,
ainsi que pour leur disposition claire et pittoresque.
Des délémiés de la Commission se sont rendus récem- _ ^guse de Notr^-
O Dame a Courlray,
. < /-i , • ,1 II • , Peintures murales.
ment a Courtray, pour y mspecter de nouvelles pemtures
murales découvertes dans la chapelle des comtes de Flandre,
peintures qui viennent compléter la remarquable série de
poi'traits historiques dont se conijtose la décoration de cette
(;liai)elle et dont la restauration est confiée à M. Vander
Plaetsen, peintre d'histoire. Plusieurs de ces figures n'existent
plus malheureusement qu'à l'état de fragments. Mais le
peintre a pu découvrij- avec une quasi-certitude, d'après la
suite chronologique des portraits et certaines indications
archéologiques, les noms des personnages représentés. 11 a
dès lors étudié divers croquis à l'effet de compléter les frag-
ments qu'il avait sous les yeux, et le Collège a cru, après un
mûr examen, pouvoir ap})rouver entièrement ces compo-
sitions. Une autre proposition a été soumise à l'égard des
figures antérieurement découvertes. Il a été reconnu que
l'enduit sur lequel elles sont peintes n'adhère pas suffisam-
ment à la muraille et menace, en plus d'un endroit, de s'en
détacher. On s'est demandé s'il ne serait pas prudent de les
enlever immédiatement, — ce qui peut se faire par des pro-
cédés connus, — et de les transférer dans un des nmsées du
pays ; elles seraient exactement reproduites dans la chapelle
sur un enduit nouveau. La Commission a également ap-
prouvé cette proposition. Le zèle consciencieux de M. Vander
Plaetsen et la fidélité (ju'il apporte dans ses imitations sont
des garanties que ce double travail pourra s'exécuter à
l'entière satisfaction de l'administration.
Dans la chapelle dite : des Éperons d'Or, on a découvert
— 554 —
aussi, sous le badigeon, des traces de la décoration primitive.
Il a été constaté que la voûte était diaprée de lions noirs (le
lion de Flandre) peints sur fond jaune. Celte décoration,
indépendamment de son intérêt historique, a de la richesse
et du caractère; il serait intéressant de la rétablir et il y
aurait lieu de la compléter en suspendant à la voûte les
éperons dorés dont elle était décorée autrefois en sou-
venir de la victoire remportée sur l'armée de Philippe
le Bel.
Kgiise de si-ua- Le cousell dc fabrique dc l'éi-lise dc Saiu t-Bavou à Gand
voii à Gauil. Déco- ' "^
ration iniérieure. j^ soumls dcs dcsslns rclatifs à un projet de décoration poly-
chrome i)our le chœur de cette église. Quand la Commission
a été saisie de ce projet, une question lui a paru devoir,
avant tout, être examinée : celle de savoir jusqu'à quel point
la polychromie gothique proposée s'harmoniserait avec les
riches et importantes mai'breries Renaissance qui ornent le
pourtour du chœur. Aucune indication de ces marbreries
n'avait trouvé place dans le projet. Des délégués de la
Commission durent se rendre sur les lieux.
Il est résulté de cette inspection la conclusion unanime
qu'il y aurait, entre la polychromie proposée et les mai--
breries du chœur, la plus complète dissonnance. La fa-
brique de l'église assurait pourtant qu'il n'entrait millement
dans ses intentions de détruire ou de changer l'ensemble
fort considérable des décorations en marbre, c'est-à-dire
l'autel, les stalles et les monuments placés au xvii'' et au
xviif siècle. Mais ce qui n'est pas moins certain, c'est que
l'exécution d'une polychromie gothique, lell(! que celle qui a
été soumise, rendrait impossible le maintien de cette déco-
ration d'un tout autre style et amènci-ait, dans un délai plus
— 555 —
ou moins long, le remplacement de tout l'ameublement
Renaissance que possède la cathédrale de Gand.
La Commission a cru, par ces motifs, devoir désap-
prouver le projet soumis. Il avait le double défaut de sacri-
Mer une décoration ancienne d'une valeur incontestée à un
travail nouveau d'un résultat douteux, et d'entraîner, comme
une conséquence plus ou moins éloignée, mais inévitable,
des remaniements considérables, c'est-à-dire des frais
énormes dont une grande part, selon toute vraisemblance,
fut retombée à la charge de l'Élat.
Ici se place une question qu'il semble im])ortanl de signaler
au point de vue des plus sérieux intérêts, non-seulement de
l'art, mais du trésoi- public.
On invoque souvent le principe de l'unité de style pour
remplacer, dans nos églises, tous les ameublements qui,
bien que d'une date ancienne, se trouvent être postérieurs à
la construction même; on argue du même principe pour
demander à remanier jusqu'à l'architecture de ces monu-
ments qui ))orlent si souvent la marque de plusieurs époques
différentes. La Commission ne saurait s'élever trop énergi-
quement contre ces tendances, qui, sous prétexte d'épurer
nos traditions, menacent de dénaturer gravement la plupart
de nos monuments, et de supprimer à la longue les j)lus
beaux ouvrages d'art qu'ils renfei-ment.
Les plus sérieuses considérations prolestent contre; ces
inutiles et dangereux remaniements. Rien de plus intéres-
sant, poui- la religion comme pour l'histoire, (jue l'assem-
blage de ces différents styles dans le même édifice, traces
éloquentes des diverses générations qui s'y sont succédé,
témoignages imposants de la longue suite d'efforts qu'ont
— 536 —
exigés ces vastes coiislructions auxquelles plusieurs siècles
ont dû collaborer. On dirait volontiers que ces disparates,
qui se multiplient en raison même de l'importance excep-
tionnelle de ces monuments, sont précisément ce qui consti-
tue leur caractère et leur grandeur. Mais le fait est que, le
plus souvent, il y a diversité sans qu'il y ait disparate, et s'il
est vrai, comme certains archéologues le prétendent, (jue
les admirables artistes de la Renaissance aient ignoré les
règles et les formes du style ogival, il n'est pas moins re-
connu qu'ils ont donné à une foule de monuments gothiques
des compléments, des annexes, des ameublements qui se
marient merveilleusement avec cette architecture qu'ils
n'ont pas imitée.
Aussi, parmi les archéologues les plus autorisés, n'ya-t-il
qu'une voix pour demander qu'on respecte ces additions
d'une époque postérieure. Cet avis est celui des partisans
même les plus convaincus du style ogival. Viollet-le-Duc
recommande expressément que l'on conserve ces parties d'un
autre style dès qu'elles offrent un certain intérêt, et qu'on ne
les modifie que lorsqu'elles sont délabrées au point de ne
plus pouvoir être restaurées. C'est alors, mais alors seule-
ment, qu'il autorise les remaniements au nom et au profit de
l'unité de style.
Tels sont les principes qui ont porté la Connnission à
désapj)rouver la polychromie précitée, surtout en raison des
transformations forcées qui en auraient été la suite.
Ici se place une dernière observation, dont il ne semble
pas moins important de prendre acte. Il arrive souvent (juc
des décorations de ce genre s'exécutent au moyen de dona-
tions particulières, et l'on se croit, dès lors, autorisé à ne pas
— o57 —
en soumettre les dessins a l'approbation ou tout au moins
à l'avis préalable du gouvernement. C'est là une marelie
irrégulière et qui ne peut amener que des eonsécjuences
lâcheuses au point de vue de l'intérêt public. Ces ouvrages,
en effet, amènent dans les églises des transformations très-
radicales et très-coûteuses; ils se poursuivent en dehors de
tout contrôle; et il en résulte que l'État, d'abord désintéressé
dans ces tentatives, finit, en raison des travaux qui en sont
la suite, par en supporter, en partie, les frais et en avoir la
responsabilité. Il y a là un incontestable péril, et le Collège
n'y voit qu'un remède : c'est qu'on recommande aux fabri-
ques de n'entamer aucun travail de décoration intérieure,
même à leurs frais, sans en communiquer préalablement le
projet précis, de façon à pei'niettre du moins au gouverne-
ment de faire ses réserves en temps utile.
CONSTRUCTIONS CIVILES.
La Commission a approuvé les plans concernant :
L'ag-randissement de l'hospice deWest-Roosebeke (Flandre Ho>p.ce> «i. wesi-
^ ' ^ Koosebokc , Maa-
Occidentale); seyck.ou:.
La construction d'un hôpital à Maaseyck (Limbourg) ;
L'établissement d'une maison de secours |)ourles paroisses
de Saint-Willebrord et de Saint-Amand à Anvers ;
Le placement de candélabres sur le pont des Arches à ^ l'omdcsAiciies.à
Liège.
Liéec.
La corniche qui surmonte le beffroi de Gand a été signalée blovo; uc caud.
comme se trouvant dans un état de dégradation qui menace
la sécurité ])ublique. A cette occasion, on a soulevé la ques-
— 558 —
(ioii (Je savoir s'il n'y aui-ait pas lieu de modifier le profil
de cette partie de la construction. Après avoir pris connais-
sance du rapport des honorables membres correspondants
à qui cette affaire avait été déférée, et après avoir entendu
à ce sujet les délégués qui se sont rendus sur les lieux, la
Commission a émis l'avis qu'il y a lieu de conserver à la cor-
niche sa forme primitive et de la reconstruire en pierre.
En attendant qu'un projet dans ce sens soit étudié, il
appartient à l'administration communale d'examiner jusqu'à
quel point la sécurité publique est compromise par la situa-
lion actuelle de la corniche. Il deviendrait nécessaire, en cas
(le daniicr sérieux, d'enlever immédiatement les parties qui
pouri'aient se détacher et tomber sur la voie publique.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
CONSTRUCTIOINS NOUVELLES.
La Commission a approuvé :
Kgii^es dcwiche- \° Lcs plaus d'égHscs à construire à Wichelen (Flandre
leii.Cluiiiiploii, Vieux-
sa.t, Duussois, etc. orientale), à Champion (Luxembourg) et à Vieux-Sart, sous
Corroy-le-Grand (Brabant) ;
•2" L'emplacement proposé pour la construction de l'église
de Daussois (Namur) ;
5" Les modifications qu'on })roj)ose d'apporler au projet
relatif à la construction d'une église à Haijlot (Namur). Ces
modifications consistent à construire l'église en briques au
lieu de la bâtir en pierre et à démolir seulement la tour de
l'église existante ;
4" Les plans relatifs à la construction d'un clocher a
— 559 —
l'église de Rossart (Luxembourg-), el d'une flèche sur la
tour de Waesmunster (Flandi-e orientale).
TRAVAUX DE RESTAURATION.
Après avoir pris connaissance des rapports élaborés par Kgi'sc de si-Ma
' ' ' ' ' lin à Couriray.
les différentes commissions qui se sont occupées des ques-
tions de consolidation et de restauration de la tour de Saint-
Martin à Courtrai, la Commission a émis l'avis qu'il y a lieu
de rétablir l'édifice dans les proportions et le style qu'il pré-
sentait avant l'incendie.
Il ne paraît ])as inutile, vu l'importance de cette alïaire,
de reproduire ici m extenso le rapport du comité provincial
des membres correspondants de la Flandre occidentale :
« Quelques jours après la balaille de Roosebeke (27 no-
vembre 1582), le roi de France, Charles VI, fit son entrée
à Courtrai à la tète de son armée victorieuse. Il venait
venger la défaite subie dans les plaines de Groeninghe, le
\\ juillet 1502.
» La ville fut pillée et incendiée au point qu'il ne resta
debout que cinq ou six édifices. L'église de Saint-Martin subit
le sort comnmu ; il n'en resta debout que les mui's calcinés.
» Philippe le Hardi avait épousé Marguerite, fille du
comte Louis de Maie; il vint visiter Courtrai en 1585. Vou-
lant la relever de ses cendres, il rendit aux habitants leurs
privilèges, confisqués par le roi de France, et leur octi-oya la
levée d'accises pour la reconstruction de l'église paroissiale.
» C'est d'alors que date la reconstruction de cet édifice,
dont la restauration totale dura plus de deux siècles.
— 540 —
» La lour, conçue dans le slyle de l'époque de Louis de
Maie, avait, en 1439, uneélévalion de 1 35 pieds (40 m. 30 c).
C'est Philippe le Bon qui nous l'apprend dans une charte,
datée du 1"' octobre de cette année. Elle n'avait pas de flèche
ni de couronnement. Le duc dit qu'elle était « de maçon-
nerie de pied en cap, parfaite et achevée » et qu'à l'avenir
(uns droits extraordinaires cesseraient d'être levés.
» Cependant la tour n'avait pas de couronnement. Le
12 janvier 1000, le magistriU de la ville résolut de construire
nn campanile.
» Un rapport, dressé à ce sujet par l'architecte Jean Per-
syn, dit que la tour n'était pas assez solide pour supporter
une llèchc en ])icrrc. Il fut donc décide d'en construire une
en bois, recouverte en ardoises, de 108 pieds d'élévation
(32 m. 40 c). Elle subsista jusqu'à l'incendie du 7 octobre
1862.
» Ce préambule fixe les dates de la construction des
diverses parties de cet édifice et prouve les défauts de soli-
dité dès son origine.
» Les trois rapports des divers architectes, délégués par
l'administration communale de Courtrai, aux fins d'examiner
la solidité de la tour, d'y faire les ré)\irations nécessaires et
d'y replacer le campanile, nous paraissent de nature à dé-
montrer que l'édifice pourra être rétabli dans les proportions
et le slyle qu'il présentait avant l'incendie.
» Qu'on nous permette toutefois quelques observations
su))plémenlaires.
» Il est évident (pie l'inclinaison d'environ 50 centimèti-es
du sommet sur la base, au côté Est, a été produite par
les tassements, au fur et à mesure du volume donné à
— u\ —
la construction. Quelle est la cause j)rincipale de ces
tassements? C'est la forme de pyramide renversée don-
née à la partie inférieure des pieds-droits, qui su})portent
ce côté de l'édifice. Ajoutons que le sol de ces fondements
consiste en terrain de remblai, rapporté sur une couche de
sable d'environ un mètre d'épaisseur, sous laquelle existe
une couche argileuse humide. On a fait reposer les fonda-
tions sur de l'argile pour lui faire avoir plus de profon-
deur.
» Nous avons remarqué que le chapiteau et la partie supé-
rieure de la colonne, constituant avec le pied-droit Nord la
première travée de la maitresse-nef, est en aplomb, tandis
que le restant de la colonne est incliné d'environ 20 centi-
mètres vers l'est.
» Ceci prouve : 1" que les tassements ne se sont produits,
en partie, qu'après la construction des bas-côtés et des autres
travées de la maitresse-nef; 2" que l'ensemble de ces sub-
structions a fait fonction de contre-forts, en butant contre la
tour jusqu'au tiers de son élévation.
» Il nous semble qu'il faudra remuer le moins possible le
sol des fondements pour les consolider, et, si jamais il était
décidé de les renforcer par une maçonnerie, notre avis serait
d'établir des ai'cades renversées, dont le dos reposerait sur
la surface du sol sablonneux et les extrémités buteraient
contre les pieds-droils de la tour et contre les fondements des
colonnes.
» Le système d'ancrage établi dans la tour depuis l'incen-
die est loin d'être suffisant; les lourdes cloches, dont le
branle agit sur l'ensemble de la masse, ont été pendues peu
de tempsa])rès le sinistre et cependant on ne remarque aucun
— 542 —
mouvemonl, aucune nouvelle lézarde. Cela ne prouve-t-il
pas la solidité de la maçonnerie que Philippe le Bon disait
parfaite et achevée?
j> Malgré cette assertion, en 1600, lorsqu'il s'agissait de
placer sur la tour une flèche en pierres, l'architecte Persyn
reculait devant les difficultés qu'il rencontrait dans les défec-
tuosités de l'édifice. Les tassements et l'inchnaison vers l'Est
existaient déjà et il proposa d'exécuter en hois le campanile
de 108 pieds de hauteur que nous avons vu incendier en
1862. Pareille élévation et la masse de bois employé à son
exécution constituaient cependant un poids très-considérable,
et jamais, avant 1862, il n'est venu à l'idée de personne
que le couronnement de la tour exerçait une pression telle
que l'ensemble en souffrait. Les projets de restaurations
d'avant cette année de triste mémoire portaient surtout
sur le côté Ouest et sur le porche de l'édifice, qui avaient
souffert des pluies et des vents , si désastreux , dans
notre climat, pour les parties des édifices faisant face à
l'Occident,
)) Nous ne dirons rien des parois extérieures et intérieures
calcinées par les flammes ; les rapports que nous avons
devant nous indiquent les moyens de les rétablir soli-
dement.
» Nous désirerions que la nouvelle maçonnerie fût fixée
au moyen d'ancrages en pierre dure et à queue encastrées
dans l'ancienne maçonnerie à distance d'un mètre.
» Nous sommes convaincus que le nouveau campanile
devra être consli-uit en fer, afin d'alléger son poids et de
j>ré\enir un iiouvtîl incendie.
— U7> —
» Nos conclusions sont :
» 1° Qu'en consolidant, d'après les principes émis dans
les différents rapports qui nous sont soumis, les parties
endommaiïées par l'incendie ;
)> 2" Qu'en établissant des ancrasses solides à différentes
hauteurs ;
» 5" Qu'en déplaçant la sonnerie autant que possible du
côté Ouest, afin que la gravitation soit allégée au côté
opposé :
» On poui'ra établir sur l'ancienne tour un campanile
en 1er, dont le poids ne sera «jue l;i moitié de l'ancien
campanile.
» L'ingénieur, chargé de la construction de la cage en
fer, devrait combiner la forme et le poids de manière à
déplacer le centre de gravité autant que jiossible v(?rs
l'Occident.
» Pour la forme à donner à la nouvelle flèche, il faut imi-
ter l'ancienne; elle est populaire et on la désire; elle est
originale et représente le style du règne des archiducs
Albert et Isabelle, dont nous rencontrons des spécimens à
Gand, à Furnes et dans le Brabant.
» Les délégués du Comité provincial des Moimmenls,
» (Signé) RiTTRR, Vaxdei'Uttf.
» Cou ri rai, le 2^ septembre 18()(S. »
La Commission a approuvé les travaux (pi'on propose t>:Us,-< ,\e Frar.n-
d'exécuter aux églises de Froyennes et de Londregni(*s '"^"' '"-•
(Hainaut), de Mail (Limboiirg), de Doltignies (Flandre
orientale) et de Vosselaere (Flandre occidentale).
Eglise de st-Mar- Le plan adopté par le Conseil communal de Liège pour
lin h I.iége. Aligne- l i i cj i
,no,u .1... abnnis. j'aiignemeut de la rue Mont-Saint-Martin, près de l'église de
Saint-Martin, n'a donné lieu k aucune observation.
Le Membre Secrétaire,
J. Rousseau.
Vu en conformité de l'article 25 du règlement.
Le Président ,
W E L L E N S.
INSCRIPTIONS BELGES A L'ETRANGER.
Au Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéo-
logie, pour 1869, sera présentée la suite des inscriptions mili-
taires concernant la Belgique et trouvées à l'étranger, et
l'auteur a le plaisir d'annoncer dès à présent une série d'in-
scriptions, complètement inédites chez nous, de VAia 1 Tun-
groriim Frontoniana, tout récemment découvertes à Also-
llosva, en Transylvanie, et déposées au musée de Kolosvar
(Glausenbourg).
Mais en attendant le travail relatif à ces inscriptions, une
rectification importante ne doit pas se faire désirer : il s'agit
en effet d'un canton des Pays-Bas, formellement dénommé
dans une inscription romaine déjà citée, et par conséquent
d'un point géographique intéressant qui nous est commun
avec nos anciens compatriotes du Nord, parmi lesquels les
Tungres se recrutaient à l'époque romaine. A ce sujet, des
remerciments sont dus à M. Habets, président de la Société
archéologique de Maeslricht, qui, du premier coup d'œil, a
l'econnu le véritable caractère de l'inscription dont il va être
reparlé, et qui a fourni des renseignements précieux à l'ap-
pui de son opinion.
Cette inscription (n" 127 ci-dessus) est ainsi conçue : deae
RICAGM 11 BEDAE PAGVS || VELLAVS MILT || COH II TVNG H V S L M
En lisant dans celte inscription les mois Bedae pagus, on
avait cru pouvoir les rapport(>r l'un à l'autre, d'autant plus
36
S46
que nous possédons la dénomination géographique viens
Beda, Bitburg.
Rien de plus vraisemblable d'ailleurs que la lecture du
nom du dédicant Vellaus; car, indépendamment de nom-
breux Vellvius (parmi lesquels l'historien surnommé Pater-
culus), les inscriptions nous font positivement connaître le
nom de Vellaeus (i), dont Vellaus est une forme peu altérée.
Cependant, en y regardant de près, on devait être tenté
plutôt de considérer les mots pagus Vellaus comme se rap-
portant l'un à l'autre; il était même plus conforme aux règles
de la bonne latinité de ne pas rapporter le génitif Bedae à
pagus (2) : bedae devenait ainsi la terminaison, au datif,
d'un nom commençant par Ricagma, et s'accordait avec le
datif deae, ce qui donne un nom complexe Ricagmabeda,
formé sans doute des noms des deux localités voisines Riga-
magus et Beda.
Bien plus, en comparant les deux inscriptions n"' 126 et
127, découvertes toutes les deux à Birrens, en Ecosse, on
remarque entre elles une analogie complète; leur constitu-
tion est pour ainsi dire parallèle, comme on peut en juger
par le tal)leau ci-joint :
I N° 12().
Deae Viradelhi,
Pagus Condruslis,
qui 7Vî/iVdnt in
Cohorlù 11
Tungrorixm, etc.
Divinité :
LIEU d'origine des
dédicaints :
corps auxquels ils
appartiennent:
N" 127.
Deae Ricagmabedae,
Pagus VellauSy
qui mil'itanl
in Cohorte II
Tungrorum.
(i) Inscription dfi C. Vellaeus Albinus, clicz Orklu et Henzen, n» 7332 ; le
n" ôOriT elle un C Vellaeus Tiitor, consul sulfeclits d'une année incei'hiine.
(t) Ou se rappelle la réi<le de grammaire : Silva Ardueiina.
— S47 —
Il semblerait, en effet, que chacun des peuples ayant fourni
un détachement à la Coh. II Tungrorum, avait voulu con-
server le culte spécial de ses divinités topiques, et avait pour
ainsi dire élevé autel contre autel, peut-être dans le même
temple.
Enfin, et cette remarque a aussi son importance, sur les
nombreuses inscriptions romaines où apparaît la dénomina-
tion de pagus, il n'en est pas une seule, malgré les recherches
laites spécialement à cet égard dans les recueils, qui place
d'abord la qualification géographique. Toujours l'abstrait pré-
cède le concret : pagus Albanus, pagus Aletanus, pagus
Amentinus, pagus Articulanus, pagus Augustus j'elix, etc.
Une inscription (i) porte à elle seule une cinquantaine de
fois le mot pagus toujours précédant le nom du lieu. C'est
même, pour ainsi dire, une règle positive d'épigraphie (cela
a-t-il déjà été remarqué?) que partout dans les noms de
lieux le spécial suit le général : colonia Firma Julia, prae-
dia Helvidiana, via Appia, civitas Menapiorum, etc., etc.
Il y a à cet égard très-peu d'exceptions que l'on peut comp-
ter (2).
Cependant, quant à un pagus Yellaus, il aurait fallu aller
jusque dans le pays des Yellauni, dont parle César (3), ou
(1) Orelli et Hen'zen, 666-1. V. chez Smetius, Inscriptionum antiquanim qiiac
passim per Europam, etc., p. 5i, n" \, une inscription où le mot viens, icpctc
plus de soixante Ibis, précède toujours le nom de lieu. Il est i» remarquer pour-
tant que les Uinéraircs dits d'ÀNTONiN et de Peutingeu, désirant sans doute
attirer plus spécialement rattention sur le nom concret, citent généralement celui-
ci le premier : Beda viens, Orolaimo vie, Gcininico vico, etc.
(2) Comme ISovi vici, Kaveimatiuiu civitate, dans les inscriptions n<" 181, 3619,
d'OREU-i. Ce sont les seules que l'auteur ait découvertes.
(3) Uell. galL, VII, 75. V. aussi Strab., IV, 2. Des éditions de César portent
ellaviis au lieu de Yellavnis,
— 548 —
dans celui des Vellavi cités clans quelques inscriptions (i),
ou enfin dans la contrée dite « in pago Yellaus » (sic) et dont
parle un acte de l'an 812, cité par Baluze (2). Or, le Vélay,
auquel paraissent se rapporter ces inscriptions et les passages
des Commentaires et des Capitulaires, est bien trop éloigné
du pays habité par les Tungres, pour qu'on puisse supposer,
avec vraisemblance, que les cohortes portant le nom de ce
peuple se recrutaient chez lui.
C'est donc à un autre pagus Vellaus qu'il faut songer. Or,
ce pagus Yellaiis se retrouve en Hollande, dans la Gueldre,
c'est-à-dire à très-peu de distance du pays des Tungres.
Le pagus Falaouwe, Feleowa ou Felua appartenait origi-
nairement à la Frise ; mais au moyen âge il fit partie du duché
de Gueldre, quartier de Zutphen. Il s'étendait jusqu'au mare
Flevum, connu des anciens, et dont le nom rappelle celui de
pagus lui-même.
Le Veluwe (nom moderne de la contrée; apparaît pour la
première fois dans une charte de l'an 793, par laquelle Wal-
ther et Richlint cèdent à l'abbaye de Lorsch leurs biens
situés dans Feleouue, nommément in villa vel marcha Utti-
loch (Uddel?), in villa vel marcha Apoldro (Appeldoorn) et
in RegoUmarca (3).
Les historiens postérieurs, en parlant de cette contrée,
(1) Ohklli et Henzen, 11°» 5220 et 3221 ; de Férussac, Bullelin des sciences
Itisloriqiies, XI [, p. il) et 50.
(•>) Capitularia regiim Francoriim, II, col. 1405; Grégoire de Tours, X, 25,
appelle la même contrée Vellava ; V. aussi doni BorQUET, Recueil des historiens
de la (kiule et de la France, I, II, III et VMI, aux tables géographiques.
(3) Van Si'AEN, Inleidiiig tôt de Gescliiedenis van GeUlerland, IV, pp. 152
et 155. V. sur le Veluwe et sa description géographique, Alberdingk Thym,
Karel de Groote en zyne eeiiw, pp. 12 et 15.
— b49 —
l'appellent non-seulement Veluwe et Velua, mais encore
Velau et VeUavta (i).
D'après Van Spaen, on n'aurait pas trouvé jusqu'à pré-
sent de trace de l'occupation romaine dans le Veluwe; notre
inscription comble donc une lacune, en faisant remonter
jusqu'aux temps antérieurs au moyen âge une dénomina-
tion locale déjà en usage, sous l'Empire, pour désigner une
contrée des Pays-Bas.
Il est à supposer que le nom de vellavs doit se lire vel-
LAvvs, par redoublement du v, indiqué par un seul signe
comme dans servs, vivs, ingenvs, pour servus , vivus,
ingenuus, etc., etc., ainsi que cela se voit dans un grand
nombre d'inscriptions; nous aurions donc les Vellavi du
Vélay, et les Vellavi de la Gueldre, comme nous possédons
ici les Eburones et les Centrones, là les Eburovices et d'au-
tres Centrones (2), Lugdununi et Mediolanum dans le Nord
comme dans le Midi, sans compter des dénominations qu'on
serait presque tenté de considérer comme Belges , et qui
étaient portées à l'époque romaine par des villes ou peuples
bien éloignés de nos contrées, comme Colonia Jpra (3) en
Hongrie, vicani Lovanienses (i) en Toscane, etc., etc.
L'histoire trouvera quelque jour la raison de la répétition
de mêmes dénominations géographiques en des endroits aussi
(0 Pertz, Monumenta Germaniae historica, XI, 158, note : Velau, pagns
Geidriae; Acia Sanclorim (iiouv. édition), IlIJiinii, p. 6:2; VJiinii, p. 528, etc. ;
Knippenberi;h, Historia ecclesiastka ducalus Geidriae, pp. 5 et 75. A partir du
XIII» siècle s'établit détiiiitivenieiit le nom moderne de Vellitwe, en latin Yelua,
Nyuoff, Gedenkwaardighedeu ait de Geschiedenis van Gelderland, passim.
(s) Orelu et Hen/en, n" 5236.
(î) ID,, II» 5285.
(*) Gruter, 15, li. V. Ortelils, Thésaurus geograpliicus, v" Lovanies.
— 5o0 —
éloignés les uns des autres; qu'il suffise aujourd'hui d'en
constater une nouvelle qui certes mérite attention, et qu'on
permette de proposer la lecture suivante comme définitive
pour l'inscription n" 127 :
{ Deae Eicagmabedae pagus Vellavus, militantes (ou :
eu jus pagani militaverunt) in cohorte II Tungrorum, votum
solventes lubenter merilo).
II. SCHUERMANS.
Liège, octobre 1868.
- -./voogJ\>"««»-
COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.
RESUME DES PROCÈS-VERBAUX.
SÉANCES
(les o, 7, 10, 11, ;2I, !24 et -28 novembre; dei o, 1-J, 15, 19, tîi.
:29 el 51 décembre 1868.
PEINTURE.
Des délègues oui inspecté les travaux de décoration nui llalle^ ,r^, ,.«.>. -
Décoration de la salle
sonl eu voie d'exécution dans la salie du Magistrat, aux '""*•''«''" "•
halles d'Ypres. Les peintures murales, dont l'exécution a été
confiée à MM. Gulïens et Sweerts, étaient, lors de cette in-
spection, à l'état d'ébauches fort avancées. La composition
en est heureuse et pittoresque; certaines parties ont beau-
coup de caractère, el ce travail fera honneur aux artistes
qui l'ont entrepris.
37
— 552 —
La cheminée, sculplée par M. Malfait, est exécutée avec
un remarquable talent, bien qu'on puisse y signaler une
surabondance de détails qui nuit un peu à l'elîet général.
Il restera à examiner s'il ne serait pas avantageux d'y dorer
certains ornements en saillie. Ce serait un moyen d'y mé-
nager des oppositions avantageuses, tout en mettant ce
trasment en harmonie avec la riche décoration de la voûte
ogivale en bois, (jui sera couverte d'arabesques peintes et
dorées.
Certaines propositions ont été également soumises relati-
vement au pavement de la salle. Il a été entendu, avec les
délégués de l'Administration communale, que 'l'on ferait
lîgurer au milieu du pavement la croix de Lorraine, repré-
sentant les armes de la ville. Ces armes recevront une sorte
d'encadrement formé par des dalles de grès rouge et de grès
blanc alternées, dis})0.sition qui a été étudiée et approuvée
sur place.
La Commission a aussi examiné et pleinement approuvé
un projet de veri'ière destinée à la même salle. Ce projet a
été dressé par M. l'architecte Van Ysendyck, d'après les
insiructions de M. Alphonse Vanden Peereboom, ministre
d'État, qui fait don de la verrière à sa ville natale.
K'.Kii.esrip l'ianco- Dcs avls favorablcs ont été donnés sur les proiets de vi-
iii.il, Ml-Sl Vincent. ^ ''
-Vitraux peints, (raux pcluts dcstiués aux églises de Plancenoit et de Nil-
Saint-Vincent (BrabanI).
tKiisc .1. st-san. La Comuiission a ap])rouvé également le dessin d'une
Tfur à Bruges. — ., i ,• ' ^ i i /> . , i , . ,
viiraii- vcmere destmee a la grande leneti-e du lranse|)t sud de la
cathédrale de Bruges; elle a toutefois appelé l'attention de
l'auteur sur le point suivant :
D'après le projel soumis, le vitrnil contiendra les armes de
— 3b5 —
la Belgique, ligurées dans un pelil triangle, au point d'inler-
section des deux grands arcs du réseau. Il conviendrait de
leur donner une place plus cenlj-ale el des dimensions plus
iniporlanles; il sendjle au moins difficile d'admellre qu'elles
soient subordonnées à d'autres écussons.
SCULPTURE.
La Commission a approuvé :
1" Les maquettes de deux statues, par M. Halleux, des- paiais de j,i,tKP
de Huy. — Statues.
tinées au palais de justice de Huy (Liège) ;
2" Le modèle d'un groupe, par M. Degroodt, destiné au notei des ba.ns u
Spa. Groupe sculpté.
couronnement de la façade de l'hôtel des bains à Spa
(Liège) ;
5° Le plan dressé par M. l'architecte Schoy, pour la res- ÉgiisedeN.n. ,iu
Sablon. — Monument
tauration du monument funéraire de Flaminius Garnier, «l'^Fian.miusGam.er.
dans l'église de N.-D. du Sablon à Bruxelles ;
4" Le dessin présenté par M. Malfait, pour la restauration Ét^H^e de wm^v-
«lael. — Cliaire.
d'une chaire de vérité existant dans l'église de Watermael
(Brabant).
D'après les renseignements communiqués à la Commis-
sion, le sculpteur s'est inspiré, dans l'étude de ce plan de res-
tauration, d'une chaire de l'église de Gedinne qui date de la
même époque et qui pourrait passer jiour l'œuvre du même
artiste. Ce modèle est bien choisi, et la Commission a en-
gagé M. Malfait à s'en rapprocher complètement en accu-
sant rarchitecture do la corniche de son abat-voix d'une
façon aussi nette et aussi franche qu'elle est indiquée dans
la chaire de Gedinne. La Comnu'ssion estime, d'ailleurs, qu"il
— 554 —
y a lieu de s'en rappurler au talent éprouve de l'artiste quant
à l'exéculioii du meuble dans les conditions (jui viennent
d'èti-e indiquées.
AMEUBLEMENTS.
Égii>f de ciiiie.- La Commission a été saisie d'un projet relatif à l'anieu-
Ameulileineiit.
blement de l'église de Gielle. A cette occasion, elle a cru devoir
signaler quelques observations auxquelles donnent lieu un
grand nombre de projets de ce genre.
En général, les couronnements compliqués, les cloche-
tons, les pinacles, etc., qui surmontent plusieurs de ces
objets d'ameublement, ne sont pas dans les traditions de
l'art gothique, bien que, il faut en convenir, il soient très-
usités dans le gothique de nos jours.
Le Collège pense aussi que ces formes architecturales
empruntées aux constructions en pierre, ne sont pas bien à
leur place dans la construction des meubles. Il y aurait donc
lieu, pour l'ameublement de l'église de Cielle, de simpli-
fier l'abat-voix de la chaire et de modifier la silhouette des
confessionnaux. Quant aux autels, on sait ({u'ils n'ont guère
consisté jusqu'au xv*" siècle, du moins dans nos églises, qu'en
une simple table; le seul complément qui leur a été donné,
à partir de cette épocpie, a consisté en retables sculptés et
en retables peints ; il y aurait grand avantage à rétablir
surtout ce dernier système et à fiivoriscr ainsi dans le mo-
bilier religieux la réintroduction de ces peintures, qui ont
fourni à notre ancienne école les motifs de tant de chef^
d 'œuvre.
o;)^ —
CONSTRUCTIONS CIVILES.
La Commission a approuvé les plans concernant :
1° La construction de maisons ouvrières à Jodoierne (Bra- ^^v'""'' "uviii-res
<^ ^ a Jodoignp.
bantj: arciiitecte M. Coulon;
2" L'érection d'un hôpital civil à Mons : architecte nspitai .le wons.
M. Hubert. La Commission croit devoir des éloges particu-
liers à ce projet, remarquablement étudié dans son ensemble
comme dans ses détails et d'une conception à la fois simple
et pittoresque ;
5" La construction d'une maison communale à Proven Maison comn.unaie
de Proven.
(Flandre occidentale) : architecte M. Vinck.
Dans un rapport adressé récemment à M. le Ministre de «"!»" 'i- «"«vi
gnes.
l'intérieur (V. p. 77, 7* année du RuUethi), la Commission
a proposé de procéder à la démolition immédiate des ruines
du château de Créve-Cœur, à Bouvignes, par la raison
qu'elles ont perdu presque entièrement, par suite d'éboule-
ments successifs, le peu d'intérêt qu'elles présentaient en-
core au point de vue de l'aspect extérieur.
On a évalué à 15,760 francs la somme qu'exigerait la
démolition j^roposée. Cette évaluation ayant paru très-
élevée, la Commission a cru devoir demander un relev»'
aussi exact que possible des parties de maçonnerie dont la
démolition immédinte paraissait indispensable.
Il résulte de ces nouveaux calculs que la première esti-
mation pourra être considérablement réduite, les démolitions
actuellement nécessaires ne portant (|ue sur un cube de
1,500 mètres de maçonnerie. En limilanl la démolition aux
— 556 —
parties qui pivsentent un danger bien constaté, et en ne les
continuant qu'au fur et à mesure que la nécessité en sera
reconnue, on conciliera les intérêts du trésor avec les exi-
gences de la sécurité publique. L'architecte qui dirige les
travaux habite dans le proche voisinage de la construction ;
il est ainsi à même de la surveiller d'une façon en quelque
sorte permanente.
ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX.
CONSTRUCTIONS NOUVELLES.
La Commission a approuvé :
Églises de Beiieron jo j^pg plans rcktifs à la construction d'éfflises à Belle-
lame, Mirwait, non- r cj
I...-S, 'v.iiersii.-Tour. f^jj^^jn^ ^jvjgjjj^j.^ • arcliitccte M. Vinck;
A Mirwart (Luxembourg) : architecte M. Cordonnier;
A Roulers (Flandre occidentale) : architecte M. Schadde;
Et à Villers-la-Tour (Hainaut) : ce dernier projet, dû à
M. l'architecte Carpentier, offre une conception architecto-
nique d'un beau caractère.
Eglises «ip waei 2» Les projets d'agrandissement des églises de Waelhem
lieiii , Kei[(lfiix lias , 1 j cj o
"(Anvers) : architecte M. Schadde, et de Rendeux-Bas
(Luxembourg) : architecte M. Monricpie;
3" La construction d'une tour et de deux chapelles à
l'église de Petit-Rosière (Brabant) : architecte M. Coulon.
4" L'exhaussement de la lourde l'église d'Oniezée(Namur):
architecte M. Vinck ;
5° La rcîconstruction de la partie supérieure de la tour
de l'église d'ichteghem : architecte M. Buyck;
()" Les modiiications qu'on propose d'appoi-tei- aux plans
l'etit Rosiéie , Oni
/^e eto
— 557 —
de l'église en voie de construction, à Meirelboke (Flandre
orientale) : architecte M. De Perre-Montigny.
Les plans présentés, par M. Brangwyn, pour l'agrandis- ÉgUse de zerke.
ghem. — Agrariilis-
semenl de l'église de Zerkeghem (Flandre occidentale), ont '«"^'^"'•
été approuvés; mais l'architecte a été engagé à supprimer
tout à fait les croix des pignons, dont le comité des membres
correspondants a critiqué le style à juste litre, et qui sont
d'ailleurs inutiles. La Commission a recommandé également
de conserver les fonts baptismaux, les chandeliers d'aco-
lytes et la pierre lumulaire du xiii'' siècle qui se trouvent
dans l'ancienne église.
En donnant son approbation au projet présenté par i^guse de zonne.
beke.
M. l'architecte Cotisou pour la reconstruction partielle de
l'église de Zonnebeke (Flandre occidentale), la Commission
a cru devoir se réunir aux honoral)les correspondants pour
appuyer, auprès de M. le Ministre de la justice, la demande
d'un subside extraordinaii'e en faveur de la construction
projetée. L'église de Zonnebeke, en effet, sans pouvoir être
rangée parmi les monuments remarquables du pays , offre
un incontestable intérêt en raison des souvenirs historiques
qui s'y rattachent. Elle appartenait à une abbaye dont les
membres ont joué un rôle assez important dans l'histoire
de notre Wesl-Flandre, et môme dans l'histoire du pays;
des abbés de Zonnebeke ont été chargés de missions diplo-
matiques; ils ont siégé au conseil de Flandre et même aux
États-Généraux. La reconstruction de cette ancienne église
abbatiale avait été commencée sur de grandes proportions
vers la lin du dernier siècle; elle a été arrêtée lors de la
révolution française, et le chœur, qui était alors terminé,
a été conservé jusqu'à ce jour en frès-iion état.
Église (to B(irli(
lorl.
— 558 —
Dans tous les cas, le nouveau projet répond à des besoins
reconnus. Un subside extraordinaire, dans ces circonstances,
serait d'autant plus justifié que les administrations locales
ne possèdent que de très-faibles ressources.
Deux emplacements ont été proposés pour la construction
de l'église de Rochefort, dont la Commission a approuvé les
plans au mois de février 1868. Après avoir entendu le rap-
port des délégués ([ui se sont rendus sur les lieux, la Com-
mission a émis l'avis que l'emplacement de l'église actuelle
est, à tous égards, le plus convenable qu'on puisse choisir
pour l'église nouvelle. Placée à l'intersection de deux routes
très-importantes, l'église serait, à cet endroit, dans une
situation plus pittoresque que partout ailleurs. Elle y occu-
perait le centre véritable de l'agglomération; elle y domine-
rait, en quelque sorte, l'horizon et ne serait nulle part aussi
complètement en vue. Le chevet du chœur une des sacris-
ties ainsi que le transept de droite sortiraient de l'enceinte
du cimetière et devraient, il est vrai, descendre à un niveau
de 4 à o mètres plus bas que le reste de l'église, mais cet
accident de terrain n'aboutirait qu'à donner plus de variété
à la silhouette générale de la construction.
Il est à noter d'ailleurs que les frais des fondations à
établir à cet endroit ne seraient pas bien importants, car
cette partie des constructions se trouverait sur le roc. Enfin
on ne peut perdre de vue (|ue, pour reculer l'église vers
la droite, on n'aurait à exproprier qu'une petite partie de la
pro})riété voisine et les renseignements i)ris sur les lieux
permettent de croire que celte ex[)ropi'iation ne soulfrirait
pas de dilliculté. Cel avis est partagé du reste parla (lé[)u-
liilioii p('rin;ni('iil(' du conseil pi'ovincial. Il parait aussi ré-
— 559 —
sullcr d'une des pièces du dossier relatif à celte afTaire que
cet emplacement avait été adopté par l'unanimité du conseil
communal dans sa séance du 29 septembre 1867, et la grande
majorité de ce collège continue à le réclamer.
TRAVAUX DE RESTAURATION.
La Commission a approuvé les projets de restauration des Églises de stAn<t,é
, lezliruges, Huinin,
églises de Saint-André-lez-Bruges (Flandre occidentale) et ''''™""''' '^""""'•
de Hainin, Peronnes-lez-Binche et Saint- Jacques à Tournay
(Hainaut). Ce dernier projet est l'œuvre de M. l'architecte
Bruyenne. Cet artiste a fait de l'édifice à restaurer une étude
(les plus consciencieuses, et la Commission ne peut que se
rallier à l'adhésion pleine et entière donnée à ses plans j)ar
le comité provincial du Hainaut.
Le comité des membres correspondants de la Flandre Église .lenevsi. -
occidentale a émis l'avis qu'il y a lieu de conserver l'an-
cienne tour de l'église de Heyst, et d'y faire les travaux de
consolidation nécessaires. La Commission s'est ralliée à cet
avis et a réclamé des propositions motivées accompagnées
de dessins complets et d'un devis estimatif.
L'architecte qui dirige les travaux de restauration de Égiue primair, de
l'église primaire de Binant a signalé la nécessité d'exécuter ""■'"' ~ "''""'"
des travaux extraordinaires à la tour et à la flèche. De son
côté, la fabrique annonce que les travaux sont suspendus
faute de n'ssources. La Commission a transmis à M. le
i:iiir:itii
— 560 —
Ministre de la Justice le rapport de l'architecte et l'a accom-
pagné de propositions tendantes à faire accorder, à titre
d'avance, un subside extraordinaire pour permettre l'exécu-
tion des travaux projetés.
Égiis.. .le st-Rom- M. Ic GouYcmeur de la province d'Anvers a communiqué
haut à Maliiies. — Res-
,0.1 (le la tour. ^^ jjj Gommlssiou le cahier des charges relatif à la restauration
de la tour de l'église de Saint-Rombaut à Matines. La Com-
mission a proposé à M. le Ministre de la Justice d'approuver
ce cahier des charges sous réserve de certaines modifications.
En ce qui concerne l'estimation générale de la restauration
qui s'élève à 1,500,000 francs, le collège persiste à penser,
comme il l'a dit dans ses rapports précédents (v. p. 183,
7^ année du Bulletin), que le total pourra en être sensible-
ment réduit et que l'architecte le reconnaîtra lui-môme dans
le cours de l'exécution des travaux. Le meilleur parti à suivre
pour le moment serait de dresser un devis exact et détaillé
des ouvrages à exécuter dans le courant de l'année 1869.
La Commission a réclamé ce document. Dès qu'il lui sera
parvenu, des délégués se rendront sur les lieux pour véri-
fier l'estimation soumise. Cette évaluation partielle poui-ra
donner une idée des réductions dont est susceptible l'éva-
luation totale et par ce système du moins les autorités
intéressées ne prendront des engagements qu'à bon
escient.
i^j.iis.. <ie Niveri.-.-. H résuItc d'uttc communication faite par M. le Gouverneur
de la province de Namur que la pierre lonihale du xiii'' siècle
dont le comité des membres correspondants avait signalé la
(lé(U)uverte dans l'église de Niverlée (v. p. 400, t. V du
Uullctin) a été enlevée du pavement de l'église et placée
contre la paroi intérieure du chœur où elle se trouvera dé-
— o61 —
sormais à l'abri de toute dégradation. Le déplacement, rendu
très-diiïicile par l'état de vétusté où se trouvait la dalle, a été
dirigé et mené à bonne fin par M. Baclène, conducteur des
travaux de restauration de l'église de Walcourt.
/.«• Membre Secrétidre ,
J. Rousseau.
Vu en conformité de l'article 2o du règlement.
Le Présklenl ,
Wellens,
INSCRIPTIONS BELGES A L'ÉTRANGER,.
Encore un mot des inscriptions belges dont le Bulletin
des Commissions royales d'art et d'archéologie s'est occupé
en 1868 : en effet, il en est parmi elles de si importantes,
qu'on se résout à regret à les quitter avant de leur avoir
fait dire leur dernier mot.
Cette déesse Viradethes ou Viradethis , adorée par les
Tungres du Condroz, devait èiro surtout l'objet de l'atten-
tion, et il y ftvait lieu de revenir, si on le pouvait, sur l'im-
portante inscription de Birrens : deaevirade |1 thipagvscon
Il DRVSTISMILI 11 IINCOHIITVN 1| GROSVBSIVO ll AVSPICE PR H AEFE(i).
Notre pays, que cette inscription concerne particulière-
ment, ne pouvait pas d'ailleurs rester indifférent aux re-
cherches dont elle est l'objet à l'étranger : les Beifràge de
Knlm et Schleicher (^2) viennent tout récemment de s'occu-
(1) C'est le texte qn'cn donne Bkcker (V. ci après), d'après Camoen, hiitan-
viii (éilit. Gnu(;ii), IV. pi- I, fig. 6, p. 62; Stuart, (Jilccl. rom.. H, n» 2,
p. 128; \Vkt(;ht, Tlie Cell, the romnu, p. 296. Il diffère du texte de Roach
Smith, Cnllectanea nntiqua, III, n* 202 (suivi par M. Wautkrs), qui porte
VIRADKSTHI.
{<î) lieitruge ziir verçilcichendcn Sprachforschunq (iiif dcm Gebiet (1er ari-
Ncfien, cellischer tmd slawischeii Sprachen , her»usp.Cfi,e\>eQ von A. Kihn und
A. Sc.HLEicnEii, IV" Rand ; Berlin. 1865, p. 162 (arlicie de Bei.keh: Die inxrlirift-
liche Ueberresle der kellischen Spraclte.
— 563 —
pei- iipccialeiiiLiil de celte déesse Viradethis , et ont signalé
son identité avec une déesse Virodellus, retj-ouvée par eux
dans une inscription du musée de Darmstadl. •
Voici ce monument, d'après Becker, plus correctement
que d'après le texte de Brambach (i) :
I N 11 . D . D
DE.EV1R0DB'
AVITA . MAXMI
NI.V.S.L.L.M.
— Kàlbertshausen (grand-duché de Baden, Unlerrhein-
kreis).
Becker a )-emar(|ué, au lieu des deux dd barrés indiqués
par Brambach, que la barre du second d, seul bari'é, com-
mence à la courbe du premier, de telle sorte (pie, d'après
lui, un E, indiqué par cette ligature, sépare les deux dd (2).
Puis Becker cite fort à propos des exemples où le d barré
équivaut à th, comme dans Caddarenses ( dd barrés), pour
Cattharenses , Medru (d barré) pour Mithrae (5), et il en
(i) Codex inscriptionum rhciianarum, n* 1726, que l'on peut suivre néan-
tnoins en ce qui concerne !a ii^'ature des iintres (ma.) et (m) de la 3' ligre. Les
deux DD dd noai de la déesse sont barrés chez Bramiîach (le recueil de celui-ci,
contrairement à te qui a été du, Ihill. des Onnm. roij. il'arl et d'arcUéoL, VII,
p. 3-i, a été publié en entier à Elberteld, en 1807).
(î) « Sûdann folgt im Nameii der Gottiii anfeiti itnitstriclunes d ehi geslri-
chenes, dessen (Jiiersirkit jedoch nncli etwcia in die Krilmmung des ungestri-
chenen hineinreiclit, so dass dainit zwischen beiden d ein e augedeutet zh sein
scheinl. i
(3) Cfr. encore meddil (dd barrés), etc. , pour MeKIiiliits, nom de potier
trouvé il Ton^res, Cologne, Friedberg. Butsbach, Mayencc, Augst, Riegel,
Inheiden, Heddernhcim, Neuwicd, Sigles l-'ig/ilins, n" 5i75 ii 5i82, Annules de
— 5G/(- —
conclut qiril faut Vnv Virodethi, identique, sauf la voyelle
0 ou A, avec Viradelhi de l'inscription des Tungres du
Gondroz; les deux formes sont le datif en i, fréquent dans
les noms celtiques, à en croire Becker, du nom d'une seule
et même déesse.
La démonstration est lumineuse, et Becker ne craint pas
de déclarer qu'il n'y a aucun doute possible sur cette iden-
tité, qui est adoptée par les Jahrbucher de Bonn (i).
Nous voilà donc dispensés d'aller chercher dans le Gon-
droz quelque localité ayant donné son nom à la déesse to-
pique Viradethis ou Virodethis , et il est inutile de songer à
Wierde (province de Namur), ou à l'introuvable Wiria, que
mentionnent les anciens actes et qui était situé à l'est de la
Meuse (2). Ces noms-là, du reste, résistaient trop aux efforts
de la comparaison étymologique, et très-souvent le hasard
seul produit, entre les dénomiiuilions épigraphiques et géo-
graphiques, des analogies bien plus irréprochables.
Indépendamment de tout autre motif, il ne faut pas non
plus songer à recourir au rapprochement de notre déesse avec
certaine dea Virus, VirLm, Yirona, Virora, Virorum,
que font connaître les inscriptions (3) : Viradethis est
l'Académie (Varchéoloyie de Belgique, XXÎll, 2" série, III (1867), p. 172.
il li'est pas inuUle de remarquer que les contrées desservies par le potier Mcltki-
lius sont celles entre lesquelles on essaie plus loin d'établir une relatioa à l'aide
des inscriptions écossaises de la Coli. II TiiiKjroriim.
(i) Jahrbucher des Vereins von AHerlhumsfreiiiidrii im Rheinlande , XLIV-
XLV(lSb8), p. tm.
(i) Cil. GnANi)r,Ar.NA(;E, Mémoire sur les anciens noms des lieux dans la Bel-
gique orientale, pp. 2â et 138 sup.; 1d., Vocuhniaire des anciens noms de
lieux de In Belgique orientale, p. 73.
\^ù) Bkckbr, /. cit.
— 565 —
dt'soriiiai.s une iiidividualilé s])ccialc duul le culle était
commun, du temps des Romains, au Condroz et aux con-
trées rhénanes....
Nous voiià-t-il sur la trace d'une solution ethnogra-
phique?
On serait tenté de le croire : en effet, les Tungres venaient
de la Germanie et avaient été transplantés dans notre Bel-
gique par les premiers empereurs, pour repeupler l'Ebu-
ronie dévastée par César; c'est un point duement constaté
par les historiens (i).
Or, non-seulement les Tungres proprement dits, tels
étaient ceux du Condroz, mais encore les Tungres adven-
tices des cohortes de ce peujile, tels étaient ceux du par/us
Vellavus, vouaient les uns et les autres un culte à des divi-
nités rhénanes.
C'est pour ceux-ci Ricaymabeda, la déesse de Remagen
et de Bitburg.
C'est pour ceux-là Viradethis, déesse dont un autel se
retrouve dans le cercle du Rhin iiiféi'ieur du grand-duché
deBaden.
N'y a-t-il pas là un rapprochement frappant? Ce culte des
Tungres pour les divinités rhénanes, culte transporté et
implanté par eux sur la terre étrangère, dans leurs garni-
sons d'Ecosse, ce culte n'était-il pas un souvenir du culte de
leur contrée d'origine, et dès lors n'est-ce pas aux bords du
Rhin qu'Auguste et Tibère ont fait recruter les successeurs
des Eburons sur notre sol?
(i) Procop., Bell. Golh., I, li; Scfiayes, la Belgique et les Pays-Bas, etc., I,
p. 39().
^ 566 —
Quoi de })lus luiluiol que de voir des individus s'attacher
d'autant plus à leurs traditions nationales, qu'ils s'éloignent
davantage de leur patrie, et que les exigences du service
militaire ont môme placé l'Océan entre leur campement et la
résidence actuelle de leurs parents et de leurs amis? N'est-ce
pas là le sentiment qui a réuni en un culte conmmn pour les
divinités d'Outre-mer, Deae Maires Tramariiiae^ tous les
soldats d'un même corps, campés en Angleterre, et appar-
tenant aussi sans doute à des contrées diverses (i)?
iVinsi se trouvent conlij-més les passages de Procope et
de Grégoire de Tours (2), qui appellent les Tungres Thu-
rusgi, et les font venir de la Tlmringe. Le royaume de Thu-
ringe, fondé au v" siècle par la ti-ibu des Visigoths, appelés
Thoringi (première trace historique du nom), comprenait
non-seulement la Thuringe proprement dite, mais encore la
Franconie, la Hesse et une partie du Palatinat, c'est-à-dire
à peu i)rès les contrées rhénanes, auxquelles appartiennent
(1) RoACH SsiiTH, Colleclunea anliqiiu, IV, p. 44.
(2) V. Bulletin de la Société scientifique et littéraire du Limboury (Tongres),
I, p. 277.
Remarquons, en outre, que IVxpression de Tiirimji était encore employée pour
Tuiiyri du temps d'I.siDoiti: de Séville (vers 600). Uu passage de cet auteur, cu-
rieux a plus u'un titre, et qui n'est, que l'on sache, reproduit par aucun de nos
historiens belges, accentue bien fortement l'origine germanique des Tungres,
origine, au surplus, en dehors de toute contestation, puisque Tacite considiîre
Tuufjri comme synonyme de Germani. Voici ce passage : a Gcrmanicae geiites
dictae, quod sinl immania corpora, immancsquc nationes saevissimis diiralae
f'rigoribiis, qui mores ex ipso coeli riqore traxerunt, féroces animi et semper
indomii'i, raptit venaluquc viveiitcs. Ilorum pliirimne (fentes vnriae armis, dis-
colores liahitii, tinf/tiis disnouue, et origine vocabulonim incerlae, ut Tolosates,
Angriar/i, Quadi, Tl!.n(,bi (variante d'après plusieurs manuscrits : Tlkin(;i),
Marcomunni, Brucleri, Cliamaci, Waiigiones, Tulmntes, quorum immanitas bar-
bariae etiam in ipsis vocabulis horrorem qncmdam significat. IX, 2, 97. »
— 567 —
déjà Remagen, Bitburg et Kàlbertshausen , localités indi-
quées, soit comme noms topiques de la divinité, soit comme
lieu d'origine , par les inscriptions des Tungres du 'pagus
Vellavus et du pagus Condrustis, ainsi que par celle de la
déesse Yirodcthis.
Mais aussi ces passages de Procope et de Grégoire
de Tours peuvent être précisés, en ce sens au moins
que ce n'est pas la Thuringe proprement dite (duchés
de Saxe-Gobourg-Gotha, de Saxe-Meiningen et de Saxe-
Weimar) qui aurait exclusivement repeuplé l'ancienne
Eburonie.
Girconstance remarquable! Lorsque les Franks enva-
hirent pour la première fois l'empire romain, en venant fort
probablement des mêmes contrées (Franconie, en allemand
Frankenland), ils se dirigèrent vers le pays des Tungres et
ils s'établirent dans le voisinage (Taxandria locus, Tessen-
derloo?), d'où Julien, alors à Tongres, voulut les expulser.
Pourquoi ce détour? iN'est-ce pas à cause d'anciennes rela-
tions, et même à cause d'ujie communauté d'origine avec les
habitants de la Tungrie?
Or, ce détail important, le comte de Nuenar et Hubert
Thomas l'ont déjà signalé au xvi* siècle (e) ; il existe sur les
bords du Rhin, vers Gologne, une localité dite Tun-
gerheim, et une autre du nom de Tungerse (Tungernse,
(0 Hermanni comitis Nuenarii, Brevis narratio de origine et sedibiis pris-
coriim Francorum, el Huberti TmyixE Leodii, De Tmgris et Eburonibus , k la
suite des Antiquitates Belgicae de Divaeus, éd. de 158 1, pp. 67 et 78, qui
font un seul corps, mais de pagination séparée, avec la première édition (1584)
de Vltinéraire a'OuiEuus et Vivunus ; Anvers, chiz P'ïntin.
_ 568 —
lacus Tungrorum), dans la Franconie, aux environs de
Wurzboiirg (i).
A l'aide de ces indications, il ne peut plus rester de doute,
semble-t-il, sur la patrie des Tungres avant leur immigra-
tion en Belgique.
Liège, 1" décembre 1868.
H. SCHUERMANS.
(i) Thomas : c Infra Ubios, ubi victis Tungerheym perdurât, quod Tungro-
rum patrinm latine dixeris. Est et alia mihi conjectura , ex oppido Tungerse,
quod est in Francis orientalibus , qui oiim regione coloniae Agripinae habita-
runt ultra Rhenvm, deinde vna cum Tungris ens terras, quas nunc teneiit circa
Herbipolim, occuparunt, et Tungernse, id est lacus Tungrorum, incoluerunt »
TABLE DES MATIERES.
Pages.
Commission royale des monuments. — Résumé des procès-ver-
baux des séances des mois de janvier et février 1868 . . 5
Ancien Ciiâteau de Mons, par M. Vincent .... 18
kiscriptions romaines trouvées en Belgique, par M. Schuermans. 54
Commission royale des monuments. — Résumé des procès-ver-
baux des séances des mois de mars et avril 1868 ... 73
Rapport sur les édifices civils remarquables de la ville d'Anvers,
par M. P. Génard 81
Inscriptions belges à l'étranger, par M. Schuermans. . . 100
Notice sur l'église d'Antoing, par M. Piot .... 164
Commission royale des monuments. — Résumé des procès-ver-
baux des séances des mois de mai et juin 1868 . . .171
Voyage artistique en France et en Suisse, en 1865, par M. Alex.
PiNCHART 186
Notice sur les accroissements du Musée royal d'antiquités, d'ar-
mures et d'artillerie, depuis 1863, par M. Th. Juste . . 514
Le monument arlonais de Sextus Jucundus, par M. Th. Juste. 329
Bibliographie, par M. Th. Juste 555
Commission royale des monuments. — Résumé des procès-ver-
baux des séances des mois de juillet et août 1868 . . . 339
Note sur l'église de S'-Nicolas, à Tournai, par M. C.-J. Voisin,
vicaire général 3i4
Progrès de l'archéologie en Belgique, par M. Th. Juste . . 539
— 570
Commission royale des monumeiils. — Séance puijiique du 51
mars 18'J8, présidence de M. Wellens . . .
Commission royale des monuments. — Arrêté de nomination
d'un membre de la Commission
Résumé des procès-verbaux des séances des mois de septembre
et octobre 1868
Inscriptions belges à l'étranger, par M. H. Schuermans .
Commission royale des monuments. — Résumé des procès-ver-
baux des séances des mois de novembre et décembre 1868 .
Inscriptions belges à l'étranger, par M. H. Schuermans .
Pages.
56!)
529
550
545
551
562
PLANCHES.
Plan du château des comtes de Hainaut, à Mons
inscriptions belges à l'étranger, planche I
» » » H
Église d'Anloing, planches I, II, III.
Église de Saint-Nicolas, planches I à V .
Pages.
SOU'
125"-^
149 -^
170 \y
358
GETTY CENTER LINRARY
3 3125 00666 0977